Skip to main content

Full text of "Mémoires de l'Institut des Sciences et Arts"

See other formats


MÉMOIRES 


DE LA CLASSE DES SCIENCES 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES 


DE 


L'INSTITUT NATIONAL 
DE FRANCE. 


" Ai à L 
SUR" 
NL “ 3 


ben De : 
QU 
LA 


774 
î mi 


IUpré 


THE TA ea 0 


MÉMOIRES 


DE LA CLASSE DES SCIENCES 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES 
L'INSTITUT NATIONAL 
DE FRANCE. 


ne ee ee 2 


SEMESTRE DE 1806. 


TT 


TOME SEPTIÈME, PREMIÈRE PARTIE. 


(if 
rar, / 
PÂRES. 


BAUDOUIN, IMPRIMEUR DE L'INSTITUT. 


RE  n 


GARNÉRY, Libraire, rue de Seine, hôtel de Mirabeau. 


NOVEMBRE M. DCCC,. VI. 


Up Mio 


.. | piarm TE esugtint as 


st A 
pe Li 


Res 


EE 


BANDES: 


Rd 


Doris une décision de la Classe, ses mémoires 
paroîtront dorénavant par demi-volume, de six mois 
en six mois. 


Le deuxième demi-volume de 1806 sera publié au 
mois de décembre. 


A 


: ut: Al, 4: + CLLENTTE Te vi 
L& re FAN °ORMEE RS Hs 


tr N DE 
h “A j; 4 Le 


PR BLUE. re 
DES 


ARTICLES CONTENUS DANS CE SEMESTRE. 


ÎWanozre sur l'orbite de La comète de 1770, par 
M. BuRCKHARDT, page 1 
Observations sur lAdonis capensis de Linnœus, par 
E.-P. VENTENAT, 66 
Etablissement d'un nouveau genre (JosePuiniA), 
par le même, 71 

, . 
Etablissement d'un nouveau genre (GAromERtA}), par 

LI 

le même, 75 
Recherches sur la température de l’eau à son maximum 
de densité, par le comte de Rumrorp, V. P. R.S., 
associé étanger, 78 
Mémoire sur les causes de quelques maladies qui af- 
fèctent les chapeliers, par M. Texow, 98 
Considérations sur la matrice d'une femme au huitième 
mois de gestation, par le même, 117 
Analyse des triangles tracés sur la surface d'un sphé- 
roide, par À.-M. LEGENDRE, 130 


i TABLE. 


Notes sur la planète découverte par M. Harding, par 
J.-C. BURCKHARDT, page 162 


Seconde correction des élémens de la nouvelle planète, 
par J.-C. BuRCKHARDT, 165 


Expériences sur l'analyse des graines céréales et légu- 
mineuses, pour servir à l’histoire de la germination 
et de la fermentation, par MM. Fourcrox et Vau- 
QUELIN ; 168 


Sur Les comètes de 1784 et 1762, par J.-C. Burex- 
HARDT; 223 


Troisième suite des recherches sur les lois de l'affinité, 
par M. Berrozrer, 229 


Mémoire sur les affinités des corps pour la lumière, 
et particulièrement sur les forces réfringentes des 
différens gaz, par MM. Bror et Araco, 301 


HISTOIRE 


DE LA CLASSE DES SCIENCES 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES 


DE 


L'INSTITUT NATIONAL DE FRANCE. 


ANALYSE 


Des travaux de la classe des sciences mathématiques 
et physiques de L Institut national pendant Le second 
semestre de 1805 et l’année 1806. 


PARTIE MATHÉMATIQUE, 


Par M. Drramsre, secrétaire perpétuel. 


ASTRONOMTIE. 


Sr la moisson a été riche et abondante cette année 
dans les sciences naturelles, le z èle des sections mathé- 
matiques n’a été ni moins soutenu , ni moins heureux. 


1806. A 


2, HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


Ceux même de nos confrères qui avoient le plus de droit 
à jouir tranquillement d’une renommée acquise par une 
longue suite de travaux, n’ont montré ni moins d’ardeur, 
ni moins d'activité. 

Ainsi , dans la question élevée au sujet de la nouvelle 
mesure du degré de Laponie , quand il a fallu découvrir 
la cause de l'erreur qui paroît avoir été commise en 1736, 
M. Lalande a cherché, dans sa longue expérience , des 
faits qui pussent nous mettre sur la voie de l’explication 
désirée. Il a rappelé qu’à cette époque on ignoroit en- 
tièrement l’usage de la lunette d’épreuve. Cet instrument 
si commode et si simple , qu’on en croiroit l’invention 
de même date que l’application des lunettes aux secteurs 
et quarts de cercle , étoit pourtant plus moderne que 
nous ne pensions ; nous en profitions tous les jours , 
comme il n’est que trop ordinaire, sans nous informer 
à qui nous en étions redevables. Elle est mentionnée 
pour la première fois dans Astronomie de M. Lalande, 
édition de 1764. Pour vérifier le parallélisme des lunettes, 
Bouguer conseilloit l’usage de deux pinnules , qu’il fal- 
loit changer de place réciproquement pour reconnoître 
si elles avoient réellement la même hauteur. Lui-même 
se servoit d’un moyen plus imparfait, et qui peut , en- 
core moins que les pinnules , entrer en comparaison avec 
la lunette de M. Lalande , universellement adoptée au- 
jourd’hui. On ignore si Graham avoit quelque moyen 
à-peu-près équivalent pour vérifier son secteur ; Mau- 
pertuis n’en fait aucune mention au chapitre où il 
traite des vérifications de cet instrument, et cette né- 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 3 


gligence peut expliquer en partie l’erreur qui lui est 
imputée. 

Cette même mesure du degré de Laponie a fourni à 
M. Lalande un second mémoire où il démontre la né- 
cessité d’avoir égard à lPapplatissement dans les opéra- 
tions de nivellement qui embrassent des distances con- 
sidérables. 

T'ous les astronomes de Paris s’étoient rendus attentifs 
à l’éclipse du 16 juin dernier; c’est encore l’un des 
doyens de la classe, M. Messier , à. qui nous avons 
l'obligation de la seule observation qui ait réussi. Les 
nuages entr'ouverts un instant pour lui seul, lui ont 
permis de voir le commencement , qu’il a estimé à 4 h. 
52! 43". Il a pu aussi mesurer trois phases , dont il ne 
garantit pourtant pas l’exactitude. 

Les variations atmosphériques qui nous ont empêché 
de voir l’éclipse, ont un peu nui à l’observation du 
solstice ; mais comme celle:ci peut être suppléée par les 
observations des jours qui précèdent et qui suivent, 
nous avons pu en réunir un assez grand nombre pour 
y trouver la confirmation de ce que nous observons de- 
puis dix ans. 

M. Bouvard , digne émule des Messier, des Méchain, 
a découvert deux comètes , et il en a calculé les élé- 
mens. MM. Biot et Arago ont fait ces mêmes calculs 
par la méthode de M. Laplace. M. Legendre n’a pas 
manqué de saisir cette occasion de soumettre à de nou- 
velles épreuves les formules qu’il a publiées l’année 
dernière. Nous faisions remarquer alors qu’il n’est guères 


4 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


de méthode qui ne devienne incommode ; ou peu sûre 
en certaines circonstances. C’est ce qui est arrivé cetie 
fois à celle de M. Legendre ; mais il a trouvé tout aussi- 
tôt dans son analyse, des ressources pour obvier à la 
difficulté qui n’avoit pas été prévue dans son premier 
mémoire, et pour simplifier assez considérablement la 
solution générale qu’il avoit donnée du problème. 

M. Legendre s’est encore occupé d’une question plus 
importante, quoique les applications en soient plus 
rares ; son mémoire est intitulé : Ærzalyse des triangles 
tracés sur La sphéroïde. 

Les premiers astronomes qui ont mesuré la terre avec 
quelque exactitude , l’avoient considérée comme une 
sphère dont le rayon est d’une grandeur immense en 
comparaison des petits intervalles qu’ils se proposoient 
d'évaluer. Le plus grand côté de triangle qui soit entré 
dans ces opérations n’est pas de 60,000 mètres , et la 
différence d’un pareil arc à la ligne droite qui en join- 
droit les extrémités , est à peine de deux décimètres ou 
d’un trois cent millième. On crut donc avec quelque 
raison pouvoir considérer comme rectilignes des trian- 
gles dont la courbure étoit si peu sensible. 

Dans les dernières opérations où il s’agissoit de dé- 
terminer plus exactement la différence entre le globe 
terrestre et une sphère parfaite, on poussa l’attention 
plus loin. Les triangles formés à la surface de la terre 
furent considérés comme des portions fort petites d’une 
sphère qui dans toute l’étendue de chaque triangle ses 
confondoit sensiblement avec le sphéroïde. 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 5 


Cette supposition, moins inexacte que la précédente , 
promet-elle toute la précision que l’on est en droit d’exi- 
ger, et puisque c’est un sphéroïde qu’il s’agit de mesu- 
rer, pourquoi n’a-t-on pas calculé les triangles comme 
sphéroïdiques ? La question est si naturelle qu’elle a dû 
se présenter tout d’abord aux astronomes chargés de 
l'opération, et à chacun des savans réunis de diverses 
parties de l’Europe ; pour examiner et juger l’ouvrage 
qui venoit d’être exécuté. Dans l’une des premières as- 
semblées de la commission , un savant étranger, M. Tral- 
lés , fit remarquer que les bases de Melun et Perpignan 
ne pouvoient pas être simplement considérées comme 
des arcs qui seroient entièrement dans un même plan, 
mais comme des courbes à double courbure. Cette re- 
marque avoit été faite par Clairaut, il y a plus de cin- 
quante ans ; mais on avoit toujours pensé que l’effet de 
la double courbure ne pouvoit devenir un peu sensible 
que sur des intervalles plus grands de beaucoup que 
ceux qu’il rigus est donné de mesurer directement, et 
Von avoit conclu que la considération du sphéroïde ne 
feroit que compliquer inutilement des calculs déjà trop 
compliqués. En effet le sphéroïde s’écarte de la sphère 
bien moins que la sphère elle-même ne diffère d’un plan. 
Or la sphéricité des triangles n’introduit dans les calculs 
que des termes du second ordre pour les angles , et du 
troisième pour les côtés. IL étoit donc naturel de penser 
que les termes dépendans du sphéroïde seroient d’un 
ordre plus élevé et plus insensibles encore par leur ex- 
trèême petitesse. Mais quoique personne encore n’eût 


66 miISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


écrit sur ce sujet, on ne doit pas en conclure que l’on se 
soit contenté de considérations vagues et d’une simple 
probabilité. Ce point se trouvera discuté à Particle cal- 
cul des triangles, dans le second volume de la Méri- 
dienne , maintenant sous presse; on espère y démontrer 
par des considérations fort simples et tout élémentaires, 
que la différence entre les angles sphériques et sphé- 
roïdiques n’est pas de -= de seconde dans le plus grand 
de nos triangles , et que la double courbure ne change 
pas d’un centimètre à beaucoup près la longueur du 
plus grand de tous nos côtés. Ces résultats sont d’avance 
confirmés par la savante analyse de M. Legendre. 


PHYsSs:1QUE GÉNÉRALE. 


À ces considérations géométriques sur la figure de la 
Terre, nous avions voulu faire succéder les recherches 
géographiques sur le grand plateau de l’intérieur de l’A- 
frique , par M. Lacépède ; sur la Perse et la communi- 
tion de lamer Caspienne à la mer Noire, par M. Oli- 
vier ; mais ces mémoires appartenant plus spécialement 
aux sciences physiques , ont été analysés par M. Cuvier, 
et nous passerons au zouveau mémoire de M. Ramond 
sur la mesure des montagnes , à l’aide du baromètre. 

Nous avons dit , dans la notice de 1805 , qu’il y avoit 
à peine —— de différence entre le coëfficient de M. La- 


500 


place, pour calculer la hauteur des montagnes par l’ob- 
servation du baromètre, et celui que M. Ramond a 
déduit des nombreuses observations de ce genre qu’il a 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 7 


faites dans les Pyrénées. De nouvelles observations ont 
fait entièrement disparoître une différence qu’on pouvoit 
attribuer à l’incertitude , soit des observations baromé- 
triques , soit des expériences anciennes sur le poids de 
Vair et du mercure que M. Laplace avoit supposées dans 
son calcul. M. Biot a nouvellement répété ces expé- 
riences avec des précautions toutes particulières ; il en 
résulte que le coëfficient doit être diminué de += à-peu- 
près , et l’accord est complet entre les deux méthodes. 
D'une part, on voit le géomètre , s'appuyant sur des 
faits observés dans un cabinet de physique, en déduire 
une règle pour mesurer la hauteur des montagnes ; de 
l'autre, un observateur prenant pour base la hauteur 
connue d’une montagne , et l’effet qu’elle produit sur 
Pélévation du mercure dans le baromètre , en conclure 
le poids relatif du mercure et de l'air, et retrouver la 
même quantité qui a servi de fondement aux calculs du 
géomètre. Ces comparaisons qui se multiplient de jour 
en jour dans lapplication de l’analyse, ces résultats 
identiques ; obtenus par des procédés si contraires et 
tirés de phénomènes si différens , sont des preuves aux- 
quelles le sceptique le plus obstiné n’auroit rien à op- 
poser s’il vouloit être de bonne foi. 

Ce résultat important n’est pas le seul mérite du mé- 
moire de M. Ramond. On y trouvera des moyens pour 
distinguer les circonstances qui sont contraires ou favo- 
rables à ce genre d’observations. L’auteur les range sous 
trois titres différens. Influence des heures, influence 
des stations , influence des météores. Celle des heures 


8  mISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


fait que les hauteurs observées le soir et le matin sont 
toujours trop petites jed’où il suit qu’il ne faut observer 
que vers le milieu du jour, et cette condition est bien 
facile à remplir. l'influence des stations n’est pas moins 
réelle ; mais il est moins aisé de s’en garantir. La règle 
à suivre est que le baromètre portatif et le baromètre de 
comparaison soient autant qu’il se pourra dans des sta- 
tions où les circonstances locales soient les mêmes. Le 
grand éloignement n’est pas toujours un obstacle : ainsi 
M. Ramond a remarqué que ses observations des Pyré- 
nées, comparées à celles que M. Bouvard fait continuel- 
lement à Observatoire impérial, présentent une marche 
assez régulière, tandis que ces mêmes observations de 
M. Bouvard , comparées à celles que M. Ramond a faites 
à Marli-la-Ville , indiquent d’un jour à l’autre des dif- 
férences de 10 à 11 mètres dans la hauteur relative des 
deux stations ; d’où l’on doit conclure que l’usage du 
baromètre pour la mesure des hauteurs trop peu diffé- 
rentes , est peu sûr quand les deux stations sont en 
plaine. 

Quant à l’influence des météores , elle agit toujours 
dans un même sens; elle fait paroître les hauteurs trop 
petites , et l’on doit rejeter toutes les observations faites 
les jours d’orage. De toutes ces considérations il résulte 
que pour avoir la hauteur plus exacte d’une montagne, 
il ne faut pas prendre indifféremment un milieu entre 
toutes les observations faites en des saisons et à des 
heures différentes ; ce seroit évidemment s’exposer à 
trouver des hauteurs dont les erreurs seroient en moins, 


PVC NN “RP 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 9 . 


Ce seroit ici le lieu d’analyser le travail important et 
curieux que MM. Biot et Arago viennent de faire en 
commun sur les Affinités des corps pour la lumière et 
sur Les forces réfringentes des différens gaz. Le soin 
qu’ils ont pris de rejeter en notes tous les détails des 
expériences ainsi que les formules qui assurent la préci- 
sion des calculs, nous dispensera de cette analyse pour 
laquelle il nous faudroit transcrire le mémoire presque 
entier. Nous en indiquerons seulement les principaux 
résultats. 

On y'verra d’abord le rapport exact des poids dumer- 
cure et de l’air pour la température de la glace fon- 
dante , 0"76 d’élévation dans le baromètre ,et pour un 
air parfaitement sec. Ce rapport est 17463 ; d’où lon 
conclut pour la température moyenne et la latitude 
de 45° le coëfficient barométrique qui sert à calculer la 
hauteur des montagnes , tel que M. Ramond l’a déter- 
miné par des observations d’un autre genre , ainsi qu’on 
Va vu dans l’article précédent. 

+ La réfraction que la lumière éprouve en passant du 
vide dans Pair, ou lPaccroissement qu’y reçoit le carré 
de sa vitesse , n’a pas offert un accord moins heureux 
entre les expériences physiques et directes, et les obser- 
vations astronomiques par lesquelles nous avions déter- 
miné cet accroissement par ses effets sur les hauteurs 
du soleil et des étoiles. La différence, entre les deux 
résultats n’est que de -: de seconde pour la réfraction 
à la hauteur du pôle à Paris , et le plus grand écart ne 
passe guères une. demi-seconde. 


1806. B 


10 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


Le pouvoir réfringent des différens gaz déterminé par 
les mêmes moyens a les mêmes droits À notre confiance. 
Celui du gaz hydrogène est plus de six fois et demie 
aussi grand que celui de l'air atmosphérique ; ainsi que 
M. Laplace l’avoit annoncé. 

Les réfractions d’un même gaz sont rigoureusement 
proportionnelles aux divers degrés de densité de ce 
gaz. 

Des expériences diverses ont prouvé que Peau en va- 
peur a le même pouvoir réfringent que l’air atmosphé- 
rique à très-peu près, ce qui dispense les astronomes 
d'introduire dans leurs formules de réfraction un coëf- 
ficient particulier pour tenir compte de l’humidité dé- 
notée par l’hygromiètre. 

La grande réfraction du diamant porte à croire qu’il 
est en partie composé d'hydrogène et non pas simple- 
ment de carbone pur, ainsi qu’on lavoit cru; car il 
paroit prouvé par nombre d’expériences que le pouvoir 
réfringent d’un composé quelconque se forme des pou- 
voirs réfringens particuliers de ses principes réunis dans 
Fa même proportion suivant laquelle ces principes sont 
combinés. Seulement la condensation paroît produire un 
léger accroissement. 

La possibilité de déterminer ainsi le pouvoir réfrin- 
gent des corps d’après leur composition chimique , fait 
présumer aux auteurs que l’on pourra d’après cette com- 
position calculer de même la force dispersive d’un com- 
posé quelconque lorsqu'on aura le pouvoir dispersif de 
chacun des principes constituans , ce qui ouvre la voie 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 14 
à nombre de recherches intéressantes pour la physique 
et l’astronomie. 

Enfin il résulte de ces expériences comparées à celles 
de plusieurs savans distingués , tels que MM. Caven- 
dish, Marti, Berthollet, Davy, Humboldt et Gay- 
Lussac , que la proportion des deux élémens de l'air 
atmosphérique est la même dans tous climats , d’où ré- 
sulte cette conséquence extrêmement importante pour 


astronomie , que les mêmes tables de réfraction peuvent 


servir pour toute la terre, vérité qui paroissoit déjà ré- 
sulter des observations faites en 1736 au cercle polaire 
et du calcul plus exact des observations faites à Pondi- 
chery par le Gentil. Borda pour qui nous avions fait ces 
calculs n’avoit aucun doute sur ce point ; il le supposoit 
dans le grand mémoire qu’il avoit terminé sur cette ma- 
tière , et qu’il nous a été impossible de retrouver jus- 
qu'ici. On a pu se procurer du moins le prisme qu’il 
avoit fait construire tout exprès pour ses expériences ; 
on y a joint comme lui le cercle répétiteur; on a suivi 
ce que l’on connoissoit de son plan qu’on a fort agrandi 
en étendant à différens gaz les recherches qu’il n’avoit 
faites que sur lair atmosphérique. Nous avons tenu et 
feuilleté mais rapidement le régistre qui contenoit toutes 
les observations , le mémoire original et la copie au net 
que l’auteur en avoit fait tirer. Sa formule de réfractions 
étoit une série d’un assez grand nombre de termes dont 
les coëfficiens numériques étoient formés d’un trop grand 


nombre de facteurs pour qu’il fût possible de les rete- 


nir , d'autant plus que la loi n’en étoit pas évidente , et 


12 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


que Borda ne permettoit pas qu’on y arrètât les yeux 
trop long-temps. Ces papiers étoient en trop bon ordre 
pour qu’on ait pu les négliger , et s’ils sont entre les 
mains de quelqu'un qui puisse en connoître le prix, ce 
seroit l’occasion , ou de les publier séparément ; ou de 
nous les remettre pour entrer dans le recueil de nos 
mémoires ; quoique la perte soit aujourd’hui fort heureu- 
sement réparée, l’éditeur n’en auroit pas moins des 
droits réels à la reconnoissance des savans. 

M. le comte de Rumfordt a lu sur Padhésion des 
molécules de l’eau un mémoire rempli d’expériences 
curieuses auxquelles il se propose de joindre maintenant 
celles qu’il fait avec des tubes capillaires. Nous donne- 
rons en attendant les principaux résultats des observations 
de ce savant philanthrope sur /a dispersion de la lu- 
mière des lampes par le moyen des écrans et des globes 
de verre dépolis. 

La facilité avec laquelle l’œil distingue les objets, 
ne dépend pas uniquement de l’intensité de la lumière 
qui les éclaire, elle dépend aussi beaucoup des ombres ; 
sont-elles simples et bien marquées , la vision est dis- 
tincte : mais si la lumière arrive de plusieurs côtés à la 
fois , il y a plusieurs ombres qui se confondent et s’af- 
foïblissent ; on voit mal, même avec beaucoup de clarté. 
Une bonne distribution de la lumière est donc importante 
pour l’économie et surtout pour la conservation des yeux. 

Les rayons directs de la lampe à double courant d’air 
fatiguent la vue. Pour diminuer cet inconvénient, on a 
imaginé des écrans de différentes espèces , et enfin des 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 13 


globes de verre dépoli. Ce qui rend Pusage de ces: der- 
niers moins commun, c’est la crainte de perdre trop de 
lumière. Personne ; du moins en France, n’avoit encore 
_ combattu ce préjugé. M. de Rumford démontre, par 
une expérience fort aisée à répéter ; que la perte est ab- 
solument insensible. La surface du verre dépoli , pleine 
de sillons et d’aspérités ,présente à la lumière une mul- 
titude de plans lisses mais différemment inclinés , qui, 
dispersant la lumière , la rendent plus douce, et la dis- 
tribuent de manière à porter une clarté plus uniforme 
dans toutes les parties dela pièce qu’on veut éclairer. 
- Cet avantage n’est pas le seul que présente le verre 
dépoli. Substitué au verre poli dans le vitrage des fenê- 
tres , il répartira la lumière du jour avec plus d'égalité 
dans les parties les plus élevées comme dans les plus 
basses, dans les plus enfoncées comme dans les plus 
voisines , et cette remarque est surtout utile pour les 
grandes villes où le peu de largeur des rues, la hauteur 
des maisons ne laissent pénétrer le jour que d’une ma- 
nière très-oblique. L'auteur a vu la preuve de ce fait et 
lPexplication qu’il en donne ; paroît assez naturelle pour 
tenir lieu de l’expérience , d’ailleurs si facile à répéter. 
Ce mémoire est terminé par la description d’une lampe 
nouvelle dont la construction est combinée de manière 
à ne laisser voir aucun rayon direct, à donner le jour 
le plus doux ét le plus égal à toutesles parties d’un grand 
salon sans jeter aucune ombre , quoique. le réservoir de 
huile soit circuiaire et que les cylindres qui distribuent 
‘la lumière soient placés au centre. 


14 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


On remarquera. dans ces nouvelles recherches .de 
M. de Rumford ce mème but d’utilité qui rend tous ses 
ouvrages précieux , même indépendamment de la finesse 
des vues , de la délicatesse des expériences ; et des con- 
noissances varices qu’elles supposent. 


RaProrrTs. 


Nous ne donnerions qu’une idée imparfaite des tra: 
vaux de la classe, si nous ne parlions que des ouvrages 
propres à chacun de ses membres, Une partie de nos 
séances est consacrée aux mémoires des savans qui ne 
sont point aggrégés à l’Institut, et parmi lesquels nous 
aimons à reconnoître ceux qui peuvent un jour ajouter 
à la gloire et à la considération de ce corps en étendant 
le domaine des sciences. Les rapports des commissions 
chargées d'examiner leurs travaux ou les inveutions sur 
lesquelles le gouvernement demande l’avis de la classe, 
sont souvent eux-mêmes des mémoires importans où une 
grande impartialité se joint à l’érudition nécessaire pour 
démèêler dans les théories ou inventions que l’on discute 
ce qui appartient véritablement à l’auteur, et la part 
que peuvent revendiquer les savans de toute nation qui 
se sont plus anciennement occupés des mêmes objets. 

Les bornes qui nous sont prescrites ne nous permet- 
tant aucun détail, nous ne ferons qu’indiquer les rap- 
ports sur les solutions particulières des équations diffé- 
rentielles et des équations aux différences, présentées par 
M. Poisson : sur la nouvelle démonstration du principe 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 15 


des vitesses virtuelles , de M. Ampère ; sur un nouveau 
moyen d'élever les eaux à une grande hauteur, par 
M. Baader, ingénieur de S. M. le roi de Bavière ; sur 
les expériences que M. Péron; aujourd’hui correspon- 
dant, a faites de la force physique des sauvagés' com- 
parée à celle des Européens’, et desquelles il a tiré ce 
résultat qui pourra surprendre , qu’il n’y 4 aucune 
comparaison à cet égard entre l’homme civilisé et le 
sauvage ,'et que la différence est toute à l’avantage du 
premier. 

Parmi les inventions approuvées par la classe , nous 
ferons mention du rouet de M. Bellemère , qui met beau- 
coup de mains industrieuses en état de doubler leur 
travail ; d’un métier pour les étoffes brochées et façon- 
nées ; qui , pour la simplification des manœuvres, a été 
jugé digne de servir de modèle et de valoir à son auteur, 
M. Rivey, des récompenses de la part du gouvernement; 
du métier à bas de M. d’Autry, dont le rapporteur a fait 
valoir les avantages avec tant de netteté que la classe a 
ordonné l’impression du rapport pour servir à l’histoire 
de Part ; enfin d’un autre métier à bas de M. Favreau- 
Bouillon ; qui afréduit tout le travail au simple balance- 
ment de deux leviers ; changement précieux qui permet 
d'appliquer à ce métier des hommes foibles et des ou- 
vriers mutilés au point de n’avoir plus l’usage que d’un 
seul bras. 

Parmi les inventions , nous avons cité seulement celles 
qui se distinguent par une vue d’utilité plus directe et 
plus fréquente. 


16 HISTOIRE DE LA CLASSE DESISCIENCES 
© OUVRAGES IMPRIMÉS. 


Depuis sa dernière séance publique la classe a fait pa- 
roître le premier volume des Mémoires qui lui ont été 
présentés par les savans étrangers ; et le tome VI de ses 
propres mémoires. Les volumes suivans seront publiés 
de six mois en six mois , à commencer du présent mois 
de juillet. Elle fait aussi paroître le premier volume de 
la Méridienne de Dunkerque , base du système mé- 
trique décimal: cet ouvrage contiendra toutes les pièces 
justificatives ; toutes les observations , toutes les mé- 
thodes de calcul qui ont fixé les deux unités fondamen- 
tales du système métrique , le mètre et le kilogramme. 

Plusieurs membres ont donné des ouvrages nouveaux 
ou de nouvelles éditions d'ouvrages déjà connus, dans 
lesquels on trouvera des additions importantes. Ainsi 
M. Legendre a publié une sixième édition de sa Géo- 
métrie : M. Lacroix une seconde édition de son Traité 
élémentaire du calcul différentiel et intégral. 

Les astronomes ont maintenant des Tables du soleil 
où pour la première fois on a fait entrer les attractions 
de toutes les planètes. 

Enfin, M. Lagrange a donné une édition plus com- 
plette du calcul des fonctions , ouvrage vraiment clas- 
sique dont il seroit bien superflu de parler ici aux géo- 
mètres qui l’ont tous médité , et difficile de donner en 
peu de mots une notice suffisante à ceux qui ne le sont 
pas. Les mêmes raisons nous forcent à passer rapide- 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 17 


ment sur une dissertation que M. Laplace vient de pu- 
blier comme supplément au dixième livre de la Méca- 
nique céleste, et dans laquelle il donne une théorie com- 
plette de l’action capillaire. Pour la première fois , on 
voit ces phénomènes contraires en apparence , heureuse- 
ment ramenés à une même loi ; l’ascension et la dépres- 
sion entre deux plans expliquées par la même analyse, 
qui rend raison des phénomènes analogues qui s’ob- 
servent dans les tubes ; les résultats numériques de la 
théorie parfaitement identiques à ceux dés observations 
anciennes les plus exactes, et à ceux des observations 
peut-être plus exactes encore que MM. Haïüy et Tre- 
mery ont faites tout exprès pour soumettre la nouvelle 
théorie à l’épreuve la plus rigoureuse. 

Qu’on n’imagine pas que ces recherches si délicates 
n'aient d’autre mérite que celui de la difficulté vaincue ; 
tout se tient dans les sciences physiques ; comme dans 
la nature elle-même ; il n’y a point de phénomène qui, 
quand il est expliqué , ne jette un nouveau jour sur un 
autre phénomène. De la nouvelle théorie résulte déjà 
la décision d’un point important pour la météorologie. 
Les avis étoient partagés sur la manière d’estimer la 
hauteur du mercure dans le baromètre. Les uns la 
comptoient dela base ; et les autres du sommet de la 
convexité. Cette seconde manière est beaucoup moins 
inexacte, mais elle donne encore des hauteurs moindres 
que celles qui résultent de la pression de atmosphère ; 


la différence est l’effet de l’action capillaire. Pour la 
1806. : c 


; 


s 


18 HISTOIRE DE LA CHASSE DES SCIENCES 


corriger , l’auteur indique deux méthodes, l’une est 
analytique ; l’autre , que le plus grand nombre des ob- 
servateurs préférera sans doute , ne suppose qu’une ex- 
périence facile , et un petit calcul fort simple. Par l’un 
ou l’autre de ces moyens , ils obtiendront des résultats 
plus précis, plus sûrs et plus comparables. 


ES 


Ox avoit remarqué depuis long-temps que deux corps 
nageant sur un fluide qui s’élève ou s’abaisse autour de 
tous deux, s’approchent l’un de l’autre et se réunissent 
par un mouvement accéléré ; mais ils se repoussent le 
plus souvent si le fluide qui s’élève autour de l’un s’abaisse 
autour de l’autre , et, dans ce cas ; si l’on diminue conve- 
nablement la distance on voit lattraction succéder à la 
répulsion : ces phénomènes surprenans avoient fort 
exercé les physiciens. 

Amontons , il y a cent ans, avoit tenté de les ex- 
pliquer ; M. Monge, dans les Mémoires de l’Académie 
des sciences, année 1787, avoit démontré l'insuffisance 
et même Pinexactitude des principes d’Amontons. On 
trouve dans son mémoire des aperçus heureux, des vues 
fines et des expériences curieuses: Enfin, M. Laplace 
vient de soumettre tous ces effets à la même analyse , de 
laquelle il avoit déjà déduit tous les phénomènes capil- 
laires. 11 prouve que si deux plans parallèles ont leurs 
parties inférieures plongées dans un fluide, leurs sur- 
faces intérieures et extérieures soutiennent une pression 
dont il donne l’expression analytique. On conçoit que si 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 19 


la pression extérieure l’emporte sur la pressionintérieure, 
les deux plans devront s’approcher, et qu’ils se fuiront 
dans le cas contraire. M. Laplace expose ici en détail les 
circonstances qui donnent naissance à tous ces phéno- 
mènes , les limites qui les séparent , et le point où la 
répulsion doit se changer en une attraction apparente, et 
réunit le tout en deux théorêmes généraux ou formules 
algébriques , où l’on aperçoit d’un coup-d’œil tout l’en- 
semble de sa doctrine , dont tout ce qui précède n’est que 
la traduction en langage ordinaire. Le mémoire.cst ter- 
miné par une expérience faite avec beaucoup de soin par 
M. Haüy. Une feuille carrée de talc laminaire étoit sus- 
pendue à un fil très-délié, de manière que sa partie infé- 
rieure plongeoïit dans l’eau. Dans cet état si l’on plongeoit 
dans le mêmefluide et à peu de distance , la partie infé- 
rieure d’un parallélépipède d'ivoire dans: une situation 
verticale et parallèle au carré de talc , on voyoit aussitôt 
une répulsion sensible ; mais si l’on diminuoitcette dis- 
tance, la répulsion cessoit par degrés et faisoit place à une 
attraction qui, par un mouvement accéléré, portoit le tale 
vers le parallélépipède et le mettoit promptement en 
contact. Cette expérience ; plusieurs fois répétée avec 
diverses modifications , a constamment donné les résul- 
tats indiqués par la théorie. 

Dans un autre mémoire , M. Laplace s’est proposé de 
ramener à la même analyse capillaire les phénomènes de 
Padhésion des corps à la surface des fluides. 

Lorsqu'on applique un disque de verre sur la surface 
de l’eau stagnante dans un vase d’une grande étendue, 


20 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


on éprouve, pour l’en détacher , une résistance d'autant 
plus considérable que la surface du disque est plus 
grande. En élevant le disque on soulève en même temps, 
au-dessus du fluide contenu dans le vase , une colonne 
de cefluide. Si l’on continue d’élever le disque la colonne 
s’allonge, mais il vient un moment où son poids l’em- 
portant sur l’adhésion , elle se détache et retombe. 

Le poids de cette colonne à l’instant où elle est prête 
à retomber, est la mesure de résistance à vaincre pour 
détacher le disque ; M. Laplace en donne l'expression 
analytique. 

Lorsque le fluide est de nature à s’abaisser au lieu 
de s'élever dans le tube capillaire , la colonne soulevée 
n’a plus la forme d’une gorge de poulie, mais celle d’une 
espèce de cône tronqué ; Pexpression analytique change 
et renferme un élément de plus, c’est-à-dire l’angle que 
la surface du cône forme avec le disque de verre. 

La première formule comparée aux expériences de 
M. Haüy et de M. Achard, donne à -= près le poids 
de la colonne observée. 

La seconde n’a pu encore être comparée parce qu’elle 
renferme un angle que les observateurs ont jusqu'ici 
négligé de considérer, et dont il étoit également difficile 
de deviner l’importance et d'effectuer la mesure. 

Si l’on place horizontalement lun sur l’autre, deux 
disques de verre , en laissant entre eux une couche d’eau 
très-mince , les deux disques adhèrent avec une force 
considérable. M. Laplace donne pour ce cas une formule 
par laquelle il trouve pour la force d’adhérence un peu 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 21 


moins que les deux:tiers de ce-que M. Guyton à trouvé 
par expérience. Cette différence tient sans doute à l’é- 
valuation très-délicate de lintervalle qui séparoit les 
disques ou peut-être aux inégalités de leurs surfaces, 
qu’il est difficile de rendre exactement planes. 

La. mème théorie indique une correction ‘au principe 
si connu d’hydrostatique , trouvé par Archimède, sur la 
diminution du poids qu'éprouve un corps plongeant 
dans un. liquide. Cette diminution ne se mesure pas 
seulement par le poids d’un volume de fluide égal à la 
partie du corps située au-dessus du niveau. Il faut y 
ajouter le poids du fluide écarté par l’action capillaire, 
si le corps n’est pas de nature à se mouiller; mais s’il se 
mouille , il faut, au contraire , en rétrancher le poids du 
volume soulevé par la capillarité, M: Monge, dans le 
mémoire cité ; avoit donné commeune chose-évidente la 
première partie de ce théorème. M: Laplace-en donne 
ici la démonstration rigoureuse , en y ajoutant cette ré- 
flexion que ce qui est relatif à l’action capillaire dispa- 
roît totalement, lorsque le corps est entièrement plongé 
dans le fluide au-dessous du niveau: 

Pour achever l'explication des effets capillaires, M. La- 
place considère enfin les phénomènes curieux que pré- 
sentent les cylindres d’acier égaux et très - déliés, lors- 
qu’ils flottent à la surface d’un fluide. De quelque ma- 
- nière qu’on les amène à se toucher , ils ne tardent pas , 
après plusieurs oscillations, à se réunir dans toute leur 
longueur, comme s’ils formoient une lame unique. Ces 
oscillations pouvant se déterminer par l'analyse , il seroit 


22 HISTOIRE DÉË LA CLASSE DES SCIENCES 


à désirer qu’on les observât avec une grande précision 
pour les comparer à leur expression analytique. « Ces 
» comparaisons , dit l’auteur, sont la pierre de touche 
» des théories; mais pour que l’épreuve soit censée com- 
» plète, iline suffit pas que les formules indiquent va- 
» guement les effets qui naîtront des circonstances don- 
» nées. il fautencore qu’elles en déterminent exactement 
» les quantités. » M. Laplace va faire paroître une 
addition plus intéressante encore à cette théorie. 


Essai des toiles incombustibles pour la marine et les 
bétinens civils, par M. Rocro. 


M. Roswac de Strasbourg, présenta en 1784, au 
bureau de commerce, des gazes de ‘fil de fer qui lui 
valurent une récompense; et le métier qu’il avoit ima- 
giné pour la fabrication fut déposé au cabinet de ma- 
chines de Vaucauson. 

À limitation de ces gazes, M. Rochon en fit d’autres 
en 1799, et les enduisit d’une colle transparente pour 
les substituer à la comme , dans les fanaux de combat et 
d’entrepent. 

Il a pensé depuis que ces mêmes gazes, avec un léger 
enduit de plâtre, pourroient préserver d’incendie les 
vaisseaux , et plus aisément encore les bâtimens civils, 
ou qu’au moins elles serviroient à rendre les dégats du 
feu , moins fréquens et moins terribles. 

Ces gazes enfin pourroient être fort utiles pour les 
décorations théâtrales qui ne seroient plus sujettes à 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 23 


prendre feu; le seul inconvénient seroit le peu de flexi- 
bilité ; mais M. Rochon ne désespère pas que la chimie 
ne trouve desimoyéns de remédier à cette imperfection , 
et c’est pour réclamer les avis et les secours de ses con- 
frères chimistes ou physiciens ; qu’il a lu à la classe le 
mémoire dont nous venons de rendre compte. 


Asrronomir. — Éclipse de soleil du 16 juin 1806. 


Uxe éclipse de soleil est l’un des phénomènes Îles 
plus utiles soit pour la vérification des tables astrono- 
miques , soit aussi pour la détermination des longi- 
tudes géographiques; c'est encore celui de'tous sans 
contredit qui attire le plus Pattention des observateurs. 
M. Lalande, fidèle à, Fhabitude qu’il à eontractée 
depuis cinquante ans, a calculé toutes les observations 
qu’il à pu rassembler de Péclipse de 1806. Les nuages 
l'ont dérohée aux astronomes de Paris; mais on l’a vue 
en plusieurs endroits de France ; d'Allemagne , de 
Hollande et d’Italie. C’étoit surtout en Amérique 
qu’elle devoit être intéressante puisqu'elle devoit être 
totale à Boston et Albany. C’est à Kinderhook auprès 
de cette dernière ville que M. Ferrer l’a observée avec 
d’excellens instrumens. Tl'en° a conclu la conjonction 
à 11h 45° 33". M. Lalande a tiouvé exactement la 
même chose, et comme il avoit, par d’autres observa- 
tions , reconnu qu’elle étoit arrivée à 4h 3o' 6" à Paris, 
il en résulte que la différence des longitudes est de 7h 
19’, 27. 


24 HISTOIRE DE LA CHBASSEI DES SCIENCES 


La mêmeéclipse fut encore observée à Albany, mais 
à linstant du retour de la lumière l’observateur n’avoit 
pas l’œil à sa lunette , et quoique ce phén@mène paroisse 
de nature à être remarqué tout aussüslirement à l’œil 
nu, il semble pourtant qu’il ait été vuquelques secondes 
trop tard. 

Une remarque curieuse de M. Ferrer c’est que le 
disque de la lune parut éclairé quelques secondes avant 
la fin de l’éclipse totale, ce qui lui semble un effet de 
Patmosphère de la lune. 

L’obscurité ne fut pas aussi grande qu’on l’avoit 
cru; on ne vit que six étoiles principales ou planètes. 
Un anneau lumineux de 45 à 50’ qui entouroit le soleil 
diminuoit Pépaisseur des ténèbres. j 

D’après la comparaison de cette éclipse totale avec 
quelques éclipses annulaires observées précédemment, 
M. Lalande pense que l’irradiation du soleil est de :2 
et. qu’il faut ajouter 1” au demi-diamètre de la lune qu’il 
avoit déterminé par des observations directes faites au 
temps de la pleine lune. | 


Mou sement du sytème solaire. Par M. BurckHARDT. 


PLusirEeurs astronomes ont cru que le soleil n’est 
pas immobile en, un: point de Pespace. M. Lalande 
d’après le mouvement derotation ; qui n'est pas douteux, 
avoit conjecturé un mouvement de translation. Ce qu’il 
avoit donné comme! un, simple soupçon, M. Herschel 
avoit entrepris de le prouver par les observations , il 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 23 


avoit même cru pouvoir déterminer le-point du ciel vers 
lequel le soleil s’avance avec tout son cortège plané- 
taire. M. Prévôt, académicien de Pétersbourg , avoit 
été conduit au même résultat, mais M. du Séjour ayant 
traité analytiquement la même question , avoit trouvé 
qu’elle étoit insoluble quand on la considéroit dans 
toute sa généralité. M. Herschel vient de la traiter de 
nouveau dans les Transactions philosophiques pour 
1805. 

Si les mouvemens propres qu’on a remarqués dans 
plusieurs étoiles ne sont qu’apparens et sont produits 
par le mouvement réel du soleil qui s'approche des 
unes et s’éloigne par conséquent de celles qui sont dans 
la région opposée du ciel, tous ces mouvemens appa- 
rens seront parallèles entre eux, et au mouvement du 
soleil. Ces mouvemens sont très lents , et la partie qu’on 
en a pu observer jusqu’à ce jour ne forme encore que de 
petits arcs; mais si on les prolonge par la pensée ils 
doivent former de grands cercles qui tous iront se 
couper en un même point du ciel , et ce point sera 
celui vers lequel tout le système solaire se dirigera. Il 
suffit des mouvemens bien connus de deux étoiles 
pour déterminer ce point si les observations sont bonnes 
et si le principe est vrai. Deux autres étoiles doivent 
mener à la même conclusion que les premières, et la 
même conséquence sera confirmée par toutes les étoiles 
que l’on pourra combiner ainsi deux à deux. C’est ce 
travail que M. Herschel a entrepris sur les étoiles les 


plus brillantes du catalogue de M. Maskeline. Les ré- 
1806. D 


26 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


sultats auxquels il a été conduit ne s'accordent pas 
assez bien pour mettre hors de doute le mouvement 
du soleil et l’immobilité des étoiles , il paroîtroit plutôt 
que tout est en mouvement, et c’est dans cette suppo- 
sition que du Séjour a déclaré le problème insoluble. 
Malgré cette décision M. Burckhardt vient de nouveau 
de le soumettre à lanalyse. Ses formules sont plus 
commodes et susceptibles d’une application plus facile 
que celle de du Séjour, elles sont beaucoup moins pé- 
nibles que le calcul trigonométrique de M. Herschel. Il 
a fort adroïtement éliminé les distances des étoiles qui 
paroissent et sont réellement l’un des élémens de ce 
calcul, et qui probablement nous seront toujours in- 
connues. Si le soleil est seul en mouvement , avec le 
temps et de bonnes observations on pourra connoître ce 
mouvement avec une certaine précision ; mais si les étoiles 
avoient aussi le leur, la séparation des inconnues seroit 
impossible , et il en résulteroit quelques embarras pour 
les astronomes futurs si les observations venoient à être 
interrompues pendant quelques siècles, et si après une 
période un peu longue de barbarie les astronomes vou- 
loient, à la renaissance des sciences, calculer de nou- 
veau les mouvemens célestes par la comparaison de leurs 
observations avec les nôtres. Mais dans cette suppo- 
sition même , qui est heureusement fortinvraisemblable, 
À! suivroit seulement que les observations faites dans le 
dix-huitième siècle paroîtroient un peu moins précises ; 
ce qui n’empècheroit pas qu’elles ne fournissent des 
secours bien au-dessus de ce que nous avons trouvé 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 27 


dans le très-petit nombre d’observations assez grossières 
que les Grecs nous ont transmises. 


Manière de trouver les rouages nécessaires pour re- 
présenter les mouvemens planétaires , par M. 
BurRCKHARDT. 


HwuGnEens a résolu ce problème de la manière la 
plus complète par les fractions continues qui ont l’avan- 
tage de fournir des valeurs approchées , exprimées tou- 
jours par les plus petits nombres possibles dans tous les 
degrés d’approximation dont on juge à propos de se 
contenter. Maïs ce moyen n’est pas toujours à la portée 
des artistes qui entreprennent des planétaires. M. Burck- 
hardt leur indique ici des calculs plus faciles et suffi- 
samment exacts. Mais le conseil le plus important qu’il 
puisse leur donner et qu’il leur donne en effet, est sans 
contredit celui de s’abstenir entièrement de ces recher- 
ches qui n’ont aucun but d’utilité bien réelle ni pour 
eux ni pour la science. 

La machine la plus parfaite représentera les mouve- 
mens planétaires beaucoup moins bien que la plus mé- 
diocre éphéméride. Si l'artiste n’a qu’un talent ordi- 
naire il-ne produira jamais, avec beaucoup de temps, 
d'efforts et de dépense, qu’un ouvrage très-imparfait 
qui ne trouvera point d’acheteur. Et s’il a un talent 
distingué, en admirant les ressources de son art et de 
son intelligence, on ne pourra s’empècher de regretter 
emploi stérile qu’il en aura fait. Son planétaire sera 


28 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


d’un prix au-dessus des facultés d’un particulier; et les 
gouvernemens sentiront qu’ils peuvent faire une meilleure 
distribution des encouragemens dus à industrie. 

On ne sauroit donc trop détourner les artistes de ces 
entreprises ruineuses , ils doivent les abandonner au 
riche amateur qui se sentant un goût et un talent parti- 
culier pour ces constructions, pourroit se contenter de 
sa propre satisfaction et ne pas ambitionner d’autre ré- 
compense. 

Les planétaires d’ailleurs n’ont pas même l’avantage 
de servir à l'instruction , ils ne peuvent être qu’une 
représentation très-imparfaite du système du monde. Ils 
peuvent bien montrer les mouvemens dans leurs pro- 
portions à peu près, mais non les distances et les gran- 
deurs des corps célestes. Tous ces rouages et ces soutiens 
qu’on ne peut rendre invisibles, ne peuvent que donner 
une idée très fausse des moyens simples et féconds em- 


ployés par la nature. 


PyYRÉOLOPHORE. 


Nous continucrons, comme nous avons commencé 
dans la notice précécente, à comprendre dans les tra- 
vaux de la classe les rapports qui lui ont été faits par 
ses commissaires, sur les inventions les plus curieuses 
et les plus importantes qui ont été soumises à son examen 
par des savans étrangers à l’Institut. À ces deux titres 
vous devons surtout faire mention du rapport de M. 
Carnot sur la machine imaginée par MM. Nieps, qui 
lni ont donné le nom de Pyréolophore. Ce mot est 


2 
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 29 


composé de trois mots grecs 7tp feu , Aero Éole ou 
vent, et oéps je porte. Les inventeurs ont voulu que 
ce nom indiquât les moteurs de la machine qui sont le 
vent d’un soufflet , le feu et l’air dilaté soudainement. 

Leur intention a été de trouver une force physique 
qui pût égaler celle des pompes à feu sans consumer 
autant de combustible. 

Pour se faire une idée de la manière dont ils pro- 
duisent et font agir la dilatation subite de l’air, qu’on 
se figure un récipient de cuivre attaché fortement à une 
table horizontale. A l’une des parois est adapté un tube 
par lequel on fait passer une masse d’air dans le réci- 
pient. Sur son chemin cet air rencontre quelques grains 
de matières combustibles qu’il projette sur une flamme 
où elle entre en ignition. La matière embrasée péné- 
trant dans le récipient en dilate l’air avec une grande 
force qui s’exerce contre les paroïs , pousse en avant 
un piston qui glisse dans un second tube adapté à l’une 
des parois. Ce piston chasse devant lui une colonne 
d’eau où tout autre corps qu’on expose à son action ; 
après quoi ce piston reprend de lui-même sa première 
place, et toute la machine revenant à sa première dis- 
position , se trouve prête à jouer de nouveau. Tous ces 
effets s’accomplissent en 5" de temps. 

Dans une expérience faite par les auteurs, un bateau 
chargé de 9 quintaux et présentant à l'effort de l’eau une 
proue de 63 décimètres carrés (6 pieds carrés), a re- 
monté la Saône avec une vitesse double de celle du 
courant. 


30 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


Dans une autre expérience faite par les commissaires 
la pression exercée sur un piston de 22 centimètres 
(3 pouces carrés) , a fait équilibre à un poids de 57 
kilogrammes , la capacité intérieure étoit de 418 centi- 
mètres cubes ( 21 pouces), et la consommation du com- 
bustible n’a été que 32 centigrammes ( 6 grains ). 

Les auteurs se proposent de perfectionner leurs pre 
miers essais ; mais même dans l’état actuel les secousses 
violentes de la machine , l’ébranlement qu’elle commu- 
nique aux corps sur lesquels elle repose , enfin la viva- 
cité des mouvemens ne permettent pas de douter de l’in- 
tensité et de l’impétuosité de ce nouveau principe mo- 
teur; et l’on peut en attendre les résultats les plus 
heureux, lorsque par des expériences réitérées on sera 
parvenu à lui donner toute l’énergie dont il est suscep- 
tible. Telest l'avis des commissaires, et la classe a dé- 
cidé que leur rapport seroit en entier inséré dans la 
partie historique de ses mémoires, pour conserver le 
souvenir et la date d’un premier essai qui peut devenir 
extrêmement intéressant par ses résultats physiques et 
économiques. 


Horlogerie, échappemens. 


M. Prcrer, correspondant de l’Institut , a présenté 
de la part de MM. Malley de Genève , dix modèles 
d’échappemens construits sur un même calibre ; et dont 
les trois derniers appartiennent d’une manière plus ou 
moins complète à l’artiste (M. Tavan ) qui a construit 
tous ces modèles. 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 31 


Il nous est impossible de donner ici une idée de tant 
de mécanismes divers, non plus que du rapport très- 
étendu dans lequel M. Prony a décrit et analysé tous 
ces échappemens. Nous dirons seulement d’après le 
jugement des commissaires, adopté par la classe , que 
Pesprit d'invention s’y trouve réuni à une exécution qui 
prouve un talent distingué, et qu’il est à desirer que la 
société de Genève publie le mémoire descriptif qui 
accompagnoit les dix modèles. 


Métier à bas pour le tricot à côte. 


Nous avons, dans la notice précédente , fait men- 
tion d’un rouet de l’invention de M. Bellemère, direc- 
teur du travail des jeunes orphelins de la Pitié. M. Des- 
marest nous a lu depuis un rapport intéressant sur un 
nouveau métier à bas pour la fabrication du tricot à 
côte, inventé par le même mécanicien qui ne l’a pré- 
senté à la classe qu’après s’être assuré par une expérience 
de deux ans de la réalité des avantages qu’il a desiré 
lui donner. Enrendant les mouvemens du métier anglais 
beaucoup plus légers , lartiste a su en faire un assem- 
blage moins coûteux de moitié, ce qui fait desirer que la 
nouvelle machine puisse être introduite dans tous les 
ateliers de bonneterie protégés parle gouvernement. 


32 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


Observations sur l'intensité et linclinaison de forces 
magnétiques , faites en France , en Italie et en 
Allemagne. Var MM. Humwsozpr et Gay-Lussac. 


À l’aide des savantes recherches de M. Coulomb , des 
formules de MM. de Borda et Laplace, on peut aujour- 
d’hui déterminer avec assez de sûreté et sans trop de 
difficultés la déclinaison et l’inclinaison de la boussole , 
et l’intensité des forces magnétiques. Mais ces obser- 
vations délicates exigent des instrumens parfaits , du 
temps et la connoissance exacte de la méridienne du lieu. 
Les voyageurs, à qui la plupart de ces moyens man- 
quent trop souvent, n’ont pu faire que des observations 
trop peu sûres pour que l’on puisse conclure avec exac- 
titude la position des pôles magnétiques de la terre , celle 
de l’équateur magnétique , et les points où il coupe Pé- 
quateur terrestre. M. Biot a pourtant essayé de déter- 
miner, d’après les observations de M. La Peyrouse et 
Humboldt tous ces élémens de la théorie magnétique du 
globe, et il a donné les formules nécessaires pour cal- 
culer quelle doit être en un lieu quelconque la déclinaison 
et l’inclinaison de l’aiguille. 

Le voyage que MM. Humboldt et Gay-Lussac ont 
fait depuis en Italie, en France et en Allemagne, leur a 
fourni de continuelles occasions de comparer leurs obser- 
vations à l’hypothèse magnétique de M. Biot. La dif- 
ficulté de déterminer la méridienne du lieulesaempèchés 
d'observer la déclinaison de l’aiguille dans leurs diverses 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 33 


stations, mais ils ont observé l’inclinaison et le nombre 
d’oscillations que faisoit en un temps donné une aiguille 
horizontale; ils en ont conclu par une formule fort sim- 
ple le nombre d’oscillations qu’elle auroit faites dans sa 
direction véritable , et de là l’intensité des forces magné- 
tiques. 

Pour que l’on püt saisir d’un coup-d’œil l’ensemble de 
leur travail , et les conséquences que l’on peut en déduire, 
M. Gay-Lussac qui s’est chargé de la rédaction a présenté 
dans un tableau général les observations mêmes, la lon- 
gitude et la latitude terrestre du lieu; les longitudes et 
latitudes rapportées à l’équateur magnétique dans l’hy- 
pothèse de M. Biot, les inclinaisons calculées dans cette 
hypothèse et les différences qu’ils ont trouvées entre l’ob- 
servation et ces calculs. Enfin , pour que rien ne manquât 
à ce tableau , ils y ont joint des observations sur la nature 
du sol , et son élévation au-dessus du niveau de la mer. 

Il est à remarquer que toutes les différences sont dans 
le même sens, que les inclinaisons calculées sont toutes 
trop fortes de quantités qui varient depuis 3° 42’ jusqu’à 
5°? 9’. En admettant qu’une partie de ces différences doit 
s’attribuer à des circonstances locales ou aux erreurs iné- 
vitables de observation , il paroît au moins fort vraisem- 
blable qu’une partie plus considérable vient de la position 
attribuée aux nœuds de l’équateur magnétique , et à 
Pangle qu’il fait avec l'équateur terrestre. Il ne sera pas 
difficile de déterminer quelles corrections demande l’hy- 
pothèse de M. Biot, pour représenter beaucoup mieux les 
nouvelles observations et les concilier avec celles sur 


1806. E 


34 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


lesquelles il avoit déterminé ses premiers élémens. Il est 
à présumer que M. Biot trouvera lui-même cet objet assez 
intéressant pour qu’il veuille s’en occuper quand il aura 
terminé la mission importante et difficile dont il est main- 
tenant chargé (1). Pour donner à cette théorie toute la pré- 
cision dont elle est susceptible, il seroit bien à désirer 
que l’on eût en des points du globe plus éloignés une 
suite d'observations faites avec le même soin que celles 
de MM. Humboldt et Gay-Lussac; mais en attendant 
on y voit déjà que l’intensité des forces magnétiques 
croît avec la latitude ainsi que M. Humboldt Pavoit 
remarqué dans son grand voyage. Car elle est à Berlin 
de 13703 , tandis qu’à Rome elle n’est que 12642. Il 
résulte encore de ce travail que l'influence de la chaîne 
des Alpes a été très-foible, si même elle n’est pas nulle. 
Celle du Vésuve à l’instant du tremblement de terre et 
de l’éruption de 1805 n’a pas été beaucoup plus sensible 
et paroît devoir être attribuée à des circonstances locales 
plutôt qu’à un centre magnétique particulier. 

La description des instrumens qui ont servi à ces ob- 
servations, la discussion où M. Gay-Lussac est entré 
sur les meilleurs moyens d'observations ne peut qu’ajou- 
ter à la confiance que doit naturellement inspirer l’ha- 
bileté et l’exactitude très-connue des observateurs. 


(:) MM. Biot et Arago sont partis en septembre pour prolonger la méri- 
dienne jusqu'aux îles Baléares et continuer les travaux interrompus par la mort 
de M. Méchain; ils ont commencé en décembre l’observation du grand 


triangle qui joindra l'ile d’Ivice à la côte du royaume de Valence. 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 3 


Cv 


Premier mémoire sur les gaz considérés sous leurs divers 
rapports avec le calorique , par M. Gav-Lussac. 


MM. Huwsozpr et Gay-Lussac, par des expériences 
sur les moyens eudiométriques-et l’analyse de l’air avoient 
été conduits à soupçonner que tous les gaz pourroient 
bien avoir la même capacité pour le calorique. Cette 
conséquence qui paroissoit découler de leurs observa- 
tions, méritoit d’être examinée plus scrupuleusement ; 
c’est ce que M. Gay-Lussac vient d’exécuter à son retour 
d’un voyage, dans lequel , avec M. Humboldt, il a par- 
couru la France , l’Italie et l'Allemagne. Ses nouvelles 
expériences en confirmant les premières , l’ont conduit 
pourtant à une conséquence toute opposée : les gaz qu’il 
avoit observés avec M. Humboldt, avoient réellement 
des capacités de calorique à très-peu près égales ; mais 
on auroit eu tort d'attribuer affirmativement la même 
propriété à tous les gaz sans distinction. 

L'appareil imaginé par M. Gay-Lussac est d’une 
grande simplicité ; il consiste en deux ballons à double 
tubulure et égaux en capacité : à l’une des tubulures il 
avoit adapté un robinet, et à l’autre un thermomètre 
à alcool très-sensible. Ces ballons ayant été bien dé- 
pouillés de toute humidité par le muriate de chaux des- 
séché , il y faisoit le vide, remplissoit l’un des ballons 
avec le gaz qu’il vouloit éprouver ; ensuite il ouvroit la 
communication entre les deux ballons, une partie du 
gaz renfermé dans le premier se précipitoit alors dans 


36 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


le second , jusqu’à ce que l’équilibre fût bien établi ; 
alors M. Gay-Lussac observoit scrupuleusement les 
changemenis de température indiqués par les deux ther- 
momètres. 

Dans la première expérience qui avoit pour objet l’air 
atmosphérique, on vit avec étonnement le thermomètre 
monter sensiblement dans le ballon vide à mesure que 
Vair s’y introduisoit. " 

Ce fait paroissoit entièrement opposé à un autre fait 
très-connu , qui est qu’une masse d’air renfermé dans un 
corps de pompe absorbe continuellement du calorique à 
mesure qu’elle se dilate sous le piston qui s’élève. 

Dira-t-on que le vide n’étoit point assez parfait dans 
le second ballon , et que l’air qui s’y trouvoit encore 
venant à être comprimé par le nouvel air qui survient 
est obligé de restituer une partie du calorique qu’il con- 
tenoit ? M. Gay-Lussac combat cette explication par 
le raisonnement d’abord, et ensuite par l'expérience 
directe. 

Si l’alcool monte dans le second thermomètre , il des- 
cend de la même quantité à très-peu près dans le pre- 
mier. À présent si, après avoir formé le vide dans le 
deuxième ballon , on rétablit la communication , le gaz 
également distribué sera réduit à une densité qui ne sera 
que moitié de la précédente, on verra l’un des ther- 
momètres monter et l’autre descendre de quantités en- 
core égales entre elles, mais moindres en raison de la 
diminution de densité ; et si, par une opération pareille 
on réduit encore la densité à moitié de ce qu’elle étoit 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 37 


dans le second essai , et par conséquent + de la densité 
primitive , on verra la variation égale et contraire des 
deux thermomètres suivre encore la raison de la nouvelle 
densité. Des expériences pareilles faites avec des atten- 
tions particulières , sur le gaz hydrogène , sur le gaz 
oxigène , et sur le gaz acide carbonique:ont donné des 
résultats semblables , c’est-à-dire que les quantités de 
calorique absorbés dans le premier ballon et dégagé dans 
le second ont toujours été égales de part et d’autre, et 
proportionnelles à la densité. 

Pour rendre les expériences exactement comparables, 
il falloit que le temps de l’écoulement fût égal pour 
tous les gaz différens , c’est à quoi M. Gay-Lussac est 
parvenu par un appareil également simple et ingénieux, 
qui diminuoit l’orifice du tube de communication enrai- 
son de la racine carrée des densités ; par ce moyen le temps 
de l’écoulement s’est trouvé de 11" pour tous les gaz. 

Par ce travail digne de l’attention des physiciens, et 
qu’il se propose de vérifier et d'étendre encore par des 
observations ultérieures , M. Gay-Lussac est parvenu 
aux conséquences suivantes, qu’il ne propose qu’avec 
la réserve qui caractérise le vrai savant. 

10, Lorsqu'un espace vide vient à être occupé par un 
gaz , le calorique qui se dégage n’est point dû au peu 
d’air qui pourroit y être resté ; 

20, Si l’on fait communiquer deux espaces égaux l’un 
vide et l’autre plein de gaz, les variations de tempé- 
rature, positive dans l’un et négative dans l’autre, sont 
égales en quantités mais non en intensité ; 


3$ HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


30, Pour le même gaz ces variations sont proportion 
nelles au changement de densité qu’il éprouve ; 

4. Les variations par différens gaz sont d'autant plus 
grandes que les pesanteurs spécifiques sont plus petites; 

5°. Lies capacités d’un même gaz pour le calorique 
diminuent sous le mème volume avec la densité ; 

6°. Les capacités des gaz par le calorique sous des 
volumes égaux sont d'autant plus grandes que leurs 
pesanteurs spécifiques sont plus petites ; cette dernière 
conséquence sera évidente pour ceux qui connoîtront 
les expériences par lesquelles M. Gay - Lussac avoit 
prouvé précédemment que tous les gaz se dilatent 
également par des élévations égales de température. 


T'hermonmiètres. 


M. Cotte, correspondant de l’Institut, a comparé 
dans les jours les plus chauds des trois étés mémorables 
de 1802 , 1803 et 1806, la marche de plusieurs ther- 
momètres soit à mercure , soit à l’esprit-de-vin et diver- 
sement exposés. 

Deux de ces thermomètres , l’un de mercure et l’autre 
d’esprit-de-vin , étoient placés à ombre et au nord. 

Deux autres ont été exposés aux rayons directs du 
soleil. 

Enfin les deux derniers étoient à l’intérieur du cabinet. 

Tous ces thermomètres ont été construits avec le plus 
grand soin, et sous les yeux de différens membres de 
l’Académie des Sciences. 

Avant de chercher l'effet des différentes expositions , 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 39 


l’auteur a déterminé par des moyennes , entre nn grand 
nombre d’observations , la marche relative de ces ther- 
momètres dans une même position. 

Il résulte de ces expériences que les différences entre 
les thermomètres À mercure et à esprit-de-vin sont beau- 
coup plus considérables lorsqu’ils sont directement ex- 
posés au soleil, ce que l’auteur attribue principalement 
à la couleur rouge de l’esprit-de-vin; cette différence est 
plus grande quand la chaleur est la plus forte. 

La plus grande variation horaire a lieu de 6 à 7h, et 
surtout de 7 à 82 du matin ; elle va en diminuant jus- 
qu’à 11, augmente ensuite jusqu’à 2, et diminue un 
peu entre 2 et 5h. 

La différence entre, le mercure et l’esprit-de-vin ex- 
posés au soleil, est à peu près la même depuis 10h du 
matin jusqu’à 4 du soir. 

Le maximum des thermomètres intérieurs n’arrive 
pas les mêmes jours que celui des thermomètres exté- 
rieurs. 

Un nuage qui passe rapidement devant le soleil fait 
baisser subitement , l’esprit-de-vin de 2.ou 3 degrés, 


celui du mercure de 1 ou + degrés. Le nuage passé la 


liqueur remonte aussi promptement. 
La marche du mercure est plus uniforme, 
Le maximum pour les thermomètres extérieurs à 
l'ombre, a lieu de 2 à 3b, 
Pour les thermomètres exposés au soleil , entre 3 et 4h, 
Pour les thermomètres intérieurs , de 6 à 7h du soir. 


Dans les momens où la chaleur est la plus forte , on 


40 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


observe dans la marche du mercure, et surtout dans 
celle de l’esprit-de-vin , une espèce de fluctuation et une 
agitation qui les fait monter et descendre continuelle- 
ment. | 
OUVRAGES IMPRIMÉS. 


Mémoire. sur la relation qui existe entre les distances 
de cinq points quelconques pris dans l’espace suivi 
dun Essai sur la Théorie des transversales ; par 
M. Carnot. 


- Ce mémoire forme une suite intéressante à la Géomé- 
trie de position du même auteur. On y trouvera de même 
une foule de théorèmes utiles ou au moins très-curieux , 
des formules analytiques pour résoudre tous les pro- 
blèmes relatifs à la pyramide quadrangulaire sans sup- 
poser d’autre connoissance que celle des arêtes. Toutes 
ces formules sont symétriques et d’une élégance qui plaira 
beaucoup aux géomètres. Il est vrai que quelques-unes 
seroient propres à effrayer le calculateur le plus hardi, 
et que l’on pourroit souvent par l'usage bien entendu 
de l’une et l’autre trigonométrie arriver à des solutions 
plus courtes de beaucoup, mais à chaque problème il 
faudroit des considérations nouvelles , et qui ne se pré- 
sentent pas d’abord à l'esprit , au lieu qu’ici tout dé- 
coule avec la plus grande clarté d’un petit nombre de 
principes connus. Mais un avantage plus grand ;, et que 
ne partagent pas les solutions trigonométriques ; c’est 
que de la combinaison de ces formules on voit naître 
nombre de propositions nouvelles qui sans ce moyen se- 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. : 41 
roient probablement restées long-temps inconnues. Cet 
ouvrage est donc un répertoire où les géomètres puise- 
ront au besoin des expressions qui faciliteront la solution 
de problèmes très-compliqués. Pour donner une idée 
des calculs exécutés par l’auteur, nous citerons l’énoncé 
de l’un des derniers problèmes qui est comme le résumé 
de tout ce qui précède: Des dix droites qui joignent 
deux à deux cing points quelconques pris dans l ESPACE, 
neuf étant données trouver la dixième. 

1’Essai sur les transversales n’est pas moins curieux. 
Le principe fondamental avoit été de même posé dans la 
Géométrie de position, et ce principe étoit l’un des 
deux sur lesquels Ptolémée avoit appuyé toute sa trigo- 
nométrie sphérique. Par lé mot de transversale on :en- 
tend ici une droite quelconque qui coupe les trois côtés 
d’un triangle rectiligne ou leurs prolongemens. Une 
équation d’une simplicité remarquable exprime le rap- 
port entre les segmens de ces côtés. L’auteur en déduit 
aussitôt trois autres formules de même nature, qui; 
transportées ensuite à la trisonométrie sphérique ; se 
retrouvent encore les mêmes que Ptolémée avoit jugées 
suffisantes pour les besoins de l'astronomie. Il les avoit 
démontrées synthétiquement , les anciens n’avoient pas 
d’autre méthode, et ses démonstrations étendues par 
son commentateur Théon n’étoient pas bien compli- 
quées. M. Carnot après avoir démontré le premier prin- 
cipe exactement comme Ptolémée, trouve pour les autres 
des moyens plus simples dans notre trigonométrie mo- 
derne. 

1806. F 


42 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


Après s’être rencontré avec l’auteur grec , il donne à 
cette théorie de nombreux développemens qui l’étendent 
aux quadrilatères plans et sphériques , à tout polygone 
plan où même gauche, et enfin aux pyramides; appli- 
. cations entièrement neuves , et dont on ne trouve pas le 
moindre vestige dans Ptolémée ni dans son commen- 
tateur. 

M. Lacrorx a donné une cinquième édition de ses 
Élémens de géométrie. 

M. Haüy , la seconde de ses Élémens de physique. Le 
grand et rapide succès de la première nous dispense de 
tout détail sur le plan et l’exécution d’un ouvrage que 
son auteur a revu dans toutes ses parties pour l’enrichir 
de toutes les découvertes qui ont pu naître dans un si 
court intervalle. Ainsi l’on y trouvera la théorie des 
phénomènes capillaires par M. Larrace ,les expériences 
de M. Gay-Lussac sur la dilatation des gaz , et le travail 
que M. Bror vient d’achever sur les rapports de la puis- 
sance réfractive avec la composition chimique de diffé- 
rentes substances. - 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES: 43 


ANALYSE 
Des travaux de la classe des sciences mathématiques 
et physiques de L'Institut national, depuis le premier 
messidor an 13 (20 juin a805) Jusqu'au premier 


Juillet 1806. 


PARTIE PHYSIQUE, 
Par M. Cuvrer, secrétaire perpétuel. 


Lue à la séance publique du 7 juillet 1806. 


Lis productions de la nature ont des rapports trop in- 
times avec les climats qui les font naître, elles en sont 
modifiées trop essentiellement pour qu'aucune des brati- 
ches de l’histoire naturelle puisse faire des progrès solides 
sans une Connoissance exacte de la géographie ; aussi 
cette dernièreest-elle du domaine des naturalistes presque 
autant que de celui des astronomes: On sait tout ce 
qu’elle doit aux naturalistes voyageurs, et'M. Olivier 
vient d’en donner de nouvelles preuves ; dans une topo- 
graphie de la Perse qu’il nous a présentée. 

Il y décrit les chaînes des montagnes , le cours des 
eaux ; et explique la nature des productions par celle du 
climat. La sécheresse presque absolue fait qu’il n’ÿ a pas 
un vingtième dece vaste empire en culture ; des \pro- 
vinces entières n’ont pas un seul arbre qui ne soit planté 


A HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


et arrosé de main d'homme. Le mal augmente sans cesse 
par la destruction des canaux qui amenoient de l’eau des 
montagnes, et les terres abandonnées $’imprègnent de 
sel, qui les rend pour jamais stériles. 

Les méditations du naturaliste sédentaire peuvent aussi 
contribuer à la perfection de la géographie par des vues 
“prôpres à diriger les recherches des voyageurs. 

M. de Lacépède examinant ce que l’on connoît de 
l'Afrique , comparant le volume des fleuves qui arrivent 
à la mer à l’étendue du terrain sur lequel tombent les 
pluies de la zône torride , et à la quantité présumable de 
V’évaporation , jugeant enfin du nombre et de la direction 
des chaînes de l’intérieur par celles que l’on a visitées 
sur les bords de cette grande partie du monde , a proposé 
ses conjectures sur la disposition physique des contrées 
encore inconnues du centre, et particulièrement sur les 
mers et grands lacs , qu’il croit devoir y exister. Il a in- 
diqué les routes qui lui paroïissent propres à conduire 
plus promptement aux pays qui restent à découvrir. 

Il y a une autre sorte de géographie conjecturale, qui 
cherche à déterminer l’ancien état des lieux par ce qu’on 
y observe aujourd’hui. 

M. Olivier a examiné de cette manière ce qu’il peut 
y avoir eu de vrai dans la communication que l’on pré- 
tend avoir eu lieu autrefois entre la mer Noire et la 
Caspienne. Il pense qu’elle se faisoit en effet par le nord 
du Caucase , et que ce sont les alluvions du Couban, du 
Volga et du Don qui lont interrompue. Depuis lors la 
Caspienne ne recevant pas des fleuves qui s’y jettent 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 45 


assez d’eau pour suffire à son évaporation , a toujours 
baissé de niveau, et se trouve aujourd’hui de soixante 
pieds plus basse que l’Euxin. ‘ 

C’est ainsi qu’elle s’est séparée de la mer d’Aral, et 
qu’elle a laissé à découvert les immenses plaines de 
sable salé , qui l’entourent au nord et à l’est. 

M. Dureau de la Malle, fils d’un membre de l’Ins- 
titut , a trouvé dans les écrivains grecs et romains de 
nombreux témoignages de cette ancienne étendue de la 
Caspienne et de ses communications avec l’Euxin et 
avec l’Aral , et les a rassemblés dans un mémoire qu’il a 
présenté à cette classe et à celle d’histoire et littérature 
ancienne. 

Les anciens attribuoient la séparation des deux pre- 
mières de ces mers, et la grande diminution de l’Euxin 
lui-même , à la rupture du Bosphore qu’ils supposoient 
avoir causé le déluge de Deucalion , l’'Euxin s’étant jeté 
avec violence par cette ouverture sur l’Archipel et sur la 
Grèce. Quelques-uns d’eux pensoient même qu’à cette 
époque la Méditerranée, subitement augmentée par la 
même cause, avoit rompu les colonnes d’Hercule et formé 
le détroit qui l’unit à l’Océan. 

Mais M. Olivier pense que si lEuxin eût été jamais 
plus élevé qu'aujourd'hui , il auroit trouvé un écoule- 
ment naturel par la plaine de Nicée , et par d’autres 
vallées qui conduisent à la Propontide et à l’Archipel ; 
que dans aucun cas le canal étroit de Bosphore n’auroit 
pu fournir assez d’eau pour inonder leshautes montagnes 
de la Grèce qui sont plus élevées qu'aucun des bords de 


46 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


l’Euxin , et encore bien moins pour produire un effet 
sensible sur l'immense étendue de la Méditerranée. 

I1 croit donc que les rapports des anciens avoient leurs 
fondemens , non pas dans l’observation ni dans la tradi- 
tion ,; mais seulement dans des conjectures que lPétat 
physique des lieux renverse entièrement. 

I] n’en est pas moins vrai que la partie du Bosphore 
la plus voisine de l’Euxin offre des traces de révolutions 
volcaniques , mais le reste de son étendue est un vallon 
naturel : ilen est de même de l’Hellespont. 

Quelques autres recherches ont encore montré Putilité 
de l’alliance des sciences exactes avec lérudition. 

M. Mongez à l’occasion de deux meules déterrées près 
dAbbeville , a rassemblé tous les passages qui ont rap- 
port aux pierres dont les anciens faisoient leurs meules. 
Il en résulte que c’étoient presque toujours des pierres 
basaltiques poreuses ; celles d’Abbeville étant de pou- 
dingues , lui paroissent donc venir des Gaulois ou des 
Francs. 

M. Desmarets ayant examiné les vêtemens déterrés 
dans un ancien tombeau de l’abbaye de Saint-Cermain- 
des-Prés , a trouvé que presque tous lés procédés em- 
ployés aujourd’hui pour tisser nos différentes étoffes , 
V’étoient déjà dans le dixième siècle ; et il en a pris oc- 
casion d'expliquer d’une manière nouvelle les articles 
de Pline sur les tissus des anciens. 

Une fois la position , la nature et les limites d’un pays 
bien déterminées, c’est à l’histoire naturelle descriptive 
à en faire connoître les productions. 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. Â7 


Les recherches des membres de la classe dans cette 
branche des sciences ont été très-fécondes. 

Sa partie botanique a vu se continuer avec succès, 
des ouvrages importans. 

La Flore de la zouvelle Hollande par M. de /a Billar- 
dière , et la magnifique description du jardin de la Mal- 
maison par M. Ventenat, sont arrivées chacune à leur 
dix-neuvième livraison ; la Flore d'Oware et de Benin par 
M. de Beauvois en est à la cinquième. Il a paru un cin- 
quième volume du Botaniste cultivateur de M. Dumont- 
Courcet , correspondant ; et M. Lamarck a donné con- 
jointement avec M. Decandolle une troisième édition 
fort augmentée de la Flore française. 

M. de /a Billardière nous a fait connoître plus parti- 
culièrement six nouveaux genres de la nouvelle Hol- 
lande. 

Les trois premiers se rangent naturellement parmi les 
myrtes , famille assez nombreuse à la nouvelle Hollande, 
et dont la médecine et les arts peuvent tirer un parti 
avantageux à cause des huiles aromatiques que fourni- 
ront les arbres et les arbustes qui lui appartiennent. 

Le premier genre nommé pileanthus est bien remar- 
quable par une enveloppe d’une seule pièce renfer- 
mant chaque fleur; les pétales de celles-ci sont au 
nombre de cinq, et le calice partagé en dix lanières 
égales ; le fruit inférieur et uniloculaire contient plu- 
sieurs graines. 

Le second a reçu le nom de calothamnus à cause de 
l'élégance des fleurs dont les étamines nombreuses sont 


48 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


portées sur un large filament divisé en deux à chaque 
extrémité ,tandis que deux autres filamens sont stériles ; 
le fruit est en tout semblable au métrosideros. 

Letroisième appelé calytrix , se reconnoît à son calice 
tubuleux au-dessus du germe et divisé en cinq parties 
terminées chacune par une longue soie. La capsule ne 
contient qu’une graine. 

Le quatrième a reçu le nom de cephaletus et appar- 
tient à la famille des rosacées , l'espèce nommée fo//i- 
cularia est peut-être encore plus remarquable que le 
sarracenia et le zepenthes par la forme de quelques- 
unes des feuilles qui représentent assez bien une bourse 
à jetons surmontée d’un opercule et bordée de crochets 
dirigés vers son intérieur. 

Le cinquième nommé actinotus , a toutes les appa- 
rences d’une plante de la famille des corymbiféres , 
quoiqu’elle appartienne réellement à celle des ombel- 
liféres. Les deux stygmates renflés vers le sommet sont 
surmontés du côté interne par une soie, ce qui leur 
donne l’apparence d’antennes d’insectes , comme dans 
le agoecia. Il n’y a qu’une seule graine. 

Le sixième appelé prostanthera , appartient à la nom- 
breuse famille des /abiées. Le calice est formé de deux 
divisions entières dont la plus grande se porte vers 
l’autre et la recouvre dès que la corolle est tombée ; un 
appendice filiforme part de dessous chacune des anthères; 
le fruit est comme dans le genre prasium , mais une 
chose très-remarquable dans cette famille c’est que l’em- 
bryon ou corculum est renfermé dans un albumen 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 4) 


charnu et assez épais , tandis que dans les autres labiées 
observées jusqu’à ce jour il est à nu. 


M. de Beauvois ayant suivi certains champignons 
dans tous leurs développemens , s’est aperçu qu’ils 
changent tellement de forme , que quelques botanistes 
les ont placés dans des genres différens selon l’âge auquel 

‘ils les ont observés ; ainsi la rizomorphe de Persoon , 
n’est que le second âge d’un champignon qui devient un 
vrai bolet au troisième , le dematrium bombicinum du 
même auteur devient au bout de quelque temps sa mesen- 
terica argentea ; puis il s’épaissit, prend des cellules 
qui le font ressembler à une morille , et finit également 
par devenir un vrai bolet ; mais cette plante a besoin 
d’un peu de lumière pour parcourir ainsi tous ses pé- 
riodes, 


Les recherches de l’histoire naturelle des animaux , 
ont été moins nombreuses que celles de botanique , mais 
elles n’ont pas non plus manqué d’intérèt. 

M. de Beauvois a commencé à publier les insectes 
qu’il a recueillis à la côte d'Afrique et en Amérique. Il 
en a déjà paru deux livraisons. 

M. Cuvier a continué les. deux grandes suites de re- 
cherches qu’il a entreprises depuis plusieurs années , sur 
les animaux sans vertèbres , et sur les ossemens fossiles 
de guadrupèdes, | 

Dans la première de ces suites , il a donné cette année 
l’anatomie de sept genres ; la scyllée , le glaucus , V’eo- 
lide , le colimaçon , la limace, le limnée et le planorbe. 


1806, & 


50 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


Les deux premiers étoient fort peu connus ; même à 
l’extérieur , et l’auteur a rectifié les fausses idées que 
les naturalistes s’en étoient faites. 

Dans la seconde suite, il a traité des os fossiles 
d'ours , de rhinocéros et d’éléphans. 

Deux sortes d’ours inconnues aujourd’hui , sont ense- 
velies avec des tigres , des hyènes et d’autres carnassiers 
dans un grand nombre de cavernes des montagnes de la 
Hongrie et de l’Allemagne. Des os de rhinocéros et 
d’éléphant se trouvent en abondance dans les terrains 
meubles de toutes les parties du globe où l’on a fouillé. 
L'auteur a recueilli des notices de plus de six cents 
endroits des deux continens où l’on a déterré des os d’é- 
léphans ; encore tout récemment on en a trouvé des ma- 
chelières et des défenses dans la forêt de Bondy en 
creusant le canal qui doit amener à Paris les eaux de 
la rivière d’Ourque. Plus on avance vers le nord et 
mieux ces ossemens sont conservés. Une île de la mer 
Glaciale en est presque entiérement formée. 

Ces faits étoient en grande partie connus , mais ce 
qui résulte de la comparaison détaillée faite par M. 
Cuvier , des ossemens de ces rhinocéros et de ces élé- 
phans fossiles avec ceux des animaux du même genre 
aujourd’hui vivans en Afrique et aux Indes , c’est que 
les premiers étoient différens par l’espèce. Les rhinocé- 
ros fossiles étoient plus bas sur jambes , avoient la tête 
plus grosse , plus longue , et le museau tout-autrement 
fait que nos rhinocéros d’aujourd’hui ; les éléphans 
avoient les machelières , la tête et surtout les alvéoles 


* MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 5 


im 


des défenses d’une toute autre structure ; la trompe avoit 
d’autres proportions. 

L’auteur croit donc que ces deux espèces sont éteintes 
comme tant d’autres dont il a découvert les ossemens et 
les caractères distinctifs , et dont dix ou douze inconnues 
jusqu'ici de l’aveu de tous les naturalistes , ont leurs os 
incrustés dans les pierres à plâtre des environs de Paris. 
Il pense encore que ces espèces ont vécu dans les lieux 
où on trouve leurs os, et:que ceux-ci n’y ont pas été 
amenés comme on le croit assez généralement par une 
inondation , car leurs os ne sont point usés parle frotte- 
ment. 

Maïs on n’auroit des corps naturels qu’une connois- 
sance bien superficielle, on ne pourroit surtout se rendre 
de leurs phénomènes qu’un compte bien incertain , si 
Von'se bornoit à la description de leur extérieur et si l’on 
ne cherchoit à les pénétrer plus intimement par le moyen 
de l’anatomie et de la chimie. 

Cette dernière science surtout qui n’est qu’une dissec- 
tion plus profonde ; est à bon droit regardée comme la: 
science fondamentale des êtres naturels, et d’après l’in- 
térêt qu’elle inspire il n’est point étonnant que ce soit 
presque toujours elle qui ait un plus grand nombre de 
découvertes à produire dans nos revues annuelles. 

M. Fourcroy a donné une édition nouvelle de sa phi- 
losophie chimique , le livre élémentaire de cette science 
le plus court, le plus méthodique et le plus employé. 

Les deux agens principaux de la chimie , l’affinité 
qui rapproche les molécules des corps et le feu qui 


52 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCÉS 


les écarte ; ont été cette année l’objet de recherches 
neuves et importantes. 

On sait que la glace est plus légère que l’eau ;, puis- 
qu’elle y surnage : d’un autre côté l’eau chaude en gé- 
néral est aussi plus légère que l’eau froide , mais ce 
liquide se condense-t-il toujours à mesure qu’il se ré- 
froidit, pour se dilater subitement à l'instant où il se 
congèle ? 

On pouvoit en douter ; et en effet la chose n’est point 
ainsi : c’est à quelques degrés au-dessus du point de con- 
gélation que l’eau est à son maximum de densité. M. Ze 
Febvre Gineau Vavoit prouvé directement il y a quel- 
ques années , par le moyen du thermomètre et de la ba- 
lance hydrostatique , et M. le comte de Rwmfort vient 
d'imaginer une expérience qui rend le fait très-sensible. 

Un thermomètre a sa boule directement sous un tube 
suspendu par une coupe de liége et le tout est plongé 
dans de l’eau prête à se glacer. On touche la surface de 
cette eau vis-à-vis l’ouverture du tube avec un corps 
échauffé à trois ou quatre degrés seulement ; les molé- 
cules d’eau échauffées par ce contact , descendent dans 
le tube et agissent sur le thermomètre. Ainsi cette eau un 
peu plus chaude est aussi un peu plus pesante. 

Cette expérience repose sur la théorie que M. de 
Rumford s’est faite , touchant la manière dont la cha- 
leur se propage dans les liquides. Il pense que ceux-ci 
ne la conduisent pas comme font les corps solides , les 
métaux par exemple , et que le contact d’un corps chaud 
n’échauffe la masse d’un liquide qu’autant que les molé- 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. - 53 


cüles touchées et échatiffées d’abord s'élèvent en vertu 
de la légèreté qu’elles’ acquièrent et laissent des molé- 
cules encore froides venir occuper leur place et s’é- 
chauffer à leur tour. 
Il nous à donné récemment sur cette doctrine une 
expérience plus délicate et plus précise encore que toutes 
lés précédentes. Une portion d’eau échauffée à 80 degrés 
n’étoit séparée d’un thermomètre placé au-dessous d’elle 
que-par une lame d’eau froide de quelques lignes d’é- 
paisseur ; pas une dés molécules échauffées n’a pu 
descendre , ‘et le thermomètre n’est pas monté d’un 
degré. d 

Le même physicien vient de faire des expériences sur 
une question de physique qui tient de près à l’affinité, 
je veux dire l’adhérence qu’ont entre elles les molécules 
des liquides. Voiei comment il la rend pour ainsi dire 
palpable. 11 place de l'huile sur dè l’eau , et laisse 
tomber dans l’huile quelques grains très-menus d’étain 
ou quelques gouttes fort petites de mercure ; ces icorpus- 
cules arrivent bien jusqu’à l’eau , mais ils s’arrêtent à sa 
surface quoique beaucoup plus pesans qu’elle. T’adhé- 
rence de l’eau y forme l’équivalent d’une espèce de pelli- 
cule qui les soutiendroit ; mais si on les accumule, leur 
masse acquiert un poids qui surmonte cette adhérence, 
et déchire cette espèce de pellicule et ils se précipitent. 
IL’apparence d’une pellicule semblable se forme aussi à 
la surface inférieure, car si on met de l’eau sur du mer- 
cure , et qu’on laisse tomber des globules de celui-ci dans 
l’eau , ils s’arrètent aussi au fond de Peau , sans se 


54 WISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


mêler au reste du mercure , jusqu’à ce qu’ils aient été 
assez grossis. M. de Rumfort ajoute à ces expériences 
la remarque piquante que sans cette adhérence, le 
moindre vent enlèveroit l’eau de la mer et des rivières , 
bien plus facilement qu’il n’enlève la poussière ; qu’il y 
auroit à chaque instant des inondations terribles , que les 
bords des eaux seroient inhabitables et la navigation 
impossible. ÿ 

Quant aux affinités chimiques proprement dites, c’est 
M. Berthollet qui semble en avoir fait son domaine par- 
ticulier , et qui leur a imposé des lois toutes nouvelles , 
dont nous avons déjà rendu compte plusieurs fois. Ses 
premiers mémoires à ce sujet ont été annoncés dans nos 
rapports de lan VIIL et de l’an IX , et son grand ou- 
vrage de la Statique chimique où il a consigné toute sa 
théorie , dans celui de lan XI. 

On sait que son idée principale consiste à ne point 
considérer l’affinité , ainsi qu’on le faisoit autrefois 
comme une force absolue , ni les combinaisons, comme 
toujours uniformes dans les proportions de leurs élémens. 

Il montre au contraire , que beaucoup de circons- 
tances , étrangères à la nature chimique des substances 
mises en contact , comme leur plus ou moins de cohé- 
sion, la pression , la température et par dessus toute 
chose leur quantité relative , influent sur leurs combi- 
naisons et quant à l’espèce et quant à la proportion des 
élémens qui y entrent. 

Il n’y a même presque jamais de séparation entière , 
mais quand on met trois substances en contact par 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 55 


exemple , il se fait un partage de l’une des trois avec les 
deux autres selon la force des affinités de celles-ci; et 
quand on en met quatre , s’il se fait un précipité , il 
tient à l’indissolubilité de la combinaison et non pas à un 
calcul rigoureusement appréciable dans les sommes des 
affinités prises deux à deux. 

On imagine aisément que des vues aussi nouvelles et 
applicables à des phénomènes aussi compliqués , seront 
long-temps susceptibles de développemens ultérieurs. 

Aussi M. Berthollet s’en occupe-t-il avec une per- 
sévérance digne de leur importance, et il nous a 
communiqué cette année une troisième suite de ses 
recherches. 

Il a montré qu’on peut au moyen de la pression, com- 

biner avec les trois alcalis, des quantités d’acide carbo: 
nique beaucoup plus grandes qu’à l'ordinaire , et en 
former des sels parfaitement neutres, comme avec tous 
les autres acides. 
- C’est à ces combinaisons complètes qu’il réserve le 
nom de carbonates ; il donne aux combinaisons ordi- 
paires celui de sous-carbonates ; et fait voir qu’il y à 
entre les unes et les autres plusieurs combinaisons inter- 
médiaires. 

Il en est de même pour les carbonates terreux et pour 
plusieurs sortes ‘de ‘sels. Lie phosphate de soude par 
exemple , peut cristalliser et avec excès d’acide et avec 
excès de base. 

A la vérité les partisans de l’ancienne doctrine sup- 
posent que dans ces cas de proportions variables, il n’y 


56 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


a point de combinaison , maïs que le principe surabon- 
dant est simplement interposé dans l’état libre, entre 
les molécules des deux principes combinées dans la 
proportion ordinaire. 

M. Berthollet répond que si la chose étoit ainsi , l’a- 
cide sulfurique versé sur un sous-carbonate devroit s’em- 
parer d’abord des molécules alcalines libres , avant d’at- 
taquer celles qui sont combinées avec l’acide carbonique. 
Or cela n’est point , car la moindre goutte du premier 
acide produit sur:le-champ le dégagement du second , 
c’est-à-dire l’effervescence. Le sulfate acidule de soude 
effleurit à l'air, c’est-à-dire qu’il y perd son eau de 
crystallisation , ce qu’il ne feroit pas si l’acide sulfu- 
rique surabondant y étoit à l’état libre : , car il n’y à 
point de substance qui attire plus fortement l’humidité, 
que ne fait cet acide. 

M. Berthollet avoit donné un moyen d'Ene le 
degré d’acidité des différens acides et celui d’alcalinité 
des différentes bases par la quantité qu’il faut de cha- 
cune de ces sortes de substances pour saturer ou neu- 
traliser l’autre complètement, de manière à ce que la 
combinaison ne laisse apercevoir aucun indice d’acidité 
ni d’alcalinité. 

Il confirme cette méthode en faisant voir que les pro- 
portions de, ces quantités. sont constantes , et que s’il 
faut par exemple à une base deux fois plus d’une espèce 
d'acide pour la saturer , que pour saturer une autre base, 
il faudra aussi à la première deux fois plus de toute autre 
espèce d'acide qu’à la seconde. 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 57 


Mais le degré de réSistance à la chaleur ne correspond 
point à cette force , et il est plus aisé par exemple de 
décomposer par le feu, le carbonate de magnésie que 
celui de chaux , quoique l’affinité de ces deux terres 
pour acide soit à peu près la même : c’est que le pre- 
mier carbonate a beaucoup plus d’eau, et que d’autres 
expériences montrent que l’eau favorise le dégagement 
de l’acide carbonique. 

Les conséquences de ces faits pour toutes les branches 
de la chimie et en particulier pour la théorie des ana- 
lyses , sont incalculables. 

Les tables des affinités et une grande partie des ana- 
lyses faites jusqu’à ce jour en sont infirmées, et l’expé- 
rience prouve en effet que ces dernières ont presque 
toutes besoïn d’être revues. Par exemple M. X/aprofh, 
associé étranger, et M. Vauquelin après lui , viennent 
de trouver un cinquième d’acide fluorique, dans la 
topase où on ne l’avoit jamais soupçonné. Cette pierre 
passe donc dans la classe des substances acidifères. 

Un autre minéral, regardé jusqu’ici comme une pierre 
passe dans la classe des métaux ; c’est celui qu’on appe- 
loit autrefois oisanite ou schorl octaëdre du Dauphiné, 
et que M. Hay avoit récemment nommé azathase. 
M. Vauquelin n’y a trouvé que de l’oxide de titane 
comme dans cet autre minéral qe on avoit nommé 
schorl rouge. 

Ce fait est important, parce qu’iloffre deux minéraux 
entre lesquels les chimistes ne peuvent trouver éncore 


aucune différence essentielle de composition , dMoique 
1806. H 


$8 HISTOIRE DE. LA CLASSE DES SCIENCES 


leurs qualités physiques, et particülièrement leur cristal- 
lisation, soient toutes différentes. 

La minéralogie avoit déjà un cas pareil ; celui de Par- 
ragonite où la chimie ne trouve qu’un carbonate de 
chaux , quoique sa pesanteur, sa dureté , sa cassure et 
sa cristallisation diffèrent beaucoup de celles du spath 
calcaire ou chaux carbonatée ordinaire. 

Un exemple différent, mais qui établit de même une 
sorte d'opposition entre les caractères physiques , et les 
caractères chimiques des minéraux , s’est encore offert 
cette année. 

C’est la mine de fer connue sous le nom de fer spa- 


thique. Elle a constamment la même forme cristalline. 


que la chaux carbonatée , et comme elle en contient 
souvent une très-grande quantité , M. Haüy l’'avoit 
rangée parmi les variétés de cette espèce , n’y considé- 
rant l’oxide de fer, que comme entrainé accidentelle- 
ment lors de la cristallisation de la chaux ; à peu près 
comme l’est le sable dans les singuliérs.o: cristaux de grès 
de la forèt de Fontainebleau. 

On savoit en effet depuis long-temps que la quan- 
tité de fer y est très-variable, 

Mais deux jeunes chimistes , MM. Drapier et Des- 
costils viennent de découvrir que la chaux y varie en- 
core davantage ; que souvent il n’y en a presque point 
et que la magnésie et l’oxide de manganèse s’y trouvent 
en quantités. tout aussi variables selon les échantillons. 

Voilà donc des combinaisons très-différentes qui se 
présentent sous une forme toujours la même. 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 59 


Ces sortes de difficultés ,, ces oppositions apparentes 
entre deux branches d’une même science ow entre deux 
manières d’envisager les objets , ne peuvent tenir qu’à 
quelqu’imperfection dans les principes de l’une ou de 
l’autre des deux méthodes , et méritent toute l’attention 
des amis de la vérité. Elles finissent ordinairement par 
la découverte de quelque nouveau fait général qui con- 
cilie tout. 

Les travaux sur le platine brut, dont nous avons parlé 
dans nos deux derniers rapports , ont été continués cette 
année par différens chimistes et ont conduit enfin à des 
résultats clairs et satisfaisans. 

M. Fourcroy en a rendu compte dans un mémoire 
où il s’est empressé de rendre justice à ceux qui y ont 
eu part avec lui. 

En voici l’histoire en abrégé. 

On se rappelle que M. Descostils cherchant à se 
rendre raison des différentes couleurs des sels triples de 
platine , s’aperçut que la couleur rouge de quelques-uns 
étoit due à quelque métal inconnu. 

MM. Fourcroy et Vauquelin examinant de leur 
côté une poudre noire, qui reste après qu’on a dissout 
le platine , et trouvant que dans quelques expériences 
il s’élevoit une vapeur métaMique très-odorante , que 
dans d’autres la substance se manifestoit d’une manière 
plus fixe , regardèrent aussi cette poudre comme une 
nouvelle substance métallique , dont ils attribuèrent 


les différentes propriétés aux différens degrés d’oxi- 
génation, 


60 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


Maïs pendant ce temps ,; M. Ternant examinoit à 
Londres cette même, poudre noire , et étoit parvenu à 
la décomposer encore en deux métaux différens ; l’un 
fixe , et l’autre très-volatile : et M. #o/laston , autre 
chimiste anglais, s’attachant à la dissolution, qu’on 
supposoit jusque-là ne contenir que du platine, y avoit 
encore trouvé deux autres métaux , différens et du pla- 
tine et de ceux qui forment la poudre noire. 

Ainsi après les longues et pénibles recherches dont ce 

singulier minéral a été l’objet pendant plus de quarante 
années , la chimie est parvenue à y démêler onze sub- 
stances métalliques, savoir, platine , l'or, l'argent , 
Le fèr, Le cuivre; le chrome et le titane trouvés par 
MM. Fourcroy et Wauquelin dans les sables plus ou 
moins colorés qui y sont toujours mêlés ; les deux mé- 
taux nouveaux séparés de la dissolution nitro-muria- 
tique de platine par M. Æ#ollaston et qui sont : 
: Le palladium métal blanc, ductile , plus pesant que 
Pargent , très-fusible par son union avec le-soufre , so- 
luble dans l’acide nitrique , colorant ses dissolutions en 
rouge , précipitable à l’état métallique par le sulfate de 
fer, en vert sale par le prussiate de potasse , formant 
avec la soude un sel triple dissoluble dans lalcool ; le 
même qu’on avoit un instant regardé comme un alliage 
de platine et de mercure ; 

Et le rlodium , métal gris , aisément réductible , fixe 
et infusible , colorant en rose ses dissolutions acides , 
que le muriate d’étain rend très-intenses, précipitant 
par les alcalis en jaune, et point du tout par le prussiate 


e 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 61 
de potasse ; dont le sel triple avec la soude est indisso- 
luble dans l’alcool , etc. 

Enfin les deux métaux distingués par M. Terrzantdans 
la poudre noire qui reste après la dissolution et qui sont: 

L’iridium métal blanc , très-dur, difficile à fondre , 
presque insoluble dans l’acide nitro-muriatique , et point 
du tout dans les autres, oxidable et soluble par les al- 
calis fixes , et une fois oxidé soluble dans. les acides, 
donnant des couleurs variées et vives à ses différentes 
solutions. Ce sont ses sels rouges qui colorent ceux du 
platine; . 

L’osmium métal jusqu’à présent irréductible , dont 
l’oxide en forme de poudre noire est très-volatil , très- 
odorant ,-très-fusible, se dissout.dans l’eau , s’élève 
avec elle en vapeur et lui donne une odeur et une sa- 
veur fortes. Sa dissolution se colore en beau bleu par 
la plus petite quantité d’infusion de noix de galle. 

On ne sait ce qui doit le plus étonner de la singula- 
rité d’une composition semblable ou de la sagacité qu’il . 
a fallu pour en démêler ainsi les nombreux élémens. 

-Cet autre métal nouveau découvert il y a quelques 
années par M. Vauquelin , le chrome , vient d’être re- 
connu dans les pierres météoriques par M. Laugrier. 

I1 l’a été depuis par M. Thenard dans celles qui 
viennent de tomber auprès d’A/et ; département du 
Gard , et que l’Académie de Nîmes a fait recueillir et 
adresser à PInstitut.  * 1 

Ces pierres dont la chute n’est pas constatée par des 
témoignages moins authentiques , que celle des précé- 


. 
62 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


dentes ; en diffèrent cependant par la couleur et la con- 
sistance : elles sont plus noires et plus friables , mais 
leur analyse a donné à M. Terard à peu près les mêmes 
principes ; seulement les métaux y sont plus oxidés , et 
il y a un peu plus de charbon. Ce résultat a été confirmé 
par une commission de la classe. 

Nous avions annoncé l’année dernière l’opinion de 
M. Pacchiani sur la composition de Pacide muriatique 
qu’il croyoit produire en enlevant à l’eau une partie de 
son oxigène, au moyen de la pile galvanique. 


Cette découverte auroit été lune des plus importantes . 


que la chimie ait encore à désirer , mais elle ne s’est pas 
vérifiée, quand on a eu soin d’éloigner de l'appareil tout 
ce qui pouvoit fournir du sel marin ; c’est ce que MM. 
Biot et T'henard annoncent avoir constaté par des expé- 
riences rigoureuses. 

Dans un travail sur la réfraction , entrepris d’abord 
pour l'utilité de l’astronomie , M. Biot a été conduit à 
faire de cette action des corps sur la lumière un emploi 
bien heureux pour Panalyse des substances transpa- 
rentes. 

On savoit depuis long-temps que les rayons de la 
lumière se brisent quand ils passent d’un milieu dans 
un autre de densité différente , et que les réfractions 
des différens milieux correspondent à leurs densités , à 
moins qu’ils n’aient quelque élément combustible. Ceux- 
ciaugmentent la réfraction beaucoup au delà de ce que 
la seule densité auroit pu faire. 


C’est d’après cette ancienne observation que Newton 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 63 


avoit jugé que le diamant devoit être combustible et qu’il 
étoit même arrivé à ce point presqu’incroyable de deviner 
que l’eau devoit être en partie composée d’une substance 
combustible. 

Si l’on mélange deux substances de réfractions et de 
proportions connues , et que l’on ait égard à la densité 
du mélange , on doit pouvoir calculer la réfraction to- 
tale , et réciproquement , quand on a la réfraction d’un 
mélange dont les élémens sont connus , on doit pouvoir 
calculer la proportion de ceux-ci. 

Mon collègue, M. DeZambre , clins dans son 
rapport, les principes de ce calcul. 

M. Biot l'ayant appliqué à des mélanges de propor- 
tions connues et l’ayant toujours trouvé juste , l’a em- 
ployé ensuite pour déterminer les proportions incon- 
nues d’autres mélanges. 

Il suffit pour cela de remplir un prisme de verre sous 
une pression connue avec la substance que l’on veut 
essayer ou d’en former une avec elle , si elle est solide, 
et d’observer au travers un objet éloigné ; l’angle de ré- 
fraction se mesure avec le cercle répétiteur en tenant 
compte de la pression , de la chaleur et de l'humidité de 
Vair extérieur , et ce moyen étant susceptible d’une 
précision égale à celle des procédés astronomiques , sur- 
passe nécessairement en rigueur tous nos procédés chi- 
miques ; mais on sent aussi qu’il n’est applicable qu’aux 
substances transparentes et dont on connoît les prin- 
cipes quant à leur espèce. Il est particulièrement utile 
pour perfectionner l’analyse si importante des substances 


C4 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


gazeuses , et M. Biot en a déjà obtenu à cet égard des 
résultats intéressans. 

C’est l’oxigène qui réfracte le moins à densité égale , 
et l’hydrogène qui réfracte le plus. Les réfractions d’un 
même gaz sont rigoureusement proportionnelles à ses 
densités , quand la température est constante. C’est sur- 
tout à l'hydrogène que les substances fortement réfrac- 
tives paroissent devoir leur force, car elles en con- 
tiennent toutes. L’air athmosphérique donne exacte- 
ment à l’expérience la réfraction que doit produire d’a- 
près le calcul un mélange de 0,21 d’oxigène 0,787 
d’azote et 0,003 d’acide carbonique. Même quand il ne 
s’agit plus d’un simple mélange , maïs d’une combi- 
naison plus intime, pourvu qu’elle n’ait pas produit 
une condensation très-considérable , la règle conserve 
son application. Aïnsi le gaz d’ammoniaque , produit 
l'effet indiqué par les quantités d’azote et d’hydrogène 
qui entrent dans sa composition ; mais si la condensa- 
tion est trop forte, il y a quelque altération quoique 
très-petite ; tel est le cas de l’eau. 

L'examen du gaz acide muriatique fait d’après ces 
principes , montre que son radical ne peut être l’azote , 
et que ce gaz ne peut pas être non plus un oxide d’hy- 
drogène , contenant moins d’oxigène que l’eau. 

La réfraction du diamant étant beaucoup plus forte 
que celle qu’indiquent pour le carbone les réfractions de 
acide carbonique , de l’alcool , de Péther , et des autres 
substances dont le carbone fait partie , M. Biot en con- 
clut que le diamant ne peut être du carbone pur , et qu’il 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 65 


y faut admettre au moins un quart d'hydrogène pour sa- 
tisfaire aux résultats de l’expérience. 

_ Les matières produites par les êtres organisés , sont 
encore bien loin d'être soumises à des procédés si rigou- 
reux. Quoique l’on sache en gros de quels élémens elles 
se composent et que ces élémens primitifs ne soient pas 
très-nombreux , leurs combinaisons sont si variées, chan- 
gent et se dénaturent si aisément dans les opérations 
qu’on leur fait subir , qu’il faudra étudier encore bien 
long-temps ces combinaisons elles-mêmes comme si elles 
étoient simples, et abstraction faite de leurs véritables 
principes élémentaires. Ces matières considérées ainsi , 
sont ce que l’on appelle les principes immédiats des 
corps organisés. Cette année en a encore fait connoître 
plusieurs à nos chimistes. 

MM. J'auquelin et Robiquet ont trouvé dans le suc 
d’asperges une matière cristalline et soluble dans l’eau, 
qui n’est cependant ni un acide , ni un sel neutre et que 
m’affectent point les réactifs ordinaires, Ils se proposent 
d’en suivre avec soin la nature. à 
- M. Thenard, professeur au collége de France, a mis 
complètement à découvert dans la bile , une matière 
sucrée dont on n’avoit jusqu’à présent que soupçonné 
l'existence , et dont la propriété est de tenir l’huile de 
la bile en dissolution. Les moyens d’analyse qu’il a 
employés ont été remarqués par les commissaires chargés 
de l’examen de son travail comme singulièrement ingé; 

_nieux , et il étoit en effet très-diflicile de débarrasser 


entièrement cette substance de celles qui la masquoient, 
1806, J 


66 z11ISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


M. Sésuin correspondant , a fait des recherches sur la 
nature du café , d’où il résulte que cette graine se com- 
pose d’albumine , d’huile , d’un principe particulier que 
l’auteur nomme principe amer et d’une matière verte , 
qui n’est elle-même qu’une combinaison de Palbumine 
et du principe amer ; que les proportions varient dans 
les divers cafés ; que la torréfaction augmente la propor- 
tion du principe amer en détruisant Patbumine ; que ces 
deux derniers principes contiennent beaucoup d’azote ; 
que le principe amer est antiseptique. L’huile du café est 
inodore ; congélable et blanche comme du sain-doux. 

M. Séguin a cherché ensuite si Palbumine ne se re- 
trouveroit point dans d’autres végétaux , et il Pa décou- 
verte en effet dans un grand nombre qwil spécifie. La 
plupart contenoient aussi en certaine proportion un prin- 
cipe amer plus ou moins semblable à celui du café. 

Cette quantité remarquable d’albumine s’étant ren- 
contrée surtout dans les sucs végétaux , propres à fer- 
menter par eux-mêmes sans levure ; et à donner une 
liqueur vineuse , tels que sont le suc de raisin ; celui de 
groseilles , etc. M. Séguin a été conduit à rechercher si 
Palbumine ne contribueroit point efficacement à ce mou- 
vement intestin encore si peu connu. Il nous assure 
qu'ayant enlevé l’albumine à ces sucs , ils sont devenus 
incapables de fermenter , et qu'ayant réuni artificielle- 
ment de l’albumine , celle du blanc d’œuf par exemple 
à de la matière sucrée , la fermentation a eu lieu quand 
d’ailleurs les circonstances étoient convenables , et il 
s’est toujours déposé une matière semblable à la levure , 


PS 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES, 67 - 


qui ne lui a paru qu’une albumine altérée et devenue 
presque insoluble , sans perdre pour cela son action fer- 
mentescible ; d’où il conclut que l’albumine soit ani- 
male , soit végétale , est le véritable ferment, 

». M. Séguin a reconnu de plus, que l’albumine se trouve 
dans trois degrés différens d’insolubilité et de disposition 
à devenir fibreuse ; que plus elle est soluble, plus son 
action est énergique ; que la proportion respective de 
l’albumine et du sucre dans les différens sucs ; est ce 
qui détermine la nature vineuse ou acétique du produit 
de la fermentation ; celui-ci étant d’autant plus spiri- 
tueux qu’il y avoit plus de sucre ; enfin que la plupart 
des sucs fermentescibles contiennent un principe amer 
analogue à celui du café , qui n’entre pour rien dans la 
fermentation , mais qui contribue à la saveur et à la 
conservation de la liqueur fermentée. 

Le tannin , ce principe végétal anciennement décou- 
vert par M. Seguin, et dont le caractère est de former 
avec la gélatine un composé insoluble , a été examiné 
de nouveau par M. Boilleæ Lagrange , professeur au 
re Napoléon. 

I lui a trouvé de l’affinité pour les alcalis ; pour les 
terres et pour les oxides métalliques , et la faculté de se 
convertir en acide gallique en absorbant de l’oxigène. 

Les tannins extraits des divers végétaux varient un 
peu en composition , et celui que M. Hatchett, chimiste 
anglais , a découvert en si grande abondance dans le 
cachou , est un peu plus oxigéné que les autres.? 

Le même M. Æatchett pense que l’on peut farmer de 


68 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


toutes pièces un tannin artificiel en traitant le charbon 
par l'acide nitrique. 

Un chimiste italien, M. Morichini, ayant trouvé de 
Vacide fluorique dans l’émail des machelières fossiles 
d’éléphant , analysa l’émail des dents humaines et crut 
y reconnoître le même principe. M. Gay-Lussac en 
trouva aussi dans l’ivoire tant frais que fossile et dans 
les défenses de sanglier. 

MM. Fourcroy et Vauquelin ont répété ces expé- 
riences et ils ont en effet obtenu cet acide des défenses 
et des dents altérées par leur séjour dans la terre : maïs 
non des mêmes parties dans l’état frais, ni même de 
celles qui , quoique fossiles , n’avoient point été altérées. 

M. J’auqguelin a fait cette année des recherches parti- 
culières sur les cheveux ; en les dissolvant dans l’eau 
par le moyen de la machine de papin , eten examinant 
la dissolution et son résidu , il en a retiré neuf sub- 
stances différentes : une matière animale semblable au 
mucilage ; deux sortes d'huile ; du fer dans un état in- 
certain ; quelques atomes d’oxide de manganèse, du 
phosphate de chaux , et très-peu de carbonate ; assez de 
silice , et beaucoup de soufre. 

Les cheveux noirs ont une huile de cette couleur ; 
les roux en ont une rougeâtre , et les blancs une inco- 
lore. Les deux derniers ont toujours un excès de soufre ; 
et les blancs en particulier du phosphate de magnésie. 

Outre ces recherches de théorie , on a fait de la science 
chimique , plusieurs applications immédiates. 

La manière d’imiter l’alun de Rome découverte 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 69 


l’année dernière , s’est trouvée si heureuse, que l’on 
a vendu près de cent milliers d’alun fabriqué ainsi, 
comme s’il eût été vraiment de Rome. 

C’est ce que nous ont annoncé MM. Clément et 
Desormes. L 

On sait que cette méthode ne consistoit qu’à le calci- 
neret à le recristalliser , pour en enlever l’acide sur- 
abondant. 

Cependant M. Curaudeau assure qw’il est encore né- 
cessaire d’oxygéner au maximum le peu de fer que Palun 
contient ordinairement. 

Mais un dernier mémoire de MM. Thénard et Roard 
vient d’achever d’éclaircir ce sujet ; un millième de fer 
influe sur les effets de l’alun en teinture ; c’est à le priver 
de cette quantité si petite que doivent tendre les efforts 
des manufacturiers. 

L’oxigénation du fer en est un moyen , parce qu’elle 
rend ce métal indissoluble dans l’acide. 

Les aluns bien purifiés égalent donc parfaitement 
Valun de Rome. 

Une application plus utile encore est celle du gaz 
acide muriatique oxigéné , contre les miasmes conta- 
gieux. Ce préservatif dû à M. Gzyton est aujourd’hui 
généralement employé. M. Desgenettes a fait constater 
ses effets avec le plus grand soin à l’hôpital militaire du 

. val de Grace, et il résulte des tableaux comparatifs qu’il 
mous a adressés , que non seulement ces fumigations 
empêchent la communication des maladies , mais qu’elles 
‘paroissent concourir efficacement à la guérison. 


79 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


M. Pinel a obtenu des succès semblables dans Les 
salles les plus insalubres de l'hôpital de la Salpêtrière. 

Le public a appris récemment par les journaux à quel 
point cet heureux préservatif a réussi en Espagne contre 
la fièvre jaune , et les graces accordées par le roi à ceux 
qui l’y ont essayé. On connoît aussi l'honorable récom- 
pense donnée par notre Empereur au principal auteur de 
la découverte. 

C’est également par les journaux , et de l’autre extré- 
mité de notre continent , que l’on vient d’être instruit 
du plein succès du procédé proposé par M. Berthollet 
pour conserver l’eau douce en mer, en charbonnant 
intérieur des tonneaux; le capitaine russe Krusenstern 
s’est empressé de reconnoître ce service dù à un savant 
d’une nation en guerre avec la sienne. 

La seconde de ces sciences intérieures , qui cherchent à 
nous dévoiler la nature intime des êtres naturels, l’anato- 
mie n’a pas manqué non plus d’accroissemens importans, 

Un point particulier de l’anatomie des plantes , la voie 
par laquelle les semences sont fécondées , a été l’objet 
des recherches de M, Turpin. 

Ge botaniste pense que l’ombilic, ou la partie par la: 
quelle les graines adhèrent au fruit , outre les vaisseaux 
qui viennent du tronc ; et qui nourrissent la graine, 
donne encore passage à d’autres canaux qui descen- 
dent du pistil, aboutissent vis-à-vis la petite racine de 
l’embrion , et lui portent le principe fécondant reçu par 
le stygmate de la poussière des étamines. On voit sur 
toutes les graines le vestige d’une petite ouverture que 


ct dati 


- MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 7i 
M. Turpin nomme micropyle ; et à laquelle il attribue 
cette fonction. 
“es recherches de M. Cuvier sur les machelières 
fossiles des éléphants, Payant conduit à examiner les 
machelières fraîches , et Poccasion qu’il a eue de dissé- 
quer en peu d’années deux éléphans presque adultes ; lui 
ayant permis d'observer en détail la manière dont crois+ 
sent les dents de ces animaux , il a tiré de cés exemplés 
vus en grand des conclusions sur la dentition en général. 
On peut considérer l’anatomie des très-grands animaux 
comme une sorte de microscope naturel, qui mous aide 
à mieux voir celle des petits. 

- C’est à confirmer la doctrine de John Hunter que 
M. Cuvier a été conduit , du moins pour ce qui regarde 
la substance dite osseuse. Elle m’a point de vaisseaux et 
n’est point formée par intus-susception commé Les véri- 
tables os , mais par une transsudatiom successive des 
couches produites par ke noyau pulpeux de li dent et qui 
se collent les unes sous les autres. L’émail est déposé 
dessus par la membrane qui enveloppe la jeune dent ; et 
s’y fixe par une espèce de cristallisation ; enfin une troi- 
sième substance propre à certains herbivores est déposée 
après l’émail ; mais par la même membrane , qui change 
de nature à une certaine époque. 

Ces deux derniers points avoient aussi été vus sur 
des dents plus petites, par R. Blake, anatomiste ir- 
Handaïs. 

Cette troisième substance a été origirrairement décou- 
verte par M. Tenon ; qui la nommée cortical osseux , 


72 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


mais qui la regarde comme formée par l’ossification de 
la membrane capsulaire. 

Ce respectable anatomiste a continué de nous commu- 
niquer son grand et beau travail sur les dents , et nous 
a entretenus cette année des dents du cachalot et de 
celles du crocodile. 

+ Les premières n’ont point d’émail ; mais seulement 
da cortical osseux. On distingue aisément l’un de l’au- 
tre, parce que l’émail est beaucoup plus dur , et se 
dissout tout entier dans les acides sans laisser de paren- 
chyme gélatineux. Les défenses d’éléphant et les mache- 
lières de m10rse et du dugong, n’ont pas non plus d’autre 
enveloppe. 

Comme M. Cuvier en parlant des dents de l'éléphant 
avoit rapporté plusieurs observations nouvellement faites 
soit par lui , soit par MM. Æverard Home, Corse et R. 
Blake anatomistes ou naturalistes anglais , sur la manière 
dont ces dents s’usent ; tombent et se remplacent, 
M. Tenon a présenté à la classe le travail qu’il a rédigé 
sur le même sujet depuis plus de vingt-cinq ans , et qui 
contient déjà une partie de ces observations. 

Tout en constatant l’antériorité qui appartient légiti- 
mement à ce savant anatomiste , la classe a regretté qu’il 
ait privé si long-temps le public de ses découvertes et l’a 
fortement invité à les mettre au jour. 

M: Tenon est au moment de publier un autre travail 
sur l’œil et sur ses maladies. Il a fait plusieurs remar- 
ques nouvelles sur les parties qui entourent cet organe : 
il a trouvé par exemple des faisceaux tendineux qui lient 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 73 


les muscles droits aux bords antérieurs de Porbite , leur 
servent de poulie de renvoi, et les empêchent de com- 
primer le globe ; il a développé une tunique membra- 
neuse qui entoure le globe , l’attache aux deux angles 
de l’orbite par deux espèces d’ailes , passe dans les pau: 
pières et s’y-réfléchit derrière les tarses , donne enfin 
passage aux tendons des muscles ; les autres anatomistes 
confondoient cette tunique avec la cellulosité ; il a dé- 
couvert de petits ligamens qui joignent les extrémités 
des tarses à l’orbite ; il a examiné l'effet des diverses 
substances chimiques sur les cristallins qu’on y plonge ; 
enfin il a établi une opinion nouvelle sur les agens qui 
transmettent à l’iris l’action de la rétine , et par lesquels 
les impressions que celle-ci reçoit dilatent ou contractent 
l'autre. M. Teron cherche ces agens dans les processus 
ciliaires , dont les languettes se prolongent jusque der- 
rière l'iris , et dont les queues touchent à la rétine. 

Cet infatigable anatomiste nous a encore entretenus 
du vice de conformation nommé communément bec de 
lièvre. I] Va trouvé , tantôt dépendant d’une déchirure 
de l’un des deux os maxillaires, tantôt de tous les deux, 
et il en attribue la cause à une dilatation dispropor- 
tionnée de la langue. D’autres fois il a trouvé le palais 
divisé en arrière , et c’étoit alors un accroissement trop 
rapide du ceryeau qui avoit produit le mal. Des enfans 
nés sans langue ou qui l’avoient perdue de bonne 
heure par la petite vérole, avoient au contraire le palais 
rétréci et sa concavité remplie. 


L’expérience a appris à M. Tezon qu’il est dangereux 
1806. K 


74 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


de choisir l’époque de l’éruption des incisives de rempla- 
cement pour faire l’opération propre à corriger une partie 
des difformités que ce vice occasionne, 

La classe a vu avec une grande satisfaction un moyen 
précieux d’enseignement pour certaines parties de l’ana- 
tomie , les pièces d'anatomie artificielle préparées pour 
l’école de médecine par M. Laumonier, correspondant à 
Rouen. Il y a lieu de croire que le compte qu’elle en à 
rendu au Gouvernement a contribué à faire ériger sous 
la direction de cet habile änatomiste , un établissement 
où sera enseigné et pratiqué cet art utile, que l'Italie 
seule avoit possédé jusqu'ici dans une certaine perfec- 
tion , mais où elle a été sans contredit surpassée par 
M. Laumonier non seulement dans l’exactitude des 
détails , mais encore dans la vérité de limitation. 

L’anatomie artificielle inutile quand on ne l’emploie 
que pour représenter les parties du corps de l’homme et 
des animaux faciles à se procurer et à disséquer , nuisible 
même alors , parce qu’elle peut faire négliger aux jeunes 
gens l’étude du cadavre , qui peut seule leur donner des 
idées complètes ; cette anatomie, disons-nous, peut être 
très-utile quand elle représente des préparations diffi- 
ciles , quand elle montre dans un ensemble des systèmes 
qu’on ne peut disséquer que par parties, quand elle 
offre enfin des organes d'animaux rares ou des confor- 
mations singulières et monstrueuses. C’est à ces objets 
que la classe a conseillé d’en borner emploi. 

M. Laumonier a présenté à la classe l’une des mons- 
truosités les plus singulières qui aient encore été obser- 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 75 


vées. dans l’espèce humaine , et la conformation peut- 
être la plus approchante de l’hermaphroditisme parfait. 
Une femme avoit outre tous les organes de son sexe, 
deux testicules bien conformés , cachés dans l'épaisseur 
des grandes lèvres , et dont les vaisseaux déférens abou- 
tissoient dans le fond de la matrice. 

M. Pictet, correspondant et professeur de physique à 
Genève, nous a adressé le dessin d’un poulain mons- 
trueux né au Locle dans le comté de Neufchâtel; il avoit 
les sabots fendus et représentant des espèces d’ongles ; sa 
tête étoit aussi plus grosse et plus velue qu’à l’ordinaire. 
Les paysans lassommèrent par superstition , parce que 
Von attribua ces vices de conformation à la frayeur 
qu'avoit eue sa mère , de deux ours qui s’étoient ren- 
contrés avec elle dans une écurie d’auberge. 

Un jeune médecin ;, M. Duvernoy ;, a présenté à la 
classe un mémoire sur l’hymen, où il a montré que 
cette singulière membrane regardée assez généralement 
jusqu’ici comme un caractère propre à l’espècehumaine , 
se retrouve dans toutes les classes d'animaux. 

Le même auteur a publié les trois derniers volumes 
des Leçons d'anatomie comparée de M. Cuvier , et ter- 
miné ainsi un ouvrage où l’anatomie et la physiologie 
sont considérées de la manière la plus générale. 

M. Dumas , correspondant et professeur à Mont- 
pellier, n’avoit pas encore achevé sa grande physiologie, 
annoncée par nous il y a quelque temps , qu’il a été 
obligé de donner une édition nouvelle de ce qui a paru. 

C’étoit déjà un succès bien mérité , mais il a voulu 


76 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


le mériter encore davantage , en perfectionnant l’ordre 
de son ouvrage , en distinguant mieux les matières, 
en donnant plus de rigueur et d’étendue à ses pro- 
positions. 

M. Barthès, correspondant et ancien professeur de la 
même ville , a reproduit son célèbre ouvrage des Élé- 
mens de la science de l’homme ; qui fit dans le temps 
en physiologie une révolution heureuse. 

Le desir bien naturel , mais prématuré, de rapporter 
aux lois générales de la physique et de la chimie, les 
phénomènes des corps vivans , avoit fait imaginer aux 
physiologistes du XVIIe et de la première moitié du 
XVIIIe siècle une foule d’hypothèses aussi compliquées 
que gratuites , et qui étoient néanmoins encore fort 
éloignées de les conduire à leur but. 

Quelques bons esprits dégoûtés de ce dédale de sup- 
positions contradictoires , imaginèrent d’appliquer aux 
corps vivans la méthode si utilement employée en 
astronomie physique depuis Newton. Ce grand homme 
découvrit que le mouvement si compliqué en apparence 
des astres , avoit pour lun de ses élémens principaux 
la tendance de toutes les parties des corps les unes vers 
les autres selon certaines lois et dans une certaine me- 
sure qu’il parvint à déterminer ; en un mot la gravi- 
tation universelle ; et admettant une fois pour toutes 
dans les calculs ce fait général rigoureusement défini 
et apprécié , sans en rechercher la cause , on est arrivé 
en effet à expliquer tous les phenomènres avec détail et 
précision , et à prévoir le temps et le lieu de chacun 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 77 


avec plus d’exactitude encore qu’on ne l’auroit pu faire 
par les observations le plus long-temps continuées. 

Cet abandon de la recherche des causes premières 
pour s’attacher uniquement à la détermination exacte 
des causes secondaires ; ou des élémens immédiats des 
mouvemens , a donc été l’idée la plus heureuse et la plus 
féconde. 

Ainsi les physiologistes ont eu raison de vouloir l’imi- 
ter, et l’on doit la plus grande reconnoïissance à M. Bar- 
thès pour les y avoir engagés par l’exemple de ses succès. 

Mais aujourd’hui que l’on ne conteste plus l’utilité de 
cette méthode , quelques réflexions sur la rigueur néces- 
saire pour en obtenir tout ce qu’on doit en attendre , ne 
seront peut-être pas déplacées. 

Il faudroit imiter en tout les astronomes qui ne se con- 
tentent pas d’attribuer vaguement à l'attraction les phé- 
nomènes célestes ; mais qui analysent ceux-ci , qui y 
montrent la part des attractions de chacun des divers 
corps , et les distinguent de ce qui ne vient point d’elles; 
qui ayant déterminé la mesure et les lois de leur action ; 
montrent par Paccord d’un calcul rigoureux avec des 
observations précises que ces lois sont en effet constam- 
ment les mêmes et ne tiennent à aucune supposition 
arbitraire. fine ; 

Or ce n’est point cela qu’on fait, quand on ditsimple- 
ment que les corps vivans , ont un principe vital et 

quand on attribue à ce principe sans autre définition 
tout ce qu’on ne peut expliquer autrement. Croire avoir 
dit quelque chose d’utile, quand on a dit vaguement 


78 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


que la sensibilité , la contractilité sont des effets du 
principe vital , c’est à ce qu’il nous semble tromper les 
autres ou se tromper soi-même par un mot vuide de sens. 
Pour avoir le droit d’en comparer l’emploi à celui de la 
gravitation universelle , il faudroit analyser séparément 
chaque phénomène de la vie ; déterminer la part qu'y 
ont les lois ordinaires de la physique et de la chimie ; com- 
parer ensuite dans chaque phénomène les élémens que ces 
deux sciences n’auroient pas fournis à ceux qui seroient 
restés de même après l’analyse des autres phénomènes ; 
voir si tous ces élémens inconnus , extraits pour ainsi 
dire chacun séparément des phénomènes divers ont 
quelque chose de commun entre eux ; rechercher enfin 
les lois qu’il faut attribuer à ce principe commun , si 
l’on trouve qu’il existé , pour qu’en le combinant avec 
ceux des sciences ordinaires il donne de tous les phéno- 
mènes observés une explication satisfaisante pour la 
raison , et fasse prévoir d'avance avec quelque exactitude 
les phénomènes qui devront arriver dans des circons- 
tances nouvelles. C’est alors seulement que la physio- 
logie pourra se flatter d’avoir un principe particulier , 
comme l'astronomie en a un ; c’est alors seulement qu’il 
sera permis en bonne logique , d'employer dans ses rai- 
sonnemens et dans ses calculs le principe vital, comme 
un fait général dont on se dispensera de chercher la cause 
primitive , jusqu’à ce que de nouvelles découvertes 
donnent un espoir fondé de la reconnoître. 

Mais on sent qu’on ne parviendra à ce but qu’en per- 
fectionnant l’anatomie et la chimie des corps organisés, 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES : 79 


en comparant sans cesse leurs résultats avec l’observa- 
tion de ces corps , soit dans l’état de santé , soit dans 
l’état de maladie , en appliquant enfin cette méthode à 
toutes les classes de ces corps , quelles que soient la com- 
plication de leurs organes et l’étendue de leurs facultés. 

Les ouvrages qui paroïssent chaque jour sur les scien- 
ces médicales et physiologiques montrent combien il 
étoit nécessaire de rappeler ces principes, et j’aurois sans 
doute eu peine à trouver pour les présenter un moment 
et un lieu plus favorables que ceux-ci, où je parle en 
quelque sorte au nom d’un corps qui a fondé sur eux 
tous les importans travaux dont je viens de rendre 


compte. 


80 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


ANALYSE 


Û « * . 
Des travaux de la classe des sciences mathématiques 
et physiques de l’Institut national, pendant le second 
semestre de 1806, 


PARTIE, PHYSIQUE, 


Par M. CU VIER, secrétaire perpétuel. 


Lue à la Séance publique du 5 janvier 1807. . 


LA nouvelle époque annuelle , fixée pour les séances 
publiques de cette classe, réduit à six mois l’intervalle 
dont nous avons à rendre compte aujourd’hui ; mais 
notre rapport n’en sera pas moins riche en résultats 
intéressans. 

Les vacances nombreuses arrivées cette année dans 
le sein de la classe, en excitant une vive émulation ont 
produit un concours remarquable d'ouvrages sur diffé- 
rentes parties des sciences naturelles. Nous resterons 
fidèles à l’usage que nous avons observé jusqu’à pré- 
sent, d'analyser ces écrits en même temps que ceux de 
nos collègues ; l’histoire des sciences l’exige : ces tra- 
vaux étrangers en apparence se lient presque toujours 
avec les nôtres par l’identité des objets de recherches , 
et nous nous en approprions presque toujours quelque 
partie en répétant et en variant les observations ou les 


vi 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 24 
expériences qui en font la base, quand nous avons à 
en apprécier la justesse. 

MM. Bosc et Silvestre , principaux concurrens pour 
la section d’agriculture , ont fait valoir des ouvrages 
manuscrits très-considérables sur l’ensemble de cette 
science , et plusieurs mémoires particuliers déjà publiés 
sur quelques-unes de ses branches ; les places impor- 
tantes que le gouvernement leur a confiées dans cette 
partie de l’administration et leurs connaissances éten- 
dues dans les sciences physiques, ont également été 
prises en considération ; la classe a eu le plaisir de les 
adopter l’un,et l’autre. M. Silvestre a succédé à Ces ; 
ét M. Bosc profond naturaliste autant qu’habile agri- 
culteur , dont on possède de si intéressans ouvrages sur 
Vhistoire des animaux, a eu la place du vétérinaire 
Gilber, qui vaquoit depuis cinq ans. 

Dans la section de botanique , il n’y avoit à donner 
que la place de feu M. {danson , maisle concours n’en 
a pas moins été très brillant, par le nombre et l’impor- 
tance des travaux que les concurrens ont soumis au ju- 
gement de la classe. Ce doit être une grande satisfaction 
pour les amis des sciences que de prendre connois- 
sance de ces preuves éclatantes du zèle de ceux qui les 
cultivent. | 

M. Palisot de Beauvois , qui a été vainqueur , avoit 
des titres puissans , dans ses voyages en Afrique et en 
Amérique, dans sa Flore d'Oxare et de Benin, dont 
nous avons déjà parlé plusieurs fois et qui a procuré 


à la botanique des plantes singulières; dans celle des 
1806. L 


82 HISTOIRE DE LA CLASSEIDES SCIENCES 
Etats - Unis d'Amérique qu’il prépare et dont il a 
déjà donné d’intéressans échantillons , enfin dans ses 
longues recherches sur les plantes appelées communé- 
ment cryptogames. Ces recherches consistent en partie 
en descriptions d’espèces nouvelles et en établissement 
de genres ou autres distributions méthodiques dont il 
seroit difficile de donner un extrait; mais elles com- 
prennent aussi des objets plus généraux, et principa- 
lement un système sur la fécondation des mousses et 
des champignons , que nous nous empressons d’autant 
plus d’analyser que ; quoiqu'il soit annoncé depuis 
long-temps dans des ouvrages répandus et dignes de 
l’être , les botanistes ne paroïssent pas y avoir fait assez 
d'attention. 

On sait que les mousses produisent à une certaine 
époque des pédicules plus ou moins longs , terminés par 
des capsules ou des urnes d’une organisation assez com- 
pliquée, et remplies d’une poussière diversement colorée. 

Dillenius et Linné crurent ces capsules des anthères 
ou des organes du sexe mâle , et cherchèrent ceux du 
sexe femelle dans certains groupes de feuilles en forme 
de rosettes ou d’étoiles , que l’on remarque sur d’autres 
parties de quelques-unes de ces petites plantes. 

Cependant leur opinion ne prévalut pas généralement ; 
on ne tarda point à pensér que la poussière qui remplit 
les urnes Ctoit la semence et non pas le pollen. 

Alors il fallut chercher l’analogue des étamines. Hi// 
crut le voir dans les cils du bord de l’urne ; Xæh/reuter 
crut Le trouver dans la coiffe ; Schreber , dans certains 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. ,, O9 


filets placés au bas du pédicule,et d’autres ailleurs encore. 

Mais, en 1774 , un médecin établi à Chemnitz , Jean 
Hedwig , devenu depuis si célèbre , observant, dans les 
rosettes de quelques mousses des corpuscules cylindri- 
ques découverts long-temps auparavant par Micheli, 
s’aperçut qu’ils s’ouvroient par le bout et: qu’ils répan- 
doient une poussière excessivement tenue : il ne douta 
donc point que ce ne fussent des anthères. Ayant en- 
suite semé la poussière plus grosse qui remplitles urnes, 
il en vit lever des mousses , et conclut que cette pous- 
sière étoit la graine , comme plusieurs l’avoient soup- 
çonné avant lui , par conséquent que l’urne étoit le fruit 
ou l’organe femelle fécondé. 

Ces observations publiées d’abord en abrégé en 1777, 
couronnées par l’académie de Pétersbourg en 1781 , sui- 
vies pendant plus de trente ans avec une patience éton- 
nante , et appuyées maintenant de grands ouvrages et 

de beaucoup de dessins faits au microscope, ont obtenu 
lassentiment de presque tous les botanistes de l’Europe, 
et particulièrement de ceux qui s’occupent des mousses. 
La seule objection un peu forte qu’on ait pu leur opposer 
dans l’origine , savoir qu’on ne trouve pas de rosettes 
dans certains genres de mousses ; est à peu près détruite, 
depuis qu’'Æedwig , à force d’études , est parvenu à mon- 
trer que les anthères sont alors dans les bourgeons des 
aisselles ; ou bien qu'elles accompagnent la base du pé- 
dicule de l’urne , enfin depuis qu’il Les à fait voir L peu 
près dans tous ls genres. 


C’est néanmoins ce système si accrédité que M. de 


84 MiSTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


Beauvois combat , pour lui en substituer un qu’il avoit 
présenté à l’académie des sciences de Paris en 1782, et 
dont voici le fond. 

Au milieu de cette poussière des urnes, qu'Aecdwis 
regarde comme la graine , est une espèce de noyau ou 
de petit axe plus ou moins renflé , nommé par les bota- 
nistes la col/umelle. Ceux qui ont observé n’y ont vu 
qu’un parenchyme plus ou moins celluleux ; Hedwig 
le représente plusieurs fois ainsi : mais M. de Beauvois 
dit y avoir remarqué de très - petits grains, et croit que 
ce sont là les véritables semences ; l’autre poussière qui 
remplit l’urne autour de ce noyau , est selon lui le po/ler ; 
les mouvemens des cils du bord de l’urne , lorsque ces 
cils existent , n’ont , à ce qu’il pense , pour objet que de 
comprimer le pollen contre les semences pour les fécon- 
der au moment où elles vont s'échapper. 

Ainsi selon M. de Beauvois Vurne seroit hermaphro- 
dite , tout l'appareil si compliqué des organes qu'Hedwig 
prend pour des anthères , et qui se retrouvent dans presque 
toutes les mousses , n’auroit aucun usage connu: les indi- 
vidus de certaines espèces qui ne portent que des rosettes, 
n’auroient aucune part à la propagation ; le pollen seroit 
plus gros et plus abondant que la semence : celle - ci 
même auroit été invisible pour presque tous les observa- 
teurs ; elle seroit fécondée , non pas-dans l’ovaire , et 
encore tendre et petite comme se féconde celle de toutes 
les autres plantes , mais au moment de sa sortie et lors- 
qu’elle est déjà toute développée ; enfin si l’on demande 
comment Hedwig a fait venir des mousses en semant ce 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 835 


que M. de Beauvoïs croit n’être que le pollen, celui-ci 
répond qu’Hedwig semoit en même temps sans s’en aper- 
cevoir cette véritable graine presqu’invisible. On sentira 
que pour confirmer une opinion si nouvelle , il faudroit 
non-seulementpouvoir montrer cette graine , maïs encore 
la semer séparément et sans l’autre ; malheureusement 
cette dernière expérience n’a pas été faite , et même, 
ainsi qu’on en peut juger par l’exposé ci-dessus, il est 
à peu près impossible de la faire. : 

M. de Beauvois a des idées semblables sur la fruc- 
tification des champignons. 

Diverses parties de ces plantes , comme les lames des 
agarics , les pointes des Lydnes , etc. , se couvrent à cer- 
taines époques d’une multitude de petits grains ou pous- 
sières ; d’autres genres, comme les /ycoperdons , en ont 
leur intérieur rempli, et les font jaillir à l’époque de 
la maturité. Ces grains sont regardés comme les semences 
ou comme leurs capsules, du moins par tous les bota- 
nistes qui croient que les champignons ont des semences. 
M. de Beauvois veut au contraire qu’ils soient le pollen , 
et dit que les semences sont dans l’intérieur des lames 
ou des pointes, ou bien dans quelque autre partie du 
tissu , et qu’elles y ont jusqu’à présent échappé aux 
yeux de ses prédécesseurs, parce qu’elles sont à peu 
près invisibles. C’est aussi au moment de l'explosion, 
et par conséquent lorsqu’elles sont déjà développées, 
qu’il croit que les graines des /ycoperdons , ainsi que 
celles des mousses, se fécondent. 

Tel est le système d’après lequel M. de Beauvois se 


86 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES. 


croit autorisé à remplacer le nom de cryptogames ou 
de fructification cachée donné par Linnœus et conservé 
encore par Hedwigà ces différentes familles , par celui 
d AEthéogames ou plantes à fructification insolite ou 
extraordinaire. 

Il a publié une partie de son prodrome dAEthéo- 
gamie, brochure où il annonce la distribution qu'il 
établit parmi les mousses ; il y fait abstraction dans 
la formation des genres de ce qu'Æedwig prend pour 
les organes du sere mâle, précaution convenable en 
effet, tant que les fonctions de ces parties ne seront 
point hors de contestation , et il use de la même pru- 
dence vis-à-vis de lui-même , ne tenant non plus aucun 
compte de cette columelle qu’il prend pour le pistil. 
Cependant c’est d’après les organes des sexes qu’il sépare 
dans ce même prodrome les /ycopodes des mousses or- 
dinaires ; mais c’est qu’il pense qu’il ne reste aucun 
doute à l’égard des premiers , du moins dans quelques 
genres. 

Dans une seconde partie , encore manuscrite et sou- 
mise à la classe pendant ce semestre, M. de Beauvois 
présente sa distribution des champignons et des algues, 
Il fait pour les premiers quelques changemens à la 
distribution de Persoon , et réduit le nombre des genres 
de soixante-onze à soixante, qu’il distribue en six 
ordres. 

Dans un mémoire plus récent, ilannonce avoir vu sur 
de jeunes plantes des grains qui lui ont paru semblables 
aux semences des champignons parasites qui ont coutume 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES, 87 
de se développer dans la substance de ces plantes, et sous 
leur épiderme ; il en conclut contre un mémoire de 
M. de Candolle , dont nous parlerons bientôt, que ces 
graines traversent l’épiderme pour se loger dessous. Il 
s'arrête davantage à certains champignons vivaces qui 
croissent par couches du haut en bas, au contraire des 
autres végétaux; c’est une observation faite depuis long- 
temps par WMarsilli et par Bulliard, mais M. de Beau- 
vois y ajoute l’idée que chaque couche peut être consi- 
dérée comme un individu particulier ou comme un 
champignon nouveau provenantdes graines de là couche 
antérieure. 

Enfin, M. de Beauvois a montré qu’il y a assez de 
différences entre les fleurs du Raphia d’Oware et celles 
du Sagoutier des Moluques, pour qu’on ne les laisse 
plus dans le même genre de palmier, comme on le 
faisoit jusqu'ici; et il a communiqué la description de 
deux /obélies. 

Parmi les concurrens moins heureux, il n’y en a eu 
que deux, MM. de Candolle et du Petit - Thouars 
qui aient présenté des mémoires nouveaux dans cette 
occasion. | 

M. de Candolle , quoique jeune encore, a enrichi 
de découvertes aussi nombreuses qu’intéressantes la 
physique végétale , la botanique proprement dite, et 
la matière médicale. _ 

À la première de ces sciences appartiennent les obser- 
vations qu’il a faites sur l’action de la lumière artificielle 
qui, n’agissant d’abord qu’insensiblement , parvient à la 


88 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


fin à changer tout-à-fait les habitudes des végétaux ; ses 
observations sur les pores corticaux ; sur la production 
du gaz oxigène par les lichens verts, qui avoit été niée, 
et dont il a montré la réalité ; enfin sur la végétation du 
guy, qui attire bien la sève du pommier, tandis qu’il ne 
. peut pomper l’eau où on le plonge immédiatement: fait 
important qui modifie les idées qu’on avoit sur les causes 
de l’ascension de la sève. 

A la botanique descriptive se rapportent son histoire 
des plantes grasses , celle des Ziliacées , celle des astra- 
gales, l’édition de la Flore française, qu’il vient de 
donner sous les yeux de notre confrère M. de La Marck, 
et divers mémoires particuliers ; ouvrages qui ont en- 
richi le catalogue des végétaux de trente-sept genres et 
de plus de trois cents espèces auparavant inconnues. 

Enfin, en matière médicale, il a distingué le premier 
les divers végétaux confondus sous le nom d’Zpéca- 
cuanha, et cêux qui se donnent aussi pèle-mèle sous 
celui de rousse de Corse, et dans un traité sur l’accord 
des vertus des plantes avec leurs familles naturelles, 
il a développé, d’après des vues nouvelles , les règles 
à suivre dans ces sortes de recherches; règles dont la 
négligence avoit induit en de graves erreurs ceux qui 
s’étoient occupés avant lui de ce sujet, l’un des plus 
importans de la botanique appliquée. 

À tous ces travaux M. de Candolle à ajouté trois 
mémoires qu'il a présentés à la classe dans le cours de 
ce semestre, 

Le premier roule sur /es champignons parasites qui 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 89 


se développent sous l’épiderme des végétaux , et qui 
causent à plusieurs espèces utiles des maladies funestes ; 
tels sont la rouille des bleds et le charbon, qui détruit 
les avoines. La carie qui empoisonne le froment en vient 
probablement aussi. On avoit cru jusqu’à présent que 
ces champignons s’introduisoient par les pores de l’épi- 
derme ; mais comme les liqueurs colorées ne traversent 
ces pores qu’avec peine, et qu’une simple application 
n’inocule point ces maladies aux plantes, M. de Can- 
dolle pense que leurs germes s’introduisent par les 
racines avec les sucs nourriciers des végétaux , et cir- 
culent dans l’intérieur des vaisseaux, jusqu’à ce qu’ils 
arrivent aux endroits convenables à leur développement; 
il les compare, à cet égard, aux vers intestins qui ne 
peuvent subsister que dans l’intérieur du corps des autres 
animaux ; de cette théorie et de l’observation que chaque 
espèce de champignon parasite ne peut se propager que 
dans des plantes de même famille , il déduit des règles 
dont l’agriculture pourra profiter pour arrêter cette sorte 
de contagion. 

On connoissoit avant M. de Candolle quatre-vingt- 
quatre de ces champignons : ses observations ont aug- 
menté ce nombre de plus de cent. 

Dans un mémoire sur les aloues marines , il montre 
que ces plantes n’ont point de vraies racines ; qu’il n’y a 
dans leurorganisation aucune trace de vaisseaux ; qu’elles 
absorbent l’humidité par toute leur surface ; qu’elles dé- 
gagent d’autant plus de gaz oxigène à la lumière qu’elles 


sont plus vertes; il annonce que les petits grains regardés 
1806. M 


90 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


jusqu’ici comme leurs semences, n’en sont que les cap- 
sules , et contiennent des grains beaucoup plus petits, 
enduits d’une viscosité qui les fixe où ils doivent germer. 

Enfin, M. de Candolle a présenté un mémoire de 
botanique proprement dite sur la famille des rubiacées, 
qu’il divise en quatre ordres, et à laquelle il ajoute 
quatre nouveaux genres. 

M. du Petir- Thouars a stjourné long-temps dans 
les îles de France et de Bourbon, et voyagé à Mada- 
gascar. Il a commencé à en publier la Flore, qui est 
très-riche en plantes singulières ; il y a fait surtout des 
observations précieuses sur les orchidées, plantes qui 
ont besoin d’être examinées en vie, et qui se refusent à 
la culture. Il est prêt à en publier un grand nombre 
d'espèces nouvelles. Les fougères ont aussi été pour lui 
un objet important de recherches. La seule île de AZa- 
dagascar lui a fourni quatre-vingt-neufgenres nouveaux 
dont il vient de faire imprimer les caractères , qu’il avoit 
envoyés en France il y a près de dix ans. Ses observations 
sur la germination du cycas lui ont fait découvrir que 
cet arbre singulier, dont les uns faisoient un palmier, 
et les autres une fougère, doit constituer une famille à 
part , également distincte de ces deux-là. 

Le dracæna ou bois chandelle ui a fait connoître 
des faits particuliers fort curieux qui l’ont conduit à un 
système général et nouveau sur le développement des 
arbres. Nous allons essayer d’en donner une idée. 

On sait que le tronc des arbres ordinaires grossit par 
des couches de bois qui se manifestent chaque année 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 91 


sous l'écorce, et qu’il s'alonge et se ramifie par des 
pousses qui ne sont que Le développement des bourgeons. 
Chacune de ces nouvelles pousses n’a qu’une seule 
couche de bois qui est en communication avec la der- 
nière de celles qui se sont formées sur le tronc et le filet 
médullaire qui occupe l’axe de ces pousses vient de la 
moelle qui règne dans le milieu de l'arbre. Les physi- 
ciens pensent généralement que ces couches ligneuses 
successives naissent chaque année sous la face interne 
de l’écorce. 

Les palmiers et les autres arbres monocotylédones 
croissent tout différemment : les nouvelles fibres se dé- 
veloppent dans l’axe, et non pas dans le pourtour du 
tronc ; elles traversent toute la longueur de cet axe pour 
aller s'épanouir au sommet de l’arbre , en feuilles.et en 
fleurs. Voilà pourquoi le tronc des palmiers ne grossit 
presque point , surtout dans le bas, et ne produit d’or- 
dinaire aucunes branches. 

M. Desfontaines , notre collègue , a fait voir que cette 
manière de croître est commune à peu près à toutes les 
plantes monocotylédones , et les distingue en général 
des dicotylédones. 

Or M. du Petit- Thouars ayant remarqué que les 
dracæna., arbres réellement mnonocotylédones, se rami- 
fient pour ainsi dire comme les arbres ordinaires, et 
voulant se rendre compte de ce phénomène , il s’assura 
par la dissection , que l’axe d’un rameau ne communique 
point avec celui de l'arbre, mais que les fibres de ce 
rameau arrivées à l'endroit de sa jonction avec le tronc 


92 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


s’épanouissent sur celui-ci, en divergeant comme des 
rayons ; les fibres inférieures descendent directement, 
les supérieures après avoir monté un peu se recourbent 
et descendent aussi. Ces arbres croîtroient donc par des 
couches concentriques , et en effet ils grossissent autant 
qu’ils se ramifient. Tels sont une partie des faits : voici 
maintenant le système. 

M. du Petit-Thouars, appliquant ces observations 
à tous les arbres à couches concentriques , conclut que 
les nouvelles couches ne sont point produites par l’é- 
corce, mais par les bourgeons ; que leurs fibres sont des 
prolongemens descendans de ces bourgeons , comme les 
pousses en sont des prolongemens ascendans. Il pense 
que le suc contenu dans la moelle fournit aux bourgeons 
leur première nourriture, comme les cotylédons la four- 
nissent à la jeune plante; il est obligé d’ajouter que ces 
fibres se développent depuis les bourgeons qui leur don- 
nent naissance, jusqu'aux racines, avec une rapidité 
qu'il compare à celle de la lumière ou de Pélectricité, 
car la couche ligneuse se forme sur toute l’étendue de 
l'arbre dans l’espace de quelques jours. La nécessité 
d'admettre un développement si rapide est déjà , comme 
on voit, une difficulté forte contre cette opinion. Il y 
en a une seconde qui a paru encore plus péremptoire : 
Quand on greffe une espèce d’arbre sur un autre, du 
poirier, par exemple, sur du pommier , chaque espèce 
forme son bois dans les parties qui viennent d’elle; le 
sujet n’a que du bois de pommier, et tout ce qui est 
au-dessus de linsertion n’a que du bois de poirier. On 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 93 


distingue nettement l’endroit où les deux bois se sé- 
parent, et comme on a grand soin d’ébourgeonner le 
sujet, il faut bien , à ce qu’il semble, que son bois soit 
fourni uniquement par l’écorce ; car comment , deman- 
dent les partisans de l’ancienne doctrine , des bourgeons 
de poirier donneroient-ils du bois de pommier ? C’est 
que, répond M. du Petit-Thouars , les fibres qui des- 
cendent de ces bourgeons ne peuvent se nourrir dans 
leur trajet le long du tronc du pommier que du cam- 
bium ou des sucs que celui-ci leur fournit. 

Pendant qu’une rivalité noble animoit ainsi les can- 
didats, les botanistes membres de la classe, en conti- 
nuant leurs travaux, se montroient dignes d’être les 
principaux juges de ce grand concours. 

M. Ventenat poursuivoit sa belle entreprise du jar- 
din de la Malmaison. Un nouveau cahier (le 20°) en 
a paru dans ce semestre. 

La première des espèces qui y sont décrites est une 
superbe légumineuse originaire de Botany-Bay , et qui 
présente dans les organes de sa fructification des carac- 
tères qui n’ont pas été encore observés dans les végétaux 
de cette famille. M. Ventenat n’a pas hésité à en faire 
un genre nouveau auquel il a rapporté une seconde 
espèce cultivée également à la Malmaison, quoiqu’elle 
n’ait pas encore fleuri; maïs elle ressemble tellement 
à la première par son port qu’il est presque certain 
qu'elle doit lui être conforme dans les organes de la 
fructification. 


La dernière est une malvacée originaire des Canaries, 


94 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


dont les fleurs , grandes comme celles de la Ketmie des 
jardins, sont d’un rouge de feu, couleur extrêmement 
rare dans les plantes de cette famille. Cette livraison, 
ainsi que celles qui l’ont précédée , fait regretter aux 
personnes qui s’intéressent à la science, que la santé de 
l’auteur lait forcé de suspendre cet ouvrage. | 

M. de la Billardière conduisoit jusqu’à la vingt- 
troisième livraison sa Flore de la Nouvelle-Hollande, 
Cinq nouveaux genres s’y trouvent décrits, dont un sur- 
tout que M. de la Billardière nomme athérosperme , 
et qui lui paroît appartenir à la famille des rezoncules, 
est un arbre qui pourra devenir utile à la France, parce 
que ses amandes ont le goût et l’odeur de la muscade, 
et qu’il paroît devoir très-bien supporter la température 
de notre climat. 

l’un de nos plus célèbres correspondans, M. de 
Humboldt , continue à publier, avec son compagnon 
de voyage, M. Bonpland, les plantes qu’ils ont obser- 
vées dans l’ Amérique équinoxiale. I] vient d’en paroître 
encore deux livraisons. La seule famille des mé/astomes 
devra à ces savans voyageurs une telle quantité d’espèces 
nouvelles qu’ils ont pu lui consacrer un ouvrage parti- 
culier. 

Ils n’enrichissent pas moins l’histoire des animaux. 

Le condor, cet oiseau si fameux des Cordilières, 
n’avoit point été décrit avant eux d’une manière uni- 
forme , et l’on en avoit beaucoup exagéré la grandeur. 

Il n’a guère plus d’un mètre de hauteur, ni de trois 
ou quatre d’envergure. Sa couleur générale est un brun- 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 95 


noirâtre : le bas du cou est garni d’un collier de plumes 
blanches. Le mâle se distingue par une crête charnue 
sur le sommet de la tête et par une tache blanche À 
Vaile , qui manquent à la femelle. 

Les observations de ces deux voyageurs sur l'arguille 
électrique de Surinam (gymnotus electricus ) sont bien 
curieuses. Ce poisson est assez commun dans certaines 
mares de la Guiane , et donne des commotions assez vives 
pour étourdir des chevaux , les faire tomber et les exposer 
à se noyer. C’est même ainsi qu’on s’empare de Panguille 
parce que ces commotions l’affoiblissent elle-même en. 
se répétant, et qu’alors on peut la saisir sans danger. 
M. de Humboldt, en posant les deux pieds sur une 
anguille qui venoit d’être tirée de l’eau, éprouve une 
douleur si vive que l’impression en dura toute la jour- 
née , et qu’il ne put en distinguer la nature; mais quand 
on ne s’expose qu’à des commotions foibles, on y re- 
marque un tremblement particulier, une espèce de sou- 
bresaut des tendons , qui n’a point lieu dans les commo- 
tions électriques ordinaires. Celles des gymnotes ressem- 
blent davantage à la douleur que l’on produit en galva- 
nisant une plaie. Elles ne dépendent-que de la volonté 
de Panimal , qui les donne sans faire aucun mouvement 
apparent , et les dirige comme il lui plaît : mieuxil est 
nourri, plus on renouvelle l’eau où on le tient, plus 
ses commotions sont fortes ; mais elles cessent sur-le- 
champ quand on lui enlève le cœur et le cerveau. Elles 
se propagent au travers des mêmes corps que celles de 
l'électricité ; cependant il ne suffit pas pour les recevoir 


96 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


de toucher l’eau où est le poisson ; en revanche, il n’est 
pas nécessaire de faire un cercle ou de toucher le poisson 
en deux endroits. 

M. Tenon a donné une suite importante à ses Mé- 
moires sr La dentition du cheval. 0 

Après avoir rappelé en abrégé les résultats de ceux 
qu’il a présentés les années passées , il s’est occupé par- 
ticulièrement des arrière - molaires, ou des trois der- 
nières dents de chaque mâchoire. 

Celles d’en bas ont deux racines , celles d’en haut trois: 
Les fûts des premières sont plus minces et arqués d’a- 
vant en arrière ; ceux des autres s’arquent vers le palais : 
cette courbure les distingue des molaires antérieures, 
soit de lait, soit de remplacement, qui sont droites. 

Les premières de ces arrière-molaires sont déjà visi- 
bles dans l’alvéole à la naissance ; elles paroïissent à neuf 
mois et durent toute la vie : aussi ont-elles plus de lon- 
gueur à user par la mastication que toutes les autres. 
La première et la deuxième ont en arrière une petite 
arète longitudinale qui leur aide à fendre l’alvéole, mais 
qui est bientôt suivie d’une surface plane, destinée à 
donner appui à la molaire qui vient derrière. La troi- 
sième arrière-molaire au contraire ne devant être suivie 
d'aucune autre dent, conserve son arète sur toute sa 
longueur; mais elle a un petit renflement qui l’empèche 
de déboucher de lalvéole aussi rapidement que les au- 
tres. Toutes ces dents en se développant font sur la 
mâchoire l'effet d’un instrument expansif qui la dilate 
inégalement , et en fait varier la forme selon les âges, 
et conformément aux besoins de chaque âge. 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 97 


Ce n’est qu’en étudiant ainsi la nature jusque dans les. 
moindres détails de ses ouvrages, que l’on devient digne 
de l’admirer comme elle mérite de l’être ; mais combien 
cette étude est difficile! La seule dentition du cheval 
suivie par M. Tezon dans toutes ses époques , a été 
pour lui l’objet d’un travail assidu de plusieurs années. 

Ce savant et respectable anatomiste à aussi publié 
récemment le premier volume de ses Recherches d’ ana- 
fomie et de chirurgie. Il y traite principalement des 
yeux , de leurs maladies, de l’exfoliation des os, et il 
y a fait insérer plusieurs des mémoires dont nous avons 
rendu compte dans nos rapports précédens. Cet ouvrage, 
destiné aux hommes de Part, ne pourroit être suffisam- 
ment analysé dans un rapport aussi abrégé que celui-ci. 

M. Cuvier continue ses recherches sur les animaux 
que les révolutions du globe paroissent avoir détruits. 
Il en a encore décrit cinq dans ce semestre. Les osse- 
mens du premier étoient connus depuis assez long-temps, 
et se trouvent abondamment le long des différentes 
rivières de l'Amérique septentrionale, où on on leur a 
appliqué mal à propos le nom de mammouth qui 
appartient exclusivement à l'éléphant fossile, si commun 
en Sibérie. Des quatre autres qui sont du même genre, 

«mais que l’on n’avoit point reconnus jusqu'ici , deux se 
déterrent en Europe et deux en Amérique méridionale. 

Les caractères communs à ces cinq animaux sont 
d’avoir porté des défenses et une trompe , comme l’élé- 
phant, et d’avoir eu leurs mâchelières hérissées de 
pointes coniques disposées par paires, C’est cette der- 

1806, N 


98 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


nière circonstance qu’exprime le nom générique de #1as- 
todonte ou animaux à dents mammelonnées , qui leur 
est imposé par M. Cuvier. 

Les travaux de ce naturaliste sur les os fossiles si 
communs dans les carrières à plâtre de nos environs, 
viennent d’être couronnés par la découverte faite tout 
récemment à Montmartre d’un squelette presque com- 
plet. Il appartient à l’une des onze espèces aujourd’hui 
détruites et que M. Cuvier a pour ainsi dire reformées. 
Ce qui n’avoit pu être que conjecturé sur des os trouvés 
isolément, est aujourd’hui pleinement confirmé par ce 
squelette où ils sont encore dans leur union naturelle. 

M. de Beauvois a fait paroître le troisième cahier de 
ses Znsectes recueillis en Afrique et en Amérique. 

L'histoire des animaux, placée sur la limite des 
sciences physiques et des sciences morales, n’emploie 
pas seulement, dans ses recherches , la théorie de l’ac- 
tion des corps; celle des opérations de lesprit ne lui est 
point étrangère. 

On sait, par exemple , que la nature et les bornes de 
l'intelligence des brutes occupent depuis long-temps les 
métaphysiciens, quoiqu’elles ne puissent guère être dé- 
terminées que par les observations des naturalistes. 

Sous ce dernier rapport elles peuvent donc faire aussi, 
l’objet des recherches de notre classe , et c’est par cette 
raison que nous avons entendu avec intérêt un mémoire 
sur l'instinct ou plutôt contre l'instinct, qui nous a été 
lu par M. Dupont de Nemours, membre de la classe 
d'histoire. 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 99 


Des considérations étrangères compliquoient autrefois 
ces sortes de questions, et Descartes ne s’en étoit dé- 
barrassé qu’en se jetant dans un parti extrême, et en 
faisant des brutes de pures machines. 

Si l’on ne savoit par tant d’expériences jusqu’où l’es- 
prit de système a quelquefois entraîné les plus grands 
hommes , on seroit tenté de croire, ou que ce n’étoit pas 
son sérieux , ou qu’il n’avoit jamais caressé un chien ni 
conduit un cheval, 

Quoi qu’il en soit, depuis que les philosophes ont 
trouvé plus convenable d’observer la nature réelle que 
d’en créer une imaginaire, ils en sont revenus à penser 
sur cet objet à peu près comme le peuple. 

Aucun d’eux ne doute, non seulement queles animaux 
n’aient la conscience de leurs sensations , et ne soient 
déterminés dans leurs actions par le plaisir et par la 
peine actuels, mais encore qu’ils n'aient une grande 
mémoire, qu’ils ne se forment par des expériences répé- 
tées des jugemens généraux fondés sur le sentiment de 
Panalogie, et qu’ils ne se conduisent ensuite d’après le 
plaisir et la peine que ces jugemens leur font prévoir, 
et souvent malgré l’attrait actuel d’une peine ou d’un 
plaisir présens; enfin que ces moyens biens dirigés ne 
puissent être employés par l’homme à leur éducation , 
et ne les conduisent quelquefois à prendre l’habitude 
d’exécuter avec uné justesse admirable des actions très- 
difficiles et auxquelles même leur conformation ne sem- 
bloit point appropriée. 

Aucun de ces philosophes ne doute non plus que les 


100 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


animaux n'aient divers moyens d’exprimer leurs besoins 
et leurs passions, et que ceux d’un ordre supérieur , 
c’est-à-dire voisins de nous par l’organisation , n’ap- 
prennent la signification de plusieurs de nos mots aux- 
quels ils obéissent sans se méprendre. 

Mais , indépendamment de ces facultés qui ressem- 
blent aux nôtres, au degré près , et qui varient à un 
degré presque aussi considérable dans les différentes 
classes d'animaux, les naturalistes ont cru reconnoître 
dans certaines espèces , d’autres facultés qui leur ont paru 
essentiellement différentes et auxquelles ils ont donné 
le nom d’instinct. 

Ce sont certaines actions nécessaires à la conservation 
de l’espèce ;, mais souvent entièrement étrangères aux 
besoins apparens des individus, souvent aussi très-com- 
pliquées; qui, pour qu’on les attribuât à l’intelligence, 
supposeroient une prévoyance et des connoiïssances que 
personne n’oseroit accorder à ces espèces ; actions qui 
ne peuvent non plus être attribuées à limitation, parce 
que les individus qui les pratiquent paroissent souvent 
dans l’impossibilité de les avoir apprises , et que cepen- 
dant ceux de la même espèce les exercent toujours à peu 
près de la même manière ; enfin, et ceci n’est pas moins 
remarquable , actions qui ne sont en aucun rapport avec 
le degré de l'intelligence ordinaire , qui deviennent plus 
singulières , plus savantes , plus désintéressées , à mesure 
que les animaux qui les font appartiennent à des classes 
moins élevées , et, dans tout le reste , plus stupides. 
C’est parmi les insectes, les mollusques, les vers, qu’on 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 101 


observe les instincts les plus admirables, Il semble que 
l'instinct et l'intelligence soient deux facultés faites pour 
se compenser, et dont l’une supplée à l’autre, comme 
à d’autres égards la fécondité supplée à la force ou à la 
longévité; c’est même par la juste proportion de l’in- 
telligence, de l'instinct et des qualités physiques, telles 
que la finesse des sens ou la force du corps, que les 
espèces se conservent. 

Les naturalistes ont donc pensé que les animaux, 
doués d’instincts , exercent ces actions particulières en 
vertu d’une impulsion intérieure , indépendante de l’ex- 
périence, de la prévoyance, de l’éducation , et des agens 
extérieurs, ou en d’autres termes , que c’est Zeur orga- 
nisation qui les détermine par elle-méme à agir ainsi. Ce 
résultat a été adopté à peu près par tous les observateurs F 
et s’ils ont varié, ce n’est qu’en expliquant la manière 
dont l’organisation peut donner cette détermination : 
voici, à cet égard, l'hypothèse particulière de l’un d’eux. 

Le besoin ou le desir d’une certaine action ne peut 
être occasionné que par des sensations ou des souvenirs 
de sensations; en un mot, par des images; mais il n’est 
pas nécessaire qu’une sensation vienne du dehors > Car 
toute sensation extérieure exige des mouvemensintérieurs 
des nerfs et du cerveau, sans lesquels elle n’auroit pas 
lieu : or, ces mouvemens intérieurs peuvent naître dans 
les organes eux-mêmes sans action du dehors, et il en 
naît souvent ainsi dans les rêves et dans différentes ma- 
ladies; rien n’empêche donc que certains animaux ne 
soient organisés de manière à ce qu’il y ait constamment 


102 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


en eux des mouvemens intérieurs propres à produire des 
sensations, des images, et à ce que ces images déter- 
minent impérieusement leur volonté à certaines actions. 

Cette hypothèse ne paroît avoir rien de commun avec 
celle des idées innées, qui n’a pour objet que les idées 
générales ou abstraites: car, ceux qui nient, avec raison, 
que les idées générales de l’homme soient innées , n’ont 
jamais prétendu que l’homme ne puisse avoir des sensa- 
tions en vertu des mouvemens intérieurs de son propre 
corps et sans l'intervention des corps extérieurs ; l’ex- 
périence de chaque jour les auroit démentis. 

Elle ne paroît avoir rien de commun non plus avec 
celle du matérialisme : car, quelque idée que l’on se 
fasse de la nature intime du principe sentant, on est 
toujours obligé de convenir qu’il n’éprouve de sensa- 
tions que par l’intermède du cerveau et du système 
nerveux. 

Enfin, elle wa rien qui la rapproche plus qu'aucune 
autre du fatalisme; car, touteaction étant déterminée , ou 
par une sensation actuelle, ou par le souvenir d’une sen- 
sation passée, ou enfin par la crainte ou lespoir d’une 
sensation future, que ces sensations soient internes ou 
externes, l’état de la question n’est pas changé. 

Cependant il semble que c’est surtout lacrainte de 
donner dans l’un de ces trois écueils qui a déterminé 
M. Dupont à rejeter indistinctement toute espèce 
d’instinct. 

I] commence par montrer que les actions des animaux 
d'ordres supérieurs , comme les qguadrupèdes et les 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 103 
oiseaux, résultent de la combinaison de leur expérience 
et de leurs facultés physiques , et il ny a aucune peine; 
tous les naturalistes en conviennent aujourd’hui. Ensuite 
il cherche à expliquer physiquement comment ces ani- 
maux , et les enfans eux-mêmes apprennent à tetter; il 
montre que plusieurs espèces ont le pouvoir de faire en- 
tendre des sons assez nombreux pour former une langue 
très-compliquée et il assure avoir observé qu’ilsemploient 
une partie de ces sons dans des circonstances tellement 
semblables qu’on ne peut guère douter qu’ils ne leur at- 
tachent une signification fixe. Ses observations, à cet 
égard, sont très-intéressantes, et propres à enrichir 
l’histoire naturelle de ces espèces. 

Il cherche aussi à prouver que les espèces peuvent 
perfectionner leurs procédés dans certaines circons- 
tances ; mais peut-être les naturalistes lui reprocheront- 
ils ici d’avoir pris quelquefois des espèces différentes 
pour la même perfectionnée. Ainsi , le castor archi- 
tecte du Canada , n’est pas entièrement semblable au 
castor terrier du Rhône, l’araignée sociale du Paraguay 
n’est point du tout la même que nos araignées solitaires. 

On conçoit d’après ce que nous avons dit ci-dessus , 
que la plus grande difficulté pour M. Dupont, devoit 
être d’expliquer comment les insectes ont appris les 
précautions si merveilleuses avec lesquelles ils prépa- 
rent à l’œuf, qu'eux et quelquefois d’autres qu’eux doi- 
vent pondre, et au ver qui en doit naître, l’abri et la 
nourriture qui leur conviennent, quoique ces insectes 
m’aient souvent jamais vu et ne doivent jamais revoir 


104 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


ni œuf, ni ver semblable , et que les besoins du ver 
n'aient aucun rapport avec ceux de l’insecte qui travaille 
pour lui. 

Parmi des milliers d'exemples qu’on auroit pu allé- 
guer, M. Dupont n’en a choisi qu’un seul ; mais on 
ne peut l’accuser de lavoir choisi aisé ; c’est celui d’une 
espèce de fausse guépe solitaire, dont voici l’industrie. 
Pendant sa vie d’insecte parfaitelle se tient sur les fleurs ; 
quand elle est prête à pondre , elle creuse dans du sable 
argilleux un trou cylindrique ; elle dépose un œuf au 
fond ; elle va chercher sur le chou une petite chenille 
verte, dont elle n’avoit jamais fait sa proie auparavant; 
la guêpe pique la chenille de son aiguillon , de ma- 
nière à affoiblir celle-ci, pour qu’elle ne puisse résister 
au ver qui sortira de l’œuf et qui doit la dévorer; maïs 
point assez pour la tuer et la faire corrompre ; elle la 
roule en cercle et la met au fond du trou; elle en va 
chercher successivement onze autres toutes semblables 
qu’elle traite et place de même, puis elle ferme le trou 
et meurt; le petit ver éclot, il dévore successivement 
les douze chenilles et alors il se métamorphose en guèpe 
qui sort de son souterrain pour voltiger long-temps sur 
les fleurs, s’y livrer à l’amour , et recommencer, quand 
elle voudra pondre, précisément les mêmes opérations 
que sa mère, et sur les mêmes chenilles. 

M. Dupont de Nemours est non-seulement obligé 
de supposer , et suppose en effet dans son explication, 
que Pinsecte parfait conserve le souvenir des sensations 
qu’il a éprouvées dans l’état de ver, quoiqu'il ait entière- 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 105 


ment changé de forme et d’organes ; mais il faut encore 
qu’il pense, quoiqu'il ne le dise pas expressément, que 
la guèpe peut désormais reconnoître par la vue les che- 
nilles et le sable, qu’elle n’avoit appris à connoître que 
par le tact, et même par son ancien tact de ver; car le 
ver est aveugle ; il vit dans un souterrain, et quand la 
guèpe éclot dans ce souterrain les chenilles n’y sont plus. 
Enfin, comme M. Dupont n’ose admettre dans la guèpe 
la prévoyance que l’œuf qu’elle dépose deviendra ver, 
etaura besoin de tout ce qu’elle fait pour lui, il en vient 
à dire qu’elle fait tout cela seulement pour s’amuser en 
imitant ce qu’elle a vu dans son enfance. 

Telles nous paroissent d’une part les difficultés que 
M. Dupont combat, et de l’autre celles où il s'engage ; 
on verra aisémentpar notre exposé quenousne les jugeons 
pas de même force, mais nous avouerons que nous n’a- 
vons peut-être pas l’impartialité nécessaire pour tenir 
entre elles une balance égale ; et comme nous n’avons 
aucun droit d’en porter un jugement , nous engageons 
nos lecteurs à les revoir eux-mêmes dans le mémoire de 
M. Dupont, où ils trouveront d’ailleurs tout le plaisir 
que l'esprit et l'imagination de cet ingénieux philosophe 
ne peuvent manquer de procurer, 

La médecine, qui n’est qu’une-application des lois de 
l’économie animale à la guérison des maladies, a fait, 
comme on sait, dans ces dernières années l’une de ses 
découvertes les plus importantes , en trouvant la vaccine. 
Sa propriété préservative est aujourd’hui suffisamment 


démontrée, mais il reste encore bien des observations à 
1806. 0 


\ 
106 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


faire sur les modifications dont elle est susceptible. 
M. {Tallé en a communiqué à la classe de très-intéres- 
santes sur lesirrégularités que l’inoculation de la vaccine 
a éprouvées à Lucques dans le cours de l’année 1806. 

Ces différences n’ont point affecté la marche, les pé- 
” riodes ni les caractères essentiels de l’éruption vaccinale. 

Elles se sont seulement manifestées : 

Dans la forme du bouton , qui en s'étendant et se 
confondant avec de petites pustules réunies autour de la 
pustule principale perdoit et sa forme régulière, et la 
dépression ombilicale qwil offroit au moment de sa for- 
mation ; 

Dans /a nature de la croûte qui succède à la pustule ; 
celle-ci n’avoit point la couleur brune, luisante, polie 
de la croûte de la vaccine ordinaire; elle étoit irrégulière 
dans sa forme, comme le bouton qui lui avoit donné 
naissance , et laissoit dans la peau un enfoncement plus 
ou moins profond , qui se remplissoit ensuite complète- 
ment ; 

Enfin , dans des éruptions de pustules sur tout le 
corps , qui se sont montrées dans le moment où se for- 
moit ’aréole autour du bouton principal. 

Ces irrégularités ont été épidémiques dans tout le ter- 
ritoire de Lucques. | 

Les contre épreuves faites par Pinoculation de la 
Retite vérole, sur les individus qui avoient éprouvé des 
vaccines irrégulières , ont démontré que leur irrégularité 
n’a aucunement altéré la propriété préservative de la 
vaccine. 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 107 


* La troisième partie de l’histoire de la nature, celle 
qui traite des minéraux , a été enrichie récemment d’un 
fait intéressant. 

M. Vauquelin vient de découvrir la présence du 
platine dans les fameuses minés d’argent de Gzadal- 
canal en Estrémadure. 

On n’avoit trouvé jusqu'ici ce métal, qui peut de- 
venir si précieux pour presque tous les arts, que dans 
les mines du Pérou , où il est combiné avec une 
multitude de substances diverses , ainsi que nous l’a- 
vons annoncé dans notre dernier rapport. Dans celles 
de Guadalcanal , il est allié avec de l’argent, du 
cuivre , de l’antimoine, du fer, de larsenic, du 
plomb et du soufre. Il fait quelquefois jusqu’au 
dixième de la masse. 

Le même chimiste a fait des expériences de la plus 
haute importance sur l’affinage des mines de fer. 

On sait que la France assez pauvre en métaux pré- 
cieux, produit en revanche une abondance d’excellent 
fer, mais l’on connoît aussi combien ce métal diffère 
en bonté selon les mines d’où il vient et les forges où 
on le prépare. \ 

M. Vauquelin pour découvrir les causes de ces 
différences a commencé d’analyser avec cette exacti- 
tude si étonnante qui le distingue , les minerais et les 
fontes que l’on expose aux fourneaux, les fondans que 
Von y ajoute, et Les scories ou autres déchets que l’on en 

AS 
sépare. 


Il à trouvé dans nos mines de fer limoneuses de 


108 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


Bourgogne et de Franche-Comté, outre l’oxide de fer; 
de la silice, de l’alumine , de la chaux, du manga- 
nèse oxidé, de l’acide phosphorique , de la magnésie 
et de l’acide chromique. Une partie de ces substances 
reste dans la fonte, surtout dans la blanche, et l’on 
en retrouve des parcelles, même dans le fer le mieux 
affiné, quoique la plus grande quantité passe dans les 
scories ou les crasses, et dans les matières qui se su- 
bliment dans les fourneaux. 

C’est aux restes de chrome, de phosphore et*de man- 
ganèse , que M. Vauquelin attribue les mauvaises 
qualités de certains fers comme celles de casser à chaud 
et à froid ; et tous les soins des maîtres de forges doivent 
tendre à débarrasser leur métal de ces substances nui- 
sibles. 

Outre ces remarques utiles , M. Vauquelin en fait 
une très-curieuse; c’est que cette composition soit des 
mines, soit surtout du sublimé des fourneaux, ressemble 
beaucoup à celle des pierres tombées de l'atmosphère. Il 
n’y a que le zickel qui se trouve de plus dans ces der- 
nières. Comme ces substances qui se subliment ne 
restent pas toutes dans le fourneau et qu’il s’en élève 
sans doute quelques-unes plus haut, il ne croit pas 
impossible qu’elles entrent pour quelque chose dans la 
formation de ces pierres : la seule difficulté seroit de 
savoir comment ces métaux sublimés pourroient se 
réunir dans atmosphère, en masses aussi grandes que 
le sont certains aërolithes. 

. Ce sujet des mines de fer a été traité sous un autre 


‘MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 109 


point de vue par MM. Descostils et Hassenfratz , 
ingénieurs des mines. Il s’agissoit du /ér dit vulgaire- 
ment spa!/hique, dont nous avons annoncé dans notre 
dernier rapport que la composition est fort variable, 
Ses minerais sont plus ou moins fusibles et donnent 
du fer plus ou moins bon. M. Descostils pense que 
la difficulté d’en fondre quelques-uns, tient à la magné- 
sie qui entre dans leur composition ; tous les fers spa- 
tiques infusibles qu’il a analysés lui ont donné de cette 
terre , et en ayant ajouté une portion à des échantillons 
fusibles par eux-mêmes, il leur a Ôté cette propriété. Il 
explique par-là l’effét de l’exposition à l'air et à l’hu- 
midité, pour faciliter la fonte de ces minerais ; c’est 
qu’il se forme par la décomposition des pyrites, de l’a- 
cide sulfurique qui dissout la magnésie. Cependant 
M. Hassenfratz conteste cette théorie, et dit avoir eu 
des fers spathiques infusibles, sans qu’ils continssent 
de magnésie. Il croit que l’exposition à l’air ne fait que 


détruire la cohésion du minerai. Nous rendrons compte 


dans le temps du jugement qui aura été porté sur cette 
question intéressante pour la métallurgie. 
- M. Zelièvre a décrit un minéral que l’on prenoit 
aussi pour un fer spathique, et qui s’est trouvé con- 
tenir plus de moitié d’oxide de manganèse combiné 
avec près d’un tiers d’acide carbonique, et. seulement 
huit centièmes de fer et deux centièmes et demi de 
chaux. C’est donc un manganèse carbonaté, espèce 
nouvelle dans le genre. 

Le même minéralogiste a décrit une pierre qu'il a 


110 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


découverte à l’île d’'Elbe. Elle contient plus de moitié 

de son poids d’oxide de fer , et un peu d’oxide de man- 

ganèse. Le reste est formé de silice et de chaux. Son 

noyau cristallin est un prisme à base rombe, sa couleur : 
noire et opaque, sa dureté un peu inférieure à celle du 

feldspath, et sa pesanteur spécifique quadruple de celle 

de l’eau distilée. M. Lelièvre la nomme yérite d’après 

l'un des événemens les plus mémorables de ce siècle. 

M. Baraillon, correspondant de la classe d’his- 
toire , ayant découvert dans les fouilles qu’il fait faire 
À l’ancienne ville romaine de Neri, près Montluçon, 
des vases antiques d’étaim , M. Mongez , membre de 
la même classe, a été curieux de connoître leur dégré 
de pureté. Il résulte de l’analyse qu’en a faite à sa 
prière , M. Anfrye; inspecteur-général des essais à la 
monnaie , qu’ils contiennent près de trois dixièmes et 
demi de plomb. On sait, par les expériences de M. 
Proust , ‘qu’un tel alliage n'offre aucun des dangers 
qu’on imaginoit. 

Nous avons parlé l’année dernière d’une application 
importante de la chimie aux arts, qui consistoit à rendre 
les aluns communs égaux à l’alun de Rome pour la tein- 
ture , et nous avons vu qu’il ne s’agissoit que de les 
débarrasser d’un peu de fer. 

Aux divers moyens imaginés pour cela, M. Séguin 
correspondant, vient d’en ajouter un nouveau, pris de 
la différence de solubilité de l’alun pur, et de l’alun 
chargé de fer. Il fait dissoudre seize parties d’alun 
ordinaire dans vingt-quatre parties d’eau , laisse cristal- 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 111 


‘liser , et obtient par ce moyen quatorze parties d’alun 
aussi pur que celui de Rome , et deux parties à peu 
près au degré de celui de Liége. 

On peut appliquer ce procédé à la fabrication pre- 
mière , et obtenir, dès l’origine, un alun qui vautun 
tiers de plus. 

Le même chimistea continué sestravaux sur l’analyse 
des sucs des végétaux. 

Il a traité dans ce semestre de ceux qui necontiennent 
point de cannin ; ils ont tous plus ou moins d’a/bumine 
et de principe amer. Plus l’a/bumine y est abondante, 
plus aussi l’odeur est forte , et plus le suc se corrompt 
aisément. Les champignons, les crucifères et les soda- 
nées sont dans ce cas. M, Sécuin donne l’aperçu des 
proportions de ces deux principes, dans vingt-deux 
familles naturelles de plantes , en faisant remarquer 
dans plusieurs les différences de ces proportions dans 
les diverses parties du végétal, et dans la même plante 
prise à différens âges. Tous ces sucs, traités par l’acide 
sulfurique ou le muriate d’étain , ont -acquis l’odeur 
soit de poires ou de pommes cuites, soit de quelque 
liqueur fermentée, comme du cidre ou de la bière. 

Ce qui rend ces sortes de recherches si difficiles, c’est 
la quantité prodigieuse de réactions et de combinaisons 
diverses qui peuvent se faire entre des substances élé- 
mentaires assez peu nombreuses par elles-mêmes. 

“Nous en avons eu de nouvelles preuves dans le mé- 
moire de M. Thénard, professeur au Collése de 
France, sur léther nitrique. 


112 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


On sait que les é/hers sont des liqueurs odorantes et 
combustibles qui s’obtiennent en traitant l’a/coo/ avec 
les acides. Le plus connu est l’éther sulfurique. Graces 
aux recherches de MM. Fourcroy et Vauquelin , on 
connoît aujourd’hui la marche de sa formation et toutes 
les combinaisons qui se forment avec lui. La théorie 
de l’éfher nitrique étoit moins parfaite. Ce qu’on pre- 
noit pour tel dans les pharmacies n’étoit pas même un 
véritable éther. L’acide nitrique est formé comme on 
sait d’azote et d’oxigène ; l’alcool de carbone d’hydro- 
gène et d’oxigène. Il n’y a donc dans les deux liqueurs 
que quatre substances élémentaires , et il se forme dans 
leur rapprochement dix combinaisons susceptibles d’être 
séparées; savoir, beaucoup d’eau, beaucoup de gaz 
oxide d’azote, beaucoup d’éther, peu de gaz oxidule 
d'azote, de gaz nitreux, de gaz acide carbonique, 
d’acide acétique et d’une matière qui se charbonne 
facilement. Une portion de ces substances reste dans 
le premier vaisseau où s’est fait le mélange; une autre 
passe dans le récipient par la distillation et y prend 
la forme liquide , une troisième reste gazeuse. 

C’est dans cette dernière portion qu’est presque tout 
V’éther, et il faut pour l’obtenir séparément faire passer 
le gaz au travers d’une suite de flacons soumis à un grand 
froid. L’éther se sépare sous forme d’un liquide jau- 
nâtre, dont il faut encore enlever par le moyen de 
la chaux, beaucoup d’acide nitreux et acéteux qu’il 
retient ; il en reforme même quand il en a été dépouillé, 
et cela par la réaction de ses propres principes, sans 
exiger le contact de l'air. 


j 
ie de 


#2 Re 


o 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 113 

M. Thénard conclut de ses expériences que dans 
ces opérations l’oxigène de l’acide se combine avec 
beaucoup de l’hydrogène de l’alcool et peu de son car- 
bone ; d’où résulte beaucoup d’eau, beaucoup de gaz 
oxide d’azote, peu d’acide et de :gaz nitreux, et peu 
d’azote libre ; que l’éther se forme de la réunion des 
deux principes de l’acide nitrique avec l’alcool déshydro- 
géné et légèrement décarbonisé , et que les résidus de 
carbone , d'hydrogène et d’oxigène fournissent l’acide 
acéteux et la matière charbonneuse. : 

On conçoit aisément combien il a dû être difficile 
de saisit ainsi dans leurs moindres détails des actions. 
si fugitives , et de séparer des combinaisons si variées 
et si faciles à s’altérer et à se convertir réciproquement 
les unes dans les autres. Nous regrettons vivement que 
les bornes d’un rapport tel que celni - ci ne nous. per- 
mettent point de donner une idée des procédés ingénieux 
et délicats dont M. Thénard s’est servi, , 

On se souvient de la théorie particulière à M. le 
comte de Rumfort, associé étranger, sur la cause de 
la chaleur, qu’il attribue à certaines vibrations des 
particules des corps , et non pas à une matière particu- 
lière , ou à ce calorique admis par la plupart des chi- 
mistes. On lui opposoit une objection très-forte ; c’est 
que les corps s’échauffent quand on les condense, pour 
ainsi dire commé si la condensation exprimoit le calo- 
rique qui ÿ étoit contenu. et qui, n’y trouvant plus de 
place, manifeste sa sortie par ses effets. Ainsi, l’eau 


et l’alcool mélés perdent un quarantième de volume , 
1806, P 


114 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


et gagnent plusieurs degrés du thermomètre ; les pièces 
de monnoie sortent chaudes du balancier qui les a com- 
primées, etc. 

M. de Rumÿfort a répondu à ces expériences par 
d’autres qui ne sont pas moins certaines, et dans 
lesquelles la condensation est accompagnée au contraire 
de refroidissement."Ainsi des dissolutions de plusieurs 
sels mêlées à de l’eau pure , perdent à la fois du volume 
et de la chaleur. On savoit bien que les sels en se dis- 
solvant produisent souvent du froid , et on expliquoit 
ce phénomène par la nécessité qu’une matière solide 
absorbe du calorique , quand elle devient liquide ; mais 
cette explication ne paroît pas applicable , quand une 
dissolution déjà toute faite est simplement délayée avec 
de nouvelle eau. 

On sait que la vapeur de l’eau, quand elle ne peut 
sortir des vaisseaux qui la renferment, est suscep- 
tible d'acquérir une chaleur bien supérieure à celle de 
l’eau bouillante, et M. de Rum/fort a imaginé depuis 
long -temps un moyen prompt et peu dispendieux, 
d’échauffer les liquides en y introduisant de cette vapeur 
dans un état de chaleur extrême. 

Il vient d’en faire une application extrêmement heu- 
reuse à l’art de fabriquer le savon, et a réussi à cuire 
cette substance au degré convenable en six heures , tan- 
dis qu’il en auroit fallu soixante par la méthode ordi- 
naire. Les espèces de coups que la vapeur échauffée 
donne au mélange d’huile et de lessive en ÿ pénétrant 
et en s’y condensant subitement, contribuent selon 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 115 

M. de Rumfort à cette accélération étonnante de la 
saponification. 

+ Ce savant physicien est aussi parvenu à donner une 
nouvelle perfection aux chaudières destinées à chauffer 
ou à vaporiser les liquides, en hérissant leurs fonds de 
plusieurs tubes qui descendent et plongent de toute 
part dans la flamme, et en multipliant aïnsi la surface 
de ce fonds sans augmenter son diamètre. De cette ma- 
nière on épargne non-seulement le feu, mais encore la 
matière de la chaudière , parce que celle-ci résistant da- 
vantage à l’effort de la vapeur échauffée, n’a pas besoin 
de tant d’épaisseur. 

Presque toute la météorologie dépend de l’action va- 
riable de la chaleur sur atmosphère. C’est l’air diver- 
sement échauffé qui produit les vents par l’inégalité dé 
ses dilatations , et les vents portant les vapeurs dans les 
lieux plus chauds ou plus froids que ceux où elles se 
sont formées , causent leur dissolution plus complète où 
leur précipitation plus ou moins rapide, c’est-à-dire le 
beau temps ou la pluie. 

M. Dupont de Nemours , membre de la classe d’his- 
toire, a présenté sur ce sujet à la classe des sciences, 
quelques réflexions qui ont surtout le mérite de rendre 
en quelque sorte sensible , l’inutilité nécessaire de toutes 
les tentatives pour prédire ces phénomènes par l’analogie 
et la connoissance du passé. 

C’est que la zône de l’échauffement le plus direct , 
c’est-à-dire celle aux différens points de laquelle le soleil 
répond verticalement dans le cours de l’année , n’est ja- 


116 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


mais précisément la même sur la terre, non-seulement 
deux années de suite, mais pendant une infinité de 
siècles , attendu que la précession des équinoxes qui ne 
les ramène aux mêmes points qu'après plus de 26,000 ans, 
et les variations de l’obliquité de l’écliptique dont le pé- 
riode est plus lent encore, contribuent à faire varier 
cette bande ; et en supposant même qu’on eût un jour 
des observations aussi anciennes, il faudreit encore pour 
qu’elles fussent applicables , que la surface de la terre, 
les mers , les montagnes, qui ne sont pas des élémens 
moins essentiels du phénomène, n’eussent pas changé 
dans cet intervalle. 

M. Dupont admet que l'électricité contribue aussi à 
faire varier le temps en formant de l’eau par la combus- 
tion du gaz hydrogène ; il est vrai qu’il paroît cer- 
tain aujourd’hui que ce gaz n’existe point dans la région 
où se forment les orages ; mais M. Dupont suppose qu’il 
y est ramené de plus haut dans les tempêtes dont la vio- 
lence trouble l’ordre naturel des couches de l’atmos- 
phère. 


1 
4 


A 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 117 


NOTICE HISTORIQUE 


SUR 


LA VIE ET LES OUVRAGES 


DE DOLOMIEU, 


Par M. LAcÉPÈDE. 


Lue à la Séance publique du 17 messidor an 10: 


Pxzv de temps s’est écoulé depuis qu’une voix éloquente 
annonça dans cette enceinte , au milieu d’une solennité 
littéraire semblable à celle qui nous rassemble , que les 
malheurs de Dolomieu étoient terminés ; que le Gouver- 
nement Français avoit brisé ses fers , et qu’il alloit être 

rendu aux sciences et à l’amitié. Nous nous livrâmes sans 
inquiétude à la douce satisfaction que nos cœurs éprou- 
vèrent. Nous n’apercevions pas de terme au plaisir de le 
voir parmi nous. Nous calculions avec autant de sécu- 
rité que de joie, les nouveaux ouvrages dont il alloit 
enrichir l’Histoire naturelle ; et le bras invisible de la 
mort étoit déjà étendu sur sa tête : encore quelques 
jours ; et il ne devoit plus rester de lui que ses œuvres 
et sa gloire. | 

: Des vertus modestes , mais capables des’élever jusqu’à 


118 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


l’héroïsme , des mœurs simples , une loyauté antique, 
une tendre bienfaisance , de vastes connoiïssances , un 
esprit supérieur ; de grands travaux , des malheurs 
extraordinaires , une constance au-dessus de ses mal- 
heurs ; tels sont les objets principaux que devroit pré- 
senter le tableau de la vie de Dolomieu. Mais l’amitié 
éplorée ne peut qu’esquisser quelques traits , et laisser 
échapper l’accent de sa douleur profonde. 

Déodat-Guy-Silvain- Tancrède ( Gratet) de Dolo- 
mieu , naquit le 24 juin 1760, de François (de Gratet ) 
de Dolomieu, et de Françoise de Bérenger. Dès le ber- 
ceau , il fut admis dans l’Ordre de Malte. Son nom fut 
ajouté à cette liste sur laquelle on compte tant de noms 
fameux par de hauts faits et par d’honorables chaînes. 
On diroit que dès son entrée dans la vie, il fut voué à la 
gloire et au malheur. 

Embarqué à l’âge de dix-huit ans, sur une des galères 
de son Ordre , il ne put éviter une de ces circonstances 
que la philosophie. a si souvent déplorées, et où , malgré 
les progrès de la civilisation , la raison , lhumanité , et 
la religion même, luttoient en vain contre l’honneur , 
l'habitude et le préjugé. Obligé de repousser une offense 
grave , il se battit contre un de ses confrères. Son adver- 
saire succomba. Cependant , lorsqu'il fut de retour à 
Malte , l'estime et l'affection des chevaliers ne purent 
le sauver de la rigueur des lois. Des statuts révérés pro- 
nonçoient les peines les plas sévères contre les membres 
de l’Ordre qui, pendant le temps de leur service mili- 
- taire , tournoient leurs armes contre d’autres ennemis 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES, 119 


que ceux de la chrétienté. Il fut condamné à perdre la 
vie. Le grand-maître lui fit grace ; mais cette grace 
devoit être confirmée par le pape. Ce pontife , que d’an- 
ciennes préventions rendoient peu favorable à l’Ordre , 
ne voulant rien faire pour un chevalier , la confirmation 
fut refusée. Plusieurs puissances de l’Europe s’intéres- 
sèrent en vain pour Dolomieu, auprès de Clément XIIT; 
le pape resta inflexible : et Dolomieu languissoit , depuis 
plus de neuf mois, dans une triste captivité , lorsqu’une 
lettre, qu’il adressa au cardinal Torrégiani , premier 
ministre de Rome, obtint ce qu’on avoit refusé aux 
têtes les plus illustres. Ses fers tombèrent, et il fut rétabli 
dans tous ses droits. 

Cependant Dolomieu étoit, pour ainsi dire, devenu 
un homme nouveau. La solitude de sa retraite , le silence 
qui l’entouroit, le besoin d’échapper à l'inquiétude, au 
chagrin , à l’ennui, lui avoient inspiré le goût des médi- 
tations profondes. Il avoit rappelé ses premières études; 
il avoit acquis des connoïssances nouvelles : des pensées 
élevées , des comparaisons attentives , des conceptions 
étendues, en avoient été le fruit. Elles auroïent seules 
produit une grande détermination; mais, d’ailleurs , 
Dolomieu étoit dans Malte, et cette île, que le vul- 
gaire des voyageurs ne voit que comme un rocher élevé 
au milieu des flots de la Méditerranée, qu’est-elle aux 
yeux du philosophe? et que parut-elle à ceux de Do- 
lomieu ? 

Le centre de l’habitation de cette race si distinguée 
de l’espèce humaine, qui, répandue en Europe, dans 


190 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


la partie septentrionale de l’Afrique, dans l’occident de 
l'Asie , occupe toutes les côtes de la Méditerranée , et 
les rives de tous les fleuves qui y portent leurs eaux. 

C’est sur les bords de ces fleuves et de cette mer inté- 
rieure que les sciences et les arts ont répandu une lu- 
mière si vive , et que la civilisation s’est élevée à un si 
haut degré. 

C’est dans ces heureuses contrées que l'Histoire dé- 
couvre les théâtres fameux de ces prodiges qui , à tant 
d’époques diverses , ontillustré l'Egypte , la Syrie , l'Asie 
mineure , la Grèce, l’Italie, la France , l'Espagne et la 
Mauritanie. 

C’est là qu’elle montre les hautès pyramides des rives 
du Nil, les tombeaux de la Thèbes égyptienne, les ruines 
de Palmyre , la place où fut Troie, les colonnes gisantes 
sur la terre sacrée d'Athènes , les admirables restes des 
antiques monumens de Rome, les temples de Cordoue, 
et les sables au milieu desquels on cherche les débris de 
Carthage. 

Là vécurent , et le Mercure des Égyptiens, et l’Ho- 
mère des Grecs ; là Aristote recevoit les tributs qu’a- 
dressoit à la science le vainqueur de la terre; là Pline 
trouva une mort glorieuse au milieu d’une atmosphère 
enflammée ; là fleurirent tant de grands hommes qui ont 
fait l’éternelle renommée des beaux siècles de la Grèce, 
de ceux de Rome, et des trois qui viennent de s’écouler. 

Le génie du commerce se plaît à voir cette Méditer- 
ranée lier trois parties du monde par les communications 
les plus promptes. 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 191 


* Le génie des sciences naturelles contemple ce bassin 
placé à une distance presque égale de l’équateur et du 
cercle polaire. Il le voit recevoir les flots pressés du Don, 
du Borysthène, du Danube, du Rhône, de l’Ebre , du 
Nil , et de tant d’autres fleuves. Il mesure la hauteurdu 
Liban, de l’Ida , des monts Rhymphées , del’Athos, de 
POlympe , des Apennins, des Alpes, des Pyrénées , de 
l'Atlas, dont les longues chaînes élèvent leurs cimes 
sourcilleuses autour de cette Méditerranée. 

Sur les rivages de cette même mer, au milieu de.laves 
amoncelées , de cratères détruits, et de débris fumans, 
les volcans de l’Archipel, le Vésuve et l’Etna vomissent 
leurs torrens de feux. : 

Quels objets ! quels souvenirs ! quelles impressions 
profondes dut éprouver Dolomieu ! quelles réflexions 
durent se présenter en foule à son esprit étonné ! Son 
imagination devint plus vive ; ses idées s’agrandirent ; 
satèête ne conçut plus que de vastes projets ; son génie 
le domina :, il s’abandonna à ses élans généreux ; il ré- 
solut de tenter de grands et de nobles travaux. 

Devoit-il, cependant, ambitionner la palme des arts, 
ou le iaurier de la science ? chercher à marcher sur les 
traces d’'Homère et de Virgile, ou sur celles d’Aristote 
et de Pline ? L'étude de la Nature l’emporta. Mais de ce 


combat, qui décida de sa destinée , il conserva pendant 


toute sa vie un goût très-vif pour les beaux-arts. : 
À l’âge de vingt-deux ans, il suivit à Metz le régiment 
des Carabiniers, dans lequel il avoit été nommé officier 


vers l’âge de quinze ans. Un événement terrible lui 
1806, Q@ 


122 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


donna lieu d’exercer sa courageuse bienfaisance. Pendant 
un hiver si rigoureux que le thermomètre étoit descendu 
au-dessous de douze degrés, un violent incendie se ma- 
nifesta tout-à-coup , au milieu de la nuit. à l’hôpital 
militaire. Le feu faisoit des progrès rapides : il menaçoit 
de tout dévorer ; ét la rivière , profondément gelée , re- 
fusoit l’eau nécessaire pour éteindre les flammes. On 
luttoit en vain contre le danger qui devenoit à chaque 
instant plus redoutable. Combien de malades alloient 
périr , lorsque Dolomieu , suivi de trois de ses cama- 
rades enhardis par son intrépidité , saisissant les haches 
devenues inutiles entre les mains des travailleurs décou- 
ragés , s’élança au milieu des tourbillons de fumée, pé- 
nétra jusqu’au fond des salles embrasées , monta sur le 
faîte des toits ébranlés , et parvint à couper des commu- 
nications funestes ! 

Ce dévouement généreux le rendit encore plus cher à 
un savant , recommandable par sa bonté et par ses con- 
noissances, T’hirion , pharmacien de Metz, dont il re- 
cevoit des leçons de chimie et d’histoire naturelle. Ce 
fut dans le commencement de ses liaisons avec ce phy- 
sicien , que Dolomieu traduisit en italien l’ouvrage de 
Bergmann sur les substances volcaniques. Il ajouta des 
notes à cet ouvrage , ainsi qu’à une traduction italienne 
de la minéralogie de Cronstedt. 

A peu près vers ce même temps, il vit arriver à Metz 
un de ces hommes vénérés que le génie, qui veille aux 
destinées humaines , semble avoir placés dans Les siècles 
corrompus, pour que l’image de l’antique probité n’y 


# 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 123 


soit pas voilée ; dans un rang élevé , pour que le mal- 
heur puisse découvrir de plus loin son asile ; dans le 
sanctuaire des sciences , pour donner un exemple :écla- 
tant du respect qui leurest dû ; au milieu des mouvemens 
généreux d’un peuple qui veut conquérir sa liberté ; pour 
seconder ses efforts par un dévouement sans borres et 
les tempérer par une sagesse prévoyante; au milieu des 
proscriptions , pour montrer la vertu recevant les hom- 
mages des mortels lors même qu’elle tombe sous le fer 
sacrilège d’horribles assassins. Cet homme, dont chacun 
de nous rappelle le nom avec attendrissement , étoit La 
Rochefoucault. Dolomieu, et lui furent bientôt unis 
par les liens d’une amitié qui ne devoit finir qu'avec 
leur vie. 

Indépendamment des recherches sur la pesanteur des 
corps , à différentes distances du centre de la terre , que 
Dolomieu publia dès 1775, il avoit déjà préparé plusieurs 
travaux. La Rochefoucault les vit, y reconnut la main 
d’un naturaliste destiné à une grande renommée, «en 
<entretint, à son retour à Paris, l’Académie des Sciences; 
et cette illustre compagnie envoya à son ami des lettres 
de correspondant. 

En recevant ce titre, qui le flatta d’autant plus qu’il 
me s’y attendoit pas, Dolomieu crut contracter une 
obligation nouvelle envers les sciences naturelles + il 
désira de les servir sans partage. Il se démit du grade 
qu’il avoit dans les Carabiniers. Il quitta la carrière 
militaire. - 


Libre alors de céder à ses penchans secrets, il com- 


12{ HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


mença ses voyages minéralogiques. Ilentreprit de visiter 
les contrées fameuses distribuées autour de la Méditer- 
ranée , et de cette île de Malte, où il avoit commencé sa 
noble vocation. Il alla d’abord en Sicile. 

N'ayant encore que vingt-six ans , doué de toute la 
force de l’âge , animé par toute l’ardeur que peuvent 
inspirer le bonheur de l'étude , et l’espérance des succès, 
il parcourut les environs de l’Etna; il en rechercha les 
bases primitives; il en examina les laves entassées ; il 
en conte mpla les ruines; il en médita les vicissitudes ; il 
en gravit les sommets ; et parvenu au plus haut de ce 
mont terrible et dominateur, debout sur le bord de son 
immense cratère, portant au loin ses regards avides, au 
moment où le soleil élevé dans les airs découvroit à ses 
yeux le plus vaste horizon; ravi par la magnificence du 
spectacle admirable qui se déployoit devant lui, ému 
jusqu’au fond de l’ame , transporté par le sentiment 
secret des triomphes qui l’attendoient, saluant la Nature 
dont il alloit découvrir les merveilles , il mesura, pour 
ainsi dire, la terre qu’il vouloit décrire, et prit possession 
du domaine que son génie vouloit conquérir. 

Descendu de l’Etna, il porta plusieurs fois ses pas vers 
le Vésuve, vers la chaîne des A pennins, vers ces lacs et 
ces montagnes de l’ancien Latium , qui sont des restes ou 
des produits de volcans éteints; vers les hautes Alpes, 
dont il parcourut les différentes directions , aborda les 
différens glaciers , affronta les pics élancés dans les nues, 
suivit les torrens , étudia la substance, la structure, et 
les dégradations. 


“ 


Fr 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 129 


Les îles de Lipari n’échappèrent pas à ses recherches, 
Il en publia la description en 1763. 

Mais cette année fut marquée par un événement qui 
répandit la désolation en Italie, et la consternation dans 
le reste de l’Europe. La Calabre fut agitée par un violent 
tremblement. Un grand nombre d’infortunés en furent 
les victimes. Des phénomènes extraordinaires accom- 
pagnèrent cette grande secousse. Dolomieu se hâta d’aller 
visiter cette terre bouleversée, et de rechercher au milieu 
de ses décombres, la cause de ces funestes événemens, 
liée de si près à la composition du globe, qu’il brûloit du 
désir de dévoiler un jour. 

En 1784, il soumit au public ses idées, non seulement 
sur cette catastrophe , mais encore sur les effets sénéraux 
des tremblemens de terre, dans une dissertation d’autant 
plus curieuse, qu’il prouva, par des faits incontestables, 
que , dans la partie de la Calabre où la commotion avoit 
fait le plus de ravages, toutes les montagnes étoient 
calcaires , sans aucune apparence de matières volca- 
niques ; et en 1788, il mit au jour un Mémoire sur les 
Iles-Ponces , ainsi qu’un Catalogue raisonné des pro- 
_duits de cet Etna qu’il avoit observé avec tant de 
constance. 

. Cependant Dolomieu étoit de retour dans sa patrie 
après cette époque à jamais fameuse du 14 juillet, où 
les lumières , la raison , le sentiment de la dignité de 
Vhomme, et l’amour d’une noble indépendance , se 
montrèrent avec tant d'éclat. Digne ami de la Rochefou- 
cault , il se rangea sous les aux de la liberté. Mais 


326 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


comme aucune fonction publique ne réclamoit l’emploi 
de son temps, il publia plusieurs ouvrages, pendant les 
premières années de la révolution française : l’un sur 
l’origine du basalte ; un second sur un genre de pierres 
calcaires qu’on n’avoit pas distingué avant lui, et au- 
quel la reconnoissance des naturalistes a donné le nom 
de Dolomie ; deux autres sur les roches ainsi que sur les 
pierres composées; et un cinquième sur l’huile de pé- 
trole, et sur les fluides élastiques tirés du quartz. On 
voit dans ces divers travaux les élémens de ces idées gé- 
nérales dont la réunion devoit former une vaste théorie. 

Pendant que Dolomieu se livroit à ses méditations , la 
révolution prenoït une face nouvelle. Le torrent qui ren- 
versoit les anciennes institutions , entraînoit, malgré 
leur résistance, la modération et la prévoyance , qui 
vouloient en créer de nouvelles. Tout étoit emporté par 
un mouvement rapide. Les têtes se troublèrent. Le sen- 
timent exalté prit la place de la pensée réfléchie. Des 
espérances chimériques, ou des craint etexagérées , ach- 
vèrent d’égarer les esprits. Les notions fausses, les idées 
absurdes , dénaturèrent tous les objets, aux yeux d’une 
multitude sans expérience, et menacée dans ses droits 
les plus chers. La confusion devint universelle. La 
vertu fut méconnue. L’ambition du pouvoir et l’avidité 
desrichesses, soutenues par la main invisibie desennemis 
de la France, et cachées sous le voile d’une hypocrisie 
perfide, firent lever sur la fidélité la plus pure, le fer 
dont on croyoit punir les traîtres à la patrie. 

Dans cette nuit profonde, au milieu de cet orage épou- 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 127 


vantable, la Rochefoucault fut frappé. Dolomieu , qui 
ne le quittoit plus depuis que le danger planoit sur sa 
tête, le soutint expirant dans ses bras ,et, bravant les 
satellites du crime, reçut les derniers vœux de son ami, 
ces vœux qu’il formoit pour les objets les plus chers à son 
cœur, sa mère et sa femme, infortunés témoins de cette 
scène horrible. 

Proscrit à son tour , errant de retraite en retraite, il 
eut peu de momens à donner aux progrès des sciences. Il 
publia néanmoins deux Mémoires, lun sur les pierres 
figurées de Florence, et l’autre sur la constitution phy- 
sique de l'Egypte. C’est dans ce dernier ouvrage qu’il eut 
le courage d’exprimer ses regrets sur la mort de son ami, 
et de dénoncer à la postérité des assassins dont le pou- 
voir répandoit encore la terreur. 

Mais vers l’an III de la fondation de la République, 
les jours de gloire et de tranquillité commençoient de 
succéder aux tempêtes révolutionnaires. 

Appelé dans cette importante école des mines, que 
Von venoit de créer, et que recommandent si fortement 
le mérite de ses membres et les services qu’elle a déjà 
rendus à notre patrie , il y professa la géologie, et fit im- 
primer plus d’un Mémoire sur la distribution métho- 
dique de toutes les matières dont l’accumulation forme 
les montagnes volcaniques. 

Vers la même époque, la loi constitutionnelle de l’État 
établit l’Institut national des Sciences et des Arts ; et dès 
le premier jour de notre réunion, nous eûmes le plaisir 
de le compter parmi nos confrères. 


128 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


En moins de trois ans, nous le vîmes faire succéder 
dix-sept nouveaux Mémoires à ceux que je viens d’in- 
diquer; et voici les principaux sujets de ces travaux si 
multipliés. 

La nature de la /eucite, son origine, et les circons- 
tances dans lesquelles on la trouve ; le péridot, dont 
notre célèbre confrère Vauquelin avoit donné l’analyse, 
comparé avec la chrysolite de Werner; l’anthracite, 
combustible qu’il venoit de faire connoître ; le schorl 
volcanique, nommé pyroxæène par un des plus grands 
minéralogistes de Europe; la géologie des montagnes 
des Vosges; la nécessité d’unir les connoïssances chi- 
miques à celles du minéralogiste ; la couleur regardée, à 
tort, comme caractère des pierres ; la chaleur des laves ; 
les principes qui doivent régler la distribution et la 
nomenclature des roches ; la fixation des limites de la 
minéralogie , de la chimie minérale , de la géologie , et 
de l’art du mineur. 

Bientôt il entreprit un nouveau voyage dans la France 
méridionale et dans les hautes Alpes. Il parcourut à pied, 
et le marteau à la main , les contrées arrosées par l'Allier, 
par la Loire, et par le Rhône. Il suivit la grande chaîne 
des Alpes, qui s'étend depuis l'Isère jusqu’à la Valteline; 
visita cette vallée si connuesous le nom d’{//ée-Blancke, 
et dont les escarpemens remarquables sont de trois mille 
mètres; examina le Mont-Rose, ce rival gigantesque 
du Mont-Blanc, auquel il cède à peine par sa hauteur, 
et qu’il égale ou surpasse par sa masse , ses montagnes 
subalternes, ses glaciers , et la variété des substances 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. |! 429 
qu’il renferme. Ilrevitle Lac majeur, le Saint Gothard; le 
Valais, l’énorme suite de bancs verticaux de cette vallée 
du Rhône , et se retrouva, pour la cinquième fois, au- 
près des glaces du Mont-Blanc, illustrées par le séjour 
de son respectable ami, le célèbre Saussure. sa 
.! Après six mois , il révint à Paris, aveclune:immense 
collection de roches et de pierres; mais il:apporta des 
richesses plus précieuses encore, qu’il se hâta de com- 
muniquer au public. Il fit imprimer le compte qu’il en 
rendit à l’Institut ;.et c’est dans cetrouvrage, qui seul 
auroit fait la réputation d’un naturaliste, que: s’élevant 
graduellement des faits particuliers aux résultats géné- 
raux , il expose ses principales idées sur le:plateau grani- 
tique de l’Auvergne , sillonné par tant de vallées, ét 
rehaussé. par tant dé monts volcaniques ; sur ceux de 

ces volcans dont l’action a précédé\la dernière catas+ 
trophe de la terre , et sur ceux qui n’ont existé qu’après 
ce terrible événement; sur la place des véritables foyers 
des volcans ; sur la nature des matières qui produisent 
les phénomènes volcaniques , au-dessous mème des gra- 
anites, que l’on a regardés comme primordiaux ; et qui 
font partie dé ce qu’il appelle la eroñte consolidée du 
globe; sur la fluidité pâteuse, qu’il attribue à cette source 
intarissable des volcans, dont les oscillations propagent, 
selon lui, les secousses des tremblemens de terre, et que 
les fluides ‘élastiques peuvent soulever avec violence; 
sur cette même fluidité particulière qu’ont dû présenter 
lors de leur éruption , les laves compactes, lesquelles ne 
lui paroissent pas avoir éprouvé de vitrification propre- 
1806, 


E. 


130 HISTOIRE DIE IL À IC LA SSE DES SCIENCES 
ment dite 5) sur.la cause de la configuration régulière de 
plusieurs de ses laves ; sur la construction des grandes 
élévations de l'intérieur de la France , qui, composées 
de couches presque horizontales, sont arrondies dans 
leur contour,et sur celle!des Alpes hérissées de pics , et 
formées par la réunion de feuillets verticaux de près de 
trois mille mètres‘; sur l’existenoe. dé véritables bancs 
dans tous les granites ; sur un immensé amas de matières 
calcaires secondaires ,qui , charriées du nord ét du le- 
vant , ont été arrêtées par les Alpes, se sont étendues 
contre leurs jrevérs septentrionaux et orientaux, dont 
elles ont adouci les pentes générales’, et les ont recou- 
verts commetun vaste mantéau , nue une hauteur de 
3400 mètres ;:1sur:lesobserwations qu’exige maintenant 
la géologie, et dontil termine: l’énumération par éès 
paroles: Dieusaitsboma ‘vie: siffle rœ are toutes ue 
recherches rque jeuhédite. ri 1210 4 o710401 Frot 
Quelque temps après, Dolomier venoit de commencer 
sur la minéralogie un ouvrage très-étendu , qui devoit 
faire partie de d’Ercyclopédie méthodique , orsque-le 
vainqueur de L:odi et d’Arcole entreprit cette mémo- 
rable expédition d'Égypte!, dont la politique, le com- 
merce et la philosophie avoient inspiré le hardi projet. 
Lies sciencesiet les arts dévoient répandre tousiles bien- 
faits’ de-lascivilisation moderne ; sur: cette contrée fa- 
meuse, à laquelle l’Europe-et l'Afrique ont dû une si 
grande partie de leurs premiers progrès vers les Ifmières. 
Une cohorte sacrée: de savans et d’artistes accompagne 
l'armée. Dolomieu est nommé pour’partir avec eux: Ja 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. ! 191 
flottesfrançaise arrive devant Malte. Dolomieu , qui 
avoit'ignoré que l’expédition commenceroit par la prise 
deicette Île, se renferme , profondément affligé, dans 
le bâtiment qui l’avoit amené. Le grand:maître s’em- 
presse de le demander pour un dés  pacificateurs. Le 
général ‘en. chef lé choisit. I} ÿa porter ses anciens 
confrères les ‘propositions du! chef' dé l’arméé. ! Malte 
cède aux Français. Dolomieu ; attentif envers tous les 
chevaliers, et surtout à l’égard de ceux qui, dans le 
temps ou dés dissensioris intestines avoient agité l’ordre, 
lui avoient l'été le: plus vivément opposés! sé conduit 
avec tant délgénérosité et de délicatesse ; qu’un grand- 
officier Maltais } qui s'étoif montré son plus ardent an: 
tagoniste (le bail dé Lioras ), lui déeléré avec une 
loyauté! digne ‘dé tous îles deux y qu’il se re procheroit 
toute /5a Vield’avoir été ‘injuste: envers Jui 7 

Cependant on arrive sur les’ côtes d'Égypte! Tout se 
soumet ou ! se dispersé devant le’ génie de la victoire. 
Dolomieu visite Aléxandrie ; Te Délta ; lé Caire 3 les Py- 
ramides | une partie des Montagnes qui bordent la longue 
vallée du Nil: IF voudrôit parcourir toutes les chaînes 
qu’elles’forment | éxaminer toute cêtte partie du bassin 
de la Méditérrance , qu’il voit pour'la première fois, 
pénétrer jusqu'aux rives de la mer d'Arabie ; remonter 
au-déssus des cataractes ; Señfoncer dans les sables de 
la Libié: Lés circonstances s'y opposent. Sa santé se dé- 
range: Fest obligé de repasser en Europe 17 
! Dès leléridémain dé son départ d'Alexandrie , Le vent 
devint impétieux ÿ Veau’ entra dans lé bâtiment avec 


132 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


violence; on jeta à la mer tout ce dont on put débarras- 


ser le vaisseau ; on fit des efforts extraordinaires : Do- 
lomieu ne cessa de donner à ses compagnons l’exemple 
de l’intrépidité ; mais l’épuisement des forces et un dé- 
couragement absolu firent cesser le travail. On alloit 
abaïtre les mâts et s’abandonner à l’orage , lorsqu’un 
vieux patron Napolitain proposa de répandre autour du 
bâtiment du biscuit pilé et de la paille hachée. Cet ex- 
pédient, qui parut d’abord ridicule , réussit néanmoins, 
Les voies d’eau furent fermées par ces fétus qu’entraînè- 
rent les filets du fluide qui se précipitoit dans le bâti- 
ment. On renouvela cette ressource inattendue aussi sou- 
vent qu’on put l’employer. Le vaisseau échappa à la sub- 
mersion ; et après avoir été agité par des vents affreux 
pendant près de huit jours, il fut poussé par la tempête 
dans le golfe de Tarente , et entra dans le port au mo- 
ment où il alloit s’entr'ouvrir. 

Le lendemain un matelot mourut de la peste. Mais un 
danger plus grand menaçoit les Français. 

Depuis trois jours la sanglante contre-révolution de la 
Calabre avoit commencé. Les Français furent faits pri- 
sonniers, mis à terre, et conduits, au milieu des cris de 
mort d’une multitude féroce , dans un cachot, où Do- 
lomieu , le jeune minéralogiste Cordier , son compagnon 
fidèle, le général Dumas et le général Manscour, furent 
entassés avec cinquante-trois de leurs compatriotes. 

Plusieurs fois la populace de Tarente se rassembla 
pour immoler les Français naufragés : toujours elle fut 
contenue par un émigré Corse , nommé Buca Campo, 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 133 


qui, digne, par son héroïsme , d’une meilleure cause , 
ne cessa de risquer sa vie pour sauver celle des Français. 

Dix-huit jours après on annonça l’arrivée des légions 
républicaines triomphantes. Les prisonniers français fu- 
rent transférés dans une maison spacieuse, où on cher- 
cha à leur faire oublier les mauvais traitemens qu'ils 
avoient éprouvés. Mais nos troupes ayant été rappelées 
du royaume de Naples, le danger des prisonniers fut 
plus grand que jamais. Dolomieu cependant faisoit des 
extraits de Pline, pour un ouvrage qu’il préparoit sur 
les pierres des monumens antiques , s’entretenoit d’his- 
toire naturelle avec ses compagnons d’infortune ; rappe- 
loit le souvenir des amis qu’il avoit laissés dans sa patrie, 
lorsque les prisonniers furent embarqués pour la Sicile, 
d’où on devoit les renvoyer en France. On les dépouilla 
de ce qu’ils possédoient : Dolomieu perdit ses, collec- 
tions et ses manuscrits ; et trois jours après l’arrivée des 
Français à Messine, il done qu’il venoit d’être dénoncé. 

Le souvenir des anciennes divisions qui avoient régné 
dans l’Ordre de Malte , n’étoit pas éteint dans tous les 
cœurs. De profonds ressentimens , que ces troubles 
avoient fait naître , venoient d’être réveillés par tout ce 
que peuvent produire de prévention, d’aversion et de 
haine , les événemens d’une grande révolution, les opi- 
nions froissées , les préjugés blessés, l’amour-propre ir- 
rité , les fortunes détruites , la puissance renversée,, et 
le délire porté au plus haut degré. 

Par un aveuglement déplorable, Dolomieu devoit 
être la victime de ces passions ardentes , insensées et 


\ 


134 HISTOIRE DE LA CLASSE D£S SCIENCES 


terribles. Il pressentit aisément tout ce qui l’attendoit. 

Le péril devenoit à chaque-instant plus pressant. Un 
petit vaisseau maltais étoit auprès de celui dans lequel 
les Français étoient encore retenus. Dolomieu pouvoit, 
par le moyen de ce bâtiment , espérer de se sauver; mais 
si la sentinelle résistoit , il falloit lui ôter la vie. Dole 
nrieu ne voulut pas de son salut à ce prix. : 

Il confia à son courageux élève , des lettres pour ses 
amis ; lui remit pour eux des observations précieuses 
sur le niveau de la Méditerranée , qu’il rédigea avec 
autant de tranquillité, que si ses jours avoient été les plus 
prospères ; lui recommanda sa mémoire’, serra dans ses 
bras les Français dont il alloit être séparé , s’efforça 
d’adoucir leur peine, et, sans ostentation ni foiblesse, se 
Évra aux satellites envoyés pour l’arracher à ses compa- 
triotes, qui frémissoient de rasé de ne pouvoir le délivrer. 


*Onle précipita dans ün ‘cachiot éclairé par une seule 


ouverture, que, par une précaution barbare , on fermoit 
toutes les nuits. Là, fl fut privé de toute consolation ; 
là, un geolier inflexible cherchoit , en lui annonçant les 
nouvelles les plus absurdes sur l’état de la République, 
à lui enlever même l'espérance. Là, il étoit forcé de pas- 
ser une grande partie de ses longs jours et de ses longues 
nuits à s’agiter en tout sens, et à secouer avec violence 
kes haillons qui lui restoient encore, pour donner à l'air 
un mouvement qui FéPApR EEE de cesser d’entretenir sa 
respiration. 

Cependant le jeune Cordier avoit revu la France avec 
les lettres de Dolomieu. A l'instant la nouvelle de ses 


M 2 : 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 135 
malheurs sé répand dans la République, et retentit dans 
toute l’Europe. L'Institut mational leréclame avec force, 
Lévgouvernement français redemande un citoyen qui 
honore son pays. La société royale de Londres, et son 
HS he président , devenu maintenant notre a » 
joignent à nos vœux l'intervention la plus pressante. Les 
savans de l’Europe in voquent en sa faveur, et la justice, 
et l'humanité, et la gloire des lettres. Des Danois écrivent 
à leurs correspondans de tenir des fonds à sa dispositions 
Un Anglais établi à Messine (M. Predbend), lui voue 
les soins les plus généreux, M. d’Azara , cet illustre ami 
des sciénces’et des arts, que l’attachement le plus tendre 
unissoit à lui depuis un très-grand nombre d’années , 
seconde par tôus les efforts de;son zèle, ceux que ne 
cessent de renouveler lesparens de Dolomieu. Le Roi d’Es- 
pagneécrit deux fois pour lui. Ses. fers cependant ne sont 
pas brisés; il ignore même si son affreuse destinée est con- 
nue de ceux qu’il aime le plus. 

Pendant ces vaines tentatives , le vénérable Daubenton 
termine sa carrière. La place qu’il occupoit dans le 
Muséum d'Histoire naturelle , devait être donnée au plus 
digne. Deux noms étaient sara par la voix publique; = 
celui de Æaiy et celui de Dolomieu. Dans toute autre 
circonstance;, les professeurs du Muséum auraient hésité 
dans leur choix. Mais Dolomieu était captif. Ilfut nommé 
par les professeurs. 

Peu de jours après éclata un de ces événemens qui 
décident du sort des empires. L’admirable et rapide 
campagne terminée par.la victoire de Marengo, affermit 


136 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


la République sur sa base ; et régla les destins de L’Eu- 
rope. Bonaparte donne la paix à Naples; et la première 
obligation imposée par ce traité, dont la philosophie 
conservera le souvenir, fut la délivrance de Dolomieu. 
Son retour au milieu de ses proches, de ses confrères, 
de ses amis, fut une sorte de triomphe littéraire. 

À peine arrivé dans le Muséum d’histoire naturelle, 
ily donna un cours de philosophie minéralogique. Sa 
voix se fit entendre du haut de la chaire de Daubenton. 
Mais bientôt il nous quitta pour aller de nouveau visiter 
ces hautes Alpes, qu’il nommoit ses chères montagnes. 

I1 fit ce dernier voyage accompagné d’un savant Danois, 
M. Néergaard , qui en a publié l’intéressante relation , 
et de l’estimable préfet du Léman, le Cit. d’Eymar. 
Il vit les plus hauts sommets des environs du Saint- 
Bernard, l'endroit fameux par le passage d’un second An- 
nibal, les monts Gemmi, la belle route que le Gouverne- 
ment français a fait tracer au travers du Simplon, la vallée 
du Tessin, les gorges de Dissentis, celles d’Urseren , le 
val de la Reuss, et les glaciers des monts Geisner. 

Non loin de là parurent à ses yeux les montagnes 
secondaires. En abandonnant les monts primitifs, Dolo- 
mieu , comme frappé d’un pressentiment secret, les con- 
sidéra long-temps , se retourna plusieurs fois ; et leur dit 
un long et triste adieu. 

Il revint à Lyon par Lucerne , les glaciers de Grindel- 
wald , Genève, lesterres deses pères, où il reçutun accueil 
si touchant de ceux avec lesquels il avoit passé son 
enfance ; et il se hâta de partir pour Chateauneuf, où 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 137 


l’'attendoient une sœur chérie et un beau-frère digne de 
seconder ses travaux par ses connoissances en minéra- 
logie , ainsi que par la formation d’une des plus belles 
collections de substances minérales. 

Là, il roula de nouveau dans sa pensée, le vaste 
dessein qu’il avoit formé. Il voulôit ajouter à toutes ses 
recherches deux grands voyages , l’un en Allemagne, 
pour lequel le célèbre Werner et d’autres minéralogistes 
habiles devoient venir au-devant de lui, et l’autre en 
Danemarck, en Norwège et en Suède. Il auroit ensuite 
publié louvrage qu’il avoit médité sur la philosophie 
minéralesique, dans sa prison de Messine, et dont il 
venoit de faire imprimer un fragment, intitulé: De les- 
pèce minéralogique. 

Ce fragment est un monument précieux de son génie 
et de ses malheurs. Il a été écrit dans son cachot de Sicile, 
sur les marges de quelques livres qu’on lui avoit laissés. 
Le noir de fumée de sa lampe, délayé dans de l’eau, lui 
avoit servi d'encre. Sa plume avoit été un os péniblement 
usé contre une pierre. 

. C’est dans ce fragment qu’il montre combien le défaut 
de règle constante dans la fixation des espèces minérales, 
a nui aux progrès de la minéralogie; qu’il propose de 
regarder la molécule intésrante du minéral , comme le 
principe auquel il faut rapporter la détermination de 
l’espèce ; qu’il admet comme seuls caractères spécifiques, 
ceux qui résultent de la composition ou de la forme de 
cette molécule intégrante; qu’il distingue dans les diffé- 


rens états sous lesquels l’espèce peut se présenter, les 
1806, . s 


138 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


variétés de modification qui naïssent de la cristallisation 
régulière , et qui seules constituent des irdividus , les va- 
riétés d'imperfection, qui se rapportent aux produits de 
la cristallisation confuse , et qui ne constituent que des 
masses, les variations qui proviennent de la présence de 
principes hétérogènes, lorsqu'ils ne modifient que la 
transparence, la couleur et l'éclat , et les variations qu’il 
appelle souillures, lorsque ces principes étrangers al- 
tèrent la dureté , la densité, et d’autres propriétés remar- 
quables. Il auroit publié une méthode où cette théorie 
auroit dirigé la distribution et la description desespèces 
minérales. Il auroit élevé à un très-haut degré la science 
géologique. Il alloit acquérir une nouvelle gloire. 

Vains projets ! triste condition humaine ! Une maladie 
imprévue l’abat; et le 7 frimaire de l’an 10, il meurt 
dans les bras de sa sœur, de son frère Alphonse Dolomieu, 
de son beau-frère de Drée, et du législateur La Métherie, 
le frère de son amiintime, le savant naturaliste de ce nom. 

Cette nouvelle funeste répand la consternation parmi 
tous ceux qui vénèrent la vertu et le savoir. Et quel éloge 
de Dolomieu , que les regrets que sa perte a fait naître ! 

Mais s’il a trop peu vécu pour la science, il a assez fait 
poursa renommée. Quelle partie de l'Europe méridionale 
ne rappelle point ses travaux ? Les Alpes et l’Etna atteste- 
ront son zèle aux siècles à venir: ils seront, pour ainsi 
dire , ses monumens funéraires; et jamais le voyageur 
éclairé et sensible ne s’élèvera sur leurs cimes, sans 
prononcer avec attendrissement le nom de Dolomieu. 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 139. 


ÉLOGE HISTORIQUE 
DE 
JACQUES-MARTIN CELS. 


Par M. Cuvirer. 


Lu à la Séance publique du 7 juillet 1806. 


J acques-Marrix Cels, cultivateur-botaniste, membre 
du conseil d’agriculture , établi près le ministère de 
l’intérieur, et de la Société d’agriculture du département 
de la Seine, appartenoit à l’Institut national, depuis la 
première formation de cette compagnie, dans la section 
d’économie rurale et d’art vétérinaire. 

Depuis long-temps ;, les gouvernemens éclairés ont 
confié à des associations d'hommes instruits l’honorable 
soin de recueillir les découvertes dans les sciences et de 
suivre jusqu’à leurs derniers termes tous les services que 
la Société peut attendre de la nature mieux connue. 

Mais peu de ces grands corps ont, comme l’Institut, 
des places réservées pour les hommes qui joignent à la 
théorie générale des sciences , la pratique journalière 
d’un art particulier. 

Peut-être avoit-on d’abord trop étendu cette idée en 
consacrant aussi parmi nous de ces sortes de places à 


140 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


des arts, dont les principes ne pourront être discutés 
sans FA qu’à une époque de perfection dans l’ordre 
social , qui se laisse plutôt désirer que prévoir. 


Elles subsistent du moins encore par rapport aux arts, 
dont les objets purement matériels n’ont rien qui puisse 
faire craindre de les approfondir. 

Ainsi, dansnotre classe, le constructeur expérimenté, 
l’habile machiniste, sont placés entre le géomètre et le 
En le médecin et le chirurgien célèbres siégent 
à côté du physiologiste ou le sont eux-mêmes ; ; celui qui 
exploite les mines peut consulter à à chaque instant celui 
qui en étudie les produits ; le naturaliste, le botaniste et 
le chimiste conversent avec le vétérinaire, l’agriculteur 
et le manufacturier. 

C’est en vertu de ce plan qui associe à un concours 
commun toutes les sortes d’études, que M. Cels siégeoit 
parmi nous, et il n’aura pas manqué de personnes qui, 
trop habituées à réserver leur estime pour les recherches 
de pure spéculation , et ne croyant pas que les sciences 
doivent descendre ainsi de leurs hautes abstractions vers 
des objets qu’on a accoutumé d'abandonner au vulgaire, 
auront été surprises , et du plan en lui-même, et des 
choix qu’il a déterminés. 

Quelques réflexions générales à ce sujet ne seront donc 
pas déplacées , aujourd’hui que l’occasion de les pré- 
senter s’offre pour la première fois, et s’offre d’autant 
plus favorablement, que M. Cels en son particulier, y 
est moins intéressé. En effet, quoiqu'il ait été appelé 
parmi nous comme cultivateur , nous verrons qu’il auroit 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 141 


pu l’être à plus d’un autre titre; car il ne l’étoit devenu 
qu'après s’être donné toute l’éducation d’un savant. 

On s’étonne maintenant de la nécessité où se trouva 
Fontenelle lors du renouvellement de l’Académie des 
sciences, de se donner quelque soin pour prouver aux 
gens du monde que les sciences pouvoient être utiles ; on 
s’étonnera sans doute un jour qu’on ait besoin d’en 
prendre aujourd’hui pour montrer que les arts peuvent 
être savans. . ; 

- Il faut qu’ils le soient pour atteindre entièrement leur 
but; il le faut, même pour que les sciences trouvent 
plutôt toutes les occasions d’arriver au leur. 

L'artiste ordinaire ne se regle que sur des pratiques 
transmises par tradition; le hasard ou de légers essais 
lui fournissent toutes ses améliorations ; des siècles peu- 
vent s’écouler sâns qu’il s’en rencontre aucune. 

Le physicien , au contraire, procède en s’élevant aux 
principes des choses; il calcule d’avance tout ce qui peut 
dériver des principes qu’il connoît ; la moindre proposi- 
tion générale qu’il découvre, peut faire une révolution 
dans tous les procédés d’une longue série d’arts ou de 
professions mécaniques. 

Mais qui porteroïit ces découvertes dans les ateliers ; 
qui les répandroit dans les campagnes ; qui interprè- 
teroit au peuple le langage si mystérieux pour lui, de 
Vabstraction , si les savans n’admettoient dans leurs 
assemblées les praticiens les plus éclairés ; si ces derniers 
ne s’ÿ instruisoient immédiatement de chaque observa- 
tion dont ils peuvent tirer parti; s’ils n’y étoient formés 


142 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


à l'habitude des raisonnemens rigoureux , et de la préci- 
sion dans les expériences et dans les calculs ? 

Et que l’on ne croie pas que les arts, simples disciples, 
profitent seuls de cette admission : non seulement ils 
réfléchissent sans cesse la lumière qu’ils reçoivent, ils 
éclairent encore par eux-mêmes. 

Les faits bien constatés sont la seule matière dont le 
génie dispose pour élever l'édifice des sciences , et les 
hommes de pratique, qui vivent sans cesse au milieu des 
substances et des phénomenes, sont évidemment ceux 
qui peuvent recueillir les faits avec le plus d’abondance 
et de fruit. . 

Ainsi, que sauroient nos botanistes sur la physique 
des végétaux , si l’agriculteur n’eût fait connoître tous les 
degrés et les périodes de leur développement? la teinture, 
la pharmacie, les arts qui fabriquent des liqueurs fer- 
mentées , n’ont-ils pas fourni à la chimie presque toutes 
les bases de ses plus hautes doctrines ; les principaux 
matériaux de la physiologie n’ont-ils pas été pris au lit 
des malades , et si nos géomètres calculent aisément le 
résultat mathématique d’un appareil projeté, ne faut-il 
pas qu’ils recourent à l’expérience du machiniste pour 
prévoirles modifications qu’entraînera l’exécution réelle? 

Et tous ces avantages , c’est seulement cette fréquenta- 
tion, cette société familière et continuelle aujourd’hui si 
heureusement établies parmi nous, qui les portent à leur 
plus haut degré. 

Quelquefois , au milieu de la discussion la plus abs- 
traite , nos praticiens trouvent à citer un fait qu’ils ont 


EP. 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 143 


remarqué,et qui vient remplir dans la série de nos induc- 
tions une lacune dont eux-mêmes ne se doutoient pas. 
Plus d’un système séduisant , plus d’une hypothèse ingé- 
nieuse ont été renversés à leur première apparition par 
quelque observation isolée qu’ils avoient faite et que les 
les physiciens spéculatifs n’auroient pas eue d’abord à 
produire. 

Or les rencontres de la conversation font seules jaillir 
à Pimproviste ces sortes de lumières , et ce seroit envain 
qu’on les attendroit d’ouvrages préparés dans l'isolement. 
Cette partie de notre organisation multiplie donc prodi- 
gieusement les chances pour ces heureuses combinaisons 
d'idées d'où naissent toutes les grandes découvertes set 
nul ne peut prévoir où s’arrêteront les effets de ces tra- 
vaux communs, de ces excitations mutuelles. 

Le moindre de nos théorêmes, promptement saisi par 
les arts, la moindre observation des artistes : prompte- 
ment constatée, généralisée et répandue par les savans, 
peuvent changer l’état du Monde. ; 

C’est ainsi que quelques caractères mobiles ont affran- 
chi la pensée de l'empire du pouvoir; que le mélange 
d’un peu de salpêtre et de soufre a soustrait le courage à 
la supériorité de forces physiques ; que la suspension 
fortuite d’un minéral méprisé a fait disparoître devant 
l’homme la barrière des mers, et réuni toutes les nations 
en une seule république commerçante. 

Et nos derniers temps ne sont pas moins fertiles en 
miracles’! Un acide nouveau est découvert : peu d'années 
après ; la médecine s’en fait un moyen d’anéantir des 


144 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


contagions mortelles ; de pauvres paysans trouvent la 
vaccine : un savant la fait connoître , et l’un des fléaux 
les plus destructeurs va disparoître de l’Univers. 

Ces réflexions n’ont un peu éloigné de mon sujet; 
mais on me pardonnera de m’y être laissé entraîner. 
J’avois d’abord à montrer l’importance de la place que 
M. Cels occupoit dans l’Institut. Maintenant je reviens 
à lui, et je vais essayer de faire voir par quelle suite de 
travaux il s’étoit rendu digne de cette place. 

Né à Versailles en 1743 d’un père employé dans les 
bâtimens du roi , ilétoitentré, dès sa première jeunesse, 
dans les bureaux de la ferme générale, et s’y étant distin- 


gué par des talens et de la probité , il avoit obtenu de 


bonne heure l’emploi assez lucratif de receveur des fermes 
près de l’une des barrières de Paris. 

Mais dès sa jeunesse aussi , tout en s’occupant avec 
assiduité des devoirs de ses places, il savoit encore 
trouver du temps pour l'étude , et s’y livroit avec ardeur. 

Il aimoit les livres, et mettoit à en acquérir , une 
grande partie de ses économies. 

Portant dans leur connoissance un esprit d’ordre qui 
lui fut toujours naturel , il désira de perfectionner les 
méthodes bibliographiques, et rédigea dans cette vue, 
de concert avec le libraire Lottin , l’ouvrage intitulé : 
Coup-d’œil éclairé d’une grande bibliothèque à l'usage 
de tout possesseur de livres , 1 vol. 1-80 1773. 

Ce n’est, à proprement parler , qu’un recueil d’éti- 
quettes faites pour être placées sur les rayons, afin de 
distinguer les livres d’après les sujets auxquels ils se rap 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES: 145 


portent ; ét comme le dit l’auteur lui-même , :7 ze peut 
cenir sa place dans une bibliothèque qu'après avoir été 
-disséqué et mis en lambeaux. 

Mais, si on l’examine avec un peu de soin, on voit 
bientôt qu’une suite aussi complette et aussi méthodique 
de subdivisions suppose des idées générales et philoso- 
phiques de toutes les matières dont il peut être traité 
dans les livres. C’est une sorte d’arbre des connoïissances 
humaines d’après leur objet, et la simple lecture n’enest 
pas sans instruction. 

Cependant M. Cels s’abstint d'y mettre son nom, 
comme à la plupart des ouvrages qu’il a publiés depuis. 

Ce goût pour les distributions et pour l'étude appro- 
fondie des rapports des choses pouvoit naturellement 
conduire M. Cels à l’amour de la botanique, qui n’est 
que l’application de l’art général des méthodes, à l’un 
des règnes de la nature; mais qui en est peut-être l’ap- 
plication la plus ingénieuse , la plus complette et la plus 
nécessaire. 

Il paroît, en effet, qu’il s’y livra de bonne heure : on 
le voit suivre les herborisations de Bernard de Jussieu, 
et se lier assez intimement avec le Monnier le médecin, 
Jean-Jacques Rousseau et d’autres amateurs des plantes. 

Il se forma de bonne heure aussi un jardin de bota- 


nique où il passoit les momens de loisir que lui laissoit 
son emploi. 


Dès 1788 , il se vit en état d’établir une correspondance 
et des échanges qui ne tardèrent point à rendre ce jardin 
? . . . 
lun des plus riches que possédassent des particuliers, 


1806, T 


146 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


Mais bientôt la révolution supprimant les impôts in- 
directs, et le privant de sa charge, le livra tout entier 
à son goût favori , qui devint à la fois son unique occu- 
pation et sa principale ressource. 

Retiré au village de Montrouge, près Paris, il s’y fit 
entièrement cultivateur et commerçant de plantes ; réso: 
lution prise avec courage et exécutée avec persévérance; 
redoublant d'activité dans la correspondance comme 
dans le travail manuel, il se procura des végétaux de 
tous les pays du monde, parvint à en multiplier un 
grand nombre , et les distribua aux amateurs avec une 
abondance dont on n’avoit pas eu d’idée jusqu'alors. 

On imagine bien cependant que ce jardinier d’une 
espèce nouvelle , ne cessa point d’aimer les sciences. 
Les étudians étoient toujours mieux reçus que les ache- 
teurs, et cela sans qu’ils eussent besoin de la moindre 
recommandation. Tout botaniste pouvoit décrire et faire 
dessiner dans son jardin ce qui lui paroissoit intéressant. 

Lui-même,se proposoit de publier un jour la nom- 
breuse collection des faits qu’il avoit observés ; mais se 
fiant trop à une excellente mémoire , il n’avoit rien écrit, 
et sa mort prématurée , nous prive de tout ce qu’il n’avoit 
point fait connoître à ses amis. 

Heureusement il étoit fort libéral de ces sortes de com- 
munications. Les beaux et nombreux ouvrages de bota- 
nique descriptive qui ont paru en France depuis vingt 
ans , lui doivent tous quelques-uns de leurs plus impor- 
tans matériaux. 

C’est dans son jardin qu’ont été dessinées et décrites 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 147 


plusieurs des espèces nouvelles, publiées dans les Szzrpes 
novæ de PHéritier ; dans les plantes grasses et les astra- 
gales de M. de Candolle , et dans les /z/iacées de M. Re- R 
douté, ouvrage le plus magnifique dont la botanique 
ait été jusqu’à présent redevable à la peinture. 

C’est aussi delà que viennent originaïirement quel- 
ques-unes des'plantes que M. Ventenat a fait connoître 
dans sa superbe description du jardin de la Malmaison. 

Mais l’ouvrage auquel le jardin de M. Cels devra 
plus particulièrement la durée de sa réputation ; c’est 
celüi que M. Ventenat'vient de lui consacrer sous 1er titre 
de Jardin de Cels. 

Les botanistesont publié depuislong-tempsdes descrip- 
tions des jardins publics, et de ceux des princes ou des 
hommes riches qui ont mis une partie de leur gloire à 
encourager la science aimable dés végétaux. 

Ici, c’est un ami, qui fait connoître l’œuvre de son 
ami ; tous les deux sont de simples particuliers ; le 
jardin et le livre sont des produits d’entreprises privées, 
et-néanmoins la richesse des matériaux fournis par le 
jardin , et la beauté de l’exécution du livre , surpassent 
une-grande partie de ce qu’on voit dans les entreprises 
antérièures Eten favorisées par Vopulence ou par le 
pouvoir. 

Il faut citer sans cessé ces ‘exemples ; qui montrent 
ce que peuvent encore pour les sciences les hommes ré- 
duits à leur courage ou à la:force de leur volonté. 

M. els: en particulier fut pour long-temps privé de 
tout autre moyen ; par un malheur qui dérangea entière- 


148 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


ment la petite fortune que son économie avoit commencé 
à lui faire. 

Lors du pillage des barrières , en 1789 , une somme 
considérable avoit été enlevée de sa caisse. Les fermiers 
généraux , pour qui sa probité étoit notoire depuis vingt 
ans, n’avoient pas eu la pensée de le rendre responsable” 
du crime d’autrui ; mais lorsque les propriétés de la ferme 
eurent été saisies par la convention, des jugesqui n’avoient 
pas les mêmes données, n’osèrent décider par la seule 
équité une cause devenue celle du trésor public, et les 
hommes qui faisoient alors la loi ne voulurent pas être 
justes. 

Cette perte causa dans ses travaux des retards incal- 
culables. Obligé de se défaire de sa belle bibliothèque, 
réduit à cultiver sur le terrain d’autrui , et successivement 
en différens lieuxt, après vingt années de soin, il ne se 
trouvoit pas plus avancé que des cultivateurs nouveaux. 

Il déploroit ces contrariétés , maïs ne s’en laissoit 
point abattre. Après chaque événement fâcheux , son 
active industrie avoit bientôt reproduit tout ce qui 
pouvoit se passer de temps. 

Il faut dire qu’il fut constamment secondé par les amis 
de la science et par les voyageurs. Ceux-ci confioient de 
préférence leurs graines et leurs plants à l’homme qui 
savoit le mieux les faire fructifier. 

L’éducation des végétaux , comme celle des hommes, 
exige une sorte de dévouement et de sollicitude, qu’une 
véritable passion peut seule inspirer; et personne n’est 
mieux fait pour en sentir la nécessité que ceux qui par 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 149 


une passion d’un autre genre ont exposé mille fois leur 
vie pour procurer à leur pays quelques plantes nouvelles. 

. M. Cels dut plus qu’à tout autre à l’intrépide voyageur 
André Michaux, né comme lui à Versailles, qui réu- 
nissoit comme lui ,à un goût invincible pour les plantes, 
quelque chose d’agreste dans le caractère et un courage 
indomtable , et qui après avoir parcouru les déserts 
brûlans de l'Arabie et de la Perse , après s’être enfoncé 
dans les forêts épaisses de l'Amérique du Nord, en avoir 
gravi les chaînes les plus escarpées, en avoir fait con- 
noître beaucoup de productions, aux propres habitans 
du pays, vient de périr dans un dernier voyage, où 4 
vouloit encore visiter les îles les plus reculées de la mer 
du Sud. 

M. Olivier, M. Bosc, M. Broussonnet, M. Delabil- 
lardiere et d’autres voyageurs botanistes , imitèrent 
Michaux; les étrangers eux-mêmes se firent un plaisir 
de partager avec M. Cels leurs richesses végétales, et 
il recevoit chaque année de nombreux tributs de tous 
les pays où la botanique est en honneur. 

Il est vrai que ces dons ne pouvoient être mieux placés; 
les espèces les plus délicates réussissoient chez lui; il 
sembloit qu’elles connussent ses soins et voulussent y 
répondre. On y admiroit, par exemple , deux protéas , 
arbres du cap de Bonne-Espérance , très-difficiles à éle- 
ver, et dont aucun jardin d'Europe n’offroit de si beaux 
individus. 

Il s’attachoit surtout aux arbres et aux arbustes qui 
peuvent devenir utiles à notre climat. 


190 HISTOIRE DELA CLASSE DES SCIENCES 


Il ya beaucoup répandu le néflier du Japon, seul fruit 
mangeable de ce pays-là, qui n’est sans doute pas aussi 
important pour nous, mais qui fait toujours un gain 
pour nos tables. 

C’est chez lui qu’a été décrit pour la première fois le 
robinia viscosa , arbre d’un effet très-agréable pour les 
bosquets , et qui produit une gomme singulière. 


Il éleva le premier ici, et donna beaucoup de soins au 
? . 
pinkneya pubens, excellent fébrifuge , que l’on estime 
pouvoir, en plusieurs cas, remplacer le quinquina. 
Il avoit beaucoup multiplié les différens chènes de 
l’A mérique-Septentrionale , et surtout le guercus tinc- 
toria , qui donne une belle couleur jaune. 


Nous regarderons toujours comme l’un des principaux 
devoirs de notre place de constater ainsi les inventeurs 
ou les introducteurs des choses utiles; et ne semble-t-il 
pas en effet qu’il y ait quelque chose de déshonorant 
pour la société , dans cette ingratitude qui lui a fait 
oublier jusqu'aux noms de ceux à qui elle doit ses prin- 
cipales jouissances ? 

M. Cels n’étoit point découragé par cet oubli; car il 
ne pensoit point à la gloire, et dans beaucoup d’occasions 
il négligeoit celle que ses travaux auroient pu lui pro- 
curer le plus légitimement. - 

Ainsi, ayant été chargé par l'administration de rédiger 
différentes instructions pour faire connoître aux gens de 
la campagne les meilleures pratiques agricoles , il ne mit 
point son nom à la plupart de ces écrits, quoiqu’ils 


RG 7 


RL 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 151 


eussent pu lui faire honneur par leur netteté et la saine 
doctrine qu’ils renfermoient. 

Il faisoit mieux encore que d’être indifférent à sa 
gloire , il servoit ardemment celle des autres; il ne 
refusoit jamais à ses amis les observations qui pouvoient 
avoir place dans leurs ouvrages ; il permettoit de faire 
dans son jardin et sur ses plantes toutes les expériences 
qui pouvoient éclairer la science , il en suggéroit lui- 
même; pourvu qu’elles se fissent , il ne lui importoit 
point que son nom y fût attaché. À peine l’a-t-il laissé 
mettre aux éditions auxquelles il à contribué de divers 
ouvrages d’agriculture , comme Olivier de serre, Le 
nouveau La Quintinie et quelques autres. 

Au reste , si dans ses travaux il s’occupoit peu de 
sa gloire , dans ses fonctions il s’occupoit encore moins 
de motifs plus puissans sur beaucoup de gens. L’inté- 
rêt, le crédit, le danger même ne purent jamais rien 
sur lui. Toujours il conserva son caractère d’homme 
des champs étranger aux ménagemens de la société ; 
toujours il futinflexible sur ce qu’il crut juste,ou vrai ; 
et l’on saït assez que depuis qu’il fut appelé près de l’ad- 
ministration ; aucun genre de foiblesse n’a manqué 
d’épreuve. 

D’abord la populace faisoit la loi ; elle faisoit plus, 
elle gouvernoit, et gouvernoit en détail dans chaque 
lieu; la démocratie étoit devenue un despotisme mille 
fois multiplié , et l’apologue du sauvage , qui abat l’arbre 
pour en cueillir le fruit, trouvoit une UE dans 
tous nos villages. 


152 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


t 


T1 falloit détruire les grands établissemens d’agricul- 
ture , parce qu’ils avoient appartenu à des riches ; il 
falloit calmer la disette, avec les animaux des plus belles 
races; il falloit couper les futaies et les avenues pour 
planter des pommes-de-terre ; on desséchoit les étangs 
pour les ensemencer , et l’on frappoit de stérilité un 
canton tout entier, en lui enlevant la source de ses arro- 
semens ; on punissoit de mort ceux qui semoient des prai- 
ries artificielles; qu’on juge de la position d’un conseil 
d'agriculture à une telle époque. 

Il est vrai que M. Cels étoit plus propre qu’un autre à 
résister aux chefs de ce temps-là ; il avoit pour le bien la 
même sorte d'énergie agreste qu'eux pour le mal, et 
savoit au besoin leur parler leur langage et les combattre 
avec leurs armes. : 

Mais bientôt l’astuce et l’avidité remplacèrent la fu- 
reur : on ne voulut plus détruire les richesses des autres, 
mais les prendre pour soi; contre de nouveaux ennemis, 
il auroit fallu des armes nouvelles ; mais si M. Cels n’eut 
pas toujqurs autant de succès , il n’eut jamais moins de 
courage ; s’il ne put empêcher tout le monde de se faire 
une part du bien de l'État, il voulut du moins que chacun 
eût aussi la part de réputation qui devoit lui revenir ; et 
ce que dans les deux époques, et malgré tous ces obsta- 
cles, il a effectivement contribué à sauver, en propriétés 
publiques et particulières, en jardins , en troupeaux, en 
pépinières , est incalculable. 

Beaucoup de fugitifs lui doivent , sans peut-être le 
savoir, ce qu’ils ont retrouvé de leurs fortunes, et nul 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES, 153 


ne sait ce que seroient devenus les parcs et les maisons 
royales si, au moment où ils étoient le plus menacés, ils 
n’eussent été mis sous la garde d’une commission dont 
il étoit membre, 

Qui ne se souvient qu’on ne remplissoit alors des com- 
missions semblables qu’au péril de sa vie? 

Le seul motif qui ait jamais pu déterminer ce carac- 
tère inflexible, à dévier un peu de son attachement ri- 
goureux à la règle établie, c’est lorsque , dans ces temps 
affreux où l'assassinat avoit le nom de justice, il y avoit 
quelque espoir de sauver une des victimes désignées par 
les bourreaux qui gouvernoient. Le célèbre botaniste 
l’Héritier étoit de ce nombre, et comme ancien magistrat, 
et comme académicien , et comme passant pour jouir de 
quelque fortune ; on imagina de le cacher dans le jardin 
Marbœuf, en qualité de garde-bosquet ; mais il falloit 
que M. Cels consentit à la fraude , et ceux qui ne 
connoissoient pas son cœur craignoient sa rigidité, 
Il se prêta avec la plus grande joie à prendre sur lui 
ioute la responsabilité d’une bonne action, alors si dan- 
gereuse. 

Les hommes qui ont su, comme lui, résister aux pou- 
voirs oppresseurs ou imprudens qui se sont élevés suc- 
cessivement pendant nos troubles, et qui ont conservé 
pour des temps plus heureux, soit des hommes précieux 
aux sciences et à l'État, soit quelque portion importante 
de la fortune publique , méritent sans doute plus d’estime 
que ceux qui ont fui chaque fois que leurs principes ne 


prévaloient plus, et doivent surtout être soigneusement 
1806, v 


‘ 


154 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES" 


distingués de ceux qui ont fait varier les leurs au gré de 
chacun des dominateurs du moment. 

Cette fermeté extrême de caractère que nous venons 
de faire connoître en M. Cels, n’étoit pas aussi néces- 
saire dans une compagnie dont les délibérations ne por- 
tant point sur les objets qui excitent communément les 
passions des hommes , n’exigent pour Pordinaire que du 
calme et de la réflexion. Ses manières purent donc pa- 
roître quelquefois étranges dans le sein de l’Institut, et 
cependant nous eñmes souvent aussi à nous applaudir 
du principe d’où elles partoient. 

Toutes les vérités ne trouvent pas aisément quelqu'un 
qui veuille les dire, même chez nous qui sommes essen- 
tiellement consacrés au culte du vrai. M. Cels sembloit 
s'être chargé des plus difficiles ; et dans cette foule de 
projets dont nous assiégent, tantôt l’ignorance et plus 
souvent encore la charlatanerie , c’étoient les mieux 
protégés qu’il attaquoit avec le plus de force. 

Son zèle s’exerçoit même contre les mauvais livres : 
il les croyoit plus dangereux en agriculture , parce que 
les lecteurs sont souvent moins instruits ; et ce n’étoit ni 
l'humeur, ni la satire qui lui dictoient ses jugemens ; 
mais, par un résultat involontaire de son ardeur pour le 
bien, l’apparition d’un méchant ouvrage étoit pour lui 
une véritable souffrance, une douleur réelle. 

Nous avouerons volontiers que c’étoit pousser trop 
loin la vertu , et nous nous garderons de donner en 
exemple un sentiment dont l’exercice seroit trop pénible, 
parce qu’il seroit trop répété. 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 155 


Ces dehors un peu âpres, cette façon un peu vive 
d'exprimer ses improbations , n’altéroient en rien la pro- 
fonde estime que M. Cels inspiroit à ceux qui avoient pu 
le connoître. 

La preuve en est qu’il réunissoit toutes les voix, 
quand il falloit charger quelqu'un des affaires de l’Ins- 
titut, et que ses opinions l’emportoient très-souvent 
dans nos délibérations. Il faut qu’un avis soit bien bon 
pour que la manière de le présenter n’influe point sur 
le succès , et qu’un homme ait bien du mérite , pour 
qu’il n’ait aucune peine à prendre pour se faire aimer. 

Ilest vrai que l’activité naturelle de M: Cels redou- 
bloït encore quand il s’agissoit de servir-l’Institut. IL 
venoit ici à pied, de bien plus loin que nous tous, 
puisqu'il demeuroit à la campagne ; et cependant il 
_étoit le plus assidu, et le premier arrivé, non seule- 
ment aux séances, mais à tous les comités et aux 
nombreuses commissions dont il se laissoit toujours 
nommer membre. 

L'hiver, ni la nuit ne l’arrêtoient point , et nous 
savons .de ses collégues dans l'administration, qu’il 
remplissoit ainsi tout ce dont il se chargeoiït. 

_ Aussi doit-on dire, à ’éloge de ses chefs, autant qu’au 
sien , qu'il$ne lui surent jamais mauvais gré de se dis- 
‘penser de tout ce que n’exigeoit pas le service public. 
Lorsqu'une suite d’événemens presque miraculeux eut 
ramené la France ; après des malheurs dont l’histoire 
n'offre guère d'exemples , à un degré subit de splendeur 
-et de puissance dont elle en offre peut-être encore moins, 


156 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


M. Cels fut continué dans les fonctions qu’il avoit si 
honorablement remplies, sous tant de régimes divers. 

Toutes les branches de l'administration se régénérant 
avec rapidité, les campagnes attendoient aussi leur police 
particulière ; le conseil d’agriculture fut chargé d’en 
préparer le Code, et M. Cels eut une grande part à sa 
rédaction. 

Ce travail étoit immense ; il falloit s’instruire des 

usages de chaque canton, de leurs avantages, de leurs 
inconvéniens, des remèdes possibles. M. Cels s’étoit pro- 
curé ces renseignemens au moyen de questions rédigées 
avec soin, et adressées par tout l’Empire. 
Il falloit ensuite discuter les dispositions projetées , 
avec ses collègues et devant ses chefs , et ici se déployoit 
mieux encore que dans toute autre occasion la fermeté 
de son caractère , et avec raison sans doute ; car l’in- 
fluence d’une mauvaise loi est bien plus funeste que celle 
d’un mauvais système dont peu de gens sont dupes, 
ou d’une déprédation qui n’a qu’un effet local ou mo- 
mentané. 

T1 donnoit pour base principale à ses projets de régle- 
mens , l’extension la plus illimitée possible du droit de 
propriété, et c’étoit à la défendre qu’il mettoit le plus de 
chaleur. ” 

11 falloit, selon lui, donner aux propriétaires tous les 
moyens de sinstruire, et leur laisser ensuite tirer parti 
de leurs biens par tous les moyens qui ne nuisent point à 
leurs voisins ; mais non prétendre ériger l’instruction en 
loi, et vouloir être sage pour tout le monde, en faisant 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES: 157 
‘dans le cabinet des réglemens généraux quinemanquent 
jamais d’être impraticables en beaucoup de lieux. 

On pourroit presque dire qu’il a été le martyr de sa 
doctrine; car il prit sa dernière maladie en retournant à 
son jardin, un jour qu’il avoit mis toute la chaleur de 
son caractère à soutenir une disposition importante à 
l’agriculture , contre laquelle on faisoit valoir des motifs 
tirés d’autres parties du service public. 

Cette maladie fut violente comme son tempérament, 
et le mit en peu de jours au tombeau le 15 mai dernier. 

La nouvelle de sa mort nous arriva presque aussitôt que 
celle de sa maladie, et toutes ses circonstances étoient 
faites pour augmenter notre surprise et notre douleur; 

Parmi tant de vieillards d’un tempérament foible ; 
parmi tant d'hommes livrés aux méditations sédentaires 
et à la vie malsaine du cabinet, il en étoit un robuste de 
corps, s’exerçant aux travaux champêtres, vivant dans 
Vair pur de la campagne , et c’étoit lui que la mort étoit 
venue choisir dans nos rangs; elle l’avoit atteint au mo- 
ment de l’année le plus heureux pour lui, lorsque les 
seules richesses qu’il connût se renouveloient dans tout 
leur éclat. 

Ce jardin , son plus bel ouvrage, d’où il fallut enlever 
son corps; cette verdure, ces fleurs, ce luxe de végéta- 
tion , ces paysans du voisinage qui croyoient venir aux 
obsèques d’un de leurs camarades , et se trouvoient 
mêlés à quelques-uns de nos premiers magistrats, de 
nos savans les plus illustres; ce simple discours d’un 
bon curé de campagne, déplorant un paroissien ver- 


158 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 
tueux, suivi de harangues qui préconisoient un digne 
membre dé notre première institution littéraire ; enfin, 


cette famille en larmes , tout cet appareil de deuil et de 
douleur, au milieu de la pompe naturelle de la plus 
riche campagne et du ciel le plus pur; cet ensemble et 
ces contrastes produisirent sur nous une impression dont 
le souvenir ne s’effacera point , et que je ne me reproche 
pas d’exprimer encore, parce que je sens que ses amis, 
ses collègues , ceux qui viennent d’être entretenus de ses 
“services , doivent la partager. 


ü 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES: 159 


ÉLOGE HISTORIQUE 


DE 


Pi ? 


Tir 


MICHEL ADANSON 


Par M. Cuvier., 


Hi tL/+- 


Lu à la Séance publique de la classe , le 5 janvier 1807. 


Lors Qu E nous paroissons à cette tribune, c’est presque 
toujours pour y présenter le tableau d’une vie à la fois 
heureuse et utile; ceux que nous y louons ont réuni le 
double avantage d’éclairer leurs semblables, et de s’en 
faire aimer ; la reconnoissance publique elle-même nous 
dicte hautement leur éloge; et la certitude de n’avoir à 
exprimer que le sentiment universel des amis des lu- 
mières, nous soutient contre la défiance où nous sommes 
de nos forces. 

Mais il nous arrive aussi quelquefois d’avoir à rap- 
peler l’attention sur un homme de mérite trop négligé 
pendant sa vie, et de réclamer en faveur de sa mémoire 
contre l’indifférence de ses contemporains. 

Un motif non moins puissant nous anime alors. Nos 
fonctions devenues plus pénibles , ne nous en paroissent 
que plus hénorables et plus touchantes ; elles prennent 
en quelque sorte à nos yeux le caractère auguste d’une 


160 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


magistrature publique , et nous les exerçons avec toute 
la chaleur qu’inspire un devoir sacré. 

Les travaux les plus suivis, les conceptions les plus 
fécondes n’ont été que trop souvent réduits à cette justice 
tardive, et peut-être les exemples en seroient-ils décou- 
geans à force d’être multipliés, si à côté de cet injuste 
abandon , ils n’offroient aussi son préservatif et sa con- 
solation ; je veux dire, si l’on n’y voyoit en même temps 
et les causes qui le produisent et les jouissances qui en 
dédommagent. | 

Les unes et les autres viennent du même principe. 
L'homme digne de connoître la vérité , trop satisfait de 
ce charme ineffable attaché à sa recherche, ne s’occupe 
point assez de l’opinion des autres, et même, il faut le 
dire, c’est presque toujours sa propre indifférence qui 
cause celle de son siècle ; indifférence coupable , puis- 
qu’elle peut faire manquer au génie sa noble destination. 

L’éloge historique de M. Adanson mettra en évidence 
toutes ces vérités et tirera d’elles son principal intérêt. 
Les qualités diverses de cet homme savant et singulier, 
leur origine et leurs effets, leur accord et leur opposi- 
tion , leur influence sur ses travaux et sur sa fortune, 
concourront également à ce but. 

Courage indomtable et patience infinie, génie pro- 
fond et bizarrerie choquante, ardent désir d’une réputa- 
tion prompte et mépris des moyens qui la donnent, calme 
de l’ame enfin au milieu de tous les genres de privations 
et de souffrances , tout dans sa longue existence méritera 
d’être médité et deviendra tour-à-tour noble exemple 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 161 


pour l’émulation , ou salutaire avertissement pour la 
conduite. 

Michel Adanson , membre de l’Institut et de la Lé- 
gion d'honneur, membre étranger de la Société royale 
de Londres, ci-devant pensionnaïire de l'Académie des 
sciences et censeur royal , naquit à Aix en Provence, le 
7 avril 1727, d’une famille écossaise qui s’étoit attachée 
au sort du roi Jacques. Son père écuyer de M. de Vinti- 
mille , archevêque d'Aix, suivit ce prélat lorsqu'il fut 
nommé à l’archevèché de Paris, et amena avec lui dans 
la capitale le jeune Michel, alors âgé de trois ans. 
M. Adanson le père avoit encore quatre autres enfans et 
n’étoit pas riche; mais la protection de l’archevêque 
l’aida dans leur éducation : chacun d’eux reçut un petit 
bénéfice , et Michel Adanson en particulier eut , à l’âge 
de sept ans, un canonicat à Champeaux en Brie, qui 
servit à payer sa pension au collége du Plessis. 

Beaucoup de vivacité dans l'esprit, une mémoire im- 
perturbable et un ardent désir des premiers rangs, c’en 
étoit plus qu’il ne falloit pour avoir de grands succès de 
collége, et pour être montré avec complaisance dans 
toutes les occasions. 

Le célèbre observateur anglais , Tuberville Needham, 
renommé alors par les faits nombreux et singuliers que 
ses microscopes lui avoient fait découvrir, assistoit un 
jour aux exercices publics du Plessis ; frappé de la manière 
brillante dont le jeune Adanson les soutenoit, il demanda 
la permission d’ajouter un microscope aux livres que l’é- 
colier alloit recevoir en prix; et en le lui remettant ; il 

1806, s 


162 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


lui dit avec une sorte de solennité : Vous qui étes si 
avancé dans l'étude des ouvrages des hommes , vous étes 
digne aussi de connoître les œuvres de La nature. 

Ces paroles décidèrent la vacation de l’enfant ; elles 
étoient restées profondément gravées dans la mémoire de 
M. Adanson , et il les répétoit encore avec intérêt vers la 
fin de sa vie. . 

Dès cet instant , sa curiosité ne change plus d’objet; 
l'œil attaché pour ainsi dire à cette étonnante machine, 
il y soumet tout ce que lui fournit l’enceinte étroite de 
son collége , tout ce qu’il peut recueillir dans les prome- 
nades en s’écartant furtivement des sentiers tracés à ses 
camarades , les plus petites parties des mousses , les in- 
sectes les plus imperceptibles. Il connut ces productions 
que la nature semble avoir réservées pour l’œil curieux 
du physicien , avant celles qu’elle abandonne aux jouis- 
sances générales , et son esprit étoit déjà tout rempli de 
ces merveilles de détail , que son ame n’avoit point encore 
éprouvé l’impression du grand spectacle de l'Univers. 
Peut-être même ne fut-elle jamais livrée à ces émotions 
à la fois si douces et si vives ; il n’eut point de jeunesse; 
le travail et la méditation le saisirent à son adolescence ; 
et pendant près de 70 ans, tous ses jours , tous ses instans 
furent remplis par les observations pénibles, par les re- 
cherches laborieuses d’un savant de profession. 

Admis au sortir du collége dans les cabinets de 
Réaumur et de Bernard de Jussieu , une riche moisson 
s’ouvrit à son activité; il la dévora avec une sorte de 
fureur ; il passoit ses journées entières au Jardin des 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 163 


Plantes ; non content d'entendre les professeurs , il ré- 
pétoit leurs leçons aux autres écoliers ; aussi , disoit-il , 
en plaisantant, des professeurs actuels, qu’ils étoient 
ses élèves à la troisième génération. Nous nous sommes 
assurés par ses manuscrits, que vers l’âge de 19 ans, il 
avoit déjà décrit méthodiquement plus de quatre mille 
espèces des trois règnes. Les seules opérations manuelles 
qu’un semblable travail exige, prouvent qu’il yemployoit 
une partie de ses nuits. 

C’étoit beaucoup pour son instruction , mais ce n’étoit 
presque rien pour l’avancement de la science. La plupart 
de ces êtres étoient déjà connuset décrits dans les livres : 
quelque climat peu visité pouvoit seul lui en fournir en 
abondance qui n’eussent jamais été vus ni examinés par 
les naturalistes. 

M. Adanson brûlant dès-lors de l’ambition de se placer 
à quelque prix que ce fût, parmi ceux qui ont reculé les 
bornes de l’histoire naturelle, et ne connoissant pour 
cela, comme la plupart des jeunes étudians , que la voie 
facile de multiplier les descriptions des espèces, prit 
donc le parti de voyager. Il résigna son bénéfice, obtint 
à force d’instances et par le crédit de MM. de Jussieu, 
une petite place dans les comptoirs de la compagnie 
d'Afrique, et partit pour le Sénégal , le 20 décembre 
1748. 

Les motifs de son choix sont curieux. C’estque c’étoit 
(dit-il dans une note restée parmi ses papiers ), de ous 
les établissemens européens Le plus difficile à pénétrer, 
le puis chaud, le plus malsain , le plus dangereux à tous 


164 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


Les autres égards , et par conséquent le moins connu des 
naturalistes. Il ne faut pas avoir un zèle équivoque pour 
se déterminer précisément sur de pareilles raisons. 

Au reste , il devoit sentir moins qu’un autre la diffé- 
rence de Paris et d’un désert : travaillant partout dix- 
huit heures par jour, il ne s’apercevoit guère s’il étoit 
près ou loin des jouissances du monde. Il paroît d’ail- 
leurs avoir eu toujours un tempérament très-robuste. 
On le voit dans sa relation , tantôt parcourir des sables 
échauffés à 60 degrés qui lui raccornissoient les sou- 
liers , et dont la réverbération lui faisoit lever la peau 
du visage; tantôt inondé par ces terribles orages de la 
zone torride, sans que son activité en fût ralentie un 
instant. 

En cinq ans qu’il passa dans cette contrée, il ras- 
sembla et décrivit un nombre prodigieux d’animaux et 
de plantes nouvelles; il leva la carte du fleuve aussi 
avant qu’il pût le remonter, et l’assujettit à des obser- 
vations astronomiques ; il dressa des grammaires et des 
dictionnaires des peuples de ses rives ; il tint un registre 
d'observations météorologiques faites plusieurs fois cha- 
que jour ; il composa un traité détaillé de toutes les 
plantes utiles du pays; il recueillit tous les objets de son 
commerce , les armes, les vêtemens, les ustensiles de 
ses habitans. 

Nous avons vu chez luitous ces travaux en manuscrit, 
et nous avons été étonnés qu’un homme seul et dénué de 
toute assistance, ait pu y suffire en si peu de temps. 
Cependant ce court espace fut encore occupé par des 


Ur ae as 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. : 165 


méditations générales beaucoup plus importantes, qui 
devinrent les principes de ses autres travaux, et qui dé- 
terminèrent la marche de ses idées, et le caractère du 


reste de sa vie. 


Que l’on se représente un homme de 21 ans, quittant 
pour ainsi dire les bancs de l’école, encore en grande 
partie étranger à tout ce qu’il y a de routinier dans 
nos sciences et dans nos méthodes , presque sans livres, 
et ne conservant suères que par le souvenir les traditions 
de ses maîtres; qu’on se le représente transporté subi- 
tement dans un pays barbare, avec une poignée de 
compatriotes que le langage seul rapproche de lui , mais 
qui ignorent ses recherches ou les dédaignent , livré par 
conséquent pendant plusieurs années à l'isolement le 
plus absolu , sur une terre nouvelle , dont les météores, 
les végétaux , les animaux , les hommes ne sont point 
ceux de la nôtre. Ses vues auront nécessairement une 
direction propre , ses idées une tournure originale; il ne 
se traînera point dans nos sentiers battus ; et si d’ailleurs 
la nature lui a donné un esprit appliqué et une ima- 
gination forte , ses conceptions porteront l’empreinte du 
génie. Mais n’ayant point à les faire passer dans l'esprit 
des autres, sans adversaires à combattre , sans objections 
à réfuter, il n’apprendra point cet art délicat de con- 
vaincre les esprits sans révolter les amours-propres , de 
détourner insensiblement les habitudes vers des routes 
nouvelles, de contraindre la paresse à recommencer un 
nouveau travail. D’un autre côté, toujours seul avec 
lui-même, et sans objet de comparaison, prenant chaque 


166 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


idée qui lui vient pour une découverte, jamais exposé à 
ces petites luttes de société qui donnent si vite à chacun 
la mesure de ses forces, il sera enclin à prendre de son 
talent des idées exagérées , et n’hésitera point à les ex- 
primer avec franchise. 

Cequ’un tel jeune homme devroit devenir, M. aie 
le devint; ceux qui l’ont connu ont dù observer en lui 
tout ce qu’il y a bon et de mauvais dans ce portrait, et 
de ce caractère une fois donné se déduit presque néces- 
sairement le sort de ses ouvrageset celui de sa personne. 

De retour en Europe, le 18 février 1754, avec sa riche 
provision de faits et de vues générales , il chercha aussi- 
tôt à prendre parmi les naturalistes le rang qu’il croyoit 
lui appartenir. 

__ Létat de l’histoire naturelle avoit notablement changé 
pendant son absence. Réaumur étoit près de mourir. Ses 
ingénieuses recherches n’avoient dans de Geer qu’un 
continuateur foible et moins heureusement placé. Mais 
Linnæus et Buffon commencoient à se frayer le chemin 
vers l’empire qu’ils se sont partagé pendant près d’un 
demi-siècle. 

L’un, d’un esprit perçant, d’une application opiniâtre, 
embrassant toutes les productions de la nature, les con- 
traignoit en quelque sorte dans des classifications arbi- 
traires, mais précises et faciles à saisir, leur imposoit 
des noms étranges, mais invariables etcommodes à rete- 
nir, les décrivoit dans un langage néologique, maïs court, 
expressif, et d’une signification rigoureusement fixée. 

L'autre, d’une imagination élevée, grave et imposant 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 167 


dans son style , comme dans ses manières, s’attachant à 
un moindre nombre d’êtres, négligeant ces échafau- 
dages artificiels que l’étude de productions plus nom- 
breuses auroit exigés, épuisoit, pour ainsi dire, chacun 
des sujets qu’il traitoit ; il èn traçoit des tableaux ani- 
més ; la pompe et la majesté de la nature régnoient dans 
leur ordonnance ; son éclat et sa fraîcheur dans leur co- 
loris ; ils étoient liés par des vues neuves , hardies, quel- 
LR téméraires , mais toujours exposées avec un art 
entraînant. 

Les livres de Linnæus renfermant sous un petit vo- 
lume une immense série d’êtres de toutes les classes, 
étoient le manuel des savans : ceux de Buffon offrant 
dans une suite de portraits enchanteurs un choix des êtres 
les plus intéressans , faisoient le charme des gens du 
monde ; mais tous Hi deux presque exclusivement livrés 
à leurs idées particulières , avoient trop négligé un point 
de vue essentiel: l’étude de ces rapports multipliés des 
êtres , d’où résulte leur division en familles fondées sur 
leur propre nature , et c’étoit précisément là ce qui avoit 
fait le principal sujet des méditations de M. Adanson 
dans sa solitude. 

Il en développa le premier avec énergie toute l’im- 
portance, et en suivit très - loin l’application ; la har- 
diesse de sa marche, la précision de ses résultats frap- 
pèrent les naturalistes ; au point qu’ils crurent un ins+ 
tant voir en lui un digne rival de ces deux grands 
maîtres ; et peut-être n’a-t-il, en effet, manqué à sa 
réputation pour approcher de la leur, qu’un aussi heu- 


168 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


reux emploi des moyens accessoires dont ils surent si 
bien se servir. 

Essayons de tracer une esquisse rapide , et de ce point 
de vue en lui-même , et de la manière particulière dont 
M. Adanson l’envisagea. 

Un être organisé est un tout unique, un ensemble de 
parties qui réagissent les unes sur les autres, pour pro- 
duire un effet commun. Nulle de ces parties ne peut 
donc être modifiée essentiellement sans que toutes les 
autres ne s’en ressentent. Il n’y a donc qu’un certain 
nombre de combinaisons possibles parmi les grandes 
modifications des organes principaux , et sous chacune 
de ces combinaisons supérieures , il n’y a encore qu’un 
certain nombre de combinaisons subordonnées de mo- 
difications moins importantes qui puissent avoir lieu. 

Par conséquent , si l’on avoit une connoissance exacte 
de toutes ces combinaisons des différens ordres, et que 
chacune fût rangée à la place déterminée par les organes 
qui la constituent, lon auroit aussi une représentation 
véritable de tout le système des êtres organisés ; tous 
leurs rapports, toutes leurs propriétés se laïsseroient 
réduire à des propositions générales ; la nature intime 
de chacun d’eux se laisseroit clairement démontrer; en 
un mot, l’histoire naturelle seroit une science exacte. 

Voilà ce qu’on entend par la méthode naturelle. Prin- 
cipale clef des mystères de l’organisation , seul fil propre 
à guider dans cet inextricable labyrinthe des formes de 
la vie , ce n’est que par elle que le naturaliste pourra 
s'élever un jour à cette hauteur d’où la nature entière 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 169 


lui apparoîtra dans son ensemble et dans ses détails, 
comme un seul et vaste tableau. Mais jusqu’à présent 
nous ne faisons qu’entrevoir quelques portions de ce 
tableau sublime ; et le point d’où nous pourrons l’em- 
brasser tout entier, n’est encore pour nous qu’une espèce 
de but idéal que nous n’atteindrons peut - être jamais 
tout-à-fait, quoiqu'il soit de notre devoir d’y tendre 
constamment , et qu’à force de travail nous puissions tous 
les jours en approcher davantage. 

La route la plus directe seroit de déterminer les fonc- 
tions et l’influence de chaque organe, pour calculer 
Veffet de ses modifications ; formant alors les grandes 
divisions d’après les organes les plus importans , et des- 
cendant ainsi aux divisions inférieures, on auroit un 
cadre, qui, pour être fait d'avance, et presque indé- 
pendamment de l’observation des espèces, n’en seroit 
pas moins l’expression réelle de l’ordre de la nature. 
C’est ce principe qu’on nomme la subordination des 
caractères. Il est parfaitement rationel et philosophique, 
mais son application supposeroit , touchant la nature, les 
fonctions et l’influence des organes, des connoissances 
dont on étoit trop éloigné à l’époque où M. Adanson 
commença ses travaux, pour qu’il pût songer à l’em- 
ployer; peut-être même n’en eut-il jamais l’idée. 

Il eut donc recours à une méthode inverse que l’on 
peut appeler empirique ou d'expérience: celle de la 
comparaison effective des espèces; et il imagina pour 
appliquer , un moyen qui lui est propre et qu’on ne peut 
s’empêcher de regarder comme infiniment ingénieux. 


1806, Y 


170 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


Considérant chaque organe isolément, il forma de 
ses différentes modifications un système de division , 
dans lequel il rangea tous les êtres connus. Répétant 
la même opération par rapport à beaucoup d’organes, 
il construisit ainsi un nombre de systèmes , tous arti- 
ficiels et fondés chacun sur un seul organe arbitraire- 
ment choisi. 

Il est évident que les êtres , qu'aucun de ces systèmes 
ne sépareroit , seroient infiniment voisins, puisqu'ils se 
ressembleroient par tous leurs organes ; la parenté seroit 
un peu moindre dans ceux que quelques systèmes ne 
rassembleroient pas dans les mêmes classes ; enfin, les 
plus éloignés de tous seroient ceux qui ne se rapproche- 
roient dans aucun système. 

Cette méthode donneroit donc une estimation précise 
du degré d’affinité des êtres, indépendante de la con- 
noissance rationnelle et physiologique de l'influence de 
leurs organes ; mais elle a le défaut de supposer une 
autre connoissance qui, pour être simplement histo- 
rique , n’en est pas moins étendue, ni moins difficile 
à acquérir : celle de toutes les espèces et de tous les 
organes de chacune. Un seul de ceux-ci négligé peut 
conduire aux rapports les plus faux, et M. Adanson 
lui-même, malgré le nombre immense de ses observa- 
tions , en fournit quelques exemples. 

C’est là ce qu’il appeloit sa Méthode universelle, et 
c’est aussi l’idée mère qui domine dans tous ses grands 
ouvrages imprimés ou manuscrits. 

Il en publia en 1757 une espèce d’essai dans le Traité 


MATHÉMATIQUES ETVPHYSIQUES. 171 


des Coquillages , qui termine le premier volume de son 
Voyage au Sénégal. Ce livre ouvrit les portes de l’A- 
cadémie des sciences et de la Société royale de Londres 
à M. Adanson , alorsseulement âgé de 30 ans, non parce 
qu’il étoit allé chercher quelques coquilles sur la côte 
d'Afrique, mais parce qu’ils’annonçoit commeunhomme 
de génie plein de vues neuves, d’activité, et capable 
d’honorer encore ces illustres compagnies par un grand 
nombre de travaux semblables. 

L'ouvrage méritoit en effet d’exciter ces espérances ; 
et d'obtenir ces marques d'estime, surtout par l’atten- 
tion que son auteur avoit donnée aux animaux des co- 
quilles , presque entièrement négligés avant lui, et dont 
quelques-uns même n’ont pas été décrits depuis. Sa dis- 
tribution méthodique , appuyée sur une vingtaine de ces 
systèmes partiels dont nous venons de donner une idée, 
étoit bien supérieure À toutes celles de ses prédécesseurs. 
Néanmoins, il lui resta encore quelques défauts par la 
raison que nous venons aussi d'exposer : c’est que faute 
de dissections. anatomiques , il n’avoit pu connoître les 
organes intérieurs, etsurtout le cœur. Cette omission le fit 

‘ même errer dans la circonscription générale de la classe ; 
où il ne comprit point les mollusques sans coquille. 

Son projet étoit d’abord de traiter ainsi en huit vo- 
lumes toute l’histoire du Sénégal , et elle est en effet déjà 

fort avancée dans ses manuscrits; mais jugeant que 
Patilité de sa méthode seroit mieux sentie dans une ap- 
plication plus générale, il cessa bientôt de publier ce 
premier travail, pour se livrer entièrement à celui des 


172 HISTOIRE DE LÀ CLASSE DES SCIENCES 


familles des plantes, qu’il fit imprimer en 1763. Il y 
trouva aussi l'avantage d’opérer sur des êtres plus nom- 
breux , étudiés sous plus de rapports, et pour lesquels la 
méthode empirique est plus excusable, parce que les 
fonctions de leurs organes sont plus obscures. 

Beaucoup de botanistes avoient déjà senti l’impor- 
tance de distribuer les plantes, selon leurs rapports na- 
turels. Morison, Magnol et Ray, en avoient conçu 
l’idée presqu’en même temps dans la dernière moitié du 
dix-septième siècle , sans toutefois se bien rendre compte 
des moyens d’y réussir. 

Haller eut long-temps cet objet en vue; mais il n’eut 
pas le bonheur de pouvoir accorder entièrement les 
rapports naturels avec un système absolu , et malgré 
tous ses soins, celui qu’il adopta en rompit encore 
quelques-uns. 

Linnæus y avoit renoncé volontairement en formant 
le sien , et n’y fut quelquefois ramené, que par la force 
du sentiment de Panalogie,qui le contraignit à enfreindre 
lui-même les règles qu’il s’étoit prescrites. 

En un mot, de tous les botanistes antérieurs à 
M. Adanson , le seul qui n’ait jamais abandonné cette 
recherche et celui qui en obtint le plus de succès, qui 
mérita même d’être considéré à cet égard comme le 
maître et de ses contemporains et de ses successeurs , 
fut Bernard de Jussieu. Cet homme extraordinaire qui 
allia des vertus et une modestie dignes des premiers 
âges , à des lumières qu’à peine aucun âge a surpassées, 
s’en occupa toute sa vie; mais toujours mécontent de 


RAT INSEE ET PHYSIQUES. 173 
te qu’il avoit fait, parce qu’il voyoit mieux que per- 
sonne ce qui lui restoit à faire, il ne consigna point 
ses résultats par écrit; on ne les connoît que par l’ar- 
rangement qu’il avoit introduit en 1758 , au jardin de 
Trianon , et par les fragmens que ses amis ou ses disci- 
ples en ét publiés. BUG O 6 

Il y a de fortes raisons de croire que Linnæus avoit 
profité des conversations de Bernard de Jussieu, sur 
ce sujet ; car plusieurs des rapprochemens indiqués dans 
ses Ordines naturales publiés en 1753 , sous forme de 
simple liste non motivée, auroient difficilement pu naître 

des vues qui ont dirigé cet homme célèbre dans ses autres 
ouvrages. 

On a pensé aussi que M. Adanson ; élève de Bernard 
de Jussieu, avoit recueilli dans les leçons de son maître, 

les premiers germes de quelques-unes des familles; mais 
_ cette conjecture füt-elle fondée , sa gloire y perdroit peu. 
S'il profita de ces leçons, c’est en homme de génie qu’il 
le fit. Lie plan général de son livre, les principes directs 
qu’il établit ; sa marche franche et hardie, tout cela est 
bien à lui, et ce n’est pas ainsi qu’on emprunte. Quel- 
ques erreurs même que Bernard de Jussieu avoit évitées , 
prouvent l’originalité du travail de M. Adanson. Elles 
venoient toujours de la même cause , la négligence de 
_ quelque organe important ; et ce n’étoit pas pour avoir 
établi ses distributions sur un nombre trop petit de systè- 
mes partiels; car il avoit commencé par en faire soixante- 
cinq;fondés sur autant de considérations différentes; mais 
c’est comme nous l’avons insinué, faute d’avoir bien 


174 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


saisi le principe fécond de la subordination des carac- 
tères. Au reste, ces erreurs sont peu nombreuses, parce 
qu’un tact délicat suppléa souvent à ce que la méthode 
n'auroit pu donner par elle-même , et l'ouvrage offre en 
revanche une foule d’aperçus heureux que les décou- 
vertes plus récentes n’ont fait que confirmer. | 

M. Adanson a, par exemple , indiqué le périsperme , 
et son importance pour caractériser les familles, quoi- 
qu’il nelui ait point donné de nom. Il à formé la famille 
des Aépatiques , et bien limité celle des joubarbes. Il à 
senti le premier le rapprochement des campanulacées 
avec les composées , des aristoloches avec les éléagnées ; 
des ményanthes avec les gentianées , et celui du trapa 
avec les onagres , que Bernard de Jussieu ignoroit, et 
qu’on a reconnus depuis. Ses divisions des //iacées , des 
dipsacées, des composées , sont originales et bonnes. Ses 
groupes de champignons sont supérieurs à ceux de 
Linnœus. Il a séparé avec raison les z4ymelées des 
éléagnées, et les zyctaginées des amaranthacées que 
Bernard de Jussieu confondoit. Enfin un très - grand 
nombre de ses genres ont été reconnus. et adoptés par les 
botanistes les plus modernes. 

Dans sa préface, M. Adanson fait l’histoire de la 
botanique avec une érudition étonnante dans un homme 
presque toujours occupé d’observer. Il y assigne avec 
précision de combien de plantes, de figures et d’idées 
nouvelles chaque auteur a enrichi cette science. Il y 
donne mème une sorte d'échelle du mérite des systèmes 
de ses prédécesseurs ; mais c’est seulement dans leur 


/ 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES, 175 


accord plus ou moins parfait avec ses familles naturelles, 
qu’il en prend la mesure. C’étoit se mettre lui-même à 
la tête de tous les botanistes, et en effet il n’étoit pas 
trop éloigné de cette opinion. Il ne cache point surtout 
Vespèce de dépit que lui donnoit la vogue du système 
sexuel de Linnœus , un des plus opposés aux rapports 
naturels des végétaux. L'espoir de la voir cesser un 
jour, consoloit bien un peu M. Adanson; mais il ne 
faisoit en cela que montrer à quel point les hommes 
lui étoient mal connus > tandis que c’étoit sur leur con- 
noissance intime que Lirnæus fondoit presque tous ses 


s 


succès. 

Aimable, bienveillant » entouré de disciples enthou- 
siastes dont il se faisoit autant de missionnaires , at- 
tentif à enrichir de leurs découvertes dés éditions mul- 
tipliées , favorisé par les grands, lié par une correspon- 
dance active avec les savans en crédit, soigneux de 
faire paroître la science aisée, plus que de la rendre 
solide et profonde , le naturaliste suédois voyoit chaque 
jour étendre sa doctrine malgré la résistance des amours- 
propres et des préjugés nationaux. : 

Adanson, au contraire , conservant ses habitudes du 
désert , inaccessible dans son Cabinet, sans élèves, pres- 
que sans amis, ne communiquant avec le monde que 
Par ses livres, sembloit encore les hérisser exprès de 
difficultés rebutantes , comme s’il avoit craint qu’ils ne 
se répandissent trop. 

Au lieu de cette nomenclature si simple et si commode, 
imaginée par Linnæœus il donnoït aux êtres des noms 


176 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


arbitraires qu'aucun rapport d’étymologie ne rattachoit 
à la mémoire , et dédaignoit même quelquefois d’indi- 
quer leur concordance avec les noms employés par les 
autres. Il avoit imaginé jusqu’à une orthographe parti- 
culière, qui faisoit ressembler son français à quelque 
jargon inconnu. C’étoit , disoit-il, pour mieux représen- 
ter la prononciation ; mais pour que la prononciation 
pèt être représentée , il faudroit qu’elle pût être fixée ; et 
comment fixer un son dont il ne reste pas de traces? 
Aussi change-t-elle à chaque demi-siècle comme dans 
chaque province , et c’est sur l’orthographe seule que 
reposent la durée et l’étendue d’une langue. Pour le sen- 
tir, qu’on se demande ce que deviendroïit, par exemple, 
le latin , si chaque nation s’avisoit de vouloir l’écrire , 
comme elle le prononce ? 
Ainsi , malgré la beauté réelle et reconnue du plan 
qu’il avoit suivi et le grand nombre de faits qu’il avoit 
découverts, malgré les éloges que son ouvrage reçut des 
plus savans naturalistes, M. Adanson n’obtint pas, à 
beaucoup près , sur la marche de la science , l'influence 
qu’il auroit dû avoir; les systèmes artificiels régnèrent 
encore presque exclusivement pendant plus de trente 
ans. Mais loin de se rebuter de ce peu de succès, à peine 
s’en aperçut-il. Alors , comme dans tout le reste de sa 
vie , son propre jugement suffit pour le satisfaire , et 
travaillant toujours avec la même ardeur, ses familles 
des plantes n’étoient pas entièrement imprimées, qu’il 
s’occupoit déjà d’un ouvrage infiniment plus général, 
L’imagination la plus hardie reculeroit à la lecture 


Nu 


= 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 177 


du plan qu’il soumit en 1774, au jugement de l’acadé- 
mie des sciences (1), et plus encore à la vue de l’énorme 
amas des matériaux qu’il avoit effectivement rassemblés. 


Il ne s’agissoit plus d’appliquer sa méthode universelle, 


seulement à une classe , à un règne , ni même à ce qu’on 
appelle communément les trois règnes , mais d’embrasser 
la nature entière dans l’acception la plus étendue de ce 
mot. Les eaux, les météores , les astres , les substances 
chimiques et jusqu’aux facultés de l’ame, aux créations 
de l’homme, tout ce qui fait ordinairement l’objet de la 
métaphysique , de la morale et de la politique , tous les 
arts, depuis l’agriculture jusqu’à la danse , devoient y 
être traités. 

Les nombres seuls étoient effrayans ; 27 gros volumes 
exposoient les rapports généraux de toutes ces choses et 
leur distribution ; l’histoire de 40,000 espèces étoit ran- 
gée par ordre alphabétique dans 150 volumes; un vo- 
cabulaire universel donnoiït l’explication de 200,000 
mots ; Le tout étoit appuyé d’un grand nombre de traités 
et de mémoires particuliers, de 40,000 figures et de 
30,000 morceaux des trois règnes. 

Chacun se demanda comment un seul homme avoit 


pu, non pas approfondir , mais seulement embrasser tant 


d'objets différens , et quels trésors suffiroient à leur 
publication ? 

En effet, les commissaires de l’académie trouvèrent 
Vexécution fort inégale. Les parties étrangères à l’histoire 


(1) Journal de physique , mars 1775. 
1806. 


178 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


naturelle se réduisoient à de simples indications : les 
deux tiers des figures étoient coupées ou calquées dans des 
ouvrages connus; beaucoup de volumes étoient grossis 
par des matériaux qui attendoient encore leur rédaction. 

Ces commissaires donnèrent donc à M. Adanson le 
conseil très-sage de détacher de ce vaste ensemble les 
objets de ses propres découvertes et de les publier sépa- 
rément , en se contentant d’indiquer d’une manière gé- 
nérale les rapports nouveaux qu’il pourroit leur aperce- 
voir avec les autres êtres. 

Les sciences auront long-temps à regretter qu’il ait 
refusé de suivre ce conseil ; car divers mémoires , indé- 
pendans de ses grands ouvrages, montrent qu’il étoit 
capable de beaucoup de sagacité dans l’examen des ob- 
jets particuliers. 

Qu’on nous permette de présenter ici une analyse suc- 
cincte des principaux de ces écrits. 

Le taret, ce coquillage qui ronge les vaisseaux et les 
pieux, et qui a menacé l’existence même de la Hollande, 
avoit été examiné par plusieurs auteurs. M. Adanson fut 
pourtant le premier qui en fit connoître la vraie nature 
_ et l’analogie avec la pholade et les bivalyes. La descrip- 
tion qu’il en donne , est un modèle en ce genre (1). : 

On en doit dire autant de celle du baobab (2). C’est 
un arbre du Sénégal , le plus gros du monde ; car son 
tronc a quelquefois 24 pieds de diamètre , et sa cime 


(1) Mémoires de l'académie pour 1759. 
(2) Zbidem..…. 1763. 


e 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 179 


120 à 150; mais il lui faut des milliers d’années pour 
arriver au terme de son accroissement. On lui a donné 
le nom d’Adansonia , d’après le botaniste qui l’a si bien 
décrit , et Linnæus l’a généreusement conservé à l’arbre, 
malgré toutes les raisons qu’il avoit de se plaindre du 
patron qu’on lui avoit choisi. 

l’histoire des gommiers (1) et les nombreux articles 
que M. Adanson a insérés dans le supplément de la 
première Encyclopédie , réunissent à quantité de faits 
nouveaux, beaucoup d’érudition et de netteté. Ils mon- 
trent par le fait que notre langue peut exprimer avec 
clarté toutes les formes des plantes , sans recourir à cette 
terminologie barbare qui commençoit alors à s’intro- 
duire , et qui rebute inutilement dans tant d'ouvrages 
modernes. Malheureusement ces articles ne vont que 
jusqu’à la lettre C. On ignore ce qui a empêché d’impri- 
mer la suite qui étoit préparée. 

Une des questions les plus intéressantes de l’histoire 
naturelle est celle de l’origine des diverses variétés de 
nos plantes cultivées. M. Adanson a fait beaucoup d’ex- 
périences sur celles des bleds et en a vu naître deux dans 
Vespèce de l’orge ; mais elles ne se sont pas propagées 
long-temps (2). 

* Quelques naturalistes, poussant trop loin les consé- 
quences de ces faits et d’autres semblables , et soutenant 
que les espèces n’ont rien de constant , alléguant même 


(:) Mémoires de l’Académie pour 1773 et 1779. 
(2) Mémoires de l Académie 1769. 


180 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


des exemples qui sembloient prouver qu’il s’en forme 
de temps en temps de nouvelles , il montra que ces es- 
pèces prétendues n’étoient pour la plupart que des mons- 
truosités qui rentroient bientôt dans leur forme origi- 
naire (1). 

Depuis long-temps on avoit comparé les mouvemens 
des feuilles de la sensitive et des étamines de quelques 
plantes, à ceux des animaux , quoique les premiers aient 
pour la plupart besoin d’être excités par une cause exté- 
rieure. M. Adanson en découvrit de spontanés dans une 
substance fibreuse, verte, vivant au fond des eaux, et 
qu’il croyoit une plante ; il en donna une histoire fort 
exacte (2), et la plaça en tête de son système des vé- 
gétaux. 

M. Vaucher a pensé depuis que c’est un zoophyte. Il 
l'appelle oscillatoria Adansonii. 

C’est M. Adanson qui a le premier reconnu que la 
faculté engourdissante de certains poissons dépend de 
l'électricité. Il avoit fait ses expériences sur le Si/ure 
trembleur (3). 

On assure aussi qu’il est auteur de la lettre sur l’élec- 
tricité de la Tourmaline , qui porte le nom du duc de 
Noya Caraffa (4). Il auroit donc contribué en deux 
points importans aux progrès de cette branche de la 


physique. - 


QG) Mémotres de P Academie 1769. 
(2) Mémorres de l’Académie 1767. 
(3) Voyage au Sénégal , pag. 134. 
(4) Paris 1759. Voyez le Joyand , Norice sur Adanson; pag. 12. 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 187 

On voit en général qu’il possédoit bien cette science!, 
par ce qu’il a occasion d’en emprunter pour son Traité 
de Physiologie végétale et de culture. Il avoit fait de 
longues recherches sur les inégalités de dilatations des 
thermomètres remplis de liqueurs différentes. 

TL n’avoit pas non plus négligé les applications de 
l’histoire naturelle ou de la physique aux arts utiles. 
Il découvrit le premier les moyens de tirer une bonne 
fécule bleue de Pindigo du Sénégal. | 

: Dans un mémoire adressé au ministère , il montroit 
que cette colonie seroit très-favorable à tous les produits 
de nos îles et même à ceux des Grandes-Indes , et qu’il 
seroit aisé de les y faire cultiver par des nègres libres : 
idée heureuse , seule capable de faire cesser un com- 
merce honteux pour l'humanité, 

Une société d’Anglais et de Suédois, animés par un 
sentiment religieux, en avoit fait, il y a quelques an- 
nées , un essai qui promettoit d’être heureux ; on nous 
assure même que cet établissement se soutient encore , 
quoique des corsaires en aient détruit une partie. 

S’il arrivoit un jour que les suites des dernières révo- 
lutions et l’état actuel des îles à sucre décidassent enfin 
les gouvernemens européens à proscrire un système à la 
fois si cruel pour les esclaves et si dangereux pour les 
maîtres , il seroit juste de se souvenir que M. Adanson 
a ; l’un des premiers , fait connoître les moyens d’y sup- 
pléer sans rien perdre de nos jouissances. 

Quoique le ministère de France et la compagnie d’A- 
frique n’eussent point fait d’attention à ce mémoire , 


182 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


M. Adanson refusa, par patriotisme , de le communi- 
quer aux Anglais qui lui en avoient offert des récom- 
penses considérables. 

Ces divers morceaux, tous remplis d'intérêt , auroient 
pu être suivis de beaucoup d’autres , si M. Adanson l’eût 
voulu. Ses voyages , son cabinet , et ses observations 
continuelles lui auroient fourni assez de riches matériaux, 

Buffon a fait connoître , d’après lui , plusieurs quadru- 
pèdes et plusieurs oiseaux d'Afrique. M. Geoffroi qui a 
décrit /e galago, espèce fort extraordinaire dela famille 
des guadrumanes nous apprend que M. Adanson le 
possédoit depuis long-temps. Nous nous sommes assurés 
qu’il avoit le sanglier d'ÆEthiopie bien avant qu’Alla- 
mand et Pallas ne le décrivissent , et ses nombreux porte- 
feuilles sont encore pleins de semblables richesses. 

Mais tous ces trésors , et il est douloureux de le dire, 
M. Adanson lui-même , furent perdus pour la science et 
pour la société, du moment qu’il se fut entièrement con- 
sacré à l’exécution du plan gigantesque dont nous avons 
parlé. 

Si M. Adanson eût été un homme ordinaire , nous 
terminerions ici son éloge : ses erreurs n’auroient rien 
d’instructif; mais c’est précisément parce qu'il eut un 
vrai génie , c’est précisément parce que ses décou- 
vertes le mettent dans les premiers rangs de ceux 
qui ont servi les sciences, qu’il est de notre devoir d’in- 
sister sur cette dernière et pénible partie de son histoire, 
L’utilité principale de ces honneurs que nous rendons 
aux savans est d’exciter quelques jeunes esprits à mar- 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. : 183 


cher sur leurs traces ; mais cet:encouragement devien- 
droit souvent funeste, si, dispensant la louange sans 
discernement , nous ne signalions aussi les fausses routes 
où quelques-uns de ces hommes célèbres ont eu le mal- 
heur de s’égarer. i 

: Unefois donc que M. Adanson se fut livré à son grand 
ouvrage , il réserva, pour lui donner plus d'intérêt, 
tout ce qu’il avoit de faits particuliers et ne voulut plus 
rien publier séparément. 

Craignant de perdre un instant , il se séquestra plus 
que jamais du monde ;il prit sur son sommeil, sur le 
temps de ses repas. Lorsque quelque hasard permettoit 
de pénétrer jusqu’à lui, on le trouvoit couché au milieu 
de papiers innombrables qui couvroient les parquets, 
les comparant ; les rapprochant de mille manières ; des 
marques non équivoques d’impatience Lnacbsseit à 
ne pas l’interrompre de nouveau ; lui-même trouva moyen 
d'éviter jusqu'aux premières visites, en se retirant dans 
une petite maison isolée et dans un quartier éloigné. 

Dès-lorsses idées ne sont plus alimentées, ni redressées 
par celles d’autrui; son génie n’agit plus que sur son 
propre fonds , et ce fonds ne se renouvelle plus; tous 
ces germes fâcheux que ses premières habitudes solitaires 
avoient déposés en lui se développent et s’exaltent ; 
calculant l'étendue de ses forces par celle de ses projets, 
il se place autant au-dessus des autres philosophes, que 
l'ouvrage qu’il veut faire lui paroît au-dessus de ceux 
qu’ils ont laissés; on lui entend dire qu’Aristote seul 
approche de lui, mais de bien loin, et que tous les 


184 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


autres nâturalistes en sont restés à une distance immense. 
Oubliant que sa méthode ne repose essentiellement que 
sur les faits acquis , il lui attribue une vertu intérieure 
pour les faire prévoir , et prétend deviner d’avance les 
espèces inconnues. Je possède, disoit-il, zoutes Les 
grandes routes des'sciences ; qu’ai-je besoin des sentiers : 
de traverse? de là mépris profond pour les travaux de 
ses successeurs, négligence absolue des découvertes mo- 
dernes, même des objets que les voyageurs rapportent, 
attachement opiniâtre à ses anciennes idées , ignorance 
complète de leurs réfutations les plus décisives; enfin 
inutilité absolue d’efforts si longs, si laborieux, mais 
si faussement dirigés. Par exemple , quoiqu'il s’occupât 
des mousses, ilne connoissoit pas encore en 1800, l’exis- 
tence d'Hedwig , ni aucune des découvertes publiées sur 
cette classe singulière depuis plus de vingt ans. 

Ceux qui avoient occasion d’être les confidens de son 
état, en souffroient d’autant plus, que touten le plaignant 
ils ne pouvoient s’empècher de laimer. 

En effet, si une solitude prolongée avoit donné à son 
esprit une direction malheureuse , cette défiance funeste 
que la retraite produit si souvent, et qui a troublé le 
repos de tant de solitaires, n’avoit point pénétré dans 
son cœur. Ses manières toujours vives étoient aussi 
toujours bienveillantes ; il avoit de lui-même des idées 
exagérées , mais il ne doutoit point que tout le monde 
ne les partageât; et au milieu des privations les plus 
cruelles de sa vieillesse, on ne l’entendoit point accuser 
les autres. 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 185 


Il faut avouer cependant qu’il y à eu des momens 
où il en auroit eu le droit. Sa principale fortune con- 
sistoit en deux pensions médiocres, prix de ses travaux 
au Sénégal et des objets qu’il avoit cédés au cabinet du 
roi. Les mesures rigoureuses de l’assemblée constituante 
Ven privèrent, et son isolement ne lui laissa aucun 
moyen de les faire rétablir. La pension de l'académie 
lui restoit; cette compagnie étoit d’ailleurs pour. lui 
encore un point de contact avec le monde; elle n’auroit 
pas cessé de veiller sur son sort; mais «elle succomba 
bientôt dans la ruine générale ; un décret de la con- 
vention la supprima et, dispersa ses membres. Ces 
hommes dont lenom remplissoit l’Europe, furent heureux 
d’être restés inconnus aux farouches dominateurs de 
- leur patrie. Ils coururent chercher dans les asiles les 
plus obscurs quelque abri contre ce glaive épouvantable 
continuellement suspendu sur tout ce qui avoit eu de 
éclat, et qui n’auroit peut-être épargné aucun d’eux, 
si les ministres de ses fureurs n’eussent été aussi igno- 
rans qu’ils étoient cruels. 

_ À cette époque où tout manquoit aux plus opulens, 
on imagine aisément dans quel état dut tomber un sep- 
tuagénaire déjà infirme, à qui vingt années de vie séden- 
taire avoient ôté toute relation # toute connoissance des 
hommes et des choses. 

. Je n’ai pas le courage de retracer un tableau si affli. 
Seant; mais que n’ai-je le talent de peindre son admirable 
patience , et cette ardeur invincible pour l’étude , à l’é- 
preuve de tout ce que son dénuement eut de plus affreux, 

1786. 4 * 


186 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 

I1 sembloit qu’il l’ignorât lui-même; tant qu’il put 
méditer et écrire , il ne perdit rien de sa sérénité; c’étoit 
une chose touchante de voir ce pauvre vieillard courbé 
près de son feu, s’éclairant à la lueur d’un reste de 
tison, cherchant d’une main affoiblie à tracer encore 
quelques caractères , et oubliant toutes les peines de la 
vie, pour peu qu’une idée nouvelle, comme une fée 
douce et bienfaisante , vint sourire à son imagination. 

Sans doute l’amour de la fortune n’engage point à se 
livrer aux sciences , et n’en seroit guères digne ; la gloire 
elle-même n’y offre qu’une perspective incertaine ; mais 
qui résisteroit à leur charme intérieur, et à ce bonheur 
pur, indépendant des hommes et du sort, dont Phistoire 
des savans présente sans cesse de si étonnans exemples ? 

Cependant un jour plus doux avoit lui sur la France: 
la Convention délivrée de ses oppresseurs , avoit abjuré 
ses barbaries , et l’un des derniers actes de son pouvoir 
avoit été le rétablissement des Académies en un seul 
corps , sous le nom d’Znstitur. 

Au signal de lautorité , et après quatre ans de disper- 
sion, ces hommes illustres quittent de toutes parts l’obs- 
curité de leur retraite, et se rassemblent de nouveau. Ce 
fut une impression ineffaçable que celle de cette pre- 
mière réunion , de ces larmes de joie, de ces questions 
réciproques etempressées sur leurs malheurs, leurs re- 
traites , leurs occupations , de ces douloureux souvenirs, 
de tant de confrères victimes des bourreaux, enfin de la 
douce émotion de ceux qui, jeunes encore, et appelés 
pour la première fois à siéger à côté des hommes, dont 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 187 
ils avoient appris depuis si long-temps à respecter le 
génie ; apprenoïent aussi par ce spectacle attendrissant 
à connoître leur cœur. | 

Néanmoins l’œil inquiet de l’amitié en cherchoit en. 
core quelques-uns, et dans ce nombre étoit Adanson, 
Ce fut alors seulement qu’on apprit l’état qui causoit 
son absense. 

Il fallut bien que sa retraite s’ouvrit enfin aux soins 
empressés de ses confrères : il les reçut avec des larmes 
de reconnoissance. Étonné peut-être autant que touché 
de notre intérêt , il regretta sans doute qu’en renonçant 
aux jouissances du monde, il eût aussi compris celles 
du cœur parmi ses sacrifices. 

Non, mes collègues , la science m’exige pas celui-là ! 
les futiles hochets de la vanité , les faveurs trompeuses 
de la fortune , voilà ce qu’elle nous défend impérieuse- 
ment de poursuivre , et sans doute vous ne la trouvez 
pas en cela bien sévère ! Peut-être nous ordonne-t-elle 
encore de sacrifier les petites louanges du monde à la 
véritable gloire dont le grand nombre est si rarement 
digne d’étrejuge. Maisjevous en atteste tous ! les lumières 
et estime réciproque ne font que rendre plus doux les 
liens qui unissent les hommes instruits , et l’amitié est 
la seule jouissance à laquelle cètte noble élite de l’hu- 
manité ne renonceroit pas , même pour l’assurance d’ob- 
tenir un jour des honneurs tels que ceux-ci. 

Une juste reconnoissance nous oblige de déclarer que 
dès l’instant où le gouvernement eut été instruit de la 
position de M. Adanson , tous les ministres qui se sont 


188 IISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


succédés, se sont fait un devoir de montrer par son 
exemple, que l’état n’abandonne pas la vieillesse de 
ceux qui ont consacré leur vie à lutilité publique: la 
munificence impériale élle:même n’a pas Rene d’a- 
doucir ses derniers momens. 

Mais tous ces soins bienveillans n’ont pu arrêter les 
effets de l’âge et des infirmités aggravées pendant quatre 
années si pénibles , et si nous avons encore eu le plaisir 
de recevoir quelquefois M. Adanson dans nos assemblées, 
nous n’avons pas eu celui de le voir prendre une part 
active à nos travaux communs. ‘ 

Il a supporté ses maux comme il avoit supporté sa 
pauvreté ; plusieurs mois en proie aux douleurs les plus 
cuisantes, les os ramollis, une cuisse cassée par suite 
d’une carie , on ne lui entendoit pas pousser un cri. Le 
sort de ses ouvrages étoit l’unique objet de sa sollicitude. 

La mort a mis fin à l’état le plus douloureux, le 3 
août de l’année dernière. 

Il a demandé par son testament qu’une guirlande de 
fleurs prises dans les 58 familles qu’il avoit établies, fût 
la seule décoration de son cercueil : passagère , mais 
touchante image du monument plus durable qu’il s’est 
érigé lui-même. 

Quelque ami des sciences ne manquera point sans 
doute à lui en élever bientôt un autre, en se hâtant de 
rendre public tout ce que ses immenses recueils con- 
tiennent encore de neuf et d’utile. 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 189 


ÉLOGE HISTORIQUE 


DE M. BRISSON, 


Par M. DELAMBRE, secrétaire perpétuel. 


Lu à la séance publique du 5 janvier 1807. 


Mirnurin-Jacques Brisson , de l’Académie royale 
des sciences , maître de physique et d’histoire naturelle 
des enfans de France , professeur de, physique expéri- 
mentale au collège de Navarre , censeur royal, et depuis 
membre de l’Institut et professeur de physique aux 
écoles centrales et au lycée Bonaparte , naquit le 3 avril 
1723, de Mathurin Brisson , président à Fontenai-le- 
Comte , et de Louise-Gabrielle Jourdain. 

La même ville a vu naître Barnabé Brisson , président 
du parlement de Paris , célèbre par son savoir, par son 
dévouement à la cause royale et par sa fin tragique. La 
double conformité de nom et de patrie nous suffiroit 
pour conjecturer avec beaucoup de vraisemblance que 
les Brissons qu’on a vus dans le parlement jusqu’aux 
derniers jours de cette compagnie , et ceux qui avoient 
continué d’exercer dans la province des magistratures 
moins éonnues , ne formoient qu’une même famille ; 


190 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


mais l'Encyclopédie méthodique au mot Fontenai , ne 
laisse aucun doute sur ce point, qui m’est confirmé 
par une note de M. Brisson même. Ce n’est plus le 
temps d’insister beaucoup sur une parenté dont notre 
confrère a pu s’honorer , mais fort indifférente à la 
postérité qui ne faisant attention qu’au mérite per- 
sonnel , placera sans doute sur une même ligne le 
savant auteur du livre des Formules, et l’académicien 
à qui nous devons tant de travaux dont le but constant 
a été l'instruction publique et l’avancement des sciences. 

M. Brisson montra dès son enfance un goût très-vif 
pour l’histoire naturelle ; cette inclination dut naître ou 
du moins se développer dans la société de Réaumur qui 
passoit les automnes dans une terre voisine de Fontenai, 
et dans laquelle il recevoit le jeune Brisson pendant 
toute la durée des vacances. Une circonstance aussi heu- 
reuse et si propre à déterminer sa vocation ne l’empêcha 
pourtant pas de se livrer à une étude bien différente , il 
se crut appelé à l’état ecclésiastique; il reçut la tonsure et 
s’occupa de théologie avec tant de ferveur et de succès, 
que son évêque lui offrit le sous-diaconat lorsqu’il ne se 
présentoit que pour les ordres connus sous le nom des 
quatre moindres. 

Un témoignage d’estime aussi flatteur auroit pu sé- 
duire un jeune homme d’un esprit moins réfléchi. 
M. Brisson demanda le temps nécessaire pour mieux 
constater sa vocation , et vint à Paris au séminaire de 
Saint Sulpice. Compris en 1747 sur la liste de ceux qui 
devoient être admis au sous-diaconat , il se rendit avec 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 191 
eux à l’archevèché. Là les scrupules qui lui avoient fait 
redouter un engagement irrévocable se présentèrent à son 
esprit avec plus de force , et l’effrayèrent au point qu’il 
ne vit qu’une prompte fuite qui pût le sauver du danger, 
il s’évada pendant la cérémonie et revint sans partage 
aux études qu'il avoit interrompües. L’académicien 
illustre qui avoit accueilli son enfance avec tant de 
bonté , lui ouvrit bientôt une carrière dans laquelle il 
devoit trouver un avancement et une considération aussi 
réelle qui ne seroit pas achetée par un sacrifice aussi 
sujet au repentir. 

Nous lisons dans lPéloge de Réaumur que ce savant 
avoit la direction du laboratoire chimique de l'académie, 
et que le traitement qu’il recevoit à ce titre il l’'émployoit 
constamment à entretenir quelque jeune homme de 
- grande espérance qui pût l’aider dans ses nombreux tra- 
vaux. Nous ne voyons pas bien clairement ce que ce 
laboratoire ainsi dirigé a fait pour l’avancement de la 
chimie proprement dite ; mais c’est un fait digne de 
remarque qu’il a fourni à l’Académie cinq membres 
d’un mérite reconnu. 

‘Le premier fut Henri Pitot que Réaumur s’attacha en 
1723 , quoiqu'il ne fût encore connu que comme géo- 
mètre , et qui dès l’année suivante fut admis à l’Aca- 
démie en qualité de mécanicien. On parut étonné de ce 
choix, peu de personnes soupçonnoient alors, mais 
Réaumur avoit pressenti déjà ce qui n’a été prouvé que 
de nos jours , c’est-à-dire combien l’exactitude et la pré- 
cision géométrique et l’esprit d'analyse pouvoient être 


192 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


utiles à la science chimique pour la tirer du chaos où 
elle étoit encore. 

Le second de ces élèves fut abbé Nollet remplacé 
presque aussitôt par Guettard que cet utile secours dis- 
pensa de retourner auprès d’un oncle qui le rappeloit pour 
exercer après lui les fonctions utiles mais obscures de 
pharmacien à Étampes. x 

Guettard entré à l'académie eut pour successeur l’anato- 
miste Hérissant connu depuis par un travail curieux sur 
l’ossification , et qui, devenu lui-même académicien en 
1748 , laissa enfin la place à M. Brisson , le dernier de 
ces élèves , qui tous se sont fait un nom , mais dont au- 
cun ne s’est attaché spécialement à la rates 

Les travaux de M. de Réaumur étoient plus parti- 
culièrement dirigés vers l’histoire natureile, M. Brisson 
retrouva chez lui les objets de ses premières affections. 
Chargé de mettre en ordre un riche cabinet confié à ses 
soins , il fit choix du plan qui devoit le plus faciliter les 
recherches et déterminer d'avance la place des objets qui 
manquoient encore à la collection. 

Dans cette vue il devoit s’attacher principalement aux 
qualités extérieures et aux caractères 1 plus faciles à 
distinguer. 

Il commença par le règne animal qu’il divisa en neuf 
classes d’après le plus ou moins d’aralogie qu’il y remar- 
quoit avec l’homme. Il donna les deux premières dans 
un ouvrage qui parut en 1756 sous le titre de Règne 
animal ; il y décrit les quadrupèdes et les cétacées , et il 
y développe son système qui est extrêmement simple. 


. MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. . 193 


Toutes ses descriptions tracées sur le même plan, sont 
exprimées dans les mêmes termes , afin de rendre les 
comparaisons plus faciles. Il y rassemble le nom de 
chaque animal dans toutes les langues et suivant les 
différens auteurs qui en ont parlé. Cette synonymie 
ainsi que les tables alphabétiques qui terminent chaque 
classe , sont une des principales richesses d’un ouvrage 
que l’auteur ne publioit que pour se préparer à une 
description plus complète et plus approfondie du cabinet 
de Réaumur. 

La troisième classe parut en 1760 , sous le titre d’Or- 
zithologie , en six volumes >enrichie d’un grand nombre 
de belles planches toutes gravées d’après nature, Dans 
sa préface l’auteur passe en revue ceux qui l’ont pré- 
cédé dans la même carrière ; et les juge avec cette sévère 
franchise qui a fait de tout temps un des traits les plus 
remarquables de son caractère » et qui se retrouve dans 
tous ses écrits comme elle étoit dans tous ses discours. 

Pendant que M. Brisson travailloit à cet ouvrage il 
eut la douleur de perdre M. de Réaumur dont il étoit le 
disciple et l'ami. A la mort de ce savant sa collection 
fut réunie au cabinet du roi > €t pour continuer son 
travail M. Brisson dut s’adresser à MM. de Buffon et 
d’Aubenton , l’un intendant et Pautre démonstrateur de 
ce cabinet. Mais il ne trouva pas auprès d’eux toutes les 
facilités dont il avoit pu se flatter , et il renonça pour 
toujours à l’histoire naturelle. 

Nous ignorons les motifs qui ont porté deux savans 


aussi distingués à refuser à leur confrère, car M. Brisson 
1806, B# 


194 HISTOIRE DE LA CLASSI DES SCIENCLIS 


étoit entré à l’académie en 1759, la satisfaction d’achever 
un ouvrage qui ne pouvoit faire aucun tort à celui qu’ils 
avoient eux-mêmes commencé sur un plan plus vaste, 
plus utile , et qui intéressant un plus grand nombre de 
lecteurs , n’avoit rien à redouter d’unc description néces- 
sairement un peu sèche , puisqu'elle étoit bornée aux 
qualités extérieures ; et dans laquelle ils auroient pu 
trouver des renseignemens qui auroient abrégé la partie 
mécanique de leur travail. 

Quoi qu’il en soit, M. Brisson, forcé de renoncér à la 
science pour laquelle il s’étoit sen i le goût le plus vif, 
accepta la proposition que lui fit l'abbé Nollet de s’ap- 
pliquer à la physique expérimentale à laquelle il se 
Jivra depuis tout entier. 

Devenu ainsi l’élève , l’amÿ et bientôt après le survi- 
vancier de Nollet dans ses places de professeur au 
collège de Navarre et auprès des enfans de France, 
M. Brisson se trouvoit dans des circonstances assez 
délicates. 

L’abbé Nollet après avoir long-temps joui d’une répu- 
tation brillante qu’il devoit à la clarté , à la facilité de 
ses démonstrations, à l’art avec lequel il exécutoit et 
varioit ses expériences , et peut-être aussi à la nouveauté 
des phénomènes électriques , eut le malheur d’imaginer, 
et le malheur plus grand de soutenir avec opiniâtreté un 
système des effluences et affluences ou de deux courans 
qui par leurs directions opposées lui paroïissoient propres 
à expliquer les effets les plus étonnans de électricité, 
mais qui n’a jamais obtenu l’assentiment des physiciens. 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 195 


Une doctrine étoit venue qui se recommandoit par une 
plus grande simplicité , par des dénominations qu’elle 
avoit empruntées de la géométrie et qui sembloient 
annoncer la précision et l’exactitude qui sont l’apanage 
presque exclusif de cette science. Cette doctrine expli- 
quoit d’une manière satisfaisante un des phénomènes 
les plus étonnans , celui de la bouteille de Leyde ; enfin 
son auteur en avoit fait une application heureuse autant 
que hardie en armant nos édifices d’appareils propres à 
les garantir de la foudre. T’abbé Nollet qui long-temps 
auparavant avoit reconnu l’analogie du tonnerre et de 
l’électricité , ne voulut pourtant jamais convenir de 
l’utilité des moyens préservatifs que vantoient les par- 
tisans de Franklin. Au contraire il employoit toute son 
adresse et la grande habileté qu’il avoit dans l’art des 
expériences pour combattre le système qui avoit renversé 
celui des deux courans ; ses efforts qu’on attribuoit à 
l’entêtement et à l’amour propre blessé , lui avoient fait 
perdre en grande partie la considération dont il avoit 
long-temps joui. Son élève et son ami donnant des leçons 
à sa place et sous ses yeux , ne pouvoit guère embrasser 
une doctrine opposée à la sienne, et en défendant une 
cause qui paroissoit insoutenable , il risquoit de se nuire 
à lui-même dès les premiers pas qu’il faisoit dans la 
carrière. 

La conduite de M. Brisson fut loyale et franche , et 
telle qu’elle convenoit à son caractère ; en répétant dans 
ses cours les expériences sur lesquelles étoit fondée prin- 
cipalement la doctrine de son maître et de son ami, en 


196 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


portant tous les coups possibles à la théorie du docteur 
américain , il exposoit avec la même bonne foi et pré- 
sentoit sans réserve et dans toute leur force les raison- 
nemens et les expériences qui paroissoient les plus déci- 
sives pour le système qu’il combattoit. Cette théorie 
reçue d’abord avec tant de faveur , attaquée et défendue 
avec tant de passion , ne soutint pas l’épreuve d’un 
calcul rigoureux ; elle fut abandonnée sans trouble et 
sans éclat pour une autre doctrine qui n’a pu elle-même 
opérer encore une conviction bien intime , et qui n’est 
regardée que comme une hypothèse ingénieuse et com- 
mode qui plus que toute autre se prête au calcul des phé- 
nomènes. | 

Cette révolution justifia la conduite de M. Brisson 
qui, malgré son penchant pour la doctrine du physicien 
français , s’étoit maintenü presque neutre, et a constam- 
ment pensé qu’il ne falloit pour le présent que recueillir 
et constater les faits en laissant la recherche des causes à 
la postérité qui , dit-il, ne les connoîtra peut-être jamais 
mieux que nous. ; 

Cette impartialité dont nous faisons honneur à M. 
Brisson , et qu'ont pu applaudir comme nous ceux qui ont 
suivi ses cours du vivant même de l’abbé Nollet ne brille 
pourtant pas , il faut l’avouer , dans une traduction de 
l’histoire de l’électricité de Priestley qu’il fit paroître en 
1771. Jamais traducteur n’a moins mérité le reproche 
d’adoration ou d’engouement pour son auteur original. 
M. Brisson paroît au contraire m’avoir entrepris son tra- 
vail que pour venger Nollet , attaquer Franklin et rabais- 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES, 197 


ser l’historien devenu depuis si justement célèbre maïs qui 
alors étoit peu connu , qui lui-mème avoit montré peut- 
être une prédilection trop grande pour les physiciens de 
sa nation , n’avoit mis rien de neuf , rien de lui dans 
une histoire qui malgré un mérite réel est peut-être le 
plus foible de ses titres à l’estime des savans. 

En relisant aujourd’hui les notes qui accompagnent 
ceite traduction , on voudroit en effacer quelques expres- 
sions trop peu mesurées , toujours peu convenables et 
surtout quand on les voit appliquées à l’auteur de tant 
de découvertes heureuses. On diroit que M. Brisson 
V'avoit pressenti lui-même , car de tous ses ouvrages 
cette traduction est le seul auquel il n’ait point attaché 
son nom. 

Les fonctions de professeur n’empèêchoient pas M. 
Brisson de payer son tribut d’académicien en mettant 
dans presque tous les volumes de nos mémoires l’exposé 
de ses recherches particulières ; il essaya d’expliquer 
dans le système de Nollet les phénomènes des trombes 
qu’on a voulu depuis ramener à l’électricité positive et 
négative. On ne doit pas s’étonner si ces diverses expli- 
cations sont un peu vagues ; les occasions d’observer 
ce terrible météore sont heureusement assez rares , et 
quand on le trouve sur son chemin on est bien plus 
empressé de l’éviter que de l’analyser et de le com- 
prendre. ; 

En cherchant à déterminer les différentes densités de 
Vesprit de vin plus ou moins mélangé d’eau , il fut 
conduit à ce résultat qui pouvoit alors sembler para- 


198 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


doxal qu’on ne pouvoit regarder l’eau comme un élé- 
ment , et sa raison étoit qu’elle lui paroissoit composée 
de parties hétérogènes. Il eut part avec MM. Trudaine, 
Macquer , Cadet et Lavoisier , aux expériences qu’on fit 
avec la grande lentille de Bernière sur la fusibilité des 
métaux, la combustion du diamant, et la différente 
réfrangibilité des rayons qui composent la lumière. 

T1 fit des expériences avec M. Cadet pour prouver, 
contre l'opinion de Beccaria ,; que le fluide électrique 
ne jouit pas de la propriété de révivifier les chaux mé- 
talliques ; | 

Des observations sur le pouvoir réfringent des diffé- 
rentes liqueurs simples ou composées qu’on pourroit 
substituer au flint-glass dans la construction des lunettes 
achromatiques ; 

La comparaison des différentes espèces d’acier plus 
ou moins susceptibles de magnétisme ; 

Enfindesobservations suiviessuruneespèce delimaçon 
qui, àmesure que sa coquille acquiert denouvelles spires, 
se débarrasse des spires plusanciennesquinuiroïient à ses 
mouvemens. Par un vernis dont il enduisoit la coquille, 
M. Brisson étoit parvenu à lui donner une consistance 
capable de résister assez long-temps aux efforts que l’a- 
nimal faisoit pour la rompre. 

Nous ne faisons qu’indiquer tous ces mémoires , mais 
nous devons nous arrêter plus long- Me à ca qu’il 
donna en 1772 sur la pesanteur spécifique des métaux , 
c’est-à-dire sur le poids d’un volume donné d’or, par 
exemple , comparé au poids d’un volume égal d’eau dis- 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 199 


tillée. Il est très-aisé de s’assurer que le volume d’or 
pèsera 19 fois environ le volume pareil d’eau. Mais 
quand on veut mettre dans cette recherche une grande 
exactitude , il faut employer des attentions très-scrupu- 
leuses qu’il seroit trop long de détailler; ceux qui les 
connoissent pourront juger quelle a été la patience et 
le zèle du physicien qui a soumis à de pareils examens 
environ mille substances différentes dont chacune n’a 
pas demandé moins de deux ou trois opérations du même 
genre, suivies d’autant de calculs plus fastidieux en raison 
même de ce qu’ils sont plus faciles et plus uniformes. 
Plusieurs physiciens , et entre autres le célèbre Mus- 
chenbroek , avoient donné de ces tables de pesanteur , 
mais elles étoient trop incomplètes et trop inexactes pour 
les besoins de la physique et même pour ceux des arts. 
M. Brisson qui avoit reconnu ces inexactitudes, recom- 
mença tout le travail et s’en occupa pendant vingt ans. Il 
camptoit d’abord le donner par parties dans les Mémoires 
de l'académie ; mais sa table s’étant accrue bien au-delà 
de ses premières espérances , elle mérita de faire un 
traité à part, et M. Brisson le publia en 1787. C’est un 
de ces ouvrages longs et utiles dont tout le monde pro- 
fite , et que peu de personnes osent entreprendre. C’é- 
toit pour lui un motif de plus; il préféra toujours la 
certitude d’être utile à la recherche incertaine de décou- 


. vertes qui auroient pu lui promettre plus de gloire en 


cas de réussite , mais aussi qui auroient en vain Consumé 
son temps et sa peine si elles avoient été moins heureuses. 
Après un pareil ouvrage où il avoit eu tant d’occasions 


200 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


de sentir les incommodités sans nombre de notre ancien 
système métrique , on doit peu s’étonner qu’il ait été l’un 
des partisans les plus empressés du nouveau. À peine la 
proposition en avoit été faite à l’Assemblée constituante 
que M. Brisson lut à l’Académie un mémoire où il pro- 
posoit pour unité de mesure la longueur du pendule dé- 
terminée par M. de Mairan, et pour unité de poids la 
64° partie du nouveau pied cube d’eau distillée. Son but 
étoit de se rapprocher autant qu’il étoit possible des 
mesures usitées à Paris, sacrifiant ainsi la plus grande 
perfection de la réforme à la facilité passagère qu’on 
auroit trouvée à la faire adopter. Il prenoït en même 
temps l’engagement de traduire dans la nouvelle langue 
toute sa table des pesanteurs dès que les nouvelles me- 
sures seroient décrétées. Si nous devons lui savoir gré de 
cette nouvelle marque de dévouement, il duten savoir 
bien davantage à ceux qui par le choix de l’unité pre- 
mière et par sa division toute décimale l’avoient dis- 
pensé d’un travail aussi ingrat. En effet la conversion 
qu’il proposoit se trouve toute faite dans son livre, les 
nombres qu’il y a donnés pour exprimer la pesanteur 
spécifique sont tout naturellement les poids du déci- 
mètre cube de toutes les substances exprimées en déci- 
grammes. | 

Quand l’Académie fut chargée de tous les travaux 
relatifs au nouveau système ,; M. Brisson fut nommé 
avec MM. Tillet et Vandermonde pour comparer avec 
la toise et la livre de Paris , toutes les mesures de lon- 
gucur , de superficie ou de capacité , et tous les poids 


h 


ns 


——_— 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES, 204 


usités en France. Travail immense ( dit avec raison 
l'historien de l'Académie } ;, et dans lequel le patrio- 
tisme soutiendra leurs forces. M. Brisson s’y livra seul 
avec ce zèle dont il'avoit déjà donnéstant de preuves. 
Ce projet eut pourtant pas son entière exécution. On 
laissa depuis à chaque département le travail de ces 
comparaisons qui pouvoient s’y faire presque aussi bien 
et à moins de frais ; mais M. Brisson s’en étoit long- 
temps occupé , et ce travail obscur autant que pénible 
auroit dû lui faire trouver grace aux yeux de ceux qui 
en décembre 1793 rayèrent de la liste de la commission 
des mesures tous les membres dont ils ne crurent pas 
avoir un besoin indispensable pour achever Popération. 
M. Brisson qui, pouvoit avoir hérité de son aïeul une 
partie de son attachement à la cause des rois , étoit d’ ail- 
leurs trop sincère ‘et trop franc pour n’avoir pas laissé 
voir qu’il étoit bien loin d'approuver sans réserve tout 
-ceïquise faisoit alors. Il fut donc rayé quoique plus né- 
cessaire que jamais, pour l’exécution du nouveau plan 
qu’on vouloit réaliser avec une célérité révolutionnaire. 
Réintégré en 1795 , il fut chargé de faire avec Borda lé- 
#alon provisoire du mètre , il reprit sa comparaison des 
mesures ; et ses résultats déposés au bureau de l’agence 
ont été d’une grande utilité pour la confection des tables 
et des instructions publiées par le ministère de l’inté- 
rieur. 

Tous les, travaux dont nous:ayons rendu compte sont 
-de nature , les uns à rester presque inconnus, et les 
- autres à mavoir qu’un petit nombre de juges et mème de 

1806, ORNE 


202 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


lecteurs ; il nous reste à parler des ouvrages élémentaires 
qu’il a composés pour être plus utile à ceux quisuivoient 
ses cours. Ces ouvrages sont principalement un traité et 
un dictionnaire de pliysique dont il a vu plusieurs édi- 
tions , et qui ont été traduits en plusieurs langues. 

Tous les livres destinés à l’instruction publique, 
quand ils ont pour auteur un savant connu, ont toujours 
un débit assuré du moins pendant la vie du professeur. 
Très-diffciles à bien faire , quand ils seroient excellens 
pour le temps où ils paroissent , le progrès journalier 
des sciences ne tarde pas à les rendre incomplets , alors 
ils ne sont guères lus que par ceux qui travaillent à les 
faire oublier. De tous les livres de ce genre , celui 
d’Euclide , le seul à peu près qui nous reste des anciens, 
est aussi le seul que l’on cite souvent , qu’on reproduise 
quelquefois , maïs il a été remplacé. Si tel est le sort des 
élémens d’une science qui seule peut prétendre à l’immu- 
tabilité, quel doit être celui des traités élémentaires 
dans les sciences moins certaines , dans celles qui ne 
sont pas faites , ou qui comme la physique n’ont de 
complètes que les parties sur lesquelles l’expérience ne 
paroît plus avoir rien à nous apprendre , et qu’on a pu 
soumettre à un calculexact ? On cite encore Sgravesende, 
Desaguliers , Musschenbrock et Nollet ; mais qui les 
enseigne ? Un sort pareil est réservé nécessairement aux 
ouvrages élémentaires de M. Brisson , mais ils ont servi 
long-temps à répandre les connoïssances acquises, ils 
ont été utiles, ils peuvent l’être encore, et l’auteur a 
déclaré lui-même que ce prix suffisoit pour le dédom- 
mager de toutes ses peines, 


| 
| 
l 
| 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 203 


En voyant de la même main un dictionnaire et un 
traité sur le même sujet, on sera tenté de croire que 
c’est exactement le même ouvrage présenté sous deux 
formes un peu différentes. Sans doute il est plus d’un 
article où l’auteur a dù se répéter , mais la différence 
des plans en amenoit une assez grande en certaines 
parties ; tel article qui n’a pu trouver place dans le 
traité, ou n’a pu y recevoir les développemens dont il 
étoit susceptible, entroit nécessairement dans le diction- 
naire où l’auteur a pu insérer bien des notions d’astro- 
nomie , d'histoire naturelle , ainsi que beaucoup d’au- 
tres connoissances qui sans être précisément parties inté- 
grantes et nécessaires d’un dictionnaire de physique , y. 
tiennent du moins d’assez près pour qu’on soit bien aise 
de les ÿ rencontrer. Mais ce qui se remarque également 
dans les deux ouvrages , c’est un style simple et clair, 
un ordre méthodique , un jugement sain , un ton de 
candeur et d’impartialité , un aveu sincère de ce que 
l'auteur ignore qui peut donner quelque poids à ce qu’il 
présente comme moins incertain. 

Il s’est peint lui-même À l’article Physique expéri- 
mentale. « Si la retenue et la circonspection, nous 
» dit-il, doivent être un des principaux caractères du 
» physicien , la patience et le courage doivent le sou- 
» tenir dans son travail ; on ne doit pas trop se hâter 
» d'élever entre la nature et Pesprit humain un mur 
» de séparation; en nous méfiant de notre industrie , 
» gardons de nous en méfier avec excès. Un système 
» Quoique faux a souvent produit de grands biens , mais 


[l 


204 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


» un trop grand attachement À un système qu’on a 
» enfanté , a produit souvent de grands maux à la 
5 science dont il a retardé les progrès. » Ces maximes 
ont fait la rèole constante de sa conduite ; mais cette 
retenue si sévère ne l’empêchoit pas d’aller au-devant 
de toutes les nouveautés utiles ; il pouvoit à bon droit 
s'appliquer le vers de Solon, 


« Et je vieïllis en apprenant sans cesse. » 


Il applaudit avec zèle à la révolution qui s’est opérée 
de nos jours dans la chiinie. Dans sa jeunesse il s’étoit 
bientôt dégoûté de cette science où 2/ ne voyoit aucune 
base capable de fixer ses idées. Sa première ferveur se 
ranima dès qu’i/ vit des observations mieux faites et 
des résultats plus satisfaisans. Il donna à cette étude 
tout le temps dont il pouvoit disposer ; il rendit un 
témoignage éclatant aux talens et aux suctès de confrères 
beaucoup plus jeunes que lui , et qu’il avoit vu entrer à 
VAcadémie quand il en étoit déjà l’un des doyens; 
enfin c’est par un traité de chimie élémentaire destiné à 
ses élèves de l’école centrale , qu'il a terminé une car- 
rière remplie par cinquante ans de travaux utiles. 

Toute la vie de M. Brisson est renfermée dans ses ou- 
vrages. II la passa presque entière dans sort cabinet ou 
à l’Académie. Il étoit fort assidu à nos séances dont il 
né s’est absenté que la dernière année de sa vie. 

Une attaque d’apoplexie venue à la suite d’une longue 
et dangereuse maladie , parut avoir effacé toutes ses 
idées , les connoissances qu’il avoit amassées par un 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 205 
travail si long et si assidu , tous ses souvenirs et même 
celui de langue française , il ne prononçoit plus guères 
que quelques mots de l’idiôme Poitevin qu'il avoit 
parlé dans son enfance. Après un intervalle de quatre- 
vingts ans il se retrouvoit au point d’où il étoit parti, 
ses derniers jours ont ressemblé aux premiers. Exempt de 
trouble et d'inquiétude il sortit de la vie comme il y étoit 
entré , sans crainte , sans espérances et peut-être sans 
trop s’en apercevoir lui-même. Il mourut le 235 juin 


1806 , et il a été remplacé par M. Gay-Lussac. 


206 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


Fe 


ÉLOGE HISTORIQUE 
DE M. COULOMB, 


Par M. DEeramere. 


Lu à la Séance publique du 5 janvier 1807. 


Cranres-Aucusrin Couroms , Heutenant-colonel au 
corps du génie, chevalier de Saint-Louis, membre de 
l'académie des Sciences , et ensuite de l’Institut et de la 
Légion d’honneur , et l’un des inspecteurs généraux des 
études , naquit le 14 juin 1736, à Angoulême , d’une 
famille qui s’étoit distinguée dans la magistrature à 
Montpellier. 

Amené de bonne heure à Paris , il y prit pour les 
sciences mathématiques un goût si décidé qu’il vouloit 
s’y consacrer entièrement ; mais trouvant quelques obs- 
tacles à l’exécution de ce projet , il entra dans le corps 
du génie militaire , où du moins il espéroit faire servir 
à son avancement les connoissances qui étoient son 
unique passion ; et pour arriver plus promptement au 
terme qu’il fixoit à son ambition , il voulut passer en 
Amérique. Il y fut employé par le gouvernement aux 
constructions les plus importantes. Des travaux péni- 
bles sous un ciel brûlant altérèrent bientôt sa santé. Les 


‘MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 207 


maladies cruelles dont il fut attaqué , et qui avoient été 
fatales à tous ses compagnons de service, lui firent dé- 
sirer de revoir la France. Ses chefs le retinrent par les 
grades auxquels ils le firent élever , et par des espérances 
qui ne furent pas toutes réalisées. Il revint enfin après 
neuf ans d’absence. Jusqu’alors il s’étoit donné sans 
réserve aux travaux de son état. Cet esprit dé recherches, 
d’expériences et de calcul qui l'ont si éminemment dis- 
tingué , il n’avoit pu l’appliquer qu'aux moyens d’exé- 
cuter avec plus d'économie et de solidité les construc- 
tions qu’il avoit à diriger. Ses observations et la théorie 
qui l’avoient guidé firent la matière d’un mémoire qu’il 
lut à l’académie des sciences, et qui lui mérita le titre 
de correspondant. HE 

Vers le même temps il donna les moyens d’exéçuter 
sous l’eau toute sorte de travaux hydrauliques sans au- 
cun épuisement ; il rendit compte de ses observations 
sur une espèce de moulin qui lui avoit paru la plus 
propre à comparer l'effort du vent, l’effet utile et la 
perte opérée par les frottemens. \ 

Nous rapporterons à cette époque un mémoire qu’il 
n’a pourtant publié que 25,ans après , mais qu’il avoit 
lu à l'académie dès 1775 , et dans lequel il évaluoit Ja 
“quantité d’action que les hommes peuvent fournir par 
leur travail journalier suivant les différentes manières 
dont ils emploient leurs forces. Le but de ces recherches, 
reprises à différentes époques de sa vie , étoit de diminuer 
la fatigue des hommes lorsqu'ils sont réduits à ne servir 
que comme simples machines. 


508 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


En 1779 il avoit partagé avec M. van Swinden le prix 

proposé par l'Académie pour la meilleure construction 
des boussoles ; et deux ans après il remporta le prix 
proposé par la mème académie sur la théorie des ma- 
chines simples. 
* Amontons avoit publié quelques recherches'à sur le même 
sujet ; mais des expériences faites en petit dans un cabi- 
net de physique , étoient trop insuffisantes pour évaluer 
es frottemens des machines destinées à porter des poids 
énormes. La première chose à faire étoit donc d’imagi- 
ner des appareils que l’on pût à volonté charger des 
poids les plus considérables ; et qui permissent de varier 
les essais , de calculer les efforts et les pertes , d'observer 
les frottemens de différens corps glissant les uns sur les 
autres , en différens sens , à sec ou enduits de substances 
onctueuses , avec une vitesse acquise , ou dans l'instant 
où il faut les tirer d’un repos plus ou moins prolongé. 

M. Coulomb , qui alors habitoit Rochefort , y trouva 
dans les arsenaux de la marine et dans la bienveillance du 
commandant , M. la Touche-Tréville , tout ce qui pou- 
voit faciliter des recherches aussi neuves qu’importantes. 
L'Académie en le couronnant lui témoigna une satisfac- 

tion égale de sa théorie et de ses expériences. 
Ces deux pièces portoient déjà le caractère que M. Cou- 
lomb sutimprimer à tous ses ouvrages. Dans l’une comme 
dans l’autre on le voit d’abord attentif à interroger la na- 
ture ; à saisir et bien constater quelque fait important ; 
chercher ensuite dans la mécanique rationnelle les for- 
mules les plus propres à lier les faits isolés ; consulter de 


:. MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUÉS. 209 
nouveau l’expérience et la varier de toutes les manières 
propres à faire ressortir et déterminer les constantes de 
ses formules et les quantités qui peuvent varier suivant 
la nature des substances qu’il soumettoit à l’expérience. 


+ On a dit de tous ceux qui se sont distingués par des 


vues nouvelles , que le germe de toutes leurs décou- 
vertes étoit dans leur premier ouvrage ; que leurs autres 
productions n’ont été que le développement d’une pre- 
mière idée riche et féconde. Nous allons voir une nou- 
velle preuve de cette remarque dans tous les travaux 
qui ont rangé M. Coulomb parmi ceux qui ont le plus 
avancé la physique. # 

Dans le concours sur les boussoles, un de ses anta- 
gonistes indiquoit un moyen pour éluder les effets de 
la torsion , c’est-à-dire de la résistance que la roideur 
du fil de suspension oppose à la force du magnétisme 
qui attire l’aiguille dans une direction constante. 

M. Coulomb s’appliqugit à bien connoître ces effets 
de la torsion; il indiquoit dès-lors une machine propre 
à les mesurer avec précision. Mais il ne’ put trouver 
en province un artiste capable d’exécuter ce qu’il avoit 
conçu; et cette première idée, énoncée sans dévelop- 
pement et sans preuve, n’a que peu contribué, sans 
doute, au succès qu’il obtint. Il étoit difficile de bien 


| apprécier tout ceque renfermoit ce premier aperçu, tout 
_ ce qui devoit naître de cette conception nouvelle. 

. En 1781, M. Coulomb obtint de faire son service à 

Paris, l’Académie s’empressa de l’admettre au nombre 


de ses membres, et dès-lors toutes ses pensées se tour- 
1806. ci 


210 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


nèrent vers les recherches de magnétisme et d’électri- 
cité qui ont fait sa gloire , ét l’une des richesses du Re- 
cueil de l'Académie, où il rendit compte de tous ses 
travaux et de ses découvertés successives. 

Pour apprécier justement les services qu’il a rendus 
à la physique et les avantages de sa méthode, portons 
un coup d’œil rapide sur l’état de la science à diffé- 
rentes époques. 


Les anciens ne connoissoient de la physique que le 


nom seul. Il suffit pour s’en convaincre delire, si lon 
peut , les traités nombreux d’Aristote , tant sur la phy- 
sique en général que sur le ciel, sur la génération et 
la corruption et sur les météores. Que remarque-t-on 
dans tous ces écrits que des dissertations sans fin sur 
l’espace , le temps, les principesét les élémens? quel 
fruit peut-on retirer de cette métaphysique obscure et 
inintelligible ? 

Que peut-on apprendre dans un traité plus court où 
Plutarque a rendu aux philosophes grecs le mauvais 
service de rassembler en un cadre plus étroit toutes leurs 
opinions ou plutôt leurs rêves, comme s’il avoit voulu, 
par ce rapprochement , en faire mieux sentir le ridicule? 
Qu’y voit-on, si ce n’est que contens d’avoir observé 
d’un regard inattentif quelques phénomènes qui leur 
avoient fourni matière à exercer leur imagination , ils 
mavoient su inventer aucune de ces machines ingé- 
nieuses qui servent à interroger la nature; ensorte qu’à 
l'exception de quelques vérités lumineuses répandues 
dans les écrits d’Archimède , sans ses inventions et celles 


x 
ee 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 214 


de quelques mécaniciens - géomètres d'Alexandrie (et 
entre autres de Héron, dont le nom est encore porté 
par une machine curieuse qui se trouve dans tous 
les cabinets de physique), on seroit bien embarrassé 
de trouver dans leurs écrits quelques lignes à transporter 
dans les traités modernes où leur nom ne peut être cité 
qu’à l’occasion de leurs erreurs. 

_ On voit donc la cause du peu de progrès des anciens 
dans la physique ; ils ne la traitèrent qu’en métaphy- 
siciens. à 

Pourquoi eurent -ils plus de succès en astronomie ? 
c’est qu’ils sentirent de bonne heure la nécesfité d'y ap- 
pliquer les instrumens convenables, l’observation et le 
calcul. 

. L’heureuse application de la géométrie à l’une des 
branches les plus importantes de la physique, indiquoit 
la route à suivre pour perfectionner pareillement toutes 
les autres. C’est en effet celle que prit Galilée à la re- 
naissance des lettres et des sciences. 

C’est dans la géométrie qu’il trouva des moyens in- 
génieux et nouveaux pour mesurer la chute des corps. 

Le pendule, le baromètre , la machine pneumatique 
et le prisme agrandirent le champ de l’expérience, le 
divrefdes principes mathématiques assit la science sur 
M véritables bases, et l’on sentit qu’elle ne pourroit 
se perfectionner, qu’autant que l’on réussiroit à porter 
dans ses parties les plus obscures, le double flambeau 
de l'expérience et du calcul. 


4 Sgravesende essaya de composer un cours complet de 


212 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


physique-mathématique , mais le magnétisme et l’élec- 
tricité ne purent entrer dans son plan. L’électricité ne 
faisoit que de naître, etl e magnétisme étoit trop peu 
avancé. . 

* AEpinus est le premier qui les soumit à l’analyse ; il 
s’appliqua principalement à expliquer les effets connus; 
sa marche étoit encore un peu incertaine; il négligea 
trop souvent de vérifier par l’expérience tout ce qui 

m“résulteroit de son calcul. 

C’est en les éclairant l’un par l’autre , en les entre- 
mêlant habilement que M. Coulomb fut conduit aux 
vérités incônnues dont il enrichit la physique. 

Dès les premiers pas il sentit le besoin d’un instru- 
ment nouveau. Les attractions, soit électriques , soit 
magnétiques , si vives près du contact, languissent ou 
cessent entièrement à des distances médiocres. Pour en 
avoir la mesure exacte , il falloit leur opposer une force 
connue dont elles pussent aisément triompher, un corps 
léger auquel le moindre effort fût capable d'imprimer 
un mouvement assez grand, mais dont on pût cepen- 
dant évaluer jusqu'aux portions les plus ‘insensibles. 
M. Coulomb imagina de chercher cette force dans la 
résistance presque imperceptible que le fil le plus flexible 
oppose à la main qui veut le tordre. Il s’assura que‘cettes 
résistance croît uniformément avec le nombre des tours 
donnés au fil, ou, pour parler le largage de la science , 
qu’elle est proportionnelle à l’angle de torsion. Dès-lors 
il fut en possession de l’instrument désiré. C’est par ce 


moyen aussi simple qu’il sut mettre en évidence une 
7 + 


MATHÉMATIQUES ET PHŸSIQUES. 213 


loi qui avoit échappé à toutes les recherches des phÿ+ 
siciens. Il montra par les expériences les plus faciles et: 
les plus convainquantes que les attractions et les répul- 
sions suivent la raison inverse du carré des distances. 
Cette loi fut aussitôt admise par tous les physiciens , qui 
pour la plupart l’avoient pressentie. AEpinus qui en à 
souvent employé une autre dans ses calculs , la jugeoit 
cependant la plus probable que l’on pût imaginer ; mais 
il ne put trouver les moyens de se la démontrer à lui- 
même ; cette gloire étoit réservée à M. Coulomb. 

Après ces découvertes par lesquelles il avoit en quel- 
* que sorte pris possession de deux branches importantes 
de la physique, nous allons voir M. Coulomb employer le 
reste de sa vie à cultiver le domaine qu’il avoit conquis. 

La loi qu’il avoit démontrée lui devoit être d’un grand 
seéours dans tous ses calculs et dans ses expériences 
ultérieures ; mais ellene suffit pas. 11 faudroit y joindre la 
connoissance intime de la nature et des propriétés essen- 
tielles de ces agens merveilleux dont nous ne disposons 
pas tout-à-fait à volonté. AEpinus étoit parvenu à repré- 
senter les principaux phénomènes par la supposition 
d’un fluide, dont les molécules auroient la double pro- 
priété de se repousser mutuellement, et d’être attirées 
- par les molécules des corps : maïs il étoit obligé de sup- 
pôser pareillement aux particules de ces corps une ré- 
pulsion difficile à concilier avec des notions qu’il n’est 
plus permis de révoquer en doute. i 

L'hypothèse d’un doublefluide imaginée par Symmer, 
employée par Wilke et Brugman, moins simple au pre- 


214 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 
mier coup-d’œil, ne renferme du moins rien qui con- 
tredise des principes incontestables. M. Coulomb l’adopta 
de préférence pour base de tous ses calculs. 

Pour mettre cette hypothèse à l’abri de toute objec- 
tion, pour nous réconcilier tout - à - fait avec cette com- 
binaison d’attractions et de répulsions qu’elle présente, 
il seroit bien à désirer qu’on püt, par des expériences 
directes, nous démontrerl’existenceencore problématique: 
de ces doubles fluides. Ils ne sont indiqués jusqu’ici que 
par le calcul, ils peuvent rendre raison des phénomènes,, 
mais rien ne démontré que l’on n’en puisse trouver une 
explication plus simple. 

Quand les premiers astronomes voulurent calculer le 
mouvement inégal du soleil , ils trouvèrent deux hypo- 
thèses également propres à satisfaire à leurs observa- 
tions. La marche doublement inégale des planètes exi- 
gea la réunion des deux hypothèses en une seule qui 
même se trouvoit insuffisante pour les planètes très- 
exceatriques , telles que Mars et Mercure. Le système 
qui paroissoit d’abord si heureusement imaginé ne tarda 
pas à menacer ruine; il fut renversé par Copernic et 
Kepler. 

On pourroit craindre ou plutôt souhaiter un sort pa- 
reil à nos deux fluides. Déjà l’on sent que les phénomènes 
exigent quelque chose de plus. Pour éluder une diffi- 
culté pressante, M. Coulomb suppose que toutes les 
molécules d’une barre aimantée sont autant d’aimans 
partiels dont les pôles contraires sont en contact. Les 
actions opposées de ces pôles doivent se détruire en 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 215 
grande partie. Les deux pôles xtrêmes peuvent seuls 
agir en diberté. De là deux centres d’actions placés vers 
les deux extrémités du barreau. Quelque ingénieuse que 
soit cette conjecture, elle pourroit très-bien ressembler 
aux épicycles des anciens astronomes ,‘et m’avoir d’autre 
mérite réel que de faciliter les calculs qui conduiront à 
la connoissance de la cause véritable. Il'en est de même 
des deux fluides électriques. On a fort adroitement fait 
valoirquelefluide résineuxetlefluideviîtré éprouventdans 
l’air des résistances inégales. Rien n’empèche d'admettre 
ces suppositions qui ne sont incompatibles avec aucun 
principe reconnu ; on voit seulement avec quelque regret 
que le système se complique. Mais est-il bien surprenant 
qu’au milieu.de tant de causes qui agissent de si près 
pour troubler les phénomènes, les explications perdent 
un peu de cette simplicité qu’on voudroit y voir. Les 
planètes placées à des distances énormes et circulant dans 
des espaces libres, peuvent suivre rigoureusement la loi 
de la pesanteur qui suffit pour expliquer leurs inéga- 
lités les plus imperceptibles. Mais les corps que nous 
avons entre les mains, que nous mettons en expérience, 
sont bien loin d’être placés dans des circonstances aussi 
favorables. Quand plusieurs causes agissent , il faut bien 
que le calcul les embrasse toutes, et des effets com- 
plexes ne sauroient être ramenés à des principes bien 
simples. Ce n’est donc pas la faute des physiciens si 
leurs explications n’ont pas cette unité à laquelle nous 
ont accoutumés les problèmes d’astronomie. 

Mais si les physiciens ont en cela quelques désavan- 


216 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


tages , ils en sont dédommagés par d’autres considé- 
rations qui doivent ranimer leur courage. Tous ces globes 
qui roulent si loin de nous, n’accompilissent leurs ré- 
volutions que dans des temps plus ou moins considé- 
rables, mais toujours fort longs ; et ce n’est qu’à de 
grands intervalles qu’ils se retrouvent dans les positions 
favorables à la recherche de tout ce qui peut nous 
éclairer sur leurs mouvemens. Le physicien, au con- 
traire, tient dans sa main tous les objets de ses études; 
il peut à son gré les mettre dans la position convenable, 
et s’il a fallu des siècles pour perfectionner l’astronomie, 
on peut espérer qu’en bien moins de temps la physique 
pourra parvenir au point de certitude et de clarté que 
l’on peut raisonnablement attendre d’elle. 

Ces progrès ultérieurs seront l’ouvrage de ceux qui, 
comme M. Coulomb, sauront imaginer des appareils 
nouveaux pour des recherches nouvelles, et se préva- 
loir des ressourcesinfinies qu'ils trouveront dans l’analyse 
moderne. 

. Avec la balance qui lui permettoit de mesurer les 
plus foibles degrés ‘de magnétisme et d’électricité, nous 
l'avons vu successivement déterminer la loi suivant la- 
quelle s'écoule et se perd insensiblement l’électricité , 
la part que peuvent avoir à cet effet, et l’air humide 
qui environne les conducteurs , et les soutiens qui ne les 
isolent qu’imparfaitement ; prouver par des expériences 
délicates que l’électricité si puissante à la surface des 
corps devient insensible pour peu que l’on pénètre à 
l’intérieur ; que le magnétisme très-foible dans presque. 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 217 


toute la longueur des aiguilles , n’a de force qu’en deux 
points très - voisins des extrémités; chercher de même 
suivant quelle loi Pélectricité se distribue le long des 
conducteurs ou à une file de globes différens , comment 
elle se répartit entre deux globes de surface égale ou 
inégale ; quelle peut être la cause du pouvoir des pointes 
et des grands effets du cerf-volant électrique. 

De ces spéculations difficiles > il aimoit à redescendre 
à des objets d'utilité pratique ; c’est pour parvenir à la 
meilleure construction des boussoles qu’il avoit entre- 
Pris ses premières recherches. A mesure qu’il y faisoit 
des progrès sensibles , il s’en servoit pour améliorer cet 
instrument si nécessaire. Il perfectionna de même les 
boussoles d’inclinaison, On avoit des moyens plus 
Ou moins parfaits pour former des aimans artificiels, 
M. Coulomb , en consultant la théorie , sut ajouter 
un degré nouveau de perfection à la meilleure de ces 
méthodes. 

La température influe sur le magnétisme , qui diminue 
quand la chaleur augmente. Par des expériences très- 
précises et à l’aide d’un théorème de M. Laplace, il 
trouva qu’il falloit donner à Vaiguille 700° de chaleur 
pour la dépouiller entièrement de son magnétisme. Le 
fer avoit long-temps passé pour le seul Corps attirable 
à l’aimant; M. Coulomb sut trouver des marques non 
équivoques d'attraction dans tous les corps qu’il soumit 
à l'expérience, d’où il crut pouvoir conclure que le 
magnétisme , comme l'électricité, s'étend sur toute la 
zature, 

1806, E * 


218 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


Cette découverte est la dernière dont il nous ait en- 
tretenus : le soin de la vérifier l’occupa jusqu’à ses der- 
niers momens. Nous trouvons dans ses manuscrits des 
expériences curieuses , d’où il paroît suivre que pour 
attribuer au fer caché dans les différens corps le degré 
de magnétisme qu’il a observé , il faudroit supposer, 
uniformément répandue dans toutes ces substances , une 
quantité de fersiconsidérable qu’ellen’auroit pas manqué 
de se manifester, dès les premiers essais, aux chimistes 
distingués qui s’étoient chargés d’épurer les substances 
sur lesquelles il avoit fait ses expériences. 

Nous n’entrerons pas dans de plus grands détails sur 
des recherches qui n’ont encore aucune publicité , qui 
n’ont pu encore être jugées par les savans. On sent même 
que ce n’est pas le lieu de donner une idée plus appro- 
fondie des travaux qui ont illustré M, Coulomb. D'’ail- 
leurs, cet exposé existe. Tous les savans ont pu le lire 
dans le plus moderne et le meilleur des traités de physi- 
que. L’auteur qui lui-même est au rang des premiers phy- 
siciens de l’Europe, qui lui-même a su se distinguer en 
créant une nouvelle branche des sciences naturelles, a pré- 
senté dans l’ordre le plus clair etle plus méthodique toutes 
les découvertes et la théorie de son digne confrère. Cet 
extrait si lumineux , qui peut servir en quelques points de 
commentaire à la doctrine de M. Coulomb, ne peut pour- 
tant pas dispenser de recourir aux mémoires originaux 
pour une foule de détails nécessaires à ceux qui voudront 
continuer un travail que la mort a trop tôt interrompu. 
Depuis long - temps on désiroit que M. Coulomb ras- 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 219 


semblât en un corps d’ouvrage, et dans l’ordre le plus 
naturel, ses idées qu’il avoit publiées dans autant de 
mémoires séparés, à mesure qu’il les avoit aperçues et 
démontrées. Ses amis lui ont souvent demandé cet ou- 
vrage , le mauvais état de sa santé lui laissoit peu d’es- 
poir de le terminer ; il aimoiït mieux ajouter autant qu’il 
le pourroit à la somme de nos connoïssances. Mais il 
avoit remis au libraire qui doit imprimer la collection 
une note sur l’ordre dans lequel il convient de disposer 
ses mémoires. On n’attendra pour commencer l’impres: 
sion que le temps nécessaire à l’examen de tous ses ma- 
nuscrits, et à la transcription de toutes les notes qui 
pourront ajouter à lutilité de ses ouvrages connus, ou 
fournir une suite intéressante à ce qu’ila publié lui-même. 

Nous mavons présenté jusqu'ici M. Coulomb que 
comme un savant très-distingué. L’homme en lui n’étoit 
pas moins recommandable. Ce sens exquis, cette rec- 
titude et cette sévérité de principes qu’il à montrées 
dans toutes ses recherches mathématiques, il ne les a pas 
moins hautement manifestées dans sa morale et dans 
toute sa conduite. 

Envoyé, commissaire du roi, en Bretagne, par le 
ministre de la marine pour examiner des projets de 
canaux , il trouva l’occasion de développer toute l'énergie 
de son caractère pour faire écarter des plans ruineux. La 
province reconnoissante ne pouvant lui faire accepter 
d’autres marques de sa gratitude lui décerna une 
récompense qui ne pouvoit avoir à ses yeux d’autre 
mérite que de lui retracer plusieurs fois dans la journée 


220 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


le souvenir des services qu’il avoit rendus et de l’estime 
qu'il s’étoit acquise. 

La révolution vint; M. Coulomb donna sa démission 
de tous ses emplois. De ce nombre étoit l’intendance 
générale des fontaines de France, et la survivance à 
celle des plans et reliefs. La première avoit été hé- 
réditaire dansune famille qui venoit de s’éteindre , et elle 
devoit de même passer à son fils et à ses descendans. 

Detaché de tout, il s’occupoit à rassembler les débris 
de sa fortune , dont il ne put sauver que la moindre 
partie ; il espéroit trouver des consolations à l’Académie 
et dans la continuation de ses travaux, l’Académie fut 
supprimée. Il restoit membre de la commission des poids 
et mesures, ilen fut retranché. Forcé bientôt après de 
quitter Paris par la loi qui en expulsoit tous les nobles, 
il se retira, suivi de son ami Borda, dans un bien de 
campagne qu’il possédoit auprès de Blois. 

Dans cette solitude, au sein de sa famille, avec les 
consolations de l’amitié, M. Coulomb n’avoit presque 
pas changé sa manière de vivre. Il pouvoit continuer ses 
méditations qu’il étendit même à des objets nouveaux. 
La végétation attira ses regards pénétrans. Des arbres 
qu’il fit abattre lui fournirent des remarques neuves sur 
le mouvement de la sève. Il commença des recherches 


sur les plantes. Nous en avons trouvé dans ses manus- 


crits des fragmens qui font désirer que le reste puisse 
également se retrouver. 

Rappelé de cet exil pour la continuation des travaux 
relatifs aux nouvelles mesures, nous ne le vimes que peu 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 221 


de jours. ! Il étoit pressé de rejoindre sa femme et ses 
enfans , et de reprendre le soin du modique bien qui 
étoit leur uniqueätessource. Il ne revint habiter Paris 
qu’à la création de l’Institut. Sa santé qui dépérissoit 
lui faisoit une nécessité de se rapprocher des secours de 
l’art auxquels pourtant il se refusa long-temps par l’effet 
d’un tempérament excessivement nerveux qui lui don- 
noit une vivacité de caractère , une impatience dont lui 
seul a souffert par les soins constans qu’il apportoit à 
s’en rendre toujours maître. 

Nommé l’un des inspecteurs généraux des études, 
quoiqu'il pût considérer cette faveur comme un dédom- 
mâgement nécessaire après tant de pertes, quoique digne 
autant que personne de ce poste important pour les con- 
noissances variées dans toutes les branches de l’instruc- 
tion publique, il balança long-temps s’il accepteroit ; 
nousredoutions pour lui des fatigues qui pouvoient nuire 
à sa santé, une longue absence qui alloit interrompre 
des travaux dans lesquels il seroit difficilement rem- 
placé. Lui - même se plaisoit à cultiver les dispositions 
d’un fils qui déjà répondoit à ses soins, et qu’il falloit 
remettre en d’autres mains. Il accepta pourtant, et ma- 
dame Coulomb se rendit la compagne inséparable de tous 
ses pas. Graces aux soins de sa tendresse active et 
éclairée , les voyages n’eurent pas toutes les suites que 
nous avions redoutées. 

« M. Coulomb put se livrer à ses nouvelles fonctions 


_» avec le zèle et l’exactitude qu’il portoit partout. Sa 


» figure grave et sévère s’adoucissoit pour les jeunes 


222 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


» 


» 


22] 


» 


» 


» 


»” 


L)] 


» 


» 


» 


λ 


2» 


» 


» 


Po] 


» 


» 


» 


» 


élèves qui rappeloient à son cœur paternel ses plus 
douces jouissances. C’étoit un père qui parloit à ses 
enfans ; il aidoit leur foiblesse , engourageoit leur ti- 
midité ; il aimoit à trouver dans leurs traits et dans 
leurs dispositions naissantes l’augure et le germe des 
talens qui seroient un jour utiles à la patrie. 

» C’est à ceux qui ont pu le voir dans sa vie privée 
à rendre témoignage de ce qu’il y portoit de charme 
et d'abandon. Bon époux , bon frère , bon père et bon 
ami ; homme intègre et citoyen dévoué , il pratiquoit 
toutes les vertus sans jactance comme, sans effort. 
Délicat , sévère pour lui-même, indulgent pour les 
autres, ses manières réunissoient l’aisance que donne 
l'usage à la gravité qui formoit son caractère, mais 
qui n’excluoit pas une gaîté douce et calme, celle 
d’une ame qui est bien avec elle - même. Noble et 
généreux dans toutes les affaires, son intérêt étoit 
celui dont il s’occupoit le moins. Modeste et bien 
éloigné de toute prétention, il savoit aussi repousser 
une aggression injuste avec autant de force que de 
dignité. » 

Au reste , ce dernier trait de son caractère dut trouver 


peu d’occasions pour se développer. Dans la seule qui 
soit venue à notre connoissance, et que l’Institut n’a 
pas oubliée sans doute , l'adversaire ne croyoit pas s’at- 
taquer à M. Coulomb, et convint hautement de son 
tort. Personne n’a joui d’une considération plus géné- 
rale. Il a vu sa doctrine admise et enseignée par les 
professeurs les plus distingués. On se plaisoit à lui rendre 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 223 
justice, son mérite ét ses succès ne lui ont jamais fait 
un seul ennemi, pas même un envieux. Il ne lui manqua 
rien qu’une santé meilleure. La sienne nous donnoit 
depuis long-temps des inquiétudes ; à une infirmité grave 
et alarmante qu’il regardoit lui-même comme la cause 
infaillible d’une mort plus ou moins prochaine , s’étoit 
jointe , l’été dernier, une fièvre lente qui le minoit. Dans 
l’état d’affaisement où il étoit réduit, il ne pouvoit sou- 
tenir la moindre nourriture. Les ressources de l’art ad- 
ministrées par les mains de l’amitié se trouvèrent éga- 
lementimpuissantes, soit pour adoucir ses douleurs, soit 
pour ranimer ses forces. Il n’en avoit plus que pour 
souffrir. Il mourut le 23 août 1806, ne laissant guère 
à ses deux fils d'autre héritage qu’un nom respecté , 
l’exemple de ses vertus et le souvenir des services écla- 
tans qu’il a rendus à la science. 


Il a été remplacé par M. Montgolfier. 


224 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


RELATION 


D'UN VOYAGE 
FAIT 


DANS LE DÉPARTEMENT DE L'ORNE, 


Pour constater La réalité d'un météore observé à 
l'aigle le 6 floréal an 11, 


Par M. Bror. 


Lu le 29 messidor an 11. 


L ministre de l’Intérieur m’ayant invité à me rendre 
dans le département de l’Orne pour prendre des ren- 
seignemens exacts sur le météore qui a paru aux envi- 
rons de l’Aigle le 6 floréal dernier , je me suis empressé 
de remplir ses intentions, et je vais rendre compte à la 
classe des observations que j’ai recueillies. Je désire que 
l'importance du sujet fasse excuser la multiplicité des 


PP EN PE 


détails dans lesquels je vais entrer. 

Depuis que l'attention des savans s’est dirigée vers 
l'examen des masses minérales que l’on dit être tombées 
de l’atmosphère , toutes les ressources de la critique et 


° 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 225 


de l’expérience ont été employées Pour constater cet 
étonnant phénomène et jeter quelque lumière sur sa 
cause. En même temps que l'analyse chimique déter- 
minoit les élémens de ces masses , les séparoit des pro- 
duits naturels jusqu’à présent connus, et découvroit 
dans leur identité parfaite la Preuve , ou du moins la 
grande probabilité d’une origine commune , on recueil- 


 loit tous les récits qui pouvoient avoir quelques rapports 


au même fait; on consultoit les écrits des anciens , 
dont l’autorité a été trop souvent suspectée , et que l’on 
reconnoît de plus en plus pour des témoins fidèles , à 
mesure que l’occasion se présente de vérifier leurs obser- 
vations. Pour compléter ces recherches et achever de 
faire sentir toute leur importance , des hypothèses in- 
génieuses ont été imaginées , de manière À satisfaire, 
d’après les lois de la physique, aux.phénomènes jus- 
qu’alors observés. Enfin les sayans de toutes les classes, 
de tous les pays , ont réuni leurs efforts, sur cette grande 
question , guidés , non par une rivalité jalouse , mais 
par le noble amour de la vérité. 

Sans doute ce concours unanime sera remarqué dans 
l’histoire des sciences. Il offre à la fois le résultat et la 
preuve de leurs progrès. C’est un grand pas de fait dans 
l’étude de la nature ; que de savoir examiner un phé- 


nomène dont on ne voit encore aucune explication com- 


plète, et cette sorte de Courage n’appartient qu’aux 

hommes les plus éclairés. Nous devons donc remercier 

notre confrère Picter, qui nous. a donné le premier cet 

exemple dans la question actuelle, en nous communi- 
1806, - FY* 


226 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


quant les recherches des chimistes anglais ; recherches 
qu’une décision précipitée auroit pu faire traiter de chi- 
mériques, mais qui furent discutées dans le sein de la 
classe avec cet empressement réservé , par lequel on évite 
également d’écarter les vérités nouvelles , et d'accueillir 
les erreurs. Qu’importent en effet les préjugés de ceux à 
qui tout manque pour se former une opinion? Toujours, 
dans les questions douteuses , l’ignorant croit, le demi- 
savant décide, l’homme instruit examine : il n’a pas la 
témérité de poser des bornes à la puissance de la nature. 
Suivons donc avec zèle , et sans que rien nous arrête, 
le phénomène qui nous occupe maintenant ; et sil 
arrive enfin , comme je l’espère , que nous réussissions 
à le mettre hors de doute, n’oublions pas que c’est l’envie 
de tout expliquer qui l’a fait rejeter si long-temps. 

De toutes les probabilités recueillies jusqu’à présent 
sur la chute des masses météoriques , la plus forte ré- 
sulte de l'accord qui existe entre l’identité de leur com- 
position et l’identité d’origine que les témoignages leur 
attribuent exclusivement. Cet accord , déja vérifié par 
- un grand nombre d’observations , donne à la probabilité 
dont il s’agit une valeur très-approchante de la certi- 
tude , et qui n’est nullement infirmée par les objections 
que l’on a tirées du peu de lumières des témoins; car, 
en raison même de ce peu de lumières , les témoignages 
devroient, si le fait étoit faux, s'appliquer à des subs- 
tances diverses , à des circonstances dissemblables ; et 
dans un sujet de cette nature, où l’intérêt particulier 
wentre pour rien, la chance du concours des témoins 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES, 227 


est unique, tandis que celle de leur HASTERACe est infi- 
niment multipliée. 

Cependant il étoit fort à désirer que le phénomène 
füt une fois constaté d’une manière irrécusable , et que 
toutes ses particularités fussent recueillies avec fidélité , 
autant pour achever d'établir la certitude morale de son 
existence, que pour connoître exactement les circons- 
tances qui le caractérisent , et qui sont également néces- 
saires pour remonter, s’il est possible, jusqu’à sa cause, 
ou du moins pour empècher que l’on ne s’égare en la 
cherchant. 

Convaincu de cette vérité, j’ai senti que l’exactitude 
et la fidélité la plus scrupuleuse pouvoient seules rendre 
utile aux sciences la mission dont j’étois chargé. Je me 
suis considéré comme un témoin étranger à tout sys- 
tême ; et, pour ne rien hasarder de ce qui pourroit ôter 
quelque confiance aux faits que je vais rapporter, je me 
bornerai dans ce mémoire à les exposer tels que je les 
ai recueillis , et en développant les conséquences immé- 
diates qui résultent de leurs rapports , je m’abstiendrai 
même d’examiner en quoi-elles se rapprochent ou s’écar- 
tent des hypothèses que l’on a imaginées. 

Avant de commencer ma recherche, je crus néces- 
saire de classer méthodiquement les faits sur lesquels 
je devois principalement diriger mes observations ; en 
conséquence je les réunis dans le tableau suivant: 


228 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


De l'existence des pierres météo- 
riques entre les mains des habi- 
tans du pays. 

Des traces ou des débris qui auroïent 

PHYSIQUES } tirés » » * été laissés ou occasionnés par le 
météore. 

Des circonstances minéralosiques et 
géologiques du pays. 

ARGUMENS. . , Du témoignage des personnes qui 
ont vu et entendu le météore. 
Du témoignage des personnes qui 
ont entendu le météore sans lavoir 
vu, 7 
MORAUX) tirésesee Spy témoignage des personnes qui, 
étant sur les lieux, ont cherché 
et recueilli des renseignemens sur 
l’existence du météore et sur ses 
effets. 


Avant de partir, je recueillis sur ces diverses ques- 
tions tous les renseignemens que je pus me procu- 
rer.-Je priai M. Hay de vouloir bien m'éclairer de 
ses lumières sur ce qui concernoït la minéralogie du 
pays que j’allois paréourir. M. Coquebert Montbret cor- 
respondant de la classe, me fournit les connoissances 
qui n’étoient nécessaires sur la géographie physique du 
même pays. Enfin M. Fourcroy voulut bien me donner 
une copie des lettres qu’il avoit reçues de l’Aigle rela- 
tivement à l’apparition du météore. 

Je partis de Paris le 7 messidor , emportant avec moi 
une boussole, une carte de Cassini , et un échantillon 
_de la pierre météorique de Barbotan , qui avoit été remis 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 229 
sur les lieux à notre confrère Cuvier : je me proposois 
de m’en servir comme terme de comparaison , et de voir 
quelle origine lui assigneroient les habitans du canton 
où l’on disoit qu’il en étoit tombé de semblables. 

Mais je ne me rendis pas directement dans ce lieu 
même. Si l'explosion du météore avoit réellement été 
aussi violente qu’on nous Pannonçoit , on devoit en 
avoir entendu le bruit à une très-grande distance. Il 
étoit donc conforme aux règles de la critique de prendre 
d’abord des informations dans des lieux éloignés, sur ce 
bruit extraordinaire , sur le jour et l’heure auxquels on 
Vavoit entendu , d’en suivre la direction > et de me lais- 
ser conduire par les témoignages jusqu’à l'endroit 
même où, l’on disoit que le météore avoit éclaté. Je 
devois rassembler ainsi, dans une grande étendue de 
pays, des renseignemens comparables ; car, sur le bruit 
même et les ciréonstances de l’explosion, les témoignages 
deient s’accorder , quelque part qu’ils fussent re- 
cueillis. D'ailleurs tous les récits relatifs aux masses 
météoriques font précéder leur chute par l’apparition 
d’un globe de feu. 11 étoit important de savoir si le 
 météore de l’Aigle avoit été accompagné des mêmes cir- 
constances , et c’étoit loin du lieu de Pexplosion que je 
pouvois m’en assurer. | 

Guidé par ces considérations je me rendis d’abord à 
Alençon, chef-lieu du département de l’Orne : Situé à 
quinze lieues au sud-ouest de la ville de lAigle. 

Chemin faisant, le courrier de Brest à Paris me dit 
que ; le mardi 6 floréal dernier , à neuf lieues par-delà 


530 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


Alençon, entre Saint-Rieux et Pré-en-Pail , il vit dans 
le ciel un globe de feu qui parut, par un temps serein, 
du côté de Mortagne, et sembla tomber vers le nord. 
Quelques instans après on entendit un grand bruit sem- 
blable à celui du tonnerre ou au roulement continu d’une 
voiture sur le pavé. Ce bruit dura plusieurs minutes, 
et fut sensible, malgré celui de la chaïse de poste qui 
rouloit alors sur la terre. L’heure étoit celle de midi trois 
quarts, etle courrier medit qu’il l’avoit observée aussitôt 
à sa montre, parce que cette vue l’avoit fort étonné. IL 
ajouta qu’en arrivant à Alençon il avoit raconté ce fait 
dans la maison où il étoit descendu; et cela m’a été 
confirmé depuis. Par la marche de ce globe de feu , par 
le bruit, et surtout par l'heure, je jugeai que c’étoit le 
commencement du météore de Aigle. 

À Alençon on avoit entendu parler vaguement de ce 
phénomène , maïs on n’avoit rien vu; ettaucun bruit 
extraordinaire ne s’étoit fait remarquer : ce qui n’esfpas 
étonnant dans une grande ville, au milieu du tumulte 
d’un jour de marché. Le préfet , l’ingénäeur en chef des 
ponts et chaussées, les professeurs de l’école centrale, 
n’avoient aucune connoissance du météore. Mais si ces 
citoyens ne purent pas me donner des renseignemens 
directs sur cet objet, ils m’en fournirent d’autres non 
moins utiles, en me permettant de visiter leurs collec- 
tions. M. Barthélemy, ingénieur en chef, homme 
aussi distingué par ses connoissances qu’estimé dans le 
pays pour son caractère , s'occupe depuis cinq ans à 
rassembler des échantillons de toutes les substances 


© OT SS 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES, 231 


minérales qui se trouvent dans le département de l'Orne, 
afin d'y chercher les matériaux nécessaires à l’industrie 
manufacturière ou aux constructions civiles. Dans cette 
collection que j’ai parcourue , rien ne ressemble aux 
masses météoriques, et M. Barthélemy lui - même, 
auquel je laïssai un échantillon de celle qui est tombée 
enu790 à Barbotan, n’avoit jamais rien vu qui s’en 
rapprochât. Je me trouvois ainsi éclairé sur un des 
points les plus importans de ma mission. Je visitai pa- 
reillement la collection et les cabinets, de l’école cen- 
trale , et si je n’y trouvai rien qui fût analogue à l’objet 
de mes recherches, j’en rapportai du moins l’estime la 
plus sentie pour le zèle, les efforts et la persévérance 
des professeurs qui composent cet établissement. 

M. Lamagdelaine , préfet, n’ayant pu me don- 
ner de renseignemens par lui-même, me fournit ayec 
beaucoup de complaisance tous les moyens d’en obtenir 
à l’Aiïgle et dans les divers endroits où je m’arrêterois, 
Le bibliothécaire de l’école centrale, jeune homme 
plein de talent et d'activité, voulut bien aussi, sur ma 
demande , prendre quelques informations relativement 
au météore de PAigle. Il ne put recueillir que de simples 
récits transmis de bouche en bouche, mais qui cepen- 
- dant s’accordoient entre eux et avec ce que nous savions 
déjà. N'ayant plus rien à espérer pour l’objet de ma 
mission , je quittai Alençon le 10 messidor et me mis 
en route pour l’Aigle, avec un guide actif et intelli- 
gent. Je me proposois de m’arrêter dans. tous les en- 
droits où je pourrois espérer des réponses à mes ques- 


132 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


tions ; j’avois même le dessein de m’écarter vers les habi- 
tations que j’apercevrois à quelque distance de la route. 
Le premier endroit habité que nous rencontrâmes est 
Seez, petite ville à dix lieues au sud-ouest de Aigle. 
On y avoit entendu le bruit du météore; on en indi- 
quait précisément le jour , l’heure et les diverses circons- 
tances. C’étoit comme un coup de tonnerre très-forqui 
sembloit partir du côté du nord, et dont le roulement, 
accompagné de plusieurs explosions successives, dura 
cinq ou six minutes. Des personnes qui se trouvoient 
alors sur le cours crurent d’abord que c’étoit le bruit 
d’une voiture roulant sûr le pavé et venant d’Argentan 
ou du bourg de Merleraut ; elles ne furent désabusées 
qu’en ne voyant rien arriver, quoique le bruit conti- 
nuât. Ces personnes furent d’autant plus étonnées que 
le ciel étoit parfaitement serein , sans le moindre nuage, 
et qu’on n’y remarquoit rien d’extraordinaire. On disoit 
de plus que des voyageurs venant de Falaïse et de Caen 
avoient entendu fortement la même explosion ;,'et qu’ils 
avoient eu grande peur; on ajoutoit qu’il avoit paru un 
globe de feu du côté de Falaise, et qu’on avoit remis 
au sous-préfet d’Argentan une pierre qui étoit tombée 
du ciel. À 
Ces informations me donnoïent lieu de penser que les 
effets du météore s’étoient étendus sur un espace beau- 
coup plus considérable que nous ne l’avions imaginé. 
Comme mon but étoit d’abord de circonscrire exacte- 
ment cet espace , je suivis les indications que je venois 
de recevoir, et me dirigeai vers Argentan. 


TS 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 233 


I1 y avoit déjà quelque temps que nous étions sur 
cette route lorsque nous rencontrâmes un homme de la 
connoissance de mon guide, et qui me parut, comme 
Jui , très-intelligent. Cet homme, interrogé sur le phéno- 
mène dont je cherchois les traces , s’en rappela très-bien 
le jour et l’heure. I] étoit occupé à écrire lorsqu'il en- 
tendit l’explosion. Sa fenêtre étant ouverte et donnant 
du côté du nord, il avoit levé la tête pour savoir d’où 
venoit ce bruit ; mais, à son grand étonnement , il avoit 
vu le ciel serein et n’avoit rien aperçu dans l’air. Il 
ajouta que des gens revenus de Caen y avoient entendu 
le mème bruit à la même heure, mais qu’il n’étoit point 
tombé de pierres de ce côté; que celle qui avoit été 
remise au sous-préfet d’Argentan étoit venue d’ailleurs, 
et qu’en général ce bruit lui avoit semblé partir du 
nord-ouest , et s’étendre parallèlement à la route d’Ar- 
gentan à Falaise. | 

C’étoit précisément la direction indiquée par les lettres 
que nous avions reçues. Sur ces renseignemens nous re- 
broussâmes chemin et reprîmes la route de l’Aigle, bien 
certains de ne rien laisser en arrière. 

Nous nous arrêtâmes d’abord à Nonant, village situé 
à huit lieues ouest-sud-ouest de l’Aigle. Les habitans 
ont très-distinctement entendu l’explosion du météore. 
Elie les a fort épouvantés ; ils la comparent au bruit 
d’une voiture roulant sur le pavé, ou à celui d’un feu : 
violent dans une cheminée. Des employés aux barrières, 
qui étoient couchés sur le bord de la route, se rele- 


vèrent tout effrayés. Il ne virent rien dans l'air, qui 
1806, G * 


234 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


étoit serein. Il n’est point tombé de pierres dans cet 
endroit. 

De Nonant nous allâmes au bourg de Merleraut. Che- 
min faisant nous renconträmes des bergers qui étoient 
dans la campagne. Je les interrogeai en leur demandant 
s’ils n’avoient pas eu bien peur d’un bruit extraordi- 
maire qui s’étoit fait entendre il y avoit environ deux 
mois. Ils me répondirent affirmativement , m’indiquè- 
rent exactement le jour , l'heure et la direction du bruit, 
Ils avoient été également surpris de voir le ciel serein. 
D’autres paysans que j’interrogeai sur la route me firent 
les mêmes rapports. 

Au bourg de Merleraut , à sept lieues ouest-sud-ouest 
de l’Aigle, je recueille les mêmes récits; mais le bruit 
de l’explosion et la frayeur qu’elle avoit produite s’étoient 
accrus en raison de la proximité. Des hommes , des 
femmes, des enfans , que j’interrogeai , s’accordèrent 
exactement pour le jour , l'heure et la direction du mé- 
téore. Ils n’avoient rien vu dans l'air, et le ciel étoit 
serein. Des chevaux qui étoient dans une cour, revenant 
des champs, et encore attelés , sautèrent tout effrayés 
par-dessus une haie et s’enfuirent dans la rue : tant étoit 
grande la force de l’explosion , quoiqu’à une distance 
de plus de sept lieues. Il n’étoit point tombé de pierres 
dans ce bourg; mais on avoit entendu dire qu’il en étoit 
tombé du côté de l’Aigle , et on me donna un échan- 
tillon d’une de ces pierres qui avoit été apportée comme 
une curiosité par un roulier. C’étoit en effet un morceau 
pareil à ceux que l’on nous avoit envoyés. 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 235 


De Merleraut nous allâmes à Sainte-Gauburge. Sur 
la route j’interrogeai une foule de paysans , tant passa- 
gers que travaillant aux champs. Hommes, femmes, 
enfans , tous ont entendu l’explosion le même jour et 
la rapportent à la même heure, un mardi, entre midi 
et deux heures. 

Un petit chaudronnier de dix à douze ans, qui faisoit 
route avec sa tôle et ses outils sur le dos, écoutoit une 
femme du pays à qui je demandois des détails de l’ex- 
plosion. Oh ! monsieur, me dit-il, on l’a entendue beau- 
coup plus loin ; on l’a entendue à trois lieues d’Avran- 
ches.—Vous avez donc ouï dire cela? — Monsieur, je 
le sais mieux que par ouï-dire, parce que j’y étois. —Il 
y a trente-six lieues d’Avranches à l’Aigle. 

Dans le village de Sainte-Gauburge , à quatre lieues 
ouest-sud-ouest de l’Aïgle, lés habitans ont tous entendu 
l’explosion le même jour et à peu près à la même heure 
que partout aïlleurs ; mais il n’est point tombé de 
pierres météoriques dans cetendroit. Cependant on avoit 
entendu parler de celles qui étoient tombées près de 
VAigle, et plusieurs habitans du lieu en possédoient des 
échantillons. On me conduisit à une chaumière hors du 
village, où je trouvai un paysan des environs qui en 
avoit une entre les mains. Je lui montrai d’abord celle 
de Barbotan', et il la reconnut aussitôt pour être tombée 
du ciel. Il me montra ensuite celle qu’il avoit : elle étoit 
en tout semblable aux nôtres, et pouvoit peser environ 
0‘48 (1livre ). C’étoit sa femme qui l’avoit ramassée de- 
vant sa porte, où elle étoit tombée et s’étoit enfoncée en 


236 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


terre. La pierre portoit encore des traces de cette chute ; 
et le paysan me les fit remarquer. Il paroissoit tenir à 
cette curiosité : je ne la lui demandai point. Il me dit 
qu’il étoit du village de Saint-Sommaire. J’ai reconnu 
depuis que c’est le canton où il en est tombé le plus. 

Un vicillard qui se trouvoit là me dit qu’étant alors 
à travailler dans un champ près de l’Aigle, il avoit vu 
dans l’air un petit nuage d’où partoient des explosions 
qui se succédèrent pendant plusieurs minutes; il avoit 
entendu des pierres siffler et tomber. 

De Sainte-Gauburge à l’Aigle j’interrogeai plusieurs 
paysans qui s’accordèrent tous avec les rapports que 
j'avois déjà recueillis. La nuit qui survint m’empècha 
de multiplier davantage ces informations, qui d’ailleurs 
n’auroient pu me rien apprendre de nouveau, puisque 
c’étoit de l’autre côté de l’Aigle que le météore avoit 
éclaté. J’arrivai dans cette ville à dix heures du soir, 
le jour même de mon départ d'Alençon. 

Je me rendis aussitôt chez notre confrère Leblond ; 
mais je ne pus le voir. Je sus d’ailleurs que toute la 
ville avoit entendu, au jour et à l’heure indiqués, un 
bruit effroyable. Il n’étoit point tombé de pierres à 
l’Aigle même, on en avoit seulement entendu parler. 
Des personnes qui étoient alors à Caen m’assurèrent 
qu’on y avoit entendu le même bruit à peu près à la 
même heure , et qu’on avoit vu de plus un globe de feu 
qui avoit causé une grande frayeur. 

Le lendemain de mon arrivée , je me présentai chez 
notre confrère Leblond : je fus aussi heureux que flatté 


“qe 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. : 237 
de trouver en lui les lumières d’un savant et la bien- 
veillance d’un ami. » 

M. Leblond et son beau-frère M. Humphroy, an- 
cien militaire, avoient tous deux , ainsi que le reste 
de leur famille, entendu le bruit du météore. C’étoit 
comme un roulement de tonnerre qui dura sansinter- 
ruption pendant environ cinq minutes , et qui étoit ac- 
compagné d’explosions fréquentes semblables à des 
décharges de mousqueterie. Dans le premier moment, on 
Vavoit pris pour le bruit d’une voiture qui passoit en 
roulant sur le pavé, et pour celui que produit un feu 
violent dans une cheminée. 

En rapprochant ces récits, faits par des hommes 
éclairés, de ceux que nous avons recueillis dans les 
campagnes sur une étendue de plus de dix lieues de 
rayon, nous voyons qu’ils sont absolument d’accord 
pour le jour, l’heure et la nature de l’explosion. Nous 
pouvons donc, avec toute certitude, en déduire les con- 
séquences suivantes. 

Il y a eu aux environs de PA igle , le mardi 6 floréal 
an 11, Vers une heure après midi , une explosion vio- 
lente qui a duré pendant cinq ou six minutes , avec un 
roulement continuel. Cette explosion a été entendue à 
près de trente lieues à la ronde. 

Si nous rapprochons le récit fait par le courrier de 
Brest , relativement au globe de feu qu’il a aperçu, de 
ce qu’ont dit les voyageurs venus de Caen et de Falaise, 
et de ce que contiennent les lettres écrites de cette der- 
nière ville le jour même de l’explosion, nous trouverons 


238 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


que ces récits s’accordent pour le jour , l’heure et la 
direction de ce météore. : 

J’ai su depuis, par d’autres renscignemens , que le 
même phénomène a été vu à peu près au même instant 
À Pont-Audemer et aux environs de Verneuil. 

De ces témoignages réunis on peut encore déduire 
comme certaine cette seconde conséquence : 

Le mardi 6 floréal an 11 , quelques instans avant 
l'explosion de l’ Aigle, il a paru dans l'air un globe 
lumineux animé d'un mouvement rapide. Ce globe wa 
pas été observé à l'Aigle ; mais il l’a été de plusieurs 
autres villes environnantes et très-distantes les unes 
des autres. 

J’ai pris toutes les mesures nécessaires pour avoir des 
renseignemens précis et multipliés des différens lieux 
où l’on a aperçu ce phénomène , afin d’en déduire la 
marche qu’il a tenué, et de lé suivre , s’il est possible, 
dans toute l’étendue de son cours. Mais en attendant, 
si l’on considère le jour, l’heure auxquels il a été ob- 
servé , la route qu’il a prise, et l’explosion qui a succédé 
à son apparition , nous en tirerons avec autant de cer- 
titude cette troisième conséquence : 

L'explosion qui a eu lieu le 6 floréal aux environs 
de l'Aigle, a été la suite de l'apparition d'un globe 
enflammé qui a éclaté dans Pair. 

Et il est à remarquer que ces résultats s’accordent 
parfaitement avec les descriptions que l’on a déjà faites 
des météores auxquels on attribue la chute de masses 
minérales. 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 239 
Je viens maintenant à la question même de la chute 
de ces masses ; et comme c’étoit là la partie la plus 
importante du phénomène, c’est celle aussi à laquelle 
j'ai donné le plus de soin , de détail et de temps. 
Les premiers renseignemens que je reçus à l’Aigle 
sur cet objet me furent donnés par M. Humphroy, 
et sont relatifs à une pierre pesant 8 56 (17livres?),que 


Von dit être tombée à la Vassolerie » Village situé à une 


lieue au nord de PAigle. M. Humphroy, guidé par le 
bruit public, étoit allé sur les lieux le jour même ; 

d’après l’invitation de son beau-frère M. Leblond. Il 
avoit encore vu les paysans assemblés autour du trou 
que la pierre avoit fait en tombant. Elle étoit déjà réduite 
à 6*1 (12 livres1), Parce que tout le monde s’empressoit 
de s’en procurer des morceaux. M. Humphroy obtint 
facilement ce qui en restoit > etle porta à son frère, 
qui l’envoya de suite à Paris. J’en possède un échan- 
tillon bien caractérisé. 

: M. Leblond, saisissant l’importance de ce phéno- 
mène, se transporta aussitôt sur les lieux. Il vit en- 
core les paysans assemblés ; il remarqua avec eux la 
profondeur du trou, qui étoit de 0"5 (18à 26 pouces); il 
vit la terre lancée autour à plus de 486 (15 pieds ) de 
distance. Il retira du fond du trou trois gros silex qui 
paroissoient avoirempèchéla pierre depénétreräune plus 
grande profondeur. 

J’ai vu depuis avec lui cette trace effrayante du mé. 
téore, jai entendu les récits des propriétaires de cette. 
habitation , jai entendu les témoignages des enfans qui. 


240 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


étoient restés dans la maison lorsque la masse tomba à 
vingt pas d’eux ; et voici les renseignemens que j'en ai 
reçus. 

Le père de ces enfans revenoit de l’Aigle avec sa 
femme et sa belle-fille ; ils entendirent tout-à-coup dans 
l’air un bruit de tonnerre extraordinaire , accompagné 
d’un roulement semblable à celui d’un grand feu dans 
une cheminée. Il n’y avoit presque point de nuages dans 
l'air , si ce n’est un petit nuage noir, et quelques autres 
comme on en voit fréquemment ;mais point d’apparence 
d'orage. Ce bruit sembloit partir du petit nuage, et 
s’éloignoit devant eux en soufflant et bourdonnant tou- 
jours. Ils étoient tous trois extrêmement effrayés. La 
jeune femme se trouva mal, et le père n’osoit parler.Ce 
bruit effrayant ne dura que quelques minutes. En arri- 
vant chez eux ils virent tous leurs voisins assemblés, et 
crurent qu’il étoit arrivé quelque malheur pendant leur 
absence : ils s’approchèrent , et on leur montra la masse 
que l’on venoit de déterrer. Le père la pesa aussitôt : 
son poids étoitde 8 65 (17livres+) , commejel’airapporté. 

Le fils, revenu des champs, me donna des détails 
encore plus*précis : c’étoit lui et ses frères qui étoient 
accourus les premiers au bruit de la chute de la pierre, 
et qui l’avoient déterrée. 

I1 dînoit avec ses frères et sœurs sous un noyer 
qu'il me montra : tout-à-coup ils entendirent au- 
dessus de leur tête un bruit de tonnerre effroyable, 
accompagné d’un roulement si continuel qu’ils se crurent 
prêts à périr. Le jeune homme dit à ses frères de se 


! 


LS 


L 


bi 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 241 
coucher par terre, de peur d’être emportés. Alors ils 
entendirent dans le pré voisin un terrible coup, qu’ils 
comparent à celui d’un tonneau plein qui tomberoit 
de haut. Ils coururent à cet endroit, dont ils étoient 
séparés par une haie , ils virent cette pierre, qui étoit 
enfoncée si profondément qu’elle avoit fait sourdre 
l’eau. 

J’ai examiné avec notre confrère Leblond le trou d’où 
cette masse a été tirée. Il est situé à l’entrée d’un her- 
bage humide, et dont le sol ne renferme assurément: 
rien de semblable parmi ses produits naturels, Peut-on 
raisonnablement supposer qu’une masse aussi con- 
sidérable eût existé depuis long-temps sans avoir été 
remarquée , dans un lieu où l’on passoit fréquem- 
ment; que tout-à-coup les enfans de la maison et les 


voisins se fussent réunis, par un simple hasard , pour 


affirmer qu’ils avoient entendu tomber dans ce même 
lieu quelque chose de très-lourd ; avec un très- 
grand bruit; que toutes ces circonstances eussent coïn- 
cidé avec ce qui se passoit au même instant à deux 
lieues de là, et qu’enfin aucun des spectateurs ne se fût 
rappelé doi vu précédemment cette pierre ? Voilà 
pourtant toutes les particularités dont il faudroit sup- 
poser la réunion pour infirmer la vérité de ce témoi- 
gnage. 

Observons encore une circonstance très-importante. 
Puisque les paysans avoient sur le lieu même, eten peu 
d’instans, détaché tant de fragrens de cette masse mi- 


nérale, il paroît qu’elle n’avoit pas alors l’excessive 
1806, H* 


242 HISTOWRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


dureté que nous lui trouvons aujourd’hui. En effet, 
notre confrère Leblond assure que lorsqu’elle fut portée 
chez lui elle étoit encore très-facile à casser , et les petits 
morceaux que lon en séparoit s’égrenoient sous les 
doigts. Voilà assurément un fait attesté par un témoin 
oculaire digne de toute confiance. La même chose m’a 
été affirmée depuis dans vingt endroits différens , et par 
tous ceux qui ont manié ces substances dans les pre- 
miers momens. Or un passage aussi prompt d’un état 
friable à une solidité complète annonce la présence 
d’une cause qui avoit récemment troublé leur aggréga- 
tion. Cela s’accorde donc avec les témoignages pour 
prouver que ces masses minérales sont étrangères aux 
lieux où elles se trouvoient alors, et qu’elles y avoient 
été nouvellement transportées. 

En revenant de la Vassolerie, je pris des renseignemens 
propres à me faire connoître la route que le météore 
avoit suivie, et l'étendue de pays sur laquelle il parois- 
soit avoir éclaté. Ces premières informations me don- 
nèrent pour limites la ville de l’Aigle , d’une part, et 
de l’autre cinq villages, nommés Saint-Antonin, Gloss, 
Couvain, la Ferté-Fresnel et Gauville. C’étoit une éten- 
due de trois lieues de long sur deux lieues de large , que 
je me proposai de parcourir complétement le lendemain. 

‘Je partis à six heures du matin , accompagné d’un 
guide qui connoissoit bien le pays et les habitans. Nous 
allâmes d’abord au château de Fontenil , où tous les 
témoignages plaçoient le commencement de l’explosion. 
Les maîtres étoient absens, je parlai au concierge du chäà- 


MATHÉMATIQUES ÊT PHYSIQUES. 243 


teau, qui me parut un homme sensé et digne de foi. 
Il avoit entendu , comme tout le monde, plusieurs coups 
violens, semblables à des coups de canon, suivis d’un 
bourdonnement pareil à celui du feu dans une cheminée. 
Tout-à-coup on avoit entendu sur la terre de l’enclos 
qui environne le château un grand coup sourd , comme 
d’un grand arbre qui tomberoit après avoir été ébranché. 
Les ouvriers qui travailloient dans un bois voisin ac- 
coururent à ce bruit ; les bestiaux , effrayés, se préci- 
pitèrent vers le lieu où s’étoit fait la chute. Un jeune 
homme de quinze ans, qui travailloit à dix pas de là, 
sous un hangar, dit avoir vu tomber une pierre : on 
s’approcha , et on en tira une du poids de trois livres. 
Elle avoit fait dans la terre un trou de dix-huit pouces 
de profondeur. Le concierge l’a mesuré après avoir enlevé 


* la pierre avec soin, pour la déposer dans les archives 


de la maison avec un récit du fait. J’ai vu le jeune 
homme qui est témoin oculaire ; j’ai vu aussi le trou 
fait par la pierre; j’ai vu cette pierre elle - même , et 
je rapporte un échantillon que l’on m’a permis d’en 
séparer. 

Le sol de l’enclos, que l’on nomme dans ce pays une 
‘cour , est de terre franche , humide , et recouvert de 
gazon. Au - dessous de la terre végétale on trouve des 
cailloux : rien n’annonce qu’on y trouve naturellement 


* des substances semblables aux masses météoriques, et 


tous les habitans de la maison sont bien certains de n’en 
avoir jamais vu. 
J’ai aussi un échantillon d’une pierre semblable, tom- 


244 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


bée dans un champ auprès du Fontenil : elle passa en 
sifflant par-dessus la tête du berger , à qui elle causa 
une grande frayeur , et tomba à vingt pas de lui. Les 
moutons , épouvantés par le bruit du météore, se ser- 
roient les uns contre les autres. On a depuis labouré ce 
champ, et on n’y a point trouvé d’autre pierre de la 
même nature. Ces détails m'ont été donnés au Fontenil 
par un témoin oculaire que l’on m’amena. 

Du Fontenil j’allai au hameau de la Métonnerie , et 
le concierge du château que nous quittions eut la com- 
plaisance de nous accompagner jusque dans une ferme 
qui lui appartient. Les habitans de cette ferme ont vu 
le nuage au-dessus de leur tête. Leur récit sur le bruit 
de l'explosion est le même que partout. Ils virent tomber 
deux pierres dans leur cour, tout auprès d’eux : l’une, 
dont ils me montrèrent encore la place, siffloit en tom-" 
bant ; elle étoit brûlante, car la terre fuma tout à l’en- 
tour. Ils n’osèrent la retirer que le lendemain , tant ils 
avoient peur. J’en rapporte un échantillon. L'autre étoit 
tombée dans une haie : on la chercha long-temps, mais 
on ne put la trouver. 

Le sol de la Métonnerie est formé d’un peu de terre 
végétale recouvrant une couche de marne; au-dessous 
sont des cailloux dont on se sert pour bâtir. 

J’ai aussi un échantillon d’une pierre tombée près 
de là , dans un lieu que l’on nomme la Marcelière. Elle 
fut vue par un enfant qui gardoit les moutons ; elle tomba 
à côté de lui. Le morceau que je rapporte m’a été donné 
par le père même de cet enfant. D’après le volume qu’il m’a 


RS DE 


nets sers 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 245 
désigné, cette pierre pouvoit peser environ 1‘96(3livres) 
avant qu’on n’en eût rien Ôté. 

De la Métonnerie j’allai au village de Saint-Nicolas- 
de-Sommaire : je me présentai chez une dame à laquelle 
on’avoit porté beaucoup de pierres météoriques ; elle 
avoit autrefois la seigneurie de ce canton. Elle me reçut 
avec beaucoup d’honnêteté , et me donna par elle-même 
et par ses gens tous les détails qui étoient parvenus à sa 
connoissance. Je trouvai chez elle deux curés, celui du 
lieu et celui d’un hameau voisin nommé Saint-Michel- 
de-Sommaire ; il y avoit de plus le garde forestier et une 
femme de confiance anciennement attachée à la maison. 
Toutes ces personnes, excepté le garde , sont témoins 
oculaires de la chute des pierres. Celui-ci revenoit alors 
de l’Aigle; il a seulement vu le météore et entendu le 
bruit. bebex 

Le curé de Saint-Nicolas regardoit directement le 
nuage d’où l’explosion est partie. C’étoit un carré long, 
dont le plus grand côté étoit dirigé est et ouest ; il sem- 
bloit immobile , et il en sortoit un bruit continuel.sem- 
blable au roulement d’un grand nombre de tambours ; 


puis on entendoit les pierres siffler dans l’air comme 


une balle qui passe, et tomber sur la terre en rendant 
un coup sourd. On remarquoit très-bien que le nuage 
décrépitoit successivement de différens côtés , et chacune 
de ces explosions ressembloit au bruit d’un pétard. Le 
curé de Saint-Nicolas a entendu tomber ces pierres, sans 
les voir dans leur chute; mais le curé de Saint-Michel 
massura en avoir aperçu une qui tomba en sifflant dans 


246 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


la cour de son presbytère, aux pieds de sa nièce, et 
qui rebondit de plus d’un pied de hauteur sur le pavé. 
I] dit aussitôt à sa nièce de la lui apporter; mais elle 
n’osa pas, et une autre femme qui se trouvoit présente 
la ramassa. Je ne l'ai point vue; mais ce curé m’a 
assuré qu’elle étoit en tout semblable aux autres, et ces 
pierres, dont nous avions sous les yeux un grand nombre 
de morceaux, sont trop connues maintenant dans ce 
| pays, pour que l’on puisse s’y méprendre. 

La maîtresse de la maison me donna plusieurs de ces 
masses que l’on avoit vues tomber. J’en rapporte d’au- 
tres dont on m’a montré les trous encore récens, et 
qui portent les empreintes des terrains où elles sont tom- 
bées. Elles sont toutes de la même nature que celles que 
nous avons déjà, et à cet égard il y a autant de témoins 
que d’habitans. Il paroît, par les renseignemens que j’ai 
recueillis , qu’il est tombé dans cetendroit et dans les en- 
virons une quantité effrayante de pierres ; mais quoi- 
qu’elles soient encore fort grosses , puisqu’elles pèsent 
jusqu’à o‘97 ( 2 livres) , aucune d’elles n’égale celles de la 
Vassolerié et des environs du Fontenil : circonstance 
qu’il importe de remarquer. 

Tout le monde,s’accorde à dire que ces pierres fu- 
moient sur la place où elles venoient de tomber. Por- 
tées dans les maisons, elles exhaloient une odeur de 
soufre si désagréable qu’on fut obligé de les mettre 
dehors. Un gros morceau que je brisai m’offrit encore 
très-fortement cette odeur , mais dans son intérieur seu- 
lement. Dans les premiers jours , ces pierres se cassoient 


nes we af 


orset 


4 à 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES, | 247 


très-facilèment ; toutes ont depuis acquis la dureté que 
nous leur connoiïssons. Ces changemens d’état sont au- 
tant de preuves physiques qui s'accordent pour faire 
voir que ces pierres sont étrangères aux lieux où elles 
se trouvoient alors, ou qu’elles y avoient été récemment 
transportées. 

Ici, comme à la Métonnerie , le sol est de terre 
franche recouvrant une couche de marne ; toutes les 
maisons sont bâties en cailloux : jamais on n’y à rien 
vu de pareil aux pierres météoriques. 

_ Remarquons que les témoignages acquièrent ici une 
grande force par l’étatetles qualités morales des témoins. 
C’estd’abord une dame très-respectable, quine peut avoir 
aucun intérêt d’en imposer ; ce sont deux ecclésiasti- 
ques, qui ne peuvent, sans aucun motif, avoir l'intention 
d’altérer la vérité , surtout devant des personnes dont 
l'estime et la confiance leur sont nécessaires; enfin c’est 
une femme âgée qui paroît depuis long-temps attachée 
à cette maison , et qui, persuadée que ce phénomène est 
un avertissement du ciel, n’auroit pas osé en dénaturer 
les circonstances , surtout en parlant devant des per- 
sonnes qu’elle est habituée à respecter. Enfin le témoi- 
gnage du garde forestier est lui-même un garant de la 
vérité des’autres ; car je savois que cet homme n’avoit pas 
été présent à la chute des pierres, et il ne s’est pas donné 
non plus comme les ayant vues tomber. Seulement, son 
emploi l’obligeant à parcourir les champs , il avoit ew 
occasion de remarquer et de déterrer plusieurs deces 
masses, qu’il me donna, et dont il me montra les trous 


248 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


encore récens. Il étoit bien certain de n’avoir jamais 
rien vu de semblable, et l’on sait combien les gens de 
cet état sont observateurs. 

De Saint-Nicolas-de-Sommaire j’allai, conduit par ce 
garde, au hameau du Bas-Vernet où il demeure , et 
dans lequel on disoit qu’il étoit tombé un grand nombre 
de pierres. Voyant le desir que j’avois d’en trouver une 
moi-même et de la retirer de terre , il me mena dans 
un petit champ qui lui appartient , et dans lequel 
il avoit remarqué un trou qu’il pensoit avoir été fait 
par une de ces pierres : il avoit attendu que la récolte 
fût faite pour s’en assurer; mais nous eùmes beau cher- 
cher et creuser dans ce trou , nous ne trouvâmes rien. 
Si ce fut un désagrément pour moi de voir mon espé- 
rance trompée , du moins j’eus une nouvelle occasion 
de reconnoître la bonne foi de mon guide. 

Nous allâmes ensuite dans une ferme voisine , où 
nous trouvâmes une femme âgée et deux jeunes filles, 
qui nous déclarèrent toutes trois avoir vu tomber des 
pierres et en avoir eu une peur horrible : elles étoient 
seules en ce moment dans la maison, et s’attendoient 
incessamment à périr. Elles me montrèrent dans l’enclos 
de la ferme plusieurs trous dont elles avoient extrait 
des morceaux de ces pierres, et elles m’en remirent un 
échantillon. C’est toujours la même espèce. 

Nous cherchâmes long-temps pour tâcher d’en décou- 
vrir nous-mêmes quelque reste ; mais ce fut en vain. 
La terre avoit été humectée depuis par les pluies, herbe 
avoit crû, et les trous même dont on avoit extrait des: 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 249 
pierres s’étoient déjà remplis presque entièrement. Il 
étoit donc très-difficile d’en découvrir encore qui au- 
roient échappé aux premières recherches. Nous cher- 
châmes surtout sous un arbre et dans une haïe où l’on 
en avoit entendu tomber entre les branches , et d’où l’on 
avoit vu s'enfuir un oiseau ; mais nous ne trouvâmes 
rien. J’observai cependant que plusieurs branches de 
l’arbre et de la haie, situées dans une direction verticale, 
avoient évidemment souffert. 

Après toutes ces recherches infructueuses nous al- 
lâmes dans une ferme voisine. On nous y fit encore les 
mêmes récits sur explosion et la chute du météore. Le 
fils de la maison , âgé de dix à douze ans , sa mère, et 
sa sœur âgée de quinze ou seize , étoient témoins de ces 
faits. Au milieu de cet effroyable bruit, qu’ils décrivent 


comme tous les autres, ils virent tomber une grosse 


5 
pierre qui cassa une branche d’un poirier : le jeune homme 
courut pour la ramasser ; mais la trouvant enfoncée en 
terre, il cria à sa sœur d’apporter une bèche. Celle-ci 
vint; mais à peine arrivée il lui passa devant le visage 
une petite pierre qui tomba à ses pieds. Alors elle n’eut 
rien de plus pressé que de s’enfuir , et la pierre ne fut 
ramassée que lorsque la peur se fut dissipée avec le dan- 
ger. On m’a montré le poirier, et je rapporte un échan- 
tillon de la pierre qui en a cassé une des branches. 

Plusieurs autres fermes environnantes m'ont fourni 
les mêmes témoignages , et partout on a vu les mêmes 
phénomènes. 

Je quittai ce lieu pour me rendre au hameau du Mesle, 

1806, z * 


250 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


chez un Jlaboureur nommé Gibon, qui étoit de la con- 
noissance de mes guides. C’est un homme de soixante- 
quatre ans , plein de sens et de raison ; il me reçut avec 
la plus grande cordialité, Lui, sa famille et ses gens , 
sont témoins oculaires du phénomène ; ils en décrivent 
exactement les circonstances comme partout ailleurs. 
Le roulement ressembloit si bien au bruit du feu dans 
une cheminée, qu’ils crurent que la maison brüloit, 
et qu’ils coururent chercher de Veau à la mare pour 
Péteindre. « Nous avons vu, me dit ce vieillard , tomber 
» des pierres d’en haut. Moi , qui ne suis pas peureux 
» et qui étois fatigué , je ne me suis pas dérangé pour 
» les aller chercher ; mais mes enfans y coururent etles 
» rapportèrent. Une d’elles tomba près de la mare , et 
» fit peur à une poule qui se trouvoit là ; une autre tomba 
» sur le faîte de la maison et roula jusqu’à terre : nous 
» crûmes que c’étoit notre cheminée qui tomboit. » 
En voyant ce respectable laboureur on ne pouvoit douter 
que son témoignage ne fût l’expression exacte de la 
vérité. 

On me donna un échantillon de cette pierre; on me 
montra sur le penchant de la toiture le lien de bois qui 
sert à retenir le chaume , et qu’elle avoit détaché. Il étoit 
tombé dans le clos beaucoup d’autres pierres que l’on 
avoit ramassées. On m’assuroit qu’il y en avoit une dans 
la mare et une autre dans un fossé à demi-desséché. Il 
falloit renoncer à la première ; nous cherchâmes l’autre, 
mais inutilement. 

Le fils de la maison, qui m’avoit déjà donné toutes 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 951 


celles qui lui restoient, me dit qu’il en avoit trouvé dans 
un champ, à un quart de lieue de là. Je lui demandai 
s’il avoit pareillement visité tous les champs voisins. Il 
me répondit qu’il ne l’avoit pas fait; et comme le lieu qu’il 
indiquoit se rapprochoit de Saint-Nicolas-de-Sommaire, 
où je savois qu’il étoit tombé un grand nombre de ces 
pierres , je me décidai à entreprendre encore cette recher- 
che,espérant que du moins cette fois je serois plus heureux. 

En effet, après avoir cherché environ pendant une 
heure ; par le soleil le plus ardent , nous en découvrimes 
une que je retirai moi-même de la terre où elle étoit 
enfouie ; je la tins long-temps brûlante dans ma main, 
tant étoit grande la chaleur à laquelle elle étoit exposée. 
Elle ressemble parfaitement à toutes celles que nous 
avions déjà. 

Satisfait de cette petite découverte , j’examinai la na- 
ture du sol où nous étions et les diverses substances qui 
s’y trouvent. Je donnai à cet examen un temps et un 
soin proportionnés à son importance. C’est une terre 
assez légère, sur laquelle on trouve des cailloux et quel- 
ques scories de forge que l’on nomme du /aitier. On 
dit que très-anciennement il y a eu dans ce lieu des 
forges qui ont été abandonnées. Au reste on sait com- 
bien ces scories diffèrent des pierres météoriques , et les 
paysans eux-mêmes n’y sont pas trompés ; car, aux en- 
virons de l’Aiïgle, ils connoïissent aujourd’hui parfaite- 
ment ces picrres , et savent très-bien les distinguer des 


autres , qu’ils nomment par opposition des pierres na- 
tourelles" 


252 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


En revenant, mon jeune guide me montra dans les 
champs un berger qui passoit autrefois pour un incré- 
dule, mais que la peur de ce terrible météore a converti. 

De retour au village du Mesle, je partis aussitôt pour 
le bourg de Gloss. C’étoit un de ceux que mes précé- 
dentes informations m’indiquoient comme se trouvant 
sur la limite du météore. En effet il n’y étoit point tombé 
de pierres, quoiqu’on eût entendu violemment l’explo- 
sion au sud-ouest. Je sus qu’il étoit tombé quelques 
pierres , mais petites et en très-petit nombre , au hameau 
de la Belangère , situé à l’ouest de Gloss. Par ces récits et 
par les informations que je reçus, je me confirmai dans 
l'opinion qu’il n’étoit rien tombé dans les villages de 
Saint-Antonin et de Couvain. | 

D’après la course que je venois de faire et les ren- 
seignemens qu’elle n’avoit procurés, je connoissois les 
limites de l’explosion au sud, à l’est et au nord; il ne 
me restoit plus à parcourir que le côté de l’ouest , et en 
conséquence lorsque je partis de Gloss, qui est au nord- 
est de l’Aiïgle, je me dirigeai vers le sud-ouest. 

J’allai d’abord au hameau de la Barne, dans l’habi- 
tation qui porte ce nom. Les personnes qui l’habitent 
avoient entendu le bruit du météore , et en avoient été 
{ort effrayées ; mais se trouvant alors dans leurs maisons, 
elles n’avoient pas vu de pierres tomber , et ne furent 
averties de ce phénomène que par leurs fermiers qui en 
apportèrent des morceaux qu’on venoit de trouver dans 
la cour. J’en reçus un échantillon. 

Le maître de la maison m’accompagna jusqu’à sa 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 253 


ferme, dont les gens me fournirent des témoignages 


_ beaucoup plus forts. Non seulement ils avoient vu et 


entendu le météore |, maïs les pierres tomboient en 
sifflant autour d’eux comme la grêle. Ils coururent 
à la mare, croyant que les bâtimens étoient en feu; 
leur peur étoit telle qu’ils s’attendoient à périr, et ils 
ne parloient encore de ce phénomène qu'avec effroi. 
Toutes les pierres tombées ici sont fort petites : ces gens 
en avoient tant ramassé qu’ils ont fini par les jeter dans 
la basse-cour, comme n’offrantaucun intérêt. Cependant 
on m’en donna encore plusieurs que l’on avoit conser- 
vées. Nous cherchâmes long-temps dans les herbages 
sinous pourrions en trouver encore sur la terre; mais 
ce fut en vain ; l’herbe étoit devenue trop haute. On 
ne dit pas ici que ces pierres fussent chaudes lorsqu’on 
les ramassa ; ce qui tient sans doute à leur peu de 
volume. Ps 

J’allai de là au hameau de Boïslaville , et je me 
présentai dans l’habitation qui porte ce nom. Le pro- 
priétaire , à qui je m’adressai , est un jeune homme de 
vingt-huit à trente ans, qui paroît instruit et bien 
né ; il a servi pendant la guerre de la révolution , et 
nest par conséquent pas susceptible d’être effrayé par 
un coup de tonnerre. Ces particularités donnant beau- 
coup de poids à son témoignage , je l’ai recueilli avec 


une attention particulière , et je le rapporte fidèlement. 


Le citoyen Boislaville étoit au milieu de sa cour, tête 
nue; ilentendit subitement comme trois ou quatre coups 
de canon, suivis d’une espèce de décharge qui ressembloit 


254 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


à une fusillade , après quoi il se fit comme un épouvan- 
table roulement de tambours , accompagné de sifflemens 
très-forts causés par des pierres qui tomboient sur la 
terre. L'air étoit tranquille et le ciel serein ; seulement 
on observoit directement au-dessus de la cour un petit 
nuage noir qui paroissoit immobile, et duquel sembloit 
partir tout ce bruit. On ramassa sur-le-champ une grande 
quantité de pierres météoriques dans l’enclos qui envi- 
ronne la maison : elles étoient toutes extrêmement pe- 
tites. Le citoyen Boislaville m’en a donné plusieurs mor- 
ceaux. 

La mère du citoyen Boislaville, dame âgée et très-res- 
pectable, attestoit la même chose avec les mêmes détails. 
Tous ses gens avoient vu les mêmes effets , et leurs récits 
s’accordoient entre eux. Ils avoient été extrêmement 
effrayés ; les animaux s’agitoient violemment, et l’on 
crut que le feu étoit partout dans la maison. 

Le citoyen Boislaville avoit pris des informations pour 
savoir s’il étoit tombé des pierres au bourg de la Ferté- 
Frenel ; maïs on n’en avoit pas vu, et cela s’accorde avec 
les rapports qui m’avoient été faits d’ailleurs. 


Ici, comme à la Barne, le sol est de bonne terre franche, 


ainsi que celui des champs et des herbages environnans; 
on n’y trouve point de cailloux, et l’on y bâtit avec de la 
la brique. Le citoyen Boislaville est bien certain qu’on 
n’a jamais vu dans le pays de pierres semblables à celles 
qui sont tombées. 

Voilà donc un témoin que son caractère moral met à 
l’abri des illusions de la crainte et au-dessus du soupçon 


PES 


2 nm» 


_ 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 255 
d'infidélité. Son récit coïncide dans les plus petits dé- 
tails avec ce que l’on rapporte partout aux environs. Un 
pareil accord pourroit-il exister, s’il n’avoit la vérité 
pour base ? 

De Boislaville je passai à la ferme de la Blandinière, 
où l’on m’avoit dit qu’il étoit tombé des pierres météo- 
riques en assez grande quantité , mais fort petites. Je 
ne trouvai dans la maison qu’une femme âgée qui ne 
put me donner beaucoup de détails, mais qui me con- 
firma dans ce que je savois. De là je vins au hameau 
du Teil, où je m’attendois à trouver très-peu de ces 
pierres ; en effet il n’en étoit tombé qu’un petit nombre, 
et de fort petites. IL étoit par cela même difficile d’en 
obtenir des échantillons, les habitans y tenant d’autant 
plus qu’elles sont plus rares. J’éprouvai une semblable 
difficulté , par une semblable cause , au village des Guil- 
lemins , qui est voisin du précédent; cependant on me 
donna une de ces pierres qui étoit tombée devant la 
porte d’une maison avec plusieurs autres que l’on me 
montra , et qui étoient pareillement d’un très-petit vo- 
lume. Je jugeai par tous ces signes que je me trouvois 
sur la limite occidentale de l’explosion. En effet , je 
m’assurai en poussant plus loin, qu’on n’a pas aperçu 
de pierres météoriques au-delà de cet endroit ; il n’en 
est point tombé au bourg de Gauville. 

En reprenant ma route vers l’Aigle je m’arrêtai au 
château de Corboyer. Je savois qu’il étoit tombé beau- 
coup de pierres dans cet endroit. En effet, les ouvriers 
qui travailloient alors dans la cour me dirent qu’ils 


256 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES | 


avoient eu une grande frayeur en les entendant siffler 
autour d’eux, et les voyant descendre le long des toits, 
comme auroit fait la grêle. Le propriétaire étoit absent ; 
je parlai au concierge , qui me parut un homme fort 
intelligent, Il me confirma tous ces faits et me mena 
chez le maire du lieu , qui me donna un morceau d’une 
pierre tombée devant sa maison, et m’assura que l’on 
n’en avoit jamais vu de semblable dans le pays. Ici, 
comme dans tous les endroits que j’ai parcourus, il y 
a autant de témoins que d’habitans, et leurs récits sont 
unanimes. 

Le lendemain de l’explosion le maire avoit écrit au 
sous-préfet d’Argentan pour lui annoncer cette épouvan- 
table pluie de pierres; il en avoit même joint à sa lettre 
un échantillon, et c’étoit celle dont on m’avoit parlé à 
Seez. Mais, avant d'écrire à Alençon, le sous-préfet 
avoit cru devoir prendre des renseignemens ultérieurs , 
qui se trouvèrent retardés par diverses circonstances. 
C’est pour cela que le citoyen Lamagdelaine n’avoit 
aucune connoissance du fait. 

Je rentrai à l’Aigle à dix heures du soir, apportant 
avec moi tous les échantillons que l’on n’avoit donnés, 
ainsi que les notes qui les accompagnoïent , et que j’avois 
prises sur les lieux; le lendemain je n’occupai à les 
mettre en ordre. Quoique ces renseignemens me parus- 
sent suffire pour établir la réalité du phénomène, je ne 
négligai rien pendant mon séjour à l’Aigle pour les 
compléter, et je cherchai avec une égale bonne foi tout 
ce qui pouvoit les confirmer ou les combattre ; mais, squs 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 257 


ce dernier rapport, je ne trouvai aucune objection plau- 
sible, surtout pas une seule observation , pas un seul 
récit fait sur les lieux qui contredît les résultats de mes 
informations. | 

Cependant je voulus employer encore un dernier 
moyen pour les vérifier. C’est un usage parmi les paysans 
des environs de se rassembler le dimanche matin sur 
la place de PAigle. J’allai, un de ces jours, au milieu 
d’eux, je les interrogeai, et, d’après les récits qu’ils fai- 
soient sur le météore, je pus constamment déterminer 
le canton qu’ils habitoient ; car ceux qui avoient vu 
tomber des pierres étoient en-decçà des limites que j’avois 
parcourues , et ceux,qui n’en avoient pas vu tomber 
étoient en dehors. Il n’y eut point d’exception à cette 
règle. J’en conclus que j’avois bien circonscrit l’étendue 
sur laquelle le météore avoit éclaté. 

Ce fut au milieu de ces groupes > où l’on n’étoit 
point du tout étonné de voir mettre de l’importance à 
ce phénomène , que l’on m’indiqua celui de tous les 
paysans des environs qui paroissoit avoir couru le plus 
grand danger. C’est un nommé Piche, tireur de fil 
de fer; demeurant au village des Aunées, commune 
de Gloss. Lors dé l’explosion il travailloit en plein air, 
avec plusieurs autres ouvriers : une pierre rasa le long 
de son bras, et tomba à ses pieds; il voulut la ramasser, 
mais elle étoit brûlante , et il la laissa retomber tout 
effrayé. Ce fait, qui nv’avoit été raconté d’abord sur la 
place par les paysans , me fut confirmé par cet homme 
lorsqu'ils me l’eurent amené. Il n’avoit plus cette pierre, 

1806, K* 


258 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


qu’un intérêt bien étranger aux sciences avoit fait avi- 
dement recueillir et confondre avec plusieurs autres ; 
mais il me donna un morceau tombé en même temps, 
au mème lieu, près de lui, et sous les yeux de tous ses 
compagnons. 

Enfin, lorsque je me fus assuré par tous les moyens 
possibles que je n’avois plus de nouvelles lumières à 
acquérir ni de nouveaux renseignemens à espérer , je 
partis de l’Aigle le 16 messidor , et je revins à Paris. 

Si l’on rapproche , d’après les règles de la critique, 
les témoignages moraux et physiques que je viens de 
rapporter avec fidélité, on y trouvera une réunion de 
preuves dont l’accord ne convient qu’à la vérité même. 

En effet, considérons d’abord les témoignages phy- 
siques. 

On n’a jamais vu, avant l’explosion du 6 floréal, de 
pierres météoriques entre les mains des habitans du 
pays. 

Les collections minéralogiques faites avec le plus de 
soins, depuis plusieurs années , pour recueillir les pro- 
duits du département, ne renferment rien de semblable; 
les mémoires que possède le conseil des mines sur la 
minéralogie et la géologie des environs de l’Aiïgle n’en 
font aucune mention. 

Les fonderies, les usines, les mines des environs que 
j'ai visitées, n’ont rien dans leurs produits ni dans leurs 
scories qui ait avec ces substances le moindre rapport. 
On ne voit dans le pays aucune trace de volcan. 

Tout-à-coup , et précisément depuis l’époque du 


Fa 
a 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES, 259 


._ météore, ontrouve ces pierres sur le solet dans les mains 
des habitans du pays ; qui les connoissent mieux 
qu'aucune autre; elles sont si communes que l’on 
peut estimer le nombre de celles que l’on montre à 
deux ou trois mille. 

Ces pierres ne se rencontrent que dans une étendue 
déterminée, sur des terrains étrangers aux substances 
qu’elles renferment , dans des lieux où il seroit impos- 

’ sible qu’en raison de leur volume et de leur nombre elles 
eussent échappé aux regards. 

‘Les plus grosses de ces pierres, lorsqu'on les casse , 
éxhalent encore une odeur sulfureuse très-forte dans leur 
intérieur ; celle de leur surface a disparu , et les plus 
petites n’en exhalent plus qui soit sensible : en sorte que 
l’odeur exhalée par les plus grosses paroît aussi de nature 
à disparoître avec le temps. 

Ce sont là autant de preuves physiques qui attestent 
que les pierres météoriques des environs de l’Aigle sont 
étrangères aux lieux où elles ont été trouvées; qu’elles 
y ont été transportées récemment ; depuis l’époque de 
l’explosion , et par une cause qui a modifié les principes 
qu’elles renferment. 

Maintenant , si l’on consulte les témoignages moraux, 
que trouve-t-on ? Vingt hameaux dispersés sur une éten- 
due de plus de deux lieues carrées , dont presque tous 
les habitans se donnent pour témoins oculaires et at- 
testent qu’une épouvantable pluie de pierres a été lancée 
par le météore. Dans le nombre se trouvent des hommes 
faits , des femmes , des enfans , des vicillards; ce sont 


260 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


des paysans simples et grossiers, qui demeurent à une 
grande distance les uns des autres; des laboureurs pleins 
de sens et de raison ; des acier que respectables ; 
des jeunes gens qui, sys été militaires , sont à l’abri des 
illusions de la peur : toutes ces personnes , de professions, 
de mœurs, d'opinions si différentes , n'ayant que peu ou 
point de relations entre elles , sont tout-à-coup d’accord 
pour attester un même fait qu’elles n’ont aucun intérêt 
à supposer ; elles le rapportent toutes au même jour, à 
la même heure, au même instant , avec les mêmes cir- 
constances, avec les mêmes comparaisons ; et ce fait, 
si universellement, si fortement attesté, n’est qu’une 
conséquence des preuves physiques rassemblées précé- 
demment, c’est qu’il est tombé dans le pays des pierres 
d’une nature particulière à la:suite de l’explosion du 
6 floréal. 

Bien plus, on montre encore des traces , des débris, 
qui attestent matériellement la chute de ces masses, 
dont on ne parle qu'avec effroi. On dit les avoir vues des- 
cendre le long des toits, casser des branches d’arbres, 
rejaillir en tombant sur le pavé; on dit qu’on a vu la terre 
fumer autour des plus grosses , et qu’on les a tenues brüû- 
lantes dans les mains. Ces récits ne se font, ces traces 
ne se montrent que dans une étendue de terrain dé- 
terminée. C’est là seulement, qu’il est possible de trouver 
encore quelques pierres météoriques; on n’en comnoît 
pas un seul morceau qui ait été trouvé sur le terrain 
hors de cet arrondissement, et il n’y a pas un seul 
témoin qui prétende avoir vu tomber des pierres ailleurs. 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 26) 


Enfin une troisième espèce de preuve résulte de cer- 
taines particularités physiques unanimement racontées 
par les habitans du pays, qui sont trop peu éclairés 
pour en avoir prévu les conséquences : je veux parler 
des changemens successifs observés dans la dureté de 

“ces pierres et dans l’odeur qu’elles exhaloïent; change- 
mens qui, au rapport des témoins, parmi lesquels il 
faut compter notre confrère Leblond, se sont opérés 
dans l’espace de quelques jours après l’explosion du 
météore; changemens dont j’ai moi-même observé très- 
sensiblément les traces en cassant des morceaux de 
dimensions différentes ; et ce nouveau rapprochement 
des témoignages et des faits ne sert qu’à montrer entre 
eux un nouvel accord. ; 

Ainsi toutes les preuves, soit physiques , soit morales, 
qu’il a été possible de recueillir, se concentrent et con- 
vergent pour ainsi dire vers un point unique ; et si l’on 
considère la manière dont nous avons été conduits, par 
la comparaison des témoignages , au lieu de l’explosion, 
le nombre des renseignemens pris sur les lieux, et leur 
accord avec ceux qui avoient été recueillis à dix lieues 
de là; la multitude des témoins, leur caractère moral, 
la ressemblance de leurs récits et leur coïncidence par- 
faite, de quelque part qu’ils soient venus, sans qu’il 
ait été possible de découvrir à cet égard une seule ex- 
ception ,; on en conclura sans le moindre doute que le 
fait sur lequel ces preuves se réunissent est réellement 


“arrivé, et qu’/ est tombé des pierres aux environs de 
l’ Aigle le 6 floréal an 11. 


262 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


Alors l’ensemble des témoignages donnera de ce phé- 
nomène la description suivante. 


Le mardi 6 floréal an 11, vers une heure après midi, 
le temps étant serein, on aperçut de Caen; de Pont- 
Audemer et des environs d'Alençon, de Falaise et de 
Verneuil, un globe enflammé ; d’un éclat très-brillant, 
et qui se mouvoit dans l’atmosphère avec beaucoup de 
rapidité. 

Quelques instans après on entendit à l’Aigle et autour 
de cette ville, dans un arrondissement de plus de trente 
lieues de rayon , une explosion violente qui dura cinq ou 
six minutes. 

Ce furent d’abord trois ou quatre coups semblables 
à des coups de canon, suivis d’une espèce de déchärge 
qui ressembloit à une fusillade ; après quoi on'entendit 
comme un épouvantable roulement de tambours. L'air 
étoit. tranquille et le ciel serein, à l’exception de quel- 
ques nuages , comme on en voit fréquemment. 

Ce bruit partoit d’un petit nuage qui avoit la forme 
d’un rectangle, et dont le plus grand côté étoit dirigé 
est-ouest. Il parut immobile pendant tout le temps que 
dura le phénomène ; seulement les vapeurs qui le com- 
posoient s’écartoient momentanément de différens côtés 
par l’effet des explosions successives. Ce nuage se trouva 
à peu près à une demi-lieue au nord-nord-ouest de la ville 
de l’Aigle : il étoit très-élevé dans atmosphère; car les 
babitans de la Vassolerie et de Boislaville, hameaux 
situés à plus d’une lieue de distance l’un de l’autre; 


à 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES: 263 


Pobservèrent en même temps au-dessus de leurs têtes. 
Dans tout le canton sur lequel ce nuage planoit on en- 
tendit des sifflemens semblables à ceux d’une pierre lan- 
cée par une fronde, et l’on vit en mêmetemps tomber 
une multitude de masses solides exactement semblables 
à celles que l’on a désignées sous le nom de pierres mé- 
téoriques. 

L’arrondissement dans lequel ces masses ont été lan- 
cées a pour limites le château du Fontenil, le hameau 
de la Vassolerie et les villages de Saint-Pierre-lé-Som- 
maire, Gloss, Gouvain, Gauville et Saint-Michel-de: 
Sommaire. 

C’est une étendue elliptique d’environ deux lieues ét 
demie de long sur à peu près une de large , la plus grande 
dimension étant dirigée du sud-est au nord-ouest, par 
une déclinaison d’environ 22°: c’est la direction actuelle 
du méridien magnétique à l’Aigle. 

On peut tirer de là quelques lumières sur la direction 
du météore. En effet ; s’il eût éclaté en un seul instant, 
les pierres eussent été lancées sur uné éténdue À peu 
près circulaire; maïs la durée du bruit annonce une suite 
d’explosions successives qui ont dû répandre des pierres 
sur une étendue allongée dans le sens suivant lequel le 
météore marchoit. Cet allongement indique donc là di- 
rection horizontale du météore; et en rapprochant ce 
résultat des témoignages qui font tomber le globe de feu 
du côté du nord, on en conclura , avec une grande appa- 
rence de certitude, que le météore marchoït du sud-est 
au nord-ouest , par une déclinaison d'environ 22°. 


264 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


Si les observations faites sur la durée du bruit pou- 
voient être regardées comme exactes , on en déduiroit la 
vitesse horizontale. du météore d’après l’ellipticité de 
l’étendue dans laquelle les pierres ont été lancées ; mais 
je ne sache pas qu’il ait été fait sur ce point aucune 
observation précise, et à cet égard on ne peut compter 
que sur l’exactitude des instrumens, parce que l’éton- 
mement porte toujours à augmenter la durée d’un phé- 
nomène dont la continuité nous cause quelque surprise. 
On peut seulement présumer d’après ces données que la 
vitesse horizontale du météore lorsqu'il a éclaté étoit peu 
considérable, et c’est probablement pour cela qw'on le 
croyoit tout-à-fait immobile. Cela n’empèche pas d’ail- 
leurs qu’il ne pût avoir une très-grande vitesse dans le 
sens vertical, puisque la vitesse horizontale est la seule 
que ce genre d’observations puisse faire connoître. 

Les plus grosses pierres sont tombées à l’extrémité 
sud-est du grand axe de l’ellipse, du côté du Fontenil 
et de la Vassolerie ; les plus petites sont tombées à l’autre 
extrémité, etles moyennes entre ces deux points. D’après 
ces considérations précédemment rapportées , les plus 
grosses paroîtroient être tombées les premières. 

La plus grosse de toutes celles que l’on a trouvées 
pesoit 8<5 (17 livres +), au moment où elle tomba; 
la plus petite que j'aie vue et que j’ai rapportée avec 

moi, ne pèse que 7 ou 8 grammes ( environ 2 gros ); 
cette dernière est donc environ mille fois plus petite 
que la précédente. Le nombre de toutes celles qui 
sont tombées peut être évalué à deux ou trois mille, 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES! 255 
: Les échantillons ‘dé pierres météoriques , dont iPaiéré 
. question dans ce iéméire , sorit ‘déposés!'au’ ‘Muséum 
d'histoire näaturelle.: Le’ citoyent Fhénardi a a: “rire 


ên'analÿser D eb ilatrouvé : 0h èeoq 
moinoedrq el $ enioe 29vx euoteim ist 49 Leu ajowms el 
LOTO : Silice : se 168 m1 $ Sets ot ‘olutif$szo 59w 


babe oxidé . ï Se (pe AT Ut 
Magnésie So ÉAES | 
eut Nickel: > ent '20b r'othob Sh exil 0 Hors 


Soufre, environ, ÉRUNE QE. k 
O 2ICHIS( IN9rS ego 29 


108 


sl 


D'où il faut retrancher ia quantité d’oxigène qui s’est 
unie au métal pendant l’opération. Les divers morceaux 
que l’on a essayés comparativement n’ont point offert 
de différences appréciables , quoique choisis parmi ceux 
que leur aspect ou le lieu de leur chute sembloient de- 
voir distinguer le plus les uns des autres. 

On voit, par cette analyse, que les pierres tombées 
aux environs de l’Aigle sont composées des mêmes prin- 
cipes que les masses météoriques jusqu’à présent con- 
nues; elles contiennent seulement un peu moins de ma- 
gnésie , et un peu plus de fer. 

” Ces résultats sont tout-à-fait d'accord avec ceux que 
M. Vauquelin avoit déjà obtenus en analysant les pre- 
miers échantillons envoyés de l’Aiïgle à M. Fourcroy. 

Au reste, quelle que soit l’origine de ces pierres, on 
ne doit pas s’étonner de trouver quelques différences 


dans les rapports des substances qui les composent, 
1806. L * 


266 HISMOIRE DELA CLASSE DES SCIENCES 


puisqu’ellés sont unies, par une simple ABBÉ EAIIE ’ 
et non par une combinaison intime. | 

“Hfeme suis borné dans.ceite, relation à un. er ex- 
posé des faits ; j'ai tAché: de Jes voir comme.tout autre 
les auroit vus, et j’ai mis tous mes soins à les présenter 
avec exactitude: Je laisse à la sagacité des’/physiciens 
les nombreuses conséquences que l’on en ge déduire, 
et je m’estimerai heureux s’ils trouvent que j'e ’ai réussi à 
mettre hors de doute un des plus étoñnans phénomènes 
que les hommes aient jamais observés. °° 


AT MAT ÉQU ES EX PAR SHQUES1 y 


tir nkert ‘ nn M ELISA, cé oi: 
)'10: TO2N9N 13 110 ES 1D9IHS C9 SIirTIOÏL SA 
a 


yl : 5 s) 

21 
Se Les observations 192 UT est important 2. faire 
SUF Les may des Be Les. différens. -BOTÉS de. la 


Rérahliaue- \ 


Ta RS TT PUBS TÉeS 
I c'e 15 5° 


aoiurtent Isqisnirq 
QUE. : 


): 1ito trs 


FO 


Par Pierre LE ÉV Ë 


194994 281ible 

p2 \ L 
: HNORISVHON Moi 91 19 1104 2618071 ebnsTe 
Lu le 26 floréal an 11.- : Mantlesonliré 


Dis sa séance dis 15 floréat dérnios arélasboïa sishlimé 
né comifission composée: de: MM Täplace, Rochog 
et noi ; ‘pôur ‘lui proposer “ün:: plan : d'observations 
à faire sur les marées dans les différens ports de: da 
République. Le iémoire suivart renferme les vues: des 
corimissaires Sux cet ER core! rpéq otre 


» 25 1 eoldstisy 55 È 196d0b 148 L1e61fosir és 

Daxs les sciences ire Se ie Blé a ne sont 
d’abord qu'une explication plus! ou! moins ingéniéuse 
des phénomènes, qui est nécessairement subordonnée 
au nombre des fäits conmusetällæprécision avec laquelle 
ils ont été observés l:1lce :n’estioà proprement parlér ; 
qu'une espèce de:cadre plus -ow:moins étendu: qui em: 
brasse ce qu’on corinoît sut l’objet dont il s’agit. 

On demeure long-temips attaché à ces‘ premières théo: 
ries, ou plutôt à:6es premières ébauches ; le temps! er 


268 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


lsnipnie des auteurs leur A re même une sorte de 
qu’il seroit nécessaire; et par-à de rendre. la science 
stationnaire pendant d'assez longs intervalles de temps. 
Ce n est guère que. lorsque la masse des faits devient 
assez imposante par leur ensemble, qu’on sé résigne enfin 
à abandonner ces explications prématuréés, pour adopter 
d’autres principes. L’expérience est le premier et le 
principal instrument de toutes nos connoïssances phy- 
siques ; cependantil a fallu que l’esprit humain ait fait de 
grands progrès pour en être bien convaincu : aussi la 
philosophie expérimentale est-elle une science toute 
moderne. ÿ 

>xMais sisle: nombré:et|là. prétision:des,. observatiôns 
peuvent seuls donnef naissance aux véritables théories, 
dun sautre ocôtér:ce; n’est que Jorsqu’on est parvenu :à 
connoître des véritables-lois defla:nature qu’on sent bien 
la! nécessité -des bonnes-obseryations; et:ce n’est aussi 
qu’à cette époqueique, dans chaque-partie.des sciences 
naturelles, l’art d'observer fait de véritables progrès et 
qu'il étend son domäineslloiniss 2o9ne52 25! 

Parmi les: grands phénomènes de: ke nature celui du 
flux sbbllnls lamer a toujours été un:objet d’ad- 
mirationpour:tous les: hommes; et : de -méditation :et 
même/de:tourment pour les ‘philosophes: — Pythéas 
soupçonna que les'anarées-étoient réglées par la lune ; 
Strabon en à passablement:bien ‘décrit les principaux 
phénomènes; et de’ tempssen temps ona vu paroître 
différentes lopinions sur les causes du flux et reflux de 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 269 
laïmer,, dont la plus remarquable par le nombre et le 
caractère de :ses partisans est celle de, Descartes. On 
“trouve à la vérité quelques passages dans, les auteurs 
anciens , qui en attribuent la cause à l’attraction des corps 
célestes : mais ces idées, qui n’étoient que de, simples 
AROEGUSS sont demeurées stériles jusqu’à Newton : parce 
qu’on: n’4 pas réellement de véritables connoïissances 
lorsqu'on n’est pas assez avancé pour les soumettre à 
l’analyse et en faire l’objet d’un calcul rigoureux; ce 
n’est proprement. qu’à cette époque que la science com- 
menge:n 110 | 

Les observations les plus grossières et même les plus 
circonscrites à une localité ont dù, long-temps avant 
Pythéas, faire soupçonner que les marées sont réglées 
par la lune : tous les habitans des côtes de l'Océan en 
ont} diêtre promptement convaincus. Ainsi tout an- 
nonçant ce fait avec la même évidence que le retour 
des saisons, on ne peut attribuer une grande gloire aux 
auteurs qui en ont parlé les premiers : ce n’est pas là, 
à proprement parler, une découverte , ni, même une 
observation'tant soit peu profonde. Jusqu'à Newton on 
a été dans la plus complète ignorance des vraies causes 
de ce merveilleux phénomène; jusqu’à lui on n’a cessé 
de:s’égarer dans de vaines hypothèses , et on étoit bien 
loin de soupçonner qu’il étoit soumis à la même loi 
qui règle et détermine les mouvemens des différentes 
parties du système planétaire. 

Malgré cette profonde ignorance de causes , la navi: 
gation, cet art qui met tous les autres à contribution, 


270 HISTOIRT DE LA CLASSE DES SCIENCES 


a de bonne heure tiré un grand parti des effets, Il a 
suffi d'observer que le retard journalier des marées est 
sensiblement uniforme , qu’elles reviennent aux mêmes 
heures tous les quinze jours , et que les plus fortes ont 
lieu au temps des nouvelles et pleines lunes; il'a suffi, 
disje, de ces connoissances de fait pour pouvoir cal- 
culer lheure de la haute mer avec une précision dont 
on se contentoit, ét qui même étoit suffisante pour les 
besoins de ces premières AU nie < 
- Maintenant que nous n'avons plus rien à desirot-sur 
la théorie du flux et reflux de la mer; que, graces aux 
progrès de l’analyse depuis Newton , on a suivi tous les 
détails et calculé tous les effets avec la précision qu’on 
exige dans le calcul des phénomènes astronomiques ; 
il est temps de multiplier ét de perfectionner les obser: 
vations, non pour confirmer une théorie qui n’a plus 
besoin de lêtre, maïs pour assurer la détermination de 
plusieurs points délicats du système du monde, et aussi 
pour rendre raison de quelques anomalies apparentes 
qu’on remarque dans quelques régions du globe, et pour 
leur assigner leur véritable cause. On est bien certain 
que ces anomalies sont une suite du mouvement général, 
qui se trouve alors modifié par des circonstances locales; 
mais il faut pouvoir évaluer Pinflaence de ces circons- 
tances dans chaque port, ét cela ne pont se faire qué 
par de bonnes observations. 

La sûreté de la navigation est d’ailleurs fortement 
intéressée à ces observations, et aux résultats qui doivent 
en être la suite; car, vu le grand tirant d’eau des vaiss 


ee En D, ms 


MATHÉMAPIQUES ET PHYSIQUES. 271 
seaux, il importe beaucoup qu’on puisse calculer avec 
écision l’heure de la haute mer, non-seulement dans 
l’intérieur des ports, mais plus particulièrement encore 
dans Les endroits épineux qui sont vers leur embouchure, 
où.les vaisseaux ne peuvent passer avec sûreté qu’au 
moment de la pleine mer. Il faut pouvoir régler sa 
navigation de manière à ne se trouver dans ces passages 
dangereux qu’au moment où ils cessent de l’être ; c’est-à- 
dire vers le temps de la haute mer. Enfin toute la na- 
vigation côtière a le plus grand besoin de connüissances 
exactes sur le mouvement des marées : or il est temps 
de mettre la main à l’œuvre, pour faire jouir la marine 
et le commerce des avantages résultans de l’état actuel 
de nos connoissances. l’utilité publique est le seul but 
des méditations et des recherches des physiciens géo- 
mètres. 

Au commencement du dernier siècle , l'Académie des 
sciences sentit vivement la nécessité d’avoir de bonnes 
observations : elle présenta. à M, le comte de Pontchar- 
train, alors chargé du département de la marine , un 
mémoire en forme d'instruction sur la nécessité de 
charger des personnes habiles et intelligentes d’observer 
le flux et reflux. de la mer, et sur la méthôtle que l’on 
doit suivre pour faire ces observations. Le P. Gouye 
et La Hire rédigèrent ce mémoire d’après les vues de 
la compagnie. Le ministre chargea de ce travail les 
professeurs de navigation établis dans les ports, et 
l'Académie reçut plusieurs suites d'observations, dont les 
principales furent celles faites à Dunkerque et au Hayre 


272 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


pendant les années 1701 et 1702, les premières par 
M. Baert, et celles du Havre par M. Bossaye du Bocage, 
tous deux professeurs de navigation. 

Cassini fils a discuté ces observations dans les Mé: 
moires de l’Académie de 1710, ainsi que d’autres ‘plus 
anciennes faites à Brest en 1679 et à Baïonne en 1680 ; 
par La Hire et Picard. Il a pareillement discuté, dans 
les Mémoires de ‘1712 et de 1713, une longue suite 
d'observations faites à Brest dans les années 1711 et 
1712 : elle fut commencée par M. Montier ; puis con: 
tinuée et étendue jusqu’à 1716 par M. Coubart, habile 
professeur de navigation. Ces dernières expériences sont 
particulièrement recommandables par leurnombre ét les 
attentions qu’on y a apportées. On doit regretter que 
les observations de l’année 1713 aient été perdues. ! 

Quoique Cassini fût attaché au système de Descartes; 
qui étoit alors en vogue, il n’én est pas moins vrai que 
son travail au sujet des observations dont nous venons 
de parler, a été très-utile, et que pendant long-temps 
il a formé les seules connoissances positives que. nous 
ayons eues sur le cours des marées. C’est avec le secours 
de ce travail que Daniel Bernoulli, aidé d’ailleurs dé l@ 
théorie, a formé sa T'able du retardement des marées, 
qui a été et est encore si utile aux navigateurs. Les 
systèmes prématurés périssent, mais les faits sont éter- 
nels. Nous pourrions citer une foule d’occasions où 
l’Académie des sciences a eu non-seulement en vue les 
progrès rationnels des sciences, maïs leur application 
aux plus grandsobjets d'utilité publique : aucune société 


Lee te 


=". 


Le 

MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 273 
savante n’a porté aussi loin sa sollicitude à cet égard; 
la marine surtout lui aura d’éternelles obligations. 
C’est à l’Académie des sciences que l’Europe maritime 
est redevable des premières lumières sur la théorie de 
la construction des vaisseaux , sur leur manœuvre etes 
c’est aussi de son sein que sont sorties les premières 
notions judicieuses sur le jaugeage des vaisseaux >'etC. 

Outre la théorie , le calcul des marées repose sur des 
faits; il repose principalement sur la connoissance de 
ce qu’on appelle l’érablissement des ports. Nous en 
avons , à la vérité, des tables très-étendues ; mais cette 
partie a besoin d’être rectifiée, et appelle votre sollici- 
tude. L'établissement de la majorité des ports n’est pas 
connu avec la précision que comporte l’état de nos con- 
noissances , ni même avec celle qu’exige la sûreté de la 
pratique. Une chose assez étrange, c’est que les der- 
nières expéditions autour du monde nous ont fourni, 
pour des régions éloignées de nous de plusieurs milliers 
de lieues , des données plus précises que celles que nous 
avons pour beaucoup de ports de notre voisinage, 
et que nous fréquentons tous les jours. 

La suite des observations de Brest dont nous avons 
parlé forme un ensemble dont la théorie fournit tous 
les résultats avec une précision imposante. De semblables 
matériaux pour les autres ports ne laisseroient sans doute 
plusrien à désirer pour la pratique ; mais il seroit toujours 
utile d'observer, surtout dans les circonstances où les 
causes concourent ensemble pour donner les plus grandes 


ou les plus petites marées. Il seroit donc important de 
1806, Mm* 


274 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 
faire des observations lorsque le périgée ou l’apogée de 
la lune et du soleil concourent avec la syzygie; lorsque 
le périgée de la lune, concourant avec la sysygie , ces 
deux astres sont voisins de l’équateur ou des tropi- 
ques , etc. Les marées des quadratures, quoique moins 
importantes pour les opérations du service maritime , 
ne présentent pas moins d'intérêt dans leur marche, et, 
dans tous les cas, les observations deviennent impor- 
tantes pour évaluer l’effet des circonstances accessoires. 
On observe sans cesse les éclipses , quoiqw’il ne soit nul- 
lement nécessaire de vérifier les priucipes sur lesquels 
leur prédiction est établie. 

La marée de la nouvelle lune de germinal dernier 
fournit un exemple de lutilité des observations : elle a 
été observée à Brest par notre confrère Rochon. Les 
circonstances étoient des plus favorables pour produire 
une très-grande marée, et cela est effectivement arrivé; 
mais ce qui rend cette observation vraiment importante, 
c’est que le temps s’étant trouvé presque calme, cette 
marée a été uniquement produite par la cause générale, 
sans aucune complication météorologique, et qu’elle n’en 
a pas moins été une des plus fortes qu’on ait encore 
observées dans ce port. Les observations de cette marée, 
faites à Calais par M. Septfontaines, sont aussi très- 
importantes. 

D’après toutes ces considérations , la classe, dont 
l’objet principal est d’étendre ses recherches sur tous 
les objets d’utilité publique , ne peut manquer de prendre 
un grand intérêt au plan d’observations que nous allons 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 295 
lui proposer, et qui doit servir d’instruction aux per- 
sonnes qui seront chargées de son exécution. Cet exemple 
ne peut d’ailleurs manquer d’être suivi par les nations 
étrangères. La classe a sur ce dernier point une influence 
réelle par sa correspondance, 

Votre commission pense, 


1°. Qu’on doit multiplier les observations autant qu’il 
sera possible. 
. 2°. Qu'il est surtout essentiel d’observer toutes les 
circonstances des marées des jours des syzygies et des 
quadratures , ainsi que celles des marées des trois jours 
qui suivent ces phases. 


3°. Les observateurs devront tenir un journal de leurs 
observations. Ce journal doit être assez circonstancié 
pour faciliter le dépouillement, la comparaison et la 
discussion des observations. La forme en est indifférente ; 
mais vos commissaires pensent que des tableaux distri- 
bués en colonnes ainsi qu’il suit, conviendroient très- 
bien. 

À la tête de la page de chaqué mois on écriroit heure 
vraie des phases de la lune, réduite au méridien du 
lieu. 

La première colonne contienidroit lé quantième du 
Mois ; la deuxième, le temps vrai du passage de la lune 
au méridien du lieu, en heures et minutes ; dans la troi- 
ième on marqueroit l’heure vraie de la haute mer; dans 
la quatrième, la hauteur de la marée en mètres et déci- 
males du mètre; dans la cinquième, l’heure vraié de 


276 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


la basse mer, et dans la sixième le degré désigné par 
Véchelle au moment de la basse mer. 

Une septième colonne contiendroit le diamètre appa- 
rent du soleil au moment de la haute mer; une hui- 
tième, la déclinaison du soleil au même instant, en de- 
grés et minutes seulement. Enfin la neuvième et la 
dixième colonnes contiendroient , l’une le diamètre ap- 
parent de la lune au moment de la haute mer, et l’autre 
la déclinaison de la lune au même instant, exprimée 
en degrés et minutes seulement. On pourra même se 
contenter de remplir ces quatre dernières colonnes pour 
les observations de marées des jours des syzygies, des 
quadratures et des trois jours suivans. 

A ces dix colonnes principales il sera utile d’ajouter 
une colonne de remarques et d’observations particulières, 
dans laquelle on écrira l’état de l’atmosphère , princi- 
palement la direction du vent et sa force pendant la 
durée du flot et du jusant; on y marquera aussi la 


direction de la marée montante et descendante, Quoi-: 


qu’il ne paroisse pas indispensable de tenir note de la 
hauteur du baromètre et du degré du thermomètre, il 
est toujours utile d'inviter les observateurs à marquer, 
autant qu’il leur sera possible, ces deux élémens dans 
leur journal d’observations. 

4°. Le premier soin des observateurs sera l’établis- 
sement de l’échelle métrique des marées. Chacun choi- 
sira dans sa localité l’endroit le plus convenable et le 
plus à sa portée, on aura surtout soin que le zéro de 
cette échelle ne reste jamais à sec, même dans les plus 
basses eaux. 


EN 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 277 


Vos commissaires pensent que, dans les départemens 
maritimes , le lieu d’observation doit être hors-de l’en- 
ceinte du port, afin d’éviter les embarras inséparables 
des grands mouvemens maritimes , et pour avoir la faci- 
lité d’y communiquer pendant la nuit. Ils jugent aussi, 
en général , que l’extérieur du port est plus convenable 
que l’intérieur pour avoir de bonnes observations : ils 
proposent en conséquence qu’à Brest l'échelle métrique 
soit établie sur la rade, dans le voisinage de l’observa- 
toire, et que ces observations soient comprises dans les 
attributions du directeur et du sous- directeur de l’ob- 
servatoire. 

Dans les lieux où les marées s'élèvent à une hauteur 
telle que les vaisseaux du premier rang peuvent passer 
sans danger dans des endroïits qui étoient à sec quelques 
heures auparavant, comme il arrive à: Saint-Malo et à 
Granville, il ne sera pas toujours facile de:se procurer 
une échelle propre à marquer la haute et la basse mer. 
Dans cecas, observateur établira deux portions d’échelle, 
l'une pour évaluer la haute mer, et l’autre pour la basse 
mer, et, par un nivellementexact, il déterminera de com- 
bien le zéro de la première échelle est élevé au-dessus 
du zéro de la seconde. Ce dernier parti a plusieurs avan- 
tages, et est même indispensable dans les localités où 
la mer laisse une grande plage à découvert. 

Autant qu’il dépendra d’eux, les observateurs feront 
en sorte que ces échelles soient fixes et permanentes : 
en conséquence ils les établiront sur les jetées, sur le 
revêtement des fortifications, et, en cas de besoin, sur 


278- HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


les rochers; ils auront soin qu’elles soient , autant qu’il 
sera possible , à l’abri, afin que la grande houpée de la 
mer, dans certains cas, ne nuise pas trop à la précision 
des observations et ne les rende pas trop incommodes. 

Les observations faites en 1701 et1702; par M. Baert, 
présentent un appareil commode employé par ce profes- 
seur pour diminuer l'effet de ces oscillations nuisibles ; 
lequel a été ensuite employé à Brest dans les dernières 
observations que nous avons rapportées. Cet appareil 
consistoit en un tuyau carré, formé de quatre planches, 
ouvert par le bas et fermé en haut par un couvercle percé 
d’un trou à son milieu. Ce tuyau étoit placé verticale- 
ment , fortemerit contenu, et entouré d’une guérite pour 
mettre l'observateur à couvert et lui donner le moyen 
d’observer commodément. Dans l'intérieur du tuyau 
étoit un flotteur ou espèce de piston fort léger, surmonté 
d’une longue tige mince et légère, de bois ou d’un fil 
de métal, qui sortoit hors du tuyau , et marquoit par ses 
divisions la hauteur de la marée au-dessus d’un terme 
fixe. On sent qu'on pourroit aussi surmonter le tuyau 
d’une planche verticale, blanchie et divisée convenable: 
ment, et faire marquer la hauteur de la marée sur cette 
planche par l’extrémité de la tige; on pourroit même 
adapter ün erayon à l'extrémité de la tige, qui trace: 
roit sur la planche lPascension de l’eau , et fourniroit le 
moyen d’avoir la hauteur de la marée dans Pabsence de 
Vobservateur. Au reste , vos commissaires abandonnent 
tous ces détails à Pindustrie des observateurs ; la seule 
condition essentielle étant lexactitude, rien d’ailleurs 
n'étant difficile. 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES, 279 


11 seroit à désirer qu’on établit des échelles métriques 
de marée dans tous les ports; elles seroient d’ailleurs 
utiles à d’autres objets de service maritime : mais comme 
on ne peut s'attendre que cela s’exécute partout où il 
seroit nécessaire, du moins aussi promptement qu’il est 
à désirer, vos commissaires pensent qu’il. est indispen- 
sable de faire ces établissemens dans les endroits prin- 
cipaux, comme à Brest, à Lorient, À Saint-Malo, à 
Cüerbourg, au Havre , à Dunkerque et à Flessingue, 
Ils observent de plus qu’il y a beaucoup d’endroits où 
les observations dont il s’agit peuvent se faire aisément 
et sans aucuns frais : ce sont ceux où l’État entretient 
des gardiens de jetées, de feux, de signaux, etc. pour 
la sûreté de la navigation, tels qu’au Boucaud, à Cor- 
douan , aux tours de Chassiron et de la Baleine , au 
Pilier, dans divers points des côtes de Bretagne , à 
Granville, à Cherbourg, à Dieppe, etc. Ces gardiens 
peuvent aisément être stylés pour faire le matériel des 
observations, par les professeurs de navigation dans 
les ports où ily en a d’établis, et dans les autres en- 
droits par d’autres personnes qui s’en feront un devoir 
et un plaisir. 

5°. Le moment de la haute mer est un point essentiel 
à déterminer : il faudra donc que les observateurs s’as- 
surent avec exactitude du temps vrai. Dans les lieux 
où, comme à Brest, il y a un observatoire, cela sera 
facile ; mais dans les autres ports on déterminera le temps 
vrai par les hauteurs correspondantes, prises avec un 
Ociant, ou avec un sextant, ou avec un cercle de rés 


220 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


flexion, au moyen d’un horizon artificiel; et, à défaut 
d'horizon artificiel fait exprès, l’observateur pourra faire 
usage de la réflexion de l’eau, en garantissant le vase 
de l’action du vent. 

Pour avoir plus exactement le moment de la haute 
mer, on observera , dans l’intervalle d’environ une demi- 
heure avant la haute mer, les heures auxquelles la mer 
répondra à différentes divisions de l’échelle , et lors- 
qu’elle descendra on observera pareillement à quelle 
heure elle arrivera aux mêmes divisions. Alors la moitié 
de l’intervalle de temps compris entre deux observations 
correspondantes : indiquera lheure de la haute mer 
d’après ces deux observations. Faisant la même chose 
pour chaque paire d’observations correspondantes, par 
un milieu entre tous les résultats, on conclura l’heure 
de la haute mer avec toute la précision qu’on peut 
désirer. 

6°. Le moment précis de la basse mer, c’est-à-dire 
celui où la mer cesse de descendre , est également un objet 
essentiel. Pour le déterminer on doit pareillement faire 
usage d'observations correspondantes. En conséquence ; 
aux environs d’une demi-heure avant la basse mer l’ob: 
servateur notera l’heure à laquelle l’eau arrivera succes- 
sivement à différentes divisions de l’échelle , et lors du 
retour du flot il notera également l’heure à laquelle la 
mer parviendra aux mêmes divisions ; d’où il conclura 
l'heure du plus grand abaissement de la mer. 

7°. Dans les endroits où l’on n’aura aucune des com- 
modités dont nous venons de parler, on pourra encore 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 291 


y faire des observations utiles. — Pour avoir le temps 
vrai ilsuffira de tracer une méridienne pour y régler une 
montre ordinaire. — Jes algues, les flocons d’écume 
que la mer abandonne à chaque marée sur les plages 
lorsqu'elle se retire, marquent avec précision l’endroit 
où elle a monté; il ne s’agit que de déterminér instant 
où elle est parvenue à cette hauteur. Pour cela, dans 
lintervalle d’une demi - heure avant la pleine mer, il 
suffira de planter quelques piquets à l'endroit de la 
plage où le flot aboutit , et d’en noter le terñps ; ensuite, 
lorsque la mer descendra, on observera sur la: montre 
à quelle heure le flot arrivera successivement aux mêmes 


‘marques : ce qui fournira le moyen de conclure l’heure 


de la haute mer avec une assez grande précision. On 
emploiera le même moyen pour déterminer le moment 
précis de la basse mer. 
* Cesdernièresobservationsne fournissent pas immédiate- 


ment la hauteur absolue des marées; mais ayant marqué 
sur le rivage l'endroit où la mer s’est élévée et celui où 
élle est descendue , ïl est facile de conclure son élévation 
totale par un nivellement ; Opération qu’on peut même 


remettre à une autre fois, lorsque les marques sont per- 


manentes et distinctes. Si lon observoit constamment 
dans le même endroit, on pourroit fixer à demeure de 
grosses pierres sur le rivage, et transporter une fois pour 
toutes leur différence de niveau sur un rocher voisin : 
on se formeroit ainsi, sur la déclivité même du rivage, 
une échelle très - exacte dont les parties seroient très- 
grandes. C’est un fait d’observation que la pente des côtes 
1806. N* 


282. HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


sablonneuses battues de la mer est constante dans chaque 
localité , et que les variations d’une localité à l’autre 
sont même assez petites. S’il ne s’agissoit pas de profiter 
des édifices déjà construits pour. établir des échelles de 
marées, nous préférerions des échelles qui suivroient la 
déclivité de la côte aux échelles verticales; leur cons- 
truction seroit bien moins dispendieuse et leur usage 
plus commode. Lorsqu’elles suivroient exactement la 
pente naturelle de la côte, la mer y seroit très-douce, 
et les observations plus exactes et plus faciles. Quelques 
carreaux de pierre posés à demeure , et un nivellement 
une fois fait, seroient toute la dépense. 

Dans ce qui précède nous avons prescrit de faire les 
observations correspondantes pendant la demi-heure qui 
précède l’instant de la pleine et de la basse mer, et pen- 
dant la demi-heure qui les suivent; mais ce conseil. n’est 
ici donné que pour mettre l'observateur plus à portée de 
suivre la marche des eaux ; car nous croyons devoir pré- 
venir que les observations correspondantes les plus es- 
sentielles , et même les seules essentielles, sont celles 
qui ne sont éloignées que de quelques minutes de la 
haute et de la basse mer, et que plus elles en seront 
proche, plus le résultat qu’on en déduira comportera 
d’exactitude. En effet, le moment de la haute et de la 
basse mer ne tient exactement le milieu entre ceux de 
deux observations correspondans , l’une qui le précède, 
et l’autre qui le suit, qu’autant que ces observations 
sont faites très-proche de l’instant du phénomène qu’on 
veut déterminer. Ce n’est que très-près du maximum et 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 283 
du minimum d’élévation des eaux que cela a lieu ; à 
une certaine distance de ces points , le temps que la mer 
emploie dans le flux à s’élever d’une certaine hauteur à 


. une hauteur plus grande, n’est pas égal à celui qu’elle 


met dans le reflux à s’abaisser de cette dernière hauteur 
à la première. 

8°. Il seroit également important de multiplier les 
observations des marées dans différentes parties du globe, 
dans les colonies , dans plusieurs points des grandes îles, 
dans les archipels et les différens détroits qu’ils forment. 
On sait qu’il y-a plusieurs régions du globe où l’on 
n’observe qu’un seul flux et un seul reflux dans vingt- 
quatre heures, au lieu de deux, qui est la loi générale. 
On sait encore qu’on a vu souvent, même sur nos côtes, 
la marée monter, puis suspendre son cours, et même 
descendre pendant quelque temps pour remonter ensuite, 
en reprenant sa marche ordinaire. Tous ces faits ne pa- 
roissent pas avoir été observés avec le soin nécessaire, 
eton doit désirer qu’ilsle soient. Dans plusieurs endroits, 
les courans de la mer ont une marche périodique qui 
est le résultat des positions et des obstacles environnans : 
témoin ce qui arrive parmi cette multitude d’îles situées 
à l’ouest de l'Écosse , dans les archipels de l’Inde, etc. 
Pour porter un jugement certain sur tous ces importans 
objets, il faut de bonnes observations, et de plus avoir 
une description exacte de la figure, de la situation et 
de l'étendue des côtes adjacentes, enfin de toutes les 
circonstances locales. On doit désirer que ces observa- 
tims, dont la navigation doit retirer les plus grands 


284 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 


avantages , fassent partie des instructions que le ministre 
donne aux navigateurs et aux divers employés du Gou- 
vernement dans les colonies qui tiennent particulière- 
ment à la marine et aux sciences. 


9°. Vos commissaires pensent aussi qu’il seroit im- 
portant de faire de bonnes observations des marées dans 
la partie du cours des fleuves qui en ressent effet; de 
déterminer avec précision l'étendue du flot, tant dans 
les syzygies que dans les quadratures , etsa vitesse, ainsi 
que celle du jusant, dans les différens états du fleuve. 
Des connoissances exactes sur tous ces points se- 
roient non seulement utiles à la navigation et à la 
science des marées, maisencore fourniroient des lumières 
importantes pour la confection des travaux dont les 
ingénieurs sont chargés , tant pour la bonification des 
fleuves que pour différens objets de service public. 

Ces instructions ont paru suffisantes à vos commis- 
saires , d’autant plus qu’il convient d'abandonner les 
autres détails aux lumières et à la sagacité des personnes 
qui seront chargées de diriger ou de faire les observa- 
tions. Ils pensent en conséquence que si ce plan obtient 
l'approbation de la classe , elle doit employer tous les 
moyens dont elle peut disposer pour en assurer l’exé- 
cution. 

© Vos commissaires pensent aussi que le principal 


moyen d’exécution seroit : 
10. D’adresser une copie du présent mémoire au mi- 


nistre de la marine et des colonies , avec invitation de 
vouloir bien charger les professeurs de navigation dës 


Ant 


ee EEE ct ne + ut 


PT D SE TE 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 283 


ports, ainsi que les ingénieurs des travaux maritimes 
qui sont sous ses ordres , de diriger et de faire les ob- 
servations dont il s’agit ; pareillement de donner des 
ordres dans les ports, surtout à Brest, à Lorient, à 
Saint-Malo , à Cherbourg, au Havre , à Dunkerque et 
à Flessingue , pour qu’on dispose les objets nécessaires 
et pour faciliter le travail des observateurs. 

2°, D’adresser pareille copie au ministre de l’inté- 
rieur , et de l’inviter à donner des ordres analogues aux 
ingénieurs qui sont immédiatement sous ses ordres dans 
les villes et lieux environnans où de pareilles observa- 
tions peuvent être faites. 


gr 


FIN DE L'HISTOIRE 


1 806. 0 * 


RE 


MÉMOIRES 
| DE LA CLASSE 


DES SCIENCES 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 


MÉMOIRE 


SUR L'ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770 (1), 


Par M. BuRcKHARDT. 


PREMIÈRE SECTION. 


Lis observations les plus exactes et les plus nombreuses 
sont dues au zèle de M. Messier, qui avoit décou- 
vert cette comète, et qui Va suivie plus long - temps 


(1) Ce mémoire a remporté le prix dans la séance publique du 15 nivose 
an 9. L'auteur ayant depuis été nommé membre de la classe en remplacement 
de M. Méchain , a de nouveau présenté son ouvrage auquel il a fait quelques 
changemens, mais dans la rédaction seulement , et sans altérer en rien ni les 
méthodes ni les résultats. 


1806. Premier semestre. 1 


a SUR L'ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770. 


qu'aucun autre astronome. Le détail de ses observations 
se trouve dans les Mémoires de L Académie des sciences | 
pour 1776 ; mais, pour éviter les fautes d'impression , je 
desirois avoir communication des originaux : un de mes 
amis se chargea de les demander à cetastronome célèbre, 
qui voulut bien confier deux cahiers, dont lPun étoit 
le brouillon même où chaque observation avoit été con- 
signée; circonstance qui suffit pour assurer une con- 
fiance entière en ces observations. J’ai refait en entier 
les calculs pour convertir les différences d’ascension 
droite et de déclinaison en parties du cercle. Pour fixer 
les positions des étoiles auxquelles la comète avoit été 
comparée, j'ai suivi en général le catalogue de la Co- 
noissance des temps que M. Lalande neveu a construit 
d’après ses observations ; et celles de MM. Delambre 
et Zach. Les positions des petites étoiles m'ont été four- 
nies par le grand et important travail du même astro- 


nome, exceptées trois, que j'ai déterminées moi-même. 


I 


J’ai adopté les précessions du catalôgue de Wollaston , 
l'incertitude qui existe sux cet élément ne pouvant pro- 
duire que quelquessecondes dans les positions des étoiles. 


Srepaers Pre 


Néanmoins ayant vu depuis dans le Traité de Mécanique 
céleste de M. Laplace , qu’il a adopté d’après des recher- 
ches nouvelles la quantité de 501 pour la précession ; 
j'ai augmenté de trois secondes toutes les longitudes de 
la comète, que j’avois trouvées en employant les préces- 
sions de Wollaston. 

La table I contient toutes les observations de M. 
Meéssier : j’ai toujours pris un milieu entre toutes les 


SUR LORBITE DE LA COMÈTE DE 1770. 3 
déterminations du même jour, à moins que des cir- 
constances particulières ne m’aient décidé à faire un 
choix; ce qui n’est arrivé que très-rarement. Je me suis 
assuré qu’on pouvoit négliger l'influence de la réfrac- 
tion , cette correction ne,pouvant changer que d’une 
petite fraction de seconde le milieu des observations de 
chaque jour que j’ai adopté. J’ai encore examiné avec 
soin, sil n’y avoit pas d’autres étoiles qui pussent 
satisfaire aux observations de M. Messier : cette attention 
devient nécessaire quand il se trouve une interruption 
dans la série des observations , par exemple, du 19 au 
26 août , mais ce jour même la comète fut observée par 
M. Maskelyne ; son observation est parfaitement d’ac- 
cord avec celle de M. Messier. D’ailleurs , M. Messier 
a-presque toujours comparé la comète à plusieurs étoiles 
souvent bien connues , en sorte qu’il étoit impossible de 
se tromper , et qu’il ne peut rester le moindre doute à 
cet égard. . | 

J'ai ajouté au même tableau les observations des autres 
astronomes ; j’ai partout. puisé dans les sources, et jai 
refait les réductions quand je lai pu : car plusieurs 
observateurs n’ont publié que les résultats de leurs 
observations. Dans ce nombre est le père Lagrange, 
directeur de l’observatoire de Milan : les calculs de 
Prosperin et de Lexell m'ont fait soupçonner des fautes 
dans la réduction de ces observations , et sachant par 
le Journal des Savans de 1791, que M. de Lalande 
avoit les papiers du père Lagrange, je lui ai fait de- 
mander les originaux. Il n’a pu les trouver, mais il 


4 SUR L’ORBITE DÉ LA COMÈTE DE 1770. 


m'a fait communiquer un cahier des calculs faits par 
le père Lagrange pour réduire ses observations. On verra 
qu’il s’y est trompé assez souvent; jai tâché de resti- 
tuer les observations, néanmoins il faudra toujours s’en 
méfer. a 

On trouvera dans le même tableau les observations 
de MM. Koœæhler et Krahl, lesquelles n’ont pas été 
encore imprimées. Il est bien fàcheux qu’un obser- 
vateur aussi habile que M. Kœbhler ait manqué des 
moyens d'observer cette comète plus exactement. 

Le programme du prix avoit rappelé que les erreurs 
des tables du soleil pouvoient influer considérablement 
sur les lieux héliocentriques de la comète. Pour éviter 
ce genre d’erreur autant que possible , j’ai calculé et 
comparé aux tables de M. Delambre les observations 
du soleil faites par M. Maskelyne , depuis le 9 mai 
jusqu’au 4 octobre 1770. La table TIT en contient les 
résultats, où il faut remarquer que j’ai augmenté l’é- 
quation lunaire de moitié , conformément à la nouvelle 
détermination de M. Laplace , et que j’ai adopté pour 
la nutation la table de M. de Zach , qui approche de 
très - près de la quantité que M. Laplace a trouvée en 
employant la masse de la lune qui résulte de sa théorie 
des marées. 

La table IV contient les longitudes et les latitudes 
déduites des ascensions droites et des déclinaisons obser- 
vées, en employant l’obliquité de l’écliptique 23° 28° 4". 
J’y ai ajouté les longitudes et les latitudes vraies, ré- 
sultantes des longitudes et latitudes apparentes, en y 


SUR L'ORBITE DE LA COMÈTE DE 17704 Fe] 
appliquant la parallaxe ; l’aberration et la mutation, et 
3’ àcause de la correction de la précession. J’y ai 
encore ajouté les lieux du soleil , corrigés d’après les 
observations et :les logarihmes de ses distances. à. la 


! r 


terre: 


SECONDE: SECTION. 


Quorque les élémenside cette comète aient été dé- 
terminés par un grand nombre d’astrondmes ; 11 m’a paru 
convenable de les rechercher de nouveau sans su ppôser 
aucuñe ‘approximation précédente it car ilest très-pro- 
bable que tous les autres astronomes avoient connois- 
sance des élémens de Pingré et qu’ils ne s’occupèrent 
qu’à les perfectionner: : En: choisissant les observations 
des. 17, 24 et 29 juin,:et en employant} la méthode 
que j'ai exposée n° V,. j'ai trouvé le logarithme -de 
M 9.095291 ete —0.21026 , ce qui donne le nœud 
ascendant en! 141° 28; l’inclinaison 1° 38’, le lieu 
du périhélie en 356° :23'; le ldg. de la distance périhélie 
‘9-79790% l'instant dupassage par lepérihélie, 9.105 août. 

Ces élémens trouvés par une première approximation 
s'accordent très-bien. avec les .élémens de Pingré et, de 
Prospérin. La méthode que j’ai: employée et que j'ose à 
peirie appeler. la mienne, est la méthode indirecte or- 
dinaire , que j'ai rendue plus: facile en y appliquant le 
théorème de M. Olbers ;qui ; en donnant le rapport:des 
deux distances de la comète à la terre ; n’enlaisse qu’une 
A:déterminer pargdes essais. Mais la méthode de M: 
Olbers auroit été plus, facile , si je n’eusse trouvé un 


6 SUR L'ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770: 


théorème qui donne d’une manière fort simple le temps 
qu’une comète emploie pour parcourir uñ arc parabo- 
lique dont on connoît les deux rayons vecteurs et l'angle 
compris. Ce théorème seroit aussi fort mtile à celui qui 
voudroit se servir de la méthode de Newton pour‘cor- 
riger les élémens d’une: comète. Ma méthode étant tri- 
gonométrique n’est pas sujette à la multiplicité des 
racines ; objection qu’un illustre géomètre a faite à la 
méthode de M. Olbers; le même géomètre a remarqué 
‘ quecette méthode ne pouvoit pas s'appliquer aux comètes 
dont les orbites sont très -peu inclinées à l’écliptique: 
Pour épronver ma méthode , j'ai choisi les observations 
des 14,19 et 26 août ;.elle n’y a pas réussi : de sorte 
qu'il ny a pas de doute qu’on ne doive alors se servir de 
laméthode de M. Laplace ;, laquelle a donné, au moyen 
des ‘observations des 2, 6,uo, 14 et 18 août, l'instant 
du passage par le périhélie, 16, 27 août, et la distance 
périhélie 0.6865 , ce qui tient à peu près le milieu entre 
les différentes paraboles de Prosperin. { 

J'ai tâché de corriger ces élémens ‘paraboliques par 
la méthode de M. Laplace, en employant les ob- 
servations des 2 et 26 août, et dw 19 septembre. La 
circonstance que l'orbite de cette comète est très -peu 
inclinée à l’écliptique rend l'application de cette méthode 
très-facile, puisqu'on peut'éomparer dans les premiers 
essais les différences des longitudes immédiatement aux 
différences correspondantes des anomalies. Si l’on croit 
nécessaire d'employer plus. d’exactiwde:, on n’a qu’à 
calculer l'effet que les. latitudes produisent sur les 


SUR: L'@RBITE DE LA COMÈTE DE 1770; 7 


différencesdes longitudes dans une des différentes hypo- 
thèses ; alors on pourra supposer cet effet constant dans 
les autres hypothèses, et l'erreur, qu’on se permet , 
sera tout-à-fait insensible. Ayant calculé seize hypo- 
thèses sans pouvoir représenter ces trois observations, 
et ayant réfléchi que. je ne pourrois prouver qu'avec 
beaucoup de peine qu'aucune orbite parabolique ne peut 
satisfaire aux observations de cette comète , j’ai tâché 
de trouver un moyen plus facile pour parvenir à ce but. 
J’ai calculé l’instant de l'opposition de cette comète , et 
j'ai trouvé pa différentes comparaisons que le 28 ; juin 
1770 , à 17 - heures, sa longitude géocentrique et hélio- 
centrique fut de 2779 22° 18". Les élémens que j'ai 
trouvés ci-dessus , ou ceux de Pingré , donnent pour cet 
instant le rayon vecteur de la comète égal à 1,064 ce 
qui doit approcher de très-près de la vérité, la comète 
äyant passé si près de la terre qu’un changement très- 
petit dans ce rayon produit.des erreurs très-grandes sur 
‘les  longitudes et les latitudes  géocentriques,. Aussi les 
élémens de Lexell:, dont l’ellipse diffère:heaucoup d’une 
parabole , donnent ce rayon vecteur égal à 1.046 ; ce 
qui ne diffère que de 0.008 de la détermination précé- 
dente. J’aurois desiré fixer. ce,rayon, par les observations 
les plus voisines, parexemple;/celles des 29 êt 30 juin eb 1er 
juillet ; mais outre qu’une partie de ces trois observa- 
tions est sujette à des doutes ; j’avois trop à craindre 
Peffet des attractions de la terre pour osér employer des 
observations aussi voisines. Si l’on choisit actuellement 
une seconde :observation, le temps qui s'est. écoulé 


8 SUR L’ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770. 

depuis Pinstant de Poppositionjusqu’à celui de la seconde 
observation , suffira pour déterminer le rayon vecteur 
dans la seconde observation , et la distance périhélie 
que ces deux observations exigent. J'ai comparé de cette 
manière trois observations , savoir ; celles du 2,août, du 
4 septembre et du premier octobre , à l’opposition ob- 


\servée. 
Le tableau suivant en contient les résultats : 


= 


Dare RAXON LoGarITRM. Dare Hire LocariTuw, 

des distance des ñ distance 
obseryat. NEGIÈUE: périhélie. observat. DELIERE- périhélie. 

28 juin-. 1:054 28 juin. 1:046 | 

2 août.-| 0+6515 |  9-8053 2 août.e 0.645 98013 | 

4 sept. «| 0-8524 9-8082 4 septsr4 |, 0.853 : 98082 1! 

| 

1 octob- 1+241 9-7944 1 octobe 1-2487 9:7925 | 

î | 

| 


Ce qui semble prouver d’une manière incontestable qu’il 
est impossible de représenter les quatre observations des 
28 juin ; 2 août , 4 septembre et premier octobre ; par 
une orbite parabolique. 

Voulant continuer mes recherches sans supposer l’or- 
bite elliptique ou hyperbolique , j’ai essayé de déter- 
miner trois distances de la comète à la terre, J’avois 
espéré de poavoir m’en procurer des valeurs approchées, 
en cherchant des paraboles osculatrices par des obser- 
vations très-voisines : cette idée n’a pas réussi , même en 
y employant des observations un peu plus éloignées. En 
abandonnant cette idée , il ne me restoit que la méthode 


SUR LORBITE DE LA COMÈTE DE 1770. 9 


de M. Laplace, : plus commode que celle d’Euler, 
et en même temps plus exacte, les latitudes de cette 
comète étant aussi petites. Je me suis assuré que l’ano- 
malie vraie dans une ellipse ou hyperbole , se trouve 
avec une exactitude suffisante au moyen de la table 
que M. de Zach a donnée d’après la formule de M. 
jonc (1) , tant que la distance périhélie ne surpasse 
pas -— du grand axe. J’ai calculé onze hypothèses pour 
Le une hyperbole et quatre pour l’ellipse : voici 
ces quatre dernières qui m'ont conduit au résultat de 
Lexell ; j’y ai employé les observations des 28 juin, 2 
août, 4 septembre et premier octobre, 


. Première hypothèse. Parabole; instant du passage, 9 août ; logarithme 
de la distance périhélie, 9.8010. 
Erreurs . ,. «+ . .! 372; — 1743; + 960 
Seconde hypothèse. Ellipse; excentricité, 0.9. | 
FOUT ... . « 267; — 2956; — 570 


! Troisième aber Parabole ; instant du passage, 8 août. 
: Gpen ee + SAGE — 1082; “È 1736 


zatrième À othèse. Parabole : logarithme de la distance érihélie , 9.808, 
pi 5 108 P ? 3: 
Erxeurs -mMÉNe —:256; — 159; + 2327 


d’où l’on tire les trois équations suivantes ; en sup- 
posant que E, D, P soient les facteurs avec lesquels 
fl faut multiplier les corrections supposées de l’excen- 


(1) Traité de mécanique céleste, t. 1, p. 186. 
1806. Premier semestre. 2 


10 SUR L’ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770. 
tricité, du logarithme de la distance, et dé l'instant du 


Passage : 
372 — 10.5 E — 62.7 D — 542 P —0 
— 1794-31 — 121:3 E + 158.4 D + 661: P — 0 
96°0 — 1531 E + 13647 D + 74.6 P = 0 


elles donnent 


E = + 227; D = + 6.0; P—=—/7s30 


et par conséquent l'instant du passage le16 août; le loga- 
rithme de la distance périhélie 9.850 ; l’excentricité 0.73. 
On voit que la méthode de M. Laplace a fourni avec 
beaucoup de promptitude les élémens que Lexell n’a 
trouvés qu’avec beaucoup de peine par la méthode 
d’Euler. , LI 

J’aurois peut - être pu borner ici mes recherches sur 
les orbites non rentrantes, mais le résultat est si extra- 
ordinaire et les corrections sont si grandes, qu’on pour- 
roit craindre , avec raison, qu’il n’y eût des orbites pos- 
sibles qui eussent échappé aux interpolations précédentes, 
à cause des effets compliqués qui résultent des change- 
mens simultanés de plusieurs variables. C’est pourquoi 
j'ai tâché de diminuer le nombre des inconnues , et il 
m'a paru , que la route que j’ai suivie pour exclure les 
paraboles , devoit aussi me conduire à la connoissance 
de toutes les hyperboles ou ellipses possibles. Le tableau 
suivant montrera que cette idée a parfaitement réussi ; 
jy ai supposé le rayon vecteur, le 28 juin, égal 
à 1,064 : 


SUR L'ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770. 11 


Hyperboles. 


observat. 


Rayon vec. 


PRE SRE DIM 1 2 


2 août --|| 0.63766| 1:06275|| 0°62543| 1°1240 
1 octob..|| 1:2912 | 1-06077| 1-3409 | 1-1183 


rt fa à périhélies en'parties de la Hs moyenne 
1199 91109781 a £erre au soleil.” 


Dares AXE INFINI 


x AxE — 20. AXE — 10. 
des observations. ou parabole. 


2 août. . - 0-63) G-6275 0-6200 
1 octobre . 0.625 0-6077 0-5914 


On voit que la différence entre les deux distances pé- 
rihélies augmente toujours : donc il n’y a aucune hyper- 
bole quipuisse satisfaire aux observations de cette comète. 


Ellipses. 


Darss [GRAND AxE — 20. GRAND AXE — 10. Gran ARE 0e 


des || 4, || 1, 


observat. || Rayon vec. | Excentric, Rayon vec.{ Excentric.|| Rayon vec. | Excentric. 


12 août -.|| 0-6677 | 0:93512|| 0.6860 | 08677 || 07321 | 0-7219 
1 octob..|| 1.19038| 0-93616|| 1:1397 | 0-8688 || 1.0384 | 0-7199 


12 SUR L'ORBITE DE LA COMÉTE DE 1770. 


Distances périhélies en parties de la distance moyenne 
de La terre au soleil. 


Dares. AXE INFINI 


des observations. ou parabole. 


AXE — 20. Axe — 10. 


2,août .l. je 0-639 06488. |. o.6615 
1 octobre . . 0-623 0:6384 06558. 


Ilen résulte qu’il n’y a pas d’autre ellipse qui puisse 
représenter les observations de cette comète que celle 
dont le grand axe est à peu près sept fois le demi-grand 
axe de l’orbite terrestre ; ce qui est l’accord avec l’ellipse 


de Lexell. 
TROISIÈME SECTION. 


Ir me reste actuellement à fixer les élémens de cette 
comète avec toute l’exactitude que les observations ad- 
mettent. Il m’a paru nécessaire de n’y employer que les 
observations faites depuis le 2 août, craignant les effets 
des attractions terrestres pour les observations faites 
dans le mois de juin. J’ai calculé toutes les observations 
faites depuis le 2 août dans les cinq hypothèses sui- 
vantes : 

. Hypothèse de Lexell. 


. La même, en y diminuant l'instant du passage par le périhélie de 3 heures, 


. La même, en y augmentant le logarithine de l’excentricité de 0.0002000. 
; 8 : 5 


F5 SP» 


. La même, en y changeant le grand axe de manière que le moyen mouve- 
ment füt diminué de sa soixantième partie. 
5. La même, en y augmentant le lieu du périhélie de 4 minutes, 
? 5 


SUR L'ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770. 13 


+ M. Laplace a remarqué dans son 7Yraité de Méca- 
nique céleste, qu’il faut tenir compte de n. 
des équinoxes , si l’on veut déterminer le grand axe d’une 
orbite avec toute l’exactitude possible ; jai ajouté pour 
cela aux longitudes héliocentriques de la comète , La 
quantité dont les équinoxes avoient avancé depuis l’ins- 
tant du passage par le ÉMhélie jusqu’à l'instant de 
chaque observation. Voici les équations de condition que 
ces cinq hypothèses m'ont fournies , où j’ai laissé les 
dixièmes de seconde sans prétendre à une si grande 
exactitude ; £est le facteur avec lequel il faut multiplier 
la variation supposée de l'instant du passage par le 
périhélie pour avoir l’instantwéritable ; eest le facteur de 
la variation de l’excentricité ; a le facteur de la variation 


du grand axe; p le facteur du changement du lieu du 


périhélie. 

2 août + 530 — 223.5 p — 664:2 # + 602:2 e — 4081:3 a — 0 
3... + 48-3 — 205.0 p — 6220 £ + 5768 e — 3892-5 a — 0 
4e. + 36:3 — 188.0 p — 579:7 £ + 533.2 e — 3701.:2 a — 0 
54 « « H 120 — 170:3 p — 538.8 rs + 530.0 e — 3518.0 a — 0 
6. . . + 17°0 — 155«1 p — 503.0 & + 505.5 e — 3349-0 a — 0 
8. . . + 23.4 — 126.5 p — 438.0 # + 460:5 e — 3059-2 a — 0 
10. . . + 144 — 101-2 p — 398.9 £ + 417+2 e — 28144 a — 0 
11. +. — 24.3 — 91:7 p — 350-3 # + 398.0 e — 271226 a — 0 
12, . + + 47 — 78+0 p — 323.3 # + 382.5 e — 2616.4 a — 0 
14... + + 16.6 — 57.9 p —.284:7 2 + 364.8 e — 244125 a = 0 
15, . « + 3722 — 48+7 p — 2612 & + 352.5 e — 2359:7 a — 0 
18. . e + 53 — 23.7 p — 203.5 + + 324.5 e — 2168.3 a — o 
19% . + 204 — 150 p — 186°5 # + 316-2 e — 2126-7 a — 0 
2/4) stat + 77-60 + 215-4 p — 102.6 5 + 284.5 e — 1920.4 a — 0 
26... + + 473 + 26.5 p —  92°0 t + 280.5 e — 18980 a — 0 
28. … +488. + 36°2 p —æ 71:88 F + 273.5 e — 18516 a — 0 


14 SUR L'ORLITE DE LA COMÈTE DE 17970. 


29 août + 88 + 412 p — 647 1 + 272°0 e — 1839-0 ad = 0 
30... + 6.9 + 45.3 p — 57.0 t + 269:7 e — 1830.3 a — 0 
Die 7-5 + 48.5 p — 49.5 t + 267.5 e — 1821:7 a — 0 
4 sept. + 24:7 + 608 p — 249 f + 2611 e — 1798:7 à — 0 
5e... + 6:34 65.3 p — 20.6 # + 260.2 e — 17871 à — 0 
8... — 5:2+ 78.4 p — 8.6 & + 257.3 e — 1768.6 a — 9 
Dee + + 22:9 + 81:-6 p — 5.3 t + 257°0 e — 17616 a — 0 
144 4 + 23.3 + 95.3 p + w:° £ + 255:0 e — 1777:0 a — 0 
17, +. + 5-6 + 103-2 p + 13.4 4 + 253.4 e — 17816 a — 0 
_18. . + — 19°9 + 105-9 p + 14+3 £ + 252.7 e — 17853 a — 0 
19. + + — 22:06 + 108.3 p + 15.7 £ + 252+1 e — 17869 a — 0 
20e « « — 21°9 + 110.6 p + 168 # + 252.5 e — 1789-4 a — 0 
29 + «+ + 68.6 + 130.8 p + 22.5 # + 252.5 6 — 18251 a — 0 
1 octob. + 43:7 + 135.2 p + 24.5 # + 253.9 e — 18364 a — o 
2 . + 40:35 + 137.4 p + 2412 tu 253.0 e — 18416 a — 0 


Pour déterminer les quatre inconnues , j’ai ajouté 
toutes les équations depuis le 2 août jusqu’au 12 août ; 
et depuis le 14 août jusqu’au 9 septembre; enfin, de- 
puis le 14 septembre jusqu’au 2 octobre : la somme des 
deux premières sommes ma fourni l’équation (1), leur 
différence l’équation (2) ; la troisième somme m’a donné 
l'équation (3). Pour obtenir une quatrième équation , 
j'ai changé les signes dans les équations des 14,15, 18 
et 19 août, je les ai ajoutées alors aux équations du 25 
août jusqu’au 9 septembre. 


Voici ces quatre équations : 


+ 498.6 — 9794 p — 583141 # + 84672 e — 57117+8 a — 0 esse (1) 
+ 15541 — 1699-2 p — 2965.35 1— 384.6 e+ 2371+4 a — 0 ++... (2) 
+iigei + 9269 pæ+ 139°3 #4 202541 € — 14423:3 à — 0 ++... (3) 
+ 1679 + 6502 p + 438-954 1325.3e — B180:8 a —O +...e (4) 


SUR L’ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770. 19 


ou, si l’on divise chaque équation par le coefficient 


de a, 
“+ 0-00872933 — 00171470 p — 0-1020890 £ + 01482410 


Gi OL Se Linie se + © 0 (19 


œ 


2H 0-06540440 — 07165386 p — 1:2504425 £ — 01621827 e 
Î Di —NON AUS SUR es + A2) 


+ 0:00811881 — 0-0642607 p + 0:0096580 4 + 01404048 e 
AE ONE ges) set el ARS T'en le Pure] 


— 0-02052366 + 0-0794788 p + 0-0536500 £ + 0-1620013 e 
Di Os laol al e 0 eltetlee à 0 (4) 
En éliminant a et en divisant par le coefficient de #, 
on obtiendra les trois équations suivantes : 


© Æ 0-005463414 — 0.7284986 p — 1 + 0-07012447 e — 0 . (5) 
Æ 0:059255400 — 05256978 p — £ — 0.01755171 e — 0 . (6) 
+ 0:075731370 + 0-6204340 p + r + 0.08835484 e — 0 , .. (7) 


On trouvera de la même manière, en éliminant #, 


— 02652454 — p + 04323265 e ra eh ibn ite (8) 
—H10:7513542 — p + 1:4665240 6e —d . . «  «  « « » (9) 
et par conséquent 


+ 1:0165996 + 1-0341975 e — 0 PRE ve Me A ar a A a 


d’où l’on tire 


e — — 0:9829835; p — — 0-690235 
£ — + 0:439353; a — — 0-170007 


Ces-valeurs donnent : 


Le logarithme de l’excentricité — 9-8950962, et excentricité 0.7854095. 
Le lieu du périhélie, 356° 13’ 40”. | 
L’instant du passage par le périhélie , 13 août 116 45’ 55”, ou 1349022 août. 
Logarithme du demi grand axe, 0-4971800. 
Logarithme du demi-paramètre , 0-0805284. 


16 sur L’'ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770. 


Ces élémens donnent les erreurs suivantes : 


Le 9 sept. 
Fed’ .2.1e 
Le L7es, 20 
LES Ge 
Pehor ere 
Le/202, 7 
Le 26. . 
Le 1 octob. 
Le.i25: 


p 

SALE 
ee 
oi 


2 
EE 
4. 
où 
6. 
8 
10. 


LIHHEEEEEHEI 


ED IAE EE 


Les erreurs sont plus petites que dans l’hypothèse de , 
Lexell ; la somme de toutes les erreurs est presque zéro ; 
néanmoins il est peu probable que les erreurs depuis le 
3 jusqu’au 14 août soient toutes négatives. 

Essayons de perfectionner nos élémens. Jai substi- 
tué les erreurs de mes élémens au lieu des constantes 
dans les équations de condition précédentes, d’où j’ai 
tiré en ne changeant que les constantes dans les équa- 


tions (1)... (10), 


e — — 1°758327; p — — 1:2737 
t — + 0795576; a — — 1:055 


Ces corrections sont sans doute trop fortes : on voit 
facilement que les grandes erreurs des 25, 26 et 28 août 
ont produit ces résultats fautifs ; ces trois erreurs in- 
fluent beaucoup sur trois des quatre équations finales , 
puisque la somme de toutes les autres erreurs est presque 


ZéTO. 


Ce. e-00p 


SUR L'ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770. 17 


En rejetant ces trois observations et les équations 
qui en résultent, j’ai obtenu les quatre équations sui- 
vantes : 


— 161/0 — 1339-3 p — 4398-2 £ + 44259 € — 297446 a — O sr. (1) 
+ 0.3 275.8 p — 1166-5 # + 32038 e — 21703-2 & —0O ver. (2) 
— 4-6+ 926-9p + 139:3 4 + 2025-1 e — 14423-3 a — Oo +... (3) 
+ 19-1+ 566.1 p+ 705-31+ 486.8 e— 2510:8 a —O +r.r. (4) 


d’où jai tiré, en négligeant les constantes des équa- 
tions (2) et (3), 


£ — — 0:28706; e — + 0*17705 
a — + 0:04637; p — + 0-37809 


ce qui donne: 


L’instant du passage par le périhélie, le 13 août, 12* 37° 35”, ou 13.526106 

août. 

. Le logarithme de l’excentricité.. , ... . . .,.. . .  9.8951316 
Bféxtenincitet Ni MOMENT EN QUe ele te en sf Je 40:7034736 

* Le logarithme du demi-grand axe . , . . «  . . . . . 0.4974080 
Le logarithme du demi-paramètre . . . « 4. .:. . « . : 0.080642: 
La durée de la révolution, 5.573296 ans; son logarithme . 0.746112 
Brenidwipémhelie "ee RTE OA ve ce 280: 19 Brit 


‘Avant de comparer ces élémens aux observations, j’ai 
voulu fixer plus exactement le lieu du nœud et l’incli- 
naison , élémens que j’avois supposés jusqu’à présent 
tels que Lexell les a donnés, sachant qu’ils n’influent 
guère sur les valeurs des autres élémens. Les observa- 
tions des 2, 3, 30, 31 août, premier et 2 octobre, 
m'ont donné le lieu du nœud en.132° 8, et l’inclinai- 
son, 1° 34’ 40’. 

1806. Premier semestre. 3 


18 Ÿ SUR L'ORBITE DE LA COMÈTE DB 1770. 


“Voici les erreurs en longitude de mes nouveaux 
€lémens : 


Le 18 août 


Le 9 sept. 
Lena nu 
Leu7. . . 
Let18-.112 . 
Le 19. . 
Leo... 
Le 290.7 
Le x octob. 
Lee, 


. 
© © 
ON # # CAN NN 


© M RAR 6 0 Co CN 


Le 4 sept. 
De P3IeRe 
Le 8. 


HHHIII EX 


en 


TEE EI EE EI 


+ 
+ 
+ 
L 
+ 


QU © 


Ces élémens représentent les observations beaucoup 
mieux que les premiers élémens. L’erreur du 2 août est 
un peu plus grande que celles des jours suivans; mais 
c’est la première observation de M. Messier, et son 
instrument ne fut pas aussi bien vérifié que les jours 
suivans. Cette réflexion doit s'appliquer aussi à l’obser- 
vation du 25 août, qui est la première que M. Maskelyne 
a faite. | 

Pour fixer le lieu du nœud et l’inclinaison de Porbite 
avec toute l’exactitude possible, jai converti les lati- 
tudes géocentriques observées en latitudes héliocentri- 
ques. J’ai formé les équations de condition dont l’usage 
répété na donné : 

Le lieu du nœud ascendant en, . « . . .« . . 131° 54° 54" 
L’inclinaison de. l'orbite. . . , « .,. + « . . 1°:34 31° 

Ces élémens donnent les quantités suivantes pour les 

erreurs héliocentriques en latitude : 


SUR L'ORBITE DE LA COMÈTE DE 17704 19 


Le 18 août 
Le 19 .». 
Le 25. . 
Le 6. . 
Le 28... 


+ 

es 

D 
= 
Le] 
Os 


ei 
&R 
9 


SO 
a 


Le 29. 
Le 30 . 
Le dti.ie 
Le. 4 sept. 
Le, 551% 
Ter 8-1. .+ 


mn 


n 


ER a Ep ol 


+ 
+ 
LE 
TU" 
2e 


} 


CR 


Mt PH SI EH] 
GX O2 63 EnO tn S 
AS 0 Co 0 Gb 


L'observation du 20 septembre est douteuse, et la 
marche des erreurs prouve que l’erreur du 19 septembre 
est du côté des observations. D'ailleurs les erreurs géo- 
centriques sont plus petites que les erreurs héliocen- 
triques, et une machine parallatique change facilement 
de position lorsqu'on fait aller la vis du micromètre pour 
observer les différences de déclinaison. 


QUATRIÈME SECTION. 


Tr, s’agit actuellement,de fixer les élémens de l’orbite 
que cette comète décrivoit avant que la terre eût exercé 
ses attractions. Les observations du mois de juin étant 
trop peu nombreuses, on ne peut guère se passer des 
secours de la théorie. Les formules qu’Albert Euler a 
données dans le mémoire qui a remporté le prix de 
l’Académie de Pétersbourg en 1762, me paroissoient les 
plus faciles, et mes calculs étoient trop avancés lorsque 
j'ai reconnu qu’il auroit été plus exact et presque aussi 


20 SUR L’ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770. 


facile d'employer les formules de M. Lagrange. Néan- 
moins il sera facile de juger de lincertitude qui existe 
dans les données de la théorie, puisque j’ai calculé les 
changemens que les attractions de la terre devoient 
produire dans lPexcentricité, dans le grand axe et dans 
le demi-paramètre. J’ai trouvé le changement de l’ex- 
centricité — 0.0001222; elle étoit, après les attractions, 
0.7854736 ; donc, avant les attractions, 0.7855956. J’ai 
trouvé de même le changement du demi-grand axe 
— 0.002651; il étoit, après les attractions, 3.14346: 
donc, avant les attractions, 3.145ÿ7. De-là résulte le 
demi -paramètre avant les attractions, 1.20{4026. On 
trouvera ce même demi-paramètre égal à 1.2042934, si 
l’on applique l’effet des attractions, savoir — 0.0002499 
au demi-paramètre après les attractions, que nous avons 
trouvé auparavant égal à 1.2040435. Prenant un mi- 
lieu, on trouvera le demi-paramètre, avant les attrac- 
tions , égal à 1.204348 , et son logarithme. . 0.080752 
Le logarithme du demi-grand axe . . . 0.497751 
Le logarithme de l’excentricité . . . . . 9.895204 
Ces élémens et les huit observations faites depuis 
le 15 jusqu’au 27 juin, suffisent pour déterminer les 
autres élémens de l’orbite que la comète décrivoit avant 
les attractions. 1 
J’ai trouvé, au moyen des équations de condition, 


L’instant du passage par le périhélie . . . . 13.53480 août. 
Tele du) péxtheleE EN RPC EL. 560160 2% 
Denendu nude NES. 019110204408 
L'inclinaison de l'orbite, . . , . . « , . : 1°:33° 507 


SUR L'ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770. 


21 


+ En comparant ces élémens aux observations , on 


trouve les erreurs géocentriques suivantes : 


Juin 1770.| En Lone1T. 


EN &ATIT. 


1973 
9-5 
27-6 


Juin 1770. 


Le 
Le 
Le 


EN-LoxG@1T. 


— 2571 
— 21.2 


— 15:7 


En-raTir, 


— 45" 7 
— 21.8 


— 247 


2745 Le . | + 56.5 + 61.5 


Ces erreurs sont tout-à-fait insensibles, si on les rap- 
porte au soleil ; il suffit, par exemple , de changer d’une 
seconde la longitude héliocentrique de la comète, le 27 
juin, pour faire disparoître l’erreur géocentrique de 56”. 
Cet accord est une nouvelle confirmation des valeurs du 
grand axe et de l’excentricité que j’ai trouvées par les 
observations faites après les attractions. L’impatience 
de savoir comment les différentes branches de l’orbite 
s’accorderoient entre elles, m’avoit engagé à faire les 
calculs que je viens de détailler, avec les premiers élé- 
mens corrigés, qui s’accordoient déja assez bien avec 
toutes les observations de la seconde branche. J’ai alors 
trouvé : 


0.497523 
9-895170 


Le logarithme du demi-grand axe |. . . . 1. . 
Le logarithme de l’excentricité . . + ._. . . .:. 
0.080622 
356° 161 38 à 
13.5283 août. 


Le logarithme du demi-paramètre . . . . . . . 
Le lieu du périhélie. . . . . . . LAN MIS 
L'instant du passage par le périhélie 


22 SUR L'ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770: 


. Ces-élémens donnent les erreurs suivantes en lon- 
gitude : 


Le 15 juin... . . - — 9° Le 22... eo. 50 927 
HONTE lsMlaite Fe UeNepte + 74 id né hi Gris — 47 
Lespor.wi | dise | emigdiuti]) Leiabin & init ol 1 49 
Le2i........ +10 Le 27 . 4 « + + | + 120 


On voit que les erreurs sont beaucoup plus considé- 
rables que dans l’hÿpothèse précédente; ce qui prouve 
que 1es élémens que j’ai fixés pour les deux branches de 
l'orbite de cétté comète se confirment mutuellement. 

Je n’ai pas employé les observations du 28 juin jus- 
qu’au 4 juillet, les perturbations y influent trop. Voici 
pourtant les erreurs que mes élémens donnenit : 


EnneURsS GÉOCENTRIQUES. ERREURS HÉLIOCENTR. 


En lo + 55” Messier. + 1"8 Messier. 
) SOS { + 29" Maskelyne.| 09 Maskelyne. 
Le 26 juin. 

| En latit. 


= 
+ 3 47" Messier. + %“o Messier. 
re 


+ 3° 25° Maskelyne. 6"o Maskelyne, 


L’accord de deux observateurs prouve que c’est l’effet 
des attractions qui a diminué la latitude de 3 ? minutes. 
On voit aussi que les erreurs en latitude sont plus 
grandes que celles de la longitude ; ce qui doit être, la 
comète étant presque perpendiculaire au plan de Péclip- 
tique. 


SUR L'OBEITE DE LA COMÈTE DE 1770. 23 


Erreurs 


ERREURS GÉOCENTRIQUES ? F 
R L héliocentriq. À} 


Le 29 juin. 


es longitude. . . 536 


En latitude. . , » 21°0 
En longitude . ?, . 9*76 
L ÎEn latitude. . 54-0 
Le 1 juillet . . | En longitude . 33.0 
Le 2 juillet . « | En longitude. 18-0 
Le 3 juillet . En longitude . ) 29-0 


Le 30 juin. . 


Qu'il me soit permis d’ajouter, à la fin de ces recher- 
ches, une remarque sur la formation des équations de 
condition. Il paroît plus simple , au premier coup d’œæil, 
de convertir les longitudes et latitudes géocentriques en 
héliocentriques, aussitôt que les élémens sont assez ap- 
prochés pour pouvoir donner les rayons vecteurs de la 
comète avec une exactitude suffisante. Il est néanmoins 
beaucoup plus exact et plus sûr de calculer les effets 
que les changemens dans les: élémens de loxbite pro- 
duisent sur les longitudes et latitudes géocentriques , et 
de former avec ces données les équations de condition, 
Qu’on regarde, par exemple, les coefficiens de p dans 
les équations, précédentes, on voit tout de suite que-les 
équations , depuis le 14 août jusqu’au 4 septembre, ne 
sont. pas très-propres à déterminer cette inconnue. On 
ne s’en seroit pas douté si l’on avoit employé la pre- 
mière méthode, où le coefficient de p seroit constam- 
ment de 240. 

La durée de la révolution trouvée par les derniers 


24 SUR L’'ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770. 


élémens ne diffère que d’un jour et demi de celle qu'on 
trouve par les premiers élémens corrigés. Les observa- 
tions ont suffi pour faire reconnoître la nécessité d’une 
correction aussi légère. Cela prouve qu’on peut obtenir 
dans ces sortes de recherches une exactitude dont on ne 
les a pas crues susceptibles, en employant un grand 
nombre de bonnes observations. 

M. Messier a estimé plusieurs fois # diamètre du 
noyau de cette comète, en le comparant à l’épaisseur 
des fils de son micromètre. Voici ces diamètres réduits 
à la distance 1: | 


Le 17 juin. . 3”7 Lunette ordinaire, d’un mètre de longueur. 


Le) 22 JL, 34 


ne 24 ta ris 6-2 Lunette acromatique , d’un mètre de longueur, 
Le 29: . . . 2.2 Lunette ordinaire. 
Le 1 juillet. ‘1e € s 


Le 2 août.. * 23.2 
Léa ne eue 25 
Deili8 4.1. 40 2029 


On voit que ce diamètre, vu avec la même lunette, 
diminuoit toujours plus la comète approchoit de la terre; 
ce qui prouve qu’on ne pouvoit pas assez distinguer le 
noyau de la nébulosité, et qu’on confondoit toujours 
une partie de l’atmosphère avec le noyau. 


CINQUIÈME SECTION. 


AyanrT prouvé qu'il n’y.a qu’une ellipse de cinq 
ans et demi qui puisse satisfaire aux observations de la 
comète de 1770; et sachant qu’il y a:parmi les anciennes 


SUR L'ORBITE DE LA COMÈTE DE 1970. 2h 


comètes plusieurs dont les élémens sont assez mal con- 
nus, j’ai voulu essayer si je n’en trouverois pas une 
dont les élémens corrigés approcheroient de ceux de la 
comète de 1770. J’ai vu dansle grand ouvrage de Pingré, 
que Houttuyn avoit trouvé deux orbites différentes pour la 
comète de 1702, et qu’il n’avoit pu déterminer ni l’incli- 
naison ni le lieu du nœud. Le travail du célèbre Lacaille 
sur cette comète n’ayant pas été publié, on ne savoit pas 
quelle précision on pouvoit accorder aux élémens; j’avois 
donc l'espérance que mon travailseroit utile, quand même 
les deux comètes ne seroient pas identiques. 

Il étoit assez difficile de reconnoître les petites étoiles 
auxquelles les observateurs avoient comparé la comète de 
1702 ; il m’a été même jusqu’à présent impossible de les 
retrouver pour les dernières observations de Bianchini, à 
cause des fautes d'observation et d’impression; heureu- 
sement celles de Kirch ne sont pas sujettes aux mêmes 
inconvéniens. C’est le grand et important travail de M. 
Lefrançais Lalande , qui m’a fourniles moyens de recon- 
noître les petites étoiles ,et qui m’a fourni en mêmetemps 
leurs positions exactes. Voici les observations de cette 
comète : é 

20 avril 1702. 


Braxcæint l’a comparée à une étoile que je n'ai pas pu retrouver, Kirch 
a fixé sa position en 297° de longitude | mais ce n’est que par des alignemens. 


23 avril 1702. 
Les trois étoiles auxquelles Bianchini a comparé la comète, se trouvent 


dans la Connoïssance des temps, années 7 et 8. 


1806. Premier semestre, À 


26 SUR L’ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770. 
Ascéns. droite. Déclinaison, 
: CS mm Cd =” 
L'étoile 4 de Bianchini avoit en 1790 . 258° 28° 51" et og 3° 45" B. 
D.0b Ausionrh Hyeres de 0464280, 28 443 4et:8 49h 0% 
Br de Ua te RENE Cale PS0" 49 127 Cr 047 ADS 


Ce qui donne pour 11! 2', temps moyen à Paris: 


Ascension droité de la comète ... + .:.: 257° 47° 18” 
Déclinasson à eMeles 2: US Namiele 0° 121,370 B: 
Poneitudes eee Dee U200 0/10 Nu 
Téamde lo, ON ANT ER, ARMES, 18156704" 


26 avril 1702. 


BraxcomrNr a comparé la comète à À d’Ophiuchus, en observant la diffé- 
rence des passages par lé inéridien et la différence des hauteurs. Il en résulte, 
à 13h 23° 40", temps moyen à Paris: 

Ascension droite de la comète . . . . . 243° 43° 58” 
Déclinfüsoh érinatetrenelrs sinus 2° 26 48" B. 
Éonpiude tee ete 2/10 32 142E 
latitude ee Mel ane Ne teee20 0 LONO 


57 avril 1702. 


L'érorze de 8 9 grandeur à laquelle Bianchini a comparé quatre fois la 
comète, avoit en 1797, ascension droite, 242° 41° 15", et déclinaison bo- 
réale, 1° 7’ 34”, et la comète avoit à 9" 56° 36”, temps moyen à Paris: 


Ascension droite se ee esse de 2410000 

Déclinaisonts eMeMelte = elle re tenle 1° 14° 58” B. 

Longitude, . ns ja +: ou lise ue je 239° 6" 25! 

TA TE AE ES AR EE Le 215 DA nés | 


Premier mai 1702. 


L'érorre a de Kirch, ou la trente-sixième du, Serpent, avoit em 1800, 
ascension droite, 235° 12' 516, et déclinaison, 2° 28° 17" australe, L'étoile. 


SUR L’ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770. 27 


de Kirch avoit. em800, ascension droite, 236° 23 35”, et déclinaison, 
10 33° 48” australe. En réduisant les distances de Kirch à la même heure, 
on trouve à 11" o', entre a et la comète, 1° o' 40”; entre d'et la comète, 
o° 51° 23”: ce qui donne pour 10" 12° 36”, temps moyen à Paris: 


Ascension droite de la comète . . . . . 234° 20° 14” 
PÉbhnateon te ete elle le al ee nette laide LMD 10 A 
Longitude CM EN EN 2520 64851 
Latitude}. ten. ere pellelle je ue 27 420 50B, 


Kirch a encore mesuré les côtés du triangle formé par l'étoile a, par # 
du Serpent et par la comète; mais ce triangle a un angle fort obtus, de 
sorte que je n’ai pas osé l’employer. 


4 mai 1702. 

# 

L’éroize à de Kirch, ou la trentième du Serpent, avoit en 1800, 234° 
37° 8” d’ascension droite, et 3° 11° 29” de déclin. australe; l'étoile 4 de Kirch 
avoit à la même époque 233° 29° 35” d’ascension droite, et 3° 11° 29” de 
déclinaison australe. En réduisant les deux distances observées à la même 
heure, au moyen de l’observation du 5 mai, on trouve à 10" 4o' la dis- 
tance entre la comète et l’étoile 3, égale à 1° 24° 6”, et entre la comète et 
Vétoile 4, égale à 34 46”; ce qui donne à 9" 52° 15”, temps moyen, à 
Paris : 

Ascension droite de la comète. . . . . 232° 3° 39 
DES Fe NME MER SUP OSEO AS Ce AE 
MORE’ eee AU et ea este el DD ASIE 
battude ruiner. ds nie Dual oo TIR 


Si l’on compare les résultats que je viens de donner 
avec ceux que Maraldi a publiés dans les Mémoires de 
l'Académie des sciences pour 1702, on y trouvera des 
différences très-sensibles; de sorte qu’on ne sera plus 
étonné que Houttuyn ait trouvé deux orbites différentes 
en employant différentes observations. 


26 SUE L’ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770: 


Voici les élémens que j'ai tirés de ces observations 
par la méthode de M. Laplace : 


Lieu du nœud ascendant . . . . . . 6° 8° 59° 10" 
Inclinaison de l’orbite.. . . . . . . 4 24 44” 
Lieu du périhélie . . . . , . . . . 4° 18° 46° 54” 
Logar. distance périhélie . + . . . . 9*8:10790 

Instant du passage par le périhélie, 1702, 72.613 jours, ou 13 mars 14! 42° 43" 
Sens du mouvement. . . .« . + . . .< Direct. 


Ces élémens donnent : 


ANNÉE 1702. Longit. calculée.| Correction. | Latit. calculée. | Correction. 


20 avril . . . | 296° 5259 42° 42'14"B, 


255 44 12 31 55 37 
241 8 32 23 17 5 
239 2 48 21 44 49 
232 56 44 17 3 49 
230 32 50 19/T 32 


Il est à remarquer que les erreurs héliocentriques sont 
beaucoup plus petites que les erreurs géocentriques, et 
que l’observation du 4 mai est plus exacte que celle du 
premier mai, qui n’a été faite qu'avec une lunette de 
deux pieds. Il sera facile de perfectionner les élémens 
que je viens de donner, lorsqu’on aura reconnu les étoiles 
dont Bianchini s’est servi le 20 avril , le premier et le 4 
mai, et je me propose de m’en occuper aussitôt que les 
circonstances le permettront. Mais on voit facilement 
que les observations sont beaucoup meilleures, et les 
élémens beaucoup mieux connus que Pingré n’avoit osé 
l’espérer. 


SUR L’ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770. 20 
SIXIÈME SECTION. 

Js me flatte d’avoir prouvé d’une manière incontes- 
table, par ce qui précède, qu’il n’y a ni parabole, ni 
hyperbole, ni ellipse fort alongée, qui puisse satisfaire 
aux observations de la comète de 1770, et que cette 
comète a vraiment décrit une orbite de cinq ans et demi. 
La solution de la question difficile pourquoi on n’a pas 
vu une comète d’une révolution aussi prompte avant 
1770, pourquoi elle n’a point reparu depuis, est avancée 
d’un pas, puisqu'on est assuré actuellement que c’est 
par l'attraction de Jupiter qu’il faudra tâcher d’expli- 
quer ce phénomène intéressant du système du monde. 
Lexell a cru que les attractions de Jupiter en 1767 avoient 
diminué la révolution de cette comète d’une manière 
aussi extraordinaire ; et que les mèmes attractions lui 
avoient rendu en1779 une orbite fort alongée ; hypothèse 
que Boscovich a adoptée. Il paroît difficile d’admettre 
deux effets opposés produits par la même force et agis- 
sant à peu près dans les mêmes circonstances. Si l’on 
admetun changement total de l’orbite, dont l’astronomie 
n’a pourtant pas encore d’exemple , ilseroit plus probable 
de supposer les mêmes effets à la force attractive de 
Jupiter en adoptant l’hypothèse , que cette force quiavoit 
raccourci l’orbite de cette comète en 1767 l’ait encore 
raccourcie en 1779, et d’une manière beaucoup plus 
sensible, puisque la comète approchoit beaucoup plus 
de Jupiter en 1779 qu’en 1765, et que cetie distance 


50 SUR L'ORPBITE DE LA COMÈTE DE 1770 


fut encore diminuée par les attractions mêmes. Cette 
comète aura peut-être augmenté le nombre des satellites 
de Jupiter, sans que les observateurs aient pu laper- 
cevoir. En effet, la distance de cette comète au soleil 
seroitalors cinq fois plus grande qu’elle n’étoit à l'instant 
où elle cessoit d’être visible en 1770; sa distance à la 
terre seroit au moins quatre fois plus grande qu’elle 
n’étoit à la même époque, de sorte que la comète auroit 
quatre cents fois moins de lumière qu’en octobre 1770. 
Le voisinage de Jupiter doit encore affoiblir beaucoup 
une lumière déja si foible, et l’on n’auroit aucune raison 
de s’étonner si nos meilleurs télescopes ne suffisoient pas 
pour la découvrir. 

Néanmoins il ne seroit pas impossible que lorbite 
de cette comète jouit de la stabilité que possède notre 
système planétaire, dont elle semble faire partie en oc- 
cupant une orbite très- peu inclinée vers l’écliptique, et 
située dans la place vide entre Mars et Jupiter, où lana- 
logie paroît en exiger une. On objectera qu’on n’a pas 
revu cette comète depuis vingt-cinq ans qu’on connoît 
son orbite, pendant lesquels elle auroit dû reparoître 
quatre fois; que les astronomes attendoient son retour 
en 1781, et qu’ils l’ont cherchée en vain : tâchons d’ap- 
précier au juste la force de cette objection, et voyons 
quelles sont les circonstances favorables à la découverte 
de cette comète. Ayant dessiné l'orbite de la comète et 
celle de la terre, j'ai cherché le jour où la comète étoit 
le plus près de la terre dans les différentes hypothèses 
pour son passage par le périhélie, et sa plus courte dis- 


SUR L'ORBITE DE LA COMÈTE DE 17704 3x 


tance à la terre. J’ai perfectionné ces résultats en calculant 
quatorze orbites, dont on trouvera le tableau à la fin de 
ce mémoire (n° VI). Il s’en suit qu’il n’y a que peu de 
mois où le passage par le périhélie est favorable pour 
découvrir cette comète; qu’il n’y a que peu de jours où le 
passage par le périhélie puisse nous faire voir la comète 
à la vue simple; que la comète n’est souvent visible 
que le matin, où le crépuscule et le voisinage de J’ho- 
rizon doivent affoiblir sa lumière. Il est mème pro- 
bable que cette dernière raison auroit fait manquer la 
comète dans la seconde branche de son orbite en 1770, 
quoiqu’elle fût assez belle; car le seul astronome qui 
s’occupoit avec zèle et avec succès de la recherche des 
comètes , étoit obligé de quitter son observatoire, n’ayant 
pas l’horizon assez libre. Si l’on ajoute à ces causes par- 
ticulières les circonstances générales qui sont nuisibles 
à la découverte des comètes, telles que le clair de la 
lune , le mauvais temps, etc. si l’on se rappelle qu’il n’y 
avoit alors que deux astronomes français quis’occupassent 
de cette branche importante de l’astronomie : on ne trou- 
Vera pas trop invraisemblable que cette comète ait pu 
échapper quatre fois aux yeux des astronomes. Il est 
vrai que les astronomes attendoïent son retour en 1781, 
ét qu'ils s’occupoient par conséquent beaucoup plus de 
sa recherche; maïs cette circonstance même peut avoir 
contribué à la faire manquer : cat il résulte d’un calcul 
fait avec une exactitude suffisante que l’action de Jupiter, 
depuis le 20 juin jusqu’au 20 juillet 1779, a augmenté 
4e deux mois la durée de la révolution de cette comète; 


32 SUR L'ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770. 


et en faisant abstraction des carrés des forces perturba- 
trices , l’action de Jupiter augmenteroit toujours la durée 
de la révolution jusqu’à ce que le rayon vecteur de la co- 
mète devint plus petit que celui de Jupiter. La comète 
devoit donc passer beaucoup plus tard par son périhélie 
qu’on ne l’avoit espéré. Les recherches infructueuses 
qu’on avoit faites en 1781, devoient avoir dégoûté un 
peu les astronomes qui s’en occupoient , et la découverte 
de la nouvelle planète achevoit de détourner leur atten- 
tion et leurs regards de notre comète. 

Il m'est agréable de pouvoir finir ce mémoire en re- 
marquant que c’est un Français à qui l’on doit la décou- 
verte de cette comète, et que c’est le même astronome 
qui l’a seul suivie avec un zèle infatigable; c’est à ses 
observations exactes et nombreuses qu’on doit la connois- 
sance de l’orbite vraie de cette comète. Ce phénomène inté- 
ressant, qui semble promettre beaucoup d’éclaircissemens 
sur la théorie des comètes, doit encourager les astrono- 
mes à s’occuper sans relâche de perfectionner et de com- 
pléter cette partie de nos connoissances astronomiques. 
La recherche de la comète de 1770 devient plus facile 
par la circonstance qu’elle se trouve toujours dans le 
zodiaque ,excepté le petit nombre de jours où approchant 
très-près de la terre sa latitude devient très-grande ; mais 
elle est aussi alors visible à la vue simple. Quand on 
l'aura retrouvée, on ne la perdra plus : les géomètres 
se réuniront aux astronomes pour calculer l’instant et 
Pendroit où elle doit reparoître. Actuellement l’intervalle 
de trente ans, pendant lesquels il faudroit calculer les 


SUR L'ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770. 33 


attractions, est trop grand pour ne pas effrayer un peu. 
Néanmoins si le grand géomètre qui a enrichi l’astro- 
nomie physique de tant de découvertes importantes, 
youloit s’occuper des formules nécessaires à cet objet, 
s’il croyoit qu’on püût avoir quelque confiance dans 
le résultat final, l’auteur de ce mémoire se voueroit avec 
plaisir à ce travail pénible. 


on TT 
No 7 Ter 


Tableau des observations de la comète de 1770. 


15 juin 1770. 


i 


| Temps moyen. | Asc. proyre:| DicrrNArson. OssErRvATEURS, 


£ D. M. Ss. D. M. S. 

11 23 922 272 58 18-5| 26 18 57 A. Messier. 

11 49 37 272 58 3.5| 16 28 - Le même. 
14 6 16 Arai ar Ee-même 


17 Juin. 
Em — 

Baurioin 39 273 5 48.5| 15 47 13 A, Meéssier. 

| 12 46 58 273 5 56.0! 15 46 18.0 de totlo E 
| «12.149 7 273, 8 43:0| 15 44 59-0 CA METRE 


La différence de déclinaison surpasse un degré dans la dernière obser- 


. DES. | SOS 1e z . , . 
ation; j'ai pris le milieu entre les deux premières observations ; Savoir: 


Messier. 
SE RP | 
Premier semestre. 5 


| 11 59 16 273 5 52.6 15 46 46 A. 


O6 


3 SUR L’ORBIVE DE LA COMÈTE DE 1770. 
7 


eo juin 1770. 


ne —— 


Temps Moyen. |Asc. prorre-| Décrinatson. | * Onsenvareuns. 


Hs | Me) Se D./ mi, D. M. 5» 

10 40 47 273 20 58.0! 14 19 48-0 A. | Messier, 

HUE 273 21 58-0| 14 19 43-0 s'IRsT 

1 AOL 4 273 22 48.5| 14 19 48-0 sprl! relie 
Milieu des 2 dern. 


11 25 20 273 21 53.0| 14 19 45-5 A. 
La première de ces trois observations est douteuse, à cause des nuages. 


21 JUIN. 


10 27 46 273 27 13-0| 13 40 40.0 A. | Messier. 

Les 439 273 27 28-0| 13 39 42.0 A. |. . . . . 
Milieu 

10: 46 13 2793 27 20:5| 13 4o 11-0 A. |. . , 


22 Juin. 


273 35 15-0| 12 49 480 A. | Messier. 
273 35 15.0 
273 35 26-0 


59 273 35 18-0 
RE —— —————— —_——— 
| Si l’on y ajoute le mouvement de la comète pour 1" 10° 59”, on obtiendra 


273 35 43-0| 12 45 46-0 À. | Messier. 


L'observation du passage par le méridien donne 


SUR L’ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770. 


Temps Moyen. 


H. M. 6 
12 9 38 


FA Milieu : 


Asc. proie: | 


D. M, s. 
273 35 53-0 
re 

72°0 


273 35 2 590 


Déczinaison. 


D. M. s. 

12 46 6.0 A. 
42-45 580 
12 45 59-0 
12 46 1-0 À, 


, Comparant ce résultat an précédent, j'ai adopté 


| Ê : à 
| parée à sept étoiles. 


35 


OBsERVATEURS. 


Messier, 
EH pelte 


«+ 


| 
Î 
Ë 

12 9 38 273 35 52.0| 112 46 o-0 À. | Messier. 

24 Juin. 
121,3 h8 273.58  3.0| 10:24 32:0 À, | Messier. 
M2 20: 22 273 57 50o.0| 10 22 32.0 SAGE SANS F 
12 44 58 273 57 25.0| 10 21 58.0 La 
15 005 99% 273 56 48:0| 10 19 35-0 MR TUE 


La première observation est le résultat du passage par le méridien; 
|| il m'a semblé qu’elle mérite la préférence, la comète ayant été com- 


25 juin. 
| 13 27 55 274 15 17*0| 8 30 21-0 A. | Messier. 
13 38 34 274 14 47-0| 8 29 12-0 A. |. . . . . 
| Milieu 
PARA 15 274 15 2:0| 8 29 47-0 A. |. 
j 10 39 ,18 * | 274 7 9 *| 8 56 44. o*A. Tagrange à Milan. 


36 SUR L'ORBITEÉ DE LA COMÈTE DE 1770. 


26 juin 1770. 


Temrs moyen. | Asc, prorrre| DécriNAISsON. OBSERVATEURS, 


Mt B: D. M: 8! . M. 8. ( { 
BUTS 274 31 16 * d Krahl, à Meissen. 

Es 274 35 10.0 Lagrange, à Milan. 
1100 274 37 o * Weiss, à Tyrnaw. 


M. Krahl a -observé le passage par le méridien avec un quart de 
cercle en bois de 2 pieds ?, fait par lui-même avec beaucoup d’exac- 
titude. Il a trouvé entre » du Serpent et la comète, différence des 
passages, 8' 35”, et différence des hauteurs, 3° 34° 0”; d’où M. Koehler 


a conclu la position de la comète donnée ci-dessus, 


Le P. Lagrange a comparé la comète à une étoile de sixième gran- 
deur, au moyen d’un réticule rhomboïdal. L'étoile a été observée 
par M. Lefrançais : sa position apparente étoit 274° 30° 2” et 5° 51° 107 
australe, L'observation a été faite à 11} 4° 18° 2, temps de la pendule, 
et je n’ai rien trouvé qui püt m'indiquer la correction de la pen- 
dule. En général j’ai été obligé d'emprunter le temps vrai des observa- 
tions du P. Lagrange d’une lettre de l’abbé Boscovich, imprimée dans | 
les Mémoires de l'Académie des sciences pour 1776, page 628; c’est | 
pourquoi je les ai marquées d’un astérisque, comme tous les résultats | 
que je n’ai pas vérifiés moi-même. 


M. Weiss n’a publié que le résultat de ses observations, 


M. Hubert, à Wurzbourg, a déterminé la position de la comète par 
des alignemens, depuis le 26 juin jusqu’au 3 juillet, Voyez les Éphé- 
mérides de Vienne, année 1772, page 260. 


sur LYORBITE DE LA COMÈTE DE 1770. 357 


27.JUin 1770. 


DROITE- | Décrinatson. OBsERVATEURS. 


D. M. $S 


lie: D. M. &. 
275 12 39-0| 2 13 33.0 A. | Messier. 
275 13 1-0] 2 9 53.0A. |. . . . . 


2 11 43.0 À. 
2 43 52:0 A. 


275" 12 50.0 
275 9 26.0 


Lagrange. 


Lagrange a comparé trois fois la comète à.» du Serpent; je n’aipu 
employer que la dernière comparaison, dont le temps vrai est connu par 
la lettre de Boscovich. 

Rittenhousen a observé à Philadelphie, à 9 heures, avec un sextant de 
Hadley , entre Wega et la comète, 4o° 44'; entre Atair et la comète, 
22° 6°: d’où il a conclu la longitude de la comète! 9" 5° 41’, et sa 
latitude boréale 21° 15°. Il m’a semblé inutile de réduire cette obser- 
vation de nouveau, celle de M. Messier étant beaucoup plus exacte, 


28 juin. 


10 46 33 276 4 18-0| -3 10 7°0B.: | Messier. 

MA NDO Nr 7 276 13 37:0| 3 48 44-0B. | Darquier. 
13 53 7 276 12 40.0] 4 13 45-0B. | Maskelyne. 
ss. + «à - + | 276 1 56.0] 2 48 12:0B.. | Lagrange. } 
‘11 21 6 * | 276 4 58 *| 3 21 5-0%*B.| Zanotti et Slop, à! 
Bologne. 
10 8 12 * | 275 47 26 *| 2 50 8.0 *B.| Krast, à Kameneuzi.} 
“11 55 58 * | 296. 3 o *| 3 13 45-0* B.| Weiss, | 
11 14 7 * | 276 42 55 *| 3 3 30.0 *B.| Krahl. 


Darquier a observé le passage de 14 comète au méridien. 

Lagrange à comparé la comète à à de l’Aigle. 

Zanotti, Krast et Weiss n’ont publié que les résultats de leurs ob- 
servations. 

Krahl a observé les passages de la comète et de À d’Antinoüs. 
. Lambert.a trouvé à 9" 51’, temps moyen à Paris, la longitude de la 
comète 9° 6° 34', et sa latitude boréale 26° 52’, en mesurant les dis- 
tances de la comète aux étoiles voisines avec un micromètre objectif 
d’un très-petit foyer. Il auroit été plus exact d’observer les différences 
A} d’astension droite et de déclinaison. (Voyez Mémoëres de mathéma- 

tiques, par Lambert, t. III, p. 305.) 
:È 


+ — 


38 SUR L'ORZITE DE LA COMÈTE DE 17704 


29 Juin 1770. 


Temps moyen. | Asc. prortee| DéÉcLiNaAIsoN. O2sEBVATEURS. 


D. Ma. !|, D. M..,5. 

277 44 11.0] 13 31 o-0B. | Messier. 

277 46 56.0| 13 49 0-0 ATOUT 
277,53. 1x0), « . este + ee le 
277 54.50-5|,14 45.26-5B. |. +: je - 
277 53 16.0| 14 47 0 B. Darquier. 
277 42.24.0! 13.20 48 B. Lagrange. 
279 6 32.*| 32 54 42 * B. Kraft 
277 49 50-0! 14 36 45 *B: Zanotti." ? 


vs # 


OO + or 0 
O AR © b D 


La dernière observation de M. Messier, et celle de M, Darquier, 
ont été faites aü méridien. ; 


Lagrange a comparé la comète à € de l’Aigle. . 


Rittenhousen a observé à 9", méridien de Philadelphie, entre Wega 
et la comète, 22° 25’; entre Atair ét la comète, 18° 8°: d’où il'a 


conclu sa longitude 9*10° 9’, et sa latitude boréale 39° 21°. | 


Lambert a trouvé à 9" 36!, temps moyen à Paris, la longitude 9* 9° 32’, 
et la latitude boréale 37° 56’. 


LL 
Kochler a observé à Dresden, avec un micromètre appliqué à une 


lunette de 14 pouces, les différences suivantes : 


A 104 54', entre la comète et « de l’Aïgle .. . . 4° 27" 18” 
A aot-55', éntre la comète et la 111° d'Hercule . 4° 34° 20° 
entre « de l’Aigle et la 111° d'Hercule . 4° 21',10" 


Le temps a été déterminé par une montre vérifiée par une méridienne, 


SUR L'ORBITE DE LA COMÈTE DE 17704 39 


30 juin 1770. 


Temps Moyen. | Asc. proitTEe | DécrinAtson. OBsERVATEURS. 


H. M. S. D. M. Ss. D. M. S, 


Lagrange. 


La comète a été comparée à d° de la Lyre. 

| Lambert a trouvé à 10! 36/, temps moyen à Paris, sa longitude 289° 18, 
et sa latitude boréale 59° 9’. 

Rittenhousen a observé la distance entre Wega et la comète, 5° 42’; 

l entre Ataîr et la comète, 34° 50’: d’où il a conclu sa lonpitude 293° 36’, 

l et sa latitude boréale 642_o', à 9 heures, méridien de Philadelphie, 
Koehler à observé avec le micromètre dont il s’est servi le 29 juin, 

mais qu’il avoit appliqué à une lunette de trois pieds, 


A 9" 29', entre 8 de la Lyre et la comète . .‘ 1° 36° 17” 


A 9" 30° :, entre g de la Lyre et la comète . 29 1° 9” 
entre g et 8 de la Lyre.. . . . 1° 58° 31° 


Premier juillet. 


322 59 39 à 78 7 0.0 *B.| Zanotti. 


Lambert a déterminé la longitude de la comète 56° 38’, et la latitude 
boréale 72°°0', à 11° 31, temps moyen à Paris. 


2 juillet. 


66 32 23.0 
62 26 5.0 * 


9 50 56 * 


3 74 56 16.0 
13 20 25 * 


78 16 18 * 


Lagrange. 


© Zanotti. 


h Lagrange a comparé la comète à la neuvième de la Giraffe; la diffé- 
rence d’ascension droite létoit 28° 16” = de temps, Lagrange a trouvé 
3143" +, ayant fait la soustraction en sens inverse. Lagrange s’est encore | 
trompé sur la position de l'étoile, dont!il a voulu déterminer l’ascension 
droite par + du Scorpion. ‘ 

Lambert a trouvé à 10h 46', temps moyen à Paris, longitude de da 
comète 82° 4', et sa latitude boréale 41° 13°. 

Rittenhousen a observé sa distance à Capella égale à 12° 7', et à de 
Cassiopée égale à 35° 31’; d’où il a conclu sa longitude 84° 32', et sa 
latitude 33° 50',.à 15 heures, méridien de Philadelphie. | i 


40 SUR L'OREITE DE LA COMÈTE DE 1770. 


3 juillet 1770. 


Temps vrar. |Asc. DrRoITE-| DéÉcziNAISON. OZsERVATEURS. 


me re dE D. Me. 8» D. Se 
14 25 18 * | 85 38 47.0 | 47 44 45-0 B. | Lagrange. 
Î 
Rittenhousen a observé à 15h ?, méridien de Philadelphie, la dis- 
tance de la comète à Capella, 8° 18’; à Wega, 95° 56°: d’où il a 
déduit sa longitude 87° 29', et sa latitude boréale 21° 30”. 


2 août. 


14 57 31 24°3 | 22 29 24-0 B. | Messier. 
15 53 28 49-0 | 22 29 4-0 ARE TS 
Milieu 
15 15 29°5t, v. 
ou 


15 21,13 t. m. 36.6 | 22 29 140 


3 aoït. 
a __——— 


14 39 30 8 | 24 50.0B. | Messier. 

19 14 4 2 25 34.0 : 

15 18 30 .5 24 56.0 
Milieu 

15 ALU Où 

12 9 40 t.m: 


TANT 14 . 21 49«6 dout.| 


el 
D 


14 16 14 

)4 32 48 

14 48 38 

15 fa 161 

15 27 34 
Milieu 

14 42 23 ou 


14 47 57 t. m. . 5-0 B. 


20 44°6B. 

20 36.8 

20 30-0 
39-7 
54-0 


D bb DR D 
OO b & 


SUR L'ORBITE DE LA COMÈTE DE 17704 4 


5 aoft 1770. 


Temps vraï. Asc.'DRo1TE+ | DÉcLINAISON." OssERVATEURS. 


H. M. 5. D. M: s: D. M. S. 

14 33 16 97 48 49: 22 16 39.8 B. | Messier. 

14 49 46 97 49 27: 22 16 30.3 51 PCRE 

15 8 1 97 49 27+ 22 16 25.3 ANS 

15 16 37 97 49 53: 22 16 51:-2 SA OMEE: 
Milieu | 

14 56 55 ou À 

15 2 23 t:m. | 07 49 24. 22 16 36.6 B. |. . . 


6. aoft. 


22 13 24.5 B. | Messier. 
22 12 403 nil De 
22-12 49+3. Mae te 


C Messier. 


Cette observation lest, bonne ; mais il y a une erreur,de 10" au moins 
sur le temps de l’une des deux comparaisons. L'étoile d des Gémeaux a 


VE: 


passé par le fil horaire à 2* 46" 35° =, temps de la pendule, dans la 
première observation. La seconde observation commence par une étoile 
qui a passé au fil horaire à 2h 40° 55”, Je n’ai pas employé cette ob- | 
servation. C’est aujourd’hui que M. Hoffmann, habile opticien et 
amateur instruit et zélé d’astronomie, revit notre comète dont il avoit 
entrepris la recherche. Ilen donna avis à M. Koehler, qui l’observa le 


jour suivant. M. Krahl, à Messen, ne la revit que le 13 août. 


1806. Premier semestre. 6 


“ 


42 SUR L'ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770. 


8 août 1770, 


Temps vrAI. ii DROITE - | | DécLiNAISON. OBsERVATEURS. 


He Me S. : fie (ee D. M. S. 
NMatus08 14:20 | 22 4 .63-7 B. | Messier, 
14 41 24 14 57-0 | 22 4 51-79 Re are 
14 46 7 15 13-0 4 48+7 
10022 15 5o-0 4 452 
Milieu 
14 42°07 ou 


|14 47 7tm. 46, 3.0 4 49-8 


M. Koehler fit à Leipzig les observations suivantes; il n’y a pas 
| 


lui-même grande confiance. 


À 14" 12', entre [a comète et # des Gémeaux . « 3° 23° 53” 
A aire uote Cela mé ENS te 180). +38) 1 
A 14» QG 1 ORDER pr reenerer arret ESRI RCE 

dE: à 


l 14 43 14 ou 99 47 50-0 | 21 59 57-0 B. | Messier. 
| 14 48 12 t. m. 


M: Messier a marqué celte (observation comme douteuse, c’est pour- 


| quoi je n’en, ai pas fait usage. 


SUR L'ORBITE DE LA COMÈTE DE:1770; 43 


10* août 1770. 


Temps vrar. )| Asc. Déczinaïson. OBsERVATEURS. 


H. M. S. + M. Ss. 1] D. M. #.. 
14 9 39 . 58.17-0B. | Messier. 
w” | 14 16 55 . 58 17-0 1 
M 14 25 35 58 12-0 . 
14 34 44 pe 57 47-0 . 
n' | 14 41 28 . 57 28-0 |. 
A 14 56 1 57 45-0 
À 15 18 7 - . 58 3.0 
( Milieu À è 


14 37 4 ou 
14 41 53 t. m. 57 59-0B. 


aoït. 


14 18 45 100 50 :12-0 54 26.0 B. | Messier. 

14 27 11 à 100 50 27-0 Spraè.ai Cdi. Fe . « 

14 40 28 100 51 32-0 53 2.0 dl certe 

14 49 42 100 51 47-0 53 3.0 -h Là 
Milieu : ù 

14 34 1ïou 

14 38 41 t. m. | 100 51 53 43.0 B. 


7 


12 aoft. 


14 41 57 50 -1-:0B. | Messier. 
15 4 35 : 49 46.0 
| 15 23 17 : 50 ro.o 
à 15 25 57 . 49 22-0 
Milieu 
15 6 56.5 ou 
15 13 25.5t.m. 49 50-08. 


44 SURIL'ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770. 


14 août 1770: 


Temps wRAT: Asc. mwrRortee | Déczinaison. OBsERVATEURS: 


H. Me |.8: D. M... D. M.:5. 
14 33 22 102 34 50-0| 21 42 3.0 B. | Messier. 
14 54 3u 102 34 57.0 21 41 57e CA OR 
15 14 ‘31 102 35 5.0| 21 41 OL 
15 24 31 -[ 102 35 20-0| 21 41 

Milieu 
15 1 43.5. ou 
15 5 51 t. m. . 21 41 

1 


15 39 38 11 41.0] 21 37-42-0 B. | Messier. 


15 52 42 12 11-0| 21 37 40-0 

16 o 37 : 12 41-0| 21 37 39-0 
Milieu 

15 50 59 où 

15 54 55 t. m. 12 ee 21 37 40.0 B. 


19 aoft. 


14 21 13 . 25 42.0 B. Messier. 
14 40 4 . 25 32-5 
15 o 48 . 23,11. 5 
15 19 59 25 18-0 
Milieu 
14 50 31 ou 
14 53 50 t. m. : 25 26.0 B. 


+ SUR L'ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770.  À5 


19 aoft 1770. 


Temps vrar:  |Asc. prorre-| Déczinarson. OZsERVATEURS. 


H. M. S. : . M. 
14 30 13 . Messier. 

14 54 36 

4 Milieu 

L: 14 42 25 ou 

14 45 30 t.m.. +5] 21 21 ,0*0B. 


23 août. 


| Lambert trouva, à 14" 16’, temps moyen à Paris, la longitude de 
la comète 107° 19', et sa latitude australe 1° 11°. 


25 août. 


H. M. S. D. M. Ss. D. M. s. 


15 18 30 t.m. | 109 43 31.0] 20 51 15.0 B. | Maskelyne. 


15 39 38 t,m, | 110 26 o.0| 20 46 30.0 B. | Messier. 

15 37 43 110 25 47-0| 20 46 51.0 Maskelyne. 
Milieu 

15 58 40-5t.m.| 110 25 53.5] 20 46 40.0 B. 


46 SUR IL'ORPBITE DE LA COMÈTE DE 17704 


28 août 1770. 


Temps vrar. |Asc. prortTe.| Décrinarson. OBsERVATEURS. 


H. M. 8. D. M. 5: D. M. S. 
14 k 111 46 21.5| 20 35 28- Messier. 
15 111 47 4210 | 20 35 
Milieu 
14 55 38 ou 
14 56 21 t.m. | 111 47 o1-8| 20 35 : 
15 18 49 111 47 44-0| 20 55 Maskelyne. 
Ce qui donne 
14 56 21 111 47 4:5| 20 35 lie Role 
IJ’ai adopté par un 
milieu 


14 56 21 t.m, | 111 47 2.5| 20 35 26.5 B. 


Koehler observa, à 15° 30', méridien de Leipzig, distances sui- 
vantes de la comète : 


À n des Gémeaux . . 
A à des Gémeaux , . . 
À g des Gémeaux , . 
A p des Gémeaux 


| Il croit ces observations fort bonnes. 
| » 


29 aoït. 


15 21 28 29 45-0 30 2-0 B. | Messier. 
15 43 6 30 16.0 29 28-0 HiBAI EE © 
16 3 34 30 54-0| 20 29 27-0 . 
16 24 52 31 46-0| 20 29 26-0 

Milieu 
15 53 35 ou 
15 53 39-5t.m,.| 112 30 40.0 29 30.0 B. | MEt eus 
15 30 11 112 30 2.0 29 46.0 Maskelyne. 
Ce qui donne 


15 53 39.5 112 30 42.8 29 40.0 PHE es te 


SUR L’'ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770, 47 


30 août 1770. 


Temps vrar. |Asc. proire-| : DÉcziNAïsoN. OgsERvVATEURS. 


H. M. S&. D. M. S. D: M. S. 
14 48 15 :. 113 9 55-0| 20 23 27-0 B. 
15 6 8 113 10 38-0| 20 23 32.0 


15 26 24 113 11 .o-0| 20 23 30-0 


Milieu 
15 6.56 ou 
15 7 3t.m. | 113 10 30.0 


2a 23 30.0 B. 


31 août. 
14 38 26 113 51 o0-.0| 20 18 1-0 B. |, Messier. 
15 19 5 113 52 0-0] 20 17 53-0 1 PE 
Milieu ‘ 
14 58 45 ou x 
14 58 33.5t.m.| 113 51 30.0] 20 17 57:0B. |. . ... . 


2 septembre. 


À 15h 22", méridien de Leipzig, M. Koehler obserya la comète presque 
au milieu, entre / des Gémeaux et la 314° de Mayer ; d’où M. Kochler 
a conclu la longitude de la comète 113° 29° 45”, et sa latitude australe 
1° 11° 41° 


4 septembre. 


15 6 47 116 34 5.0] 19 52 -10-0 B. | Messier. 
| 15 17 09 116 34 5o-0| 19 52: 50 |. , . . . 
| 15 33 39 116 35. 5.0| 19.51 48.0 COMTE 
[| 25 49 56 116 35 44.0] 19 52 4-0 SHC MU 
| 16 12 55 116 36 40.0! 19 51 38-0 BU OR 
Milieu 
15 36 5 ou 


15 34 36 t.m. | 116 35 17-0] 19 51 57.0 E' orcdale 


48 SUR L'ORBITE DÉ LA COMÈTE DE 1770. 


8 septembre 1770. 


Temps VRAI. Asc. DROITE+ Décrinarsow. OBsERVATEURS, 


H. M. &. * a: 18: Di M. 6. 
14 50 22 14 47+5| 19 45 16.5 B. | Messier. 
15 4 28 14 47-5| 19 45 13.5 Dos à 
15 16 40 15 31+0| 19 44 59.0 

Milieu 
15 3 50 ou 
1502 2it- mn. 15 2.0| 19 45 10.0 


8 septembre. 


15 59 49 119 15 50-0| 19 24 43-0 B. | Messier. 

16 8 30 119 15 54-0| 19 25 6-0 18 Lie 
Milieu 

16 425 ou 

16 1 35 t.m. 119 15 52.0! 19 24 55.0 Le 


md 


9 septembre. 


1900009 119 52 42-0| 19 18 1-0 B. | Messier. 
15 9 39 119 53 W.o] 1937 2360 2? SNUMNEN,S, 
15 25 14 119 53 11-0| 19 17 32-0 

Milieu 
15 13 35 ou 
15 10 24 t.m, | 119 52 58.3] 19 17 39-0 


10 septembre. 


16 26 23 €. m. 120 31 10-0| 19 9 23-0 B. | Messier. 


SUR L’ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770. 49 


14 septembre 1770. 


l 
| Temps vrar. |Asc. prorTe-e| Décrinaisow. OsBsERVATEURS. 


— ——————————— 


| H. M. S. . M. D: M. 5. Messier. 
| 14 21 17 3 o 59-0| 18 42 31-0 B. 
14 38 38 18 42 14-0 
! s a 12 3 18 42 21-0 
1 12 18 42 19-0 
| Milieu AP 
14 58 5 ou 
| 14 53 13 t. m. 2 10-0| 18 42 21.0 


| 


16 septembre. 


À 15b 20’, méridien de DADRE? M. Koehler a trouvé par estime la 
_ longitude de ke comète 122° 17 36”, et sa latitude australe 1° 12° 28”. 


17 septembre. 


124 52 29-0| 18 19 23-0 B. | Messier. 
124 52 44.0| 18 19 21-0 
124 52 59-0| 18 19 18.0 


124 52 44-0| 18 19 21-0 


18 septembre. 


‘ 15 36 31 125 27 35.0 25-0 B. | Messier. 
16 2 20 125 28 5.0 17*0 cMriebre 
16 16 13 125 28 20.0 12-0 D CPR 
Milieu 
15 58 21 ou 
15 52 6 t.m. 125 28 o:0 17*0 


1806. Premier semestre. 7 


Ho 


19 septembre 1770. 


SUR L’ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770: 


Temps vrai. 


H. M. S. 

15 25 39 

15 36 25 
Milieu 

15 31 2 ou 

15 24 26 t. m. 


35 33 43 t. m. 


Cette observation est 


15,33 47 

15 47 46 

16 49 26 
Milieu 

16 3 40 ou 

15 53 43 t. m. 


15 33 56 

164402 
Milieu 

16 79 “o}uou 

15 58 26 t. m. 


Asc. 


DROITE.| DécLriNaïson, 


D. M. 6. D. M. 8, 
126 2 26.0| 18 5 30.0 B. 
126 2 41°0| 18 5 57.0 


126 2 34.0| 18 5 282 


20 septembre. 


126 37 1-0 17 57 380 


douteuse, 


29 septembre. 


131 
131 
131 


131 


22 27°0 


Premier octvbre. 


16 35 18.0 Be 
16 34 36-0 


132 19 55.0 
132 21 41.0 


132 20 48.0] 16 34 57.0 


OBsERVATEURS. 


Messier, 


Messier. 


Messier. 


SUR L’'ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770. 51 


2 octobre 1770. 


Temps vraïr. Asc. proITE-e| DéÉcLciNAtsoN. OBsEeRVATEURS. 


H. M. S. D. M. s. D. M. S. 

15 54 30 132 48 45.0| 16 27 20.0 B, | Messier, 

16 49 44 132 49 45.0| 16 26 58.0 RE. 
Milieu 

16 22 7 ou 


16 11 14 t.m. | 132 49 15.0| 16 27 9-0 


ND) ET, 


Ascensions droites et déclinaisons apparentes des étoiles 
auxquelles M. Messier a comparé la comète. 


| AscENS. DROITE. DécziNAïsoN. Évoizess. ANNÉE 1770. 


D. M. S. 
90 15 23.2 
92 16 12-+2 
96 19 n°4 
12 18 7.0 
102 3 


FAÈ 
104 7 
5 
(e] 


n Gémeaux . 
æ Gémeaux. 
7° grandeur. 
d Gémeaux . 
.8° grandeur . 
4 Ce 
7° grandeur . 
g Gémeaux. 
r Gémeaux . 
7° grandeur . 
Fe Gémeaux . 
314 de Mayer . 


Z Gémeaux . . 


0 


107 1 
108 20 2 
110 53 5 
112 54 5 
114 38 4 

4 

3 


© 
© 

m 
ESS 

Le] 


115 33 
116 48 


B. 
B. 
B. 
7 B. 
B. 
B 
B 
2 B. 
B. 
B. 
B. 
B. 
B. 
B. 


16.8 
4.0 
9-4 
g°1 
3.0 
5.0 
7°0 
6.5 
7-0 


h2 SUR L'ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770. 


ASCENS. DROITE. DéoczrinaisoN. Érorres. ANNÉE 1770. 


€ Cancer. . . 10 septem. 
329 de Mayer : 
d':Cancer.." :) . | 14000. 
4 Cancer , . STD ere le 
d Cancer : à . + 1 octobre, 
383 de Mayer 

o' Cancer . . 

0® Cancer... . . 

» Ophiuchus . , . 

æ Ophiuchus. . 

7° grandeur . 

# Serpent = ils 

6.7° grandeur . 

9° grandeur . . 


7° grandeur . 


m de lAigle., 
4 du Serpent. . 


a? Capricorne 
£° Capricorne... . 


B. 
B. 
B. 
B. 
B. 
B. 
B. 
B. 
B. 
B. 
B. 
A 
B. 
A. 
A. 
À. 
j A. 
A. 
A. 
A. 
A1 
A. 
A. 
A. 
A. 
B. 
A. 
B. 
A. 
A. 
A. 


J’ai calculé, pour les étoiles auxquelles la comète a été 
comparée pendant plusieurs jours, les changemens d’ascension 
droite et de déclinaison dans l'intervalle de dix jours; ce qui 
m'a donné le changement diurne ayec une grande exactitude. 


SUR L'ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770. 53 


No III. Observations du soleil faites à Greenwich 
en 1770, par M. Maskelyne, comparées aux tables 
de M. Delambre. 


La correction moyenne est — 5”3; elle est égale à celle qu’on a faite depuis 


aux étoiles employées dans les calculs, et se réduit conséquemment à rien. 


Temps MOYEN 


à Paris. 


4 juillet 
7. ONCE 


H. 
». O 
[e] 
o 
o 
Oo 
o 
[e] 
[e] 
o 
[e] 
Oo 
[e] 


000000 


0 000 


DD DD DO CNININI QUE Du Wu 


LonerTunE 


observée. 


SIG. D.M. S. 
18 48 29-7 

1 19 46 21.8 
24 35 17-5 
25 33 2.6 
26 30 45.5 


29 23 50-0 
3 14 12.5 
11 51 43+7 
14 43 56.4 
16 38 34.8 
17 35 52.6 
19 30 31-2 


D D & DR 


2125 6.5 
22 22 18.5 
23 19 34.5 
24 16 48.8 
25 14 4.7 
26 11 17-0 


1 54 58.3 
641 7-9 
12 24 11°0 
15 15 48.9 


SOUS D D D D D D 


oc 


16 12 57.6 
31710 4.0 


LoncrTuDE 
calculée. 


SIG. D.M. S, 
1 18 48 36.4 
1 19,46 28.5 


1 24 35 22.9 
25 33 6-1 
26 30 49-0 


29 23 51+9 
3 14 25.4 
11 51 51-3 


14 44 13 
16 38 40.6 
17 35 59-12 
19 30 54-5 


CR 


D D 


DB D D 


2125 7.2 
22 22 23.4 
23 19 39-2 
24 16 55.9 
25 14 10-.9 
26 11 25.4 


D © D D E D 


© © © O) 


CoRRFCTION 
des tables. 


md 


O2 QG OI a © OO NN 


DOGRE O 
Se ne de 
HR O0 = N © NI 


a. ee À 
| 
[e] 


® Y © O 
see 
OI © = 
ne me 


© à 


O1 © 


54 


Temps Moyen 


à Paris. 


12 juillet 
SEA Le 


. 
alta re 
0 


p 
© 
Fe 
Lad 


VO ŒN EE © b 


0 


D 


2 octob. 


H. 
Le] 
o 
[e] 
o 
[e] 
[e] 
o 
[e] 
Le] 
Oo 
© 
[e] 
Le) 
o 
Le) 
Le) 
o 
o 
© 
Le) 
[e] 
[eo] 
o 
Le] 
o 
o 
[e] 
o 
[e] 
o 
+ © 
[e] 
. Oo 


b © 


0 


QG QC O3 
Qu 


DOUQ Qu 


© D © D D LE © R 


SUR L'ORSITE DE LA COMÈTE 


LonGITuDE 


observée, 


SIG, D, M, S. 

1 42.5 
9 3-9 
1 56 17+2 
3 20.5 
33.5 
12° 


34-7 


3 20 


- 
D 
Le] 
o 


Ê 


D bb D 


“ © Où D © Oh 
D Q Go 


m 
NAS AN Oo 


RER AC: 02 CS C2 62 


= à à 
D 

Oo œ 
QG © 
œ Oo 
ON 


ES 
a 
D 
Or 
© 
© 

ESS 

© 


4 14 53 271 
4 15 50 59-2 
4 16 48 311 
4 19 41 25.6 
420 39 31 
42430 3.5 
4 27 23 29-2 
5 017 10-2 
5 311 6.6 
5 9 57 39:8 
5 14 48 53.5 
5 15 47 12°8 


Q: OU: QC? © Où 
- bo Qoœ 
o 
o 


NINOQQRkR O&D » O0 


Qÿ © 


6 10 16 42.9 


6 11 15 51+2 


LonerTune 
calculée, 


SIG. D. M. S. 


[e] 


1 49*8 
p 3: 


D DE bb &R DR R 
S Gb = O 
D © Où Qi Où Or 
NO © = D © O0 0 © = © 


OO Er Or 
= Ge Oo GO An a 


Or _ 
De ONE AN 0 


ES RER ER 2H D O9 LS O2 OS D) 
[a 

ei) 

Où © 


= à à 
& D D # O Gb 


3. 
436 48 37.8 


4 19 41 26.8 


ES 
[Sat 
Q 
em 


QG OD = O0 O1 


DD D D D D D — mm + 


(S] 


6 592121.9! 


6 10 16 43.0! — 


6 11 15 59-2) 


n 
l 


DE 1770. 


CorRrECTION 


des tables, 


& 


. 


» mn 
ON &- 6 0 


m1 
. 


. 


Si 0 SD CG m 


OR À b 0 DIR Oo oi 0 Gie RD VNS 5 D GP OO R © Go 0) 
LEE un ee en né 


© OR Ho Oh D = = Ori 9 NI © mu 


SUR L’OREBITE DE LA COMÈTE DE 1770. 


No IV. Longitudes et latitudes observées de La comète. 


2 août, 
M3 -.. 
D: 
4 FE . 
DS: : 
Hilo... 
Milis 

2 0 
| Bi 
M 104 « 
D --: 
0 
_ + 
1 DE : 
| Le 
|| 5: -. 
Mi: : 
Îro. : : 
11e 
M7. : . 
DS : | 
EP: 
| 


D = 


TEemPs MOYEN A Paris 


—_—_—_——_——_—_—_—_—_—_—__ _—. 


EH. M.Ss. 


11 23 22 ou 0.474506 


11 59 16 
11 25 20 


Lower. Larirune | Loncir. LariTune |[Loncir. ©! Locar,. 
apparente. | apparente. vraie, vraie. corrigée. | dist. ©. |} 
— 
jours. | D.m.s. | D.m.s. D. M. S. |D.m. s. D. M, s. 
272 52 14.3| 6 57 20.4 B| 272 5153.1| 658 2.1 B 84 43 42.0 0.006905| 
0.490949] 273 0 28.5| 73021.5 | 273 012.5 7 40 7e 86 39 38.5] 0.097061 
395 275 18 5.5] 9 559.3 |273 17 44.4 9 658.4 8) 30 4.7| 0.007138] 
273 24 21.3] 045 25.7 | 273 23 56.1 9 46 32,2 90 25 45"8| 0.007158;k 
273 34 25.3] 10 39 23.4 | 273 34 14.6] 10 40 38,4 91 26 21.0| 0.007168)4 
274 014.4) 13 013.5 |274 o 4.7|13 1 50.0 93 20 35.2| 0.007206! 
27421 1.9|145425.7 | 274 21 26,5] 14 56 12.1 94 21 23.6| 0.007216 
275 35 18.0| 21 10 16.6 275 36 1.0| 21 12 43.1 96 15 21,3] 0.007225| 
276 47 32.3| 26 29 34.0 | 276 46 31.0] 26 32 52.0 97 6 ÿy.o| o 007227] 
276 59 23.4| 27 32 46.5 277 1 5.6| 27 36 14.0 97 15 0*0| 0.007227] 
279 45 27.0] 37 57 28.5 | 279 43 44.o| 38 1 40.0 98 630.0! 0.007225| 
289 29 51.0| 58 55 48.5 289 22 50.0| 59 © 0.0 98 59 47.7] 0.007227 
59 1247.0| 711535.0 |... ..|.".. +: - + [100 1 0.8| 0.007215 
SLAM OT 8180 Nes ou AN TEEN SE 100 52 57.2| o 007210] 
83 122.0| 3915 3.0 DÉS E . 101 1 16 6} 0.007210 
86 47 20.0| 24 1940-0180. UN AN AE Le ele 1 1.9] 0.007200 
©:63964| 96 240.9| 0 50 35.5 À 96 215.8] 0 50 22.3 A\ 130 42 17.0] 0.006105 
0.63171| 06 25 31.7| o 53 38.8 À 96 25 7.4] 0 53:25.9 : | 131 39 17.3] o 006037 
0.61663| 9649 3.1| 056 30.7 A 96 48:39,8| 05617.) [13235 53.7] 0.005y70 
0.62665| 97 14 14.2| 0 59 39.8 À 07 15 51.5] 0 507.7 | 133 33 57.5 0.005698 
0.61319| 9739 32.8] 1 150.6 A 97 39 11.0] 1 138.6 |134 30 23.4 0.005827 
0.0 98 633.9] «1 4 3.5 A]... :? » ..: 2, + - | 135 28 36,5] 0.005755|# 
0.61595| 9834 6.7| 1 6 4f.0A 98 33 46.4] 1 633.0 |136 25 55.8| 0.005682 
0.61242| 09 3254.6| 1 926.7 A 99 32 35.2! 1 926.3 | 138 20 55.4| 0.005535 
0.60967| 100 339.9] 1 11 38.1 A] 109 31 2t 1 1128.1 | 139 18 25.9| 0.005458! 
0.63432| 100 35 3%.0| 113 4.2 A| 100 35 14.9] 11255.1 | 140 17 29.2] 0.005380! 
©.62906| 101 40 56.1| r 15 33.9 Al 101 49 39.0) 11525.2 | 142 12 34.4 0.005224 
0.66314| 102 15 41.8] 1 16 44.8 A| 192 15 29.7] 11637.1 | 1431217. 0 .005140|$ 
0.62072| 104 o27.7| 1 18 48.2 A 104 012:4| 11840.4 | 146 3 13.7| 0.004876! 8 
0.61493| 104 36 23.1| 1 19 26.5 Al 104 36 8.4| 11918.7 |147 o 44.8 0.004783 
0.6378 108 23 25,3| 1 21 42.0 A| 108 23 53.6) 1 21 35,3 : | 152 49 43:9 0.00420c01ÿ 
0.65185| 109 3 17.7| 1 20 48.4 À 109 3 6.1] 120 42.5 |153 A 34.0 o.00j101 
0.62246| 11020 3.6| 121 2.5 A| 110 19 52.6 1 20 56.4 : | 155 42 57.6 0.00388c 
0,66226| 111 1 20.4| 1 20 41.0 Al 111 5 10.0, 120 35.6 | 156 43 21.4 0.003776 
0.62390| 411 39 10.0| 1 20 56.1 A| 111 38 59.5} ‘1 20 50.3 : | 157 39 34.5! 0.003672 
0.62400| 112 18 0.9| 1 20 18.5 Al 112 17 30.7] 120 12,8 | 158 37 21.6| 0,003562|k 
0.64903| 114 54 3.6| 1 19 49.1 À 114 53 54.4! 119 44.2 | 162 31 36.6| 0.003116 
0.62641| 115 32, 4.4| 3 2 447 À] 118 31 55,3 11 39.6 | 163 28 33. 0.003007|$ 
0.066777] 117 27 46.5| 18 24.5 A] 117 27 38.2) 11820.0 |166 26 0.1 0.002666! 
0.63222| 1183 2g.3| à 18 24.5 A| 118 320.8! 1 18 19:7 | 167 22 20.0] 0.00256c|k 
0.68499| 118 40 29.6| 1 1916.8 |. . . . .. | 11912.2 | 168 23 51.9] o.002441|f 
0.62029| 121 553.0, 19 45.0 A| 121 545.0! 1 15 40.5 | 172 14 14.3 0.001992 
0.66949|,122 53 12.5, 1 14 50.8 A| 12253 5.2 à 14 46.8 |17513 3,4| 0.00163; 
0.66118| 123 27 39.9| 2 15 0.8 Al 123 27 32.5! 11456.8 |176 11 18.5] 0.001513 
0.064197] 124 0 58.5| 113 1.1 A 124 050.7 11257.0 |177 8 57.2 0.001333 
0.64841| 124 34 30.8| 1 12 54.4 Al 12434 32.1) 11250.4 |178 8 8.4] o.0014 
©.66230| 129 15 28.1| 110 34.7 Al 129 15 19.9: 110 31.2 | 186 59 32.1| 0.000117 
0:66558 130 13 14.31 : à 9 46.9A 13013 6.1 4 943.6 | 188 4 56.5| 9.999853 
0.607447 "130 41 36.5] GReSe 130 4128.5, 1 9 53 3 18) 57 37.3 9-9097341k 


ae 


56 SUR L'ORZITE DE LA COMÈTE DE 1770. 
N° V. 


Méthode trigonométrique pour déterminer par approxi- 
mation les élémens de l'orbite d'une comète. 


I. Je suppose qu’on ait trois observations faites dans l’in- 
tervalle de huit à douze jours, il est bon de les choisir de 
manière que l’mtervalle entre la première et la seconde soit 
égal à l'intervalle entre la seconde et la troisième, autant que 
cela est possible. 


Soient alors ° 


æ, æ, a’, les trois longitudes observées de la comète; 

8, R', R”, les trois latitudes observées de la comète; 

A,A', A”, les trois longitudes du soleil; 

R,R',R", les trois distances du soleil à la terre; 

T, T',T", les trois angles à la terre, ou les différences entre 
les longitudes correspondantes de la comète et 
du soleil ; 

S, S"', S”, les trois angles au soleil; 

r, T, r, les trois rayons vecteurs de la comète; 

1, l', l”, les trois longitudes héliocentriques de la comète; 

à, À, À’, les trois latitudes héliocentriques de la comète; 

2 le nombre des jours écoulés entre la première et 
la seconde observation; 

le nombre des jours écoulés entre la seconde et 

la troisième observation ; 

Pr Pr P» les trois distances accourcies de la comète à la terre. 


#) 


£ 


IT. Le rapport des deux distances p et P?” est donné par le 
beau théorème de M. Olbers. 


SUR L’ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770. 57 


Soit p” — M. p, on aura 


— Um. sin, (4! — à) — tang. L] 1” 
La) FT Ctang, £/ — m. sin. (4! — 2/)]# 
‘et 


tang. £' 


PRES sün. (4! — à!) 


TITI. Ox déterminera p par des essais. On commencera par 
Supposer p — 1 dans les formules suivantes, à moins que des 
circonstances particulières, par exemple la vitesse ou Pirrégu- 
larité du mouvement apparent de la comète, ne fassent prévoir 
que cette distance est beaucoup plus petite. On calculera donc 
les formules suivantes : 


R 1 sin. T 
cot,. S = — cot. T + ag À AZ —— 
R THERE 7/1 R/ 1 HT TE nsETi TU 
cot. S = VCOLNT + TE six 17° Es F4 AVES Sin S7 P 


IV. Sr l’on a retranché la longitude géocentrique de la co- 
mète de celle du soleil pour avoir l’angle à la terre, c’est-à- 
dire si T = 4 — *, on aura 


= longitude de la terre + l'angle S. 
Au contraire, si T' — a — 4 ; On aura 
1 = longitude de la terre — l'angle S. 


On obtiendra de la même manière /’. 


- 


sin. T 
V. log. tang. à — Log. tang. R — log. (——) 
et Er 2" 
e. cos, À 
nan APR LA M. sin. T/ 
log. tang. = log. (M. tang. 8”) — log. ( SE ) 


7 A 
et Ti 


=== 
cos. N/ 


1806. Premier semestre, 8 


68 sur L’ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770. 
J’observe que les logarithmes positifs sont indépendans de la 
valeur de p, et par conséquent les mêmes dans toutes les hypo- 
thèses qu’on fera pour cette valeur, Les logarithmes négatifs 
ont été employés auparavant dans les formules pour 4 et pour 4”. 


VI. Sorr de plus PAR — ang. Z, 


La 


sin. "E (7 = ; NE M 
JV cos, À COS AN AU LT 


cos. E (A4 — à) 


CN HA . 
COS TAC: (= : y SAR DT es, y COTE) 


Il faut employer toutes les sept décimales des logarithmes 
dans la formule qui donne cos. y, mais on peut se contenter 
de six dans toutes les autres formules de cette méthode. 


VII. Soir 7 le nombre des jours que la comète emploie 
pour parcourir l’arc parabolique correspondant à l'angle y, 
On aura 

— Vr 3 . 1 . # 
TMC ( y: [3 Sin, + Y — Sin. +] 


cos. Z 


ou 


log. C — 1.5883266 et Log. (1. C} = 1.7644x79, 


Une table qui donneroit pour les différentes valeurs de 
l'angle y les logarithmes correspondans de la quantité 


OC. (£. sin. + y — sin. + y) 


QG) On pourra aussi employer les formules suivantes pour determiner y : 


cos, 2 (I! — TEE 
tang, w DE PET VW cos. À”. cas. à 


sin: LA HA) 
sin. + (19 + à). si 2 Z 
—— ——————.. 


cos. 
LA cos, & 


4 ‘ 

1 SUR L'ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770. 59 

_  rendroit l'usage de la formule précédente beaucoup plus facile; 
car on auroit alors 


Log. T = nombre de la table +3 fois (+ log. r — log. cos. Z) 


Cette table a été entreprise par une personne qui a déja 
rendu les plus grands services à l’astronomie. Ce théorème et 
cette table abrégeront beaucoup la méthode que Newton à 
donnée pour corriger les élémens trouvés par une premitre 
approximation (1). 

- VIII. Sr T'n’est pas égal à # + #”, la valeur supposée de p 
sera fautive; on commencera les calculs des numéros II et VII 
avec une nouvelle valeur de p. La règle générale est qu'il faut 
diminuer ? si 7’ est plus grand que # + #”, et l’augmenter 
dans le cas contraire. Cette règle souffre pourtant des excep- 
tions; mais aussitôt qu’on aura calculé deux hypothèses, on 
trouvera par interpolation une valeur très-approchée de p, 
qu’on vérifiera par un calcul semblable. La comparaison de la 
seconde hypothèse à la troisième fera connoître la correction 
que la troisième valeur de p exige. 

Soient p,, p,s Ps Pur etc. les différentes valeurs de p; et 


T, T,, T,,, T,,, etc. les valeurs correspondantes de 7, on 
aura ù 
À Ty = (tit 17) 
Port PTT 7; — T, F (P, FN Ps) 
— T,, — EC +1 
Pos — Pu 5 HIS TE 3 (p, TE Pi) 
etc. etc. 


1h1 Q) Il pourroit arriver que l'angle y füt alors plus grand que deux angles _ 
À droits; on emploiera alors la formule DAVALÉE 


T=— cçC. LE 


Ke 


cos. = y — cos®, + P) 


60 SUR L’ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770. 
Quatre, ou tout au plus cinq hypothèses, sufliront pour donner 
la valeur exacte de p. 


IX. On obtiendra alors les élémens de l'orbite par les for- 


mules suivantes : 


cos. } v — cos. + (A — X). cos. æ 


Lang. u — tang. (Z — à angle droit) 


lang, + V 
a somme € différence des angles : » et z donneront les 
Has e et la diff gles + 
deux demi-anomalies vraies, la plus grande anomalie corres- 
pondant au plus grand rayon vecteur. 


Soient @ et g’ les deux anomalies, on aura 
distance périhélie = r. cos. + @ = r'. cos. + ç° 

On cherchera actuellement dans la table générale du mou- 
vement parabolique les nombres des jours correspondans aux 
anomalies @ et e”; on les multipliera par la puissance de la 
distance périhélie. En ajoutant ou Ôtant ces deux nombres de 
l'instant de la première et de la troisième observation, on ob- 
tiendra deux résultats pour l'instant du passage par le péri- 
hélie. Ce résultat double assurera la justesse des calculs qui 
précèdent. | 

Soit w la distance de la comète au nœud dans la première 


observation, on aura 


ie tang. 7 7 
COL. OU Tangon sine (7 — 0} co. (Z 2) 
et 
T1 — w — longitude du nœud. 


Il sera facile de s'assurer si c’est le nœud descendant ou as- 
cendant; car c'est le nœud ascendant si les latitudes sont 


SUR L’'ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770. 61 


boréales, et le nœud descendant si les latitudes sont aus- 
trales. On à de plus 


; . 4 . te a 
tang. de l’inclinaison — %£& À 
Sin. © 
et 
cos. argument de latitude — cos. x, cos. » 


Ce qui donne la longitude de la comète dans la première obser- 
vation, comptée sur son orbite > €t on aura la longitude du 
périhélie en y ajoutant ou ôtant l’anomalie vraie g. 


Nos Er. « 
Routes apparentes de la comète de 1770, en faisant 
différentes suppositions pour linstant du passage 
par le périhélie. + 


Première route. Passage par le périhélie le 15 décembre. 


—_—_——— 


| Loxcrt. | Larir. Disr. Parvre | 
; LA Eee OBSERVATIONS. 
{Stocentr. géocentr. | à la terre. | éclairée. 
| | | 
— | | me 
À 
D. M* D. M. 


14 janv. | 348 42 1 27 A| 0.9055 1.38 
20. . . | 359 26 1 29 0-9045 1-42 
“XNPIENES 9 48 1 29 0+923 1-50 


G2 SUR L’'ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770% 


Troisième route. Passage par le périhélie le 15 novembre. 


LoncrT. | Larrr. Drsr. PanTre 


: SU OBSERVATIONS. 
géocentr. | géocentre à la terre. | éclairée. 


. M. 
29 À 
535 
10 


13 
44 


D GO SE D E 


22 nov. 


DO 
k| 4 déc. 
flio . 
TOR 


22 « 


FT ENERENTE 


La comète sous l’ho-|}s 
rizon. 
La comète sous l’ho-! 
riZON» 


#l 
; SUR L'ORBITE DE LA COMÈTE DÉ 1770. 63 


Sixième route. Passage par le périhélie le 15 octobre. 


Loncert. | Earrr. | Drsr. PanrrTre 


, È : : OBsERVATIONS. 
-géocentr.|{ géocentr. à la terre. | éclairée. 


D. M. D.M. 
206 51 9 15A|] o-142 
180 31 11 27 0-+118 
151 7 11 8 ©+123 
128 38 8 52 00-153 
.114 28 6 53 0-198 
105 30 5 19 0-253 


Septième route. Passage par le périhélie Le 30 septembre. 


| 
24 sept. | 213 45 116A| 0.423 | . «+ . . [Le crépuscule ‘et le! 
Bo... 208 13 2 2 | o0:363 | . . . . } voisinage de l’hori-| 
G actob.| 199 19 0318; |; . | zon empécheront de} 

187 54 Ë 0.296 « - + U voir la comète. 

176 17 0.295 

166 29 0.310 

159 59 3 53 o+337 

153 11 0-358 

148 34 0-382 

144 22. | 0.403 1:39 

140 16 | 0-42# +-53 

1361.20. à 0-445 1-67 


| Auirième route. Passage par le périhélie Le 15 septembre. | 
( 


On ne verra pas lalf 
comète. i 


64 SUR L’'ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770, 


LowcrrT. | Larrr. | Disr. | Panrr 


géocentr- lgéocentr- à la terre. éclairée. 


| 


OBSERVATIONS. 


D, M. 
21 sept. 
DEL MENE 
3 octob. 
ee 
FILMS 


Dia ee 7 


D D b D b DE 


7 


: La comète en con- 
: a PR avec le so- 


4 juin. 328 50 : 
: Le passage au péri- 
hélie, le 14 août, 
donne la dixième 
route, ou la route} 
décrite en 1770. 
La comète ne se lève 


000 r bb OO 


90 


SUR L’ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770. 65 
Loxcrr. | Larrr. Disr. PARTIE 
c - Re OBSERVATIONS. 
géocentr. | géocentr. | à la terre.| éclairée. 
22 juillet.| 77 31 à Paris qu’entre mi- 
ROLE Va 83 43 5 nuit et une heure. 
3 août. 89 37 
Hg - » 95 13 
33: 58 0-584 Ë 
344 13 0.545 La comète ne se lève! 
k 357 37 0-529 C qu’à une heure du 
| 0-536 + + < ? matin à Paris, ainsi, 
+ 0-568 + + + | le crépuscule sera 
0.621 nuisible. 
| 0-690 
| 
RICE UP ON RE BE COS PTE NS CA à ler Er CPE 
t 
Treizième route. Passage par le périhélie le 30 juin. 
EE 
ï 1 119 B| 0.758 : | 
4 11) 5 0.736 « [ La comète se lève à; 
; c o 48 0-733 + - ? à 2 heures du ma-; 


O 29 0-753 : tin à Paris. 
o 10 0-793 . 


PNEU PNEU 0 REP SP EN ET ER RNE TE 
Quatorzième route. Passage par le périhélie le 15 Juin. 


EEE ——]— 


22% .. | 13 55 0.9 0-984 


2 heures ? du ma- 
28, . . | 23 56 0.5A| 11-028 


tin à Paris. | 


16 mai. 3 39 0 23 B| 0.958 |. . E comète se lève à 


1806 Premier sèmestre. 9 


66 SUR L’ADONIS CAPENSIS. 


OBSERVATIONS 


SUR 


L’4ADONIS CAPENSIS DE LINNAUS, 


Par E. P. VENTENAT. 


Lu le 17 prairial an 11. 


LA découverte des espèces qui constituent des genres 
nouveaux en Histoire naturelle ,est très-avantageuse à la 
science, puisqu'elle en recule les bornes; mais la fixation 
précise des espèces , et la séparation de celles qui présen- 
tent des caractères propres à former de nouveaux genres, 
ne sont pas d’une utilité moins importante. Quelques ob- 
servations que j'ai faites sur plusieurs espèces rapportées 
par Linnæus au genre Ædonis, m’ont paru pouvoir être 
présentées à la classe, et mériter de fixer un moment 


son attention. 


Linnxus a réuni sous le nom d’Ædonis capensis plu- 
sieurs espèces qui sont très-distinctes ,.et qui ne doivent 
point appartenir à ce genre. Une de ces espèces vient de 
fleurir et de fructifier dans le jardin de la Malmaison, 
formé par le goût éclairé et par les soins de madame 
Bonaparte. A la vérité, les caractères de la fleur m’ont 
paru être à peu près les mêmes que dans l’Ædonis ; mais 


nn UE Ce mn 


SUR L'ADONIS CAPENSIS. 67 


ceux qui sont fournis par le fruit, présentent de grandes 
différences, et nécessitent l'établissement d’un genre nou- 
veau. Ce fruit est formé de plusieurs baies réunies en 
tête ; tandis que dans le genre Ædonss , le fruit doit être 
formé de plusieurs capsules. Il existe donc dans les es- 
pèces rapportées par Linnæus au genre Adonis, la même 
différence qu’entre la Potentille etla Ronce : et les mêmes 
motifs qui ont déterminé les botanistes à distinguer ces 
deux derniers genres > exigent pareillement une séparation 
dans les espèces rapportées au genre Adonis, dont le 
fruit est de nature différente. 

En vérifiant les synonymes rapportés par Linnæus 4 
V'Adonis capensis, j'ai reconnu que le célèbre professeur 
d’Upsal avoit réuni sous la même dénomination trois 
espèces réellement distinctes, Il suffit pours’en convaincre 
de jeter les yeux sur les figures qu’il cite de Commelin ; 
de Burmann et de Plukenet. Linnæus fils , dans son sup- 
plément, avoit à la vérité distingué la plante figurée par 
Plukenet, et l’avoit désignée sous le nom d’Adonis ve: 
sicatoria; mais comme il n’avoit point cité la figure de 
Plukenet, il est probable qu’il croyoit établir une nou- 
velle espèce, tandis qu’il décrivoit une de celles que son 
père avoit rapportées à l’Adonis capensis. M. Aiton a 
suppléé à l’omission du fils de Linnæus, puisqu’en men- 
tionnant l’Adonis vesicatoria, il lui a donné pour sy- 
nonyme la phrase descriptive de la plante figurée par 
Plukenet. M. Willdenow, dans son Species plantarum, 
a adopté le Synonyme cité par l’auteur de l’Hortus Kewen- 
sis; mais en mentionnant l’_A{donis capensis, il a présenté 


63 SUR L’'ADONIS CAPENSIS. 


comme synonymes de cette espèce les plantes figurées 
par Commelin et Burmann. Quoique la seule inspection 
de ces figures suffise pour démontrer que les plantes 
qu’elles représentent sont distinctes, néanmoins je me 
serois difficilement déterminé à les séparer, si la riche 
collection de notre confrère Jussieu , qui est ouverte avec 
tant de complaisance à tous ceux qui s’occupent de bo- 
tanique , ne m’eût procuré l’avantage de les observer en 
nature. J’ai trouvé dans cette collection, sous le nom 
d’Adonis capensis, trois espèces, dont une répond à la 
figure de Burmann, l’autre à celle de Plukenet, et une 
troisième tout-à-fait nouvelle. La plante que j’ai observée 
à la Malmaison, étant évidemment celle qui est figurée 
dans Commelin , il s’ensuit, comme je l’ai déja dit, que 
Linnæus avoit réuni trois espèces sous le nom d’Ædonis 
capensis; et en ajoutant l’espèce inédite de l’ Herbier 
de Jussieu, et celle que Linnæus fils a désignée dans son 
supplément sous le nom d’Adonis filia, le genre que 
j'établis contiendra cinq espèces. 

Quoique le caractère fourni par la nature du fruit, 
suffise pour distinguer les espèces comprises sous le nom 
d’Adonis capensis , il en existe encore un autre qui pa- 
roîtra d’une grande importance au botaniste pénétré des 
principes de la méthode naturelle. Le port de ces plantes 
qui sont toutes originaires du Cap de Bonne-Esperance, 
ressemble à celui des Ombellifères , et ce groupe parfai- 
tement assorti et très-naturel, présente dans sa physio- 
nomie une singularité bien remarquable dans la famille 
des Renonculacées. 


SUR L'ADONIS CAPENSIS. 69 


J’ai donné au genre que j’établis le nom d’Aramenia. 
Ce nom est formé d’Ærahamen, expression employée par 
les Arabes pour désigner l’Anémone et l’Adonis. Les 
caractères essentiels de ce nouveau genre , que je crois 
devoir exprimer en latin pour me conformer à l’usage 
adopté par les naturalistes dans les mémoires publiés par 
les sociétés savantes, sont, 

Calix pentaphy lus. Petala quinque aut plura,ungue 
nudo. Germina receptaculo globoso imposita. Baccæ 
plurimæ , monospermæ. — Herbæ perennes. Folia ra- 
dicalia, sæpits biternata, rard bipinnata. Flores in 
scapo umbellati. Habitus Umbelliferarum. P lantæ acer- 
rimæ, pro vesicatoriis adhibitæ. 


À. Foliis biternatis. 


1. ANAMENTA (coriacea) foliolis subcordatis, coriaceis, gla- 
briusculis, lateralibus basi obliquè truncatis ; um-. 
bell& suprà decomposité , patentissimd. 

Ranvncuius œthiopicus foliis rigidis , floribus ex luteo 
virescentibus. Comme. Hort. Amstelodam. pl. I. 
— CHRISTOPHORIANA africana ranunculoïdes, foliis 
rigidis. Borru. Lugd. 2, p. 62. — Apoxtrs capensis, 
Linx.; Wirrpex. Spec. plant. 

2. ANAMENIA (laserpitiifolia) foliolis subcordatis, rigidis, 
glabriusculis, lateralibus basi obliquè truncatis ; 
umbellé subsimplici pauciflord. 

Iurzr4ATOoRI4 ranunculoïdes africana enneaphryllos, laser- 
pitii lobatis foliis rigidis, margine spinosis. Piuxen. 
Alnag. 198, tab. 95, fig. 2. Aponrs capensis, Linx.; 


70 SUR L’'ADONIS CAPENSIS, 


Lamarcx, Dictionn.—ApDowrs vesicatoria, Lin. fil. 
Supplem.; Atr.; Wizzn. 

3. Anamenra (oracilis) foliolis ovatis (sæpè incisis) profundè 
serratis , rigidis , pilosis ; scapis apice ramosis ; ramis 
erectis, paucifloris. — Ex Herb. Jussxwano. Aponis 
æthiopica? Tuuxs. prodr. Plant. Capens. 


4. ANAMmENIA (hirsuta) foliolis lanceolatis, profundè ser- 
ratis, hirsutis ; scapo basi ramoso ; ramis decumben- 
tibus, paucifloris. — Ex Herbar. Juss. 


CurisropnorranNA trifoliata, foliis scabris, flore sul- 
phureo rariore. Burm. Plant. Afric. p. 145, tab. 51. 
— ImPERATORIA ranunculoïdes Sphondlii folio hir- 
suto, minor. PLUkEN. Mantiss,; Ras. Hist, plant. 
vol. IL, p. 316. — Apon1s capensis, Linx.; Wirrp. 
Spec. plant. Lam. Dict. 


B. Foliis bipinnatis. 


5. ANAMENTA ( daucifolia) foliolis linearibus, bipinnatifidis. 
Aponrs fuia, L.F.S. Wrrio. Spec. plant. — Aponis 
daucifolia. Lam. Dict. 


Le genre Aramenia doit être placé dans l’ordre des 
rapports entre l’Æydrastis et | Adonis. 11 se rapproche 
du premier par la nature de son fruit; mais il en diffère 
par les caractères de la fleur. Il a de laffinité avec le 
second par la structure des fleurs ; mais il s’en éloigne 
par son fruit formé de plusieurs baies, et sur-tout par 
son port. Ainsi, l’Anamenia a les fleurs de l’Adonis, le 
fruit de l'Jydrastis, et le port des Ombellifères. 


ÉTABLISSEMENT D'UN NOUVEAU GENRE. 71 


ETABLISSEMENT 
D'UN NOUVEAU GENRE, 


Par E. P. VENTENAT. 


Lu le 23 vendémiaire an 13. 


L'uonxeur de dédier un genre à PImpératrice des 
Français, devoit être ambitionné par l’auteur du jardin 
de la Malmaison. J’aurois déja rempli ce devoir, si j’avois 
voulu avoir recours à des plantes desséchées ou conser- 
vées dans les herbiers. La crainte de ne pouvoir saisir 
exactement les caractères de celle que j’aurois choisie, 
l'impossibilité de présenter dans un dessin la véritable 
couleur de chacun de ses organes, et sur - tout le désir 
de voir cultiver dans les jardins publics et particuliers 
celle que j’aurois désignée par le nom de sa majesté, 
m'ont déterminé à attendre le moment favorable où une 
plante vivante présenteroit des caractères assez tranchés 
pour établir un nouveau genre. Puisse ce foible hommage 
rappeler à la postérité la protection éclairée que l’Impé- 
ratrice accorde à la science, et l’éclat dont elle l’em- 
bellit ! j 

Je donne le nom de Josephinia imperatricis à une 
plante bisannuelle, originaire de la Nouvelle Hollande, 
et cultivée de grainesrapportées par le capitaine Hamelin, 


L 


72 ÉTABLISSEMENT 

La tige cylindrique dans sa partie inférieure, tétragône 
dans la supérieure, s’élève à 8 décimètres. Elleestrameuse 
et feuillée dans toute son étendue. Les feuilles sont op- 
posées, réfléchies, pétiolées, en cœur et ovales. Les in- 
férieures sont sinuées , dentées, longues de 13 centimè- 
tres, et larges de 8; les supérieures sont simplement 
crénelées ou presque entières, et beaucoup plus courtes. 
Les fleurs d’un gris de perle , nuancées de rose en dehors, 
tachetées de points pourpres en dedans, sont de la gran- 
deur de celles du Digitalis sceptrum. Elles naissent dans 
les aisselles des feuilles supérieures, et forment par leur 
ensemble une grappe alongée. 

Le caractère générique peut être énoncé en ces termes: 

Calix quinque partitus ; laciniis erectis, æqualibus. 
Corolla tubo brevi, fauce inflatä campanulatd, limbo 
bilabiato : labio superiore erecto, bifido ; inferiore ho- 
rizontali, trifido , lacinid intermediä longiore. Stamina 
quatuor ; didynama, coroll& breviora: rudimentum 
guinti staminis. Germen disco cinctum : stylus longi- 
tudine staminum : stioma quadrifidum. Nux aculeis 
muricata , apice foraminibus quatuor seu quinque per- 
fossa, intùs longitudinaliter totidem locularis, tetra, 
vel pentasperma. Semina teretia, basi loculamentorum 
affixa. 

Le genre que j’établis appartient à la didynamie an- 
giospermie du système sexuel , et à la huitième classe de 
la méthode de notre confrère Jussieu. Cette classe ren- 
ferme plusieurs familles dont la corolle est irrégulière ;, 
dont les étamines sont didynames, et dont le fruit est 


Æ 


OS. DT OUT) PPT 


D'UN NOUVEAU GENRE. 73 


angiosperme. En comparant les caractères de la Jose- 
phinia avec ceux de ces différentes familles, on voit clai- 
rement qu’il faut rapporter le genre nouveau à l’ordre 
des Bignones ; et la nature de son fruit indique qu’il doit 

“être classé dans la troisième section de cette famille. Il a 
beaucoup de rapports avec le Pedalium ; mais il en dif- 
fère par son calice dont les divisions sont égales, par sa 
corolle parfaitement labiée, par son stigmate à quatre 
divisions, par la structure de son fruit, et par l’attache 
des semences. Il a aussi beaucoup d’affinité avec le Se- 
samum , auquel il ressemble tellement par la forme de 
sa corolle , que je n’aurois point hésité à regarder l’espèce 
figurée dans l’ Mort. Malabar., vol. 9, pl. 55, comme la 
même plante que la Josephinia Tmperatricis, si la dif- 
férence frappante qui existe entre les fruits de chacune, 
m’eût annoncé clairement qu’elles n’appartenoient point 
au même genre. Eneffet, les fruits figurés dans la planche 
que j’ai indiquée, ressemblent parfaitement à teux du 
Sesamum orientale, qui sont des capsules oblongues, 
divisées en quatre loges , et contenant un grand nombre 
de semences attachées à un placenta central. 

Je crois devoir avertir que MM. Pavon et Ruiz ont 
déja dédié, dans le troisième volume du Species floræ 
Peruvianæ et Chilensis, un genre à leurs majestés lEm- 
pereur et l’Impératrice des Français. Celui de sa majesté 
PImpératrice porte le nom de Lapageria. Ce genre qui 
appartient à une division de la famille des liliacées, a 
beaucoup de rapports avec les PAhilesia et Calixene, 
genres établis par Commerson. Il diffère néanmoins du 

1806. Premier semestre. 10 


TA ÉTABLISSEMENT 

Philesia par les divisions du calice parfaitement égales, 
et du Callixene par son calice en cloche ; et dont toutes 
les divisions sont dépourvues de glandes à leur base. Je 
ne crois pas devoir ajouter avec MM. Ruiz et Pavon, 
que la Lapageria diffère encore du Callixene par sont 
fruit uniloculaire. Cette particularité ne peut être con- 
sidérée comme un caractère dans la famille des liliacées. 
Elle paroît devoir être l’effet de l'avortement ; et il est 
probable que le fruit, avant de parvenir à sa maturité, 
présente réellement trois loges. 

Ainsi, il existe à présent deux genres dédiés à sa ma- 
jesté l’Impératrice des Français; l’un sous lenom de Lapa- 
geria, et Pautre sous celui de Jos-phinia. On trouve 
dans les Annales de la botanique quelques exemples 
d’un double hommage fait à des personnes célèbres par 
les services qu’elles ont rendus à la science. Commerson 
n’a point hésité à consacrer, sous le nom de Gastonia, 
un genre à la mémoire du frère de Louis XIII, qui 
avoit formé le noble et utile projet de faire dessiner par 
les plus habiles artistes , toutes les plantes connues ; quoi- 
qu’il sût néanmoins que Linnæus avoit déja donné dans 
son Hortus Cliffortiarius, le nom de Borbonia, à un 
genre de la famille des légumineuses. 


D'UN NOUVEAU GENRE. 75 


ÉTABLISSEMENT 


D'UN NOUVEAU GENRE, 


Par E, P, VenNTenar. 


Lu le 30 vendémiaire an 13. 


Privas les plantes cultivées À la Malmaison, et ori- 
ginaires de la Nouvelle - Hollande ; J'en ai observé une 
qui paroît mériter de fixer l'attention des botanistes. 
Cette plante dont toutes les parties répandent une odeur 
analogue À celle de la sauge, est sur-tout remarquable 
par ses fleurs très-nombreuses, de couleur de rose, et 
formant par leur ensemble une vaste panicule pyrami- 
dale. Sa tige droite , cylindrique , est haute d’un mètre 
et demi, et de la grosseur de l’index. Elle est marquée 
de cicatrices circulaires, et recouverte d’un duvet laineux 
dans sa partie inférieure : dans la supérieure , elle est 
feuillée, d’un vert foncé , parsemée de poils glanduleux. 
Ses feuilles alternes et embrassant parfaitement la tige, 
sont en forme de lance, pointues à leur sommet , échan- 
crées à leur base qui est réfléchie, et qui forme deux 
oreillettes saïllantes. Les fleurs disposées en grappes sur 
les divisions des rameaux de la panicule, sont d’abord 
d’un rouge assez vif ; mais à mesure qu’elles approchent 


76 ÉTABLISSEMENT 


du terme de leur développement, cette couleur s’affoi- 
blit. Les pédoncules sont couverts d’écailles serrées, 
membraneuses , transparentes, et aussi vivement colorées 
que les fleurs. L'analyse m’a démontré que cette plante 
appartenoit à la famille des corymbifères , qu’elle devoit 
être rapportée à la quatrième section de cet ordre, et 
placée près de P'Armoise. 

S. M. l’Impératrice s’étant aperçue que cette plante 
constituoit un genre nouveau, a bien voulu m'indiquer 
elle-même le nom que je devois lui donner. MM. Ruiz 
et Pavon ayant déja consacré celui de Borapartea dans 
la Flore du Pérou, et M. Palissot - Beauvois celui de 
Napoleona dans la Flore d’Oware et de Benin , j’ai eu 
recours à la langue grecque, qui a fourni aux botanistes 
un grand nombre de dénominations aussi expressives 
qu’harmonieuses, pour obéir au désir de S. M. l’Impé- 
ratrice, et pour donner à S. M. l'Empereur une foible 
preuve de la reconnoissance qu’il a droit d’attendre de 
tous ceux qui cultivent les arts et les sciences. 


Calomeria (1). 


CHaracTErEssENTIA11S. Floresflosculosi; flosculis 
3—4, hermaphroditis. Calix imbricatus, oblongus, 
coloratus ; squamis scariosis, conniventibus. Stigmata 
intus sulcata, apice fimbriata. Semina nec papposa, 
nec marginata. Receptaculum nudum. Caulis herbaceus. 


Q@) Keïos, bon, et megis, partie. 


D'UN NOUVEAU GENRE. 77 


Folia alterna, amplexicaulia. Panicula diffusa, pyra- 
midalis. Pediculi florum squamulis cooperti. 


Je donne à la plante qui constitue ce genre nouveau, 
le nom spécifique d’Amaranthoïdes , parce que ses fleurs 
ont l’apparence de celles de plusieurs espèces de l’ordre 
des Amarantes. 


N. B. Voyez, dans le jardin de la: Malmaison, les 
figures des Anamenia, Josephinia, et Calomeria. 


78 SUR LA TEMPÉRATURE DE L'EAU. 


RECHERCHES 


Sur la température de leau à son maximum de 
densité , 


Par lé comte de RumrorD, V.P.R. 8. , associé étranger. 


Lu le 26 messidor an 13 (15 juillet 1806.) 


Daxs mon Essai sur La propagation de la chaleur 
dans les fluides ; et dans un Mémoire publié dans Les 
transactions philosophiques pour l'an 1804, où jai 
rendu compte d’un phénomène curieux observé sur les 
glaciers de Chamouny, j'ai attribué la fonte de la glace 
qui se trouvoit submergée dans de l’eau à la température 
de la glace fondante, à des courans d’eau un peu plus 
chaude , et par conséquent un peu plus pesante , qui des- 
cendoient de la surface de l’eau froide vers son fond; 
mais le fait principal sur lequel cette explication est 
fondée , ayant été révoqué en doute depuis peu par plu- 
sieurs physiciens, j’ai cherché à létablir par de nouvelles 
et décisives expériences. 

S’il est vrai que la température à laquelle Peau se 
trouve à son naximum de densité, est de quelques de- 
grés du thermomètre plus haute que celle de la glace 
fondante , et que la communication de la chaleur dans 


PL 7 À 


À SUR LA TEMPÉRATURE DE L'EAU. 59 


les liquides s’opère par un mouvement de circulation 
causé par un changement de densité dans les particules 
du fluide, résultat d’un changement de température, 
l'explication que j’ai donnée du phénomène de la fonte de 
la glace recouverte par une couche d’eau, à la tempéra- 
ture de la glace fondante par de la chaleur appliquée 
à la surface de cette eau , paroît naturelle et admissible ; 
mais si la densité de Peau est plus grande à la tempé- 
rature de la glace fondante qu’à toute autre température 
plus élevée , comme plusieurs physiciens prétendent , il 
est clair que les courans verticaux descendans d’eau 
chaude que j’ai décrits ne pouvant pas avoir lieu, mon 
explication doit être rejetée. 

Cette question n’intéressoit d’autant plus que le fait 
dont il s’agit m’avoit servi de base à la théorie que j’ai 
donnée dans mon septième Æssai des vents périodiques 
polaires, et aussi à mes conjectures sur l’existence des 
courans d’eau froide au fond de la mer, venant des 
cercles polaires vers l’équateur, et sur la cause de la 
grande différence que l’on trouve dans les températures 
de différens pays situés sous la même latitude, et à la 
même hauteur au dessus du niveau de la mer. 

Méditant sur les moyens que je pourrois employer 
pour mettre ce fait important hors de doute , j'ai imaginé 
l'expérience dont je vais rendre compte, et qui est 
d'autant plus intéressante qu’elle démontre l’existence 
des courans dans une masse d’eau qui est échauffée ou 
refroidie, que ma théorie suppose, en même temps qu’elle 
prouve que la température à laquelle l’eau se trouve à 


89 SUR LA TEMPÉRATURE DE L’'LAU. k 


son maximum de densité, est réellement de quelques 
degrés au dessus de celle de la glace fondante. 

Dans un vase cylindrique (A) construit de minces 
feuilles de laiton, ouvert par le haut, de 5 pouces et demi 
de diamètre, et de { pouces de profondeur , porté par 
trois pieds solides d’un pouce et un quart de haut, je 
plaçai un autre vase ou coupe ( B) de la même matière, 
de 2 pouces de diamètre au fond , de 2 pouces # de 


10 


diamètre en haut à son ouverture, et d’un pouce 


ré 
de profondeur. Cette coupe est portée sur trois pieds 
divergens, de telles forme et longueur, que lorsque la 
coupe est introduite et fixée dans le vase cylindrique, 
l’axe de la coupe se trouve coïncider avec l’axe du vase, 
le fond de la coupe restant élevé d’un pouce et un quart 
au dessus du fond du vase. 

Du milieu du fond de cette coupe s’élève un tube 
vertical de laiton, d’un demi-pouce de diamètre, et de 
# de pouce de haut, soudé par le bas au fond de la 
coupe, et ouvert en haut, qui sert de support à une 
seconde coupe (C) plus petite, faite de liége. 

Cette coupe de liége, dont la forme est presque hé- 
misphérique , est d’un pouce de diamètre en dedans, à 
son ouverture, de # de pouce de profondeur, et d’un 
quart de pouce d'épaisseur. Elle est fermement fixée 
dans une position horizontale sur l'extrémité supérieure 
du tube vertical qui s’élève du fond de la coupe de laiton 
par le moyen d’un pied , ou prolongement cylindrique, 
de liége, d’un demi-pouce en diamètre, et d’un quart de 
pouce de longueur, qui descend du milieu du fond de 


SUH LA TEMPÉRATURE DE L'EAU. 81 
cette coupe de liége extérieurement , et entre avec frot- 
tement dans l’ouverture du tube vertical. 

Quand cette coupe de liége est à sa place, son rebord, 
supérieur se trouve dans le même plan horizontal que 
celui de la coupe de laiton dans laquelle elle ‘est 
placée. 

À l’un des côtés de la coupe de liége, à son rebord 
se trouve une petite ouverture qui reçoit et qui retient 
la: partie inférieure du tube d’un petit thermomètre à 
mercure (D): La boule de ce thermomètre, qui est 
sphérique, est de de pouce de diamètre, et elle est 


fixée au milieu de la coupe, de manière que son centre 


se trouve élevé d’un quart de pouce au dessus du fond 
de la coupe ; et par conséquent la partie la plus élevée 
de la boule se trouve être de niveau avec:le rebord de 
la coupe, la boule étant comme suspendue au milieu de 
sa cavité, sans toucher nulle part ses parois. 

Le tube de ce théfmomètre , qui a 6 pouces de: long, 
fait, à la distance d’un pouce de sa boule , un coude qui 
forme un angle de 110 degrés environ, et le thermo- 
mètre est fixé à la coupe de liége, de telle façon que la 
plus courte branche de son tube, longue d’un pouce, 


_ portant la boule à son extrémité, se trouve dans une 


position horizontale ; tandis que l’autre branche, longue 

de 5 pouces , à laquelle est fixée une ‘échelle d'ivoire, 

graduée suivant Fahrenheit ; est tournée en haut, et sort 

obliquement du vase cylindrique dans lequel les coupes 

sont placées, en sorte que la division de l’échelle du 

thermomètre, qui indique la température de la glace 
1606. Premier semestre. 11 


82 SUR LA TEMPÉRATURE DE L'EAU 


fondante, se trouve être un peu au dessus du niveau du 
bord supérieur de ce vase, et par conséquent visible à 
l’œil placé à côté du vase, | 

La coupe de liége, qui fut faite au tour, est très-bien 
exécutée, etipour en boucher tous les pores on l’a revêtue 
en dedans et en dehors d’une couche mince de cire fon- 
due, qu’on a eu soin de frotter et de polir quand elle 
fut refroidie. ° 

Le thermomètre fut fixé à la coupe de liége avec de 
la cire, et on a eu soin, dans cette opération, de: con- 
server la forme régulière de la coupe, tant en dehors 
qu’en dedans. 

Le tube vertical qui supporte cette coupe dans celle 
de laiton , est percé de plusieurs petits trous qui donnent 
un libre passage à l’eau employée dans les expériences. 

La coupe de laiton étant destinée à être submergée 
dans l’eau et entourée de gâteaux de glace, afin de lui 
donner plus de stabilité, dans cette situation un mor- 
ceau de plomb, du poids de 6 onces, fut attaché à 
chacun de ses trois pieds. 

Cette coupe, contenant la coupe de liége avec son 
thermomètre , ayant été placée dans le vase cylindrique , 
ce dernier fut placé dans un bassin (E), de terre cuite, 
et entouré , de tous côtés, de glace pilée. Ce bassin est 
de 11 pouces de diamètre à son ouverture, de 7 pouces 
de diamètre au fond, et de 5 pouces de profondeur, et 
il fut placé sur une table solide, dans une chambre 
tranquille. 

On gJlissa ensuite plusieurs morceaux de glace en des- 


Tr. 


SUR HA TEMPÉRATURE DE L'EAU. 83 
sous du fond de la coupe de laiton, et on entoura cette 
coupe, de tous les côtés, d'une rangée circulaire d’autres 
morceaux plus longs de glace, que l’on fixa dans ‘une 
position verticale entre: les paroïs extérieures de cette 
coupe et les paroïs du vase cylindrique. Ces derniers 
morceaux, qui avoient près de 4 pouces de longueur, 
s’étendoient du fond du vase jusqu’à une très-petite dis- 
tance de son bord. Tous ces morceaux de glace ayant 
été solidementfixés à leur place par le moyen de quelques 
petits coins de bois, on versa de l’eau à la température 
de la glace fondante dans le vase cylindrique, jusqu’à 
ce que la surface de ce fluide füt à la hauteur d’un pouce 
au dessus du bord supérieur de la coupe de liége. 

Dans cet état de choses ,:il est évident que les deux 
coupes se trouvèrent remplies et entourées dé tous les 
côtés par de l’eau à la température de la glace fon- 
dante , et que cette température étoit rendue constante 
par les morceaux de glace avec lesquels cette eau étoit 


en contact. 


Après avoir laissé l'appareil dans cette situation près 
d’une heure, pour m’assurer de la patfaite constance et 
uniformité de la température de l’eau froide dans toute 


_sa masse, je fis l'expérience suivante. 


L 
LE 


Première expérience. 


AxanT fait préparer une boule solide d’étain (F), de 
2 pouces de diamètre, qui a, d’un côté , un prolongement 
cylindrique d'un pouce de diamètre ;'et d’un demi-pouce 


84 __ SUR LA TEMPÉRATURE DE L'EAU. 
4 


de longueur ; terminé par une pointe conique d’unfdemi- 
pouce de long, et du côté opposé un fort fil d’archal 
de 6 pouces de long , qui lui sert de manche ; cette boule, 
après avoir été plongée pendant une demi-heure dans une 
masse considérable d’eau à la température de 42° F, fut 
retirée de cette eau, essuyée avec un mouchoir fin à 
cette même température, et portée sans perte de temps 
au dessus du vase cylindrique; et fixée de manière que 
toute la pointe conique de la boule d’étain , longue d’un 
demi-pouce , se trouvoit plongée dans l’eau froide con- 
tenue par ce vase. 

Pour supporter et retenir la boule d’étain à sa place, 
je me suis servi d’une forte lame (G H) de fer-blanc, 
de 6 pouces de long sur 2 pouces et demi de large, 
percée, dans le milieu, d’un trou circulaire d’un pouce 
de diamètre. Cette lame étant posée horizontalement 
sur les bords du vase cylindrique, de manière que le 
centre du trou circulaire de la lame coïncidoit avec 
l’axe du vase, la pointe conique de la boule fut in- 
troduite dans ce trou, du haut en bas, et descen- 
dant dans l’eau froide, fut arrêtée et solidement fixée 
dans la situation précisément qui lui étoit convenable. 

La boule fut placée de façon que lextrémité de la 
pointe conique se trouva précisément au-dessous de la 
coupe de liége, et à la distance d’un demi-pouce au-dessus 
du niveau de ses bords, et par conséquent un demi-pouce 
au - dessus de la partie supérieure de la boule du petit 
thermomètre quise trouvoit dans cette coupe. 

La quantité d’eau froide, dans le vase cylindrique, 


SUR LA TEMPÉRATURE DE L'EAU. 85 


avoit été préalablement réglée de manière que la pointe 
conique, qui termine le prolongement cylindrique de la 
boule d’étain, étant submergée entièrement, la surface de 
Veau se trouva de niveau avec la base de ce cone ren- 
versé, de façon que toute la partie cylindrique de ce 
prolongement se trouva hors de l’eau. 

Je savois que les particules de l’eau à la température 
de la glace fondante , qui se trouvèrent en contact avec 
cette pointe conique, ne manqueroient pas d’acquérir 
quelque petite portion de chaleur de ce métal relative- 
ment chaud , et je concluois que si ces particules d’eau, 
devenues un peu plus chaudes par ce contact, deve- 
noient en même temps d’une gravité spécifique plus 
grande, en conséquence de cette petite augmentation de 
température, elles devroient nécessairement descendre 
dans le liquide ambiant, moïns dense; et comme cette 
pointe conique se trouvoit directement au-dessus de la 
coupe de liége, je prévoyois que ce courant descendant 
d’eau chaude tomberoïit dans cette coupe et finiroit par 
la remplir , et que la présence de cetie eau chaude dans 
la coupe seroïit infailliblement annoncée par le thermo- 
mètre qui s’y trouvoit. 

Le résultat de cette expérience intéressante fut tel 
que je l’avois attendu. La pointe métallique n’avoit pas 
été 20 secondes en contact avec l’eau froide que le 
… thermomètre commença à monter, et en 3 minutes il 
s’étoit élevé de 3 + degrés, c’est-à-dire de 32° F, le terme 
… de la glace fondante à 35i°. Au bout de 5 minutes il 
se trouvoit à 36°. id 


86 SUR LA TEMPÉRATURE DE L'EAU. 


Un autre petit thermomètre qui fut placé juste au- 
dessous de la surface de l’eau froide , et éloigné de de 
pouce seulement de la partie supérieure de la pointe 
conique, ne parut nüllement affecté du voisinage de ce 
corps chaud. 

Un troisième thermomètre submergé dans cette eau, 
qui avoit sa boule placée dans la coupe de laiton à 
côté de la coupe de liége, et de niveau avec son bord, 
indiqua que l’eau qui entoura immédiatement la coupe 
de liége, resta constamment à la température de la glace 
fondante pendant que cette coupe fut remplie d’eau 
chaude, et même pendant toute la durée de lexpérience. 

Comme je savois , d’après les résultats des expériences 
que j’avois faites sur la propagation de la chaleur dans 
une barre solide de métal (1), qu'aucune des particules 
d’eau froide qui touchèrent la surface de la pointe co- 
nique dans lexpérience dont je viens de rendre compte , 
ne pouvoient acquérir par ce contact momentané la 
température complète de ce métal chaud, je ne fus 
nullement surpris que le thermomètre qui se trouvoit 
dans la coupe de liége ne montât qu’à 36°. 

Pour voir si je ne pouvois pas le faire monter , et plus 
haut, et plus vîte, en employant la pointe métallique 
chauffée à un degré jugé suffisant pour élever les par- 
ticules d’eau froide qu’elle toucheroit jusqu’à la tem- 


(:) On a rendu compte de ces expériences dans un mémoire présenté à la 
classe des sciences mathématiques et physiqnes de l’Institut national de 
France, en date du 7 mai 1804. 


SUR LA TEMPÉRATURE DE L'EAU: 8; 
pérature que l’on croit celle du r2aximum de la densité 
de ce liquide , je fis l'expérience suivante. 


Seconde: expérience. 


Axa x r retiré la boule d’étain , j’ôtai doucement avec 
la barbe d’une plume à écrire, l’eau chaude qui, dans 
Pexpérience précédente, avoit été logée dans la cavité 
de la coupe de liége ( ét qui s’y trouvoit encore d’après 
Vindication du thermomètre appartenant à cette coupe), 
et je plaçai dans l’eau froide: contenue par le vase cylin- 
drique plusieurs petits morceaux de glace, qui, en flot- 
tant à la surface de cette eau , au-dessus de la coupe de 
liége, l’'empêcha de recevoir de la chaleur de Pair: at- 
mosphérique ; dont la température étoit en ce moment 
à 70° F; et comme la coupe de liége avoit été un peu 
chauffée dans la dernière expérience  j'attendois qu’elle 
fût refroidie. ÿ 

Aussitôt que la coupe de liége et tout l'appareil pa- 
roissoient avoir acquis la température: de la glace fon- 
dante, je retirois soigneusement les morceaux de glace 
qui flottoient sur la surface de l’eau froide ; et quand 
tout étoit devenu parfaitement tranquille, je plongeois 
de nouveau dans cette eau froide la pointe conique de 
la boule métallique , mais qui se trouvoit pour lors être 
à la température de 60° F , et je la fixois dans la même 
position précisément qu’elle avoit occupée dans l’expé- 
rience précédente. 

Les résultats de cette seconde expérience furent: très- 


88 SUR LA TEMPÉRATURE DE L'EAU. 


frappans , et si je ne me trompe, ils fournissent des 
preuves incontestables, non seulement que la tempéra- 
ture à laquelle la densité de l’eau ait un maximum , 
est en effet de plusieurs degrés au-dessus de celle de la 
glace fondante , mais aussi que des courans chauds des- 
cendans ont réellement lieu dans une masse d’eau en 
repos à la température de la glace fondante , toutes les 
fois que les particules de ce liquide qui se trouvent à sa 
surface, acquièrent une température un peu plus élevée 
que celle de la glace fondante ; comme je les ai annoncés 
dans mon Æssai sur la propagation de la chaleur 
dans les fluides. 

Dans cette expérience la pointe conique appartenant 
à la boule d’étain , n’avoit pas été submergée dans l’eau 
froide plus de, 10 secondes, quand j’aperçus très - dis- 
tinctement que le mercure dans le tube du thermomètre 
appartenant à la coupe de liége commençoit à monter, 
et en 50 secondes il s’étoit élevé de 4 degrés , savoir de 
32e à: 36°. 

Au bout de 2 minutes et 30 secondes (en partant de 
Vinstant où la pointe métallique avoit été introduite dans 
l’eau froide), le thermomètre s’étoit élevé à 39°, et au 
bout de 6 minutes à 39 7°; alors il commençoit à des- 
cendre. Il descendoit pourtant fort lentement , puisqu’au 
bout de 8 minutes 30 secondes il se trouvoit. encore 
à 3943 

Un petit thermomètre à mercure , dont la boule étoit 
placée dans l’eau froide à côté de la coupe de liége à la 
distance de de pouce de son bord, ne parut nulle- 


Si rent 


SUR LA TEMPÉRATURE DE L'EAU. 89 


ment affecté par le courant vertical d’eau chaude qui 
descendoit de la pointe conique dans cette coupe, dans 
cette expérience. 

L’expérience fut répétée quatre fois le même jour 
(13 juin 1808), et toujours avec les mêmes résultats 
à peu près. 


Voici les résultats moyens de ces expériences : 


Temps écoulé Température de l'eau 
à partir du commencement dans la coupe de liège 
de l'expérience. , indiquée par le thermom, 
D . — CE D 
‘ CARO EME RMS MEL EE LEA, JUS 32° 
A o ro, le thermomètre commença à s'élever à. . 32 
AO N 29.11 était élevé A. =. Volt etre neo 
CPAS ile ete his -B LS ko chienne 
ON B HN LATE Pr OPA OMS as ls0:35 
o 48. FAT OMON OUR ni De 196 
LA SO mere pence née DE) 2yeh of de ane LOS UOT 
Le pee .,. 0. + + Re O0 
LEE LME OM SE EME cNoteber CR 0 
3 41 Fe nEUE D et LUE SOS. SAN AU: 590,133632 
AUS Mets Sr Shen . HsiLgs le « 39 à 
GARE PR EE NOR EE et EE . + 39 ? 


Comme j’avois trouvé par des expériences faites l’an- 
née 1797 (1), que l’eau à la température d’environ 42°F 
(que l’on peut appeler très-froide), reposant sur un gâteau 
solide de glace fixé au fond d’un grand vase cylindrique 
de verre , fondoit beaucoup plus de cette glace, dans un 
temps donné, qu’une égale quantité d’eau chaude dans 


(1) J'ai rendu compte de ces expériences dans mon Septième essai sur La 
Propagation de la chaleur dans les fluides. 


1806, Premier semestre. 12 


90 SUR LA TEMPÉRATURE DE L'EAU. 


la même situation a pu fondre , même quand elle fût 
bouillante ; j’étois très-curieux de voir si la boule du 
thermomètre qui se trouvoit submergée dans l’eau froide 
dans la coupe de liége , et immédiatement au-dessous de 
la pointe métallique, ne seroit pas aussi plus échauffée 
quand cette pointe se trouveroit de quelques degrés 
seulement plus chaude que l’eau , que quand elle seroit 
à une température beaucoup plus élevée. 

Voyant que cette recherche devroit jeter un grand 
jour sur les opérations mystérieuses de la distribution 
de la chaleur dans les liquides, je me hâtai de faire 
l’expérience suivante. 


Troisième expérience. 


Tour l'appareil ayant été de nouveau réduit à la tem- 
pérature uniforme et constante de la glace fondante, 
la boule d’étain fut cette fois-ci chauffée dans de l’eau 
bouillante, et étant retirée de ce liquide chaud, elle 
fut transportée avec toute la célérité possible, et sa 
pointe conique submergée dans l’eau froide, au-dessus 
de la coupe de liége, comme dans les expériences pré- 
cédentes. 

Le résultat de cette expérience fut extrêmement in- 
téressant. La pointe métallique chaude avoit été à sa 
place 5o secondes avant que le thermomètre, dans la 
coupe de liége, montrât le moindre signe de chauf- 
fement , et ce ne fut qu’au bout d’une minute 7 secondes 
qu'il s’étoit élevé de 2 degrés. : 


nue 


me de Le Es 


SUR LA TEMPÉRATURE DE L'EAU. g1 

Dans l'expérience précédente où la pointe métallique 
étoit beaucoup plus froide, le thermomètre avoit com- 
mencé à monter dès la dixième seconde, et au bout 
d’une minute 3 secondes il s’étoit élevé de 5 degrés. 

La différence entre les résultats de ces deux expé- 
riences est très - remarquable, et si elle ne prouve pas. 
l’existence et la grande efficacité des courans dans la 
transmission de la chaleur dans les liquides , je dois 
confesser*que je ne vois pas comment l’existence d’une 
opération mécanique quelconque qui ne tombe pas immé- 
diatement sous nos sens , peut jamais être démontrée. 

Comme l’expérience faite avec la boule d’étain chauf- 
fée dans de l’eau bouillante m’a paru très-intéressante , je 
l’ai répétée deux fois. Voici lestermes moyens desrésultats: 


Temps écoulé. Température de l’eau 
à partir du commencement ‘ dans la coupe de liège 
de l'expérience. indiquée par le thermom. 
RÉ LE D Rd 
HAS EN se .8 OM ES SR DT ALE 32° 


A o 5o, le thermomètre commença à s'élever à . . 32 
A 1 2,il se trouvoit élevé à. « . . . . .. . . . 33 
en e te ne Net eee lente jertello nelle diet Ven lei elite to 
D IE STONE TENUE PA DB 


a 


i 
ME, Diet e "0 d'tfe rar » a sfr of. « 36 
ENES RON RENOLENENTE ë se ie die 36 = 
4 17. ... . ie RO 
GPA D PSE RU SU MERE TEE ET NO: 
AIT LUTTE ES Es RETIE. SAS INR DOUÉ 
9 Oo... MMS NET ES ide aie . 38 + 
LAN MO M aUlellee een es latie le lee Mel. Vie tele 38 = 
MANPNO ee te st eee le lets etats vaits Me = ie 38 = 


En comparañt ces résultats avec ceux des précédentes 


92 SUR LA TEMPÉRATURE DE L'EAU. 


expériences , où la boule d’étain n’étoit qu’à la tempéra- 
ture de 60° et au-dessous , nous pouvons voir de combien 
la communication de la chaleur dans l’eau froide, de 
haut en bas, fut plus rapide quand la pointe conique 
étoit relativement froide, que quand elle fut beaucoup 


plus chaude; mais on ne peut pas mettre beaucoup 


_ 


d'importance à la décision de la relation de la vîtesse 
ainsi déterminée, puisqu'il est plus que probable que ce 
ne fut qu'après que l’extrémité de cette pointe métalli- 
que eut été considérablement refroidie par le contact de 
l’eau froide, que le courant vertical descendant, qui, 
à la fin, porta la chaleur au thermomètre, ait pu avoir 
lieu. Au commencement de l’expérience faite avec la 
boule d’étain chauffée dans l’eau bouillante, les parti- 
cules d’eau froide qui se trouvèrent les premières en 
contact avec la pointe conique pendant qu’elle étoit 
encore très-chaude , furent chauffées à une température 
plus élevée que celle à laquelle la densité de l’eau est 
un #aximum, et la densité de ces particules étant di- 
minuée par ce haut degré de chaleur, les courans ver- 
ticaux dans l’eau froide commencèrent par être ascen- 
dans ; comme je me suis assuré par le moyen d’un petit 
thermomètre placé à côté de cette pointe conique, à la 
distance de = de pouce de sa base, et juste au-dessous 
de la surface de l’eau froide : ce thermomètre s’éleva 
très - rapidement aussitôt que cette pointe métallique 
chaude fut plongée dans l’eau froide. 

Un autre petit thermomètre dont la boule se trouvoit 
placée à la même distance à peu près de l’axe de la 


SUR LA TEMPÉRATURE DE L'EAU. 93 
pointe conique , maïs à un demi-pouce au-dessous de la 
surface de l’eau froide, conserva pendant toute la durée 
de l'expérience l’apparence du plus parfait repos. 


1 Les résultats de cette dernière expérience sont d’autant 


plus intéressans , qu’ils prouvent d’une manière démons- 
trative que ce ne fut ni par une communication di- 


 recte de chaleur dans l’eau en repos, de molécule à 


FINE TT — 


molécule , de proche en proche, ni par des rayonnemens 
calorifiques passant à travers cette eau , que la chaleur 
fut communiquée de la pointe métallique à la boule du 
thermomètre, mais véritablement par un courant des- 
cendant d’eau chaude : car il est parfaitement évident 
que si cette chaleur avoit été communiquée ou par une 
communication directe dans l’eau de molécule à molé- 
cule, ou par un rayonnement calorifique de la surface 
métallique passant à travers l’edu en repos, cette com- 
munication auroit nécessairement été la plus rapide, 
lorsque la pointe métallique se trouvoit être la plus 
chaude ; mais ce fut tout le contraire qui eut lieu , comme 
nous venons de voir. Et de plus, le petit thermomètre 
qui fut placé très-près du corps métallique, d’un côté, 
et qui dans cette expérience ne fut nullement affecté par 
la chaleur de ce corps , n’auroit pas manqué d’acquérir 
autant de chaleur, pour le moins , que celui placé dans 
la coupe de liége qui se trouvoit au-dessous de ce corps 
et dans un plus grand éloignement. 

Le temps considérable qui s’écoula dans les expé- 
riences faites avec la boule d’étain chauffée dans l’eau 
bouillante, avant que le thermomètre placé dans la coupe 


94 SÛR LA TEMPÉRATURE DE L'EAU. 
de liége commiençât à être si sensiblement affecté, et la 
vitesse avec laquelle il fut chauffé ensuite de quelques 
degrés , aussitôt qu’il commença à monter, indiquent 
uh fait qu’il est important de remarquer. Pour éclaircir 
ce fait, il est nécessaire de considérer avec attention 
l’opération de lPéchauffement de l’eau froide par la sur- 
face métallique chaude avec laquelle elle fut en contact, 
et de l’examiner dans son progrèset dans tous ses détails. 
Commençons. par supposer que la pointe conique de 
la boule, à la température de l’eau bouillante, vient 
d’être submergée verticalement jusqu’au niveau de sa 
base dans une masse d’eau en repos, à la température 
de la glace fondante. Comme les molécules d’eau qui, 
dans ce cas ; setrouvent en contact avec la surface mé- 
tallique chaude , ne peuvent pas passer tout d’un coup 
de la témpérature de la glace fondante à celle de Peau 
bouillante, sans passer par tous les degrés intermédiaires; 
et comme ces molécules, à la température de la glace 
fondañte , né peuvent pas devenir plus chaudes sans 
deveniren même tempsplus denses; ilestévident qu’elles 
doivent avoir une tendance à descendre, et par consé- 
quent à quitter la surface du métal, aussitôt qu’elles 
commencent à acquérir de la chaleur ; mais lexpériencé 
a fait voir qu’au lieu de descendre elles ont été pous- 
sées en haut; ce qui prouve que leur chauffement fut 
si rapide, qu'avant qu’elles aient eu le temps de quitter 
la surface du métal et d'échapper à son influence calo- 
rifique , elles ont acquis une température si élevée, que 
leur densité, après avoir passé rapidement le point de 


0 


SUR-LA TEMPÉRATURE DE L'EAU, 95 
son rnaximum, est devenue même moindre:qu’elle étoit 
à la température de:la, glace fondante: Mais après quel- 
ques momens le corps métallique étant devenu moins 


chaud, et,la communication de: chaleur; aux molécules 


d’eau,moins rapide, ces molécules devenues plus-denses 
par une petite augmentation de température , ont eu le 
temps de s'évader avañt que de devenir plus chaudes, 
et pour lors le courant descendant s'établit: tout d’un 
coup. | 

Ce;fait m'intéresse doines He qu’il pu servirien 
ie façon à expliquer un phénomène observé dans 
une, expérience faite il, ya huit ans, dont j’ai rendu 
compie dans, mon Æssai sur là propagation: de La 
chaleur dans les fluides, (Voyez més essais, vol. 5e 

pa8:,335;; édition de Londres de 1800.) 

“Voici le phénomène dont äl s’agit. Ayant:versé du 
mercure dans un petit yase cylindrique de: verre: de !2 
pouces de diamètre , de 3. de haut, jusqu’à ce que ce 
fluide remplit le vase jusqu’à la hauteur d’un pouce, 
je versai sur ce mercure deux fois autant d’eau, c’est-à-dire 
2 pouces ‘de hauteur, et enfonçant le vase jusqu’au 
niveau, de la surface. supérieure du mercure dans:.un 
mélange. frigorifique de glace pilée et de muriate de 
soude , l'air de l’atmosphère étant à la température de 
60° ;'je laissai le-tout refroidir tranquillement pour 
voir dans quelle partie de l’eau la glace commenceroit 
à. paroître.: Ce fut au fond de l’eau, où ce liquide étoit 
en contact avec le mercure, que la glace fut formée. 

La couche d’eau qui reposoit immédiatement sur la 


96 SUR LA TEMPÉRATURE DE L'EAU. 


surface du mercure ayant été refroidie jusqu’à la téme 
pérature d’environ 410:F, où la densité de l’eau est un 
maximum, les molécules de cette eau, qui se trouvèrent 
pour lors en contact immédiat avec le mercure, en 
perdant encore plus de leur chaleur devenoient néces- 
sairement moins denses, et avoient par conséquent une 
tendance à quitter le fond de l’eau pour monter dans 
une région plus élevée ; maïs la rapidité avec laquelle 
elles furent refroidies par le mercure étoit si grande; 
qu’elles furent gelées avant de pouvoir échapper à l’in- 
fluence frigorifique de ce! corps froid. 
Après tout ce que j'ai dit des courans froids et chauds 
qui ont lieu dans un liquide qui est refroidi ou chauffé, 
on pourroit peut-être croire que je regarde ces courans 
comme étant composés des seules molécules du liquide 
qui ayantiété en contact immédiat avec le corps qui 
donne ou qui reçoit la chaleur, se trouvent être toutes 
à la mème température. Je suis d'autant plus éloigné 
d’avoir cette opinion, que je sais par les résultats de 
plusieurs expériences faites exprès pour éclaircir ce fait 
(et dont j'aurai l’honneur de rendre compte à la classe 
dans une autre occasion), qu’un courant liquide ne 
peut passer à travers une autre masse liquide en repos, 
de la même espèce , et d'environ la même gravité spéci- 
fique , sans produire un mélange notable des deux li- 
quides ; à plus forte raison un petit courant d’eau chaude 
ne peut passer sans mélange à travers une masse d’eau 
froide , et plus il avancera, plus il sera mêlé, et plus par 
conséquent sa température se trouvera baissée, 


Men. de net: 17 em. 1806. Page gy , PA. 


SUR LA TEMPÉRATURE DE L'EAU. 97 


Par exemple, dans les expériences dont je viens de 
rendre compte, la coupe de liége qui recevoit le cou- 
rant d’eau chaude qui descendoit de la pointe métallique 
de la boule d’étain , n’étoit qu’à un + pouce au - dessous 
de l’extrémité de cette pointe : si cette distance avoit été 
plus grande, le thermomètre dans la coupe auroit cer- 
tainement monté moins haut; pour cette raison on ne 
doit pas regarder ces expériences comme propres à dé- 
terminer très-exactement la température à laquelle la 
densité de l’eau est un #2aximum , mais bien à prouver 
que cette température se trouve réellement de plusieurs 
degrés du thermomètre au-dessus de celle de la glace 
fondante ; ce qui est tout ce qu’il n’intéresse particuliè- 
rement de faire voir dans ce moment-ci. 

À juger par la température constante que l’on trouve 
dans toutes les saisons au fond des lacs profonds, et par 
les résultats de plusieurs expériences particulières, on 
peut conclure que l’eau est à son maximum de densité 
lorsqu'elle se trouve à la température d’environ 41° 
du thermomètre de Fahrenheit, ce qui répond à 4° 
du thermomètre de Réaumur, et 5° du thermomètre 
centigrade. 


1306. Premier semestre. 15 


98 SUR LES  MAYA DIES 


MÉMOIRE 


Sur Les causes de quelques maladies qui affectent 
Les chapeliers, 


Par M. TE ER N. 


Lu le 2 fructidor an 12. 


Cszv: qui se destine avec confiance à un métier, ne 
sait pas toujours à quels dangersil va s’exposer, etlorsque, 
devenu habile dans sa profession , une mort prématurée 
le surprend, elle est cause d’une perte irréparable dans 
sa famille. Je n’examine point les effets de cette perte pour 
des enfans ordinairement sans fortune, demeurés en bas 
âge; ce sont des considérations qui, dans une nation 
policée, tiennent à des recherches relatives aux moyens 
de prévenir et de soulager l’indigence : objets d’une 
grande importance sans doute, mais d’un ordre différent 
de celui dont nous devons nous occuper ici. 

En effet, un ouvrier perfectionné dans sa profession 
vient-il à périr par le fait ‘de son état, non seulement 
la population en souffre , mais encore il emporte quelque 
fois des procédés difficiles à retrouver; ce qui laisse un 
grand vide dans une manufacture , lequel porte sur le 
commerce et sur la fortune publique : motifs qui engagent 


DES CHAPELIERS. 99 


à étudier les causes des maladies résultantes de son genre 
d'industrie. On a déja des ouvrages sur les maladies des 
gens de métier (1), mais on n’y traite pas des maladies 
qui affectent toutes les sortes d'ouvriers. D’ailleurs, les 
arts, les métiers ne sont pas exercés de la même manière 
en tous lieux; une multitude de circonstances en diver- 
sifient les pratiques. Et ne sait-on point qu’ils se perfec- 
tionnent avec le temps, je veux dire qu’il s’y introduit 
des procédés nouveaux que souvent le hasard fournit, 
que d’autres fois le savoir découvre, et que toujours la 
cupidité adopte sans examen , mais que la raison et l’hu- 
manité engagent à ne point perdre de vue, dans l’in- 
tention de s’assurer de leur influence sur la santé et sur 
la durée de la vie des artisans? or, c’est ce qu’on ne peut 
savoir qu’en examinant de temps en temps l’état des arts 
et des métiers ; s’il ne s’y seroit pas introduit des pro- 
cédés, des pratiques contraires à la santé. Les compa- 
gnies savantes ont de leur nature une sorte d’attribution 
sur ces objets pour les surveiller ; elles sont , à cet égard, 
je dirois volontiers l’œil du gouvernement, qui s’en rap- 
porte à leurs lumières et à leurs soins pour tenir la main 
à cette partie intéressante de l’ordre public. 

L’homme appliqué à un métier en est, je dirois volon- 
tiers, l’une des parties intégrantes ; il y adapte sa puis- 
sance motrice , en gouverne à son gré toutes les parties. 
Il résuke de ces rapports une sorte d’engrénage, si je 
peux parler ainsi, tel que toutes les branches de son 


(x) Celui, par exemple , de Bernardi Ramazini, De morbis artificum. 


100 SUR LES MALADIES 


métier se plient à ses volontés et à sa puissance motrice ; 
rapports à raison desquels il est nécessairement soumis 
aux impressions que son genre d'industrie exerce sur sa 
personne, et qui sont autant d’effets naturels dépendans 
de son métier, mais que, par rapport à lui, on doit re- 
garder comme autant d’altérations. Et ce sont ces alté- 
rations que nous mettons au nombre des maladies qui 
prennent leurs sources dans l’exercice des métiers. 

Chaque métier pourroit offrir, ce me semble, encore 
aujourd’hui des connoissances utiles à recueillir pour la 
pratique de la médecine. J’avois entrepris autrefois des 
recherches sur ceux des arts où l’on emploie le mercure ; 
je me bornerai en ce moment à celles de mes observations 
qui ont rapport aux maladies des chapeliers dans cer- 
taines manufactures de Paris. 

Feu l’abbé Nollet, en donnant l’4rt du chapelier 
dans un beau détail pour la main-d'œuvre et la partie du 
commerce, n’a pas dù s’occuper de la santé de ces 
ouvriers ; et vainement chercheroit-on dans Ramazini, 
ni dans aucun auteur que je sache, des renseignemens 
sur les maladies de ces artisans. 

Elles fixèrent , dès 1757 , mon attention; je les étudiai 
dans les six principales manufactures de Paris, tant 
pour me procurer plus de faits propres à m’éclairer, 
que pour m’assurer si en chacune on usoit des mêmes 
procédés, et si la salubrité y étoit la même. 

Dans la fabrique de M. Carpentier, rue de la Bu- 
cherie ,un compagnon étoit réputé vieux et presque hors 
d'état de travailler à quarante-cinq ans; le plus âgé des 


DES CHAPELIERS. 101: 


ouvriers à la foule en avoit quarante-deux ; tous éprou- 
voient un tremblement universel, étoient sujets à des 
sueurs abondantes et à une expectoration de matière vis- 
queuse ; tous étoient maigres, foibles, et réduits à la 
nécessité de boire de l’eau-de-vie pour se soutenir et suffir 
au travail de la journée. 

Un garçon âgé de cinquante-deux ans , dont la prin- 
cipale occupation étoit de faire dissoudre du mercure 
dans l’acide nitrique, de frotter les peaux du côté du 
poil avec des brosses trempées dans cette dissolution, 
ce que l’on appelle secréter, puis d’étendre ces peaux à 
l’étuve; ce garçon, dis-je, toussoit continuellement: du 
reste sa santé se soutenoit, et l’on regardoit comme un 
phénomène qu’il eût résisté aussi long - temps à cette 
occupation, la plus dangereuse que l’on puisse exercer 
dans la chapellerie. On attribuoïit sa conservation à ce 


A 


u’il observoit une vie sobre et réglée, sur-tout à ce 
q g'ée ; 


qu’il ne buvoit point d’eau-de-vie. 


M. Carpentier, père, étoit mort depuis peu, âgé de 
cinquante-quatre ans : il y.en avoit trente que l’usage 
de secréter s’étoit introduit dans sa fabrique et l’avoit 
fait prospérer ; mais la toux, l’oppression, les maux de 
poitrine, le crachement de sang et de pus dont il finit 
par être affecté , lui devinrent funestes. 

La liqueur employée à secréter est, comme on l’a déja 


dit, une dissolution de mercure dans l’acide nitrique, 


ce que l’on appelle eau forte du chapelier. "Vers 1727, 
lorsque le nommé Dubois, compagnon chapelier, intro- 
duisit le secrétage à Paris, on dissolvoit trois livres de 


102 SUR LES MALADIES 


mercure dans seize livres d’acide nitrique. En 1757, 
époque de mes recherches, on ne dissolvoit plus qu’une 
livre de mercure sur seize livres d’acide ; ensuite à cette 
dernière dissolution, on a ajouté autant d’eau commune 
que d’eau forte. Notre confrère Baumé , de qui les cha- 
peliers de province tiroient leur liqueur à secréter , la 
leur envoyoit à chacun selon le degré de force qu’ils 
lui indiquoient ; aux uns dans la proportion d’une once 
de mercure par livre d’acide nitrique, aux autres d’une 
once et demie , et aux autres de deux onces par chaque 
livre d’acide. Maintenant beaucoup de chapeliers tirent 
leur liqueur à secréter du distillateur Lacoste. Je tiens 
de M. Petit -Jean, chapelier pont Saint - Michel, qu’à 
un tiers de cette eau forte il ajoutoit deux tiers d’eau 
commune, et que depuis peu il avoit été prévenu par ce 
même distillateur que, sur la demande de chapeliers de 
province, il tenoit sa liqueur à secréter plus forte; qu’en 
conséquence il l’invitoit à y joindre cinq parties d’eau. 
Ainsi, on ne sait point encore à quoi s’en tenir sur 
les proportions à observer dans cette dissolution, entre 
la quantité de mercure à dissoudre, et celle des li- 
queurs qui entrent dans cette combinaison ; ou comme 
dissolvant, ou comme dulcifiant, pour suffire au se- 
crétage et en même temps pour ménager la santé des 
ouvriers. 

J’ai appris en Angleterre , lorsque jy passai avecnotre 
confrère Coulomb pour des recherches sur les hôpitaux, 
comment s’y étoit introduit le secrétage. Un chapelier 
de Londres trouve une peau de lapin au coin d’une porte, 


DES CHAPELIERS. 103 


quelques jours après en trouve une autre. Ilen fait entrer 
les poils dans un chapeau, et remarque qu’il feutre avec 
célérité. Frappé de cette nouveauté , il va à la maison, 
s’informe de ce que l’on a fait à ces peaux ; une femme- 
de-chambre lui dit que sa maîtresse a mal au sein , qu’on 
les y applique, et qu’un certain apothicaire qu’elle lui 
nomme les prépare; il apprit que le poil en avoit été 
frotté avec une dissolution de mercure dans l’eau forte : 
circonstance qui fit prévaloir pendant quelque temps la 
chapellerie anglaise. 

Je reviens à ce qui regarde l’altération de la santé des 
chapeliers. | 

Dans la fabrique de M. Carpentier , rue Michel -le- 
Comte, le secréteur étoit sujet à des coliques; le cardeur 
toussoit, étoit asthmatique ; la plupart des compagnons 
trembloient le matin, sur-tout des mains ; ilsne vivoient 
guère au-delà de cinquante ans. 

Chez M. Letellier, près de Saint-Martin-des-Champs, 
le plus âgé des compagnons avoit cinquante-quatre ans, 
se portoit bien , ainsi que le secréteur , la coupeuse et la 
cardeuse ; seulement tous ces ouvriers étoient maigres. 
Surpris du bon état de leur santé, à cela près de leur 
maigreur, j'en marquai mon étonnement : j’appris de 
M. Letellier qu’il ajoutoit à sa dissolution de mercure 
un poids égal d’eau commune; qu’il n’employoit que des 
peaux d’animaux tués pendant les mois de décembre, 
janvier, février et mars; que pendant vingt ans il avoit 
employé le castor, le lièvre , le lapin, la vigogne sans les 


» secréter; que seulement il faisoit bouillir pendant vingt- 


104 SUR LES MALADIES 
quatre heures dans l’eau de puits le quart du poil qui 
devoit entrer dans chaque chapeau. 

La manufacture de M. Petit-Jean , cloître Saint-Méry, 
n’offroit point non plus de compagnons qui tremblassent 
et qui toussassent ; quelques - uns cependant y étoient 
morts de maladies de poitrine, mais c’étoient de ceux 
qui avoient travaillé dans d’autres fabriques. Du reste, 
les ouvriers de cette manufacture ne conservoient pas 
plus d’embonpoint , pas plus de forces dans les jambes, 
que ceux des autres manufactures; il s’en trouvoit pour- 
tant quiatteignoient à leur soixante-sixième année, 

J’ai trouvé soixante compagnons chez M. Chol, rue 
du Cimetière-Saint-Nicolas, tous maigres, l’un d’eux 
âgé de soixante - dix ans; plusieurs toussoient, trem- 
bloient, étoient affectés de rhumatismes; le secréteur, 
âgé de cinquante-cinq ans, étoit décharné et sujet à des 
tremblemens. 

Enfin, dans la manufacture de M, Chatelain, rue 
Saint - Sauveur, où l’on n’employoit que des poils de 
premième qualité, et où j’ai vu jusqu’à quarante com- 
pagnons, sans compter plus de soixante employés ail- 
leurs, il s’en trouvoit quelques-uns de soixante-dix ans, 
peu de trembleurs, de poitrinaires, quelques hydropi- 
ques, et de temps en temps des fouleurs avec des crevasses 
et des gerçures aux mains : là, comme dans les autres 
fabriques , on étoit affecté de maigreur, et l’on abusoit de 
l’eau-de-vie. 

Il résulte de ces observations, que l’art du chapelier, 
tel qu’on l’exerce à Paris, augmente le nombre des 


& 


DIES CHA PELIE HMS. 105 


causes des maladies qui affligent l'espèce humaine. Les 
principales de ces causes procèdent des travaux à la 
foule ; du secrétage , de la coupure des poils, et de l’ar- 
çonnage. Je ne passe point en revue ces pratiques de 
Part dans l’ordre où l’on y a recours pour établir un 
chapeau ; mais je les examine dans celui où il me sera 
plus facile d’en distinguer les effets particuliers sur la 
santé , et de montrer comment leurs effets, en agissant 
de concert, donnent lieu à des symptômes ou accidens 
plus fächeux. | 

Le travail pénible à la foule, où l’on est posé sur 
ses jambes sans les mouvoir, les bras tendus et en action, 
la chaleur que l’on y endure, la vaporation qui s’en 
élève et qu’on y inspire; tout cela occasionne certains 
accidens , maigrit les jambes, les affoiblit, grossit les 
avant-bras , encore plus les bras, provoque une sueur 
abondante qui dessèchele corps , appauvrit les humeurs, 
sollicite la soif, excite à l'usage de l’eau-de-vie en boisson, 
dont l’abus accroît le desséchement, épaissit les fluides 
sanguins. Eh ! qui peut dire les autres maux que produit 
cette boisson, à raison des ingrédiens qu’on y ajoute 
frauduleusement, à dessein de lui procurer plus de 
montant ? s 

À la foule on est encore sujet, sur-tout ceux dont 
les mains sont potelées, à des empoules, des crevasses 
ou gerçures, parce qu’on les a continuellement soumises 
à l’action, je ne dis pas seulement de l’eau bouillante, 
mais à celle d’un bain où il entre de la lie de vin, laquelle 

1806. Premier semestre. 14 


106 S'URAONL ENS SIMANEMAEDAE ES 


je présume augmenter la chaleur de ce bain. Ma pré- 
somption porte sur ce que les poils feutrent moins dans 
l’eau bouillante simple , que dans un bain d’eau chargé 
à l’ordinaire d’un douzième pesant de lie de vin fraîche ; 
elle porte sur la nature des poils, lesquels sont une 
substance cornée susceptible de s'amollir à la chaleur de 
Peau , et d'autant plus que cette chaleur est grande. La 
lie toutefois conserve la peau des mains ; l’eau bouillante 
sans lie la détruiroit plus promptement, mais l’eau 
bouillante fait le chapeau plus fin, plus clair, plus lisse, 
plus délié; elle ne donne point, comme la lie, autant de 
corps ni de solidité au chapeau. On a aussi essayé le sel 
marin en place de lie; il fait feutrer , mais on s’en est 
désisté, parce qu’il a l'inconvénient d’enlever prompte- 
ment la peau des mains. 

Ce n’est pas sans raison que j’ai dit, en parlant de 
la chaleur du bain de nos chapeliers, que c’étoit la lie 
fraîche dont, en général, on usoit à Paris, qu’il faut 
distinguer de la lie sèche, c’est-à-dire de celle que l’on 
gratte, et que l’on tire en poussière des tonneaux; on 
est obligé d’avoir recours à celle-ci dans les contrées 
où l’on ne recueille point de vin , dans celles où on le 
transporte dans des outres , ainsi que dans les pays à 
vin , lorsqu'il y en a disète : or, cette lie sèche a des in- 
convéniens que n’a pas la lie fraîche; elle est moins 
favorable au feutrage, et, ce qui importe à notre objet, 
c’est que plus active elle détruit l’épiderme par place, 
et produit au bout des doigts de petites crevasses, ce 


| 


DES CHAPELIERS. 


107 
qu’en terme de chapellerie, on appelle yezx de per- 
drix, et auxquelles on est plus sujet en mars et en 
avril (1). 

Il étoit naturel de penser que les sueurs abondantes 
des compagnons qui travaillent à la foule pouvoient in- 
fluer tant sur la quantité que sur la qualité de leurs 
humeurs. Cette réflexion me suggéra quelques questions, 
et les réponses furent : 

Que les urines de ces ouvriers étoient rares , foncées, 
troubles ; 

Les mucosités du nez peu abondantes, épaisses; 

L’expectoration copieuse, facile , visqueuse ; 

Le ventre habituellement libre ; 

Qu’ilis faisoient beaucoup d’enfans , en élévoient peu, 
dont la plupart périssoient vers la quatrième année. 

Les accidens qui paroissent dépendre du secrétage , 
sont, le tremblement des dents, des bras, souvent de 
tout le corps, des coliques, certaines affections de la poi- 


(1) En France, la lie fraîche est de deux espèces : l’une se tire en pain 
de chez les vinaigriers ; l’autre de chez les marchands de vin. Celle-ci n’est 
point en pain; elle est en général plus fluide que la précédente, et moins 
estimée. On en distingue de trois sortes : la blanche, que l’on prise moins; 
la rouge, provenant de vin collé au blanc d'œuf, qui se lie mal à l’eau de 
la foule et se précipite, et la rouge que l’on tire d'Argenteuil, d'Auxerre, 
de Beaune, etc., des tonneaux dont le vin a été soustiré et non clarifié. 

Dans les pays, comme en Angleterre, où l’on est privé de toutes sortes 


de lies de vin, on leur substitue à la foule l’acide vitriolique, qui ne les 


remplace pas entièrement. Cet acide donne moins de corps au chapeau. On 
y a recours dans nos manufactures de chapellerie , mais c’est lorsqu'il s’agit 
de fouler des chapeaux mollets et de couleur à l'usage des femmes. 


108 SUR LES MALADIES 
trine, comme oppression, crachemens de sang, de 
pus, etc. 

Les risques que court l’arçonneur, il les partage avec 
le batteur de peaux, le coupeur, le cardeur. Il faut con- 
sidérer ces quatre sortes d’ouvriers comme s’exerçant sur 
des poils ou non secrétés ou secrétés ; dans le premier cas 
il s'élève des matières qu’ils exploitent, ou des pous- 
sières , ou des poils simples qui provoquent la toux ; dans 
le second , ces mêmes substances, chargées de la liqueur 
du secrétage; deviennent d’autant plus contraires au 
poumon qu’il est entré plus de mercure dans la compo- 
sition de la liqueur à secréter. 

On pouvoit craindre que les poils que ces ouvriers 
avalent ne se pélotonassent quelque part , et ne tournas- 
sent en œgagropiles ; on n’a pu m'éclairer sur ce point, 
parce que la plupart des ouvriers chapeliers vont ter- 
miner leur pénible vie dans les hôpitaux; ce seroit de 
ces maisons que l’on pourroit attendre des éclaircisse- 
mens relatifs à cet objet : il mérite bien que l’on y fasse 
attention. 

Quant à ce qui regarde l’arçonneur , il donne lieu à 
quelques remarques particulières. Il est d'usage que 
chaque compagnon arçonne le matin de quoi faire deux 
chapeaux qu’il foule le soir. Si les poils arçonnés ont 
été secrétés, après en avoir inspiré les émanations de 
nitre mercurielles à larçonnage, il continue de s’en 
pénétrer à la foule, soit en vapeurs qu’il respire, soit 
par la peau et les crevasses des mains : or, dans quelles 
circonstances le mercure ainsi introduit le surprend-t-il? 


DES CHAPELIERS. 109 


C’est lorsque cet ouvrier est tombé dans le dépérissement 
et la maigreur; ce qui ne sauroit manquer d’accroître 
l'intensité des accidens occasionnés par les travaux de la 
foule. 

Ainsi , l’état de chapelier expose la santé et la vie de 
celui qui l’exerce ; davantage en certaines fabriques que 
dans d’autres, d’autant plus que l’on abuse de l’usage 
de l’eau -de-vie en boisson, et que l’on emploie une 
liqueur à secréter plus chargée de mercure. 

Il est sans doute de ces accidens dont on vient de 
parler, qui sont attachés indistinctement à toutes les 
fabriques ; ceux, par exemple, provenans de la foule 
et de l’arçonnage : ils avoient lieu avant l’introduction 
du secrétage dans les fabriques de chapelerie, comme 
ils ont encore lieu aujourd’hui par-tout où l’on ne 
fait que des chapeaux de laine suffisamment longue qui 
n’a pas besoin d’être secrétée. 

Quant à l’abus que la plupart de ces ouvriers font 
de l’eau-de-vie en boisson , l’exemple de ceux qui usant 
de vin supportent aussi-bien le travail , vivent plus long- 
temps, ne demande qu’à être plus universellement 
adopté. 

Mais ce qui devoit sur-tout s’attirer notre attention, 
c’est l’emploi de la liqueur à secréter, parce qu’elle 
altère sensiblement la santé, et qu’elle abrège les jours ; 
c’est l’incertitude où l’on est sur le degré de sa composi- 
tion, les uns la faisant plus chargée de mercure, les 
autres dulcifiant avec plus ou moins d’eau commune 
Vactivité de acide nitrique. Nous avons vu que de là 


110 " SURILES' MALADIES 


dépendoit plus ou moins de tremblemens, de coliques, 
dephthisies,etc. etc. Puissent ces remarques appeler plus 
que jamais l’attention des chefs de fabrique , leur inspirer 
l’urgente nécessité de perfectionner le secrétage en le 
réduisant au degré de force suffisant ; et, ce qui vau- 
droit beaucoup mieux, de lui substituer un procédé 
également utile à l’art sans qu’il soit aussi préjudiciable 
aux artisans! Les compagnies savantes cherchent souvent 
le sujet d’un prix : en est-il un plus digne de leur atten- 
tion, plus digne des talens des hommes instruits qui 
veillent aux progrès des arts, et qui s’intéressent à la 
conservation de ceux qui les cultivent? 

Un court exposé des substances que l’on emploie à 
présent dans la chapelerie de Paris, fera mieux con- 
noître, que tout ce que je pourrois dire, la nécessité 
de recourir à un moyen de secréter moins insalubre que 
celui maintenant en usage. 

Depuis 1763, que la France a perdu le Canada , ses 
chapeleries sont devenues plus meurtrières que jamais. 
Privées de castor , elles ont eu recours à des poils d’autres 
animaux ; mais ces poils feutrent moins bien que ceux 
du castor, ou ne feutrant aucunement, il a fallu les 
secréter , ou bien les mêler avec des poils feutrant qui 
fussent en même temps secrétés, pour faire rentrer à la 
foule tant les uns que les autres. Les travaux de ces ma- 
nufactures ne sont donc pas seulement subordonnés à 
la nature ou à l’essence du métier de chapelier ; ils le 
sontencore à l'esprit envahisseur des gouvernemens. En 
effet, les poils et les laines que l’on emploie aujour- 


DES CHAPELIERS. Eng LE: 


d’hui, les préparations , les mélanges auxquels, faute 
de castor, on est obligé d’avoir recours pour faire feu- 
trer ces mélanges, nécessitent un secrétage qui chaque 
jour devient plus fort, dès-lors plus dangereux. Ainsi, 
on ne sauroit le dissimuler, quoique ce soit une vérité 
pénible à dire, qu’en traitant de la paix avec le gou- 
vernement anglais après nous avoir enlevé le castor, 
il ne continue pas moins de tuer nos ouvriers dans nos 
manufactures de chapeleries; de sorte qu’en état de paix 
comme d’hostilités, ce gouvernement reste toujours en 
guerre avec nous. Revenons aux dangers auxquels sont 
exposés nos chapeliers depuis que nous sommes privés 
de castor. 

Les chapeaux que l’on fabriquoit autrefois étoient en 
général de première , seconde et troisième qualité. Ceux 
de première qualité étoient de pur castor. La France en 
fournissoit l'Espagne et l'Amérique méridionale. C’est 
une branche de commerce perdue. Parmi les poils ou 
les laines et les autres productions animales que l’on 
fait entrer aujourd’hui dans la composition des cha- 
peaux, les uns n’ont pas besoin d’être secrétés pour 
marcher à la foule, les autres en ont un besoin indis- 
pensable : deux dispositions opposées l’une à l’autre ; 
elles renferment des exceptions dignes d’attention dans 
la pratique de Part. 

Nous dirons d’abord, et en général, quels sont les 
laines et les poils qui n’ont pas besoin d’être secrétés, 
nous indiquerons ensuite ceux qui ne pourroient feu- 
trer s’ils n’étoient secrétés. 


112 SUR NLNELS  MMANL) À D LE s 


Les Jlaines et les poils en qui réside la faculté de 
feutrer sans qu’il soit nécessaire de recourir au secré- 
tage , sont : 

Les laines de nos troupeaux de moutons; 

La carménie de Perse ; 

La laine dite de vigogne , qui nous vient du Bérôd par 
la voie de l'Espagne ; 

Les poils de chameau , de castor, de loutre de France, 
de petite loutre d'Amérique, les poils de lièvre, ceux 
du lapin de garenne , tous objets que nous avons rangés 
dans l’ordre qui nous a été donné par différens chefs 
de manufactures pour être à peu près celui de leur plus 
grande aptitude au feutrage. 

Quant aux poils, ou aux autres substances animales 
qui ne feutrent point par eux-mêmes; ce sont ceux de 
chevreau , d'agneau , de veau , d’ânon , de chien barbet, 
en général les poils très-courts, en particulier ceux de 
la taupe, dont on fait de superbes chapeaux, de mar- 
motes au défaut de lapin; la soie parfilée secrétée à 
blancheur, comme faisoit le chapelier Prévost, qui en 
a introduit l’usage. On a aussi employé le ploc, ou 
duvet de l’autruche, mais il n’est point assez abondant 
pour fournir aux besoins de la chapelerie. 

A l’égard des exceptions que présentent plusieurs de 
ces substances, les principales sont que les laines et 
poils des jeunes animaux ne feutrent pas aussi-bien que 
ceux des vieux; 

Ceux des animaux tués pendant l’été4 que ceux tués 
pendant l'hiver; 


DES CHAPELIERS. 113 


Le poil sec du castor, que le gras ; 

Le poil des flancs, de dessous le ventre, du col du 
castor, du lièvre et du lapin , aussi bien que celui du 
milieu de la crête du dos de ces animaux; 

Celui du lapin clapier , que celui du lapin de garenne; 

Le petit bout d’un poil quelconque , que le gros bout 
dont on a retranché l’oignon, 

Tous ces poils de nature feutrante, maïs qui feutrent 
bien moins que d’autres, parce qu’en général ils sont 
ce que l’on appelle vezles ou souples, et souvent trop 
courts, ont besoin d’être secrétés , soit qu’on les em- 
ploie seuls, soit qu’on les mêle entre eux, ou avec 
des poils, ou autres substances animales qui ne feutrent 
point d’elles-mêmes. Voilà ce qui accroît l’usage et le 
danger de l’eau forte du chapelier. 

Depuis peu on a reçu en Frañce, par des vaisseaux 
espagnols , des peaux d’un lapin de très-petite espèce 
à poils fins et longs, et des peaux d’un animal amphibie. 
connu sous le nom de lowp-marin. Les uns et les autres 
nous sont apportés des iles de la rivière de la Plata, 
près de Buenos-Ayres. Je tiens ces renseignemens de M. 
de Er consul pour le commerce d’Espagne à Paris. 
On n’a pu me dire dans nos manufactures si ces poils 
ont besoin d’être secrétés. 

On voit par ces détails jusqu’à quel: point s’étend: 
Pusage de la liqueur à secréter, puisqu'il est peu de 
chapeaux aujourd’hui pour lesquels on n’y ait recours. 
Et, attendu que «les substances feutrantes deviennent 
chaque jour plus rares, il n’est point de tentatives que. 

1806. Premier semestre. 15 


ÿ 


114 SUR LES MALADIES 


Von ne fasse pour les remplacer, et en même temps pour 
faire marcher tous ces moyens de remplacement par le 
secrétage. Ce seroit donc encore une fois rendre un 
grand service que d’en procurer un qui fût moins dan- 
gereux. En attendant ce secours si fort à désirer , n’y au- 
roit-il pas des précautions à prendre pour affoiblir, dans 
cette classe d'ouvriers, les dangereux effets du mercure ? 

Entre les faits que la pratique de Part de guérir m’a 
fournis , où l'emploi de ce minéral causoit des ravages, 
je choisis le suivant pour montrer que le mercure, pris 
même à fort petites doses, a produit quelquefois des 
accidens redoutables , et que pourtant on peut, en cer- 
taines circonstances, tempérer et même surmonter. J’en 
rapporte une preuve; elle ne sera pas déplacée, si elle 
peut suggérer d’en faire des applications qui tournent 
à l’avantage des chapeliers. 

Un riche colon de Saint-Domingue, grand et fort, 
âgé d’environ quarante ans, avoit pris des mains d’un 
chirurgien seulement deux pilules où il entroit du mer- 
cure , l’une un jour, l’autre le jour suivant. Bientôt elles 
occasionnèrent une abondante salivation, des ulcères 
dans l’intérieur des joues ; et comme les accidens de- 
venoient inquiétans, on appela un médecin justement 
célèbre , et fort versé dans le traitement des maladies vé- 
nériennes. Il étoit d’usage de purger pour faire cesser la 
salivation : le malade fut donc purgé; mais la saliva- 
tion , au lieu de diminuer, s’accrut, devint chaque jour 
plus abondante ; le malade s’affoiblissoit. Un chirurgien 
d’une réputation méritée fut appelé, il purgea. La sa- 


DES CHAPELTERS. 118 


livation augmenta; les forces diminuèrent encore; les 
ulcères des joues se creusèrent, gagnèrent le voile du 
palais , l’arrière-bouche. La voix étoit éteinte, la mai- 
greur grande, la poitrine souffrante, Aa tête enflée. 
Instruit , lorsque l’on réquit mes soins, de ce qui venoit 
de se passer ; j’en profitai; je tournai mes vues vers les 
incrassans pour émousser. J’eus recours à la gomme 
arabique, je la donnai à grandes doses dans un véhicule 
aqueux. J’en soutins l’usage, Ce moyen calma la sali- 
vation, peu à peu la fitcesser, permit de remédier aux 
autres accidens et de reprendre le traitement. 

On est en général peu instruit sur ce qui regarde le 
vice des humeurs, sur leurs degrés d’altération, ainsi 
que sur les moyens d’en surmonter les effets. Dans le 
cas particulier des désordres.causés par le mercure, on 
croyoit assez généralement les purgatifs un moyen propre 
à les faire cesser ; et nous voyons qu’ils aggravent quel- 
quefois ; tandis que les mucilagineux les tempèrent : ce 
qui montre qu’il faut , dans le traitement d’une maladie 
que lon estime à ses caractères ou à ses symptômes être 
la même , savoir recourir à des expédiens divers. C’est 
pourquoi on ne sauroit trop multiplier les observations 
tendantes à faire connoître les bons effets de ces moyens 
particuliers. En même temps qu’elles accroissent le 
. nombre de nos ressources:, elles indiquent dans le ca- 
ractère du mal des degrés, ou ; si on aime mieux, des 
modifications qui échappent à nos sens, et, que pour- 
tant il importe de saisir. Et c’est aussi la raison pour 
laquelle je joindrai à ce qui précède une observation 


116 SUR LES MALADIES DES CHAVPELIERS, 


intéressante que j’emprunte de l’illustre de Jussieu: (1); 
elle tend, comme la précédente , à ménager des secours 
aux chapeliers. 

« Jussieu, en examinant les mines de mercure d’Al- 
» maden en Espagne, y trouva des forçats sujets 
» aux enflures des parotides, aux aphthes ; à une sali- 
» vation, et à des pustules ; accidens qui, dit-il, leur sont 
» communs avec ceux qui sont dans les remèdes mercu- 
» riels. À quoi il ajoute que la pratique des médecins 
» d’Almaden , pour arrêter ces symptômes , est bien dif 
» férente de celle en usage par -tout ailleurs, et qui 
» consiste à employer les purgatifset les saignées #ils 
» se contentent de faire exposer les malades au grand 
» air, et de leur donner quelques absorbans , tels que 
5 la corne de cerf brûlée ,; Pivoire , les yeux d’écrevisse ; 
» traitement qui réussit presque toujours. » j 

Je me persuade que dans plusieurs occasions il seroit 
avantageux aux chapeliers occupés du secrétage et à 
ceux qui emploient à l’arçonnage et à la foule des poils 
secrétés:, ou de la: soiessecrétée: à blanc; ainsi. qu’à la 
coupeuse, qu’il leur seroït avantageux, dis-je, d’user 
de substances invisquantes, comme dans notre obser- 
vation , ou des terres absorbantes , comme il se pratique 
dans les mines d’'Almaden. C’est, au surplus, à l’ex- 
périence qu’il faut s’en remettre pour juger de efficacité 
de ces moyens. Puissent.- ils répondre aux besoins des 


chapeliers , ainsi:qu’à nos vœux ! 


Gi) Mém. de PAcad: 719, p4357, et Cellect. acad, t. IV, p. 406. 


SUR LA MÂTRICE D'UNE FEMME, etc, UT 


CONSIDÉRATIONS 


Sur la matrice dune femme au huitième mois de 


gestation ; 
* Par M. TEenonx. 
L Lu le 16 floréal an 8. 


Parvorpar. chirurgien à l’hôpital de la Salpêtrière en 
1751, l’occasion se présenta d’y faire l’opération césa- 
rienne à une femme enceinte de huit mois : elle venoit 
de perdre la vie; je tirai un enfant mâle encore vivant, 
de 38 centimètres de hauteur: 

Il est si rare d’avoir des faits suffisamment circons- 
tanciés en ce genre, que je crus devoir faire dessiner la 
matrice de cette femme, d’abord en place; entourée des 
autres viscères, pour en avoir les rapports avec les par- 
ties environnantes, ensuite hors de place, afin de m’as- 
surer des changemens survenus dans ses principales 


régions. 


Description de cette matrice vue en place. (PL I, 


Fig. 1.) 


J’ax fait une coupe des os pubis (AB), ensuite jai 
enlevé la vessie, puis j'ai fendu le vagin pardevant, 


118 SUR LA MATRICE D'UNE FEMME 


selon sa longueur (DE) pour découvrir l’orifice de la 
matrice (E) et son col (F). Je les ai laissés exprès dans 
leur entier , et afin de mieux juger de leurs rapports de 
situation. J’ai conservé dans cette coupe le ligament du 
bassin qui passe d’un côté à l’autre sous l’arcade des os 
pubis (GG); c’étoit un terme de comparaison que je 
ménageois pour mieux juger de la distance de ces li- 
gamens avec certaines parties dont on parlera. Quant 
à la matrice, elle avoit été ouverte depuis son col (F) 
exclusivement jusqu’à son fonds (G). Elle renferme un 
placenta en raquette (H) , le cordon ombilical (1), le cho- 
rion (Li) et l’amnios (M). 

On voit aussi dans cette planche le ligament rond ou 
vasculaire (N); quoique représenté à gauche, c’est le 
droit , attendu le renversement qui s’est fait des objets 
du dessin dans la gravure; le gauche est recouvert de 
quelques parties molles; l’un et l’autre étoient rouges, 
enflammés, tuméfiés, tendus et non pas ronds, mais 
applatis comme un ruban jusqu'aux anneaux. 

Le ligament transversal des os pubis (CC), que nous 
avons conservé comme un terme fixe auquel nous rap- 
portons certains objets pour en connoître la distance, 
répond à environ le milieu de la longueur du vagin; ce 
qui peut faire juger de la hauteur où se trouve à cette 
époque de huit mois de grossesse , et dans les circons- 
tances dont il est ici question, l’orifice de la matrice. Les 
plis du vagin subsistent dans toute sa longueur. Cette 
gaîne aboutit par son extrémité supérieure à 7 ou à 8 
millimètres au-dessus des bords qui terminent le museau 


À HUIT MOIS DE GESTATION. 119 


de la matrice. Le mnseau (E) est prononcé dans le vagin ; 
il est souple, renflé, d’un rouge brun, ça et là caver- 
neux, et présente une ouverture assez ample pour ad- 
mettre le petit doigt ; enfin, il est situé 27 millimètres 
au-dessus du ligament transversal des os pubis. 

On devoit s'attendre, d’après les notions reçues sur 
Vétat de la matrice à cette époque de la grossesse, à 
trouver le col de cet organe raccourci ; cependant il avoit 
42 millimètres de long, tandis que dans la femme qui 
v’est point enceinte, sa longueur ordinaire est de 27: 
ainsi, il s’étoit accru de 15 millimètres enlongueur, au 
lieu de s’être raccourci comme on est persuadé qu’il le 
doit être à cette époque de huit mois de gestation. 

Quant au placenta , il occupe seulement la cavité du 
fonds et celle du corps de la matrice ; il est appliqué à 
leurs faces postérieures. Cette matrice, dans létat où 
on la voit, étant en place, a , depuis son fonds jusqu’à 
son museau, 191 millimètres, et hors de place, en ayant 
dégagé le placenta, 270, ou 79 millimètres de plus qu’en 
place; ce qui feroit soupçonner que le décolement et 
la soustraction du placenta auroïient occasionné cet 
accroissement de longueur, et que par son adhérence 
à la matrice , il lui donne du corps et augmente son 
action. 

‘Une autre remarque essentielle est que dans ces deux 
états, je veux dire la: matrice étant en place et hors de 
place, la longueur de son col n’a pas varié; elle s’est 
trouvée constamment de 42 millimètrés. 

Après avoir donné quelque attention à la matrice 


120 SUR BA MATRICE D'UNE FEMME 


considérée en elle-même, et à quelques-unes de ses dé- 
pendances durant qu’elle est renfermée dans le ventre, 
voyons quels sont, quant à sa position, ses rapports 
avec les parties environnantes, toujours à pou 0 de 
huit mois de grossesse. 

‘Par son exhaussement et par son développement; elle 
étoit parvenue à déplacer le système intestinal, à dé- 
passer les menus intestins, à les couvrir, les ramasser 
dans la région lombaire , à ‘presser le cœcum (O0) d’un 
côté , le rectum du côté opposé (P}), à soulever l’arc du 
colon (Q), ainsiique l’estomac et le diaphragme : dis- 
positions essentielles à ne pas pe de vue pour l’é- 
poque dont: il s’agit ici. 

Guillaume Hinss les:a bien représedtes dans son 
grand ouvrage pour la femme enceinte de neuf mois; 
mais, lorsqu'il s’agit de recherches de la nature de celles- 
ci, il convient ide connoître , et les rapports de chaque 
partie, ainsi que de chaque région de la matrice entre 
elles, et ceux de la. matrice elle-même , avec les diffé- 
rentes parties du bas-ventre contre lesquelles elle se 
trouve-placée aux différentes époques de la grossesse. 


Cerve matrice, considérée hors de place (pZ. IT) , et 
représentée avec quelques-unes de ses parties accessoires , 
donne lieu à! d’autres remarques. Il-en est quiregardent 
son col (A), elles ne s'accordent point avec: ce que l’on, 
sait pour l’époque de la grossesse dont nous rendons 
compte. Ici ce col a,été ouvert dans toute sa longueur, 
afin demieux s'assurer de ses dispositions intérieures ; 


À HUIT MOIS DE GISTATION. 121 


il a, comme nous l’avons dit, la même étendue de 42 
millimètres en longueur , que dans la planche précé- 
dente, où il n’est point ouvert : sa cavité n’est plus 
olivaire comme avant la grossesse , mais cylindrique d’un 
bout à l’autre, et d’une capacité à pouvoir y introduire 
le petit doigt; les plis, qui d'ordinaire dans la femme 
qui n’est pas enceinte la traversent , la ligne saillante 
qui a coutume de les séparer sur le milieu de la lon- 
gueur de ses deux faces, n’existent plus; enfin, on y 
aperçoit intérieurement une multitude de petites cavités 
ou lacunes remplies, ainsi que tout ce canal cylindrique, 
d’une substance gélatineuse de couleur blonde un peu 
foncée. Je m’attendois à trouver l'extrémité supérieure 
du col, joignant le corps de la matrice:, plus souple, 
comme devant se disposer la première à s’y joindre pour 
en accroître la capacité : c’étoit le contraire; elle étoit 
plus ferme que l’inférieure , ou que le bourrelet du 
museau de tanche ; lequel se trouva non-seulement plus 
ramolli, mais encore plus renflé et spongieux. J’ajou- 
terai que les parois du col avoient acquis de l’épaisseur. 
Sans doute tous ces changemens survenus dans cette 
région de la matrice sont autant de moyens qui la dis- 
posent à se confondre , sur la fin de la grossesse, avec la 
cavité du corps de ce viscère, et il convenoit d’appeler 
l'attention des observateurs sur un pareil fait. On ne 
sauroit voir, à cette époque de huit mois de grossesse, 
ce qui se passe dans le col de la matrice et dans les ré- 
gions supérieures de cet organe, sans être frappé des 
différences qu’on y aperçoit, 
1806. Premier semestre. 16 


122 SUR LA MATRICE D'UNE FEMME 

Que le corps et le fonds de la matrice soient distendus 
progressivement durant que l’enfant et ses enveloppes 
les occupent et y croissent , cela n’a rien de surprenant: 
mais comment se fait-il, tandis que l’enfant et ses dé- 
pendances occupent seulement les cavités du corps et 
du fonds de la matrice, que la cavité du col change, 
se déforme, s’allonge, s'ouvre, que ses parois épais- 
sissent, etc? C’est ce dont les connoissances que l’on 
possède sur la structure de la matrice ne peuvent encore 
rendre raison : sa structure mieux approfondie découvre 
une organisation particulière sur laquelle nous nous 
expliquerons, lorsque nous rendrons compte de nos 
autres recherches anatomiques sur la matrice dela femme 
nouvellement accouchée. 

S'agit-il de l'épaisseur des parois de ce viscère dans 
le cas présent; elle étoit de 5 millimètres à la jonction 
du col avec le corps (c’est l’endroit le plus mince), de 
7 vers le milieu des cavités du col et du fonds, et de 
11 millimètres vers le milieu du corps. 

Si ensuite on porte son attention sur les ligamens 
larges, on trouvera qu’ils s’étendent de chaque côté de- 
puis seulement le bas du fonds (B), le long de la région 
du corps (B C), et de celle du corps de la matrice (C D), 
jusque vers la partie moyenne du vagin (E). 

Quant au ligament rond , il est transporté de chaque 
côté par l’effet de la grossesse sur la face antérieure de 
la matrice, à la distance de 27 millimètres de l'insertion 
de la trompe de Fallope (GH) : là ,il se présente de champ 
et se développe en patte d’oie sur le corps de ce viscère, 


A HUIT MOIS DE GESTATION. 123 


auquel se rapporte l’une de ses principales fonctions du- 
rant la grossesse, qui est de détourner le trop plein 
du sang de cette région moyenne de la matrice sur les 
veines vaginales inférieures , en le faisant passer par les 
anneaux pratiqués dans les plis des aines aux muscles 
du bas- ventre; objet qui laisse des éclaircissemens à 
désirer, sur lesquels onreviendra dans un autre mémoire. 

L’étendue en hauteur de chaque région de cette ma- 
trice,mesurée en devant sur le milieu de leur longueur, est 
pour le fonds (IL) 123 millimètres , pour le corps (L N) 
105, et pour le col (NM) 42, en tout 270 millimètres ; 
au lieu que dans la femme qui n’est pas enceinte, la 
longueur totale de ces trois régions est de 7o milli- 
mètres : de sorte que cette matrice de la femme enceinte 
de huit mois, dans l’état où nous la considérons, excède 
de 200 millimètres la longueur ordinaire de la matrice 
de la femme qui n’est pas enceinte. 

Cette observation conduit encore à d’autres résultats ; 
savoir que dans la grossesse , à l’époque de huit mois, les 
gros intestins pressés latéralement longent les côtés de 
la matrice, que les grêles sont soulevés, portés en ar- 
rière et recouverts en devant par cet organe, dont le 
fonds pressé soulève aussi l'arc du colon, le foie, l’es- 
tomac; de sorte que devenu plus volumineux au neu- 
vième mois de gestation, l’on peut croire qu’il devoit 
déplacer davantage ces différentes parties, et, par leur 
moyen, le diaphragme; ce qui ne peut manquer de 
restreindre la capacité de la poitrine , et , à chaque ins- 
piration, le volume de l'air vital. On est éloigné de 


124 SUR LA MATRICE D’UNE FEMME 


savoir à quel point cette soustraction de Pair vital dans 

‘la femme enceinte influe sur la qualité de ses humeurs; 
on sait seulement que son sang est en général plus aqueux 
que lorsqu’elle n’est pas enceinte. 

Ce déplacement de ces différentes parties du ventre 
se renouvelle dans le même ordre et d’une manière 
constante à chaque grossesse : on ne sauroit donc se 
dispenser de le regarder comme une disposition néces- 
saire et l’effet de causes naturelles. Mais quelles sont 
les causes qui l’occasionnent? Je ne sache point que 
l’on se soit occupé de cette recherche, et que l’on se 
soit expliqué à leur sujet. J’en remarque cinq , lesquelles 
concourent simultanément au même but. 

L’une comprend les courtes attaches des gros intes- 
tins, qui ne leur permet de se prêter qu’à un déplace- 
ment latéral de peu d’étendue. 

L'autre est la longue suspension des intestins grêles 
qui, en leur laissant la liberté de flotter, en facilite le 
refoulement. 

La troisième est la saillie que font dans le bassin à 
son entrée la dernière vertèbre des lombes et la pre- 
mière pièce de los sacrum , laquelle saillie, lorsque la . 
matrice prend du volume, se prolonge dans le ventre , en 
déverse le fonds vers les os pubis, qui, prolongés en de- 
vant , échancrés en arrière, se prêtent à ce déversement. 

La quatrième procède des deux ligamens ronds qui, 
comme autant de haubans placés en devant près des 
côtés de la matrice à la hauteur seulement de son corps, 
mais sans être contre-balancés en arrière par des puis- 


À HUIT MOIS DE GESTATION. 125 


sances égales, à l’époque où ce viscère s’élève hors du 
bassin, en dégagent le fonds de dessous les menus in- 
testins, l’attirent en devant contre les parois du ventre, 
et l’y appliquent d’autant plus que cet organe acquiert 
ensuite une plus longue étendue durant le progrès de la 
grossesse, 

La cinquième et dernière de ces causes dépend de:la 
pesanteur que la grossesse occasionne dans Île ventre. 
La femme alors, pour éviter de tomber en devant, est 
forcée de porter sa tête et le haut de sa poitrine en 
arrière , ce qui redresse et tend les muscles droits du 
bas-ventre : ceux-ci, ainsi tendus et redressés, compri- 
ment la face antérieure de la matrice, laquelle, venant 
à croître et à se prolonger dans cette situation, ne sau- 
roit manquer de soulever, de renverser les menus in- 
testins, et de les couvrir pardevant; enfin de presser les 
différentes parties opposées supérieurement à son fonds. 
Pourquoi toutes ces précautions tendantes à placer la 
matrice en avant des intestins? C’est qu’il falloit la 
mettre à portée de l’action des muscles du bas-ventre 
pour faciliter dans cet organe, durant la grossesse, le 
retour du sang veineux, et sur la fin de la gestation, 
expulsion de l'enfant. 

L'observation dont nous rendons compte fournit enfin 
un moyen de rectifier le sentiment d’accoucheurs célè- 
bres sur l’état du col de la matrice à six et à sept mois 
de grossesse. : 

Mauriceau croyoit qu’à partir du sixième mois en- 
viron ; la cavité du col de la matrice commençoit à se 


126 SUR LA MATRICE D'UNE TEMME 


raccourcir et à se confondre dans celle du corps de ce 
viscère. Cette opinion a été embrassée par Smélie et par 
Rœdrer. Guillaume Hunter reculoit ce raccourcissement 
jusqu’au septième mois. Une observation d’Haller et une 
de Weitbreth , paroïssent appuyer cette dernière façon 
de penser, puisque dans celle d’Haller, pour six mois 
de gestation, le col de la matrice subsistoit ; seulement 
il étoit assez dilaté pour pouvoir admettre le petit doigt ; 
et dans celle de Weitbreth se rapportant à l’époque de 
sept mois, les feuillets du col n’étoient point effacés, 
comme il y a lieu de croire qu’ils l’eussent été si sa 
cavité se füt jointe en partie à celle du corps de cet 
organe. Quant à Levret , il croyoit que le col de la ma- 
trice commence à s’évaser du huitième au neuvième 
mois. 

Si nous comparons l’état du col de la matrice de 
notre observation à celui des observations des auteurs 
dont nous venons de parler, on verra que même à 
l’époque de huit mois de grossesse, dans notre observa- 
tion , il n’étoit point raccourci ni évasé, qu’il n’étoit 
aucunement confondu avec la cavité du corps de ce 
viscère , que même il étoit alongé ; en conclurai-je que 
les observations de ceux qui nous ont précédé sont 
inexactes ? Non assurément , mais qu’ils ont voulu établir 
des déterminations absolues ou des règles générales en 
un sujet qui en est peu susceptible; que époque où la 
réunion de la cavité du col de la matrice à celle de 
son corps commence à se faire, ne sauroit se rapporter 

_ dans tous les individus à un terme fixe et unique; que 


A HUIT MOIS DE GESTATION. 127 


quand même la diversité de leurs observations ne per- 
suaderoit pas entiérement de ce que j’avance,ilsuffroit, 
pour achever de se convaincre, d’avoir égard aux dif- 
férences que peut apporter dans une pareille détermi- 
nation, pour l’empèêcher d’être constante, le volume plus 
ou moins grand de la matrice, de l’enfant, du délivre 
et des eaux qu’il renferme ; la disproportion qui dans 
le même individu se rencontre quelquefois entre Fé- 
tendue ordinaire du fonds et du corps de la matrice 
avec celle de son col, disproportion telle que tantôt le 
fonds etle corps ont plus d'amplitude qu’ils ne devroient 
en avoir relativement à celle du col; d’autres fois, au 
contraire, c’est le col qui est le plus long et les deux 
autres régions supérieures qui sont plus courtes qu’à 
l’ordinaire : remarques qui conduisent à cette autre con: 
séquence ; que des signes tirés de données sujettes à tant 
de variétés pour déterminer le terme de la grossesse , ne 
sont pas aussi sûrs qu’on pourroit le croire, et que l’on 
auroit besoin qu’ils le fussent. 

Je terminerai ce mémoire par un fait d’unautre genre 
qui nous occupera peu de temps. 9 

On avoit avancé autrefois que les artèresombilicales 
contenoient des valvules ; depuis on a cessé d’y faire 
attention. Ici il s’en est rencontré quatre dans une des 
artères ombilicales et deux dans l’autre ; elles étoienticir- 
culaires (p2. Z, fig. 11); je ne les ai point trouvées dans 
d’autres sujets. Je les crois destinées, lorsqu’élles exis- 
tent, à modérer le cours du sang artériel. 

Nous avons fait remarquer, dans cette observation ; 


2 


128 à SUR LA MATRICE D'UNE FEMME 


la distance qui subsiste entre le museau de la matrice 
et le ligament transversal des os pubis à huit mois de 
grossesse , ainsi que l’état particulier où se trouve alors 
ce museau. 

Les changemens survenus dans la forme et dans la 
position des ligamens ronds, lesquels , du côté de la 
matrice, se développent en patte d’oie; disposés de champ 
sur le corps de ce viscère. 

Les dimensions en longueur du fonds ; nous les avons 
trouvées plus longues que celles du corps, celles-ci que 
celles du col, et toutes ensemble plus longues de 200 
millimètres que celles dela matrice de la femme qui 
n’est pas enceinte. 

Nous avons vu de plus quel est l'emplacement que 
la matrice, en se développant, occupe dans le ventre 
à l’époque de huit mois de gestation, le refoulement 
qu’elle y occasionne des diverses parties plus ou moins 
flottantes, et nous avons essayé de faire connoître les 
causes de leur déplacement. 

Nous! avons fait voir de plus, contre le sentiment de 
plusieurs auteurs célèbres, que le col de la matrice ne 
commence pas toujours à se raccourcir au sixième ou 
au septième mois, et qu’il est dans le col de ce viscère 
des dispositions préparatoires à son raccourcissement qui 
sont inconnues, comme il est prouvé par notre observa- 
tion où l'extrémité supérieure du col de ce viscère: s’est 
trouvée plus ferme , moins gonflée que son museau ; et 
nous avons conclu que la différence des observations des 
auteurs soit entr’elles , soit avec la nôtre , ne permet pas 


Bob. 


2727 


Mem. de Clnet: 170! 


SK 
LS 
SÈ 


NS 


W 


+ 


Min de LEaet . 1" Soin BE A EE va. | 


A HUIT MOIS DE GESTATION. 129 
de rapporter l’époque"*où le col de la matrice commence 
à se raccourcir à une seule et même époque, ni de 
prendreune trop grande confiance dans les signes déduits 
de l’état où il se trouve, pour juger du terme de la 
grossesse. 


1806. Premier semestre. 17 


130 ANALYSE DES TRIANGLES TRACÉS 
L] 


ANALYSE DES TRIANGLES 


TRACÉS 


SUR LA SURFACE D'UN SPHÉROÏDE, 


Par A. M: LEeGENDRE. 


Lu le 3 mars 1806. 


Pour peu qu’on examine la nature des triangles tracés 
dans les opérations géodésiques, on reconnoît bientôt 
que leurs côtés sont des lignes à double corbure : car, 
soit qu’on détermine la distance entre deux points donnés 
par une corde tendue ou par des piquets qui s’effacent 
mutuellement, soit qu’on la considère simplement comme 
la route d’un rayon de lumière qui va d’un point à 
l’autre; cette distance est toujours la plus courte de 
toutes les lignes tracées sur la surface du sphéroïde entre 
ses deux extrémités, et cette ligne n’est à simple cour- 
bure que dans le seul cas où elle se confond avec le 
méridien. Pour établir donc une théorie exacte des trian- 
gles sphéroïdiques, il faut la déduire des propriétés 
générales de la ligne la plus courte menée entre deux 
points quelconques sur la surface du sphéroïde. 

Dans les Mémoires de l'Acad. des sciences, année 
1787, pag. 366— 369, j'ai donné des formules assez 


SUR LA SURFACE D'UN SPHÉROÏDE. 131 


simples pour déterminer, dans une étendue quelconque, 
la ligne la plus courte qui part d’un point donné et fait 
avec le méridien un angle donné. De ces formules on 
peut aisément déduire une théorie exacte des triangles 
sphéroïdiques, mais j’ai cru qu’il ne seroit pas inutile 
de traiter de nouveau cette matière, d’autant que je 
n’avois pas donné la démonstration de mes formules dans 
le mémoire cité , et qu’elles peuvent encore être simpli- 
fiées à quelques égards. 

Une autre considération m’a engagé à revenir sur 
cet objet. Le calcul des triangles de la méridienne de 
Dunkerque à Barcelonne, a été fait dans la supposition 
que la chaîne entière fût projetée sur une surface sphé- 
rique; on a employé pour le calcul de chaque triangle, 
soit le théorème que j’ai donné pour les triangles sphé- 
riques très-petits, soit des méthodes équivalentes. Ne 
pouvoit-on pas craindre que la différence du sphéroïde 
à la sphère, ne produisit quelqu’erreur appréciable sur 
une suite de triangles prolongée dans une étendue de 
près de dix degrés ? C’est du moins le scrupule qui nr’étoit 
resté après toutes ces opérations, et il paroissoit d'autant 
mieux fondé qu’on ne peut assimiler entièrement les 
triangles sphéroïdiques aux triangles sphériques. En 
effet, un triangle sphéroïdique ne peut tourner autour 
d’un de ses sommets sans cesser de s'appliquer exacte- 
ment à la surface du sphéroïde ; encore moins pamoît-il 


possible de transporter un de ces triangles d’un lieu à 


un autre qui n’auroit pas la mêmelatitude, 
Pour résoudre ces difficultés , il étoit donc nécessaire 


132 ANALYSE DES TRIANGLES TRACÉS 


de: soumettre à une analyse rigoureuse les triangles 
sphéroïdiques : voici pour cet effet la marche que j'ai 
suivie. 

Deux côtés étant connus avec l’angle qu’ils compren- 
nent, si on connoît en outre la latitude du sommet de 
l'angle et l’azimut d’un de ses côtés, il est clair que 
le troisième côté est nécessairement déterminé par ces 
cinq données particulières au triangle.et par les deux 
constantes du sphéroïde, son demi-axe et son aplatis- 
sement. J’ai donc recherché la valeur de ce troisième 
côté, et j’ai développé son carré jusqu'aux quantités du 
quatrième ordre inclusivement, en regardant comme 
très- petits du premier ordre l’aplatissement et le rap- 
port de chacun des côtés donnés au demi-axe du sphé- 
roïde. J’ai considéré ensuite que, quelle que fût la loi 
suivant laquelle le troisième côté se déduit des données 
dont il s’agit, on pouvoit supposer que l’angle opposé 
A est diminué d’une quantité z, telle que le troisième 
côté ft égal à celui du triangle rectiligne formé par les 
deux côtés donnés et l’angle compris 4 — 3. 

Par cette supposition on obtient, pour déterminer 3; 
une équation fort composée, mais susceptible de beau- 
coup de réductions. Et d’abord il étoit manifeste que 
les termes indépendans de l’aplatissement devoient se 
réduire au seul terme qui représente le tiers de aire 
du triangle, puisque ce résultat a lieu dans les triangles 
sphériques. Quant aux autres termes, il sembloit très- 
possible qu’il en restât quelqu'un affecté de la première 
ou dela seconde puissance de laplatissement; mais 


SUR LA SURFACE D'UN SPHÉROÏDE. 133 


en exécutant les calculs avec tout le soin nécessaire, 
on trouve que tous ces termes se détruisent mutuelle- 
ment , et que la valeur de 3 se réduit au tiers de Paire 
du triangle , comme dans l’hypothèse sphérique. 

Ce résultat est tout à la fois indépendant de Papla- 
tissement du sphéroïde, de la latitude du sommet 
du triangle, et de la direction azimutale de ses côtés. 
Il prouve que la différence entre le triangle sphéroïdique 
et le triangle sphérique qui a des côtés d’égale longueur, 
n’en produit une sur les angles que dans les termes du 
troisième ordre ; et celle-ci à son tour, lorsqu'on calcule 
d’après des angles donnés, n’en produit qu’une du 
quatrième ordre sur les côtés : or, l’une et l’autre dif- 
férences ne deviendroient sensibles que pour destriangles 
beaucoup plus grands que ceux qu’on peut former dans 
les opérations géodésiques. 

Si on considère ensuite que toute surface peu diffé- 
rente d’une sphère peut être censée coïncider dans une 
certaine étendue avec une portion de sphéroïde ellip- 
tique disposée convenablement, on en conclura que le 
théorème sur les triangles sphériques très-petits, s'étend 
généralement à tous les triangles tracés sur une surface 
quelconque peu différente d’une sphère. 

D’après cette analyse il ne doit plus rester aucun 
doute sur l’exactitude du calcul des triangles de la mé- 
ridienne d’où on a déduit la distance des parallèles entre 
Dunkerque et Montjouy près Barcelonne. Les mêmes 
principes s’appliqueront à toute autre chaîne dirigée 
comme on voudra par rapport à la méridienne, et le 


LES 


134 ANALYSE DES TRIANGLES TRACÉS 

résultat du calcul donnera exactement la grandeur de 
la ligne la plus courte qui joint les points extrêmes, et 
la direction azimutale de cette ligne par rapport aux 
côtés du dernier triangle. 

Quant aux autres déterminations concernant la dif- 
férence en longitude des deux extrémités de la chaîne ; 
leur différence en latitude, et la direction azimutale du 
dernier côté par rapport au méridien du lieu; elles dé- 
pendent de la nature particulière du sphéroïde sur lequel 
la chaîne est tracée. Nous avons donné les formules qui 
conviennent à un sphéroïde elliptique de révolution, et 
on peut compter sur leur exactitude; mais les résultats 
déduits de différentes chaînes ne s’accorderont pas tou- 
jours exactement entr'eux, à cause des anomalies dans 
les latitudes et les azimuts qui peuvent être dues aux 
attractions locales. 


$. Ir. Du triangle formé par deux méridiens et une 
perpendicudaire à l’un d'eux. 


(1). Sozr ( fig. 1) C le centre du sphéroïde, CP son 
demi-axe, CE le rayon de l’équateur, AZ une per- 
pendiculaire au méridien PAC, prolongée jusqu’au 
méridien PAZ C; par les points 4 et A7 menez les or- 
données A7, MT, perpendiculaires à l’axe, et les nor- 
males 4 D, MO, terminées à ce même axe en D et O. 
Cela posé, nous appellerons : 

a le rayon de l’équateur CE; 

b le demi-axe CP; 


SUR LA SURFACE D'UN SPHÉROÏDE, 135 

? la latitude du point 4 ou le complément de l’angle 
PDA; 

À la latitude du point ÆZ ou le complément de l’angle 
PO; 

g l’angle 4 P M qui mesure la différence en longitude 
des points 4 et M7, ou l’angle compris entre les méri- 
diens CPA, CPM; 

£ V’abscisse CT'; 

z l’ordonnée TM; 

$ Pare 4 MW; 

M l'angle azimutal 4 ATP. 


(2). On trouve par les méthodes connues que la ligne 
la plus courte sur la surface d’un solide de révolution 


a pour équation 
CARE CINE . (a) 


zd@ : . . 
Et parce que 7 —= 272. M, on voit que la propriété 


de la ligne la plus courte est de rendre 4. sin. M cons- 
tant; or, au point 4 ona M = 90° et sin. M — 1, 
Ainsi la constante c est égale à AZ, valeur initiale 


de z. 
Combinant l’équation précédente avec la formule 


ds = du? ,+ vds + de 


on en tire les deux suivantes : 
CY (dE + dus) 
CA VACS 
u VW (d® + du’) 
V G — 6°) 


de = 


(CN ee 


136 ANALYSE DES TRIANGLES TRACÉS 


desquelles il faudra éliminer l’une des variables £ et z 
par le moyen de l’équation du méridien. 


(3). Si le méridien est elliptique, comme nous le sup- 
poserons désormais, on aura 


LE . (D — #) 


mais, pour parvenir aux résultats les plus simples, il 
conviendra d'employer une nouvelle variable À telle 
qu’on ait £ — b. sin. '; il en résultera x = à. cos. À, 
et la substitution de ces valeurs donnera 


nas c  dn'\/ (a°. sin?. X' + B?%. cos’. à) 

M de TU .@ 
RUES adx'. cos.x'4y/ (a. sin?. x" + b?. cos?.x") 

SAT CNT NET NL er 


Il est à observer que la variable auxiliaire À se dé- 
duit immédiatement de la latitude A; car ayant l’or- 
donnée TM — a. cos. ' et l’abscisse C7'= b. sin. À, : 
on trouve la sous-normale 


AR aa = Dee 0: : ! 
DORE: sin, À — ——. sin. À 
et de là 
HS ’ 
TU OU Zang. AU D Lang. À 


donc réciproquement 


b 
LATE ——. lang. À 


d’où l’on voit que À et à’ se déterminent aisément l’une 


SUR LA SURFACE D'UN SPHÉROÏDE. 137 


par l’autre. Nous appellerons, pour abréser, N Za lari. 
zude réduite, parce qu’elle est en général moindre que 
la latitude vraie À, lorsqu’on suppose le sphéroïde 
aplati. Ces deux latitudes s’accordent dans les points 
de zéro et de 90°, et leur plus grande différence a lieu 
lorsqu'on a 


tang. À — V/ — et ang. À — 4 _ 
(4). Si l’on appelle semblablement /'la latitude réduite 
qui correspond à la latitude Z du point 4, on aura 
Cc = a. cos. l’ 


et les équations (b’) deviendront 


cos. l' dx 4/ (a°. sin. X + B2. oos2. a) 
da". cos. À 4/ (a°. sin?. X + b?. cos?. x') 
V' (cos?. 2° — cos?. l') 


AD—=— 


ds —=22 


On voit par ces équations que À’ a pour limites + /'et 
P q q P 
— l',; et qu’ainsi on peut introduire une nouvelle va- 
, q P 
riable x telle que 


sin. À = sin. L'. cos. x. 
Substituant cette valeur, et faisant de plus 
= D (1 Ho) 
on aura les deux transformées 


de — b. cos. À, dr y G He. sin°. Ti cos’. x) 


1 — sén?, l', cos’. x F À (c') 
ds = bdr V (1 +6, sin. l'. cos”. x). , 


1806. Premier semestre. 18 


138 ANALYSE DES TRIANGLES TR ACÉS 

La seconde équation fait voir que Parc s de la ligne 
la plus courte peut être assimilé indéfiniment à nn arc 
d’ellipse; car si, ayec les demi-axes C4'= b ( fig. 2), 
CB = by (1 +4. sin”. 4”), on décrit une ellipse 
A'M' B'; et qu’on prenne Vabscisse C2" = b: cos. x, 
on aura l’arc correspondant 


A'MW'E fb dx ÿ x eisin, l', cos. x) = AM. 


(5). Quant à la valeur de ©, elle dépend des fonc- 
tions elliptiques de la troisième espèce (voyez mon Mém. 
sur les transcend. ellipt.); mais, pour lui donner la forme 
la plus simple et la plus facile à évaluer par approxi- 
mation, je l’écris ainsi: 


b. cos. l’ C'ax 
AUD RER Tee pe fat ARRETE 
a 1 — sin. l', cos’. x 
b.cos.l' dx [y (1 + 6. sén°. l', cos’. x) — C] 
a Li 1—— sin. L. Cost. TO 


Ensuite je prends C de manière qu’on ait 
14e. sin”. l'icos".æ — C—(1—C*).(1—sin".l',cos".x) 
ce qui donne 

a? a 


D — — — 
O—ihs—s où C—=— 


et la valeur de do devient 


Joe dæ. cos. l' b2.e. cos. l' dx 
FE 1— sin. l'. cos?.x a ' a+by/(i+e, sin, l', cos. x) 


Enfin, prenant l’angle y, d’après la formule 


Zang. æ 


tar1g, ÿ2 == Sacr 


SUR LA SURFACE D'UN SPHÉROÏDE. 139 


on aura encore plus simplement 


be, cos. l” dx 


ms # 
do = dy ME a ‘a+b V'QG + e. sin. l', cos°. x) (d”) 


(6): Pour avoir maintenant les intégrales approchées 
de ces formules, il suffira de les développer jusqu’aux 
quantités de l’ordre «* inclusivement. Effectuant donc 
ce développement, et substituant, au lieu de a, sa va- 


leur b V° (1 + <), l'intégrale de Péquation (d') sera 
= y — x. cos. [M (5e—+e) 


+ (+ sin 2x), (is. Se l'a cos: Lux. (er) 


Pareillement l’intégrale de la valeur de ds sera 


s—=bx(1+re, sin. l'— 2e, sin. [1 


+ D. sin. 2x (ge. sin. l'— 2e, sin. 7) 
— b. sin. 4 x (re. sème Pr) 5 se on (É) 


(7). Ces formules serviront à résoudre les différens 
problèmes qu’on pourra se proposer sur le triangle sphé- 
roïdique rectangle PAM, formé par deux arcs de mé- 
ridiens P 4, PM,;etla perpendiculaire à l’un d’eux 4. 
Supposons, par exemple, qu’étant connus l'arc 4P, 
ou seulement la latitude du point Æ qui détermine cet 
arc, et la distance 4 M = s ; il s'agisse de trouver, 
d’après ces deux élémens et l’angle droit 4, les trois 
autres élémens du triangle PAM, savoir, la longi- 
tude p — PAM, la latitude À du point 47 ,.et l’azi- 
mut A7. 


140 ANALYSE DES TRIANGLES TRACÉS 
Ayant fait la quantité connue -- — 5, on détermi- 
nera x à l’aide de l’équation (f”), d’où l’on tire 


æ = 6 (a — 56 sin A EN sin. [D] 
— sin. 2 o (+6. sin. l'— + ee, sint. l”) 
+ 0, cos. 2 o (5 «°. sint. 17) 


sir io (EE l } 101 08 00e) 


æ étant connu, on aura y par l’équation 
ang. 
Lang. Y —= ES 


cos. l’ 


et de-là la longitude & par l’équation (e). 
Ensuite la latitude À du point A sera donnée par les 
deux équations 


. RE 925 1 rie ’ 
sin. N sin. l'. cos. x, tang. = —— tang. À 
Enfin l’azimut A7, c’est-à-dire l’angle que fait la courbe 


AT avec le méridien du point A7, sera donné par 
l'équation 


: c cos. l' £ 
sin M=— =... (h') 

(8). Le calcul qu’on vient d’indiquer se réduit pres- 
que entièrement à la résolution d’un triangle sphérique 
rectangle ; car, ayant à résoudre le triangle sphéroïdique 
rectangle 4 PM dans lequel on connoît l'angle droit 4, 
Parc 4 P ou plutôt son amplitude 90° — Z (1), et l’arc 


QG) On appelle amplitude d’un arc de courbe l’angle compris entre les deux 
normales menées aux extrémités de cet arc. 


SUR LA SURFACE D'UN SPHÉROÏDE. 141 


AM dont la longueur — s — bo; si on construit 
( fig. 3) le triangle sphérique P'4'M' rectangle en 4’, 
dans lequel on ait le côté P4'— 90° — l'et A'M'— 2x; 
la relation entre ces deux triangles est telle qu’on a 
Pangle M' = M et le côté P'M' — 90° — x. 

La résolution du triangle sphérique, en supposant 
seulement x connu, donnera immédiatement l’azimut M 
et la latitude réduite à’ du point A7; d’où l’on conclura 
aussitôt la latitude vraie par la formule 


Las a 2 
Lang. N'ES DT lang. À 


Quant à la longitude +, on la trouvera en calculant 
d’abord l’angle 4'P'M"' — y, et faisant ensuite 


p—= y — x. cos. l'(He— 5e) 
+ (x += sin 2x). (5 &. sin. l. cos. l') 


(9). D’après cette solution on peut prendre une idée 
juste de la figure qu’affecte la ligne la plus courte menée 
perpendiculairement à un méridien donné par le point 
dont la latitude est Z. 

Si l’on fait x — 90°, on aura 


et 
®—900[1— cos. l'(te— Fe) +Le, sin”. l'. cos. l] 
Le point de la ligne la plus courte qui correspond à 


cette valeur de x est donc situé sur l’équateur, mais sa 
longitude n’est pas de 90°, comme elle le seroit sur la 


142 ANALYSE DES TRIANGLES TRACÉS 
sphère; elle sera moindre dune quantité à peu près 
proportionnelle à l’aplatissement (1). 

La même supposition de x = 90° donne la longueur 
de. l’arc s égale au quart dellipse 4’M'B! ( fig. 2), 


dont la. valeur développée est 


s — b (1 + je sin. l — E e, sint, 7) 
Si on fait ensuite + = 18o°, on aura 
AE Vis A et Mel h6ef 


En même temps les valeurs de o et de s deviennent 
doubles de ce qu’elles étoient en faisant x = 90°, et 
l’azimut est de 90°, comme au point 4, D'où il suit 
que la ligne la plus courte s’étend au-delà de l’équateur 
jusqu’au parallèle qui a la mème latitude-que le point4, 
et dans cette limite elle fait de nouveau un angle droit 
avec le méridien. En général l’équateur divise cette 
courbe en deux parties parfaitement égales. Elle passera 
donc semblablement du second hémisphère au premier, 
et parviendra au même parallèle d’où elle étoit partie, 
mais dans un point différent, puisque la longitude de 
ce point, au lieu d’être de 360, sera 


3600 [1 — cos. l'(e— $e) +4 ee. sin”: l', cos. 17 


16 


2 : a LÉ : 
(1) Si on fait le rapport des axes TT =! —+ «, la quantité z# est ce qu'on 


appelle l'aplatissement du sphéroïde. Nous avons introduit, au lieu de cet 
aplatissement:, la quantité « qui en est à peu près le double, car ayant fait 
a 


H =i+é, il est clair qu'on à 6 2 © + «?. 


SUR LA SURFACE D'UN SPHÉROÏDE. 143 
Ces révolutions se répéteront sans cesse, et la per- 
pendiculaire à la méridienne formera une sorte de spi- 
rale comprise entre les deux parallèles situées de part 
et d’autre de l’équateur à la même latitude, Toutes les 
spires de cette courbe seront égales entre-elles, ét chaque 
quart de spire compris entre un parallèle et l’équateur 
sera égal en longueur au quart d’ellipse dont les demi- 
axes sont D et b' 7 (1 +. sin°. L'). 


(10). Les propriétés qu’on vient de démontrer pour la 
perpendiculaire à la méridienne, conviennent également 
à la ligne la plus courte menée entre deux points quel- 
conques du sphéroïde; car, quelle que soit la ligne la 
plus courte qui passe sur deux points donnés B et M 
(Jig. 3), si on prolonge cette ligne indéfiniment, soit 
vers B, soit vers A7, et que À soit le point de son 
prolongement le plus près du pôle P, il est clair que l’arc 
de méridien P 4 sera perpendiculaire À la courbe AMB, 
et réciproquement 4 MB à PA. Donc l'arc BM fait 
partie d’une perpendiculaire au méridien , et jouit des 
mêmes propriétés dans ses prolongemens indéfinis. 


$ IT. Du triangle formé par deux méridiens, et 
la ligne la plus courte qui en Joint deux points 
quelconques. : 


(11). Considérons maintenant le triangle PBM 
(Zig. 3) formé par deux arcs de méridiens PB, PM, 
et la ligne la plus courte B AZ menée comme on voudra 
entre les deux. Soit Z la latitude du point B, À ceile 


144 ANALYSE DES TRIANGLES TRACÉS 

du point M, azimut PBA = B, et l’azimut PWMB 
— M; enfin, soit l'arc BM = 5, et la longitude 
BIPMI—=\e. 

Le méridien perpendiculaire à l’arc B M prolongé 
étant P 4, on construira les triangles sphériques P'4'W, 
P'A'B' d’après les triangles sphéroïdiques PAM, P 4B, 
comme on l’a expliqué numéro (8); on fera de même 
A'M' = x, A'P'M = y, et de plus la latitude en 
A'=l', A'B'= m, A'P'PB'— n. Connoissant les élé- 
mens Let B relatifs au point B, on aura, pour déter- 
miner la position du point 4, les équations 


JAP En M IL D VE NOT CMYES 
sin. L' 
IL... , .. cos m = ——— 
sin. L 
Lang, ML 
IPC TE MAR AT E— ne 
cos. 


La première n’est autre que l’équation même de la 
courbe z. sin. M = const. ou cos. \'. sin. M = const. 
appliquée aux points 4 et B ; les deux autres résultent 
du triangle sphérique rectangle P°4"B", où l’on connoît 
l’hypoténuse P'B'= 90° — L' et l’angle B' — B. Ces 
équations déterminent les trois autres élémens du même 
iriangle , et on obtiendroit par leur combinaison ou par 
les formules trigonométriques connues ces autres re- 
lations : 
cos, B. cos \ Li! 
sin. n. cos. L;' 
cos, mn. sir. B 


Sirt. I. Sin. L! 
SL7L. IL. 


MH 


COS+ 71s 


SUR LA SURFACE D'UN SPHÉROÏDE, 145 


(12). Il faut ensuite considérer les autres quantités 
relatives au triangle PB M; savoir, s, À, 9, M; et de 
plus les deux auxiliaires x et y. De ces six quantités 
trois sont représentées dans le triangle sphérique rec- 
tangle P'4' M", où l’on a A'M' = x, angle M'P'A! 
— y et angle M'— M. Une quatrième, À, a pour 
correspondante le côté P'M' — 90° — \'; ainsi ona 
d’abord les trois équations : 


IN O M  PENS27z A SZ LE COST 


lang. x 


Mesa JR + EG = 
cos. L'. sin. B 


VIRE NT AM 


cos, À 


par lesquelles on voit qu’une des quatre variables À, æ, 
Y» ÎT, étant connue, on pourra déterminer les trois 
autres. 

Enfin, des deux équations (e') et (f’) on déduit gé- 
néralement les deux suivantes : 


TE: _— (xz—m). (++. sin. l 5e, sint. 7 
+ (sin.2x— sin. 2m).(+e. sin. l'—-©e, sinf. /") 


— (sin. 4x —sin. 4m). (Le. sint.l') 


VIIT, g…—=y—7—(x—m).(ie—+#:).cos.l 


+(x—m+4sin.22—"%.sin.2m)(<.sin".l'.cos.l") 


(13). Ces huit équations renferment toute la théorie 
des lignes les plus courtes menées sur la surface du 
sphéroïde ; elles se traiteront différemment, suivant les 

1806. Premier semestre. 19 


146 ANALYSE DES TRIANGLES TRACÉS 


différens problèmes à résoudre. Si, par exemple, avec 
les élémens Z et B ou L' et B relatifs au point B, on 
connoft la longueur s de la ligne la plus courte BMW, 
et qu’il s’agisse de déterminer les autres élémens rela- 
tifs au point A7, on calculera x d’après l'équation VII, 


. S 
laquelle, en faisant —- — ©, donne 


æm—=mH+o(i—}ze. sin. l'+ Te, sin, 15 


— sin. 0. cos. (2 m4 0). (4e. sir. l'—+e, sin. 1") 


ue sin. 1" 
—+ 5. cos. (2 m + 2 5). TEST 


F e?, sin4. l' 
—+ sin. 0. cos. (2 m+H0). cos. (2 m -+ 20). (= 


. 3 2 SZ71 Te LA 
—- sin. 2 0. cos. (4 m + 2 0). (=) 


s 


Au moyen de cette valeur on déterminera à", y et M 
par les équations IV, V, VI, et enfin @ par l’équa- 
tion VIII. 

Ces équations ont lieu quelle que soit la grandeur de 
la distance s ou de l’angle &; mais, dans la pratique 
des opérations géodésiques, la distance s est toujours 
très-petite par rapport aux dimensions du sphéroïde : 
c’est pourquoi il convient de développer d’une manière 
particulière les formules relatives aux triangles PBM, 
dans lesquels un côté BAT est supposé fort petit par 
rapport aux deux autres. Ce sera l’objet du paragraphe 
suivant. 


SUR LA SURFACE D'UN SPHÉROÏDE. 147 


= 


$ III. Du triangle formé par deux méridiens et un 
arc de la ligne la plus courte, supposé très-petit par 
rapport aux deux autres côtés. 


(14). Les formules relatives à ce triangle se déduisent 
facilement de celles qu’on a données dans le paragraphe 
précédent ; il suffit pour cela de supposer o très-petit, 
et de développer les formules jusqu'aux quantités du 
troisième ordre inclusivement en « etc: ce qui suffit 
pour les opérations géodésiques où les termes ultérieurs 
seroient absolument insensibles. Nous allons cependant 
faire voir comment on peut parvenir plus directement 
à ces formules par l’intégration des équations différen- 
tielles (c') et (d’). 

Faisant toujours —— = 5, afin que « soit considéré 
comme une quantité très-petite du même ordre que €, 
nous prendrons æ — 71 + £, la quantité £ qui est repré- 
sentée par B' M", devant être du même ordre que c. Cela 
posé , la seconde des équations (c') donnera par un pre- 
mier développement 


do = dé [1+3e. sin. l. cos. (m + Ë£) 
— 3 &. sin. l'. cost, (m + Ë)] 


Et comme nous ne voulons admettre dans la valeur de & 
que des termes du troisième ordre, ik suffira de prendre 
cos. (m +Ë) — cos. m—Ë. sin. m, cos’. (m+£Ë) = 


æ 


- 


148 ANALYSE DES TRIANGLES TRACÉS 


cos”. m—2 Ë. sin. m. cos. m, cost. (m+Ë) = cost. m, 
et on aura 


dr = dËTi ++. sin. l'.(cos". m—2Ë.sin.mcos. m) 
— % 6. sin'. l'. cost. m] 


Donc, puisque set Ë sont zéro en même temps, l’inté- 
gration donnera 


s—Ë(1+ Te. sin. l', cos’, m—+e, sin. l'. cos{. m) 
— + EE? (ec sin”. l', cos. m. sin. m) 


Mais par les formules du n° 11ona 


SA LOGOS NTI SL LE 
et 
SAN SIL TI COS MDN COS 


substituant donc ces valeurs dans la formule précé- 
dente, afin de la composer des seules quantités relatives 
au triangle BPM, on aura j 


s— Ë (1 +ie sin. L'— +e. sin. L') 
— 2 Ë%, cos. BD... L'costL 


d’où l’on tire réciproquement 


EN tor  Se PstrRT PSPERS Rer) 
+ + os. cos. B. sin. L'. cos. L'. . . , (1) 


(15). Maintenant, pour avoir la valeur de 6, il faut 
recourir à l’équation différentielle (d'), qui, en faisant 


SUR LA SURFACE D'UN SPHÉROÏDE. 149 


æ —m +éË,et ne conservant que les termes néces- 
saires, devient 


Dre Be. cos. L d£ 
de == dy LT z HE: V/ G@ + «. sen?. l'. cos?. m) 


Substituant encore les valeurs a = by (1 ++), cos. L 
= cos. L'. sin. B, sin. l'. cos. m — sin. L', et faisant 
les réductions, on a 


do = dy —+ ed£Ë. cos. L'. sin. B(1—e+%e. cos". L”) 
d’où résulte, en intégrant, 
p—y—n—+#4:8. cos. L'. sin. B(1--e+76.00s.L') 


Il ne reste donc qu’à trouver y — z en fonction de £. 
Or des équations 


lang. x tanpg. (m + £) = fans. m1 
£AT19, TRS rie 2 —  —— CATDY NES = 
sy cos. L’ cos. l' 2 C3 cos. L' ? 


il résulte 
Ç ; st cos. l'. tang. & 
ang. (y —2)— cos®.l'+sin".m.sin?.l'+ sin*.l', sin. m.cos.m. tang. £ 
ou, en éliminant /'etz, 
sin. B. tang. ? 
iang.. (y HE D) RNCS LENS 77 NL Nés UE: tang. à 


De-là il est facile de conclure 


\ £. sin. B %. sin. B. cos. B 
pe a mn D 
83,sin. B. cos®. B . 11 
—— + ang. 1) 

23. sin. B 


— —— (; tang*. L') 


cos. L' 


150 ANALYSE DES TRIANGLES TRACÉS 

c’est ce qu’on auroit trouvé aussi par le développement 
de l’équation 

dé. cos. l' 


1 — sénat. l'. cost. (nm + £) 


dy = 


La valeur de © en fonction de € sera donc donnée 
par la formule 


NE ES RD #. sin. B. cos. B ont Te 
= ea Lio, 1Ù cos. L Ma ct 


— +4eëË. sin. B. cos. L'(1—e++e. cos. L') 


NOTE 2B 
se &5. sin cos G pe Lang. £") 


cos. L’ 
PSI RE $ ’ 
0 US LE PRE nn o, 

cos. L’ G RE L ) 
et si l’on y substitue l’expression de € en &, on aura, 


après toutes les réductions, 


ge. cos. L'—0. sin. B(1—+e+ie) 
—0°.sin. B.cos.B.tang. L'(1—:+1e.cos".L) 
+0. sin. B.cos*. B(5+ tang*. L') 
— 0. sin. B(s.tang.L'), . . . . . . (k') 


(16). Il reste à trouver des formules semblables pour 
la latitude réduite ' et l’azimut A7; or on a 


sin. N — sin. l'. cos. x — sin. l'. cos. (m+ Ë) 
— sin. l'. cos. m (1 — 1 E*) 
— sin. l'. sin. m (£ — + E°) 
ou 


sin, A'—sin. L'(1—21£*) — cos. B.cos. L'(£—1E) 


SUR LA SURFACE D'UN SPHÉROÏDE. 151 
d’où résulte 

RESE  E, cos. DB TE Sn. tang. L' 

+ZLE, sin. B. cos. B (G + rang. L') 
Substituant la valeur de £ en co il viendra 
N—=L'—0.cos.B(1—16. sin. L'+5e, sint, L") 

—20".sir. B.tang. L'(1—:. sin". L') 

—.€0 .COS . B.sin. L:t0s. L;' 

Ro. sin". B.cos. B(+tang.L'). . ... (1) 


Enfin l’azimut M peut se tirer, soit de la formule 
P 5 


É sir. B. cos. I; 
Sas EE EE 
cos." À 


soit de la formule 
rang. Ed TT EE PP SE RO Oo AS 


Celle-ci, développée convenablement, donne 

MB —E.sin.B. tang.L'+E.sin.B.cos. B(+tang.L) 
ne -sue. D.cos. Dans. Li (1-1: tang”. L”) 
Ré sir. D.tans. Li (2-62. tang*. L') 


et en y substituant la valeur de £ en 5, on obtient 


M=B—0sin.B.tang.L'(1—1esin.L' He. sint. LD) 
+0. sin. B. cos. B(2+ ang. L'—e.tans.L) 
Ho. sin. B. rang. L'(i+:.tang". L/) 
—d.sin. B.cos.B.tang. L'(£+tang.L').. . (m') 


(7). Les trois formules (k'}, (1), (m') contiennent 


152 ANALYSE DES TRIANGLES TRACÉS 


toutes les relations qui existent entre les côtés et les 
angles du triangle PBM, de sorte qu’étant donné 
trois des élémens qui le composent, on pourra déter- 
miner les trois autres. Ces formules ont été vérifiées 
avec soin, et on peut compter sur leur exactitude : elles 
diffèrent en quelque chose des formules analogues que 
nous avons données dans les Mémoires de l'Académie 
des sciences, année 1787, p. 563 et 364; mais celles-ci 
ont besoin d’une légère correction, parce qu’elles sont 
fondées en partie sur la supposition que la ligne BM 
est située dans un plan vertical qui passe par le point B. 

Si, par des opérations géodésiques, on forme une 
chaine de triangles qui joigne deux points éloignés, la 
connoissance de la latitude du premier point, de la 
longueur et de l’azimut du premier côté, puis celle de 
la longueur et de l’azimut des autres côtés successifs, 
suffira pour déterminer, à l’aide des formules précé- 
dentes, la différence en longitude des deux points ex- 
irèmes de la chaîne, la latitude du dernier point et la 
direction azimutale du dernier côté. Comme de ces trois 
élémens on peut en vérifier deux immédiatement, savoir, 
la latitude du dernier point et la direction azimutale 
du dernier côté, on aura ainsi le moyen, soit de vérifier 
les valeurs adoptées pour le demi-axe b du sphéroïde 
et son aplatissement 4, soit de parvenir à les corriger 
en cas qu’elles ne fussent pas exactement connues. 
Mais, dans les applications qu’on pourra faire de cette 
méthode à différentes suites de triangles , il ne faut pas 
croire que les résultats s’accorderont toujours à donner 


SUR LA SURFACE D'UN SPHÉROIÏDE. 153 


une même figure au sphéroïde terrestre ; ces résultats 
pourront différer assez sensiblement entre eux, à raison 
des anomalies dans les latitudes et les azimuts qui peu- 
vent être dues aux attractions locales. 


(18). D’après les formules précédentes il est facile 
de résoudre ce problème, qui trouvera son application 
dans le paragraphe suivant : Étant données les latitudes 
L et x des deux points B et M avec leur différence 
en longitude ®, trouver la distance B M — bo et les 
azimuts B et M, c’est-à-dire, en d’autres termes, 
déterminer la ligne la plus courte qui joint deux points 
donnés, B et M, sur la surface du sphéroide. 

Soient les connues L' — 1 — uw, @. cos. L' — », 
et les inconnues 5. cos. B — x', 0. sin. B — Y'a les 
deux équations (k”) et (1) seront de la forme 


13 


= Py — Qry + Rz°y — Sy 
m= pr + gy® — rx y" + sx" 


P,p, Q; g, etc. étant des coefficiens connus. Comme 
il s’agit seulement d’avoir une solution approchée jus- 
qu'aux quantités du troisième ordre inclusivement, cette 
solution n’est sujette à aucune difficulté, et on trouve 


5. cos. B—p(1++e. sin. L'—+e. sint. L') 
— + 0°. tang, L'(1H+iet++e. cos’. L') 
— :; me. sin. L'.cos. L'—<+ou. (tang”. L'—7) 
g. sin. B— 0 (1 PAT ce HR tang. A D ë) 
— jou — +0, tang, L' 
1806. Premier semestre. 20 


154 ANALYSE DES TRIANGLES TRACÉS 


De-là se tireront facilement les valeurs de set B; en- 
suite on déterminera l’azimut 7 par la formule 
ys4 


: sin. B. cos. 
SANDER EE eee 
cos, À 


ce. qui achevera de résoudre le problème. 


$ IV. Du triangle dont les côtés sont fort petits par 
rapport aux dimensions du sphéroïde. 


(9). Coxsinérons enfin le triangle sphéroïdique 
BIIN ( fig. 4) dont les côtés sont très-petits par rap- 
port aux dimensions du sphéroïde. Il s’agit d’examiner 
si les règles à suivre pour la résolution de ces sortes 
de triangles sont sensiblement les mêmes que celles qui 
s’appliquent aux triangles sphériques dont les côtés sont 
très-petits, ou si elles en diffèrent de manière à exiger 
une modification particulière. 


Pour cela nous supposerons connus en grandeur et 
en direction les deux côtés qui partent du point B; 
nous appellerons Z/ la latitude réduite du point B, le 
supplément de PBM — B, le supplément de PBN 
= C, le côté BM — bo,etle côté BN— br. D’après 
ces cinq données il faut déterminer la position des 
points M et N. 


Or, si on appelle P' la latitude réduite du point 7, 
et Q' celle du point N , on aura, d’après la formule (l'}, 
les valeurs suivantes: 


SUR LA SURFACE D'UN SPHÉROÏDE. 155 
P'= L'—o. cos. B (1 —+e. sin. L' +5, sint. L") 
— 30. sn. B, tang. L'(1 —e. sin”, L'). 
eo. cos”. B. sin. L'. cos. L' 
g°. sin’. B, cos. B (++ tang°. L') 


++ 
L'— +, cos. C(1—+e. six. L'+35e, sin, L') 
T°. sin”. C. ang. L'(1 —e. sin. L) 

et. COS”. C5. L'. cos, L' 

T°. sin°. C. cos. C (+ + tang*. L') 


À 
| {l 


vie bl= pl 


pe 


Par la formule (k') on connoîtra pareillement chacun 
des angles BPM, BPN, et par conséquent leur dif 
férence M PN , que nous appellerons 9’. On aura donc 


g’. cos. L'= (a. sin. B — +. cos. C). (1 — réhée) 
+ (7°. sin. €. cos. C — 5°. sin. B. cos. JE D 
1 éang. L'(1 —e+ ie. cos’. L') 
+ (0°. sin. B. cos°. B — 5, sin. C. cos’. C). 
G + ang. L') 
H (rie sim. C — 0°. sinÿ. B), (4. tang”. L') 


(20). Il faut maintenant des données P', Q', ?' dé- 
duire la longueur de l’arc AN et l’azimut de cet arc 
en N. C’est ce qu’on pourra faire aisément par les for- 
mules du numéro 18. 

Pour cela, si on regarde N comme le premier point 
de la courbe, et qu’on appelle N le supplément de 
Vangle PNA, il faudra substituer Q' à L', P' à x, 
et N à B; de plus; appelant Bæ la longueur inconnue 


156 ANALYSE DES TRIANGLES TRACÉS 


de l'arc MN, et faisant pour abréger g'. cos. Q'=w, 
Q'— P'— hu, on aura par les formules citées 


æ. cos. N'—=u(1++e sin. Q'—+%e. sint. Q") 

w°. tang. Q'(i+retHie cos’. Q') 
— +ne. sin. Q'. cos. Q'—+w"u(tang. Q'—5 

œ. sin. N—=oœ(1+ie— ze) + vo. tag. Q'(i ++: 
— Fou —+50.tang. Q 


v|= 


(21). Considérons un triangle rectiligne mbn dont 
les côtés seroient égaux à ceux du triangle sphéroïdique 
MBN. Dans celui-ci appelons 4 angle MBN = C 
— B, et supposons que dans le triangle rectiligne mb7 
l'angle correspondant »1bn — A — z, z étant une 
inconnue qu’il faut déterminer. On sait que z seroit 
égale au tiers de Paire du triangle, s’il étoit sphérique ; 
mais il faut voir quel changement apportera à ce ré- 
sultat la différence du sphéroïde à la sphère. On aura 
donc, pour déterminer z, l’équation 
AE 


2 cT 


cos. (A — z) = 


ou, parce que z ne peut manquer d’être très-petit, au 
lieu de cos. ( — z) on peut mettre cos. À + 3. sin. A 


— + Z°. cos. À, ce qui donnera 


+ rt — 9 7. COS, À = m9 


g. sin. À — +, 7°. cos. À = 
2 or 


Tout se réduit donc à substituer dans cette équation 
la valeur de #*°. 


SUR LA SURFACE D'UN SPIHÉROÏDE. 157 

(22). Par les valeurs de &. cos. N et &. sin. NN éle: 
vées chacune au carré, puis ajoutées ensemble, on 
trouve en s’arrêtant, comme il convient, aux quantités 


du quatrième ordre, 


Cm +e sin? Q') Ho (1 ++). (1 +. tang. Q') 
Rob — of, tang”. Q'— née. sin. Q'. cos. Q' 


Substituons d’abord dans cette expression la valeur de 
Q' en L’ donnée article 19; pour cela il suffira de faire 


Q' = L' — +. cos. C 


ce qui donnera 
tang. Q'— tang. L'— +. cos. C CES ane EM 
sin. Q'— sin. L'— 7. cos. C. cos. L' 
Sir. Q'= sin. L' — 2 7 cos. C: sin. L”. cos. L! 


on aura donc 

mb +e Sn, L) He (i+e). (i+u. ang, L') 
— pr. cos. C(1+tang L') 
— 2 per. cos. C. sin. L'. cos. L' 
sen oftangs. D ue sir. L': cos. L' 


(23). Il ne reste plus qu’à substituer dans cette for- 
mule les valeurs de © et ; et d’abord par l’équation 
Hm = Q'— P',ona 


(0.005. B— 7. cos. C).(1—+1:. sin. L'+5e, sint. L') 
+. sin. B — r°. sin". C). tang. L'(1 — 2. Si LT. 
+= (o.cos°. B — 7°, cos°. C)e. sin. L'. cos. L' 
+3 (rsin. C.cos. C— 55. sin". B.cos B).G+tang.L") 


158 ANALYSE DES TRIANGLES TRACÉS 


Ensuite, pour avoir 


1 . / nm. COS Q' 
En Die : ie Do Di 
© ®'. cos A) 5 TE 
il faut développer la valeur de roses jusqu'aux quan 
11 Ia PP Enst Er Je54 q 


tités du second ordre inclusivement. On prendra pour 
cet effet 


Q = L'— +. cos. C(1 — + « sin. L) 


2 


 eù, sin) Ciotang L’ 
ce qui donnera 


COS AO EEE 


! 1 Ckzc ! 
= . cos. C. tang. — Le. ‘ 
DE ir: cos C. tang. L'(1 — Le. sin°. L') 


+ 5e. sin”. C, tang*. L'— +7. cos’. C 


Muiltipliant cette quantité par la valeur de &’ cos. I’, 
donnée numéro (19), on aura 


w—(o. sin. B— 7. sin. C} (1 —+e+5e) 
+ (r.cos.C—0.c0s.Bcsin.B.tang.L'(1—+e—+e.sin.L") 
+-(o5.sin. B.cos”. B—7. sir. C.cos’.€).(;+-tans*. L') 
(7. sin, C— 0. sin”. B).(+. tanp*. L') 
+ 7,008. C(r°. sin, C.cos.C—2".sin. B.cos.B).6ans*.L' 
ir. sin. C(o. sin. B—7r.sin. C).tang”.L' 
—+7.cos". C(o.sin. B—7r. sin. ©) 


(24). Substituant ces valeurs de w et de y dans l’ex- 
pression de æ°, exécutant tous les développemens jus- 
qu'aux quantités du quatrième ordre inclusivement, et 
effectuant lies réductions avec l’attention nécessaire , on 


SUR LA SURFACE D'UN SPHÉROÏDÉ, 159 
parvient à ce résultat très-simple et très-remarquable, 
où l’on a mis Æ à la place de C — B,. 


mm —=o + re — 207. cos. À —+0r. sin. A. 


Alors l’équation qui détermine z devient 


1 El 


z. sin. A — + 7. cos. A = + or. sin. A 
et il en résulte 
Zg— + or. sin. À + = or, sin. A. cos. A 


mais le second terme, qui est du quatrième ordre, doit 
être supprimé, parce qu’il supposeroit dans la valeur 
de æ°, la conservation des termes du sixième ordre, 
tandis qu’on s’est borné au quatrième. 


On a donc simplement 


Z'— + 07T. sin. À 
ou z égal au tiers de l'aire du triangle, résultat qui est 
absolument le même que si le triangle étoit sphérique, 
et qui doit être exact aux quantités près du troisième 
ordre. . 

‘Par le théorème que j’ai donné sur les triangles sphé- 
riques très-petits (Mém. de l Acad. des sciences , année 
1767, p. 358), on savoit que ce résultat devoit avoir 
lieu en supposant « — o; mais on ne pouvoit guère 
prévoir, sans en avoir fait le calcul détaillé comme on 
vient de le faire, que ce résultat auroit lieu aussi pour 
les triangles sphéroïdiques, et qu’il seroit tout à la fois 


160 ANALYSE DES TRIANGLES TRACÉS 


indépendant de l’aplatissement du sphéroïde , de la lati- 
tude du sommet du triangle, et de la direction azimutale 
des côtés. 


(25). Il suit donc de ce théorème ainsi généralisé 
que les triangles tracés sur la surface d’un sphéroïde 
(et nous avons principalement en vue les triangles for- 
més dans les opérations géodésiques, et dont les côtés 
pourroient s’étendre jusqu’à la longueur d’un degré, ou 
même plus) peuvent se calculer comme les petits trian- 
gles tracés sur la surface de la sphère. On réduira les 
uns et les autres en triangles rectilignes , si on diminue 
leurs angles, chacun d’une quantité égale au tiers 
de l'aire du triangle, évaluée en supposant le demi- 
Axe) NL. 

Toute la trigonométrie sphéroïdique est comprise dans 
ce seul principe; maïs il est facile de voir qu’il s’étend 
encore plus généralement à tous les triangles formés sur 
une surface quelconque peu différente d’une sphère. En 
effet, on peut supposer qu’une telle surface se confond 
sensiblement, dans la portion occupée par le triangle 
que l’on considère, avec un sphéroïde elliptique dis- 
posé de manière que les sections verticales de plus grande 
et de moindre courbure, qui se coupent toujours à angles 
droits dans un solide, se confondent avec les sections 
semblables et de rayons égaux dans l’autre solide. Alors 
lé triangle commun aux deux surfaces jouira de la même 
propriété que les triangles sphériques. 

La résolution des triangles sphéroïdiques dont les 


em. de Ulrt, 17 Sem. 1808 . Zage 161 . PL. 


SUR LA SURFACE D'UN SPHÉROÏDE. 161 


côtés sont très-petits par rapport aux dimensions du 
sphéroïde, se ramène donc immédiatement à celle des 
triangles rectilignes , non seulement lorsque le sphéroïde 
est elliptique et de révolution, mais lorsqu'il est irré- 
gulier d’une manière quelconque , avec la seule condi- 
tion d’être peu différent d’une sphère. 


Note sur Particle 17. * 
Le L PS 


Ox peut voir dans les Mémoires de l’Académie de Berlin, 
année 1753, diverses recherches d’Euler sur des questions sem- 
blables relatives à la figure de la terre; mais, quand même on 
réussiroit à tracer avec beaucoup de précision la ligne la 
plus courte qui joint deux points situés sur différens méridiens 
à une distance assez grande, on n’en pourroit guère tirer de 
conséquence bien certaine sur les dimensions du sphéroïde 
terrestre, à cause des anomalies que l'attraction des couches 
superficielles apporte nécessairement dans la comparaison des 
latitudes et des azimuts. 


1806. Premier semestre. 21 


162 STURN L AN GPL AUNIE TUE 


NOTES 


SUR 


LA PLANÈTE DÉCOUVERTE PAR M. HARDING, 
Pa . 
Par J.-C. BurcKkHARDT. 


16 vendémiaire an 13. 


SJiNTÉRÈT que l’Institut national a bien voulu té- 
moigner lorsqu’on a annoncé la première nouvelle de 
cette découverte, m'engage à lui présenter les résultats 
de mes recherches sur son orbite, malgré le peu de 
précision dont elles jouissent dans ce moment-ci. 

J’avois commencé par chercher une parabole et un 
cercle : ces deux orbites s’accordoient, à bien peu de 
chose près, pour le nœud et même pour linclinaison 
de l’orbite, car la parabole donnoit 46°, le cercle 530. 
Il sembloit donc que ces deux élémens fussent assez 
bien connus. Pour chercher une ellipse, j’ai pris pour 
base les résultats du cercle. Il étoit très-facile de satis- 
faire aux trois latitudes et à deux longitudes; mais la 
troisième longitude étoit en erreur de 46". Quelque petite 
que paroisse cette erreur, il n’étoit pas facile de la faire 


DÉCOUVERTE PAR M. HARDING. 163 


disparoître : il a fallu faire des -changemens considé- 
rables aux élémens qu’on avoit supposés d’après le 
cercle. 


Voici mes derniers résultats : 


INœuds aies tele ec L7d2102/1010 


Inclinaison . . . 0e N.. Le ., 249 
Excentrieté . 4. ,:.: + « r 0:24 
IDeni-axeits desde ete us trs LE 32 


Anomalie vraie le 7 septembre . . . 8o° o’o’o 


Ces résultats me paroissent assez certains, car ils 
tiennent le milieu entre deux hypothèses où l’erreur si 
tenace de la seconde observation a changé de signe. 

Je me suis servi dans ces recherches de la méthode 


de M. Laplace. 


5 frimaire an 13. 


LE£s nouveaux élémens que je viens de calculer sont 
beaucoup plus approchés que ceux de la note précé- 
dente ; ils satisfont exactement à quatre observations, 
et ils représentent la cinquième à 13’ près. Cette er- 
reur ma paru assez petite pour qu’il soit permis d’at- 
tendre la fin des observations qu’on pourra faire au 
méridien (et nous espérons encore l’observer de cette 
manière pendant un mois), avant de toucher aux élé- 
mens. Alors un plus grand arc fournira plus de moyens 
pour entreprendre avec succès cette correction. 


164 SUR LA PLANÈTE DÉCOUVERTE PAR M. HARDING. 


Voici ces élémens : 


Nœud ascendant - UM MN UNION NS 71° 7° 187 
Anclinaison(. NN EME ONE NIMES MUST 74 
Mieuvdutpéntélen ele cie le 227050 
Excentricuésieleb-lelele lle sell le eee RO 2/17 0 
Logarithme du demi-grand axe . . . . . . . . . o.42{4 
Anomalie vraie le 23 sept. (à l'instant de Pébiereg es 306° 48° o” 


J’ai choisi ces observations parmi celles dont j'ai été 
le plus content. Mes élémens représentent aussi l’ob- 
servation du 7 septembre, faite au simple micromètre 
par M. Olbers, à 32” en longitude et à 56” près en lati- 
tude, et il est clair qu’il faut attribuer cette différence 
à la position de la petite étoile à laquelle M. Olbers a 
comparé la planète, laquelle n’étoit pas assez bien con- 
nue. Cette erreur a aussi influé sur les premières ap- 
proximations que j’ai eu l’honneur de communiquer à 
la classe, lesquelles, sans cette circonstance, se seroient 
accordées mieux avec ces élémens corrigés. 


SECONDE CORRECTION DES ÉLÉMENS, etc. 165 


SECONDE CORRECTION 


DES 


ÉLÉMENS DE LA NOUVELLE PLANÈTE, 


Par J.-C. BuRrcKkKHARDT. 


Lu le 3 nivose an 13. 


Sx les astronomes mettent beaucoup d’empressement à 
déterminer les orbites des astres nouvellement décou- 
verts, leur but principal est de prévoir leur route, afin 
de pouvoir les retrouver lorsque le mauvais temps ou une 
autre cause quelconque a produit une longue interrup- 
tion des observations. Cette circonstance vient d’avoir 
lieu pour la nouvelle planète : pendant un mois nous 
n'avions pu la voir, et il auroit été impossible de la 
retrouver, vu l’extrême foiblesse de sa lumière , Si l’on 
n’avoit pas su d'avance sa position. Cette observation a 
enfin réussi le 20 et le 21 décembre : elle est d’autant plus 
importante que la planète se trouve dans la position 
la plus favorable pour déterminer sa distance au so- 
leil. Elle a parcouru actuellement un douzième de 
son orbite; elle n’avoit fait que la moitié de cet arc 
lors de mes recherches précédentes : ces nouveaux élé. 
mens méritent donc beaucoup plus de confiance; ils 


166 SECONDE CORRECTION DES ÉLÉMENS 
différent pourtant peu des premiers; car je n’ai rien 
trouvé à changer à la moyenne distance et à la révo- 
lution , qui est de quatre années et quatre mois, presque 
égale à celle de deux autres petites planètes, Cérès et 
Pallas. Mais j’ai augmenté l’excentricité de sa soixante- 
dixième partie, de sorte qu’il est décidé que cette nou- 
velle planète a la plus grande excentricité de toutes les 
planètes connues : le périhélie a été avancé de 24, le 
nœud et l’inclinaison n’ont changé que de très-peu de 
minutes. L’effet de cette grande excentricité est si sen- 
sible que le temps employé par la planète à parcourir la 
première moitié de son orbite, celle dont le milieu est 
occupé par l’aphélie, est le double de celui qu’il lui faut 
pour achever la seconde moitié. De même sa plus grande 
distance au soleil est presque le double de la moindre 
distance : en mesures absolues la différence entre ces 
deux distances est de quarante-cinq millions de lieues, 
ou égale à une fois et un tiers la distance de la terre 
au soleil. 

La planète s'approche du soleil et ne passera par son 
. périhélie que le 15 février; cette circonstance donne 
quelque espoir de pouvoir lobserver encore : j’ai donc 
cru faire une chose utile et agréable aux astronomes en 
calculantune éphéméride de cette planète : il est presque 
superflu d’avertir que je n’y ai mis qu’une exactitude 
suffisante , de sorte qu’on ne peut juger de mes élémens 
qu’en les comparant directement aux observations. 

Voici les élémens, l’éphéméride et les trois observa- 
tions fondamentales : 


er PT 


DE LA NOUVELLE PLANÈTE. 167 


Élémens. 


* Nœud ascendant . . . . . . , . . . 71° 6" o 
ancinsonsde #80 lo 
Pénhéheen1605 10e MEN 0520 49 33” 
Excentricité LUN Net 0.25096 


7 


Demi-grand axe. . , , .. . . . .. 2.657 

Et son logarithme . . . : . . . . . 0.4244000 

Époque en 1805. . . . « : ... . . 42° 17° 23° 
(C’est pour le 31 déc. 1604 à midi.) : 


RÉVolUHONEe ee EME ENS So jours. 


Ephéméride. 


Loxcrrupe, |[Larirunr A. 


21 décembre 1804 .. o° 43° 9° 40° 
4 32 45 
8 janvier 1805... 7 52 


IVe te etat) ere 


11 57 
. 14 
F1 18 
8 février . .. . 22 
TEA HE : 26 


Les trois observations fondamentales, en supposant 


l’obliquité de Pécliptique 230 28. 


AxxNÉE |Asc. droite] Déclin. | Déclin. 

1804. | observée. |lobserv, A| vraie. 

Sept. D. M. S. | D.M.Ss. | D.M.s. | p. M.s, Aberr. Nut |o.m.s. Ab. 

2349043 359 7 0.3| 4 541.9| 4 5 36.0 357 33 29.5 — 5/8 — 14/3| 3 24 10.0 + 3/3 || 
ou ou 


Nov. 357 33 


Longitude vraie. Latitude vraie. 


5.26248,355 19 4.810 43 o.4\10 da 54-7/351 25 42.04 0.7 — 14.6! 


ou 
Déc. 351 25 28.1 
21.206268) 4 37 33.9] 8 32 47.8| 8 32 43.6] o 48 47.0 + 13.7 — 15.0 


168 SUR L’ANALYSE DES GRAINES 


EXPÉRIENCES 


Sur l'analyse des graines céréales et légumineuses, 
pour servir à l’histoire de la germination et de la 
fermentation , 


Par MM. Fourcroy ét VAUQUELi1N. 


Lu en nivose an 13. 


SUR LA FARINE DE FROMENT. 


Ux litre de cette farine a été délayé dans un litre d’eau 
où elle a macéré pendant six heures ; la liqueur a été 
ensuite décantée et filtrée pour l’obtenir claire, ce qui 
est très-long et très-difficile. Enfin cette liqueur éclaircie 
ne rougit point la teinture de tournesol , ce qui prouve 
qu’elle ne contient point d’acide développé comme 
l’orge, et que celui qu’on y trouve après la fermenta- 
tion s’y est formé de toutes pièces. 

Cette liqueur précipite abondamment par l’infusion 
de noix de galle, par les acides minéraux, et sur-tout 
par l’acide muriatique oxigéné. Elle n’a point de cou- 
leur; sa saveur est douce et comme mucilagineuse ; son 
odeur est semblable à celle du bled vert écrasé; elle 
mousse par l'agitation comme de l’eau de savon. 


CÉRÉALES ET LÉGUMINEUSES. 169 


Elle ne précipite que très-légèrement par l’oxalate de 
potasse, en sorte qu’elle ne paroît contenir dans cet 
état que d’infiniment petites quantités de sels calcaires. 
L’eau de chaux ne la précipite pas, preuve qu’il n’y existe 
point de phosphate de potasse comme dans les fèves de 
marais, où M. de Saussure en a trouvé de grandes 
quantités , ce que nous avons nous-mêmes confirmé. 

Comme le lavage de cette farine filtroit très - lente- 
ment, il tourna à l'acidité par la fermentation : exposé 
à la chaleur, il se troubla très-promptement ; des flocons 
blancs jaunâtres s’en séparèrent lentement. 

Ces flocons augmentèrent à mesure que Pévaporation 
faisoit des progrès. Lorsque cette liqueur fut réduite à 
environ un demi - litre, nous la filtrâmes de nouveau 
pour obtenir à part la substance coagulée que nous la- 
vâmes avec de l’eau pure. 

Nous fimes évaporer encore une fois la liqueur filtrée 
dont la couleur étoit alors légèrement ambrée, et la sa- 
veur douce, peu sucrée, étoit analogue à celle de la 
pâte. Réduite à environ 3 onces , sa couleur étoit jaune 
d’or, sa saveur plus sucrée qu'auparavant, mais sensi- 
blément acide et âcre; sa consistance étoit comme celle 
d’une forte dissolution de gomme arabique. 

Pendant cette seconde évaporation > ilse sépara encore 
des flocons jaunes, qui se formèrent à la surface de la 
liqueur sous forme de pellicules minces et flexibles, 
Il y avoit au fond de la capsule une croûte blanche, 
dure et croquante sous les dents, et qui avoit l’appa- 
rence d’un sel : c’étoit en effet du phosphate de chaux, 

1806. Premier semestre, 22 


170 SUR L’'ANALYSE DES GRAINES 


Cette liqueur ainsi épaissie ne se troubloit point par 
l'addition de l’eau ; elle donnoit un léger précipité par 
les alcalis, lorsqu'on n’en ajoutoit pas au delà du point 
nécessaire pour saturer l’acide. La noix de galle y for- 
moit sur-le-champ un précipité floconneux fort abon- 
dant. Les acides minéraux, et particulièrement l'acide 
muriatique oxigéné, la troubloient : l’oxalate d’ammo- 
niaque y produisoit aussi un précipité abondant, qui 
avoit toute l’apparence de l’oxalate de chaux. 

Cette liqueur mêlée à l’alcool s’est en quelque sorte 
coagulée en une matière blanche, gluante et comme 
membraneuse , qui paroissoit avoir de lanalogie avec 
le gluten. 

Nous avons fait évaporer l’alcool qui avoit servi à 
l'opération précédente ; il a laissé une petite quantité de 
matière jaune-rougeûtre , légèrement sucrée et acide. 

Nous n'avons pas poussé plus loin l’examen de la 
matière dissoute par l'esprit de vin : nous reprendrons 
cet objet par la suite. 

La substance coagulée par l’alcool étoit blanche et 
sèche, mais à mesure que Palcool dont elle étoit im- 
prégnée, s’est dissipé, elle s’est ramollie, a pris une 
couleur brune et demi - transparente : sa saveur étoit 
douce, mais nauséabonde. Enfin elle se dessèche de 
nouveau à Pair, devient dure, cassante et transparente 
comme de la colle forte. Ainsi desséchée, cette matière 
brûle en se boursouflant, et en répandant une fumée 
blanche, piquante et fétide : elle laisse beaucoup de 
charbon. 


CÉRÉALES ET LÉGUMINEUSES. 171 

‘Des expériences rapportées ci-dessus, l’on peut con- 
clure, 1°. qu'il y a dans la farine une substance qui 
se dissout assez abondamment dans l’eau froide, et lui 
donne la propriété de mousser par lagitation, et la 
propriété de précipiter par la noix de galle, les acides 

‘ minéraux, et particulièrement par l’acide muriatique 
oxigéné ; 

20ù Qu’une portion de cette substance se convertit 
promptement en acide , lequel se combine à la portion 
de la même matière non acidifiée, et dissout même celle 
qui reste dans le marc, ou qui est suspendue dans la 
liqueur; 

30. Que le phosphate de chaux qu’on trouve abon- 
damment dans l’eau de froment fermentée avant la fil- 
tration, a été dissous par l'acide qui s’y développe, 
puisque l’eau, avant d’avoir subi cette altération, n’en 
. pas de signes sensibles ; fe. 

© 4°. Que cette substance a Eh d’analogie avec 
le se (1), et paroît être accompagné dans l’eau par 
une petite quantité de, mucilage ; 

50. Que la farine de froment ne contient que très- 
peu de matière sucrée, etc. 


(1) Voyez ce qui a été dit sur le gluten, à l’article de cette substance. 


172 SUR L’ANALYSE DES GRAINES 


SÛR LE GLUTEN DE FROMEN/TY 


Dissolution du gluten frais par l’eau froide. 


UxE petite quantité de gluten frais, lavé pendant 
long-temps avec de grandes quantités d’eau, et qu’on 
pouvoit conséquemment regarder comme très-pur, a été 
malaxée pendant long-temps dans une petite quantité 
d’eau distillée pure. Cette eau est devenue opaque , mais 
la matière qui la mettoit en cet état y étoit parfaitement 
suspendue, et ne se déposoit pas d’elle - même comme 
Pauroit fait l’amidon. Cependant par des filtrations réi- 
térées on est parvenu à l’éclaircir, et dans cet état on l’a 
soumise aux essais SUIVans : 

10, Cette eau mousse par l’agitation comme une dis- 
solution de gomme; 

2°. Elle est précipitée par l’infusion de noix de galle 
en flocons jaunûâtres ; 

3°. L’acide muriatique oxigéné la rend d’abord lai- 
teuse, et y détermine quelque temps après des flocons 
blancs. 

De ces expériences l’on peut conclure que le gluten 
du froment le plus frais et le plus pur que l’on puisse 
se procurer par les moyens connus est soluble dans l’eau 


froide, en quantité assez grande pour être sensible aux 
réactifs cités. 


CÉRÉALES ET LÉGUMINEUSES. 175 


‘Coagulation du gluten dissous dans l’eau au moyen 
de La chaleur. + 


LA dissolution du gluten dans l’eau, soumise à la 
chaleur de l’ébullition , se trouble au bout de quelques 
minutes, et dépose des flocons jaunâtres qui ne sont 
autre chose que du gluten coagulé par la chaleur. 

Cependant dans cette opération la totalité du gluten 
n’est pas coagulée, il en reste une portion en dissolu- 
tion malgré une longue ébullition. 

Cette expérience prouve que le gluten est plus soluble 
dans l’eau froide que dans leau chaude. Elle peut 
servir aussi à expliquer les phénomènes que présentent 
les eaux de lavage des farines, et particulièrement ceux 
dont nous parlerons à l’article de la farine d’orge. 

L’acide muriatique oxigéné paroît avoir une action 
très-vive sur le gluten; car, lorsqu'on met un morceau 
de cette substance dans l’acide muriatique oxigéné, elle 
se ramollit très-promptement, semble d’abord se dis- 
soudre, et se coagule ensuite en flocons blancs-jauni- 
tres. Ces flocons blancs lavés conservent leur opacité 
tant qu’ils restent humides, mais, en se desséchant, 
ils deviennent transparens, et prennent une couleur 
verdâtre. Dans cet état, mis sur les charbons ardens, 
ils se boursouflent, et RE Tne d’abord l’odeur de l’acide 
muriatique oxigéné, qui est suivie de celle qui est propre 
au gluten pur. 


174 SUR L'ANALYSE DES GRAINES 


Dissolution du gluten dans le vinaigre. 


L£ gluten se dissout facilement et abondamment dans 
l'acide acétique, sur-tout quand celui-ci est concentré : 
la dissolution n’est jamais parfaitement claire, et néan- 
mois le gluten ne s’en sépare pas. Il n’éprouve aucune 
altération dans cette combinaison ; car on peut l’en sé- 
parer, à l’aide des alcalis , au bout de plusieurs années, 
avec toutes ses propriétés. 

Nous ne parlons ici de la dissolubilité du gluten dans 
le vinaigre qui est bien connue, que pour nous en servir 
à expliquer quelques phénomènes que nous ferons con- 
noître par la suite. 


Fermentation putride du gluten ;, exposé des phénomènes 
gwil présente, et explication des changemens qu'il 
éprouve. 


Le gluten mis avec de l’eau à 12 degrés, se ramollit 
en peu de temps; il se développe du gaz acide carbo- 
nique , qui divise et soulève le gluten à la surface du li- 
quide; celui-ci contracte une odeur aigre et en même 
temps fétide; elle devient laiteuse et izéclaircissable par 
la filtration. 

L'eau filtrée rougit fortement la teinture de tournesol: 
les acides simples la précipitent abondamment , mais 
une surabondance de ces menstrues redissolvent les pré- 
cipités et rendent la liqueur claire. L’acide muriatique 
oxigéné l’éclaircit d’abord , et une plus grande quantité 
y forme un précipité très - volumineux. L’infusion de 


CÉRÉALES ET LÉGUMINEUSES. 175 


noix de galle y occasionne aussi un dépôt considé- 
rable : les’alcalis fixes caustiques en petite masse préci- 
pitent et redissolvent, mais un grand excès de ces subs- 
tances trouble sans retour la liqueur, et en dégage 
des vapeurs d’ammoniaque; l’addition de l’eau rend 
la liqueur claire , ce qui prouve qu’il se forme entre les 
alcalis et la matière en dissolution dans l’eau , une com- 
binaison qu’un excès d’alcali précipite. 


Conversion du sucre er vinaigre par l’eau chargée de 
gluten. 


Environ une livre de l’eau dans laquelle avoit 
séjourné du gluten, mêlée avec 3 onces de sucre blanc, 
ne l’a point fait fermenter ; il ne s’est dégagé aucun gaz 
du mélange; mais il s’est formé de très-bon et très-fort 
vinaigre, et ce qu’il y a de plus remarquable , sans le 
contact de l’air. 


Seconde période de la fermentation du méme gluten avec 
de nouvelle eau. 


Uxe seconde quantité d’eau mise sur le gluten dont 
nous venons de parler l’a fait fermenter comme la pre- 
mière fois, c’est-à-dire avec effervescence et formation 
d’acide; mais peu à peu cet acide s’affoiblit, et dispa- 
roît presqu’entiérement au bout dettrois ou quatre jours. 

Une dissolution de gluten qui avoit présenté ces 
phénomènes, qui ne contenoit presque plus d’acide 
libre, et qui commençoit à répandre une odeur fétide, 
a été soumise aux essais suivans : 


176 SUR L'ANALYSE DES GRAINES 


10, Elle rougissoit encore légèrement le tournesol, 
mais en même temps celui-ci y a formé un précipité 
assez abondant; 

20, L’ammoniaque occasionne dans cette eau de gluten 
un précipité blanc qu’un excès de cet alcali redissout ; il 
reste cependant quelques flocons qui ne sont que du 
phosphate de chaux ; 

30, Les acides et la noix de galle, sur-tout cette der- 
nière, y forment des précipités très-abondans ; 

4°. IL’oxalate d’ammoniaque y produit un trouble 
dont l’apparence est celle de l’oxalate de chaux; 

5°. La potasse rend d’abord la liqueur claire, mais 
un excès de cette matière la trouble et en sépare de 
petites masses élastiques qui ressemblent beaucoup à 
du gluten ; elle dégage en même temps de cette liqueur 
des vapeurs très-sensibles d’ammoniaque : en y ajoutant 
de l’eau, les petites masses se dissolvent et la liqueur 
redevient claire. 


Troisième période de la fermentation du méme gluten 
avec une nouvelle quantité d'eau. 


Lorsque le gluten ne développe plus d’acide ou 
plutôt que l’ammoniaque qui se forme en même temps 
est suffisante pour le saturer, le gluten se colore , il 
prend et conserve pendant quelques jours une couleur 
purpurine ; il se forme à la surface de l’eau une pellicule 
qui se teint aussi de la même nuance; l’odeur alors est 
très-fétide. La couleur purpurine se détruit à son tour, 
une couleur grise-noirâtre lui succède; l'odeur change 


CÉRÉALES ET LÉGUMINEUSES. 177 


encore à cette époque ; elle devient semblable à celle des 
membranes muqueuses des animaux pourries dans l’eau. 

L’eau dans laquelle cette décomposition s’est opérée est 
d’un gris-noirâtre , maïs elle devient claire par la filtra- 
tion : filtrée, elle brunit la dissolution d’argent, pré- 
cipite celle du mercure au 77irimum en flocons noirs , 
et perd entièrement sa couleur avec ces substances; 
l’acide muriatique oxigéné la rend laiteuse, et en détruit 
complètement l’odeur ; la noix de galle n’y produit pres- 


que plus de précipité. 
Examen du gluten pourri comme il a été dit ci - dessus. 


ApPRÈs avoir laissé pourrir pendant les mois de flo- 
réal, prairial et messidor de l’an 12, le gluten dont nous 
venons de parler, il avoit une couleur brune, avoit sin- 
gulièrement diminué de volume et de masse, et n’avoit 
plus, ainsi que l’eau dans laquelle il avoit achevé de 
pourrir, que fort peu d’odeur fétide. 

Cette substance séparée et mise à sécher s’est réduite 
en grumeaux, dont l’odeurressembloit entièrement à celle 
du gras des cimétières ; elle se ramollisoit sous les doigts 
comme la cire ; elle se fondoit sur-le-champ sur les char- 
bons ardens, et y brüloit avec une flamme alongée comme 
les graisses; elle nelaiïssoit que fort peu decharbon, lequel, 
en se consumant , laissoit un peu de terre blanche. 

L’odeur que répandoit cette substance en brûlant étoit 
analogue à celledes graisses , elle en différoit cependant 
par quelque chose de fétide. 

Cette matière traitée avec l’alcool s’y est en grande 

1806. Premier semestre. 23 


178 SUR L’ANALYSE DES GRAINES 


partie dissoute, en lui communiquant une couleur brune. 
La portion qui ne s’y est pas dissoute avoit une couleur 
noirâtre ; elle n’avoit plus ni odeur ni saveur, elle étoit 
sèche et pulvérulente ; en un mot, elle ressembloit beau- 
coup à de la poussière de charbon. 

Elle ne répandoit plus , en brûlant , d’odeur fétide et 
ammoniacale comme le gluten entier, mais, au contraire, 
une odeur piquante comme celle du bois; elle ne donnoit 
plus de traces d’ammoniaque à la distillation ; son char- 
bon brûloit aisément et laissoit une cendre d’un gris- 
rougeâtre, qui étoit composée de fer, de silice, et peu 
de quelqu’autre terre. Ainsi, il y a du fer et de la silice 
dans le gluten. 


Réflexions sur Le résidu du gluten pourri. 


D’après les propriétés qu’a présentées le résidu du 
gluten pourri, il n’est pas douteux que cette substance 
ne se soit véritablement changée par la fermentation en 
une matière purement végétale surchargée de charbon. 

Ilest évident que cette altération s’est opérée prin- 
cipalement par la séparation de l'azote et de l'hydrogène, 
qui, en s’unissant, ont formé de l’ammoniaque ; et qu’à 
mesure que cette première combinaison a eu lieu, le 
carbone devenu plus abondant a donné naissance à de 
la graisse, en se combinant à de hydrogène; qu’enfin, 
ce qui n’est pas entré dans la composition de lammo- 
niaque, de lacide carbonique, de la graisse et de l'eau, 
est resté combiné dans un état très-voisin de celui du 
corps ligneux. 


CÉRÉALES ET LÉGUMINEUSES. 179 


- SUR LA FARINE D’ORGE. 

Ux litre de cette farine mêlé avec un litre d’eau formant 
une bouillie un peu épaisse, gluante, et comme muci- 
lagineuse ; reposée pendant vingt-quatre heures, la fa- 
rine s’est précipitée; la liqueur claire avoit une couleur 
ambrée ; sa surface étoit d’un rouge-brun , effet dû à 
l'influence de Pair atmosphérique , car il commence par 
la surface et descend progressivement jusqu’au fond de 
‘la liqueur : on accélère cette altération par l'agitation 
dans Pair. 

L’orge contient un acide tout formé que l’eau dissout 
par le simple lavage qu’on lui fait subir; la présence de 
cet acide n’est pas le produit de la fermentation ni 
d’aucune autre altération de la semence ; car l’orge le 
plus sain, le mieux conservé, réduit en farine et lavé 
sur-le-champ, fournit cet acide, lequel rougit fortement 
le papier teint de tournesol : on examinera plus bas la 
nature de cet acide. 

L’eau d’orge faite à froid contient une grande quantité 
de matière animale; elle y paroît plus abondante que 
dans Peau de froment, ce qui n’est pas étonnant, parce 
que l’acide contenu dans l’orge peut dissoudre une 
certaine quantité de cette substance, que l’eau seule ne 
peut enlever au froment qui marque de cet acide. 

Dès que l’acide a été enlevé par les premières lotions , 
Veau qu’on passe ensuite sur l’orge ne peut plus être 
obtenue claire ; elle est toujours laiteuse, etne devient 


180 SUR L’ANALYSE DES GRAINES 


limpide que par des filtrations répétées comme celle 
du froment ; mais si l’on tire cette eau de dessus le marc 
et qu’on la laisse à part dans un vase, elle s’éclaircit 
et prend une couleur purpurine. Si alors on l’examine, 
on la trouve très-acide tant par les réactifs que par le 
goût, qui est en même temps nauséabond. 

Cet acide se développe par la fermentation qu’éprouve 
une partie de la matière qui troubloit la transparence 
de l’eau, et à mesure qu’il se forme il dissout la subs- 
tance échappée à la fermentation, ainsi que celle qui 
Ja éprouvée; de là il résulte que dans cette liquenr 
acide il y a deux espèces de matières, l’une qui donne 
naissance à l’acide , l’autre qui se dissout dans cet acide, 
et de là l’éclaircissement de la liqueur. 

Les derniers lavages de l’orge ne contiennent plus 
de sucre, ou au moins n’en donnent aucune marque, 
cependant ils passent facilement à la fermentation 
acéteuse ; ainsi les matières sucrées et alcooliques ne 
sont pas les seules qui peuvent fournir du vinaigre. 

Ces derniers lavages de l’orge éclaircis par la fermen- 
tation ont produit avec les réactifs les effets suivans : 
1°, ils sont précipités en purpurin par linfusion de 
noix de galle; 2°. en blanc par les acides minéraux, 
et particulièrement par Vacide muriatique oxigéné; 
30, de la même couleur par les alcalis, mais un excès 
de ces derniers étendus d’eau redissolvant le précipité ; 
enfin ils sont précipités en vert par le prussiate de 
potasse. 

Il paroït que la matière qui trouble ainsi Peau avec 


CÉRÉALES ET LÉGUMINEUSES. 181 


laquelle on a lavé la farine d’orge , est semblable ou tout 
au moins fort analogue au gluten du froment. 

L’on entrevoit, d’après les phénomènes que présentent 
les lavages de l’orge , la cause pour laquelle il arrive 
souvent qu’en été la bière ne peut pas s’éclaircir, effet 
que les brasseurs attribuent aux eaux. 

Aussitôt que les lavages de l’orge exposés au feu 
ont acquis 60 degrés de chaleur, ils se troublent, des 
flocons nombreux s’y forment; la matière coagulée a 
une couleur grise-jaunâtre qui devient brune par la des- 
sication : elle a une grande disposition à moisir. 

La liqueur filtrée fournit par l’évaporation des pelli- 
cules rouges-brunes qui, en se précipitant successive- 
ment, forment dans la liqueur de nouveaux flocons. 

La matière qui se coagule au commencement , et celle 
qui se dépose par les progrès de l’évaporation, four- 
nissent par la combustion une assez grande quantité de 
phosphates de chaux et de magnésie, un quinzième 
environ. 

Soupçonnant que cette substance étoit le principe 
de la fermentation , nous en avons mêlé avec des disso- 
lutions de sucre saturées à différens degrés; mais ces 
mélanges n’ont présenté aucun phénomène propre à cette 
opération naturelle. Il paroît d’après cela que si cette 
matière est Je principe de la fermentation, il a subi un 
changement quelconque par la chaleur. 

Il faut remarquer que les eaux d’orge, avant d’être 
soumises à l’évaporation, avoient déja éprouvé un léger 
commencement de fermentation qui peut avoir changé 


182 SUR L’'ANALYSE DES GRAINES 


la nature de la matière fermentative. Espérant au moins 
que la liqueur réduite à la consistance d’un sirop dont 
la saveur indiquoit certainement la présence du sucre, 
et dans laquelle les réactifs chimiques montroient en- 
core une grande quantité de matière végéto - ani- 
male, contiendroit ce principe dans un état propre en-. 
core à la fermentation , nous en avons mêlé aussi avec 
du sucre et de l’eau en différentes proportions , mais elle 
n’a pas produit plus de fermentation que les précipités 
formés dans cette liqueur. 

Nous avons également mêlé le sirop d’orge avec trois 
ou quatre parties d’eau, et nous n’avons pas eu plus de 
succès ; cependant au bout de quatre jours ces mélanges 
ont commencé à donner des signes de fermentation, et 
un peu d’acide pendant plusieurs jours. 

Sept à huit jours après que nous eûmes fait ces mélanges 
des précipités avec du sucreetde l’eau, nouslestronvâämes 
très-acides, quoique encore un peu sucrés, mais point du 
tout spiritueux ; il est possible que les précipités de l’eau 
d'orge, quoique lavés, pussent encore retenir quelques . 
traces d’acide : mais nous nous sommes aperçus, à n’en 
point douter, que l'intensité de cet acide s’étoit singu- 
lièrement accrue; au moins le goût et les réactifs l’an- 
nonçoient clairement. Quelle est celle des substances 
existantes dans ces mélanges qui a ainsi donné naissance à 
l'acide? Quoiqu’on ne puisse répondre à cette question que 
par l’analyse de la matière, l’on peut cependant raison- 
nablement supposer que lune et l’autre ÿ ont contribué, 
D'abord, il me semble que la petite masse de matière 


CÉRÉALES ET LÉGUMINEUSES. 103 


végéto-animale n’auroit pas suffi seule pour former la 
quantité considérable d’acide obtenu. Sila chose avoit 
eu lieu , ainsi que nous le supposons, il en résulteroit que 
le sucre peut se convertir en vinaigre sans le contact de 
Vair, et sans avoir passé préalablement à la fermentation 
spiritueuse. D’une autre part , nous nous sommes assurés 
que la quantité du sucre avoit beaucoup diminué, quoi- 
qu’il en restât des traces sensibles. Il restoit aussi dans 
ce vinaigre une assez grande quantité de matière végéto- 
animale, dont une partie étoit sous forme de flocons 
séparés, et l’autre en combinaison avec la liqueur, à 
laquelle elle donnoit de l’opacité et une certaine visco- 
sité qui rendoit difficile sa filtration au papier JosepA. 

Les lavages de l’orge épaissis en forme de sirop, 
comme nous l’avons dit plus haut, avoient une couleur 
brune , une saveur sucrée et acide : l’infusion de noix de 
galle, l'acide muriatique oxigéné , et même les alcalis en 
précipitoient abondamment une matière floconneuse. 

L'alcool précipitoit aussi abondamment de ce sirop 
une matière brune qui a fourni beaucoup de phosphate 
de chaux par la combustion, à peu près comme les pel- 

. licules dont nous avons parlé plus haut. 

On explique d’après ce qui a été exposé plus haut 
pourquoi les vinaigres de grains, de cidres, etc. ont une 
saveur moins agréable que le vinaigre de vin, et pour- 
quoi ils se décomposent plus facilement que ce der- 
nier, dans les temps chauds sur-tout, quand ils ne sont 
pas forts. 

C’est cette matière beaucoup plus abondante dans le 


184 SUR L’ANALYSE DES GRAINES 


moût de grain et dans le vesou de pommes et poires 
que dans le moût de raisin qui reste en dissolution dans 
les vinaigres qui en proviennent, et qui en opère la 
décomposition. On rend aussi raison , d’après cela, des 
précipités que la noix de galle, l’ammoniaque, l’acide 
muriatique oxigéné forment dans les vinaigres de grains, 
de cidre , tandis qu’ils n’en produisent point, ou au 
moins très-peu , dans ceux de vin et de quelques fruits. 

Il faut donc, pour que les vinaigres de grains puissent 
se conserver, qu’ils soient suffisamment concentrés, afin 
que la matière végéto-animale ne se décompose pas, 
et n’entraîne pas la destruction du vinaigre auquel elle 
sert de ferment. 

Après avoir épuisé la farine d’orge autant qu’il a été 
possible par des lavages multipliés par l’eau froide, nous la 
mîmes en digestion avec l’alcool pendant quelques jours: 
en distillant ensuite l’alcool, nous obtinmes un résidu qui 
avoit toutes les propriétés d’une huile épaisse. de couleur 
rouge-brune , d’une saveur âcre et d’une odeur parti- 
culière. L’alcool séparé de cette huile par la distillation 
jouissoit de la même saveur et de la même odeur, sur-tout 
quand il étoit étendu d’eau. Cette odeur et cette saveur 
étoient absolument les mêmes que celles des eaux-de- 
vie de grains : delà il est probable que ces liqueurs 
doivent les mauvaises qualités qui les distinguent à la 
présence d’une petite quantité de cette matière grasse 
qui s’élève avec lalcool. 

Cette première découverte peut éclairer sur les moyens 
qu’il faudroit employer. pour débarrasser les eaux-de-vie 


—@ me 


CÉRÉALES ET LÉGUMINEUSES. 185 


de grain de cette substance âcre et de sa graisse : c’est 
sur quoi nous reviendrons par la suite à l'article Fer- 
mentation de l’orse. 

Comme nous avions employé pour cette opération de la 
farine brute, et qui avoit subi un commencement de 
fermentation pendant les lavages à l’eau, nous ignorions 
si la substance huileuse existoit toute formée dans l’orge 
et dans quelle partie de cette semence , ou si même elle 
ne s’étoit pas développée pendant la fermentation. Mais 
depuis nous avons trouvée dans la farine d’orge blutée et 
nouvelle, et aussi dans le son, même plus abondam- 
ment que dans la farine isolée, 

Si cette huile existe réellement en plus grande abon: 
dance dans l’écorce, ainsi que plusieurs expériences 
l’ont montré jusqu'ici, l’on peut rendre raison de la 
plus grande âcreté de l’eau d’orge non mondé, et de la 
raison pour laquelle les médecins font toujours jeter la 
première décoction de cette semence, qui est en effet 
beaucoup plus âcre que les secondes, etc. 

On reviendra par la suite sur l’influence que cette 
huile exerce dans les préparations que l’on fait avec 
la farine d’orge. 

D’après ce qui a été dit sur l’orge, l’on voit que cette 
semence est formée 1°. d’amidon; 2°. d’une substance 
végéto-animale en assez grande quantité; 30°. d’une 
huile verte et âcre qui s’unit aux alcalis et forme de 
bon savon; 4°. d’un acide acétique, répandu ainsi que 
Vhuile dans toutes les parties de la graine; 5°. de sucre ; 
6°. de phosphates de chaux, de magnésie et de fer. On 

1806, Premier semestre. 24 


186 SUR L’'ANALYSE DES GRAINES 


donnera à l’article fermentation les proportions de quel- 
ques-unes de ces substances; savoir, de l’amidon, du 
sucre et de l’huile. 


Réflexions. 


O + ditqu’il est difficile , quelques-uns même assurent 
qu’il est impossible de fabriquer de l’eau-de-vie avec de 
l’orge seul, par la raison, ajoutent-ils, qu’il passe trop 
promptement à l'acidité. 

Cette assertion n’est pas vraie, mais en supposant 
qu’elle ait quelque chose de réel, cela seroit-il dû à la 
présence de l’acide qui existe naturellement dans l'orge, 
et à la plus grande quantité de matière végéto-animale 
que cet acide dissout ? 

Pour éviter cet effet, dans le nord , on ajoute toujours 
à l’orge une certaine quantité de seigle ou de froment, 
et quelquefois les deux ensemble. 

Il est encore plus difficile de fabriquer de l’eau-de- 
vie avec du froment seul, parce qu’il ne fermente pas 
assez promptement , et qu’à mesure que la petite quan- 
tité d’alcool qu’il donne, se forme, il se convertit en 
vinaigre. 

Tous ces effets sont singuliérement modifiés par la 
quantité d’eau et la température. 

Les lavages de l’orge et du froment , sur-tout quand 
ils sont faits à petite eau, ont une saveur sensiblement 
sucrée; mais dès qu’ils ont bouilli un instant, ils per- 
dent entièrement cette saveur, et ne la reprennent que 
quand ils ont été concentrés par l’évaporation. Il en 


Re 


AN 


CÉRÉALES ET LÉGUMINEUSES. 187 


est de même pour les jus sucrés des racines, ainsi que 
l'ont remarqué plusieurs chimistes. 

Il paroît que l’amidon est en partie détruit par la 
germination des graines céréales, et se dissout dans 
Veau chaude avec laquelle on brasse leur farine; car 
on n’en retrouve que peu dans le marc ou drèche des 
brasseurs. 

Plusieurs expériences anciennes (Gren) semblent 
prouver que les farines des graines céréales germées ou 
non germées fournissent plus d’alcool, que les lavages 
de ces farines, quoiqu’il soit probable que par ce moyen 
tout le sucre ait été enlevé. Si cela est exact, il en 
résulte qu’il y a autre chose que le sucre, dans ces 
substances, qui est susceptible de produire de l'alcool. 
Cette question sera décidée sans équivoque à l’article 
Fermentation de l'orge. 


SUR L’'HUILE DE L’ORGE. 


CET grammes de farine d’orge furent mis, comme 
il a été dit ailleurs, pendant trente heures en macéra- 
tion avec de l’alcool : la liqueur prit une couleur jaune- 
d’or, une saveur et une odeur âcres, semblables à celles 
des eaux-de-vie de gräin. Cet alcool se troubloit forte- 
ment par l’eau, et devenoit laiteux comme une disso- 
lution de résine ; son odeur se développoit encore beau- 
coup plus par son mélange avec l’eau. 

Cet alcool étendu de parties égales d’eau ne rougissoit 
point la teinture de tournesol, soit que l’orge ne fût 


’ 


188 SUR L'ANALYSE DES GRAINES 

point acide, soit que l’alcool n’ait pas la propriété de 
dissoudre celui qui peut y être contenu : ce doute sera 
éclairci plus bas. 

Après avoir lavé deux fois l’orge au moyen de lal- 
cool, il a été lavé quatre fois avec de l’eau, et aucun 
de ces lavages n’étoit acide. On a remarqué que pen- 
dant le mélange de la première eau avec lorge, où il 
restoit encore une certaine quantité d’alcool, il s’est 
développé de la chaleur, et que la farine a semblé se 
coaguler ; au moins elle s’est réduite en flocons séparés 
et distans. 

Les différens lavages de l'orge étoient précipités par 
la noix de galle, l’acide muriatique oxig'né, l’acétate 
de plomb, etc.; ce qui prouve qu’ils contenoient une 
matière végéto-animale que Paction de l'alcool n’avoit 
point rendue insoluble dans l’eau. 

Il paroît, d’après ce qui a été exposé plus haut, qu’il 
y a des espèces d’orges qui ne sont point acides. 

Les quatre lavages de l’orge ayant été réunis, on les 
a abandonnés à la fermentation; ils ont bientôt tourné 
à l’accescence , et le vinaigre qu’ils ont fourni avoit une 
odeur et une saveur excellentes , quoique foibles. Mais 
il faut remarquer que le marc de lorge retenoit encore 
une certaine quantité d’alcool lorsqu’on a fait le lavage 
à l’eau , et que cet alcool est sans doute la cause de 
l’excellence du vinaigre. 

L'’aicool dont il a été parlé plus haut, et qui avoit 
séjourné pendant trente heures sur la farine d’orge, fut 
soumis à la distillation : lorsqu'il ne resta plus qu’en- 


_ CÉRÉALES ET LÉGUMINEUSES. 159 


viron 30 grammes de cette liqueur dans la cornue, l’on 
aperçut des gouttes d'huile jaune et transparente s’en 
séparer; alors on cessa la distillation : on mit l’alcool 
qui avoit passé dans un vase à part pour l’examiner, 
et après avoir versé dans une capsule ce qui restoit 
dans la cornue, on continua l’évaporation jusqu’à ce 
qu’il ne restät plus d'humidité. Cette huile ainsi séparée 
de l’alcool et de l’humidité , avoit une couleur jaune- 
brunâtre ; son odeur étoit peu sensible, maïs sa saveur 
étoit extrêmement âcre, et laissoit à la longue, dans 
la bouche, une impression semblable à celle des eaux- 
de-vie de grain. Cette huile a pris, en refroidissant, la 
consistance d’un beurre mou : elle pesoit 8 grammes. 

Soupçonnant que cette matière étoit mêlée de parties 
sucrées , on l’a lavée avec l’eau tiède ; l’eau a , en effet, 
pris une légère couleur jaune, et une saveur sucrée très- 
sensible , maïs il paroît que le sucre avoit favorisé la 
dissolution d’une petite quantité d’huile ; car la liqueur 
avoit une saveur âcre et désagréable. 

Après avoir séparé de l’orge l’huile et Le sucre, sur 
les propriétés desquels il sera donné quelques détails 
par la suite, on a enveloppé le marc de la farine dans 
un linge fin, et on l’a lavé pour en faire sortir tout 
Vamidon par le mouvement dans l’eau; ce qui a très- 
bien réussi. L orsqu’en agitant et en maniant le linge, 
Veau ne se troubloit plus, ou au moins que très-légè- 
rement , la matière restée dans le linge avoit une cou- 
leur grise, une forme floconneuse, et formoit par la 
pression une pâte légèrement élastique dont la saveur 


190 SUR L’ANALYSE DES GRAINES 


étoit nulle. Cette substance se ramollit, devient trans- 
parente et se dissout dans le vinaigre : sa dissolution est 
précipitée par la noix de galle , acétate de plomb , etc. : 
soumise à la distillation, elle a fourni beaucoup d’huile 
épaisse, et de l’ammoniaque en partie unie à l’acide 
carbonique, et en partie à l’acide acétique. Elle a donné 
aussi une assez grande quantité d’eau roussâtre , dans la- 
quelle de l'huile étoit tenue en dissolution par Pammo- 
niaque à l’état de savon. 

Le charbon fourni par cette substance a donné , après 
l’incinération, une cendre blanche dont une partie a 
été dissoute par l'acide nitrique , et une autre est restée 
sous forme de flocons grisâtres : c’étoit de la silice. 

Celle qui a été dissoute par l'acide nitrique étoit 
formée de phosphate de chaux, de phosphate de ma- 
gnésie, d’une petite quantité de chaux libre et de fer. 
D’après les propriétés qu’on vient d’exposer , il est évi- 
dent que la matière qui en jouit a beaucoup d’analogie 
avec les matières animales, et est probablement une 
espèce de gluten, mêlé avec du son; car la farine sur 
laquelle on a opéré n’avoit pas été blutée. 

L’orge contient, d’après ce qui a été dit plus haut, 

10. Une huile; 

20, De la matière sucrée; 

30. De l’amidon en grande quantité ; 

4°. Une matière animale dont une partie se dissout 

endant les lavages ; 

5°. Des phosphates , de la silice et du fer ; 

6. Un acide, au moins le plus souvent, 


CÉRÉALES ET LÉGUMEINEUSES. 194 

On a fait macérer à froid, pendant trois jours , six 
livres d’orge non germé, moulu avec six pintes d’alcoo!l 
rectifié, dans l’intention d’en extraire le sucre et d’en 
connoître la quantité; on à filtré la liqueur dont la 
couleur étoit jaune-d’or, on a remis sur le marc trois 
pintes de nouvel alcool semblable au premier; celui-ci 
prit aussi une couleur jaune, moins intense que celle de 
la première. 

Ces deux quantités d’alcool réunies furent soumises 
à la distillation Pour obtenir à part les matières qu’elles 
avoient enlevées à l’orge : quand les trois quarts environ 
de l’alcool furent distillés, on aperçut une substance 
liquide d’un jaune-brun qui se séparoit du restant de 
l'alcool, et se précipitoit au fond. 

Avant que la totalité de l'alcool ne fit évaporée, on 
VéTSa tout ce que contenoit la cornue dans une capsule, 
et on évapora jusqu’à siccité à une douce chaleur ; alors 
Pour séparer la matière sucrée qui devoit se trouver 
mêlée avec les autres Corps dissous par Valcool, on fit 
bouillir le résidu avec de l’eau distillée; celle-ci, en se 
chargeant du sucre et des autres substances susceptibles 
de s’y dissoudre, prit une couleur brune et une saveur 
sucrée; quand elle ne parut plus rien dissoudre, on fit 
sécher le résidu à une très-douce chaleur : ce résidu 
pésoit 26 8rammes ; il avoit la consistance du miel , 
une couleur jaune-verdâtre, une saveur et une odeur 
âcre et rance. 

IT s’est formé à la longue , dans cette huile, beaucoup 
de petites concrétions qui lui donnoient l’apparence de 


192 SUR L’ANALYSE DES GRAINES 


l'huile d’olive figée. Mise sur une plaque de fer légè- 
rement rouge, cette matière s’élève en fumées qui ont 
l’odeur de l’huile en vapeurs, et elle ne laisse presque 
rien sur le fer. 

Elle brûle à la manière des huiles grasses dont elle 
paroît se rapprocher beaucoup; elle s’unit facilement 
aux alcalis fixes, et forme, par ces combinaisons, des 
savons très - solubles, consistans, et dont la solution 
mousse beaucoup par l’agitation. 

Cette huile , sur les propriétés de laquelle on reviendra 
plus bas et qui existe, comme on l’a vu ci-dessus, dans 
le rapport d’un centième dans l'orge, est sans doute la 
cause de la mauvaise qualité du pain d’orge qui, comme 
on sait, a servi de comparaison pour exprimer au moral 
la grossièreté du caractère. On reconnoît, en effet , fa- 
cilement dans le pain d’orge l’âcreté et la rancidité de 
cette huile. Il n’est pas douteux que ce ne soit aussi 
cette huile qui communique aux alcools de grain, pour 
la fabrication desquels on emploie toujours de l’orge, 
la mauvaise saveur et la mauvaise odeur qui les distin- 
guent des autres alcools. 

En faisant chauffer cette huile pour en séparer l’hu- 
midité ,ils’est précipité une certaine quantité de matière 
brune sous forme de grumeaux , qui s’est singulièrement 
durcie par la dessiccation, et est devenue cassante comme 
une espèce de gluten. 

Cette matière sèche et cassante est peu soluble dans 
l'alcool , et encore moins dans l’eau , seulement elle s’y 
ramollit, y devient pâteuse et gluante : exposée à la 


CÉRÉALES ET LÉGUMINEUSES. 193 
chaleur, elle se ramollit, se boursoufle et reprend l’o- 
deur de la corne brûlée. 

Il paroît qu’elle est de la nature du gluten, ou peut- 
être de la levure; elle fournit de l’huile épaisse et de 
lammoniaque à la distillation : cette substance s’est sans 
doute dissoute dans l’alcool, à la faveur du sucre et de 
l'humidité, naturellement contenus dans l’orge. 


Orge germé et alcool, 


.-Ox a fait digérer à froid 3 kilogrammes d’orge germé et 
moulu, pendant trois jours, avec six litres d’alcool 
rectifié. 

Les phénomènes ont été les mêmes que dans l’expé- 
rience sur l’orge non germé. La quantité d’huile obtenue 
dans cette opération étoit de 33 grammes, un peu plus 
d’un centième : celle du sucre a été estimée ailleurs. Les 
six livres d’orge furent réduites à 27 hectogrammes, 
et cependant l’huile et le sucre ne pesoient ensemble 
que 1 hectogramme 17 centièmes, ce qui donne une 
perte de 1 hectogramme 83 centièmes, due vraisembla- 
blement à de l’humidité contenue dans l’orge, et qui 
m’existoit plus dans le résidu sec. 

Il résulte de cette expérience que l’orge germé con- 
tient autant d'huile que celui qui ne l’a pas été. 


SUR LES FÈVES DE MARAIS. 


Ux+e infusion de farine de fèves de marais parfaite- 
ment claire fut mise dans un flacon qui en étoit entiè- 
rement plein ; au bout de quelques jours elle se troubla 

1806. Premier semestre. 25 


194 SUR L'ANALYSE DES GRAINES 


et devint comme du lait ; le dépôt se fit bientôt après 
et la liqueur s’éclaircit parfaitement. 

Cette eau resta dans la bouteille depuis le 17 floréal 
jusqu’au 8 prairial, sans qu’il s’en soit dégagé une seule 
bulle de gaz. À cette époque la liqueur fut filtrée ; elle 
avoit une saveur légèrement acide , et celle encore très- 
reconnoissable des fèves de marais; elle rougissoit la 
teinture de tournesol, et précipitoit l’eau de chaux en 
flocons transparens. 

L’oxalate d’ammoniaque y forme un précipité abon- 
dant, et l’ammoniaque seule y occasionne aussi un 
léger précipité floconneux; la noix de galle, un précipité 
opaque qui prend à la longue une couleur de lie de 
vin ; les nitrates de mercure et d’argent, des précipités 
blancs-jaunâtres; enfin le prussiate de potasse, un préci- 
pité vert qui devient bleu à la longue : cette eau con- 
tient donc du fer. 

Comme l’eau des fèves de marais avoit passé à l’acide 
sans le contact de l’air, et qu’il y a beaucoup d’appa- 
rence que cet acide est le vinaigre, il s’ensuit que 
l'acétification peut avoir lieu jusqu’à un certain point 
sans le contact de l’air ; ce qui est cependant contraire 
à l’opinion reçue jusqu’à présent. 

Le précipité formé spontanément dans l’eau de fèves 
de marais devient transparent par la dessiccation, et 
brûle absolument comme de la corne ou la partie caséeuse 
du lait. « 

Une autre quantité d’eau de fèves de marais a été 
mise dans un grand flacon, dont les trois quarts sont 


CÉRÉALES ET LÉGUMINEUSES. 195 


restés pleins d’air; les mêmes phénomènes qui ont été 
‘décrits plus haut ont eu également lieu ici, avec cette 
différence que le volume de l’air avoit diminué; ce qui 
indique qu’une portion avoit été absorbée. Au bout du 
même temps on a filtré la liqueur ; elle avoit déja con- 
tracté une odeur légèrement putride ; elle n’étoit point 
acide eomme la première, mais elle étoit précipitée par 
l’eau de chaux, l’infusion de noix de galle, l’acide mu- 
riatique oxigéné , etc. 

L’air qui avoit resté en contact avec l’eau de fèves 
de marais contenoit environ un cinquième d’acide car- 
bonique , et le reste étoit composé de 2 centièmes et 
demi de gaz oxigène, et de 97 et demi d’azote. 

Le précipité formé dans l’eau de fèves de marais par 
Veau de chaux étoit purpurin, mais il est devenu noir 
en se desséchant. 

‘Il donne, en brûlant, de l’ammoniaque et laisse une 
cendre grise qui se dissout avec une légère effervescence 
dans lacide muriatique : la dissolution de cette cendre 
est précipitée en flocons gélatineux par l’ammoniaque, 
et en bleu par le prussiate de potasse ; ce précipité est 
donc composé d’une matière animale, de phosphate de 
chaux et de phosphate de fer; il paroït donc qu’elle 
contient du phosphate alcalin, ainsi que M. de Saussure 
fils Va indiqué. 

Soixante - seize grammes de fèves de marais ont été 
brûlées dans un creuset de platine jusqu’à ce qu’elles 
aient été réduites en cendres grises : ces cendres avoient 
une saveur alcaline et même caustique; leur lessive 


196 SUR L'ANALYSE DES GRAINES 


“évaporée a laissé une matière blanche très-caustique qui 
attiroit l’humidité de l'air, et qui s’est dissoute dans l’acide 
nitrique avec effervescence : la combinaison évaporée 
a donné du nitrate de potasse dont le poids étoit d’un 
gramme 88 centimes. Ce sel ayant été dissous dans l’eau, 
ainsi que l’eau - mère où il s’étoit formé, on y a mêlé 
de l’eau de chaux qui a fourni un précipité très-abon- 
dant, demi-transparent et gélatineux, lequel, après avoir 
été desséché , pesoit 60 centigrammes : : c’étoit du phos- 
phate de chaux très-pur. 

La partie de la cendre que l’eau n’avoit pas dissoute 
a été traitée par lacide nitrique : Ja liqueur filtrée a 
donné par l’addition de l’ammoniaque un précipité flo- 
conneux qui est devenu grenu et demi-transparent quel- 
ques instans après; ce précipité étoit un mélange de 
phosphates de chaux, de magnésie et de fer. Les por- 
tions de charbon qui n’ont pas été dissoutes par l’acide 
nitrique ont été brülées, elles ont encore fourni 11 cen- 
tigrammes de cendre semblable à la première, seule- 
ment elle contenoit plus de fer. Outre Pamidon et la 
matière animale les fèves de marais contiennent des 
phosphates de chaux, de magnésie, de fer, de potasse 
et de la potasse libre. 

Les peaux des fèves de maraïs contiennent du tannin 
en assez grande quantité ; il en sera parlé ailleurs. 


Réflexions. 


LA grande quantité de matière animale que contien- 
nent les fèves de marais, explique pourquoi elles pas- 


CÉRÉALES ET LÉGUMINEUSES. 197 
sent si promptement à la putréfaction, et répandent 
une odeur aussi infecte ; elle donne aussi la raison pour 
laquelle ces semences sont si nourrisantes, et peuvent 
en quelque sorte remplacer la viande fraiche. 

L’on voit aussi pourquoi ces graines, lorsqu’elles sont 
cuites avec leur écorce sur-tout , tournent moins promp- 
tement à la putréfaction; c’est que la matière animale 
étant cuite se conserve plus long-temps, et que le tannin 
lui sert encore de préservatif. 

On trouve donc dans ces semences, aliment, condi- 
ment, matière propre à entretenir la couleur du sang; 
et réparer la perte des os (1). 


SUR LES LENTILELES. 


CINQUANTE grammes de farine de lentilles mis er 
macération avec un litre d’eau, ont répandu une odeur 
forte qu’on connoît dans cette semence verte. Ceite liqueur 
filtrée une heure après a d’abord passé un peu laïteuse, 
mais en la remettant sur le filtre elle s’est éclaircie. 

Elle avoit une saveur fade et nauséabonde, ne rou- 
gissoit pas la teinture de tournesol, mais précipitoit 
abondamment l’infusion de noix de galle, et l’acide 
muriatique oxigéné; la dissolution de sulfate de fer y 
forme aussi un précipité abondant de couleur grisâtre ; 
Veau de chaux la rend laiteuse, mais n’y détermine 
pas de précipité, au moins sur-le-champ; l’infusion de 
Rue MURAT ainsi io Née us PER Rr 


{:) Les fèves de marais ne contiennent pas sensiblement de suçre, 


198 SUR L’ANALYSE DES GRAINES 


lentilles se trouble d’elle-même très - promptement , et 
preud un aspect laiteux : cet effet a lieu en moins de dix 
heures dans un air à 15 degrés de chaleur. 

Les alcalis lui rendent sa limpidité en lui commu- 
niquant une couleur jaune : les acides produisent le 
même effet, mais un excès de ces derniers y occasionne 
un précipité floconneux très-abondant. 

Ces phénomènes peuvent faire penser que la matière 
qui trouble ainsi la liqueur y étoit tenue en dissolution 
par un alcali , lequel, en se saturant de lacide déve- 
loppé par la fermentation, laisse précipiter cette ma- 
tière : c’est un soupçon à vérifier. 

Par la chaleur de l’ébullition , l’infusion de farine de 
lentilles mousse comme une eau de savon, et se coagule 
en flocons blancs comme l’albumine. Cette eau ainsi 
coagulée et filtrée est encore précipitée par les mêmes 
réactifs, mais moins abondamment qu'avant; ce qui 
prouve que la chaleur n’a séparé qu’une partie de la 
matière qui jouit de ces propriétés. 

Le 17 floréal nous remplimes un flacon de l’infusion de 
lentilles qui s’étoit déja troublée spontanément , et nous 
plaçâmes sur ce flacon un tube pour savoir s’il se dé- 
gageroit quelque gaz, et si la liqueur deviendroit acide, 
ou si enfin elle éprouveroit quelque autre altération. 

Le même jour nous mîmes de la même liqueur dans 
un autre flacon, mais dont les trois quarts demeurèrent 
vides, et sur lequel nous plaçâmes aussi un tube pour 
savoir si le volume augmenteroit ou diminueroïit. 

Quelques heures après que ces liqueurs furent mises 


CÉRÉALES ET LÉGUMINEUSES. 199 


dans les appareils dont on vient de parler, elles s’é- 
claircirent, et la substance qui les troubloit se déposa 
sous la forme de flocons blancs au bout de deux jours 
(température 12 degrés); ces liqueurs ne présentoient 
aucun phénomène qui annonçât un changement dans 
leur état; au moins il ne se manifesta aucune effer- 
vescence , il n’en sortit aucun gaz, et l’air ne diminua 
point de volume. 

Les deux liqueurs avoient passé à une légère fermenta- 
tion, et l’air du second appareil contenoit une petite 
quantité d’acide carbonique : cette expérience n’a pas 
été poussée plus loin. 

Nous avons dit plus haut qu’ayant mêlé de l’eau de 
chaux à une portion de l’infusion des lentilles, le mé- 
lange se troubla, devint laiteux , mais ne forma point de 
précipité, tandis que la même infusion en donna sponta- 
nément un considérable; cependant au bout de trois ou 
quatre jours il s’en forma aussi un dans celle-ci. Cette 
différence provient, sans doute, de ce que, par sa pré- 
sence , la chaux aura retardé la fermentation acide de 
la liqueur, ou que sans s’y opposer , elle aura absorbé 
Vacide à mesure qu’il se sera formé, et empèché ainsi 
la matière animale de se précipiter; mais enfin lorsque 
la chaux aura été saturée par l’acide, le phénomène 
aura eu lieu. 

La chaux avoit été mêlée à cette liqueur dans l’inten- 


tion de savoir si elle contenoit du phosphate de potasse 
ou autre. 


209 SUR L’ANALYSE DES GRAINES 
Action de l'alcool sur Les Lentilles, 


CinquaAxTE grammes de farine grossière de lentilles 
ont été mis en digestion avec sept à huit fois leur poids 
d’alcool bien déflegmé; au bout de quelques instans 
l'alcool prit une couleur jaune-verdâtre, une saveur 
amère et âcre; deux jours après, le premier alcool fut 
décanté, et de nouvelles quantités furent mises sur le marc 
jusqu’à ce qu’elles ne se colorassent plus. Les liqueurs 
réunies soumises à la distillation fournirent un alcool 
sans couleur, mais d’une odeur de vanille très-pronon- 
cée, et reconnoissable pour tout le monde. Cette odeur se 
perdit par l’addition de l’eau, et se transforma en une 
autre très-désagréable. 

Le résidu contenu dans la cornue avoit une couleur 
verte-jaunâtre, une huile verte un peu consistante na- 
geoit à la surface de la liqueur. Cette liqueur qui con- 
tenoit encore un peu d’alcool étoit épaisse, gluante, 
ayant une saveur rance et âcre , l’odeur du savon, et se 
troublant par l'addition de l’eau. Cette liqueur se cail- 
lebotoit par les acides et par l’eau de chaux comme 
une dissolution de savon. 

Pour savoir si, en effet, elle contenoit véritablement 
du savon , je la décomposai par l’acide sulfurique, qui 
forma sur-le-champ un précipité floconneux, dont les 
parties en se rassemblant formèrent bientôt une couche 
huileuse de couleur verdâtre, d’une saveur rance, et 
d’une odeur qui avoit quelque analogie avec celle de 
l’onguent populeum, 


CÉRÉALES ET LÉGUMINEUSES, 01 


La liqueur filtrée et évaporée avec ménagement a 
donné un résidu noir, acide, qui paroissoit contenir 
quelque chose de salin; mais quand il a été desséché, 
il y en avoit si peu qu’il n’a pas été possible d’en re- 
connoître la nature : il faudroit faire cette expérience 
plus en grand. 

50 grammes de lentilles entières et munies de leurs 
enveloppes ont été mises en macération dans 100 grammes 
d’eau : au bout de vingt-quatre heures l’eau avoit acquis 
une légère teinte jaune-verdätre , une saveur astringente, 
accompagnée de l’odeur des semences légumineuses. 

. Cette eau précipitoit abondamment la solution de 
colle forte , l’eau de froment et d’orge en flocons blancs : 
elle précipitoit abondamment aussi le sulfate de fer en 
très-beau bleu , et Pacétate de plomb en blanc-jaunûtre. 

Elle ne rougissoit pas la teinture de tournesol, ce qui 
prouve que la substance qui précipite le fer en bleu 
n’est pas lacide gallique , mais du tannin ; ce que con- 
firme d’ailleurs la précipitation de la colle forte. 

Après avoir séparé l’eau qui avoit séjourné pendant 
vingt-quatre heures sur les lentilles, on les dépouilla 
de leurs enveloppes, et on les remit séparément dans 
l’eau pour savoir si elles contenoient du tannin dans 
leur propre substance, mais elles n’en offrirent pas 
la plus légère trace; ce qui démontre que cette subs- 
tance est exclusivement contenue dans les enveloppes. 

Quand on eut épuisé les enveloppes de lentilles par 
l’eau , on les fit macérer avec de l'alcool; celui-ci prit 
bientôt une couleur verte-jaunâtre très-agréable, 

1806. Premier semestre. 26 


202 SUR L’ANALYSE DES GRAINES 


Pendant l’évaporation spontanée de l’alcool il se dé- 
posa des flocons verts, et l’alcool laissa sur les parois 
de la capsule un enduit vert. Outre cette matière verte, 
l'alcool contenoit du tannin, car il noircissoit légère- 
ment la dissolution de fer. 

Après avoir enlevé aux enveloppes de lentilles tout 
ce qu’elles ont de soluble dans l’eau et dans l’alcool, 
elles étoient blanches, sèches et arides comme du par- 
chemin : soumises à la distillation , elles fournirent une 
assez grande quantité d’huile dont l’odeur et la saveur 
avoient la plus grande analogie avec la fumée de tabac: 
le flegme étoit acide, mais la potasse y développoit de 
l’'ammoniaque. 


Réflexions. 


Iz est évident par ce qui précède sur les lentilles 
que cette graine contient, comme toutes les autres, à 
ce qu’il paroît, une substance animale, ou dont au 
moins les caractères sont tels; que cette substance se 
dissout dans l’eau aussitôt qu’elle est en contact avec 
elle, et que sa dissolution n’est ni acide ni alcaline. 
De quelle nature particulière est cette substance ? il n’y 
a pas d’apparence que ce soit du gluten, car quand il 
est frais, celui-ci ne se dissout pas aussi abondamment; 
il n’est guère plus probable que ce soit de la levure, 
celle-ci ne se dissout pas non plus aussi abondamment 
dans l’eau froide. Elle auroit plutôt l’apparence de 
l’albumine. 

Il est évident aussi que les écorces de lentilles con- 


mare | 


CÉRÉALES: ET LÉGUMINEUSES, 203 


tiennent une huile verte et âcre, et une certaine quan- 
tité de tannin , tandis que les cotylédons ne contien- 
nent pas ce dernier. Nous croyons qu’il y a aussi dans 
les cotylédons une certaine quantité d'huile verte. 


SUR LA FARINE DE LUPINS. 


1°, CETTE farine, dont la couleur est jaune, a une 
saveur extrêmement amère, et brûle sur les charbons 
en répandant une odeur comme les matières animales. 

2°. 20 grammes de cette farine: mis avec de l’alcool 
la colore en jaune , et lui communique sa saveur amère : 
Valcool dissipé par l’évaporation, a laissé une huile 
jaune, épaisse, d’une saveur très-amère , et dont le poids 
étoit de 2 grammes 7 dixièmes. 

Cette huile mise sur un charbon ardent s’exhale 
presqu’entièrement en fumées blanches qui ont l’odeur 
de celles que produit l’huile grasse, mais elle laisse un 
atome de charbon. 

30. Cette farine communique aussi à l’eau une cou- 
leur jaune, une saveur amère, et la propriété de 
mousser par l’agitation commeune dissolution de gomme: 
l’eau ne devient ni acide ni alcaline. 

4°. 25 grammes de la même farine soumise à la dis- 
tillation ont fourni 6 grammes + de charbon, 14 gram- 
mes d'huile, 2 grammes de flegme, plus du carbonate 
d’ammoniaque cristallisé dans le col de la cornue. Une 
partie de lammoniaque contenue dans le flegme parois- 
soit être unie à l’acide acéteux. 


204. SUR L’ANALYSE DES GRAINES 


5°, 5o grammes de la même farine brûlée ont donné 
3 grammes 15 centièmes de cendre; celle-ci s’est dis- 
soute dans l’acide nitrique sans effervescence, et l’am- 
moniaque en a précipité 65 centigrammes d’une sub- 
stance jaunâtre et un peu grenue, laquelle étoit com- 
posée de phosphates de chaux, de magnésie et de fer. 
Ce qui ne s’est pas dissous dans l’acide nitrique étoit, 
pour la plus grande partie , du sable mêlé accidentelle- 
ment à cette farine; mais sa quantité étoit loin d’équi- 
valoir à la perte qui se montre ici. 

6°. Le charbon provenant des 25 grammes de farine 
distillée, expérience IV, a communiqué à l’eau avec la- 
quelle on l’a lessivée la propriété de précipiter abon- 
damment l’eau de chaux, et le précipité avoit tous les 
caractères du phosphate de chaux. Cette farine contient 
donc une certaine quantité de phosphaste alcalin ; ce qui 
explique la perte que nous avons éprouvée sur la cendre 
de l'expérience V. 

L’infusion aqueuse de farine de lupins est précipitée 
par l'acide muriatique oxigéné en flocons blancs ; les 
premières portions d’acide éclaircissent la liqueur, et 
une plus grande quantité la coagule. 

L’infusion de noix de galle la coagule abondamment, 
et le précipité a une couleur purpurine, ce à cause 
d’une petite quantité de phosphate de fer qu’elle con- 
tient. 

Les dissolutions nitriques de mercure, d’argent et 
celle de l’acétate de plomb la précipitent aussi très- 
abondamment en flocons blancs; ces précipités ne sont 


CÉRÉALES ET LÉGUMINEUSES, 205 


pas entièrement solubles dans l’acide nitrique, ce qui 
annonce qu’ils contiennent un peu d’acide muriatique. 

Cette même infusion est précipitée par l’eau de chaux 
en flocons jaunâtres, par l’oxalate d’ammoniaque en 
une poudre qui ressemble beaucoup à l’oxalate de chaux. 

Le carbonate de potasse n’y occasionne presque pas 
de changement , un léger trouble seulement. 

Après avoir passé deux fois de l’alcool et deux fois 
de l’eau sur la farine de lupins, le résidu mêlé avec 
de l’acide acétique concentré a été presqu’entièrement 
dissous; il n’en est resté qu’une matière corticale, et 
comme ligneuse, de couleur jaune. 

La dissolution a présenté les phénomènes suivans : 
elle étoit abondamment précipitée par l’infusion de noix 
de galle , l’acide muriatique oxigéné , l’ammoniaque et 
le nitrate de mercure , mais elle ne l’étoit point par l’a- 
cétate de plomb. 

D’après ce qui précède, l’on voit que la farine de 
lupins contient, 1°. une huile colorée et amère, qui 
communique ses propriétés aux autres parties de la fa- 
rine, et qui fait une partie considérable de cette sub- 
stance, puisque sur 20 grammes elle en a donné 2 
grammes 7 dixièmes, ce qui fait près d’un septième; 
2°. une substance végéto-animale extrêmement abon- 
dante , soluble dans une grande quantité d’eau , et encore 
plus soluble dans l’acide acétique : c’est cette substance 
qui fournit à la distillation le carbonate d’ammoniaque, 
et l’huile rouge et fétide qu’on obtient : c’est aussi elle 
qui, dissoute dans l’eau ou dans l’acide acétique, 


206 SUR L’'ANALYSE DES GRAINES 


présente , avec les réactifs, tous les phénomènes exposés 
plus haut; 3°. une assez grande quantité de phosphates 
de chaux et de magnésie, et une petite quantité de 
phosphates de potasse et de fer. 

Mais il ne paroît pas qu’elle contienne , comme les 
autres farines des légumineuses , de Pamidon ni du sucre. 

La farine de lupins délayée dans de l’eau et exposée 
à une chaleur douce fermente, il se dégage de l'acide 
carbonique, et il se forme de l’acide acétique , mais elle 
ne produit pas un atome d’alcool : avec le temps elle 
se pourrit et exhale une odeur fétide. 


SUR LA GERMINATION. 


Expériences sur les semences lésumineuses. — Première 
expérience. 


LE 21 floréal an 12, on mit dans une cloche remplie 
d’air atmosphérique, et placée sur l’eau , des lentilles, et 
des fèves de marais dépouillées de leurs écorces; trois 
ou quatre jours après, les lentilles commencèrent à ger- 
mer, les radicules étoient déja très-longues , et les plu- 
mules se montroient. 

Le 35 prairial, douze jours après, les lentilles avoient 
des tiges d'environ 2 à 3 centimètres de long, et l’on 
voyoit manifestement les feuilles développées; à cette 
époque les fèves de marais n’avoient point encore donné 
de signes de germination, seulement leurs radicules 
s’étoient alongées, mais la plumule n’avoit faif aucun 


progrès. 


CÉRÉALES ET LÉGUMINEUSES. 207 


Comme ces fèves de marais étoient contenues dans 
la même capsule que les lentilles, et qu’elles commen- 
çoient à se moisir , on les enleva les unes et les autres 
pour que l'air ne füt pas altéré par l'effet de cette dé- 
composition spontanée. 

L’air dans lequel ces semences avoient été exposées ,. 
et où les lentilles avoient germé, essayé par divers 
moyens, a présenté les phénomènes suivans : 10. il a 
éteint subitement la bougie; 20. il a précipité abon- 
damment l’eau de chaux; 3°. cependant le phosphore 
y brûloit encore un peu, mais cette combustion s’arrê- 
toit très- promptement; et le volume ne diminue que 
très-peu par cette opération. 


Germiration dans Le gaz Lydrogène. — Deuxième 
expérience. 


LE 21 floréal on mit dans du gaz hydrogène contenu 
dans une cloche, placée sur l’eau, des semences de len- 
tilles et de fèves de marais; mais ces graines n’ont 
donné aucun signe de germination : la radicule qui étoit 
très-visible, parce que les semences avoient été dépouil- 
lées de leur écorce, n’avoit pas même alongé de la plus 
petite fraction de mesure quelconque, mais elles avoient 
conservé toute leur fraîcheur et leur solidité; les fèves 
de marais n’avoient point moisi comme celles qui avoient 
été exposées dans l’air atmosphérique. 

Ces expériences paroissent démontrer clairement au 
moins que quelques espèces de semences ont besoin de la 
présence de l'air pour germer, et qu’elles ne peuvent 


208 SUR L'ANALYSE DES GRAINES 


remplir cette fonction dans le gaz hydrogène, ni pro- 
bablement dans les autres espèces de gaz. 

L’hydrogène cependant contenoit une quantité no- 
table d’acide carbonique , dont on a reconnu la pré- 
sence par le moyen de l’eau de chaux qu’il troubloit 
fortement, 

Ainsi, comme le gaz hydrogène qui avoit servi à cette 
expérience ne contenoit pas d’air atmosphérique, il est 
probable que lacide carbonique a été formé par la 
réaction de l’oxigène et du charbon contenus dans les 
semences elles-mêmes. 

Lorsqu'on retira les lentilles du gaz hydrogène , il y 
en avoit déja quelques-unes qui commençoient à pourrir, 
mais beaucoup qui étoient encore saines ont très-bien 
germé lorsqu'elles ont eu le contact de l'air. Les fèves 
de marais ont également bien germé, d’où il suit que 
le gaz hydrogène, quoique ne pouvant servir à la ger- 
mination , n’a pas d'action nuisible sur l’embrion. 


Germination dans l’eau. — Troisième expérience. 


Des fèves de marais ontété mises en macération dans 
l’eau dont elles étoient recouvertes ; vingt-quatre heures 
après on leur a enlevé l’écorce, et on les a remises 
dans l’eau: au bout de huit jours elles n’avoient pas 
donné de signes de germination ; l’eau étoit devenue 
acide et répandoit une odeur de fromage aigri. 

Des mêmes fèves de marais ont été mises en macé- 
ration dans de l’eau aiguisée d’acide muriatique oxigéné; 
au bout de vingt-quatre heures elles ont été dépouillées 


CÉRÉALES ET LÉGUMINEUSES. 209 
de leurs enveloppes, et remises dans de nouvelle eau 
aiguisée d’acide muriatique oxigéné en très-petite quan- 
tité : elles n’ont pas plus germé que dans l’eau. 

‘Les mêmes expériences ont été faites sur les lentilles 
sans plusde succès. La seule différence qu’on ait aperçue; 
c’est que leur eau n’a pas pris l’odeur de fromage, 

Les fèves de marais qui avoient été submergées, ainsi 
que les lentilles, comme il a été dit plus haut, dans de 
l’eau aïguisée d’acide muriatique oxigéné , n’ont point 
du tout germé lorsqu’elles ont été exposées à l’air; 
tandis que les mêmes semences qui avoient été plongées 
sous l’eau simple ont germé dans l’air au bout de quatre 
à cinq jours. 

Il paroît d’après cela que la petite quantité d’acide 
muriatique oxigéné, dans lequel on avoit mis macérer 
les semences dépouillées de leurs enveloppes, a fait périr 
l'embryon, et a peut-être aussi altéré la substance des 
cotylédons. 


Germination dans Pair et dans l’eau. — Quatrième 
expérience. 


Des fèves de marais et des lentilles, auxquelles on 
avoitenlevé lesenveloppes, ont été couvertes d’une légère 
couche d’eau pour qu’elles fussent seulement privées du 
contact de l’air : elles n’ont nullement germé; elles ont, 
au contraire, pourri et ont communiqué à l’eau une 
odeur fétide analogue à celle du sperme. 

. Les mêmes graines écorcées et humectées d'eau, mais 
sans en êtrecouvertes , ont parfaitement bien germé, ont 

1806. Premier semestre. 27 


210 SUR L’ANALYSE DES GRAINES 


poussé des tiges et des feuilles assez longues et colorées 
en vert, quoiqu’elles eussent végété à l'ombre. 

Les graines, ou au moins celles-ci, ont donc besoin de 
l'influence de l’air pour germer et s’étendre (1). 


Remarque sur la décomposition spontanée de l'alcool 
mélé à l’eau. 


UxeE partie d’alcool très-pur, mêlé à vingt parties 
d’eau distillée , fut conservée dans un flacon qui en étoit 
entièrement rempli et exactement bouché en cristal. 

Au bout de six mois il ne paroissoit encore avoir 
éprouvé aucun changement, si ce n’est que son odeur 
ressembloit parfaitement à celle de l’éther nitrique très- 
étendu d’eau. 

La même expérience fut faite sur des quantités sem- 
blables des mêmes matières, avec cette différence que 
ces dernières furent conservées dans un flacon qui n’en 
étoit pas complettement rempli, et qui n’étoit bouché 
qu'avec du papier. Quinze jours après il s’est formé 
dans la liqueur de petits flocons blancs lanugineux, 
qui ont augmenté sensiblement de volume, et ont 
à la fin formé une masse assez étendue. Ces flocons 
ont fini par noircir, et alors la liqueur n’avoit plus 
aucune des propriétés qui caractérisent l’alcool, c’est- 
à-dire que sa saveur, son odeur, etc. étoient entièrement 
détruites. 


(1) Il seroit bon de répéter ces expériences sur les graines des plantes 
aquatiques. 


_— 


CÉRÉALES ET LÉGUMINEUSES. 211 


L'alcool, en se décomposant ainsi, ne forme point 
d’acide. Il paroît donc que, dans ce second cas, l’al- 
cool a été parfaitement décomposé , et que l’air est néces- 
saire à cette décomposition, puisque le même mélange 
exactement enfermé n’a pas subi la même altération. 


SUR LA FERMENTATION DES GRAINS. 


1°. Ox a pris 2 livres d’orge germé et moulu comme 
pour la fabrication de la bière, et après l’avoir mis dans 
un matras, on a versé par-dessus 6 livres d’eau à 55 
degrés de Réaumur. L’appareil terminé par un tube a 
été exposé à la température de 22 degrés. La fermen- 
tation à commencé à s’établir quatre heures après, eta 
duré environ trente-six heures. 

Lorsqu'on a jugé que l’air atmosphérique a été sorti 
de lappareil, on a recueilli une certaine quantité de 
gaz qu’on a mis sur une dissolution de potasse caus- 
tique; environ la moitié de ce gaz a été absorbée , et 
Pautre moitié s’est enflammée par le contact d’une bougie 
allumée en présentant les caractères du gaz hydrogène 
le plus pur, c’est-à-dire qu’il répandoit une flamme 
blanche - rougeâtre , et détonoit avec beaucoup de vio-. 
lence quand il étoit mêlé à de l'air. 

On a recueilli de temps en temps , depuis le com- 
mencement jusqu’à la fin de la fermentation , des por- 
tions de ce gaz pour savoir s’il fourniroit toujours du 
gaz inflammable, et s’il seroit constamment dans les 
mêmes proportions : c’est, en effet, ce qui est arrivé; 


* 


212 SUR L’'ANALYSE DES GRAINES 


les gaz se sont produits depuis le commencement jusqu’à 
la fin dans le rapport constant d'égalité en volume. 
Le 16 fructidor on soumit à la distillation l’orge ainsi 
fermenté, et sur les trois litres d’eau qu’on avoit em- 
ployés, on n’en retira que deux tiers de litre. Cette 
liqueur fut distillée de nouveau, et son produit frac- 
tionné en trois parties égales. Le premier produit ne 
donna aucun degré à l’aréomètre, le second et le troi- 
sième étoient un peu plus pesans que l’eau. Ces produits 


avoient tous une saveur acide très - prononcée, et en 


même temps empyreumatique, par la raison que le marc 
avoit légèrement brûlé au fond de la chaudière. 

Il sembleroit d’après ces résultats qu’il ne s’est pas 
formé d’alcool pendant la fermentation de cet orge, 
puisque les produits qu’il a fournis à la distillation 
étoient aussi pesans que l’eau , et n’avoient qu’une sa- 
veur acide et nullement alcoolique; mais il est plus 
vraisemblable que l'alcool produit s’est converti en acide 
acéteux pendant l’intervalle de la fermentation à la dis- 
tillation. Un fait remarquable, c’est que la liqueur avoit 
avant la distillation une saveur encore très-sucrée, et 
qu'après elle n’en avoit presque plus. 

2°, Comme on avoit employé dans l'expérience du 
10 fructidor de l’orge germé avec le son , nous avons 
soupçonné que c’étoit celui-ci qui avoit produit le gaz 
inflammable. Pour nous en assurer, nous avons répété 
l'opération avec la même quantité de farine d’orge 
blutée et non germée, et trois litres d’eau; mais les 
phénomènes ayant été absolument pareils , nous en con- 


CÉRÉALES ET LÉGUMINEUSES. 213 


-cluons que ce n’est pas le son qui a produit le gaz 
inflammable; car, en supposant qu’il restât quelques 
parties de cette écorce dans la farine, elles n’auroient 
pas formé une aussi grande quantité de gaz que la farine 
entière. 

3°. Les résultats dont on vient de parler, ayant fait 
soupçonner qu’il pouvoit aussi se produire du gaz in- 
flammable pendant la fermentation du moût de bière 
dans la cuve du brasseur, nous avons pris quatre litres 
de ce moût, au moment où la fermentation alloit bien- 
tôt commencer, et nous l’avons mis dans un appareil 
convenable pour recueillir le gaz, et exposé à la tempé- 
rature de 22 degrés, comme dans les autres expériences. 

Dans cette circonstance la fermentation a commencé 
beaucoup plus promptement, le dégagement du gaz a été 
aussi plus rapide, sans doute à cause de la levure qu’on 
y avoit mise. Mais le gaz recueilli à différens temps de 
Vopération, a été entiérement absorbé par la potasse 
caustique , et n’a donné aucune trace de gaz inflam- 
mable : c’est donc le corps de la farine qui produit le gaz 
inflammable, et non ses principes solubles dans l’eau 
chaude. 
4. Pour connoître exactement le volume du gaz in- 
flammable qui se dégageroit pendant la fermentation 
d’une quantité donnée de farine d’orge mondé, nous 
mîmes dans un matras 2 livres de cette farine avec 6 livres 
d’eau , et nous abandonnâmes le mélange à la A 58 
ture de 14 à 15 degrés. | 

La fermentation ne commença qu’au bout de cinq 


214. SUR L’'ANALYSE DES GRAINES 


heures, et le gaz qui se développoit à cette température 
se dissolvoit entièrement en passant dans la potasse. 
Mais dès que nous eûmes élevé la chaleur environ à 20 
ou 21 degrés, le gaz passa beaucoup plus rapidement, 
et ne fut plus dissous complétement par lalcali; la 
portion qui ne s’y dissolvoit pas étoit inflammable. La 
quantité de ce dernier étoit très- petite au commence- 
ment, mais elle augmenta peu à peu, et sur la fin elle 
étoit à peu près égale à celle de Pacide carbonique. 

D’après ces résultats , il paroît que le gaz inflammable 
n’est produit que par les principes insolubles des farines, 
et que son développement n’a lieu qu’à la température 
de 20 à 22 degrés de Réaumur. 


Expériences pour connoftre la quantité de sucre contenue 
d 
dans l'orge. 


50. Trors kilogrammes d’orge non germé et moulu ont 
donné 38 grammes environ de sucre pur, ce qui fait à 
peu près 13 millièmes de la farine employée; nous avons 
employé pour extraire cette substance 6 kilogrammes 
d'alcool très-déflegmé , en trois fois différentes , avec le 
secours de la chaleur. 

3 kilogrammes d’orge germé et moulu, traité de la 
même manière et avec la même quantité d’alcool, ont 
fourni 148 grammes de sucre, ou environ 5 pour 100, 
et le quadruple de ce qu’a donné l’orge non germé. 

Il suit évidemment de ces expériences que la germi- 
nation détermine dans l’orge la formation d’une assez 
grande quantité de matière sucrée, résultat qui avoit 


CÉRÉALES ET LÉGUMINEUSES. 215 


déja été annoncé d’après la saveur et quelques autres 
propriétés de lorge germé, mais qui n’avoit jamais été 
démontré d’une manière directe par l’analyse , au moins 
que nous sachions. 


Fermentation de l'orge non germé,, et quantité d'alcool 
qu’il a fourni. 


© 6°. Douze kilogrammes d’orge non germé moulu, 
mises dans un tonneau avec sept fois autant d’eau, à 
70 degrés, et 2 kilogrammes de levure de bière molle, 
ont fermenté sur-le-champ avec beaucoup de violence. 
Au bout de sept jours, époque à laquelle la fermen- 
tation a paru finie, nous avons soumis la matière à 
la distillation , et nous avons obtenu 9 litres de liqueur 
très-foible, ayant l’odeur d’empyreume, parce que le 
marc avoit été distillé avec. Cette liqueur, repassée à 
Valambic, a donné 16 décilitres d’un esprit à 16 degrés 
à l’aréomètre, la température étant à 10 (ce qui fait 
environ 9 décilitres à 4o degrés); 9 décilitres d’alcool 
pésentenviron 714 grammes, et, d’après nos expériences, 
12 kilogrammes d’orge non germé ne contenant que 152 
grammes de sucre, il s’ensuit nécessairement que l’orge 
non germé fournit , par la fermentation , quatre fois plus 
d'alcool pur qu’il ne contient de sucre, résultat d’au- 
tant plus singulier que d’après Lavoisier 100 livres de 
sucre ne fournissent que 58 livres d’alcool fin par la 
fermentation. 
* 7°. 12 kilogrammes d’orge germéet moulu, soumises à 
la fermentation dans les mêmes circonstances que celles 


216 SUR L’ANALYSE DES GRAINES 


qui ont eu lieu pour l’orge non germé, ont fermenté 
également avec les mêmes phénomènes, mais ont donné 
des résultats différens pour les quantités. On a obtenu 
de celui-ci 2 litres 3 dixièmes d’alcool à 40 degrés, ce qui 
fait environ 7 kilogrammes et demi d’alcool par quintal 
d’orge ; ce qui fait en même temps trois fois plus d’alcool 
que l’orge ne contient de sucre, puisque notre expérience 
ne nous en a donné que & pour 100. Ce résultat est à 
peu près semblable à celui de l'orge non germé. 


Si les moyens que nous avons mis en pratique pour . 


extraire le sucre contenu dans l’orge germé et non 
germiné, sont bons, et s’ils ne laissent aucune trace 
de ce principe dans la farine de cette semence, nos 
expériences sur la fermentation de ces mêmes farines 
portent nécessairement avec elles la conclusion, que 
quelqu’autre principe que la matière sucrée se convertit 
en alcool pendant la fermentation des farines céréales; 
car il n’est pas possible que cinq parties de sucre en 
puissent donner quinze d’alcool, puisque ce n’est pas par 
addition de principe, mais par soustraction que se fait, 
comme il est bien reconnu aujourd’hui, la conversion 
du sucre en alcool. 

Mais quel est ce principe, qui conjointement avec 
la matière sucrée contribue matériellement à la con- 
fection de l’alcool ? C’est une question qu’il nous reste 
à décider par l’expérience, et à laquelle nous nous li- 
vrero..s incessamment. 

Quoique nous soyons convaincus que dans les cas 
dont nous avons parlé, le sucre n’est pas le seul prin- 


CÉRÉALES ET LÉGUMINEUSES. 217 


cipe qui dans les farines forme l’alcool, nous avouerons 
cependant que la préexistence de cette matière est ab- 
solument nécessaire pour commencer la fermentation 
spiritueuse, et pour disposer les autres élémens à subir 
le même mouvement; car nous nous sommes également 
assurés que tout corps où il n’existe point du tout de 
sucre ne donne aucune trace d'esprit par la fermen- 
tation. 

8°. Un kilogramme de farine de froment blutée a été 
mêlé avec 3 litres d’eau à 60 degrés. Le mélange est 
resté sept heures sans manifester aucun mouvement 
sensible; mais le lendemain matin le gonflement de la 
matière annonçoit que pendant la nuit il s’étoit dégagé 
des gaz; comme on avoit négligé de mettre un vase 
pour recueillir ces gaz, nous ignorons quelle étoit leur 
nature. ; " 

Alors ayant placé l’appareil sur un baïn de sable 
légérement échauffé , l’on vit paroître une multitude de 
bulles de gaz que la consistance de la matière laissoit 
échapper avec peine. Pour faciliter la sortie du gaz, on 
ajouta un peu d’eau, et l’on rétablit ensuite l’appareil 
dans la même condition. Nous obtinmes un gaz composé 
d’environ un tiers, en volume, d’acide carbonique, et 
de deux tiers d'hydrogène. 

Craignant que la chaleur du bain de sable ne fût 
trop forte, nous en retirâmes le matras ; mais, dès qu’il 
fut revenu à la température de l’air environnant, la- 
quelle étoit de 14 à 15, la fermentation s’arrêta presque 
subitement. La matière ainsi fermentée , soumise au bout 

1806. Premier semestre, 28 


74 
5198 SUR L’ANALYSE DES GRAINES 


de quelques jours à la distillation, ne donna pas un 
atome d’alcool , mais elle contenoit beaucoup d’acide. 

Ainsi la farine de froment seule ne donne point d’al- 
cool par la fermentation, et nous devons observer , à 
cette occasion, que la levure est très-nécessaire au dé- 
veloppement de l’alcool, non qu’elle entre dans la com- 
position de ce corps, mais parce que hâtant la fermen- 
tation, elle ne donne pas le temps à l’alcool de se con- 
vertir en vinaigre. 

Au lieu que, quand la fermentation est très - lente , 
l'esprit de vin passe à l’état de vinaigre à mesure qu’il 
se forme, si toutefois la matière sucrée et autres n’ar- 
rivent pas à l'acide sans avoir parcouru les points inter- 
médiaires. 


SUR LA LEVURE DE BIÈRE FRAICHE. 


Quelques essais comparatifs de a Levure de bière avec 
le gluten du froment. 


L A levure de bière agitée long-temps avec de l’eau 
distillée , et celle-ci filtrée ensuite, a présenté les pro- 
priétes suivantes. 

Cette eau est toujours louche, sa saveur est la même 
que celle de la semence de houblon. L’addition de 
lPammoniaque Péclaircit ; Pacétate de plomb la précipite 
en flocons blancs ; l’acide muriatique oxigéné la rend en- 
core plus laiteuse qu’elle ne Pest naturellement; l’oxalate 
d’ammoniaque y forme un précipité , et l’infusion de noix 


CÉRÉALES ET LÉGUMINEUSES, 219 


de galle la trouble sans ÿ occasionner de précipité : elle 
rougit la teinture de tournesol. 


Action de lacide nitrique sur la levure. 

LA levure mise dans de acide nitrique un peu con- 
centré jaunit sur-le-champ et semble s’ÿ dissoudre : ces 
effets sont encore plus prompts à l’aide de la chaleur. 
Si avant que le mélange n’ait bouilli, on le mêle avec 
de l’eau , une portion. de la matière jaune se précipite 
sous la forme de flocons , et la liqueur reste sans presque 
de couleur. 

Par suite de l’action de Pacide nitrique sur la levure, 
il se forme une matière grasse; mais, lorsque Pacide 
nitrique devient concentré, la levure brûle et noircit 
très-promptement,. 

La dissolution nitrique de la levure, mise avec de 
l’eau, se trouble et laisse précipiter une matière grasse 
qui étoit tenue en dissolution par l’acide nitrique : cette 
dissolution est à la fois amère et acide; elle est préci- 
pitée par lammoniaque en flocons qui retiennent une 
couleur jaune; par l’oxalate d’ammoniaque, après la 
saturation de l’acide , en une poudre grenue qui res- 
semble beaucoup à l’oxalate de chaux; en flocons blancs 
et demi-transparens par l’eau de chaux. 

IL paroît d’après cela que la levure contient du 
phosphate de chaux, et qu’elle n’a pas formé d’acide 
oxalique avec l’acide nitrique , car l’ammoniaque auroit 
dû y former un précipité d’oxalate calcaire. 


220 SUR L'ANALYSE DES GRAINES 


Quelques remarques sur la formation du vinaigre. 


L’rNrusion d'orge épaissie en consistance de syrop, 
et étendue d’une certaine quantité d’eau, ayant été 
mise dans un appareil fermé , resta cinq jours environ 
sans fermenter : à cette époque elle commença à subir 
ce mouvement, et il s’en dégagea une assez grande 
quantité d’acide carbonique. 

Lorsque tous les phénomènes de la fermentation eu- 
rent cessé , la liqueur avoit une saveur très-acide , et un 
peu nauséabonde. 

Elle étoit abondamment précipitée par la noix de 
galle , Pacétate de plomb et l'acide oxalique. Pour sa- 
voir s’il s’étoit formé de l’alcool, on soumit à la distil- 
lation , et l’on recueillit environ les £ de la liqueur en 
deux portions égales : la première n’avoit qu’une très- 
légère odeur d’alcool , et la seconde n’en avoit aucune, 
mais elle étoit sensiblement acide. 

Le résidu de la distillation avoit une odeur et une 
saveur nauséabonde , une acidité extrêmement forte; la 
noix de galle , Pacétate de plomb , lammoniaque et l’al- 
cool y formoient des précipités abondans. 

Le dépôt produit par l’alcool est soluble dans l’eau ; sa 
dissolution est précipitée par la noix de galle. L’alcool 
qui a servi pour séparer cette matière est aussi préci- 
pité par la noix de galle; mais, quand il a été suffi- 
samment étendu d’eau, il ne l’est plus par l’acétate de 


plomb. 
Le précipité formé par l’ammoniaque dans le résidu 


CÉRÉALES ET LÉGUMINEUSES. 221 


de la distillation du moût d’orge fermenté , se charbonne 
et se fond ensuite au chalumeau, en une perle trans- 
parente qui a une couleur violette ; la liqueur d’où cette 
matière avoit été séparée précipitoit encore par la noix 
de galle. 

Du moût d’orge concentré par l’évaporation, et déja 
un peu acide, a été mêlé à une dissolution de sucre 
où l’on avoit mis du gluten qui ne l’avoit point fait 
fermenter. Ce mélange, quoique exposé à la température 
de 15 à 18 degrés, resta long-temps dans l’inaction; 
cependant vers le cinquième jour, il commença à fer- 
menter, et continua pendant environ un mois, au bout 
duquel tout mouvement cessa. 

Alors on démonta l’appareil où l’air extérieur n’avoit 
eu aucun accès, et la liqueur fut examinée : sa couleur 
étoit brune , elle avoit déposé une matière de la même 
couleur ; sa saveur acide étoit légérement spiritueuse. 

Elle donna par la distillation une petite quantité de 
liqueur peu alcoolique; en continuant la distillation on 
obtint une liqueur acide, mais moins forte qu’avant 
d’être distillée, aussi le résidu étoit-il très-acide. 

L’acide passé en vapeurs étoit de la nature du vinai- 
gre; Car , uni à la potasse, il a formé un sel parfaitement 
semblable à l’acétate de potasse. 

Le résidu de la distillation avoit une couleur brune- 
foncée, une saveur acide, un peu nauséabonde et nul- 
lement sucrée ; il étoit précipité par la noix de galle, 
l'acide muriatique oxigéné, l’acétate de plomb, et il pro- 
duisoït une vive effervescence avec les carbonatesalcalins. 


222 SUR L’ANALYSE DES GRAINES, Etc. 


Comme , suivant toute apparence, la totalité du sucre 
mis en expérience avoit été détruite, puisqu'on n’a pu 
par aucun moyen en retrouver de traces dans la liqueur, 
et qu’à sa place on n’a trouvé que du vinaigre, il faut 
nécessairement en conclure que le sucre se convertit en 
cet acide sans la présence de l'air; l’opération ayant été 
faite dans un appareil fermé par l’eau, où le tube a 
constamment plongé pendant tout le cours de lPopé- 
ration. 

De l’eau dans laquelle a macéré pendant quelques 
jours du gluten de froment, et qui commence à être 
acide, fait passer promptement le sucre à l’état de 
vinaigre sans le contact de l'air, si toutefois le sucre 
est suffisamment étendu d’eau. 

La présence ou la préexistence du sucre dans les corps 
n’est pas nécessaire pour la formation du vinaigre: les 
farines, et autres substances végétales non sucrées et 
convenablement humides forment aussi, sans le contact 
de l'air, une quantité plus ou moins grande de vinaigre, 
suivant leur nature; ne voit -on pas, en effet, très- 
souvent les liqueurs spiritueuses foibles, tels que cer- 
tains vins, les cidres, les bières, etc. devenir acides 
en tonneaux et même en bouteilles? 

La manière ordinaire d’expliquer la fermentation du 
vinaigre ne doit plus être regardée comme générale, et 
propre à satisfaire à tous les cas d’acétification. 

Nous proposerons dans un autre lieu une manière 
d'expliquer ce phénomène. 


CS 


SUR LES COMÈTES DE 1984 ET 1762: 225 
———_—_— 
SUR LES COMÈTES 
DE 1704 ET 1762, 


Par J.-C. BurcKkHARDT. 


Lu le 30 floréal an 13. 


SUR LA COMÈTE DE 1784. 


L: comète dont il s’agit ici a été découverte et observée 
par M. Dangos, mais le mauvais temps ne lui avoit 
permis d'obtenir que deux observations, dont on n’avoit 
tiré aucun parti. Il y a pourtant des cas où deux obser- 
Vations peuvent donner des notions précieuses sur l’or- 
bite d’une comète : il m’a donc paru utile de m’en oc- 
cuper. F | 

M. Dangos a observé cette comète le 10 et le 14 avril; 
Vintervalle est court, mais la comète avoitun mouvement 
assez rapide : la nouvelle de cette découverte n’arriva à 
Paris que le 11 mai ; et M. Messier se donna des peines 
inutiles pour la découvrir. 

Pour suppléer à la troisième observation ; j'ai supposé 
que la distance de la comète à la terre avoit été la même 


224 SUR LES COMÈTES DE 1784 ET 1762, 
pour les deux observations, et j’ai obtenu les élémens 


suivans : 
Nœud ascendant. . «+ . , . . . + « ‘1° 25° 
Inclinason he CHEN AUS Lire 26° 
Lieu du périhélie . « . + + . + « + 5 o° 
Distance périhélie . . . « . . + « . 0.682: 
Passage par le périhélie., . . . . . 1784, 11 mars, 8h 
Sens du mouvement . . . « .« « + + Direct. 


Pour voir dans quelles limites ces élémens sont con- 
tenus , il falloit faire varier le rapport de deux distances, 
lequel rapport nous avons supposé égal à lunité : or, 
comme M. Dangos dit que la comète lui a paru un peu 
plus claire lorsqu’il Pobservoit pour la seconde fois, j’ai 
supposé que la comète fût d’un cinquième plus près de 
la terre, ou que le rapport de deux distances fût 0.8, ce 
qui n’a donné les élémens suivans : 

Nœud ascendant . , « . + . . % . . 1° 12° 
Inch oEon te eee Mate sie 64° 
4 15° 
Distance périhélie . . . . . . . . . 0.5857 


Ck 


Lieu du périhélie . . . . . . . 


Passage par le périhélie.. . . , . + 1784, 9 mars, 7h 
Sens du mouvement « » « + + + + + Direct. 


En comparant ces deux orbites, on voit que la dis- 
tance périhélie a diminué de o.1, les longitudes du 
nœud et du périhélie de 15°, et que l’inclinaison a aug- 
menté de 38°. 

Les derniers élémens ressemblent beaucoup à ceux de 
la comète de 1580; les deux orbites s’accordent pour 
Vinclinaison, pour l’angle entre le nœud et le périhélie, 
et pour la distance périhélie, mais il y a 20° de diffé. 


SUR LES! COMÈTES DE 1784 ET 1762. 225 


rence sur les longitudes absolues du nœud et du péri- 
hélie : cette différence pourroit être attribuée aux attrac- 
tions; j'ai donc jugé nécessaire de ne pas abandonner 
tout de suite lesoupçon de l'identité de ces deux comètes, 
et d'examiner les apparitions antérieures qui auroient 
eu lieu selon cette hypothèse. 

Les comètes de 975, de 770 et 565, sont les seules 
dont nous avons quelques détails, mais ils ne paroïssent 
pas convenir à l’orbite de la comète de 1580 : on n’en 
peut donc tirer aucune conclusion en faveur de l’hy- 
pothèse dont il s’agit. Il étoit donc bien à désirer que 
M. Dangos pût trouver dans ses papiers quelques détails 
ultérieurs sur cette comète, et M. Delambre à bien 
voulu les lui demander. M. Dangos n’a sauvé de l’in- 
cendie de l’observatoire de Malte que son journal mé- 
téorologique , où il a trouvé la remarque qu’il a observé 
la lumière zodiacale le 22 avril, d’où il conclut qu’il 
a cherché en vain la comète le même jour. 

Or, les deux orbites trouvées ci - dessus ne satisfont 
pas à cette circonstance ; j’ai donc essayé d’en trouver 
une meilleure, que voici : 


Nœud-ascendant 561.4. + % + » (41099 


InciMAsOn ERNST te lee 84° 
Lieu (du périhéliel.4.11. L . 150 4 ago 
Distance périhélie . . . . . . . . 0.6377 


Passage par le périhélie , . . . . 1784, 10 mars, oh 
Sens du mouvement, . . . . . . Direct, 


Où il est à remarquer qu’on ne peut pas s’assurer 
de quel côté l’orbite est inclinée, puisqu’elle est presque 
1806. Premier semestre. 29 


226 SUR LES COMÈTES DE 1794 ET 1762. 
perpendiculaire à lécliptique. Il pourroit donc ar- 
river que la longitude du nœud ascendant fût celle 
du nœud descendant, et que la comète fût en même 
temps rétrograde au lieu d’être directe. 

En calculant le lieu de la comète pour le 22 avril, 
on trouve qu’elle paroissoit encore sur l’horizon de 
Malte, mais qu’elle restoit toujours dans les vapeurs de 
l'horizon, et à plus de 60° de distance de l’endroit où 
M. Dangos l’a probablement cherchée en supposant son 
mouvement apparent ou uniforme ou peu accéléré. 


SUR LA COMÈTE DE 1762. 


LA détermination de l’orbite de cette comète a occupé 
cinq astronomes , aucun n’a pu éviter des erreurs de 
quatre à cinq minutes; toutes ces orbites diffèrent 
considérablement l’une de l’autre, de sorte qu’il y a des 
incertitudes de tout côté. On avoit rencontré des dif- 
ficultés semblables par rapport aux comètes de 1763, 
1771 et 1773, et l’on s’étoit cru autorisé par ces exem- 
ples à juger en général d’une manière défavorable des 
observations des comètes, et à les croire très-peu suscep- 
tibles d’exactitude. La comète dont il s’agit ici prêtoit 
singulièrement à ce genre d’inculpation : l’erreur de 5’ 
portoit sur les premières observations où la comète avoit 
été observée au méridien, et comparée à une étoile de 
première grandeur, dont la position n’étoit sujète à aucun 
doute. où peuvent donc provenir ces erreurs, disoit- 
on, sinon de l’observation? et comme un observateur 


SUR LES COMÈTES DE 1704 ET 1762. 227 


très- habile et très-exercé n’a pu s’en garantir, nous 
sommes en droit de conclure qu’en général il est im- 
possible de faire mieux. 

J’avois réussi dans un mémoire précédent à démon- 
trer l’exactitude des observations de trois comètes citées 
ci-dessus : j'ai réussi de même à découvrir la source des 
erreurs qu’on avoit cru trouver dans celle de la comète 
dont il s’agit actuellement. 

Un petit oubli dans les réductions a produit ces pré- 
tendues erreurs : j’aurois probablement commis le même 
oubli si M. Messier n’eût pas eu la complaisance de me 
prêter les originaux de ses observations , comme il avoit 
déja fait pour mes recherches précédentes. 

L’instrument de M. Messier est divisé de manière 
à donner les distances au pôle de l’équateur, et non pas 
les hauteurs; il étoit donc très-naturel que M. Messier 
parlât dans son mémoire des différences de déclinaisons, 
et non des différences de hauteurs : M. Messier n’y 
avoit pas appliqué la correction due à la réfraction, pour 
rester fidèle au principe très-juste de donner l’observa- 
tion sans aucune des réductions nécessaires, et d’en 
laisser le soin à l’astronome qui veut s’en servir. Cette 
correction n’auroit été que de peu de secondes pour les 
passages au dessus du pôle, mais elle alloit à sept minutes 
pour les passages inférieurs qui ont été réellement ob- 
servés. J’ai cru devoir insister sur ces détails, quoique 
je n’aie pas employé le passage et la hauteur de la 
Chèvre, ayant préféré de me servir de deux étoiles de 
la Giraffe, qui se trouvèrent sur le parallèle de la 


[a] 


226 SUR LES COMÈTES DE 1794 ET 1762. 


comète, et qui sont actuellement bien déterminées. Cette 
méprise auroit eu une influence beaucoup plus consi- 
dérable sur les élémens, si le mouvement apparent de la 
comète n’avoit pas été assez rapide. Voici les élémens 
que j'ai obtenus : 


Nœud ascendant, . . . . . . . 11 18°.33° 5” 

Inclinaison 44 SN TIMNN. 85° 38' 13” 

Lieu du périhélie . . . . . .« « Shot of 

Distance périhélie . . . + . + .  1.0090485 

Logarithme . . . + + . . . . .  0.0039120 

Passage par le périhélie. . . . . 1762, 28 mai, 0.3410 jour, 
ou, 8h. 11° 3” - 


Sens du mouvement. « .« .« .« + Direct. 


Les observations que j’ai employées sont, 


Ascension droite. Déclinaison. 
nn 


PRE E NME MEET 98° 50° 75 61° 40° 375 
18 juin. , + 11h 47° 31° 131° 58° 10/0 42° 19  7'o 
EC honne  HOARO ONE CAC PE 140° 21° 50°0 31° 33° 550 


SUR LES LOIS DE L'AFFINITÉ, 229 


TROISIÈME SUITE 


DES 


RECHERCHES 


Sur Les lois de laffinité. (Mémoires de l’Institut, 
tome III.) 


Par M. BERTHOLLET. 


Lu le 10 mars 1806. 


Dixe un mémoire dont celui-ci est une suite, j’ai rap- 
pelé à un nouvel examen les lois que suit l’affinité par 
laquelle les corps tendent à se réunir ou à former une 
combinaison , et en même temps j'ai distingué les effets 
qui sont dus aux qualités physiques des substances qui 
exercent une action mutuelle, de ceux qui dépendent 
immédiatement de l’affinité; j’ai développé dans mon 
Essai de statique chimique les conséquences auxquelles 
m'ont conduit mes recherches, en les appliquant aux 
phénomènes dont la chimie doit donner la théorie. 

Je vais présenter quelques observations dont le but 
est simplement de porter une plus grande précision dans 
des faits connus et d’en établir le rapport avec la doc- 
trine que j'ai exposée ; je discuterai quelques opinions 


230 SUR LES LOIS DE L’'AFFINITÉ. 


opposées aux miennes; j’insisterai particulièrement sur 
les proportions qui peuvent varier dans quelques com: 
binaisons, et sur les moyens propres à déterminer 1es 
affinités relatives des acides et des alcalis. 


$ I. Du carbonate et des sous-carbonates de soude. 


O x regarde le carbonate de soude comme une com- 
binaison identique , comme la seule combinaison de la 
soude et de l’acide carbonique qui ait la propriété de 
cristalliser. 

Selon Bergman ce sel contient, lorsqu'il est cris- 
tallisé , 


Aciderenelielele leleete lister else TO 
Souder tite teinte ie le ti20 


Faust, Men. ele rite ile (el suivi ete SOA 


M. Kirwan en a donné une analyse qui diffère un 


peu : selon lui, 100 parties contiennent 


Acide URI AMEN ET ER RO IE 47 
Sonde Nous. ete lea itied ee Lt 0221.39 
Faure encheres eee 01:00 


M. Kiaproth (1) donne les proportions suivantes : 


Soude ei sueaetsils MI uit LENS 
Acidet.Hes- tele: Pr ÉMAMENIT © ete 


LENS MREN ER 9 CR OO EME 


QG) Beitreege zur chemischen Kenutniss der mineral Korper, 3 band. 


SUR LES LOIS DE L'AFFINITÉ. 231 
Mais il a analysé un natron apporté d’Afrique qui 
contenoit 


DOHAE el tels te tele Me ca de + ele ollettete 07.0 
Acide carbonique . . . . . . . . « + + + 38.0 
Faut EC ect IN 022.5 


Suliate de} soude no :. Mes un tige ne fps fall e 2.5 : 


Ce natron différoit du carbonate de soude par plu- 
sieurs propriétés. M. Klaproth rapporte la description 
suivante , qu’en a donnée M. Bagge dans les mémoires 
de l’Académie de Stockholm : ZZ est toujours dans l’état 
cristallin ; on voit par sa cassure qu’il est composé de 
cristaux longs , parallèles, croisés en dif{érens sens , en 
apparence comme le gypse. 

M. Klaproth explique heureusement, par la propriété 
qu’a ce carbonate de résister à l’efflorescence, la dureté 
des masses qui en sont composées , comme nous l’avons 
observé en Égypte sur les bords des lacs de Natron, où 
nous ayons vu le Quassr (espèce de petit fort), construit 
avec ces masses salines (1). 

M. Klaproth ajoute que le carbonate de soude or- 
dinaire, peut absorber une nouvelle quantité d’acide 
carbonique comme la potasse ordinaire, et que par là 
il a obtenu un sel qui ressembloit au natron dont on 
vient de parler, autant par l’état feuilleté des ses cris- 
taux, que par la propriété de résister à l’efflorescence. Il 
établit donc pour différence essentielle entre ces deux 
espèces de carbonate, que dans l’espèce ordinaire, qui 
Re Lui ie Cagadiite, à l'es 5 valrecns Atisgaste 

G). Mémoire sur l'Égypte, Journal de physique, messidor an 8, 


292 SUR LES LOISIDE M'AFFINITÉS 


est désignée par le nom de carbonate ou de seZ de soude; 
100 parties de soude sont combinées tout au plus avec 
73 parties d'acide carbonique, et que dans l’autre car- 
bonate, 100 parties de soude se trouvent combinées avec 
103 parties d’acide carbonique. 

Cette différence dans les carbonates de soude m’a paru 
mériter des observations ultérieures. J’ai pris un car- 
bonate de soude nouvellement cristallisé , et son analyse 
m'a donné, 


Sonde. MM ieretietieheletie eee ile 20:20 
IACIdE Eten emilie tele lelet ete te 
Faut Lie AM AN Mae Tri - 2168160 

J’ai saturé d’acide carbonique la dissolution de ce 
sel, jusqu’à ce qu’elle refusät d’en prendre malgré la 
pression de quelques centimètres de mercure : sur la 
fin de l’opération il s’est déposé peu à peu une sub- 
stance saline que j’ai trouvée composée de petits cristaux 
agglomérés : le liquide, bien loin de conserver des carac- 
tères alcalins, rougissoit un peu la teinture de tourne- 
sol. Pour la substance concrète et cristalline , elle n’af- 
fectoit aucunement les papiers teints avec le curcuma 
et avec le fernambouc, mais elle verdissoit le sirop de 
violette. : 

Les indices dont on se sert pour reconnoître l'acidité 
ou l’alcalinité , n’ont pas, avec cette combinaison et les 
semblables que je dois décrire, cette uniformité d’effets 
que l’on observe dans les autres combinaisons d’acide 
et d’alcali ; ce que l’on doit attribuer à la très - foible 
adhérence de l’acide qui complète la combinaison, en 


SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ. 233 


sorte que la substance colorante peut facilement être 
affectée par l’acide ou par l’alcali > selon qu’elle a plus 
de disposition à se combiner avec l’un ou avec l’autre; 
mais s’il résulte de là quelqu’incertitude sur l’état par- 
faitement neutre de la combinaison, il.est néanmoins 
indubitable qu’elle ne s’en éloigne que d’une quantité 
si petite que je ne puis craindre d’erreur sensible en la 
regardant comme neutre, 

C’est donc le véritable carbonate de soude que j'ai 
obtenu dans l’expérience que je viens de décrire : je 
donne aux autres combinaisons de l’acide carbonique 
le nom de sous-carbonates , à limitation de M. Thomson 
qui s’est déja servi de cette expression pour désigner 
différentes combinaisons de l’acide carbonique ; cepen- 
dant je crois qu’il est inutile de faire cette distinction, 
lorsque l’on veut simplement désigner une base car- 
bonatée, et qu’il faut la réserver pour les cas où l’on 
a l’intention d'indiquer la proportion de l’acide carbo- 
nique : jen userai ainsi. 

Le carbonate de soude m’a donné: 


Spleen ARE (Eh Anais 31.75 
Acide carbonique . Meter, ef te 4440 


PE TT de et en 23.85 


100 


100 parties de soude qui, d’après mes expériences 
n’ont dans le sous-carbonate ordinaire que 60 d’acide 
Carbonique, demandent donc, pour parvenir à l’état 
neutre, 139.84 de cet acide, et l’on a vu que d’après les 
expériences de M. Klaproth , 100 parties de soude n’en 

1806. Premier semestre. 30 


234 SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ. 


exigent que 103, d’où il résulte que le sel qu’il a re- 
gardé comme une soude saturée n’étoit dans la réalité 
qu’un sous-carbonate. 

J'ai fait évaporer le liquide qui surnageoit le carbo- 
nate cristallins il s’est dégagé de l’acide carbonique, 
en sorte que ce liquide a donné promptement des indices 
d’alcalinité. J’ai séparé la première cristallisation qui 
s’est formée par le refroidissement: la substance saline 
n’étoit plus dans l’état neutre, mais elle donnoït des 
indices d’alcalinité; c’état déja un sous-carbonate : en 
continuant d’évaporer le liquide, j’ai séparé deux autres 
cristallisations successives dans lesquelles l’alcalinité de- 
venoit de plus en plus dominante, et dont les qualités 
s’éloignoient de plus en plus des propriétés caractéris- 
tiques du carbonate; mais après ces trois cristallisations, 
le sel qui formoit plus de la moitié du total , n’a pas dif- 
féré sensiblement du sous-carbonate de soude ordinaire, 
par les proportions de l’acide carbonique. 

Le carbonate de soude n’effleurit pas à Pair, et il est 
beaucoup moins soluble dans l’eau que le sous-carbonate 
ordinaire ; car, pendant que celui-ci ne demande, à une 
température moyenne, que deux parties d’eau, le pre- 
mier en exige huit ; delà vient qu’il se dépose, lorsqu’on 
sature le sous-carbonate d’acide carbonique. 

Cette propriété en détermine une qui me paroît pré- 
cieuse pour les analyses, que nous devons chercher à 
porter à leur perfection. 

Le sous-carbonate de soude, que l’on connoît dans le 
commerce sous le nom de se/ de soude, quoiqu’il soit 


SUR LES LOIS DE L'AFFINITÉ. 235 


dans un état transparent et cristallin, contient toujours 
une certaine proportion de sulfate de soude, ainsi qu’on 
peut s’en assurer en précipitant par son moyen une dis- 
solution de muriate de baryte, et en dissolvant, par une 
addition d’acide, le précipité de baryte carbonatée , qui 
s’est formé ; car il ne reste que le sulfate qui refuse de 
se dissoudre. 

J’ai fait une dissolution de ce sel, j’en ai séparé la 
première cristallisation : cette partie, bien égouttée sur 
un papier à filtrer, iñndiquoit encore une certaine pro- 
portion de sulfate. Il résulte delà que lorsqu’on se sert 
de sous-carbonate de soude pour décomposer des com- 
binaisons à base terreuse, on doit nécessairement trouver, 
si l’analyse est rigoureuse , une proportion d’acide sul- 
furique qui a été apportée dans le procédé, en raison 
de la quantité de sel de soude que l’on a employée. 

Le moyen qui consisteroit à rendre la soude caustique 
par la chaux, à dissoudre la substance alcaline par 
l'alcool, et ensuite à la saturer par l’acide carbonique, 
seroit long et dispendieux ; mais le carbonate de soude, 
préparé comme je l’ai dit, est entièrement privé du sul- 
fate qui reste en dissolution. 


$ II. Du carbonate et des sous - carbonates d'am- 
moriaque. 


Ix seroit inutile de rappeler les proportions que l’on 
a trouvées dans les combinaisons de lammoniaque 
avec l’acide carbonique , que l’on a prises pour des car- 


236 SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ. 


bonates, parce que, comme l’a observé M. Davy (1), 
ce sel obtenu du mélange de muriate d’ammoniaque et 
de carbonate de chaux, a des proportions différentes 
d’ammoniaque, d’acide carbonique et d’eau , selon la 
température à laquelle l’opération a été faite, en sorte 
que, retiré à une température de 300 degrés de Fahre- 
neith, il contenoit 6o parties d’ammoniaque sur 100, 
pendant qu’il n’en avoit que 20 parties , lorsque l’opéra- 
tion avoit été faite à 60 degrés, 

Quoi qu’il en soit, la combinaison à laquelle on a 
donné le nom de carbonate d’immoniaque a toujours été 
très-éloignée de celle que je vais décrire, et qui est le 
véritable carbonate. 

J'ai obtenu ce carbonate par le même moyen que 
celui de soude : il se dépose aussi en petits cristaux 
beaucoup moins solubles dans l’eau que le sel que l’on 
a employé; car il faut près de 8 parties d’eau pour le 
dissoudre à une température moyenne. 

Ce carbonate ne conserve aucun indice d’alcalinité, 
pas même dans sa saveur; mais il verdit le sirop de 
violette. 

Le liquide qui surnageoit ces cristaux étoit aussi dans 
un état neutre; je l’ai distillé à une foible chaleur, pour 
tâcher d’obtenir encore du carbonate par la cristalli- 
sation : la liqueur qui étoit en distillation conservoit 
l’état neutre; il en a été de même d’une pareille liqueur 
que jai fait évaporer à l’air libre : mais celle qui passoit 


QG) Researches chemical, p. 75. 


, 


D dl 


SÛR LÉS LOÏS DE L'AFFINITÉ. 337 


dans le récipient n’étoit plus dans l’état neutre; ce n’étoit 
plus qu’un sous-carbonate, et loin de se concentrer, le 
liquide qui étoit dans la cornue à fini par ne plus con- 
tenir d’ammoniaque, ainsi que Celui que j’ai fait éva- 
porer à l’air libre. 

Cependant, si on laisse la dissolution de carbonate 
d’ammoniaque à l’air, et il en est de même de celle 
des autres carbonates, elle devient bientôt sensiblement 
alcaline et perd par conséquent un peu d’acide car- 
bonique, mais cet effet s’arrête bientôt et la combi- 
naison paroît ensuite rester constante. Les carbonates 
eux-mêmes, lorsqu’ils sont dans l’état cristallin, parti- 
cipent un peu à cet effet. 

Le sous-carbonate d’ammoniaqué que l’on obtient par 
le moyen du muriate d’ammoniaque et du carbonate de 
chaux, contient toujours une proportion assez consi- 
dérable de muriate d’ammoniaque , et j’ai éprouvé qu’en 
lui faisant subir une nouvelle sublimation , il en entraf- 
noît encore la plus grande partie avec lui; ce qui peut 
être une cause d’erreur dans les analyses 6ù l’on en 
fait usage; mais le carbonate d’ammoniaque , préparé 
comme je l'ai dit, est absolument dépouillé de ce sel 
étranger : de plus, le premier est très-variable dans ses 
proportions, et le second est uniforme. 

L’analyse du carbonate d’ammoniaque m’a donné, 


Acide carbonique . . . « . . . . + « + . . 55 
Ammoniaque . , + « « + « « »# + + « + + + 20 
LAURE MOTTE Hate et elles eitallet MR 


Par conséquent , 100 parties d’ammoniaque exigent à 


238 SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ. 


peu près 275 parties d’acide carbonique pour parvenir à 
Pétat neutre. 


$ III. Du carbonate et des sous - carbonates de 
potasse. 


BERGMAN, qui le premier fit entrer les combinai- 
sons de l’acide carbonique dans le système des com- 
binaisons salines, fit connoître le carbonate de potasse 
que l’on obtient en saturant la potasse avec l’acide 
carbonique, mais il en donna une analyse dont l’inexac- 
titude a déja été reconnue : selon lui 100 parties de ce 
sel sont composées de 


Acide carbonique . .:. . . . . . ... HU RI20 

Pofassedrs he el han. ele diese. MA 4O 

Ent eee De UN lee lle re lee tete le etai lle l'O 
Kirwan et Pelletier en ont donné une analyse beau- 
coup plus exacte : selon Kirwan 100 parties contiennent 

Acide carbonique + « «+ . « . «+ . + + . 43 


Potasse MAN han SALUE UE LR MONTS ER AT 
Eau ARMES NE 2 et fe US TO MERCI 


Et selon Pelletier, 


Acide ti SET EN EMe it er el HAT AS 
Potasse. . Aformlehteme tee lei cadet ls ee 40 
Faure Rs he D C7 


D’après mes expériences, 100 parties de potasse exi- 
gent, pour parvenir à l’état neutre, 91 parties d’acide 
carbonique, et l’eau est un peu variable. 


J’ai décrit dans les Mémoires de l Académie (1780), 


SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ. ‘239 


un moyen facile d’obtenir ce sel : il consiste à faire 
bouillir dans une cornue un mélange de sous-carbonate 
de potasse, et de sous-carbonate d’ammoniaque; celui- 
ci cède, en s’exhalant, l’acide carbonique nécessaire 
pour changer le sous-carbonate de potasse en carbo- 
nate, que l’on peut ensuite faire cristalliser par le 
moyen d’une évaporation ménagée. J’ai éprouvé qu’on 
ne pouvoit obtenir par le même moyen le carbonate de 
soude, et je nai retiré par l’évaporation que le sous- 
carbonate ordinaire. 

Je ne décrirai pas le carbonate de potasse, qui est 
assez connu: je ferai seulement remarquer que ce sel 
reste à l’air sans tomber en déliquescence et sans at- 
tirer l’humidité ; mais, si après avoir saturé d’acide 
carbonique une certaine quantité de potasse, et après 
avoir séparé la première cristallisation, qui est dans 
Pétat neutre, on continue l’évaporation, la liqueur 
surnageante , dans laquelle les qualités alcalines étoient 
déja devenues dominantes, donne par une seconde 
cristallisation un sel qui n’est plus qu’un sous-carbonate; 
en continuant ainsi les évaporations et les cristallisa- 
tions, on obtient successivement des sous - carbonates 
dans lesquels la proportion d’acide carbonique va en 
diminuant, et qui acquièrent de plus en plus la pro- 
priété de tomber en déliquescence. 

De même, lorsqu'on traite un sous-carbonate ordi- 
naire avec l’alcool , ainsi que je lai dit dans le mémoire 
cité, l’alcool opère une séparation d’une portion de 
potasse pure, mais son action ne peut en séparer assez 


240 SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ. 


pour que le reste soit dans l’état de carbonate : le sel 
que l’on obtient ainsi, cristallise comme le carbonate; 
mais c’est un sous- carbonate qui tombe en déliques- 
cence lorqu’il est exposé à l’air. 

Il y a eu cette différence entre la saturation de la 
potasse et celle de la soude, que le liquide qui tenoit 
en dissolution la première, n’a pu perdre les caractères 
alcalins , quoiqu’elle refusât d’absorber l’acide carboni- 
que avec une pression assez forte, pendant que la 
dissolution de la soude est parvenue même à donner 
des indices d’acidité : la première cependant donne par 
l’'évaporation et par la première cristallisation un véri- 
table carbonate. Le liquide qui contient la soude, quoi- 
qu'avec des indices d’acidité, n’a pu me donner par la 
cristallisation après Pévaporation, qu’un sel qui donnoit 
des indices d’alcalinité : la première liqueur donne par 
les évaporations successives des sels dont l’alcalinité 
s'accroît graduellement; la seconde passe rapidement 
à un sel qui conserve les proportions que nous connois- 
sons dans le sel de soude ordinaire. J’attribue cette 
différence à une plus grande disposition dans le car- 
bonate de potasse à conserver l’état neutre par l’action 
réciproque des molécules intégrantes de ce sel, et à 
une plus grande disposition du sous-carbonate de soude 
à conserver les proportions qu’il a dans le sel de soude 
ordinaire : j’explique aussi par là la différence que 
n'ont présentée la potasse et la soude en les traitant 
avec le sous-carbonate d’ammoniaque. 


SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ. 241 


$ IV. Des carbonates considérés comme réactifs. 


Lorsque les bases alcalines sont saturées de différens 
acides jusqu’au terme de neutralisation , les sels qu’elles 
forment contiennent des proportions de tous ces acides 
qui correspondent à leur capacité de saturation, en 
sorte que si une, base comparée à une autre n’exige que 
la moitié d’un acide, elle n’aura également'besoin que 
de la moitié d’un autre acide pour conserver l’état 
neutre. 

Il suit delà que le carbonate de soude et ceux d’am- 
moniaque et de potasse doivent présenter les mêmes 
résultats, lorsqu'on les mêle, par exemple, avec une 
dissolution d’un sel à base calcaire neutre; car dans ce 
cas où il ne se fait pas de sel triple, cette base se 
trouve également dans l’état neutre après le RARE 
c’est ce que l’experience confirme. 

Si l’on verse une dissolution de l’un de ces trois 
carbonates avec une dissolution très-étendue de muriate 
de chaux neutre, le liquide reste également transparent: 
avec une proportion plus forte, il est d’abord transpa- 
rent; puis il se trouble un peu, et si on le tient dans 
un vase fermé, il se fait un petit dépôt; après cela il 
reste constamment transparent , quoiqu'il n’y ait qu’une 
très - petite partie de combinaison de chaux qui se 
soit précipitée. On obtient des phénomènes sembla- 
bles avec le muriate de baryte : le précipité qui se 
forme est dù à une petite portion de sel avec moins 
d’acide qui se sépare en laissant un petit excès d’acide 

1806. Premier semestre. 23 


242 SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ. 


carbonique dans le liquide ; car, si l’on ajoute à celui-ci 
un petit excès de cet acide et qu’il soit assez. étendu 
d’eau , il ne se fait point de précipité , et lorsqw’il com- 
mence à s’en former, on rétablit pour quelque temps la 
transparence en agitant le mélange. 

On voit par là que l’on n’a distingué les précipita- 
tions des substances terreuses par les carbonates de 
soude , d’ammoniaque et de potasse, que parce que l’on 
a employé comme carbonates, des sous-carbonates iné- 
galement saturés, de manière que l’on a dû avoir des pré- 
cipités différens, selon l’état de saturation de chaque 
espèce d’alcali, et lorsqu'on précipite de la chaux, par 
exemple, ce n’est jamais un carbonate que l’on obtient, 
mais un sous-carbonate très-variable. 

De même, les combinaisons d’acide carbonique et de 
chaux que l’on trouve dans la nature sont fort éloignées 
d’être un véritable carbonate : selon l’analyse de M. Kir- 
wan, qui m'a paru assez exacte, ces sous-carbonates 


contiennent 
Acide carbonique . . .« . . . « + .« . . + + . 45 
Chaux ss ei re: ol Pa Reel VON 0 


L'expérience faite par les procédés ordinaires, ne 
laisse pas découvrir l’eau dont Bergman avoit admis 
11 parties. 

Ce qu’il y a de remarquable, c’est que ces chaux car- 
bonatées paroissent toutes ayoir les mêmes proportions 
d'acide carbonique, ou du moins avec des différences 
très-peu sensibles; on doit attribuer cette uniformité à 
l'influence de la figure des molécules intégrantes, mais 


SUR LES LOIS DE L'AFFINITÉ. 243 


il ne faut pas se hâter de tirer une conclusion générale : 
le sous-carbonate de soude paroît avoir une disposition 
pareille à ne pas varier dans les proportions avec les- 
quelles on le trouve combiné , et cependant l’observa- 
tion de M. Klaproth a fait voir qu’il se trouvoit aussi 
naturellement dans des états très-différens de saturation. 
M. Fourcroy (1) a très-bien observé que les alcalis 

produisent des effets différens sur le sulfate de ma- 
gnésie , en raison de la quantité d’acide carbonique qu’ils 
contiennent , et de celle d’acide sulfurique qu’ils peu- 
vent saturer, de manière que la magnésie reste en dis- 
solution ou se précipite sous forme pulvérulente, ou 
donne des cristaux réguliers , selon la proportion d’acide 
carbonique qui peut se combiner avec elle dans une 
circonstance donnée ::il décrit les cristaux que l’on 
obtient en précipitant le sulfate de magnésie par le 
carbonate d’ammoniaque , et en abandonnant la liqueur 
à l’air : il a trouvé que ces cristaux contiennent une 
quantité d’acide carbonique fort supérieure à celle que 
les autres chimistes avoient admise dans les sous-car- 
bonates très - variables que l’on obtient par d’autres 
- procédés : 100 parties de ce sel lui ont donné, 

Mapgnésie . . + . « + +. +. + + . . + 25 parties. 1H0 

Acide carbonique. . . . . . . . . .« . . 50 

Faune) see Niels as 

Ainsi, 100 parties de magnésie se combinent avec 200 

parties d’acide carbonique, mais, comme on le verra, 


(1) Annales de chimie, t, II. 


244 SUR LES LOIS DE L'AFFINITÉ, 


cette proportion d’acide carbonique est encore inférieure 
à celle qui est nécessaire pour produire un état neutre. 

J’ai saturé d’acide carbonique de l’eau dans laquelle 
j'avois introduit du sous-carbonate de magnésie : il s’en 
est dissous une quantité assez considérable ; après cela 
le liquide rougissoit un peu la teinture de tournesol; il 
ne produisoit aucune impression sur les papiers teints 
avec le tournesol et le fernambouc ; il verdissoit le sirop 
de violette. Mais je n’ai pas obtenu ainsi des cristaux : 
je me bornerai à remarquer que cette dissolution avoit 
cette forte amertume qui caractérise les dissolutions de 
la magnésie, et M. Fourcroy dit que les cristaux qu’il 
a décrits n’avoient presque aucune saveur. 


f 


$ V. De la capacité de saturation de l'acide carbonique. 


BErGmANn, dont le génie fit faire de si grands progrès 

à la chimie méthodique, mais qui, comme la plupart 
Hg EL | me 
de ceux qui ouvrent une carrière nouvelle, tira de ses 
observations quelques conséquénces prématurées, établit 
. . LA 
pour principe que telle est en général la nature des sels 
simples, que plusils ont de puissance, moins ils exigent 
A 

pour leur saturation, de la substance avec laquelle ils 
se combinent. Il fonda sur-tout cette opinion sur l’acide 
carbonique , qui, d’après ses expériences, se combine 
en moindre quantité avec les bases alcalines que l’acide 
sulfurique , l'acide nitrique et l’acide muriatique. 

Au premier coup-d’œil, il doit paroître bien opposé à 
tout ce qu’on observe dans l’action des forces naturelles, 


SUR LES LOIS DE L'AFFINITÉ. 245 


que l’effet d’une puissance soit d’autant plus petit que 
cette puissance est plus grande; car, lorsqu'on avance 
que l’acide sulfurique exige moins de base alcaline pour 
parvenir à la saturation, on prononce qu’une moindre 
quantité de base opère la saturation de ses propriétés 
caractéristiques, ce qui est l'effet immédiat de la sa- 
turation : mais les apparences sur lesquelles ce raison- 
nement est fondé disparoissent, lorsque l’on compare 
les quantités qui sont nécessaires pour amener les bases 
alcalines à un terme comparable de saturation, c’est- 
à-dire à l’état neutre, ainsi que le prouvent les expé- 
riences décrites dans les paragraphes précédens. 

M. Fourcroy a embrassé l’opinion de Bergman; il 
s'exprime ainsi en expliquant sa neuvième loi de l’at- 
traction. de composition : Plus Les corps ont d'attraction 
pour d'autres corps , et moindre est la quantité qw’ils en 
exigent pour étre saturé (Sytème des connoisances : 
chimiques, tome I; et en traitant des carbonates, 
come IV) : C’est une règle générale en chimie pour Les 
sels que plus les principes réciproques sont foibles, 
plus ils exigent réciproquement de bases, quand on 
considère Les acides , ou d'acide quand on considère Les 
bases. 

Si l’on admettoit cé principe, il faudroit nécessaire- 
ment le restreindre aux acides ou aux bases alcalines, 
car l’inverse ne peut avoir lieu; raisonnons en suppo- 
sant le principe; nous dirons : la potasse exige moins 
d’un acide quelconque que la soude, donc elle est un 
alcali plus puissant; mais si nous disons qu’un acide 


246 SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ. 


exige moins de soude que de potasse, nous devons en 
conclure que c’est la soude qui est la plus puissante. 

Mais l’une et l’autre supposition ne peuvent se sou- 
tenir relativement à l'acide carbonique, que l’on regarde 
comme un acide plus foible que lacide sulfurique, le 
muriatique et le nitrique, puisqu'il est prouvé qu’il en 
faut une plus grande quantité pondérale pour amener 
les bases alcalines à l’état neutre : d’un autre côté, 
la soude exige pour sa saturation plus d’acide sulfu- 
rique que d’acide muriatique , dont on regarde la puis- 
sance comme inférieure. 


$ VI. Des proportions des élémens dans Les com- 
binaisons. 


Ex examinant l'effet de l’action chimique, j’ai été 
nécessairement conduit à m’occuper des proportions ré- 
ciproques qui peuvent entrer en combinaison : quoique 
cette question soit immédiatement liée aux notions de 
l’affinité , elle avoit peu attiré lattention des chimistes. 

Le résultat de mon observation a été, que l’action 
chimique n’étoit pas bornée à un point déterminé pour 
chaque espèce de combinaison; mais que passé le terme 
que l’on regardoit comme celui de la saturation , elle 
pouvoit encore produire souvent d’autres combinaisons 
qui différoient, par les proportions, et qu’en général 
V’action chimique d’une substance se prolongeoit indé- 
finiment jusqu’à ce qu’un obstacle qu’elle n’étoit plus 
capable de surmonter, en éteignît l’effet. 


SUR LES LOIS DE L'AFFINITÉ. 247 


Cependant j'ai observé qu’il y avoit des combinaisons 
dont les proportions étoient constantes, telles que l’eau 
et l’ammoniaque , et d’autres qui ne paroissent s’établir 
que dans deux termes, telles que la combinaison de 
l’oxigène avec le mercure : j’ai remarqué que dans un 
nombre considérable de combinaisons, l’action réci- 
proque déterminoit plus facilement certaines propor- 
tions que d’autres, en rendoit la combinaison plus stable 
et même en excluoit quelques - unes. J’ai cherché en 
conséquence qu’elles étoient les propriétés qui pouvoient 
limiter ainsi la puissance de la combinaison, et j’ai 
cru en trouver la cause principale dans la condensa- 
tion qu’éprouvent les élémens qui se combinent, et qui 
est plus forte dans certaines proportions que dans 
d’autres, et dans la figure des molécules intégrantes 
des combinaisons qui passent à l’état solide; mais 
d’autres causes peuvent concourir à cet effet, et je n’ai 
pas cherché à donner aux explications fondées sur cette 
dernière considération , plus de valeur qu’elles ne doi- 
vent en avoir; j'ai mème été très- réservé sur l’appli- 
cation de ces principes à l’oxidation et aux dissolutions 
des métaux , parce que l’état de l’oxidation et celui des 
dissolutions qui en dépendent , peut être souvent changé 
par les circonstances d’une opération que l’on fait pour 
- les reconnoître. 

M. Proust a combattu mes opinions sur cet objet : 
j'ai éprouvé une véritable satisfaction de ce qu’un ob- 
servateur d’une si grande sagacité les ait soumises à sa 
critique; car ce n’est qu'après une discussion assez 


74 


} 
248 SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ. 


apptôfondie , que l’on peut regarder comme fixées , des 
opinions qui sont fondées sur une multitude de faits 
qu’il faut comparer. 

J’ai tâché d’éclaircir les doutes élevés par M. Proust ; 
dans quelques articles insérés dans le Journal de phy- 
sique ; j'y reviens, parce que les observations que je 
présente ont un rapport immédiat avec notre discus- 
sion, mais il faut que je rappelle les principes de 
M. Proust. 

Son opinion n’est pas simple; il la modifie selon les 
circonstances auxquelles il Papplique. 

Il établit 1°. qu’une combinaïson se complette de 
prime abord; ainsi il dit (1) : « Lorsqu’un verre de 
» potasse est exposé à l’air libre, toute molécule d’a- 
» cide carbonique qui s’en approche est saisie à l'instant 
» même par le nombre des molécules alcalines qui doi- 
» vent la transformer en carbonate. L’attraction est là, 
» comme on sait; elle veille , elle préside à ce nombre. 
» Cette combinaison introduit donc dans la potasse de 
» nouvelles portions de carbonate, mais d’un carbonate 
» complet; ce ne sont pas, comme on pourroit le croire, 
» des portions d’acide carbonique qui, en se partageant 
» entre les molécules de potasse, à mesure qu’elles y 
» arrivent, tendroient à les élever ainsi progressive- 
» ment à tous les termes intermédiaires qui sont entre 
» le zéro et le point de saturation : l’analyse nous fait 
» connoître que les choses ne se passent point ainsi. 


(1) Journal de physique, t. LIX. 


SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ. 249 


» Analysez des potasses qui ont absorbé de l’acide 
» carbonique ou dans lesquelles on a laissé tomber 
» quelques gouttes d’acide nitrique, sulfurique, etc., 
» vous n’y trouverez que du carbonate, du sulfate, du 
» nitrate saturé, et tout le reste de la potasse sera à 
» zéro, c’est-à-dire qu’une molécule de potasse, de 
» terre, d’oxide, qui se trouve en présence d’un acide, 
» n’attire ni la moitié ni le quart de ce qui peut con- 
» venir à la saturation; dès le contact même, elle se 
» constitue combinaison complette en obéissant aux 
» rapports qui lui assignent ses affinités. » 

Il établit, 2°. qu’il y a dans les combinaisons un 
maximum et un minimum, et que tous les degrés in- 
termédiaires sont exclus : c’est sur-tout aux oxides et 
aux sels métalliques qu’il paroît appliquer ce principe, 
que l’on peut adopter sans inconvénient , lorsqu'il ne 
s’agit que d’indiquer vaguement l’état d’un oxide ou d’une 
combinaison ; 

3°, Que les combinaisons dont les proportions sont 
fixes, peuvent s’unir à un excès de l’un des élémens 
dans une progression indéfinie, sans circonscrire les 
caractères qui distinguent la combinaison de cette autre 
espèce d’union. On sent qu’au moyen de cette dernière 
distinction , il est difficile de lui opposer une observa- 
tion qu’il ne trouve un moyen d’expliquer. 

Je me bornerai ici à examiner la première supposition 
que M. Proust paroît appliquer exclusivement aux com- 
binaisons des acides avec les alcalis : l’analyse qu’il 
invoque fait voir tout le contraire de ce qu’il avance; 
- 1806. Premier semestre, 32 


250 SUR LES LOIS DE L'AFFINITÉ, 

si la potasse n’a été combinée qu'avec quelques parties 
d’acide carbonique, jamais M. Proust n’a pu séparer 
cette petite portion de carbonate qu’il suppose avoir 
une existence isolée, qu’en employant des moyens com- 
pliqués, et l’action d’autres substances qui pouvoient 
opérer, au moyen de leur affinité, la séparation de tout ce 
qui est superflu à la combinaison du carbonate, Lors 
même qu’on emploie l'alcool, il ne peut s'emparer de toute 
la potasse; il se fait un partage, au moyen duquel le 
carbonate retient un excès de potasse qui lui permet de 
cristalliser ; mais les cristaux tombent en déliquescence, 
et ne sont pas le véritable carbonate. Si l’on prend une 
dissolution de sous-carbonate de soude assez rapprochée 
pour que l’acide carbonique ne soit pas retenu par l’eau, 
la plus petite goutte d’acide y produit une effervescence; 
mais si le carbonate étoit isolé de la soude, un autre acide 
commenceroit par se combiner avec l’alcali pur, au lieu 
de décomposer le carbonate. 

Je présume que M. Proust a considéré le sous-car- 
bonate de soude et celui d’ammoniaque comme des 
combinaisons complètes; qu’il n’y a point distingué 
jusqu’à présent de l’alcali pur et du carbonate, et ce- 
pendant ces combinaisons n’ont encore qu’une petite 
partie de l’acide qui est nécessaire, et qu’elles peuvent 
prendre pour leur neutralisation. 

On a vu que les trois alcalis se combinent avec des 
proportions d’acide carbonique qui paroïissent suivre une 
progression continue , quoique ces combinaisons soient 
plus disposées à s’arrêter à certaines proportions : les 


! 


SUR LES LOIS DE L’'AFFINITÉ. 251 


sels qui en résultent ont la propriété de cristalliser, 
d’être déliquescens , effervescens ou constans à Pair, 
d’avoir une solubilité différente et une action particu- 
lière sur les autres substances, selon les proportions de 
leurs élémens. Toutes ces propriétés me paroissent ne 
Pouvoir se concilier avec l’opinion de M. Proust; mais 
on va voir que l’acide carbonique est bien loin d’être le 
seul qui ait la propriété de former des combinaisons 
dont les proportions varient indubitablement. 


$ VII. De quelques combinaisons acidules et alca- 
linules. 


Ex décidant que les combinaisons des acides avec 
les alcalis se complettent immédiatement, M. Proust 
a entièrement négligé ces sels avec excès d’acide qui 
sont très - communs en chimie, tels que les oxalates 
acidules , les tartrites acidules, les phosphates acidules ; 
qui certainement ont une existence bien caractérisée et 
bien distincte de celle des mêmes combinaisons à l’état 
neutre, sans que je puisse apercevoir par quelle expli- 
cation plausible on peut dire que de pareilles combi- 
naisons se complettent immédiatement, et se fixent à 
un seul terme. 

J'ai fait voir (Essai.de Stat. chim. >tomelT, p. 366,) 
que le sulfate acidule de potasse pouvoit varier indéfi- 
niment par l’excès d’acide, et qu’il en étoit de même du 
phosphate acidule de chaux et du sulfate acidule de 
soude. Ce dernier sel, que j’avois cru ne point tomber 


252 SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ. 


en efflorescence lorsqu'il a un excès considérable d’a- 
cide, montre réellement la propriété d’effleurir lors- 
qu’on le laisse assez long-temps exposé à l’air : je 
demande comment un sel qui ne tiendroiït pas en com- 
binaison une portion de Vlacide sulfurique, pourroit 
tomber en efflorescence à l’air, c’est-à-dire abandonner 
l’eau de cristallisation et devenir hygrométriquement 
sec, pendant que l’acide sulfurique attire si puissamment 
l'humidité? 

L’analogie doit faire conclure que ceux des sels aci- 
dules dont on n’a pas examiné les variations, pourront 
aussi présenter des quantités différentes dans l’excès 
d'acide qu’ils retiennent. 

Le phosphate de soude peut non seulement cristal- 
liser avec un excès d’acide , mais encore avec un excès 
de soude, en sorte qu’on peut l’avoir doué de toutes 
les propriétés des combinaisons salines qui cristallisent, 
ou dans l’état neutre , ou avec un excès variable d’acide 
ou d’alcalis; mais les combinaisons de cet acide vont 
être le sujet d’autres observations. 


$ VIII. Observations sur les phosphates. 


Lorsque j'ai lu ce mémoire, j’ai dit que dans des 
expériences réitérées je n’avois point obtenu de quantité 
sensible de sulfate de magnésie, en suivant le procédé 
que MM. Fourcroy et Vauquelin ont décrit pour séparer 
la magnésie des os; mais l’assertion positive de mes 
confrères ne me permet pas de conserver des doutes sur 


SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ, 253 


leur résultat : je borne donc mes observations à celles 
qui concernent l’action réciproque de la chaux , de la 
potasse et de l’acide phosphorique. 

J’avois Femerané (Recherches sur les pa de l'affinité), 
qlue orsqu’on fait bouillir jüsqu’à dessiccation deux 
parties de potasse avec une partie de phosphate de 
chaux, la potasse enlève à la chaux une proportion in- 
déterminée d’acide phosphorique, et selon MM. Four- 
croy et Vauquelin (1), /a potasse sépare la chaux de 
l'acide phosphorique ; mais elle en sépare qu’une bien 
petite quantité , eË seulement quand la potasse est em- 
ployée elle-méme à grande dose, tandis que la chaux 
enlève entièrement et complettement la potasse à l’acide 
phosphorique. 

M. Théodore de Saussure a fait sur cet objet des 
expériences positives (2) : 300 parties de potasse dans 
un poids double d’eau , ont dissous 16 parties de phos- 
phate de chaux sur 25 ; une seconde expérience faite à 
sec a donné un résultat semblable. On voit donc que le 
phosphate de chaux peut être dissous en grande partie 
par la potasse; mais M. de Saussure ne me paroît pas 
avoir vu clairement ce qui se passe dans cette occasion , 
parce qu’il n’a pas fait attention aux changemens de 
proportions qui ont lieu. Je vais donner le résultat de 
mes observations. 


G) Annales du Muséum d’hist. natur. cahier 36. — “Annales de chimie, 
t. XLVII. 


(2) Recherches chimiques sur la végétation, p:1324: 


254 SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ. 

La potasse en liqueur, employée même à petite dose, 
enlève au phosphate de chaux une certaine quantité 
d'acide phosphorique, comme on peut s’en assurer en 
la neutralisant par un acide, et en versant ensuite un 
péu de muriate de chaux qui forme aussitôt un pré- 
cipité de phosphate de chaux : si l’on emploie succes- 
sivement beaucoup de potasse , on peut enlever ainsi au 
phosphate de chaux une partie considérable de son acide 
phosphoriqué ; maïs, dans ce cas, on n’enlève point de 
chaux avec l’acide ; du moins un oxalate n’en fait point 
apercevoir, de même que la potasse qu’on a fait bouillir 
avec le carbonate de chaux devient effervescente sans 
donner aucun indice de la présence de la chaux. 

Si la potasse est en forte proportion et condensée, 
comme dans les expériences de M. de Saussure , elle 
dissout en même temps de la chaux, mais en propor- 
tion beaucoup moindre qu’elle ne prend l’acide phos- 
phorique, en sorte qu’il se forme alors deux combi- 
naïisons , l’une qui reste liquide, et qui est ce que M. 
de Saussure appelle potasse phosphatée de chaux , et 
l'autre qui résiste à la dissolution , et qui est un phos- 
phate privé d’une partie de l’acide phosphorique ou un 
sous-phosphate. 

M. de Saussure dit que la potasse phosphatée de 
chaux, même lorsqu'on la neutralise avec un acide, 
retient une partie de chaux qu’un oxalate ne peut dé- 
céler : je crois que l’effet dont il parle est très-petit, et 
que son opinion vient de ce qu’il a supposé que le 
phosphate de chaux étoit dissous par la potasse, sans 


SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ. 255 


changer de proportion, de sorte qu’il a été surpris de 
ne retrouver qu’une petite partie de chaux; mais cette 
indication de l’oxalate dépend de ce qu’il s’est réelle- 
ment dissous une proportion de chaux He és moindre 
que d’acide phosphorique. 

Lorsqu'on a précipité le Hs de Foie par 
Veau de chaux, la liqueur filtrée et amenée à l’état 
neutre se trouble un peu avec un oxalate , en sorte qu’une 
partie dela chaux reste en combinaison triple et forme 
ce que M. de Saussure appelle phosphate potassé de 
chaux. Mes observations confirment, à cet égard, celles 
de M. de Saussure, si ce n’est que je n’ai point vu, 
ainsi qu’il le dit, que si l’on mêle à la solution de 
potasse vingt ou trente fois son volume d’eau de chaux, 
le mélange conserve toute sa transparence ; j’ai observé, 
au contraire, que le liquide se troubloit dès qu’on y 
ajoutoit un peu d’eau de chaux, et je soupçonne que 
M. de Saussure aura employé un acide phosphorique 
préparé par l’action de l'acide nitrique sur le phos- 
phore, et qu’iln’en aura pas chassé tout l’acide nitrique ; 
mais en employant l’acide phosphorique le plus pur, on 
trouve également qu’il se forme un phosphate potassé de 
chaux, dans lequel, à la vérité, la chaux est en petite 
proportion. M. de Saussure a de plus observé que le 
précipité que l’on forme par l’eau de chaux 7ess point 
du phosphate de chaux; c’est un p'osphate : potassé 
de- chaux devenu insoluble à l'eau par un.excès de 
£erre. 

J’ai fait bouillir du phosphate de potasse-ayec poids 


256 SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ. 


égal de chaux, c’est-à-dire avec une quantité beaucoup 
plus considérable que ce qu’il en falloit pour neutraliser 
Vacide phosphorique ; la liqueur filtrée après l’ébullition 
a précipité abondamment avec l’eau de chaux, soit par 
l’action de la chaux sur lacide phosphorique, soit à 
cause de la diminution de celle de la potasse, par 
l'effet qu’exerce sur elle la quantité d’eau ajoutée : ayant 
rendu la liqueur neutre et y ayant ajouté du muriate de 
chaux, elle ne s’est point troublée d’abord, mais il s’est 
fait peu à peu un précipité de phosphate de chaux; de 
l’oxalate ajouté à une autre partie de la liqueur neutre 
y a produit un précipité beaucoup moins considérable 
que le précédent : de sorte que, encore ici, l’acide 
phosphorique étoit en plus grande proportion que la 
chaux. 

On retrouve donc dans l’action de la chaux sur le 
phosphate de potasse des phénomènes qui correspon- 
dent avec ceux que l’on observe dans laction de la po- 
tasse sur le phosphate de chaux, toutefois avec la dif- 
férence qui dépend de celle de l’affinité des bases pour 
l’acide et de l’action de l’eau sur les combinaisons de 
ces bases. - 

Les faits que je viens d’exposer ne sont point, comme 
on l’avance dans les mémoires que j’ai cités , un cas par- 
ticulier pour lequel il faille invoquer la puissance des 
masses : ils sont analogues à la décomposition impar- 
faite du phosphate de chaux par l'acide sulfurique que 
M. Fourcroy rappelle dans sa notice, à la décomposition 
incomplette du tartrite de chaux par la potasse que 


SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ, 257 


M. Vauquelin a fait connoître (2); à la décomposition 
incomplette du muriate de plomb par la soude, sur 
laquelle on doit aussi, à M. Vauquelin, des observa- 
tions intéressantes (2); ils sont analogues à un grand 
nombre d’autres faits qui sont entrés dans mes consi- 
dérations sur l’affinité : leur théorie se lie immédiate- 
ment à la question des proportions variables dans les 
combinaisons dont je viens d’augmenter les exemples, 
et à l’opinion que l’on doit prendre de l’affinité chi- 
mique, 
$ IX. Des caractères de-laffinité. 


Les différentes proportions qui peuvent entrer dans 
les combinaisons, et les changemens qu’elles peuvent 
éprouver par l’action des autres substances , selon son 
énergie , font voir que l’affinité produit un effet qui peut 
ne pas se completter et n’être pas détruit immédiatement, 
mais qu’il faut lui attribuer une sphère d'activité dans 
laquelle sa force décroît en raison de la distance ; quoi- 
que celle-ci soit insensible pour nous. 

Ce résultat est absolument contraire à l’idée qu’on 
s’est formée de l’affinité élective : pour discuter l’opi- 
nion que l’on en avoit conçue, j’ai suivi pas à pas l’il- 
lustre Bergman, que je devois regarder comme l’auteur 
de l’opinion dominante sur l’affinité chimique : j’ai tâché 
de faire voir que les précipitations, dont on s’étoit servi 
ee 2 PECOPREMEUE € Pa PAR A FOUT ES PR An M ur 

(1) Annales de chimie. 

(2) Annales de chimie, t. XXXI, 

1806, Premier semestre. 33 


258 SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ. 


pour déterminer les différens degrés d’affinité, et pour 
construire les tables de leurs rapports, ne présentoient : 
qu’un phénomène trompeur qui étoit dû principalement 
à la différente solubilité des combinaisons , et que les 
effets que l’on attribuoit, lorsque deux combinaisons 
font un échange de bases, à l’excès de deux affinités 
réunies sur deux autres opposées , étoient entièrement 
dus à la différence de solubilité dans les combinaisons, 
qui peuvent se former dans une circonstance donnée. 
Cependant M. Fourcroy s’explique ainsi sur mes re: 
cherches dans le discours préliminaire de son vaste et 
savant ouvrage (Syst. des connoiss. chim.). Ces recher- 
ches ne doivent rien changer aux principes de la chimie 
sur Les attractions chimiques , puisque les lois de celles- 
ci ne sont exposées qu’en supposant des quantités exac- 
tes, constantes et bien déterminées, comme des tempé- 
ratures, et en général des circonstances données. 

Si l’on avoit attaché la détermination des affinités 
électives à des proportions bien déterminées, on auroit 
fait entrer cette considération dans l’évaluation des af- 
finités comparatives, et si l’on avoit limité ainsi cette 
détermination, on n’auroit rien fait pour lexplication 
de la plupart des phénomènes qui dépendent de cette 
force; mais je ne vois pas qu’on ait fait, relativement 
à l’affinité , aucun usage des proportions quientrent dans 
les combinaisons, si ce n’est pour établir le principe dont 
j'ai montré l’inexactitude  V : à cette exception près, ce 
n’est pas ainsi que M. Fourcroy a considéré lui-même 
les attractions électives; en effet il dit, page 76,tomel, 


SUR: LES LOIS DE L'AFFINITÉ. 259 


en examinant ce qui arrive lorsqu'un corps agit sur une 
combinaison : c’est dans les deux derniers cas qw'il 
Jaut nommer avec Bergman attraction élective la force 
qui opère la décomposition , puisque cet effet n’est que 
la suite d'une attraction de choix, en quelque sorte, 
entre l'un des principes du premier composé et le troi- 
sième corps qu’on y ajoute. 

On voit par ce dernier passage , qu’il est difficile d’ac- 
corder avec celui que j’ai cité précédemment, et par 
les explications répandues dans son ouvrage, que M. 
Fourcroy a adopté, sur l'attraction chimique, les opi- 
nions de Bergman , à part ce qu’il a appelé aftraction 
superflue, et qu’ainsi, pour maintenir le jugement qu’il 
a porté sur mes recherches, il doit, en sortant du 
vague, descendre dans le détail des faits que j’ai op- 
posés à l’affinité élective , ou indiquer les vices des rai- 
sonnemens qui m'ont conduit à d’autres conséquences. 

En attendant cette discussion qui ne peut qu’être 
utile aux progrès d’une science à laquelle nous prenons 
un égal intérêt , je continuerai à donner des développe- 
mens à mon opinion. 


$ X. De la détermination des affinités des différentes 


substances. 


Come les acides et les alcalis forment deux classes 
nombreuses de substances dont l’action chimique et 
réciproque est très-puissante , et comme les effets y sont 
plus faciles à déterminer et à comparer que dans les 


260 SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ. 


autres substances, ce sont principalement les acides et 
les alcalis que les chimistes ont choisis pour reconnoître 
les lois de l’action chimique, ou les caractères et les effets 
de laffinité. 

Si j’ai prouvé que les précipités que d’autres sub- 
stances peuvent produire dans une combinaison sont 
principalement l’effet d’une différence de solubilité , et 
que ceux qui se forment dans le mélange de deux com- 
binaisons neutres sont uniquement l’effet de cette cause 
(et je crois en avoir donné des preuves qu’il ne sera 
pas facile de réfuter), il est manifeste que toutes les 
graduations d’affinité , et que toutes les tables d’affinités 
par lesquelles on les a représentées, d’après les préci- 
pitations, sont destituées de fondement, et qu’il faut 
avoir recours à une autre méthode. 

Il m’a paru naturel de comparer des forces par les 
effets qu’elles peuvent produire dans les mêmes cir- 
constances, et de mesurer l’énergie d’un acide par la 
saturation qu’il peut produire lorsqu’on le combine avec 
un alcali , en prenant pour tous les acides le même terme 
de saturation : or, le seul que l’on puisse choisir, parce 
qu’il est le seul que l’on puisse comparer exactement, 
est celui où les propriétés qui caractérisent les acides et 
les alcalis ont également disparu par l'effet de Jeur 
action réciproque; ce qui constitue l’état neutre. J’ai 
donc regardé Pacidité comparative des différens acides, 
comme proportionnelle à la quantité pondérale d’un 
alcali qu’il pouvoit amener à l’état neutre; et en ap- 
pliquant les mêmes considérations aux différens alcalis, 


SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ. 261 


j’aicomparé leurs forces respectives aux quantités d’acide 
qu’ils pouvoient saturer. 

M. Richter avoit employé cette méthode avant moi, 
mais il n’en avoit appliqué la conséquence qu’aux acides, 
et il avoit regardé , au contraire , les bases comme d’au- 
tant plus puissantes qu’elles En iens en plus grande 
quantité dans les combinaisons. 

Cette différence entre les acides et les alcalis dont il 
s’agit de déterminer l’énergie , ne me paroît avoir aucun 
fondement ; car l'attraction chimique est réciproque , et 
l'acide n’agit pas plus ni d’une autre manière sur l’al- 
cali, que celui-ci sur l’acide. Au reste, M, Richter a 
fait entrer dans ces considérations des opinions hypo- 
thétiques sur les propriétés des nombres, et beaucoup 
d’autres qui, au jugement même des savans de l’Alle- 
magne (1), jettent beaucoup d’obscurité sur des recher- 
ches souvent très- utiles, et suivies avec beaucoup de 
constance. 

Un fait important qu'on doit à M. Richter, c’est 
que, lorsqu’on fait un mélange de différens sels qui sont 
susceptibles de faire un échange de base et qui sont 
dans l’état neutre, cet état subsiste après l'échange; ce 
qui prouve que tous les acides suivent les mêmes rap- 
ports de quantité avec les différentes bases alcalines avec 
lesquelles ils parviennent à l’état neutre, et que la 
même condition a lieu pour les alcalis relativement aux 
acides. Ce n’est donc pas par hypothèse que l’on doit 


G) Voyez une note de M. Fischer, Essai de stat. chim, t. 1, p. 134. 


262 SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ. 


considérer l'acidité et l’alcalinité comme une propriété 
commune à tous les acides et à tous les alcalis, et dont 
l'énergie comparative peut être évaluée par les quantités 
respectives qui sont nécessaires pour produire l’état 
neutre. 

M. Guyton, quine connoissoit pas les recherches de M. 
Richter, avoit également fait l’observation intéressante 
du maintien de l’état neutre malgré l’échange des bases, 
et il avoit proposé cette propriété comme un moyen de 
reconnoître si les proportions attribuées aux différentes 
combinaisons par les chimistes , étoient réelles; car ces 
proportions doivent donner par le calcul des quantités 
propres à conserver l’état neutre, lorsqu'il se fait un 
échange de base (1). 

J’ai aussi fait beaucoup d’expériences pour constater 
cette propriété, et j’ai toujours observé l’effet qui a été 
découvert par les deux chimistes précédens : je m’ai 
trouvé un petit changement d’état que dans le mélange 
du phosphate neutre à base de potasse ou de soude, avec 
un sel neutre à base de chaux ou de baryte, et dans le 
mélange du fluate d’ammoniaque avec les mêmes sels à 
base terreuse. Le liquide devenoit légèrement acide , mais 
il est manifeste que cet effet n’est dû qu’à la propriété que 
possèdent les phosphates etles fluates de prendre un excès 
de base ; car, si l’on abandonne pendant deux ou trois 
jours le liquide sans en séparer le précipité , l'excès d’aci- 

_dité qu’il avoit d’abord, disparoît presque entièrement. 
Es + (Re él nee, NU LES 


Gi) Mémoires de l'Institut, te IL. 


SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ. 263 


J’ai de plus observé que celles des dissolutions mé- 
talliques qui peuvent parvenir à l’état neutre, ou qui 
ne conservent qu’un très-foible excès d’acide, sont sou- 
mises à la même loi; il me paroit donc qu’il est permis 
de conclure que c’est un caractère général de l’affinité 
chimique. 

C’est une conséquence des observations précédentes, 
qu’il est important, pour comparer les forces par les- 
quelles les différentes substances exercent une action 
réciproque , de reconnoître quelles sont les quantités 
pondérales de chacune qui sont nécessaires pour pro- 
duire l’état neutre, et cette connoissance est encore très- 
avantageuse pour déterminer, par le moyen des combi- 
naisons que l’on forme, les proportions des substances 
que l’on sépare dans les analyses. 

Aussi les chimistes se sont-ils beaucoup occupés de 
ce travail important, mais on est encore loin d’avoir 
rempli cet objet. 

Les réflexions que je viens de présenter ne sont qu’un 
extrait de ce que j’ai exposé dans mes Recherches sur 
laffinité, et dans mon Essai de statique chimique ; 
mais j’ai dû les rappeler à cause de leur liaison avec 
les considérations qui vont suivre. 


$ XI. De la détermination des quantités d'acide réel 
dans Pacide muriatique selon sa pesanteur spécifique. 


Powr déterminer les proportions des parties consti- 
tuantes des sels, et pour estimer la force comparative 


264 SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ. 


des différens acides et des différens alcalis , et les quan- 
tités que l’on met en action lorsqu’on les emploie dans 
l’état liquide , il est toujours avantageux , et il est sou- 
vent indispensable de connoître quelle est la quantité 
d'acide ou d’alcali réel qui se trouve dans l’eau en 
formant une liqueur d’une pesanteur spécifique connue; 
mais cette détermination offre des difficultés qu’il est 
souvent difficile de surmonter, et même, dans tous les 
cas, on ne peut parvenir qu’à une approximation plus 
ou moins grande. 

M. Kirwan s’est occupé avec beaucoup de cons- 
tance de cet objet, sur lequel je vais présenter mes ob- 
servations. Il a publié à différentes époques des tables 
sur les proportions d’acide sulfurique , nitrique et mu- 
riatique qui se trouvent dans les liquides ainsi nom- 
més, selon leur pesanteur spécifique, en comparant 
d’abord la quantité d'acide qu’ils contiennent à celle 
d’un acide d’une certaine concentration, qu’il appe- 
loit acide de comparaison , standard acid; et dans son 
dernier ouvrage il a substitué à l’acide de comparaison 
la quantité d’acide réel, qu’il a déterminée en cherchant 
quelle quantité de son acide de comparaison se trouvoit 
dans une certaine combinaison saline dans laquelle il 
connoissoit la quantité pondérale de la base (1). 


G) Voyez les Mémoires de l’Académie de Dublin, t. IV, et Additional 
observations , etc. 

Je dois prévenir que je n’ai pu me procurer ce dernier ouvrage, et que 
je ne le connois que par l'excellent extrait qui s’en trouve dans la Biblio 


thèque britannique, t. XIV et XV, 


SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ, 265 


Ainsi pour l’acide muriatique il a d’abord formé une 
table qui présente les quantités d’acide de comparaison 
qui se trouvent dans lacide muriatique , selon sa pe- 
santeur spécifique. Pour avoir cet acide de comparaison, 
il a combiné 10 grains de gaz muriatique, dont il avoit 
déterminé la pesanteur spécifique, avec poids égal d’eau, 
et il dit que le volume de cette eau, qui étoit 10, est 
devenu 13.3 : ilen a conclu qu’alors sa gravité spécifique 
étoit à peu près 1.5; mais je ne conçois pas comment 
il a pu combiner ces proportions de gaz muriatique , et 
former un acide muriatique qui eût une telle pesanteur 
spécifique , lui qui reconnoît que l’acide muriatique le 
plus concentré que l’on puisse obtenir et conserver fa- 
cilement, est d’une pesanteur spécifique de 1.196; en 
effet, je n’ai pu surpasser cette pesanteur spécifique 
que de quelqués millièmes : d’ailleurs, est-il facile de 
déterminer les changemens de volume dans une si 
petite quantité? Il est donc permis d’avoir des doutes 
sur la rigoureuse exactitude de cette expérience fonda- 
mentale. 

Selon M. Kirwan, le gaz muriatique se combine avec 
l’eau sans produire Fa chaleur sense et l’on verra 
par l'expérience que je décrirai , qu’il s’en dégage beau- 
coup sans que l’on puisse distinguer la partie qui dé- 
pend de la condensation du gaz , de celle qui peut être 
due à la condensation que l’eau doit éprouver elle-même; 
et comme M. Kirwan attribue à l’acide muriatique tout 
ce qui est ajouté à la pesanteur spécifique de l’eau, ce 
qui l'élève à une pesanteur spécifique de 3.03, son 

1806. Premier semestre. 34 


266 SUR LES LOIS DE L'AFFINITÉ. 


calcul ne se trouve fondé que sur une base chancelante, 
ainsi que l’a déja fait voir M. Keir. 

Pour convertir en acide réel son acide de comparaison 
qu’il suppose avoir 1.5 de pesanteur spécifique, M, 
Kirwan s’est servi de sa combinaison avec la potasse ; 
mais cette évaluation est sujette à une égale incertitude. 

Il emploie une dissolution de carbonate ordinaire de 
potasse, mild vegetable alcali; il la sature avec son 
acide muriatique : il prend la pesanteur spécifique de 
la combinaison, et il fait une dissolution d’un poids 
connu de muriate de potasse, en sorte qu’elle ait la 
même pesanteur spécifique : ayant déterminé par là 
combien il a formé de muriate de potasse , il déduit du 
poids de l’alcali employé, celui de l’acide qui est entré 
en combinaison avec lui et qu’il regarde comme acide 
réel : il conclut delà combien son acide de comparaison 
contient d’acide réel , et il substitue celui-ci au premier 
dans sa table; mais il ne dit point comment il a déter- 
miné la quantité de potasse que contenoit son carbonate 
de potasse , et il faut encore qu’il reconnoiïsse par une 
expérience la quantité d’eau que l’on doit admettre 
dans le muriate de potasse. 

Il est facile de voir qu’un si grand nombre d’évalua- 
tions nécessaires pour établir les proportions d’une com- 
binaïison ne permet pas de leur assurer un grand degré 
de précision ; car les erreurs inévitables dans chacune 
peuvent s’accumuler dans le résultat définitif. 

Il y a même une erreur nécessaire : lorsque M. 
Kirwan décompose le carbonate de potasse par l’acide 


SUR LES LOIS DE L’'AFFINITÉ. 26% 


muriatique qu’il verse par petites portions pour parvenir 
à l’état neutre, la liqueur doit retenir beaucoup d’acide 
carbonique , et sa pesanteur spécifique , diminuée par 
cette circonstance, ne peut. plus indiquer un rapport 
exact avec la dissolution de muriate de potasse qu’il lui 
compare. 

J’ai employé un moyen plus direct : j’ai mis en dis- 
tillation du muriate de soude avec poids égal d’acide 
sulfurique affoibli : la cornue placée sur un bain de 
sable communiquoit avec un tube de verre d’un mètre 
de longueur ; celui-ci étoit logé dans une caisse remplie 
d’un mélange de glace pilée et de muriate de soude, 
et communiquoit à un petit ballon également entouré 
du mélange réfrigérant : un tube qui partoit de ce 
ballon plongeoitdans un flacon quicontenoit{oo grammes 
d’eau. 

Après l’évacuation de Pair, le gaz étoit entièrement 
absorbé par l’eau, qui s’est peu à peu échauffée assez 
fortement pour que la main en supportât difficilement 
la chaleur, quoique la quantité de V’acide condensé 
n'ait pas été grande et que l'opération ait duré près de 
deux heures ; il me paroît donc qu’il a dû se développer 
beaucoup plus de chaleur dans cette opération , que si 
Von eût mêlé un poids égal d’acide sulfurique concentré 
avec la même quantité d’eau : M. Biot a aussi observé 
que le gaz muriatique produisoit beaucoup de chaleur 
en s’unissant à l’eau. 

Je voulois avoir un acide qui fût peu concentré, pour 
employer sans crainte d’exhalaison dans les expé: 


268 SUR LES LOIS DE L'AFFINITÉ. 


riences que je dois décrire; les {oo grammes d’eau 
avoient absorbé 86.975 grammes d’acide muriatique ; la 
liqueur avoit une pesanteur spécifique de 106.14, et 
par conséquent 100 parties contenoient 12.467 d’acide, 
tel qu’il est dans le gaz muriatique dépouillé d’eau par 
un grand refroidissement. 

Le mélange réfrigérant avoit fait baisser, pendant la 
durée de Popération, le thermomètre centigrade entre 
12 et 13 degrés au dessous de la congélation, en sorte 
que le gaz réduit à ce degré de température a dù non 
seulement abandonner l’eau qui produit les effets hy- 
grométriques, mais peut-être une partie de celle qui ne 
peut pas contribuer à ces effets, parce qu’elle est trop 
fortement combinée , d'autant plus que la partie d’acide 
qui s’est fixée en liquide dans les vases qu’elle a parcou- 
rus, tendoit à la retenir. On verra dans la suite de ce 
mémoire que le gaz muriatique dont je me suis servi, est 
loin de pouvoir être regardé comme l’acide réel; mais il 
peut être considéré comme une quantité constante, au 
moyen de laquelle Von peut déterminer exactement les 
proportions des muriates et les comparer avec les com- 
binaisons des autres acides. Ê 


$ XII. De l’ammoniaque réelle dans l’ammoniaque 
en liqueur. 


JE me suis servi pour cette détermination du pro- 
cédé que j’aidécrit pour l'acide muriatique ; 200 grammes 
d’eau ont absorbé 19.206 grammes d’ammoniaque, et 
après cela la liqueur avoit une pesanteur spécifique de 


SUR LES LOIS DE L'AFFINITÉ. 269 


9656, d’où il résulte que 100 parties en contenoient 8.761 
d’ammoniaque. 

Il s’est dégagé dans cette opération beaucoup moins 
de chaleur que dans la condensation du gaz muriatique, 
quoique les pesanteurs spécifiques de ces deux gaz fas- 
sent voir qu’il s’est condensé un volume plus grand 
de gaz ammoniaque que de gaz muriatique, ét quoi- 
qu’il sé soit condensé dans moitié moins d’eau : cet 
effet peut indiquer que le gaz ammoniaque contient 
moins de calorique que le gaz muriatique; maïs il est 
probable qu’il dépend principalement de ce qu’il exerce 
une action moins forte sur l’eau, d’où vient que l’ammo- 
niaque en liqueur a beaucoup de tension, pendant que 
Vacide muriatique, même fumant, surpasse peu l’eau à 
cet égard, ainsi qu’on l’a observé dans des expériences 
faites avec M. Biot. Je crois, d’après cette considération, 
que l’ammoniaque devoit avoir retenu bien peu d’eau, 
après avoir été soumise à un froid de 12 à 13 degrés, et que 
dans cet état elle peut être prise pour une quantité réelle ; 
ce que d’autres considérations confirmeront. 

M. Davy a aussi cherché à déterminer la quantité 
d’ammoniaque réelle en recevant dans l’eau lé gaz am- 
moniacal ; la seule différence qu’il y ait, c’est qu’il n’a 
pas employé le froid pour séparer l’eau du gaz, et 
cette différence en produit une petite dans les quan- 
tités qu’il a indiquées dans une table qu’il a donnée 
pour différentes pesanteurs spécifiques; une liqueur 
d’une pesanteur spécifique de 9639 indique dans sa 
table pour 100 parties 9.50 d’ammoniaque réelle, et la 


270 SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ. 
mienne ramenée à cette pesanteur spécifique en contien- 
droit 8.93. 

M. Kirwan a employé une méthode plus compliquée 
pour déterminer les quantités d’ammoniaque dans les 
différentes combinaisons. Il a décomposé , par le moyen 
de la chaux, le carbonate d’ammoniaque en le supposant 
constant, et il a évalué l’acide carbonique qui a été 
retenu par la chaux, et l’ammoniaque qui s’est dégagée; 
il a ensuite employé ce carbonate d’ammoniaque, dont 
il avoit ainsi déterminé la quantité réelle d’ammonia- 
que : il est facile de voir que ce moyen ne pouvoit le 
conduire qu’à des déterminations incertaines, et, en 
effet, on en trouve de très - discordantes; ainsi, 100 
parties d’ammoniaque exigeroient, selon lui, 152.68 
d'acide muriatique et 333.80 d’acide sulfurique, c’est-à- 
dire plus du double du dernier, pendant que 100 parties 
de potasse neutralisent 56.30 d’acide muriatique, et 
seulement 82.48 d’acide sulfurique. 


$ XIII. De l'affinité comparative de différentes bases 


alcalines avec l'acide muriatique. 


Ix suit des principes que j’ai rappelés dans ce mé- 
moire que pour comparer la force des différens alcalis 
relativement aux acides, il suffit d'établir les propor- 
tions des bases alcalines qui sont nécessaires pour saturer 
une quantité donnée d’un acide, et que les mêmes rap- 
ports existent entre ces bases et les autres acides; j'ai 
choisi pour faire cette comparaison l’acide muriatique 
dont j'ai déterminé la quantité d’acide, $ XI. 


SUR LES LOIS DE L'AFFINITÉ, 271 


La potasse a été préparée avec l’alcool, et amenée 
à l’état sec , elle a été tenue en fusion pendant un quart 
d'heure dans un creuset de platine. 

100 parties de cette potasse dissoutes dans l’eau exi- 
gent , pour parvenir à l’état neutre , d’acide muriatique, 
61.5. 

100 parties de soude qui a été préparée comme dans 
l’expérience précédente , 88. 

Pour la chaux on s’est servi de marbre blanc, son 
analyse avoit fait voir qu’il contenoit 53.67 de chaux. 

100 parties de chaux ont exigé 134.28. 

Mais, comme dans cette évaluation , on suppose que 
le marbre ne contient point d’eau, je crois devoir porter 
ce nombre à 136, mais ayec quelque incertitude. 

Comme la magnésie préparée par la calcination se 
seroit dissoute avec difficulté, on s’est servi d’un sous- 
carbonate de magnésie, dans lequel on avoit trouvé 
40.12 de magnésie : 100 parties de magnésie ont neu- 
tralisé 173.69. 

On a pris une eau de baryte qui en contenoit, par 
kilogramme, 15.588 grammes : 100 parties de baryte ont 
neutralisé 43.68. 

100 parties d’ammoniaque, déterminées comme on l’a 
vu, $ XIT, ont exigé 213. 

L'expérience faite avec l’ammoniaque, dans cette 
circonstance et dans les autres semblables, a donné 
beaucoup plus d’inégalité dans différentes épreuves 
que les autres alcalis, qui n’ont, au contraire, pré- 
senté que de très-petites différences : tous les nombres 


272 SUR LES LOIS DE L'AFFINITÉ. 
indiqués sont le terme moyen de deux épreuves très- 
rapprochées par leur résultat. 

Les nombres qui expriment les quantités d’acide mu- 


riatique qui ont été nécessaires pour neutraliser 100 


parties pondérales de chaque alcali, représentent les puis- 
sances comparatives de ces alcalis dans le même ordre que 
je les avois présentées dans l’Essai de statique chimique, 
tome I, section 2 , d’après les expériences de M. Kirwan; 
mais les distances intermédiaires diffèrent de celles qui 
seroient conclues de ses expériences et de ses tables des 
quanttes d’acide réel. 

Je n’ai pas compris la strontiane dans mes expériences ; 
mais il paroît par celles de M. Kirwan et d’autres chi- 
mistes, qu’elle doit être placée entre la potasse et la ba- 
ryte ; cependant les résultats de M. Richter assigneroient 
sa place entre la soude et la potasse : il résulteroit encore 
de ses expériences que la magnésie exigeroit une plus 
grande quantité d’acide que l’ammoniaque ; mais malgré 
quelques doutes qui peuvent rester sur les quantités d’a- 
cide qui neutralisent l’ammoniaque , la magnésie lui est 
certainement fort inférieure, et mes expériences sont 
d'accord en cela avec celles de M. Kirwan. 


$ XIV. Application des expériences précédentes aux 
carbonates. 


L£s quantités d’acide carbonique qui sont nécessaires 
pour saturer les différentes bases, doivent se trouver en 
rapport avec celles d’acide muriatique qui produisent le 
même effet : comparons ces quantités. 


de tante tir 


SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ. 273 


Pour faire cette comparaison, il est à propos de faire 
une petite addition aux poids d’acide carbonique que j’ai 
donnés $ T, IT, IIT, parce que le liquide retenoit une cer- 
taine quantité d’acide carbonique, quoiqu’on y ajoutât 
un excés d’acide sulfurique pour le chasser, et la partie 
vide de l’appareil, quoiqu'il eût de petites dimensions, 
devoit aussi en retenir un peu : cette quantité doit être 
la même pour chaque base ; je l’évalue à 0.04 que; ’ajoute 
aux quantités que j’ai indiquées. Après cette correction 
les quantités d’acide carbonique nécessaires pour saturer 
100 parties de potasse , de soude et d’ammoniaque , sont 
à peu près comme les nombres suivans : 


Fourila potasse «2 2 ee CM + » 95 
E soude". RE ET Re 
Lenpiomeque 6584: hole pda 1,1 279 


On voit d’abord que ces trois bases alcalines suivent 
pour l’acide carbonique la même progression que pour 
l'acide muriatique , et si l’on compare aux nombres pré- 
cédens ceux qui représentent les quantités d’acide mu- 
riatique, que ces mêmes bases exigent pour le même 
degré de saturation , c’est-à-dire pour 


Lefpotasse A er | ee. +. 61,5 
A Sonde SRE ET | re ei s. + ... 68 
L’ammoniaque. t-on Le EE 


on trouvera que les proportions de l’un et de l’autre 

acide avec la potasse et la soude , Sont autant d’accord 

qu’on peut l’attendre d’expériences qui exigent chacune 

deux évaluations différentes : la proportion de l’acide 
1806, Premier Semestre, 33 


574 SUR LES LOIS DE L'AFFINITÉ. 
carbonique avec l’ammoniaque, s'éloigne beaucoup plus 
de celle qui est indiquée par le muriate d’ammoniaque; 
mais il faut observer que pour la déterminer, il ma 
fallu d’abord établir la proportion d’acide muriatique 
qui neutralise lammoniaque, et ensuite reconnoître , au 
moyen de cette première évaluation , la quantité d’am- 
moniaque qui existe dans le carbonate d’ammoniaque, et 
enfin la quantité d’acide carbonique qui est combinée 
avec elle. On doit, par une suite de cette marche, at- 
tribuer plus d’exactitude aux proportions déterminées 
pour le muriate d’ammoniaque qu’à celle du carbonate 
d’ammoniaque, et il me paroît indubitable que la quantité 
d’acide carbonique nécessaire pour saturer 100 parties 
d’ammoniaque excède 300 parties. 

Si l’on établit sur les proportions d’acide muriatique 
qui sont nécessaires pour neutraliser les différentes bases, 
celles qui doivent produire le même effet avec l’acide 
carbonique, on trouve qu’il faudroit 217 parties d’acide 
carbonique pour en neutraliser 100 de chaux, 268 pour 
100 de magnésie, 67 pour 100 de baryte. Je me sers 
pour cette évaluation, du rapport de l’acide muriatique 
et de Pacide carbonique pour la potasse ; si je fais usage 
de leur rapport avec la soude, j’ai les nombres suivans: 
219 pour la chaux, 284 pour la magnésie, et 71 pour 
la baryte. 

Je merapproche beaucoup plus des premiers nombres, 
si je porte la proportion d’acide muriatique qui est né- 
cessaire pour saturer 100 de soude à 90 , au lieu de 88, 
et je crois ce nombre plus voisin de la réalité, parce 


SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ, 278 
que ma soude, quoique préparée ayec beaucoup de soin, 
donnoit des indices d’acide muriatique : je ferai cette 
substitution dans les évaluations suivantes. 

On à vu que les sous-carbonates différoient beaucoup 
entre eux par la quantité d’acide carbonique qui s’y 
trouvoit combinée , quoiqu’ils montrent plus de dispo- 
sition à avoir certaines proportions : il m’a paru inté- 
ressant de comparer sous ce rapport avec les sous- 
carbonates naturels les sous-carbonates de baryte et de 
chaux que l’on obtient, en exposant à l'acide carbo- 
nique les eaux qui tiennent ces substances en dissolu- 
tion. Pour ceux que l’on obtient en précipitant les 
dissolutions par les sous-carbonates alcalins, ils pren- 
nent des proportions qui dépendent de celles des sousr 
carbonates qui servent à la précipitation. 

J'ai donc fait passer un courant d’acide carbonique 
dans une eau chargée de baryte jusqu’à ce qu’il ne se 
soit plus fait de précipité; mais l’opération a été dis- 
continuée aussitôt que le liquide a cessé d’être troublé 
par lacide carbonique : j’ai examiné ce liquide qui 
s’étoit éclairci au moyen du dépôt; j’ai trouvé qu’il 
contenoit encore une proportion considérable de baryte 
tenue en dissolution par l’acide carbonique , mais dans 
l’état neutre, en sorte qu’il ne donnoit aucun indice 
d’acidité ni d’alcalinité avec les papiers d’épreuve : le 
précipité aensuite été soumis à la dessication par lemoyen 
de Pébullition de l’eau; après cela on en a dégagé l’acide 
carbonique, et il s’est trouvé qu’il contenoit 21 parties 
d'acide carbonique sur 100, et le carbonate naturel de 


276 SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ. 


baryte donne, selon analyse de Pelletieret de M.Kirwan, 
0.22 : le dernier a déja remarqué que le carbonate artifi- 
ciel contenoit les mêmes proportions. 

On a fait la même opération sur l’eau de chaux; il 
est resté de même en dissolution une certaine quantité 
d’eau de chaux qui étoit mise dans l’état neutre par 
Pacide carbonique, mais en moindre proportion que la 
baryte. À 

Le dépôt séché comme celui de baryte, a donné la 
même quantité d'acide carbonique que le marbre blanc: 
on a retiré du carbonate desséché 46.36 d’acide carbo- 
nique sur 100, et 46.33 du marbre blanc. 

On voit par ces deux expériences que l’acide carbo- 
nique se partage en deux portions , l’une qui s’unit à la 
baryte et à la chaux pour former des sous-carbonates qui 
ont des proportions constantes, et l’autre qui forme une 
combinaison soluble qui est dans l’état neutre ou qui 
en approche. 

C’est ainsi que l’on voit dans plusieurs circonstances 
un acide former une combinaison soluble et une com- 
binaison insoluble; mais l’une et l’autre varient selon 
les quantités, au lieu que l’acide carbonique ne se dis- 
solvant qu’en certaine proportion dans l’eau, son action 
doit être uniforme, ainsi que la séparation qui en est 
l'effet. 

La conformité des carbonates que l’on obtient en 
précipitant la chaux et la baryte par l’acide carbonique 
avec les carbonates naturels me paroît remarquable : on 
obtient les mêmes produits que si la chaux et la baryte 


SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ. 277 


avoient été tenues en dissolution dans les temps primi- 
tifs, et précipitées par l’acide carbonique qui auroitété 
superposé. 


$ X V. Des proportions de l'acide dans l'acide sul- 
Jfurique et dans les sulfates. 


M. Krarrorx vient de donner (1) une nouvelle 
détermination des quantités d’acide et de baryte qui 
composent le sulfate de baryte, dont la plupart des 
chimistes se sont servi pour reconnoître les quantités 
d’acide qui se trouvent dans les différens sulfates : 
il. compare les résultats assez différens des chimistes 
qui l'ont précédé dans cette recherche, et il s’ar- 
rête aux proportions de 76 de baryte et de 33 d’acide 
sulfurique. 

J’ai tâché d'atteindre le plus près qu’il m’a été pos- 
sible à la véritable proportion : pour cela j’ai dissous de 
la baryte dans de l’eau; on a distillé un poids donné 
de cette eau, coupé la cornue où s’étoit faite la dis- 
tillation, placé dans un creuset de platine la baryte 
séchée, et ensuite on a tenu rouge pendant quelque 
temps le creuset placé dans un autre creuset rempli de 
sable : on a pris le terme moyen de deux expériences 
qui différoient très-peu. L’eau de baryte dont je viens de 
parler, et dans laquelle la quantité de baryte étoit bien 
déterminée, a servi à plusieurs opérations ; pour le sulfate 


QG) Neues gllgemeines Journ. der chem. 5 band. 5 heft, 


278 SUR LES LOIS DE L'AFFINITÉ. 


de baryte, on a saturé 5 hectogrammes d’eau de baryÿte 
avec l’acide muriatique, et on a produit la précipitation 
par le sulfate de soude : ce précipité convenablement lavé, 
et tenu également rouge pendant quelque temps dans un 
creuset de platine , a donné, résultat moyen de trois ex- 
périences , 73.12 de baryte, ce qui est fort rapproché du 
résultat de M. Thenard, qui est de 74.82 de baryte. J’ai 
dàû faire quelques pertes; car on ne peut calciner le préci- 
pité dans le papier qui a servi à le recueillir, parce qu’alors 
on en convertit une partie en sulfure, ainsi que me Pa 
fait remarquer M. OEtzel , qui m’a secondé avec beau- 
coup de soin dans mes expériences : je crois donc devoir 
prendre un terme moyen entre le résultat de M. Thenard 
et le mien, et devoir fixer à 74 de baryte et à 26 d’acide 
sulfurique, les proportions du sulfate de baryte qui a 
été tenu à un grand feu; en sorte que 100 parties de 
baryte sont neutralisées par 35.10 d’acide sulfurique. 
M. Klaproth a précipité 100 parties d’acide sulfurique 
dont la pesanteur spécifique étoit de 1.850, ce qui est la 
plus grande concentration à laquelle il ait pu obtenir, 
et mes expériences s’accordent en cela avec les siennes: 
il a obtenu un précipité qui, après une forte dessicca- 
tion, pesoit 225 ; il conclut que cet acide étoit composé 
de 74.4 d'acide et de 25.6 d’eau , et d’après mes résultats 
il seroit composé de 58.50 d’acide et de 41.50 d’eau. 
Cette grande quantité d’eau que lacide sulfurique 
retient en prenant l’état de vapeur, à une température 
beaucoup plus élevée que celle de l’ébullition de l’eau, 
et les effets hygrométriques qu’il produit malgré cette 


SUR LES LOIS DE L'AFFINITÉ. 279 


quantité, font voir avec quelle force l’eau estretenue dans 
les substances qui ont de l’action sur elle. 

J’aisaturéet précipité par la baryte neutralisée un acide 
sulfurique dont la pesanteur spécifique étoit de 141.70, 
et il est résulté de mon expérience qu’il contenoit 31.06 
d'acide réel. Je néglige dans ces évaluations les effets 
de la température , parce que toutes mes expériences ont 
été faites entre 9 et 12 degrés du thermomètre centi- 
grade, et que les différences qui pourroient résulter, en 
les comparant avec celles de M. Kirwan, sont très-petites, 

M. Kirwan a cherché à déterminer les quantités d’a- 
cide réel qui se trouvent dans l’acide sulfurique de dif- 
férentes pesanteurs spécifiques, et il en a donné une 
table ; mais il s’est servi de moyens indirects auxquels 
j’oppose les mêmes observations que j’ai faites pour ses 
déterminations de l’acide muriatique. 

L’acide dont je viens de parler, contiendroit, selon 
latable de M. Kirwan, sur 100 parties, 42.67 d'acide 
réel, et selon mon évaluation, il n’en contient que 
31.25. 

J’ai cherché autrefois à déterminer (1) la quantité 
d’oxigène que le soufre prend en passant à l’état d’acide 
sulfurique, en le traitant avec l’acide nitrique , et en 
précipitant l’acide qui s’est formé par le muriate de 
baryte; mais mon évaluation étoit très-défectueuse : de- 
puis lors plusieurs chimistes ont employé le même 
moyen, et M. Klaproth conclut de ses expériences que 


G) Mémoires de l Académie pour 1782. 


280 SUR LES LOIS DE L'AFFINITÉ. 


acide sulfurique, indépendamment de l’eau, est com- 
posé de 42.3 de soufre et de 57.7 d’oxigène. 

Dans une expérience que je choisis parce qu’elle a 
été suivie avec plus de soin et sur de plus grandes quan- 
tités , 17.846 grammes de soufre changé en acide sul- 
furique par l’acide nitrique , ont donné 127.515 grammes 
de sulfate de baryte poussé au feu , qui contenoit 33.153 
d'acide, en sorte que 53.83 parties de soufre se combi- 
nent avec 46.17 d’oxigène , et que 100 parties de soufre 
prennent 85.7 d’oxigène pour se changer en acide sul- 
furique. 

J’ai encore la satisfaction de me rencontrer ici avec 
M. Thenard, dont les proportions sont, d’après son éva- 
luation du sulfate de baryte, 55.56 de soufre et 44.44 
d’oxigène : mais il faut remarquer que dans ce calcul, 
Von suppose que l'acide sulfurique qui est dans le sulfate 
de baryte fortement poussé au feu, ne contient point 
d’eau ; ce qui est invraisemblable. Pour parvenir à une 
plus grande précision , il faudra avoir recours à d’autres 
méthodes, telles que la combustion; mais Lavoisier, 
qui a déterminé rigoureusement la proportion d’oxigène 
quise combine avec le phosphore dans sa combustion, 
n’a pu réussir avec le soufre. Mon résultat ne s'éloigne 
presque de celui du célèbre Klaproth que par la diffé- 
rence que nous mettons dans les parties constituantes du 
sulfate de baryte ; 151.5 parties de soufre changées en 
acide sulfurique lui ont donné 1082 desulfate de baryte, 
et en admettant 0.26 d’acide sulfurique, 100 parties de 
soufre se seroient combinées avec 86.14 d’oxigène, 


SURYLES LOIS DE L'AFFINITÉ. 281 

‘100 parties de potasse , préparée comme je l’ai dit, 
$ XIII, ont été neutralisées par 158.815 d’acide sulfu- 
rique à 141.70 de pesanteur spécifique , d’où il résulte 
que 100 parties de potasse se combinent avec 49.33 d’a- 
cide réel pour parvenir à l’état neutre. 

Si l’on fait une proportion dont le premier terme 

soit la quantité d’acide muriatique qui neutralise 100 
parties de baryte, le second la quantité d’acide sulfu- 
rique qui produitle même effet, le troisième celle d'acide 
muriatique qui neutralise 100 parties de potasse , le 
quatrième terme donne 49.41 pour la quantité d’acide 
qui neutralise la même quantité de potasse , au lieu de 
49-33 qu’indique la combinaison directe. 
* En comparant la quantité d’acide sulfurique qui neu- 
tralise la baryte et la potasse, soit d’après le calcul, soit 
d’après l’expérience , avec la quantité d’acide muriatique 
qui saturé la baryte, pour connoître celle qui est néces- 
saire pour la potasse , on trouve la quantité d'acide mu: 
riatique qui a été déterminée directement par l’expé: 
rience à quelques millièmes près. 

Ces épreuves faites avec des acides aussi différens que 
V’acide carbonique, l’acide muriatique et lacide sulfu: 
rique, vérifient la constance des rapports de puissance 
entre les différens acides et les différens alcalis : elles 
prouvent que l’on peut avec sûreté déterminer les pro- 
portions d’acides différens qui peuvent se combiner avec 
les bases alcalines, dès que l’on a établi les rapports qui 
existent entre un acide et les différens alcalis, et pourvu 
que l’on connoisse les proportions d’une seule combi- 

1806. Premier semestre. 36 


282 SUR'LES LOIS DE L’'AFFINITÉ. 


naison neutre de l’acide que lon examine, avec une 
des bases alcalines; elles font voir enfin que les expé- 
riences que j'ai rapportées ont assez de précision pour 
qu’on puisse les employer avec confiance, à part les 
exceptions que j'ai indiquées. 

En appliquant donc ma méthode aux combinaisons 
de l’acide sulfurique, on trouve qu’il faut d’acide sul- 
rique pour 100 parties 


Detsonde Asia NA LE ur AE EE 72.32 
Delchaux eue et. letsrlal ete lee te 0109.20 
De magnésie , 41.00. US 0. 1137.28 


La détermination que je donne pour le sulfate de 
chaux paroît un peu contraire à celle que M. Bucholz 
vient de faire avec beaucoup de soin (1), et de laquelle 
il résulte que 100 parties de sulfate de chaux en con- 
tiennent 33 de chaux, 43 d’acide sulfurique, et 24 
d’eau de cristallisation, de sorte que 100 parties de 
chaux en exigeroient 130 d’acide sulfurique ; mais cette 
différence dépend des proportions qu’il admet dans le 
sulfate de baryte, qu’il regarde comme composé de 67.5 
de baryte , et de 32.5 d’acide subprique 

Il faudroit seulement supposer qu’au lieu de 3. par- 
ties d’eau que , selon M. Bucholz, 100 parties de sul- 
fate de chaux retiennent, lorsqu’on le calcine dans un 
vase d’argent , elles en retiendroient 8 à 9 : ce qui n’est 
pas contraire à la vraisemblance. D'ailleurs , j’ai averti 


(G) Neues allgemeines Journ. der chem, 5 band, 2 heft. 


/ 


SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ. 283 


qu’il y avoit quelques incertitudes dans mes détermina- 
tions qui sont relatives à la chaux. 


$ XVI. Des quantités d'acide réel contenu dans 
l'acide ritrique ef dans Les nitrates. 


LA détermination des quantités d’acide nitrique réel 
présente beaucoup de difficultés par la facile décompo- 
sition des nitrates que l’on emploie, et dont on ne 
peut, à cause de cela, distinguer l’eau étrangère à 
l’acide. 

Je me suis servi de la potasse dont j’ai saturé 100 
parties avec un acide nitrique d’une pesanteur spéci- 
fique de 129.78 : et comme le nitrate de potasse s’éva- 
pore en partie avec l’eau, ainsi que M. Lavoisier l’a 
constaté , j’ai distillé la liqueur , et j’ai éprouvé le li- 
quide qui a passé , avec le nitro-muriate de platine; car 
l’on sait que les sels à base de potasse y produisent un 
précipité; or je n’ai point eu de précipité : le sel séparé 
de la cornue, et parfaitement neutre, a été séché au 
degré de l’ébullition de l'eau ; mais, après cela > il avoit 
subi un commencement de décomposition , et il donnoit 
des indices d’alcalinité : il pesoit 168.50 ; mais je porte 
le nombre à 170 pour compenser la décomposition qui 
avoit commencé (1). 

D’après cette évaluation qui a, comme l’on voit, 


(G) Une expérience dans laquelle j'ai évité la décomposition du nitrate, 
ma donné 170.31, différence trop petite pour m’engager à changer mes 
résultats. F 


284 SUR LES LOIS DE L'AFFINITÉ. 


quelqu’incertitude , mon acide contenoit sur 100 parties 
32.41 d’acide réel. 

M. Davy qui a fait des expériences très-ingénieuses 
et très-intéressantes sur la‘ composition de l’acide ni- 
trique, des gaz auxquels il donne naissance et des ni- 
trates , a employé une méthode indirecte et trop com- 
pliquée pour déterminer les quantités d’acide réel dans 
les nitrates et dans l’acide nitrique, pour lequel il a formé 
une table selon les pesanteurs spécifiques(r),etses évalua- 
tions se trouvent très-éloignées de celles que je présente. 

Mon acide ramené à la pesanteur spécifique la plus 
voisine de sa table, c’est-à-dire 129.78, contiendroit , 
d’après mes données, 33 d’acide réel sur 100, et selon 
sa table il en contiendroit 53.97. 

Selon cette table l’acide nitrique qui a une pesanteur 
spécifique de 150.40 , ne contiendroit que 8.45 d’eau 
sur 100 : ce qui est hors de toute probabilité. 

Mes résultats se rapprochent beaucoup plus de ceux de 
M. Kirwan : mon acide ramené à la pesanteur spécifique 
la plus voisine de sa table contiendroit 32.62 d’acide 
réel sur 100, et selon sa table il en contiendroit 36.77. 

Mes résultats appliqués aux autres nitrates donnent 
pour 100 parties 


Deteoude se 10 ele (ie BALE CNRS A5 à 10244 
Dechaux 0. 5 latte, » fo loue te 1194179 
De magnesie MSus JR TE MeCr0702 
DNA More MR RONerE Let e eCHeNAUT 


QG) Researches chemical, etc. 


SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ: 285 


- nr: SONO f S L 4 br: } 5 
$ XVII. De l'action réciproque des parties intégrantes 
des combinaisons. | 


nJ’aAr cherché à déterminer les effets qui dépendent 
de la combinaison ou de l’affinité de composition ; dé 
ceux qui proviennent de l’action réciproque des’ mo- 
lécules intégrantes d’une conibinaison ; et de l’action 
du dissolvant qui tend à les tenir dans létat liquide, 
et jai fait voir que l’on avoit confondu ces effets. 

Les capacités de saturation, déterminées par les quan- 
tités qui produisent l’état neatre, assignent aux acides et 
aux alcalis un ordre de puissance très-différent de celui 
qui leur a été attribué par une suite de cétte confusion, 
et en prenant pour base les phénomènes de la préci- 
pitation.ÿ mais quelques propriétés peuvent paroître dif: 
ficiles à concilier avec mon opinion. 

On pourroit m’objecter, par exemple, que si l’affinité 
de la magnésie est beaucoup plus grande pour l’acide 
carbonique que celle de la baryte , comme il résulte. de 
mes principes, la magnésie devroit retenir l’acide car- 
bonique avec plus de force que la baryte contre Paction 
expansive de la chaleur , et cependant c’est le contraire 
que l’on observe : on parvient assez facilement à chasser 
tout Pacide carbonique du carbonâte de magnésie ; 
mais ; au plus grand degré de chaleur, on ne peut dé- 
composer le carbonate natnrel de baryte ou la vi- 
thérite.. 

Si cés effets dépéndoient de la puissance de la com- 
binaison , on devroit trouver beaucoup de ressemblance, 


286 SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ. 


à cet égard , entre le carbonate de chaux et le carbo- 
nate de magnésie ; car ces deux substances diffèrent très- 
peu par la capacité de saturation , et cependant il est 
beaucoup plus facile de chasser l’acide carbonique de 
la magnésie que de la chaux : on devroit également 
trouver une ressemblance entre la potasse et la baryte 
qui diffèrent peu par leur capacité de saturation ; mais 
la potasse poussée au feu abandonne facilement son 
acide carbonique , pendant que la baryte le retient avec 
opiniâtreté, 

Il faut donc chercher quelqu’autre propriété de la- 
quelle celle-ci puisse dépendre , et il est facile de la 
trouver dans l’action réciproque des parties intégrantes 
des combinaisons, et dans l’action que l’eau exerce, 
soit sur ces parties, soit sur l’acide carbonique. 

En effet, Black, M. Kirwan, M. Pictet, ont éprouvé 
qu’en poussant le marbre au plus grand feu, on ne 
venoit pas à bout de le réduire entièrement en chaux. 

J’ai fait l’expérience au feu le plus vif d’une forge 
puissante, et il est resté une proportion considérable 
d’acide carbonique : j’ai humecté cette chaux impar- 
faite et je l’ai remise au feu; la calcination ou le dé- 
gagement de l’acide carbonique a fait beaucoup plus 
de progrès, quoiqu’au même degré de feu qui aupara- 
vant ne produisoit plus aucun effet : j’ai humecté une 
seconde fois, et la calcination a été presque complette. 

J'ai pensé, d’après cela , que la partie d’acide carbo- 
nique qui se volatilisoit du marbre ne le faisoit qu’au 
moyen de l’eau qui se dégage dans le commencement, 


SUR LES LOIS DE L'AFFINITÉ. 287 


J'ai donc soumis à l’action du feu 100 grammes de 
marbre blanc dans une cornue de verre qui, au moyen 
_d’un:bon lut, pouvoit soutenir un grand feu, et: j'ai 
fait passer le gaz acide carbonique par un long tube 
de verre terminé par un petit ballon, l’un et l’autre 
plongé dans un mélange réfrigérant : lorsque le gaz a 
cessé de se dégager, quoiqu’on augmentât la chaleur, 
on a enlevé la cornue et on a trouvé le tube et la petite 
boule non-seulement enduits d'humidité, maïs il y avoit 
dans la dernière un peu d’eau liquide; on ne pouvoit 
estimer à moins d’un gramme la quantité d’eau retenue 
par ce moyen. M. Kirwan n’en a point obtenu; M. Ca- 
vendish n’en avoit retiré qu’un grain de 3x1 grains de 
marbre ; pour Bergman, il en admettoit 0.11; mais seu- 
lement par induction. J’arimaginé en conséquence que 
la calcination du marbre devoit faire plus de progrès, 
sije le tenois exposé long-temps à une chaleur médiocre, 
que si je lui faisois subir dès le commencement un feu 
très-vif qui en chassât promptement l’eau, et l’expérience 

a confirmé ma conjecture. 

* Enfin ; on sait que le marbre, ainsi que la vithérite 
donnent facilement leur acide carbonique lorsqu’on les 
place dans un tube à travers lequel on fait passer de la 
vapeur d’eau. 

Le carbonate de magnésie retient par son affinité, 
comme le fait voir son analyse , beaucoup de cet inter- 
médiaire, dont le marbre n’a qu’une petite quantité et 
qui manque à la vithérite , et le carbonate de potasse est 
dans le même cas. Il paroït donc que la différence que 


288 SUR LES LOIS DE L'AFFINITÉ, 


les carbonates présentent lorsqu'on les soumet au feu, dé- 
pend de cette circonstance, et les expériencés que je 
viens de présenter, me font que confirmer l’opinionique 
M. Pictet a déja établie sur la formation de la chaux (1). 
J’ai présenté sur l’état des substances salines qui sont 
tenues en dissolution par un liquide, une opinion qui doit 
être modifiée: j’ai prétendu que pendant que l’état liquide 
existoit , il falloit considérer les élémens des sels comme 
s’ils étoient isolés, et comme s'ils exerçoient: tous éga- 
lement une action réciproque, et j’ai pensé qu’il ne se 
formoit des combinaisons séparées qu’au moment de la 
cristallisation ou de la précipitation. Cette opinion sort 
de mesure : il est certain que la potasse qui formeun 
sel neutre agit encore sur l’acide d’une autre combi- 
naison, dont la base exerce à son tour une action sur 
l’autre acide, mais plusieurs exemples font voir que 
l’état liquide ne détruit pas entièrement les combinai- 
sons qui prééxistoient; ainsi une dissolution métallique 
peut contenir l’oxide du même métal dans différens de- 
grés d’oxidation , ce qui ne seroit pas selon l’opinion que 
je dois modifier. Je vais citer un exemple qui m'a été 
fourni par M. Prieur. ‘ 
Si Pon fait à froid une dissolution de muriate d’am- 
moniaque et de sulfate de cuivre, la liqueur aune couleur 
bleue qui est la couleur propre au sulfate de cuivre; 
mais si l’on fait la dissolution à chaud, ou si l’on 
échauffe la précédente, on a une couleur verte qui est 


(1) Bibliothèque britannique, t: XIV, p. 235. 


SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ. 289 


la couleur propre au muriate de cuivre ; et par les chan- 
gemens de température l’on fait passewalternativement 
la liqueur du bleu au verd ou du verd au bleu. 

* Ce que les faits indiquent, c’est que dans une dis- 
solution de différentes combinaisons, il y a un tel 
‘équilibre entre les forces qui sont opposées, que c’est 
le degré de solubilité ou l’action du dissolvant qui déter- 
“mine les séparations qui se font, et les combinaisons qui 
cristallisent ou qui se précipitent : je crois en avoir 
donné des preuves convaincantes ; mais c’est à ce ré- 
-sultat de l’expérience qu’il faut borner mon opiñion sur 
état des combinaisons qui sont tenues en dissolution. 


- J'ARLILCR! i 


é. = Suite des observations sur l'acide muriatique 
‘ . * réel. 


- JE me suis servi, pour les déterminations précédentes, 
‘du gaz muriatique qui avoit été exposé à une tempé- 
rature de 12 degrés du thermomètre centigrade au dessous 
de la De et je le croyois assez dépouillé d’eau 
pour qu’on pt négliger, dans l’évaluation de l’acide réel, 
celle qu’il etre contenir encore. 

Cependant j’ai cherché à reconnoître la quantité d’eau 

CARRIER être contenue dans ce gaz: je mettois de 
Vintérèêt à cet objet , moins pour déterminer la quantité 
d'acide muriatique réel dans ses combinaisons , que 
pour jeter du jour sur HE mutuelle des substances 
gazeuses. 

Pour parvenir à ce but, j’ai neutralisé avec l’acide 
1806. Prernier semestre. 37 


290 SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ. 


muriatique 100 parties de potasse préparée par la dissolu- 
tion de lalcool, et tenue quelque temps en fusion dans 
un creuset de platine avant qu’on la dissolvit dans 
l’eau. 

J’ai pris beaucoup de soin pour m’assurer que je ne 
perdois rien de sensible dans l’évaporation et la dessic- 
cation : on a distillé jusqu’à la dessiccation ; le liquide 
qui a passé ne troubloit point la dissolution d'argent; 
après avoir coupé la cornue, on a recueilli le sel avec 
soin; on l’a placé dans un creuset de platine sur un 
bain dé sable ; on a pesé le creuset après cette dessic- 
cation , ensuite on l’a poussé à une forte chaleur après 
l’avoir placé dans un creuset rempli de sable, et on l’a 
pesé une seconde fois. | 

Ainsi, pendant la distillation , l’eau seule a passé dans 
le récipient : la première et la seconde pesée n’ont donné 
qu'une très - petite différence, ce qui indique qu’en 
poussant le sel à un très-grand feu, il n’y a eu que la 
perte qu’on doit attribuer à l’eau : en effet, l’intérieur 
du creuset et son couvercle n’annonçoient aucune subli- 
mation; le sel formoit un verre composé de molécules 
cristallines; dissous , il a donné les indices d’un état 
parfaitement neutre. 

Le sel, dans cet état, ne pesoit que 126.60 , d’où je 
dois conclure que le gaz, que j’avois cru ne contenir 
qu’une quantité d’eau qui pouvoit être négligée, en con- 
tenoit 34.90 sur 61.5, que l’on a vu (6 XIII), se com- 
biner avec 100 de potasse. Ce résultat m’ayant étonné, 
jai répété deux fois l'expérience avec les mêmes soins, 


SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ. 2g1 


et les poids que j’ai obtenus n’ont différé entr'eux que 
de quelques millièmes. 

J’ai craint que la potasse, quoique poussée à un grand 
feu, ne retint une quantité d’eau qui pouvoit m’en im- 
poser; pour éclaircir ce soupçon ; j’ai fait l'épreuve avec 
Veau de baryte, dont j’ai parlé : si la perte devoit être 
attribuée à la’ potasse , je devois trouver dans le muriate 
de baryte une proportion d’acide qui me l’indiqueroit; 
mais j'ai eu une proportion même un peu inférieure à 
celle que désignoit le muriate de potasse; car 100 par 
ties de baryte m’ont donné 117.{7 de.muriate de baryte 
fortement poussé au feu, et la proportion établie par le 
muriate de potasse auroit exigé 118.89. 

Je ne puis apercevoir aucune cause d’erreur, et jé 
suis forcé de conclure que le gaz muriatique , après avoir 
abandonné toute eau hygrométrique, contient plus de 
la moitié de son poids d’eau qui ne contribue point aux 
effets hygrométriques , en supposant que la portion qui 
doit se trouver dans le sel malgré la forte dessiccation 
à laquelle il a été soumis , compense celle que Palcali 
retenoit encore, après avoir été poussé au feu , suppo- 
sition qui laisse une incertitude inévitable. 

Cette eau qui se trouve en si grande proportion dans 
le gaz muriatique , que l’on doit supposer dans le plus 
grand degré de dessiccation hygrométrique , est difficile 
à concilier avec quelques opinions d’an célèbre physi- 
cien, M. Dalton, qui n’a pas distingué les effets hy- 
grométriques auxquels laffinité mutuelle des gaz ne 
concourt pas sensiblement, de ceux qui dépendent d’une 


292 SUR LES LOIS DE L’'AFFINITÉ. 


combinaison réelle ou de l’affinité chimique ; il a ap- 
pliqué les observations qu’il avoit faites sur l’état res; 
pectif des gaz à leur dissolution par les liquides, qu’il 
ne regarde que comme un effet mécanique (1); cepen- 
dant l’eau dissout un volume de gaz muriatique qui est 
un grand nombre de fois plus grand que le sien propre,et 
cet effet ne peut être dû à une cause mécanique : les gaz 
qui se dissolvent en moindre quantité diffèrent beau- 
coup entr’eux par la proportion qui s’unit au liquide, 
sans qu’on puisse y apercevoir aucune propriété méca- 
nique qui rende raison de cette différence, mais cet 
objet demanderoit une discussion particulière. 

M. Henry avoit déja remarqué que l’étincelle élec- 
trique pouvoit dégager une certaine quantité de gaz 
hydrogène du gaz muriatique fortement desséché (2), 
ce qu’il avoit très - bien attribué à l’eau qu’il tient en 
combinaison ; mais l’effet de l’électricité doit s’arrêter, 
lorsque l’action du gaz est devenue assez forte par la 
diminution d’eau qu’elle occasionne. 

T1 ne faudroit pas conclure de là que tous les gaz doi- 
vent contenir une grande proportion d’eau datente; cet 
effet doit dépendre de l’énergie de l’affinité qu’ils exer- 
cent sur elle : par exemple, le gaz ammoniac n’en doit 
pas contenir sensiblement une plus grande proportion 
que le gaz hydrogène et le gaz azote n’en contenoient 
séparément , puisque son poids correspond à celui de 


QG) Mem. of Munchester, 2 ser. vol. I. 
(2) Transactions philosophiques , 1800. 


EE ES 


SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ. 293 


ces déux gaz, et puisqu'on n’observe point d’eau lors- 
qu’on le décompose par lélectricité. Ce résultat est 
encore confirmé par les belles expériences de M. Biot, 
qui a trouvé dans ce gaz la réfraction qui doit résulter 
de celles des proportions d’hydrogène et d’azote , dont 
il est composé. Pareillement il ne suit pas des observa- 
tions précédentes que la pesanteur spécifique du gaz 
muriatique devroit s’accroître à mesure qu’on le prive- 
roit de son eau de combinaison : ilest très-probable que 
l’action mutuelle produit une condensation considé- 
rable dans le gaz muriatique et dans la vapeur d’eau, 
et si l’on trouvoit le moyen de séparer la dernière , le 
gaz muriatique pourroit avoir une pesanteur spécifique 
beaucoup plus petite que celle que nous lui connoissons 
dans son état ordinaire. 
+ On doit être frappé de la différence que mes expé- 
riences apportent dans les proportions que des chimistes 
très - recommandables ont attribuées à la combinaison 
neutre de l’acide muriatique avec la potasse : selon M. 
Kirwan , 100 parties de potasse se combinent avec 56.3 
d'acide muriatique réel; et M, Richter admet une pro- 
portion encore beaucoup plus grande d’acide : je dis avec 
quelque confiance que l’on ne pourra trouver que des 
‘quantités peu différentes des miennes, parce qu’elles 
sont chacune le résultat de plusieurs épreuves , pourvu 
que l’on combine directement l’acide avec la base alca- 
line préalablement privée d’eau autant qu’il est possible, 
pour.en reconnoîire le poids, et que l’on chasse par un 
haut degré de chaleur l’eau de la combinaison. 


294 SUR LES LOIS DE L'AFFINITÉ. 


Cette réduction de la quantité d’acide réel n’altèré 
point les résultats que j'ai établis sur les proportions 
correspondantes d’acide et d’alcali dans les différentes 
combinaisons, et je n’ai rien à changer à cet égard : 
il suffit de substituer une quantité d’acide réel qui soit 
à cellé du gaz muriatique dans le rapport de 26.60 à 
61.5. 

Un acide muriatique d’une pesanteur spécifique de 
1063, contient, selon la table de M. Kirwan, 8.25 
d’acide réel sur 100 parties en poids, et en le ramenant 
à la pesanteur spécifique de celui que j’ai employé ,il 
en contiendroit 8.04 ; mais il n’en contiendroit que 5.39 
en prenant pour base mes expériences sur le muriate de 
potasse , et il faut remarquer que c’est aussi par la quan- 
tité d’acide muriatique qui se combine à la potasse avec 
le moins d’eau , que M. Kirwan a cherché à déterminer 
les quantités d’acide réel qui accompagnent les diffé- 
rentes pesanteurs spécifiques. 


$ XIX. De l'acide phosphorique réel. 


Lrs combinaisons de l’acide phosphorique m’ont 
présenté des difficultés qui ne mont pas permis de dé- 
terminer leurs proportions avec beaucoup d’exactitude ; 
en attendant des expériences plus précises, je choisis, 
parmi celles que j’ai faites, celles qui me paroissent 
mériter le plus de confiance. 

Pour connoître le rapport qui existe entre l'acide 
phosphorique, réduit dans l’état vitreux , etce même 


SURLES LOIS DE L'AFFINITÉ. 295 
acide, dans une combinaison alcaline que l’on a poussée 
à grand feu, on a dissous dans une quantité d’eau , de 
lacide phosphorique qui avoit été réduit à l’état de verre 
irès-transparent dans un creuset de platine, et on à 
saturé avec cette liqueur acide 100 parties de potasse 
mise en dissolution : il a fallu une quantité correspon- 
dante à 85.51 de verre phosphorique , et la combinaison 
poussée à un grand feu avec les précautions requises , a 
donné 150.19 de phosphate de potasse. 
1 1 résulte de-là que le verre - phosphorique retient 
plus des trois huitièmes de son poids d’eau , outre celle 
qui est encore retenue indubitablement dans le phos- 
phate de potasse poussé à un grand feu, phénomène 
analogue à celui qu’a présenté le gaz muriatique. 

- Cependant on pourroit, en répétant Pexpérience , ne 
pas trouver un résultat parfaitement conforme; car je 
me suis assuré que le verre phosphorique, poussé long- 
temps au feu, finissoit par s’évaporer entièrement, en 
augmentant la chaleur, et il est vraisemblable que la 
proportion de l’eau qu’il retient va en diminuant jusqu’à 
son entière évaporation. 

J'ai aussi remarqué que sur la fin de l’évaporation 
de l’acide liquide, Peau entraînoit une portion de l'acide; 
car le couvercle du creuset de platine dans lequel on 
achevoit cette évaporation, retenoit une liqueur qui 
donnoit des indices d’acidité. 

Il résulte de la détermination précédente que la 
puissance de l’acide phosphorique seroit un peu infé- 
rieure à celle de l'acide sulfurique, ce qui est contraire 


296 SUR LÉS LOIS DE L’AFFINITÉ. 
à ce que j’avois présumé ( Essai de stat. chim., tome T, 
page 123). 

Le phosphate de baryte ne m’a pas donné une propor- 
tion d’acide qui répondit à celle qui étoit indiquée par le 
phosphate de potasse ; il n’a pris pour la neutralisation 
de 100 parties que 27.35, tandis qu’il auroit dû en 
prendre , selon la loi des proportions, au-delà de 35. 
Cette différence dépend de ce que le phosphate de baryte 
se précipite avec un excès de base, comme nous avons 
vu qu’il faisoit même dans le mélange de deux com- 
binaisons neutres ($ X});, et comme le font la chaux et 
la baryte avec l'acide carbonique ($ XIV). 

J’ai aussi cherché à déterminer la puissance compara- 
tive de l’acide fluorique qui paroît fort supérieure à celle 
des autres acides, d’après les proportions données par 
M. Richter; mais j’ai éprouvé des difficultés que je n’ai 
pas surmontées jusqu’à présent; par exemple, je n’ai 
pu dessécher, même au degré de l’ébullition de l’eau, 
le fluate de baryte, sans qu’il s’exhalât une portion de 
l’acide fluorique qui entraînoit avec lui de la baryte. 
Au reste, il est probable que le fluate de baryte n’in- 
diqueroit pas les proportions d’acide fluorique qui neu- 
tralisent les différentes bases alcalines , parce qu’il se 
précipite également avec un excès de base dans le mé- 
lange de deux combinaisons neutres. 


RE 


SUR LES! LOIS DE L'AFFINITÉ? 297 


HOY®: € 
Î : 


dnaosilndren rc HE Résultats. 


»L'aciDE carbonique peut, au moyen d’une compres- 
sion, neutraliser‘toutes les bases alcalines ; ainsi que:les 
autres-acides’; j'en ai déterminé les quantités nécessaires 
pour produire: cet effet: avec les: différens alcalis:« 
«11 forme avec les bases alcalines des combinaisons qui 
ctistallisent avec des proportions très-différentes ; et l’on 
ne peutdire: que cette espèce de combinaison n’a qu’un 
pese fixe)dans ses proportions. 4 srl 8 or 

hLamêmé variété-dans les proportions ss Idhwervo das 
sn sels acidules: et ;alcalinules (1), qui ont également 
toisiles caractères des combinaisons éiiquent 
sl La ‘puissince- relative des ‘alcalis est représentée ‘par 
larquantitéi-d’unpmême acide que chacun’ des alcalis 
exige; pourisa neutralisation : de même; la puissance 
relative des: acides-est représentée parla quantité d’un 
même ‘alcali quiest nécessaire à chaque abide pour pan 
venir à l’état: nentre: 100% 010 Hyoineete bas tb 

Les rapports de puissance sont les mêmes entre tous 
lés alcalisiet tous des acides ; ainsi, dès que l’on connoît 
les proportions des-différentes bases alcalines qui ré- 
duïsent un acide,à W’état neutre, eticelles de la combi- 
naisoïi de l’uné de ces bases: avec tout autre acide, on 


0). “ me. | paroît. SN RE d'adopter, av avec M. Chevrevi in et M. re : 
la désigration de ces sels par les” prépositions sur et 5045, conime l’a proposé 


M: Péarson:;: dans ‘sastraduction de la Nomenclature chimique. 
1806, Premicr semestre, 38 


298 SUR LES LOIS DE L'AFFINITÉ: 


peut conclure quelles doivent être les proportions des 
autres alcalis qui sont nécessaires pour neutraliser ce 
dernier acide. 

J’ai tâché de réaliser, par mes propres expériences, 
ce principe que j’avois établi (Essai de stat. chim.)), et 
dont je n’avois fait des applications que :sur des expé- 
riences qui n’avoient pas été dirigées vers ce but. 

Ilrésulte de mes observations que la puissance alcaline 
de l’ammoniaque , de la magnésie, de la chaux, de la 
soude, de la potasse et de la baryte, sontà peu près 
comme les nombres suivans, 213,) 174, 136, 90, 62, 
44. Cependant le nombre qui représente la force de 
lammoniaque est sujet à une incertitudé que l’on peut 
évaluer à un dixième, ce qui m’en a fait négliger les 
applications ; celui qui représente la force alcaline dé la 
chaux a aussi une incertitude, mais:qui est beaucoup 
plus petite : je regardé les autres comme des approxi- 
mations qu’il est difficile de rendre plus rigoureusés, 
puisque le calcul fondé sur ces nombres et l’expérience 
directe conduisent presque exactement aux mêmes rés 
sultats. 104 E 

L’acide muriatique, le sulfurique, le nitrique, le 
carbonique, ont une puissance qui est à peu près en ordre 
inverse des nombres suivans, 35, 44, 50, 95. L’acide 
phosphorique paroît différer peu à cet égard de l’acide 
sulfurique. 

Mais tous ces acides sont supposés privés d’eau et 
tels que se trouvent, l’acide sulfurique dans le sulfate 
de baryte fortement poussé au feu , l’acide muriatique 


SUB LES LOIS DE L'AFFINITÉ: 299 


dans le muriate de ‘potasse également poussé au feu, 
acide nitrique tel qu’il est dans un nitrate qui com- 
mence à se décomposer, l’acide carbonique tel qu’il est 
dégagé d’une combinaison ; par l’acide sulfurique. : 
“J'ai comparé mes!expériences avec les tables d’acidé 
réel données par M. Kirwan et par M. Davy, et j'ai 
indiqué les différences qui en résultent pour la déter- 
mination de l’acide réel contenu dans l’acide ra i 
acide muriatiqué et l’acide nitrique: HLOETE 
"J'ai fait voir! que le gaz muriatique', qui doit êtré 
ie de l’eau qui produit les effets hygrométriques, 
par un refroidissement de 12 degrés du thermomètre 
centigrade, contient encore plus de la moitié de son 
poids d’eau ; mais cet effet dépend de l’énergie de l’afs 
finité qu’il exercé sur l’eau; et il doit varier-dans les 
différens gaz en raison de cette force. ) 

L’acide sulfurique contient aussi une grande propor- 
tion d’eau, quele passage à l’état gazeux ne peut en 
séparer malgré la différence de volatilité; et quoique 
cet acide très-concentré ait une grande proportion d’eau, 
il exerce une grande force hygrométrique sur l’atmos- 
phère : ce n’est que lorsque l’eau devient très-surabon- 
dante que la chaleur peut en volatiliser sans qu’elle en- 
traîne de l’acide. 

L’acide phosphorique réduit dans l’état vitreux con- 
tient plus des trois cinquièmes de son poids d’eau: 
une forte chaleur ne peut dégager une partie de cette 
eau, sans que l’action qu’elle exerce sur l’acide n’en 
produise un partage et n’en fasse exhaler avec elle 3 


300 SUR LES LOIS DE LAFFINITÉ. 


lorsque ce partage est parvenu à un certain point ; Peau 
détermine l’acide ‘phosphorique à à se volatiliser entière- 
ment avec elle. 9 

L'eau qui estmanifestement retenue; dans les circons- 
tances précédentes, par la force qui produit les combi- 
naisons chimiques , l’affinité, ne peut être séparée qu’au 
moyen d’une autre affinité telle que celle d’un alcali 
pour l'acide; mais, sans doute, une partie est encore 
retenue par la combinaison saliné, en laissant une incer- 
titude sur les derniers résultats chimiques; et elle ne 
doit pas être oubliée dans les circonstances où elle peut 
subir des décompositions, et donner naissance à des 
phénomènes qui peuvent s'expliquer tarnrellepent par 
cette décomposition. 1 

Ainsi, les effets de laffinité et ceux qui Héperidèsi 
des propriétés physiques doivent être distingués et 
balancés dans l'explication des phénomènes qui sont pro- 
duits par l’action réciproque des différentes substances. 


SUR. LES AFFINITÉS DES CORPS POUR: LA LUMIÈRE. 30 


à 
€ : T 


MÉMOIRE 
; D ) | Ï 
Sur les affinités des corps ‘pour la lumière, et 
particulièrement sur les forces réfringentes des dif- 


- férens gaz, 
Par MM. Bror et Ar4Go. 


Lu le 24 mars 1806. 


Lzs propriétés des fluides aériformes ont une grande 
influence sur la plupart des phénomènes physiques et 
chimiques ; il est donc très-important de les bien con- 
noître. En-effet, si on les considère physiquement, ce 
sont des substances gazeuses qui forment l’atmosphère, 
qui, en infléchissant la lumière, produisent les réfrac- 
tions astronomiques et terrestres, et qui, par leur mé- 
lange avec les vapeurs aqueuses; occasionnent tous les 
phénomènes de la météorologie. Sous le rapport chi- 
mique les fluides aériformes , en se combinant les uns 
avec les autres, donnent naïssance à tous les liquides, 
à des corps solides même , et l’amalogie conduit à penser 
que tous ceux qui existent aujourd’hui tels dans la 
nature, ont pu être primitivement dans l’état de vapeurs. 
Cette grande influence des substances gazeuses est même 
une conséquence nécessaire de leur constitution : car les 
particules qui les composent étant séparées par le ca- 
lorique; et maintenues à des distances où leurlattraction 


3o2 SUR LES AFFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE , 


mutuelle n’a plus d’effet sensible, sont dans la dis- 
position la plus favorable pour former de nouvelles com- 
binaisons ; aussi, par une suite de cette variété d’effets, 
les recherches que l’on peut faire sur les propriétés des 
gaz sont liées à presque toutes les branches des sciences 
naturelles. Celles que nous soumettons aujourd’hui à la 
classe, ont pour objet l’action que ces substances exer- 
centsur la lumière; elles intéressent à la fois la physique, 
la chimie et l’astronomie : c’est sous ce triple point de 
vue que nous allons les considérer. 

Lorsqu'un rayon lumineux traverse successivement 
plusieurs corps transparens, il éprouve, en entrant dans 
chacun d’eux, une déviation qui le détourne de sa routé 
directe. Ce phénomène que l’on nomme réfraction varie 
d'intensité relativement aux différens corps. Newton 
a prouvé qu’il résulte d’une attraction que les corps 
exercent sur les molécules de la lumière, attraction 
seulement sensible à de très - petites distances, et, en 
cela ,. tout-à- fait analogue aux affinités chimiques. 
Lesfluides aériformes jouissent de cette forceréfringentes 
comme tous les autres corps, mais elle y est moins sen- 
sible à cause de leur peu de densité ; cependant c’est 
elle, comme nous l’avons dit, qui infléchit la lumière 
dans l’atmosphère ; aussi le pouvoir réfractif de l’air est- 
il un des élémens les plus délicats de la théorie des ré- 
fractions, Mais comme il étoit extrêmement difficile de 
le mesurer exactement par des expériences directes, les 
géomètres et les astronomes ont mieux aimé le déduire 
d’un grand nombre d’observations faites sur les hauteurs 


ET SUR: LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF, GAZ. 308 


apparentes des astres comparées à leurs positions réelles, 
Cependant, Hauksbée , d’après l’invitation de Newton, 
a fait en Angleterre quelques expériences sur ce sujet, en 
regardant un objet éloigné à traversun prisme quiétoitsuc- 
cessivement vide et rempli d’air, et mesurant l’écart de ses 
positions apparentes dans les deux circonstances. On sent, 
en effet, que cet écart fait connoître la déviation éprouvée 
par le rayon lumineux. Mais le prisme employé par 
Hauksbée n’ayant qu’un très-petit angle réfringent ne 
produisoit qu’une réfraction pareillement très-petite ; et 
comme d’ailleurs les différences de hauteur de Pobjet 
ne pouvoient pas être appréciées avec la dernière exac- 
titude, il est clair aussi que la force réfringente ne pou- 
voit pas être déterminée par ce moyen avec une précision 
assez grande pour pouvoir être employée dans les ob- 
servations astronomiques : d’ailleurs on n’y avoit pas fait 
entrer les corrections du baromètre et du thermomètre 
qui, à cette époque , n’étoient pas employées ; ainsi ces 
expériences prouvoient seulement que l’air a une force 
réfringente, et qu’elle est à peu près proportionnelle à'sa 
densité. Cependant l’intérêt de la physique et de las- 
tronomie exigeoit que l’on cherchât à obtenir cet. élé- 
ment délicat par des expériences directes, faites avec tout 
le soin et toute l’exactitude que comportent les méthodes 
actuelles d’observation. Borda ; qui avoit lui-même con 
tribué puissamment à la perfection de ces méthodes 
en donnant aux astronomes le cercle répétiteur, s’étoit 
également proposé d’en faire cette utile application; 
il avoit même consacré près d’une: année à ce travail 


30/4 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE y 


important ; mais la mort l’a enlevé avant qu’il Peût fini, 
et l’on n’a pas même pu retrouver un seul de ses ré- 
sultats. Cette perte affligeante pour les sciences le de- 
vient encore davantage quand on se rappelle combien 
Borda mettoit d’exactitude dans ses recherches, et à quel 
degré: éminent il possédoit cette heureuse alliance de 
l'observation et du calcul qui est si nécessaire dans les 
déterminations exactes de la physique. C’est ce travail 
que la classe, sur la proposition de M. Laplace, m’a 
chargé de reprendre en l’étendant à tous les fluides aéri- 
formes ; et j’ai senti en m’en chargeant que j’aurois dou- 
blement à faire pour répondre à sa confiance, et rem- 
placer dignement les résultats qu’elle regrettoit; mais 
comme les:expériences qu’il falloit faire étoient très- 
délicates, ‘très - pénibles; et extrêmement multipliées, 
j'ai engagé M. Arago, secrétaire du bureau des lon- 
gitudes, à s’en occuper avec moi. Nous avons fait en- 
semble toutes les expériences, tous les calculs dont je 
vais entretenir la classe, et par conséquent les résultats 
qui s’en déduisent doivent être considérés comme nous 
étant communs à tous deux. Nous devons dire aussi la 
part qu'ont prise à ces résultats deux personnes dont la 
participation nous: est trop honorable pour ne pas nous 
en prévaloir ; ce sont les auteurs de la: Starique chimique 
et de la Mécanique céleste. Le sujet de toutes nos: re- 
cherches étoit indiqué dans leurs ouvrages; leur conver- 
sation et leurs conseils nous ont fourni les moyens de 
les suivre et de les terminer. 


Dans les notes: qui accompagnent ce mémoire, mous 


ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF, GAZ. 304 


détaillons les procédés dont nous: nous sommes servis 
Pour faire nos expériences, nous en discutons les di- 
verses circonstances, nous apprécions le degré de leur + 
exactitude, et nous ne nous arrêtons dans cet examen | 
que lorsque les erreurs possibles sont certainement au- 
dessous de toutes lés quantités appréciables dans les 
observations ; ici nous nous bornerons à dire que nous 
avons employé le même prisme dont s’étoit servi Borda; 
et c’est tout ce qui:soit resté deses procédés , car on ne 
sait même pas:comment il en faisoit usage. Ce prisme 
(g.. 1) est formé par un! tube de verre très-fort ; dont les 
extrémités taillées en biseau, très-obliquement sur son 
axe, sont bouchées par deux plans de glaces à faces pa- 
rallèles. Son angle réfringent est de 143°:7':28" sexa- 
gésimales ; nous l’avoris mesuré par dla réflexion de 1x 
lumière, en observant au :cercle répétiteur les angles 
formés par les rayons directs et réfléchis venus d’un 
même objet très-éloigné.:Ce moyen beaucoup plus exact 
que tous les procédés mécaniques, nous a été suggéré 
par M:: Laplace, et nous pouvons ainsi répondre de 
Vangle réfringent à quelques secondes près (1). Notre 
prisme, fermé hermétiquement de toutes parts, conserve 
parfaitement et indéfiniment le vide; il est surmonté 
par un baromètre qui communique avec son intérieur, 
et qui indique la tension de l'air ou dés gaz qu’on y 
introduit. Les glacés qui forment ses faces , étant tra- 
väillées avec un soin extrême ; ont leurs plans à fort peu 


(1) Voyez la note I > à la fin dé ce mémoire, $ 
1806 Premier semestre. 39 


306 SUR LES AFFINITÉS DES EORPS POUR LA LUMIÈRE , 


près parallèles. Cependant les observations nous ÿ ont 
fait découvrir une très-petite inclinaison, qui produit, en 
général, sur le rayon lumineux, une déviation de 166. 
Nous disons ; en général, parce que nous y avons trouvé 
de:légères variations occasionnées peut-être par les pe- 
tites coùches de vapeur ou de liquides qui s’attachoient 
à la surface du verre , ou enfin par d’autres causes qu’il 
ne nous a pas été possible d'apprécier. Cette quantité, 
que l’on a toujours eu soin de mesurer dans chaque expé- 
rience, est. extrêmement petite; comparativement à la 
déviation totale qui, dans le vide, est de plus'de 6’,et le 
calcul prouve qu’elle ne fait que s’ajouter constamment 
aux angles observés. Pour la mesure de ces angles nous 
avons fait usage d’un des cercles répétiteurs de l’Obser+ 
vatoire, Le prisme placé devant la lunette supérieure du 
cercle, et tournant horizontalement sur lui-même ; pré- 
sentoit successivement le rayon lumineux dévié des deux 
côtés opposés de la mire, sur laquelle la lunette inférieure 
du cercle étoit constamment dirigée à travers l’air ( fx 
et 2). Cette disposition très-simple et dont nous nous 
sommes démontré l’exactitude, comme on le verra dans 
les notes qui accompagnent ce mémoire, permettoit de 
multiplier indéfiniment l’angle du rayon lumineux avec 
V’axe de la lunette , et de prendre ainsi cet angle en peu de 
temps un grand nombre de fois. Nous avions choisi pour 
mire l’un des paratonnerres de l'Observatoire, et nous 
étions nous-mêmes placés dans une salle du palais du 
sénat, à 1400 mètres de distance. A-cetéloignement, la dé- 
viation du rayon lumineux dans le vide étoit si forte, que 


Sd à 


ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF.IGAZ. 307 
le rayon passoit d’une extrémité à l’autre du fronton de 
l'Observatoire. Nous avons tenu un compte très-exact des 
variations du baromètre, du thermomètre et de Phygro- 


mètre pendant les observations ; et cela étoit indispensa- 
ble , à cause de la grande influence de l’état de l'air dans, 
tous les résultats. Enfin, nous avons calculé la routé du 


rayon lumineux à travers le prisme en ayant égard à la 
diverse nature, ainsi qu’à la force élastique des gaz qui 
agissoient sur lui, et même au défaut de parallélisme des 
glaces. Nous avons développé ces formules jusqu'aux 
secondes puissances des réfractions, qui vu l’extrème 
délicatesse de nos procédés avoient encore un influence 
très-petite , mais cependant appréciable (1). Au reste, 
on sent qu'il étoit de la plus grande importance pour 
nous d’avoir des instrumens parfaits, et dont la marche 
fût rigoureusement comparable; à cet égard, ceux que 
nous a faits M. Fortin n’ont rien laissé à désirer. Nous 
devons dire que sans le secours de cet excellent artiste, 
sans les soins multipliés qu’il a pris 28 nous aider à 
atteindre la dernière exactitude, nous w’aurions jamais 
pu terminer ces expériences : mais aussi avec la réunion 
de tous ces moyens, nous croyons pouvoir nous flatter 
d’avoir atteint un degré d’exactitude égal à celui des 
observations astronomiques ; ce qui, dans l’état actuel 
des sciences, est tout ce que l’on peut exiger. 

» La première propriété des gaz, dont les physiciens 
se soient occupés, c’ést leur pesanteur spécifique. Ces 
in + ln A her à dog Med dt à hu 


() Voyez «la note Il, à la fin de ce mémoire. 


308 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE ; 


pesanteurs ont eté déterminées avec soin par MM. La- 
voisier, Berthollet , Fourcroy, Davy et Kirwan ; sous ce 
rapport, notre re n’ajoutera rien aux rébaltats connus, 
. mais il leur donnera peut-être un nouveau degré de pré- 
. cision et de certitude. Nous avons pesé tous nos gaz 
avec une balance très-exacte, dans un ballon où l’on 
avoit épuisé l’air au moyen d’une excellente machine 
pneumatique. Nous avons toujours tenu compte du 
baromètre, du thermomètre et même de l’hygromètre; 
car la vapeur d’eau étant moins pesante que l’air dans 
le rapport de 10 à 14, lorsque leurs forces élastiques 
sont égales, l’air saturé d'humidité pèse moins que Pair 
sec, ce qui influe sur les poids du ballon observés dans 
Vair, et par conséquent aussi sur la pesanteur spécifique 
dé l'air et des gaz. La quantité de vapeur d’eau qui existe 
dans l'air lorsqu’il est saturé, est donné par une formule 
qui se trouve dans la Mécaique céleste, et que M. 
Laplace a déduite des expériences de Saussure et de 
Dalton. Il est vrai que l’air n’est pas toujours saturé 
d'humidité, mais l’hygromètre indique son degré de satu- 
ration ; et comme, à la température où nos pesées sont 
faites , il existe des expériences de Saussure qui déter- 
minent à fort peu près les rapports des quantités d’eau 
vaporisées pour chaque degré de l’hygromètre, il nous 
a été facile, en combinant ces résultats , d’en déduire une 
formule qui donne les poids absolus des gaz tels qu’on 
les auroit observés dans le vide, à la température de la 
glace fondante, et sous la pression constante de 0"76. 
Il est nécessaire de faire entrer dans cette formule une 


ts RÉ és de 


Ge ge 


ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF, GAZ. 309 


petite correction dépendante de la dilatation du verre 
qui a ici une influence sensible, lorsqu’on pèse à une 
température un peu éloignée de celle à laquelle on ra- 
mène tous les résultats. Pour faire cette correction > nous 
avons employé la dilatation du verre égaleà 0.0000262716 
de son volume, pour chaque degré du thermomètre centi-” 
grade. C’est le résultat trouvé par MM. Lavoisier et 
Laplace, dans un travail sur la dilatation des corps so- 
lides qui malheureusement n’a pas été publié. Enfin, 
nous avons toujours eu l’attention de peser successive- 
ment le ballon plein et vide d'air, en laissant entre les 
deux opérations le moins d’intervalle possible, afin que la 
petite couche de vapeur aqueuse qui s’attache à la sur- 
face du verre restât la même dans ces deux circons- 
tances; car ses variations pourroient produire un effet 
irès-sensible sur les résultats. Mais aussi, en employant 
toutes ces précautions, on trouve un grand accord entre 
les expériences, et les résultats obtenus à différens jours, 
et dans des états très-différens de l’air > S’écartent à peine 
lesuns des autres de quelques milligrammes lorsqu’ils sont 
ramenés à la même température et à la même pression. 
Nous avons ainsi obtenu avec beaucoup d’exactitude le 
poids des gaz et celui de l’air atmosphérique (1). 
Nous avons aussi pesé le mercure avec les mêmes 
précautions pour comparer son poids à celui de l'air; 
car, de ce rapport dépendent plusieurs résultats très- 
utiles, par exemple, la hauteur de Patmosphère sup- 
Tr mnt pe ut nn ue 


 @) Voyez le tableau de: ces résultats dans la note IIL, 


310 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE, 


posée homogène qui est un des élémens des réfractions 
astronomiques, et le coefficient de la formule qui sert 
à mesurer la hauteur des montagnes par les observations 
du baromètre ; mais cette détermination exacte du poids 
du mercure étoit difficile, parce que les plus légères 
erreurs dans l’estimation de son volume devoient avoir 
une influence très-considérable. Après quelques essais, 
nous nous sommes décidés à employer un petit matras 
de verre ( fig. 3) dont le col étoit fort étroit , et dont 
J'orifice étoit usé à l’émeri. Nous l’avons rempli de 
mercure distillé qui nous avoit été donné par M. Ber- 
thollet , et que nous avons versé par de petits entonnoirs 
filés à la lampe, afin d’exclure plus exactement Vair 
intérieur en le déplaçant lentement ; nous avons ensuite 
chauffé le matras au bain de sable, et le mercure a été 
tenu pendant long - temps à l’état d’ébullition, pour 
chasser tout l’air qu’il pouvoit contenir, et sur-tout pour 
enlever la petite couche de vapeur aqueuse, toujours 
adhérente à la surface du verre. Après cette opération, 
et lorsque le mercure conservoit encore une température 
très-élevée , nous l’avons mis sous le récipient de la 
machine pneumatique afin d’enlever les dernières par- 
ticules d’air qui pouvoient ne s’être pas échappées , mais 
on n’en a remarqué aucune trace. On a ensuite laissé 
le matras reprendre, pendant un jour entier, la tem- 
pérature extérieure en le remplissant peu à peu aveé 
les mêmes précautions à mesure que le mercure se 
condensoit; enfin, lorsque des thermoniètres très- 
exacts, en contact avec la surface du matras, ont 


ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF. GAZ, 911 
prouvé que cette condition étoit remplie, on a passé 
sur l’orifice une glace dépolie pour exclure tout le mer- 
cure qui excédoit le volume intérieur ; et on a pesé ce 
volume très-exactement. Nous avons aussi pesé le matras 
rempli d’eau pure avec les mêmes précautions, après 
avoir laissé cette eau dans le vide pendant vingt-quatre 
heures pour exclure tout l'air qu’elle pouvoit contenir. 
. D’après son poids, comparé à celui de l’eau contenue 
à la même température dans le grand ballon où nous 
avions pesé lair, nous avons connu le rapport de capa- 
cité des deux ballons, et par conséquent le poids du 
volume d’air déplacé par le plus petit, quantité qu’il a 
fallu ajouter aux poids 6bservés du mercure. Nous avons 
répété plusieurs fois ces diverses expériences , afin d’être 
assurés de leur exactitude. Avec ces données, en 
employant les observations du baromètre, du thermo- 
mètre et de l’hygromètre , ainsi que la dilatation du 
verre , telle que nous l’avons rapportée ; et les dilatations 
de l’air et du mercure, telles qu’elles sont données par 
des expériences exactes, nous avons calculé le rapport des 
poids du mercure et de l’air pour la température de la 
glace fondante , et la pressive 0"76. Ce rapport est 10463, 
relativement à l’air parfaitement sec, et pour la latitude 
de Paris. D’après les formules que M. Laplace a données 
dans la Mécan. cél, on peut en déduire le coefficient ba- 
rométrique , et en le rapportant au 45° degré de latitude, 
on le trouve égal à 18316"6 pour l’air sec, et à 18351"8 
pour lair saturé d’eau, de sorte que la moyenne qui 
convient le mieux aux observations barométriques est 


312 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE, 


183342 (1). Ce coefficient peut se conclure aussi , d’une 
manière indirecte, par des observations du baromètre 
faites sur les montagnes, et comparées à des mesures 
trigonométriques. Plusieurs physiciens ont tenté de l’ob- 
tenir par cette méthode, etsa recherche a été long-temps 
l’objet des voyages de MM. Deluc et Saussure dans les 
Alpes. En combinantleursrésultats avec des observations 
exactes et multipliées faites dans les Pyrénées par lui- 
même, M. Ramond a porté le coefficient à 18336 mètres, 
au lieu de 18334 que nous donne l’expérience immédiate, 
et il a fait voir aussi qu’en l’appliquant à la formule de 
M. Laplace, elle donne les hauteurs des montagnes 
plus exactement que toute autre, et d’une manière ex- 
trêmement approchée ,.en sorte que l’on peut regarderce 
nombre comme le résultat définitif des observations du ba- 
romètre. Nos expériences ne feront que le confirmer, sans 
y apporter aucun changement ; car la petite différence 
qui existe entre le coefficient de M. Ramond et le nôtre 
ne produiroit pas la valeur d’un mètre sur la hauteur 
du Chimboraço. Et si cet accord est une preuve sensible 
de l’exactitude de l’observateur et de la juste critique 
qu’il a mise à balancer des résultats toujours influencés 
par les modifications variables de l'atmosphère, il montré” 
bien aussi l’exactitude des formules de réduction dont 
nous avons fait usage, et la nécessité d’y introduire 
toutes les circonstances minutieuses auxquelles nous 
avons eu égard; car, en négligeant une seule d’entre 


(1) Voyez la note III, à la fin de ce mémoire. 


<@s < 


ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF. GAZ. 313 


elles , on se trouveroît jeté fort loin du résultat véritable 
que leur concours détermine. 

Ces précautions n’auroient pas encore suffi, sinous n’a- 
vions trouvé le moyen d’introduire les gaz dans le ballon 
et sur-tout dans le prisme , sans y laisser entrer en même 
temps de l’air atmosphérique ; et c’est ce quiest inévitable 
dans le procédé ordinaire, qui consiste à visser le robinet 
du ballon où l’on a fait le vide, sur le robinet du réci- 
pient qui contient le gaz; car de cette manière il reste 
toujours de l’air atmosphérique entre les deux robinets, 
et quoique la quantité en puisse être assez petite pour 
apporter peu de changement dans le poids d’un grand 
volume de gaz, il en résulte toujours quelque erreur, 
et l’effet en seroit certainement très-sensible sur la réfrac- 
tion du gaz, à cause du peu de capacité du prisme où on 
Vintroduit. Nous avons évité cet inconvénient, au moyen 
d’un robinet latéral extrêèmement petit, et percé dans 
la monture même du robinet du récipient. (Voyez fig. 1), 
On commence par visser celui-ci au ballon ou au prisme, 
après quoi on fait le vide entre les deux robinets et on 
les ferme, puis on descend le récipient dans l’eau en lais- 
sant échapper l'air par le petit robinet latéral ; et lorsque 

‘tout l’air est exclu, on le ferme. On passe ensuite le gaz 
sous le récipient comme à l’ordinaire ; et en ouvrant suc-. 
cessivementles deuxrobinetsils’introduitentreeux etdans 
l’intérieur du ballon ou du prisme , sans aucun mélange 
d’air atmosphérique, Sinous entrons dans tout ce détail, 
c’est pour montrer que nous n’avons négligé rien de ce 
qui nous paroissoit pouvoir ajouter à l’exactitude. 

1806. Premier semestre. 49 


314 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE ÿ 


Connoissant les pesanteurs spécifiques de nos gaz et 
les réfractions qu’ils exercent sur la lumière, nous avons 
conclu par le calcul leur pouvoir réfringent, comparé à 
celui de l’air atmosphérique. Ce que lon entend ici par 
pouvoir réfringent, n’est pas simplement la déviation pro- 
duite sur le rayon lumineux; ce n’est pas non plus l’angle 
qui mesure cette déviation, mais c’est l’accroissement 
total du carré de la vitesse ou de la force vive de la Iu- 
mière après avoir éprouvé toute l’action du corps trans- 
parent. Si la fonction de la distance qui exprime l’action 
des corps sur la lumière étoit de même forme pour tous; 
et ne différoit relativement à chacun d’eux que par le 
produit de leur densité, et d’un coefficient constant dé- 
pendant de leur nature, la quantité que l’on appelle 
pouvoir réfringent d’un corps seroit proportionnelle à Pin- 
tensité de sa force attractive pour la lumière ; mais dans 
tous les cas, c’est la somme de toutes les actions exercées 
par le corps , multipliées par l’élément de l’espace et par 
la densité. Ces notions exactes et rigoureuses sont con- 
formes aux principes donnés par Newton, et par lau- 
teur de la Mécanique céleste ; il nous a paru nécessaire 
de le rappeler, car ne n’est qu’en attachant aux choses 
des idées précises que l’on peut les employer, et suivre 
avec sûreté les conséquences qui s’en déduisent. 

: En appliquant ces principes à nos expériences , nous 
avons connu le pouvoir réfringent des différens fluides 
aériformes. Vofîci les tableaux de nos résultats: | 


15 


«ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF. GAZ, 319 
hd Co PE ect a f , “. Là 
PREMIER TABLEA CU. 
Observations du vide, et valeurs qui enrésultentpour l’accrois- 


ement.du.carré de.la..vitesse de la.lumière en entrant du 


vide dans Fa MY PYEE la tri céleste, ( LV p. 246 ) 
| 


.w sas 


i ! 
u ndéntit La F = |Déviation Le 
Bsnom. |'Taenmom.| Ten. 5 corrigée du coeñlicient 
de g fs du défaut 2k k 
+ | extérieur: Pair. & ae ÿ de 1€ a Yi 
> & | ; Ë prisme parallél. | 
" LE 


Ù li Bfrim, té was 4-10: 

24. + |0-7676 +115 Hiz.ol. … 0-0076|, 20 
26. - l0.7664 |— 1.2 [+ 0-0|B1-0lo.0050| 20 |6 
29 . + [0.7563 |— 2.75,— 1:5/91-0|0-0020| 30 
19 fév. lo: :76095+ 5-0 |<+-6:3|83-0l0+0115| 14 
120 .,. -9 |+°6:0|82-0lo-0110| 10 
:  4ol : ..lo-0030|..22 
61.10.7675 +, 3.5} 8-0|0-0025| 20 
7. [0-7660 + 6.0 +" 5:5/78-0[0-0210| 30, 


0295499 || 

su BR Re Ï 
4-710-000293984 
6 2:4|0:000295285 
$ 53-0l0-000296777* 
49-6 RS 


| 


Moyenne de toutes ces observations, . .« . . . . . — 
Moyenne, si on néglige les observations du 19 février 
et du 6 mars, qui ra: nent trop des autres , et sur 
=. lesquelles on a d’ailléurs des doutes fondés . . : . : 
a | La 1: ur de ce coefficient, que M: Delambr e À déduite,de 
F ou six!cents observations d'étoiles fn ompolaires. — —0-0002940470 : 
La ne entre cette quantité et. la seconde de nos 
moyennes, que nous avons Hope CE. . —|0-0000005386|} 


Et la réfraction à la hauteur du pôle, à Paris, calculée - 
par ie ou par. l’autre Enr Ine Hérnnt ds au. les entre e elles 


2dentes du coefficient 2 «Y, ne pro Rice. au du A qua upe Hifféron ère | 


“de 06 sur la ns du pôle à Paris, et pour la pere partie de || 
ces valeurs la différence est beaucoup: moikdre , et ne s'élève tout au plus 
À qu’ ’à deux ou trois dixièmes de seconde. Au _reste, notre coefficient est ||] 
encore confirmé de la anière la plus sûre par les pbservations faites à 
‘diverses densités. Voyez le tableau dela page 323. | 


. 2, L'observation du 6-mdrs.a été calculée, ainsi que toutes les au ges avec | une. || 


-dévi tion — 16#6; cependant ce jour-là, quoiqué le ciel für très-beau, déviation 


M rl très-vaporeux; sa a pu prendre langle que quatôrze - foi. 
es faces < a paru un peu plus forte qu'à l'ordinai FOR PORN" © 


316 sUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE, 


SECOND:TABLE AU. 
Observations sur la réfraction des différens gaz. 


Jours Baromètre | Tazrmom. | 'l'emrénar. | Banow. © Tasrm. 
e du barom. du  barom. 
l’observ. intérieur. intérieur. du gar. extérieur. | extérieur. 


Oxigène. ; 


| D. D. D. 

+ #5|+ ae |b:7685 — 6.:0|— 6.0|88.0 

0-7640 

+ 18.0] + safe 0158 VE ,8.0l+ 18e2|c... 
0-7482 


esse lesssepe se... s.|sos.ses|s.sesse rss 


0:7601 j 6 
pit 206 6 # 206 00175 LE 20.0 + 20.6/...+ 
| 0-7426 


Azote. 


26 jauve| 07386 |+ 11.5|+ 6:3/0:7388 |+ 6.0|+ 7-4|90:5 


Hydrogène. 


0-0930 [+ o-0|+ 0:0/0:7665 |— 2.0] — o:0|62-0 
o+7540 [+ 7:54 2-0 07652 |— 3.8] —  2.4|84.0 


Ammoniaque. 


+ 23-0/0.7566 |+ 23.-0}+ 23.0 
+ 23.00.7566 |+ 23.0] + 23.0 


-0]+ 22-0/0-7546 |+ 22.0] + 22.0 
+ 19:70: 7606 + 19-2 + 19-7 |: 


7 nive.| 0:+7645 |+ we 6.0|0:7635 |+ 10-0|+ 10-0/93-0 


0.7540 | + 7.5 + 2.0 0.756 + 1:0|+ o0-0|89-0 


ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF. GAZ. 517 
hit "SECOND TABLÉAU. 
Observations sur la réfraction des différens gaz. 


Dé Vazeur . 

nee | ar ondes Raptor, nes 

no corcigée 4# colut de l'es OBSERV ‘ . 
p- étant 1. = 


fuonea9s 


L employées 
dPparatidléner [ane Le esieuis n2 


i ae 


MES j = = 
40 |—o 9-0|+ 16. ë CE “6005608582 0:862586 

| 20 | +o 130 + 290 ‘0-0005600336 | 0.861430 ! | 

LOS. ‘ yE DER Abe du paie 

Toro eoossoss | soseoote 0-0005603686 0-861825 : La Ent Le la dévia- 

| +0] | tion des ee 


{ao 2 -y.5| 29:0/0.000559563 |0:8605950). 


I 


| En e ; 
Lo 


| 40 [+ o22.7| + 16.6 0-000589768 103290 
30 |+—o18.8|+ sg 6 RENÉ EERN 1-03526 
Hydrogène: | 


20 — 2 51. 4 V7 16-6|0 0-000286670 6-64582 . Observations combinées 
ses. Jo-000285540 |6.61953. A SE een de 
+ 16:6/0.000285788 |6-62529.. | . la déviation des faces. 
+ 16-6|[o+oc0283263 |6.56680 | 


Ammoniaque. 


-6[0-000758085 |2.15639 | 
0-000763052 |2-17051 . } Observations Fu 26 et 
wi 2 663 ALES du 27, combinées in- 
020067989117 7909, « dépendamméent de la 
0-n000763825 |2-.17271. déviation des faces. 
9-c00760469 |2-16317 


318 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE, 


Taxnmow. 
du barom, 
inlérieur, 


Jours BaroMÈTRE 
de 


l'observat, 


Tzewmpénar. | Barow. 


intérieur. | du gaz. extérieur, 


Acide RE 


M. 

0-7381 
0-7530 
0°0175 


0-7355 


0-4890 
O° 0197 
0*469à 
-0-8033 
0-0175 


D. 

r3[x pate 
0-7616 
0*0175, 


(27 janv pes: 10° 7 + 


juin « 


FETE 
+ 


... OCEEEERS ECCELCEES ELLES 


0.706058 
06197. 


| 
| 


juill. ee 


22.0 Dore 22+0 


; ù NS CON 
+ 20.0|+ 20:0/7°0175 


0-7443 


- Gaz hydrogène carburé. 


CE 7547 
0.7531 


0.7500 Ne 4312 + 1320 
o+7472 


123 mars. 


fr: + 12-5|+ 13.5 


| 


tr +0] + 200 


, 


Tan, 
du barom.| 
extérieur. 


l'an. 
de 
l'air. 


s 


+ Ya .9 + “e © s 5 


= 20-0 + 20 + "0... 


.…..... D EE 


t 


+ 22.0|+ 22-0|-- 


DIE 
sole EEE …. 


+ 20-0|—+- 20-:0 


,} 


Een al 0 pr 13.0 


+ 13.5 


81.0 


+ 12.5 85.0| 


>» als à 


ET'SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF. GAZ, 839 


CU T7 D NÉ» 


Lu { 4 | n r”; 
SMS DErértox 4 Dérrarron - Verux (2 Phudogt 2 4.1 
nee observée observée e MERE 
2 igé d RO ü S. 
à a ë FPE pes, k cohdideslens OBSERVATION 
S°rm |, défau ées Lex ete LI d nt 14 
ns de parallélimme: ester aleol. 72 £ Ce 


25) t 3 


Acide carbonique. 


; y 8. || | | 
10 |+ 3 13.6 + 16-6|0-000890291 | 0-99439 


10 +3 8:6 non obs/ lies sc 06 sols » DEEE 


j AUS \ { * f Observations combinées 

sosdlevedeees | sers |0e0009011884| 1-00658 indépendamment dél}- 
1 üp} é la déviation des faces. 
20 +o 7.5 on Ve) or 1 de PARA Pt EE ASS 2 : : 4 i 


) 


14 | 3 45.0|+ 21-7|0-000901408 | 1-00680 
ér ? Observations comhinées 


Tanselansasses |... |0-:0008 85 1-:00274 indépendamment _de 
l ; 977 #2 la déviation des faces. 


| 16 |—: 42.0|+ 21°7 0-000907195 101327 


| 


Gaz hydrogène carbure. 
pion ,eà 10 SAS { ; 


20 4 300 + 16:6|0-0007036686 | 2:09270 ” 1 
»20 | +0 37.6 Le 16.6. 000065302996 1 -81869 ;} Plus carburt quele préeéd 


STI) Ne SEL 15 HD. TF4 
_ Nota: La valeur, de res p. donnée, dans Pavant. - dernière colonne, est 
Vaccroissement total du carré de la vitesse de la lumière après avoir passé 
du: vidé ‘dans lé gaz, et lorsqu'elle 4 subi toute son action. (Voyez Ia 
Mécanique céleste, t. IV). Les nombres placés dans:la seconde colonne et 
dans la Cinquième au-dessous des hauteurs baromé riques ; indiquent la 
tension de la (yapeur d’eau qu’il faut retrancher de ces hauteurs! parce qué la . 
vapeur d'eau réfracte a fort peu près comme de l'air atmosphérique à force élas- 
tique égale. Quand aux remarques rapportées dans la dernière colonne , voyez 
la note deuxième à la fin du mémoire. 


. 


320 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE, 


TROISIÈME TABLEAU. 


Pouvoirs réfringens des gaz pour la température o et la 
pression 0"76, déduits de l’ensemble des observations. 


DexsiTÉ DU GAZ, Vazeun Pouvorns 
de réfringens des. gaz 
NATURE DU GAZ. 4k par rapport 
l'air atmosphérique — p. à Jour densité, 
étant l’unité. 2 celui de l’airétant 1 


\Air atmosphérique . 100000 0-0005891712 1-00000 

1Oxigèneis se » + + ! 1-10359 0-000560204 086161, 
lAgotesbaismèlrt . 0-000590436 1.03408 

Hydrogène. « . . . x __ |  o-000285315 6.61436 

|Ammoniaque . + « + . -59669 0-000762349 2.160851 

Acide carbonique . - . . 0-:000899573 1:00476 

(Hydrogène carburé . . +5; 0:000703669 209270 

Hydrogène plus carburé j 

que le précédent. « . . 0-000630300 1-8:1860 


Toutes les densités rapportées dans ce tableau sont celles qui résultent 
de nos propres expériences. 


L’oxigène est de tous les fluides, et même de tous 
les corps de la nature jusqu’à présent observés, celui 
qui réfracte le moins. L’hydrogène est celui qui réfracte 
le plus. Son pouvoir réfractif est six fois et demi aussi 
grand que celui de l’air atmosphérique. Cette propriété 
de l’hydrogène avoit été prévue par M. Laplace et an- 
noncée par lui dans un mémoire imprimé. Nous revien- 
drons sur ce sujet quand nous passerons aux considé- 
rations chimiques. Les pouvoirs réfringens des autres 
gaz sont intermédiaires entre ceux de l'hydrogène et de 
oxygène. ( 


ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF, GAZ. 321 


Nous venons de dire comment nous avons obtenu le 
pouvoir réfringent de l’air et des autres gaz, pour la 
température de la glace fondante et la pression de 0"76. 
Avec ces données, et si l’on suppose que le pouvoir 
réfringent d’un même gaz est toujours proportionnel à 
sa densité , c’est une simple recherche de calcul que 
de trouver la déviation du rayon lumineux pour un 
gaz pris à une pression et à une température données. 
La déviation ainsi calculée doit nécessairement différer 
de celle que l’on observe immédiatement, à cause du 
défaut de parallélisme des glaces ; mais si la proportion- 
nalité dont il s’agit est exacte , la différence doit être 
égale à l'effet de cette déviation : or cet effet peut être 
mesuré directement , comme nous l’avons dit plus haut; 
sa valeur indiquera donc la différence constante qui doit 
exister entre les déviations calculées et observées. En sui- 
vant cette méthode , nous avons pu examiner avec beau- 
coup de soin la force réfringente de l’air et des gaz à 
diverses densités. Notre appareil nous offroit sur-tout 
une grande facilité pour faire cette expérience sur l’air 
atmosphérique. On faisoit d’abord le vide dans le 
prisme, et on observoit la réfraction; puis on laissoit 

rentrer une petite quantité d’air dont la tension se trou- 
voit indiquée par le baromètre intérieur, et l’on obser- 
voit de nouveau, par le cercle répétiteur, la déviation 
du rayon lumineux. Cela fait, on laissoit encore ren- 
trer une nouvelle quantité d’air; on observoit une troi- 
sième fois, et ainsi de suite, jusqu’à ce que l’air inté- 
rieur eût atteint le même degré de tension que l’air dé 
1806. Premier semestre, 4: 


322 SUR LES AFFINITÉS DÉS CORPS POUR LA LUMIÈRE KL 


l'atmosphère : alors, laissant le prisme ouvert , on mesu- 
roit la réfraction, qui, n’étant plus produite que par le 
défaut du parallélisme des glaces, faisoit connoître l’in- 
fluence qu’il falloit lui attribuer. C’est aïnsi que, dans 
l'expérience rapportée au tableau suivant, nous avons 
trouvé cette correction égale à 166. En procédant de 
cette manière, et notant toujours l’état du baromètre, 
du thermomètre, et de l’hygromètre , nous avons trouvé 
que , depuis Je vide le plus parfait jusqu’au degré or- 
dinaire de pression de l’atmosphère, la réfraction d’un 
même gaz quelconque est toujours rigoureusement pro- 
portionnelle à sa densité, sans que cette règle ait besoin 
de la plus légère modification. Voici le tableau de ces 
résultats : 


ervations sur La réfraction de l'air à diverses densités. 
Obs £ la ré tion de 1 À d té. 


Déviation Déviarion 
TonRs : observée 3 calculée 
Ft ROM. s ë | affectée d’après 
Lobceirat extérieur.  barom. |intérieur.| barom. é le FARPORE 
AAVCSTAES extérieur. jintérieur. | des 


e 
parallélisme. densités, 


QE 
n 


. D. M. D. 
-+10:7662 + 4+5|0-0050 + 5-0| 10 
+ . [o- 7660! + 5-0 0-0210 + 6-0; 
o+ 7658 + 5.0|0-1200 + 6. ol 
07551 | 428 0.245 + 4.8 
+ 7654| + 5. 010. 2830|+ 6-0 
0:7548 + 4.8 10-4055 5.4 
- (0-7654/+ 5.0 0. 5260 + 6-o| 
- 0.7545 + 4.8 0.6130 + 4-8 


CH Héros CE “Boop 4 se) o! 


5 4 
5 3 
4 4 
34 
3 2 
1 3 
0 4 
o 3 


FR ON 0 © Qu 


+ 


Toutes ces observations sont calculées d’après le pouvoir réfringent 


de l’air déduit de nos expériences. Voyez la note II. 


| ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF. GAZ. 323 


Observations sur la réfraction des gaz à diverses 
densités. 


- DévrATION Drrrér 

Ten. THERM. Déviar 
Jouns BaroM. du Barom. du TER. CRÉRNRE Dévrarion des 
extér. | barom. | intér. | barom. [de L’air.| "9° calculée. faces 
du défaut (ET 


extér- intér. 


o 
déviat. 
des faces 
de parallé]. calculée. 


de 
l'observ. 
Oxigène. 


Ds 2. 

29 frim.. IE M) La 1.8] — 

25 juin. .|0.76o1|+ 20.0|0.4260 |+ 20.6|+ 20.6|— 
0.0175 0.0175 


0.7426 CA 9.4105 


Azote. 


1 nivose. e-p50|+ 4-fo-o5 + 5.o]+ ,5.0[— 4 ma} 5 o.1[+ Le 16.6 


Hydrogène. 


25 im res z.fon(+ 0.0]+ 0,.0|[— 5 29,0|— 5 sa}+ «60 16.6 


Pour ces gaz et pour ceux qui ne sont pas mentionnés dans ce tableau, 
recourez au tableau général des pouvoirs réfringens, où la combinaison 


des observations faites à diverses densités donne les mêmes pouvoirs 
réfringens que l’observation directe, 


Les résultats de ces observations sont tels qu’une quel- 
_conque d’entre elles donneroit le pouvoir réfringent de 
Vair et des gaz aussi exactement que celles qui ont été 
faites avec le vide le plus parfait, Nous pouvons donc 


324 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE, 


en conclure avec certitude, comme nous venons de le 
faire, que la force réfringente de l’air et des gaz, depuis 
la plus grande raréfaction jusqu’à la pression ordinaire 
de l’atmosphère, est, pour un même gaz, rigoureu- 
sement proportionnelle à la densité, lorsque la tempéra- 
ture est constante ; nous avons mème condensé l’air dans 
notre prisme jusqu’à 0"60o pour obtenir des densités plus 
fortes, et nous avons observé à de hautes températures 
pour voir si-le même rapport y subsiste ; nous n’avons 
pas pu y apercevoir la différence la plus légère. 

Ilne nous a pas paru que l’état de l’hygromètre eût une 
influence appréciable sur la force réfringente de Pair, 
du moins dans les températures où nous avons ob- 
servé, et qui s'étendent depuis o jusqu’à 25° ou 30° du 
thermomètre centigrade. Pour éclaircir ce point impor- 
tant, nous avons introduit à dessein de la vapeur 
d’eau dans notre prisme , en mesurant sa force élas- 
tique, comme celle d’un gaz , par le moyen du baro- 
mètre intérieur, et nous avons observé sa réfraction. 
D’autres fois nous avons fait le vide sec dans notre 
prisme, avec des alkalis , et nous l’avons tenu dans 
cet état pendant plusieurs semaines , avec une tension 
moindre de o"oo2 , même dans des jours chauds et plu- 
vieux, où l’air étoit saturé d'humidité, et nous avons 
observé la réfraction entre les courts intervalles des 
ondées consécutives ; toujours elle a été sensiblement 
la même que si toute la tension extérieure et intérieure 
eût été produite par de l’air atmosphérique. Le calcul 
fait dans cette supposition avec notre coefficient ne 


ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF. GAZ. 324 


- s’est jamais écarté de l’observation que de quantités 
si petites, qu’il est naturel de les attribuer aux erreurs 
des observations mêmes, ou du moins la différence , 
s’il y en a une réelle, ne pourroit être déterminée que 
par des, expériences très-multipliées ; car elle n’a jamais 
excédé 3" dans les circonstances les plus favorables , 
et 3" dans notre prisme ne feroient que 0'5 sur la ré- 
fraction à 45° de hauteur. Nous croyons donc pou- 
voir conclure que la force réfringente de la vapeur 
d’eau doit être très-peu différente dé celle de l’air, ainsi 
que M. Laplace l’a fait voir dans le quatrième volume 
.de la Mécanique céleste, d’après la considération du 
pouvoir réfringent de l’eau liquide. On verra plus bas 
des expériences qui rendent cette supposition extrême- 
ment probable , et qui du moins permettent de l’em- 
ployer comme tout-à-fait exacte dans le calcul des obser- 
vations astronomiques ; en conséquence nous en avons 
fait usage, lorsque cela a été nécessaire, pour corriger 
les réfractions de nos gaz de celle de la vapeur d’eau 
qui s’y trouvoit mêlée à l’état hygrométrique (1). 

Dans le calcul des résultats que nous venons d’exposer, 
il a toujours fallu réduire nos gaz à une même pression 
et à une même température; pour cela, nous avons fait 
usage de cette belle loi donnée par Gay Lussac , que la 
dilatation est la même pour tous les gaz par des accrois- 
semens égaux de chaleur, et qu’elle est égale à 0.003745 


a ———————.——  ——_—— 


(1) Relativement à la manière de faire cette correction, voyez la note II, 
à la fin du mémoire. 


326 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈREz; | 


de leur volume pour chaque degré du thermomètre cen- 
tigrade. Ce nombre a été déterminé par Gay Lussac au 
moyen de vingt-cinq expériences qui n’ont pas différé 
sensiblement les unes des autres, et qui étoient faites 
avec des tubes parfaitement secs et parfaitement calibrés. 
Il a fallu sans doute beaucoup de soins et des essais 
multipliés pour arriver à ce degré de précision; mais 
aussi ce résultat est un des plus utiles de la physique. 
Il sert à chaque instant aux chimistes et aux astro- 
nomes pour réduire leurs observations. Nous croyons 
qu’en y joignant les pesanteurs spécifiques des gaz et 
leurs pouvoirs réfringens, tels que nous les donnons dans 
ce mémoire , on aura une connoissance exacte et assez 
complette de toutes les propriétés physiques des fluides 
aériformes. 

Après avoir fait connoître les procédés qui nous ont 
servi dans nos expériences, et les résultats physiques 
qui s’en déduisent, nous allons pénétrer un peu plus 
avant dans leurs conséquences, et essayer de déve- 
lopper les rapports par lesquels ils peuvent intéresser 
la chimie. 

On sait par quelle heureuse analogie Newton, en ob- 
servant la grande force réfringente de l’eau et du dia- 
mant , fut conduit à y soupçonner la présence d’un ‘prin- 
cipe combustible, supposition que la chimie moderne a 
depuis confirmée. L’induction qui guidoit ce grand 
homme dans cette circonstance, étoit beaucoup plus 
sûre et plus profonde qu’elle ne le paroît au premier 
coup-d’œil; car, l’action des corps sur la lumière ne 


! æT SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF. GAZ. 327 


s’exerçant d’üné manière sensible qu’à de'très-petites 
distances , l'intensité de cette action est nécessairement 
liée à la nature des particules des corps et à leur arran- 
gement , c’est-à-dire à leurs propriétés les plus intimes ; 
de sorte que le physicien qui observe les pouvoirs ré- 
fringens des substances pour les comparer entre eux, agit 
absolument comme le chimiste qui présente successive- 
ment une mème basé à tous les acides, ou un même 
acide à tous les alcalis, pour déterminer leurs forces 
respectives et leur degré de saturation. Dans nos ex- 
périences, la substance que nous présentons à tous les 
corps est la lumière, et nous évaluons l’action qu’ils 
exercent sur elle par leur pouvoir réfringent, c’est-à-dire 
par l’accroissement de force vive que l’action de leurs 
particules tend à lui imprimer. 

Il ya même ici un avantage particulier qui ne se 
- rencontre au même degré dans aucune autre expérience 
chimique : c’est l’intensité presque inconcevable de l’ac- 
tion des corps sur la lumière , intensité qui va quelque- 
fois jusqu’à lui imprimer en un instant infiniment petit 
une vîtesse double de celle qu’elle a dans l’espace, et 
qui au moips la modifie toujours d’une manière sensible, 
même dans les corps dont la force réfringente est la plus 
foible. Pour apprécier cet effet il suffit de considérer 
le rapport du sinus d’incidence au sinus de réfraction, 
car ce rapport indique la vitesse de la lumière mo- 
difiée par le corps transparent, lorsque l’on prend 
pour unité la valeur de cette vitesse dans le vide. 
Ainsi dans le diamant, où ce rapport surpasse 2, la 


328 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE 


vîtesse de la lumière devient deux fois plus grande, 
c’est-à-dire qu’elle éprouve un accroissement de plus de 
soixante-dix mille lieues par seconde; et cet accroisse- 
ment qui ne subsiste que pendant un instant indivisible, 
est pareillement acquis et perdu dans un intervalle de 
temps infiniment petit; car l’effet de la réfraction se 
produit seulement près de la surface , dans une couche 
dont l’épaisseur est insensible. Dès que la lumière a 
pénétré plus avant dans le corps, Paction des couches qui 
sont devant elles et qui l’attirent, est contre-balancée 
et détruite par l’action des couches qu’elle a traversées, 
et qui la retiennent avec une force égale ; ce qui produit 
l’'uniformité de son mouvement, uniformité qui n’est 
troublée qu’à Pentrée et à la sortie des corps. 

Ainsi, la diversité des vitesses imprimées à la lumière, 
indiquée par la différence des pouvoirs réfringens , offre 
une série très-étendue où tous les corps peuvent se ran- 
ger à de grands intervalles , et qui peut par conséquent 
servir soit pour distinguer et caractériser leur nature, 
soit pour suivre en quelque façon leurs traces, et recon- 
noître leur présence dans les combinaisons. 

Par exemple , ayant reconnu par nos expériences l’ac- 
tion puissante de l’hydrogène sur la lumière, nous 
voyons que c’est la présence de ce principe dans Peau, 
dans les gommes, dans les huiles, et dans les autres 
substances inflammables , qui leur donne cette grande 
force réfringente que Newton avoit si bien observée. Cette 
influence de l'hydrogène se retrouve éminemment dans 
l’ammoniaque, qui est composée d'hydrogène et d’azote. 


ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF. GAZ. 329 


Le pouvoir réfringent de ce gaz est double de celui de 
l’air et surpasse celui de l’eau. 

Mais allons plus loin ; puisque chaque substance paroît 
porter dans ses combinaisons le caractère qui lui est 
propre, et même y conserver jusqu’à un certain point 
le degré de force avec lequel elle agissoit sur la lumière, 
essayons de calculer, sous ce point de vue, l’influence 
des principes constituans qui entrent dans un mélange 
ou dans une combinaison donnée. 

Si nous tentions de découvrir ces rapports pour toute 
autre substance que la lumière, nous serions bientôt 
arrêtés par des obstacles invincibles qui naîtroient de la 
combinaison même, et du degré de condensation des 
principes constituans ; car, bien que l’action chimique 
ne s’exerce qu’à de très-petites distances, ces distances 
sont cependant comparables entre elles; ainsi Péloigne- 
ment plus ou moins grand des dt ne peut man- 
quer de faire varier son intensité. Ces variations, encore 
modifiées par. la figure. des particules, doivent com- 
pliquer extrêmement les rapports des composés avec 
leurs principes, et sans pouvoir en calculer les effets, 
on voit bien que c’est pour cela que les uns et les autres 
n’ont pas les mêmes propriétés : mais, s’il est permis de 
raisonner ici pour un moment dans le système de l’émis- 
sion de la lumière , cette influence de la condensation 
doit être beaucoup moindre dans les actions que les 
corps exercent sur elle, à cause de la ténuité des par- 
ticules Jumineuses ; et leur petitesse extrême, par rap+ 
port aux distances qui séparent les molécules des corps, 

1806. Premier semestre. 42 


330 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE, 


doit rendre moins sensibles sur elles de foibles degrés 
de condensation. Par conséquent les pouvoirs réfringens 
des corps doivent différer très-peu de ceux des principes 
qui les composent, à moins que ces principes n’aient 
éprouvé des condensations très-considérables. 

Et comme toutes les forces attractives sont propor- 
tionnelles aux masses, en multipliant le pouvoir réfrin- 
gent de chaque principe, par la quantité pondérale de 
ce principe qui entre dans la combinaison, la somme 
de ces résultats donnera le pouvoir réfringent du com- 


posé (1). 


G) Soit P le pouvoir réfringent du composé, P' P” P"..... ceux de ses 


rincipes, Z Z’+-...' les quantités pondérales de chacun d’eux qui entrent 
PES ; q P : 
dans la AD ee on aura les deux équations suivantes : 


Ports P'x" + p" THE ses — P 


z'+ zx” A Bees ANT 


Ces équations donneront deux des quantités qu’elles renferment, quand 
toutes les autres seront connues. Par exemple, s’il n’y a que deux principes 
et que l’on connoisse P', P” et P, on connoîtra leurs proportions ; car on 
aura alors 

Pr + Pr = r) =? 
d’où , 


C'est le rapport des principes constituans à la masse totale. De même, on 
peut au moyen de la formule précédente , déterminer le pouvoir réfringent 
de l’&ir atmosphérique d’après les proportions de. $es principes constituans. 
En effet, on sait que l’air atmosphérique contient 0.21 d’oxigène en volume, 
le reste étant un mélange d’azote, d’acide carbonique , et peut-être de quel- 
ques autres gaz dans des proportions très-petites, mais qui ne sont pas encore 
bien connues: Pour plus de simplicité, nous n’aurons égard qu’àvl’azote et 
à l'acide carbonique, et noustsupposerons 0.784 du premier , et 0.006 du 


ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF. GAZ. 331 


Cette loi est très-bien confirmée par les phénomènes, 
et jusques dans ses écarts mêmes, si toutefois ils ne 
sont pas dus'aux erreurs des expériences, elle s’accorde 
avec les considérations que nous venons d’exposer. 

Quand il n’y a qu’un simple mélange sans combi- 
naison intime , le pouvoir réfringent observé estexacte- 
ment égal à celui que le calcul donne, d’après la natureet 


second; ces quantités étant toujours comptées en volumes. Nous adoptons 
ces proportions parce qu’elles accordent les densités que nous avons trouvées 
par nos expériences. En effet, en. multipliant respectivement ces densités par 
les nombres précédens , on trouve qu’un volume d’air atmosphérique contient 
en poids ji | 

Oxigène . + «ee + + ++ +  0°231755 

Azote . + + +1 à lee + + + + +. O°759797 

Acide carbonique . . . . . . . . 0.009118 


1-000670 
De sorte que l'erreur qui en résulte est extrèmement petite. Maintenant 


si l’on multiplie chacune. de ces quantités par le pouvoir réfringent qui 
lui correspond , on trouvera pour 


L'oxigène.. , . . . . . . + . . 0199682 


L’azote. . . . . . « . . . . . . 0.786238 
L’acide carbonique... , . . , . . 0-009157 


P)—Ne: 995077 


La somme de ces nombres exprime le pouvoir réfringent de l'air atmos- 
phérique déduit de ses principes constituans : elle devroit se trouver égale 
à l’unité pour être parfaitement exacte. L’erreur est donc égale à 0.004923 , 
ou environ 5 millièmes de la valeur totale; elle ne produiroit pas 0”3 sur 
la hauteur du pôle à Paris, et cette différence peut provenir des erreurs 
presque inévitables des expériences, car le résultat précédent dépendant de 
la pesanteur spécifique des gaz, de leur pureté, et des réfractions qu’ils pro- 


duïsent , se trouve lié à un grand nombre d'opérations où les erreurs peuvent 
s’accumuler. ‘ n 


332 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE , 


les proportions des principes constituans; ainsi la réfrac- 
tion de l’air atmosphérique est exactement celle que 
doit produire un mélange de 0.21 d’oxigène en volume, 
avec 0.784 d’azote et 0.006 d’acide carbonique. En cal- 
culant cette réfraction d’après la quantité de ces prin- 
cipes , on l’obtient aussi exactement que par l’observa- 
tion directe. 

Cette loi se maintient encore, et s’étend avec la 
même précision , relativement aux combinaisons dans 
lesquelles la condensation n’est pas très-forte ; dans le 
gaz ammoniaque, par exemple, les principes constituans, 
qui sont l’azote et l’hydrogène, ne sont réduits qu’à la 
moitié de leur volume total par l’effet de la condensa- 
tion (1). La réfraction observée de ce gaz est exac- 
tement celle qui convient à un mélange de 0.797 d’azote 
en poids, et de 0.203 d'hydrogène. Les expériences très- 


(G) Le poids du gaz ammoniaque contenu dans le ballon à zéro 
de température, et sous la pression 0"76, est... . . . . .. 4232794 
En prenant un cinquième de ce poids on aura le poids de 
l'hydrogène que contient ce volume, ou. . . . , « . . . .. o°86559 
Et les quatre cinquièmes restans sont le poids de l’azote . . . 3246235 


4532794 
En divisant chacun de ces poids par celui du ballon plein du même gaz, 
on aura le volume que chacun d’eux occuperoit s’il n’étoit pas combiné. On 


aura ainsi É 
: __ 0.86559 12 c 
Volume de l'hydrogène — EE Le 6300 
3.4623 
Volume dé luzoter MEN , 0-4926 
70292 
Donc les deux gaz qui, combinés dans l’ammoniaque, ne forment qu’un vo- 
lume égal à l'unité, avoient auparavant un volume — 1.6300 -+ 0.4926 


= 2.1226, c’est-à-dire un peu plus que double, 


ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF. GAZ. 333 


exactes de M. Berthollet , répétées depuis par M. Davy 
avec sa précision ordinaire , ont donné + ou 0.200 d’hy- 
drogène. La différence 0.003 est extrèmement petite, 
ettout-à-fait dans les limites des erreurs des expériences ; 
car on connoît à peine la composition de l’air atmos- 
phérique avec ce degré de précision (1). Peut-être même 
cette différence doit-elle être entièrement attribuée à la 
grande difficulté d’obtenir le gaz hydrogène parfaitement 
pur, et de connoître son pouvoir réfringent avec la 
la dernière exactitude ; mais on n’en voit pas moins par 
cet exemple, que si la composition de l’ammoniaque eût 
été ignorée, et que l’on eût seulement connu la nature 
de ses principes, on auroit pu, au moyen des pouvoirs 
réfringens , déterminer leurs rapports aussi-bien que par 
l'analyse chimique; et le parfäit accord de ces résultats 
obtenus par des moyens si différens , montre bien que 
la loi que nous examinons, ne s’écarte pas beaucoup de 
la vérité. 

Cette loi se maintient encore par rapport à une com- 
binaison beaucoup plus forte, beaucoup plus intime, qui 
est l’eau; mais, d’après les expériences de Newton sur 
la force réfringente de ce liquide , expériences que nous 
avons vérifiées, il paroïît qu’elle y éprouve une légère 


(1) Ce résultat est calculé par la formule de la page précédente. On a ici 
P — 2:16851; P'— 6.61436; P” — 1.03408 
Et comme il n’y a que deux principes constituans , la quantité pondérale du 
gaz hydrogène est 


334 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE , 


altération , occasionnée peut-être par la grande conden- 
sation des principes constituans. La force réfringente 
de l’eau, calculée d’après les proportions données par 
Humboldt et Gay Lussac, dans leur excellent Aémoire 
sur Peudiométrie, est 1.5749, celle de l’air atmosphé- 
rique étant 1: suivant Newton, et suivant nos propres 
expériences, elle seroit 1.7225, par conséquent plus forte 
que la précédente , environ de la neuvième partie de 
sa valeur totale. Tel seroit donc aussi l’accroissement 
produit par la condensation dans la force réfringente, 
et si la différence qui se trouve entre l’expérience et le 
calcul est réellement due à cette cause , bien loin d’en 
être surpris, on devroit plutôt s'étonner qu’elle ne soit 
pas plus considérable, quand on songe à l’énorme 
condensation que l’hydrogène et l’oxigène éprouvent 
lorsqu’ils sont ainsi combinés. L'accord qui règne, à cet 
égard , entre le calcul et l’expérience , montre donc 
encore avec plus d’évidence l'influence mesurable des 
principes constituans des corps sur les pouvoirs réfrin- 
gens de leurs composés (1). 


à) Ce résultat est encore calculé par la même formule qui nous a servi 
pour l’ammoniaque. Les expériences de Humboldt et de Gay Lussac donnent 
pour la composition de l’eau deux parties d'hydrogène et une d’oxigène en 
volume. D’après cette proportion et le poids des deux gaz tels que nous les 
avons rapportés, on peut aisément conclure qu’un poids d’eau égal à 1 est 


composé ainsi qu'il suit: 


Hydrogène . CAS NERO n7194 
Oxigène.l..-) US Re. 101. 4-100082050 


En multipliant la première de ces deux quantités par 6.61436, pouvoir 


ET SUR LES FORGES RÉFRINGENTES DES DIFF. GAZ. 335 


Ces résultats confirment une supposition adoptée par 
l’auteur de la Mécanique céleste, dans sa théorie des 
réfractions atmosphériques, c’est que le pouvoir réfrin- 
gent de la vapeur d’eau est le même que celui de Peau 
liquide. En effet, nous venons de voir que le pouvoir 
réfringent de l’eau diffère très-peu de celui qui résulte 
de ses principes constituans , dans la proportion où ils 
s’y trouvent combinés : or, puisque dans le passage 
d’un de ces états extrèmes à l’autre, la force réfrin- 
gente n’éprouve qu’une variation peu considérable, elle 
en doit éprouver une bien moindre encore dans Je 
passage de Pétat liquide à l’état de vapeur, qui for- 
ment deux termes infiniment plus rapprochés ; on peut 
donc supposer le pouvoir réfringent de l’eau égal à 
celui de la vapeur, et alors, pour calculer lés réfrac- 


réfringent de l’hydrogène , la seconde par 0.86161; pouvoir réfringent de 
l’oxigène, on trouve pour résultats les nombres 0.77490 eto.76077, qui, étant 
ajoutés, donnent 1.53567 pour le pape réfringent de l’eau, calculé d’après 
ses principes constituans. 

Suivant Newton , Optique , livre IT, lorsque la lumière passé du vide dans 


5 OR. F . À 529 : 
l’eau, le rapport du sinus d'incidence au sinus de réfraction est : et 
9 


cette valeur est très-exacte, comme nous nous en sommes assurés par l’ex- 
érience, En quarrant ce rapport et retranchant l’unité du résultat, on aura 
a oi de la force vive de la lumière , qui sera ©.78451 ; il ne reste 
. plus qu’à diviser ce nombre par la densité de l’eau à zéro, qui est 773, 
celle de l'air étant 1, et par la force réfringente de l'air qui est, selon nos 
expériences, 0.0005891712, et à laquelle nous comparons toutes les autres. 


o.78451 


On aura ainsi ou 1.7225 pour la force réfringente de 


7730.00058y1712 à 
Veau, conclue de l'observation directe. Généralement pour comparer les 


résultats de Newton aux nôtres, il faut les calculer comme le précédent, 


336 suR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE; 


tions que cette dernière doit produire , il suffit d’avoir 
égard à sa densité qui est ++ de celle de l'air à force 
élastique égale, et à sa quantité qui est déterminée par 
la double indication de l’hygromètre et de la température. 
En opérant ainsi, on voit, comme l’a montré M. La- 
place, que la vapeur d’eau doit réfracter à très-peu près 
autant que Pair atmosphérique à force élastique égale, 
l'excès de sa force réfringente 1.7225 étant presque 
compensé par sa densité qui est moindre que celle de 
Pair , en sorte que leur produit est peu différent de 
l'unité : et l’on peut même remarquer que la vapeur 
n’existant jamais qu’en très-petite quantité dans lat- 
mosphère, une légère erreur sur l’évaluation de son 
pouvoir réfringent ne seroit d’aucune influence dans les 
observations astronomiques , à tel point que l’on pour- 
roit même employer, sans une grande erreur, le pou- 
voir réfringent qui résulte de la combinaison des gaz: 
d’où l’on voit, à plus forte raison, qu’en partant de 
celui de l’eau liquide, ce qui est plus exact, on n’a 
absolument aucune erreur à craindre, du moins dans 
les limites de température où se font toujours les ob- 
servations. Seulement il seroit utile de vérifier avec 
beaucoup de précision le rapport des densités de l'air 
et de la vapeur, qui a ici une grande influence , quoique 
déja le rapport ++ paroisse extrêmement approché. Avec 
ces données nous avons eu égard à la vapeur d’eau, 
lorsque cela est devenu nécessaire, dans le calcul des 
pouvoirs réfringens des gaz différens de l’air atmos- 


5 
phérique. 


ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF. GAZ. 337 


On auroit lieu d’être surpris si nous n’avions pas 
soumis à nos expériences le gaz acide carbonique , dont 
la composition a été donnée par Lavoisier. Nous étions 
d’autant plus intéressés à l'essayer que le carbone qui en 
fait la base , entre dans la composition d’une infinité de 
substances; d'ailleurs, la réfraction du diamant ayant été 
observée par Newton, nous pouvions la comparer à celle 
du carbone, déduite de l’acide carbonique, et vérifier 
ainsi un des résultats les plus curieux de la chimie mo- 
derne. Cette recherche étoit donc, soit par elle-même, 
soit par ses conséquences , une des plus importantes que 
nous pussions nous proposer. Voici maintenant les 
résultats qu’elle nous a offerts. 

Le pouvoir réfringent du gaz acide carbonique, d’après 
nos expériences, est égal à 1.00476 , celui de l’air atmos- 
phérique étant l’unité. En admettant, d’après les expé- 
riences de Lavoisier, que ce gaz est composé de 0.76 
oxigène en poids, et 0.24 carbone , supposition jus- 
qu’à présent la plus probable, et qui est au moins 
très - approchée , on trouve le pouvoir réfringent du 
carbone égal à 1.4581, c’est-à-dire moindre que celui 
de l’eau (1). Toute autre proportion dans laquelle on 


() Le pouvoir réfringent de l’oxigène, multiplié par 0.76, 
Free NON AMEN HUE rl. ele IR SHele sa tel. LO-00A02 
Le pouvoir réfringent de l’acide carbonique, . . . , . .. 1-00476 


Différences AE = ee ame ee Malle et ele 034994 
Cette différence étant divisée par 0.24, donne 1.4581 pour le pouvoir ré- 
fringent du carbone. 
Ce résultat est subordonné aux proportions de carbone et d’oxigène qui 


1806. Premier semestre, 43 


338 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE y 


feroit entrer moins d’oxigène, donneroïit au carbone un 
pouvoir réfringent encore plus foible ; mais on peut ai- 
sément prouver que celle que nous lui attribuons ici est 
à fort peu près exacte. 

En effet, il existe un moyen très-simple de la vérifier; 
c’est de voir sien la combinant avec les pouvoirs réfrin- 
gens desautres substances gazeuses, tels qu’ilssont donnés 
par l’observation directe, on obtient réellement les pou- 
voirs réfringens des corps, soit liquides , soit solides, qui 
contiennent du carbone, et dans lesquels on connoît 
d’ailleurs, par une analyse au moinsapprochée, la nature 
et les rapports des principes constituans. 

C’est ici que se fait sentir le besoin d’expériences sur 
la composition des corps, et le très - petit nombre de 
celles auxquelles on peut se fier avec certitude, fait vi- 
vement regreter que la chimie soit si peu avancée sur 
cet objet. Cependant nous avons encore été assez heu- 


entrent dans la composition de l’acide carbonique, M. Berthollet a annoncé 
depuis long-temps que les proportions données par Lavoisier devoient être 
inexactes à cause de l’hydrogène que le charbon contient, et dont il est 
impossible de le dépouiller par le feu. Le fils de cet illustre chimiste vient de 
confirmer son opinion par une expérience décisive. En faisant passer du soufre 
en vapeur sur du charbon calciné au feu de forge, il lui a encore enlevé 
une très-grande quantité d'hydrogène, et le charbon ainsi épuré a présenté 
dans sa combustion des caractères particuliers qu’on ne lui connoissoit pas, 
Les nouvelles proportions que M. Berthollet fiis va déduire de cette expérience, 
relativement à la composition de l'acide carbonique , altéreront sans doute la 
valeur précédente de la force réfringente du carbone; mais il est facile de 
voir qu’elle deviendra encore plus petite, puisque, suivant l’estimation actuelle, 
on suppose dans l’acide carbonique plus d’oxigène que le charbon n’en absorbe 
réellement. 


ETSUR LES FORGES RÉFRINGENTES DES Dirr. GAZ. 339 
reux, puisque nous avons pu appliquer ce genre d’épreuve 
à quelques exemples, où nous combinons des analyses 
faites par MM. Lavoisier , Berthollet, Fourcroy et Vau- 
quelin, avec des RÉ Os de AE sur les pou- 
voirs réfringens. 

Le premier de ces exemples est relatif aux huiles 
fixes, particulièrement à l’huile d’olive. Lavoisier en à 
donné la composition ; suivant lui, elle est composée de 
©.21 d'hydrogène en poids, et 0.79 de carbone. Il est 
possible que cette analyse ne soit pas rigoureusement 
exacte, peut-être les huiles fixes contiennent-elles un 
peu d’oxigène; mais, dans tous les cas, on peut sans 
crainte regarder ce résultat comme très - approché. En 
combinant, suivant ces rapports, le pouvoir réfringent 
de l’hydrogène, que nos observations donnent, et le 
pouvoir réfringent du carbone, tel qu’on le conclut de 
l'acide carbonique; on trouve le pouvoir réffingent de 
l'huile d'olive égal à 2.5382, celui de l’air étant 1. Les 
observations de Newton donnent pour ce même pouvoir 
réfringent 2.7684 ; la différence de l’observation et 
du calcul est = de la valeur totale, et elle se ‘trouve 
dans le sens quela condensation paroîtroit indiquer. Cet 
accord est donc une vérification de la valeur que nous 
avons assisnée plus-haut, pour le pouvoir:réfringent du 
carbone (1). 

L’analyse de alcool, faite aussi par: Lavoisier, offre 
encore le moyen de faire une épreuve semblable. 


(1),Ce résultat et les suivans sont calculés par la formule.de la page 330, 
et. d’après les nombres contenus dans le tableau de la page 320, 


340 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE, 


Suivant cet excellent chimiste, ce liquide contient 0.544 
d’oxigène, en poids , 0.166 d'hydrogène, et 0.29 de car- 
bone. En calculant le pouvoir réfringent de lalcool 
d’après ces rapports, on le trouve égal à 1.9894, celui 
de Pair étant 1 ; les expériences de Newton , que 
nous avons vérifiées , donnent 2.2223 : la différence 
est moindre que + de la valeur totale, toujours dans le 
sens déterminé par la condensation. 

Enfin, nous pouvons aussi essayer nos résultats sur 
un corps solide, en employant l’analyse de la gomme 
donnée par MM. Fourcroy et Vauquelin dans leur travail 
sur les substances végétales, analyse qui, comme les 
précédentes , est sinon rigoureusement exacte, au moins 
déja très-rapprochée. Suivant ces chimistes, une partie 
de gomme contient 0.6538 d’oxigène , 0.1154 d’hydro- 
gène , et 0.2308 de carbone ; d’après ces données le pou- 
voir réfringent de la gomme déduit du calcul est 1.6931. 
D’après Newton, il est 1.8826, la différence estenviron+, 
dont l’expérience de Newton excède le résultat conclu 
de la composition chimique. 

Toutes les autres substances dans lesquelles entre le 
carbone, concourent avec les précédentes à lui donner 
une force réfringente peu considérable, et telle que nous 
l'avons assignée. Sans pouvoir appliquer à toutes un 
calcul rigoureux, puisque l’on n’a pasleur analyse exacte, 
on peut cependant observer que les valeurs de leurs pou- 
voirs réfringens s’accordent à les placer dans l’ordre in- 
diqué par l’influence combinée de leurs élémens; de sorte, 
par exemple, que la réfraction est plus forte où l’hy- 


ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF. GAZ: 341 


drogène domine, moindre où domine le carbone, et 
moindre encore lorsque l’oxigène est le principe le plus 
influent ; ainsi l’éther a une force réfringente plus grande 
que l'alcool , et l’essence de térébenthine en a une plus 
forte que les huiles fixes. Le pouvoir réfringent de l’hy- 
drogène carburé est beaucoup moindre que celui de 
l'hydrogène pur, et il s’affoiblit à mesure que la pro- 
portion du carbone augmente. Ces aperçus ne suffiroient 
pas à eux seuls pour donner la mesure de cette in- 
fluence, mais ils acquièrent une très-grande force lors- 
qu’ils viennent si bien à l’appui des résultats conclus 
par un calcul rigoureux. 

Maintenant, si l’on calcule le pouvoir réfringent 54 
diamant d’après les expériences de Newton, on le 
trouve exprimé par 3.1961, celui de l'air étant à. Cette 
valeur est plus que double de 1.458: que nous venons 
de trouver précédemment pour la force réfringente du 
carbone, et l’on ne sauroit l’introduire dans la combi- 
naison des expériences sans de grandes erreurs : d’où il 
paroît que le diamant n’est pas du carbone pur. 

On ne doit pas opposer à ce résultat l’effet présumé de 
la condensation pour augmenter la force réfringente ; car 
cet effet, s’il est réel, paroît n’avoir qu’une fort petite. 
influence , comme le prouve l’accord très-approché de 
l'expérience et du calcul relativement aux substances 
que nous venons d’examiner ; et si, par exemple, dans 
Veau où la combinaison réduit les gaz constituans à un 
volume plus de 2000 fois moindre, l'effet d’une si 
énorme condensation ne produit qu’un accroissement 


B42 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE , 


de + sur la force réfringente, peut-on admettre que cet 
‘accroïssement acquière tout-à-coup une valeur neuf ou dix 
fois plus grande dans le passage à l’état solide, qui n’exige 
plus qu’une condensation incomparablement moindre? 
Ce que nous disons i ici pour l’eau , s’applique également 
aüx huiles fixes ét à l’alcool ; où le carbone conserve 
errcore sa foible action sur la tuihière. Maïs ce quile prouve 
Bien mieux encore Te "est exemple de Ta gomme arabique 
qui est aussi un corps solide , et dans lequel on ne voit 
pas croître le pouvoir réfringent d’une manière aussi dis- 
proportionnée par l'effet de la condensation. Enfin s’il 
étoit besoin d’autres exemples, la cire, qui est pareille- 
ment solide , devroit réfracter bien ‘Sté que l’huile de 
térébenthifes car elle contient plus de carbone; au 
contraire elle réfracte beaucoup moïns , et, à plus forte 
raison , son pouvoir réfringent est-il inférieur à celui du 
diamant. 

Que peut-on conclure des rapprochemens que nous 
venons de faire, si ce n’est que le diamant n’est pas du 
carbone pur, et que sa grande force réfringente y décèle 
la présence de l'hydrogène , cause la plus puissante du 
pouvoir réfringent des corps ? É | 

En partant des observations de Newton, on trouve 
que le diamant devroit contenir 0.353706 ou plus du tiers 
de son poids d'hydrogène pour satisfaire à sa grande force 
réfringente. En réduisant cenombre proportionnellement 
aux petites différences que nous avons remarquées entre 
le calcul et la théorie , on le ramenceroit à 0,25 ou?, mais 
on ne peut le diminuer davantage sans se trouver en con- 


\ 


ET SUR LES FORCES RÉFRIENGENTES DES DIFF. GAZ4 343 


tradiction avec ce que toutes les autres:snbstances parois 
sent indiquer. Telle.est la. conséquence à laquelle nous 
sommes parvenus, et elle paroît de nature à mériter 
qu'on la vérifie par une expérience directe , c’est-à-dire 
par l'analyse. du diamant faite. de nouveau avec tous les 
soins que nos soupçons sur la présence de l’hydrogène 
peuvent motiver. 

Mais avant de terminer ces considérations, nous de- 
vons rappeler encore à l’attention des chimistes l’im- 
portance de ces recherches exactes -sur la composition 
des corps. C’est à eux que nous devons. nous adresser 
pour obtenir des résultats précis qui nous. permettent 
de suivreencore l’influence des pouvoirs réfringens dans 
d’autres substances bien connues; car, en appliquantles 
principes précédens à des analyses défectueuses, :ou À 
des réfractions mal. observées , om se trouveroit. fort 
éloigné des résultats véritables. De notre côté, nous 
ne, négligerons rien pour multiplier nos observations sur 
les corps solides, les liquides et les vapeurs, et peut-être 
devrons-nous encore quelque résultat utile à l’heureuse 
analogie que nous a dévoilée Newton. Ces recherches 
paroissent déja assez certaines pour offrir un moyen de 
vérifier jusqu’à un certain point les analyses chimiques 
des corps transparens, et c’est peut-être un résultat assez, 
singulier en lui-même que l’on puisse pénétrer si avant 
dans la composition des corps, et reconnoître d’ume 
manière si approchée la nature et les proportions de 
leurs principes, avec le seul secours du cercle répétiteur. 

Les rapprochemens que nous venons de faire sont 


344 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE ; 


extrêmement favorables au système de l’émission de la 
lumière, et paroissent contraires à celui des ondulations. 
En effet, dans le premier système ; on conçoit bien que 
les pouvoirs réfringens des composés doivent dépendre 
de ceux de leurs principes. La combinaison des forces 
attractives doit se faire proportionnellement aux masses, 
et le peu d’iniluence de la condensation prouve seule- 
ment le prodigieux éloignement des particules de la lu- 
mière, ainsi que leur finesse extrême relativement aux 
particules des corps et aux distances qui les séparent; 
circonstances qui sont déja indiquées par beaucoup d’au- 
tres phénomènes. Mais si l’on veut supposer avec Huy- 
gens et les partisans de sa doctrine, que la lumière est 
produite par les vibrations d’un milieu très -élastique 
sans transmission de matière, on ne conçoit plus rien à 
ce rapport si simple des. composés avec les composans. 
On peut mème dire, sans trop s’avancer, que ce rap- 
port devient tout-à-fait impossible ; car la condensation 
ou la dilatation des milieux doivent nécessairement avoir 
une influence très-compliquée sur la:marche, la di- 
rection, la vitesse des ondes lumineuses qui s’ÿ propa- 
gent; et quelle ne doit pas être cette influence dans le 
passage de l’état gazeux à l’état liquide, lorsque Les prin- 
cipes constituans se trouvent réduits à un volume deux 
ou trois mille fois moindre que leur volume primitif, 
ainsi que cela a lieu, par exemple , dans la composi- 
tion de l’eau! 

La possibilité dé déterminer les pouvoirs réfringens 
des corps d’après leur composition chimique, fait encore 


ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF. GAZ. 345 
présumer que lon pourra opérer de même relativement 
à leurs facultés dispersives. On sait que la lumière, en 
traversant les corps solides ou liquides, s’y brise et s’y 
décompose en une infinité de rayons diversement colo- 
rés. Cet effet, que l’on nomme la dispersion de la lu- 
mière, n’a pas la même intensité dans les différens 
corps; il n’est pas non plus proportionnel à leurs forces 
réfringentes ; car des substances qui réfractent également 
les rayons moyens, réfractent et dispersent inégalement 
les rayons extrêmes, et c’est même par un heureux 
emploi dé cette inégalité que l’on est parvenu à faire 
des lunettes achromatiques : cependant ces deux phéno- 
mènes paroïssent liés dans leur principe; car, en général, 
les forces réfringentes et dispersives croissent et dimi- 
nuent ensemble, quoique dans des rapports différens. On 
sait même que relativement à chaque rayon la loi de 
la réfraction se maintient sous les différens degrés d’o- 
bliquité ; en sorte que les sinus d’incidence et de réfrac- 
tion d’un même rayon sont entre eux dans un rapport 
constant, qui varie seulement suivant la couleur du 
rayon et la nature du corps. Ces phénomènes semblent 
indiquer que les molécules des corps- n’ont pas une 
action égale sur toutes les molécules de la lumière, et 
qu’elles attirent les unes avec une plus grande, les autres 
avec. une moindre intensité. Alors tout ce que nous 
avons dit relativement à la combinaison des pouvoirs 
réfringens moyens, étant appliqué séparément à chaque 
rayon, fera connoître les changemens de la force ré- 
fringente qui lui est particulière, et l’on pourra calculer 

1806. Premier semestre. 44 


346 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE, 


le pouvoir dispersif d’un mélange ou d’une combinaison 
chimique, d’après la nature et les proportions de ses 
principes constituans. De cette manière, en observant 
la dispersion dans les liquides, on connoîtra celle qui 
a lieu dans les-gaz, où elle ne peut pas être aperçue 
directement à cause de leur peu de densité (1). On aura 
ainsi la force dispersive de l’air atmosphérique d’après 
celles de l’oxigène et de l’azote; et l’on pourra par 
conséquent s’assurer sielle a quelque influence sensible, 
soit sur la coloration des nuages , des montagnes, et en 
général sur les réfractions atmosphériques au dessous 
de l’horizon, soit sur les lieux des étoiles et des planètes, 
dont la lumière est colorée. La recherche de ces résultats 
exige un grand nombre d’expériences très-exactes que 
nous n'avons pas encore pu faire, mais nous avons cru 
devoir les indiquer ici, parce qu’elles sont une consé- 
quence pour ainsi dire nécessaire des résultats précédens. 

Ceci nous conduit naturellement à considérer les ap- 
plications de notre travail à l’astronomie. Le pouvoir 


(1) Pour observer exactement la réfraction dans les liquides, il faut em- 
ployer un prisme dont l’angle réfringent soit fort petit, come de 3 où 4 
degrés; alors la dispersion est insensible, même dans, les lunettes, et l’on 
peut, observer la route du rayon lumineux avec la dernière précision. On 
n’auroit pas cet avantage en employant des angles réfringens plus considé- 
rables, et la décomposition de la lumière altéreroit trop la forme des objets 
pour qu’on pt observer exactement. Il faut donc réserver ces grands angles 
pour le cas où l’on veut observer la dispersion après que la réfraction est 
connue. Au reste, la petitesse des angles ne peut pas être regardée comme 
nuisible à Fexactitude, lorsqu'on les mesure par la réflexion de la lumière 
et au moyen du cercle répétiteur, comme nous l’avons pratiqué. 


ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF. GAZ. 347 


réfringent de l’air atmosphérique, qui se trouve donné 
par nos expériences, est, comme nous l’avons dit, un 
des élémens les plus délicats de la théorie des réfrac- 
tions. M. Delambre, qui s’est appliqué depuis long-temps 
à déterminer avec exactitude tous les résultats impor: 
tans de cette Science qu’il a si fort avancée , vient encore 
de faire sur ce sujet de nouvelles recherches pour ses 
tables du soleil, d’après les formules de M. Laplace, 
et en comparant plus de cinq cents observations. Il a 
trouvé ainsi qu’à la température de la glace fondante, 
et sous la pression 0" 76 ; l'accroissement du carré de la 
vîtesse de la lumière, lorsqwelle passe du vide dans l'air, 
esto.000294047; sa vitesse propre dans le vide étant prise 
pour unité (1). Nosexpériences donnent cet accroissement 
dans les mêmes circonstances égal à 0,0002045856, 
La différence qui existe entre ce résultat et.celui de 
M. Delambre, feroit à peine -— de seconde sur la po- 
sition des astres observés à 46° de hauteur. 

Un autre résultat non moins utile, et que. nous 
croyons avoir établi d’une manière rigoureuse, C’est 
l’exacte proportion de la force réfringente de l’air à sa 
densité. On voit par nos expériences que cette propor- 
tion subsiste depuis les dernières raréfactions de Pair 
jusqu’à une pression de 0"80o , la plus grande que nous 


‘() C’est la valeur du coefficient employé dans la Mécanique cé= 
Leste, t. IV, P- 246. Le double de cette quantité où <= p est l’accroisse- 


ment total du carré de la vitesse , lorsque la lumière a pénétré dans l'air d’une 
quantité sensible et a déja subi toute son action. 


348 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈREs 


âyons pu éprouver dans notre prisme, et par toutes les 
températures, depuis 4 ou 8 degrés au dessous de la 
glace fondante jusqu’à 28 ou 30 degrés du thermomètre 
centigrade, comme le prouvent les observations faites 
à des jours différens ; quoique ces expériences n’aient pas 
pu être faites dans des limites plus étendues , l’accord 
parfait qui règne entre tous leurs résultats, ne permet 
pas de douter que la loi qui s’y observe ne se soulienne 
beaucoup plus loin. On peut même, jusqu’à un certain 
point, tirer, à cetégard, quelque induction des expériences 
mêmes; car, par exemple, si l’accroissement ou la dimi- 
nution de la chaleur devoient, après un certain terme, 
avoir quelque influence sur la force réfringente de l’air, 
aütrement que par le changement qui en résulte dans sa 
densité, on devroit certainement reconnoître déja cette 
influence dans les températures ordinaires , lorsque l’on 
opère à de grandes raréfactions; car, à température égale, 
la quantité de chaleur combinée qui existe dans l’air, 
lorsqu'il est raréfié jusqu’à une pression de deux ou trois 
millimètres, est, relativement à sa masse, incomparable- 
ment plus grande que celle qui existe aussi combinée 
dans le même air sous la pression de 0" 76 ; et puisque 
les expériences ne font apercevoir, à cet égard, aucune 
différence‘entre les forces réfringentes de V’air raréfié et 
condensé, il devient extrêmement probable que cette 
force ne varie qu’avec la densité de Pair, et précisément 
dans le même rapport, indépendamment de la quantité 
de chaleur qui peut s’y trouver en combinaison. Cette 
loi doit donc s'étendre depuis la surface de la terre jus- 


\ 


ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF. GAZ. 349 
qu'aux limites de l’atmosphère, et l’on peut l’admettre 
avec sûreté dans les observations astronomiques, en sup- 
posant que la composition chimique de l'air soit par-tout 
la même. + 08 

Nous avons aussi mis beaucoup de soin à déterminer 
exactement les pesanteurs spécifiques de l’air et du mer- 
cure, parce que le rapport de ces pesanteurs détermine 
deux élémens que l’on n’avoit jusqu’à présent obtenus que 
d’une manière indirecte, savoir la hauteur de l’atmos- 
phère supposée homogène, laquelle entre dans la théorie 
des réfractions , et le coefficient qui sert à mesurer l’élé- 
vation des montagnes par les observations:du baro- : 
mètre (1). I résulte de nos expériences qu’à la tempé- 
rature de la glace fondante , sous la pression 0"76, 
et pour la latitude de 45°, la pesanteur spécifique 
du mercure est à celle de l’air sec comme 10467 est 
à 1, ce qui donne 7954"9 pour la hauteur de l’atmos- 
phère supposée homogène, et 10334" pour le coeffi- 
cient de la formule qui sert à mesurer les élévations des 
montagnes par les observations barométriques. 

Nous croyons pouvoir encore déduire de nos recher- 
ches une autre vérité assez utile , mais elle exige que 
nous rapportions les résultats généraux trouvés par 
les physiciens et les chimistes, sur la nature et la cons- 
titution de l’atmosphère. Mado EAP 

M. Cavendish est le premier qui ait ds ché à établir 
que les propor rtions des deux élémens de l'air atmos- 


LT PANEI 4 


QG) Voyez k Mécanique céleste, t. IV, p- 245. 


350 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE ;. 


phérique sont constantes, malgré la distance des lieux : 
et la différence de la température. Les observations faites 
depuis par de Marty en Espagne, par M. Berthollet en 
Egypte et en France, par Davy en Angleterre, et par 
Beddoes, sur de l’air rapporté de la côte de Guinée, 
ont confirmé ce grand résultat; mais une des plus belles 
expériences que l’on ait faites à cet égard, est celle de 
Gay Lussac, qui s’étant élevé seul dans un ballon à la 
hauteur de 6900 mètres, la plus grande à laquelle 
l’homme soit jamais parvenu , a rapporté de l’air atmos- 
phérique de ces hautes régions. Cet air analysé à son 
‘ retour, comparativement à celui qui se trouve à la sur- 
face de la terre, a donné les mêmes principes dans les 
mêmes proportions ; ce qui prouve que la constitution 
chimique de l’atmosphère, bien au-dessus de la région 
des nuages et des orages, est encore la même qu’à la 
surface de la terre. Ce résultat a encore été confirmé 
par les expériences que Humboldt et Gay Lussac ont 
faites ensemble dans leur travail sur l’eudiométrie ; l’air 
de la surface de la terre, analysé à des jours différens, 
par des temps et des températures diverses, n’a offert 
dans sa composition aucun changement ; il s’est toujours 
trouvé contenir 0.21 d’oxigène en volume, le reste étant 
de l'azote, mêlé à quelques millièmes d’acide carbonique, 
et peut-être aussi à quelques autres gaz , mais dans des pro- 
portions si petites que analyse chimique n’a pas encore 
pu parvenir à les déterminer. J’ai moi-même eu occasion 
de vérifier après eux cette grande loi de la nature dans 
un voyage aux Alpes que je fis l’année dernière : l’air 


ET SUR. LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF, Gaz. 351 


atmosphérique analysé par l’étincelle électrique dans les 
lieux les plus divers, dans des vallées profondes , et sur 
des montagnes élevées, aux bords des lacs de Genève 
et de Neufchâtel , dans les glaciers de Chamouni , au 
col de Balme , dans le Valais, sur le grand St.-Bernard, 
à Turin et à Grenoble , m’a toujours présenté la même 
composition (1) :.or, puisque nous avons trouvé que la 


G) Voici le tableau de ces résultats tels que je les ai  Opienus : 


PROrORTION D'OxIGÈNE 
IxDICATION DES LIEUX. FA sur 


100 parties d'air. 
TE Lu TS Cd 7. 
Lac de Neufchâtel. . . | + + + 20-67 s + 
Wpattde Genève +. 2". V2D:12 
HiBällenche . 121034 "003008 it 0089 em 
; Glaciers de Chamouni. . + ++ /20°11 
l Col de Balme . SEA Fat 20.23 
j Martigni en Valais .. , HO. JE: 6a 
Grand Saint-Bernard , . Fe ++ + 20-46 ; 
Durinisss aile, 2 40e MOIS 5, aan #4 
Mont-Cénis . he 5 ‘Toi ‘ *...e + 21°00. ali 
Paris e M elisl =) 0 2 Yoa + + + »+ 21:00 


Ÿ Ces analyses de Ar ont ‘été faites avec le gaz hydrogène et par le moyen 
de l’étincelle éleetrique. L'eudiomètre étoit un tube très -étroit divisé en 
trois cents parties ; et chaque résultat a été vérifié plusieurs fois. Le gaz 
hydrogène étoit fait avec beaucoup de soin, et dans de l’eau privée d’air par 
‘l'ébullition; mais comme MO IS rotiroit du Feripar, l'acide sulfürique , àl seroit 
possible qu’il ne fût pas encore aussi parfait que celui du zinc distillé, et . 
c'est peut-être àscela qu’il faut attribuer la petite différence de quelques mile 
lièmes qui se trouvent entre ces résultats et celui que Humboldt et Gay 
Lussac ont obtenu à Paris ; oùilsont constamment où 21 ps la proportion 
d’ oxigène. J 

‘Un autrephénomène qui. vient à l’appui de cette uniformité de constitution 
de dans tont l'atmosphère, indépendamment de la distance , c’est que 


352 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE , 


force réfringente de l’air atmosphérique correspond 
aux rapports des principes constituans qui le composent 
et peut s’en déduire exactement, il s’ensuit que cette 
force réfringente est la même par toute la terre à densités 
égales , et ainsi les tables de réfraction calculées par les 
observations faitesen Europe, peuvent s’étendre à toutes 
les contrées du globe sans aucune modification , résultat 
qui fut autrefois un des objets du voyage des astronomes 
français à l’équateur et au pôle. 

Enfin nous avons confirmé , par des expériences di- 
rectes, et par de très-fortes analogies , ce que l’auteur 
de la Mécanique céleste avoit déja prévu relativement 
à la vapeur aqueuse , savoir, qu’elle réfracte à fort peu 
près comme l’air atmosphérique, à force élastique égale; 
et si nous n'avons pas pu fixer la différence qui peut 
exister à cet égard entre ces deux substances , du moins 
nous avons prouvé qu’elle est si petite, et comprise 
dans des limites si resserrées, qu’il n’en peut jamais 
résulter aucune erreur notable dans les observations 
astronomiques ; et enfin, que l’on peut y avoir égard, 
d’après le principe de M. Laplace, en supposant le 


l'eau exposée à l'air libre, absorbe toujours la même proportion d’oxigène 
dans tous les lieux lorsque les circonstances sont les mêmes. Ainsi l’air 
contenu dans l’eau de la cascade du Nant-d’Arpenas, qui a huit cents pieds 
de chute, m’a donné, sur cent parties, 31.45 d’oxigène, absolument comme 
l’eau de pluie à Paris, ou comme l’eau distillée qui a repris de l’air; et dans 
air dégagé des neïges éternelles qui couvrent le sommet du grand Saint 
Bernard, j'ai trouvé 27.32 d’oxigène, comme dans la neige qui tombe annuel- 
lement à Paris, | 


ÉT SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF. GAZ, 393 


pouvoir réfringent de la vapeur aqueuse égal à celui 
de l’eau. 

Dansle travail que nous venons d’exposer , nous avons 
tâché d’offrir aux physiciens , aux chimistes et aux as- | 
tronomes , quelques résultats utiles, fondés sur des ob- 
servations et sur des calculs exacts. Nous avons cherché 
à déterminer par des expériences directes toutes les don- 

nées physiques qui servent de fondement à la théorie des 

réfractions astronomiques, et que l’on avoit jusqu’à pré- 
sent conclues des observations : sous ce rapport, nous 
avions sur-tout en vue de répondre aux questions pro- 
posées par l’auteur de la Mécanique céleste, dans son 
livre X. Telle a été aussi l'influence du livre de la Pzi- 
losophie naturelle, sur les observateurs qui ont vécu du 
temps de Newton ; car ces grands ouvrages, tout pleins 
de l’esprit d’invention et de recherche, ne donnent pas 
seulement à ceux qui les méditent la connoissance des 
découvertes : ils leur montrent encore quel doit être 
le but et l’objet de leurs travaux. 


Qt 


1806. Premier semestre. 4 
ee 


354 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE ; 


NOTES. 


, PREMIÈRE NOTE. 
Mesure de l'angle réfringent du prisme. 


Ses SP, SP' (fig. 4) les deux faces du prisme; PO, 
P'O deux rayons lumineux menés des points P, P'à un même 
objet O infiniment éloigné, et par conséquent parallèles entre 
eux. Soient PC, P'C' ces rayons réfléchis : si l’on mène les lignes 
PN, P'N' qui divisent les angles CPO, CP'O en deux parties 
égales, ces lignes seront, d’après les propriétés connues de la 
lumière, normales aux faces PS, P'S du prisme. Si les angles 
CPO, C'P'O étoient tous deux dans un même plan perpen- 
diculaire à la commune section des deux faces du prisme, les 
deux normales NP, N'P' se couperoiïent dans un point 8’ de 
leur prolongement, et l’angle NS'N' formé par ces normales 
seroit le supplément de l'angle PSP" formé par les deux faces 
du prisme ; en sorte que cet angle seroit facile à déterminer 
quand celui des deux normales seroit connu. 

On peut aisément obtenir les angles CPO, C'P'O en plaçant 
aux points C et C’ un cercle répétiteur, et mesurant les angles 
OCP, OC'P' formés par les lignes parallèles CO, C'O, avec 
les rayons réfléchis CP , CP’. Ces angles sont ceux que forment 
les images directes de l’objet avec ses images réfléchies. | 

Ainsi, en nommant #, #' les angles CPO, C'P'O, dé- 
duits de l'observation précédente, on en tire NPO =, 
NEO —= = ; et si les deux angles C’PO, C'P'O étoient 


tous deux dans un même plan perpendiculaire à la com- 


ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF. GAZ. 355 


mune section des deux faces, l’ângle des deux normales 


{ 
72, et son supplément 180 — Z 
2 


réfringent du prisme. 

Mais comme les angles CPO, C'P'O ne sont pas dans un 
même plan, il arrive en général que les deux normales NP, 
N'P'ne se coupent point. Alors l’angle de ces normales n’est 


seroit 


seroit l’angle 


plus égal à ==, et il faut, pour l'obtenir, faire à cette 
quantité une correction dépendante de l’inclinaison des plans 
CPO, C'P'O, dans lesquels on a observé. 

Pour déterminer cette correction, on remarquera que les deux 
plans CPO, C'P'O, contenant les parallèles CO, PO, C'O, 
P'O, ont leur commune section parallèle à ces lignes. Si, par 
un point de cette commune section, on mène, dans le plan CPO, 
une ligne parallèle à PN; dans le plan C'P'O, une ligne pa- 
rallèle à P'N', ces droites feront avec la commune section des 
angles égaux à NPO, N'P'O, ou à T; =, et l’angle inter- 
cepté entre ces mêmes droites sera le même que celui des deux 
normales NP, N'P', qui ne se coupent point. Soit donc 4Z 
(fig. 5) la commune section des deux plans CPO, C'P'O, que 
nous prendrons pour axe des Z; soient 4X, 4 Y deux axes 
des x et des y qui lui sont supposés perpendiculaires ; soient 47, 
An’ les droîtes parallèles aux normales PN, PN', et prenons 
les axes de manière que la première Az se trouve dans le plan 
même des YX, on aura pour les équations de cette droite 


TO; ÿ—Z. Lang. — 


Soit maintenant ç langle des deux plans CPO, C'P'O dans 
lesquels on à observé; les équations de la droite 4 z', ou plutôt 
celles de ses deux projections sur les deux plans des zz et : 
des yz, seront .de la forme 


TZ. ang. m3 ÿ — 2. lang. æ"” 


356 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE; 


4 
Or, puisque cette droite fait un angle — avec l’axe des z, 
et qu’elle est comprise dans un plan vertical qui fait un angle @ 
avec le plan des yz, on aura 


1e 
lang. m" —= (ang. ——. Sin 
,0 = Lg. — in. @ 
f 
; 


tang. @ — 1ang. —. COS. @ 
2 2 2 


de sorte que les équations de 47’ deviennent 
q al 


œ . 

Z = Z. lang. —+ Si @ 
@! 

Y = Z. Lang. =. COS. @ 


Or on sait que les équations de deux droites étant 


Pen LA NE Dee A 
PM LS =), 
L’angle formé par ces droites est donné par l'équation 


cos. F — 1 + aa! + bb! 
TO Vitae Vitaa 
On aura donc, relativement aux droites 4, A'n' 
L 2 ? 


/ 


Lré œ 
1 + 1/ang. lang. + COS. @ 


COS AU — RATE CE 
Lo æ! 
V/ 1 + ang. — LA 1 + ang, — 
ou 
e ce! . : ! 
cos. V = cos. “—. cos. = + sin, —. sin. =. cos. @ 
2 2 2 24 


formule qui donneroit W — es — si l’on avoit eg — 1800, 
c’est-à-dire si les triangles CPO, C'P'O étoient tous deux dans 


un même plan. 


ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF. GAZ. 357 

Il est physiquement impossible de se placer de manière que p 
soit exactement égal à 180, mais on peut en, approcher de très- 
près; en sorte que la différence puisse être rendue très-petite. 


Soit donc en général 


COS. P— — 1 + a 


æ étant une petite quantité, on aura 


J 


Le . LA . œ 
) + sin. sin. 


cos. F = cos. === 
Le second terme exprime la correction due À la non-coïn- 
cidence des plans, et l’on voit qu’elle tend toujours à diminuer 


! 
= — — obtenu par l'observation directe Ce qui 


l'angle 7: ou 
augmente l’angle réfringent d’une égale quantité ; et l’on conçoit 
en effet, à posteriori, que cela devoit arriver de cette manière, 
puisque l’angle réfringent du prisme est le plus grand de tous 
ceux qui peuvent être formés par deux plans perpendiculaires 
à ses faces. 

C’est par cette formule que l’on a calculé l’angle des nor- 
males PN, P'N'; et par suite celui des deux faces du prisme. 
Il ne nous reste plus qu’à rapporter les moyens que l’on a 
employés pour mesurer les angles æ, #', @. 

Les angles &, #', ou plutôt leurs supplémens OCP, OC'P!, 
ont été observés avec un petit cercle répétiteur de Lenoir ; nous 
étions placés dans la grande salle de l'Observatoire, et Pobjet 
étoit le télégraphe de Montmartre. Comme l’image réfléchie 
étoit très-près de nous, la distance des centres des deux lu- 
nettes empêchoit qu’on ne pût la voir en même temps avec l’une 
“et avec l’autre. Il n’en étoit pas ainsi de l’image directe, à cause 
de son éloïgnement, et nous pouvions très-bien apercevoir au 
centre des deux lunettes, lorsqu'elles étoient toutes deux diri- 
gées vers l’objet. Ces circonstances particulières nous obligèrent 
de faire nos observations autrement qu’on n’a coutume de le 


358 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE 


faire avec le cercle répétiteur. Au lieu de ramener tour à tour 
la même lunette sur l’image directe et sur l’image réfléchie, ce 
qui eût été impossible, nous dirigeâmes d’abord une des lu- 
nettes sur chaque image. Celle qui répondoit à l’image réfléchie 
étoit placée sur zéro. Nommons celle-ci la lunette supérieure, 
l'autre l’inférieure. Les directions des deux lunettes étant ainsi 
bien assurées, on détache la lunette supérieure, qui étoit di- 
rigée vers l’image réfléchie, et on la fait glisser sur le limbe 
jusqu’à ce qu’elle réponde à l’image directe. Pendant ce mou- 
vement la lunette inférieure reste fixe sur le limbe, et elle sert 
ainsi à vérifier s’il a été dérangé. Après l’avoir ramenée, 
s’il est nécessaire, en faisant mouvoir le limbe, on achève de 
diriger exactement la lunette supérieure au moyen de la vis de 
rappel : l'arc qu’elle a parcouru depuis sa première position, 
et que l’on peut lire sur la division de l'instrument, est la me- 
sure de l’angle OCP ou 180 — =. 

Cette opération achevée, on fait mouvoir le limbe sans dé- 
tacher les lunettes; et comme son plan ne change pas, on 
ramène la lunette supérieure sur l’image réfléchie. Alors on 
détache la lunette inférieure, on la fait mouvoir sur le limbe 
pour la ramener sur l’image directe, et l’on se retrouve ainsi 
dans les mêmes circonstances que la première fois; de sorte 
qu’en recommençant une nouvelle opération, on a une seconde 
mesure de l’angle, comptée depuis l’extrémité de l’arc précédem- 
ment parcouru. On peut donc ainsi multiplier l'angle O CP un 
nombre de fois illimité, et par conséquent obtenir l’angle æ 
avec la dernière exactitude. La même méthode donnera l’angle æ’ 
relatif à l’autre face. 

Ces angles étant ainsi déterminés, il reste à mesurer celui 
que forment les plans du cercle dans les deux positions suc- 
cessives C, C' où l’on a fait les observations. 

Pour cela nous avons dirigé la lunette supérieure sur plu- 
sieurs points des parois verticales de la salle où nous faisions 


ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF. GAZ. 359 


nos observations. Nous avons marqué exactement ces points, 
et par le moyen du fil à plomb nous avons fixé avec beaucoup 
de précision leur projection sur le plancher de la salle supposé 
horizontal; nous avons ensuite rapporté ces projections à la 
méridienne de l'Observatoire par des perpendiculaires tracées 
sur le plancher, et nous avons ainsi déterminé la position des 
points observés, au moyen de trois coordonnées rectangulaires 
TU Var 

En même temps nous avons déterminé par des mesures très- 
exactes les trois coordonnées du centre de notre cercle dans 
chacune des deux positions Cet C'. Ces centres nous ont ainsi 
servi de vérification, puisque les plans déterminés par les points 
observés sur la muraillé devoient nécessairement les contenir, 
et cette condition s’est toujours trouvée satisfaite avec une exac- 
titude telle que l'erreur ne s’est jamais élevée à plus de 0"0005 
ou cinq dixièmes de millimètre. 

Les plans des cercles étant déterminés comme nous venons 
de le dire, on sent qu’il étoit facile d’en déduire leur inclinaison 
mutuelle; ct comme cette inclinaison suffit, ainsi qu’on l’a vu 
plus haut, pour ramener les observations dans le plan de l'angle 
réfringent du prisme, on voit que la mesure de cet angle pou- 
voit s’obtenir de cette manière avec une exactitude qui ne lais- 
soit rien à désirer. 

Quant aux formules qui ont servi à trouver l’inclinaison des 
plans d’après ces données, elles sont extrêmement simples. 
L’équation d’un plan est généralement de la forme 


Z2 = Az + By + D 
Si ce plan doit passer par trois points dont les coordonnées 
soient x'y'z', z'yz, æ'y"z", on aura 
24 Az + By + D 
Az" + By" + D 
Az" + By"+ D 


II. 


360 SUR LES AFFINITÉS DFS CORPS POUR LA LUMIÈRE, 


d’où l’on tire, en éliminant D, 


! 


ris) =@g-2)@ zx). 
ne [CZ ) 
(is Jen) 
(z' LE z'). (y — y") rs (z’ ER A1). (y es L' 2) 
= À [(z — x"). (y — y") 
— (x — 2). (y =) 
Ces formules donneront 4 et B; on äura de même 4 et B', 
et l’on en tirera 


1 + 4 A+ BB 


V1 +2: + 82 V 1 + 42 + Ba 


Connoissant @, on aura par les formules précédentes l'angle # 
des deux normales et son supplément, ou l’angle réfringent du 


COS. ® — 


prisme. 

Voici maintenant je résultats des observations faites pour 
déterminer les angles #, #' et @. 

Le 15 janvier, en prenant huit fois l’angle +, nous avons 


trouvé aire heite je Liéhée | ss tet repasil RE per 
Le même jour, en prenant onze fois 
l'angle #', on a eu . . . + + + «+ …. m — 410 35 0° 
! 
D'où l’ontire.. . . . . . .. = — 36° 55° 48 


Les séries qui ont donné ces angles marchoient très-bien, et 
on les a observés tous deux immédiatement l’un après l’autre, 
pour éviter les variations qui auroïent pu survenir dans la ré- 
fraction atmosphérique. D’après les mesures prises le même jour 
pour déterminer l’anglee, onatrouvé .. @ — 174° 40° 2” 

En substituant ces valeurs dans la formule qui donne l'angle # 
des deux normales, on trouve . . .« .. W— 36° 53 21° 

Et son supplément, ou /’angle réfrin- 


gent des faces, égal à... + 4. . « .. 1430 6° 39° 


ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF. GAZ. 361 
œ + @! 


2 


7 [2 a 
En comparant ce résultat avec la valeur de , On voit 


que la correction due à la non-coïncidence des plans des deux 
cercles n’a produit qu’une différence de 2’ 27" sur la valeur 
déduite immédiatement des observations; et vu la précision de 
la méthode employée pour déterminer l’'inclinaison des plans, 
on ne peut douter que cette correction n’ait déja beaucoup 
d’exactitude. 

Pour mettre ce résultat hors de doute > on a changé la posi- 
tion du prisme, et on l’a observé de nouveau le 23 janvier. En 
prenant dix fois l’angle &, on a trouvé. æ = 310 53° 16” 

Le même jour, en prenant dix fois 
l'angle #', on atrouyé.. . . . . .. m' — 410 52° 15° 

EE RER PAIN 
D'où lon tire... . . . . : 2% = 36 5, 45” 


Ces angles ont été observés avec le même soin que les pré- 
cédens, et même avec plus de soin encore, parce que l’on avoit 
été assez heureux pour placer les cercles à fort peu près dans 
le plan de l'angle réfringent. En effet, d’après les mesures 
prises pour déterminer l'angle ç formé par les plans des deux 
cercles, on a trouvé . . 4 . , . 4. g — 1789 28° 15” 

En sorte que ces plans coïncidoient presque l’un avec l’autre: 
En substituant ces valeurs dans la formule qui sert à déterminer 
l'angle V des deux normales, on trouve .. V — 360 52! 32” 

Ce qui donne pour lang. réfring. duprisme — 143° 7 28° 

Ce résultat ne diffère que de 49” de celui que l’on avoit 
trouvé par une première mesure indépendante de celle-ci , dans 
une autre position du prisme ; mais nous emploierons de préfé= 
rence la dernière mesure comme étant certainement plus exacte, 
parce qu’elle a été prise avec des précautions multipliées, et 
que la correction due à la non-coïncidence des plans n’y entre 
que pour 13°. On verra d’ailleurs, dans les formules qui servent 
à calculer la réfraction, qu’une différence d’une minute sur um 

1806. Premier semestre. 46 


362 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE, 


aussi grand angle ne#eroit aucun effet sensible sur le pouvoir 
réfringent de l’air; maïs nous croyons notre dernier résultat beau- 
coup plus approché que cette limite. Il est inutile de faire re- 
marquer que la méthode dont nous nous sommes servis est 
infiniment plus exacte que tous les procédés mécaniques. Ce 
n’est qu'après avoir tenté plusieurs de ces procédés, et après 
avoir reconnu leur imperfection, que nous sommes arrivés à 
celui que nous venons de rapporter. 

Il est bon de remarquer que ce procédé seroït encore appli- 
cable quand bien même les deux faces du prisme feroient entre 
elles un angle très-aigu ; seulement, au lieu de tourner l’arête 
du prisme vers l’objet qui sert de mire, il faudroit tourner une 
des faces : alors on observeroit l’objet par réflexion sur la pre- 
mière glace et sur la seconde qui se trouveroit par derrière; car 
il passera encore assez de rayons lumineux pour que l’on puisse 
voir ainsi deux images, et la moitié de l’angle qu’elles forment 
sera l'angle réfringent du prisme, si l’objet est très-éloigné. Il 
faut toujours avoir soin que l’objet et les deux images soient 
dans un même plan avec le centre du cercle; car ce n’est 
qu’alors que l’on peut être sûr d’observer dans le plan de l'angle 
réfringent. Nous avons employé ce procédé pour trouver l’angle 
réfringent d’un prisme qui nous a servi pour obtenir le pou- 
voir réfringent des liquides. On lui avoit donné cette forme afin 
de n’avoir qu’une couche, de liquide assez mince pour que la 
forme des objets ne fût pas altérée par la dispersion des cou- 
leurs. L’angle réfringent de ce prisme étoit de 2° 16° 37°, et 
en le prenant seulement cinq fois avec le cercle répétiteur, nous 
l'avons obtenu avec toute l'exactitude désirable. Dans ce cas 
l'observation se fait à peu près comme avec le sextant; mais la 
répétition de l'angle peut seule assurer sa valeur. 


ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF. GAz. 363 
SECONDE NOTE. 


Formules pour déterminer Les Pouvoirs réfringens des 
gaz d'après des observations faites à travers Le 
prisme. 


CoxsipéroNs un rayon lumineux qui, sortant de l’air atmos- 
phérique, entre dans le vide ou dans un gaz donné, après 
avoir traversé la première face d’un prisme de verre, et resorte 
ensuite dans l’air par la face opposée; supposons encore que le 
prisme ait été travaillé avec assez de soin pour que les glaces 
qui le composent aient leurs faces à fort peu près parallèles : 
le rayon lumineux se trouvera ainsi dans le même cas que s’il 
- traversoit successivement trois prismes, dont le premier seroit 
de verre, le second de vide ou du gaz donné, et le troisième 
encore de verre, formé par la dernière face du prisme. 

Cela posé, nommons + l’angle formé par les deux faces op- 
posées de la première glace. Cet angle pourra être supposé dans 
le même plan que le grand angle réfringent du prisme de gaz, 
parce que les deux glaces opposées ont été coupées parallè- 
lement dans un même morccau de verre travaillé, et qu’ainsi 
linclinaison des faces, si elle existe, doit être à peu près la 
même dans les deux, et dirigée dans le sens de leur longueur. 
Cela est d’ailleurs confirmé par l'observation directe; car, lorsque 
lon observe la mire, le prisme étant plein d’air atmosphérique, 
auquel cas la réfraction est uniquement l’effet du défaut de 
parallélisme, le fil horizontal de la lunette ,» placé horizonta- 
lement sur l'observatoire, reste encore horizontal quand on 
donne au prisme un mouvement circulaire égal à quatre angles 
droits. Ce mouvement ne déplace point le fil dans le sens ver- 
tical; et si l’on fait le vide dans le prisme, ce qui produit une 
réfraction considérable, qui est alors l'effet du grand prisme 


364 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE;, 


intérieur, la déviation se fait encore dans le même sens, dans 
une direction horizontale, et le fil de la lunette répond à la 
même ligne de niveau que lorsque le prisme étoit plein d’air. 

D’après ces remarques fondées sur l’expérience, nous admet- 
trons dans ce qui va suivre que les déviations du rayon lumi- 
neux se font dans un même plan, qui est celui de langle 
réfringent du prisme. 

Soit maintenant À l’angle sous lequel le rayon lumineux mu 
dans l’air atmosphérique rencontre la première face du prisme. 
Il pénétrera dans cette face et s’y réfractera suivant les lois 
connues. Soit 4’ l'angle de réfraction, ou plutôt ce que devient 4 
après que le rayon s’est réfracté. Le sinus d’incidence étant à 
celui de réfraction en raison constante, on aura 


cos. A — m. cos. À 


La valeur de » dépend de la nature du verre ou de la densité 
de l’air extérieur. Sous le premier rapport elle est constante, 
sous le second elle est variable; mais comme la densité du 
verre est très-forte comparativement à celle de l’air, la déviation 
que la lumière y subit est presque toujours la même et égale 
à celle qui auroit lieu si le rayon sortoit du vide pour entrer 
dans le verre, et cette égalité devient encore plus approchée 
dans les circonstances où nous ayons observé, parce que la 
densité de l’air extérieur n’a varié que très-peu et par l’effet 
ordinaire et naturel des modifications de l’atmosphère. Ainsi 
nous pouvons, sans aucune erreur sensible, regarder = comme 
constante. | 

Le même rayon continuant sa route dans la glace, tombera 
sur sa seconde face avec l’angle A" He, + étant l'angle des 
deux surfaces, et en nommant 4” l'angle d’émergence sur cette 
seconde face, dans le gaz intérieur, on aura 
. cos, (4 + +) 


cos. A = ———— 
m (1 — à) 


ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF, GAZ, 365 


» est une quantité qui dépend des rapports des pouvoirs réfrin- 
gens de l'air extérieur et du gaz intérieur. Elle est positive lorsqué 
le premier surpasse le second, elle est nulle s’ils sont égaux, 
et devient négative lorsque le gaz intérieur réfracte plus que 
l'air : ce qui a lieu, par exemple, pour l’ammoniaque et les 
acides carbonique et muriatique. Dans le premier cas le rayon, 
après sa seconde réfraction, passe au-dessus de la première 
direction M F" (fig. 6) qu’il avoit dans l'air; dans le second cas 
il redevient parallèle à lui-même; dans le troisième il passe au- 
dessous de MF”, ( fig. 7). 

Le rayon continuant sa route dans le gaz, tombe sur la face 
antérieure de la seconde glace du prisme, et il fait alors avec 
elle un angle 4” + à, a étant le grand angle réfringent inté- 
rieur. Arrivé dans cette glace, il y subit une nouvelle réfraction 
inverse de celle qu’il avoit éprouvée en entrant dans le gaz; 
et en nommant 4" l’angle qu’il fait ensuite avec cette même 
face, on a 


cos. A" = m (1 — «). cos. (4° + à) 


où 2 et w sont les mêmes que pour la première face. Enfin 
ce rayon, en continuant sa route, tombera sur la face posté- 
rieure de la seconde glace du prisme, il fera avec elle un angle 
A"+ #,<" étant l’angle des deux faces de cette glace; et en 
nommant 4" l’angle qu’il fera avec la seconde après son émer- 


gence, on aura 
COS AM — cos, (4 + «) 


Il est visible que si le rayon lumineux passoit directement à 
travers le prisme sans y éprouver aucune déviation, il feroit 
avec la dernière face de la seconde glace un angle égal à 
A + a + « + :’. En vertu des réfractions qu’il éprouve, il 
fait avec cette face un angle 4"; ainsi A+aHepe— 4" 
est la déviation que le rayon éprouve, déviation qui est posi- 


366 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE, 


tive si le gaz intérieur réfracte moins que l'air, et négative 
s’il réfracte plus; c’est ce que montrent les #2. 6 et 7. 

Dans ces figures AZ représente la mire sur laquelle on vise; 

O est l’œil de l’observateur; 470 est la direction rectiligne du 
rayon lumineux, telle qu’elle seroit s’il ne subissoit pas d’in- 
flexion; MF'F"F'"F"O est la route infléchie. En menant 
Of" parallèle à la dernière face S D" du prisme, on voit que 
l'angle D". 0. f" = 4 Fake, etqueF*. O0. f"= 24"; 
de sorte que la déviation D" OF" est la différence de ces deux. 
angles. On voit de plus que la quantité 4 + O+e+e — 4%est 
positive dans la première figure , où l’air intérieur réfracte moins 
que l'extérieur, et négative dans la seconde, où l'air intérieur 
réfracte plus. Ainsi, en ayant égard au signe de cette quantité, 
on pourra se dispenser d’examiner si « doit être positif ou né- 
gatif, puisque son signe sera le même et s’en suivra nécessai- 
rement. De même, si l’on veut se donner le soin de prendre « 
positif dans le premier cas, et négatif dans le second, on pourra 
se dispenser d’avoir égard au signe de 4A+a+e+e— 4", 
et l’on emploiera pour cette quantité la déviation observée 
prise positivement de quelque côté qu’elle ait eu lieu. 
* De plus, si les deux faces étoient retournées, et les directions 
de leurs angles opposées l’une à l’autre, il faudroit faire +’ né- 
gatif;, mais on verra que cette quantité s + « disparoît par 
l'effet des observations. 


Reprenons donc les quatre équations 


COS. ANR NCOS NA 
COS AN re cos. (4° + 6) 
cos. A" = m (1 — à). cos. (4° + à) 


Les 1 1771 L 
cost AT" cos (AT + €) 


Pour trouver 4‘ en fonction de À, nous remarquerons que 


L 


ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF. GAZ, 367 


les angles e, :’ formés dans chacune des glaces, sont extrêmement 
petits. La quantité o est pareillement très-petite, car la dévia- 
tion que subit le rayon est très-foible ; en sorte que 4” diffère 
très-peu de À, et l’on voit qu’en supposant € nulle, cette dif- 
férence dépend entièrement de la quantité w. Nous pouvons 
donc développer 4" en série relativement à ces quantités €, «',©, 
et le développement sera de la forme 


d_ AW dA1v F da 
ET — y 
4 FE (4 ) + œ ( da ) —+ £e (<=) —+ €, ETATS 
1 ; d Av rt 0 
Li 1-2 Le. & du ) UE pi di? ) 


la d2 A1 : LAPEE 
ms LC ds'2 ) + 2e. (7) 


ñ d AW , d2 41% 
HEAR NE Fri) Fe er )] 


+ etc. ee 


Les termes contenus entre les parenthèses rondes sont les 
valeurs de 4" et de ses coefficiens différentiels » EN ÿ Supposant 
“, et « nuls après les différentiations. Comme ces quantités 
sont très-petites, nous n’aurons point égard à leurs puissances 
supérieures à la seconde : nous ne conserverons même parmi 
les termes du second ordre que celui qui est multiplié par »; 
car les autres termes de cet ordre qui dépendent du non-paral- 
lélisme des faces, doivent être extrêmement petits, puisque la 
déviation totale qui en résulte ne va en général qu’à 15 ou 20 
secondes, comme le prouvent les observations, et le peu d’in- 
fluence de ces termes est parfaitement confirmé par les résultats 
que le calcul déduit des observations dans cette hypothèse, 
puisque le terme en +, qui est au moins vingt fois plus sensible, 
ne fait qu'ajouter aux termes du premier ordre des quantités 
si petites qu’on pourroit presque se dispenser d’y avoir égard, 
On verra de plus que, sans pouvoir déterminer directement les 
angles ee', et par suite les termes qui dépendent de leurs pre- 


363 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE y 


mières puissances, on y a égard dans l'emploi des observations, 
parce que la somme de tous ces termes se trouve en observant 
le prisme plein d’air; de sorte qu’il n’y a réellement de négligé 
que les deux termes affectés de we et we’. 

En effectuant les calculs conformément à la marche que nous 
venons d'indiquer, on trouve pour les coefficiens du dévelop- 
pement de 4" les valeurs suivantes : 


(A4) = 4A+a 


dA® LH 1 1 
( d ) TT tang. (4 + a) tang. À 
d AY Lib, V 1 — m2. cos?. À 
( de ) on DL. Si. À 
d AY pas V 1 — m2. cos2. (4 + a) 
de! ) au mm. sin. (4 + a) 
d AY ) Rex 1 ( 1 1 
du? KYE taug. (4 + a)” tang. (4 + a) RTE lang. x) 


1 1 1 
Fe ALT tang 4 ( lang. (A + a) Tang. Es 


valeur qui, étant substituée dans le développement de 4", 
donnera 


PE Dre mA 


e V'1— m2. cos. 4 


t m1. Si, A 
eV 1 — m2. cos2. (4 + a) 
Cu se 
m. sin. (4 + a) 


CE 1 1 
| CARTE Ti = (Æ +a) ee (4 + a) TS tang. —) 
1 1 
tang. A4 £ tang. (4 + a) (FE tang. A )] 


Lorsque le rayon lumineux passe précisément dans l’axe du 
prisme, on a 


ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF. GAZ. 369 
ce qui donne 
sin. (4 + à) = sir. À = cos. — 


cos. (4 + a) = — cos. A = — sin. & 


tang. (A + à) = — tang. À = — : 
| ang. — 


d’où résulte ensuite pour 4" cette valeur : 


(+) 1 — 7°. Sin. — 
aa 


a 
It, COS. — 
2 


AZ A+a—20.tang. = + 


2 AN LR 
+ 0°. lang. — 


Nous avons tâché de disposer le prisme et le cercle répétiteur 
de manière que cette condition fût toujours remplie; pour cela 
nous nous sommes d’abord placés de manière que le plan, du 
cercle coïncidât avec le plan de l’angle réfringent, et qu’en 
même temps la ligne des nœuds de ce plan sur l’horizon fût 
perpendiculaire au rayon visuel mené à la mire. Nous nous 
sommes assurés d’avoir atteint cette position, parce que le fil 
horizontal de la lunette placée sur zéro, et pointant à travers 
le vide ou à travers l'air, n’étoit point dévié verticalement, 
mais varioit également des deux côtés de la mire lorsque l’on 
faisoit tourner le prisme de quatre angles droits. Nous avons 
en même temps déterminé cette mire de manière que la clarté 
de la vision fût la plus grande possible ; et comme notre prisme 
est très-long et très étroit, il n’y a aucun doute que nous de- 
vions alors être dirigés à fort peu près dans l’axe. Mais nous 
avons encore eu un moyen plus sûr et plus direct de nous en 
assurer. La position que nous avons adoptée, dans laquelle le 
prisme et le cercle ont été placés à demeure, et dans laquelle 
toutes nos observations ont été faites, est telle que si l’on en 
écarte tant soit peu le prisme, la mire n’est pas sensiblement 

1806. Premier semestre. 47 


370 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE ; 


déviée. Pour prouver cette vérité par l’expérience, il suffit de 
ne pas ramener tout-à-fait le prisme sur les points de repaire 
où vont toujours tomber deux fils à plomb placés à ses deux 
extrémités. Or, en faisant cela, on n’aperçoit pas dans la mire 
la plus légère déviation, et généralement on peut faire tourner 
le prisme tant que l’on voudra; pourvu qu’on le remette sur 
son à plomb, la mire se retrouve sur le fil. Le peu d’influence 
de cet écart est particulier à la position dont il s’agit, et il 
tient à ce qu’en faisant varier À d’une très-petite quantité, les 
termes de 24", qui sont multipliés par ©, disparoissent d’eux- 
mêmes et se réduisent à zéro. C’est ce que l’on peut vérifier 
aisément par l’expression précédente de 4”, qui donne 


AA een sr] rite 


car le coefficient de ce terme devient nul quand 4 = 90 — +; 
ce qui donne 


A—9o0+< et sin. À — sin. (4 + à) 


D'après cela nous pouvons employer la formule 


(+) 1— 7. Sin. _. 
ty 


TL. COS, — 
a 


+ ©. 1ang°. _ 


AS = A+a—20.tang. = 


Supposons, pour plus de simplicité, 


et He) 1 — 7m. sin, — 
4 — — AZ R 


a 
Te COS, — 
2 


A+ a + 


Æ sera la déviation observée du rayon, corrigée du défaut de 


1 


ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF. GAZ. 371 


parallélisme des faces. En effet, si l’on supposoit © nul, c’est-à- 
dire si l’on n’avoit ésard qu’au défaut de parallélisme, on auroit 
sara q P ; 


GG + <) V” 1 — ml. Sin. — 


a 
TL, COS. — 
2 


AZ (4 + à) + 


d’où l’on tire 


. a 
1— 7. SIN. = 


O—(4+a)+epe 4 — (ete) Li — 


a 
TL, COS, — 
2 


. Dans ce cas, la déviation, toujours exprimée par (4 + a) 
+ e+e — A", aura pour valeur 


: EN 

; D mm. sm. = 

GR D 
2 


TL. COS, — 


et elle se réduiroït à zéro si 2 étoit égal à un, c’est-à-dire si le 
verre réfractoit comme l'air. Ainsi, en général, la quantité 


. a 
1 — 7, Sin’. GT 


ÇG +=) 1 — 


a 
I. COS, — 
2 


est la correction due au défaut de parallélisme. Comme on la 
suppose très-petite , il ne faut que l’ajouter à toutes les réfrac- 
tions observées ; et puisque l’on a supposé en général 


V7. Sin”. 


a 
TL. COS. — 
2 


R=A+a+(e+e)— AT — (ee) (- 


on voit clairement que R exprime la déviation absolue et 
telle qu’on l’observe, corrigée, par le dernier terme, du défaut 


372 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE; 


de parallélisme. Pour observer l'angle R et la déviation due 
au non-parallélisme des faces, nous nous sommes servis du 
retournement du prisme. Cette déviation agissoit sur le rayon 
lumineux dans le même sens que l’air condensé ; ainsi nous avons 
dû l'ajouter à la déviation observée lorsque la déviation due 
au gaz intérieur se faisoit dans le sens du vide, et la retrancher 
dans le cas contraire. Enfin on voit par les #7. 6 et 7 que la 
réfraction À ainsi corrigée doit être employée comme positive, 
si elle a lieu dans le sens du vide, et comme négative quand 
elle a lieu dans le sens de l’air condensé. 


D’après cela l’équation entre * et R devient 
o—R— 20. tang. _ + ©, ang. _ 
d’où, par le retour des suites, on déduit 


R R2 


tang. — 


équation qui est approchée jusqu'aux quantités du second ordre 
inclusivement. 

Maintenant que l’on connoit la valeur de », il devient facile 
de trouver la déviation que le rayon lumineux doit subir en 
passant immédiatement de Pair dans le gaz intérieur au prisme. 
11 suffit de supposer que les faces de la glace qui les sépare 
soient exactement parallèles. En effet, en nommant comme ci- 
dessus 4 l’angle d’incidence, 4' l'angle de passage dans le 
verre, et 4” l’angle de sortie, on a en général 


cos. À = m. cos. À 


CON AE 


« cos, (4° + :) 


1 
mt (1 — w) 


# 


ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF. GAZ. 373 


Si + est nul, comme nous le supposons, on aura simplement 


ARTS 1 l 
COSTA AG" COS. A 


de sorte qu’en éliminant À’ il viendra 


COS AN ——. cos. A 


Introduisons, au lieu de 4 et de 4”, les angles formés par le 
rayon lumineux et la perpendiculaire aux points de réfraction, 
on aura 

A = 90 — 65 À — 90 — 06 


ce qui donne 


cos. 4° = sin. #3 cos. À = sin. 8 


et par conséquent 
SIL OUEN ET 1 


sin, 8 1 — © 


I 


On voit donc que la quantité exprime le rapport du 


te 
sinus d’incidence au sinus de réfraction. Or, lorsqu'un rayon 
lumineux passe d’un milieu dans un autre, ce rapport est cons- 
tant et donné par les pouvoirs réfringens des deux milieux; en 


sorte qu’en faisant 
St Er Li 22 20e 
P For TL P5 Lx AN P 
QU TER, ALUÈPE ! TR 
——»s —— étant les pouvoirs réfringens, et p, p' les densités des 


milieux extérieur et intérieur, on a 


V PE MBLE 21,197 02 


—— 


Va +r FT. (SL10 


» 


374 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE; 


Voyez la Mécanique céleste, t. IV, p. 240. Ce qui donne 


MAR MEES,: « 
Va +7 Loue 
d’où l’on tire 
G+HP) Gi —o) = 1 + P 
et enfin 


P'=({4i+P) (1 — 0) — 1 


Cette formule fera connoître le pouvoir réfringent du gaz in- 
térieur au prisme, lorsque le pouvoir P de l’air extérieur sera 
connu. Soit (P) la valeur de P pour la densité (p), et (P”) celle 
de P’ pour la densité (p'), on aura 


ICO TRES ' 
P = (p).? P CF) 


Il 


Ceci suppose que le pouvoir réfringent d’un même gaz varie 
proportionnellement à sa densité, supposition qui est au moins 
la plus simple que l’on puisse faire, et quiesttout-à-fait conforme 
à l'expérience, comme le prouvent les observations rapportées 
dans notre mémoire. On aura ainsi, en éliminant P et P, 


y # (P) » Mad Abe D 
VE MES lose TGe—) - 


d’où l’on tire 
P) p 


(EÔI= ——. {Qu — w)}. [2 ES ] — 1} 


Le rapport des densités est donné par le rapport inverse des 
pressions barométriques et des dilatations de Pair et du gaz, 
c’est-à-dire que lon a 


pp) __ o.76 (1 + #. 000375) P P 


de p'. 5  Tp) “— “0:76 Ge £. 0:00370) 


ET SUR LES TORCES RÉFRINGENTES DES DIFF. GAZ. 375 


£' étant la température du gaz intérieur au prisme, p' la pression 
barométrique marquée par l’éprouvette, et de même z la tem- 
pérature de l'air extérieur, p la pression barométrique à l’ins- 
tant de l'observation, pressions qui doivent toujours être cor- 
rigées de l’effet de la dilatation du mercure. En substituant ces 
valeurs dans la formule précédente, et y joignant celle qui sert 
à trouver e, on aura pour calculer le pouvoir réfringent des 
différens gaz 


IN ——) 0:76. (1 + 1. 0.090375) (æP)p 
(?) TT P' * {CG so LE [: Se G+s en 2} 
sis à R P2 
_ 2 4479. — k 


La réfraction R est la déviation observée corrigée du défaut 
Ge 
Cp’) 
» C'est-à-dire quand le'gaz intérieur ré- 


de parallélisme ; elle doit être prise positivement quand 
(P) p 
(P) 
fracte moins que l'air, et négativement quand il réfracte davan- 


tage. Cela résulte de la remarque de la page 365, et l’on peut 
s’en assurer aisément à posteriori en n'ayant égard qu’à la pre- 
mière puissance de À; car il faut toujours que (P") soit une 
quantité positive, puisque la vitesse de la lumière s’accélère 
toujours en passant du vide dans un corps quelconque trans- 


est moindre que 


parent. 
On peut trouver le pouvoir réfringent (P') indépendamment 


du défaut de parallélisme, en comparant des observations faites 
à diverses densités. En effet, on a 


CAN 
(2) 


— (P) p 2 
= [: + G) J (x &) — 1 
Pour une autre observation du même gaz à une densité dif- 


férente, on aura, par analogie, 


CP) pi Etes (P) Fi a 
GDe = El ALT J GE) re 


376 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE y 


w' étant la valeur de w dans cette seconde expérience, ces deux 
équations donnent 


PE] + es G+Qt ee) 


Le second membre de cette expression devient nécessairement 
nul quand p' = p',, et il se trouve multiplié par w —», comme 
on peut s'en assurer par le développement. Si Pon se bor- 
noit aux premières puissances de À et de À,, qui sont les plus 
influentes et presque les seules auxquelles il soit nécessaire 


: : Re R 
d'avoir égard, la valeur de & — «, seroït égale à - 


a » 
2 Lang. A 


par conséquent indépendante du défaut de parallélisme des 
faces. Or la déviation des faces étant extrêmement petite, peut 
se négliger dans les termes du second ordre, ou du moins il 
est toujours suffisant de prendre pour sa valeur celle qui est à 
fort peu près connue par les observations. Par Pts lors- 

prés 
Te Te 
avec une déviation des faces supposée exacte, ou même sans 
avoir aucun égard au défaut de parallélisme, en nommant 4 
la première de ces valeurs et B la seconde, on aura 


que l’on aura calculé les deux pouvoirs réfringens 


(P) = ME 


et ce résultat sera indépendant-du défaut de parallélisme des 
glaces. Ceci suppose que la déviation des faces n’a pas varié 
dans l'intervalle des observations que l’on compare, et c’est ce 
qui est toujours vrai pour le même gaz observé à des instans 
et dans des états de l’air peu différens. Il faut remarquer que 
les densités p’ et p',, ou les pressions qui leur correspondent, 
ne doivent pas approcher de légalité; car le dénominateur 
de (P') devenant infini à cette limite, les erreurs que l’on auroit 


ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF, GAZ. 377 


commises dans l’observation affecteroient nécessairement le ré- 
sultat dans une proportion fort agrandie. Il ne faut pas non 
plus prendre une des densités trop petite, par une raison sem- 
blable; car le pouvoir réfringent qui s’en déduiroit pourroit 
s’écarter considérablement de la vérité. 

Ceci suppose que l’on connoît le pouvoir réfringent de l'air. 
La valeur peut s’en déduire des formules précédentes, en sup 
posant (P") — (P); mais on peut la simplifier en remarquant 
que, dans les observations qui s’y rapportent, p’ et p’ sont des 
quantités fort petites, parce que le vide est fait presque exac- 
tement dans le prisme; en sorte qu’il n’y reste qu’une très- 
petite tension. De plus, on peut toujours supposer que la tem- 
pérature du gaz extrêmement rare qui peut rester encore dans 
le prisme est la même que celle de l'air extérieur : ce qui donne 
£— £. Alors les formules précédentes donnent 


(69 PAR (P) # LS TVA 
mi = + GET Ge) —: 


d’où l’on tire 


(2?) 2 2 © — «2 
PI P a 
Ce) STAR Era 


On peut, dans le dénominateur du second membre, négliger 
le carré de , puisque le numérateur est déja multiplié par cette 
quantité. De plus, p' étant très-petit, on peut encore négliger 
son produit par 2 ; et alors l'expression précédente de (P) 
peut se mettre sous cette forme : 


P) — nee me 
æ) (=) (1 — 2 o) 


ou, en développant le dénominateur et négligeant »°, 


(P) — 20+3 02 
rs Ce 4 
CP) 
1806. Premier semestre. 48 


378 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE » 


On aura donc, pour déterminer le pouvoir réfringent de l'air, 
par les observations du vide, les formules 


(2 w + 3 w2) 0M76. (1 + 1. 0.00375) 
PP 


(P):= 


ee. 


2 Zang. an 


Au contraire si, connoissant le pouvoir réfringent, on veut 
trouver la déviation vraie correspondante à une observation du 
vide, on aura par le retour des suites 


Ps 0 (P): (p — p') HN 15 (P} (p = 1p} 


2° 0.75: (1 + f. 0.00375) 8” [o.76. (1 + 1. 0.00375)]2 


ns a a a 
R=—20. 1ang. — — vw. tang”. — 


Si la densité p’ et la pression p' n’étoient pas extrêmement 
petites, on ne pourroit pas faire dans le calcul les suppositions 
précédentes; mais, dans tous les cas, en reprenant la formule 
fondamentale 


on en déduira les valeurs de « pour chaque circonstance, et 
l’on aura ensuite 
R = 20. tang. — — w°. tang’, — 
le] 2 2 
: a P') pl 
où l’on voit que w et R seront positives tant que 5 —- sera 
(P) p 


CP) 
tera moins que l’air de dehors, et les mêmes quantités seront 


négatives dans le cas contraire. 


moindre que ; C'est-à-dire tant que le gaz intérieur réfrac- 


ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF. GAZ. 379 


Ces dernières formules nous ont servi pour calculer les dévia- 
tions que l’air et les gaz devoient produire à diverses densités. 
En effet, il est visible que R est la déviation vraie, c’est-à-dire 
corrigée du défaut de parallélisme des faces. En la comparant à 
h déviation observée, la différence doit être égale à l'erreur 
qui résulte du défaut de parallélisme si le pouvoir réfringent 
d’an même gaz est proportionnel à sa densité; or c’est ce qui 
a lieu très-exactement, comme on le voit par le tableau de la 
page 322. Il ne peut donc rester aucun doute sur cette im- 
portante propriété des fluides aériformes. 


TROISIÈME NOTE. 


Détermination du coefficient barométrique de la formule 
de M. Laplace, d’après les rapports des densités de 
Pair et du mercure. 

Les données fournies par l’expérience sont : 

1°. Le poids de l’air contenu, sous une pression et à uné tem- 
pérature déterminées, dans un ballon d’une capacité constante ; 

2°, Le poids du mercure contenu ; sôus une pression et une 
température déterminées, dans un ballon d’une capacité pareil- 
lement constante, mais moindre que le précédent; 

30. Les rapports de capacité des deux ballons à une même 
température. 

Mais comme ces diverses mesures ne peuvent pas être prises 
rigoureusement dans les mêmes circonstances , il est nécessaire 
de les y ramener d’après les lois connues des dilatations de 
l'air, du mercure et du verre. Pour cela nous admettrons comme 
données secondaires les résultats suivans : 

1°. La dilatation de l’air parfaitement sec, depuis la tempé- 
rature de la glace fondante jusqu’à celle de l’ébullition , la pres- 


380 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE; 


ion restant la même, est égale à 0.375 de son volume pri- 
mitif; ce qui donne 0.00375 pour chaque degré du thermomètre 
centigrade, en comptant depuis o degré. C’est le résultat trouvé 
par Gay Lussac. 

- 2°, La dilatation du mercure est = pour chaque degré du 
thermomètre centigrade. C’est le résultat des expériences de 
MM. Lavoisier et Laplace ; il est d'accord avec les expériences: 
adoptées par la Société royale de Londres, lesquelles donnent 
335 (Transact. philosoph. t. LXVII). Cette dilatation est 
uniforme dans toute l’étendue de l'échelle thermométrique, 
depuis o jusqu’à 100 degrés. Ceci a été prouvé par Gay Lussac, 
en comparant le thermomètre à mercure et le thermomètre À air. 

3°. Enfin la dilatation du verre est égale à 0.0000087572 pour 
chaque degré du thermomètre centigrade, dans le sens d’une 
seule dimension. En la triplant on aura celle du volume, qui 
sera par conséquent égale à 0.0000262716. C’est encore un ré- 
sultat trouvé par MM. Lavoisier et Laplace. 

En combinant toutes les données précédentes, on peut ra- 
mener toutes les pesées à une même pression atmosphérique, 
à une même température, et en conclure les rapports exacts 
des pesanteurs spécifiques. Nous choisirons pour cet objet la 
température de la glace fondante et la pression 0"76. 

Soit (X) le poids du mercure contenu dans le petit ballon 
à o degré, ce poids étant réduit au vide. (X) sera égal au 
poids du petit ballon plein de mercure, moins le poids de 
l'enveloppe de verre qui forme le même ballon, plus le poids 
d’un volume d’air égal à sa capacité. Soit de même (4) le poids 
de l'air contenu dans le grand ballon à o degré, et sous la 
pression 076. Enfin, soient (v) et (7°) les capacités respectives 
des deux ballons dans les mêmes circonstances, le rapport du 
poids spécifique du mercure à celui de l’air sera 


HE RCE) 
LAN Cr 


ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF, GAZ. 381 


Si ensuite on représente par 7 le module des tables loga- 
rithmiques, ou 2.30258509, par C le coefficient de la formule 
barométrique de M. Laplace, et par + la latitude du lieu de 
l'observation, on aura 


== M. 4. 0"76 
TT (1 + 0.002845. cos. 2 #F) 


Cette formule peut se déduire de celle que M. Laplace a 
donnée dans sa Mécanique céleste, t. IV, p. 203. 

C’est ainsi qu’il faudroit opérer si les pesées étoient faites 
à o degré, et sous la pression 0”76. Ces circonstances sont 
presque impossibles à obtenir avec exactitude; mais on peut 
aisément y réduire tous les résultats. 

Commençons par le poids de l'air. Pour le déterminer on 
pèse le grand ballon, après y avoir fait le vide exactement; 
on pèse ensuite le même ballon ouvert et communiquant à l’air 
extérieur. Soit 4 la différence des poids observés ; nommons p 
la pression de l’atmosphère exprimée en mètres, # la tempé- 
rature en degrés du thermomètre centésimal, ces deux quan- 
tités étant supposées les mêmes dans les deux pesées ; enfin, 
soit Æ la dilatation du verre, ou 0.0000262716 , et T' la tension 
de la vapeur d’eau contenue dans l'air, vapeur dont le poids 
est à celui de l’air comme 10 à 14, lorsque leurs tensions sont 
égales, le poids (4) du volume d’air réduit à oet à 0”"76, sera 
donné par la formule 


7. 076. (1 + £. 0.00375) 
(4) y (b—3T). G+Kkt) 


Pour évaluer la tension T, nous avons employé la formule que 
M. Laplace a donnée dans la Mécanique céleste, t. IV, p. 273; 
mais comme l’air n’est pas toujouré saturé d’eau, nous ayons 
réduit les tensions calculées, d’après l'indication de l’'hygro- 
mètre, en faisant usage pour cela d’une table que Saussure a * 


382 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE, 


donnée dans son Æ{ygrométrie, table qui est fondée sur des 
expériences, dans les termes où nous en avons fait usage. 

De même, si le poids du mercure à été observé à la tem- 
pérature z, et qu'après l’avoir réduit au vide on l’ait trouvé 
égal à X, on aura, en le ramenant à zéro, | 


x + 
= 20 +) 


Telles sont les formules dont nous avons fait usage, et que 
nous avons appliquées aux expériences suivantes : 


Pesées de l'air atmosphérique. 


Mois Tuerm.|TEmPér. Fe Porps | Porns | Porps | Pons 
LUE ZE LR ET | Hé Q du ballon ; du ballon du {réduit à o 
RAR LIRE ER l'air 5 vide | plein volume et 
É G ë etfermé. |et ouvert. | d'air. | à 0"76. 


1 |o-.7609+10-5|+10.5 | 89°0/1022#062 1029013| 659516852554 
2 |o-7632| 9:6|  9-75| 89-0|1022.026 1029-018| 6.092 7-2543 
3 [o-7552| 11-5| 11+5-| 89-0/1031:515 1038.389| 6.674/7-2580* 
6 |o-7650, 9-5 9*5 | 80-0|1031-369 1038386) 7-017|7-2479 

11 [o:7358) #7.8| 8.8 | 83.5/1031.621 1058.386| 6.765 7-2442 

12 [|o-7272| g-0o| 10-0 | 83.0|1031:718 1038-3686 6.668 7-2580 

12 [o.y290| 7-9] 8-9 | 83-5|1031-679 1038:386| 6.707 7:2526 

12 |o:7255| 8.5] 9:5 | 83-3,1031.736 1038-390| 6.654,7-2462 


Moyenne entre toutes les observations. . . . . . . . . . |7-25215 
Moyenne en négligeant l'observation du 11 mars . . , . . |7-25323 


La seconde de ces deux moyennes est celle que nous avons employée; 
elle ne donneroit, dans le coefficient du baromètre, qu’une différence 
de deux unités sur le dernier chiffre avec la précédente. 


* On a soudé le robinet au ballon, ce qui a changé son poids sans changer sa 
capacité. 


LR 


+ LA A 2 - 
On a de même pesé le mercure à plusieurs reprises, avec 


ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF. GAZ, 383 


les précautions que nous avons décrites dans le mémoire, et 
sur-tout en prenant bien soin de chasser par une longue ébul- 
lition l'air et les vapeurs qui pouvoient s’être attachées au petit 
ballon qui le contenoit. 

Dans la ponne opération faite le 16 mars, le ballon a été 
rempli de mercure à la température de 1205, le baromètre mar- 
quant 0"7439. Sa température étoit la même que celle de Pair. 
Le poids du ballon plein de mercure étoit 1515229, d’où re- 
tranchant le poids du verre qui formoit l’enveloppe, et qui étoit 
de 172°240, il reste 1342°989 pour le poids du mercure dans 
l'air. 

Or nous savons par une expérience dont nous parlerons tout 
à l'heure, que le volume du grand ballon où l’on a pesé l'air, 
est à celui du petit ballon où l’on a pesé le mercure, À fort 
peu près comme 856.40 est à l’unité. D'ailleurs, en calculant le 
poids de Pair que le grand ballon contiendroit dans les cir- 
constances précédentes, on le trouve égal à 6*756395 ; d’où il 
résulte que le poids du volume d'air déplacé par le mercure 
dans le petit ballon, étoit 0‘11981. Cette quantité étant ajoutée 
à 1342‘989, donne 1343510881 pour le poids du mercure réduit 
au vide. C’est la valeur de X. Il ne reste plus qu’à la ramener 
à zéro ; ce qui est facile par les formules précédentes, et l’on 
trouve ainsi 


(ZX) = 1345769016 


C’est le poids absolu du mercure contenu dans le petit ballon, 
à la température de la glace fondante, ce poids étant réduit 
au vide. 

Dans une autre pesée du mercure, faite avec le même ballon 
le 21 juillet, on a trouvé son poids égal à 1340803, la tempé- 
rature étant à 2006. Le baromètre marquoit 6“7580, sa tempéra- 
ture étoit celle de l’air. D’après ces données la correction due 
au volume d’air déplacé est 0118692; et l’on trouve ainsi 


384 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE » 


1341011692 pour le poids du mercure réduit au vide. Enfin, 
en ramenant le poids à zéro, on a cette seconde valeur de (X) 


(X) = 1345538794 


. 


Cette valeur diffère peu de la précédente, et nous les em- 
ploierons toutes deux successivement pour comparer les résul- 
tats qui s’en déduiront. 

Il ne nous reste plus qu’à dire comment nous avons obtenu 
les rapports de capacité des deux ballons. Pour cela nous les 
avons remplis d’eau à la même température, et nous les avons 
pesés avec des balances très-exactes. En ôtant, des poids ob- 
servés, ceux des deux enveloppes, et divisant les restes l’un par 
l’autre, on a le rapport de volume des deux ballons. 

Ceci suppose que les deux pesées sont faites à la même pres- 
sion de l’atmosphère, et c’est ce qui n’a pas toujours lieu. 
Ainsi le 21 juillet, ayant pesé le petit ballon plein d’eau dis- 
tillée à la température de 2001, et sous la pression de 0"76, 
on a trouvé le poids de cette eau égal à 98%721; et le 27 juillet, 
en pesant le grand ballon plein d’eau à la même température 
de 20.1, maïs sous la pression de 0"7517, on a trouvé 5567°142 
pour le poids de l’eau qu’il contenoit. Si la pression étoit égale 
dans les deux cas, on en déduiroit 56.39269 pour le rapport 
des volumes. Mais, à cause de la différence, si l’on représente 
par z le nombre de fois que l’air est plus léger que l’eau à 
cette température, les deux poids précédens réduits au vide 
deviendront 


98.721 QG i LÉEUR 


n. 0776 
et 
o _977580 ‘ 
5567.142 G — sé 
Et si l’on fait 7 — 800, ce qui est à fort peu près sa valeur 


exacte, la correction qui en résulte est 0,0005843, et l’on trouve 


ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTEIS DES DIFF. GAZ. 395 


alors 56.392106 pour le rapport réel des capacités des deux 
ballons. 

Nous avons obtenu une seconde fois ce rapport par deux 
pesées faites le.3 août, à la même pression de 07589, et à 
la même température de 2029; le poids de l’eau contenue dans 
le petit ballon s’est trouvé de 98716, et celle du grand ballon 
5568394 ; ce qui donne 56.4082 pour le rapport des volumes: 
résultat peu différent du premier. 

Maintenant si l’on calcule successivement le coefficient baro- 
métrique pour le 45e degré de latitude, d’après les deux pesées 
du mercure, on trouve les quatre valeurs suivantes : 


183161 
1831178 
18321"3 
= 18317"0 


Moyenne . . « . 18316"6 


La moyenne de ces quatre expériences ne diffère que de six 
unités sur le dernier chiffre avec celle qui s’en écarte le plus. 
Cela répond à une difference d’un mètre sur la hauteur de 
Chimboraço. 

Cette valeur est calculée pour l’air parfaitement sec. Elle 
seroit moindre si l’air étoit humide ; car la vapeur d’eau pesant 
moins que l’air à tension égale, un même abaissement dans le 
baromètre répond à une plus grande différence de niveau. Pour 
calculer la correction qui en résulte dans le coefficient baro- 
métrique, conservons toujours la température zéro et la pres- 
sion 076. Mais supposons l’air saturé d'humidité. Dans ce cas 
la tension de la vapeur est 0”0051, d’après la formule de 
M. Laplace, et conformément aux expériences de Dalton ; par 
conséquent , si elle pesoit autant que l’air, elle feroit les #1 de 
son poids ; mais, comme sa pesanteur relative est 22, il s'ensuit 
que sa substitution dans l’air y produit seulement une dimi- 


1806. Premier semestre. 49 


386 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE, 


nution de poids égale à (1— #).,45, ou 5. 5, c’est-à-dire 
à peu près -—. Le coefficient barométrique s’accroît dans le 
même rapport, c’est-à-dire de 35.2, ce qui le porte à 
18351"8. 

M. Ramond a trouvé ce cat égal à 18336. Cette va- 
leur est plus grande que 18316.6, qui convient à l’air sec, et 
moindre que 18351.8, qui convient à l’air saturé d’humidité; 
mais elle coïncide avec la moyenne, qui est 18334. En effet, 
le résultat de M. Ramond doit se trouver entre ces extrêmes, 
puisqu'il est déduit d’un grand nombre PRE faites 
dans des états différens ae. air. 

En général, si l’on adopte les résultats précédens, Le PncE: 


ficient barométrique de la formule de M. Laplace sera 18316.6 
186.6 


Nr 
pour l'air parfaitement sec, et ES 


7— pour lair hu- 
0776 
mide, 7 étant la tension de la vapeur d’eau qui s’y trouve 
réellement. Cette tension peut se déduire de la formule de 
M. Laplace, dans le cas de l'humidité extrême, et dans les 
autres cas il faut la réduire d’après l’indication de l’hygromètre, 
suivant une loi qui n’a point encore été déterminée en général 
par des expériences exactes. En employant cette réduction on 
pourroit se servir du coefficient de la dilatation 0.00375, qui 


convient à l’air sec. 


—— relative à la 
vapeur d’eau, dans le coefficient de la dilatation, qu’il a pris 
égal à + ; et en effet la somme des deux termes so <= 
a 


t 


M. Laplace a compris la correction ee 


+ 0.003575, est toujours, à fort peu près, égale à 


1 t+t . etre à 
+. 0.004, Où 2 +, du moins dans les limites où se font 


ordinairement les observations. 


Les expériences que je viens de rapporter dans cette note 
font encore connoître les rapports des poids du mercure et de 


Unét, 17 Sen. 180. p, 


ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF. GAZ, 387 


l'air; car ce rapport est la quantité que nous avons représentée 
par 4. En la calculant successivement par les quatre expériences, 
on lui trouve les valeurs süivantes : 


10462.6 
10461.1 
10463.0 
10465.5 


Moyenne. « : . 10463.0 


C’est la pesanteur du mercure à zéro et à 0”"76 pour la latitude 
de Paris, la densité de l’air sec étant prise pour unité. En rédui- 
‘sant cette valeur au 45e degré de latitude, elle devient 10466.8. 

Il seroit facile de comparer ces résultats au poids de l’eau 
pris à la même température, si l’on avoit des expériences 
exactes sur la dilatation de ce liquide vers les degrés où nous 
avons opéré; mais comme il n’en existe point qui soient assez 
certaines, nous sommes forcés de remettre cette recherche à 
un autre temps. Nous nous bornerons à dire par approxi- 
mation qu’à la tempèrature de zéro, et sous la pression 0"76, 
la pesanteur spécifique de l’air doit être peu différente de 73 
et celle du mercure de 13.599, la densité de l’eau étant prise 
pour unité. 


FIN DU PREMIER SEMESTRE DE 1806. 


“4 ons el 


Là COTE “bia uujié « hu à é Stunt NRA EL Re 
ele: Hbèr mx ÉONAMETTEE SÂirq srbrd 99e xl sh Btistob 21, LT 8 | À 
MÉEDREN de re 1. 1 8 Nbr trtvoh slt bbatinl ob gb HR a dti obes Sur à 
HUE = ati ahiEt. ne assise, 29 aotsqties où aligné: sien IE: © 
AUS dorsiitqr. ab: tiova |no Ti ie eo ñ: ca rue. C4 Tite 
F4 (nee RASE RE AS Ge sol srot.obimbil re 35 sont nl “tu én 
MR 1 7 se338 saSfoe lite 2niog efaixS refie Ji auniros San; rércqee( ei 
HS eusrrtost 4709 oiléior a5 hit Lorgoà Eugeit: 
5 “fois HO aus É: ca CRE Eat, 4 nu da x Li 


Nr LA sono dbptet it APM os oh Sur at Sup tit 
RARE K LETÉT sb PUR soit gite mé'lob srpiiobqe rise 
[Ft LR mt + nn 
stat 2 3 " cs QE Qi 

î doëi se narebude anruu st pe MAT 
DR UE ge $ 
14 
MARS dc pe irortresi 


4 


MÉMOIRES 


DE LA CLASSE DES SCIENCES 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES 


DE 


L'INSTITUT NATIONAL 


DE FRANCE. 


rs 


ET A T4 
# 
ES 


ÿ 
x 


, 
ee 


LE sd 
LE à 


à CARTE r À A . & 
AT ; 


À FEAR [te à 
he f PE AE LES ai x 
déve, 4 ar à aa tr rers Mec : V , 


+ ei : | \ 


Cm 


MÉMOIRES 


DE LA CLASSE DES SCIENCES 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES . 


DE 


L'INSTITUT NATIONAL 
DE FRANCE. 


RS 


DEUXIÈME SEMESTRE DE 1806. 


St 


TOME SEPTIÈME , SECONDE PARTIE. 


LIN IINIBNVWVS 


PARIS. 
BAUDOUIN, IMPRIMEUR DE L'INSTITUT. 


PT ns 


GARNERY, Libraire, rue de Seine, hôtel de Mirabeau. 


JANVIER M DCCC. VII. 


\ 


40; à ab bit | 


TABLE 


DES 


ARTICLES CONTENUS DANS CE SEMESTRE. 


HISTOIRE. 


Anvarrse des travaux de La classe des sciences 
mathématiques et physiques de l'Institut national 
pendant le second semestre de 1805 et l’année 1806 
(partie mathématique) , par M. Deramsre , secré- 
taire perpétuel , page 1 


Analyse des travaux de la classe des sciences mathé- 
matiques et physiques de l'Institut national, depuis 
Le premier messidor an 13 (20 juin 1805) jusqu’au 
premier juillet 1806 (partie physique), par M. Cuvrer, 
secrétaire perpétuel, 43 


Analyse des travaux de la classe des sciences mathé- 
matiques et physiques de l'Institut national pendant 
le second semestre de 1806, par le même, 80 


Notice historique sur La vie et Les ouvrages de Dolo- 
mieu, par M. LacérÈDE, 117 


ij DAUEN, 4 

Eloge historique de Jacques-Martin Cels , par M. Cu- 
VIER) page 139 

Éloge historique de Michel Adanson, par le même, 159 

Éloge historique de M. Brisson, par M.Dsramerr, 189 

Éloge historique de M. Coulomb , par le même, 206 


Relation d'un voyage fait dans le département de 
l'Orne, pour constater la réalité d’un météore observé 
à l'Aigle le 6 floréal an 11, par M. Bror, 224 


Mémoire sur Les observations qu’il est important de 
faire sur les marées dans les diffëérens ports de la 
République, par Pierre Lévêque, 267 


MÉMOIRES. 


Szconp Mémoire sur la mesure des hauteurs à l’aide 
du baromètre, par M. Ramon», page 1 


Mémoire sur le commerce des œufs de poule, et sur 
Leur conservation, par M. PARMENTIER, 28 


Analyse du suc de Papayér (Carico Papaya), par 
M. VAUQUELIN ;, 50 
Analyse du bérilde Saxe, dans lequel M. Tromsdorf 
a annoncé l’existence d'une terre nouvelle qu'il a 
nommée agustine ; par le même, 59 


Analyse comparée de différentes sortes d'aluns , par 
le même, 66 


TABLE. 11] 


AS 


Essai d'une pièce de monnoie à chaton ; propre à 
remplacer dans La circulation Les fortes coupures 
en cuivre et le billon, sans en avoir Les inconvéniens 5 
et présentant plus de garantie contre La Jfalsification 
dans Les moules, La rognure et la diminution de 
valeur par le frai, par M. Guvxrox. 80 


Expériences sur La nature comparée de Pivoire frais, 
de Pivoire fossile et de l'émail des dents , par 


MM. Fourcroy et VAUQUELI*, 93 
Observation sur du bleu martial fossile cristallisé , 
par M. Sauce, 99 
Mémoire sur l'emploi de l'amiante à La Chine, par 
le même, 102 
Observations diverses , par M. Msssrer : 106 


Sur léclipse totale du 16 Juin 1806, par Jérôme de 
La Lane, 113 


Mémoire sur la composition. des étoffes anciennes 
tirées de deux Tombeaux de Saint-Germain-des- 
Prés, avec des détails propres à servir de commen- 
taire au chapitre de Pline sur Les laines, par 
M. Desmaressr, 119 


Le 


a 


Ron 


s és ss 


LA NÉ 


MÉMOIRES 
DE a CLASSE- 
DE SYS CHE NC ES 


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 


SECOND MÉMOIRE 
SUR 
LA MESURE DES HAUTEURS A L'AIDE DU BAROMÈTRE, 


Par M. Ramonx 2. 


Mr. 


Lu le 12 ‘do, 1806. 


Ex terminant le dernier mémoire que j'ai eu l’hon- 
neur de lire à la classe, j’avois essayé de déduire 
‘ directement le coefficient du baromètre des expériences 
faites antérieurement pour déterminer les poids absolus 
de l’air, de l’eau et du mercure. Les conséquences de 
cette recherche étoient déjà si favorables aux conclu- 
sions que j’avois tirées de l’observation, qu’il sembloit 
difficile de rapprocher davantage des résultats obtenus 
1806. Second semestre. L 


2 SUR LA MESURE DES HAUTEURS 


par des procédés si différens. Cependant de nouvelles 
expériences, faites avec des précautions tout-à-fait par- 
ticulières, viennent de combler entièrement le petit 
intervalle qui séparoit encore des quantités si voisines. 
J’avois trouvé par l’observation 18336 mètres pour le 
coefficient, à la température de la glace fondante, au 
niveau de la mer et au 45e degré de latitude. Notre 
confrère Biot trouve par l’expérience 18332 pour la 
latitude de Paris, ce qui devient 18339 pour le paral- 
lèle moyen. La différence entre nous n’est pas d’un six 
millième : elle est nulle, puisqu’elle est au-dessous des 
moindres erreurs qui puissent se glisser dans des opé- 
rations aussi délicates et aussi compliquées. 

Je ne me prévaudrai point d’un concert aussi remar- 
quable pour n’attribuer une exactitude inconnue à mes 
dévanciers. Certainement ,je ne me flatte pas d’avoir 
mieux observé que Deluc, Saussure et tant d’autres 
physiciens illustres ; mais j’ai eu le bonheur d’opérer 
dans des circonstances plus favorables; et tel est ici 
l'empire des circonstances que, faute de démèêler celles 
qui conviennent aux observations de ce genre, il seroit 
également impossible à ceux qui voudroient les répéter, 
soit de s'assurer par eux-mêmes de la justesse de notre 
coefficient, soit d’apprécier la nature et l’étendue des 
erreurs qu’ils pourroient commettre en s’écartant des 
conditions de son emploi. 

Je range ces circonstances sous trois chefs : Znfluence 
des heures, influence des situations, influence des mé- 
téores. 


A ÉAIDE DÙU BAROMÈTRE. 3 


$ I. Des Aeures. - 


Jar déjà dit que de toutes les causes qui peuvent 
modifier les résultats, l’influence des diverses parties 
du jour m’a constamment paru la plus puissante. Il y 
a long-temps qu’on l’a reconnue. Le peu d’usage que 
l’on a fait de ce premier aperçu prouve assez que l’on 
n’en a pas bien senti l’importance. Il me suffira , pour 

da, mettre dans tout son jour, de présenter ici les 
moyennes de cent cinquante observations, prises au 
hasard dans le grand nombre de celles que j’ai faites 
durant trois ans dans cette vue. 


10, Éléyation de mon cabinet, à Bagnères, au dessus 
de celui de W. Dargos, à Tarbes. 


hé 51 pie F Fr 14. oetobre au 21: décembre 1603. 


14 observations de sept heures du matin, moyenne .. . . . 251 mètres. 
23 observations de midi. . . . . . . . . . . . . . . . . 258 
7 observations de trois heures:du soir . . . . . . . . . . 254 


° 7 observations de neuf heures du soir . . . . . . . . . . 252 


20, Élévation de mon cabinet, à Barèges, au dessus 
de celuiide M, sp né à Tarbes. 


99 observations, iv a premier août au 23 noyembre 1803. 


LI U 


12 observations de six heures du matin, , . 4 + . . . . . 915 mètres. 
6 observations de “huit heures du matin... « . + . .. 4974 VE 

38 observations de midi . LAREME RME cc 5 

19 ‘observations de quatre Ace F4 Rae et “921 


14 observations de dix heures du soir. . + « + + . « .. . 007 


4 SUR LA MESURE DES HAUTEURS 


Sept à huit cents observations de ce genre, toutes 
calculées séparément, m’ont offert constamment la 
même marche. Les saisons et les lieux n’y ont apporté 
de changemens que dans l’étendue de la variation. Au 
sommet des pics comme en plaine et comme au fond 
des vallées, celles du matin et du soir ont donné les 
hauteurs d’autant moindres que l’heure où je les fai- 
sois étoit plus éloignée du milieu du jour; cependant 
ce n’est point l’heure précise de midi qui partage les 
deux progressions. Les hauteurs déduites continuent à 
croître encore jusques vers une heure ou deux, plus 
ou moins; mais la quantité comme la durée de cet 
accroissement dépendent beaucoup de la saison, de la 
présence du soleil et peut-être de la direction des vents. 
Une petite partie de ces variations horaires pourroit 
être attribuée à l’état hygrométrique de l’atmosphère, 
et il ne seroit pas difficile d’introduire dans le calcul 
une correction pour l’humidité ; mais la plus forte por- 
tion de l’erreur résulte incontestablement d’une cause 
bien plus puissante et bien moins appréciable, savoir 
l’influence des vents ascendans et descendans, qui 
agissent à la fois sur le baromètre et sur le thermomètre, 
soit en augmentant ou diminuant le poids de la co- 
lonne d’air au gré de leur vitesse et de leur direction, 
soit en apportant des couches supérieures ou inférieures 
de l’atmosphère une température étrangère au lieu où 
se fait l’observation. De pareilles perturbations sont 
essentiellement anomales : aussi diversifiées que les 
temps, les saisons et les lieux, elles se refusent à toute 


A L'AIDE DU BAROMÈTRE. 5 
appréciation , même approximative; il n’y a d’autre 
ressource que d'éviter les heures où leur intervention 
est la plus ordinaire. Celles du milieu du jour en sont 
le: moins communément affectées, et l’heure du midi a 
entre elles cet avantage particulier que les hauteurs 
qu’elle donne , sont assez exactement moyennes entre 
celles que fournissent les observations faites dans la 
limite des trois ou quatre heures red cette 
petite période d’équilibre. : sé ; 
k \Ces considérations me paroissent « condamnersans retour 
ces autres moyennes que l’on est dans l’habitude de 
prendre entre des observations faites pêle- -mêle à diffé- 
rentes heures du jour et de la nuit. Au lieu d’appro- 
cher du but qu’on se propose, on s’en écarte indé- 
terminément en comparant des résultats qui ne sont 
nullement comparables. Où il n’y a point de somme, 
il n’y a point de moyenne : il faut employer le choix 
avant de se réduire à l'instrument du doute, et réprouver 
des quantités hétérogènes, pour ne mettre en balance 
que celles en faveur de qui toutes les présomptions sont 
‘égales. Or, puisqu'il est démontré que chaque partie 
du jour imprime aux observations une marche qui lui 
est propre, on ne gagnera certainement rien à appeler 
en témoignage les heures où nos formules sont cons- 
tamment en défaut. C’est enlever des chances à la vé- 
rité et en fournir à l’erreur , que de mettre en concours 
les probabilités de l’une avec la certitude de lautre,. 
Et, par exemple,, s’il est vrai, comme je l'ai avancé 
et comme Saussure le ‘soupçonnoit avant-moi, que 


6 SUR LA MESURE DES HMAUTEURS 


l'heure de midi donne seule les hauteurs justes, que 
servoit à la mesure du col du Géant de mêler les ob- 
servations du matin, du soir et de la nuit à celles du 
milieu du jour, puisque celles-là n’étoient propres qu’à 
introduire l’erreur dans une proportion qui dépendoit 
du nombre respectif des unes et des autres, en sorte 
qu’il pouvoit y avoir autant de moyennes différentes 
qu’il auroit plu à lobservateur d'employer de doses de 
chacune ? 


$ IT. Des situations. 


ES 


UxE autre circonstance est de nature à exercer une 
puissante influence sur la justesse des mesures prises à 
* Vaide du baromètre; celle-ci a été à peine entrevue et 
n’a pas été du tout appréciée : c’est le lieu de lPob- 
servation., Les baromètres correspondans peuvent être 
placés dans les plaines, sur des montagnes plus ou 
moins dominantes ou dominées, dans des vallées plus 
ou moins étroites et profondes ; ils peuvent être tous 
deux dans la même position , ou bien être chacun dans 
une position différente. Chacune de ces combinaisons 
a ses conséquences particulières , et moins elles sont évi- 
tables, plus il importe de connoître le sens et l’étendue 
des erreurs qu’elles peuvent occasionner. 

Comme il n’y a réellement qu’une seule heure du 
jour qui convienne parfaitement aux observations, de 
même il n’y a en quelque sorte qu’une seule situation 
qui puisse satisfaire complettement lobservateur : il 
faudroit que les baromètres pussent être toujours placés 


= 


À L'AIDE DU BAROMÈTRE. 7 
sur des sommets isolés. Plus l’isolement sera complet, 
moins les influences locales qui dépendent de la pré- 
sence de la terre, affecteront la portion de l'atmosphère 
qui environne les instrumens ; plus les élévations seront 
considérables, et plus la‘somme des accidens qui agissent 
sur la totalité de la colonne d’air , sera petite pour la 
partie de cette colonne qui est soumise à l’expérience. 

Cette dernière considération explique pourquoi les 
variations du baromètre diminuent communément à 
mesure que l’on s'élève. J’ai porté neuf fois cet ins- 
trument au sommet du pic du midi: chaque fois j'y ai 
fait une suite d’observations. La température y a varié 
de plus de 12 degrés. J’ai choisi exprès des temps fort 
différens , et spécialement ceux des plus grandes hausses 
et des plus grandes baisses du mercure. J’ÿ ai trouvé 
sa moyenne élévation à 543 millimètres, et les extrêmes 
de la variation ont été renfermés dans l’espace de 13.66 
millimètres , ou exactement six lignes. Ces mêmes va- 
riations ont été presque de moitié plus fortes dans la 
plaine voisine, qui est elle-même fort élevée. 

Il suit de là que lorsque l’un des deux baromètres 
étant au haut d’un pic, l’autre est placé au bas de la 
montagne, la plus grande partie des erreurs est à im- 
puter à l’observation inférieure ; aussi l'observation su- 
périeure est ordinairement comparable à toutes celles 
qui peuvent être faites dans des plaines même fort 
éloignées, tandis que les observations de la plaine sont 
à peine comparables entre elles, même aux plus mé- 
diocres distances. J’ai eu la curiosité de calculer celles 


8 SUR LA MESURE DES HAUTEURS 

que j'ai faites au haut des Pyrénées, avec les obser- 
vations que notre confrère Bouvard fait à Paris. L’énorme 
distance qui nous séparoit s’est rendue peu sensible dans 
les résultats, et les erreurs ont été d’autant plus mé- 
diocres que les hauteurs à mesurer étoient plus consi- 
dérables. Ces erreurs même ont paru affecter un sens 
déterminé et suivre une loi qui vaudra la peine d’être 
examinée. Le désordre, au contraire, a été extrème lorsque 
j'ai voulu appliquer le baromètre au nivellement des 
plaines. Je n’en présenterai qu’un exemple dans trente- 
cinq observations que j’ai faites à Marly-la-Ville pour 
déterminer l’élévation de son plateau au-dessus du cours 
de la Seine, à Paris. Ce sont encore les observations 
de Bouvard qui m’ont servi de terme de comparaison. 


Élévation de Marly - la - Ville au - dessus de 
l Observatoire. 


10 juillet 1804, à midi . 64 mètres. 7 octobre 1804, à midi. 59 mètres. 


NT es Poe EN TOR AOF IN AS RU MEET ED 
MR MG A) RP REP nat ue: res ete en le AG 
nn ee. heures diodes ne de 62 12 D. nhu | NS le ie). En 
26 septembre . . . , . 59 19e epenle s lee lee 7 
ae ca into cri on  , 14. 20e TRUE IENEGT 
ETS MAT DA TOO Lie CET 01 16. 1h Rai he 
BOIRE he Lee de de 4 = 1e 7 HO es: Here 70 
1 octobre « < + . + + 76 DOS: à URI EU ne ae) JUL 
2 ss 0ù 9: Ne 0 lue IDD 
Be sc RENE San D AE À) C6), DPI CI . 68 
Aie ae CE jé 6A DA RARE. Ge 
fer PADEMETE ee A 2ON a ol te eee le ie 70 
Dites cote Mate Vo eZ 208% RE Der l'OG 


A L'AIDE DU BAROMÈTRE. 9 


29 octobre 1804, à midil. ,66.mètres. 2 novem. 1804, à midi. 60 mètres, 
30.4 LS NAN 102 ENORME CREME 
BTS NEA Eee « 70 tic, AR HE ddl À 


1 novembre . . . . . 68 


Moyenne des trénte-cinq observations . . . . .: 66. 
: Élévation de l’Observatoire au - dessus des: basses eaux. . 47 


— 


Élévation de Marly au-dessus de la Seine à Paris. . . . 113 


Dans cette série , on voit varier les résultats de 10 à 
11 mètres d’un jour à l’autre, quoiqw’ils appartiennent 
tous à l’heure la plus favorable, et les extrêmes ont 
embrassé un intervalle de 21 mètres, quantité fort con- 
sidérable en elle-même, et qui devient énorme si on 
la compare à la hauteur mesurée, puisqu’elle constitue 
le tiers de la moyenne arithmétique des trente - cinq 
observations. Aucune autre position des deux baro- 
mètres correspondans n’offrira de pareilles aberrations, 
et il est possible qu’elles soient dues en partie à l’in- 
terposition de Paris; mais elles avertissent assez de la 
réserve qu’il faut apporter à prononcer sur de petites 
différences de niveau , lorsqu’on les conclut d’observa- 
tions faites dans les couches inférieures de l’atmosphère 
et dans ces positions où l’air étant de toutes parts en 
contact avec la terre, subit une multitude de modifica- 
tions inappréciables, qui agissent sur les instrumens à 
l’insû de l’observateur. 

Sous ce dernier rapport , les vallées participent à la 
condition des plaines; mais cette condition est singu- 
lièrement altérée par l’inclinaison des pentes, la hau- 

1806. Second semestre. 2 


#40) SUR LA MESURE DES HAUTEURS 


teur des montagnes environnantes et les directions que 
ces circonstances impriment aux courans d’air. Saussure 
avoit reconnu combien les gorges étroites et profondes 
étoient peu propres aux observations barométriques. II 
n’y auroit pas besoin d’en apporter d’autre preuve que 
celle que nous fournit la Novalèse. Deluc y a fait trois 
observations qui ont donné 422, 414, 400 toises, dont 
la moyenne seroit 412 toises. Voilà de grandes diffé- 
rences. Les observations de Saussure les augmentent 
probablement encore. Il en a fait huit qu’il ne détaille 
point ; il se borne à en donner la moyenne, qui est 
400 toises. Or, s’il a employé ici la formule de Trembley, 
cette moyenne , ramenée au calcul de Deluc, se rédui- 
roit à 390 toises. Mes propres observations ne m’ont 
guère fourni d'exemples de pareilles disparates. Il est 
probable que celles-ci procèdent en bonne partie des 
heures où les observations ont été faites, de la distance 
où se trouvoit le baromètre correspondant , qui étoit 
généralement en permanence à Genève, de la situation 
même de cette ville au pied des plus hautes montagnes 
des Alpes, situation que je regarde comme peu propre 
à fournir une base solide aux opérations de ce genre; 
enfin de l’interposition d’une grande partie de la chaîne, 
qui séparoit et modifioit diversement les deux atmos- 
phères où les instrumens étoient placés. Saussure, au 
reste, ne s’est point trompé sur la cause générale qui 
influe sur les observations faites dans de pareils lieux : 
il la trouve dans Les vents verticaux, qui tantôt aug- 
mentent et tantôt diminuent la pression de lair sur 


A L'AIDE DU BAROMÈTRE.. > Pr 


Ze mercure-(x); mais cette même cause de trouble agit 
dans bien d’autres cas, et dans celui-ci elle prend, à 
mon gré, un caractère très-remarquable par l’unifor- 
mité avec laquelle elle paroît agir dans un seul et même 
sens. C’est ce que Saussure n’a point remarqué , et c’est 
ce qui résulte de mes propres observations, si elles ne 
m'ont point abusé. 

La plupart de ces ébsenvètions ont été faites dans 
la vallée de Barèges. Je ne pouvois rencontrer un lieu 
plus propre à déterminer lPaction des gorges étroites et 
profondes sur les instrumens météorologiques. Quoique 
cette vallée soit déjà très-élevée , puisqu'elle se trouve 
à 1290 mètres au dessus du niveau de la mer, cepen- 
dant elle n’en est pas moins enfoncée entre deux chaînes 
de montagnes mi la dominent immédiatement de 12 à 
1400 mètresi, et ne laissent entr’elles qu’un intervalle 
de quelques centaines de pas. Au fond d’un pareil 
canal que tous les vents sont forcés de parcourir dans 
le sens de son inclinaison, où des montagnes glacées 
versent par torrens lair que le froid de leurs cimes a 
condensé autour d’elles, qui reçoit dans des directions 
convergentes celui que le même refroidissement préci- 
pite incessamment des hautes régions de l’atmosphère, 
et dont les parois absorbent ou réfléchissent la chaleur 
selon qu’ils sont éclairés du soleil. ou privés de sa lu- 
mière, on doit s’attendre que le poids.et la température 
de Pair, indiqués par les instrumens , seront rarement 


QG) Voyages dans les Alpes, $ 1256, 


12 SUR LÀ MESURE DES HAUTEURS 


dans'un rapport exact avec l’élévation où ils sont placés, 
et l’on peut déjà prévoir à peu près dans quel sens se 
feront les erreurs auxquelles on est exposé. 

Or, la hauteur de Barèges , au dessus de Tarbes, est 
suffisamment établie par des nivellemens, et notamment 
par celui de MM. Vidal et Reboul, nivellement qui a 
été prolongé jusqu’à la cime du pic du midi, et qui a 
servi à déterminer l’élévation relative de tous les degrés 
de cette longue échelle. Je ne puis former le moindre 
doute sur cette belle opération qui m'est parfaitement 
connue , et que j'ai vu exécuter, il y a dix-neuf ans, 
avec des précautions qui la mettent à l’abri de tout 
soupçon. Il m’étoit donc facile de reconnoître ici la 
marche du baromètre, en comparant à la hauteur réelle, 
les hauteurs conclues à l’aide de cet instrument et au 
moyen des formules qui donnoïient la hauteur juste dans 
des positions favorables. Mais il falloit multiplier beau- 
coup les observations, parce que dans un lieu pareil 
je devois m’attendre à de grands écarts. J’en ai donc 
fait et calculé séparément quatre à cinq cents en dif- 
férentes années et en différentes saisons. Elles ont été 
fort divergentes, quoique beaucoup moins que celles 
de la Novalèse; mais ce qu’elles ont eu de bien remar- 
quable , c'est qu'aucune n’a donné la hauteur véritable, 
et que la moyenne des observations de midi même est 
demeurée invariablement d’une vingtaine de mètres au 
dessous de cette hauteur. 

J’ai fait ensuite quelques observations à Luz et à 
Gavarnie, situés de même au fond de bassins plus ou 


A L'AIDE DU BAROMÈTRE,. 13 


moins étroits et fortement dominés. L’élévation de ces 
lieux nous est également connue par des nivellemens : 
j'ai eu constamment la même erreur en défaut. 

J’ai porté le baromètre sur des plateaux et des rochers 
compris dans ces grandes excavations, mais saillans au 
dessus de leur fond : le résultat a encore été le même. 

La marche n’a changé que vers ces hauts cols où 
Vair reprend sa liberté. Au Tourmalet et au port de 
Gavarnie, élevés , un de 2195 mètres , l’autre de 2331, 
le baromètre m’a donné presque exactement la hauteur 
que les nivellemens leur ont assignée. 

Dans. les gorges étroites où j’ai opéré , les deux ins- 
trumens consultés ont dû être affectés chacun à leur 
manière par les circonstances locales. Mais il est évi- 

dent que le thermomètre n’est pour rien dans les erreurs 

faites à midi, dès que ces erreurs ont été en moins; 
car c’est le propre des lieux ainsi disposés de concen- 
trer la chaleur durant le gros du jour , et le coëfficient 
s’y trouve habituellement exagéré de cet excès de tem- 
pérature. Les observations de midi devoient donc donner 
des hauteurs trop fortes : or, l’erreur étant toujours en 
sens contraire , il falloit recourir à une autre influence 
qui l’emportât de beaucoup sur celle de la chaleur. Je 
la trouve dans la pression constante des vents descen- 
dans que l’inclinaison des pentes dirige sur la cuvette 
du baromètre , et qui élève la colonne de mercure au 
dessus du point où le poids seul de l’atmosphère l’au- 
roit soutenue. 

Il m’étoit aisé de vérifier cette conjecture en faisant 


14 SUR LA MESURE DES HAUTEURS 


la contre- épreuve. Le baromètre correspondant avoit 
été jusqu’à présent à Tarbes. Il ne s’agissoit que de le 
transporter au sommet des montagnes , et le baromètre 
de Barèges occupant alors la station inférieure, l’excès 
d’élévation que j’attribuois au mercure devoit me donner 
les hauteurs trop fortes. 

Dans ce cas-ci , il n’étoit pas aussi indispensable de 
multiplier les observations, parce qu’il y avoit moitié 
de gagné sur les causes d’erreur, puisque l’un des deux 
baromètres étoit affranchi des influences perturbatrices 
qui règnent dans les couches inférieures de l’atmo- 
sphère. Voici celles que j’ai faites l’année dernière au 
sommet du pic du midi et du pic de Bergons. 


Pic du midi. 


Elévation au-dessus de mon cabinet de Barèges, . «+ , 1654 mètres. 


10! du matin « .« 1663 mètres. 
ob es TT 66 


30) août 280Br-re de de JAP le ve ile 202672 
Midi. . . . .« . 1677 


oh ? du soir . . 1679 
1e 50% +1. 4674 


10" du matin . « 1652 

10h 1, + + + + 1659 
15 Septembre, ie ee Sales à ee 11662 
Midi... + . ., 1664 


1 du soir. + . 1679 


À L'AIDE DU BAROMÈTRE. 19 


Pic de Bergons. 


Élévation au-dessus de mon cabinet de Barèges. . . . 832 mètres. 


10" du matin. . . 846 
ADR ae latente le OA 
11 septembre 1805. . 4114. . . . . . . 848 
Midi.. . . . .« + 846 
12 du/sOir.e « + 099 


Ces seize observations font encore apercevoir assez 
distinctement la marche des heures, malgré les irrégu- 
larités que la position du baromètre inférieur ne pou- 
voit manquer d’y introduire ; mais ce qui est évident, 
c’est l’excès de hauteur qui résulte de l’ensemble de ces 
observations, et pour ne nous arrêter, comme de cou- 
tume, qu’à celles de midi, on remarque que la pre- 
mière est trop forte de . . :. . . . . . 23 mètres. 

Bidfsecomde dr PE RENE S A  eLT o 

Ba’troisième/; de: sèn l.lg1. 4 +. ad 

La moyenne de ces troïs erreurs est d’environ 16 
mètres en plus , qui compensent à peu près les 20 mètres 
d’erreur en moins que la moyenne des observations de 
Barèges a donnés, lorsque le baromètre inférieur étoit à 
Tarbes. On ne peut attendre un résultat plus satisfaisant 
d'opérations où il entre un élément aussi capricieux 
que l’est l'influence des vallées sur les instrumens mé- 
téorologiques. 

Il ne me restoit qu’une expérience à faire dans les 
lieux de cette espèce; celle d’établir à la fois les deux 
baromètres dans la même vallée sur deux points de 


16 SUR LA MESURE DES HAUTEURS 


niveau différens. J’ai choisi , à cet effet, un rocher peu 
éloigné de Barèges, et médiocrement élevé au dessus 
de mon cabinet. J’en ai mesuré d’abord trigonométri- 
quement la distance et la hauteur relative, et j’ai en- 
suite vérifié celle-ci par un nivellement. Les deux dé- 
terminations ont été conformes à moins d’un mètre près. 
Ce rocher est connu sous le nom de Butte de Sers. J’ai 
trouvé la distance de 1994 mètres, et la hauteur au 
dessus de ma station habituelle de 54 mètres. Je n’ai 
pas eu le loisir d’y faire beaucoup d’observations , mais 
le petit nombre de celles que j’y ai faites suffisoit pour 
satisfaire ma curiosité. 


tit 2 du matin . . 55 mètres, 


23 septembre 1805 , . 
Midi. . : . . +. 56 


11% © du matin . . 58 
24 septembre . . . . Midi... . . . . . 59 
o" = du soir, . . 60 


11: du matin . .« .« 60 


4 octobre & «‘. « 
LE FRE EME NE 2 AR T1 


11h 2 du matin , . 54 


z 


7 octobre . . « . : f F3 
EG ER ON METRE? 


Ces neuf observations ayant été toutes faites aux en- 
virons de midi, il y a entre elles peu de raisons de 
préférence, et l’on peut les employer indistinctement 
pour la détermination de la hauteur cherchée. Leur 
moyenne arithmétique n’excède que de 3 mètres la 
mesure géométrique , et trois d’entre elles ont été justes 
ou à peu près. Il faut même convenir que les varia- 
tions qui ont eu lieu d’un jour à l’autre sont très- 


ns L'AIDE DU BAROMÈTRE. 17 


médiocres, eu égard aux inconvéniens d’une pareille 
station, et il est.clair que les deux baromètres se 
trouvant sous la même influence générale , ont marché 
à peu près comme s’ils en étoient exempts. 


$ III. Des météores. 


D'APRÈS ce que nous avons dit, soit de influence 
des heures, soit de celle des positions, il paroît que 
- l’inclinaison des courans d’air est la cause principale 
à laquelle l’une et l’autre viennent se réduire. Peut- 
être faudra -t-il y ramener encore l’action des vents 
généraux, s’il est vrai, comme je serois tenté de le croire, 
qu’ils n’affectent les observations qu’autant qu’ils s’é- 
cartent naturellement ou accidentellement de la direc- 
tion horizontale , en sorte que dans beaucoup de cas 
les conclusions que l’on tireroit des observations.entre- 
prises dans la vue de déterminer l'influence de ces vents, 
ne seroient justes que relativement à la latitude , au 
‘pays, à la saison où elles auroient été faites. Ces ob- 
servations, au reste, ne sont rien moins que faciles. 
D'abord , il n’est pas toujours aussi aisé qu’on le pense 
de savoir quel est précisément le vent qui domine, car 
il est rare d’en voir un seul entraîner à la fois toutes 
les couches de l’atmosphère dans une même direction. 
Une grande partie de ceux que nous ressentons, ne 
sont que des remoüûts dont l’origine n’est souvent rien 
moins qu’éloignée; et dans nos climats, j’ai rencontré 
dix fois pour une les vents du sud vers les hautes 
régions , quels que fussent ceux qui soufflassent au picd 

1806. Second semestre. 3 


* 
18 SUR LA MESURE DES HAUTEURS 


des montagnes. Le plus sûr caractère auquel on puisse 
reconnoître les vents généraux et dominans , parmi tous 
les vents particuliers qui s’entrecroisent, c’est l’éléva- 
tion même du mercure dans le baromètre. Les grands 
abaissemens décèlent toujours l’arrivée des vents de la 
région australe ; ceux de la région boréale s’annoncent 
par le signe contraire : et cependant , c’est précisément 
en sens inverse que les vents de l’une et l’autre région 
agissent sur le baromètre exposé à leur choc dans les 
couches supérieures de l’atmosphère. Au haut des pics, 
j'ai vu les coups de vent du nord faire baisser le mer- 
cure en soulevant la colonne d’air ; les bourrasques du 
sud, au contraire, sembloient la déprimer, et occa- 
sionnoient daris le baromètre une hausse momentanée, 
mais très-sensible. Ces oscillations vont souvent à deux et 
trois dixièmes de millimètre, par des vents qui ne sont 
rien moins qu’impétueux. Des vents plus forts et plus 
continus, sans exciter des mouvemens beaucoup plus 
apparens, n’en agissent pas moins avec une puissance 
proportionnée à leur constance et à leur intensité, et 
la force avec laquelle ils retiennent le mercure au dessus 
ou au dessous de son niveau, se manifeste bientôt par 
l'étendue des erreurs que le vice de l’observation in- 
troduit dans la mesure des hauteurs. Mais rien jusqu’à 
présent ne determine quelle part la nature même de ces 
vents peut avoir à des effets sur lesquels Paspect et la 
forme des terrains exerce nécessairement tant d’in- 
fluence; et bien que j'aie réellement cru reconnoître 
dans de longues suites d'observations faites au voisinage 


A L'AIDE DU BAROMÈTRE. 19 


des plaines, que les vents de la région boréale ten- 
doient encore à donner les hauteurs un peu plus fortes, 
cependant je n’oserois décider si ce résultat appartient 
à action propre de ces vents, plutôt qu'aux dérangemens 
que la disposition des lieux apporte à la direction de 
leurs courans. / 

Je demeure dans une incertitude pareille, relative- 
ment à un phénomène que j'ai constamment observé 
dans tous les lieux où j’ai appliqué le baromètre à la 
mesure des hauteurs, savoir l’influence extraordinaire 
que les temps orageux ont exercée sur les résultats. Jai 
sous les yeux un bon nombre d’observations faites soit 
avant, soit après les orages , soit pendant leur durée; 
le baromètre supérieur se trouvant tantôt dans les 
vallées, tantôt au sommet des montagnes, et le baro- 
mètre inférieur demeurant toujours dans la plaine li- 
mitrophe. La proximité ou l’éloignement du foyer de 
la tempête, sa situation relativement aux deux baro- 
mètres correspondans, les vents, le calme, la présence 
du soleil ou l’interposition des nuages, n’ont apporté 
dans les effets aucune variation qui parût en rapport avec 
l’état apparent duciel. Toujours l'erreur a été énorme, et 
toujours elle a été moins. En allouant toute la latitude 
- possible aux causes connues qui pouvoient déterminer 
une erreur dans ce sens, il est toujours resté vingt, 
trente, quarante mètres pour la part de l’orage. De 
quelle nature est la modification que l’atmosphère subit 
dans ces circonstances ? quel en est l’agent ? à quel point 
l'effet observé dépend-il des lieux mêmes où je l’ai vu 


20 SUR LA MESURE DES HAUTEURS 


se manifester? Voilà autant de questions que mes ex- 
périences ne m'ont point mis en état de résoudre. Il 
n’y a qu’une chose bien certaine , savoir que les temps 
orageux sont au premier rang de ceux où il faut s’abs- 
tenir des observations tendantes à la mesure des mon- 
tagnes, pour peu que l’on prétende à l’exactitude dont 
ce genre d’opérations est susceptible. 

Du reste, hormis les grands météores dont je viens 
de parler, je n’en connois aucun qui se soit distingué 
dans mes opérations par une action particulière. La 
diversité des saisons, l’état.du ciel, et même la séche- 
resse et l'humidité de l’air, ont sans doute trop peu 
d'influence pour se faire apercevoir nettement dans ce 
petit cercle d’incertitudes où se cachent tantôt les er- 
reurs de l’observation, et tantôt celles qu’occasionnent 
ces agitations secrètes de l’atmosphère, qui interver- 
tissent à notre insû l’ordre dans lequel décroissent de 
bas en haut la chaleur et la densité de l’air. Cette 
dernière cause d’erreur en couvre habituellement bien 
d’autres; et quand on insiste long-temps sur la mesure 


d’une seule et même hauteur, on est forcé de lui rap- 


porter la plupart des variations qu’éprouvent du jour 
au lendemain les résultats d'observations faites souvent 
dans les mêmes circonstances apparentes. 

La méthode que j’ai employée pour démêler ce qui 
pouvoit appartenir en propre à chacun des effets par- 
ticuliers dont l’effet général se compose, est à la fois 
très-simple , et la seule qui pût remplir l’objet que je 
me proposois. Diverses hauteurs bien déterminées étant 


ILE" 


A L'AIDE DU BAROMÈTRE, 21 


calculées un grand nombre de fois, d’après des obser- 
vations faites avec soin dans des circonstances fort 
différentes ; il ne s’agissoit, pour établir la valeur de 
chacune de ces circonstances, que de comparer la 
moyenne des résultats obtenus sous l'influence de l’une 
d’entre elles, à la moyenne de ceux qui avoient été 
“obtenus sous l’empire des autres. Dans ces comparai- 
sons , les causes les plus puissantes devoient se mon- 
trer les premières; et il n’étoit pas difficile d’éliminer 
Vinfluence des heures, des situations, des grandes 
agitations de l’atmosphère, pour reconnoître les temps 
et les lieux les plus favorables à la détermination du 
coëfficient qui convenoit aux températures. moyennes, 
Il étoit déjà moins aisé de démêler et vérifier la partie 
de ce coëfficient qui appartenoit à la température elle- 
même. L’observation du thermomètre est fort délicate , 
et c’est de cet instrument que procède la plus grande 
partie des erreurs que l’on commet dans la mesure-des 
montagnes, quand on se contente d’inscrire la chaleur 
qu’il indique à l’instant précis où l’on note la hauteur 
du baromètre. Il faut le voir marcher assiduement et 
long-temps pour démêler la véritable température de 
Pair, au milieu des températures fort diverses qu’il ac- 
cuse d’un moment à l’autre. Le baromètre n’expose 
que bien rarement à de pareilles incertitudes : il est 
en,rapport immédiat avec la totalité de la colonne d’air 
qu’il est destiné à peser. Quand même les couches en 
sont en désordre, celles qui se trouvent accidentelle- 
ment hors du rang de leurs densités agissent sur lui 


22 SUR LA MESURE DES HAUTEURS 


par leur tension, et il demeure immobile, tandis que 
le thermomètre livré à toutes les impressions voisines , 
monte et baisse de plusieurs degrés au passage de chaque 
petite atmosphère que lui apporte la mobilité des airs. 
L’emploi de cet instrument exige donc plus de sagacité 
que l’on ne pense communément, et quoique des ob- 
servations très-nombreuses, faites depuis trois ou quatre 
degrés au dessous du terme de la congélation, jusqu’à 
trente degrésau dessus deceterme,aientsuffisammentjus- 
tifié pour moi la loi dedilatation adoptée par M. Laplace; 
quoique les résultats moyens, obtenus à des tempéra- 
tures aussi variées, aient été sensiblement égaux entre 
eux, distraction faite de ce qui pouvoit appartenir à 
l’action mécanique des vents, et aux modifications que 
la disposition des terrains apportoit à cette action, 
cependant il na été impossible d'atteindre à ce degré 
de précision où la part de l'humidité auroit commencé 
à se distinguer de celle de la chaleur. J’ai beaucoup 
consulté l’hygromètre, et j’ai eu le bonheur extraordi- 
naire de lui voir parcourir plus de soixante degrés de 
son échelle; car le 9 octobre de l’année dernière , à 
Barèges, dont l'élévation absolue est de 1290 mètres, 
j'ai vu un excellent hygromètre à cheveu, de la cons- 
truction de Fortin, descendre à la sécheresse jusqu’au 
39° degré, le vent étant au sud , le baromètre à 66.19 
centimètres, et le thermomètre centigrade à 16.5 degrés; 
et en 1803, le 7 novembre, il étoit descendu à 34 de- 
grés au sommet de Lhérins , élevé de 1598 mètres, 
le vent étant de même au sud, le baromètre à 62.18 


unit 


A L'AIDE DU BAROMÈTRE. 23 


centimètres , et le thermomètre à 11.4 degrés. J’avouerai 
que cette observation - ci est moins sûre que la précé- 
dente, parce que j'y ai employé un hygromètre de 
Richer, et que le ressort que cet artiste a substitué au 
poids jette beaucoup d’irrégularité sur la marche de cet 
instrument, quelque soin que l’on apporte à en regler 
les deux termes fixes ; car l’expérience m’a prouvé que 
ses degrés ont diverses valeurs, selon qu’il va de l’hu- 
mide au sec, ou du sec à l’humide. Je n’alléguerai 
donc point une autre observation faite la même année 
à Bagnères, où par un vent de sud, d’une chaleur 
tout-à-fait extraordinaire pour la saison, puisque le 
thermomètre étoit à 23.75 degrés, le 18 novembre à 
neuf heures du soir, j’ai vu le même hygromètre des- 
cendre au 24° degré ; mais, en allouant à l’erreur de 
l’instrument tout ce qu’on peut raisonnablement lui 
accorder, il n’en est pas moins certain que j’ai observé 
à des degrés d'humidité extrêmement différens , et que 
néanmoins la part de cette circonstance a été couverte 
dans les cas extraordinaires par celle des circonstances 
plus prépondérantes dont ils étoient acçompagnés, et 
dans les cas ordinaires par la tolérance due à l'erreur 
mème des observations. La raison en est évidente. Le 
facteur de la température, étant empiriquement dé- 
terminé , renferme déjà la correction de l’humidité 
moyenne ; et les quantités dont cette moyenne se trouve 
augmentée ou diminuée , sont ordinairement trop petites 
pour affecter sensiblement des résultats où les moindres 
accidens occupent plus de place que ces quantités. La 


24. SUR LA MESURE DES HAUTEURS 


théorie appuyée sur des expériences directes, pourroit 
faire davantage : elle détacheroit facilement une cor- 
rection spéciale de la correction de la température; 
mais il n’est pas clair que le calcul gagnât en exacti- 
tude autant qu’il perdroit en simplicité, car l’hygro- 
mètre auroit aussi ses infidélités du moment où on le 
feroit concourir à la mesure des hauteurs. Il ne peut 
indiquer que l’humidité de la lame d’air qui le traverse, 
et celle-ci, bien souvent, n'appartient point à la région 
où il est observé, et bien plus souvent encore, il n’y a 
rien à conclure du rapport des deux hygromètres cor- 
respondans , pour la plus grande partie de la couche 
d’air qui les sépare. Je crois donc que nous pouvons, 
sans inconvénient, opérer dans la supposition d’une 
humidité moyenne constante , et laisser les variations 
dans ce dernier résidu d’incertitudes qui subsiste encore 
après l’élimination de toutes les causes appréciables d’er- 
reur. Ce résidu, que nous abandonnons , rentre dans le 
domaine de la météorologie, à laquelle il pourra être 
d’un grand secours. Après avoir employé ses instrumens 
à la mesure des hauteurs, nous lui rendons la mesure 
des hauteurs comme un moyen d’apercevoir certaines 
. modifications de atmosphère que la seule marche des 
instrumens ne sauroit lui révéler. Le trouble intestin 
dont l’océan des airs est souvent travaillé, se manifes- 
tera par les écarts de ces mesures, quand aucun autre 
signe ne le rendroit perceptible ; et ces nouveaux té- 
moignages fourniront un nouvel appui aux pronostics 
qui constituent une des utilités prochaines et habituelles 
du baromètre, 


A L'AIDE DU BAROMÈTRE. 25 


Conwciusion. 


L’Eexposirion des moyens qui j’ai employés pour 
déterminer par l’observation un coefficient qui vient 
de recevoir la sanction de l’expérience, indique suf- 
fisamment à ceux qui se livreroient à de pareilles recher- 
ches, les précautions qu’exigeroit d’eux la vérification 
des quantités qui entrent dans la formule de M. Laplace. 
Mais en attendant que des observations encore plus 
nombreuses, encore plus variées, encore plus exactes, 
aient assigné une valeur aux inconnues que j'ai été 
forcé de laisser sur ma route, je réduirai aux plus 
simples termes les avis que mon expérience peut donner 
à ceux qui se contenteront d’appliquer la formule telle 
qu’elle est, à la mesure des hauteurs. 


I. On pourra espérer avoir les hauteurs justes, quand 
on observera à midi, par un temps calme et qui n’in- 
cline pas trop au changement , les deux baromètres se 
trouvant l’un et l’autre sur des sommets isolés , ou le 
baromètre inférieur étant placé dans une plaine bien 
ouverte, et à une distance médiocre. Dans ce dernier 
cas même, j’aimerois mieux augmenter la distance 
qu’approcher le baromètre du pied des montagnes, où 
Vavantage de la proximité est plus que balancé par 
l’action perturbatrice des vents descendans. Hors de ces 
circonstances éminemment favorables , les erreurs n’ont 
point de mesure fixe : elles ne peuvent être corrigées, 
que par l’estime, et selon le degré d'influence. que 

1806, S:cond semestre. 4 


36 SUR LA MESURE DES HAUTEURS 


l'expérience de l’observateur assignera aux causes qui 
doivent les produire. 

_ 19, On estimera, en général, les hauteurs trop 
foibles: 


20, Quand l’observation se fera le matin ou le soir; 


IT. Quand le baromètre inférieur étant dans une 
plaine, le baromètre supérieur sera dans une vallée 
étroite et profonde ; b 

3°. Quand les vents souffleront fortement de la ré- 
gion australe ; 

4°. Quand le temps sera manifestement orageux. 


III. On estimera, au contraire; les hauteurs trop 
fortes. 

1°, Quand on observera entre midi et deux ou trois 
heures, sur-tout l’été et quand le soleil ne sera point 
caché par les nuages; 

2°, Quand le baromètre supérieur étant au sommet 
des montagnes, le baromètre inférieur sera placé dans 
une gorge étroite et fortement dominée ; 

3°. Quand il régnera un vent fort de la région bo- 
réale, surtout si l’on est sur une montagne, et s’il en 
frappe la pente la plus escarpée. 


IV. Enfin, on sera certain que les erreurs seront 
grandes et variables dans tous les sens , quand les dif- 
férences de niveau seront peu considérables , et les deux 
baromètres placés dans la même plaine ou la même 
-Yallée, et bien plus encore lorsqu’ils seront placés dans 


A L'AIDE DU BAROMÈTRE. 27 


deux vallées séparées par une chaîne de montagnes. 
Dans ces cas-ci, la distance horizontale ne sauroit être 
trop petite , et malgré la proximité on ne pourra prendre 
confiance que dans les moyennes d’un très - grand 
nombre d’observations. 

Au reste, les erreurs que nous appelons grandes , 
eu égard à la précision mathématique, sont souvent 
Petites par rapport à l’objet qu’on se propose; et les 
résultats auront presque toujours une exactitude suffi- 
sante pour l'ingénieur et le géologue, puisque l’indi- 
cation des causes d’erreur les plus ordinaires, les met 
désormais en état d'éviter les unes et d’apprécier les 
autres, 


26 SUR LE COMMERCE DES OEUFS DE POULES;, 


MÉMOIRE 


Sur Le commerce des œufs de poules, et sur leur 
co7servation ; 


Par M. PARMENTIERr. 


Lu le 10 floréal an 12. 


PREMIÈRE PARTIE. 


Lss œufs présentent comme aliment, comme assai- 
sonnement et comme médicament, une ressource in- 
finiment précieuse dans toutes les circonstances de la 
vie; apprêtés sous une multitude de formes, et sous 
toutes les formes également utiles et salutaires, ils 
figurent sur la table du riche comme sur celle du 
pauvre , du citadin comme de l'habitant des champs, 
de l’homme robuste comme du convalescent; en un 
mot, les œufs sont si généralement nécessaires, que 
ce seroit faire un tort réel à la société que de l’en priver 
en les soumettant tous à l’incubation. 

Destinés à la reproduction de l’espèce, les œufs ne 
remplissent pas toujours ce but important de la nature; 
les animaux en détruisent beaucoup, parce qu’ils y 
trouvent une nourriture dont ils sont extrêmement 
friands. L’homme qui partage ce goût, mais souvent 
devancé par eux dans la recherche des nids qui con- 


ET SUR LEUR CONSERVATION... 29 


tiennent cette ressource alimentaire > s’est avisé de 
rassembler autour de lui les femelles qui en fournissent 
le plus grand nombre ; delà ces oiseaux qui peuplent 
nos basses-cours , et telle est le succès de sa spéculation 
qu’en leur procurant un gîte commode , un abri contre 
les vicissitudes des saisons et leurs ennemis, une sub- 
sistance appropriée , suffisante et assurée dans tous les 
temps , enfin des soins et un traitement méthodique , il 
est parvenu non-seulement à les multiplier, mais encore 
à les vaïier, améliorer leurs races, et perfectionner 
leurs résultats. | 

Les oiseaux soumis à la condition de la domesticité, 
entretenus dans nos fermes, fournissent des œufs gé- 
néralement bons à manger, mais ce n’est guère ‘que 
chez les habitans des Campagnes qu’on les consomme ; 
car , à l’exception de quelques endroits très-circonscrits y 
ils ne sont pas considérés comme un objet de commerce js 

1°. Parce que les femelles qui les fournissent sont 
trop peu multipliées ; | 

2°. Parce que leurs œufs ; hormis ceux de la seconde 
ponte, sont tous employés au renouvellement de espèce; 

3°. Parce que quand bien même les canards , les 
oies et les dindons qui vivent et se multiplient ‘au 
milieu de nos ‘habitations compléteroient leur ponte, 
et fourniroient un plus grand nombre d’œufs qu’ils 
n’en donnent ordinairement, toutes les localités ne 
sauroient convenir À leur éducation. 

Il n’y a donc que; la poule. qui, parmi les oiseaux 
de basse-cour, s’accommode de tous les climats, de 


30 SUR LE COMMERCE DES OEUFS DE POULES;, 


tous les terrains et de tous les aspects; aussi chez les 
différentes nations policées du globe, il n’est point de 
chaumière autour de laquelle on ne l’aperçoive, et 
qui, fidèle à la maison où elle est élevée et nourrie , ne 
s’en écarte jamais. Elle peut même devenir pour le voya- 
geur égaré le premier guide vers une habitation ; la poule, 
en un mot, est une sorte de cosmopolite. 

Les plus gros œufs que nous connoïissons sont ceux 
d’autruche , ils pèsent jusqu’à trois livres, et un seul 
peut suffire au repas d’un homme; mais entre les 
oiseaux que nous élevons, l’oie est celui qui en fournit 
de plus volumineux ; dans les environs de Toulouse on 
les vend jusqu’à dix centimes à des particuliers qui les 
font couver par des femelles étrangères. 

Après les œufs d’oies viennent ceux de dinde, leur 
coque est parsemée de petites taches rougeâtres mêlées 
de jaune, ils communiquent aux mets préparés avec les 
œufs de poule dans lesquels'ils entrent , un caractère plus 
moëlleux ; ensuite ceux de cane , ordinairement verdâtres 
à leur extérieur , le jauneest gros , assez foncé en couleur ; 
cuits à la coque, l’albumine ne devient pas laiteux , il 
acquiert la consistance de colle , la couleur d’un blanc 
pâle et un goût un peu sauvageon; mais apprètés en 
œufs brouillés ou en omelettes, ils sont délicats : on 
les recherche , surtout pour préparer les gâteaux. 

Les œufs de poules moins volumineux que ceux dont 
il vient d’être question sont d’une qualité supérieure à 
tous les autres, leur volume varie depuis la grosseur 
d’un œuf de pigeon jusqu’à celle d’un œuf de dinde; 


ne OT ES 


ET SUR LEUR CONSERVATION. 31 


mais ils ne sont pas seulement les plus délicats à manger, 
ils ont éncore l’avantage inappréciable d’être les plus 
abondans et les plus faciles à obtenir partout. 

On a cru pouvoir augmenter le volume des œufs en 
augmentant la nourriture des pondeuses, mais les ten- 
tatives à cet égard ont produit un résultat absolument 
contraire : en doublant la ration, les poules passent 
quelquefois à la graisse, alors elles pondent peu ou 
ne pondent que des œufs sans coquille, parce que le 
phosphate calcaire qui la compose ne se secrète point 
dans l’oviductulus ; d’autres font des œufs sans jaune, 
et le vulgaire se persuade que ce sont des œufs de coqs; 
on connoît toutes les absurdités qui ont été débitées à ce 
‘ sujet. 

Quelques auteurs, dans l’opinion que les alimens 
contribuent au volume des œufs, ont prétendu que si 
ceux de la ci-devant Picardie étoient sensiblement moins 
gros que les œufs de la ci- devant Normandie, cette 
différence venoit de ce que les grains recueillis dans 
le premier de ces deux départemens, contenoient spé- 
cifiquement moins de matière nutritive; mais on sait 
qu’en Égypte où les terres sont au moins aussi fertiles, 
et où le blé est aussi nutritif que dans ces cantons, 
les œufs sont bien plus petits que ceux que nous tirons 
du département de la Somme, par la raison que les poules 
y sont également plus petites. 

: Parmi les cent poules que j’ai en expérience à Vau- 
girard , se trouvent réunies les différentes espèces qu’on 
entretient en France pour leurs produits ; toutes sont 


32 SUR LE COMMERCE DES ŒUFS DE POULES, 


au même régime , et je remarque que le volume de 
leurs œufs est constamment en raison des espèces qui 
les pondent. 

Après avoir séparé de ma peuplade, volatile douze 
des poules dont les œufs étoient les moins gros, j'ai 
augmenté progressivement leur nourriture, et ces œufs 
n’ont pas acquis plus de volume que ceux des mêmes 
espèces qui vivent en commun dans ma basse-cour. 

L’espèce de poule entre donc pour beaucoup dans 
la, grosseur des œufs, les alimens ici ne sont que se- 
condaires , ils peuvent bien dans une proportion conve- 
nable soutenir, accélérer même la ponte, mais jamais 
augmenter sensiblement le volume des œufs. 

Danslenombre des poules connues et qui existent dans 
nos basses-cours, il y en a qui donnent d'aussi gros œufs 
que les dindes , mais la ponte n’en est pas considérable, 
il yen a d’autres qui méritent encore plus d’intérèt quoi- 
qu’elles fassent des œufs moins gros, parce que la 
quantité dédommage du volume. Telle est, par exemple, 
ceile qu’on appelle /a poule commune , à cause de la 
préférence qu’on lui donne presque partout : elle. est: 
digne, à plus d’un titre, d’occuper le premier rang. 
Son plumage offre de très-nombreuses variétés diffé- 
rentes aussi par la couleur des pates qui sont jaunes 
ou noirâtres ; l'expérience a appris que celles à pates: 
noires sont préférables. 

Après cette race de poule viennent la poule hupée 
de Caux et la grande flandrine ; l’une est plus délicate 
à manger, parce que pondant moins que la poule” 


ET SUR LEUR CONSERVATION. 33 


commune elle prend plus de graisse, l’autre sans être 
plus féconde est préférable aux deux autres pour en 
élever des poulets , des chapons et des poulardes; ce 
sont donc ces trois espèces de poules qui rapportent le 
plus de profit, qu’il faut adopter dans les cantons où 
leurs produits acquièrent le plus de perfection. 

* Quels avantages a-t-on recueilli jusqu’à présent de 
toutes ces poules étrangères qui figurent aujourd’hui 
dans les basses-cours de luxe, où l’on s’est plutôt occupé 
des formes que de l'utilité des résultats; car il faut 
l'avouer ,on n’a pas encore obtenu des croisemens entre- 
pris dans ces derniers temps aucune espèce plus féconde 
en œufs : mes expériences et mes recherches, je le dé- 
clare , n’ont absolument que ce produit en vue. 

La race des poules communes est véritablement celle 
qu’on doit s’attacher à multiplier, puisque sa fécondité 
est intarissable ; hors le temps de la mue, elle pond sans 
s’arrêter jusqu'aux grands froids , et quand la cour, la 
grange et les écuries ne fournissent plus à sa subsis- 
tance, elle trouve le long des haïes et des chemins, 
des insectes et des grains pour y suppléer : en suivant 
la ponte de la poule commune pendant une année 
comparativement à celle des autres poules, j’ai calculé 
que quoique ses œufs fussent moins volumineux, elle 
en donnoït constamment au moins , toutes choses 
égales d’ailleurs , la moitié plus ; c’est donc cette espèce 
qu’il faut multiplier et perfectionner quand les œufs 
sont l’objet principal du produit; laissons aux amateurs 
le soin d’élever des poules naines qui coûtent pres- 

1806, Second semestre, 5 


34 SUR LE COMMERCE DES ŒUFS DE POULES, 


qu’autant à nourrir, et dont les œufs ne sont pas plus 
gros que ceux de pigeons. Je voudrois retrouver la poule 
d’Adria , qui, selon Aristote, pondoit régulièrement 
tous les jours, et quelquefois deux œufs par jour, c’est 
celle à laquelle je prodiguerois tous mes soins, en 
supposant néanmoins que les œufs se rapprochassent 
par leur volume de ceux de la poule commune ; car c’est 
une vérité que les poules pondent d’autant plus que les 
œufs sont moins gros, ei vice versa. La poule de soie, 
si jolie pour la forme et la finesse de ses plumes, si 
attentive à pondre, si assidue à couver, si tendre pour” 
ses poussins , seroit celle que je proposerois de substi- 
tuer à la poule commune, mais malheureusement deux 
de ses œufs n’en valent pas un de la première , il faut 
donc la releguer dans la basse-cour des curieux. 

Les poules pour pondre abondamment ne doivent 
être ni trop grasses ni trop maigres; ce n’est point 
seulement en leur administrant une nourriture conve- 
nable qu’on parvient à les maintenir dans une dispo- 
sition favorable à faire beaucoup d'œufs, il faut encore 
qu’elles n’aient pas les pates mouillées , qu’elles trou- 
vent un peu de fumier chaud dans le jour, et que 
l'endroit où elles passent la nuit soit d’une grandeur 
proportionnée au nombre des individus ; un poulaillier 
trop spacieux préjudicie sensiblement à la ponte : plus 
les poules se trouvent rassemblées plus elles s’échauf- 
fent, s’électrisent et font des œufs. 

Les tentatives pour augmenter la production des œufs 
ont eu plus de succès que celles essayées pour leur faire 


ET SUR LEUR CONSERVATION. 35 


acquérir davantage de volume ; un des meilleurs moyens 
est celui qui consiste à rendre aux poules la faculté de 
poursuivre leur ponte en les remplaçant pour la cou- 
vaison par des dindes; singulièrement aptes à cette 
fonction importante, elles sont en état de faire éclore 
et de conduire le double de poussins; ce moyen, à la 
vérité, ne peut être utile qu’au cultivateur qui se livre- 
roit en même temps à l’éducation des poulets. Le pro- 
cédé suivant semble plus économique pour Pun et 
Pautre commerce. F 

Après avoir fourni dix-huit à vingt œufs, les poules 
s’en tiennent là assez ordinairement , et annoncent le 
besoin de couver par un cri différent de celui par le- 
quel elles manifestent l’époque de la ponte , mais comme 
Vexpérience a appris que quand on cassoit ou qu’on 
Ôtoit un ou plusieurs œufs à un oiseau occupé à 
pondre , il le remplaçoit toujours et ne pensoit à couver 
que quand le nombre se trouvoit complet, on a imaginé 
d’enlever l’œuf aux poules chaque fois qu’elles venoient 
de le déposer ; trompées par cette supercherie elles conti- 
nuent à pondre, et tous les jours en voyant leurs nids 
vides elles croient pondre pour la première fois. 

On ‘a avancé sans preuve que les œufs fécondés 
avoient plus de saveur que les œufs stériles, mais cette 
assertion est denuée de tout fondement. Je me suis 
assuré, en faisant accommoder les uns et les autres 
sous toutes les formes , que s’il existe une différence elle 
n’est pas sensible pour les organes les plus fins ; ainsi 
le principe de vie communiqué par l’acte du mâle n’a 


36 SUR LE COMMERCE DES OEUFS DE POULES;, 


aucune influence sur le goût et la propriété alimen- 
taire de l’œuf. On a vu une poule en cage pendant 
deux ans pondre régulièrement tous les deux jours, 
depuis le mois de mars jusque vers la fin d’octobre, 
sans jamais manifester le desir de conver , et sans que 
les œufs eussent moins de qualité que ceux des mêmes 
poules ayant eu communication avec les coqs. 
Beaucoup d’observations et quelques pratiques rurales 
prouvent suffisamment qu’il n’est pas nécessaire que 
les femelles des oiseaux de basse-cour soient fécondées 
à chaque œuf qu’elles mettent bas ; Harvey assure entre 
autres qu’un coq vivifñe en une seule fois les œufs qu’une 
poule pondra pendant toute une année ; mais ce que 
l'expérience a prouvé incontestablement , c’est que 
toute une ponte semble n’avoir besoin de l’approche 
du mâle qu’une seule fois : or, comme il est démontré 
que le coq est en état de côcher trente fois au moins 
par jour, on doit penser que cette opinion savoir qu'il 
faut un coq pour douze poules, n’est fondée sur au- 
cune observation exacte. ( 
La poule n’a pas besoin du concours du coq pour 
produire des œufs, ils naissent naturellement sur cette 
grappe qu’on nomme l'ovaire, et peuvent indépen- 
damment de toute communication avec le mâle, y 
grossir, mürir, se perfectionner sans être fécondés, 
et c’est cependant l’opinion contraire qui détermine les 
particuliers à associer toujours un coq à quelques poules 
qu’ils nourrissent, uniquement pour avoir à la maison 
des œufs frais et non pour les faire couver. Ces œufs 


ET SUR LEUR CONSERVATION. 37 


pondus sans coq sont ce qu’on appelle vulgairement 
des œufs clairs, et on ne sait pourquoi ils ont été 
accusés d’être moins sains et moins savoureux que les 
autres. | 

Cependant il arrive souvent que la plupart des œufs 
ne sont pas fécondés malgré la vigueur etun nombre 
suffisant de coqs; la quantité d’œufs qu’on perd alors 
pendant l’incubation est énorme ; que de couvées man- 
quent en totalité ou en partie ! les poules farouches, 
légères ou mal-adroites, abandonnent, mangent, cassent 
les œufs ou étouffent les poussins à leur naissance. Le 
cultivateur qui ne s’adonneroit qu’au commerce des 
œufs éviteroit toutes ces pertes ; à la vérité, il pourroit 
en éprouver d’une autre espèce s’il ne connoissoit pas 
le moyen de la prévenir. | 

L’amour de la liberté, cet instinct qui ramène les 
poules à leur état primitif lorsqu’elles se disposent à 
remplir les fonctions importantes que la nature leur a 
confiées, les déterminent quelquefois à aller pondre et 
couver, à l’écart. Quand le temps est propice elles re- 
viennent comme en triomphe à la basse-cour à la tête 
d’une nombreuse troupe de poussins, souvent plus vi- 
goureux que ceux qui doivent leur existence aux soins 
combinés d’une couveuse choisie et d’une fille de basse- 
cour intelligente : or, cette couvée seroit entièrement 
perdue pour le cultivateur qui n’auroit que des œufs 
clairs, mais rien m'est plus aisé que de découvrir le 
lieu où une poule a pondu à l'aventure et de sur- 
prendre son secret; pour cet effet on tâte d’abord si 


38 SUR LE COMMERCE DES ŒUFS DE POULES, 


elle a l’œuf, et dans ce cas on lui introduit un peu 
d'ail dans l’anus ; comme elle est pressée alors de s’en 
débarrasser on la suit à la piste, et on s'empare du 
nid qu’elle a choisi pour dérober ses œufs et ses petits 
aux regards et aux recherches de leurs ennemis. 

Il s’en faut bien que toutes les poules demandent à 
couver après leur première ponte : on a fait quelques 
tentatives pour tâcher de découvrir quelle pouvoit en 
être la cause , mais cet inconvénient n’en seroit pas un 
pour celui qui ne voudroit que recueillir des œufs, 
puisque , comme nous l’avons déjà remarqué, les poules 
se remettent à faire à peu près autant d’œufs que dans 
la première ponte si la saison n’est pas trop avancée ; 
débarrassées alors du soin de couver et de conduire les 
poussins, elles emploieront les cinquante jours au moins 
que ces deux fonctions absorbent, à fournir de plus 
vingt-cinq à trente œufs. 

Mais un inconvénient pour celui qui, dans les soins 
qu’il donne à l’entretien dés poules n’a en vue que des 
œufs, c’est que souvent la fille de basse-cour au lieu 
de les enlever exactement à mesure qu’ils sont pondus, 
en laisse exprès quelquefois de la veille pour exciter 
par leur vue la femelle à pondre. Les poules | comme 
on sait, ont une propension à se succéder dans le pon- 
doir, elles se disputent à l’envi le nid, l’une attend que 
l’autre ait fait son œuf pour la remplacer , et rien ne la 
réjouit davantage que d’en apercevoir un bon tas. 

Or, en supposant que douze poules se soient suc- 
cédées dans le même pondoir, et que chacune pour 


ET SUR LEUR CONSERVATION, 39 


déposer l’œuf ait resté dans son opération une demi- 
heure environ, n'est-il pas vrai que le premier œuf 
pondu aura éprouvé une incubation de six heures, 
temps suffisant pour éveiller la vitalité du germe et 
déterminer un développement tel qu’il peut être visible 
à la lumière d’une bougie; qu’on ne soit donc plus 
étonné alors si les œufs frais de la même date et pro- 
venans des mêmes espèces de poules présentent quel- 
ques différences entre eux, et si dans l’application du 
même procédé pour les conserver, il y en a qui s’al- 
tèrent plus promptement et d’une manière plus consi- 
dérable que les autres. 

Tous ces faits et une foule d’autres que je pourrois 
accumuler ici, tendent à prouver que partout on admet 
un trop grand nombre de coqs, que le fermier qui n’est 
pas dans l’intention d’élever des poulets, et n’a stric- 
ment de poules que le nombre qu’il lui en faut pour 
consommer les graines perdues dans le fumier et jouir 
du bénéfice des œufs, doit interdire aux coqs l’entrée 
de sa basse-cour , puisqu’ils ne font que tourmenter les 
poules sans rapporter de profit, et qu’il vaut infiniment 
mieux acheter au marché tous les ans, pendant l’hiver, 
de quoi remplacer les poules pour maintenir sa volaille 
dans le même état de population. 

Mais dira-t-on le cultivateur ne voudra jamais s’as- 
treindre à acheter tous les ans des poules, parce que 
“souvent il ne calcule que la dépense du moment, et 
qu’il ferme les yeux sur le bénéfice à venir. Cependant 
si l'expérience lui démontre qu’il peut se dispenser de 


4Âo SUR LE COMMERCE DES OEUFS DE POULES;, 


nourrir des coqs, et avoir en mème temps un tiers de 
plus d’œufs susceptible de se mieux conserver, si, malgré 
le profit évident qu’il en retirera, il balance encore à 
essayer ce que je propose, il pourroit facilement échanger 
avec un de ses voisins une trentaine d’œufs clairs contre 
le même nombre d’œufs fécondés, et les donner à couver 
à une dinde ou à deux de ses poules ordinaires qui 
montreroient le plus d’ardeur à remplir cette fonction 
de la nature. 

Le cultivateur qui spéculeroit au contraire sur l’édu- 
cation des poulets pourroit aussi se dispenser d’entre- 
tenir autant de coqs , puisque , comme tous les oiseaux 
polygammes , le mâle n’est point destiné par la nature 
à partager les sollicitudes de l’incubation et de lédu- 
cation des poussins ; d’ailleurs, que faire du coq à un 
certain âge lorsqu’il n’est plus digne de figurer en maître 
dans la basse-cour ; au métier qu’il a fait toute sa vie il 
Wa pu s’engraisser , sa chair coriasse , desséchée et peu 
savoureuse paroît rarement sur la table du riche, il n’y 
a tout au plus que la crête de cet oiseau qui mérite l’in- 
térèt des Lucullus modernes. 

L'absence du coq dans une basse-cour où il n’y a 
aucune éducation de poulets est donc un moyen éco- 
nomique et très-assuré, non-seulement d'augmenter la 
production des œufs , mais de les rendre encore sus- 
ceptibles de se mieux conserver et de pouvoir être trans- 
portés au loin sans inconvénient, comme nous allons 
le faire voir dans la seconde partie de ce mémoire. 


ET SUR LEUR CONSERVATION. 41 


SECONDE PARTIE. 


Conservation des œufs. 
LEs œufs étant devenus un aliment de première né- 
cessité, on a cherché le moyen de les conserver comme 
les autres denrées de la même importance, jusqu’au 
moment où les poules malades par la mue ou engour- 
dies par le froid cessent de pondre : on s’est occupé de 
les garsntir 1°. de l’humidité; elle leur est si fatale 
qu’une seule goutte d’eau, qui aura séjourné pendant 
quelque temps sur un œuf, peut corrompre la partie 
qu’elle a touchée à travers la coque; 2°. de la gelée 
qui, en fêlant la coque et désorganisant l’intérieur , le 
dispose à se putréfier au moment du dégel; 5°. enfin, 
de l’accès de l’air qui détermine une évaporation plus 
ou moins prompte et considérable , à raison du nombre 
et de la largeur des pores de la coque et de la tempé- 
rature du lieu où les œufs sont mis en réserve. 

Pour remplir ces vues, les uns mettent les œufs dans 
un mélange de son et de sel, les autres dans des tas 
de blé, de seigle et d’orge ; ceux-ci les arrangent dans 
de la sciure de bois, ceux-là dans des cendres ; plusieurs 
les placent sur des Lits de paille ou de son; il en est 
enfin qui préfèrent de les stratifier avec de la paille de 
seigle bien sèche , la pointe en bas , dans des paniers 
ou des barils placés dans des endroïts ni trop froids ni 
trop chauds, et où ils ne soient point exposés aux éma- 
nations du gaz putrid e. 

1806, Second semestre. 6 


42 SUR LE COMMERCE DES OUFS DE POULES, 


Tous ces moyens, insuffisans pour conserver long- 
temps les œufs, ne permettentp as à la vérité au cultiva- 
teur d’en faire des magasins. Le printemps est la saison 
pendant laquelle les poules pondent si abondamment, 
qu’il est assuré de n’en pas manquer; il porte à me- 
sure au marché ce qui excède la consommation de sa 
maison, et ne songe à former des approvisionnemens 
que de ceux d’août et de septembre, parce qu’ils pas- 
sent plus sûrement l’hiver. Tout le monde sait, en 
effet , que les œufs les plus propres à se conserver pro- 
viennent de la seconde ponte ; à cette époque de l’année 
les poules sont nourries de grains et mangent moins 
d’herbes : c’est peut-être une des causes qui rend leur 
conservation plus facile , mais je ne doute pas que la 
principale n’appartienne à l’affoiblissement dela vigueur 
du coq et du temps moins chaud qui règne alors, puis- 
qu’il est reconnu que les poussins d’automne n’ont 
jamais la même force que ceux éclos au printemps : 
mais comme on n’est pas dans l’usage de faire couver à 
la fin de l’été, il seroit utile dans tous les cas de séparer 
à cette époque les coqs d’avec les poules, qui ne pon- 
droiïent plus alors que des œufs clairs dont la conser- 
vation est plus facile. 

Dans la ci-devant Picardie , ce sont particulièrement 
les ouvrières en dentelles qui se chargent de conserver 
des œufs pour les vendre dans la saison où les poules 
n’en donnent plus; elles les achètent à mesure qu’ils 
sont pondus chez les fermiers pendant les mois d’oc- 
tobre et de novembre, et les arrangent sur des tablettes 


ET SUR LEUR CONSERVATION. 43 


placées contre des murs dans leurs chambres: ils y 
‘sont à l’abri du froid ; elles les retournent très-souvent, 
pour empêcher que le bois qui pourroit contenir de 
Phumidité ne la leur communiquât. Tous les huit jours 
élles présentent à la lumière ces œufs: ceux qui ont 
le plus perdu par l’évaporation, sont aussitôt vendus 
aux coquetiers, qui les portent, soit aux marchés des 
villes voisines, soit directement à Paris. 

Un autre moyen pratiqué depuis plusieurs siècles 
dans nos campagnes ‘et en Écosse pour prolonger 
la ressource des œufs frais dans un temps où les 
poules n’en pondent plus, c’est au sortir du pondoir 
de les plonger, au moyen d’un écumoir, dans l’eau 
bouillante comme pour les manger à la coque, et de 
les y laisser deux secondes ; en les retirant de l’eau, 
on les marque, soit à l’encre, soit au crayon, soit au 
charbon, afin de pouvoir les employer selon leur rang 
d’âge ; puis on les met en réserve dans un lieu frais, 
ou dans du sel, où on peut les garder pendant plusieurs 
mois, et quand on veut s’en servir , on les fait réchauffer 
dans l’eau élevée à une température convenable ; ils 
ressemblent, pour le goût, à des œufs frais du jour; 
la partie improprement appelée Ze lait, y est si abon- 
dante que les personnes les plus difficiles et les plus 
exercées y sont trompées; on a seulement remarqué 
qu'au bout de quatre à cinq mois la membrane qui 
tapisse l’œuf devient plus épaisse. 

Mais dans le cas où l’on auroit à former des magasins 
d’œufs dans les places fortes, dans des villes extrème- 


A SUR LE COMMERCE DES OEUFS DE POULES;, 
ment populeuses, ou enfin lorsqu'il s’agiroit d’en ap- 
provisionner des vaisseaux pour un voyage de long 
cours, quels seroiïent les moyens qu’on pourroit em- 
ployer pour les conserver pendant un temps assez con- 
sidérable sans altération? Réaumur prétend en avoir 
trouvé un aussi simple que facile à exécuter. Pour avoir, 
dit-il, dans toutes les saisons des œufs constamment 
frais, des œufs parmi lesquels il n’y en ait jamais 
un seul de gâté, il suffit d’intercepter la transpiration 
qui se fait dans chaque œuf, d’empècher la commu- 
nication de l’air avec les matières qui y sont contenues, 
et par-là la fermentation qui peut les altérer. 

Il n’est question pour cela que d’enduire la coquille 
d’un vernis imperméable à l’eau, ou plus simplement 
encore de l’huile ou de la graisse , avec la précaution 
de passer et de repasser les doigts sur la surface, afin 
d’être bien assuré qu’il n’y a aucune partie de cette 
coquille qui ne soitimprégnée d’huile ou de graisse. Les 
œufs ainsi préparés , ajoute Réaumur ; n’éprouvent 
point d’évaporation, tout y demeure en repos; ils ont 
beau vieillir, ils restent toujours frais. 

. Comment un moyen qui, d’après cet homme célèbre, 
auroit empêché la perte de cette énorme quantité d'œufs 
qui se gâtent en voulant les conserver, qui auroit fait 
diminuer le prix de cette denrée, et donné en abon- 
dance des œufs frais dans la, saison où l’on n’en trouve 
que de vieux, qui auroit procuré aux marins en pleine 
mer l’avantage inappréciable de manger des œufs ex- 
cellens, comment un moyen qui intéresse tant d’hommes 


ET SUR LEUR CONSERVATION, : : > 45 


a-t-il pu être négligé? C’est vraisemblablement quil faut 
rabattre des promesses de Réaumur. 

En effet, les œufs ne se gâtent pas seulement par la 
perte de leur humidité , qui fait rompre l’équilibre de 
leurs principes ; ils ne se pâtent pas parce: qu’ils reçoi- 
vent.en échange de cette humidité des miasmes-putrides. 
Il existe une autre cause de corruption qui n’a pas 
échappé aux marchands d'œufs; l’expérience leur a 
appris qu’ils nepouvoient jamais compter sur une longue 
conservation des œufs qui avoient subi un transport 
quelconque; quelle en est la: raison ? 

C’est que dans les voyages par terre les œufs AE ent 
du cahot des voitures, et que dans ceux par mer ils 
sont  maltraités-par le roulis des vaisseaux ; que ces 
mouvemens plus ou moins brusques, désorganisent les: 
parties intérieures de l’œuf, qu’ils rompent les ramif- 
cations des vaisseaux par lesquels le germesétoit attaché 
à. la membrane du jaune, que ce germe, privé des. 
organes qui entretenoient son existenceset sa Vie, meurt, 
se corrompt ; et corrompt tout ce qui l’environne. , 

“Ainsi, il faudroit, par addition au, procédé de 
Réaumur, ne transporter les œufs par terre et par mer 
qu’avec la précaution de les suspendre, de manière à 
ce que tous les:mouvemens, qui pourroient leur nuire 
fussent brisés; éencoren’est-on.pas complétement rassuré 
contre tout danger; lorsqu'on considère que le germe, 
sans éprouver d'accident , peut mourir, et qu’il est mort, 
dans l’œuf gardé au-delà du temps où. il: peut encore 


être .couvé : peut-être qu’il ne fautqu’un coup de, 


46 SUR LE COMMERCE DES OŒUFS DE POULES;, 


tonnerre pour faire périr le germe même dans les œufs 
frais ; il passe pour constant que ce météore produit cet 
effet sur les embryons des œufs qu’on fait couver, ne 
seroit-il pas possible qu’il en produisit un pareil sur ceux 
des œufs mis en magasin? on sait que dans les corps 
organisés, la corruption commence toujours par les 
germes. 

D’après ces observations, le moyen le plus efficace 
de tous seroit de ne penser à conserver et à transporter 
que des œufs pondus par des poules qui n’ont point eu 
de communication avec les coqs. L’expérience a prouvé 
que les œufs que l’on nomme c/airs, résistent sans se 
corrompre à une température de trente - deux degrés 
continuée pendant trente à quarante jours, que seule- 
ment ils perdent de leur humidité par une évaporation 
qui épuise leurs liqueurs. 

Or, pour avoir des œufs susceptibles de se conserver 
sans préparations, depuis le printemps jusqu’à la fin 
de l’hiver , il seroit nécessaire qu’ils eussent été pondus 
par des poules privées depuis au moins un mois de 
l'approche du coq, et si on les avoit destinés à être 
gardés encore plus long-temps , il faudroit qu’ils eus- 
sent été vernissés et graissés. | 

S’il passe pour constant que les œufs pondus à bord 
d’un vaisseau sont de garde, c’est vraisemblablement 
parce que les poules qu’on embarque n’ont pas de 
communication avec les coqs; et si l’on se décidoit à 
faire entrer les œufs au nombre des approvisionnemens 
de la marine et en composer la ration de l'officier, il 


ET SUR LEUR CONSERVATION. € 47 


ne faudroit choisir pour cet effet que ceux qui sont 
clairs, et n’embarquer que des poules vierges. 

On ne sauroit disconvenir que si dans le commerce 
il n’y avoit que des œufs clairs, ceux-ci ayant un prin- 
cipe de corruption de moins, les moyens proposés.et 
employés pour les conserver en bon état auroient encore 
plus d’efficacité , et il n’est pas douteux non plus que 
si par l’immersion des œufs dans l’eau bouillante on 
vient à bout de prolonger leur état frais , ce succès ne 
soit dû à ce qu’on aura tué le germe par la chaleur 
employée, comme il arrive dans la forte dessication des 
semences qu’on prive de la faculté réproductive, ou 
bien dans l’opération qu’on fait subir à certains fruits , 
ce qu’on appelle blanchir. 

Pour juger qu’un œuf est frais, les ménagères le 
présentent à la lumière d’une chandelle ; s’il est trans- 
parent et plein ; c’est la preuve qu’il vient d’être pondu : 
mais à mesure qu’il s’éloigne de la ponte, l’intérieur offre 
un vide qui s’élargit graduellement par l’évaporation ; 
les liqueurs qu’il renferme perdent de leur fluidité, 
de leur transparence , et l’œuf est gâté. 

Il n’est pas aussi aisé de juger par le même moyen 
qu’un œuf est fécondé: on a pris ce vide ou cette 
cavité si sensible dans l’albumine lorqu’on le fait dur- 
cir, pour le germe; mais il paroît bien difficile d’aper- 
cevoir ce germe, puisqu'il est placé sur le globe du 
jaune à sa partie supérieure, quelle que soit la situation 
de l’œuf, au centre duquel il est suspendu. Cependant 
on a tiré de grandes conséquences de ce vide que pré- 


48 SUR LE COMMERCE DES OEUFS DE POULES, 


sentent les œufs à mesure qu’ils ‘vieillissent : on a cru 
pouvoir décider d’après la place qu’il occupe, que 
Fœuf renfermoit un coq ou une poule. 

Autrefois , pour avoir des coqs on avoit soin , dans 
les campagnes, de choisir des œufs pointus par un 
des bouts , et ceux arrondis aux deux extrémités pour 
se procurer des poules ; mais si une fille de basse-cour 
pouvoit conserver dans la mémoire toutes ces nuances 
de forme des. œufs qu’une poule pond , elle pourroit 
distinguer la ponte de chaqué femelle; car cette forme 
d’où lon a tiré tant de conséquences, appartient au 
moule et à la constitution physique de la poule mais non 
pas à ce que l’œnf contient. | 

Revenues de cette erreur, les fermières sont tombées 
dans une autre; elles persistent à croire qu’en présen- 
tant les œufs à la lueur d’une chandelle on peut y distin- 
guer les sexes : si à un des bouts, par exemple, on remar- 
que un petit vide sous la coque, c’est un signe, selon elles, 
qu’il contient un mâle; s’il est un peu de côté, c’est 
uñe femelle : il n’y a pas de doute que dans cette cir- 
constance on ait encore pris pour de germe, le vide 
occasionné par l’évaporation de l’humidité ; car mes 
expériences n’ont rien démontré de semblable. C’est 
cette évaporation spontanée qui change si évidemment 
la constitution physique des œufs qu’il s’agit de préve- 
nir; on en viendra à bout'en les plaçant dans un milieu , 
sec, froid, à l’abri de la lumière et du mouvement : or,il 
n'existe pas à mon gré de moyen susceptible d’atteindre ce 
but come celui par lequel je vais terminer ce mémoire, 


ET SUR LEUR CONSERVATION. 49 


La paille est comme on sait, une matière sèche, 
lisse , le plus mauvais conducteur du calorique, capable 
par conséquent de conserver, pendant l’été aux œufs 
l’état d’œufs frais : c’est à la faveur de paillassons aux- 
quels j’ai donné la forme de paniers , que je suis parvenu 
à prolonger cet état en isolant les œufs d’une couche de 
bâles de grains , et suspendant le panier dans un lieu 
sec, obscur et aéré; que l’on juge maintenant des avan- 
tages inappréciables qu’auroit un pareil moyen s’il étoit 
appliqué aux œufs clairs ou non fécondés. 

Après avoir indiqué le procédé qu’on peut employer 
pour augmenter sans embarras comme sans frais la 
ponte des poules, et conserver facilement leurs œufs, 
il me reste à présenter quelques vues tendantes à di- 
riger les spéculations vers l’éducation des poulets : mes 
expériences, à cet égard , ne sont pas encore assez avan- 
cées pour en offrir les résultats à la classe, mais je 
pense qu’en séparant en deux parties , la ponte et la 
couvaison , ce sera peut - être un moyen efficace de 
perfectionner cette branche de l’économie rurale, de 
la rendre plus profitable aux cultivateurs qui s’y livre- 


roient exclusivement, et plus avantageuse aux consom- 
mateurs de tous les ordres. 


1806. Second semestre, 


5o ANALYSE DU SUC DE PAPAYER. 


ANA EN SE 
DU SUC DE PAPAYER (Carrco Parara), 
Par M. Vauouezrnx. 


Lu le 2 germinal an 12. 


Jar publié, il a environ un an, dans les Annales 
de chimie, le résultat de quelques expériences sur le 
suc papayer apporté de l’Isle-de - France par M. de 
Cossigni; mais comme je n’en eus à ma disposition 
qu’une petite quantité, je ne pus varier suffisamment 
mes essais pour en connoître toutes les propriétés. 

M. Roch, médecin à l’Isle-de-France, en m’offrant 
une nouvelle quantité de cette substance, m’a mis à 
même de recommencer mes essais et de les multiplier 
davantage : c’est le résumé de ces épreuves que je vais 
présenter ici. 

M. Roch a rapporté ce suc dans trois états ; savoir, 
1°, à l’état solide et sous forme de larmes blanches- 
jaunâtres, desséchées au soleil dans des assiettes ; 

29, À l’état de suc naturel renfermé dans des bou- 
teilles bien bouchées ; 

30. À l’état de suc naturel mélangé avec du sucre 
pour le conserver sans altération. 

Ce suc, en sortant de l’arbre, est, suivant M. Roch, 


TT LT ST OP PE 


4 


ANALYSE DU SUC DE PAPAYER, 51 


blanc comme du lait; il se coagule au bout de quelques 
minutes; des flocons de matière blanche comme du 
fromage , s’en séparent et nagent dans la liqueur qui est 
alors transparente. 
Ce suc est répandu dans toutes les parties de l’arbre, 
mais les fruits, avant la maturité, en contiennent da- 
vantage; ils n’en donnent plus lorsqu'ils sont mürs. 


Examen du suc papayer CO7ICrEÉ. 


Lx sucre de papayer épaissi au soleil est d’un blanc- 
jaunûtre ; quelques parties sont d’un blanc pur et demi- 
transparentes. Il est fragile, facile à pulvériser quand 
il est bien sec; il se fond aisément dans la bouche, à 
laquelle il imprime une sensation singulière qui pro- 
voque beaucoup la salive. Il attire fortement l’hu- 
midité de l'air; il se réduit en une pâte gluante qui se 
couvre de moisissures, s’il reste dans cet état quelque 
temps à l'obscurité. 

Il se dissout aisément dans l’eau froide, encore plus 
promptementet plus abondamment dans l’eau tiède. Sa 
dissolution concentrée se trouble et se coagule par 
l’ébullition , mais toute la matière ne s’en sépare pas; 
car, après avoir bouilli, les acides en précipitent encore 
beaucoup. 

Elle ne rougit point la teinture de tournesol, ce qui 
annonce que le suc ne contient point d’acide développé. 

L'alcool mêlé en grande quantité à la dissolution 
aqueuse du suc de papayer, le précipite complettement, 
et sans lui faire subir aucune altération. 


pa ANALYSE DU SUC DE PAPAYER. 


Les acides sulfurique , nitrique et muriatique coagu- 
lent abondamment la dissolution du suc de papayer; mais 
l'acide muriatique oxigéné ne la rend pas violette comme 
celle du suc qui a fermenté, ainsi que je l’exposerai 
plus bas. Delà il suit que le principe qui forme , avec 
l’oxigène, cette belle couleur violette, s’est évaporé 
pendant la dessication du suc concret, ou s’est dé- 
veloppé pendant la fermentation, ce qui est plus pro- 
bable. 

11 brûle sur les charbons ardens en décrépitant lé- 
gèrement, en se contractant sur lui-même, et en ré- 
pandant, comme les matières animales, une odeur 
d’ammoniaque très-fétide. 

Il donne à la distillation beaucoup de carbonate 
d’ammoniaque, d’huile noire, épaisse, dont la plus 
grande partie se précipite au fond d’un liquide brun 
qui est produit en même temps. Il reste un charbon 
léger, difficile à brûler, et qui laisse un peu de terre 
formée de chaux et de phosphate calcaire. 

Lorsqu'on dissout dans l’eau le suc de papayer, il 
reste une petite quantité de matière blanche flocon- 
neuse qui se refuse absolument à la dissolution, mais 
qui se fond aisément à la chaleur, et brûle en répan- 
dant une odeur de graisse empyreumatique. 

La dissolution du suc de papayer concret, aban- 
donnée pendant quelque temps à elle-même , se décom- 
pose, et contracte une odeur fétide comme les matières 
animales. 

Si lon fait bouillir de l’alcool sur le suc de papayer 


| 
- 


TE RS ES TT A 


ANALYSE DU SUC DE PAPAYER, 53 


réduit en poudre , il dissout une petite quantité de ma- 
tière que l’eau précipite en rendant la liquetir laiteuse, 
Il paroît que c’est la matière grasse insoluble dans l’eau, 
dont j’ai parlé plus haut, qui produit cet effet : elle est 
en petite quantité. 

Distillé à l'appareil pneumatique avec de l’acide ni- 
trique foible , le suc de papayer concret a donné une 
grande quantité de gaz formé d’acide carbonique et 
d’azote : en se dissolyant dans cet acide, il lui a com- 
muniqué une couleur. jaune et une saveur extrêmement 
amère. Après avoir bouilli pendant quelqne temps; la 
liqueur a présenté à sa surface une couche de matière 
grasse fondue. 

Il s’est formé aussi dans cette opération une assez 
grande quantité d’acide prussique ‘oxigéné et d’acide 
oxalique. 08 


Examen du suc de papayer liquide conservé dans une 
bouteille sans addirion. 


Au moment où l’on a débouché la bouteille conte: 
nant ce suc , il s’est dégagé avec beaucoup de violence 
un gaz qui a lancé à une grande distance: une partie 
de la liqueur sous forme d’écume. J’ai reconnu que 
ce gaz étoit de l’acide carbonique , formé sans doute 
par la décomposition de quelques-uns des élémens du 
suc; et qui étoit comprimé dans la bouteille. Des masses 
de matière blanche semblable à du fromage nageoient 
dans la liqueur. Ce suc, ainsi altéré par le temps , avoit 
une odeur fétide très-désagréable, mais d’un genre tel 


54 ANALYSE DU SUC DE PAPAYER. 

que je n’en ai jamais senti de pareil : il avoit une 
saveur acide, amère et astringente tout à la fois; il 
rougissoit la teinture de tournesol; il passoit facile- 
ment à travers le papier joseph et devenoit clair. 
Ainsi filtré il avoit la même odeur et la même saveur 
qu'auparavant : les acides le coagulent en une masse 
très-épaisse qui ressemble beaucoup à du blanc d’œuf, 
ou à de l’albumine cuite. L’acide muriatique oxigéné ; 
ajouté d’abord en petite quantité, lui a fait prendre une 
couleur rose très-pure , qu’une plus grande dose d’acide 
a fait passer au violet, et qu’une plus grande quan- 
tité encore a détruite tout-à-fait. Quelque temps après 
que cette couleur est développée, il se forme un préci- 
pité de la même nuance, mais plus foncée. I’acide 
sulfurique a produit dans ce sue un magma épais qu’un 
excès d’acide dissout, et que l’eau précipite ensuite. 
Il s’est développé , par le mélange de l'acide sulfurique 
avec cette liqueur, une odeur légèrement aigre. 

La potasse caustique forme dans le suc de papayer 
clair un précipité de couleur blanche, et exhale en 
même temps une forte odeur d’ammoniaque, tenue, 
sans doute, en combinaison par quelque acide. 

La liqueur où j'avois mis de la potasse ayant été 
filtrée et mêlée avec de l’acide muriatique oxigéné a 
également pris une couleur violette, et l’acide mu- 
riatique simple y a fait naître un. précipité blanc 
abondant. 

La matière caséiforme qui, comme je l'ai dit plus 
haut, nageoit dans le suc, prend en se desséchant la 


"4 
t 


nt nûns.cf 


RS ie, à 


ANALYSE DU SUC DE PAPAYER. 55 


demi - transparence de la corne ; elle se ramollit à la 
chaleur , et exhale une fumée blanche qui a l’odeur 
de la graisse brûlée ; elle se dissout assez abondamment 
dans l’alcool chaud, d’où une partie se sépare pendant 
le refroidissement. Cette matière , évidemment sébacée, 
paroît provenir de la décomposition du suc de papayer 
lui-même, dont l’azote s’est uni à de l'hydrogène pour 
former l’ammoniaque et l’oxigène, à du carbone pour 
donner naissance à de l’acide carbonique. 

L’acidité du suc de papayer est due, sans doute, à 
Valtération qu’a subie cette substance par la fermenta- 
tion, puisque le suc de papayer concret ne donne 
aucune marque d’acidité. Quoiqu'il fût naturel de 
penser que cet acide étoit l’acide acétique, j’ai cru 
cependant devoir m'en assurer par le procédé suivant. 

Le suc évaporé en consistance sirupeuse à une 
chaleur très-douce , fut mêlé avec quatre fois son poids 
d’alcool rectifié, qui produisit un précipité très-abon- 
dant. La matière séparée fut lavée plusieurs fois avec 
de nouvel alcool, et celui-ci réuni au premier fut évaporé 
dans une cornue à une chaleur très-ménagée, jusqu’à ce 
que le résidu fût réduit en consistance de sirop épais. 

Les portions de liqueurs passées sur la fin de la 
distillation étoient sensiblement acides, et avoient une 
odeur de vinaigre alcoolisé. 

Le résidu de la distillation avoit une couleur brune, 
une saveur sensiblement acide : les alcalis n’y formoient 
point de précipité, mais ils en dégageoient une forte 
odeur d’ammoniaque. Elle ne précipitoit point l’acétate 


56 ANALYSE DU SUC DE PAPAYER. 


de plomb, comme le fait l’acide malique, mais elle le 
précipitoit lorsque son excès d’acide avoit été saturé par 
l’'ammoniaque ou tout autre alcali. 

L’infusion de noix de galle y formoit un précipité 
extrêmement abondant. 

Il paroît donc par ces expériences, que le suc de 
papayer fermenté ne contient pas d’acide malique, 
comme M. Cadet - Gassicourt l’a annoncé dans une 
notice sur le papayer, communiquée à la société libre 
des pharmaciens de Paris, mais bien de l'acide acétique 
qui tient de l’ammoniaque en combinaison, et une 
quantité assez considérable de suc de PAPAS ahéré 
par la fermentation. 

C’est probablement cette combinaison dont les ap- 
parences extérieures, et quelques propriétés chimiques 
la rapprochent de l’acide malique , qui en a imposé à 
M. Cadet. Ce qui nva fait soupçonner qu’il y avoit 
quelque erreur dans son énoncé, c’est que je m’étois 
assuré que le suc concret de papayer ne contient aucune 
trace d’acide, et qu’il me sembloit extraordinaire que 
Vacide malique eût été formé par la fermentation : au 
moins nous n’en avons point d'exemple, et nous en 
avons du contraire; c’est-à-dire qu’il se détruit par la 
fermentation. 

Le précipité blanc que M. Cadet a obtenu par lal- 
cool, de la dissolution du suc concret, n’est pas non 
plus du malaie de chaux, comme il le croit ; ce n’est 
absolument que le suc lui-même sans altération, que 
V’alcooi sépare de l’eau. 


TP 


ANALYSE DU SUC DE PAPAYER, . 57 

Le suc de papayer, mêlé avec le sucre, par M. Roch, 
n’avoit subi aucune altération ; car!, ‘après en avoir 
séparé le sucre par alcool, il m'a présenté les mêmes 
propriétés que le. suc concret naturel. ! 

Je pense qu'il ne peut yavoir aucun doute: que le 
suc de papayer ne soit une substance très-animalisée; 
au moins en a-t-il, comme on la vu ; tous les carac: 
tères et en fournit-il tous les produits. J'avoue qu'il n’a 
de similitude parfaite avec aucune matière animale 
connue; cependant je crois que celle dont il se Tap- 
_ proche le plus est l’albumine animale, puisque desséché, 
il se dissout comme elle dans Peau, que sa dissolution 
est coagulée par la chaleur, par les acides, les alcalis, 
les dissolutions métalliques, l’infusion de noix de galle, 
l'alcool, etc. comme la sienne ; qu’enfin, il fournit à 
la distillation , par la chaleur simple, et avec l’acide 
nitrique , absolument les mêmes produits que les sub- 
stances animales les mieux caractérisées. 

Ce nest pas la nature animale de cette substance qui 
doit surprendre, car les sucs de presque toutes les 
plantes en contiennent une semblable, ou au moins 
fort analogue, mais c’est son abondance et sa pureté 
dans le papayer. On n’y trouve rien qui porte le ca- 
ractère des végétaux; et si cette substance étoit colorée 
comme l’albumine du sang qu’on retire par le lavage 
du caïllot, on pourroit, comme je l'ai dit dans mon 
premier mémoire , les confondre facilement l’une avec 
l’autre. 

Le suc de papayer est employé à l’Isle-de-France et 

1806, Second semestre. 8 


358 ANALYSE DU SÜC DE PAPAYER. 


dans les autres endroits où croît l'arbre qui le fournit, 
pour faire périr le ver solitaire; l’on assure que ce 
remède est immanquable, cependant son usage n’a pas 
eu le même succès en Europe , soit que cette substance 
ait éprouvé par le temps une altération qui a détruit 
ses propriétés vermifuges , soit qu’on ne lait pas donnée 
à des doses assez fortes, 


ANALYSE DU BÉRIL DE SAxé. 59 


PM 1e En A or 
DU BÉRIL DE SAXE, 


Dans lequel M. Tromsdorf a annoncé l'existence 
d'une terre nouvelle qu’il a nommée AGUSTINE, 


Par M. VaueuEzr«…. 
Lu le 24 vendémiaire an 12. 


L, pierre connue sous le nom de béril de Saxe, a été 
regardée jusqu'ici, par plusieurs minéralogistes, comme 
une substance particulière, et M. Tromsdorf , Chimiste 
allemand, a perpétué cette opinion en annonçant quil y 
avoit,trouvé, par l’analyse chimique, une terre nou- 
velle, à laquelle il a cru’ devoir donner le nom d’4- 
gustine. C’est même sur la: foi de ce! savant. que les 
minéralogistes ont changé le nom dé béil de Saxe’en 
celui d’Agustite | que ce minéral porte aujourd’hui. 
‘Quoique M. Tromsdorf ait exposé assez en détail, 
dans plusieurs ouvrages, les propriétés de sa! nouvelle 
terre, et que M. Richter de Berlin, en répétant les 
expériences de l’auteur, ait assuré » d’après les résultats 
qu’il en a obtenus, que tout doute sur l’existence de 
V'Agustine seroit désormais inutile et même ridicule, 
cependant les caractères qu’ils lui assignent , l’un et 


60 ANALYSE, DU BÉRIL: DE SAXE. 


l'autre , ne paroissent pas assez nets ni suffisamment 
tranchés pour ne pas laisser quelques doutes dans 
Pesprit des chimistes ; ils a: gr trop des proprictés 
de corps déjà connus pour qu’ on puisse avoir une 
confiance absolue dans les résultats de MM. Tromsdorf 
et Richter. 

Ce sont, sans doute, ces motifs qui ont engagé 
M. Karstein à m’envoyer par l’occasion de M. Bein- 
dheim , maintenant à Paris, des échantillons de béril 
de Saxe, en n’invitant à recommencer cette analyse. 

Ce béril se trouve sous la forme de cristaux verdâtres 
et demi-transparens dans une roche granitique ; mais 
étant peu volumineux et assez uniformément répandus 
dans le granit qui les recèle, il ne m’a pas été possible 
de les traiter isolément; il m’a fallu broyer ensemble le 
béril et le granit, etrechércher à travers tous les élémens 
qui constituent ces deux substances, la terre nouvelle 
qui devoit s’ytrouver (1). | * 

a). J’ai suivi pour cela, la, méthode commune em- 
ployée pour l'analyse des pierres dures, c’est-à-dire 
que j'en ai fait fondre 250 parties , réduites en poudre 
fine. avec trois fois leur poids de potasse; j’ai délayé 
la matière dans l’eau chaude, je lai ensuite dis- 
soute dans l’acide muriatique, et j’ai fait évaporer la 
dissolution, qui s’est prise en gelée sur la fin de lo: 
pération. La matière desséchée et lavée avec de l'eau, 


* G@) M. Tassaert, dont les talens en chimie sont connus depuis long-temps ; 


a bien voulu m'aider dans ce travail, 


ANALYSE DU BÉRIL DE SAXE, 61 
a laissé üne poussière blanche qui, sechée à l'air, pe- 
soit 182 parties. 

b). La liqueur décomposée par le carbonate de soude, 
a fourni un précipité légèrement coloré, dont on a 
retiré, par la potasse caustique, cinq parties d’alumine. 

c). J’ai dissous dans l’acide muriatique affoibli le 
résidu brun laissé par la potasse , j’ai évaporé la disso- 
lution à siccité, et je lai délayé dans Peau, il a laissé 
un dépôt brun pesant 16 parties. J’ai obtenu de la liqueur 
séparée de ce dépôt, au moyen de lammoniaque, un pré- 
cipité , composé de quatre parties d’oxide de fer et d’une 
partie d’alumine. Cette même liqueur , mêlée ensuite au 
carbonate de soude et chauffée légèrement, a donné 
81 parties de carbonate de chaux très-blanc. 

d). J’ai traité par l’acide muriatique concentré les 
16 parties du dépôt brun c}), il est resté cinq parties 
et demie de silice, mêlée d’un peu d’oxide de fer. La 
dissolution muriatique séparée du résidu, ayant été 
rapprochée par l’évaporation et mêlée au sulfate d’am- 
moniaque , a formé un dépôt qui a augmenté peu à peu : 
la liqueur filtrée et évaporée de nouveau, a encore 
donné un dépôt qui, ramassé avec soin et réuni au 
premier, pesoit 15 parties. T’eau-mère ne contenoit 
plus que du muriate d’ammoniaque. : 

e). Il me restoit alors à examiner les 182 parties de 
résidu obtenu expérience a) ; car, suivant M. Tromsdorf, 
le muriate d’agustine se décomposant facilement au 
feu, c’étoit dans cette matière que devoit se trouver 
la terre, ayant, dans cette intention, assez fortement 


62 ANALYSE DU BÉRIL DE SAXE 


chauffé sur la fin de l’évaporation. Pour parvenir à cette 
connoissance , j'ai fait bouillir le résidu avec de lacide 
muriatique concentré ; il a effectivement diminué de 
volume, et après avoir été lavé et séché , son poids 
n’étoit plus que 98 parties; il avoit donc perdu près 
de la moitié de son poids. J’ai d’abord pensé que cette 
perte étoit véritablement due à l’agustine dissoute par 
l'acide muriatique; mais pour en être pleinement con- 
vaincu, il falloit séparer cette substance de lPacide 
muriatique, et la soumettre ensuite aux épreuves pro- 
pres à y faire connoître les caractères annoncés par 
M. Tromsdorf. 

g). J’ai fait évaporer à siccité la dissolution muria- 
tique, qui cette fois n’a point formé de gelée ; le résidu 
n’a laissé qu’un léger dépôt soyeux lorsqu'on l’a repris 
par l’eau. La liqueur claire, mêlée à du sulfate d’am- 
moniaque , a déposé une matière blanche et douce au 
toucher. Au bout de vingt-quatre heures on a séparé 
ee dépôt; on a évaporé l’eau-mère qui a donné par ce 
moyen une nouvelle quantité de précipité. Le tout ras- 
semblé et séché;pesoit#86 parties. La liqueur ainsi épui- 
sée de cette substance a fourni 82 parties d’alun par une 
évaporation spontanée. 

Tous les dépôts formés successivement dans les dif- 
férentes dissolutions muriatiques e) et g),se ressem- 
blant ontété réunis et soumis aux expériences suivantes : 
1°, 10 parties de ce dépôt exigent 350 d’eau bouillante 
pour se dissoudre; 2°. sa dissolution a fourni par l’oxa- 
late d’ammoniaque un précipité semblable à l’oxalate 


ANALYSE DU BÉRIL DE SAXE. 63 


de chaux ; 3°. avec le muriate de baryte, de véritable 
sulfate de baryte ; j’ai conclu de ces expériences que la 
matière de ces dépôts n’étoit que du sulfate de chaux. 
Ces expériences ne m’avoient fait connoître jusque là 
dans le béril de Saxe que de la chaux, de l’alumine, 
de la silice et de Poxide de fer. Mais comme en ad- 
ditionnant ces quantités de différentes substances ,silse 
trouve une perte considérable , j’ai pensé que la chaux 
étoit probablement unie à quelqu’acide dans le mi- 
néral , et dès-lors j’ai soupçonné l’acide phosphorique. 

Si ma conjecture avoit quelque fondement , je devois 
retrouver l’acide phosphorique dans les eaux-mères du 
sulfate de chaux, expérience e) et expérience g). L’eau 
de chaux m’ayant paru le meilleur moyen pour vérifier 
ce soupçon, j’en ai mêlé dans ces eaux-mères , et j'ai, 
en effet, obtenu un précipité blanc qui avoit toute 
l'apparence de phosphate de chaux. Pour m’assurer du 
fait d’une manière non équivoque, j'ai fait digérer 
200 parties du minéral réduit en poudre avec de l’a- 
cide nitrique affoibli; au bout de douze heures jai 
filtré la liqueur, lavé et seché le résidu , il ne pesoit 
plus que 99 parties. 

J'ai fait évaporer à siccité la dissolution nitrique, 
J'ai calciné légèrement la matière restante, et je l’ai 
reprise avec de l’acide nitrique très-affoibli pour séparer 
le fer enlevé à la pierre; j’ai précipité ensuite la dis- 
solution par l’'ammoniaque, et j’ai obtenu un précipité 
blanc très - volumineux pesant 84 parties. La liqueur, 
mêlée au carbonate d’ammoniaque, a encore fourni 


64 ANALYSE DU BÉRIL DE SAXE, 


24 parties de carbonate de chaux ; j’ai traité par l'acide 
sulfurique les 84 parties du-précipité que je regardois 
comme du phosphate de chaux ; la réunion de ces deux 
substances a formé un composé très-épais , qui, lavé à 
l’eau froide et exprimé , a présenté toutes les propriétés 
du sulfate de chaux. Les eaux de lavage , mêlées à l’am- 
moniaque en excès, ont donné un léger précipité qui 
contenoit de l’alumine. 

Ces eaux ainsi saturées par l’ammoniaque furent éva- 
porées à siccité ; leur résidu salin, mêlé avec de la pous- 
sière de charbon, fournit par la distillation une quan- 
tité de phosphore proportionnée à celle de la matière 
employée. 

Ne doutant plus alors de l’existence du phosphate 
de chaux dans le minéral appelé béril de Saxe , je priai 
notre confrère Haüy d’examiner les cristaux détachés 
de la gangue, pour voir s’ils avoient quelques propriétés 
du phosphate de chaux : voici la note qu’il m’a remise 
à ce sujet. « Les cristaux d’agustite sont des prismes 
» hexaèdres qui deviennent quelquefois dodécaèdres ; 
» leur divison mécanique se fait parallèlement aux pas 
» et aux bases. Leur poussière mise sur des charbons 
» ardens donne une belle phosphorescence verdâtre : 
» tous ces caractères conviennent également à la chaux 
» phosphatée, connue sous le nom d’apatite. » 

Ainsi fortifié par l’accord de la minéralogie avec la chi- 
mic, je ne crains pas d'annoncer que ce que MM. Troms- 
dorf et Richter ont pris pour une terre nouvelle, n’est 
autre chose que du phosphate de chaux; erreur qui 


ANALYSE DU BÉRIL DE SAXE, 65 


paroîtra peut-être étonnante aux chimistes qui savent 
combien sont simples les moyens de distinguer cette 
substance des terres proprement dites. Il faudra donc 
désormais rayer l’agustite des systèmes de minéralogie , 


et lagustine des livres élémentaires de chimie où on 
en a parlé. 


1806, Second semestre. 9 


66 ANALYSE COMPARÉE 


ANALYSE COMPARÉE 
DE DIFFÉRENTES SORTES D’ALUNS, 


Par M. Vauquez1n (1). 


Lu le 21 ventose an 12. 


L'izvux de Rome ayant acquis une grande réputation 
dans le commerce par la préférence marquée que lui 
accordent les teinturiers, on ne sait souvent pourquoi, 
son prix s’est beaucoup élevé au-dessus de celui desautres. 

Cette prédilection a fait naître dans l’esprit de plu- 
sieurs fabricans le désir de donner à leurs aluns les 
mêmes qualités, ou au moins les mêmes apparences qu’a 
l’alun de Rome. 

Il me sembloit que le moyen le plus sûr de parvenir 
à ce but, étoit de faire des analyses comparées de l’alun 
de Rome et des autres espèces ; maïs j’ai été très-surpris, 
lorsque je suis arrivé à la comparaison des résultats de 
ces analyses, de trouver entr’eux une similitude pres- 
que parfaite. 


QG) L’on trouve dans un excellent mémoire de M. Chaptal sur les aluns, 
imprimé dans le 22e tome des Annales de chimie , beaucoup de résultats sem- 
blables à ceux que je présente ici; mais comme il y a aussi des différences dans 
plusieurs points , j'ai pensé que la publication de mon travail ne seroit pas 
entièrement inutile. D’ailleurs la fabrication et les usages de l’alun sont d’une 
si grande importance, que des répétitions de ce genre ne peuvent jamais pro 


duire que d’heureux effets. 


DE DIFFÉRENTES SORTES D’ALUNS. 67 


Les aluns sur lesquels j’ai opéré sont : 

1°. Alun de Rome dont on étoit parfaitement sûr, 
m'ayant été remis par une personne qui l’avoit pris elle- 
même sur les lieux ; 

2°, Alun qu’on vend à Paris pour alun de Rome, 
et qui en avoit en effet tous les caractères extérieurs ; 

3°. Alun d'Angleterre qu’on a donné comme étant 
de première qualité ; 

4. Alun fabriqué dans le département de l'Aveyron, 
par M. 

5°. Alun de Liége, dont je ne connoiïs pas la fa- 
brique ; 

6°. Alun fabriqué dans le département de RÉrN ; 
par M. Ribaucour. 


Première expérience. — J’Ax1 dissous 30.5 grammes 
de chacun de ces aluns dans des quantités égales d’eau; 
j'ai filtré les dissolutions des deux aluns de Rome qui 
r’étoient pas claires : il est resté sur le filtre une poudre 
de couleur rose, douce au toucher, dont la quantité 
s’élevoit à peu près à un centième de l’alun employé. 
Je reviendrai plus bas sur la nature de cette substance. 


Seconde expérience. — Après avoir dissous ces 
aluns, et filtré les dissolutions qui n’étoient pas claires, 
je les ai décomposés par l’ammoniaque dont j’ai eu soin 
de mettre un excès. J’ai laissé déposer les alumines, j’ai 
tiré la liqueur surnageante à l’aide d’une pompe, et 
j'en ai remis de nouvelle, et ainsi successivement jus- 
qu’à ce que les dernières n’aient plus troublé la disso- 


La 


63 ANALYSE COMPARÉE 


lution de muriate de baryte ; ce qui a exigé beaucoup 
de temps et d’eau. 

Alors j’ai jeté sur des filtres chacune des alumines 
lavée , et je les ai mises ensuite sur des feuilles de papier 
brouillard pour en soutirer plus promptement et plus 
complettement l'humidité. 

Tandis que ces alumines s’égouttoient, ce qui a duré 
plusieurs jours, j’ai fait évaporer successivement et à 
siccité dans un vase de platine, les eaux de lavage de 
chaque alumine. 


Celles de l’alun de Rome vrai ont fourni de sulfate 


d’ammoniaque . . . + .« + + . . «+ « + + « + « + +. 17.46 grammes. 
Celles de l’alun dit de Rome , . : . , 4 . . . .… 17.35 
Celles de l’alun de Liège. . . . « «+ « « . eee "17:78 


Celles de l’alun de l'Aveyron . . . . . . « . . . . 17.83 
Celles de, l’alun d'Angleterre. 1, , . +. 2, « — 17:78 
Celles de l’alun de Ribaucour ... + « . + « « + «+ 17.46 


Il n’y a, comme on voit ici , que de très-petites dif- 
férences entre les quantités de sel fournies par les eaux 
de lavage de ces aluns, et surtout que les aluns de 
Rome et celui de Ribaucour ont beaucoup de ressem- 
blance sous ce rapport; ce qui annonce que dans tous 
ces aluns les quantités d’acide sont à peu près les mêmes. 
Mais les alumines pouvant avoir été plus où moïns bien 
lavées et retenir des quantités inégales de sel | ces ré- 
sultats ne peuvent suffire pour éclairer d’uné manière 
certaine sur les quantités respectives d’acide contenues 
dans ces diverses sortes d’aluns. 

Lorsque les alumines ont été desséchées sur des pa- 


DE DIFTÉRENTES SORTES D'ALUNS. 69 
piers brouillards, ainsi qu’il a été dit, plus haut, je 
les ai fait calciner dans un creuset de platine, à peu 
près à la mème température rouge , et PCR le même 
temps. de d 

Voici quels sont. les. rapports que: j'ai trouvés entre 
les alumines contenues ans ces différens aluns : 


1°. Alun de Rome, Mate RAA FAR EN QE ie 16 grammes, 
2° VAlunditide Romel{h.t-1e lle sis 203.10 

3°., Alun,de, Liège ys (SM iormerreteehe ven are #f3.20[ 

4. Alun d'Angleterre . ARTT EUR Len et on Be te, 29810) , 


5°. Alun de l'Aveyron . STE s tie Bt e FO Ve SOL 9) 
6°. Alun de Ribaucour 4 01 4 4 4 * .° 318 


PORN 

Ces résultats obtenus par des expériences, faites avec 
soin montrent que les aluns de quelque pays qu'ils 
soient , contiennent la même quantité d’alumine, car. 
je ne compte pas les différences . de deux à trois, cen- 
tièmes de gramme que l’on remarque ici; elles sont 
si petites, pouvant d’ailleurs tout Re provenir 
de quelque irrégularité des expériences, qu’elles ne mé- 
ritent aucune attention. Ces résultats font voir aussi 
qu’il n’y a qu'environ dix parties et demie d’alumine 
dans un quintal d'alun. 


Troisième expérience. — Pour connoître exacte- 
ment la quantité d’acide sulfurique contenue dans ces 
aluns , j’ai pensé que le meilleur moyen étoit d’en dé- 
composer des quantités égales au moyen du muriate de 
baryte, de ramasser soigneusement les précipités qui se 
forment dans ce cas, de les laver et de les calciner. 

Voici le tableau des qâantités de: précipités que jai 


70 ANALYSE COMPARÉE 


obtenues de 100 parties de chacun de ces aluns ainsi 
décomposés : 


1°. Alun de Rome vrai , . , , . . . . . 95.00 grammes. 


29% Alun dit de Rome . ./'.-. . . + . + 04.44 
3°. Alun de l'Aveyron. ; « . , . + . + « 94.44 
4. Alun de Ribaucour + + « « «+ « + 94-00 
5° VATuntde Bière 1.111.010 Ne l-20004:00 
6% Alu d'Anpleterte . © 00. 1 .100.10 04.44 


Il résulte de ces expériences faites avec exactitude 
deux fois sur chaque espèce d’alun sans aucune 
différence sensible, que 100 parties de ces sels dissous 
dans l’eau et décomposés complettement par le mu- 
ruate de baryte ont donné, terme moyen, 94.5 de 
sulfate de baryte. 

J’ai observé que ces précipités se sont aglutinés par 
la calcination , ont pris de la dureté et de la transpa- 
rence. Il me semble que le sulfate de baryte naturel 
n’éprouve pas ces effets par l’action du feu; seroient- 
ils donc dus à quelque matière étrangère, à du sulfate 
d’alumine, ou du muriate de baryte qu’ils auroient 
entraînés avec eux? C’est ce que j'ignore, mais le cas 
étant commun à tous , les rapports entre les quantités 
d’acide que contiennent les aluns n’ont pas dû être 
troublés. 

L'on voit par les résultats des expériences ci-dessus 
que les quantités d’acide sulfurique contenues dans les 
aluns qui en ont été l’objet, sont à peu près sembla- 
bles ; il est vraisemblable même que les légères diffé- 
rences qu’on remarque entr'êlles ne sont dues qu’aux 


DE DIFFÉRENTES SORTES D'ALUNS. 71 


irrégularités inévitables dans ces expériences ; delà l’on 
peut conclure que les distinctions établies entre les 
aluns ordinaires et l’alun de Rome pour la teinture , ne 
sont pas fondées sur les proportions respectives de l’acide 
sulfurique et de l’alumine. ’ 

Il s’agiroit maintenant de connoître les quantités ab- 
solues d’acide sulfurique contenues dans ces aluns; 
cette connoissance seroit facile à acquérir si les chi- 
mistes étoient d’accord sur les proportions du sulfate 
de baryte , mais les uns veulent que sur 100 parties de 
ce sel , il n’y ait que 26 parties d’acide sulfurique sec, 
et les autres prétendent y en avoir trouvé 32, ce qui 
fait une différence considérable. 

Dans l'incertitude où me laisse cette diversité d’opi- 
nion entre les chimistes } j’estimerai l’acide sulfurique 
d’après les deux hypothèses, et nous verrons ensuite 
laquelle paroîtra mériter le plus de confiance. 
Quantités d'acide sulfurique Quantités d’acide sulfurique 

d’après l'hypothèse où le contenues dans Les aluns, 

sulfate de baryte ne contient d’après l'hypothèse que le 


pour cent que 26 de cet sulfate de barytecontient32 
acide. d'acide pour cent. 


1°. Alun de Rome . . . 24.46 1°, Alun de Rome » 32.12 
2°, Alun dit de Rome . , 24.26 2°. Alun dit de Rome. . 29.77 
3°. Alun de l'Aveyron .. 24.41 3°. Alun de l'Aveyron .. 30,05 
4°. Alun d’Anpgleterre . . 24.46 4. Alun d'Angleterre. . 32.11 
5°. Alun de Ribaucour. . 23.92 5°. Alun de Ribaucour . 29.31 
6°. Alun de Liège... . . 24.26 6°. Alun de Liège., . . 29.77 


Quatrième expérience. — Pour connoître les quan- 
tités de sulfate de potasse existantes dans les divers 


72 ÿ ANALYSE COMPARÉE 


aluns dont il est question, jai soumis à l’action de la 
chaleur des sels obtenus de leur décomposition au moyen 
; à ’ ; é | 
de l’ammoniaque; lorsque je me suis aperçu que le 
sulfate d’ammoniaque étoit entièrement dissipé , j’ai 
laissé refroidir et j’ai détaché le résidu du creuset. 
Les poids de ces résidus étoient entre eux comme il 
suit : 
1°. Celui de l’alun de Rome vrai . . . . . 6.50 grammes. 
2°. Celui de l’alun dit de Rome .,,, . . . 6.54 
3#Celni deNtAYeyron CR 1010 
A" Celued Anpletente NN ee MN0-02 
5°11 Celui! de' Liège :? 0, ME NON 0 8 176.50 
6°. Celui de Ribaucour. . + .-. +. . . . 6.65 
J’ai ensuite examiné ces sels pour savoir s’ils ne 
contenoient pas encore quelques parties de sulfate d’am- 
moniaque , mais je n'ai pu en découvrir la plus légère 
trace ; au moins la potasse caustique , ni la chaux vive, 
aidées d’un peu d’eau, n’ont développé aucune odeur 
d’ammoniaque; en goûtant ces sels je me suis aperçu 
qu’ils étoient légèrement acides , ce que m’a confirmé la 
teinture de tournesol qui a été rougie assez fortement. 
L’on voit icique terme moyen ces aluns sur 30.5 gram- 
mes contiennent 6.52 grammes de sulfate de potasse, ou 
environ 20 pour cent, en supposant que ce sulfate de 
otasse ne retint pas d’excès d’acide sulfurique. L’on 
P P q 
trouve aussi par ce résultat que j’ai commis une grande 
erreur dans mon premier travail sur l’alun , en n’esti- 
mant la quantité du sulfate de potasse dans ce sel qu’à 
7 pour cent. 
Cette erreur provient apparemment de ce que j'aurai 


DE DIFFÉRENTES SORTES D’ALUNS. 73 


chauffé trop fortement le sel résultant de la décompo- 
sition de lalun par Pammoniaque, et que j'aurai vola- 
tilisé une partie du sulfate de potasse. ” 

L’acidité du sulfate de potasse qui reste après la vo- 
latilisation du sulfate d’ammoniaque, est due à la décom- 
position d’une partie de ce dernier. On sait, en effet, 
qu’en chauffant le sulfate d’ammoniaque, une portion 
de l’alcali s'échappe au premier moment dans toute 
sa pureté , le sel passe à l’état de sulfate acidule, qui 
demande une température plus élevée pour se volatiliser, 
et dans le cas dont nous parlons, cette portion d’acide 
est prise par le sulfate de potasse qui le retient beau- 
coup plus fortement. Pendant la décomposition du 
sulfate d’ammoniaque, une partie des principes de 
ce sel subissent aussi une décomposition mutuelle ; 
car il se forme une grande quantité de sulfite d’am- 
moniaque. 

Il y a beaucoup d’apparence qu’une portion de l’hy: 
drogène de l’ammoniaque s’unit à une partie de l’oxisène 
de l'acide sulfurique; cependant, comme il se déve- 
loppe dans cette opération une assez grande quantité 
de matière charbonneuse qui paroît être dissoute dans 
l’ammoniaque, cette matière pourroit bien être en partie 
cause de la formation du sulfite d’ammoniaque. 

La plupart dessulfates de potasseobtenus parlesmoyens 
qui ont été décrits, dissous dans l’eau, ont donné par l’é- 
vaporation de légères traces de sulfate de chaux; maïs cette 
quantité en est presque inappréciable, elle ne s'élève 
certainement pas à ——, Ce qu’il y a de remarquable, 


1806. Second semestre. 10 


74. ANALYSE COMPARÉE 


c’est que l’ammoniaque précipite des dissolutions de 
ces sulfates une petite quantité d’oxide de fer rouge, 
auquel se trouve mêlé un atôme d’alumine. Cela prouve 
que lammoniaque dont on s’est servi pour décomposer 
l’alun n’en a point précipité le fer; car la quantité qui 
se retrouve ici est à peu près la même’que celle que j’ai 
obtenue par une expérience directe ; ainsi qu’on le verra 
plus bas. Il paroît que le fer, dans cette circonstance, 
forme un sel triple avec le sulfate d’ammoniaque , qu’un 
excès de cet alcali ne décompose pas. Le sulfate de 
potasse extrait de l’alun de Rome a aussi donné un peu 
de cet oxide de fer. 


Cinquième expérience. —:Tx falloit aussi examiner 
si quelques-unes de ces espèces d’aluns contenoient du 
sulfate d’ammoniaque; pour cela je les ai fait bouillir 
à la dose de 30.5 grammes dans une cornue munie d’un 
récipient avec de la potasse caustique en quantité suffi- 
sante pour décomposer l’alun, et en mêmetemps pour dis- 
soudre l’alumine. J’ai obtenu de l’alun d'Angleterre une 
quantité d’ammoniaque qui , saturée par lacide sulfu- 
rique, a donné 4 décigrammes de sulfate d’ammoniaque ; 
celui de Ribaucour en a produit 3.5 décigrammes ; celui 
de Liège 2.5 décigrammes; enfin, celui de l'Aveyron 
3 décigrammes : les deux espèces de Rome ne m’en ont 
donné que des quantités inappréciables. 

Ces quantités de sulfate d’ammoniaque qui ne s’élè- 
vent, Comme on voit, qu’à un, etun centième et demi de 
la masse des aluns employés, ne doivent pas avoir une 


DE DIFFÉRENTES SORTES D’'ALUNS. 75 


grande influence sur les-effets de ces sels dans la tein- 
ture et autres arts.où ils sont employés. 


Sixième expérience. — Ux des objets qui devoit 
principalement fixer mon attention dans ce travail , étoit 
de savoir si ces aluns contenoient du fer, .eten quelle 
quantité ce métal:pouvoit exister dans chacune des. es- 
pèces ; car il n’est pas douteux que c’est:sur-tout dans 
la présence ou l’absence de cette matière, que consis- 
tent les différences entre les aluns pour la teinture et 
* les autres usages. Pour cela j’ai dissous par la potasse 
Jes alumines précipitées par l’ammoniaque, comme 
dans l’expérience première de 30.5 grammes de chacun 
des aluns. J’ai obtenu de lalun de PAveyron 7 centi- 
grammes et demi d’oxide de fer, de l’alun de Liège 
3 centigrammes, de celui d'Angleterre 7 centigrammes 
et demi, et de celui de Ribaucour 3 centigrammes ; 
ceux de Rome ne m’en ont donné que des quantités 
inappréciables. Aïnsi, sous ce rapport, cette espèce 
d’alun est préférable aux autres. 

Cependant , quoique ces aluns ne contiennent les uns 
environ qu’un millième, les autres un demi-millième 
d’oxide fer , si ce métal se fixe sur les étoffes que l’on 
veut teindre dans la même proportion que l’alumine, 
ces deux substances s’y trouvent mêlées dans-le rap- 
port d’un à un et demi à 100, cequi peut produire 
des effets nuisibles pour certaines couleurs. 

J’ai soumis aussi à l’analyse chimique la terre rosée 
contenue dans l’alun de Rome, et qui reste après la 


76 ANALYSE COMPARÉE 


dissolution de ce sel dans l’eau : elle m’a donné sur 
100 parties 31 de silice, 61 d’alumine, et 8 parties de 
matière colorante qui étoit composée d’oxide de fer et 
d’oxide de nikel. 

Il paroît que cette terre contient aussi quelques traces 
de potasse et d’acide sulfurique , puisque sa dissolu- 
tion par lacide muriatique fournit par l’évaporation 
de petites quantités d’alun ; ce qui prouve que cette 
matière est un reste de la mine, de la tolfa non dé- 
composée , qui est formée des mêmes élémens que cette 
terre. 

D’après les produits obtenus dans les différentes 
opérations ci-dessus , nous pouvons conclure avec assez 
de certitude que les aluns contiennent sur 100 parties: 


10 AMEN EE), ae DE a eu eue BAOTS EME Te Te) 
20. CIE SULUTIQUEM PS eus» « = 1e alla el a 2002 
BPPotasse AE MR AU IQ TO A0 
Aa mobousurdRit sie datent: ie 458 

100.00 


La quantité d’acide sulfurique est calculée d’après l’hy- 
pothèse où le sulfate de baryte contient 32 pour cent 
de cet acide ; nous avons adopté cette proportion , parce 
qu’elle cadre mieux avec la quantité d’eau que nous 
avons toujours trouvée de 47 à 48 par une calcination 
bien ménagée. La quantité de potasse est tirée de l’a- 
nalyse du sulfate de potasse par Bergman , dans lequel 
ce chimiste admet 52 d’alcali pour cent. 

Delà il suit que sur les 30.52 d’acide existant dans 


DE DIFFÉRENTES SORTES, D'ALUNS. {77 


un quintal d’alun ; 9.60 sont unis à la potasse, et 20.92 
à l’alumine avec laquelle il forme un sel acidule. 

Il résulte en général des expériences que j’ai rappor- 
tées dans ce #mémoire, que les quantités d’alumine, 
d'acide sulfurique et de potasse, sont à très-peu près 
les mêmes dans toutes les espèces d’alun que j’ai exa- 
minées ; que les seules différences consistent dans quel- 
ques atômes de sulfate d’ammoniaque et de fer contenus 
dans ceux de Liège, de l'Aveyron, d'Angleterre et de 
Ribaucour. Cette quantité de fer qui ne s'élève qu’à 
environ 2 millièmes dans: l’alun de l’Aveyron qui en 
est le plus chargé, peut-elle apporter une si grande 
différence dans les propriétés de ces sels pour que 
leur valeur ne soit que la moitié de celle de l’alun de 
Rome? 

Si l’on supposoit donc les aluns dont il est question 
ici, privés d’un à deux-millièmes d’oxide de fer qu’ils 
contiennent, car je compte pour rien les légères traces 
de sulfate d’ammeoniaque qui existent dans quelques 
espèces, il semble qu’ils seroient parfaitement sembla- 
bles à l’alun de Rome, et sous ce rapport ce seroient 
celui de Liège et celui de Ribaucour qui s’en rappro- 
choient le plus; mais s’il y a véritablement une si 
grande différence entre les effets de l’alun de Rome, et 
ceux des autres espèces, que le prétendent les teintu- 
riers , il faut avouer que les moyens actuels de la chimie 
ne sont pas capables de nous en faire connoître la cause ; 
je crois cependant ; ou je me trompe fort , que la grande 
réputation et la supériorité attribuées à l’alun de Rome 


{ 


78 ANALYSE COMPARÉE 


ne sont fondées que sur d’anciens préjugés qui ont pris 
naissance lorsque nos fabriques étoient dans l’enfance, 
-et qui se sont perpétués malgré le perfectionnement que 
leurs pratiques ont reçu ‘depuis ; et il8est plus que 
“vraisemblable que‘les.aluns de fabrique exempts de fer 
doivent être aussi bons à tous les MT que celui de 
Rome. 

Au surplus , pour s’assurer si c’est: ° présence de ces 
traces presque imperceptibles de fer et de sulfate d’am- 
moniaque qui rendent les aluns de fabrique ‘inférieurs 
à celui de Rome, il faudroit en faire des essais en 
teinture comparativement avec ce dernier ; et s’il y avoit 
encore unevéritable différence dans les résultats, il seroit 
alors prouvé qu’il y a dans l’un quélques principes qui 
n'existent pas dans les autres , ou vice versd. 

Je suis plus étonné encore de là préférence qu’on a 
donnée et qu’on accorde encore aujourd’hui à l’alun 
d'Angleterre sur ceux de France et de plusieurs autres 
‘pays, tant cette nation a su faire maître et tourner 
en faveur de ses marchandises les préjugés de tous les 
genres! car il résulte évidemment de nos expériences 
que cette espèce d’alun est inférieure à toutes celles que 
nous avons examinées. 

dl est donc bien à désirer que les teinturiers, con- 
sultant mieux leurs intérêts, et se dépouillant de leurs 
préjugés contraires à l’industrie française , fassent des 
essais comparatifs avec les aluns de nos fabriques et 
des manufactures étrangères. Je crois pouvoir leur an- 
noncer d'avance que les résultats qu’ils obtiendront se- 


DE DIFFÉRENTES SORTES D’ALUNS. 79 


ront à l'avantage des aluns de France, par rapport à 
leurs prix comparés à leurs qualités. On ne peut trop 
non plus engager les fabricans d’alun à redoubler de 
soins et d’efforts pour perfectionner encore des procédés 
de leur art qui a déja fait tant de progrès depuis une 
douzaine d’années. Jé ne dotte pas qu’en suivant ce 
conseil ils ne convainquent bientôt les consommateurs 
qu’il est de leur intérêt, comme de celui de la France 
entière, de n’employér : ds at ss que de 
Palun' de notre! pays. 

J’ai lieu de penser, d’après des: css que je. ferai 
connoître par la suite, que l’on parvieridroit facilement 
à séparer les dernières portions de fer de l’alun en trou- 
blant la première cristallisation, comme cela se pratique 
aujourd’hui pour le salpèêtre, en lavant ensuite le sel 
fin avec de l’eau , et er emploÿant dans l’opération du 
raffinage une petite quantité de prussiate de potasse. Les 
fabricans pourroient préparer ce‘defnier dans lés mêmes 
fourneaux qui servent à évaporer les ‘eaux alumineuses, 
et comme il n’en faudroit qu’une petite qüantité ; cela 
n’augmenteroit pas sensiblement le prix: dès aluns. 


80 ESSAT D'UNE PIÈCE DE MONNOIE A CHATON. 


DS DA 
D'UNE PIÈCE DE MONNOIE A CHATON, 


Propre à remplacer dans la circulation les fortes 
coupures en cuivre et le billon, sans en avoir les 
inconvéniens, et présentant plus de garantie contre 
la falsification dans les moules, la rognure et la 
diminution de valeur par le frai, 


Par M. GuxzTron. ai 


Lu le 14 ventose an 12. 


Ox a reconnu dans tons les temps la nécessité d’une 
petite monnoie, non-seulement pour payer le prix des 
objets de moindre valeur, dont la consommation est 
journalière pour le plus, grand nombre ; mais encore 
pour satisfaire aux échanges des plus grosses pièces. Il 
n’est personne qui ne sache que le défaut ou seule- 
ment la disette de cette petite monnoie est une véritable 
calamité pour le peuple, par la gène qu’elle porte 
dans ses transactions les plus habituelles, au point 
de rendre quelquefois impossibles lavente et l'achat au 
détail. 

On avoit senti, d’autre part, que les coupures des 


ESSAI D’UNE PIÈCE DE MONNOIE A CHATON. O1 


monnoies d'argent ne pouvoient guère descendre au- 
dessous du vingtième de Pécu de six livres tournois, 
ou tout au plus au quart de franc , ainsi qu’il en avoit 
été fabriqué sous le règne de Louis XII en 1641, 
lorsque l’oblitération des anciennes pièces et la mul- 
plicité de celles qui étoient rognées, eurent déjà forcé 
le gouvernement à défendre de les recevoir dans les 
caisses publiques , autrement qu’à raison de leur poids 
et suivant le tarif arrêté d’après leur titre. 

Ces dernières coupures ne pouvoient donc encore 
satisfaire aux besoins journaliers de la classe la plus 
nombreuse ; on imagina pour lors le billon , ou monnoie 
de bas aloïi, qui devoit elle - même recevoir des sou- 
divisions en monnoie de cuivre pur. 

Le billon a été justement proscrit dans notre nouveau 
système monétaire. Sans rappeler ici tous les motifs 
qui ont fondé cette détermination, il suffit de dire 
avec l’orateur du gouvernement , lors de la présentation 
au Corps législatif de la loi qui réduit les pièces de 
2 sols à 18 deniers (1): Ces monnoies tiennent des por- 
tions d'argent fin qu'il faut regretter... Le billon est 
une matière très - désavantageuse pour les petites 
mno717101eS. 

A l’égard du cuivre, les lois des 28 thermidor an 3, 
et 28 vendémiaire an 4 , dans la prévoyance sans doute 


(1) Les mêmes circonstances avoient commandé en 1729 les dispositions 
_ de l’arrêt du conseil du 28 novembre, portant que les pièces de 30 deniers 
ne seroient reçues que pour 2 sols, et que celles de 21 deniers auroient 
cours pour la même valeur. 


1806. Second semestre, 11 


82 ESSAI D'UNE PIÈCE DE MONNOIE À CHATON, 

de la disparution successive du billon dans un tempsplus 
ou moins éloigné, avoient pourvu à son remplacement 
en ordonnant la fabrication de monnoies de cuivre,, 
jusqu’à la valeur de dix et mème de vingt centimes ; 
de sorte que ces pièces devoient être à la taille de 10 
et de 20 grammes. à 

La première est la seule qui ait été mise dans la cir- 
culation en exécution de ces lois, et dans le peu de 
temps qui s’est écoulé depuis , Popinion s’est tellement 
prononcée sur: l'inconvénient d’une monnoie aussi pe- 
sante pour une valeur si disproportionnée, que la loi 
du 7 germinal an 11 a fixé à la valeur de 5 centimes 
la pièce de cuivre du module le plus fort. 

On ne peut se dissimuler cependant que quand, la 
monnoie de: billon actuellement subsistante aura dis- 
paru, ou même lorsque le nombre de ces pièces sera 
considérablement diminué, ce qui doit arriver, par,la 
seule force des choses, par la perte à laquelle Les 
expose leur marche précipitée dans la circulation , ainsi 
que s’exprimoit l’orateur du gouvernement à la même 
séance du Corps législatif, il n’y aura rien en rem- 
placement; le change du quart de franc deviendra dif- 
ficile, embarrassant ; il ne restera enfin d’autre ressource 
pour les petites transactions que la multiplicité des pièces 
de 5 centimes; c’est-à-dire que l’inconvénient des pièces 
d’un et de deux décimes en cuivre se retrouvera tout 
entier, puisqu'il faudra se charger du même poids seu- 
lement plus divisé , pour avoir sous sa main une quantité 
suffisante de fractions du demi et du quart de franc. 


ESSAT ID’'UNE PIÈCE DE MONNOIE À CHATON. 93 


Ne seroit-il donc pas possible de faire une petite mon- 
noie d’une valeur aussi sûre , aussi fixe que le comporte 
la sévérité de nos principes monétaires; qui n’eût pas, 
comme le billon , le défaut d’anéantir en quelque sorte 
la valeur du fin qui y entre; qui n’eût pas comme celle 
de cuivre l'inconvénient de fatiguer par son poids; dont 
le module fût assez grand pour faire cesser la crainte de 
les perdre, l'embarras de les manier; dont le type fût assez 
distinct pour prévenir toute confusion , pour mettre en 
défaut toute altération superficielle ; qui réunît encore à 
ces avantages une garañtie absolue contre la falsification 
des monnoiïes dans les moules, contre la rognure; et 
qui donnât enfin la certitude d’une durée plus que qua- 
druple de celle du billon ou des petites pièces d’argent, 
sans perdre sensiblement de sa valeur par le frai? On 
concevra aisément qu’une pareille monnoie ; commode 
pour tout le monde, seroïit reçue comme un véritable 
bienfait par la classe du peuple qui ne manie guère 
que ces signes inférieurs, et qui forme à elle seule plus 
des neuf dixièmes de la population. 

Les essais qui viennent d’être faits à l’hôtel des mon- 
moïes en démontrent la possibilité. L'idée m’en a été 
suggérée par la petitesse de la pièce d’argent du quart 
de franc, qui, quoique dans-les meilleures proportions 
possibles, et d’une belle exécution ; a fait une impression 
d'autant plus sensible qu’on avoit cru depuis long-temps 
devoir renoncer à toute fabrication de pièces de 6 sols, 
c’est-à-dire d’un sixième de plus de valeur. 

On voit par les résultats de ces essais que cette mon- 


84 ESSAI D’UNE PIÈCE DE MONNOIE A CHATON. 


noie seroit formée d’un anneau ou pièce circulaire de 
cuivre, dans laquelle la pièce d’argent seroit comme 
enchatonnée et fixée assez solidement pour qu’elle ne 
pût en être séparée que par un effort à peu près égal 
à celui qui seroit nécessaire pour emporter une pièce 
dans une lame continue de pareille épaisseur. 

Cette solidité est produite par la seule percussion du 
balancier qui, à la faveur des parties renfoncées de la 
surface des coins, saisit les deux métaux , et par leur 
expansion force un tel rapprochement que tous les vides 
que pourroit laisser l’irrégularité du disque intérieur 
disparoissent , et sont remplacés sur-le-champ par la 
sertissure la plus exacte. 

Un simple coup de fraisoir à main sur les deux faces 
de l’anneau , ajoute encore à cette solidité , et n’exige 
rien de bécnits que ce qu’il pratique à js lime dans 
l'ajustage ordinaire des flans. | 

Il est bon d’avertir que ce n’est que relativement à 
cet effet du balancier , que l’on doit juger les empreintes 
que portent ces pièces d’essai. On imagine bien que si 
cette méthode étoit adoptée , les coins seroient fabriqués 
exprès pour distribuer convenablement les champs et 
les reliefs sur les deux métaux, au lieu qu’on a été 
obligé de se servir des coins existans dont le diamètre 
se ranprochoit le plus de celui que l’on avoit dé- 
terminé. 

Les premiers essais de cette monnoie avoient été 
faits de deux manières. Dans les unes l’argent étoit à 
l'extérieur et le cuivre au centre; dans les autres le 


4 


ESSAI D’UNE PIÈCE DE MONNOIE A CHATON+ 89 


cuivre servoit de cadre à l’argent:: on m’a pas tardé à 
reconnoître que les dernières étoient préférables sous 
tous les rapports , mais sur-tout pour les mettre à l’abri 
de la rognure et d’une prompte diminution de valeur 
par le frai. Il est évident qu’elles offrent le seul 
remède que l’on puisse espérer contre les maux résultans 
de ces deux causes de la dépréciation et du discrédit 
des monnoïes ; dont les moindres sont la nécessité de 
fréquentes refonies, l’embarras de ne les recevoir qu’à 
la balance, ou leur avilissement subit dans les mains 
où elles se trouvent, et dont la perte n’est pas moins 
fâcheuse pour les individus, quoique commandée par 
l'opinion générale pour l’intérêt commun. 
_ Il seroit inutile d’entrer ici dans, tous les détails sur 
lesquels ladministration. des monnoies a : cru devoir 
porter son attention dans le mémoire qu’elle a présenté 
à ce sujet, le 2 pluviose dernier, au ministre ;des 
finances ; maïs je ne puis me dispenser de faire voir que 
les pièces ainsi fabriquées auroïent matériellement la 
valeur pour laquelle on leur donneroit cours; que leur 
fabrication n’entraîne ni difficultés ni un surcroît de 
dépenses qui mérite considération; enfin, que leur 
jugement, avant d’être mises en circulation, s’opérera 
avec la même facilité et dans les mêmes formes sévères 
qui sont établies dans le système actuel de nos mon- 
noies. L’examen de ces trois points suffira pour écarter 
tous les doutes que l’on pourroit concevoir sur la réalité 
des avantages de cette méthode. 

Pour déterminer la valeur intrinsèque, par exemple, 


86 ESsAr D'UNE PIÈCE DE MONNOIE À CHATON. 
de la pièce: d’un décime ou dix centimes, prenons la 
dans lés dimensions qui ont'été adoptées pour les éésais, 
et qui ont paru Îles DRE Ta BIeS pour la différen- 
cier absolument ; par le module mème, de toutes les 
autres pièces ayant cours, de sorte que ni Poblitération 
des empreintes ,°ni Papplication superficielle de métaux 
étrangers , ne dofnassent en aucun temps occasion à la 
fraude ou à l'erreur ; indépendamment de la garantie 
qu’offriroient encore des coins appropriés ‘et leurs 16- 
gendes ; j'ai déja fait observer qué toutes les opérations 
dans les moules ;lopérations' si faeiles quand le frai a 
commencé d’altérer les empreintes, et qui, par cette 
facilité, présentent tant d’appât aux faux-monnoyeurs, 
seroient ici en défaut: 

D’après? ces considérations , la metre de 10 centimes 
a été formée d’un‘anneau de cuivre de 20 millimètres 
de diamètre; et d’une pièce ‘circulaire d'argent dé 10 
millimètres de diamètre ; déstinée! à ee ie vide de 
MERS Pr 


ft | H > 2191 
j' annéau de cuivre Se du poids de + + y + + .250.00 .centigr. 
Hot ( 


L'argent, Qu eo HALD RE, ee 1 43.70" 


en CR LU 
On peut remarquer en! passant qu’une pièce d’un dé- 
cime’, où ; ce: qui est là même chofe , deux pièces 
de 5 céntimés $eroient ic remplacées d’une manière 
infinimentcommode, par environ le'septième de leur 
poids. 
L'argent étant au titre de o:900 , comme dans toutes 


ESSAIYD UNE. PIÈGE: DE! MON NOIE A CHATON. ‘87 


les autres monnoies ; la valeur de! cette;pièce se trouve 
ainsi déterminée, conformément àtla loi du 7 serminal 
an 11, savoir : OL 4 orsil sl & noue h ns! : 


à Î (Oo 01 
Valeur de l’anneau de cuivre .!% : à 
Valeur du flan d'argent is, EME ADI A .97V 8:55 


V2 ::$ 12:11 
ed 1.25 >céntimes, 


Total . tot He Hp ds A 


On voit que dt du cuivre est déduite sur l’ar- 
gent: un gouvernement qui aeuJa sagesse de renbncer 

à tout droit fiscal sur les métaux qu il destine à repré- 
senter des valeurs fixes MATE a pas sans, doute contracté 
l'obligation d’en fournir gratuitement, une partie; :sur- 
tout lorsque, comme dans le cas présent, chacun de 
ces métaux peut être séparé et se retrouver dans : toute 


sa pureté, sans déchet, ct sans qui ils soit besoin d'aycune 
opération dont les frais .compensent « ou, seulement dimi- 


P. 


og 


nuent les prix que leur assigne le commerce. 

Les mêmes principes s appliquent : à la pièce du quart 
de franc. Dans le cas où l’on se décideroit à la fabriquer 
suivant cette méthode, pour “ui donner un volume plus 


donnent les Pole 0 Ta ét pourroit être 
fixé à 24 millimètres ; celui du flan _enchatonné ou in- 


: FA 


térieur de 13 millimètres, F 


nie 


Le poids en cuivre seroit . 300. o centigr. La valeur. , 1 5 centimèt. 
Le poids en argent... . . 129. au 4e dc NE PT nn TU NET se 
429.2 25.0 


9b eyp el 
Par rapport à la fabrication, les procédés ordinaires 


: 


» 


» À 


88 ESSAI D’UNE PIÈCE DE MONNOIE A CHMATON. 


seront suivis pour le laminage des lingots, le recuit 
des lames, la taille des flans par les coupoirs, l’ajustage 
du flan d’argent à la lime et leur blanchiment. Je dis 
V’ajustage de la pièce d’argent pour le poids, parce que 
celui du cuivre n’exige pas, à beaucoup près, la même 
précision (1), et j’ai déja fait observer que pour ce 
dernier le fraisoir à manche devroit être substitué à la 
lime, ce qui ne seroit pas plus embarrassant et auroit 
l’avantage d’assurer l’espèce de sertissure qui doit se 
former par la percussion du balancier. 

À la vérité, le flan étant formé de deux pièces, il 
faudra d’abord deux opérations au découpoir, et ensuite 
une troisième pour vider le milieu de la pièce de cuivre. 
Il est aisé de concevoir que les deux opérations sur ce 
métal pourroient être réduites à une seule, qui façonneroit 
complettement l’anneau d’un seul coup. Il suffiroit pour 
cela de donner à la vis du coupoir une marche hori- 
zontale, au lieu de la verticale, et de placer, au fond 
de la cavité de l’emporte-pièce , de légers ressorts, qui, 
repoussant l’anneau détaché de la lame,le feroient AXE TIE 
peadant le recul alternatif ; tandis que le petit disque 
emporté au milieu seroit poussé au fond ae la douille, 
où il trouveroit un vide pour s'échapper, dès qu’il 
seroit abandonné à son poids. On ne doit pas craindre 
que la position moins favorable oblige Pouvrier à plus 


Pays cb 2e nrmmdte st UE ed ee co 
(Gi) La‘loi du 7 germinal an 11 fixe à ©0.010 la tolérance de poids pour 


le quart de franc d’argent, et pour la pièce de cuivre de 5 centimes, à 


8.020 ou re 


ESSAI D'UNE PIÈCE DE MONNOIE A CHATON, 89 
d'effort, lorsqu'on fait attention qu’il n’agira jamais 
que sur des, lames qui n’auront pas deux millimètres 
d'épaisseur. | TRE 

Supposons cependant que l’on éprouve quelque dif- 
ficulté dans la fabrication d’un semblable instrument, 
et qu’il faille faire l'opération du découpage en deux 
temps , ou avec deux instrumens, dont l’un emporteroit 
d’abord la partie du milieu, et l’autre couperoit le flan 
dans la lame; il n’y auroit plus la moindre difficulté, 

puisque tout rentreroit dans, les procédés ordinaires, à 
la seule différence d’un mamelon réservé, dans le.se- 
cond emporte-pièce pour guider la position de la lame 
et prévénir l’excentricité. Mais n’en résultera-t-il pas 
une augmentation sensible dans les frais de fabrication ? 
Je n’hésite pas de dire que l’on sera pleinement rassuré 
à cet égard, lorsqu'on aura fixé son opinion sur les 
trois points suivans : toi 

1°. Le découpage de flans d’argent, du même poids 
de 25 décigrammes , n’est porté ,; dans Létat des 
frais, qu’à 20 centimes par kilogramme de matière: ou- 
vrée ; et le prix de, ces sortes d’opérations ;est toujours 
dans une proportion relative à la valeur du métal , 
pour assurer l'indemnité des pertes inévitables : il se- 
roit donc fort au-dessous pour le même travail. sur le 
cuivre. Bts À 12 FRE D ra 

2°, L'opération dans laquelle tous les flans sont passés 
dans la machine à cordonner , pour former la tranche, 
seroit ici sans objet} puisque cette monnoie seroit par 
elle - même à Vabri des spéculations des rogneurs 

1806. Second semestre. 12 


90 ESSAT D’UNE PIÈCE DE MONNOIE À CHATON. 


d’espèces , qui ne seroient sûrement pas tentés de perdre 
leur temps ,; et d’user leurs limes pour n’obtenir que 
de la limaille de cuivre : voilà donc un article qui doit 
entrér en Compensation, quand ce ne seroit que de 
la très-petite main-d'œuvre qu’exigeroit le placement 
du disque intérieur dans l’anneau. On sait bien que la 
pièce emportée par le coupoir ne rentre pas dans le vide 
qu’il a fait dans la lame , parce que , la pression cessant, 
les deux pièces ere se rétablissent simultanément 
dans le sens qui s’ oppose à cette introduction; mais on 
sait ‘aussi combien il est facile de donner au coupoir 
destiné à former le: disque intérieur des dimensions con- 
venables , pour qu’on puisse le placer à la main dans 
l’anneau , ‘et l’y fixer assez pour qu’il ne s’en sépare 
pas dans le transport au balancier (1). Ainsi point 
d’ajustage, et ce travail peut être assimilé à celui de 
l’ouvrier qui place la tête de l’épingle avant de la 
porter sur l’enclume. 

Une troisième considération qui seroit seule décisive, 
est la valeur monétaïre que la loi assigne au cuivre, 
qu’elle a dû lui assigner, sans aucune-vue de fiscalité; 
mais dans la nécessité de pourvoir à ce que la moindre 
variation dans les prix du Hngot ne -pût présenter aux 
spéculateurs des bénéficesdans la fonte des monnoies 
nationales , et exposer ainsi le gouvernement à racheter 


(1) On a vu dé ces pièces dont le disque intérieur avoit été taillé si irré- 
gulièrement qu’il n’étoit en contact avec l’anneau qu’en trois points, qui 
n’ont pas laissé de donner au monnoyage des pièces continues et parfaitement 


serties dans toute leur circonférence. 


ESSAI D'UNE PIÈCE DE(MONNOIE À CHATON. 91 


à un prix plus élevé les mêmes matières qu'il auroit 
mises en circulation. C’est d’après ce principe d’une 
sage politique que la loi du 7 germinal an 11 porte 
à 5 francs la valeur monétaire du kilogramme de cuivre: 
or, quoique les circonstances actuelles soient certaine- 
ment les moins favorables où l’on puisse se trouver, 
pour l'introduction de cette nouvelle monnoie, par 
rapport au prix des cuivres, il n’y a point de directeur 
de fabrication qui ne trouve dans cette évaluation toute 
la latitude nécessaire pour couvrir le léger excédent de 
façon à donner aux flans en anneau. 

Quant au jugement qui doit précéder la mise en 
circulation, comme il ne regarde que le poids et le 
titre des flans d’argent , on pourroit penser qu’il y auroit 
quelque avantage, ou du moins plus de simplicité à 
soumettre ces flancs eux-mêmes et isolés à l’examen, 
avant de les faire passer sous le balancier ; mais je me 
garderai bien de rien proposer qui s’écarte de la marche 
tracée pour obtenir toutes les gararities possibles de la 
fidélité de la fabrication ; et ce seroit s’en écarter que 
de diviser l’époque à laquelle la matière sortant des 
ateliers du directeur, prête à recevoir l'empreinte, passe 
immédiatement et sans retour sous la surveillance des 
fonctionnaires désintéressés; heureusement on n’en a 
pas besoin. Les pièces étant frappées , la prise d’échan- 
tillons sera faite au hasard , ainsi qu’il est ordonné; les 
flans d’argent en seront détachés en présence de l’ad- 
ministration , ce qui s’opérera facilement d’un seul coup 
par un poinçon en goutte de suif, la pièce portant à 


D ESSAI D'UNE PIÈCE DE MONNOIE A CHATON. 
92 


faux; ces flancs seront soumis à la balance et à la 
coupelle; s'ils, sont trouvés dans les limites de poids 
et de titre, elle en autorisera la mise en circulation 
dans les formes ordinaires; dans le cas contraire; elle 
-ordonnera, conformément à la loi, la refonte de la 
délivrance entière, en présence du commissaire. On 
aura enfin pour cette espèce de monnoie, comme pour 
celles d’argent, la même facilité pour reprendre dans la 
circulation de nouveaux échantillons pour s'assurer que 
le titre n’en a pas été frauduleusement abaïissé. 

Je crois donc pouvoir dire, en me résumant, qu’il 
ne peut plusy avoir de doute sur la possibilité de frapper 
unesmonnoie exirèmement commode pour le change et 
les petites transactions, d’un. volume assez grand, pour 
que le porteur ne soit pas, exposé à des pertes fréquentes 
et presque inévitables ; assez légères pour ne pas le 
fatiguer par son poids ; où le métal précieux conserveroit 
cependant la pureté de son titre et.toute sa valeur; qui 
seroit à l’abri de toute imitation par la coulée en moule, 
de. la criminelle cupidité des rogneurs d’espèces , de la 
dépréciation si rapide des petites monnoies par le frai; 
dont la fabrication enfin n’entraïineroit ni difficultés ni 
dépenses! extraordinaires. ;:;: 


t{ 
{ re 


SUR LA NATURE COMPARÉE DE L'IVOIRE, etc. 93 


EXPÉRIENCES 


Sur la nature comparée de Pivoire frais, de l'ivoire 
fossile et de l'émail des dents, 


Par MM. Fourcroy et VAUQUELIN. 


Lu le 18 frimaire an 14. 


Pis une lettre insérée dans le n°. 165 des Annales 
de chimie, fructidor an: 13, M. Gay-Lussac, élève 
et ami de M. Berthollet, annonce à ce savant que 
M. Morichini, chimiste de Rome; avoit découvert dans 
Vivoire frais, dans l’ivoire fossile et l’émail des dents, 
la présence de l’acide fluorique ; que l’ivoire frais étoit 
presque entiérement -formé de fluate de chaux, et que 
l'émail des dents contenoit jusqu’à vingt-deux centièmes 
de fluate de chaux. 

Cette découverte est trop intéressante pour que chacun 
ne se soit pas empressé de la vérifier. Nousallons donner 
dans ce mémoire le résultat des expériences que nous 
avons faites sur cet objet dans le laboratoire de recher- 
ches du Muséum d’histoire naturelle. 

Comme il eût été difficile et peut-être impossible de 
faire agir convenablement l'acide sulfarique sur ces 
substances , si elles n’avoient pas auparavant été 


O4 SUR LA NATURE COMPARÉE DE L’IVOIRE FRAIS, 


dépouillées de leur gluten , animal on a commencé par 
les calciner dans un creuset ouvert. 


1°. L’ivoire frais a perdu par cette calcination . . . . . 45 pour 100. 
2°, L'ivoireMossilé ide Sibérie es ue NOR RS 4115 
39 Liyoire iosseldeNoO ee ee eee ele Len en Al 
4°: L'ivoire fossile de/l'OurcquW un. 4. LM: O8 


5°. L’ivoire fossile du Pérou, trouvé à mille cent soixante- 


seize, piedséd'éléyation #01 NN AUVNT ES RO RL t CUS 
6°. L’ivoire fossile d'Argenteuil . . . , . . . . Verot pop 
7D'émaildestdenteeians Mental ie es elalte jee et A1) 


Les différences qui existent entre les pertes éprouvées 
par les différens ivoires dans la calcination, peuvent s’ex- 
pliquer par l’état où ils se trouvent : les ivoires fossiles 
de Sibérie et de Loyo étoient presque entièrement en- 
core dans leur état naturel; ils conservoient la plus 
grande partie de leur gluten animal et leur organisation, 
tandis que ceux du canal de lOurcq, du Pérou et d’Ar- 
genteuil, avoient été dépouillés de cette matière, et 
s’étoient ensuite desséchés; aussi ces derniers se déli- 
tent-ils facilement en lames , sont-ils extrêmement fra- 
giles , et ne répandent-ils que très-peu d’odeur animale 
pendant la calcination. Quant à l’émail des dents, le 
peu de perte qu’il a subie par la même opération, an- 
nonce qu’il contient beaucoup moins d'humidité, et 
sur-tout de mucilage animal que les autres os, ainsi 
que nous l’avons reconnu il ÿ a déja long-temps. Ce 
dernier a pris une fort belle couleur bleue par la cha- 
leur, ce qui prouve qu’il renferme une quantité assez 
notable de phosphate de fer. 

Après avoir été calcinées et pulvérisées, chacune de 


DE L’IVOIRE FOSSILE ET DE L'ÉMAIL DES DENTS. 95 


ces matières a été traitée de la manière suivante, pour 
savoir si on pourroit y découvrir la présence de l’acide 
fluorique. On a mis ces ivoires calcinés , tantôt dans 
une fiole à médecine, tantôt dans une petite cornue : 
on a versé pardessus au moins quatre parties d’acide 
sulfurique concentré; on a adapté à ces vases un tube 
de verre plongeant dans l’eau de chaux, et on a chauffé. 
Dans chacune de ces expériences on n’a jamais em- 
ployé plus de vingt grammes, et moins de res grammes 


de matière à la fois. 
Livoire frais ni l’émail des dents ne nous ont pré- 


senté aucune trace d’acide fluorique. Les ivoires fossiles 
de Sibérie et de Loyo n’en ont pas offert davantage; 
mais ceux du canal de l’Ourcq et d'Argenteuil ont fourni 
des traces sensibles de cet acide. Dans ces derniers cas, 
la partie supérieure de la fiole à médecine ou de la 
cornue, et les tubes qui conduisoient les vapeurs dans 
l’eau de chaux, étoient dépolis et recouverts d’une 
- poussière blanche, dont les propriétés ressembloient à 
celles de la silice; dans les autres cas, rien de sem- 
blable ne s’est présenté. 

Ces premiers résultats nous ayant déja fait douter de 
l'existence de l’acide fluorique dans les ivoires frais, 
ainsi que dans ceux qui, quoique fossiles, contiennent 
encore presque toute entière et sans altération leur ma: 
tière animale, nous avons fait des mélanges artificiels 
avec de livoire frais et du fluate de chaux , tantôt dans 
la proportion d’un vingt- cinquième, et tantôt dans : 
celle d’un quarantième ; et toujours, même dans ce 


96 SUR LA NATURE COMPARÉE DE L'IVOIRE FRAIS, 


dernier cas, nous avons observé , d’une manière très-mar- 
quée , les effets de l'acide fluorique sur le verre, lorsque 
ces mélanges ont été traités comme il a été dit ci-dessus. 
Ces effets étoient même beaucoup plus sensibles que 
ceux produits par les ivoires fossiles du canal de l’Ourcq 
et d'Argenteuil; ce qui annonce que le fluate de chaux 
mexiste pas dans ces substances au - delà de trois ou 
quatre centièmes. 

Les savans qui ont annoncé la découverte de l’acide 
fluorique dans l’ivoire, n’assurant pas-que cette subs- 
tance en soit entièrement formée , quoiqu’ils rappellent 
qu’autrefois Rouelle avoit en vain essayé d’en extraire 
du phosphore, nous en avons traité trois cents grammes, 
comme on a coutume de le faire à l’égard des os pour 
en tirer le phosphore, et nous avons obtenu quinze 
grammes de cette substance très-pure. Cette quantité de 
phosphore est à peu près la même que celle qu’on ob- 
tient ordinairement des os, et il est probable que nous 
en aurions encore eu davantage si la cornue n’avoit pas - 
cassé avant que l’opération en fût entièrement finie. 

Si, par la première opération à laquelle nous avons 
soumis livoire frais, nous n'avons pu apercevoir aucun 
vestige d’acide fluorique, celle que nous venons de 
rapporter prouve qu’il contient abondamment de l'acide 
phosphorique, et probablement autant que les os. 

La vapeur piquante qui se dégage au moment où 
l’on mêle de l'acide sulfurique avec livoire frais cal- 
ciné , ne doit pas être regardée comme une marque cer- 
taine de la présence de l’acide fluorique, parce qu’il se 


DE L’IVOIRE FOSSILE ET DE L’ÉMAIL DES DENTS. 97 


produit, dans ce cas, un degré de chaleursi considérable, 
qu’il suffit pour volatiliser avec l’eau une petite quantité 
d'acide sulfurique. D’ailleurs ; Cette Vapeur se manifeste 
aussi pendant le. mélange de l’acide sulfurique avec les 
0$; où lon n’admet pas d’acide fluorique.' 

Nous passons ici sous silence les détails de plusieurs 
expériences que nous avons faites dans l'intention de 
découvrir dans les substances dont il s’agit; l’existence 
de Vacide fluorique , telles que leur analyse, au moyen 
de divers réactifs, le mélange de l’ivoire frais avec 
l'acide sulfurique, dans un vase de verre placé sur 
un bain de sable chaud, et couvert d’un: morceau 
dé chapeau mouillé, lesquelles ont été sans aucun 
succès. 

- Plusieurs chimistes de Paris, ayant répété les mêmes 
expériences sur livoire, ont obtenu des résultats À peu 
près semblables aux nôtres. 

Quoique nous n’ayons pas trouvé d’acide fluorique 
dans l’ivoire frais ni dans VPémail des dents, comme 
Va annoncé. M. Morichini, il n’en reste pas moins 
Constant que ceux des ivoires fossiles qui ont perdu leur 
matière animale, de quelque pays qu’ils soient, con- 
tiennent quelques centièmes de leur poids d’acide fluo- 
rique. Cette circonstance vraiment singulière, semble 
indiquer que ces substances se sont à la longue im- 
prégnées d’acide fluorique, ce qui en suppose l’existence 
dans l’intérieur de la terre; Car, soupçonner avec 
M. Klaproth, que Pacide phosphorique s’est en partie 
Converti en acide fluorique, c’est faire une hypothèse 

1806. Second semestre, 15 


98 SUR LA NATURE COMPARÉE DE L’IVOIRE , etc. 


trop éloignée de l’état actuel de nos connoissances pour 
qu’elle puisse paroître même vraisemblable: 

Si l’acide fluorique existoit véritablement dans l’ivoire 
frais et l’émail des dents, il faudroit que l’analyse 
chimique le retrouvât dans les substances végétales 
et animales, à moins qu’on ne supposât qu’il se dé- 
veloppe dans l’économie animale vivante ; ce qui est 
très-hypothétique et sans aucun fondement raisonnable. 

Il paroît donc plus vraisemblable que ; pendant 
le long séjour de ces substances dans l’intérieur de 
la terre, elles se combinent avec l’acide fluorique , 
soit que cet acide vienne de Pextérieur, soit qu’il se 
développe dans leur propre substance. Par la première 
hypothèse , l’acide fluorique seroit supposé par toute 
la surface de la terre, puisque les ivoires fossiles trouvés 
dans des lieux très - éloignés, contiennent également 
cet acide; dans la seconde, on seroit forcé d'admettre 
le changement de quelque principe de Pivoire en acide 
fluorique ; ce qui n’est pas reconnu impossible. A la 
vérité , comme nous ignorons la nature de l'acide fluo- 
rique , nous ne pouvons apprécier le mode et la cause 
des transmutations dont l’état actuel de la chimie re- 
pouse même l’existence. 


SUR DU BLEU MARTIAL FOSSILE CRISTALLISÉ. 99 


OBSERVATION 


DU BLEU MARTIAL FOSSILE CRISTALLISÉ, 


Par M. Suce. 


Lu le 3 prairial an 11. 


V'iscenrus et la plupart des minéralogistes ont dé- 
signé sous le nom de bleu de Prusse natif, le bleu 
martial fossile, quoiqu’il diffère essentiellement de celui 
de l’art, puisqu'il se dissout dans les acides. 

Le bleu martial cristallisé qui est l’objet de cette 
observation a été trouvé à Luxeuil (x), dans un ancien 
canal qui paroît avoir été construit par les Romains; 
il y avoit dans le même endroit une espèce de tourbe 
ligneuse , entre-mêlée, de bleu martial , et des ossemens 
altérés, presque friables et pénétrés d’acre martiale 
brune: leur surface , ainsi que les lames osseuses sont 
couvertes de cristaux de bleu martial demi-transparent, 
dont la forme varie. 

Il y a de ce bleu martial cristallisé en rhombes ap 
platis'à. bords, en biseau, et en prismes: tétraèdres 
rhomboïdaux. 
soumis eyiasaffirger 10) nf niju2sre sroédhs 


(1) Département de la Haute-Saône. 


100 SUR DU BLEU MARTIAL FOSSILE CRISTALLISÉ. 


Ayant comparé et soumis aux mêmes expériences le 
bleu martial cristallisé de Luxeuil avec celui que Pallas 
ma envoyé de Sibérie Al y a vingt-cinq ans, je les ai 
trouvés semblables. Ce dernier offre une particularité 
remarquable : il se trouve renfermé dans des coquilles 
fossiles de différens genres, dans des moules de 3 cen- 
timètres de longueur, remplies de bleu martial , parsemé 
de petits cristaux prismatiques de la même nature ; 
quelques-uns sont disposés en étoiles ; la coquille est 
restée d’un blanc mat, son extérieur est encrouté de 
mine de fer brune ; il y avoit dans le même envoi une 
buccardite fossile, dont l’intérieur est enduit d’une 
couche de bleu martial foncé, et d’un faisceau de ce 
même bleu cristallisé en prismes rhomboïdaux. 

Pallas m’envoya aussi du bleu martial en masse 
entre-mêlé de cristaux de bleu prismatiques, longs 
d'environ 3 centimètres , et en partie recouverts de mine 
de fer argilleuse brune. 

Le bleu martial de Luxeuil, ainsi que celui de Si- 
bérie, celui d'Écosse , de même que celui de Beuthnitz, 
sont dus aux végétaux dont la fécule colorée a été sé- 
parée, et altérée par macération ; aussi trouve-t-on de ce 
bleu dans les tourbières, et dans les bois qui se décom- 
posent, et qui prennent une teinte verte, qui provient 
du bleu et du jaune. 

Le bleu martial cristallisé ou pulvérulent, ne fait 
pas effervescence avec l’acide nitrique qui se dissout, 
et dont on sépare ensuite le fer par la lessive prussique. 

Ce bleu martial fossile est mêlé d’un peu de terre 


SUR DU BLEU MARTIAL FOSSILE CRISTALLISÉ. 101 


calcaire, à laquelle il paroît devoir sa propriété de 

cristalliser en rhomboïde ; ayant mis de ce bleu martial 
en digestion dans de, l’acide sulfurique concentré, le 
bleu martial s’y est dissous: il restoit au fond du vase 
de la sélenite blanche. 

Henkel et Brandt ont analysé le bleu martial fossile ; 
ce dernier a lu ; en 1757; un mémoire sur cette substance 
à l’Académie de Berlin, qui a eu pour titre : Recherches 
sur la terre bleue de Beuthnitz ;'il en a retiré, ainsi 
qu'Henkel, de lalcali volatil, et de l’huile empy- 
reumatique. Hoi à 

Le bleu martial cristallisé de Luxeuil, de même que 
celui de Sibérie, étant exposé sur un charbon à l’action 
du feu du chalumeau, se boursoufle, fond ; et produit 
un globule vitreux, noir , brillant, lequel, après avoir 
été cassé , est 'attirable en entier par le barreau aimanté, 


102 SUR L'EMPLOI DE L’AMIANTE ALA CHINE. 


MÉMOIRE 


SUR 


! 


L'EMPLOI DE L'AMIANTFE: A LACHINE, 
Par M. Sac. 


Lu le 18 thermidor an 12. 


Lis anciens, au rapport de Pline, ont fait des toiles 
incombustibles avee de Pamiante; on ‘montre dans ‘là 
bibliothèque’ du Vatican ‘un suaire qu’on dit'fait avec 
cette toile. Quant à nous, je ne ne sache pas qu’on 
emploie à présent de lamiante. J’ai cependant du pa- 
pier fait avec ce lin fossile , il y a vingt ans, par M. Léo- 
rier de Lisle, propriétaire de la papeterie de Mon- 
targis. Ce papier dont il me reste une feuille que je 
mets sous les yeux de l’Institut, a assez de cohérence, 
quoiqu'il ne soit pas lissé comme le papier fait avec 
le chanvre; il ne cède pas sous la plume, et l’on peut 
écrire dessus avec facilité et netteté si l’encre est bien 
gommée. Ce papier mis entre des charbons ardens, ne 
s’y détruit point ; il y prend une teinte d’un gris-clair, 
qui est due à la colle qui se charbonne. Les caractères 
qu’on a: tracés avec de l’encre sur ce papier d’amiante, 
paroissent en rouge, abrès avoir été ainsi exposés au 


SUR L'EMPLOI DE L’AMIANTE À LA CHINE. 103 


feu. Si au lieu de colle on eût employé le mucilage de 
gomme adragante, pour réduire en pâte l’amiante qui 
a été passée au moulin, le papier qui en seroit résulté 
auroit eu plus de cohérence, et auroit été encore plus 
propre à résister à l’action du feu. Il auroit été à sou- 
haïter qu’on eût plus encouragé M. Léorier de. Lisle ; 
car ce papier d'amiante peut être d’une grande utilité 
pour la conservation des actes ; puisqu'il résiste à l’ac- 
tion du feu, dont ils seroient absolument à l'abri, si 
on'les meitoit dans des'étuis ou cartons d’amiante: 

Je reviens à l’emploi que: les Chinois font de l’a- 
miante ; ils savent, ainsi que nous, qu’il faut le feu 
le plus violent pour le vitrifier ; qu’il ne s’altère pas 
au feu ordinaire, aussi en font-ils des fourneaux. Celui 
que j'ai vu représentoit un cylindre de neuf pouces 
de haut sur six de diamètre; vers le milieu est un re- 
bord circulaire, destiné à soutenir la grille : il y avoit 
deux portes au cendrier. Ce fourneau avoit pour sup- 
port une espèce de plat rond à rebords octogones, élevés 
sur quatre petits cubes; ces rebords ‘étoient ornés 
d’un dessin courant d’une simplicité agréable : ce sont 
de petits cercles contigus au centre desquels est un 
mamelon. L'intérieur et l’extérieur de ce fourneau a le 
poli du carton lissé, sa cassure est semblable à celle du 
carton; aussi M. de Tersan, chez ‘lequel j'ai vu ce 
reste de fourneau, me disoit-il, je ne sais comment 
Les Chinois peuvent faire des fourneaux de carton pour 
contenir du feu. Ayant pris et examiné un fragment 


104 SUR L'EMPLOI DE L’AMIANTE A LA CHINE. 


de ce fourneau, je reconnus qu’il étoit entièrement 
d'amiante. Comment les Chinois lui ont-ils donné de 
la cohérence? il y a lieu de présumer qu’ils savent, 
ainsi que nous, que le mucilage de gomme adragante a 
la propriété de faire prendre corps aux molécules pier- 
reuses, et de contracter avec elles une telle-union que 
le feu même n’a pas la propriété de la détruire: on 
en a la preuve dans les rotules de spath pesant, ou 
sulfate de baryte, qué forme le phosphore de Bologne, 
après avoir été calcinées pendant plusieurs heures 
entre les charbons, qui ne détruisent ni leur forme ni 
leur solidité. 

Pour former ces rotules , on pulvérise le spath pesant, 
on le passe au tamis de soie, on en forme une pâte 
avec le mucilage de gomme adragante ; on fait des bou- 
lettes avec, et on les applatit, d’où il résulte des 
rotules. 

L’amiante dont est formé le fourneau chinois, a été 
réduite en petites parcelles au moulin, et mêlé avec un 
mucilage pour en former une pâte, que les Chinois 
introduisent dans des moules dont elle prend la forme 
et le poli, tandis que son intérieur offre sensiblement 
les parcelles d’amiante dont il est composé. Ce fourneau 
d'amiante est d’un gris tirant sur le rouge, et allie la 
solidité à la légèreté ; il blanchit au feu. 

En examinant quelques productions des Chinoïs, j’ai 
vu une étoffe qui ressemble à nos droguets ; sa trame 
n’est que des lanières de papier; cette étoffe a de la 


SUR L'EMPLOI DE L’AMIANTE A LA CHINE. 104 


souplesse et de la solidité, comme on peut le recon- 
noître. Les Chinois ayant l’art de faire des feuilles de 
papier qui ont dix-huit pieds de long, il n’est pas 
étonnant de voir des étoffes de ce genre en pièces, 
comme les étoffes de soie qu’on fait dans les autres 


pays. 


1806, Second semestre. 1 


ENS 


106 OBSERVATIONS DIVERSES. 


[— 


OBSERVATIONS DIVERSES, 
Par M. Mrssier. 


Lu le 26 brumaire (17 novembre 1802.) 


Passage de Mercure le:9 novembre 1802. 


La veille de ce passage j’avois observé sur le disque 
du Soleil une tache considérable parfaitement ronde, 
et dont le diamètre étoit de 25”. Le 30 octobre la même 
tache avoit passé au méridien 50" après le centre du 
Soleil. 

Le jour du passage le Soleil se leva parfaitement beau ; 
Mercure étoit déjà sur le disque, et paroissoit avoir 
parcouru un quart environ de sa route : il étoit bien 
terminé, ainsi que le disque solaire. 

Pour observer la sortie j’avois ôté le micromètre , dont 
le grossissement n’étoit que de {o environ, pour y sub- 
stituer un oculaire qui grossissoit 140 fois. Le contact 
du premier bord intérieur se fit à midi 5° 51"; le bord 
du Soleil parut en ce moment attirer celui de Mercure 
en forme de pointe. J’estimai la sortie du centre à 7' 3", 
et la sortie du second bord se fit à oh 8’ 21'8. 

À oh 21° je mesurai le diamètre du Soleil, que je 
trouvai de 32° 55”. 


\ OBSERVATIONS DIVERSES. 107 


Une observation importante et que je desirois faire 
étoit celle de l’anneau lumineux que j’avois Yu autour 
de Mercure au passage de juin 1799. Cet anneau pré- 
senta pendant toute la durée une lumière très-foible et 
d’une teinte différente de celle du Soleil. À 9h 4o' 28" 
du matin, temps vrai, j'en mesurai le diamètre, que 
je trouvai de 1’ 19". Celui de Mercure, comparé à l’un 
des fils du micromètre, parut de 17". 

Cet anneau Un paroît avoir été remarqué dans 
le passage de Mercure en 1736, à Montpellier, par 
Plantade, et en 1786, à Upsal, par Prosperin. (Voyez 
Mém. 2 Montpellier, t. IL, p. 164, l’Astronomie de 
Lalande, art. 2273, et la Connoissance des temps, 
an 11, p. 9125) 

Ma pendule étoit réglée sur les fixes; la déviation de 
l'instrument des passages m’étoit connue par vingt hau- 
teurs correspondantes observées le 16 octobre. 

Mercure, passage au ETS 55’ avant le centre du 
Soleil. 

Le diamètre de SATA étoit de 2° 167, d’après vingt- 
quatre comparaisons des passages des deux bords, au 
fil horaire. 


M. Messier avoit joint à son mémoire une planche qu’il avoit dessinée avec 
soin d’après ses observations ; il y avoit tracé la figure de l’anneau qui envi- 
ronnoit Mercure , et marqué les taches qui fétoient alors sur le soleil. Mais 
quelque bien, faite que soit une figure, les caiculateurs ont recours aux ob- 
servations mêmes , et l’on n’a pas cru devoir attendre le temps nécessaire à la 
gravure pour ne pas remettre an volume prochain l'impression du mémoire. 

M. Messier avoit aussi rassemblé tous les passages de Meïcure avec les noms 
des divers observateurs et les lieux des observations. Voyez l’Assronomie 
de M. Lalande , tome IT, les différens volumes de l’Institut, classe des sciences 
mathématiques et physiques ; ; eb l’avertissement aux astronomes publié par 
M. de lisle, sur le passage de Mercure du 6 mai 1753. 


108 OBSERVATIONS DIVERSES. 


Tazzre des observations du passage de Mercure sur Le 
Soleil, le mardi matin 18 brumaire (9 nov. 1802). 


Temps VRAI PassAces DÉSIGNATION Drrrér. 
des à des en 
passages. la pendule. passages. déclin. 
let SU et es 1AP AO IN ED Midi, le 8. 
CH PORCAT CURE 1411531456 Midi, le 9. 
PTE 10 bo. 32 Mercure . . ./. « . i 
7" 57 16 5. { ASUS NEA Second bord du © Rs 18 36° 
OMONE Ar CUl Premier bord du (OA! 
CAN AN NT TLPANO EN TO Mercure . . 
PP EN RE ee re) Hé, 18.15 
NT RO ONEL Premier bord du Q 
8 16 18 TI. TAN ONE Mercurel-Rimemease 5 
11 10 18 = | Second bord du © . . LE AE 
11001042 Premier bord du © ; 
GN20MN01.- CCS ES Mercure CE 5 
11 20 19 + | Second bord du © . . } A7YLE 
a 27) Premier bord du © 
BASE SITE 12027 Mercure TN EN \ 648 
11 30 16 Second bord du © . . f ” 53 
EURE): NRC) Premier bord du © 
8 46 4:. 1 O0 260) CINTIErCUre RE 4e 6 36 
11040 20 Second bord du © .. } Lun 
11 48  O © | Premier bord du QT 
GS NS 6 NE 11 49 21 Mercure . , . . 6 13 
11 50 17 + | Second bord du O%: pe En 15 
UPS TONI Premier bord du o. 
CLIM T LE lo 11 59 18 Mercure . . : 5 
12 © 18 | Second bord AO AE 46 
Ta nl ON O e er bord du o. 
OMASDUSONS 1200 0019 Mercure . + . .11 MT 
12 10 22 2 | Second bord du © . A = 


Temps vrAI 


OBSERVATIONS DIVERSES, 


PassAces 
des à 
passages. la pendule, 
12b,18".1,8” 
Ne Jon 12 18 38 = 
9° 25° 45 | 12 19 18 
12 20 25 = 
12 28 14 
x 12 28 44 
9 35 o:.{ 12 (29 19 
12 30 30 
9 40 28.. 12 34 o 
———— 
12 38 o 
É 12 38 29 : 
9 45 28 a 12 39 5 
12 40 16 
12 48 o 
. 12 48 29 = 
sn: NEA 
12 50 18 
NAMNODENE 
5 $ 12 58 33 
Le D H ti2 158, 58 
MERS CM 20 
13 8 1 5 
13 8 3x1 
D'OR LAN 1014 , PE 
13 10 18 
13 17 59 
13 18 29 
10 25 7, À 13 18 47 
13 20 16 
13 28 342 
ROMANE à | 13 28 48 À 
13 13021: 


DÉsiGNATIOoN 
des 
passages. 


Premier bord du © 
Tache n°43. : 

Mercure . . Shots ee 
Second bord de [e) } 


Premier bord du © 
Tache n° 3. 

Mercure . . CONS A: 
Second bord du e) 


Diam. du cercle de Merc, 


Premier bord du © 
Tache n° 3. 
Mercure ten we 


Second bord du © . . 


Premier bord du © 
Tache n° 3. 


Mercure 441. +, . > Re 
Second bord du © .. } 
Premier bord du © 
Tache n° 3. 

Mercure . . o 
Second bord dà Oh. 4 } 


Premier bord du © 


Tache n° 3, 
Mercure . . © ÿ 
Second bord du © Di 


Premicr bord du © 
Tache n° 3. 

Mercure APE ds 
Second bord du © . . } 


Premier bord du © 
Tache n° 3, 
Mercure 08757001: 


Drrrér. 
en 
déclin. 
tu 
15 6 
14° 43” || 
1 19 
14 26 
13 44 
13 28 
| 
FE je 
12 49 


OBSERVATIONS DIVERSES. 


Temps vrar 


des à 
la peridule, 


passages. 


38 4” 
38 
289133 


PassAGeEs 


MELCICO EME 


Drrrér. | 
en | 
déclin, |! 


DésrcNATIroN 
des 
passages. 


Premier bord du © 


Tache n° 1. 


Second bord du © 
Tache n° 1, même parall. que Merc, 


Premier bord du © 
Tache n° r, 

Tache n° 3. 
Mercure 


Second bord du © 


Premier bord du © 
Tackie n° 3, 
Mercure , he 


Second bord du © 


| 
à 1} 110 
Tache n° 3, et Mercure au vértical. 
Premier bord du © 
Mercure Re 
Macheune 9. 2.000. 14e 
Second bord du © . . 
Premier bord di © 
Mercure . DRE 
Heubben LOS Pete 
Second bord dû © . 
Premier bord du © 


Mercure 
AGREE n°3228 Ne de 
Second bord du ©} . . 


Tache n° 3, même parall. que Merc. 


Premier bord du © 


Mercui e : 


OBSERVATIONS DIVERSES. 11) 
Temps vrAt PassAce DéÉsrcenarion Dirrén. 
à des en 
passages. la pendule. passages. déclin. 
RE inc Er 
14h 48° 5” |Premier bord du © . . 7 
11,541 24° 14 48 19 Mercutei un Sin } 9 7 
14 48 34 Tache n° 3. 
CHE NA 14 59 46 Premier contact intérieur. 
Oui 3e 15: 0. 59 Sortie du centre: estimée. 
O'IMOMETNE 15 20016 Sortie du second bord. 
DH SIG INT NZIINS = Sortie du centre. 
O2 501 2 MP Durée. de la sortie; 
(a 7 47 Premier, bord. du, © 
nÉcie 19° [72 (52 Hachene$r. . +4:.. 52 
15 10 3: |Secondthord du O.. . f 1? 453 
15 7 47 Premier bord du © 
. . he 15 68 7 Tache nas net eo 5 5 
15 10 3: |Second bord du © . . } TRE 
PACE NU Premier bord du © 
sg NON Le Tacheïn#2 ft ut, 58 | 
15 10 3 5 |Second bord du © 9 | 
| l 
Of 20 ATEN, | NE GEO Diamètre vertical du © SD 50) 
Nota. Dans toutes ces observations le bord inférieur du Soleil, dans | 
la lunette qui renversoit, a toujours été employé à mesurer les diffé- 
rences de déclinaison, * 


OBSERVATION RARE ET IMPORTANTE. 


Comparaison de la planète Pallas à létoile 113 d’Her- 
cule, dont l'ascension droite étoit 2810 37° 4'3, et 
la déclinaison 22° 24! 13.6". 


LE 28 mai 1803, après sept jours de temps nébuleux, 
à 10h 40° 6’ du soir, temps vrai, la planète suivoit 


112 OBSERVATIONS DIVERSES. 


l'étoile de 13’ 30’, et elle étoit plus australe de 18’ 46” de 
degré. Elle paroïssoit en ce moment réunie à une petite 
étoile, et cette réunion lui donnoït une lumière double. 
On ne voyoit entre elles aucune séparation, et l’on ne 
remarquoit aucun allongement. L’observation se faisoit 
avec une lunette de Dollond, de trois pieds et demi de 
foyer et quarante lignes d’ouverture. 

Six jours après je cherchai la petite étoile que la 
planète avoit rencontrée; je la comparai à la même 
étoile d’Hercule, et je trouvai à peu près les mêmes 
différences de passage aux fils du micromètre, c’est-à-dire 
oh 13' 45" et o° 18’ 40”. 


SUR L'ÉCLIPSE TOTALE DU 16 JUIN 1806. 113 


SUR 


L'ÉCLIPSE TOTALE 
DU 16 JUIN 1806, 


Par Jérôme DE La LANDE. 


Lu le 29 décembre 16806. 


J'ar donné dans la Connaissance des tems de 1808, 
le calcul des observations que j’avois reçues de Madrid, 
d’Aranjuès ; de Cadix, de Naples, de Berlin , de Mon- 
tauban , de Toulouse ; j’ajouterai ici celles qui me sont 
parvenues depuis l’impression de la Connaiss. des tems. 

À Utrecht, M. d’'Utenhove et M. Calkoen ont ob- 
servé le commencement :à:5h 3! 19"; temps vrai, et la 
fin à 6h 13! 59', je trouve la conjonction 4h 4115", etla 
différence 11’ 9"; d'accord avec plusieurs autres éclipses ; 
la latitude de la lune en conjonction 19° 19° B. , comme 
par l’observation d’Aranjuës. 

A Amsterdam; M. Keyser, 15h 2° 7", et 6h.19",31", 
conjonction 4» 40’ 1", différence des méridiens 10° 15° 
que nous supposions 10° 12”, latitude 19° 18. 

À Lilienthal , M. Bessel a observé. le commencement 
à 5h21’ 7", conjonction à 4h 56' 24", différence des mé- 
ridiens 26’ 18’ au lieu de 26’ 15” que nous supposions. 

1806. Second semestre. 15 


114 SUR L'ÉCLIPSE TOTALE DU 16 JUIN 1806. 


À Milan , M. Oriani , commencement 5h 25" 31" 7, fin 
4» 57! 23", conjonction 4 57 19", différence des méri- 
diens 27’ 13" au lieu de 27' 28”; latitude 19° 20”. 

A Munich, MM. Reichenbach et Schieg, 5h 35° 46" 
et 6h 44° 36", conjonction 5h 7' 10", différence des méri- 
diens 36’ 56’ comme nous la supposions; latitude 19° 24". 

A Madrid, M. Bauza, 2'6, à l’orient de la grande 
place, 4h 27’ 49" et 6h 9’ 7" +, conjonction 4h 5’ 59", la- 
titude 19° 24. 

A VIsle - de - Léon, M. Canelas, commencement 
4b 18° 45", conjonction 3h 56’ 4". 

A Pampelune , M. Mazzaredo, 4h 36’ 7" et 6h 11° 31”, 
conjonction 4h 14 12°; latitude 19° 18"; la hauteur du 
pôle est 429 5o': 

M. Canelas a calculé rigoureusement ces trois obser- 
vations ; il a trouvé la latitude 19! 16’, plus petite de 6! 
que par les tables de M. Burg, et la longitude 2° 240 44° 
33" plus petite de 13”. 

+ Suivant moi la longitude en conjonction 25 24° 44! 40" 
plus grande de 27" que par les tables et latitude 19" 20" 
plus grande de 3". 

Mais les observations que je désirois le plus étoient 
celles d'Amérique, où l’éclipse devoit être totale à 
Boston'et à Albany; il y avoit eu des éclipses totales 
en 1706; 1715, 1724 et 1733 , mais les observations 
s’accordoient mal. 

M. Deferrer, habile astronome espagnol, qui est 
depuis long-temps à New-Yorck, a satisfait mon impa- 
tience. Il s’est transporté du côté d’Albany à Kinder- 


SUR L'ÉCLIPSE TOTALE DU 16 JUIN 1806. 115 
Hook, latitude 42° 23° 3", et 5h 4’ 33" à l’occident de 
Paris, avec d’excellens instrumens, et il a observé le 
commencement à 9h 49’ 30" +, tems vrai; l’obscurité 
totale de 11h 7'65"+à 11h12 32" 2, et la fin à oh 33’ 38"; 
j'en ai conclu la conjonction à 11h 25’ 33", et comme 
je l’avois trouvée pour Paris 4h 30'6", la différence des mé- 
ridiens estexactement celle que M. Deferrer m'a envoyée. 

Il avoit très-bien choisi sa station d’après ses calculs; 
car je trouve la latitude de 4 à 5 secondes seulement dans 
le milieu de Péclipse ; ainsi la durée de l’obscurité totale 
ne pouvoit être plus grande. Cette observation est donc 
propre à nous donner Île résultat important que nous at- 
tendions. La différence des diamètres du soleil et de la 
lune, suivant moi, devoit être de 1’ 36",;et par la durée 
observée je trouve 1° 48": je supposois dans mon calcul, 
d’après mes observations; le demi diamètre du ‘soleil de 
15" 44'9, et le demi diamètre horizontal de la lune 16’ 
25", laugmentation 8'1,ilen résulte 48'3, dont le double 
est 1’ 366; ainsi il faudroit augmenter le diamètre de la 
lune que j’avois diminué de 7” (astronomie 1992) , ou 
diminuer celui du soleïl ; augmenter l’irradiation du 
soleil.et la diminuer pour la lune. 

Je n’avois pu jusqu'ici discutercette question que par 
des éclipses annulaïres de 1791 et 1793 (Connaissance 
desitems 1797; pag. 304 et 386, 1798, page 465, 1799, 
page 203). Il étoit nécessaire d’avoir uñe éclipse totale 
pour avoir des effets contraires ; car dans ‘une éclipse 
totale; si l’obscurité dure plus que par le calcul , il faut 
augmenter l’irradiation du soleil et diminuer celle de la 


116 SUR L'ÉCLIPSE TOTALE DU 16 JUIN 1806. 


lune ; mais dans une éclipse annulaire, si anneau dure 
plus, il faut diminuer l’irradiation du soleil et augmenter 
celle de la lune. 

M. de Witt a publié dansle Spectateur de New-Yorck, 
du 25 juin, une observation faite à Albany, latitude 
42° 38" 39", ses quatre phases sont 9} 50! 12", 11h 8° 6", 
11h12'57"et oh 33/8" ; la troisième, ou le retour de la 
lumière est défectueux ,ilne la vit qu’à la vue simple: il 
croyoit que l’erreur étoit insensible, mais le calcul na 
prouvé qu’elle étoit de plusieurs secondes; les trois autres 
phases s’accordent à donner la conjonction à 11h 25° 25", 
et la différence des méridiens 5h 4' 41", au lieu de 5h 
4! 26" que M. Deferrer l’estime dans sa lettre. 

M. de Witt dit que plusieurs personnes ont vu un 
pointlumineux sur le disque noir de la lune : il y en a déjà 
plusieurs exemples que j’ai rapportés dans mon Æstro- 
nomie (art. 3338), et que j'attribue au volcan, dont 
l'existence n’est plus douteuse (Pilosph. transact. 
1794). 

Mais un phénomène singulier qu'a remarqué M. De- 
ferrer, c’est que le disque de la lune parut éclairé 7'avant 
la fin de l’obscurité : ce qui semble être l’effet d’une 
petite atmosphère de la lune. 

11 a aussi observé un anneau lumineux concentrique 
au soleil, d'environ 45 à 50’ de diamètre, ce que l’on 
avoit déjà remarqué dans d’autres éclipses ; il me paroît 
venir de atmosphère terrestre, éclairée dans les pays 
qui environnent celui où l’éclipse est totale. Le bord de 
la lune étoit mal terminé; il en partoit de petites 


SUR L'ÉCLIPSE TOTALE DU 16 JUIN 1806. 117 
colonnes de vapeursitrès-minces , soit de la lune , soit du 
soleil , qui se terminoïent à l’anneau. 

I’obscurité n’étoit pas si grande qu’on l’avoit sup- 
posé; on ne voyoit que six étoiles principales ou pla- 
nètes ; on devoit voir, Vénus et Mercure, Sirius et Pro- 
cyon, les deux étoiles d’Orion , la Chèvre et la Lyre. 
Les oiseaux se retiroient dans leurs nids; il tomba un 
peu de rosée, mais la lumière de l’anneau diminuoit 
l'obscurité. 

Au détroit dans les États-Unis , à 42° 35' M. Richard 
a observé l’obscurité depuis 10h 15’ 20" jusqu’à 1017 40, 
ce qui donne la différence des méridiens 5h 36' ; mais 
la latitude du lieu est peut-être un peu trop forte. 


Pour faire usage de cette éclipse, j’ai repris celle qui 
fut observée à Philadelphie le 3 avril 1791: l’anneau 
dura 4! 17", la différence des demi-diamètres qui en ré- 
sulte étoit 636 (Connaissance des tems ; 1799, page 
204) et par les nouvelles déterminations des diamètres 
je trouve la même chose. - 

L’éclipse totale du 13 mai 1733, avoit été calculée 
par M. le chevalier Ciccolini qui travailloit chez moi 
(Connaissance des tems , 1804) ; j'ai refait le calcul 
pour en déduire la différence des demi-diamètres : la 
durée de l’obscurité de 2° 8" m’a donné 564 pour la dif- 
férence des demi-diamètres, tandis qu’elle devoit être 
559, en prenant le demi-diamètre de la lune 16° 435, 
sans y appliquer d'irradiation , et 15" 47" pour le soleil, 
diminué de 2'5 pour l’irradiation. Ces diamètres sont 
ceux que j'ai déduits de mes observations; j’ai pris la 


118 SUR L'ÉCLIPSE TOTALE DU 16 JUN 1806. 


latitude et la parallaxe dans les nouvelles Tables de 
M. Burg. 
Ainsi, en prenant le milieu entre les deux éclipses 


totale et annulaire, il faudroit donner deux secondes 
d'irradiation au soleil, et ajouter une seconde au rayon 
de la lune, déduit des observations que j’ai faites quand 
la lune étoit éclairé e ( Mémoires 1788, page 204) , ou 
bien donner 4" d’irridation au soleil et une à la lune. 

J’ai calculé aussi Péclipse totale de 1724 : la durée 
de l’obscurité fut à Paris de 2! 18"; cela me donne pour 
la corde parcourue 1° 24", en supposant d’après les tables 
que la lune passa 10" au nord du soleil. Les demi-dia- 
mètres étoient pour le soleil 15'53"2, et pour la lune 
16 39'8 sans appliquer d'irradiation ; la différence est 
46"6 a lieu de 432 que donne la corde parcourue; ainsi 
il y auroït 3"4 à Ôter du rayon de la lune, ou à ajouter 
à celui du soleil, il faudroit donner une irradiation à 
la lune et diminuer celle que j’attribuois au soleil ; mais 
ayant été obligé d'emprunter des tables la latitude dé la 
lune faute d’observations , ce résultat est moins sûr que 
celui qu’on a vu ci-dessus. 

M. Seyffert, qui a observé l’éclipse de 1806 à Mu-. 
mich , dit qu’il a vu sur la lune des montagnes de 3400 
toises, et qu’on neles avoit pas remarquées avant lui; 
mais on peut voir dans mon astronomieique Hevelius et 
M. Herschel s’en étoient déjà occupés. 

À Padoue, par M. Chiminello, commencement 5h 28’ 
27" fin 6h 51° 31", M. Conti en a conclu la conjonction 
5h 8" 19", et la latitude 19° 25. 


SUR LA COMPOSITION DES ÉTOFFES ANCIENNES, 119 


MÉMOIRE 


Sur la composition des étoffes anciennes ‘tirées de 
deux tombeaux de'Saint-Germain-des-Prés , avec 
des détails propres à servir de commentaire au cha- 
pitre de Pline sur les laines, 


Par °:M. Desmaresrr. : 


Lu le 29 brumaire an 12. 


INTRODUCTION. 


) 


M. LE Norr, conservateur des monumens français , 
mayant confié les divers échantillons des étoffes qu’il 
avoit trouvées dans les, fouilles de deux tombeaux de 
Saint-Germain-des-Prés , je me suis ‘ccüpé non-seule- 
ment de l’examen suivi de chacune de ces étoffes, mais 
encore de la description raisonnée des procédés de leur 
fabrication. J’ai été flatté de Pouvoir constater, par ce 
double travail , l’état de l’art qui présidoit à ces tissus en 
France, à l’époque où les Personnages dont on à recueilli 
les dépouilles ont été inhumés. Considérant d’ailleurs 
ces tombeaux comme des dépôts précieux où les pro- 
duits de cette industrie ont été conservés , j’ai pensé que 


d’après leur étude et l'appréciation de leurs : différens 


120 SUR LA COMPOSITION 


degrés de perfection, on pouvoit suivre leur compa- 
raison avec les résultats correspondans de notre fabri- 
cation actuelle. 

Je n’ai omis dans mes notes aucun des systèmes de 
tissus qui ont fait partie de l'habillement des person- 
nages ensevelis avec pompe dans ces tombeaux. Plus 
un certain luxe y avoit présidé , plus il m’a servi à 
prendre connoiïssance des ressources de l’industrie qui 
étoit en activité en France, à une époque que l’on re- 
garde comme un temps d’ignorance. 

Mais un des motifs qui m’a le plus encouragé dans 
cet examen des étoffes anciennes, ce sont les secours que 
quelques-unes des plus riches m’ont offert pour l’intel- 
ligence des passages de Pline, où ce sublime écrivain 
traite de certaines parties du travail, des laines. Le 
rapprochement de ces passages avec les étoffes que 
Pline a voulu nous faire connoître, m’a convaincu 
qu’on ne peut bien entendre ces passages que lorsqu’on 
a sous les'yeux Îles objets mêmes indiqués ou décrits. 
La méthode de Pline et sa concision dans Pexposition 
qu’il fait des procédés des arts, m’ont paru exiger ces 
rapprochemens ; et ce qui achève d’en établir la néces- 
sité, ce sont les méprises et les erreurs que nous trou- 
vons dans l’interprétation de ces passages par les der- 
niers traducteurs de cet écrivain. 

Pline est d’autant plus intéressant pour nous, que 
s’il ne se fût pas attaché à décrire et à caractériser les 
produits de Part des tissus en activité dans les Gaules, 
nous* n’en connoîtrions aucune opération importante; 


DES ÉTOFFES ANCIENNES. 121 


au lieu que, d’après les notices raisonnées de cet écri- 
vain , il est constaté que les découvertes de nos ancêtres 
dans les tissus se sont répandues jusqu’à Rome, et que 
c’est l’inspection de leurs produits qui l’a déterminé à 
en, conserver le souvenir. Ce sont ces raisons qui l’ont 
engagé aussi à faire figurer l’industrie des Gaulois à 
côté de celle. des Grecs d'Alexandrie : ainsi je me sais 
gré d’avoir pu recueillir dans un tombeau tous les élé- 
mens d’une discussion d’où il résultera , d’une manière 
incontestable , que.si les Gaulois ont négligé les autres 
arts; ils ont mérité la plus grande célébrité dans celui 
des tissus. Cette justice rendue au génie des Gaulois par 
Vltalie , prouve l’importance de ses productions. Et 
nous qui avons perfectionné ce même art dont. nos 
ancêtres nous. ont laissé, comme on voitpar ces monui 
mens, des produits aussi intéressans , recueillons aveé 
soin ces titres précieux conservés par Pécrivain le plus 
instruit de tous les arts des anciens. 

C'est dans cet esprit que je: m’attacherai à montrer 
par la suite que la Gaule, qui figure idans Pline ; pour 
la fabrication ‘des étoffes. les plus riches, est notre 
Gaule, puisqu’une de. ses grandes provinces est indi- 
quée comme fournissant les matières premières de ces 
étoffes. Ainsi, d’après ces faits dont je développerai les 
| conséquences , je ne ctois. pas qu’on. puisse révoquer 
en doute que toutes les étoffes tirées des tombeaux de 
Saint - Germain , ne soient les produits de l’industrie 
Gauloise des temps reculés adoptée par les Français à 
cette époque, et qu’elles ne doivent être considérées 

‘1806. Second semestre. 16 


122 SUR LA COMPOSITION 


comme les monumens de la tradition de l’art destissus, 
qui s’est transmis jusqu’à nous. 

Toutes ces considérations qui peuvent nous con- 
duire à la connoiïissance des arts anciens , seront ex- 
posées dans ce mémoire ; que je diviserai en quatre 
parties. 

Dans la première jedonnerai d’abord, sous des numéros 
séparés, une description succincte de chacune des 
étoffes dont les échantillons ont été trouvés dans les 
tombeaux, et que j'ai pu y reconnoître parmi les 
dépouilles. J’y noterai non seulement les différens 
systèmes de fabrication qui ont présidé à leur travail, 
et qui peuvent servir à les désigner par des caractères 
distinctifs, mais encore leurs principaux emplois dans 
les vêtemens des personnages ensevelis avec un certain 
luxe dans ces tombeaux. 

Dans la seconde partie je m’occuperai surtout à 
rapprocher les passages de Pline et d'Ammien Mar- 
cellin, qui ont une juste application aux divers tissus 
dont il aura été fait mention dans la première. Après 
avoir exposé les éclaircissemens que j'aurai pu tirer 
de l’examen de ces tissus et indiqué les méprises et 
les erreurs , tant des derniers traducteurs que des 
anciens commentateurs, j'y substituerai le sens précis 
que la connoissance de l’art m’aura dicté; et par une 
critique simple , je tâcherai de montrer le peu de con- 
fiance que méritent des traducteurs qui ont prétendu 
nous faire entendre les procédés d’un art des anciens, 
sans s'être instruits de l’industrie correspondante des 


DES ÉTOFFES ANCIENNES. 123 


modernes ; en sorte qu’il résultera de cette discussion 
la connoissance raisonnée de certaines parties du tra- 
vail des laines , telle que Pline a eu l'intention de nous 
la transmettre. 

Ces passages sont au nombre de cinq : dans le pre- 
mier, Pline nous indique les lieux qui fournissoient 
les laines propres aux éroffès scutulées, et parmi les- 
quels je trouve les environs de Pezénas dans la province 
Narbonnaise. 

Le second passage nous fait connoître les qualités 
particulières des laines que les anciens employoient dans 
la fabrication de leurs tapis veloutés, et surtout pour 
la formation du poil. 

Dans le troisième , il est fait mention des effets du 
foulage sur les draps de laine. 

Dans le quatrième , Pline traite de l’art d’insérer des 
fils dorés dans les tissus. 

Le cinquième nous fait connoître les effets de l’éta- 
blissement de plusieurs rangs de lisses sur les métiers , 
soit par les Grecs d'Alexandrie, soit dans les ateliers 
des Gaules. 

Dans la troisième partie, je rapprocheraï tout cé qui 
peut nous donner une idée de l’industrie des Gaulois 
dans la fabrication des étoffes de différens genres, et 
dont Pline nous a conservé la mémoire et les procédés. 

La quatrième comprendra la description raisonnée de 
deux sortes d’étoffes chargées de dessins brochés , soit 
en or, soit en laines, lesquelles m’ont paru très-propres 
à nous montrer les divers procédés de la fabrication 


12/: SUR LA COMPOSITION 


des tissus les plus riches chez nos ancêtres. J’y joindrai 
tout ce que l’examen des différens dessins, exécutés sur 
le fond des étoffes scutulées , m’a fait connoître. 

Enfin , je terminerai ce mémoire ‘par l’exposition de 
tout ce qui a pour objet.les tapis des anciens, en com- 
mençant par indiquer, d’après le passage de Pline, dont 
j'ai fait mention ci-dessus , les qualités de laines qu’on 
employoit dans les trames , et qui, comme on sait, ser- 
voient à former le poil de ces étoffes. J’y ajouterai enfin 
ce qui concerne les différens. moyens dont les anciens 
faisoient usage pour y distribuer les couleurs. 


PREMIÈRE PARTIE. 


JE présente et je décris les échantillons de onze étoffes 
différentes de fabrication ancienne dans autant d’arti- 
cles séparés ; et je mets à La tête, dans un premier ar- 
ticle, la mention succincte du bois des bières et des 
crosses des abbés. Aïnsi l’on y verra, 

1°, Les bois des bières et des crosses sous formes de 
planches et de rouleaux; 

2°, Les gants; 

3°. Des coupons de taffetas à tissus serrés et À tissus 
lâches ; 

4°. Des galons de différentes largeurs. et compo- 
sition ; 

5°. Des échantillons de l’étoffe à dessins scutulés , et 


avec laquelle on avoit taillé des étoles, des franges et * 
des guêtres; ; 


DES ÉTOFFES ANCIENNES. 125 
6°. Des échantillons ‘de l’étoffe taillée :en forme de 
mitre ; 
A Des étoffes gaufrées par deux systèmes ; 
. Des rubans à tissu lâche; 
90. Un échantillon de drap soumis à l’action du 
foulon ; 
10°. Us échantillon d’étoffe à laine commune, sem- 
blable à nos dauphines; 
110, Un échantillon de calemandes moirées. 
Tous ces objets sont déposés dans, le! cabinet 4e, 
l’Institut. : 


I. Je parlerai d’abord de l’état où se sont trouvés les” 
bois , soit des bières et des crosses des évêques ou abbés. 
Ils nous ont offert un grain fondu ou un tissu qui dif- 
féroit peu de celui du liège, car ils en avoient à peu 
près la souplesse et le ressort. LA 

IT. Ensuite je mettrai à la tête des étoffes les gants, 
qui sont de soie et fort bien conservés; ce sont des 
tissus exécutés à l'aiguille , sur un moule de bois cylin-: 
drique. On peut les considérer comme formés de plu- 
sieurs systèmes de fils croisés avec des trous à jour, 
suivant certaines distributions régulières , et assez sem- 
blables au point d'Alençon. Ce travail est! connu .et 
même répandu dans la'société : et je suis porté à croire 
qu’à l’époque où ces tissus ont été déposés ,dans, les 
tombeaux ils tenoient lieu de tricot, dont le travail 
simple n’étoit pour lors connu ni dans la société ni 
dans aucune fabrique: Cependant nous verrons que. 


126 SUR LA COMPOSITION 


les derniers traducteurs de Pline ont prétendu pouvoir 
établir l’origine du tricot, d’après les expressions scu- 
tulato textu, qu’ils ont traduites par étoffe à mailles, 
sans connoître quelle étoit la nature des tissus que 
Pline nous indiquoit par ces mots, et trompés par les 
dictionnaires de Boudot et de Novitius, dont ils mont 
pas saisi le véritable sens. Nous ferons connoître par 
la suite cette méprise singulière. Outre cela nous indi- 
querons une anecdote d’après laquelle on pourra soup- 
çonner que l’invention dw tricot est d’une date assez 
moderne, et surtout postérieure aux étoffes à mailles, 
dont il est fait mention dans Pline. j 


III. Des Tafjetas. 


Nous avons trouvé une grande quantité de taffetas, 
parce que cette étoffe servoit à former les robes et les 
chasubles des prélats, ainsi qu’à doubler les autres 
étoffes. Nous citerons ici une chasuble avec chaperon 
terminé en pointe, et une soutane à larges manches en 
taffetas, couleur mordoré : ainsi nous avons pu re- 
connoître non seulement leur qualité, mais encore leur 
emploi. 

Ces taffetas sont, comme on sait, des toiles de soie 
tissues à l’ordinaire; elles ont conservé une certaine 
force , et même leur couleur s’est assez bien maintenue. 
Il y en a de deux sortes. Les uns, d’un tissu serré, sont 
à peu près de la même qualité que le taffetas de Flo- 
rence; ce sont ceux des chasubles et des soutanes. Les 
autres à tisswouvert et lâche, ont été employés en général 


DES ÉTOFFES ANCIENNES. . 127 


pour doublures. Il y en a aussi de deux couleurs ; celles 
à tissu serré sont de couleur mordoré, et les autres 
d’un jaune clair. 

Les coupons de taffetas à tissu serré qui ont été 
employés pour robes et chasubles, ont été assemblés 
non par de simples coutures avec ou sans surjets, mais 
au moyen de galons qui ont servi à maintenir les com- 
missures et les rapprochemens des lisières; ainsi les 
galons assujétissant les lisières, offroient autant de 
bandes d’ornemens qu’il ÿ auroit eu de coutures remar- 
quables dans notre système d'assemblage. J’ajoute que 
sur les bordures, des lisières se sont trouvées garnies 
avec la même sorte de galon. 


TV. Nous passons maintenant aux galons : j’en ai 
reconnu de deuxespèces. Les uns sont des tissus étroits, 
composés de fils ronds et retors formant la chaîne, et 
de fils plats jetés en trame. Ils sont enrichis, à certains 
intervalles ; de rosettes, assemblages de fils dorés et 
brochés à l’espoulin ; au moyen du jeu des fils de la 
chaîne ; mus par les lisses montées suivant les dessins 
de ces fleurons. 

Dans ces sortes dé galons, les rosettes dont nous 
avons dit qu’elles étoient enrichies , offroient les nuances 
de l’or ou de l’argent dont la dorure étoit composée , 
suivant que ces métaux étoient conservés où détruits. 
J'ajoute même que dans certaines parties de ces galons, 
la dorure étoit réduite à la base composée d’un fil de 


laine ou de soie. x“ 


128 SUR LA COMPOSITION 


: Ce sont ces mêmes galons qui servoient à lier les com- 
missures des lisières de. chaque coupon de taffetas à 
tissu serré , et qui présentoient des suites d’orneméns dé- 
terminées par. ces coutures..D’ailleurs, lorsque dans ces 
salons ; la dorure des fils de, la, chaîne étoit bien con- 
servée, les rosettes brochées en fils simplément argen- 
‘és, se détachoient fort nettement du fond. 

Oùtie ces galons étroits il y en a d’une plus grande 
largeur, qui se sont trouvés, cousus le long des lisières 
des coupons de certaines étoffes. Ces galons sont en- 
richis de dessins brochés à da tire: Copiés exactement, 
ils pourront donner une idée du-goût qui régnoit dans 
les fabriques de ces temps.reculés, et de la combinaison 
de leurs moyens. Ces galons offrent sur la largeur de 
leurs chaînes, cinq :bandes dont. deux voisines des 
lisières avec celle du milieu, ont un fond jaune, pen- 
dant que celles qui en occupent les intervalles et qui 
étoient vertes, sont devenues bleues après avoir perdu 
le jaune ; cependant j'ai rencontré certaines parties où 
l’état primitif est conservé. Ailleurs, les couleurs de 
la chaîne:sont décomposées, et il.ne reste que celles 
de la trame qui occupe ces vides. Ce sont des bandes 
de serges ssatinées jaunes et Vertes qui font réseau. 

Je crois devoir placer à la suite.des galons, une es: 
pèce de, serge croisée d’un tissu fort Fr ; et qui{n’a 
pas plus fre deux pouces de, largeur: elle. formoit: le 
collet d’une robe. Cette étoffe composée de fils très-fins 
en dorure, assujétis à un dessin courant, avoit une 
sorte de transparence. Ceci annonçoit une. chaîne de 


DES ÉTOFFES ANCIENNES. 129 


“très - bas compte, fau milieu de laquelle a couru une 
trame aussi peu serrée, et qui a déterminé la marche 
du dessin qui règne sur toute l’étendue de létoffe. Il 
y a dans cette serge les teintes de l’or ou de l'argent, 
suivant que les dorures ont été conservées ou détruites 
en partie. 

On pourra prendre une idée de ces différens systèmes 
de fabrication suivis dans les galons, par les dessins 
que je joins à ce mémoire. 


V. et VI. Étoffes scutulées. 


Jr vais indiquer, sous les numéros V et VI, deux 
étoffes enrichies de différens dessins très -intéressans. 
La première s’est présentée à moi parmi les dépouilles 
des personnages que renfermoientles tombeaux:1°. sous 
la forme d’une étole taillée en bande d’une largeur à 
peu près égale à celle des étoles de nos prêtres. En 
second lieu sous forme de franges ; longiores fimbriæ, 
qui servoient à garnir les bordures des chasubles. Enfin, 
sous forme de guétrés qui enveloppoient les’pieds des 
prélats ; couverts immédiatement par un morceau de 
drap foulé qui tenoit lieu de bas. 

Après avoir indiqué les différens emplois de cette 
étoffe , je dirai que dans le premier examen que j'en 
ai fait, j'y ai reconnu tout ce que Pline et Ammien 
Marcellin nous apprennent sur les procédés anciens 
de la’ fabrication des tissus les plus riches et les plus 
savans., c’est-à-dire les différentes formes d’un dessin 

1806 Second semestre. 17 


130 SUR LA COMPOSITION 


varié qui n’ont pu s’exécuter que para méthode avec 
laquelle les Grecs d'Alexandrie étoient parvenus à orner 
leurs belles étoffes; plurimis verd Liciis texere Alexan- 
dria instituit, Outre cela, cette même étoffe m’a montré 
des espèces d’écus polygones, par lesquels le, même 
auteur nous apprend que les Gaulois avoient imaginé 
de partager les dessins dont ils ornoient leurs étoffes, 
scutulis dividere Gallia invenié, 

J’y ai vu enfin que, comme le dit Ammien Mar- 
cellin, on avoit exécuté dans le champ de ces écus, et 
sur leurs bords, et par le jeu varié des lisses, des figures 
d'animaux, telles que celles de lièvres et d’oiseaux 
de plusicurs espèces qui s’y trouvent tracés en, or; 
varietate liciorum effigiatæ species animalium mul 
tiformes. Ï 

Je passe maintenant à l’étoffe numéro VI, laquelle 
servoit à envelopper la tête d’un prélat sous la forme 
d’une 7nitre; j'y ai trouvé les mêmes principes de fa- 
brication que dans l’étoffe précédente, ainsi que les 
dessins également distribués par écus , et ornés de figures 
d'animaux. Je réserve à faire connoître en détail cette 
étoffe, ainsi que la précédente, dans la quatrième 
partie de ce mémoire. Voyez au reste les dessins. 


VII. Étoffes ganfrées. 


Pour peu qu’on ait examiné avec soin cette étoffe 
singulière, il est aisé de voir qu’elle a été fabriquée 
avec une chaîne composée de fils à deux brins, assem- 
blés au moyen d’une trame d’une grande finesse. Ainsi, 


DESCÉTOFFES ANCIENNES. 131 


lorsque ce système dertissus a été soumis au gaufrage, 
il'en est résulté une-étoffe qui a présenté sur ses deux 
faces des parties saillantes, formées par des suites de 
fils de la chaîne pliés et entiérement à découvert, at: 
tendu :que la'trame nmesemontroit presque pas dans 
ces suites: ‘Etcomme:, pendant le séjour que cette étoffe 
a fait dans les tombeaüx , cette trame-ne s’est pas con: 
servée autant que la chaîne, il n’ést pas étonnant que 
tout ce tissu, formé ainsi que je Pai dit, se soit décom- 
posé aussi aisément. 

Je crois devoir faire remarquer cé gaufrage x no: 
seulement comme une ‘opération singulière ‘dans !cette 
étoffe ancienne , mais encore comme ayanteu pour base 
le système d’un tissu ingénieusement ni ae en 
recevoir'les impressions: » ftamtb | oi 

Il ne mei resté plus qu’à parler des ‘moyens: qu’on 
a dû employer pour ‘exécutér: le ‘gaufrage', tel qu’on 
peut le reconnoître dans l’étoffe qui nous occupe ; maïs 
je:crois devoir remettre cette exposition À la quatrième 
partie ,;.oùil'sera quéstion des deux étoffes des numéros 
Viet VI. J'y joindrai les dessins les plus propres à faire 
connoîtrerles procédés'de l’ärt surtout dans le gaufrage. 

«I neme reste plus à parler que de quelques étoffes 
de laines d’une qualité et d’une fabrication commune: 


“VIIL Jr icomnrence par:le‘drap foulé-qui tenoit lieu 
de bas-dessaus les-guêtres, ét dont nous avons indiqué 
VPétoffe au numéro: V: En détrüuisant les effets du feuz 
trage dans ce drap;:j'y ai trouvé une toile formée 


192 SUR LA/COMPOSITION : 


d’une filature égale.et nourrie, tant dans la chaîne que 
dans la trame, et dont lassemblageret le tissu avoient 
disparu entièrement par l’effet:du'foulon ; lequel avoit 
produit une, étoffe d’une force qui ne-nuisoit point à 
sa souplesse. Ce qui nous reste de ce: drap!'est suffisant 
pour autoriser ce que je dirai par la suite Isurles pro- 
cédés des anciens relatifs au feutrage deslaines, 

Je conclus d’ailleurs de cet échantillon de drap foulé, 
que dans ces temps reculés les bas étoient faits avec des 
draps ou de la serge foulés : ce qui: tendroït à prouver 
que les bas tricotés n’étoient pas pour lors en usage, et 
que les manipulations du tricot n’étoïient. pas connues: 
Je pourrois citer à l’appui de cette présomption , l’usage 
où nous avons vu les moines les plus anciens, comme 
les Bénédictins, de porter des bas de serges ide ‘laines 
feutrées ; et nullement des‘ bas tricotés. : Il:sembleroit 
donc que l’invention du tricot est postérieure aux !ré- 
glemens de ces moïnes, car il est à croire que leur 
vestiaire a été déterminé par les produits de l’industrie 
qui étoit en activité dans le temps de:leur établissement, 
Nous reviendrons ensuite sur cette question; lorsque 
nous discuterons l'interprétation que les derniers tra- 
ducteurs de Pline ont donnée aux mots scutulata 
VESLIS sv: 


IX. Je passe! ensuite à lune espèce de toile de laine 
grossière, quant à sa: chaîne et à sa trame ; elle est 
peu foulée , aussi le tissu en est à un certain point 
apparent, comme dans nos dauphines. Cette étoffe ser- 


DES ÉTOFFES ANCIENNES. 133 


voit à recouvrir. la tête des prélats par-dessus létoffe 
qui avoit la forme d’une mitre. 

X. Je finis par indiquer les calemandes fabriquées 
avec des fils assez fins de laines peignées et rases. 
Quoiqu’en laine , cette étoffe avoit le brillant d’un cer- 
tain moirage ; ce qui nous donne lieu de croire que les 
apprêts en avoient été bien soignés et opérés, ou par 
action des lames chaudes, ou par celle de la calendre. 


SECONDE PARTIE, 


RENPRE US T divers passages de Pline : qui O71É 
pour objet Les qualités des Laines et leur emploi dans 
Les tissus anciens, et d'ailleurs traduits avec soin et 
exactitude: 


J’ai cru devoir rapprocher ici les passages que j’ai 
tiiés du VIII livre de Pline ; chapitre, 48 ,.et parles- 
quels cet auteur nous fait connoître. les différentes qua- 
lités des laines que les anciens employoient dans leurs 
étoffes , et particulièrement dans celles dont j’ai donné 
une courte description sous les numéros V et VI. 

On verra combien ces passages répandent de jour 
sur leur fabrication, et réciproquement combien ces 
étoffes comparées aux notices de Pline, peuvent servir 
à leur parfaite intelligence , malgré l’extrème précision 
de cet écrivain. 

D'ailleurs, après avoir présenté chacun de ces pas- 
sages séparément avec leur traduction par Poinsinet 
et ses coopérateurs , j’en discute les fausses interpréta- 
tions d’après les lumières que m’ont fournies les étoffes 


134 SUR DA/GOMPOSITION 


anciennes. Enfin; je termine tout ce:travail par ;subs- 
tituer le véritable sens aux erreurs etaux méprises que 
lPignorance de Part des anciens a introduites dans ces 
traductions. 


Premier passage. 

Isrrrx% Liburnitque pilo propior quam lanæ; 
pexis aliena vestibus': et quam Salacia scutulato textu 
commendat in Lusitania , similis circa Piscenas pro- 
vinciæ narbonensis ; similis et in AEgypto, ex qu& 
vestis detrita usu tingitur rursusque &vo dura. 

« En Istrie et en Liburnie, l’espèce dé menu bétail 
» dont nous parlons , est couverte d’une toison qui res- 
» semble plus à du poil qu’à la laine , tellement qu’on 
» ne peut l’employer à fabriquer des draps peignés ; 
» en récompense, la: ville de Salacia, en Lusitanie',en 
» composé ses tissus & mailles. On trouve des toisons 
» semblables aux environs de Pezenas dans la province 
» narbonnoise ; ainsi qu’en Égypte, où, lorsqu'un vé- 
» tement a perdu son duvet par Pusage , on, le fait 
» teindre pour le renouveler.» Porxsiner. 

Je commence par faire observer que cette addition, 
er récompense, présente un sens bien opposé à ce que 
Pline a voulu nous apprendre sur les laines propres aux 
étoffes scutulées. Effectivement, peut-on croire que.la 
ville de Salacia en Lusitanie se füt rendue recomman- 
dable en composant des étoffes riches avec les toisons 
d’Istrie et de Liburnie, qui ressembloient plus au poil 
qu’à la laine, et que Pline ait mis au, même rang les 


DES ÉTOFFES (ANCIENNES. 135 
laines des environs de Pezenas, connues à Rome comme 
une production célèbre de la province Narbonnaïise, et 
propres à la fabrication des étoffes scutulées , ainsi que 
les laines d'Égypte? Il est aisé de voir que les traduc: 
teurs ont tout confondu contre les distinctions que Pline 
a voulu faire de ces laines ; car la connoissance que j’ai 
acquise des zissus scutulés, d’après les échantillons 
qu’on a tirés des tombeaux , me donne des:laines de 
Salacia, des environs; de Pezenas et d'Égypte ; dont ils 
étoient fabriqués, une idée bien différente de ce que 
Pline nous dit des toisons d’Istrie et de Liburnie. Outre 
cela, nous verrons par la suite que les laines de la 
province narbonnaïse étoierit employées dans ces mêmes 
étoffes par les artistes gaulois, qui faisoient usage des 
lisses pour exécuter sur ces étoffes les dessins sczrulés. 

Voici maintenant la traduction du passage de Pline que 
je substitue à celle de Poinsinet, et dans laquelle toutes 
les contradictions que je viens d’indiquer disparoissent. 

« En ITstrie et en Liburnie les toisons ressemblent 
» plus au poil qu’à la laine, tellement qu’on ne peut 
» les employer à la fabrication des draps peignés ; mais 
» celles que la ville de Salacia en Lusitanie, a rendu 
» célèbres par l’emploi qu’elle en fait dans: les étoffes 
» scutulées, sont semblables aux laines des environs 
_» de Pezenas , dans la province narbonnaise ; et à celles 
» qu’on tire d'Égypte, et avec lesquelles on fabrique 
» aussi des draps qui, dépouillés de leur poil par 
» lusage, se renouvellent par la teinture, de manière 
» à durer encore long-temps. ». 


136 SUR LA COMPOSITION 


On voit dans cette traduction que les toisons d’Istrie 
sont distinguées des laines de Salacia , des environs de 
Pezenas et d'Égypte ; indiquées comme très- propres à 
la fabrication des étoffes enrichies de dessins scutulés, 
et qui étoient les plus recherchées , tant pour la qualité 
des matières que pour les procédés de leur fabrication : 
on a donc eu tort de confondre ces laines avec celles 
d’Istrie et de Liburnie, qui ressembloient plus aux poils 
qu’à la laine, en faisant entendre que quoiqu’elles ne 
fussent pas propres à la fabrication de draps peignés, 
la ville de Salacia en composoit ses étoffes scutulées, 
sans penser que pour exécuter ces beaux tissus il falloit 
un choix de laines de la plus grande finesse. 


Second passage. 


EsT et hirtæ, pilo crasso in tapetis antiquissima 
gratia. Aliter kæc Galli pingunt, aliter Parthorum 
gertes: 

« On employoit anciennement /a laine bourre à faire 
» des tapis. La manière dont les Parthes brodent les 
» tapis à couleurs et à dessins mélangés, ne ressem- 
» ble point à celle dont les Gaulois brodent les leurs. 
» PoinsINET. » 

Ce pasage me paroît mal traduit, 1°. en ce que 
l’espèce de laine dont les qualités sont indiquées avec 
précision dans Pline, y est désignée d’une manière 
vague par laine bourre, qui certainement n’est pas une 
laine ferme et à gros brin; car la laine bourre est 


DÉS ÉTOFFES ANCIENNES. 137 


celle qu’on obtient en peignant les laines; c’est une 
espèce d’éfoupe de laine : or, cette laine ne convient 
point, quant à la qualité, à celles que Pline nous apprend 
être employées en tout temps dans les tapis ; car ce sont 
des laines d’un brin gros et ferme. 

En second lieu, le mot gratia est totalement omis 
dans la traduction, et c’est un des effets essentiels des 
laines appropriées à cette fabrication. Enfin, il n’est 
pas dit dans Pline que la laine dont il est question, 
servit à la fabrication des tapis, mais seulement qu’elle 
entroit dans leur composition, es£ in tapetis antiquis- 
sèma gratia : car cette laine ne servoit pas à composer 
leurs chaînes, mais seulement avoit un emploi très- 
brillant dans leurtrame. C’est ce que Pline nous apprend 
en terminant ce passage, que les traducteurs retient 
ainsi : « La manière dont les Parthes brodent les tapis 
» à couleurs et à dessins mélangés, ne ressemble point 
» à celle dont les Gaulois brodent les leurs. » Ce mot 
broder , substitué à pirgunt, ne me paroît avoir aucune 
application à l’étoffe qui n’est pas de nature à être bro- 
dée , ni à la matière qui ne convient pas à ce travail. Au 
reste, je m’étendrai par la suite de ce mémoire sur la 
fabrication des tapis des anciens, et particulièrement 
sur les qualités et l'emploi des espèces de laines que 
Pline nous fait connoître comme appropriées à cette 
fabrication. En attendant, voici la traduction de ce 
second passage, telle que j’ai cru pouvoir la rectifier! 

« La laine à gros brin et ferme, est connue très- 
» anciennement comme propre à donner aux tapis 

1806. Second semestre. 18 


138 SUR LÀ COMPOSITION 


» beaucoup de grâce et d’éclät. Les Gaulois distribuent 
» sur ces étoffes les couleurs par des moyens différens 
» de ceux dont fait usage la nation des Parthes. » 


Troisième passage. 


LANAE ef per se coarctäm vestem faciunt. 

« On fait avec la seule laine des vêtemens de feutre. » 

Je traduirois ainsi ce passage : 

‘« On fabrique avec des laines feutrées des étoffes 
» propres à faire des vêtemens. » 

On pourroit demander si Pline a prétendu indiquer 
ici les simples feutres comme servant à faire des habits, 
ou bien s’il avoit intention de nous faire connoître des 
toiles de laines soumises à l’action du foulon et feutrées 
par cette action. Je fais mention ici de cette alterna- 
tive , parce que dans les échantillons d’étoffes qui m’ont 
été remis , j'ai trouvé des draps bien foulés qui ne sont 
pas de simples feutres, ainsi que je lai remarqué ci- 
dessus. 

On a voulu èn ces derniers temps introduire dans 
le commerce ces simples feutres dont on vantoit le bon 
marché et le bon usage ; mais dans les habits on a bientôt 
reconnu les inconvéniens de ces fabrications impar- 
faites ; car on a vu qu’un grand nombre de laines, même 
celles du Berri qu’on feutroit avec la plus grande faci- 
lité, perdoient aussi aisément les effets du foulon ; en 
sorte que ces étoffes se décomposoient après un usage 


de peu de durée. D'ailleurs , il est fort difficile d’ob- 


DES ÉTOFFES ANCIENNES. 139 


tenir des feutres d’une force égale dans toutes leurs 
parties. Je ne doute donc pas que les anciens, s’ils se 
sont attachés d’abord au travail des laines simplement 
feutrées , comme le passage de Pline semble l’indiquer, 
ne les aient abandonnées comme des produits d’une 
fabrication fort imparfaite, et n’aient pris pour base 
de leurs feutres des toiles de laines plus disposées à 
recevoir également l’action du foulon, et à la conserver 
d’une manière forte et durable. Dans l’échantillon de 
drap feutré que les dépouilles des tombeaux m'ont pré- 
senté, je trouve tous ces avantages que les anciens 
n’auront pas sans doute méconnus. Je serois donc en 
conséquence très-porté à croire que cet échantillon peut 
servir à nous donner une idée complète du travail des 
anciens dans le feutrage des laines. 


Quatrième passage. 


AvrvM intexere in Asid invenit Attalus rex. 

« C’est en Asie que le roi Attale trouva l’art d’insérer 
» des fils d’or dans les tissus. » 

T’art de mêler les dorures aux tissus , aurum intexere, 
ayant eu uné application aussi nette que précise dans 
l’éroffe scutulée du numéro V, nous pouvons la citer 

- ici comme un beléchantillon de ce travail des anciens ; 
car on y trouve des oiseaux, des lièvres et des fleurons 
tissus et brochés en fils d’or, les oiseaux occupant le 
champ des écus polygones, et les lièvres avec les fleu- 
rons, les intervalles des mailles à réseau ou écus. 

Mais je ne dois pas me borner à cette simple indi- 


140 SUR LA COMPOSITION 


cation ; car, d’après l’examen le plus suivi des différens 
états où se sont trouvées ces dorures, soit celles qu’on 
a lieu d'admirer sur les éoffes scutulées , soit celles qui 
servoient à enrichir les galons dont nous avons parlé, 
il nous a été facile de reconnoître que les fils dorés 
étoient composés chez les anciens Français comme dans 
les fabriques de Lyon et de Paris : ces dorures con- 
sistoient , 1°, en un fil de laine ou de soie fort fin; 
2°, en une lame d’argent dorée, tordue sur la base du 
fil de laine. Effectivement dans un grand nombre d’é- 
chantillons des étoffes scutulées ou des galons larges 
et étroits, on voit l'argent à découvert par l’enlèvement 
de la lame d’or, et quelquefois le fil de laine entière- 
ment dépouillé de la lame d'argent; ce qui prouve in- 
contestablement que les anciens avoient trouvé les 
moyens de recouvrir les lames d’argent avec l’or, et de 
filer cette association des deux métaux en lui donnant 
le degré de finesse convenable, pour revêtir ensuite par 
un tordage ménagé les fils de laine ou de soie. Si le 
roi Attale , dont parle Pline, n’a pu insérer les fils dorés 
dans les étoffes qu’il faisoit fabriquer, qu’après avoir 
ainsi préparé les fils, il s'ensuit qu’il a dû trouver à 
peu près les mêmes manœuvres dont nous faisons usage. 
Dans ce cas il mérite notre reconnoissance; car’il est à 
croire que ses découvertes seroient parvenues jusqu’à 
nous au moyen de l’art des tissus chargés de dorures, 
lequel a dû traverser sansinterruption la longue suite des 
siècles qui nous sépare de ce roi ami des arts et indus- 
trieux lui-même. Voyez ci-après la note sur /es dorures. 


DES ÉTOFFES ANCIENNES. 141 


Cinquième passage. 


Je terminerai cette suite de passages par celui qui 
m'a paru le plus intéressant et le plus mal traduit. 

Plurimis vero lLiciis texere , quæ polymita appellant, 
Alexandria instituit : scutulis dividere Gallia. 

« Les tapisseries exécutées par les tisserands , et dont 
» les dessins se font par des laines de différentes cou- 
» leurs, disposées chacune suivant la nature du dessin, 
» ont été inventées à Alexandrie. Les étoffes à mailles 
» sont une invention des Gaules. Poinsinet. » 

Je vois que tout est vague dans cette traduction ; il 
n’est pas possible de paraphraser le texte précis de 
Pline d’une manière aussi obscure et aussi éloignée du 
véritable sens. Pline ne parle d’abord ici que de l’in- 
vention des lisses multipliées à un certain point pour 
le tissu des étoffes à dessins courans , que nous devons 
aux Grecs d'Alexandrie ; ensuite de l’usage qu’en fai- 
soient les artistes Gaulois dans la fabrication des étoffes 
enrichies de dessins scutulés ou divisés par écus po- 
lygones. j 

On voit aussi clairement que Vintention de Pline 
étoit de nous indiquer l’application du jeu de plusieurs 
rangs de lisses au travail de métiers horizontaux et aux 
étoffes enrichies de dessins. Cependant ce que les tra- 
ducteurs ajoutent n’indique nullement les opérations des 
lisses. Tel est l’emploi des aires de diverses couleurs 


142 SUR LA COMPOSITION 


qui ne se trouve pa dans le passage dont il est ques- 
tion, à moins qu’on n’ait cru voir ces détails dans 
Polymita, qui, à le bien prendre, ne signifie rigou- 
reusement qu’un équipage à plusieurs rangs de lisses, 
et ne peut être considéré comme indiquant ou des chaînes, 
ou des trames, ou leurs couleurs. 

Je trouve d’ailleurs fort étonnant que les traducteurs 
fassent exécuter les tapisseries par des tisserands, sans 
qu’il soit fait mention dans Pline ni de ces étoffes ni 
de ces ouvriers; car je ne vois aucune expression dans 
Pline qui autorise cette interprétation. Quoique cet au- 
teur emploie les mots £exere et Liciis, il ne détermine 
pas la sorte de tissus que les Grecs exécutoient par ces 
moyens. Cependant il paroît plus probable que les lisses 
étoient appliquées aux tissus qui.se fabriquoient sur 
des métiers horizontaux : malgré cela je pense que sans 
exprimer ici les tapisseries à métiers verticaux, ni les 
les autres étoffes à métiers horizontaux, on devoit se 
borner à indiquer le simple travail des lisses, et les 
modifications que pouvoit opérer leur emploi dans 
les chaînes. Ici le traducteur ne devoit voir dans ce mot 
diciis que les moyens de- soulever successivement les 
différentes parties des chaînes, soit qu’elles appartinssent 
aux tapisseries, soit qu’elles fissent partie des étoffes 
montées sur les métiers horizontaux, et toujours de 
manière que les trames pussent s’introduire entre les 
parties soulevées ou déplacées. 

Les traducteurs ont effectivement mal interprété le 
mot polymita, qui, comme nous l’avons dit, signifie 


DES ÉTOFFES ANCIENNES. 143 


un équipage à plusieurs lisses; car ils l’ont consi- 
déré comme po/ymitarius , qui, suivant certains com- 
mentateurs et l’ancienne Encyclopédie , est un ouvrier 
qui travaille sur des Zlaines de différentes couleurs ; 
pendant que Pline n’a eu en vue que d’indiquer le mot 
grec qui exprime un assemblage de plusieurs lisses. Je 
le répète, ces lisses sont des lacs qui soulèvent certains 
fils de la chaîne, et contribuent à en déterminer une 
combinaison quelconque avec ceux de la trame. 

Si l’on a bien compris cette définition de #nitos ou de 
licium, Von pourra suivre sans aucune difficulté les 
différentes descriptions de chacune des étoffes où figure 
le travail des lisses, et de plus, reconnoître l’abus qu’on 
a fait des mots polymita ,polymitus,polymitarius, dans 
plusieurs dictionnaires ,en les considérant comme appar- 
tenant à la broderie.Car polymitus a été pris pour untissu 
de fils à couleurs changeantes , et polymitarius pour un 
brodeur, pendant qu’il ne peut êtreinterprété que comme 
signifiant un ouvrier travaillant sur un métier À plu- 
sieurs lisses. C’est aussi par une semblable confusion 
de mots et de choses qu’on trouve dans certains dic- 
tionnaires licium interprété par le mot frame. 

On peut considérer aussi polymitus comme indiquant 
un broché , à quoi le jeu des lisses convient merveil: 
leusement ; car le broché est le produit d’une trame 
particulière portée par un espoulin , qui se meut suivant 
un certain système de dessin particulier auquel les lisses 
sont assujéties; au lieu que le travail de la broderie 
n’est point réglé par les lisses ni coordonné par elles. : 


144 SUR LA COMPOSITION 


D’après toutes ces considérations, je traduis ainsi ce 
passage de Pline : 

« La ville d'Alexandrie a établi sur les métiers les 
» moyens de tisser à plusieurs rangs de lisses; ce que 
» les Grecs ont désigné depuis sous le nom de polymita ; 
» et dans les Gaules, on a imaginé de diviser le travail 
» des lisses par dessins scutulés ,; ou par dessins dis- 
» tribués en écus polyzones. » 

Tous ces détails sont clairs et précis, et ont une ap- 
plication facile à l’étoffe ancienne que nous avons dé- 
crite sous le numéro V ; il nous suffira, pour la faire 
connoître, d'exposer les différens moyens qui ont été mis 
en œuvre pour exécuter les dessins intéressans qui figu- 
rent dans cette étoffe. Je vois d’ailleurs que le travail 
des lisses avoit d’abord été appliqué par les Grecs 
d'Alexandrie à des dessins courans, et que dans les 
Gaules on avoit divisé les opérations de ces lisses au 
moyen de dessins coupés et distribués par écus poly- 
gones; scutulis dividere Gallia invenit. Je le répète, 
ce mot dividere indique clairement que des dessins 
coupés y étoient exécutés au moyen du déplacement de 
certaines parties des chaînes par les lisses. 

Les traducteurs ont pris dans le dictionnaire de Boudot 
sur le mot scutulatus l'interprétation d’étoffe à mailles; 
mais il me paroît qu’ils n’en ont pas compris le véri- 
table sens, et qu’ils ont confondu la maille à tricot avec 
la maille à réseau; j'en juge par les notes qu’ils ont pla- 
cées au bas du texte , et où il est dit que cette expression 
indiquoit l’origine du tricot; ils n’ont pas vu que 


DES ÉTOFFES ANCIENNES. 145 


maille devoit signifier ici des dessins distribués à la 
surface des étoffes, et coupés par mailles semblables à 
celles des filets. L’équivoque, au reste, que le mot 
maille pourroit occasionner , fait que je voudrois y 
substituer le mot scutulés ou à écus polygones ; et d’ail- 
leurs je crois qu’il conviendroit d’ajouter à ces dési- 
gnations le mot dessin ; ainsi je crois qu’il convient de 
traduire scutulatus textus, ou simplement scutulum 
par étoffe à dessins scutulés ou distribués par écus 
polygones. Au reste, je renvoie ce qui les concerne à 
la description raisonnée des deux étoffes numéros V et 
VI, ainsi qu'aux dessins qui ont pour objet de faire 
connoître la distribution des écus à la surface de ces 
tissus intéressans. Voyez planches II et III, où ces 
dessins sont figurés. | 


TROISIÈME PARTIE. 


État de l’art des tissus dans Les Gaules, et dont Pline 
a conservé la mémoire et les procédés. « 


APRÈS avoir mis sous les yeux de ceux qui s’inté- 
ressent à l’histoire de l’art des tissus chez les anciens , 
_ les passages de Pline qui présentent avec autant de 
clarté que de précision leurs divers procédés les plus 
intéressans , et avoir montré leur application dans les 
étoffes scutulées des numéros Vet VI, je crois qu’il con- 
vient de rapprocher ici tous les faits qui prouvent que 
Ja fabrication des #issus scutulés étoit établie dans les 

1806. Second semestre. 19 


LD 


146 SUR LA COMPOSITION 


Gaules à l’époque où Pline écrivoit sur les laines ; et 
comme les étoffes décrites par Pline se sont retrouvées 
dans les tombeaux de Saint-Germain, il s'ensuit que 
cette industrie s’y étoit maintenue jusqu’au temps où 
les prélats y ont été inhumés. 

Je trouve d’abord que quant au choix des laines 
propres aux étoffes les plus riches, les environs de 
Pezenas dans la province narbonnaise, fournissoient 
des toisons semblables à celles dont la ville de Sa- 
lacia en Lusitanie faisoit un emploi très - renommé 
dans les zissus scutulés; et quam Salacia scutulato 
textu commendat in Lusitania, similis circà Piscenas 
provinciæ narbonensis. 

Si nous passons ensuite à la fabrication des tapis 
anciens enrichis de différentes couleurs, nous verrons 
Pline comparer le travail des Parthes à celui des Gaulois, 
quant à la méthode dont ces deux nations faisoient 
usage pour distribuer les couleurs sur ces étoffes, et 
ce célèbre observateur assigner pour cette opération dé- 
licate aux artistes Gaulois un rang aussi distingué qu’à 
la nation des Parthes qui étoit au centre des arts en 
Asie; aliter hæc Galli Pingunt, aliter Parthorum 
gentes. 

Enfin, lorsque Pline expose les manœuvres des Grecs 
Alexandrie dans la fabrication des étoffes les plus 
riches, et tissées par le jeu de plusieurs rangs de lisses 
sur des métiers horizontaux, les Gaulois y figurent à 
côté des artistes grecs, comme ayant perfectionné le 
beau travail des étoffes scutulées, en divisant les dessins 


D 


DES ÉTOFFES ANCIENNES. 147 


dont on les enrichissoit par écus polygones ou circu- 
laires , ou enfin par coupes symétriques ; scutulis di- 
videre Gallia invenit : et c’est ce travail que nous 
trouvons exécuté avec le plus grand succès dans les 
‘étoffes numéros V et VI. Voyez les dessins: 

Tels sont les faits les plus intéressans que nous trou- 
vons dans Pline à avantage de l’industrie Gauloise, 
et dont j’ai trouvé la confirmation dais les ‘étoffes 
‘scutulées que les tombeaux de Saint-Germain- des-Prés 
nous ont conservées. 

Ilen résulte sur-tout 1°. que la fabrication de ces étoffes 
étoit très-perfectionnée dans les Gaules ; qu’en second 
lieu, certaines laines, et particulièrement celles de la 
province narbonnaïse, y étoient distinguées et choisies 
comme très-propres au travail des tissus les plus riches, 
qualités qu’elles ont conservées jusqu’à nos Jours 9e; 
que la réputation des produits de l’industrie Gauloise 
s’étoit étendue jusqu’à Rome, où Pline, qui y rédigeoit le 
précis des procédés et des manipulations en usage dans 
ces ateliers ,avoitété instruit que des changemens avanta- 
geux dans la distribution des dessins dont on enrichissoit 
les plus belles étoffés avoient été faits dans les Gaules, 
où l’on avoit substitué aux dessins courans les dessins 
scutulés ou à écus polygones ; sans doute parce qu’ils 
s’exécutoient plus facilement par la répétition du jeu 
des mêmes lisses, tant sur la largeur que sur la lon- 
gueur desttoffes. 

Je terminerai ces réflexions par une considération qui 
m'a toujours frappé. Il est incontestable que nous 


148 SUR LA COMPOSITION 

n’aurions pas trouvé dans les tombeaux de Saint- 
Germain les étoffes que nous avons fait connoître, si 
Jart de ces tissus n’eût pas été établi dans les Gaules 
au degré de perfection que Pline nous indique, et à 
cette même époque où il écrivoit; et si d’ailleurs cet 
art ne se fût pas soutenu sur les mêmes principes jus- 
qu’au temps où les personnages ensevelis à Saint- 
Germain ei ont réuni les produits nombreux et inté- 
ressans que nous avons recueillis et décrits avec le plus 
grand soin. Voyez les notes et les dessins. 


QUATRIÈME PARTIE. 


Je me propose de décrire dans cette partie, suivant 
les principes de Part des tissus, trois sortes d’étoffes, les 
deux premières que j’ai annoncées déjà sous les n°5 V 
et VI , et qui sont sèutulées. Dans le n° VII j’ai parlé de 
deux systèmes d’étoffes gauffrées que je vais décrire 
successivement, et avec l’attention que ce travail cu- 
riéux m'a paru mériter. 


Etoffe de laine | NS, Ve 


J’ar déjà parlé de cette étoffe, en indiquant l’emploi 
qu’on en avoit fait dans l’habillement des personnages 
ensevelis à Saint-Germain-des-Prés , et en insistant sur 
les avantages que j’avois retirés de son examen relati- 
vement à l’intelligence de quelques passages de Pline et 


DES ÉTOFFES ANCIENNES. 449 
.d’Ammien Marcellin. Je vais maintenant tâcher defaire 
connoître plus en détail les principes qui ont présidé à 
sa fabrication. 

Je commence par observer que si l’on en juge par le 
grain du fond de cette étoffe , elle étoit composée d’une 
trame et d’une chaîne de filature fort fine et très-égale. La 
chaîne est à deux brins. Ensuite lorsqu'on passe à l’exa- 
men des parties détachées et saillantes du broché, la 
trame y paroît plus ronde parce qu’elle s’étend sur les 
bords de ces parties, lorsqu’elle s’introduit entre les fils 
de la chaîne par le jeu des lisses ordinaires. 

Outre ces parties du fond du tissu remarquables par 
les effets dont je viens de parler, des espoulins chargés 
de fils en dorures ont fourni au broché de certaines par- 
ties de dessins assujéties à des lisses particulières. Ce 
sont des oiseaux renfermés dans les écus poligones, puis 
des lièvres et des fleurons aussi en dorures dans les inter- 
valles de ces écus 

Les assemblages de ces fils dorés sont aisés À suivre au 
milieu des autres parties du fond exécutées par la trame 
ordinaire. Il est aisé de voir que le travail des parties 
du dessin brochées n’a pas plus détendue que les figures 
des oiseaux , des lièvres et des fleurons en dorure, et 
que le tissu ordinaire de la trame s’y termine fort régu- 
lièremerit et sans interruption sensible ; enfin sans que 
l’uniformité du grain de l’étoffe en soit aucunement 
altérée. : 

On peut cependant distinguer dans ces te de 
l’étuffe le passage de la trame de lendroit à Penvers, 


«150 SUR LA COMPOSITION 

et surtout de celle qui a été fournie par les espoulins, 
de manière qu’il en résulte un tissu uniforme tant par 
le travail de la navette chargée de la trame ordinaire , 
que par l’espoulin chargé de la dorure. On voit aussi à 
la première inspection de l’étoffe que les fils des dorures 
quoique introduits séparément des autres parties du 
dessin , ont'exactement la même direction que les fils de 
la trame ordinaire qui ont servi à tracer les contours des 
écus poligones , et que ceux qui en enrichissent le champ 
ou les intervalles. Ce double travail des lisses est telle- 
ment uni ensemble qu’il ny subsiste, comme nous l’a- 
vons déjà observé , aucune interruption entre le broché 
et les parties du fond de létoffe environnantes. Ainsi 
voilà la division des doubles rangs de lisses bien établie 
dans l’étoffe dont nous faisons l’examen , et en même 
temps ce double travail ramené à l’ensemble le plus 
exact et le plus précis d’un Zage uniforme. 

Jusqu’à présent je n’ai pas fait mention de la matière 
avec laquelle cette étoffe intéressante a été fabriquée. 
Cependant plusieurs raisons m’engagent à faire remar- 
quer ici que cette étoffe est tissue en laine. Le principal 
motif est le rapprochement des différentes qualités de 
cette étoffe avec ce qui concerne l'emploi des laines par 
les artistes anciens, et dont Pline fait mention dans le 
quarante-huitième chapitre de son livre VIII. 

: D'abord si l’on considère la matière première de cette 
étoffe on la trouve, quant au brin et quant à la filature, 
d’une finesse qui paroît autoriser les détails étonnans 
dont Pline nous entretient dans ce chapitre, et dont 


DES ÉTOFFES ÂNCITENNÈS. 151 


l'étoffe que l’on a trouvée dans un des tombeaux de St. 
Germain-des-Prés est le commentaire le plus naturel. 

Premièrement Pline nous apprend que c’étoit à la 
quenouille et au fuseau que les plus habiles mains fi- 
loient les laines propres à la fabrication des étoffes les 
plus riches; et si j’en juge par les. manœuvres de filature 
que j’ai trouvé employées par les femmes de Naples et 
des environs, on se servoit.de fuseaux qui avoient la 
forme de bobines un peu allongées , et auxquelles on: 
communiquoit le mouvement en les roulant sur un plan 
un peu étendu pour leur donner la volée. | 

Dans l’examen des fils qui font partie du tissu de 
l’éroffe scutulée, il m’a paru qu’il n’y entroit guères plus 
de deux brins ; que le tors en étoit très-ménagé ; en 
sorte qte les fils tant de la chaîne que de la trame s’as- 
socioient fort aisément dans le tissu dont le grain ne 
s’étoit arrondi qu’à mesure qu’on en frappoit l’assem- 
blage sur le métier. J’ai reconnu d’ailleurs que les fils 
qui entroient dans le fond de l’étoffe étoient filés sur un 
système fôrt différent de celui qui avoit réglé la filature 
des fils destinés aux dessins. Ces derniers ont été incon- 
testablement filés plus tors que les premiers , à en juger 
par la netteté de leur grain et par la précision avec la- 
quelle les différentes figures d’animaux ou les fleurons 
se détachent du fond. Je dois répéter ici que la filature 
du fond est de la plus grande finesse et de la plus belle: 
égalité , et qu’enfin son emploi dans le tissu annonce: 
des métiers d’une forte construction et des mains très- 
habiles dans le jeu des lisses des deux ordres. 


152 SUR LA COMPOSITION 


D’ailleurs comme quelques-uns de ces fils étoient des- 
tinés à se charger de la dorure, il m’a paru qu’ils étoient 
moins tors que ceux employés dans les autres parties 
du dessin et des reliefs non dorés. Aussi les oiseaux et 
les fleurons fabriqués avec les fils dorés offrent-ils des 
reliefs plus plats et un grain plus fin malgré la surcharge 
de la dorure. Il seroit curieux de savoir au juste par 
quels moyens les fils qui servoient de base aux dorures 
étoient préparés pour recevoir la lame d’argent Goré, et 
comment cette lame leur étoit appliquée. Je ne doute 
pas au reste que la laine de la qualité de celle dont j’ai 
eu lieu de suivre l’emploi dans létoffe qui n’occupe, 
ne se prêtât aux manœuvres ingénieuses auxquelles la 
soie est soumise dans les ateliers de Lyon et de Paris 
pour recevoir la dorure. 

Si nous jetons les yeux sur notre étoffe scutulée , nous 
apercevrons à sa surface et entre les lisières une suite de 
mailles à réseau ou d’écus poligones régulièrement dis- 
tribués en tous sens , avec des intervalles également uni- 
formes. Nous avons déjà dit que dans le champ de ces 
écus étoient figurés des oiseaux sur la tête desquels on 
voyoitune aigrette fort élevée, mais quine pouvoit guères 
convenir qu’au paon, On y distingue l’œil marqué par 
un point de dorure entouré d’un fond de couleur ordi- 
naire ; outre cela , dans le corps des oiseaux sont tracés 
en dorure plusieurs assemblages de plumages disposés 
sur trois rangées bien distinctes. Les pates sont termi- 
nées par les doigts développés en avant et en arrière. 
Aux deux côtés de ces oiseaux principaux sont de petits 


DES ÉTOFFES ANCIENNES. 153 
oiseaux qui n’ont ni aigrette ni queue élevées; on n° Ve 
distingue que des pieds et des ailes qui se ncient du 
corps. Le reste du champ de l’écu offre un simple tissu 
au milieu duquel toutes les parties brochées que nous 
avons décrites se détachent bien nettement. D'ailleurs , 
nous renvoyons au dessin que mon fils a pris de tous ces 
détails de fabrication avec le plus grand soin. 

Ony verra de même que dans les intervalles des écus 
polygones ona figuré des lièvres courans et des fleurons 
n reliefs de dorures. Les lièvres occupent la partie des 
Shbraes qui correspond à quatre de ces écus, et sont 
très-bien 'AEMES Les fleurons ne sont distribués que : 
dans les ÿ vides ménagés entre deux écus. de 


ju  Etoffe de soie scutulée. N° VI. 


Cerres étoffe scutulée que j’ai désignée ci-dessus comme 
“ayant serviaux mitres des abbés, est un fond de soie à 
simple. tissu., enrichi, d’u un fort grand dessin exécuté 
- comme dans l’étoffe précédente au moyen des lisses, Ce 
dessin m’a paru surtout fort important pour faire con- 
noître les principes d’après lesquels on rédigeoit les des- 
sins scutulés relativement à leur exécution sur le métier. 
L’on peut y distinguer aisément trois parties fort rema-- 
quables dont je m’attacherai particulièrement à décrire 
les différentes formes qu’on pourra suivre sur deux des 
quatre planches jointes à ce mémoire. 
 J'observerai d’abord que la chaîne de cette étoffe 
‘st une soie jaune aurore et brillante ,etqu elle a servi 
à figurer les différens reliefs du dessin qui se détachent 
1806. Second semestre. 20 


ME 


» 


154 SUR LA COMPOSITION 


du fond et qui produisent un assez bel effet. Quant à la 
trame ilest aisé de voir qu’elle est composée de la mème 
soie plus fine et plus tordue. 

La première partie du dessin qui figure sur cette étoffe 
consiste en cercles concentriques ; dont les intervalles 
sont remplis d’un système de fleurons courans , mais in- 
terrompus dans certaines parties , comme on le voit dans R 
tous les dessins qui appartiennent aux étoffes scutulées. 
Tous ces fleurons sont distribués sur une largeur assez 
considérable pour que les fils de la chaîne qui ont obéi 
aux lisses aient pu se montrer d’une manière nette et 
précise , et en tel nombre qu’il en soit résulté des traces 
sensibles et agréables. D'ailleurs, outre les fleurons on- 
dulés on remarque des encadremens d’un fort bon effet 
et formés de même par les circonférences des cercles 
concentriques. 

Si nous passons à la seconde partie du dessin qui nous. 
occupe , nous la trouverons dans les objets renfermés 
dans le champ du cercle intérieur des deux concentri- 
ques dont nous avons parlé. Ce sont les figures de deux 
oiseaux dont la queue, les ailes et les pieds groupés et 
distribués symétriquement ont été dessinés sous autant 
de coupes différentes , de manière que les systèmes de 
fils qui devoient les tracer en relief aient pu les faire 
sortir comme il convenoit à leur ensemble. Outre cela, 
les intervalles qui sont ménagés entre les deux figures 
d’oiseaux ont été remplis par quelques fleurons symé- 
triques qui font variété. 

Ces oiseaux sont des perroquets, autant qu’on en peut 


DES ÉTOFFES ANCIENNES. 155 
juger à leur bec crochu et à leurs quatre doigts dirigés 
deux en avant et deux en arrière. 

Si nous examinons maintenant la troisième partie du 
dessin scutulé qui nous occupe, laquelle remplit les vides 
qui se trouvent entre les quatre cercles concentriques 
que nous avons décrits ;.ce sont autant de systèmes d’a- 
rabesques sous formes pyramidales , distribués dans ces 
grands vides et qui les remplissent entièrement : ces 
pyramides ont pour bases des carrés groupés ensemble 
et qui s’appuient sur un seul et même centre. C’est de 
ce point que tous les cercles ont été décrits ; d’où il ré- 
sulte que toutes les parties du dessin de la seconde étoffe 
scutulée présentent un grand ensemble et le plus singu- 
lièrement symétrique qu’il soit possible de.le figurer ; 
et l’on peut juger par ces détails de l’effet que la réunion 
de ces parties doit produire sur le fond de Pétoffe. 

Je dois faire observer cependant que malgré cet en- 

_ semble toutes les parties dw dessin ont été coupées et 
“scutulées d’une manière fort adroite et pleine d’intelli- 
‘gence. On peut remarquer d’abord que les oiseaux dont 
‘la queue, les ailes et les pates remplissent le champ des 
écus circulaires ; s’y présentent sous autant de coupes 
‘différentes ; qu’il en est de même des fleurons qui ré- 
gnent entre les cercles concentriques et dont les ondes 

courantes sont interrompues par certains intervalles 
très-sensibles ; enfin que de semblables coupures ont 
lieu dans chacun des systèmes pyramidaux d’arabesques. 

L’exécution d’un tel dessin sur l’étoffe scutulée qui 
nous occupe , et figuré avec soin par mon fils, met en 


156 SUR LA COMPOSITION 


évidence les principes qui dirigeoient dans les Gaules et 
ensuite en France les fabricans par rapport aux {dessins 
dont ils enrichissoient leurs étoffes, lesquelles consis- 
toient particulièrement , suivant Pline (scutulis divi- 
dere), à en couper les différentes parties sans en dé- 
truire la liaison et les rapports quant à l’effet. 

Je passe maintenant à ce qui concerne l’adresse des 
dessinateurs dans l’établissement de la symétrie au 
milieu de la distribution des objets décomposés par les 
coupures , comme je l’ai fait voir ci-dessus. Je puis rap- 
peler ici les oiseaux qui remplissent le champ des cercles 
concentriques , dont les têtes , les ailes , les pates et les 
queues se correspondent de chaque côté et présentent des 
détails symétriques qui suffisent pour nous donner 

une idée des vues de tous les dessinateurs de ces temps 
| reculés. | 

Effectivement la symétrie dans les dessins propres 
à être exécutés sur les étoffes renferme plusieurs avan- 
tages qu’il est facile de faire connoître. Je dis d’abord 
que les dessins symétriques ont plus d’éclat et frap- 
pent plus agréablement par les retours que les dessins 
vagues et même courans. D’ailleurs ce qui est fort im- 
portant, c’est que ces dessins sont plus aisés à lire et à 
tracer sur le métier par les lisses. On sent facilement que 
la première partie d’un dessin symétrique étant lue ou 
exécutée , l’autre correspondante se lit et s'exécute de 
suite en reprenant les lacs dans un ordre renversé , 
ou, ce qui est équivalent, en retournant le jeu des 
marches , etc. 


DES ÉTOFFES ANCIENNES. 157 
Lorsque je suis entré dans ces détails relatifs aux divi- 
sions scutulées et symétriques des dessins, je me pro- 
posois de montrer les différens degrés de perfection que 
les artistes qui présidoient à la fabrication des étoffes 
chez les Gaulois et ensuite chez les Français , avoient 
mis dans la préparation du travail des tissus , et d’insis- 
ter sur des moyens que nous avons peut-être trop RE 
nous-mêmes, 


 Etoffe hs de. N° VII. 


J 5: dé) à Hi des vues générales et dés principes quiont 
dirigé la fabrication de cette étoffe singulière. Effective- 
ment , pour peu qu’on l’ait examinée , il est aisé de voir 
qu’elle a pour base une chaîne composée de fils à deux 
brins , assemblés au moyen d’une trame d’une grande 
finséd. Ainsi ; lorsque le système des tissus a été soumis 
au gauffrage ,ilen est résulté une étoffe qui présentoit sur 
ses deux faces des parties Ssaillantés formées par les suites 
des fils de la chaine pliés et fort découverts, attendu 
que la trame se montroit foiblement sur cette base. Et, 
comme ;, pendant le séjour que ces tissus ont fait dans les 
tombeaux, cette trame ne s’est pas conservée aussi-bien 
que la étre ; il n’est pas étonnant qu’ils soient décom- 
posés à un certain point. 

Nous finirons par observer ici non-seulement que le 
gauffrage étoit une opération très-remarquable dans cette 
étoffe ancienne, mais encore que le système de tissu 
imaginé pour en recevoir les impressions étoit très-i agé 
nieux et méritoit notre attention. Effectivement après 


158 SUR LA COMPOSITION 


avoir fait connoître en général la composition de cette 
étoffe , il me reste encore à parler des moyens qu’on a 
dù employer pour exécuter le gauffrage tel qu’on peut le 
reconnoître. Pour en prendre une juste idée, il suffit 
de jeter les yeux sur un gauffrier, suivre les parties 
saïllantes du moule propres à former les creux dans la 
pâte d’un côté , et de l’autre un enfoncement qui main- 
tienne la même pâte : car le travail , d’un côté, ne peut 
pas se terminer sans être soutenu par une lame corres- 
pondante de l’autre. Je ne vois maintenant, d’après 
toutes ces .suppositions aucune difficulté d’opérer avec 
avantage toutes les impressions en creux, et les reliefs 
dans les parties opposées au moyen d’un certain degré 
de chaleur qu’on communiquoit aux planches du gauf- 
frage, outre cela de rendre ces impressions durables au 
moyen d’un prompt refroidissement, et même d’un cer- 
tain gommage dans létoffe primitive. 

J'ai remarqué enfin que les parties saillantes produi- 
soient à la surface de l’étoffe un effet fort agréable , en 
rendant la couleur des fils de la chaîne avec un certain 
éclat, et surtout par le contraste et lopposition des 
mêmes fils pliésen creux et offrant un fond fort sombre, 


DÉS ÉTOFFES ANCIENNES. 159 
APPENDICE. 


I. Tapis des anciens. — Choix des laines que les anciens 
faisoient entrer Le leur composition, suivant Pline. 


IL. °T, apisseries, des anciens. — Systèmes de leurs tissus rela- 
tivement aux ornemens dont on les enrichissoit, comme 
Virgile nous l’apprend. 


T. . Tapis des anciens. 

Quoique la fabrication des tapis anciens n’entre pas 
dans mon travail sur les étoffes qu’on a extraites des 
tombeaux de Saint-Germain - des - Prés , les réflexions 
que m’a donné lieu de faire sur ces tapis le second pas- 
sage de Pline, qui a pour objet le choix des laines propres 
à former le poil de ces tissus, j’ai cru qu’il convenoit 
d’en rappeler les qualités, et d’en suivre l’emploi fort 
avantageux qu’en faisoient les fabricans.de Rome. La 
_ laine ferme et à gros sc brèr ,nous dit Pline, esf connue 
anciennement comme f] A opre aux tapis en leur don- 
nant beaucoup de grace et d'éclat. 

Effectivement , ayant examiné avec soin les tapis de 
la Savonnerie et suivi leur fabrication , d’après les vues 
que m’avoit inspirées le passage de Pline que je viens de 
rappeler, j’ai reconnu que les laines qui servoient à en 
former le poil étoient d’autant plus fermes qu’elles of- 
froient un brin plus gros et plus dur, de sorte que les 
trames à trois fils qu’on y employoit pour bordure d’une 
grande pièce de tapis d’un prix considérable , me présen- 


160 SUR LA COMPOSITION 


toient un poil d’une grande force et ressort , pendant que 
d’autres laines fines à neuf fils qui composoient à peine 
une trame équivalente, quant au volume, dans l’inté- 
rieur de la pièce, n’offroient qu’un poil fort doux et 
sans aucun ressort sous les doigts. Il n’est donc pas 
étonnant que ces beaux tapis d’un grand prix se dé- 
chirassent très-promptement et perdissent leurs cou- 
leurs sous les fauteuils des sallons. J’ai remarqué fré- 
quemment, ces accidens chez les riches propriétaires 
avant la révolution, pendant que les tapis du Levant, 
où la fabrication s’exécute sur les principes des anciens, 
attestés par Pline, se soutenoient intacts très-long-temps 
et conservoient leurs belles couleurs. 

Ainsi, d’après les détails que nous trouvons dans 


Pline, il paroît que les anciens faisoient la plus grande 


attention à la qualité des laines qu’ils employoient dans 
leurs tapis, et qu’ils en soignoient le choix beaucoup 
plus que nous , surtout relativement au poil de ces tapis: 
cette méprise de notre part me paroît avoir pour prin- 
cipe l’erreur où nous sommes , que les masses des par- 
ties colorées dans les dessins exigeoient l’emploi des 
laines fines, comme recevant plus aisement les couleurs, 
sans penser qu’elles ne donnoient aucun éclat vif dans 
la trame. | 

Je connois trois sortes de tapis quant au système de 
fabrication et aux méthodes de l’emploi des laines en 
trames, lesquelles servent aux ornemens de ces tapis. 
J'ajoute que les qualités des laines indiquées par Pline , 
conviennent également à ces trois sortes. 


LA 


4 DES ÉTOFFES ANCIENNES . 161 


La première a pour base un fort canevas de toile, 
qu’on recouvre à l'aiguille par des laines à gros brin, 
et teintes de manière à pouvoir exécuter différentes 
parties d’un dessin. On.en fabrique ainsi dans le Levant, 
en Perse, et en France à Aubusson ; mais l’étoffe qui 
nous vient du Levant est beaucoup plus parfaite que 
celle de France quant aux choix des matières , et quant 
au travail : je distingue bien cette sorte de celles qui 
se travailloient autrefois en Perse, mais qui étoient 
exactement les produits d’une broderie en soie exécutée 
par les femmes sur des fonds qui différoient des canevas. 

La seconde sorte est un tissu à chaîne verticale et à 
trame en poils coupés. Il s’en fait dans le Levant , à la 
Savonnerie, et à Aubusson. 

La troisième sorte est une étoffe qui se fabrique sur 
un métier horizontal comme nos moquettes : c’est un 
poil plié seulement. On ne peut douter que les Gaulois 
et les Parthes, dont il est fait mention dans Pline, 
n’aient adopté quelques-unes de ces trois sortes de fa- 
brication dans le travail des tapis sur lesquels ils dis- 
tribuoient les couleurs par une méthode particulière et 
au moyen des laines, dont Pline nous fait connoître les 
qualités : car, dans les unes et les autres , la laine rude 
et à gros brin pouvoit être employée avec un égal avan- 
tage. Il y a grande apparence que les Parthes, auxquels 
les Perses ont succédé, avoient adopté la première sorte; 
car nous savons d’ailleurs qu’ils ont fabriqué des tapis 
avec canevas, recouverts en soie et brodés par les 
femmes. D’un autre côté, les Gaulois ont pu choisir la 

1806. 21 


162 SUR LA COMPOSITION 


sorte qui se travaille par une méthode semblable à celle 
de la Savonnerie. 

On me dira peut-être que rien ne prouve que les tapis 
dont il est question dans Pline, étoient des étoffes à 
poils comme sont les tapis de pied de la Savonnerie. 
À cela je réponds que la composition de ces tapis est 
déterminée par la qualité des laines rudes et à gros brin ;, 
comme étant très-propres à donner beaucoup de grace 
et d’éclat à ces tapis : car il n’est pas probable que cette 
sorte de matière ait pu servir à un autre système de 
fabrication. Je me suis donc cru autorisé à considérer 
cette tradition précieuse que Pline nous a conservée 
comme pouvant servir avantageusement à ce beau tra-. 
vail des tapis à poil. Je regrette même que nos artistes 
n'aient pas suivi ces principes sur le choix des laines, 
et n’aient pas donné la préférence aux laines rudes et à 
gros brin. | 

Je vais plus loin encore, et je pense qu’on ne peut 
pas douter que les anciens n’eussent adopté pour la fa- 
brication des tapis, l'usage des chaînes verticales comme 
nous les employons dans nos ateliers de la Savonnerie 
et d’Aubusson : car, suivant un passage de Senèque, 
nous savons que les tissus de toiles du temps où écrivoit 
Posidonius, se fabriquoient avec des chaînes ainsi dis- 
posées. D'ailleurs, les nations sauvages dans différentes 
contrées de la terre ont montré aux observateurs attentifs 
‘qui accompagnoient Cook, cette méthode ancienne 
comme la plus naturelle. Il ne seroit donc pas étonnant 
que l’artde la fabrication des tapis eût conservé cette dis- 


DES ÉTOFFES ANCIENNES. 163 


position primitive des chaînes qui, d’ailleurs , est beau- 
coup plus favorable à l'emploi de la trame en poils coupés. 

J’observe enfin que ce travail des tapis à poil, tel que 
je le suppose d’après Pline, comme ayant existé dans 
les Gaules y sera revenu de nouvelle date, ayant été 
transporté du Levant où il s’étoit conservé, sans doute, 
avec le choix des laines sur lesquelles j’insiste dans cette 
note, 


II. Tapusseries des anciens. 


Iz me paroît convenable de joindre à ce qui concerne 
les tapis des anciens , une anegdote intéressante sur des 
tissus de leurs tapisseries, et particulièrement sur la 
méthode qu’on-suivoit pour y tracer les personnages 
qu’on y faisoit figurer. Je trouve cette anecdote dans le 
vingt-cinquième vers du troisième livre des Géorgiques. 
Voici ce vers: 


ET ee E-re-Ropet-n- UE 
Purpurea intexti tollant aulaea Britanni. 


Le poète dans ce vers nous parle de tapisseries qui 
devoient servir de toiles à un théâtre, et dans le tissu 
desquelles les Bretons qui les levoient étoient figurés 
ainsi que leurs défaites par César. Les mots 27#exti 
Britanni m’ont paru dans ce cas offrir les résultats 
singuliers d’un travail que je retrouve avet plaisir dans 
Virgile , lequel connoissoit si bien les arts des tissus de 
son temps : travail que je suis tenté de comparer à celui 
des Gobelins. Zztexere nous annonceroit donc suivant 


164 SUR LA COMPOSITION 


mes vues, et des personnages brochés ou tracés de toute 
autre manière, au milieu d’un fonds d’étoffe propre à 
renfermer et à détacher ces figures. Je pourrai quelque 
jour donner plus de développement à mes conjectures , 
et d’ailleurs aux preuves que me fournira le même poète. 


Note sur les lisses. 


Ex lisant plusieurs articles de ce mémoire, on sen- 
tira sans doute le besoin de nouveaux éclaircissemens 
sur la disposition et l’emploi des lisses (Zicia). Effec- 
tivement, je ne puis dissimuler ici qu’il ne me reste 
encore sur ces moyens de fabrication quelques points 
assez importans à discuter. Le premier ayant pour objet 
l'intelligence des auteurs latins les plus célèbres : et 
le second , les époques auxquelles les lisses ont été in- 
troduites dans les ateliers des anciens, et y ont été livrées 
à la sagacité et à l’industrie de leurs artistes. 

Ainsi, je trouve, par exemple, dans Virgile, Géorgi- 
ques, livre I®', vers 285, l'emploi des lisses bien déter- 
miné par ces mots , licia telæ addere (monter les lisses 
sur les chaînes). Ce poète prouve par ces trois mots, 
avec autant d’élégance que de précision, combien il 
étoit instruit des principaux préparatifs de la fabrica- 
tion des toiles, et comme il a su rendre les résultats de 
ses connoissances à cet égard ; c’est, je le répète par ces 
trois mots , que Virgile nous apprend que les cultiva- 
teurs fabricans s’occupoient pendant lestemps des pluies 
de l’été à monter Les lisses sur Les chaînes. Ouvrage de 


DES ÉTOFFES ANCIENNES. 165 


patience et d’adresse qui a été méconnu par ses traduc- 
teurs , surtout par /’abbé des Fontaines, qui y substitue 
l’ourdissage des toiles; opération différente quoique du 
même ordre de travaux préparatoires. 

* De même Tibule nous fait connoître l’emploi et la 
disposition des lisses par ce vers, où tout se trouve in- 
diqué plus clairement encore que dans Virgile: 


Firmaque conductis adnectit licia telis. 


Adnectit détermine bien clairement le travail du 
montage des lisses sur les chaînes. Outre cela coz- 
ductis annonce que les chaînes sont ourdies et mises 
sur le métier avant de recevoir l’attache successive des 
fils des lisses. Enfin, je vois que dans les deux poètes 
tela emporte l’idée des chaînes dont on forme la toile. 

Dans les différens articles de ce mémoire il est ques- 
tion de deux sortes d’équipages des lisses : dans le pre- 
mier elles sont montées sur les deux systèmes de fils qui 
composent les chaînes pour opérer leur croisement, 
offrant en même temps les vides où l’on introduit la 
trame par le moyen d’une navette. 11 n’est question pour 
lors que des simples toiles et des tissus d’un grain égal 
et uniforme. 

Le second équipage des lisses est occupé à soulever 
certaines parties seulement des chaînes avec lesquelles 
une trame particulière exécute des dessins distingués 
dun fond de tissu, et qui servent à orner ce tissu. 

Le premier équipage est celui que Virgile et Tibule 


166 SUR LA COMPOSITION 


ont décrit : c’est celui qui a eu lieu dans tous les temps 
pour établir la fabrication du plus simple tissu. Je dis 
Je premier quant aux métiers horizontaux; car Posidonius 
nous apprend qu’il a existé très-anciennement un sys- 
tème de travail bien antérieur à celui de notre temps, 
comme je l’ai déjà dit ailleurs , et avec des chaînes ver- 
ticales dont les fils se croisoient au moyen de lisses 
disposées horizontalement , de la même manière qu’elles 
le font dans les métiers à tapisseries des Gobelins. 

Le second équipage dont l'invention appartient aux 
artistes d'Alexandrie , et qui est composé de plusieurs 
rangs de lisses, est désigné dans Pline par Polymita. On 
en trouvera ci-dessus beaucoup d’applications fort intéres- 
santes ; Ce sont, comme on sait, des assemblages de fils 
qui soulèvent ou abaissent ceux des chaînes , de manière 
à régler leur combinaison avec les fils de la rame. Sion 
comprend bien cet emploi, et cette fonction des lisses, 
on aura une idée nette et précise de ce que les auteurs 
grecs et latins des meilleurs âges, ont voulu nous faire 
connoître par les mots zuitos et Zicium. C’est ce sens 
bien déterminé qu’il ne faut pas perdre de vue ni con- 
fondre avec d’autres parties des métiers , telles que les 
trames ; on sera pour lors en état de suivre les descrip- 
tions des étoffes dans la fabrication desquelles figure 
le travail des lisses, et surtout celles du second équi- 
page. On comprendra fort aisément ces détails si l’on 
jette les yeux sur la planche où j'ai fait représenter une 
étoffe scutulée à écus polygones ; on verra du premier 
coup-d’œil en quoi consiste la découverte des fabricans 


DES ÉTOFFES ANCIENNES 167 - 
Gaulois, indiquée d’une manière si précise par Pline, 
lesquels avoient inventé l’art de diviser Le travail des 
lisses par dessins scutulés ; scuruzis DI7IDERE Gar- 
LIA INPENIT. 

À l’occasion de polymita, on me permettra de rap- 
procher des expressions qui ont de l’analogie avec ce 
mot, et d’en déterminer strictement le sens; ainsi je 
vois que polymitus est un tissu quelconque fabriqué 
sur un métier armé de plusieurs ordres de lisses: de 
même po/ymitarius , son dérivé, nous indiquera un ou- 
vrier travaillant sur un métier à plusieurs rangs de lisses, 
Je ne sais donc pas pourquoi dans Boudot et dans Novi- 
tius on a traduit polymitus par tissu de fils à couleur 
changeante, brocard, broder ; et pourquoi on a pré- 
senté de même polymitarius , sous deux rapports égale- 
ment éloignés de sa véritable signification; le premier 
sous celui d’un ouvrier, et dès-lors c’est un brodeur , et 
le second sous celui des produits de la fabrication , et 
on le fait envisager comme indiquant des étoffes À cou- 
leurs changeantes : toutes interprétations offrant des 
objets étrangers aux lisses et qui n’entrent point dans 
les vues du beau passage de Pline, lequel renferme le 
mot interessant de polymita. C’est en se livrant à 
ces fausses interprétations que les auteurs du diction- 
naire de Boudot ont tout confondu, et même hasardé 
de traduire le mot Zicium par rame. Je le répète, les 
simples érudits, rédacteurs des dictionnaires , ont perdu 
de vue les fonctions des lisses, et n’ont pas resserré 
ce terme dans ses vraies limites, lorsqu'ils y ont cru voir 


168 SUR LA COMPOSITION 


une trame. Je dois le dire, la connoissance de l’art des 
tissus pouvoit seule les garantir de ces erreurs. On doit 
donc sentir maintenant quelle confusion ces fausses in- 
terprétations ont mis dans les idées de nos traducteurs , 
et combien il leur étoit difficile , au milieu de ces mé- 
prises, de saisir les manœuvres des fabrications an- 
ciennes, et de profiter surtout des descriptions de Pline, 
qui est si précis et si succinct dans l'exposition des 
procédés et des moyens adoptés par les artistes de son. 
temps, pour exécuter les diverses distributions des des- 
sins, dont ils enrichissoient les étoffes du plus grand 
prix. 

Ces différentes discussions sur les lisses m’engagent 
à rappeler ici les trois époques remarquables qui con- 
cernent non-seulement leur invention, mais encore leur 
introduction successive dans les ateliers des différentes 
nations industrieuses. La première nous présentera l’é- 
tablissement de ‘plusieurs rangs de lisses sur les métiers 
horizontaux par les artistes grecs d'Alexandrie : car il 
est inutile de parler ici de l’usage primitif des lisses qui 
date de l’invention du travail des toiles, et des temps 
bien antérieurs à notre première époque. 

La seconde époque renferme les travaux de l’industrie 
Gauloise , attestés par Pline et Ammien Marcellin. 

La troisième nous donne ceux de l’industrie française, 
constatés par la description des étoffes conservées dans 
les tombeaux de Saint-Germain-des-Prés. 

J'ajoute ici que les intervalles des trois époques que je 
prolonge jusqu’à nos jours, ont été remplis par une 


DES) ÉTOFFES ANCIENNES. 169 


suite non interrompue de toutes les espèces de fabrica- 
tions , et surtout par celle du travail le plus savant, Je 
présente ici, sous ce même point de vue, le tableau de 
ces trois époques parce qu’il nous offre une partie bien 
intéressante de l’histoire des tissus. 

Je ne puis terminer cette note sur les lisses sans rap- 
peler le passage d'Ammien Marcellin , en le considérant 
relativement à l'emploi des lisses, et surtout pour faire 
figurer des animaux dans les dessins dont on enrichis- 
soit les -étoffes qui servoient de bordures anx habits et 
aux tuniques. 

Ut longiores fimbriæ. tunicæque perspicué. luceané 
varietate liciorum effigiatæ species animalium mul- 
tiformes. Æ 

On voit par là que Pon faisoit, du temps de cet his- 
torien observateur, usage pour franges: et même pour 
tuniques, d’étoffés,y sur lesquelles, par le jeu varié dés 
lisses, on figuroit plusieurs espèces d'animaux de diffé- 
rentes formes, oiseaux et quadrupèdes ; et que tous ces 
ornemens étoientexécutés pour donner plus d'éclat aux 
franges. des habits:et aux tuniques que portoientles per- 
sonnages de distinction. Comme nous :avons retrouvé 
ces tissus intéressans dans les habillémens des prélats 
que renfermoient. les tombeaux de Saint-Germain-des- 
Prés ; ilnous paroît constaté par ces monumeèns que la 
mode décrite par Ammien Marcelin.s’étoit sontenue et 
propagée jusqu’au tempsodiles abbés, dont nous avons 
les dépouilles,, ont vécu en France. fo 


1806. Second semestre. 22 


170 SUR LA COMPOSITION 


Note sur Les dorures. 


Après la longue discussion dans laquelle j’ai cru 
devoir entrer sur la dorure, d’abord, relativement à 
son emploi dans quelques-unes des étoffes que nous 
avons tirées des tombeaux de Saint-Germain-des-Prés, 
et, en même temps, relativement à l’invention de ses 
procédés préliminaires, et à son heureuse application 
dans les tissus par le roi Attale; je ne puis oublier le 
galon d’or trait trouvé au milieu des débris de la ville 
souterraine d’Herculanum. Il est d’or pur et tissu comme 
une toile. Mais comme quelques antiquaires ont supposé 
à cetteoccasion , que les riches étoffes des anciens n’é- 
toient pas fabriquées comme celles des modernes, d’un 
fil d’or ou d’argent très-mince filé sur une trame desoie, 
et qu’elles étoient tissues d’un or pur et sans l’association 
d’aucune autre matière, je crois devoir entrer dans uné 
nouvelle discussion à ce sujet. D’absrd je ne puis dissimu- 
ler qu’ils ne s'appuient surce que Pline , qui nous fournit 
d’ailleurs de quoi soutenir une opinion contraire | nous 
apprend qu’Agrippine ; épouse de Claude, assista au spec- 
tacle d’un combat naval que donna cet empereur, vêtue 
d’un paludamentum tissu d’or pur. Nos vidimus , dit-il ; 
Agrippinam Claudii principis , edente eo navalis prelii 
spectaoulum ;: indutam| paludamento. ‘auro textili 
SINE ALI A MATERTA4. (Lib. XXXIII, cap. 19:) Je 
vois bien que ce passage offre-aux antiquaires dont j’ai 
parlé , le monument le plus remarquable d’une étoffe d’or 
trait, mais je considère aussi que, par lPaddition parti- 


DES ÉTOFFÉS ANCIENNES.) 171 


culière, sine alid materid , Pline indique en même temps 
que dans la plupart des riches produits de l’art des tissus, 
Por se trouvoit employé avec l’association d’autres ma- 
tières. Outre cela, je vois par l’exemple du paluda- 
mentrim dAgrippine que l’aurum textile n’avoit guère 
été travaillé seul que pour la composition de certains 
habits d’apparat plus riches et plus brillans que solides, 
ou de quelques ornemens propres à distinguer les rois et 
les empereurs. Aussi Pline nous rapporte-ildans ces mèmes 
vues que Tarquin l’Ancien avoit porté de son temps 
üne robe d’or, {uricam auream ; d’où je conclus que ces 
irois anecdotes précédentes et quelques autres citées par 
Winkelman , dans son 7’raité de l’art, ne peuvent être 
considérées comme nous annonçant à produits d’une 
fabrication journalière et courante, mais seulement 
comme des tours de forcé rares et singuliers qui ne sont 
pas de nature à écarter les procédés usuels, introduits 
par Attale dans la fabrication des étoffes riches répan- 
dues en Asie et ailleurs, et dont l’usage avoit été adopté 
par les gens riches : procédés introduits et connus, sans 
doute, à Rome où Pline célébroit cette découverte, 
Effectivement, en rappelant le passage de Pline qui 
ma déjà occupé; il n’est facile de montrer que tout y 
établit, que très - anciennement les fils d’or employés 
dans les tissus y étoient associés avec d’autres matières : 
car il est évident d’abord qu’on ne peut faire entrer l’au- 
rum textile dansun tissu qui n’est pas entièrement d’or, et 
à moins qu’il ne soit associé à des lames d’argent , et que 
cette association ne soit établie sur une base qui lui 


172 SUR LA COMPOSITION 


donne la plus grande souplesse et la plus grande flexi- 
bilité : or, c’est ce que nous annoncent , selon moi, les 
deux mots, aurwm inteæere. Mais toutes ces choses. ne 
peuvent être bien saisies que par les personnes qui ont 
l'intelligence de Part des tissus enrichis de métaux pré- 
cieux, et qui ont étudié, soit dans Virgile, soit dans Pline, 
la signification précise d’intexere, et les heureuses appli- 
cations que le poète surtout en a faites. 

Je terminerai cette note en observant que dans la 
longue suite de siècles que nous avons pu parcourir, et 
pendant lesquels l’art des tissus a été cultivé, j’ai ren- 
contré diverses époques qui m’ont offert des monumens 
de l’industrie de plusieurs peuples , lesquels constatent 
que l'or a été travaillé en deux états différens. Le pre- 
mier sous la forme d’or trait ou d’aurum textile, et 
le second sous celle d’or filé : j’ajoute que sous cette 
dernière forme l’art de la dorure a été perfectionné et 
enrichi depuis très-long-temps, et même depuis le règne 
du roi Attale , qui constitue la première époque; ensuite 
vient la seconde avec date du temps de l’industrie Gau- 
loise, dont Pline nous a conservé la mémoire : et enfin, 
la troisième estindiquée par les étoffes tirées des tom- 
beaux de Saint-Germain-des-Prés. Il est donc vraisem- 
blable que les procédés de ce beau travail ont été transmis 
par tradition d’Asie en Europe et sans interruption de- 
puis la première époque jusqu’à nos jours. 

J’en citerai maintenant un exemple qui na toujours 
frappé. On voit, Éneïde, livre V, , depuis le 250 vers 
jusqu’au 257, qu’Énée décora le vainqueur au com- 


DES ÉTOFFES ANCIENNES. 173 


bat naval , d’une cotte d’arme , enrichie d’un tissu doré, 
clamidem auratam , et bordée de deux bandes de la 
plus belle pourpre de Mélibée; que dans ces tissus dorés 
étoit représenté le jeune Ganymède, d’un côté, chassant 
dans la forêt du mont Ida , et, de l’autre, enlevé par 
l’aigle de Jupiter : ixtextusque puer frondosd regius 
Idé , etc. Le poète emploie ici le mot irtextus pour in- 
diquer le travail du fil doré qui enrichissoit le corps de 
Pétoffe de la cotte d’arme, comme ilen a fait usage, pour 
nous désigner les Bretons, inlexti Britanni, figurés avec 
des fils propres aux tapisseries dans les Géorgiques. 

Ce n’est pas un simple tissu fait de laine ou de soie 
propres aux tapisseries, comme dans le vers que j’ai ana- 
lysé à l’article précédent sur lestapis des anciens, mais ce 
sont des fils dorés, et qui peuvent entrer dans le tissu d’une 
étoffe enrichie de métaux précieux, et dont Virgile avoit 
trouvé le modèle dans le travail des artistes de Rome ou 
de Naples. Je le répète , dans les deux passages iztextus 
désigne des matières de nature différente , mais égale- 
ment propres par leur souplesse et leur flexibilité à entrer 
dans le corps d’une étoffe. Dans la cotte d’armes il étoit 
nécessaire que l’or qui y figuroit eût toutes ces qualités, 
comme faisant partie d’une fabrication qui renfermoit 
des franges en bordure de la plus belle pourpre. Ce devis 
de la composition de la cotte d’armes dorée, me l’a fait 
considérer comme une heureuse application de la décou- 
verte du roi Attale : je ne sais si la lecture de Y’irgile 
m’abuse, mais je crois que ce poète étoit parfaitement 
instruit de ce travail de l’or; et ce qui achève de m’en 


174 SUR LA COMPOSITION 


convaincre, C’est la manière claire et précise dont ila 
rendu les procédés de l’art des tissus dans toutes les oc- 
casions où il nous en a parlé. 


Epoques de la fabrication des étoffes dont il est 


question dans ce mémoire. 


Ox dira peut- être que je me suis occupé dans ce 
mémoire de diverses étoffes dont la fabrication appar- 
tenoit à des temps très-voisins du nôtre, par conséquent 
fort éloignés de ceux où vivoient Pline et Ammien-Mar- 
cellin. A cette objection je puis opposer plusieurs raisons; 
je vois d’abord que rien ne peut contrarier les applica- 
tions que j’ai pu faire des procédés de la fabrication des 
étoffes des huitième et neuvième siècles, aux descrip- 
tions de celles de leur siècle que nous ont laissées Pline 
et Ammien - Marcellin. Tous ces détails bien avérés 
m'ont paru prouver que les procédés indiqués dans Pline 
ont conservé parmi les fabricans des deux nations, et 
pendant plusieurs siècles leur activité entière : qu’ainsi 
les deux points de comparaison que j’ai saisis sont tel- 
lement incontestables, qu’on ne peut douter de leur 
correspondance. Je vois de même que les différentes 
manipulations que j'ai fait connoître se sont transmises 
par tradition et sans interruption chez toutes les nations 
civilisées , depuis leur invention et leur première intro- 
duction dans les ateliers; ainsi, parexemple, depuis l’in- 
vention deslisses dansles fabriques d'Alexandrie, leurjeu, 
leurs combinaisons ont de tout temps été adoptées sui- 


DES ÉTOFFES ANCIENNES. 175 


vant les besoins des ouvriers qui les ont connues. C’est 
ainsi que j’aitrouvé dans nos manufactures ces connois- 
sances bien suivies et répandues, de manière que les 
toiles, comme les étoffes chargées de dessins les plus 
compliqués, s’y fabriquoient avec autant de perfection et 
d'intelligence dans les campagnes que dans les villes. 
Ce sont ces considérations qui m’ont empêché de suivre 
toutes les recherches des époques auxquels on devoit 
rapporter le temps précis où les prélats ont été inhumés, 
au cas que les étoffes dont nous nous sommes occupés 
fussent véritablement leurs dépouilles. Toujours sera-t-il 
vrai de dire que les rapprochemens qui n’ont paru si 
intéressans, constatent que dans tous les temps les pro- 
cédés de fabrication ont été assujettis à une suite de 
traditions non - interrompues. C’est ainsi que, par 
exemple, dans une chasuble une frange d’une grande 
largeur servoit de bordure ; exactement comme Ammien- 


Marcellin nous apprend qu’on faisoit usage sur les 
tuniques de ses longiores fimbriæ : j'en conclus enfin 


définitivement que rien ne s’est perdu dans les procé- 
dés des arts usuels et surtout des tissus. 


Considérations définitives sur l’industrie des anciens 
dans lordre des tissus. 


On peut voir par les détails des notes précédentes qu’on 
peut extraire des matériaux intéressans de plusieurs au: 
teurs anciens ; et surtout de Virgile et de Pline, pour 
faire l’histoire de leurs arts, et particulièrement des di£- 
férens systèmes de celui des tissus. Mais pour être 


176 SUR LA COMPOSITION 


éclairé sur tous ces objets d’industrie , pour obtenir des 
lumières sur leurs procédés, j’ai cru qu’il falloit en avoir 
rassemblé depuis long-temps sur l’état des arts en ac- 
tivité dans nos ateliers actuels , de manière qu’il me fut 
facile de raccorder nos opérations techniques avec les 
produits des arts anciens, transmis par tradition suc-. 
cessive de siècles en siècles. 

Tels sont les principes qui ont dirigé la marche que 
j'ai suivie dans cette étude , et qui me l’ont rendue aussi 
agréable que lumineuse. Mais en sentant le besoin de 
ces connoissances préliminaires pour ce travail, je crois 
que je puis également les exiger de mes juges , de ceux 
en un mot qui voudront décider des avantages de mes 
recherches à ce sujet. Je ne ferai cas de leur avis qu’au- 
tant qu’il sera bien éclairé, d’après ces deux vues, que 
je considère comme étant très-liées ensemble , et avoir 
une correspondance très-intime; ainsi, je le répète , 
tous les matériaux que m’ont offerts et que m’offriront 
par la suite les auteurs anciens que j’ai cités , ne seront 
employés avantageusement qu'après qu’on aura pu y 
démèêler les moyens et les ressources qui les raccordent 
avec les procédés modernes, et qu’on sera bien en état 
de trouver dans ceux-ci des copies améliorées ou sim- 
plifiées de ces originaux, ou plutôt après qu’on y a re- 
connu le germe , l’esprit ou l’ébauche de ce qui a reçu 
les plus grands développemens chez nous, tant par la 
suite des temps qui favorisent si singulièrement les dé- 
couvertes, que par la sagacité des artistes , lorsque les 
Gouvernemens éclairés les encouragent. Tels sont les 


DES ÉTOFFES ANCIENNES. 177 


deux moyens qui ont concouru aux progrès des arts, et 
que j’ai suivis avec soin en étudiant les objets qui m'ont 
occupé dans ce mémoire. 

Je passerois les bornes que j’ai dû me prescrire dans 
ce travail, si j’exposois en détail les principaux procédés 
de l’art des tissus sur lesquels j’ai trouvé dans les au- 
teurs anciens des anecdotes lumineuses et instructives , 
car ces écrivains célèbres , sous plusieurs titres , m’ont 
- paru surtout les plus intéressans sous celui de Part des 
tissus. Peut - être après avoir réuni toutes ces notes, 
pourrai - je publier sur les différentes parties de l’art 
entier un ensemble raisonné , qui présenteroit plusieurs 
suites de manœuvres à peine aperçues ou mal indiquées 
par les commentateurs et les traducteurs. 


FIN DU SECOND SEMESTRE DE 1806. 


1806. Second semestre. 23 


here bn sa | 
ne: PR 4 : | Ag NET CEE FC “E ESA 


‘ At à = 


aller 5 LA 1 aie pat + LAS Be 1e ane 


# eye De sant ie ; 


à 1 NE bg: mu 


MIEL 


He 4 Ch “ pas 5 Lu air D AFS 


PERLES OL 


TEE 


LIL > 


DE 


TRE 


A l : 
 ATAQ Deuil à nalles où 


PROPPET OL 
ETCOTTTETOTES] 


RS 


COLOR 


rouen 


LLITRe 
Ps 


LL 
7 


CLS 
TERPEZZ 


pers 
LA, 


7Z 


rte 
PZL 


LCL 
= 
RL 
TR 


22 


7 


TPE TEOD 


AP. 


RL 
LL 
ZZ, 
LIEN, 


PER 


LL 


TE 


2 


CZ 
PAZ 


fl 


mn 0 


Mën: de lot. L'et.22 Sem: de 1806 Pa. y7 Pl 
bien à Zougpolgones ; 


RCE ere Tr QE CETTE EEE IEEE 


772 


CZ 


N) 
(? 


PLATS 


PTE 


ERP 


PT ILPTTE 


rm 111, 


PAZ 
PPAPOOL 


7 
DD 


PTE 


NEC L LL 


de 1806. Lgz7 Pl 2 


£ Sem. 


e «es Ê cut. 


Mem. de l'Inst. L et 2 


Galon ÉA Déférents bjr en 2 


222 


722 


\ 
PR N er 


N2>> 


LL 


TUE 
= _—_ 


Paillet Se. 


a 
S 
& 

Ÿ 

È 

LR 


raser RE 


Mem. de l'Inst. Let 2° Sem. de 1806 lag Pl 2 


Ù, A z 


\\ Ce = LS F = 
N (. 


“ AIRNESS, 


veur et de le fordure des Ie. 


/ 
cé 


7224 22 L 272 


Ze 


2 
De, AP? 
(a € 


Desmarest file 


7] ins = T _ 
Ga lon de de fOrUS flat et Deor'ure 


« 


7 ll. 3 


7 


Mem. de l'Inst. 1. et 2° Sem. de 1806. lag 


de la Mitre 


M, 
V2, 


7 


P 


+ 


47 


Lagyy. Pl. 3 


2 


de 180 


èm 


de Unst, 1. et 225 


Mem 


de lx Mitre 


7/4 


; 
Lo, 
É 


dans Le tissu de VE 


quré « 


7, 


Laurie du dessin L 


4} 


Up 
LUN 
{} 
y} 
1) 
1} 


DLLD 
VÉLO LLC, 
LLC 


Sem. de 1806. Lagz Pl VAR 


e 


. de l'Inst. Let 2 
E- 


Min 
DL 


A2 


Mem. de l'Inst. 1et 2° Sim. de 1806 LayyPl 4 


Partie du depui figure ans le CA de lEtyfe de lo Hire 
: 7 


À 


V77/270 


Dermarerk file 


Ù 
«+ | 
LP 
ch 
LB 


FR