MÉMOIRES
DE LA CLASSE DES SCIENCES
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES
DE
L'INSTITUT NATIONAL
DE FRANCE.
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MÉMOIRES
DE LA CLASSE DES SCIENCES
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES
L'INSTITUT NATIONAL
DE FRANCE.
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SEMESTRE DE 1806.
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TOME SEPTIÈME, PREMIÈRE PARTIE.
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PÂRES.
BAUDOUIN, IMPRIMEUR DE L'INSTITUT.
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GARNÉRY, Libraire, rue de Seine, hôtel de Mirabeau.
NOVEMBRE M. DCCC,. VI.
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Doris une décision de la Classe, ses mémoires
paroîtront dorénavant par demi-volume, de six mois
en six mois.
Le deuxième demi-volume de 1806 sera publié au
mois de décembre.
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DES
ARTICLES CONTENUS DANS CE SEMESTRE.
ÎWanozre sur l'orbite de La comète de 1770, par
M. BuRCKHARDT, page 1
Observations sur lAdonis capensis de Linnœus, par
E.-P. VENTENAT, 66
Etablissement d'un nouveau genre (JosePuiniA),
par le même, 71
, .
Etablissement d'un nouveau genre (GAromERtA}), par
LI
le même, 75
Recherches sur la température de l’eau à son maximum
de densité, par le comte de Rumrorp, V. P. R.S.,
associé étanger, 78
Mémoire sur les causes de quelques maladies qui af-
fèctent les chapeliers, par M. Texow, 98
Considérations sur la matrice d'une femme au huitième
mois de gestation, par le même, 117
Analyse des triangles tracés sur la surface d'un sphé-
roide, par À.-M. LEGENDRE, 130
i TABLE.
Notes sur la planète découverte par M. Harding, par
J.-C. BURCKHARDT, page 162
Seconde correction des élémens de la nouvelle planète,
par J.-C. BuRCKHARDT, 165
Expériences sur l'analyse des graines céréales et légu-
mineuses, pour servir à l’histoire de la germination
et de la fermentation, par MM. Fourcrox et Vau-
QUELIN ; 168
Sur Les comètes de 1784 et 1762, par J.-C. Burex-
HARDT; 223
Troisième suite des recherches sur les lois de l'affinité,
par M. Berrozrer, 229
Mémoire sur les affinités des corps pour la lumière,
et particulièrement sur les forces réfringentes des
différens gaz, par MM. Bror et Araco, 301
HISTOIRE
DE LA CLASSE DES SCIENCES
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES
DE
L'INSTITUT NATIONAL DE FRANCE.
ANALYSE
Des travaux de la classe des sciences mathématiques
et physiques de L Institut national pendant Le second
semestre de 1805 et l’année 1806.
PARTIE MATHÉMATIQUE,
Par M. Drramsre, secrétaire perpétuel.
ASTRONOMTIE.
Sr la moisson a été riche et abondante cette année
dans les sciences naturelles, le z èle des sections mathé-
matiques n’a été ni moins soutenu , ni moins heureux.
1806. A
2, HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
Ceux même de nos confrères qui avoient le plus de droit
à jouir tranquillement d’une renommée acquise par une
longue suite de travaux, n’ont montré ni moins d’ardeur,
ni moins d'activité.
Ainsi , dans la question élevée au sujet de la nouvelle
mesure du degré de Laponie , quand il a fallu découvrir
la cause de l'erreur qui paroît avoir été commise en 1736,
M. Lalande a cherché, dans sa longue expérience , des
faits qui pussent nous mettre sur la voie de l’explication
désirée. Il a rappelé qu’à cette époque on ignoroit en-
tièrement l’usage de la lunette d’épreuve. Cet instrument
si commode et si simple , qu’on en croiroit l’invention
de même date que l’application des lunettes aux secteurs
et quarts de cercle , étoit pourtant plus moderne que
nous ne pensions ; nous en profitions tous les jours ,
comme il n’est que trop ordinaire, sans nous informer
à qui nous en étions redevables. Elle est mentionnée
pour la première fois dans Astronomie de M. Lalande,
édition de 1764. Pour vérifier le parallélisme des lunettes,
Bouguer conseilloit l’usage de deux pinnules , qu’il fal-
loit changer de place réciproquement pour reconnoître
si elles avoient réellement la même hauteur. Lui-même
se servoit d’un moyen plus imparfait, et qui peut , en-
core moins que les pinnules , entrer en comparaison avec
la lunette de M. Lalande , universellement adoptée au-
jourd’hui. On ignore si Graham avoit quelque moyen
à-peu-près équivalent pour vérifier son secteur ; Mau-
pertuis n’en fait aucune mention au chapitre où il
traite des vérifications de cet instrument, et cette né-
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 3
gligence peut expliquer en partie l’erreur qui lui est
imputée.
Cette même mesure du degré de Laponie a fourni à
M. Lalande un second mémoire où il démontre la né-
cessité d’avoir égard à lPapplatissement dans les opéra-
tions de nivellement qui embrassent des distances con-
sidérables.
T'ous les astronomes de Paris s’étoient rendus attentifs
à l’éclipse du 16 juin dernier; c’est encore l’un des
doyens de la classe, M. Messier , à. qui nous avons
l'obligation de la seule observation qui ait réussi. Les
nuages entr'ouverts un instant pour lui seul, lui ont
permis de voir le commencement , qu’il a estimé à 4 h.
52! 43". Il a pu aussi mesurer trois phases , dont il ne
garantit pourtant pas l’exactitude.
Les variations atmosphériques qui nous ont empêché
de voir l’éclipse, ont un peu nui à l’observation du
solstice ; mais comme celle:ci peut être suppléée par les
observations des jours qui précèdent et qui suivent,
nous avons pu en réunir un assez grand nombre pour
y trouver la confirmation de ce que nous observons de-
puis dix ans.
M. Bouvard , digne émule des Messier, des Méchain,
a découvert deux comètes , et il en a calculé les élé-
mens. MM. Biot et Arago ont fait ces mêmes calculs
par la méthode de M. Laplace. M. Legendre n’a pas
manqué de saisir cette occasion de soumettre à de nou-
velles épreuves les formules qu’il a publiées l’année
dernière. Nous faisions remarquer alors qu’il n’est guères
4 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
de méthode qui ne devienne incommode ; ou peu sûre
en certaines circonstances. C’est ce qui est arrivé cetie
fois à celle de M. Legendre ; mais il a trouvé tout aussi-
tôt dans son analyse, des ressources pour obvier à la
difficulté qui n’avoit pas été prévue dans son premier
mémoire, et pour simplifier assez considérablement la
solution générale qu’il avoit donnée du problème.
M. Legendre s’est encore occupé d’une question plus
importante, quoique les applications en soient plus
rares ; son mémoire est intitulé : Ærzalyse des triangles
tracés sur La sphéroïde.
Les premiers astronomes qui ont mesuré la terre avec
quelque exactitude , l’avoient considérée comme une
sphère dont le rayon est d’une grandeur immense en
comparaison des petits intervalles qu’ils se proposoient
d'évaluer. Le plus grand côté de triangle qui soit entré
dans ces opérations n’est pas de 60,000 mètres , et la
différence d’un pareil arc à la ligne droite qui en join-
droit les extrémités , est à peine de deux décimètres ou
d’un trois cent millième. On crut donc avec quelque
raison pouvoir considérer comme rectilignes des trian-
gles dont la courbure étoit si peu sensible.
Dans les dernières opérations où il s’agissoit de dé-
terminer plus exactement la différence entre le globe
terrestre et une sphère parfaite, on poussa l’attention
plus loin. Les triangles formés à la surface de la terre
furent considérés comme des portions fort petites d’une
sphère qui dans toute l’étendue de chaque triangle ses
confondoit sensiblement avec le sphéroïde.
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 5
Cette supposition, moins inexacte que la précédente ,
promet-elle toute la précision que l’on est en droit d’exi-
ger, et puisque c’est un sphéroïde qu’il s’agit de mesu-
rer, pourquoi n’a-t-on pas calculé les triangles comme
sphéroïdiques ? La question est si naturelle qu’elle a dû
se présenter tout d’abord aux astronomes chargés de
l'opération, et à chacun des savans réunis de diverses
parties de l’Europe ; pour examiner et juger l’ouvrage
qui venoit d’être exécuté. Dans l’une des premières as-
semblées de la commission , un savant étranger, M. Tral-
lés , fit remarquer que les bases de Melun et Perpignan
ne pouvoient pas être simplement considérées comme
des arcs qui seroient entièrement dans un même plan,
mais comme des courbes à double courbure. Cette re-
marque avoit été faite par Clairaut, il y a plus de cin-
quante ans ; mais on avoit toujours pensé que l’effet de
la double courbure ne pouvoit devenir un peu sensible
que sur des intervalles plus grands de beaucoup que
ceux qu’il rigus est donné de mesurer directement, et
Von avoit conclu que la considération du sphéroïde ne
feroit que compliquer inutilement des calculs déjà trop
compliqués. En effet le sphéroïde s’écarte de la sphère
bien moins que la sphère elle-même ne diffère d’un plan.
Or la sphéricité des triangles n’introduit dans les calculs
que des termes du second ordre pour les angles , et du
troisième pour les côtés. IL étoit donc naturel de penser
que les termes dépendans du sphéroïde seroient d’un
ordre plus élevé et plus insensibles encore par leur ex-
trèême petitesse. Mais quoique personne encore n’eût
66 miISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
écrit sur ce sujet, on ne doit pas en conclure que l’on se
soit contenté de considérations vagues et d’une simple
probabilité. Ce point se trouvera discuté à Particle cal-
cul des triangles, dans le second volume de la Méri-
dienne , maintenant sous presse; on espère y démontrer
par des considérations fort simples et tout élémentaires,
que la différence entre les angles sphériques et sphé-
roïdiques n’est pas de -= de seconde dans le plus grand
de nos triangles , et que la double courbure ne change
pas d’un centimètre à beaucoup près la longueur du
plus grand de tous nos côtés. Ces résultats sont d’avance
confirmés par la savante analyse de M. Legendre.
PHYsSs:1QUE GÉNÉRALE.
À ces considérations géométriques sur la figure de la
Terre, nous avions voulu faire succéder les recherches
géographiques sur le grand plateau de l’intérieur de l’A-
frique , par M. Lacépède ; sur la Perse et la communi-
tion de lamer Caspienne à la mer Noire, par M. Oli-
vier ; mais ces mémoires appartenant plus spécialement
aux sciences physiques , ont été analysés par M. Cuvier,
et nous passerons au zouveau mémoire de M. Ramond
sur la mesure des montagnes , à l’aide du baromètre.
Nous avons dit , dans la notice de 1805 , qu’il y avoit
à peine —— de différence entre le coëfficient de M. La-
500
place, pour calculer la hauteur des montagnes par l’ob-
servation du baromètre, et celui que M. Ramond a
déduit des nombreuses observations de ce genre qu’il a
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 7
faites dans les Pyrénées. De nouvelles observations ont
fait entièrement disparoître une différence qu’on pouvoit
attribuer à l’incertitude , soit des observations baromé-
triques , soit des expériences anciennes sur le poids de
Vair et du mercure que M. Laplace avoit supposées dans
son calcul. M. Biot a nouvellement répété ces expé-
riences avec des précautions toutes particulières ; il en
résulte que le coëfficient doit être diminué de += à-peu-
près , et l’accord est complet entre les deux méthodes.
D'une part, on voit le géomètre , s'appuyant sur des
faits observés dans un cabinet de physique, en déduire
une règle pour mesurer la hauteur des montagnes ; de
l'autre, un observateur prenant pour base la hauteur
connue d’une montagne , et l’effet qu’elle produit sur
Pélévation du mercure dans le baromètre , en conclure
le poids relatif du mercure et de l'air, et retrouver la
même quantité qui a servi de fondement aux calculs du
géomètre. Ces comparaisons qui se multiplient de jour
en jour dans lapplication de l’analyse, ces résultats
identiques ; obtenus par des procédés si contraires et
tirés de phénomènes si différens , sont des preuves aux-
quelles le sceptique le plus obstiné n’auroit rien à op-
poser s’il vouloit être de bonne foi.
Ce résultat important n’est pas le seul mérite du mé-
moire de M. Ramond. On y trouvera des moyens pour
distinguer les circonstances qui sont contraires ou favo-
rables à ce genre d’observations. L’auteur les range sous
trois titres différens. Influence des heures, influence
des stations , influence des météores. Celle des heures
8 mISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
fait que les hauteurs observées le soir et le matin sont
toujours trop petites jed’où il suit qu’il ne faut observer
que vers le milieu du jour, et cette condition est bien
facile à remplir. l'influence des stations n’est pas moins
réelle ; mais il est moins aisé de s’en garantir. La règle
à suivre est que le baromètre portatif et le baromètre de
comparaison soient autant qu’il se pourra dans des sta-
tions où les circonstances locales soient les mêmes. Le
grand éloignement n’est pas toujours un obstacle : ainsi
M. Ramond a remarqué que ses observations des Pyré-
nées, comparées à celles que M. Bouvard fait continuel-
lement à Observatoire impérial, présentent une marche
assez régulière, tandis que ces mêmes observations de
M. Bouvard , comparées à celles que M. Ramond a faites
à Marli-la-Ville , indiquent d’un jour à l’autre des dif-
férences de 10 à 11 mètres dans la hauteur relative des
deux stations ; d’où l’on doit conclure que l’usage du
baromètre pour la mesure des hauteurs trop peu diffé-
rentes , est peu sûr quand les deux stations sont en
plaine.
Quant à l’influence des météores , elle agit toujours
dans un même sens; elle fait paroître les hauteurs trop
petites , et l’on doit rejeter toutes les observations faites
les jours d’orage. De toutes ces considérations il résulte
que pour avoir la hauteur plus exacte d’une montagne,
il ne faut pas prendre indifféremment un milieu entre
toutes les observations faites en des saisons et à des
heures différentes ; ce seroit évidemment s’exposer à
trouver des hauteurs dont les erreurs seroient en moins,
PVC NN “RP
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 9 .
Ce seroit ici le lieu d’analyser le travail important et
curieux que MM. Biot et Arago viennent de faire en
commun sur les Affinités des corps pour la lumière et
sur Les forces réfringentes des différens gaz. Le soin
qu’ils ont pris de rejeter en notes tous les détails des
expériences ainsi que les formules qui assurent la préci-
sion des calculs, nous dispensera de cette analyse pour
laquelle il nous faudroit transcrire le mémoire presque
entier. Nous en indiquerons seulement les principaux
résultats.
On y'verra d’abord le rapport exact des poids dumer-
cure et de l’air pour la température de la glace fon-
dante , 0"76 d’élévation dans le baromètre ,et pour un
air parfaitement sec. Ce rapport est 17463 ; d’où lon
conclut pour la température moyenne et la latitude
de 45° le coëfficient barométrique qui sert à calculer la
hauteur des montagnes , tel que M. Ramond l’a déter-
miné par des observations d’un autre genre , ainsi qu’on
Va vu dans l’article précédent.
+ La réfraction que la lumière éprouve en passant du
vide dans Pair, ou lPaccroissement qu’y reçoit le carré
de sa vitesse , n’a pas offert un accord moins heureux
entre les expériences physiques et directes, et les obser-
vations astronomiques par lesquelles nous avions déter-
miné cet accroissement par ses effets sur les hauteurs
du soleil et des étoiles. La différence, entre les deux
résultats n’est que de -: de seconde pour la réfraction
à la hauteur du pôle à Paris , et le plus grand écart ne
passe guères une. demi-seconde.
1806. B
10 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
Le pouvoir réfringent des différens gaz déterminé par
les mêmes moyens a les mêmes droits À notre confiance.
Celui du gaz hydrogène est plus de six fois et demie
aussi grand que celui de l'air atmosphérique ; ainsi que
M. Laplace l’avoit annoncé.
Les réfractions d’un même gaz sont rigoureusement
proportionnelles aux divers degrés de densité de ce
gaz.
Des expériences diverses ont prouvé que Peau en va-
peur a le même pouvoir réfringent que l’air atmosphé-
rique à très-peu près, ce qui dispense les astronomes
d'introduire dans leurs formules de réfraction un coëf-
ficient particulier pour tenir compte de l’humidité dé-
notée par l’hygromiètre.
La grande réfraction du diamant porte à croire qu’il
est en partie composé d'hydrogène et non pas simple-
ment de carbone pur, ainsi qu’on lavoit cru; car il
paroit prouvé par nombre d’expériences que le pouvoir
réfringent d’un composé quelconque se forme des pou-
voirs réfringens particuliers de ses principes réunis dans
Fa même proportion suivant laquelle ces principes sont
combinés. Seulement la condensation paroît produire un
léger accroissement.
La possibilité de déterminer ainsi le pouvoir réfrin-
gent des corps d’après leur composition chimique , fait
présumer aux auteurs que l’on pourra d’après cette com-
position calculer de même la force dispersive d’un com-
posé quelconque lorsqu'on aura le pouvoir dispersif de
chacun des principes constituans , ce qui ouvre la voie
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 14
à nombre de recherches intéressantes pour la physique
et l’astronomie.
Enfin il résulte de ces expériences comparées à celles
de plusieurs savans distingués , tels que MM. Caven-
dish, Marti, Berthollet, Davy, Humboldt et Gay-
Lussac , que la proportion des deux élémens de l'air
atmosphérique est la même dans tous climats , d’où ré-
sulte cette conséquence extrêmement importante pour
astronomie , que les mêmes tables de réfraction peuvent
servir pour toute la terre, vérité qui paroissoit déjà ré-
sulter des observations faites en 1736 au cercle polaire
et du calcul plus exact des observations faites à Pondi-
chery par le Gentil. Borda pour qui nous avions fait ces
calculs n’avoit aucun doute sur ce point ; il le supposoit
dans le grand mémoire qu’il avoit terminé sur cette ma-
tière , et qu’il nous a été impossible de retrouver jus-
qu'ici. On a pu se procurer du moins le prisme qu’il
avoit fait construire tout exprès pour ses expériences ;
on y a joint comme lui le cercle répétiteur; on a suivi
ce que l’on connoissoit de son plan qu’on a fort agrandi
en étendant à différens gaz les recherches qu’il n’avoit
faites que sur lair atmosphérique. Nous avons tenu et
feuilleté mais rapidement le régistre qui contenoit toutes
les observations , le mémoire original et la copie au net
que l’auteur en avoit fait tirer. Sa formule de réfractions
étoit une série d’un assez grand nombre de termes dont
les coëfficiens numériques étoient formés d’un trop grand
nombre de facteurs pour qu’il fût possible de les rete-
nir , d'autant plus que la loi n’en étoit pas évidente , et
12 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
que Borda ne permettoit pas qu’on y arrètât les yeux
trop long-temps. Ces papiers étoient en trop bon ordre
pour qu’on ait pu les négliger , et s’ils sont entre les
mains de quelqu'un qui puisse en connoître le prix, ce
seroit l’occasion , ou de les publier séparément ; ou de
nous les remettre pour entrer dans le recueil de nos
mémoires ; quoique la perte soit aujourd’hui fort heureu-
sement réparée, l’éditeur n’en auroit pas moins des
droits réels à la reconnoissance des savans.
M. le comte de Rumfordt a lu sur Padhésion des
molécules de l’eau un mémoire rempli d’expériences
curieuses auxquelles il se propose de joindre maintenant
celles qu’il fait avec des tubes capillaires. Nous donne-
rons en attendant les principaux résultats des observations
de ce savant philanthrope sur /a dispersion de la lu-
mière des lampes par le moyen des écrans et des globes
de verre dépolis.
La facilité avec laquelle l’œil distingue les objets,
ne dépend pas uniquement de l’intensité de la lumière
qui les éclaire, elle dépend aussi beaucoup des ombres ;
sont-elles simples et bien marquées , la vision est dis-
tincte : mais si la lumière arrive de plusieurs côtés à la
fois , il y a plusieurs ombres qui se confondent et s’af-
foïblissent ; on voit mal, même avec beaucoup de clarté.
Une bonne distribution de la lumière est donc importante
pour l’économie et surtout pour la conservation des yeux.
Les rayons directs de la lampe à double courant d’air
fatiguent la vue. Pour diminuer cet inconvénient, on a
imaginé des écrans de différentes espèces , et enfin des
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 13
globes de verre dépoli. Ce qui rend Pusage de ces: der-
niers moins commun, c’est la crainte de perdre trop de
lumière. Personne ; du moins en France, n’avoit encore
_ combattu ce préjugé. M. de Rumford démontre, par
une expérience fort aisée à répéter ; que la perte est ab-
solument insensible. La surface du verre dépoli , pleine
de sillons et d’aspérités ,présente à la lumière une mul-
titude de plans lisses mais différemment inclinés , qui,
dispersant la lumière , la rendent plus douce, et la dis-
tribuent de manière à porter une clarté plus uniforme
dans toutes les parties dela pièce qu’on veut éclairer.
- Cet avantage n’est pas le seul que présente le verre
dépoli. Substitué au verre poli dans le vitrage des fenê-
tres , il répartira la lumière du jour avec plus d'égalité
dans les parties les plus élevées comme dans les plus
basses, dans les plus enfoncées comme dans les plus
voisines , et cette remarque est surtout utile pour les
grandes villes où le peu de largeur des rues, la hauteur
des maisons ne laissent pénétrer le jour que d’une ma-
nière très-oblique. L'auteur a vu la preuve de ce fait et
lPexplication qu’il en donne ; paroît assez naturelle pour
tenir lieu de l’expérience , d’ailleurs si facile à répéter.
Ce mémoire est terminé par la description d’une lampe
nouvelle dont la construction est combinée de manière
à ne laisser voir aucun rayon direct, à donner le jour
le plus doux ét le plus égal à toutesles parties d’un grand
salon sans jeter aucune ombre , quoique. le réservoir de
huile soit circuiaire et que les cylindres qui distribuent
‘la lumière soient placés au centre.
14 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
On remarquera. dans ces nouvelles recherches .de
M. de Rumford ce mème but d’utilité qui rend tous ses
ouvrages précieux , même indépendamment de la finesse
des vues , de la délicatesse des expériences ; et des con-
noissances varices qu’elles supposent.
RaProrrTs.
Nous ne donnerions qu’une idée imparfaite des tra:
vaux de la classe, si nous ne parlions que des ouvrages
propres à chacun de ses membres, Une partie de nos
séances est consacrée aux mémoires des savans qui ne
sont point aggrégés à l’Institut, et parmi lesquels nous
aimons à reconnoître ceux qui peuvent un jour ajouter
à la gloire et à la considération de ce corps en étendant
le domaine des sciences. Les rapports des commissions
chargées d'examiner leurs travaux ou les inveutions sur
lesquelles le gouvernement demande l’avis de la classe,
sont souvent eux-mêmes des mémoires importans où une
grande impartialité se joint à l’érudition nécessaire pour
démèêler dans les théories ou inventions que l’on discute
ce qui appartient véritablement à l’auteur, et la part
que peuvent revendiquer les savans de toute nation qui
se sont plus anciennement occupés des mêmes objets.
Les bornes qui nous sont prescrites ne nous permet-
tant aucun détail, nous ne ferons qu’indiquer les rap-
ports sur les solutions particulières des équations diffé-
rentielles et des équations aux différences, présentées par
M. Poisson : sur la nouvelle démonstration du principe
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 15
des vitesses virtuelles , de M. Ampère ; sur un nouveau
moyen d'élever les eaux à une grande hauteur, par
M. Baader, ingénieur de S. M. le roi de Bavière ; sur
les expériences que M. Péron; aujourd’hui correspon-
dant, a faites de la force physique des sauvagés' com-
parée à celle des Européens’, et desquelles il a tiré ce
résultat qui pourra surprendre , qu’il n’y 4 aucune
comparaison à cet égard entre l’homme civilisé et le
sauvage ,'et que la différence est toute à l’avantage du
premier.
Parmi les inventions approuvées par la classe , nous
ferons mention du rouet de M. Bellemère , qui met beau-
coup de mains industrieuses en état de doubler leur
travail ; d’un métier pour les étoffes brochées et façon-
nées ; qui , pour la simplification des manœuvres, a été
jugé digne de servir de modèle et de valoir à son auteur,
M. Rivey, des récompenses de la part du gouvernement;
du métier à bas de M. d’Autry, dont le rapporteur a fait
valoir les avantages avec tant de netteté que la classe a
ordonné l’impression du rapport pour servir à l’histoire
de Part ; enfin d’un autre métier à bas de M. Favreau-
Bouillon ; qui afréduit tout le travail au simple balance-
ment de deux leviers ; changement précieux qui permet
d'appliquer à ce métier des hommes foibles et des ou-
vriers mutilés au point de n’avoir plus l’usage que d’un
seul bras.
Parmi les inventions , nous avons cité seulement celles
qui se distinguent par une vue d’utilité plus directe et
plus fréquente.
16 HISTOIRE DE LA CLASSE DESISCIENCES
© OUVRAGES IMPRIMÉS.
Depuis sa dernière séance publique la classe a fait pa-
roître le premier volume des Mémoires qui lui ont été
présentés par les savans étrangers ; et le tome VI de ses
propres mémoires. Les volumes suivans seront publiés
de six mois en six mois , à commencer du présent mois
de juillet. Elle fait aussi paroître le premier volume de
la Méridienne de Dunkerque , base du système mé-
trique décimal: cet ouvrage contiendra toutes les pièces
justificatives ; toutes les observations , toutes les mé-
thodes de calcul qui ont fixé les deux unités fondamen-
tales du système métrique , le mètre et le kilogramme.
Plusieurs membres ont donné des ouvrages nouveaux
ou de nouvelles éditions d'ouvrages déjà connus, dans
lesquels on trouvera des additions importantes. Ainsi
M. Legendre a publié une sixième édition de sa Géo-
métrie : M. Lacroix une seconde édition de son Traité
élémentaire du calcul différentiel et intégral.
Les astronomes ont maintenant des Tables du soleil
où pour la première fois on a fait entrer les attractions
de toutes les planètes.
Enfin, M. Lagrange a donné une édition plus com-
plette du calcul des fonctions , ouvrage vraiment clas-
sique dont il seroit bien superflu de parler ici aux géo-
mètres qui l’ont tous médité , et difficile de donner en
peu de mots une notice suffisante à ceux qui ne le sont
pas. Les mêmes raisons nous forcent à passer rapide-
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 17
ment sur une dissertation que M. Laplace vient de pu-
blier comme supplément au dixième livre de la Méca-
nique céleste, et dans laquelle il donne une théorie com-
plette de l’action capillaire. Pour la première fois , on
voit ces phénomènes contraires en apparence , heureuse-
ment ramenés à une même loi ; l’ascension et la dépres-
sion entre deux plans expliquées par la même analyse,
qui rend raison des phénomènes analogues qui s’ob-
servent dans les tubes ; les résultats numériques de la
théorie parfaitement identiques à ceux dés observations
anciennes les plus exactes, et à ceux des observations
peut-être plus exactes encore que MM. Haïüy et Tre-
mery ont faites tout exprès pour soumettre la nouvelle
théorie à l’épreuve la plus rigoureuse.
Qu’on n’imagine pas que ces recherches si délicates
n'aient d’autre mérite que celui de la difficulté vaincue ;
tout se tient dans les sciences physiques ; comme dans
la nature elle-même ; il n’y a point de phénomène qui,
quand il est expliqué , ne jette un nouveau jour sur un
autre phénomène. De la nouvelle théorie résulte déjà
la décision d’un point important pour la météorologie.
Les avis étoient partagés sur la manière d’estimer la
hauteur du mercure dans le baromètre. Les uns la
comptoient dela base ; et les autres du sommet de la
convexité. Cette seconde manière est beaucoup moins
inexacte, mais elle donne encore des hauteurs moindres
que celles qui résultent de la pression de atmosphère ;
la différence est l’effet de l’action capillaire. Pour la
1806. : c
;
s
18 HISTOIRE DE LA CHASSE DES SCIENCES
corriger , l’auteur indique deux méthodes, l’une est
analytique ; l’autre , que le plus grand nombre des ob-
servateurs préférera sans doute , ne suppose qu’une ex-
périence facile , et un petit calcul fort simple. Par l’un
ou l’autre de ces moyens , ils obtiendront des résultats
plus précis, plus sûrs et plus comparables.
ES
Ox avoit remarqué depuis long-temps que deux corps
nageant sur un fluide qui s’élève ou s’abaisse autour de
tous deux, s’approchent l’un de l’autre et se réunissent
par un mouvement accéléré ; mais ils se repoussent le
plus souvent si le fluide qui s’élève autour de l’un s’abaisse
autour de l’autre , et, dans ce cas ; si l’on diminue conve-
nablement la distance on voit lattraction succéder à la
répulsion : ces phénomènes surprenans avoient fort
exercé les physiciens.
Amontons , il y a cent ans, avoit tenté de les ex-
pliquer ; M. Monge, dans les Mémoires de l’Académie
des sciences, année 1787, avoit démontré l'insuffisance
et même Pinexactitude des principes d’Amontons. On
trouve dans son mémoire des aperçus heureux, des vues
fines et des expériences curieuses: Enfin, M. Laplace
vient de soumettre tous ces effets à la même analyse , de
laquelle il avoit déjà déduit tous les phénomènes capil-
laires. 11 prouve que si deux plans parallèles ont leurs
parties inférieures plongées dans un fluide, leurs sur-
faces intérieures et extérieures soutiennent une pression
dont il donne l’expression analytique. On conçoit que si
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 19
la pression extérieure l’emporte sur la pressionintérieure,
les deux plans devront s’approcher, et qu’ils se fuiront
dans le cas contraire. M. Laplace expose ici en détail les
circonstances qui donnent naissance à tous ces phéno-
mènes , les limites qui les séparent , et le point où la
répulsion doit se changer en une attraction apparente, et
réunit le tout en deux théorêmes généraux ou formules
algébriques , où l’on aperçoit d’un coup-d’œil tout l’en-
semble de sa doctrine , dont tout ce qui précède n’est que
la traduction en langage ordinaire. Le mémoire.cst ter-
miné par une expérience faite avec beaucoup de soin par
M. Haüy. Une feuille carrée de talc laminaire étoit sus-
pendue à un fil très-délié, de manière que sa partie infé-
rieure plongeoïit dans l’eau. Dans cet état si l’on plongeoit
dans le mêmefluide et à peu de distance , la partie infé-
rieure d’un parallélépipède d'ivoire dans: une situation
verticale et parallèle au carré de talc , on voyoit aussitôt
une répulsion sensible ; mais si l’on diminuoitcette dis-
tance, la répulsion cessoit par degrés et faisoit place à une
attraction qui, par un mouvement accéléré, portoit le tale
vers le parallélépipède et le mettoit promptement en
contact. Cette expérience ; plusieurs fois répétée avec
diverses modifications , a constamment donné les résul-
tats indiqués par la théorie.
Dans un autre mémoire , M. Laplace s’est proposé de
ramener à la même analyse capillaire les phénomènes de
Padhésion des corps à la surface des fluides.
Lorsqu'on applique un disque de verre sur la surface
de l’eau stagnante dans un vase d’une grande étendue,
20 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
on éprouve, pour l’en détacher , une résistance d'autant
plus considérable que la surface du disque est plus
grande. En élevant le disque on soulève en même temps,
au-dessus du fluide contenu dans le vase , une colonne
de cefluide. Si l’on continue d’élever le disque la colonne
s’allonge, mais il vient un moment où son poids l’em-
portant sur l’adhésion , elle se détache et retombe.
Le poids de cette colonne à l’instant où elle est prête
à retomber, est la mesure de résistance à vaincre pour
détacher le disque ; M. Laplace en donne l'expression
analytique.
Lorsque le fluide est de nature à s’abaisser au lieu
de s'élever dans le tube capillaire , la colonne soulevée
n’a plus la forme d’une gorge de poulie, mais celle d’une
espèce de cône tronqué ; Pexpression analytique change
et renferme un élément de plus, c’est-à-dire l’angle que
la surface du cône forme avec le disque de verre.
La première formule comparée aux expériences de
M. Haüy et de M. Achard, donne à -= près le poids
de la colonne observée.
La seconde n’a pu encore être comparée parce qu’elle
renferme un angle que les observateurs ont jusqu'ici
négligé de considérer, et dont il étoit également difficile
de deviner l’importance et d'effectuer la mesure.
Si l’on place horizontalement lun sur l’autre, deux
disques de verre , en laissant entre eux une couche d’eau
très-mince , les deux disques adhèrent avec une force
considérable. M. Laplace donne pour ce cas une formule
par laquelle il trouve pour la force d’adhérence un peu
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 21
moins que les deux:tiers de ce-que M. Guyton à trouvé
par expérience. Cette différence tient sans doute à l’é-
valuation très-délicate de lintervalle qui séparoit les
disques ou peut-être aux inégalités de leurs surfaces,
qu’il est difficile de rendre exactement planes.
La. mème théorie indique une correction ‘au principe
si connu d’hydrostatique , trouvé par Archimède, sur la
diminution du poids qu'éprouve un corps plongeant
dans un. liquide. Cette diminution ne se mesure pas
seulement par le poids d’un volume de fluide égal à la
partie du corps située au-dessus du niveau. Il faut y
ajouter le poids du fluide écarté par l’action capillaire,
si le corps n’est pas de nature à se mouiller; mais s’il se
mouille , il faut, au contraire , en rétrancher le poids du
volume soulevé par la capillarité, M: Monge, dans le
mémoire cité ; avoit donné commeune chose-évidente la
première partie de ce théorème. M: Laplace-en donne
ici la démonstration rigoureuse , en y ajoutant cette ré-
flexion que ce qui est relatif à l’action capillaire dispa-
roît totalement, lorsque le corps est entièrement plongé
dans le fluide au-dessous du niveau:
Pour achever l'explication des effets capillaires, M. La-
place considère enfin les phénomènes curieux que pré-
sentent les cylindres d’acier égaux et très - déliés, lors-
qu’ils flottent à la surface d’un fluide. De quelque ma-
- nière qu’on les amène à se toucher , ils ne tardent pas ,
après plusieurs oscillations, à se réunir dans toute leur
longueur, comme s’ils formoient une lame unique. Ces
oscillations pouvant se déterminer par l'analyse , il seroit
22 HISTOIRE DÉË LA CLASSE DES SCIENCES
à désirer qu’on les observât avec une grande précision
pour les comparer à leur expression analytique. « Ces
» comparaisons , dit l’auteur, sont la pierre de touche
» des théories; mais pour que l’épreuve soit censée com-
» plète, iline suffit pas que les formules indiquent va-
» guement les effets qui naîtront des circonstances don-
» nées. il fautencore qu’elles en déterminent exactement
» les quantités. » M. Laplace va faire paroître une
addition plus intéressante encore à cette théorie.
Essai des toiles incombustibles pour la marine et les
bétinens civils, par M. Rocro.
M. Roswac de Strasbourg, présenta en 1784, au
bureau de commerce, des gazes de ‘fil de fer qui lui
valurent une récompense; et le métier qu’il avoit ima-
giné pour la fabrication fut déposé au cabinet de ma-
chines de Vaucauson.
À limitation de ces gazes, M. Rochon en fit d’autres
en 1799, et les enduisit d’une colle transparente pour
les substituer à la comme , dans les fanaux de combat et
d’entrepent.
Il a pensé depuis que ces mêmes gazes, avec un léger
enduit de plâtre, pourroient préserver d’incendie les
vaisseaux , et plus aisément encore les bâtimens civils,
ou qu’au moins elles serviroient à rendre les dégats du
feu , moins fréquens et moins terribles.
Ces gazes enfin pourroient être fort utiles pour les
décorations théâtrales qui ne seroient plus sujettes à
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 23
prendre feu; le seul inconvénient seroit le peu de flexi-
bilité ; mais M. Rochon ne désespère pas que la chimie
ne trouve desimoyéns de remédier à cette imperfection ,
et c’est pour réclamer les avis et les secours de ses con-
frères chimistes ou physiciens ; qu’il a lu à la classe le
mémoire dont nous venons de rendre compte.
Asrronomir. — Éclipse de soleil du 16 juin 1806.
Uxe éclipse de soleil est l’un des phénomènes Îles
plus utiles soit pour la vérification des tables astrono-
miques , soit aussi pour la détermination des longi-
tudes géographiques; c'est encore celui de'tous sans
contredit qui attire le plus Pattention des observateurs.
M. Lalande, fidèle à, Fhabitude qu’il à eontractée
depuis cinquante ans, a calculé toutes les observations
qu’il à pu rassembler de Péclipse de 1806. Les nuages
l'ont dérohée aux astronomes de Paris; mais on l’a vue
en plusieurs endroits de France ; d'Allemagne , de
Hollande et d’Italie. C’étoit surtout en Amérique
qu’elle devoit être intéressante puisqu'elle devoit être
totale à Boston et Albany. C’est à Kinderhook auprès
de cette dernière ville que M. Ferrer l’a observée avec
d’excellens instrumens. Tl'en° a conclu la conjonction
à 11h 45° 33". M. Lalande a tiouvé exactement la
même chose, et comme il avoit, par d’autres observa-
tions , reconnu qu’elle étoit arrivée à 4h 3o' 6" à Paris,
il en résulte que la différence des longitudes est de 7h
19’, 27.
24 HISTOIRE DE LA CHBASSEI DES SCIENCES
La mêmeéclipse fut encore observée à Albany, mais
à linstant du retour de la lumière l’observateur n’avoit
pas l’œil à sa lunette , et quoique ce phén@mène paroisse
de nature à être remarqué tout aussüslirement à l’œil
nu, il semble pourtant qu’il ait été vuquelques secondes
trop tard.
Une remarque curieuse de M. Ferrer c’est que le
disque de la lune parut éclairé quelques secondes avant
la fin de l’éclipse totale, ce qui lui semble un effet de
Patmosphère de la lune.
L’obscurité ne fut pas aussi grande qu’on l’avoit
cru; on ne vit que six étoiles principales ou planètes.
Un anneau lumineux de 45 à 50’ qui entouroit le soleil
diminuoit Pépaisseur des ténèbres. j
D’après la comparaison de cette éclipse totale avec
quelques éclipses annulaires observées précédemment,
M. Lalande pense que l’irradiation du soleil est de :2
et. qu’il faut ajouter 1” au demi-diamètre de la lune qu’il
avoit déterminé par des observations directes faites au
temps de la pleine lune. |
Mou sement du sytème solaire. Par M. BurckHARDT.
PLusirEeurs astronomes ont cru que le soleil n’est
pas immobile en, un: point de Pespace. M. Lalande
d’après le mouvement derotation ; qui n'est pas douteux,
avoit conjecturé un mouvement de translation. Ce qu’il
avoit donné comme! un, simple soupçon, M. Herschel
avoit entrepris de le prouver par les observations , il
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 23
avoit même cru pouvoir déterminer le-point du ciel vers
lequel le soleil s’avance avec tout son cortège plané-
taire. M. Prévôt, académicien de Pétersbourg , avoit
été conduit au même résultat, mais M. du Séjour ayant
traité analytiquement la même question , avoit trouvé
qu’elle étoit insoluble quand on la considéroit dans
toute sa généralité. M. Herschel vient de la traiter de
nouveau dans les Transactions philosophiques pour
1805.
Si les mouvemens propres qu’on a remarqués dans
plusieurs étoiles ne sont qu’apparens et sont produits
par le mouvement réel du soleil qui s'approche des
unes et s’éloigne par conséquent de celles qui sont dans
la région opposée du ciel, tous ces mouvemens appa-
rens seront parallèles entre eux, et au mouvement du
soleil. Ces mouvemens sont très lents , et la partie qu’on
en a pu observer jusqu’à ce jour ne forme encore que de
petits arcs; mais si on les prolonge par la pensée ils
doivent former de grands cercles qui tous iront se
couper en un même point du ciel , et ce point sera
celui vers lequel tout le système solaire se dirigera. Il
suffit des mouvemens bien connus de deux étoiles
pour déterminer ce point si les observations sont bonnes
et si le principe est vrai. Deux autres étoiles doivent
mener à la même conclusion que les premières, et la
même conséquence sera confirmée par toutes les étoiles
que l’on pourra combiner ainsi deux à deux. C’est ce
travail que M. Herschel a entrepris sur les étoiles les
plus brillantes du catalogue de M. Maskeline. Les ré-
1806. D
26 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
sultats auxquels il a été conduit ne s'accordent pas
assez bien pour mettre hors de doute le mouvement
du soleil et l’immobilité des étoiles , il paroîtroit plutôt
que tout est en mouvement, et c’est dans cette suppo-
sition que du Séjour a déclaré le problème insoluble.
Malgré cette décision M. Burckhardt vient de nouveau
de le soumettre à lanalyse. Ses formules sont plus
commodes et susceptibles d’une application plus facile
que celle de du Séjour, elles sont beaucoup moins pé-
nibles que le calcul trigonométrique de M. Herschel. Il
a fort adroïtement éliminé les distances des étoiles qui
paroissent et sont réellement l’un des élémens de ce
calcul, et qui probablement nous seront toujours in-
connues. Si le soleil est seul en mouvement , avec le
temps et de bonnes observations on pourra connoître ce
mouvement avec une certaine précision ; mais si les étoiles
avoient aussi le leur, la séparation des inconnues seroit
impossible , et il en résulteroit quelques embarras pour
les astronomes futurs si les observations venoient à être
interrompues pendant quelques siècles, et si après une
période un peu longue de barbarie les astronomes vou-
loient, à la renaissance des sciences, calculer de nou-
veau les mouvemens célestes par la comparaison de leurs
observations avec les nôtres. Mais dans cette suppo-
sition même , qui est heureusement fortinvraisemblable,
À! suivroit seulement que les observations faites dans le
dix-huitième siècle paroîtroient un peu moins précises ;
ce qui n’empècheroit pas qu’elles ne fournissent des
secours bien au-dessus de ce que nous avons trouvé
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 27
dans le très-petit nombre d’observations assez grossières
que les Grecs nous ont transmises.
Manière de trouver les rouages nécessaires pour re-
présenter les mouvemens planétaires , par M.
BurRCKHARDT.
HwuGnEens a résolu ce problème de la manière la
plus complète par les fractions continues qui ont l’avan-
tage de fournir des valeurs approchées , exprimées tou-
jours par les plus petits nombres possibles dans tous les
degrés d’approximation dont on juge à propos de se
contenter. Maïs ce moyen n’est pas toujours à la portée
des artistes qui entreprennent des planétaires. M. Burck-
hardt leur indique ici des calculs plus faciles et suffi-
samment exacts. Mais le conseil le plus important qu’il
puisse leur donner et qu’il leur donne en effet, est sans
contredit celui de s’abstenir entièrement de ces recher-
ches qui n’ont aucun but d’utilité bien réelle ni pour
eux ni pour la science.
La machine la plus parfaite représentera les mouve-
mens planétaires beaucoup moins bien que la plus mé-
diocre éphéméride. Si l'artiste n’a qu’un talent ordi-
naire il-ne produira jamais, avec beaucoup de temps,
d'efforts et de dépense, qu’un ouvrage très-imparfait
qui ne trouvera point d’acheteur. Et s’il a un talent
distingué, en admirant les ressources de son art et de
son intelligence, on ne pourra s’empècher de regretter
emploi stérile qu’il en aura fait. Son planétaire sera
28 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
d’un prix au-dessus des facultés d’un particulier; et les
gouvernemens sentiront qu’ils peuvent faire une meilleure
distribution des encouragemens dus à industrie.
On ne sauroit donc trop détourner les artistes de ces
entreprises ruineuses , ils doivent les abandonner au
riche amateur qui se sentant un goût et un talent parti-
culier pour ces constructions, pourroit se contenter de
sa propre satisfaction et ne pas ambitionner d’autre ré-
compense.
Les planétaires d’ailleurs n’ont pas même l’avantage
de servir à l'instruction , ils ne peuvent être qu’une
représentation très-imparfaite du système du monde. Ils
peuvent bien montrer les mouvemens dans leurs pro-
portions à peu près, mais non les distances et les gran-
deurs des corps célestes. Tous ces rouages et ces soutiens
qu’on ne peut rendre invisibles, ne peuvent que donner
une idée très fausse des moyens simples et féconds em-
ployés par la nature.
PyYRÉOLOPHORE.
Nous continucrons, comme nous avons commencé
dans la notice précécente, à comprendre dans les tra-
vaux de la classe les rapports qui lui ont été faits par
ses commissaires, sur les inventions les plus curieuses
et les plus importantes qui ont été soumises à son examen
par des savans étrangers à l’Institut. À ces deux titres
vous devons surtout faire mention du rapport de M.
Carnot sur la machine imaginée par MM. Nieps, qui
lni ont donné le nom de Pyréolophore. Ce mot est
2
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 29
composé de trois mots grecs 7tp feu , Aero Éole ou
vent, et oéps je porte. Les inventeurs ont voulu que
ce nom indiquât les moteurs de la machine qui sont le
vent d’un soufflet , le feu et l’air dilaté soudainement.
Leur intention a été de trouver une force physique
qui pût égaler celle des pompes à feu sans consumer
autant de combustible.
Pour se faire une idée de la manière dont ils pro-
duisent et font agir la dilatation subite de l’air, qu’on
se figure un récipient de cuivre attaché fortement à une
table horizontale. A l’une des parois est adapté un tube
par lequel on fait passer une masse d’air dans le réci-
pient. Sur son chemin cet air rencontre quelques grains
de matières combustibles qu’il projette sur une flamme
où elle entre en ignition. La matière embrasée péné-
trant dans le récipient en dilate l’air avec une grande
force qui s’exerce contre les paroïs , pousse en avant
un piston qui glisse dans un second tube adapté à l’une
des parois. Ce piston chasse devant lui une colonne
d’eau où tout autre corps qu’on expose à son action ;
après quoi ce piston reprend de lui-même sa première
place, et toute la machine revenant à sa première dis-
position , se trouve prête à jouer de nouveau. Tous ces
effets s’accomplissent en 5" de temps.
Dans une expérience faite par les auteurs, un bateau
chargé de 9 quintaux et présentant à l'effort de l’eau une
proue de 63 décimètres carrés (6 pieds carrés), a re-
monté la Saône avec une vitesse double de celle du
courant.
30 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
Dans une autre expérience faite par les commissaires
la pression exercée sur un piston de 22 centimètres
(3 pouces carrés) , a fait équilibre à un poids de 57
kilogrammes , la capacité intérieure étoit de 418 centi-
mètres cubes ( 21 pouces), et la consommation du com-
bustible n’a été que 32 centigrammes ( 6 grains ).
Les auteurs se proposent de perfectionner leurs pre
miers essais ; mais même dans l’état actuel les secousses
violentes de la machine , l’ébranlement qu’elle commu-
nique aux corps sur lesquels elle repose , enfin la viva-
cité des mouvemens ne permettent pas de douter de l’in-
tensité et de l’impétuosité de ce nouveau principe mo-
teur; et l’on peut en attendre les résultats les plus
heureux, lorsque par des expériences réitérées on sera
parvenu à lui donner toute l’énergie dont il est suscep-
tible. Telest l'avis des commissaires, et la classe a dé-
cidé que leur rapport seroit en entier inséré dans la
partie historique de ses mémoires, pour conserver le
souvenir et la date d’un premier essai qui peut devenir
extrêmement intéressant par ses résultats physiques et
économiques.
Horlogerie, échappemens.
M. Prcrer, correspondant de l’Institut , a présenté
de la part de MM. Malley de Genève , dix modèles
d’échappemens construits sur un même calibre ; et dont
les trois derniers appartiennent d’une manière plus ou
moins complète à l’artiste (M. Tavan ) qui a construit
tous ces modèles.
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 31
Il nous est impossible de donner ici une idée de tant
de mécanismes divers, non plus que du rapport très-
étendu dans lequel M. Prony a décrit et analysé tous
ces échappemens. Nous dirons seulement d’après le
jugement des commissaires, adopté par la classe , que
Pesprit d'invention s’y trouve réuni à une exécution qui
prouve un talent distingué, et qu’il est à desirer que la
société de Genève publie le mémoire descriptif qui
accompagnoit les dix modèles.
Métier à bas pour le tricot à côte.
Nous avons, dans la notice précédente , fait men-
tion d’un rouet de l’invention de M. Bellemère, direc-
teur du travail des jeunes orphelins de la Pitié. M. Des-
marest nous a lu depuis un rapport intéressant sur un
nouveau métier à bas pour la fabrication du tricot à
côte, inventé par le même mécanicien qui ne l’a pré-
senté à la classe qu’après s’être assuré par une expérience
de deux ans de la réalité des avantages qu’il a desiré
lui donner. Enrendant les mouvemens du métier anglais
beaucoup plus légers , lartiste a su en faire un assem-
blage moins coûteux de moitié, ce qui fait desirer que la
nouvelle machine puisse être introduite dans tous les
ateliers de bonneterie protégés parle gouvernement.
32 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
Observations sur l'intensité et linclinaison de forces
magnétiques , faites en France , en Italie et en
Allemagne. Var MM. Humwsozpr et Gay-Lussac.
À l’aide des savantes recherches de M. Coulomb , des
formules de MM. de Borda et Laplace, on peut aujour-
d’hui déterminer avec assez de sûreté et sans trop de
difficultés la déclinaison et l’inclinaison de la boussole ,
et l’intensité des forces magnétiques. Mais ces obser-
vations délicates exigent des instrumens parfaits , du
temps et la connoissance exacte de la méridienne du lieu.
Les voyageurs, à qui la plupart de ces moyens man-
quent trop souvent, n’ont pu faire que des observations
trop peu sûres pour que l’on puisse conclure avec exac-
titude la position des pôles magnétiques de la terre , celle
de l’équateur magnétique , et les points où il coupe Pé-
quateur terrestre. M. Biot a pourtant essayé de déter-
miner, d’après les observations de M. La Peyrouse et
Humboldt tous ces élémens de la théorie magnétique du
globe, et il a donné les formules nécessaires pour cal-
culer quelle doit être en un lieu quelconque la déclinaison
et l’inclinaison de l’aiguille.
Le voyage que MM. Humboldt et Gay-Lussac ont
fait depuis en Italie, en France et en Allemagne, leur a
fourni de continuelles occasions de comparer leurs obser-
vations à l’hypothèse magnétique de M. Biot. La dif-
ficulté de déterminer la méridienne du lieulesaempèchés
d'observer la déclinaison de l’aiguille dans leurs diverses
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 33
stations, mais ils ont observé l’inclinaison et le nombre
d’oscillations que faisoit en un temps donné une aiguille
horizontale; ils en ont conclu par une formule fort sim-
ple le nombre d’oscillations qu’elle auroit faites dans sa
direction véritable , et de là l’intensité des forces magné-
tiques.
Pour que l’on püt saisir d’un coup-d’œil l’ensemble de
leur travail , et les conséquences que l’on peut en déduire,
M. Gay-Lussac qui s’est chargé de la rédaction a présenté
dans un tableau général les observations mêmes, la lon-
gitude et la latitude terrestre du lieu; les longitudes et
latitudes rapportées à l’équateur magnétique dans l’hy-
pothèse de M. Biot, les inclinaisons calculées dans cette
hypothèse et les différences qu’ils ont trouvées entre l’ob-
servation et ces calculs. Enfin , pour que rien ne manquât
à ce tableau , ils y ont joint des observations sur la nature
du sol , et son élévation au-dessus du niveau de la mer.
Il est à remarquer que toutes les différences sont dans
le même sens, que les inclinaisons calculées sont toutes
trop fortes de quantités qui varient depuis 3° 42’ jusqu’à
5°? 9’. En admettant qu’une partie de ces différences doit
s’attribuer à des circonstances locales ou aux erreurs iné-
vitables de observation , il paroît au moins fort vraisem-
blable qu’une partie plus considérable vient de la position
attribuée aux nœuds de l’équateur magnétique , et à
Pangle qu’il fait avec l'équateur terrestre. Il ne sera pas
difficile de déterminer quelles corrections demande l’hy-
pothèse de M. Biot, pour représenter beaucoup mieux les
nouvelles observations et les concilier avec celles sur
1806. E
34 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
lesquelles il avoit déterminé ses premiers élémens. Il est
à présumer que M. Biot trouvera lui-même cet objet assez
intéressant pour qu’il veuille s’en occuper quand il aura
terminé la mission importante et difficile dont il est main-
tenant chargé (1). Pour donner à cette théorie toute la pré-
cision dont elle est susceptible, il seroit bien à désirer
que l’on eût en des points du globe plus éloignés une
suite d'observations faites avec le même soin que celles
de MM. Humboldt et Gay-Lussac; mais en attendant
on y voit déjà que l’intensité des forces magnétiques
croît avec la latitude ainsi que M. Humboldt Pavoit
remarqué dans son grand voyage. Car elle est à Berlin
de 13703 , tandis qu’à Rome elle n’est que 12642. Il
résulte encore de ce travail que l'influence de la chaîne
des Alpes a été très-foible, si même elle n’est pas nulle.
Celle du Vésuve à l’instant du tremblement de terre et
de l’éruption de 1805 n’a pas été beaucoup plus sensible
et paroît devoir être attribuée à des circonstances locales
plutôt qu’à un centre magnétique particulier.
La description des instrumens qui ont servi à ces ob-
servations, la discussion où M. Gay-Lussac est entré
sur les meilleurs moyens d'observations ne peut qu’ajou-
ter à la confiance que doit naturellement inspirer l’ha-
bileté et l’exactitude très-connue des observateurs.
(:) MM. Biot et Arago sont partis en septembre pour prolonger la méri-
dienne jusqu'aux îles Baléares et continuer les travaux interrompus par la mort
de M. Méchain; ils ont commencé en décembre l’observation du grand
triangle qui joindra l'ile d’Ivice à la côte du royaume de Valence.
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 3
Cv
Premier mémoire sur les gaz considérés sous leurs divers
rapports avec le calorique , par M. Gav-Lussac.
MM. Huwsozpr et Gay-Lussac, par des expériences
sur les moyens eudiométriques-et l’analyse de l’air avoient
été conduits à soupçonner que tous les gaz pourroient
bien avoir la même capacité pour le calorique. Cette
conséquence qui paroissoit découler de leurs observa-
tions, méritoit d’être examinée plus scrupuleusement ;
c’est ce que M. Gay-Lussac vient d’exécuter à son retour
d’un voyage, dans lequel , avec M. Humboldt, il a par-
couru la France , l’Italie et l'Allemagne. Ses nouvelles
expériences en confirmant les premières , l’ont conduit
pourtant à une conséquence toute opposée : les gaz qu’il
avoit observés avec M. Humboldt, avoient réellement
des capacités de calorique à très-peu près égales ; mais
on auroit eu tort d'attribuer affirmativement la même
propriété à tous les gaz sans distinction.
L'appareil imaginé par M. Gay-Lussac est d’une
grande simplicité ; il consiste en deux ballons à double
tubulure et égaux en capacité : à l’une des tubulures il
avoit adapté un robinet, et à l’autre un thermomètre
à alcool très-sensible. Ces ballons ayant été bien dé-
pouillés de toute humidité par le muriate de chaux des-
séché , il y faisoit le vide, remplissoit l’un des ballons
avec le gaz qu’il vouloit éprouver ; ensuite il ouvroit la
communication entre les deux ballons, une partie du
gaz renfermé dans le premier se précipitoit alors dans
36 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
le second , jusqu’à ce que l’équilibre fût bien établi ;
alors M. Gay-Lussac observoit scrupuleusement les
changemenis de température indiqués par les deux ther-
momètres.
Dans la première expérience qui avoit pour objet l’air
atmosphérique, on vit avec étonnement le thermomètre
monter sensiblement dans le ballon vide à mesure que
Vair s’y introduisoit. "
Ce fait paroissoit entièrement opposé à un autre fait
très-connu , qui est qu’une masse d’air renfermé dans un
corps de pompe absorbe continuellement du calorique à
mesure qu’elle se dilate sous le piston qui s’élève.
Dira-t-on que le vide n’étoit point assez parfait dans
le second ballon , et que l’air qui s’y trouvoit encore
venant à être comprimé par le nouvel air qui survient
est obligé de restituer une partie du calorique qu’il con-
tenoit ? M. Gay-Lussac combat cette explication par
le raisonnement d’abord, et ensuite par l'expérience
directe.
Si l’alcool monte dans le second thermomètre , il des-
cend de la même quantité à très-peu près dans le pre-
mier. À présent si, après avoir formé le vide dans le
deuxième ballon , on rétablit la communication , le gaz
également distribué sera réduit à une densité qui ne sera
que moitié de la précédente, on verra l’un des ther-
momètres monter et l’autre descendre de quantités en-
core égales entre elles, mais moindres en raison de la
diminution de densité ; et si, par une opération pareille
on réduit encore la densité à moitié de ce qu’elle étoit
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 37
dans le second essai , et par conséquent + de la densité
primitive , on verra la variation égale et contraire des
deux thermomètres suivre encore la raison de la nouvelle
densité. Des expériences pareilles faites avec des atten-
tions particulières , sur le gaz hydrogène , sur le gaz
oxigène , et sur le gaz acide carbonique:ont donné des
résultats semblables , c’est-à-dire que les quantités de
calorique absorbés dans le premier ballon et dégagé dans
le second ont toujours été égales de part et d’autre, et
proportionnelles à la densité.
Pour rendre les expériences exactement comparables,
il falloit que le temps de l’écoulement fût égal pour
tous les gaz différens , c’est à quoi M. Gay-Lussac est
parvenu par un appareil également simple et ingénieux,
qui diminuoit l’orifice du tube de communication enrai-
son de la racine carrée des densités ; par ce moyen le temps
de l’écoulement s’est trouvé de 11" pour tous les gaz.
Par ce travail digne de l’attention des physiciens, et
qu’il se propose de vérifier et d'étendre encore par des
observations ultérieures , M. Gay-Lussac est parvenu
aux conséquences suivantes, qu’il ne propose qu’avec
la réserve qui caractérise le vrai savant.
10, Lorsqu'un espace vide vient à être occupé par un
gaz , le calorique qui se dégage n’est point dû au peu
d’air qui pourroit y être resté ;
20, Si l’on fait communiquer deux espaces égaux l’un
vide et l’autre plein de gaz, les variations de tempé-
rature, positive dans l’un et négative dans l’autre, sont
égales en quantités mais non en intensité ;
3$ HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
30, Pour le même gaz ces variations sont proportion
nelles au changement de densité qu’il éprouve ;
4. Les variations par différens gaz sont d'autant plus
grandes que les pesanteurs spécifiques sont plus petites;
5°. Lies capacités d’un même gaz pour le calorique
diminuent sous le mème volume avec la densité ;
6°. Les capacités des gaz par le calorique sous des
volumes égaux sont d'autant plus grandes que leurs
pesanteurs spécifiques sont plus petites ; cette dernière
conséquence sera évidente pour ceux qui connoîtront
les expériences par lesquelles M. Gay - Lussac avoit
prouvé précédemment que tous les gaz se dilatent
également par des élévations égales de température.
T'hermonmiètres.
M. Cotte, correspondant de l’Institut, a comparé
dans les jours les plus chauds des trois étés mémorables
de 1802 , 1803 et 1806, la marche de plusieurs ther-
momètres soit à mercure , soit à l’esprit-de-vin et diver-
sement exposés.
Deux de ces thermomètres , l’un de mercure et l’autre
d’esprit-de-vin , étoient placés à ombre et au nord.
Deux autres ont été exposés aux rayons directs du
soleil.
Enfin les deux derniers étoient à l’intérieur du cabinet.
Tous ces thermomètres ont été construits avec le plus
grand soin, et sous les yeux de différens membres de
l’Académie des Sciences.
Avant de chercher l'effet des différentes expositions ,
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 39
l’auteur a déterminé par des moyennes , entre nn grand
nombre d’observations , la marche relative de ces ther-
momètres dans une même position.
Il résulte de ces expériences que les différences entre
les thermomètres À mercure et à esprit-de-vin sont beau-
coup plus considérables lorsqu’ils sont directement ex-
posés au soleil, ce que l’auteur attribue principalement
à la couleur rouge de l’esprit-de-vin; cette différence est
plus grande quand la chaleur est la plus forte.
La plus grande variation horaire a lieu de 6 à 7h, et
surtout de 7 à 82 du matin ; elle va en diminuant jus-
qu’à 11, augmente ensuite jusqu’à 2, et diminue un
peu entre 2 et 5h.
La différence entre, le mercure et l’esprit-de-vin ex-
posés au soleil, est à peu près la même depuis 10h du
matin jusqu’à 4 du soir.
Le maximum des thermomètres intérieurs n’arrive
pas les mêmes jours que celui des thermomètres exté-
rieurs.
Un nuage qui passe rapidement devant le soleil fait
baisser subitement , l’esprit-de-vin de 2.ou 3 degrés,
celui du mercure de 1 ou + degrés. Le nuage passé la
liqueur remonte aussi promptement.
La marche du mercure est plus uniforme,
Le maximum pour les thermomètres extérieurs à
l'ombre, a lieu de 2 à 3b,
Pour les thermomètres exposés au soleil , entre 3 et 4h,
Pour les thermomètres intérieurs , de 6 à 7h du soir.
Dans les momens où la chaleur est la plus forte , on
40 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
observe dans la marche du mercure, et surtout dans
celle de l’esprit-de-vin , une espèce de fluctuation et une
agitation qui les fait monter et descendre continuelle-
ment. |
OUVRAGES IMPRIMÉS.
Mémoire. sur la relation qui existe entre les distances
de cinq points quelconques pris dans l’espace suivi
dun Essai sur la Théorie des transversales ; par
M. Carnot.
- Ce mémoire forme une suite intéressante à la Géomé-
trie de position du même auteur. On y trouvera de même
une foule de théorèmes utiles ou au moins très-curieux ,
des formules analytiques pour résoudre tous les pro-
blèmes relatifs à la pyramide quadrangulaire sans sup-
poser d’autre connoissance que celle des arêtes. Toutes
ces formules sont symétriques et d’une élégance qui plaira
beaucoup aux géomètres. Il est vrai que quelques-unes
seroient propres à effrayer le calculateur le plus hardi,
et que l’on pourroit souvent par l'usage bien entendu
de l’une et l’autre trigonométrie arriver à des solutions
plus courtes de beaucoup, mais à chaque problème il
faudroit des considérations nouvelles , et qui ne se pré-
sentent pas d’abord à l'esprit , au lieu qu’ici tout dé-
coule avec la plus grande clarté d’un petit nombre de
principes connus. Mais un avantage plus grand ;, et que
ne partagent pas les solutions trigonométriques ; c’est
que de la combinaison de ces formules on voit naître
nombre de propositions nouvelles qui sans ce moyen se-
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. : 41
roient probablement restées long-temps inconnues. Cet
ouvrage est donc un répertoire où les géomètres puise-
ront au besoin des expressions qui faciliteront la solution
de problèmes très-compliqués. Pour donner une idée
des calculs exécutés par l’auteur, nous citerons l’énoncé
de l’un des derniers problèmes qui est comme le résumé
de tout ce qui précède: Des dix droites qui joignent
deux à deux cing points quelconques pris dans l ESPACE,
neuf étant données trouver la dixième.
1’Essai sur les transversales n’est pas moins curieux.
Le principe fondamental avoit été de même posé dans la
Géométrie de position, et ce principe étoit l’un des
deux sur lesquels Ptolémée avoit appuyé toute sa trigo-
nométrie sphérique. Par lé mot de transversale on :en-
tend ici une droite quelconque qui coupe les trois côtés
d’un triangle rectiligne ou leurs prolongemens. Une
équation d’une simplicité remarquable exprime le rap-
port entre les segmens de ces côtés. L’auteur en déduit
aussitôt trois autres formules de même nature, qui;
transportées ensuite à la trisonométrie sphérique ; se
retrouvent encore les mêmes que Ptolémée avoit jugées
suffisantes pour les besoins de l'astronomie. Il les avoit
démontrées synthétiquement , les anciens n’avoient pas
d’autre méthode, et ses démonstrations étendues par
son commentateur Théon n’étoient pas bien compli-
quées. M. Carnot après avoir démontré le premier prin-
cipe exactement comme Ptolémée, trouve pour les autres
des moyens plus simples dans notre trigonométrie mo-
derne.
1806. F
42 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
Après s’être rencontré avec l’auteur grec , il donne à
cette théorie de nombreux développemens qui l’étendent
aux quadrilatères plans et sphériques , à tout polygone
plan où même gauche, et enfin aux pyramides; appli-
. cations entièrement neuves , et dont on ne trouve pas le
moindre vestige dans Ptolémée ni dans son commen-
tateur.
M. Lacrorx a donné une cinquième édition de ses
Élémens de géométrie.
M. Haüy , la seconde de ses Élémens de physique. Le
grand et rapide succès de la première nous dispense de
tout détail sur le plan et l’exécution d’un ouvrage que
son auteur a revu dans toutes ses parties pour l’enrichir
de toutes les découvertes qui ont pu naître dans un si
court intervalle. Ainsi l’on y trouvera la théorie des
phénomènes capillaires par M. Larrace ,les expériences
de M. Gay-Lussac sur la dilatation des gaz , et le travail
que M. Bror vient d’achever sur les rapports de la puis-
sance réfractive avec la composition chimique de diffé-
rentes substances. -
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES: 43
ANALYSE
Des travaux de la classe des sciences mathématiques
et physiques de L'Institut national, depuis le premier
messidor an 13 (20 juin a805) Jusqu'au premier
Juillet 1806.
PARTIE PHYSIQUE,
Par M. Cuvrer, secrétaire perpétuel.
Lue à la séance publique du 7 juillet 1806.
Lis productions de la nature ont des rapports trop in-
times avec les climats qui les font naître, elles en sont
modifiées trop essentiellement pour qu'aucune des brati-
ches de l’histoire naturelle puisse faire des progrès solides
sans une Connoissance exacte de la géographie ; aussi
cette dernièreest-elle du domaine des naturalistes presque
autant que de celui des astronomes: On sait tout ce
qu’elle doit aux naturalistes voyageurs, et'M. Olivier
vient d’en donner de nouvelles preuves ; dans une topo-
graphie de la Perse qu’il nous a présentée.
Il y décrit les chaînes des montagnes , le cours des
eaux ; et explique la nature des productions par celle du
climat. La sécheresse presque absolue fait qu’il n’ÿ a pas
un vingtième dece vaste empire en culture ; des \pro-
vinces entières n’ont pas un seul arbre qui ne soit planté
A HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
et arrosé de main d'homme. Le mal augmente sans cesse
par la destruction des canaux qui amenoient de l’eau des
montagnes, et les terres abandonnées $’imprègnent de
sel, qui les rend pour jamais stériles.
Les méditations du naturaliste sédentaire peuvent aussi
contribuer à la perfection de la géographie par des vues
“prôpres à diriger les recherches des voyageurs.
M. de Lacépède examinant ce que l’on connoît de
l'Afrique , comparant le volume des fleuves qui arrivent
à la mer à l’étendue du terrain sur lequel tombent les
pluies de la zône torride , et à la quantité présumable de
V’évaporation , jugeant enfin du nombre et de la direction
des chaînes de l’intérieur par celles que l’on a visitées
sur les bords de cette grande partie du monde , a proposé
ses conjectures sur la disposition physique des contrées
encore inconnues du centre, et particulièrement sur les
mers et grands lacs , qu’il croit devoir y exister. Il a in-
diqué les routes qui lui paroïissent propres à conduire
plus promptement aux pays qui restent à découvrir.
Il y a une autre sorte de géographie conjecturale, qui
cherche à déterminer l’ancien état des lieux par ce qu’on
y observe aujourd’hui.
M. Olivier a examiné de cette manière ce qu’il peut
y avoir eu de vrai dans la communication que l’on pré-
tend avoir eu lieu autrefois entre la mer Noire et la
Caspienne. Il pense qu’elle se faisoit en effet par le nord
du Caucase , et que ce sont les alluvions du Couban, du
Volga et du Don qui lont interrompue. Depuis lors la
Caspienne ne recevant pas des fleuves qui s’y jettent
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 45
assez d’eau pour suffire à son évaporation , a toujours
baissé de niveau, et se trouve aujourd’hui de soixante
pieds plus basse que l’Euxin. ‘
C’est ainsi qu’elle s’est séparée de la mer d’Aral, et
qu’elle a laissé à découvert les immenses plaines de
sable salé , qui l’entourent au nord et à l’est.
M. Dureau de la Malle, fils d’un membre de l’Ins-
titut , a trouvé dans les écrivains grecs et romains de
nombreux témoignages de cette ancienne étendue de la
Caspienne et de ses communications avec l’Euxin et
avec l’Aral , et les a rassemblés dans un mémoire qu’il a
présenté à cette classe et à celle d’histoire et littérature
ancienne.
Les anciens attribuoient la séparation des deux pre-
mières de ces mers, et la grande diminution de l’Euxin
lui-même , à la rupture du Bosphore qu’ils supposoient
avoir causé le déluge de Deucalion , l’'Euxin s’étant jeté
avec violence par cette ouverture sur l’Archipel et sur la
Grèce. Quelques-uns d’eux pensoient même qu’à cette
époque la Méditerranée, subitement augmentée par la
même cause, avoit rompu les colonnes d’Hercule et formé
le détroit qui l’unit à l’Océan.
Mais M. Olivier pense que si lEuxin eût été jamais
plus élevé qu'aujourd'hui , il auroit trouvé un écoule-
ment naturel par la plaine de Nicée , et par d’autres
vallées qui conduisent à la Propontide et à l’Archipel ;
que dans aucun cas le canal étroit de Bosphore n’auroit
pu fournir assez d’eau pour inonder leshautes montagnes
de la Grèce qui sont plus élevées qu'aucun des bords de
46 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
l’Euxin , et encore bien moins pour produire un effet
sensible sur l'immense étendue de la Méditerranée.
I1 croit donc que les rapports des anciens avoient leurs
fondemens , non pas dans l’observation ni dans la tradi-
tion ,; mais seulement dans des conjectures que lPétat
physique des lieux renverse entièrement.
I] n’en est pas moins vrai que la partie du Bosphore
la plus voisine de l’Euxin offre des traces de révolutions
volcaniques , mais le reste de son étendue est un vallon
naturel : ilen est de même de l’Hellespont.
Quelques autres recherches ont encore montré Putilité
de l’alliance des sciences exactes avec lérudition.
M. Mongez à l’occasion de deux meules déterrées près
dAbbeville , a rassemblé tous les passages qui ont rap-
port aux pierres dont les anciens faisoient leurs meules.
Il en résulte que c’étoient presque toujours des pierres
basaltiques poreuses ; celles d’Abbeville étant de pou-
dingues , lui paroissent donc venir des Gaulois ou des
Francs.
M. Desmarets ayant examiné les vêtemens déterrés
dans un ancien tombeau de l’abbaye de Saint-Cermain-
des-Prés , a trouvé que presque tous lés procédés em-
ployés aujourd’hui pour tisser nos différentes étoffes ,
V’étoient déjà dans le dixième siècle ; et il en a pris oc-
casion d'expliquer d’une manière nouvelle les articles
de Pline sur les tissus des anciens.
Une fois la position , la nature et les limites d’un pays
bien déterminées, c’est à l’histoire naturelle descriptive
à en faire connoître les productions.
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. Â7
Les recherches des membres de la classe dans cette
branche des sciences ont été très-fécondes.
Sa partie botanique a vu se continuer avec succès,
des ouvrages importans.
La Flore de la zouvelle Hollande par M. de /a Billar-
dière , et la magnifique description du jardin de la Mal-
maison par M. Ventenat, sont arrivées chacune à leur
dix-neuvième livraison ; la Flore d'Oware et de Benin par
M. de Beauvois en est à la cinquième. Il a paru un cin-
quième volume du Botaniste cultivateur de M. Dumont-
Courcet , correspondant ; et M. Lamarck a donné con-
jointement avec M. Decandolle une troisième édition
fort augmentée de la Flore française.
M. de /a Billardière nous a fait connoître plus parti-
culièrement six nouveaux genres de la nouvelle Hol-
lande.
Les trois premiers se rangent naturellement parmi les
myrtes , famille assez nombreuse à la nouvelle Hollande,
et dont la médecine et les arts peuvent tirer un parti
avantageux à cause des huiles aromatiques que fourni-
ront les arbres et les arbustes qui lui appartiennent.
Le premier genre nommé pileanthus est bien remar-
quable par une enveloppe d’une seule pièce renfer-
mant chaque fleur; les pétales de celles-ci sont au
nombre de cinq, et le calice partagé en dix lanières
égales ; le fruit inférieur et uniloculaire contient plu-
sieurs graines.
Le second a reçu le nom de calothamnus à cause de
l'élégance des fleurs dont les étamines nombreuses sont
48 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
portées sur un large filament divisé en deux à chaque
extrémité ,tandis que deux autres filamens sont stériles ;
le fruit est en tout semblable au métrosideros.
Letroisième appelé calytrix , se reconnoît à son calice
tubuleux au-dessus du germe et divisé en cinq parties
terminées chacune par une longue soie. La capsule ne
contient qu’une graine.
Le quatrième a reçu le nom de cephaletus et appar-
tient à la famille des rosacées , l'espèce nommée fo//i-
cularia est peut-être encore plus remarquable que le
sarracenia et le zepenthes par la forme de quelques-
unes des feuilles qui représentent assez bien une bourse
à jetons surmontée d’un opercule et bordée de crochets
dirigés vers son intérieur.
Le cinquième nommé actinotus , a toutes les appa-
rences d’une plante de la famille des corymbiféres ,
quoiqu’elle appartienne réellement à celle des ombel-
liféres. Les deux stygmates renflés vers le sommet sont
surmontés du côté interne par une soie, ce qui leur
donne l’apparence d’antennes d’insectes , comme dans
le agoecia. Il n’y a qu’une seule graine.
Le sixième appelé prostanthera , appartient à la nom-
breuse famille des /abiées. Le calice est formé de deux
divisions entières dont la plus grande se porte vers
l’autre et la recouvre dès que la corolle est tombée ; un
appendice filiforme part de dessous chacune des anthères;
le fruit est comme dans le genre prasium , mais une
chose très-remarquable dans cette famille c’est que l’em-
bryon ou corculum est renfermé dans un albumen
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 4)
charnu et assez épais , tandis que dans les autres labiées
observées jusqu’à ce jour il est à nu.
M. de Beauvois ayant suivi certains champignons
dans tous leurs développemens , s’est aperçu qu’ils
changent tellement de forme , que quelques botanistes
les ont placés dans des genres différens selon l’âge auquel
‘ils les ont observés ; ainsi la rizomorphe de Persoon ,
n’est que le second âge d’un champignon qui devient un
vrai bolet au troisième , le dematrium bombicinum du
même auteur devient au bout de quelque temps sa mesen-
terica argentea ; puis il s’épaissit, prend des cellules
qui le font ressembler à une morille , et finit également
par devenir un vrai bolet ; mais cette plante a besoin
d’un peu de lumière pour parcourir ainsi tous ses pé-
riodes,
Les recherches de l’histoire naturelle des animaux ,
ont été moins nombreuses que celles de botanique , mais
elles n’ont pas non plus manqué d’intérèt.
M. de Beauvois a commencé à publier les insectes
qu’il a recueillis à la côte d'Afrique et en Amérique. Il
en a déjà paru deux livraisons.
M. Cuvier a continué les. deux grandes suites de re-
cherches qu’il a entreprises depuis plusieurs années , sur
les animaux sans vertèbres , et sur les ossemens fossiles
de guadrupèdes, |
Dans la première de ces suites , il a donné cette année
l’anatomie de sept genres ; la scyllée , le glaucus , V’eo-
lide , le colimaçon , la limace, le limnée et le planorbe.
1806, &
50 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
Les deux premiers étoient fort peu connus ; même à
l’extérieur , et l’auteur a rectifié les fausses idées que
les naturalistes s’en étoient faites.
Dans la seconde suite, il a traité des os fossiles
d'ours , de rhinocéros et d’éléphans.
Deux sortes d’ours inconnues aujourd’hui , sont ense-
velies avec des tigres , des hyènes et d’autres carnassiers
dans un grand nombre de cavernes des montagnes de la
Hongrie et de l’Allemagne. Des os de rhinocéros et
d’éléphant se trouvent en abondance dans les terrains
meubles de toutes les parties du globe où l’on a fouillé.
L'auteur a recueilli des notices de plus de six cents
endroits des deux continens où l’on a déterré des os d’é-
léphans ; encore tout récemment on en a trouvé des ma-
chelières et des défenses dans la forêt de Bondy en
creusant le canal qui doit amener à Paris les eaux de
la rivière d’Ourque. Plus on avance vers le nord et
mieux ces ossemens sont conservés. Une île de la mer
Glaciale en est presque entiérement formée.
Ces faits étoient en grande partie connus , mais ce
qui résulte de la comparaison détaillée faite par M.
Cuvier , des ossemens de ces rhinocéros et de ces élé-
phans fossiles avec ceux des animaux du même genre
aujourd’hui vivans en Afrique et aux Indes , c’est que
les premiers étoient différens par l’espèce. Les rhinocé-
ros fossiles étoient plus bas sur jambes , avoient la tête
plus grosse , plus longue , et le museau tout-autrement
fait que nos rhinocéros d’aujourd’hui ; les éléphans
avoient les machelières , la tête et surtout les alvéoles
* MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 5
im
des défenses d’une toute autre structure ; la trompe avoit
d’autres proportions.
L’auteur croit donc que ces deux espèces sont éteintes
comme tant d’autres dont il a découvert les ossemens et
les caractères distinctifs , et dont dix ou douze inconnues
jusqu'ici de l’aveu de tous les naturalistes , ont leurs os
incrustés dans les pierres à plâtre des environs de Paris.
Il pense encore que ces espèces ont vécu dans les lieux
où on trouve leurs os, et:que ceux-ci n’y ont pas été
amenés comme on le croit assez généralement par une
inondation , car leurs os ne sont point usés parle frotte-
ment.
Maïs on n’auroit des corps naturels qu’une connois-
sance bien superficielle, on ne pourroit surtout se rendre
de leurs phénomènes qu’un compte bien incertain , si
Von'se bornoit à la description de leur extérieur et si l’on
ne cherchoit à les pénétrer plus intimement par le moyen
de l’anatomie et de la chimie.
Cette dernière science surtout qui n’est qu’une dissec-
tion plus profonde ; est à bon droit regardée comme la:
science fondamentale des êtres naturels, et d’après l’in-
térêt qu’elle inspire il n’est point étonnant que ce soit
presque toujours elle qui ait un plus grand nombre de
découvertes à produire dans nos revues annuelles.
M. Fourcroy a donné une édition nouvelle de sa phi-
losophie chimique , le livre élémentaire de cette science
le plus court, le plus méthodique et le plus employé.
Les deux agens principaux de la chimie , l’affinité
qui rapproche les molécules des corps et le feu qui
52 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCÉS
les écarte ; ont été cette année l’objet de recherches
neuves et importantes.
On sait que la glace est plus légère que l’eau ;, puis-
qu’elle y surnage : d’un autre côté l’eau chaude en gé-
néral est aussi plus légère que l’eau froide , mais ce
liquide se condense-t-il toujours à mesure qu’il se ré-
froidit, pour se dilater subitement à l'instant où il se
congèle ?
On pouvoit en douter ; et en effet la chose n’est point
ainsi : c’est à quelques degrés au-dessus du point de con-
gélation que l’eau est à son maximum de densité. M. Ze
Febvre Gineau Vavoit prouvé directement il y a quel-
ques années , par le moyen du thermomètre et de la ba-
lance hydrostatique , et M. le comte de Rwmfort vient
d'imaginer une expérience qui rend le fait très-sensible.
Un thermomètre a sa boule directement sous un tube
suspendu par une coupe de liége et le tout est plongé
dans de l’eau prête à se glacer. On touche la surface de
cette eau vis-à-vis l’ouverture du tube avec un corps
échauffé à trois ou quatre degrés seulement ; les molé-
cules d’eau échauffées par ce contact , descendent dans
le tube et agissent sur le thermomètre. Ainsi cette eau un
peu plus chaude est aussi un peu plus pesante.
Cette expérience repose sur la théorie que M. de
Rumford s’est faite , touchant la manière dont la cha-
leur se propage dans les liquides. Il pense que ceux-ci
ne la conduisent pas comme font les corps solides , les
métaux par exemple , et que le contact d’un corps chaud
n’échauffe la masse d’un liquide qu’autant que les molé-
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. - 53
cüles touchées et échatiffées d’abord s'élèvent en vertu
de la légèreté qu’elles’ acquièrent et laissent des molé-
cules encore froides venir occuper leur place et s’é-
chauffer à leur tour.
Il nous à donné récemment sur cette doctrine une
expérience plus délicate et plus précise encore que toutes
lés précédentes. Une portion d’eau échauffée à 80 degrés
n’étoit séparée d’un thermomètre placé au-dessous d’elle
que-par une lame d’eau froide de quelques lignes d’é-
paisseur ; pas une dés molécules échauffées n’a pu
descendre , ‘et le thermomètre n’est pas monté d’un
degré. d
Le même physicien vient de faire des expériences sur
une question de physique qui tient de près à l’affinité,
je veux dire l’adhérence qu’ont entre elles les molécules
des liquides. Voiei comment il la rend pour ainsi dire
palpable. 11 place de l'huile sur dè l’eau , et laisse
tomber dans l’huile quelques grains très-menus d’étain
ou quelques gouttes fort petites de mercure ; ces icorpus-
cules arrivent bien jusqu’à l’eau , mais ils s’arrêtent à sa
surface quoique beaucoup plus pesans qu’elle. T’adhé-
rence de l’eau y forme l’équivalent d’une espèce de pelli-
cule qui les soutiendroit ; mais si on les accumule, leur
masse acquiert un poids qui surmonte cette adhérence,
et déchire cette espèce de pellicule et ils se précipitent.
IL’apparence d’une pellicule semblable se forme aussi à
la surface inférieure, car si on met de l’eau sur du mer-
cure , et qu’on laisse tomber des globules de celui-ci dans
l’eau , ils s’arrètent aussi au fond de Peau , sans se
54 WISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
mêler au reste du mercure , jusqu’à ce qu’ils aient été
assez grossis. M. de Rumfort ajoute à ces expériences
la remarque piquante que sans cette adhérence, le
moindre vent enlèveroit l’eau de la mer et des rivières ,
bien plus facilement qu’il n’enlève la poussière ; qu’il y
auroit à chaque instant des inondations terribles , que les
bords des eaux seroient inhabitables et la navigation
impossible. ÿ
Quant aux affinités chimiques proprement dites, c’est
M. Berthollet qui semble en avoir fait son domaine par-
ticulier , et qui leur a imposé des lois toutes nouvelles ,
dont nous avons déjà rendu compte plusieurs fois. Ses
premiers mémoires à ce sujet ont été annoncés dans nos
rapports de lan VIIL et de l’an IX , et son grand ou-
vrage de la Statique chimique où il a consigné toute sa
théorie , dans celui de lan XI.
On sait que son idée principale consiste à ne point
considérer l’affinité , ainsi qu’on le faisoit autrefois
comme une force absolue , ni les combinaisons, comme
toujours uniformes dans les proportions de leurs élémens.
Il montre au contraire , que beaucoup de circons-
tances , étrangères à la nature chimique des substances
mises en contact , comme leur plus ou moins de cohé-
sion, la pression , la température et par dessus toute
chose leur quantité relative , influent sur leurs combi-
naisons et quant à l’espèce et quant à la proportion des
élémens qui y entrent.
Il n’y a même presque jamais de séparation entière ,
mais quand on met trois substances en contact par
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 55
exemple , il se fait un partage de l’une des trois avec les
deux autres selon la force des affinités de celles-ci; et
quand on en met quatre , s’il se fait un précipité , il
tient à l’indissolubilité de la combinaison et non pas à un
calcul rigoureusement appréciable dans les sommes des
affinités prises deux à deux.
On imagine aisément que des vues aussi nouvelles et
applicables à des phénomènes aussi compliqués , seront
long-temps susceptibles de développemens ultérieurs.
Aussi M. Berthollet s’en occupe-t-il avec une per-
sévérance digne de leur importance, et il nous a
communiqué cette année une troisième suite de ses
recherches.
Il a montré qu’on peut au moyen de la pression, com-
biner avec les trois alcalis, des quantités d’acide carbo:
nique beaucoup plus grandes qu’à l'ordinaire , et en
former des sels parfaitement neutres, comme avec tous
les autres acides.
- C’est à ces combinaisons complètes qu’il réserve le
nom de carbonates ; il donne aux combinaisons ordi-
paires celui de sous-carbonates ; et fait voir qu’il y à
entre les unes et les autres plusieurs combinaisons inter-
médiaires.
Il en est de même pour les carbonates terreux et pour
plusieurs sortes ‘de ‘sels. Lie phosphate de soude par
exemple , peut cristalliser et avec excès d’acide et avec
excès de base.
A la vérité les partisans de l’ancienne doctrine sup-
posent que dans ces cas de proportions variables, il n’y
56 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
a point de combinaison , maïs que le principe surabon-
dant est simplement interposé dans l’état libre, entre
les molécules des deux principes combinées dans la
proportion ordinaire.
M. Berthollet répond que si la chose étoit ainsi , l’a-
cide sulfurique versé sur un sous-carbonate devroit s’em-
parer d’abord des molécules alcalines libres , avant d’at-
taquer celles qui sont combinées avec l’acide carbonique.
Or cela n’est point , car la moindre goutte du premier
acide produit sur:le-champ le dégagement du second ,
c’est-à-dire l’effervescence. Le sulfate acidule de soude
effleurit à l'air, c’est-à-dire qu’il y perd son eau de
crystallisation , ce qu’il ne feroit pas si l’acide sulfu-
rique surabondant y étoit à l’état libre : , car il n’y à
point de substance qui attire plus fortement l’humidité,
que ne fait cet acide.
M. Berthollet avoit donné un moyen d'Ene le
degré d’acidité des différens acides et celui d’alcalinité
des différentes bases par la quantité qu’il faut de cha-
cune de ces sortes de substances pour saturer ou neu-
traliser l’autre complètement, de manière à ce que la
combinaison ne laisse apercevoir aucun indice d’acidité
ni d’alcalinité.
Il confirme cette méthode en faisant voir que les pro-
portions de, ces quantités. sont constantes , et que s’il
faut par exemple à une base deux fois plus d’une espèce
d'acide pour la saturer , que pour saturer une autre base,
il faudra aussi à la première deux fois plus de toute autre
espèce d'acide qu’à la seconde.
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 57
Mais le degré de réSistance à la chaleur ne correspond
point à cette force , et il est plus aisé par exemple de
décomposer par le feu, le carbonate de magnésie que
celui de chaux , quoique l’affinité de ces deux terres
pour acide soit à peu près la même : c’est que le pre-
mier carbonate a beaucoup plus d’eau, et que d’autres
expériences montrent que l’eau favorise le dégagement
de l’acide carbonique.
Les conséquences de ces faits pour toutes les branches
de la chimie et en particulier pour la théorie des ana-
lyses , sont incalculables.
Les tables des affinités et une grande partie des ana-
lyses faites jusqu’à ce jour en sont infirmées, et l’expé-
rience prouve en effet que ces dernières ont presque
toutes besoïn d’être revues. Par exemple M. X/aprofh,
associé étranger, et M. Vauquelin après lui , viennent
de trouver un cinquième d’acide fluorique, dans la
topase où on ne l’avoit jamais soupçonné. Cette pierre
passe donc dans la classe des substances acidifères.
Un autre minéral, regardé jusqu’ici comme une pierre
passe dans la classe des métaux ; c’est celui qu’on appe-
loit autrefois oisanite ou schorl octaëdre du Dauphiné,
et que M. Hay avoit récemment nommé azathase.
M. Vauquelin n’y a trouvé que de l’oxide de titane
comme dans cet autre minéral qe on avoit nommé
schorl rouge.
Ce fait est important, parce qu’iloffre deux minéraux
entre lesquels les chimistes ne peuvent trouver éncore
aucune différence essentielle de composition , dMoique
1806. H
$8 HISTOIRE DE. LA CLASSE DES SCIENCES
leurs qualités physiques, et particülièrement leur cristal-
lisation, soient toutes différentes.
La minéralogie avoit déjà un cas pareil ; celui de Par-
ragonite où la chimie ne trouve qu’un carbonate de
chaux , quoique sa pesanteur, sa dureté , sa cassure et
sa cristallisation diffèrent beaucoup de celles du spath
calcaire ou chaux carbonatée ordinaire.
Un exemple différent, mais qui établit de même une
sorte d'opposition entre les caractères physiques , et les
caractères chimiques des minéraux , s’est encore offert
cette année.
C’est la mine de fer connue sous le nom de fer spa-
thique. Elle a constamment la même forme cristalline.
que la chaux carbonatée , et comme elle en contient
souvent une très-grande quantité , M. Haüy l’'avoit
rangée parmi les variétés de cette espèce , n’y considé-
rant l’oxide de fer, que comme entrainé accidentelle-
ment lors de la cristallisation de la chaux ; à peu près
comme l’est le sable dans les singuliérs.o: cristaux de grès
de la forèt de Fontainebleau.
On savoit en effet depuis long-temps que la quan-
tité de fer y est très-variable,
Mais deux jeunes chimistes , MM. Drapier et Des-
costils viennent de découvrir que la chaux y varie en-
core davantage ; que souvent il n’y en a presque point
et que la magnésie et l’oxide de manganèse s’y trouvent
en quantités. tout aussi variables selon les échantillons.
Voilà donc des combinaisons très-différentes qui se
présentent sous une forme toujours la même.
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 59
Ces sortes de difficultés ,, ces oppositions apparentes
entre deux branches d’une même science ow entre deux
manières d’envisager les objets , ne peuvent tenir qu’à
quelqu’imperfection dans les principes de l’une ou de
l’autre des deux méthodes , et méritent toute l’attention
des amis de la vérité. Elles finissent ordinairement par
la découverte de quelque nouveau fait général qui con-
cilie tout.
Les travaux sur le platine brut, dont nous avons parlé
dans nos deux derniers rapports , ont été continués cette
année par différens chimistes et ont conduit enfin à des
résultats clairs et satisfaisans.
M. Fourcroy en a rendu compte dans un mémoire
où il s’est empressé de rendre justice à ceux qui y ont
eu part avec lui.
En voici l’histoire en abrégé.
On se rappelle que M. Descostils cherchant à se
rendre raison des différentes couleurs des sels triples de
platine , s’aperçut que la couleur rouge de quelques-uns
étoit due à quelque métal inconnu.
MM. Fourcroy et Vauquelin examinant de leur
côté une poudre noire, qui reste après qu’on a dissout
le platine , et trouvant que dans quelques expériences
il s’élevoit une vapeur métaMique très-odorante , que
dans d’autres la substance se manifestoit d’une manière
plus fixe , regardèrent aussi cette poudre comme une
nouvelle substance métallique , dont ils attribuèrent
les différentes propriétés aux différens degrés d’oxi-
génation,
60 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
Maïs pendant ce temps ,; M. Ternant examinoit à
Londres cette même, poudre noire , et étoit parvenu à
la décomposer encore en deux métaux différens ; l’un
fixe , et l’autre très-volatile : et M. #o/laston , autre
chimiste anglais, s’attachant à la dissolution, qu’on
supposoit jusque-là ne contenir que du platine, y avoit
encore trouvé deux autres métaux , différens et du pla-
tine et de ceux qui forment la poudre noire.
Ainsi après les longues et pénibles recherches dont ce
singulier minéral a été l’objet pendant plus de quarante
années , la chimie est parvenue à y démêler onze sub-
stances métalliques, savoir, platine , l'or, l'argent ,
Le fèr, Le cuivre; le chrome et le titane trouvés par
MM. Fourcroy et Wauquelin dans les sables plus ou
moins colorés qui y sont toujours mêlés ; les deux mé-
taux nouveaux séparés de la dissolution nitro-muria-
tique de platine par M. Æ#ollaston et qui sont :
: Le palladium métal blanc, ductile , plus pesant que
Pargent , très-fusible par son union avec le-soufre , so-
luble dans l’acide nitrique , colorant ses dissolutions en
rouge , précipitable à l’état métallique par le sulfate de
fer, en vert sale par le prussiate de potasse , formant
avec la soude un sel triple dissoluble dans lalcool ; le
même qu’on avoit un instant regardé comme un alliage
de platine et de mercure ;
Et le rlodium , métal gris , aisément réductible , fixe
et infusible , colorant en rose ses dissolutions acides ,
que le muriate d’étain rend très-intenses, précipitant
par les alcalis en jaune, et point du tout par le prussiate
e
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 61
de potasse ; dont le sel triple avec la soude est indisso-
luble dans l’alcool , etc.
Enfin les deux métaux distingués par M. Terrzantdans
la poudre noire qui reste après la dissolution et qui sont:
L’iridium métal blanc , très-dur, difficile à fondre ,
presque insoluble dans l’acide nitro-muriatique , et point
du tout dans les autres, oxidable et soluble par les al-
calis fixes , et une fois oxidé soluble dans. les acides,
donnant des couleurs variées et vives à ses différentes
solutions. Ce sont ses sels rouges qui colorent ceux du
platine; .
L’osmium métal jusqu’à présent irréductible , dont
l’oxide en forme de poudre noire est très-volatil , très-
odorant ,-très-fusible, se dissout.dans l’eau , s’élève
avec elle en vapeur et lui donne une odeur et une sa-
veur fortes. Sa dissolution se colore en beau bleu par
la plus petite quantité d’infusion de noix de galle.
On ne sait ce qui doit le plus étonner de la singula-
rité d’une composition semblable ou de la sagacité qu’il .
a fallu pour en démêler ainsi les nombreux élémens.
-Cet autre métal nouveau découvert il y a quelques
années par M. Vauquelin , le chrome , vient d’être re-
connu dans les pierres météoriques par M. Laugrier.
I1 l’a été depuis par M. Thenard dans celles qui
viennent de tomber auprès d’A/et ; département du
Gard , et que l’Académie de Nîmes a fait recueillir et
adresser à PInstitut. * 1
Ces pierres dont la chute n’est pas constatée par des
témoignages moins authentiques , que celle des précé-
.
62 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
dentes ; en diffèrent cependant par la couleur et la con-
sistance : elles sont plus noires et plus friables , mais
leur analyse a donné à M. Terard à peu près les mêmes
principes ; seulement les métaux y sont plus oxidés , et
il y a un peu plus de charbon. Ce résultat a été confirmé
par une commission de la classe.
Nous avions annoncé l’année dernière l’opinion de
M. Pacchiani sur la composition de Pacide muriatique
qu’il croyoit produire en enlevant à l’eau une partie de
son oxigène, au moyen de la pile galvanique.
Cette découverte auroit été lune des plus importantes .
que la chimie ait encore à désirer , mais elle ne s’est pas
vérifiée, quand on a eu soin d’éloigner de l'appareil tout
ce qui pouvoit fournir du sel marin ; c’est ce que MM.
Biot et T'henard annoncent avoir constaté par des expé-
riences rigoureuses.
Dans un travail sur la réfraction , entrepris d’abord
pour l'utilité de l’astronomie , M. Biot a été conduit à
faire de cette action des corps sur la lumière un emploi
bien heureux pour Panalyse des substances transpa-
rentes.
On savoit depuis long-temps que les rayons de la
lumière se brisent quand ils passent d’un milieu dans
un autre de densité différente , et que les réfractions
des différens milieux correspondent à leurs densités , à
moins qu’ils n’aient quelque élément combustible. Ceux-
ciaugmentent la réfraction beaucoup au delà de ce que
la seule densité auroit pu faire.
C’est d’après cette ancienne observation que Newton
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 63
avoit jugé que le diamant devoit être combustible et qu’il
étoit même arrivé à ce point presqu’incroyable de deviner
que l’eau devoit être en partie composée d’une substance
combustible.
Si l’on mélange deux substances de réfractions et de
proportions connues , et que l’on ait égard à la densité
du mélange , on doit pouvoir calculer la réfraction to-
tale , et réciproquement , quand on a la réfraction d’un
mélange dont les élémens sont connus , on doit pouvoir
calculer la proportion de ceux-ci.
Mon collègue, M. DeZambre , clins dans son
rapport, les principes de ce calcul.
M. Biot l'ayant appliqué à des mélanges de propor-
tions connues et l’ayant toujours trouvé juste , l’a em-
ployé ensuite pour déterminer les proportions incon-
nues d’autres mélanges.
Il suffit pour cela de remplir un prisme de verre sous
une pression connue avec la substance que l’on veut
essayer ou d’en former une avec elle , si elle est solide,
et d’observer au travers un objet éloigné ; l’angle de ré-
fraction se mesure avec le cercle répétiteur en tenant
compte de la pression , de la chaleur et de l'humidité de
Vair extérieur , et ce moyen étant susceptible d’une
précision égale à celle des procédés astronomiques , sur-
passe nécessairement en rigueur tous nos procédés chi-
miques ; mais on sent aussi qu’il n’est applicable qu’aux
substances transparentes et dont on connoît les prin-
cipes quant à leur espèce. Il est particulièrement utile
pour perfectionner l’analyse si importante des substances
C4 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
gazeuses , et M. Biot en a déjà obtenu à cet égard des
résultats intéressans.
C’est l’oxigène qui réfracte le moins à densité égale ,
et l’hydrogène qui réfracte le plus. Les réfractions d’un
même gaz sont rigoureusement proportionnelles à ses
densités , quand la température est constante. C’est sur-
tout à l'hydrogène que les substances fortement réfrac-
tives paroissent devoir leur force, car elles en con-
tiennent toutes. L’air athmosphérique donne exacte-
ment à l’expérience la réfraction que doit produire d’a-
près le calcul un mélange de 0,21 d’oxigène 0,787
d’azote et 0,003 d’acide carbonique. Même quand il ne
s’agit plus d’un simple mélange , maïs d’une combi-
naison plus intime, pourvu qu’elle n’ait pas produit
une condensation très-considérable , la règle conserve
son application. Aïnsi le gaz d’ammoniaque , produit
l'effet indiqué par les quantités d’azote et d’hydrogène
qui entrent dans sa composition ; mais si la condensa-
tion est trop forte, il y a quelque altération quoique
très-petite ; tel est le cas de l’eau.
L'examen du gaz acide muriatique fait d’après ces
principes , montre que son radical ne peut être l’azote ,
et que ce gaz ne peut pas être non plus un oxide d’hy-
drogène , contenant moins d’oxigène que l’eau.
La réfraction du diamant étant beaucoup plus forte
que celle qu’indiquent pour le carbone les réfractions de
acide carbonique , de l’alcool , de Péther , et des autres
substances dont le carbone fait partie , M. Biot en con-
clut que le diamant ne peut être du carbone pur , et qu’il
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 65
y faut admettre au moins un quart d'hydrogène pour sa-
tisfaire aux résultats de l’expérience.
_ Les matières produites par les êtres organisés , sont
encore bien loin d'être soumises à des procédés si rigou-
reux. Quoique l’on sache en gros de quels élémens elles
se composent et que ces élémens primitifs ne soient pas
très-nombreux , leurs combinaisons sont si variées, chan-
gent et se dénaturent si aisément dans les opérations
qu’on leur fait subir , qu’il faudra étudier encore bien
long-temps ces combinaisons elles-mêmes comme si elles
étoient simples, et abstraction faite de leurs véritables
principes élémentaires. Ces matières considérées ainsi ,
sont ce que l’on appelle les principes immédiats des
corps organisés. Cette année en a encore fait connoître
plusieurs à nos chimistes.
MM. J'auquelin et Robiquet ont trouvé dans le suc
d’asperges une matière cristalline et soluble dans l’eau,
qui n’est cependant ni un acide , ni un sel neutre et que
m’affectent point les réactifs ordinaires, Ils se proposent
d’en suivre avec soin la nature. à
- M. Thenard, professeur au collége de France, a mis
complètement à découvert dans la bile , une matière
sucrée dont on n’avoit jusqu’à présent que soupçonné
l'existence , et dont la propriété est de tenir l’huile de
la bile en dissolution. Les moyens d’analyse qu’il a
employés ont été remarqués par les commissaires chargés
de l’examen de son travail comme singulièrement ingé;
_nieux , et il étoit en effet très-diflicile de débarrasser
entièrement cette substance de celles qui la masquoient,
1806, J
66 z11ISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
M. Sésuin correspondant , a fait des recherches sur la
nature du café , d’où il résulte que cette graine se com-
pose d’albumine , d’huile , d’un principe particulier que
l’auteur nomme principe amer et d’une matière verte ,
qui n’est elle-même qu’une combinaison de Palbumine
et du principe amer ; que les proportions varient dans
les divers cafés ; que la torréfaction augmente la propor-
tion du principe amer en détruisant Patbumine ; que ces
deux derniers principes contiennent beaucoup d’azote ;
que le principe amer est antiseptique. L’huile du café est
inodore ; congélable et blanche comme du sain-doux.
M. Séguin a cherché ensuite si Palbumine ne se re-
trouveroit point dans d’autres végétaux , et il Pa décou-
verte en effet dans un grand nombre qwil spécifie. La
plupart contenoient aussi en certaine proportion un prin-
cipe amer plus ou moins semblable à celui du café.
Cette quantité remarquable d’albumine s’étant ren-
contrée surtout dans les sucs végétaux , propres à fer-
menter par eux-mêmes sans levure ; et à donner une
liqueur vineuse , tels que sont le suc de raisin ; celui de
groseilles , etc. M. Séguin a été conduit à rechercher si
Palbumine ne contribueroit point efficacement à ce mou-
vement intestin encore si peu connu. Il nous assure
qu'ayant enlevé l’albumine à ces sucs , ils sont devenus
incapables de fermenter , et qu'ayant réuni artificielle-
ment de l’albumine , celle du blanc d’œuf par exemple
à de la matière sucrée , la fermentation a eu lieu quand
d’ailleurs les circonstances étoient convenables , et il
s’est toujours déposé une matière semblable à la levure ,
PS
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES, 67 -
qui ne lui a paru qu’une albumine altérée et devenue
presque insoluble , sans perdre pour cela son action fer-
mentescible ; d’où il conclut que l’albumine soit ani-
male , soit végétale , est le véritable ferment,
». M. Séguin a reconnu de plus, que l’albumine se trouve
dans trois degrés différens d’insolubilité et de disposition
à devenir fibreuse ; que plus elle est soluble, plus son
action est énergique ; que la proportion respective de
l’albumine et du sucre dans les différens sucs ; est ce
qui détermine la nature vineuse ou acétique du produit
de la fermentation ; celui-ci étant d’autant plus spiri-
tueux qu’il y avoit plus de sucre ; enfin que la plupart
des sucs fermentescibles contiennent un principe amer
analogue à celui du café , qui n’entre pour rien dans la
fermentation , mais qui contribue à la saveur et à la
conservation de la liqueur fermentée.
Le tannin , ce principe végétal anciennement décou-
vert par M. Seguin, et dont le caractère est de former
avec la gélatine un composé insoluble , a été examiné
de nouveau par M. Boilleæ Lagrange , professeur au
re Napoléon.
I lui a trouvé de l’affinité pour les alcalis ; pour les
terres et pour les oxides métalliques , et la faculté de se
convertir en acide gallique en absorbant de l’oxigène.
Les tannins extraits des divers végétaux varient un
peu en composition , et celui que M. Hatchett, chimiste
anglais , a découvert en si grande abondance dans le
cachou , est un peu plus oxigéné que les autres.?
Le même M. Æatchett pense que l’on peut farmer de
68 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
toutes pièces un tannin artificiel en traitant le charbon
par l'acide nitrique.
Un chimiste italien, M. Morichini, ayant trouvé de
Vacide fluorique dans l’émail des machelières fossiles
d’éléphant , analysa l’émail des dents humaines et crut
y reconnoître le même principe. M. Gay-Lussac en
trouva aussi dans l’ivoire tant frais que fossile et dans
les défenses de sanglier.
MM. Fourcroy et Vauquelin ont répété ces expé-
riences et ils ont en effet obtenu cet acide des défenses
et des dents altérées par leur séjour dans la terre : maïs
non des mêmes parties dans l’état frais, ni même de
celles qui , quoique fossiles , n’avoient point été altérées.
M. J’auqguelin a fait cette année des recherches parti-
culières sur les cheveux ; en les dissolvant dans l’eau
par le moyen de la machine de papin , eten examinant
la dissolution et son résidu , il en a retiré neuf sub-
stances différentes : une matière animale semblable au
mucilage ; deux sortes d'huile ; du fer dans un état in-
certain ; quelques atomes d’oxide de manganèse, du
phosphate de chaux , et très-peu de carbonate ; assez de
silice , et beaucoup de soufre.
Les cheveux noirs ont une huile de cette couleur ;
les roux en ont une rougeâtre , et les blancs une inco-
lore. Les deux derniers ont toujours un excès de soufre ;
et les blancs en particulier du phosphate de magnésie.
Outre ces recherches de théorie , on a fait de la science
chimique , plusieurs applications immédiates.
La manière d’imiter l’alun de Rome découverte
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 69
l’année dernière , s’est trouvée si heureuse, que l’on
a vendu près de cent milliers d’alun fabriqué ainsi,
comme s’il eût été vraiment de Rome.
C’est ce que nous ont annoncé MM. Clément et
Desormes. L
On sait que cette méthode ne consistoit qu’à le calci-
neret à le recristalliser , pour en enlever l’acide sur-
abondant.
Cependant M. Curaudeau assure qw’il est encore né-
cessaire d’oxygéner au maximum le peu de fer que Palun
contient ordinairement.
Mais un dernier mémoire de MM. Thénard et Roard
vient d’achever d’éclaircir ce sujet ; un millième de fer
influe sur les effets de l’alun en teinture ; c’est à le priver
de cette quantité si petite que doivent tendre les efforts
des manufacturiers.
L’oxigénation du fer en est un moyen , parce qu’elle
rend ce métal indissoluble dans l’acide.
Les aluns bien purifiés égalent donc parfaitement
Valun de Rome.
Une application plus utile encore est celle du gaz
acide muriatique oxigéné , contre les miasmes conta-
gieux. Ce préservatif dû à M. Gzyton est aujourd’hui
généralement employé. M. Desgenettes a fait constater
ses effets avec le plus grand soin à l’hôpital militaire du
. val de Grace, et il résulte des tableaux comparatifs qu’il
mous a adressés , que non seulement ces fumigations
empêchent la communication des maladies , mais qu’elles
‘paroissent concourir efficacement à la guérison.
79 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
M. Pinel a obtenu des succès semblables dans Les
salles les plus insalubres de l'hôpital de la Salpêtrière.
Le public a appris récemment par les journaux à quel
point cet heureux préservatif a réussi en Espagne contre
la fièvre jaune , et les graces accordées par le roi à ceux
qui l’y ont essayé. On connoît aussi l'honorable récom-
pense donnée par notre Empereur au principal auteur de
la découverte.
C’est également par les journaux , et de l’autre extré-
mité de notre continent , que l’on vient d’être instruit
du plein succès du procédé proposé par M. Berthollet
pour conserver l’eau douce en mer, en charbonnant
intérieur des tonneaux; le capitaine russe Krusenstern
s’est empressé de reconnoître ce service dù à un savant
d’une nation en guerre avec la sienne.
La seconde de ces sciences intérieures , qui cherchent à
nous dévoiler la nature intime des êtres naturels, l’anato-
mie n’a pas manqué non plus d’accroissemens importans,
Un point particulier de l’anatomie des plantes , la voie
par laquelle les semences sont fécondées , a été l’objet
des recherches de M, Turpin.
Ge botaniste pense que l’ombilic, ou la partie par la:
quelle les graines adhèrent au fruit , outre les vaisseaux
qui viennent du tronc ; et qui nourrissent la graine,
donne encore passage à d’autres canaux qui descen-
dent du pistil, aboutissent vis-à-vis la petite racine de
l’embrion , et lui portent le principe fécondant reçu par
le stygmate de la poussière des étamines. On voit sur
toutes les graines le vestige d’une petite ouverture que
ct dati
- MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 7i
M. Turpin nomme micropyle ; et à laquelle il attribue
cette fonction.
“es recherches de M. Cuvier sur les machelières
fossiles des éléphants, Payant conduit à examiner les
machelières fraîches , et Poccasion qu’il a eue de dissé-
quer en peu d’années deux éléphans presque adultes ; lui
ayant permis d'observer en détail la manière dont crois+
sent les dents de ces animaux , il a tiré de cés exemplés
vus en grand des conclusions sur la dentition en général.
On peut considérer l’anatomie des très-grands animaux
comme une sorte de microscope naturel, qui mous aide
à mieux voir celle des petits.
- C’est à confirmer la doctrine de John Hunter que
M. Cuvier a été conduit , du moins pour ce qui regarde
la substance dite osseuse. Elle m’a point de vaisseaux et
n’est point formée par intus-susception commé Les véri-
tables os , mais par une transsudatiom successive des
couches produites par ke noyau pulpeux de li dent et qui
se collent les unes sous les autres. L’émail est déposé
dessus par la membrane qui enveloppe la jeune dent ; et
s’y fixe par une espèce de cristallisation ; enfin une troi-
sième substance propre à certains herbivores est déposée
après l’émail ; mais par la même membrane , qui change
de nature à une certaine époque.
Ces deux derniers points avoient aussi été vus sur
des dents plus petites, par R. Blake, anatomiste ir-
Handaïs.
Cette troisième substance a été origirrairement décou-
verte par M. Tenon ; qui la nommée cortical osseux ,
72 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
mais qui la regarde comme formée par l’ossification de
la membrane capsulaire.
Ce respectable anatomiste a continué de nous commu-
niquer son grand et beau travail sur les dents , et nous
a entretenus cette année des dents du cachalot et de
celles du crocodile.
+ Les premières n’ont point d’émail ; mais seulement
da cortical osseux. On distingue aisément l’un de l’au-
tre, parce que l’émail est beaucoup plus dur , et se
dissout tout entier dans les acides sans laisser de paren-
chyme gélatineux. Les défenses d’éléphant et les mache-
lières de m10rse et du dugong, n’ont pas non plus d’autre
enveloppe.
Comme M. Cuvier en parlant des dents de l'éléphant
avoit rapporté plusieurs observations nouvellement faites
soit par lui , soit par MM. Æverard Home, Corse et R.
Blake anatomistes ou naturalistes anglais , sur la manière
dont ces dents s’usent ; tombent et se remplacent,
M. Tenon a présenté à la classe le travail qu’il a rédigé
sur le même sujet depuis plus de vingt-cinq ans , et qui
contient déjà une partie de ces observations.
Tout en constatant l’antériorité qui appartient légiti-
mement à ce savant anatomiste , la classe a regretté qu’il
ait privé si long-temps le public de ses découvertes et l’a
fortement invité à les mettre au jour.
M: Tenon est au moment de publier un autre travail
sur l’œil et sur ses maladies. Il a fait plusieurs remar-
ques nouvelles sur les parties qui entourent cet organe :
il a trouvé par exemple des faisceaux tendineux qui lient
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 73
les muscles droits aux bords antérieurs de Porbite , leur
servent de poulie de renvoi, et les empêchent de com-
primer le globe ; il a développé une tunique membra-
neuse qui entoure le globe , l’attache aux deux angles
de l’orbite par deux espèces d’ailes , passe dans les pau:
pières et s’y-réfléchit derrière les tarses , donne enfin
passage aux tendons des muscles ; les autres anatomistes
confondoient cette tunique avec la cellulosité ; il a dé-
couvert de petits ligamens qui joignent les extrémités
des tarses à l’orbite ; il a examiné l'effet des diverses
substances chimiques sur les cristallins qu’on y plonge ;
enfin il a établi une opinion nouvelle sur les agens qui
transmettent à l’iris l’action de la rétine , et par lesquels
les impressions que celle-ci reçoit dilatent ou contractent
l'autre. M. Teron cherche ces agens dans les processus
ciliaires , dont les languettes se prolongent jusque der-
rière l'iris , et dont les queues touchent à la rétine.
Cet infatigable anatomiste nous a encore entretenus
du vice de conformation nommé communément bec de
lièvre. I] Va trouvé , tantôt dépendant d’une déchirure
de l’un des deux os maxillaires, tantôt de tous les deux,
et il en attribue la cause à une dilatation dispropor-
tionnée de la langue. D’autres fois il a trouvé le palais
divisé en arrière , et c’étoit alors un accroissement trop
rapide du ceryeau qui avoit produit le mal. Des enfans
nés sans langue ou qui l’avoient perdue de bonne
heure par la petite vérole, avoient au contraire le palais
rétréci et sa concavité remplie.
L’expérience a appris à M. Tezon qu’il est dangereux
1806. K
74 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
de choisir l’époque de l’éruption des incisives de rempla-
cement pour faire l’opération propre à corriger une partie
des difformités que ce vice occasionne,
La classe a vu avec une grande satisfaction un moyen
précieux d’enseignement pour certaines parties de l’ana-
tomie , les pièces d'anatomie artificielle préparées pour
l’école de médecine par M. Laumonier, correspondant à
Rouen. Il y a lieu de croire que le compte qu’elle en à
rendu au Gouvernement a contribué à faire ériger sous
la direction de cet habile änatomiste , un établissement
où sera enseigné et pratiqué cet art utile, que l'Italie
seule avoit possédé jusqu'ici dans une certaine perfec-
tion , mais où elle a été sans contredit surpassée par
M. Laumonier non seulement dans l’exactitude des
détails , mais encore dans la vérité de limitation.
L’anatomie artificielle inutile quand on ne l’emploie
que pour représenter les parties du corps de l’homme et
des animaux faciles à se procurer et à disséquer , nuisible
même alors , parce qu’elle peut faire négliger aux jeunes
gens l’étude du cadavre , qui peut seule leur donner des
idées complètes ; cette anatomie, disons-nous, peut être
très-utile quand elle représente des préparations diffi-
ciles , quand elle montre dans un ensemble des systèmes
qu’on ne peut disséquer que par parties, quand elle
offre enfin des organes d'animaux rares ou des confor-
mations singulières et monstrueuses. C’est à ces objets
que la classe a conseillé d’en borner emploi.
M. Laumonier a présenté à la classe l’une des mons-
truosités les plus singulières qui aient encore été obser-
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 75
vées. dans l’espèce humaine , et la conformation peut-
être la plus approchante de l’hermaphroditisme parfait.
Une femme avoit outre tous les organes de son sexe,
deux testicules bien conformés , cachés dans l'épaisseur
des grandes lèvres , et dont les vaisseaux déférens abou-
tissoient dans le fond de la matrice.
M. Pictet, correspondant et professeur de physique à
Genève, nous a adressé le dessin d’un poulain mons-
trueux né au Locle dans le comté de Neufchâtel; il avoit
les sabots fendus et représentant des espèces d’ongles ; sa
tête étoit aussi plus grosse et plus velue qu’à l’ordinaire.
Les paysans lassommèrent par superstition , parce que
Von attribua ces vices de conformation à la frayeur
qu'avoit eue sa mère , de deux ours qui s’étoient ren-
contrés avec elle dans une écurie d’auberge.
Un jeune médecin ;, M. Duvernoy ;, a présenté à la
classe un mémoire sur l’hymen, où il a montré que
cette singulière membrane regardée assez généralement
jusqu’ici comme un caractère propre à l’espècehumaine ,
se retrouve dans toutes les classes d'animaux.
Le même auteur a publié les trois derniers volumes
des Leçons d'anatomie comparée de M. Cuvier , et ter-
miné ainsi un ouvrage où l’anatomie et la physiologie
sont considérées de la manière la plus générale.
M. Dumas , correspondant et professeur à Mont-
pellier, n’avoit pas encore achevé sa grande physiologie,
annoncée par nous il y a quelque temps , qu’il a été
obligé de donner une édition nouvelle de ce qui a paru.
C’étoit déjà un succès bien mérité , mais il a voulu
76 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
le mériter encore davantage , en perfectionnant l’ordre
de son ouvrage , en distinguant mieux les matières,
en donnant plus de rigueur et d’étendue à ses pro-
positions.
M. Barthès, correspondant et ancien professeur de la
même ville , a reproduit son célèbre ouvrage des Élé-
mens de la science de l’homme ; qui fit dans le temps
en physiologie une révolution heureuse.
Le desir bien naturel , mais prématuré, de rapporter
aux lois générales de la physique et de la chimie, les
phénomènes des corps vivans , avoit fait imaginer aux
physiologistes du XVIIe et de la première moitié du
XVIIIe siècle une foule d’hypothèses aussi compliquées
que gratuites , et qui étoient néanmoins encore fort
éloignées de les conduire à leur but.
Quelques bons esprits dégoûtés de ce dédale de sup-
positions contradictoires , imaginèrent d’appliquer aux
corps vivans la méthode si utilement employée en
astronomie physique depuis Newton. Ce grand homme
découvrit que le mouvement si compliqué en apparence
des astres , avoit pour lun de ses élémens principaux
la tendance de toutes les parties des corps les unes vers
les autres selon certaines lois et dans une certaine me-
sure qu’il parvint à déterminer ; en un mot la gravi-
tation universelle ; et admettant une fois pour toutes
dans les calculs ce fait général rigoureusement défini
et apprécié , sans en rechercher la cause , on est arrivé
en effet à expliquer tous les phenomènres avec détail et
précision , et à prévoir le temps et le lieu de chacun
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 77
avec plus d’exactitude encore qu’on ne l’auroit pu faire
par les observations le plus long-temps continuées.
Cet abandon de la recherche des causes premières
pour s’attacher uniquement à la détermination exacte
des causes secondaires ; ou des élémens immédiats des
mouvemens , a donc été l’idée la plus heureuse et la plus
féconde.
Ainsi les physiologistes ont eu raison de vouloir l’imi-
ter, et l’on doit la plus grande reconnoïissance à M. Bar-
thès pour les y avoir engagés par l’exemple de ses succès.
Mais aujourd’hui que l’on ne conteste plus l’utilité de
cette méthode , quelques réflexions sur la rigueur néces-
saire pour en obtenir tout ce qu’on doit en attendre , ne
seront peut-être pas déplacées.
Il faudroit imiter en tout les astronomes qui ne se con-
tentent pas d’attribuer vaguement à l'attraction les phé-
nomènes célestes ; mais qui analysent ceux-ci , qui y
montrent la part des attractions de chacun des divers
corps , et les distinguent de ce qui ne vient point d’elles;
qui ayant déterminé la mesure et les lois de leur action ;
montrent par Paccord d’un calcul rigoureux avec des
observations précises que ces lois sont en effet constam-
ment les mêmes et ne tiennent à aucune supposition
arbitraire. fine ;
Or ce n’est point cela qu’on fait, quand on ditsimple-
ment que les corps vivans , ont un principe vital et
quand on attribue à ce principe sans autre définition
tout ce qu’on ne peut expliquer autrement. Croire avoir
dit quelque chose d’utile, quand on a dit vaguement
78 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
que la sensibilité , la contractilité sont des effets du
principe vital , c’est à ce qu’il nous semble tromper les
autres ou se tromper soi-même par un mot vuide de sens.
Pour avoir le droit d’en comparer l’emploi à celui de la
gravitation universelle , il faudroit analyser séparément
chaque phénomène de la vie ; déterminer la part qu'y
ont les lois ordinaires de la physique et de la chimie ; com-
parer ensuite dans chaque phénomène les élémens que ces
deux sciences n’auroient pas fournis à ceux qui seroient
restés de même après l’analyse des autres phénomènes ;
voir si tous ces élémens inconnus , extraits pour ainsi
dire chacun séparément des phénomènes divers ont
quelque chose de commun entre eux ; rechercher enfin
les lois qu’il faut attribuer à ce principe commun , si
l’on trouve qu’il existé , pour qu’en le combinant avec
ceux des sciences ordinaires il donne de tous les phéno-
mènes observés une explication satisfaisante pour la
raison , et fasse prévoir d'avance avec quelque exactitude
les phénomènes qui devront arriver dans des circons-
tances nouvelles. C’est alors seulement que la physio-
logie pourra se flatter d’avoir un principe particulier ,
comme l'astronomie en a un ; c’est alors seulement qu’il
sera permis en bonne logique , d'employer dans ses rai-
sonnemens et dans ses calculs le principe vital, comme
un fait général dont on se dispensera de chercher la cause
primitive , jusqu’à ce que de nouvelles découvertes
donnent un espoir fondé de la reconnoître.
Mais on sent qu’on ne parviendra à ce but qu’en per-
fectionnant l’anatomie et la chimie des corps organisés,
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES : 79
en comparant sans cesse leurs résultats avec l’observa-
tion de ces corps , soit dans l’état de santé , soit dans
l’état de maladie , en appliquant enfin cette méthode à
toutes les classes de ces corps , quelles que soient la com-
plication de leurs organes et l’étendue de leurs facultés.
Les ouvrages qui paroïssent chaque jour sur les scien-
ces médicales et physiologiques montrent combien il
étoit nécessaire de rappeler ces principes, et j’aurois sans
doute eu peine à trouver pour les présenter un moment
et un lieu plus favorables que ceux-ci, où je parle en
quelque sorte au nom d’un corps qui a fondé sur eux
tous les importans travaux dont je viens de rendre
compte.
80 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
ANALYSE
Û « * .
Des travaux de la classe des sciences mathématiques
et physiques de l’Institut national, pendant le second
semestre de 1806,
PARTIE, PHYSIQUE,
Par M. CU VIER, secrétaire perpétuel.
Lue à la Séance publique du 5 janvier 1807. .
LA nouvelle époque annuelle , fixée pour les séances
publiques de cette classe, réduit à six mois l’intervalle
dont nous avons à rendre compte aujourd’hui ; mais
notre rapport n’en sera pas moins riche en résultats
intéressans.
Les vacances nombreuses arrivées cette année dans
le sein de la classe, en excitant une vive émulation ont
produit un concours remarquable d'ouvrages sur diffé-
rentes parties des sciences naturelles. Nous resterons
fidèles à l’usage que nous avons observé jusqu’à pré-
sent, d'analyser ces écrits en même temps que ceux de
nos collègues ; l’histoire des sciences l’exige : ces tra-
vaux étrangers en apparence se lient presque toujours
avec les nôtres par l’identité des objets de recherches ,
et nous nous en approprions presque toujours quelque
partie en répétant et en variant les observations ou les
vi
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 24
expériences qui en font la base, quand nous avons à
en apprécier la justesse.
MM. Bosc et Silvestre , principaux concurrens pour
la section d’agriculture , ont fait valoir des ouvrages
manuscrits très-considérables sur l’ensemble de cette
science , et plusieurs mémoires particuliers déjà publiés
sur quelques-unes de ses branches ; les places impor-
tantes que le gouvernement leur a confiées dans cette
partie de l’administration et leurs connaissances éten-
dues dans les sciences physiques, ont également été
prises en considération ; la classe a eu le plaisir de les
adopter l’un,et l’autre. M. Silvestre a succédé à Ces ;
ét M. Bosc profond naturaliste autant qu’habile agri-
culteur , dont on possède de si intéressans ouvrages sur
Vhistoire des animaux, a eu la place du vétérinaire
Gilber, qui vaquoit depuis cinq ans.
Dans la section de botanique , il n’y avoit à donner
que la place de feu M. {danson , maisle concours n’en
a pas moins été très brillant, par le nombre et l’impor-
tance des travaux que les concurrens ont soumis au ju-
gement de la classe. Ce doit être une grande satisfaction
pour les amis des sciences que de prendre connois-
sance de ces preuves éclatantes du zèle de ceux qui les
cultivent. |
M. Palisot de Beauvois , qui a été vainqueur , avoit
des titres puissans , dans ses voyages en Afrique et en
Amérique, dans sa Flore d'Oxare et de Benin, dont
nous avons déjà parlé plusieurs fois et qui a procuré
à la botanique des plantes singulières; dans celle des
1806. L
82 HISTOIRE DE LA CLASSEIDES SCIENCES
Etats - Unis d'Amérique qu’il prépare et dont il a
déjà donné d’intéressans échantillons , enfin dans ses
longues recherches sur les plantes appelées communé-
ment cryptogames. Ces recherches consistent en partie
en descriptions d’espèces nouvelles et en établissement
de genres ou autres distributions méthodiques dont il
seroit difficile de donner un extrait; mais elles com-
prennent aussi des objets plus généraux, et principa-
lement un système sur la fécondation des mousses et
des champignons , que nous nous empressons d’autant
plus d’analyser que ; quoiqu'il soit annoncé depuis
long-temps dans des ouvrages répandus et dignes de
l’être , les botanistes ne paroïssent pas y avoir fait assez
d'attention.
On sait que les mousses produisent à une certaine
époque des pédicules plus ou moins longs , terminés par
des capsules ou des urnes d’une organisation assez com-
pliquée, et remplies d’une poussière diversement colorée.
Dillenius et Linné crurent ces capsules des anthères
ou des organes du sexe mâle , et cherchèrent ceux du
sexe femelle dans certains groupes de feuilles en forme
de rosettes ou d’étoiles , que l’on remarque sur d’autres
parties de quelques-unes de ces petites plantes.
Cependant leur opinion ne prévalut pas généralement ;
on ne tarda point à pensér que la poussière qui remplit
les urnes Ctoit la semence et non pas le pollen.
Alors il fallut chercher l’analogue des étamines. Hi//
crut le voir dans les cils du bord de l’urne ; Xæh/reuter
crut Le trouver dans la coiffe ; Schreber , dans certains
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. ,, O9
filets placés au bas du pédicule,et d’autres ailleurs encore.
Mais, en 1774 , un médecin établi à Chemnitz , Jean
Hedwig , devenu depuis si célèbre , observant, dans les
rosettes de quelques mousses des corpuscules cylindri-
ques découverts long-temps auparavant par Micheli,
s’aperçut qu’ils s’ouvroient par le bout et: qu’ils répan-
doient une poussière excessivement tenue : il ne douta
donc point que ce ne fussent des anthères. Ayant en-
suite semé la poussière plus grosse qui remplitles urnes,
il en vit lever des mousses , et conclut que cette pous-
sière étoit la graine , comme plusieurs l’avoient soup-
çonné avant lui , par conséquent que l’urne étoit le fruit
ou l’organe femelle fécondé.
Ces observations publiées d’abord en abrégé en 1777,
couronnées par l’académie de Pétersbourg en 1781 , sui-
vies pendant plus de trente ans avec une patience éton-
nante , et appuyées maintenant de grands ouvrages et
de beaucoup de dessins faits au microscope, ont obtenu
lassentiment de presque tous les botanistes de l’Europe,
et particulièrement de ceux qui s’occupent des mousses.
La seule objection un peu forte qu’on ait pu leur opposer
dans l’origine , savoir qu’on ne trouve pas de rosettes
dans certains genres de mousses ; est à peu près détruite,
depuis qu’'Æedwig , à force d’études , est parvenu à mon-
trer que les anthères sont alors dans les bourgeons des
aisselles ; ou bien qu'elles accompagnent la base du pé-
dicule de l’urne , enfin depuis qu’il Les à fait voir L peu
près dans tous ls genres.
C’est néanmoins ce système si accrédité que M. de
84 MiSTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
Beauvois combat , pour lui en substituer un qu’il avoit
présenté à l’académie des sciences de Paris en 1782, et
dont voici le fond.
Au milieu de cette poussière des urnes, qu'Aecdwis
regarde comme la graine , est une espèce de noyau ou
de petit axe plus ou moins renflé , nommé par les bota-
nistes la col/umelle. Ceux qui ont observé n’y ont vu
qu’un parenchyme plus ou moins celluleux ; Hedwig
le représente plusieurs fois ainsi : mais M. de Beauvois
dit y avoir remarqué de très - petits grains, et croit que
ce sont là les véritables semences ; l’autre poussière qui
remplit l’urne autour de ce noyau , est selon lui le po/ler ;
les mouvemens des cils du bord de l’urne , lorsque ces
cils existent , n’ont , à ce qu’il pense , pour objet que de
comprimer le pollen contre les semences pour les fécon-
der au moment où elles vont s'échapper.
Ainsi selon M. de Beauvois Vurne seroit hermaphro-
dite , tout l'appareil si compliqué des organes qu'Hedwig
prend pour des anthères , et qui se retrouvent dans presque
toutes les mousses , n’auroit aucun usage connu: les indi-
vidus de certaines espèces qui ne portent que des rosettes,
n’auroient aucune part à la propagation ; le pollen seroit
plus gros et plus abondant que la semence : celle - ci
même auroit été invisible pour presque tous les observa-
teurs ; elle seroit fécondée , non pas-dans l’ovaire , et
encore tendre et petite comme se féconde celle de toutes
les autres plantes , mais au moment de sa sortie et lors-
qu’elle est déjà toute développée ; enfin si l’on demande
comment Hedwig a fait venir des mousses en semant ce
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 835
que M. de Beauvoïs croit n’être que le pollen, celui-ci
répond qu’Hedwig semoit en même temps sans s’en aper-
cevoir cette véritable graine presqu’invisible. On sentira
que pour confirmer une opinion si nouvelle , il faudroit
non-seulementpouvoir montrer cette graine , maïs encore
la semer séparément et sans l’autre ; malheureusement
cette dernière expérience n’a pas été faite , et même,
ainsi qu’on en peut juger par l’exposé ci-dessus, il est
à peu près impossible de la faire. :
M. de Beauvois a des idées semblables sur la fruc-
tification des champignons.
Diverses parties de ces plantes , comme les lames des
agarics , les pointes des Lydnes , etc. , se couvrent à cer-
taines époques d’une multitude de petits grains ou pous-
sières ; d’autres genres, comme les /ycoperdons , en ont
leur intérieur rempli, et les font jaillir à l’époque de
la maturité. Ces grains sont regardés comme les semences
ou comme leurs capsules, du moins par tous les bota-
nistes qui croient que les champignons ont des semences.
M. de Beauvois veut au contraire qu’ils soient le pollen ,
et dit que les semences sont dans l’intérieur des lames
ou des pointes, ou bien dans quelque autre partie du
tissu , et qu’elles y ont jusqu’à présent échappé aux
yeux de ses prédécesseurs, parce qu’elles sont à peu
près invisibles. C’est aussi au moment de l'explosion,
et par conséquent lorsqu’elles sont déjà développées,
qu’il croit que les graines des /ycoperdons , ainsi que
celles des mousses, se fécondent.
Tel est le système d’après lequel M. de Beauvois se
86 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES.
croit autorisé à remplacer le nom de cryptogames ou
de fructification cachée donné par Linnœus et conservé
encore par Hedwigà ces différentes familles , par celui
d AEthéogames ou plantes à fructification insolite ou
extraordinaire.
Il a publié une partie de son prodrome dAEthéo-
gamie, brochure où il annonce la distribution qu'il
établit parmi les mousses ; il y fait abstraction dans
la formation des genres de ce qu'Æedwig prend pour
les organes du sere mâle, précaution convenable en
effet, tant que les fonctions de ces parties ne seront
point hors de contestation , et il use de la même pru-
dence vis-à-vis de lui-même , ne tenant non plus aucun
compte de cette columelle qu’il prend pour le pistil.
Cependant c’est d’après les organes des sexes qu’il sépare
dans ce même prodrome les /ycopodes des mousses or-
dinaires ; mais c’est qu’il pense qu’il ne reste aucun
doute à l’égard des premiers , du moins dans quelques
genres.
Dans une seconde partie , encore manuscrite et sou-
mise à la classe pendant ce semestre, M. de Beauvois
présente sa distribution des champignons et des algues,
Il fait pour les premiers quelques changemens à la
distribution de Persoon , et réduit le nombre des genres
de soixante-onze à soixante, qu’il distribue en six
ordres.
Dans un mémoire plus récent, ilannonce avoir vu sur
de jeunes plantes des grains qui lui ont paru semblables
aux semences des champignons parasites qui ont coutume
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES, 87
de se développer dans la substance de ces plantes, et sous
leur épiderme ; il en conclut contre un mémoire de
M. de Candolle , dont nous parlerons bientôt, que ces
graines traversent l’épiderme pour se loger dessous. Il
s'arrête davantage à certains champignons vivaces qui
croissent par couches du haut en bas, au contraire des
autres végétaux; c’est une observation faite depuis long-
temps par WMarsilli et par Bulliard, mais M. de Beau-
vois y ajoute l’idée que chaque couche peut être consi-
dérée comme un individu particulier ou comme un
champignon nouveau provenantdes graines de là couche
antérieure.
Enfin, M. de Beauvois a montré qu’il y a assez de
différences entre les fleurs du Raphia d’Oware et celles
du Sagoutier des Moluques, pour qu’on ne les laisse
plus dans le même genre de palmier, comme on le
faisoit jusqu'ici; et il a communiqué la description de
deux /obélies.
Parmi les concurrens moins heureux, il n’y en a eu
que deux, MM. de Candolle et du Petit - Thouars
qui aient présenté des mémoires nouveaux dans cette
occasion. |
M. de Candolle , quoique jeune encore, a enrichi
de découvertes aussi nombreuses qu’intéressantes la
physique végétale , la botanique proprement dite, et
la matière médicale. _
À la première de ces sciences appartiennent les obser-
vations qu’il a faites sur l’action de la lumière artificielle
qui, n’agissant d’abord qu’insensiblement , parvient à la
88 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
fin à changer tout-à-fait les habitudes des végétaux ; ses
observations sur les pores corticaux ; sur la production
du gaz oxigène par les lichens verts, qui avoit été niée,
et dont il a montré la réalité ; enfin sur la végétation du
guy, qui attire bien la sève du pommier, tandis qu’il ne
. peut pomper l’eau où on le plonge immédiatement: fait
important qui modifie les idées qu’on avoit sur les causes
de l’ascension de la sève.
A la botanique descriptive se rapportent son histoire
des plantes grasses , celle des Ziliacées , celle des astra-
gales, l’édition de la Flore française, qu’il vient de
donner sous les yeux de notre confrère M. de La Marck,
et divers mémoires particuliers ; ouvrages qui ont en-
richi le catalogue des végétaux de trente-sept genres et
de plus de trois cents espèces auparavant inconnues.
Enfin, en matière médicale, il a distingué le premier
les divers végétaux confondus sous le nom d’Zpéca-
cuanha, et cêux qui se donnent aussi pèle-mèle sous
celui de rousse de Corse, et dans un traité sur l’accord
des vertus des plantes avec leurs familles naturelles,
il a développé, d’après des vues nouvelles , les règles
à suivre dans ces sortes de recherches; règles dont la
négligence avoit induit en de graves erreurs ceux qui
s’étoient occupés avant lui de ce sujet, l’un des plus
importans de la botanique appliquée.
À tous ces travaux M. de Candolle à ajouté trois
mémoires qu'il a présentés à la classe dans le cours de
ce semestre,
Le premier roule sur /es champignons parasites qui
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 89
se développent sous l’épiderme des végétaux , et qui
causent à plusieurs espèces utiles des maladies funestes ;
tels sont la rouille des bleds et le charbon, qui détruit
les avoines. La carie qui empoisonne le froment en vient
probablement aussi. On avoit cru jusqu’à présent que
ces champignons s’introduisoient par les pores de l’épi-
derme ; mais comme les liqueurs colorées ne traversent
ces pores qu’avec peine, et qu’une simple application
n’inocule point ces maladies aux plantes, M. de Can-
dolle pense que leurs germes s’introduisent par les
racines avec les sucs nourriciers des végétaux , et cir-
culent dans l’intérieur des vaisseaux, jusqu’à ce qu’ils
arrivent aux endroits convenables à leur développement;
il les compare, à cet égard, aux vers intestins qui ne
peuvent subsister que dans l’intérieur du corps des autres
animaux ; de cette théorie et de l’observation que chaque
espèce de champignon parasite ne peut se propager que
dans des plantes de même famille , il déduit des règles
dont l’agriculture pourra profiter pour arrêter cette sorte
de contagion.
On connoissoit avant M. de Candolle quatre-vingt-
quatre de ces champignons : ses observations ont aug-
menté ce nombre de plus de cent.
Dans un mémoire sur les aloues marines , il montre
que ces plantes n’ont point de vraies racines ; qu’il n’y a
dans leurorganisation aucune trace de vaisseaux ; qu’elles
absorbent l’humidité par toute leur surface ; qu’elles dé-
gagent d’autant plus de gaz oxigène à la lumière qu’elles
sont plus vertes; il annonce que les petits grains regardés
1806. M
90 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
jusqu’ici comme leurs semences, n’en sont que les cap-
sules , et contiennent des grains beaucoup plus petits,
enduits d’une viscosité qui les fixe où ils doivent germer.
Enfin, M. de Candolle a présenté un mémoire de
botanique proprement dite sur la famille des rubiacées,
qu’il divise en quatre ordres, et à laquelle il ajoute
quatre nouveaux genres.
M. du Petir- Thouars a stjourné long-temps dans
les îles de France et de Bourbon, et voyagé à Mada-
gascar. Il a commencé à en publier la Flore, qui est
très-riche en plantes singulières ; il y a fait surtout des
observations précieuses sur les orchidées, plantes qui
ont besoin d’être examinées en vie, et qui se refusent à
la culture. Il est prêt à en publier un grand nombre
d'espèces nouvelles. Les fougères ont aussi été pour lui
un objet important de recherches. La seule île de AZa-
dagascar lui a fourni quatre-vingt-neufgenres nouveaux
dont il vient de faire imprimer les caractères , qu’il avoit
envoyés en France il y a près de dix ans. Ses observations
sur la germination du cycas lui ont fait découvrir que
cet arbre singulier, dont les uns faisoient un palmier,
et les autres une fougère, doit constituer une famille à
part , également distincte de ces deux-là.
Le dracæna ou bois chandelle ui a fait connoître
des faits particuliers fort curieux qui l’ont conduit à un
système général et nouveau sur le développement des
arbres. Nous allons essayer d’en donner une idée.
On sait que le tronc des arbres ordinaires grossit par
des couches de bois qui se manifestent chaque année
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 91
sous l'écorce, et qu’il s'alonge et se ramifie par des
pousses qui ne sont que Le développement des bourgeons.
Chacune de ces nouvelles pousses n’a qu’une seule
couche de bois qui est en communication avec la der-
nière de celles qui se sont formées sur le tronc et le filet
médullaire qui occupe l’axe de ces pousses vient de la
moelle qui règne dans le milieu de l'arbre. Les physi-
ciens pensent généralement que ces couches ligneuses
successives naissent chaque année sous la face interne
de l’écorce.
Les palmiers et les autres arbres monocotylédones
croissent tout différemment : les nouvelles fibres se dé-
veloppent dans l’axe, et non pas dans le pourtour du
tronc ; elles traversent toute la longueur de cet axe pour
aller s'épanouir au sommet de l’arbre , en feuilles.et en
fleurs. Voilà pourquoi le tronc des palmiers ne grossit
presque point , surtout dans le bas, et ne produit d’or-
dinaire aucunes branches.
M. Desfontaines , notre collègue , a fait voir que cette
manière de croître est commune à peu près à toutes les
plantes monocotylédones , et les distingue en général
des dicotylédones.
Or M. du Petit- Thouars ayant remarqué que les
dracæna., arbres réellement mnonocotylédones, se rami-
fient pour ainsi dire comme les arbres ordinaires, et
voulant se rendre compte de ce phénomène , il s’assura
par la dissection , que l’axe d’un rameau ne communique
point avec celui de l'arbre, mais que les fibres de ce
rameau arrivées à l'endroit de sa jonction avec le tronc
92 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
s’épanouissent sur celui-ci, en divergeant comme des
rayons ; les fibres inférieures descendent directement,
les supérieures après avoir monté un peu se recourbent
et descendent aussi. Ces arbres croîtroient donc par des
couches concentriques , et en effet ils grossissent autant
qu’ils se ramifient. Tels sont une partie des faits : voici
maintenant le système.
M. du Petit-Thouars, appliquant ces observations
à tous les arbres à couches concentriques , conclut que
les nouvelles couches ne sont point produites par l’é-
corce, mais par les bourgeons ; que leurs fibres sont des
prolongemens descendans de ces bourgeons , comme les
pousses en sont des prolongemens ascendans. Il pense
que le suc contenu dans la moelle fournit aux bourgeons
leur première nourriture, comme les cotylédons la four-
nissent à la jeune plante; il est obligé d’ajouter que ces
fibres se développent depuis les bourgeons qui leur don-
nent naissance, jusqu'aux racines, avec une rapidité
qu'il compare à celle de la lumière ou de Pélectricité,
car la couche ligneuse se forme sur toute l’étendue de
l'arbre dans l’espace de quelques jours. La nécessité
d'admettre un développement si rapide est déjà , comme
on voit, une difficulté forte contre cette opinion. Il y
en a une seconde qui a paru encore plus péremptoire :
Quand on greffe une espèce d’arbre sur un autre, du
poirier, par exemple, sur du pommier , chaque espèce
forme son bois dans les parties qui viennent d’elle; le
sujet n’a que du bois de pommier, et tout ce qui est
au-dessus de linsertion n’a que du bois de poirier. On
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 93
distingue nettement l’endroit où les deux bois se sé-
parent, et comme on a grand soin d’ébourgeonner le
sujet, il faut bien , à ce qu’il semble, que son bois soit
fourni uniquement par l’écorce ; car comment , deman-
dent les partisans de l’ancienne doctrine , des bourgeons
de poirier donneroient-ils du bois de pommier ? C’est
que, répond M. du Petit-Thouars , les fibres qui des-
cendent de ces bourgeons ne peuvent se nourrir dans
leur trajet le long du tronc du pommier que du cam-
bium ou des sucs que celui-ci leur fournit.
Pendant qu’une rivalité noble animoit ainsi les can-
didats, les botanistes membres de la classe, en conti-
nuant leurs travaux, se montroient dignes d’être les
principaux juges de ce grand concours.
M. Ventenat poursuivoit sa belle entreprise du jar-
din de la Malmaison. Un nouveau cahier (le 20°) en
a paru dans ce semestre.
La première des espèces qui y sont décrites est une
superbe légumineuse originaire de Botany-Bay , et qui
présente dans les organes de sa fructification des carac-
tères qui n’ont pas été encore observés dans les végétaux
de cette famille. M. Ventenat n’a pas hésité à en faire
un genre nouveau auquel il a rapporté une seconde
espèce cultivée également à la Malmaison, quoiqu’elle
n’ait pas encore fleuri; maïs elle ressemble tellement
à la première par son port qu’il est presque certain
qu'elle doit lui être conforme dans les organes de la
fructification.
La dernière est une malvacée originaire des Canaries,
94 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
dont les fleurs , grandes comme celles de la Ketmie des
jardins, sont d’un rouge de feu, couleur extrêmement
rare dans les plantes de cette famille. Cette livraison,
ainsi que celles qui l’ont précédée , fait regretter aux
personnes qui s’intéressent à la science, que la santé de
l’auteur lait forcé de suspendre cet ouvrage. |
M. de la Billardière conduisoit jusqu’à la vingt-
troisième livraison sa Flore de la Nouvelle-Hollande,
Cinq nouveaux genres s’y trouvent décrits, dont un sur-
tout que M. de la Billardière nomme athérosperme ,
et qui lui paroît appartenir à la famille des rezoncules,
est un arbre qui pourra devenir utile à la France, parce
que ses amandes ont le goût et l’odeur de la muscade,
et qu’il paroît devoir très-bien supporter la température
de notre climat.
l’un de nos plus célèbres correspondans, M. de
Humboldt , continue à publier, avec son compagnon
de voyage, M. Bonpland, les plantes qu’ils ont obser-
vées dans l’ Amérique équinoxiale. I] vient d’en paroître
encore deux livraisons. La seule famille des mé/astomes
devra à ces savans voyageurs une telle quantité d’espèces
nouvelles qu’ils ont pu lui consacrer un ouvrage parti-
culier.
Ils n’enrichissent pas moins l’histoire des animaux.
Le condor, cet oiseau si fameux des Cordilières,
n’avoit point été décrit avant eux d’une manière uni-
forme , et l’on en avoit beaucoup exagéré la grandeur.
Il n’a guère plus d’un mètre de hauteur, ni de trois
ou quatre d’envergure. Sa couleur générale est un brun-
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 95
noirâtre : le bas du cou est garni d’un collier de plumes
blanches. Le mâle se distingue par une crête charnue
sur le sommet de la tête et par une tache blanche À
Vaile , qui manquent à la femelle.
Les observations de ces deux voyageurs sur l'arguille
électrique de Surinam (gymnotus electricus ) sont bien
curieuses. Ce poisson est assez commun dans certaines
mares de la Guiane , et donne des commotions assez vives
pour étourdir des chevaux , les faire tomber et les exposer
à se noyer. C’est même ainsi qu’on s’empare de Panguille
parce que ces commotions l’affoiblissent elle-même en.
se répétant, et qu’alors on peut la saisir sans danger.
M. de Humboldt, en posant les deux pieds sur une
anguille qui venoit d’être tirée de l’eau, éprouve une
douleur si vive que l’impression en dura toute la jour-
née , et qu’il ne put en distinguer la nature; mais quand
on ne s’expose qu’à des commotions foibles, on y re-
marque un tremblement particulier, une espèce de sou-
bresaut des tendons , qui n’a point lieu dans les commo-
tions électriques ordinaires. Celles des gymnotes ressem-
blent davantage à la douleur que l’on produit en galva-
nisant une plaie. Elles ne dépendent-que de la volonté
de Panimal , qui les donne sans faire aucun mouvement
apparent , et les dirige comme il lui plaît : mieuxil est
nourri, plus on renouvelle l’eau où on le tient, plus
ses commotions sont fortes ; mais elles cessent sur-le-
champ quand on lui enlève le cœur et le cerveau. Elles
se propagent au travers des mêmes corps que celles de
l'électricité ; cependant il ne suffit pas pour les recevoir
96 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
de toucher l’eau où est le poisson ; en revanche, il n’est
pas nécessaire de faire un cercle ou de toucher le poisson
en deux endroits.
M. Tenon a donné une suite importante à ses Mé-
moires sr La dentition du cheval. 0
Après avoir rappelé en abrégé les résultats de ceux
qu’il a présentés les années passées , il s’est occupé par-
ticulièrement des arrière - molaires, ou des trois der-
nières dents de chaque mâchoire.
Celles d’en bas ont deux racines , celles d’en haut trois:
Les fûts des premières sont plus minces et arqués d’a-
vant en arrière ; ceux des autres s’arquent vers le palais :
cette courbure les distingue des molaires antérieures,
soit de lait, soit de remplacement, qui sont droites.
Les premières de ces arrière-molaires sont déjà visi-
bles dans l’alvéole à la naissance ; elles paroïissent à neuf
mois et durent toute la vie : aussi ont-elles plus de lon-
gueur à user par la mastication que toutes les autres.
La première et la deuxième ont en arrière une petite
arète longitudinale qui leur aide à fendre l’alvéole, mais
qui est bientôt suivie d’une surface plane, destinée à
donner appui à la molaire qui vient derrière. La troi-
sième arrière-molaire au contraire ne devant être suivie
d'aucune autre dent, conserve son arète sur toute sa
longueur; mais elle a un petit renflement qui l’empèche
de déboucher de lalvéole aussi rapidement que les au-
tres. Toutes ces dents en se développant font sur la
mâchoire l'effet d’un instrument expansif qui la dilate
inégalement , et en fait varier la forme selon les âges,
et conformément aux besoins de chaque âge.
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 97
Ce n’est qu’en étudiant ainsi la nature jusque dans les.
moindres détails de ses ouvrages, que l’on devient digne
de l’admirer comme elle mérite de l’être ; mais combien
cette étude est difficile! La seule dentition du cheval
suivie par M. Tezon dans toutes ses époques , a été
pour lui l’objet d’un travail assidu de plusieurs années.
Ce savant et respectable anatomiste à aussi publié
récemment le premier volume de ses Recherches d’ ana-
fomie et de chirurgie. Il y traite principalement des
yeux , de leurs maladies, de l’exfoliation des os, et il
y a fait insérer plusieurs des mémoires dont nous avons
rendu compte dans nos rapports précédens. Cet ouvrage,
destiné aux hommes de Part, ne pourroit être suffisam-
ment analysé dans un rapport aussi abrégé que celui-ci.
M. Cuvier continue ses recherches sur les animaux
que les révolutions du globe paroissent avoir détruits.
Il en a encore décrit cinq dans ce semestre. Les osse-
mens du premier étoient connus depuis assez long-temps,
et se trouvent abondamment le long des différentes
rivières de l'Amérique septentrionale, où on on leur a
appliqué mal à propos le nom de mammouth qui
appartient exclusivement à l'éléphant fossile, si commun
en Sibérie. Des quatre autres qui sont du même genre,
«mais que l’on n’avoit point reconnus jusqu'ici , deux se
déterrent en Europe et deux en Amérique méridionale.
Les caractères communs à ces cinq animaux sont
d’avoir porté des défenses et une trompe , comme l’élé-
phant, et d’avoir eu leurs mâchelières hérissées de
pointes coniques disposées par paires, C’est cette der-
1806, N
98 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
nière circonstance qu’exprime le nom générique de #1as-
todonte ou animaux à dents mammelonnées , qui leur
est imposé par M. Cuvier.
Les travaux de ce naturaliste sur les os fossiles si
communs dans les carrières à plâtre de nos environs,
viennent d’être couronnés par la découverte faite tout
récemment à Montmartre d’un squelette presque com-
plet. Il appartient à l’une des onze espèces aujourd’hui
détruites et que M. Cuvier a pour ainsi dire reformées.
Ce qui n’avoit pu être que conjecturé sur des os trouvés
isolément, est aujourd’hui pleinement confirmé par ce
squelette où ils sont encore dans leur union naturelle.
M. de Beauvois a fait paroître le troisième cahier de
ses Znsectes recueillis en Afrique et en Amérique.
L'histoire des animaux, placée sur la limite des
sciences physiques et des sciences morales, n’emploie
pas seulement, dans ses recherches , la théorie de l’ac-
tion des corps; celle des opérations de lesprit ne lui est
point étrangère.
On sait, par exemple , que la nature et les bornes de
l'intelligence des brutes occupent depuis long-temps les
métaphysiciens, quoiqu’elles ne puissent guère être dé-
terminées que par les observations des naturalistes.
Sous ce dernier rapport elles peuvent donc faire aussi,
l’objet des recherches de notre classe , et c’est par cette
raison que nous avons entendu avec intérêt un mémoire
sur l'instinct ou plutôt contre l'instinct, qui nous a été
lu par M. Dupont de Nemours, membre de la classe
d'histoire.
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 99
Des considérations étrangères compliquoient autrefois
ces sortes de questions, et Descartes ne s’en étoit dé-
barrassé qu’en se jetant dans un parti extrême, et en
faisant des brutes de pures machines.
Si l’on ne savoit par tant d’expériences jusqu’où l’es-
prit de système a quelquefois entraîné les plus grands
hommes , on seroit tenté de croire, ou que ce n’étoit pas
son sérieux , ou qu’il n’avoit jamais caressé un chien ni
conduit un cheval,
Quoi qu’il en soit, depuis que les philosophes ont
trouvé plus convenable d’observer la nature réelle que
d’en créer une imaginaire, ils en sont revenus à penser
sur cet objet à peu près comme le peuple.
Aucun d’eux ne doute, non seulement queles animaux
n’aient la conscience de leurs sensations , et ne soient
déterminés dans leurs actions par le plaisir et par la
peine actuels, mais encore qu’ils n'aient une grande
mémoire, qu’ils ne se forment par des expériences répé-
tées des jugemens généraux fondés sur le sentiment de
Panalogie, et qu’ils ne se conduisent ensuite d’après le
plaisir et la peine que ces jugemens leur font prévoir,
et souvent malgré l’attrait actuel d’une peine ou d’un
plaisir présens; enfin que ces moyens biens dirigés ne
puissent être employés par l’homme à leur éducation ,
et ne les conduisent quelquefois à prendre l’habitude
d’exécuter avec uné justesse admirable des actions très-
difficiles et auxquelles même leur conformation ne sem-
bloit point appropriée.
Aucun de ces philosophes ne doute non plus que les
100 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
animaux n'aient divers moyens d’exprimer leurs besoins
et leurs passions, et que ceux d’un ordre supérieur ,
c’est-à-dire voisins de nous par l’organisation , n’ap-
prennent la signification de plusieurs de nos mots aux-
quels ils obéissent sans se méprendre.
Mais , indépendamment de ces facultés qui ressem-
blent aux nôtres, au degré près , et qui varient à un
degré presque aussi considérable dans les différentes
classes d'animaux, les naturalistes ont cru reconnoître
dans certaines espèces , d’autres facultés qui leur ont paru
essentiellement différentes et auxquelles ils ont donné
le nom d’instinct.
Ce sont certaines actions nécessaires à la conservation
de l’espèce ;, mais souvent entièrement étrangères aux
besoins apparens des individus, souvent aussi très-com-
pliquées; qui, pour qu’on les attribuât à l’intelligence,
supposeroient une prévoyance et des connoiïssances que
personne n’oseroit accorder à ces espèces ; actions qui
ne peuvent non plus être attribuées à limitation, parce
que les individus qui les pratiquent paroissent souvent
dans l’impossibilité de les avoir apprises , et que cepen-
dant ceux de la même espèce les exercent toujours à peu
près de la même manière ; enfin, et ceci n’est pas moins
remarquable , actions qui ne sont en aucun rapport avec
le degré de l'intelligence ordinaire , qui deviennent plus
singulières , plus savantes , plus désintéressées , à mesure
que les animaux qui les font appartiennent à des classes
moins élevées , et, dans tout le reste , plus stupides.
C’est parmi les insectes, les mollusques, les vers, qu’on
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 101
observe les instincts les plus admirables, Il semble que
l'instinct et l'intelligence soient deux facultés faites pour
se compenser, et dont l’une supplée à l’autre, comme
à d’autres égards la fécondité supplée à la force ou à la
longévité; c’est même par la juste proportion de l’in-
telligence, de l'instinct et des qualités physiques, telles
que la finesse des sens ou la force du corps, que les
espèces se conservent.
Les naturalistes ont donc pensé que les animaux,
doués d’instincts , exercent ces actions particulières en
vertu d’une impulsion intérieure , indépendante de l’ex-
périence, de la prévoyance, de l’éducation , et des agens
extérieurs, ou en d’autres termes , que c’est Zeur orga-
nisation qui les détermine par elle-méme à agir ainsi. Ce
résultat a été adopté à peu près par tous les observateurs F
et s’ils ont varié, ce n’est qu’en expliquant la manière
dont l’organisation peut donner cette détermination :
voici, à cet égard, l'hypothèse particulière de l’un d’eux.
Le besoin ou le desir d’une certaine action ne peut
être occasionné que par des sensations ou des souvenirs
de sensations; en un mot, par des images; mais il n’est
pas nécessaire qu’une sensation vienne du dehors > Car
toute sensation extérieure exige des mouvemensintérieurs
des nerfs et du cerveau, sans lesquels elle n’auroit pas
lieu : or, ces mouvemens intérieurs peuvent naître dans
les organes eux-mêmes sans action du dehors, et il en
naît souvent ainsi dans les rêves et dans différentes ma-
ladies; rien n’empêche donc que certains animaux ne
soient organisés de manière à ce qu’il y ait constamment
102 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
en eux des mouvemens intérieurs propres à produire des
sensations, des images, et à ce que ces images déter-
minent impérieusement leur volonté à certaines actions.
Cette hypothèse ne paroît avoir rien de commun avec
celle des idées innées, qui n’a pour objet que les idées
générales ou abstraites: car, ceux qui nient, avec raison,
que les idées générales de l’homme soient innées , n’ont
jamais prétendu que l’homme ne puisse avoir des sensa-
tions en vertu des mouvemens intérieurs de son propre
corps et sans l'intervention des corps extérieurs ; l’ex-
périence de chaque jour les auroit démentis.
Elle ne paroît avoir rien de commun non plus avec
celle du matérialisme : car, quelque idée que l’on se
fasse de la nature intime du principe sentant, on est
toujours obligé de convenir qu’il n’éprouve de sensa-
tions que par l’intermède du cerveau et du système
nerveux.
Enfin, elle wa rien qui la rapproche plus qu'aucune
autre du fatalisme; car, touteaction étant déterminée , ou
par une sensation actuelle, ou par le souvenir d’une sen-
sation passée, ou enfin par la crainte ou lespoir d’une
sensation future, que ces sensations soient internes ou
externes, l’état de la question n’est pas changé.
Cependant il semble que c’est surtout lacrainte de
donner dans l’un de ces trois écueils qui a déterminé
M. Dupont à rejeter indistinctement toute espèce
d’instinct.
I] commence par montrer que les actions des animaux
d'ordres supérieurs , comme les qguadrupèdes et les
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 103
oiseaux, résultent de la combinaison de leur expérience
et de leurs facultés physiques , et il ny a aucune peine;
tous les naturalistes en conviennent aujourd’hui. Ensuite
il cherche à expliquer physiquement comment ces ani-
maux , et les enfans eux-mêmes apprennent à tetter; il
montre que plusieurs espèces ont le pouvoir de faire en-
tendre des sons assez nombreux pour former une langue
très-compliquée et il assure avoir observé qu’ilsemploient
une partie de ces sons dans des circonstances tellement
semblables qu’on ne peut guère douter qu’ils ne leur at-
tachent une signification fixe. Ses observations, à cet
égard, sont très-intéressantes, et propres à enrichir
l’histoire naturelle de ces espèces.
Il cherche aussi à prouver que les espèces peuvent
perfectionner leurs procédés dans certaines circons-
tances ; mais peut-être les naturalistes lui reprocheront-
ils ici d’avoir pris quelquefois des espèces différentes
pour la même perfectionnée. Ainsi , le castor archi-
tecte du Canada , n’est pas entièrement semblable au
castor terrier du Rhône, l’araignée sociale du Paraguay
n’est point du tout la même que nos araignées solitaires.
On conçoit d’après ce que nous avons dit ci-dessus ,
que la plus grande difficulté pour M. Dupont, devoit
être d’expliquer comment les insectes ont appris les
précautions si merveilleuses avec lesquelles ils prépa-
rent à l’œuf, qu'eux et quelquefois d’autres qu’eux doi-
vent pondre, et au ver qui en doit naître, l’abri et la
nourriture qui leur conviennent, quoique ces insectes
m’aient souvent jamais vu et ne doivent jamais revoir
104 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
ni œuf, ni ver semblable , et que les besoins du ver
n'aient aucun rapport avec ceux de l’insecte qui travaille
pour lui.
Parmi des milliers d'exemples qu’on auroit pu allé-
guer, M. Dupont n’en a choisi qu’un seul ; mais on
ne peut l’accuser de lavoir choisi aisé ; c’est celui d’une
espèce de fausse guépe solitaire, dont voici l’industrie.
Pendant sa vie d’insecte parfaitelle se tient sur les fleurs ;
quand elle est prête à pondre , elle creuse dans du sable
argilleux un trou cylindrique ; elle dépose un œuf au
fond ; elle va chercher sur le chou une petite chenille
verte, dont elle n’avoit jamais fait sa proie auparavant;
la guêpe pique la chenille de son aiguillon , de ma-
nière à affoiblir celle-ci, pour qu’elle ne puisse résister
au ver qui sortira de l’œuf et qui doit la dévorer; maïs
point assez pour la tuer et la faire corrompre ; elle la
roule en cercle et la met au fond du trou; elle en va
chercher successivement onze autres toutes semblables
qu’elle traite et place de même, puis elle ferme le trou
et meurt; le petit ver éclot, il dévore successivement
les douze chenilles et alors il se métamorphose en guèpe
qui sort de son souterrain pour voltiger long-temps sur
les fleurs, s’y livrer à l’amour , et recommencer, quand
elle voudra pondre, précisément les mêmes opérations
que sa mère, et sur les mêmes chenilles.
M. Dupont de Nemours est non-seulement obligé
de supposer , et suppose en effet dans son explication,
que Pinsecte parfait conserve le souvenir des sensations
qu’il a éprouvées dans l’état de ver, quoiqu'il ait entière-
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 105
ment changé de forme et d’organes ; mais il faut encore
qu’il pense, quoiqu'il ne le dise pas expressément, que
la guèpe peut désormais reconnoître par la vue les che-
nilles et le sable, qu’elle n’avoit appris à connoître que
par le tact, et même par son ancien tact de ver; car le
ver est aveugle ; il vit dans un souterrain, et quand la
guèpe éclot dans ce souterrain les chenilles n’y sont plus.
Enfin, comme M. Dupont n’ose admettre dans la guèpe
la prévoyance que l’œuf qu’elle dépose deviendra ver,
etaura besoin de tout ce qu’elle fait pour lui, il en vient
à dire qu’elle fait tout cela seulement pour s’amuser en
imitant ce qu’elle a vu dans son enfance.
Telles nous paroissent d’une part les difficultés que
M. Dupont combat, et de l’autre celles où il s'engage ;
on verra aisémentpar notre exposé quenousne les jugeons
pas de même force, mais nous avouerons que nous n’a-
vons peut-être pas l’impartialité nécessaire pour tenir
entre elles une balance égale ; et comme nous n’avons
aucun droit d’en porter un jugement , nous engageons
nos lecteurs à les revoir eux-mêmes dans le mémoire de
M. Dupont, où ils trouveront d’ailleurs tout le plaisir
que l'esprit et l'imagination de cet ingénieux philosophe
ne peuvent manquer de procurer,
La médecine, qui n’est qu’une-application des lois de
l’économie animale à la guérison des maladies, a fait,
comme on sait, dans ces dernières années l’une de ses
découvertes les plus importantes , en trouvant la vaccine.
Sa propriété préservative est aujourd’hui suffisamment
démontrée, mais il reste encore bien des observations à
1806. 0
\
106 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
faire sur les modifications dont elle est susceptible.
M. {Tallé en a communiqué à la classe de très-intéres-
santes sur lesirrégularités que l’inoculation de la vaccine
a éprouvées à Lucques dans le cours de l’année 1806.
Ces différences n’ont point affecté la marche, les pé-
” riodes ni les caractères essentiels de l’éruption vaccinale.
Elles se sont seulement manifestées :
Dans la forme du bouton , qui en s'étendant et se
confondant avec de petites pustules réunies autour de la
pustule principale perdoit et sa forme régulière, et la
dépression ombilicale qwil offroit au moment de sa for-
mation ;
Dans /a nature de la croûte qui succède à la pustule ;
celle-ci n’avoit point la couleur brune, luisante, polie
de la croûte de la vaccine ordinaire; elle étoit irrégulière
dans sa forme, comme le bouton qui lui avoit donné
naissance , et laissoit dans la peau un enfoncement plus
ou moins profond , qui se remplissoit ensuite complète-
ment ;
Enfin , dans des éruptions de pustules sur tout le
corps , qui se sont montrées dans le moment où se for-
moit ’aréole autour du bouton principal.
Ces irrégularités ont été épidémiques dans tout le ter-
ritoire de Lucques. |
Les contre épreuves faites par Pinoculation de la
Retite vérole, sur les individus qui avoient éprouvé des
vaccines irrégulières , ont démontré que leur irrégularité
n’a aucunement altéré la propriété préservative de la
vaccine.
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 107
* La troisième partie de l’histoire de la nature, celle
qui traite des minéraux , a été enrichie récemment d’un
fait intéressant.
M. Vauquelin vient de découvrir la présence du
platine dans les fameuses minés d’argent de Gzadal-
canal en Estrémadure.
On n’avoit trouvé jusqu'ici ce métal, qui peut de-
venir si précieux pour presque tous les arts, que dans
les mines du Pérou , où il est combiné avec une
multitude de substances diverses , ainsi que nous l’a-
vons annoncé dans notre dernier rapport. Dans celles
de Guadalcanal , il est allié avec de l’argent, du
cuivre , de l’antimoine, du fer, de larsenic, du
plomb et du soufre. Il fait quelquefois jusqu’au
dixième de la masse.
Le même chimiste a fait des expériences de la plus
haute importance sur l’affinage des mines de fer.
On sait que la France assez pauvre en métaux pré-
cieux, produit en revanche une abondance d’excellent
fer, mais l’on connoît aussi combien ce métal diffère
en bonté selon les mines d’où il vient et les forges où
on le prépare. \
M. Vauquelin pour découvrir les causes de ces
différences a commencé d’analyser avec cette exacti-
tude si étonnante qui le distingue , les minerais et les
fontes que l’on expose aux fourneaux, les fondans que
Von y ajoute, et Les scories ou autres déchets que l’on en
AS
sépare.
Il à trouvé dans nos mines de fer limoneuses de
108 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
Bourgogne et de Franche-Comté, outre l’oxide de fer;
de la silice, de l’alumine , de la chaux, du manga-
nèse oxidé, de l’acide phosphorique , de la magnésie
et de l’acide chromique. Une partie de ces substances
reste dans la fonte, surtout dans la blanche, et l’on
en retrouve des parcelles, même dans le fer le mieux
affiné, quoique la plus grande quantité passe dans les
scories ou les crasses, et dans les matières qui se su-
bliment dans les fourneaux.
C’est aux restes de chrome, de phosphore et*de man-
ganèse , que M. Vauquelin attribue les mauvaises
qualités de certains fers comme celles de casser à chaud
et à froid ; et tous les soins des maîtres de forges doivent
tendre à débarrasser leur métal de ces substances nui-
sibles.
Outre ces remarques utiles , M. Vauquelin en fait
une très-curieuse; c’est que cette composition soit des
mines, soit surtout du sublimé des fourneaux, ressemble
beaucoup à celle des pierres tombées de l'atmosphère. Il
n’y a que le zickel qui se trouve de plus dans ces der-
nières. Comme ces substances qui se subliment ne
restent pas toutes dans le fourneau et qu’il s’en élève
sans doute quelques-unes plus haut, il ne croit pas
impossible qu’elles entrent pour quelque chose dans la
formation de ces pierres : la seule difficulté seroit de
savoir comment ces métaux sublimés pourroient se
réunir dans atmosphère, en masses aussi grandes que
le sont certains aërolithes.
. Ce sujet des mines de fer a été traité sous un autre
‘MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 109
point de vue par MM. Descostils et Hassenfratz ,
ingénieurs des mines. Il s’agissoit du /ér dit vulgaire-
ment spa!/hique, dont nous avons annoncé dans notre
dernier rapport que la composition est fort variable,
Ses minerais sont plus ou moins fusibles et donnent
du fer plus ou moins bon. M. Descostils pense que
la difficulté d’en fondre quelques-uns, tient à la magné-
sie qui entre dans leur composition ; tous les fers spa-
tiques infusibles qu’il a analysés lui ont donné de cette
terre , et en ayant ajouté une portion à des échantillons
fusibles par eux-mêmes, il leur a Ôté cette propriété. Il
explique par-là l’effét de l’exposition à l'air et à l’hu-
midité, pour faciliter la fonte de ces minerais ; c’est
qu’il se forme par la décomposition des pyrites, de l’a-
cide sulfurique qui dissout la magnésie. Cependant
M. Hassenfratz conteste cette théorie, et dit avoir eu
des fers spathiques infusibles, sans qu’ils continssent
de magnésie. Il croit que l’exposition à l’air ne fait que
détruire la cohésion du minerai. Nous rendrons compte
dans le temps du jugement qui aura été porté sur cette
question intéressante pour la métallurgie.
- M. Zelièvre a décrit un minéral que l’on prenoit
aussi pour un fer spathique, et qui s’est trouvé con-
tenir plus de moitié d’oxide de manganèse combiné
avec près d’un tiers d’acide carbonique, et. seulement
huit centièmes de fer et deux centièmes et demi de
chaux. C’est donc un manganèse carbonaté, espèce
nouvelle dans le genre.
Le même minéralogiste a décrit une pierre qu'il a
110 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
découverte à l’île d’'Elbe. Elle contient plus de moitié
de son poids d’oxide de fer , et un peu d’oxide de man-
ganèse. Le reste est formé de silice et de chaux. Son
noyau cristallin est un prisme à base rombe, sa couleur :
noire et opaque, sa dureté un peu inférieure à celle du
feldspath, et sa pesanteur spécifique quadruple de celle
de l’eau distilée. M. Lelièvre la nomme yérite d’après
l'un des événemens les plus mémorables de ce siècle.
M. Baraillon, correspondant de la classe d’his-
toire , ayant découvert dans les fouilles qu’il fait faire
À l’ancienne ville romaine de Neri, près Montluçon,
des vases antiques d’étaim , M. Mongez , membre de
la même classe, a été curieux de connoître leur dégré
de pureté. Il résulte de l’analyse qu’en a faite à sa
prière , M. Anfrye; inspecteur-général des essais à la
monnaie , qu’ils contiennent près de trois dixièmes et
demi de plomb. On sait, par les expériences de M.
Proust , ‘qu’un tel alliage n'offre aucun des dangers
qu’on imaginoit.
Nous avons parlé l’année dernière d’une application
importante de la chimie aux arts, qui consistoit à rendre
les aluns communs égaux à l’alun de Rome pour la tein-
ture , et nous avons vu qu’il ne s’agissoit que de les
débarrasser d’un peu de fer.
Aux divers moyens imaginés pour cela, M. Séguin
correspondant, vient d’en ajouter un nouveau, pris de
la différence de solubilité de l’alun pur, et de l’alun
chargé de fer. Il fait dissoudre seize parties d’alun
ordinaire dans vingt-quatre parties d’eau , laisse cristal-
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 111
‘liser , et obtient par ce moyen quatorze parties d’alun
aussi pur que celui de Rome , et deux parties à peu
près au degré de celui de Liége.
On peut appliquer ce procédé à la fabrication pre-
mière , et obtenir, dès l’origine, un alun qui vautun
tiers de plus.
Le même chimistea continué sestravaux sur l’analyse
des sucs des végétaux.
Il a traité dans ce semestre de ceux qui necontiennent
point de cannin ; ils ont tous plus ou moins d’a/bumine
et de principe amer. Plus l’a/bumine y est abondante,
plus aussi l’odeur est forte , et plus le suc se corrompt
aisément. Les champignons, les crucifères et les soda-
nées sont dans ce cas. M, Sécuin donne l’aperçu des
proportions de ces deux principes, dans vingt-deux
familles naturelles de plantes , en faisant remarquer
dans plusieurs les différences de ces proportions dans
les diverses parties du végétal, et dans la même plante
prise à différens âges. Tous ces sucs, traités par l’acide
sulfurique ou le muriate d’étain , ont -acquis l’odeur
soit de poires ou de pommes cuites, soit de quelque
liqueur fermentée, comme du cidre ou de la bière.
Ce qui rend ces sortes de recherches si difficiles, c’est
la quantité prodigieuse de réactions et de combinaisons
diverses qui peuvent se faire entre des substances élé-
mentaires assez peu nombreuses par elles-mêmes.
“Nous en avons eu de nouvelles preuves dans le mé-
moire de M. Thénard, professeur au Collése de
France, sur léther nitrique.
112 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
On sait que les é/hers sont des liqueurs odorantes et
combustibles qui s’obtiennent en traitant l’a/coo/ avec
les acides. Le plus connu est l’éther sulfurique. Graces
aux recherches de MM. Fourcroy et Vauquelin , on
connoît aujourd’hui la marche de sa formation et toutes
les combinaisons qui se forment avec lui. La théorie
de l’éfher nitrique étoit moins parfaite. Ce qu’on pre-
noit pour tel dans les pharmacies n’étoit pas même un
véritable éther. L’acide nitrique est formé comme on
sait d’azote et d’oxigène ; l’alcool de carbone d’hydro-
gène et d’oxigène. Il n’y a donc dans les deux liqueurs
que quatre substances élémentaires , et il se forme dans
leur rapprochement dix combinaisons susceptibles d’être
séparées; savoir, beaucoup d’eau, beaucoup de gaz
oxide d’azote, beaucoup d’éther, peu de gaz oxidule
d'azote, de gaz nitreux, de gaz acide carbonique,
d’acide acétique et d’une matière qui se charbonne
facilement. Une portion de ces substances reste dans
le premier vaisseau où s’est fait le mélange; une autre
passe dans le récipient par la distillation et y prend
la forme liquide , une troisième reste gazeuse.
C’est dans cette dernière portion qu’est presque tout
V’éther, et il faut pour l’obtenir séparément faire passer
le gaz au travers d’une suite de flacons soumis à un grand
froid. L’éther se sépare sous forme d’un liquide jau-
nâtre, dont il faut encore enlever par le moyen de
la chaux, beaucoup d’acide nitreux et acéteux qu’il
retient ; il en reforme même quand il en a été dépouillé,
et cela par la réaction de ses propres principes, sans
exiger le contact de l'air.
j
ie de
#2 Re
o
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 113
M. Thénard conclut de ses expériences que dans
ces opérations l’oxigène de l’acide se combine avec
beaucoup de l’hydrogène de l’alcool et peu de son car-
bone ; d’où résulte beaucoup d’eau, beaucoup de gaz
oxide d’azote, peu d’acide et de :gaz nitreux, et peu
d’azote libre ; que l’éther se forme de la réunion des
deux principes de l’acide nitrique avec l’alcool déshydro-
géné et légèrement décarbonisé , et que les résidus de
carbone , d'hydrogène et d’oxigène fournissent l’acide
acéteux et la matière charbonneuse. :
On conçoit aisément combien il a dû être difficile
de saisit ainsi dans leurs moindres détails des actions.
si fugitives , et de séparer des combinaisons si variées
et si faciles à s’altérer et à se convertir réciproquement
les unes dans les autres. Nous regrettons vivement que
les bornes d’un rapport tel que celni - ci ne nous. per-
mettent point de donner une idée des procédés ingénieux
et délicats dont M. Thénard s’est servi, ,
On se souvient de la théorie particulière à M. le
comte de Rumfort, associé étranger, sur la cause de
la chaleur, qu’il attribue à certaines vibrations des
particules des corps , et non pas à une matière particu-
lière , ou à ce calorique admis par la plupart des chi-
mistes. On lui opposoit une objection très-forte ; c’est
que les corps s’échauffent quand on les condense, pour
ainsi dire commé si la condensation exprimoit le calo-
rique qui ÿ étoit contenu. et qui, n’y trouvant plus de
place, manifeste sa sortie par ses effets. Ainsi, l’eau
et l’alcool mélés perdent un quarantième de volume ,
1806, P
114 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
et gagnent plusieurs degrés du thermomètre ; les pièces
de monnoie sortent chaudes du balancier qui les a com-
primées, etc.
M. de Rumÿfort a répondu à ces expériences par
d’autres qui ne sont pas moins certaines, et dans
lesquelles la condensation est accompagnée au contraire
de refroidissement."Ainsi des dissolutions de plusieurs
sels mêlées à de l’eau pure , perdent à la fois du volume
et de la chaleur. On savoit bien que les sels en se dis-
solvant produisent souvent du froid , et on expliquoit
ce phénomène par la nécessité qu’une matière solide
absorbe du calorique , quand elle devient liquide ; mais
cette explication ne paroît pas applicable , quand une
dissolution déjà toute faite est simplement délayée avec
de nouvelle eau.
On sait que la vapeur de l’eau, quand elle ne peut
sortir des vaisseaux qui la renferment, est suscep-
tible d'acquérir une chaleur bien supérieure à celle de
l’eau bouillante, et M. de Rum/fort a imaginé depuis
long -temps un moyen prompt et peu dispendieux,
d’échauffer les liquides en y introduisant de cette vapeur
dans un état de chaleur extrême.
Il vient d’en faire une application extrêmement heu-
reuse à l’art de fabriquer le savon, et a réussi à cuire
cette substance au degré convenable en six heures , tan-
dis qu’il en auroit fallu soixante par la méthode ordi-
naire. Les espèces de coups que la vapeur échauffée
donne au mélange d’huile et de lessive en ÿ pénétrant
et en s’y condensant subitement, contribuent selon
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 115
M. de Rumfort à cette accélération étonnante de la
saponification.
+ Ce savant physicien est aussi parvenu à donner une
nouvelle perfection aux chaudières destinées à chauffer
ou à vaporiser les liquides, en hérissant leurs fonds de
plusieurs tubes qui descendent et plongent de toute
part dans la flamme, et en multipliant aïnsi la surface
de ce fonds sans augmenter son diamètre. De cette ma-
nière on épargne non-seulement le feu, mais encore la
matière de la chaudière , parce que celle-ci résistant da-
vantage à l’effort de la vapeur échauffée, n’a pas besoin
de tant d’épaisseur.
Presque toute la météorologie dépend de l’action va-
riable de la chaleur sur atmosphère. C’est l’air diver-
sement échauffé qui produit les vents par l’inégalité dé
ses dilatations , et les vents portant les vapeurs dans les
lieux plus chauds ou plus froids que ceux où elles se
sont formées , causent leur dissolution plus complète où
leur précipitation plus ou moins rapide, c’est-à-dire le
beau temps ou la pluie.
M. Dupont de Nemours , membre de la classe d’his-
toire, a présenté sur ce sujet à la classe des sciences,
quelques réflexions qui ont surtout le mérite de rendre
en quelque sorte sensible , l’inutilité nécessaire de toutes
les tentatives pour prédire ces phénomènes par l’analogie
et la connoissance du passé.
C’est que la zône de l’échauffement le plus direct ,
c’est-à-dire celle aux différens points de laquelle le soleil
répond verticalement dans le cours de l’année , n’est ja-
116 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
mais précisément la même sur la terre, non-seulement
deux années de suite, mais pendant une infinité de
siècles , attendu que la précession des équinoxes qui ne
les ramène aux mêmes points qu'après plus de 26,000 ans,
et les variations de l’obliquité de l’écliptique dont le pé-
riode est plus lent encore, contribuent à faire varier
cette bande ; et en supposant même qu’on eût un jour
des observations aussi anciennes, il faudreit encore pour
qu’elles fussent applicables , que la surface de la terre,
les mers , les montagnes, qui ne sont pas des élémens
moins essentiels du phénomène, n’eussent pas changé
dans cet intervalle.
M. Dupont admet que l'électricité contribue aussi à
faire varier le temps en formant de l’eau par la combus-
tion du gaz hydrogène ; il est vrai qu’il paroît cer-
tain aujourd’hui que ce gaz n’existe point dans la région
où se forment les orages ; mais M. Dupont suppose qu’il
y est ramené de plus haut dans les tempêtes dont la vio-
lence trouble l’ordre naturel des couches de l’atmos-
phère.
1
4
A
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 117
NOTICE HISTORIQUE
SUR
LA VIE ET LES OUVRAGES
DE DOLOMIEU,
Par M. LAcÉPÈDE.
Lue à la Séance publique du 17 messidor an 10:
Pxzv de temps s’est écoulé depuis qu’une voix éloquente
annonça dans cette enceinte , au milieu d’une solennité
littéraire semblable à celle qui nous rassemble , que les
malheurs de Dolomieu étoient terminés ; que le Gouver-
nement Français avoit brisé ses fers , et qu’il alloit être
rendu aux sciences et à l’amitié. Nous nous livrâmes sans
inquiétude à la douce satisfaction que nos cœurs éprou-
vèrent. Nous n’apercevions pas de terme au plaisir de le
voir parmi nous. Nous calculions avec autant de sécu-
rité que de joie, les nouveaux ouvrages dont il alloit
enrichir l’Histoire naturelle ; et le bras invisible de la
mort étoit déjà étendu sur sa tête : encore quelques
jours ; et il ne devoit plus rester de lui que ses œuvres
et sa gloire. |
: Des vertus modestes , mais capables des’élever jusqu’à
118 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
l’héroïsme , des mœurs simples , une loyauté antique,
une tendre bienfaisance , de vastes connoiïssances , un
esprit supérieur ; de grands travaux , des malheurs
extraordinaires , une constance au-dessus de ses mal-
heurs ; tels sont les objets principaux que devroit pré-
senter le tableau de la vie de Dolomieu. Mais l’amitié
éplorée ne peut qu’esquisser quelques traits , et laisser
échapper l’accent de sa douleur profonde.
Déodat-Guy-Silvain- Tancrède ( Gratet) de Dolo-
mieu , naquit le 24 juin 1760, de François (de Gratet )
de Dolomieu, et de Françoise de Bérenger. Dès le ber-
ceau , il fut admis dans l’Ordre de Malte. Son nom fut
ajouté à cette liste sur laquelle on compte tant de noms
fameux par de hauts faits et par d’honorables chaînes.
On diroit que dès son entrée dans la vie, il fut voué à la
gloire et au malheur.
Embarqué à l’âge de dix-huit ans, sur une des galères
de son Ordre , il ne put éviter une de ces circonstances
que la philosophie. a si souvent déplorées, et où , malgré
les progrès de la civilisation , la raison , lhumanité , et
la religion même, luttoient en vain contre l’honneur ,
l'habitude et le préjugé. Obligé de repousser une offense
grave , il se battit contre un de ses confrères. Son adver-
saire succomba. Cependant , lorsqu'il fut de retour à
Malte , l'estime et l'affection des chevaliers ne purent
le sauver de la rigueur des lois. Des statuts révérés pro-
nonçoient les peines les plas sévères contre les membres
de l’Ordre qui, pendant le temps de leur service mili-
- taire , tournoient leurs armes contre d’autres ennemis
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES, 119
que ceux de la chrétienté. Il fut condamné à perdre la
vie. Le grand-maître lui fit grace ; mais cette grace
devoit être confirmée par le pape. Ce pontife , que d’an-
ciennes préventions rendoient peu favorable à l’Ordre ,
ne voulant rien faire pour un chevalier , la confirmation
fut refusée. Plusieurs puissances de l’Europe s’intéres-
sèrent en vain pour Dolomieu, auprès de Clément XIIT;
le pape resta inflexible : et Dolomieu languissoit , depuis
plus de neuf mois, dans une triste captivité , lorsqu’une
lettre, qu’il adressa au cardinal Torrégiani , premier
ministre de Rome, obtint ce qu’on avoit refusé aux
têtes les plus illustres. Ses fers tombèrent, et il fut rétabli
dans tous ses droits.
Cependant Dolomieu étoit, pour ainsi dire, devenu
un homme nouveau. La solitude de sa retraite , le silence
qui l’entouroit, le besoin d’échapper à l'inquiétude, au
chagrin , à l’ennui, lui avoient inspiré le goût des médi-
tations profondes. Il avoit rappelé ses premières études;
il avoit acquis des connoïssances nouvelles : des pensées
élevées , des comparaisons attentives , des conceptions
étendues, en avoient été le fruit. Elles auroïent seules
produit une grande détermination; mais, d’ailleurs ,
Dolomieu étoit dans Malte, et cette île, que le vul-
gaire des voyageurs ne voit que comme un rocher élevé
au milieu des flots de la Méditerranée, qu’est-elle aux
yeux du philosophe? et que parut-elle à ceux de Do-
lomieu ?
Le centre de l’habitation de cette race si distinguée
de l’espèce humaine, qui, répandue en Europe, dans
190 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
la partie septentrionale de l’Afrique, dans l’occident de
l'Asie , occupe toutes les côtes de la Méditerranée , et
les rives de tous les fleuves qui y portent leurs eaux.
C’est sur les bords de ces fleuves et de cette mer inté-
rieure que les sciences et les arts ont répandu une lu-
mière si vive , et que la civilisation s’est élevée à un si
haut degré.
C’est dans ces heureuses contrées que l'Histoire dé-
couvre les théâtres fameux de ces prodiges qui , à tant
d’époques diverses , ontillustré l'Egypte , la Syrie , l'Asie
mineure , la Grèce, l’Italie, la France , l'Espagne et la
Mauritanie.
C’est là qu’elle montre les hautès pyramides des rives
du Nil, les tombeaux de la Thèbes égyptienne, les ruines
de Palmyre , la place où fut Troie, les colonnes gisantes
sur la terre sacrée d'Athènes , les admirables restes des
antiques monumens de Rome, les temples de Cordoue,
et les sables au milieu desquels on cherche les débris de
Carthage.
Là vécurent , et le Mercure des Égyptiens, et l’Ho-
mère des Grecs ; là Aristote recevoit les tributs qu’a-
dressoit à la science le vainqueur de la terre; là Pline
trouva une mort glorieuse au milieu d’une atmosphère
enflammée ; là fleurirent tant de grands hommes qui ont
fait l’éternelle renommée des beaux siècles de la Grèce,
de ceux de Rome, et des trois qui viennent de s’écouler.
Le génie du commerce se plaît à voir cette Méditer-
ranée lier trois parties du monde par les communications
les plus promptes.
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 191
* Le génie des sciences naturelles contemple ce bassin
placé à une distance presque égale de l’équateur et du
cercle polaire. Il le voit recevoir les flots pressés du Don,
du Borysthène, du Danube, du Rhône, de l’Ebre , du
Nil , et de tant d’autres fleuves. Il mesure la hauteurdu
Liban, de l’Ida , des monts Rhymphées , del’Athos, de
POlympe , des Apennins, des Alpes, des Pyrénées , de
l'Atlas, dont les longues chaînes élèvent leurs cimes
sourcilleuses autour de cette Méditerranée.
Sur les rivages de cette même mer, au milieu de.laves
amoncelées , de cratères détruits, et de débris fumans,
les volcans de l’Archipel, le Vésuve et l’Etna vomissent
leurs torrens de feux. :
Quels objets ! quels souvenirs ! quelles impressions
profondes dut éprouver Dolomieu ! quelles réflexions
durent se présenter en foule à son esprit étonné ! Son
imagination devint plus vive ; ses idées s’agrandirent ;
satèête ne conçut plus que de vastes projets ; son génie
le domina :, il s’abandonna à ses élans généreux ; il ré-
solut de tenter de grands et de nobles travaux.
Devoit-il, cependant, ambitionner la palme des arts,
ou le iaurier de la science ? chercher à marcher sur les
traces d’'Homère et de Virgile, ou sur celles d’Aristote
et de Pline ? L'étude de la Nature l’emporta. Mais de ce
combat, qui décida de sa destinée , il conserva pendant
toute sa vie un goût très-vif pour les beaux-arts. :
À l’âge de vingt-deux ans, il suivit à Metz le régiment
des Carabiniers, dans lequel il avoit été nommé officier
vers l’âge de quinze ans. Un événement terrible lui
1806, Q@
122 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
donna lieu d’exercer sa courageuse bienfaisance. Pendant
un hiver si rigoureux que le thermomètre étoit descendu
au-dessous de douze degrés, un violent incendie se ma-
nifesta tout-à-coup , au milieu de la nuit. à l’hôpital
militaire. Le feu faisoit des progrès rapides : il menaçoit
de tout dévorer ; ét la rivière , profondément gelée , re-
fusoit l’eau nécessaire pour éteindre les flammes. On
luttoit en vain contre le danger qui devenoit à chaque
instant plus redoutable. Combien de malades alloient
périr , lorsque Dolomieu , suivi de trois de ses cama-
rades enhardis par son intrépidité , saisissant les haches
devenues inutiles entre les mains des travailleurs décou-
ragés , s’élança au milieu des tourbillons de fumée, pé-
nétra jusqu’au fond des salles embrasées , monta sur le
faîte des toits ébranlés , et parvint à couper des commu-
nications funestes !
Ce dévouement généreux le rendit encore plus cher à
un savant , recommandable par sa bonté et par ses con-
noissances, T’hirion , pharmacien de Metz, dont il re-
cevoit des leçons de chimie et d’histoire naturelle. Ce
fut dans le commencement de ses liaisons avec ce phy-
sicien , que Dolomieu traduisit en italien l’ouvrage de
Bergmann sur les substances volcaniques. Il ajouta des
notes à cet ouvrage , ainsi qu’à une traduction italienne
de la minéralogie de Cronstedt.
A peu près vers ce même temps, il vit arriver à Metz
un de ces hommes vénérés que le génie, qui veille aux
destinées humaines , semble avoir placés dans Les siècles
corrompus, pour que l’image de l’antique probité n’y
#
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 123
soit pas voilée ; dans un rang élevé , pour que le mal-
heur puisse découvrir de plus loin son asile ; dans le
sanctuaire des sciences , pour donner un exemple :écla-
tant du respect qui leurest dû ; au milieu des mouvemens
généreux d’un peuple qui veut conquérir sa liberté ; pour
seconder ses efforts par un dévouement sans borres et
les tempérer par une sagesse prévoyante; au milieu des
proscriptions , pour montrer la vertu recevant les hom-
mages des mortels lors même qu’elle tombe sous le fer
sacrilège d’horribles assassins. Cet homme, dont chacun
de nous rappelle le nom avec attendrissement , étoit La
Rochefoucault. Dolomieu, et lui furent bientôt unis
par les liens d’une amitié qui ne devoit finir qu'avec
leur vie.
Indépendamment des recherches sur la pesanteur des
corps , à différentes distances du centre de la terre , que
Dolomieu publia dès 1775, il avoit déjà préparé plusieurs
travaux. La Rochefoucault les vit, y reconnut la main
d’un naturaliste destiné à une grande renommée, «en
<entretint, à son retour à Paris, l’Académie des Sciences;
et cette illustre compagnie envoya à son ami des lettres
de correspondant.
En recevant ce titre, qui le flatta d’autant plus qu’il
me s’y attendoit pas, Dolomieu crut contracter une
obligation nouvelle envers les sciences naturelles + il
désira de les servir sans partage. Il se démit du grade
qu’il avoit dans les Carabiniers. Il quitta la carrière
militaire. -
Libre alors de céder à ses penchans secrets, il com-
12{ HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
mença ses voyages minéralogiques. Ilentreprit de visiter
les contrées fameuses distribuées autour de la Méditer-
ranée , et de cette île de Malte, où il avoit commencé sa
noble vocation. Il alla d’abord en Sicile.
N'ayant encore que vingt-six ans , doué de toute la
force de l’âge , animé par toute l’ardeur que peuvent
inspirer le bonheur de l'étude , et l’espérance des succès,
il parcourut les environs de l’Etna; il en rechercha les
bases primitives; il en examina les laves entassées ; il
en conte mpla les ruines; il en médita les vicissitudes ; il
en gravit les sommets ; et parvenu au plus haut de ce
mont terrible et dominateur, debout sur le bord de son
immense cratère, portant au loin ses regards avides, au
moment où le soleil élevé dans les airs découvroit à ses
yeux le plus vaste horizon; ravi par la magnificence du
spectacle admirable qui se déployoit devant lui, ému
jusqu’au fond de l’ame , transporté par le sentiment
secret des triomphes qui l’attendoient, saluant la Nature
dont il alloit découvrir les merveilles , il mesura, pour
ainsi dire, la terre qu’il vouloit décrire, et prit possession
du domaine que son génie vouloit conquérir.
Descendu de l’Etna, il porta plusieurs fois ses pas vers
le Vésuve, vers la chaîne des A pennins, vers ces lacs et
ces montagnes de l’ancien Latium , qui sont des restes ou
des produits de volcans éteints; vers les hautes Alpes,
dont il parcourut les différentes directions , aborda les
différens glaciers , affronta les pics élancés dans les nues,
suivit les torrens , étudia la substance, la structure, et
les dégradations.
“
Fr
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 129
Les îles de Lipari n’échappèrent pas à ses recherches,
Il en publia la description en 1763.
Mais cette année fut marquée par un événement qui
répandit la désolation en Italie, et la consternation dans
le reste de l’Europe. La Calabre fut agitée par un violent
tremblement. Un grand nombre d’infortunés en furent
les victimes. Des phénomènes extraordinaires accom-
pagnèrent cette grande secousse. Dolomieu se hâta d’aller
visiter cette terre bouleversée, et de rechercher au milieu
de ses décombres, la cause de ces funestes événemens,
liée de si près à la composition du globe, qu’il brûloit du
désir de dévoiler un jour.
En 1784, il soumit au public ses idées, non seulement
sur cette catastrophe , mais encore sur les effets sénéraux
des tremblemens de terre, dans une dissertation d’autant
plus curieuse, qu’il prouva, par des faits incontestables,
que , dans la partie de la Calabre où la commotion avoit
fait le plus de ravages, toutes les montagnes étoient
calcaires , sans aucune apparence de matières volca-
niques ; et en 1788, il mit au jour un Mémoire sur les
Iles-Ponces , ainsi qu’un Catalogue raisonné des pro-
_duits de cet Etna qu’il avoit observé avec tant de
constance.
. Cependant Dolomieu étoit de retour dans sa patrie
après cette époque à jamais fameuse du 14 juillet, où
les lumières , la raison , le sentiment de la dignité de
Vhomme, et l’amour d’une noble indépendance , se
montrèrent avec tant d'éclat. Digne ami de la Rochefou-
cault , il se rangea sous les aux de la liberté. Mais
326 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
comme aucune fonction publique ne réclamoit l’emploi
de son temps, il publia plusieurs ouvrages, pendant les
premières années de la révolution française : l’un sur
l’origine du basalte ; un second sur un genre de pierres
calcaires qu’on n’avoit pas distingué avant lui, et au-
quel la reconnoissance des naturalistes a donné le nom
de Dolomie ; deux autres sur les roches ainsi que sur les
pierres composées; et un cinquième sur l’huile de pé-
trole, et sur les fluides élastiques tirés du quartz. On
voit dans ces divers travaux les élémens de ces idées gé-
nérales dont la réunion devoit former une vaste théorie.
Pendant que Dolomieu se livroit à ses méditations , la
révolution prenoït une face nouvelle. Le torrent qui ren-
versoit les anciennes institutions , entraînoit, malgré
leur résistance, la modération et la prévoyance , qui
vouloient en créer de nouvelles. Tout étoit emporté par
un mouvement rapide. Les têtes se troublèrent. Le sen-
timent exalté prit la place de la pensée réfléchie. Des
espérances chimériques, ou des craint etexagérées , ach-
vèrent d’égarer les esprits. Les notions fausses, les idées
absurdes , dénaturèrent tous les objets, aux yeux d’une
multitude sans expérience, et menacée dans ses droits
les plus chers. La confusion devint universelle. La
vertu fut méconnue. L’ambition du pouvoir et l’avidité
desrichesses, soutenues par la main invisibie desennemis
de la France, et cachées sous le voile d’une hypocrisie
perfide, firent lever sur la fidélité la plus pure, le fer
dont on croyoit punir les traîtres à la patrie.
Dans cette nuit profonde, au milieu de cet orage épou-
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 127
vantable, la Rochefoucault fut frappé. Dolomieu , qui
ne le quittoit plus depuis que le danger planoit sur sa
tête, le soutint expirant dans ses bras ,et, bravant les
satellites du crime, reçut les derniers vœux de son ami,
ces vœux qu’il formoit pour les objets les plus chers à son
cœur, sa mère et sa femme, infortunés témoins de cette
scène horrible.
Proscrit à son tour , errant de retraite en retraite, il
eut peu de momens à donner aux progrès des sciences. Il
publia néanmoins deux Mémoires, lun sur les pierres
figurées de Florence, et l’autre sur la constitution phy-
sique de l'Egypte. C’est dans ce dernier ouvrage qu’il eut
le courage d’exprimer ses regrets sur la mort de son ami,
et de dénoncer à la postérité des assassins dont le pou-
voir répandoit encore la terreur.
Mais vers l’an III de la fondation de la République,
les jours de gloire et de tranquillité commençoient de
succéder aux tempêtes révolutionnaires.
Appelé dans cette importante école des mines, que
Von venoit de créer, et que recommandent si fortement
le mérite de ses membres et les services qu’elle a déjà
rendus à notre patrie , il y professa la géologie, et fit im-
primer plus d’un Mémoire sur la distribution métho-
dique de toutes les matières dont l’accumulation forme
les montagnes volcaniques.
Vers la même époque, la loi constitutionnelle de l’État
établit l’Institut national des Sciences et des Arts ; et dès
le premier jour de notre réunion, nous eûmes le plaisir
de le compter parmi nos confrères.
128 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
En moins de trois ans, nous le vîmes faire succéder
dix-sept nouveaux Mémoires à ceux que je viens d’in-
diquer; et voici les principaux sujets de ces travaux si
multipliés.
La nature de la /eucite, son origine, et les circons-
tances dans lesquelles on la trouve ; le péridot, dont
notre célèbre confrère Vauquelin avoit donné l’analyse,
comparé avec la chrysolite de Werner; l’anthracite,
combustible qu’il venoit de faire connoître ; le schorl
volcanique, nommé pyroxæène par un des plus grands
minéralogistes de Europe; la géologie des montagnes
des Vosges; la nécessité d’unir les connoïssances chi-
miques à celles du minéralogiste ; la couleur regardée, à
tort, comme caractère des pierres ; la chaleur des laves ;
les principes qui doivent régler la distribution et la
nomenclature des roches ; la fixation des limites de la
minéralogie , de la chimie minérale , de la géologie , et
de l’art du mineur.
Bientôt il entreprit un nouveau voyage dans la France
méridionale et dans les hautes Alpes. Il parcourut à pied,
et le marteau à la main , les contrées arrosées par l'Allier,
par la Loire, et par le Rhône. Il suivit la grande chaîne
des Alpes, qui s'étend depuis l'Isère jusqu’à la Valteline;
visita cette vallée si connuesous le nom d’{//ée-Blancke,
et dont les escarpemens remarquables sont de trois mille
mètres; examina le Mont-Rose, ce rival gigantesque
du Mont-Blanc, auquel il cède à peine par sa hauteur,
et qu’il égale ou surpasse par sa masse , ses montagnes
subalternes, ses glaciers , et la variété des substances
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. |! 429
qu’il renferme. Ilrevitle Lac majeur, le Saint Gothard; le
Valais, l’énorme suite de bancs verticaux de cette vallée
du Rhône , et se retrouva, pour la cinquième fois, au-
près des glaces du Mont-Blanc, illustrées par le séjour
de son respectable ami, le célèbre Saussure. sa
.! Après six mois , il révint à Paris, aveclune:immense
collection de roches et de pierres; mais il:apporta des
richesses plus précieuses encore, qu’il se hâta de com-
muniquer au public. Il fit imprimer le compte qu’il en
rendit à l’Institut ;.et c’est dans cetrouvrage, qui seul
auroit fait la réputation d’un naturaliste, que: s’élevant
graduellement des faits particuliers aux résultats géné-
raux , il expose ses principales idées sur le:plateau grani-
tique de l’Auvergne , sillonné par tant de vallées, ét
rehaussé. par tant dé monts volcaniques ; sur ceux de
ces volcans dont l’action a précédé\la dernière catas+
trophe de la terre , et sur ceux qui n’ont existé qu’après
ce terrible événement; sur la place des véritables foyers
des volcans ; sur la nature des matières qui produisent
les phénomènes volcaniques , au-dessous mème des gra-
anites, que l’on a regardés comme primordiaux ; et qui
font partie dé ce qu’il appelle la eroñte consolidée du
globe; sur la fluidité pâteuse, qu’il attribue à cette source
intarissable des volcans, dont les oscillations propagent,
selon lui, les secousses des tremblemens de terre, et que
les fluides ‘élastiques peuvent soulever avec violence;
sur cette même fluidité particulière qu’ont dû présenter
lors de leur éruption , les laves compactes, lesquelles ne
lui paroissent pas avoir éprouvé de vitrification propre-
1806,
E.
130 HISTOIRE DIE IL À IC LA SSE DES SCIENCES
ment dite 5) sur.la cause de la configuration régulière de
plusieurs de ses laves ; sur la construction des grandes
élévations de l'intérieur de la France , qui, composées
de couches presque horizontales, sont arrondies dans
leur contour,et sur celle!des Alpes hérissées de pics , et
formées par la réunion de feuillets verticaux de près de
trois mille mètres‘; sur l’existenoe. dé véritables bancs
dans tous les granites ; sur un immensé amas de matières
calcaires secondaires ,qui , charriées du nord ét du le-
vant , ont été arrêtées par les Alpes, se sont étendues
contre leurs jrevérs septentrionaux et orientaux, dont
elles ont adouci les pentes générales’, et les ont recou-
verts commetun vaste mantéau , nue une hauteur de
3400 mètres ;:1sur:lesobserwations qu’exige maintenant
la géologie, et dontil termine: l’énumération par éès
paroles: Dieusaitsboma ‘vie: siffle rœ are toutes ue
recherches rque jeuhédite. ri 1210 4 o710401 Frot
Quelque temps après, Dolomier venoit de commencer
sur la minéralogie un ouvrage très-étendu , qui devoit
faire partie de d’Ercyclopédie méthodique , orsque-le
vainqueur de L:odi et d’Arcole entreprit cette mémo-
rable expédition d'Égypte!, dont la politique, le com-
merce et la philosophie avoient inspiré le hardi projet.
Lies sciencesiet les arts dévoient répandre tousiles bien-
faits’ de-lascivilisation moderne ; sur: cette contrée fa-
meuse, à laquelle l’Europe-et l'Afrique ont dû une si
grande partie de leurs premiers progrès vers les Ifmières.
Une cohorte sacrée: de savans et d’artistes accompagne
l'armée. Dolomieu est nommé pour’partir avec eux: Ja
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. ! 191
flottesfrançaise arrive devant Malte. Dolomieu , qui
avoit'ignoré que l’expédition commenceroit par la prise
deicette Île, se renferme , profondément affligé, dans
le bâtiment qui l’avoit amené. Le grand:maître s’em-
presse de le demander pour un dés pacificateurs. Le
général ‘en. chef lé choisit. I} ÿa porter ses anciens
confrères les ‘propositions du! chef' dé l’arméé. ! Malte
cède aux Français. Dolomieu ; attentif envers tous les
chevaliers, et surtout à l’égard de ceux qui, dans le
temps ou dés dissensioris intestines avoient agité l’ordre,
lui avoient l'été le: plus vivément opposés! sé conduit
avec tant délgénérosité et de délicatesse ; qu’un grand-
officier Maltais } qui s'étoif montré son plus ardent an:
tagoniste (le bail dé Lioras ), lui déeléré avec une
loyauté! digne ‘dé tous îles deux y qu’il se re procheroit
toute /5a Vield’avoir été ‘injuste: envers Jui 7
Cependant on arrive sur les’ côtes d'Égypte! Tout se
soumet ou ! se dispersé devant le’ génie de la victoire.
Dolomieu visite Aléxandrie ; Te Délta ; lé Caire 3 les Py-
ramides | une partie des Montagnes qui bordent la longue
vallée du Nil: IF voudrôit parcourir toutes les chaînes
qu’elles’forment | éxaminer toute cêtte partie du bassin
de la Méditérrance , qu’il voit pour'la première fois,
pénétrer jusqu'aux rives de la mer d'Arabie ; remonter
au-déssus des cataractes ; Señfoncer dans les sables de
la Libié: Lés circonstances s'y opposent. Sa santé se dé-
range: Fest obligé de repasser en Europe 17
! Dès leléridémain dé son départ d'Alexandrie , Le vent
devint impétieux ÿ Veau’ entra dans lé bâtiment avec
132 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
violence; on jeta à la mer tout ce dont on put débarras-
ser le vaisseau ; on fit des efforts extraordinaires : Do-
lomieu ne cessa de donner à ses compagnons l’exemple
de l’intrépidité ; mais l’épuisement des forces et un dé-
couragement absolu firent cesser le travail. On alloit
abaïtre les mâts et s’abandonner à l’orage , lorsqu’un
vieux patron Napolitain proposa de répandre autour du
bâtiment du biscuit pilé et de la paille hachée. Cet ex-
pédient, qui parut d’abord ridicule , réussit néanmoins,
Les voies d’eau furent fermées par ces fétus qu’entraînè-
rent les filets du fluide qui se précipitoit dans le bâti-
ment. On renouvela cette ressource inattendue aussi sou-
vent qu’on put l’employer. Le vaisseau échappa à la sub-
mersion ; et après avoir été agité par des vents affreux
pendant près de huit jours, il fut poussé par la tempête
dans le golfe de Tarente , et entra dans le port au mo-
ment où il alloit s’entr'ouvrir.
Le lendemain un matelot mourut de la peste. Mais un
danger plus grand menaçoit les Français.
Depuis trois jours la sanglante contre-révolution de la
Calabre avoit commencé. Les Français furent faits pri-
sonniers, mis à terre, et conduits, au milieu des cris de
mort d’une multitude féroce , dans un cachot, où Do-
lomieu , le jeune minéralogiste Cordier , son compagnon
fidèle, le général Dumas et le général Manscour, furent
entassés avec cinquante-trois de leurs compatriotes.
Plusieurs fois la populace de Tarente se rassembla
pour immoler les Français naufragés : toujours elle fut
contenue par un émigré Corse , nommé Buca Campo,
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 133
qui, digne, par son héroïsme , d’une meilleure cause ,
ne cessa de risquer sa vie pour sauver celle des Français.
Dix-huit jours après on annonça l’arrivée des légions
républicaines triomphantes. Les prisonniers français fu-
rent transférés dans une maison spacieuse, où on cher-
cha à leur faire oublier les mauvais traitemens qu'ils
avoient éprouvés. Mais nos troupes ayant été rappelées
du royaume de Naples, le danger des prisonniers fut
plus grand que jamais. Dolomieu cependant faisoit des
extraits de Pline, pour un ouvrage qu’il préparoit sur
les pierres des monumens antiques , s’entretenoit d’his-
toire naturelle avec ses compagnons d’infortune ; rappe-
loit le souvenir des amis qu’il avoit laissés dans sa patrie,
lorsque les prisonniers furent embarqués pour la Sicile,
d’où on devoit les renvoyer en France. On les dépouilla
de ce qu’ils possédoient : Dolomieu perdit ses, collec-
tions et ses manuscrits ; et trois jours après l’arrivée des
Français à Messine, il done qu’il venoit d’être dénoncé.
Le souvenir des anciennes divisions qui avoient régné
dans l’Ordre de Malte , n’étoit pas éteint dans tous les
cœurs. De profonds ressentimens , que ces troubles
avoient fait naître , venoient d’être réveillés par tout ce
que peuvent produire de prévention, d’aversion et de
haine , les événemens d’une grande révolution, les opi-
nions froissées , les préjugés blessés, l’amour-propre ir-
rité , les fortunes détruites , la puissance renversée,, et
le délire porté au plus haut degré.
Par un aveuglement déplorable, Dolomieu devoit
être la victime de ces passions ardentes , insensées et
\
134 HISTOIRE DE LA CLASSE D£S SCIENCES
terribles. Il pressentit aisément tout ce qui l’attendoit.
Le péril devenoit à chaque-instant plus pressant. Un
petit vaisseau maltais étoit auprès de celui dans lequel
les Français étoient encore retenus. Dolomieu pouvoit,
par le moyen de ce bâtiment , espérer de se sauver; mais
si la sentinelle résistoit , il falloit lui ôter la vie. Dole
nrieu ne voulut pas de son salut à ce prix. :
Il confia à son courageux élève , des lettres pour ses
amis ; lui remit pour eux des observations précieuses
sur le niveau de la Méditerranée , qu’il rédigea avec
autant de tranquillité, que si ses jours avoient été les plus
prospères ; lui recommanda sa mémoire’, serra dans ses
bras les Français dont il alloit être séparé , s’efforça
d’adoucir leur peine, et, sans ostentation ni foiblesse, se
Évra aux satellites envoyés pour l’arracher à ses compa-
triotes, qui frémissoient de rasé de ne pouvoir le délivrer.
*Onle précipita dans ün ‘cachiot éclairé par une seule
ouverture, que, par une précaution barbare , on fermoit
toutes les nuits. Là, fl fut privé de toute consolation ;
là, un geolier inflexible cherchoit , en lui annonçant les
nouvelles les plus absurdes sur l’état de la République,
à lui enlever même l'espérance. Là, il étoit forcé de pas-
ser une grande partie de ses longs jours et de ses longues
nuits à s’agiter en tout sens, et à secouer avec violence
kes haillons qui lui restoient encore, pour donner à l'air
un mouvement qui FéPApR EEE de cesser d’entretenir sa
respiration.
Cependant le jeune Cordier avoit revu la France avec
les lettres de Dolomieu. A l'instant la nouvelle de ses
M 2 :
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 135
malheurs sé répand dans la République, et retentit dans
toute l’Europe. L'Institut mational leréclame avec force,
Lévgouvernement français redemande un citoyen qui
honore son pays. La société royale de Londres, et son
HS he président , devenu maintenant notre a »
joignent à nos vœux l'intervention la plus pressante. Les
savans de l’Europe in voquent en sa faveur, et la justice,
et l'humanité, et la gloire des lettres. Des Danois écrivent
à leurs correspondans de tenir des fonds à sa dispositions
Un Anglais établi à Messine (M. Predbend), lui voue
les soins les plus généreux, M. d’Azara , cet illustre ami
des sciénces’et des arts, que l’attachement le plus tendre
unissoit à lui depuis un très-grand nombre d’années ,
seconde par tôus les efforts de;son zèle, ceux que ne
cessent de renouveler lesparens de Dolomieu. Le Roi d’Es-
pagneécrit deux fois pour lui. Ses. fers cependant ne sont
pas brisés; il ignore même si son affreuse destinée est con-
nue de ceux qu’il aime le plus.
Pendant ces vaines tentatives , le vénérable Daubenton
termine sa carrière. La place qu’il occupoit dans le
Muséum d'Histoire naturelle , devait être donnée au plus
digne. Deux noms étaient sara par la voix publique; =
celui de Æaiy et celui de Dolomieu. Dans toute autre
circonstance;, les professeurs du Muséum auraient hésité
dans leur choix. Mais Dolomieu était captif. Ilfut nommé
par les professeurs.
Peu de jours après éclata un de ces événemens qui
décident du sort des empires. L’admirable et rapide
campagne terminée par.la victoire de Marengo, affermit
136 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
la République sur sa base ; et régla les destins de L’Eu-
rope. Bonaparte donne la paix à Naples; et la première
obligation imposée par ce traité, dont la philosophie
conservera le souvenir, fut la délivrance de Dolomieu.
Son retour au milieu de ses proches, de ses confrères,
de ses amis, fut une sorte de triomphe littéraire.
À peine arrivé dans le Muséum d’histoire naturelle,
ily donna un cours de philosophie minéralogique. Sa
voix se fit entendre du haut de la chaire de Daubenton.
Mais bientôt il nous quitta pour aller de nouveau visiter
ces hautes Alpes, qu’il nommoit ses chères montagnes.
I1 fit ce dernier voyage accompagné d’un savant Danois,
M. Néergaard , qui en a publié l’intéressante relation ,
et de l’estimable préfet du Léman, le Cit. d’Eymar.
Il vit les plus hauts sommets des environs du Saint-
Bernard, l'endroit fameux par le passage d’un second An-
nibal, les monts Gemmi, la belle route que le Gouverne-
ment français a fait tracer au travers du Simplon, la vallée
du Tessin, les gorges de Dissentis, celles d’Urseren , le
val de la Reuss, et les glaciers des monts Geisner.
Non loin de là parurent à ses yeux les montagnes
secondaires. En abandonnant les monts primitifs, Dolo-
mieu , comme frappé d’un pressentiment secret, les con-
sidéra long-temps , se retourna plusieurs fois ; et leur dit
un long et triste adieu.
Il revint à Lyon par Lucerne , les glaciers de Grindel-
wald , Genève, lesterres deses pères, où il reçutun accueil
si touchant de ceux avec lesquels il avoit passé son
enfance ; et il se hâta de partir pour Chateauneuf, où
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 137
l’'attendoient une sœur chérie et un beau-frère digne de
seconder ses travaux par ses connoissances en minéra-
logie , ainsi que par la formation d’une des plus belles
collections de substances minérales.
Là, il roula de nouveau dans sa pensée, le vaste
dessein qu’il avoit formé. Il voulôit ajouter à toutes ses
recherches deux grands voyages , l’un en Allemagne,
pour lequel le célèbre Werner et d’autres minéralogistes
habiles devoient venir au-devant de lui, et l’autre en
Danemarck, en Norwège et en Suède. Il auroit ensuite
publié louvrage qu’il avoit médité sur la philosophie
minéralesique, dans sa prison de Messine, et dont il
venoit de faire imprimer un fragment, intitulé: De les-
pèce minéralogique.
Ce fragment est un monument précieux de son génie
et de ses malheurs. Il a été écrit dans son cachot de Sicile,
sur les marges de quelques livres qu’on lui avoit laissés.
Le noir de fumée de sa lampe, délayé dans de l’eau, lui
avoit servi d'encre. Sa plume avoit été un os péniblement
usé contre une pierre.
. C’est dans ce fragment qu’il montre combien le défaut
de règle constante dans la fixation des espèces minérales,
a nui aux progrès de la minéralogie; qu’il propose de
regarder la molécule intésrante du minéral , comme le
principe auquel il faut rapporter la détermination de
l’espèce ; qu’il admet comme seuls caractères spécifiques,
ceux qui résultent de la composition ou de la forme de
cette molécule intégrante; qu’il distingue dans les diffé-
rens états sous lesquels l’espèce peut se présenter, les
1806, . s
138 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
variétés de modification qui naïssent de la cristallisation
régulière , et qui seules constituent des irdividus , les va-
riétés d'imperfection, qui se rapportent aux produits de
la cristallisation confuse , et qui ne constituent que des
masses, les variations qui proviennent de la présence de
principes hétérogènes, lorsqu'ils ne modifient que la
transparence, la couleur et l'éclat , et les variations qu’il
appelle souillures, lorsque ces principes étrangers al-
tèrent la dureté , la densité, et d’autres propriétés remar-
quables. Il auroit publié une méthode où cette théorie
auroit dirigé la distribution et la description desespèces
minérales. Il auroit élevé à un très-haut degré la science
géologique. Il alloit acquérir une nouvelle gloire.
Vains projets ! triste condition humaine ! Une maladie
imprévue l’abat; et le 7 frimaire de l’an 10, il meurt
dans les bras de sa sœur, de son frère Alphonse Dolomieu,
de son beau-frère de Drée, et du législateur La Métherie,
le frère de son amiintime, le savant naturaliste de ce nom.
Cette nouvelle funeste répand la consternation parmi
tous ceux qui vénèrent la vertu et le savoir. Et quel éloge
de Dolomieu , que les regrets que sa perte a fait naître !
Mais s’il a trop peu vécu pour la science, il a assez fait
poursa renommée. Quelle partie de l'Europe méridionale
ne rappelle point ses travaux ? Les Alpes et l’Etna atteste-
ront son zèle aux siècles à venir: ils seront, pour ainsi
dire , ses monumens funéraires; et jamais le voyageur
éclairé et sensible ne s’élèvera sur leurs cimes, sans
prononcer avec attendrissement le nom de Dolomieu.
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 139.
ÉLOGE HISTORIQUE
DE
JACQUES-MARTIN CELS.
Par M. Cuvirer.
Lu à la Séance publique du 7 juillet 1806.
J acques-Marrix Cels, cultivateur-botaniste, membre
du conseil d’agriculture , établi près le ministère de
l’intérieur, et de la Société d’agriculture du département
de la Seine, appartenoit à l’Institut national, depuis la
première formation de cette compagnie, dans la section
d’économie rurale et d’art vétérinaire.
Depuis long-temps ;, les gouvernemens éclairés ont
confié à des associations d'hommes instruits l’honorable
soin de recueillir les découvertes dans les sciences et de
suivre jusqu’à leurs derniers termes tous les services que
la Société peut attendre de la nature mieux connue.
Mais peu de ces grands corps ont, comme l’Institut,
des places réservées pour les hommes qui joignent à la
théorie générale des sciences , la pratique journalière
d’un art particulier.
Peut-être avoit-on d’abord trop étendu cette idée en
consacrant aussi parmi nous de ces sortes de places à
140 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
des arts, dont les principes ne pourront être discutés
sans FA qu’à une époque de perfection dans l’ordre
social , qui se laisse plutôt désirer que prévoir.
Elles subsistent du moins encore par rapport aux arts,
dont les objets purement matériels n’ont rien qui puisse
faire craindre de les approfondir.
Ainsi, dansnotre classe, le constructeur expérimenté,
l’habile machiniste, sont placés entre le géomètre et le
En le médecin et le chirurgien célèbres siégent
à côté du physiologiste ou le sont eux-mêmes ; ; celui qui
exploite les mines peut consulter à à chaque instant celui
qui en étudie les produits ; le naturaliste, le botaniste et
le chimiste conversent avec le vétérinaire, l’agriculteur
et le manufacturier.
C’est en vertu de ce plan qui associe à un concours
commun toutes les sortes d’études, que M. Cels siégeoit
parmi nous, et il n’aura pas manqué de personnes qui,
trop habituées à réserver leur estime pour les recherches
de pure spéculation , et ne croyant pas que les sciences
doivent descendre ainsi de leurs hautes abstractions vers
des objets qu’on a accoutumé d'abandonner au vulgaire,
auront été surprises , et du plan en lui-même, et des
choix qu’il a déterminés.
Quelques réflexions générales à ce sujet ne seront donc
pas déplacées , aujourd’hui que l’occasion de les pré-
senter s’offre pour la première fois, et s’offre d’autant
plus favorablement, que M. Cels en son particulier, y
est moins intéressé. En effet, quoiqu'il ait été appelé
parmi nous comme cultivateur , nous verrons qu’il auroit
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 141
pu l’être à plus d’un autre titre; car il ne l’étoit devenu
qu'après s’être donné toute l’éducation d’un savant.
On s’étonne maintenant de la nécessité où se trouva
Fontenelle lors du renouvellement de l’Académie des
sciences, de se donner quelque soin pour prouver aux
gens du monde que les sciences pouvoient être utiles ; on
s’étonnera sans doute un jour qu’on ait besoin d’en
prendre aujourd’hui pour montrer que les arts peuvent
être savans. . ;
- Il faut qu’ils le soient pour atteindre entièrement leur
but; il le faut, même pour que les sciences trouvent
plutôt toutes les occasions d’arriver au leur.
L'artiste ordinaire ne se regle que sur des pratiques
transmises par tradition; le hasard ou de légers essais
lui fournissent toutes ses améliorations ; des siècles peu-
vent s’écouler sâns qu’il s’en rencontre aucune.
Le physicien , au contraire, procède en s’élevant aux
principes des choses; il calcule d’avance tout ce qui peut
dériver des principes qu’il connoît ; la moindre proposi-
tion générale qu’il découvre, peut faire une révolution
dans tous les procédés d’une longue série d’arts ou de
professions mécaniques.
Mais qui porteroïit ces découvertes dans les ateliers ;
qui les répandroit dans les campagnes ; qui interprè-
teroit au peuple le langage si mystérieux pour lui, de
Vabstraction , si les savans n’admettoient dans leurs
assemblées les praticiens les plus éclairés ; si ces derniers
ne s’ÿ instruisoient immédiatement de chaque observa-
tion dont ils peuvent tirer parti; s’ils n’y étoient formés
142 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
à l'habitude des raisonnemens rigoureux , et de la préci-
sion dans les expériences et dans les calculs ?
Et que l’on ne croie pas que les arts, simples disciples,
profitent seuls de cette admission : non seulement ils
réfléchissent sans cesse la lumière qu’ils reçoivent, ils
éclairent encore par eux-mêmes.
Les faits bien constatés sont la seule matière dont le
génie dispose pour élever l'édifice des sciences , et les
hommes de pratique, qui vivent sans cesse au milieu des
substances et des phénomenes, sont évidemment ceux
qui peuvent recueillir les faits avec le plus d’abondance
et de fruit. .
Ainsi, que sauroient nos botanistes sur la physique
des végétaux , si l’agriculteur n’eût fait connoître tous les
degrés et les périodes de leur développement? la teinture,
la pharmacie, les arts qui fabriquent des liqueurs fer-
mentées , n’ont-ils pas fourni à la chimie presque toutes
les bases de ses plus hautes doctrines ; les principaux
matériaux de la physiologie n’ont-ils pas été pris au lit
des malades , et si nos géomètres calculent aisément le
résultat mathématique d’un appareil projeté, ne faut-il
pas qu’ils recourent à l’expérience du machiniste pour
prévoirles modifications qu’entraînera l’exécution réelle?
Et tous ces avantages , c’est seulement cette fréquenta-
tion, cette société familière et continuelle aujourd’hui si
heureusement établies parmi nous, qui les portent à leur
plus haut degré.
Quelquefois , au milieu de la discussion la plus abs-
traite , nos praticiens trouvent à citer un fait qu’ils ont
EP.
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 143
remarqué,et qui vient remplir dans la série de nos induc-
tions une lacune dont eux-mêmes ne se doutoient pas.
Plus d’un système séduisant , plus d’une hypothèse ingé-
nieuse ont été renversés à leur première apparition par
quelque observation isolée qu’ils avoient faite et que les
les physiciens spéculatifs n’auroient pas eue d’abord à
produire.
Or les rencontres de la conversation font seules jaillir
à Pimproviste ces sortes de lumières , et ce seroit envain
qu’on les attendroit d’ouvrages préparés dans l'isolement.
Cette partie de notre organisation multiplie donc prodi-
gieusement les chances pour ces heureuses combinaisons
d'idées d'où naissent toutes les grandes découvertes set
nul ne peut prévoir où s’arrêteront les effets de ces tra-
vaux communs, de ces excitations mutuelles.
Le moindre de nos théorêmes, promptement saisi par
les arts, la moindre observation des artistes : prompte-
ment constatée, généralisée et répandue par les savans,
peuvent changer l’état du Monde. ;
C’est ainsi que quelques caractères mobiles ont affran-
chi la pensée de l'empire du pouvoir; que le mélange
d’un peu de salpêtre et de soufre a soustrait le courage à
la supériorité de forces physiques ; que la suspension
fortuite d’un minéral méprisé a fait disparoître devant
l’homme la barrière des mers, et réuni toutes les nations
en une seule république commerçante.
Et nos derniers temps ne sont pas moins fertiles en
miracles’! Un acide nouveau est découvert : peu d'années
après ; la médecine s’en fait un moyen d’anéantir des
144 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
contagions mortelles ; de pauvres paysans trouvent la
vaccine : un savant la fait connoître , et l’un des fléaux
les plus destructeurs va disparoître de l’Univers.
Ces réflexions n’ont un peu éloigné de mon sujet;
mais on me pardonnera de m’y être laissé entraîner.
J’avois d’abord à montrer l’importance de la place que
M. Cels occupoit dans l’Institut. Maintenant je reviens
à lui, et je vais essayer de faire voir par quelle suite de
travaux il s’étoit rendu digne de cette place.
Né à Versailles en 1743 d’un père employé dans les
bâtimens du roi , ilétoitentré, dès sa première jeunesse,
dans les bureaux de la ferme générale, et s’y étant distin-
gué par des talens et de la probité , il avoit obtenu de
bonne heure l’emploi assez lucratif de receveur des fermes
près de l’une des barrières de Paris.
Mais dès sa jeunesse aussi , tout en s’occupant avec
assiduité des devoirs de ses places, il savoit encore
trouver du temps pour l'étude , et s’y livroit avec ardeur.
Il aimoit les livres, et mettoit à en acquérir , une
grande partie de ses économies.
Portant dans leur connoissance un esprit d’ordre qui
lui fut toujours naturel , il désira de perfectionner les
méthodes bibliographiques, et rédigea dans cette vue,
de concert avec le libraire Lottin , l’ouvrage intitulé :
Coup-d’œil éclairé d’une grande bibliothèque à l'usage
de tout possesseur de livres , 1 vol. 1-80 1773.
Ce n’est, à proprement parler , qu’un recueil d’éti-
quettes faites pour être placées sur les rayons, afin de
distinguer les livres d’après les sujets auxquels ils se rap
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES: 145
portent ; ét comme le dit l’auteur lui-même , :7 ze peut
cenir sa place dans une bibliothèque qu'après avoir été
-disséqué et mis en lambeaux.
Mais, si on l’examine avec un peu de soin, on voit
bientôt qu’une suite aussi complette et aussi méthodique
de subdivisions suppose des idées générales et philoso-
phiques de toutes les matières dont il peut être traité
dans les livres. C’est une sorte d’arbre des connoïissances
humaines d’après leur objet, et la simple lecture n’enest
pas sans instruction.
Cependant M. Cels s’abstint d'y mettre son nom,
comme à la plupart des ouvrages qu’il a publiés depuis.
Ce goût pour les distributions et pour l'étude appro-
fondie des rapports des choses pouvoit naturellement
conduire M. Cels à l’amour de la botanique, qui n’est
que l’application de l’art général des méthodes, à l’un
des règnes de la nature; mais qui en est peut-être l’ap-
plication la plus ingénieuse , la plus complette et la plus
nécessaire.
Il paroît, en effet, qu’il s’y livra de bonne heure : on
le voit suivre les herborisations de Bernard de Jussieu,
et se lier assez intimement avec le Monnier le médecin,
Jean-Jacques Rousseau et d’autres amateurs des plantes.
Il se forma de bonne heure aussi un jardin de bota-
nique où il passoit les momens de loisir que lui laissoit
son emploi.
Dès 1788 , il se vit en état d’établir une correspondance
et des échanges qui ne tardèrent point à rendre ce jardin
? . . .
lun des plus riches que possédassent des particuliers,
1806, T
146 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
Mais bientôt la révolution supprimant les impôts in-
directs, et le privant de sa charge, le livra tout entier
à son goût favori , qui devint à la fois son unique occu-
pation et sa principale ressource.
Retiré au village de Montrouge, près Paris, il s’y fit
entièrement cultivateur et commerçant de plantes ; réso:
lution prise avec courage et exécutée avec persévérance;
redoublant d'activité dans la correspondance comme
dans le travail manuel, il se procura des végétaux de
tous les pays du monde, parvint à en multiplier un
grand nombre , et les distribua aux amateurs avec une
abondance dont on n’avoit pas eu d’idée jusqu'alors.
On imagine bien cependant que ce jardinier d’une
espèce nouvelle , ne cessa point d’aimer les sciences.
Les étudians étoient toujours mieux reçus que les ache-
teurs, et cela sans qu’ils eussent besoin de la moindre
recommandation. Tout botaniste pouvoit décrire et faire
dessiner dans son jardin ce qui lui paroissoit intéressant.
Lui-même,se proposoit de publier un jour la nom-
breuse collection des faits qu’il avoit observés ; mais se
fiant trop à une excellente mémoire , il n’avoit rien écrit,
et sa mort prématurée , nous prive de tout ce qu’il n’avoit
point fait connoître à ses amis.
Heureusement il étoit fort libéral de ces sortes de com-
munications. Les beaux et nombreux ouvrages de bota-
nique descriptive qui ont paru en France depuis vingt
ans , lui doivent tous quelques-uns de leurs plus impor-
tans matériaux.
C’est dans son jardin qu’ont été dessinées et décrites
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 147
plusieurs des espèces nouvelles, publiées dans les Szzrpes
novæ de PHéritier ; dans les plantes grasses et les astra-
gales de M. de Candolle , et dans les /z/iacées de M. Re- R
douté, ouvrage le plus magnifique dont la botanique
ait été jusqu’à présent redevable à la peinture.
C’est aussi delà que viennent originaïirement quel-
ques-unes des'plantes que M. Ventenat a fait connoître
dans sa superbe description du jardin de la Malmaison.
Mais l’ouvrage auquel le jardin de M. Cels devra
plus particulièrement la durée de sa réputation ; c’est
celüi que M. Ventenat'vient de lui consacrer sous 1er titre
de Jardin de Cels.
Les botanistesont publié depuislong-tempsdes descrip-
tions des jardins publics, et de ceux des princes ou des
hommes riches qui ont mis une partie de leur gloire à
encourager la science aimable dés végétaux.
Ici, c’est un ami, qui fait connoître l’œuvre de son
ami ; tous les deux sont de simples particuliers ; le
jardin et le livre sont des produits d’entreprises privées,
et-néanmoins la richesse des matériaux fournis par le
jardin , et la beauté de l’exécution du livre , surpassent
une-grande partie de ce qu’on voit dans les entreprises
antérièures Eten favorisées par Vopulence ou par le
pouvoir.
Il faut citer sans cessé ces ‘exemples ; qui montrent
ce que peuvent encore pour les sciences les hommes ré-
duits à leur courage ou à la:force de leur volonté.
M. els: en particulier fut pour long-temps privé de
tout autre moyen ; par un malheur qui dérangea entière-
148 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
ment la petite fortune que son économie avoit commencé
à lui faire.
Lors du pillage des barrières , en 1789 , une somme
considérable avoit été enlevée de sa caisse. Les fermiers
généraux , pour qui sa probité étoit notoire depuis vingt
ans, n’avoient pas eu la pensée de le rendre responsable”
du crime d’autrui ; mais lorsque les propriétés de la ferme
eurent été saisies par la convention, des jugesqui n’avoient
pas les mêmes données, n’osèrent décider par la seule
équité une cause devenue celle du trésor public, et les
hommes qui faisoient alors la loi ne voulurent pas être
justes.
Cette perte causa dans ses travaux des retards incal-
culables. Obligé de se défaire de sa belle bibliothèque,
réduit à cultiver sur le terrain d’autrui , et successivement
en différens lieuxt, après vingt années de soin, il ne se
trouvoit pas plus avancé que des cultivateurs nouveaux.
Il déploroit ces contrariétés , maïs ne s’en laissoit
point abattre. Après chaque événement fâcheux , son
active industrie avoit bientôt reproduit tout ce qui
pouvoit se passer de temps.
Il faut dire qu’il fut constamment secondé par les amis
de la science et par les voyageurs. Ceux-ci confioient de
préférence leurs graines et leurs plants à l’homme qui
savoit le mieux les faire fructifier.
L’éducation des végétaux , comme celle des hommes,
exige une sorte de dévouement et de sollicitude, qu’une
véritable passion peut seule inspirer; et personne n’est
mieux fait pour en sentir la nécessité que ceux qui par
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 149
une passion d’un autre genre ont exposé mille fois leur
vie pour procurer à leur pays quelques plantes nouvelles.
. M. Cels dut plus qu’à tout autre à l’intrépide voyageur
André Michaux, né comme lui à Versailles, qui réu-
nissoit comme lui ,à un goût invincible pour les plantes,
quelque chose d’agreste dans le caractère et un courage
indomtable , et qui après avoir parcouru les déserts
brûlans de l'Arabie et de la Perse , après s’être enfoncé
dans les forêts épaisses de l'Amérique du Nord, en avoir
gravi les chaînes les plus escarpées, en avoir fait con-
noître beaucoup de productions, aux propres habitans
du pays, vient de périr dans un dernier voyage, où 4
vouloit encore visiter les îles les plus reculées de la mer
du Sud.
M. Olivier, M. Bosc, M. Broussonnet, M. Delabil-
lardiere et d’autres voyageurs botanistes , imitèrent
Michaux; les étrangers eux-mêmes se firent un plaisir
de partager avec M. Cels leurs richesses végétales, et
il recevoit chaque année de nombreux tributs de tous
les pays où la botanique est en honneur.
Il est vrai que ces dons ne pouvoient être mieux placés;
les espèces les plus délicates réussissoient chez lui; il
sembloit qu’elles connussent ses soins et voulussent y
répondre. On y admiroit, par exemple , deux protéas ,
arbres du cap de Bonne-Espérance , très-difficiles à éle-
ver, et dont aucun jardin d'Europe n’offroit de si beaux
individus.
Il s’attachoit surtout aux arbres et aux arbustes qui
peuvent devenir utiles à notre climat.
190 HISTOIRE DELA CLASSE DES SCIENCES
Il ya beaucoup répandu le néflier du Japon, seul fruit
mangeable de ce pays-là, qui n’est sans doute pas aussi
important pour nous, mais qui fait toujours un gain
pour nos tables.
C’est chez lui qu’a été décrit pour la première fois le
robinia viscosa , arbre d’un effet très-agréable pour les
bosquets , et qui produit une gomme singulière.
Il éleva le premier ici, et donna beaucoup de soins au
? .
pinkneya pubens, excellent fébrifuge , que l’on estime
pouvoir, en plusieurs cas, remplacer le quinquina.
Il avoit beaucoup multiplié les différens chènes de
l’A mérique-Septentrionale , et surtout le guercus tinc-
toria , qui donne une belle couleur jaune.
Nous regarderons toujours comme l’un des principaux
devoirs de notre place de constater ainsi les inventeurs
ou les introducteurs des choses utiles; et ne semble-t-il
pas en effet qu’il y ait quelque chose de déshonorant
pour la société , dans cette ingratitude qui lui a fait
oublier jusqu'aux noms de ceux à qui elle doit ses prin-
cipales jouissances ?
M. Cels n’étoit point découragé par cet oubli; car il
ne pensoit point à la gloire, et dans beaucoup d’occasions
il négligeoit celle que ses travaux auroient pu lui pro-
curer le plus légitimement. -
Ainsi, ayant été chargé par l'administration de rédiger
différentes instructions pour faire connoître aux gens de
la campagne les meilleures pratiques agricoles , il ne mit
point son nom à la plupart de ces écrits, quoiqu’ils
RG 7
RL
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 151
eussent pu lui faire honneur par leur netteté et la saine
doctrine qu’ils renfermoient.
Il faisoit mieux encore que d’être indifférent à sa
gloire , il servoit ardemment celle des autres; il ne
refusoit jamais à ses amis les observations qui pouvoient
avoir place dans leurs ouvrages ; il permettoit de faire
dans son jardin et sur ses plantes toutes les expériences
qui pouvoient éclairer la science , il en suggéroit lui-
même; pourvu qu’elles se fissent , il ne lui importoit
point que son nom y fût attaché. À peine l’a-t-il laissé
mettre aux éditions auxquelles il à contribué de divers
ouvrages d’agriculture , comme Olivier de serre, Le
nouveau La Quintinie et quelques autres.
Au reste , si dans ses travaux il s’occupoit peu de
sa gloire , dans ses fonctions il s’occupoit encore moins
de motifs plus puissans sur beaucoup de gens. L’inté-
rêt, le crédit, le danger même ne purent jamais rien
sur lui. Toujours il conserva son caractère d’homme
des champs étranger aux ménagemens de la société ;
toujours il futinflexible sur ce qu’il crut juste,ou vrai ;
et l’on saït assez que depuis qu’il fut appelé près de l’ad-
ministration ; aucun genre de foiblesse n’a manqué
d’épreuve.
D’abord la populace faisoit la loi ; elle faisoit plus,
elle gouvernoit, et gouvernoit en détail dans chaque
lieu; la démocratie étoit devenue un despotisme mille
fois multiplié , et l’apologue du sauvage , qui abat l’arbre
pour en cueillir le fruit, trouvoit une UE dans
tous nos villages.
152 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
t
T1 falloit détruire les grands établissemens d’agricul-
ture , parce qu’ils avoient appartenu à des riches ; il
falloit calmer la disette, avec les animaux des plus belles
races; il falloit couper les futaies et les avenues pour
planter des pommes-de-terre ; on desséchoit les étangs
pour les ensemencer , et l’on frappoit de stérilité un
canton tout entier, en lui enlevant la source de ses arro-
semens ; on punissoit de mort ceux qui semoient des prai-
ries artificielles; qu’on juge de la position d’un conseil
d'agriculture à une telle époque.
Il est vrai que M. Cels étoit plus propre qu’un autre à
résister aux chefs de ce temps-là ; il avoit pour le bien la
même sorte d'énergie agreste qu'eux pour le mal, et
savoit au besoin leur parler leur langage et les combattre
avec leurs armes. :
Mais bientôt l’astuce et l’avidité remplacèrent la fu-
reur : on ne voulut plus détruire les richesses des autres,
mais les prendre pour soi; contre de nouveaux ennemis,
il auroit fallu des armes nouvelles ; mais si M. Cels n’eut
pas toujqurs autant de succès , il n’eut jamais moins de
courage ; s’il ne put empêcher tout le monde de se faire
une part du bien de l'État, il voulut du moins que chacun
eût aussi la part de réputation qui devoit lui revenir ; et
ce que dans les deux époques, et malgré tous ces obsta-
cles, il a effectivement contribué à sauver, en propriétés
publiques et particulières, en jardins , en troupeaux, en
pépinières , est incalculable.
Beaucoup de fugitifs lui doivent , sans peut-être le
savoir, ce qu’ils ont retrouvé de leurs fortunes, et nul
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES, 153
ne sait ce que seroient devenus les parcs et les maisons
royales si, au moment où ils étoient le plus menacés, ils
n’eussent été mis sous la garde d’une commission dont
il étoit membre,
Qui ne se souvient qu’on ne remplissoit alors des com-
missions semblables qu’au péril de sa vie?
Le seul motif qui ait jamais pu déterminer ce carac-
tère inflexible, à dévier un peu de son attachement ri-
goureux à la règle établie, c’est lorsque , dans ces temps
affreux où l'assassinat avoit le nom de justice, il y avoit
quelque espoir de sauver une des victimes désignées par
les bourreaux qui gouvernoient. Le célèbre botaniste
l’Héritier étoit de ce nombre, et comme ancien magistrat,
et comme académicien , et comme passant pour jouir de
quelque fortune ; on imagina de le cacher dans le jardin
Marbœuf, en qualité de garde-bosquet ; mais il falloit
que M. Cels consentit à la fraude , et ceux qui ne
connoissoient pas son cœur craignoient sa rigidité,
Il se prêta avec la plus grande joie à prendre sur lui
ioute la responsabilité d’une bonne action, alors si dan-
gereuse.
Les hommes qui ont su, comme lui, résister aux pou-
voirs oppresseurs ou imprudens qui se sont élevés suc-
cessivement pendant nos troubles, et qui ont conservé
pour des temps plus heureux, soit des hommes précieux
aux sciences et à l'État, soit quelque portion importante
de la fortune publique , méritent sans doute plus d’estime
que ceux qui ont fui chaque fois que leurs principes ne
prévaloient plus, et doivent surtout être soigneusement
1806, v
‘
154 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES"
distingués de ceux qui ont fait varier les leurs au gré de
chacun des dominateurs du moment.
Cette fermeté extrême de caractère que nous venons
de faire connoître en M. Cels, n’étoit pas aussi néces-
saire dans une compagnie dont les délibérations ne por-
tant point sur les objets qui excitent communément les
passions des hommes , n’exigent pour Pordinaire que du
calme et de la réflexion. Ses manières purent donc pa-
roître quelquefois étranges dans le sein de l’Institut, et
cependant nous eñmes souvent aussi à nous applaudir
du principe d’où elles partoient.
Toutes les vérités ne trouvent pas aisément quelqu'un
qui veuille les dire, même chez nous qui sommes essen-
tiellement consacrés au culte du vrai. M. Cels sembloit
s'être chargé des plus difficiles ; et dans cette foule de
projets dont nous assiégent, tantôt l’ignorance et plus
souvent encore la charlatanerie , c’étoient les mieux
protégés qu’il attaquoit avec le plus de force.
Son zèle s’exerçoit même contre les mauvais livres :
il les croyoit plus dangereux en agriculture , parce que
les lecteurs sont souvent moins instruits ; et ce n’étoit ni
l'humeur, ni la satire qui lui dictoient ses jugemens ;
mais, par un résultat involontaire de son ardeur pour le
bien, l’apparition d’un méchant ouvrage étoit pour lui
une véritable souffrance, une douleur réelle.
Nous avouerons volontiers que c’étoit pousser trop
loin la vertu , et nous nous garderons de donner en
exemple un sentiment dont l’exercice seroit trop pénible,
parce qu’il seroit trop répété.
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 155
Ces dehors un peu âpres, cette façon un peu vive
d'exprimer ses improbations , n’altéroient en rien la pro-
fonde estime que M. Cels inspiroit à ceux qui avoient pu
le connoître.
La preuve en est qu’il réunissoit toutes les voix,
quand il falloit charger quelqu'un des affaires de l’Ins-
titut, et que ses opinions l’emportoient très-souvent
dans nos délibérations. Il faut qu’un avis soit bien bon
pour que la manière de le présenter n’influe point sur
le succès , et qu’un homme ait bien du mérite , pour
qu’il n’ait aucune peine à prendre pour se faire aimer.
Ilest vrai que l’activité naturelle de M: Cels redou-
bloït encore quand il s’agissoit de servir-l’Institut. IL
venoit ici à pied, de bien plus loin que nous tous,
puisqu'il demeuroit à la campagne ; et cependant il
_étoit le plus assidu, et le premier arrivé, non seule-
ment aux séances, mais à tous les comités et aux
nombreuses commissions dont il se laissoit toujours
nommer membre.
L'hiver, ni la nuit ne l’arrêtoient point , et nous
savons .de ses collégues dans l'administration, qu’il
remplissoit ainsi tout ce dont il se chargeoiït.
_ Aussi doit-on dire, à ’éloge de ses chefs, autant qu’au
sien , qu'il$ne lui surent jamais mauvais gré de se dis-
‘penser de tout ce que n’exigeoit pas le service public.
Lorsqu'une suite d’événemens presque miraculeux eut
ramené la France ; après des malheurs dont l’histoire
n'offre guère d'exemples , à un degré subit de splendeur
-et de puissance dont elle en offre peut-être encore moins,
156 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
M. Cels fut continué dans les fonctions qu’il avoit si
honorablement remplies, sous tant de régimes divers.
Toutes les branches de l'administration se régénérant
avec rapidité, les campagnes attendoient aussi leur police
particulière ; le conseil d’agriculture fut chargé d’en
préparer le Code, et M. Cels eut une grande part à sa
rédaction.
Ce travail étoit immense ; il falloit s’instruire des
usages de chaque canton, de leurs avantages, de leurs
inconvéniens, des remèdes possibles. M. Cels s’étoit pro-
curé ces renseignemens au moyen de questions rédigées
avec soin, et adressées par tout l’Empire.
Il falloit ensuite discuter les dispositions projetées ,
avec ses collègues et devant ses chefs , et ici se déployoit
mieux encore que dans toute autre occasion la fermeté
de son caractère , et avec raison sans doute ; car l’in-
fluence d’une mauvaise loi est bien plus funeste que celle
d’un mauvais système dont peu de gens sont dupes,
ou d’une déprédation qui n’a qu’un effet local ou mo-
mentané.
T1 donnoit pour base principale à ses projets de régle-
mens , l’extension la plus illimitée possible du droit de
propriété, et c’étoit à la défendre qu’il mettoit le plus de
chaleur. ”
11 falloit, selon lui, donner aux propriétaires tous les
moyens de sinstruire, et leur laisser ensuite tirer parti
de leurs biens par tous les moyens qui ne nuisent point à
leurs voisins ; mais non prétendre ériger l’instruction en
loi, et vouloir être sage pour tout le monde, en faisant
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES: 157
‘dans le cabinet des réglemens généraux quinemanquent
jamais d’être impraticables en beaucoup de lieux.
On pourroit presque dire qu’il a été le martyr de sa
doctrine; car il prit sa dernière maladie en retournant à
son jardin, un jour qu’il avoit mis toute la chaleur de
son caractère à soutenir une disposition importante à
l’agriculture , contre laquelle on faisoit valoir des motifs
tirés d’autres parties du service public.
Cette maladie fut violente comme son tempérament,
et le mit en peu de jours au tombeau le 15 mai dernier.
La nouvelle de sa mort nous arriva presque aussitôt que
celle de sa maladie, et toutes ses circonstances étoient
faites pour augmenter notre surprise et notre douleur;
Parmi tant de vieillards d’un tempérament foible ;
parmi tant d'hommes livrés aux méditations sédentaires
et à la vie malsaine du cabinet, il en étoit un robuste de
corps, s’exerçant aux travaux champêtres, vivant dans
Vair pur de la campagne , et c’étoit lui que la mort étoit
venue choisir dans nos rangs; elle l’avoit atteint au mo-
ment de l’année le plus heureux pour lui, lorsque les
seules richesses qu’il connût se renouveloient dans tout
leur éclat.
Ce jardin , son plus bel ouvrage, d’où il fallut enlever
son corps; cette verdure, ces fleurs, ce luxe de végéta-
tion , ces paysans du voisinage qui croyoient venir aux
obsèques d’un de leurs camarades , et se trouvoient
mêlés à quelques-uns de nos premiers magistrats, de
nos savans les plus illustres; ce simple discours d’un
bon curé de campagne, déplorant un paroissien ver-
158 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
tueux, suivi de harangues qui préconisoient un digne
membre dé notre première institution littéraire ; enfin,
cette famille en larmes , tout cet appareil de deuil et de
douleur, au milieu de la pompe naturelle de la plus
riche campagne et du ciel le plus pur; cet ensemble et
ces contrastes produisirent sur nous une impression dont
le souvenir ne s’effacera point , et que je ne me reproche
pas d’exprimer encore, parce que je sens que ses amis,
ses collègues , ceux qui viennent d’être entretenus de ses
“services , doivent la partager.
ü
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES: 159
ÉLOGE HISTORIQUE
DE
Pi ?
Tir
MICHEL ADANSON
Par M. Cuvier.,
Hi tL/+-
Lu à la Séance publique de la classe , le 5 janvier 1807.
Lors Qu E nous paroissons à cette tribune, c’est presque
toujours pour y présenter le tableau d’une vie à la fois
heureuse et utile; ceux que nous y louons ont réuni le
double avantage d’éclairer leurs semblables, et de s’en
faire aimer ; la reconnoissance publique elle-même nous
dicte hautement leur éloge; et la certitude de n’avoir à
exprimer que le sentiment universel des amis des lu-
mières, nous soutient contre la défiance où nous sommes
de nos forces.
Mais il nous arrive aussi quelquefois d’avoir à rap-
peler l’attention sur un homme de mérite trop négligé
pendant sa vie, et de réclamer en faveur de sa mémoire
contre l’indifférence de ses contemporains.
Un motif non moins puissant nous anime alors. Nos
fonctions devenues plus pénibles , ne nous en paroissent
que plus hénorables et plus touchantes ; elles prennent
en quelque sorte à nos yeux le caractère auguste d’une
160 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
magistrature publique , et nous les exerçons avec toute
la chaleur qu’inspire un devoir sacré.
Les travaux les plus suivis, les conceptions les plus
fécondes n’ont été que trop souvent réduits à cette justice
tardive, et peut-être les exemples en seroient-ils décou-
geans à force d’être multipliés, si à côté de cet injuste
abandon , ils n’offroient aussi son préservatif et sa con-
solation ; je veux dire, si l’on n’y voyoit en même temps
et les causes qui le produisent et les jouissances qui en
dédommagent. |
Les unes et les autres viennent du même principe.
L'homme digne de connoître la vérité , trop satisfait de
ce charme ineffable attaché à sa recherche, ne s’occupe
point assez de l’opinion des autres, et même, il faut le
dire, c’est presque toujours sa propre indifférence qui
cause celle de son siècle ; indifférence coupable , puis-
qu’elle peut faire manquer au génie sa noble destination.
L’éloge historique de M. Adanson mettra en évidence
toutes ces vérités et tirera d’elles son principal intérêt.
Les qualités diverses de cet homme savant et singulier,
leur origine et leurs effets, leur accord et leur opposi-
tion , leur influence sur ses travaux et sur sa fortune,
concourront également à ce but.
Courage indomtable et patience infinie, génie pro-
fond et bizarrerie choquante, ardent désir d’une réputa-
tion prompte et mépris des moyens qui la donnent, calme
de l’ame enfin au milieu de tous les genres de privations
et de souffrances , tout dans sa longue existence méritera
d’être médité et deviendra tour-à-tour noble exemple
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 161
pour l’émulation , ou salutaire avertissement pour la
conduite.
Michel Adanson , membre de l’Institut et de la Lé-
gion d'honneur, membre étranger de la Société royale
de Londres, ci-devant pensionnaïire de l'Académie des
sciences et censeur royal , naquit à Aix en Provence, le
7 avril 1727, d’une famille écossaise qui s’étoit attachée
au sort du roi Jacques. Son père écuyer de M. de Vinti-
mille , archevêque d'Aix, suivit ce prélat lorsqu'il fut
nommé à l’archevèché de Paris, et amena avec lui dans
la capitale le jeune Michel, alors âgé de trois ans.
M. Adanson le père avoit encore quatre autres enfans et
n’étoit pas riche; mais la protection de l’archevêque
l’aida dans leur éducation : chacun d’eux reçut un petit
bénéfice , et Michel Adanson en particulier eut , à l’âge
de sept ans, un canonicat à Champeaux en Brie, qui
servit à payer sa pension au collége du Plessis.
Beaucoup de vivacité dans l'esprit, une mémoire im-
perturbable et un ardent désir des premiers rangs, c’en
étoit plus qu’il ne falloit pour avoir de grands succès de
collége, et pour être montré avec complaisance dans
toutes les occasions.
Le célèbre observateur anglais , Tuberville Needham,
renommé alors par les faits nombreux et singuliers que
ses microscopes lui avoient fait découvrir, assistoit un
jour aux exercices publics du Plessis ; frappé de la manière
brillante dont le jeune Adanson les soutenoit, il demanda
la permission d’ajouter un microscope aux livres que l’é-
colier alloit recevoir en prix; et en le lui remettant ; il
1806, s
162 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
lui dit avec une sorte de solennité : Vous qui étes si
avancé dans l'étude des ouvrages des hommes , vous étes
digne aussi de connoître les œuvres de La nature.
Ces paroles décidèrent la vacation de l’enfant ; elles
étoient restées profondément gravées dans la mémoire de
M. Adanson , et il les répétoit encore avec intérêt vers la
fin de sa vie. .
Dès cet instant , sa curiosité ne change plus d’objet;
l'œil attaché pour ainsi dire à cette étonnante machine,
il y soumet tout ce que lui fournit l’enceinte étroite de
son collége , tout ce qu’il peut recueillir dans les prome-
nades en s’écartant furtivement des sentiers tracés à ses
camarades , les plus petites parties des mousses , les in-
sectes les plus imperceptibles. Il connut ces productions
que la nature semble avoir réservées pour l’œil curieux
du physicien , avant celles qu’elle abandonne aux jouis-
sances générales , et son esprit étoit déjà tout rempli de
ces merveilles de détail , que son ame n’avoit point encore
éprouvé l’impression du grand spectacle de l'Univers.
Peut-être même ne fut-elle jamais livrée à ces émotions
à la fois si douces et si vives ; il n’eut point de jeunesse;
le travail et la méditation le saisirent à son adolescence ;
et pendant près de 70 ans, tous ses jours , tous ses instans
furent remplis par les observations pénibles, par les re-
cherches laborieuses d’un savant de profession.
Admis au sortir du collége dans les cabinets de
Réaumur et de Bernard de Jussieu , une riche moisson
s’ouvrit à son activité; il la dévora avec une sorte de
fureur ; il passoit ses journées entières au Jardin des
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 163
Plantes ; non content d'entendre les professeurs , il ré-
pétoit leurs leçons aux autres écoliers ; aussi , disoit-il ,
en plaisantant, des professeurs actuels, qu’ils étoient
ses élèves à la troisième génération. Nous nous sommes
assurés par ses manuscrits, que vers l’âge de 19 ans, il
avoit déjà décrit méthodiquement plus de quatre mille
espèces des trois règnes. Les seules opérations manuelles
qu’un semblable travail exige, prouvent qu’il yemployoit
une partie de ses nuits.
C’étoit beaucoup pour son instruction , mais ce n’étoit
presque rien pour l’avancement de la science. La plupart
de ces êtres étoient déjà connuset décrits dans les livres :
quelque climat peu visité pouvoit seul lui en fournir en
abondance qui n’eussent jamais été vus ni examinés par
les naturalistes.
M. Adanson brûlant dès-lors de l’ambition de se placer
à quelque prix que ce fût, parmi ceux qui ont reculé les
bornes de l’histoire naturelle, et ne connoissant pour
cela, comme la plupart des jeunes étudians , que la voie
facile de multiplier les descriptions des espèces, prit
donc le parti de voyager. Il résigna son bénéfice, obtint
à force d’instances et par le crédit de MM. de Jussieu,
une petite place dans les comptoirs de la compagnie
d'Afrique, et partit pour le Sénégal , le 20 décembre
1748.
Les motifs de son choix sont curieux. C’estque c’étoit
(dit-il dans une note restée parmi ses papiers ), de ous
les établissemens européens Le plus difficile à pénétrer,
le puis chaud, le plus malsain , le plus dangereux à tous
164 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
Les autres égards , et par conséquent le moins connu des
naturalistes. Il ne faut pas avoir un zèle équivoque pour
se déterminer précisément sur de pareilles raisons.
Au reste , il devoit sentir moins qu’un autre la diffé-
rence de Paris et d’un désert : travaillant partout dix-
huit heures par jour, il ne s’apercevoit guère s’il étoit
près ou loin des jouissances du monde. Il paroît d’ail-
leurs avoir eu toujours un tempérament très-robuste.
On le voit dans sa relation , tantôt parcourir des sables
échauffés à 60 degrés qui lui raccornissoient les sou-
liers , et dont la réverbération lui faisoit lever la peau
du visage; tantôt inondé par ces terribles orages de la
zone torride, sans que son activité en fût ralentie un
instant.
En cinq ans qu’il passa dans cette contrée, il ras-
sembla et décrivit un nombre prodigieux d’animaux et
de plantes nouvelles; il leva la carte du fleuve aussi
avant qu’il pût le remonter, et l’assujettit à des obser-
vations astronomiques ; il dressa des grammaires et des
dictionnaires des peuples de ses rives ; il tint un registre
d'observations météorologiques faites plusieurs fois cha-
que jour ; il composa un traité détaillé de toutes les
plantes utiles du pays; il recueillit tous les objets de son
commerce , les armes, les vêtemens, les ustensiles de
ses habitans.
Nous avons vu chez luitous ces travaux en manuscrit,
et nous avons été étonnés qu’un homme seul et dénué de
toute assistance, ait pu y suffire en si peu de temps.
Cependant ce court espace fut encore occupé par des
Ur ae as
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. : 165
méditations générales beaucoup plus importantes, qui
devinrent les principes de ses autres travaux, et qui dé-
terminèrent la marche de ses idées, et le caractère du
reste de sa vie.
Que l’on se représente un homme de 21 ans, quittant
pour ainsi dire les bancs de l’école, encore en grande
partie étranger à tout ce qu’il y a de routinier dans
nos sciences et dans nos méthodes , presque sans livres,
et ne conservant suères que par le souvenir les traditions
de ses maîtres; qu’on se le représente transporté subi-
tement dans un pays barbare, avec une poignée de
compatriotes que le langage seul rapproche de lui , mais
qui ignorent ses recherches ou les dédaignent , livré par
conséquent pendant plusieurs années à l'isolement le
plus absolu , sur une terre nouvelle , dont les météores,
les végétaux , les animaux , les hommes ne sont point
ceux de la nôtre. Ses vues auront nécessairement une
direction propre , ses idées une tournure originale; il ne
se traînera point dans nos sentiers battus ; et si d’ailleurs
la nature lui a donné un esprit appliqué et une ima-
gination forte , ses conceptions porteront l’empreinte du
génie. Mais n’ayant point à les faire passer dans l'esprit
des autres, sans adversaires à combattre , sans objections
à réfuter, il n’apprendra point cet art délicat de con-
vaincre les esprits sans révolter les amours-propres , de
détourner insensiblement les habitudes vers des routes
nouvelles, de contraindre la paresse à recommencer un
nouveau travail. D’un autre côté, toujours seul avec
lui-même, et sans objet de comparaison, prenant chaque
166 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
idée qui lui vient pour une découverte, jamais exposé à
ces petites luttes de société qui donnent si vite à chacun
la mesure de ses forces, il sera enclin à prendre de son
talent des idées exagérées , et n’hésitera point à les ex-
primer avec franchise.
Cequ’un tel jeune homme devroit devenir, M. aie
le devint; ceux qui l’ont connu ont dù observer en lui
tout ce qu’il y a bon et de mauvais dans ce portrait, et
de ce caractère une fois donné se déduit presque néces-
sairement le sort de ses ouvrageset celui de sa personne.
De retour en Europe, le 18 février 1754, avec sa riche
provision de faits et de vues générales , il chercha aussi-
tôt à prendre parmi les naturalistes le rang qu’il croyoit
lui appartenir.
__ Létat de l’histoire naturelle avoit notablement changé
pendant son absence. Réaumur étoit près de mourir. Ses
ingénieuses recherches n’avoient dans de Geer qu’un
continuateur foible et moins heureusement placé. Mais
Linnæus et Buffon commencoient à se frayer le chemin
vers l’empire qu’ils se sont partagé pendant près d’un
demi-siècle.
L’un, d’un esprit perçant, d’une application opiniâtre,
embrassant toutes les productions de la nature, les con-
traignoit en quelque sorte dans des classifications arbi-
traires, mais précises et faciles à saisir, leur imposoit
des noms étranges, mais invariables etcommodes à rete-
nir, les décrivoit dans un langage néologique, maïs court,
expressif, et d’une signification rigoureusement fixée.
L'autre, d’une imagination élevée, grave et imposant
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 167
dans son style , comme dans ses manières, s’attachant à
un moindre nombre d’êtres, négligeant ces échafau-
dages artificiels que l’étude de productions plus nom-
breuses auroit exigés, épuisoit, pour ainsi dire, chacun
des sujets qu’il traitoit ; il èn traçoit des tableaux ani-
més ; la pompe et la majesté de la nature régnoient dans
leur ordonnance ; son éclat et sa fraîcheur dans leur co-
loris ; ils étoient liés par des vues neuves , hardies, quel-
LR téméraires , mais toujours exposées avec un art
entraînant.
Les livres de Linnæus renfermant sous un petit vo-
lume une immense série d’êtres de toutes les classes,
étoient le manuel des savans : ceux de Buffon offrant
dans une suite de portraits enchanteurs un choix des êtres
les plus intéressans , faisoient le charme des gens du
monde ; mais tous Hi deux presque exclusivement livrés
à leurs idées particulières , avoient trop négligé un point
de vue essentiel: l’étude de ces rapports multipliés des
êtres , d’où résulte leur division en familles fondées sur
leur propre nature , et c’étoit précisément là ce qui avoit
fait le principal sujet des méditations de M. Adanson
dans sa solitude.
Il en développa le premier avec énergie toute l’im-
portance, et en suivit très - loin l’application ; la har-
diesse de sa marche, la précision de ses résultats frap-
pèrent les naturalistes ; au point qu’ils crurent un ins+
tant voir en lui un digne rival de ces deux grands
maîtres ; et peut-être n’a-t-il, en effet, manqué à sa
réputation pour approcher de la leur, qu’un aussi heu-
168 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
reux emploi des moyens accessoires dont ils surent si
bien se servir.
Essayons de tracer une esquisse rapide , et de ce point
de vue en lui-même , et de la manière particulière dont
M. Adanson l’envisagea.
Un être organisé est un tout unique, un ensemble de
parties qui réagissent les unes sur les autres, pour pro-
duire un effet commun. Nulle de ces parties ne peut
donc être modifiée essentiellement sans que toutes les
autres ne s’en ressentent. Il n’y a donc qu’un certain
nombre de combinaisons possibles parmi les grandes
modifications des organes principaux , et sous chacune
de ces combinaisons supérieures , il n’y a encore qu’un
certain nombre de combinaisons subordonnées de mo-
difications moins importantes qui puissent avoir lieu.
Par conséquent , si l’on avoit une connoissance exacte
de toutes ces combinaisons des différens ordres, et que
chacune fût rangée à la place déterminée par les organes
qui la constituent, lon auroit aussi une représentation
véritable de tout le système des êtres organisés ; tous
leurs rapports, toutes leurs propriétés se laïsseroient
réduire à des propositions générales ; la nature intime
de chacun d’eux se laisseroit clairement démontrer; en
un mot, l’histoire naturelle seroit une science exacte.
Voilà ce qu’on entend par la méthode naturelle. Prin-
cipale clef des mystères de l’organisation , seul fil propre
à guider dans cet inextricable labyrinthe des formes de
la vie , ce n’est que par elle que le naturaliste pourra
s'élever un jour à cette hauteur d’où la nature entière
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 169
lui apparoîtra dans son ensemble et dans ses détails,
comme un seul et vaste tableau. Mais jusqu’à présent
nous ne faisons qu’entrevoir quelques portions de ce
tableau sublime ; et le point d’où nous pourrons l’em-
brasser tout entier, n’est encore pour nous qu’une espèce
de but idéal que nous n’atteindrons peut - être jamais
tout-à-fait, quoiqu'il soit de notre devoir d’y tendre
constamment , et qu’à force de travail nous puissions tous
les jours en approcher davantage.
La route la plus directe seroit de déterminer les fonc-
tions et l’influence de chaque organe, pour calculer
Veffet de ses modifications ; formant alors les grandes
divisions d’après les organes les plus importans , et des-
cendant ainsi aux divisions inférieures, on auroit un
cadre, qui, pour être fait d'avance, et presque indé-
pendamment de l’observation des espèces, n’en seroit
pas moins l’expression réelle de l’ordre de la nature.
C’est ce principe qu’on nomme la subordination des
caractères. Il est parfaitement rationel et philosophique,
mais son application supposeroit , touchant la nature, les
fonctions et l’influence des organes, des connoissances
dont on étoit trop éloigné à l’époque où M. Adanson
commença ses travaux, pour qu’il pût songer à l’em-
ployer; peut-être même n’en eut-il jamais l’idée.
Il eut donc recours à une méthode inverse que l’on
peut appeler empirique ou d'expérience: celle de la
comparaison effective des espèces; et il imagina pour
appliquer , un moyen qui lui est propre et qu’on ne peut
s’empêcher de regarder comme infiniment ingénieux.
1806, Y
170 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
Considérant chaque organe isolément, il forma de
ses différentes modifications un système de division ,
dans lequel il rangea tous les êtres connus. Répétant
la même opération par rapport à beaucoup d’organes,
il construisit ainsi un nombre de systèmes , tous arti-
ficiels et fondés chacun sur un seul organe arbitraire-
ment choisi.
Il est évident que les êtres , qu'aucun de ces systèmes
ne sépareroit , seroient infiniment voisins, puisqu'ils se
ressembleroient par tous leurs organes ; la parenté seroit
un peu moindre dans ceux que quelques systèmes ne
rassembleroient pas dans les mêmes classes ; enfin, les
plus éloignés de tous seroient ceux qui ne se rapproche-
roient dans aucun système.
Cette méthode donneroit donc une estimation précise
du degré d’affinité des êtres, indépendante de la con-
noissance rationnelle et physiologique de l'influence de
leurs organes ; mais elle a le défaut de supposer une
autre connoissance qui, pour être simplement histo-
rique , n’en est pas moins étendue, ni moins difficile
à acquérir : celle de toutes les espèces et de tous les
organes de chacune. Un seul de ceux-ci négligé peut
conduire aux rapports les plus faux, et M. Adanson
lui-même, malgré le nombre immense de ses observa-
tions , en fournit quelques exemples.
C’est là ce qu’il appeloit sa Méthode universelle, et
c’est aussi l’idée mère qui domine dans tous ses grands
ouvrages imprimés ou manuscrits.
Il en publia en 1757 une espèce d’essai dans le Traité
MATHÉMATIQUES ETVPHYSIQUES. 171
des Coquillages , qui termine le premier volume de son
Voyage au Sénégal. Ce livre ouvrit les portes de l’A-
cadémie des sciences et de la Société royale de Londres
à M. Adanson , alorsseulement âgé de 30 ans, non parce
qu’il étoit allé chercher quelques coquilles sur la côte
d'Afrique, mais parce qu’ils’annonçoit commeunhomme
de génie plein de vues neuves, d’activité, et capable
d’honorer encore ces illustres compagnies par un grand
nombre de travaux semblables.
L'ouvrage méritoit en effet d’exciter ces espérances ;
et d'obtenir ces marques d'estime, surtout par l’atten-
tion que son auteur avoit donnée aux animaux des co-
quilles , presque entièrement négligés avant lui, et dont
quelques-uns même n’ont pas été décrits depuis. Sa dis-
tribution méthodique , appuyée sur une vingtaine de ces
systèmes partiels dont nous venons de donner une idée,
étoit bien supérieure À toutes celles de ses prédécesseurs.
Néanmoins, il lui resta encore quelques défauts par la
raison que nous venons aussi d'exposer : c’est que faute
de dissections. anatomiques , il n’avoit pu connoître les
organes intérieurs, etsurtout le cœur. Cette omission le fit
‘ même errer dans la circonscription générale de la classe ;
où il ne comprit point les mollusques sans coquille.
Son projet étoit d’abord de traiter ainsi en huit vo-
lumes toute l’histoire du Sénégal , et elle est en effet déjà
fort avancée dans ses manuscrits; mais jugeant que
Patilité de sa méthode seroit mieux sentie dans une ap-
plication plus générale, il cessa bientôt de publier ce
premier travail, pour se livrer entièrement à celui des
172 HISTOIRE DE LÀ CLASSE DES SCIENCES
familles des plantes, qu’il fit imprimer en 1763. Il y
trouva aussi l'avantage d’opérer sur des êtres plus nom-
breux , étudiés sous plus de rapports, et pour lesquels la
méthode empirique est plus excusable, parce que les
fonctions de leurs organes sont plus obscures.
Beaucoup de botanistes avoient déjà senti l’impor-
tance de distribuer les plantes, selon leurs rapports na-
turels. Morison, Magnol et Ray, en avoient conçu
l’idée presqu’en même temps dans la dernière moitié du
dix-septième siècle , sans toutefois se bien rendre compte
des moyens d’y réussir.
Haller eut long-temps cet objet en vue; mais il n’eut
pas le bonheur de pouvoir accorder entièrement les
rapports naturels avec un système absolu , et malgré
tous ses soins, celui qu’il adopta en rompit encore
quelques-uns.
Linnæus y avoit renoncé volontairement en formant
le sien , et n’y fut quelquefois ramené, que par la force
du sentiment de Panalogie,qui le contraignit à enfreindre
lui-même les règles qu’il s’étoit prescrites.
En un mot, de tous les botanistes antérieurs à
M. Adanson , le seul qui n’ait jamais abandonné cette
recherche et celui qui en obtint le plus de succès, qui
mérita même d’être considéré à cet égard comme le
maître et de ses contemporains et de ses successeurs ,
fut Bernard de Jussieu. Cet homme extraordinaire qui
allia des vertus et une modestie dignes des premiers
âges , à des lumières qu’à peine aucun âge a surpassées,
s’en occupa toute sa vie; mais toujours mécontent de
RAT INSEE ET PHYSIQUES. 173
te qu’il avoit fait, parce qu’il voyoit mieux que per-
sonne ce qui lui restoit à faire, il ne consigna point
ses résultats par écrit; on ne les connoît que par l’ar-
rangement qu’il avoit introduit en 1758 , au jardin de
Trianon , et par les fragmens que ses amis ou ses disci-
ples en ét publiés. BUG O 6
Il y a de fortes raisons de croire que Linnæus avoit
profité des conversations de Bernard de Jussieu, sur
ce sujet ; car plusieurs des rapprochemens indiqués dans
ses Ordines naturales publiés en 1753 , sous forme de
simple liste non motivée, auroient difficilement pu naître
des vues qui ont dirigé cet homme célèbre dans ses autres
ouvrages.
On a pensé aussi que M. Adanson ; élève de Bernard
de Jussieu, avoit recueilli dans les leçons de son maître,
les premiers germes de quelques-unes des familles; mais
_ cette conjecture füt-elle fondée , sa gloire y perdroit peu.
S'il profita de ces leçons, c’est en homme de génie qu’il
le fit. Lie plan général de son livre, les principes directs
qu’il établit ; sa marche franche et hardie, tout cela est
bien à lui, et ce n’est pas ainsi qu’on emprunte. Quel-
ques erreurs même que Bernard de Jussieu avoit évitées ,
prouvent l’originalité du travail de M. Adanson. Elles
venoient toujours de la même cause , la négligence de
_ quelque organe important ; et ce n’étoit pas pour avoir
établi ses distributions sur un nombre trop petit de systè-
mes partiels; car il avoit commencé par en faire soixante-
cinq;fondés sur autant de considérations différentes; mais
c’est comme nous l’avons insinué, faute d’avoir bien
174 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
saisi le principe fécond de la subordination des carac-
tères. Au reste, ces erreurs sont peu nombreuses, parce
qu’un tact délicat suppléa souvent à ce que la méthode
n'auroit pu donner par elle-même , et l'ouvrage offre en
revanche une foule d’aperçus heureux que les décou-
vertes plus récentes n’ont fait que confirmer. |
M. Adanson a, par exemple , indiqué le périsperme ,
et son importance pour caractériser les familles, quoi-
qu’il nelui ait point donné de nom. Il à formé la famille
des Aépatiques , et bien limité celle des joubarbes. Il à
senti le premier le rapprochement des campanulacées
avec les composées , des aristoloches avec les éléagnées ;
des ményanthes avec les gentianées , et celui du trapa
avec les onagres , que Bernard de Jussieu ignoroit, et
qu’on a reconnus depuis. Ses divisions des //iacées , des
dipsacées, des composées , sont originales et bonnes. Ses
groupes de champignons sont supérieurs à ceux de
Linnœus. Il a séparé avec raison les z4ymelées des
éléagnées, et les zyctaginées des amaranthacées que
Bernard de Jussieu confondoit. Enfin un très - grand
nombre de ses genres ont été reconnus. et adoptés par les
botanistes les plus modernes.
Dans sa préface, M. Adanson fait l’histoire de la
botanique avec une érudition étonnante dans un homme
presque toujours occupé d’observer. Il y assigne avec
précision de combien de plantes, de figures et d’idées
nouvelles chaque auteur a enrichi cette science. Il y
donne mème une sorte d'échelle du mérite des systèmes
de ses prédécesseurs ; mais c’est seulement dans leur
/
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES, 175
accord plus ou moins parfait avec ses familles naturelles,
qu’il en prend la mesure. C’étoit se mettre lui-même à
la tête de tous les botanistes, et en effet il n’étoit pas
trop éloigné de cette opinion. Il ne cache point surtout
Vespèce de dépit que lui donnoit la vogue du système
sexuel de Linnœus , un des plus opposés aux rapports
naturels des végétaux. L'espoir de la voir cesser un
jour, consoloit bien un peu M. Adanson; mais il ne
faisoit en cela que montrer à quel point les hommes
lui étoient mal connus > tandis que c’étoit sur leur con-
noissance intime que Lirnæus fondoit presque tous ses
s
succès.
Aimable, bienveillant » entouré de disciples enthou-
siastes dont il se faisoit autant de missionnaires , at-
tentif à enrichir de leurs découvertes dés éditions mul-
tipliées , favorisé par les grands, lié par une correspon-
dance active avec les savans en crédit, soigneux de
faire paroître la science aisée, plus que de la rendre
solide et profonde , le naturaliste suédois voyoit chaque
jour étendre sa doctrine malgré la résistance des amours-
propres et des préjugés nationaux. :
Adanson, au contraire , conservant ses habitudes du
désert , inaccessible dans son Cabinet, sans élèves, pres-
que sans amis, ne communiquant avec le monde que
Par ses livres, sembloit encore les hérisser exprès de
difficultés rebutantes , comme s’il avoit craint qu’ils ne
se répandissent trop.
Au lieu de cette nomenclature si simple et si commode,
imaginée par Linnæœus il donnoït aux êtres des noms
176 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
arbitraires qu'aucun rapport d’étymologie ne rattachoit
à la mémoire , et dédaignoit même quelquefois d’indi-
quer leur concordance avec les noms employés par les
autres. Il avoit imaginé jusqu’à une orthographe parti-
culière, qui faisoit ressembler son français à quelque
jargon inconnu. C’étoit , disoit-il, pour mieux représen-
ter la prononciation ; mais pour que la prononciation
pèt être représentée , il faudroit qu’elle pût être fixée ; et
comment fixer un son dont il ne reste pas de traces?
Aussi change-t-elle à chaque demi-siècle comme dans
chaque province , et c’est sur l’orthographe seule que
reposent la durée et l’étendue d’une langue. Pour le sen-
tir, qu’on se demande ce que deviendroïit, par exemple,
le latin , si chaque nation s’avisoit de vouloir l’écrire ,
comme elle le prononce ?
Ainsi , malgré la beauté réelle et reconnue du plan
qu’il avoit suivi et le grand nombre de faits qu’il avoit
découverts, malgré les éloges que son ouvrage reçut des
plus savans naturalistes, M. Adanson n’obtint pas, à
beaucoup près , sur la marche de la science , l'influence
qu’il auroit dû avoir; les systèmes artificiels régnèrent
encore presque exclusivement pendant plus de trente
ans. Mais loin de se rebuter de ce peu de succès, à peine
s’en aperçut-il. Alors , comme dans tout le reste de sa
vie , son propre jugement suffit pour le satisfaire , et
travaillant toujours avec la même ardeur, ses familles
des plantes n’étoient pas entièrement imprimées, qu’il
s’occupoit déjà d’un ouvrage infiniment plus général,
L’imagination la plus hardie reculeroit à la lecture
Nu
=
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 177
du plan qu’il soumit en 1774, au jugement de l’acadé-
mie des sciences (1), et plus encore à la vue de l’énorme
amas des matériaux qu’il avoit effectivement rassemblés.
Il ne s’agissoit plus d’appliquer sa méthode universelle,
seulement à une classe , à un règne , ni même à ce qu’on
appelle communément les trois règnes , mais d’embrasser
la nature entière dans l’acception la plus étendue de ce
mot. Les eaux, les météores , les astres , les substances
chimiques et jusqu’aux facultés de l’ame, aux créations
de l’homme, tout ce qui fait ordinairement l’objet de la
métaphysique , de la morale et de la politique , tous les
arts, depuis l’agriculture jusqu’à la danse , devoient y
être traités.
Les nombres seuls étoient effrayans ; 27 gros volumes
exposoient les rapports généraux de toutes ces choses et
leur distribution ; l’histoire de 40,000 espèces étoit ran-
gée par ordre alphabétique dans 150 volumes; un vo-
cabulaire universel donnoiït l’explication de 200,000
mots ; Le tout étoit appuyé d’un grand nombre de traités
et de mémoires particuliers, de 40,000 figures et de
30,000 morceaux des trois règnes.
Chacun se demanda comment un seul homme avoit
pu, non pas approfondir , mais seulement embrasser tant
d'objets différens , et quels trésors suffiroient à leur
publication ?
En effet, les commissaires de l’académie trouvèrent
Vexécution fort inégale. Les parties étrangères à l’histoire
(1) Journal de physique , mars 1775.
1806.
178 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
naturelle se réduisoient à de simples indications : les
deux tiers des figures étoient coupées ou calquées dans des
ouvrages connus; beaucoup de volumes étoient grossis
par des matériaux qui attendoient encore leur rédaction.
Ces commissaires donnèrent donc à M. Adanson le
conseil très-sage de détacher de ce vaste ensemble les
objets de ses propres découvertes et de les publier sépa-
rément , en se contentant d’indiquer d’une manière gé-
nérale les rapports nouveaux qu’il pourroit leur aperce-
voir avec les autres êtres.
Les sciences auront long-temps à regretter qu’il ait
refusé de suivre ce conseil ; car divers mémoires , indé-
pendans de ses grands ouvrages, montrent qu’il étoit
capable de beaucoup de sagacité dans l’examen des ob-
jets particuliers.
Qu’on nous permette de présenter ici une analyse suc-
cincte des principaux de ces écrits.
Le taret, ce coquillage qui ronge les vaisseaux et les
pieux, et qui a menacé l’existence même de la Hollande,
avoit été examiné par plusieurs auteurs. M. Adanson fut
pourtant le premier qui en fit connoître la vraie nature
_ et l’analogie avec la pholade et les bivalyes. La descrip-
tion qu’il en donne , est un modèle en ce genre (1). :
On en doit dire autant de celle du baobab (2). C’est
un arbre du Sénégal , le plus gros du monde ; car son
tronc a quelquefois 24 pieds de diamètre , et sa cime
(1) Mémoires de l'académie pour 1759.
(2) Zbidem..…. 1763.
e
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 179
120 à 150; mais il lui faut des milliers d’années pour
arriver au terme de son accroissement. On lui a donné
le nom d’Adansonia , d’après le botaniste qui l’a si bien
décrit , et Linnæus l’a généreusement conservé à l’arbre,
malgré toutes les raisons qu’il avoit de se plaindre du
patron qu’on lui avoit choisi.
l’histoire des gommiers (1) et les nombreux articles
que M. Adanson a insérés dans le supplément de la
première Encyclopédie , réunissent à quantité de faits
nouveaux, beaucoup d’érudition et de netteté. Ils mon-
trent par le fait que notre langue peut exprimer avec
clarté toutes les formes des plantes , sans recourir à cette
terminologie barbare qui commençoit alors à s’intro-
duire , et qui rebute inutilement dans tant d'ouvrages
modernes. Malheureusement ces articles ne vont que
jusqu’à la lettre C. On ignore ce qui a empêché d’impri-
mer la suite qui étoit préparée.
Une des questions les plus intéressantes de l’histoire
naturelle est celle de l’origine des diverses variétés de
nos plantes cultivées. M. Adanson a fait beaucoup d’ex-
périences sur celles des bleds et en a vu naître deux dans
Vespèce de l’orge ; mais elles ne se sont pas propagées
long-temps (2).
* Quelques naturalistes, poussant trop loin les consé-
quences de ces faits et d’autres semblables , et soutenant
que les espèces n’ont rien de constant , alléguant même
(:) Mémoires de l’Académie pour 1773 et 1779.
(2) Mémoires de l Académie 1769.
180 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
des exemples qui sembloient prouver qu’il s’en forme
de temps en temps de nouvelles , il montra que ces es-
pèces prétendues n’étoient pour la plupart que des mons-
truosités qui rentroient bientôt dans leur forme origi-
naire (1).
Depuis long-temps on avoit comparé les mouvemens
des feuilles de la sensitive et des étamines de quelques
plantes, à ceux des animaux , quoique les premiers aient
pour la plupart besoin d’être excités par une cause exté-
rieure. M. Adanson en découvrit de spontanés dans une
substance fibreuse, verte, vivant au fond des eaux, et
qu’il croyoit une plante ; il en donna une histoire fort
exacte (2), et la plaça en tête de son système des vé-
gétaux.
M. Vaucher a pensé depuis que c’est un zoophyte. Il
l'appelle oscillatoria Adansonii.
C’est M. Adanson qui a le premier reconnu que la
faculté engourdissante de certains poissons dépend de
l'électricité. Il avoit fait ses expériences sur le Si/ure
trembleur (3).
On assure aussi qu’il est auteur de la lettre sur l’élec-
tricité de la Tourmaline , qui porte le nom du duc de
Noya Caraffa (4). Il auroit donc contribué en deux
points importans aux progrès de cette branche de la
physique. -
QG) Mémotres de P Academie 1769.
(2) Mémorres de l’Académie 1767.
(3) Voyage au Sénégal , pag. 134.
(4) Paris 1759. Voyez le Joyand , Norice sur Adanson; pag. 12.
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 187
On voit en général qu’il possédoit bien cette science!,
par ce qu’il a occasion d’en emprunter pour son Traité
de Physiologie végétale et de culture. Il avoit fait de
longues recherches sur les inégalités de dilatations des
thermomètres remplis de liqueurs différentes.
TL n’avoit pas non plus négligé les applications de
l’histoire naturelle ou de la physique aux arts utiles.
Il découvrit le premier les moyens de tirer une bonne
fécule bleue de Pindigo du Sénégal. |
: Dans un mémoire adressé au ministère , il montroit
que cette colonie seroit très-favorable à tous les produits
de nos îles et même à ceux des Grandes-Indes , et qu’il
seroit aisé de les y faire cultiver par des nègres libres :
idée heureuse , seule capable de faire cesser un com-
merce honteux pour l'humanité,
Une société d’Anglais et de Suédois, animés par un
sentiment religieux, en avoit fait, il y a quelques an-
nées , un essai qui promettoit d’être heureux ; on nous
assure même que cet établissement se soutient encore ,
quoique des corsaires en aient détruit une partie.
S’il arrivoit un jour que les suites des dernières révo-
lutions et l’état actuel des îles à sucre décidassent enfin
les gouvernemens européens à proscrire un système à la
fois si cruel pour les esclaves et si dangereux pour les
maîtres , il seroit juste de se souvenir que M. Adanson
a ; l’un des premiers , fait connoître les moyens d’y sup-
pléer sans rien perdre de nos jouissances.
Quoique le ministère de France et la compagnie d’A-
frique n’eussent point fait d’attention à ce mémoire ,
182 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
M. Adanson refusa, par patriotisme , de le communi-
quer aux Anglais qui lui en avoient offert des récom-
penses considérables.
Ces divers morceaux, tous remplis d'intérêt , auroient
pu être suivis de beaucoup d’autres , si M. Adanson l’eût
voulu. Ses voyages , son cabinet , et ses observations
continuelles lui auroient fourni assez de riches matériaux,
Buffon a fait connoître , d’après lui , plusieurs quadru-
pèdes et plusieurs oiseaux d'Afrique. M. Geoffroi qui a
décrit /e galago, espèce fort extraordinaire dela famille
des guadrumanes nous apprend que M. Adanson le
possédoit depuis long-temps. Nous nous sommes assurés
qu’il avoit le sanglier d'ÆEthiopie bien avant qu’Alla-
mand et Pallas ne le décrivissent , et ses nombreux porte-
feuilles sont encore pleins de semblables richesses.
Mais tous ces trésors , et il est douloureux de le dire,
M. Adanson lui-même , furent perdus pour la science et
pour la société, du moment qu’il se fut entièrement con-
sacré à l’exécution du plan gigantesque dont nous avons
parlé.
Si M. Adanson eût été un homme ordinaire , nous
terminerions ici son éloge : ses erreurs n’auroient rien
d’instructif; mais c’est précisément parce qu'il eut un
vrai génie , c’est précisément parce que ses décou-
vertes le mettent dans les premiers rangs de ceux
qui ont servi les sciences, qu’il est de notre devoir d’in-
sister sur cette dernière et pénible partie de son histoire,
L’utilité principale de ces honneurs que nous rendons
aux savans est d’exciter quelques jeunes esprits à mar-
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. : 183
cher sur leurs traces ; mais cet:encouragement devien-
droit souvent funeste, si, dispensant la louange sans
discernement , nous ne signalions aussi les fausses routes
où quelques-uns de ces hommes célèbres ont eu le mal-
heur de s’égarer. i
: Unefois donc que M. Adanson se fut livré à son grand
ouvrage , il réserva, pour lui donner plus d'intérêt,
tout ce qu’il avoit de faits particuliers et ne voulut plus
rien publier séparément.
Craignant de perdre un instant , il se séquestra plus
que jamais du monde ;il prit sur son sommeil, sur le
temps de ses repas. Lorsque quelque hasard permettoit
de pénétrer jusqu’à lui, on le trouvoit couché au milieu
de papiers innombrables qui couvroient les parquets,
les comparant ; les rapprochant de mille manières ; des
marques non équivoques d’impatience Lnacbsseit à
ne pas l’interrompre de nouveau ; lui-même trouva moyen
d'éviter jusqu'aux premières visites, en se retirant dans
une petite maison isolée et dans un quartier éloigné.
Dès-lorsses idées ne sont plus alimentées, ni redressées
par celles d’autrui; son génie n’agit plus que sur son
propre fonds , et ce fonds ne se renouvelle plus; tous
ces germes fâcheux que ses premières habitudes solitaires
avoient déposés en lui se développent et s’exaltent ;
calculant l'étendue de ses forces par celle de ses projets,
il se place autant au-dessus des autres philosophes, que
l'ouvrage qu’il veut faire lui paroît au-dessus de ceux
qu’ils ont laissés; on lui entend dire qu’Aristote seul
approche de lui, mais de bien loin, et que tous les
184 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
autres nâturalistes en sont restés à une distance immense.
Oubliant que sa méthode ne repose essentiellement que
sur les faits acquis , il lui attribue une vertu intérieure
pour les faire prévoir , et prétend deviner d’avance les
espèces inconnues. Je possède, disoit-il, zoutes Les
grandes routes des'sciences ; qu’ai-je besoin des sentiers :
de traverse? de là mépris profond pour les travaux de
ses successeurs, négligence absolue des découvertes mo-
dernes, même des objets que les voyageurs rapportent,
attachement opiniâtre à ses anciennes idées , ignorance
complète de leurs réfutations les plus décisives; enfin
inutilité absolue d’efforts si longs, si laborieux, mais
si faussement dirigés. Par exemple , quoiqu'il s’occupât
des mousses, ilne connoissoit pas encore en 1800, l’exis-
tence d'Hedwig , ni aucune des découvertes publiées sur
cette classe singulière depuis plus de vingt ans.
Ceux qui avoient occasion d’être les confidens de son
état, en souffroient d’autant plus, que touten le plaignant
ils ne pouvoient s’empècher de laimer.
En effet, si une solitude prolongée avoit donné à son
esprit une direction malheureuse , cette défiance funeste
que la retraite produit si souvent, et qui a troublé le
repos de tant de solitaires, n’avoit point pénétré dans
son cœur. Ses manières toujours vives étoient aussi
toujours bienveillantes ; il avoit de lui-même des idées
exagérées , mais il ne doutoit point que tout le monde
ne les partageât; et au milieu des privations les plus
cruelles de sa vieillesse, on ne l’entendoit point accuser
les autres.
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 185
Il faut avouer cependant qu’il y à eu des momens
où il en auroit eu le droit. Sa principale fortune con-
sistoit en deux pensions médiocres, prix de ses travaux
au Sénégal et des objets qu’il avoit cédés au cabinet du
roi. Les mesures rigoureuses de l’assemblée constituante
Ven privèrent, et son isolement ne lui laissa aucun
moyen de les faire rétablir. La pension de l'académie
lui restoit; cette compagnie étoit d’ailleurs pour. lui
encore un point de contact avec le monde; elle n’auroit
pas cessé de veiller sur son sort; mais «elle succomba
bientôt dans la ruine générale ; un décret de la con-
vention la supprima et, dispersa ses membres. Ces
hommes dont lenom remplissoit l’Europe, furent heureux
d’être restés inconnus aux farouches dominateurs de
- leur patrie. Ils coururent chercher dans les asiles les
plus obscurs quelque abri contre ce glaive épouvantable
continuellement suspendu sur tout ce qui avoit eu de
éclat, et qui n’auroit peut-être épargné aucun d’eux,
si les ministres de ses fureurs n’eussent été aussi igno-
rans qu’ils étoient cruels.
_ À cette époque où tout manquoit aux plus opulens,
on imagine aisément dans quel état dut tomber un sep-
tuagénaire déjà infirme, à qui vingt années de vie séden-
taire avoient ôté toute relation # toute connoissance des
hommes et des choses.
. Je n’ai pas le courage de retracer un tableau si affli.
Seant; mais que n’ai-je le talent de peindre son admirable
patience , et cette ardeur invincible pour l’étude , à l’é-
preuve de tout ce que son dénuement eut de plus affreux,
1786. 4 *
186 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
I1 sembloit qu’il l’ignorât lui-même; tant qu’il put
méditer et écrire , il ne perdit rien de sa sérénité; c’étoit
une chose touchante de voir ce pauvre vieillard courbé
près de son feu, s’éclairant à la lueur d’un reste de
tison, cherchant d’une main affoiblie à tracer encore
quelques caractères , et oubliant toutes les peines de la
vie, pour peu qu’une idée nouvelle, comme une fée
douce et bienfaisante , vint sourire à son imagination.
Sans doute l’amour de la fortune n’engage point à se
livrer aux sciences , et n’en seroit guères digne ; la gloire
elle-même n’y offre qu’une perspective incertaine ; mais
qui résisteroit à leur charme intérieur, et à ce bonheur
pur, indépendant des hommes et du sort, dont Phistoire
des savans présente sans cesse de si étonnans exemples ?
Cependant un jour plus doux avoit lui sur la France:
la Convention délivrée de ses oppresseurs , avoit abjuré
ses barbaries , et l’un des derniers actes de son pouvoir
avoit été le rétablissement des Académies en un seul
corps , sous le nom d’Znstitur.
Au signal de lautorité , et après quatre ans de disper-
sion, ces hommes illustres quittent de toutes parts l’obs-
curité de leur retraite, et se rassemblent de nouveau. Ce
fut une impression ineffaçable que celle de cette pre-
mière réunion , de ces larmes de joie, de ces questions
réciproques etempressées sur leurs malheurs, leurs re-
traites , leurs occupations , de ces douloureux souvenirs,
de tant de confrères victimes des bourreaux, enfin de la
douce émotion de ceux qui, jeunes encore, et appelés
pour la première fois à siéger à côté des hommes, dont
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 187
ils avoient appris depuis si long-temps à respecter le
génie ; apprenoïent aussi par ce spectacle attendrissant
à connoître leur cœur. |
Néanmoins l’œil inquiet de l’amitié en cherchoit en.
core quelques-uns, et dans ce nombre étoit Adanson,
Ce fut alors seulement qu’on apprit l’état qui causoit
son absense.
Il fallut bien que sa retraite s’ouvrit enfin aux soins
empressés de ses confrères : il les reçut avec des larmes
de reconnoissance. Étonné peut-être autant que touché
de notre intérêt , il regretta sans doute qu’en renonçant
aux jouissances du monde, il eût aussi compris celles
du cœur parmi ses sacrifices.
Non, mes collègues , la science m’exige pas celui-là !
les futiles hochets de la vanité , les faveurs trompeuses
de la fortune , voilà ce qu’elle nous défend impérieuse-
ment de poursuivre , et sans doute vous ne la trouvez
pas en cela bien sévère ! Peut-être nous ordonne-t-elle
encore de sacrifier les petites louanges du monde à la
véritable gloire dont le grand nombre est si rarement
digne d’étrejuge. Maisjevous en atteste tous ! les lumières
et estime réciproque ne font que rendre plus doux les
liens qui unissent les hommes instruits , et l’amitié est
la seule jouissance à laquelle cètte noble élite de l’hu-
manité ne renonceroit pas , même pour l’assurance d’ob-
tenir un jour des honneurs tels que ceux-ci.
Une juste reconnoissance nous oblige de déclarer que
dès l’instant où le gouvernement eut été instruit de la
position de M. Adanson , tous les ministres qui se sont
188 IISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
succédés, se sont fait un devoir de montrer par son
exemple, que l’état n’abandonne pas la vieillesse de
ceux qui ont consacré leur vie à lutilité publique: la
munificence impériale élle:même n’a pas Rene d’a-
doucir ses derniers momens.
Mais tous ces soins bienveillans n’ont pu arrêter les
effets de l’âge et des infirmités aggravées pendant quatre
années si pénibles , et si nous avons encore eu le plaisir
de recevoir quelquefois M. Adanson dans nos assemblées,
nous n’avons pas eu celui de le voir prendre une part
active à nos travaux communs. ‘
Il a supporté ses maux comme il avoit supporté sa
pauvreté ; plusieurs mois en proie aux douleurs les plus
cuisantes, les os ramollis, une cuisse cassée par suite
d’une carie , on ne lui entendoit pas pousser un cri. Le
sort de ses ouvrages étoit l’unique objet de sa sollicitude.
La mort a mis fin à l’état le plus douloureux, le 3
août de l’année dernière.
Il a demandé par son testament qu’une guirlande de
fleurs prises dans les 58 familles qu’il avoit établies, fût
la seule décoration de son cercueil : passagère , mais
touchante image du monument plus durable qu’il s’est
érigé lui-même.
Quelque ami des sciences ne manquera point sans
doute à lui en élever bientôt un autre, en se hâtant de
rendre public tout ce que ses immenses recueils con-
tiennent encore de neuf et d’utile.
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 189
ÉLOGE HISTORIQUE
DE M. BRISSON,
Par M. DELAMBRE, secrétaire perpétuel.
Lu à la séance publique du 5 janvier 1807.
Mirnurin-Jacques Brisson , de l’Académie royale
des sciences , maître de physique et d’histoire naturelle
des enfans de France , professeur de, physique expéri-
mentale au collège de Navarre , censeur royal, et depuis
membre de l’Institut et professeur de physique aux
écoles centrales et au lycée Bonaparte , naquit le 3 avril
1723, de Mathurin Brisson , président à Fontenai-le-
Comte , et de Louise-Gabrielle Jourdain.
La même ville a vu naître Barnabé Brisson , président
du parlement de Paris , célèbre par son savoir, par son
dévouement à la cause royale et par sa fin tragique. La
double conformité de nom et de patrie nous suffiroit
pour conjecturer avec beaucoup de vraisemblance que
les Brissons qu’on a vus dans le parlement jusqu’aux
derniers jours de cette compagnie , et ceux qui avoient
continué d’exercer dans la province des magistratures
moins éonnues , ne formoient qu’une même famille ;
190 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
mais l'Encyclopédie méthodique au mot Fontenai , ne
laisse aucun doute sur ce point, qui m’est confirmé
par une note de M. Brisson même. Ce n’est plus le
temps d’insister beaucoup sur une parenté dont notre
confrère a pu s’honorer , mais fort indifférente à la
postérité qui ne faisant attention qu’au mérite per-
sonnel , placera sans doute sur une même ligne le
savant auteur du livre des Formules, et l’académicien
à qui nous devons tant de travaux dont le but constant
a été l'instruction publique et l’avancement des sciences.
M. Brisson montra dès son enfance un goût très-vif
pour l’histoire naturelle ; cette inclination dut naître ou
du moins se développer dans la société de Réaumur qui
passoit les automnes dans une terre voisine de Fontenai,
et dans laquelle il recevoit le jeune Brisson pendant
toute la durée des vacances. Une circonstance aussi heu-
reuse et si propre à déterminer sa vocation ne l’empêcha
pourtant pas de se livrer à une étude bien différente , il
se crut appelé à l’état ecclésiastique; il reçut la tonsure et
s’occupa de théologie avec tant de ferveur et de succès,
que son évêque lui offrit le sous-diaconat lorsqu’il ne se
présentoit que pour les ordres connus sous le nom des
quatre moindres.
Un témoignage d’estime aussi flatteur auroit pu sé-
duire un jeune homme d’un esprit moins réfléchi.
M. Brisson demanda le temps nécessaire pour mieux
constater sa vocation , et vint à Paris au séminaire de
Saint Sulpice. Compris en 1747 sur la liste de ceux qui
devoient être admis au sous-diaconat , il se rendit avec
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 191
eux à l’archevèché. Là les scrupules qui lui avoient fait
redouter un engagement irrévocable se présentèrent à son
esprit avec plus de force , et l’effrayèrent au point qu’il
ne vit qu’une prompte fuite qui pût le sauver du danger,
il s’évada pendant la cérémonie et revint sans partage
aux études qu'il avoit interrompües. L’académicien
illustre qui avoit accueilli son enfance avec tant de
bonté , lui ouvrit bientôt une carrière dans laquelle il
devoit trouver un avancement et une considération aussi
réelle qui ne seroit pas achetée par un sacrifice aussi
sujet au repentir.
Nous lisons dans lPéloge de Réaumur que ce savant
avoit la direction du laboratoire chimique de l'académie,
et que le traitement qu’il recevoit à ce titre il l’'émployoit
constamment à entretenir quelque jeune homme de
- grande espérance qui pût l’aider dans ses nombreux tra-
vaux. Nous ne voyons pas bien clairement ce que ce
laboratoire ainsi dirigé a fait pour l’avancement de la
chimie proprement dite ; mais c’est un fait digne de
remarque qu’il a fourni à l’Académie cinq membres
d’un mérite reconnu.
‘Le premier fut Henri Pitot que Réaumur s’attacha en
1723 , quoiqu'il ne fût encore connu que comme géo-
mètre , et qui dès l’année suivante fut admis à l’Aca-
démie en qualité de mécanicien. On parut étonné de ce
choix, peu de personnes soupçonnoient alors, mais
Réaumur avoit pressenti déjà ce qui n’a été prouvé que
de nos jours , c’est-à-dire combien l’exactitude et la pré-
cision géométrique et l’esprit d'analyse pouvoient être
192 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
utiles à la science chimique pour la tirer du chaos où
elle étoit encore.
Le second de ces élèves fut abbé Nollet remplacé
presque aussitôt par Guettard que cet utile secours dis-
pensa de retourner auprès d’un oncle qui le rappeloit pour
exercer après lui les fonctions utiles mais obscures de
pharmacien à Étampes. x
Guettard entré à l'académie eut pour successeur l’anato-
miste Hérissant connu depuis par un travail curieux sur
l’ossification , et qui, devenu lui-même académicien en
1748 , laissa enfin la place à M. Brisson , le dernier de
ces élèves , qui tous se sont fait un nom , mais dont au-
cun ne s’est attaché spécialement à la rates
Les travaux de M. de Réaumur étoient plus parti-
culièrement dirigés vers l’histoire natureile, M. Brisson
retrouva chez lui les objets de ses premières affections.
Chargé de mettre en ordre un riche cabinet confié à ses
soins , il fit choix du plan qui devoit le plus faciliter les
recherches et déterminer d'avance la place des objets qui
manquoient encore à la collection.
Dans cette vue il devoit s’attacher principalement aux
qualités extérieures et aux caractères 1 plus faciles à
distinguer.
Il commença par le règne animal qu’il divisa en neuf
classes d’après le plus ou moins d’aralogie qu’il y remar-
quoit avec l’homme. Il donna les deux premières dans
un ouvrage qui parut en 1756 sous le titre de Règne
animal ; il y décrit les quadrupèdes et les cétacées , et il
y développe son système qui est extrêmement simple.
. MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. . 193
Toutes ses descriptions tracées sur le même plan, sont
exprimées dans les mêmes termes , afin de rendre les
comparaisons plus faciles. Il y rassemble le nom de
chaque animal dans toutes les langues et suivant les
différens auteurs qui en ont parlé. Cette synonymie
ainsi que les tables alphabétiques qui terminent chaque
classe , sont une des principales richesses d’un ouvrage
que l’auteur ne publioit que pour se préparer à une
description plus complète et plus approfondie du cabinet
de Réaumur.
La troisième classe parut en 1760 , sous le titre d’Or-
zithologie , en six volumes >enrichie d’un grand nombre
de belles planches toutes gravées d’après nature, Dans
sa préface l’auteur passe en revue ceux qui l’ont pré-
cédé dans la même carrière ; et les juge avec cette sévère
franchise qui a fait de tout temps un des traits les plus
remarquables de son caractère » et qui se retrouve dans
tous ses écrits comme elle étoit dans tous ses discours.
Pendant que M. Brisson travailloit à cet ouvrage il
eut la douleur de perdre M. de Réaumur dont il étoit le
disciple et l'ami. A la mort de ce savant sa collection
fut réunie au cabinet du roi > €t pour continuer son
travail M. Brisson dut s’adresser à MM. de Buffon et
d’Aubenton , l’un intendant et Pautre démonstrateur de
ce cabinet. Mais il ne trouva pas auprès d’eux toutes les
facilités dont il avoit pu se flatter , et il renonça pour
toujours à l’histoire naturelle.
Nous ignorons les motifs qui ont porté deux savans
aussi distingués à refuser à leur confrère, car M. Brisson
1806, B#
194 HISTOIRE DE LA CLASSI DES SCIENCLIS
étoit entré à l’académie en 1759, la satisfaction d’achever
un ouvrage qui ne pouvoit faire aucun tort à celui qu’ils
avoient eux-mêmes commencé sur un plan plus vaste,
plus utile , et qui intéressant un plus grand nombre de
lecteurs , n’avoit rien à redouter d’unc description néces-
sairement un peu sèche , puisqu'elle étoit bornée aux
qualités extérieures ; et dans laquelle ils auroient pu
trouver des renseignemens qui auroient abrégé la partie
mécanique de leur travail.
Quoi qu’il en soit, M. Brisson, forcé de renoncér à la
science pour laquelle il s’étoit sen i le goût le plus vif,
accepta la proposition que lui fit l'abbé Nollet de s’ap-
pliquer à la physique expérimentale à laquelle il se
Jivra depuis tout entier.
Devenu ainsi l’élève , l’amÿ et bientôt après le survi-
vancier de Nollet dans ses places de professeur au
collège de Navarre et auprès des enfans de France,
M. Brisson se trouvoit dans des circonstances assez
délicates.
L’abbé Nollet après avoir long-temps joui d’une répu-
tation brillante qu’il devoit à la clarté , à la facilité de
ses démonstrations, à l’art avec lequel il exécutoit et
varioit ses expériences , et peut-être aussi à la nouveauté
des phénomènes électriques , eut le malheur d’imaginer,
et le malheur plus grand de soutenir avec opiniâtreté un
système des effluences et affluences ou de deux courans
qui par leurs directions opposées lui paroïissoient propres
à expliquer les effets les plus étonnans de électricité,
mais qui n’a jamais obtenu l’assentiment des physiciens.
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 195
Une doctrine étoit venue qui se recommandoit par une
plus grande simplicité , par des dénominations qu’elle
avoit empruntées de la géométrie et qui sembloient
annoncer la précision et l’exactitude qui sont l’apanage
presque exclusif de cette science. Cette doctrine expli-
quoit d’une manière satisfaisante un des phénomènes
les plus étonnans , celui de la bouteille de Leyde ; enfin
son auteur en avoit fait une application heureuse autant
que hardie en armant nos édifices d’appareils propres à
les garantir de la foudre. T’abbé Nollet qui long-temps
auparavant avoit reconnu l’analogie du tonnerre et de
l’électricité , ne voulut pourtant jamais convenir de
l’utilité des moyens préservatifs que vantoient les par-
tisans de Franklin. Au contraire il employoit toute son
adresse et la grande habileté qu’il avoit dans l’art des
expériences pour combattre le système qui avoit renversé
celui des deux courans ; ses efforts qu’on attribuoit à
l’entêtement et à l’amour propre blessé , lui avoient fait
perdre en grande partie la considération dont il avoit
long-temps joui. Son élève et son ami donnant des leçons
à sa place et sous ses yeux , ne pouvoit guère embrasser
une doctrine opposée à la sienne, et en défendant une
cause qui paroissoit insoutenable , il risquoit de se nuire
à lui-même dès les premiers pas qu’il faisoit dans la
carrière.
La conduite de M. Brisson fut loyale et franche , et
telle qu’elle convenoit à son caractère ; en répétant dans
ses cours les expériences sur lesquelles étoit fondée prin-
cipalement la doctrine de son maître et de son ami, en
196 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
portant tous les coups possibles à la théorie du docteur
américain , il exposoit avec la même bonne foi et pré-
sentoit sans réserve et dans toute leur force les raison-
nemens et les expériences qui paroissoient les plus déci-
sives pour le système qu’il combattoit. Cette théorie
reçue d’abord avec tant de faveur , attaquée et défendue
avec tant de passion , ne soutint pas l’épreuve d’un
calcul rigoureux ; elle fut abandonnée sans trouble et
sans éclat pour une autre doctrine qui n’a pu elle-même
opérer encore une conviction bien intime , et qui n’est
regardée que comme une hypothèse ingénieuse et com-
mode qui plus que toute autre se prête au calcul des phé-
nomènes. |
Cette révolution justifia la conduite de M. Brisson
qui, malgré son penchant pour la doctrine du physicien
français , s’étoit maintenü presque neutre, et a constam-
ment pensé qu’il ne falloit pour le présent que recueillir
et constater les faits en laissant la recherche des causes à
la postérité qui , dit-il, ne les connoîtra peut-être jamais
mieux que nous. ;
Cette impartialité dont nous faisons honneur à M.
Brisson , et qu'ont pu applaudir comme nous ceux qui ont
suivi ses cours du vivant même de l’abbé Nollet ne brille
pourtant pas , il faut l’avouer , dans une traduction de
l’histoire de l’électricité de Priestley qu’il fit paroître en
1771. Jamais traducteur n’a moins mérité le reproche
d’adoration ou d’engouement pour son auteur original.
M. Brisson paroît au contraire m’avoir entrepris son tra-
vail que pour venger Nollet , attaquer Franklin et rabais-
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES, 197
ser l’historien devenu depuis si justement célèbre maïs qui
alors étoit peu connu , qui lui-mème avoit montré peut-
être une prédilection trop grande pour les physiciens de
sa nation , n’avoit mis rien de neuf , rien de lui dans
une histoire qui malgré un mérite réel est peut-être le
plus foible de ses titres à l’estime des savans.
En relisant aujourd’hui les notes qui accompagnent
ceite traduction , on voudroit en effacer quelques expres-
sions trop peu mesurées , toujours peu convenables et
surtout quand on les voit appliquées à l’auteur de tant
de découvertes heureuses. On diroit que M. Brisson
V'avoit pressenti lui-même , car de tous ses ouvrages
cette traduction est le seul auquel il n’ait point attaché
son nom.
Les fonctions de professeur n’empèêchoient pas M.
Brisson de payer son tribut d’académicien en mettant
dans presque tous les volumes de nos mémoires l’exposé
de ses recherches particulières ; il essaya d’expliquer
dans le système de Nollet les phénomènes des trombes
qu’on a voulu depuis ramener à l’électricité positive et
négative. On ne doit pas s’étonner si ces diverses expli-
cations sont un peu vagues ; les occasions d’observer
ce terrible météore sont heureusement assez rares , et
quand on le trouve sur son chemin on est bien plus
empressé de l’éviter que de l’analyser et de le com-
prendre. ;
En cherchant à déterminer les différentes densités de
Vesprit de vin plus ou moins mélangé d’eau , il fut
conduit à ce résultat qui pouvoit alors sembler para-
198 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
doxal qu’on ne pouvoit regarder l’eau comme un élé-
ment , et sa raison étoit qu’elle lui paroissoit composée
de parties hétérogènes. Il eut part avec MM. Trudaine,
Macquer , Cadet et Lavoisier , aux expériences qu’on fit
avec la grande lentille de Bernière sur la fusibilité des
métaux, la combustion du diamant, et la différente
réfrangibilité des rayons qui composent la lumière.
T1 fit des expériences avec M. Cadet pour prouver,
contre l'opinion de Beccaria ,; que le fluide électrique
ne jouit pas de la propriété de révivifier les chaux mé-
talliques ; |
Des observations sur le pouvoir réfringent des diffé-
rentes liqueurs simples ou composées qu’on pourroit
substituer au flint-glass dans la construction des lunettes
achromatiques ;
La comparaison des différentes espèces d’acier plus
ou moins susceptibles de magnétisme ;
Enfindesobservations suiviessuruneespèce delimaçon
qui, àmesure que sa coquille acquiert denouvelles spires,
se débarrasse des spires plusanciennesquinuiroïient à ses
mouvemens. Par un vernis dont il enduisoit la coquille,
M. Brisson étoit parvenu à lui donner une consistance
capable de résister assez long-temps aux efforts que l’a-
nimal faisoit pour la rompre.
Nous ne faisons qu’indiquer tous ces mémoires , mais
nous devons nous arrêter plus long- Me à ca qu’il
donna en 1772 sur la pesanteur spécifique des métaux ,
c’est-à-dire sur le poids d’un volume donné d’or, par
exemple , comparé au poids d’un volume égal d’eau dis-
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 199
tillée. Il est très-aisé de s’assurer que le volume d’or
pèsera 19 fois environ le volume pareil d’eau. Mais
quand on veut mettre dans cette recherche une grande
exactitude , il faut employer des attentions très-scrupu-
leuses qu’il seroit trop long de détailler; ceux qui les
connoissent pourront juger quelle a été la patience et
le zèle du physicien qui a soumis à de pareils examens
environ mille substances différentes dont chacune n’a
pas demandé moins de deux ou trois opérations du même
genre, suivies d’autant de calculs plus fastidieux en raison
même de ce qu’ils sont plus faciles et plus uniformes.
Plusieurs physiciens , et entre autres le célèbre Mus-
chenbroek , avoient donné de ces tables de pesanteur ,
mais elles étoient trop incomplètes et trop inexactes pour
les besoins de la physique et même pour ceux des arts.
M. Brisson qui avoit reconnu ces inexactitudes, recom-
mença tout le travail et s’en occupa pendant vingt ans. Il
camptoit d’abord le donner par parties dans les Mémoires
de l'académie ; mais sa table s’étant accrue bien au-delà
de ses premières espérances , elle mérita de faire un
traité à part, et M. Brisson le publia en 1787. C’est un
de ces ouvrages longs et utiles dont tout le monde pro-
fite , et que peu de personnes osent entreprendre. C’é-
toit pour lui un motif de plus; il préféra toujours la
certitude d’être utile à la recherche incertaine de décou-
. vertes qui auroient pu lui promettre plus de gloire en
cas de réussite , mais aussi qui auroient en vain Consumé
son temps et sa peine si elles avoient été moins heureuses.
Après un pareil ouvrage où il avoit eu tant d’occasions
200 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
de sentir les incommodités sans nombre de notre ancien
système métrique , on doit peu s’étonner qu’il ait été l’un
des partisans les plus empressés du nouveau. À peine la
proposition en avoit été faite à l’Assemblée constituante
que M. Brisson lut à l’Académie un mémoire où il pro-
posoit pour unité de mesure la longueur du pendule dé-
terminée par M. de Mairan, et pour unité de poids la
64° partie du nouveau pied cube d’eau distillée. Son but
étoit de se rapprocher autant qu’il étoit possible des
mesures usitées à Paris, sacrifiant ainsi la plus grande
perfection de la réforme à la facilité passagère qu’on
auroit trouvée à la faire adopter. Il prenoït en même
temps l’engagement de traduire dans la nouvelle langue
toute sa table des pesanteurs dès que les nouvelles me-
sures seroient décrétées. Si nous devons lui savoir gré de
cette nouvelle marque de dévouement, il duten savoir
bien davantage à ceux qui par le choix de l’unité pre-
mière et par sa division toute décimale l’avoient dis-
pensé d’un travail aussi ingrat. En effet la conversion
qu’il proposoit se trouve toute faite dans son livre, les
nombres qu’il y a donnés pour exprimer la pesanteur
spécifique sont tout naturellement les poids du déci-
mètre cube de toutes les substances exprimées en déci-
grammes. |
Quand l’Académie fut chargée de tous les travaux
relatifs au nouveau système ,; M. Brisson fut nommé
avec MM. Tillet et Vandermonde pour comparer avec
la toise et la livre de Paris , toutes les mesures de lon-
gucur , de superficie ou de capacité , et tous les poids
h
ns
——_—
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES, 204
usités en France. Travail immense ( dit avec raison
l'historien de l'Académie } ;, et dans lequel le patrio-
tisme soutiendra leurs forces. M. Brisson s’y livra seul
avec ce zèle dont il'avoit déjà donnéstant de preuves.
Ce projet eut pourtant pas son entière exécution. On
laissa depuis à chaque département le travail de ces
comparaisons qui pouvoient s’y faire presque aussi bien
et à moins de frais ; mais M. Brisson s’en étoit long-
temps occupé , et ce travail obscur autant que pénible
auroit dû lui faire trouver grace aux yeux de ceux qui
en décembre 1793 rayèrent de la liste de la commission
des mesures tous les membres dont ils ne crurent pas
avoir un besoin indispensable pour achever Popération.
M. Brisson qui, pouvoit avoir hérité de son aïeul une
partie de son attachement à la cause des rois , étoit d’ ail-
leurs trop sincère ‘et trop franc pour n’avoir pas laissé
voir qu’il étoit bien loin d'approuver sans réserve tout
-ceïquise faisoit alors. Il fut donc rayé quoique plus né-
cessaire que jamais, pour l’exécution du nouveau plan
qu’on vouloit réaliser avec une célérité révolutionnaire.
Réintégré en 1795 , il fut chargé de faire avec Borda lé-
#alon provisoire du mètre , il reprit sa comparaison des
mesures ; et ses résultats déposés au bureau de l’agence
ont été d’une grande utilité pour la confection des tables
et des instructions publiées par le ministère de l’inté-
rieur.
Tous les, travaux dont nous:ayons rendu compte sont
-de nature , les uns à rester presque inconnus, et les
- autres à mavoir qu’un petit nombre de juges et mème de
1806, ORNE
202 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
lecteurs ; il nous reste à parler des ouvrages élémentaires
qu’il a composés pour être plus utile à ceux quisuivoient
ses cours. Ces ouvrages sont principalement un traité et
un dictionnaire de pliysique dont il a vu plusieurs édi-
tions , et qui ont été traduits en plusieurs langues.
Tous les livres destinés à l’instruction publique,
quand ils ont pour auteur un savant connu, ont toujours
un débit assuré du moins pendant la vie du professeur.
Très-diffciles à bien faire , quand ils seroient excellens
pour le temps où ils paroissent , le progrès journalier
des sciences ne tarde pas à les rendre incomplets , alors
ils ne sont guères lus que par ceux qui travaillent à les
faire oublier. De tous les livres de ce genre , celui
d’Euclide , le seul à peu près qui nous reste des anciens,
est aussi le seul que l’on cite souvent , qu’on reproduise
quelquefois , maïs il a été remplacé. Si tel est le sort des
élémens d’une science qui seule peut prétendre à l’immu-
tabilité, quel doit être celui des traités élémentaires
dans les sciences moins certaines , dans celles qui ne
sont pas faites , ou qui comme la physique n’ont de
complètes que les parties sur lesquelles l’expérience ne
paroît plus avoir rien à nous apprendre , et qu’on a pu
soumettre à un calculexact ? On cite encore Sgravesende,
Desaguliers , Musschenbrock et Nollet ; mais qui les
enseigne ? Un sort pareil est réservé nécessairement aux
ouvrages élémentaires de M. Brisson , mais ils ont servi
long-temps à répandre les connoïssances acquises, ils
ont été utiles, ils peuvent l’être encore, et l’auteur a
déclaré lui-même que ce prix suffisoit pour le dédom-
mager de toutes ses peines,
|
|
l
|
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 203
En voyant de la même main un dictionnaire et un
traité sur le même sujet, on sera tenté de croire que
c’est exactement le même ouvrage présenté sous deux
formes un peu différentes. Sans doute il est plus d’un
article où l’auteur a dù se répéter , mais la différence
des plans en amenoit une assez grande en certaines
parties ; tel article qui n’a pu trouver place dans le
traité, ou n’a pu y recevoir les développemens dont il
étoit susceptible, entroit nécessairement dans le diction-
naire où l’auteur a pu insérer bien des notions d’astro-
nomie , d'histoire naturelle , ainsi que beaucoup d’au-
tres connoissances qui sans être précisément parties inté-
grantes et nécessaires d’un dictionnaire de physique , y.
tiennent du moins d’assez près pour qu’on soit bien aise
de les ÿ rencontrer. Mais ce qui se remarque également
dans les deux ouvrages , c’est un style simple et clair,
un ordre méthodique , un jugement sain , un ton de
candeur et d’impartialité , un aveu sincère de ce que
l'auteur ignore qui peut donner quelque poids à ce qu’il
présente comme moins incertain.
Il s’est peint lui-même À l’article Physique expéri-
mentale. « Si la retenue et la circonspection, nous
» dit-il, doivent être un des principaux caractères du
» physicien , la patience et le courage doivent le sou-
» tenir dans son travail ; on ne doit pas trop se hâter
» d'élever entre la nature et Pesprit humain un mur
» de séparation; en nous méfiant de notre industrie ,
» gardons de nous en méfier avec excès. Un système
» Quoique faux a souvent produit de grands biens , mais
[l
204 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
» un trop grand attachement À un système qu’on a
» enfanté , a produit souvent de grands maux à la
5 science dont il a retardé les progrès. » Ces maximes
ont fait la rèole constante de sa conduite ; mais cette
retenue si sévère ne l’empêchoit pas d’aller au-devant
de toutes les nouveautés utiles ; il pouvoit à bon droit
s'appliquer le vers de Solon,
« Et je vieïllis en apprenant sans cesse. »
Il applaudit avec zèle à la révolution qui s’est opérée
de nos jours dans la chiinie. Dans sa jeunesse il s’étoit
bientôt dégoûté de cette science où 2/ ne voyoit aucune
base capable de fixer ses idées. Sa première ferveur se
ranima dès qu’i/ vit des observations mieux faites et
des résultats plus satisfaisans. Il donna à cette étude
tout le temps dont il pouvoit disposer ; il rendit un
témoignage éclatant aux talens et aux suctès de confrères
beaucoup plus jeunes que lui , et qu’il avoit vu entrer à
VAcadémie quand il en étoit déjà l’un des doyens;
enfin c’est par un traité de chimie élémentaire destiné à
ses élèves de l’école centrale , qu'il a terminé une car-
rière remplie par cinquante ans de travaux utiles.
Toute la vie de M. Brisson est renfermée dans ses ou-
vrages. II la passa presque entière dans sort cabinet ou
à l’Académie. Il étoit fort assidu à nos séances dont il
né s’est absenté que la dernière année de sa vie.
Une attaque d’apoplexie venue à la suite d’une longue
et dangereuse maladie , parut avoir effacé toutes ses
idées , les connoissances qu’il avoit amassées par un
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 205
travail si long et si assidu , tous ses souvenirs et même
celui de langue française , il ne prononçoit plus guères
que quelques mots de l’idiôme Poitevin qu'il avoit
parlé dans son enfance. Après un intervalle de quatre-
vingts ans il se retrouvoit au point d’où il étoit parti,
ses derniers jours ont ressemblé aux premiers. Exempt de
trouble et d'inquiétude il sortit de la vie comme il y étoit
entré , sans crainte , sans espérances et peut-être sans
trop s’en apercevoir lui-même. Il mourut le 235 juin
1806 , et il a été remplacé par M. Gay-Lussac.
206 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
Fe
ÉLOGE HISTORIQUE
DE M. COULOMB,
Par M. DEeramere.
Lu à la Séance publique du 5 janvier 1807.
Cranres-Aucusrin Couroms , Heutenant-colonel au
corps du génie, chevalier de Saint-Louis, membre de
l'académie des Sciences , et ensuite de l’Institut et de la
Légion d’honneur , et l’un des inspecteurs généraux des
études , naquit le 14 juin 1736, à Angoulême , d’une
famille qui s’étoit distinguée dans la magistrature à
Montpellier.
Amené de bonne heure à Paris , il y prit pour les
sciences mathématiques un goût si décidé qu’il vouloit
s’y consacrer entièrement ; mais trouvant quelques obs-
tacles à l’exécution de ce projet , il entra dans le corps
du génie militaire , où du moins il espéroit faire servir
à son avancement les connoissances qui étoient son
unique passion ; et pour arriver plus promptement au
terme qu’il fixoit à son ambition , il voulut passer en
Amérique. Il y fut employé par le gouvernement aux
constructions les plus importantes. Des travaux péni-
bles sous un ciel brûlant altérèrent bientôt sa santé. Les
‘MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 207
maladies cruelles dont il fut attaqué , et qui avoient été
fatales à tous ses compagnons de service, lui firent dé-
sirer de revoir la France. Ses chefs le retinrent par les
grades auxquels ils le firent élever , et par des espérances
qui ne furent pas toutes réalisées. Il revint enfin après
neuf ans d’absence. Jusqu’alors il s’étoit donné sans
réserve aux travaux de son état. Cet esprit dé recherches,
d’expériences et de calcul qui l'ont si éminemment dis-
tingué , il n’avoit pu l’appliquer qu'aux moyens d’exé-
cuter avec plus d'économie et de solidité les construc-
tions qu’il avoit à diriger. Ses observations et la théorie
qui l’avoient guidé firent la matière d’un mémoire qu’il
lut à l’académie des sciences, et qui lui mérita le titre
de correspondant. HE
Vers le même temps il donna les moyens d’exéçuter
sous l’eau toute sorte de travaux hydrauliques sans au-
cun épuisement ; il rendit compte de ses observations
sur une espèce de moulin qui lui avoit paru la plus
propre à comparer l'effort du vent, l’effet utile et la
perte opérée par les frottemens. \
Nous rapporterons à cette époque un mémoire qu’il
n’a pourtant publié que 25,ans après , mais qu’il avoit
lu à l'académie dès 1775 , et dans lequel il évaluoit Ja
“quantité d’action que les hommes peuvent fournir par
leur travail journalier suivant les différentes manières
dont ils emploient leurs forces. Le but de ces recherches,
reprises à différentes époques de sa vie , étoit de diminuer
la fatigue des hommes lorsqu'ils sont réduits à ne servir
que comme simples machines.
508 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
En 1779 il avoit partagé avec M. van Swinden le prix
proposé par l'Académie pour la meilleure construction
des boussoles ; et deux ans après il remporta le prix
proposé par la mème académie sur la théorie des ma-
chines simples.
* Amontons avoit publié quelques recherches'à sur le même
sujet ; mais des expériences faites en petit dans un cabi-
net de physique , étoient trop insuffisantes pour évaluer
es frottemens des machines destinées à porter des poids
énormes. La première chose à faire étoit donc d’imagi-
ner des appareils que l’on pût à volonté charger des
poids les plus considérables ; et qui permissent de varier
les essais , de calculer les efforts et les pertes , d'observer
les frottemens de différens corps glissant les uns sur les
autres , en différens sens , à sec ou enduits de substances
onctueuses , avec une vitesse acquise , ou dans l'instant
où il faut les tirer d’un repos plus ou moins prolongé.
M. Coulomb , qui alors habitoit Rochefort , y trouva
dans les arsenaux de la marine et dans la bienveillance du
commandant , M. la Touche-Tréville , tout ce qui pou-
voit faciliter des recherches aussi neuves qu’importantes.
L'Académie en le couronnant lui témoigna une satisfac-
tion égale de sa théorie et de ses expériences.
Ces deux pièces portoient déjà le caractère que M. Cou-
lomb sutimprimer à tous ses ouvrages. Dans l’une comme
dans l’autre on le voit d’abord attentif à interroger la na-
ture ; à saisir et bien constater quelque fait important ;
chercher ensuite dans la mécanique rationnelle les for-
mules les plus propres à lier les faits isolés ; consulter de
:. MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUÉS. 209
nouveau l’expérience et la varier de toutes les manières
propres à faire ressortir et déterminer les constantes de
ses formules et les quantités qui peuvent varier suivant
la nature des substances qu’il soumettoit à l’expérience.
+ On a dit de tous ceux qui se sont distingués par des
vues nouvelles , que le germe de toutes leurs décou-
vertes étoit dans leur premier ouvrage ; que leurs autres
productions n’ont été que le développement d’une pre-
mière idée riche et féconde. Nous allons voir une nou-
velle preuve de cette remarque dans tous les travaux
qui ont rangé M. Coulomb parmi ceux qui ont le plus
avancé la physique. #
Dans le concours sur les boussoles, un de ses anta-
gonistes indiquoit un moyen pour éluder les effets de
la torsion , c’est-à-dire de la résistance que la roideur
du fil de suspension oppose à la force du magnétisme
qui attire l’aiguille dans une direction constante.
M. Coulomb s’appliqugit à bien connoître ces effets
de la torsion; il indiquoit dès-lors une machine propre
à les mesurer avec précision. Mais il ne’ put trouver
en province un artiste capable d’exécuter ce qu’il avoit
conçu; et cette première idée, énoncée sans dévelop-
pement et sans preuve, n’a que peu contribué, sans
doute, au succès qu’il obtint. Il étoit difficile de bien
| apprécier tout ceque renfermoit ce premier aperçu, tout
_ ce qui devoit naître de cette conception nouvelle.
. En 1781, M. Coulomb obtint de faire son service à
Paris, l’Académie s’empressa de l’admettre au nombre
de ses membres, et dès-lors toutes ses pensées se tour-
1806. ci
210 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
nèrent vers les recherches de magnétisme et d’électri-
cité qui ont fait sa gloire , ét l’une des richesses du Re-
cueil de l'Académie, où il rendit compte de tous ses
travaux et de ses découvertés successives.
Pour apprécier justement les services qu’il a rendus
à la physique et les avantages de sa méthode, portons
un coup d’œil rapide sur l’état de la science à diffé-
rentes époques.
Les anciens ne connoissoient de la physique que le
nom seul. Il suffit pour s’en convaincre delire, si lon
peut , les traités nombreux d’Aristote , tant sur la phy-
sique en général que sur le ciel, sur la génération et
la corruption et sur les météores. Que remarque-t-on
dans tous ces écrits que des dissertations sans fin sur
l’espace , le temps, les principesét les élémens? quel
fruit peut-on retirer de cette métaphysique obscure et
inintelligible ?
Que peut-on apprendre dans un traité plus court où
Plutarque a rendu aux philosophes grecs le mauvais
service de rassembler en un cadre plus étroit toutes leurs
opinions ou plutôt leurs rêves, comme s’il avoit voulu,
par ce rapprochement , en faire mieux sentir le ridicule?
Qu’y voit-on, si ce n’est que contens d’avoir observé
d’un regard inattentif quelques phénomènes qui leur
avoient fourni matière à exercer leur imagination , ils
mavoient su inventer aucune de ces machines ingé-
nieuses qui servent à interroger la nature; ensorte qu’à
l'exception de quelques vérités lumineuses répandues
dans les écrits d’Archimède , sans ses inventions et celles
x
ee
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 214
de quelques mécaniciens - géomètres d'Alexandrie (et
entre autres de Héron, dont le nom est encore porté
par une machine curieuse qui se trouve dans tous
les cabinets de physique), on seroit bien embarrassé
de trouver dans leurs écrits quelques lignes à transporter
dans les traités modernes où leur nom ne peut être cité
qu’à l’occasion de leurs erreurs.
_ On voit donc la cause du peu de progrès des anciens
dans la physique ; ils ne la traitèrent qu’en métaphy-
siciens. à
Pourquoi eurent -ils plus de succès en astronomie ?
c’est qu’ils sentirent de bonne heure la nécesfité d'y ap-
pliquer les instrumens convenables, l’observation et le
calcul.
. L’heureuse application de la géométrie à l’une des
branches les plus importantes de la physique, indiquoit
la route à suivre pour perfectionner pareillement toutes
les autres. C’est en effet celle que prit Galilée à la re-
naissance des lettres et des sciences.
C’est dans la géométrie qu’il trouva des moyens in-
génieux et nouveaux pour mesurer la chute des corps.
Le pendule, le baromètre , la machine pneumatique
et le prisme agrandirent le champ de l’expérience, le
divrefdes principes mathématiques assit la science sur
M véritables bases, et l’on sentit qu’elle ne pourroit
se perfectionner, qu’autant que l’on réussiroit à porter
dans ses parties les plus obscures, le double flambeau
de l'expérience et du calcul.
4 Sgravesende essaya de composer un cours complet de
212 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
physique-mathématique , mais le magnétisme et l’élec-
tricité ne purent entrer dans son plan. L’électricité ne
faisoit que de naître, etl e magnétisme étoit trop peu
avancé. .
* AEpinus est le premier qui les soumit à l’analyse ; il
s’appliqua principalement à expliquer les effets connus;
sa marche étoit encore un peu incertaine; il négligea
trop souvent de vérifier par l’expérience tout ce qui
m“résulteroit de son calcul.
C’est en les éclairant l’un par l’autre , en les entre-
mêlant habilement que M. Coulomb fut conduit aux
vérités incônnues dont il enrichit la physique.
Dès les premiers pas il sentit le besoin d’un instru-
ment nouveau. Les attractions, soit électriques , soit
magnétiques , si vives près du contact, languissent ou
cessent entièrement à des distances médiocres. Pour en
avoir la mesure exacte , il falloit leur opposer une force
connue dont elles pussent aisément triompher, un corps
léger auquel le moindre effort fût capable d'imprimer
un mouvement assez grand, mais dont on pût cepen-
dant évaluer jusqu'aux portions les plus ‘insensibles.
M. Coulomb imagina de chercher cette force dans la
résistance presque imperceptible que le fil le plus flexible
oppose à la main qui veut le tordre. Il s’assura que‘cettes
résistance croît uniformément avec le nombre des tours
donnés au fil, ou, pour parler le largage de la science ,
qu’elle est proportionnelle à l’angle de torsion. Dès-lors
il fut en possession de l’instrument désiré. C’est par ce
moyen aussi simple qu’il sut mettre en évidence une
7 +
MATHÉMATIQUES ET PHŸSIQUES. 213
loi qui avoit échappé à toutes les recherches des phÿ+
siciens. Il montra par les expériences les plus faciles et:
les plus convainquantes que les attractions et les répul-
sions suivent la raison inverse du carré des distances.
Cette loi fut aussitôt admise par tous les physiciens , qui
pour la plupart l’avoient pressentie. AEpinus qui en à
souvent employé une autre dans ses calculs , la jugeoit
cependant la plus probable que l’on pût imaginer ; mais
il ne put trouver les moyens de se la démontrer à lui-
même ; cette gloire étoit réservée à M. Coulomb.
Après ces découvertes par lesquelles il avoit en quel-
* que sorte pris possession de deux branches importantes
de la physique, nous allons voir M. Coulomb employer le
reste de sa vie à cultiver le domaine qu’il avoit conquis.
La loi qu’il avoit démontrée lui devoit être d’un grand
seéours dans tous ses calculs et dans ses expériences
ultérieures ; mais ellene suffit pas. 11 faudroit y joindre la
connoissance intime de la nature et des propriétés essen-
tielles de ces agens merveilleux dont nous ne disposons
pas tout-à-fait à volonté. AEpinus étoit parvenu à repré-
senter les principaux phénomènes par la supposition
d’un fluide, dont les molécules auroient la double pro-
priété de se repousser mutuellement, et d’être attirées
- par les molécules des corps : maïs il étoit obligé de sup-
pôser pareillement aux particules de ces corps une ré-
pulsion difficile à concilier avec des notions qu’il n’est
plus permis de révoquer en doute. i
L'hypothèse d’un doublefluide imaginée par Symmer,
employée par Wilke et Brugman, moins simple au pre-
214 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
mier coup-d’œil, ne renferme du moins rien qui con-
tredise des principes incontestables. M. Coulomb l’adopta
de préférence pour base de tous ses calculs.
Pour mettre cette hypothèse à l’abri de toute objec-
tion, pour nous réconcilier tout - à - fait avec cette com-
binaison d’attractions et de répulsions qu’elle présente,
il seroit bien à désirer qu’on püt, par des expériences
directes, nous démontrerl’existenceencore problématique:
de ces doubles fluides. Ils ne sont indiqués jusqu’ici que
par le calcul, ils peuvent rendre raison des phénomènes,,
mais rien ne démontré que l’on n’en puisse trouver une
explication plus simple.
Quand les premiers astronomes voulurent calculer le
mouvement inégal du soleil , ils trouvèrent deux hypo-
thèses également propres à satisfaire à leurs observa-
tions. La marche doublement inégale des planètes exi-
gea la réunion des deux hypothèses en une seule qui
même se trouvoit insuffisante pour les planètes très-
exceatriques , telles que Mars et Mercure. Le système
qui paroissoit d’abord si heureusement imaginé ne tarda
pas à menacer ruine; il fut renversé par Copernic et
Kepler.
On pourroit craindre ou plutôt souhaiter un sort pa-
reil à nos deux fluides. Déjà l’on sent que les phénomènes
exigent quelque chose de plus. Pour éluder une diffi-
culté pressante, M. Coulomb suppose que toutes les
molécules d’une barre aimantée sont autant d’aimans
partiels dont les pôles contraires sont en contact. Les
actions opposées de ces pôles doivent se détruire en
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 215
grande partie. Les deux pôles xtrêmes peuvent seuls
agir en diberté. De là deux centres d’actions placés vers
les deux extrémités du barreau. Quelque ingénieuse que
soit cette conjecture, elle pourroit très-bien ressembler
aux épicycles des anciens astronomes ,‘et m’avoir d’autre
mérite réel que de faciliter les calculs qui conduiront à
la connoissance de la cause véritable. Il'en est de même
des deux fluides électriques. On a fort adroitement fait
valoirquelefluide résineuxetlefluideviîtré éprouventdans
l’air des résistances inégales. Rien n’empèche d'admettre
ces suppositions qui ne sont incompatibles avec aucun
principe reconnu ; on voit seulement avec quelque regret
que le système se complique. Mais est-il bien surprenant
qu’au milieu.de tant de causes qui agissent de si près
pour troubler les phénomènes, les explications perdent
un peu de cette simplicité qu’on voudroit y voir. Les
planètes placées à des distances énormes et circulant dans
des espaces libres, peuvent suivre rigoureusement la loi
de la pesanteur qui suffit pour expliquer leurs inéga-
lités les plus imperceptibles. Mais les corps que nous
avons entre les mains, que nous mettons en expérience,
sont bien loin d’être placés dans des circonstances aussi
favorables. Quand plusieurs causes agissent , il faut bien
que le calcul les embrasse toutes, et des effets com-
plexes ne sauroient être ramenés à des principes bien
simples. Ce n’est donc pas la faute des physiciens si
leurs explications n’ont pas cette unité à laquelle nous
ont accoutumés les problèmes d’astronomie.
Mais si les physiciens ont en cela quelques désavan-
216 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
tages , ils en sont dédommagés par d’autres considé-
rations qui doivent ranimer leur courage. Tous ces globes
qui roulent si loin de nous, n’accompilissent leurs ré-
volutions que dans des temps plus ou moins considé-
rables, mais toujours fort longs ; et ce n’est qu’à de
grands intervalles qu’ils se retrouvent dans les positions
favorables à la recherche de tout ce qui peut nous
éclairer sur leurs mouvemens. Le physicien, au con-
traire, tient dans sa main tous les objets de ses études;
il peut à son gré les mettre dans la position convenable,
et s’il a fallu des siècles pour perfectionner l’astronomie,
on peut espérer qu’en bien moins de temps la physique
pourra parvenir au point de certitude et de clarté que
l’on peut raisonnablement attendre d’elle.
Ces progrès ultérieurs seront l’ouvrage de ceux qui,
comme M. Coulomb, sauront imaginer des appareils
nouveaux pour des recherches nouvelles, et se préva-
loir des ressourcesinfinies qu'ils trouveront dans l’analyse
moderne.
. Avec la balance qui lui permettoit de mesurer les
plus foibles degrés ‘de magnétisme et d’électricité, nous
l'avons vu successivement déterminer la loi suivant la-
quelle s'écoule et se perd insensiblement l’électricité ,
la part que peuvent avoir à cet effet, et l’air humide
qui environne les conducteurs , et les soutiens qui ne les
isolent qu’imparfaitement ; prouver par des expériences
délicates que l’électricité si puissante à la surface des
corps devient insensible pour peu que l’on pénètre à
l’intérieur ; que le magnétisme très-foible dans presque.
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 217
toute la longueur des aiguilles , n’a de force qu’en deux
points très - voisins des extrémités; chercher de même
suivant quelle loi Pélectricité se distribue le long des
conducteurs ou à une file de globes différens , comment
elle se répartit entre deux globes de surface égale ou
inégale ; quelle peut être la cause du pouvoir des pointes
et des grands effets du cerf-volant électrique.
De ces spéculations difficiles > il aimoit à redescendre
à des objets d'utilité pratique ; c’est pour parvenir à la
meilleure construction des boussoles qu’il avoit entre-
Pris ses premières recherches. A mesure qu’il y faisoit
des progrès sensibles , il s’en servoit pour améliorer cet
instrument si nécessaire. Il perfectionna de même les
boussoles d’inclinaison, On avoit des moyens plus
Ou moins parfaits pour former des aimans artificiels,
M. Coulomb , en consultant la théorie , sut ajouter
un degré nouveau de perfection à la meilleure de ces
méthodes.
La température influe sur le magnétisme , qui diminue
quand la chaleur augmente. Par des expériences très-
précises et à l’aide d’un théorème de M. Laplace, il
trouva qu’il falloit donner à Vaiguille 700° de chaleur
pour la dépouiller entièrement de son magnétisme. Le
fer avoit long-temps passé pour le seul Corps attirable
à l’aimant; M. Coulomb sut trouver des marques non
équivoques d'attraction dans tous les corps qu’il soumit
à l'expérience, d’où il crut pouvoir conclure que le
magnétisme , comme l'électricité, s'étend sur toute la
zature,
1806, E *
218 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
Cette découverte est la dernière dont il nous ait en-
tretenus : le soin de la vérifier l’occupa jusqu’à ses der-
niers momens. Nous trouvons dans ses manuscrits des
expériences curieuses , d’où il paroît suivre que pour
attribuer au fer caché dans les différens corps le degré
de magnétisme qu’il a observé , il faudroit supposer,
uniformément répandue dans toutes ces substances , une
quantité de fersiconsidérable qu’ellen’auroit pas manqué
de se manifester, dès les premiers essais, aux chimistes
distingués qui s’étoient chargés d’épurer les substances
sur lesquelles il avoit fait ses expériences.
Nous n’entrerons pas dans de plus grands détails sur
des recherches qui n’ont encore aucune publicité , qui
n’ont pu encore être jugées par les savans. On sent même
que ce n’est pas le lieu de donner une idée plus appro-
fondie des travaux qui ont illustré M, Coulomb. D'’ail-
leurs, cet exposé existe. Tous les savans ont pu le lire
dans le plus moderne et le meilleur des traités de physi-
que. L’auteur qui lui-même est au rang des premiers phy-
siciens de l’Europe, qui lui-même a su se distinguer en
créant une nouvelle branche des sciences naturelles, a pré-
senté dans l’ordre le plus clair etle plus méthodique toutes
les découvertes et la théorie de son digne confrère. Cet
extrait si lumineux , qui peut servir en quelques points de
commentaire à la doctrine de M. Coulomb, ne peut pour-
tant pas dispenser de recourir aux mémoires originaux
pour une foule de détails nécessaires à ceux qui voudront
continuer un travail que la mort a trop tôt interrompu.
Depuis long - temps on désiroit que M. Coulomb ras-
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 219
semblât en un corps d’ouvrage, et dans l’ordre le plus
naturel, ses idées qu’il avoit publiées dans autant de
mémoires séparés, à mesure qu’il les avoit aperçues et
démontrées. Ses amis lui ont souvent demandé cet ou-
vrage , le mauvais état de sa santé lui laissoit peu d’es-
poir de le terminer ; il aimoiït mieux ajouter autant qu’il
le pourroit à la somme de nos connoïssances. Mais il
avoit remis au libraire qui doit imprimer la collection
une note sur l’ordre dans lequel il convient de disposer
ses mémoires. On n’attendra pour commencer l’impres:
sion que le temps nécessaire à l’examen de tous ses ma-
nuscrits, et à la transcription de toutes les notes qui
pourront ajouter à lutilité de ses ouvrages connus, ou
fournir une suite intéressante à ce qu’ila publié lui-même.
Nous mavons présenté jusqu'ici M. Coulomb que
comme un savant très-distingué. L’homme en lui n’étoit
pas moins recommandable. Ce sens exquis, cette rec-
titude et cette sévérité de principes qu’il à montrées
dans toutes ses recherches mathématiques, il ne les a pas
moins hautement manifestées dans sa morale et dans
toute sa conduite.
Envoyé, commissaire du roi, en Bretagne, par le
ministre de la marine pour examiner des projets de
canaux , il trouva l’occasion de développer toute l'énergie
de son caractère pour faire écarter des plans ruineux. La
province reconnoissante ne pouvant lui faire accepter
d’autres marques de sa gratitude lui décerna une
récompense qui ne pouvoit avoir à ses yeux d’autre
mérite que de lui retracer plusieurs fois dans la journée
220 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
le souvenir des services qu’il avoit rendus et de l’estime
qu'il s’étoit acquise.
La révolution vint; M. Coulomb donna sa démission
de tous ses emplois. De ce nombre étoit l’intendance
générale des fontaines de France, et la survivance à
celle des plans et reliefs. La première avoit été hé-
réditaire dansune famille qui venoit de s’éteindre , et elle
devoit de même passer à son fils et à ses descendans.
Detaché de tout, il s’occupoit à rassembler les débris
de sa fortune , dont il ne put sauver que la moindre
partie ; il espéroit trouver des consolations à l’Académie
et dans la continuation de ses travaux, l’Académie fut
supprimée. Il restoit membre de la commission des poids
et mesures, ilen fut retranché. Forcé bientôt après de
quitter Paris par la loi qui en expulsoit tous les nobles,
il se retira, suivi de son ami Borda, dans un bien de
campagne qu’il possédoit auprès de Blois.
Dans cette solitude, au sein de sa famille, avec les
consolations de l’amitié, M. Coulomb n’avoit presque
pas changé sa manière de vivre. Il pouvoit continuer ses
méditations qu’il étendit même à des objets nouveaux.
La végétation attira ses regards pénétrans. Des arbres
qu’il fit abattre lui fournirent des remarques neuves sur
le mouvement de la sève. Il commença des recherches
sur les plantes. Nous en avons trouvé dans ses manus-
crits des fragmens qui font désirer que le reste puisse
également se retrouver.
Rappelé de cet exil pour la continuation des travaux
relatifs aux nouvelles mesures, nous ne le vimes que peu
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 221
de jours. ! Il étoit pressé de rejoindre sa femme et ses
enfans , et de reprendre le soin du modique bien qui
étoit leur uniqueätessource. Il ne revint habiter Paris
qu’à la création de l’Institut. Sa santé qui dépérissoit
lui faisoit une nécessité de se rapprocher des secours de
l’art auxquels pourtant il se refusa long-temps par l’effet
d’un tempérament excessivement nerveux qui lui don-
noit une vivacité de caractère , une impatience dont lui
seul a souffert par les soins constans qu’il apportoit à
s’en rendre toujours maître.
Nommé l’un des inspecteurs généraux des études,
quoiqu'il pût considérer cette faveur comme un dédom-
mâgement nécessaire après tant de pertes, quoique digne
autant que personne de ce poste important pour les con-
noissances variées dans toutes les branches de l’instruc-
tion publique, il balança long-temps s’il accepteroit ;
nousredoutions pour lui des fatigues qui pouvoient nuire
à sa santé, une longue absence qui alloit interrompre
des travaux dans lesquels il seroit difficilement rem-
placé. Lui - même se plaisoit à cultiver les dispositions
d’un fils qui déjà répondoit à ses soins, et qu’il falloit
remettre en d’autres mains. Il accepta pourtant, et ma-
dame Coulomb se rendit la compagne inséparable de tous
ses pas. Graces aux soins de sa tendresse active et
éclairée , les voyages n’eurent pas toutes les suites que
nous avions redoutées.
« M. Coulomb put se livrer à ses nouvelles fonctions
_» avec le zèle et l’exactitude qu’il portoit partout. Sa
» figure grave et sévère s’adoucissoit pour les jeunes
222 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
»
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22]
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2»
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Po]
»
»
»
»
élèves qui rappeloient à son cœur paternel ses plus
douces jouissances. C’étoit un père qui parloit à ses
enfans ; il aidoit leur foiblesse , engourageoit leur ti-
midité ; il aimoit à trouver dans leurs traits et dans
leurs dispositions naissantes l’augure et le germe des
talens qui seroient un jour utiles à la patrie.
» C’est à ceux qui ont pu le voir dans sa vie privée
à rendre témoignage de ce qu’il y portoit de charme
et d'abandon. Bon époux , bon frère , bon père et bon
ami ; homme intègre et citoyen dévoué , il pratiquoit
toutes les vertus sans jactance comme, sans effort.
Délicat , sévère pour lui-même, indulgent pour les
autres, ses manières réunissoient l’aisance que donne
l'usage à la gravité qui formoit son caractère, mais
qui n’excluoit pas une gaîté douce et calme, celle
d’une ame qui est bien avec elle - même. Noble et
généreux dans toutes les affaires, son intérêt étoit
celui dont il s’occupoit le moins. Modeste et bien
éloigné de toute prétention, il savoit aussi repousser
une aggression injuste avec autant de force que de
dignité. »
Au reste , ce dernier trait de son caractère dut trouver
peu d’occasions pour se développer. Dans la seule qui
soit venue à notre connoissance, et que l’Institut n’a
pas oubliée sans doute , l'adversaire ne croyoit pas s’at-
taquer à M. Coulomb, et convint hautement de son
tort. Personne n’a joui d’une considération plus géné-
rale. Il a vu sa doctrine admise et enseignée par les
professeurs les plus distingués. On se plaisoit à lui rendre
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 223
justice, son mérite ét ses succès ne lui ont jamais fait
un seul ennemi, pas même un envieux. Il ne lui manqua
rien qu’une santé meilleure. La sienne nous donnoit
depuis long-temps des inquiétudes ; à une infirmité grave
et alarmante qu’il regardoit lui-même comme la cause
infaillible d’une mort plus ou moins prochaine , s’étoit
jointe , l’été dernier, une fièvre lente qui le minoit. Dans
l’état d’affaisement où il étoit réduit, il ne pouvoit sou-
tenir la moindre nourriture. Les ressources de l’art ad-
ministrées par les mains de l’amitié se trouvèrent éga-
lementimpuissantes, soit pour adoucir ses douleurs, soit
pour ranimer ses forces. Il n’en avoit plus que pour
souffrir. Il mourut le 23 août 1806, ne laissant guère
à ses deux fils d'autre héritage qu’un nom respecté ,
l’exemple de ses vertus et le souvenir des services écla-
tans qu’il a rendus à la science.
Il a été remplacé par M. Montgolfier.
224 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
RELATION
D'UN VOYAGE
FAIT
DANS LE DÉPARTEMENT DE L'ORNE,
Pour constater La réalité d'un météore observé à
l'aigle le 6 floréal an 11,
Par M. Bror.
Lu le 29 messidor an 11.
L ministre de l’Intérieur m’ayant invité à me rendre
dans le département de l’Orne pour prendre des ren-
seignemens exacts sur le météore qui a paru aux envi-
rons de l’Aigle le 6 floréal dernier , je me suis empressé
de remplir ses intentions, et je vais rendre compte à la
classe des observations que j’ai recueillies. Je désire que
l'importance du sujet fasse excuser la multiplicité des
PP EN PE
détails dans lesquels je vais entrer.
Depuis que l'attention des savans s’est dirigée vers
l'examen des masses minérales que l’on dit être tombées
de l’atmosphère , toutes les ressources de la critique et
°
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 225
de l’expérience ont été employées Pour constater cet
étonnant phénomène et jeter quelque lumière sur sa
cause. En même temps que l'analyse chimique déter-
minoit les élémens de ces masses , les séparoit des pro-
duits naturels jusqu’à présent connus, et découvroit
dans leur identité parfaite la Preuve , ou du moins la
grande probabilité d’une origine commune , on recueil-
loit tous les récits qui pouvoient avoir quelques rapports
au même fait; on consultoit les écrits des anciens ,
dont l’autorité a été trop souvent suspectée , et que l’on
reconnoît de plus en plus pour des témoins fidèles , à
mesure que l’occasion se présente de vérifier leurs obser-
vations. Pour compléter ces recherches et achever de
faire sentir toute leur importance , des hypothèses in-
génieuses ont été imaginées , de manière À satisfaire,
d’après les lois de la physique, aux.phénomènes jus-
qu’alors observés. Enfin les sayans de toutes les classes,
de tous les pays , ont réuni leurs efforts, sur cette grande
question , guidés , non par une rivalité jalouse , mais
par le noble amour de la vérité.
Sans doute ce concours unanime sera remarqué dans
l’histoire des sciences. Il offre à la fois le résultat et la
preuve de leurs progrès. C’est un grand pas de fait dans
l’étude de la nature ; que de savoir examiner un phé-
nomène dont on ne voit encore aucune explication com-
plète, et cette sorte de Courage n’appartient qu’aux
hommes les plus éclairés. Nous devons donc remercier
notre confrère Picter, qui nous. a donné le premier cet
exemple dans la question actuelle, en nous communi-
1806, - FY*
226 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
quant les recherches des chimistes anglais ; recherches
qu’une décision précipitée auroit pu faire traiter de chi-
mériques, mais qui furent discutées dans le sein de la
classe avec cet empressement réservé , par lequel on évite
également d’écarter les vérités nouvelles , et d'accueillir
les erreurs. Qu’importent en effet les préjugés de ceux à
qui tout manque pour se former une opinion? Toujours,
dans les questions douteuses , l’ignorant croit, le demi-
savant décide, l’homme instruit examine : il n’a pas la
témérité de poser des bornes à la puissance de la nature.
Suivons donc avec zèle , et sans que rien nous arrête,
le phénomène qui nous occupe maintenant ; et sil
arrive enfin , comme je l’espère , que nous réussissions
à le mettre hors de doute, n’oublions pas que c’est l’envie
de tout expliquer qui l’a fait rejeter si long-temps.
De toutes les probabilités recueillies jusqu’à présent
sur la chute des masses météoriques , la plus forte ré-
sulte de l'accord qui existe entre l’identité de leur com-
position et l’identité d’origine que les témoignages leur
attribuent exclusivement. Cet accord , déja vérifié par
- un grand nombre d’observations , donne à la probabilité
dont il s’agit une valeur très-approchante de la certi-
tude , et qui n’est nullement infirmée par les objections
que l’on a tirées du peu de lumières des témoins; car,
en raison même de ce peu de lumières , les témoignages
devroient, si le fait étoit faux, s'appliquer à des subs-
tances diverses , à des circonstances dissemblables ; et
dans un sujet de cette nature, où l’intérêt particulier
wentre pour rien, la chance du concours des témoins
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES, 227
est unique, tandis que celle de leur HASTERACe est infi-
niment multipliée.
Cependant il étoit fort à désirer que le phénomène
füt une fois constaté d’une manière irrécusable , et que
toutes ses particularités fussent recueillies avec fidélité ,
autant pour achever d'établir la certitude morale de son
existence, que pour connoître exactement les circons-
tances qui le caractérisent , et qui sont également néces-
saires pour remonter, s’il est possible, jusqu’à sa cause,
ou du moins pour empècher que l’on ne s’égare en la
cherchant.
Convaincu de cette vérité, j’ai senti que l’exactitude
et la fidélité la plus scrupuleuse pouvoient seules rendre
utile aux sciences la mission dont j’étois chargé. Je me
suis considéré comme un témoin étranger à tout sys-
tême ; et, pour ne rien hasarder de ce qui pourroit ôter
quelque confiance aux faits que je vais rapporter, je me
bornerai dans ce mémoire à les exposer tels que je les
ai recueillis , et en développant les conséquences immé-
diates qui résultent de leurs rapports , je m’abstiendrai
même d’examiner en quoi-elles se rapprochent ou s’écar-
tent des hypothèses que l’on a imaginées.
Avant de commencer ma recherche, je crus néces-
saire de classer méthodiquement les faits sur lesquels
je devois principalement diriger mes observations ; en
conséquence je les réunis dans le tableau suivant:
228 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
De l'existence des pierres météo-
riques entre les mains des habi-
tans du pays.
Des traces ou des débris qui auroïent
PHYSIQUES } tirés » » * été laissés ou occasionnés par le
météore.
Des circonstances minéralosiques et
géologiques du pays.
ARGUMENS. . , Du témoignage des personnes qui
ont vu et entendu le météore.
Du témoignage des personnes qui
ont entendu le météore sans lavoir
vu, 7
MORAUX) tirésesee Spy témoignage des personnes qui,
étant sur les lieux, ont cherché
et recueilli des renseignemens sur
l’existence du météore et sur ses
effets.
Avant de partir, je recueillis sur ces diverses ques-
tions tous les renseignemens que je pus me procu-
rer.-Je priai M. Hay de vouloir bien m'éclairer de
ses lumières sur ce qui concernoït la minéralogie du
pays que j’allois paréourir. M. Coquebert Montbret cor-
respondant de la classe, me fournit les connoissances
qui n’étoient nécessaires sur la géographie physique du
même pays. Enfin M. Fourcroy voulut bien me donner
une copie des lettres qu’il avoit reçues de l’Aigle rela-
tivement à l’apparition du météore.
Je partis de Paris le 7 messidor , emportant avec moi
une boussole, une carte de Cassini , et un échantillon
_de la pierre météorique de Barbotan , qui avoit été remis
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 229
sur les lieux à notre confrère Cuvier : je me proposois
de m’en servir comme terme de comparaison , et de voir
quelle origine lui assigneroient les habitans du canton
où l’on disoit qu’il en étoit tombé de semblables.
Mais je ne me rendis pas directement dans ce lieu
même. Si l'explosion du météore avoit réellement été
aussi violente qu’on nous Pannonçoit , on devoit en
avoir entendu le bruit à une très-grande distance. Il
étoit donc conforme aux règles de la critique de prendre
d’abord des informations dans des lieux éloignés, sur ce
bruit extraordinaire , sur le jour et l’heure auxquels on
Vavoit entendu , d’en suivre la direction > et de me lais-
ser conduire par les témoignages jusqu’à l'endroit
même où, l’on disoit que le météore avoit éclaté. Je
devois rassembler ainsi, dans une grande étendue de
pays, des renseignemens comparables ; car, sur le bruit
même et les ciréonstances de l’explosion, les témoignages
deient s’accorder , quelque part qu’ils fussent re-
cueillis. D'ailleurs tous les récits relatifs aux masses
météoriques font précéder leur chute par l’apparition
d’un globe de feu. 11 étoit important de savoir si le
météore de l’Aigle avoit été accompagné des mêmes cir-
constances , et c’étoit loin du lieu de Pexplosion que je
pouvois m’en assurer. |
Guidé par ces considérations je me rendis d’abord à
Alençon, chef-lieu du département de l’Orne : Situé à
quinze lieues au sud-ouest de la ville de lAigle.
Chemin faisant, le courrier de Brest à Paris me dit
que ; le mardi 6 floréal dernier , à neuf lieues par-delà
530 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
Alençon, entre Saint-Rieux et Pré-en-Pail , il vit dans
le ciel un globe de feu qui parut, par un temps serein,
du côté de Mortagne, et sembla tomber vers le nord.
Quelques instans après on entendit un grand bruit sem-
blable à celui du tonnerre ou au roulement continu d’une
voiture sur le pavé. Ce bruit dura plusieurs minutes,
et fut sensible, malgré celui de la chaïse de poste qui
rouloit alors sur la terre. L’heure étoit celle de midi trois
quarts, etle courrier medit qu’il l’avoit observée aussitôt
à sa montre, parce que cette vue l’avoit fort étonné. IL
ajouta qu’en arrivant à Alençon il avoit raconté ce fait
dans la maison où il étoit descendu; et cela m’a été
confirmé depuis. Par la marche de ce globe de feu , par
le bruit, et surtout par l'heure, je jugeai que c’étoit le
commencement du météore de Aigle.
À Alençon on avoit entendu parler vaguement de ce
phénomène , maïs on n’avoit rien vu; ettaucun bruit
extraordinaire ne s’étoit fait remarquer : ce qui n’esfpas
étonnant dans une grande ville, au milieu du tumulte
d’un jour de marché. Le préfet , l’ingénäeur en chef des
ponts et chaussées, les professeurs de l’école centrale,
n’avoient aucune connoissance du météore. Mais si ces
citoyens ne purent pas me donner des renseignemens
directs sur cet objet, ils m’en fournirent d’autres non
moins utiles, en me permettant de visiter leurs collec-
tions. M. Barthélemy, ingénieur en chef, homme
aussi distingué par ses connoissances qu’estimé dans le
pays pour son caractère , s'occupe depuis cinq ans à
rassembler des échantillons de toutes les substances
© OT SS
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES, 231
minérales qui se trouvent dans le département de l'Orne,
afin d'y chercher les matériaux nécessaires à l’industrie
manufacturière ou aux constructions civiles. Dans cette
collection que j’ai parcourue , rien ne ressemble aux
masses météoriques, et M. Barthélemy lui - même,
auquel je laïssai un échantillon de celle qui est tombée
enu790 à Barbotan, n’avoit jamais rien vu qui s’en
rapprochât. Je me trouvois ainsi éclairé sur un des
points les plus importans de ma mission. Je visitai pa-
reillement la collection et les cabinets, de l’école cen-
trale , et si je n’y trouvai rien qui fût analogue à l’objet
de mes recherches, j’en rapportai du moins l’estime la
plus sentie pour le zèle, les efforts et la persévérance
des professeurs qui composent cet établissement.
M. Lamagdelaine , préfet, n’ayant pu me don-
ner de renseignemens par lui-même, me fournit ayec
beaucoup de complaisance tous les moyens d’en obtenir
à l’Aiïgle et dans les divers endroits où je m’arrêterois,
Le bibliothécaire de l’école centrale, jeune homme
plein de talent et d'activité, voulut bien aussi, sur ma
demande , prendre quelques informations relativement
au météore de PAigle. Il ne put recueillir que de simples
récits transmis de bouche en bouche, mais qui cepen-
- dant s’accordoient entre eux et avec ce que nous savions
déjà. N'ayant plus rien à espérer pour l’objet de ma
mission , je quittai Alençon le 10 messidor et me mis
en route pour l’Aigle, avec un guide actif et intelli-
gent. Je me proposois de m’arrêter dans. tous les en-
droits où je pourrois espérer des réponses à mes ques-
132 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
tions ; j’avois même le dessein de m’écarter vers les habi-
tations que j’apercevrois à quelque distance de la route.
Le premier endroit habité que nous rencontrâmes est
Seez, petite ville à dix lieues au sud-ouest de Aigle.
On y avoit entendu le bruit du météore; on en indi-
quait précisément le jour , l’heure et les diverses circons-
tances. C’étoit comme un coup de tonnerre très-forqui
sembloit partir du côté du nord, et dont le roulement,
accompagné de plusieurs explosions successives, dura
cinq ou six minutes. Des personnes qui se trouvoient
alors sur le cours crurent d’abord que c’étoit le bruit
d’une voiture roulant sûr le pavé et venant d’Argentan
ou du bourg de Merleraut ; elles ne furent désabusées
qu’en ne voyant rien arriver, quoique le bruit conti-
nuât. Ces personnes furent d’autant plus étonnées que
le ciel étoit parfaitement serein , sans le moindre nuage,
et qu’on n’y remarquoit rien d’extraordinaire. On disoit
de plus que des voyageurs venant de Falaïse et de Caen
avoient entendu fortement la même explosion ;,'et qu’ils
avoient eu grande peur; on ajoutoit qu’il avoit paru un
globe de feu du côté de Falaise, et qu’on avoit remis
au sous-préfet d’Argentan une pierre qui étoit tombée
du ciel. À
Ces informations me donnoïent lieu de penser que les
effets du météore s’étoient étendus sur un espace beau-
coup plus considérable que nous ne l’avions imaginé.
Comme mon but étoit d’abord de circonscrire exacte-
ment cet espace , je suivis les indications que je venois
de recevoir, et me dirigeai vers Argentan.
TS
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 233
I1 y avoit déjà quelque temps que nous étions sur
cette route lorsque nous rencontrâmes un homme de la
connoissance de mon guide, et qui me parut, comme
Jui , très-intelligent. Cet homme, interrogé sur le phéno-
mène dont je cherchois les traces , s’en rappela très-bien
le jour et l’heure. I] étoit occupé à écrire lorsqu'il en-
tendit l’explosion. Sa fenêtre étant ouverte et donnant
du côté du nord, il avoit levé la tête pour savoir d’où
venoit ce bruit ; mais, à son grand étonnement , il avoit
vu le ciel serein et n’avoit rien aperçu dans l’air. Il
ajouta que des gens revenus de Caen y avoient entendu
le mème bruit à la même heure, mais qu’il n’étoit point
tombé de pierres de ce côté; que celle qui avoit été
remise au sous-préfet d’Argentan étoit venue d’ailleurs,
et qu’en général ce bruit lui avoit semblé partir du
nord-ouest , et s’étendre parallèlement à la route d’Ar-
gentan à Falaise. |
C’étoit précisément la direction indiquée par les lettres
que nous avions reçues. Sur ces renseignemens nous re-
broussâmes chemin et reprîmes la route de l’Aigle, bien
certains de ne rien laisser en arrière.
Nous nous arrêtâmes d’abord à Nonant, village situé
à huit lieues ouest-sud-ouest de l’Aigle. Les habitans
ont très-distinctement entendu l’explosion du météore.
Elie les a fort épouvantés ; ils la comparent au bruit
d’une voiture roulant sur le pavé, ou à celui d’un feu :
violent dans une cheminée. Des employés aux barrières,
qui étoient couchés sur le bord de la route, se rele-
vèrent tout effrayés. Il ne virent rien dans l'air, qui
1806, G *
234 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
étoit serein. Il n’est point tombé de pierres dans cet
endroit.
De Nonant nous allâmes au bourg de Merleraut. Che-
min faisant nous renconträmes des bergers qui étoient
dans la campagne. Je les interrogeai en leur demandant
s’ils n’avoient pas eu bien peur d’un bruit extraordi-
maire qui s’étoit fait entendre il y avoit environ deux
mois. Ils me répondirent affirmativement , m’indiquè-
rent exactement le jour , l'heure et la direction du bruit,
Ils avoient été également surpris de voir le ciel serein.
D’autres paysans que j’interrogeai sur la route me firent
les mêmes rapports.
Au bourg de Merleraut , à sept lieues ouest-sud-ouest
de l’Aigle, je recueille les mêmes récits; mais le bruit
de l’explosion et la frayeur qu’elle avoit produite s’étoient
accrus en raison de la proximité. Des hommes , des
femmes, des enfans , que j’interrogeai , s’accordèrent
exactement pour le jour , l'heure et la direction du mé-
téore. Ils n’avoient rien vu dans l'air, et le ciel étoit
serein. Des chevaux qui étoient dans une cour, revenant
des champs, et encore attelés , sautèrent tout effrayés
par-dessus une haie et s’enfuirent dans la rue : tant étoit
grande la force de l’explosion , quoiqu’à une distance
de plus de sept lieues. Il n’étoit point tombé de pierres
dans ce bourg; mais on avoit entendu dire qu’il en étoit
tombé du côté de l’Aigle , et on me donna un échan-
tillon d’une de ces pierres qui avoit été apportée comme
une curiosité par un roulier. C’étoit en effet un morceau
pareil à ceux que l’on nous avoit envoyés.
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 235
De Merleraut nous allâmes à Sainte-Gauburge. Sur
la route j’interrogeai une foule de paysans , tant passa-
gers que travaillant aux champs. Hommes, femmes,
enfans , tous ont entendu l’explosion le même jour et
la rapportent à la même heure, un mardi, entre midi
et deux heures.
Un petit chaudronnier de dix à douze ans, qui faisoit
route avec sa tôle et ses outils sur le dos, écoutoit une
femme du pays à qui je demandois des détails de l’ex-
plosion. Oh ! monsieur, me dit-il, on l’a entendue beau-
coup plus loin ; on l’a entendue à trois lieues d’Avran-
ches.—Vous avez donc ouï dire cela? — Monsieur, je
le sais mieux que par ouï-dire, parce que j’y étois. —Il
y a trente-six lieues d’Avranches à l’Aigle.
Dans le village de Sainte-Gauburge , à quatre lieues
ouest-sud-ouest de l’Aïgle, lés habitans ont tous entendu
l’explosion le même jour et à peu près à la même heure
que partout aïlleurs ; mais il n’est point tombé de
pierres météoriques dans cetendroit. Cependant on avoit
entendu parler de celles qui étoient tombées près de
VAigle, et plusieurs habitans du lieu en possédoient des
échantillons. On me conduisit à une chaumière hors du
village, où je trouvai un paysan des environs qui en
avoit une entre les mains. Je lui montrai d’abord celle
de Barbotan', et il la reconnut aussitôt pour être tombée
du ciel. Il me montra ensuite celle qu’il avoit : elle étoit
en tout semblable aux nôtres, et pouvoit peser environ
0‘48 (1livre ). C’étoit sa femme qui l’avoit ramassée de-
vant sa porte, où elle étoit tombée et s’étoit enfoncée en
236 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
terre. La pierre portoit encore des traces de cette chute ;
et le paysan me les fit remarquer. Il paroissoit tenir à
cette curiosité : je ne la lui demandai point. Il me dit
qu’il étoit du village de Saint-Sommaire. J’ai reconnu
depuis que c’est le canton où il en est tombé le plus.
Un vicillard qui se trouvoit là me dit qu’étant alors
à travailler dans un champ près de l’Aigle, il avoit vu
dans l’air un petit nuage d’où partoient des explosions
qui se succédèrent pendant plusieurs minutes; il avoit
entendu des pierres siffler et tomber.
De Sainte-Gauburge à l’Aigle j’interrogeai plusieurs
paysans qui s’accordèrent tous avec les rapports que
j'avois déjà recueillis. La nuit qui survint m’empècha
de multiplier davantage ces informations, qui d’ailleurs
n’auroient pu me rien apprendre de nouveau, puisque
c’étoit de l’autre côté de l’Aigle que le météore avoit
éclaté. J’arrivai dans cette ville à dix heures du soir,
le jour même de mon départ d'Alençon.
Je me rendis aussitôt chez notre confrère Leblond ;
mais je ne pus le voir. Je sus d’ailleurs que toute la
ville avoit entendu, au jour et à l’heure indiqués, un
bruit effroyable. Il n’étoit point tombé de pierres à
l’Aigle même, on en avoit seulement entendu parler.
Des personnes qui étoient alors à Caen m’assurèrent
qu’on y avoit entendu le même bruit à peu près à la
même heure , et qu’on avoit vu de plus un globe de feu
qui avoit causé une grande frayeur.
Le lendemain de mon arrivée , je me présentai chez
notre confrère Leblond : je fus aussi heureux que flatté
“qe
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. : 237
de trouver en lui les lumières d’un savant et la bien-
veillance d’un ami. »
M. Leblond et son beau-frère M. Humphroy, an-
cien militaire, avoient tous deux , ainsi que le reste
de leur famille, entendu le bruit du météore. C’étoit
comme un roulement de tonnerre qui dura sansinter-
ruption pendant environ cinq minutes , et qui étoit ac-
compagné d’explosions fréquentes semblables à des
décharges de mousqueterie. Dans le premier moment, on
Vavoit pris pour le bruit d’une voiture qui passoit en
roulant sur le pavé, et pour celui que produit un feu
violent dans une cheminée.
En rapprochant ces récits, faits par des hommes
éclairés, de ceux que nous avons recueillis dans les
campagnes sur une étendue de plus de dix lieues de
rayon, nous voyons qu’ils sont absolument d’accord
pour le jour, l’heure et la nature de l’explosion. Nous
pouvons donc, avec toute certitude, en déduire les con-
séquences suivantes.
Il y a eu aux environs de PA igle , le mardi 6 floréal
an 11, Vers une heure après midi , une explosion vio-
lente qui a duré pendant cinq ou six minutes , avec un
roulement continuel. Cette explosion a été entendue à
près de trente lieues à la ronde.
Si nous rapprochons le récit fait par le courrier de
Brest , relativement au globe de feu qu’il a aperçu, de
ce qu’ont dit les voyageurs venus de Caen et de Falaise,
et de ce que contiennent les lettres écrites de cette der-
nière ville le jour même de l’explosion, nous trouverons
238 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
que ces récits s’accordent pour le jour , l’heure et la
direction de ce météore. :
J’ai su depuis, par d’autres renscignemens , que le
même phénomène a été vu à peu près au même instant
À Pont-Audemer et aux environs de Verneuil.
De ces témoignages réunis on peut encore déduire
comme certaine cette seconde conséquence :
Le mardi 6 floréal an 11 , quelques instans avant
l'explosion de l’ Aigle, il a paru dans l'air un globe
lumineux animé d'un mouvement rapide. Ce globe wa
pas été observé à l'Aigle ; mais il l’a été de plusieurs
autres villes environnantes et très-distantes les unes
des autres.
J’ai pris toutes les mesures nécessaires pour avoir des
renseignemens précis et multipliés des différens lieux
où l’on a aperçu ce phénomène , afin d’en déduire la
marche qu’il a tenué, et de lé suivre , s’il est possible,
dans toute l’étendue de son cours. Mais en attendant,
si l’on considère le jour, l’heure auxquels il a été ob-
servé , la route qu’il a prise, et l’explosion qui a succédé
à son apparition , nous en tirerons avec autant de cer-
titude cette troisième conséquence :
L'explosion qui a eu lieu le 6 floréal aux environs
de l'Aigle, a été la suite de l'apparition d'un globe
enflammé qui a éclaté dans Pair.
Et il est à remarquer que ces résultats s’accordent
parfaitement avec les descriptions que l’on a déjà faites
des météores auxquels on attribue la chute de masses
minérales.
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 239
Je viens maintenant à la question même de la chute
de ces masses ; et comme c’étoit là la partie la plus
importante du phénomène, c’est celle aussi à laquelle
j'ai donné le plus de soin , de détail et de temps.
Les premiers renseignemens que je reçus à l’Aigle
sur cet objet me furent donnés par M. Humphroy,
et sont relatifs à une pierre pesant 8 56 (17livres?),que
Von dit être tombée à la Vassolerie » Village situé à une
lieue au nord de PAigle. M. Humphroy, guidé par le
bruit public, étoit allé sur les lieux le jour même ;
d’après l’invitation de son beau-frère M. Leblond. Il
avoit encore vu les paysans assemblés autour du trou
que la pierre avoit fait en tombant. Elle étoit déjà réduite
à 6*1 (12 livres1), Parce que tout le monde s’empressoit
de s’en procurer des morceaux. M. Humphroy obtint
facilement ce qui en restoit > etle porta à son frère,
qui l’envoya de suite à Paris. J’en possède un échan-
tillon bien caractérisé.
: M. Leblond, saisissant l’importance de ce phéno-
mène, se transporta aussitôt sur les lieux. Il vit en-
core les paysans assemblés ; il remarqua avec eux la
profondeur du trou, qui étoit de 0"5 (18à 26 pouces); il
vit la terre lancée autour à plus de 486 (15 pieds ) de
distance. Il retira du fond du trou trois gros silex qui
paroissoient avoirempèchéla pierre depénétreräune plus
grande profondeur.
J’ai vu depuis avec lui cette trace effrayante du mé.
téore, jai entendu les récits des propriétaires de cette.
habitation , jai entendu les témoignages des enfans qui.
240 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
étoient restés dans la maison lorsque la masse tomba à
vingt pas d’eux ; et voici les renseignemens que j'en ai
reçus.
Le père de ces enfans revenoit de l’Aigle avec sa
femme et sa belle-fille ; ils entendirent tout-à-coup dans
l’air un bruit de tonnerre extraordinaire , accompagné
d’un roulement semblable à celui d’un grand feu dans
une cheminée. Il n’y avoit presque point de nuages dans
l'air , si ce n’est un petit nuage noir, et quelques autres
comme on en voit fréquemment ;mais point d’apparence
d'orage. Ce bruit sembloit partir du petit nuage, et
s’éloignoit devant eux en soufflant et bourdonnant tou-
jours. Ils étoient tous trois extrêmement effrayés. La
jeune femme se trouva mal, et le père n’osoit parler.Ce
bruit effrayant ne dura que quelques minutes. En arri-
vant chez eux ils virent tous leurs voisins assemblés, et
crurent qu’il étoit arrivé quelque malheur pendant leur
absence : ils s’approchèrent , et on leur montra la masse
que l’on venoit de déterrer. Le père la pesa aussitôt :
son poids étoitde 8 65 (17livres+) , commejel’airapporté.
Le fils, revenu des champs, me donna des détails
encore plus*précis : c’étoit lui et ses frères qui étoient
accourus les premiers au bruit de la chute de la pierre,
et qui l’avoient déterrée.
I1 dînoit avec ses frères et sœurs sous un noyer
qu'il me montra : tout-à-coup ils entendirent au-
dessus de leur tête un bruit de tonnerre effroyable,
accompagné d’un roulement si continuel qu’ils se crurent
prêts à périr. Le jeune homme dit à ses frères de se
!
LS
L
bi
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 241
coucher par terre, de peur d’être emportés. Alors ils
entendirent dans le pré voisin un terrible coup, qu’ils
comparent à celui d’un tonneau plein qui tomberoit
de haut. Ils coururent à cet endroit, dont ils étoient
séparés par une haie , ils virent cette pierre, qui étoit
enfoncée si profondément qu’elle avoit fait sourdre
l’eau.
J’ai examiné avec notre confrère Leblond le trou d’où
cette masse a été tirée. Il est situé à l’entrée d’un her-
bage humide, et dont le sol ne renferme assurément:
rien de semblable parmi ses produits naturels, Peut-on
raisonnablement supposer qu’une masse aussi con-
sidérable eût existé depuis long-temps sans avoir été
remarquée , dans un lieu où l’on passoit fréquem-
ment; que tout-à-coup les enfans de la maison et les
voisins se fussent réunis, par un simple hasard , pour
affirmer qu’ils avoient entendu tomber dans ce même
lieu quelque chose de très-lourd ; avec un très-
grand bruit; que toutes ces circonstances eussent coïn-
cidé avec ce qui se passoit au même instant à deux
lieues de là, et qu’enfin aucun des spectateurs ne se fût
rappelé doi vu précédemment cette pierre ? Voilà
pourtant toutes les particularités dont il faudroit sup-
poser la réunion pour infirmer la vérité de ce témoi-
gnage.
Observons encore une circonstance très-importante.
Puisque les paysans avoient sur le lieu même, eten peu
d’instans, détaché tant de fragrens de cette masse mi-
nérale, il paroît qu’elle n’avoit pas alors l’excessive
1806, H*
242 HISTOWRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
dureté que nous lui trouvons aujourd’hui. En effet,
notre confrère Leblond assure que lorsqu’elle fut portée
chez lui elle étoit encore très-facile à casser , et les petits
morceaux que lon en séparoit s’égrenoient sous les
doigts. Voilà assurément un fait attesté par un témoin
oculaire digne de toute confiance. La même chose m’a
été affirmée depuis dans vingt endroits différens , et par
tous ceux qui ont manié ces substances dans les pre-
miers momens. Or un passage aussi prompt d’un état
friable à une solidité complète annonce la présence
d’une cause qui avoit récemment troublé leur aggréga-
tion. Cela s’accorde donc avec les témoignages pour
prouver que ces masses minérales sont étrangères aux
lieux où elles se trouvoient alors, et qu’elles y avoient
été nouvellement transportées.
En revenant de la Vassolerie, je pris des renseignemens
propres à me faire connoître la route que le météore
avoit suivie, et l'étendue de pays sur laquelle il parois-
soit avoir éclaté. Ces premières informations me don-
nèrent pour limites la ville de l’Aigle , d’une part, et
de l’autre cinq villages, nommés Saint-Antonin, Gloss,
Couvain, la Ferté-Fresnel et Gauville. C’étoit une éten-
due de trois lieues de long sur deux lieues de large , que
je me proposai de parcourir complétement le lendemain.
‘Je partis à six heures du matin , accompagné d’un
guide qui connoissoit bien le pays et les habitans. Nous
allâmes d’abord au château de Fontenil , où tous les
témoignages plaçoient le commencement de l’explosion.
Les maîtres étoient absens, je parlai au concierge du chäà-
MATHÉMATIQUES ÊT PHYSIQUES. 243
teau, qui me parut un homme sensé et digne de foi.
Il avoit entendu , comme tout le monde, plusieurs coups
violens, semblables à des coups de canon, suivis d’un
bourdonnement pareil à celui du feu dans une cheminée.
Tout-à-coup on avoit entendu sur la terre de l’enclos
qui environne le château un grand coup sourd , comme
d’un grand arbre qui tomberoit après avoir été ébranché.
Les ouvriers qui travailloient dans un bois voisin ac-
coururent à ce bruit ; les bestiaux , effrayés, se préci-
pitèrent vers le lieu où s’étoit fait la chute. Un jeune
homme de quinze ans, qui travailloit à dix pas de là,
sous un hangar, dit avoir vu tomber une pierre : on
s’approcha , et on en tira une du poids de trois livres.
Elle avoit fait dans la terre un trou de dix-huit pouces
de profondeur. Le concierge l’a mesuré après avoir enlevé
* la pierre avec soin, pour la déposer dans les archives
de la maison avec un récit du fait. J’ai vu le jeune
homme qui est témoin oculaire ; j’ai vu aussi le trou
fait par la pierre; j’ai vu cette pierre elle - même , et
je rapporte un échantillon que l’on m’a permis d’en
séparer.
Le sol de l’enclos, que l’on nomme dans ce pays une
‘cour , est de terre franche , humide , et recouvert de
gazon. Au - dessous de la terre végétale on trouve des
cailloux : rien n’annonce qu’on y trouve naturellement
* des substances semblables aux masses météoriques, et
tous les habitans de la maison sont bien certains de n’en
avoir jamais vu.
J’ai aussi un échantillon d’une pierre semblable, tom-
244 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
bée dans un champ auprès du Fontenil : elle passa en
sifflant par-dessus la tête du berger , à qui elle causa
une grande frayeur , et tomba à vingt pas de lui. Les
moutons , épouvantés par le bruit du météore, se ser-
roient les uns contre les autres. On a depuis labouré ce
champ, et on n’y a point trouvé d’autre pierre de la
même nature. Ces détails m'ont été donnés au Fontenil
par un témoin oculaire que l’on m’amena.
Du Fontenil j’allai au hameau de la Métonnerie , et
le concierge du château que nous quittions eut la com-
plaisance de nous accompagner jusque dans une ferme
qui lui appartient. Les habitans de cette ferme ont vu
le nuage au-dessus de leur tête. Leur récit sur le bruit
de l'explosion est le même que partout. Ils virent tomber
deux pierres dans leur cour, tout auprès d’eux : l’une,
dont ils me montrèrent encore la place, siffloit en tom-"
bant ; elle étoit brûlante, car la terre fuma tout à l’en-
tour. Ils n’osèrent la retirer que le lendemain , tant ils
avoient peur. J’en rapporte un échantillon. L'autre étoit
tombée dans une haie : on la chercha long-temps, mais
on ne put la trouver.
Le sol de la Métonnerie est formé d’un peu de terre
végétale recouvrant une couche de marne; au-dessous
sont des cailloux dont on se sert pour bâtir.
J’ai aussi un échantillon d’une pierre tombée près
de là , dans un lieu que l’on nomme la Marcelière. Elle
fut vue par un enfant qui gardoit les moutons ; elle tomba
à côté de lui. Le morceau que je rapporte m’a été donné
par le père même de cet enfant. D’après le volume qu’il m’a
RS DE
nets sers
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 245
désigné, cette pierre pouvoit peser environ 1‘96(3livres)
avant qu’on n’en eût rien Ôté.
De la Métonnerie j’allai au village de Saint-Nicolas-
de-Sommaire : je me présentai chez une dame à laquelle
on’avoit porté beaucoup de pierres météoriques ; elle
avoit autrefois la seigneurie de ce canton. Elle me reçut
avec beaucoup d’honnêteté , et me donna par elle-même
et par ses gens tous les détails qui étoient parvenus à sa
connoissance. Je trouvai chez elle deux curés, celui du
lieu et celui d’un hameau voisin nommé Saint-Michel-
de-Sommaire ; il y avoit de plus le garde forestier et une
femme de confiance anciennement attachée à la maison.
Toutes ces personnes, excepté le garde , sont témoins
oculaires de la chute des pierres. Celui-ci revenoit alors
de l’Aigle; il a seulement vu le météore et entendu le
bruit. bebex
Le curé de Saint-Nicolas regardoit directement le
nuage d’où l’explosion est partie. C’étoit un carré long,
dont le plus grand côté étoit dirigé est et ouest ; il sem-
bloit immobile , et il en sortoit un bruit continuel.sem-
blable au roulement d’un grand nombre de tambours ;
puis on entendoit les pierres siffler dans l’air comme
une balle qui passe, et tomber sur la terre en rendant
un coup sourd. On remarquoit très-bien que le nuage
décrépitoit successivement de différens côtés , et chacune
de ces explosions ressembloit au bruit d’un pétard. Le
curé de Saint-Nicolas a entendu tomber ces pierres, sans
les voir dans leur chute; mais le curé de Saint-Michel
massura en avoir aperçu une qui tomba en sifflant dans
246 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
la cour de son presbytère, aux pieds de sa nièce, et
qui rebondit de plus d’un pied de hauteur sur le pavé.
I] dit aussitôt à sa nièce de la lui apporter; mais elle
n’osa pas, et une autre femme qui se trouvoit présente
la ramassa. Je ne l'ai point vue; mais ce curé m’a
assuré qu’elle étoit en tout semblable aux autres, et ces
pierres, dont nous avions sous les yeux un grand nombre
de morceaux, sont trop connues maintenant dans ce
| pays, pour que l’on puisse s’y méprendre.
La maîtresse de la maison me donna plusieurs de ces
masses que l’on avoit vues tomber. J’en rapporte d’au-
tres dont on m’a montré les trous encore récens, et
qui portent les empreintes des terrains où elles sont tom-
bées. Elles sont toutes de la même nature que celles que
nous avons déjà, et à cet égard il y a autant de témoins
que d’habitans. Il paroît, par les renseignemens que j’ai
recueillis , qu’il est tombé dans cetendroit et dans les en-
virons une quantité effrayante de pierres ; mais quoi-
qu’elles soient encore fort grosses , puisqu’elles pèsent
jusqu’à o‘97 ( 2 livres) , aucune d’elles n’égale celles de la
Vassolerié et des environs du Fontenil : circonstance
qu’il importe de remarquer.
Tout le monde,s’accorde à dire que ces pierres fu-
moient sur la place où elles venoient de tomber. Por-
tées dans les maisons, elles exhaloient une odeur de
soufre si désagréable qu’on fut obligé de les mettre
dehors. Un gros morceau que je brisai m’offrit encore
très-fortement cette odeur , mais dans son intérieur seu-
lement. Dans les premiers jours , ces pierres se cassoient
nes we af
orset
4 à
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES, | 247
très-facilèment ; toutes ont depuis acquis la dureté que
nous leur connoiïssons. Ces changemens d’état sont au-
tant de preuves physiques qui s'accordent pour faire
voir que ces pierres sont étrangères aux lieux où elles
se trouvoient alors, ou qu’elles y avoient été récemment
transportées.
Ici, comme à la Métonnerie , le sol est de terre
franche recouvrant une couche de marne ; toutes les
maisons sont bâties en cailloux : jamais on n’y à rien
vu de pareil aux pierres météoriques.
_ Remarquons que les témoignages acquièrent ici une
grande force par l’étatetles qualités morales des témoins.
C’estd’abord une dame très-respectable, quine peut avoir
aucun intérêt d’en imposer ; ce sont deux ecclésiasti-
ques, qui ne peuvent, sans aucun motif, avoir l'intention
d’altérer la vérité , surtout devant des personnes dont
l'estime et la confiance leur sont nécessaires; enfin c’est
une femme âgée qui paroît depuis long-temps attachée
à cette maison , et qui, persuadée que ce phénomène est
un avertissement du ciel, n’auroit pas osé en dénaturer
les circonstances , surtout en parlant devant des per-
sonnes qu’elle est habituée à respecter. Enfin le témoi-
gnage du garde forestier est lui-même un garant de la
vérité des’autres ; car je savois que cet homme n’avoit pas
été présent à la chute des pierres, et il ne s’est pas donné
non plus comme les ayant vues tomber. Seulement, son
emploi l’obligeant à parcourir les champs , il avoit ew
occasion de remarquer et de déterrer plusieurs deces
masses, qu’il me donna, et dont il me montra les trous
248 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
encore récens. Il étoit bien certain de n’avoir jamais
rien vu de semblable, et l’on sait combien les gens de
cet état sont observateurs.
De Saint-Nicolas-de-Sommaire j’allai, conduit par ce
garde, au hameau du Bas-Vernet où il demeure , et
dans lequel on disoit qu’il étoit tombé un grand nombre
de pierres. Voyant le desir que j’avois d’en trouver une
moi-même et de la retirer de terre , il me mena dans
un petit champ qui lui appartient , et dans lequel
il avoit remarqué un trou qu’il pensoit avoir été fait
par une de ces pierres : il avoit attendu que la récolte
fût faite pour s’en assurer; mais nous eùmes beau cher-
cher et creuser dans ce trou , nous ne trouvâmes rien.
Si ce fut un désagrément pour moi de voir mon espé-
rance trompée , du moins j’eus une nouvelle occasion
de reconnoître la bonne foi de mon guide.
Nous allâmes ensuite dans une ferme voisine , où
nous trouvâmes une femme âgée et deux jeunes filles,
qui nous déclarèrent toutes trois avoir vu tomber des
pierres et en avoir eu une peur horrible : elles étoient
seules en ce moment dans la maison, et s’attendoient
incessamment à périr. Elles me montrèrent dans l’enclos
de la ferme plusieurs trous dont elles avoient extrait
des morceaux de ces pierres, et elles m’en remirent un
échantillon. C’est toujours la même espèce.
Nous cherchâmes long-temps pour tâcher d’en décou-
vrir nous-mêmes quelque reste ; mais ce fut en vain.
La terre avoit été humectée depuis par les pluies, herbe
avoit crû, et les trous même dont on avoit extrait des:
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 249
pierres s’étoient déjà remplis presque entièrement. Il
étoit donc très-difficile d’en découvrir encore qui au-
roient échappé aux premières recherches. Nous cher-
châmes surtout sous un arbre et dans une haïe où l’on
en avoit entendu tomber entre les branches , et d’où l’on
avoit vu s'enfuir un oiseau ; mais nous ne trouvâmes
rien. J’observai cependant que plusieurs branches de
l’arbre et de la haie, situées dans une direction verticale,
avoient évidemment souffert.
Après toutes ces recherches infructueuses nous al-
lâmes dans une ferme voisine. On nous y fit encore les
mêmes récits sur explosion et la chute du météore. Le
fils de la maison , âgé de dix à douze ans , sa mère, et
sa sœur âgée de quinze ou seize , étoient témoins de ces
faits. Au milieu de cet effroyable bruit, qu’ils décrivent
comme tous les autres, ils virent tomber une grosse
5
pierre qui cassa une branche d’un poirier : le jeune homme
courut pour la ramasser ; mais la trouvant enfoncée en
terre, il cria à sa sœur d’apporter une bèche. Celle-ci
vint; mais à peine arrivée il lui passa devant le visage
une petite pierre qui tomba à ses pieds. Alors elle n’eut
rien de plus pressé que de s’enfuir , et la pierre ne fut
ramassée que lorsque la peur se fut dissipée avec le dan-
ger. On m’a montré le poirier, et je rapporte un échan-
tillon de la pierre qui en a cassé une des branches.
Plusieurs autres fermes environnantes m'ont fourni
les mêmes témoignages , et partout on a vu les mêmes
phénomènes.
Je quittai ce lieu pour me rendre au hameau du Mesle,
1806, z *
250 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
chez un Jlaboureur nommé Gibon, qui étoit de la con-
noissance de mes guides. C’est un homme de soixante-
quatre ans , plein de sens et de raison ; il me reçut avec
la plus grande cordialité, Lui, sa famille et ses gens ,
sont témoins oculaires du phénomène ; ils en décrivent
exactement les circonstances comme partout ailleurs.
Le roulement ressembloit si bien au bruit du feu dans
une cheminée, qu’ils crurent que la maison brüloit,
et qu’ils coururent chercher de Veau à la mare pour
Péteindre. « Nous avons vu, me dit ce vieillard , tomber
» des pierres d’en haut. Moi , qui ne suis pas peureux
» et qui étois fatigué , je ne me suis pas dérangé pour
» les aller chercher ; mais mes enfans y coururent etles
» rapportèrent. Une d’elles tomba près de la mare , et
» fit peur à une poule qui se trouvoit là ; une autre tomba
» sur le faîte de la maison et roula jusqu’à terre : nous
» crûmes que c’étoit notre cheminée qui tomboit. »
En voyant ce respectable laboureur on ne pouvoit douter
que son témoignage ne fût l’expression exacte de la
vérité.
On me donna un échantillon de cette pierre; on me
montra sur le penchant de la toiture le lien de bois qui
sert à retenir le chaume , et qu’elle avoit détaché. Il étoit
tombé dans le clos beaucoup d’autres pierres que l’on
avoit ramassées. On m’assuroit qu’il y en avoit une dans
la mare et une autre dans un fossé à demi-desséché. Il
falloit renoncer à la première ; nous cherchâmes l’autre,
mais inutilement.
Le fils de la maison, qui m’avoit déjà donné toutes
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 951
celles qui lui restoient, me dit qu’il en avoit trouvé dans
un champ, à un quart de lieue de là. Je lui demandai
s’il avoit pareillement visité tous les champs voisins. Il
me répondit qu’il ne l’avoit pas fait; et comme le lieu qu’il
indiquoit se rapprochoit de Saint-Nicolas-de-Sommaire,
où je savois qu’il étoit tombé un grand nombre de ces
pierres , je me décidai à entreprendre encore cette recher-
che,espérant que du moins cette fois je serois plus heureux.
En effet, après avoir cherché environ pendant une
heure ; par le soleil le plus ardent , nous en découvrimes
une que je retirai moi-même de la terre où elle étoit
enfouie ; je la tins long-temps brûlante dans ma main,
tant étoit grande la chaleur à laquelle elle étoit exposée.
Elle ressemble parfaitement à toutes celles que nous
avions déjà.
Satisfait de cette petite découverte , j’examinai la na-
ture du sol où nous étions et les diverses substances qui
s’y trouvent. Je donnai à cet examen un temps et un
soin proportionnés à son importance. C’est une terre
assez légère, sur laquelle on trouve des cailloux et quel-
ques scories de forge que l’on nomme du /aitier. On
dit que très-anciennement il y a eu dans ce lieu des
forges qui ont été abandonnées. Au reste on sait com-
bien ces scories diffèrent des pierres météoriques , et les
paysans eux-mêmes n’y sont pas trompés ; car, aux en-
virons de l’Aiïgle, ils connoïissent aujourd’hui parfaite-
ment ces picrres , et savent très-bien les distinguer des
autres , qu’ils nomment par opposition des pierres na-
tourelles"
252 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
En revenant, mon jeune guide me montra dans les
champs un berger qui passoit autrefois pour un incré-
dule, mais que la peur de ce terrible météore a converti.
De retour au village du Mesle, je partis aussitôt pour
le bourg de Gloss. C’étoit un de ceux que mes précé-
dentes informations m’indiquoient comme se trouvant
sur la limite du météore. En effet il n’y étoit point tombé
de pierres, quoiqu’on eût entendu violemment l’explo-
sion au sud-ouest. Je sus qu’il étoit tombé quelques
pierres , mais petites et en très-petit nombre , au hameau
de la Belangère , situé à l’ouest de Gloss. Par ces récits et
par les informations que je reçus, je me confirmai dans
l'opinion qu’il n’étoit rien tombé dans les villages de
Saint-Antonin et de Couvain. |
D’après la course que je venois de faire et les ren-
seignemens qu’elle n’avoit procurés, je connoissois les
limites de l’explosion au sud, à l’est et au nord; il ne
me restoit plus à parcourir que le côté de l’ouest , et en
conséquence lorsque je partis de Gloss, qui est au nord-
est de l’Aiïgle, je me dirigeai vers le sud-ouest.
J’allai d’abord au hameau de la Barne, dans l’habi-
tation qui porte ce nom. Les personnes qui l’habitent
avoient entendu le bruit du météore , et en avoient été
{ort effrayées ; mais se trouvant alors dans leurs maisons,
elles n’avoient pas vu de pierres tomber , et ne furent
averties de ce phénomène que par leurs fermiers qui en
apportèrent des morceaux qu’on venoit de trouver dans
la cour. J’en reçus un échantillon.
Le maître de la maison m’accompagna jusqu’à sa
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 253
ferme, dont les gens me fournirent des témoignages
_ beaucoup plus forts. Non seulement ils avoient vu et
entendu le météore |, maïs les pierres tomboient en
sifflant autour d’eux comme la grêle. Ils coururent
à la mare, croyant que les bâtimens étoient en feu;
leur peur étoit telle qu’ils s’attendoient à périr, et ils
ne parloient encore de ce phénomène qu'avec effroi.
Toutes les pierres tombées ici sont fort petites : ces gens
en avoient tant ramassé qu’ils ont fini par les jeter dans
la basse-cour, comme n’offrantaucun intérêt. Cependant
on m’en donna encore plusieurs que l’on avoit conser-
vées. Nous cherchâmes long-temps dans les herbages
sinous pourrions en trouver encore sur la terre; mais
ce fut en vain ; l’herbe étoit devenue trop haute. On
ne dit pas ici que ces pierres fussent chaudes lorsqu’on
les ramassa ; ce qui tient sans doute à leur peu de
volume. Ps
J’allai de là au hameau de Boïslaville , et je me
présentai dans l’habitation qui porte ce nom. Le pro-
priétaire , à qui je m’adressai , est un jeune homme de
vingt-huit à trente ans, qui paroît instruit et bien
né ; il a servi pendant la guerre de la révolution , et
nest par conséquent pas susceptible d’être effrayé par
un coup de tonnerre. Ces particularités donnant beau-
coup de poids à son témoignage , je l’ai recueilli avec
une attention particulière , et je le rapporte fidèlement.
Le citoyen Boislaville étoit au milieu de sa cour, tête
nue; ilentendit subitement comme trois ou quatre coups
de canon, suivis d’une espèce de décharge qui ressembloit
254 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
à une fusillade , après quoi il se fit comme un épouvan-
table roulement de tambours , accompagné de sifflemens
très-forts causés par des pierres qui tomboient sur la
terre. L'air étoit tranquille et le ciel serein ; seulement
on observoit directement au-dessus de la cour un petit
nuage noir qui paroissoit immobile, et duquel sembloit
partir tout ce bruit. On ramassa sur-le-champ une grande
quantité de pierres météoriques dans l’enclos qui envi-
ronne la maison : elles étoient toutes extrêmement pe-
tites. Le citoyen Boislaville m’en a donné plusieurs mor-
ceaux.
La mère du citoyen Boislaville, dame âgée et très-res-
pectable, attestoit la même chose avec les mêmes détails.
Tous ses gens avoient vu les mêmes effets , et leurs récits
s’accordoient entre eux. Ils avoient été extrêmement
effrayés ; les animaux s’agitoient violemment, et l’on
crut que le feu étoit partout dans la maison.
Le citoyen Boislaville avoit pris des informations pour
savoir s’il étoit tombé des pierres au bourg de la Ferté-
Frenel ; maïs on n’en avoit pas vu, et cela s’accorde avec
les rapports qui m’avoient été faits d’ailleurs.
Ici, comme à la Barne, le sol est de bonne terre franche,
ainsi que celui des champs et des herbages environnans;
on n’y trouve point de cailloux, et l’on y bâtit avec de la
la brique. Le citoyen Boislaville est bien certain qu’on
n’a jamais vu dans le pays de pierres semblables à celles
qui sont tombées.
Voilà donc un témoin que son caractère moral met à
l’abri des illusions de la crainte et au-dessus du soupçon
PES
2 nm»
_
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 255
d'infidélité. Son récit coïncide dans les plus petits dé-
tails avec ce que l’on rapporte partout aux environs. Un
pareil accord pourroit-il exister, s’il n’avoit la vérité
pour base ?
De Boislaville je passai à la ferme de la Blandinière,
où l’on m’avoit dit qu’il étoit tombé des pierres météo-
riques en assez grande quantité , mais fort petites. Je
ne trouvai dans la maison qu’une femme âgée qui ne
put me donner beaucoup de détails, mais qui me con-
firma dans ce que je savois. De là je vins au hameau
du Teil, où je m’attendois à trouver très-peu de ces
pierres ; en effet il n’en étoit tombé qu’un petit nombre,
et de fort petites. IL étoit par cela même difficile d’en
obtenir des échantillons, les habitans y tenant d’autant
plus qu’elles sont plus rares. J’éprouvai une semblable
difficulté , par une semblable cause , au village des Guil-
lemins , qui est voisin du précédent; cependant on me
donna une de ces pierres qui étoit tombée devant la
porte d’une maison avec plusieurs autres que l’on me
montra , et qui étoient pareillement d’un très-petit vo-
lume. Je jugeai par tous ces signes que je me trouvois
sur la limite occidentale de l’explosion. En effet , je
m’assurai en poussant plus loin, qu’on n’a pas aperçu
de pierres météoriques au-delà de cet endroit ; il n’en
est point tombé au bourg de Gauville.
En reprenant ma route vers l’Aigle je m’arrêtai au
château de Corboyer. Je savois qu’il étoit tombé beau-
coup de pierres dans cet endroit. En effet, les ouvriers
qui travailloient alors dans la cour me dirent qu’ils
256 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES |
avoient eu une grande frayeur en les entendant siffler
autour d’eux, et les voyant descendre le long des toits,
comme auroit fait la grêle. Le propriétaire étoit absent ;
je parlai au concierge , qui me parut un homme fort
intelligent, Il me confirma tous ces faits et me mena
chez le maire du lieu , qui me donna un morceau d’une
pierre tombée devant sa maison, et m’assura que l’on
n’en avoit jamais vu de semblable dans le pays. Ici,
comme dans tous les endroits que j’ai parcourus, il y
a autant de témoins que d’habitans, et leurs récits sont
unanimes.
Le lendemain de l’explosion le maire avoit écrit au
sous-préfet d’Argentan pour lui annoncer cette épouvan-
table pluie de pierres; il en avoit même joint à sa lettre
un échantillon, et c’étoit celle dont on m’avoit parlé à
Seez. Mais, avant d'écrire à Alençon, le sous-préfet
avoit cru devoir prendre des renseignemens ultérieurs ,
qui se trouvèrent retardés par diverses circonstances.
C’est pour cela que le citoyen Lamagdelaine n’avoit
aucune connoissance du fait.
Je rentrai à l’Aigle à dix heures du soir, apportant
avec moi tous les échantillons que l’on n’avoit donnés,
ainsi que les notes qui les accompagnoïent , et que j’avois
prises sur les lieux; le lendemain je n’occupai à les
mettre en ordre. Quoique ces renseignemens me parus-
sent suffire pour établir la réalité du phénomène, je ne
négligai rien pendant mon séjour à l’Aigle pour les
compléter, et je cherchai avec une égale bonne foi tout
ce qui pouvoit les confirmer ou les combattre ; mais, squs
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 257
ce dernier rapport, je ne trouvai aucune objection plau-
sible, surtout pas une seule observation , pas un seul
récit fait sur les lieux qui contredît les résultats de mes
informations. |
Cependant je voulus employer encore un dernier
moyen pour les vérifier. C’est un usage parmi les paysans
des environs de se rassembler le dimanche matin sur
la place de PAigle. J’allai, un de ces jours, au milieu
d’eux, je les interrogeai, et, d’après les récits qu’ils fai-
soient sur le météore, je pus constamment déterminer
le canton qu’ils habitoient ; car ceux qui avoient vu
tomber des pierres étoient en-decçà des limites que j’avois
parcourues , et ceux,qui n’en avoient pas vu tomber
étoient en dehors. Il n’y eut point d’exception à cette
règle. J’en conclus que j’avois bien circonscrit l’étendue
sur laquelle le météore avoit éclaté.
Ce fut au milieu de ces groupes > où l’on n’étoit
point du tout étonné de voir mettre de l’importance à
ce phénomène , que l’on m’indiqua celui de tous les
paysans des environs qui paroissoit avoir couru le plus
grand danger. C’est un nommé Piche, tireur de fil
de fer; demeurant au village des Aunées, commune
de Gloss. Lors dé l’explosion il travailloit en plein air,
avec plusieurs autres ouvriers : une pierre rasa le long
de son bras, et tomba à ses pieds; il voulut la ramasser,
mais elle étoit brûlante , et il la laissa retomber tout
effrayé. Ce fait, qui nv’avoit été raconté d’abord sur la
place par les paysans , me fut confirmé par cet homme
lorsqu'ils me l’eurent amené. Il n’avoit plus cette pierre,
1806, K*
258 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
qu’un intérêt bien étranger aux sciences avoit fait avi-
dement recueillir et confondre avec plusieurs autres ;
mais il me donna un morceau tombé en même temps,
au mème lieu, près de lui, et sous les yeux de tous ses
compagnons.
Enfin, lorsque je me fus assuré par tous les moyens
possibles que je n’avois plus de nouvelles lumières à
acquérir ni de nouveaux renseignemens à espérer , je
partis de l’Aigle le 16 messidor , et je revins à Paris.
Si l’on rapproche , d’après les règles de la critique,
les témoignages moraux et physiques que je viens de
rapporter avec fidélité, on y trouvera une réunion de
preuves dont l’accord ne convient qu’à la vérité même.
En effet, considérons d’abord les témoignages phy-
siques.
On n’a jamais vu, avant l’explosion du 6 floréal, de
pierres météoriques entre les mains des habitans du
pays.
Les collections minéralogiques faites avec le plus de
soins, depuis plusieurs années , pour recueillir les pro-
duits du département, ne renferment rien de semblable;
les mémoires que possède le conseil des mines sur la
minéralogie et la géologie des environs de l’Aiïgle n’en
font aucune mention.
Les fonderies, les usines, les mines des environs que
j'ai visitées, n’ont rien dans leurs produits ni dans leurs
scories qui ait avec ces substances le moindre rapport.
On ne voit dans le pays aucune trace de volcan.
Tout-à-coup , et précisément depuis l’époque du
Fa
a
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES, 259
._ météore, ontrouve ces pierres sur le solet dans les mains
des habitans du pays ; qui les connoissent mieux
qu'aucune autre; elles sont si communes que l’on
peut estimer le nombre de celles que l’on montre à
deux ou trois mille.
Ces pierres ne se rencontrent que dans une étendue
déterminée, sur des terrains étrangers aux substances
qu’elles renferment , dans des lieux où il seroit impos-
’ sible qu’en raison de leur volume et de leur nombre elles
eussent échappé aux regards.
‘Les plus grosses de ces pierres, lorsqu'on les casse ,
éxhalent encore une odeur sulfureuse très-forte dans leur
intérieur ; celle de leur surface a disparu , et les plus
petites n’en exhalent plus qui soit sensible : en sorte que
l’odeur exhalée par les plus grosses paroît aussi de nature
à disparoître avec le temps.
Ce sont là autant de preuves physiques qui attestent
que les pierres météoriques des environs de l’Aigle sont
étrangères aux lieux où elles ont été trouvées; qu’elles
y ont été transportées récemment ; depuis l’époque de
l’explosion , et par une cause qui a modifié les principes
qu’elles renferment.
Maintenant , si l’on consulte les témoignages moraux,
que trouve-t-on ? Vingt hameaux dispersés sur une éten-
due de plus de deux lieues carrées , dont presque tous
les habitans se donnent pour témoins oculaires et at-
testent qu’une épouvantable pluie de pierres a été lancée
par le météore. Dans le nombre se trouvent des hommes
faits , des femmes , des enfans , des vicillards; ce sont
260 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
des paysans simples et grossiers, qui demeurent à une
grande distance les uns des autres; des laboureurs pleins
de sens et de raison ; des acier que respectables ;
des jeunes gens qui, sys été militaires , sont à l’abri des
illusions de la peur : toutes ces personnes , de professions,
de mœurs, d'opinions si différentes , n'ayant que peu ou
point de relations entre elles , sont tout-à-coup d’accord
pour attester un même fait qu’elles n’ont aucun intérêt
à supposer ; elles le rapportent toutes au même jour, à
la même heure, au même instant , avec les mêmes cir-
constances, avec les mêmes comparaisons ; et ce fait,
si universellement, si fortement attesté, n’est qu’une
conséquence des preuves physiques rassemblées précé-
demment, c’est qu’il est tombé dans le pays des pierres
d’une nature particulière à la:suite de l’explosion du
6 floréal.
Bien plus, on montre encore des traces , des débris,
qui attestent matériellement la chute de ces masses,
dont on ne parle qu'avec effroi. On dit les avoir vues des-
cendre le long des toits, casser des branches d’arbres,
rejaillir en tombant sur le pavé; on dit qu’on a vu la terre
fumer autour des plus grosses , et qu’on les a tenues brüû-
lantes dans les mains. Ces récits ne se font, ces traces
ne se montrent que dans une étendue de terrain dé-
terminée. C’est là seulement, qu’il est possible de trouver
encore quelques pierres météoriques; on n’en comnoît
pas un seul morceau qui ait été trouvé sur le terrain
hors de cet arrondissement, et il n’y a pas un seul
témoin qui prétende avoir vu tomber des pierres ailleurs.
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 26)
Enfin une troisième espèce de preuve résulte de cer-
taines particularités physiques unanimement racontées
par les habitans du pays, qui sont trop peu éclairés
pour en avoir prévu les conséquences : je veux parler
des changemens successifs observés dans la dureté de
“ces pierres et dans l’odeur qu’elles exhaloïent; change-
mens qui, au rapport des témoins, parmi lesquels il
faut compter notre confrère Leblond, se sont opérés
dans l’espace de quelques jours après l’explosion du
météore; changemens dont j’ai moi-même observé très-
sensiblément les traces en cassant des morceaux de
dimensions différentes ; et ce nouveau rapprochement
des témoignages et des faits ne sert qu’à montrer entre
eux un nouvel accord. ;
Ainsi toutes les preuves, soit physiques , soit morales,
qu’il a été possible de recueillir, se concentrent et con-
vergent pour ainsi dire vers un point unique ; et si l’on
considère la manière dont nous avons été conduits, par
la comparaison des témoignages , au lieu de l’explosion,
le nombre des renseignemens pris sur les lieux, et leur
accord avec ceux qui avoient été recueillis à dix lieues
de là; la multitude des témoins, leur caractère moral,
la ressemblance de leurs récits et leur coïncidence par-
faite, de quelque part qu’ils soient venus, sans qu’il
ait été possible de découvrir à cet égard une seule ex-
ception ,; on en conclura sans le moindre doute que le
fait sur lequel ces preuves se réunissent est réellement
“arrivé, et qu’/ est tombé des pierres aux environs de
l’ Aigle le 6 floréal an 11.
262 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
Alors l’ensemble des témoignages donnera de ce phé-
nomène la description suivante.
Le mardi 6 floréal an 11, vers une heure après midi,
le temps étant serein, on aperçut de Caen; de Pont-
Audemer et des environs d'Alençon, de Falaise et de
Verneuil, un globe enflammé ; d’un éclat très-brillant,
et qui se mouvoit dans l’atmosphère avec beaucoup de
rapidité.
Quelques instans après on entendit à l’Aigle et autour
de cette ville, dans un arrondissement de plus de trente
lieues de rayon , une explosion violente qui dura cinq ou
six minutes.
Ce furent d’abord trois ou quatre coups semblables
à des coups de canon, suivis d’une espèce de déchärge
qui ressembloit à une fusillade ; après quoi on'entendit
comme un épouvantable roulement de tambours. L'air
étoit. tranquille et le ciel serein, à l’exception de quel-
ques nuages , comme on en voit fréquemment.
Ce bruit partoit d’un petit nuage qui avoit la forme
d’un rectangle, et dont le plus grand côté étoit dirigé
est-ouest. Il parut immobile pendant tout le temps que
dura le phénomène ; seulement les vapeurs qui le com-
posoient s’écartoient momentanément de différens côtés
par l’effet des explosions successives. Ce nuage se trouva
à peu près à une demi-lieue au nord-nord-ouest de la ville
de l’Aigle : il étoit très-élevé dans atmosphère; car les
babitans de la Vassolerie et de Boislaville, hameaux
situés à plus d’une lieue de distance l’un de l’autre;
à
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES: 263
Pobservèrent en même temps au-dessus de leurs têtes.
Dans tout le canton sur lequel ce nuage planoit on en-
tendit des sifflemens semblables à ceux d’une pierre lan-
cée par une fronde, et l’on vit en mêmetemps tomber
une multitude de masses solides exactement semblables
à celles que l’on a désignées sous le nom de pierres mé-
téoriques.
L’arrondissement dans lequel ces masses ont été lan-
cées a pour limites le château du Fontenil, le hameau
de la Vassolerie et les villages de Saint-Pierre-lé-Som-
maire, Gloss, Gouvain, Gauville et Saint-Michel-de:
Sommaire.
C’est une étendue elliptique d’environ deux lieues ét
demie de long sur à peu près une de large , la plus grande
dimension étant dirigée du sud-est au nord-ouest, par
une déclinaison d’environ 22°: c’est la direction actuelle
du méridien magnétique à l’Aigle.
On peut tirer de là quelques lumières sur la direction
du météore. En effet ; s’il eût éclaté en un seul instant,
les pierres eussent été lancées sur uné éténdue À peu
près circulaire; maïs la durée du bruit annonce une suite
d’explosions successives qui ont dû répandre des pierres
sur une étendue allongée dans le sens suivant lequel le
météore marchoit. Cet allongement indique donc là di-
rection horizontale du météore; et en rapprochant ce
résultat des témoignages qui font tomber le globe de feu
du côté du nord, on en conclura , avec une grande appa-
rence de certitude, que le météore marchoït du sud-est
au nord-ouest , par une déclinaison d'environ 22°.
264 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
Si les observations faites sur la durée du bruit pou-
voient être regardées comme exactes , on en déduiroit la
vitesse horizontale. du météore d’après l’ellipticité de
l’étendue dans laquelle les pierres ont été lancées ; mais
je ne sache pas qu’il ait été fait sur ce point aucune
observation précise, et à cet égard on ne peut compter
que sur l’exactitude des instrumens, parce que l’éton-
mement porte toujours à augmenter la durée d’un phé-
nomène dont la continuité nous cause quelque surprise.
On peut seulement présumer d’après ces données que la
vitesse horizontale du météore lorsqu'il a éclaté étoit peu
considérable, et c’est probablement pour cela qw'on le
croyoit tout-à-fait immobile. Cela n’empèche pas d’ail-
leurs qu’il ne pût avoir une très-grande vitesse dans le
sens vertical, puisque la vitesse horizontale est la seule
que ce genre d’observations puisse faire connoître.
Les plus grosses pierres sont tombées à l’extrémité
sud-est du grand axe de l’ellipse, du côté du Fontenil
et de la Vassolerie ; les plus petites sont tombées à l’autre
extrémité, etles moyennes entre ces deux points. D’après
ces considérations précédemment rapportées , les plus
grosses paroîtroient être tombées les premières.
La plus grosse de toutes celles que l’on a trouvées
pesoit 8<5 (17 livres +), au moment où elle tomba;
la plus petite que j'aie vue et que j’ai rapportée avec
moi, ne pèse que 7 ou 8 grammes ( environ 2 gros );
cette dernière est donc environ mille fois plus petite
que la précédente. Le nombre de toutes celles qui
sont tombées peut être évalué à deux ou trois mille,
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES! 255
: Les échantillons ‘dé pierres météoriques , dont iPaiéré
. question dans ce iéméire , sorit ‘déposés!'au’ ‘Muséum
d'histoire näaturelle.: Le’ citoyent Fhénardi a a: “rire
ên'analÿser D eb ilatrouvé : 0h èeoq
moinoedrq el $ enioe 29vx euoteim ist 49 Leu ajowms el
LOTO : Silice : se 168 m1 $ Sets ot ‘olutif$szo 59w
babe oxidé . ï Se (pe AT Ut
Magnésie So ÉAES |
eut Nickel: > ent '20b r'othob Sh exil 0 Hors
Soufre, environ, ÉRUNE QE. k
O 2ICHIS( IN9rS ego 29
108
sl
D'où il faut retrancher ia quantité d’oxigène qui s’est
unie au métal pendant l’opération. Les divers morceaux
que l’on a essayés comparativement n’ont point offert
de différences appréciables , quoique choisis parmi ceux
que leur aspect ou le lieu de leur chute sembloient de-
voir distinguer le plus les uns des autres.
On voit, par cette analyse, que les pierres tombées
aux environs de l’Aigle sont composées des mêmes prin-
cipes que les masses météoriques jusqu’à présent con-
nues; elles contiennent seulement un peu moins de ma-
gnésie , et un peu plus de fer.
” Ces résultats sont tout-à-fait d'accord avec ceux que
M. Vauquelin avoit déjà obtenus en analysant les pre-
miers échantillons envoyés de l’Aiïgle à M. Fourcroy.
Au reste, quelle que soit l’origine de ces pierres, on
ne doit pas s’étonner de trouver quelques différences
dans les rapports des substances qui les composent,
1806. L *
266 HISMOIRE DELA CLASSE DES SCIENCES
puisqu’ellés sont unies, par une simple ABBÉ EAIIE ’
et non par une combinaison intime. |
“Hfeme suis borné dans.ceite, relation à un. er ex-
posé des faits ; j'ai tAché: de Jes voir comme.tout autre
les auroit vus, et j’ai mis tous mes soins à les présenter
avec exactitude: Je laisse à la sagacité des’/physiciens
les nombreuses conséquences que l’on en ge déduire,
et je m’estimerai heureux s’ils trouvent que j'e ’ai réussi à
mettre hors de doute un des plus étoñnans phénomènes
que les hommes aient jamais observés. °°
AT MAT ÉQU ES EX PAR SHQUES1 y
tir nkert ‘ nn M ELISA, cé oi:
)'10: TO2N9N 13 110 ES 1D9IHS C9 SIirTIOÏL SA
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Par Pierre LE ÉV Ë
194994 281ible
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: HNORISVHON Moi 91 19 1104 2618071 ebnsTe
Lu le 26 floréal an 11.- : Mantlesonliré
Dis sa séance dis 15 floréat dérnios arélasboïa sishlimé
né comifission composée: de: MM Täplace, Rochog
et noi ; ‘pôur ‘lui proposer “ün:: plan : d'observations
à faire sur les marées dans les différens ports de: da
République. Le iémoire suivart renferme les vues: des
corimissaires Sux cet ER core! rpéq otre
» 25 1 eoldstisy 55 È 196d0b 148 L1e61fosir és
Daxs les sciences ire Se ie Blé a ne sont
d’abord qu'une explication plus! ou! moins ingéniéuse
des phénomènes, qui est nécessairement subordonnée
au nombre des fäits conmusetällæprécision avec laquelle
ils ont été observés l:1lce :n’estioà proprement parlér ;
qu'une espèce de:cadre plus -ow:moins étendu: qui em:
brasse ce qu’on corinoît sut l’objet dont il s’agit.
On demeure long-temips attaché à ces‘ premières théo:
ries, ou plutôt à:6es premières ébauches ; le temps! er
268 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
lsnipnie des auteurs leur A re même une sorte de
qu’il seroit nécessaire; et par-à de rendre. la science
stationnaire pendant d'assez longs intervalles de temps.
Ce n est guère que. lorsque la masse des faits devient
assez imposante par leur ensemble, qu’on sé résigne enfin
à abandonner ces explications prématuréés, pour adopter
d’autres principes. L’expérience est le premier et le
principal instrument de toutes nos connoïssances phy-
siques ; cependantil a fallu que l’esprit humain ait fait de
grands progrès pour en être bien convaincu : aussi la
philosophie expérimentale est-elle une science toute
moderne. ÿ
>xMais sisle: nombré:et|là. prétision:des,. observatiôns
peuvent seuls donnef naissance aux véritables théories,
dun sautre ocôtér:ce; n’est que Jorsqu’on est parvenu :à
connoître des véritables-lois defla:nature qu’on sent bien
la! nécessité -des bonnes-obseryations; et:ce n’est aussi
qu’à cette époqueique, dans chaque-partie.des sciences
naturelles, l’art d'observer fait de véritables progrès et
qu'il étend son domäineslloiniss 2o9ne52 25!
Parmi les: grands phénomènes de: ke nature celui du
flux sbbllnls lamer a toujours été un:objet d’ad-
mirationpour:tous les: hommes; et : de -méditation :et
même/de:tourment pour les ‘philosophes: — Pythéas
soupçonna que les'anarées-étoient réglées par la lune ;
Strabon en à passablement:bien ‘décrit les principaux
phénomènes; et de’ tempssen temps ona vu paroître
différentes lopinions sur les causes du flux et reflux de
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 269
laïmer,, dont la plus remarquable par le nombre et le
caractère de :ses partisans est celle de, Descartes. On
“trouve à la vérité quelques passages dans, les auteurs
anciens , qui en attribuent la cause à l’attraction des corps
célestes : mais ces idées, qui n’étoient que de, simples
AROEGUSS sont demeurées stériles jusqu’à Newton : parce
qu’on: n’4 pas réellement de véritables connoïissances
lorsqu'on n’est pas assez avancé pour les soumettre à
l’analyse et en faire l’objet d’un calcul rigoureux; ce
n’est proprement. qu’à cette époque que la science com-
menge:n 110 |
Les observations les plus grossières et même les plus
circonscrites à une localité ont dù, long-temps avant
Pythéas, faire soupçonner que les marées sont réglées
par la lune : tous les habitans des côtes de l'Océan en
ont} diêtre promptement convaincus. Ainsi tout an-
nonçant ce fait avec la même évidence que le retour
des saisons, on ne peut attribuer une grande gloire aux
auteurs qui en ont parlé les premiers : ce n’est pas là,
à proprement parler, une découverte , ni, même une
observation'tant soit peu profonde. Jusqu'à Newton on
a été dans la plus complète ignorance des vraies causes
de ce merveilleux phénomène; jusqu’à lui on n’a cessé
de:s’égarer dans de vaines hypothèses , et on étoit bien
loin de soupçonner qu’il étoit soumis à la même loi
qui règle et détermine les mouvemens des différentes
parties du système planétaire.
Malgré cette profonde ignorance de causes , la navi:
gation, cet art qui met tous les autres à contribution,
270 HISTOIRT DE LA CLASSE DES SCIENCES
a de bonne heure tiré un grand parti des effets, Il a
suffi d'observer que le retard journalier des marées est
sensiblement uniforme , qu’elles reviennent aux mêmes
heures tous les quinze jours , et que les plus fortes ont
lieu au temps des nouvelles et pleines lunes; il'a suffi,
disje, de ces connoissances de fait pour pouvoir cal-
culer lheure de la haute mer avec une précision dont
on se contentoit, ét qui même étoit suffisante pour les
besoins de ces premières AU nie <
- Maintenant que nous n'avons plus rien à desirot-sur
la théorie du flux et reflux de la mer; que, graces aux
progrès de l’analyse depuis Newton , on a suivi tous les
détails et calculé tous les effets avec la précision qu’on
exige dans le calcul des phénomènes astronomiques ;
il est temps de multiplier ét de perfectionner les obser:
vations, non pour confirmer une théorie qui n’a plus
besoin de lêtre, maïs pour assurer la détermination de
plusieurs points délicats du système du monde, et aussi
pour rendre raison de quelques anomalies apparentes
qu’on remarque dans quelques régions du globe, et pour
leur assigner leur véritable cause. On est bien certain
que ces anomalies sont une suite du mouvement général,
qui se trouve alors modifié par des circonstances locales;
mais il faut pouvoir évaluer Pinflaence de ces circons-
tances dans chaque port, ét cela ne pont se faire qué
par de bonnes observations.
La sûreté de la navigation est d’ailleurs fortement
intéressée à ces observations, et aux résultats qui doivent
en être la suite; car, vu le grand tirant d’eau des vaiss
ee En D, ms
MATHÉMAPIQUES ET PHYSIQUES. 271
seaux, il importe beaucoup qu’on puisse calculer avec
écision l’heure de la haute mer, non-seulement dans
l’intérieur des ports, mais plus particulièrement encore
dans Les endroits épineux qui sont vers leur embouchure,
où.les vaisseaux ne peuvent passer avec sûreté qu’au
moment de la pleine mer. Il faut pouvoir régler sa
navigation de manière à ne se trouver dans ces passages
dangereux qu’au moment où ils cessent de l’être ; c’est-à-
dire vers le temps de la haute mer. Enfin toute la na-
vigation côtière a le plus grand besoin de connüissances
exactes sur le mouvement des marées : or il est temps
de mettre la main à l’œuvre, pour faire jouir la marine
et le commerce des avantages résultans de l’état actuel
de nos connoissances. l’utilité publique est le seul but
des méditations et des recherches des physiciens géo-
mètres.
Au commencement du dernier siècle , l'Académie des
sciences sentit vivement la nécessité d’avoir de bonnes
observations : elle présenta. à M, le comte de Pontchar-
train, alors chargé du département de la marine , un
mémoire en forme d'instruction sur la nécessité de
charger des personnes habiles et intelligentes d’observer
le flux et reflux. de la mer, et sur la méthôtle que l’on
doit suivre pour faire ces observations. Le P. Gouye
et La Hire rédigèrent ce mémoire d’après les vues de
la compagnie. Le ministre chargea de ce travail les
professeurs de navigation établis dans les ports, et
l'Académie reçut plusieurs suites d'observations, dont les
principales furent celles faites à Dunkerque et au Hayre
272 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
pendant les années 1701 et 1702, les premières par
M. Baert, et celles du Havre par M. Bossaye du Bocage,
tous deux professeurs de navigation.
Cassini fils a discuté ces observations dans les Mé:
moires de l’Académie de 1710, ainsi que d’autres ‘plus
anciennes faites à Brest en 1679 et à Baïonne en 1680 ;
par La Hire et Picard. Il a pareillement discuté, dans
les Mémoires de ‘1712 et de 1713, une longue suite
d'observations faites à Brest dans les années 1711 et
1712 : elle fut commencée par M. Montier ; puis con:
tinuée et étendue jusqu’à 1716 par M. Coubart, habile
professeur de navigation. Ces dernières expériences sont
particulièrement recommandables par leurnombre ét les
attentions qu’on y a apportées. On doit regretter que
les observations de l’année 1713 aient été perdues. !
Quoique Cassini fût attaché au système de Descartes;
qui étoit alors en vogue, il n’én est pas moins vrai que
son travail au sujet des observations dont nous venons
de parler, a été très-utile, et que pendant long-temps
il a formé les seules connoissances positives que. nous
ayons eues sur le cours des marées. C’est avec le secours
de ce travail que Daniel Bernoulli, aidé d’ailleurs dé l@
théorie, a formé sa T'able du retardement des marées,
qui a été et est encore si utile aux navigateurs. Les
systèmes prématurés périssent, mais les faits sont éter-
nels. Nous pourrions citer une foule d’occasions où
l’Académie des sciences a eu non-seulement en vue les
progrès rationnels des sciences, maïs leur application
aux plus grandsobjets d'utilité publique : aucune société
Lee te
=".
Le
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 273
savante n’a porté aussi loin sa sollicitude à cet égard;
la marine surtout lui aura d’éternelles obligations.
C’est à l’Académie des sciences que l’Europe maritime
est redevable des premières lumières sur la théorie de
la construction des vaisseaux , sur leur manœuvre etes
c’est aussi de son sein que sont sorties les premières
notions judicieuses sur le jaugeage des vaisseaux >'etC.
Outre la théorie , le calcul des marées repose sur des
faits; il repose principalement sur la connoissance de
ce qu’on appelle l’érablissement des ports. Nous en
avons , à la vérité, des tables très-étendues ; mais cette
partie a besoin d’être rectifiée, et appelle votre sollici-
tude. L'établissement de la majorité des ports n’est pas
connu avec la précision que comporte l’état de nos con-
noissances , ni même avec celle qu’exige la sûreté de la
pratique. Une chose assez étrange, c’est que les der-
nières expéditions autour du monde nous ont fourni,
pour des régions éloignées de nous de plusieurs milliers
de lieues , des données plus précises que celles que nous
avons pour beaucoup de ports de notre voisinage,
et que nous fréquentons tous les jours.
La suite des observations de Brest dont nous avons
parlé forme un ensemble dont la théorie fournit tous
les résultats avec une précision imposante. De semblables
matériaux pour les autres ports ne laisseroient sans doute
plusrien à désirer pour la pratique ; mais il seroit toujours
utile d'observer, surtout dans les circonstances où les
causes concourent ensemble pour donner les plus grandes
ou les plus petites marées. Il seroit donc important de
1806, Mm*
274 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
faire des observations lorsque le périgée ou l’apogée de
la lune et du soleil concourent avec la syzygie; lorsque
le périgée de la lune, concourant avec la sysygie , ces
deux astres sont voisins de l’équateur ou des tropi-
ques , etc. Les marées des quadratures, quoique moins
importantes pour les opérations du service maritime ,
ne présentent pas moins d'intérêt dans leur marche, et,
dans tous les cas, les observations deviennent impor-
tantes pour évaluer l’effet des circonstances accessoires.
On observe sans cesse les éclipses , quoiqw’il ne soit nul-
lement nécessaire de vérifier les priucipes sur lesquels
leur prédiction est établie.
La marée de la nouvelle lune de germinal dernier
fournit un exemple de lutilité des observations : elle a
été observée à Brest par notre confrère Rochon. Les
circonstances étoient des plus favorables pour produire
une très-grande marée, et cela est effectivement arrivé;
mais ce qui rend cette observation vraiment importante,
c’est que le temps s’étant trouvé presque calme, cette
marée a été uniquement produite par la cause générale,
sans aucune complication météorologique, et qu’elle n’en
a pas moins été une des plus fortes qu’on ait encore
observées dans ce port. Les observations de cette marée,
faites à Calais par M. Septfontaines, sont aussi très-
importantes.
D’après toutes ces considérations , la classe, dont
l’objet principal est d’étendre ses recherches sur tous
les objets d’utilité publique , ne peut manquer de prendre
un grand intérêt au plan d’observations que nous allons
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 295
lui proposer, et qui doit servir d’instruction aux per-
sonnes qui seront chargées de son exécution. Cet exemple
ne peut d’ailleurs manquer d’être suivi par les nations
étrangères. La classe a sur ce dernier point une influence
réelle par sa correspondance,
Votre commission pense,
1°. Qu’on doit multiplier les observations autant qu’il
sera possible.
. 2°. Qu'il est surtout essentiel d’observer toutes les
circonstances des marées des jours des syzygies et des
quadratures , ainsi que celles des marées des trois jours
qui suivent ces phases.
3°. Les observateurs devront tenir un journal de leurs
observations. Ce journal doit être assez circonstancié
pour faciliter le dépouillement, la comparaison et la
discussion des observations. La forme en est indifférente ;
mais vos commissaires pensent que des tableaux distri-
bués en colonnes ainsi qu’il suit, conviendroient très-
bien.
À la tête de la page de chaqué mois on écriroit heure
vraie des phases de la lune, réduite au méridien du
lieu.
La première colonne contienidroit lé quantième du
Mois ; la deuxième, le temps vrai du passage de la lune
au méridien du lieu, en heures et minutes ; dans la troi-
ième on marqueroit l’heure vraie de la haute mer; dans
la quatrième, la hauteur de la marée en mètres et déci-
males du mètre; dans la cinquième, l’heure vraié de
276 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
la basse mer, et dans la sixième le degré désigné par
Véchelle au moment de la basse mer.
Une septième colonne contiendroit le diamètre appa-
rent du soleil au moment de la haute mer; une hui-
tième, la déclinaison du soleil au même instant, en de-
grés et minutes seulement. Enfin la neuvième et la
dixième colonnes contiendroient , l’une le diamètre ap-
parent de la lune au moment de la haute mer, et l’autre
la déclinaison de la lune au même instant, exprimée
en degrés et minutes seulement. On pourra même se
contenter de remplir ces quatre dernières colonnes pour
les observations de marées des jours des syzygies, des
quadratures et des trois jours suivans.
A ces dix colonnes principales il sera utile d’ajouter
une colonne de remarques et d’observations particulières,
dans laquelle on écrira l’état de l’atmosphère , princi-
palement la direction du vent et sa force pendant la
durée du flot et du jusant; on y marquera aussi la
direction de la marée montante et descendante, Quoi-:
qu’il ne paroisse pas indispensable de tenir note de la
hauteur du baromètre et du degré du thermomètre, il
est toujours utile d'inviter les observateurs à marquer,
autant qu’il leur sera possible, ces deux élémens dans
leur journal d’observations.
4°. Le premier soin des observateurs sera l’établis-
sement de l’échelle métrique des marées. Chacun choi-
sira dans sa localité l’endroit le plus convenable et le
plus à sa portée, on aura surtout soin que le zéro de
cette échelle ne reste jamais à sec, même dans les plus
basses eaux.
EN
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 277
Vos commissaires pensent que, dans les départemens
maritimes , le lieu d’observation doit être hors-de l’en-
ceinte du port, afin d’éviter les embarras inséparables
des grands mouvemens maritimes , et pour avoir la faci-
lité d’y communiquer pendant la nuit. Ils jugent aussi,
en général , que l’extérieur du port est plus convenable
que l’intérieur pour avoir de bonnes observations : ils
proposent en conséquence qu’à Brest l'échelle métrique
soit établie sur la rade, dans le voisinage de l’observa-
toire, et que ces observations soient comprises dans les
attributions du directeur et du sous- directeur de l’ob-
servatoire.
Dans les lieux où les marées s'élèvent à une hauteur
telle que les vaisseaux du premier rang peuvent passer
sans danger dans des endroïits qui étoient à sec quelques
heures auparavant, comme il arrive à: Saint-Malo et à
Granville, il ne sera pas toujours facile de:se procurer
une échelle propre à marquer la haute et la basse mer.
Dans cecas, observateur établira deux portions d’échelle,
l'une pour évaluer la haute mer, et l’autre pour la basse
mer, et, par un nivellementexact, il déterminera de com-
bien le zéro de la première échelle est élevé au-dessus
du zéro de la seconde. Ce dernier parti a plusieurs avan-
tages, et est même indispensable dans les localités où
la mer laisse une grande plage à découvert.
Autant qu’il dépendra d’eux, les observateurs feront
en sorte que ces échelles soient fixes et permanentes :
en conséquence ils les établiront sur les jetées, sur le
revêtement des fortifications, et, en cas de besoin, sur
278- HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
les rochers; ils auront soin qu’elles soient , autant qu’il
sera possible , à l’abri, afin que la grande houpée de la
mer, dans certains cas, ne nuise pas trop à la précision
des observations et ne les rende pas trop incommodes.
Les observations faites en 1701 et1702; par M. Baert,
présentent un appareil commode employé par ce profes-
seur pour diminuer l'effet de ces oscillations nuisibles ;
lequel a été ensuite employé à Brest dans les dernières
observations que nous avons rapportées. Cet appareil
consistoit en un tuyau carré, formé de quatre planches,
ouvert par le bas et fermé en haut par un couvercle percé
d’un trou à son milieu. Ce tuyau étoit placé verticale-
ment , fortemerit contenu, et entouré d’une guérite pour
mettre l'observateur à couvert et lui donner le moyen
d’observer commodément. Dans l'intérieur du tuyau
étoit un flotteur ou espèce de piston fort léger, surmonté
d’une longue tige mince et légère, de bois ou d’un fil
de métal, qui sortoit hors du tuyau , et marquoit par ses
divisions la hauteur de la marée au-dessus d’un terme
fixe. On sent qu'on pourroit aussi surmonter le tuyau
d’une planche verticale, blanchie et divisée convenable:
ment, et faire marquer la hauteur de la marée sur cette
planche par l’extrémité de la tige; on pourroit même
adapter ün erayon à l'extrémité de la tige, qui trace:
roit sur la planche lPascension de l’eau , et fourniroit le
moyen d’avoir la hauteur de la marée dans Pabsence de
Vobservateur. Au reste , vos commissaires abandonnent
tous ces détails à Pindustrie des observateurs ; la seule
condition essentielle étant lexactitude, rien d’ailleurs
n'étant difficile.
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES, 279
11 seroit à désirer qu’on établit des échelles métriques
de marée dans tous les ports; elles seroient d’ailleurs
utiles à d’autres objets de service maritime : mais comme
on ne peut s'attendre que cela s’exécute partout où il
seroit nécessaire, du moins aussi promptement qu’il est
à désirer, vos commissaires pensent qu’il. est indispen-
sable de faire ces établissemens dans les endroits prin-
cipaux, comme à Brest, à Lorient, À Saint-Malo, à
Cüerbourg, au Havre , à Dunkerque et à Flessingue,
Ils observent de plus qu’il y a beaucoup d’endroits où
les observations dont il s’agit peuvent se faire aisément
et sans aucuns frais : ce sont ceux où l’État entretient
des gardiens de jetées, de feux, de signaux, etc. pour
la sûreté de la navigation, tels qu’au Boucaud, à Cor-
douan , aux tours de Chassiron et de la Baleine , au
Pilier, dans divers points des côtes de Bretagne , à
Granville, à Cherbourg, à Dieppe, etc. Ces gardiens
peuvent aisément être stylés pour faire le matériel des
observations, par les professeurs de navigation dans
les ports où ily en a d’établis, et dans les autres en-
droits par d’autres personnes qui s’en feront un devoir
et un plaisir.
5°. Le moment de la haute mer est un point essentiel
à déterminer : il faudra donc que les observateurs s’as-
surent avec exactitude du temps vrai. Dans les lieux
où, comme à Brest, il y a un observatoire, cela sera
facile ; mais dans les autres ports on déterminera le temps
vrai par les hauteurs correspondantes, prises avec un
Ociant, ou avec un sextant, ou avec un cercle de rés
220 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
flexion, au moyen d’un horizon artificiel; et, à défaut
d'horizon artificiel fait exprès, l’observateur pourra faire
usage de la réflexion de l’eau, en garantissant le vase
de l’action du vent.
Pour avoir plus exactement le moment de la haute
mer, on observera , dans l’intervalle d’environ une demi-
heure avant la haute mer, les heures auxquelles la mer
répondra à différentes divisions de l’échelle , et lors-
qu’elle descendra on observera pareillement à quelle
heure elle arrivera aux mêmes divisions. Alors la moitié
de l’intervalle de temps compris entre deux observations
correspondantes : indiquera lheure de la haute mer
d’après ces deux observations. Faisant la même chose
pour chaque paire d’observations correspondantes, par
un milieu entre tous les résultats, on conclura l’heure
de la haute mer avec toute la précision qu’on peut
désirer.
6°. Le moment précis de la basse mer, c’est-à-dire
celui où la mer cesse de descendre , est également un objet
essentiel. Pour le déterminer on doit pareillement faire
usage d'observations correspondantes. En conséquence ;
aux environs d’une demi-heure avant la basse mer l’ob:
servateur notera l’heure à laquelle l’eau arrivera succes-
sivement à différentes divisions de l’échelle , et lors du
retour du flot il notera également l’heure à laquelle la
mer parviendra aux mêmes divisions ; d’où il conclura
l'heure du plus grand abaissement de la mer.
7°. Dans les endroits où l’on n’aura aucune des com-
modités dont nous venons de parler, on pourra encore
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 291
y faire des observations utiles. — Pour avoir le temps
vrai ilsuffira de tracer une méridienne pour y régler une
montre ordinaire. — Jes algues, les flocons d’écume
que la mer abandonne à chaque marée sur les plages
lorsqu'elle se retire, marquent avec précision l’endroit
où elle a monté; il ne s’agit que de déterminér instant
où elle est parvenue à cette hauteur. Pour cela, dans
lintervalle d’une demi - heure avant la pleine mer, il
suffira de planter quelques piquets à l'endroit de la
plage où le flot aboutit , et d’en noter le terñps ; ensuite,
lorsque la mer descendra, on observera sur la: montre
à quelle heure le flot arrivera successivement aux mêmes
‘marques : ce qui fournira le moyen de conclure l’heure
de la haute mer avec une assez grande précision. On
emploiera le même moyen pour déterminer le moment
précis de la basse mer.
* Cesdernièresobservationsne fournissent pas immédiate-
ment la hauteur absolue des marées; mais ayant marqué
sur le rivage l'endroit où la mer s’est élévée et celui où
élle est descendue , ïl est facile de conclure son élévation
totale par un nivellement ; Opération qu’on peut même
remettre à une autre fois, lorsque les marques sont per-
manentes et distinctes. Si lon observoit constamment
dans le même endroit, on pourroit fixer à demeure de
grosses pierres sur le rivage, et transporter une fois pour
toutes leur différence de niveau sur un rocher voisin :
on se formeroit ainsi, sur la déclivité même du rivage,
une échelle très - exacte dont les parties seroient très-
grandes. C’est un fait d’observation que la pente des côtes
1806. N*
282. HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
sablonneuses battues de la mer est constante dans chaque
localité , et que les variations d’une localité à l’autre
sont même assez petites. S’il ne s’agissoit pas de profiter
des édifices déjà construits pour. établir des échelles de
marées, nous préférerions des échelles qui suivroient la
déclivité de la côte aux échelles verticales; leur cons-
truction seroit bien moins dispendieuse et leur usage
plus commode. Lorsqu’elles suivroient exactement la
pente naturelle de la côte, la mer y seroit très-douce,
et les observations plus exactes et plus faciles. Quelques
carreaux de pierre posés à demeure , et un nivellement
une fois fait, seroient toute la dépense.
Dans ce qui précède nous avons prescrit de faire les
observations correspondantes pendant la demi-heure qui
précède l’instant de la pleine et de la basse mer, et pen-
dant la demi-heure qui les suivent; mais ce conseil. n’est
ici donné que pour mettre l'observateur plus à portée de
suivre la marche des eaux ; car nous croyons devoir pré-
venir que les observations correspondantes les plus es-
sentielles , et même les seules essentielles, sont celles
qui ne sont éloignées que de quelques minutes de la
haute et de la basse mer, et que plus elles en seront
proche, plus le résultat qu’on en déduira comportera
d’exactitude. En effet, le moment de la haute et de la
basse mer ne tient exactement le milieu entre ceux de
deux observations correspondans , l’une qui le précède,
et l’autre qui le suit, qu’autant que ces observations
sont faites très-proche de l’instant du phénomène qu’on
veut déterminer. Ce n’est que très-près du maximum et
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 283
du minimum d’élévation des eaux que cela a lieu ; à
une certaine distance de ces points , le temps que la mer
emploie dans le flux à s’élever d’une certaine hauteur à
. une hauteur plus grande, n’est pas égal à celui qu’elle
met dans le reflux à s’abaisser de cette dernière hauteur
à la première.
8°. Il seroit également important de multiplier les
observations des marées dans différentes parties du globe,
dans les colonies , dans plusieurs points des grandes îles,
dans les archipels et les différens détroits qu’ils forment.
On sait qu’il y-a plusieurs régions du globe où l’on
n’observe qu’un seul flux et un seul reflux dans vingt-
quatre heures, au lieu de deux, qui est la loi générale.
On sait encore qu’on a vu souvent, même sur nos côtes,
la marée monter, puis suspendre son cours, et même
descendre pendant quelque temps pour remonter ensuite,
en reprenant sa marche ordinaire. Tous ces faits ne pa-
roissent pas avoir été observés avec le soin nécessaire,
eton doit désirer qu’ilsle soient. Dans plusieurs endroits,
les courans de la mer ont une marche périodique qui
est le résultat des positions et des obstacles environnans :
témoin ce qui arrive parmi cette multitude d’îles situées
à l’ouest de l'Écosse , dans les archipels de l’Inde, etc.
Pour porter un jugement certain sur tous ces importans
objets, il faut de bonnes observations, et de plus avoir
une description exacte de la figure, de la situation et
de l'étendue des côtes adjacentes, enfin de toutes les
circonstances locales. On doit désirer que ces observa-
tims, dont la navigation doit retirer les plus grands
284 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES
avantages , fassent partie des instructions que le ministre
donne aux navigateurs et aux divers employés du Gou-
vernement dans les colonies qui tiennent particulière-
ment à la marine et aux sciences.
9°. Vos commissaires pensent aussi qu’il seroit im-
portant de faire de bonnes observations des marées dans
la partie du cours des fleuves qui en ressent effet; de
déterminer avec précision l'étendue du flot, tant dans
les syzygies que dans les quadratures , etsa vitesse, ainsi
que celle du jusant, dans les différens états du fleuve.
Des connoissances exactes sur tous ces points se-
roient non seulement utiles à la navigation et à la
science des marées, maisencore fourniroient des lumières
importantes pour la confection des travaux dont les
ingénieurs sont chargés , tant pour la bonification des
fleuves que pour différens objets de service public.
Ces instructions ont paru suffisantes à vos commis-
saires , d’autant plus qu’il convient d'abandonner les
autres détails aux lumières et à la sagacité des personnes
qui seront chargées de diriger ou de faire les observa-
tions. Ils pensent en conséquence que si ce plan obtient
l'approbation de la classe , elle doit employer tous les
moyens dont elle peut disposer pour en assurer l’exé-
cution.
© Vos commissaires pensent aussi que le principal
moyen d’exécution seroit :
10. D’adresser une copie du présent mémoire au mi-
nistre de la marine et des colonies , avec invitation de
vouloir bien charger les professeurs de navigation dës
Ant
ee EEE ct ne + ut
PT D SE TE
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 283
ports, ainsi que les ingénieurs des travaux maritimes
qui sont sous ses ordres , de diriger et de faire les ob-
servations dont il s’agit ; pareillement de donner des
ordres dans les ports, surtout à Brest, à Lorient, à
Saint-Malo , à Cherbourg, au Havre , à Dunkerque et
à Flessingue , pour qu’on dispose les objets nécessaires
et pour faciliter le travail des observateurs.
2°, D’adresser pareille copie au ministre de l’inté-
rieur , et de l’inviter à donner des ordres analogues aux
ingénieurs qui sont immédiatement sous ses ordres dans
les villes et lieux environnans où de pareilles observa-
tions peuvent être faites.
gr
FIN DE L'HISTOIRE
1 806. 0 *
RE
MÉMOIRES
| DE LA CLASSE
DES SCIENCES
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES.
MÉMOIRE
SUR L'ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770 (1),
Par M. BuRcKHARDT.
PREMIÈRE SECTION.
Lis observations les plus exactes et les plus nombreuses
sont dues au zèle de M. Messier, qui avoit décou-
vert cette comète, et qui Va suivie plus long - temps
(1) Ce mémoire a remporté le prix dans la séance publique du 15 nivose
an 9. L'auteur ayant depuis été nommé membre de la classe en remplacement
de M. Méchain , a de nouveau présenté son ouvrage auquel il a fait quelques
changemens, mais dans la rédaction seulement , et sans altérer en rien ni les
méthodes ni les résultats.
1806. Premier semestre. 1
a SUR L'ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770.
qu'aucun autre astronome. Le détail de ses observations
se trouve dans les Mémoires de L Académie des sciences |
pour 1776 ; mais, pour éviter les fautes d'impression , je
desirois avoir communication des originaux : un de mes
amis se chargea de les demander à cetastronome célèbre,
qui voulut bien confier deux cahiers, dont lPun étoit
le brouillon même où chaque observation avoit été con-
signée; circonstance qui suffit pour assurer une con-
fiance entière en ces observations. J’ai refait en entier
les calculs pour convertir les différences d’ascension
droite et de déclinaison en parties du cercle. Pour fixer
les positions des étoiles auxquelles la comète avoit été
comparée, j'ai suivi en général le catalogue de la Co-
noissance des temps que M. Lalande neveu a construit
d’après ses observations ; et celles de MM. Delambre
et Zach. Les positions des petites étoiles m'ont été four-
nies par le grand et important travail du même astro-
nome, exceptées trois, que j'ai déterminées moi-même.
I
J’ai adopté les précessions du catalôgue de Wollaston ,
l'incertitude qui existe sux cet élément ne pouvant pro-
duire que quelquessecondes dans les positions des étoiles.
Srepaers Pre
Néanmoins ayant vu depuis dans le Traité de Mécanique
céleste de M. Laplace , qu’il a adopté d’après des recher-
ches nouvelles la quantité de 501 pour la précession ;
j'ai augmenté de trois secondes toutes les longitudes de
la comète, que j’avois trouvées en employant les préces-
sions de Wollaston.
La table I contient toutes les observations de M.
Meéssier : j’ai toujours pris un milieu entre toutes les
SUR LORBITE DE LA COMÈTE DE 1770. 3
déterminations du même jour, à moins que des cir-
constances particulières ne m’aient décidé à faire un
choix; ce qui n’est arrivé que très-rarement. Je me suis
assuré qu’on pouvoit négliger l'influence de la réfrac-
tion , cette correction ne,pouvant changer que d’une
petite fraction de seconde le milieu des observations de
chaque jour que j’ai adopté. J’ai encore examiné avec
soin, sil n’y avoit pas d’autres étoiles qui pussent
satisfaire aux observations de M. Messier : cette attention
devient nécessaire quand il se trouve une interruption
dans la série des observations , par exemple, du 19 au
26 août , mais ce jour même la comète fut observée par
M. Maskelyne ; son observation est parfaitement d’ac-
cord avec celle de M. Messier. D’ailleurs , M. Messier
a-presque toujours comparé la comète à plusieurs étoiles
souvent bien connues , en sorte qu’il étoit impossible de
se tromper , et qu’il ne peut rester le moindre doute à
cet égard. . |
J'ai ajouté au même tableau les observations des autres
astronomes ; j’ai partout. puisé dans les sources, et jai
refait les réductions quand je lai pu : car plusieurs
observateurs n’ont publié que les résultats de leurs
observations. Dans ce nombre est le père Lagrange,
directeur de l’observatoire de Milan : les calculs de
Prosperin et de Lexell m'ont fait soupçonner des fautes
dans la réduction de ces observations , et sachant par
le Journal des Savans de 1791, que M. de Lalande
avoit les papiers du père Lagrange, je lui ai fait de-
mander les originaux. Il n’a pu les trouver, mais il
4 SUR L’ORBITE DÉ LA COMÈTE DE 1770.
m'a fait communiquer un cahier des calculs faits par
le père Lagrange pour réduire ses observations. On verra
qu’il s’y est trompé assez souvent; jai tâché de resti-
tuer les observations, néanmoins il faudra toujours s’en
méfer. a
On trouvera dans le même tableau les observations
de MM. Koœæhler et Krahl, lesquelles n’ont pas été
encore imprimées. Il est bien fàcheux qu’un obser-
vateur aussi habile que M. Kœbhler ait manqué des
moyens d'observer cette comète plus exactement.
Le programme du prix avoit rappelé que les erreurs
des tables du soleil pouvoient influer considérablement
sur les lieux héliocentriques de la comète. Pour éviter
ce genre d’erreur autant que possible , j’ai calculé et
comparé aux tables de M. Delambre les observations
du soleil faites par M. Maskelyne , depuis le 9 mai
jusqu’au 4 octobre 1770. La table TIT en contient les
résultats, où il faut remarquer que j’ai augmenté l’é-
quation lunaire de moitié , conformément à la nouvelle
détermination de M. Laplace , et que j’ai adopté pour
la nutation la table de M. de Zach , qui approche de
très - près de la quantité que M. Laplace a trouvée en
employant la masse de la lune qui résulte de sa théorie
des marées.
La table IV contient les longitudes et les latitudes
déduites des ascensions droites et des déclinaisons obser-
vées, en employant l’obliquité de l’écliptique 23° 28° 4".
J’y ai ajouté les longitudes et les latitudes vraies, ré-
sultantes des longitudes et latitudes apparentes, en y
SUR L'ORBITE DE LA COMÈTE DE 17704 Fe]
appliquant la parallaxe ; l’aberration et la mutation, et
3’ àcause de la correction de la précession. J’y ai
encore ajouté les lieux du soleil , corrigés d’après les
observations et :les logarihmes de ses distances. à. la
! r
terre:
SECONDE: SECTION.
Quorque les élémenside cette comète aient été dé-
terminés par un grand nombre d’astrondmes ; 11 m’a paru
convenable de les rechercher de nouveau sans su ppôser
aucuñe ‘approximation précédente it car ilest très-pro-
bable que tous les autres astronomes avoient connois-
sance des élémens de Pingré et qu’ils ne s’occupèrent
qu’à les perfectionner: : En: choisissant les observations
des. 17, 24 et 29 juin,:et en employant} la méthode
que j'ai exposée n° V,. j'ai trouvé le logarithme -de
M 9.095291 ete —0.21026 , ce qui donne le nœud
ascendant en! 141° 28; l’inclinaison 1° 38’, le lieu
du périhélie en 356° :23'; le ldg. de la distance périhélie
‘9-79790% l'instant dupassage par lepérihélie, 9.105 août.
Ces élémens trouvés par une première approximation
s'accordent très-bien. avec les .élémens de Pingré et, de
Prospérin. La méthode que j’ai: employée et que j'ose à
peirie appeler. la mienne, est la méthode indirecte or-
dinaire , que j'ai rendue plus: facile en y appliquant le
théorème de M. Olbers ;qui ; en donnant le rapport:des
deux distances de la comète à la terre ; n’enlaisse qu’une
A:déterminer pargdes essais. Mais la méthode de M:
Olbers auroit été plus, facile , si je n’eusse trouvé un
6 SUR L'ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770:
théorème qui donne d’une manière fort simple le temps
qu’une comète emploie pour parcourir uñ arc parabo-
lique dont on connoît les deux rayons vecteurs et l'angle
compris. Ce théorème seroit aussi fort mtile à celui qui
voudroit se servir de la méthode de Newton pour‘cor-
riger les élémens d’une: comète. Ma méthode étant tri-
gonométrique n’est pas sujette à la multiplicité des
racines ; objection qu’un illustre géomètre a faite à la
méthode de M. Olbers; le même géomètre a remarqué
‘ quecette méthode ne pouvoit pas s'appliquer aux comètes
dont les orbites sont très -peu inclinées à l’écliptique:
Pour épronver ma méthode , j'ai choisi les observations
des 14,19 et 26 août ;.elle n’y a pas réussi : de sorte
qu'il ny a pas de doute qu’on ne doive alors se servir de
laméthode de M. Laplace ;, laquelle a donné, au moyen
des ‘observations des 2, 6,uo, 14 et 18 août, l'instant
du passage par le périhélie, 16, 27 août, et la distance
périhélie 0.6865 , ce qui tient à peu près le milieu entre
les différentes paraboles de Prosperin. {
J'ai tâché de corriger ces élémens ‘paraboliques par
la méthode de M. Laplace, en employant les ob-
servations des 2 et 26 août, et dw 19 septembre. La
circonstance que l'orbite de cette comète est très -peu
inclinée à l’écliptique rend l'application de cette méthode
très-facile, puisqu'on peut'éomparer dans les premiers
essais les différences des longitudes immédiatement aux
différences correspondantes des anomalies. Si l’on croit
nécessaire d'employer plus. d’exactiwde:, on n’a qu’à
calculer l'effet que les. latitudes produisent sur les
SUR: L'@RBITE DE LA COMÈTE DE 1770; 7
différencesdes longitudes dans une des différentes hypo-
thèses ; alors on pourra supposer cet effet constant dans
les autres hypothèses, et l'erreur, qu’on se permet ,
sera tout-à-fait insensible. Ayant calculé seize hypo-
thèses sans pouvoir représenter ces trois observations,
et ayant réfléchi que. je ne pourrois prouver qu'avec
beaucoup de peine qu'aucune orbite parabolique ne peut
satisfaire aux observations de cette comète , j’ai tâché
de trouver un moyen plus facile pour parvenir à ce but.
J’ai calculé l’instant de l'opposition de cette comète , et
j'ai trouvé pa différentes comparaisons que le 28 ; juin
1770 , à 17 - heures, sa longitude géocentrique et hélio-
centrique fut de 2779 22° 18". Les élémens que j'ai
trouvés ci-dessus , ou ceux de Pingré , donnent pour cet
instant le rayon vecteur de la comète égal à 1,064 ce
qui doit approcher de très-près de la vérité, la comète
äyant passé si près de la terre qu’un changement très-
petit dans ce rayon produit.des erreurs très-grandes sur
‘les longitudes et les latitudes géocentriques,. Aussi les
élémens de Lexell:, dont l’ellipse diffère:heaucoup d’une
parabole , donnent ce rayon vecteur égal à 1.046 ; ce
qui ne diffère que de 0.008 de la détermination précé-
dente. J’aurois desiré fixer. ce,rayon, par les observations
les plus voisines, parexemple;/celles des 29 êt 30 juin eb 1er
juillet ; mais outre qu’une partie de ces trois observa-
tions est sujette à des doutes ; j’avois trop à craindre
Peffet des attractions de la terre pour osér employer des
observations aussi voisines. Si l’on choisit actuellement
une seconde :observation, le temps qui s'est. écoulé
8 SUR L’ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770.
depuis Pinstant de Poppositionjusqu’à celui de la seconde
observation , suffira pour déterminer le rayon vecteur
dans la seconde observation , et la distance périhélie
que ces deux observations exigent. J'ai comparé de cette
manière trois observations , savoir ; celles du 2,août, du
4 septembre et du premier octobre , à l’opposition ob-
\servée.
Le tableau suivant en contient les résultats :
=
Dare RAXON LoGarITRM. Dare Hire LocariTuw,
des distance des ñ distance
obseryat. NEGIÈUE: périhélie. observat. DELIERE- périhélie.
28 juin-. 1:054 28 juin. 1:046 |
2 août.-| 0+6515 | 9-8053 2 août.e 0.645 98013 |
4 sept. «| 0-8524 9-8082 4 septsr4 |, 0.853 : 98082 1!
|
1 octob- 1+241 9-7944 1 octobe 1-2487 9:7925 |
î |
|
Ce qui semble prouver d’une manière incontestable qu’il
est impossible de représenter les quatre observations des
28 juin ; 2 août , 4 septembre et premier octobre ; par
une orbite parabolique.
Voulant continuer mes recherches sans supposer l’or-
bite elliptique ou hyperbolique , j’ai essayé de déter-
miner trois distances de la comète à la terre, J’avois
espéré de poavoir m’en procurer des valeurs approchées,
en cherchant des paraboles osculatrices par des obser-
vations très-voisines : cette idée n’a pas réussi , même en
y employant des observations un peu plus éloignées. En
abandonnant cette idée , il ne me restoit que la méthode
SUR LORBITE DE LA COMÈTE DE 1770. 9
de M. Laplace, : plus commode que celle d’Euler,
et en même temps plus exacte, les latitudes de cette
comète étant aussi petites. Je me suis assuré que l’ano-
malie vraie dans une ellipse ou hyperbole , se trouve
avec une exactitude suffisante au moyen de la table
que M. de Zach a donnée d’après la formule de M.
jonc (1) , tant que la distance périhélie ne surpasse
pas -— du grand axe. J’ai calculé onze hypothèses pour
Le une hyperbole et quatre pour l’ellipse : voici
ces quatre dernières qui m'ont conduit au résultat de
Lexell ; j’y ai employé les observations des 28 juin, 2
août, 4 septembre et premier octobre,
. Première hypothèse. Parabole; instant du passage, 9 août ; logarithme
de la distance périhélie, 9.8010.
Erreurs . ,. «+ . .! 372; — 1743; + 960
Seconde hypothèse. Ellipse; excentricité, 0.9. |
FOUT ... . « 267; — 2956; — 570
! Troisième aber Parabole ; instant du passage, 8 août.
: Gpen ee + SAGE — 1082; “È 1736
zatrième À othèse. Parabole : logarithme de la distance érihélie , 9.808,
pi 5 108 P ? 3:
Erxeurs -mMÉNe —:256; — 159; + 2327
d’où l’on tire les trois équations suivantes ; en sup-
posant que E, D, P soient les facteurs avec lesquels
fl faut multiplier les corrections supposées de l’excen-
(1) Traité de mécanique céleste, t. 1, p. 186.
1806. Premier semestre. 2
10 SUR L’ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770.
tricité, du logarithme de la distance, et dé l'instant du
Passage :
372 — 10.5 E — 62.7 D — 542 P —0
— 1794-31 — 121:3 E + 158.4 D + 661: P — 0
96°0 — 1531 E + 13647 D + 74.6 P = 0
elles donnent
E = + 227; D = + 6.0; P—=—/7s30
et par conséquent l'instant du passage le16 août; le loga-
rithme de la distance périhélie 9.850 ; l’excentricité 0.73.
On voit que la méthode de M. Laplace a fourni avec
beaucoup de promptitude les élémens que Lexell n’a
trouvés qu’avec beaucoup de peine par la méthode
d’Euler. , LI
J’aurois peut - être pu borner ici mes recherches sur
les orbites non rentrantes, mais le résultat est si extra-
ordinaire et les corrections sont si grandes, qu’on pour-
roit craindre , avec raison, qu’il n’y eût des orbites pos-
sibles qui eussent échappé aux interpolations précédentes,
à cause des effets compliqués qui résultent des change-
mens simultanés de plusieurs variables. C’est pourquoi
j'ai tâché de diminuer le nombre des inconnues , et il
m'a paru , que la route que j’ai suivie pour exclure les
paraboles , devoit aussi me conduire à la connoissance
de toutes les hyperboles ou ellipses possibles. Le tableau
suivant montrera que cette idée a parfaitement réussi ;
jy ai supposé le rayon vecteur, le 28 juin, égal
à 1,064 :
SUR L'ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770. 11
Hyperboles.
observat.
Rayon vec.
PRE SRE DIM 1 2
2 août --|| 0.63766| 1:06275|| 0°62543| 1°1240
1 octob..|| 1:2912 | 1-06077| 1-3409 | 1-1183
rt fa à périhélies en'parties de la Hs moyenne
1199 91109781 a £erre au soleil.”
Dares AXE INFINI
x AxE — 20. AXE — 10.
des observations. ou parabole.
2 août. . - 0-63) G-6275 0-6200
1 octobre . 0.625 0-6077 0-5914
On voit que la différence entre les deux distances pé-
rihélies augmente toujours : donc il n’y a aucune hyper-
bole quipuisse satisfaire aux observations de cette comète.
Ellipses.
Darss [GRAND AxE — 20. GRAND AXE — 10. Gran ARE 0e
des || 4, || 1,
observat. || Rayon vec. | Excentric, Rayon vec.{ Excentric.|| Rayon vec. | Excentric.
12 août -.|| 0-6677 | 0:93512|| 0.6860 | 08677 || 07321 | 0-7219
1 octob..|| 1.19038| 0-93616|| 1:1397 | 0-8688 || 1.0384 | 0-7199
12 SUR L'ORBITE DE LA COMÉTE DE 1770.
Distances périhélies en parties de la distance moyenne
de La terre au soleil.
Dares. AXE INFINI
des observations. ou parabole.
AXE — 20. Axe — 10.
2,août .l. je 0-639 06488. |. o.6615
1 octobre . . 0-623 0:6384 06558.
Ilen résulte qu’il n’y a pas d’autre ellipse qui puisse
représenter les observations de cette comète que celle
dont le grand axe est à peu près sept fois le demi-grand
axe de l’orbite terrestre ; ce qui est l’accord avec l’ellipse
de Lexell.
TROISIÈME SECTION.
Ir me reste actuellement à fixer les élémens de cette
comète avec toute l’exactitude que les observations ad-
mettent. Il m’a paru nécessaire de n’y employer que les
observations faites depuis le 2 août, craignant les effets
des attractions terrestres pour les observations faites
dans le mois de juin. J’ai calculé toutes les observations
faites depuis le 2 août dans les cinq hypothèses sui-
vantes :
. Hypothèse de Lexell.
. La même, en y diminuant l'instant du passage par le périhélie de 3 heures,
. La même, en y augmentant le logarithine de l’excentricité de 0.0002000.
; 8 : 5
F5 SP»
. La même, en y changeant le grand axe de manière que le moyen mouve-
ment füt diminué de sa soixantième partie.
5. La même, en y augmentant le lieu du périhélie de 4 minutes,
? 5
SUR L'ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770. 13
+ M. Laplace a remarqué dans son 7Yraité de Méca-
nique céleste, qu’il faut tenir compte de n.
des équinoxes , si l’on veut déterminer le grand axe d’une
orbite avec toute l’exactitude possible ; jai ajouté pour
cela aux longitudes héliocentriques de la comète , La
quantité dont les équinoxes avoient avancé depuis l’ins-
tant du passage par le ÉMhélie jusqu’à l'instant de
chaque observation. Voici les équations de condition que
ces cinq hypothèses m'ont fournies , où j’ai laissé les
dixièmes de seconde sans prétendre à une si grande
exactitude ; £est le facteur avec lequel il faut multiplier
la variation supposée de l'instant du passage par le
périhélie pour avoir l’instantwéritable ; eest le facteur de
la variation de l’excentricité ; a le facteur de la variation
du grand axe; p le facteur du changement du lieu du
périhélie.
2 août + 530 — 223.5 p — 664:2 # + 602:2 e — 4081:3 a — 0
3... + 48-3 — 205.0 p — 6220 £ + 5768 e — 3892-5 a — 0
4e. + 36:3 — 188.0 p — 579:7 £ + 533.2 e — 3701.:2 a — 0
54 « « H 120 — 170:3 p — 538.8 rs + 530.0 e — 3518.0 a — 0
6. . . + 17°0 — 155«1 p — 503.0 & + 505.5 e — 3349-0 a — 0
8. . . + 23.4 — 126.5 p — 438.0 # + 460:5 e — 3059-2 a — 0
10. . . + 144 — 101-2 p — 398.9 £ + 417+2 e — 28144 a — 0
11. +. — 24.3 — 91:7 p — 350-3 # + 398.0 e — 271226 a — 0
12, . + + 47 — 78+0 p — 323.3 # + 382.5 e — 2616.4 a — 0
14... + + 16.6 — 57.9 p —.284:7 2 + 364.8 e — 244125 a = 0
15, . « + 3722 — 48+7 p — 2612 & + 352.5 e — 2359:7 a — 0
18. . e + 53 — 23.7 p — 203.5 + + 324.5 e — 2168.3 a — o
19% . + 204 — 150 p — 186°5 # + 316-2 e — 2126-7 a — 0
2/4) stat + 77-60 + 215-4 p — 102.6 5 + 284.5 e — 1920.4 a — 0
26... + + 473 + 26.5 p — 92°0 t + 280.5 e — 18980 a — 0
28. … +488. + 36°2 p —æ 71:88 F + 273.5 e — 18516 a — 0
14 SUR L'ORLITE DE LA COMÈTE DE 17970.
29 août + 88 + 412 p — 647 1 + 272°0 e — 1839-0 ad = 0
30... + 6.9 + 45.3 p — 57.0 t + 269:7 e — 1830.3 a — 0
Die 7-5 + 48.5 p — 49.5 t + 267.5 e — 1821:7 a — 0
4 sept. + 24:7 + 608 p — 249 f + 2611 e — 1798:7 à — 0
5e... + 6:34 65.3 p — 20.6 # + 260.2 e — 17871 à — 0
8... — 5:2+ 78.4 p — 8.6 & + 257.3 e — 1768.6 a — 9
Dee + + 22:9 + 81:-6 p — 5.3 t + 257°0 e — 17616 a — 0
144 4 + 23.3 + 95.3 p + w:° £ + 255:0 e — 1777:0 a — 0
17, +. + 5-6 + 103-2 p + 13.4 4 + 253.4 e — 17816 a — 0
_18. . + — 19°9 + 105-9 p + 14+3 £ + 252.7 e — 17853 a — 0
19. + + — 22:06 + 108.3 p + 15.7 £ + 252+1 e — 17869 a — 0
20e « « — 21°9 + 110.6 p + 168 # + 252.5 e — 1789-4 a — 0
29 + «+ + 68.6 + 130.8 p + 22.5 # + 252.5 6 — 18251 a — 0
1 octob. + 43:7 + 135.2 p + 24.5 # + 253.9 e — 18364 a — o
2 . + 40:35 + 137.4 p + 2412 tu 253.0 e — 18416 a — 0
Pour déterminer les quatre inconnues , j’ai ajouté
toutes les équations depuis le 2 août jusqu’au 12 août ;
et depuis le 14 août jusqu’au 9 septembre; enfin, de-
puis le 14 septembre jusqu’au 2 octobre : la somme des
deux premières sommes ma fourni l’équation (1), leur
différence l’équation (2) ; la troisième somme m’a donné
l'équation (3). Pour obtenir une quatrième équation ,
j'ai changé les signes dans les équations des 14,15, 18
et 19 août, je les ai ajoutées alors aux équations du 25
août jusqu’au 9 septembre.
Voici ces quatre équations :
+ 498.6 — 9794 p — 583141 # + 84672 e — 57117+8 a — 0 esse (1)
+ 15541 — 1699-2 p — 2965.35 1— 384.6 e+ 2371+4 a — 0 ++... (2)
+iigei + 9269 pæ+ 139°3 #4 202541 € — 14423:3 à — 0 ++... (3)
+ 1679 + 6502 p + 438-954 1325.3e — B180:8 a —O +...e (4)
SUR L’ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770. 19
ou, si l’on divise chaque équation par le coefficient
de a,
“+ 0-00872933 — 00171470 p — 0-1020890 £ + 01482410
Gi OL Se Linie se + © 0 (19
œ
2H 0-06540440 — 07165386 p — 1:2504425 £ — 01621827 e
Î Di —NON AUS SUR es + A2)
+ 0:00811881 — 0-0642607 p + 0:0096580 4 + 01404048 e
AE ONE ges) set el ARS T'en le Pure]
— 0-02052366 + 0-0794788 p + 0-0536500 £ + 0-1620013 e
Di Os laol al e 0 eltetlee à 0 (4)
En éliminant a et en divisant par le coefficient de #,
on obtiendra les trois équations suivantes :
© Æ 0-005463414 — 0.7284986 p — 1 + 0-07012447 e — 0 . (5)
Æ 0:059255400 — 05256978 p — £ — 0.01755171 e — 0 . (6)
+ 0:075731370 + 0-6204340 p + r + 0.08835484 e — 0 , .. (7)
On trouvera de la même manière, en éliminant #,
— 02652454 — p + 04323265 e ra eh ibn ite (8)
—H10:7513542 — p + 1:4665240 6e —d . . « « « « » (9)
et par conséquent
+ 1:0165996 + 1-0341975 e — 0 PRE ve Me A ar a A a
d’où l’on tire
e — — 0:9829835; p — — 0-690235
£ — + 0:439353; a — — 0-170007
Ces-valeurs donnent :
Le logarithme de l’excentricité — 9-8950962, et excentricité 0.7854095.
Le lieu du périhélie, 356° 13’ 40”. |
L’instant du passage par le périhélie , 13 août 116 45’ 55”, ou 1349022 août.
Logarithme du demi grand axe, 0-4971800.
Logarithme du demi-paramètre , 0-0805284.
16 sur L’'ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770.
Ces élémens donnent les erreurs suivantes :
Le 9 sept.
Fed’ .2.1e
Le L7es, 20
LES Ge
Pehor ere
Le/202, 7
Le 26. .
Le 1 octob.
Le.i25:
p
SALE
ee
oi
2
EE
4.
où
6.
8
10.
LIHHEEEEEHEI
ED IAE EE
Les erreurs sont plus petites que dans l’hypothèse de ,
Lexell ; la somme de toutes les erreurs est presque zéro ;
néanmoins il est peu probable que les erreurs depuis le
3 jusqu’au 14 août soient toutes négatives.
Essayons de perfectionner nos élémens. Jai substi-
tué les erreurs de mes élémens au lieu des constantes
dans les équations de condition précédentes, d’où j’ai
tiré en ne changeant que les constantes dans les équa-
tions (1)... (10),
e — — 1°758327; p — — 1:2737
t — + 0795576; a — — 1:055
Ces corrections sont sans doute trop fortes : on voit
facilement que les grandes erreurs des 25, 26 et 28 août
ont produit ces résultats fautifs ; ces trois erreurs in-
fluent beaucoup sur trois des quatre équations finales ,
puisque la somme de toutes les autres erreurs est presque
ZéTO.
Ce. e-00p
SUR L'ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770. 17
En rejetant ces trois observations et les équations
qui en résultent, j’ai obtenu les quatre équations sui-
vantes :
— 161/0 — 1339-3 p — 4398-2 £ + 44259 € — 297446 a — O sr. (1)
+ 0.3 275.8 p — 1166-5 # + 32038 e — 21703-2 & —0O ver. (2)
— 4-6+ 926-9p + 139:3 4 + 2025-1 e — 14423-3 a — Oo +... (3)
+ 19-1+ 566.1 p+ 705-31+ 486.8 e— 2510:8 a —O +r.r. (4)
d’où jai tiré, en négligeant les constantes des équa-
tions (2) et (3),
£ — — 0:28706; e — + 0*17705
a — + 0:04637; p — + 0-37809
ce qui donne:
L’instant du passage par le périhélie, le 13 août, 12* 37° 35”, ou 13.526106
août.
. Le logarithme de l’excentricité.. , ... . . .,.. . . 9.8951316
Bféxtenincitet Ni MOMENT EN QUe ele te en sf Je 40:7034736
* Le logarithme du demi-grand axe . , . . « . . . . . 0.4974080
Le logarithme du demi-paramètre . . . « 4. .:. . « . : 0.080642:
La durée de la révolution, 5.573296 ans; son logarithme . 0.746112
Brenidwipémhelie "ee RTE OA ve ce 280: 19 Brit
‘Avant de comparer ces élémens aux observations, j’ai
voulu fixer plus exactement le lieu du nœud et l’incli-
naison , élémens que j’avois supposés jusqu’à présent
tels que Lexell les a donnés, sachant qu’ils n’influent
guère sur les valeurs des autres élémens. Les observa-
tions des 2, 3, 30, 31 août, premier et 2 octobre,
m'ont donné le lieu du nœud en.132° 8, et l’inclinai-
son, 1° 34’ 40’.
1806. Premier semestre. 3
18 Ÿ SUR L'ORBITE DE LA COMÈTE DB 1770.
“Voici les erreurs en longitude de mes nouveaux
€lémens :
Le 18 août
Le 9 sept.
Lena nu
Leu7. . .
Let18-.112 .
Le 19. .
Leo...
Le 290.7
Le x octob.
Lee,
.
© ©
ON # # CAN NN
© M RAR 6 0 Co CN
Le 4 sept.
De P3IeRe
Le 8.
HHHIII EX
en
TEE EI EE EI
+
+
+
L
+
QU ©
Ces élémens représentent les observations beaucoup
mieux que les premiers élémens. L’erreur du 2 août est
un peu plus grande que celles des jours suivans; mais
c’est la première observation de M. Messier, et son
instrument ne fut pas aussi bien vérifié que les jours
suivans. Cette réflexion doit s'appliquer aussi à l’obser-
vation du 25 août, qui est la première que M. Maskelyne
a faite. |
Pour fixer le lieu du nœud et l’inclinaison de Porbite
avec toute l’exactitude possible, jai converti les lati-
tudes géocentriques observées en latitudes héliocentri-
ques. J’ai formé les équations de condition dont l’usage
répété na donné :
Le lieu du nœud ascendant en, . « . . .« . . 131° 54° 54"
L’inclinaison de. l'orbite. . . , « .,. + « . . 1°:34 31°
Ces élémens donnent les quantités suivantes pour les
erreurs héliocentriques en latitude :
SUR L'ORBITE DE LA COMÈTE DE 17704 19
Le 18 août
Le 19 .».
Le 25. .
Le 6. .
Le 28...
+
es
D
=
Le]
Os
ei
&R
9
SO
a
Le 29.
Le 30 .
Le dti.ie
Le. 4 sept.
Le, 551%
Ter 8-1. .+
mn
n
ER a Ep ol
+
+
LE
TU"
2e
}
CR
Mt PH SI EH]
GX O2 63 EnO tn S
AS 0 Co 0 Gb
L'observation du 20 septembre est douteuse, et la
marche des erreurs prouve que l’erreur du 19 septembre
est du côté des observations. D'ailleurs les erreurs géo-
centriques sont plus petites que les erreurs héliocen-
triques, et une machine parallatique change facilement
de position lorsqu'on fait aller la vis du micromètre pour
observer les différences de déclinaison.
QUATRIÈME SECTION.
Tr, s’agit actuellement,de fixer les élémens de l’orbite
que cette comète décrivoit avant que la terre eût exercé
ses attractions. Les observations du mois de juin étant
trop peu nombreuses, on ne peut guère se passer des
secours de la théorie. Les formules qu’Albert Euler a
données dans le mémoire qui a remporté le prix de
l’Académie de Pétersbourg en 1762, me paroissoient les
plus faciles, et mes calculs étoient trop avancés lorsque
j'ai reconnu qu’il auroit été plus exact et presque aussi
20 SUR L’ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770.
facile d'employer les formules de M. Lagrange. Néan-
moins il sera facile de juger de lincertitude qui existe
dans les données de la théorie, puisque j’ai calculé les
changemens que les attractions de la terre devoient
produire dans lPexcentricité, dans le grand axe et dans
le demi-paramètre. J’ai trouvé le changement de l’ex-
centricité — 0.0001222; elle étoit, après les attractions,
0.7854736 ; donc, avant les attractions, 0.7855956. J’ai
trouvé de même le changement du demi-grand axe
— 0.002651; il étoit, après les attractions, 3.14346:
donc, avant les attractions, 3.145ÿ7. De-là résulte le
demi -paramètre avant les attractions, 1.20{4026. On
trouvera ce même demi-paramètre égal à 1.2042934, si
l’on applique l’effet des attractions, savoir — 0.0002499
au demi-paramètre après les attractions, que nous avons
trouvé auparavant égal à 1.2040435. Prenant un mi-
lieu, on trouvera le demi-paramètre, avant les attrac-
tions , égal à 1.204348 , et son logarithme. . 0.080752
Le logarithme du demi-grand axe . . . 0.497751
Le logarithme de l’excentricité . . . . . 9.895204
Ces élémens et les huit observations faites depuis
le 15 jusqu’au 27 juin, suffisent pour déterminer les
autres élémens de l’orbite que la comète décrivoit avant
les attractions. 1
J’ai trouvé, au moyen des équations de condition,
L’instant du passage par le périhélie . . . . 13.53480 août.
Tele du) péxtheleE EN RPC EL. 560160 2%
Denendu nude NES. 019110204408
L'inclinaison de l'orbite, . . , . . « , . : 1°:33° 507
SUR L'ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770.
21
+ En comparant ces élémens aux observations , on
trouve les erreurs géocentriques suivantes :
Juin 1770.| En Lone1T.
EN &ATIT.
1973
9-5
27-6
Juin 1770.
Le
Le
Le
EN-LoxG@1T.
— 2571
— 21.2
— 15:7
En-raTir,
— 45" 7
— 21.8
— 247
2745 Le . | + 56.5 + 61.5
Ces erreurs sont tout-à-fait insensibles, si on les rap-
porte au soleil ; il suffit, par exemple , de changer d’une
seconde la longitude héliocentrique de la comète, le 27
juin, pour faire disparoître l’erreur géocentrique de 56”.
Cet accord est une nouvelle confirmation des valeurs du
grand axe et de l’excentricité que j’ai trouvées par les
observations faites après les attractions. L’impatience
de savoir comment les différentes branches de l’orbite
s’accorderoient entre elles, m’avoit engagé à faire les
calculs que je viens de détailler, avec les premiers élé-
mens corrigés, qui s’accordoient déja assez bien avec
toutes les observations de la seconde branche. J’ai alors
trouvé :
0.497523
9-895170
Le logarithme du demi-grand axe |. . . . 1. .
Le logarithme de l’excentricité . . + ._. . . .:.
0.080622
356° 161 38 à
13.5283 août.
Le logarithme du demi-paramètre . . . . . . .
Le lieu du périhélie. . . . . . . LAN MIS
L'instant du passage par le périhélie
22 SUR L'ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770:
. Ces-élémens donnent les erreurs suivantes en lon-
gitude :
Le 15 juin... . . - — 9° Le 22... eo. 50 927
HONTE lsMlaite Fe UeNepte + 74 id né hi Gris — 47
Lespor.wi | dise | emigdiuti]) Leiabin & init ol 1 49
Le2i........ +10 Le 27 . 4 « + + | + 120
On voit que les erreurs sont beaucoup plus considé-
rables que dans l’hÿpothèse précédente; ce qui prouve
que 1es élémens que j’ai fixés pour les deux branches de
l'orbite de cétté comète se confirment mutuellement.
Je n’ai pas employé les observations du 28 juin jus-
qu’au 4 juillet, les perturbations y influent trop. Voici
pourtant les erreurs que mes élémens donnenit :
EnneURsS GÉOCENTRIQUES. ERREURS HÉLIOCENTR.
En lo + 55” Messier. + 1"8 Messier.
) SOS { + 29" Maskelyne.| 09 Maskelyne.
Le 26 juin.
| En latit.
=
+ 3 47" Messier. + %“o Messier.
re
+ 3° 25° Maskelyne. 6"o Maskelyne,
L’accord de deux observateurs prouve que c’est l’effet
des attractions qui a diminué la latitude de 3 ? minutes.
On voit aussi que les erreurs en latitude sont plus
grandes que celles de la longitude ; ce qui doit être, la
comète étant presque perpendiculaire au plan de Péclip-
tique.
SUR L'OBEITE DE LA COMÈTE DE 1770. 23
Erreurs
ERREURS GÉOCENTRIQUES ? F
R L héliocentriq. À}
Le 29 juin.
es longitude. . . 536
En latitude. . , » 21°0
En longitude . ?, . 9*76
L ÎEn latitude. . 54-0
Le 1 juillet . . | En longitude . 33.0
Le 2 juillet . « | En longitude. 18-0
Le 3 juillet . En longitude . ) 29-0
Le 30 juin. .
Qu'il me soit permis d’ajouter, à la fin de ces recher-
ches, une remarque sur la formation des équations de
condition. Il paroît plus simple , au premier coup d’œæil,
de convertir les longitudes et latitudes géocentriques en
héliocentriques, aussitôt que les élémens sont assez ap-
prochés pour pouvoir donner les rayons vecteurs de la
comète avec une exactitude suffisante. Il est néanmoins
beaucoup plus exact et plus sûr de calculer les effets
que les changemens dans les: élémens de loxbite pro-
duisent sur les longitudes et latitudes géocentriques , et
de former avec ces données les équations de condition,
Qu’on regarde, par exemple, les coefficiens de p dans
les équations, précédentes, on voit tout de suite que-les
équations , depuis le 14 août jusqu’au 4 septembre, ne
sont. pas très-propres à déterminer cette inconnue. On
ne s’en seroit pas douté si l’on avoit employé la pre-
mière méthode, où le coefficient de p seroit constam-
ment de 240.
La durée de la révolution trouvée par les derniers
24 SUR L’'ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770.
élémens ne diffère que d’un jour et demi de celle qu'on
trouve par les premiers élémens corrigés. Les observa-
tions ont suffi pour faire reconnoître la nécessité d’une
correction aussi légère. Cela prouve qu’on peut obtenir
dans ces sortes de recherches une exactitude dont on ne
les a pas crues susceptibles, en employant un grand
nombre de bonnes observations.
M. Messier a estimé plusieurs fois # diamètre du
noyau de cette comète, en le comparant à l’épaisseur
des fils de son micromètre. Voici ces diamètres réduits
à la distance 1: |
Le 17 juin. . 3”7 Lunette ordinaire, d’un mètre de longueur.
Le) 22 JL, 34
ne 24 ta ris 6-2 Lunette acromatique , d’un mètre de longueur,
Le 29: . . . 2.2 Lunette ordinaire.
Le 1 juillet. ‘1e € s
Le 2 août.. * 23.2
Léa ne eue 25
Deili8 4.1. 40 2029
On voit que ce diamètre, vu avec la même lunette,
diminuoit toujours plus la comète approchoit de la terre;
ce qui prouve qu’on ne pouvoit pas assez distinguer le
noyau de la nébulosité, et qu’on confondoit toujours
une partie de l’atmosphère avec le noyau.
CINQUIÈME SECTION.
AyanrT prouvé qu'il n’y.a qu’une ellipse de cinq
ans et demi qui puisse satisfaire aux observations de la
comète de 1770; et sachant qu’il y a:parmi les anciennes
SUR L'ORBITE DE LA COMÈTE DE 1970. 2h
comètes plusieurs dont les élémens sont assez mal con-
nus, j’ai voulu essayer si je n’en trouverois pas une
dont les élémens corrigés approcheroient de ceux de la
comète de 1770. J’ai vu dansle grand ouvrage de Pingré,
que Houttuyn avoit trouvé deux orbites différentes pour la
comète de 1702, et qu’il n’avoit pu déterminer ni l’incli-
naison ni le lieu du nœud. Le travail du célèbre Lacaille
sur cette comète n’ayant pas été publié, on ne savoit pas
quelle précision on pouvoit accorder aux élémens; j’avois
donc l'espérance que mon travailseroit utile, quand même
les deux comètes ne seroient pas identiques.
Il étoit assez difficile de reconnoître les petites étoiles
auxquelles les observateurs avoient comparé la comète de
1702 ; il m’a été même jusqu’à présent impossible de les
retrouver pour les dernières observations de Bianchini, à
cause des fautes d'observation et d’impression; heureu-
sement celles de Kirch ne sont pas sujettes aux mêmes
inconvéniens. C’est le grand et important travail de M.
Lefrançais Lalande , qui m’a fourniles moyens de recon-
noître les petites étoiles ,et qui m’a fourni en mêmetemps
leurs positions exactes. Voici les observations de cette
comète : é
20 avril 1702.
Braxcæint l’a comparée à une étoile que je n'ai pas pu retrouver, Kirch
a fixé sa position en 297° de longitude | mais ce n’est que par des alignemens.
23 avril 1702.
Les trois étoiles auxquelles Bianchini a comparé la comète, se trouvent
dans la Connoïssance des temps, années 7 et 8.
1806. Premier semestre, À
26 SUR L’ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770.
Ascéns. droite. Déclinaison,
: CS mm Cd =”
L'étoile 4 de Bianchini avoit en 1790 . 258° 28° 51" et og 3° 45" B.
D.0b Ausionrh Hyeres de 0464280, 28 443 4et:8 49h 0%
Br de Ua te RENE Cale PS0" 49 127 Cr 047 ADS
Ce qui donne pour 11! 2', temps moyen à Paris:
Ascension droité de la comète ... + .:.: 257° 47° 18”
Déclinasson à eMeles 2: US Namiele 0° 121,370 B:
Poneitudes eee Dee U200 0/10 Nu
Téamde lo, ON ANT ER, ARMES, 18156704"
26 avril 1702.
BraxcomrNr a comparé la comète à À d’Ophiuchus, en observant la diffé-
rence des passages par lé inéridien et la différence des hauteurs. Il en résulte,
à 13h 23° 40", temps moyen à Paris:
Ascension droite de la comète . . . . . 243° 43° 58”
Déclinfüsoh érinatetrenelrs sinus 2° 26 48" B.
Éonpiude tee ete 2/10 32 142E
latitude ee Mel ane Ne teee20 0 LONO
57 avril 1702.
L'érorze de 8 9 grandeur à laquelle Bianchini a comparé quatre fois la
comète, avoit en 1797, ascension droite, 242° 41° 15", et déclinaison bo-
réale, 1° 7’ 34”, et la comète avoit à 9" 56° 36”, temps moyen à Paris:
Ascension droite se ee esse de 2410000
Déclinaisonts eMeMelte = elle re tenle 1° 14° 58” B.
Longitude, . ns ja +: ou lise ue je 239° 6" 25!
TA TE AE ES AR EE Le 215 DA nés |
Premier mai 1702.
L'érorre a de Kirch, ou la trente-sixième du, Serpent, avoit em 1800,
ascension droite, 235° 12' 516, et déclinaison, 2° 28° 17" australe, L'étoile.
SUR L’ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770. 27
de Kirch avoit. em800, ascension droite, 236° 23 35”, et déclinaison,
10 33° 48” australe. En réduisant les distances de Kirch à la même heure,
on trouve à 11" o', entre a et la comète, 1° o' 40”; entre d'et la comète,
o° 51° 23”: ce qui donne pour 10" 12° 36”, temps moyen à Paris:
Ascension droite de la comète . . . . . 234° 20° 14”
PÉbhnateon te ete elle le al ee nette laide LMD 10 A
Longitude CM EN EN 2520 64851
Latitude}. ten. ere pellelle je ue 27 420 50B,
Kirch a encore mesuré les côtés du triangle formé par l'étoile a, par #
du Serpent et par la comète; mais ce triangle a un angle fort obtus, de
sorte que je n’ai pas osé l’employer.
4 mai 1702.
#
L’éroize à de Kirch, ou la trentième du Serpent, avoit en 1800, 234°
37° 8” d’ascension droite, et 3° 11° 29” de déclin. australe; l'étoile 4 de Kirch
avoit à la même époque 233° 29° 35” d’ascension droite, et 3° 11° 29” de
déclinaison australe. En réduisant les deux distances observées à la même
heure, au moyen de l’observation du 5 mai, on trouve à 10" 4o' la dis-
tance entre la comète et l’étoile 3, égale à 1° 24° 6”, et entre la comète et
Vétoile 4, égale à 34 46”; ce qui donne à 9" 52° 15”, temps moyen, à
Paris :
Ascension droite de la comète. . . . . 232° 3° 39
DES Fe NME MER SUP OSEO AS Ce AE
MORE’ eee AU et ea este el DD ASIE
battude ruiner. ds nie Dual oo TIR
Si l’on compare les résultats que je viens de donner
avec ceux que Maraldi a publiés dans les Mémoires de
l'Académie des sciences pour 1702, on y trouvera des
différences très-sensibles; de sorte qu’on ne sera plus
étonné que Houttuyn ait trouvé deux orbites différentes
en employant différentes observations.
26 SUE L’ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770:
Voici les élémens que j'ai tirés de ces observations
par la méthode de M. Laplace :
Lieu du nœud ascendant . . . . . . 6° 8° 59° 10"
Inclinaison de l’orbite.. . . . . . . 4 24 44”
Lieu du périhélie . . . . , . . . . 4° 18° 46° 54”
Logar. distance périhélie . + . . . . 9*8:10790
Instant du passage par le périhélie, 1702, 72.613 jours, ou 13 mars 14! 42° 43"
Sens du mouvement. . . .« . + . . .< Direct.
Ces élémens donnent :
ANNÉE 1702. Longit. calculée.| Correction. | Latit. calculée. | Correction.
20 avril . . . | 296° 5259 42° 42'14"B,
255 44 12 31 55 37
241 8 32 23 17 5
239 2 48 21 44 49
232 56 44 17 3 49
230 32 50 19/T 32
Il est à remarquer que les erreurs héliocentriques sont
beaucoup plus petites que les erreurs géocentriques, et
que l’observation du 4 mai est plus exacte que celle du
premier mai, qui n’a été faite qu'avec une lunette de
deux pieds. Il sera facile de perfectionner les élémens
que je viens de donner, lorsqu’on aura reconnu les étoiles
dont Bianchini s’est servi le 20 avril , le premier et le 4
mai, et je me propose de m’en occuper aussitôt que les
circonstances le permettront. Mais on voit facilement
que les observations sont beaucoup meilleures, et les
élémens beaucoup mieux connus que Pingré n’avoit osé
l’espérer.
SUR L’ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770. 20
SIXIÈME SECTION.
Js me flatte d’avoir prouvé d’une manière incontes-
table, par ce qui précède, qu’il n’y a ni parabole, ni
hyperbole, ni ellipse fort alongée, qui puisse satisfaire
aux observations de la comète de 1770, et que cette
comète a vraiment décrit une orbite de cinq ans et demi.
La solution de la question difficile pourquoi on n’a pas
vu une comète d’une révolution aussi prompte avant
1770, pourquoi elle n’a point reparu depuis, est avancée
d’un pas, puisqu'on est assuré actuellement que c’est
par l'attraction de Jupiter qu’il faudra tâcher d’expli-
quer ce phénomène intéressant du système du monde.
Lexell a cru que les attractions de Jupiter en 1767 avoient
diminué la révolution de cette comète d’une manière
aussi extraordinaire ; et que les mèmes attractions lui
avoient rendu en1779 une orbite fort alongée ; hypothèse
que Boscovich a adoptée. Il paroît difficile d’admettre
deux effets opposés produits par la même force et agis-
sant à peu près dans les mêmes circonstances. Si l’on
admetun changement total de l’orbite, dont l’astronomie
n’a pourtant pas encore d’exemple , ilseroit plus probable
de supposer les mêmes effets à la force attractive de
Jupiter en adoptant l’hypothèse , que cette force quiavoit
raccourci l’orbite de cette comète en 1767 l’ait encore
raccourcie en 1779, et d’une manière beaucoup plus
sensible, puisque la comète approchoit beaucoup plus
de Jupiter en 1779 qu’en 1765, et que cetie distance
50 SUR L'ORPBITE DE LA COMÈTE DE 1770
fut encore diminuée par les attractions mêmes. Cette
comète aura peut-être augmenté le nombre des satellites
de Jupiter, sans que les observateurs aient pu laper-
cevoir. En effet, la distance de cette comète au soleil
seroitalors cinq fois plus grande qu’elle n’étoit à l'instant
où elle cessoit d’être visible en 1770; sa distance à la
terre seroit au moins quatre fois plus grande qu’elle
n’étoit à la même époque, de sorte que la comète auroit
quatre cents fois moins de lumière qu’en octobre 1770.
Le voisinage de Jupiter doit encore affoiblir beaucoup
une lumière déja si foible, et l’on n’auroit aucune raison
de s’étonner si nos meilleurs télescopes ne suffisoient pas
pour la découvrir.
Néanmoins il ne seroit pas impossible que lorbite
de cette comète jouit de la stabilité que possède notre
système planétaire, dont elle semble faire partie en oc-
cupant une orbite très- peu inclinée vers l’écliptique, et
située dans la place vide entre Mars et Jupiter, où lana-
logie paroît en exiger une. On objectera qu’on n’a pas
revu cette comète depuis vingt-cinq ans qu’on connoît
son orbite, pendant lesquels elle auroit dû reparoître
quatre fois; que les astronomes attendoient son retour
en 1781, et qu’ils l’ont cherchée en vain : tâchons d’ap-
précier au juste la force de cette objection, et voyons
quelles sont les circonstances favorables à la découverte
de cette comète. Ayant dessiné l'orbite de la comète et
celle de la terre, j'ai cherché le jour où la comète étoit
le plus près de la terre dans les différentes hypothèses
pour son passage par le périhélie, et sa plus courte dis-
SUR L'ORBITE DE LA COMÈTE DE 17704 3x
tance à la terre. J’ai perfectionné ces résultats en calculant
quatorze orbites, dont on trouvera le tableau à la fin de
ce mémoire (n° VI). Il s’en suit qu’il n’y a que peu de
mois où le passage par le périhélie est favorable pour
découvrir cette comète; qu’il n’y a que peu de jours où le
passage par le périhélie puisse nous faire voir la comète
à la vue simple; que la comète n’est souvent visible
que le matin, où le crépuscule et le voisinage de J’ho-
rizon doivent affoiblir sa lumière. Il est mème pro-
bable que cette dernière raison auroit fait manquer la
comète dans la seconde branche de son orbite en 1770,
quoiqu’elle fût assez belle; car le seul astronome qui
s’occupoit avec zèle et avec succès de la recherche des
comètes , étoit obligé de quitter son observatoire, n’ayant
pas l’horizon assez libre. Si l’on ajoute à ces causes par-
ticulières les circonstances générales qui sont nuisibles
à la découverte des comètes, telles que le clair de la
lune , le mauvais temps, etc. si l’on se rappelle qu’il n’y
avoit alors que deux astronomes français quis’occupassent
de cette branche importante de l’astronomie : on ne trou-
Vera pas trop invraisemblable que cette comète ait pu
échapper quatre fois aux yeux des astronomes. Il est
vrai que les astronomes attendoïent son retour en 1781,
ét qu'ils s’occupoient par conséquent beaucoup plus de
sa recherche; maïs cette circonstance même peut avoir
contribué à la faire manquer : cat il résulte d’un calcul
fait avec une exactitude suffisante que l’action de Jupiter,
depuis le 20 juin jusqu’au 20 juillet 1779, a augmenté
4e deux mois la durée de la révolution de cette comète;
32 SUR L'ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770.
et en faisant abstraction des carrés des forces perturba-
trices , l’action de Jupiter augmenteroit toujours la durée
de la révolution jusqu’à ce que le rayon vecteur de la co-
mète devint plus petit que celui de Jupiter. La comète
devoit donc passer beaucoup plus tard par son périhélie
qu’on ne l’avoit espéré. Les recherches infructueuses
qu’on avoit faites en 1781, devoient avoir dégoûté un
peu les astronomes qui s’en occupoient , et la découverte
de la nouvelle planète achevoit de détourner leur atten-
tion et leurs regards de notre comète.
Il m'est agréable de pouvoir finir ce mémoire en re-
marquant que c’est un Français à qui l’on doit la décou-
verte de cette comète, et que c’est le même astronome
qui l’a seul suivie avec un zèle infatigable; c’est à ses
observations exactes et nombreuses qu’on doit la connois-
sance de l’orbite vraie de cette comète. Ce phénomène inté-
ressant, qui semble promettre beaucoup d’éclaircissemens
sur la théorie des comètes, doit encourager les astrono-
mes à s’occuper sans relâche de perfectionner et de com-
pléter cette partie de nos connoissances astronomiques.
La recherche de la comète de 1770 devient plus facile
par la circonstance qu’elle se trouve toujours dans le
zodiaque ,excepté le petit nombre de jours où approchant
très-près de la terre sa latitude devient très-grande ; mais
elle est aussi alors visible à la vue simple. Quand on
l'aura retrouvée, on ne la perdra plus : les géomètres
se réuniront aux astronomes pour calculer l’instant et
Pendroit où elle doit reparoître. Actuellement l’intervalle
de trente ans, pendant lesquels il faudroit calculer les
SUR L'ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770. 33
attractions, est trop grand pour ne pas effrayer un peu.
Néanmoins si le grand géomètre qui a enrichi l’astro-
nomie physique de tant de découvertes importantes,
youloit s’occuper des formules nécessaires à cet objet,
s’il croyoit qu’on püût avoir quelque confiance dans
le résultat final, l’auteur de ce mémoire se voueroit avec
plaisir à ce travail pénible.
on TT
No 7 Ter
Tableau des observations de la comète de 1770.
15 juin 1770.
i
| Temps moyen. | Asc. proyre:| DicrrNArson. OssErRvATEURS,
£ D. M. Ss. D. M. S.
11 23 922 272 58 18-5| 26 18 57 A. Messier.
11 49 37 272 58 3.5| 16 28 - Le même.
14 6 16 Arai ar Ee-même
17 Juin.
Em —
Baurioin 39 273 5 48.5| 15 47 13 A, Meéssier.
| 12 46 58 273 5 56.0! 15 46 18.0 de totlo E
| «12.149 7 273, 8 43:0| 15 44 59-0 CA METRE
La différence de déclinaison surpasse un degré dans la dernière obser-
. DES. | SOS 1e z . , .
ation; j'ai pris le milieu entre les deux premières observations ; Savoir:
Messier.
SE RP |
Premier semestre. 5
| 11 59 16 273 5 52.6 15 46 46 A.
O6
3 SUR L’ORBIVE DE LA COMÈTE DE 1770.
7
eo juin 1770.
ne ——
Temps Moyen. |Asc. prorre-| Décrinatson. | * Onsenvareuns.
Hs | Me) Se D./ mi, D. M. 5»
10 40 47 273 20 58.0! 14 19 48-0 A. | Messier,
HUE 273 21 58-0| 14 19 43-0 s'IRsT
1 AOL 4 273 22 48.5| 14 19 48-0 sprl! relie
Milieu des 2 dern.
11 25 20 273 21 53.0| 14 19 45-5 A.
La première de ces trois observations est douteuse, à cause des nuages.
21 JUIN.
10 27 46 273 27 13-0| 13 40 40.0 A. | Messier.
Les 439 273 27 28-0| 13 39 42.0 A. |. . . . .
Milieu
10: 46 13 2793 27 20:5| 13 4o 11-0 A. |. . ,
22 Juin.
273 35 15-0| 12 49 480 A. | Messier.
273 35 15.0
273 35 26-0
59 273 35 18-0
RE —— —————— —_———
| Si l’on y ajoute le mouvement de la comète pour 1" 10° 59”, on obtiendra
273 35 43-0| 12 45 46-0 À. | Messier.
L'observation du passage par le méridien donne
SUR L’ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770.
Temps Moyen.
H. M. 6
12 9 38
FA Milieu :
Asc. proie: |
D. M, s.
273 35 53-0
re
72°0
273 35 2 590
Déczinaison.
D. M. s.
12 46 6.0 A.
42-45 580
12 45 59-0
12 46 1-0 À,
, Comparant ce résultat an précédent, j'ai adopté
| Ê : à
| parée à sept étoiles.
35
OBsERVATEURS.
Messier,
EH pelte
«+
|
Î
Ë
12 9 38 273 35 52.0| 112 46 o-0 À. | Messier.
24 Juin.
121,3 h8 273.58 3.0| 10:24 32:0 À, | Messier.
M2 20: 22 273 57 50o.0| 10 22 32.0 SAGE SANS F
12 44 58 273 57 25.0| 10 21 58.0 La
15 005 99% 273 56 48:0| 10 19 35-0 MR TUE
La première observation est le résultat du passage par le méridien;
|| il m'a semblé qu’elle mérite la préférence, la comète ayant été com-
25 juin.
| 13 27 55 274 15 17*0| 8 30 21-0 A. | Messier.
13 38 34 274 14 47-0| 8 29 12-0 A. |. . . . .
| Milieu
PARA 15 274 15 2:0| 8 29 47-0 A. |.
j 10 39 ,18 * | 274 7 9 *| 8 56 44. o*A. Tagrange à Milan.
36 SUR L'ORBITEÉ DE LA COMÈTE DE 1770.
26 juin 1770.
Temrs moyen. | Asc, prorrre| DécriNAISsON. OBSERVATEURS,
Mt B: D. M: 8! . M. 8. ( {
BUTS 274 31 16 * d Krahl, à Meissen.
Es 274 35 10.0 Lagrange, à Milan.
1100 274 37 o * Weiss, à Tyrnaw.
M. Krahl a -observé le passage par le méridien avec un quart de
cercle en bois de 2 pieds ?, fait par lui-même avec beaucoup d’exac-
titude. Il a trouvé entre » du Serpent et la comète, différence des
passages, 8' 35”, et différence des hauteurs, 3° 34° 0”; d’où M. Koehler
a conclu la position de la comète donnée ci-dessus,
Le P. Lagrange a comparé la comète à une étoile de sixième gran-
deur, au moyen d’un réticule rhomboïdal. L'étoile a été observée
par M. Lefrançais : sa position apparente étoit 274° 30° 2” et 5° 51° 107
australe, L'observation a été faite à 11} 4° 18° 2, temps de la pendule,
et je n’ai rien trouvé qui püt m'indiquer la correction de la pen-
dule. En général j’ai été obligé d'emprunter le temps vrai des observa-
tions du P. Lagrange d’une lettre de l’abbé Boscovich, imprimée dans |
les Mémoires de l'Académie des sciences pour 1776, page 628; c’est |
pourquoi je les ai marquées d’un astérisque, comme tous les résultats |
que je n’ai pas vérifiés moi-même.
M. Weiss n’a publié que le résultat de ses observations,
M. Hubert, à Wurzbourg, a déterminé la position de la comète par
des alignemens, depuis le 26 juin jusqu’au 3 juillet, Voyez les Éphé-
mérides de Vienne, année 1772, page 260.
sur LYORBITE DE LA COMÈTE DE 1770. 357
27.JUin 1770.
DROITE- | Décrinatson. OBsERVATEURS.
D. M. $S
lie: D. M. &.
275 12 39-0| 2 13 33.0 A. | Messier.
275 13 1-0] 2 9 53.0A. |. . . . .
2 11 43.0 À.
2 43 52:0 A.
275" 12 50.0
275 9 26.0
Lagrange.
Lagrange a comparé trois fois la comète à.» du Serpent; je n’aipu
employer que la dernière comparaison, dont le temps vrai est connu par
la lettre de Boscovich.
Rittenhousen a observé à Philadelphie, à 9 heures, avec un sextant de
Hadley , entre Wega et la comète, 4o° 44'; entre Atair et la comète,
22° 6°: d’où il a conclu la longitude de la comète! 9" 5° 41’, et sa
latitude boréale 21° 15°. Il m’a semblé inutile de réduire cette obser-
vation de nouveau, celle de M. Messier étant beaucoup plus exacte,
28 juin.
10 46 33 276 4 18-0| -3 10 7°0B.: | Messier.
MA NDO Nr 7 276 13 37:0| 3 48 44-0B. | Darquier.
13 53 7 276 12 40.0] 4 13 45-0B. | Maskelyne.
ss. + «à - + | 276 1 56.0] 2 48 12:0B.. | Lagrange. }
‘11 21 6 * | 276 4 58 *| 3 21 5-0%*B.| Zanotti et Slop, à!
Bologne.
10 8 12 * | 275 47 26 *| 2 50 8.0 *B.| Krast, à Kameneuzi.}
“11 55 58 * | 296. 3 o *| 3 13 45-0* B.| Weiss, |
11 14 7 * | 276 42 55 *| 3 3 30.0 *B.| Krahl.
Darquier a observé le passage de 14 comète au méridien.
Lagrange à comparé la comète à à de l’Aigle.
Zanotti, Krast et Weiss n’ont publié que les résultats de leurs ob-
servations.
Krahl a observé les passages de la comète et de À d’Antinoüs.
. Lambert.a trouvé à 9" 51’, temps moyen à Paris, la longitude de la
comète 9° 6° 34', et sa latitude boréale 26° 52’, en mesurant les dis-
tances de la comète aux étoiles voisines avec un micromètre objectif
d’un très-petit foyer. Il auroit été plus exact d’observer les différences
A} d’astension droite et de déclinaison. (Voyez Mémoëres de mathéma-
tiques, par Lambert, t. III, p. 305.)
:È
+ —
38 SUR L'ORZITE DE LA COMÈTE DE 17704
29 Juin 1770.
Temps moyen. | Asc. prortee| DéÉcLiNaAIsoN. O2sEBVATEURS.
D. Ma. !|, D. M..,5.
277 44 11.0] 13 31 o-0B. | Messier.
277 46 56.0| 13 49 0-0 ATOUT
277,53. 1x0), « . este + ee le
277 54.50-5|,14 45.26-5B. |. +: je -
277 53 16.0| 14 47 0 B. Darquier.
277 42.24.0! 13.20 48 B. Lagrange.
279 6 32.*| 32 54 42 * B. Kraft
277 49 50-0! 14 36 45 *B: Zanotti." ?
vs #
OO + or 0
O AR © b D
La dernière observation de M. Messier, et celle de M, Darquier,
ont été faites aü méridien. ;
Lagrange a comparé la comète à € de l’Aigle. .
Rittenhousen a observé à 9", méridien de Philadelphie, entre Wega
et la comète, 22° 25’; entre Atair ét la comète, 18° 8°: d’où il'a
conclu sa longitude 9*10° 9’, et sa latitude boréale 39° 21°. |
Lambert a trouvé à 9" 36!, temps moyen à Paris, la longitude 9* 9° 32’,
et la latitude boréale 37° 56’.
LL
Kochler a observé à Dresden, avec un micromètre appliqué à une
lunette de 14 pouces, les différences suivantes :
A 104 54', entre la comète et « de l’Aïgle .. . . 4° 27" 18”
A aot-55', éntre la comète et la 111° d'Hercule . 4° 34° 20°
entre « de l’Aigle et la 111° d'Hercule . 4° 21',10"
Le temps a été déterminé par une montre vérifiée par une méridienne,
SUR L'ORBITE DE LA COMÈTE DE 17704 39
30 juin 1770.
Temps Moyen. | Asc. proitTEe | DécrinAtson. OBsERVATEURS.
H. M. S. D. M. Ss. D. M. S,
Lagrange.
La comète a été comparée à d° de la Lyre.
| Lambert a trouvé à 10! 36/, temps moyen à Paris, sa longitude 289° 18,
et sa latitude boréale 59° 9’.
Rittenhousen a observé la distance entre Wega et la comète, 5° 42’;
l entre Ataîr et la comète, 34° 50’: d’où il a conclu sa lonpitude 293° 36’,
l et sa latitude boréale 642_o', à 9 heures, méridien de Philadelphie,
Koehler à observé avec le micromètre dont il s’est servi le 29 juin,
mais qu’il avoit appliqué à une lunette de trois pieds,
A 9" 29', entre 8 de la Lyre et la comète . .‘ 1° 36° 17”
A 9" 30° :, entre g de la Lyre et la comète . 29 1° 9”
entre g et 8 de la Lyre.. . . . 1° 58° 31°
Premier juillet.
322 59 39 à 78 7 0.0 *B.| Zanotti.
Lambert a déterminé la longitude de la comète 56° 38’, et la latitude
boréale 72°°0', à 11° 31, temps moyen à Paris.
2 juillet.
66 32 23.0
62 26 5.0 *
9 50 56 *
3 74 56 16.0
13 20 25 *
78 16 18 *
Lagrange.
© Zanotti.
h Lagrange a comparé la comète à la neuvième de la Giraffe; la diffé-
rence d’ascension droite létoit 28° 16” = de temps, Lagrange a trouvé
3143" +, ayant fait la soustraction en sens inverse. Lagrange s’est encore |
trompé sur la position de l'étoile, dont!il a voulu déterminer l’ascension
droite par + du Scorpion. ‘
Lambert a trouvé à 10h 46', temps moyen à Paris, longitude de da
comète 82° 4', et sa latitude boréale 41° 13°.
Rittenhousen a observé sa distance à Capella égale à 12° 7', et à de
Cassiopée égale à 35° 31’; d’où il a conclu sa longitude 84° 32', et sa
latitude 33° 50',.à 15 heures, méridien de Philadelphie. | i
40 SUR L'OREITE DE LA COMÈTE DE 1770.
3 juillet 1770.
Temps vrar. |Asc. DrRoITE-| DéÉcziNAISON. OZsERVATEURS.
me re dE D. Me. 8» D. Se
14 25 18 * | 85 38 47.0 | 47 44 45-0 B. | Lagrange.
Î
Rittenhousen a observé à 15h ?, méridien de Philadelphie, la dis-
tance de la comète à Capella, 8° 18’; à Wega, 95° 56°: d’où il a
déduit sa longitude 87° 29', et sa latitude boréale 21° 30”.
2 août.
14 57 31 24°3 | 22 29 24-0 B. | Messier.
15 53 28 49-0 | 22 29 4-0 ARE TS
Milieu
15 15 29°5t, v.
ou
15 21,13 t. m. 36.6 | 22 29 140
3 aoït.
a __———
14 39 30 8 | 24 50.0B. | Messier.
19 14 4 2 25 34.0 :
15 18 30 .5 24 56.0
Milieu
15 ALU Où
12 9 40 t.m:
TANT 14 . 21 49«6 dout.|
el
D
14 16 14
)4 32 48
14 48 38
15 fa 161
15 27 34
Milieu
14 42 23 ou
14 47 57 t. m. . 5-0 B.
20 44°6B.
20 36.8
20 30-0
39-7
54-0
D bb DR D
OO b &
SUR L'ORBITE DE LA COMÈTE DE 17704 4
5 aoft 1770.
Temps vraï. Asc.'DRo1TE+ | DÉcLINAISON." OssERVATEURS.
H. M. 5. D. M: s: D. M. S.
14 33 16 97 48 49: 22 16 39.8 B. | Messier.
14 49 46 97 49 27: 22 16 30.3 51 PCRE
15 8 1 97 49 27+ 22 16 25.3 ANS
15 16 37 97 49 53: 22 16 51:-2 SA OMEE:
Milieu |
14 56 55 ou À
15 2 23 t:m. | 07 49 24. 22 16 36.6 B. |. . .
6. aoft.
22 13 24.5 B. | Messier.
22 12 403 nil De
22-12 49+3. Mae te
C Messier.
Cette observation lest, bonne ; mais il y a une erreur,de 10" au moins
sur le temps de l’une des deux comparaisons. L'étoile d des Gémeaux a
VE:
passé par le fil horaire à 2* 46" 35° =, temps de la pendule, dans la
première observation. La seconde observation commence par une étoile
qui a passé au fil horaire à 2h 40° 55”, Je n’ai pas employé cette ob- |
servation. C’est aujourd’hui que M. Hoffmann, habile opticien et
amateur instruit et zélé d’astronomie, revit notre comète dont il avoit
entrepris la recherche. Ilen donna avis à M. Koehler, qui l’observa le
jour suivant. M. Krahl, à Messen, ne la revit que le 13 août.
1806. Premier semestre. 6
“
42 SUR L'ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770.
8 août 1770,
Temps vrAI. ii DROITE - | | DécLiNAISON. OBsERVATEURS.
He Me S. : fie (ee D. M. S.
NMatus08 14:20 | 22 4 .63-7 B. | Messier,
14 41 24 14 57-0 | 22 4 51-79 Re are
14 46 7 15 13-0 4 48+7
10022 15 5o-0 4 452
Milieu
14 42°07 ou
|14 47 7tm. 46, 3.0 4 49-8
M. Koehler fit à Leipzig les observations suivantes; il n’y a pas
|
lui-même grande confiance.
À 14" 12', entre [a comète et # des Gémeaux . « 3° 23° 53”
A aire uote Cela mé ENS te 180). +38) 1
A 14» QG 1 ORDER pr reenerer arret ESRI RCE
dE: à
l 14 43 14 ou 99 47 50-0 | 21 59 57-0 B. | Messier.
| 14 48 12 t. m.
M: Messier a marqué celte (observation comme douteuse, c’est pour-
| quoi je n’en, ai pas fait usage.
SUR L'ORBITE DE LA COMÈTE DE:1770; 43
10* août 1770.
Temps vrar. )| Asc. Déczinaïson. OBsERVATEURS.
H. M. S. + M. Ss. 1] D. M. #..
14 9 39 . 58.17-0B. | Messier.
w” | 14 16 55 . 58 17-0 1
M 14 25 35 58 12-0 .
14 34 44 pe 57 47-0 .
n' | 14 41 28 . 57 28-0 |.
A 14 56 1 57 45-0
À 15 18 7 - . 58 3.0
( Milieu À è
14 37 4 ou
14 41 53 t. m. 57 59-0B.
aoït.
14 18 45 100 50 :12-0 54 26.0 B. | Messier.
14 27 11 à 100 50 27-0 Spraè.ai Cdi. Fe . «
14 40 28 100 51 32-0 53 2.0 dl certe
14 49 42 100 51 47-0 53 3.0 -h Là
Milieu : ù
14 34 1ïou
14 38 41 t. m. | 100 51 53 43.0 B.
7
12 aoft.
14 41 57 50 -1-:0B. | Messier.
15 4 35 : 49 46.0
| 15 23 17 : 50 ro.o
à 15 25 57 . 49 22-0
Milieu
15 6 56.5 ou
15 13 25.5t.m. 49 50-08.
44 SURIL'ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770.
14 août 1770:
Temps wRAT: Asc. mwrRortee | Déczinaison. OBsERVATEURS:
H. Me |.8: D. M... D. M.:5.
14 33 22 102 34 50-0| 21 42 3.0 B. | Messier.
14 54 3u 102 34 57.0 21 41 57e CA OR
15 14 ‘31 102 35 5.0| 21 41 OL
15 24 31 -[ 102 35 20-0| 21 41
Milieu
15 1 43.5. ou
15 5 51 t. m. . 21 41
1
15 39 38 11 41.0] 21 37-42-0 B. | Messier.
15 52 42 12 11-0| 21 37 40-0
16 o 37 : 12 41-0| 21 37 39-0
Milieu
15 50 59 où
15 54 55 t. m. 12 ee 21 37 40.0 B.
19 aoft.
14 21 13 . 25 42.0 B. Messier.
14 40 4 . 25 32-5
15 o 48 . 23,11. 5
15 19 59 25 18-0
Milieu
14 50 31 ou
14 53 50 t. m. : 25 26.0 B.
+ SUR L'ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770. À5
19 aoft 1770.
Temps vrar: |Asc. prorre-| Déczinarson. OZsERVATEURS.
H. M. S. : . M.
14 30 13 . Messier.
14 54 36
4 Milieu
L: 14 42 25 ou
14 45 30 t.m.. +5] 21 21 ,0*0B.
23 août.
| Lambert trouva, à 14" 16’, temps moyen à Paris, la longitude de
la comète 107° 19', et sa latitude australe 1° 11°.
25 août.
H. M. S. D. M. Ss. D. M. s.
15 18 30 t.m. | 109 43 31.0] 20 51 15.0 B. | Maskelyne.
15 39 38 t,m, | 110 26 o.0| 20 46 30.0 B. | Messier.
15 37 43 110 25 47-0| 20 46 51.0 Maskelyne.
Milieu
15 58 40-5t.m.| 110 25 53.5] 20 46 40.0 B.
46 SUR IL'ORPBITE DE LA COMÈTE DE 17704
28 août 1770.
Temps vrar. |Asc. prortTe.| Décrinarson. OBsERVATEURS.
H. M. 8. D. M. 5: D. M. S.
14 k 111 46 21.5| 20 35 28- Messier.
15 111 47 4210 | 20 35
Milieu
14 55 38 ou
14 56 21 t.m. | 111 47 o1-8| 20 35 :
15 18 49 111 47 44-0| 20 55 Maskelyne.
Ce qui donne
14 56 21 111 47 4:5| 20 35 lie Role
IJ’ai adopté par un
milieu
14 56 21 t.m, | 111 47 2.5| 20 35 26.5 B.
Koehler observa, à 15° 30', méridien de Leipzig, distances sui-
vantes de la comète :
À n des Gémeaux . .
A à des Gémeaux , . .
À g des Gémeaux , .
A p des Gémeaux
| Il croit ces observations fort bonnes.
| »
29 aoït.
15 21 28 29 45-0 30 2-0 B. | Messier.
15 43 6 30 16.0 29 28-0 HiBAI EE ©
16 3 34 30 54-0| 20 29 27-0 .
16 24 52 31 46-0| 20 29 26-0
Milieu
15 53 35 ou
15 53 39-5t.m,.| 112 30 40.0 29 30.0 B. | MEt eus
15 30 11 112 30 2.0 29 46.0 Maskelyne.
Ce qui donne
15 53 39.5 112 30 42.8 29 40.0 PHE es te
SUR L’'ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770, 47
30 août 1770.
Temps vrar. |Asc. proire-| : DÉcziNAïsoN. OgsERvVATEURS.
H. M. S&. D. M. S. D: M. S.
14 48 15 :. 113 9 55-0| 20 23 27-0 B.
15 6 8 113 10 38-0| 20 23 32.0
15 26 24 113 11 .o-0| 20 23 30-0
Milieu
15 6.56 ou
15 7 3t.m. | 113 10 30.0
2a 23 30.0 B.
31 août.
14 38 26 113 51 o0-.0| 20 18 1-0 B. |, Messier.
15 19 5 113 52 0-0] 20 17 53-0 1 PE
Milieu ‘
14 58 45 ou x
14 58 33.5t.m.| 113 51 30.0] 20 17 57:0B. |. . ... .
2 septembre.
À 15h 22", méridien de Leipzig, M. Koehler obserya la comète presque
au milieu, entre / des Gémeaux et la 314° de Mayer ; d’où M. Kochler
a conclu la longitude de la comète 113° 29° 45”, et sa latitude australe
1° 11° 41°
4 septembre.
15 6 47 116 34 5.0] 19 52 -10-0 B. | Messier.
| 15 17 09 116 34 5o-0| 19 52: 50 |. , . . .
| 15 33 39 116 35. 5.0| 19.51 48.0 COMTE
[| 25 49 56 116 35 44.0] 19 52 4-0 SHC MU
| 16 12 55 116 36 40.0! 19 51 38-0 BU OR
Milieu
15 36 5 ou
15 34 36 t.m. | 116 35 17-0] 19 51 57.0 E' orcdale
48 SUR L'ORBITE DÉ LA COMÈTE DE 1770.
8 septembre 1770.
Temps VRAI. Asc. DROITE+ Décrinarsow. OBsERVATEURS,
H. M. &. * a: 18: Di M. 6.
14 50 22 14 47+5| 19 45 16.5 B. | Messier.
15 4 28 14 47-5| 19 45 13.5 Dos à
15 16 40 15 31+0| 19 44 59.0
Milieu
15 3 50 ou
1502 2it- mn. 15 2.0| 19 45 10.0
8 septembre.
15 59 49 119 15 50-0| 19 24 43-0 B. | Messier.
16 8 30 119 15 54-0| 19 25 6-0 18 Lie
Milieu
16 425 ou
16 1 35 t.m. 119 15 52.0! 19 24 55.0 Le
md
9 septembre.
1900009 119 52 42-0| 19 18 1-0 B. | Messier.
15 9 39 119 53 W.o] 1937 2360 2? SNUMNEN,S,
15 25 14 119 53 11-0| 19 17 32-0
Milieu
15 13 35 ou
15 10 24 t.m, | 119 52 58.3] 19 17 39-0
10 septembre.
16 26 23 €. m. 120 31 10-0| 19 9 23-0 B. | Messier.
SUR L’ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770. 49
14 septembre 1770.
l
| Temps vrar. |Asc. prorTe-e| Décrinaisow. OsBsERVATEURS.
— ———————————
| H. M. S. . M. D: M. 5. Messier.
| 14 21 17 3 o 59-0| 18 42 31-0 B.
14 38 38 18 42 14-0
! s a 12 3 18 42 21-0
1 12 18 42 19-0
| Milieu AP
14 58 5 ou
| 14 53 13 t. m. 2 10-0| 18 42 21.0
|
16 septembre.
À 15b 20’, méridien de DADRE? M. Koehler a trouvé par estime la
_ longitude de ke comète 122° 17 36”, et sa latitude australe 1° 12° 28”.
17 septembre.
124 52 29-0| 18 19 23-0 B. | Messier.
124 52 44.0| 18 19 21-0
124 52 59-0| 18 19 18.0
124 52 44-0| 18 19 21-0
18 septembre.
‘ 15 36 31 125 27 35.0 25-0 B. | Messier.
16 2 20 125 28 5.0 17*0 cMriebre
16 16 13 125 28 20.0 12-0 D CPR
Milieu
15 58 21 ou
15 52 6 t.m. 125 28 o:0 17*0
1806. Premier semestre. 7
Ho
19 septembre 1770.
SUR L’ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770:
Temps vrai.
H. M. S.
15 25 39
15 36 25
Milieu
15 31 2 ou
15 24 26 t. m.
35 33 43 t. m.
Cette observation est
15,33 47
15 47 46
16 49 26
Milieu
16 3 40 ou
15 53 43 t. m.
15 33 56
164402
Milieu
16 79 “o}uou
15 58 26 t. m.
Asc.
DROITE.| DécLriNaïson,
D. M. 6. D. M. 8,
126 2 26.0| 18 5 30.0 B.
126 2 41°0| 18 5 57.0
126 2 34.0| 18 5 282
20 septembre.
126 37 1-0 17 57 380
douteuse,
29 septembre.
131
131
131
131
22 27°0
Premier octvbre.
16 35 18.0 Be
16 34 36-0
132 19 55.0
132 21 41.0
132 20 48.0] 16 34 57.0
OBsERVATEURS.
Messier,
Messier.
Messier.
SUR L’'ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770. 51
2 octobre 1770.
Temps vraïr. Asc. proITE-e| DéÉcLciNAtsoN. OBsEeRVATEURS.
H. M. S. D. M. s. D. M. S.
15 54 30 132 48 45.0| 16 27 20.0 B, | Messier,
16 49 44 132 49 45.0| 16 26 58.0 RE.
Milieu
16 22 7 ou
16 11 14 t.m. | 132 49 15.0| 16 27 9-0
ND) ET,
Ascensions droites et déclinaisons apparentes des étoiles
auxquelles M. Messier a comparé la comète.
| AscENS. DROITE. DécziNAïsoN. Évoizess. ANNÉE 1770.
D. M. S.
90 15 23.2
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314 de Mayer .
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B.
B.
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9-4
g°1
3.0
5.0
7°0
6.5
7-0
h2 SUR L'ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770.
ASCENS. DROITE. DéoczrinaisoN. Érorres. ANNÉE 1770.
€ Cancer. . . 10 septem.
329 de Mayer :
d':Cancer.." :) . | 14000.
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383 de Mayer
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A.
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A.
A.
A.
B.
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B.
A.
A.
A.
J’ai calculé, pour les étoiles auxquelles la comète a été
comparée pendant plusieurs jours, les changemens d’ascension
droite et de déclinaison dans l'intervalle de dix jours; ce qui
m'a donné le changement diurne ayec une grande exactitude.
SUR L'ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770. 53
No III. Observations du soleil faites à Greenwich
en 1770, par M. Maskelyne, comparées aux tables
de M. Delambre.
La correction moyenne est — 5”3; elle est égale à celle qu’on a faite depuis
aux étoiles employées dans les calculs, et se réduit conséquemment à rien.
Temps MOYEN
à Paris.
4 juillet
7. ONCE
H.
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LonerTunE
observée.
SIG. D.M. S.
18 48 29-7
1 19 46 21.8
24 35 17-5
25 33 2.6
26 30 45.5
29 23 50-0
3 14 12.5
11 51 43+7
14 43 56.4
16 38 34.8
17 35 52.6
19 30 31-2
D D & DR
2125 6.5
22 22 18.5
23 19 34.5
24 16 48.8
25 14 4.7
26 11 17-0
1 54 58.3
641 7-9
12 24 11°0
15 15 48.9
SOUS D D D D D D
oc
16 12 57.6
31710 4.0
LoncrTuDE
calculée.
SIG. D.M. S,
1 18 48 36.4
1 19,46 28.5
1 24 35 22.9
25 33 6-1
26 30 49-0
29 23 51+9
3 14 25.4
11 51 51-3
14 44 13
16 38 40.6
17 35 59-12
19 30 54-5
CR
D D
DB D D
2125 7.2
22 22 23.4
23 19 39-2
24 16 55.9
25 14 10-.9
26 11 25.4
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CoRRFCTION
des tables.
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54
Temps Moyen
à Paris.
12 juillet
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SUR L'ORSITE DE LA COMÈTE
LonGITuDE
observée,
SIG, D, M, S.
1 42.5
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1 56 17+2
3 20.5
33.5
12°
34-7
3 20
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ESS
©
4 14 53 271
4 15 50 59-2
4 16 48 311
4 19 41 25.6
420 39 31
42430 3.5
4 27 23 29-2
5 017 10-2
5 311 6.6
5 9 57 39:8
5 14 48 53.5
5 15 47 12°8
Q: OU: QC? © Où
- bo Qoœ
o
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6 10 16 42.9
6 11 15 51+2
LonerTune
calculée,
SIG. D. M. S.
[e]
1 49*8
p 3:
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436 48 37.8
4 19 41 26.8
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6 592121.9!
6 10 16 43.0! —
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DE 1770.
CorRrECTION
des tables,
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SUR L’OREBITE DE LA COMÈTE DE 1770.
No IV. Longitudes et latitudes observées de La comète.
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—_—_—_——_——_—_—_—_—_—_—__ _—.
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11 23 22 ou 0.474506
11 59 16
11 25 20
Lower. Larirune | Loncir. LariTune |[Loncir. ©! Locar,.
apparente. | apparente. vraie, vraie. corrigée. | dist. ©. |}
—
jours. | D.m.s. | D.m.s. D. M. S. |D.m. s. D. M, s.
272 52 14.3| 6 57 20.4 B| 272 5153.1| 658 2.1 B 84 43 42.0 0.006905|
0.490949] 273 0 28.5| 73021.5 | 273 012.5 7 40 7e 86 39 38.5] 0.097061
395 275 18 5.5] 9 559.3 |273 17 44.4 9 658.4 8) 30 4.7| 0.007138]
273 24 21.3] 045 25.7 | 273 23 56.1 9 46 32,2 90 25 45"8| 0.007158;k
273 34 25.3] 10 39 23.4 | 273 34 14.6] 10 40 38,4 91 26 21.0| 0.007168)4
274 014.4) 13 013.5 |274 o 4.7|13 1 50.0 93 20 35.2| 0.007206!
27421 1.9|145425.7 | 274 21 26,5] 14 56 12.1 94 21 23.6| 0.007216
275 35 18.0| 21 10 16.6 275 36 1.0| 21 12 43.1 96 15 21,3] 0.007225|
276 47 32.3| 26 29 34.0 | 276 46 31.0] 26 32 52.0 97 6 ÿy.o| o 007227]
276 59 23.4| 27 32 46.5 277 1 5.6| 27 36 14.0 97 15 0*0| 0.007227]
279 45 27.0] 37 57 28.5 | 279 43 44.o| 38 1 40.0 98 630.0! 0.007225|
289 29 51.0| 58 55 48.5 289 22 50.0| 59 © 0.0 98 59 47.7] 0.007227
59 1247.0| 711535.0 |... ..|.".. +: - + [100 1 0.8| 0.007215
SLAM OT 8180 Nes ou AN TEEN SE 100 52 57.2| o 007210]
83 122.0| 3915 3.0 DÉS E . 101 1 16 6} 0.007210
86 47 20.0| 24 1940-0180. UN AN AE Le ele 1 1.9] 0.007200
©:63964| 96 240.9| 0 50 35.5 À 96 215.8] 0 50 22.3 A\ 130 42 17.0] 0.006105
0.63171| 06 25 31.7| o 53 38.8 À 96 25 7.4] 0 53:25.9 : | 131 39 17.3] o 006037
0.61663| 9649 3.1| 056 30.7 A 96 48:39,8| 05617.) [13235 53.7] 0.005y70
0.62665| 97 14 14.2| 0 59 39.8 À 07 15 51.5] 0 507.7 | 133 33 57.5 0.005698
0.61319| 9739 32.8] 1 150.6 A 97 39 11.0] 1 138.6 |134 30 23.4 0.005827
0.0 98 633.9] «1 4 3.5 A]... :? » ..: 2, + - | 135 28 36,5] 0.005755|#
0.61595| 9834 6.7| 1 6 4f.0A 98 33 46.4] 1 633.0 |136 25 55.8| 0.005682
0.61242| 09 3254.6| 1 926.7 A 99 32 35.2! 1 926.3 | 138 20 55.4| 0.005535
0.60967| 100 339.9] 1 11 38.1 A] 109 31 2t 1 1128.1 | 139 18 25.9| 0.005458!
0.63432| 100 35 3%.0| 113 4.2 A| 100 35 14.9] 11255.1 | 140 17 29.2] 0.005380!
©.62906| 101 40 56.1| r 15 33.9 Al 101 49 39.0) 11525.2 | 142 12 34.4 0.005224
0.66314| 102 15 41.8] 1 16 44.8 A| 192 15 29.7] 11637.1 | 1431217. 0 .005140|$
0.62072| 104 o27.7| 1 18 48.2 A 104 012:4| 11840.4 | 146 3 13.7| 0.004876! 8
0.61493| 104 36 23.1| 1 19 26.5 Al 104 36 8.4| 11918.7 |147 o 44.8 0.004783
0.6378 108 23 25,3| 1 21 42.0 A| 108 23 53.6) 1 21 35,3 : | 152 49 43:9 0.00420c01ÿ
0.65185| 109 3 17.7| 1 20 48.4 À 109 3 6.1] 120 42.5 |153 A 34.0 o.00j101
0.62246| 11020 3.6| 121 2.5 A| 110 19 52.6 1 20 56.4 : | 155 42 57.6 0.00388c
0,66226| 111 1 20.4| 1 20 41.0 Al 111 5 10.0, 120 35.6 | 156 43 21.4 0.003776
0.62390| 411 39 10.0| 1 20 56.1 A| 111 38 59.5} ‘1 20 50.3 : | 157 39 34.5! 0.003672
0.62400| 112 18 0.9| 1 20 18.5 Al 112 17 30.7] 120 12,8 | 158 37 21.6| 0,003562|k
0.64903| 114 54 3.6| 1 19 49.1 À 114 53 54.4! 119 44.2 | 162 31 36.6| 0.003116
0.62641| 115 32, 4.4| 3 2 447 À] 118 31 55,3 11 39.6 | 163 28 33. 0.003007|$
0.066777] 117 27 46.5| 18 24.5 A] 117 27 38.2) 11820.0 |166 26 0.1 0.002666!
0.63222| 1183 2g.3| à 18 24.5 A| 118 320.8! 1 18 19:7 | 167 22 20.0] 0.00256c|k
0.68499| 118 40 29.6| 1 1916.8 |. . . . .. | 11912.2 | 168 23 51.9] o.002441|f
0.62029| 121 553.0, 19 45.0 A| 121 545.0! 1 15 40.5 | 172 14 14.3 0.001992
0.66949|,122 53 12.5, 1 14 50.8 A| 12253 5.2 à 14 46.8 |17513 3,4| 0.00163;
0.66118| 123 27 39.9| 2 15 0.8 Al 123 27 32.5! 11456.8 |176 11 18.5] 0.001513
0.064197] 124 0 58.5| 113 1.1 A 124 050.7 11257.0 |177 8 57.2 0.001333
0.64841| 124 34 30.8| 1 12 54.4 Al 12434 32.1) 11250.4 |178 8 8.4] o.0014
©.66230| 129 15 28.1| 110 34.7 Al 129 15 19.9: 110 31.2 | 186 59 32.1| 0.000117
0:66558 130 13 14.31 : à 9 46.9A 13013 6.1 4 943.6 | 188 4 56.5| 9.999853
0.607447 "130 41 36.5] GReSe 130 4128.5, 1 9 53 3 18) 57 37.3 9-9097341k
ae
56 SUR L'ORZITE DE LA COMÈTE DE 1770.
N° V.
Méthode trigonométrique pour déterminer par approxi-
mation les élémens de l'orbite d'une comète.
I. Je suppose qu’on ait trois observations faites dans l’in-
tervalle de huit à douze jours, il est bon de les choisir de
manière que l’mtervalle entre la première et la seconde soit
égal à l'intervalle entre la seconde et la troisième, autant que
cela est possible.
Soient alors °
æ, æ, a’, les trois longitudes observées de la comète;
8, R', R”, les trois latitudes observées de la comète;
A,A', A”, les trois longitudes du soleil;
R,R',R", les trois distances du soleil à la terre;
T, T',T", les trois angles à la terre, ou les différences entre
les longitudes correspondantes de la comète et
du soleil ;
S, S"', S”, les trois angles au soleil;
r, T, r, les trois rayons vecteurs de la comète;
1, l', l”, les trois longitudes héliocentriques de la comète;
à, À, À’, les trois latitudes héliocentriques de la comète;
2 le nombre des jours écoulés entre la première et
la seconde observation;
le nombre des jours écoulés entre la seconde et
la troisième observation ;
Pr Pr P» les trois distances accourcies de la comète à la terre.
#)
£
IT. Le rapport des deux distances p et P?” est donné par le
beau théorème de M. Olbers.
SUR L’ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770. 57
Soit p” — M. p, on aura
— Um. sin, (4! — à) — tang. L] 1”
La) FT Ctang, £/ — m. sin. (4! — 2/)]#
‘et
tang. £'
PRES sün. (4! — à!)
TITI. Ox déterminera p par des essais. On commencera par
Supposer p — 1 dans les formules suivantes, à moins que des
circonstances particulières, par exemple la vitesse ou Pirrégu-
larité du mouvement apparent de la comète, ne fassent prévoir
que cette distance est beaucoup plus petite. On calculera donc
les formules suivantes :
R 1 sin. T
cot,. S = — cot. T + ag À AZ ——
R THERE 7/1 R/ 1 HT TE nsETi TU
cot. S = VCOLNT + TE six 17° Es F4 AVES Sin S7 P
IV. Sr l’on a retranché la longitude géocentrique de la co-
mète de celle du soleil pour avoir l’angle à la terre, c’est-à-
dire si T = 4 — *, on aura
= longitude de la terre + l'angle S.
Au contraire, si T' — a — 4 ; On aura
1 = longitude de la terre — l'angle S.
On obtiendra de la même manière /’.
-
sin. T
V. log. tang. à — Log. tang. R — log. (——)
et Er 2"
e. cos, À
nan APR LA M. sin. T/
log. tang. = log. (M. tang. 8”) — log. ( SE )
7 A
et Ti
===
cos. N/
1806. Premier semestre, 8
68 sur L’ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770.
J’observe que les logarithmes positifs sont indépendans de la
valeur de p, et par conséquent les mêmes dans toutes les hypo-
thèses qu’on fera pour cette valeur, Les logarithmes négatifs
ont été employés auparavant dans les formules pour 4 et pour 4”.
VI. Sorr de plus PAR — ang. Z,
La
sin. "E (7 = ; NE M
JV cos, À COS AN AU LT
cos. E (A4 — à)
CN HA .
COS TAC: (= : y SAR DT es, y COTE)
Il faut employer toutes les sept décimales des logarithmes
dans la formule qui donne cos. y, mais on peut se contenter
de six dans toutes les autres formules de cette méthode.
VII. Soir 7 le nombre des jours que la comète emploie
pour parcourir l’arc parabolique correspondant à l'angle y,
On aura
— Vr 3 . 1 . #
TMC ( y: [3 Sin, + Y — Sin. +]
cos. Z
ou
log. C — 1.5883266 et Log. (1. C} = 1.7644x79,
Une table qui donneroit pour les différentes valeurs de
l'angle y les logarithmes correspondans de la quantité
OC. (£. sin. + y — sin. + y)
QG) On pourra aussi employer les formules suivantes pour determiner y :
cos, 2 (I! — TEE
tang, w DE PET VW cos. À”. cas. à
sin: LA HA)
sin. + (19 + à). si 2 Z
—— ——————..
cos.
LA cos, &
4 ‘
1 SUR L'ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770. 59
_ rendroit l'usage de la formule précédente beaucoup plus facile;
car on auroit alors
Log. T = nombre de la table +3 fois (+ log. r — log. cos. Z)
Cette table a été entreprise par une personne qui a déja
rendu les plus grands services à l’astronomie. Ce théorème et
cette table abrégeront beaucoup la méthode que Newton à
donnée pour corriger les élémens trouvés par une premitre
approximation (1).
- VIII. Sr T'n’est pas égal à # + #”, la valeur supposée de p
sera fautive; on commencera les calculs des numéros II et VII
avec une nouvelle valeur de p. La règle générale est qu'il faut
diminuer ? si 7’ est plus grand que # + #”, et l’augmenter
dans le cas contraire. Cette règle souffre pourtant des excep-
tions; mais aussitôt qu’on aura calculé deux hypothèses, on
trouvera par interpolation une valeur très-approchée de p,
qu’on vérifiera par un calcul semblable. La comparaison de la
seconde hypothèse à la troisième fera connoître la correction
que la troisième valeur de p exige.
Soient p,, p,s Ps Pur etc. les différentes valeurs de p; et
T, T,, T,,, T,,, etc. les valeurs correspondantes de 7, on
aura ù
À Ty = (tit 17)
Port PTT 7; — T, F (P, FN Ps)
— T,, — EC +1
Pos — Pu 5 HIS TE 3 (p, TE Pi)
etc. etc.
1h1 Q) Il pourroit arriver que l'angle y füt alors plus grand que deux angles _
À droits; on emploiera alors la formule DAVALÉE
T=— cçC. LE
Ke
cos. = y — cos®, + P)
60 SUR L’ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770.
Quatre, ou tout au plus cinq hypothèses, sufliront pour donner
la valeur exacte de p.
IX. On obtiendra alors les élémens de l'orbite par les for-
mules suivantes :
cos. } v — cos. + (A — X). cos. æ
Lang. u — tang. (Z — à angle droit)
lang, + V
a somme € différence des angles : » et z donneront les
Has e et la diff gles +
deux demi-anomalies vraies, la plus grande anomalie corres-
pondant au plus grand rayon vecteur.
Soient @ et g’ les deux anomalies, on aura
distance périhélie = r. cos. + @ = r'. cos. + ç°
On cherchera actuellement dans la table générale du mou-
vement parabolique les nombres des jours correspondans aux
anomalies @ et e”; on les multipliera par la puissance de la
distance périhélie. En ajoutant ou Ôtant ces deux nombres de
l'instant de la première et de la troisième observation, on ob-
tiendra deux résultats pour l'instant du passage par le péri-
hélie. Ce résultat double assurera la justesse des calculs qui
précèdent. |
Soit w la distance de la comète au nœud dans la première
observation, on aura
ie tang. 7 7
COL. OU Tangon sine (7 — 0} co. (Z 2)
et
T1 — w — longitude du nœud.
Il sera facile de s'assurer si c’est le nœud descendant ou as-
cendant; car c'est le nœud ascendant si les latitudes sont
SUR L’'ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770. 61
boréales, et le nœud descendant si les latitudes sont aus-
trales. On à de plus
; . 4 . te a
tang. de l’inclinaison — %£& À
Sin. ©
et
cos. argument de latitude — cos. x, cos. »
Ce qui donne la longitude de la comète dans la première obser-
vation, comptée sur son orbite > €t on aura la longitude du
périhélie en y ajoutant ou ôtant l’anomalie vraie g.
Nos Er. «
Routes apparentes de la comète de 1770, en faisant
différentes suppositions pour linstant du passage
par le périhélie. +
Première route. Passage par le périhélie le 15 décembre.
—_—_———
| Loxcrt. | Larir. Disr. Parvre |
; LA Eee OBSERVATIONS.
{Stocentr. géocentr. | à la terre. | éclairée.
| | |
— | | me
À
D. M* D. M.
14 janv. | 348 42 1 27 A| 0.9055 1.38
20. . . | 359 26 1 29 0-9045 1-42
“XNPIENES 9 48 1 29 0+923 1-50
G2 SUR L’'ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770%
Troisième route. Passage par le périhélie le 15 novembre.
LoncrT. | Larrr. Drsr. PanTre
: SU OBSERVATIONS.
géocentr. | géocentre à la terre. | éclairée.
. M.
29 À
535
10
13
44
D GO SE D E
22 nov.
DO
k| 4 déc.
flio .
TOR
22 «
FT ENERENTE
La comète sous l’ho-|}s
rizon.
La comète sous l’ho-!
riZON»
#l
; SUR L'ORBITE DE LA COMÈTE DÉ 1770. 63
Sixième route. Passage par le périhélie le 15 octobre.
Loncert. | Earrr. | Drsr. PanrrTre
, È : : OBsERVATIONS.
-géocentr.|{ géocentr. à la terre. | éclairée.
D. M. D.M.
206 51 9 15A|] o-142
180 31 11 27 0-+118
151 7 11 8 ©+123
128 38 8 52 00-153
.114 28 6 53 0-198
105 30 5 19 0-253
Septième route. Passage par le périhélie Le 30 septembre.
|
24 sept. | 213 45 116A| 0.423 | . «+ . . [Le crépuscule ‘et le!
Bo... 208 13 2 2 | o0:363 | . . . . } voisinage de l’hori-|
G actob.| 199 19 0318; |; . | zon empécheront de}
187 54 Ë 0.296 « - + U voir la comète.
176 17 0.295
166 29 0.310
159 59 3 53 o+337
153 11 0-358
148 34 0-382
144 22. | 0.403 1:39
140 16 | 0-42# +-53
1361.20. à 0-445 1-67
| Auirième route. Passage par le périhélie Le 15 septembre. |
(
On ne verra pas lalf
comète. i
64 SUR L’'ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770,
LowcrrT. | Larrr. | Disr. | Panrr
géocentr- lgéocentr- à la terre. éclairée.
|
OBSERVATIONS.
D, M.
21 sept.
DEL MENE
3 octob.
ee
FILMS
Dia ee 7
D D b D b DE
7
: La comète en con-
: a PR avec le so-
4 juin. 328 50 :
: Le passage au péri-
hélie, le 14 août,
donne la dixième
route, ou la route}
décrite en 1770.
La comète ne se lève
000 r bb OO
90
SUR L’ORBITE DE LA COMÈTE DE 1770. 65
Loxcrr. | Larrr. Disr. PARTIE
c - Re OBSERVATIONS.
géocentr. | géocentr. | à la terre.| éclairée.
22 juillet.| 77 31 à Paris qu’entre mi-
ROLE Va 83 43 5 nuit et une heure.
3 août. 89 37
Hg - » 95 13
33: 58 0-584 Ë
344 13 0.545 La comète ne se lève!
k 357 37 0-529 C qu’à une heure du
| 0-536 + + < ? matin à Paris, ainsi,
+ 0-568 + + + | le crépuscule sera
0.621 nuisible.
| 0-690
|
RICE UP ON RE BE COS PTE NS CA à ler Er CPE
t
Treizième route. Passage par le périhélie le 30 juin.
EE
ï 1 119 B| 0.758 : |
4 11) 5 0.736 « [ La comète se lève à;
; c o 48 0-733 + - ? à 2 heures du ma-;
O 29 0-753 : tin à Paris.
o 10 0-793 .
PNEU PNEU 0 REP SP EN ET ER RNE TE
Quatorzième route. Passage par le périhélie le 15 Juin.
EEE ——]—
22% .. | 13 55 0.9 0-984
2 heures ? du ma-
28, . . | 23 56 0.5A| 11-028
tin à Paris. |
16 mai. 3 39 0 23 B| 0.958 |. . E comète se lève à
1806 Premier sèmestre. 9
66 SUR L’ADONIS CAPENSIS.
OBSERVATIONS
SUR
L’4ADONIS CAPENSIS DE LINNAUS,
Par E. P. VENTENAT.
Lu le 17 prairial an 11.
LA découverte des espèces qui constituent des genres
nouveaux en Histoire naturelle ,est très-avantageuse à la
science, puisqu'elle en recule les bornes; mais la fixation
précise des espèces , et la séparation de celles qui présen-
tent des caractères propres à former de nouveaux genres,
ne sont pas d’une utilité moins importante. Quelques ob-
servations que j'ai faites sur plusieurs espèces rapportées
par Linnæus au genre Ædonis, m’ont paru pouvoir être
présentées à la classe, et mériter de fixer un moment
son attention.
Linnxus a réuni sous le nom d’Ædonis capensis plu-
sieurs espèces qui sont très-distinctes ,.et qui ne doivent
point appartenir à ce genre. Une de ces espèces vient de
fleurir et de fructifier dans le jardin de la Malmaison,
formé par le goût éclairé et par les soins de madame
Bonaparte. A la vérité, les caractères de la fleur m’ont
paru être à peu près les mêmes que dans l’Ædonis ; mais
nn UE Ce mn
SUR L'ADONIS CAPENSIS. 67
ceux qui sont fournis par le fruit, présentent de grandes
différences, et nécessitent l'établissement d’un genre nou-
veau. Ce fruit est formé de plusieurs baies réunies en
tête ; tandis que dans le genre Ædonss , le fruit doit être
formé de plusieurs capsules. Il existe donc dans les es-
pèces rapportées par Linnæus au genre Adonis, la même
différence qu’entre la Potentille etla Ronce : et les mêmes
motifs qui ont déterminé les botanistes à distinguer ces
deux derniers genres > exigent pareillement une séparation
dans les espèces rapportées au genre Adonis, dont le
fruit est de nature différente.
En vérifiant les synonymes rapportés par Linnæus 4
V'Adonis capensis, j'ai reconnu que le célèbre professeur
d’Upsal avoit réuni sous la même dénomination trois
espèces réellement distinctes, Il suffit pours’en convaincre
de jeter les yeux sur les figures qu’il cite de Commelin ;
de Burmann et de Plukenet. Linnæus fils , dans son sup-
plément, avoit à la vérité distingué la plante figurée par
Plukenet, et l’avoit désignée sous le nom d’Adonis ve:
sicatoria; mais comme il n’avoit point cité la figure de
Plukenet, il est probable qu’il croyoit établir une nou-
velle espèce, tandis qu’il décrivoit une de celles que son
père avoit rapportées à l’Adonis capensis. M. Aiton a
suppléé à l’omission du fils de Linnæus, puisqu’en men-
tionnant l’Adonis vesicatoria, il lui a donné pour sy-
nonyme la phrase descriptive de la plante figurée par
Plukenet. M. Willdenow, dans son Species plantarum,
a adopté le Synonyme cité par l’auteur de l’Hortus Kewen-
sis; mais en mentionnant l’_A{donis capensis, il a présenté
63 SUR L’'ADONIS CAPENSIS.
comme synonymes de cette espèce les plantes figurées
par Commelin et Burmann. Quoique la seule inspection
de ces figures suffise pour démontrer que les plantes
qu’elles représentent sont distinctes, néanmoins je me
serois difficilement déterminé à les séparer, si la riche
collection de notre confrère Jussieu , qui est ouverte avec
tant de complaisance à tous ceux qui s’occupent de bo-
tanique , ne m’eût procuré l’avantage de les observer en
nature. J’ai trouvé dans cette collection, sous le nom
d’Adonis capensis, trois espèces, dont une répond à la
figure de Burmann, l’autre à celle de Plukenet, et une
troisième tout-à-fait nouvelle. La plante que j’ai observée
à la Malmaison, étant évidemment celle qui est figurée
dans Commelin , il s’ensuit, comme je l’ai déja dit, que
Linnæus avoit réuni trois espèces sous le nom d’Ædonis
capensis; et en ajoutant l’espèce inédite de l’ Herbier
de Jussieu, et celle que Linnæus fils a désignée dans son
supplément sous le nom d’Adonis filia, le genre que
j'établis contiendra cinq espèces.
Quoique le caractère fourni par la nature du fruit,
suffise pour distinguer les espèces comprises sous le nom
d’Adonis capensis , il en existe encore un autre qui pa-
roîtra d’une grande importance au botaniste pénétré des
principes de la méthode naturelle. Le port de ces plantes
qui sont toutes originaires du Cap de Bonne-Esperance,
ressemble à celui des Ombellifères , et ce groupe parfai-
tement assorti et très-naturel, présente dans sa physio-
nomie une singularité bien remarquable dans la famille
des Renonculacées.
SUR L'ADONIS CAPENSIS. 69
J’ai donné au genre que j’établis le nom d’Aramenia.
Ce nom est formé d’Ærahamen, expression employée par
les Arabes pour désigner l’Anémone et l’Adonis. Les
caractères essentiels de ce nouveau genre , que je crois
devoir exprimer en latin pour me conformer à l’usage
adopté par les naturalistes dans les mémoires publiés par
les sociétés savantes, sont,
Calix pentaphy lus. Petala quinque aut plura,ungue
nudo. Germina receptaculo globoso imposita. Baccæ
plurimæ , monospermæ. — Herbæ perennes. Folia ra-
dicalia, sæpits biternata, rard bipinnata. Flores in
scapo umbellati. Habitus Umbelliferarum. P lantæ acer-
rimæ, pro vesicatoriis adhibitæ.
À. Foliis biternatis.
1. ANAMENTA (coriacea) foliolis subcordatis, coriaceis, gla-
briusculis, lateralibus basi obliquè truncatis ; um-.
bell& suprà decomposité , patentissimd.
Ranvncuius œthiopicus foliis rigidis , floribus ex luteo
virescentibus. Comme. Hort. Amstelodam. pl. I.
— CHRISTOPHORIANA africana ranunculoïdes, foliis
rigidis. Borru. Lugd. 2, p. 62. — Apoxtrs capensis,
Linx.; Wirrpex. Spec. plant.
2. ANAMENIA (laserpitiifolia) foliolis subcordatis, rigidis,
glabriusculis, lateralibus basi obliquè truncatis ;
umbellé subsimplici pauciflord.
Iurzr4ATOoRI4 ranunculoïdes africana enneaphryllos, laser-
pitii lobatis foliis rigidis, margine spinosis. Piuxen.
Alnag. 198, tab. 95, fig. 2. Aponrs capensis, Linx.;
70 SUR L’'ADONIS CAPENSIS,
Lamarcx, Dictionn.—ApDowrs vesicatoria, Lin. fil.
Supplem.; Atr.; Wizzn.
3. Anamenra (oracilis) foliolis ovatis (sæpè incisis) profundè
serratis , rigidis , pilosis ; scapis apice ramosis ; ramis
erectis, paucifloris. — Ex Herb. Jussxwano. Aponis
æthiopica? Tuuxs. prodr. Plant. Capens.
4. ANAMmENIA (hirsuta) foliolis lanceolatis, profundè ser-
ratis, hirsutis ; scapo basi ramoso ; ramis decumben-
tibus, paucifloris. — Ex Herbar. Juss.
CurisropnorranNA trifoliata, foliis scabris, flore sul-
phureo rariore. Burm. Plant. Afric. p. 145, tab. 51.
— ImPERATORIA ranunculoïdes Sphondlii folio hir-
suto, minor. PLUkEN. Mantiss,; Ras. Hist, plant.
vol. IL, p. 316. — Apon1s capensis, Linx.; Wirrp.
Spec. plant. Lam. Dict.
B. Foliis bipinnatis.
5. ANAMENTA ( daucifolia) foliolis linearibus, bipinnatifidis.
Aponrs fuia, L.F.S. Wrrio. Spec. plant. — Aponis
daucifolia. Lam. Dict.
Le genre Aramenia doit être placé dans l’ordre des
rapports entre l’Æydrastis et | Adonis. 11 se rapproche
du premier par la nature de son fruit; mais il en diffère
par les caractères de la fleur. Il a de laffinité avec le
second par la structure des fleurs ; mais il s’en éloigne
par son fruit formé de plusieurs baies, et sur-tout par
son port. Ainsi, l’Anamenia a les fleurs de l’Adonis, le
fruit de l'Jydrastis, et le port des Ombellifères.
ÉTABLISSEMENT D'UN NOUVEAU GENRE. 71
ETABLISSEMENT
D'UN NOUVEAU GENRE,
Par E. P. VENTENAT.
Lu le 23 vendémiaire an 13.
L'uonxeur de dédier un genre à PImpératrice des
Français, devoit être ambitionné par l’auteur du jardin
de la Malmaison. J’aurois déja rempli ce devoir, si j’avois
voulu avoir recours à des plantes desséchées ou conser-
vées dans les herbiers. La crainte de ne pouvoir saisir
exactement les caractères de celle que j’aurois choisie,
l'impossibilité de présenter dans un dessin la véritable
couleur de chacun de ses organes, et sur - tout le désir
de voir cultiver dans les jardins publics et particuliers
celle que j’aurois désignée par le nom de sa majesté,
m'ont déterminé à attendre le moment favorable où une
plante vivante présenteroit des caractères assez tranchés
pour établir un nouveau genre. Puisse ce foible hommage
rappeler à la postérité la protection éclairée que l’Impé-
ratrice accorde à la science, et l’éclat dont elle l’em-
bellit ! j
Je donne le nom de Josephinia imperatricis à une
plante bisannuelle, originaire de la Nouvelle Hollande,
et cultivée de grainesrapportées par le capitaine Hamelin,
L
72 ÉTABLISSEMENT
La tige cylindrique dans sa partie inférieure, tétragône
dans la supérieure, s’élève à 8 décimètres. Elleestrameuse
et feuillée dans toute son étendue. Les feuilles sont op-
posées, réfléchies, pétiolées, en cœur et ovales. Les in-
férieures sont sinuées , dentées, longues de 13 centimè-
tres, et larges de 8; les supérieures sont simplement
crénelées ou presque entières, et beaucoup plus courtes.
Les fleurs d’un gris de perle , nuancées de rose en dehors,
tachetées de points pourpres en dedans, sont de la gran-
deur de celles du Digitalis sceptrum. Elles naissent dans
les aisselles des feuilles supérieures, et forment par leur
ensemble une grappe alongée.
Le caractère générique peut être énoncé en ces termes:
Calix quinque partitus ; laciniis erectis, æqualibus.
Corolla tubo brevi, fauce inflatä campanulatd, limbo
bilabiato : labio superiore erecto, bifido ; inferiore ho-
rizontali, trifido , lacinid intermediä longiore. Stamina
quatuor ; didynama, coroll& breviora: rudimentum
guinti staminis. Germen disco cinctum : stylus longi-
tudine staminum : stioma quadrifidum. Nux aculeis
muricata , apice foraminibus quatuor seu quinque per-
fossa, intùs longitudinaliter totidem locularis, tetra,
vel pentasperma. Semina teretia, basi loculamentorum
affixa.
Le genre que j’établis appartient à la didynamie an-
giospermie du système sexuel , et à la huitième classe de
la méthode de notre confrère Jussieu. Cette classe ren-
ferme plusieurs familles dont la corolle est irrégulière ;,
dont les étamines sont didynames, et dont le fruit est
Æ
OS. DT OUT) PPT
D'UN NOUVEAU GENRE. 73
angiosperme. En comparant les caractères de la Jose-
phinia avec ceux de ces différentes familles, on voit clai-
rement qu’il faut rapporter le genre nouveau à l’ordre
des Bignones ; et la nature de son fruit indique qu’il doit
“être classé dans la troisième section de cette famille. Il a
beaucoup de rapports avec le Pedalium ; mais il en dif-
fère par son calice dont les divisions sont égales, par sa
corolle parfaitement labiée, par son stigmate à quatre
divisions, par la structure de son fruit, et par l’attache
des semences. Il a aussi beaucoup d’affinité avec le Se-
samum , auquel il ressemble tellement par la forme de
sa corolle , que je n’aurois point hésité à regarder l’espèce
figurée dans l’ Mort. Malabar., vol. 9, pl. 55, comme la
même plante que la Josephinia Tmperatricis, si la dif-
férence frappante qui existe entre les fruits de chacune,
m’eût annoncé clairement qu’elles n’appartenoient point
au même genre. Eneffet, les fruits figurés dans la planche
que j’ai indiquée, ressemblent parfaitement à teux du
Sesamum orientale, qui sont des capsules oblongues,
divisées en quatre loges , et contenant un grand nombre
de semences attachées à un placenta central.
Je crois devoir avertir que MM. Pavon et Ruiz ont
déja dédié, dans le troisième volume du Species floræ
Peruvianæ et Chilensis, un genre à leurs majestés lEm-
pereur et l’Impératrice des Français. Celui de sa majesté
PImpératrice porte le nom de Lapageria. Ce genre qui
appartient à une division de la famille des liliacées, a
beaucoup de rapports avec les PAhilesia et Calixene,
genres établis par Commerson. Il diffère néanmoins du
1806. Premier semestre. 10
TA ÉTABLISSEMENT
Philesia par les divisions du calice parfaitement égales,
et du Callixene par son calice en cloche ; et dont toutes
les divisions sont dépourvues de glandes à leur base. Je
ne crois pas devoir ajouter avec MM. Ruiz et Pavon,
que la Lapageria diffère encore du Callixene par sont
fruit uniloculaire. Cette particularité ne peut être con-
sidérée comme un caractère dans la famille des liliacées.
Elle paroît devoir être l’effet de l'avortement ; et il est
probable que le fruit, avant de parvenir à sa maturité,
présente réellement trois loges.
Ainsi, il existe à présent deux genres dédiés à sa ma-
jesté l’Impératrice des Français; l’un sous lenom de Lapa-
geria, et Pautre sous celui de Jos-phinia. On trouve
dans les Annales de la botanique quelques exemples
d’un double hommage fait à des personnes célèbres par
les services qu’elles ont rendus à la science. Commerson
n’a point hésité à consacrer, sous le nom de Gastonia,
un genre à la mémoire du frère de Louis XIII, qui
avoit formé le noble et utile projet de faire dessiner par
les plus habiles artistes , toutes les plantes connues ; quoi-
qu’il sût néanmoins que Linnæus avoit déja donné dans
son Hortus Cliffortiarius, le nom de Borbonia, à un
genre de la famille des légumineuses.
D'UN NOUVEAU GENRE. 75
ÉTABLISSEMENT
D'UN NOUVEAU GENRE,
Par E, P, VenNTenar.
Lu le 30 vendémiaire an 13.
Privas les plantes cultivées À la Malmaison, et ori-
ginaires de la Nouvelle - Hollande ; J'en ai observé une
qui paroît mériter de fixer l'attention des botanistes.
Cette plante dont toutes les parties répandent une odeur
analogue À celle de la sauge, est sur-tout remarquable
par ses fleurs très-nombreuses, de couleur de rose, et
formant par leur ensemble une vaste panicule pyrami-
dale. Sa tige droite , cylindrique , est haute d’un mètre
et demi, et de la grosseur de l’index. Elle est marquée
de cicatrices circulaires, et recouverte d’un duvet laineux
dans sa partie inférieure : dans la supérieure , elle est
feuillée, d’un vert foncé , parsemée de poils glanduleux.
Ses feuilles alternes et embrassant parfaitement la tige,
sont en forme de lance, pointues à leur sommet , échan-
crées à leur base qui est réfléchie, et qui forme deux
oreillettes saïllantes. Les fleurs disposées en grappes sur
les divisions des rameaux de la panicule, sont d’abord
d’un rouge assez vif ; mais à mesure qu’elles approchent
76 ÉTABLISSEMENT
du terme de leur développement, cette couleur s’affoi-
blit. Les pédoncules sont couverts d’écailles serrées,
membraneuses , transparentes, et aussi vivement colorées
que les fleurs. L'analyse m’a démontré que cette plante
appartenoit à la famille des corymbifères , qu’elle devoit
être rapportée à la quatrième section de cet ordre, et
placée près de P'Armoise.
S. M. l’Impératrice s’étant aperçue que cette plante
constituoit un genre nouveau, a bien voulu m'indiquer
elle-même le nom que je devois lui donner. MM. Ruiz
et Pavon ayant déja consacré celui de Borapartea dans
la Flore du Pérou, et M. Palissot - Beauvois celui de
Napoleona dans la Flore d’Oware et de Benin , j’ai eu
recours à la langue grecque, qui a fourni aux botanistes
un grand nombre de dénominations aussi expressives
qu’harmonieuses, pour obéir au désir de S. M. l’Impé-
ratrice, et pour donner à S. M. l'Empereur une foible
preuve de la reconnoissance qu’il a droit d’attendre de
tous ceux qui cultivent les arts et les sciences.
Calomeria (1).
CHaracTErEssENTIA11S. Floresflosculosi; flosculis
3—4, hermaphroditis. Calix imbricatus, oblongus,
coloratus ; squamis scariosis, conniventibus. Stigmata
intus sulcata, apice fimbriata. Semina nec papposa,
nec marginata. Receptaculum nudum. Caulis herbaceus.
Q@) Keïos, bon, et megis, partie.
D'UN NOUVEAU GENRE. 77
Folia alterna, amplexicaulia. Panicula diffusa, pyra-
midalis. Pediculi florum squamulis cooperti.
Je donne à la plante qui constitue ce genre nouveau,
le nom spécifique d’Amaranthoïdes , parce que ses fleurs
ont l’apparence de celles de plusieurs espèces de l’ordre
des Amarantes.
N. B. Voyez, dans le jardin de la: Malmaison, les
figures des Anamenia, Josephinia, et Calomeria.
78 SUR LA TEMPÉRATURE DE L'EAU.
RECHERCHES
Sur la température de leau à son maximum de
densité ,
Par lé comte de RumrorD, V.P.R. 8. , associé étranger.
Lu le 26 messidor an 13 (15 juillet 1806.)
Daxs mon Essai sur La propagation de la chaleur
dans les fluides ; et dans un Mémoire publié dans Les
transactions philosophiques pour l'an 1804, où jai
rendu compte d’un phénomène curieux observé sur les
glaciers de Chamouny, j'ai attribué la fonte de la glace
qui se trouvoit submergée dans de l’eau à la température
de la glace fondante, à des courans d’eau un peu plus
chaude , et par conséquent un peu plus pesante , qui des-
cendoient de la surface de l’eau froide vers son fond;
mais le fait principal sur lequel cette explication est
fondée , ayant été révoqué en doute depuis peu par plu-
sieurs physiciens, j’ai cherché à létablir par de nouvelles
et décisives expériences.
S’il est vrai que la température à laquelle Peau se
trouve à son naximum de densité, est de quelques de-
grés du thermomètre plus haute que celle de la glace
fondante , et que la communication de la chaleur dans
PL 7 À
À SUR LA TEMPÉRATURE DE L'EAU. 59
les liquides s’opère par un mouvement de circulation
causé par un changement de densité dans les particules
du fluide, résultat d’un changement de température,
l'explication que j’ai donnée du phénomène de la fonte de
la glace recouverte par une couche d’eau, à la tempéra-
ture de la glace fondante par de la chaleur appliquée
à la surface de cette eau , paroît naturelle et admissible ;
mais si la densité de Peau est plus grande à la tempé-
rature de la glace fondante qu’à toute autre température
plus élevée , comme plusieurs physiciens prétendent , il
est clair que les courans verticaux descendans d’eau
chaude que j’ai décrits ne pouvant pas avoir lieu, mon
explication doit être rejetée.
Cette question n’intéressoit d’autant plus que le fait
dont il s’agit m’avoit servi de base à la théorie que j’ai
donnée dans mon septième Æssai des vents périodiques
polaires, et aussi à mes conjectures sur l’existence des
courans d’eau froide au fond de la mer, venant des
cercles polaires vers l’équateur, et sur la cause de la
grande différence que l’on trouve dans les températures
de différens pays situés sous la même latitude, et à la
même hauteur au dessus du niveau de la mer.
Méditant sur les moyens que je pourrois employer
pour mettre ce fait important hors de doute , j'ai imaginé
l'expérience dont je vais rendre compte, et qui est
d'autant plus intéressante qu’elle démontre l’existence
des courans dans une masse d’eau qui est échauffée ou
refroidie, que ma théorie suppose, en même temps qu’elle
prouve que la température à laquelle l’eau se trouve à
89 SUR LA TEMPÉRATURE DE L’'LAU. k
son maximum de densité, est réellement de quelques
degrés au dessus de celle de la glace fondante.
Dans un vase cylindrique (A) construit de minces
feuilles de laiton, ouvert par le haut, de 5 pouces et demi
de diamètre, et de { pouces de profondeur , porté par
trois pieds solides d’un pouce et un quart de haut, je
plaçai un autre vase ou coupe ( B) de la même matière,
de 2 pouces de diamètre au fond , de 2 pouces # de
10
diamètre en haut à son ouverture, et d’un pouce
ré
de profondeur. Cette coupe est portée sur trois pieds
divergens, de telles forme et longueur, que lorsque la
coupe est introduite et fixée dans le vase cylindrique,
l’axe de la coupe se trouve coïncider avec l’axe du vase,
le fond de la coupe restant élevé d’un pouce et un quart
au dessus du fond du vase.
Du milieu du fond de cette coupe s’élève un tube
vertical de laiton, d’un demi-pouce de diamètre, et de
# de pouce de haut, soudé par le bas au fond de la
coupe, et ouvert en haut, qui sert de support à une
seconde coupe (C) plus petite, faite de liége.
Cette coupe de liége, dont la forme est presque hé-
misphérique , est d’un pouce de diamètre en dedans, à
son ouverture, de # de pouce de profondeur, et d’un
quart de pouce d'épaisseur. Elle est fermement fixée
dans une position horizontale sur l'extrémité supérieure
du tube vertical qui s’élève du fond de la coupe de laiton
par le moyen d’un pied , ou prolongement cylindrique,
de liége, d’un demi-pouce en diamètre, et d’un quart de
pouce de longueur, qui descend du milieu du fond de
SUH LA TEMPÉRATURE DE L'EAU. 81
cette coupe de liége extérieurement , et entre avec frot-
tement dans l’ouverture du tube vertical.
Quand cette coupe de liége est à sa place, son rebord,
supérieur se trouve dans le même plan horizontal que
celui de la coupe de laiton dans laquelle elle ‘est
placée.
À l’un des côtés de la coupe de liége, à son rebord
se trouve une petite ouverture qui reçoit et qui retient
la: partie inférieure du tube d’un petit thermomètre à
mercure (D): La boule de ce thermomètre, qui est
sphérique, est de de pouce de diamètre, et elle est
fixée au milieu de la coupe, de manière que son centre
se trouve élevé d’un quart de pouce au dessus du fond
de la coupe ; et par conséquent la partie la plus élevée
de la boule se trouve être de niveau avec:le rebord de
la coupe, la boule étant comme suspendue au milieu de
sa cavité, sans toucher nulle part ses parois.
Le tube de ce théfmomètre , qui a 6 pouces de: long,
fait, à la distance d’un pouce de sa boule , un coude qui
forme un angle de 110 degrés environ, et le thermo-
mètre est fixé à la coupe de liége, de telle façon que la
plus courte branche de son tube, longue d’un pouce,
_ portant la boule à son extrémité, se trouve dans une
position horizontale ; tandis que l’autre branche, longue
de 5 pouces , à laquelle est fixée une ‘échelle d'ivoire,
graduée suivant Fahrenheit ; est tournée en haut, et sort
obliquement du vase cylindrique dans lequel les coupes
sont placées, en sorte que la division de l’échelle du
thermomètre, qui indique la température de la glace
1606. Premier semestre. 11
82 SUR LA TEMPÉRATURE DE L'EAU
fondante, se trouve être un peu au dessus du niveau du
bord supérieur de ce vase, et par conséquent visible à
l’œil placé à côté du vase, |
La coupe de liége, qui fut faite au tour, est très-bien
exécutée, etipour en boucher tous les pores on l’a revêtue
en dedans et en dehors d’une couche mince de cire fon-
due, qu’on a eu soin de frotter et de polir quand elle
fut refroidie. °
Le thermomètre fut fixé à la coupe de liége avec de
la cire, et on a eu soin, dans cette opération, de: con-
server la forme régulière de la coupe, tant en dehors
qu’en dedans.
Le tube vertical qui supporte cette coupe dans celle
de laiton , est percé de plusieurs petits trous qui donnent
un libre passage à l’eau employée dans les expériences.
La coupe de laiton étant destinée à être submergée
dans l’eau et entourée de gâteaux de glace, afin de lui
donner plus de stabilité, dans cette situation un mor-
ceau de plomb, du poids de 6 onces, fut attaché à
chacun de ses trois pieds.
Cette coupe, contenant la coupe de liége avec son
thermomètre , ayant été placée dans le vase cylindrique ,
ce dernier fut placé dans un bassin (E), de terre cuite,
et entouré , de tous côtés, de glace pilée. Ce bassin est
de 11 pouces de diamètre à son ouverture, de 7 pouces
de diamètre au fond, et de 5 pouces de profondeur, et
il fut placé sur une table solide, dans une chambre
tranquille.
On gJlissa ensuite plusieurs morceaux de glace en des-
Tr.
SUR HA TEMPÉRATURE DE L'EAU. 83
sous du fond de la coupe de laiton, et on entoura cette
coupe, de tous les côtés, d'une rangée circulaire d’autres
morceaux plus longs de glace, que l’on fixa dans ‘une
position verticale entre: les paroïs extérieures de cette
coupe et les paroïs du vase cylindrique. Ces derniers
morceaux, qui avoient près de 4 pouces de longueur,
s’étendoient du fond du vase jusqu’à une très-petite dis-
tance de son bord. Tous ces morceaux de glace ayant
été solidementfixés à leur place par le moyen de quelques
petits coins de bois, on versa de l’eau à la température
de la glace fondante dans le vase cylindrique, jusqu’à
ce que la surface de ce fluide füt à la hauteur d’un pouce
au dessus du bord supérieur de la coupe de liége.
Dans cet état de choses ,:il est évident que les deux
coupes se trouvèrent remplies et entourées dé tous les
côtés par de l’eau à la température de la glace fon-
dante , et que cette température étoit rendue constante
par les morceaux de glace avec lesquels cette eau étoit
en contact.
Après avoir laissé l'appareil dans cette situation près
d’une heure, pour m’assurer de la patfaite constance et
uniformité de la température de l’eau froide dans toute
_sa masse, je fis l'expérience suivante.
L
LE
Première expérience.
AxanT fait préparer une boule solide d’étain (F), de
2 pouces de diamètre, qui a, d’un côté , un prolongement
cylindrique d'un pouce de diamètre ;'et d’un demi-pouce
84 __ SUR LA TEMPÉRATURE DE L'EAU.
4
de longueur ; terminé par une pointe conique d’unfdemi-
pouce de long, et du côté opposé un fort fil d’archal
de 6 pouces de long , qui lui sert de manche ; cette boule,
après avoir été plongée pendant une demi-heure dans une
masse considérable d’eau à la température de 42° F, fut
retirée de cette eau, essuyée avec un mouchoir fin à
cette même température, et portée sans perte de temps
au dessus du vase cylindrique; et fixée de manière que
toute la pointe conique de la boule d’étain , longue d’un
demi-pouce , se trouvoit plongée dans l’eau froide con-
tenue par ce vase.
Pour supporter et retenir la boule d’étain à sa place,
je me suis servi d’une forte lame (G H) de fer-blanc,
de 6 pouces de long sur 2 pouces et demi de large,
percée, dans le milieu, d’un trou circulaire d’un pouce
de diamètre. Cette lame étant posée horizontalement
sur les bords du vase cylindrique, de manière que le
centre du trou circulaire de la lame coïncidoit avec
l’axe du vase, la pointe conique de la boule fut in-
troduite dans ce trou, du haut en bas, et descen-
dant dans l’eau froide, fut arrêtée et solidement fixée
dans la situation précisément qui lui étoit convenable.
La boule fut placée de façon que lextrémité de la
pointe conique se trouva précisément au-dessous de la
coupe de liége, et à la distance d’un demi-pouce au-dessus
du niveau de ses bords, et par conséquent un demi-pouce
au - dessus de la partie supérieure de la boule du petit
thermomètre quise trouvoit dans cette coupe.
La quantité d’eau froide, dans le vase cylindrique,
SUR LA TEMPÉRATURE DE L'EAU. 85
avoit été préalablement réglée de manière que la pointe
conique, qui termine le prolongement cylindrique de la
boule d’étain, étant submergée entièrement, la surface de
Veau se trouva de niveau avec la base de ce cone ren-
versé, de façon que toute la partie cylindrique de ce
prolongement se trouva hors de l’eau.
Je savois que les particules de l’eau à la température
de la glace fondante , qui se trouvèrent en contact avec
cette pointe conique, ne manqueroient pas d’acquérir
quelque petite portion de chaleur de ce métal relative-
ment chaud , et je concluois que si ces particules d’eau,
devenues un peu plus chaudes par ce contact, deve-
noient en même temps d’une gravité spécifique plus
grande, en conséquence de cette petite augmentation de
température, elles devroient nécessairement descendre
dans le liquide ambiant, moïns dense; et comme cette
pointe conique se trouvoit directement au-dessus de la
coupe de liége, je prévoyois que ce courant descendant
d’eau chaude tomberoïit dans cette coupe et finiroit par
la remplir , et que la présence de cetie eau chaude dans
la coupe seroïit infailliblement annoncée par le thermo-
mètre qui s’y trouvoit.
Le résultat de cette expérience intéressante fut tel
que je l’avois attendu. La pointe métallique n’avoit pas
été 20 secondes en contact avec l’eau froide que le
… thermomètre commença à monter, et en 3 minutes il
s’étoit élevé de 3 + degrés, c’est-à-dire de 32° F, le terme
… de la glace fondante à 35i°. Au bout de 5 minutes il
se trouvoit à 36°. id
86 SUR LA TEMPÉRATURE DE L'EAU.
Un autre petit thermomètre qui fut placé juste au-
dessous de la surface de l’eau froide , et éloigné de de
pouce seulement de la partie supérieure de la pointe
conique, ne parut nüllement affecté du voisinage de ce
corps chaud.
Un troisième thermomètre submergé dans cette eau,
qui avoit sa boule placée dans la coupe de laiton à
côté de la coupe de liége, et de niveau avec son bord,
indiqua que l’eau qui entoura immédiatement la coupe
de liége, resta constamment à la température de la glace
fondante pendant que cette coupe fut remplie d’eau
chaude, et même pendant toute la durée de lexpérience.
Comme je savois , d’après les résultats des expériences
que j’avois faites sur la propagation de la chaleur dans
une barre solide de métal (1), qu'aucune des particules
d’eau froide qui touchèrent la surface de la pointe co-
nique dans lexpérience dont je viens de rendre compte ,
ne pouvoient acquérir par ce contact momentané la
température complète de ce métal chaud, je ne fus
nullement surpris que le thermomètre qui se trouvoit
dans la coupe de liége ne montât qu’à 36°.
Pour voir si je ne pouvois pas le faire monter , et plus
haut, et plus vîte, en employant la pointe métallique
chauffée à un degré jugé suffisant pour élever les par-
ticules d’eau froide qu’elle toucheroit jusqu’à la tem-
(:) On a rendu compte de ces expériences dans un mémoire présenté à la
classe des sciences mathématiques et physiqnes de l’Institut national de
France, en date du 7 mai 1804.
SUR LA TEMPÉRATURE DE L'EAU: 8;
pérature que l’on croit celle du r2aximum de la densité
de ce liquide , je fis l'expérience suivante.
Seconde: expérience.
Axa x r retiré la boule d’étain , j’ôtai doucement avec
la barbe d’une plume à écrire, l’eau chaude qui, dans
Pexpérience précédente, avoit été logée dans la cavité
de la coupe de liége ( ét qui s’y trouvoit encore d’après
Vindication du thermomètre appartenant à cette coupe),
et je plaçai dans l’eau froide: contenue par le vase cylin-
drique plusieurs petits morceaux de glace, qui, en flot-
tant à la surface de cette eau , au-dessus de la coupe de
liége, l’'empêcha de recevoir de la chaleur de Pair: at-
mosphérique ; dont la température étoit en ce moment
à 70° F; et comme la coupe de liége avoit été un peu
chauffée dans la dernière expérience j'attendois qu’elle
fût refroidie. ÿ
Aussitôt que la coupe de liége et tout l'appareil pa-
roissoient avoir acquis la température: de la glace fon-
dante, je retirois soigneusement les morceaux de glace
qui flottoient sur la surface de l’eau froide ; et quand
tout étoit devenu parfaitement tranquille, je plongeois
de nouveau dans cette eau froide la pointe conique de
la boule métallique , mais qui se trouvoit pour lors être
à la température de 60° F , et je la fixois dans la même
position précisément qu’elle avoit occupée dans l’expé-
rience précédente.
Les résultats de cette seconde expérience furent: très-
88 SUR LA TEMPÉRATURE DE L'EAU.
frappans , et si je ne me trompe, ils fournissent des
preuves incontestables, non seulement que la tempéra-
ture à laquelle la densité de l’eau ait un maximum ,
est en effet de plusieurs degrés au-dessus de celle de la
glace fondante , mais aussi que des courans chauds des-
cendans ont réellement lieu dans une masse d’eau en
repos à la température de la glace fondante , toutes les
fois que les particules de ce liquide qui se trouvent à sa
surface, acquièrent une température un peu plus élevée
que celle de la glace fondante ; comme je les ai annoncés
dans mon Æssai sur la propagation de la chaleur
dans les fluides.
Dans cette expérience la pointe conique appartenant
à la boule d’étain , n’avoit pas été submergée dans l’eau
froide plus de, 10 secondes, quand j’aperçus très - dis-
tinctement que le mercure dans le tube du thermomètre
appartenant à la coupe de liége commençoit à monter,
et en 50 secondes il s’étoit élevé de 4 degrés , savoir de
32e à: 36°.
Au bout de 2 minutes et 30 secondes (en partant de
Vinstant où la pointe métallique avoit été introduite dans
l’eau froide), le thermomètre s’étoit élevé à 39°, et au
bout de 6 minutes à 39 7°; alors il commençoit à des-
cendre. Il descendoit pourtant fort lentement , puisqu’au
bout de 8 minutes 30 secondes il se trouvoit. encore
à 3943
Un petit thermomètre à mercure , dont la boule étoit
placée dans l’eau froide à côté de la coupe de liége à la
distance de de pouce de son bord, ne parut nulle-
Si rent
SUR LA TEMPÉRATURE DE L'EAU. 89
ment affecté par le courant vertical d’eau chaude qui
descendoit de la pointe conique dans cette coupe, dans
cette expérience.
L’expérience fut répétée quatre fois le même jour
(13 juin 1808), et toujours avec les mêmes résultats
à peu près.
Voici les résultats moyens de ces expériences :
Temps écoulé Température de l'eau
à partir du commencement dans la coupe de liège
de l'expérience. , indiquée par le thermom,
D . — CE D
‘ CARO EME RMS MEL EE LEA, JUS 32°
A o ro, le thermomètre commença à s'élever à. . 32
AO N 29.11 était élevé A. =. Volt etre neo
CPAS ile ete his -B LS ko chienne
ON B HN LATE Pr OPA OMS as ls0:35
o 48. FAT OMON OUR ni De 196
LA SO mere pence née DE) 2yeh of de ane LOS UOT
Le pee .,. 0. + + Re O0
LEE LME OM SE EME cNoteber CR 0
3 41 Fe nEUE D et LUE SOS. SAN AU: 590,133632
AUS Mets Sr Shen . HsiLgs le « 39 à
GARE PR EE NOR EE et EE . + 39 ?
Comme j’avois trouvé par des expériences faites l’an-
née 1797 (1), que l’eau à la température d’environ 42°F
(que l’on peut appeler très-froide), reposant sur un gâteau
solide de glace fixé au fond d’un grand vase cylindrique
de verre , fondoit beaucoup plus de cette glace, dans un
temps donné, qu’une égale quantité d’eau chaude dans
(1) J'ai rendu compte de ces expériences dans mon Septième essai sur La
Propagation de la chaleur dans les fluides.
1806, Premier semestre. 12
90 SUR LA TEMPÉRATURE DE L'EAU.
la même situation a pu fondre , même quand elle fût
bouillante ; j’étois très-curieux de voir si la boule du
thermomètre qui se trouvoit submergée dans l’eau froide
dans la coupe de liége , et immédiatement au-dessous de
la pointe métallique, ne seroit pas aussi plus échauffée
quand cette pointe se trouveroit de quelques degrés
seulement plus chaude que l’eau , que quand elle seroit
à une température beaucoup plus élevée.
Voyant que cette recherche devroit jeter un grand
jour sur les opérations mystérieuses de la distribution
de la chaleur dans les liquides, je me hâtai de faire
l’expérience suivante.
Troisième expérience.
Tour l'appareil ayant été de nouveau réduit à la tem-
pérature uniforme et constante de la glace fondante,
la boule d’étain fut cette fois-ci chauffée dans de l’eau
bouillante, et étant retirée de ce liquide chaud, elle
fut transportée avec toute la célérité possible, et sa
pointe conique submergée dans l’eau froide, au-dessus
de la coupe de liége, comme dans les expériences pré-
cédentes.
Le résultat de cette expérience fut extrêmement in-
téressant. La pointe métallique chaude avoit été à sa
place 5o secondes avant que le thermomètre, dans la
coupe de liége, montrât le moindre signe de chauf-
fement , et ce ne fut qu’au bout d’une minute 7 secondes
qu'il s’étoit élevé de 2 degrés. :
nue
me de Le Es
SUR LA TEMPÉRATURE DE L'EAU. g1
Dans l'expérience précédente où la pointe métallique
étoit beaucoup plus froide, le thermomètre avoit com-
mencé à monter dès la dixième seconde, et au bout
d’une minute 3 secondes il s’étoit élevé de 5 degrés.
La différence entre les résultats de ces deux expé-
riences est très - remarquable, et si elle ne prouve pas.
l’existence et la grande efficacité des courans dans la
transmission de la chaleur dans les liquides , je dois
confesser*que je ne vois pas comment l’existence d’une
opération mécanique quelconque qui ne tombe pas immé-
diatement sous nos sens , peut jamais être démontrée.
Comme l’expérience faite avec la boule d’étain chauf-
fée dans de l’eau bouillante m’a paru très-intéressante , je
l’ai répétée deux fois. Voici lestermes moyens desrésultats:
Temps écoulé. Température de l’eau
à partir du commencement ‘ dans la coupe de liège
de l'expérience. indiquée par le thermom.
RÉ LE D Rd
HAS EN se .8 OM ES SR DT ALE 32°
A o 5o, le thermomètre commença à s'élever à . . 32
A 1 2,il se trouvoit élevé à. « . . . . .. . . . 33
en e te ne Net eee lente jertello nelle diet Ven lei elite to
D IE STONE TENUE PA DB
a
i
ME, Diet e "0 d'tfe rar » a sfr of. « 36
ENES RON RENOLENENTE ë se ie die 36 =
4 17. ... . ie RO
GPA D PSE RU SU MERE TEE ET NO:
AIT LUTTE ES Es RETIE. SAS INR DOUÉ
9 Oo... MMS NET ES ide aie . 38 +
LAN MO M aUlellee een es latie le lee Mel. Vie tele 38 =
MANPNO ee te st eee le lets etats vaits Me = ie 38 =
En comparañt ces résultats avec ceux des précédentes
92 SUR LA TEMPÉRATURE DE L'EAU.
expériences , où la boule d’étain n’étoit qu’à la tempéra-
ture de 60° et au-dessous , nous pouvons voir de combien
la communication de la chaleur dans l’eau froide, de
haut en bas, fut plus rapide quand la pointe conique
étoit relativement froide, que quand elle fut beaucoup
plus chaude; mais on ne peut pas mettre beaucoup
_
d'importance à la décision de la relation de la vîtesse
ainsi déterminée, puisqu'il est plus que probable que ce
ne fut qu'après que l’extrémité de cette pointe métalli-
que eut été considérablement refroidie par le contact de
l’eau froide, que le courant vertical descendant, qui,
à la fin, porta la chaleur au thermomètre, ait pu avoir
lieu. Au commencement de l’expérience faite avec la
boule d’étain chauffée dans l’eau bouillante, les parti-
cules d’eau froide qui se trouvèrent les premières en
contact avec la pointe conique pendant qu’elle étoit
encore très-chaude , furent chauffées à une température
plus élevée que celle à laquelle la densité de l’eau est
un #aximum, et la densité de ces particules étant di-
minuée par ce haut degré de chaleur, les courans ver-
ticaux dans l’eau froide commencèrent par être ascen-
dans ; comme je me suis assuré par le moyen d’un petit
thermomètre placé à côté de cette pointe conique, à la
distance de = de pouce de sa base, et juste au-dessous
de la surface de l’eau froide : ce thermomètre s’éleva
très - rapidement aussitôt que cette pointe métallique
chaude fut plongée dans l’eau froide.
Un autre petit thermomètre dont la boule se trouvoit
placée à la même distance à peu près de l’axe de la
SUR LA TEMPÉRATURE DE L'EAU. 93
pointe conique , maïs à un demi-pouce au-dessous de la
surface de l’eau froide, conserva pendant toute la durée
de l'expérience l’apparence du plus parfait repos.
1 Les résultats de cette dernière expérience sont d’autant
plus intéressans , qu’ils prouvent d’une manière démons-
trative que ce ne fut ni par une communication di-
recte de chaleur dans l’eau en repos, de molécule à
FINE TT —
molécule , de proche en proche, ni par des rayonnemens
calorifiques passant à travers cette eau , que la chaleur
fut communiquée de la pointe métallique à la boule du
thermomètre, mais véritablement par un courant des-
cendant d’eau chaude : car il est parfaitement évident
que si cette chaleur avoit été communiquée ou par une
communication directe dans l’eau de molécule à molé-
cule, ou par un rayonnement calorifique de la surface
métallique passant à travers l’edu en repos, cette com-
munication auroit nécessairement été la plus rapide,
lorsque la pointe métallique se trouvoit être la plus
chaude ; mais ce fut tout le contraire qui eut lieu , comme
nous venons de voir. Et de plus, le petit thermomètre
qui fut placé très-près du corps métallique, d’un côté,
et qui dans cette expérience ne fut nullement affecté par
la chaleur de ce corps , n’auroit pas manqué d’acquérir
autant de chaleur, pour le moins , que celui placé dans
la coupe de liége qui se trouvoit au-dessous de ce corps
et dans un plus grand éloignement.
Le temps considérable qui s’écoula dans les expé-
riences faites avec la boule d’étain chauffée dans l’eau
bouillante, avant que le thermomètre placé dans la coupe
94 SÛR LA TEMPÉRATURE DE L'EAU.
de liége commiençât à être si sensiblement affecté, et la
vitesse avec laquelle il fut chauffé ensuite de quelques
degrés , aussitôt qu’il commença à monter, indiquent
uh fait qu’il est important de remarquer. Pour éclaircir
ce fait, il est nécessaire de considérer avec attention
l’opération de lPéchauffement de l’eau froide par la sur-
face métallique chaude avec laquelle elle fut en contact,
et de l’examiner dans son progrèset dans tous ses détails.
Commençons. par supposer que la pointe conique de
la boule, à la température de l’eau bouillante, vient
d’être submergée verticalement jusqu’au niveau de sa
base dans une masse d’eau en repos, à la température
de la glace fondante. Comme les molécules d’eau qui,
dans ce cas ; setrouvent en contact avec la surface mé-
tallique chaude , ne peuvent pas passer tout d’un coup
de la témpérature de la glace fondante à celle de Peau
bouillante, sans passer par tous les degrés intermédiaires;
et comme ces molécules, à la température de la glace
fondañte , né peuvent pas devenir plus chaudes sans
deveniren même tempsplus denses; ilestévident qu’elles
doivent avoir une tendance à descendre, et par consé-
quent à quitter la surface du métal, aussitôt qu’elles
commencent à acquérir de la chaleur ; mais lexpériencé
a fait voir qu’au lieu de descendre elles ont été pous-
sées en haut; ce qui prouve que leur chauffement fut
si rapide, qu'avant qu’elles aient eu le temps de quitter
la surface du métal et d'échapper à son influence calo-
rifique , elles ont acquis une température si élevée, que
leur densité, après avoir passé rapidement le point de
0
SUR-LA TEMPÉRATURE DE L'EAU, 95
son rnaximum, est devenue même moindre:qu’elle étoit
à la température de:la, glace fondante: Mais après quel-
ques momens le corps métallique étant devenu moins
chaud, et,la communication de: chaleur; aux molécules
d’eau,moins rapide, ces molécules devenues plus-denses
par une petite augmentation de température , ont eu le
temps de s'évader avañt que de devenir plus chaudes,
et pour lors le courant descendant s'établit: tout d’un
coup. |
Ce;fait m'intéresse doines He qu’il pu servirien
ie façon à expliquer un phénomène observé dans
une, expérience faite il, ya huit ans, dont j’ai rendu
compie dans, mon Æssai sur là propagation: de La
chaleur dans les fluides, (Voyez més essais, vol. 5e
pa8:,335;; édition de Londres de 1800.)
“Voici le phénomène dont äl s’agit. Ayant:versé du
mercure dans un petit yase cylindrique de: verre: de !2
pouces de diamètre , de 3. de haut, jusqu’à ce que ce
fluide remplit le vase jusqu’à la hauteur d’un pouce,
je versai sur ce mercure deux fois autant d’eau, c’est-à-dire
2 pouces ‘de hauteur, et enfonçant le vase jusqu’au
niveau, de la surface. supérieure du mercure dans:.un
mélange. frigorifique de glace pilée et de muriate de
soude , l'air de l’atmosphère étant à la température de
60° ;'je laissai le-tout refroidir tranquillement pour
voir dans quelle partie de l’eau la glace commenceroit
à. paroître.: Ce fut au fond de l’eau, où ce liquide étoit
en contact avec le mercure, que la glace fut formée.
La couche d’eau qui reposoit immédiatement sur la
96 SUR LA TEMPÉRATURE DE L'EAU.
surface du mercure ayant été refroidie jusqu’à la téme
pérature d’environ 410:F, où la densité de l’eau est un
maximum, les molécules de cette eau, qui se trouvèrent
pour lors en contact immédiat avec le mercure, en
perdant encore plus de leur chaleur devenoient néces-
sairement moins denses, et avoient par conséquent une
tendance à quitter le fond de l’eau pour monter dans
une région plus élevée ; maïs la rapidité avec laquelle
elles furent refroidies par le mercure étoit si grande;
qu’elles furent gelées avant de pouvoir échapper à l’in-
fluence frigorifique de ce! corps froid.
Après tout ce que j'ai dit des courans froids et chauds
qui ont lieu dans un liquide qui est refroidi ou chauffé,
on pourroit peut-être croire que je regarde ces courans
comme étant composés des seules molécules du liquide
qui ayantiété en contact immédiat avec le corps qui
donne ou qui reçoit la chaleur, se trouvent être toutes
à la mème température. Je suis d'autant plus éloigné
d’avoir cette opinion, que je sais par les résultats de
plusieurs expériences faites exprès pour éclaircir ce fait
(et dont j'aurai l’honneur de rendre compte à la classe
dans une autre occasion), qu’un courant liquide ne
peut passer à travers une autre masse liquide en repos,
de la même espèce , et d'environ la même gravité spéci-
fique , sans produire un mélange notable des deux li-
quides ; à plus forte raison un petit courant d’eau chaude
ne peut passer sans mélange à travers une masse d’eau
froide , et plus il avancera, plus il sera mêlé, et plus par
conséquent sa température se trouvera baissée,
Men. de net: 17 em. 1806. Page gy , PA.
SUR LA TEMPÉRATURE DE L'EAU. 97
Par exemple, dans les expériences dont je viens de
rendre compte, la coupe de liége qui recevoit le cou-
rant d’eau chaude qui descendoit de la pointe métallique
de la boule d’étain , n’étoit qu’à un + pouce au - dessous
de l’extrémité de cette pointe : si cette distance avoit été
plus grande, le thermomètre dans la coupe auroit cer-
tainement monté moins haut; pour cette raison on ne
doit pas regarder ces expériences comme propres à dé-
terminer très-exactement la température à laquelle la
densité de l’eau est un #2aximum , mais bien à prouver
que cette température se trouve réellement de plusieurs
degrés du thermomètre au-dessus de celle de la glace
fondante ; ce qui est tout ce qu’il n’intéresse particuliè-
rement de faire voir dans ce moment-ci.
À juger par la température constante que l’on trouve
dans toutes les saisons au fond des lacs profonds, et par
les résultats de plusieurs expériences particulières, on
peut conclure que l’eau est à son maximum de densité
lorsqu'elle se trouve à la température d’environ 41°
du thermomètre de Fahrenheit, ce qui répond à 4°
du thermomètre de Réaumur, et 5° du thermomètre
centigrade.
1306. Premier semestre. 15
98 SUR LES MAYA DIES
MÉMOIRE
Sur Les causes de quelques maladies qui affectent
Les chapeliers,
Par M. TE ER N.
Lu le 2 fructidor an 12.
Cszv: qui se destine avec confiance à un métier, ne
sait pas toujours à quels dangersil va s’exposer, etlorsque,
devenu habile dans sa profession , une mort prématurée
le surprend, elle est cause d’une perte irréparable dans
sa famille. Je n’examine point les effets de cette perte pour
des enfans ordinairement sans fortune, demeurés en bas
âge; ce sont des considérations qui, dans une nation
policée, tiennent à des recherches relatives aux moyens
de prévenir et de soulager l’indigence : objets d’une
grande importance sans doute, mais d’un ordre différent
de celui dont nous devons nous occuper ici.
En effet, un ouvrier perfectionné dans sa profession
vient-il à périr par le fait ‘de son état, non seulement
la population en souffre , mais encore il emporte quelque
fois des procédés difficiles à retrouver; ce qui laisse un
grand vide dans une manufacture , lequel porte sur le
commerce et sur la fortune publique : motifs qui engagent
DES CHAPELIERS. 99
à étudier les causes des maladies résultantes de son genre
d'industrie. On a déja des ouvrages sur les maladies des
gens de métier (1), mais on n’y traite pas des maladies
qui affectent toutes les sortes d'ouvriers. D’ailleurs, les
arts, les métiers ne sont pas exercés de la même manière
en tous lieux; une multitude de circonstances en diver-
sifient les pratiques. Et ne sait-on point qu’ils se perfec-
tionnent avec le temps, je veux dire qu’il s’y introduit
des procédés nouveaux que souvent le hasard fournit,
que d’autres fois le savoir découvre, et que toujours la
cupidité adopte sans examen , mais que la raison et l’hu-
manité engagent à ne point perdre de vue, dans l’in-
tention de s’assurer de leur influence sur la santé et sur
la durée de la vie des artisans? or, c’est ce qu’on ne peut
savoir qu’en examinant de temps en temps l’état des arts
et des métiers ; s’il ne s’y seroit pas introduit des pro-
cédés, des pratiques contraires à la santé. Les compa-
gnies savantes ont de leur nature une sorte d’attribution
sur ces objets pour les surveiller ; elles sont , à cet égard,
je dirois volontiers l’œil du gouvernement, qui s’en rap-
porte à leurs lumières et à leurs soins pour tenir la main
à cette partie intéressante de l’ordre public.
L’homme appliqué à un métier en est, je dirois volon-
tiers, l’une des parties intégrantes ; il y adapte sa puis-
sance motrice , en gouverne à son gré toutes les parties.
Il résuke de ces rapports une sorte d’engrénage, si je
peux parler ainsi, tel que toutes les branches de son
(x) Celui, par exemple , de Bernardi Ramazini, De morbis artificum.
100 SUR LES MALADIES
métier se plient à ses volontés et à sa puissance motrice ;
rapports à raison desquels il est nécessairement soumis
aux impressions que son genre d'industrie exerce sur sa
personne, et qui sont autant d’effets naturels dépendans
de son métier, mais que, par rapport à lui, on doit re-
garder comme autant d’altérations. Et ce sont ces alté-
rations que nous mettons au nombre des maladies qui
prennent leurs sources dans l’exercice des métiers.
Chaque métier pourroit offrir, ce me semble, encore
aujourd’hui des connoissances utiles à recueillir pour la
pratique de la médecine. J’avois entrepris autrefois des
recherches sur ceux des arts où l’on emploie le mercure ;
je me bornerai en ce moment à celles de mes observations
qui ont rapport aux maladies des chapeliers dans cer-
taines manufactures de Paris.
Feu l’abbé Nollet, en donnant l’4rt du chapelier
dans un beau détail pour la main-d'œuvre et la partie du
commerce, n’a pas dù s’occuper de la santé de ces
ouvriers ; et vainement chercheroit-on dans Ramazini,
ni dans aucun auteur que je sache, des renseignemens
sur les maladies de ces artisans.
Elles fixèrent , dès 1757 , mon attention; je les étudiai
dans les six principales manufactures de Paris, tant
pour me procurer plus de faits propres à m’éclairer,
que pour m’assurer si en chacune on usoit des mêmes
procédés, et si la salubrité y étoit la même.
Dans la fabrique de M. Carpentier, rue de la Bu-
cherie ,un compagnon étoit réputé vieux et presque hors
d'état de travailler à quarante-cinq ans; le plus âgé des
DES CHAPELIERS. 101:
ouvriers à la foule en avoit quarante-deux ; tous éprou-
voient un tremblement universel, étoient sujets à des
sueurs abondantes et à une expectoration de matière vis-
queuse ; tous étoient maigres, foibles, et réduits à la
nécessité de boire de l’eau-de-vie pour se soutenir et suffir
au travail de la journée.
Un garçon âgé de cinquante-deux ans , dont la prin-
cipale occupation étoit de faire dissoudre du mercure
dans l’acide nitrique, de frotter les peaux du côté du
poil avec des brosses trempées dans cette dissolution,
ce que l’on appelle secréter, puis d’étendre ces peaux à
l’étuve; ce garçon, dis-je, toussoit continuellement: du
reste sa santé se soutenoit, et l’on regardoit comme un
phénomène qu’il eût résisté aussi long - temps à cette
occupation, la plus dangereuse que l’on puisse exercer
dans la chapellerie. On attribuoïit sa conservation à ce
A
u’il observoit une vie sobre et réglée, sur-tout à ce
q g'ée ;
qu’il ne buvoit point d’eau-de-vie.
M. Carpentier, père, étoit mort depuis peu, âgé de
cinquante-quatre ans : il y.en avoit trente que l’usage
de secréter s’étoit introduit dans sa fabrique et l’avoit
fait prospérer ; mais la toux, l’oppression, les maux de
poitrine, le crachement de sang et de pus dont il finit
par être affecté , lui devinrent funestes.
La liqueur employée à secréter est, comme on l’a déja
dit, une dissolution de mercure dans l’acide nitrique,
ce que l’on appelle eau forte du chapelier. "Vers 1727,
lorsque le nommé Dubois, compagnon chapelier, intro-
duisit le secrétage à Paris, on dissolvoit trois livres de
102 SUR LES MALADIES
mercure dans seize livres d’acide nitrique. En 1757,
époque de mes recherches, on ne dissolvoit plus qu’une
livre de mercure sur seize livres d’acide ; ensuite à cette
dernière dissolution, on a ajouté autant d’eau commune
que d’eau forte. Notre confrère Baumé , de qui les cha-
peliers de province tiroient leur liqueur à secréter , la
leur envoyoit à chacun selon le degré de force qu’ils
lui indiquoient ; aux uns dans la proportion d’une once
de mercure par livre d’acide nitrique, aux autres d’une
once et demie , et aux autres de deux onces par chaque
livre d’acide. Maintenant beaucoup de chapeliers tirent
leur liqueur à secréter du distillateur Lacoste. Je tiens
de M. Petit -Jean, chapelier pont Saint - Michel, qu’à
un tiers de cette eau forte il ajoutoit deux tiers d’eau
commune, et que depuis peu il avoit été prévenu par ce
même distillateur que, sur la demande de chapeliers de
province, il tenoit sa liqueur à secréter plus forte; qu’en
conséquence il l’invitoit à y joindre cinq parties d’eau.
Ainsi, on ne sait point encore à quoi s’en tenir sur
les proportions à observer dans cette dissolution, entre
la quantité de mercure à dissoudre, et celle des li-
queurs qui entrent dans cette combinaison ; ou comme
dissolvant, ou comme dulcifiant, pour suffire au se-
crétage et en même temps pour ménager la santé des
ouvriers.
J’ai appris en Angleterre , lorsque jy passai avecnotre
confrère Coulomb pour des recherches sur les hôpitaux,
comment s’y étoit introduit le secrétage. Un chapelier
de Londres trouve une peau de lapin au coin d’une porte,
DES CHAPELIERS. 103
quelques jours après en trouve une autre. Ilen fait entrer
les poils dans un chapeau, et remarque qu’il feutre avec
célérité. Frappé de cette nouveauté , il va à la maison,
s’informe de ce que l’on a fait à ces peaux ; une femme-
de-chambre lui dit que sa maîtresse a mal au sein , qu’on
les y applique, et qu’un certain apothicaire qu’elle lui
nomme les prépare; il apprit que le poil en avoit été
frotté avec une dissolution de mercure dans l’eau forte :
circonstance qui fit prévaloir pendant quelque temps la
chapellerie anglaise.
Je reviens à ce qui regarde l’altération de la santé des
chapeliers. |
Dans la fabrique de M. Carpentier , rue Michel -le-
Comte, le secréteur étoit sujet à des coliques; le cardeur
toussoit, étoit asthmatique ; la plupart des compagnons
trembloient le matin, sur-tout des mains ; ilsne vivoient
guère au-delà de cinquante ans.
Chez M. Letellier, près de Saint-Martin-des-Champs,
le plus âgé des compagnons avoit cinquante-quatre ans,
se portoit bien , ainsi que le secréteur , la coupeuse et la
cardeuse ; seulement tous ces ouvriers étoient maigres.
Surpris du bon état de leur santé, à cela près de leur
maigreur, j'en marquai mon étonnement : j’appris de
M. Letellier qu’il ajoutoit à sa dissolution de mercure
un poids égal d’eau commune; qu’il n’employoit que des
peaux d’animaux tués pendant les mois de décembre,
janvier, février et mars; que pendant vingt ans il avoit
employé le castor, le lièvre , le lapin, la vigogne sans les
» secréter; que seulement il faisoit bouillir pendant vingt-
104 SUR LES MALADIES
quatre heures dans l’eau de puits le quart du poil qui
devoit entrer dans chaque chapeau.
La manufacture de M. Petit-Jean , cloître Saint-Méry,
n’offroit point non plus de compagnons qui tremblassent
et qui toussassent ; quelques - uns cependant y étoient
morts de maladies de poitrine, mais c’étoient de ceux
qui avoient travaillé dans d’autres fabriques. Du reste,
les ouvriers de cette manufacture ne conservoient pas
plus d’embonpoint , pas plus de forces dans les jambes,
que ceux des autres manufactures; il s’en trouvoit pour-
tant quiatteignoient à leur soixante-sixième année,
J’ai trouvé soixante compagnons chez M. Chol, rue
du Cimetière-Saint-Nicolas, tous maigres, l’un d’eux
âgé de soixante - dix ans; plusieurs toussoient, trem-
bloient, étoient affectés de rhumatismes; le secréteur,
âgé de cinquante-cinq ans, étoit décharné et sujet à des
tremblemens.
Enfin, dans la manufacture de M, Chatelain, rue
Saint - Sauveur, où l’on n’employoit que des poils de
premième qualité, et où j’ai vu jusqu’à quarante com-
pagnons, sans compter plus de soixante employés ail-
leurs, il s’en trouvoit quelques-uns de soixante-dix ans,
peu de trembleurs, de poitrinaires, quelques hydropi-
ques, et de temps en temps des fouleurs avec des crevasses
et des gerçures aux mains : là, comme dans les autres
fabriques , on étoit affecté de maigreur, et l’on abusoit de
l’eau-de-vie.
Il résulte de ces observations, que l’art du chapelier,
tel qu’on l’exerce à Paris, augmente le nombre des
&
DIES CHA PELIE HMS. 105
causes des maladies qui affligent l'espèce humaine. Les
principales de ces causes procèdent des travaux à la
foule ; du secrétage , de la coupure des poils, et de l’ar-
çonnage. Je ne passe point en revue ces pratiques de
Part dans l’ordre où l’on y a recours pour établir un
chapeau ; mais je les examine dans celui où il me sera
plus facile d’en distinguer les effets particuliers sur la
santé , et de montrer comment leurs effets, en agissant
de concert, donnent lieu à des symptômes ou accidens
plus fächeux. |
Le travail pénible à la foule, où l’on est posé sur
ses jambes sans les mouvoir, les bras tendus et en action,
la chaleur que l’on y endure, la vaporation qui s’en
élève et qu’on y inspire; tout cela occasionne certains
accidens , maigrit les jambes, les affoiblit, grossit les
avant-bras , encore plus les bras, provoque une sueur
abondante qui dessèchele corps , appauvrit les humeurs,
sollicite la soif, excite à l'usage de l’eau-de-vie en boisson,
dont l’abus accroît le desséchement, épaissit les fluides
sanguins. Eh ! qui peut dire les autres maux que produit
cette boisson, à raison des ingrédiens qu’on y ajoute
frauduleusement, à dessein de lui procurer plus de
montant ? s
À la foule on est encore sujet, sur-tout ceux dont
les mains sont potelées, à des empoules, des crevasses
ou gerçures, parce qu’on les a continuellement soumises
à l’action, je ne dis pas seulement de l’eau bouillante,
mais à celle d’un bain où il entre de la lie de vin, laquelle
1806. Premier semestre. 14
106 S'URAONL ENS SIMANEMAEDAE ES
je présume augmenter la chaleur de ce bain. Ma pré-
somption porte sur ce que les poils feutrent moins dans
l’eau bouillante simple , que dans un bain d’eau chargé
à l’ordinaire d’un douzième pesant de lie de vin fraîche ;
elle porte sur la nature des poils, lesquels sont une
substance cornée susceptible de s'amollir à la chaleur de
Peau , et d'autant plus que cette chaleur est grande. La
lie toutefois conserve la peau des mains ; l’eau bouillante
sans lie la détruiroit plus promptement, mais l’eau
bouillante fait le chapeau plus fin, plus clair, plus lisse,
plus délié; elle ne donne point, comme la lie, autant de
corps ni de solidité au chapeau. On a aussi essayé le sel
marin en place de lie; il fait feutrer , mais on s’en est
désisté, parce qu’il a l'inconvénient d’enlever prompte-
ment la peau des mains.
Ce n’est pas sans raison que j’ai dit, en parlant de
la chaleur du bain de nos chapeliers, que c’étoit la lie
fraîche dont, en général, on usoit à Paris, qu’il faut
distinguer de la lie sèche, c’est-à-dire de celle que l’on
gratte, et que l’on tire en poussière des tonneaux; on
est obligé d’avoir recours à celle-ci dans les contrées
où l’on ne recueille point de vin , dans celles où on le
transporte dans des outres , ainsi que dans les pays à
vin , lorsqu'il y en a disète : or, cette lie sèche a des in-
convéniens que n’a pas la lie fraîche; elle est moins
favorable au feutrage, et, ce qui importe à notre objet,
c’est que plus active elle détruit l’épiderme par place,
et produit au bout des doigts de petites crevasses, ce
|
DES CHAPELIERS.
107
qu’en terme de chapellerie, on appelle yezx de per-
drix, et auxquelles on est plus sujet en mars et en
avril (1).
Il étoit naturel de penser que les sueurs abondantes
des compagnons qui travaillent à la foule pouvoient in-
fluer tant sur la quantité que sur la qualité de leurs
humeurs. Cette réflexion me suggéra quelques questions,
et les réponses furent :
Que les urines de ces ouvriers étoient rares , foncées,
troubles ;
Les mucosités du nez peu abondantes, épaisses;
L’expectoration copieuse, facile , visqueuse ;
Le ventre habituellement libre ;
Qu’ilis faisoient beaucoup d’enfans , en élévoient peu,
dont la plupart périssoient vers la quatrième année.
Les accidens qui paroissent dépendre du secrétage ,
sont, le tremblement des dents, des bras, souvent de
tout le corps, des coliques, certaines affections de la poi-
(1) En France, la lie fraîche est de deux espèces : l’une se tire en pain
de chez les vinaigriers ; l’autre de chez les marchands de vin. Celle-ci n’est
point en pain; elle est en général plus fluide que la précédente, et moins
estimée. On en distingue de trois sortes : la blanche, que l’on prise moins;
la rouge, provenant de vin collé au blanc d'œuf, qui se lie mal à l’eau de
la foule et se précipite, et la rouge que l’on tire d'Argenteuil, d'Auxerre,
de Beaune, etc., des tonneaux dont le vin a été soustiré et non clarifié.
Dans les pays, comme en Angleterre, où l’on est privé de toutes sortes
de lies de vin, on leur substitue à la foule l’acide vitriolique, qui ne les
remplace pas entièrement. Cet acide donne moins de corps au chapeau. On
y a recours dans nos manufactures de chapellerie , mais c’est lorsqu'il s’agit
de fouler des chapeaux mollets et de couleur à l'usage des femmes.
108 SUR LES MALADIES
trine, comme oppression, crachemens de sang, de
pus, etc.
Les risques que court l’arçonneur, il les partage avec
le batteur de peaux, le coupeur, le cardeur. Il faut con-
sidérer ces quatre sortes d’ouvriers comme s’exerçant sur
des poils ou non secrétés ou secrétés ; dans le premier cas
il s'élève des matières qu’ils exploitent, ou des pous-
sières , ou des poils simples qui provoquent la toux ; dans
le second , ces mêmes substances, chargées de la liqueur
du secrétage; deviennent d’autant plus contraires au
poumon qu’il est entré plus de mercure dans la compo-
sition de la liqueur à secréter.
On pouvoit craindre que les poils que ces ouvriers
avalent ne se pélotonassent quelque part , et ne tournas-
sent en œgagropiles ; on n’a pu m'éclairer sur ce point,
parce que la plupart des ouvriers chapeliers vont ter-
miner leur pénible vie dans les hôpitaux; ce seroit de
ces maisons que l’on pourroit attendre des éclaircisse-
mens relatifs à cet objet : il mérite bien que l’on y fasse
attention.
Quant à ce qui regarde l’arçonneur , il donne lieu à
quelques remarques particulières. Il est d'usage que
chaque compagnon arçonne le matin de quoi faire deux
chapeaux qu’il foule le soir. Si les poils arçonnés ont
été secrétés, après en avoir inspiré les émanations de
nitre mercurielles à larçonnage, il continue de s’en
pénétrer à la foule, soit en vapeurs qu’il respire, soit
par la peau et les crevasses des mains : or, dans quelles
circonstances le mercure ainsi introduit le surprend-t-il?
DES CHAPELIERS. 109
C’est lorsque cet ouvrier est tombé dans le dépérissement
et la maigreur; ce qui ne sauroit manquer d’accroître
l'intensité des accidens occasionnés par les travaux de la
foule.
Ainsi , l’état de chapelier expose la santé et la vie de
celui qui l’exerce ; davantage en certaines fabriques que
dans d’autres, d’autant plus que l’on abuse de l’usage
de l’eau -de-vie en boisson, et que l’on emploie une
liqueur à secréter plus chargée de mercure.
Il est sans doute de ces accidens dont on vient de
parler, qui sont attachés indistinctement à toutes les
fabriques ; ceux, par exemple, provenans de la foule
et de l’arçonnage : ils avoient lieu avant l’introduction
du secrétage dans les fabriques de chapelerie, comme
ils ont encore lieu aujourd’hui par-tout où l’on ne
fait que des chapeaux de laine suffisamment longue qui
n’a pas besoin d’être secrétée.
Quant à l’abus que la plupart de ces ouvriers font
de l’eau-de-vie en boisson , l’exemple de ceux qui usant
de vin supportent aussi-bien le travail , vivent plus long-
temps, ne demande qu’à être plus universellement
adopté.
Mais ce qui devoit sur-tout s’attirer notre attention,
c’est l’emploi de la liqueur à secréter, parce qu’elle
altère sensiblement la santé, et qu’elle abrège les jours ;
c’est l’incertitude où l’on est sur le degré de sa composi-
tion, les uns la faisant plus chargée de mercure, les
autres dulcifiant avec plus ou moins d’eau commune
Vactivité de acide nitrique. Nous avons vu que de là
110 " SURILES' MALADIES
dépendoit plus ou moins de tremblemens, de coliques,
dephthisies,etc. etc. Puissent ces remarques appeler plus
que jamais l’attention des chefs de fabrique , leur inspirer
l’urgente nécessité de perfectionner le secrétage en le
réduisant au degré de force suffisant ; et, ce qui vau-
droit beaucoup mieux, de lui substituer un procédé
également utile à l’art sans qu’il soit aussi préjudiciable
aux artisans! Les compagnies savantes cherchent souvent
le sujet d’un prix : en est-il un plus digne de leur atten-
tion, plus digne des talens des hommes instruits qui
veillent aux progrès des arts, et qui s’intéressent à la
conservation de ceux qui les cultivent?
Un court exposé des substances que l’on emploie à
présent dans la chapelerie de Paris, fera mieux con-
noître, que tout ce que je pourrois dire, la nécessité
de recourir à un moyen de secréter moins insalubre que
celui maintenant en usage.
Depuis 1763, que la France a perdu le Canada , ses
chapeleries sont devenues plus meurtrières que jamais.
Privées de castor , elles ont eu recours à des poils d’autres
animaux ; mais ces poils feutrent moins bien que ceux
du castor, ou ne feutrant aucunement, il a fallu les
secréter , ou bien les mêler avec des poils feutrant qui
fussent en même temps secrétés, pour faire rentrer à la
foule tant les uns que les autres. Les travaux de ces ma-
nufactures ne sont donc pas seulement subordonnés à
la nature ou à l’essence du métier de chapelier ; ils le
sontencore à l'esprit envahisseur des gouvernemens. En
effet, les poils et les laines que l’on emploie aujour-
DES CHAPELIERS. Eng LE:
d’hui, les préparations , les mélanges auxquels, faute
de castor, on est obligé d’avoir recours pour faire feu-
trer ces mélanges, nécessitent un secrétage qui chaque
jour devient plus fort, dès-lors plus dangereux. Ainsi,
on ne sauroit le dissimuler, quoique ce soit une vérité
pénible à dire, qu’en traitant de la paix avec le gou-
vernement anglais après nous avoir enlevé le castor,
il ne continue pas moins de tuer nos ouvriers dans nos
manufactures de chapeleries; de sorte qu’en état de paix
comme d’hostilités, ce gouvernement reste toujours en
guerre avec nous. Revenons aux dangers auxquels sont
exposés nos chapeliers depuis que nous sommes privés
de castor.
Les chapeaux que l’on fabriquoit autrefois étoient en
général de première , seconde et troisième qualité. Ceux
de première qualité étoient de pur castor. La France en
fournissoit l'Espagne et l'Amérique méridionale. C’est
une branche de commerce perdue. Parmi les poils ou
les laines et les autres productions animales que l’on
fait entrer aujourd’hui dans la composition des cha-
peaux, les uns n’ont pas besoin d’être secrétés pour
marcher à la foule, les autres en ont un besoin indis-
pensable : deux dispositions opposées l’une à l’autre ;
elles renferment des exceptions dignes d’attention dans
la pratique de Part.
Nous dirons d’abord, et en général, quels sont les
laines et les poils qui n’ont pas besoin d’être secrétés,
nous indiquerons ensuite ceux qui ne pourroient feu-
trer s’ils n’étoient secrétés.
112 SUR NLNELS MMANL) À D LE s
Les Jlaines et les poils en qui réside la faculté de
feutrer sans qu’il soit nécessaire de recourir au secré-
tage , sont :
Les laines de nos troupeaux de moutons;
La carménie de Perse ;
La laine dite de vigogne , qui nous vient du Bérôd par
la voie de l'Espagne ;
Les poils de chameau , de castor, de loutre de France,
de petite loutre d'Amérique, les poils de lièvre, ceux
du lapin de garenne , tous objets que nous avons rangés
dans l’ordre qui nous a été donné par différens chefs
de manufactures pour être à peu près celui de leur plus
grande aptitude au feutrage.
Quant aux poils, ou aux autres substances animales
qui ne feutrent point par eux-mêmes; ce sont ceux de
chevreau , d'agneau , de veau , d’ânon , de chien barbet,
en général les poils très-courts, en particulier ceux de
la taupe, dont on fait de superbes chapeaux, de mar-
motes au défaut de lapin; la soie parfilée secrétée à
blancheur, comme faisoit le chapelier Prévost, qui en
a introduit l’usage. On a aussi employé le ploc, ou
duvet de l’autruche, mais il n’est point assez abondant
pour fournir aux besoins de la chapelerie.
A l’égard des exceptions que présentent plusieurs de
ces substances, les principales sont que les laines et
poils des jeunes animaux ne feutrent pas aussi-bien que
ceux des vieux;
Ceux des animaux tués pendant l’été4 que ceux tués
pendant l'hiver;
DES CHAPELIERS. 113
Le poil sec du castor, que le gras ;
Le poil des flancs, de dessous le ventre, du col du
castor, du lièvre et du lapin , aussi bien que celui du
milieu de la crête du dos de ces animaux;
Celui du lapin clapier , que celui du lapin de garenne;
Le petit bout d’un poil quelconque , que le gros bout
dont on a retranché l’oignon,
Tous ces poils de nature feutrante, maïs qui feutrent
bien moins que d’autres, parce qu’en général ils sont
ce que l’on appelle vezles ou souples, et souvent trop
courts, ont besoin d’être secrétés , soit qu’on les em-
ploie seuls, soit qu’on les mêle entre eux, ou avec
des poils, ou autres substances animales qui ne feutrent
point d’elles-mêmes. Voilà ce qui accroît l’usage et le
danger de l’eau forte du chapelier.
Depuis peu on a reçu en Frañce, par des vaisseaux
espagnols , des peaux d’un lapin de très-petite espèce
à poils fins et longs, et des peaux d’un animal amphibie.
connu sous le nom de lowp-marin. Les uns et les autres
nous sont apportés des iles de la rivière de la Plata,
près de Buenos-Ayres. Je tiens ces renseignemens de M.
de Er consul pour le commerce d’Espagne à Paris.
On n’a pu me dire dans nos manufactures si ces poils
ont besoin d’être secrétés.
On voit par ces détails jusqu’à quel: point s’étend:
Pusage de la liqueur à secréter, puisqu'il est peu de
chapeaux aujourd’hui pour lesquels on n’y ait recours.
Et, attendu que «les substances feutrantes deviennent
chaque jour plus rares, il n’est point de tentatives que.
1806. Premier semestre. 15
ÿ
114 SUR LES MALADIES
Von ne fasse pour les remplacer, et en même temps pour
faire marcher tous ces moyens de remplacement par le
secrétage. Ce seroit donc encore une fois rendre un
grand service que d’en procurer un qui fût moins dan-
gereux. En attendant ce secours si fort à désirer , n’y au-
roit-il pas des précautions à prendre pour affoiblir, dans
cette classe d'ouvriers, les dangereux effets du mercure ?
Entre les faits que la pratique de Part de guérir m’a
fournis , où l'emploi de ce minéral causoit des ravages,
je choisis le suivant pour montrer que le mercure, pris
même à fort petites doses, a produit quelquefois des
accidens redoutables , et que pourtant on peut, en cer-
taines circonstances, tempérer et même surmonter. J’en
rapporte une preuve; elle ne sera pas déplacée, si elle
peut suggérer d’en faire des applications qui tournent
à l’avantage des chapeliers.
Un riche colon de Saint-Domingue, grand et fort,
âgé d’environ quarante ans, avoit pris des mains d’un
chirurgien seulement deux pilules où il entroit du mer-
cure , l’une un jour, l’autre le jour suivant. Bientôt elles
occasionnèrent une abondante salivation, des ulcères
dans l’intérieur des joues ; et comme les accidens de-
venoient inquiétans, on appela un médecin justement
célèbre , et fort versé dans le traitement des maladies vé-
nériennes. Il étoit d’usage de purger pour faire cesser la
salivation : le malade fut donc purgé; mais la saliva-
tion , au lieu de diminuer, s’accrut, devint chaque jour
plus abondante ; le malade s’affoiblissoit. Un chirurgien
d’une réputation méritée fut appelé, il purgea. La sa-
DES CHAPELTERS. 118
livation augmenta; les forces diminuèrent encore; les
ulcères des joues se creusèrent, gagnèrent le voile du
palais , l’arrière-bouche. La voix étoit éteinte, la mai-
greur grande, la poitrine souffrante, Aa tête enflée.
Instruit , lorsque l’on réquit mes soins, de ce qui venoit
de se passer ; j’en profitai; je tournai mes vues vers les
incrassans pour émousser. J’eus recours à la gomme
arabique, je la donnai à grandes doses dans un véhicule
aqueux. J’en soutins l’usage, Ce moyen calma la sali-
vation, peu à peu la fitcesser, permit de remédier aux
autres accidens et de reprendre le traitement.
On est en général peu instruit sur ce qui regarde le
vice des humeurs, sur leurs degrés d’altération, ainsi
que sur les moyens d’en surmonter les effets. Dans le
cas particulier des désordres.causés par le mercure, on
croyoit assez généralement les purgatifs un moyen propre
à les faire cesser ; et nous voyons qu’ils aggravent quel-
quefois ; tandis que les mucilagineux les tempèrent : ce
qui montre qu’il faut , dans le traitement d’une maladie
que lon estime à ses caractères ou à ses symptômes être
la même , savoir recourir à des expédiens divers. C’est
pourquoi on ne sauroit trop multiplier les observations
tendantes à faire connoître les bons effets de ces moyens
particuliers. En même temps qu’elles accroissent le
. nombre de nos ressources:, elles indiquent dans le ca-
ractère du mal des degrés, ou ; si on aime mieux, des
modifications qui échappent à nos sens, et, que pour-
tant il importe de saisir. Et c’est aussi la raison pour
laquelle je joindrai à ce qui précède une observation
116 SUR LES MALADIES DES CHAVPELIERS,
intéressante que j’emprunte de l’illustre de Jussieu: (1);
elle tend, comme la précédente , à ménager des secours
aux chapeliers.
« Jussieu, en examinant les mines de mercure d’Al-
» maden en Espagne, y trouva des forçats sujets
» aux enflures des parotides, aux aphthes ; à une sali-
» vation, et à des pustules ; accidens qui, dit-il, leur sont
» communs avec ceux qui sont dans les remèdes mercu-
» riels. À quoi il ajoute que la pratique des médecins
» d’Almaden , pour arrêter ces symptômes , est bien dif
» férente de celle en usage par -tout ailleurs, et qui
» consiste à employer les purgatifset les saignées #ils
» se contentent de faire exposer les malades au grand
» air, et de leur donner quelques absorbans , tels que
5 la corne de cerf brûlée ,; Pivoire , les yeux d’écrevisse ;
» traitement qui réussit presque toujours. » j
Je me persuade que dans plusieurs occasions il seroit
avantageux aux chapeliers occupés du secrétage et à
ceux qui emploient à l’arçonnage et à la foule des poils
secrétés:, ou de la: soiessecrétée: à blanc; ainsi. qu’à la
coupeuse, qu’il leur seroït avantageux, dis-je, d’user
de substances invisquantes, comme dans notre obser-
vation , ou des terres absorbantes , comme il se pratique
dans les mines d’'Almaden. C’est, au surplus, à l’ex-
périence qu’il faut s’en remettre pour juger de efficacité
de ces moyens. Puissent.- ils répondre aux besoins des
chapeliers , ainsi:qu’à nos vœux !
Gi) Mém. de PAcad: 719, p4357, et Cellect. acad, t. IV, p. 406.
SUR LA MÂTRICE D'UNE FEMME, etc, UT
CONSIDÉRATIONS
Sur la matrice dune femme au huitième mois de
gestation ;
* Par M. TEenonx.
L Lu le 16 floréal an 8.
Parvorpar. chirurgien à l’hôpital de la Salpêtrière en
1751, l’occasion se présenta d’y faire l’opération césa-
rienne à une femme enceinte de huit mois : elle venoit
de perdre la vie; je tirai un enfant mâle encore vivant,
de 38 centimètres de hauteur:
Il est si rare d’avoir des faits suffisamment circons-
tanciés en ce genre, que je crus devoir faire dessiner la
matrice de cette femme, d’abord en place; entourée des
autres viscères, pour en avoir les rapports avec les par-
ties environnantes, ensuite hors de place, afin de m’as-
surer des changemens survenus dans ses principales
régions.
Description de cette matrice vue en place. (PL I,
Fig. 1.)
J’ax fait une coupe des os pubis (AB), ensuite jai
enlevé la vessie, puis j'ai fendu le vagin pardevant,
118 SUR LA MATRICE D'UNE FEMME
selon sa longueur (DE) pour découvrir l’orifice de la
matrice (E) et son col (F). Je les ai laissés exprès dans
leur entier , et afin de mieux juger de leurs rapports de
situation. J’ai conservé dans cette coupe le ligament du
bassin qui passe d’un côté à l’autre sous l’arcade des os
pubis (GG); c’étoit un terme de comparaison que je
ménageois pour mieux juger de la distance de ces li-
gamens avec certaines parties dont on parlera. Quant
à la matrice, elle avoit été ouverte depuis son col (F)
exclusivement jusqu’à son fonds (G). Elle renferme un
placenta en raquette (H) , le cordon ombilical (1), le cho-
rion (Li) et l’amnios (M).
On voit aussi dans cette planche le ligament rond ou
vasculaire (N); quoique représenté à gauche, c’est le
droit , attendu le renversement qui s’est fait des objets
du dessin dans la gravure; le gauche est recouvert de
quelques parties molles; l’un et l’autre étoient rouges,
enflammés, tuméfiés, tendus et non pas ronds, mais
applatis comme un ruban jusqu'aux anneaux.
Le ligament transversal des os pubis (CC), que nous
avons conservé comme un terme fixe auquel nous rap-
portons certains objets pour en connoître la distance,
répond à environ le milieu de la longueur du vagin; ce
qui peut faire juger de la hauteur où se trouve à cette
époque de huit mois de grossesse , et dans les circons-
tances dont il est ici question, l’orifice de la matrice. Les
plis du vagin subsistent dans toute sa longueur. Cette
gaîne aboutit par son extrémité supérieure à 7 ou à 8
millimètres au-dessus des bords qui terminent le museau
À HUIT MOIS DE GESTATION. 119
de la matrice. Le mnseau (E) est prononcé dans le vagin ;
il est souple, renflé, d’un rouge brun, ça et là caver-
neux, et présente une ouverture assez ample pour ad-
mettre le petit doigt ; enfin, il est situé 27 millimètres
au-dessus du ligament transversal des os pubis.
On devoit s'attendre, d’après les notions reçues sur
Vétat de la matrice à cette époque de la grossesse, à
trouver le col de cet organe raccourci ; cependant il avoit
42 millimètres de long, tandis que dans la femme qui
v’est point enceinte, sa longueur ordinaire est de 27:
ainsi, il s’étoit accru de 15 millimètres enlongueur, au
lieu de s’être raccourci comme on est persuadé qu’il le
doit être à cette époque de huit mois de gestation.
Quant au placenta , il occupe seulement la cavité du
fonds et celle du corps de la matrice ; il est appliqué à
leurs faces postérieures. Cette matrice, dans létat où
on la voit, étant en place, a , depuis son fonds jusqu’à
son museau, 191 millimètres, et hors de place, en ayant
dégagé le placenta, 270, ou 79 millimètres de plus qu’en
place; ce qui feroit soupçonner que le décolement et
la soustraction du placenta auroïient occasionné cet
accroissement de longueur, et que par son adhérence
à la matrice , il lui donne du corps et augmente son
action.
‘Une autre remarque essentielle est que dans ces deux
états, je veux dire la: matrice étant en place et hors de
place, la longueur de son col n’a pas varié; elle s’est
trouvée constamment de 42 millimètrés.
Après avoir donné quelque attention à la matrice
120 SUR BA MATRICE D'UNE FEMME
considérée en elle-même, et à quelques-unes de ses dé-
pendances durant qu’elle est renfermée dans le ventre,
voyons quels sont, quant à sa position, ses rapports
avec les parties environnantes, toujours à pou 0 de
huit mois de grossesse.
‘Par son exhaussement et par son développement; elle
étoit parvenue à déplacer le système intestinal, à dé-
passer les menus intestins, à les couvrir, les ramasser
dans la région lombaire , à ‘presser le cœcum (O0) d’un
côté , le rectum du côté opposé (P}), à soulever l’arc du
colon (Q), ainsiique l’estomac et le diaphragme : dis-
positions essentielles à ne pas pe de vue pour l’é-
poque dont: il s’agit ici.
Guillaume Hinss les:a bien représedtes dans son
grand ouvrage pour la femme enceinte de neuf mois;
mais, lorsqu'il s’agit de recherches de la nature de celles-
ci, il convient ide connoître , et les rapports de chaque
partie, ainsi que de chaque région de la matrice entre
elles, et ceux de la. matrice elle-même , avec les diffé-
rentes parties du bas-ventre contre lesquelles elle se
trouve-placée aux différentes époques de la grossesse.
Cerve matrice, considérée hors de place (pZ. IT) , et
représentée avec quelques-unes de ses parties accessoires ,
donne lieu à! d’autres remarques. Il-en est quiregardent
son col (A), elles ne s'accordent point avec: ce que l’on,
sait pour l’époque de la grossesse dont nous rendons
compte. Ici ce col a,été ouvert dans toute sa longueur,
afin demieux s'assurer de ses dispositions intérieures ;
À HUIT MOIS DE GISTATION. 121
il a, comme nous l’avons dit, la même étendue de 42
millimètres en longueur , que dans la planche précé-
dente, où il n’est point ouvert : sa cavité n’est plus
olivaire comme avant la grossesse , mais cylindrique d’un
bout à l’autre, et d’une capacité à pouvoir y introduire
le petit doigt; les plis, qui d'ordinaire dans la femme
qui n’est pas enceinte la traversent , la ligne saillante
qui a coutume de les séparer sur le milieu de la lon-
gueur de ses deux faces, n’existent plus; enfin, on y
aperçoit intérieurement une multitude de petites cavités
ou lacunes remplies, ainsi que tout ce canal cylindrique,
d’une substance gélatineuse de couleur blonde un peu
foncée. Je m’attendois à trouver l'extrémité supérieure
du col, joignant le corps de la matrice:, plus souple,
comme devant se disposer la première à s’y joindre pour
en accroître la capacité : c’étoit le contraire; elle étoit
plus ferme que l’inférieure , ou que le bourrelet du
museau de tanche ; lequel se trouva non-seulement plus
ramolli, mais encore plus renflé et spongieux. J’ajou-
terai que les parois du col avoient acquis de l’épaisseur.
Sans doute tous ces changemens survenus dans cette
région de la matrice sont autant de moyens qui la dis-
posent à se confondre , sur la fin de la grossesse, avec la
cavité du corps de ce viscère, et il convenoit d’appeler
l'attention des observateurs sur un pareil fait. On ne
sauroit voir, à cette époque de huit mois de grossesse,
ce qui se passe dans le col de la matrice et dans les ré-
gions supérieures de cet organe, sans être frappé des
différences qu’on y aperçoit,
1806. Premier semestre. 16
122 SUR LA MATRICE D'UNE FEMME
Que le corps et le fonds de la matrice soient distendus
progressivement durant que l’enfant et ses enveloppes
les occupent et y croissent , cela n’a rien de surprenant:
mais comment se fait-il, tandis que l’enfant et ses dé-
pendances occupent seulement les cavités du corps et
du fonds de la matrice, que la cavité du col change,
se déforme, s’allonge, s'ouvre, que ses parois épais-
sissent, etc? C’est ce dont les connoissances que l’on
possède sur la structure de la matrice ne peuvent encore
rendre raison : sa structure mieux approfondie découvre
une organisation particulière sur laquelle nous nous
expliquerons, lorsque nous rendrons compte de nos
autres recherches anatomiques sur la matrice dela femme
nouvellement accouchée.
S'agit-il de l'épaisseur des parois de ce viscère dans
le cas présent; elle étoit de 5 millimètres à la jonction
du col avec le corps (c’est l’endroit le plus mince), de
7 vers le milieu des cavités du col et du fonds, et de
11 millimètres vers le milieu du corps.
Si ensuite on porte son attention sur les ligamens
larges, on trouvera qu’ils s’étendent de chaque côté de-
puis seulement le bas du fonds (B), le long de la région
du corps (B C), et de celle du corps de la matrice (C D),
jusque vers la partie moyenne du vagin (E).
Quant au ligament rond , il est transporté de chaque
côté par l’effet de la grossesse sur la face antérieure de
la matrice, à la distance de 27 millimètres de l'insertion
de la trompe de Fallope (GH) : là ,il se présente de champ
et se développe en patte d’oie sur le corps de ce viscère,
A HUIT MOIS DE GESTATION. 123
auquel se rapporte l’une de ses principales fonctions du-
rant la grossesse, qui est de détourner le trop plein
du sang de cette région moyenne de la matrice sur les
veines vaginales inférieures , en le faisant passer par les
anneaux pratiqués dans les plis des aines aux muscles
du bas- ventre; objet qui laisse des éclaircissemens à
désirer, sur lesquels onreviendra dans un autre mémoire.
L’étendue en hauteur de chaque région de cette ma-
trice,mesurée en devant sur le milieu de leur longueur, est
pour le fonds (IL) 123 millimètres , pour le corps (L N)
105, et pour le col (NM) 42, en tout 270 millimètres ;
au lieu que dans la femme qui n’est pas enceinte, la
longueur totale de ces trois régions est de 7o milli-
mètres : de sorte que cette matrice de la femme enceinte
de huit mois, dans l’état où nous la considérons, excède
de 200 millimètres la longueur ordinaire de la matrice
de la femme qui n’est pas enceinte.
Cette observation conduit encore à d’autres résultats ;
savoir que dans la grossesse , à l’époque de huit mois, les
gros intestins pressés latéralement longent les côtés de
la matrice, que les grêles sont soulevés, portés en ar-
rière et recouverts en devant par cet organe, dont le
fonds pressé soulève aussi l'arc du colon, le foie, l’es-
tomac; de sorte que devenu plus volumineux au neu-
vième mois de gestation, l’on peut croire qu’il devoit
déplacer davantage ces différentes parties, et, par leur
moyen, le diaphragme; ce qui ne peut manquer de
restreindre la capacité de la poitrine , et , à chaque ins-
piration, le volume de l'air vital. On est éloigné de
124 SUR LA MATRICE D’UNE FEMME
savoir à quel point cette soustraction de Pair vital dans
‘la femme enceinte influe sur la qualité de ses humeurs;
on sait seulement que son sang est en général plus aqueux
que lorsqu’elle n’est pas enceinte.
Ce déplacement de ces différentes parties du ventre
se renouvelle dans le même ordre et d’une manière
constante à chaque grossesse : on ne sauroit donc se
dispenser de le regarder comme une disposition néces-
saire et l’effet de causes naturelles. Mais quelles sont
les causes qui l’occasionnent? Je ne sache point que
l’on se soit occupé de cette recherche, et que l’on se
soit expliqué à leur sujet. J’en remarque cinq , lesquelles
concourent simultanément au même but.
L’une comprend les courtes attaches des gros intes-
tins, qui ne leur permet de se prêter qu’à un déplace-
ment latéral de peu d’étendue.
L'autre est la longue suspension des intestins grêles
qui, en leur laissant la liberté de flotter, en facilite le
refoulement.
La troisième est la saillie que font dans le bassin à
son entrée la dernière vertèbre des lombes et la pre-
mière pièce de los sacrum , laquelle saillie, lorsque la .
matrice prend du volume, se prolonge dans le ventre , en
déverse le fonds vers les os pubis, qui, prolongés en de-
vant , échancrés en arrière, se prêtent à ce déversement.
La quatrième procède des deux ligamens ronds qui,
comme autant de haubans placés en devant près des
côtés de la matrice à la hauteur seulement de son corps,
mais sans être contre-balancés en arrière par des puis-
À HUIT MOIS DE GESTATION. 125
sances égales, à l’époque où ce viscère s’élève hors du
bassin, en dégagent le fonds de dessous les menus in-
testins, l’attirent en devant contre les parois du ventre,
et l’y appliquent d’autant plus que cet organe acquiert
ensuite une plus longue étendue durant le progrès de la
grossesse,
La cinquième et dernière de ces causes dépend de:la
pesanteur que la grossesse occasionne dans Île ventre.
La femme alors, pour éviter de tomber en devant, est
forcée de porter sa tête et le haut de sa poitrine en
arrière , ce qui redresse et tend les muscles droits du
bas-ventre : ceux-ci, ainsi tendus et redressés, compri-
ment la face antérieure de la matrice, laquelle, venant
à croître et à se prolonger dans cette situation, ne sau-
roit manquer de soulever, de renverser les menus in-
testins, et de les couvrir pardevant; enfin de presser les
différentes parties opposées supérieurement à son fonds.
Pourquoi toutes ces précautions tendantes à placer la
matrice en avant des intestins? C’est qu’il falloit la
mettre à portée de l’action des muscles du bas-ventre
pour faciliter dans cet organe, durant la grossesse, le
retour du sang veineux, et sur la fin de la gestation,
expulsion de l'enfant.
L'observation dont nous rendons compte fournit enfin
un moyen de rectifier le sentiment d’accoucheurs célè-
bres sur l’état du col de la matrice à six et à sept mois
de grossesse. :
Mauriceau croyoit qu’à partir du sixième mois en-
viron ; la cavité du col de la matrice commençoit à se
126 SUR LA MATRICE D'UNE TEMME
raccourcir et à se confondre dans celle du corps de ce
viscère. Cette opinion a été embrassée par Smélie et par
Rœdrer. Guillaume Hunter reculoit ce raccourcissement
jusqu’au septième mois. Une observation d’Haller et une
de Weitbreth , paroïssent appuyer cette dernière façon
de penser, puisque dans celle d’Haller, pour six mois
de gestation, le col de la matrice subsistoit ; seulement
il étoit assez dilaté pour pouvoir admettre le petit doigt ;
et dans celle de Weitbreth se rapportant à l’époque de
sept mois, les feuillets du col n’étoient point effacés,
comme il y a lieu de croire qu’ils l’eussent été si sa
cavité se füt jointe en partie à celle du corps de cet
organe. Quant à Levret , il croyoit que le col de la ma-
trice commence à s’évaser du huitième au neuvième
mois.
Si nous comparons l’état du col de la matrice de
notre observation à celui des observations des auteurs
dont nous venons de parler, on verra que même à
l’époque de huit mois de grossesse, dans notre observa-
tion , il n’étoit point raccourci ni évasé, qu’il n’étoit
aucunement confondu avec la cavité du corps de ce
viscère , que même il étoit alongé ; en conclurai-je que
les observations de ceux qui nous ont précédé sont
inexactes ? Non assurément , mais qu’ils ont voulu établir
des déterminations absolues ou des règles générales en
un sujet qui en est peu susceptible; que époque où la
réunion de la cavité du col de la matrice à celle de
son corps commence à se faire, ne sauroit se rapporter
_ dans tous les individus à un terme fixe et unique; que
A HUIT MOIS DE GESTATION. 127
quand même la diversité de leurs observations ne per-
suaderoit pas entiérement de ce que j’avance,ilsuffroit,
pour achever de se convaincre, d’avoir égard aux dif-
férences que peut apporter dans une pareille détermi-
nation, pour l’empèêcher d’être constante, le volume plus
ou moins grand de la matrice, de l’enfant, du délivre
et des eaux qu’il renferme ; la disproportion qui dans
le même individu se rencontre quelquefois entre Fé-
tendue ordinaire du fonds et du corps de la matrice
avec celle de son col, disproportion telle que tantôt le
fonds etle corps ont plus d'amplitude qu’ils ne devroient
en avoir relativement à celle du col; d’autres fois, au
contraire, c’est le col qui est le plus long et les deux
autres régions supérieures qui sont plus courtes qu’à
l’ordinaire : remarques qui conduisent à cette autre con:
séquence ; que des signes tirés de données sujettes à tant
de variétés pour déterminer le terme de la grossesse , ne
sont pas aussi sûrs qu’on pourroit le croire, et que l’on
auroit besoin qu’ils le fussent.
Je terminerai ce mémoire par un fait d’unautre genre
qui nous occupera peu de temps. 9
On avoit avancé autrefois que les artèresombilicales
contenoient des valvules ; depuis on a cessé d’y faire
attention. Ici il s’en est rencontré quatre dans une des
artères ombilicales et deux dans l’autre ; elles étoienticir-
culaires (p2. Z, fig. 11); je ne les ai point trouvées dans
d’autres sujets. Je les crois destinées, lorsqu’élles exis-
tent, à modérer le cours du sang artériel.
Nous avons fait remarquer, dans cette observation ;
2
128 à SUR LA MATRICE D'UNE FEMME
la distance qui subsiste entre le museau de la matrice
et le ligament transversal des os pubis à huit mois de
grossesse , ainsi que l’état particulier où se trouve alors
ce museau.
Les changemens survenus dans la forme et dans la
position des ligamens ronds, lesquels , du côté de la
matrice, se développent en patte d’oie; disposés de champ
sur le corps de ce viscère.
Les dimensions en longueur du fonds ; nous les avons
trouvées plus longues que celles du corps, celles-ci que
celles du col, et toutes ensemble plus longues de 200
millimètres que celles dela matrice de la femme qui
n’est pas enceinte.
Nous avons vu de plus quel est l'emplacement que
la matrice, en se développant, occupe dans le ventre
à l’époque de huit mois de gestation, le refoulement
qu’elle y occasionne des diverses parties plus ou moins
flottantes, et nous avons essayé de faire connoître les
causes de leur déplacement.
Nous! avons fait voir de plus, contre le sentiment de
plusieurs auteurs célèbres, que le col de la matrice ne
commence pas toujours à se raccourcir au sixième ou
au septième mois, et qu’il est dans le col de ce viscère
des dispositions préparatoires à son raccourcissement qui
sont inconnues, comme il est prouvé par notre observa-
tion où l'extrémité supérieure du col de ce viscère: s’est
trouvée plus ferme , moins gonflée que son museau ; et
nous avons conclu que la différence des observations des
auteurs soit entr’elles , soit avec la nôtre , ne permet pas
Bob.
2727
Mem. de Clnet: 170!
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+
Min de LEaet . 1" Soin BE A EE va. |
A HUIT MOIS DE GESTATION. 129
de rapporter l’époque"*où le col de la matrice commence
à se raccourcir à une seule et même époque, ni de
prendreune trop grande confiance dans les signes déduits
de l’état où il se trouve, pour juger du terme de la
grossesse.
1806. Premier semestre. 17
130 ANALYSE DES TRIANGLES TRACÉS
L]
ANALYSE DES TRIANGLES
TRACÉS
SUR LA SURFACE D'UN SPHÉROÏDE,
Par A. M: LEeGENDRE.
Lu le 3 mars 1806.
Pour peu qu’on examine la nature des triangles tracés
dans les opérations géodésiques, on reconnoît bientôt
que leurs côtés sont des lignes à double corbure : car,
soit qu’on détermine la distance entre deux points donnés
par une corde tendue ou par des piquets qui s’effacent
mutuellement, soit qu’on la considère simplement comme
la route d’un rayon de lumière qui va d’un point à
l’autre; cette distance est toujours la plus courte de
toutes les lignes tracées sur la surface du sphéroïde entre
ses deux extrémités, et cette ligne n’est à simple cour-
bure que dans le seul cas où elle se confond avec le
méridien. Pour établir donc une théorie exacte des trian-
gles sphéroïdiques, il faut la déduire des propriétés
générales de la ligne la plus courte menée entre deux
points quelconques sur la surface du sphéroïde.
Dans les Mémoires de l'Acad. des sciences, année
1787, pag. 366— 369, j'ai donné des formules assez
SUR LA SURFACE D'UN SPHÉROÏDE. 131
simples pour déterminer, dans une étendue quelconque,
la ligne la plus courte qui part d’un point donné et fait
avec le méridien un angle donné. De ces formules on
peut aisément déduire une théorie exacte des triangles
sphéroïdiques, mais j’ai cru qu’il ne seroit pas inutile
de traiter de nouveau cette matière, d’autant que je
n’avois pas donné la démonstration de mes formules dans
le mémoire cité , et qu’elles peuvent encore être simpli-
fiées à quelques égards.
Une autre considération m’a engagé à revenir sur
cet objet. Le calcul des triangles de la méridienne de
Dunkerque à Barcelonne, a été fait dans la supposition
que la chaîne entière fût projetée sur une surface sphé-
rique; on a employé pour le calcul de chaque triangle,
soit le théorème que j’ai donné pour les triangles sphé-
riques très-petits, soit des méthodes équivalentes. Ne
pouvoit-on pas craindre que la différence du sphéroïde
à la sphère, ne produisit quelqu’erreur appréciable sur
une suite de triangles prolongée dans une étendue de
près de dix degrés ? C’est du moins le scrupule qui nr’étoit
resté après toutes ces opérations, et il paroissoit d'autant
mieux fondé qu’on ne peut assimiler entièrement les
triangles sphéroïdiques aux triangles sphériques. En
effet, un triangle sphéroïdique ne peut tourner autour
d’un de ses sommets sans cesser de s'appliquer exacte-
ment à la surface du sphéroïde ; encore moins pamoît-il
possible de transporter un de ces triangles d’un lieu à
un autre qui n’auroit pas la mêmelatitude,
Pour résoudre ces difficultés , il étoit donc nécessaire
132 ANALYSE DES TRIANGLES TRACÉS
de: soumettre à une analyse rigoureuse les triangles
sphéroïdiques : voici pour cet effet la marche que j'ai
suivie.
Deux côtés étant connus avec l’angle qu’ils compren-
nent, si on connoît en outre la latitude du sommet de
l'angle et l’azimut d’un de ses côtés, il est clair que
le troisième côté est nécessairement déterminé par ces
cinq données particulières au triangle.et par les deux
constantes du sphéroïde, son demi-axe et son aplatis-
sement. J’ai donc recherché la valeur de ce troisième
côté, et j’ai développé son carré jusqu'aux quantités du
quatrième ordre inclusivement, en regardant comme
très- petits du premier ordre l’aplatissement et le rap-
port de chacun des côtés donnés au demi-axe du sphé-
roïde. J’ai considéré ensuite que, quelle que fût la loi
suivant laquelle le troisième côté se déduit des données
dont il s’agit, on pouvoit supposer que l’angle opposé
A est diminué d’une quantité z, telle que le troisième
côté ft égal à celui du triangle rectiligne formé par les
deux côtés donnés et l’angle compris 4 — 3.
Par cette supposition on obtient, pour déterminer 3;
une équation fort composée, mais susceptible de beau-
coup de réductions. Et d’abord il étoit manifeste que
les termes indépendans de l’aplatissement devoient se
réduire au seul terme qui représente le tiers de aire
du triangle, puisque ce résultat a lieu dans les triangles
sphériques. Quant aux autres termes, il sembloit très-
possible qu’il en restât quelqu'un affecté de la première
ou dela seconde puissance de laplatissement; mais
SUR LA SURFACE D'UN SPHÉROÏDE. 133
en exécutant les calculs avec tout le soin nécessaire,
on trouve que tous ces termes se détruisent mutuelle-
ment , et que la valeur de 3 se réduit au tiers de Paire
du triangle , comme dans l’hypothèse sphérique.
Ce résultat est tout à la fois indépendant de Papla-
tissement du sphéroïde, de la latitude du sommet
du triangle, et de la direction azimutale de ses côtés.
Il prouve que la différence entre le triangle sphéroïdique
et le triangle sphérique qui a des côtés d’égale longueur,
n’en produit une sur les angles que dans les termes du
troisième ordre ; et celle-ci à son tour, lorsqu'on calcule
d’après des angles donnés, n’en produit qu’une du
quatrième ordre sur les côtés : or, l’une et l’autre dif-
férences ne deviendroient sensibles que pour destriangles
beaucoup plus grands que ceux qu’on peut former dans
les opérations géodésiques.
Si on considère ensuite que toute surface peu diffé-
rente d’une sphère peut être censée coïncider dans une
certaine étendue avec une portion de sphéroïde ellip-
tique disposée convenablement, on en conclura que le
théorème sur les triangles sphériques très-petits, s'étend
généralement à tous les triangles tracés sur une surface
quelconque peu différente d’une sphère.
D’après cette analyse il ne doit plus rester aucun
doute sur l’exactitude du calcul des triangles de la mé-
ridienne d’où on a déduit la distance des parallèles entre
Dunkerque et Montjouy près Barcelonne. Les mêmes
principes s’appliqueront à toute autre chaîne dirigée
comme on voudra par rapport à la méridienne, et le
LES
134 ANALYSE DES TRIANGLES TRACÉS
résultat du calcul donnera exactement la grandeur de
la ligne la plus courte qui joint les points extrêmes, et
la direction azimutale de cette ligne par rapport aux
côtés du dernier triangle.
Quant aux autres déterminations concernant la dif-
férence en longitude des deux extrémités de la chaîne ;
leur différence en latitude, et la direction azimutale du
dernier côté par rapport au méridien du lieu; elles dé-
pendent de la nature particulière du sphéroïde sur lequel
la chaîne est tracée. Nous avons donné les formules qui
conviennent à un sphéroïde elliptique de révolution, et
on peut compter sur leur exactitude; mais les résultats
déduits de différentes chaînes ne s’accorderont pas tou-
jours exactement entr'eux, à cause des anomalies dans
les latitudes et les azimuts qui peuvent être dues aux
attractions locales.
$. Ir. Du triangle formé par deux méridiens et une
perpendicudaire à l’un d'eux.
(1). Sozr ( fig. 1) C le centre du sphéroïde, CP son
demi-axe, CE le rayon de l’équateur, AZ une per-
pendiculaire au méridien PAC, prolongée jusqu’au
méridien PAZ C; par les points 4 et A7 menez les or-
données A7, MT, perpendiculaires à l’axe, et les nor-
males 4 D, MO, terminées à ce même axe en D et O.
Cela posé, nous appellerons :
a le rayon de l’équateur CE;
b le demi-axe CP;
SUR LA SURFACE D'UN SPHÉROÏDE, 135
? la latitude du point 4 ou le complément de l’angle
PDA;
À la latitude du point ÆZ ou le complément de l’angle
PO;
g l’angle 4 P M qui mesure la différence en longitude
des points 4 et M7, ou l’angle compris entre les méri-
diens CPA, CPM;
£ V’abscisse CT';
z l’ordonnée TM;
$ Pare 4 MW;
M l'angle azimutal 4 ATP.
(2). On trouve par les méthodes connues que la ligne
la plus courte sur la surface d’un solide de révolution
a pour équation
CARE CINE . (a)
zd@ : . .
Et parce que 7 —= 272. M, on voit que la propriété
de la ligne la plus courte est de rendre 4. sin. M cons-
tant; or, au point 4 ona M = 90° et sin. M — 1,
Ainsi la constante c est égale à AZ, valeur initiale
de z.
Combinant l’équation précédente avec la formule
ds = du? ,+ vds + de
on en tire les deux suivantes :
CY (dE + dus)
CA VACS
u VW (d® + du’)
V G — 6°)
de =
(CN ee
136 ANALYSE DES TRIANGLES TRACÉS
desquelles il faudra éliminer l’une des variables £ et z
par le moyen de l’équation du méridien.
(3). Si le méridien est elliptique, comme nous le sup-
poserons désormais, on aura
LE . (D — #)
mais, pour parvenir aux résultats les plus simples, il
conviendra d'employer une nouvelle variable À telle
qu’on ait £ — b. sin. '; il en résultera x = à. cos. À,
et la substitution de ces valeurs donnera
nas c dn'\/ (a°. sin?. X' + B?%. cos’. à)
M de TU .@
RUES adx'. cos.x'4y/ (a. sin?. x" + b?. cos?.x")
SAT CNT NET NL er
Il est à observer que la variable auxiliaire À se dé-
duit immédiatement de la latitude A; car ayant l’or-
donnée TM — a. cos. ' et l’abscisse C7'= b. sin. À, :
on trouve la sous-normale
AR aa = Dee 0: : !
DORE: sin, À — ——. sin. À
et de là
HS ’
TU OU Zang. AU D Lang. À
donc réciproquement
b
LATE ——. lang. À
d’où l’on voit que À et à’ se déterminent aisément l’une
SUR LA SURFACE D'UN SPHÉROÏDE. 137
par l’autre. Nous appellerons, pour abréser, N Za lari.
zude réduite, parce qu’elle est en général moindre que
la latitude vraie À, lorsqu’on suppose le sphéroïde
aplati. Ces deux latitudes s’accordent dans les points
de zéro et de 90°, et leur plus grande différence a lieu
lorsqu'on a
tang. À — V/ — et ang. À — 4 _
(4). Si l’on appelle semblablement /'la latitude réduite
qui correspond à la latitude Z du point 4, on aura
Cc = a. cos. l’
et les équations (b’) deviendront
cos. l' dx 4/ (a°. sin. X + B2. oos2. a)
da". cos. À 4/ (a°. sin?. X + b?. cos?. x')
V' (cos?. 2° — cos?. l')
AD—=—
ds —=22
On voit par ces équations que À’ a pour limites + /'et
P q q P
— l',; et qu’ainsi on peut introduire une nouvelle va-
, q P
riable x telle que
sin. À = sin. L'. cos. x.
Substituant cette valeur, et faisant de plus
= D (1 Ho)
on aura les deux transformées
de — b. cos. À, dr y G He. sin°. Ti cos’. x)
1 — sén?, l', cos’. x F À (c')
ds = bdr V (1 +6, sin. l'. cos”. x). ,
1806. Premier semestre. 18
138 ANALYSE DES TRIANGLES TR ACÉS
La seconde équation fait voir que Parc s de la ligne
la plus courte peut être assimilé indéfiniment à nn arc
d’ellipse; car si, ayec les demi-axes C4'= b ( fig. 2),
CB = by (1 +4. sin”. 4”), on décrit une ellipse
A'M' B'; et qu’on prenne Vabscisse C2" = b: cos. x,
on aura l’arc correspondant
A'MW'E fb dx ÿ x eisin, l', cos. x) = AM.
(5). Quant à la valeur de ©, elle dépend des fonc-
tions elliptiques de la troisième espèce (voyez mon Mém.
sur les transcend. ellipt.); mais, pour lui donner la forme
la plus simple et la plus facile à évaluer par approxi-
mation, je l’écris ainsi:
b. cos. l’ C'ax
AUD RER Tee pe fat ARRETE
a 1 — sin. l', cos’. x
b.cos.l' dx [y (1 + 6. sén°. l', cos’. x) — C]
a Li 1—— sin. L. Cost. TO
Ensuite je prends C de manière qu’on ait
14e. sin”. l'icos".æ — C—(1—C*).(1—sin".l',cos".x)
ce qui donne
a? a
D — — —
O—ihs—s où C—=—
et la valeur de do devient
Joe dæ. cos. l' b2.e. cos. l' dx
FE 1— sin. l'. cos?.x a ' a+by/(i+e, sin, l', cos. x)
Enfin, prenant l’angle y, d’après la formule
Zang. æ
tar1g, ÿ2 == Sacr
SUR LA SURFACE D'UN SPHÉROÏDE. 139
on aura encore plus simplement
be, cos. l” dx
ms #
do = dy ME a ‘a+b V'QG + e. sin. l', cos°. x) (d”)
(6): Pour avoir maintenant les intégrales approchées
de ces formules, il suffira de les développer jusqu’aux
quantités de l’ordre «* inclusivement. Effectuant donc
ce développement, et substituant, au lieu de a, sa va-
leur b V° (1 + <), l'intégrale de Péquation (d') sera
= y — x. cos. [M (5e—+e)
+ (+ sin 2x), (is. Se l'a cos: Lux. (er)
Pareillement l’intégrale de la valeur de ds sera
s—=bx(1+re, sin. l'— 2e, sin. [1
+ D. sin. 2x (ge. sin. l'— 2e, sin. 7)
— b. sin. 4 x (re. sème Pr) 5 se on (É)
(7). Ces formules serviront à résoudre les différens
problèmes qu’on pourra se proposer sur le triangle sphé-
roïdique rectangle PAM, formé par deux arcs de mé-
ridiens P 4, PM,;etla perpendiculaire à l’un d’eux 4.
Supposons, par exemple, qu’étant connus l'arc 4P,
ou seulement la latitude du point Æ qui détermine cet
arc, et la distance 4 M = s ; il s'agisse de trouver,
d’après ces deux élémens et l’angle droit 4, les trois
autres élémens du triangle PAM, savoir, la longi-
tude p — PAM, la latitude À du point 47 ,.et l’azi-
mut A7.
140 ANALYSE DES TRIANGLES TRACÉS
Ayant fait la quantité connue -- — 5, on détermi-
nera x à l’aide de l’équation (f”), d’où l’on tire
æ = 6 (a — 56 sin A EN sin. [D]
— sin. 2 o (+6. sin. l'— + ee, sint. l”)
+ 0, cos. 2 o (5 «°. sint. 17)
sir io (EE l } 101 08 00e)
æ étant connu, on aura y par l’équation
ang.
Lang. Y —= ES
cos. l’
et de-là la longitude & par l’équation (e).
Ensuite la latitude À du point A sera donnée par les
deux équations
. RE 925 1 rie ’
sin. N sin. l'. cos. x, tang. = —— tang. À
Enfin l’azimut A7, c’est-à-dire l’angle que fait la courbe
AT avec le méridien du point A7, sera donné par
l'équation
: c cos. l' £
sin M=— =... (h')
(8). Le calcul qu’on vient d’indiquer se réduit pres-
que entièrement à la résolution d’un triangle sphérique
rectangle ; car, ayant à résoudre le triangle sphéroïdique
rectangle 4 PM dans lequel on connoît l'angle droit 4,
Parc 4 P ou plutôt son amplitude 90° — Z (1), et l’arc
QG) On appelle amplitude d’un arc de courbe l’angle compris entre les deux
normales menées aux extrémités de cet arc.
SUR LA SURFACE D'UN SPHÉROÏDE. 141
AM dont la longueur — s — bo; si on construit
( fig. 3) le triangle sphérique P'4'M' rectangle en 4’,
dans lequel on ait le côté P4'— 90° — l'et A'M'— 2x;
la relation entre ces deux triangles est telle qu’on a
Pangle M' = M et le côté P'M' — 90° — x.
La résolution du triangle sphérique, en supposant
seulement x connu, donnera immédiatement l’azimut M
et la latitude réduite à’ du point A7; d’où l’on conclura
aussitôt la latitude vraie par la formule
Las a 2
Lang. N'ES DT lang. À
Quant à la longitude +, on la trouvera en calculant
d’abord l’angle 4'P'M"' — y, et faisant ensuite
p—= y — x. cos. l'(He— 5e)
+ (x += sin 2x). (5 &. sin. l. cos. l')
(9). D’après cette solution on peut prendre une idée
juste de la figure qu’affecte la ligne la plus courte menée
perpendiculairement à un méridien donné par le point
dont la latitude est Z.
Si l’on fait x — 90°, on aura
et
®—900[1— cos. l'(te— Fe) +Le, sin”. l'. cos. l]
Le point de la ligne la plus courte qui correspond à
cette valeur de x est donc situé sur l’équateur, mais sa
longitude n’est pas de 90°, comme elle le seroit sur la
142 ANALYSE DES TRIANGLES TRACÉS
sphère; elle sera moindre dune quantité à peu près
proportionnelle à l’aplatissement (1).
La même supposition de x = 90° donne la longueur
de. l’arc s égale au quart dellipse 4’M'B! ( fig. 2),
dont la. valeur développée est
s — b (1 + je sin. l — E e, sint, 7)
Si on fait ensuite + = 18o°, on aura
AE Vis A et Mel h6ef
En même temps les valeurs de o et de s deviennent
doubles de ce qu’elles étoient en faisant x = 90°, et
l’azimut est de 90°, comme au point 4, D'où il suit
que la ligne la plus courte s’étend au-delà de l’équateur
jusqu’au parallèle qui a la mème latitude-que le point4,
et dans cette limite elle fait de nouveau un angle droit
avec le méridien. En général l’équateur divise cette
courbe en deux parties parfaitement égales. Elle passera
donc semblablement du second hémisphère au premier,
et parviendra au même parallèle d’où elle étoit partie,
mais dans un point différent, puisque la longitude de
ce point, au lieu d’être de 360, sera
3600 [1 — cos. l'(e— $e) +4 ee. sin”: l', cos. 17
16
2 : a LÉ :
(1) Si on fait le rapport des axes TT =! —+ «, la quantité z# est ce qu'on
appelle l'aplatissement du sphéroïde. Nous avons introduit, au lieu de cet
aplatissement:, la quantité « qui en est à peu près le double, car ayant fait
a
H =i+é, il est clair qu'on à 6 2 © + «?.
SUR LA SURFACE D'UN SPHÉROÏDE. 143
Ces révolutions se répéteront sans cesse, et la per-
pendiculaire à la méridienne formera une sorte de spi-
rale comprise entre les deux parallèles situées de part
et d’autre de l’équateur à la même latitude, Toutes les
spires de cette courbe seront égales entre-elles, ét chaque
quart de spire compris entre un parallèle et l’équateur
sera égal en longueur au quart d’ellipse dont les demi-
axes sont D et b' 7 (1 +. sin°. L').
(10). Les propriétés qu’on vient de démontrer pour la
perpendiculaire à la méridienne, conviennent également
à la ligne la plus courte menée entre deux points quel-
conques du sphéroïde; car, quelle que soit la ligne la
plus courte qui passe sur deux points donnés B et M
(Jig. 3), si on prolonge cette ligne indéfiniment, soit
vers B, soit vers A7, et que À soit le point de son
prolongement le plus près du pôle P, il est clair que l’arc
de méridien P 4 sera perpendiculaire À la courbe AMB,
et réciproquement 4 MB à PA. Donc l'arc BM fait
partie d’une perpendiculaire au méridien , et jouit des
mêmes propriétés dans ses prolongemens indéfinis.
$ IT. Du triangle formé par deux méridiens, et
la ligne la plus courte qui en Joint deux points
quelconques. :
(11). Considérons maintenant le triangle PBM
(Zig. 3) formé par deux arcs de méridiens PB, PM,
et la ligne la plus courte B AZ menée comme on voudra
entre les deux. Soit Z la latitude du point B, À ceile
144 ANALYSE DES TRIANGLES TRACÉS
du point M, azimut PBA = B, et l’azimut PWMB
— M; enfin, soit l'arc BM = 5, et la longitude
BIPMI—=\e.
Le méridien perpendiculaire à l’arc B M prolongé
étant P 4, on construira les triangles sphériques P'4'W,
P'A'B' d’après les triangles sphéroïdiques PAM, P 4B,
comme on l’a expliqué numéro (8); on fera de même
A'M' = x, A'P'M = y, et de plus la latitude en
A'=l', A'B'= m, A'P'PB'— n. Connoissant les élé-
mens Let B relatifs au point B, on aura, pour déter-
miner la position du point 4, les équations
JAP En M IL D VE NOT CMYES
sin. L'
IL... , .. cos m = ———
sin. L
Lang, ML
IPC TE MAR AT E— ne
cos.
La première n’est autre que l’équation même de la
courbe z. sin. M = const. ou cos. \'. sin. M = const.
appliquée aux points 4 et B ; les deux autres résultent
du triangle sphérique rectangle P°4"B", où l’on connoît
l’hypoténuse P'B'= 90° — L' et l’angle B' — B. Ces
équations déterminent les trois autres élémens du même
iriangle , et on obtiendroit par leur combinaison ou par
les formules trigonométriques connues ces autres re-
lations :
cos, B. cos \ Li!
sin. n. cos. L;'
cos, mn. sir. B
Sirt. I. Sin. L!
SL7L. IL.
MH
COS+ 71s
SUR LA SURFACE D'UN SPHÉROÏDE, 145
(12). Il faut ensuite considérer les autres quantités
relatives au triangle PB M; savoir, s, À, 9, M; et de
plus les deux auxiliaires x et y. De ces six quantités
trois sont représentées dans le triangle sphérique rec-
tangle P'4' M", où l’on a A'M' = x, angle M'P'A!
— y et angle M'— M. Une quatrième, À, a pour
correspondante le côté P'M' — 90° — \'; ainsi ona
d’abord les trois équations :
IN O M PENS27z A SZ LE COST
lang. x
Mesa JR + EG =
cos. L'. sin. B
VIRE NT AM
cos, À
par lesquelles on voit qu’une des quatre variables À, æ,
Y» ÎT, étant connue, on pourra déterminer les trois
autres.
Enfin, des deux équations (e') et (f’) on déduit gé-
néralement les deux suivantes :
TE: _— (xz—m). (++. sin. l 5e, sint. 7
+ (sin.2x— sin. 2m).(+e. sin. l'—-©e, sinf. /")
— (sin. 4x —sin. 4m). (Le. sint.l')
VIIT, g…—=y—7—(x—m).(ie—+#:).cos.l
+(x—m+4sin.22—"%.sin.2m)(<.sin".l'.cos.l")
(13). Ces huit équations renferment toute la théorie
des lignes les plus courtes menées sur la surface du
sphéroïde ; elles se traiteront différemment, suivant les
1806. Premier semestre. 19
146 ANALYSE DES TRIANGLES TRACÉS
différens problèmes à résoudre. Si, par exemple, avec
les élémens Z et B ou L' et B relatifs au point B, on
connoft la longueur s de la ligne la plus courte BMW,
et qu’il s’agisse de déterminer les autres élémens rela-
tifs au point A7, on calculera x d’après l'équation VII,
. S
laquelle, en faisant —- — ©, donne
æm—=mH+o(i—}ze. sin. l'+ Te, sin, 15
— sin. 0. cos. (2 m4 0). (4e. sir. l'—+e, sin. 1")
ue sin. 1"
—+ 5. cos. (2 m + 2 5). TEST
F e?, sin4. l'
—+ sin. 0. cos. (2 m+H0). cos. (2 m -+ 20). (=
. 3 2 SZ71 Te LA
—- sin. 2 0. cos. (4 m + 2 0). (=)
s
Au moyen de cette valeur on déterminera à", y et M
par les équations IV, V, VI, et enfin @ par l’équa-
tion VIII.
Ces équations ont lieu quelle que soit la grandeur de
la distance s ou de l’angle &; mais, dans la pratique
des opérations géodésiques, la distance s est toujours
très-petite par rapport aux dimensions du sphéroïde :
c’est pourquoi il convient de développer d’une manière
particulière les formules relatives aux triangles PBM,
dans lesquels un côté BAT est supposé fort petit par
rapport aux deux autres. Ce sera l’objet du paragraphe
suivant.
SUR LA SURFACE D'UN SPHÉROÏDE. 147
=
$ III. Du triangle formé par deux méridiens et un
arc de la ligne la plus courte, supposé très-petit par
rapport aux deux autres côtés.
(14). Les formules relatives à ce triangle se déduisent
facilement de celles qu’on a données dans le paragraphe
précédent ; il suffit pour cela de supposer o très-petit,
et de développer les formules jusqu'aux quantités du
troisième ordre inclusivement en « etc: ce qui suffit
pour les opérations géodésiques où les termes ultérieurs
seroient absolument insensibles. Nous allons cependant
faire voir comment on peut parvenir plus directement
à ces formules par l’intégration des équations différen-
tielles (c') et (d’).
Faisant toujours —— = 5, afin que « soit considéré
comme une quantité très-petite du même ordre que €,
nous prendrons æ — 71 + £, la quantité £ qui est repré-
sentée par B' M", devant être du même ordre que c. Cela
posé , la seconde des équations (c') donnera par un pre-
mier développement
do = dé [1+3e. sin. l. cos. (m + Ë£)
— 3 &. sin. l'. cost, (m + Ë)]
Et comme nous ne voulons admettre dans la valeur de &
que des termes du troisième ordre, ik suffira de prendre
cos. (m +Ë) — cos. m—Ë. sin. m, cos’. (m+£Ë) =
æ
-
148 ANALYSE DES TRIANGLES TRACÉS
cos”. m—2 Ë. sin. m. cos. m, cost. (m+Ë) = cost. m,
et on aura
dr = dËTi ++. sin. l'.(cos". m—2Ë.sin.mcos. m)
— % 6. sin'. l'. cost. m]
Donc, puisque set Ë sont zéro en même temps, l’inté-
gration donnera
s—Ë(1+ Te. sin. l', cos’, m—+e, sin. l'. cos{. m)
— + EE? (ec sin”. l', cos. m. sin. m)
Mais par les formules du n° 11ona
SA LOGOS NTI SL LE
et
SAN SIL TI COS MDN COS
substituant donc ces valeurs dans la formule précé-
dente, afin de la composer des seules quantités relatives
au triangle BPM, on aura j
s— Ë (1 +ie sin. L'— +e. sin. L')
— 2 Ë%, cos. BD... L'costL
d’où l’on tire réciproquement
EN tor Se PstrRT PSPERS Rer)
+ + os. cos. B. sin. L'. cos. L'. . . , (1)
(15). Maintenant, pour avoir la valeur de 6, il faut
recourir à l’équation différentielle (d'), qui, en faisant
SUR LA SURFACE D'UN SPHÉROÏDE. 149
æ —m +éË,et ne conservant que les termes néces-
saires, devient
Dre Be. cos. L d£
de == dy LT z HE: V/ G@ + «. sen?. l'. cos?. m)
Substituant encore les valeurs a = by (1 ++), cos. L
= cos. L'. sin. B, sin. l'. cos. m — sin. L', et faisant
les réductions, on a
do = dy —+ ed£Ë. cos. L'. sin. B(1—e+%e. cos". L”)
d’où résulte, en intégrant,
p—y—n—+#4:8. cos. L'. sin. B(1--e+76.00s.L')
Il ne reste donc qu’à trouver y — z en fonction de £.
Or des équations
lang. x tanpg. (m + £) = fans. m1
£AT19, TRS rie 2 — —— CATDY NES =
sy cos. L’ cos. l' 2 C3 cos. L' ?
il résulte
Ç ; st cos. l'. tang. &
ang. (y —2)— cos®.l'+sin".m.sin?.l'+ sin*.l', sin. m.cos.m. tang. £
ou, en éliminant /'etz,
sin. B. tang. ?
iang.. (y HE D) RNCS LENS 77 NL Nés UE: tang. à
De-là il est facile de conclure
\ £. sin. B %. sin. B. cos. B
pe a mn D
83,sin. B. cos®. B . 11
—— + ang. 1)
23. sin. B
— —— (; tang*. L')
cos. L'
150 ANALYSE DES TRIANGLES TRACÉS
c’est ce qu’on auroit trouvé aussi par le développement
de l’équation
dé. cos. l'
1 — sénat. l'. cost. (nm + £)
dy =
La valeur de © en fonction de € sera donc donnée
par la formule
NE ES RD #. sin. B. cos. B ont Te
= ea Lio, 1Ù cos. L Ma ct
— +4eëË. sin. B. cos. L'(1—e++e. cos. L')
NOTE 2B
se &5. sin cos G pe Lang. £")
cos. L’
PSI RE $ ’
0 US LE PRE nn o,
cos. L’ G RE L )
et si l’on y substitue l’expression de € en &, on aura,
après toutes les réductions,
ge. cos. L'—0. sin. B(1—+e+ie)
—0°.sin. B.cos.B.tang. L'(1—:+1e.cos".L)
+0. sin. B.cos*. B(5+ tang*. L')
— 0. sin. B(s.tang.L'), . . . . . . (k')
(16). Il reste à trouver des formules semblables pour
la latitude réduite ' et l’azimut A7; or on a
sin. N — sin. l'. cos. x — sin. l'. cos. (m+ Ë)
— sin. l'. cos. m (1 — 1 E*)
— sin. l'. sin. m (£ — + E°)
ou
sin, A'—sin. L'(1—21£*) — cos. B.cos. L'(£—1E)
SUR LA SURFACE D'UN SPHÉROÏDE. 151
d’où résulte
RESE E, cos. DB TE Sn. tang. L'
+ZLE, sin. B. cos. B (G + rang. L')
Substituant la valeur de £ en co il viendra
N—=L'—0.cos.B(1—16. sin. L'+5e, sint, L")
—20".sir. B.tang. L'(1—:. sin". L')
—.€0 .COS . B.sin. L:t0s. L;'
Ro. sin". B.cos. B(+tang.L'). . ... (1)
Enfin l’azimut M peut se tirer, soit de la formule
P 5
É sir. B. cos. I;
Sas EE EE
cos." À
soit de la formule
rang. Ed TT EE PP SE RO Oo AS
Celle-ci, développée convenablement, donne
MB —E.sin.B. tang.L'+E.sin.B.cos. B(+tang.L)
ne -sue. D.cos. Dans. Li (1-1: tang”. L”)
Ré sir. D.tans. Li (2-62. tang*. L')
et en y substituant la valeur de £ en 5, on obtient
M=B—0sin.B.tang.L'(1—1esin.L' He. sint. LD)
+0. sin. B. cos. B(2+ ang. L'—e.tans.L)
Ho. sin. B. rang. L'(i+:.tang". L/)
—d.sin. B.cos.B.tang. L'(£+tang.L').. . (m')
(7). Les trois formules (k'}, (1), (m') contiennent
152 ANALYSE DES TRIANGLES TRACÉS
toutes les relations qui existent entre les côtés et les
angles du triangle PBM, de sorte qu’étant donné
trois des élémens qui le composent, on pourra déter-
miner les trois autres. Ces formules ont été vérifiées
avec soin, et on peut compter sur leur exactitude : elles
diffèrent en quelque chose des formules analogues que
nous avons données dans les Mémoires de l'Académie
des sciences, année 1787, p. 563 et 364; mais celles-ci
ont besoin d’une légère correction, parce qu’elles sont
fondées en partie sur la supposition que la ligne BM
est située dans un plan vertical qui passe par le point B.
Si, par des opérations géodésiques, on forme une
chaine de triangles qui joigne deux points éloignés, la
connoissance de la latitude du premier point, de la
longueur et de l’azimut du premier côté, puis celle de
la longueur et de l’azimut des autres côtés successifs,
suffira pour déterminer, à l’aide des formules précé-
dentes, la différence en longitude des deux points ex-
irèmes de la chaîne, la latitude du dernier point et la
direction azimutale du dernier côté. Comme de ces trois
élémens on peut en vérifier deux immédiatement, savoir,
la latitude du dernier point et la direction azimutale
du dernier côté, on aura ainsi le moyen, soit de vérifier
les valeurs adoptées pour le demi-axe b du sphéroïde
et son aplatissement 4, soit de parvenir à les corriger
en cas qu’elles ne fussent pas exactement connues.
Mais, dans les applications qu’on pourra faire de cette
méthode à différentes suites de triangles , il ne faut pas
croire que les résultats s’accorderont toujours à donner
SUR LA SURFACE D'UN SPHÉROIÏDE. 153
une même figure au sphéroïde terrestre ; ces résultats
pourront différer assez sensiblement entre eux, à raison
des anomalies dans les latitudes et les azimuts qui peu-
vent être dues aux attractions locales.
(18). D’après les formules précédentes il est facile
de résoudre ce problème, qui trouvera son application
dans le paragraphe suivant : Étant données les latitudes
L et x des deux points B et M avec leur différence
en longitude ®, trouver la distance B M — bo et les
azimuts B et M, c’est-à-dire, en d’autres termes,
déterminer la ligne la plus courte qui joint deux points
donnés, B et M, sur la surface du sphéroide.
Soient les connues L' — 1 — uw, @. cos. L' — »,
et les inconnues 5. cos. B — x', 0. sin. B — Y'a les
deux équations (k”) et (1) seront de la forme
13
= Py — Qry + Rz°y — Sy
m= pr + gy® — rx y" + sx"
P,p, Q; g, etc. étant des coefficiens connus. Comme
il s’agit seulement d’avoir une solution approchée jus-
qu'aux quantités du troisième ordre inclusivement, cette
solution n’est sujette à aucune difficulté, et on trouve
5. cos. B—p(1++e. sin. L'—+e. sint. L')
— + 0°. tang, L'(1H+iet++e. cos’. L')
— :; me. sin. L'.cos. L'—<+ou. (tang”. L'—7)
g. sin. B— 0 (1 PAT ce HR tang. A D ë)
— jou — +0, tang, L'
1806. Premier semestre. 20
154 ANALYSE DES TRIANGLES TRACÉS
De-là se tireront facilement les valeurs de set B; en-
suite on déterminera l’azimut 7 par la formule
ys4
: sin. B. cos.
SANDER EE eee
cos, À
ce. qui achevera de résoudre le problème.
$ IV. Du triangle dont les côtés sont fort petits par
rapport aux dimensions du sphéroïde.
(9). Coxsinérons enfin le triangle sphéroïdique
BIIN ( fig. 4) dont les côtés sont très-petits par rap-
port aux dimensions du sphéroïde. Il s’agit d’examiner
si les règles à suivre pour la résolution de ces sortes
de triangles sont sensiblement les mêmes que celles qui
s’appliquent aux triangles sphériques dont les côtés sont
très-petits, ou si elles en diffèrent de manière à exiger
une modification particulière.
Pour cela nous supposerons connus en grandeur et
en direction les deux côtés qui partent du point B;
nous appellerons Z/ la latitude réduite du point B, le
supplément de PBM — B, le supplément de PBN
= C, le côté BM — bo,etle côté BN— br. D’après
ces cinq données il faut déterminer la position des
points M et N.
Or, si on appelle P' la latitude réduite du point 7,
et Q' celle du point N , on aura, d’après la formule (l'},
les valeurs suivantes:
SUR LA SURFACE D'UN SPHÉROÏDE. 155
P'= L'—o. cos. B (1 —+e. sin. L' +5, sint. L")
— 30. sn. B, tang. L'(1 —e. sin”, L').
eo. cos”. B. sin. L'. cos. L'
g°. sin’. B, cos. B (++ tang°. L')
++
L'— +, cos. C(1—+e. six. L'+35e, sin, L')
T°. sin”. C. ang. L'(1 —e. sin. L)
et. COS”. C5. L'. cos, L'
T°. sin°. C. cos. C (+ + tang*. L')
À
| {l
vie bl= pl
pe
Par la formule (k') on connoîtra pareillement chacun
des angles BPM, BPN, et par conséquent leur dif
férence M PN , que nous appellerons 9’. On aura donc
g’. cos. L'= (a. sin. B — +. cos. C). (1 — réhée)
+ (7°. sin. €. cos. C — 5°. sin. B. cos. JE D
1 éang. L'(1 —e+ ie. cos’. L')
+ (0°. sin. B. cos°. B — 5, sin. C. cos’. C).
G + ang. L')
H (rie sim. C — 0°. sinÿ. B), (4. tang”. L')
(20). Il faut maintenant des données P', Q', ?' dé-
duire la longueur de l’arc AN et l’azimut de cet arc
en N. C’est ce qu’on pourra faire aisément par les for-
mules du numéro 18.
Pour cela, si on regarde N comme le premier point
de la courbe, et qu’on appelle N le supplément de
Vangle PNA, il faudra substituer Q' à L', P' à x,
et N à B; de plus; appelant Bæ la longueur inconnue
156 ANALYSE DES TRIANGLES TRACÉS
de l'arc MN, et faisant pour abréger g'. cos. Q'=w,
Q'— P'— hu, on aura par les formules citées
æ. cos. N'—=u(1++e sin. Q'—+%e. sint. Q")
w°. tang. Q'(i+retHie cos’. Q')
— +ne. sin. Q'. cos. Q'—+w"u(tang. Q'—5
œ. sin. N—=oœ(1+ie— ze) + vo. tag. Q'(i ++:
— Fou —+50.tang. Q
v|=
(21). Considérons un triangle rectiligne mbn dont
les côtés seroient égaux à ceux du triangle sphéroïdique
MBN. Dans celui-ci appelons 4 angle MBN = C
— B, et supposons que dans le triangle rectiligne mb7
l'angle correspondant »1bn — A — z, z étant une
inconnue qu’il faut déterminer. On sait que z seroit
égale au tiers de Paire du triangle, s’il étoit sphérique ;
mais il faut voir quel changement apportera à ce ré-
sultat la différence du sphéroïde à la sphère. On aura
donc, pour déterminer z, l’équation
AE
2 cT
cos. (A — z) =
ou, parce que z ne peut manquer d’être très-petit, au
lieu de cos. ( — z) on peut mettre cos. À + 3. sin. A
— + Z°. cos. À, ce qui donnera
+ rt — 9 7. COS, À = m9
g. sin. À — +, 7°. cos. À =
2 or
Tout se réduit donc à substituer dans cette équation
la valeur de #*°.
SUR LA SURFACE D'UN SPIHÉROÏDE. 157
(22). Par les valeurs de &. cos. N et &. sin. NN éle:
vées chacune au carré, puis ajoutées ensemble, on
trouve en s’arrêtant, comme il convient, aux quantités
du quatrième ordre,
Cm +e sin? Q') Ho (1 ++). (1 +. tang. Q')
Rob — of, tang”. Q'— née. sin. Q'. cos. Q'
Substituons d’abord dans cette expression la valeur de
Q' en L’ donnée article 19; pour cela il suffira de faire
Q' = L' — +. cos. C
ce qui donnera
tang. Q'— tang. L'— +. cos. C CES ane EM
sin. Q'— sin. L'— 7. cos. C. cos. L'
Sir. Q'= sin. L' — 2 7 cos. C: sin. L”. cos. L!
on aura donc
mb +e Sn, L) He (i+e). (i+u. ang, L')
— pr. cos. C(1+tang L')
— 2 per. cos. C. sin. L'. cos. L'
sen oftangs. D ue sir. L': cos. L'
(23). Il ne reste plus qu’à substituer dans cette for-
mule les valeurs de © et ; et d’abord par l’équation
Hm = Q'— P',ona
(0.005. B— 7. cos. C).(1—+1:. sin. L'+5e, sint. L')
+. sin. B — r°. sin". C). tang. L'(1 — 2. Si LT.
+= (o.cos°. B — 7°, cos°. C)e. sin. L'. cos. L'
+3 (rsin. C.cos. C— 55. sin". B.cos B).G+tang.L")
158 ANALYSE DES TRIANGLES TRACÉS
Ensuite, pour avoir
1 . / nm. COS Q'
En Die : ie Do Di
© ®'. cos A) 5 TE
il faut développer la valeur de roses jusqu'aux quan
11 Ia PP Enst Er Je54 q
tités du second ordre inclusivement. On prendra pour
cet effet
Q = L'— +. cos. C(1 — + « sin. L)
2
eù, sin) Ciotang L’
ce qui donnera
COS AO EEE
! 1 Ckzc !
= . cos. C. tang. — Le. ‘
DE ir: cos C. tang. L'(1 — Le. sin°. L')
+ 5e. sin”. C, tang*. L'— +7. cos’. C
Muiltipliant cette quantité par la valeur de &’ cos. I’,
donnée numéro (19), on aura
w—(o. sin. B— 7. sin. C} (1 —+e+5e)
+ (r.cos.C—0.c0s.Bcsin.B.tang.L'(1—+e—+e.sin.L")
+-(o5.sin. B.cos”. B—7. sir. C.cos’.€).(;+-tans*. L')
(7. sin, C— 0. sin”. B).(+. tanp*. L')
+ 7,008. C(r°. sin, C.cos.C—2".sin. B.cos.B).6ans*.L'
ir. sin. C(o. sin. B—7r.sin. C).tang”.L'
—+7.cos". C(o.sin. B—7r. sin. ©)
(24). Substituant ces valeurs de w et de y dans l’ex-
pression de æ°, exécutant tous les développemens jus-
qu'aux quantités du quatrième ordre inclusivement, et
effectuant lies réductions avec l’attention nécessaire , on
SUR LA SURFACE D'UN SPHÉROÏDÉ, 159
parvient à ce résultat très-simple et très-remarquable,
où l’on a mis Æ à la place de C — B,.
mm —=o + re — 207. cos. À —+0r. sin. A.
Alors l’équation qui détermine z devient
1 El
z. sin. A — + 7. cos. A = + or. sin. A
et il en résulte
Zg— + or. sin. À + = or, sin. A. cos. A
mais le second terme, qui est du quatrième ordre, doit
être supprimé, parce qu’il supposeroit dans la valeur
de æ°, la conservation des termes du sixième ordre,
tandis qu’on s’est borné au quatrième.
On a donc simplement
Z'— + 07T. sin. À
ou z égal au tiers de l'aire du triangle, résultat qui est
absolument le même que si le triangle étoit sphérique,
et qui doit être exact aux quantités près du troisième
ordre. .
‘Par le théorème que j’ai donné sur les triangles sphé-
riques très-petits (Mém. de l Acad. des sciences , année
1767, p. 358), on savoit que ce résultat devoit avoir
lieu en supposant « — o; mais on ne pouvoit guère
prévoir, sans en avoir fait le calcul détaillé comme on
vient de le faire, que ce résultat auroit lieu aussi pour
les triangles sphéroïdiques, et qu’il seroit tout à la fois
160 ANALYSE DES TRIANGLES TRACÉS
indépendant de l’aplatissement du sphéroïde , de la lati-
tude du sommet du triangle, et de la direction azimutale
des côtés.
(25). Il suit donc de ce théorème ainsi généralisé
que les triangles tracés sur la surface d’un sphéroïde
(et nous avons principalement en vue les triangles for-
més dans les opérations géodésiques, et dont les côtés
pourroient s’étendre jusqu’à la longueur d’un degré, ou
même plus) peuvent se calculer comme les petits trian-
gles tracés sur la surface de la sphère. On réduira les
uns et les autres en triangles rectilignes , si on diminue
leurs angles, chacun d’une quantité égale au tiers
de l'aire du triangle, évaluée en supposant le demi-
Axe) NL.
Toute la trigonométrie sphéroïdique est comprise dans
ce seul principe; maïs il est facile de voir qu’il s’étend
encore plus généralement à tous les triangles formés sur
une surface quelconque peu différente d’une sphère. En
effet, on peut supposer qu’une telle surface se confond
sensiblement, dans la portion occupée par le triangle
que l’on considère, avec un sphéroïde elliptique dis-
posé de manière que les sections verticales de plus grande
et de moindre courbure, qui se coupent toujours à angles
droits dans un solide, se confondent avec les sections
semblables et de rayons égaux dans l’autre solide. Alors
lé triangle commun aux deux surfaces jouira de la même
propriété que les triangles sphériques.
La résolution des triangles sphéroïdiques dont les
em. de Ulrt, 17 Sem. 1808 . Zage 161 . PL.
SUR LA SURFACE D'UN SPHÉROÏDE. 161
côtés sont très-petits par rapport aux dimensions du
sphéroïde, se ramène donc immédiatement à celle des
triangles rectilignes , non seulement lorsque le sphéroïde
est elliptique et de révolution, mais lorsqu'il est irré-
gulier d’une manière quelconque , avec la seule condi-
tion d’être peu différent d’une sphère.
Note sur Particle 17. *
Le L PS
Ox peut voir dans les Mémoires de l’Académie de Berlin,
année 1753, diverses recherches d’Euler sur des questions sem-
blables relatives à la figure de la terre; mais, quand même on
réussiroit à tracer avec beaucoup de précision la ligne la
plus courte qui joint deux points situés sur différens méridiens
à une distance assez grande, on n’en pourroit guère tirer de
conséquence bien certaine sur les dimensions du sphéroïde
terrestre, à cause des anomalies que l'attraction des couches
superficielles apporte nécessairement dans la comparaison des
latitudes et des azimuts.
1806. Premier semestre. 21
162 STURN L AN GPL AUNIE TUE
NOTES
SUR
LA PLANÈTE DÉCOUVERTE PAR M. HARDING,
Pa .
Par J.-C. BurcKkHARDT.
16 vendémiaire an 13.
SJiNTÉRÈT que l’Institut national a bien voulu té-
moigner lorsqu’on a annoncé la première nouvelle de
cette découverte, m'engage à lui présenter les résultats
de mes recherches sur son orbite, malgré le peu de
précision dont elles jouissent dans ce moment-ci.
J’avois commencé par chercher une parabole et un
cercle : ces deux orbites s’accordoient, à bien peu de
chose près, pour le nœud et même pour linclinaison
de l’orbite, car la parabole donnoit 46°, le cercle 530.
Il sembloit donc que ces deux élémens fussent assez
bien connus. Pour chercher une ellipse, j’ai pris pour
base les résultats du cercle. Il étoit très-facile de satis-
faire aux trois latitudes et à deux longitudes; mais la
troisième longitude étoit en erreur de 46". Quelque petite
que paroisse cette erreur, il n’étoit pas facile de la faire
DÉCOUVERTE PAR M. HARDING. 163
disparoître : il a fallu faire des -changemens considé-
rables aux élémens qu’on avoit supposés d’après le
cercle.
Voici mes derniers résultats :
INœuds aies tele ec L7d2102/1010
Inclinaison . . . 0e N.. Le ., 249
Excentrieté . 4. ,:.: + « r 0:24
IDeni-axeits desde ete us trs LE 32
Anomalie vraie le 7 septembre . . . 8o° o’o’o
Ces résultats me paroissent assez certains, car ils
tiennent le milieu entre deux hypothèses où l’erreur si
tenace de la seconde observation a changé de signe.
Je me suis servi dans ces recherches de la méthode
de M. Laplace.
5 frimaire an 13.
LE£s nouveaux élémens que je viens de calculer sont
beaucoup plus approchés que ceux de la note précé-
dente ; ils satisfont exactement à quatre observations,
et ils représentent la cinquième à 13’ près. Cette er-
reur ma paru assez petite pour qu’il soit permis d’at-
tendre la fin des observations qu’on pourra faire au
méridien (et nous espérons encore l’observer de cette
manière pendant un mois), avant de toucher aux élé-
mens. Alors un plus grand arc fournira plus de moyens
pour entreprendre avec succès cette correction.
164 SUR LA PLANÈTE DÉCOUVERTE PAR M. HARDING.
Voici ces élémens :
Nœud ascendant - UM MN UNION NS 71° 7° 187
Anclinaison(. NN EME ONE NIMES MUST 74
Mieuvdutpéntélen ele cie le 227050
Excentricuésieleb-lelele lle sell le eee RO 2/17 0
Logarithme du demi-grand axe . . . . . . . . . o.42{4
Anomalie vraie le 23 sept. (à l'instant de Pébiereg es 306° 48° o”
J’ai choisi ces observations parmi celles dont j'ai été
le plus content. Mes élémens représentent aussi l’ob-
servation du 7 septembre, faite au simple micromètre
par M. Olbers, à 32” en longitude et à 56” près en lati-
tude, et il est clair qu’il faut attribuer cette différence
à la position de la petite étoile à laquelle M. Olbers a
comparé la planète, laquelle n’étoit pas assez bien con-
nue. Cette erreur a aussi influé sur les premières ap-
proximations que j’ai eu l’honneur de communiquer à
la classe, lesquelles, sans cette circonstance, se seroient
accordées mieux avec ces élémens corrigés.
SECONDE CORRECTION DES ÉLÉMENS, etc. 165
SECONDE CORRECTION
DES
ÉLÉMENS DE LA NOUVELLE PLANÈTE,
Par J.-C. BuRrcKkKHARDT.
Lu le 3 nivose an 13.
Sx les astronomes mettent beaucoup d’empressement à
déterminer les orbites des astres nouvellement décou-
verts, leur but principal est de prévoir leur route, afin
de pouvoir les retrouver lorsque le mauvais temps ou une
autre cause quelconque a produit une longue interrup-
tion des observations. Cette circonstance vient d’avoir
lieu pour la nouvelle planète : pendant un mois nous
n'avions pu la voir, et il auroit été impossible de la
retrouver, vu l’extrême foiblesse de sa lumière , Si l’on
n’avoit pas su d'avance sa position. Cette observation a
enfin réussi le 20 et le 21 décembre : elle est d’autant plus
importante que la planète se trouve dans la position
la plus favorable pour déterminer sa distance au so-
leil. Elle a parcouru actuellement un douzième de
son orbite; elle n’avoit fait que la moitié de cet arc
lors de mes recherches précédentes : ces nouveaux élé.
mens méritent donc beaucoup plus de confiance; ils
166 SECONDE CORRECTION DES ÉLÉMENS
différent pourtant peu des premiers; car je n’ai rien
trouvé à changer à la moyenne distance et à la révo-
lution , qui est de quatre années et quatre mois, presque
égale à celle de deux autres petites planètes, Cérès et
Pallas. Mais j’ai augmenté l’excentricité de sa soixante-
dixième partie, de sorte qu’il est décidé que cette nou-
velle planète a la plus grande excentricité de toutes les
planètes connues : le périhélie a été avancé de 24, le
nœud et l’inclinaison n’ont changé que de très-peu de
minutes. L’effet de cette grande excentricité est si sen-
sible que le temps employé par la planète à parcourir la
première moitié de son orbite, celle dont le milieu est
occupé par l’aphélie, est le double de celui qu’il lui faut
pour achever la seconde moitié. De même sa plus grande
distance au soleil est presque le double de la moindre
distance : en mesures absolues la différence entre ces
deux distances est de quarante-cinq millions de lieues,
ou égale à une fois et un tiers la distance de la terre
au soleil.
La planète s'approche du soleil et ne passera par son
. périhélie que le 15 février; cette circonstance donne
quelque espoir de pouvoir lobserver encore : j’ai donc
cru faire une chose utile et agréable aux astronomes en
calculantune éphéméride de cette planète : il est presque
superflu d’avertir que je n’y ai mis qu’une exactitude
suffisante , de sorte qu’on ne peut juger de mes élémens
qu’en les comparant directement aux observations.
Voici les élémens, l’éphéméride et les trois observa-
tions fondamentales :
er PT
DE LA NOUVELLE PLANÈTE. 167
Élémens.
* Nœud ascendant . . . . . . , . . . 71° 6" o
ancinsonsde #80 lo
Pénhéheen1605 10e MEN 0520 49 33”
Excentricité LUN Net 0.25096
7
Demi-grand axe. . , , .. . . . .. 2.657
Et son logarithme . . . : . . . . . 0.4244000
Époque en 1805. . . . « : ... . . 42° 17° 23°
(C’est pour le 31 déc. 1604 à midi.) :
RÉVolUHONEe ee EME ENS So jours.
Ephéméride.
Loxcrrupe, |[Larirunr A.
21 décembre 1804 .. o° 43° 9° 40°
4 32 45
8 janvier 1805... 7 52
IVe te etat) ere
11 57
. 14
F1 18
8 février . .. . 22
TEA HE : 26
Les trois observations fondamentales, en supposant
l’obliquité de Pécliptique 230 28.
AxxNÉE |Asc. droite] Déclin. | Déclin.
1804. | observée. |lobserv, A| vraie.
Sept. D. M. S. | D.M.Ss. | D.M.s. | p. M.s, Aberr. Nut |o.m.s. Ab.
2349043 359 7 0.3| 4 541.9| 4 5 36.0 357 33 29.5 — 5/8 — 14/3| 3 24 10.0 + 3/3 ||
ou ou
Nov. 357 33
Longitude vraie. Latitude vraie.
5.26248,355 19 4.810 43 o.4\10 da 54-7/351 25 42.04 0.7 — 14.6!
ou
Déc. 351 25 28.1
21.206268) 4 37 33.9] 8 32 47.8| 8 32 43.6] o 48 47.0 + 13.7 — 15.0
168 SUR L’ANALYSE DES GRAINES
EXPÉRIENCES
Sur l'analyse des graines céréales et légumineuses,
pour servir à l’histoire de la germination et de la
fermentation ,
Par MM. Fourcroy ét VAUQUELi1N.
Lu en nivose an 13.
SUR LA FARINE DE FROMENT.
Ux litre de cette farine a été délayé dans un litre d’eau
où elle a macéré pendant six heures ; la liqueur a été
ensuite décantée et filtrée pour l’obtenir claire, ce qui
est très-long et très-difficile. Enfin cette liqueur éclaircie
ne rougit point la teinture de tournesol , ce qui prouve
qu’elle ne contient point d’acide développé comme
l’orge, et que celui qu’on y trouve après la fermenta-
tion s’y est formé de toutes pièces.
Cette liqueur précipite abondamment par l’infusion
de noix de galle, par les acides minéraux, et sur-tout
par l’acide muriatique oxigéné. Elle n’a point de cou-
leur; sa saveur est douce et comme mucilagineuse ; son
odeur est semblable à celle du bled vert écrasé; elle
mousse par l'agitation comme de l’eau de savon.
CÉRÉALES ET LÉGUMINEUSES. 169
Elle ne précipite que très-légèrement par l’oxalate de
potasse, en sorte qu’elle ne paroît contenir dans cet
état que d’infiniment petites quantités de sels calcaires.
L’eau de chaux ne la précipite pas, preuve qu’il n’y existe
point de phosphate de potasse comme dans les fèves de
marais, où M. de Saussure en a trouvé de grandes
quantités , ce que nous avons nous-mêmes confirmé.
Comme le lavage de cette farine filtroit très - lente-
ment, il tourna à l'acidité par la fermentation : exposé
à la chaleur, il se troubla très-promptement ; des flocons
blancs jaunâtres s’en séparèrent lentement.
Ces flocons augmentèrent à mesure que Pévaporation
faisoit des progrès. Lorsque cette liqueur fut réduite à
environ un demi - litre, nous la filtrâmes de nouveau
pour obtenir à part la substance coagulée que nous la-
vâmes avec de l’eau pure.
Nous fimes évaporer encore une fois la liqueur filtrée
dont la couleur étoit alors légèrement ambrée, et la sa-
veur douce, peu sucrée, étoit analogue à celle de la
pâte. Réduite à environ 3 onces , sa couleur étoit jaune
d’or, sa saveur plus sucrée qu'auparavant, mais sensi-
blément acide et âcre; sa consistance étoit comme celle
d’une forte dissolution de gomme arabique.
Pendant cette seconde évaporation > ilse sépara encore
des flocons jaunes, qui se formèrent à la surface de la
liqueur sous forme de pellicules minces et flexibles,
Il y avoit au fond de la capsule une croûte blanche,
dure et croquante sous les dents, et qui avoit l’appa-
rence d’un sel : c’étoit en effet du phosphate de chaux,
1806. Premier semestre, 22
170 SUR L’'ANALYSE DES GRAINES
Cette liqueur ainsi épaissie ne se troubloit point par
l'addition de l’eau ; elle donnoit un léger précipité par
les alcalis, lorsqu'on n’en ajoutoit pas au delà du point
nécessaire pour saturer l’acide. La noix de galle y for-
moit sur-le-champ un précipité floconneux fort abon-
dant. Les acides minéraux, et particulièrement l'acide
muriatique oxigéné, la troubloient : l’oxalate d’ammo-
niaque y produisoit aussi un précipité abondant, qui
avoit toute l’apparence de l’oxalate de chaux.
Cette liqueur mêlée à l’alcool s’est en quelque sorte
coagulée en une matière blanche, gluante et comme
membraneuse , qui paroissoit avoir de lanalogie avec
le gluten.
Nous avons fait évaporer l’alcool qui avoit servi à
l'opération précédente ; il a laissé une petite quantité de
matière jaune-rougeûtre , légèrement sucrée et acide.
Nous n'avons pas poussé plus loin l’examen de la
matière dissoute par l'esprit de vin : nous reprendrons
cet objet par la suite.
La substance coagulée par l’alcool étoit blanche et
sèche, mais à mesure que Palcool dont elle étoit im-
prégnée, s’est dissipé, elle s’est ramollie, a pris une
couleur brune et demi - transparente : sa saveur étoit
douce, mais nauséabonde. Enfin elle se dessèche de
nouveau à Pair, devient dure, cassante et transparente
comme de la colle forte. Ainsi desséchée, cette matière
brûle en se boursouflant, et en répandant une fumée
blanche, piquante et fétide : elle laisse beaucoup de
charbon.
CÉRÉALES ET LÉGUMINEUSES. 171
‘Des expériences rapportées ci-dessus, l’on peut con-
clure, 1°. qu'il y a dans la farine une substance qui
se dissout assez abondamment dans l’eau froide, et lui
donne la propriété de mousser par lagitation, et la
propriété de précipiter par la noix de galle, les acides
‘ minéraux, et particulièrement par l’acide muriatique
oxigéné ;
20ù Qu’une portion de cette substance se convertit
promptement en acide , lequel se combine à la portion
de la même matière non acidifiée, et dissout même celle
qui reste dans le marc, ou qui est suspendue dans la
liqueur;
30. Que le phosphate de chaux qu’on trouve abon-
damment dans l’eau de froment fermentée avant la fil-
tration, a été dissous par l'acide qui s’y développe,
puisque l’eau, avant d’avoir subi cette altération, n’en
. pas de signes sensibles ; fe.
© 4°. Que cette substance a Eh d’analogie avec
le se (1), et paroît être accompagné dans l’eau par
une petite quantité de, mucilage ;
50. Que la farine de froment ne contient que très-
peu de matière sucrée, etc.
(1) Voyez ce qui a été dit sur le gluten, à l’article de cette substance.
172 SUR L’ANALYSE DES GRAINES
SÛR LE GLUTEN DE FROMEN/TY
Dissolution du gluten frais par l’eau froide.
UxE petite quantité de gluten frais, lavé pendant
long-temps avec de grandes quantités d’eau, et qu’on
pouvoit conséquemment regarder comme très-pur, a été
malaxée pendant long-temps dans une petite quantité
d’eau distillée pure. Cette eau est devenue opaque , mais
la matière qui la mettoit en cet état y étoit parfaitement
suspendue, et ne se déposoit pas d’elle - même comme
Pauroit fait l’amidon. Cependant par des filtrations réi-
térées on est parvenu à l’éclaircir, et dans cet état on l’a
soumise aux essais SUIVans :
10, Cette eau mousse par l’agitation comme une dis-
solution de gomme;
2°. Elle est précipitée par l’infusion de noix de galle
en flocons jaunûâtres ;
3°. L’acide muriatique oxigéné la rend d’abord lai-
teuse, et y détermine quelque temps après des flocons
blancs.
De ces expériences l’on peut conclure que le gluten
du froment le plus frais et le plus pur que l’on puisse
se procurer par les moyens connus est soluble dans l’eau
froide, en quantité assez grande pour être sensible aux
réactifs cités.
CÉRÉALES ET LÉGUMINEUSES. 175
‘Coagulation du gluten dissous dans l’eau au moyen
de La chaleur. +
LA dissolution du gluten dans l’eau, soumise à la
chaleur de l’ébullition , se trouble au bout de quelques
minutes, et dépose des flocons jaunâtres qui ne sont
autre chose que du gluten coagulé par la chaleur.
Cependant dans cette opération la totalité du gluten
n’est pas coagulée, il en reste une portion en dissolu-
tion malgré une longue ébullition.
Cette expérience prouve que le gluten est plus soluble
dans l’eau froide que dans leau chaude. Elle peut
servir aussi à expliquer les phénomènes que présentent
les eaux de lavage des farines, et particulièrement ceux
dont nous parlerons à l’article de la farine d’orge.
L’acide muriatique oxigéné paroît avoir une action
très-vive sur le gluten; car, lorsqu'on met un morceau
de cette substance dans l’acide muriatique oxigéné, elle
se ramollit très-promptement, semble d’abord se dis-
soudre, et se coagule ensuite en flocons blancs-jauni-
tres. Ces flocons blancs lavés conservent leur opacité
tant qu’ils restent humides, mais, en se desséchant,
ils deviennent transparens, et prennent une couleur
verdâtre. Dans cet état, mis sur les charbons ardens,
ils se boursouflent, et RE Tne d’abord l’odeur de l’acide
muriatique oxigéné, qui est suivie de celle qui est propre
au gluten pur.
174 SUR L'ANALYSE DES GRAINES
Dissolution du gluten dans le vinaigre.
L£ gluten se dissout facilement et abondamment dans
l'acide acétique, sur-tout quand celui-ci est concentré :
la dissolution n’est jamais parfaitement claire, et néan-
mois le gluten ne s’en sépare pas. Il n’éprouve aucune
altération dans cette combinaison ; car on peut l’en sé-
parer, à l’aide des alcalis , au bout de plusieurs années,
avec toutes ses propriétés.
Nous ne parlons ici de la dissolubilité du gluten dans
le vinaigre qui est bien connue, que pour nous en servir
à expliquer quelques phénomènes que nous ferons con-
noître par la suite.
Fermentation putride du gluten ;, exposé des phénomènes
gwil présente, et explication des changemens qu'il
éprouve.
Le gluten mis avec de l’eau à 12 degrés, se ramollit
en peu de temps; il se développe du gaz acide carbo-
nique , qui divise et soulève le gluten à la surface du li-
quide; celui-ci contracte une odeur aigre et en même
temps fétide; elle devient laiteuse et izéclaircissable par
la filtration.
L'eau filtrée rougit fortement la teinture de tournesol:
les acides simples la précipitent abondamment , mais
une surabondance de ces menstrues redissolvent les pré-
cipités et rendent la liqueur claire. L’acide muriatique
oxigéné l’éclaircit d’abord , et une plus grande quantité
y forme un précipité très - volumineux. L’infusion de
CÉRÉALES ET LÉGUMINEUSES. 175
noix de galle y occasionne aussi un dépôt considé-
rable : les’alcalis fixes caustiques en petite masse préci-
pitent et redissolvent, mais un grand excès de ces subs-
tances trouble sans retour la liqueur, et en dégage
des vapeurs d’ammoniaque; l’addition de l’eau rend
la liqueur claire , ce qui prouve qu’il se forme entre les
alcalis et la matière en dissolution dans l’eau , une com-
binaison qu’un excès d’alcali précipite.
Conversion du sucre er vinaigre par l’eau chargée de
gluten.
Environ une livre de l’eau dans laquelle avoit
séjourné du gluten, mêlée avec 3 onces de sucre blanc,
ne l’a point fait fermenter ; il ne s’est dégagé aucun gaz
du mélange; mais il s’est formé de très-bon et très-fort
vinaigre, et ce qu’il y a de plus remarquable , sans le
contact de l’air.
Seconde période de la fermentation du méme gluten avec
de nouvelle eau.
Uxe seconde quantité d’eau mise sur le gluten dont
nous venons de parler l’a fait fermenter comme la pre-
mière fois, c’est-à-dire avec effervescence et formation
d’acide; mais peu à peu cet acide s’affoiblit, et dispa-
roît presqu’entiérement au bout dettrois ou quatre jours.
Une dissolution de gluten qui avoit présenté ces
phénomènes, qui ne contenoit presque plus d’acide
libre, et qui commençoit à répandre une odeur fétide,
a été soumise aux essais suivans :
176 SUR L'ANALYSE DES GRAINES
10, Elle rougissoit encore légèrement le tournesol,
mais en même temps celui-ci y a formé un précipité
assez abondant;
20, L’ammoniaque occasionne dans cette eau de gluten
un précipité blanc qu’un excès de cet alcali redissout ; il
reste cependant quelques flocons qui ne sont que du
phosphate de chaux ;
30, Les acides et la noix de galle, sur-tout cette der-
nière, y forment des précipités très-abondans ;
4°. IL’oxalate d’ammoniaque y produit un trouble
dont l’apparence est celle de l’oxalate de chaux;
5°. La potasse rend d’abord la liqueur claire, mais
un excès de cette matière la trouble et en sépare de
petites masses élastiques qui ressemblent beaucoup à
du gluten ; elle dégage en même temps de cette liqueur
des vapeurs très-sensibles d’ammoniaque : en y ajoutant
de l’eau, les petites masses se dissolvent et la liqueur
redevient claire.
Troisième période de la fermentation du méme gluten
avec une nouvelle quantité d'eau.
Lorsque le gluten ne développe plus d’acide ou
plutôt que l’ammoniaque qui se forme en même temps
est suffisante pour le saturer, le gluten se colore , il
prend et conserve pendant quelques jours une couleur
purpurine ; il se forme à la surface de l’eau une pellicule
qui se teint aussi de la même nuance; l’odeur alors est
très-fétide. La couleur purpurine se détruit à son tour,
une couleur grise-noirâtre lui succède; l'odeur change
CÉRÉALES ET LÉGUMINEUSES. 177
encore à cette époque ; elle devient semblable à celle des
membranes muqueuses des animaux pourries dans l’eau.
L’eau dans laquelle cette décomposition s’est opérée est
d’un gris-noirâtre , maïs elle devient claire par la filtra-
tion : filtrée, elle brunit la dissolution d’argent, pré-
cipite celle du mercure au 77irimum en flocons noirs ,
et perd entièrement sa couleur avec ces substances;
l’acide muriatique oxigéné la rend laiteuse, et en détruit
complètement l’odeur ; la noix de galle n’y produit pres-
que plus de précipité.
Examen du gluten pourri comme il a été dit ci - dessus.
ApPRÈs avoir laissé pourrir pendant les mois de flo-
réal, prairial et messidor de l’an 12, le gluten dont nous
venons de parler, il avoit une couleur brune, avoit sin-
gulièrement diminué de volume et de masse, et n’avoit
plus, ainsi que l’eau dans laquelle il avoit achevé de
pourrir, que fort peu d’odeur fétide.
Cette substance séparée et mise à sécher s’est réduite
en grumeaux, dont l’odeurressembloit entièrement à celle
du gras des cimétières ; elle se ramollisoit sous les doigts
comme la cire ; elle se fondoit sur-le-champ sur les char-
bons ardens, et y brüloit avec une flamme alongée comme
les graisses; elle nelaiïssoit que fort peu decharbon, lequel,
en se consumant , laissoit un peu de terre blanche.
L’odeur que répandoit cette substance en brûlant étoit
analogue à celledes graisses , elle en différoit cependant
par quelque chose de fétide.
Cette matière traitée avec l’alcool s’y est en grande
1806. Premier semestre. 23
178 SUR L’ANALYSE DES GRAINES
partie dissoute, en lui communiquant une couleur brune.
La portion qui ne s’y est pas dissoute avoit une couleur
noirâtre ; elle n’avoit plus ni odeur ni saveur, elle étoit
sèche et pulvérulente ; en un mot, elle ressembloit beau-
coup à de la poussière de charbon.
Elle ne répandoit plus , en brûlant , d’odeur fétide et
ammoniacale comme le gluten entier, mais, au contraire,
une odeur piquante comme celle du bois; elle ne donnoit
plus de traces d’ammoniaque à la distillation ; son char-
bon brûloit aisément et laissoit une cendre d’un gris-
rougeâtre, qui étoit composée de fer, de silice, et peu
de quelqu’autre terre. Ainsi, il y a du fer et de la silice
dans le gluten.
Réflexions sur Le résidu du gluten pourri.
D’après les propriétés qu’a présentées le résidu du
gluten pourri, il n’est pas douteux que cette substance
ne se soit véritablement changée par la fermentation en
une matière purement végétale surchargée de charbon.
Ilest évident que cette altération s’est opérée prin-
cipalement par la séparation de l'azote et de l'hydrogène,
qui, en s’unissant, ont formé de l’ammoniaque ; et qu’à
mesure que cette première combinaison a eu lieu, le
carbone devenu plus abondant a donné naissance à de
la graisse, en se combinant à de hydrogène; qu’enfin,
ce qui n’est pas entré dans la composition de lammo-
niaque, de lacide carbonique, de la graisse et de l'eau,
est resté combiné dans un état très-voisin de celui du
corps ligneux.
CÉRÉALES ET LÉGUMINEUSES. 179
- SUR LA FARINE D’ORGE.
Ux litre de cette farine mêlé avec un litre d’eau formant
une bouillie un peu épaisse, gluante, et comme muci-
lagineuse ; reposée pendant vingt-quatre heures, la fa-
rine s’est précipitée; la liqueur claire avoit une couleur
ambrée ; sa surface étoit d’un rouge-brun , effet dû à
l'influence de Pair atmosphérique , car il commence par
la surface et descend progressivement jusqu’au fond de
‘la liqueur : on accélère cette altération par l'agitation
dans Pair.
L’orge contient un acide tout formé que l’eau dissout
par le simple lavage qu’on lui fait subir; la présence de
cet acide n’est pas le produit de la fermentation ni
d’aucune autre altération de la semence ; car l’orge le
plus sain, le mieux conservé, réduit en farine et lavé
sur-le-champ, fournit cet acide, lequel rougit fortement
le papier teint de tournesol : on examinera plus bas la
nature de cet acide.
L’eau d’orge faite à froid contient une grande quantité
de matière animale; elle y paroît plus abondante que
dans Peau de froment, ce qui n’est pas étonnant, parce
que l’acide contenu dans l’orge peut dissoudre une
certaine quantité de cette substance, que l’eau seule ne
peut enlever au froment qui marque de cet acide.
Dès que l’acide a été enlevé par les premières lotions ,
Veau qu’on passe ensuite sur l’orge ne peut plus être
obtenue claire ; elle est toujours laiteuse, etne devient
180 SUR L’ANALYSE DES GRAINES
limpide que par des filtrations répétées comme celle
du froment ; mais si l’on tire cette eau de dessus le marc
et qu’on la laisse à part dans un vase, elle s’éclaircit
et prend une couleur purpurine. Si alors on l’examine,
on la trouve très-acide tant par les réactifs que par le
goût, qui est en même temps nauséabond.
Cet acide se développe par la fermentation qu’éprouve
une partie de la matière qui troubloit la transparence
de l’eau, et à mesure qu’il se forme il dissout la subs-
tance échappée à la fermentation, ainsi que celle qui
Ja éprouvée; de là il résulte que dans cette liquenr
acide il y a deux espèces de matières, l’une qui donne
naissance à l’acide , l’autre qui se dissout dans cet acide,
et de là l’éclaircissement de la liqueur.
Les derniers lavages de l’orge ne contiennent plus
de sucre, ou au moins n’en donnent aucune marque,
cependant ils passent facilement à la fermentation
acéteuse ; ainsi les matières sucrées et alcooliques ne
sont pas les seules qui peuvent fournir du vinaigre.
Ces derniers lavages de l’orge éclaircis par la fermen-
tation ont produit avec les réactifs les effets suivans :
1°, ils sont précipités en purpurin par linfusion de
noix de galle; 2°. en blanc par les acides minéraux,
et particulièrement par Vacide muriatique oxigéné;
30, de la même couleur par les alcalis, mais un excès
de ces derniers étendus d’eau redissolvant le précipité ;
enfin ils sont précipités en vert par le prussiate de
potasse.
Il paroït que la matière qui trouble ainsi Peau avec
CÉRÉALES ET LÉGUMINEUSES. 181
laquelle on a lavé la farine d’orge , est semblable ou tout
au moins fort analogue au gluten du froment.
L’on entrevoit, d’après les phénomènes que présentent
les lavages de l’orge , la cause pour laquelle il arrive
souvent qu’en été la bière ne peut pas s’éclaircir, effet
que les brasseurs attribuent aux eaux.
Aussitôt que les lavages de l’orge exposés au feu
ont acquis 60 degrés de chaleur, ils se troublent, des
flocons nombreux s’y forment; la matière coagulée a
une couleur grise-jaunâtre qui devient brune par la des-
sication : elle a une grande disposition à moisir.
La liqueur filtrée fournit par l’évaporation des pelli-
cules rouges-brunes qui, en se précipitant successive-
ment, forment dans la liqueur de nouveaux flocons.
La matière qui se coagule au commencement , et celle
qui se dépose par les progrès de l’évaporation, four-
nissent par la combustion une assez grande quantité de
phosphates de chaux et de magnésie, un quinzième
environ.
Soupçonnant que cette substance étoit le principe
de la fermentation , nous en avons mêlé avec des disso-
lutions de sucre saturées à différens degrés; mais ces
mélanges n’ont présenté aucun phénomène propre à cette
opération naturelle. Il paroît d’après cela que si cette
matière est Je principe de la fermentation, il a subi un
changement quelconque par la chaleur.
Il faut remarquer que les eaux d’orge, avant d’être
soumises à l’évaporation, avoient déja éprouvé un léger
commencement de fermentation qui peut avoir changé
182 SUR L’'ANALYSE DES GRAINES
la nature de la matière fermentative. Espérant au moins
que la liqueur réduite à la consistance d’un sirop dont
la saveur indiquoit certainement la présence du sucre,
et dans laquelle les réactifs chimiques montroient en-
core une grande quantité de matière végéto - ani-
male, contiendroit ce principe dans un état propre en-.
core à la fermentation , nous en avons mêlé aussi avec
du sucre et de l’eau en différentes proportions , mais elle
n’a pas produit plus de fermentation que les précipités
formés dans cette liqueur.
Nous avons également mêlé le sirop d’orge avec trois
ou quatre parties d’eau, et nous n’avons pas eu plus de
succès ; cependant au bout de quatre jours ces mélanges
ont commencé à donner des signes de fermentation, et
un peu d’acide pendant plusieurs jours.
Sept à huit jours après que nous eûmes fait ces mélanges
des précipités avec du sucreetde l’eau, nouslestronvâämes
très-acides, quoique encore un peu sucrés, mais point du
tout spiritueux ; il est possible que les précipités de l’eau
d'orge, quoique lavés, pussent encore retenir quelques .
traces d’acide : mais nous nous sommes aperçus, à n’en
point douter, que l'intensité de cet acide s’étoit singu-
lièrement accrue; au moins le goût et les réactifs l’an-
nonçoient clairement. Quelle est celle des substances
existantes dans ces mélanges qui a ainsi donné naissance à
l'acide? Quoiqu’on ne puisse répondre à cette question que
par l’analyse de la matière, l’on peut cependant raison-
nablement supposer que lune et l’autre ÿ ont contribué,
D'abord, il me semble que la petite masse de matière
CÉRÉALES ET LÉGUMINEUSES. 103
végéto-animale n’auroit pas suffi seule pour former la
quantité considérable d’acide obtenu. Sila chose avoit
eu lieu , ainsi que nous le supposons, il en résulteroit que
le sucre peut se convertir en vinaigre sans le contact de
Vair, et sans avoir passé préalablement à la fermentation
spiritueuse. D’une autre part , nous nous sommes assurés
que la quantité du sucre avoit beaucoup diminué, quoi-
qu’il en restât des traces sensibles. Il restoit aussi dans
ce vinaigre une assez grande quantité de matière végéto-
animale, dont une partie étoit sous forme de flocons
séparés, et l’autre en combinaison avec la liqueur, à
laquelle elle donnoit de l’opacité et une certaine visco-
sité qui rendoit difficile sa filtration au papier JosepA.
Les lavages de l’orge épaissis en forme de sirop,
comme nous l’avons dit plus haut, avoient une couleur
brune , une saveur sucrée et acide : l’infusion de noix de
galle, l'acide muriatique oxigéné , et même les alcalis en
précipitoient abondamment une matière floconneuse.
L'alcool précipitoit aussi abondamment de ce sirop
une matière brune qui a fourni beaucoup de phosphate
de chaux par la combustion, à peu près comme les pel-
. licules dont nous avons parlé plus haut.
On explique d’après ce qui a été exposé plus haut
pourquoi les vinaigres de grains, de cidres, etc. ont une
saveur moins agréable que le vinaigre de vin, et pour-
quoi ils se décomposent plus facilement que ce der-
nier, dans les temps chauds sur-tout, quand ils ne sont
pas forts.
C’est cette matière beaucoup plus abondante dans le
184 SUR L’ANALYSE DES GRAINES
moût de grain et dans le vesou de pommes et poires
que dans le moût de raisin qui reste en dissolution dans
les vinaigres qui en proviennent, et qui en opère la
décomposition. On rend aussi raison , d’après cela, des
précipités que la noix de galle, l’ammoniaque, l’acide
muriatique oxigéné forment dans les vinaigres de grains,
de cidre , tandis qu’ils n’en produisent point, ou au
moins très-peu , dans ceux de vin et de quelques fruits.
Il faut donc, pour que les vinaigres de grains puissent
se conserver, qu’ils soient suffisamment concentrés, afin
que la matière végéto-animale ne se décompose pas,
et n’entraîne pas la destruction du vinaigre auquel elle
sert de ferment.
Après avoir épuisé la farine d’orge autant qu’il a été
possible par des lavages multipliés par l’eau froide, nous la
mîmes en digestion avec l’alcool pendant quelques jours:
en distillant ensuite l’alcool, nous obtinmes un résidu qui
avoit toutes les propriétés d’une huile épaisse. de couleur
rouge-brune , d’une saveur âcre et d’une odeur parti-
culière. L’alcool séparé de cette huile par la distillation
jouissoit de la même saveur et de la même odeur, sur-tout
quand il étoit étendu d’eau. Cette odeur et cette saveur
étoient absolument les mêmes que celles des eaux-de-
vie de grains : delà il est probable que ces liqueurs
doivent les mauvaises qualités qui les distinguent à la
présence d’une petite quantité de cette matière grasse
qui s’élève avec lalcool.
Cette première découverte peut éclairer sur les moyens
qu’il faudroit employer. pour débarrasser les eaux-de-vie
—@ me
CÉRÉALES ET LÉGUMINEUSES. 185
de grain de cette substance âcre et de sa graisse : c’est
sur quoi nous reviendrons par la suite à l'article Fer-
mentation de l’orse.
Comme nous avions employé pour cette opération de la
farine brute, et qui avoit subi un commencement de
fermentation pendant les lavages à l’eau, nous ignorions
si la substance huileuse existoit toute formée dans l’orge
et dans quelle partie de cette semence , ou si même elle
ne s’étoit pas développée pendant la fermentation. Mais
depuis nous avons trouvée dans la farine d’orge blutée et
nouvelle, et aussi dans le son, même plus abondam-
ment que dans la farine isolée,
Si cette huile existe réellement en plus grande abon:
dance dans l’écorce, ainsi que plusieurs expériences
l’ont montré jusqu'ici, l’on peut rendre raison de la
plus grande âcreté de l’eau d’orge non mondé, et de la
raison pour laquelle les médecins font toujours jeter la
première décoction de cette semence, qui est en effet
beaucoup plus âcre que les secondes, etc.
On reviendra par la suite sur l’influence que cette
huile exerce dans les préparations que l’on fait avec
la farine d’orge.
D’après ce qui a été dit sur l’orge, l’on voit que cette
semence est formée 1°. d’amidon; 2°. d’une substance
végéto-animale en assez grande quantité; 30°. d’une
huile verte et âcre qui s’unit aux alcalis et forme de
bon savon; 4°. d’un acide acétique, répandu ainsi que
Vhuile dans toutes les parties de la graine; 5°. de sucre ;
6°. de phosphates de chaux, de magnésie et de fer. On
1806, Premier semestre. 24
186 SUR L’'ANALYSE DES GRAINES
donnera à l’article fermentation les proportions de quel-
ques-unes de ces substances; savoir, de l’amidon, du
sucre et de l’huile.
Réflexions.
O + ditqu’il est difficile , quelques-uns même assurent
qu’il est impossible de fabriquer de l’eau-de-vie avec de
l’orge seul, par la raison, ajoutent-ils, qu’il passe trop
promptement à l'acidité.
Cette assertion n’est pas vraie, mais en supposant
qu’elle ait quelque chose de réel, cela seroit-il dû à la
présence de l’acide qui existe naturellement dans l'orge,
et à la plus grande quantité de matière végéto-animale
que cet acide dissout ?
Pour éviter cet effet, dans le nord , on ajoute toujours
à l’orge une certaine quantité de seigle ou de froment,
et quelquefois les deux ensemble.
Il est encore plus difficile de fabriquer de l’eau-de-
vie avec du froment seul, parce qu’il ne fermente pas
assez promptement , et qu’à mesure que la petite quan-
tité d’alcool qu’il donne, se forme, il se convertit en
vinaigre.
Tous ces effets sont singuliérement modifiés par la
quantité d’eau et la température.
Les lavages de l’orge et du froment , sur-tout quand
ils sont faits à petite eau, ont une saveur sensiblement
sucrée; mais dès qu’ils ont bouilli un instant, ils per-
dent entièrement cette saveur, et ne la reprennent que
quand ils ont été concentrés par l’évaporation. Il en
Re
AN
CÉRÉALES ET LÉGUMINEUSES. 187
est de même pour les jus sucrés des racines, ainsi que
l'ont remarqué plusieurs chimistes.
Il paroît que l’amidon est en partie détruit par la
germination des graines céréales, et se dissout dans
Veau chaude avec laquelle on brasse leur farine; car
on n’en retrouve que peu dans le marc ou drèche des
brasseurs.
Plusieurs expériences anciennes (Gren) semblent
prouver que les farines des graines céréales germées ou
non germées fournissent plus d’alcool, que les lavages
de ces farines, quoiqu’il soit probable que par ce moyen
tout le sucre ait été enlevé. Si cela est exact, il en
résulte qu’il y a autre chose que le sucre, dans ces
substances, qui est susceptible de produire de l'alcool.
Cette question sera décidée sans équivoque à l’article
Fermentation de l'orge.
SUR L’'HUILE DE L’ORGE.
CET grammes de farine d’orge furent mis, comme
il a été dit ailleurs, pendant trente heures en macéra-
tion avec de l’alcool : la liqueur prit une couleur jaune-
d’or, une saveur et une odeur âcres, semblables à celles
des eaux-de-vie de gräin. Cet alcool se troubloit forte-
ment par l’eau, et devenoit laiteux comme une disso-
lution de résine ; son odeur se développoit encore beau-
coup plus par son mélange avec l’eau.
Cet alcool étendu de parties égales d’eau ne rougissoit
point la teinture de tournesol, soit que l’orge ne fût
’
188 SUR L'ANALYSE DES GRAINES
point acide, soit que l’alcool n’ait pas la propriété de
dissoudre celui qui peut y être contenu : ce doute sera
éclairci plus bas.
Après avoir lavé deux fois l’orge au moyen de lal-
cool, il a été lavé quatre fois avec de l’eau, et aucun
de ces lavages n’étoit acide. On a remarqué que pen-
dant le mélange de la première eau avec lorge, où il
restoit encore une certaine quantité d’alcool, il s’est
développé de la chaleur, et que la farine a semblé se
coaguler ; au moins elle s’est réduite en flocons séparés
et distans.
Les différens lavages de l'orge étoient précipités par
la noix de galle, l’acide muriatique oxig'né, l’acétate
de plomb, etc.; ce qui prouve qu’ils contenoient une
matière végéto-animale que Paction de l'alcool n’avoit
point rendue insoluble dans l’eau.
Il paroît, d’après ce qui a été exposé plus haut, qu’il
y a des espèces d’orges qui ne sont point acides.
Les quatre lavages de l’orge ayant été réunis, on les
a abandonnés à la fermentation; ils ont bientôt tourné
à l’accescence , et le vinaigre qu’ils ont fourni avoit une
odeur et une saveur excellentes , quoique foibles. Mais
il faut remarquer que le marc de lorge retenoit encore
une certaine quantité d’alcool lorsqu’on a fait le lavage
à l’eau , et que cet alcool est sans doute la cause de
l’excellence du vinaigre.
L'’aicool dont il a été parlé plus haut, et qui avoit
séjourné pendant trente heures sur la farine d’orge, fut
soumis à la distillation : lorsqu'il ne resta plus qu’en-
_ CÉRÉALES ET LÉGUMINEUSES. 159
viron 30 grammes de cette liqueur dans la cornue, l’on
aperçut des gouttes d'huile jaune et transparente s’en
séparer; alors on cessa la distillation : on mit l’alcool
qui avoit passé dans un vase à part pour l’examiner,
et après avoir versé dans une capsule ce qui restoit
dans la cornue, on continua l’évaporation jusqu’à ce
qu’il ne restät plus d'humidité. Cette huile ainsi séparée
de l’alcool et de l’humidité , avoit une couleur jaune-
brunâtre ; son odeur étoit peu sensible, maïs sa saveur
étoit extrêmement âcre, et laissoit à la longue, dans
la bouche, une impression semblable à celle des eaux-
de-vie de grain. Cette huile a pris, en refroidissant, la
consistance d’un beurre mou : elle pesoit 8 grammes.
Soupçonnant que cette matière étoit mêlée de parties
sucrées , on l’a lavée avec l’eau tiède ; l’eau a , en effet,
pris une légère couleur jaune, et une saveur sucrée très-
sensible , maïs il paroît que le sucre avoit favorisé la
dissolution d’une petite quantité d’huile ; car la liqueur
avoit une saveur âcre et désagréable.
Après avoir séparé de l’orge l’huile et Le sucre, sur
les propriétés desquels il sera donné quelques détails
par la suite, on a enveloppé le marc de la farine dans
un linge fin, et on l’a lavé pour en faire sortir tout
Vamidon par le mouvement dans l’eau; ce qui a très-
bien réussi. L orsqu’en agitant et en maniant le linge,
Veau ne se troubloit plus, ou au moins que très-légè-
rement , la matière restée dans le linge avoit une cou-
leur grise, une forme floconneuse, et formoit par la
pression une pâte légèrement élastique dont la saveur
190 SUR L’ANALYSE DES GRAINES
étoit nulle. Cette substance se ramollit, devient trans-
parente et se dissout dans le vinaigre : sa dissolution est
précipitée par la noix de galle , acétate de plomb , etc. :
soumise à la distillation, elle a fourni beaucoup d’huile
épaisse, et de l’ammoniaque en partie unie à l’acide
carbonique, et en partie à l’acide acétique. Elle a donné
aussi une assez grande quantité d’eau roussâtre , dans la-
quelle de l'huile étoit tenue en dissolution par Pammo-
niaque à l’état de savon.
Le charbon fourni par cette substance a donné , après
l’incinération, une cendre blanche dont une partie a
été dissoute par l'acide nitrique , et une autre est restée
sous forme de flocons grisâtres : c’étoit de la silice.
Celle qui a été dissoute par l'acide nitrique étoit
formée de phosphate de chaux, de phosphate de ma-
gnésie, d’une petite quantité de chaux libre et de fer.
D’après les propriétés qu’on vient d’exposer , il est évi-
dent que la matière qui en jouit a beaucoup d’analogie
avec les matières animales, et est probablement une
espèce de gluten, mêlé avec du son; car la farine sur
laquelle on a opéré n’avoit pas été blutée.
L’orge contient, d’après ce qui a été dit plus haut,
10. Une huile;
20, De la matière sucrée;
30. De l’amidon en grande quantité ;
4°. Une matière animale dont une partie se dissout
endant les lavages ;
5°. Des phosphates , de la silice et du fer ;
6. Un acide, au moins le plus souvent,
CÉRÉALES ET LÉGUMEINEUSES. 194
On a fait macérer à froid, pendant trois jours , six
livres d’orge non germé, moulu avec six pintes d’alcoo!l
rectifié, dans l’intention d’en extraire le sucre et d’en
connoître la quantité; on à filtré la liqueur dont la
couleur étoit jaune-d’or, on a remis sur le marc trois
pintes de nouvel alcool semblable au premier; celui-ci
prit aussi une couleur jaune, moins intense que celle de
la première.
Ces deux quantités d’alcool réunies furent soumises
à la distillation Pour obtenir à part les matières qu’elles
avoient enlevées à l’orge : quand les trois quarts environ
de l’alcool furent distillés, on aperçut une substance
liquide d’un jaune-brun qui se séparoit du restant de
l'alcool, et se précipitoit au fond.
Avant que la totalité de l'alcool ne fit évaporée, on
VéTSa tout ce que contenoit la cornue dans une capsule,
et on évapora jusqu’à siccité à une douce chaleur ; alors
Pour séparer la matière sucrée qui devoit se trouver
mêlée avec les autres Corps dissous par Valcool, on fit
bouillir le résidu avec de l’eau distillée; celle-ci, en se
chargeant du sucre et des autres substances susceptibles
de s’y dissoudre, prit une couleur brune et une saveur
sucrée; quand elle ne parut plus rien dissoudre, on fit
sécher le résidu à une très-douce chaleur : ce résidu
pésoit 26 8rammes ; il avoit la consistance du miel ,
une couleur jaune-verdâtre, une saveur et une odeur
âcre et rance.
IT s’est formé à la longue , dans cette huile, beaucoup
de petites concrétions qui lui donnoient l’apparence de
192 SUR L’ANALYSE DES GRAINES
l'huile d’olive figée. Mise sur une plaque de fer légè-
rement rouge, cette matière s’élève en fumées qui ont
l’odeur de l’huile en vapeurs, et elle ne laisse presque
rien sur le fer.
Elle brûle à la manière des huiles grasses dont elle
paroît se rapprocher beaucoup; elle s’unit facilement
aux alcalis fixes, et forme, par ces combinaisons, des
savons très - solubles, consistans, et dont la solution
mousse beaucoup par l’agitation.
Cette huile , sur les propriétés de laquelle on reviendra
plus bas et qui existe, comme on l’a vu ci-dessus, dans
le rapport d’un centième dans l'orge, est sans doute la
cause de la mauvaise qualité du pain d’orge qui, comme
on sait, a servi de comparaison pour exprimer au moral
la grossièreté du caractère. On reconnoît, en effet , fa-
cilement dans le pain d’orge l’âcreté et la rancidité de
cette huile. Il n’est pas douteux que ce ne soit aussi
cette huile qui communique aux alcools de grain, pour
la fabrication desquels on emploie toujours de l’orge,
la mauvaise saveur et la mauvaise odeur qui les distin-
guent des autres alcools.
En faisant chauffer cette huile pour en séparer l’hu-
midité ,ils’est précipité une certaine quantité de matière
brune sous forme de grumeaux , qui s’est singulièrement
durcie par la dessiccation, et est devenue cassante comme
une espèce de gluten.
Cette matière sèche et cassante est peu soluble dans
l'alcool , et encore moins dans l’eau , seulement elle s’y
ramollit, y devient pâteuse et gluante : exposée à la
CÉRÉALES ET LÉGUMINEUSES. 193
chaleur, elle se ramollit, se boursoufle et reprend l’o-
deur de la corne brûlée.
Il paroît qu’elle est de la nature du gluten, ou peut-
être de la levure; elle fournit de l’huile épaisse et de
lammoniaque à la distillation : cette substance s’est sans
doute dissoute dans l’alcool, à la faveur du sucre et de
l'humidité, naturellement contenus dans l’orge.
Orge germé et alcool,
.-Ox a fait digérer à froid 3 kilogrammes d’orge germé et
moulu, pendant trois jours, avec six litres d’alcool
rectifié.
Les phénomènes ont été les mêmes que dans l’expé-
rience sur l’orge non germé. La quantité d’huile obtenue
dans cette opération étoit de 33 grammes, un peu plus
d’un centième : celle du sucre a été estimée ailleurs. Les
six livres d’orge furent réduites à 27 hectogrammes,
et cependant l’huile et le sucre ne pesoient ensemble
que 1 hectogramme 17 centièmes, ce qui donne une
perte de 1 hectogramme 83 centièmes, due vraisembla-
blement à de l’humidité contenue dans l’orge, et qui
m’existoit plus dans le résidu sec.
Il résulte de cette expérience que l’orge germé con-
tient autant d'huile que celui qui ne l’a pas été.
SUR LES FÈVES DE MARAIS.
Ux+e infusion de farine de fèves de marais parfaite-
ment claire fut mise dans un flacon qui en étoit entiè-
rement plein ; au bout de quelques jours elle se troubla
1806. Premier semestre. 25
194 SUR L'ANALYSE DES GRAINES
et devint comme du lait ; le dépôt se fit bientôt après
et la liqueur s’éclaircit parfaitement.
Cette eau resta dans la bouteille depuis le 17 floréal
jusqu’au 8 prairial, sans qu’il s’en soit dégagé une seule
bulle de gaz. À cette époque la liqueur fut filtrée ; elle
avoit une saveur légèrement acide , et celle encore très-
reconnoissable des fèves de marais; elle rougissoit la
teinture de tournesol, et précipitoit l’eau de chaux en
flocons transparens.
L’oxalate d’ammoniaque y forme un précipité abon-
dant, et l’ammoniaque seule y occasionne aussi un
léger précipité floconneux; la noix de galle, un précipité
opaque qui prend à la longue une couleur de lie de
vin ; les nitrates de mercure et d’argent, des précipités
blancs-jaunâtres; enfin le prussiate de potasse, un préci-
pité vert qui devient bleu à la longue : cette eau con-
tient donc du fer.
Comme l’eau des fèves de marais avoit passé à l’acide
sans le contact de l’air, et qu’il y a beaucoup d’appa-
rence que cet acide est le vinaigre, il s’ensuit que
l'acétification peut avoir lieu jusqu’à un certain point
sans le contact de l’air ; ce qui est cependant contraire
à l’opinion reçue jusqu’à présent.
Le précipité formé spontanément dans l’eau de fèves
de marais devient transparent par la dessiccation, et
brûle absolument comme de la corne ou la partie caséeuse
du lait. «
Une autre quantité d’eau de fèves de marais a été
mise dans un grand flacon, dont les trois quarts sont
CÉRÉALES ET LÉGUMINEUSES. 195
restés pleins d’air; les mêmes phénomènes qui ont été
‘décrits plus haut ont eu également lieu ici, avec cette
différence que le volume de l’air avoit diminué; ce qui
indique qu’une portion avoit été absorbée. Au bout du
même temps on a filtré la liqueur ; elle avoit déja con-
tracté une odeur légèrement putride ; elle n’étoit point
acide eomme la première, mais elle étoit précipitée par
l’eau de chaux, l’infusion de noix de galle, l’acide mu-
riatique oxigéné , etc.
L’air qui avoit resté en contact avec l’eau de fèves
de marais contenoit environ un cinquième d’acide car-
bonique , et le reste étoit composé de 2 centièmes et
demi de gaz oxigène, et de 97 et demi d’azote.
Le précipité formé dans l’eau de fèves de marais par
Veau de chaux étoit purpurin, mais il est devenu noir
en se desséchant.
‘Il donne, en brûlant, de l’ammoniaque et laisse une
cendre grise qui se dissout avec une légère effervescence
dans lacide muriatique : la dissolution de cette cendre
est précipitée en flocons gélatineux par l’ammoniaque,
et en bleu par le prussiate de potasse ; ce précipité est
donc composé d’une matière animale, de phosphate de
chaux et de phosphate de fer; il paroït donc qu’elle
contient du phosphate alcalin, ainsi que M. de Saussure
fils Va indiqué.
Soixante - seize grammes de fèves de marais ont été
brûlées dans un creuset de platine jusqu’à ce qu’elles
aient été réduites en cendres grises : ces cendres avoient
une saveur alcaline et même caustique; leur lessive
196 SUR L'ANALYSE DES GRAINES
“évaporée a laissé une matière blanche très-caustique qui
attiroit l’humidité de l'air, et qui s’est dissoute dans l’acide
nitrique avec effervescence : la combinaison évaporée
a donné du nitrate de potasse dont le poids étoit d’un
gramme 88 centimes. Ce sel ayant été dissous dans l’eau,
ainsi que l’eau - mère où il s’étoit formé, on y a mêlé
de l’eau de chaux qui a fourni un précipité très-abon-
dant, demi-transparent et gélatineux, lequel, après avoir
été desséché , pesoit 60 centigrammes : : c’étoit du phos-
phate de chaux très-pur.
La partie de la cendre que l’eau n’avoit pas dissoute
a été traitée par lacide nitrique : Ja liqueur filtrée a
donné par l’addition de l’ammoniaque un précipité flo-
conneux qui est devenu grenu et demi-transparent quel-
ques instans après; ce précipité étoit un mélange de
phosphates de chaux, de magnésie et de fer. Les por-
tions de charbon qui n’ont pas été dissoutes par l’acide
nitrique ont été brülées, elles ont encore fourni 11 cen-
tigrammes de cendre semblable à la première, seule-
ment elle contenoit plus de fer. Outre Pamidon et la
matière animale les fèves de marais contiennent des
phosphates de chaux, de magnésie, de fer, de potasse
et de la potasse libre.
Les peaux des fèves de maraïs contiennent du tannin
en assez grande quantité ; il en sera parlé ailleurs.
Réflexions.
LA grande quantité de matière animale que contien-
nent les fèves de marais, explique pourquoi elles pas-
CÉRÉALES ET LÉGUMINEUSES. 197
sent si promptement à la putréfaction, et répandent
une odeur aussi infecte ; elle donne aussi la raison pour
laquelle ces semences sont si nourrisantes, et peuvent
en quelque sorte remplacer la viande fraiche.
L’on voit aussi pourquoi ces graines, lorsqu’elles sont
cuites avec leur écorce sur-tout , tournent moins promp-
tement à la putréfaction; c’est que la matière animale
étant cuite se conserve plus long-temps, et que le tannin
lui sert encore de préservatif.
On trouve donc dans ces semences, aliment, condi-
ment, matière propre à entretenir la couleur du sang;
et réparer la perte des os (1).
SUR LES LENTILELES.
CINQUANTE grammes de farine de lentilles mis er
macération avec un litre d’eau, ont répandu une odeur
forte qu’on connoît dans cette semence verte. Ceite liqueur
filtrée une heure après a d’abord passé un peu laïteuse,
mais en la remettant sur le filtre elle s’est éclaircie.
Elle avoit une saveur fade et nauséabonde, ne rou-
gissoit pas la teinture de tournesol, mais précipitoit
abondamment l’infusion de noix de galle, et l’acide
muriatique oxigéné; la dissolution de sulfate de fer y
forme aussi un précipité abondant de couleur grisâtre ;
Veau de chaux la rend laiteuse, mais n’y détermine
pas de précipité, au moins sur-le-champ; l’infusion de
Rue MURAT ainsi io Née us PER Rr
{:) Les fèves de marais ne contiennent pas sensiblement de suçre,
198 SUR L’ANALYSE DES GRAINES
lentilles se trouble d’elle-même très - promptement , et
preud un aspect laiteux : cet effet a lieu en moins de dix
heures dans un air à 15 degrés de chaleur.
Les alcalis lui rendent sa limpidité en lui commu-
niquant une couleur jaune : les acides produisent le
même effet, mais un excès de ces derniers y occasionne
un précipité floconneux très-abondant.
Ces phénomènes peuvent faire penser que la matière
qui trouble ainsi la liqueur y étoit tenue en dissolution
par un alcali , lequel, en se saturant de lacide déve-
loppé par la fermentation, laisse précipiter cette ma-
tière : c’est un soupçon à vérifier.
Par la chaleur de l’ébullition , l’infusion de farine de
lentilles mousse comme une eau de savon, et se coagule
en flocons blancs comme l’albumine. Cette eau ainsi
coagulée et filtrée est encore précipitée par les mêmes
réactifs, mais moins abondamment qu'avant; ce qui
prouve que la chaleur n’a séparé qu’une partie de la
matière qui jouit de ces propriétés.
Le 17 floréal nous remplimes un flacon de l’infusion de
lentilles qui s’étoit déja troublée spontanément , et nous
plaçâmes sur ce flacon un tube pour savoir s’il se dé-
gageroit quelque gaz, et si la liqueur deviendroit acide,
ou si enfin elle éprouveroit quelque autre altération.
Le même jour nous mîmes de la même liqueur dans
un autre flacon, mais dont les trois quarts demeurèrent
vides, et sur lequel nous plaçâmes aussi un tube pour
savoir si le volume augmenteroit ou diminueroïit.
Quelques heures après que ces liqueurs furent mises
CÉRÉALES ET LÉGUMINEUSES. 199
dans les appareils dont on vient de parler, elles s’é-
claircirent, et la substance qui les troubloit se déposa
sous la forme de flocons blancs au bout de deux jours
(température 12 degrés); ces liqueurs ne présentoient
aucun phénomène qui annonçât un changement dans
leur état; au moins il ne se manifesta aucune effer-
vescence , il n’en sortit aucun gaz, et l’air ne diminua
point de volume.
Les deux liqueurs avoient passé à une légère fermenta-
tion, et l’air du second appareil contenoit une petite
quantité d’acide carbonique : cette expérience n’a pas
été poussée plus loin.
Nous avons dit plus haut qu’ayant mêlé de l’eau de
chaux à une portion de l’infusion des lentilles, le mé-
lange se troubla, devint laiteux , mais ne forma point de
précipité, tandis que la même infusion en donna sponta-
nément un considérable; cependant au bout de trois ou
quatre jours il s’en forma aussi un dans celle-ci. Cette
différence provient, sans doute, de ce que, par sa pré-
sence , la chaux aura retardé la fermentation acide de
la liqueur, ou que sans s’y opposer , elle aura absorbé
Vacide à mesure qu’il se sera formé, et empèché ainsi
la matière animale de se précipiter; mais enfin lorsque
la chaux aura été saturée par l’acide, le phénomène
aura eu lieu.
La chaux avoit été mêlée à cette liqueur dans l’inten-
tion de savoir si elle contenoit du phosphate de potasse
ou autre.
209 SUR L’ANALYSE DES GRAINES
Action de l'alcool sur Les Lentilles,
CinquaAxTE grammes de farine grossière de lentilles
ont été mis en digestion avec sept à huit fois leur poids
d’alcool bien déflegmé; au bout de quelques instans
l'alcool prit une couleur jaune-verdâtre, une saveur
amère et âcre; deux jours après, le premier alcool fut
décanté, et de nouvelles quantités furent mises sur le marc
jusqu’à ce qu’elles ne se colorassent plus. Les liqueurs
réunies soumises à la distillation fournirent un alcool
sans couleur, mais d’une odeur de vanille très-pronon-
cée, et reconnoissable pour tout le monde. Cette odeur se
perdit par l’addition de l’eau, et se transforma en une
autre très-désagréable.
Le résidu contenu dans la cornue avoit une couleur
verte-jaunâtre, une huile verte un peu consistante na-
geoit à la surface de la liqueur. Cette liqueur qui con-
tenoit encore un peu d’alcool étoit épaisse, gluante,
ayant une saveur rance et âcre , l’odeur du savon, et se
troublant par l'addition de l’eau. Cette liqueur se cail-
lebotoit par les acides et par l’eau de chaux comme
une dissolution de savon.
Pour savoir si, en effet, elle contenoit véritablement
du savon , je la décomposai par l’acide sulfurique, qui
forma sur-le-champ un précipité floconneux, dont les
parties en se rassemblant formèrent bientôt une couche
huileuse de couleur verdâtre, d’une saveur rance, et
d’une odeur qui avoit quelque analogie avec celle de
l’onguent populeum,
CÉRÉALES ET LÉGUMINEUSES, 01
La liqueur filtrée et évaporée avec ménagement a
donné un résidu noir, acide, qui paroissoit contenir
quelque chose de salin; mais quand il a été desséché,
il y en avoit si peu qu’il n’a pas été possible d’en re-
connoître la nature : il faudroit faire cette expérience
plus en grand.
50 grammes de lentilles entières et munies de leurs
enveloppes ont été mises en macération dans 100 grammes
d’eau : au bout de vingt-quatre heures l’eau avoit acquis
une légère teinte jaune-verdätre , une saveur astringente,
accompagnée de l’odeur des semences légumineuses.
. Cette eau précipitoit abondamment la solution de
colle forte , l’eau de froment et d’orge en flocons blancs :
elle précipitoit abondamment aussi le sulfate de fer en
très-beau bleu , et Pacétate de plomb en blanc-jaunûtre.
Elle ne rougissoit pas la teinture de tournesol, ce qui
prouve que la substance qui précipite le fer en bleu
n’est pas lacide gallique , mais du tannin ; ce que con-
firme d’ailleurs la précipitation de la colle forte.
Après avoir séparé l’eau qui avoit séjourné pendant
vingt-quatre heures sur les lentilles, on les dépouilla
de leurs enveloppes, et on les remit séparément dans
l’eau pour savoir si elles contenoient du tannin dans
leur propre substance, mais elles n’en offrirent pas
la plus légère trace; ce qui démontre que cette subs-
tance est exclusivement contenue dans les enveloppes.
Quand on eut épuisé les enveloppes de lentilles par
l’eau , on les fit macérer avec de l'alcool; celui-ci prit
bientôt une couleur verte-jaunâtre très-agréable,
1806. Premier semestre. 26
202 SUR L’ANALYSE DES GRAINES
Pendant l’évaporation spontanée de l’alcool il se dé-
posa des flocons verts, et l’alcool laissa sur les parois
de la capsule un enduit vert. Outre cette matière verte,
l'alcool contenoit du tannin, car il noircissoit légère-
ment la dissolution de fer.
Après avoir enlevé aux enveloppes de lentilles tout
ce qu’elles ont de soluble dans l’eau et dans l’alcool,
elles étoient blanches, sèches et arides comme du par-
chemin : soumises à la distillation , elles fournirent une
assez grande quantité d’huile dont l’odeur et la saveur
avoient la plus grande analogie avec la fumée de tabac:
le flegme étoit acide, mais la potasse y développoit de
l’'ammoniaque.
Réflexions.
Iz est évident par ce qui précède sur les lentilles
que cette graine contient, comme toutes les autres, à
ce qu’il paroît, une substance animale, ou dont au
moins les caractères sont tels; que cette substance se
dissout dans l’eau aussitôt qu’elle est en contact avec
elle, et que sa dissolution n’est ni acide ni alcaline.
De quelle nature particulière est cette substance ? il n’y
a pas d’apparence que ce soit du gluten, car quand il
est frais, celui-ci ne se dissout pas aussi abondamment;
il n’est guère plus probable que ce soit de la levure,
celle-ci ne se dissout pas non plus aussi abondamment
dans l’eau froide. Elle auroit plutôt l’apparence de
l’albumine.
Il est évident aussi que les écorces de lentilles con-
mare |
CÉRÉALES: ET LÉGUMINEUSES, 203
tiennent une huile verte et âcre, et une certaine quan-
tité de tannin , tandis que les cotylédons ne contien-
nent pas ce dernier. Nous croyons qu’il y a aussi dans
les cotylédons une certaine quantité d'huile verte.
SUR LA FARINE DE LUPINS.
1°, CETTE farine, dont la couleur est jaune, a une
saveur extrêmement amère, et brûle sur les charbons
en répandant une odeur comme les matières animales.
2°. 20 grammes de cette farine: mis avec de l’alcool
la colore en jaune , et lui communique sa saveur amère :
Valcool dissipé par l’évaporation, a laissé une huile
jaune, épaisse, d’une saveur très-amère , et dont le poids
étoit de 2 grammes 7 dixièmes.
Cette huile mise sur un charbon ardent s’exhale
presqu’entièrement en fumées blanches qui ont l’odeur
de celles que produit l’huile grasse, mais elle laisse un
atome de charbon.
30. Cette farine communique aussi à l’eau une cou-
leur jaune, une saveur amère, et la propriété de
mousser par l’agitation commeune dissolution de gomme:
l’eau ne devient ni acide ni alcaline.
4°. 25 grammes de la même farine soumise à la dis-
tillation ont fourni 6 grammes + de charbon, 14 gram-
mes d'huile, 2 grammes de flegme, plus du carbonate
d’ammoniaque cristallisé dans le col de la cornue. Une
partie de lammoniaque contenue dans le flegme parois-
soit être unie à l’acide acéteux.
204. SUR L’ANALYSE DES GRAINES
5°, 5o grammes de la même farine brûlée ont donné
3 grammes 15 centièmes de cendre; celle-ci s’est dis-
soute dans l’acide nitrique sans effervescence, et l’am-
moniaque en a précipité 65 centigrammes d’une sub-
stance jaunâtre et un peu grenue, laquelle étoit com-
posée de phosphates de chaux, de magnésie et de fer.
Ce qui ne s’est pas dissous dans l’acide nitrique étoit,
pour la plus grande partie , du sable mêlé accidentelle-
ment à cette farine; mais sa quantité étoit loin d’équi-
valoir à la perte qui se montre ici.
6°. Le charbon provenant des 25 grammes de farine
distillée, expérience IV, a communiqué à l’eau avec la-
quelle on l’a lessivée la propriété de précipiter abon-
damment l’eau de chaux, et le précipité avoit tous les
caractères du phosphate de chaux. Cette farine contient
donc une certaine quantité de phosphaste alcalin ; ce qui
explique la perte que nous avons éprouvée sur la cendre
de l'expérience V.
L’infusion aqueuse de farine de lupins est précipitée
par l'acide muriatique oxigéné en flocons blancs ; les
premières portions d’acide éclaircissent la liqueur, et
une plus grande quantité la coagule.
L’infusion de noix de galle la coagule abondamment,
et le précipité a une couleur purpurine, ce à cause
d’une petite quantité de phosphate de fer qu’elle con-
tient.
Les dissolutions nitriques de mercure, d’argent et
celle de l’acétate de plomb la précipitent aussi très-
abondamment en flocons blancs; ces précipités ne sont
CÉRÉALES ET LÉGUMINEUSES, 205
pas entièrement solubles dans l’acide nitrique, ce qui
annonce qu’ils contiennent un peu d’acide muriatique.
Cette même infusion est précipitée par l’eau de chaux
en flocons jaunâtres, par l’oxalate d’ammoniaque en
une poudre qui ressemble beaucoup à l’oxalate de chaux.
Le carbonate de potasse n’y occasionne presque pas
de changement , un léger trouble seulement.
Après avoir passé deux fois de l’alcool et deux fois
de l’eau sur la farine de lupins, le résidu mêlé avec
de l’acide acétique concentré a été presqu’entièrement
dissous; il n’en est resté qu’une matière corticale, et
comme ligneuse, de couleur jaune.
La dissolution a présenté les phénomènes suivans :
elle étoit abondamment précipitée par l’infusion de noix
de galle , l’acide muriatique oxigéné , l’ammoniaque et
le nitrate de mercure , mais elle ne l’étoit point par l’a-
cétate de plomb.
D’après ce qui précède, l’on voit que la farine de
lupins contient, 1°. une huile colorée et amère, qui
communique ses propriétés aux autres parties de la fa-
rine, et qui fait une partie considérable de cette sub-
stance, puisque sur 20 grammes elle en a donné 2
grammes 7 dixièmes, ce qui fait près d’un septième;
2°. une substance végéto-animale extrêmement abon-
dante , soluble dans une grande quantité d’eau , et encore
plus soluble dans l’acide acétique : c’est cette substance
qui fournit à la distillation le carbonate d’ammoniaque,
et l’huile rouge et fétide qu’on obtient : c’est aussi elle
qui, dissoute dans l’eau ou dans l’acide acétique,
206 SUR L’'ANALYSE DES GRAINES
présente , avec les réactifs, tous les phénomènes exposés
plus haut; 3°. une assez grande quantité de phosphates
de chaux et de magnésie, et une petite quantité de
phosphates de potasse et de fer.
Mais il ne paroît pas qu’elle contienne , comme les
autres farines des légumineuses , de Pamidon ni du sucre.
La farine de lupins délayée dans de l’eau et exposée
à une chaleur douce fermente, il se dégage de l'acide
carbonique, et il se forme de l’acide acétique , mais elle
ne produit pas un atome d’alcool : avec le temps elle
se pourrit et exhale une odeur fétide.
SUR LA GERMINATION.
Expériences sur les semences lésumineuses. — Première
expérience.
LE 21 floréal an 12, on mit dans une cloche remplie
d’air atmosphérique, et placée sur l’eau , des lentilles, et
des fèves de marais dépouillées de leurs écorces; trois
ou quatre jours après, les lentilles commencèrent à ger-
mer, les radicules étoient déja très-longues , et les plu-
mules se montroient.
Le 35 prairial, douze jours après, les lentilles avoient
des tiges d'environ 2 à 3 centimètres de long, et l’on
voyoit manifestement les feuilles développées; à cette
époque les fèves de marais n’avoient point encore donné
de signes de germination, seulement leurs radicules
s’étoient alongées, mais la plumule n’avoit faif aucun
progrès.
CÉRÉALES ET LÉGUMINEUSES. 207
Comme ces fèves de marais étoient contenues dans
la même capsule que les lentilles, et qu’elles commen-
çoient à se moisir , on les enleva les unes et les autres
pour que l'air ne füt pas altéré par l'effet de cette dé-
composition spontanée.
L’air dans lequel ces semences avoient été exposées ,.
et où les lentilles avoient germé, essayé par divers
moyens, a présenté les phénomènes suivans : 10. il a
éteint subitement la bougie; 20. il a précipité abon-
damment l’eau de chaux; 3°. cependant le phosphore
y brûloit encore un peu, mais cette combustion s’arrê-
toit très- promptement; et le volume ne diminue que
très-peu par cette opération.
Germiration dans Le gaz Lydrogène. — Deuxième
expérience.
LE 21 floréal on mit dans du gaz hydrogène contenu
dans une cloche, placée sur l’eau, des semences de len-
tilles et de fèves de marais; mais ces graines n’ont
donné aucun signe de germination : la radicule qui étoit
très-visible, parce que les semences avoient été dépouil-
lées de leur écorce, n’avoit pas même alongé de la plus
petite fraction de mesure quelconque, mais elles avoient
conservé toute leur fraîcheur et leur solidité; les fèves
de marais n’avoient point moisi comme celles qui avoient
été exposées dans l’air atmosphérique.
Ces expériences paroissent démontrer clairement au
moins que quelques espèces de semences ont besoin de la
présence de l'air pour germer, et qu’elles ne peuvent
208 SUR L'ANALYSE DES GRAINES
remplir cette fonction dans le gaz hydrogène, ni pro-
bablement dans les autres espèces de gaz.
L’hydrogène cependant contenoit une quantité no-
table d’acide carbonique , dont on a reconnu la pré-
sence par le moyen de l’eau de chaux qu’il troubloit
fortement,
Ainsi, comme le gaz hydrogène qui avoit servi à cette
expérience ne contenoit pas d’air atmosphérique, il est
probable que lacide carbonique a été formé par la
réaction de l’oxigène et du charbon contenus dans les
semences elles-mêmes.
Lorsqu'on retira les lentilles du gaz hydrogène , il y
en avoit déja quelques-unes qui commençoient à pourrir,
mais beaucoup qui étoient encore saines ont très-bien
germé lorsqu'elles ont eu le contact de l'air. Les fèves
de marais ont également bien germé, d’où il suit que
le gaz hydrogène, quoique ne pouvant servir à la ger-
mination , n’a pas d'action nuisible sur l’embrion.
Germination dans l’eau. — Troisième expérience.
Des fèves de marais ontété mises en macération dans
l’eau dont elles étoient recouvertes ; vingt-quatre heures
après on leur a enlevé l’écorce, et on les a remises
dans l’eau: au bout de huit jours elles n’avoient pas
donné de signes de germination ; l’eau étoit devenue
acide et répandoit une odeur de fromage aigri.
Des mêmes fèves de marais ont été mises en macé-
ration dans de l’eau aiguisée d’acide muriatique oxigéné;
au bout de vingt-quatre heures elles ont été dépouillées
CÉRÉALES ET LÉGUMINEUSES. 209
de leurs enveloppes, et remises dans de nouvelle eau
aiguisée d’acide muriatique oxigéné en très-petite quan-
tité : elles n’ont pas plus germé que dans l’eau.
‘Les mêmes expériences ont été faites sur les lentilles
sans plusde succès. La seule différence qu’on ait aperçue;
c’est que leur eau n’a pas pris l’odeur de fromage,
Les fèves de marais qui avoient été submergées, ainsi
que les lentilles, comme il a été dit plus haut, dans de
l’eau aïguisée d’acide muriatique oxigéné , n’ont point
du tout germé lorsqu’elles ont été exposées à l’air;
tandis que les mêmes semences qui avoient été plongées
sous l’eau simple ont germé dans l’air au bout de quatre
à cinq jours.
Il paroît d’après cela que la petite quantité d’acide
muriatique oxigéné, dans lequel on avoit mis macérer
les semences dépouillées de leurs enveloppes, a fait périr
l'embryon, et a peut-être aussi altéré la substance des
cotylédons.
Germination dans Pair et dans l’eau. — Quatrième
expérience.
Des fèves de marais et des lentilles, auxquelles on
avoitenlevé lesenveloppes, ont été couvertes d’une légère
couche d’eau pour qu’elles fussent seulement privées du
contact de l’air : elles n’ont nullement germé; elles ont,
au contraire, pourri et ont communiqué à l’eau une
odeur fétide analogue à celle du sperme.
. Les mêmes graines écorcées et humectées d'eau, mais
sans en êtrecouvertes , ont parfaitement bien germé, ont
1806. Premier semestre. 27
210 SUR L’ANALYSE DES GRAINES
poussé des tiges et des feuilles assez longues et colorées
en vert, quoiqu’elles eussent végété à l'ombre.
Les graines, ou au moins celles-ci, ont donc besoin de
l'influence de l’air pour germer et s’étendre (1).
Remarque sur la décomposition spontanée de l'alcool
mélé à l’eau.
UxeE partie d’alcool très-pur, mêlé à vingt parties
d’eau distillée , fut conservée dans un flacon qui en étoit
entièrement rempli et exactement bouché en cristal.
Au bout de six mois il ne paroissoit encore avoir
éprouvé aucun changement, si ce n’est que son odeur
ressembloit parfaitement à celle de l’éther nitrique très-
étendu d’eau.
La même expérience fut faite sur des quantités sem-
blables des mêmes matières, avec cette différence que
ces dernières furent conservées dans un flacon qui n’en
étoit pas complettement rempli, et qui n’étoit bouché
qu'avec du papier. Quinze jours après il s’est formé
dans la liqueur de petits flocons blancs lanugineux,
qui ont augmenté sensiblement de volume, et ont
à la fin formé une masse assez étendue. Ces flocons
ont fini par noircir, et alors la liqueur n’avoit plus
aucune des propriétés qui caractérisent l’alcool, c’est-
à-dire que sa saveur, son odeur, etc. étoient entièrement
détruites.
(1) Il seroit bon de répéter ces expériences sur les graines des plantes
aquatiques.
_—
CÉRÉALES ET LÉGUMINEUSES. 211
L'alcool, en se décomposant ainsi, ne forme point
d’acide. Il paroît donc que, dans ce second cas, l’al-
cool a été parfaitement décomposé , et que l’air est néces-
saire à cette décomposition, puisque le même mélange
exactement enfermé n’a pas subi la même altération.
SUR LA FERMENTATION DES GRAINS.
1°. Ox a pris 2 livres d’orge germé et moulu comme
pour la fabrication de la bière, et après l’avoir mis dans
un matras, on a versé par-dessus 6 livres d’eau à 55
degrés de Réaumur. L’appareil terminé par un tube a
été exposé à la température de 22 degrés. La fermen-
tation à commencé à s’établir quatre heures après, eta
duré environ trente-six heures.
Lorsqu'on a jugé que l’air atmosphérique a été sorti
de lappareil, on a recueilli une certaine quantité de
gaz qu’on a mis sur une dissolution de potasse caus-
tique; environ la moitié de ce gaz a été absorbée , et
Pautre moitié s’est enflammée par le contact d’une bougie
allumée en présentant les caractères du gaz hydrogène
le plus pur, c’est-à-dire qu’il répandoit une flamme
blanche - rougeâtre , et détonoit avec beaucoup de vio-.
lence quand il étoit mêlé à de l'air.
On a recueilli de temps en temps , depuis le com-
mencement jusqu’à la fin de la fermentation , des por-
tions de ce gaz pour savoir s’il fourniroit toujours du
gaz inflammable, et s’il seroit constamment dans les
mêmes proportions : c’est, en effet, ce qui est arrivé;
*
212 SUR L’'ANALYSE DES GRAINES
les gaz se sont produits depuis le commencement jusqu’à
la fin dans le rapport constant d'égalité en volume.
Le 16 fructidor on soumit à la distillation l’orge ainsi
fermenté, et sur les trois litres d’eau qu’on avoit em-
ployés, on n’en retira que deux tiers de litre. Cette
liqueur fut distillée de nouveau, et son produit frac-
tionné en trois parties égales. Le premier produit ne
donna aucun degré à l’aréomètre, le second et le troi-
sième étoient un peu plus pesans que l’eau. Ces produits
avoient tous une saveur acide très - prononcée, et en
même temps empyreumatique, par la raison que le marc
avoit légèrement brûlé au fond de la chaudière.
Il sembleroit d’après ces résultats qu’il ne s’est pas
formé d’alcool pendant la fermentation de cet orge,
puisque les produits qu’il a fournis à la distillation
étoient aussi pesans que l’eau , et n’avoient qu’une sa-
veur acide et nullement alcoolique; mais il est plus
vraisemblable que l'alcool produit s’est converti en acide
acéteux pendant l’intervalle de la fermentation à la dis-
tillation. Un fait remarquable, c’est que la liqueur avoit
avant la distillation une saveur encore très-sucrée, et
qu'après elle n’en avoit presque plus.
2°, Comme on avoit employé dans l'expérience du
10 fructidor de l’orge germé avec le son , nous avons
soupçonné que c’étoit celui-ci qui avoit produit le gaz
inflammable. Pour nous en assurer, nous avons répété
l'opération avec la même quantité de farine d’orge
blutée et non germée, et trois litres d’eau; mais les
phénomènes ayant été absolument pareils , nous en con-
CÉRÉALES ET LÉGUMINEUSES. 213
-cluons que ce n’est pas le son qui a produit le gaz
inflammable; car, en supposant qu’il restât quelques
parties de cette écorce dans la farine, elles n’auroient
pas formé une aussi grande quantité de gaz que la farine
entière.
3°. Les résultats dont on vient de parler, ayant fait
soupçonner qu’il pouvoit aussi se produire du gaz in-
flammable pendant la fermentation du moût de bière
dans la cuve du brasseur, nous avons pris quatre litres
de ce moût, au moment où la fermentation alloit bien-
tôt commencer, et nous l’avons mis dans un appareil
convenable pour recueillir le gaz, et exposé à la tempé-
rature de 22 degrés, comme dans les autres expériences.
Dans cette circonstance la fermentation a commencé
beaucoup plus promptement, le dégagement du gaz a été
aussi plus rapide, sans doute à cause de la levure qu’on
y avoit mise. Mais le gaz recueilli à différens temps de
Vopération, a été entiérement absorbé par la potasse
caustique , et n’a donné aucune trace de gaz inflam-
mable : c’est donc le corps de la farine qui produit le gaz
inflammable, et non ses principes solubles dans l’eau
chaude.
4. Pour connoître exactement le volume du gaz in-
flammable qui se dégageroit pendant la fermentation
d’une quantité donnée de farine d’orge mondé, nous
mîmes dans un matras 2 livres de cette farine avec 6 livres
d’eau , et nous abandonnâmes le mélange à la A 58
ture de 14 à 15 degrés. |
La fermentation ne commença qu’au bout de cinq
214. SUR L’'ANALYSE DES GRAINES
heures, et le gaz qui se développoit à cette température
se dissolvoit entièrement en passant dans la potasse.
Mais dès que nous eûmes élevé la chaleur environ à 20
ou 21 degrés, le gaz passa beaucoup plus rapidement,
et ne fut plus dissous complétement par lalcali; la
portion qui ne s’y dissolvoit pas étoit inflammable. La
quantité de ce dernier étoit très- petite au commence-
ment, mais elle augmenta peu à peu, et sur la fin elle
étoit à peu près égale à celle de Pacide carbonique.
D’après ces résultats , il paroît que le gaz inflammable
n’est produit que par les principes insolubles des farines,
et que son développement n’a lieu qu’à la température
de 20 à 22 degrés de Réaumur.
Expériences pour connoftre la quantité de sucre contenue
d
dans l'orge.
50. Trors kilogrammes d’orge non germé et moulu ont
donné 38 grammes environ de sucre pur, ce qui fait à
peu près 13 millièmes de la farine employée; nous avons
employé pour extraire cette substance 6 kilogrammes
d'alcool très-déflegmé , en trois fois différentes , avec le
secours de la chaleur.
3 kilogrammes d’orge germé et moulu, traité de la
même manière et avec la même quantité d’alcool, ont
fourni 148 grammes de sucre, ou environ 5 pour 100,
et le quadruple de ce qu’a donné l’orge non germé.
Il suit évidemment de ces expériences que la germi-
nation détermine dans l’orge la formation d’une assez
grande quantité de matière sucrée, résultat qui avoit
CÉRÉALES ET LÉGUMINEUSES. 215
déja été annoncé d’après la saveur et quelques autres
propriétés de lorge germé, mais qui n’avoit jamais été
démontré d’une manière directe par l’analyse , au moins
que nous sachions.
Fermentation de l'orge non germé,, et quantité d'alcool
qu’il a fourni.
© 6°. Douze kilogrammes d’orge non germé moulu,
mises dans un tonneau avec sept fois autant d’eau, à
70 degrés, et 2 kilogrammes de levure de bière molle,
ont fermenté sur-le-champ avec beaucoup de violence.
Au bout de sept jours, époque à laquelle la fermen-
tation a paru finie, nous avons soumis la matière à
la distillation , et nous avons obtenu 9 litres de liqueur
très-foible, ayant l’odeur d’empyreume, parce que le
marc avoit été distillé avec. Cette liqueur, repassée à
Valambic, a donné 16 décilitres d’un esprit à 16 degrés
à l’aréomètre, la température étant à 10 (ce qui fait
environ 9 décilitres à 4o degrés); 9 décilitres d’alcool
pésentenviron 714 grammes, et, d’après nos expériences,
12 kilogrammes d’orge non germé ne contenant que 152
grammes de sucre, il s’ensuit nécessairement que l’orge
non germé fournit , par la fermentation , quatre fois plus
d'alcool pur qu’il ne contient de sucre, résultat d’au-
tant plus singulier que d’après Lavoisier 100 livres de
sucre ne fournissent que 58 livres d’alcool fin par la
fermentation.
* 7°. 12 kilogrammes d’orge germéet moulu, soumises à
la fermentation dans les mêmes circonstances que celles
216 SUR L’ANALYSE DES GRAINES
qui ont eu lieu pour l’orge non germé, ont fermenté
également avec les mêmes phénomènes, mais ont donné
des résultats différens pour les quantités. On a obtenu
de celui-ci 2 litres 3 dixièmes d’alcool à 40 degrés, ce qui
fait environ 7 kilogrammes et demi d’alcool par quintal
d’orge ; ce qui fait en même temps trois fois plus d’alcool
que l’orge ne contient de sucre, puisque notre expérience
ne nous en a donné que & pour 100. Ce résultat est à
peu près semblable à celui de l'orge non germé.
Si les moyens que nous avons mis en pratique pour .
extraire le sucre contenu dans l’orge germé et non
germiné, sont bons, et s’ils ne laissent aucune trace
de ce principe dans la farine de cette semence, nos
expériences sur la fermentation de ces mêmes farines
portent nécessairement avec elles la conclusion, que
quelqu’autre principe que la matière sucrée se convertit
en alcool pendant la fermentation des farines céréales;
car il n’est pas possible que cinq parties de sucre en
puissent donner quinze d’alcool, puisque ce n’est pas par
addition de principe, mais par soustraction que se fait,
comme il est bien reconnu aujourd’hui, la conversion
du sucre en alcool.
Mais quel est ce principe, qui conjointement avec
la matière sucrée contribue matériellement à la con-
fection de l’alcool ? C’est une question qu’il nous reste
à décider par l’expérience, et à laquelle nous nous li-
vrero..s incessamment.
Quoique nous soyons convaincus que dans les cas
dont nous avons parlé, le sucre n’est pas le seul prin-
CÉRÉALES ET LÉGUMINEUSES. 217
cipe qui dans les farines forme l’alcool, nous avouerons
cependant que la préexistence de cette matière est ab-
solument nécessaire pour commencer la fermentation
spiritueuse, et pour disposer les autres élémens à subir
le même mouvement; car nous nous sommes également
assurés que tout corps où il n’existe point du tout de
sucre ne donne aucune trace d'esprit par la fermen-
tation.
8°. Un kilogramme de farine de froment blutée a été
mêlé avec 3 litres d’eau à 60 degrés. Le mélange est
resté sept heures sans manifester aucun mouvement
sensible; mais le lendemain matin le gonflement de la
matière annonçoit que pendant la nuit il s’étoit dégagé
des gaz; comme on avoit négligé de mettre un vase
pour recueillir ces gaz, nous ignorons quelle étoit leur
nature. ; "
Alors ayant placé l’appareil sur un baïn de sable
légérement échauffé , l’on vit paroître une multitude de
bulles de gaz que la consistance de la matière laissoit
échapper avec peine. Pour faciliter la sortie du gaz, on
ajouta un peu d’eau, et l’on rétablit ensuite l’appareil
dans la même condition. Nous obtinmes un gaz composé
d’environ un tiers, en volume, d’acide carbonique, et
de deux tiers d'hydrogène.
Craignant que la chaleur du bain de sable ne fût
trop forte, nous en retirâmes le matras ; mais, dès qu’il
fut revenu à la température de l’air environnant, la-
quelle étoit de 14 à 15, la fermentation s’arrêta presque
subitement. La matière ainsi fermentée , soumise au bout
1806. Premier semestre, 28
74
5198 SUR L’ANALYSE DES GRAINES
de quelques jours à la distillation, ne donna pas un
atome d’alcool , mais elle contenoit beaucoup d’acide.
Ainsi la farine de froment seule ne donne point d’al-
cool par la fermentation, et nous devons observer , à
cette occasion, que la levure est très-nécessaire au dé-
veloppement de l’alcool, non qu’elle entre dans la com-
position de ce corps, mais parce que hâtant la fermen-
tation, elle ne donne pas le temps à l’alcool de se con-
vertir en vinaigre.
Au lieu que, quand la fermentation est très - lente ,
l'esprit de vin passe à l’état de vinaigre à mesure qu’il
se forme, si toutefois la matière sucrée et autres n’ar-
rivent pas à l'acide sans avoir parcouru les points inter-
médiaires.
SUR LA LEVURE DE BIÈRE FRAICHE.
Quelques essais comparatifs de a Levure de bière avec
le gluten du froment.
L A levure de bière agitée long-temps avec de l’eau
distillée , et celle-ci filtrée ensuite, a présenté les pro-
priétes suivantes.
Cette eau est toujours louche, sa saveur est la même
que celle de la semence de houblon. L’addition de
lPammoniaque Péclaircit ; Pacétate de plomb la précipite
en flocons blancs ; l’acide muriatique oxigéné la rend en-
core plus laiteuse qu’elle ne Pest naturellement; l’oxalate
d’ammoniaque y forme un précipité , et l’infusion de noix
CÉRÉALES ET LÉGUMINEUSES, 219
de galle la trouble sans ÿ occasionner de précipité : elle
rougit la teinture de tournesol.
Action de lacide nitrique sur la levure.
LA levure mise dans de acide nitrique un peu con-
centré jaunit sur-le-champ et semble s’ÿ dissoudre : ces
effets sont encore plus prompts à l’aide de la chaleur.
Si avant que le mélange n’ait bouilli, on le mêle avec
de l’eau , une portion. de la matière jaune se précipite
sous la forme de flocons , et la liqueur reste sans presque
de couleur.
Par suite de l’action de Pacide nitrique sur la levure,
il se forme une matière grasse; mais, lorsque Pacide
nitrique devient concentré, la levure brûle et noircit
très-promptement,.
La dissolution nitrique de la levure, mise avec de
l’eau, se trouble et laisse précipiter une matière grasse
qui étoit tenue en dissolution par l’acide nitrique : cette
dissolution est à la fois amère et acide; elle est préci-
pitée par lammoniaque en flocons qui retiennent une
couleur jaune; par l’oxalate d’ammoniaque, après la
saturation de l’acide , en une poudre grenue qui res-
semble beaucoup à l’oxalate de chaux; en flocons blancs
et demi-transparens par l’eau de chaux.
IL paroît d’après cela que la levure contient du
phosphate de chaux, et qu’elle n’a pas formé d’acide
oxalique avec l’acide nitrique , car l’ammoniaque auroit
dû y former un précipité d’oxalate calcaire.
220 SUR L'ANALYSE DES GRAINES
Quelques remarques sur la formation du vinaigre.
L’rNrusion d'orge épaissie en consistance de syrop,
et étendue d’une certaine quantité d’eau, ayant été
mise dans un appareil fermé , resta cinq jours environ
sans fermenter : à cette époque elle commença à subir
ce mouvement, et il s’en dégagea une assez grande
quantité d’acide carbonique.
Lorsque tous les phénomènes de la fermentation eu-
rent cessé , la liqueur avoit une saveur très-acide , et un
peu nauséabonde.
Elle étoit abondamment précipitée par la noix de
galle , Pacétate de plomb et l'acide oxalique. Pour sa-
voir s’il s’étoit formé de l’alcool, on soumit à la distil-
lation , et l’on recueillit environ les £ de la liqueur en
deux portions égales : la première n’avoit qu’une très-
légère odeur d’alcool , et la seconde n’en avoit aucune,
mais elle étoit sensiblement acide.
Le résidu de la distillation avoit une odeur et une
saveur nauséabonde , une acidité extrêmement forte; la
noix de galle , Pacétate de plomb , lammoniaque et l’al-
cool y formoient des précipités abondans.
Le dépôt produit par l’alcool est soluble dans l’eau ; sa
dissolution est précipitée par la noix de galle. L’alcool
qui a servi pour séparer cette matière est aussi préci-
pité par la noix de galle; mais, quand il a été suffi-
samment étendu d’eau, il ne l’est plus par l’acétate de
plomb.
Le précipité formé par l’ammoniaque dans le résidu
CÉRÉALES ET LÉGUMINEUSES. 221
de la distillation du moût d’orge fermenté , se charbonne
et se fond ensuite au chalumeau, en une perle trans-
parente qui a une couleur violette ; la liqueur d’où cette
matière avoit été séparée précipitoit encore par la noix
de galle.
Du moût d’orge concentré par l’évaporation, et déja
un peu acide, a été mêlé à une dissolution de sucre
où l’on avoit mis du gluten qui ne l’avoit point fait
fermenter. Ce mélange, quoique exposé à la température
de 15 à 18 degrés, resta long-temps dans l’inaction;
cependant vers le cinquième jour, il commença à fer-
menter, et continua pendant environ un mois, au bout
duquel tout mouvement cessa.
Alors on démonta l’appareil où l’air extérieur n’avoit
eu aucun accès, et la liqueur fut examinée : sa couleur
étoit brune , elle avoit déposé une matière de la même
couleur ; sa saveur acide étoit légérement spiritueuse.
Elle donna par la distillation une petite quantité de
liqueur peu alcoolique; en continuant la distillation on
obtint une liqueur acide, mais moins forte qu’avant
d’être distillée, aussi le résidu étoit-il très-acide.
L’acide passé en vapeurs étoit de la nature du vinai-
gre; Car , uni à la potasse, il a formé un sel parfaitement
semblable à l’acétate de potasse.
Le résidu de la distillation avoit une couleur brune-
foncée, une saveur acide, un peu nauséabonde et nul-
lement sucrée ; il étoit précipité par la noix de galle,
l'acide muriatique oxigéné, l’acétate de plomb, et il pro-
duisoït une vive effervescence avec les carbonatesalcalins.
222 SUR L’ANALYSE DES GRAINES, Etc.
Comme , suivant toute apparence, la totalité du sucre
mis en expérience avoit été détruite, puisqu'on n’a pu
par aucun moyen en retrouver de traces dans la liqueur,
et qu’à sa place on n’a trouvé que du vinaigre, il faut
nécessairement en conclure que le sucre se convertit en
cet acide sans la présence de l'air; l’opération ayant été
faite dans un appareil fermé par l’eau, où le tube a
constamment plongé pendant tout le cours de lPopé-
ration.
De l’eau dans laquelle a macéré pendant quelques
jours du gluten de froment, et qui commence à être
acide, fait passer promptement le sucre à l’état de
vinaigre sans le contact de l'air, si toutefois le sucre
est suffisamment étendu d’eau.
La présence ou la préexistence du sucre dans les corps
n’est pas nécessaire pour la formation du vinaigre: les
farines, et autres substances végétales non sucrées et
convenablement humides forment aussi, sans le contact
de l'air, une quantité plus ou moins grande de vinaigre,
suivant leur nature; ne voit -on pas, en effet, très-
souvent les liqueurs spiritueuses foibles, tels que cer-
tains vins, les cidres, les bières, etc. devenir acides
en tonneaux et même en bouteilles?
La manière ordinaire d’expliquer la fermentation du
vinaigre ne doit plus être regardée comme générale, et
propre à satisfaire à tous les cas d’acétification.
Nous proposerons dans un autre lieu une manière
d'expliquer ce phénomène.
CS
SUR LES COMÈTES DE 1984 ET 1762: 225
———_—_—
SUR LES COMÈTES
DE 1704 ET 1762,
Par J.-C. BurcKkHARDT.
Lu le 30 floréal an 13.
SUR LA COMÈTE DE 1784.
L: comète dont il s’agit ici a été découverte et observée
par M. Dangos, mais le mauvais temps ne lui avoit
permis d'obtenir que deux observations, dont on n’avoit
tiré aucun parti. Il y a pourtant des cas où deux obser-
Vations peuvent donner des notions précieuses sur l’or-
bite d’une comète : il m’a donc paru utile de m’en oc-
cuper. F |
M. Dangos a observé cette comète le 10 et le 14 avril;
Vintervalle est court, mais la comète avoitun mouvement
assez rapide : la nouvelle de cette découverte n’arriva à
Paris que le 11 mai ; et M. Messier se donna des peines
inutiles pour la découvrir.
Pour suppléer à la troisième observation ; j'ai supposé
que la distance de la comète à la terre avoit été la même
224 SUR LES COMÈTES DE 1784 ET 1762,
pour les deux observations, et j’ai obtenu les élémens
suivans :
Nœud ascendant. . «+ . , . . . + « ‘1° 25°
Inclinason he CHEN AUS Lire 26°
Lieu du périhélie . « . + + . + « + 5 o°
Distance périhélie . . . « . . + « . 0.682:
Passage par le périhélie., . . . . . 1784, 11 mars, 8h
Sens du mouvement . . . « .« « + + Direct.
Pour voir dans quelles limites ces élémens sont con-
tenus , il falloit faire varier le rapport de deux distances,
lequel rapport nous avons supposé égal à lunité : or,
comme M. Dangos dit que la comète lui a paru un peu
plus claire lorsqu’il Pobservoit pour la seconde fois, j’ai
supposé que la comète fût d’un cinquième plus près de
la terre, ou que le rapport de deux distances fût 0.8, ce
qui n’a donné les élémens suivans :
Nœud ascendant . , « . + . . % . . 1° 12°
Inch oEon te eee Mate sie 64°
4 15°
Distance périhélie . . . . . . . . . 0.5857
Ck
Lieu du périhélie . . . . . . .
Passage par le périhélie.. . . , . + 1784, 9 mars, 7h
Sens du mouvement « » « + + + + + Direct.
En comparant ces deux orbites, on voit que la dis-
tance périhélie a diminué de o.1, les longitudes du
nœud et du périhélie de 15°, et que l’inclinaison a aug-
menté de 38°.
Les derniers élémens ressemblent beaucoup à ceux de
la comète de 1580; les deux orbites s’accordent pour
Vinclinaison, pour l’angle entre le nœud et le périhélie,
et pour la distance périhélie, mais il y a 20° de diffé.
SUR LES! COMÈTES DE 1784 ET 1762. 225
rence sur les longitudes absolues du nœud et du péri-
hélie : cette différence pourroit être attribuée aux attrac-
tions; j'ai donc jugé nécessaire de ne pas abandonner
tout de suite lesoupçon de l'identité de ces deux comètes,
et d'examiner les apparitions antérieures qui auroient
eu lieu selon cette hypothèse.
Les comètes de 975, de 770 et 565, sont les seules
dont nous avons quelques détails, mais ils ne paroïssent
pas convenir à l’orbite de la comète de 1580 : on n’en
peut donc tirer aucune conclusion en faveur de l’hy-
pothèse dont il s’agit. Il étoit donc bien à désirer que
M. Dangos pût trouver dans ses papiers quelques détails
ultérieurs sur cette comète, et M. Delambre à bien
voulu les lui demander. M. Dangos n’a sauvé de l’in-
cendie de l’observatoire de Malte que son journal mé-
téorologique , où il a trouvé la remarque qu’il a observé
la lumière zodiacale le 22 avril, d’où il conclut qu’il
a cherché en vain la comète le même jour.
Or, les deux orbites trouvées ci - dessus ne satisfont
pas à cette circonstance ; j’ai donc essayé d’en trouver
une meilleure, que voici :
Nœud-ascendant 561.4. + % + » (41099
InciMAsOn ERNST te lee 84°
Lieu (du périhéliel.4.11. L . 150 4 ago
Distance périhélie . . . . . . . . 0.6377
Passage par le périhélie , . . . . 1784, 10 mars, oh
Sens du mouvement, . . . . . . Direct,
Où il est à remarquer qu’on ne peut pas s’assurer
de quel côté l’orbite est inclinée, puisqu’elle est presque
1806. Premier semestre. 29
226 SUR LES COMÈTES DE 1794 ET 1762.
perpendiculaire à lécliptique. Il pourroit donc ar-
river que la longitude du nœud ascendant fût celle
du nœud descendant, et que la comète fût en même
temps rétrograde au lieu d’être directe.
En calculant le lieu de la comète pour le 22 avril,
on trouve qu’elle paroissoit encore sur l’horizon de
Malte, mais qu’elle restoit toujours dans les vapeurs de
l'horizon, et à plus de 60° de distance de l’endroit où
M. Dangos l’a probablement cherchée en supposant son
mouvement apparent ou uniforme ou peu accéléré.
SUR LA COMÈTE DE 1762.
LA détermination de l’orbite de cette comète a occupé
cinq astronomes , aucun n’a pu éviter des erreurs de
quatre à cinq minutes; toutes ces orbites diffèrent
considérablement l’une de l’autre, de sorte qu’il y a des
incertitudes de tout côté. On avoit rencontré des dif-
ficultés semblables par rapport aux comètes de 1763,
1771 et 1773, et l’on s’étoit cru autorisé par ces exem-
ples à juger en général d’une manière défavorable des
observations des comètes, et à les croire très-peu suscep-
tibles d’exactitude. La comète dont il s’agit ici prêtoit
singulièrement à ce genre d’inculpation : l’erreur de 5’
portoit sur les premières observations où la comète avoit
été observée au méridien, et comparée à une étoile de
première grandeur, dont la position n’étoit sujète à aucun
doute. où peuvent donc provenir ces erreurs, disoit-
on, sinon de l’observation? et comme un observateur
SUR LES COMÈTES DE 1704 ET 1762. 227
très- habile et très-exercé n’a pu s’en garantir, nous
sommes en droit de conclure qu’en général il est im-
possible de faire mieux.
J’avois réussi dans un mémoire précédent à démon-
trer l’exactitude des observations de trois comètes citées
ci-dessus : j'ai réussi de même à découvrir la source des
erreurs qu’on avoit cru trouver dans celle de la comète
dont il s’agit actuellement.
Un petit oubli dans les réductions a produit ces pré-
tendues erreurs : j’aurois probablement commis le même
oubli si M. Messier n’eût pas eu la complaisance de me
prêter les originaux de ses observations , comme il avoit
déja fait pour mes recherches précédentes.
L’instrument de M. Messier est divisé de manière
à donner les distances au pôle de l’équateur, et non pas
les hauteurs; il étoit donc très-naturel que M. Messier
parlât dans son mémoire des différences de déclinaisons,
et non des différences de hauteurs : M. Messier n’y
avoit pas appliqué la correction due à la réfraction, pour
rester fidèle au principe très-juste de donner l’observa-
tion sans aucune des réductions nécessaires, et d’en
laisser le soin à l’astronome qui veut s’en servir. Cette
correction n’auroit été que de peu de secondes pour les
passages au dessus du pôle, mais elle alloit à sept minutes
pour les passages inférieurs qui ont été réellement ob-
servés. J’ai cru devoir insister sur ces détails, quoique
je n’aie pas employé le passage et la hauteur de la
Chèvre, ayant préféré de me servir de deux étoiles de
la Giraffe, qui se trouvèrent sur le parallèle de la
[a]
226 SUR LES COMÈTES DE 1794 ET 1762.
comète, et qui sont actuellement bien déterminées. Cette
méprise auroit eu une influence beaucoup plus consi-
dérable sur les élémens, si le mouvement apparent de la
comète n’avoit pas été assez rapide. Voici les élémens
que j'ai obtenus :
Nœud ascendant, . . . . . . . 11 18°.33° 5”
Inclinaison 44 SN TIMNN. 85° 38' 13”
Lieu du périhélie . . . . . .« « Shot of
Distance périhélie . . . + . + . 1.0090485
Logarithme . . . + + . . . . . 0.0039120
Passage par le périhélie. . . . . 1762, 28 mai, 0.3410 jour,
ou, 8h. 11° 3” -
Sens du mouvement. « .« .« .« + Direct.
Les observations que j’ai employées sont,
Ascension droite. Déclinaison.
nn
PRE E NME MEET 98° 50° 75 61° 40° 375
18 juin. , + 11h 47° 31° 131° 58° 10/0 42° 19 7'o
EC honne HOARO ONE CAC PE 140° 21° 50°0 31° 33° 550
SUR LES LOIS DE L'AFFINITÉ, 229
TROISIÈME SUITE
DES
RECHERCHES
Sur Les lois de laffinité. (Mémoires de l’Institut,
tome III.)
Par M. BERTHOLLET.
Lu le 10 mars 1806.
Dixe un mémoire dont celui-ci est une suite, j’ai rap-
pelé à un nouvel examen les lois que suit l’affinité par
laquelle les corps tendent à se réunir ou à former une
combinaison , et en même temps j'ai distingué les effets
qui sont dus aux qualités physiques des substances qui
exercent une action mutuelle, de ceux qui dépendent
immédiatement de l’affinité; j’ai développé dans mon
Essai de statique chimique les conséquences auxquelles
m'ont conduit mes recherches, en les appliquant aux
phénomènes dont la chimie doit donner la théorie.
Je vais présenter quelques observations dont le but
est simplement de porter une plus grande précision dans
des faits connus et d’en établir le rapport avec la doc-
trine que j'ai exposée ; je discuterai quelques opinions
230 SUR LES LOIS DE L’'AFFINITÉ.
opposées aux miennes; j’insisterai particulièrement sur
les proportions qui peuvent varier dans quelques com:
binaisons, et sur les moyens propres à déterminer 1es
affinités relatives des acides et des alcalis.
$ I. Du carbonate et des sous-carbonates de soude.
O x regarde le carbonate de soude comme une com-
binaison identique , comme la seule combinaison de la
soude et de l’acide carbonique qui ait la propriété de
cristalliser.
Selon Bergman ce sel contient, lorsqu'il est cris-
tallisé ,
Aciderenelielele leleete lister else TO
Souder tite teinte ie le ti20
Faust, Men. ele rite ile (el suivi ete SOA
M. Kirwan en a donné une analyse qui diffère un
peu : selon lui, 100 parties contiennent
Acide URI AMEN ET ER RO IE 47
Sonde Nous. ete lea itied ee Lt 0221.39
Faure encheres eee 01:00
M. Kiaproth (1) donne les proportions suivantes :
Soude ei sueaetsils MI uit LENS
Acidet.Hes- tele: Pr ÉMAMENIT © ete
LENS MREN ER 9 CR OO EME
QG) Beitreege zur chemischen Kenutniss der mineral Korper, 3 band.
SUR LES LOIS DE L'AFFINITÉ. 231
Mais il a analysé un natron apporté d’Afrique qui
contenoit
DOHAE el tels te tele Me ca de + ele ollettete 07.0
Acide carbonique . . . . . . . . « + + + 38.0
Faut EC ect IN 022.5
Suliate de} soude no :. Mes un tige ne fps fall e 2.5 :
Ce natron différoit du carbonate de soude par plu-
sieurs propriétés. M. Klaproth rapporte la description
suivante , qu’en a donnée M. Bagge dans les mémoires
de l’Académie de Stockholm : ZZ est toujours dans l’état
cristallin ; on voit par sa cassure qu’il est composé de
cristaux longs , parallèles, croisés en dif{érens sens , en
apparence comme le gypse.
M. Klaproth explique heureusement, par la propriété
qu’a ce carbonate de résister à l’efflorescence, la dureté
des masses qui en sont composées , comme nous l’avons
observé en Égypte sur les bords des lacs de Natron, où
nous ayons vu le Quassr (espèce de petit fort), construit
avec ces masses salines (1).
M. Klaproth ajoute que le carbonate de soude or-
dinaire, peut absorber une nouvelle quantité d’acide
carbonique comme la potasse ordinaire, et que par là
il a obtenu un sel qui ressembloit au natron dont on
vient de parler, autant par l’état feuilleté des ses cris-
taux, que par la propriété de résister à l’efflorescence. Il
établit donc pour différence essentielle entre ces deux
espèces de carbonate, que dans l’espèce ordinaire, qui
Re Lui ie Cagadiite, à l'es 5 valrecns Atisgaste
G). Mémoire sur l'Égypte, Journal de physique, messidor an 8,
292 SUR LES LOISIDE M'AFFINITÉS
est désignée par le nom de carbonate ou de seZ de soude;
100 parties de soude sont combinées tout au plus avec
73 parties d'acide carbonique, et que dans l’autre car-
bonate, 100 parties de soude se trouvent combinées avec
103 parties d’acide carbonique.
Cette différence dans les carbonates de soude m’a paru
mériter des observations ultérieures. J’ai pris un car-
bonate de soude nouvellement cristallisé , et son analyse
m'a donné,
Sonde. MM ieretietieheletie eee ile 20:20
IACIdE Eten emilie tele lelet ete te
Faut Lie AM AN Mae Tri - 2168160
J’ai saturé d’acide carbonique la dissolution de ce
sel, jusqu’à ce qu’elle refusät d’en prendre malgré la
pression de quelques centimètres de mercure : sur la
fin de l’opération il s’est déposé peu à peu une sub-
stance saline que j’ai trouvée composée de petits cristaux
agglomérés : le liquide, bien loin de conserver des carac-
tères alcalins, rougissoit un peu la teinture de tourne-
sol. Pour la substance concrète et cristalline , elle n’af-
fectoit aucunement les papiers teints avec le curcuma
et avec le fernambouc, mais elle verdissoit le sirop de
violette. :
Les indices dont on se sert pour reconnoître l'acidité
ou l’alcalinité , n’ont pas, avec cette combinaison et les
semblables que je dois décrire, cette uniformité d’effets
que l’on observe dans les autres combinaisons d’acide
et d’alcali ; ce que l’on doit attribuer à la très - foible
adhérence de l’acide qui complète la combinaison, en
SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ. 233
sorte que la substance colorante peut facilement être
affectée par l’acide ou par l’alcali > selon qu’elle a plus
de disposition à se combiner avec l’un ou avec l’autre;
mais s’il résulte de là quelqu’incertitude sur l’état par-
faitement neutre de la combinaison, il.est néanmoins
indubitable qu’elle ne s’en éloigne que d’une quantité
si petite que je ne puis craindre d’erreur sensible en la
regardant comme neutre,
C’est donc le véritable carbonate de soude que j'ai
obtenu dans l’expérience que je viens de décrire : je
donne aux autres combinaisons de l’acide carbonique
le nom de sous-carbonates , à limitation de M. Thomson
qui s’est déja servi de cette expression pour désigner
différentes combinaisons de l’acide carbonique ; cepen-
dant je crois qu’il est inutile de faire cette distinction,
lorsque l’on veut simplement désigner une base car-
bonatée, et qu’il faut la réserver pour les cas où l’on
a l’intention d'indiquer la proportion de l’acide carbo-
nique : jen userai ainsi.
Le carbonate de soude m’a donné:
Spleen ARE (Eh Anais 31.75
Acide carbonique . Meter, ef te 4440
PE TT de et en 23.85
100
100 parties de soude qui, d’après mes expériences
n’ont dans le sous-carbonate ordinaire que 60 d’acide
Carbonique, demandent donc, pour parvenir à l’état
neutre, 139.84 de cet acide, et l’on a vu que d’après les
expériences de M. Klaproth , 100 parties de soude n’en
1806. Premier semestre. 30
234 SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ.
exigent que 103, d’où il résulte que le sel qu’il a re-
gardé comme une soude saturée n’étoit dans la réalité
qu’un sous-carbonate.
J'ai fait évaporer le liquide qui surnageoit le carbo-
nate cristallins il s’est dégagé de l’acide carbonique,
en sorte que ce liquide a donné promptement des indices
d’alcalinité. J’ai séparé la première cristallisation qui
s’est formée par le refroidissement: la substance saline
n’étoit plus dans l’état neutre, mais elle donnoït des
indices d’alcalinité; c’état déja un sous-carbonate : en
continuant d’évaporer le liquide, j’ai séparé deux autres
cristallisations successives dans lesquelles l’alcalinité de-
venoit de plus en plus dominante, et dont les qualités
s’éloignoient de plus en plus des propriétés caractéris-
tiques du carbonate; mais après ces trois cristallisations,
le sel qui formoit plus de la moitié du total , n’a pas dif-
féré sensiblement du sous-carbonate de soude ordinaire,
par les proportions de l’acide carbonique.
Le carbonate de soude n’effleurit pas à Pair, et il est
beaucoup moins soluble dans l’eau que le sous-carbonate
ordinaire ; car, pendant que celui-ci ne demande, à une
température moyenne, que deux parties d’eau, le pre-
mier en exige huit ; delà vient qu’il se dépose, lorsqu’on
sature le sous-carbonate d’acide carbonique.
Cette propriété en détermine une qui me paroît pré-
cieuse pour les analyses, que nous devons chercher à
porter à leur perfection.
Le sous-carbonate de soude, que l’on connoît dans le
commerce sous le nom de se/ de soude, quoiqu’il soit
SUR LES LOIS DE L'AFFINITÉ. 235
dans un état transparent et cristallin, contient toujours
une certaine proportion de sulfate de soude, ainsi qu’on
peut s’en assurer en précipitant par son moyen une dis-
solution de muriate de baryte, et en dissolvant, par une
addition d’acide, le précipité de baryte carbonatée , qui
s’est formé ; car il ne reste que le sulfate qui refuse de
se dissoudre.
J’ai fait une dissolution de ce sel, j’en ai séparé la
première cristallisation : cette partie, bien égouttée sur
un papier à filtrer, iñndiquoit encore une certaine pro-
portion de sulfate. Il résulte delà que lorsqu’on se sert
de sous-carbonate de soude pour décomposer des com-
binaisons à base terreuse, on doit nécessairement trouver,
si l’analyse est rigoureuse , une proportion d’acide sul-
furique qui a été apportée dans le procédé, en raison
de la quantité de sel de soude que l’on a employée.
Le moyen qui consisteroit à rendre la soude caustique
par la chaux, à dissoudre la substance alcaline par
l'alcool, et ensuite à la saturer par l’acide carbonique,
seroit long et dispendieux ; mais le carbonate de soude,
préparé comme je l’ai dit, est entièrement privé du sul-
fate qui reste en dissolution.
$ II. Du carbonate et des sous - carbonates d'am-
moriaque.
Ix seroit inutile de rappeler les proportions que l’on
a trouvées dans les combinaisons de lammoniaque
avec l’acide carbonique , que l’on a prises pour des car-
236 SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ.
bonates, parce que, comme l’a observé M. Davy (1),
ce sel obtenu du mélange de muriate d’ammoniaque et
de carbonate de chaux, a des proportions différentes
d’ammoniaque, d’acide carbonique et d’eau , selon la
température à laquelle l’opération a été faite, en sorte
que, retiré à une température de 300 degrés de Fahre-
neith, il contenoit 6o parties d’ammoniaque sur 100,
pendant qu’il n’en avoit que 20 parties , lorsque l’opéra-
tion avoit été faite à 60 degrés,
Quoi qu’il en soit, la combinaison à laquelle on a
donné le nom de carbonate d’immoniaque a toujours été
très-éloignée de celle que je vais décrire, et qui est le
véritable carbonate.
J'ai obtenu ce carbonate par le même moyen que
celui de soude : il se dépose aussi en petits cristaux
beaucoup moins solubles dans l’eau que le sel que l’on
a employé; car il faut près de 8 parties d’eau pour le
dissoudre à une température moyenne.
Ce carbonate ne conserve aucun indice d’alcalinité,
pas même dans sa saveur; mais il verdit le sirop de
violette.
Le liquide qui surnageoit ces cristaux étoit aussi dans
un état neutre; je l’ai distillé à une foible chaleur, pour
tâcher d’obtenir encore du carbonate par la cristalli-
sation : la liqueur qui étoit en distillation conservoit
l’état neutre; il en a été de même d’une pareille liqueur
que jai fait évaporer à l’air libre : mais celle qui passoit
QG) Researches chemical, p. 75.
,
D dl
SÛR LÉS LOÏS DE L'AFFINITÉ. 337
dans le récipient n’étoit plus dans l’état neutre; ce n’étoit
plus qu’un sous-carbonate, et loin de se concentrer, le
liquide qui étoit dans la cornue à fini par ne plus con-
tenir d’ammoniaque, ainsi que Celui que j’ai fait éva-
porer à l’air libre.
Cependant, si on laisse la dissolution de carbonate
d’ammoniaque à l’air, et il en est de même de celle
des autres carbonates, elle devient bientôt sensiblement
alcaline et perd par conséquent un peu d’acide car-
bonique, mais cet effet s’arrête bientôt et la combi-
naison paroît ensuite rester constante. Les carbonates
eux-mêmes, lorsqu’ils sont dans l’état cristallin, parti-
cipent un peu à cet effet.
Le sous-carbonate d’ammoniaqué que l’on obtient par
le moyen du muriate d’ammoniaque et du carbonate de
chaux, contient toujours une proportion assez consi-
dérable de muriate d’ammoniaque , et j’ai éprouvé qu’en
lui faisant subir une nouvelle sublimation , il en entraf-
noît encore la plus grande partie avec lui; ce qui peut
être une cause d’erreur dans les analyses 6ù l’on en
fait usage; mais le carbonate d’ammoniaque , préparé
comme je l'ai dit, est absolument dépouillé de ce sel
étranger : de plus, le premier est très-variable dans ses
proportions, et le second est uniforme.
L’analyse du carbonate d’ammoniaque m’a donné,
Acide carbonique . . . « . . . . + « + . . 55
Ammoniaque . , + « « + « « »# + + « + + + 20
LAURE MOTTE Hate et elles eitallet MR
Par conséquent , 100 parties d’ammoniaque exigent à
238 SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ.
peu près 275 parties d’acide carbonique pour parvenir à
Pétat neutre.
$ III. Du carbonate et des sous - carbonates de
potasse.
BERGMAN, qui le premier fit entrer les combinai-
sons de l’acide carbonique dans le système des com-
binaisons salines, fit connoître le carbonate de potasse
que l’on obtient en saturant la potasse avec l’acide
carbonique, mais il en donna une analyse dont l’inexac-
titude a déja été reconnue : selon lui 100 parties de ce
sel sont composées de
Acide carbonique . .:. . . . . . ... HU RI20
Pofassedrs he el han. ele diese. MA 4O
Ent eee De UN lee lle re lee tete le etai lle l'O
Kirwan et Pelletier en ont donné une analyse beau-
coup plus exacte : selon Kirwan 100 parties contiennent
Acide carbonique + « «+ . « . «+ . + + . 43
Potasse MAN han SALUE UE LR MONTS ER AT
Eau ARMES NE 2 et fe US TO MERCI
Et selon Pelletier,
Acide ti SET EN EMe it er el HAT AS
Potasse. . Aformlehteme tee lei cadet ls ee 40
Faure Rs he D C7
D’après mes expériences, 100 parties de potasse exi-
gent, pour parvenir à l’état neutre, 91 parties d’acide
carbonique, et l’eau est un peu variable.
J’ai décrit dans les Mémoires de l Académie (1780),
SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ. ‘239
un moyen facile d’obtenir ce sel : il consiste à faire
bouillir dans une cornue un mélange de sous-carbonate
de potasse, et de sous-carbonate d’ammoniaque; celui-
ci cède, en s’exhalant, l’acide carbonique nécessaire
pour changer le sous-carbonate de potasse en carbo-
nate, que l’on peut ensuite faire cristalliser par le
moyen d’une évaporation ménagée. J’ai éprouvé qu’on
ne pouvoit obtenir par le même moyen le carbonate de
soude, et je nai retiré par l’évaporation que le sous-
carbonate ordinaire.
Je ne décrirai pas le carbonate de potasse, qui est
assez connu: je ferai seulement remarquer que ce sel
reste à l’air sans tomber en déliquescence et sans at-
tirer l’humidité ; mais, si après avoir saturé d’acide
carbonique une certaine quantité de potasse, et après
avoir séparé la première cristallisation, qui est dans
Pétat neutre, on continue l’évaporation, la liqueur
surnageante , dans laquelle les qualités alcalines étoient
déja devenues dominantes, donne par une seconde
cristallisation un sel qui n’est plus qu’un sous-carbonate;
en continuant ainsi les évaporations et les cristallisa-
tions, on obtient successivement des sous - carbonates
dans lesquels la proportion d’acide carbonique va en
diminuant, et qui acquièrent de plus en plus la pro-
priété de tomber en déliquescence.
De même, lorsqu'on traite un sous-carbonate ordi-
naire avec l’alcool , ainsi que je lai dit dans le mémoire
cité, l’alcool opère une séparation d’une portion de
potasse pure, mais son action ne peut en séparer assez
240 SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ.
pour que le reste soit dans l’état de carbonate : le sel
que l’on obtient ainsi, cristallise comme le carbonate;
mais c’est un sous- carbonate qui tombe en déliques-
cence lorqu’il est exposé à l’air.
Il y a eu cette différence entre la saturation de la
potasse et celle de la soude, que le liquide qui tenoit
en dissolution la première, n’a pu perdre les caractères
alcalins , quoiqu’elle refusât d’absorber l’acide carboni-
que avec une pression assez forte, pendant que la
dissolution de la soude est parvenue même à donner
des indices d’acidité : la première cependant donne par
l’'évaporation et par la première cristallisation un véri-
table carbonate. Le liquide qui contient la soude, quoi-
qu'avec des indices d’acidité, n’a pu me donner par la
cristallisation après Pévaporation, qu’un sel qui donnoit
des indices d’alcalinité : la première liqueur donne par
les évaporations successives des sels dont l’alcalinité
s'accroît graduellement; la seconde passe rapidement
à un sel qui conserve les proportions que nous connois-
sons dans le sel de soude ordinaire. J’attribue cette
différence à une plus grande disposition dans le car-
bonate de potasse à conserver l’état neutre par l’action
réciproque des molécules intégrantes de ce sel, et à
une plus grande disposition du sous-carbonate de soude
à conserver les proportions qu’il a dans le sel de soude
ordinaire : j’explique aussi par là la différence que
n'ont présentée la potasse et la soude en les traitant
avec le sous-carbonate d’ammoniaque.
SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ. 241
$ IV. Des carbonates considérés comme réactifs.
Lorsque les bases alcalines sont saturées de différens
acides jusqu’au terme de neutralisation , les sels qu’elles
forment contiennent des proportions de tous ces acides
qui correspondent à leur capacité de saturation, en
sorte que si une, base comparée à une autre n’exige que
la moitié d’un acide, elle n’aura également'besoin que
de la moitié d’un autre acide pour conserver l’état
neutre.
Il suit delà que le carbonate de soude et ceux d’am-
moniaque et de potasse doivent présenter les mêmes
résultats, lorsqu'on les mêle, par exemple, avec une
dissolution d’un sel à base calcaire neutre; car dans ce
cas où il ne se fait pas de sel triple, cette base se
trouve également dans l’état neutre après le RARE
c’est ce que l’experience confirme.
Si l’on verse une dissolution de l’un de ces trois
carbonates avec une dissolution très-étendue de muriate
de chaux neutre, le liquide reste également transparent:
avec une proportion plus forte, il est d’abord transpa-
rent; puis il se trouble un peu, et si on le tient dans
un vase fermé, il se fait un petit dépôt; après cela il
reste constamment transparent , quoiqu'il n’y ait qu’une
très - petite partie de combinaison de chaux qui se
soit précipitée. On obtient des phénomènes sembla-
bles avec le muriate de baryte : le précipité qui se
forme est dù à une petite portion de sel avec moins
d’acide qui se sépare en laissant un petit excès d’acide
1806. Premier semestre. 23
242 SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ.
carbonique dans le liquide ; car, si l’on ajoute à celui-ci
un petit excès de cet acide et qu’il soit assez. étendu
d’eau , il ne se fait point de précipité , et lorsqw’il com-
mence à s’en former, on rétablit pour quelque temps la
transparence en agitant le mélange.
On voit par là que l’on n’a distingué les précipita-
tions des substances terreuses par les carbonates de
soude , d’ammoniaque et de potasse, que parce que l’on
a employé comme carbonates, des sous-carbonates iné-
galement saturés, de manière que l’on a dû avoir des pré-
cipités différens, selon l’état de saturation de chaque
espèce d’alcali, et lorsqu'on précipite de la chaux, par
exemple, ce n’est jamais un carbonate que l’on obtient,
mais un sous-carbonate très-variable.
De même, les combinaisons d’acide carbonique et de
chaux que l’on trouve dans la nature sont fort éloignées
d’être un véritable carbonate : selon l’analyse de M. Kir-
wan, qui m'a paru assez exacte, ces sous-carbonates
contiennent
Acide carbonique . . .« . . . « + .« . . + + . 45
Chaux ss ei re: ol Pa Reel VON 0
L'expérience faite par les procédés ordinaires, ne
laisse pas découvrir l’eau dont Bergman avoit admis
11 parties.
Ce qu’il y a de remarquable, c’est que ces chaux car-
bonatées paroissent toutes ayoir les mêmes proportions
d'acide carbonique, ou du moins avec des différences
très-peu sensibles; on doit attribuer cette uniformité à
l'influence de la figure des molécules intégrantes, mais
SUR LES LOIS DE L'AFFINITÉ. 243
il ne faut pas se hâter de tirer une conclusion générale :
le sous-carbonate de soude paroît avoir une disposition
pareille à ne pas varier dans les proportions avec les-
quelles on le trouve combiné , et cependant l’observa-
tion de M. Klaproth a fait voir qu’il se trouvoit aussi
naturellement dans des états très-différens de saturation.
M. Fourcroy (1) a très-bien observé que les alcalis
produisent des effets différens sur le sulfate de ma-
gnésie , en raison de la quantité d’acide carbonique qu’ils
contiennent , et de celle d’acide sulfurique qu’ils peu-
vent saturer, de manière que la magnésie reste en dis-
solution ou se précipite sous forme pulvérulente, ou
donne des cristaux réguliers , selon la proportion d’acide
carbonique qui peut se combiner avec elle dans une
circonstance donnée ::il décrit les cristaux que l’on
obtient en précipitant le sulfate de magnésie par le
carbonate d’ammoniaque , et en abandonnant la liqueur
à l’air : il a trouvé que ces cristaux contiennent une
quantité d’acide carbonique fort supérieure à celle que
les autres chimistes avoient admise dans les sous-car-
bonates très - variables que l’on obtient par d’autres
- procédés : 100 parties de ce sel lui ont donné,
Mapgnésie . . + . « + +. +. + + . . + 25 parties. 1H0
Acide carbonique. . . . . . . . . .« . . 50
Faune) see Niels as
Ainsi, 100 parties de magnésie se combinent avec 200
parties d’acide carbonique, mais, comme on le verra,
(1) Annales de chimie, t, II.
244 SUR LES LOIS DE L'AFFINITÉ,
cette proportion d’acide carbonique est encore inférieure
à celle qui est nécessaire pour produire un état neutre.
J’ai saturé d’acide carbonique de l’eau dans laquelle
j'avois introduit du sous-carbonate de magnésie : il s’en
est dissous une quantité assez considérable ; après cela
le liquide rougissoit un peu la teinture de tournesol; il
ne produisoit aucune impression sur les papiers teints
avec le tournesol et le fernambouc ; il verdissoit le sirop
de violette. Mais je n’ai pas obtenu ainsi des cristaux :
je me bornerai à remarquer que cette dissolution avoit
cette forte amertume qui caractérise les dissolutions de
la magnésie, et M. Fourcroy dit que les cristaux qu’il
a décrits n’avoient presque aucune saveur.
f
$ V. De la capacité de saturation de l'acide carbonique.
BErGmANn, dont le génie fit faire de si grands progrès
à la chimie méthodique, mais qui, comme la plupart
Hg EL | me
de ceux qui ouvrent une carrière nouvelle, tira de ses
observations quelques conséquénces prématurées, établit
. . LA
pour principe que telle est en général la nature des sels
simples, que plusils ont de puissance, moins ils exigent
A
pour leur saturation, de la substance avec laquelle ils
se combinent. Il fonda sur-tout cette opinion sur l’acide
carbonique , qui, d’après ses expériences, se combine
en moindre quantité avec les bases alcalines que l’acide
sulfurique , l'acide nitrique et l’acide muriatique.
Au premier coup-d’œil, il doit paroître bien opposé à
tout ce qu’on observe dans l’action des forces naturelles,
SUR LES LOIS DE L'AFFINITÉ. 245
que l’effet d’une puissance soit d’autant plus petit que
cette puissance est plus grande; car, lorsqu'on avance
que l’acide sulfurique exige moins de base alcaline pour
parvenir à la saturation, on prononce qu’une moindre
quantité de base opère la saturation de ses propriétés
caractéristiques, ce qui est l'effet immédiat de la sa-
turation : mais les apparences sur lesquelles ce raison-
nement est fondé disparoissent, lorsque l’on compare
les quantités qui sont nécessaires pour amener les bases
alcalines à un terme comparable de saturation, c’est-
à-dire à l’état neutre, ainsi que le prouvent les expé-
riences décrites dans les paragraphes précédens.
M. Fourcroy a embrassé l’opinion de Bergman; il
s'exprime ainsi en expliquant sa neuvième loi de l’at-
traction. de composition : Plus Les corps ont d'attraction
pour d'autres corps , et moindre est la quantité qw’ils en
exigent pour étre saturé (Sytème des connoisances :
chimiques, tome I; et en traitant des carbonates,
come IV) : C’est une règle générale en chimie pour Les
sels que plus les principes réciproques sont foibles,
plus ils exigent réciproquement de bases, quand on
considère Les acides , ou d'acide quand on considère Les
bases.
Si l’on admettoit cé principe, il faudroit nécessaire-
ment le restreindre aux acides ou aux bases alcalines,
car l’inverse ne peut avoir lieu; raisonnons en suppo-
sant le principe; nous dirons : la potasse exige moins
d’un acide quelconque que la soude, donc elle est un
alcali plus puissant; mais si nous disons qu’un acide
246 SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ.
exige moins de soude que de potasse, nous devons en
conclure que c’est la soude qui est la plus puissante.
Mais l’une et l’autre supposition ne peuvent se sou-
tenir relativement à l'acide carbonique, que l’on regarde
comme un acide plus foible que lacide sulfurique, le
muriatique et le nitrique, puisqu'il est prouvé qu’il en
faut une plus grande quantité pondérale pour amener
les bases alcalines à l’état neutre : d’un autre côté,
la soude exige pour sa saturation plus d’acide sulfu-
rique que d’acide muriatique , dont on regarde la puis-
sance comme inférieure.
$ VI. Des proportions des élémens dans Les com-
binaisons.
Ex examinant l'effet de l’action chimique, j’ai été
nécessairement conduit à m’occuper des proportions ré-
ciproques qui peuvent entrer en combinaison : quoique
cette question soit immédiatement liée aux notions de
l’affinité , elle avoit peu attiré lattention des chimistes.
Le résultat de mon observation a été, que l’action
chimique n’étoit pas bornée à un point déterminé pour
chaque espèce de combinaison; mais que passé le terme
que l’on regardoit comme celui de la saturation , elle
pouvoit encore produire souvent d’autres combinaisons
qui différoient, par les proportions, et qu’en général
V’action chimique d’une substance se prolongeoit indé-
finiment jusqu’à ce qu’un obstacle qu’elle n’étoit plus
capable de surmonter, en éteignît l’effet.
SUR LES LOIS DE L'AFFINITÉ. 247
Cependant j'ai observé qu’il y avoit des combinaisons
dont les proportions étoient constantes, telles que l’eau
et l’ammoniaque , et d’autres qui ne paroissent s’établir
que dans deux termes, telles que la combinaison de
l’oxigène avec le mercure : j’ai remarqué que dans un
nombre considérable de combinaisons, l’action réci-
proque déterminoit plus facilement certaines propor-
tions que d’autres, en rendoit la combinaison plus stable
et même en excluoit quelques - unes. J’ai cherché en
conséquence qu’elles étoient les propriétés qui pouvoient
limiter ainsi la puissance de la combinaison, et j’ai
cru en trouver la cause principale dans la condensa-
tion qu’éprouvent les élémens qui se combinent, et qui
est plus forte dans certaines proportions que dans
d’autres, et dans la figure des molécules intégrantes
des combinaisons qui passent à l’état solide; mais
d’autres causes peuvent concourir à cet effet, et je n’ai
pas cherché à donner aux explications fondées sur cette
dernière considération , plus de valeur qu’elles ne doi-
vent en avoir; j'ai mème été très- réservé sur l’appli-
cation de ces principes à l’oxidation et aux dissolutions
des métaux , parce que l’état de l’oxidation et celui des
dissolutions qui en dépendent , peut être souvent changé
par les circonstances d’une opération que l’on fait pour
- les reconnoître.
M. Proust a combattu mes opinions sur cet objet :
j'ai éprouvé une véritable satisfaction de ce qu’un ob-
servateur d’une si grande sagacité les ait soumises à sa
critique; car ce n’est qu'après une discussion assez
74
}
248 SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ.
apptôfondie , que l’on peut regarder comme fixées , des
opinions qui sont fondées sur une multitude de faits
qu’il faut comparer.
J’ai tâché d’éclaircir les doutes élevés par M. Proust ;
dans quelques articles insérés dans le Journal de phy-
sique ; j'y reviens, parce que les observations que je
présente ont un rapport immédiat avec notre discus-
sion, mais il faut que je rappelle les principes de
M. Proust.
Son opinion n’est pas simple; il la modifie selon les
circonstances auxquelles il Papplique.
Il établit 1°. qu’une combinaïson se complette de
prime abord; ainsi il dit (1) : « Lorsqu’un verre de
» potasse est exposé à l’air libre, toute molécule d’a-
» cide carbonique qui s’en approche est saisie à l'instant
» même par le nombre des molécules alcalines qui doi-
» vent la transformer en carbonate. L’attraction est là,
» comme on sait; elle veille , elle préside à ce nombre.
» Cette combinaison introduit donc dans la potasse de
» nouvelles portions de carbonate, mais d’un carbonate
» complet; ce ne sont pas, comme on pourroit le croire,
» des portions d’acide carbonique qui, en se partageant
» entre les molécules de potasse, à mesure qu’elles y
» arrivent, tendroient à les élever ainsi progressive-
» ment à tous les termes intermédiaires qui sont entre
» le zéro et le point de saturation : l’analyse nous fait
» connoître que les choses ne se passent point ainsi.
(1) Journal de physique, t. LIX.
SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ. 249
» Analysez des potasses qui ont absorbé de l’acide
» carbonique ou dans lesquelles on a laissé tomber
» quelques gouttes d’acide nitrique, sulfurique, etc.,
» vous n’y trouverez que du carbonate, du sulfate, du
» nitrate saturé, et tout le reste de la potasse sera à
» zéro, c’est-à-dire qu’une molécule de potasse, de
» terre, d’oxide, qui se trouve en présence d’un acide,
» n’attire ni la moitié ni le quart de ce qui peut con-
» venir à la saturation; dès le contact même, elle se
» constitue combinaison complette en obéissant aux
» rapports qui lui assignent ses affinités. »
Il établit, 2°. qu’il y a dans les combinaisons un
maximum et un minimum, et que tous les degrés in-
termédiaires sont exclus : c’est sur-tout aux oxides et
aux sels métalliques qu’il paroît appliquer ce principe,
que l’on peut adopter sans inconvénient , lorsqu'il ne
s’agit que d’indiquer vaguement l’état d’un oxide ou d’une
combinaison ;
3°, Que les combinaisons dont les proportions sont
fixes, peuvent s’unir à un excès de l’un des élémens
dans une progression indéfinie, sans circonscrire les
caractères qui distinguent la combinaison de cette autre
espèce d’union. On sent qu’au moyen de cette dernière
distinction , il est difficile de lui opposer une observa-
tion qu’il ne trouve un moyen d’expliquer.
Je me bornerai ici à examiner la première supposition
que M. Proust paroît appliquer exclusivement aux com-
binaisons des acides avec les alcalis : l’analyse qu’il
invoque fait voir tout le contraire de ce qu’il avance;
- 1806. Premier semestre, 32
250 SUR LES LOIS DE L'AFFINITÉ,
si la potasse n’a été combinée qu'avec quelques parties
d’acide carbonique, jamais M. Proust n’a pu séparer
cette petite portion de carbonate qu’il suppose avoir
une existence isolée, qu’en employant des moyens com-
pliqués, et l’action d’autres substances qui pouvoient
opérer, au moyen de leur affinité, la séparation de tout ce
qui est superflu à la combinaison du carbonate, Lors
même qu’on emploie l'alcool, il ne peut s'emparer de toute
la potasse; il se fait un partage, au moyen duquel le
carbonate retient un excès de potasse qui lui permet de
cristalliser ; mais les cristaux tombent en déliquescence,
et ne sont pas le véritable carbonate. Si l’on prend une
dissolution de sous-carbonate de soude assez rapprochée
pour que l’acide carbonique ne soit pas retenu par l’eau,
la plus petite goutte d’acide y produit une effervescence;
mais si le carbonate étoit isolé de la soude, un autre acide
commenceroit par se combiner avec l’alcali pur, au lieu
de décomposer le carbonate.
Je présume que M. Proust a considéré le sous-car-
bonate de soude et celui d’ammoniaque comme des
combinaisons complètes; qu’il n’y a point distingué
jusqu’à présent de l’alcali pur et du carbonate, et ce-
pendant ces combinaisons n’ont encore qu’une petite
partie de l’acide qui est nécessaire, et qu’elles peuvent
prendre pour leur neutralisation.
On a vu que les trois alcalis se combinent avec des
proportions d’acide carbonique qui paroïissent suivre une
progression continue , quoique ces combinaisons soient
plus disposées à s’arrêter à certaines proportions : les
!
SUR LES LOIS DE L’'AFFINITÉ. 251
sels qui en résultent ont la propriété de cristalliser,
d’être déliquescens , effervescens ou constans à Pair,
d’avoir une solubilité différente et une action particu-
lière sur les autres substances, selon les proportions de
leurs élémens. Toutes ces propriétés me paroissent ne
Pouvoir se concilier avec l’opinion de M. Proust; mais
on va voir que l’acide carbonique est bien loin d’être le
seul qui ait la propriété de former des combinaisons
dont les proportions varient indubitablement.
$ VII. De quelques combinaisons acidules et alca-
linules.
Ex décidant que les combinaisons des acides avec
les alcalis se complettent immédiatement, M. Proust
a entièrement négligé ces sels avec excès d’acide qui
sont très - communs en chimie, tels que les oxalates
acidules , les tartrites acidules, les phosphates acidules ;
qui certainement ont une existence bien caractérisée et
bien distincte de celle des mêmes combinaisons à l’état
neutre, sans que je puisse apercevoir par quelle expli-
cation plausible on peut dire que de pareilles combi-
naisons se complettent immédiatement, et se fixent à
un seul terme.
J'ai fait voir (Essai.de Stat. chim. >tomelT, p. 366,)
que le sulfate acidule de potasse pouvoit varier indéfi-
niment par l’excès d’acide, et qu’il en étoit de même du
phosphate acidule de chaux et du sulfate acidule de
soude. Ce dernier sel, que j’avois cru ne point tomber
252 SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ.
en efflorescence lorsqu'il a un excès considérable d’a-
cide, montre réellement la propriété d’effleurir lors-
qu’on le laisse assez long-temps exposé à l’air : je
demande comment un sel qui ne tiendroiït pas en com-
binaison une portion de Vlacide sulfurique, pourroit
tomber en efflorescence à l’air, c’est-à-dire abandonner
l’eau de cristallisation et devenir hygrométriquement
sec, pendant que l’acide sulfurique attire si puissamment
l'humidité?
L’analogie doit faire conclure que ceux des sels aci-
dules dont on n’a pas examiné les variations, pourront
aussi présenter des quantités différentes dans l’excès
d'acide qu’ils retiennent.
Le phosphate de soude peut non seulement cristal-
liser avec un excès d’acide , mais encore avec un excès
de soude, en sorte qu’on peut l’avoir doué de toutes
les propriétés des combinaisons salines qui cristallisent,
ou dans l’état neutre , ou avec un excès variable d’acide
ou d’alcalis; mais les combinaisons de cet acide vont
être le sujet d’autres observations.
$ VIII. Observations sur les phosphates.
Lorsque j'ai lu ce mémoire, j’ai dit que dans des
expériences réitérées je n’avois point obtenu de quantité
sensible de sulfate de magnésie, en suivant le procédé
que MM. Fourcroy et Vauquelin ont décrit pour séparer
la magnésie des os; mais l’assertion positive de mes
confrères ne me permet pas de conserver des doutes sur
SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ, 253
leur résultat : je borne donc mes observations à celles
qui concernent l’action réciproque de la chaux , de la
potasse et de l’acide phosphorique.
J’avois Femerané (Recherches sur les pa de l'affinité),
qlue orsqu’on fait bouillir jüsqu’à dessiccation deux
parties de potasse avec une partie de phosphate de
chaux, la potasse enlève à la chaux une proportion in-
déterminée d’acide phosphorique, et selon MM. Four-
croy et Vauquelin (1), /a potasse sépare la chaux de
l'acide phosphorique ; mais elle en sépare qu’une bien
petite quantité , eË seulement quand la potasse est em-
ployée elle-méme à grande dose, tandis que la chaux
enlève entièrement et complettement la potasse à l’acide
phosphorique.
M. Théodore de Saussure a fait sur cet objet des
expériences positives (2) : 300 parties de potasse dans
un poids double d’eau , ont dissous 16 parties de phos-
phate de chaux sur 25 ; une seconde expérience faite à
sec a donné un résultat semblable. On voit donc que le
phosphate de chaux peut être dissous en grande partie
par la potasse; mais M. de Saussure ne me paroît pas
avoir vu clairement ce qui se passe dans cette occasion ,
parce qu’il n’a pas fait attention aux changemens de
proportions qui ont lieu. Je vais donner le résultat de
mes observations.
G) Annales du Muséum d’hist. natur. cahier 36. — “Annales de chimie,
t. XLVII.
(2) Recherches chimiques sur la végétation, p:1324:
254 SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ.
La potasse en liqueur, employée même à petite dose,
enlève au phosphate de chaux une certaine quantité
d'acide phosphorique, comme on peut s’en assurer en
la neutralisant par un acide, et en versant ensuite un
péu de muriate de chaux qui forme aussitôt un pré-
cipité de phosphate de chaux : si l’on emploie succes-
sivement beaucoup de potasse , on peut enlever ainsi au
phosphate de chaux une partie considérable de son acide
phosphoriqué ; maïs, dans ce cas, on n’enlève point de
chaux avec l’acide ; du moins un oxalate n’en fait point
apercevoir, de même que la potasse qu’on a fait bouillir
avec le carbonate de chaux devient effervescente sans
donner aucun indice de la présence de la chaux.
Si la potasse est en forte proportion et condensée,
comme dans les expériences de M. de Saussure , elle
dissout en même temps de la chaux, mais en propor-
tion beaucoup moindre qu’elle ne prend l’acide phos-
phorique, en sorte qu’il se forme alors deux combi-
naïisons , l’une qui reste liquide, et qui est ce que M.
de Saussure appelle potasse phosphatée de chaux , et
l'autre qui résiste à la dissolution , et qui est un phos-
phate privé d’une partie de l’acide phosphorique ou un
sous-phosphate.
M. de Saussure dit que la potasse phosphatée de
chaux, même lorsqu'on la neutralise avec un acide,
retient une partie de chaux qu’un oxalate ne peut dé-
céler : je crois que l’effet dont il parle est très-petit, et
que son opinion vient de ce qu’il a supposé que le
phosphate de chaux étoit dissous par la potasse, sans
SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ. 255
changer de proportion, de sorte qu’il a été surpris de
ne retrouver qu’une petite partie de chaux; mais cette
indication de l’oxalate dépend de ce qu’il s’est réelle-
ment dissous une proportion de chaux He és moindre
que d’acide phosphorique.
Lorsqu'on a précipité le Hs de Foie par
Veau de chaux, la liqueur filtrée et amenée à l’état
neutre se trouble un peu avec un oxalate , en sorte qu’une
partie dela chaux reste en combinaison triple et forme
ce que M. de Saussure appelle phosphate potassé de
chaux. Mes observations confirment, à cet égard, celles
de M. de Saussure, si ce n’est que je n’ai point vu,
ainsi qu’il le dit, que si l’on mêle à la solution de
potasse vingt ou trente fois son volume d’eau de chaux,
le mélange conserve toute sa transparence ; j’ai observé,
au contraire, que le liquide se troubloit dès qu’on y
ajoutoit un peu d’eau de chaux, et je soupçonne que
M. de Saussure aura employé un acide phosphorique
préparé par l’action de l'acide nitrique sur le phos-
phore, et qu’iln’en aura pas chassé tout l’acide nitrique ;
mais en employant l’acide phosphorique le plus pur, on
trouve également qu’il se forme un phosphate potassé de
chaux, dans lequel, à la vérité, la chaux est en petite
proportion. M. de Saussure a de plus observé que le
précipité que l’on forme par l’eau de chaux 7ess point
du phosphate de chaux; c’est un p'osphate : potassé
de- chaux devenu insoluble à l'eau par un.excès de
£erre.
J’ai fait bouillir du phosphate de potasse-ayec poids
256 SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ.
égal de chaux, c’est-à-dire avec une quantité beaucoup
plus considérable que ce qu’il en falloit pour neutraliser
Vacide phosphorique ; la liqueur filtrée après l’ébullition
a précipité abondamment avec l’eau de chaux, soit par
l’action de la chaux sur lacide phosphorique, soit à
cause de la diminution de celle de la potasse, par
l'effet qu’exerce sur elle la quantité d’eau ajoutée : ayant
rendu la liqueur neutre et y ayant ajouté du muriate de
chaux, elle ne s’est point troublée d’abord, mais il s’est
fait peu à peu un précipité de phosphate de chaux; de
l’oxalate ajouté à une autre partie de la liqueur neutre
y a produit un précipité beaucoup moins considérable
que le précédent : de sorte que, encore ici, l’acide
phosphorique étoit en plus grande proportion que la
chaux.
On retrouve donc dans l’action de la chaux sur le
phosphate de potasse des phénomènes qui correspon-
dent avec ceux que l’on observe dans laction de la po-
tasse sur le phosphate de chaux, toutefois avec la dif-
férence qui dépend de celle de l’affinité des bases pour
l’acide et de l’action de l’eau sur les combinaisons de
ces bases. -
Les faits que je viens d’exposer ne sont point, comme
on l’avance dans les mémoires que j’ai cités , un cas par-
ticulier pour lequel il faille invoquer la puissance des
masses : ils sont analogues à la décomposition impar-
faite du phosphate de chaux par l'acide sulfurique que
M. Fourcroy rappelle dans sa notice, à la décomposition
incomplette du tartrite de chaux par la potasse que
SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ, 257
M. Vauquelin a fait connoître (2); à la décomposition
incomplette du muriate de plomb par la soude, sur
laquelle on doit aussi, à M. Vauquelin, des observa-
tions intéressantes (2); ils sont analogues à un grand
nombre d’autres faits qui sont entrés dans mes consi-
dérations sur l’affinité : leur théorie se lie immédiate-
ment à la question des proportions variables dans les
combinaisons dont je viens d’augmenter les exemples,
et à l’opinion que l’on doit prendre de l’affinité chi-
mique,
$ IX. Des caractères de-laffinité.
Les différentes proportions qui peuvent entrer dans
les combinaisons, et les changemens qu’elles peuvent
éprouver par l’action des autres substances , selon son
énergie , font voir que l’affinité produit un effet qui peut
ne pas se completter et n’être pas détruit immédiatement,
mais qu’il faut lui attribuer une sphère d'activité dans
laquelle sa force décroît en raison de la distance ; quoi-
que celle-ci soit insensible pour nous.
Ce résultat est absolument contraire à l’idée qu’on
s’est formée de l’affinité élective : pour discuter l’opi-
nion que l’on en avoit conçue, j’ai suivi pas à pas l’il-
lustre Bergman, que je devois regarder comme l’auteur
de l’opinion dominante sur l’affinité chimique : j’ai tâché
de faire voir que les précipitations, dont on s’étoit servi
ee 2 PECOPREMEUE € Pa PAR A FOUT ES PR An M ur
(1) Annales de chimie.
(2) Annales de chimie, t. XXXI,
1806, Premier semestre. 33
258 SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ.
pour déterminer les différens degrés d’affinité, et pour
construire les tables de leurs rapports, ne présentoient :
qu’un phénomène trompeur qui étoit dû principalement
à la différente solubilité des combinaisons , et que les
effets que l’on attribuoit, lorsque deux combinaisons
font un échange de bases, à l’excès de deux affinités
réunies sur deux autres opposées , étoient entièrement
dus à la différence de solubilité dans les combinaisons,
qui peuvent se former dans une circonstance donnée.
Cependant M. Fourcroy s’explique ainsi sur mes re:
cherches dans le discours préliminaire de son vaste et
savant ouvrage (Syst. des connoiss. chim.). Ces recher-
ches ne doivent rien changer aux principes de la chimie
sur Les attractions chimiques , puisque les lois de celles-
ci ne sont exposées qu’en supposant des quantités exac-
tes, constantes et bien déterminées, comme des tempé-
ratures, et en général des circonstances données.
Si l’on avoit attaché la détermination des affinités
électives à des proportions bien déterminées, on auroit
fait entrer cette considération dans l’évaluation des af-
finités comparatives, et si l’on avoit limité ainsi cette
détermination, on n’auroit rien fait pour lexplication
de la plupart des phénomènes qui dépendent de cette
force; mais je ne vois pas qu’on ait fait, relativement
à l’affinité , aucun usage des proportions quientrent dans
les combinaisons, si ce n’est pour établir le principe dont
j'ai montré l’inexactitude V : à cette exception près, ce
n’est pas ainsi que M. Fourcroy a considéré lui-même
les attractions électives; en effet il dit, page 76,tomel,
SUR: LES LOIS DE L'AFFINITÉ. 259
en examinant ce qui arrive lorsqu'un corps agit sur une
combinaison : c’est dans les deux derniers cas qw'il
Jaut nommer avec Bergman attraction élective la force
qui opère la décomposition , puisque cet effet n’est que
la suite d'une attraction de choix, en quelque sorte,
entre l'un des principes du premier composé et le troi-
sième corps qu’on y ajoute.
On voit par ce dernier passage , qu’il est difficile d’ac-
corder avec celui que j’ai cité précédemment, et par
les explications répandues dans son ouvrage, que M.
Fourcroy a adopté, sur l'attraction chimique, les opi-
nions de Bergman , à part ce qu’il a appelé aftraction
superflue, et qu’ainsi, pour maintenir le jugement qu’il
a porté sur mes recherches, il doit, en sortant du
vague, descendre dans le détail des faits que j’ai op-
posés à l’affinité élective , ou indiquer les vices des rai-
sonnemens qui m'ont conduit à d’autres conséquences.
En attendant cette discussion qui ne peut qu’être
utile aux progrès d’une science à laquelle nous prenons
un égal intérêt , je continuerai à donner des développe-
mens à mon opinion.
$ X. De la détermination des affinités des différentes
substances.
Come les acides et les alcalis forment deux classes
nombreuses de substances dont l’action chimique et
réciproque est très-puissante , et comme les effets y sont
plus faciles à déterminer et à comparer que dans les
260 SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ.
autres substances, ce sont principalement les acides et
les alcalis que les chimistes ont choisis pour reconnoître
les lois de l’action chimique, ou les caractères et les effets
de laffinité.
Si j’ai prouvé que les précipités que d’autres sub-
stances peuvent produire dans une combinaison sont
principalement l’effet d’une différence de solubilité , et
que ceux qui se forment dans le mélange de deux com-
binaisons neutres sont uniquement l’effet de cette cause
(et je crois en avoir donné des preuves qu’il ne sera
pas facile de réfuter), il est manifeste que toutes les
graduations d’affinité , et que toutes les tables d’affinités
par lesquelles on les a représentées, d’après les préci-
pitations, sont destituées de fondement, et qu’il faut
avoir recours à une autre méthode.
Il m’a paru naturel de comparer des forces par les
effets qu’elles peuvent produire dans les mêmes cir-
constances, et de mesurer l’énergie d’un acide par la
saturation qu’il peut produire lorsqu’on le combine avec
un alcali , en prenant pour tous les acides le même terme
de saturation : or, le seul que l’on puisse choisir, parce
qu’il est le seul que l’on puisse comparer exactement,
est celui où les propriétés qui caractérisent les acides et
les alcalis ont également disparu par l'effet de Jeur
action réciproque; ce qui constitue l’état neutre. J’ai
donc regardé Pacidité comparative des différens acides,
comme proportionnelle à la quantité pondérale d’un
alcali qu’il pouvoit amener à l’état neutre; et en ap-
pliquant les mêmes considérations aux différens alcalis,
SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ. 261
j’aicomparé leurs forces respectives aux quantités d’acide
qu’ils pouvoient saturer.
M. Richter avoit employé cette méthode avant moi,
mais il n’en avoit appliqué la conséquence qu’aux acides,
et il avoit regardé , au contraire , les bases comme d’au-
tant plus puissantes qu’elles En iens en plus grande
quantité dans les combinaisons.
Cette différence entre les acides et les alcalis dont il
s’agit de déterminer l’énergie , ne me paroît avoir aucun
fondement ; car l'attraction chimique est réciproque , et
l'acide n’agit pas plus ni d’une autre manière sur l’al-
cali, que celui-ci sur l’acide. Au reste, M, Richter a
fait entrer dans ces considérations des opinions hypo-
thétiques sur les propriétés des nombres, et beaucoup
d’autres qui, au jugement même des savans de l’Alle-
magne (1), jettent beaucoup d’obscurité sur des recher-
ches souvent très- utiles, et suivies avec beaucoup de
constance.
Un fait important qu'on doit à M. Richter, c’est
que, lorsqu’on fait un mélange de différens sels qui sont
susceptibles de faire un échange de base et qui sont
dans l’état neutre, cet état subsiste après l'échange; ce
qui prouve que tous les acides suivent les mêmes rap-
ports de quantité avec les différentes bases alcalines avec
lesquelles ils parviennent à l’état neutre, et que la
même condition a lieu pour les alcalis relativement aux
acides. Ce n’est donc pas par hypothèse que l’on doit
G) Voyez une note de M. Fischer, Essai de stat. chim, t. 1, p. 134.
262 SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ.
considérer l'acidité et l’alcalinité comme une propriété
commune à tous les acides et à tous les alcalis, et dont
l'énergie comparative peut être évaluée par les quantités
respectives qui sont nécessaires pour produire l’état
neutre.
M. Guyton, quine connoissoit pas les recherches de M.
Richter, avoit également fait l’observation intéressante
du maintien de l’état neutre malgré l’échange des bases,
et il avoit proposé cette propriété comme un moyen de
reconnoître si les proportions attribuées aux différentes
combinaisons par les chimistes , étoient réelles; car ces
proportions doivent donner par le calcul des quantités
propres à conserver l’état neutre, lorsqu'il se fait un
échange de base (1).
J’ai aussi fait beaucoup d’expériences pour constater
cette propriété, et j’ai toujours observé l’effet qui a été
découvert par les deux chimistes précédens : je m’ai
trouvé un petit changement d’état que dans le mélange
du phosphate neutre à base de potasse ou de soude, avec
un sel neutre à base de chaux ou de baryte, et dans le
mélange du fluate d’ammoniaque avec les mêmes sels à
base terreuse. Le liquide devenoit légèrement acide , mais
il est manifeste que cet effet n’est dû qu’à la propriété que
possèdent les phosphates etles fluates de prendre un excès
de base ; car, si l’on abandonne pendant deux ou trois
jours le liquide sans en séparer le précipité , l'excès d’aci-
_dité qu’il avoit d’abord, disparoît presque entièrement.
Es + (Re él nee, NU LES
Gi) Mémoires de l'Institut, te IL.
SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ. 263
J’ai de plus observé que celles des dissolutions mé-
talliques qui peuvent parvenir à l’état neutre, ou qui
ne conservent qu’un très-foible excès d’acide, sont sou-
mises à la même loi; il me paroit donc qu’il est permis
de conclure que c’est un caractère général de l’affinité
chimique.
C’est une conséquence des observations précédentes,
qu’il est important, pour comparer les forces par les-
quelles les différentes substances exercent une action
réciproque , de reconnoître quelles sont les quantités
pondérales de chacune qui sont nécessaires pour pro-
duire l’état neutre, et cette connoissance est encore très-
avantageuse pour déterminer, par le moyen des combi-
naisons que l’on forme, les proportions des substances
que l’on sépare dans les analyses.
Aussi les chimistes se sont-ils beaucoup occupés de
ce travail important, mais on est encore loin d’avoir
rempli cet objet.
Les réflexions que je viens de présenter ne sont qu’un
extrait de ce que j’ai exposé dans mes Recherches sur
laffinité, et dans mon Essai de statique chimique ;
mais j’ai dû les rappeler à cause de leur liaison avec
les considérations qui vont suivre.
$ XI. De la détermination des quantités d'acide réel
dans Pacide muriatique selon sa pesanteur spécifique.
Powr déterminer les proportions des parties consti-
tuantes des sels, et pour estimer la force comparative
264 SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ.
des différens acides et des différens alcalis , et les quan-
tités que l’on met en action lorsqu’on les emploie dans
l’état liquide , il est toujours avantageux , et il est sou-
vent indispensable de connoître quelle est la quantité
d'acide ou d’alcali réel qui se trouve dans l’eau en
formant une liqueur d’une pesanteur spécifique connue;
mais cette détermination offre des difficultés qu’il est
souvent difficile de surmonter, et même, dans tous les
cas, on ne peut parvenir qu’à une approximation plus
ou moins grande.
M. Kirwan s’est occupé avec beaucoup de cons-
tance de cet objet, sur lequel je vais présenter mes ob-
servations. Il a publié à différentes époques des tables
sur les proportions d’acide sulfurique , nitrique et mu-
riatique qui se trouvent dans les liquides ainsi nom-
més, selon leur pesanteur spécifique, en comparant
d’abord la quantité d'acide qu’ils contiennent à celle
d’un acide d’une certaine concentration, qu’il appe-
loit acide de comparaison , standard acid; et dans son
dernier ouvrage il a substitué à l’acide de comparaison
la quantité d’acide réel, qu’il a déterminée en cherchant
quelle quantité de son acide de comparaison se trouvoit
dans une certaine combinaison saline dans laquelle il
connoissoit la quantité pondérale de la base (1).
G) Voyez les Mémoires de l’Académie de Dublin, t. IV, et Additional
observations , etc.
Je dois prévenir que je n’ai pu me procurer ce dernier ouvrage, et que
je ne le connois que par l'excellent extrait qui s’en trouve dans la Biblio
thèque britannique, t. XIV et XV,
SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ, 265
Ainsi pour l’acide muriatique il a d’abord formé une
table qui présente les quantités d’acide de comparaison
qui se trouvent dans lacide muriatique , selon sa pe-
santeur spécifique. Pour avoir cet acide de comparaison,
il a combiné 10 grains de gaz muriatique, dont il avoit
déterminé la pesanteur spécifique, avec poids égal d’eau,
et il dit que le volume de cette eau, qui étoit 10, est
devenu 13.3 : ilen a conclu qu’alors sa gravité spécifique
étoit à peu près 1.5; mais je ne conçois pas comment
il a pu combiner ces proportions de gaz muriatique , et
former un acide muriatique qui eût une telle pesanteur
spécifique , lui qui reconnoît que l’acide muriatique le
plus concentré que l’on puisse obtenir et conserver fa-
cilement, est d’une pesanteur spécifique de 1.196; en
effet, je n’ai pu surpasser cette pesanteur spécifique
que de quelqués millièmes : d’ailleurs, est-il facile de
déterminer les changemens de volume dans une si
petite quantité? Il est donc permis d’avoir des doutes
sur la rigoureuse exactitude de cette expérience fonda-
mentale.
Selon M. Kirwan, le gaz muriatique se combine avec
l’eau sans produire Fa chaleur sense et l’on verra
par l'expérience que je décrirai , qu’il s’en dégage beau-
coup sans que l’on puisse distinguer la partie qui dé-
pend de la condensation du gaz , de celle qui peut être
due à la condensation que l’eau doit éprouver elle-même;
et comme M. Kirwan attribue à l’acide muriatique tout
ce qui est ajouté à la pesanteur spécifique de l’eau, ce
qui l'élève à une pesanteur spécifique de 3.03, son
1806. Premier semestre. 34
266 SUR LES LOIS DE L'AFFINITÉ.
calcul ne se trouve fondé que sur une base chancelante,
ainsi que l’a déja fait voir M. Keir.
Pour convertir en acide réel son acide de comparaison
qu’il suppose avoir 1.5 de pesanteur spécifique, M,
Kirwan s’est servi de sa combinaison avec la potasse ;
mais cette évaluation est sujette à une égale incertitude.
Il emploie une dissolution de carbonate ordinaire de
potasse, mild vegetable alcali; il la sature avec son
acide muriatique : il prend la pesanteur spécifique de
la combinaison, et il fait une dissolution d’un poids
connu de muriate de potasse, en sorte qu’elle ait la
même pesanteur spécifique : ayant déterminé par là
combien il a formé de muriate de potasse , il déduit du
poids de l’alcali employé, celui de l’acide qui est entré
en combinaison avec lui et qu’il regarde comme acide
réel : il conclut delà combien son acide de comparaison
contient d’acide réel , et il substitue celui-ci au premier
dans sa table; mais il ne dit point comment il a déter-
miné la quantité de potasse que contenoit son carbonate
de potasse , et il faut encore qu’il reconnoiïsse par une
expérience la quantité d’eau que l’on doit admettre
dans le muriate de potasse.
Il est facile de voir qu’un si grand nombre d’évalua-
tions nécessaires pour établir les proportions d’une com-
binaïison ne permet pas de leur assurer un grand degré
de précision ; car les erreurs inévitables dans chacune
peuvent s’accumuler dans le résultat définitif.
Il y a même une erreur nécessaire : lorsque M.
Kirwan décompose le carbonate de potasse par l’acide
SUR LES LOIS DE L’'AFFINITÉ. 26%
muriatique qu’il verse par petites portions pour parvenir
à l’état neutre, la liqueur doit retenir beaucoup d’acide
carbonique , et sa pesanteur spécifique , diminuée par
cette circonstance, ne peut. plus indiquer un rapport
exact avec la dissolution de muriate de potasse qu’il lui
compare.
J’ai employé un moyen plus direct : j’ai mis en dis-
tillation du muriate de soude avec poids égal d’acide
sulfurique affoibli : la cornue placée sur un bain de
sable communiquoit avec un tube de verre d’un mètre
de longueur ; celui-ci étoit logé dans une caisse remplie
d’un mélange de glace pilée et de muriate de soude,
et communiquoit à un petit ballon également entouré
du mélange réfrigérant : un tube qui partoit de ce
ballon plongeoitdans un flacon quicontenoit{oo grammes
d’eau.
Après l’évacuation de Pair, le gaz étoit entièrement
absorbé par l’eau, qui s’est peu à peu échauffée assez
fortement pour que la main en supportât difficilement
la chaleur, quoique la quantité de V’acide condensé
n'ait pas été grande et que l'opération ait duré près de
deux heures ; il me paroît donc qu’il a dû se développer
beaucoup plus de chaleur dans cette opération , que si
Von eût mêlé un poids égal d’acide sulfurique concentré
avec la même quantité d’eau : M. Biot a aussi observé
que le gaz muriatique produisoit beaucoup de chaleur
en s’unissant à l’eau.
Je voulois avoir un acide qui fût peu concentré, pour
employer sans crainte d’exhalaison dans les expé:
268 SUR LES LOIS DE L'AFFINITÉ.
riences que je dois décrire; les {oo grammes d’eau
avoient absorbé 86.975 grammes d’acide muriatique ; la
liqueur avoit une pesanteur spécifique de 106.14, et
par conséquent 100 parties contenoient 12.467 d’acide,
tel qu’il est dans le gaz muriatique dépouillé d’eau par
un grand refroidissement.
Le mélange réfrigérant avoit fait baisser, pendant la
durée de Popération, le thermomètre centigrade entre
12 et 13 degrés au dessous de la congélation, en sorte
que le gaz réduit à ce degré de température a dù non
seulement abandonner l’eau qui produit les effets hy-
grométriques, mais peut-être une partie de celle qui ne
peut pas contribuer à ces effets, parce qu’elle est trop
fortement combinée , d'autant plus que la partie d’acide
qui s’est fixée en liquide dans les vases qu’elle a parcou-
rus, tendoit à la retenir. On verra dans la suite de ce
mémoire que le gaz muriatique dont je me suis servi, est
loin de pouvoir être regardé comme l’acide réel; mais il
peut être considéré comme une quantité constante, au
moyen de laquelle Von peut déterminer exactement les
proportions des muriates et les comparer avec les com-
binaisons des autres acides. Ê
$ XII. De l’ammoniaque réelle dans l’ammoniaque
en liqueur.
JE me suis servi pour cette détermination du pro-
cédé que j’aidécrit pour l'acide muriatique ; 200 grammes
d’eau ont absorbé 19.206 grammes d’ammoniaque, et
après cela la liqueur avoit une pesanteur spécifique de
SUR LES LOIS DE L'AFFINITÉ. 269
9656, d’où il résulte que 100 parties en contenoient 8.761
d’ammoniaque.
Il s’est dégagé dans cette opération beaucoup moins
de chaleur que dans la condensation du gaz muriatique,
quoique les pesanteurs spécifiques de ces deux gaz fas-
sent voir qu’il s’est condensé un volume plus grand
de gaz ammoniaque que de gaz muriatique, ét quoi-
qu’il sé soit condensé dans moitié moins d’eau : cet
effet peut indiquer que le gaz ammoniaque contient
moins de calorique que le gaz muriatique; maïs il est
probable qu’il dépend principalement de ce qu’il exerce
une action moins forte sur l’eau, d’où vient que l’ammo-
niaque en liqueur a beaucoup de tension, pendant que
Vacide muriatique, même fumant, surpasse peu l’eau à
cet égard, ainsi qu’on l’a observé dans des expériences
faites avec M. Biot. Je crois, d’après cette considération,
que l’ammoniaque devoit avoir retenu bien peu d’eau,
après avoir été soumise à un froid de 12 à 13 degrés, et que
dans cet état elle peut être prise pour une quantité réelle ;
ce que d’autres considérations confirmeront.
M. Davy a aussi cherché à déterminer la quantité
d’ammoniaque réelle en recevant dans l’eau lé gaz am-
moniacal ; la seule différence qu’il y ait, c’est qu’il n’a
pas employé le froid pour séparer l’eau du gaz, et
cette différence en produit une petite dans les quan-
tités qu’il a indiquées dans une table qu’il a donnée
pour différentes pesanteurs spécifiques; une liqueur
d’une pesanteur spécifique de 9639 indique dans sa
table pour 100 parties 9.50 d’ammoniaque réelle, et la
270 SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ.
mienne ramenée à cette pesanteur spécifique en contien-
droit 8.93.
M. Kirwan a employé une méthode plus compliquée
pour déterminer les quantités d’ammoniaque dans les
différentes combinaisons. Il a décomposé , par le moyen
de la chaux, le carbonate d’ammoniaque en le supposant
constant, et il a évalué l’acide carbonique qui a été
retenu par la chaux, et l’ammoniaque qui s’est dégagée;
il a ensuite employé ce carbonate d’ammoniaque, dont
il avoit ainsi déterminé la quantité réelle d’ammonia-
que : il est facile de voir que ce moyen ne pouvoit le
conduire qu’à des déterminations incertaines, et, en
effet, on en trouve de très - discordantes; ainsi, 100
parties d’ammoniaque exigeroient, selon lui, 152.68
d'acide muriatique et 333.80 d’acide sulfurique, c’est-à-
dire plus du double du dernier, pendant que 100 parties
de potasse neutralisent 56.30 d’acide muriatique, et
seulement 82.48 d’acide sulfurique.
$ XIII. De l'affinité comparative de différentes bases
alcalines avec l'acide muriatique.
Ix suit des principes que j’ai rappelés dans ce mé-
moire que pour comparer la force des différens alcalis
relativement aux acides, il suffit d'établir les propor-
tions des bases alcalines qui sont nécessaires pour saturer
une quantité donnée d’un acide, et que les mêmes rap-
ports existent entre ces bases et les autres acides; j'ai
choisi pour faire cette comparaison l’acide muriatique
dont j'ai déterminé la quantité d’acide, $ XI.
SUR LES LOIS DE L'AFFINITÉ, 271
La potasse a été préparée avec l’alcool, et amenée
à l’état sec , elle a été tenue en fusion pendant un quart
d'heure dans un creuset de platine.
100 parties de cette potasse dissoutes dans l’eau exi-
gent , pour parvenir à l’état neutre , d’acide muriatique,
61.5.
100 parties de soude qui a été préparée comme dans
l’expérience précédente , 88.
Pour la chaux on s’est servi de marbre blanc, son
analyse avoit fait voir qu’il contenoit 53.67 de chaux.
100 parties de chaux ont exigé 134.28.
Mais, comme dans cette évaluation , on suppose que
le marbre ne contient point d’eau, je crois devoir porter
ce nombre à 136, mais ayec quelque incertitude.
Comme la magnésie préparée par la calcination se
seroit dissoute avec difficulté, on s’est servi d’un sous-
carbonate de magnésie, dans lequel on avoit trouvé
40.12 de magnésie : 100 parties de magnésie ont neu-
tralisé 173.69.
On a pris une eau de baryte qui en contenoit, par
kilogramme, 15.588 grammes : 100 parties de baryte ont
neutralisé 43.68.
100 parties d’ammoniaque, déterminées comme on l’a
vu, $ XIT, ont exigé 213.
L'expérience faite avec l’ammoniaque, dans cette
circonstance et dans les autres semblables, a donné
beaucoup plus d’inégalité dans différentes épreuves
que les autres alcalis, qui n’ont, au contraire, pré-
senté que de très-petites différences : tous les nombres
272 SUR LES LOIS DE L'AFFINITÉ.
indiqués sont le terme moyen de deux épreuves très-
rapprochées par leur résultat.
Les nombres qui expriment les quantités d’acide mu-
riatique qui ont été nécessaires pour neutraliser 100
parties pondérales de chaque alcali, représentent les puis-
sances comparatives de ces alcalis dans le même ordre que
je les avois présentées dans l’Essai de statique chimique,
tome I, section 2 , d’après les expériences de M. Kirwan;
mais les distances intermédiaires diffèrent de celles qui
seroient conclues de ses expériences et de ses tables des
quanttes d’acide réel.
Je n’ai pas compris la strontiane dans mes expériences ;
mais il paroît par celles de M. Kirwan et d’autres chi-
mistes, qu’elle doit être placée entre la potasse et la ba-
ryte ; cependant les résultats de M. Richter assigneroient
sa place entre la soude et la potasse : il résulteroit encore
de ses expériences que la magnésie exigeroit une plus
grande quantité d’acide que l’ammoniaque ; mais malgré
quelques doutes qui peuvent rester sur les quantités d’a-
cide qui neutralisent l’ammoniaque , la magnésie lui est
certainement fort inférieure, et mes expériences sont
d'accord en cela avec celles de M. Kirwan.
$ XIV. Application des expériences précédentes aux
carbonates.
L£s quantités d’acide carbonique qui sont nécessaires
pour saturer les différentes bases, doivent se trouver en
rapport avec celles d’acide muriatique qui produisent le
même effet : comparons ces quantités.
de tante tir
SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ. 273
Pour faire cette comparaison, il est à propos de faire
une petite addition aux poids d’acide carbonique que j’ai
donnés $ T, IT, IIT, parce que le liquide retenoit une cer-
taine quantité d’acide carbonique, quoiqu’on y ajoutât
un excés d’acide sulfurique pour le chasser, et la partie
vide de l’appareil, quoiqu'il eût de petites dimensions,
devoit aussi en retenir un peu : cette quantité doit être
la même pour chaque base ; je l’évalue à 0.04 que; ’ajoute
aux quantités que j’ai indiquées. Après cette correction
les quantités d’acide carbonique nécessaires pour saturer
100 parties de potasse , de soude et d’ammoniaque , sont
à peu près comme les nombres suivans :
Fourila potasse «2 2 ee CM + » 95
E soude". RE ET Re
Lenpiomeque 6584: hole pda 1,1 279
On voit d’abord que ces trois bases alcalines suivent
pour l’acide carbonique la même progression que pour
l'acide muriatique , et si l’on compare aux nombres pré-
cédens ceux qui représentent les quantités d’acide mu-
riatique, que ces mêmes bases exigent pour le même
degré de saturation , c’est-à-dire pour
Lefpotasse A er | ee. +. 61,5
A Sonde SRE ET | re ei s. + ... 68
L’ammoniaque. t-on Le EE
on trouvera que les proportions de l’un et de l’autre
acide avec la potasse et la soude , Sont autant d’accord
qu’on peut l’attendre d’expériences qui exigent chacune
deux évaluations différentes : la proportion de l’acide
1806, Premier Semestre, 33
574 SUR LES LOIS DE L'AFFINITÉ.
carbonique avec l’ammoniaque, s'éloigne beaucoup plus
de celle qui est indiquée par le muriate d’ammoniaque;
mais il faut observer que pour la déterminer, il ma
fallu d’abord établir la proportion d’acide muriatique
qui neutralise lammoniaque, et ensuite reconnoître , au
moyen de cette première évaluation , la quantité d’am-
moniaque qui existe dans le carbonate d’ammoniaque, et
enfin la quantité d’acide carbonique qui est combinée
avec elle. On doit, par une suite de cette marche, at-
tribuer plus d’exactitude aux proportions déterminées
pour le muriate d’ammoniaque qu’à celle du carbonate
d’ammoniaque, et il me paroît indubitable que la quantité
d’acide carbonique nécessaire pour saturer 100 parties
d’ammoniaque excède 300 parties.
Si l’on établit sur les proportions d’acide muriatique
qui sont nécessaires pour neutraliser les différentes bases,
celles qui doivent produire le même effet avec l’acide
carbonique, on trouve qu’il faudroit 217 parties d’acide
carbonique pour en neutraliser 100 de chaux, 268 pour
100 de magnésie, 67 pour 100 de baryte. Je me sers
pour cette évaluation, du rapport de l’acide muriatique
et de Pacide carbonique pour la potasse ; si je fais usage
de leur rapport avec la soude, j’ai les nombres suivans:
219 pour la chaux, 284 pour la magnésie, et 71 pour
la baryte.
Je merapproche beaucoup plus des premiers nombres,
si je porte la proportion d’acide muriatique qui est né-
cessaire pour saturer 100 de soude à 90 , au lieu de 88,
et je crois ce nombre plus voisin de la réalité, parce
SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ, 278
que ma soude, quoique préparée ayec beaucoup de soin,
donnoit des indices d’acide muriatique : je ferai cette
substitution dans les évaluations suivantes.
On à vu que les sous-carbonates différoient beaucoup
entre eux par la quantité d’acide carbonique qui s’y
trouvoit combinée , quoiqu’ils montrent plus de dispo-
sition à avoir certaines proportions : il m’a paru inté-
ressant de comparer sous ce rapport avec les sous-
carbonates naturels les sous-carbonates de baryte et de
chaux que l’on obtient, en exposant à l'acide carbo-
nique les eaux qui tiennent ces substances en dissolu-
tion. Pour ceux que l’on obtient en précipitant les
dissolutions par les sous-carbonates alcalins, ils pren-
nent des proportions qui dépendent de celles des sousr
carbonates qui servent à la précipitation.
J'ai donc fait passer un courant d’acide carbonique
dans une eau chargée de baryte jusqu’à ce qu’il ne se
soit plus fait de précipité; mais l’opération a été dis-
continuée aussitôt que le liquide a cessé d’être troublé
par lacide carbonique : j’ai examiné ce liquide qui
s’étoit éclairci au moyen du dépôt; j’ai trouvé qu’il
contenoit encore une proportion considérable de baryte
tenue en dissolution par l’acide carbonique , mais dans
l’état neutre, en sorte qu’il ne donnoit aucun indice
d’acidité ni d’alcalinité avec les papiers d’épreuve : le
précipité aensuite été soumis à la dessication par lemoyen
de Pébullition de l’eau; après cela on en a dégagé l’acide
carbonique, et il s’est trouvé qu’il contenoit 21 parties
d'acide carbonique sur 100, et le carbonate naturel de
276 SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ.
baryte donne, selon analyse de Pelletieret de M.Kirwan,
0.22 : le dernier a déja remarqué que le carbonate artifi-
ciel contenoit les mêmes proportions.
On a fait la même opération sur l’eau de chaux; il
est resté de même en dissolution une certaine quantité
d’eau de chaux qui étoit mise dans l’état neutre par
Pacide carbonique, mais en moindre proportion que la
baryte. À
Le dépôt séché comme celui de baryte, a donné la
même quantité d'acide carbonique que le marbre blanc:
on a retiré du carbonate desséché 46.36 d’acide carbo-
nique sur 100, et 46.33 du marbre blanc.
On voit par ces deux expériences que l’acide carbo-
nique se partage en deux portions , l’une qui s’unit à la
baryte et à la chaux pour former des sous-carbonates qui
ont des proportions constantes, et l’autre qui forme une
combinaison soluble qui est dans l’état neutre ou qui
en approche.
C’est ainsi que l’on voit dans plusieurs circonstances
un acide former une combinaison soluble et une com-
binaison insoluble; mais l’une et l’autre varient selon
les quantités, au lieu que l’acide carbonique ne se dis-
solvant qu’en certaine proportion dans l’eau, son action
doit être uniforme, ainsi que la séparation qui en est
l'effet.
La conformité des carbonates que l’on obtient en
précipitant la chaux et la baryte par l’acide carbonique
avec les carbonates naturels me paroît remarquable : on
obtient les mêmes produits que si la chaux et la baryte
SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ. 277
avoient été tenues en dissolution dans les temps primi-
tifs, et précipitées par l’acide carbonique qui auroitété
superposé.
$ X V. Des proportions de l'acide dans l'acide sul-
Jfurique et dans les sulfates.
M. Krarrorx vient de donner (1) une nouvelle
détermination des quantités d’acide et de baryte qui
composent le sulfate de baryte, dont la plupart des
chimistes se sont servi pour reconnoître les quantités
d’acide qui se trouvent dans les différens sulfates :
il. compare les résultats assez différens des chimistes
qui l'ont précédé dans cette recherche, et il s’ar-
rête aux proportions de 76 de baryte et de 33 d’acide
sulfurique.
J’ai tâché d'atteindre le plus près qu’il m’a été pos-
sible à la véritable proportion : pour cela j’ai dissous de
la baryte dans de l’eau; on a distillé un poids donné
de cette eau, coupé la cornue où s’étoit faite la dis-
tillation, placé dans un creuset de platine la baryte
séchée, et ensuite on a tenu rouge pendant quelque
temps le creuset placé dans un autre creuset rempli de
sable : on a pris le terme moyen de deux expériences
qui différoient très-peu. L’eau de baryte dont je viens de
parler, et dans laquelle la quantité de baryte étoit bien
déterminée, a servi à plusieurs opérations ; pour le sulfate
QG) Neues gllgemeines Journ. der chem. 5 band. 5 heft,
278 SUR LES LOIS DE L'AFFINITÉ.
de baryte, on a saturé 5 hectogrammes d’eau de baryÿte
avec l’acide muriatique, et on a produit la précipitation
par le sulfate de soude : ce précipité convenablement lavé,
et tenu également rouge pendant quelque temps dans un
creuset de platine , a donné, résultat moyen de trois ex-
périences , 73.12 de baryte, ce qui est fort rapproché du
résultat de M. Thenard, qui est de 74.82 de baryte. J’ai
dàû faire quelques pertes; car on ne peut calciner le préci-
pité dans le papier qui a servi à le recueillir, parce qu’alors
on en convertit une partie en sulfure, ainsi que me Pa
fait remarquer M. OEtzel , qui m’a secondé avec beau-
coup de soin dans mes expériences : je crois donc devoir
prendre un terme moyen entre le résultat de M. Thenard
et le mien, et devoir fixer à 74 de baryte et à 26 d’acide
sulfurique, les proportions du sulfate de baryte qui a
été tenu à un grand feu; en sorte que 100 parties de
baryte sont neutralisées par 35.10 d’acide sulfurique.
M. Klaproth a précipité 100 parties d’acide sulfurique
dont la pesanteur spécifique étoit de 1.850, ce qui est la
plus grande concentration à laquelle il ait pu obtenir,
et mes expériences s’accordent en cela avec les siennes:
il a obtenu un précipité qui, après une forte dessicca-
tion, pesoit 225 ; il conclut que cet acide étoit composé
de 74.4 d'acide et de 25.6 d’eau , et d’après mes résultats
il seroit composé de 58.50 d’acide et de 41.50 d’eau.
Cette grande quantité d’eau que lacide sulfurique
retient en prenant l’état de vapeur, à une température
beaucoup plus élevée que celle de l’ébullition de l’eau,
et les effets hygrométriques qu’il produit malgré cette
SUR LES LOIS DE L'AFFINITÉ. 279
quantité, font voir avec quelle force l’eau estretenue dans
les substances qui ont de l’action sur elle.
J’aisaturéet précipité par la baryte neutralisée un acide
sulfurique dont la pesanteur spécifique étoit de 141.70,
et il est résulté de mon expérience qu’il contenoit 31.06
d'acide réel. Je néglige dans ces évaluations les effets
de la température , parce que toutes mes expériences ont
été faites entre 9 et 12 degrés du thermomètre centi-
grade, et que les différences qui pourroient résulter, en
les comparant avec celles de M. Kirwan, sont très-petites,
M. Kirwan a cherché à déterminer les quantités d’a-
cide réel qui se trouvent dans l’acide sulfurique de dif-
férentes pesanteurs spécifiques, et il en a donné une
table ; mais il s’est servi de moyens indirects auxquels
j’oppose les mêmes observations que j’ai faites pour ses
déterminations de l’acide muriatique.
L’acide dont je viens de parler, contiendroit, selon
latable de M. Kirwan, sur 100 parties, 42.67 d'acide
réel, et selon mon évaluation, il n’en contient que
31.25.
J’ai cherché autrefois à déterminer (1) la quantité
d’oxigène que le soufre prend en passant à l’état d’acide
sulfurique, en le traitant avec l’acide nitrique , et en
précipitant l’acide qui s’est formé par le muriate de
baryte; mais mon évaluation étoit très-défectueuse : de-
puis lors plusieurs chimistes ont employé le même
moyen, et M. Klaproth conclut de ses expériences que
G) Mémoires de l Académie pour 1782.
280 SUR LES LOIS DE L'AFFINITÉ.
acide sulfurique, indépendamment de l’eau, est com-
posé de 42.3 de soufre et de 57.7 d’oxigène.
Dans une expérience que je choisis parce qu’elle a
été suivie avec plus de soin et sur de plus grandes quan-
tités , 17.846 grammes de soufre changé en acide sul-
furique par l’acide nitrique , ont donné 127.515 grammes
de sulfate de baryte poussé au feu , qui contenoit 33.153
d'acide, en sorte que 53.83 parties de soufre se combi-
nent avec 46.17 d’oxigène , et que 100 parties de soufre
prennent 85.7 d’oxigène pour se changer en acide sul-
furique.
J’ai encore la satisfaction de me rencontrer ici avec
M. Thenard, dont les proportions sont, d’après son éva-
luation du sulfate de baryte, 55.56 de soufre et 44.44
d’oxigène : mais il faut remarquer que dans ce calcul,
Von suppose que l'acide sulfurique qui est dans le sulfate
de baryte fortement poussé au feu, ne contient point
d’eau ; ce qui est invraisemblable. Pour parvenir à une
plus grande précision , il faudra avoir recours à d’autres
méthodes, telles que la combustion; mais Lavoisier,
qui a déterminé rigoureusement la proportion d’oxigène
quise combine avec le phosphore dans sa combustion,
n’a pu réussir avec le soufre. Mon résultat ne s'éloigne
presque de celui du célèbre Klaproth que par la diffé-
rence que nous mettons dans les parties constituantes du
sulfate de baryte ; 151.5 parties de soufre changées en
acide sulfurique lui ont donné 1082 desulfate de baryte,
et en admettant 0.26 d’acide sulfurique, 100 parties de
soufre se seroient combinées avec 86.14 d’oxigène,
SURYLES LOIS DE L'AFFINITÉ. 281
‘100 parties de potasse , préparée comme je l’ai dit,
$ XIII, ont été neutralisées par 158.815 d’acide sulfu-
rique à 141.70 de pesanteur spécifique , d’où il résulte
que 100 parties de potasse se combinent avec 49.33 d’a-
cide réel pour parvenir à l’état neutre.
Si l’on fait une proportion dont le premier terme
soit la quantité d’acide muriatique qui neutralise 100
parties de baryte, le second la quantité d’acide sulfu-
rique qui produitle même effet, le troisième celle d'acide
muriatique qui neutralise 100 parties de potasse , le
quatrième terme donne 49.41 pour la quantité d’acide
qui neutralise la même quantité de potasse , au lieu de
49-33 qu’indique la combinaison directe.
* En comparant la quantité d’acide sulfurique qui neu-
tralise la baryte et la potasse, soit d’après le calcul, soit
d’après l’expérience , avec la quantité d’acide muriatique
qui saturé la baryte, pour connoître celle qui est néces-
saire pour la potasse , on trouve la quantité d'acide mu:
riatique qui a été déterminée directement par l’expé:
rience à quelques millièmes près.
Ces épreuves faites avec des acides aussi différens que
V’acide carbonique, l’acide muriatique et lacide sulfu:
rique, vérifient la constance des rapports de puissance
entre les différens acides et les différens alcalis : elles
prouvent que l’on peut avec sûreté déterminer les pro-
portions d’acides différens qui peuvent se combiner avec
les bases alcalines, dès que l’on a établi les rapports qui
existent entre un acide et les différens alcalis, et pourvu
que l’on connoisse les proportions d’une seule combi-
1806. Premier semestre. 36
282 SUR'LES LOIS DE L’'AFFINITÉ.
naison neutre de l’acide que lon examine, avec une
des bases alcalines; elles font voir enfin que les expé-
riences que j'ai rapportées ont assez de précision pour
qu’on puisse les employer avec confiance, à part les
exceptions que j'ai indiquées.
En appliquant donc ma méthode aux combinaisons
de l’acide sulfurique, on trouve qu’il faut d’acide sul-
rique pour 100 parties
Detsonde Asia NA LE ur AE EE 72.32
Delchaux eue et. letsrlal ete lee te 0109.20
De magnésie , 41.00. US 0. 1137.28
La détermination que je donne pour le sulfate de
chaux paroît un peu contraire à celle que M. Bucholz
vient de faire avec beaucoup de soin (1), et de laquelle
il résulte que 100 parties de sulfate de chaux en con-
tiennent 33 de chaux, 43 d’acide sulfurique, et 24
d’eau de cristallisation, de sorte que 100 parties de
chaux en exigeroient 130 d’acide sulfurique ; mais cette
différence dépend des proportions qu’il admet dans le
sulfate de baryte, qu’il regarde comme composé de 67.5
de baryte , et de 32.5 d’acide subprique
Il faudroit seulement supposer qu’au lieu de 3. par-
ties d’eau que , selon M. Bucholz, 100 parties de sul-
fate de chaux retiennent, lorsqu’on le calcine dans un
vase d’argent , elles en retiendroient 8 à 9 : ce qui n’est
pas contraire à la vraisemblance. D'ailleurs , j’ai averti
(G) Neues allgemeines Journ. der chem, 5 band, 2 heft.
/
SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ. 283
qu’il y avoit quelques incertitudes dans mes détermina-
tions qui sont relatives à la chaux.
$ XVI. Des quantités d'acide réel contenu dans
l'acide ritrique ef dans Les nitrates.
LA détermination des quantités d’acide nitrique réel
présente beaucoup de difficultés par la facile décompo-
sition des nitrates que l’on emploie, et dont on ne
peut, à cause de cela, distinguer l’eau étrangère à
l’acide.
Je me suis servi de la potasse dont j’ai saturé 100
parties avec un acide nitrique d’une pesanteur spéci-
fique de 129.78 : et comme le nitrate de potasse s’éva-
pore en partie avec l’eau, ainsi que M. Lavoisier l’a
constaté , j’ai distillé la liqueur , et j’ai éprouvé le li-
quide qui a passé , avec le nitro-muriate de platine; car
l’on sait que les sels à base de potasse y produisent un
précipité; or je n’ai point eu de précipité : le sel séparé
de la cornue, et parfaitement neutre, a été séché au
degré de l’ébullition de l'eau ; mais, après cela > il avoit
subi un commencement de décomposition , et il donnoit
des indices d’alcalinité : il pesoit 168.50 ; mais je porte
le nombre à 170 pour compenser la décomposition qui
avoit commencé (1).
D’après cette évaluation qui a, comme l’on voit,
(G) Une expérience dans laquelle j'ai évité la décomposition du nitrate,
ma donné 170.31, différence trop petite pour m’engager à changer mes
résultats. F
284 SUR LES LOIS DE L'AFFINITÉ.
quelqu’incertitude , mon acide contenoit sur 100 parties
32.41 d’acide réel.
M. Davy qui a fait des expériences très-ingénieuses
et très-intéressantes sur la‘ composition de l’acide ni-
trique, des gaz auxquels il donne naissance et des ni-
trates , a employé une méthode indirecte et trop com-
pliquée pour déterminer les quantités d’acide réel dans
les nitrates et dans l’acide nitrique, pour lequel il a formé
une table selon les pesanteurs spécifiques(r),etses évalua-
tions se trouvent très-éloignées de celles que je présente.
Mon acide ramené à la pesanteur spécifique la plus
voisine de sa table, c’est-à-dire 129.78, contiendroit ,
d’après mes données, 33 d’acide réel sur 100, et selon
sa table il en contiendroit 53.97.
Selon cette table l’acide nitrique qui a une pesanteur
spécifique de 150.40 , ne contiendroit que 8.45 d’eau
sur 100 : ce qui est hors de toute probabilité.
Mes résultats se rapprochent beaucoup plus de ceux de
M. Kirwan : mon acide ramené à la pesanteur spécifique
la plus voisine de sa table contiendroit 32.62 d’acide
réel sur 100, et selon sa table il en contiendroit 36.77.
Mes résultats appliqués aux autres nitrates donnent
pour 100 parties
Deteoude se 10 ele (ie BALE CNRS A5 à 10244
Dechaux 0. 5 latte, » fo loue te 1194179
De magnesie MSus JR TE MeCr0702
DNA More MR RONerE Let e eCHeNAUT
QG) Researches chemical, etc.
SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ: 285
- nr: SONO f S L 4 br: } 5
$ XVII. De l'action réciproque des parties intégrantes
des combinaisons. |
nJ’aAr cherché à déterminer les effets qui dépendent
de la combinaison ou de l’affinité de composition ; dé
ceux qui proviennent de l’action réciproque des’ mo-
lécules intégrantes d’une conibinaison ; et de l’action
du dissolvant qui tend à les tenir dans létat liquide,
et jai fait voir que l’on avoit confondu ces effets.
Les capacités de saturation, déterminées par les quan-
tités qui produisent l’état neatre, assignent aux acides et
aux alcalis un ordre de puissance très-différent de celui
qui leur a été attribué par une suite de cétte confusion,
et en prenant pour base les phénomènes de la préci-
pitation.ÿ mais quelques propriétés peuvent paroître dif:
ficiles à concilier avec mon opinion.
On pourroit m’objecter, par exemple, que si l’affinité
de la magnésie est beaucoup plus grande pour l’acide
carbonique que celle de la baryte , comme il résulte. de
mes principes, la magnésie devroit retenir l’acide car-
bonique avec plus de force que la baryte contre Paction
expansive de la chaleur , et cependant c’est le contraire
que l’on observe : on parvient assez facilement à chasser
tout Pacide carbonique du carbonâte de magnésie ;
mais ; au plus grand degré de chaleur, on ne peut dé-
composer le carbonate natnrel de baryte ou la vi-
thérite..
Si cés effets dépéndoient de la puissance de la com-
binaison , on devroit trouver beaucoup de ressemblance,
286 SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ.
à cet égard , entre le carbonate de chaux et le carbo-
nate de magnésie ; car ces deux substances diffèrent très-
peu par la capacité de saturation , et cependant il est
beaucoup plus facile de chasser l’acide carbonique de
la magnésie que de la chaux : on devroit également
trouver une ressemblance entre la potasse et la baryte
qui diffèrent peu par leur capacité de saturation ; mais
la potasse poussée au feu abandonne facilement son
acide carbonique , pendant que la baryte le retient avec
opiniâtreté,
Il faut donc chercher quelqu’autre propriété de la-
quelle celle-ci puisse dépendre , et il est facile de la
trouver dans l’action réciproque des parties intégrantes
des combinaisons, et dans l’action que l’eau exerce,
soit sur ces parties, soit sur l’acide carbonique.
En effet, Black, M. Kirwan, M. Pictet, ont éprouvé
qu’en poussant le marbre au plus grand feu, on ne
venoit pas à bout de le réduire entièrement en chaux.
J’ai fait l’expérience au feu le plus vif d’une forge
puissante, et il est resté une proportion considérable
d’acide carbonique : j’ai humecté cette chaux impar-
faite et je l’ai remise au feu; la calcination ou le dé-
gagement de l’acide carbonique a fait beaucoup plus
de progrès, quoiqu’au même degré de feu qui aupara-
vant ne produisoit plus aucun effet : j’ai humecté une
seconde fois, et la calcination a été presque complette.
J'ai pensé, d’après cela , que la partie d’acide carbo-
nique qui se volatilisoit du marbre ne le faisoit qu’au
moyen de l’eau qui se dégage dans le commencement,
SUR LES LOIS DE L'AFFINITÉ. 287
J'ai donc soumis à l’action du feu 100 grammes de
marbre blanc dans une cornue de verre qui, au moyen
_d’un:bon lut, pouvoit soutenir un grand feu, et: j'ai
fait passer le gaz acide carbonique par un long tube
de verre terminé par un petit ballon, l’un et l’autre
plongé dans un mélange réfrigérant : lorsque le gaz a
cessé de se dégager, quoiqu’on augmentât la chaleur,
on a enlevé la cornue et on a trouvé le tube et la petite
boule non-seulement enduits d'humidité, maïs il y avoit
dans la dernière un peu d’eau liquide; on ne pouvoit
estimer à moins d’un gramme la quantité d’eau retenue
par ce moyen. M. Kirwan n’en a point obtenu; M. Ca-
vendish n’en avoit retiré qu’un grain de 3x1 grains de
marbre ; pour Bergman, il en admettoit 0.11; mais seu-
lement par induction. J’arimaginé en conséquence que
la calcination du marbre devoit faire plus de progrès,
sije le tenois exposé long-temps à une chaleur médiocre,
que si je lui faisois subir dès le commencement un feu
très-vif qui en chassât promptement l’eau, et l’expérience
a confirmé ma conjecture.
* Enfin ; on sait que le marbre, ainsi que la vithérite
donnent facilement leur acide carbonique lorsqu’on les
place dans un tube à travers lequel on fait passer de la
vapeur d’eau.
Le carbonate de magnésie retient par son affinité,
comme le fait voir son analyse , beaucoup de cet inter-
médiaire, dont le marbre n’a qu’une petite quantité et
qui manque à la vithérite , et le carbonate de potasse est
dans le même cas. Il paroït donc que la différence que
288 SUR LES LOIS DE L'AFFINITÉ,
les carbonates présentent lorsqu'on les soumet au feu, dé-
pend de cette circonstance, et les expériencés que je
viens de présenter, me font que confirmer l’opinionique
M. Pictet a déja établie sur la formation de la chaux (1).
J’ai présenté sur l’état des substances salines qui sont
tenues en dissolution par un liquide, une opinion qui doit
être modifiée: j’ai prétendu que pendant que l’état liquide
existoit , il falloit considérer les élémens des sels comme
s’ils étoient isolés, et comme s'ils exerçoient: tous éga-
lement une action réciproque, et j’ai pensé qu’il ne se
formoit des combinaisons séparées qu’au moment de la
cristallisation ou de la précipitation. Cette opinion sort
de mesure : il est certain que la potasse qui formeun
sel neutre agit encore sur l’acide d’une autre combi-
naison, dont la base exerce à son tour une action sur
l’autre acide, mais plusieurs exemples font voir que
l’état liquide ne détruit pas entièrement les combinai-
sons qui prééxistoient; ainsi une dissolution métallique
peut contenir l’oxide du même métal dans différens de-
grés d’oxidation , ce qui ne seroit pas selon l’opinion que
je dois modifier. Je vais citer un exemple qui m'a été
fourni par M. Prieur. ‘
Si Pon fait à froid une dissolution de muriate d’am-
moniaque et de sulfate de cuivre, la liqueur aune couleur
bleue qui est la couleur propre au sulfate de cuivre;
mais si l’on fait la dissolution à chaud, ou si l’on
échauffe la précédente, on a une couleur verte qui est
(1) Bibliothèque britannique, t: XIV, p. 235.
SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ. 289
la couleur propre au muriate de cuivre ; et par les chan-
gemens de température l’on fait passewalternativement
la liqueur du bleu au verd ou du verd au bleu.
* Ce que les faits indiquent, c’est que dans une dis-
solution de différentes combinaisons, il y a un tel
‘équilibre entre les forces qui sont opposées, que c’est
le degré de solubilité ou l’action du dissolvant qui déter-
“mine les séparations qui se font, et les combinaisons qui
cristallisent ou qui se précipitent : je crois en avoir
donné des preuves convaincantes ; mais c’est à ce ré-
-sultat de l’expérience qu’il faut borner mon opiñion sur
état des combinaisons qui sont tenues en dissolution.
- J'ARLILCR! i
é. = Suite des observations sur l'acide muriatique
‘ . * réel.
- JE me suis servi, pour les déterminations précédentes,
‘du gaz muriatique qui avoit été exposé à une tempé-
rature de 12 degrés du thermomètre centigrade au dessous
de la De et je le croyois assez dépouillé d’eau
pour qu’on pt négliger, dans l’évaluation de l’acide réel,
celle qu’il etre contenir encore.
Cependant j’ai cherché à reconnoître la quantité d’eau
CARRIER être contenue dans ce gaz: je mettois de
Vintérèêt à cet objet , moins pour déterminer la quantité
d'acide muriatique réel dans ses combinaisons , que
pour jeter du jour sur HE mutuelle des substances
gazeuses.
Pour parvenir à ce but, j’ai neutralisé avec l’acide
1806. Prernier semestre. 37
290 SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ.
muriatique 100 parties de potasse préparée par la dissolu-
tion de lalcool, et tenue quelque temps en fusion dans
un creuset de platine avant qu’on la dissolvit dans
l’eau.
J’ai pris beaucoup de soin pour m’assurer que je ne
perdois rien de sensible dans l’évaporation et la dessic-
cation : on a distillé jusqu’à la dessiccation ; le liquide
qui a passé ne troubloit point la dissolution d'argent;
après avoir coupé la cornue, on a recueilli le sel avec
soin; on l’a placé dans un creuset de platine sur un
bain dé sable ; on a pesé le creuset après cette dessic-
cation , ensuite on l’a poussé à une forte chaleur après
l’avoir placé dans un creuset rempli de sable, et on l’a
pesé une seconde fois. |
Ainsi, pendant la distillation , l’eau seule a passé dans
le récipient : la première et la seconde pesée n’ont donné
qu'une très - petite différence, ce qui indique qu’en
poussant le sel à un très-grand feu, il n’y a eu que la
perte qu’on doit attribuer à l’eau : en effet, l’intérieur
du creuset et son couvercle n’annonçoient aucune subli-
mation; le sel formoit un verre composé de molécules
cristallines; dissous , il a donné les indices d’un état
parfaitement neutre.
Le sel, dans cet état, ne pesoit que 126.60 , d’où je
dois conclure que le gaz, que j’avois cru ne contenir
qu’une quantité d’eau qui pouvoit être négligée, en con-
tenoit 34.90 sur 61.5, que l’on a vu (6 XIII), se com-
biner avec 100 de potasse. Ce résultat m’ayant étonné,
jai répété deux fois l'expérience avec les mêmes soins,
SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ. 2g1
et les poids que j’ai obtenus n’ont différé entr'eux que
de quelques millièmes.
J’ai craint que la potasse, quoique poussée à un grand
feu, ne retint une quantité d’eau qui pouvoit m’en im-
poser; pour éclaircir ce soupçon ; j’ai fait l'épreuve avec
Veau de baryte, dont j’ai parlé : si la perte devoit être
attribuée à la’ potasse , je devois trouver dans le muriate
de baryte une proportion d’acide qui me l’indiqueroit;
mais j'ai eu une proportion même un peu inférieure à
celle que désignoit le muriate de potasse; car 100 par
ties de baryte m’ont donné 117.{7 de.muriate de baryte
fortement poussé au feu, et la proportion établie par le
muriate de potasse auroit exigé 118.89.
Je ne puis apercevoir aucune cause d’erreur, et jé
suis forcé de conclure que le gaz muriatique , après avoir
abandonné toute eau hygrométrique, contient plus de
la moitié de son poids d’eau qui ne contribue point aux
effets hygrométriques , en supposant que la portion qui
doit se trouver dans le sel malgré la forte dessiccation
à laquelle il a été soumis , compense celle que Palcali
retenoit encore, après avoir été poussé au feu , suppo-
sition qui laisse une incertitude inévitable.
Cette eau qui se trouve en si grande proportion dans
le gaz muriatique , que l’on doit supposer dans le plus
grand degré de dessiccation hygrométrique , est difficile
à concilier avec quelques opinions d’an célèbre physi-
cien, M. Dalton, qui n’a pas distingué les effets hy-
grométriques auxquels laffinité mutuelle des gaz ne
concourt pas sensiblement, de ceux qui dépendent d’une
292 SUR LES LOIS DE L’'AFFINITÉ.
combinaison réelle ou de l’affinité chimique ; il a ap-
pliqué les observations qu’il avoit faites sur l’état res;
pectif des gaz à leur dissolution par les liquides, qu’il
ne regarde que comme un effet mécanique (1); cepen-
dant l’eau dissout un volume de gaz muriatique qui est
un grand nombre de fois plus grand que le sien propre,et
cet effet ne peut être dû à une cause mécanique : les gaz
qui se dissolvent en moindre quantité diffèrent beau-
coup entr’eux par la proportion qui s’unit au liquide,
sans qu’on puisse y apercevoir aucune propriété méca-
nique qui rende raison de cette différence, mais cet
objet demanderoit une discussion particulière.
M. Henry avoit déja remarqué que l’étincelle élec-
trique pouvoit dégager une certaine quantité de gaz
hydrogène du gaz muriatique fortement desséché (2),
ce qu’il avoit très - bien attribué à l’eau qu’il tient en
combinaison ; mais l’effet de l’électricité doit s’arrêter,
lorsque l’action du gaz est devenue assez forte par la
diminution d’eau qu’elle occasionne.
T1 ne faudroit pas conclure de là que tous les gaz doi-
vent contenir une grande proportion d’eau datente; cet
effet doit dépendre de l’énergie de l’affinité qu’ils exer-
cent sur elle : par exemple, le gaz ammoniac n’en doit
pas contenir sensiblement une plus grande proportion
que le gaz hydrogène et le gaz azote n’en contenoient
séparément , puisque son poids correspond à celui de
QG) Mem. of Munchester, 2 ser. vol. I.
(2) Transactions philosophiques , 1800.
EE ES
SUR LES LOIS DE L’AFFINITÉ. 293
ces déux gaz, et puisqu'on n’observe point d’eau lors-
qu’on le décompose par lélectricité. Ce résultat est
encore confirmé par les belles expériences de M. Biot,
qui a trouvé dans ce gaz la réfraction qui doit résulter
de celles des proportions d’hydrogène et d’azote , dont
il est composé. Pareillement il ne suit pas des observa-
tions précédentes que la pesanteur spécifique du gaz
muriatique devroit s’accroître à mesure qu’on le prive-
roit de son eau de combinaison : ilest très-probable que
l’action mutuelle produit une condensation considé-
rable dans le gaz muriatique et dans la vapeur d’eau,
et si l’on trouvoit le moyen de séparer la dernière , le
gaz muriatique pourroit avoir une pesanteur spécifique
beaucoup plus petite que celle que nous lui connoissons
dans son état ordinaire.
+ On doit être frappé de la différence que mes expé-
riences apportent dans les proportions que des chimistes
très - recommandables ont attribuées à la combinaison
neutre de l’acide muriatique avec la potasse : selon M.
Kirwan , 100 parties de potasse se combinent avec 56.3
d'acide muriatique réel; et M, Richter admet une pro-
portion encore beaucoup plus grande d’acide : je dis avec
quelque confiance que l’on ne pourra trouver que des
‘quantités peu différentes des miennes, parce qu’elles
sont chacune le résultat de plusieurs épreuves , pourvu
que l’on combine directement l’acide avec la base alca-
line préalablement privée d’eau autant qu’il est possible,
pour.en reconnoîire le poids, et que l’on chasse par un
haut degré de chaleur l’eau de la combinaison.
294 SUR LES LOIS DE L'AFFINITÉ.
Cette réduction de la quantité d’acide réel n’altèré
point les résultats que j'ai établis sur les proportions
correspondantes d’acide et d’alcali dans les différentes
combinaisons, et je n’ai rien à changer à cet égard :
il suffit de substituer une quantité d’acide réel qui soit
à cellé du gaz muriatique dans le rapport de 26.60 à
61.5.
Un acide muriatique d’une pesanteur spécifique de
1063, contient, selon la table de M. Kirwan, 8.25
d’acide réel sur 100 parties en poids, et en le ramenant
à la pesanteur spécifique de celui que j’ai employé ,il
en contiendroit 8.04 ; mais il n’en contiendroit que 5.39
en prenant pour base mes expériences sur le muriate de
potasse , et il faut remarquer que c’est aussi par la quan-
tité d’acide muriatique qui se combine à la potasse avec
le moins d’eau , que M. Kirwan a cherché à déterminer
les quantités d’acide réel qui accompagnent les diffé-
rentes pesanteurs spécifiques.
$ XIX. De l'acide phosphorique réel.
Lrs combinaisons de l’acide phosphorique m’ont
présenté des difficultés qui ne mont pas permis de dé-
terminer leurs proportions avec beaucoup d’exactitude ;
en attendant des expériences plus précises, je choisis,
parmi celles que j’ai faites, celles qui me paroissent
mériter le plus de confiance.
Pour connoître le rapport qui existe entre l'acide
phosphorique, réduit dans l’état vitreux , etce même
SURLES LOIS DE L'AFFINITÉ. 295
acide, dans une combinaison alcaline que l’on a poussée
à grand feu, on a dissous dans une quantité d’eau , de
lacide phosphorique qui avoit été réduit à l’état de verre
irès-transparent dans un creuset de platine, et on à
saturé avec cette liqueur acide 100 parties de potasse
mise en dissolution : il a fallu une quantité correspon-
dante à 85.51 de verre phosphorique , et la combinaison
poussée à un grand feu avec les précautions requises , a
donné 150.19 de phosphate de potasse.
1 1 résulte de-là que le verre - phosphorique retient
plus des trois huitièmes de son poids d’eau , outre celle
qui est encore retenue indubitablement dans le phos-
phate de potasse poussé à un grand feu, phénomène
analogue à celui qu’a présenté le gaz muriatique.
- Cependant on pourroit, en répétant Pexpérience , ne
pas trouver un résultat parfaitement conforme; car je
me suis assuré que le verre phosphorique, poussé long-
temps au feu, finissoit par s’évaporer entièrement, en
augmentant la chaleur, et il est vraisemblable que la
proportion de l’eau qu’il retient va en diminuant jusqu’à
son entière évaporation.
J'ai aussi remarqué que sur la fin de l’évaporation
de l’acide liquide, Peau entraînoit une portion de l'acide;
car le couvercle du creuset de platine dans lequel on
achevoit cette évaporation, retenoit une liqueur qui
donnoit des indices d’acidité.
Il résulte de la détermination précédente que la
puissance de l’acide phosphorique seroit un peu infé-
rieure à celle de l'acide sulfurique, ce qui est contraire
296 SUR LÉS LOIS DE L’AFFINITÉ.
à ce que j’avois présumé ( Essai de stat. chim., tome T,
page 123).
Le phosphate de baryte ne m’a pas donné une propor-
tion d’acide qui répondit à celle qui étoit indiquée par le
phosphate de potasse ; il n’a pris pour la neutralisation
de 100 parties que 27.35, tandis qu’il auroit dû en
prendre , selon la loi des proportions, au-delà de 35.
Cette différence dépend de ce que le phosphate de baryte
se précipite avec un excès de base, comme nous avons
vu qu’il faisoit même dans le mélange de deux com-
binaisons neutres ($ X});, et comme le font la chaux et
la baryte avec l'acide carbonique ($ XIV).
J’ai aussi cherché à déterminer la puissance compara-
tive de l’acide fluorique qui paroît fort supérieure à celle
des autres acides, d’après les proportions données par
M. Richter; mais j’ai éprouvé des difficultés que je n’ai
pas surmontées jusqu’à présent; par exemple, je n’ai
pu dessécher, même au degré de l’ébullition de l’eau,
le fluate de baryte, sans qu’il s’exhalât une portion de
l’acide fluorique qui entraînoit avec lui de la baryte.
Au reste, il est probable que le fluate de baryte n’in-
diqueroit pas les proportions d’acide fluorique qui neu-
tralisent les différentes bases alcalines , parce qu’il se
précipite également avec un excès de base dans le mé-
lange de deux combinaisons neutres.
RE
SUR LES! LOIS DE L'AFFINITÉ? 297
HOY®: €
Î :
dnaosilndren rc HE Résultats.
»L'aciDE carbonique peut, au moyen d’une compres-
sion, neutraliser‘toutes les bases alcalines ; ainsi que:les
autres-acides’; j'en ai déterminé les quantités nécessaires
pour produire: cet effet: avec les: différens alcalis:«
«11 forme avec les bases alcalines des combinaisons qui
ctistallisent avec des proportions très-différentes ; et l’on
ne peutdire: que cette espèce de combinaison n’a qu’un
pese fixe)dans ses proportions. 4 srl 8 or
hLamêmé variété-dans les proportions ss Idhwervo das
sn sels acidules: et ;alcalinules (1), qui ont également
toisiles caractères des combinaisons éiiquent
sl La ‘puissince- relative des ‘alcalis est représentée ‘par
larquantitéi-d’unpmême acide que chacun’ des alcalis
exige; pourisa neutralisation : de même; la puissance
relative des: acides-est représentée parla quantité d’un
même ‘alcali quiest nécessaire à chaque abide pour pan
venir à l’état: nentre: 100% 010 Hyoineete bas tb
Les rapports de puissance sont les mêmes entre tous
lés alcalisiet tous des acides ; ainsi, dès que l’on connoît
les proportions des-différentes bases alcalines qui ré-
duïsent un acide,à W’état neutre, eticelles de la combi-
naisoïi de l’uné de ces bases: avec tout autre acide, on
0). “ me. | paroît. SN RE d'adopter, av avec M. Chevrevi in et M. re :
la désigration de ces sels par les” prépositions sur et 5045, conime l’a proposé
M: Péarson:;: dans ‘sastraduction de la Nomenclature chimique.
1806, Premicr semestre, 38
298 SUR LES LOIS DE L'AFFINITÉ:
peut conclure quelles doivent être les proportions des
autres alcalis qui sont nécessaires pour neutraliser ce
dernier acide.
J’ai tâché de réaliser, par mes propres expériences,
ce principe que j’avois établi (Essai de stat. chim.)), et
dont je n’avois fait des applications que :sur des expé-
riences qui n’avoient pas été dirigées vers ce but.
Ilrésulte de mes observations que la puissance alcaline
de l’ammoniaque , de la magnésie, de la chaux, de la
soude, de la potasse et de la baryte, sontà peu près
comme les nombres suivans, 213,) 174, 136, 90, 62,
44. Cependant le nombre qui représente la force de
lammoniaque est sujet à une incertitudé que l’on peut
évaluer à un dixième, ce qui m’en a fait négliger les
applications ; celui qui représente la force alcaline dé la
chaux a aussi une incertitude, mais:qui est beaucoup
plus petite : je regardé les autres comme des approxi-
mations qu’il est difficile de rendre plus rigoureusés,
puisque le calcul fondé sur ces nombres et l’expérience
directe conduisent presque exactement aux mêmes rés
sultats. 104 E
L’acide muriatique, le sulfurique, le nitrique, le
carbonique, ont une puissance qui est à peu près en ordre
inverse des nombres suivans, 35, 44, 50, 95. L’acide
phosphorique paroît différer peu à cet égard de l’acide
sulfurique.
Mais tous ces acides sont supposés privés d’eau et
tels que se trouvent, l’acide sulfurique dans le sulfate
de baryte fortement poussé au feu , l’acide muriatique
SUB LES LOIS DE L'AFFINITÉ: 299
dans le muriate de ‘potasse également poussé au feu,
acide nitrique tel qu’il est dans un nitrate qui com-
mence à se décomposer, l’acide carbonique tel qu’il est
dégagé d’une combinaison ; par l’acide sulfurique. :
“J'ai comparé mes!expériences avec les tables d’acidé
réel données par M. Kirwan et par M. Davy, et j'ai
indiqué les différences qui en résultent pour la déter-
mination de l’acide réel contenu dans l’acide ra i
acide muriatiqué et l’acide nitrique: HLOETE
"J'ai fait voir! que le gaz muriatique', qui doit êtré
ie de l’eau qui produit les effets hygrométriques,
par un refroidissement de 12 degrés du thermomètre
centigrade, contient encore plus de la moitié de son
poids d’eau ; mais cet effet dépend de l’énergie de l’afs
finité qu’il exercé sur l’eau; et il doit varier-dans les
différens gaz en raison de cette force. )
L’acide sulfurique contient aussi une grande propor-
tion d’eau, quele passage à l’état gazeux ne peut en
séparer malgré la différence de volatilité; et quoique
cet acide très-concentré ait une grande proportion d’eau,
il exerce une grande force hygrométrique sur l’atmos-
phère : ce n’est que lorsque l’eau devient très-surabon-
dante que la chaleur peut en volatiliser sans qu’elle en-
traîne de l’acide.
L’acide phosphorique réduit dans l’état vitreux con-
tient plus des trois cinquièmes de son poids d’eau:
une forte chaleur ne peut dégager une partie de cette
eau, sans que l’action qu’elle exerce sur l’acide n’en
produise un partage et n’en fasse exhaler avec elle 3
300 SUR LES LOIS DE LAFFINITÉ.
lorsque ce partage est parvenu à un certain point ; Peau
détermine l’acide ‘phosphorique à à se volatiliser entière-
ment avec elle. 9
L'eau qui estmanifestement retenue; dans les circons-
tances précédentes, par la force qui produit les combi-
naisons chimiques , l’affinité, ne peut être séparée qu’au
moyen d’une autre affinité telle que celle d’un alcali
pour l'acide; mais, sans doute, une partie est encore
retenue par la combinaison saliné, en laissant une incer-
titude sur les derniers résultats chimiques; et elle ne
doit pas être oubliée dans les circonstances où elle peut
subir des décompositions, et donner naissance à des
phénomènes qui peuvent s'expliquer tarnrellepent par
cette décomposition. 1
Ainsi, les effets de laffinité et ceux qui Héperidèsi
des propriétés physiques doivent être distingués et
balancés dans l'explication des phénomènes qui sont pro-
duits par l’action réciproque des différentes substances.
SUR. LES AFFINITÉS DES CORPS POUR: LA LUMIÈRE. 30
à
€ : T
MÉMOIRE
; D ) | Ï
Sur les affinités des corps ‘pour la lumière, et
particulièrement sur les forces réfringentes des dif-
- férens gaz,
Par MM. Bror et Ar4Go.
Lu le 24 mars 1806.
Lzs propriétés des fluides aériformes ont une grande
influence sur la plupart des phénomènes physiques et
chimiques ; il est donc très-important de les bien con-
noître. En-effet, si on les considère physiquement, ce
sont des substances gazeuses qui forment l’atmosphère,
qui, en infléchissant la lumière, produisent les réfrac-
tions astronomiques et terrestres, et qui, par leur mé-
lange avec les vapeurs aqueuses; occasionnent tous les
phénomènes de la météorologie. Sous le rapport chi-
mique les fluides aériformes , en se combinant les uns
avec les autres, donnent naïssance à tous les liquides,
à des corps solides même , et l’amalogie conduit à penser
que tous ceux qui existent aujourd’hui tels dans la
nature, ont pu être primitivement dans l’état de vapeurs.
Cette grande influence des substances gazeuses est même
une conséquence nécessaire de leur constitution : car les
particules qui les composent étant séparées par le ca-
lorique; et maintenues à des distances où leurlattraction
3o2 SUR LES AFFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE ,
mutuelle n’a plus d’effet sensible, sont dans la dis-
position la plus favorable pour former de nouvelles com-
binaisons ; aussi, par une suite de cette variété d’effets,
les recherches que l’on peut faire sur les propriétés des
gaz sont liées à presque toutes les branches des sciences
naturelles. Celles que nous soumettons aujourd’hui à la
classe, ont pour objet l’action que ces substances exer-
centsur la lumière; elles intéressent à la fois la physique,
la chimie et l’astronomie : c’est sous ce triple point de
vue que nous allons les considérer.
Lorsqu'un rayon lumineux traverse successivement
plusieurs corps transparens, il éprouve, en entrant dans
chacun d’eux, une déviation qui le détourne de sa routé
directe. Ce phénomène que l’on nomme réfraction varie
d'intensité relativement aux différens corps. Newton
a prouvé qu’il résulte d’une attraction que les corps
exercent sur les molécules de la lumière, attraction
seulement sensible à de très - petites distances, et, en
cela ,. tout-à- fait analogue aux affinités chimiques.
Lesfluides aériformes jouissent de cette forceréfringentes
comme tous les autres corps, mais elle y est moins sen-
sible à cause de leur peu de densité ; cependant c’est
elle, comme nous l’avons dit, qui infléchit la lumière
dans l’atmosphère ; aussi le pouvoir réfractif de l’air est-
il un des élémens les plus délicats de la théorie des ré-
fractions, Mais comme il étoit extrêmement difficile de
le mesurer exactement par des expériences directes, les
géomètres et les astronomes ont mieux aimé le déduire
d’un grand nombre d’observations faites sur les hauteurs
ET SUR: LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF, GAZ. 308
apparentes des astres comparées à leurs positions réelles,
Cependant, Hauksbée , d’après l’invitation de Newton,
a fait en Angleterre quelques expériences sur ce sujet, en
regardant un objet éloigné à traversun prisme quiétoitsuc-
cessivement vide et rempli d’air, et mesurant l’écart de ses
positions apparentes dans les deux circonstances. On sent,
en effet, que cet écart fait connoître la déviation éprouvée
par le rayon lumineux. Mais le prisme employé par
Hauksbée n’ayant qu’un très-petit angle réfringent ne
produisoit qu’une réfraction pareillement très-petite ; et
comme d’ailleurs les différences de hauteur de Pobjet
ne pouvoient pas être appréciées avec la dernière exac-
titude, il est clair aussi que la force réfringente ne pou-
voit pas être déterminée par ce moyen avec une précision
assez grande pour pouvoir être employée dans les ob-
servations astronomiques : d’ailleurs on n’y avoit pas fait
entrer les corrections du baromètre et du thermomètre
qui, à cette époque , n’étoient pas employées ; ainsi ces
expériences prouvoient seulement que l’air a une force
réfringente, et qu’elle est à peu près proportionnelle à'sa
densité. Cependant l’intérêt de la physique et de las-
tronomie exigeoit que l’on cherchât à obtenir cet. élé-
ment délicat par des expériences directes, faites avec tout
le soin et toute l’exactitude que comportent les méthodes
actuelles d’observation. Borda ; qui avoit lui-même con
tribué puissamment à la perfection de ces méthodes
en donnant aux astronomes le cercle répétiteur, s’étoit
également proposé d’en faire cette utile application;
il avoit même consacré près d’une: année à ce travail
30/4 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE y
important ; mais la mort l’a enlevé avant qu’il Peût fini,
et l’on n’a pas même pu retrouver un seul de ses ré-
sultats. Cette perte affligeante pour les sciences le de-
vient encore davantage quand on se rappelle combien
Borda mettoit d’exactitude dans ses recherches, et à quel
degré: éminent il possédoit cette heureuse alliance de
l'observation et du calcul qui est si nécessaire dans les
déterminations exactes de la physique. C’est ce travail
que la classe, sur la proposition de M. Laplace, m’a
chargé de reprendre en l’étendant à tous les fluides aéri-
formes ; et j’ai senti en m’en chargeant que j’aurois dou-
blement à faire pour répondre à sa confiance, et rem-
placer dignement les résultats qu’elle regrettoit; mais
comme les:expériences qu’il falloit faire étoient très-
délicates, ‘très - pénibles; et extrêmement multipliées,
j'ai engagé M. Arago, secrétaire du bureau des lon-
gitudes, à s’en occuper avec moi. Nous avons fait en-
semble toutes les expériences, tous les calculs dont je
vais entretenir la classe, et par conséquent les résultats
qui s’en déduisent doivent être considérés comme nous
étant communs à tous deux. Nous devons dire aussi la
part qu'ont prise à ces résultats deux personnes dont la
participation nous: est trop honorable pour ne pas nous
en prévaloir ; ce sont les auteurs de la: Starique chimique
et de la Mécanique céleste. Le sujet de toutes nos: re-
cherches étoit indiqué dans leurs ouvrages; leur conver-
sation et leurs conseils nous ont fourni les moyens de
les suivre et de les terminer.
Dans les notes: qui accompagnent ce mémoire, mous
ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF, GAZ. 304
détaillons les procédés dont nous: nous sommes servis
Pour faire nos expériences, nous en discutons les di-
verses circonstances, nous apprécions le degré de leur +
exactitude, et nous ne nous arrêtons dans cet examen |
que lorsque les erreurs possibles sont certainement au-
dessous de toutes lés quantités appréciables dans les
observations ; ici nous nous bornerons à dire que nous
avons employé le même prisme dont s’étoit servi Borda;
et c’est tout ce qui:soit resté deses procédés , car on ne
sait même pas:comment il en faisoit usage. Ce prisme
(g.. 1) est formé par un! tube de verre très-fort ; dont les
extrémités taillées en biseau, très-obliquement sur son
axe, sont bouchées par deux plans de glaces à faces pa-
rallèles. Son angle réfringent est de 143°:7':28" sexa-
gésimales ; nous l’avoris mesuré par dla réflexion de 1x
lumière, en observant au :cercle répétiteur les angles
formés par les rayons directs et réfléchis venus d’un
même objet très-éloigné.:Ce moyen beaucoup plus exact
que tous les procédés mécaniques, nous a été suggéré
par M:: Laplace, et nous pouvons ainsi répondre de
Vangle réfringent à quelques secondes près (1). Notre
prisme, fermé hermétiquement de toutes parts, conserve
parfaitement et indéfiniment le vide; il est surmonté
par un baromètre qui communique avec son intérieur,
et qui indique la tension de l'air ou dés gaz qu’on y
introduit. Les glacés qui forment ses faces , étant tra-
väillées avec un soin extrême ; ont leurs plans à fort peu
(1) Voyez la note I > à la fin dé ce mémoire, $
1806 Premier semestre. 39
306 SUR LES AFFINITÉS DES EORPS POUR LA LUMIÈRE ,
près parallèles. Cependant les observations nous ÿ ont
fait découvrir une très-petite inclinaison, qui produit, en
général, sur le rayon lumineux, une déviation de 166.
Nous disons ; en général, parce que nous y avons trouvé
de:légères variations occasionnées peut-être par les pe-
tites coùches de vapeur ou de liquides qui s’attachoient
à la surface du verre , ou enfin par d’autres causes qu’il
ne nous a pas été possible d'apprécier. Cette quantité,
que l’on a toujours eu soin de mesurer dans chaque expé-
rience, est. extrêmement petite; comparativement à la
déviation totale qui, dans le vide, est de plus'de 6’,et le
calcul prouve qu’elle ne fait que s’ajouter constamment
aux angles observés. Pour la mesure de ces angles nous
avons fait usage d’un des cercles répétiteurs de l’Obser+
vatoire, Le prisme placé devant la lunette supérieure du
cercle, et tournant horizontalement sur lui-même ; pré-
sentoit successivement le rayon lumineux dévié des deux
côtés opposés de la mire, sur laquelle la lunette inférieure
du cercle étoit constamment dirigée à travers l’air ( fx
et 2). Cette disposition très-simple et dont nous nous
sommes démontré l’exactitude, comme on le verra dans
les notes qui accompagnent ce mémoire, permettoit de
multiplier indéfiniment l’angle du rayon lumineux avec
V’axe de la lunette , et de prendre ainsi cet angle en peu de
temps un grand nombre de fois. Nous avions choisi pour
mire l’un des paratonnerres de l'Observatoire, et nous
étions nous-mêmes placés dans une salle du palais du
sénat, à 1400 mètres de distance. A-cetéloignement, la dé-
viation du rayon lumineux dans le vide étoit si forte, que
Sd à
ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF.IGAZ. 307
le rayon passoit d’une extrémité à l’autre du fronton de
l'Observatoire. Nous avons tenu un compte très-exact des
variations du baromètre, du thermomètre et de Phygro-
mètre pendant les observations ; et cela étoit indispensa-
ble , à cause de la grande influence de l’état de l'air dans,
tous les résultats. Enfin, nous avons calculé la routé du
rayon lumineux à travers le prisme en ayant égard à la
diverse nature, ainsi qu’à la force élastique des gaz qui
agissoient sur lui, et même au défaut de parallélisme des
glaces. Nous avons développé ces formules jusqu'aux
secondes puissances des réfractions, qui vu l’extrème
délicatesse de nos procédés avoient encore un influence
très-petite , mais cependant appréciable (1). Au reste,
on sent qu'il étoit de la plus grande importance pour
nous d’avoir des instrumens parfaits, et dont la marche
fût rigoureusement comparable; à cet égard, ceux que
nous a faits M. Fortin n’ont rien laissé à désirer. Nous
devons dire que sans le secours de cet excellent artiste,
sans les soins multipliés qu’il a pris 28 nous aider à
atteindre la dernière exactitude, nous w’aurions jamais
pu terminer ces expériences : mais aussi avec la réunion
de tous ces moyens, nous croyons pouvoir nous flatter
d’avoir atteint un degré d’exactitude égal à celui des
observations astronomiques ; ce qui, dans l’état actuel
des sciences, est tout ce que l’on peut exiger.
» La première propriété des gaz, dont les physiciens
se soient occupés, c’ést leur pesanteur spécifique. Ces
in + ln A her à dog Med dt à hu
() Voyez «la note Il, à la fin de ce mémoire.
308 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE ;
pesanteurs ont eté déterminées avec soin par MM. La-
voisier, Berthollet , Fourcroy, Davy et Kirwan ; sous ce
rapport, notre re n’ajoutera rien aux rébaltats connus,
. mais il leur donnera peut-être un nouveau degré de pré-
. cision et de certitude. Nous avons pesé tous nos gaz
avec une balance très-exacte, dans un ballon où l’on
avoit épuisé l’air au moyen d’une excellente machine
pneumatique. Nous avons toujours tenu compte du
baromètre, du thermomètre et même de l’hygromètre;
car la vapeur d’eau étant moins pesante que l’air dans
le rapport de 10 à 14, lorsque leurs forces élastiques
sont égales, l’air saturé d'humidité pèse moins que Pair
sec, ce qui influe sur les poids du ballon observés dans
Vair, et par conséquent aussi sur la pesanteur spécifique
dé l'air et des gaz. La quantité de vapeur d’eau qui existe
dans l'air lorsqu’il est saturé, est donné par une formule
qui se trouve dans la Mécaique céleste, et que M.
Laplace a déduite des expériences de Saussure et de
Dalton. Il est vrai que l’air n’est pas toujours saturé
d'humidité, mais l’hygromètre indique son degré de satu-
ration ; et comme, à la température où nos pesées sont
faites , il existe des expériences de Saussure qui déter-
minent à fort peu près les rapports des quantités d’eau
vaporisées pour chaque degré de l’hygromètre, il nous
a été facile, en combinant ces résultats , d’en déduire une
formule qui donne les poids absolus des gaz tels qu’on
les auroit observés dans le vide, à la température de la
glace fondante, et sous la pression constante de 0"76.
Il est nécessaire de faire entrer dans cette formule une
ts RÉ és de
Ge ge
ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF, GAZ. 309
petite correction dépendante de la dilatation du verre
qui a ici une influence sensible, lorsqu’on pèse à une
température un peu éloignée de celle à laquelle on ra-
mène tous les résultats. Pour faire cette correction > nous
avons employé la dilatation du verre égaleà 0.0000262716
de son volume, pour chaque degré du thermomètre centi-”
grade. C’est le résultat trouvé par MM. Lavoisier et
Laplace, dans un travail sur la dilatation des corps so-
lides qui malheureusement n’a pas été publié. Enfin,
nous avons toujours eu l’attention de peser successive-
ment le ballon plein et vide d'air, en laissant entre les
deux opérations le moins d’intervalle possible, afin que la
petite couche de vapeur aqueuse qui s’attache à la sur-
face du verre restât la même dans ces deux circons-
tances; car ses variations pourroient produire un effet
irès-sensible sur les résultats. Mais aussi, en employant
toutes ces précautions, on trouve un grand accord entre
les expériences, et les résultats obtenus à différens jours,
et dans des états très-différens de l’air > S’écartent à peine
lesuns des autres de quelques milligrammes lorsqu’ils sont
ramenés à la même température et à la même pression.
Nous avons ainsi obtenu avec beaucoup d’exactitude le
poids des gaz et celui de l’air atmosphérique (1).
Nous avons aussi pesé le mercure avec les mêmes
précautions pour comparer son poids à celui de l'air;
car, de ce rapport dépendent plusieurs résultats très-
utiles, par exemple, la hauteur de Patmosphère sup-
Tr mnt pe ut nn ue
@) Voyez le tableau de: ces résultats dans la note IIL,
310 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE,
posée homogène qui est un des élémens des réfractions
astronomiques, et le coefficient de la formule qui sert
à mesurer la hauteur des montagnes par les observations
du baromètre ; mais cette détermination exacte du poids
du mercure étoit difficile, parce que les plus légères
erreurs dans l’estimation de son volume devoient avoir
une influence très-considérable. Après quelques essais,
nous nous sommes décidés à employer un petit matras
de verre ( fig. 3) dont le col étoit fort étroit , et dont
J'orifice étoit usé à l’émeri. Nous l’avons rempli de
mercure distillé qui nous avoit été donné par M. Ber-
thollet , et que nous avons versé par de petits entonnoirs
filés à la lampe, afin d’exclure plus exactement Vair
intérieur en le déplaçant lentement ; nous avons ensuite
chauffé le matras au bain de sable, et le mercure a été
tenu pendant long - temps à l’état d’ébullition, pour
chasser tout l’air qu’il pouvoit contenir, et sur-tout pour
enlever la petite couche de vapeur aqueuse, toujours
adhérente à la surface du verre. Après cette opération,
et lorsque le mercure conservoit encore une température
très-élevée , nous l’avons mis sous le récipient de la
machine pneumatique afin d’enlever les dernières par-
ticules d’air qui pouvoient ne s’être pas échappées , mais
on n’en a remarqué aucune trace. On a ensuite laissé
le matras reprendre, pendant un jour entier, la tem-
pérature extérieure en le remplissant peu à peu aveé
les mêmes précautions à mesure que le mercure se
condensoit; enfin, lorsque des thermoniètres très-
exacts, en contact avec la surface du matras, ont
ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF. GAZ, 911
prouvé que cette condition étoit remplie, on a passé
sur l’orifice une glace dépolie pour exclure tout le mer-
cure qui excédoit le volume intérieur ; et on a pesé ce
volume très-exactement. Nous avons aussi pesé le matras
rempli d’eau pure avec les mêmes précautions, après
avoir laissé cette eau dans le vide pendant vingt-quatre
heures pour exclure tout l'air qu’elle pouvoit contenir.
. D’après son poids, comparé à celui de l’eau contenue
à la même température dans le grand ballon où nous
avions pesé lair, nous avons connu le rapport de capa-
cité des deux ballons, et par conséquent le poids du
volume d’air déplacé par le plus petit, quantité qu’il a
fallu ajouter aux poids 6bservés du mercure. Nous avons
répété plusieurs fois ces diverses expériences , afin d’être
assurés de leur exactitude. Avec ces données, en
employant les observations du baromètre, du thermo-
mètre et de l’hygromètre , ainsi que la dilatation du
verre , telle que nous l’avons rapportée ; et les dilatations
de l’air et du mercure, telles qu’elles sont données par
des expériences exactes, nous avons calculé le rapport des
poids du mercure et de l’air pour la température de la
glace fondante , et la pressive 0"76. Ce rapport est 10463,
relativement à l’air parfaitement sec, et pour la latitude
de Paris. D’après les formules que M. Laplace a données
dans la Mécan. cél, on peut en déduire le coefficient ba-
rométrique , et en le rapportant au 45° degré de latitude,
on le trouve égal à 18316"6 pour l’air sec, et à 18351"8
pour lair saturé d’eau, de sorte que la moyenne qui
convient le mieux aux observations barométriques est
312 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE,
183342 (1). Ce coefficient peut se conclure aussi , d’une
manière indirecte, par des observations du baromètre
faites sur les montagnes, et comparées à des mesures
trigonométriques. Plusieurs physiciens ont tenté de l’ob-
tenir par cette méthode, etsa recherche a été long-temps
l’objet des voyages de MM. Deluc et Saussure dans les
Alpes. En combinantleursrésultats avec des observations
exactes et multipliées faites dans les Pyrénées par lui-
même, M. Ramond a porté le coefficient à 18336 mètres,
au lieu de 18334 que nous donne l’expérience immédiate,
et il a fait voir aussi qu’en l’appliquant à la formule de
M. Laplace, elle donne les hauteurs des montagnes
plus exactement que toute autre, et d’une manière ex-
trêmement approchée ,.en sorte que l’on peut regarderce
nombre comme le résultat définitif des observations du ba-
romètre. Nos expériences ne feront que le confirmer, sans
y apporter aucun changement ; car la petite différence
qui existe entre le coefficient de M. Ramond et le nôtre
ne produiroit pas la valeur d’un mètre sur la hauteur
du Chimboraço. Et si cet accord est une preuve sensible
de l’exactitude de l’observateur et de la juste critique
qu’il a mise à balancer des résultats toujours influencés
par les modifications variables de l'atmosphère, il montré”
bien aussi l’exactitude des formules de réduction dont
nous avons fait usage, et la nécessité d’y introduire
toutes les circonstances minutieuses auxquelles nous
avons eu égard; car, en négligeant une seule d’entre
(1) Voyez la note III, à la fin de ce mémoire.
<@s <
ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF. GAZ. 313
elles , on se trouveroît jeté fort loin du résultat véritable
que leur concours détermine.
Ces précautions n’auroient pas encore suffi, sinous n’a-
vions trouvé le moyen d’introduire les gaz dans le ballon
et sur-tout dans le prisme , sans y laisser entrer en même
temps de l’air atmosphérique ; et c’est ce quiest inévitable
dans le procédé ordinaire, qui consiste à visser le robinet
du ballon où l’on a fait le vide, sur le robinet du réci-
pient qui contient le gaz; car de cette manière il reste
toujours de l’air atmosphérique entre les deux robinets,
et quoique la quantité en puisse être assez petite pour
apporter peu de changement dans le poids d’un grand
volume de gaz, il en résulte toujours quelque erreur,
et l’effet en seroit certainement très-sensible sur la réfrac-
tion du gaz, à cause du peu de capacité du prisme où on
Vintroduit. Nous avons évité cet inconvénient, au moyen
d’un robinet latéral extrêèmement petit, et percé dans
la monture même du robinet du récipient. (Voyez fig. 1),
On commence par visser celui-ci au ballon ou au prisme,
après quoi on fait le vide entre les deux robinets et on
les ferme, puis on descend le récipient dans l’eau en lais-
sant échapper l'air par le petit robinet latéral ; et lorsque
‘tout l’air est exclu, on le ferme. On passe ensuite le gaz
sous le récipient comme à l’ordinaire ; et en ouvrant suc-.
cessivementles deuxrobinetsils’introduitentreeux etdans
l’intérieur du ballon ou du prisme , sans aucun mélange
d’air atmosphérique, Sinous entrons dans tout ce détail,
c’est pour montrer que nous n’avons négligé rien de ce
qui nous paroissoit pouvoir ajouter à l’exactitude.
1806. Premier semestre. 49
314 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE ÿ
Connoissant les pesanteurs spécifiques de nos gaz et
les réfractions qu’ils exercent sur la lumière, nous avons
conclu par le calcul leur pouvoir réfringent, comparé à
celui de l’air atmosphérique. Ce que lon entend ici par
pouvoir réfringent, n’est pas simplement la déviation pro-
duite sur le rayon lumineux; ce n’est pas non plus l’angle
qui mesure cette déviation, mais c’est l’accroissement
total du carré de la vitesse ou de la force vive de la Iu-
mière après avoir éprouvé toute l’action du corps trans-
parent. Si la fonction de la distance qui exprime l’action
des corps sur la lumière étoit de même forme pour tous;
et ne différoit relativement à chacun d’eux que par le
produit de leur densité, et d’un coefficient constant dé-
pendant de leur nature, la quantité que l’on appelle
pouvoir réfringent d’un corps seroit proportionnelle à Pin-
tensité de sa force attractive pour la lumière ; mais dans
tous les cas, c’est la somme de toutes les actions exercées
par le corps , multipliées par l’élément de l’espace et par
la densité. Ces notions exactes et rigoureuses sont con-
formes aux principes donnés par Newton, et par lau-
teur de la Mécanique céleste ; il nous a paru nécessaire
de le rappeler, car ne n’est qu’en attachant aux choses
des idées précises que l’on peut les employer, et suivre
avec sûreté les conséquences qui s’en déduisent.
: En appliquant ces principes à nos expériences , nous
avons connu le pouvoir réfringent des différens fluides
aériformes. Vofîci les tableaux de nos résultats: |
15
«ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF. GAZ, 319
hd Co PE ect a f , “. Là
PREMIER TABLEA CU.
Observations du vide, et valeurs qui enrésultentpour l’accrois-
ement.du.carré de.la..vitesse de la.lumière en entrant du
vide dans Fa MY PYEE la tri céleste, ( LV p. 246 )
|
.w sas
i !
u ndéntit La F = |Déviation Le
Bsnom. |'Taenmom.| Ten. 5 corrigée du coeñlicient
de g fs du défaut 2k k
+ | extérieur: Pair. & ae ÿ de 1€ a Yi
> & | ; Ë prisme parallél. |
" LE
Ù li Bfrim, té was 4-10:
24. + |0-7676 +115 Hiz.ol. … 0-0076|, 20
26. - l0.7664 |— 1.2 [+ 0-0|B1-0lo.0050| 20 |6
29 . + [0.7563 |— 2.75,— 1:5/91-0|0-0020| 30
19 fév. lo: :76095+ 5-0 |<+-6:3|83-0l0+0115| 14
120 .,. -9 |+°6:0|82-0lo-0110| 10
: 4ol : ..lo-0030|..22
61.10.7675 +, 3.5} 8-0|0-0025| 20
7. [0-7660 + 6.0 +" 5:5/78-0[0-0210| 30,
0295499 ||
su BR Re Ï
4-710-000293984
6 2:4|0:000295285
$ 53-0l0-000296777*
49-6 RS
|
Moyenne de toutes ces observations, . .« . . . . . —
Moyenne, si on néglige les observations du 19 février
et du 6 mars, qui ra: nent trop des autres , et sur
=. lesquelles on a d’ailléurs des doutes fondés . . : . :
a | La 1: ur de ce coefficient, que M: Delambr e À déduite,de
F ou six!cents observations d'étoiles fn ompolaires. — —0-0002940470 :
La ne entre cette quantité et. la seconde de nos
moyennes, que nous avons Hope CE. . —|0-0000005386|}
Et la réfraction à la hauteur du pôle, à Paris, calculée -
par ie ou par. l’autre Enr Ine Hérnnt ds au. les entre e elles
2dentes du coefficient 2 «Y, ne pro Rice. au du A qua upe Hifféron ère |
“de 06 sur la ns du pôle à Paris, et pour la pere partie de ||
ces valeurs la différence est beaucoup: moikdre , et ne s'élève tout au plus
À qu’ ’à deux ou trois dixièmes de seconde. Au _reste, notre coefficient est ||]
encore confirmé de la anière la plus sûre par les pbservations faites à
‘diverses densités. Voyez le tableau dela page 323. |
. 2, L'observation du 6-mdrs.a été calculée, ainsi que toutes les au ges avec | une. ||
-dévi tion — 16#6; cependant ce jour-là, quoiqué le ciel für très-beau, déviation
M rl très-vaporeux; sa a pu prendre langle que quatôrze - foi.
es faces < a paru un peu plus forte qu'à l'ordinai FOR PORN" ©
316 sUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE,
SECOND:TABLE AU.
Observations sur la réfraction des différens gaz.
Jours Baromètre | Tazrmom. | 'l'emrénar. | Banow. © Tasrm.
e du barom. du barom.
l’observ. intérieur. intérieur. du gar. extérieur. | extérieur.
Oxigène. ;
| D. D. D.
+ #5|+ ae |b:7685 — 6.:0|— 6.0|88.0
0-7640
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0-7482
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pit 206 6 # 206 00175 LE 20.0 + 20.6/...+
| 0-7426
Azote.
26 jauve| 07386 |+ 11.5|+ 6:3/0:7388 |+ 6.0|+ 7-4|90:5
Hydrogène.
0-0930 [+ o-0|+ 0:0/0:7665 |— 2.0] — o:0|62-0
o+7540 [+ 7:54 2-0 07652 |— 3.8] — 2.4|84.0
Ammoniaque.
+ 23-0/0.7566 |+ 23.-0}+ 23.0
+ 23.00.7566 |+ 23.0] + 23.0
-0]+ 22-0/0-7546 |+ 22.0] + 22.0
+ 19:70: 7606 + 19-2 + 19-7 |:
7 nive.| 0:+7645 |+ we 6.0|0:7635 |+ 10-0|+ 10-0/93-0
0.7540 | + 7.5 + 2.0 0.756 + 1:0|+ o0-0|89-0
ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF. GAZ. 517
hit "SECOND TABLÉAU.
Observations sur la réfraction des différens gaz.
Dé Vazeur .
nee | ar ondes Raptor, nes
no corcigée 4# colut de l'es OBSERV ‘ .
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30 |+—o18.8|+ sg 6 RENÉ EERN 1-03526
Hydrogène: |
20 — 2 51. 4 V7 16-6|0 0-000286670 6-64582 . Observations combinées
ses. Jo-000285540 |6.61953. A SE een de
+ 16:6/0.000285788 |6-62529.. | . la déviation des faces.
+ 16-6|[o+oc0283263 |6.56680 |
Ammoniaque.
-6[0-000758085 |2.15639 |
0-000763052 |2-17051 . } Observations Fu 26 et
wi 2 663 ALES du 27, combinées in-
020067989117 7909, « dépendamméent de la
0-n000763825 |2-.17271. déviation des faces.
9-c00760469 |2-16317
318 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE,
Taxnmow.
du barom,
inlérieur,
Jours BaroMÈTRE
de
l'observat,
Tzewmpénar. | Barow.
intérieur. | du gaz. extérieur,
Acide RE
M.
0-7381
0-7530
0°0175
0-7355
0-4890
O° 0197
0*469à
-0-8033
0-0175
D.
r3[x pate
0-7616
0*0175,
(27 janv pes: 10° 7 +
juin «
FETE
+
... OCEEEERS ECCELCEES ELLES
0.706058
06197.
|
|
juill. ee
22.0 Dore 22+0
; ù NS CON
+ 20.0|+ 20:0/7°0175
0-7443
- Gaz hydrogène carburé.
CE 7547
0.7531
0.7500 Ne 4312 + 1320
o+7472
123 mars.
fr: + 12-5|+ 13.5
|
tr +0] + 200
,
Tan,
du barom.|
extérieur.
l'an.
de
l'air.
s
+ Ya .9 + “e © s 5
= 20-0 + 20 + "0...
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+ 22.0|+ 22-0|--
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sole EEE ….
+ 20-0|—+- 20-:0
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+ 13.5
81.0
+ 12.5 85.0|
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ET'SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF. GAZ, 839
CU T7 D NÉ»
Lu { 4 | n r”;
SMS DErértox 4 Dérrarron - Verux (2 Phudogt 2 4.1
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2 igé d RO ü S.
à a ë FPE pes, k cohdideslens OBSERVATION
S°rm |, défau ées Lex ete LI d nt 14
ns de parallélimme: ester aleol. 72 £ Ce
25) t 3
Acide carbonique.
; y 8. || | |
10 |+ 3 13.6 + 16-6|0-000890291 | 0-99439
10 +3 8:6 non obs/ lies sc 06 sols » DEEE
j AUS \ { * f Observations combinées
sosdlevedeees | sers |0e0009011884| 1-00658 indépendamment dél}-
1 üp} é la déviation des faces.
20 +o 7.5 on Ve) or 1 de PARA Pt EE ASS 2 : : 4 i
)
14 | 3 45.0|+ 21-7|0-000901408 | 1-00680
ér ? Observations comhinées
Tanselansasses |... |0-:0008 85 1-:00274 indépendamment _de
l ; 977 #2 la déviation des faces.
| 16 |—: 42.0|+ 21°7 0-000907195 101327
|
Gaz hydrogène carbure.
pion ,eà 10 SAS { ;
20 4 300 + 16:6|0-0007036686 | 2:09270 ” 1
»20 | +0 37.6 Le 16.6. 000065302996 1 -81869 ;} Plus carburt quele préeéd
STI) Ne SEL 15 HD. TF4
_ Nota: La valeur, de res p. donnée, dans Pavant. - dernière colonne, est
Vaccroissement total du carré de la vitesse de la lumière après avoir passé
du: vidé ‘dans lé gaz, et lorsqu'elle 4 subi toute son action. (Voyez Ia
Mécanique céleste, t. IV). Les nombres placés dans:la seconde colonne et
dans la Cinquième au-dessous des hauteurs baromé riques ; indiquent la
tension de la (yapeur d’eau qu’il faut retrancher de ces hauteurs! parce qué la .
vapeur d'eau réfracte a fort peu près comme de l'air atmosphérique à force élas-
tique égale. Quand aux remarques rapportées dans la dernière colonne , voyez
la note deuxième à la fin du mémoire.
.
320 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE,
TROISIÈME TABLEAU.
Pouvoirs réfringens des gaz pour la température o et la
pression 0"76, déduits de l’ensemble des observations.
DexsiTÉ DU GAZ, Vazeun Pouvorns
de réfringens des. gaz
NATURE DU GAZ. 4k par rapport
l'air atmosphérique — p. à Jour densité,
étant l’unité. 2 celui de l’airétant 1
\Air atmosphérique . 100000 0-0005891712 1-00000
1Oxigèneis se » + + ! 1-10359 0-000560204 086161,
lAgotesbaismèlrt . 0-000590436 1.03408
Hydrogène. « . . . x __ | o-000285315 6.61436
|Ammoniaque . + « + . -59669 0-000762349 2.160851
Acide carbonique . - . . 0-:000899573 1:00476
(Hydrogène carburé . . +5; 0:000703669 209270
Hydrogène plus carburé j
que le précédent. « . . 0-000630300 1-8:1860
Toutes les densités rapportées dans ce tableau sont celles qui résultent
de nos propres expériences.
L’oxigène est de tous les fluides, et même de tous
les corps de la nature jusqu’à présent observés, celui
qui réfracte le moins. L’hydrogène est celui qui réfracte
le plus. Son pouvoir réfractif est six fois et demi aussi
grand que celui de l’air atmosphérique. Cette propriété
de l’hydrogène avoit été prévue par M. Laplace et an-
noncée par lui dans un mémoire imprimé. Nous revien-
drons sur ce sujet quand nous passerons aux considé-
rations chimiques. Les pouvoirs réfringens des autres
gaz sont intermédiaires entre ceux de l'hydrogène et de
oxygène. (
ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF, GAZ. 321
Nous venons de dire comment nous avons obtenu le
pouvoir réfringent de l’air et des autres gaz, pour la
température de la glace fondante et la pression de 0"76.
Avec ces données, et si l’on suppose que le pouvoir
réfringent d’un même gaz est toujours proportionnel à
sa densité , c’est une simple recherche de calcul que
de trouver la déviation du rayon lumineux pour un
gaz pris à une pression et à une température données.
La déviation ainsi calculée doit nécessairement différer
de celle que l’on observe immédiatement, à cause du
défaut de parallélisme des glaces ; mais si la proportion-
nalité dont il s’agit est exacte , la différence doit être
égale à l'effet de cette déviation : or cet effet peut être
mesuré directement , comme nous l’avons dit plus haut;
sa valeur indiquera donc la différence constante qui doit
exister entre les déviations calculées et observées. En sui-
vant cette méthode , nous avons pu examiner avec beau-
coup de soin la force réfringente de l’air et des gaz à
diverses densités. Notre appareil nous offroit sur-tout
une grande facilité pour faire cette expérience sur l’air
atmosphérique. On faisoit d’abord le vide dans le
prisme, et on observoit la réfraction; puis on laissoit
rentrer une petite quantité d’air dont la tension se trou-
voit indiquée par le baromètre intérieur, et l’on obser-
voit de nouveau, par le cercle répétiteur, la déviation
du rayon lumineux. Cela fait, on laissoit encore ren-
trer une nouvelle quantité d’air; on observoit une troi-
sième fois, et ainsi de suite, jusqu’à ce que l’air inté-
rieur eût atteint le même degré de tension que l’air dé
1806. Premier semestre, 4:
322 SUR LES AFFINITÉS DÉS CORPS POUR LA LUMIÈRE KL
l'atmosphère : alors, laissant le prisme ouvert , on mesu-
roit la réfraction, qui, n’étant plus produite que par le
défaut du parallélisme des glaces, faisoit connoître l’in-
fluence qu’il falloit lui attribuer. C’est aïnsi que, dans
l'expérience rapportée au tableau suivant, nous avons
trouvé cette correction égale à 166. En procédant de
cette manière, et notant toujours l’état du baromètre,
du thermomètre, et de l’hygromètre , nous avons trouvé
que , depuis Je vide le plus parfait jusqu’au degré or-
dinaire de pression de l’atmosphère, la réfraction d’un
même gaz quelconque est toujours rigoureusement pro-
portionnelle à sa densité, sans que cette règle ait besoin
de la plus légère modification. Voici le tableau de ces
résultats :
ervations sur La réfraction de l'air à diverses densités.
Obs £ la ré tion de 1 À d té.
Déviation Déviarion
TonRs : observée 3 calculée
Ft ROM. s ë | affectée d’après
Lobceirat extérieur. barom. |intérieur.| barom. é le FARPORE
AAVCSTAES extérieur. jintérieur. | des
e
parallélisme. densités,
QE
n
. D. M. D.
-+10:7662 + 4+5|0-0050 + 5-0| 10
+ . [o- 7660! + 5-0 0-0210 + 6-0;
o+ 7658 + 5.0|0-1200 + 6. ol
07551 | 428 0.245 + 4.8
+ 7654| + 5. 010. 2830|+ 6-0
0:7548 + 4.8 10-4055 5.4
- (0-7654/+ 5.0 0. 5260 + 6-o|
- 0.7545 + 4.8 0.6130 + 4-8
CH Héros CE “Boop 4 se) o!
5 4
5 3
4 4
34
3 2
1 3
0 4
o 3
FR ON 0 © Qu
+
Toutes ces observations sont calculées d’après le pouvoir réfringent
de l’air déduit de nos expériences. Voyez la note II.
| ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF. GAZ. 323
Observations sur la réfraction des gaz à diverses
densités.
- DévrATION Drrrér
Ten. THERM. Déviar
Jouns BaroM. du Barom. du TER. CRÉRNRE Dévrarion des
extér. | barom. | intér. | barom. [de L’air.| "9° calculée. faces
du défaut (ET
extér- intér.
o
déviat.
des faces
de parallé]. calculée.
de
l'observ.
Oxigène.
Ds 2.
29 frim.. IE M) La 1.8] —
25 juin. .|0.76o1|+ 20.0|0.4260 |+ 20.6|+ 20.6|—
0.0175 0.0175
0.7426 CA 9.4105
Azote.
1 nivose. e-p50|+ 4-fo-o5 + 5.o]+ ,5.0[— 4 ma} 5 o.1[+ Le 16.6
Hydrogène.
25 im res z.fon(+ 0.0]+ 0,.0|[— 5 29,0|— 5 sa}+ «60 16.6
Pour ces gaz et pour ceux qui ne sont pas mentionnés dans ce tableau,
recourez au tableau général des pouvoirs réfringens, où la combinaison
des observations faites à diverses densités donne les mêmes pouvoirs
réfringens que l’observation directe,
Les résultats de ces observations sont tels qu’une quel-
_conque d’entre elles donneroit le pouvoir réfringent de
Vair et des gaz aussi exactement que celles qui ont été
faites avec le vide le plus parfait, Nous pouvons donc
324 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE,
en conclure avec certitude, comme nous venons de le
faire, que la force réfringente de l’air et des gaz, depuis
la plus grande raréfaction jusqu’à la pression ordinaire
de l’atmosphère, est, pour un même gaz, rigoureu-
sement proportionnelle à la densité, lorsque la tempéra-
ture est constante ; nous avons mème condensé l’air dans
notre prisme jusqu’à 0"60o pour obtenir des densités plus
fortes, et nous avons observé à de hautes températures
pour voir si-le même rapport y subsiste ; nous n’avons
pas pu y apercevoir la différence la plus légère.
Ilne nous a pas paru que l’état de l’hygromètre eût une
influence appréciable sur la force réfringente de Pair,
du moins dans les températures où nous avons ob-
servé, et qui s'étendent depuis o jusqu’à 25° ou 30° du
thermomètre centigrade. Pour éclaircir ce point impor-
tant, nous avons introduit à dessein de la vapeur
d’eau dans notre prisme , en mesurant sa force élas-
tique, comme celle d’un gaz , par le moyen du baro-
mètre intérieur, et nous avons observé sa réfraction.
D’autres fois nous avons fait le vide sec dans notre
prisme, avec des alkalis , et nous l’avons tenu dans
cet état pendant plusieurs semaines , avec une tension
moindre de o"oo2 , même dans des jours chauds et plu-
vieux, où l’air étoit saturé d'humidité, et nous avons
observé la réfraction entre les courts intervalles des
ondées consécutives ; toujours elle a été sensiblement
la même que si toute la tension extérieure et intérieure
eût été produite par de l’air atmosphérique. Le calcul
fait dans cette supposition avec notre coefficient ne
ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF. GAZ. 324
- s’est jamais écarté de l’observation que de quantités
si petites, qu’il est naturel de les attribuer aux erreurs
des observations mêmes, ou du moins la différence ,
s’il y en a une réelle, ne pourroit être déterminée que
par des, expériences très-multipliées ; car elle n’a jamais
excédé 3" dans les circonstances les plus favorables ,
et 3" dans notre prisme ne feroient que 0'5 sur la ré-
fraction à 45° de hauteur. Nous croyons donc pou-
voir conclure que la force réfringente de la vapeur
d’eau doit être très-peu différente dé celle de l’air, ainsi
que M. Laplace l’a fait voir dans le quatrième volume
.de la Mécanique céleste, d’après la considération du
pouvoir réfringent de l’eau liquide. On verra plus bas
des expériences qui rendent cette supposition extrême-
ment probable , et qui du moins permettent de l’em-
ployer comme tout-à-fait exacte dans le calcul des obser-
vations astronomiques ; en conséquence nous en avons
fait usage, lorsque cela a été nécessaire, pour corriger
les réfractions de nos gaz de celle de la vapeur d’eau
qui s’y trouvoit mêlée à l’état hygrométrique (1).
Dans le calcul des résultats que nous venons d’exposer,
il a toujours fallu réduire nos gaz à une même pression
et à une même température; pour cela, nous avons fait
usage de cette belle loi donnée par Gay Lussac , que la
dilatation est la même pour tous les gaz par des accrois-
semens égaux de chaleur, et qu’elle est égale à 0.003745
a ———————.—— ——_——
(1) Relativement à la manière de faire cette correction, voyez la note II,
à la fin du mémoire.
326 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈREz; |
de leur volume pour chaque degré du thermomètre cen-
tigrade. Ce nombre a été déterminé par Gay Lussac au
moyen de vingt-cinq expériences qui n’ont pas différé
sensiblement les unes des autres, et qui étoient faites
avec des tubes parfaitement secs et parfaitement calibrés.
Il a fallu sans doute beaucoup de soins et des essais
multipliés pour arriver à ce degré de précision; mais
aussi ce résultat est un des plus utiles de la physique.
Il sert à chaque instant aux chimistes et aux astro-
nomes pour réduire leurs observations. Nous croyons
qu’en y joignant les pesanteurs spécifiques des gaz et
leurs pouvoirs réfringens, tels que nous les donnons dans
ce mémoire , on aura une connoissance exacte et assez
complette de toutes les propriétés physiques des fluides
aériformes.
Après avoir fait connoître les procédés qui nous ont
servi dans nos expériences, et les résultats physiques
qui s’en déduisent, nous allons pénétrer un peu plus
avant dans leurs conséquences, et essayer de déve-
lopper les rapports par lesquels ils peuvent intéresser
la chimie.
On sait par quelle heureuse analogie Newton, en ob-
servant la grande force réfringente de l’eau et du dia-
mant , fut conduit à y soupçonner la présence d’un ‘prin-
cipe combustible, supposition que la chimie moderne a
depuis confirmée. L’induction qui guidoit ce grand
homme dans cette circonstance, étoit beaucoup plus
sûre et plus profonde qu’elle ne le paroît au premier
coup-d’œil; car, l’action des corps sur la lumière ne
! æT SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF. GAZ. 327
s’exerçant d’üné manière sensible qu’à de'très-petites
distances , l'intensité de cette action est nécessairement
liée à la nature des particules des corps et à leur arran-
gement , c’est-à-dire à leurs propriétés les plus intimes ;
de sorte que le physicien qui observe les pouvoirs ré-
fringens des substances pour les comparer entre eux, agit
absolument comme le chimiste qui présente successive-
ment une mème basé à tous les acides, ou un même
acide à tous les alcalis, pour déterminer leurs forces
respectives et leur degré de saturation. Dans nos ex-
périences, la substance que nous présentons à tous les
corps est la lumière, et nous évaluons l’action qu’ils
exercent sur elle par leur pouvoir réfringent, c’est-à-dire
par l’accroissement de force vive que l’action de leurs
particules tend à lui imprimer.
Il ya même ici un avantage particulier qui ne se
- rencontre au même degré dans aucune autre expérience
chimique : c’est l’intensité presque inconcevable de l’ac-
tion des corps sur la lumière , intensité qui va quelque-
fois jusqu’à lui imprimer en un instant infiniment petit
une vîtesse double de celle qu’elle a dans l’espace, et
qui au moips la modifie toujours d’une manière sensible,
même dans les corps dont la force réfringente est la plus
foible. Pour apprécier cet effet il suffit de considérer
le rapport du sinus d’incidence au sinus de réfraction,
car ce rapport indique la vitesse de la lumière mo-
difiée par le corps transparent, lorsque l’on prend
pour unité la valeur de cette vitesse dans le vide.
Ainsi dans le diamant, où ce rapport surpasse 2, la
328 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE
vîtesse de la lumière devient deux fois plus grande,
c’est-à-dire qu’elle éprouve un accroissement de plus de
soixante-dix mille lieues par seconde; et cet accroisse-
ment qui ne subsiste que pendant un instant indivisible,
est pareillement acquis et perdu dans un intervalle de
temps infiniment petit; car l’effet de la réfraction se
produit seulement près de la surface , dans une couche
dont l’épaisseur est insensible. Dès que la lumière a
pénétré plus avant dans le corps, Paction des couches qui
sont devant elles et qui l’attirent, est contre-balancée
et détruite par l’action des couches qu’elle a traversées,
et qui la retiennent avec une force égale ; ce qui produit
l’'uniformité de son mouvement, uniformité qui n’est
troublée qu’à Pentrée et à la sortie des corps.
Ainsi, la diversité des vitesses imprimées à la lumière,
indiquée par la différence des pouvoirs réfringens , offre
une série très-étendue où tous les corps peuvent se ran-
ger à de grands intervalles , et qui peut par conséquent
servir soit pour distinguer et caractériser leur nature,
soit pour suivre en quelque façon leurs traces, et recon-
noître leur présence dans les combinaisons.
Par exemple , ayant reconnu par nos expériences l’ac-
tion puissante de l’hydrogène sur la lumière, nous
voyons que c’est la présence de ce principe dans Peau,
dans les gommes, dans les huiles, et dans les autres
substances inflammables , qui leur donne cette grande
force réfringente que Newton avoit si bien observée. Cette
influence de l'hydrogène se retrouve éminemment dans
l’ammoniaque, qui est composée d'hydrogène et d’azote.
ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF. GAZ. 329
Le pouvoir réfringent de ce gaz est double de celui de
l’air et surpasse celui de l’eau.
Mais allons plus loin ; puisque chaque substance paroît
porter dans ses combinaisons le caractère qui lui est
propre, et même y conserver jusqu’à un certain point
le degré de force avec lequel elle agissoit sur la lumière,
essayons de calculer, sous ce point de vue, l’influence
des principes constituans qui entrent dans un mélange
ou dans une combinaison donnée.
Si nous tentions de découvrir ces rapports pour toute
autre substance que la lumière, nous serions bientôt
arrêtés par des obstacles invincibles qui naîtroient de la
combinaison même, et du degré de condensation des
principes constituans ; car, bien que l’action chimique
ne s’exerce qu’à de très-petites distances, ces distances
sont cependant comparables entre elles; ainsi Péloigne-
ment plus ou moins grand des dt ne peut man-
quer de faire varier son intensité. Ces variations, encore
modifiées par. la figure. des particules, doivent com-
pliquer extrêmement les rapports des composés avec
leurs principes, et sans pouvoir en calculer les effets,
on voit bien que c’est pour cela que les uns et les autres
n’ont pas les mêmes propriétés : mais, s’il est permis de
raisonner ici pour un moment dans le système de l’émis-
sion de la lumière , cette influence de la condensation
doit être beaucoup moindre dans les actions que les
corps exercent sur elle, à cause de la ténuité des par-
ticules Jumineuses ; et leur petitesse extrême, par rap+
port aux distances qui séparent les molécules des corps,
1806. Premier semestre. 42
330 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE,
doit rendre moins sensibles sur elles de foibles degrés
de condensation. Par conséquent les pouvoirs réfringens
des corps doivent différer très-peu de ceux des principes
qui les composent, à moins que ces principes n’aient
éprouvé des condensations très-considérables.
Et comme toutes les forces attractives sont propor-
tionnelles aux masses, en multipliant le pouvoir réfrin-
gent de chaque principe, par la quantité pondérale de
ce principe qui entre dans la combinaison, la somme
de ces résultats donnera le pouvoir réfringent du com-
posé (1).
G) Soit P le pouvoir réfringent du composé, P' P” P"..... ceux de ses
rincipes, Z Z’+-...' les quantités pondérales de chacun d’eux qui entrent
PES ; q P :
dans la AD ee on aura les deux équations suivantes :
Ports P'x" + p" THE ses — P
z'+ zx” A Bees ANT
Ces équations donneront deux des quantités qu’elles renferment, quand
toutes les autres seront connues. Par exemple, s’il n’y a que deux principes
et que l’on connoisse P', P” et P, on connoîtra leurs proportions ; car on
aura alors
Pr + Pr = r) =?
d’où ,
C'est le rapport des principes constituans à la masse totale. De même, on
peut au moyen de la formule précédente , déterminer le pouvoir réfringent
de l’&ir atmosphérique d’après les proportions de. $es principes constituans.
En effet, on sait que l’air atmosphérique contient 0.21 d’oxigène en volume,
le reste étant un mélange d’azote, d’acide carbonique , et peut-être de quel-
ques autres gaz dans des proportions très-petites, mais qui ne sont pas encore
bien connues: Pour plus de simplicité, nous n’aurons égard qu’àvl’azote et
à l'acide carbonique, et noustsupposerons 0.784 du premier , et 0.006 du
ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF. GAZ. 331
Cette loi est très-bien confirmée par les phénomènes,
et jusques dans ses écarts mêmes, si toutefois ils ne
sont pas dus'aux erreurs des expériences, elle s’accorde
avec les considérations que nous venons d’exposer.
Quand il n’y a qu’un simple mélange sans combi-
naison intime , le pouvoir réfringent observé estexacte-
ment égal à celui que le calcul donne, d’après la natureet
second; ces quantités étant toujours comptées en volumes. Nous adoptons
ces proportions parce qu’elles accordent les densités que nous avons trouvées
par nos expériences. En effet, en. multipliant respectivement ces densités par
les nombres précédens , on trouve qu’un volume d’air atmosphérique contient
en poids ji |
Oxigène . + «ee + + ++ + 0°231755
Azote . + + +1 à lee + + + + +. O°759797
Acide carbonique . . . . . . . . 0.009118
1-000670
De sorte que l'erreur qui en résulte est extrèmement petite. Maintenant
si l’on multiplie chacune. de ces quantités par le pouvoir réfringent qui
lui correspond , on trouvera pour
L'oxigène.. , . . . . . . + . . 0199682
L’azote. . . . . . « . . . . . . 0.786238
L’acide carbonique... , . . , . . 0-009157
P)—Ne: 995077
La somme de ces nombres exprime le pouvoir réfringent de l'air atmos-
phérique déduit de ses principes constituans : elle devroit se trouver égale
à l’unité pour être parfaitement exacte. L’erreur est donc égale à 0.004923 ,
ou environ 5 millièmes de la valeur totale; elle ne produiroit pas 0”3 sur
la hauteur du pôle à Paris, et cette différence peut provenir des erreurs
presque inévitables des expériences, car le résultat précédent dépendant de
la pesanteur spécifique des gaz, de leur pureté, et des réfractions qu’ils pro-
duïsent , se trouve lié à un grand nombre d'opérations où les erreurs peuvent
s’accumuler. ‘ n
332 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE ,
les proportions des principes constituans; ainsi la réfrac-
tion de l’air atmosphérique est exactement celle que
doit produire un mélange de 0.21 d’oxigène en volume,
avec 0.784 d’azote et 0.006 d’acide carbonique. En cal-
culant cette réfraction d’après la quantité de ces prin-
cipes , on l’obtient aussi exactement que par l’observa-
tion directe.
Cette loi se maintient encore, et s’étend avec la
même précision , relativement aux combinaisons dans
lesquelles la condensation n’est pas très-forte ; dans le
gaz ammoniaque, par exemple, les principes constituans,
qui sont l’azote et l’hydrogène, ne sont réduits qu’à la
moitié de leur volume total par l’effet de la condensa-
tion (1). La réfraction observée de ce gaz est exac-
tement celle qui convient à un mélange de 0.797 d’azote
en poids, et de 0.203 d'hydrogène. Les expériences très-
(G) Le poids du gaz ammoniaque contenu dans le ballon à zéro
de température, et sous la pression 0"76, est... . . . . .. 4232794
En prenant un cinquième de ce poids on aura le poids de
l'hydrogène que contient ce volume, ou. . . . , « . . . .. o°86559
Et les quatre cinquièmes restans sont le poids de l’azote . . . 3246235
4532794
En divisant chacun de ces poids par celui du ballon plein du même gaz,
on aura le volume que chacun d’eux occuperoit s’il n’étoit pas combiné. On
aura ainsi É
: __ 0.86559 12 c
Volume de l'hydrogène — EE Le 6300
3.4623
Volume dé luzoter MEN , 0-4926
70292
Donc les deux gaz qui, combinés dans l’ammoniaque, ne forment qu’un vo-
lume égal à l'unité, avoient auparavant un volume — 1.6300 -+ 0.4926
= 2.1226, c’est-à-dire un peu plus que double,
ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF. GAZ. 333
exactes de M. Berthollet , répétées depuis par M. Davy
avec sa précision ordinaire , ont donné + ou 0.200 d’hy-
drogène. La différence 0.003 est extrèmement petite,
ettout-à-fait dans les limites des erreurs des expériences ;
car on connoît à peine la composition de l’air atmos-
phérique avec ce degré de précision (1). Peut-être même
cette différence doit-elle être entièrement attribuée à la
grande difficulté d’obtenir le gaz hydrogène parfaitement
pur, et de connoître son pouvoir réfringent avec la
la dernière exactitude ; mais on n’en voit pas moins par
cet exemple, que si la composition de l’ammoniaque eût
été ignorée, et que l’on eût seulement connu la nature
de ses principes, on auroit pu, au moyen des pouvoirs
réfringens , déterminer leurs rapports aussi-bien que par
l'analyse chimique; et le parfäit accord de ces résultats
obtenus par des moyens si différens , montre bien que
la loi que nous examinons, ne s’écarte pas beaucoup de
la vérité.
Cette loi se maintient encore par rapport à une com-
binaison beaucoup plus forte, beaucoup plus intime, qui
est l’eau; mais, d’après les expériences de Newton sur
la force réfringente de ce liquide , expériences que nous
avons vérifiées, il paroïît qu’elle y éprouve une légère
(1) Ce résultat est calculé par la formule de la page précédente. On a ici
P — 2:16851; P'— 6.61436; P” — 1.03408
Et comme il n’y a que deux principes constituans , la quantité pondérale du
gaz hydrogène est
334 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE ,
altération , occasionnée peut-être par la grande conden-
sation des principes constituans. La force réfringente
de l’eau, calculée d’après les proportions données par
Humboldt et Gay Lussac, dans leur excellent Aémoire
sur Peudiométrie, est 1.5749, celle de l’air atmosphé-
rique étant 1: suivant Newton, et suivant nos propres
expériences, elle seroit 1.7225, par conséquent plus forte
que la précédente , environ de la neuvième partie de
sa valeur totale. Tel seroit donc aussi l’accroissement
produit par la condensation dans la force réfringente,
et si la différence qui se trouve entre l’expérience et le
calcul est réellement due à cette cause , bien loin d’en
être surpris, on devroit plutôt s'étonner qu’elle ne soit
pas plus considérable, quand on songe à l’énorme
condensation que l’hydrogène et l’oxigène éprouvent
lorsqu’ils sont ainsi combinés. L'accord qui règne, à cet
égard , entre le calcul et l’expérience , montre donc
encore avec plus d’évidence l'influence mesurable des
principes constituans des corps sur les pouvoirs réfrin-
gens de leurs composés (1).
à) Ce résultat est encore calculé par la même formule qui nous a servi
pour l’ammoniaque. Les expériences de Humboldt et de Gay Lussac donnent
pour la composition de l’eau deux parties d'hydrogène et une d’oxigène en
volume. D’après cette proportion et le poids des deux gaz tels que nous les
avons rapportés, on peut aisément conclure qu’un poids d’eau égal à 1 est
composé ainsi qu'il suit:
Hydrogène . CAS NERO n7194
Oxigène.l..-) US Re. 101. 4-100082050
En multipliant la première de ces deux quantités par 6.61436, pouvoir
ET SUR LES FORGES RÉFRINGENTES DES DIFF. GAZ. 335
Ces résultats confirment une supposition adoptée par
l’auteur de la Mécanique céleste, dans sa théorie des
réfractions atmosphériques, c’est que le pouvoir réfrin-
gent de la vapeur d’eau est le même que celui de Peau
liquide. En effet, nous venons de voir que le pouvoir
réfringent de l’eau diffère très-peu de celui qui résulte
de ses principes constituans , dans la proportion où ils
s’y trouvent combinés : or, puisque dans le passage
d’un de ces états extrèmes à l’autre, la force réfrin-
gente n’éprouve qu’une variation peu considérable, elle
en doit éprouver une bien moindre encore dans Je
passage de Pétat liquide à l’état de vapeur, qui for-
ment deux termes infiniment plus rapprochés ; on peut
donc supposer le pouvoir réfringent de l’eau égal à
celui de la vapeur, et alors, pour calculer lés réfrac-
réfringent de l’hydrogène , la seconde par 0.86161; pouvoir réfringent de
l’oxigène, on trouve pour résultats les nombres 0.77490 eto.76077, qui, étant
ajoutés, donnent 1.53567 pour le pape réfringent de l’eau, calculé d’après
ses principes constituans.
Suivant Newton , Optique , livre IT, lorsque la lumière passé du vide dans
5 OR. F . À 529 :
l’eau, le rapport du sinus d'incidence au sinus de réfraction est : et
9
cette valeur est très-exacte, comme nous nous en sommes assurés par l’ex-
érience, En quarrant ce rapport et retranchant l’unité du résultat, on aura
a oi de la force vive de la lumière , qui sera ©.78451 ; il ne reste
. plus qu’à diviser ce nombre par la densité de l’eau à zéro, qui est 773,
celle de l'air étant 1, et par la force réfringente de l'air qui est, selon nos
expériences, 0.0005891712, et à laquelle nous comparons toutes les autres.
o.78451
On aura ainsi ou 1.7225 pour la force réfringente de
7730.00058y1712 à
Veau, conclue de l'observation directe. Généralement pour comparer les
résultats de Newton aux nôtres, il faut les calculer comme le précédent,
336 suR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE;
tions que cette dernière doit produire , il suffit d’avoir
égard à sa densité qui est ++ de celle de l'air à force
élastique égale, et à sa quantité qui est déterminée par
la double indication de l’hygromètre et de la température.
En opérant ainsi, on voit, comme l’a montré M. La-
place, que la vapeur d’eau doit réfracter à très-peu près
autant que Pair atmosphérique à force élastique égale,
l'excès de sa force réfringente 1.7225 étant presque
compensé par sa densité qui est moindre que celle de
Pair , en sorte que leur produit est peu différent de
l'unité : et l’on peut même remarquer que la vapeur
n’existant jamais qu’en très-petite quantité dans lat-
mosphère, une légère erreur sur l’évaluation de son
pouvoir réfringent ne seroit d’aucune influence dans les
observations astronomiques , à tel point que l’on pour-
roit même employer, sans une grande erreur, le pou-
voir réfringent qui résulte de la combinaison des gaz:
d’où l’on voit, à plus forte raison, qu’en partant de
celui de l’eau liquide, ce qui est plus exact, on n’a
absolument aucune erreur à craindre, du moins dans
les limites de température où se font toujours les ob-
servations. Seulement il seroit utile de vérifier avec
beaucoup de précision le rapport des densités de l'air
et de la vapeur, qui a ici une grande influence , quoique
déja le rapport ++ paroisse extrêmement approché. Avec
ces données nous avons eu égard à la vapeur d’eau,
lorsque cela est devenu nécessaire, dans le calcul des
pouvoirs réfringens des gaz différens de l’air atmos-
5
phérique.
ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF. GAZ. 337
On auroit lieu d’être surpris si nous n’avions pas
soumis à nos expériences le gaz acide carbonique , dont
la composition a été donnée par Lavoisier. Nous étions
d’autant plus intéressés à l'essayer que le carbone qui en
fait la base , entre dans la composition d’une infinité de
substances; d'ailleurs, la réfraction du diamant ayant été
observée par Newton, nous pouvions la comparer à celle
du carbone, déduite de l’acide carbonique, et vérifier
ainsi un des résultats les plus curieux de la chimie mo-
derne. Cette recherche étoit donc, soit par elle-même,
soit par ses conséquences , une des plus importantes que
nous pussions nous proposer. Voici maintenant les
résultats qu’elle nous a offerts.
Le pouvoir réfringent du gaz acide carbonique, d’après
nos expériences, est égal à 1.00476 , celui de l’air atmos-
phérique étant l’unité. En admettant, d’après les expé-
riences de Lavoisier, que ce gaz est composé de 0.76
oxigène en poids, et 0.24 carbone , supposition jus-
qu’à présent la plus probable, et qui est au moins
très - approchée , on trouve le pouvoir réfringent du
carbone égal à 1.4581, c’est-à-dire moindre que celui
de l’eau (1). Toute autre proportion dans laquelle on
() Le pouvoir réfringent de l’oxigène, multiplié par 0.76,
Free NON AMEN HUE rl. ele IR SHele sa tel. LO-00A02
Le pouvoir réfringent de l’acide carbonique, . . . , . .. 1-00476
Différences AE = ee ame ee Malle et ele 034994
Cette différence étant divisée par 0.24, donne 1.4581 pour le pouvoir ré-
fringent du carbone.
Ce résultat est subordonné aux proportions de carbone et d’oxigène qui
1806. Premier semestre, 43
338 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE y
feroit entrer moins d’oxigène, donneroïit au carbone un
pouvoir réfringent encore plus foible ; mais on peut ai-
sément prouver que celle que nous lui attribuons ici est
à fort peu près exacte.
En effet, il existe un moyen très-simple de la vérifier;
c’est de voir sien la combinant avec les pouvoirs réfrin-
gens desautres substances gazeuses, tels qu’ilssont donnés
par l’observation directe, on obtient réellement les pou-
voirs réfringens des corps, soit liquides , soit solides, qui
contiennent du carbone, et dans lesquels on connoît
d’ailleurs, par une analyse au moinsapprochée, la nature
et les rapports des principes constituans.
C’est ici que se fait sentir le besoin d’expériences sur
la composition des corps, et le très - petit nombre de
celles auxquelles on peut se fier avec certitude, fait vi-
vement regreter que la chimie soit si peu avancée sur
cet objet. Cependant nous avons encore été assez heu-
entrent dans la composition de l’acide carbonique, M. Berthollet a annoncé
depuis long-temps que les proportions données par Lavoisier devoient être
inexactes à cause de l’hydrogène que le charbon contient, et dont il est
impossible de le dépouiller par le feu. Le fils de cet illustre chimiste vient de
confirmer son opinion par une expérience décisive. En faisant passer du soufre
en vapeur sur du charbon calciné au feu de forge, il lui a encore enlevé
une très-grande quantité d'hydrogène, et le charbon ainsi épuré a présenté
dans sa combustion des caractères particuliers qu’on ne lui connoissoit pas,
Les nouvelles proportions que M. Berthollet fiis va déduire de cette expérience,
relativement à la composition de l'acide carbonique , altéreront sans doute la
valeur précédente de la force réfringente du carbone; mais il est facile de
voir qu’elle deviendra encore plus petite, puisque, suivant l’estimation actuelle,
on suppose dans l’acide carbonique plus d’oxigène que le charbon n’en absorbe
réellement.
ETSUR LES FORGES RÉFRINGENTES DES Dirr. GAZ. 339
reux, puisque nous avons pu appliquer ce genre d’épreuve
à quelques exemples, où nous combinons des analyses
faites par MM. Lavoisier , Berthollet, Fourcroy et Vau-
quelin, avec des RÉ Os de AE sur les pou-
voirs réfringens.
Le premier de ces exemples est relatif aux huiles
fixes, particulièrement à l’huile d’olive. Lavoisier en à
donné la composition ; suivant lui, elle est composée de
©.21 d'hydrogène en poids, et 0.79 de carbone. Il est
possible que cette analyse ne soit pas rigoureusement
exacte, peut-être les huiles fixes contiennent-elles un
peu d’oxigène; mais, dans tous les cas, on peut sans
crainte regarder ce résultat comme très - approché. En
combinant, suivant ces rapports, le pouvoir réfringent
de l’hydrogène, que nos observations donnent, et le
pouvoir réfringent du carbone, tel qu’on le conclut de
l'acide carbonique; on trouve le pouvoir réffingent de
l'huile d'olive égal à 2.5382, celui de l’air étant 1. Les
observations de Newton donnent pour ce même pouvoir
réfringent 2.7684 ; la différence de l’observation et
du calcul est = de la valeur totale, et elle se ‘trouve
dans le sens quela condensation paroîtroit indiquer. Cet
accord est donc une vérification de la valeur que nous
avons assisnée plus-haut, pour le pouvoir:réfringent du
carbone (1).
L’analyse de alcool, faite aussi par: Lavoisier, offre
encore le moyen de faire une épreuve semblable.
(1),Ce résultat et les suivans sont calculés par la formule.de la page 330,
et. d’après les nombres contenus dans le tableau de la page 320,
340 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE,
Suivant cet excellent chimiste, ce liquide contient 0.544
d’oxigène, en poids , 0.166 d'hydrogène, et 0.29 de car-
bone. En calculant le pouvoir réfringent de lalcool
d’après ces rapports, on le trouve égal à 1.9894, celui
de Pair étant 1 ; les expériences de Newton , que
nous avons vérifiées , donnent 2.2223 : la différence
est moindre que + de la valeur totale, toujours dans le
sens déterminé par la condensation.
Enfin, nous pouvons aussi essayer nos résultats sur
un corps solide, en employant l’analyse de la gomme
donnée par MM. Fourcroy et Vauquelin dans leur travail
sur les substances végétales, analyse qui, comme les
précédentes , est sinon rigoureusement exacte, au moins
déja très-rapprochée. Suivant ces chimistes, une partie
de gomme contient 0.6538 d’oxigène , 0.1154 d’hydro-
gène , et 0.2308 de carbone ; d’après ces données le pou-
voir réfringent de la gomme déduit du calcul est 1.6931.
D’après Newton, il est 1.8826, la différence estenviron+,
dont l’expérience de Newton excède le résultat conclu
de la composition chimique.
Toutes les autres substances dans lesquelles entre le
carbone, concourent avec les précédentes à lui donner
une force réfringente peu considérable, et telle que nous
l'avons assignée. Sans pouvoir appliquer à toutes un
calcul rigoureux, puisque l’on n’a pasleur analyse exacte,
on peut cependant observer que les valeurs de leurs pou-
voirs réfringens s’accordent à les placer dans l’ordre in-
diqué par l’influence combinée de leurs élémens; de sorte,
par exemple, que la réfraction est plus forte où l’hy-
ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF. GAZ: 341
drogène domine, moindre où domine le carbone, et
moindre encore lorsque l’oxigène est le principe le plus
influent ; ainsi l’éther a une force réfringente plus grande
que l'alcool , et l’essence de térébenthine en a une plus
forte que les huiles fixes. Le pouvoir réfringent de l’hy-
drogène carburé est beaucoup moindre que celui de
l'hydrogène pur, et il s’affoiblit à mesure que la pro-
portion du carbone augmente. Ces aperçus ne suffiroient
pas à eux seuls pour donner la mesure de cette in-
fluence, mais ils acquièrent une très-grande force lors-
qu’ils viennent si bien à l’appui des résultats conclus
par un calcul rigoureux.
Maintenant, si l’on calcule le pouvoir réfringent 54
diamant d’après les expériences de Newton, on le
trouve exprimé par 3.1961, celui de l'air étant à. Cette
valeur est plus que double de 1.458: que nous venons
de trouver précédemment pour la force réfringente du
carbone, et l’on ne sauroit l’introduire dans la combi-
naison des expériences sans de grandes erreurs : d’où il
paroît que le diamant n’est pas du carbone pur.
On ne doit pas opposer à ce résultat l’effet présumé de
la condensation pour augmenter la force réfringente ; car
cet effet, s’il est réel, paroît n’avoir qu’une fort petite.
influence , comme le prouve l’accord très-approché de
l'expérience et du calcul relativement aux substances
que nous venons d’examiner ; et si, par exemple, dans
Veau où la combinaison réduit les gaz constituans à un
volume plus de 2000 fois moindre, l'effet d’une si
énorme condensation ne produit qu’un accroissement
B42 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE ,
de + sur la force réfringente, peut-on admettre que cet
‘accroïssement acquière tout-à-coup une valeur neuf ou dix
fois plus grande dans le passage à l’état solide, qui n’exige
plus qu’une condensation incomparablement moindre?
Ce que nous disons i ici pour l’eau , s’applique également
aüx huiles fixes ét à l’alcool ; où le carbone conserve
errcore sa foible action sur la tuihière. Maïs ce quile prouve
Bien mieux encore Te "est exemple de Ta gomme arabique
qui est aussi un corps solide , et dans lequel on ne voit
pas croître le pouvoir réfringent d’une manière aussi dis-
proportionnée par l'effet de la condensation. Enfin s’il
étoit besoin d’autres exemples, la cire, qui est pareille-
ment solide , devroit réfracter bien ‘Sté que l’huile de
térébenthifes car elle contient plus de carbone; au
contraire elle réfracte beaucoup moïns , et, à plus forte
raison , son pouvoir réfringent est-il inférieur à celui du
diamant.
Que peut-on conclure des rapprochemens que nous
venons de faire, si ce n’est que le diamant n’est pas du
carbone pur, et que sa grande force réfringente y décèle
la présence de l'hydrogène , cause la plus puissante du
pouvoir réfringent des corps ? É |
En partant des observations de Newton, on trouve
que le diamant devroit contenir 0.353706 ou plus du tiers
de son poids d'hydrogène pour satisfaire à sa grande force
réfringente. En réduisant cenombre proportionnellement
aux petites différences que nous avons remarquées entre
le calcul et la théorie , on le ramenceroit à 0,25 ou?, mais
on ne peut le diminuer davantage sans se trouver en con-
\
ET SUR LES FORCES RÉFRIENGENTES DES DIFF. GAZ4 343
tradiction avec ce que toutes les autres:snbstances parois
sent indiquer. Telle.est la. conséquence à laquelle nous
sommes parvenus, et elle paroît de nature à mériter
qu'on la vérifie par une expérience directe , c’est-à-dire
par l'analyse. du diamant faite. de nouveau avec tous les
soins que nos soupçons sur la présence de l’hydrogène
peuvent motiver.
Mais avant de terminer ces considérations, nous de-
vons rappeler encore à l’attention des chimistes l’im-
portance de ces recherches exactes -sur la composition
des corps. C’est à eux que nous devons. nous adresser
pour obtenir des résultats précis qui nous. permettent
de suivreencore l’influence des pouvoirs réfringens dans
d’autres substances bien connues; car, en appliquantles
principes précédens à des analyses défectueuses, :ou À
des réfractions mal. observées , om se trouveroit. fort
éloigné des résultats véritables. De notre côté, nous
ne, négligerons rien pour multiplier nos observations sur
les corps solides, les liquides et les vapeurs, et peut-être
devrons-nous encore quelque résultat utile à l’heureuse
analogie que nous a dévoilée Newton. Ces recherches
paroissent déja assez certaines pour offrir un moyen de
vérifier jusqu’à un certain point les analyses chimiques
des corps transparens, et c’est peut-être un résultat assez,
singulier en lui-même que l’on puisse pénétrer si avant
dans la composition des corps, et reconnoître d’ume
manière si approchée la nature et les proportions de
leurs principes, avec le seul secours du cercle répétiteur.
Les rapprochemens que nous venons de faire sont
344 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE ;
extrêmement favorables au système de l’émission de la
lumière, et paroissent contraires à celui des ondulations.
En effet, dans le premier système ; on conçoit bien que
les pouvoirs réfringens des composés doivent dépendre
de ceux de leurs principes. La combinaison des forces
attractives doit se faire proportionnellement aux masses,
et le peu d’iniluence de la condensation prouve seule-
ment le prodigieux éloignement des particules de la lu-
mière, ainsi que leur finesse extrême relativement aux
particules des corps et aux distances qui les séparent;
circonstances qui sont déja indiquées par beaucoup d’au-
tres phénomènes. Mais si l’on veut supposer avec Huy-
gens et les partisans de sa doctrine, que la lumière est
produite par les vibrations d’un milieu très -élastique
sans transmission de matière, on ne conçoit plus rien à
ce rapport si simple des. composés avec les composans.
On peut mème dire, sans trop s’avancer, que ce rap-
port devient tout-à-fait impossible ; car la condensation
ou la dilatation des milieux doivent nécessairement avoir
une influence très-compliquée sur la:marche, la di-
rection, la vitesse des ondes lumineuses qui s’ÿ propa-
gent; et quelle ne doit pas être cette influence dans le
passage de l’état gazeux à l’état liquide, lorsque Les prin-
cipes constituans se trouvent réduits à un volume deux
ou trois mille fois moindre que leur volume primitif,
ainsi que cela a lieu, par exemple , dans la composi-
tion de l’eau!
La possibilité dé déterminer les pouvoirs réfringens
des corps d’après leur composition chimique, fait encore
ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF. GAZ. 345
présumer que lon pourra opérer de même relativement
à leurs facultés dispersives. On sait que la lumière, en
traversant les corps solides ou liquides, s’y brise et s’y
décompose en une infinité de rayons diversement colo-
rés. Cet effet, que l’on nomme la dispersion de la lu-
mière, n’a pas la même intensité dans les différens
corps; il n’est pas non plus proportionnel à leurs forces
réfringentes ; car des substances qui réfractent également
les rayons moyens, réfractent et dispersent inégalement
les rayons extrêmes, et c’est même par un heureux
emploi dé cette inégalité que l’on est parvenu à faire
des lunettes achromatiques : cependant ces deux phéno-
mènes paroïssent liés dans leur principe; car, en général,
les forces réfringentes et dispersives croissent et dimi-
nuent ensemble, quoique dans des rapports différens. On
sait même que relativement à chaque rayon la loi de
la réfraction se maintient sous les différens degrés d’o-
bliquité ; en sorte que les sinus d’incidence et de réfrac-
tion d’un même rayon sont entre eux dans un rapport
constant, qui varie seulement suivant la couleur du
rayon et la nature du corps. Ces phénomènes semblent
indiquer que les molécules des corps- n’ont pas une
action égale sur toutes les molécules de la lumière, et
qu’elles attirent les unes avec une plus grande, les autres
avec. une moindre intensité. Alors tout ce que nous
avons dit relativement à la combinaison des pouvoirs
réfringens moyens, étant appliqué séparément à chaque
rayon, fera connoître les changemens de la force ré-
fringente qui lui est particulière, et l’on pourra calculer
1806. Premier semestre. 44
346 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE,
le pouvoir dispersif d’un mélange ou d’une combinaison
chimique, d’après la nature et les proportions de ses
principes constituans. De cette manière, en observant
la dispersion dans les liquides, on connoîtra celle qui
a lieu dans les-gaz, où elle ne peut pas être aperçue
directement à cause de leur peu de densité (1). On aura
ainsi la force dispersive de l’air atmosphérique d’après
celles de l’oxigène et de l’azote; et l’on pourra par
conséquent s’assurer sielle a quelque influence sensible,
soit sur la coloration des nuages , des montagnes, et en
général sur les réfractions atmosphériques au dessous
de l’horizon, soit sur les lieux des étoiles et des planètes,
dont la lumière est colorée. La recherche de ces résultats
exige un grand nombre d’expériences très-exactes que
nous n'avons pas encore pu faire, mais nous avons cru
devoir les indiquer ici, parce qu’elles sont une consé-
quence pour ainsi dire nécessaire des résultats précédens.
Ceci nous conduit naturellement à considérer les ap-
plications de notre travail à l’astronomie. Le pouvoir
(1) Pour observer exactement la réfraction dans les liquides, il faut em-
ployer un prisme dont l’angle réfringent soit fort petit, come de 3 où 4
degrés; alors la dispersion est insensible, même dans, les lunettes, et l’on
peut, observer la route du rayon lumineux avec la dernière précision. On
n’auroit pas cet avantage en employant des angles réfringens plus considé-
rables, et la décomposition de la lumière altéreroit trop la forme des objets
pour qu’on pt observer exactement. Il faut donc réserver ces grands angles
pour le cas où l’on veut observer la dispersion après que la réfraction est
connue. Au reste, la petitesse des angles ne peut pas être regardée comme
nuisible à Fexactitude, lorsqu'on les mesure par la réflexion de la lumière
et au moyen du cercle répétiteur, comme nous l’avons pratiqué.
ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF. GAZ. 347
réfringent de l’air atmosphérique, qui se trouve donné
par nos expériences, est, comme nous l’avons dit, un
des élémens les plus délicats de la théorie des réfrac-
tions. M. Delambre, qui s’est appliqué depuis long-temps
à déterminer avec exactitude tous les résultats impor:
tans de cette Science qu’il a si fort avancée , vient encore
de faire sur ce sujet de nouvelles recherches pour ses
tables du soleil, d’après les formules de M. Laplace,
et en comparant plus de cinq cents observations. Il a
trouvé ainsi qu’à la température de la glace fondante,
et sous la pression 0" 76 ; l'accroissement du carré de la
vîtesse de la lumière, lorsqwelle passe du vide dans l'air,
esto.000294047; sa vitesse propre dans le vide étant prise
pour unité (1). Nosexpériences donnent cet accroissement
dans les mêmes circonstances égal à 0,0002045856,
La différence qui existe entre ce résultat et.celui de
M. Delambre, feroit à peine -— de seconde sur la po-
sition des astres observés à 46° de hauteur.
Un autre résultat non moins utile, et que. nous
croyons avoir établi d’une manière rigoureuse, C’est
l’exacte proportion de la force réfringente de l’air à sa
densité. On voit par nos expériences que cette propor-
tion subsiste depuis les dernières raréfactions de Pair
jusqu’à une pression de 0"80o , la plus grande que nous
‘() C’est la valeur du coefficient employé dans la Mécanique cé=
Leste, t. IV, P- 246. Le double de cette quantité où <= p est l’accroisse-
ment total du carré de la vitesse , lorsque la lumière a pénétré dans l'air d’une
quantité sensible et a déja subi toute son action.
348 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈREs
âyons pu éprouver dans notre prisme, et par toutes les
températures, depuis 4 ou 8 degrés au dessous de la
glace fondante jusqu’à 28 ou 30 degrés du thermomètre
centigrade, comme le prouvent les observations faites
à des jours différens ; quoique ces expériences n’aient pas
pu être faites dans des limites plus étendues , l’accord
parfait qui règne entre tous leurs résultats, ne permet
pas de douter que la loi qui s’y observe ne se soulienne
beaucoup plus loin. On peut même, jusqu’à un certain
point, tirer, à cetégard, quelque induction des expériences
mêmes; car, par exemple, si l’accroissement ou la dimi-
nution de la chaleur devoient, après un certain terme,
avoir quelque influence sur la force réfringente de l’air,
aütrement que par le changement qui en résulte dans sa
densité, on devroit certainement reconnoître déja cette
influence dans les températures ordinaires , lorsque l’on
opère à de grandes raréfactions; car, à température égale,
la quantité de chaleur combinée qui existe dans l’air,
lorsqu'il est raréfié jusqu’à une pression de deux ou trois
millimètres, est, relativement à sa masse, incomparable-
ment plus grande que celle qui existe aussi combinée
dans le même air sous la pression de 0" 76 ; et puisque
les expériences ne font apercevoir, à cet égard, aucune
différence‘entre les forces réfringentes de V’air raréfié et
condensé, il devient extrêmement probable que cette
force ne varie qu’avec la densité de Pair, et précisément
dans le même rapport, indépendamment de la quantité
de chaleur qui peut s’y trouver en combinaison. Cette
loi doit donc s'étendre depuis la surface de la terre jus-
\
ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF. GAZ. 349
qu'aux limites de l’atmosphère, et l’on peut l’admettre
avec sûreté dans les observations astronomiques, en sup-
posant que la composition chimique de l'air soit par-tout
la même. + 08
Nous avons aussi mis beaucoup de soin à déterminer
exactement les pesanteurs spécifiques de l’air et du mer-
cure, parce que le rapport de ces pesanteurs détermine
deux élémens que l’on n’avoit jusqu’à présent obtenus que
d’une manière indirecte, savoir la hauteur de l’atmos-
phère supposée homogène, laquelle entre dans la théorie
des réfractions , et le coefficient qui sert à mesurer l’élé-
vation des montagnes par les observations:du baro- :
mètre (1). I résulte de nos expériences qu’à la tempé-
rature de la glace fondante , sous la pression 0"76,
et pour la latitude de 45°, la pesanteur spécifique
du mercure est à celle de l’air sec comme 10467 est
à 1, ce qui donne 7954"9 pour la hauteur de l’atmos-
phère supposée homogène, et 10334" pour le coeffi-
cient de la formule qui sert à mesurer les élévations des
montagnes par les observations barométriques.
Nous croyons pouvoir encore déduire de nos recher-
ches une autre vérité assez utile , mais elle exige que
nous rapportions les résultats généraux trouvés par
les physiciens et les chimistes, sur la nature et la cons-
titution de l’atmosphère. Mado EAP
M. Cavendish est le premier qui ait ds ché à établir
que les propor rtions des deux élémens de l'air atmos-
LT PANEI 4
QG) Voyez k Mécanique céleste, t. IV, p- 245.
350 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE ;.
phérique sont constantes, malgré la distance des lieux :
et la différence de la température. Les observations faites
depuis par de Marty en Espagne, par M. Berthollet en
Egypte et en France, par Davy en Angleterre, et par
Beddoes, sur de l’air rapporté de la côte de Guinée,
ont confirmé ce grand résultat; mais une des plus belles
expériences que l’on ait faites à cet égard, est celle de
Gay Lussac, qui s’étant élevé seul dans un ballon à la
hauteur de 6900 mètres, la plus grande à laquelle
l’homme soit jamais parvenu , a rapporté de l’air atmos-
phérique de ces hautes régions. Cet air analysé à son
‘ retour, comparativement à celui qui se trouve à la sur-
face de la terre, a donné les mêmes principes dans les
mêmes proportions ; ce qui prouve que la constitution
chimique de l’atmosphère, bien au-dessus de la région
des nuages et des orages, est encore la même qu’à la
surface de la terre. Ce résultat a encore été confirmé
par les expériences que Humboldt et Gay Lussac ont
faites ensemble dans leur travail sur l’eudiométrie ; l’air
de la surface de la terre, analysé à des jours différens,
par des temps et des températures diverses, n’a offert
dans sa composition aucun changement ; il s’est toujours
trouvé contenir 0.21 d’oxigène en volume, le reste étant
de l'azote, mêlé à quelques millièmes d’acide carbonique,
et peut-être aussi à quelques autres gaz , mais dans des pro-
portions si petites que analyse chimique n’a pas encore
pu parvenir à les déterminer. J’ai moi-même eu occasion
de vérifier après eux cette grande loi de la nature dans
un voyage aux Alpes que je fis l’année dernière : l’air
ET SUR. LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF, Gaz. 351
atmosphérique analysé par l’étincelle électrique dans les
lieux les plus divers, dans des vallées profondes , et sur
des montagnes élevées, aux bords des lacs de Genève
et de Neufchâtel , dans les glaciers de Chamouni , au
col de Balme , dans le Valais, sur le grand St.-Bernard,
à Turin et à Grenoble , m’a toujours présenté la même
composition (1) :.or, puisque nous avons trouvé que la
G) Voici le tableau de ces résultats tels que je les ai Opienus :
PROrORTION D'OxIGÈNE
IxDICATION DES LIEUX. FA sur
100 parties d'air.
TE Lu TS Cd 7.
Lac de Neufchâtel. . . | + + + 20-67 s +
Wpattde Genève +. 2". V2D:12
HiBällenche . 121034 "003008 it 0089 em
; Glaciers de Chamouni. . + ++ /20°11
l Col de Balme . SEA Fat 20.23
j Martigni en Valais .. , HO. JE: 6a
Grand Saint-Bernard , . Fe ++ + 20-46 ;
Durinisss aile, 2 40e MOIS 5, aan #4
Mont-Cénis . he 5 ‘Toi ‘ *...e + 21°00. ali
Paris e M elisl =) 0 2 Yoa + + + »+ 21:00
Ÿ Ces analyses de Ar ont ‘été faites avec le gaz hydrogène et par le moyen
de l’étincelle éleetrique. L'eudiomètre étoit un tube très -étroit divisé en
trois cents parties ; et chaque résultat a été vérifié plusieurs fois. Le gaz
hydrogène étoit fait avec beaucoup de soin, et dans de l’eau privée d’air par
‘l'ébullition; mais comme MO IS rotiroit du Feripar, l'acide sulfürique , àl seroit
possible qu’il ne fût pas encore aussi parfait que celui du zinc distillé, et .
c'est peut-être àscela qu’il faut attribuer la petite différence de quelques mile
lièmes qui se trouvent entre ces résultats et celui que Humboldt et Gay
Lussac ont obtenu à Paris ; oùilsont constamment où 21 ps la proportion
d’ oxigène. J
‘Un autrephénomène qui. vient à l’appui de cette uniformité de constitution
de dans tont l'atmosphère, indépendamment de la distance , c’est que
352 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE ,
force réfringente de l’air atmosphérique correspond
aux rapports des principes constituans qui le composent
et peut s’en déduire exactement, il s’ensuit que cette
force réfringente est la même par toute la terre à densités
égales , et ainsi les tables de réfraction calculées par les
observations faitesen Europe, peuvent s’étendre à toutes
les contrées du globe sans aucune modification , résultat
qui fut autrefois un des objets du voyage des astronomes
français à l’équateur et au pôle.
Enfin nous avons confirmé , par des expériences di-
rectes, et par de très-fortes analogies , ce que l’auteur
de la Mécanique céleste avoit déja prévu relativement
à la vapeur aqueuse , savoir, qu’elle réfracte à fort peu
près comme l’air atmosphérique, à force élastique égale;
et si nous n'avons pas pu fixer la différence qui peut
exister à cet égard entre ces deux substances , du moins
nous avons prouvé qu’elle est si petite, et comprise
dans des limites si resserrées, qu’il n’en peut jamais
résulter aucune erreur notable dans les observations
astronomiques ; et enfin, que l’on peut y avoir égard,
d’après le principe de M. Laplace, en supposant le
l'eau exposée à l'air libre, absorbe toujours la même proportion d’oxigène
dans tous les lieux lorsque les circonstances sont les mêmes. Ainsi l’air
contenu dans l’eau de la cascade du Nant-d’Arpenas, qui a huit cents pieds
de chute, m’a donné, sur cent parties, 31.45 d’oxigène, absolument comme
l’eau de pluie à Paris, ou comme l’eau distillée qui a repris de l’air; et dans
air dégagé des neïges éternelles qui couvrent le sommet du grand Saint
Bernard, j'ai trouvé 27.32 d’oxigène, comme dans la neige qui tombe annuel-
lement à Paris, |
ÉT SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF. GAZ, 393
pouvoir réfringent de la vapeur aqueuse égal à celui
de l’eau.
Dansle travail que nous venons d’exposer , nous avons
tâché d’offrir aux physiciens , aux chimistes et aux as- |
tronomes , quelques résultats utiles, fondés sur des ob-
servations et sur des calculs exacts. Nous avons cherché
à déterminer par des expériences directes toutes les don-
nées physiques qui servent de fondement à la théorie des
réfractions astronomiques, et que l’on avoit jusqu’à pré-
sent conclues des observations : sous ce rapport, nous
avions sur-tout en vue de répondre aux questions pro-
posées par l’auteur de la Mécanique céleste, dans son
livre X. Telle a été aussi l'influence du livre de la Pzi-
losophie naturelle, sur les observateurs qui ont vécu du
temps de Newton ; car ces grands ouvrages, tout pleins
de l’esprit d’invention et de recherche, ne donnent pas
seulement à ceux qui les méditent la connoissance des
découvertes : ils leur montrent encore quel doit être
le but et l’objet de leurs travaux.
Qt
1806. Premier semestre. 4
ee
354 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE ;
NOTES.
, PREMIÈRE NOTE.
Mesure de l'angle réfringent du prisme.
Ses SP, SP' (fig. 4) les deux faces du prisme; PO,
P'O deux rayons lumineux menés des points P, P'à un même
objet O infiniment éloigné, et par conséquent parallèles entre
eux. Soient PC, P'C' ces rayons réfléchis : si l’on mène les lignes
PN, P'N' qui divisent les angles CPO, CP'O en deux parties
égales, ces lignes seront, d’après les propriétés connues de la
lumière, normales aux faces PS, P'S du prisme. Si les angles
CPO, C'P'O étoient tous deux dans un même plan perpen-
diculaire à la commune section des deux faces du prisme, les
deux normales NP, N'P' se couperoiïent dans un point 8’ de
leur prolongement, et l’angle NS'N' formé par ces normales
seroit le supplément de l'angle PSP" formé par les deux faces
du prisme ; en sorte que cet angle seroit facile à déterminer
quand celui des deux normales seroit connu.
On peut aisément obtenir les angles CPO, C'P'O en plaçant
aux points C et C’ un cercle répétiteur, et mesurant les angles
OCP, OC'P' formés par les lignes parallèles CO, C'O, avec
les rayons réfléchis CP , CP’. Ces angles sont ceux que forment
les images directes de l’objet avec ses images réfléchies. |
Ainsi, en nommant #, #' les angles CPO, C'P'O, dé-
duits de l'observation précédente, on en tire NPO =,
NEO —= = ; et si les deux angles C’PO, C'P'O étoient
tous deux dans un même plan perpendiculaire à la com-
ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF. GAZ. 355
mune section des deux faces, l’ângle des deux normales
{
72, et son supplément 180 — Z
2
réfringent du prisme.
Mais comme les angles CPO, C'P'O ne sont pas dans un
même plan, il arrive en général que les deux normales NP,
N'P'ne se coupent point. Alors l’angle de ces normales n’est
seroit
seroit l’angle
plus égal à ==, et il faut, pour l'obtenir, faire à cette
quantité une correction dépendante de l’inclinaison des plans
CPO, C'P'O, dans lesquels on a observé.
Pour déterminer cette correction, on remarquera que les deux
plans CPO, C'P'O, contenant les parallèles CO, PO, C'O,
P'O, ont leur commune section parallèle à ces lignes. Si, par
un point de cette commune section, on mène, dans le plan CPO,
une ligne parallèle à PN; dans le plan C'P'O, une ligne pa-
rallèle à P'N', ces droites feront avec la commune section des
angles égaux à NPO, N'P'O, ou à T; =, et l’angle inter-
cepté entre ces mêmes droites sera le même que celui des deux
normales NP, N'P', qui ne se coupent point. Soit donc 4Z
(fig. 5) la commune section des deux plans CPO, C'P'O, que
nous prendrons pour axe des Z; soient 4X, 4 Y deux axes
des x et des y qui lui sont supposés perpendiculaires ; soient 47,
An’ les droîtes parallèles aux normales PN, PN', et prenons
les axes de manière que la première Az se trouve dans le plan
même des YX, on aura pour les équations de cette droite
TO; ÿ—Z. Lang. —
Soit maintenant ç langle des deux plans CPO, C'P'O dans
lesquels on à observé; les équations de la droite 4 z', ou plutôt
celles de ses deux projections sur les deux plans des zz et :
des yz, seront .de la forme
TZ. ang. m3 ÿ — 2. lang. æ"”
356 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE;
4
Or, puisque cette droite fait un angle — avec l’axe des z,
et qu’elle est comprise dans un plan vertical qui fait un angle @
avec le plan des yz, on aura
1e
lang. m" —= (ang. ——. Sin
,0 = Lg. — in. @
f
;
tang. @ — 1ang. —. COS. @
2 2 2
de sorte que les équations de 47’ deviennent
q al
œ .
Z = Z. lang. —+ Si @
@!
Y = Z. Lang. =. COS. @
Or on sait que les équations de deux droites étant
Pen LA NE Dee A
PM LS =),
L’angle formé par ces droites est donné par l'équation
cos. F — 1 + aa! + bb!
TO Vitae Vitaa
On aura donc, relativement aux droites 4, A'n'
L 2 ?
/
Lré œ
1 + 1/ang. lang. + COS. @
COS AU — RATE CE
Lo æ!
V/ 1 + ang. — LA 1 + ang, —
ou
e ce! . : !
cos. V = cos. “—. cos. = + sin, —. sin. =. cos. @
2 2 2 24
formule qui donneroit W — es — si l’on avoit eg — 1800,
c’est-à-dire si les triangles CPO, C'P'O étoient tous deux dans
un même plan.
ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF. GAZ. 357
Il est physiquement impossible de se placer de manière que p
soit exactement égal à 180, mais on peut en, approcher de très-
près; en sorte que la différence puisse être rendue très-petite.
Soit donc en général
COS. P— — 1 + a
æ étant une petite quantité, on aura
J
Le . LA . œ
) + sin. sin.
cos. F = cos. ===
Le second terme exprime la correction due À la non-coïn-
cidence des plans, et l’on voit qu’elle tend toujours à diminuer
!
= — — obtenu par l'observation directe Ce qui
l'angle 7: ou
augmente l’angle réfringent d’une égale quantité ; et l’on conçoit
en effet, à posteriori, que cela devoit arriver de cette manière,
puisque l’angle réfringent du prisme est le plus grand de tous
ceux qui peuvent être formés par deux plans perpendiculaires
à ses faces.
C’est par cette formule que l’on a calculé l’angle des nor-
males PN, P'N'; et par suite celui des deux faces du prisme.
Il ne nous reste plus qu’à rapporter les moyens que l’on a
employés pour mesurer les angles æ, #', @.
Les angles &, #', ou plutôt leurs supplémens OCP, OC'P!,
ont été observés avec un petit cercle répétiteur de Lenoir ; nous
étions placés dans la grande salle de l'Observatoire, et Pobjet
étoit le télégraphe de Montmartre. Comme l’image réfléchie
étoit très-près de nous, la distance des centres des deux lu-
nettes empêchoit qu’on ne pût la voir en même temps avec l’une
“et avec l’autre. Il n’en étoit pas ainsi de l’image directe, à cause
de son éloïgnement, et nous pouvions très-bien apercevoir au
centre des deux lunettes, lorsqu'elles étoient toutes deux diri-
gées vers l’objet. Ces circonstances particulières nous obligèrent
de faire nos observations autrement qu’on n’a coutume de le
358 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE
faire avec le cercle répétiteur. Au lieu de ramener tour à tour
la même lunette sur l’image directe et sur l’image réfléchie, ce
qui eût été impossible, nous dirigeâmes d’abord une des lu-
nettes sur chaque image. Celle qui répondoit à l’image réfléchie
étoit placée sur zéro. Nommons celle-ci la lunette supérieure,
l'autre l’inférieure. Les directions des deux lunettes étant ainsi
bien assurées, on détache la lunette supérieure, qui étoit di-
rigée vers l’image réfléchie, et on la fait glisser sur le limbe
jusqu’à ce qu’elle réponde à l’image directe. Pendant ce mou-
vement la lunette inférieure reste fixe sur le limbe, et elle sert
ainsi à vérifier s’il a été dérangé. Après l’avoir ramenée,
s’il est nécessaire, en faisant mouvoir le limbe, on achève de
diriger exactement la lunette supérieure au moyen de la vis de
rappel : l'arc qu’elle a parcouru depuis sa première position,
et que l’on peut lire sur la division de l'instrument, est la me-
sure de l’angle OCP ou 180 — =.
Cette opération achevée, on fait mouvoir le limbe sans dé-
tacher les lunettes; et comme son plan ne change pas, on
ramène la lunette supérieure sur l’image réfléchie. Alors on
détache la lunette inférieure, on la fait mouvoir sur le limbe
pour la ramener sur l’image directe, et l’on se retrouve ainsi
dans les mêmes circonstances que la première fois; de sorte
qu’en recommençant une nouvelle opération, on a une seconde
mesure de l’angle, comptée depuis l’extrémité de l’arc précédem-
ment parcouru. On peut donc ainsi multiplier l'angle O CP un
nombre de fois illimité, et par conséquent obtenir l’angle æ
avec la dernière exactitude. La même méthode donnera l’angle æ’
relatif à l’autre face.
Ces angles étant ainsi déterminés, il reste à mesurer celui
que forment les plans du cercle dans les deux positions suc-
cessives C, C' où l’on a fait les observations.
Pour cela nous avons dirigé la lunette supérieure sur plu-
sieurs points des parois verticales de la salle où nous faisions
ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF. GAZ. 359
nos observations. Nous avons marqué exactement ces points,
et par le moyen du fil à plomb nous avons fixé avec beaucoup
de précision leur projection sur le plancher de la salle supposé
horizontal; nous avons ensuite rapporté ces projections à la
méridienne de l'Observatoire par des perpendiculaires tracées
sur le plancher, et nous avons ainsi déterminé la position des
points observés, au moyen de trois coordonnées rectangulaires
TU Var
En même temps nous avons déterminé par des mesures très-
exactes les trois coordonnées du centre de notre cercle dans
chacune des deux positions Cet C'. Ces centres nous ont ainsi
servi de vérification, puisque les plans déterminés par les points
observés sur la muraillé devoient nécessairement les contenir,
et cette condition s’est toujours trouvée satisfaite avec une exac-
titude telle que l'erreur ne s’est jamais élevée à plus de 0"0005
ou cinq dixièmes de millimètre.
Les plans des cercles étant déterminés comme nous venons
de le dire, on sent qu’il étoit facile d’en déduire leur inclinaison
mutuelle; ct comme cette inclinaison suffit, ainsi qu’on l’a vu
plus haut, pour ramener les observations dans le plan de l'angle
réfringent du prisme, on voit que la mesure de cet angle pou-
voit s’obtenir de cette manière avec une exactitude qui ne lais-
soit rien à désirer.
Quant aux formules qui ont servi à trouver l’inclinaison des
plans d’après ces données, elles sont extrêmement simples.
L’équation d’un plan est généralement de la forme
Z2 = Az + By + D
Si ce plan doit passer par trois points dont les coordonnées
soient x'y'z', z'yz, æ'y"z", on aura
24 Az + By + D
Az" + By" + D
Az" + By"+ D
II.
360 SUR LES AFFINITÉS DFS CORPS POUR LA LUMIÈRE,
d’où l’on tire, en éliminant D,
!
ris) =@g-2)@ zx).
ne [CZ )
(is Jen)
(z' LE z'). (y — y") rs (z’ ER A1). (y es L' 2)
= À [(z — x"). (y — y")
— (x — 2). (y =)
Ces formules donneront 4 et B; on äura de même 4 et B',
et l’on en tirera
1 + 4 A+ BB
V1 +2: + 82 V 1 + 42 + Ba
Connoissant @, on aura par les formules précédentes l'angle #
des deux normales et son supplément, ou l’angle réfringent du
COS. ® —
prisme.
Voici maintenant je résultats des observations faites pour
déterminer les angles #, #' et @.
Le 15 janvier, en prenant huit fois l’angle +, nous avons
trouvé aire heite je Liéhée | ss tet repasil RE per
Le même jour, en prenant onze fois
l'angle #', on a eu . . . + + + «+ …. m — 410 35 0°
!
D'où l’ontire.. . . . . . .. = — 36° 55° 48
Les séries qui ont donné ces angles marchoient très-bien, et
on les a observés tous deux immédiatement l’un après l’autre,
pour éviter les variations qui auroïent pu survenir dans la ré-
fraction atmosphérique. D’après les mesures prises le même jour
pour déterminer l’anglee, onatrouvé .. @ — 174° 40° 2”
En substituant ces valeurs dans la formule qui donne l'angle #
des deux normales, on trouve . . .« .. W— 36° 53 21°
Et son supplément, ou /’angle réfrin-
gent des faces, égal à... + 4. . « .. 1430 6° 39°
ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF. GAZ. 361
œ + @!
2
7 [2 a
En comparant ce résultat avec la valeur de , On voit
que la correction due à la non-coïncidence des plans des deux
cercles n’a produit qu’une différence de 2’ 27" sur la valeur
déduite immédiatement des observations; et vu la précision de
la méthode employée pour déterminer l’'inclinaison des plans,
on ne peut douter que cette correction n’ait déja beaucoup
d’exactitude.
Pour mettre ce résultat hors de doute > on a changé la posi-
tion du prisme, et on l’a observé de nouveau le 23 janvier. En
prenant dix fois l’angle &, on a trouvé. æ = 310 53° 16”
Le même jour, en prenant dix fois
l'angle #', on atrouyé.. . . . . .. m' — 410 52° 15°
EE RER PAIN
D'où lon tire... . . . . : 2% = 36 5, 45”
Ces angles ont été observés avec le même soin que les pré-
cédens, et même avec plus de soin encore, parce que l’on avoit
été assez heureux pour placer les cercles à fort peu près dans
le plan de l'angle réfringent. En effet, d’après les mesures
prises pour déterminer l'angle ç formé par les plans des deux
cercles, on a trouvé . . 4 . , . 4. g — 1789 28° 15”
En sorte que ces plans coïncidoient presque l’un avec l’autre:
En substituant ces valeurs dans la formule qui sert à déterminer
l'angle V des deux normales, on trouve .. V — 360 52! 32”
Ce qui donne pour lang. réfring. duprisme — 143° 7 28°
Ce résultat ne diffère que de 49” de celui que l’on avoit
trouvé par une première mesure indépendante de celle-ci , dans
une autre position du prisme ; mais nous emploierons de préfé=
rence la dernière mesure comme étant certainement plus exacte,
parce qu’elle a été prise avec des précautions multipliées, et
que la correction due à la non-coïncidence des plans n’y entre
que pour 13°. On verra d’ailleurs, dans les formules qui servent
à calculer la réfraction, qu’une différence d’une minute sur um
1806. Premier semestre. 46
362 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE,
aussi grand angle ne#eroit aucun effet sensible sur le pouvoir
réfringent de l’air; maïs nous croyons notre dernier résultat beau-
coup plus approché que cette limite. Il est inutile de faire re-
marquer que la méthode dont nous nous sommes servis est
infiniment plus exacte que tous les procédés mécaniques. Ce
n’est qu'après avoir tenté plusieurs de ces procédés, et après
avoir reconnu leur imperfection, que nous sommes arrivés à
celui que nous venons de rapporter.
Il est bon de remarquer que ce procédé seroït encore appli-
cable quand bien même les deux faces du prisme feroient entre
elles un angle très-aigu ; seulement, au lieu de tourner l’arête
du prisme vers l’objet qui sert de mire, il faudroit tourner une
des faces : alors on observeroit l’objet par réflexion sur la pre-
mière glace et sur la seconde qui se trouveroit par derrière; car
il passera encore assez de rayons lumineux pour que l’on puisse
voir ainsi deux images, et la moitié de l’angle qu’elles forment
sera l'angle réfringent du prisme, si l’objet est très-éloigné. Il
faut toujours avoir soin que l’objet et les deux images soient
dans un même plan avec le centre du cercle; car ce n’est
qu’alors que l’on peut être sûr d’observer dans le plan de l'angle
réfringent. Nous avons employé ce procédé pour trouver l’angle
réfringent d’un prisme qui nous a servi pour obtenir le pou-
voir réfringent des liquides. On lui avoit donné cette forme afin
de n’avoir qu’une couche, de liquide assez mince pour que la
forme des objets ne fût pas altérée par la dispersion des cou-
leurs. L’angle réfringent de ce prisme étoit de 2° 16° 37°, et
en le prenant seulement cinq fois avec le cercle répétiteur, nous
l'avons obtenu avec toute l'exactitude désirable. Dans ce cas
l'observation se fait à peu près comme avec le sextant; mais la
répétition de l'angle peut seule assurer sa valeur.
ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF. GAz. 363
SECONDE NOTE.
Formules pour déterminer Les Pouvoirs réfringens des
gaz d'après des observations faites à travers Le
prisme.
CoxsipéroNs un rayon lumineux qui, sortant de l’air atmos-
phérique, entre dans le vide ou dans un gaz donné, après
avoir traversé la première face d’un prisme de verre, et resorte
ensuite dans l’air par la face opposée; supposons encore que le
prisme ait été travaillé avec assez de soin pour que les glaces
qui le composent aient leurs faces à fort peu près parallèles :
le rayon lumineux se trouvera ainsi dans le même cas que s’il
- traversoit successivement trois prismes, dont le premier seroit
de verre, le second de vide ou du gaz donné, et le troisième
encore de verre, formé par la dernière face du prisme.
Cela posé, nommons + l’angle formé par les deux faces op-
posées de la première glace. Cet angle pourra être supposé dans
le même plan que le grand angle réfringent du prisme de gaz,
parce que les deux glaces opposées ont été coupées parallè-
lement dans un même morccau de verre travaillé, et qu’ainsi
linclinaison des faces, si elle existe, doit être à peu près la
même dans les deux, et dirigée dans le sens de leur longueur.
Cela est d’ailleurs confirmé par l'observation directe; car, lorsque
lon observe la mire, le prisme étant plein d’air atmosphérique,
auquel cas la réfraction est uniquement l’effet du défaut de
parallélisme, le fil horizontal de la lunette ,» placé horizonta-
lement sur l'observatoire, reste encore horizontal quand on
donne au prisme un mouvement circulaire égal à quatre angles
droits. Ce mouvement ne déplace point le fil dans le sens ver-
tical; et si l’on fait le vide dans le prisme, ce qui produit une
réfraction considérable, qui est alors l'effet du grand prisme
364 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE;,
intérieur, la déviation se fait encore dans le même sens, dans
une direction horizontale, et le fil de la lunette répond à la
même ligne de niveau que lorsque le prisme étoit plein d’air.
D’après ces remarques fondées sur l’expérience, nous admet-
trons dans ce qui va suivre que les déviations du rayon lumi-
neux se font dans un même plan, qui est celui de langle
réfringent du prisme.
Soit maintenant À l’angle sous lequel le rayon lumineux mu
dans l’air atmosphérique rencontre la première face du prisme.
Il pénétrera dans cette face et s’y réfractera suivant les lois
connues. Soit 4’ l'angle de réfraction, ou plutôt ce que devient 4
après que le rayon s’est réfracté. Le sinus d’incidence étant à
celui de réfraction en raison constante, on aura
cos. A — m. cos. À
La valeur de » dépend de la nature du verre ou de la densité
de l’air extérieur. Sous le premier rapport elle est constante,
sous le second elle est variable; mais comme la densité du
verre est très-forte comparativement à celle de l’air, la déviation
que la lumière y subit est presque toujours la même et égale
à celle qui auroit lieu si le rayon sortoit du vide pour entrer
dans le verre, et cette égalité devient encore plus approchée
dans les circonstances où nous ayons observé, parce que la
densité de l’air extérieur n’a varié que très-peu et par l’effet
ordinaire et naturel des modifications de l’atmosphère. Ainsi
nous pouvons, sans aucune erreur sensible, regarder = comme
constante. |
Le même rayon continuant sa route dans la glace, tombera
sur sa seconde face avec l’angle A" He, + étant l'angle des
deux surfaces, et en nommant 4” l'angle d’émergence sur cette
seconde face, dans le gaz intérieur, on aura
. cos, (4 + +)
cos. A = ————
m (1 — à)
ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF, GAZ, 365
» est une quantité qui dépend des rapports des pouvoirs réfrin-
gens de l'air extérieur et du gaz intérieur. Elle est positive lorsqué
le premier surpasse le second, elle est nulle s’ils sont égaux,
et devient négative lorsque le gaz intérieur réfracte plus que
l'air : ce qui a lieu, par exemple, pour l’ammoniaque et les
acides carbonique et muriatique. Dans le premier cas le rayon,
après sa seconde réfraction, passe au-dessus de la première
direction M F" (fig. 6) qu’il avoit dans l'air; dans le second cas
il redevient parallèle à lui-même; dans le troisième il passe au-
dessous de MF”, ( fig. 7).
Le rayon continuant sa route dans le gaz, tombe sur la face
antérieure de la seconde glace du prisme, et il fait alors avec
elle un angle 4” + à, a étant le grand angle réfringent inté-
rieur. Arrivé dans cette glace, il y subit une nouvelle réfraction
inverse de celle qu’il avoit éprouvée en entrant dans le gaz;
et en nommant 4" l’angle qu’il fait ensuite avec cette même
face, on a
cos. A" = m (1 — «). cos. (4° + à)
où 2 et w sont les mêmes que pour la première face. Enfin
ce rayon, en continuant sa route, tombera sur la face posté-
rieure de la seconde glace du prisme, il fera avec elle un angle
A"+ #,<" étant l’angle des deux faces de cette glace; et en
nommant 4" l’angle qu’il fera avec la seconde après son émer-
gence, on aura
COS AM — cos, (4 + «)
Il est visible que si le rayon lumineux passoit directement à
travers le prisme sans y éprouver aucune déviation, il feroit
avec la dernière face de la seconde glace un angle égal à
A + a + « + :’. En vertu des réfractions qu’il éprouve, il
fait avec cette face un angle 4"; ainsi A+aHepe— 4"
est la déviation que le rayon éprouve, déviation qui est posi-
366 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE,
tive si le gaz intérieur réfracte moins que l'air, et négative
s’il réfracte plus; c’est ce que montrent les #2. 6 et 7.
Dans ces figures AZ représente la mire sur laquelle on vise;
O est l’œil de l’observateur; 470 est la direction rectiligne du
rayon lumineux, telle qu’elle seroit s’il ne subissoit pas d’in-
flexion; MF'F"F'"F"O est la route infléchie. En menant
Of" parallèle à la dernière face S D" du prisme, on voit que
l'angle D". 0. f" = 4 Fake, etqueF*. O0. f"= 24";
de sorte que la déviation D" OF" est la différence de ces deux.
angles. On voit de plus que la quantité 4 + O+e+e — 4%est
positive dans la première figure , où l’air intérieur réfracte moins
que l'extérieur, et négative dans la seconde, où l'air intérieur
réfracte plus. Ainsi, en ayant égard au signe de cette quantité,
on pourra se dispenser d’examiner si « doit être positif ou né-
gatif, puisque son signe sera le même et s’en suivra nécessai-
rement. De même, si l’on veut se donner le soin de prendre «
positif dans le premier cas, et négatif dans le second, on pourra
se dispenser d’avoir égard au signe de 4A+a+e+e— 4",
et l’on emploiera pour cette quantité la déviation observée
prise positivement de quelque côté qu’elle ait eu lieu.
* De plus, si les deux faces étoient retournées, et les directions
de leurs angles opposées l’une à l’autre, il faudroit faire +’ né-
gatif;, mais on verra que cette quantité s + « disparoît par
l'effet des observations.
Reprenons donc les quatre équations
COS. ANR NCOS NA
COS AN re cos. (4° + 6)
cos. A" = m (1 — à). cos. (4° + à)
Les 1 1771 L
cost AT" cos (AT + €)
Pour trouver 4‘ en fonction de À, nous remarquerons que
L
ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF. GAZ, 367
les angles e, :’ formés dans chacune des glaces, sont extrêmement
petits. La quantité o est pareillement très-petite, car la dévia-
tion que subit le rayon est très-foible ; en sorte que 4” diffère
très-peu de À, et l’on voit qu’en supposant € nulle, cette dif-
férence dépend entièrement de la quantité w. Nous pouvons
donc développer 4" en série relativement à ces quantités €, «',©,
et le développement sera de la forme
d_ AW dA1v F da
ET — y
4 FE (4 ) + œ ( da ) —+ £e (<=) —+ €, ETATS
1 ; d Av rt 0
Li 1-2 Le. & du ) UE pi di? )
la d2 A1 : LAPEE
ms LC ds'2 ) + 2e. (7)
ñ d AW , d2 41%
HEAR NE Fri) Fe er )]
+ etc. ee
Les termes contenus entre les parenthèses rondes sont les
valeurs de 4" et de ses coefficiens différentiels » EN ÿ Supposant
“, et « nuls après les différentiations. Comme ces quantités
sont très-petites, nous n’aurons point égard à leurs puissances
supérieures à la seconde : nous ne conserverons même parmi
les termes du second ordre que celui qui est multiplié par »;
car les autres termes de cet ordre qui dépendent du non-paral-
lélisme des faces, doivent être extrêmement petits, puisque la
déviation totale qui en résulte ne va en général qu’à 15 ou 20
secondes, comme le prouvent les observations, et le peu d’in-
fluence de ces termes est parfaitement confirmé par les résultats
que le calcul déduit des observations dans cette hypothèse,
puisque le terme en +, qui est au moins vingt fois plus sensible,
ne fait qu'ajouter aux termes du premier ordre des quantités
si petites qu’on pourroit presque se dispenser d’y avoir égard,
On verra de plus que, sans pouvoir déterminer directement les
angles ee', et par suite les termes qui dépendent de leurs pre-
363 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE y
mières puissances, on y a égard dans l'emploi des observations,
parce que la somme de tous ces termes se trouve en observant
le prisme plein d’air; de sorte qu’il n’y a réellement de négligé
que les deux termes affectés de we et we’.
En effectuant les calculs conformément à la marche que nous
venons d'indiquer, on trouve pour les coefficiens du dévelop-
pement de 4" les valeurs suivantes :
(A4) = 4A+a
dA® LH 1 1
( d ) TT tang. (4 + a) tang. À
d AY Lib, V 1 — m2. cos?. À
( de ) on DL. Si. À
d AY pas V 1 — m2. cos2. (4 + a)
de! ) au mm. sin. (4 + a)
d AY ) Rex 1 ( 1 1
du? KYE taug. (4 + a)” tang. (4 + a) RTE lang. x)
1 1 1
Fe ALT tang 4 ( lang. (A + a) Tang. Es
valeur qui, étant substituée dans le développement de 4",
donnera
PE Dre mA
e V'1— m2. cos. 4
t m1. Si, A
eV 1 — m2. cos2. (4 + a)
Cu se
m. sin. (4 + a)
CE 1 1
| CARTE Ti = (Æ +a) ee (4 + a) TS tang. —)
1 1
tang. A4 £ tang. (4 + a) (FE tang. A )]
Lorsque le rayon lumineux passe précisément dans l’axe du
prisme, on a
ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF. GAZ. 369
ce qui donne
sin. (4 + à) = sir. À = cos. —
cos. (4 + a) = — cos. A = — sin. &
tang. (A + à) = — tang. À = — :
| ang. —
d’où résulte ensuite pour 4" cette valeur :
(+) 1 — 7°. Sin. —
aa
a
It, COS. —
2
AZ A+a—20.tang. = +
2 AN LR
+ 0°. lang. —
Nous avons tâché de disposer le prisme et le cercle répétiteur
de manière que cette condition fût toujours remplie; pour cela
nous nous sommes d’abord placés de manière que le plan, du
cercle coïncidât avec le plan de l’angle réfringent, et qu’en
même temps la ligne des nœuds de ce plan sur l’horizon fût
perpendiculaire au rayon visuel mené à la mire. Nous nous
sommes assurés d’avoir atteint cette position, parce que le fil
horizontal de la lunette placée sur zéro, et pointant à travers
le vide ou à travers l'air, n’étoit point dévié verticalement,
mais varioit également des deux côtés de la mire lorsque l’on
faisoit tourner le prisme de quatre angles droits. Nous avons
en même temps déterminé cette mire de manière que la clarté
de la vision fût la plus grande possible ; et comme notre prisme
est très-long et très étroit, il n’y a aucun doute que nous de-
vions alors être dirigés à fort peu près dans l’axe. Mais nous
avons encore eu un moyen plus sûr et plus direct de nous en
assurer. La position que nous avons adoptée, dans laquelle le
prisme et le cercle ont été placés à demeure, et dans laquelle
toutes nos observations ont été faites, est telle que si l’on en
écarte tant soit peu le prisme, la mire n’est pas sensiblement
1806. Premier semestre. 47
370 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE ;
déviée. Pour prouver cette vérité par l’expérience, il suffit de
ne pas ramener tout-à-fait le prisme sur les points de repaire
où vont toujours tomber deux fils à plomb placés à ses deux
extrémités. Or, en faisant cela, on n’aperçoit pas dans la mire
la plus légère déviation, et généralement on peut faire tourner
le prisme tant que l’on voudra; pourvu qu’on le remette sur
son à plomb, la mire se retrouve sur le fil. Le peu d’influence
de cet écart est particulier à la position dont il s’agit, et il
tient à ce qu’en faisant varier À d’une très-petite quantité, les
termes de 24", qui sont multipliés par ©, disparoissent d’eux-
mêmes et se réduisent à zéro. C’est ce que l’on peut vérifier
aisément par l’expression précédente de 4”, qui donne
AA een sr] rite
car le coefficient de ce terme devient nul quand 4 = 90 — +;
ce qui donne
A—9o0+< et sin. À — sin. (4 + à)
D'après cela nous pouvons employer la formule
(+) 1— 7. Sin. _.
ty
TL. COS, —
a
+ ©. 1ang°. _
AS = A+a—20.tang. =
Supposons, pour plus de simplicité,
et He) 1 — 7m. sin, —
4 — — AZ R
a
Te COS, —
2
A+ a +
Æ sera la déviation observée du rayon, corrigée du défaut de
1
ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF. GAZ. 371
parallélisme des faces. En effet, si l’on supposoit © nul, c’est-à-
dire si l’on n’avoit ésard qu’au défaut de parallélisme, on auroit
sara q P ;
GG + <) V” 1 — ml. Sin. —
a
TL, COS. —
2
AZ (4 + à) +
d’où l’on tire
. a
1— 7. SIN. =
O—(4+a)+epe 4 — (ete) Li —
a
TL, COS, —
2
. Dans ce cas, la déviation, toujours exprimée par (4 + a)
+ e+e — A", aura pour valeur
: EN
; D mm. sm. =
GR D
2
TL. COS, —
et elle se réduiroït à zéro si 2 étoit égal à un, c’est-à-dire si le
verre réfractoit comme l'air. Ainsi, en général, la quantité
. a
1 — 7, Sin’. GT
ÇG +=) 1 —
a
I. COS, —
2
est la correction due au défaut de parallélisme. Comme on la
suppose très-petite , il ne faut que l’ajouter à toutes les réfrac-
tions observées ; et puisque l’on a supposé en général
V7. Sin”.
a
TL. COS. —
2
R=A+a+(e+e)— AT — (ee) (-
on voit clairement que R exprime la déviation absolue et
telle qu’on l’observe, corrigée, par le dernier terme, du défaut
372 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE;
de parallélisme. Pour observer l'angle R et la déviation due
au non-parallélisme des faces, nous nous sommes servis du
retournement du prisme. Cette déviation agissoit sur le rayon
lumineux dans le même sens que l’air condensé ; ainsi nous avons
dû l'ajouter à la déviation observée lorsque la déviation due
au gaz intérieur se faisoit dans le sens du vide, et la retrancher
dans le cas contraire. Enfin on voit par les #7. 6 et 7 que la
réfraction À ainsi corrigée doit être employée comme positive,
si elle a lieu dans le sens du vide, et comme négative quand
elle a lieu dans le sens de l’air condensé.
D’après cela l’équation entre * et R devient
o—R— 20. tang. _ + ©, ang. _
d’où, par le retour des suites, on déduit
R R2
tang. —
équation qui est approchée jusqu'aux quantités du second ordre
inclusivement.
Maintenant que l’on connoit la valeur de », il devient facile
de trouver la déviation que le rayon lumineux doit subir en
passant immédiatement de Pair dans le gaz intérieur au prisme.
11 suffit de supposer que les faces de la glace qui les sépare
soient exactement parallèles. En effet, en nommant comme ci-
dessus 4 l’angle d’incidence, 4' l'angle de passage dans le
verre, et 4” l’angle de sortie, on a en général
cos. À = m. cos. À
CON AE
« cos, (4° + :)
1
mt (1 — w)
#
ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF. GAZ. 373
Si + est nul, comme nous le supposons, on aura simplement
ARTS 1 l
COSTA AG" COS. A
de sorte qu’en éliminant À’ il viendra
COS AN ——. cos. A
Introduisons, au lieu de 4 et de 4”, les angles formés par le
rayon lumineux et la perpendiculaire aux points de réfraction,
on aura
A = 90 — 65 À — 90 — 06
ce qui donne
cos. 4° = sin. #3 cos. À = sin. 8
et par conséquent
SIL OUEN ET 1
sin, 8 1 — ©
I
On voit donc que la quantité exprime le rapport du
te
sinus d’incidence au sinus de réfraction. Or, lorsqu'un rayon
lumineux passe d’un milieu dans un autre, ce rapport est cons-
tant et donné par les pouvoirs réfringens des deux milieux; en
sorte qu’en faisant
St Er Li 22 20e
P For TL P5 Lx AN P
QU TER, ALUÈPE ! TR
——»s —— étant les pouvoirs réfringens, et p, p' les densités des
milieux extérieur et intérieur, on a
V PE MBLE 21,197 02
——
Va +r FT. (SL10
»
374 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE;
Voyez la Mécanique céleste, t. IV, p. 240. Ce qui donne
MAR MEES,: «
Va +7 Loue
d’où l’on tire
G+HP) Gi —o) = 1 + P
et enfin
P'=({4i+P) (1 — 0) — 1
Cette formule fera connoître le pouvoir réfringent du gaz in-
térieur au prisme, lorsque le pouvoir P de l’air extérieur sera
connu. Soit (P) la valeur de P pour la densité (p), et (P”) celle
de P’ pour la densité (p'), on aura
ICO TRES '
P = (p).? P CF)
Il
Ceci suppose que le pouvoir réfringent d’un même gaz varie
proportionnellement à sa densité, supposition qui est au moins
la plus simple que l’on puisse faire, et quiesttout-à-fait conforme
à l'expérience, comme le prouvent les observations rapportées
dans notre mémoire. On aura ainsi, en éliminant P et P,
y # (P) » Mad Abe D
VE MES lose TGe—) -
d’où l’on tire
P) p
(EÔI= ——. {Qu — w)}. [2 ES ] — 1}
Le rapport des densités est donné par le rapport inverse des
pressions barométriques et des dilatations de Pair et du gaz,
c’est-à-dire que lon a
pp) __ o.76 (1 + #. 000375) P P
de p'. 5 Tp) “— “0:76 Ge £. 0:00370)
ET SUR LES TORCES RÉFRINGENTES DES DIFF. GAZ. 375
£' étant la température du gaz intérieur au prisme, p' la pression
barométrique marquée par l’éprouvette, et de même z la tem-
pérature de l'air extérieur, p la pression barométrique à l’ins-
tant de l'observation, pressions qui doivent toujours être cor-
rigées de l’effet de la dilatation du mercure. En substituant ces
valeurs dans la formule précédente, et y joignant celle qui sert
à trouver e, on aura pour calculer le pouvoir réfringent des
différens gaz
IN ——) 0:76. (1 + 1. 0.090375) (æP)p
(?) TT P' * {CG so LE [: Se G+s en 2}
sis à R P2
_ 2 4479. — k
La réfraction R est la déviation observée corrigée du défaut
Ge
Cp’)
» C'est-à-dire quand le'gaz intérieur ré-
de parallélisme ; elle doit être prise positivement quand
(P) p
(P)
fracte moins que l'air, et négativement quand il réfracte davan-
tage. Cela résulte de la remarque de la page 365, et l’on peut
s’en assurer aisément à posteriori en n'ayant égard qu’à la pre-
mière puissance de À; car il faut toujours que (P") soit une
quantité positive, puisque la vitesse de la lumière s’accélère
toujours en passant du vide dans un corps quelconque trans-
est moindre que
parent.
On peut trouver le pouvoir réfringent (P') indépendamment
du défaut de parallélisme, en comparant des observations faites
à diverses densités. En effet, on a
CAN
(2)
— (P) p 2
= [: + G) J (x &) — 1
Pour une autre observation du même gaz à une densité dif-
férente, on aura, par analogie,
CP) pi Etes (P) Fi a
GDe = El ALT J GE) re
376 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE y
w' étant la valeur de w dans cette seconde expérience, ces deux
équations donnent
PE] + es G+Qt ee)
Le second membre de cette expression devient nécessairement
nul quand p' = p',, et il se trouve multiplié par w —», comme
on peut s'en assurer par le développement. Si Pon se bor-
noit aux premières puissances de À et de À,, qui sont les plus
influentes et presque les seules auxquelles il soit nécessaire
: : Re R
d'avoir égard, la valeur de & — «, seroït égale à -
a »
2 Lang. A
par conséquent indépendante du défaut de parallélisme des
faces. Or la déviation des faces étant extrêmement petite, peut
se négliger dans les termes du second ordre, ou du moins il
est toujours suffisant de prendre pour sa valeur celle qui est à
fort peu près connue par les observations. Par Pts lors-
prés
Te Te
avec une déviation des faces supposée exacte, ou même sans
avoir aucun égard au défaut de parallélisme, en nommant 4
la première de ces valeurs et B la seconde, on aura
que l’on aura calculé les deux pouvoirs réfringens
(P) = ME
et ce résultat sera indépendant-du défaut de parallélisme des
glaces. Ceci suppose que la déviation des faces n’a pas varié
dans l'intervalle des observations que l’on compare, et c’est ce
qui est toujours vrai pour le même gaz observé à des instans
et dans des états de l’air peu différens. Il faut remarquer que
les densités p’ et p',, ou les pressions qui leur correspondent,
ne doivent pas approcher de légalité; car le dénominateur
de (P') devenant infini à cette limite, les erreurs que l’on auroit
ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF, GAZ. 377
commises dans l’observation affecteroient nécessairement le ré-
sultat dans une proportion fort agrandie. Il ne faut pas non
plus prendre une des densités trop petite, par une raison sem-
blable; car le pouvoir réfringent qui s’en déduiroit pourroit
s’écarter considérablement de la vérité.
Ceci suppose que l’on connoît le pouvoir réfringent de l'air.
La valeur peut s’en déduire des formules précédentes, en sup
posant (P") — (P); mais on peut la simplifier en remarquant
que, dans les observations qui s’y rapportent, p’ et p’ sont des
quantités fort petites, parce que le vide est fait presque exac-
tement dans le prisme; en sorte qu’il n’y reste qu’une très-
petite tension. De plus, on peut toujours supposer que la tem-
pérature du gaz extrêmement rare qui peut rester encore dans
le prisme est la même que celle de l'air extérieur : ce qui donne
£— £. Alors les formules précédentes donnent
(69 PAR (P) # LS TVA
mi = + GET Ge) —:
d’où l’on tire
(2?) 2 2 © — «2
PI P a
Ce) STAR Era
On peut, dans le dénominateur du second membre, négliger
le carré de , puisque le numérateur est déja multiplié par cette
quantité. De plus, p' étant très-petit, on peut encore négliger
son produit par 2 ; et alors l'expression précédente de (P)
peut se mettre sous cette forme :
P) — nee me
æ) (=) (1 — 2 o)
ou, en développant le dénominateur et négligeant »°,
(P) — 20+3 02
rs Ce 4
CP)
1806. Premier semestre. 48
378 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE »
On aura donc, pour déterminer le pouvoir réfringent de l'air,
par les observations du vide, les formules
(2 w + 3 w2) 0M76. (1 + 1. 0.00375)
PP
(P):=
ee.
2 Zang. an
Au contraire si, connoissant le pouvoir réfringent, on veut
trouver la déviation vraie correspondante à une observation du
vide, on aura par le retour des suites
Ps 0 (P): (p — p') HN 15 (P} (p = 1p}
2° 0.75: (1 + f. 0.00375) 8” [o.76. (1 + 1. 0.00375)]2
ns a a a
R=—20. 1ang. — — vw. tang”. —
Si la densité p’ et la pression p' n’étoient pas extrêmement
petites, on ne pourroit pas faire dans le calcul les suppositions
précédentes; mais, dans tous les cas, en reprenant la formule
fondamentale
on en déduira les valeurs de « pour chaque circonstance, et
l’on aura ensuite
R = 20. tang. — — w°. tang’, —
le] 2 2
: a P') pl
où l’on voit que w et R seront positives tant que 5 —- sera
(P) p
CP)
tera moins que l’air de dehors, et les mêmes quantités seront
négatives dans le cas contraire.
moindre que ; C'est-à-dire tant que le gaz intérieur réfrac-
ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF. GAZ. 379
Ces dernières formules nous ont servi pour calculer les dévia-
tions que l’air et les gaz devoient produire à diverses densités.
En effet, il est visible que R est la déviation vraie, c’est-à-dire
corrigée du défaut de parallélisme des faces. En la comparant à
h déviation observée, la différence doit être égale à l'erreur
qui résulte du défaut de parallélisme si le pouvoir réfringent
d’an même gaz est proportionnel à sa densité; or c’est ce qui
a lieu très-exactement, comme on le voit par le tableau de la
page 322. Il ne peut donc rester aucun doute sur cette im-
portante propriété des fluides aériformes.
TROISIÈME NOTE.
Détermination du coefficient barométrique de la formule
de M. Laplace, d’après les rapports des densités de
Pair et du mercure.
Les données fournies par l’expérience sont :
1°. Le poids de l’air contenu, sous une pression et à uné tem-
pérature déterminées, dans un ballon d’une capacité constante ;
2°, Le poids du mercure contenu ; sôus une pression et une
température déterminées, dans un ballon d’une capacité pareil-
lement constante, mais moindre que le précédent;
30. Les rapports de capacité des deux ballons à une même
température.
Mais comme ces diverses mesures ne peuvent pas être prises
rigoureusement dans les mêmes circonstances , il est nécessaire
de les y ramener d’après les lois connues des dilatations de
l'air, du mercure et du verre. Pour cela nous admettrons comme
données secondaires les résultats suivans :
1°. La dilatation de l’air parfaitement sec, depuis la tempé-
rature de la glace fondante jusqu’à celle de l’ébullition , la pres-
380 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE;
ion restant la même, est égale à 0.375 de son volume pri-
mitif; ce qui donne 0.00375 pour chaque degré du thermomètre
centigrade, en comptant depuis o degré. C’est le résultat trouvé
par Gay Lussac.
- 2°, La dilatation du mercure est = pour chaque degré du
thermomètre centigrade. C’est le résultat des expériences de
MM. Lavoisier et Laplace ; il est d'accord avec les expériences:
adoptées par la Société royale de Londres, lesquelles donnent
335 (Transact. philosoph. t. LXVII). Cette dilatation est
uniforme dans toute l’étendue de l'échelle thermométrique,
depuis o jusqu’à 100 degrés. Ceci a été prouvé par Gay Lussac,
en comparant le thermomètre à mercure et le thermomètre À air.
3°. Enfin la dilatation du verre est égale à 0.0000087572 pour
chaque degré du thermomètre centigrade, dans le sens d’une
seule dimension. En la triplant on aura celle du volume, qui
sera par conséquent égale à 0.0000262716. C’est encore un ré-
sultat trouvé par MM. Lavoisier et Laplace.
En combinant toutes les données précédentes, on peut ra-
mener toutes les pesées à une même pression atmosphérique,
à une même température, et en conclure les rapports exacts
des pesanteurs spécifiques. Nous choisirons pour cet objet la
température de la glace fondante et la pression 0"76.
Soit (X) le poids du mercure contenu dans le petit ballon
à o degré, ce poids étant réduit au vide. (X) sera égal au
poids du petit ballon plein de mercure, moins le poids de
l'enveloppe de verre qui forme le même ballon, plus le poids
d’un volume d’air égal à sa capacité. Soit de même (4) le poids
de l'air contenu dans le grand ballon à o degré, et sous la
pression 076. Enfin, soient (v) et (7°) les capacités respectives
des deux ballons dans les mêmes circonstances, le rapport du
poids spécifique du mercure à celui de l’air sera
HE RCE)
LAN Cr
ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF, GAZ. 381
Si ensuite on représente par 7 le module des tables loga-
rithmiques, ou 2.30258509, par C le coefficient de la formule
barométrique de M. Laplace, et par + la latitude du lieu de
l'observation, on aura
== M. 4. 0"76
TT (1 + 0.002845. cos. 2 #F)
Cette formule peut se déduire de celle que M. Laplace a
donnée dans sa Mécanique céleste, t. IV, p. 203.
C’est ainsi qu’il faudroit opérer si les pesées étoient faites
à o degré, et sous la pression 0”76. Ces circonstances sont
presque impossibles à obtenir avec exactitude; mais on peut
aisément y réduire tous les résultats.
Commençons par le poids de l'air. Pour le déterminer on
pèse le grand ballon, après y avoir fait le vide exactement;
on pèse ensuite le même ballon ouvert et communiquant à l’air
extérieur. Soit 4 la différence des poids observés ; nommons p
la pression de l’atmosphère exprimée en mètres, # la tempé-
rature en degrés du thermomètre centésimal, ces deux quan-
tités étant supposées les mêmes dans les deux pesées ; enfin,
soit Æ la dilatation du verre, ou 0.0000262716 , et T' la tension
de la vapeur d’eau contenue dans l'air, vapeur dont le poids
est à celui de l’air comme 10 à 14, lorsque leurs tensions sont
égales, le poids (4) du volume d’air réduit à oet à 0”"76, sera
donné par la formule
7. 076. (1 + £. 0.00375)
(4) y (b—3T). G+Kkt)
Pour évaluer la tension T, nous avons employé la formule que
M. Laplace a donnée dans la Mécanique céleste, t. IV, p. 273;
mais comme l’air n’est pas toujouré saturé d’eau, nous ayons
réduit les tensions calculées, d’après l'indication de l’'hygro-
mètre, en faisant usage pour cela d’une table que Saussure a *
382 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE,
donnée dans son Æ{ygrométrie, table qui est fondée sur des
expériences, dans les termes où nous en avons fait usage.
De même, si le poids du mercure à été observé à la tem-
pérature z, et qu'après l’avoir réduit au vide on l’ait trouvé
égal à X, on aura, en le ramenant à zéro, |
x +
= 20 +)
Telles sont les formules dont nous avons fait usage, et que
nous avons appliquées aux expériences suivantes :
Pesées de l'air atmosphérique.
Mois Tuerm.|TEmPér. Fe Porps | Porns | Porps | Pons
LUE ZE LR ET | Hé Q du ballon ; du ballon du {réduit à o
RAR LIRE ER l'air 5 vide | plein volume et
É G ë etfermé. |et ouvert. | d'air. | à 0"76.
1 |o-.7609+10-5|+10.5 | 89°0/1022#062 1029013| 659516852554
2 |o-7632| 9:6| 9-75| 89-0|1022.026 1029-018| 6.092 7-2543
3 [o-7552| 11-5| 11+5-| 89-0/1031:515 1038.389| 6.674/7-2580*
6 |o-7650, 9-5 9*5 | 80-0|1031-369 1038386) 7-017|7-2479
11 [o:7358) #7.8| 8.8 | 83.5/1031.621 1058.386| 6.765 7-2442
12 [|o-7272| g-0o| 10-0 | 83.0|1031:718 1038-3686 6.668 7-2580
12 [o.y290| 7-9] 8-9 | 83-5|1031-679 1038:386| 6.707 7:2526
12 |o:7255| 8.5] 9:5 | 83-3,1031.736 1038-390| 6.654,7-2462
Moyenne entre toutes les observations. . . . . . . . . . |7-25215
Moyenne en négligeant l'observation du 11 mars . . , . . |7-25323
La seconde de ces deux moyennes est celle que nous avons employée;
elle ne donneroit, dans le coefficient du baromètre, qu’une différence
de deux unités sur le dernier chiffre avec la précédente.
* On a soudé le robinet au ballon, ce qui a changé son poids sans changer sa
capacité.
LR
+ LA A 2 -
On a de même pesé le mercure à plusieurs reprises, avec
ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF. GAZ, 383
les précautions que nous avons décrites dans le mémoire, et
sur-tout en prenant bien soin de chasser par une longue ébul-
lition l'air et les vapeurs qui pouvoient s’être attachées au petit
ballon qui le contenoit.
Dans la ponne opération faite le 16 mars, le ballon a été
rempli de mercure à la température de 1205, le baromètre mar-
quant 0"7439. Sa température étoit la même que celle de Pair.
Le poids du ballon plein de mercure étoit 1515229, d’où re-
tranchant le poids du verre qui formoit l’enveloppe, et qui étoit
de 172°240, il reste 1342°989 pour le poids du mercure dans
l'air.
Or nous savons par une expérience dont nous parlerons tout
à l'heure, que le volume du grand ballon où l’on a pesé l'air,
est à celui du petit ballon où l’on a pesé le mercure, À fort
peu près comme 856.40 est à l’unité. D'ailleurs, en calculant le
poids de Pair que le grand ballon contiendroit dans les cir-
constances précédentes, on le trouve égal à 6*756395 ; d’où il
résulte que le poids du volume d'air déplacé par le mercure
dans le petit ballon, étoit 0‘11981. Cette quantité étant ajoutée
à 1342‘989, donne 1343510881 pour le poids du mercure réduit
au vide. C’est la valeur de X. Il ne reste plus qu’à la ramener
à zéro ; ce qui est facile par les formules précédentes, et l’on
trouve ainsi
(ZX) = 1345769016
C’est le poids absolu du mercure contenu dans le petit ballon,
à la température de la glace fondante, ce poids étant réduit
au vide.
Dans une autre pesée du mercure, faite avec le même ballon
le 21 juillet, on a trouvé son poids égal à 1340803, la tempé-
rature étant à 2006. Le baromètre marquoit 6“7580, sa tempéra-
ture étoit celle de l’air. D’après ces données la correction due
au volume d’air déplacé est 0118692; et l’on trouve ainsi
384 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE »
1341011692 pour le poids du mercure réduit au vide. Enfin,
en ramenant le poids à zéro, on a cette seconde valeur de (X)
(X) = 1345538794
.
Cette valeur diffère peu de la précédente, et nous les em-
ploierons toutes deux successivement pour comparer les résul-
tats qui s’en déduiront.
Il ne nous reste plus qu’à dire comment nous avons obtenu
les rapports de capacité des deux ballons. Pour cela nous les
avons remplis d’eau à la même température, et nous les avons
pesés avec des balances très-exactes. En ôtant, des poids ob-
servés, ceux des deux enveloppes, et divisant les restes l’un par
l’autre, on a le rapport de volume des deux ballons.
Ceci suppose que les deux pesées sont faites à la même pres-
sion de l’atmosphère, et c’est ce qui n’a pas toujours lieu.
Ainsi le 21 juillet, ayant pesé le petit ballon plein d’eau dis-
tillée à la température de 2001, et sous la pression de 0"76,
on a trouvé le poids de cette eau égal à 98%721; et le 27 juillet,
en pesant le grand ballon plein d’eau à la même température
de 20.1, maïs sous la pression de 0"7517, on a trouvé 5567°142
pour le poids de l’eau qu’il contenoit. Si la pression étoit égale
dans les deux cas, on en déduiroit 56.39269 pour le rapport
des volumes. Mais, à cause de la différence, si l’on représente
par z le nombre de fois que l’air est plus léger que l’eau à
cette température, les deux poids précédens réduits au vide
deviendront
98.721 QG i LÉEUR
n. 0776
et
o _977580 ‘
5567.142 G — sé
Et si l’on fait 7 — 800, ce qui est à fort peu près sa valeur
exacte, la correction qui en résulte est 0,0005843, et l’on trouve
ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTEIS DES DIFF. GAZ. 395
alors 56.392106 pour le rapport réel des capacités des deux
ballons.
Nous avons obtenu une seconde fois ce rapport par deux
pesées faites le.3 août, à la même pression de 07589, et à
la même température de 2029; le poids de l’eau contenue dans
le petit ballon s’est trouvé de 98716, et celle du grand ballon
5568394 ; ce qui donne 56.4082 pour le rapport des volumes:
résultat peu différent du premier.
Maintenant si l’on calcule successivement le coefficient baro-
métrique pour le 45e degré de latitude, d’après les deux pesées
du mercure, on trouve les quatre valeurs suivantes :
183161
1831178
18321"3
= 18317"0
Moyenne . . « . 18316"6
La moyenne de ces quatre expériences ne diffère que de six
unités sur le dernier chiffre avec celle qui s’en écarte le plus.
Cela répond à une difference d’un mètre sur la hauteur de
Chimboraço.
Cette valeur est calculée pour l’air parfaitement sec. Elle
seroit moindre si l’air étoit humide ; car la vapeur d’eau pesant
moins que l’air à tension égale, un même abaissement dans le
baromètre répond à une plus grande différence de niveau. Pour
calculer la correction qui en résulte dans le coefficient baro-
métrique, conservons toujours la température zéro et la pres-
sion 076. Mais supposons l’air saturé d'humidité. Dans ce cas
la tension de la vapeur est 0”0051, d’après la formule de
M. Laplace, et conformément aux expériences de Dalton ; par
conséquent , si elle pesoit autant que l’air, elle feroit les #1 de
son poids ; mais, comme sa pesanteur relative est 22, il s'ensuit
que sa substitution dans l’air y produit seulement une dimi-
1806. Premier semestre. 49
386 SUR LES AFFINITÉS DES CORPS POUR LA LUMIÈRE,
nution de poids égale à (1— #).,45, ou 5. 5, c’est-à-dire
à peu près -—. Le coefficient barométrique s’accroît dans le
même rapport, c’est-à-dire de 35.2, ce qui le porte à
18351"8.
M. Ramond a trouvé ce cat égal à 18336. Cette va-
leur est plus grande que 18316.6, qui convient à l’air sec, et
moindre que 18351.8, qui convient à l’air saturé d’humidité;
mais elle coïncide avec la moyenne, qui est 18334. En effet,
le résultat de M. Ramond doit se trouver entre ces extrêmes,
puisqu'il est déduit d’un grand nombre PRE faites
dans des états différens ae. air.
En général, si l’on adopte les résultats précédens, Le PncE:
ficient barométrique de la formule de M. Laplace sera 18316.6
186.6
Nr
pour l'air parfaitement sec, et ES
7— pour lair hu-
0776
mide, 7 étant la tension de la vapeur d’eau qui s’y trouve
réellement. Cette tension peut se déduire de la formule de
M. Laplace, dans le cas de l'humidité extrême, et dans les
autres cas il faut la réduire d’après l’indication de l’hygromètre,
suivant une loi qui n’a point encore été déterminée en général
par des expériences exactes. En employant cette réduction on
pourroit se servir du coefficient de la dilatation 0.00375, qui
convient à l’air sec.
—— relative à la
vapeur d’eau, dans le coefficient de la dilatation, qu’il a pris
égal à + ; et en effet la somme des deux termes so <=
a
t
M. Laplace a compris la correction ee
+ 0.003575, est toujours, à fort peu près, égale à
1 t+t . etre à
+. 0.004, Où 2 +, du moins dans les limites où se font
ordinairement les observations.
Les expériences que je viens de rapporter dans cette note
font encore connoître les rapports des poids du mercure et de
Unét, 17 Sen. 180. p,
ET SUR LES FORCES RÉFRINGENTES DES DIFF. GAZ, 387
l'air; car ce rapport est la quantité que nous avons représentée
par 4. En la calculant successivement par les quatre expériences,
on lui trouve les valeurs süivantes :
10462.6
10461.1
10463.0
10465.5
Moyenne. « : . 10463.0
C’est la pesanteur du mercure à zéro et à 0”"76 pour la latitude
de Paris, la densité de l’air sec étant prise pour unité. En rédui-
‘sant cette valeur au 45e degré de latitude, elle devient 10466.8.
Il seroit facile de comparer ces résultats au poids de l’eau
pris à la même température, si l’on avoit des expériences
exactes sur la dilatation de ce liquide vers les degrés où nous
avons opéré; mais comme il n’en existe point qui soient assez
certaines, nous sommes forcés de remettre cette recherche à
un autre temps. Nous nous bornerons à dire par approxi-
mation qu’à la tempèrature de zéro, et sous la pression 0"76,
la pesanteur spécifique de l’air doit être peu différente de 73
et celle du mercure de 13.599, la densité de l’eau étant prise
pour unité.
FIN DU PREMIER SEMESTRE DE 1806.
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MÉMOIRES
DE LA CLASSE DES SCIENCES
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES
DE
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MÉMOIRES
DE LA CLASSE DES SCIENCES
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DEUXIÈME SEMESTRE DE 1806.
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TOME SEPTIÈME , SECONDE PARTIE.
LIN IINIBNVWVS
PARIS.
BAUDOUIN, IMPRIMEUR DE L'INSTITUT.
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GARNERY, Libraire, rue de Seine, hôtel de Mirabeau.
JANVIER M DCCC. VII.
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40; à ab bit |
TABLE
DES
ARTICLES CONTENUS DANS CE SEMESTRE.
HISTOIRE.
Anvarrse des travaux de La classe des sciences
mathématiques et physiques de l'Institut national
pendant le second semestre de 1805 et l’année 1806
(partie mathématique) , par M. Deramsre , secré-
taire perpétuel , page 1
Analyse des travaux de la classe des sciences mathé-
matiques et physiques de l'Institut national, depuis
Le premier messidor an 13 (20 juin 1805) jusqu’au
premier juillet 1806 (partie physique), par M. Cuvrer,
secrétaire perpétuel, 43
Analyse des travaux de la classe des sciences mathé-
matiques et physiques de l'Institut national pendant
le second semestre de 1806, par le même, 80
Notice historique sur La vie et Les ouvrages de Dolo-
mieu, par M. LacérÈDE, 117
ij DAUEN, 4
Eloge historique de Jacques-Martin Cels , par M. Cu-
VIER) page 139
Éloge historique de Michel Adanson, par le même, 159
Éloge historique de M. Brisson, par M.Dsramerr, 189
Éloge historique de M. Coulomb , par le même, 206
Relation d'un voyage fait dans le département de
l'Orne, pour constater la réalité d’un météore observé
à l'Aigle le 6 floréal an 11, par M. Bror, 224
Mémoire sur Les observations qu’il est important de
faire sur les marées dans les diffëérens ports de la
République, par Pierre Lévêque, 267
MÉMOIRES.
Szconp Mémoire sur la mesure des hauteurs à l’aide
du baromètre, par M. Ramon», page 1
Mémoire sur le commerce des œufs de poule, et sur
Leur conservation, par M. PARMENTIER, 28
Analyse du suc de Papayér (Carico Papaya), par
M. VAUQUELIN ;, 50
Analyse du bérilde Saxe, dans lequel M. Tromsdorf
a annoncé l’existence d'une terre nouvelle qu'il a
nommée agustine ; par le même, 59
Analyse comparée de différentes sortes d'aluns , par
le même, 66
TABLE. 11]
AS
Essai d'une pièce de monnoie à chaton ; propre à
remplacer dans La circulation Les fortes coupures
en cuivre et le billon, sans en avoir Les inconvéniens 5
et présentant plus de garantie contre La Jfalsification
dans Les moules, La rognure et la diminution de
valeur par le frai, par M. Guvxrox. 80
Expériences sur La nature comparée de Pivoire frais,
de Pivoire fossile et de l'émail des dents , par
MM. Fourcroy et VAUQUELI*, 93
Observation sur du bleu martial fossile cristallisé ,
par M. Sauce, 99
Mémoire sur l'emploi de l'amiante à La Chine, par
le même, 102
Observations diverses , par M. Msssrer : 106
Sur léclipse totale du 16 Juin 1806, par Jérôme de
La Lane, 113
Mémoire sur la composition. des étoffes anciennes
tirées de deux Tombeaux de Saint-Germain-des-
Prés, avec des détails propres à servir de commen-
taire au chapitre de Pline sur Les laines, par
M. Desmaressr, 119
Le
a
Ron
s és ss
LA NÉ
MÉMOIRES
DE a CLASSE-
DE SYS CHE NC ES
MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES.
SECOND MÉMOIRE
SUR
LA MESURE DES HAUTEURS A L'AIDE DU BAROMÈTRE,
Par M. Ramonx 2.
Mr.
Lu le 12 ‘do, 1806.
Ex terminant le dernier mémoire que j'ai eu l’hon-
neur de lire à la classe, j’avois essayé de déduire
‘ directement le coefficient du baromètre des expériences
faites antérieurement pour déterminer les poids absolus
de l’air, de l’eau et du mercure. Les conséquences de
cette recherche étoient déjà si favorables aux conclu-
sions que j’avois tirées de l’observation, qu’il sembloit
difficile de rapprocher davantage des résultats obtenus
1806. Second semestre. L
2 SUR LA MESURE DES HAUTEURS
par des procédés si différens. Cependant de nouvelles
expériences, faites avec des précautions tout-à-fait par-
ticulières, viennent de combler entièrement le petit
intervalle qui séparoit encore des quantités si voisines.
J’avois trouvé par l’observation 18336 mètres pour le
coefficient, à la température de la glace fondante, au
niveau de la mer et au 45e degré de latitude. Notre
confrère Biot trouve par l’expérience 18332 pour la
latitude de Paris, ce qui devient 18339 pour le paral-
lèle moyen. La différence entre nous n’est pas d’un six
millième : elle est nulle, puisqu’elle est au-dessous des
moindres erreurs qui puissent se glisser dans des opé-
rations aussi délicates et aussi compliquées.
Je ne me prévaudrai point d’un concert aussi remar-
quable pour n’attribuer une exactitude inconnue à mes
dévanciers. Certainement ,je ne me flatte pas d’avoir
mieux observé que Deluc, Saussure et tant d’autres
physiciens illustres ; mais j’ai eu le bonheur d’opérer
dans des circonstances plus favorables; et tel est ici
l'empire des circonstances que, faute de démèêler celles
qui conviennent aux observations de ce genre, il seroit
également impossible à ceux qui voudroient les répéter,
soit de s'assurer par eux-mêmes de la justesse de notre
coefficient, soit d’apprécier la nature et l’étendue des
erreurs qu’ils pourroient commettre en s’écartant des
conditions de son emploi.
Je range ces circonstances sous trois chefs : Znfluence
des heures, influence des situations, influence des mé-
téores.
A ÉAIDE DÙU BAROMÈTRE. 3
$ I. Des Aeures. -
Jar déjà dit que de toutes les causes qui peuvent
modifier les résultats, l’influence des diverses parties
du jour m’a constamment paru la plus puissante. Il y
a long-temps qu’on l’a reconnue. Le peu d’usage que
l’on a fait de ce premier aperçu prouve assez que l’on
n’en a pas bien senti l’importance. Il me suffira , pour
da, mettre dans tout son jour, de présenter ici les
moyennes de cent cinquante observations, prises au
hasard dans le grand nombre de celles que j’ai faites
durant trois ans dans cette vue.
10, Éléyation de mon cabinet, à Bagnères, au dessus
de celui de W. Dargos, à Tarbes.
hé 51 pie F Fr 14. oetobre au 21: décembre 1603.
14 observations de sept heures du matin, moyenne .. . . . 251 mètres.
23 observations de midi. . . . . . . . . . . . . . . . . 258
7 observations de trois heures:du soir . . . . . . . . . . 254
° 7 observations de neuf heures du soir . . . . . . . . . . 252
20, Élévation de mon cabinet, à Barèges, au dessus
de celuiide M, sp né à Tarbes.
99 observations, iv a premier août au 23 noyembre 1803.
LI U
12 observations de six heures du matin, , . 4 + . . . . . 915 mètres.
6 observations de “huit heures du matin... « . + . .. 4974 VE
38 observations de midi . LAREME RME cc 5
19 ‘observations de quatre Ace F4 Rae et “921
14 observations de dix heures du soir. . + « + + . « .. . 007
4 SUR LA MESURE DES HAUTEURS
Sept à huit cents observations de ce genre, toutes
calculées séparément, m’ont offert constamment la
même marche. Les saisons et les lieux n’y ont apporté
de changemens que dans l’étendue de la variation. Au
sommet des pics comme en plaine et comme au fond
des vallées, celles du matin et du soir ont donné les
hauteurs d’autant moindres que l’heure où je les fai-
sois étoit plus éloignée du milieu du jour; cependant
ce n’est point l’heure précise de midi qui partage les
deux progressions. Les hauteurs déduites continuent à
croître encore jusques vers une heure ou deux, plus
ou moins; mais la quantité comme la durée de cet
accroissement dépendent beaucoup de la saison, de la
présence du soleil et peut-être de la direction des vents.
Une petite partie de ces variations horaires pourroit
être attribuée à l’état hygrométrique de l’atmosphère,
et il ne seroit pas difficile d’introduire dans le calcul
une correction pour l’humidité ; mais la plus forte por-
tion de l’erreur résulte incontestablement d’une cause
bien plus puissante et bien moins appréciable, savoir
l’influence des vents ascendans et descendans, qui
agissent à la fois sur le baromètre et sur le thermomètre,
soit en augmentant ou diminuant le poids de la co-
lonne d’air au gré de leur vitesse et de leur direction,
soit en apportant des couches supérieures ou inférieures
de l’atmosphère une température étrangère au lieu où
se fait l’observation. De pareilles perturbations sont
essentiellement anomales : aussi diversifiées que les
temps, les saisons et les lieux, elles se refusent à toute
A L'AIDE DU BAROMÈTRE. 5
appréciation , même approximative; il n’y a d’autre
ressource que d'éviter les heures où leur intervention
est la plus ordinaire. Celles du milieu du jour en sont
le: moins communément affectées, et l’heure du midi a
entre elles cet avantage particulier que les hauteurs
qu’elle donne , sont assez exactement moyennes entre
celles que fournissent les observations faites dans la
limite des trois ou quatre heures red cette
petite période d’équilibre. : sé ;
k \Ces considérations me paroissent « condamnersans retour
ces autres moyennes que l’on est dans l’habitude de
prendre entre des observations faites pêle- -mêle à diffé-
rentes heures du jour et de la nuit. Au lieu d’appro-
cher du but qu’on se propose, on s’en écarte indé-
terminément en comparant des résultats qui ne sont
nullement comparables. Où il n’y a point de somme,
il n’y a point de moyenne : il faut employer le choix
avant de se réduire à l'instrument du doute, et réprouver
des quantités hétérogènes, pour ne mettre en balance
que celles en faveur de qui toutes les présomptions sont
‘égales. Or, puisqu'il est démontré que chaque partie
du jour imprime aux observations une marche qui lui
est propre, on ne gagnera certainement rien à appeler
en témoignage les heures où nos formules sont cons-
tamment en défaut. C’est enlever des chances à la vé-
rité et en fournir à l’erreur , que de mettre en concours
les probabilités de l’une avec la certitude de lautre,.
Et, par exemple,, s’il est vrai, comme je l'ai avancé
et comme Saussure le ‘soupçonnoit avant-moi, que
6 SUR LA MESURE DES HMAUTEURS
l'heure de midi donne seule les hauteurs justes, que
servoit à la mesure du col du Géant de mêler les ob-
servations du matin, du soir et de la nuit à celles du
milieu du jour, puisque celles-là n’étoient propres qu’à
introduire l’erreur dans une proportion qui dépendoit
du nombre respectif des unes et des autres, en sorte
qu’il pouvoit y avoir autant de moyennes différentes
qu’il auroit plu à lobservateur d'employer de doses de
chacune ?
$ IT. Des situations.
ES
UxE autre circonstance est de nature à exercer une
puissante influence sur la justesse des mesures prises à
* Vaide du baromètre; celle-ci a été à peine entrevue et
n’a pas été du tout appréciée : c’est le lieu de lPob-
servation., Les baromètres correspondans peuvent être
placés dans les plaines, sur des montagnes plus ou
moins dominantes ou dominées, dans des vallées plus
ou moins étroites et profondes ; ils peuvent être tous
deux dans la même position , ou bien être chacun dans
une position différente. Chacune de ces combinaisons
a ses conséquences particulières , et moins elles sont évi-
tables, plus il importe de connoître le sens et l’étendue
des erreurs qu’elles peuvent occasionner.
Comme il n’y a réellement qu’une seule heure du
jour qui convienne parfaitement aux observations, de
même il n’y a en quelque sorte qu’une seule situation
qui puisse satisfaire complettement lobservateur : il
faudroit que les baromètres pussent être toujours placés
=
À L'AIDE DU BAROMÈTRE. 7
sur des sommets isolés. Plus l’isolement sera complet,
moins les influences locales qui dépendent de la pré-
sence de la terre, affecteront la portion de l'atmosphère
qui environne les instrumens ; plus les élévations seront
considérables, et plus la‘somme des accidens qui agissent
sur la totalité de la colonne d’air , sera petite pour la
partie de cette colonne qui est soumise à l’expérience.
Cette dernière considération explique pourquoi les
variations du baromètre diminuent communément à
mesure que l’on s'élève. J’ai porté neuf fois cet ins-
trument au sommet du pic du midi: chaque fois j'y ai
fait une suite d’observations. La température y a varié
de plus de 12 degrés. J’ai choisi exprès des temps fort
différens , et spécialement ceux des plus grandes hausses
et des plus grandes baisses du mercure. J’ÿ ai trouvé
sa moyenne élévation à 543 millimètres, et les extrêmes
de la variation ont été renfermés dans l’espace de 13.66
millimètres , ou exactement six lignes. Ces mêmes va-
riations ont été presque de moitié plus fortes dans la
plaine voisine, qui est elle-même fort élevée.
Il suit de là que lorsque l’un des deux baromètres
étant au haut d’un pic, l’autre est placé au bas de la
montagne, la plus grande partie des erreurs est à im-
puter à l’observation inférieure ; aussi l'observation su-
périeure est ordinairement comparable à toutes celles
qui peuvent être faites dans des plaines même fort
éloignées, tandis que les observations de la plaine sont
à peine comparables entre elles, même aux plus mé-
diocres distances. J’ai eu la curiosité de calculer celles
8 SUR LA MESURE DES HAUTEURS
que j'ai faites au haut des Pyrénées, avec les obser-
vations que notre confrère Bouvard fait à Paris. L’énorme
distance qui nous séparoit s’est rendue peu sensible dans
les résultats, et les erreurs ont été d’autant plus mé-
diocres que les hauteurs à mesurer étoient plus consi-
dérables. Ces erreurs même ont paru affecter un sens
déterminé et suivre une loi qui vaudra la peine d’être
examinée. Le désordre, au contraire, a été extrème lorsque
j'ai voulu appliquer le baromètre au nivellement des
plaines. Je n’en présenterai qu’un exemple dans trente-
cinq observations que j’ai faites à Marly-la-Ville pour
déterminer l’élévation de son plateau au-dessus du cours
de la Seine, à Paris. Ce sont encore les observations
de Bouvard qui m’ont servi de terme de comparaison.
Élévation de Marly - la - Ville au - dessus de
l Observatoire.
10 juillet 1804, à midi . 64 mètres. 7 octobre 1804, à midi. 59 mètres.
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A L'AIDE DU BAROMÈTRE. 9
29 octobre 1804, à midil. ,66.mètres. 2 novem. 1804, à midi. 60 mètres,
30.4 LS NAN 102 ENORME CREME
BTS NEA Eee « 70 tic, AR HE ddl À
1 novembre . . . . . 68
Moyenne des trénte-cinq observations . . . . .: 66.
: Élévation de l’Observatoire au - dessus des: basses eaux. . 47
—
Élévation de Marly au-dessus de la Seine à Paris. . . . 113
Dans cette série , on voit varier les résultats de 10 à
11 mètres d’un jour à l’autre, quoiqw’ils appartiennent
tous à l’heure la plus favorable, et les extrêmes ont
embrassé un intervalle de 21 mètres, quantité fort con-
sidérable en elle-même, et qui devient énorme si on
la compare à la hauteur mesurée, puisqu’elle constitue
le tiers de la moyenne arithmétique des trente - cinq
observations. Aucune autre position des deux baro-
mètres correspondans n’offrira de pareilles aberrations,
et il est possible qu’elles soient dues en partie à l’in-
terposition de Paris; mais elles avertissent assez de la
réserve qu’il faut apporter à prononcer sur de petites
différences de niveau , lorsqu’on les conclut d’observa-
tions faites dans les couches inférieures de l’atmosphère
et dans ces positions où l’air étant de toutes parts en
contact avec la terre, subit une multitude de modifica-
tions inappréciables, qui agissent sur les instrumens à
l’insû de l’observateur.
Sous ce dernier rapport , les vallées participent à la
condition des plaines; mais cette condition est singu-
lièrement altérée par l’inclinaison des pentes, la hau-
1806. Second semestre. 2
#40) SUR LA MESURE DES HAUTEURS
teur des montagnes environnantes et les directions que
ces circonstances impriment aux courans d’air. Saussure
avoit reconnu combien les gorges étroites et profondes
étoient peu propres aux observations barométriques. II
n’y auroit pas besoin d’en apporter d’autre preuve que
celle que nous fournit la Novalèse. Deluc y a fait trois
observations qui ont donné 422, 414, 400 toises, dont
la moyenne seroit 412 toises. Voilà de grandes diffé-
rences. Les observations de Saussure les augmentent
probablement encore. Il en a fait huit qu’il ne détaille
point ; il se borne à en donner la moyenne, qui est
400 toises. Or, s’il a employé ici la formule de Trembley,
cette moyenne , ramenée au calcul de Deluc, se rédui-
roit à 390 toises. Mes propres observations ne m’ont
guère fourni d'exemples de pareilles disparates. Il est
probable que celles-ci procèdent en bonne partie des
heures où les observations ont été faites, de la distance
où se trouvoit le baromètre correspondant , qui étoit
généralement en permanence à Genève, de la situation
même de cette ville au pied des plus hautes montagnes
des Alpes, situation que je regarde comme peu propre
à fournir une base solide aux opérations de ce genre;
enfin de l’interposition d’une grande partie de la chaîne,
qui séparoit et modifioit diversement les deux atmos-
phères où les instrumens étoient placés. Saussure, au
reste, ne s’est point trompé sur la cause générale qui
influe sur les observations faites dans de pareils lieux :
il la trouve dans Les vents verticaux, qui tantôt aug-
mentent et tantôt diminuent la pression de lair sur
A L'AIDE DU BAROMÈTRE.. > Pr
Ze mercure-(x); mais cette même cause de trouble agit
dans bien d’autres cas, et dans celui-ci elle prend, à
mon gré, un caractère très-remarquable par l’unifor-
mité avec laquelle elle paroît agir dans un seul et même
sens. C’est ce que Saussure n’a point remarqué , et c’est
ce qui résulte de mes propres observations, si elles ne
m'ont point abusé.
La plupart de ces ébsenvètions ont été faites dans
la vallée de Barèges. Je ne pouvois rencontrer un lieu
plus propre à déterminer lPaction des gorges étroites et
profondes sur les instrumens météorologiques. Quoique
cette vallée soit déjà très-élevée , puisqu'elle se trouve
à 1290 mètres au dessus du niveau de la mer, cepen-
dant elle n’en est pas moins enfoncée entre deux chaînes
de montagnes mi la dominent immédiatement de 12 à
1400 mètresi, et ne laissent entr’elles qu’un intervalle
de quelques centaines de pas. Au fond d’un pareil
canal que tous les vents sont forcés de parcourir dans
le sens de son inclinaison, où des montagnes glacées
versent par torrens lair que le froid de leurs cimes a
condensé autour d’elles, qui reçoit dans des directions
convergentes celui que le même refroidissement préci-
pite incessamment des hautes régions de l’atmosphère,
et dont les parois absorbent ou réfléchissent la chaleur
selon qu’ils sont éclairés du soleil. ou privés de sa lu-
mière, on doit s’attendre que le poids.et la température
de Pair, indiqués par les instrumens , seront rarement
QG) Voyages dans les Alpes, $ 1256,
12 SUR LÀ MESURE DES HAUTEURS
dans'un rapport exact avec l’élévation où ils sont placés,
et l’on peut déjà prévoir à peu près dans quel sens se
feront les erreurs auxquelles on est exposé.
Or, la hauteur de Barèges , au dessus de Tarbes, est
suffisamment établie par des nivellemens, et notamment
par celui de MM. Vidal et Reboul, nivellement qui a
été prolongé jusqu’à la cime du pic du midi, et qui a
servi à déterminer l’élévation relative de tous les degrés
de cette longue échelle. Je ne puis former le moindre
doute sur cette belle opération qui m'est parfaitement
connue , et que j'ai vu exécuter, il y a dix-neuf ans,
avec des précautions qui la mettent à l’abri de tout
soupçon. Il m’étoit donc facile de reconnoître ici la
marche du baromètre, en comparant à la hauteur réelle,
les hauteurs conclues à l’aide de cet instrument et au
moyen des formules qui donnoïient la hauteur juste dans
des positions favorables. Mais il falloit multiplier beau-
coup les observations, parce que dans un lieu pareil
je devois m’attendre à de grands écarts. J’en ai donc
fait et calculé séparément quatre à cinq cents en dif-
férentes années et en différentes saisons. Elles ont été
fort divergentes, quoique beaucoup moins que celles
de la Novalèse; mais ce qu’elles ont eu de bien remar-
quable , c'est qu'aucune n’a donné la hauteur véritable,
et que la moyenne des observations de midi même est
demeurée invariablement d’une vingtaine de mètres au
dessous de cette hauteur.
J’ai fait ensuite quelques observations à Luz et à
Gavarnie, situés de même au fond de bassins plus ou
A L'AIDE DU BAROMÈTRE,. 13
moins étroits et fortement dominés. L’élévation de ces
lieux nous est également connue par des nivellemens :
j'ai eu constamment la même erreur en défaut.
J’ai porté le baromètre sur des plateaux et des rochers
compris dans ces grandes excavations, mais saillans au
dessus de leur fond : le résultat a encore été le même.
La marche n’a changé que vers ces hauts cols où
Vair reprend sa liberté. Au Tourmalet et au port de
Gavarnie, élevés , un de 2195 mètres , l’autre de 2331,
le baromètre m’a donné presque exactement la hauteur
que les nivellemens leur ont assignée.
Dans. les gorges étroites où j’ai opéré , les deux ins-
trumens consultés ont dû être affectés chacun à leur
manière par les circonstances locales. Mais il est évi-
dent que le thermomètre n’est pour rien dans les erreurs
faites à midi, dès que ces erreurs ont été en moins;
car c’est le propre des lieux ainsi disposés de concen-
trer la chaleur durant le gros du jour , et le coëfficient
s’y trouve habituellement exagéré de cet excès de tem-
pérature. Les observations de midi devoient donc donner
des hauteurs trop fortes : or, l’erreur étant toujours en
sens contraire , il falloit recourir à une autre influence
qui l’emportât de beaucoup sur celle de la chaleur. Je
la trouve dans la pression constante des vents descen-
dans que l’inclinaison des pentes dirige sur la cuvette
du baromètre , et qui élève la colonne de mercure au
dessus du point où le poids seul de l’atmosphère l’au-
roit soutenue.
Il m’étoit aisé de vérifier cette conjecture en faisant
14 SUR LA MESURE DES HAUTEURS
la contre- épreuve. Le baromètre correspondant avoit
été jusqu’à présent à Tarbes. Il ne s’agissoit que de le
transporter au sommet des montagnes , et le baromètre
de Barèges occupant alors la station inférieure, l’excès
d’élévation que j’attribuois au mercure devoit me donner
les hauteurs trop fortes.
Dans ce cas-ci , il n’étoit pas aussi indispensable de
multiplier les observations, parce qu’il y avoit moitié
de gagné sur les causes d’erreur, puisque l’un des deux
baromètres étoit affranchi des influences perturbatrices
qui règnent dans les couches inférieures de l’atmo-
sphère. Voici celles que j’ai faites l’année dernière au
sommet du pic du midi et du pic de Bergons.
Pic du midi.
Elévation au-dessus de mon cabinet de Barèges, . «+ , 1654 mètres.
10! du matin « .« 1663 mètres.
ob es TT 66
30) août 280Br-re de de JAP le ve ile 202672
Midi. . . . .« . 1677
oh ? du soir . . 1679
1e 50% +1. 4674
10" du matin . « 1652
10h 1, + + + + 1659
15 Septembre, ie ee Sales à ee 11662
Midi... + . ., 1664
1 du soir. + . 1679
À L'AIDE DU BAROMÈTRE. 19
Pic de Bergons.
Élévation au-dessus de mon cabinet de Barèges. . . . 832 mètres.
10" du matin. . . 846
ADR ae latente le OA
11 septembre 1805. . 4114. . . . . . . 848
Midi.. . . . .« + 846
12 du/sOir.e « + 099
Ces seize observations font encore apercevoir assez
distinctement la marche des heures, malgré les irrégu-
larités que la position du baromètre inférieur ne pou-
voit manquer d’y introduire ; mais ce qui est évident,
c’est l’excès de hauteur qui résulte de l’ensemble de ces
observations, et pour ne nous arrêter, comme de cou-
tume, qu’à celles de midi, on remarque que la pre-
mière est trop forte de . . :. . . . . . 23 mètres.
Bidfsecomde dr PE RENE S A eLT o
Ba’troisième/; de: sèn l.lg1. 4 +. ad
La moyenne de ces troïs erreurs est d’environ 16
mètres en plus , qui compensent à peu près les 20 mètres
d’erreur en moins que la moyenne des observations de
Barèges a donnés, lorsque le baromètre inférieur étoit à
Tarbes. On ne peut attendre un résultat plus satisfaisant
d'opérations où il entre un élément aussi capricieux
que l’est l'influence des vallées sur les instrumens mé-
téorologiques.
Il ne me restoit qu’une expérience à faire dans les
lieux de cette espèce; celle d’établir à la fois les deux
baromètres dans la même vallée sur deux points de
16 SUR LA MESURE DES HAUTEURS
niveau différens. J’ai choisi , à cet effet, un rocher peu
éloigné de Barèges, et médiocrement élevé au dessus
de mon cabinet. J’en ai mesuré d’abord trigonométri-
quement la distance et la hauteur relative, et j’ai en-
suite vérifié celle-ci par un nivellement. Les deux dé-
terminations ont été conformes à moins d’un mètre près.
Ce rocher est connu sous le nom de Butte de Sers. J’ai
trouvé la distance de 1994 mètres, et la hauteur au
dessus de ma station habituelle de 54 mètres. Je n’ai
pas eu le loisir d’y faire beaucoup d’observations , mais
le petit nombre de celles que j’y ai faites suffisoit pour
satisfaire ma curiosité.
tit 2 du matin . . 55 mètres,
23 septembre 1805 , .
Midi. . : . . +. 56
11% © du matin . . 58
24 septembre . . . . Midi... . . . . . 59
o" = du soir, . . 60
11: du matin . .« .« 60
4 octobre & «‘. «
LE FRE EME NE 2 AR T1
11h 2 du matin , . 54
z
7 octobre . . « . : f F3
EG ER ON METRE?
Ces neuf observations ayant été toutes faites aux en-
virons de midi, il y a entre elles peu de raisons de
préférence, et l’on peut les employer indistinctement
pour la détermination de la hauteur cherchée. Leur
moyenne arithmétique n’excède que de 3 mètres la
mesure géométrique , et trois d’entre elles ont été justes
ou à peu près. Il faut même convenir que les varia-
tions qui ont eu lieu d’un jour à l’autre sont très-
ns L'AIDE DU BAROMÈTRE. 17
médiocres, eu égard aux inconvéniens d’une pareille
station, et il est.clair que les deux baromètres se
trouvant sous la même influence générale , ont marché
à peu près comme s’ils en étoient exempts.
$ III. Des météores.
D'APRÈS ce que nous avons dit, soit de influence
des heures, soit de celle des positions, il paroît que
- l’inclinaison des courans d’air est la cause principale
à laquelle l’une et l’autre viennent se réduire. Peut-
être faudra -t-il y ramener encore l’action des vents
généraux, s’il est vrai, comme je serois tenté de le croire,
qu’ils n’affectent les observations qu’autant qu’ils s’é-
cartent naturellement ou accidentellement de la direc-
tion horizontale , en sorte que dans beaucoup de cas
les conclusions que l’on tireroit des observations.entre-
prises dans la vue de déterminer l'influence de ces vents,
ne seroient justes que relativement à la latitude , au
‘pays, à la saison où elles auroient été faites. Ces ob-
servations, au reste, ne sont rien moins que faciles.
D'abord , il n’est pas toujours aussi aisé qu’on le pense
de savoir quel est précisément le vent qui domine, car
il est rare d’en voir un seul entraîner à la fois toutes
les couches de l’atmosphère dans une même direction.
Une grande partie de ceux que nous ressentons, ne
sont que des remoüûts dont l’origine n’est souvent rien
moins qu’éloignée; et dans nos climats, j’ai rencontré
dix fois pour une les vents du sud vers les hautes
régions , quels que fussent ceux qui soufflassent au picd
1806. Second semestre. 3
*
18 SUR LA MESURE DES HAUTEURS
des montagnes. Le plus sûr caractère auquel on puisse
reconnoître les vents généraux et dominans , parmi tous
les vents particuliers qui s’entrecroisent, c’est l’éléva-
tion même du mercure dans le baromètre. Les grands
abaissemens décèlent toujours l’arrivée des vents de la
région australe ; ceux de la région boréale s’annoncent
par le signe contraire : et cependant , c’est précisément
en sens inverse que les vents de l’une et l’autre région
agissent sur le baromètre exposé à leur choc dans les
couches supérieures de l’atmosphère. Au haut des pics,
j'ai vu les coups de vent du nord faire baisser le mer-
cure en soulevant la colonne d’air ; les bourrasques du
sud, au contraire, sembloient la déprimer, et occa-
sionnoient daris le baromètre une hausse momentanée,
mais très-sensible. Ces oscillations vont souvent à deux et
trois dixièmes de millimètre, par des vents qui ne sont
rien moins qu’impétueux. Des vents plus forts et plus
continus, sans exciter des mouvemens beaucoup plus
apparens, n’en agissent pas moins avec une puissance
proportionnée à leur constance et à leur intensité, et
la force avec laquelle ils retiennent le mercure au dessus
ou au dessous de son niveau, se manifeste bientôt par
l'étendue des erreurs que le vice de l’observation in-
troduit dans la mesure des hauteurs. Mais rien jusqu’à
présent ne determine quelle part la nature même de ces
vents peut avoir à des effets sur lesquels Paspect et la
forme des terrains exerce nécessairement tant d’in-
fluence; et bien que j'aie réellement cru reconnoître
dans de longues suites d'observations faites au voisinage
A L'AIDE DU BAROMÈTRE. 19
des plaines, que les vents de la région boréale ten-
doient encore à donner les hauteurs un peu plus fortes,
cependant je n’oserois décider si ce résultat appartient
à action propre de ces vents, plutôt qu'aux dérangemens
que la disposition des lieux apporte à la direction de
leurs courans. /
Je demeure dans une incertitude pareille, relative-
ment à un phénomène que j'ai constamment observé
dans tous les lieux où j’ai appliqué le baromètre à la
mesure des hauteurs, savoir l’influence extraordinaire
que les temps orageux ont exercée sur les résultats. Jai
sous les yeux un bon nombre d’observations faites soit
avant, soit après les orages , soit pendant leur durée;
le baromètre supérieur se trouvant tantôt dans les
vallées, tantôt au sommet des montagnes, et le baro-
mètre inférieur demeurant toujours dans la plaine li-
mitrophe. La proximité ou l’éloignement du foyer de
la tempête, sa situation relativement aux deux baro-
mètres correspondans, les vents, le calme, la présence
du soleil ou l’interposition des nuages, n’ont apporté
dans les effets aucune variation qui parût en rapport avec
l’état apparent duciel. Toujours l'erreur a été énorme, et
toujours elle a été moins. En allouant toute la latitude
- possible aux causes connues qui pouvoient déterminer
une erreur dans ce sens, il est toujours resté vingt,
trente, quarante mètres pour la part de l’orage. De
quelle nature est la modification que l’atmosphère subit
dans ces circonstances ? quel en est l’agent ? à quel point
l'effet observé dépend-il des lieux mêmes où je l’ai vu
20 SUR LA MESURE DES HAUTEURS
se manifester? Voilà autant de questions que mes ex-
périences ne m'ont point mis en état de résoudre. Il
n’y a qu’une chose bien certaine , savoir que les temps
orageux sont au premier rang de ceux où il faut s’abs-
tenir des observations tendantes à la mesure des mon-
tagnes, pour peu que l’on prétende à l’exactitude dont
ce genre d’opérations est susceptible.
Du reste, hormis les grands météores dont je viens
de parler, je n’en connois aucun qui se soit distingué
dans mes opérations par une action particulière. La
diversité des saisons, l’état.du ciel, et même la séche-
resse et l'humidité de l’air, ont sans doute trop peu
d'influence pour se faire apercevoir nettement dans ce
petit cercle d’incertitudes où se cachent tantôt les er-
reurs de l’observation, et tantôt celles qu’occasionnent
ces agitations secrètes de l’atmosphère, qui interver-
tissent à notre insû l’ordre dans lequel décroissent de
bas en haut la chaleur et la densité de l’air. Cette
dernière cause d’erreur en couvre habituellement bien
d’autres; et quand on insiste long-temps sur la mesure
d’une seule et même hauteur, on est forcé de lui rap-
porter la plupart des variations qu’éprouvent du jour
au lendemain les résultats d'observations faites souvent
dans les mêmes circonstances apparentes.
La méthode que j’ai employée pour démêler ce qui
pouvoit appartenir en propre à chacun des effets par-
ticuliers dont l’effet général se compose, est à la fois
très-simple , et la seule qui pût remplir l’objet que je
me proposois. Diverses hauteurs bien déterminées étant
ILE"
A L'AIDE DU BAROMÈTRE, 21
calculées un grand nombre de fois, d’après des obser-
vations faites avec soin dans des circonstances fort
différentes ; il ne s’agissoit, pour établir la valeur de
chacune de ces circonstances, que de comparer la
moyenne des résultats obtenus sous l'influence de l’une
d’entre elles, à la moyenne de ceux qui avoient été
“obtenus sous l’empire des autres. Dans ces comparai-
sons , les causes les plus puissantes devoient se mon-
trer les premières; et il n’étoit pas difficile d’éliminer
Vinfluence des heures, des situations, des grandes
agitations de l’atmosphère, pour reconnoître les temps
et les lieux les plus favorables à la détermination du
coëfficient qui convenoit aux températures. moyennes,
Il étoit déjà moins aisé de démêler et vérifier la partie
de ce coëfficient qui appartenoit à la température elle-
même. L’observation du thermomètre est fort délicate ,
et c’est de cet instrument que procède la plus grande
partie des erreurs que l’on commet dans la mesure-des
montagnes, quand on se contente d’inscrire la chaleur
qu’il indique à l’instant précis où l’on note la hauteur
du baromètre. Il faut le voir marcher assiduement et
long-temps pour démêler la véritable température de
Pair, au milieu des températures fort diverses qu’il ac-
cuse d’un moment à l’autre. Le baromètre n’expose
que bien rarement à de pareilles incertitudes : il est
en,rapport immédiat avec la totalité de la colonne d’air
qu’il est destiné à peser. Quand même les couches en
sont en désordre, celles qui se trouvent accidentelle-
ment hors du rang de leurs densités agissent sur lui
22 SUR LA MESURE DES HAUTEURS
par leur tension, et il demeure immobile, tandis que
le thermomètre livré à toutes les impressions voisines ,
monte et baisse de plusieurs degrés au passage de chaque
petite atmosphère que lui apporte la mobilité des airs.
L’emploi de cet instrument exige donc plus de sagacité
que l’on ne pense communément, et quoique des ob-
servations très-nombreuses, faites depuis trois ou quatre
degrés au dessous du terme de la congélation, jusqu’à
trente degrésau dessus deceterme,aientsuffisammentjus-
tifié pour moi la loi dedilatation adoptée par M. Laplace;
quoique les résultats moyens, obtenus à des tempéra-
tures aussi variées, aient été sensiblement égaux entre
eux, distraction faite de ce qui pouvoit appartenir à
l’action mécanique des vents, et aux modifications que
la disposition des terrains apportoit à cette action,
cependant il na été impossible d'atteindre à ce degré
de précision où la part de l'humidité auroit commencé
à se distinguer de celle de la chaleur. J’ai beaucoup
consulté l’hygromètre, et j’ai eu le bonheur extraordi-
naire de lui voir parcourir plus de soixante degrés de
son échelle; car le 9 octobre de l’année dernière , à
Barèges, dont l'élévation absolue est de 1290 mètres,
j'ai vu un excellent hygromètre à cheveu, de la cons-
truction de Fortin, descendre à la sécheresse jusqu’au
39° degré, le vent étant au sud , le baromètre à 66.19
centimètres, et le thermomètre centigrade à 16.5 degrés;
et en 1803, le 7 novembre, il étoit descendu à 34 de-
grés au sommet de Lhérins , élevé de 1598 mètres,
le vent étant de même au sud, le baromètre à 62.18
unit
A L'AIDE DU BAROMÈTRE. 23
centimètres , et le thermomètre à 11.4 degrés. J’avouerai
que cette observation - ci est moins sûre que la précé-
dente, parce que j'y ai employé un hygromètre de
Richer, et que le ressort que cet artiste a substitué au
poids jette beaucoup d’irrégularité sur la marche de cet
instrument, quelque soin que l’on apporte à en regler
les deux termes fixes ; car l’expérience m’a prouvé que
ses degrés ont diverses valeurs, selon qu’il va de l’hu-
mide au sec, ou du sec à l’humide. Je n’alléguerai
donc point une autre observation faite la même année
à Bagnères, où par un vent de sud, d’une chaleur
tout-à-fait extraordinaire pour la saison, puisque le
thermomètre étoit à 23.75 degrés, le 18 novembre à
neuf heures du soir, j’ai vu le même hygromètre des-
cendre au 24° degré ; mais, en allouant à l’erreur de
l’instrument tout ce qu’on peut raisonnablement lui
accorder, il n’en est pas moins certain que j’ai observé
à des degrés d'humidité extrêmement différens , et que
néanmoins la part de cette circonstance a été couverte
dans les cas extraordinaires par celle des circonstances
plus prépondérantes dont ils étoient acçompagnés, et
dans les cas ordinaires par la tolérance due à l'erreur
mème des observations. La raison en est évidente. Le
facteur de la température, étant empiriquement dé-
terminé , renferme déjà la correction de l’humidité
moyenne ; et les quantités dont cette moyenne se trouve
augmentée ou diminuée , sont ordinairement trop petites
pour affecter sensiblement des résultats où les moindres
accidens occupent plus de place que ces quantités. La
24. SUR LA MESURE DES HAUTEURS
théorie appuyée sur des expériences directes, pourroit
faire davantage : elle détacheroit facilement une cor-
rection spéciale de la correction de la température;
mais il n’est pas clair que le calcul gagnât en exacti-
tude autant qu’il perdroit en simplicité, car l’hygro-
mètre auroit aussi ses infidélités du moment où on le
feroit concourir à la mesure des hauteurs. Il ne peut
indiquer que l’humidité de la lame d’air qui le traverse,
et celle-ci, bien souvent, n'appartient point à la région
où il est observé, et bien plus souvent encore, il n’y a
rien à conclure du rapport des deux hygromètres cor-
respondans , pour la plus grande partie de la couche
d’air qui les sépare. Je crois donc que nous pouvons,
sans inconvénient, opérer dans la supposition d’une
humidité moyenne constante , et laisser les variations
dans ce dernier résidu d’incertitudes qui subsiste encore
après l’élimination de toutes les causes appréciables d’er-
reur. Ce résidu, que nous abandonnons , rentre dans le
domaine de la météorologie, à laquelle il pourra être
d’un grand secours. Après avoir employé ses instrumens
à la mesure des hauteurs, nous lui rendons la mesure
des hauteurs comme un moyen d’apercevoir certaines
. modifications de atmosphère que la seule marche des
instrumens ne sauroit lui révéler. Le trouble intestin
dont l’océan des airs est souvent travaillé, se manifes-
tera par les écarts de ces mesures, quand aucun autre
signe ne le rendroit perceptible ; et ces nouveaux té-
moignages fourniront un nouvel appui aux pronostics
qui constituent une des utilités prochaines et habituelles
du baromètre,
A L'AIDE DU BAROMÈTRE. 25
Conwciusion.
L’Eexposirion des moyens qui j’ai employés pour
déterminer par l’observation un coefficient qui vient
de recevoir la sanction de l’expérience, indique suf-
fisamment à ceux qui se livreroient à de pareilles recher-
ches, les précautions qu’exigeroit d’eux la vérification
des quantités qui entrent dans la formule de M. Laplace.
Mais en attendant que des observations encore plus
nombreuses, encore plus variées, encore plus exactes,
aient assigné une valeur aux inconnues que j'ai été
forcé de laisser sur ma route, je réduirai aux plus
simples termes les avis que mon expérience peut donner
à ceux qui se contenteront d’appliquer la formule telle
qu’elle est, à la mesure des hauteurs.
I. On pourra espérer avoir les hauteurs justes, quand
on observera à midi, par un temps calme et qui n’in-
cline pas trop au changement , les deux baromètres se
trouvant l’un et l’autre sur des sommets isolés , ou le
baromètre inférieur étant placé dans une plaine bien
ouverte, et à une distance médiocre. Dans ce dernier
cas même, j’aimerois mieux augmenter la distance
qu’approcher le baromètre du pied des montagnes, où
Vavantage de la proximité est plus que balancé par
l’action perturbatrice des vents descendans. Hors de ces
circonstances éminemment favorables , les erreurs n’ont
point de mesure fixe : elles ne peuvent être corrigées,
que par l’estime, et selon le degré d'influence. que
1806, S:cond semestre. 4
36 SUR LA MESURE DES HAUTEURS
l'expérience de l’observateur assignera aux causes qui
doivent les produire.
_ 19, On estimera, en général, les hauteurs trop
foibles:
20, Quand l’observation se fera le matin ou le soir;
IT. Quand le baromètre inférieur étant dans une
plaine, le baromètre supérieur sera dans une vallée
étroite et profonde ; b
3°. Quand les vents souffleront fortement de la ré-
gion australe ;
4°. Quand le temps sera manifestement orageux.
III. On estimera, au contraire; les hauteurs trop
fortes.
1°, Quand on observera entre midi et deux ou trois
heures, sur-tout l’été et quand le soleil ne sera point
caché par les nuages;
2°, Quand le baromètre supérieur étant au sommet
des montagnes, le baromètre inférieur sera placé dans
une gorge étroite et fortement dominée ;
3°. Quand il régnera un vent fort de la région bo-
réale, surtout si l’on est sur une montagne, et s’il en
frappe la pente la plus escarpée.
IV. Enfin, on sera certain que les erreurs seront
grandes et variables dans tous les sens , quand les dif-
férences de niveau seront peu considérables , et les deux
baromètres placés dans la même plaine ou la même
-Yallée, et bien plus encore lorsqu’ils seront placés dans
A L'AIDE DU BAROMÈTRE. 27
deux vallées séparées par une chaîne de montagnes.
Dans ces cas-ci, la distance horizontale ne sauroit être
trop petite , et malgré la proximité on ne pourra prendre
confiance que dans les moyennes d’un très - grand
nombre d’observations.
Au reste, les erreurs que nous appelons grandes ,
eu égard à la précision mathématique, sont souvent
Petites par rapport à l’objet qu’on se propose; et les
résultats auront presque toujours une exactitude suffi-
sante pour l'ingénieur et le géologue, puisque l’indi-
cation des causes d’erreur les plus ordinaires, les met
désormais en état d'éviter les unes et d’apprécier les
autres,
26 SUR LE COMMERCE DES OEUFS DE POULES;,
MÉMOIRE
Sur Le commerce des œufs de poules, et sur leur
co7servation ;
Par M. PARMENTIERr.
Lu le 10 floréal an 12.
PREMIÈRE PARTIE.
Lss œufs présentent comme aliment, comme assai-
sonnement et comme médicament, une ressource in-
finiment précieuse dans toutes les circonstances de la
vie; apprêtés sous une multitude de formes, et sous
toutes les formes également utiles et salutaires, ils
figurent sur la table du riche comme sur celle du
pauvre , du citadin comme de l'habitant des champs,
de l’homme robuste comme du convalescent; en un
mot, les œufs sont si généralement nécessaires, que
ce seroit faire un tort réel à la société que de l’en priver
en les soumettant tous à l’incubation.
Destinés à la reproduction de l’espèce, les œufs ne
remplissent pas toujours ce but important de la nature;
les animaux en détruisent beaucoup, parce qu’ils y
trouvent une nourriture dont ils sont extrêmement
friands. L’homme qui partage ce goût, mais souvent
devancé par eux dans la recherche des nids qui con-
ET SUR LEUR CONSERVATION... 29
tiennent cette ressource alimentaire > s’est avisé de
rassembler autour de lui les femelles qui en fournissent
le plus grand nombre ; delà ces oiseaux qui peuplent
nos basses-cours , et telle est le succès de sa spéculation
qu’en leur procurant un gîte commode , un abri contre
les vicissitudes des saisons et leurs ennemis, une sub-
sistance appropriée , suffisante et assurée dans tous les
temps , enfin des soins et un traitement méthodique , il
est parvenu non-seulement à les multiplier, mais encore
à les vaïier, améliorer leurs races, et perfectionner
leurs résultats. |
Les oiseaux soumis à la condition de la domesticité,
entretenus dans nos fermes, fournissent des œufs gé-
néralement bons à manger, mais ce n’est guère ‘que
chez les habitans des Campagnes qu’on les consomme ;
car , à l’exception de quelques endroits très-circonscrits y
ils ne sont pas considérés comme un objet de commerce js
1°. Parce que les femelles qui les fournissent sont
trop peu multipliées ; |
2°. Parce que leurs œufs ; hormis ceux de la seconde
ponte, sont tous employés au renouvellement de espèce;
3°. Parce que quand bien même les canards , les
oies et les dindons qui vivent et se multiplient ‘au
milieu de nos ‘habitations compléteroient leur ponte,
et fourniroient un plus grand nombre d’œufs qu’ils
n’en donnent ordinairement, toutes les localités ne
sauroient convenir À leur éducation.
Il n’y a donc que; la poule. qui, parmi les oiseaux
de basse-cour, s’accommode de tous les climats, de
30 SUR LE COMMERCE DES OEUFS DE POULES;,
tous les terrains et de tous les aspects; aussi chez les
différentes nations policées du globe, il n’est point de
chaumière autour de laquelle on ne l’aperçoive, et
qui, fidèle à la maison où elle est élevée et nourrie , ne
s’en écarte jamais. Elle peut même devenir pour le voya-
geur égaré le premier guide vers une habitation ; la poule,
en un mot, est une sorte de cosmopolite.
Les plus gros œufs que nous connoïissons sont ceux
d’autruche , ils pèsent jusqu’à trois livres, et un seul
peut suffire au repas d’un homme; mais entre les
oiseaux que nous élevons, l’oie est celui qui en fournit
de plus volumineux ; dans les environs de Toulouse on
les vend jusqu’à dix centimes à des particuliers qui les
font couver par des femelles étrangères.
Après les œufs d’oies viennent ceux de dinde, leur
coque est parsemée de petites taches rougeâtres mêlées
de jaune, ils communiquent aux mets préparés avec les
œufs de poule dans lesquels'ils entrent , un caractère plus
moëlleux ; ensuite ceux de cane , ordinairement verdâtres
à leur extérieur , le jauneest gros , assez foncé en couleur ;
cuits à la coque, l’albumine ne devient pas laiteux , il
acquiert la consistance de colle , la couleur d’un blanc
pâle et un goût un peu sauvageon; mais apprètés en
œufs brouillés ou en omelettes, ils sont délicats : on
les recherche , surtout pour préparer les gâteaux.
Les œufs de poules moins volumineux que ceux dont
il vient d’être question sont d’une qualité supérieure à
tous les autres, leur volume varie depuis la grosseur
d’un œuf de pigeon jusqu’à celle d’un œuf de dinde;
ne OT ES
ET SUR LEUR CONSERVATION. 31
mais ils ne sont pas seulement les plus délicats à manger,
ils ont éncore l’avantage inappréciable d’être les plus
abondans et les plus faciles à obtenir partout.
On a cru pouvoir augmenter le volume des œufs en
augmentant la nourriture des pondeuses, mais les ten-
tatives à cet égard ont produit un résultat absolument
contraire : en doublant la ration, les poules passent
quelquefois à la graisse, alors elles pondent peu ou
ne pondent que des œufs sans coquille, parce que le
phosphate calcaire qui la compose ne se secrète point
dans l’oviductulus ; d’autres font des œufs sans jaune,
et le vulgaire se persuade que ce sont des œufs de coqs;
on connoît toutes les absurdités qui ont été débitées à ce
‘ sujet.
Quelques auteurs, dans l’opinion que les alimens
contribuent au volume des œufs, ont prétendu que si
ceux de la ci-devant Picardie étoient sensiblement moins
gros que les œufs de la ci- devant Normandie, cette
différence venoit de ce que les grains recueillis dans
le premier de ces deux départemens, contenoient spé-
cifiquement moins de matière nutritive; mais on sait
qu’en Égypte où les terres sont au moins aussi fertiles,
et où le blé est aussi nutritif que dans ces cantons,
les œufs sont bien plus petits que ceux que nous tirons
du département de la Somme, par la raison que les poules
y sont également plus petites.
: Parmi les cent poules que j’ai en expérience à Vau-
girard , se trouvent réunies les différentes espèces qu’on
entretient en France pour leurs produits ; toutes sont
32 SUR LE COMMERCE DES ŒUFS DE POULES,
au même régime , et je remarque que le volume de
leurs œufs est constamment en raison des espèces qui
les pondent.
Après avoir séparé de ma peuplade, volatile douze
des poules dont les œufs étoient les moins gros, j'ai
augmenté progressivement leur nourriture, et ces œufs
n’ont pas acquis plus de volume que ceux des mêmes
espèces qui vivent en commun dans ma basse-cour.
L’espèce de poule entre donc pour beaucoup dans
la, grosseur des œufs, les alimens ici ne sont que se-
condaires , ils peuvent bien dans une proportion conve-
nable soutenir, accélérer même la ponte, mais jamais
augmenter sensiblement le volume des œufs.
Danslenombre des poules connues et qui existent dans
nos basses-cours, il y en a qui donnent d'aussi gros œufs
que les dindes , mais la ponte n’en est pas considérable,
il yen a d’autres qui méritent encore plus d’intérèt quoi-
qu’elles fassent des œufs moins gros, parce que la
quantité dédommage du volume. Telle est, par exemple,
ceile qu’on appelle /a poule commune , à cause de la
préférence qu’on lui donne presque partout : elle. est:
digne, à plus d’un titre, d’occuper le premier rang.
Son plumage offre de très-nombreuses variétés diffé-
rentes aussi par la couleur des pates qui sont jaunes
ou noirâtres ; l'expérience a appris que celles à pates:
noires sont préférables.
Après cette race de poule viennent la poule hupée
de Caux et la grande flandrine ; l’une est plus délicate
à manger, parce que pondant moins que la poule”
ET SUR LEUR CONSERVATION. 33
commune elle prend plus de graisse, l’autre sans être
plus féconde est préférable aux deux autres pour en
élever des poulets , des chapons et des poulardes; ce
sont donc ces trois espèces de poules qui rapportent le
plus de profit, qu’il faut adopter dans les cantons où
leurs produits acquièrent le plus de perfection.
* Quels avantages a-t-on recueilli jusqu’à présent de
toutes ces poules étrangères qui figurent aujourd’hui
dans les basses-cours de luxe, où l’on s’est plutôt occupé
des formes que de l'utilité des résultats; car il faut
l'avouer ,on n’a pas encore obtenu des croisemens entre-
pris dans ces derniers temps aucune espèce plus féconde
en œufs : mes expériences et mes recherches, je le dé-
clare , n’ont absolument que ce produit en vue.
La race des poules communes est véritablement celle
qu’on doit s’attacher à multiplier, puisque sa fécondité
est intarissable ; hors le temps de la mue, elle pond sans
s’arrêter jusqu'aux grands froids , et quand la cour, la
grange et les écuries ne fournissent plus à sa subsis-
tance, elle trouve le long des haïes et des chemins,
des insectes et des grains pour y suppléer : en suivant
la ponte de la poule commune pendant une année
comparativement à celle des autres poules, j’ai calculé
que quoique ses œufs fussent moins volumineux, elle
en donnoït constamment au moins , toutes choses
égales d’ailleurs , la moitié plus ; c’est donc cette espèce
qu’il faut multiplier et perfectionner quand les œufs
sont l’objet principal du produit; laissons aux amateurs
le soin d’élever des poules naines qui coûtent pres-
1806, Second semestre, 5
34 SUR LE COMMERCE DES ŒUFS DE POULES,
qu’autant à nourrir, et dont les œufs ne sont pas plus
gros que ceux de pigeons. Je voudrois retrouver la poule
d’Adria , qui, selon Aristote, pondoit régulièrement
tous les jours, et quelquefois deux œufs par jour, c’est
celle à laquelle je prodiguerois tous mes soins, en
supposant néanmoins que les œufs se rapprochassent
par leur volume de ceux de la poule commune ; car c’est
une vérité que les poules pondent d’autant plus que les
œufs sont moins gros, ei vice versa. La poule de soie,
si jolie pour la forme et la finesse de ses plumes, si
attentive à pondre, si assidue à couver, si tendre pour”
ses poussins , seroit celle que je proposerois de substi-
tuer à la poule commune, mais malheureusement deux
de ses œufs n’en valent pas un de la première , il faut
donc la releguer dans la basse-cour des curieux.
Les poules pour pondre abondamment ne doivent
être ni trop grasses ni trop maigres; ce n’est point
seulement en leur administrant une nourriture conve-
nable qu’on parvient à les maintenir dans une dispo-
sition favorable à faire beaucoup d'œufs, il faut encore
qu’elles n’aient pas les pates mouillées , qu’elles trou-
vent un peu de fumier chaud dans le jour, et que
l'endroit où elles passent la nuit soit d’une grandeur
proportionnée au nombre des individus ; un poulaillier
trop spacieux préjudicie sensiblement à la ponte : plus
les poules se trouvent rassemblées plus elles s’échauf-
fent, s’électrisent et font des œufs.
Les tentatives pour augmenter la production des œufs
ont eu plus de succès que celles essayées pour leur faire
ET SUR LEUR CONSERVATION. 35
acquérir davantage de volume ; un des meilleurs moyens
est celui qui consiste à rendre aux poules la faculté de
poursuivre leur ponte en les remplaçant pour la cou-
vaison par des dindes; singulièrement aptes à cette
fonction importante, elles sont en état de faire éclore
et de conduire le double de poussins; ce moyen, à la
vérité, ne peut être utile qu’au cultivateur qui se livre-
roit en même temps à l’éducation des poulets. Le pro-
cédé suivant semble plus économique pour Pun et
Pautre commerce. F
Après avoir fourni dix-huit à vingt œufs, les poules
s’en tiennent là assez ordinairement , et annoncent le
besoin de couver par un cri différent de celui par le-
quel elles manifestent l’époque de la ponte , mais comme
Vexpérience a appris que quand on cassoit ou qu’on
Ôtoit un ou plusieurs œufs à un oiseau occupé à
pondre , il le remplaçoit toujours et ne pensoit à couver
que quand le nombre se trouvoit complet, on a imaginé
d’enlever l’œuf aux poules chaque fois qu’elles venoient
de le déposer ; trompées par cette supercherie elles conti-
nuent à pondre, et tous les jours en voyant leurs nids
vides elles croient pondre pour la première fois.
On ‘a avancé sans preuve que les œufs fécondés
avoient plus de saveur que les œufs stériles, mais cette
assertion est denuée de tout fondement. Je me suis
assuré, en faisant accommoder les uns et les autres
sous toutes les formes , que s’il existe une différence elle
n’est pas sensible pour les organes les plus fins ; ainsi
le principe de vie communiqué par l’acte du mâle n’a
36 SUR LE COMMERCE DES OEUFS DE POULES;,
aucune influence sur le goût et la propriété alimen-
taire de l’œuf. On a vu une poule en cage pendant
deux ans pondre régulièrement tous les deux jours,
depuis le mois de mars jusque vers la fin d’octobre,
sans jamais manifester le desir de conver , et sans que
les œufs eussent moins de qualité que ceux des mêmes
poules ayant eu communication avec les coqs.
Beaucoup d’observations et quelques pratiques rurales
prouvent suffisamment qu’il n’est pas nécessaire que
les femelles des oiseaux de basse-cour soient fécondées
à chaque œuf qu’elles mettent bas ; Harvey assure entre
autres qu’un coq vivifñe en une seule fois les œufs qu’une
poule pondra pendant toute une année ; mais ce que
l'expérience a prouvé incontestablement , c’est que
toute une ponte semble n’avoir besoin de l’approche
du mâle qu’une seule fois : or, comme il est démontré
que le coq est en état de côcher trente fois au moins
par jour, on doit penser que cette opinion savoir qu'il
faut un coq pour douze poules, n’est fondée sur au-
cune observation exacte. (
La poule n’a pas besoin du concours du coq pour
produire des œufs, ils naissent naturellement sur cette
grappe qu’on nomme l'ovaire, et peuvent indépen-
damment de toute communication avec le mâle, y
grossir, mürir, se perfectionner sans être fécondés,
et c’est cependant l’opinion contraire qui détermine les
particuliers à associer toujours un coq à quelques poules
qu’ils nourrissent, uniquement pour avoir à la maison
des œufs frais et non pour les faire couver. Ces œufs
ET SUR LEUR CONSERVATION. 37
pondus sans coq sont ce qu’on appelle vulgairement
des œufs clairs, et on ne sait pourquoi ils ont été
accusés d’être moins sains et moins savoureux que les
autres. |
Cependant il arrive souvent que la plupart des œufs
ne sont pas fécondés malgré la vigueur etun nombre
suffisant de coqs; la quantité d’œufs qu’on perd alors
pendant l’incubation est énorme ; que de couvées man-
quent en totalité ou en partie ! les poules farouches,
légères ou mal-adroites, abandonnent, mangent, cassent
les œufs ou étouffent les poussins à leur naissance. Le
cultivateur qui ne s’adonneroit qu’au commerce des
œufs éviteroit toutes ces pertes ; à la vérité, il pourroit
en éprouver d’une autre espèce s’il ne connoissoit pas
le moyen de la prévenir. |
L’amour de la liberté, cet instinct qui ramène les
poules à leur état primitif lorsqu’elles se disposent à
remplir les fonctions importantes que la nature leur a
confiées, les déterminent quelquefois à aller pondre et
couver, à l’écart. Quand le temps est propice elles re-
viennent comme en triomphe à la basse-cour à la tête
d’une nombreuse troupe de poussins, souvent plus vi-
goureux que ceux qui doivent leur existence aux soins
combinés d’une couveuse choisie et d’une fille de basse-
cour intelligente : or, cette couvée seroit entièrement
perdue pour le cultivateur qui n’auroit que des œufs
clairs, mais rien m'est plus aisé que de découvrir le
lieu où une poule a pondu à l'aventure et de sur-
prendre son secret; pour cet effet on tâte d’abord si
38 SUR LE COMMERCE DES ŒUFS DE POULES,
elle a l’œuf, et dans ce cas on lui introduit un peu
d'ail dans l’anus ; comme elle est pressée alors de s’en
débarrasser on la suit à la piste, et on s'empare du
nid qu’elle a choisi pour dérober ses œufs et ses petits
aux regards et aux recherches de leurs ennemis.
Il s’en faut bien que toutes les poules demandent à
couver après leur première ponte : on a fait quelques
tentatives pour tâcher de découvrir quelle pouvoit en
être la cause , mais cet inconvénient n’en seroit pas un
pour celui qui ne voudroit que recueillir des œufs,
puisque , comme nous l’avons déjà remarqué, les poules
se remettent à faire à peu près autant d’œufs que dans
la première ponte si la saison n’est pas trop avancée ;
débarrassées alors du soin de couver et de conduire les
poussins, elles emploieront les cinquante jours au moins
que ces deux fonctions absorbent, à fournir de plus
vingt-cinq à trente œufs.
Mais un inconvénient pour celui qui, dans les soins
qu’il donne à l’entretien dés poules n’a en vue que des
œufs, c’est que souvent la fille de basse-cour au lieu
de les enlever exactement à mesure qu’ils sont pondus,
en laisse exprès quelquefois de la veille pour exciter
par leur vue la femelle à pondre. Les poules | comme
on sait, ont une propension à se succéder dans le pon-
doir, elles se disputent à l’envi le nid, l’une attend que
l’autre ait fait son œuf pour la remplacer , et rien ne la
réjouit davantage que d’en apercevoir un bon tas.
Or, en supposant que douze poules se soient suc-
cédées dans le même pondoir, et que chacune pour
ET SUR LEUR CONSERVATION, 39
déposer l’œuf ait resté dans son opération une demi-
heure environ, n'est-il pas vrai que le premier œuf
pondu aura éprouvé une incubation de six heures,
temps suffisant pour éveiller la vitalité du germe et
déterminer un développement tel qu’il peut être visible
à la lumière d’une bougie; qu’on ne soit donc plus
étonné alors si les œufs frais de la même date et pro-
venans des mêmes espèces de poules présentent quel-
ques différences entre eux, et si dans l’application du
même procédé pour les conserver, il y en a qui s’al-
tèrent plus promptement et d’une manière plus consi-
dérable que les autres.
Tous ces faits et une foule d’autres que je pourrois
accumuler ici, tendent à prouver que partout on admet
un trop grand nombre de coqs, que le fermier qui n’est
pas dans l’intention d’élever des poulets, et n’a stric-
ment de poules que le nombre qu’il lui en faut pour
consommer les graines perdues dans le fumier et jouir
du bénéfice des œufs, doit interdire aux coqs l’entrée
de sa basse-cour , puisqu’ils ne font que tourmenter les
poules sans rapporter de profit, et qu’il vaut infiniment
mieux acheter au marché tous les ans, pendant l’hiver,
de quoi remplacer les poules pour maintenir sa volaille
dans le même état de population.
Mais dira-t-on le cultivateur ne voudra jamais s’as-
treindre à acheter tous les ans des poules, parce que
“souvent il ne calcule que la dépense du moment, et
qu’il ferme les yeux sur le bénéfice à venir. Cependant
si l'expérience lui démontre qu’il peut se dispenser de
4Âo SUR LE COMMERCE DES OEUFS DE POULES;,
nourrir des coqs, et avoir en mème temps un tiers de
plus d’œufs susceptible de se mieux conserver, si, malgré
le profit évident qu’il en retirera, il balance encore à
essayer ce que je propose, il pourroit facilement échanger
avec un de ses voisins une trentaine d’œufs clairs contre
le même nombre d’œufs fécondés, et les donner à couver
à une dinde ou à deux de ses poules ordinaires qui
montreroient le plus d’ardeur à remplir cette fonction
de la nature.
Le cultivateur qui spéculeroit au contraire sur l’édu-
cation des poulets pourroit aussi se dispenser d’entre-
tenir autant de coqs , puisque , comme tous les oiseaux
polygammes , le mâle n’est point destiné par la nature
à partager les sollicitudes de l’incubation et de lédu-
cation des poussins ; d’ailleurs, que faire du coq à un
certain âge lorsqu’il n’est plus digne de figurer en maître
dans la basse-cour ; au métier qu’il a fait toute sa vie il
Wa pu s’engraisser , sa chair coriasse , desséchée et peu
savoureuse paroît rarement sur la table du riche, il n’y
a tout au plus que la crête de cet oiseau qui mérite l’in-
térèt des Lucullus modernes.
L'absence du coq dans une basse-cour où il n’y a
aucune éducation de poulets est donc un moyen éco-
nomique et très-assuré, non-seulement d'augmenter la
production des œufs , mais de les rendre encore sus-
ceptibles de se mieux conserver et de pouvoir être trans-
portés au loin sans inconvénient, comme nous allons
le faire voir dans la seconde partie de ce mémoire.
ET SUR LEUR CONSERVATION. 41
SECONDE PARTIE.
Conservation des œufs.
LEs œufs étant devenus un aliment de première né-
cessité, on a cherché le moyen de les conserver comme
les autres denrées de la même importance, jusqu’au
moment où les poules malades par la mue ou engour-
dies par le froid cessent de pondre : on s’est occupé de
les garsntir 1°. de l’humidité; elle leur est si fatale
qu’une seule goutte d’eau, qui aura séjourné pendant
quelque temps sur un œuf, peut corrompre la partie
qu’elle a touchée à travers la coque; 2°. de la gelée
qui, en fêlant la coque et désorganisant l’intérieur , le
dispose à se putréfier au moment du dégel; 5°. enfin,
de l’accès de l’air qui détermine une évaporation plus
ou moins prompte et considérable , à raison du nombre
et de la largeur des pores de la coque et de la tempé-
rature du lieu où les œufs sont mis en réserve.
Pour remplir ces vues, les uns mettent les œufs dans
un mélange de son et de sel, les autres dans des tas
de blé, de seigle et d’orge ; ceux-ci les arrangent dans
de la sciure de bois, ceux-là dans des cendres ; plusieurs
les placent sur des Lits de paille ou de son; il en est
enfin qui préfèrent de les stratifier avec de la paille de
seigle bien sèche , la pointe en bas , dans des paniers
ou des barils placés dans des endroïts ni trop froids ni
trop chauds, et où ils ne soient point exposés aux éma-
nations du gaz putrid e.
1806, Second semestre. 6
42 SUR LE COMMERCE DES OUFS DE POULES,
Tous ces moyens, insuffisans pour conserver long-
temps les œufs, ne permettentp as à la vérité au cultiva-
teur d’en faire des magasins. Le printemps est la saison
pendant laquelle les poules pondent si abondamment,
qu’il est assuré de n’en pas manquer; il porte à me-
sure au marché ce qui excède la consommation de sa
maison, et ne songe à former des approvisionnemens
que de ceux d’août et de septembre, parce qu’ils pas-
sent plus sûrement l’hiver. Tout le monde sait, en
effet , que les œufs les plus propres à se conserver pro-
viennent de la seconde ponte ; à cette époque de l’année
les poules sont nourries de grains et mangent moins
d’herbes : c’est peut-être une des causes qui rend leur
conservation plus facile , mais je ne doute pas que la
principale n’appartienne à l’affoiblissement dela vigueur
du coq et du temps moins chaud qui règne alors, puis-
qu’il est reconnu que les poussins d’automne n’ont
jamais la même force que ceux éclos au printemps :
mais comme on n’est pas dans l’usage de faire couver à
la fin de l’été, il seroit utile dans tous les cas de séparer
à cette époque les coqs d’avec les poules, qui ne pon-
droiïent plus alors que des œufs clairs dont la conser-
vation est plus facile.
Dans la ci-devant Picardie , ce sont particulièrement
les ouvrières en dentelles qui se chargent de conserver
des œufs pour les vendre dans la saison où les poules
n’en donnent plus; elles les achètent à mesure qu’ils
sont pondus chez les fermiers pendant les mois d’oc-
tobre et de novembre, et les arrangent sur des tablettes
ET SUR LEUR CONSERVATION. 43
placées contre des murs dans leurs chambres: ils y
‘sont à l’abri du froid ; elles les retournent très-souvent,
pour empêcher que le bois qui pourroit contenir de
Phumidité ne la leur communiquât. Tous les huit jours
élles présentent à la lumière ces œufs: ceux qui ont
le plus perdu par l’évaporation, sont aussitôt vendus
aux coquetiers, qui les portent, soit aux marchés des
villes voisines, soit directement à Paris.
Un autre moyen pratiqué depuis plusieurs siècles
dans nos campagnes ‘et en Écosse pour prolonger
la ressource des œufs frais dans un temps où les
poules n’en pondent plus, c’est au sortir du pondoir
de les plonger, au moyen d’un écumoir, dans l’eau
bouillante comme pour les manger à la coque, et de
les y laisser deux secondes ; en les retirant de l’eau,
on les marque, soit à l’encre, soit au crayon, soit au
charbon, afin de pouvoir les employer selon leur rang
d’âge ; puis on les met en réserve dans un lieu frais,
ou dans du sel, où on peut les garder pendant plusieurs
mois, et quand on veut s’en servir , on les fait réchauffer
dans l’eau élevée à une température convenable ; ils
ressemblent, pour le goût, à des œufs frais du jour;
la partie improprement appelée Ze lait, y est si abon-
dante que les personnes les plus difficiles et les plus
exercées y sont trompées; on a seulement remarqué
qu'au bout de quatre à cinq mois la membrane qui
tapisse l’œuf devient plus épaisse.
Mais dans le cas où l’on auroit à former des magasins
d’œufs dans les places fortes, dans des villes extrème-
A SUR LE COMMERCE DES OEUFS DE POULES;,
ment populeuses, ou enfin lorsqu'il s’agiroit d’en ap-
provisionner des vaisseaux pour un voyage de long
cours, quels seroiïent les moyens qu’on pourroit em-
ployer pour les conserver pendant un temps assez con-
sidérable sans altération? Réaumur prétend en avoir
trouvé un aussi simple que facile à exécuter. Pour avoir,
dit-il, dans toutes les saisons des œufs constamment
frais, des œufs parmi lesquels il n’y en ait jamais
un seul de gâté, il suffit d’intercepter la transpiration
qui se fait dans chaque œuf, d’empècher la commu-
nication de l’air avec les matières qui y sont contenues,
et par-là la fermentation qui peut les altérer.
Il n’est question pour cela que d’enduire la coquille
d’un vernis imperméable à l’eau, ou plus simplement
encore de l’huile ou de la graisse , avec la précaution
de passer et de repasser les doigts sur la surface, afin
d’être bien assuré qu’il n’y a aucune partie de cette
coquille qui ne soitimprégnée d’huile ou de graisse. Les
œufs ainsi préparés , ajoute Réaumur ; n’éprouvent
point d’évaporation, tout y demeure en repos; ils ont
beau vieillir, ils restent toujours frais.
. Comment un moyen qui, d’après cet homme célèbre,
auroit empêché la perte de cette énorme quantité d'œufs
qui se gâtent en voulant les conserver, qui auroit fait
diminuer le prix de cette denrée, et donné en abon-
dance des œufs frais dans la, saison où l’on n’en trouve
que de vieux, qui auroit procuré aux marins en pleine
mer l’avantage inappréciable de manger des œufs ex-
cellens, comment un moyen qui intéresse tant d’hommes
ET SUR LEUR CONSERVATION, : : > 45
a-t-il pu être négligé? C’est vraisemblablement quil faut
rabattre des promesses de Réaumur.
En effet, les œufs ne se gâtent pas seulement par la
perte de leur humidité , qui fait rompre l’équilibre de
leurs principes ; ils ne se pâtent pas parce: qu’ils reçoi-
vent.en échange de cette humidité des miasmes-putrides.
Il existe une autre cause de corruption qui n’a pas
échappé aux marchands d'œufs; l’expérience leur a
appris qu’ils nepouvoient jamais compter sur une longue
conservation des œufs qui avoient subi un transport
quelconque; quelle en est la: raison ?
C’est que dans les voyages par terre les œufs AE ent
du cahot des voitures, et que dans ceux par mer ils
sont maltraités-par le roulis des vaisseaux ; que ces
mouvemens plus ou moins brusques, désorganisent les:
parties intérieures de l’œuf, qu’ils rompent les ramif-
cations des vaisseaux par lesquels le germesétoit attaché
à. la membrane du jaune, que ce germe, privé des.
organes qui entretenoient son existenceset sa Vie, meurt,
se corrompt ; et corrompt tout ce qui l’environne. ,
“Ainsi, il faudroit, par addition au, procédé de
Réaumur, ne transporter les œufs par terre et par mer
qu’avec la précaution de les suspendre, de manière à
ce que tous les:mouvemens, qui pourroient leur nuire
fussent brisés; éencoren’est-on.pas complétement rassuré
contre tout danger; lorsqu'on considère que le germe,
sans éprouver d'accident , peut mourir, et qu’il est mort,
dans l’œuf gardé au-delà du temps où. il: peut encore
être .couvé : peut-être qu’il ne fautqu’un coup de,
46 SUR LE COMMERCE DES OŒUFS DE POULES;,
tonnerre pour faire périr le germe même dans les œufs
frais ; il passe pour constant que ce météore produit cet
effet sur les embryons des œufs qu’on fait couver, ne
seroit-il pas possible qu’il en produisit un pareil sur ceux
des œufs mis en magasin? on sait que dans les corps
organisés, la corruption commence toujours par les
germes.
D’après ces observations, le moyen le plus efficace
de tous seroit de ne penser à conserver et à transporter
que des œufs pondus par des poules qui n’ont point eu
de communication avec les coqs. L’expérience a prouvé
que les œufs que l’on nomme c/airs, résistent sans se
corrompre à une température de trente - deux degrés
continuée pendant trente à quarante jours, que seule-
ment ils perdent de leur humidité par une évaporation
qui épuise leurs liqueurs.
Or, pour avoir des œufs susceptibles de se conserver
sans préparations, depuis le printemps jusqu’à la fin
de l’hiver , il seroit nécessaire qu’ils eussent été pondus
par des poules privées depuis au moins un mois de
l'approche du coq, et si on les avoit destinés à être
gardés encore plus long-temps , il faudroit qu’ils eus-
sent été vernissés et graissés. |
S’il passe pour constant que les œufs pondus à bord
d’un vaisseau sont de garde, c’est vraisemblablement
parce que les poules qu’on embarque n’ont pas de
communication avec les coqs; et si l’on se décidoit à
faire entrer les œufs au nombre des approvisionnemens
de la marine et en composer la ration de l'officier, il
ET SUR LEUR CONSERVATION. € 47
ne faudroit choisir pour cet effet que ceux qui sont
clairs, et n’embarquer que des poules vierges.
On ne sauroit disconvenir que si dans le commerce
il n’y avoit que des œufs clairs, ceux-ci ayant un prin-
cipe de corruption de moins, les moyens proposés.et
employés pour les conserver en bon état auroient encore
plus d’efficacité , et il n’est pas douteux non plus que
si par l’immersion des œufs dans l’eau bouillante on
vient à bout de prolonger leur état frais , ce succès ne
soit dû à ce qu’on aura tué le germe par la chaleur
employée, comme il arrive dans la forte dessication des
semences qu’on prive de la faculté réproductive, ou
bien dans l’opération qu’on fait subir à certains fruits ,
ce qu’on appelle blanchir.
Pour juger qu’un œuf est frais, les ménagères le
présentent à la lumière d’une chandelle ; s’il est trans-
parent et plein ; c’est la preuve qu’il vient d’être pondu :
mais à mesure qu’il s’éloigne de la ponte, l’intérieur offre
un vide qui s’élargit graduellement par l’évaporation ;
les liqueurs qu’il renferme perdent de leur fluidité,
de leur transparence , et l’œuf est gâté.
Il n’est pas aussi aisé de juger par le même moyen
qu’un œuf est fécondé: on a pris ce vide ou cette
cavité si sensible dans l’albumine lorqu’on le fait dur-
cir, pour le germe; mais il paroît bien difficile d’aper-
cevoir ce germe, puisqu'il est placé sur le globe du
jaune à sa partie supérieure, quelle que soit la situation
de l’œuf, au centre duquel il est suspendu. Cependant
on a tiré de grandes conséquences de ce vide que pré-
48 SUR LE COMMERCE DES OEUFS DE POULES,
sentent les œufs à mesure qu’ils ‘vieillissent : on a cru
pouvoir décider d’après la place qu’il occupe, que
Fœuf renfermoit un coq ou une poule.
Autrefois , pour avoir des coqs on avoit soin , dans
les campagnes, de choisir des œufs pointus par un
des bouts , et ceux arrondis aux deux extrémités pour
se procurer des poules ; mais si une fille de basse-cour
pouvoit conserver dans la mémoire toutes ces nuances
de forme des. œufs qu’une poule pond , elle pourroit
distinguer la ponte de chaqué femelle; car cette forme
d’où lon a tiré tant de conséquences, appartient au
moule et à la constitution physique de la poule mais non
pas à ce que l’œnf contient. |
Revenues de cette erreur, les fermières sont tombées
dans une autre; elles persistent à croire qu’en présen-
tant les œufs à la lueur d’une chandelle on peut y distin-
guer les sexes : si à un des bouts, par exemple, on remar-
que un petit vide sous la coque, c’est un signe, selon elles,
qu’il contient un mâle; s’il est un peu de côté, c’est
uñe femelle : il n’y a pas de doute que dans cette cir-
constance on ait encore pris pour de germe, le vide
occasionné par l’évaporation de l’humidité ; car mes
expériences n’ont rien démontré de semblable. C’est
cette évaporation spontanée qui change si évidemment
la constitution physique des œufs qu’il s’agit de préve-
nir; on en viendra à bout'en les plaçant dans un milieu ,
sec, froid, à l’abri de la lumière et du mouvement : or,il
n'existe pas à mon gré de moyen susceptible d’atteindre ce
but come celui par lequel je vais terminer ce mémoire,
ET SUR LEUR CONSERVATION. 49
La paille est comme on sait, une matière sèche,
lisse , le plus mauvais conducteur du calorique, capable
par conséquent de conserver, pendant l’été aux œufs
l’état d’œufs frais : c’est à la faveur de paillassons aux-
quels j’ai donné la forme de paniers , que je suis parvenu
à prolonger cet état en isolant les œufs d’une couche de
bâles de grains , et suspendant le panier dans un lieu
sec, obscur et aéré; que l’on juge maintenant des avan-
tages inappréciables qu’auroit un pareil moyen s’il étoit
appliqué aux œufs clairs ou non fécondés.
Après avoir indiqué le procédé qu’on peut employer
pour augmenter sans embarras comme sans frais la
ponte des poules, et conserver facilement leurs œufs,
il me reste à présenter quelques vues tendantes à di-
riger les spéculations vers l’éducation des poulets : mes
expériences, à cet égard , ne sont pas encore assez avan-
cées pour en offrir les résultats à la classe, mais je
pense qu’en séparant en deux parties , la ponte et la
couvaison , ce sera peut - être un moyen efficace de
perfectionner cette branche de l’économie rurale, de
la rendre plus profitable aux cultivateurs qui s’y livre-
roient exclusivement, et plus avantageuse aux consom-
mateurs de tous les ordres.
1806. Second semestre,
5o ANALYSE DU SUC DE PAPAYER.
ANA EN SE
DU SUC DE PAPAYER (Carrco Parara),
Par M. Vauouezrnx.
Lu le 2 germinal an 12.
Jar publié, il a environ un an, dans les Annales
de chimie, le résultat de quelques expériences sur le
suc papayer apporté de l’Isle-de - France par M. de
Cossigni; mais comme je n’en eus à ma disposition
qu’une petite quantité, je ne pus varier suffisamment
mes essais pour en connoître toutes les propriétés.
M. Roch, médecin à l’Isle-de-France, en m’offrant
une nouvelle quantité de cette substance, m’a mis à
même de recommencer mes essais et de les multiplier
davantage : c’est le résumé de ces épreuves que je vais
présenter ici.
M. Roch a rapporté ce suc dans trois états ; savoir,
1°, à l’état solide et sous forme de larmes blanches-
jaunâtres, desséchées au soleil dans des assiettes ;
29, À l’état de suc naturel renfermé dans des bou-
teilles bien bouchées ;
30. À l’état de suc naturel mélangé avec du sucre
pour le conserver sans altération.
Ce suc, en sortant de l’arbre, est, suivant M. Roch,
TT LT ST OP PE
4
ANALYSE DU SUC DE PAPAYER, 51
blanc comme du lait; il se coagule au bout de quelques
minutes; des flocons de matière blanche comme du
fromage , s’en séparent et nagent dans la liqueur qui est
alors transparente.
Ce suc est répandu dans toutes les parties de l’arbre,
mais les fruits, avant la maturité, en contiennent da-
vantage; ils n’en donnent plus lorsqu'ils sont mürs.
Examen du suc papayer CO7ICrEÉ.
Lx sucre de papayer épaissi au soleil est d’un blanc-
jaunûtre ; quelques parties sont d’un blanc pur et demi-
transparentes. Il est fragile, facile à pulvériser quand
il est bien sec; il se fond aisément dans la bouche, à
laquelle il imprime une sensation singulière qui pro-
voque beaucoup la salive. Il attire fortement l’hu-
midité de l'air; il se réduit en une pâte gluante qui se
couvre de moisissures, s’il reste dans cet état quelque
temps à l'obscurité.
Il se dissout aisément dans l’eau froide, encore plus
promptementet plus abondamment dans l’eau tiède. Sa
dissolution concentrée se trouble et se coagule par
l’ébullition , mais toute la matière ne s’en sépare pas;
car, après avoir bouilli, les acides en précipitent encore
beaucoup.
Elle ne rougit point la teinture de tournesol, ce qui
annonce que le suc ne contient point d’acide développé.
L'alcool mêlé en grande quantité à la dissolution
aqueuse du suc de papayer, le précipite complettement,
et sans lui faire subir aucune altération.
pa ANALYSE DU SUC DE PAPAYER.
Les acides sulfurique , nitrique et muriatique coagu-
lent abondamment la dissolution du suc de papayer; mais
l'acide muriatique oxigéné ne la rend pas violette comme
celle du suc qui a fermenté, ainsi que je l’exposerai
plus bas. Delà il suit que le principe qui forme , avec
l’oxigène, cette belle couleur violette, s’est évaporé
pendant la dessication du suc concret, ou s’est dé-
veloppé pendant la fermentation, ce qui est plus pro-
bable.
11 brûle sur les charbons ardens en décrépitant lé-
gèrement, en se contractant sur lui-même, et en ré-
pandant, comme les matières animales, une odeur
d’ammoniaque très-fétide.
Il donne à la distillation beaucoup de carbonate
d’ammoniaque, d’huile noire, épaisse, dont la plus
grande partie se précipite au fond d’un liquide brun
qui est produit en même temps. Il reste un charbon
léger, difficile à brûler, et qui laisse un peu de terre
formée de chaux et de phosphate calcaire.
Lorsqu'on dissout dans l’eau le suc de papayer, il
reste une petite quantité de matière blanche flocon-
neuse qui se refuse absolument à la dissolution, mais
qui se fond aisément à la chaleur, et brûle en répan-
dant une odeur de graisse empyreumatique.
La dissolution du suc de papayer concret, aban-
donnée pendant quelque temps à elle-même , se décom-
pose, et contracte une odeur fétide comme les matières
animales.
Si lon fait bouillir de l’alcool sur le suc de papayer
|
-
TE RS ES TT A
ANALYSE DU SUC DE PAPAYER, 53
réduit en poudre , il dissout une petite quantité de ma-
tière que l’eau précipite en rendant la liquetir laiteuse,
Il paroît que c’est la matière grasse insoluble dans l’eau,
dont j’ai parlé plus haut, qui produit cet effet : elle est
en petite quantité.
Distillé à l'appareil pneumatique avec de l’acide ni-
trique foible , le suc de papayer concret a donné une
grande quantité de gaz formé d’acide carbonique et
d’azote : en se dissolyant dans cet acide, il lui a com-
muniqué une couleur. jaune et une saveur extrêmement
amère. Après avoir bouilli pendant quelqne temps; la
liqueur a présenté à sa surface une couche de matière
grasse fondue.
Il s’est formé aussi dans cette opération une assez
grande quantité d’acide prussique ‘oxigéné et d’acide
oxalique. 08
Examen du suc de papayer liquide conservé dans une
bouteille sans addirion.
Au moment où l’on a débouché la bouteille conte:
nant ce suc , il s’est dégagé avec beaucoup de violence
un gaz qui a lancé à une grande distance: une partie
de la liqueur sous forme d’écume. J’ai reconnu que
ce gaz étoit de l’acide carbonique , formé sans doute
par la décomposition de quelques-uns des élémens du
suc; et qui étoit comprimé dans la bouteille. Des masses
de matière blanche semblable à du fromage nageoient
dans la liqueur. Ce suc, ainsi altéré par le temps , avoit
une odeur fétide très-désagréable, mais d’un genre tel
54 ANALYSE DU SUC DE PAPAYER.
que je n’en ai jamais senti de pareil : il avoit une
saveur acide, amère et astringente tout à la fois; il
rougissoit la teinture de tournesol; il passoit facile-
ment à travers le papier joseph et devenoit clair.
Ainsi filtré il avoit la même odeur et la même saveur
qu'auparavant : les acides le coagulent en une masse
très-épaisse qui ressemble beaucoup à du blanc d’œuf,
ou à de l’albumine cuite. L’acide muriatique oxigéné ;
ajouté d’abord en petite quantité, lui a fait prendre une
couleur rose très-pure , qu’une plus grande dose d’acide
a fait passer au violet, et qu’une plus grande quan-
tité encore a détruite tout-à-fait. Quelque temps après
que cette couleur est développée, il se forme un préci-
pité de la même nuance, mais plus foncée. I’acide
sulfurique a produit dans ce sue un magma épais qu’un
excès d’acide dissout, et que l’eau précipite ensuite.
Il s’est développé , par le mélange de l'acide sulfurique
avec cette liqueur, une odeur légèrement aigre.
La potasse caustique forme dans le suc de papayer
clair un précipité de couleur blanche, et exhale en
même temps une forte odeur d’ammoniaque, tenue,
sans doute, en combinaison par quelque acide.
La liqueur où j'avois mis de la potasse ayant été
filtrée et mêlée avec de l’acide muriatique oxigéné a
également pris une couleur violette, et l’acide mu-
riatique simple y a fait naître un. précipité blanc
abondant.
La matière caséiforme qui, comme je l'ai dit plus
haut, nageoit dans le suc, prend en se desséchant la
"4
t
nt nûns.cf
RS ie, à
ANALYSE DU SUC DE PAPAYER. 55
demi - transparence de la corne ; elle se ramollit à la
chaleur , et exhale une fumée blanche qui a l’odeur
de la graisse brûlée ; elle se dissout assez abondamment
dans l’alcool chaud, d’où une partie se sépare pendant
le refroidissement. Cette matière , évidemment sébacée,
paroît provenir de la décomposition du suc de papayer
lui-même, dont l’azote s’est uni à de l'hydrogène pour
former l’ammoniaque et l’oxigène, à du carbone pour
donner naissance à de l’acide carbonique.
L’acidité du suc de papayer est due, sans doute, à
Valtération qu’a subie cette substance par la fermenta-
tion, puisque le suc de papayer concret ne donne
aucune marque d’acidité. Quoiqu'il fût naturel de
penser que cet acide étoit l’acide acétique, j’ai cru
cependant devoir m'en assurer par le procédé suivant.
Le suc évaporé en consistance sirupeuse à une
chaleur très-douce , fut mêlé avec quatre fois son poids
d’alcool rectifié, qui produisit un précipité très-abon-
dant. La matière séparée fut lavée plusieurs fois avec
de nouvel alcool, et celui-ci réuni au premier fut évaporé
dans une cornue à une chaleur très-ménagée, jusqu’à ce
que le résidu fût réduit en consistance de sirop épais.
Les portions de liqueurs passées sur la fin de la
distillation étoient sensiblement acides, et avoient une
odeur de vinaigre alcoolisé.
Le résidu de la distillation avoit une couleur brune,
une saveur sensiblement acide : les alcalis n’y formoient
point de précipité, mais ils en dégageoient une forte
odeur d’ammoniaque. Elle ne précipitoit point l’acétate
56 ANALYSE DU SUC DE PAPAYER.
de plomb, comme le fait l’acide malique, mais elle le
précipitoit lorsque son excès d’acide avoit été saturé par
l’'ammoniaque ou tout autre alcali.
L’infusion de noix de galle y formoit un précipité
extrêmement abondant.
Il paroît donc par ces expériences, que le suc de
papayer fermenté ne contient pas d’acide malique,
comme M. Cadet - Gassicourt l’a annoncé dans une
notice sur le papayer, communiquée à la société libre
des pharmaciens de Paris, mais bien de l'acide acétique
qui tient de l’ammoniaque en combinaison, et une
quantité assez considérable de suc de PAPAS ahéré
par la fermentation.
C’est probablement cette combinaison dont les ap-
parences extérieures, et quelques propriétés chimiques
la rapprochent de l’acide malique , qui en a imposé à
M. Cadet. Ce qui nva fait soupçonner qu’il y avoit
quelque erreur dans son énoncé, c’est que je m’étois
assuré que le suc concret de papayer ne contient aucune
trace d’acide, et qu’il me sembloit extraordinaire que
Vacide malique eût été formé par la fermentation : au
moins nous n’en avons point d'exemple, et nous en
avons du contraire; c’est-à-dire qu’il se détruit par la
fermentation.
Le précipité blanc que M. Cadet a obtenu par lal-
cool, de la dissolution du suc concret, n’est pas non
plus du malaie de chaux, comme il le croit ; ce n’est
absolument que le suc lui-même sans altération, que
V’alcooi sépare de l’eau.
TP
ANALYSE DU SUC DE PAPAYER, . 57
Le suc de papayer, mêlé avec le sucre, par M. Roch,
n’avoit subi aucune altération ; car!, ‘après en avoir
séparé le sucre par alcool, il m'a présenté les mêmes
propriétés que le. suc concret naturel. !
Je pense qu'il ne peut yavoir aucun doute: que le
suc de papayer ne soit une substance très-animalisée;
au moins en a-t-il, comme on la vu ; tous les carac:
tères et en fournit-il tous les produits. J'avoue qu'il n’a
de similitude parfaite avec aucune matière animale
connue; cependant je crois que celle dont il se Tap-
_ proche le plus est l’albumine animale, puisque desséché,
il se dissout comme elle dans Peau, que sa dissolution
est coagulée par la chaleur, par les acides, les alcalis,
les dissolutions métalliques, l’infusion de noix de galle,
l'alcool, etc. comme la sienne ; qu’enfin, il fournit à
la distillation , par la chaleur simple, et avec l’acide
nitrique , absolument les mêmes produits que les sub-
stances animales les mieux caractérisées.
Ce nest pas la nature animale de cette substance qui
doit surprendre, car les sucs de presque toutes les
plantes en contiennent une semblable, ou au moins
fort analogue, mais c’est son abondance et sa pureté
dans le papayer. On n’y trouve rien qui porte le ca-
ractère des végétaux; et si cette substance étoit colorée
comme l’albumine du sang qu’on retire par le lavage
du caïllot, on pourroit, comme je l'ai dit dans mon
premier mémoire , les confondre facilement l’une avec
l’autre.
Le suc de papayer est employé à l’Isle-de-France et
1806, Second semestre. 8
358 ANALYSE DU SÜC DE PAPAYER.
dans les autres endroits où croît l'arbre qui le fournit,
pour faire périr le ver solitaire; l’on assure que ce
remède est immanquable, cependant son usage n’a pas
eu le même succès en Europe , soit que cette substance
ait éprouvé par le temps une altération qui a détruit
ses propriétés vermifuges , soit qu’on ne lait pas donnée
à des doses assez fortes,
ANALYSE DU BÉRIL DE SAxé. 59
PM 1e En A or
DU BÉRIL DE SAXE,
Dans lequel M. Tromsdorf a annoncé l'existence
d'une terre nouvelle qu’il a nommée AGUSTINE,
Par M. VaueuEzr«….
Lu le 24 vendémiaire an 12.
L, pierre connue sous le nom de béril de Saxe, a été
regardée jusqu'ici, par plusieurs minéralogistes, comme
une substance particulière, et M. Tromsdorf , Chimiste
allemand, a perpétué cette opinion en annonçant quil y
avoit,trouvé, par l’analyse chimique, une terre nou-
velle, à laquelle il a cru’ devoir donner le nom d’4-
gustine. C’est même sur la: foi de ce! savant. que les
minéralogistes ont changé le nom dé béil de Saxe’en
celui d’Agustite | que ce minéral porte aujourd’hui.
‘Quoique M. Tromsdorf ait exposé assez en détail,
dans plusieurs ouvrages, les propriétés de sa! nouvelle
terre, et que M. Richter de Berlin, en répétant les
expériences de l’auteur, ait assuré » d’après les résultats
qu’il en a obtenus, que tout doute sur l’existence de
V'Agustine seroit désormais inutile et même ridicule,
cependant les caractères qu’ils lui assignent , l’un et
60 ANALYSE, DU BÉRIL: DE SAXE.
l'autre , ne paroissent pas assez nets ni suffisamment
tranchés pour ne pas laisser quelques doutes dans
Pesprit des chimistes ; ils a: gr trop des proprictés
de corps déjà connus pour qu’ on puisse avoir une
confiance absolue dans les résultats de MM. Tromsdorf
et Richter.
Ce sont, sans doute, ces motifs qui ont engagé
M. Karstein à m’envoyer par l’occasion de M. Bein-
dheim , maintenant à Paris, des échantillons de béril
de Saxe, en n’invitant à recommencer cette analyse.
Ce béril se trouve sous la forme de cristaux verdâtres
et demi-transparens dans une roche granitique ; mais
étant peu volumineux et assez uniformément répandus
dans le granit qui les recèle, il ne m’a pas été possible
de les traiter isolément; il m’a fallu broyer ensemble le
béril et le granit, etrechércher à travers tous les élémens
qui constituent ces deux substances, la terre nouvelle
qui devoit s’ytrouver (1). | *
a). J’ai suivi pour cela, la, méthode commune em-
ployée pour l'analyse des pierres dures, c’est-à-dire
que j'en ai fait fondre 250 parties , réduites en poudre
fine. avec trois fois leur poids de potasse; j’ai délayé
la matière dans l’eau chaude, je lai ensuite dis-
soute dans l’acide muriatique, et j’ai fait évaporer la
dissolution, qui s’est prise en gelée sur la fin de lo:
pération. La matière desséchée et lavée avec de l'eau,
* G@) M. Tassaert, dont les talens en chimie sont connus depuis long-temps ;
a bien voulu m'aider dans ce travail,
ANALYSE DU BÉRIL DE SAXE, 61
a laissé üne poussière blanche qui, sechée à l'air, pe-
soit 182 parties.
b). La liqueur décomposée par le carbonate de soude,
a fourni un précipité légèrement coloré, dont on a
retiré, par la potasse caustique, cinq parties d’alumine.
c). J’ai dissous dans l’acide muriatique affoibli le
résidu brun laissé par la potasse , j’ai évaporé la disso-
lution à siccité, et je lai délayé dans Peau, il a laissé
un dépôt brun pesant 16 parties. J’ai obtenu de la liqueur
séparée de ce dépôt, au moyen de lammoniaque, un pré-
cipité , composé de quatre parties d’oxide de fer et d’une
partie d’alumine. Cette même liqueur , mêlée ensuite au
carbonate de soude et chauffée légèrement, a donné
81 parties de carbonate de chaux très-blanc.
d). J’ai traité par l’acide muriatique concentré les
16 parties du dépôt brun c}), il est resté cinq parties
et demie de silice, mêlée d’un peu d’oxide de fer. La
dissolution muriatique séparée du résidu, ayant été
rapprochée par l’évaporation et mêlée au sulfate d’am-
moniaque , a formé un dépôt qui a augmenté peu à peu :
la liqueur filtrée et évaporée de nouveau, a encore
donné un dépôt qui, ramassé avec soin et réuni au
premier, pesoit 15 parties. T’eau-mère ne contenoit
plus que du muriate d’ammoniaque. :
e). Il me restoit alors à examiner les 182 parties de
résidu obtenu expérience a) ; car, suivant M. Tromsdorf,
le muriate d’agustine se décomposant facilement au
feu, c’étoit dans cette matière que devoit se trouver
la terre, ayant, dans cette intention, assez fortement
62 ANALYSE DU BÉRIL DE SAXE
chauffé sur la fin de l’évaporation. Pour parvenir à cette
connoissance , j'ai fait bouillir le résidu avec de lacide
muriatique concentré ; il a effectivement diminué de
volume, et après avoir été lavé et séché , son poids
n’étoit plus que 98 parties; il avoit donc perdu près
de la moitié de son poids. J’ai d’abord pensé que cette
perte étoit véritablement due à l’agustine dissoute par
l'acide muriatique; mais pour en être pleinement con-
vaincu, il falloit séparer cette substance de lPacide
muriatique, et la soumettre ensuite aux épreuves pro-
pres à y faire connoître les caractères annoncés par
M. Tromsdorf.
g). J’ai fait évaporer à siccité la dissolution muria-
tique, qui cette fois n’a point formé de gelée ; le résidu
n’a laissé qu’un léger dépôt soyeux lorsqu'on l’a repris
par l’eau. La liqueur claire, mêlée à du sulfate d’am-
moniaque , a déposé une matière blanche et douce au
toucher. Au bout de vingt-quatre heures on a séparé
ee dépôt; on a évaporé l’eau-mère qui a donné par ce
moyen une nouvelle quantité de précipité. Le tout ras-
semblé et séché;pesoit#86 parties. La liqueur ainsi épui-
sée de cette substance a fourni 82 parties d’alun par une
évaporation spontanée.
Tous les dépôts formés successivement dans les dif-
férentes dissolutions muriatiques e) et g),se ressem-
blant ontété réunis et soumis aux expériences suivantes :
1°, 10 parties de ce dépôt exigent 350 d’eau bouillante
pour se dissoudre; 2°. sa dissolution a fourni par l’oxa-
late d’ammoniaque un précipité semblable à l’oxalate
ANALYSE DU BÉRIL DE SAXE. 63
de chaux ; 3°. avec le muriate de baryte, de véritable
sulfate de baryte ; j’ai conclu de ces expériences que la
matière de ces dépôts n’étoit que du sulfate de chaux.
Ces expériences ne m’avoient fait connoître jusque là
dans le béril de Saxe que de la chaux, de l’alumine,
de la silice et de Poxide de fer. Mais comme en ad-
ditionnant ces quantités de différentes substances ,silse
trouve une perte considérable , j’ai pensé que la chaux
étoit probablement unie à quelqu’acide dans le mi-
néral , et dès-lors j’ai soupçonné l’acide phosphorique.
Si ma conjecture avoit quelque fondement , je devois
retrouver l’acide phosphorique dans les eaux-mères du
sulfate de chaux, expérience e) et expérience g). L’eau
de chaux m’ayant paru le meilleur moyen pour vérifier
ce soupçon, j’en ai mêlé dans ces eaux-mères , et j'ai,
en effet, obtenu un précipité blanc qui avoit toute
l'apparence de phosphate de chaux. Pour m’assurer du
fait d’une manière non équivoque, j'ai fait digérer
200 parties du minéral réduit en poudre avec de l’a-
cide nitrique affoibli; au bout de douze heures jai
filtré la liqueur, lavé et seché le résidu , il ne pesoit
plus que 99 parties.
J'ai fait évaporer à siccité la dissolution nitrique,
J'ai calciné légèrement la matière restante, et je l’ai
reprise avec de l’acide nitrique très-affoibli pour séparer
le fer enlevé à la pierre; j’ai précipité ensuite la dis-
solution par l’'ammoniaque, et j’ai obtenu un précipité
blanc très - volumineux pesant 84 parties. La liqueur,
mêlée au carbonate d’ammoniaque, a encore fourni
64 ANALYSE DU BÉRIL DE SAXE,
24 parties de carbonate de chaux ; j’ai traité par l'acide
sulfurique les 84 parties du-précipité que je regardois
comme du phosphate de chaux ; la réunion de ces deux
substances a formé un composé très-épais , qui, lavé à
l’eau froide et exprimé , a présenté toutes les propriétés
du sulfate de chaux. Les eaux de lavage , mêlées à l’am-
moniaque en excès, ont donné un léger précipité qui
contenoit de l’alumine.
Ces eaux ainsi saturées par l’ammoniaque furent éva-
porées à siccité ; leur résidu salin, mêlé avec de la pous-
sière de charbon, fournit par la distillation une quan-
tité de phosphore proportionnée à celle de la matière
employée.
Ne doutant plus alors de l’existence du phosphate
de chaux dans le minéral appelé béril de Saxe , je priai
notre confrère Haüy d’examiner les cristaux détachés
de la gangue, pour voir s’ils avoient quelques propriétés
du phosphate de chaux : voici la note qu’il m’a remise
à ce sujet. « Les cristaux d’agustite sont des prismes
» hexaèdres qui deviennent quelquefois dodécaèdres ;
» leur divison mécanique se fait parallèlement aux pas
» et aux bases. Leur poussière mise sur des charbons
» ardens donne une belle phosphorescence verdâtre :
» tous ces caractères conviennent également à la chaux
» phosphatée, connue sous le nom d’apatite. »
Ainsi fortifié par l’accord de la minéralogie avec la chi-
mic, je ne crains pas d'annoncer que ce que MM. Troms-
dorf et Richter ont pris pour une terre nouvelle, n’est
autre chose que du phosphate de chaux; erreur qui
ANALYSE DU BÉRIL DE SAXE, 65
paroîtra peut-être étonnante aux chimistes qui savent
combien sont simples les moyens de distinguer cette
substance des terres proprement dites. Il faudra donc
désormais rayer l’agustite des systèmes de minéralogie ,
et lagustine des livres élémentaires de chimie où on
en a parlé.
1806, Second semestre. 9
66 ANALYSE COMPARÉE
ANALYSE COMPARÉE
DE DIFFÉRENTES SORTES D’ALUNS,
Par M. Vauquez1n (1).
Lu le 21 ventose an 12.
L'izvux de Rome ayant acquis une grande réputation
dans le commerce par la préférence marquée que lui
accordent les teinturiers, on ne sait souvent pourquoi,
son prix s’est beaucoup élevé au-dessus de celui desautres.
Cette prédilection a fait naître dans l’esprit de plu-
sieurs fabricans le désir de donner à leurs aluns les
mêmes qualités, ou au moins les mêmes apparences qu’a
l’alun de Rome.
Il me sembloit que le moyen le plus sûr de parvenir
à ce but, étoit de faire des analyses comparées de l’alun
de Rome et des autres espèces ; maïs j’ai été très-surpris,
lorsque je suis arrivé à la comparaison des résultats de
ces analyses, de trouver entr’eux une similitude pres-
que parfaite.
QG) L’on trouve dans un excellent mémoire de M. Chaptal sur les aluns,
imprimé dans le 22e tome des Annales de chimie , beaucoup de résultats sem-
blables à ceux que je présente ici; mais comme il y a aussi des différences dans
plusieurs points , j'ai pensé que la publication de mon travail ne seroit pas
entièrement inutile. D’ailleurs la fabrication et les usages de l’alun sont d’une
si grande importance, que des répétitions de ce genre ne peuvent jamais pro
duire que d’heureux effets.
DE DIFFÉRENTES SORTES D’ALUNS. 67
Les aluns sur lesquels j’ai opéré sont :
1°. Alun de Rome dont on étoit parfaitement sûr,
m'ayant été remis par une personne qui l’avoit pris elle-
même sur les lieux ;
2°, Alun qu’on vend à Paris pour alun de Rome,
et qui en avoit en effet tous les caractères extérieurs ;
3°. Alun d'Angleterre qu’on a donné comme étant
de première qualité ;
4. Alun fabriqué dans le département de l'Aveyron,
par M.
5°. Alun de Liége, dont je ne connoiïs pas la fa-
brique ;
6°. Alun fabriqué dans le département de RÉrN ;
par M. Ribaucour.
Première expérience. — J’Ax1 dissous 30.5 grammes
de chacun de ces aluns dans des quantités égales d’eau;
j'ai filtré les dissolutions des deux aluns de Rome qui
r’étoient pas claires : il est resté sur le filtre une poudre
de couleur rose, douce au toucher, dont la quantité
s’élevoit à peu près à un centième de l’alun employé.
Je reviendrai plus bas sur la nature de cette substance.
Seconde expérience. — Après avoir dissous ces
aluns, et filtré les dissolutions qui n’étoient pas claires,
je les ai décomposés par l’ammoniaque dont j’ai eu soin
de mettre un excès. J’ai laissé déposer les alumines, j’ai
tiré la liqueur surnageante à l’aide d’une pompe, et
j'en ai remis de nouvelle, et ainsi successivement jus-
qu’à ce que les dernières n’aient plus troublé la disso-
La
63 ANALYSE COMPARÉE
lution de muriate de baryte ; ce qui a exigé beaucoup
de temps et d’eau.
Alors j’ai jeté sur des filtres chacune des alumines
lavée , et je les ai mises ensuite sur des feuilles de papier
brouillard pour en soutirer plus promptement et plus
complettement l'humidité.
Tandis que ces alumines s’égouttoient, ce qui a duré
plusieurs jours, j’ai fait évaporer successivement et à
siccité dans un vase de platine, les eaux de lavage de
chaque alumine.
Celles de l’alun de Rome vrai ont fourni de sulfate
d’ammoniaque . . . + .« + + . . «+ « + + « + « + +. 17.46 grammes.
Celles de l’alun dit de Rome , . : . , 4 . . . .… 17.35
Celles de l’alun de Liège. . . . « «+ « « . eee "17:78
Celles de l’alun de l'Aveyron . . . . . . « . . . . 17.83
Celles de, l’alun d'Angleterre. 1, , . +. 2, « — 17:78
Celles de l’alun de Ribaucour ... + « . + « « + «+ 17.46
Il n’y a, comme on voit ici , que de très-petites dif-
férences entre les quantités de sel fournies par les eaux
de lavage de ces aluns, et surtout que les aluns de
Rome et celui de Ribaucour ont beaucoup de ressem-
blance sous ce rapport; ce qui annonce que dans tous
ces aluns les quantités d’acide sont à peu près les mêmes.
Mais les alumines pouvant avoir été plus où moïns bien
lavées et retenir des quantités inégales de sel | ces ré-
sultats ne peuvent suffire pour éclairer d’uné manière
certaine sur les quantités respectives d’acide contenues
dans ces diverses sortes d’aluns.
Lorsque les alumines ont été desséchées sur des pa-
DE DIFTÉRENTES SORTES D'ALUNS. 69
piers brouillards, ainsi qu’il a été dit, plus haut, je
les ai fait calciner dans un creuset de platine, à peu
près à la mème température rouge , et PCR le même
temps. de d
Voici quels sont. les. rapports que: j'ai trouvés entre
les alumines contenues ans ces différens aluns :
1°. Alun de Rome, Mate RAA FAR EN QE ie 16 grammes,
2° VAlunditide Romel{h.t-1e lle sis 203.10
3°., Alun,de, Liège ys (SM iormerreteehe ven are #f3.20[
4. Alun d'Angleterre . ARTT EUR Len et on Be te, 29810) ,
5°. Alun de l'Aveyron . STE s tie Bt e FO Ve SOL 9)
6°. Alun de Ribaucour 4 01 4 4 4 * .° 318
PORN
Ces résultats obtenus par des expériences, faites avec
soin montrent que les aluns de quelque pays qu'ils
soient , contiennent la même quantité d’alumine, car.
je ne compte pas les différences . de deux à trois, cen-
tièmes de gramme que l’on remarque ici; elles sont
si petites, pouvant d’ailleurs tout Re provenir
de quelque irrégularité des expériences, qu’elles ne mé-
ritent aucune attention. Ces résultats font voir aussi
qu’il n’y a qu'environ dix parties et demie d’alumine
dans un quintal d'alun.
Troisième expérience. — Pour connoître exacte-
ment la quantité d’acide sulfurique contenue dans ces
aluns , j’ai pensé que le meilleur moyen étoit d’en dé-
composer des quantités égales au moyen du muriate de
baryte, de ramasser soigneusement les précipités qui se
forment dans ce cas, de les laver et de les calciner.
Voici le tableau des qâantités de: précipités que jai
70 ANALYSE COMPARÉE
obtenues de 100 parties de chacun de ces aluns ainsi
décomposés :
1°. Alun de Rome vrai , . , , . . . . . 95.00 grammes.
29% Alun dit de Rome . ./'.-. . . + . + 04.44
3°. Alun de l'Aveyron. ; « . , . + . + « 94.44
4. Alun de Ribaucour + + « « «+ « + 94-00
5° VATuntde Bière 1.111.010 Ne l-20004:00
6% Alu d'Anpleterte . © 00. 1 .100.10 04.44
Il résulte de ces expériences faites avec exactitude
deux fois sur chaque espèce d’alun sans aucune
différence sensible, que 100 parties de ces sels dissous
dans l’eau et décomposés complettement par le mu-
ruate de baryte ont donné, terme moyen, 94.5 de
sulfate de baryte.
J’ai observé que ces précipités se sont aglutinés par
la calcination , ont pris de la dureté et de la transpa-
rence. Il me semble que le sulfate de baryte naturel
n’éprouve pas ces effets par l’action du feu; seroient-
ils donc dus à quelque matière étrangère, à du sulfate
d’alumine, ou du muriate de baryte qu’ils auroient
entraînés avec eux? C’est ce que j'ignore, mais le cas
étant commun à tous , les rapports entre les quantités
d’acide que contiennent les aluns n’ont pas dû être
troublés.
L'on voit par les résultats des expériences ci-dessus
que les quantités d’acide sulfurique contenues dans les
aluns qui en ont été l’objet, sont à peu près sembla-
bles ; il est vraisemblable même que les légères diffé-
rences qu’on remarque entr'êlles ne sont dues qu’aux
DE DIFFÉRENTES SORTES D'ALUNS. 71
irrégularités inévitables dans ces expériences ; delà l’on
peut conclure que les distinctions établies entre les
aluns ordinaires et l’alun de Rome pour la teinture , ne
sont pas fondées sur les proportions respectives de l’acide
sulfurique et de l’alumine. ’
Il s’agiroit maintenant de connoître les quantités ab-
solues d’acide sulfurique contenues dans ces aluns;
cette connoissance seroit facile à acquérir si les chi-
mistes étoient d’accord sur les proportions du sulfate
de baryte , mais les uns veulent que sur 100 parties de
ce sel , il n’y ait que 26 parties d’acide sulfurique sec,
et les autres prétendent y en avoir trouvé 32, ce qui
fait une différence considérable.
Dans l'incertitude où me laisse cette diversité d’opi-
nion entre les chimistes } j’estimerai l’acide sulfurique
d’après les deux hypothèses, et nous verrons ensuite
laquelle paroîtra mériter le plus de confiance.
Quantités d'acide sulfurique Quantités d’acide sulfurique
d’après l'hypothèse où le contenues dans Les aluns,
sulfate de baryte ne contient d’après l'hypothèse que le
pour cent que 26 de cet sulfate de barytecontient32
acide. d'acide pour cent.
1°. Alun de Rome . . . 24.46 1°, Alun de Rome » 32.12
2°, Alun dit de Rome . , 24.26 2°. Alun dit de Rome. . 29.77
3°. Alun de l'Aveyron .. 24.41 3°. Alun de l'Aveyron .. 30,05
4°. Alun d’Anpgleterre . . 24.46 4. Alun d'Angleterre. . 32.11
5°. Alun de Ribaucour. . 23.92 5°. Alun de Ribaucour . 29.31
6°. Alun de Liège... . . 24.26 6°. Alun de Liège., . . 29.77
Quatrième expérience. — Pour connoître les quan-
tités de sulfate de potasse existantes dans les divers
72 ÿ ANALYSE COMPARÉE
aluns dont il est question, jai soumis à l’action de la
chaleur des sels obtenus de leur décomposition au moyen
; à ’ ; é |
de l’ammoniaque; lorsque je me suis aperçu que le
sulfate d’ammoniaque étoit entièrement dissipé , j’ai
laissé refroidir et j’ai détaché le résidu du creuset.
Les poids de ces résidus étoient entre eux comme il
suit :
1°. Celui de l’alun de Rome vrai . . . . . 6.50 grammes.
2°. Celui de l’alun dit de Rome .,,, . . . 6.54
3#Celni deNtAYeyron CR 1010
A" Celued Anpletente NN ee MN0-02
5°11 Celui! de' Liège :? 0, ME NON 0 8 176.50
6°. Celui de Ribaucour. . + .-. +. . . . 6.65
J’ai ensuite examiné ces sels pour savoir s’ils ne
contenoient pas encore quelques parties de sulfate d’am-
moniaque , mais je n'ai pu en découvrir la plus légère
trace ; au moins la potasse caustique , ni la chaux vive,
aidées d’un peu d’eau, n’ont développé aucune odeur
d’ammoniaque; en goûtant ces sels je me suis aperçu
qu’ils étoient légèrement acides , ce que m’a confirmé la
teinture de tournesol qui a été rougie assez fortement.
L’on voit icique terme moyen ces aluns sur 30.5 gram-
mes contiennent 6.52 grammes de sulfate de potasse, ou
environ 20 pour cent, en supposant que ce sulfate de
otasse ne retint pas d’excès d’acide sulfurique. L’on
P P q
trouve aussi par ce résultat que j’ai commis une grande
erreur dans mon premier travail sur l’alun , en n’esti-
mant la quantité du sulfate de potasse dans ce sel qu’à
7 pour cent.
Cette erreur provient apparemment de ce que j'aurai
DE DIFFÉRENTES SORTES D’ALUNS. 73
chauffé trop fortement le sel résultant de la décompo-
sition de lalun par Pammoniaque, et que j'aurai vola-
tilisé une partie du sulfate de potasse. ”
L’acidité du sulfate de potasse qui reste après la vo-
latilisation du sulfate d’ammoniaque, est due à la décom-
position d’une partie de ce dernier. On sait, en effet,
qu’en chauffant le sulfate d’ammoniaque, une portion
de l’alcali s'échappe au premier moment dans toute
sa pureté , le sel passe à l’état de sulfate acidule, qui
demande une température plus élevée pour se volatiliser,
et dans le cas dont nous parlons, cette portion d’acide
est prise par le sulfate de potasse qui le retient beau-
coup plus fortement. Pendant la décomposition du
sulfate d’ammoniaque, une partie des principes de
ce sel subissent aussi une décomposition mutuelle ;
car il se forme une grande quantité de sulfite d’am-
moniaque.
Il y a beaucoup d’apparence qu’une portion de l’hy:
drogène de l’ammoniaque s’unit à une partie de l’oxisène
de l'acide sulfurique; cependant, comme il se déve-
loppe dans cette opération une assez grande quantité
de matière charbonneuse qui paroît être dissoute dans
l’ammoniaque, cette matière pourroit bien être en partie
cause de la formation du sulfite d’ammoniaque.
La plupart dessulfates de potasseobtenus parlesmoyens
qui ont été décrits, dissous dans l’eau, ont donné par l’é-
vaporation de légères traces de sulfate de chaux; maïs cette
quantité en est presque inappréciable, elle ne s'élève
certainement pas à ——, Ce qu’il y a de remarquable,
1806. Second semestre. 10
74. ANALYSE COMPARÉE
c’est que l’ammoniaque précipite des dissolutions de
ces sulfates une petite quantité d’oxide de fer rouge,
auquel se trouve mêlé un atôme d’alumine. Cela prouve
que lammoniaque dont on s’est servi pour décomposer
l’alun n’en a point précipité le fer; car la quantité qui
se retrouve ici est à peu près la même’que celle que j’ai
obtenue par une expérience directe ; ainsi qu’on le verra
plus bas. Il paroît que le fer, dans cette circonstance,
forme un sel triple avec le sulfate d’ammoniaque , qu’un
excès de cet alcali ne décompose pas. Le sulfate de
potasse extrait de l’alun de Rome a aussi donné un peu
de cet oxide de fer.
Cinquième expérience. —:Tx falloit aussi examiner
si quelques-unes de ces espèces d’aluns contenoient du
sulfate d’ammoniaque; pour cela je les ai fait bouillir
à la dose de 30.5 grammes dans une cornue munie d’un
récipient avec de la potasse caustique en quantité suffi-
sante pour décomposer l’alun, et en mêmetemps pour dis-
soudre l’alumine. J’ai obtenu de l’alun d'Angleterre une
quantité d’ammoniaque qui , saturée par lacide sulfu-
rique, a donné 4 décigrammes de sulfate d’ammoniaque ;
celui de Ribaucour en a produit 3.5 décigrammes ; celui
de Liège 2.5 décigrammes; enfin, celui de l'Aveyron
3 décigrammes : les deux espèces de Rome ne m’en ont
donné que des quantités inappréciables.
Ces quantités de sulfate d’ammoniaque qui ne s’élè-
vent, Comme on voit, qu’à un, etun centième et demi de
la masse des aluns employés, ne doivent pas avoir une
DE DIFFÉRENTES SORTES D’'ALUNS. 75
grande influence sur les-effets de ces sels dans la tein-
ture et autres arts.où ils sont employés.
Sixième expérience. — Ux des objets qui devoit
principalement fixer mon attention dans ce travail , étoit
de savoir si ces aluns contenoient du fer, .eten quelle
quantité ce métal:pouvoit exister dans chacune des. es-
pèces ; car il n’est pas douteux que c’est:sur-tout dans
la présence ou l’absence de cette matière, que consis-
tent les différences entre les aluns pour la teinture et
* les autres usages. Pour cela j’ai dissous par la potasse
Jes alumines précipitées par l’ammoniaque, comme
dans l’expérience première de 30.5 grammes de chacun
des aluns. J’ai obtenu de lalun de PAveyron 7 centi-
grammes et demi d’oxide de fer, de l’alun de Liège
3 centigrammes, de celui d'Angleterre 7 centigrammes
et demi, et de celui de Ribaucour 3 centigrammes ;
ceux de Rome ne m’en ont donné que des quantités
inappréciables. Aïnsi, sous ce rapport, cette espèce
d’alun est préférable aux autres.
Cependant , quoique ces aluns ne contiennent les uns
environ qu’un millième, les autres un demi-millième
d’oxide fer , si ce métal se fixe sur les étoffes que l’on
veut teindre dans la même proportion que l’alumine,
ces deux substances s’y trouvent mêlées dans-le rap-
port d’un à un et demi à 100, cequi peut produire
des effets nuisibles pour certaines couleurs.
J’ai soumis aussi à l’analyse chimique la terre rosée
contenue dans l’alun de Rome, et qui reste après la
76 ANALYSE COMPARÉE
dissolution de ce sel dans l’eau : elle m’a donné sur
100 parties 31 de silice, 61 d’alumine, et 8 parties de
matière colorante qui étoit composée d’oxide de fer et
d’oxide de nikel.
Il paroît que cette terre contient aussi quelques traces
de potasse et d’acide sulfurique , puisque sa dissolu-
tion par lacide muriatique fournit par l’évaporation
de petites quantités d’alun ; ce qui prouve que cette
matière est un reste de la mine, de la tolfa non dé-
composée , qui est formée des mêmes élémens que cette
terre.
D’après les produits obtenus dans les différentes
opérations ci-dessus , nous pouvons conclure avec assez
de certitude que les aluns contiennent sur 100 parties:
10 AMEN EE), ae DE a eu eue BAOTS EME Te Te)
20. CIE SULUTIQUEM PS eus» « = 1e alla el a 2002
BPPotasse AE MR AU IQ TO A0
Aa mobousurdRit sie datent: ie 458
100.00
La quantité d’acide sulfurique est calculée d’après l’hy-
pothèse où le sulfate de baryte contient 32 pour cent
de cet acide ; nous avons adopté cette proportion , parce
qu’elle cadre mieux avec la quantité d’eau que nous
avons toujours trouvée de 47 à 48 par une calcination
bien ménagée. La quantité de potasse est tirée de l’a-
nalyse du sulfate de potasse par Bergman , dans lequel
ce chimiste admet 52 d’alcali pour cent.
Delà il suit que sur les 30.52 d’acide existant dans
DE DIFFÉRENTES SORTES, D'ALUNS. {77
un quintal d’alun ; 9.60 sont unis à la potasse, et 20.92
à l’alumine avec laquelle il forme un sel acidule.
Il résulte en général des expériences que j’ai rappor-
tées dans ce #mémoire, que les quantités d’alumine,
d'acide sulfurique et de potasse, sont à très-peu près
les mêmes dans toutes les espèces d’alun que j’ai exa-
minées ; que les seules différences consistent dans quel-
ques atômes de sulfate d’ammoniaque et de fer contenus
dans ceux de Liège, de l'Aveyron, d'Angleterre et de
Ribaucour. Cette quantité de fer qui ne s'élève qu’à
environ 2 millièmes dans: l’alun de l’Aveyron qui en
est le plus chargé, peut-elle apporter une si grande
différence dans les propriétés de ces sels pour que
leur valeur ne soit que la moitié de celle de l’alun de
Rome?
Si l’on supposoit donc les aluns dont il est question
ici, privés d’un à deux-millièmes d’oxide de fer qu’ils
contiennent, car je compte pour rien les légères traces
de sulfate d’ammeoniaque qui existent dans quelques
espèces, il semble qu’ils seroient parfaitement sembla-
bles à l’alun de Rome, et sous ce rapport ce seroient
celui de Liège et celui de Ribaucour qui s’en rappro-
choient le plus; mais s’il y a véritablement une si
grande différence entre les effets de l’alun de Rome, et
ceux des autres espèces, que le prétendent les teintu-
riers , il faut avouer que les moyens actuels de la chimie
ne sont pas capables de nous en faire connoître la cause ;
je crois cependant ; ou je me trompe fort , que la grande
réputation et la supériorité attribuées à l’alun de Rome
{
78 ANALYSE COMPARÉE
ne sont fondées que sur d’anciens préjugés qui ont pris
naissance lorsque nos fabriques étoient dans l’enfance,
-et qui se sont perpétués malgré le perfectionnement que
leurs pratiques ont reçu ‘depuis ; et il8est plus que
“vraisemblable que‘les.aluns de fabrique exempts de fer
doivent être aussi bons à tous les MT que celui de
Rome.
Au surplus , pour s’assurer si c’est: ° présence de ces
traces presque imperceptibles de fer et de sulfate d’am-
moniaque qui rendent les aluns de fabrique ‘inférieurs
à celui de Rome, il faudroit en faire des essais en
teinture comparativement avec ce dernier ; et s’il y avoit
encore unevéritable différence dans les résultats, il seroit
alors prouvé qu’il y a dans l’un quélques principes qui
n'existent pas dans les autres , ou vice versd.
Je suis plus étonné encore de là préférence qu’on a
donnée et qu’on accorde encore aujourd’hui à l’alun
d'Angleterre sur ceux de France et de plusieurs autres
‘pays, tant cette nation a su faire maître et tourner
en faveur de ses marchandises les préjugés de tous les
genres! car il résulte évidemment de nos expériences
que cette espèce d’alun est inférieure à toutes celles que
nous avons examinées.
dl est donc bien à désirer que les teinturiers, con-
sultant mieux leurs intérêts, et se dépouillant de leurs
préjugés contraires à l’industrie française , fassent des
essais comparatifs avec les aluns de nos fabriques et
des manufactures étrangères. Je crois pouvoir leur an-
noncer d'avance que les résultats qu’ils obtiendront se-
DE DIFFÉRENTES SORTES D’ALUNS. 79
ront à l'avantage des aluns de France, par rapport à
leurs prix comparés à leurs qualités. On ne peut trop
non plus engager les fabricans d’alun à redoubler de
soins et d’efforts pour perfectionner encore des procédés
de leur art qui a déja fait tant de progrès depuis une
douzaine d’années. Jé ne dotte pas qu’en suivant ce
conseil ils ne convainquent bientôt les consommateurs
qu’il est de leur intérêt, comme de celui de la France
entière, de n’employér : ds at ss que de
Palun' de notre! pays.
J’ai lieu de penser, d’après des: css que je. ferai
connoître par la suite, que l’on parvieridroit facilement
à séparer les dernières portions de fer de l’alun en trou-
blant la première cristallisation, comme cela se pratique
aujourd’hui pour le salpèêtre, en lavant ensuite le sel
fin avec de l’eau , et er emploÿant dans l’opération du
raffinage une petite quantité de prussiate de potasse. Les
fabricans pourroient préparer ce‘defnier dans lés mêmes
fourneaux qui servent à évaporer les ‘eaux alumineuses,
et comme il n’en faudroit qu’une petite qüantité ; cela
n’augmenteroit pas sensiblement le prix: dès aluns.
80 ESSAT D'UNE PIÈCE DE MONNOIE A CHATON.
DS DA
D'UNE PIÈCE DE MONNOIE A CHATON,
Propre à remplacer dans la circulation les fortes
coupures en cuivre et le billon, sans en avoir les
inconvéniens, et présentant plus de garantie contre
la falsification dans les moules, la rognure et la
diminution de valeur par le frai,
Par M. GuxzTron. ai
Lu le 14 ventose an 12.
Ox a reconnu dans tons les temps la nécessité d’une
petite monnoie, non-seulement pour payer le prix des
objets de moindre valeur, dont la consommation est
journalière pour le plus, grand nombre ; mais encore
pour satisfaire aux échanges des plus grosses pièces. Il
n’est personne qui ne sache que le défaut ou seule-
ment la disette de cette petite monnoie est une véritable
calamité pour le peuple, par la gène qu’elle porte
dans ses transactions les plus habituelles, au point
de rendre quelquefois impossibles lavente et l'achat au
détail.
On avoit senti, d’autre part, que les coupures des
ESSAI D’UNE PIÈCE DE MONNOIE A CHATON. O1
monnoies d'argent ne pouvoient guère descendre au-
dessous du vingtième de Pécu de six livres tournois,
ou tout au plus au quart de franc , ainsi qu’il en avoit
été fabriqué sous le règne de Louis XII en 1641,
lorsque l’oblitération des anciennes pièces et la mul-
plicité de celles qui étoient rognées, eurent déjà forcé
le gouvernement à défendre de les recevoir dans les
caisses publiques , autrement qu’à raison de leur poids
et suivant le tarif arrêté d’après leur titre.
Ces dernières coupures ne pouvoient donc encore
satisfaire aux besoins journaliers de la classe la plus
nombreuse ; on imagina pour lors le billon , ou monnoie
de bas aloïi, qui devoit elle - même recevoir des sou-
divisions en monnoie de cuivre pur.
Le billon a été justement proscrit dans notre nouveau
système monétaire. Sans rappeler ici tous les motifs
qui ont fondé cette détermination, il suffit de dire
avec l’orateur du gouvernement , lors de la présentation
au Corps législatif de la loi qui réduit les pièces de
2 sols à 18 deniers (1): Ces monnoies tiennent des por-
tions d'argent fin qu'il faut regretter... Le billon est
une matière très - désavantageuse pour les petites
mno717101eS.
A l’égard du cuivre, les lois des 28 thermidor an 3,
et 28 vendémiaire an 4 , dans la prévoyance sans doute
(1) Les mêmes circonstances avoient commandé en 1729 les dispositions
_ de l’arrêt du conseil du 28 novembre, portant que les pièces de 30 deniers
ne seroient reçues que pour 2 sols, et que celles de 21 deniers auroient
cours pour la même valeur.
1806. Second semestre, 11
82 ESSAI D'UNE PIÈCE DE MONNOIE À CHATON,
de la disparution successive du billon dans un tempsplus
ou moins éloigné, avoient pourvu à son remplacement
en ordonnant la fabrication de monnoies de cuivre,,
jusqu’à la valeur de dix et mème de vingt centimes ;
de sorte que ces pièces devoient être à la taille de 10
et de 20 grammes. à
La première est la seule qui ait été mise dans la cir-
culation en exécution de ces lois, et dans le peu de
temps qui s’est écoulé depuis , Popinion s’est tellement
prononcée sur: l'inconvénient d’une monnoie aussi pe-
sante pour une valeur si disproportionnée, que la loi
du 7 germinal an 11 a fixé à la valeur de 5 centimes
la pièce de cuivre du module le plus fort.
On ne peut se dissimuler cependant que quand, la
monnoie de: billon actuellement subsistante aura dis-
paru, ou même lorsque le nombre de ces pièces sera
considérablement diminué, ce qui doit arriver, par,la
seule force des choses, par la perte à laquelle Les
expose leur marche précipitée dans la circulation , ainsi
que s’exprimoit l’orateur du gouvernement à la même
séance du Corps législatif, il n’y aura rien en rem-
placement; le change du quart de franc deviendra dif-
ficile, embarrassant ; il ne restera enfin d’autre ressource
pour les petites transactions que la multiplicité des pièces
de 5 centimes; c’est-à-dire que l’inconvénient des pièces
d’un et de deux décimes en cuivre se retrouvera tout
entier, puisqu'il faudra se charger du même poids seu-
lement plus divisé , pour avoir sous sa main une quantité
suffisante de fractions du demi et du quart de franc.
ESSAT ID’'UNE PIÈCE DE MONNOIE À CHATON. 93
Ne seroit-il donc pas possible de faire une petite mon-
noie d’une valeur aussi sûre , aussi fixe que le comporte
la sévérité de nos principes monétaires; qui n’eût pas,
comme le billon , le défaut d’anéantir en quelque sorte
la valeur du fin qui y entre; qui n’eût pas comme celle
de cuivre l'inconvénient de fatiguer par son poids; dont
le module fût assez grand pour faire cesser la crainte de
les perdre, l'embarras de les manier; dont le type fût assez
distinct pour prévenir toute confusion , pour mettre en
défaut toute altération superficielle ; qui réunît encore à
ces avantages une garañtie absolue contre la falsification
des monnoiïes dans les moules, contre la rognure; et
qui donnât enfin la certitude d’une durée plus que qua-
druple de celle du billon ou des petites pièces d’argent,
sans perdre sensiblement de sa valeur par le frai? On
concevra aisément qu’une pareille monnoie ; commode
pour tout le monde, seroïit reçue comme un véritable
bienfait par la classe du peuple qui ne manie guère
que ces signes inférieurs, et qui forme à elle seule plus
des neuf dixièmes de la population.
Les essais qui viennent d’être faits à l’hôtel des mon-
moïes en démontrent la possibilité. L'idée m’en a été
suggérée par la petitesse de la pièce d’argent du quart
de franc, qui, quoique dans-les meilleures proportions
possibles, et d’une belle exécution ; a fait une impression
d'autant plus sensible qu’on avoit cru depuis long-temps
devoir renoncer à toute fabrication de pièces de 6 sols,
c’est-à-dire d’un sixième de plus de valeur.
On voit par les résultats de ces essais que cette mon-
84 ESSAI D’UNE PIÈCE DE MONNOIE A CHATON.
noie seroit formée d’un anneau ou pièce circulaire de
cuivre, dans laquelle la pièce d’argent seroit comme
enchatonnée et fixée assez solidement pour qu’elle ne
pût en être séparée que par un effort à peu près égal
à celui qui seroit nécessaire pour emporter une pièce
dans une lame continue de pareille épaisseur.
Cette solidité est produite par la seule percussion du
balancier qui, à la faveur des parties renfoncées de la
surface des coins, saisit les deux métaux , et par leur
expansion force un tel rapprochement que tous les vides
que pourroit laisser l’irrégularité du disque intérieur
disparoissent , et sont remplacés sur-le-champ par la
sertissure la plus exacte.
Un simple coup de fraisoir à main sur les deux faces
de l’anneau , ajoute encore à cette solidité , et n’exige
rien de bécnits que ce qu’il pratique à js lime dans
l'ajustage ordinaire des flans. |
Il est bon d’avertir que ce n’est que relativement à
cet effet du balancier , que l’on doit juger les empreintes
que portent ces pièces d’essai. On imagine bien que si
cette méthode étoit adoptée , les coins seroient fabriqués
exprès pour distribuer convenablement les champs et
les reliefs sur les deux métaux, au lieu qu’on a été
obligé de se servir des coins existans dont le diamètre
se ranprochoit le plus de celui que l’on avoit dé-
terminé.
Les premiers essais de cette monnoie avoient été
faits de deux manières. Dans les unes l’argent étoit à
l'extérieur et le cuivre au centre; dans les autres le
4
ESSAI D’UNE PIÈCE DE MONNOIE A CHATON+ 89
cuivre servoit de cadre à l’argent:: on m’a pas tardé à
reconnoître que les dernières étoient préférables sous
tous les rapports , mais sur-tout pour les mettre à l’abri
de la rognure et d’une prompte diminution de valeur
par le frai. Il est évident qu’elles offrent le seul
remède que l’on puisse espérer contre les maux résultans
de ces deux causes de la dépréciation et du discrédit
des monnoïes ; dont les moindres sont la nécessité de
fréquentes refonies, l’embarras de ne les recevoir qu’à
la balance, ou leur avilissement subit dans les mains
où elles se trouvent, et dont la perte n’est pas moins
fâcheuse pour les individus, quoique commandée par
l'opinion générale pour l’intérêt commun.
_ Il seroit inutile d’entrer ici dans, tous les détails sur
lesquels ladministration. des monnoies a : cru devoir
porter son attention dans le mémoire qu’elle a présenté
à ce sujet, le 2 pluviose dernier, au ministre ;des
finances ; maïs je ne puis me dispenser de faire voir que
les pièces ainsi fabriquées auroïent matériellement la
valeur pour laquelle on leur donneroit cours; que leur
fabrication n’entraîne ni difficultés ni un surcroît de
dépenses qui mérite considération; enfin, que leur
jugement, avant d’être mises en circulation, s’opérera
avec la même facilité et dans les mêmes formes sévères
qui sont établies dans le système actuel de nos mon-
noies. L’examen de ces trois points suffira pour écarter
tous les doutes que l’on pourroit concevoir sur la réalité
des avantages de cette méthode.
Pour déterminer la valeur intrinsèque, par exemple,
86 ESsAr D'UNE PIÈCE DE MONNOIE À CHATON.
de la pièce: d’un décime ou dix centimes, prenons la
dans lés dimensions qui ont'été adoptées pour les éésais,
et qui ont paru Îles DRE Ta BIeS pour la différen-
cier absolument ; par le module mème, de toutes les
autres pièces ayant cours, de sorte que ni Poblitération
des empreintes ,°ni Papplication superficielle de métaux
étrangers , ne dofnassent en aucun temps occasion à la
fraude ou à l'erreur ; indépendamment de la garantie
qu’offriroient encore des coins appropriés ‘et leurs 16-
gendes ; j'ai déja fait observer qué toutes les opérations
dans les moules ;lopérations' si faeiles quand le frai a
commencé d’altérer les empreintes, et qui, par cette
facilité, présentent tant d’appât aux faux-monnoyeurs,
seroient ici en défaut:
D’après? ces considérations , la metre de 10 centimes
a été formée d’un‘anneau de cuivre de 20 millimètres
de diamètre; et d’une pièce ‘circulaire d'argent dé 10
millimètres de diamètre ; déstinée! à ee ie vide de
MERS Pr
ft | H > 2191
j' annéau de cuivre Se du poids de + + y + + .250.00 .centigr.
Hot (
L'argent, Qu eo HALD RE, ee 1 43.70"
en CR LU
On peut remarquer en! passant qu’une pièce d’un dé-
cime’, où ; ce: qui est là même chofe , deux pièces
de 5 céntimés $eroient ic remplacées d’une manière
infinimentcommode, par environ le'septième de leur
poids.
L'argent étant au titre de o:900 , comme dans toutes
ESSAIYD UNE. PIÈGE: DE! MON NOIE A CHATON. ‘87
les autres monnoies ; la valeur de! cette;pièce se trouve
ainsi déterminée, conformément àtla loi du 7 serminal
an 11, savoir : OL 4 orsil sl & noue h ns! :
à Î (Oo 01
Valeur de l’anneau de cuivre .!% : à
Valeur du flan d'argent is, EME ADI A .97V 8:55
V2 ::$ 12:11
ed 1.25 >céntimes,
Total . tot He Hp ds A
On voit que dt du cuivre est déduite sur l’ar-
gent: un gouvernement qui aeuJa sagesse de renbncer
à tout droit fiscal sur les métaux qu il destine à repré-
senter des valeurs fixes MATE a pas sans, doute contracté
l'obligation d’en fournir gratuitement, une partie; :sur-
tout lorsque, comme dans le cas présent, chacun de
ces métaux peut être séparé et se retrouver dans : toute
sa pureté, sans déchet, ct sans qui ils soit besoin d'aycune
opération dont les frais .compensent « ou, seulement dimi-
P.
og
nuent les prix que leur assigne le commerce.
Les mêmes principes s appliquent : à la pièce du quart
de franc. Dans le cas où l’on se décideroit à la fabriquer
suivant cette méthode, pour “ui donner un volume plus
donnent les Pole 0 Ta ét pourroit être
fixé à 24 millimètres ; celui du flan _enchatonné ou in-
: FA
térieur de 13 millimètres, F
nie
Le poids en cuivre seroit . 300. o centigr. La valeur. , 1 5 centimèt.
Le poids en argent... . . 129. au 4e dc NE PT nn TU NET se
429.2 25.0
9b eyp el
Par rapport à la fabrication, les procédés ordinaires
:
»
» À
88 ESSAI D’UNE PIÈCE DE MONNOIE A CHMATON.
seront suivis pour le laminage des lingots, le recuit
des lames, la taille des flans par les coupoirs, l’ajustage
du flan d’argent à la lime et leur blanchiment. Je dis
V’ajustage de la pièce d’argent pour le poids, parce que
celui du cuivre n’exige pas, à beaucoup près, la même
précision (1), et j’ai déja fait observer que pour ce
dernier le fraisoir à manche devroit être substitué à la
lime, ce qui ne seroit pas plus embarrassant et auroit
l’avantage d’assurer l’espèce de sertissure qui doit se
former par la percussion du balancier.
À la vérité, le flan étant formé de deux pièces, il
faudra d’abord deux opérations au découpoir, et ensuite
une troisième pour vider le milieu de la pièce de cuivre.
Il est aisé de concevoir que les deux opérations sur ce
métal pourroient être réduites à une seule, qui façonneroit
complettement l’anneau d’un seul coup. Il suffiroit pour
cela de donner à la vis du coupoir une marche hori-
zontale, au lieu de la verticale, et de placer, au fond
de la cavité de l’emporte-pièce , de légers ressorts, qui,
repoussant l’anneau détaché de la lame,le feroient AXE TIE
peadant le recul alternatif ; tandis que le petit disque
emporté au milieu seroit poussé au fond ae la douille,
où il trouveroit un vide pour s'échapper, dès qu’il
seroit abandonné à son poids. On ne doit pas craindre
que la position moins favorable oblige Pouvrier à plus
Pays cb 2e nrmmdte st UE ed ee co
(Gi) La‘loi du 7 germinal an 11 fixe à ©0.010 la tolérance de poids pour
le quart de franc d’argent, et pour la pièce de cuivre de 5 centimes, à
8.020 ou re
ESSAI D'UNE PIÈCE DE MONNOIE A CHATON, 89
d'effort, lorsqu'on fait attention qu’il n’agira jamais
que sur des, lames qui n’auront pas deux millimètres
d'épaisseur. | TRE
Supposons cependant que l’on éprouve quelque dif-
ficulté dans la fabrication d’un semblable instrument,
et qu’il faille faire l'opération du découpage en deux
temps , ou avec deux instrumens, dont l’un emporteroit
d’abord la partie du milieu, et l’autre couperoit le flan
dans la lame; il n’y auroit plus la moindre difficulté,
puisque tout rentreroit dans, les procédés ordinaires, à
la seule différence d’un mamelon réservé, dans le.se-
cond emporte-pièce pour guider la position de la lame
et prévénir l’excentricité. Mais n’en résultera-t-il pas
une augmentation sensible dans les frais de fabrication ?
Je n’hésite pas de dire que l’on sera pleinement rassuré
à cet égard, lorsqu'on aura fixé son opinion sur les
trois points suivans : toi
1°. Le découpage de flans d’argent, du même poids
de 25 décigrammes , n’est porté ,; dans Létat des
frais, qu’à 20 centimes par kilogramme de matière: ou-
vrée ; et le prix de, ces sortes d’opérations ;est toujours
dans une proportion relative à la valeur du métal ,
pour assurer l'indemnité des pertes inévitables : il se-
roit donc fort au-dessous pour le même travail. sur le
cuivre. Bts À 12 FRE D ra
2°, L'opération dans laquelle tous les flans sont passés
dans la machine à cordonner , pour former la tranche,
seroit ici sans objet} puisque cette monnoie seroit par
elle - même à Vabri des spéculations des rogneurs
1806. Second semestre. 12
90 ESSAT D’UNE PIÈCE DE MONNOIE À CHATON.
d’espèces , qui ne seroient sûrement pas tentés de perdre
leur temps ,; et d’user leurs limes pour n’obtenir que
de la limaille de cuivre : voilà donc un article qui doit
entrér en Compensation, quand ce ne seroit que de
la très-petite main-d'œuvre qu’exigeroit le placement
du disque intérieur dans l’anneau. On sait bien que la
pièce emportée par le coupoir ne rentre pas dans le vide
qu’il a fait dans la lame , parce que , la pression cessant,
les deux pièces ere se rétablissent simultanément
dans le sens qui s’ oppose à cette introduction; mais on
sait ‘aussi combien il est facile de donner au coupoir
destiné à former le: disque intérieur des dimensions con-
venables , pour qu’on puisse le placer à la main dans
l’anneau , ‘et l’y fixer assez pour qu’il ne s’en sépare
pas dans le transport au balancier (1). Ainsi point
d’ajustage, et ce travail peut être assimilé à celui de
l’ouvrier qui place la tête de l’épingle avant de la
porter sur l’enclume.
Une troisième considération qui seroit seule décisive,
est la valeur monétaïre que la loi assigne au cuivre,
qu’elle a dû lui assigner, sans aucune-vue de fiscalité;
mais dans la nécessité de pourvoir à ce que la moindre
variation dans les prix du Hngot ne -pût présenter aux
spéculateurs des bénéficesdans la fonte des monnoies
nationales , et exposer ainsi le gouvernement à racheter
(1) On a vu dé ces pièces dont le disque intérieur avoit été taillé si irré-
gulièrement qu’il n’étoit en contact avec l’anneau qu’en trois points, qui
n’ont pas laissé de donner au monnoyage des pièces continues et parfaitement
serties dans toute leur circonférence.
ESSAI D'UNE PIÈCE DE(MONNOIE À CHATON. 91
à un prix plus élevé les mêmes matières qu'il auroit
mises en circulation. C’est d’après ce principe d’une
sage politique que la loi du 7 germinal an 11 porte
à 5 francs la valeur monétaire du kilogramme de cuivre:
or, quoique les circonstances actuelles soient certaine-
ment les moins favorables où l’on puisse se trouver,
pour l'introduction de cette nouvelle monnoie, par
rapport au prix des cuivres, il n’y a point de directeur
de fabrication qui ne trouve dans cette évaluation toute
la latitude nécessaire pour couvrir le léger excédent de
façon à donner aux flans en anneau.
Quant au jugement qui doit précéder la mise en
circulation, comme il ne regarde que le poids et le
titre des flans d’argent , on pourroit penser qu’il y auroit
quelque avantage, ou du moins plus de simplicité à
soumettre ces flancs eux-mêmes et isolés à l’examen,
avant de les faire passer sous le balancier ; mais je me
garderai bien de rien proposer qui s’écarte de la marche
tracée pour obtenir toutes les gararities possibles de la
fidélité de la fabrication ; et ce seroit s’en écarter que
de diviser l’époque à laquelle la matière sortant des
ateliers du directeur, prête à recevoir l'empreinte, passe
immédiatement et sans retour sous la surveillance des
fonctionnaires désintéressés; heureusement on n’en a
pas besoin. Les pièces étant frappées , la prise d’échan-
tillons sera faite au hasard , ainsi qu’il est ordonné; les
flans d’argent en seront détachés en présence de l’ad-
ministration , ce qui s’opérera facilement d’un seul coup
par un poinçon en goutte de suif, la pièce portant à
D ESSAI D'UNE PIÈCE DE MONNOIE A CHATON.
92
faux; ces flancs seront soumis à la balance et à la
coupelle; s'ils, sont trouvés dans les limites de poids
et de titre, elle en autorisera la mise en circulation
dans les formes ordinaires; dans le cas contraire; elle
-ordonnera, conformément à la loi, la refonte de la
délivrance entière, en présence du commissaire. On
aura enfin pour cette espèce de monnoie, comme pour
celles d’argent, la même facilité pour reprendre dans la
circulation de nouveaux échantillons pour s'assurer que
le titre n’en a pas été frauduleusement abaïissé.
Je crois donc pouvoir dire, en me résumant, qu’il
ne peut plusy avoir de doute sur la possibilité de frapper
unesmonnoie exirèmement commode pour le change et
les petites transactions, d’un. volume assez grand, pour
que le porteur ne soit pas, exposé à des pertes fréquentes
et presque inévitables ; assez légères pour ne pas le
fatiguer par son poids ; où le métal précieux conserveroit
cependant la pureté de son titre et.toute sa valeur; qui
seroit à l’abri de toute imitation par la coulée en moule,
de. la criminelle cupidité des rogneurs d’espèces , de la
dépréciation si rapide des petites monnoies par le frai;
dont la fabrication enfin n’entraïineroit ni difficultés ni
dépenses! extraordinaires. ;:;:
t{
{ re
SUR LA NATURE COMPARÉE DE L'IVOIRE, etc. 93
EXPÉRIENCES
Sur la nature comparée de Pivoire frais, de l'ivoire
fossile et de l'émail des dents,
Par MM. Fourcroy et VAUQUELIN.
Lu le 18 frimaire an 14.
Pis une lettre insérée dans le n°. 165 des Annales
de chimie, fructidor an: 13, M. Gay-Lussac, élève
et ami de M. Berthollet, annonce à ce savant que
M. Morichini, chimiste de Rome; avoit découvert dans
Vivoire frais, dans l’ivoire fossile et l’émail des dents,
la présence de l’acide fluorique ; que l’ivoire frais étoit
presque entiérement -formé de fluate de chaux, et que
l'émail des dents contenoit jusqu’à vingt-deux centièmes
de fluate de chaux.
Cette découverte est trop intéressante pour que chacun
ne se soit pas empressé de la vérifier. Nousallons donner
dans ce mémoire le résultat des expériences que nous
avons faites sur cet objet dans le laboratoire de recher-
ches du Muséum d’histoire naturelle.
Comme il eût été difficile et peut-être impossible de
faire agir convenablement l'acide sulfarique sur ces
substances , si elles n’avoient pas auparavant été
O4 SUR LA NATURE COMPARÉE DE L’IVOIRE FRAIS,
dépouillées de leur gluten , animal on a commencé par
les calciner dans un creuset ouvert.
1°. L’ivoire frais a perdu par cette calcination . . . . . 45 pour 100.
2°, L'ivoireMossilé ide Sibérie es ue NOR RS 4115
39 Liyoire iosseldeNoO ee ee eee ele Len en Al
4°: L'ivoire fossile de/l'OurcquW un. 4. LM: O8
5°. L’ivoire fossile du Pérou, trouvé à mille cent soixante-
seize, piedséd'éléyation #01 NN AUVNT ES RO RL t CUS
6°. L’ivoire fossile d'Argenteuil . . . , . . . . Verot pop
7D'émaildestdenteeians Mental ie es elalte jee et A1)
Les différences qui existent entre les pertes éprouvées
par les différens ivoires dans la calcination, peuvent s’ex-
pliquer par l’état où ils se trouvent : les ivoires fossiles
de Sibérie et de Loyo étoient presque entièrement en-
core dans leur état naturel; ils conservoient la plus
grande partie de leur gluten animal et leur organisation,
tandis que ceux du canal de lOurcq, du Pérou et d’Ar-
genteuil, avoient été dépouillés de cette matière, et
s’étoient ensuite desséchés; aussi ces derniers se déli-
tent-ils facilement en lames , sont-ils extrêmement fra-
giles , et ne répandent-ils que très-peu d’odeur animale
pendant la calcination. Quant à l’émail des dents, le
peu de perte qu’il a subie par la même opération, an-
nonce qu’il contient beaucoup moins d'humidité, et
sur-tout de mucilage animal que les autres os, ainsi
que nous l’avons reconnu il ÿ a déja long-temps. Ce
dernier a pris une fort belle couleur bleue par la cha-
leur, ce qui prouve qu’il renferme une quantité assez
notable de phosphate de fer.
Après avoir été calcinées et pulvérisées, chacune de
DE L’IVOIRE FOSSILE ET DE L'ÉMAIL DES DENTS. 95
ces matières a été traitée de la manière suivante, pour
savoir si on pourroit y découvrir la présence de l’acide
fluorique. On a mis ces ivoires calcinés , tantôt dans
une fiole à médecine, tantôt dans une petite cornue :
on a versé pardessus au moins quatre parties d’acide
sulfurique concentré; on a adapté à ces vases un tube
de verre plongeant dans l’eau de chaux, et on a chauffé.
Dans chacune de ces expériences on n’a jamais em-
ployé plus de vingt grammes, et moins de res grammes
de matière à la fois.
Livoire frais ni l’émail des dents ne nous ont pré-
senté aucune trace d’acide fluorique. Les ivoires fossiles
de Sibérie et de Loyo n’en ont pas offert davantage;
mais ceux du canal de l’Ourcq et d'Argenteuil ont fourni
des traces sensibles de cet acide. Dans ces derniers cas,
la partie supérieure de la fiole à médecine ou de la
cornue, et les tubes qui conduisoient les vapeurs dans
l’eau de chaux, étoient dépolis et recouverts d’une
- poussière blanche, dont les propriétés ressembloient à
celles de la silice; dans les autres cas, rien de sem-
blable ne s’est présenté.
Ces premiers résultats nous ayant déja fait douter de
l'existence de l’acide fluorique dans les ivoires frais,
ainsi que dans ceux qui, quoique fossiles, contiennent
encore presque toute entière et sans altération leur ma:
tière animale, nous avons fait des mélanges artificiels
avec de livoire frais et du fluate de chaux , tantôt dans
la proportion d’un vingt- cinquième, et tantôt dans :
celle d’un quarantième ; et toujours, même dans ce
96 SUR LA NATURE COMPARÉE DE L'IVOIRE FRAIS,
dernier cas, nous avons observé , d’une manière très-mar-
quée , les effets de l'acide fluorique sur le verre, lorsque
ces mélanges ont été traités comme il a été dit ci-dessus.
Ces effets étoient même beaucoup plus sensibles que
ceux produits par les ivoires fossiles du canal de l’Ourcq
et d'Argenteuil; ce qui annonce que le fluate de chaux
mexiste pas dans ces substances au - delà de trois ou
quatre centièmes.
Les savans qui ont annoncé la découverte de l’acide
fluorique dans l’ivoire, n’assurant pas-que cette subs-
tance en soit entièrement formée , quoiqu’ils rappellent
qu’autrefois Rouelle avoit en vain essayé d’en extraire
du phosphore, nous en avons traité trois cents grammes,
comme on a coutume de le faire à l’égard des os pour
en tirer le phosphore, et nous avons obtenu quinze
grammes de cette substance très-pure. Cette quantité de
phosphore est à peu près la même que celle qu’on ob-
tient ordinairement des os, et il est probable que nous
en aurions encore eu davantage si la cornue n’avoit pas -
cassé avant que l’opération en fût entièrement finie.
Si, par la première opération à laquelle nous avons
soumis livoire frais, nous n'avons pu apercevoir aucun
vestige d’acide fluorique, celle que nous venons de
rapporter prouve qu’il contient abondamment de l'acide
phosphorique, et probablement autant que les os.
La vapeur piquante qui se dégage au moment où
l’on mêle de l'acide sulfurique avec livoire frais cal-
ciné , ne doit pas être regardée comme une marque cer-
taine de la présence de l’acide fluorique, parce qu’il se
DE L’IVOIRE FOSSILE ET DE L’ÉMAIL DES DENTS. 97
produit, dans ce cas, un degré de chaleursi considérable,
qu’il suffit pour volatiliser avec l’eau une petite quantité
d'acide sulfurique. D’ailleurs ; Cette Vapeur se manifeste
aussi pendant le. mélange de l’acide sulfurique avec les
0$; où lon n’admet pas d’acide fluorique.'
Nous passons ici sous silence les détails de plusieurs
expériences que nous avons faites dans l'intention de
découvrir dans les substances dont il s’agit; l’existence
de Vacide fluorique , telles que leur analyse, au moyen
de divers réactifs, le mélange de l’ivoire frais avec
l'acide sulfurique, dans un vase de verre placé sur
un bain de sable chaud, et couvert d’un: morceau
dé chapeau mouillé, lesquelles ont été sans aucun
succès.
- Plusieurs chimistes de Paris, ayant répété les mêmes
expériences sur livoire, ont obtenu des résultats À peu
près semblables aux nôtres.
Quoique nous n’ayons pas trouvé d’acide fluorique
dans l’ivoire frais ni dans VPémail des dents, comme
Va annoncé. M. Morichini, il n’en reste pas moins
Constant que ceux des ivoires fossiles qui ont perdu leur
matière animale, de quelque pays qu’ils soient, con-
tiennent quelques centièmes de leur poids d’acide fluo-
rique. Cette circonstance vraiment singulière, semble
indiquer que ces substances se sont à la longue im-
prégnées d’acide fluorique, ce qui en suppose l’existence
dans l’intérieur de la terre; Car, soupçonner avec
M. Klaproth, que Pacide phosphorique s’est en partie
Converti en acide fluorique, c’est faire une hypothèse
1806. Second semestre, 15
98 SUR LA NATURE COMPARÉE DE L’IVOIRE , etc.
trop éloignée de l’état actuel de nos connoissances pour
qu’elle puisse paroître même vraisemblable:
Si l’acide fluorique existoit véritablement dans l’ivoire
frais et l’émail des dents, il faudroit que l’analyse
chimique le retrouvât dans les substances végétales
et animales, à moins qu’on ne supposât qu’il se dé-
veloppe dans l’économie animale vivante ; ce qui est
très-hypothétique et sans aucun fondement raisonnable.
Il paroît donc plus vraisemblable que ; pendant
le long séjour de ces substances dans l’intérieur de
la terre, elles se combinent avec l’acide fluorique ,
soit que cet acide vienne de Pextérieur, soit qu’il se
développe dans leur propre substance. Par la première
hypothèse , l’acide fluorique seroit supposé par toute
la surface de la terre, puisque les ivoires fossiles trouvés
dans des lieux très - éloignés, contiennent également
cet acide; dans la seconde, on seroit forcé d'admettre
le changement de quelque principe de Pivoire en acide
fluorique ; ce qui n’est pas reconnu impossible. A la
vérité , comme nous ignorons la nature de l'acide fluo-
rique , nous ne pouvons apprécier le mode et la cause
des transmutations dont l’état actuel de la chimie re-
pouse même l’existence.
SUR DU BLEU MARTIAL FOSSILE CRISTALLISÉ. 99
OBSERVATION
DU BLEU MARTIAL FOSSILE CRISTALLISÉ,
Par M. Suce.
Lu le 3 prairial an 11.
V'iscenrus et la plupart des minéralogistes ont dé-
signé sous le nom de bleu de Prusse natif, le bleu
martial fossile, quoiqu’il diffère essentiellement de celui
de l’art, puisqu'il se dissout dans les acides.
Le bleu martial cristallisé qui est l’objet de cette
observation a été trouvé à Luxeuil (x), dans un ancien
canal qui paroît avoir été construit par les Romains;
il y avoit dans le même endroit une espèce de tourbe
ligneuse , entre-mêlée, de bleu martial , et des ossemens
altérés, presque friables et pénétrés d’acre martiale
brune: leur surface , ainsi que les lames osseuses sont
couvertes de cristaux de bleu martial demi-transparent,
dont la forme varie.
Il y a de ce bleu martial cristallisé en rhombes ap
platis'à. bords, en biseau, et en prismes: tétraèdres
rhomboïdaux.
soumis eyiasaffirger 10) nf niju2sre sroédhs
(1) Département de la Haute-Saône.
100 SUR DU BLEU MARTIAL FOSSILE CRISTALLISÉ.
Ayant comparé et soumis aux mêmes expériences le
bleu martial cristallisé de Luxeuil avec celui que Pallas
ma envoyé de Sibérie Al y a vingt-cinq ans, je les ai
trouvés semblables. Ce dernier offre une particularité
remarquable : il se trouve renfermé dans des coquilles
fossiles de différens genres, dans des moules de 3 cen-
timètres de longueur, remplies de bleu martial , parsemé
de petits cristaux prismatiques de la même nature ;
quelques-uns sont disposés en étoiles ; la coquille est
restée d’un blanc mat, son extérieur est encrouté de
mine de fer brune ; il y avoit dans le même envoi une
buccardite fossile, dont l’intérieur est enduit d’une
couche de bleu martial foncé, et d’un faisceau de ce
même bleu cristallisé en prismes rhomboïdaux.
Pallas m’envoya aussi du bleu martial en masse
entre-mêlé de cristaux de bleu prismatiques, longs
d'environ 3 centimètres , et en partie recouverts de mine
de fer argilleuse brune.
Le bleu martial de Luxeuil, ainsi que celui de Si-
bérie, celui d'Écosse , de même que celui de Beuthnitz,
sont dus aux végétaux dont la fécule colorée a été sé-
parée, et altérée par macération ; aussi trouve-t-on de ce
bleu dans les tourbières, et dans les bois qui se décom-
posent, et qui prennent une teinte verte, qui provient
du bleu et du jaune.
Le bleu martial cristallisé ou pulvérulent, ne fait
pas effervescence avec l’acide nitrique qui se dissout,
et dont on sépare ensuite le fer par la lessive prussique.
Ce bleu martial fossile est mêlé d’un peu de terre
SUR DU BLEU MARTIAL FOSSILE CRISTALLISÉ. 101
calcaire, à laquelle il paroît devoir sa propriété de
cristalliser en rhomboïde ; ayant mis de ce bleu martial
en digestion dans de, l’acide sulfurique concentré, le
bleu martial s’y est dissous: il restoit au fond du vase
de la sélenite blanche.
Henkel et Brandt ont analysé le bleu martial fossile ;
ce dernier a lu ; en 1757; un mémoire sur cette substance
à l’Académie de Berlin, qui a eu pour titre : Recherches
sur la terre bleue de Beuthnitz ;'il en a retiré, ainsi
qu'Henkel, de lalcali volatil, et de l’huile empy-
reumatique. Hoi à
Le bleu martial cristallisé de Luxeuil, de même que
celui de Sibérie, étant exposé sur un charbon à l’action
du feu du chalumeau, se boursoufle, fond ; et produit
un globule vitreux, noir , brillant, lequel, après avoir
été cassé , est 'attirable en entier par le barreau aimanté,
102 SUR L'EMPLOI DE L’AMIANTE ALA CHINE.
MÉMOIRE
SUR
!
L'EMPLOI DE L'AMIANTFE: A LACHINE,
Par M. Sac.
Lu le 18 thermidor an 12.
Lis anciens, au rapport de Pline, ont fait des toiles
incombustibles avee de Pamiante; on ‘montre dans ‘là
bibliothèque’ du Vatican ‘un suaire qu’on dit'fait avec
cette toile. Quant à nous, je ne ne sache pas qu’on
emploie à présent de lamiante. J’ai cependant du pa-
pier fait avec ce lin fossile , il y a vingt ans, par M. Léo-
rier de Lisle, propriétaire de la papeterie de Mon-
targis. Ce papier dont il me reste une feuille que je
mets sous les yeux de l’Institut, a assez de cohérence,
quoiqu'il ne soit pas lissé comme le papier fait avec
le chanvre; il ne cède pas sous la plume, et l’on peut
écrire dessus avec facilité et netteté si l’encre est bien
gommée. Ce papier mis entre des charbons ardens, ne
s’y détruit point ; il y prend une teinte d’un gris-clair,
qui est due à la colle qui se charbonne. Les caractères
qu’on a: tracés avec de l’encre sur ce papier d’amiante,
paroissent en rouge, abrès avoir été ainsi exposés au
SUR L'EMPLOI DE L’AMIANTE À LA CHINE. 103
feu. Si au lieu de colle on eût employé le mucilage de
gomme adragante, pour réduire en pâte l’amiante qui
a été passée au moulin, le papier qui en seroit résulté
auroit eu plus de cohérence, et auroit été encore plus
propre à résister à l’action du feu. Il auroit été à sou-
haïter qu’on eût plus encouragé M. Léorier de. Lisle ;
car ce papier d'amiante peut être d’une grande utilité
pour la conservation des actes ; puisqu'il résiste à l’ac-
tion du feu, dont ils seroient absolument à l'abri, si
on'les meitoit dans des'étuis ou cartons d’amiante:
Je reviens à l’emploi que: les Chinois font de l’a-
miante ; ils savent, ainsi que nous, qu’il faut le feu
le plus violent pour le vitrifier ; qu’il ne s’altère pas
au feu ordinaire, aussi en font-ils des fourneaux. Celui
que j'ai vu représentoit un cylindre de neuf pouces
de haut sur six de diamètre; vers le milieu est un re-
bord circulaire, destiné à soutenir la grille : il y avoit
deux portes au cendrier. Ce fourneau avoit pour sup-
port une espèce de plat rond à rebords octogones, élevés
sur quatre petits cubes; ces rebords ‘étoient ornés
d’un dessin courant d’une simplicité agréable : ce sont
de petits cercles contigus au centre desquels est un
mamelon. L'intérieur et l’extérieur de ce fourneau a le
poli du carton lissé, sa cassure est semblable à celle du
carton; aussi M. de Tersan, chez ‘lequel j'ai vu ce
reste de fourneau, me disoit-il, je ne sais comment
Les Chinois peuvent faire des fourneaux de carton pour
contenir du feu. Ayant pris et examiné un fragment
104 SUR L'EMPLOI DE L’AMIANTE A LA CHINE.
de ce fourneau, je reconnus qu’il étoit entièrement
d'amiante. Comment les Chinois lui ont-ils donné de
la cohérence? il y a lieu de présumer qu’ils savent,
ainsi que nous, que le mucilage de gomme adragante a
la propriété de faire prendre corps aux molécules pier-
reuses, et de contracter avec elles une telle-union que
le feu même n’a pas la propriété de la détruire: on
en a la preuve dans les rotules de spath pesant, ou
sulfate de baryte, qué forme le phosphore de Bologne,
après avoir été calcinées pendant plusieurs heures
entre les charbons, qui ne détruisent ni leur forme ni
leur solidité.
Pour former ces rotules , on pulvérise le spath pesant,
on le passe au tamis de soie, on en forme une pâte
avec le mucilage de gomme adragante ; on fait des bou-
lettes avec, et on les applatit, d’où il résulte des
rotules.
L’amiante dont est formé le fourneau chinois, a été
réduite en petites parcelles au moulin, et mêlé avec un
mucilage pour en former une pâte, que les Chinois
introduisent dans des moules dont elle prend la forme
et le poli, tandis que son intérieur offre sensiblement
les parcelles d’amiante dont il est composé. Ce fourneau
d'amiante est d’un gris tirant sur le rouge, et allie la
solidité à la légèreté ; il blanchit au feu.
En examinant quelques productions des Chinoïs, j’ai
vu une étoffe qui ressemble à nos droguets ; sa trame
n’est que des lanières de papier; cette étoffe a de la
SUR L'EMPLOI DE L’AMIANTE A LA CHINE. 104
souplesse et de la solidité, comme on peut le recon-
noître. Les Chinois ayant l’art de faire des feuilles de
papier qui ont dix-huit pieds de long, il n’est pas
étonnant de voir des étoffes de ce genre en pièces,
comme les étoffes de soie qu’on fait dans les autres
pays.
1806, Second semestre. 1
ENS
106 OBSERVATIONS DIVERSES.
[—
OBSERVATIONS DIVERSES,
Par M. Mrssier.
Lu le 26 brumaire (17 novembre 1802.)
Passage de Mercure le:9 novembre 1802.
La veille de ce passage j’avois observé sur le disque
du Soleil une tache considérable parfaitement ronde,
et dont le diamètre étoit de 25”. Le 30 octobre la même
tache avoit passé au méridien 50" après le centre du
Soleil.
Le jour du passage le Soleil se leva parfaitement beau ;
Mercure étoit déjà sur le disque, et paroissoit avoir
parcouru un quart environ de sa route : il étoit bien
terminé, ainsi que le disque solaire.
Pour observer la sortie j’avois ôté le micromètre , dont
le grossissement n’étoit que de {o environ, pour y sub-
stituer un oculaire qui grossissoit 140 fois. Le contact
du premier bord intérieur se fit à midi 5° 51"; le bord
du Soleil parut en ce moment attirer celui de Mercure
en forme de pointe. J’estimai la sortie du centre à 7' 3",
et la sortie du second bord se fit à oh 8’ 21'8.
À oh 21° je mesurai le diamètre du Soleil, que je
trouvai de 32° 55”.
\ OBSERVATIONS DIVERSES. 107
Une observation importante et que je desirois faire
étoit celle de l’anneau lumineux que j’avois Yu autour
de Mercure au passage de juin 1799. Cet anneau pré-
senta pendant toute la durée une lumière très-foible et
d’une teinte différente de celle du Soleil. À 9h 4o' 28"
du matin, temps vrai, j'en mesurai le diamètre, que
je trouvai de 1’ 19". Celui de Mercure, comparé à l’un
des fils du micromètre, parut de 17".
Cet anneau Un paroît avoir été remarqué dans
le passage de Mercure en 1736, à Montpellier, par
Plantade, et en 1786, à Upsal, par Prosperin. (Voyez
Mém. 2 Montpellier, t. IL, p. 164, l’Astronomie de
Lalande, art. 2273, et la Connoissance des temps,
an 11, p. 9125)
Ma pendule étoit réglée sur les fixes; la déviation de
l'instrument des passages m’étoit connue par vingt hau-
teurs correspondantes observées le 16 octobre.
Mercure, passage au ETS 55’ avant le centre du
Soleil.
Le diamètre de SATA étoit de 2° 167, d’après vingt-
quatre comparaisons des passages des deux bords, au
fil horaire.
M. Messier avoit joint à son mémoire une planche qu’il avoit dessinée avec
soin d’après ses observations ; il y avoit tracé la figure de l’anneau qui envi-
ronnoit Mercure , et marqué les taches qui fétoient alors sur le soleil. Mais
quelque bien, faite que soit une figure, les caiculateurs ont recours aux ob-
servations mêmes , et l’on n’a pas cru devoir attendre le temps nécessaire à la
gravure pour ne pas remettre an volume prochain l'impression du mémoire.
M. Messier avoit aussi rassemblé tous les passages de Meïcure avec les noms
des divers observateurs et les lieux des observations. Voyez l’Assronomie
de M. Lalande , tome IT, les différens volumes de l’Institut, classe des sciences
mathématiques et physiques ; ; eb l’avertissement aux astronomes publié par
M. de lisle, sur le passage de Mercure du 6 mai 1753.
108 OBSERVATIONS DIVERSES.
Tazzre des observations du passage de Mercure sur Le
Soleil, le mardi matin 18 brumaire (9 nov. 1802).
Temps VRAI PassAces DÉSIGNATION Drrrér.
des à des en
passages. la pendule. passages. déclin.
let SU et es 1AP AO IN ED Midi, le 8.
CH PORCAT CURE 1411531456 Midi, le 9.
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OBSERVATIONS DIVERSES,
PassAces
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13 10 18
13 17 59
13 18 29
10 25 7, À 13 18 47
13 20 16
13 28 342
ROMANE à | 13 28 48 À
13 13021:
DÉsiGNATIOoN
des
passages.
Premier bord du ©
Tache n°43. :
Mercure . . Shots ee
Second bord de [e) }
Premier bord du ©
Tache n° 3.
Mercure . . CONS A:
Second bord du e)
Diam. du cercle de Merc,
Premier bord du ©
Tache n° 3.
Mercure ten we
Second bord du © . .
Premier bord du ©
Tache n° 3.
Mercure 441. +, . > Re
Second bord du © .. }
Premier bord du ©
Tache n° 3.
Mercure . . o
Second bord dà Oh. 4 }
Premier bord du ©
Tache n° 3,
Mercure . . © ÿ
Second bord du © Di
Premicr bord du ©
Tache n° 3.
Mercure APE ds
Second bord du © . . }
Premier bord du ©
Tache n° 3,
Mercure 08757001:
Drrrér.
en
déclin.
tu
15 6
14° 43” ||
1 19
14 26
13 44
13 28
|
FE je
12 49
OBSERVATIONS DIVERSES.
Temps vrar
des à
la peridule,
passages.
38 4”
38
289133
PassAGeEs
MELCICO EME
Drrrér. |
en |
déclin, |!
DésrcNATIroN
des
passages.
Premier bord du ©
Tache n° 1.
Second bord du ©
Tache n° 1, même parall. que Merc,
Premier bord du ©
Tache n° r,
Tache n° 3.
Mercure
Second bord du ©
Premier bord du ©
Tackie n° 3,
Mercure , he
Second bord du ©
|
à 1} 110
Tache n° 3, et Mercure au vértical.
Premier bord du ©
Mercure Re
Macheune 9. 2.000. 14e
Second bord du © . .
Premier bord di ©
Mercure . DRE
Heubben LOS Pete
Second bord dû © .
Premier bord du ©
Mercure
AGREE n°3228 Ne de
Second bord du ©} . .
Tache n° 3, même parall. que Merc.
Premier bord du ©
Mercui e :
OBSERVATIONS DIVERSES. 11)
Temps vrAt PassAce DéÉsrcenarion Dirrén.
à des en
passages. la pendule. passages. déclin.
RE inc Er
14h 48° 5” |Premier bord du © . . 7
11,541 24° 14 48 19 Mercutei un Sin } 9 7
14 48 34 Tache n° 3.
CHE NA 14 59 46 Premier contact intérieur.
Oui 3e 15: 0. 59 Sortie du centre: estimée.
O'IMOMETNE 15 20016 Sortie du second bord.
DH SIG INT NZIINS = Sortie du centre.
O2 501 2 MP Durée. de la sortie;
(a 7 47 Premier, bord. du, ©
nÉcie 19° [72 (52 Hachene$r. . +4:.. 52
15 10 3: |Secondthord du O.. . f 1? 453
15 7 47 Premier bord du ©
. . he 15 68 7 Tache nas net eo 5 5
15 10 3: |Second bord du © . . } TRE
PACE NU Premier bord du ©
sg NON Le Tacheïn#2 ft ut, 58 |
15 10 3 5 |Second bord du © 9 |
| l
Of 20 ATEN, | NE GEO Diamètre vertical du © SD 50)
Nota. Dans toutes ces observations le bord inférieur du Soleil, dans |
la lunette qui renversoit, a toujours été employé à mesurer les diffé-
rences de déclinaison, *
OBSERVATION RARE ET IMPORTANTE.
Comparaison de la planète Pallas à létoile 113 d’Her-
cule, dont l'ascension droite étoit 2810 37° 4'3, et
la déclinaison 22° 24! 13.6".
LE 28 mai 1803, après sept jours de temps nébuleux,
à 10h 40° 6’ du soir, temps vrai, la planète suivoit
112 OBSERVATIONS DIVERSES.
l'étoile de 13’ 30’, et elle étoit plus australe de 18’ 46” de
degré. Elle paroïssoit en ce moment réunie à une petite
étoile, et cette réunion lui donnoït une lumière double.
On ne voyoit entre elles aucune séparation, et l’on ne
remarquoit aucun allongement. L’observation se faisoit
avec une lunette de Dollond, de trois pieds et demi de
foyer et quarante lignes d’ouverture.
Six jours après je cherchai la petite étoile que la
planète avoit rencontrée; je la comparai à la même
étoile d’Hercule, et je trouvai à peu près les mêmes
différences de passage aux fils du micromètre, c’est-à-dire
oh 13' 45" et o° 18’ 40”.
SUR L'ÉCLIPSE TOTALE DU 16 JUIN 1806. 113
SUR
L'ÉCLIPSE TOTALE
DU 16 JUIN 1806,
Par Jérôme DE La LANDE.
Lu le 29 décembre 16806.
J'ar donné dans la Connaissance des tems de 1808,
le calcul des observations que j’avois reçues de Madrid,
d’Aranjuès ; de Cadix, de Naples, de Berlin , de Mon-
tauban , de Toulouse ; j’ajouterai ici celles qui me sont
parvenues depuis l’impression de la Connaiss. des tems.
À Utrecht, M. d’'Utenhove et M. Calkoen ont ob-
servé le commencement :à:5h 3! 19"; temps vrai, et la
fin à 6h 13! 59', je trouve la conjonction 4h 4115", etla
différence 11’ 9"; d'accord avec plusieurs autres éclipses ;
la latitude de la lune en conjonction 19° 19° B. , comme
par l’observation d’Aranjuës.
A Amsterdam; M. Keyser, 15h 2° 7", et 6h.19",31",
conjonction 4» 40’ 1", différence des méridiens 10° 15°
que nous supposions 10° 12”, latitude 19° 18.
À Lilienthal , M. Bessel a observé. le commencement
à 5h21’ 7", conjonction à 4h 56' 24", différence des mé-
ridiens 26’ 18’ au lieu de 26’ 15” que nous supposions.
1806. Second semestre. 15
114 SUR L'ÉCLIPSE TOTALE DU 16 JUIN 1806.
À Milan , M. Oriani , commencement 5h 25" 31" 7, fin
4» 57! 23", conjonction 4 57 19", différence des méri-
diens 27’ 13" au lieu de 27' 28”; latitude 19° 20”.
A Munich, MM. Reichenbach et Schieg, 5h 35° 46"
et 6h 44° 36", conjonction 5h 7' 10", différence des méri-
diens 36’ 56’ comme nous la supposions; latitude 19° 24".
A Madrid, M. Bauza, 2'6, à l’orient de la grande
place, 4h 27’ 49" et 6h 9’ 7" +, conjonction 4h 5’ 59", la-
titude 19° 24.
A VIsle - de - Léon, M. Canelas, commencement
4b 18° 45", conjonction 3h 56’ 4".
A Pampelune , M. Mazzaredo, 4h 36’ 7" et 6h 11° 31”,
conjonction 4h 14 12°; latitude 19° 18"; la hauteur du
pôle est 429 5o':
M. Canelas a calculé rigoureusement ces trois obser-
vations ; il a trouvé la latitude 19! 16’, plus petite de 6!
que par les tables de M. Burg, et la longitude 2° 240 44°
33" plus petite de 13”.
+ Suivant moi la longitude en conjonction 25 24° 44! 40"
plus grande de 27" que par les tables et latitude 19" 20"
plus grande de 3".
Mais les observations que je désirois le plus étoient
celles d'Amérique, où l’éclipse devoit être totale à
Boston'et à Albany; il y avoit eu des éclipses totales
en 1706; 1715, 1724 et 1733 , mais les observations
s’accordoient mal.
M. Deferrer, habile astronome espagnol, qui est
depuis long-temps à New-Yorck, a satisfait mon impa-
tience. Il s’est transporté du côté d’Albany à Kinder-
SUR L'ÉCLIPSE TOTALE DU 16 JUIN 1806. 115
Hook, latitude 42° 23° 3", et 5h 4’ 33" à l’occident de
Paris, avec d’excellens instrumens, et il a observé le
commencement à 9h 49’ 30" +, tems vrai; l’obscurité
totale de 11h 7'65"+à 11h12 32" 2, et la fin à oh 33’ 38";
j'en ai conclu la conjonction à 11h 25’ 33", et comme
je l’avois trouvée pour Paris 4h 30'6", la différence des mé-
ridiens estexactement celle que M. Deferrer m'a envoyée.
Il avoit très-bien choisi sa station d’après ses calculs;
car je trouve la latitude de 4 à 5 secondes seulement dans
le milieu de Péclipse ; ainsi la durée de l’obscurité totale
ne pouvoit être plus grande. Cette observation est donc
propre à nous donner Île résultat important que nous at-
tendions. La différence des diamètres du soleil et de la
lune, suivant moi, devoit être de 1’ 36",;et par la durée
observée je trouve 1° 48": je supposois dans mon calcul,
d’après mes observations; le demi diamètre du ‘soleil de
15" 44'9, et le demi diamètre horizontal de la lune 16’
25", laugmentation 8'1,ilen résulte 48'3, dont le double
est 1’ 366; ainsi il faudroit augmenter le diamètre de la
lune que j’avois diminué de 7” (astronomie 1992) , ou
diminuer celui du soleïl ; augmenter l’irradiation du
soleil.et la diminuer pour la lune.
Je n’avois pu jusqu'ici discutercette question que par
des éclipses annulaïres de 1791 et 1793 (Connaissance
desitems 1797; pag. 304 et 386, 1798, page 465, 1799,
page 203). Il étoit nécessaire d’avoir uñe éclipse totale
pour avoir des effets contraires ; car dans ‘une éclipse
totale; si l’obscurité dure plus que par le calcul , il faut
augmenter l’irradiation du soleil et diminuer celle de la
116 SUR L'ÉCLIPSE TOTALE DU 16 JUIN 1806.
lune ; mais dans une éclipse annulaire, si anneau dure
plus, il faut diminuer l’irradiation du soleil et augmenter
celle de la lune.
M. de Witt a publié dansle Spectateur de New-Yorck,
du 25 juin, une observation faite à Albany, latitude
42° 38" 39", ses quatre phases sont 9} 50! 12", 11h 8° 6",
11h12'57"et oh 33/8" ; la troisième, ou le retour de la
lumière est défectueux ,ilne la vit qu’à la vue simple: il
croyoit que l’erreur étoit insensible, mais le calcul na
prouvé qu’elle étoit de plusieurs secondes; les trois autres
phases s’accordent à donner la conjonction à 11h 25° 25",
et la différence des méridiens 5h 4' 41", au lieu de 5h
4! 26" que M. Deferrer l’estime dans sa lettre.
M. de Witt dit que plusieurs personnes ont vu un
pointlumineux sur le disque noir de la lune : il y en a déjà
plusieurs exemples que j’ai rapportés dans mon Æstro-
nomie (art. 3338), et que j'attribue au volcan, dont
l'existence n’est plus douteuse (Pilosph. transact.
1794).
Mais un phénomène singulier qu'a remarqué M. De-
ferrer, c’est que le disque de la lune parut éclairé 7'avant
la fin de l’obscurité : ce qui semble être l’effet d’une
petite atmosphère de la lune.
11 a aussi observé un anneau lumineux concentrique
au soleil, d'environ 45 à 50’ de diamètre, ce que l’on
avoit déjà remarqué dans d’autres éclipses ; il me paroît
venir de atmosphère terrestre, éclairée dans les pays
qui environnent celui où l’éclipse est totale. Le bord de
la lune étoit mal terminé; il en partoit de petites
SUR L'ÉCLIPSE TOTALE DU 16 JUIN 1806. 117
colonnes de vapeursitrès-minces , soit de la lune , soit du
soleil , qui se terminoïent à l’anneau.
I’obscurité n’étoit pas si grande qu’on l’avoit sup-
posé; on ne voyoit que six étoiles principales ou pla-
nètes ; on devoit voir, Vénus et Mercure, Sirius et Pro-
cyon, les deux étoiles d’Orion , la Chèvre et la Lyre.
Les oiseaux se retiroient dans leurs nids; il tomba un
peu de rosée, mais la lumière de l’anneau diminuoit
l'obscurité.
Au détroit dans les États-Unis , à 42° 35' M. Richard
a observé l’obscurité depuis 10h 15’ 20" jusqu’à 1017 40,
ce qui donne la différence des méridiens 5h 36' ; mais
la latitude du lieu est peut-être un peu trop forte.
Pour faire usage de cette éclipse, j’ai repris celle qui
fut observée à Philadelphie le 3 avril 1791: l’anneau
dura 4! 17", la différence des demi-diamètres qui en ré-
sulte étoit 636 (Connaissance des tems ; 1799, page
204) et par les nouvelles déterminations des diamètres
je trouve la même chose. -
L’éclipse totale du 13 mai 1733, avoit été calculée
par M. le chevalier Ciccolini qui travailloit chez moi
(Connaissance des tems , 1804) ; j'ai refait le calcul
pour en déduire la différence des demi-diamètres : la
durée de l’obscurité de 2° 8" m’a donné 564 pour la dif-
férence des demi-diamètres, tandis qu’elle devoit être
559, en prenant le demi-diamètre de la lune 16° 435,
sans y appliquer d'irradiation , et 15" 47" pour le soleil,
diminué de 2'5 pour l’irradiation. Ces diamètres sont
ceux que j'ai déduits de mes observations; j’ai pris la
118 SUR L'ÉCLIPSE TOTALE DU 16 JUN 1806.
latitude et la parallaxe dans les nouvelles Tables de
M. Burg.
Ainsi, en prenant le milieu entre les deux éclipses
totale et annulaire, il faudroit donner deux secondes
d'irradiation au soleil, et ajouter une seconde au rayon
de la lune, déduit des observations que j’ai faites quand
la lune étoit éclairé e ( Mémoires 1788, page 204) , ou
bien donner 4" d’irridation au soleil et une à la lune.
J’ai calculé aussi Péclipse totale de 1724 : la durée
de l’obscurité fut à Paris de 2! 18"; cela me donne pour
la corde parcourue 1° 24", en supposant d’après les tables
que la lune passa 10" au nord du soleil. Les demi-dia-
mètres étoient pour le soleil 15'53"2, et pour la lune
16 39'8 sans appliquer d'irradiation ; la différence est
46"6 a lieu de 432 que donne la corde parcourue; ainsi
il y auroït 3"4 à Ôter du rayon de la lune, ou à ajouter
à celui du soleil, il faudroit donner une irradiation à
la lune et diminuer celle que j’attribuois au soleil ; mais
ayant été obligé d'emprunter des tables la latitude dé la
lune faute d’observations , ce résultat est moins sûr que
celui qu’on a vu ci-dessus.
M. Seyffert, qui a observé l’éclipse de 1806 à Mu-.
mich , dit qu’il a vu sur la lune des montagnes de 3400
toises, et qu’on neles avoit pas remarquées avant lui;
mais on peut voir dans mon astronomieique Hevelius et
M. Herschel s’en étoient déjà occupés.
À Padoue, par M. Chiminello, commencement 5h 28’
27" fin 6h 51° 31", M. Conti en a conclu la conjonction
5h 8" 19", et la latitude 19° 25.
SUR LA COMPOSITION DES ÉTOFFES ANCIENNES, 119
MÉMOIRE
Sur la composition des étoffes anciennes ‘tirées de
deux tombeaux de'Saint-Germain-des-Prés , avec
des détails propres à servir de commentaire au cha-
pitre de Pline sur les laines,
Par °:M. Desmaresrr. :
Lu le 29 brumaire an 12.
INTRODUCTION.
)
M. LE Norr, conservateur des monumens français ,
mayant confié les divers échantillons des étoffes qu’il
avoit trouvées dans les, fouilles de deux tombeaux de
Saint-Germain-des-Prés , je me suis ‘ccüpé non-seule-
ment de l’examen suivi de chacune de ces étoffes, mais
encore de la description raisonnée des procédés de leur
fabrication. J’ai été flatté de Pouvoir constater, par ce
double travail , l’état de l’art qui présidoit à ces tissus en
France, à l’époque où les Personnages dont on à recueilli
les dépouilles ont été inhumés. Considérant d’ailleurs
ces tombeaux comme des dépôts précieux où les pro-
duits de cette industrie ont été conservés , j’ai pensé que
d’après leur étude et l'appréciation de leurs : différens
120 SUR LA COMPOSITION
degrés de perfection, on pouvoit suivre leur compa-
raison avec les résultats correspondans de notre fabri-
cation actuelle.
Je n’ai omis dans mes notes aucun des systèmes de
tissus qui ont fait partie de l'habillement des person-
nages ensevelis avec pompe dans ces tombeaux. Plus
un certain luxe y avoit présidé , plus il m’a servi à
prendre connoiïssance des ressources de l’industrie qui
étoit en activité en France, à une époque que l’on re-
garde comme un temps d’ignorance.
Mais un des motifs qui m’a le plus encouragé dans
cet examen des étoffes anciennes, ce sont les secours que
quelques-unes des plus riches m’ont offert pour l’intel-
ligence des passages de Pline, où ce sublime écrivain
traite de certaines parties du travail, des laines. Le
rapprochement de ces passages avec les étoffes que
Pline a voulu nous faire connoître, m’a convaincu
qu’on ne peut bien entendre ces passages que lorsqu’on
a sous les'yeux Îles objets mêmes indiqués ou décrits.
La méthode de Pline et sa concision dans Pexposition
qu’il fait des procédés des arts, m’ont paru exiger ces
rapprochemens ; et ce qui achève d’en établir la néces-
sité, ce sont les méprises et les erreurs que nous trou-
vons dans l’interprétation de ces passages par les der-
niers traducteurs de cet écrivain.
Pline est d’autant plus intéressant pour nous, que
s’il ne se fût pas attaché à décrire et à caractériser les
produits de Part des tissus en activité dans les Gaules,
nous* n’en connoîtrions aucune opération importante;
DES ÉTOFFES ANCIENNES. 121
au lieu que, d’après les notices raisonnées de cet écri-
vain , il est constaté que les découvertes de nos ancêtres
dans les tissus se sont répandues jusqu’à Rome, et que
c’est l’inspection de leurs produits qui l’a déterminé à
en, conserver le souvenir. Ce sont ces raisons qui l’ont
engagé aussi à faire figurer l’industrie des Gaulois à
côté de celle. des Grecs d'Alexandrie : ainsi je me sais
gré d’avoir pu recueillir dans un tombeau tous les élé-
mens d’une discussion d’où il résultera , d’une manière
incontestable , que.si les Gaulois ont négligé les autres
arts; ils ont mérité la plus grande célébrité dans celui
des tissus. Cette justice rendue au génie des Gaulois par
Vltalie , prouve l’importance de ses productions. Et
nous qui avons perfectionné ce même art dont. nos
ancêtres nous. ont laissé, comme on voitpar ces monui
mens, des produits aussi intéressans , recueillons aveé
soin ces titres précieux conservés par Pécrivain le plus
instruit de tous les arts des anciens.
C'est dans cet esprit que je: m’attacherai à montrer
par la suite que la Gaule, qui figure idans Pline ; pour
la fabrication ‘des étoffes. les plus riches, est notre
Gaule, puisqu’une de. ses grandes provinces est indi-
quée comme fournissant les matières premières de ces
étoffes. Ainsi, d’après ces faits dont je développerai les
| conséquences , je ne ctois. pas qu’on. puisse révoquer
en doute que toutes les étoffes tirées des tombeaux de
Saint - Germain , ne soient les produits de l’industrie
Gauloise des temps reculés adoptée par les Français à
cette époque, et qu’elles ne doivent être considérées
‘1806. Second semestre. 16
122 SUR LA COMPOSITION
comme les monumens de la tradition de l’art destissus,
qui s’est transmis jusqu’à nous.
Toutes ces considérations qui peuvent nous con-
duire à la connoiïissance des arts anciens , seront ex-
posées dans ce mémoire ; que je diviserai en quatre
parties.
Dans la première jedonnerai d’abord, sous des numéros
séparés, une description succincte de chacune des
étoffes dont les échantillons ont été trouvés dans les
tombeaux, et que j'ai pu y reconnoître parmi les
dépouilles. J’y noterai non seulement les différens
systèmes de fabrication qui ont présidé à leur travail,
et qui peuvent servir à les désigner par des caractères
distinctifs, mais encore leurs principaux emplois dans
les vêtemens des personnages ensevelis avec un certain
luxe dans ces tombeaux.
Dans la seconde partie je m’occuperai surtout à
rapprocher les passages de Pline et d'Ammien Mar-
cellin, qui ont une juste application aux divers tissus
dont il aura été fait mention dans la première. Après
avoir exposé les éclaircissemens que j'aurai pu tirer
de l’examen de ces tissus et indiqué les méprises et
les erreurs , tant des derniers traducteurs que des
anciens commentateurs, j'y substituerai le sens précis
que la connoissance de l’art m’aura dicté; et par une
critique simple , je tâcherai de montrer le peu de con-
fiance que méritent des traducteurs qui ont prétendu
nous faire entendre les procédés d’un art des anciens,
sans s'être instruits de l’industrie correspondante des
DES ÉTOFFES ANCIENNES. 123
modernes ; en sorte qu’il résultera de cette discussion
la connoissance raisonnée de certaines parties du tra-
vail des laines , telle que Pline a eu l'intention de nous
la transmettre.
Ces passages sont au nombre de cinq : dans le pre-
mier, Pline nous indique les lieux qui fournissoient
les laines propres aux éroffès scutulées, et parmi les-
quels je trouve les environs de Pezénas dans la province
Narbonnaise.
Le second passage nous fait connoître les qualités
particulières des laines que les anciens employoient dans
la fabrication de leurs tapis veloutés, et surtout pour
la formation du poil.
Dans le troisième , il est fait mention des effets du
foulage sur les draps de laine.
Dans le quatrième , Pline traite de l’art d’insérer des
fils dorés dans les tissus.
Le cinquième nous fait connoître les effets de l’éta-
blissement de plusieurs rangs de lisses sur les métiers ,
soit par les Grecs d'Alexandrie, soit dans les ateliers
des Gaules.
Dans la troisième partie, je rapprocheraï tout cé qui
peut nous donner une idée de l’industrie des Gaulois
dans la fabrication des étoffes de différens genres, et
dont Pline nous a conservé la mémoire et les procédés.
La quatrième comprendra la description raisonnée de
deux sortes d’étoffes chargées de dessins brochés , soit
en or, soit en laines, lesquelles m’ont paru très-propres
à nous montrer les divers procédés de la fabrication
12/: SUR LA COMPOSITION
des tissus les plus riches chez nos ancêtres. J’y joindrai
tout ce que l’examen des différens dessins, exécutés sur
le fond des étoffes scutulées , m’a fait connoître.
Enfin , je terminerai ce mémoire ‘par l’exposition de
tout ce qui a pour objet.les tapis des anciens, en com-
mençant par indiquer, d’après le passage de Pline, dont
j'ai fait mention ci-dessus , les qualités de laines qu’on
employoit dans les trames , et qui, comme on sait, ser-
voient à former le poil de ces étoffes. J’y ajouterai enfin
ce qui concerne les différens. moyens dont les anciens
faisoient usage pour y distribuer les couleurs.
PREMIÈRE PARTIE.
JE présente et je décris les échantillons de onze étoffes
différentes de fabrication ancienne dans autant d’arti-
cles séparés ; et je mets à La tête, dans un premier ar-
ticle, la mention succincte du bois des bières et des
crosses des abbés. Aïnsi l’on y verra,
1°, Les bois des bières et des crosses sous formes de
planches et de rouleaux;
2°, Les gants;
3°. Des coupons de taffetas à tissus serrés et À tissus
lâches ;
4°. Des galons de différentes largeurs. et compo-
sition ;
5°. Des échantillons de l’étoffe à dessins scutulés , et
avec laquelle on avoit taillé des étoles, des franges et *
des guêtres; ;
DES ÉTOFFES ANCIENNES. 125
6°. Des échantillons ‘de l’étoffe taillée :en forme de
mitre ;
A Des étoffes gaufrées par deux systèmes ;
. Des rubans à tissu lâche;
90. Un échantillon de drap soumis à l’action du
foulon ;
10°. Us échantillon d’étoffe à laine commune, sem-
blable à nos dauphines;
110, Un échantillon de calemandes moirées.
Tous ces objets sont déposés dans, le! cabinet 4e,
l’Institut. :
I. Je parlerai d’abord de l’état où se sont trouvés les”
bois , soit des bières et des crosses des évêques ou abbés.
Ils nous ont offert un grain fondu ou un tissu qui dif-
féroit peu de celui du liège, car ils en avoient à peu
près la souplesse et le ressort. LA
IT. Ensuite je mettrai à la tête des étoffes les gants,
qui sont de soie et fort bien conservés; ce sont des
tissus exécutés à l'aiguille , sur un moule de bois cylin-:
drique. On peut les considérer comme formés de plu-
sieurs systèmes de fils croisés avec des trous à jour,
suivant certaines distributions régulières , et assez sem-
blables au point d'Alençon. Ce travail est! connu .et
même répandu dans la'société : et je suis porté à croire
qu’à l’époque où ces tissus ont été déposés ,dans, les
tombeaux ils tenoient lieu de tricot, dont le travail
simple n’étoit pour lors connu ni dans la société ni
dans aucune fabrique: Cependant nous verrons que.
126 SUR LA COMPOSITION
les derniers traducteurs de Pline ont prétendu pouvoir
établir l’origine du tricot, d’après les expressions scu-
tulato textu, qu’ils ont traduites par étoffe à mailles,
sans connoître quelle étoit la nature des tissus que
Pline nous indiquoit par ces mots, et trompés par les
dictionnaires de Boudot et de Novitius, dont ils mont
pas saisi le véritable sens. Nous ferons connoître par
la suite cette méprise singulière. Outre cela nous indi-
querons une anecdote d’après laquelle on pourra soup-
çonner que l’invention dw tricot est d’une date assez
moderne, et surtout postérieure aux étoffes à mailles,
dont il est fait mention dans Pline. j
III. Des Tafjetas.
Nous avons trouvé une grande quantité de taffetas,
parce que cette étoffe servoit à former les robes et les
chasubles des prélats, ainsi qu’à doubler les autres
étoffes. Nous citerons ici une chasuble avec chaperon
terminé en pointe, et une soutane à larges manches en
taffetas, couleur mordoré : ainsi nous avons pu re-
connoître non seulement leur qualité, mais encore leur
emploi.
Ces taffetas sont, comme on sait, des toiles de soie
tissues à l’ordinaire; elles ont conservé une certaine
force , et même leur couleur s’est assez bien maintenue.
Il y en a de deux sortes. Les uns, d’un tissu serré, sont
à peu près de la même qualité que le taffetas de Flo-
rence; ce sont ceux des chasubles et des soutanes. Les
autres à tisswouvert et lâche, ont été employés en général
DES ÉTOFFES ANCIENNES. . 127
pour doublures. Il y en a aussi de deux couleurs ; celles
à tissu serré sont de couleur mordoré, et les autres
d’un jaune clair.
Les coupons de taffetas à tissu serré qui ont été
employés pour robes et chasubles, ont été assemblés
non par de simples coutures avec ou sans surjets, mais
au moyen de galons qui ont servi à maintenir les com-
missures et les rapprochemens des lisières; ainsi les
galons assujétissant les lisières, offroient autant de
bandes d’ornemens qu’il ÿ auroit eu de coutures remar-
quables dans notre système d'assemblage. J’ajoute que
sur les bordures, des lisières se sont trouvées garnies
avec la même sorte de galon.
TV. Nous passons maintenant aux galons : j’en ai
reconnu de deuxespèces. Les uns sont des tissus étroits,
composés de fils ronds et retors formant la chaîne, et
de fils plats jetés en trame. Ils sont enrichis, à certains
intervalles ; de rosettes, assemblages de fils dorés et
brochés à l’espoulin ; au moyen du jeu des fils de la
chaîne ; mus par les lisses montées suivant les dessins
de ces fleurons.
Dans ces sortes dé galons, les rosettes dont nous
avons dit qu’elles étoient enrichies , offroient les nuances
de l’or ou de l’argent dont la dorure étoit composée ,
suivant que ces métaux étoient conservés où détruits.
J'ajoute même que dans certaines parties de ces galons,
la dorure étoit réduite à la base composée d’un fil de
laine ou de soie. x“
128 SUR LA COMPOSITION
: Ce sont ces mêmes galons qui servoient à lier les com-
missures des lisières de. chaque coupon de taffetas à
tissu serré , et qui présentoient des suites d’orneméns dé-
terminées par. ces coutures..D’ailleurs, lorsque dans ces
salons ; la dorure des fils de, la, chaîne étoit bien con-
servée, les rosettes brochées en fils simplément argen-
‘és, se détachoient fort nettement du fond.
Oùtie ces galons étroits il y en a d’une plus grande
largeur, qui se sont trouvés, cousus le long des lisières
des coupons de certaines étoffes. Ces galons sont en-
richis de dessins brochés à da tire: Copiés exactement,
ils pourront donner une idée du-goût qui régnoit dans
les fabriques de ces temps.reculés, et de la combinaison
de leurs moyens. Ces galons offrent sur la largeur de
leurs chaînes, cinq :bandes dont. deux voisines des
lisières avec celle du milieu, ont un fond jaune, pen-
dant que celles qui en occupent les intervalles et qui
étoient vertes, sont devenues bleues après avoir perdu
le jaune ; cependant j'ai rencontré certaines parties où
l’état primitif est conservé. Ailleurs, les couleurs de
la chaîne:sont décomposées, et il.ne reste que celles
de la trame qui occupe ces vides. Ce sont des bandes
de serges ssatinées jaunes et Vertes qui font réseau.
Je crois devoir placer à la suite.des galons, une es:
pèce de, serge croisée d’un tissu fort Fr ; et qui{n’a
pas plus fre deux pouces de, largeur: elle. formoit: le
collet d’une robe. Cette étoffe composée de fils très-fins
en dorure, assujétis à un dessin courant, avoit une
sorte de transparence. Ceci annonçoit une. chaîne de
DES ÉTOFFES ANCIENNES. 129
“très - bas compte, fau milieu de laquelle a couru une
trame aussi peu serrée, et qui a déterminé la marche
du dessin qui règne sur toute l’étendue de létoffe. Il
y a dans cette serge les teintes de l’or ou de l'argent,
suivant que les dorures ont été conservées ou détruites
en partie.
On pourra prendre une idée de ces différens systèmes
de fabrication suivis dans les galons, par les dessins
que je joins à ce mémoire.
V. et VI. Étoffes scutulées.
Jr vais indiquer, sous les numéros V et VI, deux
étoffes enrichies de différens dessins très -intéressans.
La première s’est présentée à moi parmi les dépouilles
des personnages que renfermoientles tombeaux:1°. sous
la forme d’une étole taillée en bande d’une largeur à
peu près égale à celle des étoles de nos prêtres. En
second lieu sous forme de franges ; longiores fimbriæ,
qui servoient à garnir les bordures des chasubles. Enfin,
sous forme de guétrés qui enveloppoient les’pieds des
prélats ; couverts immédiatement par un morceau de
drap foulé qui tenoit lieu de bas.
Après avoir indiqué les différens emplois de cette
étoffe , je dirai que dans le premier examen que j'en
ai fait, j'y ai reconnu tout ce que Pline et Ammien
Marcellin nous apprennent sur les procédés anciens
de la’ fabrication des tissus les plus riches et les plus
savans., c’est-à-dire les différentes formes d’un dessin
1806 Second semestre. 17
130 SUR LA COMPOSITION
varié qui n’ont pu s’exécuter que para méthode avec
laquelle les Grecs d'Alexandrie étoient parvenus à orner
leurs belles étoffes; plurimis verd Liciis texere Alexan-
dria instituit, Outre cela, cette même étoffe m’a montré
des espèces d’écus polygones, par lesquels le, même
auteur nous apprend que les Gaulois avoient imaginé
de partager les dessins dont ils ornoient leurs étoffes,
scutulis dividere Gallia invenié,
J’y ai vu enfin que, comme le dit Ammien Mar-
cellin, on avoit exécuté dans le champ de ces écus, et
sur leurs bords, et par le jeu varié des lisses, des figures
d'animaux, telles que celles de lièvres et d’oiseaux
de plusicurs espèces qui s’y trouvent tracés en, or;
varietate liciorum effigiatæ species animalium mul
tiformes. Ï
Je passe maintenant à l’étoffe numéro VI, laquelle
servoit à envelopper la tête d’un prélat sous la forme
d’une 7nitre; j'y ai trouvé les mêmes principes de fa-
brication que dans l’étoffe précédente, ainsi que les
dessins également distribués par écus , et ornés de figures
d'animaux. Je réserve à faire connoître en détail cette
étoffe, ainsi que la précédente, dans la quatrième
partie de ce mémoire. Voyez au reste les dessins.
VII. Étoffes ganfrées.
Pour peu qu’on ait examiné avec soin cette étoffe
singulière, il est aisé de voir qu’elle a été fabriquée
avec une chaîne composée de fils à deux brins, assem-
blés au moyen d’une trame d’une grande finesse. Ainsi,
DESCÉTOFFES ANCIENNES. 131
lorsque ce système dertissus a été soumis au gaufrage,
il'en est résulté une-étoffe qui a présenté sur ses deux
faces des parties saillantes, formées par des suites de
fils de la chaîne pliés et entiérement à découvert, at:
tendu :que la'trame nmesemontroit presque pas dans
ces suites: ‘Etcomme:, pendant le séjour que cette étoffe
a fait dans les tombeaüx , cette trame-ne s’est pas con:
servée autant que la chaîne, il n’ést pas étonnant que
tout ce tissu, formé ainsi que je Pai dit, se soit décom-
posé aussi aisément.
Je crois devoir faire remarquer cé gaufrage x no:
seulement comme une ‘opération singulière ‘dans !cette
étoffe ancienne , mais encore comme ayanteu pour base
le système d’un tissu ingénieusement ni ae en
recevoir'les impressions: » ftamtb | oi
Il ne mei resté plus qu’à parler des ‘moyens: qu’on
a dû employer pour ‘exécutér: le ‘gaufrage', tel qu’on
peut le reconnoître dans l’étoffe qui nous occupe ; maïs
je:crois devoir remettre cette exposition À la quatrième
partie ,;.oùil'sera quéstion des deux étoffes des numéros
Viet VI. J'y joindrai les dessins les plus propres à faire
connoîtrerles procédés'de l’ärt surtout dans le gaufrage.
«I neme reste plus à parler que de quelques étoffes
de laines d’une qualité et d’une fabrication commune:
“VIIL Jr icomnrence par:le‘drap foulé-qui tenoit lieu
de bas-dessaus les-guêtres, ét dont nous avons indiqué
VPétoffe au numéro: V: En détrüuisant les effets du feuz
trage dans ce drap;:j'y ai trouvé une toile formée
192 SUR LA/COMPOSITION :
d’une filature égale.et nourrie, tant dans la chaîne que
dans la trame, et dont lassemblageret le tissu avoient
disparu entièrement par l’effet:du'foulon ; lequel avoit
produit une, étoffe d’une force qui ne-nuisoit point à
sa souplesse. Ce qui nous reste de ce: drap!'est suffisant
pour autoriser ce que je dirai par la suite Isurles pro-
cédés des anciens relatifs au feutrage deslaines,
Je conclus d’ailleurs de cet échantillon de drap foulé,
que dans ces temps reculés les bas étoient faits avec des
draps ou de la serge foulés : ce qui: tendroït à prouver
que les bas tricotés n’étoient pas pour lors en usage, et
que les manipulations du tricot n’étoïient. pas connues:
Je pourrois citer à l’appui de cette présomption , l’usage
où nous avons vu les moines les plus anciens, comme
les Bénédictins, de porter des bas de serges ide ‘laines
feutrées ; et nullement des‘ bas tricotés. : Il:sembleroit
donc que l’invention du tricot est postérieure aux !ré-
glemens de ces moïnes, car il est à croire que leur
vestiaire a été déterminé par les produits de l’industrie
qui étoit en activité dans le temps de:leur établissement,
Nous reviendrons ensuite sur cette question; lorsque
nous discuterons l'interprétation que les derniers tra-
ducteurs de Pline ont donnée aux mots scutulata
VESLIS sv:
IX. Je passe! ensuite à lune espèce de toile de laine
grossière, quant à sa: chaîne et à sa trame ; elle est
peu foulée , aussi le tissu en est à un certain point
apparent, comme dans nos dauphines. Cette étoffe ser-
DES ÉTOFFES ANCIENNES. 133
voit à recouvrir. la tête des prélats par-dessus létoffe
qui avoit la forme d’une mitre.
X. Je finis par indiquer les calemandes fabriquées
avec des fils assez fins de laines peignées et rases.
Quoiqu’en laine , cette étoffe avoit le brillant d’un cer-
tain moirage ; ce qui nous donne lieu de croire que les
apprêts en avoient été bien soignés et opérés, ou par
action des lames chaudes, ou par celle de la calendre.
SECONDE PARTIE,
RENPRE US T divers passages de Pline : qui O71É
pour objet Les qualités des Laines et leur emploi dans
Les tissus anciens, et d'ailleurs traduits avec soin et
exactitude:
J’ai cru devoir rapprocher ici les passages que j’ai
tiiés du VIII livre de Pline ; chapitre, 48 ,.et parles-
quels cet auteur nous fait connoître. les différentes qua-
lités des laines que les anciens employoient dans leurs
étoffes , et particulièrement dans celles dont j’ai donné
une courte description sous les numéros V et VI.
On verra combien ces passages répandent de jour
sur leur fabrication, et réciproquement combien ces
étoffes comparées aux notices de Pline, peuvent servir
à leur parfaite intelligence , malgré l’extrème précision
de cet écrivain.
D'ailleurs, après avoir présenté chacun de ces pas-
sages séparément avec leur traduction par Poinsinet
et ses coopérateurs , j’en discute les fausses interpréta-
tions d’après les lumières que m’ont fournies les étoffes
134 SUR DA/GOMPOSITION
anciennes. Enfin; je termine tout ce:travail par ;subs-
tituer le véritable sens aux erreurs etaux méprises que
lPignorance de Part des anciens a introduites dans ces
traductions.
Premier passage.
Isrrrx% Liburnitque pilo propior quam lanæ;
pexis aliena vestibus': et quam Salacia scutulato textu
commendat in Lusitania , similis circa Piscenas pro-
vinciæ narbonensis ; similis et in AEgypto, ex qu&
vestis detrita usu tingitur rursusque &vo dura.
« En Istrie et en Liburnie, l’espèce dé menu bétail
» dont nous parlons , est couverte d’une toison qui res-
» semble plus à du poil qu’à la laine , tellement qu’on
» ne peut l’employer à fabriquer des draps peignés ;
» en récompense, la: ville de Salacia, en Lusitanie',en
» composé ses tissus & mailles. On trouve des toisons
» semblables aux environs de Pezenas dans la province
» narbonnoise ; ainsi qu’en Égypte, où, lorsqu'un vé-
» tement a perdu son duvet par Pusage , on, le fait
» teindre pour le renouveler.» Porxsiner.
Je commence par faire observer que cette addition,
er récompense, présente un sens bien opposé à ce que
Pline a voulu nous apprendre sur les laines propres aux
étoffes scutulées. Effectivement, peut-on croire que.la
ville de Salacia en Lusitanie se füt rendue recomman-
dable en composant des étoffes riches avec les toisons
d’Istrie et de Liburnie, qui ressembloient plus au poil
qu’à la laine, et que Pline ait mis au, même rang les
DES ÉTOFFES (ANCIENNES. 135
laines des environs de Pezenas, connues à Rome comme
une production célèbre de la province Narbonnaïise, et
propres à la fabrication des étoffes scutulées , ainsi que
les laines d'Égypte? Il est aisé de voir que les traduc:
teurs ont tout confondu contre les distinctions que Pline
a voulu faire de ces laines ; car la connoissance que j’ai
acquise des zissus scutulés, d’après les échantillons
qu’on a tirés des tombeaux , me donne des:laines de
Salacia, des environs; de Pezenas et d'Égypte ; dont ils
étoient fabriqués, une idée bien différente de ce que
Pline nous dit des toisons d’Istrie et de Liburnie. Outre
cela, nous verrons par la suite que les laines de la
province narbonnaïse étoierit employées dans ces mêmes
étoffes par les artistes gaulois, qui faisoient usage des
lisses pour exécuter sur ces étoffes les dessins sczrulés.
Voici maintenant la traduction du passage de Pline que
je substitue à celle de Poinsinet, et dans laquelle toutes
les contradictions que je viens d’indiquer disparoissent.
« En ITstrie et en Liburnie les toisons ressemblent
» plus au poil qu’à la laine, tellement qu’on ne peut
» les employer à la fabrication des draps peignés ; mais
» celles que la ville de Salacia en Lusitanie, a rendu
» célèbres par l’emploi qu’elle en fait dans: les étoffes
» scutulées, sont semblables aux laines des environs
_» de Pezenas , dans la province narbonnaise ; et à celles
» qu’on tire d'Égypte, et avec lesquelles on fabrique
» aussi des draps qui, dépouillés de leur poil par
» lusage, se renouvellent par la teinture, de manière
» à durer encore long-temps. ».
136 SUR LA COMPOSITION
On voit dans cette traduction que les toisons d’Istrie
sont distinguées des laines de Salacia , des environs de
Pezenas et d'Égypte ; indiquées comme très- propres à
la fabrication des étoffes enrichies de dessins scutulés,
et qui étoient les plus recherchées , tant pour la qualité
des matières que pour les procédés de leur fabrication :
on a donc eu tort de confondre ces laines avec celles
d’Istrie et de Liburnie, qui ressembloient plus aux poils
qu’à la laine, en faisant entendre que quoiqu’elles ne
fussent pas propres à la fabrication de draps peignés,
la ville de Salacia en composoit ses étoffes scutulées,
sans penser que pour exécuter ces beaux tissus il falloit
un choix de laines de la plus grande finesse.
Second passage.
EsT et hirtæ, pilo crasso in tapetis antiquissima
gratia. Aliter kæc Galli pingunt, aliter Parthorum
gertes:
« On employoit anciennement /a laine bourre à faire
» des tapis. La manière dont les Parthes brodent les
» tapis à couleurs et à dessins mélangés, ne ressem-
» ble point à celle dont les Gaulois brodent les leurs.
» PoinsINET. »
Ce pasage me paroît mal traduit, 1°. en ce que
l’espèce de laine dont les qualités sont indiquées avec
précision dans Pline, y est désignée d’une manière
vague par laine bourre, qui certainement n’est pas une
laine ferme et à gros brin; car la laine bourre est
DÉS ÉTOFFES ANCIENNES. 137
celle qu’on obtient en peignant les laines; c’est une
espèce d’éfoupe de laine : or, cette laine ne convient
point, quant à la qualité, à celles que Pline nous apprend
être employées en tout temps dans les tapis ; car ce sont
des laines d’un brin gros et ferme.
En second lieu, le mot gratia est totalement omis
dans la traduction, et c’est un des effets essentiels des
laines appropriées à cette fabrication. Enfin, il n’est
pas dit dans Pline que la laine dont il est question,
servit à la fabrication des tapis, mais seulement qu’elle
entroit dans leur composition, es£ in tapetis antiquis-
sèma gratia : car cette laine ne servoit pas à composer
leurs chaînes, mais seulement avoit un emploi très-
brillant dans leurtrame. C’est ce que Pline nous apprend
en terminant ce passage, que les traducteurs retient
ainsi : « La manière dont les Parthes brodent les tapis
» à couleurs et à dessins mélangés, ne ressemble point
» à celle dont les Gaulois brodent les leurs. » Ce mot
broder , substitué à pirgunt, ne me paroît avoir aucune
application à l’étoffe qui n’est pas de nature à être bro-
dée , ni à la matière qui ne convient pas à ce travail. Au
reste, je m’étendrai par la suite de ce mémoire sur la
fabrication des tapis des anciens, et particulièrement
sur les qualités et l'emploi des espèces de laines que
Pline nous fait connoître comme appropriées à cette
fabrication. En attendant, voici la traduction de ce
second passage, telle que j’ai cru pouvoir la rectifier!
« La laine à gros brin et ferme, est connue très-
» anciennement comme propre à donner aux tapis
1806. Second semestre. 18
138 SUR LÀ COMPOSITION
» beaucoup de grâce et d’éclät. Les Gaulois distribuent
» sur ces étoffes les couleurs par des moyens différens
» de ceux dont fait usage la nation des Parthes. »
Troisième passage.
LANAE ef per se coarctäm vestem faciunt.
« On fait avec la seule laine des vêtemens de feutre. »
Je traduirois ainsi ce passage :
‘« On fabrique avec des laines feutrées des étoffes
» propres à faire des vêtemens. »
On pourroit demander si Pline a prétendu indiquer
ici les simples feutres comme servant à faire des habits,
ou bien s’il avoit intention de nous faire connoître des
toiles de laines soumises à l’action du foulon et feutrées
par cette action. Je fais mention ici de cette alterna-
tive , parce que dans les échantillons d’étoffes qui m’ont
été remis , j'ai trouvé des draps bien foulés qui ne sont
pas de simples feutres, ainsi que je lai remarqué ci-
dessus.
On a voulu èn ces derniers temps introduire dans
le commerce ces simples feutres dont on vantoit le bon
marché et le bon usage ; mais dans les habits on a bientôt
reconnu les inconvéniens de ces fabrications impar-
faites ; car on a vu qu’un grand nombre de laines, même
celles du Berri qu’on feutroit avec la plus grande faci-
lité, perdoient aussi aisément les effets du foulon ; en
sorte que ces étoffes se décomposoient après un usage
de peu de durée. D'ailleurs , il est fort difficile d’ob-
DES ÉTOFFES ANCIENNES. 139
tenir des feutres d’une force égale dans toutes leurs
parties. Je ne doute donc pas que les anciens, s’ils se
sont attachés d’abord au travail des laines simplement
feutrées , comme le passage de Pline semble l’indiquer,
ne les aient abandonnées comme des produits d’une
fabrication fort imparfaite, et n’aient pris pour base
de leurs feutres des toiles de laines plus disposées à
recevoir également l’action du foulon, et à la conserver
d’une manière forte et durable. Dans l’échantillon de
drap feutré que les dépouilles des tombeaux m'ont pré-
senté, je trouve tous ces avantages que les anciens
n’auront pas sans doute méconnus. Je serois donc en
conséquence très-porté à croire que cet échantillon peut
servir à nous donner une idée complète du travail des
anciens dans le feutrage des laines.
Quatrième passage.
AvrvM intexere in Asid invenit Attalus rex.
« C’est en Asie que le roi Attale trouva l’art d’insérer
» des fils d’or dans les tissus. »
T’art de mêler les dorures aux tissus , aurum intexere,
ayant eu uné application aussi nette que précise dans
l’éroffe scutulée du numéro V, nous pouvons la citer
- ici comme un beléchantillon de ce travail des anciens ;
car on y trouve des oiseaux, des lièvres et des fleurons
tissus et brochés en fils d’or, les oiseaux occupant le
champ des écus polygones, et les lièvres avec les fleu-
rons, les intervalles des mailles à réseau ou écus.
Mais je ne dois pas me borner à cette simple indi-
140 SUR LA COMPOSITION
cation ; car, d’après l’examen le plus suivi des différens
états où se sont trouvées ces dorures, soit celles qu’on
a lieu d'admirer sur les éoffes scutulées , soit celles qui
servoient à enrichir les galons dont nous avons parlé,
il nous a été facile de reconnoître que les fils dorés
étoient composés chez les anciens Français comme dans
les fabriques de Lyon et de Paris : ces dorures con-
sistoient , 1°, en un fil de laine ou de soie fort fin;
2°, en une lame d’argent dorée, tordue sur la base du
fil de laine. Effectivement dans un grand nombre d’é-
chantillons des étoffes scutulées ou des galons larges
et étroits, on voit l'argent à découvert par l’enlèvement
de la lame d’or, et quelquefois le fil de laine entière-
ment dépouillé de la lame d'argent; ce qui prouve in-
contestablement que les anciens avoient trouvé les
moyens de recouvrir les lames d’argent avec l’or, et de
filer cette association des deux métaux en lui donnant
le degré de finesse convenable, pour revêtir ensuite par
un tordage ménagé les fils de laine ou de soie. Si le
roi Attale , dont parle Pline, n’a pu insérer les fils dorés
dans les étoffes qu’il faisoit fabriquer, qu’après avoir
ainsi préparé les fils, il s'ensuit qu’il a dû trouver à
peu près les mêmes manœuvres dont nous faisons usage.
Dans ce cas il mérite notre reconnoissance; car’il est à
croire que ses découvertes seroient parvenues jusqu’à
nous au moyen de l’art des tissus chargés de dorures,
lequel a dû traverser sansinterruption la longue suite des
siècles qui nous sépare de ce roi ami des arts et indus-
trieux lui-même. Voyez ci-après la note sur /es dorures.
DES ÉTOFFES ANCIENNES. 141
Cinquième passage.
Je terminerai cette suite de passages par celui qui
m'a paru le plus intéressant et le plus mal traduit.
Plurimis vero lLiciis texere , quæ polymita appellant,
Alexandria instituit : scutulis dividere Gallia.
« Les tapisseries exécutées par les tisserands , et dont
» les dessins se font par des laines de différentes cou-
» leurs, disposées chacune suivant la nature du dessin,
» ont été inventées à Alexandrie. Les étoffes à mailles
» sont une invention des Gaules. Poinsinet. »
Je vois que tout est vague dans cette traduction ; il
n’est pas possible de paraphraser le texte précis de
Pline d’une manière aussi obscure et aussi éloignée du
véritable sens. Pline ne parle d’abord ici que de l’in-
vention des lisses multipliées à un certain point pour
le tissu des étoffes à dessins courans , que nous devons
aux Grecs d'Alexandrie ; ensuite de l’usage qu’en fai-
soient les artistes Gaulois dans la fabrication des étoffes
enrichies de dessins scutulés ou divisés par écus po-
lygones. j
On voit aussi clairement que Vintention de Pline
étoit de nous indiquer l’application du jeu de plusieurs
rangs de lisses au travail de métiers horizontaux et aux
étoffes enrichies de dessins. Cependant ce que les tra-
ducteurs ajoutent n’indique nullement les opérations des
lisses. Tel est l’emploi des aires de diverses couleurs
142 SUR LA COMPOSITION
qui ne se trouve pa dans le passage dont il est ques-
tion, à moins qu’on n’ait cru voir ces détails dans
Polymita, qui, à le bien prendre, ne signifie rigou-
reusement qu’un équipage à plusieurs rangs de lisses,
et ne peut être considéré comme indiquant ou des chaînes,
ou des trames, ou leurs couleurs.
Je trouve d’ailleurs fort étonnant que les traducteurs
fassent exécuter les tapisseries par des tisserands, sans
qu’il soit fait mention dans Pline ni de ces étoffes ni
de ces ouvriers; car je ne vois aucune expression dans
Pline qui autorise cette interprétation. Quoique cet au-
teur emploie les mots £exere et Liciis, il ne détermine
pas la sorte de tissus que les Grecs exécutoient par ces
moyens. Cependant il paroît plus probable que les lisses
étoient appliquées aux tissus qui.se fabriquoient sur
des métiers horizontaux : malgré cela je pense que sans
exprimer ici les tapisseries à métiers verticaux, ni les
les autres étoffes à métiers horizontaux, on devoit se
borner à indiquer le simple travail des lisses, et les
modifications que pouvoit opérer leur emploi dans
les chaînes. Ici le traducteur ne devoit voir dans ce mot
diciis que les moyens de- soulever successivement les
différentes parties des chaînes, soit qu’elles appartinssent
aux tapisseries, soit qu’elles fissent partie des étoffes
montées sur les métiers horizontaux, et toujours de
manière que les trames pussent s’introduire entre les
parties soulevées ou déplacées.
Les traducteurs ont effectivement mal interprété le
mot polymita, qui, comme nous l’avons dit, signifie
DES ÉTOFFES ANCIENNES. 143
un équipage à plusieurs lisses; car ils l’ont consi-
déré comme po/ymitarius , qui, suivant certains com-
mentateurs et l’ancienne Encyclopédie , est un ouvrier
qui travaille sur des Zlaines de différentes couleurs ;
pendant que Pline n’a eu en vue que d’indiquer le mot
grec qui exprime un assemblage de plusieurs lisses. Je
le répète, ces lisses sont des lacs qui soulèvent certains
fils de la chaîne, et contribuent à en déterminer une
combinaison quelconque avec ceux de la trame.
Si l’on a bien compris cette définition de #nitos ou de
licium, Von pourra suivre sans aucune difficulté les
différentes descriptions de chacune des étoffes où figure
le travail des lisses, et de plus, reconnoître l’abus qu’on
a fait des mots polymita ,polymitus,polymitarius, dans
plusieurs dictionnaires ,en les considérant comme appar-
tenant à la broderie.Car polymitus a été pris pour untissu
de fils à couleurs changeantes , et polymitarius pour un
brodeur, pendant qu’il ne peut êtreinterprété que comme
signifiant un ouvrier travaillant sur un métier À plu-
sieurs lisses. C’est aussi par une semblable confusion
de mots et de choses qu’on trouve dans certains dic-
tionnaires licium interprété par le mot frame.
On peut considérer aussi polymitus comme indiquant
un broché , à quoi le jeu des lisses convient merveil:
leusement ; car le broché est le produit d’une trame
particulière portée par un espoulin , qui se meut suivant
un certain système de dessin particulier auquel les lisses
sont assujéties; au lieu que le travail de la broderie
n’est point réglé par les lisses ni coordonné par elles. :
144 SUR LA COMPOSITION
D’après toutes ces considérations, je traduis ainsi ce
passage de Pline :
« La ville d'Alexandrie a établi sur les métiers les
» moyens de tisser à plusieurs rangs de lisses; ce que
» les Grecs ont désigné depuis sous le nom de polymita ;
» et dans les Gaules, on a imaginé de diviser le travail
» des lisses par dessins scutulés ,; ou par dessins dis-
» tribués en écus polyzones. »
Tous ces détails sont clairs et précis, et ont une ap-
plication facile à l’étoffe ancienne que nous avons dé-
crite sous le numéro V ; il nous suffira, pour la faire
connoître, d'exposer les différens moyens qui ont été mis
en œuvre pour exécuter les dessins intéressans qui figu-
rent dans cette étoffe. Je vois d’ailleurs que le travail
des lisses avoit d’abord été appliqué par les Grecs
d'Alexandrie à des dessins courans, et que dans les
Gaules on avoit divisé les opérations de ces lisses au
moyen de dessins coupés et distribués par écus poly-
gones; scutulis dividere Gallia invenit. Je le répète,
ce mot dividere indique clairement que des dessins
coupés y étoient exécutés au moyen du déplacement de
certaines parties des chaînes par les lisses.
Les traducteurs ont pris dans le dictionnaire de Boudot
sur le mot scutulatus l'interprétation d’étoffe à mailles;
mais il me paroît qu’ils n’en ont pas compris le véri-
table sens, et qu’ils ont confondu la maille à tricot avec
la maille à réseau; j'en juge par les notes qu’ils ont pla-
cées au bas du texte , et où il est dit que cette expression
indiquoit l’origine du tricot; ils n’ont pas vu que
DES ÉTOFFES ANCIENNES. 145
maille devoit signifier ici des dessins distribués à la
surface des étoffes, et coupés par mailles semblables à
celles des filets. L’équivoque, au reste, que le mot
maille pourroit occasionner , fait que je voudrois y
substituer le mot scutulés ou à écus polygones ; et d’ail-
leurs je crois qu’il conviendroit d’ajouter à ces dési-
gnations le mot dessin ; ainsi je crois qu’il convient de
traduire scutulatus textus, ou simplement scutulum
par étoffe à dessins scutulés ou distribués par écus
polygones. Au reste, je renvoie ce qui les concerne à
la description raisonnée des deux étoffes numéros V et
VI, ainsi qu'aux dessins qui ont pour objet de faire
connoître la distribution des écus à la surface de ces
tissus intéressans. Voyez planches II et III, où ces
dessins sont figurés. |
TROISIÈME PARTIE.
État de l’art des tissus dans Les Gaules, et dont Pline
a conservé la mémoire et les procédés. «
APRÈS avoir mis sous les yeux de ceux qui s’inté-
ressent à l’histoire de l’art des tissus chez les anciens ,
_ les passages de Pline qui présentent avec autant de
clarté que de précision leurs divers procédés les plus
intéressans , et avoir montré leur application dans les
étoffes scutulées des numéros Vet VI, je crois qu’il con-
vient de rapprocher ici tous les faits qui prouvent que
Ja fabrication des #issus scutulés étoit établie dans les
1806. Second semestre. 19
LD
146 SUR LA COMPOSITION
Gaules à l’époque où Pline écrivoit sur les laines ; et
comme les étoffes décrites par Pline se sont retrouvées
dans les tombeaux de Saint-Germain, il s'ensuit que
cette industrie s’y étoit maintenue jusqu’au temps où
les prélats y ont été inhumés.
Je trouve d’abord que quant au choix des laines
propres aux étoffes les plus riches, les environs de
Pezenas dans la province narbonnaise, fournissoient
des toisons semblables à celles dont la ville de Sa-
lacia en Lusitanie faisoit un emploi très - renommé
dans les zissus scutulés; et quam Salacia scutulato
textu commendat in Lusitania, similis circà Piscenas
provinciæ narbonensis.
Si nous passons ensuite à la fabrication des tapis
anciens enrichis de différentes couleurs, nous verrons
Pline comparer le travail des Parthes à celui des Gaulois,
quant à la méthode dont ces deux nations faisoient
usage pour distribuer les couleurs sur ces étoffes, et
ce célèbre observateur assigner pour cette opération dé-
licate aux artistes Gaulois un rang aussi distingué qu’à
la nation des Parthes qui étoit au centre des arts en
Asie; aliter hæc Galli Pingunt, aliter Parthorum
gentes.
Enfin, lorsque Pline expose les manœuvres des Grecs
Alexandrie dans la fabrication des étoffes les plus
riches, et tissées par le jeu de plusieurs rangs de lisses
sur des métiers horizontaux, les Gaulois y figurent à
côté des artistes grecs, comme ayant perfectionné le
beau travail des étoffes scutulées, en divisant les dessins
D
DES ÉTOFFES ANCIENNES. 147
dont on les enrichissoit par écus polygones ou circu-
laires , ou enfin par coupes symétriques ; scutulis di-
videre Gallia invenit : et c’est ce travail que nous
trouvons exécuté avec le plus grand succès dans les
‘étoffes numéros V et VI. Voyez les dessins:
Tels sont les faits les plus intéressans que nous trou-
vons dans Pline à avantage de l’industrie Gauloise,
et dont j’ai trouvé la confirmation dais les ‘étoffes
‘scutulées que les tombeaux de Saint-Germain- des-Prés
nous ont conservées.
Ilen résulte sur-tout 1°. que la fabrication de ces étoffes
étoit très-perfectionnée dans les Gaules ; qu’en second
lieu, certaines laines, et particulièrement celles de la
province narbonnaïse, y étoient distinguées et choisies
comme très-propres au travail des tissus les plus riches,
qualités qu’elles ont conservées jusqu’à nos Jours 9e;
que la réputation des produits de l’industrie Gauloise
s’étoit étendue jusqu’à Rome, où Pline, qui y rédigeoit le
précis des procédés et des manipulations en usage dans
ces ateliers ,avoitété instruit que des changemens avanta-
geux dans la distribution des dessins dont on enrichissoit
les plus belles étoffés avoient été faits dans les Gaules,
où l’on avoit substitué aux dessins courans les dessins
scutulés ou à écus polygones ; sans doute parce qu’ils
s’exécutoient plus facilement par la répétition du jeu
des mêmes lisses, tant sur la largeur que sur la lon-
gueur desttoffes.
Je terminerai ces réflexions par une considération qui
m'a toujours frappé. Il est incontestable que nous
148 SUR LA COMPOSITION
n’aurions pas trouvé dans les tombeaux de Saint-
Germain les étoffes que nous avons fait connoître, si
Jart de ces tissus n’eût pas été établi dans les Gaules
au degré de perfection que Pline nous indique, et à
cette même époque où il écrivoit; et si d’ailleurs cet
art ne se fût pas soutenu sur les mêmes principes jus-
qu’au temps où les personnages ensevelis à Saint-
Germain ei ont réuni les produits nombreux et inté-
ressans que nous avons recueillis et décrits avec le plus
grand soin. Voyez les notes et les dessins.
QUATRIÈME PARTIE.
Je me propose de décrire dans cette partie, suivant
les principes de Part des tissus, trois sortes d’étoffes, les
deux premières que j’ai annoncées déjà sous les n°5 V
et VI , et qui sont sèutulées. Dans le n° VII j’ai parlé de
deux systèmes d’étoffes gauffrées que je vais décrire
successivement, et avec l’attention que ce travail cu-
riéux m'a paru mériter.
Etoffe de laine | NS, Ve
J’ar déjà parlé de cette étoffe, en indiquant l’emploi
qu’on en avoit fait dans l’habillement des personnages
ensevelis à Saint-Germain-des-Prés , et en insistant sur
les avantages que j’avois retirés de son examen relati-
vement à l’intelligence de quelques passages de Pline et
DES ÉTOFFES ANCIENNES. 449
.d’Ammien Marcellin. Je vais maintenant tâcher defaire
connoître plus en détail les principes qui ont présidé à
sa fabrication.
Je commence par observer que si l’on en juge par le
grain du fond de cette étoffe , elle étoit composée d’une
trame et d’une chaîne de filature fort fine et très-égale. La
chaîne est à deux brins. Ensuite lorsqu'on passe à l’exa-
men des parties détachées et saillantes du broché, la
trame y paroît plus ronde parce qu’elle s’étend sur les
bords de ces parties, lorsqu’elle s’introduit entre les fils
de la chaîne par le jeu des lisses ordinaires.
Outre ces parties du fond du tissu remarquables par
les effets dont je viens de parler, des espoulins chargés
de fils en dorures ont fourni au broché de certaines par-
ties de dessins assujéties à des lisses particulières. Ce
sont des oiseaux renfermés dans les écus poligones, puis
des lièvres et des fleurons aussi en dorures dans les inter-
valles de ces écus
Les assemblages de ces fils dorés sont aisés À suivre au
milieu des autres parties du fond exécutées par la trame
ordinaire. Il est aisé de voir que le travail des parties
du dessin brochées n’a pas plus détendue que les figures
des oiseaux , des lièvres et des fleurons en dorure, et
que le tissu ordinaire de la trame s’y termine fort régu-
lièremerit et sans interruption sensible ; enfin sans que
l’uniformité du grain de l’étoffe en soit aucunement
altérée. :
On peut cependant distinguer dans ces te de
l’étuffe le passage de la trame de lendroit à Penvers,
«150 SUR LA COMPOSITION
et surtout de celle qui a été fournie par les espoulins,
de manière qu’il en résulte un tissu uniforme tant par
le travail de la navette chargée de la trame ordinaire ,
que par l’espoulin chargé de la dorure. On voit aussi à
la première inspection de l’étoffe que les fils des dorures
quoique introduits séparément des autres parties du
dessin , ont'exactement la même direction que les fils de
la trame ordinaire qui ont servi à tracer les contours des
écus poligones , et que ceux qui en enrichissent le champ
ou les intervalles. Ce double travail des lisses est telle-
ment uni ensemble qu’il ny subsiste, comme nous l’a-
vons déjà observé , aucune interruption entre le broché
et les parties du fond de létoffe environnantes. Ainsi
voilà la division des doubles rangs de lisses bien établie
dans l’étoffe dont nous faisons l’examen , et en même
temps ce double travail ramené à l’ensemble le plus
exact et le plus précis d’un Zage uniforme.
Jusqu’à présent je n’ai pas fait mention de la matière
avec laquelle cette étoffe intéressante a été fabriquée.
Cependant plusieurs raisons m’engagent à faire remar-
quer ici que cette étoffe est tissue en laine. Le principal
motif est le rapprochement des différentes qualités de
cette étoffe avec ce qui concerne l'emploi des laines par
les artistes anciens, et dont Pline fait mention dans le
quarante-huitième chapitre de son livre VIII.
: D'abord si l’on considère la matière première de cette
étoffe on la trouve, quant au brin et quant à la filature,
d’une finesse qui paroît autoriser les détails étonnans
dont Pline nous entretient dans ce chapitre, et dont
DES ÉTOFFES ÂNCITENNÈS. 151
l'étoffe que l’on a trouvée dans un des tombeaux de St.
Germain-des-Prés est le commentaire le plus naturel.
Premièrement Pline nous apprend que c’étoit à la
quenouille et au fuseau que les plus habiles mains fi-
loient les laines propres à la fabrication des étoffes les
plus riches; et si j’en juge par les. manœuvres de filature
que j’ai trouvé employées par les femmes de Naples et
des environs, on se servoit.de fuseaux qui avoient la
forme de bobines un peu allongées , et auxquelles on:
communiquoit le mouvement en les roulant sur un plan
un peu étendu pour leur donner la volée. |
Dans l’examen des fils qui font partie du tissu de
l’éroffe scutulée, il m’a paru qu’il n’y entroit guères plus
de deux brins ; que le tors en étoit très-ménagé ; en
sorte qte les fils tant de la chaîne que de la trame s’as-
socioient fort aisément dans le tissu dont le grain ne
s’étoit arrondi qu’à mesure qu’on en frappoit l’assem-
blage sur le métier. J’ai reconnu d’ailleurs que les fils
qui entroient dans le fond de l’étoffe étoient filés sur un
système fôrt différent de celui qui avoit réglé la filature
des fils destinés aux dessins. Ces derniers ont été incon-
testablement filés plus tors que les premiers , à en juger
par la netteté de leur grain et par la précision avec la-
quelle les différentes figures d’animaux ou les fleurons
se détachent du fond. Je dois répéter ici que la filature
du fond est de la plus grande finesse et de la plus belle:
égalité , et qu’enfin son emploi dans le tissu annonce:
des métiers d’une forte construction et des mains très-
habiles dans le jeu des lisses des deux ordres.
152 SUR LA COMPOSITION
D’ailleurs comme quelques-uns de ces fils étoient des-
tinés à se charger de la dorure, il m’a paru qu’ils étoient
moins tors que ceux employés dans les autres parties
du dessin et des reliefs non dorés. Aussi les oiseaux et
les fleurons fabriqués avec les fils dorés offrent-ils des
reliefs plus plats et un grain plus fin malgré la surcharge
de la dorure. Il seroit curieux de savoir au juste par
quels moyens les fils qui servoient de base aux dorures
étoient préparés pour recevoir la lame d’argent Goré, et
comment cette lame leur étoit appliquée. Je ne doute
pas au reste que la laine de la qualité de celle dont j’ai
eu lieu de suivre l’emploi dans létoffe qui n’occupe,
ne se prêtât aux manœuvres ingénieuses auxquelles la
soie est soumise dans les ateliers de Lyon et de Paris
pour recevoir la dorure.
Si nous jetons les yeux sur notre étoffe scutulée , nous
apercevrons à sa surface et entre les lisières une suite de
mailles à réseau ou d’écus poligones régulièrement dis-
tribués en tous sens , avec des intervalles également uni-
formes. Nous avons déjà dit que dans le champ de ces
écus étoient figurés des oiseaux sur la tête desquels on
voyoitune aigrette fort élevée, mais quine pouvoit guères
convenir qu’au paon, On y distingue l’œil marqué par
un point de dorure entouré d’un fond de couleur ordi-
naire ; outre cela , dans le corps des oiseaux sont tracés
en dorure plusieurs assemblages de plumages disposés
sur trois rangées bien distinctes. Les pates sont termi-
nées par les doigts développés en avant et en arrière.
Aux deux côtés de ces oiseaux principaux sont de petits
DES ÉTOFFES ANCIENNES. 153
oiseaux qui n’ont ni aigrette ni queue élevées; on n° Ve
distingue que des pieds et des ailes qui se ncient du
corps. Le reste du champ de l’écu offre un simple tissu
au milieu duquel toutes les parties brochées que nous
avons décrites se détachent bien nettement. D'ailleurs ,
nous renvoyons au dessin que mon fils a pris de tous ces
détails de fabrication avec le plus grand soin.
Ony verra de même que dans les intervalles des écus
polygones ona figuré des lièvres courans et des fleurons
n reliefs de dorures. Les lièvres occupent la partie des
Shbraes qui correspond à quatre de ces écus, et sont
très-bien 'AEMES Les fleurons ne sont distribués que :
dans les ÿ vides ménagés entre deux écus. de
ju Etoffe de soie scutulée. N° VI.
Cerres étoffe scutulée que j’ai désignée ci-dessus comme
“ayant serviaux mitres des abbés, est un fond de soie à
simple. tissu., enrichi, d’u un fort grand dessin exécuté
- comme dans l’étoffe précédente au moyen des lisses, Ce
dessin m’a paru surtout fort important pour faire con-
noître les principes d’après lesquels on rédigeoit les des-
sins scutulés relativement à leur exécution sur le métier.
L’on peut y distinguer aisément trois parties fort rema--
quables dont je m’attacherai particulièrement à décrire
les différentes formes qu’on pourra suivre sur deux des
quatre planches jointes à ce mémoire.
J'observerai d’abord que la chaîne de cette étoffe
‘st une soie jaune aurore et brillante ,etqu elle a servi
à figurer les différens reliefs du dessin qui se détachent
1806. Second semestre. 20
ME
»
154 SUR LA COMPOSITION
du fond et qui produisent un assez bel effet. Quant à la
trame ilest aisé de voir qu’elle est composée de la mème
soie plus fine et plus tordue.
La première partie du dessin qui figure sur cette étoffe
consiste en cercles concentriques ; dont les intervalles
sont remplis d’un système de fleurons courans , mais in-
terrompus dans certaines parties , comme on le voit dans R
tous les dessins qui appartiennent aux étoffes scutulées.
Tous ces fleurons sont distribués sur une largeur assez
considérable pour que les fils de la chaîne qui ont obéi
aux lisses aient pu se montrer d’une manière nette et
précise , et en tel nombre qu’il en soit résulté des traces
sensibles et agréables. D'ailleurs, outre les fleurons on-
dulés on remarque des encadremens d’un fort bon effet
et formés de même par les circonférences des cercles
concentriques.
Si nous passons à la seconde partie du dessin qui nous.
occupe , nous la trouverons dans les objets renfermés
dans le champ du cercle intérieur des deux concentri-
ques dont nous avons parlé. Ce sont les figures de deux
oiseaux dont la queue, les ailes et les pieds groupés et
distribués symétriquement ont été dessinés sous autant
de coupes différentes , de manière que les systèmes de
fils qui devoient les tracer en relief aient pu les faire
sortir comme il convenoit à leur ensemble. Outre cela,
les intervalles qui sont ménagés entre les deux figures
d’oiseaux ont été remplis par quelques fleurons symé-
triques qui font variété.
Ces oiseaux sont des perroquets, autant qu’on en peut
DES ÉTOFFES ANCIENNES. 155
juger à leur bec crochu et à leurs quatre doigts dirigés
deux en avant et deux en arrière.
Si nous examinons maintenant la troisième partie du
dessin scutulé qui nous occupe, laquelle remplit les vides
qui se trouvent entre les quatre cercles concentriques
que nous avons décrits ;.ce sont autant de systèmes d’a-
rabesques sous formes pyramidales , distribués dans ces
grands vides et qui les remplissent entièrement : ces
pyramides ont pour bases des carrés groupés ensemble
et qui s’appuient sur un seul et même centre. C’est de
ce point que tous les cercles ont été décrits ; d’où il ré-
sulte que toutes les parties du dessin de la seconde étoffe
scutulée présentent un grand ensemble et le plus singu-
lièrement symétrique qu’il soit possible de.le figurer ;
et l’on peut juger par ces détails de l’effet que la réunion
de ces parties doit produire sur le fond de Pétoffe.
Je dois faire observer cependant que malgré cet en-
_ semble toutes les parties dw dessin ont été coupées et
“scutulées d’une manière fort adroite et pleine d’intelli-
‘gence. On peut remarquer d’abord que les oiseaux dont
‘la queue, les ailes et les pates remplissent le champ des
écus circulaires ; s’y présentent sous autant de coupes
‘différentes ; qu’il en est de même des fleurons qui ré-
gnent entre les cercles concentriques et dont les ondes
courantes sont interrompues par certains intervalles
très-sensibles ; enfin que de semblables coupures ont
lieu dans chacun des systèmes pyramidaux d’arabesques.
L’exécution d’un tel dessin sur l’étoffe scutulée qui
nous occupe , et figuré avec soin par mon fils, met en
156 SUR LA COMPOSITION
évidence les principes qui dirigeoient dans les Gaules et
ensuite en France les fabricans par rapport aux {dessins
dont ils enrichissoient leurs étoffes, lesquelles consis-
toient particulièrement , suivant Pline (scutulis divi-
dere), à en couper les différentes parties sans en dé-
truire la liaison et les rapports quant à l’effet.
Je passe maintenant à ce qui concerne l’adresse des
dessinateurs dans l’établissement de la symétrie au
milieu de la distribution des objets décomposés par les
coupures , comme je l’ai fait voir ci-dessus. Je puis rap-
peler ici les oiseaux qui remplissent le champ des cercles
concentriques , dont les têtes , les ailes , les pates et les
queues se correspondent de chaque côté et présentent des
détails symétriques qui suffisent pour nous donner
une idée des vues de tous les dessinateurs de ces temps
| reculés. |
Effectivement la symétrie dans les dessins propres
à être exécutés sur les étoffes renferme plusieurs avan-
tages qu’il est facile de faire connoître. Je dis d’abord
que les dessins symétriques ont plus d’éclat et frap-
pent plus agréablement par les retours que les dessins
vagues et même courans. D’ailleurs ce qui est fort im-
portant, c’est que ces dessins sont plus aisés à lire et à
tracer sur le métier par les lisses. On sent facilement que
la première partie d’un dessin symétrique étant lue ou
exécutée , l’autre correspondante se lit et s'exécute de
suite en reprenant les lacs dans un ordre renversé ,
ou, ce qui est équivalent, en retournant le jeu des
marches , etc.
DES ÉTOFFES ANCIENNES. 157
Lorsque je suis entré dans ces détails relatifs aux divi-
sions scutulées et symétriques des dessins, je me pro-
posois de montrer les différens degrés de perfection que
les artistes qui présidoient à la fabrication des étoffes
chez les Gaulois et ensuite chez les Français , avoient
mis dans la préparation du travail des tissus , et d’insis-
ter sur des moyens que nous avons peut-être trop RE
nous-mêmes,
Etoffe hs de. N° VII.
J 5: dé) à Hi des vues générales et dés principes quiont
dirigé la fabrication de cette étoffe singulière. Effective-
ment , pour peu qu’on l’ait examinée , il est aisé de voir
qu’elle a pour base une chaîne composée de fils à deux
brins , assemblés au moyen d’une trame d’une grande
finséd. Ainsi ; lorsque le système des tissus a été soumis
au gauffrage ,ilen est résulté une étoffe qui présentoit sur
ses deux faces des parties Ssaillantés formées par les suites
des fils de la chaine pliés et fort découverts, attendu
que la trame se montroit foiblement sur cette base. Et,
comme ;, pendant le séjour que ces tissus ont fait dans les
tombeaux, cette trame ne s’est pas conservée aussi-bien
que la étre ; il n’est pas étonnant qu’ils soient décom-
posés à un certain point.
Nous finirons par observer ici non-seulement que le
gauffrage étoit une opération très-remarquable dans cette
étoffe ancienne, mais encore que le système de tissu
imaginé pour en recevoir les impressions étoit très-i agé
nieux et méritoit notre attention. Effectivement après
158 SUR LA COMPOSITION
avoir fait connoître en général la composition de cette
étoffe , il me reste encore à parler des moyens qu’on a
dù employer pour exécuter le gauffrage tel qu’on peut le
reconnoître. Pour en prendre une juste idée, il suffit
de jeter les yeux sur un gauffrier, suivre les parties
saïllantes du moule propres à former les creux dans la
pâte d’un côté , et de l’autre un enfoncement qui main-
tienne la même pâte : car le travail , d’un côté, ne peut
pas se terminer sans être soutenu par une lame corres-
pondante de l’autre. Je ne vois maintenant, d’après
toutes ces .suppositions aucune difficulté d’opérer avec
avantage toutes les impressions en creux, et les reliefs
dans les parties opposées au moyen d’un certain degré
de chaleur qu’on communiquoit aux planches du gauf-
frage, outre cela de rendre ces impressions durables au
moyen d’un prompt refroidissement, et même d’un cer-
tain gommage dans létoffe primitive.
J'ai remarqué enfin que les parties saillantes produi-
soient à la surface de l’étoffe un effet fort agréable , en
rendant la couleur des fils de la chaîne avec un certain
éclat, et surtout par le contraste et lopposition des
mêmes fils pliésen creux et offrant un fond fort sombre,
DÉS ÉTOFFES ANCIENNES. 159
APPENDICE.
I. Tapis des anciens. — Choix des laines que les anciens
faisoient entrer Le leur composition, suivant Pline.
IL. °T, apisseries, des anciens. — Systèmes de leurs tissus rela-
tivement aux ornemens dont on les enrichissoit, comme
Virgile nous l’apprend.
T. . Tapis des anciens.
Quoique la fabrication des tapis anciens n’entre pas
dans mon travail sur les étoffes qu’on a extraites des
tombeaux de Saint-Germain - des - Prés , les réflexions
que m’a donné lieu de faire sur ces tapis le second pas-
sage de Pline, qui a pour objet le choix des laines propres
à former le poil de ces tissus, j’ai cru qu’il convenoit
d’en rappeler les qualités, et d’en suivre l’emploi fort
avantageux qu’en faisoient les fabricans.de Rome. La
_ laine ferme et à gros sc brèr ,nous dit Pline, esf connue
anciennement comme f] A opre aux tapis en leur don-
nant beaucoup de grace et d'éclat.
Effectivement , ayant examiné avec soin les tapis de
la Savonnerie et suivi leur fabrication , d’après les vues
que m’avoit inspirées le passage de Pline que je viens de
rappeler, j’ai reconnu que les laines qui servoient à en
former le poil étoient d’autant plus fermes qu’elles of-
froient un brin plus gros et plus dur, de sorte que les
trames à trois fils qu’on y employoit pour bordure d’une
grande pièce de tapis d’un prix considérable , me présen-
160 SUR LA COMPOSITION
toient un poil d’une grande force et ressort , pendant que
d’autres laines fines à neuf fils qui composoient à peine
une trame équivalente, quant au volume, dans l’inté-
rieur de la pièce, n’offroient qu’un poil fort doux et
sans aucun ressort sous les doigts. Il n’est donc pas
étonnant que ces beaux tapis d’un grand prix se dé-
chirassent très-promptement et perdissent leurs cou-
leurs sous les fauteuils des sallons. J’ai remarqué fré-
quemment, ces accidens chez les riches propriétaires
avant la révolution, pendant que les tapis du Levant,
où la fabrication s’exécute sur les principes des anciens,
attestés par Pline, se soutenoient intacts très-long-temps
et conservoient leurs belles couleurs.
Ainsi, d’après les détails que nous trouvons dans
Pline, il paroît que les anciens faisoient la plus grande
attention à la qualité des laines qu’ils employoient dans
leurs tapis, et qu’ils en soignoient le choix beaucoup
plus que nous , surtout relativement au poil de ces tapis:
cette méprise de notre part me paroît avoir pour prin-
cipe l’erreur où nous sommes , que les masses des par-
ties colorées dans les dessins exigeoient l’emploi des
laines fines, comme recevant plus aisement les couleurs,
sans penser qu’elles ne donnoient aucun éclat vif dans
la trame. |
Je connois trois sortes de tapis quant au système de
fabrication et aux méthodes de l’emploi des laines en
trames, lesquelles servent aux ornemens de ces tapis.
J'ajoute que les qualités des laines indiquées par Pline ,
conviennent également à ces trois sortes.
LA
4 DES ÉTOFFES ANCIENNES . 161
La première a pour base un fort canevas de toile,
qu’on recouvre à l'aiguille par des laines à gros brin,
et teintes de manière à pouvoir exécuter différentes
parties d’un dessin. On.en fabrique ainsi dans le Levant,
en Perse, et en France à Aubusson ; mais l’étoffe qui
nous vient du Levant est beaucoup plus parfaite que
celle de France quant aux choix des matières , et quant
au travail : je distingue bien cette sorte de celles qui
se travailloient autrefois en Perse, mais qui étoient
exactement les produits d’une broderie en soie exécutée
par les femmes sur des fonds qui différoient des canevas.
La seconde sorte est un tissu à chaîne verticale et à
trame en poils coupés. Il s’en fait dans le Levant , à la
Savonnerie, et à Aubusson.
La troisième sorte est une étoffe qui se fabrique sur
un métier horizontal comme nos moquettes : c’est un
poil plié seulement. On ne peut douter que les Gaulois
et les Parthes, dont il est fait mention dans Pline,
n’aient adopté quelques-unes de ces trois sortes de fa-
brication dans le travail des tapis sur lesquels ils dis-
tribuoient les couleurs par une méthode particulière et
au moyen des laines, dont Pline nous fait connoître les
qualités : car, dans les unes et les autres , la laine rude
et à gros brin pouvoit être employée avec un égal avan-
tage. Il y a grande apparence que les Parthes, auxquels
les Perses ont succédé, avoient adopté la première sorte;
car nous savons d’ailleurs qu’ils ont fabriqué des tapis
avec canevas, recouverts en soie et brodés par les
femmes. D’un autre côté, les Gaulois ont pu choisir la
1806. 21
162 SUR LA COMPOSITION
sorte qui se travaille par une méthode semblable à celle
de la Savonnerie.
On me dira peut-être que rien ne prouve que les tapis
dont il est question dans Pline, étoient des étoffes à
poils comme sont les tapis de pied de la Savonnerie.
À cela je réponds que la composition de ces tapis est
déterminée par la qualité des laines rudes et à gros brin ;,
comme étant très-propres à donner beaucoup de grace
et d’éclat à ces tapis : car il n’est pas probable que cette
sorte de matière ait pu servir à un autre système de
fabrication. Je me suis donc cru autorisé à considérer
cette tradition précieuse que Pline nous a conservée
comme pouvant servir avantageusement à ce beau tra-.
vail des tapis à poil. Je regrette même que nos artistes
n'aient pas suivi ces principes sur le choix des laines,
et n’aient pas donné la préférence aux laines rudes et à
gros brin. |
Je vais plus loin encore, et je pense qu’on ne peut
pas douter que les anciens n’eussent adopté pour la fa-
brication des tapis, l'usage des chaînes verticales comme
nous les employons dans nos ateliers de la Savonnerie
et d’Aubusson : car, suivant un passage de Senèque,
nous savons que les tissus de toiles du temps où écrivoit
Posidonius, se fabriquoient avec des chaînes ainsi dis-
posées. D'ailleurs, les nations sauvages dans différentes
contrées de la terre ont montré aux observateurs attentifs
‘qui accompagnoient Cook, cette méthode ancienne
comme la plus naturelle. Il ne seroit donc pas étonnant
que l’artde la fabrication des tapis eût conservé cette dis-
DES ÉTOFFES ANCIENNES. 163
position primitive des chaînes qui, d’ailleurs , est beau-
coup plus favorable à l'emploi de la trame en poils coupés.
J’observe enfin que ce travail des tapis à poil, tel que
je le suppose d’après Pline, comme ayant existé dans
les Gaules y sera revenu de nouvelle date, ayant été
transporté du Levant où il s’étoit conservé, sans doute,
avec le choix des laines sur lesquelles j’insiste dans cette
note,
II. Tapusseries des anciens.
Iz me paroît convenable de joindre à ce qui concerne
les tapis des anciens , une anegdote intéressante sur des
tissus de leurs tapisseries, et particulièrement sur la
méthode qu’on-suivoit pour y tracer les personnages
qu’on y faisoit figurer. Je trouve cette anecdote dans le
vingt-cinquième vers du troisième livre des Géorgiques.
Voici ce vers:
ET ee E-re-Ropet-n- UE
Purpurea intexti tollant aulaea Britanni.
Le poète dans ce vers nous parle de tapisseries qui
devoient servir de toiles à un théâtre, et dans le tissu
desquelles les Bretons qui les levoient étoient figurés
ainsi que leurs défaites par César. Les mots 27#exti
Britanni m’ont paru dans ce cas offrir les résultats
singuliers d’un travail que je retrouve avet plaisir dans
Virgile , lequel connoissoit si bien les arts des tissus de
son temps : travail que je suis tenté de comparer à celui
des Gobelins. Zztexere nous annonceroit donc suivant
164 SUR LA COMPOSITION
mes vues, et des personnages brochés ou tracés de toute
autre manière, au milieu d’un fonds d’étoffe propre à
renfermer et à détacher ces figures. Je pourrai quelque
jour donner plus de développement à mes conjectures ,
et d’ailleurs aux preuves que me fournira le même poète.
Note sur les lisses.
Ex lisant plusieurs articles de ce mémoire, on sen-
tira sans doute le besoin de nouveaux éclaircissemens
sur la disposition et l’emploi des lisses (Zicia). Effec-
tivement, je ne puis dissimuler ici qu’il ne me reste
encore sur ces moyens de fabrication quelques points
assez importans à discuter. Le premier ayant pour objet
l'intelligence des auteurs latins les plus célèbres : et
le second , les époques auxquelles les lisses ont été in-
troduites dans les ateliers des anciens, et y ont été livrées
à la sagacité et à l’industrie de leurs artistes.
Ainsi, je trouve, par exemple, dans Virgile, Géorgi-
ques, livre I®', vers 285, l'emploi des lisses bien déter-
miné par ces mots , licia telæ addere (monter les lisses
sur les chaînes). Ce poète prouve par ces trois mots,
avec autant d’élégance que de précision, combien il
étoit instruit des principaux préparatifs de la fabrica-
tion des toiles, et comme il a su rendre les résultats de
ses connoissances à cet égard ; c’est, je le répète par ces
trois mots , que Virgile nous apprend que les cultiva-
teurs fabricans s’occupoient pendant lestemps des pluies
de l’été à monter Les lisses sur Les chaînes. Ouvrage de
DES ÉTOFFES ANCIENNES. 165
patience et d’adresse qui a été méconnu par ses traduc-
teurs , surtout par /’abbé des Fontaines, qui y substitue
l’ourdissage des toiles; opération différente quoique du
même ordre de travaux préparatoires.
* De même Tibule nous fait connoître l’emploi et la
disposition des lisses par ce vers, où tout se trouve in-
diqué plus clairement encore que dans Virgile:
Firmaque conductis adnectit licia telis.
Adnectit détermine bien clairement le travail du
montage des lisses sur les chaînes. Outre cela coz-
ductis annonce que les chaînes sont ourdies et mises
sur le métier avant de recevoir l’attache successive des
fils des lisses. Enfin, je vois que dans les deux poètes
tela emporte l’idée des chaînes dont on forme la toile.
Dans les différens articles de ce mémoire il est ques-
tion de deux sortes d’équipages des lisses : dans le pre-
mier elles sont montées sur les deux systèmes de fils qui
composent les chaînes pour opérer leur croisement,
offrant en même temps les vides où l’on introduit la
trame par le moyen d’une navette. 11 n’est question pour
lors que des simples toiles et des tissus d’un grain égal
et uniforme.
Le second équipage des lisses est occupé à soulever
certaines parties seulement des chaînes avec lesquelles
une trame particulière exécute des dessins distingués
dun fond de tissu, et qui servent à orner ce tissu.
Le premier équipage est celui que Virgile et Tibule
166 SUR LA COMPOSITION
ont décrit : c’est celui qui a eu lieu dans tous les temps
pour établir la fabrication du plus simple tissu. Je dis
Je premier quant aux métiers horizontaux; car Posidonius
nous apprend qu’il a existé très-anciennement un sys-
tème de travail bien antérieur à celui de notre temps,
comme je l’ai déjà dit ailleurs , et avec des chaînes ver-
ticales dont les fils se croisoient au moyen de lisses
disposées horizontalement , de la même manière qu’elles
le font dans les métiers à tapisseries des Gobelins.
Le second équipage dont l'invention appartient aux
artistes d'Alexandrie , et qui est composé de plusieurs
rangs de lisses, est désigné dans Pline par Polymita. On
en trouvera ci-dessus beaucoup d’applications fort intéres-
santes ; Ce sont, comme on sait, des assemblages de fils
qui soulèvent ou abaissent ceux des chaînes , de manière
à régler leur combinaison avec les fils de la rame. Sion
comprend bien cet emploi, et cette fonction des lisses,
on aura une idée nette et précise de ce que les auteurs
grecs et latins des meilleurs âges, ont voulu nous faire
connoître par les mots zuitos et Zicium. C’est ce sens
bien déterminé qu’il ne faut pas perdre de vue ni con-
fondre avec d’autres parties des métiers , telles que les
trames ; on sera pour lors en état de suivre les descrip-
tions des étoffes dans la fabrication desquelles figure
le travail des lisses, et surtout celles du second équi-
page. On comprendra fort aisément ces détails si l’on
jette les yeux sur la planche où j'ai fait représenter une
étoffe scutulée à écus polygones ; on verra du premier
coup-d’œil en quoi consiste la découverte des fabricans
DES ÉTOFFES ANCIENNES 167 -
Gaulois, indiquée d’une manière si précise par Pline,
lesquels avoient inventé l’art de diviser Le travail des
lisses par dessins scutulés ; scuruzis DI7IDERE Gar-
LIA INPENIT.
À l’occasion de polymita, on me permettra de rap-
procher des expressions qui ont de l’analogie avec ce
mot, et d’en déterminer strictement le sens; ainsi je
vois que polymitus est un tissu quelconque fabriqué
sur un métier armé de plusieurs ordres de lisses: de
même po/ymitarius , son dérivé, nous indiquera un ou-
vrier travaillant sur un métier à plusieurs rangs de lisses,
Je ne sais donc pas pourquoi dans Boudot et dans Novi-
tius on a traduit polymitus par tissu de fils à couleur
changeante, brocard, broder ; et pourquoi on a pré-
senté de même polymitarius , sous deux rapports égale-
ment éloignés de sa véritable signification; le premier
sous celui d’un ouvrier, et dès-lors c’est un brodeur , et
le second sous celui des produits de la fabrication , et
on le fait envisager comme indiquant des étoffes À cou-
leurs changeantes : toutes interprétations offrant des
objets étrangers aux lisses et qui n’entrent point dans
les vues du beau passage de Pline, lequel renferme le
mot interessant de polymita. C’est en se livrant à
ces fausses interprétations que les auteurs du diction-
naire de Boudot ont tout confondu, et même hasardé
de traduire le mot Zicium par rame. Je le répète, les
simples érudits, rédacteurs des dictionnaires , ont perdu
de vue les fonctions des lisses, et n’ont pas resserré
ce terme dans ses vraies limites, lorsqu'ils y ont cru voir
168 SUR LA COMPOSITION
une trame. Je dois le dire, la connoissance de l’art des
tissus pouvoit seule les garantir de ces erreurs. On doit
donc sentir maintenant quelle confusion ces fausses in-
terprétations ont mis dans les idées de nos traducteurs ,
et combien il leur étoit difficile , au milieu de ces mé-
prises, de saisir les manœuvres des fabrications an-
ciennes, et de profiter surtout des descriptions de Pline,
qui est si précis et si succinct dans l'exposition des
procédés et des moyens adoptés par les artistes de son.
temps, pour exécuter les diverses distributions des des-
sins, dont ils enrichissoient les étoffes du plus grand
prix.
Ces différentes discussions sur les lisses m’engagent
à rappeler ici les trois époques remarquables qui con-
cernent non-seulement leur invention, mais encore leur
introduction successive dans les ateliers des différentes
nations industrieuses. La première nous présentera l’é-
tablissement de ‘plusieurs rangs de lisses sur les métiers
horizontaux par les artistes grecs d'Alexandrie : car il
est inutile de parler ici de l’usage primitif des lisses qui
date de l’invention du travail des toiles, et des temps
bien antérieurs à notre première époque.
La seconde époque renferme les travaux de l’industrie
Gauloise , attestés par Pline et Ammien Marcellin.
La troisième nous donne ceux de l’industrie française,
constatés par la description des étoffes conservées dans
les tombeaux de Saint-Germain-des-Prés.
J'ajoute ici que les intervalles des trois époques que je
prolonge jusqu’à nos jours, ont été remplis par une
DES) ÉTOFFES ANCIENNES. 169
suite non interrompue de toutes les espèces de fabrica-
tions , et surtout par celle du travail le plus savant, Je
présente ici, sous ce même point de vue, le tableau de
ces trois époques parce qu’il nous offre une partie bien
intéressante de l’histoire des tissus.
Je ne puis terminer cette note sur les lisses sans rap-
peler le passage d'Ammien Marcellin , en le considérant
relativement à l'emploi des lisses, et surtout pour faire
figurer des animaux dans les dessins dont on enrichis-
soit les -étoffes qui servoient de bordures anx habits et
aux tuniques.
Ut longiores fimbriæ. tunicæque perspicué. luceané
varietate liciorum effigiatæ species animalium mul-
tiformes. Æ
On voit par là que Pon faisoit, du temps de cet his-
torien observateur, usage pour franges: et même pour
tuniques, d’étoffés,y sur lesquelles, par le jeu varié dés
lisses, on figuroit plusieurs espèces d'animaux de diffé-
rentes formes, oiseaux et quadrupèdes ; et que tous ces
ornemens étoientexécutés pour donner plus d'éclat aux
franges. des habits:et aux tuniques que portoientles per-
sonnages de distinction. Comme nous :avons retrouvé
ces tissus intéressans dans les habillémens des prélats
que renfermoient. les tombeaux de Saint-Germain-des-
Prés ; ilnous paroît constaté par ces monumeèns que la
mode décrite par Ammien Marcelin.s’étoit sontenue et
propagée jusqu’au tempsodiles abbés, dont nous avons
les dépouilles,, ont vécu en France. fo
1806. Second semestre. 22
170 SUR LA COMPOSITION
Note sur Les dorures.
Après la longue discussion dans laquelle j’ai cru
devoir entrer sur la dorure, d’abord, relativement à
son emploi dans quelques-unes des étoffes que nous
avons tirées des tombeaux de Saint-Germain-des-Prés,
et, en même temps, relativement à l’invention de ses
procédés préliminaires, et à son heureuse application
dans les tissus par le roi Attale; je ne puis oublier le
galon d’or trait trouvé au milieu des débris de la ville
souterraine d’Herculanum. Il est d’or pur et tissu comme
une toile. Mais comme quelques antiquaires ont supposé
à cetteoccasion , que les riches étoffes des anciens n’é-
toient pas fabriquées comme celles des modernes, d’un
fil d’or ou d’argent très-mince filé sur une trame desoie,
et qu’elles étoient tissues d’un or pur et sans l’association
d’aucune autre matière, je crois devoir entrer dans uné
nouvelle discussion à ce sujet. D’absrd je ne puis dissimu-
ler qu’ils ne s'appuient surce que Pline , qui nous fournit
d’ailleurs de quoi soutenir une opinion contraire | nous
apprend qu’Agrippine ; épouse de Claude, assista au spec-
tacle d’un combat naval que donna cet empereur, vêtue
d’un paludamentum tissu d’or pur. Nos vidimus , dit-il ;
Agrippinam Claudii principis , edente eo navalis prelii
spectaoulum ;: indutam| paludamento. ‘auro textili
SINE ALI A MATERTA4. (Lib. XXXIII, cap. 19:) Je
vois bien que ce passage offre-aux antiquaires dont j’ai
parlé , le monument le plus remarquable d’une étoffe d’or
trait, mais je considère aussi que, par lPaddition parti-
DES ÉTOFFÉS ANCIENNES.) 171
culière, sine alid materid , Pline indique en même temps
que dans la plupart des riches produits de l’art des tissus,
Por se trouvoit employé avec l’association d’autres ma-
tières. Outre cela, je vois par l’exemple du paluda-
mentrim dAgrippine que l’aurum textile n’avoit guère
été travaillé seul que pour la composition de certains
habits d’apparat plus riches et plus brillans que solides,
ou de quelques ornemens propres à distinguer les rois et
les empereurs. Aussi Pline nous rapporte-ildans ces mèmes
vues que Tarquin l’Ancien avoit porté de son temps
üne robe d’or, {uricam auream ; d’où je conclus que ces
irois anecdotes précédentes et quelques autres citées par
Winkelman , dans son 7’raité de l’art, ne peuvent être
considérées comme nous annonçant à produits d’une
fabrication journalière et courante, mais seulement
comme des tours de forcé rares et singuliers qui ne sont
pas de nature à écarter les procédés usuels, introduits
par Attale dans la fabrication des étoffes riches répan-
dues en Asie et ailleurs, et dont l’usage avoit été adopté
par les gens riches : procédés introduits et connus, sans
doute, à Rome où Pline célébroit cette découverte,
Effectivement, en rappelant le passage de Pline qui
ma déjà occupé; il n’est facile de montrer que tout y
établit, que très - anciennement les fils d’or employés
dans les tissus y étoient associés avec d’autres matières :
car il est évident d’abord qu’on ne peut faire entrer l’au-
rum textile dansun tissu qui n’est pas entièrement d’or, et
à moins qu’il ne soit associé à des lames d’argent , et que
cette association ne soit établie sur une base qui lui
172 SUR LA COMPOSITION
donne la plus grande souplesse et la plus grande flexi-
bilité : or, c’est ce que nous annoncent , selon moi, les
deux mots, aurwm inteæere. Mais toutes ces choses. ne
peuvent être bien saisies que par les personnes qui ont
l'intelligence de Part des tissus enrichis de métaux pré-
cieux, et qui ont étudié, soit dans Virgile, soit dans Pline,
la signification précise d’intexere, et les heureuses appli-
cations que le poète surtout en a faites.
Je terminerai cette note en observant que dans la
longue suite de siècles que nous avons pu parcourir, et
pendant lesquels l’art des tissus a été cultivé, j’ai ren-
contré diverses époques qui m’ont offert des monumens
de l’industrie de plusieurs peuples , lesquels constatent
que l'or a été travaillé en deux états différens. Le pre-
mier sous la forme d’or trait ou d’aurum textile, et
le second sous celle d’or filé : j’ajoute que sous cette
dernière forme l’art de la dorure a été perfectionné et
enrichi depuis très-long-temps, et même depuis le règne
du roi Attale , qui constitue la première époque; ensuite
vient la seconde avec date du temps de l’industrie Gau-
loise, dont Pline nous a conservé la mémoire : et enfin,
la troisième estindiquée par les étoffes tirées des tom-
beaux de Saint-Germain-des-Prés. Il est donc vraisem-
blable que les procédés de ce beau travail ont été transmis
par tradition d’Asie en Europe et sans interruption de-
puis la première époque jusqu’à nos jours.
J’en citerai maintenant un exemple qui na toujours
frappé. On voit, Éneïde, livre V, , depuis le 250 vers
jusqu’au 257, qu’Énée décora le vainqueur au com-
DES ÉTOFFES ANCIENNES. 173
bat naval , d’une cotte d’arme , enrichie d’un tissu doré,
clamidem auratam , et bordée de deux bandes de la
plus belle pourpre de Mélibée; que dans ces tissus dorés
étoit représenté le jeune Ganymède, d’un côté, chassant
dans la forêt du mont Ida , et, de l’autre, enlevé par
l’aigle de Jupiter : ixtextusque puer frondosd regius
Idé , etc. Le poète emploie ici le mot irtextus pour in-
diquer le travail du fil doré qui enrichissoit le corps de
Pétoffe de la cotte d’arme, comme ilen a fait usage, pour
nous désigner les Bretons, inlexti Britanni, figurés avec
des fils propres aux tapisseries dans les Géorgiques.
Ce n’est pas un simple tissu fait de laine ou de soie
propres aux tapisseries, comme dans le vers que j’ai ana-
lysé à l’article précédent sur lestapis des anciens, mais ce
sont des fils dorés, et qui peuvent entrer dans le tissu d’une
étoffe enrichie de métaux précieux, et dont Virgile avoit
trouvé le modèle dans le travail des artistes de Rome ou
de Naples. Je le répète , dans les deux passages iztextus
désigne des matières de nature différente , mais égale-
ment propres par leur souplesse et leur flexibilité à entrer
dans le corps d’une étoffe. Dans la cotte d’armes il étoit
nécessaire que l’or qui y figuroit eût toutes ces qualités,
comme faisant partie d’une fabrication qui renfermoit
des franges en bordure de la plus belle pourpre. Ce devis
de la composition de la cotte d’armes dorée, me l’a fait
considérer comme une heureuse application de la décou-
verte du roi Attale : je ne sais si la lecture de Y’irgile
m’abuse, mais je crois que ce poète étoit parfaitement
instruit de ce travail de l’or; et ce qui achève de m’en
174 SUR LA COMPOSITION
convaincre, C’est la manière claire et précise dont ila
rendu les procédés de l’art des tissus dans toutes les oc-
casions où il nous en a parlé.
Epoques de la fabrication des étoffes dont il est
question dans ce mémoire.
Ox dira peut- être que je me suis occupé dans ce
mémoire de diverses étoffes dont la fabrication appar-
tenoit à des temps très-voisins du nôtre, par conséquent
fort éloignés de ceux où vivoient Pline et Ammien-Mar-
cellin. A cette objection je puis opposer plusieurs raisons;
je vois d’abord que rien ne peut contrarier les applica-
tions que j’ai pu faire des procédés de la fabrication des
étoffes des huitième et neuvième siècles, aux descrip-
tions de celles de leur siècle que nous ont laissées Pline
et Ammien - Marcellin. Tous ces détails bien avérés
m'ont paru prouver que les procédés indiqués dans Pline
ont conservé parmi les fabricans des deux nations, et
pendant plusieurs siècles leur activité entière : qu’ainsi
les deux points de comparaison que j’ai saisis sont tel-
lement incontestables, qu’on ne peut douter de leur
correspondance. Je vois de même que les différentes
manipulations que j'ai fait connoître se sont transmises
par tradition et sans interruption chez toutes les nations
civilisées , depuis leur invention et leur première intro-
duction dans les ateliers; ainsi, parexemple, depuis l’in-
vention deslisses dansles fabriques d'Alexandrie, leurjeu,
leurs combinaisons ont de tout temps été adoptées sui-
DES ÉTOFFES ANCIENNES. 175
vant les besoins des ouvriers qui les ont connues. C’est
ainsi que j’aitrouvé dans nos manufactures ces connois-
sances bien suivies et répandues, de manière que les
toiles, comme les étoffes chargées de dessins les plus
compliqués, s’y fabriquoient avec autant de perfection et
d'intelligence dans les campagnes que dans les villes.
Ce sont ces considérations qui m’ont empêché de suivre
toutes les recherches des époques auxquels on devoit
rapporter le temps précis où les prélats ont été inhumés,
au cas que les étoffes dont nous nous sommes occupés
fussent véritablement leurs dépouilles. Toujours sera-t-il
vrai de dire que les rapprochemens qui n’ont paru si
intéressans, constatent que dans tous les temps les pro-
cédés de fabrication ont été assujettis à une suite de
traditions non - interrompues. C’est ainsi que, par
exemple, dans une chasuble une frange d’une grande
largeur servoit de bordure ; exactement comme Ammien-
Marcellin nous apprend qu’on faisoit usage sur les
tuniques de ses longiores fimbriæ : j'en conclus enfin
définitivement que rien ne s’est perdu dans les procé-
dés des arts usuels et surtout des tissus.
Considérations définitives sur l’industrie des anciens
dans lordre des tissus.
On peut voir par les détails des notes précédentes qu’on
peut extraire des matériaux intéressans de plusieurs au:
teurs anciens ; et surtout de Virgile et de Pline, pour
faire l’histoire de leurs arts, et particulièrement des di£-
férens systèmes de celui des tissus. Mais pour être
176 SUR LA COMPOSITION
éclairé sur tous ces objets d’industrie , pour obtenir des
lumières sur leurs procédés, j’ai cru qu’il falloit en avoir
rassemblé depuis long-temps sur l’état des arts en ac-
tivité dans nos ateliers actuels , de manière qu’il me fut
facile de raccorder nos opérations techniques avec les
produits des arts anciens, transmis par tradition suc-.
cessive de siècles en siècles.
Tels sont les principes qui ont dirigé la marche que
j'ai suivie dans cette étude , et qui me l’ont rendue aussi
agréable que lumineuse. Mais en sentant le besoin de
ces connoissances préliminaires pour ce travail, je crois
que je puis également les exiger de mes juges , de ceux
en un mot qui voudront décider des avantages de mes
recherches à ce sujet. Je ne ferai cas de leur avis qu’au-
tant qu’il sera bien éclairé, d’après ces deux vues, que
je considère comme étant très-liées ensemble , et avoir
une correspondance très-intime; ainsi, je le répète ,
tous les matériaux que m’ont offerts et que m’offriront
par la suite les auteurs anciens que j’ai cités , ne seront
employés avantageusement qu'après qu’on aura pu y
démèêler les moyens et les ressources qui les raccordent
avec les procédés modernes, et qu’on sera bien en état
de trouver dans ceux-ci des copies améliorées ou sim-
plifiées de ces originaux, ou plutôt après qu’on y a re-
connu le germe , l’esprit ou l’ébauche de ce qui a reçu
les plus grands développemens chez nous, tant par la
suite des temps qui favorisent si singulièrement les dé-
couvertes, que par la sagacité des artistes , lorsque les
Gouvernemens éclairés les encouragent. Tels sont les
DES ÉTOFFES ANCIENNES. 177
deux moyens qui ont concouru aux progrès des arts, et
que j’ai suivis avec soin en étudiant les objets qui m'ont
occupé dans ce mémoire.
Je passerois les bornes que j’ai dû me prescrire dans
ce travail, si j’exposois en détail les principaux procédés
de l’art des tissus sur lesquels j’ai trouvé dans les au-
teurs anciens des anecdotes lumineuses et instructives ,
car ces écrivains célèbres , sous plusieurs titres , m’ont
- paru surtout les plus intéressans sous celui de Part des
tissus. Peut - être après avoir réuni toutes ces notes,
pourrai - je publier sur les différentes parties de l’art
entier un ensemble raisonné , qui présenteroit plusieurs
suites de manœuvres à peine aperçues ou mal indiquées
par les commentateurs et les traducteurs.
FIN DU SECOND SEMESTRE DE 1806.
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