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Full text of "Mémoires de Luther : écrits par lui-même"

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TiïE0LOGICMUBRA>RY 


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M<m*tiw« 


A. 


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Ml    WALLENS   KT  C 


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MÉMOIRES 

DE  LUTHER, 

ÉCRITS  PAR  LUI-MÊME. 


TiADvn  R  us  ni  ouu 

rmOPXSStUR    ▲    L'^COLM    ROBHÂLI,    CBET  DS  la   flCTKHI 
IIST0UQU^^XAlC||7Sf  SU  ROTAUMI. 


SOCIÉTÉ  BELGE  DE  LIBRAIRIE.  ETC. 

HAnUN,  CATTOIB  BT  COIIPAaini. 


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C«  mimyafifë  nîest  poîafttn  roman  liistoriqne 

>  l'^li^Vae  Luther,  pas  davanta^nae  histoire 

eltfondalion  da  lutbéranisnie.  €  estaneft^ra^ 

}\àt^  composée  d*un€  suite  de  traduulioii& 

Ife  premières  années,  que  Luther  ne  pouvait  race 

[terliii-mèiiie,  le  traducteur  a  eu  rarement  bcsoï] 

pe  prendre  la  parole.  Il  n'a  guère  fait  autre  eho 

huecliomrf  dater ,  ordonner  les  textes  épârâ.  Ceê 

comtamment  Luther  qui  parle,  toujours  Lutherl 

I  raconté  par  Luther,  Qui  serait  asset  hardi  pouJ 

liDèler  ses  paroles  à  celles  d'un  tel  homme  ?  11  fal 

Tome  1  l 


^oogle        M 


«—   TI    — 

lait  se  taire,  et  le  laisser  dire.  Cest  ce  que  Ton  a 
iait ,  autant  qu'il  ^tait  possible. 

Ce  travail ,  publié  en  18S5,  a  été  fait  presque 
entièrement  dans  les  années  1828  et  1829.  Le 
traducteur  de  la  ScisuMa  nuova  sentait  vivement 
à  cette  époque  le  besoin  de  redescendre  des  tbéo- 
ries  aux  applications,  d'étudier  le  général  dans 
l'individuel,  Tbistoire  dans  la  biographie,  Thu- 
manité  dans  un  bonmie.  Il  lui  fallait  un  homme 
qui  eût  été  boni  m  n  i^l^iHÉÉm|^iiissance ,  un 
individu  q^ifàt  à  la  niTiÔie  pnrHOnflfe||||lle  et 
nnei^ée;  de  plus,  un  bomme  complfK^^j^^^^ 
^ûtîeld'action^^  un  homme  enfin  dont  la  viefùtoRM 
nue  tout  entière ,  et  dans  le  plus  grand  détail  , 
dont  tous  les  acteit ,  toutes  les  paroles ,  eussent  été 
tiotés  et  recueillis. 

Si  Luther  n'a  pas  iait  lui-même  ses  mémoires , 
l  les  a  du  moins  admirablement  préparés  (1).  Sa 


(i)  Nous  avons  suivi  pour  les  oeoTres  allemandes  l'é- 
kionde  Wiitcmbcrg^  en'ia  ▼ol.  in-folio,  T539-1&59; 


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y 


—    TU    — 

correspondance  n'est  guère  moins  Tolomineuse 
que  celle  de  Voltaire.  De  plus  il  n'est  auenn  de  ses 
ravnges  dofpnatîques  ou  polémiques  où  il  n'ait, 
nos  y  songer,  déposé  quelque  détail  dont  le  bio- 
^pbe  peut  iaire  son  profit.  Ajoutez  que  toutes 
ies  paroles  ont  été  ayidement  recueillies  par  ses 
<iisciples.  Le  bon,  le  mauyais,  l'insignifiant,  ils  ont 
URit  pris;  ce  que  Luther  laissait  échapper  dam  la 
conversation  la  plus  familière ,  au  coin  du  feu ,  au 
lirtiln^àtable^^fl^HiiU^Ëj,  la  moindre  chose 
i{u  il  dffiMii  lâ  femme  ,  k  ses  enJknâ.  à  lui-même, 


i  latioea  ,  celle  de  Wittf mbetg ,  effynrol. 

- 1 5  5  8y  q  u  elqti  efois  celle  d*X  éna ,  t  boa- 1 6 1 

\  ToL  in-folio  j  pourlea  Tùcfir£den,Véd\ÛQuàç¥n 

i  y'^^  In-fullo,  Ou  troiiTera  à  la  fin  du  §econd  vciliifl 

.  ;<^o*sqtjiperinetieiitdevérîfîercîiaquepassage< 

I     Qbsuk  ùtxx  citations  lîréei  dc^  Lettres  ,  elles  ouï 

I  «méiaeiil  datées  dîins  le  texte.  La  daïe  rend  lotit  rea 

^cpcrjlu  ;  elle  saHit  pasr  faire  irouver  aisément  ce 

■  i^esdaits  Teiïcclleûte  édilian  de  W,  Do  Wette,  5  tq 

^  '  ;  Berlin,  1 8a  5*  Indépendamment  des  œuvres  de  Lq 

I  ^jHoqsstoiu  oui  à  profit  quelques  auues  ouvrag 


fy  Google 


—    YIII    — 

vite  ils  récriyaieiit.  Un  homme,  observé  et  suivi 
de  si  près,  a  dà  à  chaque  instant  laisser  tomber 
des  mots  qu'il  eût  voulu  ravoir.  Plus  tard  les  lu- 
thériens y  ont  eu  regret.  Ils  auraient  bien  voulu 
rayer  telle  Ugne ,  arracher  telle  page.  Quod  êcrip" 
tum  est,  êcriptum e$t. 

C'est  donc  ici  le  vrai  livre  des  Confessions  de 
Luther,  confessions  négligées,  éparses,  involon- 
tûr<BS,etd'autantj^«Myiv  ^  ui|^e  Rousseau 
sont  à  coup  y  r  itu:|Rs  naïves,  edles  deMat.4u' 
gu5tin.,tfiûiiis  cfmplètes  et  moins  variées.     ^^^^ 

J!  ^ 

^çomme  biographie,  celle-ci  se  placerait,  s'il 
f  Tedl  écrite  lui-même  en  entier,  entre  les  deux  au- 
tres dont  nous  venons  de  (aire  menlion.  Elle  pré- 
ate  réunies  les  deux  faces  qu'elles  offrent  sépar 
êes.  Dans  saint  Augustin ,  la  passion ,  la  nature  , 
individualité  humaine ,  n'apparaissent  que  pour 
tre  immolées  à  la  grâce  divine.  C'est  l'histoire 
l'une  crise  de  l'âme,  d'une  renaissance,  d'une 


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y 


—    IX   — 

yit9  muava;  le  sainteût  rougi  de  nous  (aire  mieux 
comiaitre  l'autre  Tie  qu'il  avait  quittée.  Bans  Rous- 
teaa,  c'est  tout  le  contraire;  il  ne  s'agit  plus  de 
k  grâce  ;  la  nature  règne  sans  partage ,  elle  triom* 
phe,  elle  s'étale;  cela  Ta  quelquefois  jusqu'au  dé- 
goût. Luther  a  présenté ,  non  pas  l'équilibre  de 
h  grâce  et  de  la  nature,  mais  leur  plus  doulou- 
reux combat.  Les  luttes  de  la  sensibilité,  les  ten- 
tations plus  hautes  du  doute,  bien  d'autres  hommes 

F  en  ont  souilert|  pnseat  U.^  eul  (WidcjmraeDt,  il  les 
ri^jilpilllil  en  mourut,  Luther  n'a  rien  caehé,  il 

^^t^cêt  pu  contenir.  Il  a  donn^  à  roir  emliài  t  àson- 
ier,  la  plaie  profonde  de  notre  iiaUirc,  Ce^'® 
:^*?til  bomme  peut-être  oii  Ton  puisse  elud 

L    |tlaisr€ette  terrible  anatomie^ 

Joaqulci  on  n'a  montré  de  Luther  que 
duel  contre  Rome.  Ifous,  nous  donnons  sa 
eiïttèrc,  scseombatâi  ses  doutes,  ses  tentation 
«es  conâolations.  L'homme  nous  occupe  ieî  aufj 


1. 


I  Google 


—    X    — 

ce  violent  et  terrible  réformàtmir  du  nord ,  non 
fms  seulement  dans  son  nid  d'aigle  à  la  Wart* 
bourg,  ou  braTHnt  l'Empereur  et  l'Empire  à  la 
diète  deWormt  ,|iiai8  dans  sa  maison  de  Wîttem- 
berg,  an  nnlieu  de  ses  graves  amis ,  de  ses  enfiuia 
qui  entourent  la  table  ,  se  promenant  avec  eux 
dans  son  jardin,  sur  les  bords  du  petit  étang , 
dans  ce  cloître  mélancolique  qui  est  devenu  la 
demeure  d'une  fi&mille;  nous  l'entendons  rêvant 
tout  haut,  trouvau^^iis  tottt  ett|^'entoure , 
dans  la  ûexa^mB  le  fruit ,  dafs  roi» 
passe  y^  gTavfei  et  pieuses  pensées. 


is«H^ui 


^Êfàelqne  sympathie  que  puisse  inspirer  cette 
timnble  et  puissante  personnalité  de  Luther» elle 
\  doit  pasiniliiencer  notre  jugement  sur  la  doc- 
ivme  qu'il  a  enseignée, sur  les  conséquences  qui 
|eii  sortent  nécessairement.  Cet  homme  qui  fit  de 
la  liberté  un  si  énergique  usage»  a  ressuscité  la 
[héorie  augu^^tbienne  de  l'anéantissement  de  la 
s  né.  Il  a  immolé  le  libre  arbitre  à  la  grâce^ 


dby  Google 


^' 


—  Il  — 

rhomaie  à  IHen,  h  monde  à  une  aorte  de  hUi- 
Bé  proTidentielle. 

De  nos  jours  les  amis  de  la  liberté  se  recom- 
iBiadent  volontiers  du  fataliste  Luther.  Gda  sem- 
ble bizarre  an  premier  coup-d'cail.  Luther  lui- 
fliêne  croyait  se  retrouver  dans  Jeau  Hnss,  dans 
les  Yaudols ,  partisans  du  libre  aritntre.  C'est  que 
ces  doctrines  spéculatives,  quelque  opposéesqu'el- 
I       '  ,ii-Hwi.  »tî  renLOJilrejit  tcîtitefois  dans  leur 

I  ijHi  d'actfoo  f  la  gouTeraiiieté  de  la  raison 

M^difidnelle ,  la  résistance  au  prmG^|il4C|tclîlîon^ 
HBI  *  à  l'autorité. 


Il  n'est  donc  pas  inexact  de  dire  que  LuB 
été  le  restaurateur  de  la  liberté  pour  les  dernîêf* 
iièeiei.  S'il  Ta  niée  en  théorie,  il  Ta  fond*^©  end 
f^ffi6que.  Il  a»  sinon  fait ,  au  moins  couraijf^iifte* 
ment  ligné  de  son  no  ni  la  ^ande  révolutioii  i^ii 
téfiliâa  en  Europe  le  droit  d'exaincnXe  premier 
droit  de  l'inlellîçence  bumaine,  auquel  tou 


oogle 


ù 


—  «I  — 

autres  sont  rattachés,  si  nous  l'exerçons  aujour-* 
d'hui  dans  sa  plénitude,  c'est  à  lui  en  grande 
partie  que  bous  le  devons.  Nous  ne  pouvons  pen- 
ser, parler,  écrire,  que  cet  immense  bienfait 
de  l'a£Eranchissement  intellectuel  ne  se  renou- 
velle à  chaque  instant.  Les  lignes  mêmes  que  je 
trace  ici,  à  qui  dois-je  de  pouvoir  les  publier,  si* 
non  au  libérateur  de  la  pensée  moderne  ? 

Cette  dette  payée^jJHÉlpr^ noâl ne  craîridrons 
pas  d 'avouer jgia  pjr  sympathies  les  pluÉtfujtes 
ïie  son^^  de  ce  coté.  On  ne  trouvera  pB^ffff 
VéiimkérsLÛon  de^  causes  qui  rendirent  la  vic-^ 
t^Pl^du  protestantisme  inévitable.  Nous  ne  mon- 
trerons pâs,  après  tant  d'autres,  les  plaies  d'une 
iise  où  nous  sommes  nés,  et  qui  nous  est  si 
re.  Pauvre  vieille  mère  du  monde  moderne, 
&niéc,  battue  par  son  fils,  certes,  ce  n'est  pas  nous 
Iqui  voudrions  la  blesser  encore.  Nous  aurons  oc- 
sioTi  de  dire  ailleurs  combien  la  doctrine  ca- 
s  se^nhle,  sinon  plus  logique,  au  i^qin^ 


^^ique  pousse 


dby  Google  > 


I 


—    XIII    — 

phs  jadicieuae,  plus  féconde  et  plus  complète 
que  oelle  d'aucune  des  sectes  qui  se  sont  élevées 
cQotr*  elle.  Sa  faiblesse,  sa  grandeur  aussi,  c'est 
de  n'sToir  rien  exclus  qui  fûtde  Thomme ,  d'avoir 
voulu  satisGedre  à  la  fois  les  principes  contradictoi- 
res de  l'esprit  humain.  Cela  seul  donnait  sur  elle 
des  succès  faciles  à  ceux  qui  réduisaient  l'homme 
à  tel  ou  tel  principe,  en  niant  les  autres.  L'uni- 
▼enel,  en  quelque  sens  qu'on  prenne  le  mot,  est 
ikilîle  rony^rèOpéGial*  Vhéréme  est  uu  chotjr, 

BfâlInTHi'   Spécialité  dopii^on,  spécialité  de 

|aj«.  l^ldolT,  Jean  Hu$s,  étaient  d'icdens  patrio- 
I*iî  le  saiofi  Luther  fut  rArminius  de  lamoat^rno  | 
illcmâ^e.  Universelle  dans  le  temps,  ^I^H^s- 
pice.dam  la  doctrine ,  l^Égli se  avait  conlre^a- 
dm  rinfériorité  dVne  mo y e une  commune.  lî^Ai 
fclkîl  luUcr  pour  Funité  du  monde  contre  fca 
fbrcei  diT erses  du  monde.  Comme  grand  non 
eOe  contenait,  elle  traînait  le  mauvais  bagage  < 
tièda  et  des  timides.  Comme  gouTernen 
elle  rencontrait  toutes  les  tentations  mondaifii^i. 


^ 


■^zmS'  ^oogle 


I 


—    XIT    — 

Comme  centre  des  traditions  religieuses,  elle  re- 
cerait  de  toutes  parts  une  foule  de  croyances  lo- 
cales contre  lesquelles  elle  arait  peine  à  défendre 
•on  unité,  sa  perpétuité.  Elle  se  présentait  au 
monde  telle  que  le  monde  et  le  temps  FaTaient 
I  faite.  Elle  lui  apparaissait  sous  la  robe  bigarrée 
I  de  l'histoire.  Ayant  subi,  embrassé  l'humanité 
tout  entière,  elle  en  avait  aussi  les  misères,  les 
contradictions.  Les  petites  sociétés  hérétiques,  fer* 
ventes  par  le  péril  etl^jlH||ytfM|^^t partant 
plus  pures,  plu^^HpMinHtatiaai 
naissaient  JIé  irlfiJlTOmopolite.  et  se  cofl 
I  avec  ^gtieîl.  tn  pieux  et  profond  mystique 
Hliili  et  àcs  Pays-Bas,  l'agreste  et  simple  Yaudois, 
pj|  connue  Therbe  des  Alpes,  avaient  beau  jeu 
pMT  accuser  d'adultère  et  de  prostitution  celle 
rtjwf avait  tout  reçu,  tout  adopté.  Chaque  ruisseau 
liourrait  dire  à  TOcéan,  sans  doute:  Moi,  je  viens 
jk  ma  mon  Li  gnc ,  j  e  ne  connais  d'eau  que  les  mien- 
^p.  Toi,  tu  reçois  les  souillures  du  monde^ 
ù,  mab  je  suis  l'Océan. 


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—    XT    — 

Voilà  ce  qu'il  fandfmil  poaTOÎr  clive  eC  dére^ 
lopper.  Aucun  lirre  plni  que  celuî^ci ,  n'auimii 
bcfoin  d'une  introduction.  Pour  saToir  comment 
Luther  fut  obligé  de  fiaire  et  solnr  ce  qu'il  •p' 
pelle  lui-même  la  plu8  extrême  des  misères  ;  pour 
comprendre  ce  grand  et  malheureux  homme  qui 
remit  en  marche  Feaprit  humain  à  Tinstant  même 
où  il  croyait  le  reposer  sur  Foreiller  de  la  grâce  ^ 
pour  apprécier  cette  tentative  impuissante  d'u^ 
nion  entre  ^j^^^^^jme,  il  faudrait  connaître 
les  es  .4i^  i^JuTclfl^HIJ^lHj^firent,  avant  et 
^JJ^Kky  1^  mvsliques,  les  rationalbtea ,  c'est-à' 
dire  esquisser  toute  Fhistoire  de  la  relîgH|achré- 
tienne.  Cette  introduction  si  nécessaire,  pi^ut^ro 
dans  quelque  temps  me  déciderai -je  à  la 
ner. 

Pourquoi  donc  sgoumer  encore  ici  ?  pourqnDi 
commencer  tant  de  choses  et  sWrcter  toujours  c9i 
chemin  ?  Si  l'on  tient  à  le  savoir  ,  je  le  dirai 
lontiers. 

A  moitié  de  l'histoire  Romaine  »  j'ai  reDcontf 


rscQi 


Google 


le  chrisUaniame  naissant.  A  moitié  de  l'histoire  de 
France  je  Fai  rencontré ,  vieillissant  et  affiiissé  ; 
ici ,  je  le  retrouve  encore.  Quelque  part  que  j'aille 
il  est  devant  moi ,  il  barre  ma  route  et  m'empêche 
de  passer. 

Toucher  au  christianisme!  ceux-là  seuls  n'hé- 
siteraient point  qui  ne  le  connaissent  pas....  Pour 
mOi ,  je  me  rappelle  les  nuits  où  je  veillais  une 
mère  malade;  elle  souffrait  d'être  immobile,  elle 
demandait  qu'on  l'ai^^^chaD^er  .^de  place  et 
touUdtse  retouiyp^r.  Les  mains  filta1ea^a|tejun[t  ; 
commen^emuer  se^  membres  endolor 


men^ein 


Voilà  bien  des  années  que  ces  idéeis  me  travail-^ 

l^t  Elles  font  toujours  dans  cet£e  saison  d'ora-^ 

gpile  trouble  1  la  rêverie  de  ma  solitude.  Cette 

côiiv  e  rsati  on  i  ntéri  e  ure  qui  devraîtamé  liorer,  elle 

É^M  douce  au  moins ,  je  ne  suis  pas  pressé  de  la 

EitTr  ni  de  me  séparer  encore  de  ces  vieilles  et 

|£e3  pensées. 

Août  1835. 


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V 


filtimùitt0 


DB 


LITRE  Premier. 

WÊÊ^^    CHAPITRE  PREMIElIJi^k 

'  1488— 1K17.  ^l 

NaissaiiMt  Vacation  de  Luther,  son  ordio«tioB«  les  tentatloi^^^ 
son  TOjage  4  Aome.  ^H 


e  JTai  souvent  conversé  avec  Mélanchton ,  elj 
lui  ai  raconté  toute  ma  vie  de  point  en  point.  Jci 
suis  fils  d'un  paysan  ;  mon  père ,  mon  grand-père  « 
mon  aieul,  étaient  de  vrais  paysans.  Mon  père  eilL 


\ 


Digitized  bjLjOOÇlC 


2  MÉH0IES8 

allé  à  Mansfeld ,  et  y  est  devenu  mineur.  Mol ,  j  y 
Buis  né.  Que  je  dusse  être  ensuite  bachelier,  doc- 
teur ,  etc. ,  cela  n'était  point  dans  les  étoiles.  ]\*ai-je 
pas  étonné  les  gens  en  me  faisant  moine  ?  puis  en 
quittant  le  bonnet  brun  pour  un  autre?  CelaTrai- 
ment  a  bien  chagriné  mon  père ,  et  lui  a  fait  mal. 
Ensuite  je  me  suis  pris  aux  cheveux  avec  le  pape , 
j'ai  épousé  une  nonne  échappée,  et  j'eri  ai  eu  des 
enfans.  Qui  a  vu  cela  dans  les  étoiles?  Qui  m'aurait 
annoncé  d'avance  qu'il  en  dût  arriver  ainsi?» 

Jean  Luther,  père  de  celui  qui  est  devenu  si 
célèbre ,  ('  taî  t  d  e  Mn  ru  oaJttoMJH» ,  j  m  I  ît  v  illagc  do 
Saj^e,  ]»rès  d'£iscii^n^  Sa  mère  cLi.it  lilli||j_\iii  bour- 
geois iJ  e  ce  1 1 1>  \  ille ,  o  u ,  st^l  on  1 1  n  (*  l  r;ï  d  i  tjoukouo 
j'aclo[ït#riiîf5pliiSTol(mliers,  de  Aeustadt  i?ttÇ 
cQiù^,  Si  Ton  eu  croyait  un  auteur  moderne" 
mfm€  poLal  ses  autorités,  Jean  Luther  aurait  eu^ 
îemrillu'ur  de  tuer  dans  une  prairie,  un  pay^san  qui  ; 
i  y  faisiiit  paître  ses  troupeaux,  et  eut  été  foreé  do  i 
•«e  retirer  k  Eialebcn,  plus  tard  dans  la  vallée  de 
/ManstV'ld.  Sa  femme  Tavait  suivi  enceinte  ;  elle  ac- 
f  eoucha  en  arrivant  à  Ei.slcben  de  Martin  Luther.  ' 
f  Le  père,  qui  n'était  qu^un  pauvre  mineur,  av^iît 
4|   bien  de  la  peine  ii  soutenir  sa  fomille ,  etl'on  verra 
lout-a-rheure  que  s*rs enfans  furent  obligées  quel-, 
efoisde  vivred  aumône.  Cependant  au  lieu  dn. 


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:> 


DB   LDTUUL.  S 

les  fcire  traYaiUer  avec  lui,  il  voulut  qu'ils  allas- 
mi  aux  écoles.  Jean  Luther  parait  avoir  été  un 
homme  plein  de  simplicité  et  de  foi.  Lorsque  son 
{Kuteur  le  consolait  dans  ses  derniers  momens  ; 
«Pour  ne  pas  croire  cela,  dit-41,  il  faudrait  être 
on  homme  bien  tiède.  •  Sa  femme  ne  lui  survécut 
paid'ime  année  (1531).  Usavaient  alors  une  petite 
fortone ,  qu'ils  devaient  sans  doute  à  leur  fib.  Jean 
Luther  laisKi  une  maison ,  deux  fourneaux  à  forge, 
eteanron  mille  thalers  en  argent  comptant 
Les  armes  du  père  de  Luther ,  car  les  paysans  en 
rriaieijt  .:  i  *i***ULiua  lir-,  :  u'unes  des  lîoblci, 
uicat  loal  îiiiiipk'iEïf'Ht  ufi  i. marteau,  LuiliL^r  no 
ai  ai'  S!  s  pareils. ïî  acoiisi.ieré  leur  nom 
iiiile  dtrbénrdît'  '?ila:  « /fans, 

çndre  6Vef/jf  (Jeiui .  ._..:^;Lierit^Éb 
«Cest  pour  moi  un  devoir  de  piété  t  dit^MlRUt- 
lâiKlilon,  dam  ia  letlre  où  il  lui  anuouec  la  mvti 
^«^JetnLtitherf  de  pleurer  ecliii  duquel  le  Père 
^irmiiéricûrde  mt\  fait  naitre,  celui  par  les  travaux 
^  leiaiaurs  duquel  Dieu  m'a  nourri  et  m'a  for 
iri  que  je  suis^  quelque  peu  que  je  sois.  Certes, | 
ioefi|}ûiiis  quil  ail  vécu  jusqu  aujourd'hui  pôlî 
Tmtlaliitnière  de  la  Térîté.  Béni  ^it  Dieu  [loucf 
'  "-'■  '  linglous  flcsconsctlsetaes  décret  !  amenfl 
j  LuTUE»  OU  Luder ,  ou  Loliier{car  ilgigxig 


/ 

oogle 


I 


4  llilIOIEES 

quelquefois  ainsi),  naquit  à  Eisleben ,  le  10  noTem- 
bre  1489,  à  onze  heures  du  soir.  Envoyé  de  bonne 
heure  à  Técole  d'Eisenach  (1-489),  il  chantait  de- 
vant les  maisons  pour  gagner  son  pain,  comme 
faisaient  alors  beaucoup  de  pauvres  étudians  en 
Allemagne.  C'est  de  lui  que  nous  tenons  cette  parti- 
cularité. «Que  personne  ne  s'avise  de  mépriser  de- 
vant moi  les  pauvres  compagnons  qui  vont  chantant 
et  disant  de  porte  en  porte  :  panempropter  Deum  I 
vous  savez  comme  dit  le  psaume  :  les  princes  et 
lei  rois  ont  chanté.  Et  moi  aussi ,  j'ai  été  un  pau- 
vre mendiant,  j'ai  rec^^MMM^  portes  des 
maisons,  partie ul^^^PHHH^^^^dans  ma 
chère  ville  ! 
Il  irojngt^/Kik  une  subsistance 

L  maison  de  la  dame  Ursula, 
Schweickard ,  qui  eut  ] 
'  ce  jeune  enfant.  Les  secours  de  cette 
î  charitable  le  mirent  à  même  d'étudier  qua- 
is àËisenach.  £n  1301 ,  il  entra  à  l'université 
furth ,  où  il  fut  soutenu  par  son  père.  Luther 
:  quelque  part  sa  bienfaitrice  par  des  mots 
;  d'émotion ,  et  il  en  a  gardé  reconnaissance 
[femmes  toute  sa  vie. 

près  avoir  essayé  de  la  théologie,  il  fut  décidé, 
conseils  de  ses  amis,  à  embrasser  l'étude 


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DX   LUTHIR.  5 

du  droit ,  qoi  conduisait  alors  aux  postes  les  plus 
locrati^  de  TËtat  et  de  l'Église.  Mais  il  ne  semble 
pas  s'y  être  jamais  livré  avec  goût.  Il  aimait  bien 
mieux  la  belle  littérature ,  et  surtout  la  musique. 
C'était  son  art  de  prédilection.  Il  la  cultiva  toute 
sa  vie ,  et  l'enseigna  à  ses  enfans.  Il  n'hésite  pas  à 
déclarer  que  la  musique  lui  semble  le  premier 
des  arts  après  la  théologie.  «  La  musique  est  l'art 
des  prophètes;  c'est  le  seul  qui,  comme  la  théo- 
logie, puisse  calmerles  troubles  de  l'âme  et  met- 
tre le  diable  en  fuite.  >  Il  touchait  du  luth ,  jouait 
de  la  flùte^AM||ÉaMA^  réussi  encore  dans 
d'autr^^^HpHHHBÏu^iond  peintre  Lucas 
Ci^l^^^IPPait ,  ce  semble ,  adf^^e  ses  mains, 
,  tourner, 
goût  pour  la  musique  et  la  nWHBe  ,  la 
lecture  assidue  des  poètes  qu'il  mêlait  aux  éludes 
de  la  dialectique  etdu  droit,  tout  cela  n'annonçai 
point  qu'il  dût  bientôt  jouer  un  r61e  si  sérieux  dim» 
l'histoire  de  la  religion.  Diverses  traditioQsportiA- 
raient  à  croire  que,  malgré  &qii  application ,  11 
partageait  la  vie  des  étudians  allemands  de  relia 
époque:  cette  gai  té  dans  l'indigence,  ces  ha!*i  In- 
des bruyantes  ,  cet  extérieur  belliqueux  a\  e(*  ujif 
•âme  douce  et  un  esprit  pacifique  ^  roâtentalion  du 
déM)rdre  avec  des  mœurs  pures.  Certes,  si  qurU 

■■■'     ^-  ^ 

Datiz^^OOgle 


DS   LUTBE&.  7 

H  resta  un  mois  sans  se  laisser  Toir.  Il  sentait  corn- 
Ikien  il  tenait  encore  au  monde  ;  il  craignait  le  vi- 
n^e  respecté  de  son  père ,  et  ses  ordres  et  ses  priè- 
res. Ce  ne  fat ,  en  effet ,  qu'au  bout  de  deux  ans 
que  Jean  Luther  le  laissa  Êûre  et  consentit  à  assis- 
ter à  son  ordination.  On  avait  choisi  pour  la  céré- 
monie le  jour  oii  le  mineur  pouvait  quitter  ses  tra- 
nui.  Il  Tint  à  Erfurth  avec  plusieurs  de  ses  amis , 
et  donna  au  fils  qu'il  perdait,  ce  qu'il  avait  pu  met- 
tre de  côté ,  vingt  florins. 
U  ne  iaut  pas  croire  qu'en  prenant  ces  enga* 

^jeruens  r  r ,  ;  > ,    . ,  u;  jjuuvea  ii  prélre  fiit  poussé 

pamneibrrc^r  ftingiilT^ra^oua  avons  yu  avec 
de  litléralure  «BoiïJiiirje  il  étiiit  en- 
cloitre.  Écoutons-le  lu|j^t^mc  sur  les 
^ïSfKtiîtioiis  qu'il  y  apportait:  •  Lorsque  jt^  du  ma 
Irramière  messe  h  Erfurth,  j' étais  prc^(ue  tiinri: 
'ïrjt  n  a^ais  aucune  foi.  Je  voyais  seulement  quo 
fAib  très  digne.  Je  ne  me  regardais  point  comiiic 
impécbeur*  La  preinière  messe  était  ehofle fort 
lâibrée  et  dont  il  revenait  beauœup  d'arfciit. 
On  apportait  les  hora^  canonicait  aveu  des  fiaiii- 
^mm.  Le  eher  jeune  fsi^neur,  comme  let»  payâajbs 
■appelaient  leur  nouveau  euré,  devait  alors  dan- 
ger ivee  m  mère,  si  elle  vivait  encore,  ellesfs^i^ 
fnnsrn  pleuraient  de  joie.  Si  elle  liait  mOfte^  il 


8  MiMOlREf 

la  mettait,  dûaît-on,  sous  le  calice,  et  la  sauvait 
du  purgatoire.» 

Luther  ayant  obtenu  ce  qu'il  voulait ,  étant  de- 
venu prêtre,  moine,  tout  étant  consommé,  et  la 
porte  close,  alors  conunencèrent ,  je  ne  dis  pas 
les  regrets,  mais  les  tristesses,  les  perplexités,  les 
tentations  de  la  chair ,  les  mauvaises  subtilités  de 
l'esprit.  Nous  ne  savons  guère  aujourd'hui  ce  que 
c'est  que  cette  rude  gymnastique  de  l'Âme  solitaire. 
Nous  donnons  bon  ordre  à  nos  passions.  Nous  les 
tuons  à  leur  naissance.  Dans  cette  énervante  dis- 
traction d'afi&iires,  d'étu(^f^A|^w|unces  fiiciles, 
dans  "Cette  satiété  p]^nPMHH|^^^^^prit, 
comment  se  re^|^HR)r  les  guerre 
que  se  livr||fl^^W-méme  l'homme 
âge,  l^Jj^HaTeux  mystères  d'une  vie  abstint 
et  fa^|P|ue,  tant  de  combats  terribles  qui  ont 
1  bruit  et  sans  mémoire  entre  le  mur  et 
i  vitraux  de  la  pauvre  cellule  du  moine? 
l'archevêque  de  Mayence  disait  souvent  :  Le 
humain  est  comme  la  meule  d'un  moulin, 
^n  y  met  du  blé,  elle  l'écrase  et  en  fait  de  la 
3;  si  l'on  n'en  met  point,  elle  tourne  tou- 
,  mais  s'use  elle-même.  » 
Lorsque  j'étais  moine,  dit  Luther ,  j'écri- 
vais'ipuvent  au  docteur  Staupitz.  Je  lui  écrivais 


1 


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%  DJ&  LUTHia.  0 

tmelbîs:  Oh!  me^  péchés  hnes  péchés!  mes  péchés! 
A  quoi  il  me  répondit .  i  Tu  veux  être  sans  péché, 
et  ta  n'en  as  pourtant  aucun  yéritable.  Christ  a 
été  le  pardon  des  péchés.  « 

■ ...  Je  me  confessais  souvent  au  docteur  Stau- 
pttz,  non  d'affiiires  de  femmes,  mais  de  ce  qui  fiiit 
le  nœnd  de  la  question.  Il  me  répondait  ainsi  que 
tons  les  autres  confesseurs  :  Je  ne  comprends  pas. 
Enfin  il  Tint  me  trouver  à  table  et  me  dit  :  Gom- 
ment donc  étes-vous  si  triste,  firaier  Martine  f — 
Ah  !  oui ,  je  le  suis,  répondis-je.  —  Vous  ne  savei 
I    pa»,  dll~il,  q^^^^^^^gptation  vous  mi  bon  no 
I    et  néce^M^^H^ne  ferait  iH>iineqLi^à  vous.  Il 
Tfïi^l^^^HRiemc'nt  {|ue  j'étaîi  savant ,  et  quâ 
^I^HfHqnilîoiiSf  je  devieudrals  ticr  et  ori^ueil- 
^^Ei;  mats  j'ai  eoiuprh  plus  tard  que  c^éiuit  anti 
^Hdîx  et  une  parole  du  Saint-Kâprît.  > 
^P   Luiher    raconte  atlleurâ    quo   ces  tentations 
ztraiem  réduit  à  un  tel  état ,  que  pendant  qua- 
^nejouriil  ti'avnit  ni  bu,  ni  niante  ^  ni  donnl. 
•  Ah  î  si  saint  PéIuI  vivait  aujourd'hui ,  que  j« 
Mudraii  savoir  di>  ïui-mènie  quel  genre  de  t€m- 
>lioiiîl  a  éprouvé.  Ce  n'était  point  faiguillon  d©^ 
■  3^  rhair,  ee  n*était  point  la  bonne  Técla,  conmtc 
.iî  rhcni  îe*  papistes,  OH  î  non,  ee  n'était  point 
H|  an  péché  qui  lui  eût  déchiré  la  couicimco^ 


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10  MÉKOIBES  ,  ^ 

C'est  quelque  chose  de  plus  haut  que  le  désespoir 
causé  par  les  péchés;  c'est  plutôt  la  tentation  don% 
il  est  parlé  dans  le  psaume:  Mon  Dieu,  mon  Dieu 
pourquoi  m'as-tu  délaissé  ?  Comme  s'il  voulait 
dire  :  Tu  m'es  ennemi  sans  cause;  et  comme  dans 
Joh:  Je  suis  pourtant  juste  et  innocent.  Je  suis  sûr 
que  le  livre  de  Job  est  une  histoire  véritable 
dont  ona  Ceiit  ensuite  un  poème....  Jérôme  et  au- 
tres pères  n'ont  pas  senti  de  telles  tentations.  Ils 
n'en  ont  connu  que  de  puériles,  celles  de  la  chair, 
qui  ont  pourtant  bien  aussi  leurs  ennuis.  Augus* 
tin  et  Ambroise  ont  ei^ug^^l|ntation8  et  ont 
tremblé  devant  ^e^^Kj/tt^j^^j^^Tien  en 
comparaison  di^pjpTde  Satan^l^^^^  c/es 
poings,.,,  S^pPTeacore  un  peu, , 
un  liyM^Jp  les  tentations,  sans 
hojl^Pae  peut  ni  comprendre  la  sainte  Écritui 
n^Hnaitre  la  crainte  et  l'amour  de  Dieu.> 
^K..  J'étais  malade  à  l'infirmerie.  Les  tentations 
les  plus  cruelles  épuisaient  mon  corps  et  le  mar- 
tyrisaient, de  sorte  que  je  pouvais  à  peine  respi- 
<r  et  haleter.  Aucun  homme  ne  me  consolait: 
is  ceux  auxquels  je  me  plaignais,  répondaient: 
ne  sais  pas.  Alors  je  me  disais:  Suis-je  donc  lo 
seul  qui  doive  être  si  triste  en  esprit?...  Oh!  que 
je  voyais  des  spectres  et  des  figures  horribles!... 


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m  urma.  Il 

^lais  il  y  a  dix  ans,  Diea  roe  donna  une  cmisola- 
tÎQD  par  ses  ohere  an^es,  cello  de  combattre  et 
d'écrire.  » 

Il  noua  explique  Im-méme  longtemps  après  « 
Tannée  même  qui  précéda  celle  de  sa  mort ,  de 
quelle  nature  étaient  ces  tentations  si  terribles. 
«  Dès  les  écoles,  en  étudiant  les  épitres  de  saint 
Paul,  j'avaû  été  saisi  du  plus  TÎolent  désir  de 
savoir  ce  que  saint  Paul  voulait  dire  dans  l'é-' 
pitre  aux  Romains.  Un  seul  mot  m'arrêtait  :  jusii^ 
iia  Dêi  reveUUuriniilo,  Je  baissais  ce  moifjuêiHià 
De%  parce  q^^^lû^j^j^i^  des  docteurs,  j'avais 
appris  à  rn^^^^rfujiiftici;  ;  t  ctive,  par  laquelle 
I c-^i } 'i ^^^HpFptj uiliv^  mfi^^^ ^^  pécbeurs. 
m  Elis  In  vie  d  uii  m^il^Hk|réhensible, 
pourtant  sentais  en  moi  uNSni^itiir  e  in- 
du pécheur,  sans  parvenir  à  nio  ra^surrr 
.  satisfaction  que  je  pouvais  faire  ii  Tïïcn^e 
Eii'aimais  point,  non,  il  faut  le  dire,  je  huiitoiuAe 
Keu  juste,  vengeur  du  pécbé.  Je  Tirijid^|mis 
'^^ntre  lui.  C'était  en  moi  un  grand  murmure ,  n 
'ce  n'était  blasphème,  Je  disais:  «  N'est^e  donc 
pas  assez  que  les  malheureux  pécheurs,  déjà  per« 
dus  éternellement  par  le  péché  originel,  aient  été 
accablés  de  tant  de  calamités  par  la  loi  du  déca-' 
logue;  il  faut  encore  que  Dieu  ajoute  la  douleur 


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12  xiHOI&BS 

à  la  douleur  par  son  Évangile,  et  que  dansFÉran- 
gile  même  il  nous  menace  de  sa  justice  et  desai 
colère?...  »  Je  m'emportais  ainsi  dans  le  tronblo 
de  ma  conscience,  et  je  revenais  toujours  frapper 
au  même  endroit  de  saint  Paul,  brûlant  de  pé- 
nétrer ce  qu'il  voulait  dire. 

m  Comme  je  méditais  nuit  et  jour  sur  ces  paroles 
(La  justice  de  Dieu  se  révèle  en  lui,  comme  il  est 
écrit:  le  juste  vit  de  la  foi),  Dieu  eut  enfin  pitié 
de  moi  ;  je  compris  que  la  justice  de  Dieu,  c'est 
celle  dont  vit  le  juste,  par  le  bieniait  de  Dieu, 
c'est-à-dire  la  Foi  ;  et  ou^^^^uge  signifiait  : 
l'Évangile  révèle  l^flHI^^^Bîptice  pas^ 
sive ,  par  laqud^HIffiieu  mis^HI||^H|pous 
justifie  par  ^^PRlors  je  me  sentis  cofi 
et  il  m^enflR  que  j'entrais ,  à  portes  oui? 

Biradîs...  Je  lus  plus  tard  le  livre  de  saiiil[ 
Ai^HfA,  De  la  lettre  et  de  Vespfii,  et  je  trouva 
c<I^Pemon  attente,  qu'il  entend  aussi  par  justic 
de  meu,  celle  de  laquelle  Dieu  nous  revêt  eu  nous^ 
justifiant.  Je  m'en  réjouis,  quoique  la  chose  so^ 
dite  encore  imparfaitement  dans  ce  livre,  et  qo^si- 
ce  Père  ne  s'explique  pas  complètement  ni  avee^. 
clarté  sur  la  doctrine  de  l'imputation....» 

Il  ne  manquait  à  Luther  pour  se  confirmer' 
dans  la  doctrine  de  la  grâce,  que  de  visiter  la 


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1>M  LUTHER.  13 

pei^le  chez  lequel  la  grâce  avait  défieiilli.  C'est 
defltalie  que  nous  parlons.  On  nous  dispense 
de  peindre  cette  Italie  des  Borgia.  Il  y  arait  cer^ 
niBemait  à  cette  époque  quelque  chose  qui  s'est 
m  rarement  ou  jamais  dans  l'histoire  :  une  per- 
îersté  raisonnée  et  scientifique ,  une  magnifique 

j  ostentation  de  scélératesse,  disons  tout  d'un  mot  : 
leprétreathée,secroyantroi  du  monde.  Cela  était 

I   dn  temps.  Ce  qui  était  du  pays ,  ce  qui  ne  peut 

I  changer,  c'est  cet  inyincible  paganisme  qui  a 
toujours  subsisté  en  Italie.  Là ,  quoi  qu'on  &8se  ^ 

\  Il  nature  est  païenntv  Telle  nature,  tel  art.  C'est 
une  gloriçLUie  èéMiédie,  llr;^j>''i-   par   Rapbaêlt 

«mmf  TAriosle.  Ce  qu'il  y  a  de  f^ravc^  cUé- 
nÇrin  dansVart  iluHeo ,  les  lioinmes  du 
genUiient  peu.  Ils  n'y  reeûimaissaieiit  que 
le.  que  tcnialiom  chanicUes,  Leur  mcil- 
aredc-fenâc,  c'était  deferiner  les  yeux,  depa^- 
ffti,  de  maudire  en  passiint. 

ité  auâLère  de  Tltalio^  la  politique  6t  la 

dencc»  ne  les  choquaient  pas  moins.  Les 

itkmf  g^ermaniques  ont  toujourâ  instinctivement 

juaudit  le  droit  romain.  Tacite  raconte 

a  U  défaite  de  Varus^  k^s  Germains  se  vengc- 

l  des  formes  juridiques  auxquelles  il  avait  es- 

*  de  Ifi  »oujnetlfe.    Vixxi   de   ces    burbares 


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14  aixouixs 

clouAnt  k  un  arbre  latéte  d'un  légiste  romain,  lui 
perça  la  langue,  et  loi  disait  :  Siffle,  vipère,- 
siffle  maintenant.  Cette  haine  des  légistes,  per-^ 
pétuée  dans  tout  le  moyen-âge,  a  été,  comme  on 
Terra ,  vivement  exprimée  par  Luther;  et  il  eit 
devait  être  ainsi.  Le  légiste  et  le  théologien  sont 
les  deux  pôles;  Fun  croit  à  la  liberté ^  l'autre  àla 
grâce;  l'un  à  l'homme ^  l'autre  à  Dieu.  La  pre- 
mière croyance  fut  toujours  celle  de  l'Italie.  Son 
réformateur,  Savonarole^  qui  parut  peu  avant 
Luther,  ne  proposait  rien  autre  qu'un  change-^ 
ment  dans  les  œuvres ,  ^^Qg^^l^^ceiurs ,  et  non 
dans  la  foi. 

Toilà  Luther  jSpiMnie.  C'est  WlHBMt  de 
joie,  d'immense  eipoir,  que  celui  où  l'oir! 
les  AImi  pour  entrer  dans  cette  glorieuse 
tré^^Kspérait  certainement  raffermir  sa  foi  da 
la  HPrsainte  j  laisser  ses  doutes  aux  tombeaux: 
ddMaints  apôtres.  La  vieille  Rome  aussi,  la  Romi 
classique  l'attirait,  ce  sanctuaire  des  lettres ,  qu^ 
avait  cultivées  avec  tant  d'ardeur  dans  sa  pauvre 
ville  de  Wittemberg. 

D'abord  il  est  reçu  à  Milan  dans  un  coiivent  de 
marbre.  Il  continue  de  couvent  en  couvent, 
c'est-à-dire  de  palais  en  palais.  Partout  grande 
chère ,  tables  somptueuses.  Le  candide  Allemand 


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BB   I.UTBBB.  16 

s'ètoimait  un  peu  de  ces  maynificencei  de  l'hii* 
milité,  de  ces splendeon royales  deUpénitenoe. 
n  se  basarda  une  ibis  à  dire  aux  moines  italiens 
<pi'ila  fendent  mieux  de  ne  pas  manger  de  TÎande 
le  Tendredi.  Cette  parole  faillit  lui  coûter  la 
Tie  ;  il  n'échappa  qu'ayec  peineà  leurs  embûches. 
Il  continue ,  triste,  désabusé,  à  pied  dans  les 
plaines  brûlantes  de  la  Lombardie.  Il  arrive  ma- 
lade à  Padoue  i  il  persiste ,  il  entre  mourant  à 
Bologne.  La  pauvre  tête  du  voyageur  avait  été 
trop  rudement  frappée  du  soleil  dltalie,  et  de 
tant  d'étranges  choses  ^t  de  telles  mœurs ,  et  de 
telles  P^^^kÉBHR^Bl^  Bologne ,  dans  la 
ville^^HpI^Oes  le^HH|||ç^nt  sa  mortpro- 
ghaflpffrépëtaît  tout  bas,  'poiur  se  raffermir, 

I  paroles  du  prophète  et  de  Tapôtre  :  Le  jusie 
'  de  la  foi, 

II  exprime  naïvement  dans  une  eonTcfialioti 
combien  Fltalie  faisait  peur  aux  hou^  Alloinattdâ. 
«  Il  suffit  aux  Italiensqne  vous  regardicidai}»  un 
miroir  pour  qu'ils  puissent  vous  tiii*r.  Us  peuvent 
vous  ôter  tous  les  sens  par  de  set  s  *?^  poi^Arw  En 
Italie,  l'air  est  pestilentiel.  La  nuit  enferme  exac- 
tement les  fenêtres ,  et  l'on  bouche  les  fentes.  > 
Luther  assure  qu'il  fut  malade ,  ainsi  que  le  frère 
(joi  l'accompagnait,  pour  avoir  donni  les  croisées 


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*'  i 


16  IliMOIEBa 

ouvertes ,  mais  ils  mangèrent  deux  grenades  par 
lesquelles  Dieu  leur  sauva  la  vie. 

Il  continua  son  voyage ,  traversa  seulement  Flo- 
rence y  et  entra  enfin  dans  Rome.  Il  desceadîtau 
couvent  de  son  ordre  près  la  porte  du  Peuple, 
«  Lorsque  j'arrivai,  je  tombai  à  genoux,  levai  les 
'  mains  au  ciel ,  et  je  m'écriai  :  Salut,  sainte  Rome, 
sanctifiée  par  les  saints  martyrs ,  et  par  leur  sang 
quii  y  été  versé  !...  »   Dans  sa  ferveur ,  dit-il,  il 
courut  les  saints  lieux ,  vit  tout ,  crut  tout.  Il 
s'aperçut  bientôt  qu'il  croyait  seul.  Le  christia- 
nisme semblait  oublié  dans  cette  capitale   du 
monde  chrétien.  L^flpHPHH^  le  scanda- 
leux Alexandre  YJ^i^îtlebelli^HlQdk^léri- 
que  Jules  IL  Ce  père  des  fidèles  ne  respHl  quAi 
sang  et  ruine.  On  sait  que  son  grand  artiste  Mi«fl 
chel^Oige  le  représenta  foudroyant  Bologne  de  ■ 
sa  ijpédiction.  Le  pape  venait  de  lui  commander  ^ 
pour  lui-même  un  tombeau  grand  comme  un  ' 
temple  ;  c'est  le  monument  dont  il  reste  le  Moïse, 
entre  autres  statues. 

L'unique  pensée  du  pape  et  de  Rome ,  c'était 
alors  la  guerre  contre  les  Français.  Luther  eût 
été  bien  reçu  à  parler  de  la  grâce  et  del'impuis- 
sance  des  œuvres  à  ce  singulier  prêtre  qui  as- 
siégeait les  villes  en  personne,  qui  récemment 


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DX   LUTinUl.  17 

encore  n'arait  touIu  entrer  à  la  Hirandole  que 
parla  brèche.  Ses  cardinaux,  apprentis  officiers, 
^ent  des  politiques,  des  diplomates,  ou  bien 
des  gens  de  lettres,  des  savans  parvenus,  qui 
ne  lisaient  que  Gicéron ,  qui  auraient  craint  de 
compromettre  leur  latinité  en  ouvrant  la  Bible. 
S'ils  nominaient  le  pape ,  c'était  le  grand  poniifh; 
on  saint  canonisé  était  dans  leur  langage  re- 
laius  inier  Divos ,  et  s'ils  parlaient  encore  de  la 
grâce,  ils  disaient  :  Beorum  immorialium  befi«- 

Si  noire  AlTçiuand  se  réfuf^iaît  aux  églises,  il 
I  Bayait  |ijs  même  la  consolation  d'une  bonne 
■  ir  prêtre  rotimin  cipédiait  le  divin  saeri- 
^'  de  telle  vitesse*  que  Luther  était  eneore  à 
Bh-RD^le  quand  rofTidîint  lui  disait  i  Ue,  missa 
Hf.Cei  prêtres  italiens  fïtisai ont  souvent  parade 
^puae  tcaudûleiisc  audace  d'esprit  fort-  11  leur 
BrrttiA  eu  coriîiacrant  Thostie  de  dire  :  panis  ev, 
Htj»#i»  monehiM.  U  ne  restait  phi9  qu'à  Iblr  en 
Hr  ruikul  la  tcte,  Luther  quitUi  Rome  au  boni  de 
■IjiïatQne  jours. 

Il  emporta  il  en  Alletuagnc  la  condamnation  de 

I  niali«,  telle  de  TÉglise.  Dans  ce  rapide  et  triste 

^^>v,ipJeSaïon  en  avait  vuasset  pour  condam- 

*^trQf  peu  pour  comprendre.  Certes,  pour  un 


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48  KiMOIRXS 

esprit  préoccupé  du  côté  moral  du  chriatianinne, 
il  eût  fiftllu  un  singulier  efibrt  de  philosophie, un 
sens  historique  bien  précoce  pour  retrouver  la 
religion  dans  ce  monde  d'art,  de  droit,  de  poli- 
tique ,  qui  constituait  l'Italie. 

«  Je  ne  youdrais  pas,  dit->il  quelque  part,  je 
ne  voudrais  pas  pour  cent  mille  florins  ne  pas 
avoir  vu  Rome  (et  il  répète  ces  mots  trois  fois). 
Je  serais  resté  dans  l'inquiétude  de  &iro  peut- 
être  injustice  au  pape.  » 


^ 


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DB  |,OTHU, 


Ut 


CHAPITRE  II. 


1817-1821. 


Ladicr  tUaque  les  Indulgences.  Il  brûle  la  bulle  du  pape.  — 
crunM,  Hotten,  Frans  de  Sickiogen.  ->-  Luther  comparait  i  la 
ditte  de  Worau.  —  Son  enlèrement. 


^ 


La  papauté  était  loin  de  soupçou^ner  son  dan- 
l^w.  ©epuis  le  Irciuèrae  siècle  on  dispuWâ,  on 
aboftii  i^ontf e  elle.  Le  monde  lui  paraiss^BdéiS- 
tiitfrraicnt  cndartniau  b mil  uniforme  deçPl^ail- 
lena  de  TÊtole.  Il  semblait  qu'il  n'y  eàt  plus 
[i^Tind'cbofie  de  nouveau  à  dire.  Tout  le  monde 
rié  à  perdre  haleine.  Wicleff,  Jean  Hum, 
le  Prague,  persécutés,  condamnés,  brû- 
I  avaient  pas  moins  eu  le  temps  de  dire 
n'ils  avaient  en  pensée.  Les  docteurs  de 
liolique  université  de  Paris,  les  Pierre 


tt 


dbyGo'ogle 


20  MillOI&B8 

d'Aiily ,  les  Glémengis,  le  doux  Gerson  lui-même, 
avaient  respectueiuement  souffleté  la  papauté. 
Elle  durait  pourtant ,  elle  vivotait,  patiente  et  te- 
nace. Le  quinzième  siècle  s'écoula  ainsi.  Les  con- 
ciles de  Constance  et  de  Bâle  eurent  moins  d'effet 
que  de  bruit.  Les  papes  les  laissèrent  dire,  firent 
révoquer  les  Pragmatiques,  rétablirent  tout  dou- 
cement leur  domination  en  Europe  et  fondèrent 
une  grande  souveraineté  en  Italie. 

Jules  II  conquit  pour  l'église;  Léon  X  pour  sa 
famille.  Ce  jeune  pape,  mondain,  bomme  de  let- 
tres, homme  de  plaisi^^^laSûres,  comme  les 
autres  Médicis,  avait  MmHHJiJ^Éjl  son  âge,  et 
celles  des  vieux  papes,  et  celles  liwn  tiHips.  Il 
voulnit  faire  rois  les  Médicis.  Lui-même  jouait  1^ 
rôle  du  premier  roi  de  la  chrétienté.  Indépen 
damment  de  cette  coûteuse  diplomatie  qui  s'é^l 
tendait  à  tomles  états  de  l'Europe,  il  entretenait 
de  lointaines  relations  scientifiques.  Il  s'informait 
du  Nord  même ,  et  faisait  recueillir  jusqu'aux 
monumens  de  l'histoire  Scandinave.  A  Rome,  il 
bâtissait  Saint-Pierre,  dont  Jules  H  lui  avait  lé- 
gué la  construction.  L'héroïque  Jules  II  n'avait 
pas  «calculé  ses  ressources.  Quand  Michel-Ange 
apportait  un  tel  plan,  qui  pouvait  marchander?  Il 
avaitdit,  comme  on  sait,  duPanthéon:Jemettrai ce 


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DB  Limmi.  21 

temple  à  trois  cents  pieds  dans  les  âtrs.  Le  pan- 
▼re  état  romain  n'était  pas  de  force  a  Intter  contre 
le  génie  magnifique  de  ces  artistes,  dont  Fancien 
Empire,  maître  du  monde,  aurait  à  peine  été  ca- 
pable de  réaliser  les  conceptions. 

Léon  X  avait  commencé  son  pontificat  par  ren- 
dre à  François  I*'  ce  qui  nVtait  pas  à  lui,  les 
droits  deTéglise  de  France.  Plus  tard,  il  avait  &it 
pourfinance  trente  cardinaux  en  unefois.  C'étaient 
là  de  petites  ressources.  Il  n'avait  pas,  lui,  les 
mines  du  Mexique.  Ses  mines,  c'étaient  la  vieille 
foi  des  peuples,  leuuzédule  débonnaireté.  Il  en 
avait  donné  JdflHjj^BA  Allemagne  aux  ïïo- 
nûnicaiw^iuPNMm^  Augustins  dans 

k  vente  dei  indulgences.  Le  dominicain  Tetzel, 

tnté  saltimbanque,  allait  à  grand  bruit,  grand 
reil,  grande  dépense,  débitant  cette  denrée 
les  églises,  dans  les  places,  dans  les  cabarets. 
wt  Wadait  le  moins  qu'il  pouvait ,  et  empochait 
l'argent;  le  légat  du  pape  l'en  convainquit  plus 
tarjL  La  foi  des  acheteurs  diminuant,  il  fallait 
bien  enfler  le  mérite  du  spécifique;  il  y  avait 
longtemps  qu'on  en  vendait  ;  le  commerce  bais- 
sait. L'intrépide  Tetzel  avait  poussé  la  rhétorique 
aux  dernières  limites  de  l'amplification.  Entassant 
hardiment  les  pieuses  menteries,  il  énumérait 


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32  MiMOl&ES 

tous  les  maux  dont  guériasait  cette  panacée.  Il  ne 
se  contentait  pas  des  péchés  connus  >  il  inventaît 
des  crimes,  imaginait  des  inCamies,  étranges, 
inouïes,  auxquelles  personne  ne  songea  jamais; 
et  quand  il  voyait  l'auditoire  frappé  d'horreur, 
il  ajoutait  froidement  :  «  £h  bien,  tout  cela  est 
expié,  dès  que  l'argent  sonne  dans  la  caisse  du 
pape! » 

Luther  assure  qu'alovs  il  ne  «avait  trop  ce  que 
c'était  que  les  indulgences.  Lorsqu'il  en  vit  le 
prospectus  fièrement  décoré  du  nom  et  dp  la  pro^ 
tection  de  rarchevêquedeMayence,  que  le  pape 


avait  chargé  de  surveHNà  VlM^es  indulgen- 
ces en  Allemagne,  il  fut  saisi  nmignation.  Ja- 
mais un  problème  de  pure  spéculation  ne  l'eût 
mis  en  contradiction  avec  ses  supérieurs  ecclé» 
siastiques.  Mais  ceci  était  une  question  de  b(m 
sens ,  de  moralité.  Docteur  en  théologie ,  profe»? 
•eur  influent  à  l'université  de  Wittemberg  que 
l'Électeur  venait  de  fonder,  vicaire  provincial 
des  Augustins,  et  chargé  de  remplacer  le  vicaire 
général  dans  les  visites  pastorales  de  la  Misnie  et 
de  la  Thuringe ,  il  se  croyait  sans  doute  plus  resr 
pensable  qu'un  autre  du  dépôt  de  la  foi  saxonne, 
^a  conscience  fut  frappée ,  il  risquait  beaucoup 
en  parlant;  s'il  se  taisait,  il  se  croyait  dsimné^ 


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DB  LUTHUl.  28 

tl  commença  daim  la  forme  légale,  s'adressa 
à  won  érdqae,  celui  de  Brandebourg,  pour  le 
prier  de  faire  taire  Tetzel.  L'éréque  répondit  que 
c'était  attaquer  la  puissance  de  l'Église,  qu'il  aK 
lait  se  faire  bien  des  affieiires,  qu^l  valait  mieux 
se  tenir  tranquille.  Alors  Luther  s'adressa  au 
primat,  archeydque  de  Mayence  et  de  Magde* 
bourg.  Ce  prélat  était  un  prince  de  la  maison  de 
Brandebourg ,  ennemie  de  l'électeur  de  Saxe; 
Luther  lui  envoyait  des  propositions  qu'il  oflRrait 
de  soutenir  contre  la  doctrine  des  indulgences. 
Nous  abrégeons  sa  lettre,  extrêmement  longue 
dans  roriginal^^||g||^1517) 

«  Père  TénJHVèitmra, prince  très  illustrej 
veuille  votre  gntee  jeter  un  œil  fiivorable  sur  moi 
É||A  jie  suis  que  terre  et  cendre ,  et  recevoir  iava- 
'^■ment  ma  demande  avec  là  douceur  épisco*' 
jllk  On  porte  par  tout  le  pays,  au  nom  de  votre 
fÇÊme  et  seigneurie^  l'indulgence  papale  pour  la 
construction  de  la  cathédrale  de  Saint-Pierre  de 
Rome.  Je  ne  blâme  pas  tant  les  grandes  clameurs 
des  prédicateurs  de  l'indulgence  <  lesquels  je  n'ai 
point  entendus,  que  le  faux  sens  adopté  par  le 
pauvre,  simple  et  grossier  peuple,  qui  publie 
partout  hautement  les  imaginations  qu'il  a  con- 
çues à  ce  sujet.  Gela  me  fait  mal  et  me  rend  ma' 


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24  M^MOIABS 

lade...  Ils  croient  que  les  âmes  seront  tirées  du 
purgatoire,  dès  qu'ils  auront  mis  Tarant  dans  les 
coffres.  Ils  croient  que  l'indulgence  est  assez  puis- 
sante pour  sauver  le  plus  grand  pécheur,  celui 
(tel  est  leur  blasphème)  qui  aurait  violé  la  sainte 
mère  de  notre  Sauveur!...  Grand  Dieu!  les  pauvres 
^^es seront  donc  sous  le  sceau  de  votre  autorité, 
enseignées  pour  la  mort  et  non  pour  la  vie!  Vous 
en  rendrez  un  compte  terrible ,  dont  la  gravité 
va  toujours  croissant... 

»  Qu'il  vous  plaise,  noble  et  vénérable  père, 
de  lire  et  de  considérer  les  propositions  suivantes, 
où  l'on  montre  la  vanké|riMg|d|deences  que  les 
prédicateurs  proclameliHHHBbse  tout  à  fait 
certaine.  * 

L'archevêque  ne  répondit  pas.  Luther,  qqî 
s'en  doutait,  avait  le  même  jour,  SI  octobre  ISlf, 
veille  de  la  Toussaint,  à  midi,  affiché  ses  propo 
sitions  à  l'église  du  château  de  Wittemberg,  qui 
subsiste  encore. 

«  Les  thèses  indiquées  ci-dessous,  seront  sou- 
tenues à  Wittemberg,  sous  la  présidence  du  ré- 
vérend Martin  Luther,  etc.  1517  : 

>  Le  pape  ne  veut  ni  ne  peut  remettre  aucune 
peine,  si  ce  n'est  celles  qu'il  a  imposées  de  son 
chef  ou  d'après  les  canons. 


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DB  LDTHKt.  S5 

—Les  canons  p^tentiaux  sont  pour  les  Tiyans  ; 
ibae  penyent  charger  d'aucune  peine  Fâme  des 
iMrts. 

—  Le  changement  de  la  peine  canonique  en 
pdne  du  purgatoire,  est  une  iTrue^une  ziianie; 
érideimnent  les  évéques  dormaient  quandi  on  a 
mè  cette  mauTaise  herbe. 

—  Le  pouvoir  de  soulager  les  âme»  du  purga-^ 
toire  c{ue  le  pape  peut  exercer  par  toute  la  chré-» 
tiente.  chaque  évéque,  chaque  curé  le  possède 
dans  son  diocèse,  dans  sa  paroisse....  Qui  sait  si 
toutes  les  âmes  en  purgatoire  Tondraient  être  ra** 
éeiées?  on  la  diL  de^nt  Séverin. 

—  Il  ùkMi  enseigner  aux  chétiens  qu'à  moins 
Iffoir  le  superflu,  ils  doivent  gartler  pour  leur 

te  le  nécessaire ,  et  ne  rîen  dépenser  pouF 
^fs  péchéa- 

—  IV  feut  enseigner  aux  chrétiens  que  la  pape; 
i^and  il  donne  des  pardons,  a  moins  besoin  d'ar- 
^ni  que  ée  bonne  prière  pour  lui  ^  et  que  c'est  là 
ce  qu'il  demande^ 

— U  faut  e^iseigner  aux  cbréliËns  que  si  le  pape 
conûaiaaait  les  exactions  des  pécheurs  de  pardons^ 
il  aimeraii  mieux  que  la  basilique  de  Saint-Pierre 
tombal  en  cendres,  plutôt  que  de  la  c<Histrnird 
tvec  h  chair  f  la  peau  et  les  os  de  ses  brebis^- 
TûVfi  1  !t 


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-^Le  pape  doit  TOulMr  qa«  «  les  pardons, 
chote  petite, sont  célébrés  arec  une  cloche,  une 
cérémonie,  une  solennité,  rÉrangile,  chose  si 
grandie,  soii  prêché  atec  oent  cloches,  cent  céré- 
monies, cent  solennités. 

«^  Le  vrai  trésor  de  l'Église ,  c'est  le  sacro-saint 
Évangile  de  la  gloire  et  de  la  grAce  de  Dieu. 

—  On  a  sujet  de  haSr  ce  trésor  de  l'Évan- 
gile ,  par  qui  les  premiers  deviennent  les  der- 


— On  a  sujet  d'aimer  le  trésor  des  indnlgen- 
ees,  par  qui  les  denders  deviennent  les  premiers. 

—  Les  trésors  de  lIÉwMynj^t  les  filets  avec 
lesquels  on  péchait  les  vHneNe  richesses; 

•«^Les  trésors  des  indulgences  sont  les  filets 
avec  lesquels  on  pèche  les  richeascB  des  hommea. 

—  Dire  que  la  croix ,  mise  dans  les  armes  dli 
pape,  équivaut  à  la  croix  du  Christ,  c'est  un  Maih 
phème. 

*~ Pourquoi  le  pape,  dans  sa  très  sainte  cha- 
rité, ne  vide-t-il  pas  le  purgatoire  où  tant  d'Ames 
en  peine?  Ce  serait  là  exercer  plus  digne- 
son  pouvoir,  que  de  délivrer  des  âmes  à 
prix  d'argent  (cet  argent  porte  malheur);  et  pour- 
leoreP  pour  élever  une  église? 
-•-  Quelle  est  cette  étrange  compassion  de  Dieu 


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et  da  pftfe ,  <|ui  »  poor  de  Targrat,  chajageal  rame 
d'on  impie,  d'oB  esiieiiii  de  Dieu,  en  «ne  àme 
pieofe  et  agréable  au  Seigneur? 

—  Le  fiape,  dont  les  trëaort  8iu|Ni»«it  aajoQff- 
dliai  les  plus  énormes  trésors,  ne  peut-il  donc, 
aTec  son  argent  plutôt  qu^aveo  cdoi  des  paurres 
âdèies,  éley^  ui^  seule  église,  la  basilique  de 
Saint-Pierre? 

—  Q«e  remet,  <fae  donne  le  pape  à  ceux  qm^ 
par  la  contrition  parfaite,  ont  droit  à  la  rémis- 
fion  pléaîère? 

—  Loin  de  nous  tous  ces  prophètes,  qui  disent 
i%  p«^yple  de  Chrisl  :  Lu  paU ,  lupmùf;  et  ne  don- 
nent pomi  la  paix* 

—  Loin,  Lien  loin,  tous  ce» prophètes  qui  di- 
i^Bl  au  peuple  de  Clirkl  :  La  crois ,  la  craÙF ;  ^i 

^B  iBonlrr n  t  poi n t  la  c r 0 î i . 

^B  —  H  faut  exhorter  les  t;hrt  liens  à  suivre  Christ, 

l^iir  chef  :i  travers  les  peines,  les  supplices  el 

reafl^G|ne;^^fl|sorte  qu'ils  soient  assurés  que 

c'ealMBJbl  tlHbttions  qu'on  entre  dans  le  ciel, 

CxM  pi  ipbîijHps,  négatives  et  polémiques,  trou- 
raieni  leur  «oiBiémeBt  dans  les  thèses  dogmati- 
ques que  LudnRpublîa  presque  en  même  temps: 
L'hoanift^Meiit  pas  naturdlement  Touloir 


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28  MEMOIRES 

qae  Dieu  toit  Dieu.  Il  aimerait  mieux  être  Dieu 
lui-même,  et  que  Dieu  ne  fôt  pas  Dieu. 

—  Il  est  £biux  que  Tappétît  soit  libre  d'aller  dans 
les  deux  sens;  il  n'est  pas  libre,  mais  captif. 

—  Il  n'y  a  eu  la  nature,  par  devant  Dieu,  rien 
que  concupiscence. 

—  Il  est  &UK  que  cette  concupiscence  puisse 
être  régflée  par  la  vertu  de  l'espérance.  Car  l'e»- 
pérance  est  contraire  à  la  charité  qui  cberche  et 
désire  seulement  ce  qui  est  de  Dieu.  L'espérance 
ne  vient  pas  de  nos  mérites,  mais  de  nos  passions 
qui  effacent  nos  mérites. 

—  La  meilleure ,  l'iaiMUiUe  préparation  et 
l'unique  disposition  à  revoir  la  ^âce ,  c'est  le 
choix  et  la  prédestination  arrêtés  par  Dieu  de 
toute  éternité. 

—  Du  côté  de  l'homme  ,  rien  ne  précède  la 
grâce,  que  la  non-disposition  à  la  grâce  ,  ou  plu- 
têt  la  rébellion. 

1-  Il  est  faux  qu'on  puisse  trouver  excuse  dans 
une  ignorance  invincible.  L'ignorance  de  Dieu , 
de  soi,  des  bonnes  œuvres,  c'est  la  nature  invin- 
cible de  l'homme ,  etc.  » 

La  publication  de  ces  thèses  et  le  sermon  en 
langue  vulgaire  que  Luther  prononça  à  l'appui, 
furent  comme  un  coup  de  tonnerre  dans  l'Alle- 


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BB   LUTHBK.  29 

magne.  Cette  iminolatton  de  la  liberté  à  la  grAce, 
de  rhorome  à  Dieu ,  du  fini  à  Tinfini,  fut  recon** 
uue,  par  le  peuple  allemand,  comme  la  rraîe  reli- 
gion nationale,  la  foi  que  Gottschalk  ayait  pro- 
fessée dès  le  temps  de  Gharlemagne ,  au  berceau 
même  du  christianisme  allemand,  la  foi  deTauler, 
et  de  tous  les  mystiques  des  Pays-Bas.  Le  peuple 
se  jeta  avec  la  plus  âpre  aTidité  sur  cette  pâture 
religieuse  dont  on  l'avait  sevré  depuis  le  quator- 
zième siècle.  Les  propositions  furent  imprimées 
à  je  ne  sais  combien  de  raille,  dévorées,  répan-  • 
dues,  colportées.  Luther  fut  lui-même  alarmé 
de  son  succès.  «Je  suis  fiché ,  dit-il ,  de  les  voir 
tant  imprimées /tant  répandues;  ce  n'est  pas  là 
une  bonne  manière  d'inspirer  le  peuple.  Il  me 
leste  moi-même  quelques  doutes.  J'aurais  mieux 
prouvé  certaines  choses,  j'en  aurais  omisd'autres, 
n  j'avais  prévu  cela.» 

Il  semblait  alors  fort  disposé  à  laisser  tout  et  i 
se  soumettre.  •  Je  veux  obéir,  disait-il  ;  j'aimerais 
mieux  obéir  que  faire  des  miracles,  quand  même 
j'aurais  le  don  des  miracles.  » 

Tetzel  ébranla  ses  résolutions  pacifiques,  en 
brûlant  les  propositions  de  Luther.  Lés  étudiant 
de  Wittemberg  usèrent  de  représailles  pour  cel- 
les de  Tetzel ,  et  Luther  en  exprime  quelque  re- 

S. 

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SO  MÎMOIRBS 

gret.  Mais  lui-même  fit  paraître  ses  RétoluiionB, 
à  l'appui  des  premières  propositions.  «  Yous  ver* 
ret,  écrit-il  à  un  ami,  mes  Resolutioneê  et  respon- 
êiones.  Peut-être  en  certains  passages  les  trouve- 
ret-vous  plus  libres  qu'il  ne  fieiudf  ait  ;  à  plus  forte 
raison  doivent-elles  paraître  intolérables  aux  flat- 
teurs de  Rome.  Elles  étaient  déjà  publiées;  autre- 
ment ,  j'y  aurais  mis  quelque  adoucissement.  » 

Le  bruit  de  cette  controverse  se  répandit  hors 
de  lltalie  et  parvint  à  Rome.  On  prétend  qne 
Léon  X  crut  qu'il  ne  s'agissait  que  dejaloune  de  mé* 
tier  entre  les  Augustins  et  les  Dominicains,  et  qu'il 
aurait  dit  :  c  Rivalités  de  moines!  Fra  Luther  est 
un  beau  génie  I  »  De  son  côté,  Luther  proteataît 
de  son  respect  pour  le  pape  même.  Il  écrivit  en 
même  temps  deux  lettres,  l'une  à  LéonX ,  par  la- 
quelle il  s'abandonnait  à  lui  sans  réserve ,  et  se 
soumettait  à  sa  décision.  «  Très  saint  Père ,  disait- 
il  en  finissant ,  je  m'offre  et  me  jette  à  vos  pieds , 
moi  et  tout  ce  qui  est  en  moi.  Donnei  la  vie  on  la 
mort;  appelez,  rappelez,  approuves,  désapprou- 
vez, je  reconnais  votre  voix  pour  la  voix  du  Christ 
qui  règne  et  parle  en  vous.  Si  j'ai  mérité  la  mort, 
je  ne  refuserai  point  de  mourir  ;  car  la  terre  et  la 
plénitude  de  la  terre  sont  au  Seigneur  qui  Mt 
béni  dans  les  siècles  :  puisse-t-il  vous  sauver  éter- 

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DB   LDTHBM.  Si 

DeDeuent!  Amen.  *  (  Jour  de  la  Trinité ,  1518  ). 
iaatre  lettre  était  adressée  au  yicaire  fpénénJ 
Stâapîtz,  qu'il  priait  de  l'envoyer  an  pape.  Dans 
ceUe-d,  Lather  indiquait  que  sa  doctrine  n'était 
titre  que  cdle  qu'il  avait  reçue  de  Staupitz  lui- 
nèflie.  «  Je  me  souviens,  mon  révérend  Père, 
quepsnni  vos  doux  et  salutaires  discours  ,  d'où 
non  Sei(piear  Jésus  Mi  découler  pour  moi  de 
à  mer? eilleuses  consolations ,  il  y  eut  aussi  men- 
tion damjet  delapénUencê  :  et  qu'alors  émus 
de  pitié  pour  tant  de  consciences,  que  l'on  tor- 
ture par  dlnnorobrables  et  insupportables  près* 
eriptiouâ  sur  la  manière  de  se  confesser,  nous 
reciuaes  de  vous,  comme  une  voix  du  ciel,  cette 
pirolf  :  Qu'il  n*f  m  de  tmie  pénîtenee  que  celle 
fti  commence  par  V amour  de  la  justice  et  deDieui 
dqsflce  qu'ils  dotiïieiit  |Jour  la  fin  de  la  péni- 
*«csai  doit  être  plutôt  le  principe.  —  Cette 
pirofe  de  vous  resta  en  moi  comme  la  flèche 
^p&  da  chfluneur.  J'osai  en(piger  la  lutte  avec 
kl  éoritores  qui  enseignent  la  pénitence  ;  joûte 
plèbe  de  diarme,  où  les  paroles  saintes  jaillts- 
"ieQtde  tontes  parts  et  voltigeaient  autour  de 
BU  en  saluant  et  applaudissant  cette  senteoee^ 
iotrebis  il  n'y  avait  rien  de  plus  amer  pour  moi 
^  teste  récriture  que  ce  mot  de  pénitence , 

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32  IIBUOIRES 

bien  que  je  fine  mes  efforU  pour  dissimuler  de« 
vaut  Bleu ,  et  exprimer  un  amour  de  commande. 
Aujourd'hui  rien ,  comme  ce  mot ,  ne  sonne  déli- 
cieusement à  mon  oreille.  Tant  les  préceptes  de 
Dieu  deviennent  suaves  et  doux ,  lorsqu'on  ap- 
prend à  les  lire ,  non  dans  les  livres  seulement , 
mais  dans  les  blessures  mêmes  du  doux  Sauveur!  • 

Ces  deux  lettres  du  30  mai  1518  ,  sont  datées 
d'Heidelberg,  où  les  Augustins  tenaient  alors  un 
synode  provincial ,  et  où  Luther  s'était  rendu  pour 
soutenir  ses  doctrines  et  combattre  à  tout  venant. 
Cette  fameuse  université  à  deux  pas  du  Rhin ,  et 
par  conséquent  sur  la  rouie  la  plus  fréquentée 
de  l'Allemagne ,  était  certainement  le  théâtre  le 
plus  éclatant  où  l'on  pût  présenter  la  nouvelle 
doctrine. 

Rome  commençait  à  s'émouvoir.  Le  maître  du 
sacré  palais  ,  le  vieux  dominicain  Sylvestre  de 
Prierio ,  écrivit  contre  le  moine  augustin  en  ia- 
veur  de  la  doctrine  de  saint  Thomas,  et  s'attira 
une  foudroyante  réponse  (fin  d'août  1518).  Luther 
reçut  immédiatement  l'ordre  de  comparaître  à 
Rome  dans  soixante  jours.  L'empereur  Maximilien 
avait  inutilement  demandé  qu'on  ne  précipitât 
pas  les  choses,  promettant  défaire  tout  ce  que  le 
pape  ordonnerait  au  sujet  de  Luther,  liais  à  Rome 

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DB   LUTHBB.  83 

on  n'était  pas  sans  quelque  méfiance  sur  le  lèle 
de  Haximilien.  U  arrivait  de  lui  certains  roots  qui 
fcmnaient  mal  aux  oreilles  du  pape  :  «  Ce  que 
&it  TOtre  moine  n'est  pas  à  mépriser ,  avait  dit 
Fempereur  à  Pfeffînger,  conseiller  de  l'électeur 
de  Saxe;  le  jeu  va  commencer  avec  les  prêtres. 
Prenez  soin  de  lui,  il  pourrait  arriver  que  nous 
en  eussions  b^oin.  *  Plus  d'une  fois  il  s'était  plaint 
amèrement  des  prêtres  et  des  clercs.  «  Ce  pape, 
diiait-ilen  parlant  de  Léon  X,  s'est  conduit  avec 
moi  comme  un  misérable.  Je  puis  dire  que  je  n'ai 
trouvé  dans  aucun  pape  ni  sincérité  ni  bonne  foi; 
mais  j'espèrje  bien  ,  s'il  plait  à  Dieu,  que  celui-ci 
sera  le  dernier,  ■  Ces  jj  a  roi  es  étaient  menaçantes. 
L'on  se  rappelait  d'ailleurs  que Maximilien,  pour 
réconcilier  définJtÎTemenl  l'Empire  et  le  Saint- 
Siège,  avait  songé  à  se  fniro  pape  lui-même.  Aussi 
Léonîst^  garda  bien  de  lui  remettre  la  décision 
de  cette  querelle,  qui  prenait  chaque  jour  une 
nouvelle  importance. 

Luther  n'avait  d'espérance  que  dans  la  protec- 
tion de  l'Électeur.  Ce  prince ,  soit  par  intérêt  pour 
sa  nouvelle  université ,  soit  par  goût  pour  la  per- 
sonne de  Luther ,  l'avait  toujours  protégé  spécia- 
lement Il  arait  voulu  faire  les  frais  de  son  doc- 
M>rat.  £n  1517,  Luther  le  remercie  dans  une 


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34 

leitro  de  lui  aroir  enroyé,  à  Feiilrée  de  l'hiver, 
dn  dnip  pour  loi  faire  une  robe.  Il  se  doutai* 
bies  auBfli  que  l'Électeur  ne  lui  savait  pas  maocvais 
gré  d'un  éclat  qui  feisast  tort  à  raroheréque  de 
Mayeitce  et  Magdebourg  ,  prince  issu  de  bi  huiî- 
son  de  Brandebourg,  et  par  conséquent  ennemi 
do  celle  de  Saxe.  Enfin ,  et  e'était  un  puinant  me- 
Ctf  de  se  rassurer,  FÉleeteur  avait  annoncé  qu'il 
ne  connaissait  de  règle  de  foi  que  les  propres 
paroles  de  l'Écriture.  Luther  le  lui  rappelle  dans 
le  passage  suivant  (â7  mars  1519)  :  «  Le  docteur 
J.  Staupkx,  mon  véritable  père  en  Christ,  m'a 
rapporté  que  causant  un  jour  avec  votre  altesse 
Rectorale  sur  ces  prédicateurs  qui,  au  lieu  d'an- 
noncer la  pure  parole  de  Dieu ,  ne  prêchent  au 
peuple  que  de  misérables  arguties  ou  des  tradi- 
tions humaines,  vous  lui  dites  qu6  la  sainte  Écri- 
ture parle  avec  une  telle  majesté  et  une  si  com- 
plète évidence,  qu'elle  n'a  pas  besoin  de  tous  ces 
instrumensde  disputes,  et  qu'elle  force  de  dire  : 
«  Jamais  homme  n'a  ainsi  parlé;  là  est  le  doigt 
>  de  Bîeu;  Celui-ci  n'enseigne  point  comme  les 
»  scribes  et  les  pharisiens,  mais  comme  ayant  la 
»  toute-puissance.»  Staupitz  approuvant  ces  paro- 
les ^  vous  lui  dites  :  «  Donnez-moi  dono  la  main, 
et  promeltei-moî ,  je  vous  prie,  qu'à  l'avenir  vous 


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MMTrei  cette  Bomvelledoctriae.  • 
aaitarelle  de  ce  peaage  le  troeye  dans  ime  TÎe 
neteiiicrite  de  TÉleetevr,  par  Sfialatu  <  Aree 
fwd  plaisir  il  éoootail  les  prMicalîoos,  et  lisaîl 
la  pan^  de  IKea,  surionit  les  évangflistes dont 
il  arak  sans  cesse  à  la  beache  de  lielleseA  ooase- 
lentes  sentences  i  lais  ceUe  qu'il  rApéCait  sans 
cesse ,  c'était  cette  parole  de  Christ  saint  Jean  : 
Samê  wèoi  vans  ms  pouveM  rien.  tU  se  sentait  de 
cette  parole  ponr  conJiattre  la  doctrine  da  libre 
arbitre,  avant  même  qu'Érasme  de  Kotterdam 
^i  osé  sootenir  dans  plusieurs  écrits  contre  la 
parole  de  Dieu  cette  misérable  Itterté.  II  me  di« 
sait  souvent,  comment  pouTOos-nom  avoir  lelibre 
arbitre,  puisque  Christ  lui-même  a  dit  :  Sans  moi 
vous  ne  pouvez  rien,  Sme  m^mikiipaêuiiÊ  /Quwfv.» 

Toutefois  on  se  tromperait  ai  l'on  croyait,  d'a- 
près ceci,  que  Staupitz  et  son  disciple  ne  furent 
que  Tinstrument  de  rÙecteur.  La  Réforme  de 
Luther  fut  évidemment  spontanée.  Le  prince, 
comme  nous  le  verrons  ailleun,  s'effraya  (dntêt 
de  l'audace  de  Luther.  11  aima ,  il  embrassa  la  Ré* 
fonne,  il  en  profita;  jamais  il  ne  Teût  com- 
mencée. 

Luther  écrit  le  15  lévrier  11S18  à  son  prudent 
ami,  Spalatin ,  le  chapelain,  le  secrétaire  et  le 


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confident  de  Télecteur  :  «  Voilà  ces  cfiailleura 
qui  vont  disant ,  à  mon  g^and  chagrin ,  que  tout 
ceci  est  Touvrage  de  notre  très  illustre  Prince  ;  à 
les  en  croire ,  c'est  lui  qui  me  pousserait  pour 
foire  dépit  à  l'archevêque  de  Magdebourg  et  de 
Hayence.  Examinez,  je  vous  prie,  s'il  est  à  pro- 
pos d'en  avertir  le  Prince.  Je  suis  yraiment  dé- 
solé de  voir  son  altesse  soupçonnée  à  cause  de 
moi.  Devenir  une  cause  de  discorde  entre  de  si 
grands  princes ,  il  y  a  de  quoi  trembler  et  fré- 
mir. »  Il  tient  le  même  langage  à  l'Électeur  lui- 
même  dans  sa  relation  de  la  conférence  d'Augs- 
bourg  (novembre). 

21  mars,  à  J.  Lange  (depuis  archevêque  de 
Saltzbourg)  :  «  Notre  Prince  nous  a  pris  sous  sa 
sa  protection ,  moi  et  Garlostadt,  et  cela  sans  en 
avoir  été  prié.  Il  ne  souffrira  pas  qu'ils  me  traî- 
nent à  Rome.  Ils  le  savent,  et  c'est  leur  chagrin.  » 
Ceci  ferait  croire  qu'alors  Luther  avait  reçu  de 
l'Electeur  des  assurances  positives.  Cependant, 
le  21  août  1518,  dans  une  lettre  plus  confiden- 
tielle, à  8palatin ,  il  dit  :  «  Je  ne  vois  pas  encore 
comment  éviter  les  censures  dont  je  suis  menacé, 
si  le  Prince  ne  vient  à  mon  secours.  Et  pourtant , 
j'aimerais  mieux  toutes  les  censures  du  monde 
plutôt  que  de  voir  son  altesse  blâmée  à  cause  de 


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Dl  LVTHia.  37 

.  Toici  oe  qui  a  paru  le  mieux  à  nos  doctes 
et  pradens  amis  «  c'est  que  je  demande  au  Prince 
BO  sauf -conduit  {salvum,  ui  vooani,  ctmdmctmm 
fer  atêmm  daminium  ).  Il  me  le  refusera ,  j'en  suis 
sâr  1  et  j'aurai,  disent-ils ,  une  bonne  excuse  pour 
ne  pas  comparaître  à  Rome.  Veuillez  donc  faire 
en  sorte  d'obtenir  de  notre  très  illustre  Prince 
un  çescript  portant  qu'il  me  refuse  le  sauf-con- 
duit ,  et  m'abandonne,  si  je  me  mets  en  route,  à  . 
mes  risques  et  périls,  £n  cela  vous  me  rendrez 
un  important  service.  Mais  il  faut  que  la  cbose  se 
&sBe  promptement;  le  temps  presse ,  le  jour  fixé 
approche.  > 

Luther eutpus'épargner  cette  lettre.  Leprince^ 
saus  l'en  avertir,  le  protégeait  activement.  Il  avait 
obtenu  que  Luther  serait  examiné  par  un  légat 
ea  Allemagne,  dans  la  ville  libre  d'Augsbourg  ; 
et  à  ce  moment  il  était  de  sa  personne  à  Augs- 
bourg,  où  sans  doute  il  s'entendait  avec  les  ma- 
gistrats pour  garantir  là  sûreté  de  Luther  dans 
cette  dangereuse  entrevue.  C'est  sans  doute  à  j 
cette  providence  inyisible  de  Luther  qu'on  doit 
attribuer  les  soins  inquiets  de  ces  magistrats  y  pour  , 
le  préserver  des  embûches  que  pouvaient  lui 
dresMr  les  Italiens.  Pour  lui ,  il  aUait  droit  devant 
lui  dans  son  courage  et  sa  simplicité ,  sans  bien 
S 


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88  aivoimis 

savoir  ce  que  le  prince  ferait  on  ne  ferait  pa»,  en 

la&Teur  (Ssept.). 

<  Je  Fai  dit,  et,  je  le  répète ,  je  ne  Tenx  pat 
qne  dans  cette  aflbire  notre  Prince ,  qni  est  inn^ 
cent  de  tout  cela ,  {bumo  la  moindre  chose  ponr 
défendre  mes  propositions...  Qu'il  tienne  la  main 
à  ce  que  je  ne  sois  exposé  à  aucune  violence ,  s'il 
peut  le  faire  sans  compromettre  ses  intérêts.  S41 
ne  le  peut ,  j'accepte  mon  péril  tout  entier^  • 

Le  légat ,  Caietano  de  Yio ,  était  certainement 
un  juge  peu  suspect.  H  avait  écrit  lui-même  qu'il 
était  permis  d'interpréter  l'Écriture ,  sans  suivre 
le  torrent  des  Pères  {conirà  torrentem  SS,  Pa- 
trum).  Ces  hardiesses  l'avaient  rendu  quelque 
peu  suspect  d'hérésie.  Homme  du  pape  dans  cette 
affaire  que  le  pape  le  chargeait  d'arranger ,  il 
prit  la  chose  en  politique ,  n'attaqua  dans  la  doc- 
trine de  Luther  que  ce  qui  ébranlait  la  domina- 
tion politique  et  fiscale  de  la  ceur  de  Rome.  Il 
s'en  tint  à  la  question  pratique  du  trésor  des  indul" 
gences,  sans  remonter  au  principe  spéculatif  de 
la  grâce. 

«  Lorsque  je  fus  cité  à  Augsbourg,  j'y  vins  et 
comparus ,  mais  avec  une  forte  garde  et  soua  la 
garantie  de  l'électeur  de  Saxe,  Frédéric,  qui 
m'avait  adressé  à  ceux  d'Augabourg  et  m'avait  re^ 


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BB  Liinu.  89 

conmandé  à  eux.  B«  eurent  grande  attention  à 
moif  et  m'avertirent  de  ne  point  aller  aveo  let 
Italiens,  de  ne  faire  aocune  société  avec  enx»  de 
ne  point  me  fier  à  enx ,  car  je  ne  tayais  pas,  di- 
aient-ib,  ee  i{iie  c'était  qu'on  Welche.  Pendant 
trois  jours  entiers ,  je  fus  à  Augsbourg  sans  sau^ 
conduit  de  l'Empereur.  Bans  cet  intervalle,  un 
Italien  Tenaitaouvent m'inviter  à  aller  chei  le  car- 
dinal. Il  insistait  sans  se  décourager.  Tu  dois  te 
rétracter ,  disait-îl  ;  tu  n'as  qu'un  mot  à  dire  :  re* 
paco.  Le  cardinal  te  recommandera  au  pape, 
et  tu  retourneras  avec  honneur  auprès  da  ton 
prince.  » 

n  lui  aitait  entre  autres  exemples ,  celui  du  la- 
menx  Joachim  de  Flores,  qui,  s'étant  soumis, 
n'avait  pas  été  hérétique,  quoiqu'il  eût  avancé 
des  propositions  hérétiques. 

<  Au  bout  de  trois  jours,  arriva  l'évéque  de 
Trente,  qui  montra  au  cardinal  le  sauf-«onduit 
de  l'empereur.  Alors  j'allai  le  trouver  en  toute 
humilité.  Je  tombai  d'abord  à  genoux,  puis  je 
m'abaissai  jusqu'à  terre  et  je  restai  à  ses  pieds. 
Je  ne  me  relevai  que  quand  il  me  l'eut  ordonné 
trois  ibis.  Cela  lui  plut  fort,  et  il  espéra  que  je 
prendrais  une  meilleure  pensée. 

•  Lorsque  je  revins  le  lendemain  et  que  je  re- 

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40  mAmoirbs 

fuiMd  absolument  de  rien  rétracter,  il  me  dit  : 

Penses-tu  que  le  pape  s'embarrasse  beaucoup  de 

TAIlemagne?  Crois-tu  que  les  princes  te  défen- 

dr<Hit  avec  des  armes  et  des  gens  de  guerre  ?  Oh  1 

non  !  Oîi  veux-tu  rester  ?...  —  Sous  le  ciel ,  ré- 

pondis-je. 

•  Plus  tard  le  pape  baissa  le  ton  et  écrivit  à 
l'Église ,  même  à  maître  Spalatin ,  et  à  Pfeffinger, 
afin  qu'ils  me  fissent  livrer  à  lui ,  et  insistassent 
pour  l'exécution  de  son  décret. 

»  Cependant  mes  petits  livres  et  mes  Reêolu- 
iianeê  allèrent ,  ou  plutôt  volèrent  en  peu  de 
jours  par  toute  l'Europe.  Ainsi ,  l'électeur  de  Saxe 
fut  confirmé  et  fortifié;  il  ne  voulut  point  exécu- 
ter les  ordres  du  pape  et  se  soumit  à  la  connais- 
sance de  l'Écriture. 

»  Si  le  cardinal  eût  agi  à  mon  égard  avec  plus 
de  raison  et  de  discrétion ,  s'il  m'eût  reçu  lors- 
que je  tombai  à  ses  pieds ,  les  choses  n'en  seraient 
jamais  venues  où  elles  sont.  Car,  dans  ce  temps,  je 
ne  voyais  encore  que  bien  peu  les  erreurs  du  pape  ; 
s'il  s'était  tu ,  je  me  serais  tu  aisément.  C'était 
alors  le  style  et  l'usage  de  la  cour  de  Rome,  que 
le  pape  dit  dans  les  affiiires  obscures  et  embrouil- 
lées :  Nous  rappelons  la  chose  à  nous,  en  vertu 
de  notre  puissance  papale ,  annulons  le  tout  et  le 

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ra  Lonn.  41 

mettons  à  néant.  Alon  il  ne  reitaH  plot  ans  deux 
parties  qu'à  pleurer.  Je  tiens  qoe  le  pape  donne- 
rait trois  cardinaux  pour  que  la  chose  tài  encore 
dans  le  sac.  • 

Ajoutons  quelques  détails  tirés  d'une  lettre 
qa'écriyit  Luther  à  Spalatin  (  c'est-à-dire  à  r£- 
lecteur)  lorsqu'il  était  à  Angsbourg,  et  pendant 
les  conférences  (14  octobre)  :  «Voilà  quatrejonrs 
que  le  lé|^t  confere  avec  moi,  disons  mieux, 

contre  moi Il  refuse  de  disputer  en  public 

ou  même  en  particulier,  répétant  sans  cesse: 
Hétracte^toî ,  reconnais  ton  erreur,  que  tu  le 
croies  ou  non;  la  pape  le  veut  ainsi...  Enfin  on  a 
obtenu  de  lui  que  je  pourrais  m'expliquer  par 
écrit,  et  je  l'ai  fait  en  présence  du  seigneur  de 
Tôlitscb ,  représentant  de  l'Électeur.  Alors  le 
légat  n'a  plus  voulu  de  ce  que  j'avais  écrit,  il  s'est 
remis  à  crier  rétractation.  Il  s*est  allé  chercher  je 
ne  sais  quel  long  discours  dans  les  romans  de 
saint  Thomas ,  croyant  alors  m'avoir  vaincu  et  ré- 
duit au  silence.  Dix  fois  je  voulus  parler,  autant 
de  fois  il  m'arrêtait,  il  tonnait,  il  régnait  tyran- 
niquement  dans  la  dispute. 

»  Je  me  mis  enfin  à  crier  à  mon  tour  :  Si  vous 
pouvei  me  montrer  que  votre  décret  de  Clé- 
ment TI  dit  expressément  que  les  mérites  du 

S. 

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42k  mimotMM 

Cbrfat  êùtti  le  trésor  des  indiilg^eiioes,  je  me  ré- 
tracte.— ^Diea  sait  alors  comme  ils  ont  tous  éclaté 
de  rire.  Lui  il  a  arraché  le  liyre  et  Va  feuilleté 
hors  d'haleine  {fervena  et  anhelan$)  juaq[u'à  Ueii- 
dioit  où  il  est  écrit,  ^e  Christ  par  sa  Passion  a 
aeqm»  les  trésors ,  etc.  Je  Tarrétais  sur  ce  mot 
a  ocjfiftf...  —  Après  le  dîner,  il  fit  Tenir  le  réré- 
rend  père  Staupiti,  et  par  ses  oaresses  l'engagea 
de  m'amener  à  une  rétractation,  «goûtant  qfx»  je 
trouverais  difficilement  quelqu'un  qui  me  Toulut 
plus  de  hien  que  lui-même.  »  ^ 

Les  disputans  suivaient  une  méthode  diflé* 
rente;  la  conciliation  était  impossible.  Les  amis 
de  Luher  craignaient  un  guet-à-pens  de  la  part 
des. Italiens.  Il  quitta  Augsbouiip  en  laissant  un 
appelaupape  mieux  informé, et  iladressaunelon- 
gue  relation  de  la  conférence  à  l'Éleoteur.  Nous 
y  apprenons  que  dans  la  discussion,  il  avait  ap- 
.puyé  ses  opinions  relatives  à,  l'autorité  du  pape, 
sur  le  concile  de  Bàle,  sur  l'nniversité  de  Paris  et 
flur  Gerson.  D  prie  l'Électéar  do.no  point  le  livrer 
«u  pape  :  «  Veuille  votrejtfês  illustre  Altesse  fiùre 
ce  qui  est  de  son  honxuetur ,  de  sa  consoienoe ,  et 
-me  pas  m'envoyer  au  {lape.  L'homme  (il  parle 
du  légat  )  n'a  oertainement  pas  dans  ses  insinic- 
lions  une  garantie  pour  ma  sûreté  à  Rome.  Par* 


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DB  arma.  48 

kreiioeaei»à¥Otr!eUài|illiislre  Alteiie,oef^ 
nît  lui  dire  de  livrer  le  sang  chrétieDy  de  de- 
Teair  lioiiiicide.  A  Rome  !  le  pape  lui-même  n'y 
▼it  pas  &i  sûreté.  Ds  ont  là-bas  assez  de  papier 
et  d'encre  ;  ils  ont  des  notaires  et  des  scribes  sans 
nombre.  Ils  peuvent  aisément  écrire  en  quoi  j'ai 
erré.nencoàtera  moins  d'argent  pour  m'instmire 
absent  par  écrit,  que  pour  me  perdre  présent  par 
trahison.» 

Ces  craintes  étaient  fondées.  La  cour  de  Borne 
allait  s'adresser  directemmt  à  l'électeur  de  Saxe. 
U  lui  ialkit  Lutber  à  tout  prix.  Le  légat  s'était 
d^  plaint  amèrement  à  Frédéric  de  l'audace  de 
Luther ,  le  snpplimt  de  le  renvoyer  à  Augsbourg 
on  de  le  ohasser ,  s'il  ne  voulait  souiller  sa  gloire 
et  celle  de  ses  ancêtres  en  protégeant  ce  miséra- 
ble moine.  «  JPai  appris  hier  de  Nuremberg  que 
CEbaries  de  Miltitz  est  en  route;  qu'il  a  trois  bre6 
du  pape  (au  dire  d'un  témoin  oculaire  et  digne 
de  loi)  poiur  me  prendre  au  corps  et  me  livrerau 
pontife.  Mais  j'en  ai  appelé  au  futur  concile.  »  D 
était  nécessaire  qu'il  se  hâtât  de  récuser  le  pape , 
car  y  comme  le  légat  l'avait  écrit  à  Frédéric,  Lur 
ther  était  déjà  condamné  à.  Rome.  U  fit  cettejw)u- 
veOe  protestation  en  observant  toutes  les  fonoes 
juridiques,  déclara  qu'il  se  soumettrait  volontieca 


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44  HÉMOIBBS 

aa  Jugement  dn  pape  bien  informé  ;  mais  que  le 
papepoUyant  faillir,  commesaintPierre  lui-même 
a  failli ,  il  en  appelait  au  concile  général,  supé- 
rieur au  pape,  de  tout  ce  quelepape  décréterait 
contre  lui.  Cependant  il  craignait  quelque  vio- 
lence subite;  onpouvaitrenleverdeWittemberg. 
«L'on  t'a  trompé,  écrit- il  à  Spalatin,  je  n'ai 
point  fiât  mes  adieux  au  peuple  de  Wittemberg; 
il  est  Trai  que  j'ai  parlé  à  peu  près  comme  il  suit: 
Vous  le  savez  tous,  je  suis  un  prédicateur  variable 
et  peu  fixe.  Combien  de  fois  ne  vous  ai-je  pas 
quittés  sans  vous  saluer!  Si  la  même  chose  arri- 
vait encore  et  que  je  ne  dusse  point  revenir ,  pre- 
nez que  je  vous  ai  fait  mes  adieux  d'avance.  • 

(3  décembre.  )  «  On  me  conseille  de  deman- 
der au  prince  qu'il  m'enferme,  comme  prison- 
nier, dans  quelque  château ,  et  qu'il  écrive  au 
légat  qu'il  me  tient  en  lieu  sûr,  où  je  serai  forcé 
de  répondre.  » 

«  U  est  hors  de  doute  que  le  prince  et  l'uni- 
versité sont  pour  moi.  L'on  me  rapporte  une  con- 
versation tenue  sur  mon  compte  à  la  cour  de 
l'évéquede  Brandebourg.  Quelqu'un  dit  :  Érasme, 
Fabricius  et  autres  doctes  personnages  le  soutien- 
nent. Le  pape  ne  s'en  soucierait  guère,  répondit 
févèque,  si  l'université  de  Wittemberg  et  l'Éleo* 


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M  Lirmi.  45 

tenr  n'étaient  aiud  de  son  côté.  »  Cependant  Luther 
paan  dans  de  Tires  craintes  la  fin  de  cette  année 
1K18.  Il  songeait  à  quitter  rAUemagne.  «  Pour 
n^attirer  ancon  danger  sur  Totre  Altesse,  Toici  que 
j'abandonne  tos  terres;  j'irai  où  me  conduira  la 
miaéricordedeIKea,  me  confiant  atout  éréne- 
ment  dans  sa  diTÎne  volonté.  C'est  pourquoi  je 
nlue  respectueusement  TOtre  Altesse  ;  chex  quel* 
que  peuple  que  j'aille,  je  conserverai  une  étemelle 
reconnaissance  de  vos  bienfaits.  »(19  novembre.) 
La  Saxe  pouvait  en  effet  lui  paraître  alors  une 
retraite  peu  sâre.  Le  pape  cherchait  à  gagner 
l'Électeur.  Charles  de  Hiltitz  fut  chargé  de  lui  of- 
frir la  rose  d'or,  haute  distinction  que  la  cour  de 
Rome  n'accordait  guère  qu'à  des  rois,  comme 
récompense  de  leur  piété  filiale  envers  l'Église. 
C'était  pour  l'Électeur  une  épreuve  difficile.  Il 
fallait  s'expliquer  nettement ,  et  peut-être  attirer 
sur  soi  un  grand  péril.  Cette  hésitation  de  l'Élec- 
teur parait  dans  une  lettre  de  Luther.  «  Le  prince 
m'a  tout-à-fait  détourné  de  publier  les  Actes  de 
la  conférence  d'Augsbourg ,  puis  il  me  l'a  permis, 
et  on  les  imprime...  Dans  soninquiétude  pour  moi  » 
il  aimerait  mieux  que  je  fusse  partout  ailleurs.  Il 
m'afiût  venirà  lichtenberg ,  oik  j'ai  conféré  long- 
tempsaveo  Spalatin  sur  eesojet  8i  lesoenauresTÎen- 

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46  «iMOuiss 

nent,  ai-je  dit,  je  ne  resterai  point.  Il  m'a  peur- 
tant  dit  de  ne  pas  tant  me  hâter  de  partir  pour  la 
France.  » 

Ceci  était  écrit  le  IS  décembre.  Le  SO ,  Luther 
était  rassuré.  L'Électeur  avait  répondu,  avec  une 
froideur  toute  diplomatique,  qu'il  se  reconnais* 
sait  pour  fils  très  obéissant  de  la  très  sainte  mère 
Église,  qu'il  professait  un  ^rand  respect  pour  la 
sainteté  pontificale ,  mais  donandait  qu'on  fit 
examiner  l'affidre  par  des  juges  non  suspects.  C'é- 
tait un  moyen  delà  faire  traîner  en  longueur;  peu* 
dant  ce  temps  il  pouvait  survenir  tel  incident  qui 
diminuerait,  qui  tournerait  le  danger.  C'était 
tout  de  gagner  du  temps.  En  effet ,  au  mois  de  jan- 
vier 1519 ,  l'Empereur  mourut,  l'interrègne  com- 
mença, et  Frédéric  se  trouva,  par  le  choix  de 
Maximilien,  vicaire  de  l'Empire  dans  la  vacance. 

Le  S  mars  1519,  Luther  rassuré  écrivit  au  pape 
une  lettre  altière,  sous  forme  respectueuse.  <  Je 
ne  puis  supporter,  très  saint  Père,  le  poidsde  votre 
courroux;  mais  je  ne  sais  conmient  m'y  soustraire. 
Grâce  aux  résistances  et  aux  attaques  de  mes  en- 
nemis, mes  paroles  se  sont  répandues  plus  que  je 
n'espérais,  et  elles  ont  descendu  trop  profondé- 
ment danales  cceurs  pour  que  je  puisse  les  rétrao- 
ter.  L'Allemagne  fleurit  de  nos  jours  en  érudition. 


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]>s  Limnm.  47 

en  rÙNm,  en  génie.  Si  je  renx  honorer  Rome 
parlerait  die,  je  dois  me  garder  de  rien  révo- 
quer. Ce  ierait  soniller  encore  plus  l'égliae  ro- 
maine, la  livrer  anx  accnsattons,  au  mépris  des 
hommes. 

9  Geux*làonifidtinjure  et  déshonneur  àFéglise 
romaine  en  Allemagne,  qui ,  abusant  du  nom  de 
votre  Sainteté ,  n'ont  servi  par  leurs  absurdes  pré^ 
dications  qu'une  infâme  avarice,  et  qui  ont  souillé 
les  choses  saintes  de  l'abomination  et  de  l'oppro^ 
hre  d'Egypte.  Et  comme  si  ce  n'était  asseï  de  tant 
de  maux,  moi  qui  ai  voulucombattre  ces  monstres, 
c'est  moi  qu'ils  accusent 

9  Maintenant,  très  saint  Pèroi  j'en  atteste  Dieu 
et  les  hommes,  je  n'ai  jamais  voulu,  je  ne  veux 
pas  davantage  aujourd'hui  toucher  à  l'église  ro-* 
maine  ni  à  votre  sainte  autorité.  Je  reconnais 
pleinement  que  cette  église  est  au<^essus  de  tout^ 
qu'on  ne  lui  peut  rien  préférer ,  de  ce  qui  est  au 
dék  et  sur  la  terre,  si  ce  n'est  Jésus-Christ,  notre 
seigneur.» 

Luther  avait  dès^lors  pris  son  parti.  I>éjà  un 
mois  ou  deux  auparavant  il  avait  écrit  :  «  Le  pape 
n'a  pas  voulu  souffrir  un  juge ,  et  moi  je  n'ai  pas 
voulu  du  jugement  du  pape.  Il  sera  donc  le  texte, 
et  moi  k  glose.  »    Ailleurs  il  dit  à  Spalatîn 


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48  MixOtABS 

(  IS  mars)  :  «  Je  suis  en  trarail  pour  l'épître  de 
saint  Paul  aux  Galates.  JTai  en  pensée  unsermon  sur 
la  Passion;  outre  mes  leçons  ordinaires  J'enseigne 
le  soir  les  petits  enfants,  et  je  leur  explique  rorai- 
son  dominicale.  Cependant,  je  retourne  les  décré- 
taies  pour  manouYelle  dispute,  et  j'y  trouve  Christ 
tellement  altéré  et  crucifié,  que  je  ne  sais  trop  (je 
TOUS  le  disàroreille)si  le  pape  n'est  pas rAntichrist 
lui-même ,  ou  l'apôtre  de  l'Antichrist.  * 

Quels  que  fussent  les  progrès  de  Luther  dans  la 
violence ,  le  pape  avait  désormais  peu  de  chance 
d'arracher  à  un  prince  puissant,  à  qui  la  plupart 
des  électeurs  déféraient  l'empire,  son  théologien 
favori.  Miltitz  changea  de  ton.  Il  déclara quele pape 
voudrait  hien  encore  se  contenter  d'une  rétracta- 
tion. Il  vit  familièrement  Luther.  Il  le  flatta ,  il  loi 
avoua  qu'il  avait  enlevé  le  monde  à  soi,  et  l'avait 
soustrait  au  pape.  Il  assurait  que  dans  sa  route ,  il 
avait  à  peine  trouvé  sur  cinq  hommes ,  deux  oa 
trois  partisans  de  la  papauté.  Il  voulait  lui  per- 
suader d'aller  s'expliquer  devant  l'archevêque  de 
Trêves.  Il  ne  justifiait  pas  autrement  qu'il  fût  auto- 
risé à  faire  cette  proposition  ni  par  le  pape,  ni 
par  l'archevêque.  Le  conseil  était  suspect.  Luther 
savait  qu'il  avait  été  hrùlé  en  effigie  à  Rome  [p •- 
pyincetis  Martinus  in  canipo  Florœ  puhlicè  com^ 


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Ds  LOTm.  49 

^mtiuê,  eseemimê,dêTOiu$].  Il  répondit  durement 
à  MiltitZf  et  TaTertît  qu'un  de  ses  envoyés  avait 
inspiré  de  teb  loupçonsà  Wittemberg,  qu'on  avait 
£ûlli  le  fidre  sauter  dans  FElbe.  «  Si ,  comme  vous 
le  dites,  vous  êtes  obligé,  par  mon  refus,  de  venir 
vous-même.  Dieu  voosaccorde  un  heureux  voyage! 
Soi,  je  suis  fort  occupé;  je  n'ai  ni  le  temps,  ni 
Targent  nécessaire  pour  me  promener  ainsi.  Adieu, 
bonune  excellent.  »  [17  mai.] 

A  l'arrivée  deMiltitz  en  Allemagne,  Luther  avait 
dit  qu'il  se  tairait,  pourvu  que  ses  adversaires  se 
tussent  aussi.  Ils  le  dégagèrent  de  sa  parole^  Le 
docteur  £ck  le  défia  solennellement  de  venir  dia* 
puter  avec  lui  à  Leipzig.  Les  facultés  de  Paris,  de 
LouTain  f  de  Cologne ,  condamnèrent  ses  propo- 
sitions. 

.  Pour  se  rendre  décemment  à  Leipzig,  Luther 
fut  obligé  de  demander  une  robe  au  parcimonieux 
Électeur ,  qui ,  depuis  deux  ou  trois  ans ,  avait  on* 
blié  de  l'habiller.  La  lettre  est  curieuse  : 

«  Je  prie  votre  Grâce  électorale  de  vouloir  bien 
m'acheter  une  chape  blanche  et  une  chape  noire. 
La  blanche,  je  la  demande  humblement.  Pour  la 
noire,  votre  altesse  me  la  doit;  car  il  y  a  deux  ou 
trois  ans  qu'elle  me  l'a  promise,  et  Pfeffinger 

délie  si  difficilement  les  cordons  de  sa  bourse,  que 

4 

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60  infaioufts 

j'ai  été  obligé  de  m'en  procurer  uae  moi-même. 
Je  prie  humblement  votre  Altesse,  qui  a  pensé 
que  le  Pêavtier  méritait  une  cbape  noire ,  de  tou* 
loir  bien  ne  pas  juger  le  «otn^  Paul  indigne  d'une 
chape  blanche.  » 

Luther  était  alors  si  complètement  rassuré, 
que  non  content  d'aller  se  défendre  à  Leipzif^^  il 
prit  l'offeniiTe  à  Wittemberg.  «  Il  osa ,  dit  son  bio- 
graphe catholique,  Gochleenis,  il  osa,  avecrauto- 
risation  du  prince  qui  le  protégeait,  citer  solen^ 
nellement  les  inquisiteurs  les  plus  habiles,  oeux 
qui  se  croiraient  capables  d'avaler  le  fer  et  de 
fendre  le  caillou,  pour  qu'ils  vinssent  disputer 
avec  lui  ;  on  leur  offirait  le  sauf'conduit  du  prince, 
qui  de  plus  se  chargeait  de  les  héberger  et  de  les 
défrayer.  » 

Cependant I  le  principal  adversaire  de  Luther, 
le  docteur  Eck,  s'était  rendu  à  Rome  pour  solli- 
citer sa  condamnation.  Luther  était  jugé  d'avance. 
Il  ne  lui  restait  qu'à  juger  son  juge,  à  condamner 
lui-même  l'autorité  par^evant  le  peuple.  G'e^t  ce 
qu'il  fit  dans  son  terrible  livre  de  la  Captivité  de 
Babylone.  Il  avançait  que  l'Église  était  captive, 
que  Jéstts^hrist,  constamment  profané  dans  Fi" 
dolÂtrie  de  la  messe,  méconnu  dans  le  dogme  de 
la  transsubstantiation,  se  trouvait  prisonnier  du 
pape. 

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]»   I.6TBSA.  51 

Il  explique  dans  la  préface,  areo  une  auda- 
ciMae  firamdiiae,  comment  il  s'est  trouvé  pouiié 
de  proche  eu  proche  par  ses  adversaires  :  «  Que 
je  le  TeniUe  ou  non ,  je  deviens  chaque  jour  plus 
habile  y  poussé  comme  je  suis,  et  t^oiuen  haleine 
par  taat  de  maitres  à  la  fois.  J'ai  écrit  sur  les  bk- 
dttlgences,  il  y  a  deux  ans,  mais  d'une  façon  qui 
me  fidi  regretta  vivement  d'avoir  donné  me^ 
fisuiHes  au  public.  J'étais  encore  prodigieusement 
ennpoué  à  cette  époque  de  la  puissance  papale;  je 
n'osai  rejeter  les  indulgences  entièrement.  Je  les 
Toyab  d'ailleurs  approuvées  par  tant  de  person* 
aes;  moi ,  j'étais  seul  à  rouler  ce  rocher  (hœ  vol- 
ven  Mumm).  Mais  depuis,  grâce  à  8ilvestre  el 
autres  firères  qui  les  défendirent  vaillamment, 
j'ai  cmnpris  que  ce  n'était  rien  autre  chose  que 
des  impostures  inventées  parles  flatteurs  dcRome, 
pour  bire  perdre  la  foi  aux  hcmunes  et  s'emparer 
de  leur  bourse,  t^laise  à  Dieu  que  je  puisse  porter 
les  libraires  et  tous  ceux  qui  ont  lu  mes  écrits  sur 
les  indulgences  à  les  brûier  sans  en  laisser  trace, 
en  mettant  à  la  place  de  tout  ce  que  j'ai  dit ,  cette 
unique  proposition  :  Les  ùuMgênoeê  aant  des  hil" 
Utêêéeê  inveniéeê  par  les  fiagomeurs  de  Home. 

»  Après  cela,  Eck,  Emser  et  leur  bande  vinrent 
m'entieprendre  sur  la  question  de  la  suprématie 

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52  BÉMOIEES 

da  pape.  Je  dois  reconnaître ,  pour  ne  pas  me 
montrer  ingrat  envers  ces  doctes  personnages, 
que  la  peine  qu'ils  se  sont  donnée  n'a  pas  été  per- 
due pour  mon  avancement.  Auparavant,  je  niais 
que  la  papauté  fut  de  droit  divin ,  mais  j'accordais 
encore  qu'elle  était  de  droit  humain.  Après  avoir 
entendu  et  lu  les  subtilités  uUrà-subtiles  sur  les- 
quelles ces  pauvres  gens  fondent  les  droits  de  leur 
idole,  j'ai  fini  par  mieux  comprendre,  et  je  me 
suis  trouvé  convaincu  que  le  règne  du  pape  est 
celui  de  Babylone  et  de  Netnrod,  le  fort  chasseur. 
C'est  pourquoi  je  prie  instamment  les  libraires  et 
les  lecteurs  (pour  que  rien  ne  manque  au  suc- 
cès de  mes  bons  amis),  de  brûler  également  ce 
que  j'ai  écrit  jusqu'ici  sur  ce  point,  et  de  s'en 
tenir  à  cette  proposition  :  Le  pape  est  le  fort  chas^ 
seur,  leNemrodde  Vépiscopat romain,* 

En  même  temps,  pour  qu'on  sût  bien  qu'il  s'at- 
taquait à  la  papauté  plus  qu'au  pape,  il  écrivit 
dansles  deux  langues  une  longue  lettre  à  Léon  X, 
où  il  s'excusait  de  lui  en  vouloir  personnellement. 
<  Au  milieu  des  monstres  de  ce  siècle ,  contre  les- 
queb  je  combats  depuis  trois  ans ,  il  faut  bien 
qu'une  fois  pourtant,  très  honorable  Père,  je  me 
souvienne  de  toi.  Ta  renommée  tant  célébrée  des 
gens  de  lettres,  ta  vie  irréprochable  te  mettrait 


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»B   LVTHBB.  88 

aortems  de  toute  attaqae.  Je  ne  suis  pas  m  sot 
que  de  m'en  prendre  à  toi ,  lorsqu'il  n'est  per- 
none  qoi  ne  te  loue.  Je  t'ai  appelé  un  Daniel  dans 
Bibylone ,  j'ai  protesté  de  ton  innocence...  Oui , 
cher  Léon,  tu  me  bis  l'effet  de  Daniel  dans  la  fosse 
d'Ézéchiel  parmi  les  scorpions.  Que  pourrais4u , 
Kul  contre  ces  monstres?  Ajoutons  encore  trois 
ou  quatre  cardinaux  sayans  et  Tortueux.  Vous  sé- 
ries empoisonnés  infiiilliblement  si  tous  osiet  en- 
treprendre de  remédier  à  tant  de  maux...  C'en  est 
fait  de  la  cour  de  Rome.  La  colère  de  Dieu  est  to- 
Boe  pour  elle  à  son  terme;  elle  hait  les  conciles, 
elle  a  horreur  de  toute  réforme.  Elle  remplit  l'é- 
loge de  sa  mère ,  dont  il  est  dit  :  Nouê  avons  soigné 
Bahylone;eUe  n'est  pas  guérie,  laissons  Babylone. 
0  infortuné  Léon ,  qui  sièges  sur  ce  trône  maudit! 
loi  je  te  dis  la  Térité  parce  que  je  te  toux  du  bien. 
Si  sûnt  Bernard  aTait  pitié  de  son  pape  Eugène, 
quelles  seront  nos  plaintes ,  lorsque  la  corruption 
a  augmenté  trois  cents  ans  de  pins...  Oni ,  tu  me 
remercierais  de  ton  salut  étemel ,  si  je  Tenais  à 
bout  debriser  ce  cachot,  cetenfer,  où  tu  te  trouTcs 
retenu.» 

Lorsque  la  bulle  de  condamnation  arriTa  en 
Allemagne,  elle  trouTa  tout  un  peuple  soulevé.  A 
£rfiirt)i,  les  étudians  l'arrachèrent  aux  libraires, 

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64  KéiioïKis 

la  aireiit  en  pièces  e(  la  jeftèreni  à  l'eau  en  fiii- 
tant  cette  mauvaise  pointe  :  «  Bulle  elle  est,  di- 
saient-ils, comme  bulle  d'eau  elle  doit  nager.  • 
Luther  écrivit  à  l'instant:  Conire  la  bulle  exéora-^ 
blede  l'Aniichriêt.LelOàèQembwe  lttSO,illabrùla 
aux  portes  de  la  ville,  et  le  même  jour  il  écrivît 
à  Spalatin,  son  intermédiaire  ordinaire  auprès  de 
l'Électeur.  «  Aujourd'hui  10  décembre  de  l'année 
1S30 ,  la  neuvième  heure  du  jour,  ont  été  brûlés 
à  Wittemberg,  à  la  porte  de  l'ist,  près  la  sainte 
croix,  tous  les  livres  du  pape,  le  Décret ,  les  Bé^ 
eréialei,  l'Exiravaganie  de  Clément  YI,  la  der- 
nière bulle  de  I^éon  X ,  la  Somme  angélique  ,  la 
Chrysoprasus  d'Eck  et  quelques  autres  ouvrages 
d'Eck  et  d'Emser.  Voilà  des  choses  nouvelles  !  • 
11  dit  dans  l'acte  même  qu'il  fit  dresser  à  ce  sujet  : 
«  Si  quriqu'un  me  demande  pourquoi  j'en  agis 
ainsi ,  je  lui  répondrai  que  c^est  une  vieille  cou- 
tume de  brûler  les  mauvais  livres.  Les  apôtres  en 
ont  brûlé  pour  cinq  mille  deniers.  > 

Selon  la  tradition ,  il  aurait  dit,  en  jetant  dans 
lesflammes  le  livre  des  Décrétales  :  «  Tu  as  affligé 
le  saint  du  Seigneur,  que  le  feu  éternel  t'afflige 
toi-même  et  te  consume.  > 

C'était  bien  là,  en  effet,  des  choses  nouvettei, 
comme  le  disait  Luther.  Jusqu'alora  la  plupart 


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Ml   LVTftBE.  IW 

ilesflectes  et  des  hérësias  s'étaient  fermées  dans 
l'ombre,  et  se  seraient  tenues  henreoses  d'être 
igiioréee;  mais  ▼oici  qu'un  moine  traite  d'égal  à 
é^l  avec  le  pape,  et  se  eonstitue  le  jug^e  du  cheC 
de  VÉ^lme.  La  chaîne  de  la  tradition  vient  d'être 
rompue,  l'unité  brisée,  larofte  mim  eouimre  déchi* 
rée.  Qu'on  ne  croie  pas  que  Luther  lui-même,  avec 
toute  sa  violence ,  ait  franchi  sans  douleur  ce  der- 
nier pas.  C'était  d'un  coup  arracher  de  son  cœur 
tout  un  passé  vénérable  dans  lequel  on  avait  été 
nourri.  Il  croyait,  il  est  vrai ,  garder  pour  soil'É- 
cvîture.  Hais  enfin  c'était  l'Écriture  autrement  in- 
terprétée qu'on  ne  faisait  depuis  mille  ans.  Ses 
ennemis  ont  dit  'souvent  tout  cela;  aucun  d'eux 
iptas  éloquemment  que  lui. 

«  Sans  doute ,  écrit-il  à  Érasme  au  commence- 
ment de  son  triste  livre  De  iervo  urbtfrio ,  sam 
doute ,  tu  te  sens  quelque  peu  arrêté  en  présence 
d'une  suite  â  nombreuse  d'érudits,  devant  le  con- 
sentement de  tant  de  siècles  où  brillèrent  des 
Vkorames  si  habiles  dans  les  lettres  sacrées,  où  pa- 
rurent de  n  grands  martyrs,  glorifiés  par  de  nom- 
breux miracles.  Ajoute  encore  les  théologien 
plus  récens,  tant  d'académies,  de  conciles,  d'évè- 
ques,  de  pontifes.  De  ce  côté  se  trouvent  l'érudi- 
tion, le  génie,  le  nombre,  la  grandeur,  la  hau- 


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56  BteoiftEs 

tenr,  la  force,  la  sainteté,  les  miracles,  et  qne  n^y 
a-t-il  pas  ?  Du  mien ,  Wiclef  et  Laurent  Yalla  (  et 
aussi  Augustin,  quoique  tu  l'oublies),  puis  Luther, 
un  pauvre  homme,  né  d'hier,  seul  avec  quelques 
amis  qui  n'ont  ni  tant  d'érudition,  ni  tant  de  gé- 
nie ,  ni  le  nombre ,  ni  la  grandeur,  ni  la  sainteté, 
ni  les  miracles.  A  eux  tous,  ih  ne  pourraient  gué- 
rir un  cheval  boiteux...  Ei  alia  quœ  tu  plurma 
fanda  enumerare  valeê.  Que  sommes-nous ,  nous 
autres?  Ce  que  le  loup  disait  de  Philomèle  :  Tu 
n'es  qu'une  voix;  Vox  e»t,prœterêàquenihil... 

•  Je  l'avoue ,  mon  cher  Érasme ,  c'est  avec  rai- 
son que  tu  hésites  devant  toutes  ces  choses;  moi 

aussi,  il  y  a  dix  ans,  j'ai  hésité Pouvais-je 

croire  que  cette  Troie,  qui  depuis  si  long-temps 
avait  victorieusement  réâsté  à  tant  d'assauts,  pût 
tomber  un  jour  ?  J'en  atteste  Dieu  dans  mon  âme, 
j'eusse  persévéré  dans  ma  crainte,  j'hésiterais  en^ 
core  aujourd'hui ,  si  ma  conscience ,  si  la  vérité , 
ne  m'avaient  contraint  de  parler ,  je  n'ai  pas,  tu 
le  penses  bien ,  un  cœur  de  roche;  et  quand  je 
l'aurais,  battu  par  tant  de  flots  et  d'orages,  il  se 
serait  brisé ,  ce  cœur,  lorsque  toute  cette  autorité 
venait  fondre  sur  ma  tête,  comme  un  déluge  prêt 
à  m'accabler.  > 

Il  dit  ailleurs  :  «...J'ai  appris  par  lasainteÉcri-» 


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tureque  c'est  chose  pleine  de  péril  et  de  terreur 
d'âerer  la  toîx  dans  l'église  de  Bien,  de  parler  au 
ndZiea  de  ceux  qae  tous  aurez  pour  juges»  lors- 
qa'arriTés  au  dernier  jour  du  jugement ,  tous 
TOUS  trouTerez  sous  le  regard  de  Dieu ,  sous  l'œil 
des  anges,  toute  créature  Toyant,  écoutant,  et 
dressant  l'oreille  au  Yerbe  di^in.  Certes ,  quand 
j'y  songe,  je  ne  désirerais  rien  plus  que  le  si- 
lence ,  et  l'éponge  pour  mes  écrits...  Avoir  à  ren- 
dre compte  à  Dieu  de  toute  parole  oiseuse,  cela 
est  dar,  cela  est  effroyable  !  (1)> 

(27  mars  1519)  >  J'étais  seul ,  et  jeté  dans  cette 
sffiûre  sans  prévoyance  ;  j'accordais  au  pape 
beaucoup  d'articles  essentiels,  qu'étais-je,  pauvre 
misérable  moine,  pour  tenir  contre  la  majesté  du 
pape,  devant  lequel  les  rois  de  la  terre  (que  disrje? 


(i)  0  est  carieux  de  rapprocher  de  ces  paroles  de 
lAither  le  passage  si  différent  des  Confessions  de  Bons- 
•eau  : 

«  Qae  la  trompette  du  jugement  dernier  sonne  quand 
eBe  Tondra  ;  je  Tiendrai ,  ce  liyre  â  )a  main ,  me  présen- 
ter derantle  souverain  juge.  Je  dirai  hautement:  Voilà 

ce  qae  jai   £iit,  ce  qae  j*ai  pensé,  ce  que  je  fus 

EtpQis,qu*an  seul  dise,  sHlTose  :  JefuêmtiUeurqiêeett 
homme-là.  • 


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58  MéKomB 

la  terre  méme,renfer  et  le  ciel)trenblaient  ?...  Ce 
que  j'ai  Bouffert  la  première  et  la  secimde.aiixiée  ; 
dans  quel  abattement,  noa  pas  feint  et  supposé, 
mais  bien  véritable  >  ou  plutôt  dans  quel  déses- 
poir je  me  trouvais,  ah  !  ils  ne  le  savent  point  ces 
esprits confians qui,  depuis,  ont  attaqué  le  pape 
avec  tant  de  fierté  et  de  présomption...  Ne  pouvant 
trouver  de  lumière  auprès  des  maîtres  morts  ou 
muets  (je  parle  des  livres  des  théologiens  etdes  je* 
suites),  je  souhaitai  de  consulter  le  conseil  vivant 
des  églises  de  Dieu,  afin  que,  s'ilexbtait  des  gens 
pieux  qu'éclairât  le  Saint-Esprit,  ik  prissent  com- 
passion de  moi ,  et  voulussent  bien  donner  unavis 
bon  et  sûr,  pour  mon  bien  et  pour  celui  de  toute 
la  chrétienté.  Kais  il  était  impossible  que  je  les 
reconnusse.  Je  ne  regardais  que  le  pape,  les  car* 
dinaux,  évéques,  théologiens,  canonistes,  moines, 
prêtres;  c'est  de  là  que  j'attendais  l'esprit.  Car  je 
m'étais  si  avidement  abreuvé  et  repu  de  leur  doc- 
trine ,  que  je  ne  sentais  plus  si  je  veiUais  ou  si  je 
dormais...  Si  j'avais  alors  bravé  le  pape,  comme 
je  le  fais  aujourd'hui,  je  me  serais  imaginé  que  la 
terre  se  fût ,  à  l'heure  même ,  ouverte  pour  m'en- 
gloutir  vivant,  ainsi  que  Coré  et  Abiron..*  Lors- 
que j'entendais  le  nom  de  l'Église,  je  frémissais 
lf\  offrais  de  céder.  En  1518,  je  dis  au  cardinal 


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DB  B9l1Ba«  Si 

GmIuo  à  AuKdMrarg,  que  je  Tonlow  déaofMît 
BM  ksB;  senlenieiit  je  le  priais,  en  tonte  hn- 
maîi^ ,  dHmpcMer  même  silence  à  mes  advessai** 
les,  et  d'arrêter  leurs  clameurs.  Loin  de  me  IW 
coider»  il  me  menaça,  si  je  ne  me  rétractais ,  de 
esodanmer  toot  ce  que  j'ATsâs  enseigné.  J'aTais 
déjà  dotmé  le  Gatécbismei  par  lequel  beaucoup 
de  gens  s'étaient  améliorés;  je  ne  dorais  pas 
souffirir  qu'il  fût  condamné.... 

»  le  fbs  ainsi  forcé  de  tenter  ce  que  je  regar* 
dais  comme  ledemier  desmaux...Hais  jenesonge 
pas  ponrcette  foisà  compter  mon  histoire  Je  veuT 
aeolement  confesser  ma  sottise ,  mon  i^orance 
etma  fidblesse.  Je  tcux  faire  trembler,  par  mon 
eiemple,  ces  présomptueux  criailleurs  ou  écri* 
YaiUeura,  qui  n'ont  point  porté  la  croix ,  ni  connu 
les  tantations  de  Satan...  > 

Contre  la  tradition  du  mdyen-âge,  cOnireVau- 
torilé  de  l'Église,  Luthercherchait  un rrfuge  dans 
llçrîture,  antérieure  à  la  tradition,  supérieure  à 
ll^se  elle-même.  H  traduisait  les  psaumes ,  il 
écriTait  seaposiUleê  des  évangiles  et  des  épîtres. 
Anidle  autre  époque  de  sarie,  il  n^apprWba  plus 
près  du  mysticisme.  H  se  fondait  alors  sur  saint 
Jean,  non  moins  que  sur  saint  Paul,  et  semblait 
prêt  à  parcourir  ions  les  degrés  de  la  doctrine  dtf 

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60  ufaioius 

ramour,  sans  s'effirayer  des  conséquences  funestes 
qui  en  découlaient  pour  la  liberté  et  la  moralité 
de  l'honune.  H  y  a,  dit-il  »  dans  son  livre  de  la  Li  ^ 
bertéchrétienneyilyadeuxhommesdanslliomme. 
L'homme  intérieur,  Tâme ,  l'homme  extérieur,  le 
corps;  aucun  rapport  entre  eux.  Comme  les  œu- 
vres Tiennent  de  l'homme  extérieur,  leurs  effets 
ne  peuvent  affecter  l'àme  ;  que  le  corps  hante  des 
lieux  profanes,  qu'il  mange,  boive,  qu'il  ne  prie 
point  de  bouche  et  néglige  tout  ce  que  font  les 
hypocrites,  l'ame  n'en  souffrira  pas.  Par  la  foi, 
l'âme  s'unit  au  Christ  comme  l'épouse  à  son  époux. 
Alors  tout  leur  est  commun ,  le  bien  comme  le 
mal...  Nous  tous,  qui  croyons  en  Christ,  nous 
sommes  rois  et  pontifes.*-  Le  chrétien  élevé  par 
sa  foi  au-dessus  de  tout,  devient,  par  cette  puis- 
sance spirituelle ,  seigneur  de  toutes  choses,  de 
sorte  que  rien  ne  peut  lui  nuire ,  imo  omuia  ei 
êubjeeta  eoguuiur  iervire  ad  ialutem,,.  Si  je  crois, 
toutes  choses  bonnes  ou  mauvaises  tournent  en 
bien  pour  moi.  C'est  là  cette  inestimable  puissance 
et  liberté  du  chrétien. 

t  Si  tu  sens  ton  cœur  hésiter  et  douter,  il  est 
grand  temps  que  tu  ailles  au  prêtre ,  et  que  tu 
demandes  l'absolution  de  tes  péchés.  Tu  doia 
mourir  mille  fois  plutôt  que  de  douter  du  juge- 


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DB  tmniBft.  61 

ment  du  prêtre  »  qui  est  le  jugement  de  Dieu.  Si 
tu  peux  croire  à  ce  jugement ,  ton  cœur  doit  riro 
de  joie  et  louer  IKeu ,  qui ,  par  l'intermédiaire  de 
rhomme,  a  consolé  ta  conscience.  — ^  Si  tu  ne 
penses  pas  être  digne  du  pardon ,  c'est  que  tu 
n'as  pas  encore  fait  assez ,  c'est  que  tu  es  trop  peu 
instruit  dans  la  foi ,  et  plus  qu'il  ne  faut  dans  les 
œuvres.  Il  est  mille  fois  plus  important  de  croire 
fermement  à  l'absolution  que  d'en  être  digne ,  et 
de  Cadre  satisfaction.  Cette  foi  vous  rend  digne , 
et  constitue  la  véritable  satisfaction.  L'bomme 
peut  alors  serrir  avec  joie  son  Dieu ,  lui  qui ,  sans 
cela ,  par  suite  de  l'inquiétude  de  son  cœur,  ne 
£iit  jamais  aucune  bonne  œuvre.  C'est  là  ce  qui 
s'appelle  le  doux  Cardeau  de  notre  Seigneur 
Jésu»-Cbrist.  >  Sermon  prêché  à  Leipzig ,  en  1519, 
SUT  la  justification. 

Cette  dangereuse  doctrine  fut  accueillie  par  le 
peuple  et  par  la  plus  grande  partie  des  lettrés. 
Érasme,  le  plus  célèbre  d'entre  eux ,  parait  seul 
en  avoir  senti  la  portée.  Esprit  critique  et  néga- 
tif, émule  du  bel  esprit  italien  Laurent  Yalla , 
qui  avait  écrit  au  quinzième  siècle  un  livre  De 
iibero  arbitrio ,  il  écrivit  lui-même  contre  Luther, 
sous  ce  même  titre.  Dès  l'année  1S19,  il  reçut 
avec  froideur  les  avances  du  moine  de  Wîttcm- 

TOMB   1  ^ 

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82  xiMonixs 

berg.  Celui-ci,  qui  sentait  alors  combien  il  avait 
besoin  de  l'appui  des  gens  de  lettres,  avait  écrit 
des  lettres  louangeuses  à  Reucblin  et  à  Érasme 
(1518,1519).  La  réponse  de  ce  dernier  est  froide 
et  significative  (  1519  ).  <  Je  me  réserve  tout  entier 
pour  mieux  aider  à  la  renaissance  des  bellea- 
lettres  \  et  il  me  semble  que  l'on  avance  plus  par 
une  modération  politique  (modestia  civili)  que 
par  l'emportement.  C'est  ainsi  que  le  Christ  a 
amené  le  monde  sous  son  obéissance  ;  c'est  ainsi 
que  ^aul  a  aboli  la  loi  judaïque  en  tirant  tout  à 
l'interprétation.  Il  vaut  mieux  crier  contre  ceux 
qui  abusent  de  l'autorité  des  prêtres  que  contre 
les  prêtres  eux-mêmes.  Il  en  faut  taire  autant  à 
l'égard  des  rois.  Au  lieu  de  jeter  le  mépris  sur  les 
écoles ,  il  faut  les  ramener  à  de  plus  saines  études. 
LorsquHl  s'agit  de  choses  trop  enfoncées  dans  les 
esprits  pour  qu'on  puisse  les  en  arracher  d'un  seul 
coup ,  il  faut  procéder  par  la  discussion  et  par 
une  argumentation  serrée  et  puissante,  plutôt 
que  par  affirmations...  Il  faut  toujours  prendre 
garde  de  ne  rien  dire ,  de  ne  rien  faire  d'un  air 
d'arrogance  ou  de  révolte  ;  telle  est ,  selon  moi , 
la  méthode  qui  convient  à  l'esprit  du  Christ.  Ce 
que  j'en  dis  n'est  pas  pour  vous  enseigner  ce  que 
vous  devez  faire ,  mais  pour  que  vous  fiisriex  tou- 
jours comme  vous  faites.  » 

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BI   LUTH».  08 

Ces  timides  ménagemens  n'étaient  point  à  Tu- 
nge  d'un  tel  homme  ni  d'un  tel  paornent.  L'en- 
trainement  était  immense.  Les  nobles  et  le  peuple, 
les  châteaux  et  les  villes  libres,  rivalisaient  de 
lèle  et  d'enthousiasme  pour  Luther.  A  Nuremr 
berg ,  à  Strasbourg,  à Mayence  même,  on  s'arra-* 
cbaît  ses  moindres  pamphlets.  La  feuille ,  toute 
humide ,  était  apportée  sous  le  manteau ,  et  pas- 
sée de  boutique  en  boutique.  Les  prétentieux 
fittérateurs  du compagnonage  allemand,  les  fer- 
blantiers poètes,  les  cordonniers  hommes  de 
lettres,  dévoraient  la  bonne  nouvelle.  Le  bon 
Hans-Sachs  sortait  de  sa  vulgarité  ordinaire ,  iï 
fajflsait  son  soulier  commencé ,  il  écrivait  ses  meil- 
leurs vers,  sa  meilleure  pièce.  Il  chantait  à  demi^ 
voix,  U  rosêignol  de  Wittemberg,  dont  la  voix 
retentit  partout... 

ftien  ne  seconda  plus  puissamment  Luther  que 
le  zèle  des  imprimeurs  et  des  libraires  pour  les 
idées  nouvelles.  «  Les  livres  qui  lui  étaient  favo- 
rables, dit  un  contemporain,  étaient  imprimés 
par  les  typographes  avec  un  soin  minutieux , 
souvent  à  leurs  frais,  et  à  un  grand  nombre 
d'exemplaires.  Il  y  avait  une  foule  d'anciens  moi* 
nesqui,  rentrés  dansleâècle,  vivaient  des  livres 
de  Luther,  et  les  colportaient  par  toute  l'Aile- 

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Od  HiMOI&Bfl 

magne.  Ce  n'était  qu'à  force  d'argent  que  les 
catholiques  pouyaient  faire  imprimer  leurs  oq« 
vrages,  et  l'on  y  laissait  tant  de  fautes,  qu'ils 
semblaient  écrits  par  des  ignoranset  des  barbares. 
Si  quelque  imprimeur  plus  consciencieux  y  ap- 
portait plus  de  soin,  on  le  tourmentait,  on  se 
riait  de  lui  dans  les  marchés  publics  et  aux  foires 
de  Francfort,  comme  d'un  papiste,  d'un  esclara 
des  prêtres.  > 

Quelque  fût  le  zèle  des  villes ,  c'était  surtout  à 
la  noblesse  que  Luther  avait  fiedt  appel,  et  elle  y 
répondait  avec  un  xèle  qu'il  était  souvent  con- 
traint de  modérer  Im-méme.  En  1619,  il  écri- 
vit en  latin  une  Défense  de»  ariicleê  condamnés 
par  la  bulle  de  Léon  X ,  et  il  la  dédie  dans  ces  ter- 
mes au  seigneur  Fabien  de  Feilitzsch  :  «  Il  nous 
a  paru  convenable  de  vous  écrire  désormais  à 
vous  autres  laïques ,  nouvel  ordre  de  clercs ,  et  de 
débuter  heureusement ,  s'il  plait  à  Dieu ,  sous  les 
favorables  auspices  de  ton  nom.  Que  cet  écrit 
me  recommande  donc,  ou  plutôt  qu'il  recom- 
mande la  doctrine  chrétienne  à  toi  et  à  toute 
votre  noblesse.  >  II  avait  envie  de  dédier  la  tra- 
duction de  cet  ouvrage  à  Franz  de  Sickingen ,  et 
quelque  autre  aux  comtes  de  Kansfeld  \  il  s'en 
abstint,  dit-il,  «  de  crainte  d'éveiller  la  jalousie 

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DB  LUTHIB.  00 

de  beaucoup  d'autres,  et  surtout  de  la  noblesse 
francomenne.  >  La  même  année  il  publiait  son 
TÎolent  pamphlet  :  A  la  noblesse  chrétienne  d'Aile- 
wtagne  sur  V amélioration  de  la  chrétienté.  Quatre 
mille  exemplaires  furent  enlevés  en  un  instant. 

Les  principaux  des  nobles,  amis  de  Luther, 
étadeot  Silvestre  de  Schauenbergf ,  Franz  de  Sic- 
lûngen,  Taubenheim  et  Ulrich  deHutten.  Schau-^ 
enberg  avait  confié  son  jeune  fils  aux  soins  de 
lélancbton ,  et  offrait  de  prêter  main  forte  à 
rélecteur  de  Saxe ,  en  cas  qu'il  vînt  en  péril  pimr 
la  cause  de  la  réforme.  Tauhenheim  et  d'autres 
envoyaient  de  l'argent  à  Luther,  c  J'ai  reçu  cent 
pièees  d'or  que  m'envoie  Taubenheim;  Schart 
m'en  a  aussi  donné  cinquante,  et  je  commence 
à  craindre  que  Pieu  ne  me  paie  ici-bas;  mais  j'ai 
protesté  que  je  ne  voulais  pas  être  ainsi  gorgé, 
ou  que  j'allais  tout  rendre.  »  Le  margrave  de 
Brandebourg  avait  sollicité  la  faveur  de  le  voir  ; 
Sickingen  et  Hutten  lui  promettaient  leur  appui 
envers  et  contre  tous.  «  Hutten,  dit-il ,  en  sep- 
tembre 1520,  m'a  adressé  une  \ei\xe  brûlante  de 
colère  contre  le  pontife  romain;  il  écrit  qu'il  va 
tomber  de  la  plume  et  de  l'épée  sur  la  tyrannie 
sacerdotale  ;  il  est  outré  de  ce.  que  le  pape  a  es- 
sayé contre  lui  le  poignard  et  le  poison,  et  a 

t. 

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66  HiHOIRSS 

mandé  à  rérécpie  de  Mayence  de  le  lui  envoyer 
à  Rome,  pieds  et  poings  liés.  >  «  Tu  vois,  dit-il 
encore,  ce  que  demande  Hutten  ;  mais  je  ne  tou- 
drais  pas  qu'on  fit  servir  à  la  cause  de  rÉvangile 
la  violence  et  le  meurtre.  Je  lui  ai  écrit  dans  ce 
sens.» 

Cependant  l'Empereur  venait  de  sommer  Lu- 
ther de  comparaître  à  Worms  devant  la  diète  im- 
périale ;  les  deux  partis  allaient  se  trouver  en 
présence ,  amis  et  ennemis. 

Plût  à  Dieu ,  disait  Hutten ,  que  je  pusse  assis- 
ter à  la  diète  ;  je  mettrais  les  choses  en  mouve- 
ment J'exciterais  bien  vite  quelque  tumulte.  *Le 
IfcO  avril ,  il  écrit  à  Luther  :  «  Quelles  atrocités 
ai-je  apprises!  Il  n'y  a  point  de  furie  comparable 
à  la  fureur  de  ces  gens.  Il  fiiuten  venir,  je  le  vois, 
aux  glaives,  aux  arcs,  aux  flèches,  aux  canons. 
Toi ,  père ,  fortifie  ton  courage ,  moque-toi  de  ces 
bétes  sauvages.  Je  vois  s'accroître  chaque  jour  le 
nombre  de  tes  partisans;  tu  ne  manqueras  pas 
de  défenseurs.  Un  grand  nombre  sont  venus  vers 
moi ,  disant  :  Plaise  à  Dieu  qu'il  ne  faiblisse  pas, 
qu'il  réponde  avec  courage,  qu'il  ne  se  laisse  abat- 
tre par  aucune  terreur!  >  En  même  temps  Hutten 
envoyait  partout  des  lettres  aux  magistrats  des 
villes,  pour  former  une  ligue  entre  elles  et  les 

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DK   I.UTHB&.  67 

nobles  du  Rbin ,  c'est^-dire  pour  les  armer  con- 
tre les  princes  ecclésiastiques  (1).  Il  écrÎTaitàPir^ 
kâraer^I'un  des  principaux  magistrats  de  Nu- 
remberg: 

«  Excite  le  courage  des  tiens;  j'ai  quelque  es- 
pérance que  TOUS  trouverez  des  partisans  dans 
les  YiUes  qu'anime  Famour  de  la  liberté.  Franz 
de  Sickingen  est  pour  nous;  il  brûle  de  zèle.  Il 
s'est  pénétré  de  Luther.  Je  lui  fus  lire  à  table  ses 
opuscules.  Ilajurédenepoint  manquer  à  la  cause 
de  la  liberté  ;  et  cequ'il  a  dit,  il  le  fera.  Prêche  pour 
lui  près  de  tes  concitoyens.  Il  n'y  a  point  d'âme 
plus  grande  en  Allemagne.  > 

Jusque  dans  l'assemblée  de  Worras  il  y  avait 
des  partisans  de  Luther.  «  Quelqu'un,  en  pleine 
dièle ,  a  montré  un  écrit  portant  que  quatre  cent», 
noblesont  juré  dele  défendre;  etil  a^joutéBunt- 
schuh,  Buntschuh  (c'était,  comme  on  verra,  le 
mot  de  ralliement  des  paysans  insurgés).  Les  ca- 
tholiques n'étaient  même  pas  très  sûrs  de  l'Em-. 
pereur.  Hutten  écrit,  durant  la  diète  :  «  César , 
dit-on ,  a  résolu  de.  pvendre  le  parti  du  pape.  > 

(i)  Voyez  daDS  nos  Éclaircissement  le  dialogue  des  vo- 
lean  composé  par  HoUen ,  dans  le  bal  de  réimir  les  bo- 
bles  et  les  bourgeois  contre  les  prêtres. 

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68  HiMOI&KS 

Dans  la  ville,  parmi  le  peuple,  les  luthériens 
étaieni  nombreux.  Hermann  Busch  écrit  à  Hutten 
qu'un  prêtre,  sorti  du  palais  impérial  avec  deux 
soldats  espagnols,  voulut,  aux  portes  mêmes  du 
palais,  enlever  de  force  quatre-vingts  exemplaires 
de  la  Captiviié  de  Bahylone ,  mais  qu'il  fut  bien- 
tôt obligé  de  se  réfugier  dans  l'intérieur  du  pa- 
lais. Cependant ,  pour  le  décider  à  prendre  les 
armes ,  il  lui  montre  les  Espagnols  se  promenant 
toutBers  sur  leurs  mules  dans  lesplacesde  Worms, 
et  la  foule  intimidée  qui  se  retire. 

Le  biographe  hostile  de  Luther  ,  Gochlœus , 
raconte  d'une  manière  satirique  le  voyage  du  ré- 
formateur. 

c On  lui  prépara,  dit-il,  un  chariot ,  en  forme 
de  litière  bien  fermée/  oii  il  était  parfoitement  à 
Fabri  des  injures  de  l'air.  Autour  de.  lui  étaient 
de  doctes  personnes ,  le  prévôt  Jonas ,  le  docteur 
Schurf ,  le  théologien  Amsdorf,  etc.  Partout  oit 
il  passait  il  y  avait  un  grand  concours  de  peuple^ 
Dans  les  hôtelleries  ,  bonne  chère ,  de  joyeuses 
libations,  même  de  la  musique.  Luther  lui-même 
pour  attirer  les  yeux ,  jouait  de  la  harpe  comme 
un  autre  Orphée ,  un  Orphée  tondu  et  encapu- 
chonné. Bien  que  le  sauf-conduit  de  l'Empereur 
prêtât  qu'il  ne  prêcherait  point  sur  sa  route,  il 

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prèdut  cependant  à  Erfurtli ,  le  jour  de  la  Qua* 
nmodo ,  et  fit  imprimer  son  sermon.  »  Ce  portrait 
de  Luther  ne  s'accorde  pas  trop  avec  celui  qu'en 
a  Eût  un  contemporain  quelque  temps  avant  la 
diète  de  Worms. 

«  Martin  est  d'une  taiUe  moyenne;  les  soucis 
et  les  études  l'ont  maigri  au  point  que  l'on  pour- 
ndt  compter  tons  les  os  de  son  corps.  Cependant 
il  est  encore  dans  la  force  et  la  Terdeur  de  l'âge. 
Sa  Toix  est  claire  et  perçante.  Puissant  dans  la 
doctrine,  admirable  dans  la  connaissance  de  l'É^ 
criture.  dont  il  pourrait  presque  citer  tous  les 
▼eiaets  les  uns  après  les  autres ,  il  a  appris  le  grec 
et  l'hébreu  pour  comparer  et  juger  les  traduc* 
tioBS  de  la  bible.  Jamais  il  ne  reste  court  ;  il  a  à  sa 
disposition  un  monde  de  choses  et  de  paroles 
(  Sylva  ingens  verborum  et  rerum).  Il  est  d'un 
connnerce  agréable  et  facile  ;  il  n'a  jamais  dans  son 
air  rien  de  dur ,  de  sourcilleux;  il  sait  même  se 
prêter  aux  plaisirs  de  la  vie.  Dans  les  réunions  iî 
estged,  plaisant,  montrant  partout  une  parfaite 
sécurité  et  faisant  toujours  bon  visage,  malgré  les 
atroces  menaces  de  ses  adversaires.  Aussi  est»il 
difficile  de  croire  que  cet  homme  entreprenne  de 
si  grandes  choses  sans  la  protection  divine.  Le 
seul  reproche  que  presque  tout  le  monde  lui 

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70  MiHOIRBS 

£siit,  c^est  d'être  trop  mordant  dans  tes  réponses, 
de*  ne  recaler  deyant  aucune  expression  outra- 
geante. « 

Nous  devons  à  Luther  lui-même  un  beau  récit 
de  ce  qui  eut  lieu  à  la  diète,  et  ce  récit  est  gé- 
néralement conforme  à  ceux  qu'en  ont  fiiits  ses 
ennemis. 

«  Lorsque  le  héraut  m'eut  cité  le  mardi  de  la 
aemaine  sainte ,  et  m'eut  apporté  le  sauf-conduit 
de  r£mpereur  et  de  plusieurs  princes ,  le  même 
sauf-conduit  fut ,  le  lendemain  mercredi ,  violé  à 
Worros,  où  ils  me  condamnèrent  et  brûlèrent  mes 
livres.  La  nouvelle  m'en  vint  lorsque  j'étais  à 
Erfarth.  Dans  toutes  les  villes  la  condamnation 
était  déjà  publiquement  affichée ,  de  sorte  que  le 
héraut  lui-même  me  demandait  si  je  songeais  en- 
core à  me  rendre  à  Worms  ? 

«  Quoique  je  fusse  effrayé  et  tremblant,  je  lui 
répondit  :  Je  veux  m'y  rendre ,  quand  même  il 
devrait  9'y  trouver  autant  de  diables  que  de  tuiles 
sur  les  toits  !  Lors  donc  que  j'arrivai  à  Oppen- 
heim  près  de  Worms ,  maître  Bucer  vient  me  trou- 
ver, et  me  détourna  d'entrer  dans  la  ville.  Sgla- 
pian,  confesseur  de  l'Empereur,  était  venu  le 
trouver  et  le  prier  de  m'avertir  que  je  n'entrasse 
point  à  Worms;  cfir  je  devais  y  être  brûlé!  Je 

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M  I^UTOA.  f  t 

ferais  mieux ,  dinit-il,  de  m'arrAter  étn»  le  toi* 
sinage  chez  Franx  de  Sickingen,  qui  me  recevrai! 
TolontierSh 

c  Les  misérables  iaisaient  tout  cela  pout  m'em^ 
pécher  de  comparaître;  car ,  si  j'avais  tardé  trois 
jours  I  mon  sauf^conduit  n'eât  plus  été  valable  # 
i]s  m'auraient  fermé  les  portes ,  ne  m'auraient 
point  écouté  «  mais  condamné  tyranniquement. 
ravançai  donc  dans  la  simplicité  de  mon  coeur^ 
et  lonque  je  fus  en  vue  de  la  ville,  j'écrivis  sur 
l'heure  à  Spalatin  que  j'étais  arrivé,  en  lui  de- 
mandant où  je  devais  loger.  Ib  s'étonnèrent  tous 
de  mon  arrivée  imprévue^  car  ils  pensaient  que 
je  serais  resté  dehors,  arrêté  par  la  ruse  et  par  la 
terreur. 

«  Deux  de  la  noblesse ,  le  seigneur  de  Hirsfeld 
et  Jean  Schott,  vinrent  me  prendre  par  ordre  de 
rélecteur  de  Saxe  et  me  conduisirent  ches  eux. 
Mais  aucun  prince  ne  vint  me  voir^  seulement  de» 
comtes  et  des  nobles  qui  me  regardaient  beau- 
coup. C'étaient  ceux  qui  avaient  présenté  à  Sa 
Majesté  Impériale  les  quatre  cents  articles  contre 
les  ecclésiastiques,  en  priant  qu'on  réformât  les 
abus;  sinon  qu'ils  le  feraient  eux-mêmes.  Ds  en 
ont  tous  été  délivrés  par  mon  évangile. 

»  Le  pape  avait  écrit  à  l'Empereur  de  nepoûot^ 

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7)  idiHontBS 

obëerrer  le  sauf-conduit.  Le«  évéques  y  pom- 
«ûeut;  mais  les  princes  et  les  états  n'y  voulurent 
point  consentir  ;  car  il  en  fût  résulté  bien  du 
bruit.  J'avais  tiré  un  grand  éclat  de  tout  cela  ; 
ils  devaient  avoir  peur  de  moi  plus  que  je  n'avais 
d'eux.  En  effet  le  landgrave  de  Hesse  qui  était 
encore  un  jeune  seigneur,  demanda  à  m'enten- 
dre,  vint  me  trouver,  causa  avec  moi,  et  me  dit 
à  la  fin  :  cher  docteur  ^  si  vous  avez  raison ,  que 
notre  Seigneur  Dieu  vous  soit  en  aide! 

*  J'avais  écrit,  dès  mon  arrivée,  à  Sglapian, 
confesseur  de  l'Empereur,  en  le  priant  de  vou- 
loir bien  venir  me  trouver ,  selon  sa  volonté  et 
sa  commodité;  niAisil  ne  voulut  pas  :  il  disait  que 
la  chose  serait  inutile. 

»  Je  fus  ensuite  cité  et  je  comparus  devant  tout 
le  conseil  de  la  diète  impériale  dans  la  maison  de 
ville,  où  l'Empereur,  les  électeurs  et  les  princes 
étaient  rassemblés  (1).  Le  docteur  Eck,  officiai  de 
l'évèquede  Trêves,  comn&ença,  et  me  dit  :  Mar- 
tin, tu  es  appelé  ici  pour  dire  si  tu  reconnaispour 

(i)  n  se  trouvait  à  la  diète ,  outre  TEmpercur ,  «ix  élec- 
teurs ,  un  archiduc ,  deux  landgraves ,  cinq  margraves, 
vingt-sept  ducs  et  un  grand  nombre  de  comtes ,  d^arche- 
vëqaes ,  d^èvèques ,  etc.  ;  en  tout  deux  cent  sixperso^mes. 


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Ds  itVnfXR*  78 

ûens  les  livres  qui  sont  placés  sar  la  taUe.  Et 
il  me  les  montrait.  —  Je  le  crois ,  réponds^je. 
lak  le  dootear  Jérôme  SeHurff  ijoata  sor-le- 
champ  :  Qu'on  lise  las  titres*  Lorsqu'on  les  eut 
lus,  je  dis  :  Oui,  oea  lÎTres  sont  les  miens. 

•  U  me  demanda  encore  :  yeux-4u  les  désa- 
Touer  ?  Je  répondis  :  Très  gracieux  seigneur  Em* 
pereur ,  quelques-uns  de  mes  écrits  sont  des  livres 
de  oontrotene ,  dans  lesquels  j'attaque  mes  ad-* 
Tenaires.  D'autres  sont  des  liyres  d'enseignement 
et  de  doctrine.  Bana  ceux-ci  je  ne  puisi  ni  ne  veux 
rieft  rétracter ,  car  c'est  parole  de  Dieu.  Mais  pour 
mes  livres  de  controverse,  si  j'ai  été  trop  violent 
contre  quelqu'un,  si  j'ai  été  trop  loin,  je  veux 
bien  me  laisser  instruire,  pourvu  qu'on  me  donne 
le  temps  d'y  penser.  On  me  donna  un  jour  et  une 
nuit. 

•  Le  jour  d'après ,  je  fus  appelé  pai*  les  évéques 
etd'autres  qui  devaient  traiter  avec  moi  pour  que 
je  me  rétractasse.  Je  leur  dÎB  :  La  parole  de  Dieu 
n'est  point  ma  parole;  c'est  pourquoi  je  ne  puis 
l'abandonner.  Mais,  dans  ce  qui  est  au-^ldà,  je 
veux  être  obéissant  et  docile.  Le  margrave  Joa- 
cbim  prit  alors  la  parole,  et  dit  :  Seigneur  doc* 
teur ,  autant  que  je  puis  comprendre ,  votre  pen- 
sée est  de  vous  laisser  conseiller  et  instruire ,  hors 

4 

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74  vkKOIEIB 

les  seuls  points  qui  touchent  l'Écriture?  —  Oui» 
répondis-je ,  c'est  ce  que  je  yeux. 

»  Ils  me  dirent  alors  que  je  deyais  m'en  itemeC- 
tre  à  la  migesté  impériale  ;  mais  je  n'y  consentis 
point.  Ils  me  demandaient  s'ils  n'étment  pas  eux-- 
mêmes des  chrétiens  qui  pussent  décider  dd  telles 
choses?  A  quoi  je  répliquai  :  Oui,  pouryu  que  ce 
soit  sans  faire  tort  ni  offense  à  l'Écriture,  que  je 
yeux  maintenir.  Je  ne  puis  abandonner  ce  qui 
n'est  pas  mien.  —  Ils  insistaient  :  Vous  devez  yous 
reposer  sur  nous  et  croire  que  nous  déciderons 
bien.  —  Je  ne  suis  pas  fort  porté  à  croire  que 
ceux-là  décideront  pour  moi  contre  eux*>mémeSt 
qui  yiennent  de  me  condamner  déjà ,  lonque  j'é-* 
tais  sous  le  sauf-conduit.  IKais  yoyez  ce  queje  yeux 
faire;  agissez  avec  moi  comme  yous  voudrez;  je 
consens  à  renoncera  mon  sauf-conduit,  et  à  vous 
l'abandonner.  Alors  le  seigneur  Frédéric  de  Fei- 
litsch  se  mit  à  dire  :  £n  voilà  véritablement  arisez, 
si  ce  n'est  trop. 

»  Ils  dirent  ensuite  :  Abandonnez-nous  siii  moins 
quelques  articles.  Je  répondis  :  Au  nom  de  Bieu» 
je  ne  veux  point  défendre  le»  articles  qui  sont 
étrangers  à  FÉcriture.  Aussitôt  deux  évoques  al« 
lèrent  dire  à  l'Empereur  que  je  me  rétractais* 
Alors  révéque***  envoya  vers  moi,  et.  me  fit  de* 


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DB    LUTHim.  .  75 

nMûuier  n  j'araii  consenti  à  m'en  remettre  à  I^Em-^ 
perenr  et  à  l'Empire?  Je  répondis  que  je  ne  le 
Toolais  pas,  et  que  je  n'y  avais  jamais  consenti. 
Aiiin,  je  résistais  senl  contre  tons.  Mon  doctenr 
el  les  autres  étaient  mécontens  de  ma  ténacité. 
Quelques-uni  me  disaient  que  si  je  voulais  m'en 
remettre  à  eux,  ils  abandonneraient  et  céde^ 
raient  en  retour  les  articles  qui  avaient  été  con- 
damnés au  concile  de  Constance.  A  tout  cela  je 
répondais  :  Yoici  mon  corps  et  ma  vie. 

»  Gochleus  vint  alors,  et  me  dit  :  Martin ,  si  i\\ 
veux  renoncer  au  sauf^conduit ,  je  disputerai  avec 
toi.  Je  l'aurais  iait  dans  ma  simplicité,  mais  le 
docteur  Jérôme  Schurff  répondit  en  riant  et  avec 
ironie  :  Oui,  vraiment,  c'est  cela  qu'il  faudrait. 
Ce  n'est  pas  une  offre  inéfj^ale  ;  qui  serait  si  sot!.. 
Ainsi  je  restai  sous  le  saufH)Onduit.  Quelques  bons 
eompaipons  s'étaient  déjà  élancés  en  disant  :  Com-. 
ment  ?  vous  l'emmèneriez  prisonnier  ?  Cela  ne 
saurait  être. 

•  Sur  ces  entrefaites,  vint  un  docteur  du  mar-i 
grave  de  Bade ,  qui  essaya  dem'émouvoir  avec  de 
fpands  mots  :  Je  devais,  disait-il ,  beaucoup  faire, 
beaucoup  céder  pour  l'amour  de  la  charité,  afin 
que  la  paix  et  l'union  subsistassent,  et  qu'il  n'y 
eût  pas  de  soulèvement.  On  était  obligé  d'obéir  k 

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76  MiMOIEBS 

]a  mijesté  impériale ,  comme  à  la  pku  haute  auto* 
rite;  on  deyait  soigneusement  éviter  de  Caire  du 
scandale  dans  le  monde;  par  conséquent,  je  de^ 
rais  me  rétracter.  —  Je  veux  de  tout  mon  cœur, 
répondis-je,  au  nom  de  la  charité,  obéir  et  tout 
faire ,  en  ce  qui  n'est  point  contre  la  foi  et  Yhonr 
neur  de  Christ. 

»  Alors  le  chancelier  de  Trêves  me  dit  :  Martin^ 
tu  es  désobéissant  à  la  majesté  impériale  ;  c'est 
pourquoi  il  t'est  permis  de  partir,  sous  le  8au& 
conduit  qui  t'a  été  donné.  Je  répondis  :  Il  s'est  (ait 
comme  il  a  plu  au  Seigneur.  Et  vous,  à  votre  tour, 
considérez  où  vous  restez.  Ainsi,  je  partis  dans 
ma  simplicité ,  sans  remarquer  ni  comprendra 
toutes  leurs  finesses. 

»  Ensuite  ils  exécutèrent  le  oruel  édit  du  ban , 
qui  donnait  à  chacun  occasion  de  se  venger  de 
ses  ennemis,  sous  prétexte  et  apparence  d'hérésie 
luthérienne,  et  cependant  il  a  bien  fallu  à  la  fin 
que  les  tyrans  révoquassent  ce  qu'ils  avaient  ftdt. 

»  C'est  ainsi  qu'ilm'advint  à  Worms,  oùjen'a-r 
vais  pourtant  de  soutien  que  le  Saint-Esprit.  » 

IVous  trouvons  d'autres  détails  curieux  dans  lui 
récit  plus  étendu  de  la  conférence  de  Worms, 
écrit  immédiatement  après,  et  qui  peut-être  es! 
de  Luther;  cependant  il  y  parle  à  la  troisième 
personne. 

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BS  LVTHBB.  77 

•Le  lendemain  derarrirée  de  Latherà  Womis, 
à  quatre  heurea  de  Taprèa-midi ,  le  maître  des 
cérémonies  de  l'Empire»  et  le  héraut  qui  TaTait 
accompa^é  depuis  Wittemberg,  vinrent  le  pren- 
dre dans  son  hôtellerie  dite  la  Cour  Allemande,  et 
k  conduisirent  à  la  maison  de  tille  par  des  pas- 
nges  secrets,  pour  le  soustraire  à  la  foule  qui 
l'était  rassemblée  sur  le  chemin.  Il  y  en  eut  beau- 
coup, malgré  cette  précaution,  qui  accouraient 
aux  portes  de  la  maison  de  ville,  et  voulaient  y 
pénétrer  avec  Luther  ;  mais  les  gardes  les  repous* 
Mdent.  Beaucoup  étaient  montés  sur  lest  oitspour 
voir  le  docteur  Martin.  Lorsqu'il  fut  entré  dans 
Ja  salle,  plusieurs  seigneurs  vinrent  successive- 
ment lui  adresser  des  paroles  d'encouragement  : 
«  Soyei  intrépide,  lui  disaient-ils,  parlei  en 
homme ,  et  ne  craignez  pas  ceux  qui  peuvent  tuer 
les  corps,  mais  qui  sont  impuissans  contre  les 
âmes.  »  <  Moine,  dit  le  fiimeux  capitaine  Georges 
Frundsberg,  en  lui  mettant  la  main  sur  l'épaule , 
prend»-y-garde,  tu  vas  fiiire  un  pas  plus  périlleux 
que  nous  autres  n'en  avons  jamais  fait.  Mais  si  in 
es  dans  le  bon  chemin ,  Dieu  ne  t'abandonnera 
pas.  ■  Lq  duc  Jean  de  Weimar  lui  avait  donné 
Tlirgent  nécessaire  à  son  voyage. 
»  Lutherfitses  réponses  en  latin  eten  allemand^ 

4. 

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78  nfaioiBBt 

U  rappela  d'abord  que  dans  ses  oaTragesil  7  avait 
des  choses  approuvées  même  de  ses  adversaires; 
et  que  sans  doute  ce  n'était  pas  cette  partie  qu'il 
s'agissait  de  révoquer;  pub  il  continua  ainsi  : 
«  La  seconde  partie  de  mes  livres  comprend  ceux 
dans  lesquels  j'ai  attaqué  la  papauté  et  les  papis- 
tes, comme  ayant,  par  une  fausse  doctrine,  par 
une  vie  et  des  exemples  pervers ,  désolé  la  chré- 
tienté dans  les  choses  du  corps  et  dans  celles  de 

l'àme.  Or,  personne  ne  peut  nier,  etc Gepen* 

dant  lespapesont  enseigné  eux-mêmes  dans  leurs 
décrétales  que  les  constitutions  du  pape,  qui  se- 
raient contraires  à  l'Évangile  ou  aux  Pères ,  de* 
vaient  être  regardées  comme  fausses  et  non  vala- 
bles. Si  donc  je  révoquais  cette  partie ,  je  ne  fe- 
rais que  fortifier  les  papistes  dans  leur  tyrannie 
et  leur  oppression ,  et  ouvrir  portes  et  fenê- 
tres à  leurs  horribles  impiétés On  dirait  que 

j'ai  révoqué  mes  accusations  contre  eux  sur 
l'ordre  de  ^  Majesté  Iinpériale  et  de  l'Empire. 
Dieul  quel  manteau  ignominieux  je  deviendrais 
pour  leur  perversité  et  leur  tyrannie  ! 

>  La  troisième  et  dernière  partie  de  mes  livres 
est  de  nature  polémique.  J'avoue  que  j'y  ai  sou-t 
vent  été  plus  violent  et  plus  âpre  que  la  religioa 
et  ina  robe  ne  le  veulent.  Je  ne  me  donne  pas  pour 

• 

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BB   LUTHU.  90 

on  taint.  Ce  n'est  pas  non  plus  ma  Tie  que  je  d»- 
cntederant  touS)  mais  la  doctrine  de  JéRu-GhriaC. 
néanmoins,  je  ne  crois  pas  qu'il  me  couTienne 
de  réiracter  ceci  plus  que  le  reste ,  car  ici  encore, 
je  ne  ferais  qu'approuTer  la  tyraimie  et  l'impiété 
qui  raTagent  le  peuple  de  Dieu. 

•  Je  ne  sub  qu'un  homme.  Je  ne  puis  défendre 
ma  doctrine  autrement  que  n'a  iSeït  mon  dirin 
Saureur;  quand  il  fut  frappé  par  l'ofibier  du 
grand-prètre,  il  lui  dit  :  «  Si  j'ai  mal  parlé,  fiiites 
Toir  ce  que  j'ai  dit  de  mal.  • 

>  Si  donc  le  Seigneur  lui-même  a  demandé  à 
être  interrogé,  et  même  par  un  méchant  esclave, 
à  combien  plus  forte  raison  moi,  qui  ne  suis  que 
terre  et  cendre,  et  qui  puis  me  tromper  facile- 
ment, ne  derraia-je  pas  demander  à  me  justifier 
sur  ma  doctrine  ? Si  les  témoignages  de  l'Écri- 
ture sont  contre  moi,  je  me  rétracterai  de  grand 
cœur,  et  je  serai  le  premier  à  jeter  mes  liTres  au 
feu.....  Craignez  que  le  règne  de  notre  jeune  et 
tant  louable  empereur  Charles  (lequel  est  main- 
tenant, avec  Bieuf  un  grand  espoir  pour  nous), 
ne  commence  ainsi  d'une  manière  funeste,  et  n'ait 
i|ne  suite  et  une  fin  également  déplorable  1...  Je 
supplie  donc  en  toute  humilité  Votre  Kigesté  Iuh 
pénale  et  Vos  Altesses  Électoraleset  Seigneuriales. 

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80  MÉKOIBBS 

de  ne  pas  Tonliràr  se  laisaer  indSgpoaer  contre  ma 
doctrine  sans  que  mes  adversaires  aient  produit 

de  justes  raisons  contre  moi > 

>  Après  ce  discours,  l'orateur  de  l'Empereur  se 
leva  viTement  et  dit  <{ue  Luther  était  resté  à  côté 
de  la  question,  qu'on  ne  pouvait  remettre  en  doute 
ce  qui  avait  été  une  fois  décidé  par  les  conciles , 
et  qu'on  lui  demandait  en  conséquence  de  dire 
tout  simplement  et  uniment  s'ils  se  rétractait  ou 


>  Alors  Luther  reprit  la  parole  en  ces  termes: 
«  Puis  donc  que  Votre  Ibgesté  Impériale  et  Vos 
Altesses  demandent  de  moi  une  hrève  et  simple 
réponse,  j'en  vais  donner  une  qui  n'aura  ni  dents 
ni  cornes  :  Si  l'on  ne  peut  me  convaincre  par  la 
sainte  Écriture  ou  par  d'autres  raisons  claires  et 
incontestables  (car  je  ne  puis  m'en  rapporter  uni- 
quement ni  au  pape  ni  aux  concôles  qui  ont  si  sou- 
vent failli),  je  ne  puis,  je  ne  veux  rien  révoquer. 
Les  témoignages  que  j'ai  cités  n'ont  pu  être  ré- 
futés ,  ma  conscience  est  prisonnière  dans  la  pa- 
role de  Dieu;  l'on  ne  peut  conseiller  à  personne 
d'agir  contre  sa  conscience.  He  voici  donc;  je  ne 
puis  faire  autrement.  Que  Dieu  me  soit  en  aide, 
Amen.» 
»  Les  électeurs  et  états  de  l'Empire  allèrent  se 

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oonanUer  rar  cette  réponse  de  Luther.  Après  une 
kHigue  dâibération^de  leur  part ,  Fofifeial  de  Trè» 
Tes  fut  chargé  de  la  réfuter.  «  Martin,  dit-il,  tu 
n'as  point  répondu  avec  la  modestie  qui  convient 
à  ta  condition.  Ton  discours  ne  se  rapporte  pas  à 
la  question  qui  t'a  été  posée. .. .  A  quoi  hon  discuter 
de  nouveau  des  points  que  l'Église  et  les  concîlea 
ont  condamnés  depuis  tant  de  siècles  ?....  Si  ceux 
qui  se  mettent  en  opposition  ayec  les  conciles  tou-* 
laient  forcer  l'Église  à  les  conyaincre  avec  deslt* 
Très,  il  n'y  aurait  plus  rien  de  certain  et  de  défini- 
tif dans  la  chrétienté.  C'est  pourquoi  Sa  Majesté 
demande  que  tu  répondes  tout  simplement  par 
oui  ou  par  non  si  tu  veux  révoquer.  » 

»  Alors  Luther  prial'Empereur  de  ne  point  souf- 
frir qu'on  le  contraignit  à  se  retracter  contraire- 
ment à  sa  conscience ,  et  sans  qu'on  lui  eût  fait  voir 
qu'il  était  dans  l'erreur.  Il  ijouta  que  sa  réponse 
n'était  point  sophistique ,  que  las  conciles  avaient 
souvent  pris  des  décisions  contradictoires,  et  qu'il 
élait  prêta  le  prouver.  L'official  répondit  hriève- 
ment  qu'on  ne  pouvait  prouver  ces  contradictions, 
mais  Luâier  persista  et  offrit  d'en  donner  les 
preuves. 

»  Cependantcommelejourtomhaitetqu'ilcom- 
men^t  à  foire  sombre ,  l'assemblée  se-aépara.  Les 

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83  MivOlEBS 

Ifpagnolâ  se  moquèrent  de  rhommeDieu  et  Fin- 
joiièrent  quand  il  sortit  de  la  maison  de  ville  pour 
retourner  à  son  hôtellerie. 

>  Le  lendemain  TEmperenr  enroya  aux  élec* 
teurs  et  états  pour  en  délibérer,  Facte  du  ban  im- 
périal contre  Luther  et  ses  adhérens*  Le  sauf* 
conduits  néanmoins  était  maintenu  dans  cet  acte. 

B  Bans  la  dernière  conférence,  FarcheTéque 
de  Trêves  demanda  à  Luther  quel  conseil  il  don- 
nerait lui-même  pour  terminer  cette  a&ire.  Lu- 
ther répondit  :  «  Il  n'y  a  ici  d'autre  conseil  à 
donner  quç  celui  de  Gamaliel  dans  les  Actes  des 
Apétreê  :  Si  cette  œuvre  vient  des  hommes,  elle 
périra:  si,  de  Dieu,  vous  n'y  pouvex  rien.  » 

»  Peu  après,  l'official  de  Trêves  vint  porter  à 
Luther  dans  son  hôtellerie  le  sauf-conduit  impé- 
rial pour  son  retour.  Il  avait  vingt  jours  pour  se 
rendre  en  lieu  de  sûreté,  et  il  lui  était  enjoint  do 
ne  point  prêcher,  ni  autrement  exciter  le  peu- 
ple sur  sa  route.  Il  partit  le  lendemain,  26  avriL 
Le  héraut  l'escorta  sur  un  ordre  verbal  de  l'Em- 
pereur. 

»  Arrivé  à  Friedbourg  »  Luther  écrivit  deux 
lettres,  l'une  à  l'Empereur,  l'autre  aux  électeurs 
et  états  assemblés  à  Worms.  Bans  la  première ,  il 
exprijup  son  regret  d'avoir  été  dans  la  nécessité 

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M   LUTHBE.  8S 

de  d^béir  à  PEmperear.  «  Mais,  dit*il,  Dieu  et 
ia  parole  sont  au'^esBiu  de  tons  lei  hommei.  »  Il 
regrette  aiusi  de  n'avoir  pa  obtenir  qu'on  diâc»- 
t&t  les  témoignages  qu'il  avait  tirés  de  l'Écriture, 
i^utant  qu'il  est  prêt  à  se  présenter  de  nouveau 
devant  toute  autre  assemblée  que  l'on  désignera , 
et  à  se  soumettre  en  toutes  cbosessans  exception, 
pourvu  que  la  parole  de  Dieu  ne  reçoive  aucune 
atteinte.  La  lettre  aut  électeurs  et  états  est  écrite 
dans  le  même  sens. 

»  (A  Spalatin.)  «  Tu  ne  saurais  croire  avec 
quelle  civilité  m'a  reçu  l'abbé  de  HirsTeld.  Il  a 
envoyé  audevant  de  nousi  à  la  distance  d'uti 
grand  mille,  son  chancelier  et  son  trésorier,  ^ 
lui-même  il  est  venu  nous  recevoir  près  de  son 
château  avec  une  troupe  de  cavaliers,  pour  nous 
conduire  dans  la  ville.  Le  sénat  nous  a  reçus  à  la 
porte.  L'abbé  nous  a  splendidement  traités  dans 
son  monastère  y  et  m'a  couché  dans  son  lit.  Le 
cinquième  jour  >  au  matin,  ils  me  forcèrent  de 
fidre  un  sermon»  J'eus  beau  représenter  qu'ils 
perdraient  leurs  régales^  si  les  Impériaux  allaient 
Iraiter  cela  de  violation  de  la  foi  jurée,  parce 
qu'ils  m'avaient  enjoint  de  ne  pas  prêcher  sur  ma 
route.  Je  disais  pourtant  que  je  n'avais  jamais 
^sOnsenti  à  lier  la  parole  de  Dieu  ;  ce  qui  est  vrai. 


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84  niitotftBs 

«  Je  prêchai  également  à  Ëîsenach ,  devant  nn 
enré  tout  tremblant,  et  un  notaire  et  des  témoin» 
qui  protestaient,  en  s'eicnsant  sur  la  crainte  de 
leurs  tyrans.  Ainsi,  tu  entendras  peut-être  dire 
À  Worms  que  j'ai  violé  ma  foi;  mais  je  ne  l'ai  pas 
violée.  Lier  la  parole  de  Dieu,  c'est  une  condi- 
tion qui  n'est  pas  en  mon  pouvoir. 

«  Enfin ,  on  vint  à  pied  d'Ëisenach  à  notre  ren- 
contre, et  nous  entrâmes  le  soir  dans  la  ville; 
tous  nos  compagnons  étaient  partis  le  matin  avec 
Jérôme. 

c  Pour  moi,  j'allais  rejoindre  ma  chair  (ses  pa- 
rons) en  traversant  la  forêt,  et  je  venais  de  les  quit- 
ter pour  me  diriger  sur  Walterhausen ,  lorsque, 
peu  d'instans  après,  près  du  fort  d'Altenstein,  je 
fus  fait  prisonnier.  Amsdorf  savait  sans  doute 
qu'on  me  prendrait,  mais  il  ignore  où  l'on  me 
garde. 

c  Hon  frère,  ayant  tu  à  temps  les  cavaliers, 
sauta  à  bas  de  la  voiture,  et  saùs  demander  congé , 
il  arriva  à  pied,  sur  le  soir,  m'a-t-on  dit ,  à  Wat- 
terhausen.  Moi,  on  m'ôta  mes  vêtemens  pour  me 
Csôre  mettre  un  habit  de  chevalier,  et  je  me  lais- 
sai croître  les  cheveux  et  la  barbe.  Tu  ne  m'au- 
raispas  reconnu  sans  peine ,  car  depuis  long-temps 
je  ne  me  reconnais  pas  moi-même.  Me  voilà  mair^ 


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DB  LUTHBE.  85 

tenant  TÎTant  dam  la  liberté  chrétienne»  affran- 
chi de  tontes  les  lois  dn  tyran.  >  (14  mai.) 

Conduit  au  château  de  Wartbourg,  Luther  ne 
savait  trop  à  qui  il  deyait  attribuer  la  douce  et 
honorabFe  captivité  dans  laquelle  il  se  voyait  re- 
tenu, n  avait  renvoyé  le  héraut  qui  l'escortait  à 
quelques  lieues  de  Wonns,  et  ses  ennemis  en 
ont  conclu  qu'il  s'attendait  à  son  enlèvement.  Le 
contraire  ressort  de  sa  correspondance.  Cepen- 
dant un  cri  de  douleur  s'élevait  par  toute  l'AUe- 
mafpie.  On  croyait  qu'il  avait  péri;  on  accusait 
l'Empereur  et  le  pape.  Dans  la  réalité,  c'était  l'é- 
lecteur de  Saxe,  le  proleet^r  de  Luther,  qui, 
s'effirayant  de  la  sentence  portée  contre  lui,  et  ne 
pouvant  ni  le  soutenir ,  ni  l'abandonna ,  avait 
imaginé  ce  moyen  de  le  sauver  de  sa  propre  au- 
dace, de  gagner  du  temps,  tout  en  fortifiant  son 
parti.  Cacher  Luther,  c'était  le  sûr  moyen  de  por- 
ter au  comble  l'exaltation  de  l'Allemagne  et  ses 
craintes  pour  le  champion  de  la  foi. 


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86  MÉiroiRss 

LIVRE  DEUXIÈME. 

1521—1528. 

CHAPITRE  PREMIER. 
18S1-1S94. 


S^onr  àt  LnUior  au  château  de  Wartlioui^. —  H  reTient  à  WfUem» 
berg  aans  rantorisatiôn  de  FElecteur.  —  Ses  icnXï  contre  le  roi 
d'AngUterra ,  et  contre  lai  princes  «n  géa^rali 


Pendant  qu*à  Worms  on  s'indigne,  on  s'irrite 
d'avoir  laissé  échapper  l'audacieux,  il  n'est  plus 
temps,  il  plane  invisible  sui*  ses  ennemis  du  haut 
du  château  de  Wartbourg.  Bel  et  bien  clos  dans 
son  donjon»  il  peut  à  son  aise  reprendre  safl&te, 

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chanter  ses  psaumes  allemandb ,  tradoire  sa  BiMe» 
foudroyer  le  diable  et  le  pape. 

•  Le  bruit  se  répand,  écrit  Luther,  que  des 
Mnis  euToyéd  de  Franconie  m'ont  fidt  prisonnier.» 
—  Et  ailleurs  :  «  On  a  pensé,  à  ce  que  je  soup- 
çonne,  que  Luther  avait  été  t^é  op  condainné  à 
un  éternel  silence,  afin  que  la  chose  publique  re-. 
tombât  sous  la  tyrannie  sophistique,  dont  on  me 
mit  si  mauYaîs  gré  d'aToir  commencé  la  ruine.» 
I^uther  eut  soin  cependant  de  laisser  voir  qu*il 
existait  encore.  U  écrit  à  Spalatîn  :  «  Je  voudrais 
que  la  lettre  que  je  t'envoie  se  perdit  par  quel- 
que adroite  négligence  de  toi  ou  des  tiens,  pour 
qu'elle  tombât  entre  les  mains  de  nosenneinis.... 
Tu  feras  copier  rérangile  que  je  Venvoie;  il  ne 
&ttt  pas  qu'on  reconnaisse  ma  main.  »  -«f-  «  J'avait 
résolu  dans  mon  désert  de  dédier  à  mon  hôte  un 
lirre  sur  les  Traditions  des  hommes ,  car  il  me  de* 
mapdait  que  je  l'instruisisse  sur  cette  matière; 
maîsj'ai  craint  de  relever  parla  le  lieu  dema  cap- 
tivité. »  V  «  Je  n'ai  obtenu  qu'avec  peine  de  t'en- 
Toyer  cette  lettre,  tant  on  a  peur  qu'ik  ne 
viennent  à  découvrir  en  quel  lieu  je  suis...  • 
(Juin  15S1.} 

•  Les  prêtres  et  les  moines,  qui  ont  fiiit  leurs 
folies  pendant  que  j'étais  libre,  ont  tellement  peur 


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88  XiHOlEBS 

depuis  que  je  fub  captif,  qu'ils  commencent  à 
adoucir  les  extravagances  qu'ik  ont  dâiitées  con- 
tre moi.  Ils  ne  peuvent  plus  soutenir  l'effort  de 
la  foule  qui  grossit,  et  ne  savent  par  où  s'échap- 
per. Voyez-vous  le  bras  du  Pubsant  de  Jacob, 
tout  ce  qu*il  &it  pendant  que  nous  nous  taisons , 
que  nous  patientons ,  que  nous  prions!  Ne  se  vé- 
rifie-t-elle  pas  cette  parole  de  Hotse:  Vos  tacehir 
iit,  et  Dominus  pugnahù  pro  vobi»  f  Un  de  ceux 
de  Rome  a  écrit  à  une  huppe  (1)  de  Mayence  : 
«  Luther  est  perdu  comme  nous  le  voulions;  mais 
«  le  peuple  est  tellement  soulevé,  que  je  crains 
«  bien  que  nous  ayons  peine  à  sauver  nos  vies,  si 
«  nous  n'allons  à  sa  recherche ,  chandelles  allu-> 
t  mées,  et  que  nous  ne  le  fassions  revenir.  > 

Luther  date  ses  lettres:  De  la  région  de  Fair, 
de  la  région  des  oiseauw;  ou  bien:  Du  milieu  dee 
oiêemuD  qui  ehanieni  douoemeni  sur  h  branchage 
ei  hueni  Dieu  jour  et  n/uU  de  toutes  leurs  forces  ; 
ou  enomre  :  De  la  montagne ,  de  Vile  de  Paihmos, 
•  C'est  de  là  qu'il  répand  dans  des  lettres  tristes 


(i)  Cette  désignation  des  dignitau^s  de  rEglise^fait 
penser  aux  obeaux  merveilleux  de  Rabelais^  les  papegotSf 
Mgots,  etc. 


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ci  éloquentee  les  pensées  qui  viennent  remplir  sa 
•ditiide  {es  eremo  meâ  ).  «  Qee  faii-tu  mainte- 
nant» nacm  Fhîtippe,  dit^il  à  Mélanditon  ?  est-ce 

qoe  ta  ne  pries  point  pour  moi  ? Quant  à  moi, 

aisb  tout  le  jour,  je  me  mets  devant  les  yeux  la 
figure  de  l'Église,  etje  vois  cette  parole  du  psaume 
LXXXYin  :  <  Numquid  vun^  eomtUuUti  omne$ 
fim  hammam  f  Bien!  quel  horrible  spectre  de 
h  oelère  de  Dieu,  que  ee  règne  abominable  de 
PAnEtichrist  de  Rome!  Je  prends  en  haine  la  du*       ^ 
raté  de  mon  cœur ,  qui  ne  se  résout  pas  en  tor- 
rens  de  larmes  pour  pleurer  les  fils  de  mon  peu* 
|de  égorgé.  Il  ne  s'en  trouve  pas  un  qui  se  lève 
et  qià  tienne  pour  IMeu,  ou  qui  fasse  de  soi  un 
rempart  à  la  maison  d'Israël ,  dans  ce  jour  su- 
pndme  de  la  colère.  0  règne  du  pape,  digne  de 
la  fie  dessiècles! Bien  aie  pitié  de  nous!»  (  U  nai.) 
«  Quand  je  considère  cei  temps  horribles  de 
cslère,  je  ne  demande  rien  que  de  trouver  dans 
mm  yeux  des  fleuves  de  larmes  pour  pleurer  la 
déMitaticm  des  âmes,  que  produit  ee  royaume  de 
péché  et  de  perdition.  Le  monstre  siège  à  Rome , 
au  milieu  de  l'ÉgUse ,  et  il  se  proclame  Dieu  ;  les 
pontifes  l'adulent,  les  s(q>hi8tes  l'encensent,  et 
il  ft*est  rien  qee  ne  fassent  pour  lui  les  hypocri* 
fea.  Cependant  l'enfer  épanouit  son  cœur ,  et 

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90  iiiiioiMs 

ouvre  sa  gueule  immense:  Satan  te  joue  dans  la 
perdition  des  âmes.  Moi,  je  sub  assis  tout  le  jour,, 
à  boire  et  à  ne  rien  faire.  Je  lis  la  Bible  en  grec 
et  en  hébreu.  J'écrirai  quelque  chose  en  allemand 
9ur  la  liberté  de  la  confession  auriculaire.  Je  con-» 
tinuerai  aussi  le  psautier  et  les  commentaires 
{potiillaê)^  dès  que  j'aurai  reçu  de  Wittemberg 
ce  dont  j'ai  besoin  ;  entre  autres  choses  le  Magnir- 
ficai que  j'ai  commencé.»  (U  mai.)  Cette  soli- 
tude mélancolique  était  pour  Luther  pleine  de 
tentations  et  de  troubles.  Il  écrit  à  Mélanchton  : 
«Ta  lettre  m'a  déplu  à  double  titre;  d'abord  parce 
que  je  vois  que  tu  portes  ta  croix  avec  impatience» 
que  tu  cèdes  trop  aux  affections,  que  tu  es  ten- 
dre selon  ta  coutume  ;  ensuite,  parce  que  tu  m'é- 
lèyes  trop  haut ,  et  que  tu  tombes  dans  une  grande 
erreur  en  m'attribuant  tant  de  choses,  comme  si 
je  prenais  tant  de  souci  de  la  cause  de  Dieu.  Cette 
haute  opinion  que  tu  as  de  moi  me  confond  et 
me  déchire ,  quand  je  me  vob  insensible  et  en- 
durci, assis  dans  l'oisiveté,  6  douleur!  rarement 
en  prières,  ne  poussant  pas  un  gémissement  pour 
l'Église  de  Dieu.  Que  dis-je  !  ma  chair  indomptée 
me  brûle  d'un  feu  dévorant.  En  somme ,  moi  qui 
devais  être  consumé  par  l'esprit,  je  me  consume 
par  la  chair,  la  luxure,  la  paresse,  l'oisiveté  « 

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DB  LDTHIB.  01 

la  smnnolfiiice;  est-ce  donc  parce  que.YOus  ne 
priez  plQ4  pour  moi,  que  Diea  s'est  détourné  de 
mpi  ?  Cest  à  t<)i  de  prendre  ma  place ,  toi  mieux 
doué  de  Piçii,  et  qui  lui  es  plus  agréable. 

9  Voilà  déjà  hipt  jours  que  je  n^éoris  pas,  que 
j^  ne  prie  pas,  que  je  n'étudie  pas,  soit  tentations 
de  la  chair,  soit  autres  ennnis  qui  me  tourmen- 
tei|t.  ^i  les  choses  ne  vont  pas  mieux ,  j'entrerai 
publiquement  à  Erfurth:  tu  m'y  yerras  ou  je  t'y 
Terrai  ;  car  }p  consulterai  le§  médecins  ou  les  chi- 
rurgieua.  >  Il  était  maladç  alors ,  et  souffrait  cru- 
ellement; il  décrit  son  mal  dans  des  termes  trop 
naiisy  et  on  peut  dire  trop  grossiers,  pour  que 
nous  puissions  les  traduire.  Mais  ses  souffrances, 
spirituelles  étaient  plus  rives  encore  et  plus  pro- 
fondes. (  13  juillet.  ) 

«Lorsque  je  partis  de  Worms,  en  1591 ,  que  je 
fus  pris  près  d'Eisenach ,  et  que  j'habitai  mon 
pathmos,  le  château  de  Wartbourg,  j'étais  loin 
du  monde  dans  un  chambre ,  et  personne  ne  pou- 
vait Tenir  à  moi  que  deux  jeunes  garçons  nobles 
qui  m'apportaient  à  manger  et  à  boire  deux  fois 
le  jour.  Ils  m'avaient  acheté  un  sac  de  noisettes 
que  j'avais  mis  dans  une  caisse.  Le  soir ,  lorsque 
je  fus  passé  dans  l'autre  chambre ,  que  j'eusse 
éteint  la  lumière,  et  que  je  me  fusse  couché ,  il 

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92  viHOlEBS 

me  lenibla  que  les  noisettes  se  mettaient  en  mou- 
Tement ,  se  heurtaient  bien  fort  Fune  contre  l'au- 
tre, et  venaient  cliqueter  contre  mon  lit.  Je  ne 
m'en  inquiétai  point.  Plus  tard,  je  me  réyeillai; 
il  se  faisait  sur  l'escalier  un  grand  bruit  comme 
si  l'on  eût  jeté  du  haut  en  bas  une  centaine  de 
tonneaux.  Je  savais  bient^ependant  que  l'escalier 
était  fermé  avec  des  chaînes  et  une  porte  de  fer, 
de'  sorte  que  persoime  ne  pouvait  monter.  Je  me 
levai  pour  voir  ce  que  c'était,  et  je  dis:  Est-ce 
toi?...  ïh  bien!  sôit...  Et  je  me  recommandai  au 
Seigneur  Christ  dont  il  est  écrit,  Omnia  subje^ 
eiatipedibut  ejus,  comme  dit  le  YIII  psaume,  et 
je  me  remis  au  lit.  —  Alors  vint  à  Eisenach  la 
femme  de  Jean  de  Berblibs.  Elle  avait  soupçonné 
que  j'étais  au  château,  et  elle  aurait  voulu  me 
voir;  mais  la  chose  était  impossible.  Ils  me  mirent 
alors  dans  une  autre  partie  du  château,  et  pkr 
cèrent  la  dame  de  Berblibs  dans  la  chambre  que 
j'occupais,  et  elle  entendit  la  nuit  tant  de  va*, 
carme ,  qu'elle  crut  qu'il  y  avait  mille  diables.» 
Luther  trouvait  peu  délivres  à  Wartbourg.  Il 
se  mit  avec  ardeur  à  l'étude  du  grec  et  de  l'hé- 
breu: il  s'occupa  de  répondre  au  livre  de  Lato« 
mus,  si  prolixe,  dit-il,  et  si  mal  écrit.  Il  traduisit 
^n  allemand  l'apologie  de  Mélancfaton  contre  les 


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M  Luraïa.  OS 

théotoficai  de  Paris»  ea  y  ajoaUmt  un  commen- 
taire (/aiam  moêimi^pariiienweê  tipolofiBm  emmU- 
l^rmm  imamià  tUOui  vêmmeuiè  daf  mdjeciû  mm/h- 
UUémibmêJ)  (18  juillet.)  H  déploTtit  alon  une 
aGtiyité  extraordinaire ,  et  du  haut  de  la  monta- 
ipie inondait  l'Allemagne  d'écrits:  «  J'ai  publié 
un  petit  livre  contre  celui  de  Catharinus  sur  l'An- 
Uoliriflt,  un  traité  en  Allemand  sur  la  confesnon, 
le  psaume  LXVII  expliqué  en  allemand,  le  can- 
tique de  Marie  expliqué  en  allemand ,  le  psaume 
XXXVII  de  même»  et  une  consolation  à  l'église 
de  Witteraberg. 

•  J'ai  sous  presse  un  commentaire  en  allemand 
desépltres  et  évangiles  de  l'année;  j'ai  également 
terminé  une  réprimande  publique  au  cardinal 
de  liayencesur  l'idole  des  indulgences  qu'il  vient 
de  relever  à  Halle,  et  une  explication  de  révan«- 
gîle  des  dix  lépreux  ;  le  tout  en  allemand.  Je  suis 
né  pour  mes  Allemands,  et  je  veux  les  servir.  J'a<> 
vais  commencé  en  cbaire ,  à  Wittemberg,  une 
amplification  populaire  sur  les  denx  Testamens, 
et  j'étais  parvenu,  dans  la  Genèse,  an  XXXII* 
diapitre,  et  dans  l'Évangile,  à  laint  Jean-Bap* 
tiste.  Je  me  suis  arrêté  là.  »  (1*'  novembre.) 

«  Je  suis  dans  le  tremblement,  et  ma  oonsdence 
me  trouble ,  parce  qu'à  Worms,  cédant  à  ton 


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04  mAhoibis 

conseil  et  à  celui  de  tes  amis,  j'ai  laissé  (iaiblir 
Fesprit  en  moi ,  au  lieu  de  montrer  un  Élie  à  ces 
idoles.  Ils  en  entendraient  bien  d'autres,  si  je  me 
trouvais  encore  une  fois  devant  eux.  »  (9  septem- 
bre.) 

L'affaire  de  l'arcbevéque  de  Kayence,  à  la- 
quelle il  est  fait  allusion  dans  la  lettre  que  nous 
venons  de  citer,  mérite  que  nous  y  insistions.  Il 
est  curieux  de  voir  l'énergie  qu'y  déploie  Luther, 
et  comme  il  y  traite  en  maître  les  puissances,  le 
cardinal  archevêque,  et  l'Électeur  lui-même.  Spa- 
latin  lui  avait  écrit  pour  l'engager  à  supprimer 
sa  réprimande  publique  à  l'archevêque.  Luther 
lui  répond  :  «  Je  ne  sais  si  jamais  lettre  m'a  été 
plus  désagréable  que  ta  dernière;  non-6eulement 
j'ai  différé  ma  réponse ,  mais  j'avais  résolu  de 
n'en  pas  âdre.  D'abord  se  ne  supporterai  pas  ce 
que  tu  me  dis,  que  le  Prince  ne  souffrira  point 
qu'an  éorioe  contre  le  Mayençait ,  et  qu'on  trouble 
la  pavD  publique  j  je  vous  anéantirais  plutôt  {per^ 
dam)  toi  et  l'archevêque  et  toute  créature.  Tu  dis 
fortbieu  qu'il  ne  faut  pas  troubler  la  paix  publi- 
que; et  tu  souffriras  qu'on  trouble  la  paix  éter- 
nelle de  Dieu  par  ces  œuvres  impies  et  sacrilèges 
de  perdition?  Non  pas,  Spalatin,  non  pas,  Prince; 
je  résisterai  de  toutes  mes  fprces  pour  les  brebis 


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DE   LUTtiBA.  95 

du  Christ  à  ce  loup  dévorant  j  comme  j*iu  réâitté 
aux  autres.  Je  t'envoie  donc  un  livre  contre  lai 
qoi  éUlit  déjà  prêt  qnand  talettre  est  venue  :  elle 
ne  m'y  a  pas  fait  changer  un  mot.  Je  devais  toute- 
Cns  le  soumettre  à  l'exameu  de  Philippe  (Mélanch- 
Um);  c'était  à  lui  d'y  changer  ce  ({u'il  eût  jugé  à 
propos.  Garde^i  de  ne  pas  le  transmettre  à  Phi- 
lippe, ou  dé  chercher  à  dissaader;  là  chose  est 
décidée,  on  ne  t'écoutera  point.  >  (H  novem- 
hre.)  Quelques  jours  après  ,  il  écrit  à  l'évêquo 
lui-même  : 

«  ...  Cette  première  et  fidèle  ethoi^tion  qud 
j'avais  iSûte  à  votre  Grâce  électorale,  ne  m'ayant 
valu  de  sa  part  que  raillerie  et  ingpratitude  Je  lui 
aï  écrit  une  seconde  îoiâ ,  lui  offrant  d'accepter 
ses  instructions  et  ses  conseils.  Quelle  a  été  la  ré*- 
ponse  de  votre  Grâce  ?  dure ,  malhonnête ,  in-» 
digne  d'un  évêque  et  d'un  chrétien. 

9  Or ,  quoique  mes  deux  lettres  n'aient  tervi 
à  rien ,  je  ne  me  laisse  point  rebuter ,  et ,  confor^ 
mément  à  l'Évangile,  je  vais  &ire  parvenir  à  vo- 
tre Grâce  un  troisième  avertissement.  Vous  venez 
de  rétablir  à  Halle  l'idole  qui  iàit  petdre  aux 
bons  et  siraplei  chrétiensleur  argent  et  leur  âme, 
et  vous  avet  publiquement  reconnu  pai*  là  que 
tout  ce  qu'avait  bit  Tetzel,  il  l'avait  fait  de  con-« 
eert  avec  l'archevêque  de  Mayence... 

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96  KÉHOIRXS 

»  Ce  même  Dieu  vit  encore»  n'en  doutet  pa»; 
il  sait  encore  l'art  de  résister  à  un  cardinal  de 
Mayence,  celui-ci  eût-il  quatre  empereurtde  son 
côté.  C'est  son  plaisir  de  briser  les  cèdres,  et  d'a- 
baisser les  Pharaons  superbes  et  endurcis.  Je  prie 
TOtre  Grâce  de  ne  point  tenter  ce  Bien. 

»  Penseriei-Tous  que  Luther  fut  mort  ?  Ne  le 
croyez  pas.  Il  est  sous  la  protection  de  ce  Dieu 
qui  déjà  a  humilié  le  pape»  et  tout  prêt  à  com- 
mencer avec  l'archevêque  de  Mayence  un  jeu 
dont  peu  de  gens  se  douteront....  Donné  en  mon 
désert,  le  dimanche,  après  Saint^atherine  (25 
novembre  1531).  Votre  bienveillant  et  soumis  » 
Martin  Lutkee. 

Le  cardinal  répondit  humblement ,  et  de  sa 
propre  main  : 

«  Cher  docteur ,  j'ai  reçu  votre  lettre  datée  du 
dimanche  d'après  la  Sainte-Catherine,  et  je  l'ai 
lue  avec  toute  bienveillance  et  amitié.  Cependant 
je  m'étonne  de  son  contenu ,  car  on  a  remédié 
depuis  long-temps  à  la  chose  qui  vous  a  fiait 
écrire. 

>  Je  me  conduirai  dorénavant,  Dieu  aidant, 
de  telle  sorte  qu'il  convient  à  un  prince  pieux 
chrétien  et  ecclésiastique.  Je  reconnais  que  j'ai 
besoin  de  la  grâce  de  Dieu ,  et  que  je  suis  un 

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m  LUTHB&.  07 

pauvre  homme,  péchear  et  faillible,  qui  pèche 
et  se  trompe  tous  les  jours.  Je  sais  qu'il  n'est  rien 
de  bon  en  moi  sans  la  grâce  de  Dieu ,  et  que  je 
ne  suis  par  moi-même  qu'un  vil  fumier. 

s  Voilà  ce  que  je  voulais  répondre  à  votre 
bienveillante  exhortation ,  car  je  suis  aussi  di»- 
posé  qu  il  est  possible  à  vous  fiûre  toute  sorte  de 
grâce  et  de  bien.  Je  souffre  volontiers  une  répri- 
mande fraternelle  et  chrétienne,  et  j'espère  que 
le  Dieu  miséricordieux  m'accordera  sa  grâce  et 
sa  force,  pour  vivre  selon  sa  volonté  en  ceci 
comme  dans  les  autres  choses.  Donné  à  Halle ,  le 
jour  de  Saint-Thomas  (Si  décembre  1831). 
AusKTVs  fÊMHU  propriâ,  » 

Le  prédicateur  et  conseiller  de  l'archevêque , 
Fabricius  Capiton ,  dans  une  réponse  à  la  lettre 
de  «Luther ,  avait  blâmé  son  âpreté,  et  dit  qu'il 
fallait  garder  des  ménagemens  avec  les  puissans, 
les  excuser,  quelquefois  même  fermer  les  yeux 
sur  leurs  actes,  etc...  Luther  réplique  : ...  «  Vous 
demandez  de  la  douceur  et  des  ménagemens ,  je 
vous  entends.  Mais  y  a-t-il  quelque  communaut'* 
entre  le  chrétien  et  l'hypocrite  ?  La  foi  chétienne 
est  une  foi  publique  et  sincère;  elle  voit  les 
choses,  elle  les  proclame  telles  qu'elles  sont.  Mon 
opinion  est  qu'on  doit  démasquer  tout,  ne  rien 
Tom  1  4 

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9B  MiMoiim 

ménager,  n'excuser  rien ,  ne  fermer  les  yenx  snr 
rien ,  de  sorte  que  la  vérité  reste  pure  et  à  décoa- 
Tert,  et  oomme  placée  snr  un  champ  libre... 
Jérémie ,  48  :  Maudîi  9oit  celui  qui  ett  tiède  dans 
V œuvre  an  Seigneur!  Autre  chose  est,  mon  cher 
Fabricius ,  de  louer  le  rice  ou  Tamoindrir ,  autre 
chose  de  le  guérir  avec  bonté  et  douceur.  Avant 
tout,  il  faut  déclarer  hautement  ce  qui  est  juste 
et  injuste,  et  ensuite,  quand  l'auditeur  s'est  pé- 
nétré de  notre  enseignement ,  il  faut  l'accueillir 
et  Paider  malgré  les  imperfections  dans  lesquelles 
il  pourra  encore  retomber.  Ne  repaueêeMpoê  celui 
qui  eêi  fkible  dan$  la  foi  y  dit  saint  Paul...  J'espère 
qu'on  ne  pourra  me  reprocher  d'avoir ,  pour  ma 
part,  manqué  de  charité  et  de  patience  cm  vers 
les  faibles...  Si  votre  cardinal  avait  écrit  sa  lettre 
dans  la  sincérité  de  son  cœur,  ô  mon  Dieu,  avec 
quelle  joie  ,  quelle  humilité  je  tomberais  à  ses 
pieds!  comme  je  m'estimerais  indigne  d'en  baiser 
la  poussière  !  car  moi-même  stiis-je  autre  chose 
que  poussière  et  ordure?  Qu'il  accepte  la  parole 
de  Dieu,  et  nous  serons  à  lui  comme  des  servi- 
teurs fidèles  et  soumis...  A  l'égard  de  ceux  qui 
persécutent  et  condamnent  cette  parole ,  la  cha- 
rité suprême  consiste  précisément  à  résister  à  leurs 
fureurs  lacriléges  de  toutes  manières. 

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nu  LUTHBa.  09 

•  Groyex-TOUft  trouver  en  Luther  un  hoiuiue 
qui  consente  à  fermer  les  yeux ,  pounru  (ju'on 

Tamnae  par  quelques  cigoleries? Cher  F&bri- 

cîusy  j«  derrais  tou^  répondre  plus  durement  que 
jena  Cbûa...».  mon  amow  est  prêt  à  mourir  pour 
tous;  mais  qui  touche  à  la  foi,  touche  à  la  pru- 
nelle de  notre  œil.  Raillez  ou  honorez  Vatnour 
comme  tous  le  youdrez;  mais  la  foi,  la  parole» 
TOUS  devez  l'adorer  et  la  regarder  comme  le  saint 
des  saints:  c'est  ce  que  nous  exigeons  de  vous.  At- 
tendez tout  de  notre  amour,  mais  craignez,  re- 
doutez notre  foi 

»  Je  ne  réponds  point  au  cardinal  même,  ne 
sachant  comment  lui  écrire,  sans  approuver  ou 
reprendre  sa  sincérité  ou  son  hypocrisie.  C'est 

par  vous  qu'il  saura  la  pensée  de  Luther De 

mon  désert,  le  jour  de  Saint- Antoine  (17  janvier 
1522). . 

Citons  encore  la  préface  qu'il  mit  en  tête  de  son 
explication  de  l'évangile  des  Lépreux,  et  qu'il 
adressa  à  plusieurs  de  ses  amis  : 

•  Pauvre  frère  que  je  suis  !  voilà  que  j'ai  en- 
core allumé  un  grand  feu;  j'ai  de  nouveau  mordu 
un  hon  trou  dans  la  poche  des  papistes ,  j'ai  atta- 
(pié  la  confession!  Que  vais-je  devenir  désormais? 
Où  trouveront^ils  assez  de  soufre,  de  bitume,  de 


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100  «ÉMOIftXS 

fer  et  de  boia ,  pour  mettre  en  cendres  eet  héré- 
tique empoisonné  ?  Il  faudra  pour  le  moins  enle- 
ver les  fenêtres  des  églises,  de  peur  que  Fespace 
ne  manque  aux  prédications  des  saints  prêtres 
sur  l'Évangite,  îd  ett,  à  leurs  injures  et  à  leurs 
vociférations  furibondes  contre  Lutber.  Quelle 
autre  chose  prêcheraient-ils  au  pauvre  peuple  ? 
Il  faut  que  chacun  prêche  ce  qu'il  peut  et  ce  qu'il 
sait. 

«...  Tuez,  tuci,  s'écrient-ils,  tuez  cet  hérésiar- 

*  que  qui  veut  renverser  tout  l'état  ecclésiasti- 

*  que ,  qui  veut  soulever  la  chrétienté  entière  !  » 
J'espère  que,  si  j'en  suis  digne,  ils  en  viendront 
là ,  et  qu'ils  combleront  en  moi  la  mesure  de  leurs 
pères.  Hais  il  n'est  pas  encore  temps,  mon  heure 
n'est  pas  venue;  il  faut  qu'auparavent  je  rende 
encore  plus  furieuse  cette  race  de  vipères ,  et  que 
je  mérite  loyalement  de  mourir  par  eux....» 

Du  fond  de  sa  retraite ,  ne  pouvant  plus  se  jeter 
dans  la  mêlée ,  il  exorte  Mélanchton  : 

«Lorsmêmeque  jepérirais,  rienne  serait  perdu 
pour  l'Évangile,  car  tu  m'y  surpasses  aujour- 
d'hui ;  tu  es  l'Elysée  qui  succède  à  Élie,  enveloppé 
d'un  double  esprit. 

*  Ne  vous  laissez  pas  abattre,  InaÎB  chantez  la 
nuit  le  cantique  du  Seigneurque  je  vousai donné: 

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Bl   LOTHU.  101 

je  le  chantoFÛ  amn,  moi,  n'ayant  de loaci que 
peur  la  parole.  Que  celui  qui  ignore ,  ignore  :  que 
celui  qui  périt  »  périsee»  pourru  qu'ils  ne  puis- 
sent pas  se  plaindre  que  notre  oflice  leur  ait  man- 
qué. »  (M  mai  15S1.) 

•  On  le  presndt  alors  de  donner  la  solution  d'une 
question  qu'il  avait  soulevée,  et  dont  la  décision 
ne  pouvait  sortir  des  controverses  théologiques, 
la  question  des  vœux  monastiques;  les  moines  de- 
mandaient de  toutes  parts  à  sortir,  et  Mélanchton 
n'osait  rien  prendre  sur  lui.  Luther  luirméme  n'a- 
borde œ  sujet  qu'avec  hésitation. 
-  «  Vous  ne  m'avex  pas  encore  convaincu  qu'on 
doive  penser  de  même  du  vœu  des  prêtres  et  de 
oriui  des  moines.  Ce  qui  me  touche  beaucoup, 
c'est  que  l'ordre  sacerdotal,  institué  de  Dieu,  est 
libre,  mais  non  pas  celui  des  moines,  qui  ont 
dioisi  leur  état,  et  se  sont  offerts  à  Dieu  de  leur 
plein  gré.  Je  déciderais  pourtant  volontiers  que 
ceux  qui  n'ont  pas  atteint  l'ige  du  mariage,  ou 
qui  y  sont  encore,  et  qui  sont  entrés  dans  ces 
coupe-gorges,  en  peuvent  sortir  sans  scrupule; 
mais  je  n'ose  me  prononcer  pour  ceux  qui  sont 
.•déjà  vieux ,  et  qui  ont  vécu  long^mps  dans 
jcetétat. 

»  Du  reste,  comme  Paul  donne,  au  sujet  des 

4- 

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103  HiHOiaBs 

prêtres,  une  décitfîon  très  large,  en  disant  que  ce 
sont  les  démons  qui  leur  ont  interdit  le  mariage , 
et  que  la  yoix  de  Paul  est  la  yoix  de  la  msgesté 
divine ,  je  ne  doute  point  qu'il  ne  faille  la  confes- 
ser hautement  ;  ainsi,  lors  même  qu'au  temps  de 
leur  profession ,  ils  se  seraient  liés  par  cette  pro- 
hibition du  diable ,  maintenant  qu'ils  savent  i 
quoi  ils  se  sont  liés,  ib  peuToit  se  délier  en  toute 
confiance  (  1*'  août.  )  Pour  moi,  j'ai  souvent  an- 
nulé sans  scrupule  des  vœux  fiiits  avant  l'âge  de 
vingt  ans,  et  je  les  annulerais  encore,  parce  qu'il 
n'est  personne  qui  ne  voie  qu'il  n'y  a  eu  là  ni 
délibération  ni  connaissance.  Hais  j'ai  fait  cela 
pour  ceux  qui  n'avaient  pas  encore  changé  d'état 
ni  d'habit;  quant  à  ceux  qui  auraient  déjà  exeréé 
dans  les  monastères  les  fonctions  du  sacrifice ,  je 
n'ai  rien  osé  encore.  Je  ne  sais  de  quel  nuage 
m'ofhsquent  et  me  tourmentent  cette  vanité  et 
cette  opinion  humaine,  *  (6  août  1521.) 
Quelquefois  il  se  rassure ,  et  parle  nettement  : 
«  Quant  aux  vœux  des  religieux  et  des  prêtres, 
nous  avons  fait ,  Philippe  et  moi ,  une  vigoureuse 
conspiration  pour  les  détruire  et  les  mettre  à 
néant....  Ce  malheureux  célibat  des  jeunes  gens 
et  des  jeunes  filles  me  révèle  tous  les  joiin  tant 
de  monstruosités,  que  rien  ne  sonne  plus  mal  à 

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BK  LUTBia.  103 

Bi«s«raU«B  qae  le  nom  de  nonnei  de  moine»  de 
prêtre  ;  el  le  mariage  me  semble  un  paradis, 
même  avec  la  dernière  pauvreté.  »  (  1^  no- 
vembre.) 

PréfiM^e  de  Lnther  àson  livre  D9  Voiis  iMmag- 
ticit ,  écrite  aoofl  forme  de  lettre  à  son  père.  (SI 
DOT.  1531.)  « ....  Ce  n'est  pas  volontairement  qne 
je  me  suis  fidt  moine.  Dans  la  terreur  d'une  ap- 
parition soudaine ,  entouré  de  la  mort  et  me 
croyant  appelé  par  le  ciel,  je  fis  un  vœu  irréflé« 
dû  et  forcé.  Quand  je  te  dis  cela  dans  notre  en- 
trevue ,  tu  me  répondis  :  «  Dieu  veuille  que  ce  ne 
soit  pas  un  prestige  et  un  fimtôme  diabolique!  » 
Cette  parole,  comme  si  Dieu  l'eût  prononcée  par 
ta  bouche ,  me  pénétra  bientôt  profondément; 
mais  je  fermai  mon  cœur,  tant  que  je  pus,  contre 
toi  et  ta  parole»  De  même,  lonque  ensuite  je  te 
reprochai  ton  reventiment ,  tu  mefis  une  réponse 
qui  me  frappa  comme  aucune  parole  ne  m'a 
frappé ,  et  elle  est  toujours  restée  au  fond  de  mon 
cœur.  Tu  me  dis  :  «  ff 'aa*tu  pas  entendu  anoî 
qu'on  doit  obéir  à  ses  parens?  »  Mais  j'étais  en- 
durci dans  ma  dévotion,  et  j'écoutais  ce  que  tu 
disai&co&mie  ne  venant  que  d'un  homme.  Cepen* 
dant,  dans  le  fond  de  mon  ame,je  n'ai  jamais  pu 
mépriser  ces  paroles....  * 

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104  nitfoiRKs 

—  «  Il  mesoayient  que  lorsque  j'eus  pranoncé 
mes  Yoeux ,  le  père  de  ma  chair,  d'abord  très  ir* 
rtté,  s'écria,  lorsqu'il  fut  apaisé  :  Plaise  au  ciel 
que  ce  ne  soit  pas  un  tour  de  Satan  !  Parole  qui 
a  jeté  dansmon  cœur  de  si  profondes  racines,  que 
je  n'aijamabrien  entendude  sa  bouche  dont  j'aie 
gardé  une  plus  ferme  mémoire.  Il  me  semble  que 
Bien  a  parlé  par  sa  bouche.  *  (9  septembre.)  Il 
recommande  à  Wenceslas  Link  qu'on  laisse  aux 
moines  la  liberté  de  sortir  des  couvens  sans  jamais 
contraindre  personne.  «  Je  suis  sûr  que  tu  ne  fe* 
ras,  que  tu  ne  laisseras  rien  faire  de  contraire  à 
FËvangile,  lors  même  qu'il  fisiudrait  perdre  tous 
les  monastères.  Je  n'aime  point  cette  sortie  tur«* 
bulente  dont  j'ai  ou!  parler...  Mais  je  ne  vois  pus 
qu'il  soit  bon  et  convenable  de  les  rappeler, 
quoiqu'ils  n'aient  pas.  bien  et  convenablement 
agi.  Il  faudrait  qu'à  l'exemple  de  Gyrus  dans  Hé- 
rodote, tu  donnasses  la  liberté  à  ceux  qui  veulent 
sortir,  mais  sans  mettre  personne  dehors,  ni  re» 
tenir  personne  par  force...  » 

Il  avait  montré  la  même  tolérance  lorsque  ceux 
d'Erfurth  s'étaient  portés  à  des  actes  de  violence 
envers  les  prêtres  catholiques.  Garlostad,  à  Wit^ 
temberg,  eut  bientôt  rempli  et  dépassé  les  instînio* 
tiens  de  Luther. 


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M  lUTOBA.  105 

•  Bon  Bleu!  s'écrie  celui-ci  dans  une  lettre  à 
Spalatin^  nos  gens  de  Wittemberg  marieront^ils 
jusqu'aux  moines!  Quant  à  moi ,  ils  ne  me  feront 
pas  prendre  femme. — Prends  bien  garde  de  ne 
pas  prendre  femme,  afin  de  ne  pas  tomber  dans 
la  tribulation  de  la  chair.  »  (6  août.  ) 

Cette  hésitation  et  ces  ménagements  montrent 
asseï  que  Luther  suivait  plus  qu41  ne  devançait 
le  mouvement  qui  entraînait  tous  les  esprits  hors 
des  routes  anciennes. 

«  Origène,  écrit^il  à  Spalatin,  avait  un  ensei- 
gnement à  part  pour  les  femmes;  pourquoi  Mé» 
lanchton  n'essaierait-il  pas  quelque  chose  de  pa- 
reil? Il  le  peut  et  le  doit,  car  le  peuple  a  fiiim  et 
9oif.  > 

«  Je  désirerais  fort  que  Mélanchton  prêchât 
aussi  quelque  part  en  public,  dans  la  ville,  aux 
jours  de  fêtes,  dans  Faprès^née,  pour  tenir  le 
lien  delà  boisson  et  du  jeu:  on  s'habituerait  ainsi  à 
ramener  la  liberté ,  et  à  la  façoimer  sur  le  modèle 
de  l'Église  antique. 

>  Car  si  nous  avons  rompu  avec  toutes  les  lois 
humaines,  et  secoué  le  joug ,  nous  arrêteron»-nou$ 
à  ce  que  Mélanchton  n'est  pas  oint  et  rasé^  à  ce 
qu'il  est  marié  ?  Il  est  véritablement  prêtre,  et  il 
.remplit  les  fonctions  du  prêtre,  à  moins  que  l'of** 


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106  ttiSfOlKEf 

fice  du  prêtre  ne  soit  pas  Renseignement  de  la  pa- 
role. Autrement  le  Christ  non  plus  ne  sera  pas 
prêtre,  puisqu'il  enseigne  tantôt  dans  lessynago* 
gués,  tantôt  sur  la  barque,  tantôt  sur  le  ritage, 
tantôt  sur  la  montagne.  Tout  rôle  en  tout  lieu,  à 
toute  heure,  il  l'a  rempli  sans  cesser  d'être  lui- 
même. 

»  Il  faudrait  que  Mélanchton  lût  au  peuple  l'Ë- 
rangile  en  allemand ,  comme  il  a  commencé  à  le 
lire  en  latin ,  afin  de  devenir  ainsi  peu-à-peu  un 
érêque  allemand ,  comme  il  est  devenu  éyêque  la- 
tin. >  (  9  septembre.) 

Cependant  l'Empereur  étant  occupé  de  la 
guerre  contre  le  roi  de  France ,  l'Électeur  se  ras- 
sura et  il  fit  donner  à  Luther  un  peu  plus  de  li- 
berté. «  Je  suis  allé  deux  jours  à  la  chasse  pour 
voir  un  peu  ce  plaisir  yAtf»vVi»^«f  (  doux«amer) 
des  héros  :  nous  primes  deux  lièvres  et  quelques 
pauvres  misérables  perdreaux;  digne  occupation 
d'oisifs.  Jethéologisais  pourtant  au  milieu  desfilets 
et  des  chiens;  autant  ce  spectacle  m'a  causé  de 
plaisir ,  autant  c'a  été  pour  moi  un  mystère  de  pi- 
tié et  de  douleur.  Qu'est-ce  que  cela  nous  repré- 
sente, sinon  le  diable  avec  ses  docteurs  impies  pour 
chiens,  c'est-à-dire  les  évoques  et  les  théologiens 
qui  chassent  ces  innocentes  bestioles.  Je  sentais 

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Bl   LUTBSa.  107 

pTof<mdémeQt  ce  triste  .mystère  sur  les  animaux 
simples  Ht  fidèles. 

*  £a  voici  un  autre  plus  atroce.  Nous  avioDs 
aauTé  un  petit  lièvre  vivant,  je  Tavais  enveloppé 
dans  la  manche  de  ma  robe;  pendant  que  j'étais 
éloigné  un  instant ,  les  chiens  trouvèrent  le  pau' 
vre  lièvre,  et,  à  travers  la  robe ,  lui  cassèrent  la 
jambe  droite,  et  Fétranglèrent.  Ainsi  sévissent  le 
pape  et  Satan  pour  perdre  même  les  âmes  sau- 
vées. 

•  Enfin,  j'en  ai  assez  de  la  chasse  ;  j'aimerais 
mieux,  je  pense,  celle  où  Ton  perce  de  traits  et 
des  flèches  ours,  loups,  sangliers,  renards,  et  toute 
la  gentdes  docteurs  impies...  Je  t'écris  cette  plaî- 
sauterie,  afin  que  tu  saches  que  vous  autres  cour- 
tisans, mangeurs  de  bétes,  vous  serez  bétes  à  votre 
tour  dans  le  paradis,  où  saura  bien  vous  prendre 
et  vous  encager,  Christ,  le  grand  chasseur.  C'est 
TOUS  qui  êtes  en  jeu ,  tandis  que  vous  vous  joue^ 
à  la  chasse.  •  (15  août.) —  IHi  reste,  Luther  ne  se 
déplaisait  pas  à  Wartbourg;  il  y  avait  trouvé  un 
accueil  libéral,  où  il  reconnaissait  la  main  de  !'£• 
lecteur.  «  Le  maître  de  ce  lieu  me  traite  beaucoup 
mieux  que  je  ne  le  mérite.  »  (10  juin.)  «  Je  ne  vou- 
drais être  à  charge  a  personne.  Mais  je  suis  per- 
suadé que  je  vis  ici  aux  dépens  de  notre  prince  î 


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106  Miaofmss 

autrement  je  n'y  resterais  pas  une  heure.  On  sait 
que  s'il  £ftut  dépenser  l'argent  de  quelqu'un ,  c'est 
celui  des  princes.  »  (15  août.) 

A  la  fin  du  mois  de  novembre  15S1 ,  le  désir  de 
revoir  et  d'encourager  ses  disciples  lui  fit  finire 
une  courte  excursion  à  Wittemberg;  mais  il  eut 
soin  que  l'Électeur  n^en  sût  rien.  «  Je  lui  cache  » 
dit-il  à  Spalatin,  et  mon  voyage  et  mon  retour. 
Pour  quel  motif  ?  c'est  ce  que  tucomprendsassez.» 

Le  motif,  c'était  le  caractère  alarmant  que  pre^ 
nait  la  Réforme  entre  les  mains  de  Garlosiad,  des 
théologiens  démagogues,  des  briseurs  d'images, 
anabaptistes  et  autres,  qui  commençaient  à  se  pro* 
duire.  «  Nous  avons  vu  le  prince  de  ces  prophètes, 
Claus-Stork ,  qui  marche  avec  l'air  et  le  costume 
de  ces  soldats  que  nous  appelons  lanxknecht;  il 
y  en  avait  encore  un  autre  en  longue  robe,  et  le 
docteur  Gérard  de  Cologne.  Ce  Stork  me  semble 
porté  par  un  esprit  de  légèreté ,  qui  ne  lui  per* 
met  pas  de  fiiire  grand  casde  ses  propres  opinions. 
Mais  Satan  se  joue  dans  ces  hommes.  »  (4  septem- 
bre 1522.) 

Luther  n'attachait  pas  encore  à  ce  mouvement 
une  grande  importance.  «  Je  ne  sors  pas  de  ma 
retraite,  écrit-il;  je  ne  bouge  pas  pour  ces  pro- 
phètes* car  ils  ne  m'émeuvent  guère.  »  (17  jan- 

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os  LUTHSR.  109 

irîer  18tt.)Il  chargea  Mélanchton  de  les  éprouver, 
et  c'est  alors  qu'il  lui  adressa  cette  belle  lettre 
(IS  janvier  1522)  :  «  Si  tu  veux  éprouver  leur 
inspiration,  demande  s'ils  ont  ressenti  ces  angois* 
ses  spirituelles  et  ces  naissances  divines ,  ces  morts 
et  ces  enfers...  Si  tu  n'entends  que  choses  douces 
et  paisibles  et  dévotes  (comme  ils  disent) ,  quand 
même  ils  se  diraient  ravis  au  troisième  ciel ,  tu 
n'approuveras  rien  de  cela.  Il  y  manque  le  signe 
du  Fils  de  l'homme,  le  /8«a-«if«9(  pierre  de  touche), 
l'unique  épreuve  des  chrétiens,  la  règle  qui  dis- 
cerne les  esprits.  Veux-tu  savoir  le  lieu ,  le  temps 
et  la  manière  des  entretiens  divins? écoute  :  //  a 
hrké  comme  le  lion  toue  meBOê^  etc.  Jai  éié  re» 
poussé  de  ta  face  et  de  tes  regards,  etc.  Mon  âme 
û  été  remplie  dentaux,  et  ma  vie  a  approché  de  l'en* 
frr.  La  majesté  divine  ne  parle  pas  comme  ils  le  pré- 
tendent ,  immédiatement ,  et  de  manière  que 
l'homme  la  voie;  non,  L'homme  ne  me  verra  point, 
et  il  vivra.  C'est  pourquoi  elleparlepar  la  bouche 
des  hommes,  parce  que  nous  ne  pouvons  tous  sup- 
porter sa  parole.  La  vierge  même  s'est  troublée  à 
la  vue  de  l'ange.  Écoutez  aussi  la  plainte  de  Da- 
niel et  de  Jérémîe  :  PrencM-moi  dans  votre  juge- 
ment, et  ne  soyez  pas  un  sujet  d'épouvante.  » 
(17  janvier  1632.  )  «Aie  soin  que  notre  prince 

8 

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110  HixOlRES 

ne  teigne  pas  ses  mains  du  sang  de  ces  netsif  eaui 
prophètes. 

»  €'est  par  la  parole  seule  qu'il  faut  ccHubattre , 
par  la  parole  qu'il  faut  vaincre  «  par  la  parole 
qu'il  faut  détruire  ce  qu'ils  ont  élevé  par  la  force 
et  la  violence. 

»...  Je  ue  condamne  que  par  la  parole  ;  que 
celui  qui  croit,  croie  et  suive;  que  celoi  qui  ne 
croit  pas»  ne  croie  pas,  et  qu'on  le  laisse  aller* 
Il  ne  £ftut  contraindre  aucune  personne  à  la  foi  ni 
aux  choses  de  la  foi;  il  faut  l'y  traîner  par  la  pa* 
rolm.  Je  condamne  les  images,  mais  par  la  parole, 
non  pour  qu'on  les  brûle,  mais  pour  qu'on  n'y 
mette  pas  sa  confiance.  * 

Mais  il  se  passait  à  Wiitemberg  même  des  cho-* 
ses  qui  ne  pouvaient  permettre  à  Luther  de  res-' 
ter  plus  long-temps  dans  son  donjon.  Il  partit 
sans  demander  l'agrément  de  l'Électeur. 

On  trouve,  dans  un  des  historiens  de  la  Ré*' 
forme,  un  curieux  récit  de  ce  voyage. 

«JeanKessler,  jeunp  théologien  de  Saint-6a11  y 
se  rendant  avec  un  ami  à  Wittemberg  pour 
y  achever  ses  études,  rencontra  le  soir,  dans  une 
auberge  située  à  la  porte  d'Iéna,  Luther  habillé 
en  cavalier.  Ils  ne  le  connurent  point.  Le  ca^ 
valier  avait  devant  lui  un  petit  livre,  qui  était ^ 


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M  IDTHBA.  111 

ooomie  ik  lo  Tirent  pliu  tard ,  le  paautier  en 

hébreu.  U  les  ialua  poliment,  il  les  invita  à  t'a»* 

eew  à  aa  table.  Bam  la  oonTersation,  il  leur  de* 

manda  anari  ce  que  l'on  pensait  de  Luther  en 

Snine.  Kessler  Ini  répondit  que  les  uns  ne  sa* 

vaient  ooaunent  le  célébrer,  et  remerciaient  Dieu 

de  l'avoir  envoyé  sur  la  terre  pour  y  relever  la 

rériié^  tandis  que  d'autres,  et  notamment  les 

prêtres,  le  condamnaient  comme  un  héritique 

qu'on  ne  pouvait  épargner.  D'après  quelques 

mots  que  l'hôtelier  dit  aux  jeunes  voyageurs,  ib 

le  prirent  pour  Clrieh  de  Hutten.  Les  marchands 

arrivèrent;  Tun  d'eux  tira  de  aa  poche  et  mit  à 

côté  de  lui  un  livre  de  Luther  nouvellement  îm-» 

primé,  et  qui  n'était  pas  encore  relié.  U  demanda 

ailes  autres  l'avaient  déjà  vuXuther  parla  du  peu 

de  bonne  volonté  pour  les  choses  sérieuses  ,  qui 

se  manifestait  dans  les  princes  assembles  alors  à 

la  diète  à  Nuremberg.  U  exprima  aussi  l'espoir 

«  que  la  vérité  évangéliqueporteraitplusdefiraits 

9  dans  ceux  qui  viendraient  et  qui  n*auraient  pas 

9  encore  été  empoisonnés  par  l'erreur  papale.  » 

L'un  des  marchands  dit  :  «  Je  ne  suis  pas  savant 

en  ces  questions;  mais,  à  mon  sens,  Luther  doit 

être  ou  un  ange  du  del ,  ou  un  démon  de  l'en-* 

fer;  aoasi,  je  vais  employer  les  derniem  dix  flo* 

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1 1%  liteoiâvf 

lins  que  je  me  soi»  ménagés  à  aller  à  oonfeate 
chez  lui.  •  Cette  conversation  eut  lieu  pendant 
le  souper.  Luther  s'était  arrangé  d'avance  avec 
Thôtelier  pour  payer  Técot  de  toute  la  table.  Au 
moment  de  se  retirer,  Luther  donna  la  main  aux 
deux  Suisses  (les  marchands  étaient  allés  à  leurs 
a£GBiires),  les  priant  de  saluer  de  sa  part,  quand 
lisseraient  arrivés  à  Wittemberg,  le  docteur  Jé- 
rôme Schurff,  leur  compatriote.  Us  lui  demandè- 
rent comment  ils  le  devaient  nommer  auprès  de 
celui-ci.  «  Dites-lui  seulement,  leur  répond-il , 
que  celui  qui  doit  venir  le  salue;  il  ne  manquera 
pas  de  comprendre  ces  paroles.  * 

«  Les  marchands,  quand  ils  apprirent,  en  re- 
venant dans  la  chambre,  que  c'était  à  Luther 
qu'ils  avaient  parlé,  furent  inconaolables  de  ne 
pas  l'avoir  su  plus  tôt,  de  ne  pas  lui  avoir  montré 
plus  de  respect ,  et  d'avoir  dit  en  sa  présence  des 
choses  peu  sensées.  Le  lendemain,  ils  se  levèrent 
exprès  de  grand  matin,  pour  le  trouver  encore 
avant  son  départ,  et  lui  faire  leurs  très  humbles 
excuses.  Luther  ne  convint  qu'implicitementque 
c'était  lui.  » 

Comme  il  était  en  chemin  pour  se  rendre  à 
Wittemberg,  il  écrivit  à  l'Électeur  qui  lui  avait 
défendu  de  quitter  Wartbourg  :  c Ce  n'at 


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Dl   LUTBBE.  113 

pas  des  hommes  que  je  tiens  rÉvangile,  mais  da 
cîel;de  notre  Seigneur  Jésus-Christ,  et  j'aurais 
liien  pu ,  comme  je  veux  &ire  dorénavant^  m'ap- 
peler  son  serviteur,  et  prendre  le  titre  d'évangé- 
Bste»  Si  j'ai  demandé  à  être  interrogé  «  ce  n'était 
pas  que  je  doutasse  de  la  bonté  de  ma  cause,  mais 
uniquement  par  déférence  et  humilité.  Or,  comme 
je  vois  que  cet  excès  d'humilité  ne  &it  qu'abais- 
ser l'Évangile,  et  que  le  diable,  si  je  cède  un 
ponce  de  terrain,  veut  occuper  toute  la  place, 
ma  conscience  me  force  d'agir  autrement.  C'est 
assez  que,  pour  plaire  à  votre  Grâce  électorale , 
j'aie  passé  une  année  dans  la  retraite.  Le  diable 
sait  bien  que  ce  n'était  pas  crainte  ;  il  a  vu  mon 
cœur  quand  je  suis  entré  dans  Worms.  La  ville 
eut-eHe  été  pleine  de  diables  ,  je  m'y  serais  jeté 
avec  joie. 

>  Or,  le  duc  Georges  ne  peut  pas  même  passer 
pour  un  diable  ;  et  votre  Grâce  électorale  se  dira 
dle-méme  si  ce  ne  serait  pas  outrager  indigne* 
ment  le  Père  de  toute  miséricorde ,  qui  nouscom- 
mande  d'avoir  confiance  en  lui,  que  de  craindre 
la  colère  de  ce  duc.  Si  Dieu  m'appelait  à  Leip* 
sick,  sa  capitale,  comme  il  m'appelle  à  Wittem- 
berg ,  j'y  entrerais  quand  même  (pardonnez-moi 
celte  fUie)  quand  même  il  pleuvrait  des  ducs 

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114  xilIOIBBt 

Creorgdf  neuf  jours  durant ,  et  chacun  d'eux  neuf 
fois  plus  furieux.  Il  prend  donc  Jésus-Christ  pour 
un  homme  de  paille.  Le  seigneur  peut  bien  tolé- 
rer cela  quelque  temps ,  mais  non  pas  toujouiu. 
Je  ne  cacherai  pas  non  plus  à  votre  Grâce  éleo* 
tonale  que  j'ai  plus  d'une  fois  prié  et  pleuré  pour 
que  Dieu  TOulàt  éclairer  le  duc;  je  le  ferai  encora 
une  fois  arec  ardeur,  mais  ce  sera  la  dernière. 
Je  supplie  aussi  votre  Grâce  de  prier  elle-même 
et  de  faire  prier ,  pour  que  nous  détournions  de 
lui,  s'il  plaît  à  Ih'eu,  le  terrible  jugement  qui» 
chaque  jour ,  hâasl  le  menace  de  plus  près. 

*  J'écris  ceci  pour  vous  (aire  savoir  que  je  vais 
à  Wittemberg  sous  une  protection  plus  haute 
que  celle  de  l'Électeur;  aussi  n'ai^je  pas  l'inten- 
tion de  demander  appui  à  votre  Grâce.  Je  crois 
même  que  je  la  protégerai  plus  que  je  ne  serai 
protégé  par  elle  :  si  je  savais  qu'elle  d&t  me  pro-^ 
^éger ,  je  ne  viendrais  pas.  L'épée  ne  peut  rien 
en  ceci;  il  faut  que  Dieu  agisse,  sans  que  les 
hommes  s'en  mêlent.  Celui  qui  a  le  plus  de  foi  ^ 
protégera  le  plus  efficacement,  et  comme  je  sens 
que  votre  Grâce  est  encore  très  iSuble  dans  la 
foi,  je  ne  puis  nullement  voir  en  elle  celui  qui 
doit  me  protéger  et  me  sauver. 

9   Votre  Grâce  électorale  me   demande  ce 

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115 

qu'elle  doit  ûdre  en  cm  otroooslaiioet*  «tlûwuit 
avoir  fiiit  peu  jusqu'ici.  Je  répoodt,  en  tonte 
ionnûanon,  qpie  Totre  Grâce  n'a  fidt  que  trop»  et 
qu'elle  ne  devrait  rien  faire.  Bien  ne  vent  pat 
de  toutes  oes  inquiétudes ,  de  tout  œ  mouTO» 
ment  »  quand  il  s'agit  de  sa  cause;  il  reut  qu'on 
s'en  remette  à  lui  seul.  Si  votre  GrAce  a  oette» 
fol,  elle  trouvera  paix  et  sécurité;  sinon*  moi  du 
moins,  je  croirai;  et  je  serai  obligé  de  laisser  à 
votre  Grâce  les  tourmens  par  lesquels  Dieu 
punit  les  incrédules.  Puis  donc  que  je  ne  veux 
pas  suivre  les  ^hortations  de  votre  Grâce,  elle 
sera  justifiée  devant  Dieu ,  si  je  suis  pris  ou  tué. 
Devant  les  hommes,  je  désire  qu'elle  agisN  comme 
il  suit  :  qu'elle  obéisM  à  l'autorité  en  bon  éleo* 
tour,  qu'elle  laÎMe  régner  la  Majesté  impériale 
en  ses  états  conformément  aux  .réglemens  de 
l'Empire,  et  qu'elle  se  garde  d'opposer  quelque 
résistance  à  la  puissance  qui  voudra  me  prendre 
ou  me  tuer;  car  personne  ne  doit  briser  la  puis- 
sance ni  lui  résister,  hormis  celui  qui  l'a  insti- 
tuée; autrement,  c'est  révolte,  c'est  cMitre  Dieu. 
J'espère  seulem^Qit  quHlsaurontasses  de  sens  pour 
reconnaître  que  votre  Grâce  électorale  eit  de 
trop  hautlieu  pourse  &ire  eUe^mème  mon  geMier. 
8i  elle  laisifs  les  portes  ouvertes,  et  qu'elle 

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1 16  IliHOl&ES 

lasse  observer  le  sauf-conduit ,  au  cas  où  ils  vien-* 
dront  me  prendre ,  elle  aura  satb&it  à  l'obéis* 
sance.  Si ,  au  contraire,  ils  sont  assez  déraisonna- 
bles pour  ordonner  à  votre  Grâce  de  mettre 
elle-même  la  mainsur  moi  I  je  ferai  en  sorte  qu'elle 
n'éprouve  pour  moi  nul  préjudice  de  corps,  de 
biens,  ni  d'âme. 

»  Je  m'expliquerai  plus  au  long  une  autre 
fois ,  s'il  en  est  besoin.  J'ai  dépêcbé  le  présent 
écrit,  de  peur  que  votre  Grâce  ne  fût  affligée  de 
la  nouvelle  de  mon  arrivée;  car ,  pour  être  chré- 
tien ,  je  dois  consoler  tout  le  monde  et  n'être  pré- 
judiciable à  personne. 

•  Si  votre  Grâce  croyait,  elle  verrait  la  ma- 
gnificence de  Dieu  ;  mais  comme  elle  ne  croit  pas 
encore,  elle  n'a  encore  rien  vu.  Aimons  et  glori- 
fions Dieu  dans  l'éternité.  Amen.  Écrit  à  Borna,  à 
côté  de  mon  guide ,  le  mercredi  des  Cendres  llSâS. 
(5  mars).iDe  votre  Grâce  électorale  le  très  soumis 
serviteur.  Ittartîn  Luthek.  » 
'  (  7  mars).  L'Électeur  avait  fait  prier  Luther  de 
lui  exposer  les  motifs  de  son  retour  à  Wittemberg 
dans  une  lettre  qui  pût  être  montrée  à  l'Empe- 
reur. Dans  cette  lettre,  Luther  donne  trois  mo- 
tifs :  l'église  de  Wittemberg  l'a  instamment  prié 
àe  revenir  ;  deuxièmement,  le  désordre  s'est  mis 

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DB   LUTHBB.  117 

dans  «on  troupeau;  enfin  il  n  touIu  empêcher, 
autant  qu'il  serait  en  lui,  Fînsurrection  qu'il  re- 
garde comme  imminente. 

«...  Le  second  motif  de  mon  retour,  dit-il , 
c'est  qu'à  Wittemberg,  pendant  mon  absence, 
Satan  a  pénétré  dans  ma  bergerie ,  et  y  a  &it  des 
raTages  que  je  ne  puis  réparer  que  par  ma  pré- 
sence et  par  ma  parole  vivante;  une  lettre  n'y 
aurait  rien  fait.  Ha  conscience  ne  me  permettait 
plus  de  tarder;  je  devais  négliger  non-seulement 
la  grâce  ou  disgrâce  de  votre  Altesse,  mais  la  co- 
lère du  monde  entier.  C'est  mon  troupeau,  le 
troupeau  que  Dieu  m'a  confié,  ce  sont  mes  en- 
fiins  en  Jésus-Christ  :  je  n'ai  pu  hésiter  un  mo* 
ment.  Je  dois  souffrir  la  mort  pour  eux ,  et  je  le 
ferais  volontiers  avec  la  g[râce  de  Dieu,  comme 
Jésus-Christ  le  demande  ( saint  Jean,  X ,  12).  S'il 
eût  suffi  de  ma  plume  pour  remédier  à  ce  mal , 
pourquoi  serais-je  venu?  Pourquoi,  si  ma  pré- 
lence  n'y  était  pas  nécessaire ,  ne  me  résoudrais-je 
à  quitter  Wittemberg  pour  toujours  ? ...  » 

Luther  à  son  ami  Hartmuth  de  Kronberg ,  au 
mois  de  mars  (peu  après  son  retour  à  Wittem- 
berg) :  «  .  .  .  .  Satan,  qui  toujours  se  mêle  parmi 
les  enfans  de  Dieu ,  comme  dit  Job (1,6),  vientde 
Dont  faire  (  et*à  moi  en  particulier)  un  mal  cruel 

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1 18  aiiwoiEES 

à  Wiitemberg.  Tous  mes  ennemis,  quelque  près 
qu'ils  fussent  souvent  de  moi ,  ne  m'ont  jamais 
porté  un  coup  comme  celui  que  j'ai  reçu  des 
miens.  Je  suis  obligé  d'avouer  que  cette  fumée 
me  ùli  bien  mal  aux  yeux  et  au  cœur.  «  C'est  par 
»  là,  s'est  dit  Satan,  quejeveuxabattrelecourage 
1  de  Luther,  et  vaincre  cet  esprit  si  roide. Cette 
>  fois,  il  ne  s'en  tirera  pas.  » 

«...  Peut-être  Dieu  me  veutril  punir  par  ce 
coup,  d'avoir,  à  Worms,  comprimé  mon  esprit, 
et  parlé  avec  trop  peu  de  véhémence  devant  les 
tyrans.  Les  païens,  il  est  vrai,  m'ont  depuis  ac- 
cusé d'orgueil.  Ils  ne  savent  pas  ce  que  c'est  que 
la  foi. 

»  Je  cédais  aux  instances  de  mesbpns  amis  qui 
ne  voulaient  point  que  je  parusse  trop  sauvage: 
mais  je  me  suis  souvent  repenti  de  cette  déférence 
et  de  cette  humilité. 

» ...  Moi-même  je  ne  connais  point  Luther,  et 
neveux  point  le  connaître.  Ce  que  je  proche  ne 
vient  pas  de  lui,  mais  de  Jésus-Christ.  Que  le  dla-* 
ble  emporte  Luther,  s'il  peut ,  je  ne  m'en  soucie 
pas,  pourvu  qu'il  laisse  Jésus-Christ  régner  dans 
les  cœurs...  » 

Vers  le  milieu  de  la  même  année,  Luther  éclata 
avec  la  plus  grande  violence  contre  les  princes. 


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BB   LVTlIBa.  119 

Un  grand  nombre  de  princes  et  d'évéques  (entre 
autres  le  duc  Georges),  venaient  de  prohiber  la 
traduction  qu'il  donnait  alors  de  la  Bible;  on  en 
rendait  le  prix  à  ceux  qui  l'avaient  achetée.  Lu* 
ther  accepte  audadeusement  le  combat  :  «  Nous 
avons  eu  les  prémices  de  la  victoire  et  triomphé 
de  la  tyrannie  papale  qui  avait  pesé  sur  les  rois 
et  les  princes;  combien  nesera-^t-il  pas  plus  &cile 
de  venir  à  bout  des  princes  eux-mêmes?...  J'ai 
grand'peur  que  s'ils  continuent  d'écouter  cette 
sotte  cervelle  du  duc  Georges,  il  n'y  ait  des  trou* 
blés  qui  mènent  à  leur  perte ,  dans  toute  l'Aile* 
magne,  les  princes  et  les  magistrats,  et  qui  en* 
veloppent  en  même  temps  le  clergé  tout  entier;, 
c'est  ainsi  que  je  vois  les  choses.  Le  peuple  s'agite 
de  tous  cdtés,  et  il  a  les  yetix  ouverts;  il  ne  veut 
plus, il  ne  peut  plus  se  laisser  opprimer.  C'est  le 
Seigneur  qui  mène  tout  cela  et  qui  ferma  les  yeux 
des  princes  sur  ces  symptômes  menaçans,  c'est 
lui  qui  consommera  tout  par  leur  aveugleuient 
et  leur  violence  ;  il  me  semble  voir  l'Allemagne 
nager  dans  le  sang. 

»  Qu'ils  sachent  bien  que  le  glaive  de  la  guerre 
mile  est  suspendu  sur  leurs  têtes,  lis  font  tout 
pour  perdre  Luther,  et  Luther  fait  tout  pour  les 


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120  MilIOIBES 

sauyer.  Ce  n'est  pas  pour  Luther ,  mais  pour  eux 
qu'approche  la  perdition;  ils  Fayancent  eux- 
mêmes  ,  au  lieu  de  s'en  garder.  Je  crois  que  l'es* 
prit  parle  ici  en  moi.  Que  si  le  décret  de  la  colère 
est  arrêté  dans  le  ciel,  et  que  la  prière  ni  la  sagesse 
n'y  puissent  rien ,  nous  obtiendrons  que  notre  Jo- 
sias  s'endorme  dans  la  paix,  et  que  le  monde  soit 
laissé  à  lui-même  dans  sa  Babylone.  —  Quoique 
exposé  à  toute  heure  à  la  mort,  au  milieu  de  met 
ennemis,  sans  aucun  secours  humain  ,  je  n'ai  ce- 
pendant jamais  rien  tant  méprisé  en  ma  vie  que 
ces  stupides  menaces  du  prince  Georges  et  de  ses 
pareils.  L'esprit ,  n'en  doute  pas ,  se  rendra  maître 
du  duc  Georges  et  de  ses  égaux  en  sottise.  Je  t'é- 
cris tout  ceci  à  jeun  et  de  grand  matin,  le  cœur 
rempli  d'une  pieuse  confiance.  Mon  Christ  vit  et 
règne,  et  moi  je  vivrai  et  régnerai.  »  (19  mars.) 

Au  milieu  de  l'année  parut  le  livre  qu'Henri 
YIII  avait  fait  faire  par  son  chapelain  Edward 
Lee,  et  danslex{uel  il  se  portait  pour  Champion 
de  l'Église. 

«  Il  y  a  bien  dans  ce  livre  une  ignorance  royale, 
mais  il  y  a  aussi  une  virulence  et  une  fausseté  qui 
n'appartiennent  qu'à  Lee.  »  (2â  juillet.)*—  Laré-r 
ponse  de  Luther  parut  l'année  suivante,  sa  vio- 
lence surpasse  tout  ce  que  ses  écrits  contre  le  pape 

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DB  LUTftSa.  121 

aTaientpu  faire  attendre.  Jamais  ayant  cette  épo* 
que  nn  homme  privé  n'avait  adressé  à  un  roi  des 
paroles  si  méprisantes  et  si  andacieoses. 

•  Moi ,  aux  paroles  des  pères,  des  hommes,  des 
anges,  des  démons,  j'oppose,  non  pas  l'antique 
usage  ni  la  multitude  des  hommes,  mais  la  seule 
parole  de  l'étemelle  Majesté,  l'Évangile  qu'eux- 
mêmes  sont  forcés  de  reconnaître.  Là ,  je  me  tiens, 
je  m'assieds,  je  m'arrête;  là  est  ma  gloire,  mon 
triomphe;  de  là,  j'insulte  aux  papes,  aux  thomis- 
tes, aux  henricistes,  aux  sophistes  et  à  toutes  les 
portes  de  l'enfer.  Je  m'inquiète  peu  des  paroles 
des  hommes,  quelle  qu'ait  été  leur  sainteté;  pas 
davantage  de  la  tradition,  de  la  coutume  trom- 
peuse. La  parole  de  Dieu  est  au-dessus  de  tout.  Si 
j'ai  pour  moi  la  divine  Majesté,  que  m'importe  le 
reste,  quand  même  mille  Augustins,  mille  Gy- 
priens,  mille  églises  de  Henri,  se  lèveraient  con- 
tre moi?  Dieu  ne  peut  errer  ni  tromper;  Augus- 
tin etCyprien ,  comme  tous  les  élus ,  peuvent  errer 
et  ont  erré. 

»  La  messe  vaincue ,  nous  avons,  je  crois,  vaincu 
la  papauté.  La  messe  était  comme  la  roche,  où 
la  papauté  se  fondait,  avec  ses  monastères,  ses 
épiacopats,  ses  collèges,  ses  autels,  ses  ministres 
et  ses  doctrines;  enfin  avec  tout  son  ventre.  Tout 

6 

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122  nHOi&ss 

cela  croulera  aTec  l'abominatiôii  de  leur  messe  sa- 
crilège. 

9  Poar  la  cause  de  Christ ,  j'ai  foulé  aux  pieda 
Tidolede  Fabomination  romaine»  qui  s'était  mise 
à  la  place  de  Bîeu  et  s'était  établie  maîtresse  des 
rois  et  du  monde.  Quel  est  donc  cet  Henri,  ce 
nouveau  thomiste ,  ce  disciple  du  monstre,  pour 
que  je  respecte  ses  blasphèmes  et  sa  riolence  ? 
Il  est  le  défenseur  de  l'Église ,  oui ,  de  son  Église 
à  lui  qu'il  porte  si  haut ,  de  cette  prostituée  qui 
yit  dans  la  pourpre,  i?re  de  débauches ,  de  cette 
mère  de  fornications.  Moi,  mon  chef  est  Christ , 
je  frapperai  du  même  coup  cette  Église  et  son  dé- 
fenseur qui  ne  font  qu'un;  je  les  briserai... 

»  J'en  suis  sûr,  mes  doctrines  viennent  du 
eiel.  Je  les  ai  ùli  triompher  contre  celui  qui  » 
dans  son  petit  ongle  »  a  plus  de  force  et  d'astuce 
que  tous  les  papes,  tous  les  rois,  tous  les  doc* 
leurs...  Mes  dogmes  resteront,  et  le  pape  tom- 
bera, malgré  toutes  les  portes  de  l'enfer,  toutes 
les  puissances  de  l'air,  de  la  terre  et  de  la  mer. 
Ilsm'ont  provoqué  à  la  guerre,  eh  bien!  ils  l'au- 
ront la  guerre.  Ils  ont  méprisé  la  paix  que  je  leur 
offrais,  ils  n'auront  plus  la  paix.  Dieu  verra  qui 
des  deux  le  premier  en  aura  assez ,  du  pape  ou 
de  Luther.  Trois  fois  j'ai  paru  devant  eux.  Je  suis 

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DB   LDTlIBm.  128 

entré  dans  Wonns,  sachant  bien  que  César  de- 
vait violer  à  mon  égard  la  foi  publique.  Luther , 
oe  fugitif,  ce  trembleur ,  est  venu  se  jeter  sous 
les  dents  de  Behemoth...  Mais  eux ,  ces  terribles 
Iféans ,  dans  ces  trois  années,  s'en  esi«il  présenté 
un  seul  à  Wittemberg  ?  Et  cependant  ils  y  seraient 
Tenus  en  toute  sûreté  sous  la  garantie  de  TËmpe- 
reur.  Les  lâches,  ils  osent  espérer  encore  le  triom** 
phe  !  Ils  pensaient  se  relever , . par  ma  fuite,  de 
leur  honteuse  ignominie.  On  la  connaît  aujour- 
d'hui par  tout  le  monde;  on  sait  qu'ils  n'ont  point 
eu  le  courage  de  se  hasarder  en  face  du  seul 
Luther.  >  (1523.) 

Il  fut  plus  violent  encore  dans  le  traité  qu'il 
publia,  en  allemand,  sur  la  Puisuince  séculière. 
«  Les  princes  sont  du  monde,  et  le  monde  est 
ennemi  de  Dieu  ;  aussi  vivent-ils  selon  le  monde 
et  contre  la  loi  de  Dieu.  Ne  vous  étonnez  donc 
pas  de  leurs  furieuses  violences  contre  l'Évangile^ 
car  ils  ne  peuvent  manquer  à  leur  propre  nature. 
Vom  devez  savoir  que  depuis  le  commencement 
du  monde,  c'est  chose  bien  rare  qu'un  prince 
prudent,  plus  rare  encore  un  prince  probe  et 
homiête.  Ce  sont  communément  de  grands  sots , 
ou  de  maudits  vauriens  (maxùnè  fatui ,  pessimi 
nebuhn09  super  tetrum).  Aussi,  faut-il  toujours 

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124  fliMaiREs 

attendre  d'eux  le  pis  ,  presque  jamais  le  bien, 
surtout  lorsqu'il  s'agit  du  salut  des  âmes.  Ils  sèr- 
▼eut  ^  Dieu  de  licteurs  et  de  bourreaux ,  quand 
il  veut  punir  les  méchans.  Notre  Dieu  est  un  pois- 
sant roi,  il  lui  faut  de  nobles,  d'illustres,  de  ri- 
ehes  bourreaux  et  licteurs  comme  ceux-ci  ;  il  Teut 
qu'ils  aient  en  abondance  des  richesses ,  des  hon- 
neurs, qu'ils  soient  redoutés  de  tous.  Il  plaît  à  sa 
dÎTine  volonté  que  nous  appelions  ses  bourreaux 
de  démens  seigneurs,  que  nous  nous  proster- 
nions à  leurs  pieds ,  que  nous  soyons  leurs  très 
humbles  sujets.  Mais  ces  bourreaux  ne  poussent 
point  eux-mêmes  l'artifice  jusqu'à  Touloir  deve- 
nir de  bons  pasteurs.  Qu'un  prince  soit  prudent, 
probe,  chrétien  ,  c'est  là  un  grand  miracle,  un 
précieux  ^gne  delà  faveur  divine  ;  car  d'ordinaire, 
il  en  arrive  comme  pour  lesjuifsdont  Dieu  disait: 
«  Je  leur  donnerai  un  roi  dans  ma  colère,  jel'ô- 
terai  dans  mon  indignation.  Dabo  tibi  regem  in 
fitrare  meo ,  et  auferam  in  indignatione  meâ,  » 

»  Les  voilà ,  nos  princes  chrétiens  qui  protè- 
gent la  foi  et  dévorent  le  Turc...  Bons  compa- 
gnons! fiez-vous-y.  Ils  vont  faire  quelque  chose 
dans  leur  belle  sagesse  :  ils  vont  se  casser  le  cou, 
et  pousser  les  nations  dans  les  désastres  et  les  mi- 
sères... Pour  moi ,  j'ouvrirai  les  yeux  aux  aveugles 

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Ds  Xiimn»;  f2S 

pour  qu'ib  eomprennent  ces  quatre  moU  da 
"pmvaaeC^lzEgundîieontempium  êuperprincipe». 
Je  TOUS  le  jure  par  Bieu  même ,  si  tous  attendez 
qu'on  Tienne  tous  crier  en  face  ces  quatre  mots» 
Touflètes  perdus,  quand  même  chacun  de  tous 
•erait  aussi  puissant  que  le  Turc;  et  alors  il  ne 
vous  serTira  de  rien  de  tous  enfler  et  de  grincer 
des  dents...  Il  y  a  déjà  bien  peu  de  princes  qui  ne 
soient  traités  de  sots  et  de  fripons;  c'est  qu'ils  se 
montrent  tels,  et  que  le  peuple  commence  à  com-> 
prendre...  Bobs  maîtres  et  seigneurs,  gouTemei 
STec  modération  et  justice,  car  tos  peuples  ne 
supporteront  pas  long-temps  TOtre  tyrannie;  ils 
ne  le  peuTent  ni  ne  le  Tculent  Ge  monde  n'esl 
plus  le  monde  d'autrefois ,  oh  tous  alliez  à  la 
diasse  des  hommes  comme  à  celle  des  bêtes  fm^ 
Tes.» 

CMMonration  de  Luther ,  sur  deux  mandemens 
sérères  de  l'Empereur  contre  lui.  «...  J'exhorte 
tout  bon  chrétienà  prier  aTOc  nous  pour  cesprin- 
ces  aTeugles ,  que  Dieu  nous  a  sans  doute  euToy  es 
dans  sa  colère,  et  à  ne  pas  les  suÎTre  contre  les 
Turcs.  Le  Turc  est  dix  fois  plus  habile  et  plus  relî* 
gieux  que  nos  princes.  €ommenl  ponrraient*ih 
Téosnr  contre  lui,  ces  fousqui tentent  et  blaqphè» 
mentlMeail'unemanièrehorrible  ?GettepauTreet 

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^tisérable  créature,  qui  n'esl  pas  un  kistaot  lùre 
deaa  yie»  notre  Empereur  «  ne  se  glorifle^V-il  pas 
irapndemment  d'être  le  Trai  et  sonTerain  défen- 
seur de  la  foi  chrétienne  ? 

•  L'Écriture  sainte  dit  que  la  foi  chrétionmi 
est  un  roolidr  contre  lequel  échoueront  et  le  dia- 
ble et  la  mort,  et  toute  puissance;  que  c'est  une 
force  divine;  et  cette  force  dirine  se  ferait  protêt 
ger  par  un  enfant  de  la  mort  que  la  moindre 
chose  jettera  bas?  0  Dieut  que  le  monde  ecrt  iti- 
sensé!  Voilà  le  roi  d'Angleterre  qui  s'intitule  à 
son  tour ,  défwMeuf  de  la  fin  !  Les  Hongrois  mê- 
mes se  vantent  d'être  lesptDtecteurS  de  Dieu,  et 
ils  chantent  dans  leurs  litanies  ;  tJt  noê  dêfenèùt^$ 
tuoê  ewaudif  dignêris,**  Pourquoi  n'y  a-44l  pas 
aussi  des  princes  pour  protéger  Jésus-Christ,  et 
d'autres  pour  défendre  le  Saint-Esprit?  Alors,  je 
^ense,  la  sainte  Trinité  et  la  foi  seraient  enfin 
eénvenableipent  gardées!.».  »  (1^218.) 

De  telles  hardiesses  effrayaient  l'Électeur.  Lu* 
Iher  avait  peine  à  le  rassurer»  •  Je  me  souviens, 
moucher  Spalàtin^  de  ce  que  j'ai  écHt  de  Borli 
à  l'Électeur,  et  plût  à  Dieu  que  vouseussies  M, 
avertis  par  les  signes  ai  évidtes  de  la  main  du 
9ieu.  Né  voilà«4*il  pas  deux  ans  qUe  je  vis  eiMo^ 
contre  tout  attente.  I^'Éledeur  nonisteledièttlesl 

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!>■   LOT0BB.  127 

à  Tabrit  imJft  depuis  un  an  il  Toit  la  fureur  des 

princes  apaisée?  Il  n'est  pas  difficile  au  Christ  de 

proCéger  le  Christ  dans  cette  mienne  cause ,  où 

l'Éleoteur  est  entré  par  le  conseil  de  Dieu.  8i  je 

savais  un  moyen  de  le  tirer  de  cette  cause  sans 

honte  pourrÉvangile»je  n'y  plaindrais  pas  même 

na  Tie.  Moi ,  j'avais  bien  compté  qu'avant  on  an 

on  me  traînerait  au  dernier  supplice;  c'était  là 

mon  expédient  pour  sa  déllvURnee.  Maintenant  « 

puisquenousnesommes  pas  capables  decompre»* 

dre  et  de  pénétrer  son  dessein»nous  serons  toujours 

pariaitement  en  sûreté  en  disant  :  Qn^  im  vionié 

êoitfaiiei  £t  je  ne  doute  pas  que  le  prince  nesoit 

à  l'abri  de  toute  attaque,  tant  qu'il  ne  donnem 

pas  un  assentiment  et  une  approbation  publique 

à  notre  cause.  Pourquoi  est-il  forcé  de  partager 

notre  opprobre?  Dieu  le  sait,  quoiqu'il  soit  bien 

certain  qu'il  n'y  a  là  pour  lui  ni  dommage,  ni 

péril,  et,  au  contraire,  un  grand  avantage  pour 

son  salut  »  (12  octobre  152S.  ) 

Ce  qui  faisait  la  sécurité  de  Luther,  c'est  qu'un 
bouleversement  général  semblait  imminent.  La 
tourbe  populaire  grondait.  La  petite  noblesse,  plus 
impatiente ,  prenait  le  devant.  Les  riches  princi- 
pautés ecclésiastiques  étaient  là  comme  une  proie , 
dont  le  pHlage  semblait  devoir  commencer  la 

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128  MÉHOIÂES 

guerre  cWile.  Les  catholiques  eux-mêmes  réta- 
maient par  les  moyens  légaux,  contre  les  abus 
que  Luther  avait  signalés  dans  TÉglise.  En  mars 
1823,  la  diètede Nuremberg  suspendit  l'exécution 
de  l'éditimpérial  contre  Luther,  et  dressa  contre 
le  clergé  cewtum  gravamina.  Déjà  le  plus  ardent 
des  nobles  du  Rhin,  Franz  de  Sickingen,  avait 
ouvert  la  lutte  despetîts  seigneurs  contre  les  prin- 
ces, en  attaquant  le  Palatin.  «  Voilà,  dit  Lather, 
une  chose  très  lâcheuse.  Des  présages  certains 
nous  annoncent  un  bouleversement  des  états.  Je 
ne  doute  pas  que  rAUemagnene  soit  menacée,  ou 
de  laplus  cruelle  guerre,ou  de  son  dernier  jour.» 
(16  janvier  182S0 


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M  lOTna. 


129 


CHAPITRE  II. 


de  l*^lMltttUri«an«..JE»Mii 
d*oiigaDlMUon ,  etc. 


Les  temps  qui  snivent  le  retour  de  Luther  à 
Wittemberg  forment  la  période  de  sa  vie  la 
plus  active ,  la  plus  laborieuse.  Il  lui  fallait  con- 
tinuer la  Réforme ,  entrer  chaque  jour  plus  avant 
dans  la  voie  qu'il  avait  ouverte,  renverser  de 
nouveaux  obstacles,  et  cependant  de  temps  à 
autre  s'arrêter  dans  cette  œuvre  de  destruction 
pour  réédifier  et  rebâtir  tellement  quellement.  Sa 
TÎe  n'a  plus  alors  l'unité  qu'elle  présentait  à 
Wonns  et  au  château  de  Wartbourg.  Descendu 
de  sa  poétique  solitude,  plongé  dans  lesplus  mes- 
quines réalités,  jeté  en  proie  au  monde,  c^est  à 
loi  que  s'adresseront  tous  les  ennemis  de  Rome. 


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180  viaoïass 

Tous  affluent  chez  lui  et  assiègent  sa  porte,  prin- 
ces ,  docteurs  ou  bourgeois.  Il  &ut  qu'il  réponde 
aux  Bohémiens,  aux  Italiens,  aux  Suisses, à  toute 
r£urope.  Les  fugitife  arrÎTent  de  tous  côtés.  De 
ceux-ci  les  plus  embarrassans,  sans  contredit,  ce 
sont  les  religieuses  échappées  de  leurs  couyens , 
repoussées  de  leurs  &niilles,  et  qui  viennent  cher- 
cher un  asile  auprès  de  Luther.  Cet  honime  de 
trente-six  ans  est  obligé  dereceroirces  femmes  et 
ces  filles,  de  leur  servir  de  père.  Pauvre  moine, 
dans  sa  situation  nécessiteuse  (voyez  le  chapitre  lY), 
il  arrache  à  peine  quelques  secours  pour  elles 
au  parcimonieux  Électeur  qui  le  laisse  lui-même 
mourir  de  iaim.  Tomber  dans  ces  misères  après  le 
triomphe  de  Worms,  c'était  de  quoi  calmer  l'exal* 
tation  du  réformateur. 

Les  réponses  qu'il  donne  à  cette  foule  qui  vient 
le  consulter  sont  empreintei  d'une  libéralité  d'es** 
prit  dont  nous  le  verrons  quelquefois  s'écarter 
plus  tard,  lorsque  devenu  chef  d'une  église  éta-« 
blie,  il  éprouvera  lui-même  le  besoin  d'arrêter 
la  mouvement  qu'il  avait  imprimé  à  la  pensée  re- 
ligieuse. 

D'abord  c'est  le  pasteur  da  Zwickau ,  Hansmann, 
qui  interpelle  Luther  pour  fixer  les  limites  de  la 
liberté  évangélique.  Il  répond  :  «  Noua  donnons 


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fibeité  entière  sur  Fudc  et  l'antre  espèce;  maU 
à  ceux  qui  s'en  approchent  dignement  et  avec 
crainte.  Laissons  tout  le  reste  selon  le  rite  accou-^ 
tome,  et  que  chacun  suive  son  propre  esprit,  que 
ehacuB  écoute  sa  conscience  pour  répondre  à  l'É^ 
Ttngîle.  •  Ensuite  viennent  les  frères  Moraves,  las 
Vaudois  de  la  Moravie.  (86  mars  1888)  :  «  Le  sa- 
crement lui-même,  leur  écrit  Luther,  n'est  pas 
tellement  nécessaire ,  qu'il  rende  superflues  la  foi 
et  la  charité.  C'est  une  folie  que  de  s'escrimer  pour 
ces  misères,  en  négligeant  les  choses  précieuses  et 
flslutaires.  Là  où  se  trouvent  la  foi  et  la  charité , 
il  ne  peut  y  avoir  de  péché ,  ni  parce  qu'on  adore, 
ni  parce  qu'on  n'adore  pas.  Au  contraire ,  là  où 
il  n'y  a  pas  charité  et  foi ,  il  ne  peut  y  avoir  qu'é** 
temel  péché.  Si  ces  ergoteurs  ne  veulent  pas  dire 
concomitance ,  qu'ils  disent  autrement  et  cessent 
de  disputer,  puisqu'on  s'accorde  sur  le  fond.  La 
foi,  la  charité  n'adore  pas  (il  s'agit  du  culte  des 
saints),  parce  qu'elle  sait  qu'il  n'est  pas  commandé 
d*adorer ,  et  qu'on  ne  pèche  pas  pour  ne  point 
aborer.  Ainsi  elle  passe  en  liberté  au  milieu  de 
ces  gens,  et  les  accorde  tous  en  laissant  chacun 
abonder  dans  son  propre  sens.  Elle  défend  de  dis» 
puter  et  de  se  condamner  les  uns  les  autres  ;  car 
elle  hait  les  sectes  elles  schismes.  Je  résoudrais  la 


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182  viHOUJM 

question  de  l'adoration  de  Dieu  dans  les  saints^ 

en  disantque  c'est  une  choselibre  et  indififérente.  » 

Il  s'exprime  sur  ce  demiersujet  avec  une  hauteur 

singulière. 

«  Le  monde  entier  m'interroge  tellement  (ce 
que  j'admire)  sur  le  culte  des  saints,  que  je  suis 
forcé  de  mettre  au  jour  mon  jugement.  Je  vou- 
drais qu'on  laissât  dormir  cette  question ,  pour  ce 
seul  motif,  qu'elle  n*est  pas  nécessaire.  •  (29  mai 
1522.)  «  Quant  à  l'exposition  des  reliques,  je  crois 
qu'on  les  a  déjà  montrées  et  remontrées  par  toute 
la  terre.  Pour  le  purgatoire,  je  pense  que  c'est 
chose  fort  incertaine.  Il  est  rraisemblable  qu'à 
l'exception  d'un  petit  nombre ,  tous  les  morts  dor- 
ment  insensibles.  Je  ne  crob  pas  que  le  purga-> 
toire  soit  un  lieu  déterminé,  comme  l'imaginent 
les  sophistes.  A  les  en  croire,  tons  ceux  qui  ne 
sont  ni  dans  le  ciel  ni  dans  l'enfer  sont  dans  le 
purgatoire.  Qui  oserait  Fassurer?  les 'âmes  des 
morts  peuTont  dormir  entre  le  ciel ,  la  terre,  l'en* 
fer,  le  purgatoire  et  toutes  choses,  comme  il  ar- 
rive aux  vivans,  dans  un  profond  sommeil...  Je 
pense  que  c'est  cette  peine  qu'on  appelle  l'avantr 
goût  de  l'enfer,  et  dont  le  Christ,  Moise»  Abra- 
ham,  David,  Jacob,  Job,  Ézéchias  et  beaucoup 
d'autres  ont  tant  souffert.  Comme  elle  est  sembk- 


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DE   LUTHER  •  133 

ble  à  l'enfer,  et  cependant  temporaire,  qu'elle 
ait  lieu  dans  le  corps  ou  hors  du  corps,  c'est  pour 
moi  le  purgatoire.  >  (13  janvier  1522.) 

La  confession  perd,  entre  les  mains  de  Luther, 
le  caractère  que  lui  avait  donné  l'Église.  Ce  n'est 
plus  ce  redoutable  tribunal  qui  ouvre  et  ferme 
le  ciel.  Le  prêtre  ne  fait  plus  que  mettre  sa  sa- 
gesse et  son  expérience  au  service  du  pénitent^ 
de  sacrement  qu'elle  était,  la  confession  devient, 
pour  le  prêtre ,  im  ministère  de  consolation  et  de 
bon  conseil. 

«  Dans  la  confession ,  il  n'est  point  nécessaire 
que  l'on  raconte  tous  ses  péchés;  mais  les  gens 
peatent  dire  ce  qu'ils  veulent;  nous  ne  les  lapi^ 
dons  point  pour  cela  ;  s'ils  avouent  du  fond  du 
cœur  qu'ils  sont  de  pauvres  pécheurs,  nous  nous 
en  contentons. 

>  Si  un  meurtrier  disait  devant  les  tribunau.t 
que  je  l'ai  absous ^  je  dirais  :  je  ne  sais  point  s'il 
est  absous;  ce  n'est  pas  moi  qui  confesse  et  absous, 
c'est  le  Christ.  A  Venise,  une  femme  avait  tué,  et 
jeté  à  l'eau,  un  jeune  compagnon  qui  avait  cou- 
ché avec  elle.  Un  moine  lui  donna  l'absolution  et 
la  dénonça.  La  femme  s'excusa  eu  montrant  l'ab 
solution  du  moine.  Le  sénat  décida  que  le  moine 
serait  brûlé  et  la  femme  bannie  de  la  ville.  C'é' 
ToBiE  1  5 

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134  HSHOiaBS 

tait  un  jugement  bien  sage.  Hais  si  je  donnais  nn 
billet , signé  de  ma  main ,  à  une  conscience  effrayée, 
et  que  le  juge  eût  ce  billet,  je  pourrais  justement 
Icf  réclamer,  comme  j'ai  foit  avec  le  duc  Georges. 
Car  celui  qui  a  en  main  les  lettres  des  autres,  sans 
un  bon  titre ,  celui-là  est  un  voleur.  » 

Quant  à  la  messe,  il  la  traite  dès  1319  comme 
une  chose  indifférente  pour  ses  formes  extérieu- 
res. Il  écrirait  alors  à  Spalatin .  «  Tu  me  demandes 
un  modèle  de  commémorations  pour  la  messe. 
Je  te  supplie  de  ne  pas  te  tourmenter  de  ces  mi- 
nuties; prie  pour  ceux  pour  lesquels  Dieu  t'in- 
spirera ,  et  aie  la  conscience  libre  sur  ce  sujet. 
€e  n'est  pas  une  chose  si  importante,  qu'il  feille 
enchaîner  encore  par  deis  décrets  et  des  tradi^ 
tions  l'esprit  de  liberté:  il  suffit,  et  au-delà,  de 
la  niasse  déjà  excessive  des  traditions  régnantes.» 
Veft  la  fin  de  «a  vie,  en  1J&A1L,  il  disait  encore  au 
même  Spalatin  (  10  novembre  ):  «Fais  pour  l'élé- 
vation du  sacrement,  ce  qu'il  te  plaira  de  hite. 
Je  neveux  pas  que  dans  les  choses  indifférentes, 
on  impose  aucune  chaîne.  C'est  ainsi  que  j'écris, 
que  j'écrivis,  que  j'écrirai  toujours,  à  tous  ceux 
qui  me  fatiguent  de  cette  question.  » 

n  comprenait  pourtant  la  nécessité  d'un  culte 
extérieur.  «  Bien  que  les  cérémonies  ne  soient 

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]»■  LUTBBa.  139 

pas  nëoesBaires  au  nlut .  cependant  ellea  font  îm- 
preHÎOB  sur  les  esprits  grosâers.  Je  parle  prm- 
dpalement  des  cérémonies  de  la  mes»,  qne  tous 
pou¥es  ccMiserver,  comme  nous  avons  frit  ici,  à 
mttember^^»  (11  janyier  lKSl.)«Je  ne  con- 
damne aucune  cérémonie,  si  ce  n'est  celles  qui 
lont  contraires  à  l'Éraufple.  Nous  avons  conservé 
le  baptistère  et  le  baptême,  bien  que  nous  l'ad* 
oiimstrions  en  nous  servant  de  la  langue  vul- 
f^aire.  Je  permets  les  images  dans  le  temple  ;  la 
messe  est  célébrée  avec  les  rites  et  les  costumes 
accoutumés,  seulement  on  y  chante  quelques 
hymnes  enlangue  vulgaire,  et  les  paroles  de  la 
consécration  sont  en  allemand.  Enfin  je  n'aurais 
point  aboli  la  messe  latine,  pour  y  substituer  la 
mesBe  en  langue  vulgaire ,  si  je  n'y  avaisétéforoé.» 
(U  mars  1528.) 

•  Tu  vas  organiser  l'église  de  Komigsberg; 
je  t'en  prie ,  au  nom  du  Christ,  change  le  moins 
de  choses  possible.  Il  y  a  près  de  là  des  riUesépiS" 
oopales,  il  ne  faut  pas  que  les  cérémonies  de  la 
noavelle  Église  different  beaucoup  des  anciens 
rites.  Si  la  messe  en  latin  n'est  pas  abolie,  ne 
l'sbolis  pas;  seulement  méles-y  quelques  chants 
ea allemand.  Si  elle  est  abolie,  conserve  l'ordre 
et  les  costumes  anciens.  »  (  16  juillet  IBIB.  ) 


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à 


136  nÉHOiRES 

Le  changement  le  plus  gra^e  que  Luther  fit 
subir  à  la  même,  fut  de  la  traduire  en  langue  Vul- 
gaire. «  La  messe  sera  dite  en  allemand  pour  les 
laïques,  mais  Toffice  de  chaque  jour  se  fera  en 
latin ,  en  y  joignant  toutefois  quelques  hymnes  al<- 
lemands.  «  (  28  octobre  IBââ.  ) 

«  Je  suis  bien  aise  de  voir  qu'en  Allemagne  la 
meese  soit  à  présent  célébrée  en  allemand.  Mais 
que  Garlostad  fasse  de  cela  une  nécessité,  voilà 
qui  est  encore  de  trop.  C'est  un  esprit  incorri<r 
gible.  Toujours,  toujours  des  lois,  des  nécessités, 
des  péchés!  Il  ne  saurait  faire  autrement...  Je  di-* 
rai  volontiers  la  messe  en  allemand,  et  je  m'en 
occupe  aussi  ;  mais  je  voudrais  qu'elle  eût  un  vé* 
ritable  air  allemand.  Traduire  simplement  le 
texte  latin ,  en  conservant  le  ton  et  le  chant  usi- 
tés, cela  peut  aller  à  la  rigueur,  mais  ne  sonne 
pas  bien  et  ne  me  satisMt  pas.  Il  faut  que  tout  en- 
semble, texte  et  notes,  accent  et  gestes,  viennent 
de  notre  langue  et  de  notre  voix  natales;  au* 
trement  ce  ne  sera  qu'imitation  et  singerie...  » 

«  Je  désire,  plutôt  que  je  ne  promets ,  de  vous 
donner  une  messe  en  allemand;  car  je  ne  me 
sens  pas  capable  de  ce  travail ,  où  il  faut  à  la  fois 
la  musique  et  l'esprit.  >  (  13  novembre  1524.) 

«  Je  te  renvoie  la  messe  ;  je  tolérerai  qu'on  la 

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!>■  LDTHBE.  187 

chante  ainsi,  mais  il  ne  me  plaît  pas  qu'on  garde 
la  musique  latine  sur  les  paroles  allemandes.  Je 
voudrais  qu'on  adoptât  le  chant  allemand.  » 
(26  mars  1525.  ) 

i  Je  suis  d'avis  qu'il  serait  bon,  à  l'exemple  des 
prophètes  et  des  anciens  pères  de  l'Église,  de 
Sûre  des  psaumes  en  allemand  pour  le  peuple. 
Nous  cherchons  des  poètes  de  tous  côtés;  mais 
puisqu'il  t'a  été  donné  beaucoup  de  faconde  et 
d'éloquence  dans  la  langue  allemande,  et  que  tu 
as  cultivé  ces  dons ,  je  te  prie  de  m'aider  dans 
mon  travail ,  et  d'essayer  de  traduire  quelque 
psaume  sur  le  modèle  de  ce  que  j'ai  déjà  fait.  Je 
Tondrais  exclure  les  mots  nouveaux  et  les  termes 
de  cour  :  il  faudrait,  pour  être  compris  du  peu<«> 
pie ,  le  langage  le  plus  simple  et  le  plus  ordinaire, 
quoîcpie,  cependant,  pur  et  juste;  il  faudrait  que 
I91  phrase  fût  claire  et  le  plus  près  du  texte  qu'il 
sera  possible.  »  (  1624.) 

Ce  n'était  pas  chose  facile  que  d'organiser  la 
nouvelle  Église.  L'ancienne  hiérarchie  était  bri- 
sée. Le  principe  de  la  Réforme  étant  de  ramener 
toute  chose  au  texte  de  l'Évangile ,  pour  être  con-' 
séquent ,  il  fallait  rendre  à  l'Église  la  forme  dér 
mocratique  qu'elle  avait  aux  premiers  siècles.  Lu^ 
thçr  y  semblait  d'abord  dbposé. 

». 

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188  mIhoiiibs 

D€  mmiitriê  Eeeleaim  it^Uu^ndû,  adreieA  aux 
Bohémiens.  <  Voilà  une  belle  intention  des  papis- 
tes, que  le  prêtre  est  revêtu  d'un  caractère  in- 
délébile ,  et  qu'aucune  faute  ne  peut  le  lui  dire 
perdre...  Le  prêtre  doit  être  choisi»  élu  par  les 
suffrages  du  peuple,  et  ensuite  confirmé  par  Té- 
yêque  (c'est-a-dire  qu'après  l'élection,  le  pre- 
mier, le  plus  yénérable  d'entre  les  électeurs  im- 
pcMM  les  mains  à  l'élu).  £st-oe  que  Christ,  le  pre- 
mier prêtre  du  nouveau  Teitament,  a  eu  besoin 
de  la  tonsure  et  de  toutes  ce«  momeries  de  l'ordi- 
nation épiscopale.  Est-ce  que  ses  apôtres,  ses  di»- 
ciples  en  ont  eu  besoin  ?...  Tous  les  chrétiens  sont 
prêtres ,  tous  peuvent  enseigner  la  parole  de  Dieu, 
administrer  le  baptême,  consacrer  le  pain  et  le 
vin  9  car  Christ  a  dit  :  Faites  cela  en  mémoire  de 
moi.  Nous  tous  qui  sommes  chrétiens,  nous  avons 
le  pouvoir  des  clés.  Christ  a  dit  aux  apêtres  qui 
représentaient  auprès  de  lui  l'humanité  tout  en* 
tîère  :  Je  vous  le  dis  en  vérité ,  ce  que  vous  aurez 
délié  sur  la  terre ,  sera  délié  dans  le  ciel.  Kais  lier 
et  délier  n'est  autre  chose  que  prêcher  et  applî» 
quer  l'Évangile.  Bélier,  c'est  annoncer  que  Dieu 
a  remis  les  &utes  du  pécheur.  Lier ,  c'est  ôter  l'É* 
vangile  et  annoncer  que  les  péchés  sont  retenus. 

9  Les  noms  que  doivent  porter  les  preuves  sont 

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DS  JLPTHKl.  139 

oeax  demiimtrei  »  diacres,  éréques  (tanreîllaDs), 
diqwnsateiin.  8i  le  rainifire  œsse  d'être  fidèle, 
il  doit  être  dépoié  ;  ses  frères  peuvent  PeKcommu- 
mer  et  mettre  quelqu'autre  niinistre  à  sa  place. 
Le  premier  office  dans  FÉgUse  est  celui  de  la  pré- 
dication. Jésua-Chnst  et  Paul  prêchaient,  mais  ne 
baptisaient  point»  (152S.) 

n  ne  voulait  point ,  nous  l'avons  déjà  vu ,  qu'on 
astreif^iit  toutes  les  églises  à  une  règle  uniforme. 
«  Ce  n'est  point  mon  avis  qu'on  doive  imposer  à 
tontel'AIleniagnenosréglemensde  Wittemberg.  » 
Etenoore:  «Il  ne  me  parait  point  sûr  de  réunir 
les  nêtres  en  concile ,  pour  établir  l'unité  des  cé« 
rémcmies;  c'est  une  chose  de  mauvais  exemple, 
à  qoelqne  bonne  intention  qu'on  l'entreprenne, 
ainsi  qu^  le  prouvent  tous  lesconciles  de  l'Église, 
depuis  le  commencement.  Ainsi  dans  le  e<mcile 
des  apêtres  on  a  traité  des  œuvres  et  des  traditions 
plus  que  de  la  foi;  dans  ceux  qui  ont  suivi ,  en  n'a 
jamais  parlé  de  la  foi  ^  mab  toujours  d'opinions 
et  de  questions ,  en  sorte  que  le  nom  de  concile  , 
n'est  aussi  suspect  et  aussi  odieux  que  le  nom  de 
libre  arbitre.  Si  une  église  ne  veut  pas  imiter  l'aur 
treen  ces  choses  extérieures,  qu'est-il  besoin  de 
seeeoirmindrepar  des  décretsde  conciles,  qui  se 
changent  bieniêt  en  lob  et  en  filets  pour  les  âmes  ?« 
(  11  novembre  1524.) 

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140  MÉaOIKES 

Cependant  il  sentit  que  cette  liberté  poaTaîi 
aller  trop  loin ,  et  faire  tomber  la  Réforme  dans 
une  foule  d'abus.  «  J'ai  lu  ton  ordination,  mon 
cher  Hausmann ,  mais  je  pense  qu'il  ne  faut  pas  la 
publier.  J'en  suis  depuis  long-temps  à  me  rcpen-r 
tir  de  ce  que  j'ai  fait;  depuis  qu'à  mon  exemple 
tous  ont  proposé  leurs  réformes,  la  variété  et  la 
multitude  des  cérémonies  a  cru  à  l'infini ,  si  bien 
qu'avant  peu  nous  aurons  surpassé  l'océan  des 
cérémonies  papales.  »  (21  mars  ISS-i.) 

Pour  mettre  quelque  unité  dans  les  cérémonies 
de  la  nouvelle  Église  on  institua  des  visites  an* 
nuelles ,  qui  se  firent  dans  toute  la  Saxe.  Les  visi- 
teurs devaient  s'informer  de  la  vie  et  des  doctri- 
nes des  pasteurs ,  redresser  la  foi  de  ceux  qui  er- 
raient, et  dépouiller  du  sacerdoce  ceux  dont  les 
mœurs  n'étaient  point  exemplaires.  Ces  visiteurs 
étaient  nommés  par  l'électeur ,  d'après  les  avis 
de  Luther  qui ,  résidant  toujours  à  Wittemberg  , 
formait,  avec  Jonas,Mélanchton,  et  quelques  au- 
tres théologiens,  une  sorte  de  comité  central 
pour  la  direction  de  toutes  les  affaires  ecclésias- 
tiques. 

«  Ceux  de  Wînsheim  ont  demandé  à  notro  il- 
lustre prince  de  te  permettre  de  venir  gouverner 
leur  église;  d'après  notre  délibération,  il  a  rejeté 
.* 

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DB    LUTHER.  141 

cette  demande.  Il  t'accorde  de  retourner  dans  ta 
patrie ,  si  nous  te  jugeons  digne  de  ce  ministère. 
(  novembre  1531  ).  Signé  Lvther  ,  Jouas  ,  Mé- 

lAffCIT05. 

On  trouTC  dans  les  lettres  de  Luther  un  grand 
nombre  de  consultations  de  ce  genre,  signées 
de  lui  et  de  plusieurs  autres  théologiens  prêtes* 
tans. 

Bien  que  Luther  n'eût  aucun  titre  qui  le  plaçât 
au-dessus  des  autres  pasteurs  ;  il  exerçait  cepen- 
dant une  sorte  de  suprématie  et  de  contrôle. 
«Voici,  écrit-il  à  Amsdorf,  de  nouvelles  plaintes 
sur  toi  et  Frezhans,  parce  que  vous  arez  excom- 
munié un  barbier;  je  ne  veux  point  décider  en- 
core entre  vous ,  mais  réponds,  je  t'en  supplie  , 
pourquoi  cette  excommunication  ?  »  (  juillet 
15»), 

«Nous  ne  pourons  que  refuser  la  communion  ; 
tenter  de  donner  à  l'excommunication  religieuse 
tous  les  effets  de  l'excommunication  politique  , 
ce  serait  nous  rendre  ridicules  en  essayant  de 
£iire  ce  qui  n'est  plus  de  ce  siècle,  et  ce  qui  est 
au-desms  de  nos  forces...  Le  magistrat  civil  doit 
rester  en  dehors  de  toutes  ces  choses.  >  (  26  juin 
15SS).  Cependant  l'excommunication  lui  semblait 
parfois  une  arme  bonne  à  employer.  Un  bour- 

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143  MiiioxaBS 

geoû  de  Wittamberg  avait  acheté  une  maiaon 
trente  fiorim,  et,  après  quelques  réparations,  il 
youlut  la  Tendre  quatre  cents.  «  S'il  le  fait,  dit 
Luther,  je  Texcommunie.  Nous  devrions  relever 
l'excommunication.  »  —  Comme  on  parlait  de  ré- 
tablir les  consistoires ,  le  jurisconsulte  Christian 
Bruck  dit  à  Luther .  «Les  nobles  et  les  bourgeoia 
craignent  que  vous  ne  commenciez  par  les  pay- 
sans pour  en  venir  ensuite  à  eux. —  Juriste ,  ré- 
pondit Luther ,  tenez-vous-en  à  votre  droit  et  à 
ce  qui  touche  l'ordre  extérieur.  »  —  En  15S8,  ap- 
prenant qu'un  homme  de  Wittemberg  mépri- 
sait Dieu ,  sa  parole  et  ses  serviteurs ,  il  le  fidt 
menacer  par  deux  chapelains. — Plus  tard ,  il  dé- 
fend d^admettre  au  sacrement  un  noble  qui  était 
usurier. 

Une  des  choses  qui  tourmentèrent  le  plus  le 
réformateur,  fut  l'abolition  des  vœux  monasti- 
ques. Dès  le  milieu  de  IKSâ,  il  publia  une  exhor- 
tation aux  quatre  ordres  mendians.  Les  Augus- 
iins  au  mois  de  mars,  les  Chartreux  au  mois 
d'août  se  déclarèrent  hautement  pour  lui. 

•  Aux  lieutenans  de  la  Ifigesté  impériale  à  Nur 
remberg  i...  Dieu  ne  peut  demander  des  vœux , 
qui  sont  au-dessus  de  la  nature  humaine...  Chers 
seigneurs,  laissez^vous fléchir.  Vous  ne' savez  pas 

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DB   LVTHBA.  14S 

qiidUeB  horribles  et  infâmes  malices  le  diable 
exerce  daiis  les  couTens.  Ne  tous  en  rendei  pas 
complices;  n'en  chargez  pas  votre  conscience. 
8i  mes  ennemis  les  plas  acharnés  saTaient  ce  que 
j'apprendb  chaque  jour  de  tous  les  pays,  ah!  ib 
m'aideraient  demain  à  renTcrser  les  eouvens. 
¥ona  me  forcez  à  crier  pins  haut  que  je  ne  von» 
dnds.  Cédet,  je  tous  en  supplie,  avant  que  les 
scandales  n'éclatent  trop  honteusement.  »  (  Août 

«  Le  décret  général  des  Chartreux  sur  la  U> 
berlé  qu'auront  les  moines  de  sortir  et  de  quitter 
l'habit,  me  plait  fort,  et  je  le  publierai.  L'exem* 
pie  d*un  ordre  si  conndévable  aidera  nos  affiiires 
et  appuiera  nos  décisions.  »  (M  aoât  IttSS)— Ce- 
pendant il  voulait  que  les  choses  se  fissent  sans 
bruit  ni  scandale.  Il  écrit  à  Jean  Lange  :  «  Ta 
sortie  du  monastère  n'a  pas,  je  paue,  été  sans 
motif,  mais  j'aurais  mieux  aimé  que  tu  te  nûsses 
au-dessus  de  tous  les  motib;  non  que  je  con* 
damne  la  liberté  de  sortir,  mais  je  voudrais  voir 
enlever  à  nos  adversaires  toute  occasion  de  ea« 
lomnie.  > 

n  avait  beau  recommander  qu'on  évitât  toute 
vioience;  la  Réfoime  lui  échappait  en  s'étendaat 
chaque  jour  au  dehors.  A  Erfurth  ,  en  Itttl ,  oui 


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l&à  MémOlBES 

avait  forcé  les  maisoas  de  plusieurs  prêtres,  et  il 
s'en  était  plaint  ;  on  alla  encore  plus  loin  ,  en 
1522,  dans  les  Pays-Bas.  «  Tu  sais ,  je  pense  ,  ce 
qui  s'est  passé  à  Anvers ,  et  comment  les  femmes 
ont  délivré  par  force  Henri  de  Zutphen.  Les  frè- 
res sont  chassés  du  couvent ,  les  uns  prisonniers 
en  divers  endroits  ,  les  autres  relâchés  après 
avoir  renié  le  Christ  ;  d'autres  encore  ont  per- 
sisté ;  ceux  qui  sont  fils  de  la  cité  ont  été  jetés 
dans  la  maison  des  Béghards;  tout  le  mobilier  du 
couvent  est  vendu,  et  l'église  fermée  ainsi  que 
le  couvent  ;  on  va  la  démolir.  Le  saint  Sacrement 
a  été  transporté  en  pompe  dans  l'église  de  la  sainte 
Vierge,  comme  si  on  le  tirait  d'un  lieu  hérétique; 
des  bourgeois ,  dés  femmes,  ont  été  torturés  et 
punis.  Henri  lui-même  revient  à  nous  par  Brème; 
il  s'y  est  arrêté  et  y  enseigne  la  parole, à  la  prière 
du  peuple,  sur  l'ordre  du  conseil ,  en  dépit  de 
l'évêque.  Le  peuple  est  animé  d'un  désir  et  d'une 
ardeur  admirables;  enfin,  quelques  personnes 
ont  établi  près  de  nous  un  colporteur ,  qui  leur 
porte  des  livres  de  Wittemberg.  Henri  lui-même 
voulait  avoir  de  toi  des  lettres  d'obédience;  mais 
nous  ne  pouvions  t'atteindre  si  promptement 
Nous  en  avons  donc  donné  en  ton  nom,  sous  Id 
sceau  de  notre  prieur.»  (19  décembre  1522). 


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BB   LtTBCE.  14A 

Tous  les  Aagustins  de  Wittemberg  avaient  l'un 
après  l'autre  abandonné  le  couvent,  le  prieur  en 
résignala  propriété  entre  les  mains  de  TÉlecteur, 
et  Luther  jeta  le  froc.  Le  9  octobre  1524,  il  pa- 
rut en  public  arec  une  robe  semblable  à  celle  que 
les  prédicateurs  portent  encore  aujourd'hui  en 
AUemagne;  c'était  l'Électeur  qui  lui  en  avait  donné 
le  drap. 

Son  exemple  encouragea  moines  et  religieuses 
à  rentrer  dans  le  siècle.  Ces  femmes,  jetées  tout* 
ircoup  hors  du  cloître  et  fort  embarrassées  dans 
im  monde  qu'elles  ne  connaissaient  pas,  accou^ 
raient  près  de  celui  dont  la  parole  leur  avait  fait 
quitterla  solitude  du  monastère. 

«  Pai  reçu  hier  neufreligieuses  sortant  de  cap-^ 
tinté ,  du  monastère  deNimpschen ,  et  parmi  elles 
Staupitzit  et  deux  autres  de  la  famille  de  Zeschau.  • 
(8avrill52S.) 

«  J'ai  grand'pitié  d'elles,  et  sui*toutdeâ autres 
({ai  meurent  en  foule  de  cette  maudite  et  inces- 
toeose  chasteté.  Ce  sexe  si  faible,  est  uni  au  mâlo 
parla  nature,  par  Bien  même;  si  on  l'en  sépare, 
il  périt.  0  tyrans,  ô  parens  cruels  d'Allemagne!... 
Ta  demandes  cequeje  ferai  à  leur  égard  ?  D'abord 
je  signifierai  aux  parens  qu'ils  les  recueillent; 
Mnon,  j'aurai  soin  qu'on  les  reçoive  ailleurs^ 

6 

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146  kAmoiaes 

Voici  leurs  noms:  Ilagdeleine  Staupitz,  Eisa  de 
Canitz ,  Ave  Grossin ,  Ave  Schonfeld  et  sa  sœur 
])Iarguerite  Schonfeld ,  Laneta  de  Golis ,  Hargue-^ 
rite  Zeschau  et  Catherine  de  Bora.  Elles  se  sont 
évadées  d'une  manière  étonnante...  Mendie-moi 
auprès  de  tes  riches  courtisans  quelque  argent, 
dont  je  puisse  les  nourrir  pendant  une  huitaine 
ou  une  quinzaine  de  jours,  jusqu'à  ce  que  je  les 
rende  à  leurs  parens  ou  à  ceux  qui  m'ont  donné 
promesse.  »  (10  avril  1533.) 

«  Mon  maître  Spalatin ,  je  m'étonne  que  vous 
m'ayez  renvoyé  cette  femme ,  puisque  vous  con- 
naissez bien  ma  main ,  et  que  vous  ne  donnez 
d'autre  raison ,  sinon  que  la  lettre  n'était  pas  si- 
gnée... Prie  l'Électeur  qu'il  donne  quelques  dix 
florins  et  une  robe  neuve  ou  vieille  ou  autre 
chose»  enfin  qu'il  donne  pour  ces  pauvres  vier- 
ges malgré  elles.  »  (ââ  avril  1529.) 

Le  10  avril  15SS,  Luther  écrità  Léonard  Koppe» 
bourgeois  considérable  de  Torgau,  qui  avait  aidé 
neuf  religieuses  à  se  retirer  de  leur  couvent.  Il 
l'approuve  et  l'exhorte  à  ne  pas  se  laisser  e£frayer 
par  les  cris  qui  s'élèveront  contre  lui.  «  Vous  avezr 
fait  une  bonne  œuvre ,  et  plût  à  Dieu  que  nous- 
pussions  délivrer  de  même  tant  d'autres  con^ 
sciences  qui  sont  encore  prisonnières...  La  parole 

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DX  LVTHU.  147 

ê»  IMena  «it  muntenant  dans  le  monde  et  hoq 
dai»  les  Gouveitt...  « 

Le  IS  join  l^SM,  il  écrit  une  lettre  de  conao* 
ktion  à  trois  demoiielles  que  le  duc  Henri ,  fils 
èoL  duc  Georges,  avait  chassées  de  sa  cour  pour 
avoir  lu  les  livres  de  Luther.  «  Béniaset  ceux  qui 
TOUS  outrafj^ent ,  etc...  Vous  n'êtes  malheureuse- 
ment que  trop  vengées  de  leur  injustice.  II  faut 
avoir  pitié  de  ces  furieux ,  de  ces  insensés  qui  ne 
voient  pas  qu'ils  perdent  misérablement  leur  âme 
en  pensant  vous  fiaôre  du  mal...  » 

«  Voici  bien  du  nouveau ,  que  tu  sais  déjà , 
sans  doute ,  c'est  que  la  duchesse  de  Hontsberg 
i^est  échappée  par  grand  miracle  du  couvent  de 
Freyberg;  elle  est  dans  ma  maison  avec  deux 
jeunes  filles ,  l'une  Marguerite  Yolckmarin ,  fille 
d'un  bourgeois  de  Leipsîck,  l'autre,  Dorothée, 
fille  d'un  bourgeois  de  Freyberg,  »  (30  octobre 
1)»8.) 

«  Cette  malheureuse  Elisabeth  de  Reinsberg, 
chassée  de  réc<rie  des  filles  d'Altenbourget  n'ayant 
plus  de  quoi  vivre ,  s'est  adressée  à  moi  après 
s'être  plainte  au  Prince ,  qui  l'a  renvoyée  à  ceux 
qui  sont  chargés  du  séquestre;  elle  ma  prié  de 
t^écrire  pour  que  tu  l'appuies  près  d'eux ,  etc.  « 
(lIarsl5S8.) 


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148 

t  «  Cette  Jeune  £lle  d'Altenbourg .  dont  le  tieux 
père  et  la  mère  ont  été  pris  dans  leur  maison , 
s'est  adressée  à  moi  pour  me  supplier  de 
lui  donner  secours  et  i^onseil.  Ce  que  je  fe- 
rai dans  cette  affaire,  Dieu  le  sait.  >  (14  juil- 
let 15S3. ) 

.  Quelipies  mots  de  Luther  donnent  lieu  de 
iDroire,  que  ces  femmes  qui  affluaient  autour 
de  lui ,  abusèrent  souvent  de  sa  facilité ,  que 
plusieurs  même  prétendaient  faussement  s*étre 
échappées  du  cloître.  —  «  Que  de  religieuses 
n*ai-^je  pas  soutenues  à  grands  frais!.  Que  de 
fois  n'ai-je  pas  été  trompé  par  de  prétendues 
nonnes,  de  Traies  coureuses,  quelle  que  fût 
leur  noblesse  (  generosas  meretrices  ).  >  (  153â  , 
S4août.) 

Ces  tristesméprises  modifièrent  de  bonneheure 
les  idées  de  Luther,  sur  l'opportunité  de  la  sup- 
pression des  couTens.  Dans  une  préface  adressée 
p.  la  commune  de  Leisnick  (162S),  il  conseille  de  ne 
pas  les  supprimer  violemment; mais  de  les  laisser 
s'éteindre  en  n'y  recevant  plus  de  novices.  Comme 
il  ne  faut  contraindre  personne  dans  les  choses 
de  la  foi ,  continue>-t-il ,  on  ne  doit  pas  expulser 
ni  maltraiter  c^ux  qui  voudront  rester  dans  les 
couvons,  soit  à  cause  de  leur  grand  âge,  soit  par 


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DB   LUTHER.  l49 

amour  de  ToisiTeté  et  de  la  bonne  chère,  soit  par 
motif  de  conscience.  Il  faut  les  laisser  jusqu'à 
leur  fin  comme  ils  ont  été  aupararant,  car  TÉvan^ 
gile  nous  enseigne  de  faire  du  bien ,  même  aux 
indigpAes;  et  il  faut  considérer  ici  que  ces  person* 
nés  sont  entrées  dans  leur  état,  aveuglées  par 
l'erreur  commtme ,  et  qu'elles  n'ont  point  appris 
de  métier  qui  puisse  les  nourrir....  Les  biens  de 
ces  couvens  doivent  être  employés  comme  il  suit  : 
d'abord ,  je  viens  de  le  dire ,  à  l'entretien  des  re- 
ligieux qui  7  restent.  Ensuite  il  faut  donner  une 
certaine  somme  à  ceux  qui  en  sortent  (  quand 
même  ils  n'auraient  rien  apporté)  ;  pour  qu'ils 
puissent  commencer  un  autre  état  ;  car  ils  quit- 
tent leur' asile  pour  toujours,  et  ils  auraient  pu , 
pendant  qu'ib  étaient  au  couvent,  apprendre 
quelque  chose.  Quant  à  ceux  qui  avaient  apporté 
du  bien ,  il  est  juste  qu'on  leur  en  restitue  la  plus 
grande  partie,  sinon  le  tout.  Ce  qui  reste  sera 
mis  en  caisse  commune  pour  en  être  prêté  et 
donné  |aux  pauvres  du  pays.  On  remplira  ainsi 
la  volonté  des  fondateurs;  car,  quoiqu'ils  se  soient 
laines  séduire  à  donner  leur  bien  aux  couvens, 
leur  intention  a  pourtant  été  de  le  conserver  à 
l'honneur  et  au  culte  de  Dieu.  Or,  il  n'est  pas  de 
'plus. beau  culte  que  la  charité  chrétienne  qui 

6, 

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160  xiHOtEBS 

vient  au  lecours  da  Tindigent,  comme  Jésus- 
Chrât  l'atteste  lui-même  au  jugement  dernier 
(saint  Mathieu,  XXY  )...  Cependant,  si  parmi 
les  héritiers  des  fondateurs  il  s'en  trouvait  qui 
fussent  dans  le  besoin ,  il  serait  équitable  et  con- 
forme  à  la  charité  de  leur  délivrer  une  partie  de 
la  fondation,  même  le  tout,  s'il  était  nécessaire , 
la  volonté  de  leurs  pères  n'ayant  pu  être ,  ou  du 
moins  n'ayant  pas  dû  être ,  d'ôter  le  pain  à  leurs 
eoians  et  héritiers  pour  le  donner  à  des  étran- 
gers... Vous  m'objecterez  que  je  fais  le  trou  trop 
large,  et  que  de  celte  manière  il  restera  peu  de 
chose  à  la  caisse  commune  ;  chacun,  dites-vous , 
viendra  prétendre  qu'il  lui  iaut  tant  et  tant ,  etc. 
Kais  j'ai  déjà  dit  que  ce  doit  être  une  œuvre  d'é- 
quité et  de  charité.  Que  chacun  examine  ,  en  sa 
conscience,  combien  il  lui  faudra  pour  ses  be- 
soins et  combien  il  pourra  laisser  à  la  caisse , 
qu'ensuite  la  commune  pèse  les  circonstances  à 
son  tour,  et  tout  ira  bien.  Quand  même  la  cupi- 
dité de  quelques  particuliers  trouveraient  son 
profit  à  cet  accommodement ,  cela  vaudrait  tou- 
jours nûeux  que  les  pillages  et  les  désordres  qu'on 
a  vus  en  Bohême...  > 

•  Je  ne  voudrais  pas  conseiller,  à  des  vieillards 
de  quitter  le  monastère,  d'abord  parce  que,  i«n« 

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161 

^iiftiiumoade,ibde?iendraientpeal-étreàcfaarg« 
au  autres,  et  trouroraient  difficilement,  dans 
ce  rafiroidiflsement  de  la  cliarité ,  les  soins  dont  ib 
sont  dignes.  Bans  Tintérieur  du  monastère,  îh 
ne  seront  à  charge  à  personne ,  ni  obligés  de  re^ 
conrir  à  la  sollicitude  des  étrangers;  ils  pourront 
&ife  beaucoup  pour  le  salut  de  leur  prochain; 
ee  qui,  dans  le  monde,  leur  serait  difficile,  je 
dis  même  impossible.  >  LuHier  finit  par  encou* 
rager  un  molneà  rester  dans  son  monastère.  «  J'y 
ai  moir-méme  vécu  quelques  années;  j'y  aurais 
▼écu  plus  long-temps,  et  j'y  serais  encore  au-^ 
jeurd'hui ,  si  mes  frères  et  Tétat  du  monastère  me 
Pavaient  permis.  »  (M  iérrier  1538.) 

Quelques  nonnes  des  Pays-Bas  écrivirent  au 
docteur  Martin  Luther ,  et  se  recommandèrent  à 
ses  prières.  C'étaient  de  pieuses  vierges  craignant 
Dieu,  qui  se  nourrissaient  du  travail  de  leurs 
mains,  et  vivaient  dans  Funkm.  Le  docteur  en 
eut  grande  compassion,  et  il  dit  :  c  On  doit  lais* 
ser  de  pauvres  nonnes  comme  celles-ci  vivretou- 
jours  à  leur  manière.  Il  en  est  de  même  des  telà* 
Uoster,  qui  ont  été  fondés  par  les  princes  pour 
ceux  de  la  noblesse.  Mais  les  ordres  mendians... . 
Cflstdesdottrescommeceux  dont  je  parlais  tout^A* 
l'heure,  que  l'on  peut  tirer  des  gens  habiles  pou^ 

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152  «iMOI&B8 

les  charges  de  l'Église  pour  le  gouvernement 
civil  et  pour  l'économie.  » 

Cette  époque  de  la  vie  de  Lutber  (  1521«-1528  ) 
fut  prodigieusement  af&irée  et  misérablement 
laborieuse.  Il  n'était  plus  soutenu,  conune  dans 
la  précédente,  par  la  chaleur  de  la  lutte  et  l'in- 
térêt du  péril.  A  Spalatin.  •  Je  t'en  conjure, 
délivre-moi  ;  je  suis  tellement  écrasé  des  afiGaiires 
des  autres,  que  la  vie  m'en  devient  à  charge... 
— Blartin  Liirasa,  courtisan  hors  de  la  cour,  et 
bien  malgré  lui.  {Aulieuê  esirà  aulam ,  et  ^vUus.  ) 
(  IBSid. )  Je  suistrès  occupé ,  visiteur,  lecteur ,  pré- 
dicateur, auteur,  auditeur,  acteur, coureur ,  lut- 
teur,  et  que  sais-je?»  (â9  octobre  1528.) 

La  réforme  des  paroisses  à  poursuivre ,  l'uni- 
fopnité  des  cérémonies  à  établir,  la  rédaction 
du  grand  Catéchisme ,  les  réponses  aux  nouveaux 
pasteurs,  les  lettres  à  l'Électeur  dont  il  fallait 
obtenir  Tagrément  pour  chaque  innovation  ;  c'é- 
tait bien  du  travail  et  bien  de  l'ennui.  Cependant 
les  adversaires  de  Luther  ne  le  laissaient  pas  re-« 
poser.  Érasme  publiait  contre  lui  son  formidable 
livre  De  Ithero  arbùrio ,  auquel  Luther  ne  se  dé» 
cida  à  répondre  qu'en  1525.  La  Réforme  elle-i 
même  semblait  se  tourner  contre  le  réfonnateur, 
Son  ancien  ami  Carlostad  avait  couru  .dans  I4 


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tfB  LUTHia.  15S 

▼oie  où  marchait  Luther.  C'était  même  pour  Var^ 
rèter  dans  ses  rapides  et  TÎoIentes  innovations , 
que  Luther  avait  quitté  précipitamment  le  chA^ 
teau  de  Wartbourg.  Il  ne  s'agissait  plus  seulement 
de  l'autorité  religieuse;  l'autorité  civile  elle-même 
allait  être  mise  en  question.  Derrière  Garlostad ,  on 
entrevoyait  Mûnzer;  derrière  les  sacramentaires 
et  les  iconoclastes ,  apparaissait  dans  le  lointain  la 
révolte  des  paysans,  une  jacquerie*,  une  guerre 
servile  plus  raisonnée ,  plusniveleuse  et  non  moins 
langlaQte  que  celles  de  l'antiquité, 


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1B4 


CHAPITKB  III. 
ISM— 1KS5. 

CaiiMtad MAMtf.  Gnerre  âm  psytaw. 


«  Priex  pour  moi;  et  aidez-moi  à  fouler  aux 
pieds  ce  Satan  qui  s'est  élevé  à  Wittemberg  con- 
tre l'Évangile»  au  nom  de  l'Évangile  :  nous  avons 
maintenant  à  combattre  un  ange  devenu ,  comme 
il  croit,  ange  de  lumière.  Il  sera  difficile  de  feire 
céder  Garlostadt  par  persuasion:  mais  Christ  le 
contraindra ,  s'il  ne  cède  de  lui-même.  Car  nous 
sommes  maîtres  de  la  vie  et  de  la  mort ,  noys  qui 
croyons  au  maître  de  la  vie  et  de  la  mort.  >  (  1^ 
mars  1K33.  ) 

«  J'ai  résolu  de  lui  interdire  la  chaire  oti  il  est 
monté  témérairement  sans  aucune  vocation ,  mal- 
gré Dieu  et  les  hommes.  »  (  19  mars.  ) 

•  Pai  £àché  Carlostad ,  parce  que  j'ai  cane  ses 
ordinations,  quoique  je  n'aie  pas  condanmé  sa 


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DE  L17TH1E.  155 

doctrine;  il  me  déplaît  cependant  qu'il  ne  s'oc^ 
cape  que  de  cérémonies  et  de  choses  extérieures , 
négligeant  la  Traie  doctrine  chrétienne;  c'est-à-* 
dire  la  foi  et  la  charité....  Par  sa  sotte  manière 
d'enseigner ,  il  conduisait  le  peuple  à  se  croire 
chrétien  pour  des  misères ,  pour  communier  sous 
las  deux  espèces ,  pour  ne  pas  se  confesser,  pour 
briser  des  images...  Il  voulait  s'ériger  en  nouveau 
doeteur  et  élever  ses  ordonnances  dans  le  peuple, 
sur  la  mine  de  mon  autorité  {presià  meà  auetO'* 
rëmte).»  (80  mars.  ) 

«  Aujourd'hui  même ,  j'ai  pris  à  part  Garlostad, 
pour  le  supplier  de  ne  rien  publier  contre  moi  ; 
qu'autrement,  nous  serions  forcés  déjouer  de  la 
oome  l'un  contre  l'autre.  Notre  homme  a  juré 
par  tout  ce  qu'il  y  a  de  plus  sacré,  de  ne  rien 
écrire  contre  moi.  »  (21  avril.  ) 

«...  Il  font  instruire  les  faibles  avec  douceur 
et  patience...  Yeux- tu ,  après  avoir  sucé  le  lait, 
couper  les  mamelles  et  empêcher  les  autres  de 
se  nourrir  comme  toi?  Si  les  mères  jetaient  par 
terre  et  abandonnaient  les  enfons  qui  ne  savent 
pas»  en  naissant,  manger  comme  les  hommes ,  que 
lenûa-ta  devenu  ?  Cher  ami ,  si  tu  as  sucé  et  grandi 
■sset,  laisse  donc  les  autres  sucer  et  grandir  à 
leur  to«r....  • 

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169  MBHOIUBS 

Garlostad  abandonna  ses  fonctions  de  profe»* 
seur  et  d'archidiacre  a  Wittemberg ,  mais  sans 
abandonner  le  traitement,  il  s'en  alla  à  Orla- 
munde,  puis  à  léna.  «  Garlostad  a  érigé  une  im* 
primerieà  léna...  Mais  TÉlecteur  et  notre  acadé- 
mie ont  promis ,  conformément  à  Fédit  impérial , 
de  ne  permettre  aucune  publication  qui  n'ait  été 
soumise  à  l'examen  des  conmiissaires.  On  ne  peut 
souffrir  que  Garlostad  et  les  siens  s'affranchissent 
seuls  de  la  soumission  aux  princes.  »  (  7  janvier 
1524.)  «  Garlostad  est  infatigable  comme  d'habi* 
tude;  avec  ses  nouvelles  presses  qu'il  a  érigées  à 
léna,  il  a  publié  et  publiera,  m'a-t-on  dit,  dix* 
huit  ouvrages.  >  (  14  janvier  1524.  ) 

«  Laissons  la  tristesse  avec  l'inquiétude  à  l'es- 
prit de  Garlostad.  Pour  nous,  soutenons  le  com^ 
bat  sans  trop  nous  en  préoccuper;  c'est  la  cause 
de  Dieu  j  c'est  l'affaire  de  Dieu^  ce  sera  l'œuvre 
de  Dieu  «  la  victoire  de  Dieu;  il  saurai  sans  nous, 
combattre  et  vaincre  ;  que  s'il  nous  juge  dignes  de 
nous  prendre  pour  cette  guerre  «  nous  serons 
prêts  et  dévoués.  J'écris  ceci  pour  t'exhorter,  toi 
et  1^  autres  par  ton  intermédiaire  «  à  ne  pas  avoir 
peur  de  Satan,  à  ne  pas  laisser  votre  cœur  se 
troubler.  Si  nous  sommes  injustes ,  ne  iaut-il  pas 
que  nous  soyons  accablés  P  Si  nous  sommes  justes  ^ 


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DK   LUTHBB.  157 

il  y  a  un  Dieu  juste  qui  fera  voir  notre  justice' 
comme  le  plein  midi.  Périsse  ce  qui  périt,  survive 
ce  qui  survit  j  ce  n'est  pas  notre  afEûre.  »  (Si2  oc- 
tobre 15â4.) 

«  Nous  rappellerons  Garlostad  au  nom  de  Tu-» 
Diversité  à  Tofficé  de  la  parole,  qu'il  doit  à  Wit- 
temberg,  nous  le  rappellerons  du  lieu  où  il  n'a 
pas  été  appelé;  enfin ,  s'il  ne  vient  pas,  nous  l'ac-' 
caserons  auprès  du  prince.  >  (  14  mars  1524). 

Luther  crut  devoir  se  transporter  lui-même  à 
léna.  Garlostad  se  croyant  blessé  par  un  sermon 
de  Luther,  lui  fit  demander  une  entrevue.  Elle 
eut  lieu  dans  la  chambre  de  Luther,  en  présence 
d'un  grand  nombre  de  témoins.  Après  de  longues 
récriminations  de  part  et  d'autre  ,  Garlostad  dit  > 
«  Allons,  docteur,  prêchez  toujours  contre  moi  t 
je  saurai  ce  que  j'ai  à  faire  de  mon  côté.  Luther  ; 
Si  vous  avez  quelque  chose  sur  le  cœur,  écrivez-* 
le  hardiment.  Carlosi,  Aussi  ferai-je,  et  je  ne 
craindrai  personne.  Luth.  Oui,  écrivez  contre 
moi  publiquement.  Carlost.  Si  c'est  là  votre  en- 
vie, j'ai  de  quoi  vous  satisfaire.  Luth.  Faites,  je 
vous  donnerai  un  florin  pour  gage  de  bataille. 
Carhits  Un  florin  ?  Luth.  Que  je  sois  un  menteui* 
si  je  ne  le  £bûs.  Carlost.  Ehbien!  j'accepte.  »  A  ce 

mot ,  le  docteur  Luther  tira  de  sa  poche  un  flo^ 

7 

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à 


158  xivoiEBt 

rin  d'or  qu'il  présenta  à  Garlostad  en  dûant  : 
«  Prenez  et  attaquez -moi,  hardiiuent;  allons, 
BUS.  »  Garlostad  prit  le  florin ,  le  montra  à  tous  les 
assistans,  et  dit  :  «  Chers  frères^  voilà  des  arrhes , 
c'est  le  signe  du  droit  que  j'ai  d'écrire  contre  le 
docteur  Luther.  Soyez-en  tous  témoins.  >  Ensuite 
il  le  mit  dans  sa  bourse  et  donna  la  main  à  Lu- 
ther. Celui-ci  but  un  coup  à  sa  santé.  Carlostad 
lui  fit  raison  en  ajoutant  :  «  Cher  docteur,  je  tous 
prie  de  ne  pas  m'empécher  d'imprimer  ce  que  je 
voudrai  et  de  ne  me  persécuter  en  aucune  façon. 
Je  pense  me  nourrir  de  ma  charrue,  et  vous  seret 
à  même  d'éprouver  ce  que  produit  la  charrue.  < 
Luth,  «  Comment  voudrais-je  vous  empêcher 
d'écrire  contre  moi  ?  Je  vous  prie  de  le  faire  et  je 
vous  donne  ce  florin  tout  justement  pour  que 
voua  ne  m'épargniez  point.  Plus  vous  m'attaquerez 
violemment ,  plus  j'en  serai  aise.  >  Ils  se  donné' 
rent  encore  une  fois  la  main  et  se  séparèrent. 

Cependant  comme  la  ville  d'Orlamunde  en- 
trait trop  vivement  dans  les  opinions  de  Carlos^ 
tad  ,  et  avait  même  chassé  son  pasteur ,  Luther 
obtint  un  ordre  de  l'Électeur  pour  l'en  faire  sor- 
tir. Carlostad  lut  solennellement  une  lettre  d'a<« 
dieu ,  aux  hommes  d'abord ,  et  ensuite  aux  fem- 
mes; on  les  avait  appelés  au  son  de  la  cloche,  et 

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I»  I.OTHU.  ISO 

pendant  la  leeture  tous  pleuraient  :  •  Carlostad  a 
écrit  à  ceux  d'Orlamunde,  avec  cette  siucription, 
Ambré  Bodentiein,  ckoêsé,  sans  avoir  Meniendm 
ni  convaincu,  par  Martin  Luther.  Ta  yoîs  qae  moi 
qui  ai  iiulli  être  martyr,  j'en  sois  Tenu  à  ce  pornt 
debire  des  martyrs  à  mon  tour.  £graniu  fait  le 
martyr  aussi,  et  écrit  qu'il  a  été  chassé  parles 
papistes  et  par  les  luthériens.  Tu  ne  saurais  croire 
combien  s'est  répandu  ce  dogme  de  Garlostad  sur 
le  sacrement.^*^  est  renu  à  résipiscence  et  de- 
mande pardon  ;  on  l'avait  aussi  forcé  de  quitter 
le  pays;  j'ai  écrit  pour  lui ,  et  ne  sais  si  j'obtien- 
drai. Martin  d'Iéna ,  qui  avait  également  reçu 
l'ordre  de  partir,  a  fait  en  chaire  ses  adieux,  tout 
en  larmes  et  implorant  son  pardon  :  il  a  reçu 
pour  toute  réponse  cinq  florins,  puis  en  fisûsant 
mendier  par  la  ville,  il  a  eu  encore  vingt-cinq 
gros.  Tout  eela  tournera,  je  pense  au  bien  des 
prédicateurs;  ce  sera  une  épreuve  pour  leur  vo- 
cation ,  qui  leur  apprendra  en  méms  temps  à 
prêcher  et  à  se  conduire  avec  crainte.  »  (S7  oct^ 
bre  18a4). 

Carlostad  tourna  alors  vers  Strasbourg,  et  de 
là  vers  Bâle.  Ses  doctrines  se  rapprochaient  beau- 
coup de  celles  des  Suisses,  d'OEcolampade,  de 
Zwingli ,  etc. 

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160  MiHOl&ES 

«  Je'difiëre  d'écrire  sur  reucharistie,  jusqu'à 
ce  que  Garlostad  ait  répandu  les  pobons  qu'il 
doit  répandre,  comme  il  me  l'a  promis  aprèsavoir 
même  reçu  de  moi ,  une  pièce  d'or.  —  Zwingli 
et  Léon  le  Juif,  dans  la  Suisse,  tiennent  les  mêmes 
opinions  que  Garlostad;  ainsi  se  propage  ce  fléau; 
mais  le  Christ  règne,  s'il  ne  combat  point.  • 
(12  novembre  152-4.) 

Toutefois  il  crut  devoir  répondre  aux  plaintes 
que  Caisait  Garlostad  d'avoir  été  chassé  par  lui 
de  la  Saxe.  «  D'abord  je  puis  dire  que  je  n'ai  ja- 
mais fait  mention  de  Garlostad  devant  l'électeur 
de  Saxe;  car  je  n'ai ,  de  toute  ma  vie,  dit  un  mot 
à  ce  prince:  je  ne  Tai  pas  non  plus  entendu  par- 
ler, je  n'ai  pas  même  vu  sa  figure,  si  ce  n'est  une 
fois  à  Worms,  en  présence  de  l'Empereur,  quand 
je  fus  interrogé  pour  la  seconde  fois.  Mais  il  est 
vrai  que  je  lui  ai  souvent  écrit  par  Spalatin,  sur- 
tout pour  l'engagera  résister  à  l'esprit  d'Alstet(l). 
Mais  mes  paroles  restèrent  sans  effet ,  au  point 
que  je  me  fâchais  contre  l'Électeur.  Garlostad  de- 
vait donc  épargner  à  un  tel  prince  les  outrages 


(i)  Cétait  la  rdsidcDce  de  M&nzer,  chef  de  la  réyolte 
des  paysans ,  dont  nous  parlerons  plus  bas. 


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DX   L0THSA.  IQI 

qn'a  lui  à  prodigues...  Quant  au  duc  Jean  Frédé- 
ne,  j'avoue  queje  lui  ai  souvent  parlé  de  cesaflfei- 
ïes;  jeluiai  signalé  lesattentaU  etFambition  pei^. 
verse  de  Carlostad...  » 

•....  n  n'y  a  pas  à  plaisanter  avec  Monseigneur 
anale  monde  (herr  omne$y,  c'est  pourquoi  Dieu 
a  constitué  des  autorités;  car  il  veut  qu'U  y  ait  de 
l'ordre  ici-bas.  » 

Enfin  Carlostad  éclata.  «  J'ai  reçu  hier  une  let- 
tre de  mes  amis  de  Strasbourg  ausujet  de  Carlos- 
tad: en  voyageant  de  ce  côté,  il  est  allé  à  Baie, 
et  il  a  enfin  vomi  cinq  livres,  qui  seront  suivis  de 
deuxautres.  J'y  suis  traite  de  double  papiste ,  d'al- 
Bé  de  l'Antichrist,  que  sais-je  ?  (14  décembre.) 
Mes  amis  m'écrivent  de  Bâle ,  que  les  amis  de  Car- 
lostad y  ont  été  punis  de  la  prison,  et  que  peu 
s'en  est  feUu  qu'on  ne  brûlât  ses  livres.  Il  y  a  été 
aussi  lui-même,  mais  en  cachette.  OËcolampade 
et  Pellican  écrivent  pour  donner  leur  assentiment 
à  son  opinion.  .  (  IS  janvier  1525.) 

•  Carlostad  avait  résolu  d'aller  nicher  à 
Schweindorf  ;  mais  le  comte  d'Henneberg  le  lui  a 
interdit  par  lettres  expresses  au  conseil  de  ville. 

Jevoudraisbienqu'onenfitautantpourStraus6...« 
(10avrill625.) 

Luther  parut  charmé  de  voir  Carlostad  se  dé« 

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162  HiifoiAss 

clarer:  «  Le  diable  a'est  tu,  écrit^il,  jusqu'à  ce 
que  je  l'euase  gagné  avec  un  florin  qui,  grâce  à 
Dieu ,  a  été  bien  placé ,  et  je  ne  m'en  repens  paa.  » 
Il  écrivit  alors  divers  pamphlets  d'une  verve  ad- 
mirable Contre  hêpropkèieê  eéleUoê.  «  On  ne  craint 
rien,  comme  si  le  diable  dormait;  tandis  qu'il 
tourne  autour,  comme  un  lion  cruel.  Hais  j'e^ 
père  que,  moi  vivant,  il  n'y  aura  point  de  péril. 
Tant  que  je  vivrai,  je  combattrai ,  serve  ce  que 
pourra.  »  Chacun  ne  cherche  que  ce  qui  plait  à 
la  raison.  Ainsi  les  Ariens,  les  Pélagiens...  Ainsi 
sous  la  papauté ,  c'était  une  proposition  bien  son^ 
nante  que  le  libre  arbitre  pût  quelque  chose 
pour  la  grâce.  La  doctrine  de  la  foi  et  delà  bonne 
conscience  importe  plus  que  celle  des  bonnes 
œuvres;  car,  si  les  œuvres  manquent,  la  foi  res- 
tant, il  y  a  encore  espoir  de  secours.  On  doit  em- 
ployer les  moyens  spirituels  pour  engager  les  vrais 
chrétiens  à  reconnaître  leurs  péchés.  «  Mais  pour 
les  hommes  grossiers ,  pour  Monêieur  toui  le 
monde  (Herr  omneê),  on  doit  le  pousser  corporel- 
lement  et  grossièrement  à  travailler  et  Cadre  sa 
besogne,  de  sorte  que  bon  gré  mal  gré,  il  soit 
pieux  extérieurement  sous  la  loi  et  sous  le  glaive , 
comme  on  tient  les  bêtes  sauvages  en  cages  et  en- 
chaînées. 

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183 

9  L'esprit  desnouTeaux  prophètes  Teut  être  le 
plni  haat  esprit,  un  esprit  qui  aurait  mangé  le 
Saint-Esprit  avec  les  plumes  et  avee  tout  le  reste... 
Kble,  disent-ils,  oui,  bibel,  bubel,  babel...  Eh  ! 
Ken!  puisque  le  mauvais  esprit  est  si  obstiné  dans 
lOnsenSfjene  TOUX  pas  lui  céder  plus  que  je  ne 
Tai  Sût  auparavant.  Je  parlerai  des  images,  d'a- 
bc^ sdon  la  loi  de  Moue,  et  je  dirai  que  MoIsc 
ne  défend  que  les  images  de  Dieu...  Contentons- 
nous  donc  de  prier  les  princes  de  supprimer  les 
iman^  '  ^  ôtons-les  de  n^s  cœurs.  • 

Plus  loin  Luther  s'étonne  ironiquttnent  de  ce 
que  les  modernes  iconoclastes  ne  poussent  pas 
leur  zèle  pieux  jusqu'à  se  défaire  aussi  de  leur 
argent  et  de  tout  objet  précieux  qui  porte  des 
empreintes  d'images.  «  Pour  aider  la  faiblesse 
de  ces  saintes  gens  et  les  délivrer  de  ce  qui  les 
souilla ,  il  faudrait  des  gaillards  qui  n'eussent 
pas  grand'chose  dans  le  gousset.  La  voix  eélette, 
àce  qu'il  parait,  n'estpasasset  forte  pour  les  en- 
gager à  tout  jeter  d'eux-mêmes.  Il  &udrait  un 
peu  de  violence.  » 

« ...  Lorsqu'à  Orlamunde  je  traitai  des  images 
avec  les  disciples  de  Carlostad ,  et  que  j'eus  mon- 
tré par  le  texte,  que  dans  tous  les  passages  de 
Koise  qu'ils  me  citaient  il  n'était  parlé  que  des 

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16A  MixOIAÈS 

idoles  des  païens,  il  en  sortit  un  d'entre  eux,  qui 
se  croyait  sans  doute  le  plus  habile,  et  qui  me 
dit:  •  Écoute!  Je  puis  bien  te  tutoyer,  si  tu  es 
chrétien.  >  Je  lui  répondis  :  «  Appelle«moi  tou- 
jours comme  tu  voudras.  •   Mais  je  remarquai 
qu'il  m'aurait  plus  volontiers  encore  frappé;  il 
était  si  plein  de  l'esprit  de  Garlostad,  que  les 
autres  ne  pouvaient  le  faire  taire.  «  Si  tu  ne  veux 
pas  suivre  Moïse ,  continua-t-il ,  il  fout  au  moins 
que  tu  souffires  l'Évangile;  mais  tu  as  jeté  TËvan- 
gile  sous  la  table,  et  il  faut  qu'il  soit  tiré  de  là; 
non,  il  n'y  peut  pas  rester.  »  —  «  Que  dit  donc 
l'Évangile  ?  •  lui  répliquai-je.  —  «  Jésus  dit  dans 
l'Évangile  (ce  fut  sa  réponse  ),  je  ne  sais  pasoii 
cela  se  trouve,  mais  mes  frères  le  savent  bien, 
que  la  fiancée  doit  ôter  sa  chemise  dans  la  nuit 
des  noces.  Donc  il  faut  ôter  et  briser  toutes  les 
images,  afin  de  devenir  purs  et  libres  de  la  créa- 
ture. >  Hœc  nie. 

«  Que  devais-je  faire ,  me  trouvant  parmi  de 
telles  gens?  Ce  fut  du  moins  pour  moi  l'occasion 
d'apprendre  que  briser  les  images  c'était,  d'après 
l'Évangile ,  ôter  la  chemise  à  la  fiancée  dans  la 
nuit  des  noces.  Ces  paroles  et  ce  mot  de  l'Évan- 
gile jeté  sous  la  table ,  il  les  avait  entendus  de 
pon  maître;  sans  doute  Carlostad  m'avait  accusé 


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DB  LUTHBE.  165 

de  jeter  rËyangUe ,  pour  dire  qu'il  était  venu  le 
relerer.  Cet  orgueil  est  cause  de  tous  ses  mal- 
heurs; Toilà  ce  qui  Fa  poussé  de  la  lumière  dans 
les  ténèbres...  » 

« ...  Nous  sommes  alègres  et  pleins  de  courage, 
et  nous  combattons  contre  des  esprits  mélanco- 
liqaes,  timides,  abattus,  qui  ont  peur  du  bruit 
d'une  feuille  sans  aroir  pettt*  de  Dieu;  c'est  l'or- 
dinaire des  impies  (psaume  XXY ).  Leur  passion , 
c'est  de  régenter  Dieu ,  et  sa  parole  et  ses  œuvres. 
Us  ne  seraient  pas  si  hardis  si  Dieu  n'était  invi-» 
sible ,  intangible.  Si  c'était  un  homme  visible  et 
présent ,  il  les  ferait  fuir  avec  un  brin  de  paille. 

«  Celui  que  Dieu  pousse  à  parler ,  le  fait  libre-< 
ment  et  publiquement  sans  s'inquiéter  s'il  est  seul, 
et  si  quelqu'un  se  met  de  son  parti.  Ainsi  fit  Jeré- 
mie,  et  je  puis  me  vanter  d'avoir  moi-même  fait 
ainsi  (1).  C'est  donc  sans  aucun  doute  le  diable, 


(i)  •  L'esprit  à&  cet  prophètes  s'est  tonjoars  chevale- 
rcsqnement  enfui,  et  voilà  qu'il  se  glorifie  comme  un 
esprit  magnanime  et  cfaevaleresqae.  Mais  moi ,  j'ai  paru 
à  Leipsic  pour  y  disputer  devant  le  peuple  le  plus  dan- 
gereux. Je  me  suis  présenté  à  Augshourg ,  sans  sauf-con- 
duit, devant  mes  plus  grands  ennemis  ;  à  Worms ,  devant 


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106  mAxoiebs 

cet  esprit  détonrné  et  homicide ,  qui  se  glisse  par 
derrière ,  et  qui  s'excuse  ensuite ,  disant  que  d'a- 
bord il  n'avait  pas  été  assez  fort  dans  la  foi.  Non, 
l'esprit  de  Dieu  ne  s'excuse  point  ainsi.  Je  te 
connais  bien ,  mon  diable... 

«...  Si  tu  leur  demandes  (aux  partisans  de  Gar- 
lostad)  comment  on  arrive  à  cet  esprit  sublime, 
ik  ne  te  renvoient  .point  à  l'Évangile ,  mais  à 
leurs  rêves,  aux  espaces  imaginaires.  •  Pose-toi 
dans  l'eimui ,  disent-ils ,  comme  moi  je  m'y  suis 
posé:  et  tu  l'apprendras  de  même;  la  voix  céleste 
se  fera  entendre,  et  Dieu  te  parlera  en  personne.» 
Si  ensuite  tu  insistes  et  demandes  ce  que  c'est  que 
cet  ennui ,  ik  en  savent  autant  que  le  docteur 
Garlostad  sait  le  grec  et  l'hébreu...  Ne  reconnais-tu 
pas  ici  le  diable ,  l'ennemi  de  l'ordre  divin  ?  Le 
vois-tu  comme  il  ouvre  un  large  bouche,  criant  : 
Esprit ,  esprit ,  esprit;  et  tout  en  criant  cela  il  dé-* 
truit  ponts,  chemins,  échelles;  en  un  mot,  toute 
voie  par  laquelle  l'esprit  peut  pénétrer  en  toi  :  à  sa* 
voir  l'ordre  extérieur  établi  de  Dieu  dans  le  saint 
baptême,  dans  les  signes  et  dans  sa  propre  parole? 

César  et  tont  l'Empire ,  quoique  je  fusse  bien  que  fc 
sauf-conduit  était  brisé.  Mon  esprit  est  resté  libre  comme 
une  fleur  des  champs... "(i5a4«) 

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DK   LUTBBE.  167 

Ils  Tenlent  que  tu  apprennes  à  monter  les  nues, 
fîbeFaucber  le  vent,  et  Us  ne  te  disent  ni  comment, 
ni  quand ,  ni  où,  ni  quoi;  tu  dois,  comme  eux , 
l'apprendre  par  toi-même.  » 

■  Martin  Luther,  indigne  ecclésiaste  et  évan^ 
géliste  à  Wittemberg,  à  tous  le  chrétiens  de  Stras- 
bourg ,  les  tout  aimables  amis  de  Dieu  :  Je  sup« 
porterais  volontiers  les  emportemens  de  Garlostad 
dans  l'affiiire  des  images.  Hoi«même  j'ai  fait  par 
mes  écrits,  plus  de  mal  aux  images  qu'il  ne  fera 
jamais  par  toutes  ses  violences  et  ses  fureurs, 
lais  ce  qui  est  intolérable,  c'est  que  l'on  pousse 
les  gens  à  tout  cela,  comme  si  c'était  obligatoire, 
et  qu'à  moins  de.  briser  les  images ,  on  ne  pût 
être  chrétien.  Sans  doute ,  les  œuvres  ne  font 
pas  le  chrétien;  ces  choses  extérieures  telles  que 
les  images  et  le  sabbat ,  sont  laissées  libres  dans 
le  Nouveau  Testament,  de  même  que  toutes  les 
autres  cérémonies  de  la  loi.  Saint  Paul  dit:  «  Nous 
savons  que  les  idoles  ne  sont  rien  dans  le  monde.  » 
Si  elles  ne  sont  rien  ,  pourquoi  donc ,  à  ce 
sujet ,  enchaîner  et  torturer  la  conscience  des 
chrétiens  ?  Si  elles  ne  sont  rien,  qu'elles  tombent 
ou  qu'elles  soient  debout,  il  n'importe.  » 

Il  passe  à  un  sujet  plus  élevé,  à  la  question  de 
la  présence  réelle,  question  supérieure  du  sym* 


,..,.  ^ 


168  xinoiBBs 

bolisme  chrétien  dont  celle  des  images  estle  côté 
inférieur.  C'est  principalement  en  ce  point  que 
Luther  se  trouvait  opposé  à  la  réforme  suisse,  et 
que  Garlostad  s'y  rattachait  ,  quelque  éloigné 
qu'il  en  fût  par  la  hardiesse  de  ses  opinions  po- 
litiques. 

«  J'avoue  que  si  Garlostad  ou  quelque  autr« 
eût  pu  me  montrer,  il  y  a  cinq  ans ,  que  dans  le 
saint  sacrement  il  n'y  a  que  du  pain  et  du  vin,  il 
m'aurait  rendu  un  grand  service.  J'ai  eu  des  ten- 
tations bien  fortes  alors,  je  me  suis  tordu,  j'ai 
lutté  ;  j'aurais  été  bien  heureux  de  me  tirer  de  là. 
Je  voyais  bien  que  je  pouvais  ainsi  porter  au  pa- 
pisme ]e  coup  le  plus  terrible.^.  Il  y  en  a  bien  eu 
deux  encore  qui  m'ont  écrit  sur  ce  point,  et  de 
plus  habiles  gens  que  le  docteur  Garlostad ,  et 
qui  ne  torturaient  pas  comme  lui  les  paroles  d'a- 
près leur  caprice.  Mais  je  suis  enchaîné,  je  ne 
puis  en  sortir,  le  texte  est  trop  puissant,  rien  ne 
peut  l'arracher  de  mon  esprit. 

>  Aujourd'hui  même,  s'il  arrivait  que  quel- 
qu'un pût  me  prouver,  par  des  raisons  solides, 
qu'il  n'y  a  là  que  du  pain  et  du  vin^  on  n*ilurait 
pas  besoin  de  m'attaquer  si  furieusement.  Je  ne 
suis  malheureusement  que  trop  porté  à  cette  in- 
terprétation toutes  les  fois  que  je  sens  en  moi  mou 

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Adain.  Mais  ce  que  le  doctear  Garlostad  imagine 
H  débite  sur  ce  sujet  me  toucbe  si  peu,  qu^au 
contraire  j'en  suis  plutôt  confirmé  danâ  mon  opi- 
nion ;  et  si  je  ne  l'avais  déjà  pensé,  de  telles  billet 
Tesées  prises  bors  de  l'Écriture,  et  comme  en 
l'air,  suffiraient  pour  me  faire  croire  que  son  opi* 
nion  n'est  pas  la  bonne.  » 

n  avait  écrit  déjà  dans  le  pampblet  Contre  leê 
prophètes  célestes,  «  Garlostad  dit  ne  pouToir  rat^ 
sonnablement  concevoir  que  le  corps  de  Jésus- 
Christ  se  réduise  dans  un  si  petit  espace.  Hais,  si 
on  consulte  la  raison ,  on  ne  croira  plus  aucun 
mystère...  >  Luther  ajoute  à  là  page  suivante^ 
cette  bouffonnerie  incroyablement  audacieuse  : 
«  Tu  penses  apparemment  que  l'ivrogfne  Christ 
ayant  trop  bu  à  souper ,  a  étourdi  ses  disciples  dé 
paroles  superflues.  > 

Cette  violente  polémiqué  dé  Luther  contre  Gar- 
lostad était  chaque  jour  aigrie  par  le^  symp- 
tômes effirayâns  de  bouleversement  général  qui 
menaéait  l'Allemagne.  Les  doctrine^  du  hardi 
théologien  l'épondaient  aux  vœux*  aux  pensées 
dont  les  masses  populaires  étaient  préoccupées , 
enSooabe,  en  Thuringe,  en  Alsace,  dans  tout 
l'occident  de  l'Empire.  Le  bas  peuple ,  les  pay- 
sans, endormis  depuis  si  long-temp»  sous  le 
TOMB  1  6 

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170  HÉiioiaBa 

poids  de  Toppression  féodale,  eniendireol  les 
aavans  et  les  princes  parler  de  liberté ,  d^aflBcan- 
chissement,  et  s'appliquèreut  ce  quon  ae.  disait 
pas  pour  eux  (1).  La  rédamation  des  pauvres  pay- 
aaiis  de  la  Sooal^e ,  daBS  sa  barbarie  oaSve ,  restera 
comme  un  monument  de  modération  couraifeose. 
Peu-à-peu  Tétemelle  haine  du  pauvre  contre  le 
ricbe  se  réveilla ,  moins  aveugle  toutefois  que 
dans  la  jacquerie ,  mais  chercluuit  déjà  une  forme 


(i)  Les  paysans  n'avaient  pa^  attendu  la  Réfùmie  pour 
s'iosurger  ;  des  révoltes  avaient  eu  lieu  dès  1491 9  dès 
x5oa.  Les  villes  libres  avaient  imité  cet  exemple  :  Erfurth 
en  i5o9',  Spire  en  i5ia,  et  Worms  en  i5x3.  Les  trou- 
bles avaient  recommencé  en  i5a4  )  mais ,  cette  fols,  par 
les  nobles.  Franz  de  Siclûngen ,  leur  chef,  crut  le  mo- 
ment venu  de  se  jeter  sur  les  biens  des  princes  ecclésias- 
tiques; il  osa  mettre  le  siège  devant  Trêves.  II  était, 
(lit-on ,  dirigé  par  les  célèbres  réformateurs  OEcolanpade 
et  Bucer ,  et  par  Butten ,  alors  au  service  de  rarçhevé- 
que  de  Mayence.  Le  doc  de  Bavière,  le  palatin,  le  land- 
grave de  Hesse,  vinrent  délivrer  Trêves  5  ils  voulaient 
attaquer  Mayence,  en  punition  de  la  connivence  pré- 
sumée de  Varchevêque  avec  Sickingen.  Celui-ci  périt; 
Hutten  fut  proscrit ,  et  dès  lors  sans  asile ,  mais  toujours 
écrivant ,  toujours  violent  et  colérique  ;  il  mourut  peu 
après  de  misère. 


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DB   LVTHKft.  171 

fyiAémaUqBe,  qu'eUe  ne  derait  atteindre  qu^tiu 
tenps  defe  nivtîeurè  ang^lfedê.  Elle  se  compliqua  de 
tous  les  .gemMto  dd  démocrAtie  religieuse  qu'on 
avait  cru  étouffés  au  mOyen-âge.  Des  Lollardistes, 
ëes  Béghardt,  une  foule  de  Tisionnaîres  apoca- 
lyptiques se  remuèrent  Le  mot  de  ralliement 
devint  plus  tard  la  nécessité  d'un  second  bap- 
tême; dès  le  principe  )  le  but  fut  une  guerre  ter» 
rible  contre  l'ordre  établi,  contre  toute  espèee 
d*ordre;  guerre  contre  la  propriété,  c'était  un 
Yol  &it  au  paurre  ;  guerre  eontre  la  science ,  elle 
rompait  l'égalité  naturelle ,  elle  tentait  Dieu  qui 
révélait  tout  à  ses  saints;  les  livres^  les  tableaux 
étaient  des  inventions  du  diable. 

Les  paysans  se  soulevèrent  d'abord  dans  la 
Foréi-Noire,  puis  autour  d'fieilbronn,  de  Franc- 
fort ,  dans  le  pays  de  Bade  et  Spire.  De  là,  l'in- 
cendie gagna  l'Alsace,  et  nulle  part  il  n'eut  un 
caractère  plus  terrible.  Nous  le  retrouvons  en- 
core dans  le  Paktinat,  la  Hesse,  la  Bavière.  En 
Soaabe,  le  chef  principal  des  insurgés  était  un 
des  petits  nobles  de  la  vallée  du  Necker ,  le  célè- 
bre Goetz  de  Berlichiiigen,  Goeiz  à  la  main  de 
JBt,  qui  assurait  n'être  devenu  leur  général  que 
BMlgré  lui  et  par  force. 

«  Doléance  et  demande  amiable  de  toute  la 

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17!!^  i|iiioi4£9 

réunion  dçs  paysans,  ayec  leurs  prières  chré- 
tiennes. Le  tout  exposé  très  brièvement  en  douze 
articles  ppncipaux.  Au  lecteur  chrétien ,  paix  et 
gr^ce  divine  par  le  Christ  ! 

»  Il  y  a  aujourd'hui  beaucoup  d'antirchrétiens 
qui  prennent  occasion  de  la  réunion  des  paysans 
pour  blasphémer  l'Évangile  ,  disant  :  que  ce  sont 
là  les  fruits  du  nouvel  Évangile,  que  personne 
n'obéisse  plus ,  que  chacun  se  soulève  et  se  cabre, 
qu'on  s'assemble  et  s'attroupe  avec  grande  ylo> 
lence  ;  qu'on  veuille  réformer ,  chasser  les  auto- 
rités ecclésiastiques  et  séculières,  peutrétre  même 
les  égorger.  A  ces  jugemens  pervers  et  impies , 
répondent  les  articles  suivans. 

»  D'abord  ils  détournent  l'opprobre  dont  on 
veut  couvrir  la  parole  de  Dieu;  ensuite  ils  discul. 
peut  chrétiennement  les  paysans  du  reproche  de 
désobéissance  et  de  révolte. 

•  L'Évangile  n'est  pas  une  cause  de  soulève- 
ment ou  de  trouble;  c'est  une  parole  qui  annonce 
le  Christ,  le  Messie  qui  nous  était  promis;  cette 
parole  et  la  vie  qu'elle  enseigne  ne  sont  qu'amour , 
paix ,  patience  et  union.  Sachez  aus»  que  tous 
ceux  qui  croient  en  ce  Christ  seront  unis  dans 
l'amour,  la  paix  et  la  patience.  Puis  donc  que  lea 
articles  des  paysans,  com^ie  on  le  verra  plus  clai< 

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Al  LUTEBE.  178 

rrâient  ensuite,  ne  sont  pas  dirigés  à  une  autre 
intention  que  d'entendre  l'Évangile,  et  de  vivre 
en  s'y  conformant,  comment  les  anti-chrétiens 
peuvent-ils  nommer  l'ÉvangUe  une  cause  de  trou- 
ble et  de  désobéissance.  Si  les  anti<K;hrétiens  et  les 
ennemis  de  l'Évangile  se  dressent  contre  de  telles 
demandes,  ce  n'est  pas  l'Évangile  qui  en  est  la 
cause,  c'est  le  diable,  le  mortel  ennemi  de  l'É- 
vangile ,  lequel ,  par  l'incrédulité ,  a  éveilla  dans 
les  siens  l'espoir  d'opprimer  et  d'efiacerla  parole 
de  Bien  qui  n'est  que  paix ,  amour  et  union. 

»  Il  résulte  clairement  de  là  que  les  paysans 
qui ,  dans  leurs  articles ,  demandent  un  tel  Évan- 
gile pour  leur  doctrine  et  pour  leur  vie,  ne  peu- 
vent être  appelés  désobéissans  ni  révoltés.  Si  Bieu 
nous  appelle  et  nous  presse  de  vivre  selon  sa  pa- 
role, s'il  veut  nous  écouter,  qui  blâmera  la  vo- 
lonté de  Bieu,  qui  pourra  s'attaquer  à  son  juge- 
ment, et  lutter  contre  ce  qu'il  lui  plait  défaire  ? 
n  a  bien  entendu  les  en£Buis  d'Israël  qui  criaient 
à  lui ,  il  les  a  délivrés  de  la  main  de  Pharaon.  Ne 
peut-il  pas  encore  aujourd'hui  sauver  les  siens  ? 
Oui,  il  les  sauvera ,  et  bientôt  \  Lis  donc  les  arr 
Udes  suivans,  lecteur  chrétien  ;  lis-les  avec  soiu^ 
et  juge.  • 
>    Saiyeiit  les  articles: 

6. 

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À 


174  1IÉI1OMI0 

«  L  En  premier  lieu ,  c'est  noire  hniiible  de* 
mande  ei  prière  à  nous  touB,  c'est  notre  volonté 
unanime,  que  désormais  nous  ayons  le  pouymr 
et  le  droit  d'élire  et  choisir  nous-mêmes  un  pas- 
teur; que  nous  ayons  aussi  le  pouvoir  de  le  dé- 
poser s'il  se  conduit  comme  il  ne  convient  point. 
Le  même  pasteur  chobi  par  nous ,  doit  nous  prê- 
cher clairement  le  saint  Évangile,  dans  sa  pu- 
reté ,  sans  aucune  addition  de  préceptp  ou  de 
commandement  humain.  Car  en  nous  annonçant 
toujours  la  véritable  foi ,  on  nous  donne  occasion 
de  prier  Dieu,  de  lui  demander  sa  grâce,  de  for- 
mer en  nous  cette  même  véritable  foi  et  de  l'y 
afiermir.  Si  la  grâce  divine  ne  se  forme  point  en 
nous  I  nous  restons  toujours  chair  et  sang ,  et  alors 
nous  ne  sommes  rien  de  bon.  On  voit  clairement 
dans  l'Écriture  que  nous  ne  pouvons  arriver  à 
Dieu  que  par  la  véritable  foi,  et  parvenir  à  la 
béatitude  que  par  sa  miséricorde.  Il  nous  Ceint 
done  nécessairement  un  tel  guide  et  pasteur , 
ainsi  qu'il  est  institué  dans  l'Écriture. 

•  IIv  Puisque  la  aime  légitime  est  établie  dans 
l'Ancien  Testament  (que  le  Nouveau  a  confirmé 
en  tout),  BOUS  voulons  payer  la  dtmelégithnefé« 
grain,  toutefois  de  la  manière  convenable...  Nous 
sommes  désormais  dans  la  volonté  que  lesprud'- 

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M  ivmtB.  175 

lioninieB  étaMM  par  une  oonunune  reçdhrent  et 
rwwmWent  cette  dime;  qu'ils  fcarnùseiit  au  pas- 
teur élu  par  toute  une  commune  de  quoi  Pentre- 
tenir  lui  et  les  siens  suffisamment  et  eonyenable- 
nent,  après  que  la  commune  en  aura  connu,  et 
ee  qui  restera,  on  doit  en  user  pour  soulager  les 
paurres  qui  se  trouvent  dans  le  mémeyiUage.  S'il 
restait  encore  quelque  chose,  on  doit  le  rëserrer 
pour  les  finis  de  guerre,  d'escorte  et  autres  choses 
temblahles,  afin  de  délirrer  les  pauvres  gens  de 
l'impôt  établi  jusqu'ici  pour  le  paiement  de  ces 
frais.  8*il  est  aHiré ,  d'un  autre  côté,  qu'un  ou 
planeurs  villages  aient,  dans  le  besoin,  vendu 
lear  dime,  ceux  qui  l'ont  achetée  n'auront  rien 
à  redouter  de  nous;  nous  nous  arrangerons  avec 
eux  selon  les  circonstances,  afin  de  les  indemni- 
fer  au  fur  et  à  mesure  que  now  pourrons.  Mais 
qnflQt  à  ceux  qui^  au  lieu  d'avoir  acquis  la  dime 
d*im  village  par  achat,  se  la  sont  appropriée  de 
lear  propre  chef,  eux  ou  leurs  ancêtres,  nous  ne 
leor  devons  rien  et  nous  ne  leur  donnerons  rien. 
Celle  dime  sera  employée  comme  il  est  dit  ei-des- 
nis.  Peur  ce  qui  est  de  la  petite  dkne  et  de  la 
diinedusang  (du  bétail),  nous  ne  l'acquitterons 
en  aucune  Csiçon,  car  Bien  le  Seigneur  a  créé  les 
animaux  pour  être  librement  à  l'usage  derhomme. 

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176  IfiMOlHBS   . 

Nous  estimons  cette  dime  une  dime  illégfitime,  in-i 
ventée  par  les  hommes;  c'est  pourquoi  nous  ces- 
serons de  la  payer.  > 

Dans  leur  ni«  article,  les  paysans  déclarent  ne 
plus  vouloir  être  traités  comme  la  propriété  de 
leurs  ^igneurs;  «  car  Jésufr-Ghrist,  par  son  sang^ 
précieux ,  les  a  rachetés  tous  sans  exception ,  le 
pâtre  à  Fégal  de  VËmpereur.  >  Ils  veulent  être  li- 
bres, mais  seulement  selon  rËcr^ture,  c'est-à-dire 
sans  licence  aucune  et  en  reconnaissant  l'autorité , 
car  rÉvangile  leur  enseigne  à  être  humbles  et  à 
obéir  aux  puissances  «  en  toutes  choses  convena-' 
blés  et  chrétiennes.  * 

«  IV.  Il  est  contraire  à  la  justice  et  à  la  charité, 
disent-ils,  que  les  pauvres  gens  n'aientaucun  droit 
au  gibier,  aux  oiseaux  et  aux  poissons  des  eaux 
courantes;  de  même  :  qu'ils  soient  obligés  de  souf- 
frir, sans  rien  dire,  l'énorme  dommage  que  font 
à  leurs  champs  les  bêtes  des  forêts;  car,  lorsque 
Dieu  créa  l'homme,  il  lui  donna  pouvoir  sur  tous 
lesanimaux  indistinctement.  >  — Ilsajoutent  qu'ils 
auront,  conformément  à  l'Évangile,  des  égards 
pour  ceux  d'entre  les  seigneurs  qui  pourront  prou- 
ver ,  par  des  titres ,  qu'ils  ont  acheté  leur  droit  de 
péché ,  mais  que  pour  les  autres  ce  droit  cessera 
sans  indemnité. 

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DB   LUTHSB.  177 

V.  Les  bois  et  forêts  anciennement  communaux , 
qui  auront  passé  en  les  mains  de  tiers,  autrement 
que  par  suite  d'une  vente  équitable,  doivent  rer 
venir  à  leur  propriétaire  originaire,  qui  est  la 
commune.  Chaque babitant  doit  avoir  le  droit  d'y 
prendre  le  bois  qui  lui  sera  nécessaire,  au  juge? 
ment  des  prud'hommes. 

YI.  Ils  demandent  un  allégement  dans  les  serr 
vices  qui  leur  sont  imposés,  et  qui  deviennent  de 
jour  en  jour  plus  accablans.  Ils  veulent  servir 
•  comme  leurs  pèrçs,  selon  la  parole  de  Dieu.  > 

«  VIL  Que  le  seigneur  ne  demande  pas  au  pay^ 
•an  de  faire  gratuitement  plus  de  services  qu'il 
n'est  dit  dans  leur  pacte  mutuel  (vereinigung). 

»  YIII.  Beaucoup  de  terres  sont  grevées  d'un 
cens  trop  élevé.  Que  les  seigneurs  acceptent  Par* 
bitrage  d'hommes  irréprochables ,  et  qu'ils  dimi- 
nuent le  cens  selon  l'équité ,  «  afin  que  le  paysan 
ne  travaille  pas  en  vain,  car  tout  ouvrier  a  droit 
à  80n  salaire.  > 

<IX.  La  justice  se  rend  ayec  partialité.  On  éta- 
blit sans  cesse  de  nouvelles  dispositions  sur  les 
peines.  Qu'on  ne  &vorîse  personne  et  qu'on  s'en 
tienne  aux  anciens  réglemens. 

•  X.  Que  les  champs  et  prairies  distraits  des  biens 
de  la  commune ,  autrementquepar  une  vente  équi- 
table, retournent  à  la  commune. 

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178  MixOIBBS 

>  XI.  Les  droits  de  décès  sont  révoltans  et  ou- 
vertement opposés  à  la  volonté  de  DieUt  ^  car 
c'est  une  spoliation  desyeuvesetdes  orphelins.  • 
Qu'ils  soient  entièrement  et  à  jamais  abolis. 

9  XII.....  S'il  se  trouvait  qu'un  ou  plusieurs  des 
articles  qui  précèdent ,  fût  en  opposition  avec  l'É- 
criture (ce  que  nous  ne  pensons  pas) ,  nous  y  re- 
nonçons d'avance.  Si ,  au  contraire ,  l'Écriture  nous 
en  indiquait  encore  d'autres  sur  l'oppression  du 
prochain,  nous  les  réservons  et  y  adhérons  égale- 
ment dès  à  présent.  Que  la  paix  de  Jésus-Ghrist 
soit  avec  tous.  Amen.  • 

Luther  ne  pouvait  garder  le  silence  dans  cette 
grande  crise.  Les  seigneurs  l'accusaient  d'être  le 
premier  auteur  des  troubles.  Les  paysans  se  re- 
commandaient de  son  nom,  et  l'invoquaient  pour 
arbitre.  Il  ne  refusa  pas  ce  rôle  dangereux.  Dans 
sa  réponse  à  leurs  douze  articles,  il  se  porte  pour 
juge  entre  le  prince  et  le  peuple.  Nulle  part  peut- 
être  il  ne  s'est  élevé  plus  haut. 

Exhofiation  à  la  pais,  en  répon$è  aux  doaxe 
articles  des  paysans  de  la  Sanabe ,  et  aussi  eonirs 
Vesprit  de  meurtre  et  de  brigandage  des  auires  pay- 
sans ameutés.  —  «  Les  paysans  actuellement  rss- 
semblés  dans  la  Souabe,  viennent  de  dresser  et 
de  faire  répandre,  par  la  vote  de  l'impression , 


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SB  1.VTHB1.  179 

douze  articles  qui  renferment  leurs  griefc  contre 
Tautorité.  Ce  que  j'approuTeleplus  dans  cet  écrit, 
c'est  qu'au  douzième  article  ils  se  déclarent  prêta 
à  acc^|>ter  toute  instructiim  évangélique  meilleure 
cpiela  leur  au  sujet  de  leuvadoléanoes. 

■  In  effet,  si  ce  sont  là  leurs  véritables  inten- 
tions (  et  oomnie  ils  ont  fiiit  leur  déclaration  à  la 
iace  dea  hommes,  sans  craindre  la  lumière ,  il  ne 
meconyient  pas  de  l'interpréter  autrement),  il 
y  a  encore  à  espérer  une  bonne  fin  à  toutes  ces 
aptations. 

■  Et  moi  qui  suis  aussi  du  nombre  de  ceux  qui 
font  de  VÉcriture  sainte  leur  étude  sur  cette 
terre,  moi  auquel  ils  s'adressent  nommément  (s'en 
rapportant  à  moi  dans  un  de  leurs  imprimés  ) ,  je 
me  sens  singulièrement  enhardi  par  cette  décla- 
raUon  de  leur  part  à  produire  aussi  mon  senti- 
ment an  grand  jour  sur  la  matière  en  question , 
conformément  aux  préceptes  de  la  charité,  qui 
doit  unir  tous  les  hommes.  En  qu<M  faisant,  je 
m'affranchirai  et  devant  Bîeu  et  devant  les  hom- 
mes du  reproche  d'avoir  contribué  au  mal  par 
mon  silence,  au  cas  où  ceci  finirait  d'une  manière 
fimeste. 

»  Pen^étre  aussi  n'ont-ils  bit  cette  déclaration 
que  pour  en  imposer»  et  sans  doute  il  y  en  aparmi 

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180  K^MOiaES 

eux  d'assez  méchans  pour  (^ela ,  car  il  est  impOs^ 
sible  qu'en  une  telle  multitude ,  tous  soient  bons 
chrétiens;  il  est  plutôt  yraisemblable  que. beau- 
coup d'entre  eux  font  servir  la  boiiiie  Tolonté  deê 
autres  aux  desseins  pervers  qui  leur  ^nt  propres. 
Eh  bien  !  s'il  y  a  imposture  dans  cette  déclaration  , 
j'annonce  aux  imposteurs  qu'ils  ne  réussiront  pas; 
et  que,  s'ils  réussissaient,  ce  serait  à  leur  dam,  à 
leur  perte  étemelle. 

9  L'affiiire  dans  laquelle  nous  sommes  engagea 
est  grande  et  périlleuse;  elle  touche  et  le  royaume 
de  Dieu  et  celui  de  ce  monde.  En  effet ,  s'il 
arrivait  que  cette  révolte  se  propageât  et  prît  lé 
dessus ,  l'un  et  l'autre  y  périraient,  et  le  gouver- 
nement séculier  et  la  parole  de  Dieu ,  et  il  tf'ensui^ 
vrait  une  éternelle  dévastation  de  toute  la  terré 
allemande.  Il  est  donc  urgent,  dans  de  si  graves 
circonstances,  que  nous  donnions  sur  toutes  cho- 
ses notre  avis  librement,  et  sans  égard  aux  per- 
sonnes. En  même  temps  il  n'est  pas  moins  néces- 
saire que  nous  devenions  enfin  attentifs  et  obéis^ 
sans ,  que  nous  cessions  de  boucher  nos  oreilles 
et  nos  cœurs ,  ce  qui ,  jusqu'ici ,  a  laissé  prendre 
à  la  colère  de  Dieu  son  plein  mouvement,  son 
branle  le  plus  terrible  (  êeinen  voUen  gang  und 
êchwang).  Tant  de  signes  effrayans  qui ,  dans  ces 

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IfB   LIITABH.  181 

denùen  iemps ,  ont  apparu  au  ciel  et  sur  la  terre^ 
amiottceiit  de  gfrandes  calamités  et  des  change-* 
nens  inouis  à  rAllema^ne.  Nous  nous  en  in-' 
quiétons  peu ,  pour  notre  malheur  ;  mais  Bîeu 
n'en  poursuivra  pas  moins  le  cours  de  ses  châ-> 
timens ,  jusqu'à  ce  qu'il  ait  enfin  &it  mollir  nos 
têtes  de  fer. 

«  PaEMitai  Paetie*  —  Au»  princes  et  $eign&ure, 
^  D'abord  nons  ne  pouvons  remercier  personne 
snr  la  terre  de  tout  ce  désordre  et  de  ce  sou*^ 
lèrement,  si  ce  n'est  vous,  princes  et  seigneurs, 
TOUS  surtout  aveugle»  évoques,  prêtres  et  moines 
insensés,  qui ,  aujourd'hui  encore  t  endurcis  dans 
votre  perversité ,  ne  cessez  de  crier  contre  le  saint 
Évangile,  quoique  vous  sachiez  qu'il  est  juste  et 
bon  et  que  vous  ne  pouvez  rien  dire  contre. 
£n  même  temps,  comme  autorités  séculières, 
vous  êtes  les  bourreaux  et  les  sangsues  des  pau<- 
vres  gens»  vous  immolez  tout  à  votre  luxe  et  à 
votre  orgueil  effrénés,  jusqu'à  ce  que  le  peuple 
ne  veuille  ni  ne  puisse  vous  endurer  davantage. 
Vous  avez  déjà  le  glaive  à  la  gorge,  et  vous  vous 
croyez  encore  si  fermes  en  selle  qu'on  ne  puisse 
vous  renverser.  Vous  vous  calerez  le  col  avec 
cette  sécurité  impie.  Je  vous  avais  exhorté  main- 
tes ibis  à  voua  garder  de  ce  verset  (psaume  GIV): 

7 

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182  vinoiESs 

Eff^mdU  eùntemfiitm  super  pHneipêi  :  0  rené 
le  mépr»  sar  les  princes.  Vous  faites  toas  Toe 
efforts  pour  que  ces  paroles  s'accomplissent  sur 
▼ons,  voos  Toulez  que  la  massue  déjà  levée 
tombe  et  vous  écrase  ;  les  avis,  les  consuls  se- 
raient superflus. 

•  Les  signes  de  la  colère  de  Dieu  qui  apparais* 
sent  sur  la  terre  et  au  ciel,  s'adressent  à  voua 
pourtant  C'est  vous ,  ce  sont  vos  crimes  que  Dieu 
veut  punir.  Si  ces  paysans  qui  vous  attaquent 
maintenant  ne  sont  pas  les  ministres  de  sa  vo- 
lonté, d'autres  le  seront.  Vous  les  battriez,  que 
vous  n'en  seriez  pas  moins  vaincus.  Dieu  en  sus- 
citerait d'autres;  il  veut  vous  frapper  et  il  vous 
frappera. 

•  Vous  comblez  la  mesure  de  vos  iniquités  en 
imputant  cette  calamité  à  PÉvangile  et  à  ma  doc 
trine.  Calomniez  toujours.  Vous  ne  voulez  pas 
savoir  ce  que  j'ai  enseigné  et  ce  qu'est  l'Évan- 
gile; il  en  est  un  autre  à  la  porte  qui  va  vous 
l'apprendre ,  si  vous  ne  vous  amendez.  Ne  me 
suis-je  pas  employé  de  tout  temps  avec  zèle  et 
ardeur  à  recommander  au  peuple  l'obéissance  à 
l'autorité,  à  la  vôtre  même,  si  tyrannique,  si  ii»- 
tolérable  qu'elle  fàt?  qui  plus  que  moi  a  com- 
battu la  sédition  ?  Aussi  les  prophètes  de  meurtre 

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ÙM  WTMMM.  18S 

leat-îk  autant  que  toiu.  To««  penéctt» 
I  Évanfilepar  toui  les  raoyefit  qui  étaient 
f  pendant  que  oet  Évangile  fiJiait  prier 
le  pour  Yom  et  qu'il  aidait  à  aoutenir 
torité  chancelante. 

rérité,  si  je  voulais  me  venger  «  je  n'au* 
Qtenantqu'à  rire  dans  ma  barbe  et  regain 
aysans  à  Tœuvre;  je  pourrais  même  faire 
mmune  avec  eux  et  envenimer  la  plaie. 
B  préserve  de  pareilles  pensées!  €*est 
M,  ohers  seigneurs,  amis  ou  ennemis, 
iaei  pas  mon  loyal  secours,  quoique  je 
qu'un  pauvre  honune;  ne  méprisez  pas 
is  cette  sédition,  je  vous  supplie  :  non 
je  veuille  dire  par  là  qu'ils  soient  trop 
ntre  youm  ;  ce  n'est  pas  eux  que  je  vou* 
[)U8  £Bire  craindre,  c'est  Bien,  c'est  le 
r  irrité.  Si  Celui-là  veut  vous  punir  (vooa 
D£  que  trop  mérité  ) ,  il  vous  punira  ; 
'y  avait  pas  assez  de  paysans,  il  change^ 
pierres  en  paysans;  un  seul  des  leurs  en 
ait  cent  des  vôtres^  tous  tant  que  voua 
vos  cuirasses  ni  votre  force  ne  vous  sau«* 

est  encore  un  conseil  à  vous  donner  « 
âgneurs,  au  nom  de  Dieu,  reculez  un  peu 


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184  vénoiABS 

tlerant  la  colère  que  vous  voyez  décliaùiée.  Oa 
craint  et  on  évite  Tbomme  ivre.  Mettez  ua  terme 
à  V09  exactions ,  faites  trêve  à  cette  âpre  tyrannie  ; 
traitez  les  paysans  comme  l'homme  sensé  traite 
les  gfens  ivres  ou  en  démence.  N'engagez  pas  de 
lutte  avec  eux,  vous  ne  pouvez  savoir  comment 
cela  finira.  Employez  d'abord  la  douceur,  de 
peur  qu'une  &ible  étincelle  »  gagnant  tout  au* 
tour,  n'aille  allumer,  par  toute  rAllemagne^ 
«in  incendie  que  rien  n'éteindrait.  Vous  ne  per«» 
drez  rien  par  la  douceur,  et  quand  même  vous 
y  perdriez  quelque  peu,  la  paix  vous  en  dédom- 
magerait au  centuple.  Bans  la  guerre,  vous  pou- 
vez vous  engloutir  et  vous  perdre,  corps  et  biens. 
Les  paysans  ont  dressé  douze  articles  dont  quel* 
ques-uns  cpntiennent  des  demanda  si  équitables, 
qu'elles  vous  déshonorent  devant  Dieu  et  les 
hommes,  et  qu'elles  réalisent  le  psaume  CYIII, 
car  elles  couvrent  les  princes  de  mépris. 

9  Moi,  j'aurais  bien  d'autres  articles  et  de  plus 
importans  peut-être  à  dresser  contre  vous,  sur  le 
gouvernement  de  l'Allemagne,  ainsi  que  je  l'ai 
fait  dans  mon  livre  A  la  nobleêse  allemande.  Mais 
mes  paroles  ont  été  pour  vous  comme  le  vent  en 
j'air ,  et  c'est  pour  cela  qu'il  vous  faut  maintenant 
«SBuyer  toutes  ces  réclamations  d'intérêt»  partir 
culiers. 

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DB    LUTHER .  185 

»  Quant  aux  premiers  articles,  Tousnepoutez 
leur  refuser  la  libre  élection  de  leurs  pasteurs.  Ils 
veulent  qu'on  leur  prêche  l'Évangile.  L'autorité 
ne  peut  ni  ne  doit  y  mettre  d'empêchement,  elle 
doit  même  permettre  à  chacun  d'enseigner  et  de 
eroire  ce  que  bon  lui  semblera,  que  ce  soit  Évan-^ 
gile  ou  mensonge.  C'est  assez  qu'elle  défende  de 
prêcher  le  trouble  et  la  révolte. 

•  Les  autres  articles,  qui  touchent  l'état  ma-* 
tériel  des  paysans,  droits  de  décès,  augmentation 
des  services,  etc. ,  sont  également  justes.  Car  l'au« 
torité  n'est  point  instituée  pour  son  propre  inté* 
rêt  ni  pour  faire  servir  les  sujets  à  l'assouvisse^ 
tnent  de  ses  caprices  et  de  ses  mauvaises  passions, 
mais  bien  pour  l'intérêt  du  peuple.  Or,  on  ne 
peut  supporter  si  long-temps  vos  criantes  exac^ 
lions.  A  quoi  servirait-il  au  paysan  de  voir  son 
champ  rapporter  autant  de  florins  que  d'herbes 
et  de  grains  de  blé ,  si  son  seigneur  le  dépouil* 
lait  dans  la  même  mesure,  et  dissipait,  comme 
paille,  l'argent  qu'il  en  aurait  tiré,  l'employant 
vn  habits,  châteaux  et  bombances?  Ce  qu'il  fau- 
drait faire  avant  tout^  ce  serait  de  couper  court 
à  tout  ce  luxe  et  de  boucher  les  trous  par  où  l'ar- 
fipent  s'en  va ,  de  façon  qu'il  en  restât  quelque  peu 
^aii4  la  poche  dn.  paysan. 

7. 

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186  nfaioiEit 

•  DiiJxitnPAinB. — Ans  Pay$aH$. — JuaiiaHci, 
oheii  amiit  tous  n'arei  tu  qu'une  choie:  j'ai 
reoounu  que  les  princes  et  seigneurs  qui  dé- 
fendit de  prêcher  l'ÉvangUe,  et  qui  chargent 
les  peuples  de  fardeaux  intolérables,  ont  bien 
nérité  que  Bien  les  précipitât  du  siège  •  car  ils 
pèchent  cratre  Dieu  et  les  hommes ,  ils  sont  sans 
excuse.  Néanmoins  c'est  à  roua  de  conduire  votre 
entreprise  avec  conscience  et  justice.  Si  tous  ares 
de  la  conscience ,  Dieu  tous  assistera  :  quand 
même  tous  succomberiei  pour  le  moment,  tous 
triompheriez  à  la  fin;  ceux  de  tous  qui  périraient 
dans  le  combat,  seraient  sauTés.  Mais  si  tous  aTea 
la  justice  et  la  conscience  contre  tous,  toussuc* 
comberei ,  et  quand  même  tous  ne  succomberiei 
pas,  quand  même  tous  tueriez  tous  les  princes, 
votre  corps  et  TOtre  âme  n'en  seraient  pas  moina 
éternellement  perdus.  Il  n'y  a  donc  pas  à  plaisan- 
ter ici.  D  y  Ta  doTotre  corps  et  de  votre  vie  à  ja- 
mais. Ce  qu'il  vous  but  considérer,  ce  n'est  pat 
TOtre  force  et  le  tort  de  vos  adversaires ,  il  &ut 
voir  surtout  si  ce  que  vous  fSeâtes  est  selon  la  j«»« 
ticeetla  conscience. 

»  N'en  croyet  donc  pas,  je  vou4  prio,  les  pio-t 
phètes  de  meurtre  que  Satan  a  suscités  panai 
vous ,  et  qui  viennent  de  lui ,  quoiqu'ils  invoquenl 

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187 

lêËÙmà  nom  de  l'Évangile.  Ha  me  haïront  à  oâtue 
da  oonMvl  qne  je  Tona  donne,  ib  m'appeUeronl 
hypoerite,  maÎBoela  ne  me  tonche  point.  Ce  ipie 
je  dénre,  c'est  de  lauTer  de  la  colère  de  Keu 
hf  bonnes  et  honnêtes  gens  qnisont  panni  tous; 
je  ne  craindrai  pasles  antres,  qu'ils  me  mépriseiU 
en  mm.  J'encminais  Un  qni  est  pins  fort  qu'eu 
tons,  etCdnî-Ià  m'enseigne  par  le  psaume  III  de 
finreoequejefiôs.  Les  cent  mille  ne  me  font  pas 
penr.... 

»  Tona  înTOqnei  le  nom  de  Dieu  et  tous  pré» 
Isndei  agir  d'i^rëa  sa  parole;  n'ouhliex  donc  paa 
avant  font  que  IMeu  punit  celui  qui  invoque  son 
nom  en  vain,  Graignez  sa  colère.  Qu'étes-Tous, 
et  qn'eslFce  que  le  monde  ?  Onbliex-voua  qu'il  est 
le  IHen  teni-poisnnt  et  terrible ,  le  Bien  du  dé* 
lnge«  oelat  qui  a  foudroyé  Sodome?  Or ,  il  est 
fodle  de  voir  que  vous  ne  foitm  pas  honneur  à 
son  nem.  IMeu  ne  dit-il  pas  :  Qui  prend  l'épée 
périra  par  l'épée?  Et  saint  Paul  :  Que  toute  Ame 
sait  sonmise  à  Fantorité  en  tout  respect  et  bon*- 
nenr?  Gomment  pouTe^TOus,  aprèscesenseigne* 
mens,  prétendre  encore  que  vous  agisseï  d'après 
l'Évangile?  Prenex-y  garde»  un  jugement  terri- 
ble voua  attend. 

»  Kaia»  ditea*votts,  Fauterité  est  mauvaise,  ia^ 

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188  •  MitfOikES 

tolérable ,  elle  ne  veut  pas  nous  laisief  l'Évangile , 
elle  nous  accable  de  charges  hors  de  toute  me^ 
isure ,  elle  nous  perd  de  corps  et  d'âme.  A  cela 
je  réponds  que  la  méchanceté  et  l'injustice  de 
l'autorité  n'excusent  pas  la  révolte,  car  il  ne  con- 
fient pas  à  tout  homme  de  punir  les  méchans.  En 
outre  le  droit  naturel  dit  que  nul  ne  doit  être 
juge  de  sa  propre  cause,  ni  se  venger  lui-même, 
icar  le  proverbe  dît  yrai  :  Frapper  qui  frappe,  ne 
vaut.  Le  droit  divin  nous  enseigne  même  chose  , 
La  vengeance  m'appartient,  dit  le  Seigneur,  c'est 
moi  qui  veux  juger.  Votre  entreprise  est  done 
contraire  non-seulement  au  droit ,  selon  la  Bible 
et  rÉvangile ,  mais  aussi  au  droit  naturel  et  à  la 
simple  équité.  Vous  ne  pouvez  y  persister  à  moins 
xle  prouver  que  vous  y  êtes  appelés  par  un  nou- 
veau commandement  de  Dieu,  tout  particulier 
et  confirmé  par  des  miracles. 

»  Vous  voyez  la  paille  dansTœil  de  l'autorité, 
mais  vous  ne  voyez  pas  la  poutre  qui  est  dans  le 
vôtre.  L'autorité  est  injuste  en  ce  qu'elle  inter«-. 
dit  l'Évangile  et  qu'elle  vous  accable  de  charges; 
'mais  combien  êtes-vous  plus  inj ustes,  vous  qui ,  non 
tsontens  d'interdire  la  parole  de  Dieu,  la  foulez  aux 
pieds,  vous  qui  vous  arrogez  le  pouvoir  réservé 
là  Dieu  seul?  D'un  autre  côté,  qui  est  le  phi% 

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Bi  &irTiu&.  189 

l^nd  Voleur  (Je  vons  en  fais  juge)  de  celui  qui 
prend  une  partie  ou  de  celui  qui  prend  le  tout  ? 
Or  l'autorité  vous  prend  injustement  votre  bien , 
mais  TOUS  lui  prenex  à  elle  non-seulement  le  bien, 
mais  aussi  le  corps  et  la  vie.  Vous  assurez  bien , 
il  est  Trai ,  que  tous  lui  laisserez  quelque  cbose; 
qui  TOUS  en  croira?  Vous  lui  aTcz  pris  le  pou- 
Toir  ;  qui  prend  le  tout  ne  craint  pas  de  prendre 
aussi  la  partie;  quand  le  loup  mange  la  brebis, 
il  en  mange  bien  aussi  les  oreilles. 

»  Et  comment  ne  voyez-vous  donc  pas,  mes 
amis,  que  si  votre  doctrine  était  Traie,  il  n'y  au-^ 
rait  plus  sur  la  terre  ni  autorité,  ni  ordre,  ni 
justice  d'aucune  espèce?  Chacun  serait  son  juge 
à  soi;  l'on  ne  Terrait  que  meurtre,  désolation  et 
brigandage. 

»  Que  feriez-TOus,  si,  dansTotre  troupe,  char* 
con  voulait  également  être  indépendant,  se  faire 
justice,  se  Tenger  lui-même  ?  Le  souffririez-TOus ? 
He  diriez-TOus  pas  que  c'est  aux  supérieurs  de 
juger? 

B  Telle  est  la  loi  que  doiTcnt  obserrer  même 
les  puens ,  les  Turcs  et  les  juiJEs,  s'il  doit  y  avoir 
ordre  et  paix  sur  la  terre.  Loin  d'être  chrétiens , 
vous  êtes  donc  pires  que  les  païens  et  les  Turcs. 
Que  dira  Jésus-Christ  en  Toyant  son  nom  ainsi 
profané  par  tous? 

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180  MÛoiaES 

»  Chen  amÎ8 ,  je  crains  fort  que  Satan  n'ait  en* 
Toyé  parmi  vous  des  prophètes  de  meurtre  <|tti 
convoitent  l'empire  de  ce  monde  et  qui  pensent 
y  arriver  par  vous,  sans  s'inquiéter  des  périk  et 
temporels  et  spirituels  dans  lesqueb  ils  voua 
précipitent 

B  Mais  passons  maintenant  au  droit  évangélique. 
Celui-ci  ne  lie  pas  les  païens  comme  le  droit  dont 
nous  venons  de  parler.  Jésus-Christ,  dont  voua 
tirez  le  nom  de  chrétiens,  ne  dit-il  pai  (saint 
Katfaieu,  Y)  :  Ne  résistez  pas  à  celui  qui  vaus 
lait  du  mal;  si  quelqu'un  te  frappe  à  la  joue 
droite,  présente  aussi  l'autre...  L'entendez-vous, 
chrétiens  rassemblés  ?  Comment  Esites-vous  rimer 
votre  conduite  avec  ce  précepte  ?  Si  vous  ne  sa- 
vez pas  soufifrir,  comme  le  demande  notre  Sei* 
gneur,  dépouillez  vite  son  nom,  vous  n'en  êtes  pas 
dignes;  ou  il  va  tout^à-l'heure  vous  l'arracher 
lui-même. 

•  (Suivent  d'autres  versets  de  l'Évangile  sur  la 
douceur  chrétienne).  Sou£frip,soufirir,  la  croix^ 
la  croix,  voilà  la  loi  qu'enseigne  le  Christ,  il  n'y 
en  a  point  d'autres... 

B  £h  I  mesamis,  si  vous  finîtes  de  teUes  choses^ 
quand  donc  en  viendrez-vous  à  cet  autre  pré* 
cepte  qui  vous  commande  d'aimer  vos  enuemis  el 

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fidre  du  bien  ?...  Oh]  plût  à  Dîmi  qne  U 
d'entre  noot  funent  avant  tout  de  bûaê 

païens  qui  obterraiAent  ta  loi  naiurelle} 
r  Tom  montrer  jiifti| il* où  yos  prophètes 

égarés,  je  n'ai  qu'à  vout  ruppeler  qu«i- 
smples  qui  mettent  en  lumière  la  loi  de 
le.  Regardai  JéMUkChnAt  et  saint  Pierre 
jaitlin  de  Géiémaneh.  Samt  Pierre  ne 
1  pas  fiiire  une  bonne  action  en  défen^ 
I  maître  et  seigneur  «  contre  ceui  qui 
;  pour  le  limrer  aux  bon  rreaut  ?  Et  copei^ 
is  sayei  que  Jésos-Christ  te  réprimanda 
an  meurtrier  pour  avoir  résiité  Tépée  k 

re  exemple  :  Jésus-Chr»t  lui-même  atta- 
oroix,  que  fiut^ilT  Me  prient- il  pas  pour 
lécuteurs;  ne  dit-il  pas  :  0  mon  père  t 
nez-leur ,  car  ils  ne  savent  ce  qti'îb  fonti 
»-Ghrist  ne  fut-il  pas  cependant  glorifié 
'oir  souffert,  son  royaume  Q'a-t-ilpaspré- 
riomphéPDe  même  Bleu  vonsaideraUf 
ariei  souffrir  comme  iT  le  demande, 
tr  prendre  un  exemple  du  ns  le  tempiméme 
rivons,  comment  s'eat-il  fait  que  ni  TEm- 
ni  le  pape  n'aient  pu  rien  contre  moi  f 
f  ont  fait  d'eflioris  pour  arrêter  et  dé- 


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i 


102  wfafOiaBa 

traire  l'Évangile ,  plus  celui-ci  a  gagtté  el  prit 
force?  Je  n'ai  point  tiré  Tépée,  je  n'ai  point  fiaût 
de  révolte;  j'ai  toujours  prêché  l'obéissance  à 
l'autorité ,  même  à  celle  qui  me  persécutait;  je 
m'en  reposais  toujours  sur  Dieu,  je  remettais  tout 
^ntre  ses  mains.  C'est  pour  cela,  qu'en  dépit  du 
pape  et  des  tyrans,  il  m'a  non-seulement  conservé 
la  vie,  cequi  déjà  était  un  miracle,  mais  il  a  auasi 
4e  plus  en  plus  avancé  et  répandu  mon  Évangile. 
Et  voilà  que  maintenant,  pensant  servir  l'Évan- 
^e,  vous  vous  jetez  en  travers.  En  vérité^  vous 
lui  portez  le  coup  le  plus  terrible  dans  l'esprit  des 
hommes ,  vous  l'écrasez  pour  ainsi  dire  par  vos 
perverses  et  folles  entreprises. 

»  Je  vous  dis  tout  ceci,  chers  amis,  peut  vous 
montrer  combien  vous  profanez  le  nom  du  Ghriat 
et  de  sa  sainte  loi.  Quelque  justes  que  puissent 
être  vos  demandes,  il  ne  convient  au  chrétien  de 
combattre  ni  d'employer  la  violence  :  nous  de* 
vous  souffrir  l'injustice,  telle  est  noire  loi  (I.  Co- 
rinth.  YI).  Je  vous  le  répète  donc^  agissez  en  cette 
occurrence  comme  vouS'VOudrez,  maislaissez  là  Iç 
nom  de  Christ,  et  n'en  faites  pas  honteusement  le 
prétexte  et  le  manteau  de  votre  conduite  impie. 
Je  ne  le  permettrai  pas,  je  ne  ne  le  tolérerai  pas, 
je  vous  arracherai  ce  nom  par  tous  les  effortsdont 


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M  liUtHUl.  190 

je  suis  capable,  jusqu'à  la  dernière  goutte  de  mon 
sang... 

»  Non  que  je  veuille  par  là  justifier  l'autorité  : 
ses  torts  son  immenses,  je  l'avoue;  mais  ce  que 
je  veux,  c'eit  que,  s'il  faut  malheureusement  (Dieu 
▼eoille  nous  l'épargner  !  ),  s'il  faut,  dis-je,  que  vous 
en  veniez  aux  mains,  on  n'appelle  chrétiens  ni 
l'un  ni  l'autre  parti.  Ce  sera  une  guerre  de  païens 
et  point  autre,  car  les  chrétiens  ne  combattent  pas 
avec  lesépées  ni  lesarquebuses,  mais  avec  lacroix 
et  la  patience,  de  même  que  le  général  Jésus^ 
Christ  ne  manie  pas  l'épée,  mais  se  laisse  attacher 
à  la  croix.  Leur  triomphe  ne  consiste  pas  dans  la 
domination  et  le  pouvoir ,  mais  dans  la  soumis- 
non  et  l'humilité.  Les  armes  de  notre  chevalerie 
n*ont  pas  d'efficacité  corporelle ,  leur  force  est 
dans  le  Très-Haut. 

»  Intitulez-vous  donc  :  gens  qui  veulent  suivre 
la  nature  et  ne  pas  supporter  le  mal;  voilà  le  nom 
qui  vous  convient;  si  vous  ne  le  prenez  pas,  mais 
que  vous  persistiez  à  garder  et  prononcer  sans 
cesse  celui  du  Christ,  je  ne  pourrai  que  vous  re^ 
garder  comme  mes  ennemis  et  comme  ceux  de 
l'Évangile ,  à  l'égal  du  pape  et  de  l'Empereur.  Or, 
sachez  que  dans  ce  cas,  je  suis  décidé  à  m'en  re- 
mettre entièrement  à  Dieu,  et  à  l'implorer  pour 

8 

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194  SliMOI&ES 

qu'il  TOUS  éclaire»  qu'il  soitconti'e  tous  et  toos 
fasse  échouer. 

»  J'y  risquerai  ma  tête,  comme  j'ai  fait  contre 
le  pape  et  l'Empereur,  car  je  vois  clairement  que 
le  diable  n'ayant  pu  venir  à  bout  de  moi  par  eux, 
veut  m'exterminer  et  me  dévorer  par  les  prophè- 
tes de  meurtre  qui  sont  parmi  vous.  Eh  bien,  qu'il 
me  dévore  :  un  tel  morceau  ne  sera  pas  de  facile 
digestion. 

>  Toutefois,  chers  amis,  je  vous  supplie  hum- 
bleinent  et  comme  un  ami  qui  veut  votre  bien, 
d'y  bien  penser  avant  d'aller  plus  loin,  et  de  me 
dispenser  de  combattre  et  de  prier  contre  vous, 
quoique  je  ne  sois  moi-même  qu'un  pauvre  pé- 
cheur; je  sais  pourtant  que  dans  ce  cas  j'aurais 
tellement  raison,  que  Dieu  écouterait  immanqua- 
blement mes  prières.  Il  nous  a  enseigné  lui-même, 
dans  le  saint  Pater  noster,  à  demander  que  «on  nom 
êoH  sanctifié  sur  la  terre  comme  au  ciel.  Il  est  im-» 
possible  que  vous  ayez ,  de  votre  cMé,  la  même 
confiance  en  Dieu;  car  l'Écriture  et  votre  con- 
science vous  condamnent  et  vous  disent  que  vous 
agissez  en  païens,  en  ennemis  de  l'Évangile.  Si  voua 
étiez  chrétiens,  vous  n'agiriez  pas  du  poing  et  de 
l'épée;  vous  diriez.  Délivrez-nous  du  mal,  et, 
Que  ta  volonté  êoit  faite  (suivent  des  versets  qui 

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hn  LUTHSB.  106 

expriment  cette  pensée).  Hai§  tous  Toulex  être 
Toas-mdmeB  yotre  Dieu  et  votr^  Sauveur  ;  le  vrai 
Dieu»  le  yrai  Sauveur  tous  abandonne  donc.  Les 
demandes  que  tous  avei  dressées  ne  sont  pascon-^ 
trairesau  droit  naturel  et  à  l'équité,  par  leur  te* 
neurméme,  mais  parla  TÎolence  avec  laquelle 
TOUS  les  Toulez  arracher  à  l'autorité.  Aussi  celui 
qui  l^s  a  dressées  n'est  pas  homme  pieux  et  sin-r 
cère;  il  a  cité  grand  nombre  de  chapitres  de  Vtn 
criture ,  sana  écrire  les  versets  mêmes,  afin  de  ren- 
dre Totre  entreprise  spécieuse,  de  séduire  et  de 
TOUS  jeter  dans  les  périls.  Quand  oîi  lit  les  chapi- 
tres quil  a  désignés,  on  n'y  voit  pas  grand'chose 
sur  votre  entreprise,  on  y  trouve  plutôt  le  con- 
traire, à  savoir,  que  l'on  doit  vivre  et  agir  chrétien* 
nement.  Ce  sera,  je  pense,  un  prophète  séditieux 
qui  aura  voulu  attaquer  l'Évangile  par  vous^Bieu 
veuille  lui  résister  et  vous  garder  de  lui. 

9  £n  premier  lieu ,  vous  vous  glorifiez ,  dans  vo- 
tre préface,  de  ne  demander  qu'à  vivre  selon  l'É- 
vangile. Hais  n'avouez-vous  pas  vous-mêmes  que 
TOUS  êtes  en  révolte  ?  Et  comment,  je  vous  le  de- 
mande ,  avez-i^vous  l'audace  de  colorer  une  pareille 
conduite  du  saint  nom  de  l'Évangile  ? 

»  Vous  citez  en  exemple lesenians  disraél.  Voua 
dites  que  Dieu  entendit  les  cris  qu'ils  poussaient 


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106  H^HOIRES 

vers  lui ,  et  qu'il  les  délivra.  Pourqfuoi  doncnesai' 
yez-vous  pas  cet  exemple  dont  vous  vousglorîfiez? 
Invoquez  Dieu,  comme  ils  ont  fait,  et  attendez 
qu'il  vous  envoie  aussi  un  Moïse  qui  prouTe  sa  mis- 
sion par  des  miracles.  Les  enfans  d'Israël  ne  s'a- 
meutèrent point  contre  Pharaon  ;  ils  ne  s'aidèrent 
point  eux-mêmes  comme  vous  avez  dessein  de 
faire.  Cet  exemple  vous  est  donc  directement  con- 
traire ,  et  vous  damne  au  lieu  de  vous  sauver. 

•  Il  n'est  pas  vrai  non  plus  que  vos  articles, 
comme  vous  l'annoncez  dans  votre  pré&ce,  en- 
seignent l'Évangile  et  lui  soient  conformes.  Y  en 
a-t-il  un  seul  sur  les  douze ,  qui  renferme  quelque 
point  de  doctrine  évangélique  ?  N'ont-ils  pas  tous 
uniquement  pour  objet  d'affranchir  vos  personnes 
et  vos  biens?  Ne  traitentvils  pas  tous  de  choses 
temporelles?  Vous,  vous  convoitez  le  pouvoir  et 
les  biens  de  la  terre ,  vous  ne  voulez  souffrir  au- 
cun tort;  l'Évangile,  au  contraire,  n'a  nul  souci 
de  ces  choses,  et  place  la  vie  extérieure  dans  la 
30uffrance,  l'injustice,  la  croix,  la  patience  et  le 
mépris  de  la  vie ,  comme  de  toute  affûre  de  ce 
monde. 

•  H  faut  donc  ou  que  vous  abandonniez  votre 
entreprise,  et  que  vous  consentiez  à  souffirir  les 
torts,  si  vous  voulez  porter  le  nom  de  chrétiens; 


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DB   I.DTHSa.  197 

on  bien ,  si  ▼ous  penîstei  dans  tos  résolutions ,  il 
&Qt  qne  tous  dépouilliez  ce  nom  et  que  tous  en 
preniez  un  autre.  Choississez  ,  point  de  milieu. 
>  Vous  ditesque  l'on  empêche  rÉvangile  de  par- 
Tenir  jusqu'à  vous  :  je  tous  réponds  qu'il  n'y  a 
aacune  puissance  ni  sur  la  terre  ni  au  ciel  qui 
puise  fiiire  cela.  Une  doctrine  publique  marche 
libre  sous  le  ciel,  elle  n'est  liée  à  aucun  endroit, 
aussi  peu  que  l'étoile  qui ,  trayersant  les  airs ,  an- 
nonçait aux  sages  de  l'Orient  la  naissance  de  Je- 
iiis-€hrist...  Si  l'on  interdit  l'Évangile  dans  la  Tille 
eu  le  yillage  où  tous  êtes,  suiyez-le  ailleurs  où 
onle prêche.. .  Jésus-Christ  a  dit  (saint  Matthieu,  X)  : 
■  S'ils  TOUS  chassent  d'une  Tille,  fuyez  dans  une 
autre.  >  Il  ne  dit  point  :  <  S'ils  Toulent  tous  chas- 
ler  d'une  ville ,  restez-y ,  attroupez-TOus  contre  les 
seigneurs,  au  nom  de  FÉvangile,  et  rendez-TOus 
maitres  de  la  Tille.  >  Qu'est-ce  donc  que  ces  chré- 
tiens qui ,  au  nom  de  l'Évangile ,  se  font  brigands, 
▼oleurs?  Osent-ils  bien  se  dire  éTangéliques  ? 

»  Réponse  au  1«'  article. — Si  l'autorité  ncTeut 
pas  de  bon  gré  entretenir  le  pasteur  qui  conTieot 
à  U  commune ,  il  faut ,  dit  Luther,  que  celle-ci  le 
bne  à  ses  propres  frais.  Si  l'autorité  ne  Tout  pas 
UAérer  ce  pasteur,  que  les  fidèles  le  suÎTent  dans 
une  autre  commune. 

8. 


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108  MiHonuia 

9  RépoMaà  l'article  II. — Vonsvoulei  dispoaep 
d'une  dime  qui  n'est  pas  à  tous  :  oe  serait  une 
spoliation»  un  bri(;anda|;e.  Si  vous  Toulet  Caire 
du  bien ,  fiittes^e  du  TÛtre  et  non  de  ce  qui  est  à 
autrui.  Dieu  dit  par  Isaie  :  «  Je  déteste  l'offrande 
qui  vient  du  yol. 

•  Réponse  à  l'article  III.  —  Tous  youlei  appli- 
quer à  la  chair  la  liberté  chrétienne  ensei^ëe 
par  rÉyangUe.  Abraham  ^  les  autres  patriaiv 
ohes ,  ainsi  que  les  prophètes ,  n'ont^ila  pas  ausn 
eu  des  serfs  P  Lisex  saint  Paul ,  l'empire  de  ce 
monde  ne  peut  subsister  dans  l'inégalité  des  per-r 
sonnes. 

B  Aux  huit  derniers  articles.  —  Quant  à  tos 
articles  sur  le  gibier ,  le  bois ,  les  servioe9 ,  lee 
cens ,  etc.  »  je  les  renvoie  aux  hommes  de  loi  ;  il  ne 
me  convient  pas  d'en  juger ,  mais  je  vous  répète 
que  le  chrétien  est  un  martyr,  et  qu'il  n'a  nul 
souci  de  toutes  ces  choses;  cesses  donc  de  parler 
du  droit  chrétien ,  et  dites  plutôt  que  c'est  le 
droit  humain,  le  droit  naturel  que  vousreyendi- 
quez,  car  le  droit  chrétien  vous  commande  de 
souffrir  en  ces  choses,  et  de  ne  vous  plaindre 
qu'à  Dieu. 

a  Chars  anris,  voilà  l'instruction  que  j'ai  à  vous 
donner  en  réponse  à  la  demande  que  vous  m'a« 


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DB  Lunuft.  199 

Tet  fiiite.  IMeii  Tenille  que  tous  aoyei  fidèles  à 
^mire  pTcmieue ,  de  tous  laiaer  guider  selon 
l'Écriture.  Ne  oriex  pas  trop  d'abord  :  Luther  est 
im  flatteur  des  princes,  il  parle  contre  rÉvangile. 
Mais  liaet  auparayant,  et  Toyes  si  tout  ce  que  je 
dis  n'est  pas  fondé  sur  la  parole  de  Dieu. 

•  Esho9tmi¥m  ans  deu»  poftiê.  —  Puis  donc , 
mea  amis ,  que  ni  les  uns  ni  les  autres,  vous  ne 
défendez  une  chose  chrétienne,  mais  queles  deux 
partis  agissent  également  contre  Dieu ,  renon^ 
ces,  je  TOUS  supplie,  à  la  yiolence.  Autrement 
TOUS  couvrirez  toute  FAllemagne  d'un  carnage 
horrible ,  et  cela  n'aura  pas  de  fin.  Car  comme 
TOUS  êtes  également  dans  l'injustice,  tous  tous 
perdrez  mutuellement^  et  Dieu  firappera  un  mé* 
chant  par  l'autre. 

*  Vous,  seigneurs ,  vous  aTei  contre  tous  l'É* 
criture  et  l'histoire,  qui  tous  enseignent  que  la 
tyrannie  a  toujours  été  punie.  Vous  êtes  youa- 
mêmes  des  tyrans  et  des  bourreaux ,  vous  inter-* 
disez  l'Érangile.  Tous  n'avez  donc  nul  espoir 
d'échapper  au  sort  qui  jusquHci  a  frappé  vos  pa^ 
reils.  Voyez  tous  ces  empires  des  Assyriens ,  des 
Perses,  des  Grecs,  des  Romains,  ib  ont  tous  péri 
parle  glaive,  après  avoir  commencé  par  le  glaive. 
Dieu  voulait  prouver  que  c'est  lui  qui  est  juge  de 


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200  MiHOIMS 

la  terre,  et  que  nulle  injustice  ne  reste  impunie. 

9  Vous ,  paysans ,  tous  avet  de  même  contre 
vous  l'Écriture  et  l'expérience.  Jamais  Ja  révolte 
n'a  eu  une  bonne  fin ,  et  Dieu  a  sévèrement  pourvu 
à  ce  que  cette  parole  ne  fût  pas  trompeuse  :  Qui 
prend  Tépée  périra  par  l'épée.  Quand  même 
vous  vaincriei  tous  les  nobles,  vainqueurs  des 
nobles ,  vous  vous  décbireriez  entre  vous  comme 
les  bêtes  féroces.  L'esprit  ne  régnant  pas  sur 
vous,  mais  seulement  la  chair  et  le  sang,  Dieu 
ne  tarderait  pas  à  envoyer  un  mauvais  esprit^  un 
esprit  destructeur,  comme  il  fit  à  Sichemetàson 
roi.... 

»  Ce  qui  me  pénètre  de  douleur  et  de  pitié  (et 
plût  au  ciel  que  la  chose  pût  être  rachetée  de  ma 
vie!  )  ce  sont  deux  malheurs  irréparables  qui  vont 
fondre  sur  l'un  et  l'autre  parti.  D'abord,  comme 
vous  combattez  tous  pour  l'iiyustice,  il  est  im- 
manquable que  ceux  qui  périront  dans  la  lutte 
seront  éternellement  perdus  corps  et  âme;  car 
ils  mourront  dans  leurs  péchés,  sans  repentir» 
sans  secours  de  la  grâce.  L'autre  malheur,  c'est 
que  l'Allemagne  sera  dévastée;  un  tel  carnage 
une  fois  commencé,  il  ne  cessera  p^s  avant  que 
tout  soit  détruit.  Le  combat  s'engage  aisément, 
mais  il  n'est  pas  en  notre  pouvoir  de  l'arrêter,  la^ 


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DE    LUTHSH.  301 

seoséft ,  que  tous  ont-ils  donc  fait ,  ces  en&ns ,  ces 
fiemmes,  ces  vieillards ,  que  tous  entraînez  dans 
TOtre  perte,  pour  que  tous  remplissiez  le  pays  de 
sang,  de  brigandage,  pour  que  tous  Dansiez  tant 
de  TeuTes  et  d'orphelins  ? 

»  Oh!  Satan  se  réjouît!  Dieu  est  dans  son  cour* 
roux  le  plus  terrible,  et  il  menace  de  le  lâcher 
contre  nous.  Prenez-y  garde ,  chers  amis ,  il  y 
Ta  des  uns  comme  des  autres.  A  quoi  tous  ser« 
TÎra-t-il  de  tous  damner  éternellement  et  de  gaité 
de  cœur,  et  de  laisser  après  tous  un  pays  ensan* 
glanié  et  désert  ? 

•  C'est  pourquoi  mon  conseil  serait  de  choisir 
quelques  comtes  et  seigneurs  parmi  la  noblesse, 
de  choisir  également  quelques  conseillers  dans 
les  Tilles,  et  de  les  laisser  accorder  les  afiaires  à 
l'anûable.  Vous,  seigneurs,  si  tous  m'écoutez, 
TOUS  renoncerez  à  cet  orgueil  outrageant  qu'il 
▼DOS faudrait  bien  dépouiller  à  la  fin:  tous  adou^ 
cirez  TOtre  tyrannie,  de  sorte  que  le  pauTre 
homme  puisse  aToir  aussi  un  peu  d'aise.  Vous, 
paysans,  tous  céderez  de  TOtre  côté,  et  tous 
abandonnerez  quelques-uns  de  tos  articles  qui 
Tont  trop  loin.  De  cette  manière,  les  affaires 
n'auront  pas  été  traitées  selon  l'ÉTangile ,  mais 
da  moins  accordées  conformément  au  droit  hu« 
main. 

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203  hAvoues 

»  Si  TOUS  ne  taÎTiez  paa  vn  temblable  coiueil 
(oequ'à  Dieu  ne  plaûe) ,  je  ne  poumiyons  empé* 
cher  d'en  venir  aux  maim.  Mais  je  serai  innocent 
de  la  perte  de  vos  âmes,  de  yotre  sang,  de  votre 
bien.  C'est  sur  vous  <{ue  pèseront  vos  péchés.  Je 
vous  l'ai  déjà  dit,  ce  n'est  pas  un  combat  de 
chrétiens  contre  chrétiens ,  mais  de  tyrans,  d'op- 
presseurs, contre  des  brigands,  des  profanateurs 
du  nom  de  l'Évangile.  Ceux  qui  périront  se- 
ront éternellement  damnés.  Pour  moi,  je  prie- 
rai Dieu  avec  les  miens ,  afin  qu'il  vous  réconci- 
lie et  vous  empêche  d'en  venir  où  vous  voulez. 
Néanmoins  je  ne  puis  vous  cacher  qup  les  signes 
terribles  qui  se  sont  fait  voir  dans  ces  derniers 
temps,  attristent  mon  âme  et  me  font  craindre  que 
la  colère  de  Dieu  ne  soit  trop  allumée ,  et  qu'il  ne 
dise  comme  dans  Jérémie:  Quand  même  Noé, 
Job  et  Daniel  se  placeraient  devant  ce  peuple, 
je  n'aurais  pas  d'entrailles  pour  lui.  Dieu  veuille 
que  vous  craigniez  sa  colère  et  que  vous  vous 
amendiez,  afin  que  la  calamité  soit  au  moins 
différée  !  Tels  sont  les  conseils  que  je  vous  donne 
en  chrétien  et  en  frère  ,  ma  conscience  m'en  est 
témoin,  Dieufiisse  qu'ils  portent  fruit.  Amen.» 

Le  caractère  biographique  de  cet  ouvrage  et 
les  proportions  danslesquelles  nouadevona  le  res» 

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i«  LVTBaft.  203 

serrer,  ne  nous  permettent  pas  d'entrer  dans 
rhktoire  de  cette  Jacquerie  allemande  (  Toyet 
toutefois  nos  Additions  et  Éclaircissemens  ).  Nous 
nous  contenterons  ici  de  rapporter  la  sanguinair 
proclamation  du  docteur  Thomas  Mûnzer ,  chef 
des  paysans  de  Thuringe;  elle  forme  un  singu» 
lier  contraste  ayec  le  ton  de  modération  et  de 
douceur  qu'on  a  pu  remarquer  dans  les  Douze 
articles  que  nous  avons  donnés  plus  haut. 

«  La  Trai*  crainte  de  Diea  aTint  tout. 

•  Chers  frères,  jusqu'à  quand  dormirez'^yous  ? 
Désohéirez-Tous  toujours  à  la  volonté  de  Dieu» 
parce  que ,  bornés  comme  vous  êtes  »  vous  vous 
croyez  abandonnés  ?  Que  de  fois  vous  ai-je  répété 
mes  enseignemens  !  Bieu  ne  peut  Se  révélei*  plus 
long-temps.  Il  faut  que  vous  teniez  ferme.  Sinon , 
le  sacrifice)  les  douleurs ,  tout  aura  été  en  vain* 
Vous  recommencerez  alors  à  souffrir,  je  vous  le 
prédis.  Il  faut  ou  souffrir  pour  la  cause  de  Dieu  ^ 
ou  devenir  le  martyr  du  Diable. 

•  Tenez  doilc  fermé  »  résistez  à  là  peur  et  à  la 
paresse  i  cessez  de  flatter  les  rêveurs  dévoyés  du 
chemin ,  et  les  scélérats  impies.  Levez^vous  «  et 
combattez  le  combat  du  Seigneur.  Le  temps 
près».  Faites  respecter  à  vos  frères  le  témoignage 

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204  HÉIIOIEBS 

de  Dieu;  autrenient ,  tous  périront.  L'Allemagne, 
la  France,  Fltalie  sont  tout  entières  soulevées;  le 
Maître  veut  jouer  son  jeu ,  l'heure  des  mécbans 
est  Tenue. 

»  AFulde  quatre  églises  de  l'évéché  ont  été  sac- 
cagées, la  semaine  sainte;  les  paysans  deKlégen 
en  Hégau,  et  ceux  de  la  Forét-Noire ,  se  sont  le- 
vés au  nombre  de  trois  cent  mille.  Leur  masse 
grossit  chaque  jour.  Toute  ma  crainte ,  c'est  que 
ces  insensés  ne  donnent  dans  un  pacte  trompeur , 
dont  ils  ne  prévoient  pas  les  suites  désastreuses. 
Vous  ne  seriez  que  trois,  mais  confians  en  Dieu  , 
cherchant  son  honneur  et  sa  gloire,  que  cent 
mille  ennemi»  ne  vous  feraient  pas  peur« 

»  Sus,  sus,  sus!  {dran,  draUf  dran  !)  il  est  temps , 
les  méchans  tremblent.  Soyez  sans  pitié,  quand 
même  Esaû  vous  donnerait  de  belles  paroles  (Cky 
nèse,  XXXllI);  n'écoutez  pas  les  gémissemens  des 
impies;  ils  nous  supplieront  bien  tendrement ,  ils 
pleureront  comme  les  enfans;  n'en  soyez  pas  tou- 
chés; Dieu  défendit  à  Moïse  de  l'être  (Deut.  VU) ,  et  il 
nous  a  révélé  la  même  défense.  Soulevez  les  villes  et 
les  villages ,  surtout  les  mineurs  des  montagnes . . . 

»  Sus,  sus,  sus!  {dran,  dran,  dran!)  pendant  que 
le  feu  chauffe;  que  le  glaive  tiède  de  sang  n'ait 
pas  le  temps  de  l'efroidir.  Forgez  Nemrod  sur 

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DE   LUTHim.  205 

e ,  pink  pank,  tuez  tout  dans  la  tour; 
ceux-là  viyront,  tous  ne  serez  jamais  dé- 
la  crainte  des  hommes.  On  ne  peut  vous 
s  Dieu,  tant  qu'ib  régnent  sur  vous. 
sus ,  sus!  (  dran ,  dran,  dranl)  pendant 
jour ,  Dieu  vous  précède;  suivez.  Toute 
Loire  est  décrite  et  expliquée  dans  saint 
,  chapitre  XXIY.  N'ayez  donc  peur.  Dieu 
vous,  comme  il  est  dit ,  chapitre  II ,  pa- 
3  2.  Dieu  TOUS  dit  de  ne  rien  craindre, 
eur  du  nombre.  Ce  n'est  pas  votre  com- 
(t  celui  du  Seigneur,  ce  n'est  pas  vous 
battez.  Soyez  hardis,  et  vous  éprouverez 
nce  du  secours  d'en  haut.  Amen.  Donné 
isen,  en  1525.  Thomas  Mvifui,  serviteur 
contre  les  impies.  » 

me  lettre  à  l'électeur  Frédéric  et  au  duc 
ither  se  compare  à  Mûnzer...  «  Moi ,  je 
[u'un  pauvre  homme;  j'ai  commencé  mon 
se  avec  crainte  et  tremblement;  ainsi  fit 
al  (  il  l'avoue  lui-même,  Cor.  I ,  S  -  6  ) , 
cependant  pouvait  se  glorifier  d'enten- 
roix  céleste.  Moi  je  n'entends  pas  de  telles 
je  ne  suis  pas  soutenu  de  l'Esprit.  Avec 
imbles  ménagemens  n'ai-je  pas  attaqué  le 
[uels  n'ont  pas  été  mes  combats  contre 
si  0 


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I 

L 


206  VÂMOIRES 

moi-même!  quelles  supplications  n'ai-je  pas  lai- 
tes à  Dieu!  mon  premier  écrit  en  fait  foi.  Cepen- 
dant j'ai  fait  avec  ce  pauvre  esprit  ce  que  n'a  pas 
encore  osé  ce  terrible  esprit  croque-monde  (welt- 
fressergeist) ,  qui  du  haut  de  son  soleil  nous  re- 
garde à  peine  comme  des  insectes  (1).  J'ai  disputé 
à  Leipiig ,  entouré  du  peuple  le  plus  hostile.  J'ai 
comparu  à  Augsbourg  devant  mon  plus  grand 
ennemi.  J'ai  tenu  à  Worms  devant  César  et  tout 
l'Empire ,  quoique  je  susse  bien  que  mon  sauf- 
conduit  était  rompu  et  que  l'astuce  et  la  trahison 
m'attendaient. 

«  Quelque  faible  et  pauvre  que  je  fusse  alors, 
mon  cœur  me  disait  pourtant  qu'il  fallait  entrer 
dans  Worms ,  dussé-je  y  trouver  autant  de  dia- 
bles que  de  tuiles  sur  les  toits...  Il  m'a  fallu , 
dans  mon  coin,  disputer  sans  relâche,  que  ce 
fût  contre  un,  contre  deux,  contre  trois,  n'im- 
porte ,  de  quelque  façon  qu'on  le  demandât. 
Faible  et  pauvre  d'esprit,  j'ai  dû  pourtant  rester 
à  moi-même,  comme  la  fleur  des  champs;  je 
ne  pouvais  choisir  ni  l'adversaire,  ni  le  temps. 


ou 


(i)  Muuzer  se  refusait  à  toute  controverse  privée  ^. 
tenue  devant  une  assemblée  qui  ne  lui  fût  pas  farorable 


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DB   LUTHfim.  207 

ni  le  lien ,  ni  le  mode ,  ni  la  mesure  de  l'atta- 
que; j'ai  dû  me  tenir  prêt  à  répondre  à  tout  le 
monde,  comme  l'enseigne  l'apôtre  (saint Pierre, 
Ep.  1,8-15). 

»  Et  cet  esprit  qui  est  élevé  au-dessus  de  nous 
autant  que  le  soleil  l'est  au-dessus  de  la  terre ,. 
cet  esprit  qui  nous  regarde  à  peine  comme  des 
insectes  et  des  vermisseaux ,  il  lui  &iut  une  assem- 
blée toute  composée  de  gens  favorables  et  sûra 
desquels  il  n'ait  rien  à  craindre ,  et  il  refuse  de 
répondre  à  deux  ou  trois  tenans  qui  l'interro- 
geraient à  part...  C'est  que  nous  n'avons  de  force 
que  celle  que  Jésus-Christ  nous  donne  ;  s'il 
nous  livre  à  nous-mêmes ,  le  bruit  d'une  feuillQ 
peut  nous  faire  trembler;  s'il  nous  soutient, 
notre  esprit  sent  bien  en  soi  la  puissance  et  la 
gloire  du  Seigueur...  Je  suis  forcé  de  me  vanter 
moi-même,  quelque  folie  qu'il  y  ait  en  cela; 
saint  Paul  y  fut  bien  contraint  aussi  (  Cor.  lî , 
11-16);  je  m'en  abstiendrais  volontiers,  «i  je  le 
pouvais  en  présence  de  ces  esprits  de  mensonge.  » 

Immédiatement  après  la  défaite  des  paysans , 
Hélanchton  publia  une  petite  histoire  *de  Hûn- 
zer.  Il  est  inutile  de  dire  que  ce  récit  est  singu- 
lièrement défavorable  aux  vaincus.  L'auteur  as- 
sure que  Mûnzer ,  réfugié  à  Frankenhausen ,  se 

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208  MiiioimES 

cacha  dans  un  Ut  »  et  fit  le  malade ,  mais  on  cai* 
Talier  le  troaya,  et  ion  portefeuille  le  fit  recon- 
naître... 

«  Quand  on  lui  serra  les  menottes ,  il  poussa  des 
cris^  à  cette  occasion  le  duc  Georges  s'avisa  de 
lui  dire  :  «  Tu  souffires ,  Thomas,  mais  ils  ont  souf- 
fert davantage  aujourd'hui,  les  pauvres  gens 
qu'on  a  tués,  et  c'est  toi  qui  les  avais  poussés  là.  » 
«  Us  ne  l'ont  pas  voulu  autrement,  «  répondit 
Thomas,  en  éclatant  de  rire ,  comme  s'il  eût  été 
possédé  du  diahle...  • 

MûQzer  avoua  dans  son  interrogatoire  qu'il 
songeait  depuis  long-temps  à  réformer  la  chré- 
tienté, et  que  le  soulèvement  des  paysans  de  la 
Souahe  lui  avait  paru  une  occasion  favorable. 

•  Il  se  montra  très  pusillanime  au  dernier  mo- 
ment. Il  était  tellement  égaré,  qu'il  ne  put  re- 
citer seul  le  Credo,  Le  duc  Henri  de  Brunswick 
le  lui  dit  et  il  le  répéta. — Il  avoua  aussi  publique- 
ment qu'il  avait  eu  tort  ;  quant  aux  princes,  il  les 
exhorta  à  être  moins  durs  envers  les  pauvres  gens, 
et  à  lire  les  livres  des  Rois,  disant  que  s'ils  sui- 
vaient ses  conseils  ils  n'auraient  plus  de  sembla* 
blés  dangers  à  craindre.  Après  ce  discours  il  fut 
décapité.  Sa  tête  fut  attachée  à  une  pique ,  et  resta 
exposée  pour  l'exemple.  > 


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M   LOTBBa.  209 

rÎTit  avant  de  raoaiir  aux  habitant  de  Mûl- 
f  pour  lear  recommander  sa  femme  et  les 
e  ne  point  te  Tenger  aor  elle.  «  ÀTant  de 
la  terre,  diaait-il,  il  croyait  deroir  les  ex- 
instamment  à  renoncer  àlaréTolte  et  à  éri- 
te  nouvelle  efluaion  de  sanfç.  • 
[uelqnes  atroces  ▼iolences  que  se  soient 
\  Mûnzer  et  les  paysans,  on  s'étonne  de 
iiè  arec  laquelle  Luther  parle  de  lear  dé» 
[  ne  leur  pardonne  pas  d'avoir  compromis 
I  de  la  Réforme...  «  0  misérables  écrits 
ibles»  oh  sont  maintenant  ces  paroles  par 
les  TOUS  excitiet  et  ameutiez  les  pauvres 
(}uand  vous  disiez  qu'ils  étaient  le  peuple 
a,  que IKeu combattait  peureux,  qu'un 
entre  eux  abattrait  cent  ennemis,  qu'avec 
peau  ils  en  tueraietit  cinq  de  chaque  coup, 
les  pierres  des  arquebuses ,  au  lieu  de  frap- 
fvant ,  tourneraient  contre  ceux  qui  les  au- 
tirées?  Où  est  maintenant  Humer  arec 
Hanche  dans  laquelle  il  se  ûûsait  fortd'ar- 
out  ce  qu'on  lancerait  contre  son  peuple  ? 
»t  maintenant  ce  Dieu  qui  pendant  près 
année  a  prophétisé  par  la  bouche  de 
r?. 

I  crois  que  tous  les  paysans  doivent  périr 

9. 


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210  niiioiiiBS 

plutôt  que  les  princes  et  les  magistrats,  parce  que 
les  paysans  prennent  Tépée  sans  autorité  diyine. . . 
Nulle  miséricorde ,  nulle  tolérance  n'est  due  aux 
paysans  ,  mais  Findignation  de  Dien  et  des 
hommes.  »  (SO  mai  1525.) —  «  Les  paysans,  dit-il 
ailleurs ,  sont  dans  le  ban  de  Dieu  et  de  l'Empe- 
reur. On  peut  les  traiter  comme  des  chiens  enra- 
gés. >  —  Dans  une  lettre  du  21  juin,  il  énumère 
les  horribles  massacres  qu'en  ont  faits  les  nobles , 
sans  donner  le  moindre  signe  d'intérêt  ou  de  pitié. 

Luther  montra  plus  de  générosité  à  l'égard  de 
son  ennemi  Carlostad.  Celui-ci  courait  alors  le 
plus  grand  danger.  Il  avait  peine  à  se  justifier  d'a- 
voir enseigné  des  doctrines  analogues  à  celles  de 
Kûnzer.  Il  revint  à  Wittemberg,  s'humilia  auprès 
de  Luther.  Celui-ci  intercéda  en  sa  £aveur  et  ob«- 
tint  de  l'Électeur  que  Carlostad  pût,  selon  son 
désir,  s'établir  comme  laboureur  à  Kemberg. 

•  Le  pauvre  homme  me  tait  beaucoup  de  peine, 
et  votre  Grâce  sait  qu'on  doit  être  clément  envers 
les  malheureux,  surtout  quand  ils  sont  ianocens.* 
(12  septembre  1525.) 

Le  22  novembre  1526,  il  écrit  encore  :  «...  Le 
docteur  Carlostad  m'a  vivement  prié  d'intercéder 
auprès  de  votre  Grâce  pour  qu'il  lui  fût  accordé 
d'habiter  la  ville  de  Kemberg;  la  malice  des  pay- 

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DS  LUTHim.  211 

I  lui  rend  pénible  le  séjour  d'un  village.  Or, 
connue  il  s'est  tenu  tranquille  jusqu'à  présent,  et 
que  d'ailleurs  le  prévôt  de  Kemberg  le  pourrait 
bien  surveiller,  je  prie  humblement. votre  Grâce 
électorale  de  lui  accorder  sa  demande,  quoique 
votre  Grâce  ait  déjà  fait  beaucoup  pour  lui  et 
qu'elle  se  soit  même  attiré  à  son  sujet  des  soup- 
çons et  des  calomnies.  Mais  Dieu  vous  le  rendra 
d'autant  plus  abondamment.  G'està  lui  desonser 
ausalut  deson  âme,  cela  le  regarde:  pour  cequi  est 
du  corps  et  de  la  subsistance,  nous  devons  le  bien 
traiter  ■ 

«A  tou»  les  chers  chrétiens  qui  le  présent  écrit 
verront ,  grâce  et  paix  de  Dieu  notre  père  et  de 
notre  Seigneur  Jésus-Christ.  Le  docteur  Martin 
LirraiB.  Le  docteur  Andréas  Garlostad  vient  de 
m'envoyerun  petit  livrepar  lequel  il  se  disculpe 
d'avoir  été  l'un  des  chefs  des  rebelles,  et  il  me 
prie  instamment  de  fidre  imprimer  cet  écrit  pour 
sauver  l'honneur  à6  son  nom  et  peut-être  même 
sa  vie  qui  se  trouve  en  péril ,  par  suite  de  la  pré- 
cipitation avec  laquelle  on  jugerait  les  accusés. 
En  effet  le  bruit  court  que  l'on  va  procéder  rapi- 
dement contre  beaucoup  de  pauvres  gens,  et  par 
pure  colère  eiiéculer  les  innocens  avec  les  coupa- 
bles, sana  les  avoir  entendus  ni  convaincus;  et  je 

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212  xiaoïais 

crains  Inen queles lâches  tyrans,  qui,  aupàrayanl 
tremblaient  au  bruit  d'une  feuille,  ne  s'enhardis- 
sent maintenant  à  assouvir  leur  mauvais  vouloir , 
jusqu'à  ce  que ,  au  jour  marqué,  Dieu  les  jette 
bas,  à  leur  tour. 

»  Or,  quoique  le  docteur  Cariostad  soit  mon 
plus  grand  ennemi  dans  des  questionsde  doctrine, 
et  qu'il  n'y  ait  pas  de  réconciliation  à  espérer  en- 
tre nous  sur  ces  points,  la  confiasioeavec  laquelle 
il  s'adresse  à  moi  dans  ses  alarmes,  plutôt  qu'à 
ses  anciens  amis  qui  ranimaient  autrefois  oofitre 
moi ,  cette  confiance  ne  sera  point  trompée,  et  je 
lui  rendrai  volontiers  ce  service,  ainsi  que  d'au- 
tres s'il  y  a  lieu  • 

Luther  exprime  l'espoir,  que,  par  la  grâce  de 
Dieu ,  tout  pourra  encore  bien  tourner  pour  Car- 
lostad  1  et  qu'il  finira  par  renoncer  à  ses  erreurs 
touchant  le  sacrement.  En  même  temps  il  se  dé- 
fend contre  ceux  qui  croiraient  qu'en  fiiisant 
cette  démarche,  il  cède  en  quoi  que  ce  soit  sur 
les  points  de  doctrine.  Quant  à  ceux  qui  l'accuse- 
raient d'un  excès  de  crédulité,  il  leur  .r^ond  : 
«Qu'il  ne  lui  convient  ni  à  lui  ni  à  personne  de 
juger  le  cœur  d'autrui.  La  charité  n'est  pas  soup- 
çonneuse ,  dit  saint  Paul ,  et  ailleurs  :  La  charité 
eroit  et  confie  tout.  » 

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ici  donc  mon  opinion  :  tant  que  le  docteur 
ad  s'offre  à  se  £edre  juger  selon  le  droit ,  et 
tir  ce  qui  est  juste  au  cas  où  il  serait  con* 

d'avoir  pris  part  à  la  rébellion,  je  dois 
r  foi  à  son  liTre  et  à  son  dire ,  quoique  moi- 

auparavant  je  fusse  disposé  à  le  croire 
,  lui  et  les  siens,  d*un  esprit  séditieux. Mais 
snt  je  dois  aidera  ce  qu'il  obtienne  l'en* 
{u'ildésire^» 

\  ce  qui  suit ,  Luther  attribue ,  en  grande 
ce  qui  est  arrivé  à  la  violence  avec  laquelle 
Qces  et  les  évêques  se  sont  opposés  à  Vin* 
tion  religieuse.  «  De  là  parmi  le  peuple 
iireur  qui  naturellement  ne  cessera  point 
{ue  les  tyrans  ne  soient  dans  la  boue;  car 
«es  ne  peuv.ent  durer  quand  un  maître  ne 
l'inspirer  la  crainte,  au  lieu  de  se  &ire 

^n,  laissons  plutôt  notre  prétraille  et  nos 
»ux ,  fermer  l'oreille  aux  avertissemens  ; 
aillent,  qu'ils  aillent,  qu'ils  continuent 
ser  l'Évangile  du  mal  qu'ils  ont  mérité , 
disent  toujours:  Je  m'en  moque.  Tout-à- 
»  il  eu  viendra  un  Autre  qui  leur  irépon- 
•  Je  veux  que  dans  quelque  temps  il  ne 
9US  le  ciel  ni  prince  ni  évéque.  »  Laissez-les 


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2  i  4  MEMOIRES 

donc  faire;  ils  ne  tarderont  pas  à  trouver  ce  qa'ils 
cherchent  depuis  si  long*temps  ;  la  chose  est  en 
train.  Dieu  yenille  encore  qu'ils  se  conTertissent  à 
temps  !  Amen. 

»  Je  prie  en  conséquence  les  nobles  et  les  éyé» 
ques  et  tout  le  monde ,  de  laisser  se  défendre  le 
docteur  Garlostad  qui  assure  si  solennellement 
pouvoir  se  justifier  de  toute  rébellion ,  de  peur 
que  Dieu  ne  soit  tenté  davantage ,  et  que  la  co* 
1ère  du  peuple  ne  devienne  plus  violente  et  plus 
juste....  Il  n'a  jamais  menti  celui  qui  a  promis 
d'entendre  les  cris  des  opprimés ,  et  ce  n'est  noa 
plus  la  puissance  qui  lui  manque  pour  punir.  Que 
Dieu  nous  accorde  sa  grâce.  Amen.»  (1525). 

«L'Allemagne  est  perdue,  j'en  ai  peur.  Il  &ut 
bien  qu'elle  périsse  puisque  les  princes  ne  veu- 
lent employer  que  Tépée.  Ah  !  ils  croient  qu'on 
peut  ainsi  arracher ,  poil  à  poil ,  la  barbe  du  bon 
Dieu  ;  il  le  leur  rendra  sur  la  face.  »  (1526). 

«L'esprit  de  ces  tyrans  est  impuissant,  lâche, 
étranger  à  toute  pensée  honnête.  Us  sont  dignes 
d'être  les  esclaves  du  peuple.  Mais  par  la  grâce 
de  Christ,  je  suis  assez  vengé  par  le  mépris  que 
j'ai  pour  eux  et  pour  Satan ,  leur  dieu.  ■  (  Fin  de 
décembre  1525). 


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DE    LUTHER.  215 


CHAPITRE  IV. 


1524— lits?. 


AUMjoes  des  rationalUtei  contre  Lather  —  Zwiagli , 
Bucer  «etc.  —  Erasme» 


Pendant  cette  terrible  tragédie  de  la  guerre 
des  paysans,  la  guerre  théologique  continuait 
contre  Luther.  Les  réformateurs  de  la  Suisse  et 
du  Rhin ,  Zwingli ,  Bucer ,  OËcolampade ,  parta- 
geaient les  principes  théologiques  de  Garlostad  ; 
ils  n'en  différaient  guère  que  par  leur  soumission 
à  Tantorité  civile.  Aucun  d'eux  ne  voulait  rester 
dans  les  bornes  que  Luther  prétendait  imposera 
h  Réforme.  Durs  et  froids  logiciens,  ike&çaient 

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216  MÉMOIESS 

chaque  jour  ce  qu'il  essayait  de  sauver,  de  la 
vieille  poésie  chrétienne.  Moins  hardi ,  et  plus 
dangereux  encore,  le  roi  des  gens  de  lettres  ,  le 
froid  et  ingénieux  Érasme  lui  portait  des  coups 
plus  terribles. 

Pendant  long-temps,  Zivingli  et  Bucer  (  1  ) ,  esprits 
politiques,  essayèrent  de  sauver  à  tout  prix  l'ap- 
parente unité  du  protestantisme.  Bucer,  le  grand 
archiiecte  de$  êubiHùés  (Bossuet)  dissimula  quel- 
que temps  ses  opinions  aux  yeux  de  Luther  et  se 
fit  même  le  traducteur  de  ses  ouvrages  allemands. 
•  Personne,  dit  Luther,  personne  n'a  traduit  en 
latin  mes  ouvrages  avec  plus  d'habileté  et  d'exac- 
titude que  maître  Bucer.  Il  n'y  mêle  rien  de  ses 
folies  relativement  au  sacrement.  Si  je  voulais 
montrer  mon  cœur  et  ma  pensée  avec  des  mots, 
je  ne  pourrais  pas  mieux  faire.  « 


(i)  he»  énidita  du  seizième  siècle  tradaisaient  ordinai- 
rement en  grec  leur  nom  propre.  Ainsi  Kuhhorn  (cortiede 
vache)  avait  changé  son  nom  en  celui  de  Bucer,  Haus- 
chein  (lumière  domestique)  se  fit  appeler  OEcolampade, 
Didier  (  de  desiderium ,  désir  )  Erasme ,  Schwarc-Erde 
(terre  noire)  Melanchton ,  etc.  Luther  et  Zwingli,  les 
deux  réformateurs  populaires,  gardent  seuls  le  nom  qn^ils 
ont  reçu,  dans  la  langue  vnlguire. 


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Dl  LUTHKR.  217 

Ailleurs  il  semble  s'être  aperça  de  Tinfidélité 
de  la  traduction.  Le  IS  septembre  1637,  il  éorit 
à  on  imprimeur,  que  Bucer  en  traduisant  ses  ou- 
vrages en  latin,  ayait  altéré  certains  passages  de 
mamère  à  lui  fhire  dire  ce  qu'il  ne  pensait  pas. 
«  C'est  ainsi  que  nous  avons  rendu  les  Pères  hé- 
rétiques. »  Et  il  le  prie,  s'il  réimprime  le  volume 
oà  se  trouvent  leschangemens  de  Bucer,  défaire 
lui-même  une  préface  pour  avertir  le  lecteur. 
En  1527,  Lutber  écrivit  contre  Zwingli  et  0£co- 
lampade  un  livre  où  il  les  appelait  nouveaux 
wiclefistes  et  déclarait  leurs  opinions  dangereu- 
ses et  sacrilèges. 

Enfin,  en  1528,  il  disait  :  •  Je  connais  asseï 
et  plus  qu'assez  l'iniquité  de  Bucer ,  pour  ne  pas 
m'étonner  qu'il  tourne  contre  moi  ce  que  j'ai 
écrit  pour  le  sacrement...  Que  le  Christ  te  garde, 
toi  qui  vis  au  milieu  de  ces  bêtes  féroces,  de  ces 
▼ipères,  de  ces  lionnes,  de  ces  panthères,  avec 
presque  plus  de  danger  que  Daniel  dans  la  fosse 
aux  lions.* 

«  Je  crois  Zwingli  bien  digne  d'une  sainte 
haine,  pour  sa  téméraire  et  criminelle  manière 
de  traiter  la  parole  de  Bien.  >  (27  octobre  1527.) 
^  •  Quel  homme  que  ce  ZwingU,  si  ignorant 
dans  la  grammaire  et  la  dialectique  pour  ne  rien 

10 

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218  HiMOIRES 

dire  des  autres  sciences!  »  (28  noyembre  IWJ.) 
Dans  un  second  outrage  qu'il  publia  contre 
eux  en  1528,  il  dit  :  «  Je  rejette  et  condamne 
comme  pure  erreur  toute  doctrine  qui  parle  du 
libre  arbitre.  »  C'était  là  sa  grande  querelle  avec 
Érasme.  Elle  avait  commencé  dès  l'année  1525 , 
où  Erasme  publia  son  livre  De  liberoarbitrio;  jus- 
qu'alors ils  avaient  été  en  relations  amicales. 
Érasme  avait  plusieurs  fois  pris  la  défense  de  Lu- 
ther, et  celui-ci  en  retour  consentait  à  respecter 
la  neutralité  d'Érasme.  La  lettre  suivante  montre 
que  Luther  croyait  en  1524  avoir  besoin  de  gar* 
der  encore  quelques  ménagemens. 

€  Voilà  asseï  long-temps  que  je  me  tais,  cher 
Érasme  ;  et  quoique  j'attendisse  que  toi ,  le  pre- 
mier et  le  plus  grand  des  deux ,  tu  rompisses  le  si- 
lence ,  j'ai  cru  que  la  charité  même  m'ordonnait  de 
commencer.  D'abord  je  ne  te  reproche  pas  d'être 
resté  éloigné  de  nous ,  de  crainte  d'embarrasser 
la  cause  que  tu  soutenais  contre  nos  ennemis ,  les 
papistes.  Enfin ,  je  ne  me  suis  pas  autrement  fôché 
de  ce  que,  dans  les  livres  que  tu  as  publiés  en 
plusieurs  endroits  pour  capter  leur  faveur  ou 
adoucir  leur  furie,  tu  nous  as  harcelés  de  quel- 
ques morsures  et  piqûres  assez  vives.  Nous  voyons 
que  le  Seigneur  ne  t'a  pas  donné  encore  l'éner- 

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DB    CVTHBE.  219 

gie  ou  le  sens  qu'il  faudrait,  pour  attaquer  ces 
monstres  librement  et  courageusement,  et  nous 
ne  sommes  pas  gens  à  exiger  de  toi  ce  qui  est  au- 
dessus  de  tes  forces.  Nous  avons  respecté  en  toi 
ta  fiedblesse  et  la  mesure  du  don  de  Dieu.  Le  monde 
entier  ne  peut  nier  que  tu  n'aies  fait  fleurir  les 
lettres,  par  où  Ton  arrive  à  la  véritable  intelli- 
gence des  Écritures,  et  que  ce  don  de  Dieu  ne 
soit  en  toi  magnifique  et  admirable;  c'est  de  quoi 
il  iaut  rendre  grâce.  Aussi,  n'ai-je  jamais  désiré 
de  te  voir  sortir  de  la  mesure  où  tu  te  tiens  pour 
entrer  dans  notre  camp  ;  tu  y  rendrais  de  grands 
lerrices  sans  doute  par  ton  tal  ent  et  ton  éloquence  ; 
mais,  puisque  le  cœur  fait  défaut,  mieux  vaut 
servir  dans  ce  que  Dieu  t'a  donné.  On  craignait 
seulement  que  tu  ne  te  laissasses  entraîner  par 
nos  adversaires  à  attaquer  nos  dogmes  dans  des 
livres,  et  alors  j'aurais  été  contraint  de  te  résister 
en  face.  Nous  avons  apaisé  quelques-uns  des  nô- 
tres qui  avaient  préparé  des  livres  pour  te  traîner 
dans  l'arène.  C'est  pour  cette  raison  que  je  n'au- 
rais pas  voulu  voir  publier  VEspostulatio  d'Hut- 
ten,  et  encore  moins  ton  Éponge  d'Hutten,  Tu  as 
pu,  dans  cette  dernière  circonstance,  sentir  par 
toi-même  combien  il  est  aisé  d'écrire  sur  la  mo- 
dération ,  et  d'accuser  l'emportement  de  Luther, 

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^20  uiHOl&ES 

mab  difficile ,  impossible  de  pratiquer  ces  leçons, 
sinon  par  un  don  singulier  de  l'esprit.  Crois-le 
donc,  ou  ne  le  crois  pas,  le  Christ  m'est  témoin 
que  je  te  plains  du  fond  de  l'âme,  à  Toir  tant  de 
haines  et  de  passions  irritées  contre  toi ,  desquel- 
les je  ne  puis  croire  (ta  yertuest  humaine  et  trop 
feible  pour  des  tels  orages)  que  tu  ne  ressentes 
aucune  émotion.  Cependant  peut-être  les  nôtres 
sont  poussés  par  un  zèle  légitime;  il  leur  semble 
que  tu  les  as  indignement  provoqués...  Pour  moi, 
quoique  irritable  et  souvent  entraîné  par  la  colère 
à  écrire  avec  amertume,  je  ne  Tai  jamais  fait  qu'à 
regard  des  opiniâtres.  Cette  clémence  et  cette 
douceur  envers  les  pécheurs  et  les  impies ,  quel- 
que insensés  et  iniques  qu'ils  puissent  être ,  ma 
conscience  m'en  rend  témoignage,  et  je  puis  en 
appeler  à  l'expérience  de  bien  des  gens.  De  même 
j'ai  retenu  ma  plume,  malgré  tes  piqûres,  jai 
promis  de  la  retenir,  jusqu'à  ce  que  tu  te  fusses 
ouvertement  déclaré.  Car,  quels  que  soient  nos 
dissentimens,  avec  quelque  impiété  ou  quelque 
dissimulation  qne  tu  exprimes  ta  désapprobation 
ou  tes  doutes  sur  les  points  les  plus  importans  de 
la  religion ,  je  ne  puis  ni  ne  veux  t'accuser  d'en- 
tctement.  Mais  que  &ire  maintenant  ?  Des  deux 
côtés  les  choses  sont  très  envenimées.  Moi ,  je  vou- 


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DB   LUTHIB.  221 

draîfl,  si  je  poavais  servir  de  médiateur,  qu'ils 
cessassent  de  t'attaquer  avec  tant  de  furie ,  et  lais- 
sassent ta  yieillesse  s'endormir  en  paix  dans  le 
Seigneur.  Ils  le  feraient,  je  pense,  s'ils  considé- 
raient ta  faiblesse,  et  s'ils  appréciaient  la  grandeur 
de  cette  cause  qui  a  depuis  long-temps  dépassé 
ta  petite  mesure.  Les  choses  en  sont  Tenues  à  ce 
point  qu'il  n'y  a  guère  de  péril  à  craindre  pour 
notre  cause ,  lors  même  qu'Érasme  réunirait  con- 
tre nous  toutes  ses  forces...  Toutefois  il  y  a  bien 
quelque  raison,  pour  que  les  nôtres  supportent 
mal  tes  attaques;  c'est  que  la  faiblesse  humaine 
s'inquiète  et  s'efiraie  de  l'autorité  et  du  nom  d'É- 
rasme; être  mordu  d'Érasme  une  seule  fois,  c'est 
tout  autre  chose  que  d'être  en  butte  aux  attaques 
de  tous  les  papistes  conjurés.  Je  voulais  te  dire 
tout  cela,  cher  Érasme ,  en  preuve  de  ma  can- 
deur ,  et  parce  que  je  désire  que  le  Seigneur  t'en- 
voie un  esprit  digne  de  ton  nom.  Si  cela  tarde , 
je  demande  de  toi,  que  du  moins,  tu  restes  speo- 
tateurde  notre  tragédie.  Ne  joins  pas  tes  forces  à 
nos  adversaires;  ne  publie  pas  de  livres  contre  moi, 
et  je  n'en  publierai  pascontretoi.Quant  àceuxqui 
se  plaignent  d'être  attaqués  au  nom  de  Luther, 
souviens-toi  que  ce  sont  des  hommes  semblables 
à  toi  et  à  moi ,  auxquels  il  faut  accorder  indul- 

10. 

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222  MÉMOIKBS 

genceet  pardon,  et  que,  comme  dit  saint  Paul, 
il  nous  faut  porter  le  fardeau  les  uns  des  autres. 
C'est  assez  de  se  mordre ,  il  faut  songer  à  ne  pas 
nous  dévorer  les  uns  les  autres...»  (  Avril  1524.) 

A  Borner.  «  Érasme  en  sait  moins  sur  la  prédes- 
tination ,  que  n'en  avaient  jamais  su  les  sophistes 
de  rÉcole.  Érasme  n'est  pas  redoutable  sur  cette 
matière ,  non  plus  que  dans  toutes  les  choses  chré- 
tiennes. 

»  Je  ne  provoquerai  pas  Érasme,  et  même,  s^il 
me  provoque  une  fois,  deux  fois,  je  ne  riposterai 
pas.  Il  n'est  pas  sage  à  lui  de  préparer  contre  moi 
les  forces  de  son  éloquence...  Je  me  présenterai 
avec  confiance  devant  le  très  éloquent  Érasme , 
tout  bégayant  que  je  suis  en  comparaison  de  lui; 
je  ne  me  soucie  point  de  son  crédit,  de  son  nom, 
de  sa  réputation.  Je  ne  me  fâche  pas  contre  Mosel- 
lanus  de  ce  qu'il  s'attache  à  Érasme  plutôt  qu'à 
moi.  Dis-lui  même  qu'il  soit  érasmien  de  toute  sa 
force.»  (28 mai  1522.) 

Ces  ménagemens  ne  pouvaient  durer.  La  pu- 
blication du  De  lihero  arbitrio,  fut  une  déclara- 
tion de  guerre.  Luther  reconnut  que  la  véritable 
question  venait  d'être  enfin  posée.  «  Ce  que  j'es- 
time ,  ce  que  je  loue  en  toi ,  c'est  que  seul  tu  as 
touché  le  fond  de  Tafiaire,  et  ce  qui  est  letout  des 

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Al.  LDTHIB.  223 

chofles;  je  yeux  dire  :  le  libre  arbitre.  Toi»  tu  ne 
me  fatigues  pas  de  querelles  étrangères ,  de  pa- 
pauté, de  purgatoire ,  d'indulgences  et  autres  fa- 
daises, pour  lesquelles  ilsm*ont  relancé.  Seul,  tu 
as  saisi  le  nœud,  tu  as  frappé  à  la  gorge.  Merci, 
Érasme  !...  > 

«Il  estirréligieux,  dis-tu, il estsuperflu, de  pure 
curiosité,  de  savoir  si  Dieu  est  doué  de  prescience, 
si  notre  volonté  agit  dans  ce  qui  touche  le  salut 
étemel,  ou  seulement  souffre  Faction  de  la  grâce; 
si  ce  que  nous  faisons  de  bien  ou  de  mal ,  nous  le 
faisons  ou  le  souffrons!...  Grand  Dieu,  qu'y  aura- 
t-il  donc  de  religieux,  de  grave,  d'utile  ?  Érasme, 
Érasme ,  il  est  difficile  d'alléguer  ici  Fignorance. 
Un  homme  de  ton  âge ,  qui  vit  au  milieu  du  peu- 
ple chrétien,  et  qui  a  long-temps  médité  l'Écri- 
ture !  il  n'y  a  pas  moyen  de  t'excuser ,  ni  de  bien 
penser  de  toi...  Eh  quoi!  vous ,  théologien,  vous, 
docteur  des  chrétiens,  vous  ne  restez  pas  même 
dans  votre  scepticisme  ordinaire,  vous  décidez  que 
ces  choses  n'ont  rien  de  nécessaire,  sans  lesquelles 
il  n'y  a  plus  ni  Dieu,  ni  Christ,  ni  Évangile,  ni  foi, 
rien  qui  subsiste,  je  ne  dis  pas  du  christianisme, 
mais  du  judaïsme!  » 

Mais  Luther  a  beau  être  fort,  éloquent,  il  ne 
peut  briser  les  liens  qui  l'enserrent!  «  Pourquoi , 

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224  MiHOiAis 

dit  Érasme,  Dieu  ne  change-t-il  paB  leyice  de  no- 
tre volonté,  paùqu'elle  n'est  pas  en  notre  pou- 
Toir;ou  pourquoi  nous  Timpute-t-il ,  puisque  ce 
yice  de  la  volonté  est  inhérent  à  l'homme  ?..  Le 
vase  dit  au  potier  :  Pourquoi  m'avez-Tons  fiiit 
pour  le  feu  étemel?...  Si  l'homme  n'est  pas  libre, 
que  signifient  pr^c6p/9^  action,  récompens»,  enfin 
toute  la  langue?  Pourquoi  ces  mots:  Convertissez- 
vous ,  etc.  » 

Luther  est  fort  embarrassé  de  répondre  à  tout 
cela  :  «  Dieu  vous  parle  ainsi,  dit  il,  seulement 
pour  nous  convaincre  que  nous  sommes  impuis- 
sans  si  nous  n'implorons  le  secours  de  Dieu.  Satan 
dit  :  Tu  peux  agir.  Moïse  dit:  Agis;  pour  nous  con- 
vaincre contre  Satan  que  nous  ne  pouvons  agir.» 
Réponse,  ce  semble^  ridicule  et  cruelle;  c'est  lier 
les  gens  pour  leur  dire,  marchez,  et  les  frapper 
chaque  fois  qu'ils  tombent.  Reculant  devant  Jes 
conséquences  qa'Érasme  tire  ou  laisse  entrevoir, 
Luther  rejette  tout  système  d'interprétation  de 
l'Écriture ,  et  lui-même  se  trouve  forcé  d'y  recou- 
rir pour  échapper  aux  conclusions  de  son  adver- 
saire. C'est  ainsi ,  par  exemple ,  qu'il  explique  le 
Indurabo  cor  Pharaonù:  «  En  nous,  c'estp^-dire 
par  nous,  Dieu  Ceiît  mal,  non  par  sa  faute,  mais 
par  suite  de  nos  vices;  car  nous  sommes  pécbeui& 

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DB   LVTHBR.  226 

par  nature,  tandis  que  Dieu  ne  peutÊdre  que  le 
bien.  £n  yertu  de  sa  toute-puissance,  il  nous  en- 
traine dans  son  action,  mais  il  ne  peut  faire,  quoi- 
qu'il soitlebien  même,  qu'un  mauTaîs instrument 
ne  produise  pas  le  mal.  » 

Ce  dut  être  une  grande  joie  pour  Érasme,  de 
Toir  l'ennemi  triomphant  de  la  papauté  s'agiter 
douloureusement  sous  les  coups  qu'il  lui  portait, 
et  saisir  pour  le  combattre  une  arme  si  dangereuse 
à  celui  qui  la  tient.  Plus  Luther  se  débat,  plus  il 
prend  avantage ,  plus  il  s'enfonce  dans  sa  victoire, 
et  plus  il  plonge  dans  l'immoralité  et  le  fatalisme , 
au  point  d'être  contraint  d'admettre  que  Judas 
devait  nécessairement  trahir  le  Christ.  Aussi  Lu- 
ther garda  un  long  souvenir  de  cette  querelle.  Il 
ne  se  fit  point  illusion  sur  son  triomphe;  la  so- 
lution du  terrible  problème  ne  se  trouvait  point, 
il  le  sentait,  dans  son  De  iervo  arbiirio,  et  jus- 
qu'à son  dernier  jour  le  nom  de  celui  qui  l'avait 
poussé  jusqu'aux  plus  immorales  conséquences 
de  la  doctrine  de  la  grâce ,  se  mêle  dans  ses  écrits 
et  dans  ses  discours  aux  malédictions  contre  les 
blasphémateurs  du  Christ. 

Il  s'indignait  surtout  de  l'apparente  modéra- 
tion d'Érasme,  qui  n'osant  attaquer  à  sa  base 
rédifice  du  christianisme ,  semblait  vouloir  le  dé- 

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226  MÉMOIRSS 

truire  lentement,  pierre  à  pierre.  Ces  détours, 
cette  conduite  équivoque,  n^allaient  point  à 
rénergie  de  Luther.  «  Érasme,  dit-il,  ce  roi 
amphibole  qui  siège  tranquille  sur  le  trône  de 
Taraphibologie ,  nous  abusé  par  ses  paroles  am- 
biguës ,  et  bat  des  mains  quand  il  nous  voit  enla- 
cés dans  ses  insidieuses  figures ,  comme  une  proie  / 
tombée  dans  ses  rets.  Trouvant  alors  une  occa- 
sion pour  sa  rhétorique,  il  tombe  sur  nous  à 
grands  cris,  déchirant,  flagellant,  crucifiant,  nous 
jetant  tout  l'enfer  à  la  tète,  parce  qu'on  a  com- 
pris, dit-il,  d'une  manière  calomnieuse,  infâme 
et  satanique ,  des  paroles  qu'il  voulait  cependant 
que  l'on  comprit  ainsi...  Voyez-le  s'avancer  en 
rampant  comme  une  vipère  pour  tenter  les  âmes 
simples,  comme  le  serpent  qui  sollicita  Eve  au 
doute  et  lui  rendit  suspects  les  préceptes  de 
Dieu.  »  Cette  querelle  causa  à  Luther,  quoi  qu'il 
en  dise,  tant  d'embarras  et  de  tourmens,  qu'il 
finit  par  refuser  le  combat,  et  qu'il  empêcha  ses 
amis  de  répondre  pour  lui.  «  Quand  je  me  bats 
contre  de  la  boue,  vainqueur  ou  vaincu,  je  suis 
toujours  sali  (1).  > 

(i)  Hoc|8cio  pro  certo ,  quod ,  si  cum  stercore  certo, 
Vinco  vel  vincor,  sempercgo  maculor. 

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DB  LUTHBR.  227 

«  Je  ne  Toudrais  pas,  écrit-il  à  son  fils  Jean, 
recevoir  dix  mille  florins,  et  me  trouver  devant 
notre  Seigneur ,  dans  le  péril  où  sera  Jérôme ,  en- 
core moins  dans  celui  d'Érasme. 

>  Si  je  reprends  de  la  santé  et  de  la  force,  je 
veux  pleinement  et  librement  confesser  mon 
Dieu  contre  Érasme.  Je  ne  veux  pas  vendre 
mon  cher  petit  Jésus.  J'avance  tous  les  jours 
vers  le  tombeau  ;  c'est  pourquoi  je  veux  aupa- 
ravant confesser  mon  Dieu  à  pleine  bouche  et 
lans  mettre  une  feuille  devant.  —  Jusqu'ici  j'ai 
hésité,  je  me  disais  :  Si  tu  le  tues,  qu'arrivera- 
t-il  ?  J'ai  tué  Mûnzer  dont  la  mort  me  pèse  sur  le 
col.  Mais  je  l'ai  tué,  parce  qu'il  voulait  tuer  mon 
Christ.  > 

Au  jour  de  la  Trinité,  le  docteur  Martin  Lu- 
ther dit  :  «  Je  vous  prie,  vous  tous,  pour  qui 
l'honneur  de  Christ  et  l'Évangile  est  une  chose 
sérieuse,  que  vous  veuillez  être  ennemis  d'É- 
rasme... » 

Un  jour  le  docteur  Luther  dit  au  docteur  Jo- 
nas  et  au  docteur  Pomeranus,  avec  on  grand  et 
sérieux  zèle  de  cœur  :  «  Je  vous  recommande 
comme  ma  dernière  volonté  d'être  terrible  pour 
ce  serpent....  Dès  que  je  reviendrai  en  santé ,  je 
veox  avec  l'aide  de  Dieu,  écrire  contre  lui,  et  le 


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228  kAmoiris 

tuer.  Nous  avoiu  souffert  qu'il  se  moquât  de  nous 
et  nous  prit  à  la  gorge,  mais  aujourd'hui  qu'il 
en  veut  faire  autant  au  Christ,  nous  voulons 
nous  mettre  contre  lui...  Il  est  rrai  qu'écraser 
Érasme ,  c'est  écraser  une  punaise ,  mais  mon 
Christ  dont  il  se  moque  m'importe  plus  que  le 
péril  d'Érasme. 

■  Si  je  vis,  je  veux  avec  l'aide  de  Dieu,  purger 
l'Église  de  son  ordure.  C'est  lui  qui  a  semé  et  fait 
naitre  Crotus,  Egranus,  Witieln,  OEcolampade, 
Campanus  et  d'autres  visionnaires  ou  épicuriens. 
Je  ne  veux  plus  le  reconnaître  dans  l'Église,  qu'on 
le  sache  hien.  » 

Luther  dit  un  jour  en  voyant  le  portrait  d'É- 
rasme. «  Érasme ,  comme  sa  figure  le  montre ,  est 
un  homme  plein  de  ruse  et  de  malice,  qui  s'est 
moqué  de  Dieu  et  de  la  religion.  Il  emploie 
de  belles  paroles:  «  le  cher  Seigneur  Christ,  la 
parole  de  salut,  les  saints  sacremens,  •  mais  il 
tient  la  vérité  pour  une  très  froide  chose.  S'il 
prêche ,  cela  sonne  faux ,  comme  un  vase  fêlé.  Il 
a  attaqué  la  papauté,  et  maintenant  il  tire  sa  tête 
du  lac.  » 


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DB    LUTBBB.  229 


CHAPITRE  V. 


1836—1590. 


lage  de  Luther.  Paurretë.  Découragement.  AbendoB. 
Maladie-  Croyance  à  la  fin  du  monde. 


ne  la  plus  ferme  aurait  eu  peine  à  rëtifl* 
tant  de  secousses;  celle  de  Luther  faiblit 
ornent  après  la  crise  de  Tannée  1K25.  Son 
irait  changé,  et  de  la  manière  la  plus  triste. 
[>sition  d'Érasme  signalait  l'éloignement 
)ns  de  lettres  qui,  d'abord,  avaient  servi  si 
mment  la  cause  de  Luther.  Il  avait  laissé 
^ponse  sérieuse  le  livre  De  lihero  arbùrio.Le 
novateur,  le  chef  du  peuple  contre  Rome, 
vu  dépassé  par  le  peuple ,  maudit  du  peu- 

11 


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230  uÉKOiass 

pie,  dans  la  £^acrre  des  paysans.  Il  ne  faut  pas 
s'étonner  du  découragement  qui  s'empara  de  lui 
à  cette  époqne.  Dans  cet  affaiblissement  de  l'es- 
prit ,  la  chair  redevint  forte;  il  se  maria.  Les  deux 
ou  trois  ans  qui  suivent ,  sont  une  sorte  d'éclipsé 
pour  Luther;  nous  le  voyons  généralement  pré- 
occupé de  soins  matériels,  qui  ne  peuvent  rem- 
plir le  vide  qu'il  éprouve.  Enfin  il  succombe; 
une  grande  crise  physique  marque  la  fin  de  cette 
période  d'atonie.  Il  est  réveillé  de  sa  léthargie 
parle  danger  de  l'Allemagne  envahie  par  Soliman 
(1529), et  menacée  par  Charles-Quint  dans  sa  li- 
berté et  sa  foi  à  la  diète  d'Augsbourg  (15S0). 

«  Puisque  Dieu  a  créé  la  femme  telle  qu'elle 
doit  nécessairement  être  auprès  de  l'homme, 
n^en  demandons  pas  davantage,  Dieu  est  de  nôtre 
côté.  Honorons  donc  le  mariage  comme  chose 
honorable  et  divine. 
»  Ce  genre  de  vie  est  'le  premier  qui  ait  plu  à 
Dieu,  c'est  celui  qu'il  a  perpétuellement  main- 
tenu, c'est  le  dernier  qu'il  glorifiera  sur  tout 
autre.  Oii  étaient  les  royaumes  et  les  empires, 
lorsque  Adam  et  les  patriarches  vivaient  dans 
le  mariage?  —  De  quel  autre  genre  de  vie  dérive 
l'empire  sur  toutes  choses?  Quoique  par  la  ma- 
lice des  hommes  les  magistrats  aient  été  obligés 


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DB   LUTHKB.  281 

arper  en  grande  partie,  et  que  le  mariage 
îvenn  un  empire  de  guerre ,  tandis  que 
riage,  dans  sa  pureté  et  sa  simplicité  est 
re  de  la  paix.  >  (17  janvier  1525.) 
1  m'écris,  mon  cher  Spalatin,  que  tu  veux 
onner  la  cour  et  ton  office...  Mon  avis  est 
L  restes,  à  moins  que  tu  ne  partes  pour  te 
r...  Pour  moi,  je  suis  dans  la  main  de  Dieu , 
e  une  créature  dont  il  peut  changer  et  re- 
er  le  cœur,  qu'il  peut  tuer  ou  vivifier,  à 
nstant  et  à  toute  heure.  Cependant  dans 
où  a  toujours  été  et  où  est  encore  mon 
je  ne  prendrai  point  de  fenune,  non  que 
sente  ma  chair  et  mon  sexe,  je  ne  suis  ni 
is  ni  de  pierre,  mais  mon  esprit  n'est  pas 
3  au  mariage,  lorsque  j'attends  chaque  jour 
rt  et  le  supplice  des  hérétiques.  »  (30  no- 
pe  1524.  ) 

e  t'étonne  pas  que  je  ne  me  marie  point , 
c  famosus  sum  amator.  Il  faut  plutôt  s'éton- 
ue  moi,  qui  écris  tant  sur  le  mariage, 
i  suis  sans  cesse  mêlé  aux  femmes,  je  ne 
IS  devenu  femme  depuis  long^temps ,  sans 
*  de  ce  que  je  n'en  aie  épousé  aucune.  Ge- 
int, si  tu  veux  te  régler  sur  mon  exemple,  en 
un  hien  puissant.  J*ai  eu  jusqu'à  trois  épou- 


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232  tf£tfOIBB6 

ses  en  même  temps,  et  je  lésai  aimées  si  fort  que  j^en 
ai  perda  deux  qui  vont  prendre  d'autres  époux. 
Pour  la  troisième,  je  la  retiens  à  peine  de  la  main 
gauche,  et  elle  ya  s'échapper.  ■  (16  avril  1525.) 

A  Amsdorf.  •  J'espère  vivre  encore  quelque 
temps,  et  je  n'ai  point  voulu  refuser  de  donner 
à  mon  père  l'espoir  d'une  postérité.  Je  veux  d'ail- 
leurs (aire  moi-même  ce  que  j'ai  enseigné,  puis- 
que tant  d'autres  se  sont  montrés  pusillanimes 
pour  pratiquer  ce  qui  est  si  clairement  dit  dans 
l'Évangile.  C'est  la  volonté  de  Dieu  que  je  suis;  je 
n'ai  point  pour  ma  femme  un  amour  brûlant,  dé- 
sordonné, mais  seulement  de  l'affection.  >  (21  juin 
1525.) 

Celle  qu'il  épousa  était  une  jeune  fille  noble , 
échappée  du  couvent,  âgée  de  vingt-quatre  ans 
et  remarquablement  belle;  elle  se  nommait  Ca- 
therine de  Bora;  il  paraît  qu'elle  avait  aimé  d'a- 
bord Jérôme  Baumgartner,  jeune  savant  de  Nu- 
remberg. Luther  écrivait  à  celui-ci,  le  12  octobre 
1524  :  «  Si  tu  veux  obtenir  ta  Catherine  de  Bora, 
hâte-toi ,  avant  qu'on  ne  la  donne  à  un  autre,  qui 
l'a  sous  la  main.  Cependant  elle  n'a  pas  encore 
triomphé  de  son  amour  pour  toi.  Moi,  je  me  ré- 
jouirais fort  de  vous  voir  unis.  » 

Il  écrit  à  Stiefel,  un  an  après  le  mariage  (12 


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DB   LVTHBE.  283 

tS26).  «Catherine,  ma  chère  eôiê,  te  aalme; 
porte  fort  bien,  grâce  à  Dieu;  douce  pour 
béissante  et  &ci)e  en  toutes  choses,  au-delà 
1  espérance.  Je  ncToudraispas  changer  ma 
lié  pour  les  richesse  de  Grésus.  » 
1er ,  en  effet ,  était  très  pauTre  alors.  Préoc- 
es  soins  de  son  ménage  et  de  la  iamille  dont 
ît  bientôt  se  trouver  chargé,  il  cherchait 
ire  un  métier  ;  il  travaillait  de  ses  mains  : 
monde  ne  veut  plus  nous  nourrir  pour  la 
,  apprenons  à  vivre  de  nos  mains.  >  Il  eût 
sans  doute,  s'il  avait  pu  choisir,  quelqu'un 
arts  qu'il  aimait ,  Fart  d'Albert  Durer  et  de 
d  Lucas  Granach ,  ou  la  musique,  qu'il  ap- 
la  première  science  après  la  théologie; 
n'avait  point  de  maître.  Il  se  fit  tourneur, 
fue  parmi  nousautres  barbares  il  n'y  a  point 
li  d'esprit  cultivé,  moi  et  Wolfgang,  mon 
ur ,  nous  nous  sommes  mis  à  tourner.  »  D 
$a  Wenceslas  Link  de  lui  acheter  des  in»- 
ns  à  Nuremberg.  Il  se  mit  aussi  à  jardiner 
tir  :  «  J'ai  planté  un  jardin,  écrit-il  à  Spa- 
j'ai  construit  une  fontaine,  et  à  Tim  comme 
re  j'ai  assez  bien  réussi.  Viens  et  tu  seras 
Qué  de  lis  et  de  roses.  >  (décembre  1525). 
m  d'avril  1837 ,  un  abbé  de  Nuremberg  lui 

11. 


1 


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234  iiiiroiâis 

fit  présent  d'une  horloge  .  «  Il  faut ,  lui  répon- 
dit-il ,  que  je  me  fasse  disciple  des  mathémati- 
ciens pour  comprendre  tout  ce  mécanisme  ;  car 
je  n'ai  jamais  rien Tttde  pareil.  »  Et  un  mois  après  : 
«  J'ai  recules  instruroens  pour  tourner,  et  le  ca-< 
dran  avec  le  cylindre  et  l'horloge  de  bois.  Mais  tu 
as  oublié  de  me  dire  combien  il  me  restait  à  payer. 
J'ai  pour  le  moment  assez  d'outils ,  à  moins  que  tu 
n'en  aies  de  nouvelle  espèce  qui  puissent  tourner 
d'eux-mêmes  pendant  que  mon  serviteur  ronfle 
ou  lève  le  nez  en  l'air.  Je  suis  déjà  maître  passé 
en  horlogerie.  Gela  m'est  précieux  pour  marquer 
l'heure  à  mes  ivrognes  de  Saxons,  qui  font  plus 
attention  à  leurs  verres  qu'à  l'heure ,  et  ne  s'in- 
quiètent pas  beaucoup  si  le  soleil ,  l'horloge  ou 
celui  qui  la  règle,  se  trompent.  >  (19  mai  1527.) 
«  Mes  melons  ainsi  que  mes  courges  et  mes  ci- 
trouilles croissent  à  vue  d'œil.  Tu  vois  que  j'ai  su 
bien  faire  venir  les  graines  que  vous  m'avez  en- 
voyées. >  (2  juillet). 

Le  jardinage  n'était  pas  une  grande  ressource. 
Luther  se  trouvait  dans  une  situation  affligeante 
et  bizarre.  Cet  homme  qui  régentait  les  rois,  se 
voyait,  pour  les  besoins  de  la  subsistance  jour- 
nalière, dansia  dépendance  de  l'Électeur.  La  nou- 
velle église  ne  s'était  affranchie  de  la  papauté  qu  an 

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DE   L1ITHSB.  235 

s^aflBojétiMaDt  à  Fautoriié  civile;  elle  se  voyait, 
dès  sa  naissance,  négligée,  affamée  parcelle-ci. 

£n  1529,  Lutber  avait  écrit  à  Spalatin  qu'il 
voulait  résigner  son  revenu  de  couvent  entre  les 
mains  de  l'Électeur.  «  ...  Puisque  nous  ne  lisons 
plus,  ni  ne  braillons,  ni  ne  niessons,  ni  ne  iai- 
•ODS  aucune  chose  de  ce  qu'a  institué  la  fon-> 
dation,  nous  ne  pouvons  plus  vivre  de  cet 
argent;  on  a  droit  de  le  réclamer.  •  (novem- 
bre 152S.) 

«  Staupitzne.paie  encore  rien  de  nos  revenus... 
Tous  les  jours  les  dettes  nous  enveloppent  davan* 
^e^j  ^t  je  ^e  sais  s'il  faut  demander  encore  à  l'É- 
lecteur, ou  laisser  aller  les  choses,  et  que  ce  qui 
périsse,  périsse  jusqu'à  ce  qu'enfin  la  misère  me 
force  de  quitter  Wittemberg,  et  de  faire  satisfieic- 
tionaux  gens  du  pape  etdel'Ëmpereur.  »  (novem- 
bre 1523.)  «Sommes^nous  ici  pour  payer  à  tout  le 
monde,  et  que  personne  ne  nous  paie?  Gela  est 
vraiment  étrange.  »  (1°'  février  152-4.)  «Je  suis  de 
jour  en  jour  plus  accablé  de  dettes.  Il  me  faudra 
chercher  l'aumône  de  quelque  autre  manière.  > 
(34  avril  1524.)  «  Cette  vie  ne  peut  durer.  Com- 
ment ces  lenteurs  du  prince  n'exciteraient-elles 
pas  de  justes  soupçons!  Pour  moi, j'aurais  depuis 
long-temps  abandonné  le  couvent  pour  me  loger 

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236  HiMoiRU 

ailleurs ,  en  vivant  de  mon  travail  (quoiqnlci  je 
ne  vive  pas  sans  travail  non  plus),  si  je  n'avais 
craint  un  scandale  pour  l'Évangile  et  même  pour 
le  prince.  •  (fin  de  décembre  1524.) 

•  Tu  me  demandes  huit  florins,  mais  où  les 
prendrai-je  ?  Gomme  tu  le  sais,  il  &ut  que  je  vive 
avec  la  plus  stricte  économie,  et  mon  imprudence 
m'a  fait  contracter  cette  année  une  dette  de  plas 
de  cent  florins  que  je  dois  à  l'un  et  à  l'autre.  J'ai 
été  obligé  de  laisser  trois  gobelets  pour  gage  de 
cinquante  florins.  Il  est  vrai  que  mon  Seigneur, 
qui  avait  ainsi  puni  mon  imprudence ,  m'a  enfin 
libéré...  Ajoute  que  Lucas  et  Christian  ne  veulent 
plus  m'accepter  pour  répondant ,  ayant  éprouvé 
que  de  cette  manière  ils  perdent  tout,  ou  épui- 
sent jusqu'au  fond  de  ma  bourse.  »  (2  février  1527.) 

<  Dis  à  Nicolas  Endrissus  qu'il  me  demande 
quelques  exemplaires  de  mes  ouvrages.  Quoique 
je  sois  très  pauvre ,  cependant  je  me  suis  réservé 
certains  droits  avec  mes  imprimeurs;  je  ne  leur 
demande  rien  pour  tout  mon  travail ,  si  ce  n'est  de 
pouvoir  prendre  parfois  un  exemplaire  de  mes 
livres.  Ce  n'est  pas  trop,  je  pense,  puisque  d'au- 
tres écrivains,  même  des  traducteurs  reçoivent  un 
iucat  par  cahier.  •  (5  juillet  1527.) 

t  Qu'est-il  arrivé,  mon  cher  Spalatin,  pour  que 

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DE   LUTHEa.  267 

ta  m'écrÎTes  ayec  tant  de  menaces  et  d'an  ton  si 
impérieax  ?  Johas  n'a-t-il  pas  assez  essayé  tes  mé- 
pria  et  ceax  de  ton  prince,  pour  que  vous  tous 
acfaamiei  encore  sur  cet  homme  excellent  ?  Je 
connais  le  caractère  du  prince ,  je  sais  comme  il 
traite  légèrement  les  hommes?...  C'est  donc  ainsi 
qae  nous  honorons  FÉTangile,  en  refusant  à  ses 
ministres  une  petite  prébende  pour  rlyre...  N'esta 
ce  pas  une  iniquité  et  une  odieuse  perfidie  que  de 
lui  ordonner  de  partir ,  et  toutefois  de  faire  en 
sorte  qu'on  n'ait  pas  l'air  de  lui  en  avoir  donné 
l'ordre  ?  Et  vous  croyci  que  le  Christ  ne  s'aper- 
çoit paffde  cette  ruse  ?...  Je  ne  pense  pas  cepen-* 
dant  que  nous  ayons  été  pour  le  prince  une  cause 
de  dommage...  Il  en  est  venu  dans  sa  bourse  pas-^ 
sableroent  des  biens  de  ce  monde ,  et  il  en  vient 
chaque  jour  davantage.  —  Dieu  saura  bien  nous 
repaître,  si  vous  nous  refusez  l'aumône  et  quelque 
maudite  monnaie. — ...  Cher  Spalatin,  traite-nous, 
je  te  prie ,  nous  les  pauvres  et  les  exilés  de  Christ, 
avec  plus  de  douceur,  ou  explique-toi  nettement, 
afin  que  nous  sachions  où  nous  allons,  que  nous 
ne  soyons  plus  forcés  de  nous  perdre  nous-mêmes 
en  suivant  un  ordre  à  double  sens ,  qui ,  tout  en 
nous  contraignant  de  partir,  ne  nous  permet  pas 
de  nommer  ceux  qui  nous  y  forcent.  »  (27  novem- 
bre 1524.) 

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238  MiMOIBES 

«  Nous  avons  reçu  avec  plaisir,  mon  cher 
Gérard  Lampadarius ,  et  la  lettre  et  le  drap , 
que  tu  nous  as  envoyés  avec  tant  de  candeur 
d'âme  et  de  bienveillance  de  cœur...  Nous  nous 
servons  constamment,  et  chaque  nuit,  de  tes 
lampes,  ma  Catherine  et  moi ,  et  nous  nous 
plaignons  ensemble  de  ne  t'avoir  pas  fait  de  ca- 
deau et  de  n'avoir  rien  à  t'envoyer  qui  entretint 
auprès  de  toi  notre  souvenir.  J'ai  grande  honte  de 
ne  t'avoir  pas  même  fait  un  présent  de  papier, 
lorsque  cela  m'était  facile...  Je  ne  laisserai  pas  de 
t'envoyer  au  moins  quelque  liasse  de  livres.  Je 
t'aurais  dès  maintenant  envoyé  un  Isaïe  allemand 
qui  vient  de  naître ,  mais  on  m'a  arraché  tous  les 
exemplaires,  et  je  n'en  ai  plus  un  seul.  •  (  14  oc- 
tobre 1528.) 

A  Martin  Gorlitx ,  qui  lui  avait  fait  un  présent 
de  bière.  «  Ta  Gérés  de  Torgau  a  été  heureu- 
sement et  glorieusement  consommée.  On  l'avait 
réservée  pour  moi  et  pour  les  visiteurs,  qui  ne 
pouvaient  se  lasser  de  la  vanter  par-dessus  tout 
ce  qu'ils  avaient  jaraab  goûté.  Et  moi ,  en  vrai 
rustre,  je  ne  t'en  ai  pas  remercié  encore,  toi  et 
ton  Émilia.  Je  suis  un  olxùhTxtlrnç  si  négligent  de 
mes  affiiires,  que  j'avais  oublié ,  et  que  j'ignorais 
entièrement,  que  je  l'eusse  dans  ma  cave;  c'est 


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BB   LUTHER.  239 

mon  serviteur  qui  me  Ta  rappelé.  Salue  pour  moi 
tous  nos  frères,  et  surtout  ton  Émilia  et  son  fils, 
la  biche  gracieuse  et  le  jeune  faon.  Que  le  Sei- 
gneur te  bénisse  et  te  fasse  multiplier  à  milliers, 
selon  l'esprit  comme  selon  la  chair.  •  (15  janvier 
1529.) 

Luther  écrit  à  Amsdorf  qu'il  va  donner  Fhos*- 
pitalité  à  une  nouvelle  mariée.  «  Si  ma  Cathe- 
rine accouchait  en  même  temps,  et  que  tout  cela 
vînt  à  coïncider,  tu  en  deviendrait  plus  pauvre. 
Geins-toi  donc ,  non  pas  du  fer  et  du  glaive ,  mais 
d'or  et  d'argent  et  d'un  bon  sac,  à  tout  événement, 
car  je  ne  te  lâcherai  pas  sans  un  présent.  >  (29 
mars  1529.) 

A  Jonas.  «J'en  étais  à  la  dixième  ligne  de  ta 
lettre  quand  on  vint  m'annoncer  que  ma  Ketha 
iii'avait*donné  une  fille.  Gloria  et  lauêPatti  in  cœ- 
iis.  Mon  petit  Jean  est  sauvé,  la  femme  d'Augustin 
-ra  bien;  enfin  Marguerite  Mochinn  a  échappé 
contre  toute  attente.  £n  compensation,  nous 
aTons  perdu  cinq  porcs...  Puisse  la  peste  se  con- 
tenter de  cette  contribution.  Ego  sutn ,  qui  sum 
hactenùs ,  scUicet  vt  aposiolus ,  quasi  moriuus , 
ei  ecce  vivo.^ 

ta  peste  régnait  alors  à  Wittenberg.  La  femme 
de   Luther  était  enceinte,  son  fils  malade  de* 

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240  MiMOIRBS 

dente;  deux  femmes,  Hanna  et  Hargaerite  Ho- 
chinn,  avaient  été  atteintes  delà  peste.  Il  écrit  à 
Amsdorf:  «  Ma  maison  est  devenue  un  hôpital.» 
(!•'  novembre  1557.) 

«  La  femme  de  Georges,  le  chapelain,  est  morte 
d'une  feusse  couche  et  de  la  peste... Tout  le  mon- 
de était  frappé  de  terreur.  J'ai  recueilli  le  curé 
avec  sa  famille.»  (4  novembre  1K27.)  «  Ton  petit 
Jean  ne  te  salue  pas,  parce  qu'il  est  malade  mais 
il  te  demande  tes  prières.  Voici  douie  jours  qu'il 
n'a  rien  mangé  .  C'est  une  chose  admirable  com- 
bien cet  enfant  a  la  volonté  d'être  gai  et  alègre 
comme  de  coutume,  mais  l'excès  de  sa  fai* 
blesse  ne  le  lui  permet  pas.  On  a  ouvert  hier  l'a- 
postèmede  Marguerite  Mochinn;  elle  commence 
à  se  rétablir;  je  l'ai  renfermée  dans  notre  cham- 
bre d'hiver ,  et  nous ,  nous  nous  tenons  dans  la 
grande  salle  de  devant ,  Hânschen  dans  ma  cham- 
bre à  poêle,  et  la  femme  d'Augustin  dans  la 
sienne:  nous  commençons  à  espérer  la  fin  de  la 
peste.  Adieu,  embrasse  ta  fille  et  sa  mère,  et  sou- 
venez-vous de  nous  dans  vos  prières.»  (10  novem- 
bre 1527.) 

«  Mon  pauvre  fils  était  mort ,  mais  il  est  ressus- 
cité ;  depuis  douze  jours  il  ne  mangeait  plus. 
Le  Seigneur  a  augmenté  ma  hmille  d'une  petite 


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BB  LUTHXa.  241 

fille.  Nou»  nous  portons  tous  bien  ,  à  l'exception 
de  Luther  lui-même  qui,  sain  de  corps,  isolé  du 
monde  entier  souffre  à  Tintérieur,  des  atteintes 
du  diable  et  de  tous  ses  anges.  J*écris  pour  la  se- 
conde et  la  dernière  fois  contre  les  ;sacramen- 
taires  et  leurs  vaines  paroles,  etc.  >  (31  décembre 
1527.) 

•  Ma  petite  fille  Elisabeth  est  morte  ;  je  m'é- 
tonne comme  elle  m'a  laissé  le  cœur  malade ,  un 
cœur  de  femme,  tant  je  suis  ému.  Je  n'aurais 
jamais  cru  que  l'âme  d'un  père  fût  si  tendre  pour 
son  enfant.  >  (5  août  1528.)  «Je  pourrais  t'ap- 
prendre  ce  que  c'est  qu'être  père,  prœseriim 
sexûs,  qui  ultra  filiorum  casum  eiiam  habet  mise- 
ricordtam  valdè  moveniem,^  (5  juin  1330.) 

Yers  la  fin  de  l'année  1527^  Luther  lui-même 
fat  plusieurs  fois  très  malade  de  corps  et  d'esprit. 
Le27  octobre  il  termineainsiune  lettre  à  Mélanch- 
ton.  «  Je  n'ai  pas  encore  lu  le  nouvel  ouvrage 
d'Érasme,  et  que  lirais-je,  moi  serviteur  malade 
de  Jésus-Christ,  moi  qui  suis  à  peine  vivant?  que 
£ûre?  qu'écrire?  Dieu  veut-il  ainsi  m'abimer 
de  tous  les  flots  à  la  fois  ?  £t  ceux  qui  devraient 
avoir  compassion  de  moi,  viennent,  après  tant 
de  souffrances,  me  donner  le  coup  de  grâce! 
Pause  Dieu  les  éclairer  et  les  convertir  !  Âmen.  » 
TOMB  1  12 

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242  «teôiEBS 

Deux  amis  intimes  de  Luther,  les  docteur 
Jean  Bugenhagen  et  Jonas  nous  ont  laissé  la  noi 
suivante  sur  une  défaillance  qui  surprit  Luther 
▼ers  la  fin  de  1627.  «  Le  samedi  de  la  Visitation  d 
Notre-Dame  (15S7),  dans  raprès-raidi,  le  docteu 
Luther  se  plaignait  de  douleurs  de  tête  et  d 
bourdonnemens  d'oreilles  d'une  violence  inex 
primable.  Il  croyait  y  succomber.  Dans  la  mâtiné 
il  fît  appeler  le  docteur  Bugenhagen  pour  se  con 
fesser  à  lui.  Il  lui  parla  avec  effroi  des  tentation 
qu'il  venait  d^éprouver,  le  supplia  de  le  soutenir 
de  prier  Dieu  pour  lui ,  et  il  termina  en  disant 
«  Parce  que  j'ai  quelquefois  l'air  gai  et  joyeux 
beaucoup  de  gens  se  figurent  que  je  ne  march 
que  sur  des  roses;  Dieu  sait  ce  qu'il  en  est  dan 
mon  cœur.  Je  me  suis  souvent  proposé,  dans  l'in 
térét  du  monde ,  de  prendre  un  extérieur  pin 
austère  et  plus  saint  (je  ne  sais  trop  commeii 
dire),  mais  Dieu  ne  ma  pas  donné  de  faire  comm 
je  voulais.  » 

•  L'après-midi  du  même  jour,  il  tomb 
sans  connaissance,  devint  froid,  et  ne  donn 
plus  signe  de  vie.  Quand  il  fut  rappelé  à  lui 
même,  par  les  secours  qu'on  lui  prodiguait,  i 
se  mit  à  prier  avec  grande  ferveur  :  «  Tu  sais 
ô   mon   Dieu,  disait-il,   que  j'eusse   volontier 


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DB   LUTH».  243 

rené  mon  sang  pour  U  parole,  mais  tuas  voulu 
qu'il  en  fût  autrement.  Que  ta  yolonté  soit  faite! 
Sans  doute  je  n'en  étais  pas  digne.  La  mort  serait 
mon  bonheur;  cependant,  6  mon  Dieu,  si  tu  le 
roulais,  je  vivrais  volontiers  encore  pour  répan- 
dre ta  sainte  parole  et  consoler  ceux  des  tiens 
qui  faiblissent.  Si  mon  heure  est  venue,  néan- 
moins, que  ta  volonté  soit  Caite!  Tu  es  le  maître 
de  la  vie  et  de  la  mort. 

»  0  mon  Seigneur  Jésu^-Ghrist,  je  te  remercie 
de  m'avoir  fait  la  grâce  de  connaître  ton  saint 
nom.  Tu  sais  que  je  crois  en  toi,  au  Père  et  au 
Saint-Esprit;  tu  es  mon  divin  médiateur  et  sau- 
veur ..  Tu  sais,  ô  mon  Seigneur,  que  Satan  m'a 
dressé  maints  pièges,  pour  tuer  mon  corps  par 
les  tyrans  et  mon  àme  par  ses  flèches  ardente», 
par  ses  tentations  infernales.  Jusquici  tu  m'as 
protégé  miraculeusement  contre  toutes  ses  fu- 
reurs. Protége-moi  encore,  ô  mon  Seigneur  fi- 
dèle ,  si  telle  est  ta  volonté.  • 

»  Ensuite  il  se  tourna  vers  nous  deux  (Bugen- 
hagen  et  Jonas) ,  et  nous  dit  :  •  Le  monde  aime 
le  mensonge,  et  il  y  en  aura  baucoup  qui  diront 
que  je  me  suis  rétracté  avant  de  mourir.  Je  vous 
demande  donc  instamment  de  recevoir  ma  pro- 
fession de  foi  :  je  déclare,  en  conscience,  avoir 


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244  hAuoibis 

enseigné  la  vraie  parole  de  Dieu,  comme  le  Sei- 
gneur me  Ta  imposé  et  m'y  a  contraint.  Oui , 
je  le  déclare ,  ce  que  j'ai  prêché  sur  la  foi ,  la 
charité,  la  croix,  le  saint  sacrement,  et  autres 
articles  de  la  doctrine  chrétienne,  est  juste,  bon 
et  salutaire, 

»  Beaucoup  m'accusent  d'avoir  été  trop  vio- 
lent et  trop  dur.  Je  l'avoue,  j'ai  quelquefois  été 
violent  et  dur  envers  mes  ennemis.  Cependant 
je  n'ai  jamais  recherché  le  préjudice  de  qui  que 
ce  soit,  bien  moins  encore  la  perdition  d'aucune 
âme.  Je  m'étais  proposé  d'écrire  sur  le  baptême 
et  contre  Zwingli,  mais,  à  ce  qu'il  semble,  IHeu 
en  a  décidé  autrement.  ■ 

>  Ensuite  il  parla  des  sectes  qui  viendront  per- 
vertir la  parole  de  Dieu  et  qui  n'épargneront  pas , 
disait-il ,  le  troupeau  que  le  Seigneur  a  racheté 
de  son  sang.  Il  pleurait  en  parlant  ainsi.  «  Jus- 
qu'ici ,  disait-il  encore ,  Dieu  m'a  permis  de  lut- 
ter avec  vous  contre  ces  esprits  de  désordre, 
et  je  le  ferais  volontiers  encore  ;  mais  seuls,  vous 
serez  trop  faibles  contre  eux  tous.  Jésus-Christ 
me  rassure  pourtant;  car  il  est  plus  fort  que  Satan 
et  toutes  ses  armes  :  il  est  le  Seigneur  de  Satan.» 

>  Quelque  temps  après,  quand  on  l'eut  un  peu 
réchauffé  par  des  frictions  et  l'application  de  coua- 

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DB    LUTHER.  245 

•1118  bien  chauds,  il  demanda  à  sa  femme  :  «  Où 
donc  est  mon  petit  cœur ,  mon  bien-aimé  petit 
Jean  ?  •  Quand  l'enfant  fut  apporté,  il  sourit  à 
•on  père  qui  se  mit  à  dire  les  larmes  aux  yeux  : 
«  0  cher  pauvre  petit  enfant,  je  te  recom- 
mande bien  à  Dieu,  toi  et  ta  bonne  mère,  ma 
chère  Catherine.  Vous  n'avez  rien.  Kais  Dieu 
aura  soin  de  vous.  Il  est  le  père  des  orphelins  et 
des  veuves.  Conserve-les,  ô  mon  Dieu ,  instruis- 
les,  comme  tu  m'as  conservé  et  instruit  jusqu'à 
ce  jour.  »  Ensuite  il  dit  quelques  mots  à  sa  femme 
au  sujet  de  quelques  gobelets  d*argent.  Tu  sais, 
ajouta-t-il ,  que  nous  n'avons  rien  que  cela.  • 

»  Un  sommeil  profond  lui  rendit  des  forces,  et 
le  lendemain  il  se  trouva  beaucoup  mieux.  Il  dit 
alors  au  docteur  Jouas  :  «  Je  n'oublierai  jamais 
la  journée  d'hier.  Le  Seigneur  conduit  l'homme 
dans  l'enfer  et  l'en  retire.  La  tempête  qui  fondit 
hier  matin  sur  mon  ame,  a  été  bien  plus  terrible 
que  celle  que  mon  corps  a  essuyée  vers  le  soir, 
Dieu  tue  et  vivifie.  Il  est  le  maître  de  la  vie  et  de 
la  mort.  9 

»  —  Pendant  près  de  trois  mois,  j'ai  langui  non 
de  corps  mais  d'esprit;  au  point  que  c'est  à  peine 
M  j'ai  pu  écrire  quelques  lignes.  Ce  sont  là  les 
persécutions  de  Satan.  •  (8  octobre  1527.) 

IS. 

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246  MiHOiaES 

«Je  voudrais  répondre  aux  sacrameutaires ; 
mais  si  mon  ame  ne  se  fortifie ,  je  ne  suis  capable 
de  rien.  >(!''''  novembre  1537.)  «  Je  n'ai  pas  en- 
core lu  Érasme  ni  les  sacramentaires,  si  ce  n'est 
environ  trois  cahiers  de  Zwingli.  C'est  bien  fait  à 
eux  de  me  fouler  aux  pieds  misérablement,  afin 
que  je  puisse  dire  avec  Jésus-Cbrist  :  //  a  peraé- 
euté  le  faible ,  le  pauvre ,  celui jdoni  la  moiiifica^ 
tion  avait  brisé  le  cœur,  »  Seul  je  porte  le  poids 
de  la  colère  de  Dieu,  parce  que  j*ai  péché  envers 
lui;  le  pape  et  César,  les  princes,  les  évéques,  le 
monde  entier  me  hait  et  m'assaille  :  mais  ce  n'est 
pas  assez  encore,  si  mes  frères  mêmes  ne  viennent 
me  tourmenter;  mes  péchés,  la  mort,  Satan  et 
ses  anges,  sévissent  sans  interruption  contre  moi. 
Et  qu'est-ce  qui  me  garderait ,  qui  me  consolerait, 
si  Christ  lui-même  m'abandonnait,  lui  pour  qui 
j'ai  encouru  leur  haine?  Mais  il  n'abandonnera 
pas,  à  la  fin  dernière,  le  malheureux  pécheur, 
car  je  pense  bien  que  je  serai  le  dernier  de  tous 
les  hommes.  Oh!  plaise,  plaise  au  ciel,  qu'Érasme 
et  les  sacramentaires  éprouvent,  un  quart-d'heure 
seulement,  les  misères  de  mon  cœur!  »  (10  no- 
vembre 1S27.) 

«  Satan  me  fait  endurer  de  merveilleuses  ten- 
tations, mais  les  prières  des  saints  ne  m'abandon- 


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BB   tUTUA.  247 

nent  pas ,  quoique  les  blessures  de  mou  cœur  ne 
soient  pas  faciles  à  guérir.  Ma  consolation,  c'est 
qu'il  en  est  bien  d'autres  qui  ont  à  liyrer  les  mêmes 
combats.  Sans  doute  il  n'y  a  point  de  maux  que 
mes  péchés  n'aient  mérités.  Mais  ma  vie,  ma  force, 
c'est  que  j'ai  la  conscience  d'avoir  enseigné  pour 
le  salut  de  beaucoup  la  yraie  et  pure  parole  du 
Christ;  c'est  lace  qui  brûle  Satan;  il  voudrait  me 
voir ,  moi  avec  le  Verbe ,  noyé  et  perdu.  Aussi  je 
n'ai  rien  à  souffrir  des  tyrans  de  ce  monde,  tan» 
disque  d'autres  sont  tués,  brûlés,  et  meurent 
pour  le  Christ;  mais  je  n'en  ai  que  plus  à  souf- 
frir spirituellement  du  prince  de  ce  monde.  » 
(21  août  1527.) 

«  Quand  je  veux  travailler,  ma  tète  est  comme 
remplie  de  tintemens,  de  tonnerres,  et  si  je  ne 
cessais  à  Tinstant,  je  tomberais  en  syncope.  Voici 
le  troisième  jour  que  je  n'ai  pu  même  regarder 
une  lettre.  Ma  tête  devient  un  petit  chapitre,  que 
cda  continue ,  et  elle  ne  sera  bientôt  plus  qu'un 
paragraphe,  qu'une  phrase  {oaput  meum  factum 
eêt  capUulum,  perget  vero  fietque  paragraphus , 
tandem perioduê),..  Le  jour  ou  tes  lettres  m'arri- 
▼èrent  de  Nuremberg,  j'eus  une  visite  de  Satan; 
3'étais  seul;  Vitus  et  Cyriacus  étaient  éloignés. 
Cette  fois  il  fut  le  plus  fort ,  me  chassa  de  mon 

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248  hAmoiabs 

lit,  me  força  d'aller  chercher  des  visages  d'hom- 
mes, i  (12mail5S0.) 

«  Quoique  bien  portant,  je  suis  toujours  ma- 
lade des  persécutions  de  Satan  ;  cela  m^empéche 
d'écrire  et  de  rien  faire. — Le  dernier  jour,  je 
le  crois  bien,  n'est  pas  loin  de  nous.  Adieu,  ne 
cesse  de  prier  pour  le  pauvre  Luther.  »  (28  fé- 
vrier 1529.) —  «  On  peut  éteindre  les  tentations 
de  la  chair,  mais  qu'il  est  difficile  de  lutter  contre 
la  tentation  du  blasphème  et  du  désespoir!  Nous 
ne  comprenons  point  le  péché,  ni  ne  savons  où 
est  le  remède.  >  —  Après  une  semaine  de  souf- 
frances continuelles,  il  écrivait:  «  Ayant  perdu 
presque  mon  Christ ,  j'étais  battu  des  flots  et  des 
tempêtes  du  désespoir  et  du  blasphème.  >  (2  août 
1527.) 

Au  milieu  de  ces  troubles  intérieurs,  Luther, 
loin  d'être  soutenu  et  consolé  par  ses  amis,  les 
voyait  les  uns  tièdes  eX  timideiflent  sceptiques  ; 
les  autres,  lancés  dans  la  route  du  mysticisme  que 
lui-même  leur  avait  ouverte,  et  s'éloignant  de  lui 
chaque  jour.  Le  premier  qui  se  déclara  fut  Agri- 
cola,  le  chef  des  Antinomiens  (ennemis  de  la  Loi). 
Nous  verrons  au  dernier  livre  combien  cette  po- 
lémique, contre  un  ami  si  cher,  troubla  Luther 
dans  ses  derniers  jours. 

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DB  LVTHSm.  249 

«  Quelqu'un  m*a  fait  an  conte  à  ton  sujet , 
mon  cher  Agricola ,  et  il  a  insisté,  jusqu'à  ce  que  - 
je  lui  eusse  promis  de  t'en  écrire  et  de  m'en  as- 
surer. Ce  conte ,  c'est  que  tu  commencerais  à  met- 
tre en  avant  que  l'on  peut  avoir  la  foi  sans  les 
œuvres,  et  que  tu  défendrais  cette  nouveauté  en- 
vers et  contre  tous ,  à  grand  renfort  de  mots  grecs 
et  d'artifices  de  rhétorique...  Je  t'avertis  de  te  dé- 
fier des  pièges  de  Satan...  A  quoi  me  suis-je  jamais 
moins  attendu  qu'à  la  chute  d'0£colampade  et 
de  Regius  ?  Et  que  n'ai-je  pas  à  craindre  mainte- 
nant pour  ces  hommes  qui  ont  été  mes  intimes? 
Il  n'est  pas  étonnant  que  je  tremble  aussi  pour  toi 
que,  pour  rien  au  monde,  je  ne  voudrais  voir  sé- 
paré d'opinion.  >  (11  septembre  1528.) 

«  Pourquoi  m'irriterais-je  contre  les  papistes? 
Tout  ce  qu'ils  me  font  est  de  bonne  guerre.  Nous 
sommes  ennemis  déclarés.  Mais  ceux  qui  me  font 
le  plus  de  mal ,  ,ce  sont  mes  plus  chers  enfans. 
Fraterculi  mei,  aurei  amicuU  met,  eux  qui ,  si 
Luther  n'avait  point  écrit,  ne  sauraient  rien  de 
Christ  Qt  de  l'Évangile,  et  n'auraient  pas  secoué 
la  tyrannie  papale;  du  moins,  s'ils  en  eussent  eu 
le  pouvoir,  le  courage  leur  aurait  manqué.  Je 
croyait  avoir  jusqu'à  présent  souffert  et  épuisé 
toutes  les  adversités,  mais  mon  Absalon^  Feniant 

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250  MiV0I&E9 

de  mon  cœur,  n'avait  paa  encore  délaissé  son 
père;  il  n'avait  point  versé  Tignominie  sur  David. 
Mon  Judas,  la  terreur  des  disciples  de  Christ,  le 
traître  qui  livra  son  maître,  ne  m'avait  point  en- 
core vendu,  et  voici  maintenant  que  tout  cela  a 
été  fait. 

s  —  Il  y  a  maintenant  contre  nous  une  persé- 
cution clandestine,  mais  bien  dangereuse.  Notre 
ministère  est  méprisé.  Nou»-mômes  nous  sommes 
hais,  persécutés,  on  nous  laisse  périr  de  faim. 
Voilà  quel  est  aujourd'hui  le  sort  de  la  parole  de 
Dieu;  lorsqu'elle  vient  à  ceux  qui  en  ont  besoin,  ils 
ne  veulent  pas  la  recevoir.  Christ  n'aurait  point 
été  crucifié  s'il  était  sorti  de  Jérusalem.  Mais  le 
prophète  ne  veut  point  mourir  hors  de  Jérusalem, 
et  cependant  ce  n'est  que  dans  sa  patrie  que  le 
prophète  est  sans  honneur.  C'est  ainsi  qu'il  en  est 
de  nous...  Il  arrivera  bientôt  que  tous  les  grands  de 
ce  duché  l'auront  rendu  vide  de  ministres  de  la  pa- 
role; ceux-ci  seront  chassés  par  la  faim,  pour  ne 
rien  dire  des  autres  injures.»  (18 octobre  lëâl.) 

•  Il  n'y  a  rien  de  très  certain  sur  les  apparitions 
dont  on  fait  tant  de  bruit  en  Bohème;  beaucoup 
nient  le  Caiit.  Quant  au  goufire  qui  s'est  formé  ici , 
sous  mes  propres  yeux ,  le  dimanche  après  rÉpi- 
phanie ,  à  huit  heures  du  soir,  c'est  une  chose  cer- 


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DB  LUTinn.  251 

tainé,  et  qui  s'est  rue  en  plusieurs  endroits  jusqu'à 
la  mer.  De  plus,  en  décembre,  on  a  tu  le  ciel  en  feu 
au-dessus  de  l'église  de  Breslaw,  à  ce  que  m'écrit 
le  docteur  Hess;  un  autre  jour,  ajoute^t-il,  on  avu 
deux  charpentes  embrasées,  et,  au  milieu,  une 
tourelle  de  feu.  C'est  le  dernier  jour ,  si  je  ne  me 
trompe,  qu'annoncent  ces  signes.  L'Empire  tombe, 
leirois  tombent,  les  prêtres  tombent,  et  le  monde 
entier  chancelle ,  comme  une  grande  maison  qui 
va  crouler,  annonce  sa  ruine  par  des  petites  lézar. 
des.  Gela  ne  tardera  point  à  moins  que  le  Turc , 
ainsi  qu'Ézéchiel  le  prophétise  de  Gog  et  de  Magog, 
ne  se  perde  dans  sa  Tictoire  et  son  orgueil ,  avec 
le  pape  son  allié.  »  (7  mars  1529.) 

«Grâce  et  paix  en  notre  Seigneur  Jésus-Christ. 
Le  monde  court  à  sa  fin,  il  me  vient  souyent  cette 
pensée  que  le  jour  du  Jugement  pourraitbien  ar- 
river avant  que  nous  eussions  achevé  notre  tra- 
duction de  la  sainte  Écriture.  Toutes  les  choses 
temporelles  qui  y  sont  prédites  se  trouvent  accom- 
plies. L'Empire  romain  penche  vers  sa  ruine ,  le 
Turc  est  arrivé  aucomble  de  sa  puissance,  la  splen- 
deur papale  s'éclipse ,  le  monde  craque  en  tous 
les  coins  comme  s'il  allait  crouler.  L'Empire  ,  si 
l'on  veut,  s'est  relevé  un  peu  sous  notre  empe- 
reur Charles,  mais  c'est  peut-être  pour  la  dernière 

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252  viMoiEBS 

fois  ;  ne  serait-ce  pas  comme  la  lumière  qui ,  au 
moment  de  s'éteindre  pour  toujours,  jette  une 
vire  et  dernière  flamme  ?...  » 

•  Le  Turc  Ta  fondre  sur  nous;  ce  sera,  je  le 
crois  bien,  le  réformateur  envoyé  par  la  colère 
de  Dieu.  »  (Itt  mars.) 

<  J'ai  chez  moi  un  homme  arrivé  à  Venise, 
qui  affirme  que  le  fils  du  doge  est  à  la  cour  du 
Turc  :  ainsi  nous  combattons  jusqu'à  présent 
contre  celui-ci,  en  attendant  que  le  pape,  les 
Vénitiens,  les  Français,  se  soient  ouvertement  et 
impudemment  faits  Turcs.  Le  même  homme  rap- 
porte encore  qu'il  y  avait  dans  l'armée  du  Fran- 
çais, à  Pavie,  huit  cents  Turcs,  dont  trois  cents 
sont  retournés  sains  et  saufs  dans  leur  pays,  par 
ennui  de  la  guerre.  Gomme  tu  ne  m'écris  pas  ces 
monstruosités,  j'ai  pensé  que  tu  les  ignorais; 
pour  moi  elles  m'ont  été  racontées  et  par  écrit 
et  de  vive  voix ,  avec  des  détails  qui  ne  me  per- 
mettent pas  d'en  douter.  L'heure  de  minuit  ap- 
proche où  l'on  entendra  ce  cri  :  L'époux  arrive , 
êoriez  au-devant  de  lui.  •  (6  mai  1629.) 


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BB   LVTIRA.  253 


ADDITIONS 


n 


ÊGLAIRGISSEMENS. 


Page  I  ,  ligna  8. — Naissance., % 


Cochlœus  prétend  que  Luther  fut  engendré 
par  un  incube.  Lorsqu'il  était  moine ,  ajoute-t-il , 
il  fut  soupçonné  d'avoir  commerce  avec  le  dia- 
ble. Un  jour,  à  réyangile,  à  l'endroit  où  il  est 
parlé  d'un  diable  sourd  et  muet,  forcé  de  quit- 
ter le  corps  d'un  possédé,  Luther  tomba  en 
criant  :  Non  8um,  non  sum.  —  Bans  un  sermon 
au  peuple,  il  dit  que  lui  et  le  diable  se  connais- 

li 


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254  MfaioiRis 

saient  de  longae  date ,  qu'ils  étaient  en  relations 
habituelles,  et  que  lui,  Luther,  avait  mangé 
plus  d'un  grain  de  sel  avec  Satan.  —  Cochlœus, 
Vie  de  Luther,  préface  et  pages  1  et  2.  —  Voir  le 
chapitre  du  diable  dans  noire  second  volume. 

Des  Espagnols,  qui  se  trouvaient  à  la  diète 
d'Augsbourg  (  15S0)  croyaient  sérieusement  que 
Luther  avec  sa  femme  devaient  engendrer  l'Anti- 
Christ.  Luth.  Werke,  1. 1,  p.  415. 

Jules-César  Yanini ,  Cardan  et  François  Junc- 
tinus,  trouvèrent  dans  les  constellations  qui 
avaient  accompagné  la  naissance  de  Luther, 
qu'il  devait  être  un  archi-hérétique  et  un  archi- 
scélérat.  Tycho-Brahé  et  Nicolas  Prûckcr,  au 
contraire ,  déclarèrent  qu'il  était  né  sous  un  très 
heureux  signe. 

Plusieurs  de  ses  ennemis  le  disaient  sérieuse- 
ment fils  et  disciple  du  diable.  B'autres  préten- 
daient qu'il  était  né  en  Bohème,  parmi  les  Hus- 
sites.  Il  s'exprime  ainsi  dans  une  de  ses  lettres, 
au  sujet  de  cette  dernière  assertion  :  «  Il  est  un 
noble  et  célèbre  comté,  du  nom  de  Mansfeld, 
situé  dans  l'évéché  de  Halberstadt  et  la  princi- 
pauté de  Saxe.  Presque  tous  mes  seigneurs  me 
connaissent  personnellement,  ainsi  que  mon 
père.  —  Je  suis  né  à  Eisieben,  j'ai  été  élevé  à 

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Dl   LDTBBA.  255 

Hansfeld,  instruit  à  Magdebourg  et  à  Eisenach, 
fait  MaUre  et  moine  augustin  à  Ërfurt,  docteur 
à  Wittemberg,  et  dans  toute  ma  vie  je  n'ai  pas 
approché  de  la  Bohême  plus  près  que  Dresde.  » 
(Ukert,  Biogr,  de  L.,  t.  Il,  p.  66.) 

Page  3  •  ligoo  tj. ^Martin  Luther.,, 

LothariuSi  lut-her,  leute-herrf  chef  des  hommes, 
chef  du  peuple? 

Page  9 ,  ligne  19.  —  Tentations,,.. 

«  Quand  j'étais  jeune ,  il  arriva  qu'à  Eisleben, 
à  la  Fête-Dieu,  j'allais  avec  la  procession  en  habit 
de  prêtre.  Tout-à-coup  la  vue  du  Saint-Sacrement, 
que  portait  le  docteur  Staupitz ,  m'effraya  telle- 
ment, que  je  suai  de  tout  mon  corps,  et  crus  mou- 
rir de  terreur.  La  procession  finie,  je  me  confessai 
au  docteur  Staupitz,  et  lui  racontai  ce  qui  m'était 
arrivé.  Il  me  répondit  :  «  Tes  pensées  ne  sont  pas 
selon  le  Christ,  Christ  n'eSraie  point  ;  il  console.» 
Cette  parole  me  remplit  de  joie  et  me  fut  d'une 
grande  consolation.  »  (Tischreden,  p.  133,  verso). 

«  Le  docteur  Martin  Luther  racontait  que,  lors- 
qu'il éta>M  cloître  à  Ërfurt,  il  avait  dit  une  fois 
au  doctetti  i^taupitz  :  <  Ah!  cher  seigneur  docteur, 

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258  HÉMOIABS 

DOtre  Seigneur-Dieu  agit  d'une  manière  si  terrible 
avec  les  gens?  Qui  peut  le  serrir,  s'il  frappe  ainsi 
autour  de  soi  ?  »  A  quoi  il  nie  répondit  :  «  Mon 
cher ,  apprenez  à  mieux  juger  de  Bien  ;  s'il  n'agis- 
sait pas  ainsi,  comment  pourrait-il  dompter  les  têtes 
dures  ?  il  doit  prendre  garde  aux  grands  arbres 
de  crainte  qu'ils  ne  montent  jusqu'au  ciel.  > 
(Tischreden ,  page  l&O,  verso.) 

Dans  sa  jeunesse,  lorsqu'il  étudiait  encore  à 
Ërfurt,  Luther  fut  atteint  d'une  très  grave  ma- 
ladie ;  il  croyait  qu'il  en  mourrait.  Un  vieux  curé 
lui  dit  alors ,  au  rapport  de  Matthésius  :  «  Prenez 
courage  ,  mon  cher  bachelier,  vous  ne  mourrez 
point  cette  fois;  Dieu  fera  encore  de  vousun  grand 
homme  qui  consolerabeaucoup  de  gens.  •  (Ukert* 
1. 1,  p.  318.) 

Luther  avait  difficilement  supporté  les  obliga» 
tiens  qu'imposait  la  vie  monastique.  Il  raconte 
comment ,  au  commencement  de  la  Réforme ,  il 
tâchait  encore  de  lire  régulièrement  ses  Heures 
sans  y  parvenir.  <  Quand  je  n'aurais  fait  autre  chose 
que  délivrer  les  hommes  de  cette  tyrannie ,  on 
me  devrait  de  la  reconnaissance.  »  (Tischreden  • 
page  150.) 

Cette  répétition  constante  et  à  hettrë  fixe  des 
mêmes  méditations,  cette    matérialisation  de  la 


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DB   LUTH8&.  267 

prière  ,  qui  pesait  tant  au  génie  impatient  de  Lu- 
ther, Ignace  de  Loyola,  contemporain  du  réfor- 
mateur allemand ,  la  mettait  alors  plus  que  ja- 
mais en  honneur  dans  ses  singuliers  Exercices  re- 
ligieux, 

«A  Erfurt,  Luther  lut  la  plupart  des  écrits  qui 
nous  restent  des  anciens  latins,  Gicéron,  Virgile» 
Tite-Live...  A  Tâge  de  vingt  ans  décoré  du  titre 
de  maitre-è»-arts,  et,  d'après Tayis  de  ses  parens, 
il  commença  à  s'appliquera  la  jurisprudence...  Au 
courent  d'£rfurt ,  il  excitait  Tadmiration   dans 
les  exercices  publies,  par  la  facilité  avec  laquelle 
il  se  tirait  des  labyrinthes  de  la  dialectique...  Il 
lisait  avidement  les  prophètes  et  les  apôtres,  puis 
les  livres  de  saint  Augustin,  son  Explication  de$ 
psaumes  et  son  livre  De  VesprU  et  de  la  lettre  :  il 
apprit  presque  par  cœur  les  Traités  de  Gabriel 
Biel  et  de  Pierre  d'Ailly,  évêque  de  Gambray;  il 
lut  assidûment  les  écrits  d^Occam ,  dont  il  préfé- 
rait la  logique  à  celle  de  Thomas  et  de  Scot.  Il  lut 
beaucoup  aussi  les  écrits  de  Gerson,  et  par-dessus 
tout  ceux  de  saint  Augustin.  >  (Fie  de  Luther,  par 
Melanchton.  ) 

page  SI,  ligne  lO. — Trente  cardinaux  enunefoit.,., 

Cest  trente  et  un  cardinaux  qui  furent  créés 

18. 

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268  MivoiABS 

le  13  juin  1817.  Le  mêniejoar,an  orage  renrena 
l*ange  qui  est  au  haut  du  château  Saint- A^^fir®  « 
frappa  un  enfant  Jésut  dans  une  église  et  fit  tom- 
ber les  clés  de  la  statue  de  saint  Pierre.  (Ruchat, 
I ,  S6;  d'après  Hotting.,  19) 

Pag0  SI,  ligne  iG^-^TeUel.,. 

11  ens^gnait  dans  ses  prédications  que  si  quel- 
qu'un avait  violé  la  sainte  Vierge ,  son  péché  lui 
serait  pardonné  en  vertu  des  indulgences;  que  la 
croix  rouge  qu'il  plantait  dans  les  églises,  avait 
autant  de  vertu  que  celle  de  Jésus-Christ;  qu'il 
avait  phis  converti  de  gens  par  ses  indulgences, 
que  saint  Pierre  par  ses  sermons  ;  que  l^s  Saxons 
n'avaient  qu'à  donner  de  l'argent ,  et  que  leurs 
montagnes  deviendraient  des  mines  d'argent,  etc. 
{Luther  ade.  Brunwic.  Seckendorf.  hist.  Luthe- 
ranismi,  livre  I,  S  16 ,  etc.) 

Comme  concession  indirecte,  les  catholiques 
^abandonnèrent  Tetzel.  Miltitz  écrivit  à  Pfeffinger^ 
un  des  ministres  de  l'Électeur  :  i  Les  mensonges 
et  les  fraudes  de  Tetzel  me  sont  assez  connus;  je 
lui  en  ai  fait  de  vi&  reproches,  je  les  lui  ai  prou« 
vés  en  présence  de  témoins.  J'écrirai  tout  aupon^ 
tife ,  et  j'attendrai  sa  sentence.  D'après  une  lettre 

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INI   LUTHBB.  259 

d'un  &ctear  de  la  banque  des  Fugger,  chargé  de 
tenir  compte  de  l'argent  des  indalgences,  je  l'ai 
Gonvaincu  d'avoir  reçu  par  mois  quatre-vingts 
florins  pour  lui-même  et  dix  pour  son  serviteur , 
outre  ce  qpi'on  lui  payait  pour  se  défrayer  lui  et 
les  siens,  et  pour  la  nourriture  de  trois  chevaux. 
Je  ne  compte  pas  là-dedans  ce  qu'il  a  volé  on  dé- 
pensé inutilement.  Vous  voyez  comment  le  nnsé- 
nMe  a  servi  la  sainte  Église  romaine  et  l'archevê- 
que de  Mayence,  mon  très  clément  seigneur.  » 
(Seckendorf ,  livre  I,  p.  6â,) 

Page  sa,  ligne  |5. —  Il /ut  saisi  d'indignation.,, 

■  Lorsque  j'entrepris  d'écrire  contre  la  gros- 
sière erreur  des  indulgences,  le  docteur  Jérôme 
Schurf  m'arrêta  et  me  dit  :  <  Voulez- vous  donc 
écrire  contre  le  pape  ?  Que  voulez- vous  iaire  ?  on 
ne  le  souffrira  pas.  —  £h  quoi  !  répondis-je  ;  s'il 
fallait  qu'on  le  souffrît  ?  »  (Tischreden,  384  verso.) 

Page  s3,  ligne  i.-^ S'adressa  à  lévéque  de 
Brandebourg.», 

8a  lettre  à  Vévêque  de  Brandebourg  est  assex 
méticuleuse;  ses  paroles,  pleines  de  soumission, 
sent  loin  d'annoncer  les  violences  qui  vont  faien- 

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260  vivoiBCf 

tôt  éclater.  Il  lui  envoie  ses  propositions,  oh 
plutôt  ses  doutes;  car  il  ne  veut  rien  dire  ni 
dans  un  sens  ni  dans  l'autre ,  jusqu'à  ce  que 
l'Église  ait  prononcé.  Il  blâme  les  adversaires 
du  saint-siége.  a  Que  ne  disputent-ils  aussi  de  la 
puissance ,  de  la  sagesse  et  de  la  bonté  de  celui 
qui  a  donné  ce  pouvoir  à  l'Église?»  Il  loue  la  dou- 
ceur et  l'humilité  de  l'évêque  ;  il  l'engage  à  pren- 
dre la  plume  et  à  efiacer  ce  qu'il  lui  plaira ,  ou  à 
brûler  le  tout.  (Luth.  Werke,  IX  ;  p.  64.) 

Fage  a8«  ligne  a6.  —  Sermon  sur  l'indulgence 
et  la  grâce»*» 

Dans  les  cinq  premiers  paragraphes,  dans  le 
sixième  surtout,  qui  est  très  mystique,  il  expose 
très  clairement  la  doctrine  de  saint  Thomas;  il 
prouve  ensuite ,  par  l'Écriture ,  contre  cette  doc- 
trine, que  le  repentir  et  la  conversion  du  pé- 
cheur peuvent  seuls  lui  assurer  le  pardon  de  ses 
péchés. — S IX.  «Quand  même  l'Église  déclarerait 
aujourd'hui  que  l'indulgence  efface  les  péchés 
mieux  que  les  œuvres  de  satisfaction,  il  vau- 
drait mille  fois  mieux,  pour  un  chrétien,  ne 
point  acheter  l'indulgence,  mais  plutôt  faire 
les  œuvres  et  souffrir  les  peines;  car  l'indul- 
gence n'est  et  ne  peut  être  qu'une  dispensa 

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DB  LUTHBE.  201 

de  bonnes  œuvres  et  de  peines  salutaires.  »  — 
|Xy.  <  Il  est  meilleur  et  plus  sûr  de  donner  pour 
la  construction  de  saint  Pierre  que  d'acheter 
l'iudulgence  prêchée  à  ce  sujet.  Vous  devez  avant 
tout  donner  à  votre  pauvre  prochain ,  et  s*il  n'y 
a  plus  personne  dans  votre  ville  qui  ait  besoin 
de  votre  secours,  alors  vous  devez  donner  pour 
les  églises  de  votre  ville...  Mon  désir,  ma  prière 
et  mon  conseil  sont  que  personne  nachète 
Tindulgence.  Laissez  les  mauvais  chrétiens  l'a» 
cheter;  que  chacun  marche  pour  soi.  »  — 
S  XYIII.  «Si  les  âmes  peuvent  être  tirées  du  pur» 
gatoire  par Fefficacité  de  l'indulgence ,  je  n'en  sais 
rien,  je  ne  le  crois  même  pas;  le  plus  sûr  est  de 
recourir  à  la  prière...  Laissez  les  docteurs  scolas- 
tiques  rester  scolastîques;  ils  ne  sont  pas  assez, 
tous  ensemble,  pour  autoriser  une  prédication.  » 
€e  morceau,  très  court,  semble  moins  un 
sermon  que  des  notes  sur  lesquelles  Luther  de- 
vait parler.  (Luth.  Werke,  VII,  p.  i.) 

Page  3o«  ligua  is.— £«-on  X-.. 

>  Autrefois,  le  pape  était  extrêmement  or- 
gueilleux ,  et  méprisait  tout  le  monde.  Le  cardi- 
nal-légat Gaietano  me  dit  à  Augsbourg ,  <  Quoi  ! 

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262  KÉHOIRBS 

tii  crois  que  le  pape  se  soucie  de  l'Allonagne? 
Le  petit  doigt  da  pape  est  plus  puissant  que  toofl 
vos  prinees.  >  — ^  «  Quand  on  présenta  au  pape 
mes  premières  propositions  sur  les  indulgences, 
il  dit  <  C'est  d'un  Allemand  ivre,  laissez-le  se 
dégriser,  et  il  parlera  autrement  »  C'est  avec  ce 
ton  de  raillerie  qu'il  méprisait  tout  le  monde.  > 

Luther  ne  fut  point  en  reste  avec  les  Italiens; 
il  leur  rendit  énergiquement  leur  mépris  c  Si  oe 
Sylvestre  ne  cesse  de  me  provoquer  par  ses  niai- 
series, je  mettrai  fin  au  jeu,  et  lâchant  la  hrideà 
mon  esprit  et  à  ma  plume ,  je  lui  montrerai  qu'il 
y  en  a ,  en  Allemagne ,  qui  comprennent  ses  ruses 
etcelles  de  Rome  ;  et  Dieu  veuille  que  cela  vienne 
bientôt!  Depuis  trop  long-temps,  les  Romains, 
avec  leurs  jongleries,  leurs  tours  et  leurs  détours, 
s'amusent  de  nous  comme  de  niais  et  deboufibns.» 
(P' septembre  1518.) 

<  Je  suis  charmé  que  Philippe  (Mélanchton) 
ait  éprouvé  par  lui-même  le  génie  des  Italiens. 
Cette  philosophie  ne  veut  croire  qu'après  expé- 
rience. Pour  moi ,  je  ne  pourrais  plus  me  fier  à 
aucun  Italien ,  pas  même  au  confesseur  de  l'Em- 
pereur. Mon  Caietano  m'aimait  d'une  telle  amitié, 
qu'il  aurait  voulu  verser  pour  moi  tout  le  sang 
qui  coule  dans mes  veines.  Cesont  des  drôles. 

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D«   LUTBIH.  263 

L'Italien ,  quand  il  est  bon ,  est  très  bon  ;  mais  c'est 
un  prodige  qui  ressemble  beaucoup  à  celui  du 
cygne  noir.*  (SI  juillet  1530.) 

<  Je  soubaite  à  Sadolet  de  croire  que  Dieu  est 
le  père  des  bommes,  même  bors  de  ritalie;mai8 
les  Italiens  ne  penrent  se  mettre  cela  dans  l'es- 
prit »  (U  octobre  1539.) 

«  Les  Italiens ,  dit  Hutten ,  qui  nous  accusaient 
d'être  irapuissans  à  produire  ce  qui  demande  du 
génie,  sont  forcés  d'admirer  aujourd'bui  notre 
Albert  Durer,  si  bien  que ,  pour  mieux  vendre 
leurs  ouvrages,  ils  les  marquent  de  son  nom. 
(Hutten,  III,  76.) 

Page  3o,  ligne  l4* — Fra  Luther  est  un  beau  génie.,» 

Bien  avant  1523 ,  le  seigneur  Conrad  Hofmann 
engageait  l'arcbevéque  deMayence  à  pourvoir  aux 
affaires  de  la  religion ,  de  crainte  qu'il  ne  s'éle- 
vât un  grand  incendie.  Il  répondit  :  «  C'est 
une  affaire  de  moines,  ils  l'arrangeront  bien  eux- 
mêmes.  > 

Page  33,  ligoe  t^,^- Ce  prince,  soit  par  intérêt  pour  sa  nouueU» 
université..». 

L'université  de  Wittemberg  écrivit  à  l'Élec- 
teur, lui  demandant  sa  j^otection  pour  le  plus 

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264  M&II0IEB8 

illustre  de  ses  membres,  (p.  55.  Seckendorf.)  La 
célébrité  croissante  de  Lutber  amenait  à  Wittem- 
berg  un  concours  immense  d'étudians.  Luther  dit 
lui-même  :  Studium  nostrum  more  formicarum  fer- 
vet.  Un  auteur  presque  contemporain  écrit  : 
«J'ai  appris  de  nos  précepteurs  que  des  étudians 
de  toutes  nations  Tenaient  à  Wittemberg  pour  en- 
tendre Luther  et  Mélanchton;  sitôt  qu'ils  aperce- 
raient la  ville,  ils  rendaient  grâces  à  Dieu,  les 
mains  jointes  ;  car  de  Wittemberg ,  comme  autre- 
fois de  Jérusalem ,  est  sortie  la  lumière  de  la  vé- 
rité évangélique ,  pour  se  répandre  de  là  jus- 
qu'aux terres  les  plus  lointaines.  (Seul têtus  in 
annalibus,  an  1S17 ,  p.  16,  17.  Cité  par  Secken- 
dorf, p.  89.) 

Toutefois,  la  protection  de  l'Électeur  n'était 
point  très  généreuse,  «  Ce  que  je  t'ai  déjà  dit,  mon 
cher  Spalatin,  je  te  le  dis  et  le  répète  encore  ; 
cherche  bien  à  savoir  si  c'est  l'intention  du  prince 
que  cette  académie  s'écroule  et  périsse.  J'aimerais 
fort  à  le  savoir ,  pour  ne  pas  retenir  inutilement 
ceux  que  chaque  jour  on  appelle  ailleurs.  Ce  bruit 
s'est  déjà  tellement  accrédité ,  que  ceux  de  Nu- 
remberg sollicitent  pour  laire  venir  Mélanchton , 
tant  ils  sont  persuadés  que  cette  école  est  déser- 
tée. Tu  sais  cependant  qu'on  ne  peut  ni  ne  doit 

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!>■   LUTHEB.  265 

contraindre  le  prince.»  (1""  noYembre  15W.) 
Après  la  mort  de  l'Électeur,  Luther  envoya 
à  Spalatin  un  plan  pour  Torgainisation  de  Funi- 
vendté.  (SO  mai  1525.) 

Pa{;e  13,  ligae  i5. — L*av<Ui  toujours  protégé, 

L'Électeur  écrit  lui-même  à  Spalatin ,  l'affaire 
do  notre  Martin  ya  bien .  Pfeffînger  a  bonne  es- 
pérance. (Seckendorf ,  p.  53.) 

Il  fit  dire  à  Luther  qu'il  avait  obtenu  du  légat 
Caietano  que  celui-ci  écrirait  à  Rome  pour  que 
l'on  remit  à  de  certains  juges  le  soin  de  décider 
Ta&ire;  que  jusque  là  il  patientât,  et  que  peut- 
être  les  censures  ne  viendraient  point.  (Secken- 
dorf, p.  44.) 

PtfpB  34,  ligne  i8.— £a  suinte  Écriture  parle  avec  une  telle 
majesté  qu'elle  n'a  pas  besoin,.,, 

Schenk  avait  été  chargé  d'acheter  des  reliques 
pour  l'église  collégiale  de  Wittemberg;  mais,  en 
1520,  la  commission  fut  révoquée ,  et  les  reliques 
renvoyées  en  Italie  pour  y  être  vendues  à  quel- 
que prix  que  ce  fût.  «  Car  ici,  écrit  Spalatin,  le 
l>as  peuple  les  méprise,  dans  la  ferme  et  très  lé- 
gitime persuasion  qu'il  suffit  d'apprendre  de  l'É- 

14 

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266  MÉM0I£B8 

Griture  à  avoir  foi  et  confiance  en  Dieu,  et  à  aimer 
son  prochain.  »  (Maccrée,  p.  87,  d'aprèi  la  vie  de 
Spalatin  parSchlegel,p,  B9.  Seckendorf.!.  p,  SÛ3.) 

page  38,  ligne  xi.—  Xe  légat  Caietano... 

Extrait  d'une  relation  des  conférences  du  car- 
dinal Caietano  avec  Luther. 

Luther  ayant  déclaré  que  le  pape  n'avait  de 
pouvoir  que  «a/t^d  5rtp<uni,  le  cardinal  se  moqua 
de  ces  paroles,  et  lui  dit  :  «  Ne  sais-tu  pas  que  le 
pape  est  au-dessus  des  conciles? N'a- 1- il  pas 
tout  récemment  condamné  et  puni  le  concile  de 
Bâle  ?  »  Luther  :  «  Mais  l'université  de  Paris  en 
a  appelé.  »  Le  Cardinal  :  »  Ceux  de  Paris  seront 
punis  également.  >  Plus  tard ,  Luther  ayant  cité 
Gerson ,  le  cardinal  lui  répliqua  :  «  Que  m'im- 
portent les  Gersonistes?  >  Sur  quoi  Luther  lui  de- 
manda qui  donc  étaient  les  Gersonistes?  «  £h! 
laissons  cela  ,  >  dit  le  cardinal ,  et  il  se  mit  à  par- 
ler d'autre  chose. 

Le  cardinal  envoya  au  pape  la  réponse  de 
Luther  par  un  courrier  extraordinaire.  Il  fit  aussi 
dire  à  Luther,  parle  docteur  Wenceslas,  que 
pourvu  qu'il  voulût  révoquer  ce  qu'il  avait  avancé 
sur  les  indulgences,  l'afiaire  serait  tout  arrangée. 


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DB  LVTHSR.  267 

«  Car,  ajoata-t-il,  l'article  sur  la  foi  nécessaire 
pour  le  saint  sacrement  pourrait  bien  se  laisser 
interpréter  et  tourner.  » 

Pendant  que  Luther  était  à  Augsbourg,  il  fut 
souyent  prié  de  prêcher  dans  cette  ville,  mais  il 
refusa  constamment,  avec  civilité;  il  craignait 
que  le  légat  ne  crût  qu'il  le  ferait  pour  railler 
et  le  braver. 

Luther  dit  en  s'en  retournant  d'Augsbourg: 
■  Que  s'ils  avait  quatre  cents  têtes ,  il  voudrait 
plutôt  1^  perdre  toutes  que  de  révoquer  son 
article  touchant  la  foi.  »  —  «  Personne  en  Alle- 
magne, dit  Hutten,  ne  méprise  plus  la  mort  que 
Luther.  » 

Bans  la  Protestation  qu'il  rédigea  après  ses 
conférences  avec  Gaietano ,  il  offrit  à  celui-ci 
d'exposer  ses  opinions  dans  un  mémoire ,  et  de  les 
soumettre  au  jugement  des  trois  universités  de 
Bâie,  de  Fribourg  (en  Brisgaw)  et  de  Louvain; 
même,  si  on  le  demandait,  au  jugement  de  l'u- 
niversité de  Paris,  «  estimée  de  tout  temps  la  plus 
chrétienne  et  la  plus  savante.  » 

Lettre  de  Luther  à  l'électeur  de  Saxe  pour  se 
défendre  contre  les  accusation  du  cardinal  Gaie- 
tano. (  19  novembre  1S18.)«  Une  chose  m'afiUge 
vivement ,  c'est  que  le  seigneur  légat  parle  ma- 

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268  HiMonBS 

licieusement  de  votre  Grâce  électorale  comme  û 
je  me  fondais  sur  eUe  en  entreprenant  toutes  cef 
choses.  Il  y  a  de  même  des  menteurs  parmi  nous 
qui  avancent  que  c'est  d'après  l'exhortation  et 
le  conseil  de  votre  Grâce  que  j'ai  commencé  à 
discuter  la  question  des  indulgences;  et  cepen- 
dant il  n'est  personne ,  parmi  mes  plus  chers  amis, 
qui  ait  été  instruit  d'avance  de  mon  dessein  ex- 
cepté messeigneurs  l'archevêque  de  Magdebourg 
et  l'évéque  de  Brandebourg...» 

Page  46  «  ligne  >>•  -—Examiner  Vaffiùre  par  des  jugmt 
non  suspects-. o 

Les  légats  se  réduisaient  à  demander  qu'on 
brûlt  les  livres  de  Luhter.  «  Le  pape ,  disaient-ils . 
ne  vei  ^.  pas  souiller  ses  mains  du  sang  de  Luther,» 
(Luth,  ipera,  IL)  * 

Pane  48 1  ligoa  t5*—MiUtts  changea  de  ton..' 

En  llSâO,  les  adversaires  de  Luther  s'étaientSivi- 
sés  en  deux  partis, réprésentés  par  Eck  éi  Hiltîtz. 
Le  premier ,  qui  a  disputé  publiquement  contre 
Luther ,  croit  son  honneur  et  sa  réputation  de 
théologien  engagés  à  obtenir  une  rétractation 


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m  LtTinut.  2S9 

formelle  de  Luther  ou  sa  condamnation  par  le 
pape  comme  hérétique.  £ck  pousse  aux  mesures 
TÎolentes.  Miltitz,  au  contraire,  qui  est  l'agent 
direct  du  saint-siége,  Toudrait  concilier  les  choses. 
Il  accorde  tout  à  Luther ,  parle  comme  lui ,.  mê- 
me de  la  papauté,  et  ne  lui  demande  que  le  si- 
lence. 

Le  SO  octobre  1520 ,  il  écrit  que ,  si  Luther  s'en 
tient  à  ses  promesses,  il  le  délivrera  de  la  bulle , 
qui  ne  doit  avoir  son  effet  que  dans  quatre  mois. 
Le  même  jour  il  écrità  l'Électeur  pour  lui  deman- 
der de  l'argent  afin  qu'il  ait  de.  quoi  envoyer  à 
Rome  pour  se  faire,  près  du  pape,  des  patrons 
pour  combattre  les  malicieuses  délations  et  les 
honteux  mensonges  d'£ck  contre  Luther.  Il  l'in- 
vite à  écrire  lui-même  au  pontife ,  et  à  envoyer 
aux  jeunes  cardinaux ,  parens  du  pape ,  deux  ou 
trois  pièces  d'or  à  son  effigie  et  autant  en  argent 
afin  de  se  les.  concilier.  Enfin  il  le  supplie  de  lui 
continuer  sa  pension  et  de  lui  donner  à  lui-même 
quelque  chose;  car  ce  qu'il  avait  reçu ,  on  le  lui 
a  volé. 

Le  lA  octobre,  il  écrit  que  Luther  consent  à 
se  taire  si  ses  adversaires  veulent  garder  le  si- 
lence. Il  promet  que  les  choses  n'iront  pas  comme 
Tespèrent  £ck  et  sa  faction,  il  engage  encore 

14. 

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270  xiHOIBBf 

rÉlecteur  à  envoyer  quarante  on  cinquante  flo- 
rins au  cardinal  quaiuor  Sanciarum  (Seckendorf, 
1. 1,  p.  M.) 

Ce  Miltitz  était  un  assez  bon  compagnon.  Dans 
une  lettre  à  l'Électeur,  où  il  réclame  le  paiement 
de  sa  pension ,  il  raconte  qu'étant  à  Stolpa  j 
avec  l'éyéquede  Misnie,  ils buTaient  joyeusement 
ensemble  lorsque  sur  le  soir  on  apporta  un  petit 
livre  de  Luther,  contre  l'official  de  Stolpa;  Té- 
véque  s'indigna ,  l'official  jura;  mais  lui ,  il  ne  fit 
qu'en  rire,  comme  fit  plus  tard  le  duc  George 
qui  s'en  amusa  beaucoup.  (1510.)  (Seckendorf» 
l.I,p.98.) 

Le  docteur  Wolfigang  Reissenbach  raconte 
que  Luther  et  Hiltitz ,  l'un  avec  trente  chevaux , 
l'autre  accompagné  de  quatre  seulement,  vin- 
rent le  11  octobre,  à  Lichtenberg;  qu'ils  y  vé- 
curent joyeusement,  son  économe  leur  fournis- 
sant en  abondance  tout  ce  qui  était  nécessaire.  Il 
ajoute  qu'il  avait  mieux  aimé  se  trouver  absent  » 
parce  qu'il  n'aime  pas  Miltitz  qui  lui  a  fait  perdre 
six  cents  florins.  (Seckendorf,  1.  I,  p.  99.) 

Miltitz  finit  dignement  :  on  dit  qu'un  jour 
après  de  copieuses  libations,  il  tomba  dans  le 
Rhin  près  de  Mayence  et  s'y  noya.  Il  avait  alors 
sur  lui  cinq  cents  pièces  d'or.  (Seckendorf,  1. 1, 
p.  117.) 

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»■   LDTHBH.  271 


Pafc  48 ,  Ugn«  i8.— £«/  acova  ^v'//  avait  ênUvi  te  monda 
a  soi'.» 


Les  livres  de  Luther  avaient  en  effet  déjà  une 
grande  vogue.  Jean  Froben ,  célèbre  imprimeur 
de  Bâle,  lui  écrivit  le  lA  février  1519  que  ses  11- 
Tres  sont  lus  et  approuvés,  à  Paris  même,  et  ju^ 
que  dans  la  Sorbonne;  qu'il  ne  lui  reste  plus  un 
seul  exemplaire  de  tous  ceux  qu'il  avait  réimpri- 
més à  Bâle;  qu'ils  sont  dispersés  en  Italie,  en  Espa- 
gne et  ailleurs,  partout  approuvés  des  docteurs. 
(Seckendorf,  LI,p.68.) 


Psgo  5o,  l!gn«  S.  -^Non  content  d^ aller  se  défendre 
à  Leipstg-.. 


Voyage  de  Luther  àLeipsig:  €ll|y  avait  d'abord 
Carlostad  seul  sur  un  chariot,  et  précédant  tous 
les  autres;  mais  une  roue  s'étant  brisée  près  de 
l'église  Saint  Paul,il  tomba,  etcettechute  futcon- 
sidérée  comme  un  mauvais  présage  pour  lui.  Puis 
venait  le  chariot  de  Bamim ,  prince  de  Poméra- 
BÎe,  qui  alors  étudiait  à  Wittemberg  et  portait  le 
titre  de  recteur  honoraire.  A  ses  côtés  étaient  Lu- 
ther et  Mélanchton;  un  grand  nombre  d'étudians 


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272  MÉMOIRES 

do  Wittemberg  accompagnaient  en  armes  la  voi- 
ture. .  (19  juin  1519.)  (Seckendorf,  1.  I,  p.  M.) 
Eck  raconte  son  entrevue  avec  Luther  (qu'il 
appelle  Lotier,  en  allemand  un  vagabond,  un 
pendard).  «  Luther  vint  en  grande  pompe  à 
Leipsig,  avec  deux  cents  étudians  de  Wittem- 
berg,  quatre  docteurs,  trois  licenciés,  pluâeurs 
maîtres  et  un  grand  nombre  de  ses  partisans  ;  le 
docteur  Lang  d'£rfurth,  Egranus,  un  prédica- 
teur de  Gorlitz ,  un  bourgeois  d'Anneberg ,  des 
schismatiques  de  Prague  et  des  picards  (hussites), 
qui  vantent  Martin  comme  un  grand  docteur  de 
vérité,  comme  l'égal  de  leur  Jean  Huasinetz.  La 
dispute  fut  arrêtée  pour  le  âO  juin;  j'accordai 
que  ceux  de  Leipsig  ne  seraient  pas  juges,  quoi- 
qu'ils fussent  bien  disposés  pour  moi.  Par  toute 
la  ville  il  n'était  bruit  que  de  ma  défaite,  et  per- 
sonne n'osait  me  faire  société.  Moi,  comme  un 
vieux  docteur,  j'étais  là  pour  faire  tète  à  tons. 
Cependant  le  prince  m'envoya  un  bon  cerf  et 
donna  une  biche  à  Garlostad ,  contre  lequel  je 
devais  aussi  disputer.  La  citadelle  fut  magnifi- 
quement préparée  pour  nous  servir  de  champ  de 
bataille.  Le  lieu  était  gardé  par  soixante-seize  sol- 
dats pour  nous  défendre  en  cas  de  besoin,  contre 
les  insultes  de  ceux  de  Wittemberg  et  des  Bohé- 

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M   LrTRFE.  273 

miens...  Quand  Luther  entra,  je  tis  bien  quil 
ne  voulait  pas  disputer...  Il  refusa  de  reconnaître 
aucune  espèce  de  jugées.  Je  lui  proposai  les  com- 
missaires du  prince  (le  duc  Géorgie  ) ,  l'université 
de  Leipsig,  ou  toute  autre  université  qu'il  vou- 
drait choisir  en  Allemagne ,  ou  si  TAllemagne  lui 
semblait  trop  petite,  en  Italie,  en  France,  en 
Espagne.  Il  refusa  tout.  Seulement  à  la  fin  il  con- 
•entît  à  convenir  d'un  juge  avec  moi ,  et  à  dis- 
puter ,  pourvu  qu'il  lui  fût  permis  de  publier  en 
allemand  les  actes  de  la  conférence.  Je  ne  pouvais 
accorder  cela.  Je  ne  sais  maintenant  quand  nous 

commencerons Le  sénat  qui  craint  que  ceux 

deWittemberg  n'exécutent  leurs  menaces,  a, 
la  nuit  dernière,  garni  de  soldats  les  maisons 
voisines.  ■  (Seckendorf ,  1.  p.  85-6.) 

Kosellanus^  professeur  de  langue  grecque  à 
Leipsig  et  qui  fut  chargé  d'ouvrir  les  conféren- 
ces par  un  discours  au  nom  du  prince,  rapporte 
dans  une  lettre  à  Pirkheimer,  qu'on  avait  enfin 
choisi  pour  juges  des  docteurs  d'£rfurth  et  de 
Pans.  Mosellanus  est  favorable  à  Luther,  oc  £ck , 
dit-il ,  par  ses  cris ,  sa  figure  de  soldat,  ses  regards 
de  travers ,  ses  gestes  d'histrion ,  semblait  un  petit 
furieux...  se  vantant  sans  cesse,  affirmant  des 
choses  fausses,  niant  impudemment  des  choses 
vraies...  »  (Seckendorf,  L  I,  p.  90.) 


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274  MÉHOIRtS 


Ptf*  5o«  lignt  II.  •!>«  prince  qui  U  prot^eait.^,. 

Luther  ne  dut  plus  douter  de  la  protection  de 
FÉlecteur,  lorsque  Spalatin,  le  confident  de  ce 
prince,  traduisit  en  allemand  et  publia  son  livre 
intitulé  :  Consolation  à  tous  les  chrétiens,  (fé- 
Triorl5ÎO.) 

Payt^So,  ligne  14.— Povr  qu'ils  vitissemt  disputer apec  iui... 

A  cette  époque,  Luther,  encore  peu  arrêté  dans 
ses  idées  de  réforme ,  cherchait  à  s'éclairer  sur 
ses  doutes  par  la  discussion  ;  il  demandait ,  il  sol- 
licitait les  conférences  publiques.  Le  15  janvier 
1520,  il  écrivit  à  l'Empereur  : 

<K  Voici  bientôt  trois  ans  que  je  souffre  des  co- 
lères sans  fin,  et  d'outrageantes  injures,  que  je 
suis  exposé  à  mille  périls  et  à  tout  ce  que  mes 
adversaires  peuvent  inventer  de  mal  contre  moi. 
En  vain  j'ai  demandé  pardon  pour  mes  paroles, 
en  vain  j'ai  offert  de  garder  le  silence ,  en  vain 
j'ai  proposé  des  conditions  de  paix ,  en  vain  j'ai 
prié  que  l'on  voulût  bien  m'éclairer  si  j'étais  dans 
l'erreur.  L'on  n'a  rien  écouté;  l'on  n'a  fait  qu'une 
chose,  préparer  ma  ruine  et  celle  de  l'Évangile. 

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DB  LUTHSK.  275 

Puisque  j'ai  yainement  tout  tenté  jusqu'à  pré* 
sent,  je  veux,  à  l'exemple  de  saint  Athanase,  in- 
voquer la  majesté  impériale  ;  j'implore  donc  hum- 
blement votre  Majesté ,  Charles ,  prince  des  rois 
de  la  terre ,  pour  qu'elle  ait  pitié ,  non  pas  de 
moi,  mais  de  la  cause  de  la  vérité, pour  laquelle 
seule  il  vous  a  été  donné  de  porter  le  glaive. 
Qu'on  me  laisse  prouver  ma  doctrine;  je  vain- 
crai, ou  je  serai  vaincu;  et  si  je  suis  trouvé  im- 
pie ou  hérétique ,  je  ne  veux  point  de  protection 
ni  de  miséricorde.  »  (Opéra  latina  Lutheri.  Wit- 
temb.,  11,42.) 

Le  4  février ,  il  écrit  encore  à  Parchevéque  de 
Mayence  et  à  Tévéque  de  Mersebonrg  des  lettres 
pleines  de  soumission  et  de  respect,  où  il  les  sup- 
plie de  ne  pas  croire  les  calomnies  que  l'on  ré- 
pand sur  son  compte  ;  il  ne  demande  qu'à  s'in- 
struire, qu'à  éclaircir  ses  doutes.  (Luth,  opéra, 
II,  44.) 

Page  53,  ligne  %5"^  Lorsque  la  buiU.,. 

Les  cicéroniens  de  la  cour  pontificale,  les  Sa- 
dolets,  etc.,  avaient  déployé  toute  leur  science, 
toute  leur  littérature  pour  écrire  la  bulle  de 
Léon  X.  Leur  belle  invocation  à  tous  les  saints 


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276  MiHoiBss 

cooire  Luther  rappelle  éyidemment  la  fameute 
péroraison  du  discours  de  Gicéron,  De  Signù, 
dans  laquelle  il  adjure  tous  les  dieux  de  venir 
témoigner  contre  Verres  qui  a  outragé  leurs  au- 
tels. Par  malheur,  les  secrétaires  du  pape,  plus 
préoccupés  des  formes  oratoires  de  l'antiquité 
que  de  l'histoire  de  l'Église ,  ne  s'étaient  point 
aperçus  qu'ils  évoquaient  contre  Luther  celui 
même  sur  lequel  s'appuyait  Luther  :  «  Exsurge , 
tu  quoque  ^  qtiœsutnu$,  Paule ,  qui  Ecclesiatn  iuà 
dodrinâ  illustrasti.  Surgit  novut  Porphyriua,..  — 
(  Lutheri  opéra ,  II ,  52.  ) 

Léon  X  ,  en  condamnant  dans  cette  bulle  les 
livres  de  Luther ,  lui  offrait  de  nouveau  un  sauf- 
conduit  pour  se  rendre  à  Rome ,  et  promettait 
de  lui  payer  ses  frais  de  voyage. 

Les  universités  de  Louvain  et  de  Cologne  ap- 
prouvèrent la  bulle  du  pape ,  et  s'attirèrent  ainsi 
les  attaques  de  Luther.  Il  les  accusa  d'avoir  in- 
justement condamné  Occam,  Pic  de  la  Miran- 
dole,  Laurent  Yalla,  Jean  Reuchlin.  Pour  aflbi- 
blir,  dit  Cochlœus,  l'autorité  de  ces  universités, 
il  les  attaquait  sans  cesse  dans  ses  livres ,  mettant 
en  marge,  lorsqu'il  rencontrait  un  barbarisme 
ou  quelque  chose  de  mal  dit  :  comme  à  Louvain, 
comme  à  Cologne ,  lovanialiter ,  colonialiter,  etc. 
(Cochlœus,  p.  S2.) 

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DB  tUTH9B.  277 

A  Cologne,  à  Mayence,  et  dans  tous  les  états 
héréditaires  de  Charles  V,  on  brûla,  dès  ISaO, 
les  livres  de  Luther.  (Cochlaeus,  p.  25.) 


Pag»  5$,  ligne  i5.  —  jiucun  d'eux  plus  êloqurnnment, 
que  lui:. 


n  écrivait  le  29  novembre  1521  aux  Augustîns, 
de  Wittemberg  :  «  Je  senà  chaque  jour  combien 
il  est  difficile  de  déposer  les  scrupules  que  Ton  a 
conservés  long-temps.  Oh  !  qu'il  m'en  a  coûté  de 
peine,  quoique  j'eusse  l'Écriture  de  mon  côté 
pour  me  justifier  par-devant  moi-même  de  ce  que 
seul  j'osai  m'élever  contre  le  pape  et  le  tenir  pour 
PAntichrist!  Quelles  n'ont  pas  été  les  tribulations 
de  mon  cœur!  que  de  fois  ne  me  suis-je  pas  op- 
posé avec  amertume  à  cet  argument  des  papistes  : 
«  Es-tu  seul  sage  ?  Tous  les  autres  se  tromperaient- 
ils,  se  seraient-ils  trompés  depuis  si  long-temps? 
que  sera-ce  si  tu  te  trompes  et  que  tu  entraines 
dans  ton  erreur  tant  d'âmes  qui  seront  éternelle- 
ment damnées  ?  Ainsi  je  me  débattais  avec  moi- 
même,  jusqu'à  ce  que  Jésus-Christ,  par  sa  propre 
et  infaillible  parole,  me  fortifiât  et  dressât  mon 
cœur  contre  cet  argument ,  comme  un  rivage  de 
Tome  I  16 

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278  niMoiuBS 

rochers ,  dressé  contre  les  flots,  se  rit  de  toates 

leurs  fureurs...  »  (Luth.  Briefe,  t.  II,  p.  107.) 

P«g«  59,  ligne  iSm^Il  se  Jbndait  alors  sur  suint  JfeoH,,» 

«Il  faut  procéder  dans  rÉvangile  de  saint 
Jean,  d'après  un  tout  autre  point  de  vue  que 
dans  les  autres  évangélistes.  L'idée  de  cet  évan- 
gile ,  c'est  que  Thomme  ne  peut  rien,  n'a  rien  de 
soi-même,  qu'il  ne  tient  rien  que  de  la  miséricorde 
devine...  Je  le  répète ,  et  le  répéterai  :  Celui  qui 
veut  s'élever  à  une  pensée  ,  à  une  spéculation 
salutaire  sur  Dieu,  doit  tout  subordonner  à  l'hu- 
manité  du  Christ.  Qu'il  se  la  représente  sans  cesse 
dans  son  action  ou  dans  sa  passion,  jusqu'à  ce  que 
son  cœur  s'amollisse.  Alors  qu'il  ne  s'arrête  pas 
là,  qu'il  pénètre  et  pousse  plus  lois  la  pensée: 
ce  n'est  pas  par  sa  volonté,  mais  parcelle  de  Dieu 
le  Père ,  que  Jésus  fait  ceci  et  cela.  C'est  là  qu'il 
commencera  à  goûter  la  douceur  infinie  de  la 
volonté  du  père,  révélée  dans  l'humanité  du 
Christ» 

Fag«  €3«  ligne  7.  —  On  s'arrachait  ses  pamphlets^. 

Le  célèbre  peintre  Lucas  Cranach  Caiisait  des 
gravures  pour  les  opuscules  de  Luther.  (Secken- 
dorf ,  p.  1^.) 

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DK7i.VTHia*  279 


Pagt  G4  •  UgM  6-  ~  Si  quelque  impHmêur  mppartmit  du  soin 
aux  ouvrag0s  des  papistes  ,  on  le  tourmentait'^ 


De  même  à  Augsbonrg.  La  confession  d'Angs- 
bourg  fut  imprimée  et  répandue  dans  toute  UAl- 
l«magne  avant  la  fin  même  de  la  diète  ;  la  réfuta- 
tiondescatholiquesdontrEmpereuraTaitordonné 
rimpression,  fat  remise  aux  imprimeurs,  mais 
ne  parut  pas.  Aussi  Luther,  reprocliant  aux  ca- 
tholiques de  ne  pas  oser  la  publier,  appelle  cette 
réfutation,  un  oiseau  de  nuit,  un  hibou,  une  chauve- 
êouris  {noetua  et  veêpertilio)  (Cochlœus,202.) 

P«g«  A4  JigiM  19. .-  Luther  avaifjkii  appel  à  la  noblesse.  . 

«  A  ta  Migesté  impériale  et  à  la  noblesse  chré- 
tienne  de  la  nation  allemande,  le  docteur  Martin 
Luther.  (1520.) 

>  Grâce  et  force  de  notre  Seigneur  Jésus...  Les 
Komanistes  ont  habilement  élevé  autour  d'eux 
trois  murs  au  moyen  desquels  ils  se  sont  jusqu'ici 
protégés  contre  toute  réforme,  au  grand  préjudice 
de  tonte  la  chrétienté.  D'abord  ils  prétendent  que 
le  pouvoir  spirituel  est  au-dessus  du  pouvoir  tem- 
porel; ensuite,  qu'au  pape  seul  il  appartient  d'in* 

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280  KiMOt&BS 

terpréter  la  Bible;  troisièmement,  que  le  pape 
seul  a  droit  de  convoquer  un  concile. 

•  Sur  ce,  puisse  Dieu  nous  être  en  aide  et  nous 
donner  une  de  ces  trompettes  qui  renversèrent 
jadis  les  murs  de  Jéricho,  pour  souffler  bas  ces 
murs  de  paille  et  de  papier»  mettre  en  lumière 
les  ruses  et  les  mensonges  du  diable,  et  recou* 
vrer  par  pénitence  et  amendement  la  grâce  de 
Dieu.  Commençons  par  le  premier  mur. 

»  Premier  mur.,.  Tous  les  chrétiens  sont  de  con- 
dition spirituelle,  et  il  n'est  entre  eux  d'autre 
différence  que  celle  qui  résulte  de  la  différence 
de  leurs  fonctions,  selon  la  parole  de  l'apôtre 
(I.  Cor.  xu),  qui  dit  c  que  nous  sommes  tous  un 
même  corps,  mais  que  chaque  membre  a  un  of- 
fice particulier,  par  lequel  il  est  utile  aux  au- 
tres. 9 

>  Nous  avons  tous  le  même  baptême ,  le  même 
Évangile,  la  même  foi,  et  nous  sommes  tous  égaux 

comme  chrétiens Il  devrait  en  être  du  curé 

comme  du  bailli,  que  pendant  ses  fonctions  il  soit 
au-dessus  des  autres;  déposé,  qu'il  redevienne  ce 
qu'il  a  été ,  simple  bourgeois.  Les  caractères  t*- 
délébilês  ne  sont  qu'une  chimère...  Le  pouvoir  se» 
culier  étant  institué  de  Dieu ,  afin  de  punir  les 
méchana  et  de  protéger  les  bons,  son  ministère 

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QB  LVTHBE.  281 

devrait  s'étendre  sur  toute  la  chrétienté,  sans  con- 
sidération de  personne,  pape,  éTéque,  moine, 
religieuse  au  autre ,  n'importe...  Un  prêtre  a-t-il 
été  tué  :  tout  le  pays  est  frappé  d'interdit.  Pour^ 
quoi  n'en  est-dl  pas  de  même  après  le  meurtre 
d'un  paysan  ?  B'oii  vient  une  telle  différence  entre 
des  chrétiens  que  Jésus-Chrbt  appelle  égaux?  Uni- 
quement des  lois  et  des  inventions  humaines... 

•  Deuxième  mur.,.  Nous  sommes  tous  prêtres. 
L'apôtre  ne  dit-il  pas  (I.  Gor.n)  :  «  Un  homme 
êpiniuel  juge  toutes  choses  et  n'est  jugé  par  per-> 
sonne  ?  »  Nous  avons  tous  un  même  esprit  dans  la 
foi,  dit  encore  l'Évangile;  pourquoi  ne  sentirions» 
nous  pas ,  aussi  bien  que  les  papes  qui  sont  sou- 
vent des  mécréans,  ce  qui  est  conforme  ou  con- 
traire à  la  foi  ? 

B  Trtneième  mur...  Les  premiers  conciles  ne 
furent  pas  convoqués  par  les  papes.  Celui  de  Ni- 
eée  lui-même  fut  convoqué  par  Tempereur  Con- 
stantin  Si  les  ennemis  surprenaient  une  ville, 

l'honneur  serait  à  celui  qui,  le  premier,  crierait 
aux  armes!  qu*il  fût  bourgmestre  ou  non.  Pourquoi 
n'en  serait-41  pas  de  même  de  celui  qui  ferait  senti- 
nelle contre  nos  ennemis  de  l'enfer,  et,  les  voyant 
s'avancer ,  rassemblerait  le  premier  les  chrétiens 
contre  eux  ?  Faut-il  pour  cela  qu'il  soit  pape?...  ■. 

15. 

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282  vivoiAEs 

Voici  en  résumé  les  réformes  que  propose 
Luther  :  Que  le  pape  diminue  le  luxe  dont  il  est 
entouré ,  et  qu'il  se  rapproche  de  la  pauvreté  de 
JésufrChrist.  Sa  cour  absorbe  des  sommes  im- 
menses. On  a  calculé  que  plus'  de  trois  cent  mille 
florins  allaient  tous  les  ans  d'Allemagne  à  Rome. 
Douze  cardinaux  suffiraient,  et  ce  serait  au.  pape 
à  les  nourrir.  Pourquoi  les  Allemands  se  laissa 
raient-ils  dépouiller  par  les  cardinaux  qui  enva- 
hissent toutes  les  riches  fondations ,  et  qui  en 
dépensent  les  revenus  à  Home?  Les  Français  ne 
le  souffrent  pas. — Que  l'on  ne  donne  plus  rien 
au  pape  pour  être  employé  contre  les  Turcs;  oe 
n'est  qu'un  leurre,  un  misérable  prétexte,  pour 
tirer  de  nous  de  l'argot — Qu'on  cesse  de  lui 
reconnaître  le  droit  d'in  •  estiture.  Rome  attire 
tout  à  soi  par  les  pratiques  les  plus  impudentes, 
n  est  en  cette  ville  un  simple  courtisan  qui  po§- 
sède  vingtrdeux  eures,  sept  prieurés  et  quarante-* 
quatre  prébendes,  etc. 

Que  l'autorité  séculière  n'envoie  plus  à  Rome 
à*annaieif  comme  on  fait  depuis  cent  ans. — 
Qu'il  suffise  ,  pour  l'installation  des  évéqnes  • 
qu'ils  soient  confirmés  par  les  deux  évéques  les 
plus  voisins,  ou  par  leur  archevêque,  conformé* 
ment  au  concile  de  Nicée.  —  «Je  veux  seole^ 

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hm  LDTBBK.  9jB3 

ment,  en  écriTant  ceci,  Cèdre  réfléchir  ceux  qui 
sont  disposés  à  aider  la  nation  allemande  à  rede- 
venir chrétienne  et  libre  après  le  déplorable 
l^nremement  du  pape,  ce  gouyernement  anti- 
chrétien. « 

Moins  de  pèlerinages  en  Italie.  —  Laissons  s'é- 
teindre les  ordres  mendians.  Us  ont  dégénéré  et 
ne  remplissent  pas  le  but  de  leurs  fondateurs.  — 
Permettre  le  mariage  des  prêtres.  —  Supprimer 
un  grand  nombre  de  fêtes,  ou  les  faire  coïncider 
avec  les  dimanches.  Abolir  les  fêtes  de  patronage, 
si  préjudiciables  aux  bonnes  mœurs.  —  Suppri- 
mer des  jeûnes,  t  Beaucoup  de  choses  qui  ont  été 
bonnes  autrefois  ne  le  sont  plus  à  présent.  »  — 
Éteindre  la  mendicité.  Que  chaque  commune  soit 
tenue  d'avoir  soin  de  ses  pauvres.  —  Béfendre  de 
fbnder  des  messes  privées.  —  Examiner  la  doc- 
trine des  Bohèmes  mieux  qu'on  n'a  fait,  et  se  join- 
dre à  eux  pour  résister  à  la  cour  de  Rome. — ^Abo- 
lir les  décrétales. — Supprimer  les  maisons  de 
prostitution. 

«  Je  sais  encore  une  autre  chanson  sur  Rome 
et  les  Romanistes;  si  l'oreille  leur  démange ,  je  la 
leur  chanterai  aussi ,  et  je  monterai  jusqu'aux  der- 
niers octaves.  Me  comprends-tu ,  Rome  ?  »  (Luth. 
WeAe,  VI,  644-568.) 

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284  Mixoi&Bs 


P âge  66.  Itg.  4*  "  ^^  "«  voudrais  pas  çu'on^t  servir  à  la  eaus» 
de  l' Évangile  la  violence  et  le  meurtre,.» 


n  voulait  que  VAllemagne  se  séparât  paisible- 
ment du  saint-siége  :  c'est  en  ce  sens  qu'il  écrivit 
en  1520  à  Charles-Quint  et  aux  nobles  allemands 
pour  les  engager  à  renoncer  à  Fobédience  de 
Rome.  «L'Empereur,  disait-il,  a  égal  pouvoir 
sur  les  clercs  et  sur  les  laïques;  le  dilTérence  en- 
tre ces  deux  états  n'est  qu'une  fiction,  puisque, 
par  le  baptême ,  nous  devenons  tous  prêtres.  • 
(Luthçri  opéra,  II,  p.  20.) 

Cependant,  si  l'on  en  croit  l'autorité  assex  sus- 
pecte, il  est  vrai,  de  Cochlœus,  il  aurait,  dès 
cette  époque  même,  prêché  la  guerre  contre 
Rome.  —  «  Quç  TEmpereur,  les  rois,  les  princes 
ceignent  le  glaive  et  frappent  cette  peste  du 
monde.  Il  faut  en  finir  par  l'épée ,  il  n'y  a  point 
d'autre  remède.  Que  veulent  dire  ces  hommes  per- 
dus, privés  de  sens  commun  :  que  c'est  là  ce  que 
doit  faire  PAntichrist.  Si  nous  avons  des  potences 
pour  les  voleurs ,  des  haches  pour  les  brigands, 
des  bûchers  pour  les  hérétiques ,  pourquoi  n'au- 
rions-nous pas  des  armes  pour  ces  maîtres  de 
perdition ,  ces  cardinaux ,  ces  papes,  toute  cette 


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ra  iVTBBA.  285 

tourbe  de  la  Sodome  romaine  qui  corrompt  l'É- 
glise de  Dieu  ?  pourquoi  ne  laverions-nous  pas 
nos  mains  dans  leur  sang  ?»  Je  ne  sais  de  quel 
ouvrage  de  Luther  Gochlœus  a  tiré  ces  paroles, 
(page  M.) 


Page  66,  ligne 25.  —  ffullen...  pour Jbrmer  une  Uguê  entre 
les  villes  et  les  nobles  du  Bhin,,% 


Dès  TouTerturede  la  diète,  il  s'était  enquis  au- 
près de  Spalatin  de  la  conduite  que  l'Électeur 
tiendrait  en  cas  de  guerre.  On  avait  lieu  de  croire 
qu'il  soutiendrait  son  théologien ,  la  gloire  de  son 
université.    «  Qui  ignore,  lui  écrit  Luther,  que 
le  prince  Frédéric  est  devenu,  pour  la   pro- 
pagation de  la  littérature,  l'exemple  de    tous 
les  princes?  Votre  Wittemberg  hébraïse  et  hel- 
lénise avec  bonheur.  Les  préceptes  de  Minerve 
y  gouvernent  les  arts  mieux  que  jamais,  la  vraie 
théologie  du  Glt^ist  y  triomphe.  »  Il  écrit  à  Spa- 
latin (S  octobre  1K20:)  «Plusieurs  ont   pensé 
que  je  devais  demander  à  notre  bon  prince  de 
m'obtenir  un  édit  de  l'Empereur,  pour  que  per- 
sonne ne  pût  me  condamner  sans  que  j'eusse  été 
cmiTaincu  d'erreur  par  l'Écriture.  Examine  si 
cela  est  à  propos.  »  On  voit  par  ce  qui  cuit  que 


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286  iitooimu 

Lather  croyait  aiuri  pouvoir  compter  sur  la  sym- 
pathie des  peuples  de  l'Italie.  «  Au  lieu  de  livres, 
j'aimerais  mieux  qu'on  pût  multiplia  les  livres 
vivans,  c'est-à-dire  les  prédicateurs.  Je  t'envoie 
ce  qu'on  m'a  écrit  d'Italie  sur  ce  sujet.  Si  notre 
prince  le  voulait ,  je  ne  crois  pas  qu'il  pût  entre- 
prendre d'œuvre  plus  digne  de  lui.  Le  petit  peu- 
ple d'Italie  y  prenant  part,  notre  cause  en  rece- 
vrait une  grande  force.  Qui  sait,  Dieu  peut-être 
les  suscitera.  Il  nous  garde  notre  prince,  afin  de 
faire  agir  la  parole  divine  par  son  intermédiaire. 
Vois  donc  ce  que  tu  pourras  fiûre  de  ce  côté  pour 
la  cause  du  Christ.  » 

Luther  n'avait  pas  négligé  de  s'attirer  l'af- 
fection des  villes  :  nous  le  voyons  à  la  fin  de 
l'an  1520  solliciter  de  l'Électeur  une  diminution 
d'impôts  pour  celle  de  Kemberg.  <  Ce  peuple , 
écrit-il,  est  misérablement  épuisé  par  cette  détes- 
table usure Ce  sont  les  prêtrises,  les  offices  du 

culte,  et  même  quelques  confréries,  qu'on  nour- 
rit de  ces  impôts  sacrilèges  et  de  ces  rapine»  im- 
pies. • 

Fage  67,  ligne  18.  —  Buntschuh,  —  Soulier  d'allUnce... 

Le  sabot  servait  déjà  de  ngne  distinctif  au 
douiième  siècle.  SabaitUi  était  un  nom  des  Yau- 

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DB    LVTHSB.  &87 

dois.  (  Voy.  Dufresne,  Glossar.  a«i  mot  Sahaiaiù) 

Pag«  68*  lign«  9.  —  Pour  U  décider  à  prendrêlet 
mrmes:. 

«  L'audace  des  romanistas  augmente,  écrit-il 9 
Hutten;  car,  comme  ils  disent,  tu  aboies,  mais 
tu  ne  mords  point.  »  (Opéra  Hutten,  lY ,  306.) 

Un  autre  littérateur ,  Helius  Eobanus  Bessus,  le 
presse  de  s'armer  pour  Luther.  «  Franx  y  sera 
pour  nous  soutenir,  ei^tous  deux,  je  le  prédis, 
▼ous  serex  la  foudre  qui  écrasera  le  monstre  de 
Rome.  >  (Hutten  op.  lY ,  309.) 

Page  66, ligne  »6.  -^ Sa^f-condutu,^ 

«Charles,  par  la  grâce  de  Dieu,  etc.  Révérend, 
cher  et  pieux  docteur!  Nous  et  les  États  du  saint* 
Empire,  ici  rassemblés,  ayant  résolu  de  nous, in- 
former de  ta  doctrine  et  des  livre  que  tu  as 
publiés  depuis  un  certain  temps ,  nous  t'avons 
donné  et  t'envoyons  ci -joints  la  garantie  et  le 
sauf- conduit  de  l'Empire  pour  venir  ici  et  re- 
tourner ensuite  en  lieu  de  sûreté;  c'est  notre  vo* 
lonté  très  précise  que  tu  te  rendes  auprès  de  nocw 
dans  les  vingt  et  un  jours  que  porte  ledit  sauC- 

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288  HiMOIRBt 

conduit,  sans  craindre  violence  ni  dommage  aï 
cun...  Donné  en  notre  ville  libre  de  Worms,  1 
sixième  jour  du  mois  de  mars  1521,  dans  la» 
conde  année  de  notre  rogne.  Signé  de  la  mat 
de  Varchichancelier, .  (Luth.  Werke,  IX ,  p.  10€ 


Page  7»,  lîgae  55.  —  J'avais  tiré  un  grand  éclat 
de  tout  cela.- 

Spalatin  raconte  dans  ses  annales  (p.  50)  qi 
le  second  jour  où  Luther  avait  comparu,  l'éle 
teur  de  Saxe,  revenant  de  la  maison  de  la  vill< 
fit  appeler  Spalatin  dans  sa  chambre  et  lui  e 
prima  dans  quelle  surprise  il  était  :  «  Le  doctei 
Martin  a  bien  parlé  devant  l'Empereur  et  les  pri 
ces  et  états  de  l'Empire,  seulement  il  a  été  trc 
hardi.  »  (fifarheinecke ,  histoire  de  la  Réfoi 
ma,  1,264.) 

«  Cependant  Luther  recevai  continuelleme 
la  visite  d'un  grand  nombre  de  princes ,  de  co 
tes  et  autres  personnes  de  distinction.  Lemercrc 
suivant  (huit  jours  après  sa  première  compai 
tion)  il  futinvité  par  Farchevêque  de  Trèveî 
se  rendre  chez  lui.  Il  y  vint  avec  plusieurs  de 
amis  et  y  trouva,  outre  l'archevêque,  le  mj 
grave  de  Brandebourg,  le  duc  George  de  Sai 


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Dl    LUTHIE.  289 

le  grand-iDaitre  de  l'ordre  Teutonique,  et  un 
grand  nombre  d'ecclésiastiques.  Le  chancelier  du 
margrave  de  Bade  prit  la  parole  ,  et  l'engagea, 
avec  beaucoup  d'éloquence,  à  entrer  dans  de  meil- 
leures voies;  il  défendit  Tautorité  des  conciles  et 
essaya  d'alarmer  Luther  sur  l'influence  que  son 
livre  de  la  Liberté  chrétienne  allait  avoir  sur  le 
peuple ,  déjà  si  disposé  à  la  sédition.  «  Il  faut  au- 
jourd'hui des  lois  et  des  établissemens  humains , 
dit-il  ;  nous  ne  sommes  plus  au  temps  où  tous  les 
6dè1es  n'étaient  qu'un  cœur  et  un  esprit.  »    Il 
finit  par  menacer  Luther  de  la  colère  de  l'Empe- 
reur qui  allait  infailliblement  l'accabler.  —  Lu- 
ther ,  dans  sa  réponse ,  remercia  les  assistans  de 
l'intérêt  qu'ils  prenaient  à  lui  et  des  conseils 
qu'ils  lui  faisaient  donner.  Il  dit  qu'il  était  loin 
de  blâmer  tous  les  conciles,  mais  que  celui  de 
Constance  avait  condamné  formellement  un  ar- 
ticle de  la  foi  chétienne  ;  qu'il  ferait  tout  plutôt 
que  de  rétracter  la  parole  de  Dieu,  qu'il  prêchait 
sans  cesse  au  peuple  la  soumission  à  l'autorité, 
mais  qu'en  matière  de  foi  il  fallait  obéir  à  Dieu 
plutôt  qu'aux  hommes.  Gela  dit,  il  se  retira  et  les 
princes  délibérèrent.  Quand  il  fut  rappelé ,  lé 
chancelier  de  Bade  répéta  une  partie  de  ce  qu'il 
avait  déjà  dit  et  l'exhorta  finalement  à  soumettre 

16 

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290  ninoiRBa 

sea  livres  au  jugement  de  Sa  Majesté  et  de  l'Em- 
pire. Luther  répondit,  avec  modestie,  quHl  ne  lui 
convenait  point  de  se  soustraire  au  jugement  de 
l'Empereur,  des  Électeurs  et  des  États  qu'il  ré- 
vérait; il  voulait  s'y  soumettre,  mais  à  la  condition 
que  Texamen  se  ferait  selon  le  texte  de  l'Écriture 
sainte  :  «  Car,  ajouta-t-il,  ce  texte  est  si  clair  pour 
moi  que  je  ne  puis  céder,  à  moins  qu'on  ne  prouve, 
par  l'Écriture  même ,  l'erreur  de  mon  interpré- 
tation. »  Alors  les  princes  se  retirèrent  pour  se 
rendre  à  la  maison  de  ville,  et  l'archevêque  resta 
avec  son  officiai  et  Gochlœus  pour  renouveler  ses 
tentatives  auprès  de  Luther,  qui  avait  de  son 
côté  le  docteur  Schurff  et  Nicolas  Amsdorf.  Tout 
échoua. 

Néanmoins  l'Empereur,  à  la  prière  de  l'arche- 
vêque ,  prolongea  de  deux  jours  le  sauf-conduit 
de  Luther  pour  donner  le  temps  d'entamer  de 
nouvelles  conférences.  Il  y  en  eut  encore  quatre, 
mab  elles  n'eurent  pas  plus  de  succès.  »  (Luth. 
Werke,IX,  110.) 

Pige  8s,  ItgM  9*  —  Dtms  la  dernière  eonfirencê».. 

Luther  termina  cette  conférence  en  disant: 
«  En  ce  qui  touche  la  parole  de  Dieu  et  la  foi, 

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DB  LUTHBa.  291 

tout  chrétien  est  juge  lui-même,  auasi  bien  que 
le  pape,  car  il  faut  que  chacun  vive  et  meure 
selon  cette  foi.  La  parole  de  Bieu  est  une  pro- 
priété de  la  commune  entière.  Chacun  de  ses 
membres  peut  l'expliquer.  •  Je  citai  à  l'appui, 
Gûntinue  Luther,  le  passage  de  saint  Paul,  I. 
Cor.  ziT,  où  il  est  dit  :  Revelaium  asêidenti  êi  fuerU, 
prior  iaceai.  Ce  texte  prouve  clairement  que  le 
maître  doit  suivre  le  disciple,  si  celui-ci  entend 
mieax  la  parole  de  Dieu.  Ils  ne  purent  réfuter 
ce  témoignage,  et  nous  nous  séparâmes.  »  (Luth. 
Wcrke,  IX,p.ll7.) 

f  «f»  99  ,  ligM  93  •  —  //  trouuM  pêH  de  livrés  d  W^aHbourg» 
Use  mit  à  V  étude  du  grec  et  deChéùreu,,» 

C'est  là  qu'il  commença -sa  traduction  de  la 
Bible.  Plusieurs  versions  allemandes  en  avaient 
été  déjà  publiées  à  Nuremberg,  en  U77,  U8S, 
1490,  et  à  Augsbourg  en  1518;  mais  elles  n'é- 
taient point  faites  pour  le  peuple.  (Nec  legi  per- 
mittebantur,  nec  ob  styli  et  typorum  horridita- 
tem  satisfacere  poterant.  Seckendorf ,  lib.  I,  204.) 

Avant  la  fin  du  quinzième  siècle,  TAllemagne 
poaiédait  au  moins  douze  éditions  de  la  Bible  en 
langue  vulgaire,  tandis  que  l'Italie  n'en  avait 


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202  MiMOlRBS 

encore  que  deux ,  et  la  France  une  seule.  ( Jon 
hisi.  de  la  Réforme  à  Strasbourg.) 

Les  adversaires  de  la  Réforme  contribuai e 
eux-mêmes  à  augmenter  le  nombre  des  Bibles  ( 
langue  vulgaire.  Ainsi  Jérôme  Emser  publia  ui 
traduction  de  FÉcriture  pour  Fopposer  à  celle  i 
Luther.  (Gocblœus,  50.)  Celle  de  Luther  ne  p 
rut  complète  qu'en  15S4. 

Le  seul  institut  de  Ganstein  à  Halle,  imprim 
dans  l'espace  de  cent  ans,  deux  millions  de  Bibk 
un  million  de  Nouveaux  Testamens  et  autant  i 
Psautiers. (Ukert,  t.  n,  p.  339.) 

«  J'avais  vingt  ans,  dit  Luther  lui-même,  qi 
je  n'avais  pas  encore  vu  de  Bible.  Je  croyais  qu 
n'existait  d'autres  évangiles  ni  épitres  que  cell 
des  sermonaires.  Enfin  ,  je  trouvai  une  Bible  dai 
la  bibliothèque  d'Erfurt,  et  j'en  fis  souvent  le( 
ture  au  docteur  Staupitz  avec  grand  étonm 
ment...»  (Tischreden,  p.  255.) 

«  Sous  la  papauté,  la  Bible  était  inconnue  ai 
gens.  Carlostad  commença  à  la  lire  lorsqu'il  iu 
déjà  docteur  depuis  huit  ans.»  (Tischreden, p.  i 
verso.  ) 

«A  la  diète  d'Augsbourg(1530),  l'évêque  i 
Mayence  jeta  un  jour  les  yeux  sur  une  Bibl 
Survint  par  hasard  un  de  ses  conseillers  qui  1 


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1>m   LUTHXA. 

dit  :  «  Gracieux  teigneur ,  que  fait  de  ce  liyre  vo- 
tre Grâce  électorale?»  A  quoi  il  répondit: «Je 
ne  sais  quel  livre  c'est  ;  seulement  tout  ce  que  j*y 
trouve  est  contre  nous.  «  —  Le  docteur  Usingen, 
moine  augustin  ,  qui  fut  mon  précepteur  au  cou- 
vent d*£rfurt,  me  disait ,  quand  il  me  voyait  lire 
la  Bible  avec  tant  d'ardeur  :  «  Ah!  frère  Martin, 
qu'est-ce  que  la  Bible  ?  On  doit  lire  les  anciens 
docteurs  qui  en  ont  sucé  le  miel  de  la  vérité.  La 
Bibte  est  la  cause  de  tous  les  troubles.  «  (  Tis- 
chred. ,  p.  7.) 

Selneccer,  contemporain  de  Luther,  rapporte 
que  les  moines,  voyant  Luther  très  assidu  à  la  lec- 
ture des  livres  saints,  en  murmurèrent  et  lui  dirent 
que  ce  n'était  pas  en  étudiant  de  la  sorte,  mais 
enquêtant  et  ramassant  du  pain,  de  la  viande,  du 
poisson ,  des  œu&  et  de  l'argent ,  qu'on  se  rendait 
utile  à  la  communauté.  —  Son  noviciat  fut  très 
dur;  on  le  chargea,  dans  l'intérieur  de  la  mai- 
son, des  travaux  les  pi  us  pénibles  et  les  plus  vils» 
et  en  dehors,  de  la  quête  avec  la  besace. (Alma- 
nach  des  protestans  pour  1810,  p.  43.) 

«  Naguère  le  temps  n'était  pas  bon  pour  étu- 
dier ;  on  tenait  en  tel  honneur  le  païen  Aristote , 
que  celui  qui  eût  parlé  contre ,  eût  été  condami^é 
à  Cologne  comme  le  plus  grand  hérétique.  Encore 

16. 

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294  viMOiABS 

ne  rentendaient-ils  pas.  Les  sophistes  rayaient 
tant  obscurci!  Un  moine,  en  prêchant  la  Pas- 
sion, agita  pendant  deux  heures  cette  question  : 
Vtrùm  q%uiliia$  realiier  distincta  $U  à  substanitâ. 
Et  il  disait,  pour  donner  un  exemple  :  Ma  tête 
pourrait  bien  pasêer  par  ce  trou,  maU  la  groê- 
seur  de  ma  tête  n'y  peut  passer.  >  (Tisehred. , 
p.  15,  yerso.) 

c  Les  moines  méprisaient  ceux  d'entre  eux  qui 
étaient  sayans.  Ainsi  mes  frères  au  couvent  m'en 
youlaient  d'étudier.  Ils  disaient  :  Sic  tibi,  eic 
mihi,  eackum  per  nackum  (le  sac  sur  le  cou).  Ils 
ne  faisaient  aucune  distinction.  »  (Tisehred.  , 
p.  272.) 

«  Autrefois  les  premiers  docteurs  n'auraient 
pu,  je  ne  dis  pas  composer,  mais  bien  lire  une 
oraison  latine.  Ils  mêlaient  à  leur  latin  des  mots 
qui  n'étaient  pas  même  allemands,  mais  yirendes.  » 
(Tisehred. ,  p.  18.) 

Cette  ignorance  du  clergé  était  générale  en 
Europe.  En  1830,  un  moine  français  disait  en 
chaire  :  «  On  a  trouvé  une  nouvelle  langue  que 
l'on  appelle  grecque;  il  faut  s'en  garantir  avec 
soin.  Cette  langue  enfante  toutes  les  hérésies  : 
Je  vois  dans  les  mains  d'un  grand  nombre  de  per^ 
sonnes  un  livre  écrit  en  cette  langue;  on  le  nomme 

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DB  LVTUm.  205 

nouveau  Te8ia,men$  :  c'est  on  livre  plein  de  ron« 
ces  et  de  vipères.  Quant  à  la  laogae  hébraïque» 
tous  ceux  qui  l'apprennent  deviennent  juifi  aus- 
sitôt. »  (Sismondi ,  Hist.  de  Fr. ,  XYI,  p4S6  .) 

Pag«  93,  ligne  tS.^Le  cardimd  d^  Majrence»,.  H  l'appelait 
le  pepe  de  Me  jence* 

Ihirant  la  révolte  des  j^aysans,  il  lui  écrivit 
pour  l'engager  à  se  marier  et  à  séculariser  ses 
deux  archevêchés.  Ce  serait,  lui  disait-il  entre 
autres  raisons,  un  puissant  moyen  de  faire  cesser 
les  troubles  dans  son  électorat.  (7  juin  1535.) 

Pege  94,  ligne  4*  ~  Us  en  •ntendrtUeitt  bien  d'autre*,  i/.m 

.  Après  Worms,  il  comprit  que  les  conférances 
et  discussions  publiques,  que  jusque  là  il  avait 
demandées,  seraient  à  l'avenir  inutiles,  et  dès-lors 
il  s'y  refusa  toujours.  «  Je  ne  reconnaîtrai  plus» 
dit-il,  dans  son  livre  Contra  atatum  eccloBiasticum, 
je  ne  reconnaîtrai  plus  désormais  de  juges,  ni 
parmi  vous,  ni  parmi  les  anges.  J'ai  montré  déjà 
à  Worms  assez  d'humilité;  je  serai,  comme  dit 
saint  Paul ,  votre  juge  et  celui  des  anges,  et  qui-» 
conque  n'acceptera  pas  ma  doctrine,  ne  pourra 
être  sauvé,  car  ce  n'est  point  la  mienne,  mais 

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296  viMOiaBi 

celle  de  Dieu,  c'est  pourquoi  mon  jugement  sera 
celui  de  Dieu  même.  »  Je  cite  d'après  le  très  sus- 
pect Gochlœus  (p.  48) ,  n'ayant  pas  en  ce  moment 
le  texte  sous  les  yeux. 

Page  lo8,  ligne  lî.-^  Le  motif  dm  son  départ  de  JF'artbourg  , 
c'était  le  caractère  alarmant  que  prenait  la  Réforme... 

Avant  de  quitter  sa  retraite ,  il  chercha  plu- 
sieurs fois,  par  ses  lettres,  à  empêcher  les  siens 
d'aller  trop  loin.  —  Aux  hahitans  de  Wittem- 
berg.  «...  Vous  attaquez  les  messes ,  les  images 
et  autres  misères,  tandis  que  tous  abandonnez  la 
foi  et  la  charité  dont  vous  avez  tant  besoin.  Vous 
avez  affligé,  par  vos  scandales,  beaucoup  d'âmes 
pieuses,  peut-être  meilleures  que  vous.  Vous  avez 
oublié  ce  que  l'on  doit  aux  faibles.  Si  le  fort  court 
de  toute  sa  vitesse ,  ne  faut-il  pas  que  le  faible , 
laissé  en  arrière ,  succombe  ? 

«  Dieu  vous  a  fait  une  grande  grâce  et  vous 
a  donné  la  Parole  dans  toute  sa  pureté.  Cepen- 
dant je  ne  vois  nulle  charité  en  vous.  Tous  ne 
supportez  point  ceux  qui  n'ont  jamais  entendu 
la  Parole.  Vous  n'avez  nul  souci  de  nos  frères  et 
de  nos  sœurs  de  Leipzig ,  de  M eissen  et  de  tant 
d'autres  pays  que  nous  devons  sauver  avec  nous... 

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Dl    LUTHIR.  297 

Vous  TOUB  êtes  précipités  dans  cette  afiaire  »  tête 
baissée  et  sans  regarder  ni  à  droite  ni  à  gauche. 
Ne  comptez  donc  pas  sur  moi  ;  je  vous  renierai. 
Vous  avez  commencé  sans  moi,  il  vous  faudra 
bien  finir  d«  même...  >  (Décembre  1521.) 

Page  XI 7,  Ifgne  5.  _I>  désordre  s'est  mis  dans  son 
troupeau... 

De  retour  à  Wittemberg,  il  prêcha  huit  Jours 
de  suite.  Ces  sermons  suffirent  pour  remettre  Tor- 
dre dans  la  ville, 

Page  118  •  ligna  ao.  —  Je  ne  connais  point  Luther... 

■  Exhortation  charitable  du  docteur  Martin 
Luther  à  tous  les  chrétiens ,  pour  qu'ils  se  gar- 
dent de  l'esprit  de  trouble  et  de  révolte.  {l^fÀ.) 

»  ...  En  premier  lieu,  je  vous  prie  de  vouloir 
laisser  de  côté  mon  nom ,  et  de  ne  pas  vous  appe- 
ler luthériens,  mais  chrétiens.  Qu'est-ce  que  Lu- 
ther ?  Ma  doctrine  ne  vient  pas  de  moi.  Moi ,  je 
n'ai  été  crucifié  pour  personne,  Saint  Paul  (L  Co- 
rinth.  m)  ne  voulait  point  que  l'on  s'appelât  pau- 
liens,  ni  pétriens,  mais  chrétiens.  Comment  donc 
me  conviendrait-il,  à  moi,  misérable  sac  à  ver- 
mine et  à  ordure,  de  donner  mon  nom  aux  en* 


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298  véHOlEBS 

ùlub  du  Christ?  Cessez,  chen  amis,  de  prendre 
ces  noms  de  parti,  détruisons-les  et  appelons-nous 
chrétiens,  d'après  le  nom  de  celui  de  qui  Tient 
notre  doctrine. 

»  Il  est  juste  que  les  papistes  portent  un  nom 
de  parti ,  parce  qu'ils  ne  se  contentent  pas  de  la 
doctrine  et  du  nom  de  Jésus  Christ;  ils  yeulent 
être  en  outre  papistes.  £hbien!  qu'ils  appartien- 
nent au  pape  qui  est  leur  maître.  Moi ,  je  ne  suis 
ni  ne  yeux  être  le  maître  de  personne.  Je  tiens 
avec  les  miens  pour  la  seule  et  commune  doctrine 
du  Christ  qui  est  notre  unique  maître.  »  (Luth. 
WerkeII,p.4.) 

JP«g«  ISJ»  ligne  a.  —  «Tirmai j ,    mfa/tt  cHte  époque,  um  homme 
prwé  n^ avait  adressé  à  un  roi  dës  paroles  si  méprisantes:. 

En  même  temps  qu'il  traitait  si  rudement  Henri 
YIII  et  les  princes,  il  passait  toutes  les  bornes 
dans  ses  attaques  contre  le  saint-siége.  Bans  sa 
réponse  aux  brefs  du  pape  Adrien ,  il  dit  en  finis- 
sant :  «  Je  suis  fâché  d'être  obligé  de  donner  de 
si  bon  allemand  contre  ce  pitoyable  latin  de  cui- 
sine. Mais  Dieu  veut  confondre  l'Antichrist  en 
toutes  choses,  il  ne  lui  laisse  plus  rien,  ni  art, 
ni  langue;  on  dirait  qu'il  est  fou,  qu'il  est  tombé 


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M   LUTHER.  299 

en  en&nce.  C'est  une  honte  d'écrire  aux  Alle- 
inands  en  pareil  latin,  de  présenter  à  des  gens 
raisonnables  une  interprétation  aussi  maladroite 
et  aussi  absurde  de  l'Écriture.  >  (  1523.) 

Prélace  mise  par  Luther  en  tète  de  deux  bulles 
par  lesquelles  le  pape  Clément  II  annonçait  la 
célébration  du  jubilé  pour  1525  : 

«...  Le  pape  dit  dans  sa  bulle  qu'il  veut  ou- 
vrir la  porte  d'or.  Nous  avons  depuis  long-temps 
ouvert  toutes  les  portes  en  Allemagne ,  mais  les 
escrocs  italiens  ne  nous  rapportent  pas  un  liard 
de  ce  qu'ils  nous  ont  volé  par  leurs  indulgentiœ , 
difpetuationes  et  autres  inventions  diaboliques. 
Cher  pape  Clément ,  toute  ta  clémence  et  toutes 
tes  douceurs  ne  te  serviront  de  rien  ici.  Nous 
n'achèterons  plus  d'indulgences.  Chère  porte 
d'or,  chères  bulles,  retournez  d'où  vous  venez; 
faites  -  vous  payer  par  les  Italiens.  Qui  vous  con- 
naît, ne  vous  achète  plus.  Nous  savons,  Dieu 
merci ,  que  ceux  qui  entendent  et  qui  croient  le 
saint  Évangile,  ont  à  toute  heure  un  jubilé...  Bon 
pape ,  qu'avons-nous  à  faire  de  tes  bulles  ?  Épar- 
gne le  plomb  et  le  parchemin;  cela  est  désor- 
mais d'un  mauvais  rapport.  »  (Luth.  Werke, 
IX,  p.  204.) 

•  Je  ferais  un  même  paquet  du  pape  et  des 

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dOO  UÉMOIRES 

cardinaux,  pour  les  jeter  tous  ensemble  dans  ce 
petit  fossé  de  la  mer  de  Toscane.  Ce  bain  les 
guérirait;  j'y  engage  ma  parole  et  je  donne  Jé- 
sus-Christ pour  caution.  » 

«  Mon  petit  Paul ,  mon  petit  pape ,  mon  petit 
ânouy  allez  doucement, il  fait  glacé:  tous  vous 
rompriez  une  jambe;  tous  vous  gâteriez,  et  on 
dirait  :  Que  diable  est  ceci  ?  comme  le  petit  pape- 
lin  s'est  gâté?  >  (1542,  traduction  de  Bossuet, 
Variations,  I,  45-6.) 

Interprétation  du  monachovitule  et  de  deux 
horribles  monstres  papalins  trouvés  dans  le  Ti- 
bre,  à  Rome,  Van  1496;  publié  à  Friberg  en 
Misnie,  l'an  1528,  par  Pk.  Melanckton  et  Mar- 
tin Luther.  —  «  Dans  tous  les  temps  Dieu  a  mon- 
tré par  des  signes  évidens  sa  colère  ou  sa  miséri- 
corde. G*est  ainsi  que  son  prophète  Daniel  a  prédit 
l'arrivée  de  TAntichrist,  afin  que  tous  les  fidèles 
avertis  se  gardassent  de  ses  blasphèmes  et  de  son 
idolâtrie. 

»  Durant  cette  domination  tyrannique.  Dieu  a 
donné  beaucoup  de  signes,  et  dernièrement  en- 
core ,  cet  horrible  monstre  papalin ,  trouvé  mort 
dans  le  Tibre  l'an  1496...  D'abord  la  tète  d'âne 
désigne  le  pape;  car  l'Église  est  un  corps  spiri- 
tuel qui  ne  doit  ni  ne  peut  avoir  de  této  visible  ; 

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DB    LUTHEB.  301 

Christ  seul  est  le  seigneur  et  le  chef  de  TÉglise. 
Le  pape  s'est  touIu  faire  contre  Dieu  la  tête  vi- 
âble  de  l'Église;  cette  tête  d'âne  attachée  à  un 
corps  humain,  le  désigne  donc  évidemment.  £n 
effet,  une  tête  d'âne  convient-elle  mieux  au  corps 
de  l'homme  que  le  pape  à  l'Église?  Autant  le 
cerveau  de  l'âne  diffère  de  la  raison  et  de  Tin- 
telligence  humaine,  autant  la  doctrine  papale 
s'éloigne  des  dogmes  du  Christ.  Dans  le  royaume 
da  pape ,  les  traditions  humaines  font  la  loi  :  il 
s'est  étendu,  il  s'est  élevé  par  elle.  S'il  entendait 
la  parole  du  Christ,  il  croulerait  aussitôt. 

»  Ce  n'est  pas  seulement  pour  les  saintes  Écri- 
tures qu'il  a  une  cervelle  d'âne,  mais  pour  ce 
qui  regarde  même  le  droit  naturel,  pour  les 
choses  que  doit  décider  la  raison  humaine.  Les 
juristes  impériaux  disent  en  effet  qu'un  véritable 
canoniste  est  véritablement  un  âne. 

>  La  main  droite  du  monstre,  semblable  au 
pied  de  l'éléphant,  montre  qu'il  écrase  les  crain- 
tifs et  les  faibles.  Il  blesse  en  effet  et  perd  les 
âmes  par  tous  ses  décrets  qui,  sans  cause  ni  né- 
cessité, chargent  les  consciences  de  la  terreur 
de  mille  péchés  qu'ils  inventent  et  dont  on  ne 
sait  pas  même  les  noms. 

>  La  main  gauche  désigne  le  puissance  tem- 

17 

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302  MiHOIABS 

porelle  du  pape.  Contre  la  parole  de  Christ, 
est  derenu  le  seigneur  des  rois  et  des  prince 
Aucun  d'eux  n'a  soulevé,  iait  et  conduit  tant  c 
guerres ,  aucun  n'a  Tersé  autant  de  sang.  Occui 
de  choses  mondaines»  il  néglige  la  doctrine  < 
ahandonne  l'Église. 

»  Le  pied  droit,  semblable  au  sabot  d'un bœu 
désigne  les  ministres  de  l'autorité  spirituelle,  qu 
pour  l'oppression  des  âmes,  soutiennent  et  défet 
dent  ce  pouvoir  ;  c'est  à  savoir  les  docteurs  poi 
tificaux ,  les  parleurs,  les  confesseurs  ,  ces  nué< 
de  moines  et  de  religieuses;  mais  surtout  h 
théologiens  scolastîques,  qui  tous  s'en  vont  répai 
dant  ces  intolérables  lois  du  pontife ,  et  tiennei 
ainsi  les  consciences  captives  sous  le  pied  de  l't 
léphant. 

»  Le  pied  gauche ,  qui  se  termine  par  des  01 
glesde  griffon,  signifie  les  ministres  de  la  puissanc 
civile.  De  même  que  les  ongles  du  griffon  ne  \i 
chent  point  facilement  ce  qu'ils  ont  une  fois  pris 
de  même  les  satellites  du  pape  ont  pris  auxhame 
çons  des  canons  lesbiensde  toute  l'Europe,  et  le 
retiennent  opiniâtrement  sans  qu^on  les  leur  puisa 
arracher. 

»  Le  ventre  et  les  seins  de  femme  désignent  1 
corps  du  pape,  c'est-à-dire  les  cardinaux ,  évé 

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DB  LUTHU.  803 

que»,  prêtres,  moines,  tous  les  sacrosaints  mar- 
tyrs, tous  ces  porcs  bien  engraissés  du  troupeau 
d'Ëpicure,  qui  n'ont  d'autre  soin  que  déboire, 
manger  et  jouir  de  voluptés  de  tout  genre,  de 
tout  sexe,  le  tout  en  liberté,  et  même  avec  garan- 
tie de  privilèges... 

»  Les  yeux  pleins  d'adultère,  le  cœur  d'avarice, 
ces  fils  de  la  malédiction  ont  abondonné  le  droit 
chemin  poursuivre  Balaam  qui  allait cbercber le 
prix  de  l'iniquité.  » 

Page  Aa3  ,  ligne  i3.  —  {Fin  dà  l'extrait  du  lit^re 
contre  Henri  yiIL) 

Cette  réponse  violente  scandilîsa ,  comme  Lu« 
ther  le  dit  lui-même,  un  grand  nombre  de  ses  par- 
tisans. Le  roi  Gbristiem  l'engagea  même  à  écrire 
à  Henri  VIII,  qui,  disait-il,  allait  établir  la  réforme 
en  Angleterre.  La  lettre  de  Luther  est  très  hum- 
ble :  il  s'excuse  en  disant  que  des  témoins  dignes  de 
foi  l'ont  assuré  que  le  livre  qu'il  avait  attaqué 
n'avait  pas  été  composé  par  le  roi  d'Angleterre  : 
il  lui  offre  de  chanter  la  palinodie  {palinodiam 
cantttre).  —  (1«' septembre  15S5.) 

Cette  lettre  ne  produisit  aucun  effet.  Henri  VIII 
avait  été  trop  vivement  blessé  pour  revenir.  Luther 


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804  MÊBIOtKBS 

en  fut  pour  ses  avances.  Aussi ,  disait-il  quelques 
mois  après  :  <  Ces  tyrans,  au  cœur  de  femme,  n^ont 
qu*un  esprit  impuissant  et  sordide;  ils  sont  dignes 
d'être  les  esclaves  du  peuple.  Mais,  par  la  g^râce 
de  Christ,  je  suis  assez  vengé  par  le  mépris  que 
j'ai  pour  eux  et  pour  Satan  leur  dieu.  >  (fin  de 
décembre  1523.) 

Thomas  Morus,  sous  le  nom  de  Guillaume  Ros- 
seus,  prit,  contre  Luther,  la  défense  de  Henri 
YIII.  Il  attaqua  surtout  le  langage  sale  et  igno- 
ble de  Luther.  (Cochlœus ,  p.  60.) 

P«g«  la3,  ligne  17.  —  Les  princes  sont  du  monde.... 

«  Rien  d'étonnant  si  les  princes  ne  cherchent 
que  leur  compte  dansFÉvangile,  et  s'ils  ne  sont  que 
de  nouveaux  ravisseurs  à  la  chasse  des  anciens.  Une 
lumière  s'est  levée  qui  nous  fait  voir  ce  que  c'est 
que  le  monde;  c'est  le  règne  de  Satan.  (1324.) 

Page  127,  ligne  12. —  Nous  serons  toujours  en  sûreté  en  disant 
quêta  'volonté  soit  faite. .. 

Le  découragement  commence  déjà  parfob  à 
percer  dans  les  écrits  de  Luther.  Cette  même  an- 
née 15âSy  au  mois  d'août,  il  écrivait  aux  lieute^ 


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Dl    LUTHER.  305 

nanfl  itnpériaux ,  présens  à  la  diète  de  Nurem- 
berg. «...  Il  me  semble  aussi  qu'aux  termes  du 
mandement  impérial ,  rendu  au  mois  de  mars, 
je  devrais  être  affranchi  du  ban  et  de  l'excom- 
munication jusqu'au  futur  concile  :  autrement 
je  ne  saurais  comprendre  ce  que  veut  la  remise 
dont  il  est  parlé  dans  ce  mandement;  car  je  con- 
sens à  observer  les  conditions  sur  lesquelles  elle 
est  fondée...  Au  reste,  il  n'importe.  Ma  vie  est  peu 
de  chose.  Le  monde  a  assez  de  moi,  et  moi  de  lui: 
que  je  sois  sous  le  ban  ou  non,  cela  est  indiffé- 
rent. Mais  du  moins,  ayez  pitié  du  pauvre  peuple  t 
chers  seigneurs.  C'est  en  son  nom  que  je  vous 
supplie  de  m'écouter...  »  Il  demande  qu'on  n'exé- 
cute pas  sévèrement  le  mandement  impérial  re- 
latif à  la  punition  des  membres  du  clergé  qui  se 
marieraient  ou  sortiraient  de  leur  ordre. 

page  129 1  ligne  9,  ^- Essais  d'organisation,.. 

Lorsque  Luther  sentit  la  nécessité  de  mettre^ 
un  peu  d'ordre  et  de  régularité  dans  l'Église  nou- 
velle, lorsqu'il  se  vit  appelé  chaque  jour  à  ju^er 
des  causes  matrimoniales  ,  à  décider  sur  tous  les 
rapports  de  l'Église  avec  les  laïques  ,  il  se  mit  à 
étudier  le  droit  canon. 

17. 

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soft  afaioius 

c  Dana  cette  afiEdre  de  mariage  qui  m'était 
déférée,  j'û  jugé  d'après  les  décrets  mêmes  du 
pape.  Je  commence  à  lire  les  réglemens  des  pa-« 
pistes  et  je  Tois  qu'ils  ne  les  suirent  même  pas.  » 
(30  mars  15S9.) 

«  Je  donnerais  ma  main  gauche  pour  que  lea 
papistes  fussent  obligés  d'observer  leurs  canons. 
Ils  crieraient  plus  fort  contre  eux  que  contre 
Luther.  » 

«  Les  décrétales  ressemblent  au  monstre: 
jeune  fille  par  la  tête,  le  corps  est  un  lion  dévo-« 
rant;  la  queue  est  celle  du  serpent;  ce  n'est  que 
mensonges  et  tromperie.  Yoilà,  au  reste,  Timage 
de  toute  la  papauté.  »  (Tischreden,  p.  377,  fo^ 
lio  etrerso.)  ^ 

Paft  i3o,  ligne  tS.mmLet  réponses  qu'il  dSoivw... 

(11  octobre  153S.)  A  la  commune  fEitlin- 
gen.,.  •  Il  est  yrai  que  j'ai  dit  que  la  confession 
était  une  bonne  chose.  De  même  je  ne  défends  à 
personne  déjeuner,  de  chômer,  d'aller  en  pèle- 
rinage, etc. ,  mais  je  yeux  que  ces  choses  se  fas* 
sent  librement,  à  la  yolonté  de  chacun,  et  non 
comme  si  c'était  péché  mortel  d'y  manquer. 
Nous  devons  avoir  la  conscience  libre  en  toutes 


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n  I.1ITHBB.  807 

choses  qui  ne  touchent  pas  la  foi^  ni  l'amour 
du  prochain...  Mais,  coinme  11  y  a  beaucoup  de 
consciences  captives  dans  les  lois  du  pape ,  tu  fais 
bien  de  ne  pas  manger  de  viande  en  présence  de 
ces  honnnes  encore  iiaâbles  dans  la  foi.  Cette  ab* 
stinence  de  ta  part  devient  une  œuvre  de  charité , 
par  cela  qu'elle  ménage  la  conscience  de  ton 
prochain.  Du  reste,  ces  œuvres  ne  sont  pas 
commandées,  les  prescriptions  du  pape  ne  sont 
rien...  9 

(16  octobre  153S.)  A  MicM  Vander  Sirauen , 
péager  à.  Borna.  (Au  sujet  d'un  prédicateur 
d'Oelniti  qui  exagérait  les  principes  de  Luther) . 
«  Vous  avez  vu  mon  opinion  par  le  livre  de  la 
eonfesnon  et  de  la  mesêe  :  j'y  établis  que  la  con- 
fession est  bonne  quand  elle  est  libre  et  sans 
contrainte,  et  que  la  messe,  sans  être  un  sacri* 
fice  ni  une  bonne  œuvre,  est  pourtant  un  témoi- 
{|;nage  de  la  religion  et  un  bienfait  de  Dieu ,  etc. 
Le  tort  de  votre  prédicateur,  c'est  qu'il  vole  trop 
baat  et  qu'il  jette  les  vieux  souliers  avant  d'en 
avoir  de  neu&.  Il  devrait  commencer  par  bien 
instruire  le  peuple  sur  la  foi  et  la  charité.  Dans 
on  an,  lorsque  la  commune  aura  bien  compris 
Jésns-Christ,  il  sera  assez  temps  de  toucher  les 
points  sur  lesquels  il  prêche  maintenant.  A  quoi 

*       DigitizedbyVjOOÇlC 


308  Hteoiftis 

bon  cette  précipitation  avec  le  peuple  ignorant? 
J'ai  prêché  près  de  trois  ans  à  Wittcniberg  avant 
d'en  venir  à  ces  questions;  et  ceux-ci  ren- 
ient tout  finir  en  une  heure!  ces  hommes  si 
pressés  nous  font  beaucoup  de  mal.  Je  vous 
prie  de  dire  au  percepteur  d'Oelnitz  qu'il  en- 
joigne à  son  prédicateur  d'agir  désormais  avec 
plus  de  mesure,  et  de  commencer  avant  tout 
par  bien  enseigner  Jésus-Christ  :  sinon,  qu'il 
laisse  là  ses  folles  prédications  et  qu'il  s'éloigne. 
Que  surtout  il  cesse  de  défendre  et  de  punir  la 
confession.  C'est  un  esprit  pétulant  et  immodéré 
qui  a  vu  de  la  fumée»  mais  qui  ne  sait  pas  où  est 
la  flamme...  » 

Page  l34t  ligne  8-  >-  La  messe... 

«  S'il  plaît  à  Dieu,  j'abolirai  ces  messes  ou  je 
tenterai  autre  chose.  Je  ne  puis  supporter  plus 
long-temps  les  ruses  et  les  machinations  de  ces 
trois  demi-chanoines  contre  l'unité  de  notre 
église.»  (27 novembre  1524.) 

«  J'ai  enfin  poussé  nos  chanoines  à  consentir 
à  l'abrogation  des  messes.  >  (2  décembre  1524.) 

«  Ces  deux  mots  messe  et  sacrement  sont  aussi 
éloignés  l'un  de  l'autre  que  ténèbres  et  lumières, 

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DB   LUTHKA.  809 

diable  et  Dieu...  Puisse  Dieu  donner  à  tous  les 
chrétiens  un  tel  cœur,  qu'ils  aient  horreur  de  ce 
mot,  la  messe,  et  qu'en  l'entendant  ils  se  sig;nent 
comme  ils  feraient  contre  une  abomination  du 
diable.  « 

On  l'interroge  souvent  sur  le  baptême  des  en- 
fans  nondùtn  ex  utero  egreênorum  «  J'ai  empêché 
nos  bonnes  femmes  de  baptiser  l'enfant  avant  sa 
naissance;  elles  avaient  coutume  de  baptiser 
le  fœtus  sitôt  que  la  tête  paraissait.  Pourquoi  ne 
pas  le  baptiser  par-dessus  le  ventre  de  sa  mère , 
on  mieux  encore,  baptiser  le  ventre  même?  > 
(IS  mars  1531.) 

Page  i38«  ligne  a.  — De  ministris  instituendis.». 

Instruction  au  ministre  de  Wittemberg  : 

Renvoyer  les  prêtres  indignes; 

Abroger  toutes  messes  et  vigiles  payées; 

Le  matin,  au  lieu  de  messe,  Te  /?eiim^ lecture 
et  exhortation; 

Le  soir  lecture  et  explication;  —  complies 
après  le  souper  ; 

Ne  célébrer  qu'une  messe  aux  dimanches  et 
fèieè.  •  (Briefe,  19  août  1523.) 

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810  VÂHOIEIt 

En  1520,  il  publia  un  catéchisme.  Hais  dix  i 
plus  tard,  il  en  fit  un  autre  oil  il  ne  conserva  q 
le  baptême  et  la  communion.  Plus  de  confessi< 
Seulement  il  engage  à  recourir  souvent  à  l'ex] 
rience  du  pasteur. 

Pour  soustraire  les  ministres  à  la  dépendan 
de  Tautorité  civile,  il  voulait  conserver  les  dim 
c  H  me  semble  que  les  décimes  sont  la  chose 
plus  juste  du  monde.  Et  plût  à  Dieu  que  tout 
taxes  abolies,  il  ne  subsistât  que  des  dîmes ,  i 
même  des  neuvièmes  et  des  huitièmes.  Que  dia-j< 
les  Égyptiens  donnaient  le  cinquième,  et  ils  i 
▼aient  pourtant.  Nous,  nous  ne  pouvons  vivre  av< 
la  dîme ,  il  y  a  d'autres  charges  qui  nous  écrasent. 
(15  juin  1824.) 

Ptge  i38,  ligne  4.  »  Caractère  indéUbile,., 

•  On  doit  déposer  et  emprisonner  les  pasteui 
et  prédicateurs  qui  Ibnt  scandale.  L'Électeur  a  n 
solu  de  fiûre  construire  une  prison  à  cet  effet 

«  Le  docteur  parla  ensuite  de  Jean  Sturm  qu'i 
avait  souvent  visité  dans  le  château  de  Witten 
berg,  et  qui  s'était  toujours  obstiné  à  croire  qu 
Christ  n'était  mort  que  pour  l'exemple.  Il  fut  e 


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Dl   LVTIIIA.  311 

îonséqnence  conduit  à  Schwrinitz,  et  y  mourut 
lansla  tour,  i  (Tischred.,  p.  196.) 

Luther  disait  que  Ton  ne  devait  punir  de  mort 
Bsanabaptistes  qu'autant  qu'ils  étaient  séditieux.  » 
rischred.,  p.  298.) 

Page  i4o ,  ligne  i3.  ~  Kisitês  annumlles,.. 

La  commission  que  l'Électeur,  sur  les  exhorta- 
ions  de  Luther,  nomma  en  1528  pour  inspecter  les 
coles,  se  composait  de  Jérôme  Schurff,  docteur 
n  droit,  du  seigneur  Jean  de  PlaunitZi  d'Asme 
e  Hauhitz  et  de  M élanchton. 

Dans  l'instruction  que  ces  inspecteurs  adres- 
srent  ensuite  aux  pasteurs  de  l'électorat  avec 
approbation  de  Luther ,  on  peut  remarquer  le 
assage  suivant  :  «  Il  y  en  a  qui  disent  que  l'on 
e  doit  pas  défendre  la  foi  par  l'épée ,  mais  que 
on  doit  souffrir  comme  ont  fait  Jésus-Christ  et 
3S  apôtres.  A  cela  il  faut  répondre  qu'à  la  vérité 
eux  qui  ne  régnent  pas  doivent  souffrir  comme 
idividuset  n'ont  pas  droit  de  se  défendre;  mais 
ue  l'autorité  est  chargée  de  protéger  ses  sujets 
outre  toute  violence  et  injustice ,  que  cette  vio- 
mce  ait  une  cause  religieuse  ou  une  autre.  » 
Luth.  Werkc ,  t.  IX ,  p.  ÎW ,  verso.) 


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312  KÉMOIHBS 

En  1527,  le  prince  envoie  à  Luther  les  r 
ports  de  la  visite  des  églises  en  lui  demand 
s'il  Caillait  les  imprimer.  (19  août  1527.) 


Pftgo  i4i  •  ligna  lO.  — Luther  exerçait  une  sorte 
de  suprématie.,. 


Il  décide  que  les  chanoines  sont  obligés 
partager  avec  les  bourgeois  les  charges publiqi 
{Lettre  ùu  conseil  de  Stettin ,  12  janvier  15Î 
C'est  à  lui  que  souvent  on  s'adressait  pour  ol 
nir  une  place  de  ministre. 

«  Ne  sois  pas  inquiet  d'avoir  une  paroisse  ^ 
y  a  partout  grande  pénurie  de  fidèles  pasteurs 
bien  que  nous  sommes  forcés  d'ordonner  et  d' 
stituer  des  ministres  avec  un  rite  particuli 
sans  tonsure I  sans  onction,  sans  mitre,  si 
bâton,  sans  gants  ni  encensoir,  enfin  sans  é 
ques.  ■  (16  décembre  1530.) 

Les  habitans  de  Riga  et  le  prince  Albert 
Prusse  demandent  à  Luther  de  leur  envoyer  < 
ministres.  (1531.) 

Le  roi  de  Suède ,  Gustave  I" ,  lui  demande 
même  un  précepteur  pour  son  fils,  (avril  153 


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Dl   LVTHSA.  313 

T «g*  1 4i  «  ligne  1 7.  — Exconunknicatton. . . 

«  Le  prince  a  répondu  à  runiveraité  qu'il  vou- 
lait hâter  la  visite  des  paroisses,  afin  que  cela 
(ait  et  les  églises  constituées,  on  puisse  te  ser- 
vir de  Texcommunication  quand  besoin  sera.  » 
(10  janvier  1527.) 

?agr  i4a «ligne  19. —^^o/xf/oii  des  vœux  monastiques... 

«Bans  son  traité  viiandâ  kominum  doctrine 
il  dit  des  évéquea  et  des  grands  de  FÉglise  : 
>  Qu'ils  sachent  ces  effrontés  et  impudiques  qui 
ont  sans  cesse  à  la  bouche  «  le  christianisme ,  le 
christianisme ,  >  qu'ils  sachent  que  ce  n'est  point 
pour  eux  que  j'ai  écrit  qu'il  fallait  se  nourrir  de 
viande ,  s'abstenir  de  la  confession  et  briser  les 
images;  eux,  ne  sont-ils  pas  comme  ces  impurs 
qui  souillaient  le  camp  dlsraêl  ?  Si  j'ai  écrit  ces 
choses,  c'est  pour  délivrer  la  conscience  cap- 
tive de  ces  malheureux  moines,  qui  voudraient 
rompre  leurs  vœux ,  et  qui  doutent  s'ils  peuvent 
le  faire  sans  pécher.  »  (Seckendorf,  lib.  I,  sect.  50, 
p.  202.) 

Page  145 .  ligee  16.  —  J*at  reçu  hier  neuf  religieuses,/* 

•  Neuf  religieuses  avaient  été  enlevées  de 
Tonl.  18 


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314  V^MOlREt 

leur  couTent  et  amenées  à  Wittemberg.  «  Ils 
m'appellent  ravisseur ,  dit  Luther ,  oui ,  et  bien- 
heureux ravisseur  comme  Christ,  qui  fut  aussi 
ravisseur  en  ce  monde,  quand  par  sa  mort  il  ar- 
racha au  prince  de  la  terre  ses  armes  et  ses  riches- 
ses ,  et  qu'il  l'emmena  captif.  »  (Cochlœus ,  p.  73.) 

Pag.  l4^  ,  li|{n6  ao*  ~  J*m  pitié  d'elles,.*  qui  meurent  en  Joule 
de  cette  maudite  et  incestueuse  chasteté.,» 

«Anne  Craswytzinne  échappée  de  ses  liens, 
à  Leusselitz,  est  venue  habiter  avec  nous.  Elle 
a  épousé  Jean  Scheydewind,  et  me  charge  de  te 
saluer  doucement  en  son  nom ,  et  avec  elle  trois 
autres,  Barbe  Rockenberg,  Catherine  Tauben- 
heim,  Marguerite  Hirstorf.  ■    (11  janvier  1525.) 

A  Spalaiin.  «  Si  tu  ne  le  sais  pas  encore ,  tous 
les  prêtres  d'ici  ne  se  contentent  pas  de  mener 
une  conduite  sacrilég»;  ce  sont  des  cœurs  endur- 
cis, des  contempteurs  de  Dieu  et  des  hommes, 
qui  passent  presque  toutes  les  nuits  avec  des 
prostituées...  J'ai  dit  hautement  que,  si  dans  leur 
impiété,  nous  devons  les  tolérer,  il  est  du  devoir 
du  magistrat  de  s'opposer  à  leurs  débauches  ou  de 
les  contraindre  au  mariage...  Tu  craignais  derniè- 
rement qu'on  ne  pût  accuser  l'Électeur  de  favo- 
riser ouvertement  les  prêtres  mariés.  »  (â  jan- 
vier 1323.) 

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D»  LUTioai.  815 

(27  mars  1525^)  A  Wolfgang  Reinenback, 
précepteur  à  Lichtenberg.  «  ...  Mon  cher,  ne 
volons  pas  plus  haut,  et  ne  prétendons  pa» mieux 
&ire  qu'Abraham,  David,  Isaîe,  saint  Pierre, 
saint  Paul,  et  tous  les  patriarche»,  prophètes  et 
apôtres,  ainsi  que  tant  de  saints  martyrs  et 
évéques  qui  tous  ont  reconnu  sans  honte  qu'ils 
étaient  des  hommes  créés  par  Dieu,  et  qui, 
fidèles  à  sa  parole,  ne  $ont  pas  restée  $euh.  Qui  a 
honte  du  mariage,  a  honte  d'être  homme.  Nous 
ne  pouvons  nous  Cèdre  autres  que  Dieu  n'a  voulu 
que  nous  soyons.  Enfans  d'Adam,  nous  devons 
à  notre  tour  laisser  des  enfans.  —  0  folie!  nous, 
voyons  tous  les  jours  quelle  peine  il  en  coûte 
pour  rester  chaste  dans  le  mariage  même,  et 
nous  rejetons  encore  le  mariage!  Nous  tentons 
Dieu  outre  mesure,  par  nos  vœux  insenséfi,  eit 
nous  préparons  la  voie  à  Satan  ...  » 

Pagf  iSsj  ligne  4.  »  Cette  éptxjua  de  la  vie  de'Luther  (  i5a  i-i598) 
Jut  prodigieusement  affairée**' 

A  Frédéric  de  Nuremberg.  «  Si  j'ai  tant  difiéré 
à  te  féliciter  sur  ton  mariage,  tu  peux  croire  que 
j'en  ai  eu  juste  raison,  avec  les  distractions  d'une 
santé  si  variable,  tant  de  livres  à  publier,  de 

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816  HéMOi&tti 

lettres  à  écrire,  de  sujets  à  traiter,  de  dev 
envers  mes  amis,  et  en  nombre  incroyabli 
infini,  accablé  d'an  orage  et  d'un  déluge  d'afia 
....  Le  17  janvier,  à  souper  et  à  la  hâte.  Tu  ] 
donneras  à  ma  loquacité,  peut-être  aussi 
souper,  bien  que  je  ne  sois  pas  ivre.  >  (1S25. 

Au  milieu  de  toutes  ces  affaires ,  il  entreti 
correspondance  avec  Ghristiem  II. 

A  SpQlaiin.  «  Les  porteurs  sont  rares ,  sans 
je  t'aurais  envoyé  depuis  long-temps  les  ti 
lettres  du  roi  Ghristiem,  aujourd'hui  le 
malheureux  des  hommes,  et  ne  vivant  plus 
pour  Christ.  *  (27  mars  1525.) 

A  Mélanchton,  «  Rien  de  nouveau,  si  ce 
une  lettre  du  roi  de  Suède  Ghristiem  qu'il  i 
adresse  à  tous  les  deux  avec  une  petite  c( 
d'argent;  il  nous  demande  de  ne  pas  croire  < 
qui  le  représenteraient  comme  un  déserteu 
l'Évangile.  »  (novembre  1540.  ) 

Il  lui  fallait  encore  veiller,  par  toute  VI 
magne,  sur  les  intérêts  des  réformés.  La  ( 
mune  réformée  de  Miltenberg  (en  Franco 
était  opprimée  par  les  officiers  de  l'électeui 
Mayence.  Toute  correspondance  avec  cette 
avait  été  interrompue.  Luther  adressa  aux  li 
tans  une  lettre  de  consolation  qu'il  fit  impri 


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DB   LUTI1B&.  817 

pour  qu'elle  pût  leur  parvenir.  Il  en  avertit 
rÉlecteur,  et  lui  demanda  «si  ses  officiers  n'abu- 
saient pas  de  son  nom.  <  (14  février  18^4.) 

£n  1528,  une  religieuse  de  Freyberg  s'adresse 
à  lui  pour  qu'il  Fenlcve  de  son  couvent ,  et  la  corà 
duise  en  Saxe.  (29  juin  1528.) —  «  Occupatissi- 
musscribo  visitator ,  leetor,  prœdicator ,  scriptor, 
auditor,  actor,  cursor,  procurator ,  et  quid  non?  » 
(29  octobre  1528.) 

Ptg*  isS,  lignt  97*  —  Son  ancien  ami  Carlostad... 

Carlostad  était  chanoine  et  archidiacre  dans 
l'église  collégiale  de  tous  ht  aainis;  il  en  était 
doyen  lorsque  Luther  fut  reçu  docteur  en  1512. 
(Seckendorf ,  Uv.  1 ,  72.) 

Page  1 53,  ligne  7.  —DerHire  Corlùstad  on  entreroxait 
Miinsor^: 

Lettres  du  docteur  Martin  Luther  aux  chré- 
tiens d'Anvers  « Nous  avions  cru,  tant  que 

dura  le  tè|pie  du  pape,  que  les  esprits  de  bruit 
et  de  vacarme,  qui  se  font  souvent  entendre  la 
nuit,  étaient  des  âmes  d'hommes  qui ,  après  la 
mort,  revenaifflat  et  rôdaient  pour  expier  leurs 

18. 

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818  hAvoiaes 

péchés.  Cette  erreur ,  Diea  merci,  a  été  décou* 
▼erte  par  rÉyangile,  et  l'on  sait  à  présent  que 
ce  ne  sont  pas  des  âmes  d'hommes,  mais  rien 
autre  que  des  diables  malicieux  qui  trompaient 
les  gens  par  de  fausses  réponses.  Ce  sont  eux  qui 
ont  mis  dans  le  monde  tant  d'idolâtrie. 

9  Le  diable  voyant  que  ce  genre  de  racarme 
ne  peut  continuer,  il  lui  iaut  du  nouyeau;  il  se 
met  à  faire  rage  dans  ses  membres,  je  yeux  dire 
dans  les  impies ,  à  travers  lesquels  il  se  £ftit  jour  par 
toute  sorte  de  vanités  chimériques  et  de  doctrines 
extravagantes.  Celui-ci  ne  veut  plus  de  baptême, 
celui-là  nie  la  vertu  de  l'eucharistie,  un  troi- 
sième met  encore  un  monde  entre  celui-ci  et  le 
jugement  dernier;  d'autres  enseignent  que  Jésus- 
Christ  n'est  pas  Dieu;  les  uns  disent  ceci,  les 
autres  cela ,  et  il  y  a  presque  autant  de  sectes  et 
de  croyances  que  de  têtes. 

»  Il  faut  que  j'en  cite  un  pour  exemple,  car 
j'ai  bien  à  faire  avec  ces  sortes  d'esprits.  Il  n'est 
personne  qui  ne  prétende  être  plus  savant  que 
Luther;  c'est  contre  moi  qu'ils  veulent  tous  ga- 
gner leurs  éperons.  Et  plût  au  ciel  qu'ib  fussent 
ce  qu'ils  pensent  être ,  et  que  moi  je  ne  fusse 
rien  !  Celui-là  donc  m'assurait  entre  autres  cho- 
ses qu'il  était  envoyé  vers  moi  par  le  Dieu  qui  a 

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DB  LUTHBa.  310 

créé  le  ciel  et  la  terre,  il  en  disait  des  clioseB 
magnifiques,  mais  le  manant  perçait  toujours. 

»  Enfin  il  m'ordonna  de  lui  lire  les  livres  de 
Hoise.  Je  lui  demandai  un  signe  qui  confirmât 
cet  ordre.  C'est,  dit-il^  écrit  dans  l'Éyangile  de 
saint  Jean.  Alors  j'en  eus  asset  et  je  lui  dis  de 
revenir  une  autre  fois ,  que  nous  n'aurions  pas  le 
temps  de  lire  pour  cette  fois  les  livres  de  Moïse... 

•  Il  m'en  faut  bien  entendre  dans  une  année 
de  ces  pauvres  gens.  Le  diable  ne  peut  pas  m'ap-* 
prêcher  de  plus  près.  Jusqu'ici  le  monde  avait 
été  plein  de  ces  esprits  bruyanssans  corps,  qui  se 
donnaient  pour  de  âmes  d'hommes  ;  maintenant 
ils  ont  des  corps  et  se  donnent  tous  pour  des  an- 
ges vivans... 

»  Quand  le  papa  régnait,  on  n'entendait  point 
^parler  de  troubledl^le  Fort  (le  diable)  était  en 
paix  dans  sa  forteresse;  mais  à  présent  qu'un  plus 
fort  est  venu  qui  prévaut  contre  lui  et  qui  le 
dbasse,  comme  dit  l'Évangile,  il  tempête  et  aort 
avec  fureur  et  fracas. 

n  Chers  amis,  il  est  venu  aussi  parmi  vous  un 
det  ces  esprit  de  vacarme  qui  ont  chair  et  sang.  0 
veut  vous  égarer  dans  les  inventions  de  son  or- 
gueil ;  gardez-vous  de  lui. 

>  D'abord  il  dit  que  tout  homme  a  le  Saint* 

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320  MiNOIRBS 

Esprit.  Secondement,  que  lo  Saint-Esprit  n'est 
autre  chose  que  notre  raison  et  notre  intelli- 
g;ence.  Troisièmement ,  que  tout  homme  a  la  foi. 
Quatrièmement,  qu'il  n'y  a  pas  d'enfer;  que  du 
moins  la  chair  seule  sera  damnée.  Cinquième- 
ment, que  tonte  âme  aura  la  vie  étemelle.  Sixiè- 
mement, que  la  simple  nature  nous  enseigne  de 
faire  au  prochain  ce  que  nous  voulons  qu'on  nous 
fasse;  c'est  là,  disent-ils,  la  foi.  Septièmement, 
que  la  loi  n'est  pas  violée  par  la  concupiscence , 
tant  que  nous  ne  consentons  pas  au  plaisir.  Huitiè- 
mement, que  celui  qui  n'a  pas  le  Saint-Esprit, 
est  aussi  sans  péché,  car  il  n'a  pas  de  raison. 

«  Tout  cela  ce  sont  des  propositions  audacien* 
ses,  de  vains  jeux  de  la  fantaisie  :  si  l'on  excepte 
la  septième,  les  autres  ne  méritent  pas  de  ré« 
ponse 

«  Il  nous  suffit  de  savoir  que  Bien  ne  veut  pas 
que  nous  péchions.  Pour  la  manière  dont  il  per- 
met, on  veut  qu'il  y  ait  du  péché,  nous  ne  devons 
pas  toucher  cette  question.  Le  serviteur  ne  doit 
point  savoir  le  secret  du  maitre,  mais  seulement 
ce  qu'il  ordonne.  Combien  moins  une  pauvre 
créature  doit-elle  vouloir  scruter  et  approfondir 
la  majesté  et  le  mystère  de  son  Dieu?... 

>  Nous  avons  assez  affaire  pendant  toute  notre 

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DB   LUTHB&.  m 

Tie,  de  connaître  la  loi  de  Dieu  et  d'apprendre 
lonfils  Jésiu-Christ..  c  1526.  (Luth.  Werke^tome  II, 
p.  61 ,  8qq.) 

P âge  i5j ,  ligna  1 1.  —  Luther  crut  detfoirse  transporter 
d  léna..; 

Garlostad,  dans  une  dispute,  cita  Luther  au 
jugement  dernier.  —  «  Gomme  nous  étions  à 
rhôtellerie ,  et  que  nous  parlions  de  ces  affiiires, 
après  s'être  engagé  à  défendre  sa  doctrine  à  fond, 
soudain  il  se  détourna,  fit  claquer  ses  doigts,  et 
dit  :  «  Je  me  moque  de  vous.  »  Or,  s'il  ne  m'es- 
time pas  davantage ,  qui  d'entre  nous  estimera- 
t-il  ?  ou  pourquoi  perdrai-je  mon  temps  à  le 
prêcher  ?  Je  pense  toujours  qu'il  me  regarde 
comme  Tun  des  plus  savans  de  Wittemberg;  et 
cependant ,  il  me  dit  au  nez  :  «  Je  me  moque  de 
TOUS.  »  Comment,  après  cela,  peut-on  croire  en- 
core à  sa  sincérité,  lorsqu'il  prétend  vouloir  se 
laisser  instruire  ?  » 

Garlostad  avait  abandonné  ses  fonctions  de  pro- 
fesseur et  d'archidiacre  à  Wittemberg  (tout  en 
gardant  son  traitement)  pour  aller  à  Orlamûnde, 
sans  autorisation  ni  de  l'Électeur  ni  de  l'Univer- 
sité. Ce  fut  une  des  causes  du  mécontentement  qui 


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saa  aévoi&Bs 

éclata  contre  lui.  L'Université  lui  ayant  écrit  pour 
le  rappeler  dans  son  sein,  il  lui  fit  répondre  par 
ses  partisans  d'une  manière  insolente. 

Luther  fut  envoyé  par  FÉIecteur  et  l'Université 
à  Orlamûnde  pour  y  prêcher  contre  les  doctrines 
de  Carlostad  et  tout  ramener  à  l'ordre  ;  mais  il  fut 
très  mal  reçu  par  le  peuple. 

Carlostad  s'habillait  à  Orlamûnde  plus  simple- 
ment que  les  autres  pasteurs.  Il  ne  soufiPrait  pas 
qu'on  l'appelât  docteur;  il  se' faisait  appeler ^re 
André,  voisin  André,  Il  se  soumettait  à  la  juridic- 
tion du  juge  de  la  petite  ville,  pour  être  entière- 
ment comme  les  autres  bourgeois.  (Luth.  Werke, 
t.  II, p.  18-22.) 

9ag«  i58,  ligne  93 Luther  obtint  un  ordre  pour 

le  faire  sorlir,»^ 

«  Quant  au  reproche  que  Carlostad  me  fiaiit  de 
l'avoir  chassé,  je  ne  me  chagrinerais  pas  trop  si 
ce  reproche  était  fondé;  mais,  Dieu  aidant,  je 
crois  bien  que  je  puis  m'en  justifier.  Dans  tous  les 
cas ,  je  suis  fort  aise  qu'il  ne  soit  plus  dans  notre 
pays,  et  je  voudrais  bien  qu'il  ne  fût  pas  non  plus 
chez  vous... 

»  Se  fondant  sur  l'un  de  ses  écrits,  il  m'aurait 


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BB   LVTHBE.  823 

presque  persuadé  de  ne  pas  confondre  Pesprit  qui 
l'anime  avec  l'esprit  séditieux  et  homicide  d'Alt- 
stet  {résidence  lie  JfAn^er);  mais  lorsque,  sur  l'or«- 
dre  de  mon  prince ,  je  me  rendis  à  Orlamûn  de 
parmi  les  bons  chrétiens  de  Carlostad,  je  n'éprou- 
tai  que  trop  bien  quelle  semence  il  avait  semée. 
Je  remerciai  Dieu  de  ne  pas  être  lapidé  ni  couTert 
de  boue,  car  il  y  en  avait  qui  me  disaient,  par 
forme  de  bénédiction  :  «  Va-t'en ,  au  nom  de  mille 
diables  ,  et  casse^toi  le  cou  avant  que  tu  ne  sois 
sorti  de  la  ville.  »  Malgré  cela,  ils  se  sont  arrangés 
et  parés  bien  proprement  dans  le  petit  livre  qu'ils 
ont  publié.  Si  l'âne  avait  des  cornes,  c'est4i-dire 
si  j'étais  prince  de  Saxe,  Garlostad  ne  serait  pas 
chassé,  à  moins  que  Ton  ne  m'en  priât  bien  fort. 
—  Je  lui  conseillerais  de  ne  pas  dédaigner  la 
bonté  des  princes.  >  (Lettre  aux  Strasqourgeois. 
Luther,  Werke,  t.  II,  p.  58.  ) 

Garlostad ,  au  dire  de  plusieurs  témoins,  avait 
à  son  service  un  chapelain  qui  faisait  le  rôle  de 
l'esprit  dans  les  apparitions  et  révélations  surna- 
turelles par  lesquelles  son  maître  en  imposait  au 
peuple.  (Luth.briefe,  édit.  1826, 11% vol., p.  625.  ) 

«  Garlostad  était  fort  téméraire  ;  il  a  osé  dispu* 
ter  même  à  Rome  dans  le  principal  collège ,  m 
domo  Sofieniiœ.  Il  est  revenu  en  Allemagne  tout 

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324  MiicoiRn 

magnifique  et  ayecde  beaux  habit8.G'e8t  par  pare 
jalousie  qu'il  s'est  fait  ensuite  paysan  :  il  allait  tête 
nue  etne  voulait  pas  qu'on  l'appelât  docieur,mMk 

*  Garlostad  condamnait  les  grades  et  promo- 
tions dans  les  universités.  Il  dit  un  jour  :  «  Je 
sais  que  je  fais  mal  en  élevant  ces  deux  hommes 
au  grade  de  docteur ,  seulement  à  cause  des  deux 
florins;  mais  je  jure  bien  de  n'en  plus  (aire  d'au- 
tre. »  Il  dit  ces  paroles  dans  Féglise  du  château 
à  Wittemberg,  et  je  l'en  repris  fortement  (Tis- 
chreden,  p. -416.) 

»  Dans  la  dispute  de  Leipzig,  Garlostad  in- 
sista pour  parler  avant  moi.  Il  me  laissa  à  com- 
battre les  propositions  d'Ëck  sur  la  primauté  du 
pape  et  sur  Jean  Huss...  G'est  un  pauvre  dispu- 
teur  ;  il  >i  une  tête  dure  et  opiniâtre. ...  Il  avait 
pourtant  une  très  joyeuse  Marie. 

»  Ges  troubles  scandaleux  font  bien  du  tort  à 
l'Évangile.  Un  espion  français  me  disait  expres- 
sément que  son  roi  était  informé  de  tout  cela, 
qu'il  avait  appris  que  nous  ne  respections  plus  ni 
la  religion  ni  l'autorité  politique ,  pas  même  le 
mariage,  et  qu'il  en  allait  chez  nous  comme  chez 
les  bêtes.  (Tbchreden,  p.  417-42S.) 

JforI  dé  Carloêtad.  —  «  Je  voudrais  savoir  si 

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HÉ   LUTHBR.  325 

Carlostad  est  mort  repentant.  Un  ami,  qui  m'écrit 
de  Bâle  pour  m^annoncer  sa  mort ,  ajoute  une 
histoire  singulière  :  il  assure  qu'un  spectre  erre 
autour  de  son  tombeau  et  dans  sa  maison  même , 
où  il  cause  un  grand  trouble  en  jetant  des  pierres 
et  des  gravois.  Mais  la  loi  athénienne  défend  de 
médire  des  morts;  c'est  pourquoi  je  n'ajouterai 
rien..  (16  février  1542.) 

■  Carlostad  est  mort  tué  par  le  diable.  On  m'é- 
crit que ,  pendant  qu'il  prêchait ,  il  lui  apparut , 
à  lui  et  à  beaucoup  d'autres,  un  homme  d'une 
haute  stature  qui  entra  dans  le  temple ,  et  se  mit 
à  une  place  vide  auprès  d'un  bourgeois ,  puis  sor- 
tît et  alla  à  la  maison  de  Carlostad  ;  que  là  il  prit 
son  fils ,  qu'il  trouva  seul ,  et  l'enleva  comme  pour 
le  briser  contre  terre,  mais  le  laissa  sans  lui  faire 
de  mal ,  et  lui  ordonna  de  dire  à  son  père  qu'il 
reviendrait  dans  trois  jours  pour  l'emporter.  Car- 
lostad serait  mort  le  troisième  jour.  On  ajoute 
qu'après  le  sermon  il  alla  trouver  le  bourgeois , 
et  lui  demanda  quel  était  cet  homme  ?  Le  bour- 
geois répondit  qu'il  n'avait  rien  vu.  Je  crois  qu'il 
aura  été  ainsi  saisi  de  terreurs  soudaines,  et  que 
nulle  autre  peste  ne  l'aura  tué  que  la  peur  de  la 
mort  ;  car  il  avait  toujours  eu  pour  la  mort  une 
horreur  misérable.  »  (  7  avril  1S42.  ) 

19. 

4 

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■iaoïAis 


Page  171 1  1%IM  16.  —  Les  pmjrsant  se  sevhvèreHt 
d'abord -M. 


Une  circonstance  importante  de  la  {^erre  c 
paysans,  c'est  qu'elle  éclata  pendant  que 
troupes  de  FEmpire  étaient  en  Italie.  Autremc 
les  soulèvemens  eussent  été  plus  vite  comprira 
Les  paysans  du  comte  Sigismond  de  LupffiE 
en  Hégovie  (1524),  commencèrent  la  révo 
à  cause  des  charges  qui  pesaient  sur  eux;  ils 
déclarèrent  à  Guillaume  de  Furstemberg,  c 
voyé  pour  les  réduire;  ils  ne  s'étaient  po 
soulevés  pour  la  cause  du  luthéranisme.  ] 
premiers  à  les  imiter  furent  les  paysans  de  Ken 
ten,  qui  prirent  pour  prétexte  la  sévérité 
leur  abbé;  ils  pénétrèrent  dans  les  villes  et  cl 
teaux  de  l'abbé,  brisant  toutes  les  images ,  t( 
les  omemens  des  temples.  L'abbé  pris  par  c 
fut  conduit  à  Kempten,  où  il  fut  contraim 
vendre  pour  trente-deux  mille  écus  d'or  tous 
anciens  droits.  D'autres  vinrent  se  joindre 
eux,  et  ils  se  trouvèrent,  près  d'Ulm,  au  nom] 
de  quatorze  mille.  Ceux  de  Leipheim  et  Gux 
berg  étaient  pour  eux,  ainsi  que  les  paysans  des  ( 
virons  d'Augsbourg.  Ces  deux  petites  villes,  ase 


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DB    LVTHBE.  227 

gées  par  la  ligue  de  Souabe,  se  rendirent;  l'une  fut 
abandonnée  pour  le  pillage  aux  fantassins,  l'autre 
aux  caTaliers.  Les  paysans  vaincus  se  releTërent, 
et  cet  te  fois  ne  dévastèrent  plus  seulement  les  mo- 
nastères, mais  les  maisons  des  nobles.  Un  comte 
de  Montfort  s'interposa  avec  les  députés  de  Ra- 
▼ensperg  et  d'Uberlingen.  Un  grand  nombre  de 
paysans  n'en  furent  pas  moins  mis  en  croix ,  dé- 
capités, etc. 

Ce  premier  soulèvement  semblait  assoupi, 
lorsque  Mûnzer  fit  révolter  les  paysans  de  Thu- 
ringe. 

Le  pieux,  l'érudit,  le  pacifique  Hélanchton 
montra  combien  les  demandes  des  paysans  s'ac- 
cordaient avec  la  parole  de  Dieu  et  la  justice;  il 
exhorta  lés  princes  à  la  clémence.  Luther  frappa 
sur  l'un  et  l'autre.  (Voir  le  texte.) 

Les  paysans  de  la  Thuringe,  du  Palatinat, 
des  diocèses  de  Mayence,  d'Halberstadt,  et  ceux 
de  VOdenwald,  se  réunirent  dans  la  Forét- 
Hoire,  sous  la  conduite  de  l'aubergiste  Metzler, 
de  Ballenberg.  Ils  s'emparèrent  de  Mergen- 
tbeim,  et  forcèrent  plusieurs  comtes,  barons  et 
chevaliers,  de  se  réunir  à  eux.  Les  sujets  des 
comtes  de  Hohenlohe,  déjà  révoltés,  vinrent  les 
joindre.'Les  comtes  de  Hohenlohe  ayant  reçu  des 

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328    .  viiioi&ss 

paysans  des  lettres  de  sûreté ,  •cellées  avec  um 
pièce  d'argent  à  reffigie  du  comte  Palatin,  un< 
conférence  eut  lieu,  et  les  comtes  promiren 
pour  cent  et  un  ans  d'observer  les  douze  arti 
des,  £n  signe  de  joie  les  paysans  tirèrent  deu: 
mille  coups  de  fusil.  Plusieurs  nobles  se  joigni 
rent  volontairement  aux  paysans;  d'autres  y  fu 
rent  contraints  par  la  force.  La  ville  de  Landai 
entra  dans  leur  ligue.  En  même  temps  les  pay 
sans  des  environs  d'Hcilbronn  se  soulevèrent,  e 
après  quelques  courses  ^  se  joignirent  à  la  pre 
mière  troupe.  Plusieurs  villes  les  appelèrent  e 
leur  ouvrirent  les  portes. 

Le  traité  fait  par  les  paysans  avec  le  vicaire  dt 
rélecteur  deMayence,  fut  signé  deGoetz  deBerli 
chingen  et  de  George  Metzler,  de  Ballenberg.  Le 
paysans  envoyèrent  huit  de  leurs  chefs  prendre  h 
serment  de  tous  les  habitans  du  diocèse  de  May  ence 
Le  clergé  de  ce  diocèse  dut  leur  payer  en  qua- 
torze jours  quinze  mille  florins  d'or.  Les  paysan 
du  Rhingaw,  opprimés  pas  l'abbé  d'£rbach,  se  sou 
levèrent  vers  la  même  époque.  Le  vicaire  de  Té 
lecteur  de  Mayence  ayant  souscrit  à  leurs  deman- 
des ,  ce  tumulte  s'apaisa. 

Voici  en  substance  les  demandes  des  paysans  du 
Rhingaw.  —  Les  ministres  seront  élus.  Ils  vivront 


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DB   LOTHK».  320 

delà  trentième  partie  du  yin  et  du  blé  que  la  com- 
munauté lèvera  sur  chacun  ;  s'il  en  reste  quelque 
chose ,  on  le  gardera  pour  les  pauvres  et  pour  les 
dépenses  de  la  communauté —  Égalité  des  charges 
pour  tous,  à  moins  que  Ton  ne  prouve,  par  des 
actes  authentiques,  les  privilèges  et  exemptions 
auxquels  on  prétend.  — Point  d'impôt  pour  celui 
qui  vendra  le  vin  de  sa  vigne  :  le  revendeur  seul 
paiera.  — Point  d'excommunication  dans  les  cau- 
ses séculières.  —  La  servitude  sera  abolie.  —  Qn 
refusera  logement  aux  juifs  à  cause  de  leurs  indi- 
gnes usures;  le  juge  ne  fera  aucune  exécution  à 
raison  d'usures,  mais  recherchera  quel  était  le  ca- 
pital. 

Que  le  commerce  de  bois  de  construction  soit 
libre  comme  il  l'a  toujours  été,  et  que  ceux  de 
Mayence  n'y  mettent  point  obstacle.  —  Personne 
ne  sera  plus  reçu  dans  les  monastères;  tous  auront 
permission  d'en  sortir.  —  Le  seigneur  ne  pourra 
plus  intervenir ,  même  indirectement ,  dans  les 
procès.  —  Le  magistrat  du  lieu  veillera  sur  tous 
les  besoins  des  veuves,  des  orphelins  et  des  pupil- 
les.— Les  pâturages,  les  rivièresseront  libres,  ainsi 
que  la  chasse ,  en  respectant  toutefois  les  privilè- 
ges du  magistrat  et  du  prince.  —  Le  juge  sera 
soumis  aux  mêmes  charges  que  les  autres  citoyens 

19. 

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330  aiMOiEit 

nobles  oq  non  nobles. — On  ne  jugera  point  se 
le  droit  canonique  dans  les  causes  séculières,  n 
selon  la  coutume  du  lieu. —  Que  personne  ne 
vendique  la  propriété  des  forêts.  — Si  la  coran 
nauté  du  Rhingaw  arrête  quelques  autres  artic 
ils  devront  être  acceptés  de  ceux  d'Erbach.  (G 
dalius,  apud  Schardt,  rerum  germanic.  sci 
vol.  II, p.  142-3.) 

L'insurrection  avait  fait  de  grands  progrès 
Alsace;  le  duc  Antoine  de  Lorraine,  défense 
ardent  de  l'Églbe,  rassembla  un  corps  detrouj 
formé  principalement  des  débris  de  la  bataille 
Pavie,  et  tomba  sur  les  paysans  le  18  mai  15! 
près  de  Lupfenstein.  Il  les  défit,  brûla  le  bourg 
Lupfenstein  avec  tousses  habitans,  prit  Saver 
où  un  gciind  nombre  de  paysans  s'étaient  retir 
H  LnUil,qut!c[  des  jours  après,  un  troisième  coi 
d*itisurgés  pris  de  Scherweiler.  Plusieurs  bis 
riens  portant  mi-delà  de  trente  mille  le  noml 
des  paysans  qui  }ïé  rirent  en  trois  rencontres.  Tr 
rcnts  prison  II  urr^  furent  décapités.  (D.  Calm 
histoire  de  la  lorraine ,  I,  p.  495  et  suiv.;  Hott 
gcr,  hîiKt.de  la  Suisse,  p.  28,  II;  Sleidan,  p.  11 
'  George  de  Frundsberg,  qui  s'ét 
«alaille  de  Pavie  et  que  Farcbid 
^ela  en  Allemagne  pour  termii 

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DB    LUTHBm.  831 

la  guerre,  n'imita  point  les  cruautés  des  autres 
cbe&.  Les  paysans  étaient  retranchés  près  de 
Kempten.  Sûr  de  les  accabler  par  la  supériorité 
de  ses  forces,  il  évita  l'effusion  du  sang.  Il  con- 
tint l'impatience  de  son  collègue  George  de  Wald- 
bourg,  et  fit  secrètement  exhorter  les  paysans  à 
le  disperser  dans  les  forêts  et  les  montagnes.  Ils  le 
crurent,  et  cefutleursalut.  (Wachsmuth,p.  1S7.) 
Une  chanson  franconienne  faite  après  la  guerre 
des  paysans,  avait  pour  devise: 

«  Gtre  k  toi ,  pt  jsan  •  mon  cheval  te  reiiTerse.» 

C'était  la  contre-partie  du  chant  de  guerre  des 
Dithmarsen,  après  qu'ils  eurent  défait  la  garde 
noire: 

m  6«re  à  toi  «  ceraller,  roÛk  le  peysen.  » 

Les  paysans  soulevés  avaient  en  général  adopté 
pour  signe  une  croix  blanches.  Certaines  corps 
avaient  des  bannières  sur  lesquelles  était  repré- 
sentée la  roue  de  la  fortune  (1).  D'autres  avaient 
des  sceaux  sur  lesquelles  on  voyait  un  soc  de 

(i)  Des  témoignages  précis  font  voir  que  ce  n'étaient 
pas  des  roues  de  charrue  comme  symboles  de  Tagricul* 
ture. 

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332  MéuoiaBS 

charrue  avec  un  fléau,  un  râteau  ou  une  fourc 
et  un  sabot  placés  en  croix.  (Gropp,  chronic 
de  Wurtibourg  ,  I,  97,  Wachsmuth,  p.  36.) 

Il  parut  en  1525  un  violent  pamphlet  ai 
nyme  intitulé  :  «  A  l'assemblée  de  tous  les  pi 
sans.»  Ce  pamphlet,  publié  dans  TAllema^ 
méridionale ,  porte  sur  le  titre  tine  roue  de 
fortune,  avec  cette  inscription  en  vers  a] 
mands  : 


«  L«  moment  eit  Tenu  par  la  roue  de  fortUDe , 
»  Dieu  sail  d'avaooe  qui  gardera  le  haut.  » 

«  r  aysani ,  Il         «  Romaniste , 

«  Bons  chrétiens.  *        Il        »  Sopkiites.  » 


Plus  bas  : 


«  Qot  nous  fait  tant  suer  7 
»  L'avarice  des  seigneurs.  » 

Et  à  la  fin: 

■  Tourne,  tourne,  tourne, 

»  Bon  gré ,  mal  gré  ,  tu  dois  tourner.  » 

(Strobel,  Mémoires  êur  la  littérature  du  seizièf 
êiècle,  II,  p.  U.  —  Wachsmuth,  p.  55.) 

Les  paysans  s'étaient  vantés  que  leur  cons( 
général  durerait  cent  et  un  ans.  —Après  la  pri 


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DM  LUTHBa.  333 

Veinsberg ,  ils  décidèrent  dans  ce  conseil  de 
)lus  accorder  la  vie  à  aucun  prince,  comte, 
m,  noble,  chevalier,  prêtre,  ou  moine,  «  en 
mot  à  aucun  des  hommes  qui  vivent  dans 
iveté.  »  £n  effet,  ils  massacrèrent  tous  les  no- 
faits  prisonniers,  pour  venger,  disaient-ils, 
lort  de  leurs  frères  de  Souabe...  Parmi  ces 
les,  tués  par  les  paysans,  se  trouvait  le  mari 
le  fille  naturelle  de  l'empereur  Maxîmilien  ; 
la  conduisirent  elle-même  à  Heilbronn  dans 
:oiubereau  à  fumier.  Ils  détruisirent  un  grand 
ibre  de  couvens;  dans  la  seule  Franconie  deux 
t  quatre-vingt-treize  monastères  ou  châteaux 
înt  dévastés. 

orsqu^ils  pillaient  un  château  ou  un  monas- 
i ,  ils  ne  manquaient  jamais  de  courir  d'abord 
sellier  pour  y  boire  le  vin ,  puis  ils  se  parta- 
ient entre  eux  les  ornemens  d'église  et  les  ha- 
I  pontificaux.  (Haarer  [Petrus  Grinitus] ,  apud 
îher,  III,2A2-8.)—  Au  monastère  d'£rbach, 
is  le  Rhingaw ,  il  y  avait  une  immense  cuve 
itenant  quatre-vingt-quatre  grands  muids  de 
.  Elle  était  pleine  quand  les  paysans  arrivèrent; 
[l'en  laissèrent  pas  un  tiers.  (Cochlœus,  p.  108.) 
1s  forçaient  les  seigneurs  de  leur  envoyer  leurs 
("Sans.  Le  conseil-commun ,  leur  écrivàient-ils^ 


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334  ■(«oiRBs 

a  décidé  que  vous  réuniriez  votre  peuple  et  que 
vous  nous  enverriez  les  hommes,  après  les  avoir 
armés.  Si  vous  ne  le  faites,  tenez  pour  certain  que 
vous  serez  très  incertain  de  votre  vie  et  de  vos 
biens. — (Haarer,  apud  Freher,  t.III,  p.  247.) 

Les  femmes  prirent  part  à  la  guerre  des  pay- 
sans. Du  côté  de  Heilbtonn,  elles  marchaient  réu- 
nies sous  une  bannière.  (Jœger ,  Histoire  de  Heil- 
bronn,  II,  p.  34.) 

*  Quand  les  paysans  menèrent  le  comte  de 
Lœvirenstein  par  Weinsberg ,  il  fut  respectueuse- 
ment salué  d'un  passant.  Un  vieux  paysan  qui  le 
vit ,  s'avança  aussitôt  avec  sa  hallebarde ,  et  dit  au 
passant  :  «  Pourquoi  t'inclines-tu  ?  Je  vaux  autant 
que  lui.  »  (Jseger,  Histoire  de  Heilbronn^II,  p.  S2.) 
—  Les  paysans  s'amusaient  à  faire  ôter  les  cha- 
peaux aux  nobles  devant  eux. 

Les  paysans  de  l'évêché  de  Wurzbourg ,  con- 
duits par  un  homme  de  tête ,  nommé  Jacques 
Kohi ,  demandèrent  que  les  châteaux  fussent  dé- 
molis et  qu'aucun  noble  ne  pût  avoir  de  cheval 
de  guerre.  Ils  voulaient  que  les  nobles  n'eussent 
d'autre  droit  que  le  droit  commun.  (Stumpf, 
Faits  mémorables  de  l'histoire  de  la  Franconie , 
t.  II,  44.  Wachsmuth ,  p.  58 ,  72.  ) 

«  Lorsque  Hûnzer  était  à  Zwickaa ,  il  vint  trou- 


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Di  LtTHsm.  385 

ver  une  belle  fille ,  et  lui  dit  qu'il  ëtait  envoyé 
vers  elle  par  une  voix  divine  pour  dormir  avec 
elle;  sans  cela  il  ne  pouvait  enseigner  la  parole 
de  Dieu.  La  fille  l'avoua  en  confession  sur  son  lit 
de  mort.  (Tischred.,  p.âdâ.) 

>  Mûnzer  établissait  des  degrés  dans  l'état  du 
chrétien,  P  le  dégrossisseraent(entgrobung)  pour 
celui  qui  se  dégageait  des  péchés  les  plus  gros- 
siers, la  gourmandise,  l'ivrognerie,  l'amour  des 
femmes-;  â*"  l'état  d'étude,  lorsqu*on  pensait  à 
une  autre  vie  et  qu'on  travaillait  à  s'améliorer  ; 
S^'la  contemplation,  c'est-à-dire  les  méditations  sur 
les  péchés  et  sur  la  grâce;  -4**  l'ennui ,  c'est-à-dire 
l'état  où  la  crainte  de  la  loi  nous  rend  ennemis  de 
nous-mêmes  et  nous  inspire  le  regret  d'avoir 
péché;  5°  Suspentionèm  gratiœ,  le  profond 
abandon,  la  profonde  incrédulité ,  et  le  désespoir 
tel  que  celui  de  Judas;  ou  au,  contraire,  l'aban- 
don de  la  foi  en  Dieu,  Ibrsque  l'on  se  met  à  sa 

disposition,  et  qu'on  le  laisse  faire Il  m'écrivit 

une  fois  à  moi  et  à  Mélanchton  :  «  J'aime  assez 
que  vous  autres  de  Wittembergl,  vous  attaquiez 
ainsi  le  pape ,  mais  vos  prostitutions  que  vous  ap- 
pelez mariages,  ne  me  plaisent  guère.  >  Il  ensei- 
gnait qu'un  homme  ne  doit  point  coucher  avec 
sa  femme  à  moins  d'être  préalablement  assuré  par 

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336  KitfOIBES 

une  révélation  divine  qa'il  engendrera  un  enfant 
saint;  sans  cela,  c'était  commettre  un  adultère 
avec  sa  femme.  (Tischreden ,  p.  â92-S.) 

Mûnzer  était  très  instruit  dans  les  lettres  sa- 
crées. —  Il  avait  reçu  sa  doctrine ,  disait-il ,  par 
des  révélations  divines ,  et  il  n'enseignait  rien  au 
peuple,  il  n'ordonnait  rien  qui  ne  vînt  de  Dieu 
même.  Il  avait  été  chassé  de  Prague  et  de  plu- 
sieurs autres  villes.  Fixéà  Alstœdt  en  Saxe,  il  dé- 
clama contre  le  pape,  et  ce  qui  était  plus  dan- 
gereux, contre  Luther  même.  —  L'Écriture, 
disait-il ,  promet  que  Dieu  accordera  ce  qui  lui 
est  demandé;  or,  il  ne  peut  refuser  un  signe  à 
celui  qui  cherche  la  vraie  connaissance.  Cette  re- 
cherche est  agréable  à  Dieu,  et  nul  doute  qu'il 
ne  déclare  sa  volonté  par  quelque  signe  certain. 
Il  ajoutait  que  Dieu  lui  ferait  entendre  à  lui- 
même  sa  parole,  ainsi  qu'il  avait  fait  pour  Abra- 
ham, et  que  si  Dieu  refusait  de  communiquer 
avec  lui  comme  il  avait  communiqué  avec  les 
patriarches,  il  lancerait  des  traiti  contre  lui  (?), 
teh  in  se  ipmm  conjecturum»  Il  disait  que  Dieu 
manifestait  sa  volonté  par  les  songes.  (Gnodalius, 
ap.  rer.  germ.  scrip.  Il,  p.  151.) 

Pendant  que  Mûnier  exhortait  les  paysans, 
avant  le  combat  de  Frankenhausen ,  un  arc-en- 

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D«    LUTHBR.  337 

ciel  parut  au-dessus  d'eux.  Gomme  les  paysatis 
aTaient  cet  emblème  sur  leur  bannière,  ils  se 
crurent  dès-lors  assurés  de  la  victoire.  (Hist.  de 
Mùnzer  par  M élanchton »  Lutb.  Werke,  t,  II, 
p.  408.) 


Page  178 ,  ligne  14.  —  Luther  ne  pouvait  garder 
le  silence*'. 


Dès  Tannée  1524,  il  avait  exborté  l'électeur 
Frédéric  et  le  duc  Jean  à  prendre  des  mesurei 
TÎgoureuses  contre  les  paysans  en  révolte. 

■  ...  Jésus-Christ  et  ses  apôtres  n'ont  point 
renversé  les  temples  ni  brisé  les  imag;es.  Ils  ont 
gagné  les  esprits  par  la  parole  de  Dieu,  et  les 
images,  les  temples  sont  tombés  d'eux-mêmes. 
Imitons  leur  exemple.  Songeons  à  détacher  les 
esprits  des  couvons  et  de  la  superstition.  Qu'en- 
suite les  autorités  fassent  des  couvons  et  des 
images  délaissés  ce  que  bon  leur  semblera.  Que 
nous  importe  que  les  bois  et  les  pierres  subsis- 
tent, si  les  esprits  sont  affranchis  ?  ...  Ces  violences 
peuvent  être  bonnes  pour  des  ambitieux  qui 
veulent  se  faire  un  nom,  jamais  pour  ceux  qui 
recherchent  le  salut  des  âmes...  *  (21  août  1524.) 

20 

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338  M^Moiass 


Ptge  178*  ligna  si.—  Exhortation  à  la  paix.,. 

«  Exhortation  sincère  du  docteur  M.  Luther  à 
tous  les  chrétiens  pour  qu'ils  se  gardent  de  l' esprit 
de  rébellion.  1524. — L'homme  du  peuple,  tenté 
hors  de  toute  mesure ,  et  écrasé  de  charges  intolé- 
rables, ne  yeut  ni  ne  peut  plus  supporter  cela,  et 
il  a  de  bonnes  raisons  pour  frapper  du  fléau  et  de 
la  massue,  comme  Jean  de  la  pioche  menace  de 
jEaire...  Je  suis  charmé  de  voir  que  les  tyrans 
craignent.  Quant  moi,  menace  ou  craigne  qui 
voudra,  etc. 

»  C'est  Fautorité  séculière  et  les  nobles  qui 
devraient  mettre  la  main  à  Tœuvre  (à  l'œuvre  de 
réforme);  ce  qui  se  fait  par  les  puissances  régu- 
lières ne  peut  être  pris  pour  sédition.  > 

Après  avoir  dit  qu'il  fallait  une  insurrection  spi- 
rituelle et  non  temporelle  :  «  £h  bien!  répands, 
aide  à  répandre  le  saint  Évangile;  enseigne ,  écris, 
prêche  que  tout  établissement  humain  n'est  rien; 
dissuade  tout  le  monde  de  se  faire  prêtre  papiste, 
moine,  religieuse;  à  tous  ceux  qui  sont  là-dedans, 
conseille-leur  d'en  sortir  ;  cesse  de  donner  de 
l'argent  poi^  les  bulles,  les  cierges,  les  cloches, 


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M  t1)THE&.  839 

les  tableaux ,  les  églises;  dis-leur  que  la  Tie  chré- 
tienne consiste  dans  la  foi  et  la  charité.  Continuons 
deux  ans  de  la  sorte,  et  tu  yerras  ce  que  seront 
deyenus  pape,  éyéques,  cardinaux,  prétraille, 
moines ,  religieuses  ,  cloches ,  tours  d'églises , 
messes,  yigiles,  soutanes,  chapes,  tonsures,  rè- 
gles, statuts,  et  toute  cette  Termine,  tout  ce  bour- 
donnement du  règne  papal.  Tout  aura  disparu 
comme  fumée.  » 

Après  ayoir  recommandé  la  douceur  et  la  pa- 
tience envers  les  faibles  d*esprit  qu'on  yeut  éclai- 
rer, Luther  continue  :  «  Si  ton  frère  avait  le  cou 
cruellement  serré  d'une  corde,  et  que,  venant  à 
son  secours,  tu  tirasses  la  corde  avec  violence  ou 
que  tu  y  portasses  précipitamment  ton  couteau, 
n'étranglerais-tu  pas  ,  ne  blesserais-tu  pas  ton 
frère  ?  Tu  lui  ferais  plus  de  mal  que  la  corde  et 
l'ennemi  qui  l'aurait  lié.  Si  tu  veux  le  secourir, 
attaque  l'ennemi  ;  la  corde ,  tu  la  toucheras  avec 
précaution  jusqu'à  ce  qu'elle  soit  ôtée.  C'est  ainsi 
qu'il  faut  t'y  prendre.  Ne  ménage  pas  les  fourbes 
et  les  tyrans  endurcis ,  porte-leur  des  coups  terri- 
bles, puisqu'ils  ne  veulent  point  écouter;  mais 
les  simples  qu'ils  ont  cruellement  garrottés  des 
liens  de  leur  fausse  doctrine,  tu  les  traiteras 
tout  autrement,  tu  les  délieras  peu-à-peu ,  tu  leur 

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840  MÉHOIEBS 

diras  la  raison  et  la  cause  de  tout,  et  tu  les  affrai 
chiras  ainsi  avec  le  temps...  Tu  ne  peux  être  assi 
dur  envers  les  loups ,  assez  doux  envers  les  Csâbli 
brebis.  • 


Page  M)9t  ngna  8*  -^On  s'êfonne  dé  la  dureté  at^ee  laquMi 
Luther  parle  de  leur  défaite... 


A  Jean  Rûhel,  beau- frère  de  Luther,  —  <  Ce 
cbose  lamentable  qu'on  en  finisse  ainsi  avec  ۥ 
pauvres  gens  (les  paysans).  Mais  comment  faire 
Dieu  veut  qu^il  se  répande  une  terreur  dans 
peuple.  Autrement,  Satan  ferait  pis  que  ne  foi 
maintenant  les  princes.  Il  faut  bien  préférer 
moindre  mal  au  plus  grand...  »   {^%  mai  ISSS 

«...  Ce  qui  me  porte  surtout  à  écrire  si  vi< 
lemment  contre  les  paysans ,  c*est  que  je  suis  r 
volté  de  les  voir  entraîner  les  timides  de  forc< 
et  précipiter  ainsi  des  innocens  dans  les  cbàl 
mens  de  Dieu.  (  SO  mai  1535.) 

Page  llo»Iigoe  17.  *^  Luther  intercéda.. .  et  obtint.,,  qu'il  f 
t' établir  à  Kemberg.,, 

Garlostad,  après  avoir  obtenu  la  permission  < 
restera  Kembèrg,  ne  s'y  tint  pas  tranquille,  comi 
il  Tavait  promis.  Il  fit  imprimer  et  répandre  cla 


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»■  LuxaBA.  841 

deftinement,  sam  nom  d'auteur,  différen§  écrits 
contre  Luther,  et  s'adressa  en  même  temps  au 
chancelier  Bruck  poar  se  plaindre  des  torts  que 
son  ancien  adversaire  aurait  eus  envers  lui.  Lu- 
ther, en  ayant  été  instruit,  écrivit  au  chancelier 
pour  lui  exposer  ce  qui  s'était  passé  entre  lui  et 
Garlostad,  et  ce  qu'il  pensait  de  ce  dernier  (24 
sept.  1 528.)  «...  En  vérité ,  dit-il ,  je  ne  sais  que  ré* 
pondre  à  de  pareils  griefs.  Au  moindre  mal ,  au 
moindre  désagrément  qui  lui  arrive,  il  &ut  que 

Luther  en  soit  la  cause Par  compassion,  j'avais 

bien  voulu  qu'il  vint  m'exposer  ses  scrupules,  et 
j'avais  tâché  d*y  répondre  à  son  contentement:  il 
m'en  faisait  des  remercimens,  et  cependant  j'ai 
TU  depuis,  par  une  de  ses  lettres  à  Schv^enkfeld , 
qu'il  se  raillait  de  ma  bonne  volonté  et  de  ma 
eompassion.  Depuis  ce  temps  mon  cœur  s'est  dé- 
tourné de  lui... 

9  Si  on  ne  le  surveille  de  plus  près ,  pour  l'em- 
pécher  de  faire  imprimer  ces  écrits  anonymes 
(qu'on  sait  bien  être  de  lui),  qui  croira  à  la  lon- 
gue que  ce  soit  sans  le  consentement  de  notre  gra- 
cieux seigneur ,  et  à  notre  insu,  que  Garlostad  sé- 
journe parmi  nous?  D'un  autre  côté,  s'il  sortait 
del'électorat,  il  exciterait  probablement  des  trou- 
bles ,  et  l'on  ne  manquerait  pas  d'en  rendre  res- 

20.  joogle 


243  mAmoieis 

ponsabletnotreseigneur  qui  aurait  pales  prévenir 
en  retenant  sous  sa  main  cet  honune  dangereux. 
Le  souvenir  de  Mûnzer  me  fait  peur...  Mon  avis 
serait  donc  qu'on  lui  fit  strictement  observer  le 
silence  qu'il  a  juré  de  garder,  et  qu'on  ne  le  laissât 
point  sortir  du  pays  jusqp'à  nouvelle  décùion. 
Des  paroles  sévères  sufi&ront,  j'en  suis  sûr»  car  il 
est  jhcile  de  lui  imposer  par  un  ton  ferme  et  décidé. 
Quant  à  moi ,  je  me  trouve  bien  puni  de  l'avoir 
fiât  revenir  parmi  nous ,  et  d*avoir  si  imprudem- 
ment convié  Satan  à  ma  table.  > 

Page  SIS,  Ifgne  i6.  ~  Luther  exprime  quê  V espoir  tout  pour r» 
encore  bien  tourner  pour  Carlostad.,, 

«  Hier,  nous  avons  baptisé  un  fils  de  Carlostad, 
ou  plutôt  nous  avons  rebaptisé  le  baptême.  Qui 
aurait  cru,  l'année  dernière,  que  ceux  qui  appe- 
laient le  baptême  un  bain  de  chien,  le  demande- 
raient aujourd'hui  à  leurs  anciens  ennemis  ?  >  (fé- 
vrier 15â6}.  Mais  son  retour  n'était  point  sincère. 
«  Il  vit  avec  nous,  nous  espérions  le  ramener  dans 
la  bonne  voie,  mais  le  misérable  s'endurcit  de 
jour  en  jour.  Toutefois  la  crainte  lui  ferme  la 
bouche.»  (28  novembre  1527.)  Quelques  mois 
plus  tard  il  écrit  à  un  de  ses  amis  :  «  Cette  vipère 

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M  I.17THBE.  843 

de  Carlostad ,  que  je  tiens  dans  mon  sein ,  remue 
et  s'agite,  mais  n'ose  sortir.  Plût  à  Dieu  que  tes 
fanatiques  Teussent  parmi  eux  et  que  j'en  fusse 
déUvrél»  (28juillet  1528.) 

«  Carlostad  est  absent  depuis  quelques  semai- 
nes, on  pense  qu'il  est  allé  retrouver  les  siens  et 
chercher  son  nid.  Qu'il  aille,  puisqu'il  n'est  point 
de  bons  procédés  qui  puissent  le  ramener.  »  (S7 
octobre  15S7.)  Carlostad  ne  put  supporter  long- 
temps la  protection  hautaine  et  menaçante  de  Lu- 
ther ;  il  s'enfuit  aux  Pays-Bas. 

«  Carlostad  s'est  arrêté  en  Frise  joyeux  et  triom- 
phant. Il  a  appelé  sa  femme  à  lui  par  une  let- 
tre de  gloriole  et  de  félicitations.  >  (6  mai  1539.) 

Luther  pria  le  chancelier  de  l'Électeur,  Chris- 
tian Bayer ,  de  faire  accorder  à  Carlostad  un  sauf- 
conduit  :  «  La  femme  de  Carlostad  m'a  prié  in- 
stamment de  m'employer  auprès  de  mon  gracieux 
seigneur  pour  obtenir  un  sauf-conduit  à  son  mari 
qui  désirerait  revenir  parmi  nous.  Quoique  j'aie 
peu  de  confiance  dans  le  succès  de  cette  demande, 
je  n'ai  pu  cependant  lui  refuser  mon  appui.  » 
(18  juillet  1520.) 

Luther  intitula  l'un  de  ses  écrits  contre  Car- 
lostad :  c  De  la  noble  et  gracieuse  dame ,  dite 
Fhabile  intelligence  du  docteur  Carlostad  sur 

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844  MiiMOIftES 

le  point  de  rSucliaristie.  »  (Luth.  Werke,  t.  Il, 
p.W.) 

Pagt  si3 ,  ligne  27.  —  Contre  les  princes,,, 

«  Bons  princes  et  seigneurs ,  vous  êtes  trop  pres- 
sés de  me  voir  mourir,  moi  qui  ne  suis  qu'un 
pauvre  homme;  vous  croyez  qu'après  cela  vous 
aurez  vaincu.  Mais  si  vous  aviez  des  oreilles  pour 
entendre ,  je  vous  dirais  d'étranges  choses  :  c'est 
que  si  Luther  ne  vivait,  aucun  de  vous  ne  serait 
sûr  de  sa  vie  et  de  ses  biens.  Sa  mort  serait  pour 
vous  tous  une  calamité.  Continuez  toutefois 
joyeusement;  tuez,  brûlez  ;  pour  moi,  je  ne  céde- 
rai point,  si  Dieu  le  permst.  Voilà  qui  je  suis;  ce* 
pendant,  je  vous  en  supplie,  soyez  assez  bons, 
quand  vous  m'aurez  tué ,  pour  ne  pas  me  ressus- 
citer et  me  tuer  une  seconde  fois...  Je  n'ai  pas  af- 
foire,  je  le  vois ,  à  des  hommes  raisonnables;  tou- 
tes les  bétes  de  l'Allemagne  sont  lâchées  contre 
moi,  comme  des  loups  ou  des  porcs  qui  me  doi- 
vent mettre  en  lambeaux....  J'ai  voulu  vous  aver- 
tir, mais  cet  avis  vous  sera  certainement  inutile  ; 
Dieu  vous  a  frappés  d'aveuglement.  »  (Passage  de 
Luther,  cité  par  Gochlœus,  p.  87.  ) 

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BB   LUTEBU.  845 


Page    ai6,  ligne  7.  ^  Bueer-.  distimufm  queltfuê  ttmps   ses 
opinions  aux  yeux  delM%Ker%„ 

Le  25  mai  1524,  Luther  écriyait  à  Capiton  : 
«Il  y  a  des  gens  qui  s'obstinent  à  affirmer  que  je 
condamne  TOtre  manière  d'agir,  à  toi  et  à  Bucer.., 
Sans  doute  ces  vains  bruits  sont  nés  de  cette  let- 
tre que  je  t'adressai,  que  Ton  a  depuis  tant  de 
fois  imprimée,  et  qu'on  yient  même  de  traduire 
en  allemand.  C'est  ce  qui  me  détourne  presque 
d'écrire  des  lettres ,  quand  je  vois  qu'on  me  les 
enlève  ainsi  malgré  moi  pour  la  presse,  tandis 
qu'il  y  a  beaucoup  de  choses  qu'on  peut  et  qu'on 
doit  s'écrire  entre  amis,  mais  que  l'on  ne  veut 
pas  voir  répandre  dans  le  public.  » 

Le  \k  octobre  1539,  il  écrit  à  Bucer  :  «  Tu  sa- 
lueras respectueusement  pour  moi  J.  Sturm  et 
J.Calvin,  dont  j'ai  lu  les  livres  avec  unsingulier 
plaisir.  » 

Page  st7, lignent^  JgwingU,  OEcolampada*,' 

«  OËcolampade  et  Zwingli  ont  dit  :  «Nous  res- 
tons en  paix  avec  Luther,  parce  qu'il  est  le  pre- 
mier par  qui  Dieu  ait  donné  l'Évangile,  mais 


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346  MteoiRii 

après  sa  mort,  nous  ferons  valoir  de  nouveau  nos 
opinions.  »  Ils  ne  savaient  pas  qu'ils  dureraient 
moins  que  Luther.  » 

«  Luther  disait  qu'on  devait  se  contenter  de 
mépriser  ce  misérable  Gampanus  et  ne  point 
écrire  contre  lui.  Alors  Mélanchton  se  mit  à  dire 
que  son  avis  était  qu'on  devait  le  pendre ,  et  qu'il 
eu  avait  écrit  à  son  maître  l'Électeur. 

«  Gampanus  croit  savoir  plus  de  grec  que  Lu- 
ther et  que  Pomer.  Le  chrétien  est,  selon  lui,  ^n 
homme  parfait  et  infaillible;  il  fait  de  l'homme  une 
bûche ,  comme  les  stoïciens.  Si  nous  ne  sentions 
aucun  combat  en  nous,  je  ne  voudrais  pas  don- 
ner un  liard  de  toutes  les  prédications  et  des  sa- 
cremens.  «  (Tischreden ,  p.  â8S.  ) 

Zwingli  ose  dire:  «  Nous  voulons  dans  trois  ans 
avoir  dans  notre  parti  la  France,  l'Espagne  et  l'An- 
gleterre. —  ***  introduit  ses  livres  sous  notre 
nom  de  Suisse  en  France ,  de  sorte  que  plusieurs 
villes  en  sont  infectées...  J'ai  plus  d'espérance  dans 
ceux  de  Strasbourg.  » 

€  OEcolampade  était  d'abord  un  brave  homme  ; 
mais  il  a  pris  ensuite  de  l'amertume  et  de  l'ai- 
greur. Zwingli  a  été  un  homme  gai  et  aimable, 
et  pourtant  il  est  devenu  triste  et  sombre.  »  (Tis- 
chreden, p.  283.) 

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DB  LUTHm.  847 

«  Après  avoir  entendu  ZwingU  à  la  conférence 
de  Marbourg,  je  l'ai  jugé  un  homme  excellent, 
ainsi  qu'OEcolampade...  J'ai  été  très  affligé  de  te 
voir  publier  le  livre  de  Zwingli  au  roitrè»  chrétien, 
avec  force  louanges  pour  ce  livre,  tandis  que  tu 
savais  qu'il  contenait  beaucoup  des  choses  qui  ne 
me  déplaisent  pas  seulement  à  moi ,  mais  à  tous 
les  gens  pieux.  Non  que  j'envie  l'honneur  qu'on 
rend  à  Zwingli,  dont  la  mort  m'a  causé  tant  de 
douleur ,  mais  parce  qu'aucune  considération  ne 
doit  porter  préjudice  à  la  pureté  de  la  doctrine.» 
(  U  mai  1528) 


'■ge  a  171  ligna  i5.  "Je  connais  as  te»  P iniquité 
de  Bucer:» 

€  Maître  Bucer  se  croyait  autrefois  bien  savant; 
il  ne  l'a  jamais  été ,  car  il  écrit  dans  un  livre  que 
tous  les  peuples  ont  une  seule  religion  et  sont  ainsi 
sauvés.  Certes,  cela  s'appelle  extravaguer.  »  (Tûh 
chreden,  p.  184.) 

€  On  apporta  au  docteur  Luther  un  grand  li- 
vre qu'avait  écrit  un  Français  nommé  Guillaume 
Postellus,  sur  VVnUé  dans  le  Monde.  Il  s'y  don- 
nait beaucoup  de  peine  pour  prouver  les  articles 
de  la  foi  par  la  raison  et  le  nature ,  afin  de  pou- 


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348  MÉMOIAES 

voir  convertir  les  Turcs  et  les  juife  et  amener  tous 
les  hommes  à  une  même  foi.  Le  docteur  dit  à  ce 
sujet  :  €  C'est  prendre  trop  pour  un  morceau.  On 
a  déjà  écrit  de  pareils  livres  sur  la  théologie  na- 
turelle. Il  en  est  advenu  à  cet  auteur  selon  le 
proverbe  :  Les  Français  ont  peu  de  cervelle.  Il 
viendra  encore  des  visionnaires  qui  entreprit* 
dront  d'accorder  tous  les  genres  d'idolâtrie  avec 
une  apparence  de  foi  et  de  l'excuser  ainsi.  >  (Tis- 
chreden,  68,  verso.) 

Bucer  assaya  plusieurs  fois  de  se  rapprocher 
de  Luther.  «  Je  puis  bien  pour  ce  qui  me  regarde 
user  de  patience  avec  vous,  lui  écrivit  Luther, 
et  croire  que  vous  ne  pouvez  revenir  si  brusque- 
ment; mais  j'ai  dans  le  pays  de  grandes  multitu- 
des d'hommes  (comme  vous  l'avez  vu  à  Smal- 
kalde)  que  je  ne  tiens  pas  tous  dans  la  main.  Nous 
ne  pouvons  souffrir,  en  aucuoe  manière,  que 
vous  prétendiez  n'avoir  point  erré,  ou  que  vous 
disiez  que  nous  ne  nous  sommes  point  entendus. 
Le  meilleur  pour  vous  serait  ou  d'avouer  fran* 
chement,  ou  de  garder  le  silence  en  enseignant 
désormais  la  bonne  doctrine.  Il  y  en  a  de  notre 
côté  qui  ne  peuvent  souffrir  vos  détours,  comme 
Amsdorf,  Osiander,  et  encore  d'autres.  >  (15S2.) 

Il  y  eut  après  la  révolte  des  anabaptistes,  IKW, 

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DB    LUTHER.  349 

de  nouTelles  tentatives  pour  réunir  les  églises 
réformées  de  Suisse,  d'Alsace  et  de  Saxe  dans 
une  même  confession.  Luther  écrit  à  Capiton 
(Kœpstein),  ami  de  Bucer  el  ministre  de  Stras- 
bourg :  «  Ma  Catherine  te  remercie  de  l'anneau 
d'or  que  tu  lui  as  envoyé.  Je  ne  l'ai  jamais  vue 
plus  fâchée  que  quand  elle  s'est  aperçue  qu'on 
le  lui  avait  volé,  ou  qu'elle  l'avait  perdu  par  né- 
gligence ,  ce  que  je  ne  puis  croire ,  quoiqu'elle 
le  répète  sans  cesse.  Je  lui  avais  persuadé  que 
ce  don  lui  était  envoyé  comme  un  heureux 
gage  de  la  concorde  future  de  votre  église  avec 
la  nôtre  :  la  pauvre  femme  est  tout  affligée.  » 
(9  juillet  1»S7.) 

Page  sao ,  Ugne  s5«  —  Je  ne  puis  t'aecujer^ , 
d'entêtement... 

•  J'ai  quelque  chose  qui  défendra  ma  cause, 
lors  même  que  le  monde  entier  extravaguerait 
contre  moi  :  c'est  ce  qu'Érasme  appelle  mon 
entêtement  à  affirmer  {pervicaeia  OBierentU^.  » 
(V*  octobre  15^3.) 

rage  sss,ligo«  s3.  -^De  lihero  arhitrio^., 

«  Tu  dis  moins  ,  mais  tu  accordes  plus  au 
TOMB  1  SI 

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350  HiMOIRKt 

libre  arbitre  qpie  tous  les  autres;  car  tu  ne  défi- 
nis point  le  libre  arbitre,  et  pourtant  tu  lui 
donnes  tout,  ^accepterais  plus  volontiers  ce 
que  nous  disent  sur  ce  point  les  sopbistes  et 
leur  maître  Pierre  Lombard,  pour  qui  le  libre 
arbitre  n'est  que  la  faculté  de  discerner  et  de 
choisir  le  bien,  si  Ton  est  soutenu  par  la  grâce, 
le  mal,  si  la  grâce  nous  manque.  Pierre  Lom- 
bard croit  avec  Augustin  que  le  libre  arbi- 
tre ,  s'il  n'a  rien  qui  le  dirige ,  ne  peut  que  con- 
duire l'homme  à  sa  chute ,  qu'il  n'a  de  force  que 
pour  le  péché.  Aussi  Augustin,  dans  son  second 
livre  contre  Julien,  l'appelle  le  serf  arbitre, 
plutôt  que  le  libre  arbitre.  (De  servo  arbitrio, 
p.  477,  verso.) 

Tégê  ata ,  ligne  a4*  —  ^^  reconnut  que  la    véritable  çuatiùm 
venait  d'être  posée., *  Il  hésita  quelque  temps  à  répondre.,. 

«  On  ne  saurait  croire  combien  j'ai  de  dégoàt 
pour  ce  traité  du  Libre  arbitre;  je  n'en  ai  en- 
core lu  que  quelques  pages...  C'est  un  grand 
ennui  que  de  répondre  à  un  si  savant  livre  d'un 
•i  savant  personnage.  »  (1"'  novembre  1524.) 

Cependant  il  ne  pouvait  laisser  passer  ce  livre 
aans  réponse.  «J'ai  tué,  dit*il  quelque  part,  par 


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Di  tuTHim.  3Sl 

mon  âlence,  Eck,  Emser ,  Cochlœus.  »  Mais  avec 
Érasme ,  il  n'en  pouvait  être  ainsi  :  son  immense  - 
réputation  rendait  une  réfutation  nécessaire. 
Luther  se  mit  bientôt  à  l'œuvre  :  «  Je  suis  tout 
entier  dans  Érasme  et  le  libre  arbitre,  et  je  ferai 
en  sorte  de  ne  pas  lui  laisser  un  seul  mot  de  juste, 
comme  il  est  vrai  qu'il  n'en  a  pas  dit  un  seul.  • 
(  28  septembre  1525.) 

Paf«  aaS»  UgM  »3.  -^  //  n'jr  a. plus  ni  Dieu  ni  Chriêi,.» 

«  Si  Dieu  a  la  prescience ,  si  Satan  est  le  prince 
du  monde,  si  le  pécbé  originel  nous  a  perdus, 
si  les  juifs ,  cherchant  la  justice ,  sont  tombés  dans 
rinjustice  ,  tandis  que  les  Gentils  ,  cherchant 
l'injustice,  ont  trouvé  la  justice  {gratis  et  inspe^ 
raio)y  si  le  Christ  nous  a  rachetés  par  son  sang, 
il  n'y  a  point  de  libre  arbitre  ni  pour  l'homme , 
ni  pour  l'ange.  Autrement  le  Christ  est  superflu, 
ou  bien  il  faut  admettre  qu'il  n'a  racheté  que  la 
partie  la  plus  vile  de  l'homme.  (I>0  servo  arbi- 
trio,  p.  525 ,  verso.) 

Pag»  as5  «ligne  ii.  —  Plus  Luther  se  débat..» 

Poussé  par  la  contradiction,  Luther  arrive  à 

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352  vittoi&is 

soutenir  les  propositioiis  Mivaiites  :  La  grâce 
est  donnée  gratuitement  aux  plus  indignes,  aux 
moins  méritans;  on  ne  peut  l'obtenir  par  des 
études,  desœuTres,  des  efforts  petits  ou  grands; 
elle  n'est  pas  même  accordée  au  zèle  ardent  du 
meilleur,  du  plus  vertueux  des  hommes,  qui 
cherche  et  suit  la  justice.  (  Do  aervo  mrbitrio , 
p.  520.  ) 


P«|«  »i5,  ligD*    ai.  —  Jusqu'à  son. dtmi^^  jour  ,  im  nom 
d'Erasms^  etc.*. 


«  Ce  que  tu  m'écris  d'Érasme,  qu'il  écume 
contre  moi,  je  lésais,  et  je  l'ai  bien  vu  par  ses 
lettres...  C'est  un  homme  très  léger,  qui  se  rit  de 
toutes  les  religions,  comme  son  Lucien,  et  qui 
n'écrit  rien  de  sérieux ,  si  ce  n'est  par  rengeance 
et  pour  nuire.  >  (28  mai  1529.) 

«  Érasme  se  montre  digne  de  lui-même,  en 
poursuivant  ainsi  le  nom  luthérien,  qui  fait  sa 
sûreté.  Que  ne  s'en  ya-tr«il  chez  ses  Hollandais, 
ses  Français,  ses  Italiens,  ses  Anglais,  etc.?....  Il 
veut  par  ces  flatteries  se  préparer  un  logement, 
mais  il  n'en  trouvera  pas  et  tombera  à  terre  entre 
deux  selles.  Si  les  luthériens  l'avaient  haï  comme 
les  siens  le  haïssent,  ce  ne  serait  qu'ai}  péril  àe 


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DB   LUTHBR»  353 

ses  jours  qu'il  Tirrait  à  Bâle.  Mais  que  le  Christ 
juge  cet  athée,  ce  Lucien,  cetÉpicnre.  »  (7  mars 
1539.) 

Cette  lettre  se  rapporte  probablement  à  la  pu- 
blication suivante  :  Contra  quoêdam  qui  se  feho 
jactani  Evangelicos,  epùiola  Desid.  Erasmi  Roi. 
jàm  recems  edÙ9  et  scholii»  illuHrata.  Ad  Vuliu-* 
rmm  Nêoeow^m  dot.  Frib.  1529.  in-S"». 

P«gesia6«   ligM  '•  —  Ces  détours,   et  la  conduit»  équivoque 
iC Erasme  ,  n  allaient  point  à  l'énergie  de  Luther. 

•  Je  te  Tois,  mon  cher  Érasme,  te  plaindre 
dans  tes  écrits ,  de  ce  tumulte,  et  regretter  la  paix, 
la  concorde  que  nous  ayons  perdues.  Cesse  de  te 
plaindre ,  de  chercher  des  remèdes.  Ce  tumulte , 
c'est  par  la  Tolonté  de  Dieu  qu'il  s'est  élevé  et 
qu'il  dure  encore:  il  ne  cessera  pas  avant  que  tous 
les  adversaires  de  la  parole  de  Dieu  soient  deve- 
nus comme  la  boue  de  nos  carrefours.  •  (De  servo 
arbiirio,  p.  465.) 

I^age  aa9 » Mgne  4*  —  Mariage  de  Luther,., 

Luther,  en  prêchant  le  mariage  des  prêtres ,  me 
songeait  qu'à  mettre  fin  au  honteux  démenti 
qu'ils  donnaientchaque  jour  à  leur  vœu  de  chus- 

21. 

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364  HÉMOIEBS 

teté;  il  ne  l'avisait  point  alors  qu'un  prêtre  marié 
pût  préférer  sa  fsimille  selon  la  chair  à  celle  que 
Dieu  et  l'Église  lui  ont  donnée.  Mais  lui  -  même 
ne  put  toujours  se  soustraire  à  ces sentimens  égoïs- 
tes du  père  de  famille;  il  lui  échappe  parfois  des 
paroles  qui  forment  un  fâcheux  contraste  avec  la 
charité  et  le  dévouement,  tels  que  les  prêtres 
catholiques  les  ont  compris  et  souvent  pratiqués. 
«  Il  suffît ,  dit-il ,  dans  une  instruction  à  un  pasteur , 
que  le  peuple  communie  trois  ou  quatre  fois  par 
an,  et  publiquement.  La  communion  donnée  sépa- 
rément aux  particuliers  deviendrait  un  poids  trop 
•  lourd  pour  les  ministres,  surtout  en  temps  de 
peste.  Il  ne  faut  point  d'ailleurs  rendre  ainsi  l'É- 
glise, avec  ses  sacremens,  l'esclave  de  chacun,  sur- 
tout de  ceux  qui  la  méprisent  et  veulent  cepen- 
dant qu'à  tout  évévement  l'Église  soit  prête  pour 
eux ,  eux  qui  ne  font  jamais  rien  pour  elle.  > 
(26  novembre  15S9.) 

Cependant  il  se  conduisait  lui-»méme  d'après 
d'autres  maximes.  Il  montra  dans  les  circonstan- 
ces graves  une  charité  héroïque. 

«  Ma  maison  devient  un  hôpital.  Tous  étant 
frappés  d'effroi,  j'ai  reçu  chez  moi  le  pasteur 
(dont  la  femme  venait  de  mourir)  et  toute  sa  fa- 
mille. »  (4  novembre  1627.) 

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DB  LDTHBft.  865 

«  Le  docteur  Luther  parlait  de  la  mort  du  doo 
ir  Sébald  et  de  sa  femme,  qu'il  avait  Tiiités  et 
ichés  daiu  leur  maladie.  «  Ils  sont  morta,  di- 
t-il, do  chagrin  et  d'inquiétude  plutôt  que  do 
peste.  »  Il  retira  leurs  enfans  dans  sa  maison; 
comme  on  lui  faisant  entendre  qu*il  ten- 
t  Dieu  :  «  Ah  !  dit-il,  j'ai  eu  de  bons  maîtres 
i  m'ont  appris  ce  que  c'était  que  tenter  Dieu.  » 
La  peste  étant  dans  deux  maisons ,  on  voulait 
[uestrer  un  diacre  qui  y  était  entré.  Luther  ne 
voulut  pas,  par  confiance  en  Dieu  et- de  crainte 
sffirayer.  (décembre  1598.  Tisekreden,  p.  366.) 

• 

Page  ao3,  ligne  8.  ^  Préoccupé  de  soins  matériels. >* 

A  Spalatin,  «  Tout  pauvre  que  je  suis,  je  t'au- 

is  renvoyé  cette  belle  orange  d'or  que  tu  avab 

nuée  à  ma  femme,  si  je  n'avais  craint  de  t'of- 

iser. 

»  Saluta  tuam  conjugem  suavissimè;  verùmet 

tum  facias  cùm  in  thoro  suavissimis  amplexi- 

LS  et  osculis  Gatharinam  tenueris,  ac  sic  cogi- 

reris  :  En  hune  hominem ,  optîmam  creaturu- 

n  Dei  mei ,  donavit  mihi  Ghristus  meus  ;  sit  iUi 

IS  et  glorîa!  »  (6  dédembre  1S2S.) 

«  Salutabis  tuum  Dictative  multis  basîis^  vice 


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356  HÉHOIRCS 

mea  et  Johannelli  mei  »  qui  hodîe  didicit  &i 
paplitibvB  soins  in  omnem  anfulum  cacare,  i 
cacavit  Terè  in  omnem  angolmn  miro  negoUc 
Sahitat  te  mea  Ketba  et  orarepro  se  rogat,  pv 
pera  propediem  futura  ;  Chrôhis  assit.»  (  19  o< 
bre  15Î7.)  —  •  Filiolam  aliam  habeoin  utero, 
ayril  1 528.  )  —  «  Mon  petit  Jean  est  gai  et  fort  ;  c 
un  petit  homme  Vorace  et  ftt6ac«.>  (mai  1537. 
•  Salue  pour  moi  ce  gros  mari  de  Melchior ,  à 
je  souhaite  une  femme  soumise,  qui ,  le  jour 
mène  sept  fois  par  les  cheveux  autour  de  la  pi 
publique,  et  la  nuit,  lYtourdisse  trois  fois  de 
rôles  conjugales,  comme  il  le  mérite.  >  (10 
vrier  1525.) 

«  Nous  buvons  d'excellent  vin  de  la  cave 
"prince ,  et  nous  deviendrions  de  parfaits  évan 
liques,  si  l'Évangile  nous  engraissait  demémi 
(8marsl52S.) 

Lettre  à  /.  Agricola  (dont  la  femme  allait  ace 
cher). —  «Tu  donneras  une  pièce  d'or  au  nouve 
né,  et  une  autre  à  l'accouchée ,  pour  qu'elle  bo 
du  vin  et  qu'elle  ait  du  lait.  Si  j'avais  été  p 
sent,  j'eusse  servi  de  compère.  De  la  région 
oiseaux,  1521.  * 

Les  lettres  de  cette  époque  se  terminent  d' 
dinaire  par  quelques-uns  de  ces  mots:  Mea  coi 

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BB  LUTIKM.  857 

dominuê  mené ,  imperatrix  mea  Ketha  i€  êalutai. 
Ma  chère  côte,  mon  maître,  mon  impératrice , 
Ketha  te  salue. 

«  Ketha,  mon  seigneur,  était  dans  son  nouveau 
royaume,  à  Zeilsdorf  (petit  bien  que  possédait  Lu- 
ther ) ,  quand  tes  lettres  sont  arrivées.  * 

II  écrit  à  Spalatin  :  «  Mon  Eve  demande  tes  priè- 
res pour  que  Dieu  lui  conserve  ses  deux  enlans , 
et  lui  accorde  d'en  concevoir  et  d'en  enfanter 
heureusement  un  troisième.  »  (15  mai  1528.  ) 

Gochlœus  appelle  la  femme  de  Luther:  dignum 
ollœ  operculum  (page  7S.) 

Luther  prie  Nicolas  AmsdorI  d'être  parrain  de 
la  fille  Magdalena(5  mailS29)  :  «  Digne  seigneur  f 
le  Père  de  toute  grâce  nous  a  accordé^  à  moi  et  à 
nia  bonne  Catherine,  une  chère  petite  enfant.  Dans 
cette  circonstance ,  qui  nous  rend  si  joyeux,  nous 
vous  prions  de  remplir  unofiicechrétien,  et  d'être 
le  père  spirituel  de  notre  pauvre  petite  païenne, 
pour  la  faire  entrer  dans  la  sainte  communauté 
des  chrétiens,  parle  divin  sacremait  du  baptême. 
Que  Dieu  soit  avec  vous!  > 

Luther  eut  trois  fils,  Jean,  Martin,  Paul,  et 
trois  filles,  Elisabeth,  Madeleine.  Marguerite.  Les 
deux  premières  de  s^  filles  moururent  jeunes, 
lune  à  l'âge  de  huit  mois,  l'antre  à  treiioans.  On 

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808  ntlHoi&Bs 

lisait  sar  le  tombeau  de  la  première  :  Hic  dormH 

£liêabetha,filiola  Luiheri, 

La  descendance  mâle  de  Luther  s'éteignit  en 
1759.(DkertJ,p.  M.) 

Il  y  a  dans  Téglise  de  Kieritzsch  (village  saxon), 
un  portrait  de  la  femme  de  Luther  en  plâtre,  por* 
tant  l'inscription  suivante  :  Catarina  Lutheri  ge- 
bohmevon  Bohrau,  1540:€e  portrait  avait  appar^ 
tenu  à  Luther.  (Ukert,  I,  364.) 

PagesSo,  llpia  lO.  —  Cetta  période  d'atonie.^. 

Il  s'indigne  à  son  tour  contre  les  prédicateurs 
trop  véhémens  •  Si  N*** ,  écrit^il  à  Hausmann,  ne 
peut  se  modérer ,  je  le  ferai  chasser  par  le  prince. 

»  Je  vous  avais  déjà  prié,  dit-il  au  même  pré- 
dicateur, de  prêcher  paisiblement  la  parole  de 
Dieu ,  en  vous  abstenant  de  personnalités  et  de 
tout  ce  qui  peut  troubler  le  peuple  sans  aucun 
fruit...  Vous  parlei  trop  froidement  du  sacrement 
et  restez  trop  long-temps  sans  communier.  •  (10  fé* 
vrier  1528.) 

<  n  BOUS  est  arrivé  de  Kœnigsberg  un  prédi- 
cateur qui  veut  faire  je  ne  sais  quelles  loiï  sur 
les  cloches,  les  cierges ,  et  autres  choses  sembla- 
bles... Il  n'est  pas  bon  de  prêcher  trop  souvent; 

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SB  LUTHEA.  359 

j'apprends  qae  chaque  diinanclie  on  fait  trois  ser- 
mons à  Kœnigsberg.  Qu'est-il  besoin  ?  deux  suffi- 
raient; et  pour  toute  la  semaine,  ce  serait  assez 
de  deux  ou  trois.  Lorsqu'on  prêche,  chaque  jour, 
on  monte  en  chaire  sans  avoir  médité  son  sujet , 
et  l'on  dit  tout  ce  qui  rient  à  la  bouche  ;  s'il  ne 
Tient  rien  de  bon,  on  dit  des  platitudes  et  des  in- 
jures. —  Plaise  à  Dieu  de  modérer  les  langues  et 
les  esprits  dé  nos  prédicateurs.  Ce  prédicateur  de 
Kœnigsberg  est  trop  véhément,  il  a  toujours  des 
paroles  sombres,  tragiques ,  et  des  plaintes  amè- 
res  pour  les  moindres  choses.  >  (16  juillet  1528.) 
<  Si  je  voulais  devenir  riche,  je  n'aurais  qu'à 
ne  plus  prêcher,  je  n'aurais  qu'à  me  faire  bate- 
leur; je  trouverais  plus  de  gens  qui  voudraient  me 
.voir  pour  de  l'argent,  que  je  n'ai  d'auditeurs  au- 
jourd'hui. »  (Tischr.,  p.  186.) 

Page  25o  ligne  1 8.    —  Honorons  le  mariage,.. 

Le  25  mai  1524 ,  il  écrivait  déjà  à  Capiton  et 
Bucer  :  <  J'aime  fort  ces  mariages  que  vous  faites 
de  prêtres ,  de  moines  et  de  nonnes  ;  j'aime  cet  ap- 
pel des  maris  contre  l'évêq^e  de  Satan ,  j'aime  les 
choix  qu'on  a  faits  pour  les  paroisses.  Que  dirai- 
je,  je  n'ai  rien  appris  de  vous  dont  je  n'aie  une 


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360  MÉHOIKBS 

joie  extrême.  Poursuiyez  seulement  et  aTane 
prospérité...  Je  dirai  plus:  on  a,  dans  ces  de 
res  années ,  fait  assez  de  concessions  aux  fai 
D^ailleurs,  puisqu'ils  s'endurcissent  de  jou 
jour,  il  faut  agir  et  parler  en  toute  libert 
vais  enfin  songer  moi-même  à  rejeter  le 
que  j'ai  gardé  jusqu'à  présent  pour  le  soi 
des  fiiibles  et  en  dérision  du  pape.  »  (  âjj 
1524.) 

P>Se  a  Sa*  UgOM  7    ^  </«  n'ai  point  wmlu  router  de  do 
mon  père  Vespoir  d'une  postérité:. 

«  L'affiiire  des  paysans  a  rendu  courage  au: 
pistes  et  iait  tort  à  la  cause  de  l'Évangile;  il  i 
fiiuC ,  nous  aussi ,  porter  plus  haut  la  tête, 
dans  ce  but  que  pour  ne  plus  attester  Vt 
gile  de  paroles  seulement,  mais  par  mesactio 
viens  d'épouser  une  nonne.  Mes  ennemis  tr 
pbaient,  ils  criaient  :  lo  !  io  !  J'ai  voulu 
prouver  que  je  n'étais  pas  encore  disposé  à 
retraite ,   quoique  vieux  et  faible.  Et  je 
d'autres  choses  encore  Je  l'espère ,  qui  troi 
ront  leur  joie  et   appuieront  mes    paroi 
(16aoùtl5S5.) 

Le  docteur  £ck  publia  un  recueil  intil 
Epahêlmmia  foêtiva  in  Luikemm,  Eessum  (\ 

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BB   LUTHKB.  381 

nufn  Regium)  et  in  genus  nuptiatorum.  On  y  trouye 
entre  autres  pièces  une  hymne  de  dix-neuf  stro- 
plies  ,  intitulée  :  Hymnus  paranymphorum  ,  et 
eommençant  parées  mots:  loJioIio  !  io!  gaudea- 
mus  cum  jubilo  ,  etc;  une  Additio  dithyram- 
bieaadepithalamîun  Mart.  Lwtheri  ,  dans  le  même 
mètre;  un  Epithalamium  Mart,  Lutheri,  en  hexa- 
mètres commençant  ainsi  :  Die  tnihi,  musa ,  no- 
ffum,  etc.  Hasemherg  fit  sur  le  même  sujet  une  sa- 
tire intitulée  :  Ludus  ludeniem  Luderum  ludens, 

Luther  y  répondit  par  différentes  pièces  dont 
le  recueil  fut  imprimé  sous  le  titre  :  La  fable  du 
lion  et  de  Vàne, 

Luther  était  à  peine  marié,  que  ses  ennemis 
répandirent  le  hruit  que  sa  femme  venait  d^ac- 
coucher.  Érasme  accueillit  ce  hruit  avec  empres- 
sement et  se  hâta  d'en  faire  part  à  ses  correspon- 
dans;  mais  il  se  vit  obligé  plus  tard  de  le  démentir. 
(Ukert.  I,  189-192.) 

Page  ^35 ,  Ifgne  l3.  —  Tous  les  Jours  les  dettes  nous  enveloppent 
davantage,  .• 

£n  1527 ,  il  fut  obligé  de  mettre  en  gage  trois 
gobelets  pour  cinquante  florins  et  d'en  rendre 
un  pour  dôme  florins.  Son  revenu  ordinaire  ne 

22 

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362  ■Ahoiebs 

s'éleva  jamais  au-dessus  de  deux  cents  florins  de 
Misnie  par  an.  —  Les  libraires  lui  avaient  offert 
une  somme  annuelle  de  quatre  cents  florins,  mais 
il  ne  put  se  résoudre  à  les  accepter.  —  Malgré  le 
peu  d'aisance  dont  il  jouissait,  sa  libéralité  était 
extrême.  Il  donnait  aux  pauvres  les  présens  de 
baptême  destinés  à  sesenfans.  Un  pauvre  étudiant 
lui  demandant  un  jour  quelque  peu  d'argent,  il 
pria  sa  femme  de  lui  en  donner  ;  mais  celle-ci  ré- 
pondit qu'il  n'y  en  avait  plus  dans  la  maison.  Lu- 
ther prit  alors  un  vase  d'argent  et  le  remit  à  l'é- 
tudiant pour  qu'il  le  vendit  à  un  orfèvre.  (Ukert. 

n.p.7.) 

c  Je  lui  aurais  volontiers  donné  de  quoi  bire 
sa  route ,  si  je  n'étais  accablé  par  la  multitude  des 
pauvres,  qui,  outre  ceux  de  notre  ville,  accou- 
rent ici  comme  en  un  lieu  célèbre.  •  (avril  1539.  ) 

«  Je  t'en  supplie,  mon  cher  Justus,  par  grâce, 
arrache  du  trésorier  cet  argent  qu'il  est  si  difficile 
d'avoir  et  que  le  prince  a  promis  à  G.  ScharC.Tu 
donneras,  s'il  le  faut,  une  quittance  en  mon  nom.» 
(11  mai  1540.) 

«  Luther  se  promenant  un  jour  avec  le  docteur 
Jonas  et  quelques  autres  amis,  fit  l'aumône  à  des 
pauvres  qui  passaient.  Le  docteur  Jonas  l'indta, 
en  disant  :  «  Qui  sait  si  Dieu  me  le  rendra  ?  »  Ln- 


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M  tUTBBA.  863 

iberlai  répondit  :  «  Yousoubliez  que  Dieu  tous  l'a 
donné.»  Le  mot  de  JonasiadiquefortementPinu- 
tilité  des  œuvres  qui  résultait  de  la  doctrine  de 
Luther.  (Tischr.  144,  verso.) 

«  Le  docteur  Pommer  apporta  un  Jour  au  doc- 
teur Luther  cent  florins  dont  un  seigneur  lui  fai- 
sait présent,  mais  il  ne  voulut  point  les  accepter; 
il  en  donna  la  moitié  à  Philippe  et  voulut  rendre 
l'antre  au  docteur  Pommer  qui  n'en  voulut  pas.  » 
(Tischr.,  p.  59.) 

«  Je  n'ai  jamais  demandé  un  liard  à  mon  gra- 
cieux seigneur.  »  (Tischr.,  p.  5S-60.) 

¥mgt  s36«  ligne   si.  —  Je  ne   leur  demande  rien  pour  men 

•  Un  commerce  légitime  est  béni  de  Dieu, 
comme  lorsque  Ton  tire  un  liard  de  vingt,  mais 
un  gain  impie  sera  maudit.  Ainsi  l'imprimeur*** 
a  gagné  beaucoup  sur  les  livres  que  je  lui  ai  &it 
imprimer;  avec  un  liard  il  en  gagnait  deux. . .  . 
L'imprimeur  Jean  Grunenberger  me  disait  con- 
sciencieusement :  Seigneur  docteur,  celarapporte 
beaucoup  trop  ;  je  ne  puis  avoir  assez  d'exem- 
plaires. C'était  un  homme  craignant  Dieu ,  aussi 
a-t-il  été  béni  de  notre  Seigneur.  »  (Tischr.,  p.  03  » 
Tono.) 

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364  MiMoi&BS 

«  Tu  saii,  mon  cher  Ainsdorf,  que  je  ne  puis 
suffire  à  nos  presses,  et  voilà  que  tout  le  monde 
me  demande  de  cette  pâture;  il  y  a  ici  près  de 
six  cents  imprimeurs.  »  (11  avril  1525.) 


F«|e    a4Ô'  ^*S^*   l7.   —   Pourquoi  m'irriterai-j'e  contre  Us 
papistes  ?  tout  C9  qu'ils  me  /ont  est  de  bonne  guerre :. 

Ils  cherchaient  cependant,  à  ce  qu'il  semble, 
à  se  défaire  de  lui  par  le  poison. 

(Janvier  et  février  1525.)  Luther  parle  dans 
deux  lettres  différentes,  de  juifs  polonais,  qui 
auraient  été  envoyés  à  Wittemberg  pour  l'empoi- 
sonner (Judaei  qui  mihi  venenum  paravere), 
moyennant  le  prix  de  2000  ducats.  Gomme  ils  ne 
dénoncèrent  personne  dans  leur  interrogatoire , 
on  allait  les  mettre  à  la  torture,  mais  Luther  ne 
le  souffrit  point,  et  il  s'employa  même  à  les  faire 
mettre  en  liberté,  quoiqu'il  n'eût  aucun  doute 
sur  le  nom  de  l'instigateur. 

•  Ils  ont  promis  de  l'or  à  ceux  qui  me  tueraient^ 
c  estainsi  qu'aujourd'hui  combat ,  règne  et  triom- 
phe le  saint-siége  apostolique,  le  régulateur  de 
la  foi,  la  mère  des  églises.  *  (Gochlaeus,  p.  25.) 

Un  Italien  de  Sienne  mangea  avec  le  docteur 

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DB   LUTHBK.  866 

Martin  Luther ,  causa  beaucoup  ayec  lui ,  et  resta 
à  Wittemberg  quelques  semaines,  peut-être  pour 
savoir  conunent  les  choses  s'y  passaient.  (Tischr, 
p.  416.) 

Des  tentatiTes  d'un  autre  genre  eurent  aussi 
lieu. 

<  Mathieu  Lang,  évéque  de  Sakbourg,  m'a  re- 
cherché d'une  manière  si  singulière,  que  sans 
l'assistance  particulière  de  notre  Seigneur ,  j'eusse 
éti  pria.  En  1525,  il  m'envoya  par  un  docteur 
vingt  florins  d'or,  et  les  fit  donner  à  ma  Cathe- 
rine ,  mais  je  n'en  voulus  rien  prendre.  C'est  avec 
l'argent  que  cet  évéque  a  pris  tous  les  juristes, 
de  sorte  qu*ils  disent  ensuite  :  Ahl  c'est  un  ser- 
gneurquipense  bien.  Lui,  cependant,  se  tienttran- 
quille  et  rit  en  tapinois.  U^e  fois  il  envoya  à  un 
curé  qui  prêchait  l'Évangile,  une  pièce  de  Damas, 
pour  qu'il  se  rétractât,  et  il  dit  ensuite  :  £st-ii 
possible  que  ces  luthériens  soient  de  si  grands 
fripons,  qu'ils  lassent  tout  pour  de  l'argent?» 
(Tischreden,  p.  274,  verso) 

Mélanchton ,  qui  ne  rompit  jamais  avec  les  let- 
trés de  la  cour  pontificale,  fut  pendant  quelque 
temps  soupçonné  d'avoir  reçu  des  offres. 

Un  jour ,  on  apporta  une  lettre  de  Sadolet  à 
Sturmius,  dans  laquelle  il  flattait  Mélanchton 

». 

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866  MiMOimBft 

Luther  disait  :  «  Si  Philippe  Toulait  s'arranger 
aTec  eux;  il  deviendrait  aisément  cardinal,  et 
n'en  garderait  pas  moins  sa  femme  et  ses  enfans. 
«  Sadolet,  qui  a  été  quinze  ans  au  service  du 
pape,  est  un  homme  plein  d'esprit  et  de  science; 
il  a  écrit  à  maître  Philippe  Mélanchton  le  plus 
amicalement  du  monde,  à  la  manière  de  ces  Ita- 
liens, peut-être  dans  Pe^oir  de  l'attirer  à  eux, 
au  moyen  d'un  cardinalat.  Il  l'a  fiiit  sans  doute 
par  l'ordre  du  pape,  car  ces  messieurs  sont  in- 
quiets; ils  ne  savent  comment  s'y  prendre.  — 
Le  même  Sadolet  n'a  aucune  intelligence  de  l'É- 
criture, comme  on  le  voit  dans  son  commentaire 
sur  le  psaume  51.  Les  papistes  n'y  entendrait 
plus  rien,  ils  ne  sont  plus  capables  de  gouver- 
ner une  seule  église;  ils  se  tiennent  fiers  et  raides 
dans  le  gouvernement  et  crient  :  Les  décisions  des 
Pères  ne  comportent  point  de  doute.  » 

Pag*  b5o  ,  ligna  8.  ^  Persécution. .  - 

«  Aux  chrétiens  de  la  Hollande,  du  Brabant 
et  de  la  Flandre  (à  l'occasion  du  supplice  de  deux 
moines  augustins,  qui  avaient  été  brûlés  à 
Bruxelles.) 

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n  LOTEBi.  887 

«  •».  Oh!  que  cet  doux  hommes  ont  péri  mi- 
sérablement! Hait  de  quelle  gloire  ils  jouiront  aa- 
près  duSeigneurI  c'est  peu  de  chose  d'être  outragé 
et  tué  par  le  monde  pour  ceux  qui  savent  qu0 
teur  êang  eit  préeieus ,  et  que  leur  mari  est  chère 
h  Dieu,  comme  disent  les  psaumes  (116,  15). 
Qu'est-ce  que  le  monde  comparé  à  Dieu?...  Quelle 
joie ,  quelles  délices  les  anges  auront-Us  ressen- 
ties^ en  voyant  ces  deux  âmes!  Dieu  soit  loué  et 
béni  dans  l'éternité,  de  nous  avoir  permis,  à 
nous  aussi,  de  voir  et  entendre  de  vrais  saints ,  de 
vrais  martyrs,  nous  qui  jusqu'ici  avons  adoré 
tant  de  faux  saints!  Vos  frères  d'Allemagne  n'ont 
pas  encore  été  dignes  de  consommer  un  si  glo- 
rieux sacrifice,  quoique  beaucoup  d'entre  eux 
n'aient  pas  été  sans  persécutions.  C'est  pour- 
quoi, chers  amis,  soyez  alègres  et  joyeux  dans 
le  Christ,  et  tous,  rendon»-lui  grâce  des  signes 
et  miracles  qu'il  a  commencé  d'opérer  parmi 
nous.  II  vient  de  relever  notre  courage  par  de 
nouveaux  exemples  d'une  vie  digne  de  lui.  Il  est 
temps  que  le  royaume  de  Dieu  s'établisse,  non 
plus  seulement  en  paroles,  mais  en  actions  et 
en  réalité...  >  (iwllei  IMS.) 

«La  noble  dame  Argula  de  Staufen  soutient  sur 
cette  terre  un  grand  combat;  elle  est  pleine  de 

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368  MixoiAEt 

Tesprit,  d6  la  parole  et  de  la  science  du  Christ.. 
Elle  aenyahi  de  ses  écrits  l'académie  dlngolstad, 
parce  qu'on  y  avait  forcé  un  jeune  homme,  nommé 
Arsacius,  à  une  honteuse  révocation.  Son  mari, 
qui  est  lui-même  un  tyran ,  et  qui  a  maintenant 
perdu  une  charge  à  cause  d'elle,  hésite  sur  ce 
qu'il  doit  faire.  £lle,  elle  est  au  milieu  de  tous 
ces  périls  avec  une  foi  forte,  mais,  ainsi  qu'elle 
me  récrit  elle-même ,  non  pas  sans  qu^  son  cœur 
s'effraie.  Elle  est  l'instrument  précieux  du  Christ^ 
je  le  la  recommande,  afin  que  le  Christ  confonde 
par  ce  vase  infirme  lespui  ssans  et  ceux  qui  se  glo- 
rifient dans  leur  sagesse.  »  (1524.) 

A  Spalaiin.  «  Je  t'envoie  les  lettres  de  notre 
chère  Argula,  afin  que  tu  voies  cequecette  femme 
pieuse  endure  de  travaux  et  de  souffrances.  »  (  Il 
novembre  15â8. 

La  traduction  de  la  Bible  par  Luther  donna 
à  tous  enrie  de  disputer;  on  vitjusqu'à  des  femmes 
provoquer  les  théologiens,  et  déclarer  que  tous 
les  docteurs  n*étaient  que  des  ignorans.  Il  y  en 
eut  qui  voulurent  monter  en  chaire,  et  enseigner 
dans  les  églises.  Luther  n'avait-il  pas  déclaré  que 
par  le  baptême  tous  devenaient  prêtres,  évéques^ 
papes,  etc.  ?  (Gochlœus ,  p.  5 1 .  ) 

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DB   lUTUa. 


P«g«  a5o ,  llg«e  il.  ^  On  nous  laisse  périr  dêfaim^,^ 

Un  jour  qu'il  était  question,  à  la  table  de  Lu- 
ther ,  du  peu  de  générosité  que  l'on  montrait  à 
l'égard  des  prédicateurs,  il  dit  :  «  Le  monde  n'est 
pas  digne  de  leur  rien  donner  de  bon  cœur;  il 
veut  avoir  desgueuxet  des  criards  impudens,  tel 
que  le  frère  Mathieu.  Ce  frère ,  à  force  de  men- 
dier,  avait  obtenu  de  l'électeur  la  promesse  qu*on 
lui  achèterait  une  fourrure.  Comme  le  trésorier 
du  prince  n'en  faisait  rien,  le  prédicateur  dit  en 
plein  sermon ,  devant  l'électeur  :  «  Où  est  donc 
ma  fourrure  ?  »  L'ordre  fut  renouvelé  au  tréso- 
rier, mais  celui-ci  diJOTérant  encore  de  l'exécuter, 
le  prédicateur  parla  de  nouveau  de  sa  fourrure, 
dans  un  autre  sermon  où  l'électeur  était  présent. 
«  Je  n'ai  pas  encore  vu  ma  fourrure ,  )»  dit-il ,  et 
c'est  ainsi  qu'il  obtint  à  la  fin  ce  qu'il  désirait.  » 
(Tischreden,  p.  189 ,  verso.) 

Bu  reste ,  Luther  se  plaint  lui-même  du  misé- 
rable état  dans  lequel  se  trouvent  les  ministres  : 
«On  refuse  de  les  payer,  dit-il,  et  ceux  qui  jadis 
prodiguaient  des  milliers  de  florins  à  cli^cun  des 
fourbes  sans  nombre  qui  lés  abusaient,  ne  veu-i 


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370  MivOIEBS 

lent  pas  aujourd'hui  en  donner  cent  pour  un  prê- 
tre. »  (!•' mars  1531.) 

c  On  a  commencé  à  établir  ici  (à  Wittemberg), 
un  consistoire  pour  les  causes  matrimoniales,  et 
pour  forcer  les  paysans  à  observer  quelque  dis- 
cipline et  à  payer  les  rentes  aux  pasteurs  ,  chose 
qu'il  faudra  peut-être  faire  aussi  à  l'égard  de  quel- 
ques-uns de  la  noblesse  et  de  la  magistrature.  • 
(njauTierlB^l.) 


Vtft  a5o  •  UgM  %%  —  Jpparitiomâ^ 

«  Joachim  m'écrit  qu'il  est  né  à  Bamberg  un 
enfant  à  tête  de  lion ,  qui  est  mort  promptement  : 
qu'il  a  aussi  apparu  des  croix  au-dessus  de  laTille, 
mais  que  le  bruit  qui  s'en  répandait  a  été  étouffé 
par  les  prêtres.  »  (tt  janvier  1525.)    ' 

15S5.  c  Les  princes  meurent  en  grand  nom- 
bre cette  année;  c'est  là  peut-être  ce  qu'annon- 
çaient tant  de  signet.  *  (6  septembre  15SK.) 


m  Bv  Ton  nuBi. 


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371 


RENVOIS 


BU  PREMIER  VOLUME. 


Tmu  les  passages  tirés  des  lettres  ont  été,  comne  on  Ta  pv  Toir, 
exactement  datés  dans  le  texte.  La  date  rend  tout  renroi  snperfln.  On 
retrouvera  facilement  ces  passages  dans  l'excellente  édition  de  De 
Welte ,  Berlin ,  i835.  (Yoyes  la  note  de  la  préface.)  I 


Page  a,  ligne  ii.  ^inji.— Tischreden,  page  n^o, 
8,  3.  Purgatoire,  —  Tischreden ,  a8i-a. 

8,  a6.  S'use  elle-même, ^TUchredeiifUBo, 

8  y  a6.  Lorsque  fêtais  moine.  ^  Tout  ce  qui 

,  regarde  les  tentations  de  Luther  est 
tiré  de  Tisdireden,  loa ,  23ia,a4o  bis^ 
93i,aa8,  aag. 


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372  MÉHOIfttS 

la,  aS.  Lïifi^utanon.— Luth,  oper.lat.  leoc, 

161  a ,  1. 1 ,  pr œf .  —  Die  V  martii  1545 . 
i5j  a5.  Fentes,  —  Tischreden,  44®  *"• 

16 ,  6.  Du  peuple.  —  Tischreden ,  44^-'  ■ 

I  ^ ,  1 7 .  /le  missa  est.  —  Tischreden ,  44'  • 

j3  ij.    Je  ne  voudrais  pas. —  Tischreden,  44'- 

aj ,  aa.  Les  thèses,  —  Luth,  oper.,  Witt,  i545, 

1. 1,50-98. 
an ,  a5.  Les  thèses  dogmatiques,  —  Witt.  oper. 

lut.  t.  II,  56. 
33 ,  iS,  Le  denier,  —  Seckendorf, De Luthera- 

nismoy  44* 
35,  17.  Facere.  —  Seckendorf,  79. 

38,  a4.  Lorsque,  —  Tischreden  ,  377-80. 

58 ,  4.    Que  je  le  veidUe  ou  non,   —  Luth 

oper.  Witt.  t.  IX, 63. 
57,  la.  Effroyable,  —  Dédicace  à  Télecteur 

de   Saxe  (  a7  mars  1619  )  Luther^s 
briefe,  t.  I,a4i- 
60  a3.  Chrétien,  —  De  libertau  chrlstiand 

Luth.  oper.  Witt.  i58a, f»  t.  If.  Se- 
lon CochloBus ,  ce  livre  fut  composé 
avant  i5ai. 
6a  a8.  Comme  vous  faites,  —  Erasmi  Epist. 

1. 111,445. 
64,  9.  EscUu^e  des  prêtres,  —  Cochlœus,  54- 

16^  14.  Tumulte.  —  Hutteu.  oper.  t.  IV,  aga. 

66,  a5.  Terreur.  —  ibid.  agS. 

67.  14.  AeUmagne,  —  Ihid,  :x'fi. 


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m  LUTHBK.  373 

67 ,  19.  Bunischuch,  —  Hid.  276. 

67 ,  a3.  Pape.  —  Jbid,  276. 

68 y  ta.  4^e  ret/ne.  ^  3o6. 

69,  3.  Sermon.  —  Cochlœus,  ag. 

70,  3.  Outrageante.  —  XJlert.  1. 1 ,  iSq. 
7a,  a6.  Z)ei<jrcen£5Û:/707yonR«f.~Latli.oper. 

Witt.  t.  IX»  104  et  199. 
779  a4.  NeVahandonnerapas, — Marheinecke, 

t.I,a56. 
77 ,  a6.  Foyage.  —  iJwj?.  a53. 

83,  II.  Même  sens.  —  Luth.  Werke ,  t.  IX , 

107-15. 
93,  aa.  MiUe  diables.  —  Tischreden ,  ao8. 

96,  la.  Se  douteront.  —  Luth.  Werke.  Witt. 

t.IX,ia9. 

97,  i3-  Jutre  chose.  —  Ihid.  i3o. 
90»            17.  De  Luther.  —  Jbid.  i3a. 

100,  19.  Mourir  pour  elle.  —  Ibid.  ia3-i9 

lia,  a4.  Cétaitlui.  —  Marheinecle,  1. 1. 

wo,  a6.  Z)«  £a«^er.  —  Oper.  Luth.  Witt.  t.  II, 

333-5i.  Livre    de   Luther  contre 

Henri  VIII. 
ia3 ,  i3.  Du  seul  Luther.  —  ïbid,  33i .  Ibid. 

1^4,  ^i.^Indignatione  med.  —  Luth.  oper.  De 

seculari  potestaie.  Cochlœus ,  58. 
laSy  17.  Bétes  fauves.  —  Ibid.  CochlœuB  59. 

138,  7.  Centum  gratfomina  '  — •  SecKendorf. 

t.  I,  a5i. 
i33y  i3.  Doits  /a  confession.  —  Tischreden , 

16a. 

as 

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374  MiMoitiBs 

i33,  19.  Si  un  meurtrier.  —  Ihid.  i63. 

i36 ,  8.  Je  suis  bien  aise,  —Luth.  Werke,  t.  Il 

iSo,  S,  Ne  b€iptisaient  point,  —  Luth.  oper. 

Witt.  t.  11,364-74. 
,^o  a3.  Affaires  ecclésiastiques.  Seckendorf , 

t.  Il,  100. 
lAi  27.  Un  bourgeois, — Tischreden,  176. 

i4a,  6.  Comme  on  parlait,  —  Ibid.  177. 

i48  ao.  Dans  une  pré/ace.  —  Luth.  Werke, 

t.  IX\536, 
i5i  16.  Quelques  nonnes,  —  Tischreden.  271- 

i57,  la.  Carlostadsecrofant,^lxVL\h,yferkc, 

t.  IX,  211  bis, 
16a,  6.  Prophètescélestes,'-Ibid:\,ll^\oX, 

160,  II.  aiassédelaSaxe.'^Ibid.X.ll.i'j-^^. 

i63  14.  Iconoclastes,  —  Ibid.  t.  Il,  i3. 

168  a.  Vaffaire  des  images,-^  Ibid.  t.  II,  58, 

173  37.  Suivent  les  articles,  —  Luth.  Werke, 

t.  11,64. 
ao3  6-  Proclamation  de  Afuntzer,  —  Ibid. 

t.  11,91. 
178,  aa.  Exhortation àlapaix,'-'Ibid.t.llfi6. 

207,  a3.  Immédiatement  après,  — ■  Ibid.  U  II, 

406. 
ai  1 ,  17.  iC^  docteur  Andréas.  —  /Jû/.  t.  Il,  59. 

ai4,  x6.  V Allemagne  est  perdue.  —  Cochlœus, 

140. 
ai6,  x3.  Personne  n'a  traduit,  —Tischreden, 

4a5. 


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01   LVTHIA.  875 

aa7,  6.  Sijereprends.-^TuchredenyTgg-ZoS, 

a4i ,  i8.  f^ers  lafn.  —  Luth.  Werke,  t. IX,  238. 

^9>  •7*  Pourquoi  mirriterai-je,  —  Cochlœus, 

i46. 
a5 1 ,  i6.  Grâce  et  paix,  —  Luth.  Werke,  t.  IX„ 

S43. 


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TABLE 


DU  TOME  PREMIER. 


LiTM  !•'.  —  i483-i5ax i 

Cbâp.  i«v.  i483-i5i7.  Naissance, édaca- 
tion  de  Luther;  son  ordination;  ae» 
tentations  ;  son  Tojrage  li  Rome.  .  . 
Chjl».  n.  i5i7-i5ai.  Luther  attaque  les 
indulgences.  Il  brûle  la  bulle  du  pape. 
—  Érasme,  Hutten,  Franz  de  Sickin- 
gen.  —  Luther  comparait  à  la  diète  de 
Worms.  —  Son  enlèrement.      ...       19 

LiyaiU.  —  x5ai-i5a8 86 

Cha».  i**.  i5ax-i5a4-  Séjour  de  Luther 
au  château  de  Wartbourg.  — Ilrerient 
à  Wittemberg  sans  Tautorisati^^de  l'É- 


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378  TABLB   DBS  KATliEBS. 

lecteur.— Ses  écrits  contre  le  roi  d^ An- 
gleterre et  contre  les  princes  en  général.        86 

Chap.  II.  Commencemens  de  Téglise  lu- 
thérienne. —  Essais  d'organisation,  etc.       129 

Chap.  III.  i5a3-i5a5.  GarlosUd.~-Mun- 
zer.  —  Guerre  des  paysans i54 

Chap.  IV.  i5a4-i5a7.  Attaques  des  ra- 
tionnalistes  contre  Luther.  —  Zwingli, 
Bucer,  etc. — Érasme ai  S 

Chap.  V.  xSaG-iSag.  Mariage  de  Luther. 
Pauvreté.  Découragement.  Abandon. 
Maladie  Croyance  à  la  fin  du  monde,      a  319 

Additions  et  Édaircissemens.  ....      a5S 

Renvois 373 


nV  Dl  LÀ  TABLK  0V  TOMH  PRBKIU. 


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DE 


LTTSBii. 


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IMPRIMEEIE  DE  J.-B.  DE  WALLBNS  ET  €««> 
Qiui  ans  Pierres  Bleaes^  n*  la. 


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0 

MÉMOIRES 

DE  LUTHER, 

ÉCRITS  PAR  LUI-MÊME; 

nAODITS  R  MIS  Kl  OUttB 

PilR  H.  HIGHELET, 

PBOFEMVUB    A    L*iCOLK    VORKÂLS,    CHEF  DE  LA    tlCTlUN 
BISTOKIQVa  AUX   ABCHIYZS  AU   BOTAVMB. 


TOHBU 


SOCIÉTÉ  BELGE  DE  LIBRAIRIE,  ETC. 

BiOIIAII,  CATTOIR  BT  COHP*. 


1837. 


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fiSlkmùivt^ 


DB 


LIVRE  TROISIÈME. 

1629—1546. 

CHAPITRE  PREMIER. 
1BS9— IKSS. 


Les  Turcs.  Danger  de  VAUemagne.  —  Ângsboiirg,  Smelkalde- 
Danger  dv  prosesUntisme. 


Luiher  fut  tiré  de  son  abattement  et  ramené  à 
la  vie  active  par  les  dangers  qui  menaçaient  la 
Réforme  et  l'Allemagne.  Lorsque  ce  fléau  dé  Dieu, 
qu'il  attendait  avec  résignation  comme  le  signe 

ToMB  !!•  Digitized  bJGoogle 


2  vAaroiRBS' 

du  Jugement,  fondit  en  effet  8ur  l'Allemagne, 
lorsque  les  Turcs  vinrent  camper  devant  Vienne . 
Luther  se  ravisa,  appela  le  peuple  aux  armes,  et 
fit  un  livre  contre  les  Turcs,  qu'il  dédia  au  land. 
grave  de  Heaie.  Le  9  octobre  1328  il  écrivit  à  ce 
prince,  pour  lui  exposer  les  motifs  qui  Favaient 
dééidé  à  composer  ce  livre.  «  Je  ne  puis  me  taire, 
dit-il;  il  est  malheureusement  parmi  nous  des 
prédicateurs  qui  font  croire  au  peuple  qu'on  ne 
doit  point  s'occuper  de  la  guerre  des  Turcs  ;  il  y 
en  a  même  d'assez  extravagans  pour  prétendre , 
qu'en  toutes  circonstances  ,  il  est  défendu  aux 
chrétiens  d'avoir  recours  aux  armes  temporelles. 
D'autres  encore,  qui  regardent  le  peuple  alle- 
mand comme  un  peuple  de  brutes  incorrigibles, 
vont  jusqu'à  désirer  qu'il  tombe  au  pouvoir  des 
Turcs.  Ces  folies ,  ces  horribles  malices ,  sont 
imputées  à  Luther  et  à  l'Évangile ,  comme ,  il  y 
a  trois  ans,  la  révolte  des  paysans,  et  en  général 
tout  le  mal  qui  arrive  dans  le  monde.  Il  est  donc 
urgent  que  j'écrive  à  ce  sujet,  tant  pour  confon- 
dre les  calomniateurs,  que  pour  éclairer  les  con- 
sciences innocentés  sur  ce  qu'il  fout  £aire  contre 
le  Turc...» 

«  Nous  avons  appris  hier  que  le  Turc  est  parti 
de  Vienne  pour  la  Hongrie,  par  un  grand  miracle 

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de  Dieu.  Car  après  avoir  livré  Inutilemeni  le 
yingtièiue  assaut,  il  a  ouvert  la  brèche  par  une 
mine  en  trois  endroits.  Mais  rien  n'a  pu  ramener 
son  armée  à  l'attaque,  Dieu  l'avait  frappée  de 
terreur  ;  ils  aimaient  mieux  se  laisser  égorger  par 
leurs  cheis  que  de  tenter  ce  dernier  assaut.  On 
croit  qu'il  s'est  retiré  ainsi  de  peur  des  bombardes 
et  de  notre  future  armée;  d'autres  en  jugent  au- 
trement. Dieu  a  manifestement  combattu  pour 
nous  cette  année.  Le  Turc  a  perdu  vingt*six  mille 
hommes,  et  il  a  péri  trois  mille  des  nôtres  dans 
les  sorties.  J'ai  voulu  te  communiquer  ces  nou- 
velles afin  que  nous  rendions  grâces  et  que  nous 
priions  ensemble.  Car  le  Turc,  devenu  notre 
voisin,  ne  nous  laissera  pas  éternellement  la  paix.» 
(27  octobre  1529.) 

L'Allemagne  était  sauvée,  mais  le  protestan- 
tisme allemand  n'en  était  que  plus  en  péril.  L'irri- 
tation des  deux  partis  avait  été  portée  au  comble 
par  un  événement  antérieur  à  l'invasion  de  Soli- 
man. Si  l'on  en  croit  le  biographe  catholique  de 
Luther,  Cochlœus,  que  nous  avons  déjà  cité,  le 
chancelier  du  duc  George,  Otto  Pack,  supposa 
une  ligue  des  princes  catholiques  contre  l'élec- 
teur de  Saxe  et  le  landgrave  de  Hesse  ;  il  apposa 
à  ce  prétendu  projet  le  sceau  du  due  George  , 

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A  nixoiAia 

pull  livra  ces  fausses  lettres  au  Landgrave  qui,  se 
croyant  menacé,  leva  une  armée  et  s'unit  étroi- 
tement à  l'Électeur. 

Les  catholiques  et  surtout  le  duc  George  se 
défendirent  vivement  d'avoir  jamais  songé  à  me- 
nacer l'indépendance  religieuse  des  princes  lu- 
thériens; ils  rejetèrent  tout  sur  le  chancelier  qui 
n'avait  fait  peut-être  que  divulguer  les  secrets  des- 
seins de  son  maître.  «Le  docteur  Pack,  captif 
volontaire  du  Landgrave,  à  ce  que  je  pense,  est 
jusqu'à  présentaccusé  d'avoir  formé  cette  alliance 
des  princes.Il  prétend  se  tirer  d'afEedre  à  son  hon- 
neur, et  fasse  Dieu  que  cette  trame  retombe  sur 
la  tête  du  rustre  qui  en  est ,  je  crois ,  l'auteur, 
sur  celle  de  notre  grand  adversaire,  tu  sais  de 
qui  je  parle  (le  duc  George  de  Saxe.  )  »  (14  juil- 
let 1528.) 

«  Cette  ligue  des  princes  impies,  qu'ils  nient  ce- 
pendant, tu  vois  quek  troubles  elle  a  excités;  pour 
moi,  je  prends  la  froide  excuse  du  duo  George 
pour  un  aveu.  Dieu  confondra  ce  fou  enragé,  ce 
Moab  qui  dresse  sa  superbe  au-dessus  de  ses  for^ 
ces.  Nous  prierons  contre  ces  homicides^  asseï 
d'indulgence.  S'ils  ourdissent  encore  quelque 
projet,  nous  invoquerons  Dieu,  puis  nous  appel- 
lerons les  princes  pour  qu'ils  soient  perdus  sans 
miséricorde.  » 

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VÈ   IVTHSB.  S 

Bien  que  tons  les  princes  eussent  déclaré  ces 
lettres  bosses,  les  éréques  de  Mayence,  Bam- 
berg,  etc.,  furent  tenus  de  payer  cent  mille  écus 
d'or,  comine  indemnité  desarmemens  qu'avaient 
faits  les  princes  luthériens.  Ceux-ci  ne  deman- 
daient pas  mieux  que  de  commencer  la  guerre.  Us 
se  comptaient  et  sentaient  leurs  forces.  Le  grand- 
raaitre  de  l'ordre  Teutonique  avait  sécularisé  la 
Prusse;  les  ducs  de  Mecklembourg  et  de  Bruns- 
ivick,  encouragés  par  ce  grand  événement, 
avaient  appelé  des  prédicateurs  luthériens  (1525.) 
La  Réforme  dominait  dans  le  nord  de  FAllemagne. 
En  Suisse  et  sur  le  Rhin,  les  Zwingliens,  chaque 
jour  plus  nombreux ,  cherchaient  à  se  rappro- 
cher de  Luther.  Enfin,  au  sud  et  à  l'est,  les  Turcs, 
maîtres  de  Bude  et  de  la  Hongrie,  menaçaient 
toujours  l'Autriche  et  tenaient  en  échec  l'Empe- 
reur. A  son  défaut  le  duc  George  de  Saxe,  et 
les  puissans  évoques  du  nord ,  s'étaient  constitués 
les  adversaires  de  la  Réforme.  Une  violente  polé- 
mique s'était  engagée  depuis  long-temps  entre  ce 
prince  et  Luther.  Le  duc  écrivait  à  celui-ci  :  «Tu 
crains  que  nous  n'ayons  commerce  avec  les  hypo- 
crites, la  présente  te  fera  voir  ce  qui  en  est.  Si 
nous  dissimulons  dans  cette  lettre ,  tu  pourras  dire 
de  nous  tout  ce  que  tu  voudras;  sinon ,  il  fiiudra 

I. 

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6  MiHOl&B0 

chercher  les  hypocrites  là  où  Ton  t'appelle  un 
prophète,  un  Daniel,  l'apôtre  de  rAllemagne, 
révangéliste...  Ta  t'imagines  peut-être  que  tu  es 
envoyé  de  Dieu  vers  nous,  comme  ces  prophètes 
à  qui  Dieu  donna  mission  de  convertir  les  prin- 
ces et  les  puissans.  Moïse  fut  envoyé  à  Pharaon , 
Samuel  à  Saûl ,  Nathan  à  David ,  Isaie  à  £zéchias, 
saint  Jean-Baptiste  à  fiérode,  nous  le  savons. 
Mais  parmi  tous  ces  prophètes  nous  ne  trouvons 
pas  un  seul  apostat.  Ils  ont  tous  été  gens  con- 
stans  dans  ^eur  doctrine,  hommes  sincères  et  pieux, 
sans  orgueil ,  sans  avarice ,  amis  de  la  chas- 
teté... 

»  Nous  ne  faisons  pas  non  plus  grand  cas  de 
tes  prières  ni  de  celles  des  tiens;  nous  savons 
que  Dieu  hait  l'assemblée  de  tes  apostats...  Dieu 
a  puni  par  nous  Munzer  de  sa  perversité;  il 
pourra  bien  en  faire  autant  de  Luther ,  et  nous 
ne  refuserons  pas  d'être  encore,  en  ceci,  son  in- 
digne instrument... 

•  Non,  reviens  plutôt,  Luther,  ne  te  laisse 
pas  mener  plus  long-temps  par  l'esprit  qui  sédui- 
sit l'apostat  Sergius  :  l'Église  chrétienne  ne 
firme  pas  son  sein  au  pécheur  repentant..  Si 
c'est  l'orgueil  qui  t'a  perdu,  regarde  ce  fier  ma- 
nichéen, saint  Augustin,  ton  maître,  dont  tuas 

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Al  LUTHER.  7 

juré  d'obferver  la  règle  :  reviens  comme  lui,  re^ 
riens  à  ta  fidélité  et  à  tes  sermons,  sois  comme 
lui  une  lumière  de  la  Chrétienté...  Voilà  les  con- 
seils que  nous  avons  à  te  donner  pour  le  nouvel 
an.  Si  tu  t'y  conformes,  tu  en  seras  éternellement 
récompensé  do  Dieu ,  et  nous  ferons  tout  ce  qui 
est  en  notre  pouvoir  pour  obtenir  ta  grâce  de 
TEmpereur.  •  (28  décembre  1525.) 

Mémoire  de  Luther  contre  le  duc  George  qui 
avaitintercepté  une  de  ses  lettres,  1529...  «Quant 
aux  belles  dénominations  que  le  duc  George  me 
donne»  misérable,  scélérat,  parjure  et  sans  hon- 
neur, je  n'ai  qu'à  l'en  remercier;  ce  sont  là  les 
émeraudes,  les  rubis  et  les  diamans  dont  les 
princes  doivent  m'orner  en  retour  de  l'honneur 
et  de  la  puissance  que  l'autorité  tempordle  tire 
de  la  restauration  de  l'Évangile...  » 

« ...  Ne  dirait-on  pas  que  le  duc  George  ne  con- 
naît pas  de  supérieur  ?  Moi ,  hobereau  des  hobe- 
reaux ,  dit-il ,  je  suis  seul  maître  et  prince ,  je  suis 
au-dessus  de  tous  les  princes  de  l'Allemagne, 
au-dessus  de  l'Empire,  de  ses  lois  et  de  ses  usages. 
C'est  moi  que  l'on  doit  craindre,  à  moi  seul  que 
l'on  doit  obéir  ;  ma  volonté  doit  faire  loi  en  dépit 
de  quiconque  pensera  et  parlera  autrement.  — 
Ami ,  où  s'arrêtera  la  superbe  de  ce  Moab  ?  Il  ne 

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8  HAMOfRBS 

lui  reste  plus  qu%  escalader  le  ciel,  à  espionner, 
punir  les  lettres  et  les  pensées  jusque  dans  le 
sanctuaire  de  Dieu  même.  Voilà  notre  petit 
prince,  et  avec  cela  il  veut  être  glorifié,  respecté, 
adoré!  à  la  bonne  heure,  grand  merci  !  • 

£n  1529,  Tannée  même  du  traité  de  Cambrai 
et  du  siège  de  Vienne  par  Soliman,  l'Empereur 
arait  convoqué  une  diète  à  Spire.  (15  mars .)  On 
y  décida  que  les  états  de  l'Empire  devaient  con- 
tinuer d'obéir  au  décret  lancé  contre  Luther 
en  1524,  et  que  toute  innovation  demeurerait 
interdite  jusqu'à  la  convocation  d'un  concile  gé- 
néral. C'est  alors  que  le  parti  de  la  Réforme 
éclata.  L'électeur  de  Saxe,  le  margrave  de  Bran- 
debourg, le  landgrave  de  Hesse,  les  ducs  de 
Lunebourg^  le  prince  d'Anhalt,  et  avec  eux  les 
députés  de  quatorze  villes  impériales,  firent  con- 
tre le  décret  de  la  diète  une  protestation  solen- 
nelle, le  déclarant  injuste  et  impie.  Ik  en  gardè- 
rent le  nom  de  protestans. 

Le  landgrave  de  Hesse  sentait  la  nécessité  de 
réunir  toutes  les  sectes  dissidentes  pour  en  for- 
mer un  parti  redoutableaux  catholiques  de  l'Alle- 
magne; il  essaya  de  réconcilier  Luther  avec  les 
sacramentaires.  Luther  prévoyait  bien  l'inutilité 
de  cette  tentative. 


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DB  LUTHBB.  0 

■  Le  landgraTe  de  Hesse  nous  a  convoqués  à 
Harbourg  pour  la  Saint-Michel ,  afin  de  tenter 
un  accord  entre  nous  et  les  sacramentaires. . .  Je 
n'en  attendais  rien  de  bon;  tout  est  plein  d'éra- 
bûcbes,  je  le  vois  bien.  Je  crains  que  la  victoire 
ne  leur  reste,  comme  au  siècle  d'Arius.  On  a  tou- 
jours TU  de  pareilles  assemblées  être  plus  nuisi- 
bles qu^utiles...  Ce  jeune  homme  de  Hesse  est  in- 
quiet et  plein  de  pensées  qui  fermentent.  Le 
Seigneur  nous  a  sauvés,  dans  ces  deux  dernières 
années,  de  deux  grands  incendies  qui  auraient 
embrasé  toute  l'Allemagne.  »  (â  août  1529.  ) 

Nous  avons  reçu  du  landgrave  une  magnifique 
et  splendide  hospitalité.  Il  y  avait  là  O£colam- 
pade,  Zwingli,  Bucer,  etc.  Tous  demandaient  la 
paix  avec  une  humilité  extraordinaire.  La  confé- 
rence a  duré  deux  jours;  j'ai  répondu  à  OEco- 
lampade  et  à  Zwingli  en  leur  opposant  ce  passage  : 
Hoo  est  corpus  meum  ;  j'ai  réfuté  toutes  leurs  ob- 
jections. £n  somme ,  ce  sont  des  gens  ignorans  et 
incapables  de  soutenir  une  discussion.  »  (  12  octo- 
bre 1529). 

•  Je  me  réjouis,  mon  cher  Amsdorf,  de  te 
voir  te  réjouir  de  notre  synode  de  Harbourg  ;  la 
chose  est  petite  en  apparence,  mais  au  fond  très 
importante.  Les  prières  des  gens  pieux  ont  fait 

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10  «iMOIRBS 

que  nous  les  voyons  confondus ,  morfondus  humi- 
liés. ■ 

«  Toute  Targumentation  de  Zwingli  se  rédui- 
sait à  ceci  :  que  le  corps  ne  peut  être  sans  lieu  ni 
dimension.  OEcolarapade  soutenait  que  les  Pères 
appelaient  le  pain  un  signe,  que  ce  n'était  donc 
pas  le  corps  même...  Ils  nous  suppliaient  de  leur 
donner  le  nom  de  frères.  Zwingli  le  demandait 
au  Landgrave  en  pleurant.  Il  n*y  aaucun  Heusur 
la  terre,  disait-il,  où  j'aimerais  le  mieux  passer 
ma  vie  qu'à  Wittemberg...  Nous  ne  leur  avons  pas 
accordé  ce  nom  de  frères,  mais  seulement  ce  que 
la  charité  nous  oblige  à  donner  même  à  nos  en- 
nemis... Ils  se  sont  en  tout  point  conduits  avec 
une  incroyable  humilité  et  douceur.  C'était, 
comme  il  est  visible  aujourdhui,  pour  nous  ame- 
ner à  une  feinte  concorde ,  pour  nous  faire  les 
partisans,  les  patrons  de  leurs  erreurs...  0  rusé 
Satan!  mais  Christ  qui  nous  a  sauvés  est  plus  ha- 
bile que  toi.  Je  ne  m'étonne  plus  maintenant  de 
leurs  impudens  mensonges.  Je  vois  qu'ils  ne  peu- 
vent faire  autrement ,  et  je  me  glorifie  de  leur 
chute..  (P'juin  1530.) 

Cette  guerre  théologique  de  l'Allemagne  rem- 
plit les  intermèdes  de  la  grande  guerre  euro- 
péenne que  Charles-Quint  soutenait  contre  Fran- 


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DB   LtTHCa.  Il 

çoiâ  P'  et  contre  les  Tues.  Mais  dans  les  crises  les 
plus  Tiolentes  de  celle-ci,  Fautre  se  ralentit  à 
peine.  C'est  un  imposant  spectacle  que  celui  de 
r Allemagne  absorbée  dans  la  pensée  religieuse  , 
et  près  d'oublier  la  ruine  prochaine  dont  sem- 
blaient la  menacer  les  plus  formidables  ennemis. 
Pendant  que  les  Turcs  franchissaient  toutes  les 
anciennes  barrières  et  que  Soliman  répandait  ses 
Tartares  au-delà  de  Vienne,  FAUemagne  dispu- 
tait sur  la  transsubstantiation  et  sur  le  libre  arbi- 
tre. Ses  guerriers  les  plus  illustres  siégeaient  dans 
les  diètes  et  intorrogeaient  les  docteurs.  Tel  était 
le  flegme  intrépide  de  cette  grande  nation, 
telle  sa  confiance  dans  sa  force  et  dans  sa  masse. 
La  guerre  des  Turcs  et  celle  des  Français,  la 
prise  de  Rome  et  la  défense  de  Vienne,  occu- 
paient tellement  Charles-Quint  et  Ferdinand, 
que  les  protcstans  avaient  obtenu  la  tolérance 
jusqu'au  prochain  concile.  Mais  en  1530,  Char- 
les-Quint, voyante  la  France  abattue,  l'Italie  as- 
servie, Soliman  repoussé,  entreprit  de  juger  le 
grand  procès  de  la  Réforme  Les  deux  partis  com- 
parurent à  Augsbourg.  Les  sectateurs  de  Luther, 
désignés  par  le  nom  général  de  proteHanê^  vou- 
lurent se  distinguer  de  tous  les  autres  ennemis 
de  Rome ,  dont  les  excès  auraient  calomnié  leur 

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12  NÉMOIRBS 

cause,  des  iwingliens  républicains  de  la  Suisse, 
odieux  aux  princes  et  à  la  noblesse,  des  anabap- 
tistes surtout,  proscrits  comme  ennemis  de  l'or- 
dre et  de  la  société.  Luther,  sur  qui  pesait 
encore  la  sentence  prononcée  à  Worms,  qui  le 
déclarait  hérétique,  ne  put  s'y  rendre;  il  fat 
remplacé  par  le  savant  et  pacifique  Mélanchton, 
esprit  doux  et  timide  comme  Érasme,  dont  il  res- 
tait l'ami,  malgré  Luther. 

L'électeur  amena  du  moins  celui-ci  le  plus 
près  possible  d'Augsbourg ,  dans  la  forteresse  de 
Gobourg.  De  là  Luther  pouvait  entretenir  avec 
les  ministres  protestans  une  active  et  facile  cor- 
respondance. Le  âS  avril  il  écrit  à  Mélanchton  : 
■  Je  suis  enfin  arrivé  à  mon  Sinaï,  cher  Philippe; 
mais  de  ce  Sina!  je  ferai  une  Sion ,  et  j'y  élèverai 
trois  tabernacles,  l'un  au  psalmiste ,  l'autre  aux 
prophètes,  l'autre  enfin  à  Ésope  (dont  il  traduisait 
alors  les  fiaibles).  Rien  ne  manque  pour  que  ma 
solitude  soit  complète.  J'ai  une  vaste  maison ,  qui 
domine  le  château ,  et  les  clés  de  toutes  les  cham- 
bres.  A  peine  y  a-t-il  trente  personnes  dans  toute 
la  forteresse,  encore  douie  sont  des  veilleurs  de 
nuit ,  et  deux  autres  des  sentinelles  toujours  pos- 
tées sur  les  tours.  »  (îâ  avril.) 

A  Spalaiin  (9 mai)  :  «  Vous  alleià  Augsbourg, 

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DB  LVTHBE.  13 

I  aToir  pris  les  auspices,  et  ne  sachant  qnand 
ils  Tcas  permettront  de  commencer.  Moi ,  je  sois 
déjà  au  milieu  des  comices,  en  présence  de  mag- 
nanimes souTerains,  devant  des  rois,  des  ducs, 
des  grands,  des  nobles,  qui  confèrent  avec  gra- 
TÎté  sur  les  affidres  de  l'état ,  et  d'une  voix  infa- 
tigable remplissent  l'air  de  leurs  décrets  et  de 
leurs  prédications.  Ils  ne  siègent  point  enfer^ 
mes  dans  ces  antres  et  ces  royales  cavernes  que 
TOUS  appelez  des  palais,  mais  sous  le  soleil;  ils  ont 
le  ciel  pour  tente ,  pour  tapis  riche  et  varié,  la 
verdure  des  arbres  sous  lesquelsils  sont  en  liberté, 
pour  enceinte,  la  terre  jusqu'à  ses  dernières  li- 
mites. Ce  luxe  stupide  de  l'or  et  de  la  soie  leur 
fait  horreur;  tous,  ils  ont  mêmes  couleurs,  même 
visage.  Ils  sont  tous  également  noirs,  tous  font  la 
même  musique ,  et  dans  ce  chant  sur  une  seule 
note,  l'on  n'entend  que  l'agréable dissonnance de 
la  voix  des  jeunes  se  mêlant  à  celle  des  vieux. 
Nulle  part  je  n'ai  vu  ni  entendu  parler  de  leur 
Empereur;  ils  méprisent  souverainement  ce  qua- 
drupède qui  sert  à  nos  chevaliers  ;  ils  ont  quel- 
que chose  de  meilleur,  avec  quoi  ils  peuvent  se 
moquer  de  la  furie  des  canons.  Autant  que  j'ai 
pu  comprendre  leurs  décrets ,  grâce  à  un  inter* 
prête,  ils  ont  décidé,  à  l'unanimité ,  de  &ire  la 

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14  ]|iM0IB£9 

guerre ,  pendant  toute  cette  année,  à  l'orge,  aubM 
et  à  la  &rme ,  enfin  à  ce  qu'il  y  a  de  mieux  parmi 
les  fruits  etles  graines.  £t  il  est  à  craindre  qu'ils  ne 
soient  presque  partout  vainqueurs,  car  c'est  une 
race  de  guerriers  adroits  et  rusés,  également  ha- 
bUes  à  butiner  par  force  ou  surprise.  Moi ,  oisif 
spectateur,  j'ai  assisté  avec  grande  satisfaction  à 
leurs  comices.  L'espoir  où  je  suis  des  victoiresque 
Leur  courage  leur  donnera  sur  le  blé  et  l'orge,  ou 
sur  tout  autre  ennemi,  m'a  rendu  le  fidèle  et  sin- 
cère ami  de  ces  pâtre»  ptUriœ ,  de  ces  sauveurs  de 
la  république.  £t  si  par  des  vœux  je  puis  les  ser^ 
vir,  je  demande  au  ciel  que  délivrés  de  l'odieux 
nom  de  corbeaux,  etc.  Tout  cela  n'est  qu'une  plai* 
sauterie,  mais  une  plaisanterie  sérieuse  et  néces* 
saire  pour  repousser  les  pensées  qui  m'accablent, 
si  toutefois  elle  les  repousse.  •  (9  mai.  ) 

«  Les  nobles  seigneurs  qui  forment  nos  comiqes 
courent  ou  plutôt  naviguent  à  travers  les  airs.  Le 
matin,  de  bonne  beure,  ils  s'en  vont  en  guerre, 
armés  de  leurs  becs  invincibles,  et  tandis  qu'ils 
pillent,  ravagent  et  dévorent,  je  suis  délivré 
pour  quelque  temps  de  leurs  éternels  chants  de 
victoire.  Le  soir,  ils  reviennent  triomphans;  la 
fajtigue  derme  leurs  yeux,  mais  leur  sommeil  est 
doux  et  léger  comme  celui  d'un  vainqueur.  Il  y 


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OB  LOTHBA.  15 

aqvelquefl  joan  j'ai  pénétré  dans  lenr  palais  pour 
▼oir  la  pompe  de  leur  empire.  Les  malheureux 
earent  grand'peur;  ils  s'imaginaient  que  je  venais 
détraire  leu^  industrie.  Ce  fînt  un  bruit,  une 
frayeur,  des  visages  consternés)  !  !  Quand  je  vis 
que  moi  senl  je  faisais  trembler  tant  d'Achilles 
et  d'Hectors,  je  battis  des  mains,  je  jetai  mon 
chapeau  en  Pair,  pensant  que  j'étais  bien  aSseï 
vengé  si  je  pouvais  me  moquer  d'eux.  Tout  ceci 
n'est  point  un  simple  jeu,  c'est  une  allégorie, 
un  présage  de  ce  qui  arrivera.  Ainsi  devant  la 
parole  de  Dieu  l'on  verra  trembler  toutes  ces 
harpies  qui  sont  maintenant  à  Augsbourg,  criant 
et  romanisant.  »  (  19  juin.  ) 

Hélanchton,  transformé  à  Augsbourg  en  chef 
de  parti ,  ayant  à  batailler  chaque  jour  avec  les  lé- 
gats, les  princes,  l'Empereur,  se  trouvait  fort 
mal  de  cette  vie  active  qu'on  lui  avait  imposée. 
Plnsieurs  fois  il  fit  part  de  ses  peines  à  Luther, 
qui ,  pour  toute  consolation,  le  tançait  rudement  : 

«  Vous  me  parlez  de  vos  travaux ,  de  vos  pé- 
rils, de  vos  larmes,  et  moi,  suis-je  donc  assis  sur 
des  roses?  est-ce  que  je  ne  porte  pas  une  part  de 
votre  fardeau?  Ah!  plût  au  ciel  que  ma  cause 
fût  telle  qu'elle  permit  les  larmes!  t  (29  juin 

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16  «iMOlEBA 

c  Dieu  récompense  selon  ses  œuTres  le  tyran 
de  Salzbourg  qui  te  fiait  tant  de  mal  !  Il  méritait 
de  toi  une  autre  réponse ,  telle  que  je  ]a  lui  aurais 
faite  peut-être ,  telle  qu'il  n'en  a  jamais  entendu 
de  semblable.  Il  faudra  qu'ils  entendent ,  je  le 
crains,  cette  parole  de  Jules  César  :  II»  Vont 
voulu,,, 

»  Tout  ce  que  j*écris  est  inutile ,  parce  que  tu 
veux,  selon  ta  phlilosophie,  gouverner  toutes  ces 
choses  avec  ta  raison,  c'estnà-dire  déraisonner 
avec  la  raison.  Va,  continue  de  te  tuer  à  cette 
chose ,  sans  voir  que  ta  main  ni  ton  esprit  ne  peu- 
vent la  saisir,  qu'elle  ne  veut  pas  de  tes  soins.  • 
(30  juin  1530.) 

«  Dieu  a  mis  cette  cause  dans  un  certain  lieu 
que  ne  connaissait  point  ta  rhétorique  ni  ta  phi- 
losophie. Ce  lieu,  on  l'appelle  la  foi;  là  toutes 
choses  sont  inaccessibles  à  la  vue;  quiconque  veut 
les  rendre  visibles,  apparentes  et  compréhensi- 
bles, celui-là  ne  gagne  pour  prix  de  son  travail 
que  des  peines  et  des  larmes,  comme  tu  en  as  ga- 
gné. Dieu  a  dit  qu'il  habitait  dans  les  nues,  qu'il 
était  assis  dans  les  ténèbres.  Si  Moïse  avait  cher- 
ché un  moyen  d'éviter  l'armée  de  Pharaon ,  Israël 
serait  peut-être  encore  en  Egypte...  Si  noua  n'a- 
vons pas  la  foi ,  pourquoi  ne  pas  chercher  conso- 

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DB   1.UTHBE.  17 

lation  dans  la  foi  d'autroi  ?  car  il  y  en  a  néces- 
Bairement  qui  croient,  si  nous  ne  croyons  pas; 
Ou  bien ,  faut-il  dire  que  le  Christ  nous  a  aban- 
donnés, ayant  la  consommation  des  siècles  ?  SU 
n'est  pas  arec  nous,  où  est-il  en  ce  monde,  je 
TOUS  le  demande  ?  Si  nous  ne  sommes  point  l'É- 
glise où  une  partie  de  TÉglise,  où  est  l'Église  ? 
Est-ce  Ferdinand,  le  duc  de  BaYière,  le  pape,  le 
Turc  et  leurs  semblables  ?  Si  nous  n'arons  la  pa- 
role de  Dieu,  qui  donc  l'aura  ?  Toi,  tu  ne  com- 
prends point  toutes  ces  choses;  car  Satan  te 
trayaille  et  te  rend  faible.  Puisse  le  Christ  te 
guérir  1  c'est  ma  sincère  et  continuelle  prière.  » 
(29  juin.) 

«  Ma  santé  est  faible...  Mais  je  méprise  cet  ange 
de  Satan  qui  Yient  souffleter  ma  chair.  Si  je  ne 
puis  lire  ni  écrire,  au  moins  je  puis  penser  et 
prier,  et  même  me  quereller  arec  le  diable;  en- 
suite dormir,  paresser,  jouer  et  chanter.  Quanta 
toi,  mon  cher  Philippe ,  ne  te  macère  point  pour 
cette  affiûre  qui  n'est  point  en  ta  main,  mais  en 
celle  dTJn  plus  puissant  à  qui  personne  ne  pourra 
l'enlerer.  >  (81  juiUet.) 

Mélanchton  croyait  qu'il  était  possible  de  rap- 
procher les  deux  partis  ;  Luther  comprit  de  bonne 
«heure  qu'ils  étaient  irréconciliables.  Dans  le  com- 

2. 

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18  mAmoiebs 

menoement  de  la  Réforme,  il  avait  soaTent  rë« 
clamé  les  conférences  et  les  disputes  publiques;  il 
lui  fallait  alors  tout  tenter,  avant  d*abandonner 
Tespérance  de  conserver  l'unité  chrétienne;  mais 
sur  la  fin  de  sa  vie,  dès  le  temps  même  delà  dièie 
d'Augsbourg,  il  se  prononçait  contre  toua  ces 
combats  de  parole,  où  le  vaincu  ne  veut  jamais 
avouer  sa  défiiite. 

(26  août  1530.)  <  Je  suis  contre  toute  tentative 
faite  pour  accorder  les  deux  doctrines;  car  c*est 
chose  impossible,  à  moins  que  le  pape  ne  veuille 
abolir  sa  papauté.  C'est  assez  pour  nous  d'avoir 
rendu  raison  de  notre  croyance  et  de  demander 
la  paix.  Pourquoi  espérer  de  les  convertir  à  la 
vérité  ?i 

A  SpahUm.  (M  août  I5S0}  €  J'apprends  que 
vous  avez  entrepris  une  œuvre  admirable  >  de 
mettre  d'accord  Luther  et  le  pape.  Mais  le  pape 
ne  le  veut  pas,  et  Luther  s'y  refuse;  prenez  garde 
d'y  perdre  votre  temps  et  vos  peines.  Si  voua  en 
venez  à  bout^  pour  suivre  votre  exemple,  je 
vous  prometa  de  réconcilier  Christ  et  BéMal.  • 

Bans  une  lettre  du  21  juillet  il  écrivait  à  Mé* 
lanchton:  «  Vous  verrez  si  j'étais  un  vrai  pro- 
phète quand  je  répétais  sans  cesse  qu'il  n'y  avait 
point  d'accord  possible  entre  les  deux  doctrinea» 

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OB  LVTHBR.  19 

et  que  ce  ferait  asseï  pour  liens  d'obtenir  la  paix 
publique.  » 

Ces  ^prophéties  ne  furent  pas  écoutées;  les 
conférences  eurent  lieu ,  et  l'on  demanda  aux 
protestans  une  profession  de  foi.  Mélanchton  la 
«édigea^  en  prenant  l'ayis  de  Luther  sur  les 
points  les  plus  importans. 

À  Mélanchton.  «  JTai  reçu  yotre  apologie ,  et 
je  m'étonne  qacTOos  me  demandieice  qu'il  &ut 
céder  aux  papistes.  Pour  ce  qui  est  du  prince 
et  de  ce  qu'il  fiiut  lui  accorder  si  quelque  dan- 
ger le  menace  j  c'est  une  autre  question.  Quant 
à  moi ,  il  a  été  fiiit  dans  cette  apologie  plus  de 
concessions  qu'il  n'était  conyenable  ;  et  s'ils  les 
rejettent,  je  ne  yob  pas  que  je  puisse  aller  plus 
loin,  à  moins  que  leurs  raisons  et  leurs  livres 
ne  me  paraissent  meilleurs  qu'ils  ne  m'ont  sem- 
blé jusqu'à  cette  heure.  J'emploie  les  jours  et  les 
nuits  à  cette  affiiire,  réfléchissant,  interprétant, 
discutant,  parcourant  toute  l'Écriture  ;  chaque 
jour  augmente  ma  certitude  et  me  confirme  dans 
ma  doctrine.  > 

(!20  septembre  1530.)   «  Nos  adversaires  ne  ^ 
nous  cèdent  pas  un  poil;  et  nous^  il  ne  faut  pas 
seulement  que  nous  leur  cédions  le  canon,  les 
messes,  la  communion  sous  une  espèce,  la  juri- 

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20  idbioi&Bs 

diction  accoutumée  ;  mais  encore  11  fimdnit 
avouer  que  leurs  doctrines,  leurs  p^-sëcutions, 
tout  ce  qu'ils  ont  (ait  ou  pensé ,  a  été  juste  et  lé- 
gitime ,  et  que  c'est  à  tort  que  nous  les  aTons  ac- 
cusés. G'est-à^lire  qu'ils  yeulent  que  notre  pro- 
pre témoignage  les  justifie  et  nous  condamne. 
Ce  n'est  pas  là  simplement  nouA  rétracter ,  mais 
nous  maudire  trois  fois  nous-mêmes.  » 

« ...  Je  n'aime  pas  que  dans  cette  cause  tous 
TOUS  appuyiez  de  mes  opinions.  Je  ne  yeux  être 
ni  paraître  TOtre  chef;  quand  même  l'on  inter- 
préterait cela  à  bien ,  je  ne  Teux  pas  de  ce  nom. 
Si  ce  n'est  point  yotre  propre  cause,  je  ne  veux 
pas  qu'on  dise  que  c'est  la  mienne ,  et  que  je  vous 
l'ai  imposée.  Je  la  défendrai  moi-même  s'il  n'y 
a  que  moi  qui  la  soutienne.  » 

Deux  jours  avant,  il  ayait  écrit  à  Mélanchton  : 
«  Si  j'apprends  que  les  choses  vont  mal  de  votre 
côté,  j'aurais  peine  à  m'empêcher  d'aller  voir 
cette  formidable  rangée  des  dents  de  Satan.  •  £t 
quelque  temps  après  :  c  J'aurais  voulu  être  la 
victime  sacrifiée  par  ce  dernier  concile^  comme 
Jean  Huss  a  été  à  Constance  celle  du  dernier 
jour  de  la  fortune  papale.  >  (âl  juillet  1530.) 

La  profession  de  foi  des  protestans  fut  pré- 
sentée à  la  diète  et  «  lue  par  ordre  de  César  de- 

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DB  LvnmK.  21 

Tant  tout  l'Empire,  c'est-à-dire  derant  tous  les 
princes  et  les  états  de  l'Empire.  C'est  une  grande 
joie  pour  moi  d'aToir  vécu  jusqu'à  cette  heure , 
que  je  Toie  Christ  prêché  par  ses  confesseurs 
devant  une  telle  assemblée,  et  dans  une  si  belle 
confession.  »  (6  juillet.) 

Cette  confession  était  signée  de  cinq  élec- 
teurs, trente  princes  ecclésiastiques,  vingt-trois 
princes  séculiers,  vingt -deux  abbés,  trente- 
deux  comtes  et  barons,  trente-neuf  villes  libres 
et  impériales.  «  Le  prince  électeur  de  Saxe ,  le 
margrave  George  de  Brandebourg,  Jean  Frédé- 
ric-le- Jeune,  landgrave  de  Hesse;  Ernest  et  Fran- 
çob,  ducs  de  Lunebourg;  le  prince  Wolfgang  de 
Anhalt  ;  les  villes  de  Nuremberg  et  de  Reutlingen, 

ont  signé  la  confession Beaucoup  d'évéques 

inclinent  à  la  paix,  sans  s'inquiéter  des  sophismes 
d'Eck  et  de  Faber.  L'archevêque  de  Mayence  est 
très  porté  pour  la  paix  ;  de  même  le  duc  Henri 
de  Brunswick,  qui  a  invité  familièrement  Mé- 
lanchton  àdiner,  l'assurant  qu'il  ne  pouvait  nier 
les  articles  touchant  les  deux  espèces,  le  mariage 
des  prêtres,  et  l'inutilité  d'établir  des  différences 
entre  les  choses  qui  servent  à  la  nourriture.  Les 
nôtres  avouent  que  personne  ne  s'est  montré  plus 
conciliant  dans  toutes  les  conférences  que  l'Em* 

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22  ntaoïBBS 

perenr.  Il  a  reçu  notre  prince  non-seulement 

aTCc  bonté ,  mais  avec  respect.  •  (6  juillet.) 

L'évêque  d'Augsbourg,  le  confesseur  môme  de 
Charles-Quint,  étaient  favorablement  disposés 
pour  les  luthériens.  L'Espagnol  disait  à  Mélan- 
chton  qu'il  s*étonnait  qu'en  Allemagne  on  con- 
testât la  doctrine  de  Luther  sur  la  foi  ;  que  lui  il 
avait  toujours  pensé  de  même  sur  ce  point  (rela- 
tion de  Spalatin  sur  la  diète  d'Augsbourg.) 

Quoi  qu'en  dise  ici  Luther  des  douces  dispo- 
sitions de  Charles-Quint,  il  termina  les  discus- 
sions en  sommant  les  réformés  de  renoncer  à 
leurs  erreurs  sous  peine  d'être  mis  au  ban  de 
l'Empire.  Il  sembla  même  prêt  à  employer  la  vio- 
lence et  fit  un  instant  fermer  les  portes  d'Angs- 
bourg, 

«  Si  l'Empereur  veut  faire  un  édit,  qu'il  le 
fasse;  après  Worras  aussi  il  en  fit  un.  Écoutons 
l'Empereur  puisqu'il  est  l'Empereur,  rien  de  plus. 
Que  nous  importe  ce  rustre  qui  veut  se  poser  com- 
me Empereur  (il  parle  du  duc  George)?  »  (15  juil- 
let 1530.) 

t  Notre  cause  se  défendra  mieuj:  de  la  violence 
et  des  menaces ,  que  de  ces  ruses  sataniques  que 
j'ai  craintes,  surtout  jusqu'à  ce  jour...  Qu'ils  nous 
rendent  Léonard,  Keiser  et  tant  d'autres,  qu'ils 

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DB   LTJTHSB.  23 

ont  si  injustement  fait  mourir.  Qu'ils  nous  ren- 
dent tant  d'âmes  perdues  par  leur  doctrine  im- 
pie; qu'ils  rendent  toutes  ces  richesses  qu'ils  ont 
prises  aYOc  leurs  trompeuses  indulgences  et  leurs 
fraudes  de  toute  espèce.  Qu'ils  rendent  à  Dieu  sa 
gloire  violée  par  tant  de  blasphèmes  ;  qu'ils  réta- 
blissent dans  les  personnes  et  dans  les  mœurs  la 
pureté  ecclésiastique,  si  honteusement  souillée. 
Que  dirais-je  encore?  Alors  nous  aussi  nous  pour- 
rons parler  de  />09«e««orto.»  (13  juillet.) 

«  L'Empereur  ya  ordonner  simplement  que 
toutes  choses  soient  rétablies  en  leur  état,  que 
le  règne  du  pape  recommence,  ce  qui  excitera,  je 
le  crains,  de  grands  troubles  pour  la  ruine  des 
prêtres  et  des  clercs.  Les  yiliesles  plus  puissantes , 
Nuremberg,  Ulm,  Augsbourg,  Francfort,  Stras- 
bourg et  douze  autres ,  rejettent  ouvertement  le 
décret  impérial ,  et  font  cause  commune  avec  nos 
princes.  Tu  as  entendu  parler  de  l'inondation  de 
Rome ,  de  celle  de  Flandre  et  de  Brabant.  Ce  sont 
des  signes  envoyés  de  Dieu,  mais  les  impies  ne 
peuvent  les  comprendre.  Tu  sais  encore  la  vision 
des  moines  de  Spire.  Brentius  m'écrit  qu'à  Bade 
on  a  vu  dans  les  airs  une  armée  nombreuse  ;  et 
sur  le  flanc  de  cette  armée  un  soldat  qui  bran- 
dissait une  lance  d'tin  air  triomphant ,  et  qui  pa<isa 

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24  BiMOlEBS 

la  montagne  voisine  et  le  Rhin.  ■  (5  décembre.) 
La  diète  fut  à  peine  dissoate ,  que  les  princes 
protestans  se  rassemblèrent  à  Smalkalde  et  y 
conclurent  une  ligue  défensive ,  par  laquelle  ils 
devaient  former  un  même  corps  (31  décembre). 
Ils  protestèrent  contre  l'élection  de  Ferdinand  au 
titre  de  roi  des  Romains.  On  se  prépara  à  com- 
battre; les  contingens  furent  fixés  :  on  s'adressa  aux 
rois  de  France,  d'Angleterre  et  de  Danemark. 
Luther  fut  accusé  d'avoir  poussé  les  protestans  à 
prendre  cette  attitude  hostile. 

«  Je  n*ai  point  conseillé ,  comme  on  l'a  dit ,  la 
résistance  à  l'Empereur.  Yoici  mon  avis  comme 
théologien  :  Si  les  juristes  montrent  par  leurs 
lois  que  cela  est  permis,  moi  je  leur  permettrai 
de  suivre  leurs  lois.  Si  l'Empereur  a  établi  dans 
ses  lois  qu'en  pareil  cas  on  peut  lui  résister  ,  qu'il 
souffre  de  la  loi  que  lui-même  a  faite...  Le  prince 
est  une  personne  politique;  s'il  agit  conune  prince, 
il  n'agit  pas  comme  chrétien,  car  le  chrétien  n'est 
ni  prince^  ni  homme,  ni  femme,  ni  aucune  per- 
sonne de  ce  monde.  Si  donc  il  est  permisau  prince, 
comme  prince,  de  résister  à  César,  qu'il  le  fasse 
selon  son  jugement  et  sa  conscience.  Quant  au 
chrétien,  rien  ne  lui  est  permis;  il  est  mort  au 
monde.  •  (15  janvier  1531.) 

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DB  LUTHVB.  25 

En  1531 ,  Luther  écrit  un  mémoire  contre  un 
petk*liTre  anonyme  imprimé  à  Dresde ,  dans  le- 
quel on  reprochait  aux  protestans  de  s'armer 
en  secret  et  de  Touloir  surprendre  les  catholiques, 
pendant  que  ceux-ci  ne  songeaient,  disait-on, 
qu'à  la  paix  et  à  la  concorde. 

«...  On  cache  soigneusement  d'où  ce  livre 
vient,  personne  ne  doit  le  savoir.  £h  bien!  je  le 
veux  donc  ignorer  aussi.  Je  veux  avoir  le  rhume 
pour  cette  fois  et  ne  pas  sentir  le  maladroit  pé- 
dant. Cependant  j'essaierai  toujours  mon  savoir- 
faire  et  je  frapperai  hardiment  sur  le  sac  :  si  les 
coups  tombent  sur  l'âne  qui  s'y  trouve ,  ce  ne 
sera  pas  ma  faute;  ce  n'est  pas  à  lui,  c'est  au 
sac  que  j'en  voulais. 

>  Qu'il  soit  vrai  ou  non  que  les  luthériens  se 
préparent  et  se  rassemblent,  cela  ne  me  regarde 
pas ,  ce  n'est  pas  moi  qui  le  leur  ai  ordonné  ni 
conseillé  ;  je  ne  sais  pas  ce  qu'ils  font  ou  ce  qu'ils 
ne  font  pas;  mais  puisque  les  papistes  annoncent 
par  ce  livre  qu'ils  croient  à  ces  armemens,  j'ac- 
cueille ce  bruit  avec  plaisir  et  je  me  réjouis  de 
leurs  illusions  et  de  leurs  alarmes;  j'augmente- 
rais même  volontiers  ces  illusions,  si  je  le  pouvais, 
rien  que  pour  les  faire  mourir  de  peur.  Si  Caïn 
tue  Abel,  si  Anne  et  Caïphe  persécutent  Jésus  ^ 


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26  MteOlEBS 

il  est  juste  qu'ils  en  soient  punis.  Qu'ik  Tivent 
dans  les  transes,  quUls  tremblent  au  bruit  d'une 
feuille,  qu'ils  Toient  partout  le  fiintôme  de  Fin* 
surrection*  et  la  mort,  rien  de  plus  équitable. 

9  ...  N'est-il  pas  yrai,  imposteurs,  que  lorsqu'à 
Augsbourg  les  nôtres  présentèrent  leur  confes- 
sion de  foi ,  un  papiste  a  dit  :  Ils  nous  donnent 
là  un  livre  écrit  avec  de  l'encre;  je  Toudrais, 
moi,  qu*on  leur  répondit  avec  du  sang? 

>  N'est-il  pas  vrai  que  l'électeur  de  Brande- 
bourg [et]  le  duc  George  de  Saxe  ont  promis  à 
l'Empereur  de  fournir  cinq  mille  chevaux  contre 
les  luthériens  ? 

9  N'est-il  pas  vrai  qu'un  grand  nombre  de 
prêtres  et  de  seigneurs  ont  parié  qu'avant  la  Saint- 
Michel  ,  c'en  serait  &it  de  tous  les  luthériens  ? 

»  N'est-il  pas  vrai  que  l'électeur  de  Brande- 
bourg a  déclaré  publiquement  que  l'Empereur  et 
tout  l'Empire  s'emploieraient  corps  et  biens  pour 
arriver  à  ce  but?..: 

»  Croyez-vous  que  l'on  ne  connaisse  pas  votre 
édit?  que  l'on  ignore  que  par  cet  édit  toutes  les 
épées  de  l'Empire  sont  aiguisées  et  dégainées, 
toutes  les  arquebuses  chargées,  toute  la  cavale- 
rie lancée,  pour  fondre  sur  l'électeur  de  Saxe  et 
son  parti ,  pour  tout  mettre  à  feu  et  à  sang,  tout 


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DB  LUTHBE.  27 

rempUr  de  pleurs  et  de  désolation?  voilà  votre 
édity  voilà  vos  entreprises  meurtrières  scellées 
de  votre  sceau  et  de  vos  armes,  et  vous  voulez 
que  l'on  appelle  cela  de  la  paix ,  vous  osez  accu- 
ser les  luthériens  de  troubler  le  bon  accord  ? 
0  impudence,  ô  hypocrisie  sans  homes  I...  Mais 
je  vous  entends  :  vous  voudriez  que  les  nôtres 
ne  s'apprêtassent  point  à  la  guerre  dont  leurs 
ennemis  mortels  les  menacent  depuis  si  long- 
temps, mais  qu'ils  se  laissassent  égorger  sans 
crier  ni  si  défendre ,  comme  des  brebis  à  l'a- 
battoir. Grand  merci,  mes  bonnes  gens!  Moi, 
prédicateur,  je  dois  endurer  cela,  je  le  sais 
bien,  et  ceux  à  qui  cette  grâce  est  donnée 
doivent  l'endurer  également.  Mais  que  tous  les 
autres  en  feront  de  même,  je  ne  puis  le  ga- 
rantir aux  tyrans.  Si  je  donnais  publiquement 
ce  conseil  aux  nôtres,  les  tyrans  s'en  prévau- 
draient, et  je  ne  veux  point  leur  ôter  la  peur 
qu'ils  ont  de  notre  résistance.  Ont^ils  envie  de 
gagner  leurs  éperons  en  nous  massacrant  ?  qu'ils 
les  gagnent  donc  avec  péril  comme  il  convient  à 
de  braves  chevaliers.  Égorgeurs  de  leur  métier, 
qu'ils  s'attendent  du  moins  à  être  reçus  comme 
des  égorgeurs... 
»  ....  Que  Ton  m'accnse,  ou  non,  d'être  trop 

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28  BÉMOIABa 

violent,  je  ne  m'en  soucie  plus.  Je  veux  que 
ce  soit  ma  gloire  et  mon  honneur  désormais, 
que  Ton  dise  de  moi  comme  je  tempête  et  sévia 
contre  les  papistes.  Voilà  plus  de  dix  ans  que  je 
m'humilie  et  que  je  donne  de  bonnes  paroles. 
A  quoi  tant  de  supplications  ont-elles  servi?  A 
empirer  le  mal.  Ces  rustres  n'en  sont  que  plus 
fiers.  —  Eh  bien!  puisqu'ils  sont  incorrigibles, 
puisqu'il  n'y  a  plus  espoir  d'ébranler  leurs  in- 
fernales résolutions  par  la  bontéj  je  romps  avec 
eux,  je  les  poursuivrai  de  mes  imprécations, 
sans  fin  ni  repos,  jusqu'à  ma  tombe.  Ils  n'au- 
ront plus  jamais  une  bonne  parole  de  moi  ;  je 
veux  qu'on  les  enterre  au  bruit  de  mes  foudres 
et  de  mes  éclairs, 

»  Je  ne  puis  plus  prier  sans  maudire.  Si  je  dis, 
Que  ton  nom  soii  sanctifié,  il  faut  que  j'ajoute  : 
Maudit  soit  le  nom  des  papistes  et  de  tous  ceux 
qui  te  blasphèment!  Si  je  dis,  Que  ton  royaume 
arrive ,  je  dois  sgouter  :  Maudits  soient  la  papauté 
et  tous  les  royaumes  qui  sont  opposés  au  tien! 
Si  je  dis,  Que  ta  volonté  âoit  faite ^  je  dis  encore  : 
Maudits  soient  et  périssent  les  desseins  des  pa- 
pistes et  de  tous  ceux  qui  te  combattent!...  Ainsi 
je  prie  ardemment  tous  les  jours  ^  et  avec  moi 
tous  les   vrais  fidèles  de  Jésus-Christ...  Cepen- 

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fit   &UTHB&.  20 

dant  je  garde  encore  à  tout  le  inonde  un  cœur 
bon  et  aimant,  et  mes  pins  grands  ennemis  eux- 
mêmes  le  savent  bien. 

9  Souvent  la  nuit ,  quand  je  ne  puis  dormir ,  je 
cberche  dans  mon  lit,  avec  douleur  et  anxiété , 
comment  on  pourrait  encore  déterminer  les  pa- 
pistes à  la  pénitence  avant  le  jugement  terrible 
qui  les  menace.  Mais  il  semble  que  cela  ne  doit 
pas  être.  Us  repoussent  toute  pénitence  et  de- 
mandent à  grands  cris  notre  sang.  L'évéque  do 
Saltzbourg  a  dit  à  maître  Philippe ,  à  la  diète 
d'Âugsbourg  :  «  Pourquoi  disputer  si  longtemps? 
Nous  savons  bien  que  vous  avei  raison.  »  Et  un 
autre  jour  :  «  Tous  ne  voulei  pas  céder ,  nous 
non  plus ,  il  faut  donc  qu'un  parti  extermine  l'au- 
tre. Vous  ètes^  le  petit  et  nous  le  grand  :  nous 
verrons  qui  aura  le  dessus.  »  Jamais  je  n'aurais 
cm  qu'on  pût  dire  de  telles  paroles,  t 


d  byCoogle 


90  MiaonuH 


CHAPITRE  II. 

18S4-16S6. 

IntbaptUlM  de  MuDSter. 


Pendant  que  les  denx  grandes  lignes  des  prin- 
ces sont  en  présence ,  et  semblent  se  défier ,  on 
tiers  s'élève  entre  deux  ,  pour  l'effroi  commun 
des  deux  partis.  Cette  fois ,  c'esi  encore  le  peu- 
ple ,  comme  dans  la  guerre  des  paysans,  mais  un 
peuple  organisé,  maître  d'une  riche  cité.  La  jo^ 
querie  du  Nord ,  plus  systématique  que  celle  du 
Midi,  produit  l'idéal  de  la  démagogie  allemande 
du  seizième  siècle,  une  royauté  biblique,  un  Da- 
vid populaire ,  un  messie  artisan.  Le  mystique 
compagnonage  allemand  intronise  un  tailleur. 

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DB   I.UTHBB.  81 

treprise  da  tailleur  fut  hardie,  mais  non 

'  <1*\  Uanabnptisme  avait  de  grandes  forces. 

lut  a  que  dans  Munster;  mais  il  était  ré- 

lans  la  Westjihalie,  dans  le  Brabant,  la 

Ire.  la  Hollande ,  ïa  Frise,  et  tout  le  littoral 

l  Bahti.[iie  jusfiti'en  livonie. 

Analkipliites  formulèrent  la  malédiction 

I  paysans  Taincus  avaient  jetée  sur  Luther. 

lurent  en  lui  Tami  de  la  noblesse,  le  sou* 

raulorké  civile ,  le  rémora  de  la  Réforme. 

lire  prophètes,  deux  vrais  et  deux  fiiux;  les 

•oui  David  et  Jean  de  Leyde;  les  faux, 

iipf^  et  Luther,  mais  Luther  est  pire  que  le 

t*n{  t' Évangile  a  i^ahordpria  naissance  à 

Tf,  et  comment  il  y  a  fini  après  la  destruc- 

anahopiiMiffif.  Histoire  véritable  et  bien 

Vfre  iue  et  conservée  dans  la  mémoire  {car 

en  annhapiisies  de  Munster  vit  encore) , 

jr  Eenricus  Dorpius  de  cette  ville.  Nous 

atenterom  do  donner  un  extrait  de  ce 

rit: 
amie  commeaça  à  Munster  en  1583,  par 
un,  prédicateur  luthérien  ou  zwinglien. 
Il  im  si  ^rand  succès,  que  Tévèque  ce- 
Imtercession  du  landgrave  de  HMse, 

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82  viaoïABS 

accorda  aux  évangéliqaes  six  de  ses  églises.  Plas 
tard,  un  garçon  tailleur,  Jean  de  Le^de,  y  ap- 
porta la  doctrine  des  anabaptistes,  et  la  propa- 
gea dans  quelques  &niilles.  Il  fut  aidé  dans  son 
œuvre  par  un  prédicateur  nommé  Hennann  Sta- 
prœda,  de  Mœrsa,  anabaptiste  comme  lui.  Bien- 
tôt leurs  assemblées  secrètes  devinrent  si  nom- 
breuses, que  les  catholiques  et  les  réformés  en 
furent  également  alarmés ,  et  chassèrent  les  ana- 
baptistes de  la  ville.  Maïs  ceux*ci  revinrent  plus 
bardis;  ils  intimidèrent  le  conseil ,  et  l'obligèrent 
de  fixer  un  jour  où  il  y  aurait  discussion  publi- 
que dans  la  maison  commune,  sur  le  baptén^e 
des  enians.  Dans  cette  discussion ,  le  pasteur  Roth- 
mann  passa  du  c6té  des  anabaptistes,  et  devint 
lui-même  un  de  leurs  chefs...  Un  jour,  un  autre 
de  leurs  prédicateurs  se  met  à  courir  dans  les 
rues ,  en  criant  :  «  Faites  pénitence ,  faites  péni- 
tence, amendez-vous,  iaites-voas  pabtiser,  ou 
Dieu  va  vous  punir  I  *  Soit  crainte,  soit  zèle  relir 
gieux,  beaucoup  de  gens  qui  entendirent  ces 
cris,  se  hâtèrent  de  demander  le  baptême.  Alors 
les  anabaptistes  rempUssent  la  marché  en  criant  : 
«  Sus  aux  païens  qui  ne  veulent  pas  du'baptéme!» 
Ils  s'emparent  des  canons,  des  munitions,  de  la 
maison  de  ville,  et  maltraitent  les  catholiques  et 

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M  LCTHU.  S8 

les  luthériens  qu'ils  rencontrent  Ceu-ci  se  for- 
ment en  nombre  et  attaquent  les  anabaptistes  à 
leur  tour.  Après  divers  combats  sans  résultat,  les 
deux  partis.  éprouTèrent  le  besoin  de  se  rappro- 
cher» et  conyinrent  que  chacun  serait  libre  de 
professer  sa  croyance.  Mais  les  anabaptistes  n'ob- 
serrèrent  point  ce  traité  ;  ils  écrivirent  sous  main 
à  tous  ceux  de  leur  secte  qui  étaient  dans  les  villes 
Toisines  pour  les  faire  venir  à  Munster.  «  Quittez 
ce  que  vous  avez,  écrivaient-ils;  maisons,  fen^ 
mes,  en&ns,  laissez  tout  pour  venir  à  nous.  Tout 
ce  que  vous  aurez  abandonné,  vous  sera  rendu  au 
décuple...  t  Quand  les  riches  s*aperçurent  que  la 
ville  se  remplissait  d'étrangers,  ils. en  sortirent 
comme  ils  purent,  n'y  laissant  de  leur  parti  que 
les  gens  du  bas  peuple,  (carême  de  l'année  1534.) 

Les  anabaptistes,  enhardis  par  leur  départ  et 
par  les  renforts  qui  leur  étaient  arrivés,  dépo- 
sèrent aussitôt  le  conseil  de  ville  qui  était  luthé- 
rien, et  en  composèrentun  d'hommes  de  leur  parti. 

Quelques  jours  plus  tard,,  ils  pillèrent  les  égli- 
ses et  lescouvens,  et  coururent  la  ville  en  tumulte, 
armés  de  hallebardes^  d'arquebuses  et  de  bâtons, 
criant  comme  des  furieux:  «  Faites  pénitence, 
fSeûtes  pénitence!  *  et  après  :  «  Kors  la  ville ,.  im- 
pies !  hors  la  ville,  ou  l'on  vous  assomme!  »  Ainsi 

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84  mlMoiBii 

ils  chassèrent  sans  pitié  tout  ce  qui  n^était  pas  des 
leurs.  Ni  rieillard,  ni  femme  enceinte  ne  fîit  ex- 
cepté. Un  grand  nombre  de  ces  panyres  fugitifs 
tombèrent  entreles  mains  del'éyéqae,  qui  se  pré- 
parait à  assiéger  la  ville.  Sans  avoir  égard  à  ce 
qu'ils  n'étaient  point  dn  parti  anabaptiste,  il  les 
fit  emprisonner;  beaucoap  d'entre  eux  furent 
même  cruellement  mis  à  mort. 

Les  anabaptistes  étant  maîtres  de  la  ville ,  leur 
prophète  suprême,  Jean  de  Matthiesen,  ordonna 
que  tout  le  monde  mit  son  avoiren  commun,  sans 
rien  celer,  sous  peine  de  la  vie.  Le  peuple  eut  peur 
et  obéit.  Les  biens  des  fugitifs  furent  saisis  de 
même.  Ce  prophète  décida  encore  quel'on  ne  gar- 
derait aucun  autre  livre  que  la  Bible  et  le  Nou- 
veau Testament.  Tous  les  autres  qu'on  put  trouver 
furent  brûlés  dans  la  cour  de  la  cathédrale.  Ainsi 
le  voulait  le  Père  du  ciel ,  disait  le  prophète.  On 
en  brûla  au  moins  pour  vingt  mille  florins. 

Un  maréchal  ferrant  ayant  parlé  injurieusement 
des  prophètes ,  toute  la  commune  est  assemblée 
«ur  le  marché,  et  JeanHatthiesen  le  tue  d'un  coup 
de  feu.  Peu  après,  ce  prophète  court  tout  senl 
hors  de  la  ville,  une  hallebarde  à  la  main,  criant 
que  le  Père  lui  a  Ordonné  de  repousser  les  enne- 
mis. Il  avait  à  peine  passé  la  porte  qu'il  fut  tné. 

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DB   LUTBIA.  85 

Jean  de  Leyde  lui  succéda  comme  prophète 
suprême ,  et  il  épousa  sa  veuve.  Il  releva  le  cou- 
rage du  peuple  abattu  par  la  mort  de  son  prédé« 
cesseur.  A  la  Pentecôte,  Févéque  fit  donner  Tas- 
saut  ,  mais  il  fut  repoussé  avec  grande  perte.  Jean 
de  Leyde  nomma  douie  fidèles  (parmi  lesquels  se 
trouvaient  trois  nobles)  pour  être  les  anciens  dau 
Israël...  Il  déclara  aussi  que  Dieu  lui  avait  révélé 
des  doctrines  nouvelles  sur  le  mariage;  il  discuta 
avec  les  prédicateurs,  qui,  enfin,  se  rangèrent  à 
son  avis  et  prêchèrent  trois  jours  de  suite  sur  la 
pluralité  des  femmes.  Un  assez  grand  nombre  d'ha- 
bitans  se  déclarèrent  contre  la  nouvelle  doctrine, 
et  firent  même  prisonniers  les  prédicateurs  avec 
l'un  des  prophètes;  mais  bientôt  ils  furent  obligés 
de  les  relâcher,  et  quarante-neuf  d'entre  euxpé^ 
rirent. 

A  la  Saint-Jean  de  l'année  1534,  un  nouveau 
prophète,  auparavant  orfèvre  à  Warendor£f,  as- 
sembla le  peuple,  et  lui  annonça  qu'il  avait  eu 
une  révélation  d'après  laquelle  Jean  de  Leyde 
devait  régner  sur  toute  la  terre,  et  occuper  le 
trône  de  David  jusqu'au  temps  où  Dieu  le  Père 
viendrait  lui  redemander  le  gouvernement...  Les 
douze  anciens  furent  déposés  et  Jean  de  Leyde 
proclamé  roi. 


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86  iiiiioiaBS 

Pliu  les  anabaptistes  prenaient  de  femmes,  plus 
l'esprit  de  libertinage  augmentait  parmi  em;  ib 
commirent  dliorribles  excès  sur  des  jeunes  filles 
de  dix,  douze  et  quatorze  ans.  Ces  violences 
barbares,  et  les  maux  du  siège  irritèrent  une 
partie  du  peuple.  Plusieurs  soupçonnaient  Jean 
de  Leyde  d'imposture  et  songeaient  à  le  livrer  à 
révêque.  Le  roi  redoubla  de  vigilance  et  nomma 
douze  ducs  cbargés  de  maintenir  la  ville  dans  la 
soumission  (jour  des  Rois  15S5).  Il  promit  à  ces 
douze  che&  qu'ils  régneraient  à  la  place  de  tous 
les  princes  de  la  terre,  et  il  leur  distribua  d'a- 
vance des  électorats  et  des  principautés.  Le 
«  noble  landgrave  de  Hesse»  est  seul  excepté  de 
la  proscription;  ils  espèrent,  disent-ils,  qu'il 
deviendra  leur  frère...  Le  roi  désigna  le  jour 
de  Pâques  comme  l'époque  où  la  ville  serait  dé- 
livrée. 

...  L'une  des  reines  ayant  dit  à  ses  compagnes 
qu'elle  ne  croyait  pas  conforme  à  la  volonté  de 
Dieu  qu'on  laissât  ainsi  le  pauvre  peuple  mourir 
de  misère  et  de  faim ,  le  roi  la  conduisit  au  mar- 
ché avec  ses  autres  femmes,  lui  ordonna  de  s'a- 
genouiller au  milieu  de  ses  compagnes  proster- 
nées comme  elle,  et  lui  trancha  la  tète.  Les 
autres  reines  chantèrent  :  Gloire  à  Dieu  au  haut 


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DB  LVTBSa.  87 

de$  deux!  et  tout  le  peuple  se  mit  à  damer  au- 
tour. Cependant  il  n'avait  plus  à  manger  que  du 
pain  et  du  sel!  Vers  la  fin  du  siège,  la  famine 
fut  si  grande  que  Ton  y  distribuait  régulièrement 
la  chair  des  morts;  on  n'exceptait  que  ceux  qui 
avaient  eu  des  maladies  contagieuses.  A  la 
Saint -Jean  de  Tannée  1585»  Tévéque  apprit 
d'un  transfuge  le  moyen  d'attaquer  la  ville 
avec  avantage.  Elle  fut  prise  le  jour  même  de  la 
Saint- Jean,  et,  après  une  résistance  opiniâtre,  les 
anabaptistes  furent  massacrés.  Le  roi,  ainsi  que 
son  vicaire  et  son  lieutenant,  fut  emmené  entre 
deux  cbevaux ,  une  chaîne  double  au  cou,  la  tête 
et  les  pieds  nus...  L'évéque  l'interpella  durement 
sur  l'horrible  désastre  dont  il  était  cause  ;  il  lui  ré- 
pondit :  «  François  de  Waldeck  (c'était  son  nom), 
si  les  choses  avaient  été  à  mon  gré,  ils  seraient 
tous  morts  de  &im,  avant  que  je  t'eusse  livré  la 
ville.  » 

Nous  trouvons  beaucoup  d'autres  détails  inté- 
ressans  dans  une  pièce  insérée  au  second  volume 
des  œuvresallemandes  de  Luther  (édition  de  Witt.) 
sons  le  titre  suivant:  Nouvelle  sur  lesanabaptistei 
de  Munster. 

i...  Huit  jours  après  que  l'assaut  a  été  repoussé 
par  les  anabaptistes,  le  roi  a  commencé  son  règne 

TOMB  11.  4 

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38  HisiOXABS 

en  s'entourant  d'une  cour  complète,  à  l'égal  d'un 
prince  séculier.  Il  a  institué  des  maîtres  de  cérémo- 
nies, des  maréchaux,  des  huissiers,  des  maîtres 
de  cuisine,  des  fourriers,  des  chanceliers,  des 
ordiieuTs  {redner),  des  serviteurs  pour  la  table,  des 
échansons,  etc. 

>  Une  de  ses  femmes  a  été  élevée  au  rang  de 
reine  ,  et  elle  a  également  sa  cour  à  elle.  C'est 
une  belle  et  noble  femme  de  Hollande,  mariée 
auparavant  à  un  autre  prophète  qui  a  été  tué 
devant  Munster  et  de  qui  elle  est  encore  enceinte. 

»  Le  roi  a  en  outre  trente  et  un  chevaux  cou- 
verts de  draps  d'or.  Il  s'estfait  faire  des  habits  pré- 
cieux en  or  et  en  argent  avec  les  ornemens  de 
l'église.  Son  écuyer  est  paré  comme  lui  de  véte- 
mens superbes  pris  de  ces  ornemens,  et  il  porte 
en  outre  des  bagues  d'or;  de  même  la  reine  avec 
ses  vierges  et  ses  femmes. 

>  Lorsque  le  roi,  dans  sa  majesté ,  traverse  la 
ville  à  cheva^,  des  pages  l'accompagnent  :  l'un 
porte  à  son  côté  droit  la  couronne  et  la  Bil)le,rau- 
tre  une  épée  nue.  L'un  d'eux  est  le  fils  de  l'é- 
véque  de  Munster.  Il  est  prisonnier  et  il  sert  le 
roi  dans  sa  chambre. 

»  Le  roi  a  de  même  dans  sa  triple  couronne  sur- 
montée d'une  chaine  d'or  et  de  pierreries,  la  figure 


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DE    LUTHER.  39 

du  monde  percée  d'une  épée  d'or  et  d'une  épée 
d'argent.  Au  milieu  du  pommeau  des  deuxépées 
se  trouve  une  petite  croix  sur  laquelle  est  écrit  : 
Un  roi  de  la  justice  sur  le  monde,  La  reine  porte 
les  mêmes  ornemens. 

*  £n  cet  appareil  le  roi  se  rend  trois  fois  par 
semaine  au  marché ,  où  il  monte  sur  un  siège 
élevé  qu'on  a  fait  exprès.  Le  lieutenant  du  roi, 
nommé  Knipperdolling,se  tient  une  marche  plus 
bas,  puis  viennent  les  conseillers.  Celui  qui  a  af- 
faire au  roi  s'incline  deux  fois,  se  laisse  tomber 
à  terre  à  la  troisième ,  et  expose  ensuite  ce  qu'il 
a  à  dire. 

»  Un  mardi  ils  ont  célébré  la  sainte  Cène  dans 
la  cour  du  dôme;  ils  étaient  à  table  au  nombre  de 
près  de  quatre  mille  deux  cents.  Trois  plats  furent 
servis  :  à  savoir  du  bouilli,  du  jambon  et  du  rôti; 
le  roi  et  ses  femmes  et  tous  leurs  domestiques  ser- 
virent les  convives. 

»  Après  le  repas,  le  roi  et  la  reine  prirent  du  gâ- 
teau de  froment,  le  rompirent  et  en  donnèrent 
aux  autres,  disant  :  ce  Prenez,  mangez  et  annon- 
cez la  mort  du  Seigneur.  >  De  même  ils  prirent 
une  cruche  de  vin ,  disant  :  «  Prenez ,  buvez-en 
tous  et  annoncez  la  mort  du  Seigneur.  ■ 

»  Les  convives  rompirent  de  même  des  gâteaux 

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40  KiMOIBBS 

et  se  les  présentèrent  les  uns  aux  autres  en  pro- 
nonçant ces  paroles  :  «  Frère  et  sœur,  prends  et 
mange.  De  même  que  Jésus-Christ  s'est  dévoué 
pour  moi ,  de  même  je  veux  me  dévouer  pour  toi; 
et  de  même  que  dans  ce  gâteau  les  grains  de  fro- 
ment sont  joints,  et  que  les  raisins  ont  été  unis 
pour  former  ce  vin,  de  même  nous  aussi  nous 
sommes  unis.  »  Ils  s'exhortaient  en  même  temps 
à  ne  rien  dire  de  frivole,  ni  qui  fût  contraire 
à  la  loi  du  Seigneur.  Ensuite  ils  remercièrent 
Dieu,  d'ahord  par  des  prières,  et  puis  par  des 
cantiques ,  surtout  par  le  cantique  :  Gloire  à 
Dieu  au  haut  des  cieux!  Le  roi  et  ses  femmes, 
avec  leurs  serviteurs  ,  se  mirent  à  table  éga- 
lement ,  ainsi  que  ceux  qui  revenaient  de  la 
garde. 

»  Quand  tout  fut  fini,  le  roi  demanda  à  l'a»- 
semblée  s'ils  étaient  tous  disposés  à  faire  et  à 
souffrir  la  volonté  du  Père.  Ils  répondirent  tous: 
Oui,  Puis  le  prophète  Jean  de  Warendorff  se 
leva ,  et  dit  :  «  Que  Dieu  lui  avait  ordonné  d'en- 
voyer quelques-uns  d'entre  eux  pour  annoncer 
les  miracles  dont  ils  avaient  été  témoins.  »  Le 
même  prophète  ajouta  que,  selon  l'ordre  de 
Dieu,  ceux  qu'il  nommerait  devaient  se  rendre 
dans  quatre  villes  de  l'Empire,  et  y  prêcher... 


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DB   LtTHBA.  41 

On  donna  à  chacun  un  fenin  d'or  de  la  valeur  de 
neuf  florins  avec  de  la  monnaie  ordinaire  pour 
le  voyage ,  et  ils  partirent  le  soir  même. 

»  La  veille  de  Saint-Gall ,  ils  parurent  dans  les 
villes  désignées ,  faisant  grand  bruit ,  et  criant  : 
«  Convertissez-vous  et  faites  pénitence  ,  car  la 
9  miséricorde  du  Père  est  à  sa  fin.  La  cognée 
»  frappe  déjà  la  racine  de  l'arbre.  Que  votre  ville 
»  accepte  la  paix ,  ou  elle  va  périr.  »  Arrivés  de- 
vant le  conseil  des  quatre  villes,  ils  étendirent 
leurs  manteaux  par  terre,  et  y  jetèrent  les  sus- 
dites pièces  d'or ,  en  disant  :  «  Nous  sommes  en- 
t  voyés  par  le  Père  pour  vous  annoncer  la  paix. 
«  Si  vous  Tacceptez,  mettez  tout  votre  bien  en 
»  conmiun;  si  vous  ne  voulez  pas  faire  cela, 
9  nous  protesterons  devant  Bieu  avec  cette  pièce 
9   d'or ,  et  nous  prouverons  par  elle  que  vous  avez 

•  rejeté  la  paix  qu'il  vous  envoyait.  Il  est  arrivé 

•  maintenant  le  temps  annoncé  par  tous  les 
»  prophètes,  ce  temps  oii  Bieu  ne  voudra  plus 
»  •  souffrir  sur  la  terre  que  la  justice  ;  et  quand  le 
9  roi  aura  £aiit  régner  la  justice  sur  toute  la  face 
9  de  la  terre,  alors  Jésus-Christ  remettra  le  gou- 
9   yemement  entre  les  mains  du  Père.  > 

»  Alors  ils  furent  mis  en  prison  et  questionnés 
sur  leur  croyance,  leur  vie,  etc..  (Suit  l'interro- 

4. 

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42  MinoiRBt 

gatoîre.  )...  Ils  disaient  qu'il  y  avait  quatre  pro- 
phètes ,  deux  Trais ,  et  deux  faux  ;  que  les  yrais , 
c'étaient  David  et  Jean  de  Leyde,  et  les  faux ,  le 
pape  et  Luther.  «  Luther,  disaient-ils,  est  pire 
encore  que  le  pape.  «  Ils  tiennent  aussi  pour 
damnés  tous  les  autres  anabaptistes,  quelque 
part  qu'ils  se  trouvent. 

«  ...  Dans  Munster,  disaient-ils,  les  hommes 
ont  communément  cinq,  six ,  septou  huit  femmes , 
selon  leur  bon  plaisir  (1).  Mais  chacun  est  obligé 
d'habiter  d'abord  avec  l'une  d'entre  elles,  jus- 
qu'à ce  qu'elle  soit  enceinte.  Ensuite,  il  peut  faire 
comme  il  lui  plait.  Toutes  les  jeunes  filles  qui  ont 
passé  douze  ans  doivent  se  marier... 

»...  Ils  détruisent  les  églises  et  toutes  maisons 
consacrées  à  Dieu... 

»  ...  Ils  attendent  à  Munster  des  gens  de  Gro- 
ningue  et  d'autres  contrées  de  la  Hollande.  Eux 
venus,  le  roi  se  lèvera  avec  toutes  ses  forces,  et 
subjuguera  la  terre  entière. 

»  Ils  tiennent  aussi  qu'il  est  impossible  de  bien 
comprendre  l'Écriture  sans  que  des  prophètes 

(x)  L'un  des  interrogés  dît  que  le  roi  en  avait  cinq.  D'à* 
près  une  autre  relation, le  nombre  en  serait  monté  à  la  fin 
jusqu'à  dix«iept. 

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l'aient  expliquée.  Quant  on  discute  avec  eux  et 
qu*il9  en  viennent  à  ne  pouvoir  justifier  leur  en- 
treprise par  l'Écriture ,  ils  disent  que  le  Père  ne 
leur  donne  pas  de  s'expliquer  là-dessus.  D'autres 
répondent:  Le  prophète  l'a  dit  par  l'ordre  de 
Dieu. 

•  Il  ne  s'en  trouva  aucun  qui  voulût  se  rétrac- 
ter, ni  qui  acceptât  sa  grâce  à  ce  prix.  Ils  chan- 
taient et  remerciaient  Dieu  qui  les  avait  jugés  di- 
gnes de  souffrir  pour  son  nom. 

Les  anabaptistes  sommés  par  le  landgrave  de 
Hesse  de  se  justifier  relativement  au  roi  qu'ils 
s'étaient  donné,  lui  répondirent  (janvier  lâSS): 
«  Que  les  temps  de  la  restitution  annoncés  par 
les  livres  saints  étaient  arrivés,  que  l'Évangile 
leur  avait  ouvert  la  prison  de  Babylone ,  et  qu'il 
allait  à  présent  rendre  aux  Babyloniens  selon 
leurs  œuvres;  qu'une  lecture  attentive  des  pro- 
phètes ,  de  l'Apocalypse ,  etc. ,  montrerait  évi- 
demment au  Landgrave  si  c'était  d'eux-mêmes 
qu'ils  avaient  institué  un  roi,  ou  bien  par  l'ordre 
de  Dieu,  etc.  » 

Suit  la  convention  qui  fut  arrêtée  l'an  1533, 
entre  l'évéque  de  Munster  et  cette  ville  par  l'en- 
tremise des  conseillers  du  Landgrave....  Les  ana- 
baptistes envoyèrent  au  landgrave  de  Hesse  leur 

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44  HiMOiais 

livre  De  restUuiione,  Il  le  lut  avec  indignation  et 
ordonna  à  ses  théologiens  d*y  répondre  et  d'op- 
poser particulièrement  aux  anabaptistes  neuf  arti- 
cles qu'il  désigna.  Dans  ces  articles  il  leur  repro- 
che entre  autres  choses  :  1**  de  £aiire  consister  la 
justice  non  pas  dans  la  foi  seule,  mais  dans  la  foi 
et  les  œuyres  ensemble  ;  2**  d'accuser  injustement 
Luther  de  n'avoir  jamais  enseigné  les  bonnes 
œuvres;  3®  de  défendre  le  libre  arbitre. 

Dans  le  lÏYre  De  resiiiutione ,  les  anabaptistes 
divisaient  toute  l'histoire  du  monde  en  trois  par- 
tics  principales.  «  Le  premier  monde ,  disent-ils , 
celui  qui  exista  jusqu'à  Noé,  fut  submergé  par 
les  eaux.  Le  second,  celui  dans  lequel  nous- 
mêmes  nous  vivons  encore,  sera  fondu  et  pu^ 
rifié  par  le  feu.  Le  troisième  sera  un  nouveau 
ciel  et  une  nouvelle  terre ,  habités  par  la  justice. 
C'est  ce  que  Dieu  a  désigné  par  l'arche  sainte 
dans  laquelle  il  y  avait  le  vestibule,  le  sanctuaire 
et  le  saint  des  saints...  La  venue  du  troisième 
monde  sera  précédée  d'une  restitution  et  d'un 
châtiment  universels.  Les  méchans  seront  tuét, 
le  règne  de  la  justice  préparé ,  les  ennemis  du 
Christ  jetés  à  bas,  et  toutes  choses  restituées.  C'est 
ce  temps  qui  commence  maintenant.  » 

Entniiên  ou  discussion  qu^AtUoine  Corvinus  et 

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DB  i.rTHBm.  45 

Jean  Kymeui  ont  eue  à  Béverger  avec  Jean  de 
Leyde,  le  roi  de  Munster, —  «  Quand  le  roi  en- 
tra dans  notre  chambre  ayec  l'escorte  qui  l'avait 
tiré  de  sa  prison ,  nous  le  saluâmes  d'une  ma- 
nière amicale  et  l'invitâmes  à  s'asseoir  près  du 
feu.  Nous  lui  demandâmes  comment  il  se  portait 
et  s'il  souffrait  dans  sa  prison.  Il  répondit  qu'il 
souffrait  du  froid  et  se  sentait  mal  au  cœur,  mais 
qu'il  devait  tout  endurer  avec  patience  ,  puisque 
Dieu  avait  ainsi  disposé  de  lui.  Peu  à  peu ,  tou- 
jours en  lui  parlant  amicalement,  car  on  ne  pou- 
vait rien  obtenir  de  lui  d'une  autre  manière» 
nous  arrivâmes  à  parler  de  son  royaume  et  de  sa 
doctrine ,  de  la  manière  qu'il  suit  : 

Panisa  POINT  db  l'intehhogatoue.  —  Lee  minis^ 
très.  «  Cher  Jean ,  nous  entendons  dire  de  votre 
gouvernement  des  choses  extraordinaires  et  hor- 
ribles. Si  eUes  sont  telles  qu'on  le  dit,  et  mal- 
heureusement cela  n'est  que  trop  vrai ,  nous  ne 
pouvons  concevoir  comment  il  vous  est  possible 
de  justifier  une  semblable  entreprise  par  la  sainte 
Écriture...  » 

Le  roi.  «  Ce  que  nous  avons  fait  et  enseigné, 
nous  l'avons  fait  et  enseigné  avec  bon  droit,  et 
nous  pouvons  justifier  toute  notre  entreprise ,  nos 
actions  et  notre  doctrine  devant  Dieu  et  à  qui  il 
appartient.  » 

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46  HiMOtRES 

Les  ministren  lui  objectent  qne  dans  TÉcriture 
il  n'était  question  que  d'un  règne  spirituel  de  Jésus- 
Christ  :  «  Mon  royaume  n'est  pas  de  ce  monde,  •  a-t-îl 
'  dit  lui-même. 

Le  roi,  •  J'entends  très  bien  ce  que  vous,  dites 
du  royaume  spirituel  de  Jésus-Christ  et  je  n'atta- 
que nullement  les  passages  que  tous  citez.  Mais 
vous  devez  savoir  distinguer  le  royaume  spirituel 
de  Jésus-Christ,  lequel  se  rapporte  aux  temps  de 
la  souffrance  et  duquel  après  tout  ni  vous  ni  Lu- 
ther vous  n'avez  une  juste  idée ,  et  l'autre  royaume , 
celui  qui,  après  la  résurrection,  sera  établi  dans 
ce  monde  pendant  mille  ans.  Tous  les  versets  qui 
traitent  du  royaume  spirituel  de  Jésus-Christ  ont 
rapport  au  temps  de  la  souffrance,  mais  ceux  qui 
se  trouvent  dans  les  prophètes  et  dans  l'Apoca- 
lypse et  qui  traitent  du  royaume  temporel ,  doi- 
vent être  rapportés  au  temps  de  la  gloire  et  de 
la  puissance  que  Jésus-Christ  aura  dans  le  monde 
avec  les  siens. 

»  Notre  royaume  de  Munster  a  été  une  image 
de  ce  rojaume  temporel  du  Christ;  vous  savez  que 
Dieu  annonce  et  désigne  beaucoup  de  choses  par 
des  figures.  Nous  avions  cru  que  notre  royaume 
durerait  jusqu'à  la  venue  du  Seigneur,  mais  nous 
voyons  à  présent  qu'en  ce  point  notre  entende- 


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hM  LCTHia.  47 

ment  a  failli  et  que  nos  prophètes  ne  Font  pas 
bien  compris  eux-mêmes.  Dieu  nous  en  a,  dans 
la  prison  »  ouvert  et  révélé  la  véritable  intelli- 
gence... 

V  Je  n'ignore  pas  que  vous  rapportez  commu- 
nément au  royaume  spirituel  du  Christ  ces  passa- 
ges et  d'autres  semblables ,  qui  pourtant  doivent, 
sans  aucun  doute,  être  entendusdu  royaumetem- 
porel.  Mais  qu'est-ce  que  ces  interprétations  spi- 
rituelles ,  et  à  quoi  servent-elles,  si  rien  ne  doit 
se  réaliser  un  jour  ?...Dieu  a  créé  le  monde  prin- 
cipalement pour  se  complaire  dans  les  hommes 
auxqueb  il  a  donné  un  reflet  de  sa  force  et  de  sa 
puissance.  » 

Les  ministres.  «  ...  £t  comment  vousjustifierez- 
vous  quand  Dieu  vous  dira  au  jugement  dernier  : 
Qui  t'a  fait  roi?  Qui  t'a  ordonné  de  répandre  dans 
le  monde  de  si  effroyables  erreurs,  au  grand  dé- 
triment, de  ma  parole  ?  » 

Le  roù  «  Je  répondrai  :  Les  prophètes  de  Muns- 
ter me  l'ont  ordonné  comme  étant  votre  volonté 
divine ,  en  preuve  de  quoi  ils  m'ont  doi^ié  en 
gage  leur  corps  et  leur  âme.  » 

Les  ministres  lui  demandent  ce  qu'il  en  est  des 
révélations  divines  qu'il  aurait  eues,  dit-on,  au 
sujet  de  son  élévation  à  la  royauté. 

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48  HiHOIRES 

Le  roi  «  Je  n'ai  pan  eu  de  réyélation  à  ce  sujet, 
seulement  il  m'est  venu  des  pensées ,  comme  s'il 
devait  y  avoir  un  roi  à  Munster,  et  que  moi  je  dusse 
être  ce  roi.  Ces  pensées  m'ébranlèrent  et  m'affli- 
gèrent profondément.  Je  priai  Dieu  de  vouloir 
bien  prendre  en  considération  mon  inhabileté , 
et  de  ne  point  me  charger  d'un  tel  fardeau.  Au  cas 
où  il  ne  voudrait  pas  m'épargner  cette  peine,  je 
le  priai  de  me  faire  désigner  par  des  prophètes 
dignes  de  foi  et  en  possession  de  sa  parole.  Je  m  en 
tins  là  et  n'en  dis  rien  à  personne.  Mais  cpiinie 
jours  après  un  prophète  se  leva  au  milieu  de 
la  commune  et  s'écria  que  Dieu  lui  avait  signifié 
que  Jean  de  Leyde  devait  être  roi.  Il  annonça  la 
même  chose  au  conseil ,  qui  aussitôt  se  coaiorma 
à  ce  qu'il  disait ,  se  démit  de  son  pouvoir  et  me 
proclama  roi  avec  toute  la  commune.  Il  me  remit 
aussi  le  glaive  de  la  justice.  C'est  ainsi  que  je  suis 
devenu  roi.  > 

Deuxième  iiETicLE.  —  Le  roi,  «  ...  Nous  ne  nous 
sommes  opposés  à  l'autorité  que  parce  qu'elle 
voulait  nous  interdire  notre  baptême  et  la  parole 
de  Dieu.  Nous  avons  résisté  à  la  violence.  Vous 
prétendez  que  nous  avons  agi  injustement  en 
cela,  mais  saint  Pierre  ne  dil-il  pas  qu'on  doit 
obéir  à  Dieu  plutôt  qu'aux  hommes?...  Vous  ne 

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Dl   LUTHBR.  40 

réprouTeriez   pas  tout  >ce  que  nous  avons  fait , 
si  TOUS  saviez  comment  les  choses  se  sont  pasr 


Leê  ministres.  «  Parez  et  justifiez  vos  actes , 
comme  vous  voudrez ,  vous  n'en  serez  pas  moins 
éternellement  des  rebelles^  coupables  du  crime 
de  lèse-majesté.  Le  chrétien  doit  souffrir  et  ne 
point  résister  au  méchant.  Quand  même  tout  le 
conseil  se  fût  rangé  de  votre  parti  (ce  qui  n'a  pas 
eu  lieu) ,  vous  auriez  dû  supporter  la  violence 
plutôt  que  de  commencer  un  schisme ,  une  sédi- 
tion ,  une  tyrannie  pareille  ,  contrairement  à  la 
parole  de  Dieu,  à  la  majesté  de  l'Empereur ,  à  la 
dignité  royale,  à  celle  de  l'électorat  et  des  princes 
et  états  de  TEmpire.  > 

Le  roi.  «  Nous  savons  ce  que  nous  avons  fait  : 
Que  Dieu  soit  notre  juge.  » 

Les  minisires.  »  Nous  aussi ,  nous  savons  sur 
quoi  est  fondé  ce  que  nous  disons.  Que  Dieu  soit 
notre  juge  aussi.  9 

Troisième  article.  —  Le  roi.  a  ...  Nous  avons 
été  assiégés  et  détruits  à  cause  de  la  parole  di- 
vine; c'est  pour  elle  que  nous  avons  souffert  la 
faim  et  tous  les  maux^  que  nous  avons  perdu  les 
nôtres^  et  que  nous  sommes  tombés  dans  une  si 
lamentable  calamité!  Ceux  d'entre  nous  qui  sont 

K 

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% 

60  KÉXOIBIS 

encore  en  vie,  mourront  sans  résistance  et  sans 
plainte,  comme  Tagneau  qu'on  immole...  » 

GiRQUiÈiE  AETicLE. — Leroi  dit  qu'il  a  longtemps 
été  de  l'avis  de  Zwingli ,  mais  qu'il  est  reyenn  à 
croire  en  la  transsubstantiation.  Seulement  il 
n'accorde  pas  à  ses  interlocuteurs  que  celle-ci 
s'opère  aussi  dans  celui  qui  n'a  pas  la  foi. 

Sixième  AETicLE.  —  L0S  ministres,  «...  Que  vou- 
lez-vous donc  feire  de  Jésos-Christ ,  s'il  n'a  pas 
reçu  chair  et  sang  de  sa  mère  Marie?  Voulez- vous 
qu'il  soit  un  fantôme,  un  spectre?  Il  serait  besoin 
que  notre  Urbanus  Regius  fit  imprimer  un  se- 
cond livre  pour  vous  faire  comprendre  votre 
langue  natale  (1),  sans  cela  vos  têtes  d'ânes  résis- 
teront toujours  à  l'instruction.  » 

Le  roi.  «  Si  vous  saviez  quelle  consolation  in- 
finie est  renfermée  dans  cette  connaissance  que 
Jésus-Christ,  Dieu  et  fils  du  Dieu  vivant,  s'est 
fait  homme  et  a  versé  son  sang,  non  pas  celui  de 
Marie,  pour  racheter  nos  péchés  (lui  qui  est  pur 
de  toute  faute) ,  vous  ne  parleriez  pas  comme  vous 
faites  et  vous  ne  trouveriez  pas  notre  opinion  si 
mauvaise.  » 

SsmÈiiB  ARncLi  sur  la  polygamie.  —  Le  roi 

(i)  Ceci  se  rapporte  k  Finterpréution  da  mot  :  né;  gi" 
àoren. 


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DB    LUTHBB.  51 

oppose  aux  ministres  Texeniple  des  patriarches. 
Les  ministres  se  retranchent  derrière  Fusage 
généralement  établi  dans  les  temps  modernes ,  et 
déclarent  qne  le  mariage  est  res  poltiica.  Le  roi 
dit  qu'il  vaut  mieux  avoir  beaucoup  d'épouses, 
que  beaucoup  de  prostituées,  et  termine  cet  en- 
tretien, comme  le  second,  par  ces  mots  :  «  Que 
Dieu  soit  notre  juge.  > 

Quoique  rédigé  par  les  prédicateurs,  l'effet  de 
cette  discussion  ne  leur  est  pas  foyorable.  On  ne 
peut  s'empêcher  d'admirer  la  fermeté,  le  bon 
sens,  et  la  modeste  simplicité  du  roi  de  Munster, 
qui  ressort  encore  par  la  dureté  pédantesque  de 
ses  interlocuteurs. 

Corvinus  et  Kymeus  au  lecteur  chrétien  : — 
«Nous  avons  représenté  notre  entretien  avec  le 
roi  à-peu-près  mot  pour  mot,  san^s  passer  un  seul 
de  ses  argumens  ;  seulement  nous  les  avons  mis 
en  notre  langage  et  posés  plus  convenablement 
qu'il  ne  le  faisait...  Environ  huit  jours  après,  il 
envoya  vers  nous  pour  nous  prier  de  venir  encore 
une  fois  traiter  avec  lui...  Nous  discutâmes  da 
nouveau  pendant  deux  jours;  il  se  trouva  plus 
docile  que  la  première  fois,  mais  nous  n'avons  vu 
en  cela  que  le  désir  de  sauver  sa  vie.  Il  déclara 
de  son  propre  mouvement  que  si  on  le^  prenait 

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62  «teoimBS 

en  grâce,  il  voulait  avec  le  secours  de  Helcfaior 
Hoffmann  et  de  ses  reines,  exhorter  tous  les  ana- 
baptistes, qui  sont  très  nombreux,  selon  lui,  dans 
la  Hollande,  le  Brabant,  TAng^leterre  et  la  Frise, 
à  se  taire  désormais,  à  obéir,  et  même  à  daire 
baptiser  leurs  enfans,  jusqu^à  ce  que  l'autorité 
s  arrangeât  avec  eux  sur  les  affaires  de  religion...» 
Suit  la  nouvelle  confession  de  foi  de  Jean  de 
Leyde ,  par  laquelle  il  modifie  quelques  points  de 
la  première.  En  exhortant  les  anabaptistes  à  l'o- 
béissance, il  n'entend  qu'une  obéissance  exté- 
rieure. Il  ne  cède  point  sur  le  fond  des  doctrines, 
et  veut  qu'on  laisse  les  consciences  libres.  Quant 
à  l'eucharistie ,  il  déclare  que  tous  ses  confrères 
sont  zwingliens  sur  ce  point,  et  que  lui-même  il  Ta 
toujours  été ,  mais  que  dans  sa  prison  Dieu  lui 
a  fait  connaître  ses  erreurs.  Cette  confession  est 
signée  en  hollandais  :  Moi,  Jean  de  Leyde,  signé 
de  ma  propre  main. 

Le  19  janvier  1536,  Jean  de  Leyde,  ainsi  que 
Knipperdolling  et  Krechting,  son  vicaire  et  son 
lieutenant ,  furent  tirés  de  leurs  cachots.  Le  len- 
demain, l'évêque  leur  envoya  son  chapelain  pour 
conférer  avec  chacun  d'eux  séparément,  sur  leurs 
<;royance8  et  sur  les  actes  qu'ils  avaient  commis. 
Le  roi  témoigna  du  repentir  et  se  rétracta,  mab 

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M  LUTHUl.  53 

les  deux  autres  persistèrent  et  ne  s'avouèrent  cou* 
pables  en  rien...  Le  22  au  matin,  toutes  les  portes 
de  Munster  furent  fermées;  on  ne  laissa  plus 
entrer  ni  sortir,  et  vers  les  huit  heures,  le  roi, 
dépouillé  jusqu'à  la  ceinture,  fut  conduit  sur  un 
échafaud  dressé  dans  le  marché.  Deux  cents  fan» 
tassins  et  trois  cents  cavaliers  se  tenaient  auprès. 
L'affluence  du  peuple  était  extrême.  Il  fut  atta- 
ché à  un  poteau,  et  deux  bourreaux  le  déchiré* 
rent  tour-à-tour  avec  des  tenailles  ardentes.  Enfin 
Tnn  d'eux  lui  plong^ea  un  couteau  dans  la  poi- 
trine, et  termina  ainsi  l'exécution  qui  durait  de- 
puis une  heure. 

«  Aux  trois  premiers  coups  de  tenailles  le  roi 
ne  laissa  entendre  aucun  cri,  mais  après  il  s'écria 
sans  cesse,  les  yeux  tournés  au  ciel  :  0  mon 
Père,  ayez  ptiié  de  moil  et  il  pria  Dieu  avec  ar^ 
deur,  pour  la  rémission  de  ses  péchés.  Quand  il 
se  sentit  défaillir ,  il  dit  :  0  mon  Père ,  je  remeiê 
mou  esprit  entre  tes  mains!  et  il  expira.  » 

<  Le  cadavre  fut  jeté  sur  une  claie  et  trainé 
devant  la  tour  de  Saint-Lambert ,  où  étaient  pré- 
parés trois  paniers  de  fer.  Arrivé  là,  on  l'attacha 
avec  des  chaînes  dans  l'un  de  ces  paniers,  et  les 
paysans  le  hissèrent  au  haut  de  la  tour ,  où  il  fut 
suspendu  à  uu  crochet.  »  —  Le  supplice  de  Knip- 

6. 

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64  «iiiouiBt 

perdolling  et  de  Krechting  fut  le  même  que  celui 
du  roi.  Ils  persistèrent  jusqu'à  la  fin  dans  tout  ce 
qu'ils  avaient  dit.  c  Pendant  Fexécution  ils  n'in- 
Toquèrent  que  le  Père ,  sans  faire  mention  du 
Christ,  comme  c'était  Tiisage  de  leur  secte.  Ni 
l'un  ni  l'autre  ne  dit  rien  de  remarquable  :  peut- 
être  leur  silence  était^il  la  suite  des  tourmens 
qu'ils  avaient  endurés  dans  la  prison,  car  ils 
semblaient  déjà  plus  morts  que  vifs.  Leurs  corps 
furent  mis  dans  les  deux  autres  paniers  de  fer, 
et  hissés  par  les  paysans,  l'un  à  la  droite,  l'autre 
à  la  gauche  du  roi ,  mais  plus  bas  de  la  hauteur 
d'un  homme.  Alors  on  rouvrit  les  portes  de  la 
ville,  et  il  y  entra  une  grande  foule  de  gens 
venus  trop  tard  pour  voir  l'exécution.  » 

Préface  de  Luther  aux  Nouvelle$ ,  eut  le$  af 
fakesde  Munster,  <  Ah!  que  dois-je,  et  comment 
dois-je  écrire  contre  ou  sur  ces  pauvres  gens  de 
Munster!  N'est-il  pas  visible  que  le  diable  y  règne 
en  personne,  ou  plutôt  qu'il  y  a  là  toute  une  bande 
de  diables? 

>  Reconnaissons  pourtant  ici  la  grâce  et  la  mi- 
séricorde infinies  de  Dieu.  Après  que  TAUema- 
gne,  par  tant  de  blasphèmes,  parle  sang  de  tant 
d'innocens,  a  mérité  une  si  rude  férule,  le  père- 
de  toute  miséricorde  ne  permet  pas  encore  aa 

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diable  de  frapper  son  rrai  coup,  il  nous  avertit 
d'abord  paternellement  par  ce  jeu  ^oasîer  que 
Satan  fait  à  Munster.  La  puissance  de  Dieu  oon- 
traint  l'esprit  aux  cent  ruses  à  s'y  prendre  d'a- 
bord ayec  gaucherie  et  maladresse,  afin  de  nous 
laisser  le  temps  d'échapper  par  la  pénitence ,  aux 
coups  mieux  calculés  gu'il  nous  réservait.  » 

»  En  effet»  Tesprit  qui  veut  tromper  le  mond0 
né  doit  pas  commencer  par  prendre  des  femmes , 
par  étendre  la  main  vers  les  honneurs  et  le  glaive 
royal,  ou  bien  par  égorger  les  gens;  ceci  est  trop 
grossier.  Chacun  s'aperçoit  que  cet  esprit  ne  vent 
autre  chose  que  s'élever  lui-*méme  et  opprimer 
les  autres.  Ce  qu'il  faut  pour  tromper,  c'est  de 
mettre  un  habit  gris ,  de  prendre  un  air  triste  et 
piteux,  de  pencher  la  tête,  de  refuser  l'argent, 
de  ne  pas  manger  de  viande  ;  de  fuir  les  femmes 
à  l'égal  du  poison ,  de  repousser  comme  damna- 
ble  tout  pouvoir  temporel ,  de  rejeter  le  glaive^ 
puis  de  se  baisser  tout  doucement  vers  la  cou- 
ronne, le  glaive  et  les  clés,  pour  les  ramasser  et 
s'en  saisir  furtivement.  Yoilà  qui  pourrait  réus- 
sir ,  voilà  qui  tromperait  même  les  sages ,  les  hom- 
mes tournés  au  spirituel.  Ce  serait  là  un  beau 
diable ,  à  plumes  plus  belles  que  plumes  de  paon 
et  de  faisan. 


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66  MilIOlABS 

»  Mais  saiair  la  couronne  si  impudemment, 
prendre  non-seulement  une  femme ,  mais  autant 
de  femmes  que  dit  le  caprice  et  le  plaisir.  Ah  î 
c'est  le  fait  d'un  diablotin  écolier,  d'un  diable 
àFA  B  G;  ou  bien  c'est  le  véritable  Satan,  le 
Satan  docte  et  habile,  mais  garrotté  par  la  main 
de  Dieu  de  chaînes  si  puissantes  qu'il  n'a  pu  agir 
plus  adroitement/  C'est  pour  nous  menacer  tous 
et  nous  exhorter  à  craindre  ses  chatimens,  avant 
qu'il  ne  laisse  le  champ  libre  à  un  diable  savant 
qui  nous  attaquerait,  non  plus  avec  l'A  B  C, 
mais  avec  le  véritable  texte,  le  texte  difficile.  S'il 
lait  de  telles  choses  comme  diablotin  à  l'école, 
que  ne  pourrait-il  £aiire  comme  diable  raisonna- 
ble ,  sage ,  savant ,  légiste ,  théologien  ? 

»  ...  Lorsque  Dieu  est  en  colère  et  qu'il  nous 
prive  de  sa  parole,  nulle  tromperie  du  diable 
n'est  trop  grossière.  Les  commencemens  de  Ma- 
homet aussi  furent  grossiers  ;  cependant ,  Dieu 
n'y  mettant  obstacle ,  il  en  est  sorti  un  empire 
damnable  et  infâme,  comme  tout  le  monde  sait 
Si  Dieu  ne  nous  eût  pas  été  en  aide  contre  Mûn- 
xer,  il  se  fût  élevé  par  lui  un  empire  turc,  comme 
celui  de  Mahomet.  £n  somme  :  nulle  étincelle 
n'est  si  petite ,  que  Dieu  y  laissant  souffler  le  dia- 
ble, il  n'en  puisse  sortir  un  feu  qui  dévore  le 


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DB   LOTHBB.  67 

mondé ,  et  que  personne  n'éteigne.  La  meilleure 
arme  contre  le  diable  c'est  le  glaire  de  l'esprit, 
la  parole  de  Dieu;  le  diable  est  un  esprit  et 
il  se  moque  des  cuirasses,  des  chevaux  et  des  ca- 
valiers. 

»  Mais  nos  seigneurs  é?éques  et  princes  ne 
veulent  pas  souffrir  que  l'on  prêche  l'Évangile , 
et  que,  par  la  piarole  divine,  l'on  arrache  les 
âmes  au  diable;  ils  pensent  qu'ils  suffit  d'égorger. 
De  cette  manière  ils  prennent  au  diable  les  corps, 
ils  lui  laissent  les  âmes;  ils  réussiront  comme  les 
Juifs,  qui  croyaient  exterminer  Christ  en  le  cru- 
cifiant  

»  Ceux  de  Munster,  entre  autres  blasphè- 
mes, parlent  de  la  naissance  de  Jésus-Christ, 
comme  s'il  ne  venait  pas  (c'est  leur  langage)  de 
la  semence  de  Marie ,  et  que  cependant  il  fût  de 
la  semence  de  David.  Mais  ils  ne  s'expliquent  pas 
clairement.  Le  diable  garde  la  bouillie  ardente 
dans  la  bouche  et  ne  fait  que  grommeler  :  mum, 
mum ,  voulant  probablement  dire' pis.  Toutefois 
ce  que  l'on  comprend ,  c'est  que ,  d'après  eux , 
la  semence  ou  la  chair  de  Marie  ne  pourrait  pas 
nous  racheter.  £h  bien!  diable,  grommelé  et 
crache  tant  que  tu  voudras,  le  seul  petit  mot  :  né^ 
renverse  tout  cela.  Dans  toutes  les  langues,  sur 

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58  HiiioiiiES 

toute  la  terre,  on  appelle  né  Tenfant  de  cbairet 
de  sang  qui  sort  des  entrailles  de  la  femme,  et 
non  autre  chose.  Or  ,  l'Écriture  dit  partout  que 
Jésus-Christ  est  né  de  sa  mère  Marie,  qu'il  est  son 
fils  premier  né  :  ainsi  Isaîe ,  Gabriel ,  et  ail- 
leurs :  «  Tu  seras  enceinte  en  ton  corps ,  >  etc. 
Mon  cher,  être  enceinte  ne  signifie  pas:  être  un 
tuyau  par  lequel  il  coule  de  l'eau  (selon les  blas- 
phèmes de  Manichée)  ;  mais  cela  veut  dire  qu'un 
enfant  est  pris  de  la  chair  et  du  sang  de  sa  mère, 
qu'il  est  nourri  en  elle,  qu'il  y  prend  croissance, 
qu'il  est  à  la  fin  mis  au  monde. 

»  L'autre  proposition  de  ces  gens ,  celle  par  la- 
quelle ils  condamnent  le  baptême  des  enfans  et  en 
font  une  chose  païenne,  est  de  même  assez  gros- 
sière. Ils  regardent  comme  mauvais  tout  ce  que 
les  impies  ontetdonnent.Pourquoi  donc  alors  ne 
tiennent-ils  pas  pour  mauvais  l'or ,  l'argent  et  les 
autres  biens  qu'ils  ont  pris  aux  impies  dans  Mun- 
ster. Ils  devraient  faire  de  l'or  et  de  l'argent  tout 
neuf.... 

»  Leur  méchant  royaume  est  si  visiblement  un 
royaume  de  grossière  imposture  et  de  révolte , 
qu'il  n'est  pas  besoin  d*en  parler.  Ten  ai  déjà  trop 
dit:  Je  m'arrête.  > 


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DB   LVTHBa.  59 


CHAPITRE   III. 
1BS6— 1K46. 


Dernières  anaéet  de  la  vie  de  Luther.  —  Folygamie  du 
landgrave  de  Heeae,  etc. 


Les  catholiques  et  les  protestant  réunis  un 
instant  contre  les  anabaptistes,  n'en  furent  en- 
suite que  plus  ennemis.  On  parlait  toujours  d'un 
concile  général;  personne  n'en  voulait  sérieuse- 
ment. Le  pape  le  redoutait,  les  protestans  le  ré- 
cusaient d'avance. 

«  On  m'écrit  de  la  diète ,  que  l'empereur  presse 
les  nôtres  de  consentir  à  un  concile,  et  qu'il  se 
courrouce  de  leur  refus.  Je  necomprendspasces 
monstruosités.  Le  pape  nie  que  des  hérétiques 
comme  nous  puissent  avoir  plaoeà  un  concile:  l'Era- 


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60  hAuoiebs 

pereur  veut  que  nousconsentionsau  concile  età  ses 
décrets.  C'est  peut-étreDien  qui  les  rend  fous. . .  Biais 
Yoici  sans  doute  leur  folle  combinaison.  Comme 
jusqu'à  présent  ils  n'ont  pu ,  sous  le  nom  du  pape , 
de  l'Église,  de  l'Empereur,  des  diètes,  rendre 
redoutable  leur  mauvaise  cause ,  ils  pensent  main- 
tenant à  se-  couvrir  du  nom  de  concile  afin  de 
pouvoir  crier  contre  nous:  que  nous  sommes  des 
gens  tellement  perdus  et  désespérés  que  nous  ne 
voulons  écouter  ni  le  pape,  ni  l'Église,  ni  l'Em- 
pereur ,  ni  l'Empire,  ni  le  concile  même  que  nous 
avons  tant  de  fois  demandé.  Voyez  l'habileté  de 
Satan  contre  ce  pauvre  sot  de  Dieu,  qui  aura  sans 
doute  de  la  peine  à  se  tirer  de  pièges  si  bien 
dressés  ?....  Non,  c'est  !•  Seigneur  qui  se  jouera 
de  ceux  qui  se  jouent  de  lui.  S'il  nous  faut  consen- 
tir à  un  (;oncile  ainsi  disposé  pour  nous,  pour- 
quoi ,  il  y  a  vingt-cinq  ans,  ne  nous  sommes-nous 
pas  soumis  au  pape  ,  seigneur  des  conciles,  et  à 
toutes  ses  bulles?»  (9  juillet  15-4Ô.) 

Ce  concile  aurait  pu  resserrer  l'unité  de  la  hié- 
rarchie catholique,  mais  non  rétablir  celle  de 
l'Église.  Les  armes  devaient  seules  décider.  Déjà 
les  protestans  avaient  chassé  les  Autrichiens  du 
Wurtemberg.  Ils  dépouillaient  Henri  de  Bruns- 
wick, qui  exécutait  à  son  profit  les  arrêts  delà 


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DE    LVTHER.  6l 

chambre  impériale.  Ils  encourageaient  l'arche- 
Téque  de  Cologne  à  imiter  l'exemple  d'Albert  de 
Brandebourg ,  en  sécularisant  son  archevêché,  ce 
qui  leur  eût  donné  la  majorité  dans  le  conseil 
électoral.  Gependantil  y  eut  encore  quelques  ten- 
tatives de  conciliation.  Ses  conférences  s'ouvri- 
rent à  Worms  et  à  Ratisbonne  (1540 — 1541). 
Elles  furent  aussi  inutiles  que  celles  qui  les  avaient 
précédées.  Luther  ne  s'y  trouva  point  et  donna 
même  peu  d'attention  à  ces  disputes  qui  de  jour 
en  jour  prenaient  un  caractère  plus  politique 
que  religieux. 

<  Il  ne  m'est  rien  venu  de  Worms,  si  ce  n'est 
ce  que  m'écrit  Hélanchton ,  qu'il  s'y  est  réuni  une 
telle  multitude  de  doctes  personnages  de  France , 
d'Italie,  d'Espagne  et  d'Allemagne,  que  dans  au- 
cun synode  pontifical  on  n'en  pourra  jamais  voir 
nn  aussi  grand  nombre.  >  (27  novembre  1540.) 

«  J'ai  reçu  des  nouvelles  de  Worms.  Les  nô- 
tres procèdent  avec  force  et  sagesse ,  nos  adver- 
saires, comme  gens  sots  et  ineptes,  n'usent  que 
de  ruses  et  de  mensonges.  On  croirait  voir  Satan 
lui-même,  quand  se  lève  l'aurore,  courir  çà  et 
là  cherchant,  sans  pouvoir  trouver,  quelque 
sombre  repaire  pour  échapper  à  cette  lumière 
qui  le  poursuit.  »  (9  janvier  1541.) 

6 

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62  HÉUOItES 

Après  une  noarelle  conférence  de  théologiens 
des  deux  partis  on  voulat  avoir  l'opinion  de  Lut- 
ther  sur  dix  articles  dont  on  était  convenu,  t No- 
tre prince  apprenant  que  l'on  venait  directe- 
ment à  moi  sans  s^adresser  à  lui,  accourut  avec 
Pontanus ,  et  tous  deux  arrangèrent  la  réponse 
à  leur  &çon.  » 

Quelques  années  auparavant,  cette  interven- 
tion du  prince  aurait  soulevé  Findignation  de 
Luther.  Ici  il  en  parle  lans  colère ,  le  dégoût  et 
la  lassitude  commencent  à  s'emparer  de  lui.  Il 
voit  hien  qu'en  travaillant  à  rétablir  l'Évangile 
dans  sa  pureté  primitive ,  il  n'a  fait  que  fournir 
aux  puissans  du  siècle  les  moyens  de  satisfaire 
leurs  ambitions  terrestres,  et  qu'ils  font  chaque 
jour  bon  marché  de  son  Christ. 

t  Notre  excellent  prinoe  m'a  donné  à  lire  les 
conditions  qu'il  veut  proposer  pour  avoir  la  paix 
avec  l'Empereur  et  nos  adversaires.  Je  vois  qu'ils 
regardent  toute  cette  affaire  comme  une  comédie 
qui  se  joue  entre  eux ,  tandis  que  c'est  une  tra- 
gédie entre  Dieu  et  Satan ,  où  Satan  triomphe  et 
où  Dieu  est  humilié.  Mais  viendra  la  catastrophe 
où  le  Tout-Puissant,  auteur  de  cette  tragédie, 
nous  donnera  la  victoire.  Je  suis  indigné  qu'on 
se  joue  ainsi  de  si  grandes  choses.  »  (4  avrit  1541 .) 

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DB   tUTHEa.  03 

Nous  avons  vu  de  bonne  heure  dans  quelle 
triste  dépendance  la  Réforme  s'était  trouvée  à  l'é- 
gard des  princes  qui  la  protégeaient;  Luther  eut 
le  temps  de  voir  les  conséquences  où  cette 
dépendance  devait  aboutir.  Ces  princes,  c'é- 
taient des  hommes;  il  fallut  les  servir,  non-fieu- 
lement  comme  princes,  mais  comme  hommes, 
dans  leurs  caprices,  dans  les  besoins  de  leur  hu- 
manité. De  là  des  concessions  qui  sans  être  con- 
traires aux  principes  de  la  Réforme ,  semblèrent 
peu  honorables  aux  réformateurs. 

Le  chef  le  plus  belliqueux  du  parti  protestant, 
l'impétueux  et  colérique  landgrave  de  Hesse,  fit 
représenter  à  Luther  et  aux  ministres  que  sa 
santé  ne  lui  permettait  pas  de  se  contenter  d'une 
femme.  Les  instructions  qu'il  donna  à  Bucer 
pour  négocier  cette  a£&ire  avec  les  théologiens  de 
Wittemberg^  sont  un  curieux  mélange  de  sensua- 
lité ,  de  craintes  religieuses  et  de  naïveté  hardie. 

«  Depuis  mon  mariage,  écrit-il,  je  vis  dans 
l'adultère  et  la  fornication  ;  et  comme  je  ne  veux 
point  abandonner  cette  vie,  je  ne  puis  m'appro- 
cher  de  la  Sainte-Table;  car  saint  Paul  a  dit  que 
l'adultère  ne  possédera  pas  le  royaume  descieux.» 
U  énumère  ensuite  les  raisons  qui  le  forcent  à 
vivre  ainsi.  «  Ma  femme,  dit-il,  n'est  ni  belle, 

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64  HittOI&BS 

ni  aimable;  elle  sent  mauvais,  elle  boit,  et  mes 
cbambellans  savent  bien  comment  elle  se  com- 
porte alors ,  etc.  *  —  Je  suis  d'une  fbrte  corn- 
plexion,  les  médecins  peuvent  le  témoigner, 
souvent  je  vais  aux  diètes  impériales  «  Uhi  huiè 
vivUur  et  corpus  ouratur;  quomodo  me  ihi  gérera 
queam  absque  uxore ,  càm  non  sempermagnum 
gynœceum  mecum  ducere  possimf...  »  Comment 
pub-je  punir  la  fornication  et  les  autres  crimes, 
lorsque  moi-même  je  m'en  rends  coupable,  lors- 
que tous  pourraient  me  dire  :  Maître ,  commence 
par  toi...  Si  nous  prenions  les  armes  pour  la 
cause  de  rÉvangile,  je  ne  le  ferais  qu'ayec  une 
conscience  troublée,  car  je  me  dirais  :  Si  tu 
meurs  en  cette  guerre,  tu  vas  au  démon...  J^i  lu 
avec  soin  l'Ancien  et  le  Nouveau  Testament,  et 
je  n'y  ai  trouvé  d'autre  remède  que  de  prendre 
une  seconde  femme,  car  je  ne  puis,  ni  ne  veux 
changer  la  vie  que  je  mène.  Je  Tatteste  par-de- 
vant Dieu,  ce  qu'Abraham,  Jacob,  David,  La- 
mech  et  Salomon  ont  fait,  pourquoi  ne  le  puis-je 
faire?  »  Cette  question  de  la  polygamie  avait  été 
agitée  déjà  dans  les  premières  années  du  protes- 
tantisme; on  la  trouvait  partout  dans  l'Écriture 
à  laquelle  la  Réforme  disait  vouloir  ramener 
le  monde.  Les  réformateurs  considéraient  d'ail* 


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DB   LUTHIR.  65 

leurs  le  mariage  ut  res  politica,  et  sujette  aux 
réglemens  du  prîïice.  En  présence  de  cette  ques- 
tion, Luther  recula  d'abord;  la  chose  lui  répu- 
gnait .  mais  il  n*osait  condamner  l'Ancien  Testa- 
ment. D'ailleurs  la  doctrine  que  le  Landgrave  in- 
voquait y  était  précisément  celle  que  Luther  avait 
adoptée  ^i  principe  dès  les  commencemens  de  la 
Réforme,  quoiqu'il  ne  conseillât  pas  de  la  prati- 
quer; il  avait  écrit  en  1524  :  «  Il  faut  que  le  mari 
soit  certain  par  sa  propre  conscience  et  par  la 
parole  de  Dieu,  que  la  polygamie  lui  est  per- 
mise    Pour   moi,  j'avoue-  que  je  ne  puis 

mettre  d'opposition  à  ce  qu'on  épouse  plusieurs 
femmes ,  et  que  cela  ne  répugne  pas  à  l'Écriture 
sainte.  Cependant  je  ne  voudrais  pas  que  cet 
exemple  s'introduisît  parmi  les  chrétiens,  à  qui 
il  convient  de  s'abstenir  même  de  ce  qui  est  per- 
mis., pQur  éviter  le  scandale  et  pour  maintenir 
VhoMesiasqne  saint  Paul  exige  en  toute  occasion. 
Il  est  toutrà-fait  indigne  d'un  chrétien  de  courir 
avec  tant  d'ardeur  pour  son  propre  avantage  jus- 
qu'aux dernières  limites  de  la  liberté,  et  de  né- 
gliger pourtant  les  choses  les  plus  vulgaires  et 
les  plus  nécessaires  de  la  charité.  Aussi  je  n'ai 
point  voulu,  dans  mon  sermon,  ouvrir  cett» 
fenêtre.  »  (13  janvier  1324.) 

6. 

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66  ■JbiaiBft$ 

c  La  polygamie  permise  autrefois  aux  Juifii  et 
aux  gentils,  ne  peut,  d'après  la  foi,  exister  chez 
les  chrétiens  si  ce  n*est  dans  on  cas  d'absolae 
nécessité ,  comme  quand  on  est  obligé  de  se  sé- 
parer de  sa  femme  lépreuse,  etc.  Tu  diras  donc 
à  ces  hommes  de  chair  que  s'ils  veulent  être 
chrétienst,  il  leur  faut  maîtriser  la  chair  et  ne 
point  lui  lâcher  la  bride.  S'ils  veulent  être  gen- 
tils, quHls  le  soient,  mais  à  leurs  risques  et  périlka 
(21  mars  1527.) 

Un  jour  Luther  demanda  au  docteur  Basîlioa 
si,  d'après  les  lois,  le  mari  dont  la  femme  aurait 
quelque  maladie  incurable,  et  serait ,  pour  ainsi 
dire,  plus  morte  que  vivante,  pourrait  être  au- 
torisé à  prendre  une  concubine.  Le  docteur  Ba- 
silius  ayant  répondu  que  dans  certains  cas,  cette 
pesmission  serait  probablement  accordée,  Luther 
dit  :  «  C'est  là  une  chose  dangereuse,  ear  si  Ton 
admet  les  cas  de  maladie,  l'on  pourrait  venip<sha^ 
quejour  inventer  de  nouvelles  raisons  de  dissou- 
dre les  mariages.  «  (15â9.) 

Le  message  du  Landgrave  jeta  Luther  dans  un 
gqand  embarras.  Tout  ce  qu'il  y  avait  de  théolo^ 
giens  protestana  à  Wittemberg  se  réunit  pour 
dresser  une  réponse  ;  on  résolut  de  composer 
avec  ce  prince.  On  lui  acoorda  le  double  mariage, 

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DE   iVTBEA.  07 

mais  à  condition  que  sa  seconde  femme  ne  serait 
point  reconnue  publiquement.  «  Votre  Altesse 
comprend  assez  d'elle-mém«  la  différence  qu'il  y 
a  d'établir  une  loi  universelle  ou  d'user  de  dis- 
pense en  un  cas  particulier  pour  de  pressantes 
raisons.  Nous  ne  pouTons  introduire  publique^ 
nouent  et  sanctionner  comme  par  une  loi  la  per- 
misnon  d'épouser  plusieurs  femmes...  Nous 
prions  Votre  Altesse  de  considérer  dans  quel 
danger  serait  un  homme  convaincu  d'avoir  in- 
troduit en  Allemagne  une  telle  loi,  qui  divise- 
rait les  familles  et  les  engagerait  en  des  procès 

éternels Votre  Altesse  est  d'une  complexion 

iisâble^  elle  dort  peu;  de  grands  ménagemenslui 
so«t  nécessaires...  Le  grand  Scanderbeg  exhor- 
tait souvent  ses  soldats  à  la  chasteté,  disant  qu'il 
a'y  avait  rien  de  si  nuisible  à  leur  profession  que 
le  plaisir  de  l'amour...  Qu'il  plaise  donc  à  Votre 
Altesse  d'examiner  sérieusement  les  considéra- 
tions du  scandale,  des  travaux,  des  soins,  des 
chagrins  et  des  infirmités  qui  lui  ont  été  représen- 
tées... si  cependant  Votre  Altesse  est  entièrement 
résolue  d'épouser  une  seconde  femme,  nous 
jugeons  qu'elle  doit  le  faire  secrètement...  Fait 
à  Wittember^,  après  la  fête  de  saint  Nicolas, 
de  l'an  iâS9.  Ibfftin  Lvnm,  Philippe  MiOéiiiQa* 

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68  MiMOIAES 

TON,  Martin  Buceh,  Antoine  Gorv»,  Adam,  Jean* 
Leri56,  Justin  WiifTFERT,  Dyonisius  Melauthek.  » 

C'était  une  chose  dure  que  de  forcer  Luther 
qui ,  comme  théologien  et  père  de  famille ,  tenait 
à  la  sainteté  du  maria g;e ,  de  déclarer  qu'en  vertu 
de  l'Ancien  Testament ,  deux  femmes  pouvaient 
s'asseoir  avec  leurs  jalousies  et  leurs  haines  ai» 
même  foyer  domestique.  Cette  croix ,  il  la  sentit 
douloureusement.  «  Quant  à  l'affaire  macédoni- 
que,  ne  t'en  afflige  pas  trop,  puisque  les  choses 
en  sont  venues  au  point  que  ni  joie  ni  tristesse  n'y 
peuvent  rien.  Pourquoi  nous  tuer  nous-mêmes  ? 
pourquoi  souffrir  que  la  tristesse  nous  été  la 
pensée  de  celui  qui  a  vaincu  toutes  les  morts  et 
toutes  les  tristesses  ?  Celui  quia  vaincu  le  diable  et 
jugé  le  prince  de  ce  monde,  n'a-t-il  pas  en  même 
temps  jugé  et  vaincu  ce  scandale  ?...  A  leurs  yeux, 
nos  vertus  sont  des  vices  quand  nous  n'adorons 
point  Satan  avec  eux.  Que  Satan  triomphe  donc, 
et  n'en  concevons  ni  chagrin,  ni  tristesse;  mais 
réjouissons- nous  en  Christ,  qui  brisera  les  ef« 
forts  de  tous  nos  ennemis.  *  (18  juin  15-40). 

Il  me  semble  qu'il  ait  espéré,  pour  éviter  oe 
scandale,  l'intervention  de  l'Empereur. 

'  «  Si  César  et  l'Empire  le  voulaient,  comme  ils 
seront  forcés  de  le  vouloir,  ils  feraient  bientôt 

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Dl    LUTHBE.  60 

cesser  par  un  édit  ce  scandale ,  afin  que  cela  ne 
puisse  deyenir  pour  l'arenir  un  droit  ou  un 
exemple.  » 

Depuis  cette  époque,  les  lettres  de  Luther, 
comme  celles  de  Mélanchton,  sont  pleines  de 
dégoût  et  de  tristesse. 

Quelqu'un  demandant  à  Luther  de  l'appuyer 
par  une  lettre  près  de  la  cour  de  Dresde,  Luther 
lui  répond  qu'il  a  perdu  tout  crédit,  toute  in- 
fluence. Dans  les  lettres  précédentes,  il  se  trouve 
parfois  des  expressions  amères  contre  cette  cour. 
Mundana  illa  caula, 

«  J'assisterai  à  tes  noces,  mon  cher  Lauter- 
bach ,  mais  en  esprit  et  par  la  prière.  Car  que  j'y 
aille  de  corps ,  ce  n'est  pas  seulement  la  multitude 
des  affaires  qui  m'en  empêche ,  mais  le  danger 
d'offenser  ces  mamelucks  et  la  reine  de  ce  royaume 
(  la  duchesse  Catherine  de  Saxe?);  car  qui  n'est 
offensé  de  la  folie  de  Luther?» 

•  Tu  me  demandes,  mon  cher  Jonas,  de  t'é* 
crire  de  temps  à  autre  quelques  mots  de  conso- 
lation. Mais  c'est  moi  plus  que  personne  qui  ai 
besoin  que  tes  lettres  viennent  rendre  quelque 
Tie  à  mon  esprit ,  moi  qui  comme  Loth  ai  tant  à 
souffrir  au  milieu  de  cette  infâme  et  satanique 
ingratitude,  de  cet  horrible  mépris  de  la  parole. 

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70  HiMOlBXa 

du  Seigneur.  Il  faut  que  je  voie  Satan  pcaséder 
les  cœurs  de  ceux  qui  croient  qu'à  eux  seul^  aont 
réservées  les  premières  places  dans  le  royaume 
de  Christ!» 

Les  protestans  commençaient  déjà  à  se  reli- 
cher  de  leur  sévérité.  On  rouvrait  les  raaisona 
de  débauches.  Il  vaudrait  mieux,  dit  Luther, 
ne  pas  avoir  chassé  Satan  que  de  le  ramener  en 
plus  grande  force.  (  IS  septembre  1540.  ) 

«  Le  pape ,  TËmpereur,  le  Français,  Ferdinand, 
ont  envoyé  auprèt  du  Turc,  pour  demander  la 
paix,  une  ambassade  magnifique  chargée  de  riches 
présens.  Et  ce  qu'il  y  a  de  plus  beau,  c'est  que 
pour  ne  pas  blesser  les  yeux  des  Turcs ,  ils  ont 
tous  quitté  le  costume  de  leur  pays ,  et  se  sont  pa- 
rés de  longues  robes  à  la  mode  turque...  J'espère 
que  .ce  sont  les  signes  bienheureux  de  la  fin  im- 
minente de  toutes  choses.  »  (17  juillet  1545.) 

A  Jonas.  «  Je  te  dis  à  l'oreUle  que  j'ai  de 
grands  soupçons  qu'on  nous  enverra  seuls , 
nous  autres  luthériens,  à  la  guerre  contre  le 
Turc.  Le  roi  Ferdinand  a  enlevé  de  Bohême  l'ar^ 
gent  de  la  guerre,  et  a  défendu  qu'on  fît  partir 
un  seul  soldat.  L'Empereur  ne  &itrien.  El  si  c'é- 
tait leur  dessein  que  nous  fussions  exterminés 
par  le  Turc  ?  »  (S9  décembre  1543.) 


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DB   LUTHER.  71 

*  Bien  de  nouveau  ici ,  sinon  que  le  margraye 
de  Brandebourg  se  fait  une  mauvaise  réputation 
par  tout  le  monde  au  sujet  de  la  guerre  de  Bon* 
grie.  Ferdinand  n'en  a  pas  une  meilleure.  Je  Tois 
un  concours  de  tant  de  motifs  et  de  très  vrai- 
semblables f  que  je  ne  puis  m'empêcher  de  croire 
que  tout  cela  indique  une  horrible  et  funeste 
trahison.  »  (28  janvier  1542.) 

t  Je  le  demande,  qu'arrivera-t-il  enfin  de 
cette  horrible  trahison  des  princes  et  des  rois?  • 
(16  décembre  1543.) 

t  Puisse  Dieu  nous  venger  des  incendiaires 
(presque  tous  les  mois  il  parle  d'incendies  qui  ont 
lieu  à  Wittemberg)  !  Satan  a  trouvé  un  nouveau 
moyen  de  nous  tuer.  On  jette  du  poison  dans  le 
vin ,  du  plâtre  dans  le  lait.  A  léna ,  douze  peiv 
sonnes  ont  été  empoisonnées  dans  du  vin.  Peut- 
être  sont-elles  mortes  seulement  pour  avoir  trop 
bu.  Cependant  on  assure  qu'à  Magdebourg  et  à 
Northuse,  on  a  trouvé  des  marchands  vendant  dn 
lait  empoisonné.  »  (avril  1541.)  Dans  une  des 
lettres  suivantes,  il  fait  mention  d'une  histoire 
d'hosties  empoisonnées.  —  A  Amsdorf ,  à  l'occa- 
sion de  la  peste  de  Magdebourg.  «  Ce  que  tu  me 
mandes  de  la  frayeur  que  Ton  a  aujourd'hui  de  la 
peste,  j'en  ai  fait  aussi  l'épreuve  il  y  a  quelques 

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72  MinoiBBS 

années;  et  je  m'étonne  de  voir  que,  plusse  ré- 
pand la  prédication  de  la  vie  en  Jésus-Christ,  plus 
augmente  dans  le  peuple  la  peur  de  la  mort,  soit 
qu'auparavant,  sous  le  règne  du  pape,  un  faux 
espoir  de  vie  diminuât  pour  eux  la  crainte  de  la 
mort,  et  que  maintenant  la  véritable  espérance 
de  vie  étant  mise  devant  leurs  yeux  ^  ils  sentent 
combien  la  nature  est  faible  pour  croire  au  vain- 
queur de  la  mort,  soit  que  Dieu  nous  tente  par 
ces  faiblesses  et  laisse  prendre  à  Satan,  au  milieu 
de  cette  frayeur,  plus  de  hardiesse  et  de  force. 
Tant  que  nous  avons  vécu  dans  la  foi  du  pape, 
nous  étions  comme  des  gens  ivres ,  endormis  ou 
fous,  prenant  la  mort  pour  la  vie,  c'est-à-dire 
ignorant  ce  que  c'est  que  la  mort  et  la  colère  de 
Dieu.  Maintenant  que  la  lumière  a  brillé  et  que 
la  colère  de  .Dieu  nous  est  mieux  connue,  la  na- 
ture est  sortie  du  sommeil  et  de  la  folie.  De  là 
vient  qu'ils  ont  plus  de  peur  qu'autrefois...  J'a- 
joute et  j'applique  ici  ce  passage  du  psaume  LXXI: 
Ne  me  rejetez  pas  dans  le  temps  de  ma  vieillesse; 
lorsque  ma  force  succombera ,  ne  m'abandonnes 
pas.  Car  je  pense  que  ce  temps  suprême  est  la 
yieillesse  du  Christ  et  le  temps  de  l'abattement, 
c'est-à-dire  que  c'est  le  grand  et  dernier  assaut 
du   diable,    comme   David,   dans  ses  derniers 


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DB  LUTHBB.  78 

jours,  a&ibli  par  l'âge,  eût  été  tué  par  le  géant, 
si  Abisaî  ne  fût  venu  à  son  aide...  J'ai  appris 
presque  toute  cette  année  à  chanter  avec  saint 
Paul  :  Quasi  mortui  et  ecce  vivimus.  Et  ailleurs  : 
Peu  gloriam  vestram  quotidiè  morior,  £t  quand  il 
dit  aux  Corinthiens,  In  moriibus  fréquenter ^  ce 
n'a  pas  .été  chez  lui  spéculation  ou  méditation  sur 
la  mort,  mais  sentiment  de  la  mort  elle-même, 
comme  s'il  n'y  avait  plus  d'espérance  de  vie.  » 
(20  novembre  1538.) 

«  J'espère  qu'au  milieu  du  déchirement  du 
monde,  le  Christ  va  hâter  son  jour  et  fera  écrou- 
ler l'univers,  Vt  fractus  illabatur  orbis,  »  (12 fé- 
vrier 1588.) 


Ton  n.  1 

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74  MÉHOIRIS 


LIVRE  QUATRIÈME. 

1880— ltS46. 
CHAPITRE  PREMIER. 


CoATcrsations  de  Luther,  -i-  L>  famille,  U  femme ,  les 
enfans.  La  nature. 


Arrètoiu-nous  dans  cette  triste  histoire  des 
dernières  années  de  la  vie  publique.  Réfugions- 
nous  ,  comme  Luther ,  dans  la  vie  privée  ;  asseyons- 
nous  à  sa  table,  à  côté  de  sa  femme ,  au  milieu  de 
ses  enfans  et  de  ses  amis  ;  écoutons  les  paroles 
graves  du  pieux  et  tendre  père  de  famille. 

«  Celui  qui  insulte  les  prédicateurs  et  les  fem- 
mes ne  réussira  pas  bien.  C'est  des  femmes  que 

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!>■  LVTBBft.  75 

Tiennent  let  enfans  par  quoi  se  maintient  le  gou- 
Ternement  de  la  famille  et  de  l'état.  Qui  les  mé- 
prise, méprise  Dieu  et  les  hommes. 

9  Le  droit  saxon  est  trop  dur,  lorsqu'il  donne 
seulement  à  la  yeure  un  siège  et  une  quenouille. 
Par  le  premier  mot,  il  &ut  entendre  la  mai- 
son, par  le  second,  l'entretien,  la  subsistance. 
On  paie  bien  un  valet.  Que  dis-je  ?  on  donne  plus 
à  un  mendiant. 

9  II  n'y  a  point  de  doute  que  les  femmes  en 
mal  d'enfant ,  qui  meurent  dans  la  foi ,  sont  sau- 
yées,  parce  qu'elles  meurent  dans  la  charge  et  la 
fonction  pour  laquelle  Dieu  les  a  créées. 

»  C'est  l'usage  dans  les  Pays-Bas,  que  chaque 
nouveau  et  jeune  prêtre  se  choisisse  une  petite 
fille  qu'il  tient  pour  sa  fiancée,  et  cela ,  pour  ho- 
norer le  saint  état  du  mariage.  » 

On  disait  à  Luther:  Si  un  prédicateur  chré- 
tien doit  souffrir  la  prison  et  la  persécution  pour 
l'amour  de  la  parole,  ne  doit-il  pas,  à  plus  forte 
raison ,  se  passer  du  mariage  ?  Il  répondit  à  cela  : 
«  Il  est  plus  facile  de  supporter  la  prison  que  de 
bi'ûler  :  je  l'ai  éprouvé  moi-même.  Plus  je  ma- 
cérais mon  corps ,  plus  je  tâchais  de  le  dompter, 
«t  plus  je  brûlais.  Quand  on  aurait  le  don  de 
rester  chaste  dans  le  célibat,  on  doit  encore  se 


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76  vinoiaBS 

marier  pour  &ire  dépit  au  pape...  6î  j^étais  mort 
à  Fimproviste,  j'aurais  voulu  pour  honorer  le 
mariage ,  faire  Tenir  à  mon  lit  de  mort  une  pieuse 
fille  que  j'aurais  prise  comme  épouse,  et  à  la- 
quelle j'aurais  donné  deux  gobelets  d'argent  pour 
don  de  noces  et  présent  de  lendemain  (morgen- 
gabe).  > 

Lettre  à  un  ami  qui  lui  demande  conseil  pour  se 
marier  :  «  Si  tu  brûles,  il  faut  prendre  femme... 
Tu  voudrais  bien  en  avoir  une,  belle,  pieuse  et 
riche.  Très  bien,  mon  cher;  on  t'en  donnera  une 
en  peinture,  avec  des  joues  roses  et  des  jambes 
blanches.  Ce  sont  aussi  les  plus  pieuses;  mais 
elles  ne  valent  rien  pour  la  cuisine  ni  pour  le 
lit...  Se  lever  de  bonne  heure  et  se  marier  jeune, 
personne  ne  s'en  repentira. 

•  Il  n'est  guère  plus  possible  de  se  passer  de 
femme  que  de  boire  ou  de  manger.  Conçu, 
nourri,  porté  dans  le  corps  des  femmes,  notre 
chair  est  à  elles  dans  sa  plus  grande  partie ,  et  il 
nous  est  impossible  de  nous  en  séparer  tout-à* 
fait. 

■  Si  j'avais  voulu  faire  l'amour,  il  y  a  treize 
ans,  j'aurais  pris  Ave  Schonfeldin,  qui  est  au- 
jourd'hui au  docteur  BasiliuB,  le  médecin  de 
Prusse.  J%  n'aimais  pas  alors  ma  Catherine;  je 


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DB  ttJTRKm.  77 

la  soupçonnais  d'être  fière  et  hautaine;  mab  il  a 
plu  ainsi  àBieu;  il  a  voulu  que  j'eusse  pitié  d'elle, 
et  cela  m'a  fort  bien  tourné;  Bieu  soit  loué! 

•  La  plus  grande  grâce  de  Bieu  est  d'avoir  un 
bon  et  pieux  époux ,  avec  qui  vous  viviez  en  paix , 
à  qui  vous  puissiez  confier  tout  ce  que  vous  avez , 
même  votre  corps  et  votre  vie,  et  avec  qui  vous 
ayez  de  petits  enians.  Catherine ,  tu  as  un  homme 
pieux  qui  t'aime ,  tu  es  une  impératrice.  Grâce 
sçit  rendue  à  Bieu!  » 

Quelqu'un  excusait  ceux  qui  courent  après  les 
filles,  le  docteur  Luther  répondit  :  «  Qu'ils  sa- 
chent que  c'est  mépriser  le  sexe  féminin.  Ils  abu- 
sent des  femmes  qui  n'ont  pas  été  créées  pour 
cela.  C'est  une  grande  chose  qu'une  jeune  fille 
puisse  toujours  être  aimée  ;  le  diable  le  permet 
rarement...  £lle  disait  bien,  mon  hôtesse  d'£i- 
senach,  quand  j'y  étais  aux  écoles  ;  //  n'est  sur 
terre  chose  plus  douce  que  (T  être  aimé  cPune  femme,» 

«  Au  jour  dfi  la  Saint-Martin ,  anniversaire  de 
la  naissance  du  docteur  Martin  Luther ,  maître 
Ambrosius  Brend  vint  lui  demander  sa  nièce... 
Un  jour  qu'il  les  surprit  dans  un  entretien  secret, 
il  se  mit  à  rire,  et  dit  ;  «  Je  ne  m'étonne  pas 
qu'un  fiancé  ait  tant  à  dire  à  sa  fiancée,  pour- 
raient-ils se  lasser  jamais  ?  Mais  on  ne  doit  point 

7. 

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78  siaoïmBS 

les  géoer;  ils  ont  privilège  psr  dessus  Droit  et 
Gontume.  •  —  En  la  lui  accordant,  il  dit  ces  pa- 
roles :  «  Monsieur  et  cher  arai,  je  vous  présente 
cette  jeune  fille  telle  que  Dieu  me  l'a  donnée 
dans  sa  bonté.  Je  la  remets  entre  vos  mains; 
Dieu  TOUS  bénisse,  de  sorte  que  votre  union  soit 
sainte  et  heureuse!  » 

Le  docteur  Martin  Luther  était  à  la  noce  de 
la  fille  de  Jean  LuffLe.  Après  le  souper,  il  con- 
duisit la  mariée  au  lit ,  et  dit  à  l'époux  ,  que  d'a- 
près le  commun  usage  il  devait  être  le  maître 
dans  la  maison...  quand  la  femme  n'y  était  pas: 
et  pour  signe ,  il  ôta  un  soulier  à  l'époux  et  le  mit 
sur  le  ciel  du  lit ,  afin  qu'il  prit  ainsi  la  domina- 
tion et  le  gouvernement. 

«  Fais  comme  moi,  cher  compagnon,  quand  je 
voulus  prendre  ma  Gathrine,  je  priai  notre  Sei- 
gneur ,  mais  je  priai  sérieusement.  Fais-en  autant , 
tu  n'as  pas  encore  sénensement  prié.  » 

En  1541 ,  Lnther  fut  un  jour  extrêmement  gai 
et  enjoué  à  table.  «  Ne  vous  scandalisez  pas  de  me 
voir  den  bonne  humeur,  dit-il  à  ses  amis,  j'û 
reçu  aujourd'hui  beaucoup  de  mauvaises  nou- 
velles et  je  viens  de  lire  une  lettre  très  violente 
contre  moi.  Nos  afiËiires  vont  bien,  puisque  le  dia- 
ble tempête  si  fort.  > 

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DB  LUTHBE.  79 

Il  riait  du  barardage  de  sa  femme ,  et  loi  de- 
mandait si ,  avant  de  préclier  si  bien ,  elle  avait 
dit  un  Pater.  Si  elle  Feut  fait ,  Dieu  lui  aurait  sans 
doute  défendu  de  prêcher. 

«Si  je  devais  encore  &ire  Tamour,  je  vou- 
drais me  tailler  dans  la  pierre  nue  (bmme  obéis- 
sante ;  sans  cela  je  désespè  re  d'en  trouver. 

>  La  première  année  du  mariage,  Ton  a  d'é- 
tnmges  pensées.  Si  on  est  à  table,  on  se  dit  :  Au- 
paravant tu  étais  seul  ;  aujourd'hui  tu  es  à  deux 
(Selhander),  Au  lit,  si  l'on  s'éveille,  on  voit  une 
autre  tète  à  côté  de  soi.  Dans  la  première  année, 
ma  Catherine  se  tenait  assise  a  côté  de  moi  quand 
j'étudiais,  et  comme  elle  ne  savait  que  dire, 
elle  me  demandait  ;  «  Seigneur  docteur,  en 
Prusse,  le  maitre-d'hôtel  n'est-il  pas  frère  du 
margrave?» 

9  II  ne  faut  pas  mettre  d'intervalle  entre  les 
fiançailles  et  les  noces...  Les  amis  mettent  des 
obstacles,  comme  il  m'est  arrivé  avec  maitre 
Philippe  et  pour  le  mariage  d'Eisleben  (Agrioola), 
Tous  mes  meilleurs  amis  criaient  :  Point  celle-là , 
mais  une  autre.» 

Lucas  Granach  l'aîné  avait  fait  le  portrait  de 
la  femme  de  Luther.  Lorsque  le  tableau  fut  su»* 
pendu  à  la  muraille  et  que  le  docteur  le  vit:  «Je 

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80  BtuoiaBB 

veux,  dit-il,  faire  peindre  aussi  un  homme,  en- 
Toyer  à  Mantoue  les  deux  portraits  pour  le  con- 
cile ,  et  demander  aux  saints  pères  s'ils  n'aime- 
raient pas  mieux  l'état  du  mariage,  que  le  céli- 
bat des  ecclésiastiques.  • 

«...Un  signe  certain  que  Dieu  est  ennemi  de  la 
papauté,  c'est  qu'il  lui  a  refusé  cette  bénédiction 
du  fruit  corporel  (la  génération  desenfans...). 

«  Quand  Eve  fut  amenée  devant  Adam,  il  de- 
vînt plein  du  Saint-Esprit  et  lui  donna  le  plus 
beau ,  le  plus  glorieux  des  noms;  il  l'appela  Eva, 
c'est-à-dire  la  mère  de  tous  les  vivans;  il  ne 
l'appela  point  sa  femme,  mais  la  mère,  la  mère 
de  tous  les  vîvans.  C'est  là  la  gloire  et  l'orne- 
ment le  plus  précieux  de  la  femme  :  elle  est 
Fons  omnium  viventium,  la  source  de  toute  vie 
humaine.  Cette  parole  est  brève  ^  mais  ni  Bémos- 
thènes  ni  Cicéron  n'aurait  pu  dire  ainsi.  C'est 
le  Saint-Esprit  lui-même  qui  parle  ici  par  notre 
premier  père,  et  comme  il  a  fait  un  si  noble 
éloge  du  mariage,  il  est  juste  que  nous  couvrions 
et  cachions  ce  qu'il  y  a  de  fragile  dans  la  femme. 
Jésus-Christ ,  le  fils  de  Dieu ,  n'a  pas  non  plus 
méprisé  le  mariage;  il  est  lui-même  né  d'une 
femme ,  ce  qui  est  un  grand  éloge  du  mariage.  « 
«  On  trouve  l'image  du  mariage  dans  toutes 

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DB  lUTHSa.  81 

les  créature»,  non-seulement  dans  les  animaux 
de  la  terre,  de  Tair  et  des  eaux,  mais  encore 
dans  les  arbres  et  les  pierres.  Tout  le  monde  sait 
qu'il  est  des  arbres^  tels  que  le  pommier  et  le 
poirier,  qui  sont  comme  mari  et  femme,  qui  se 
demandent  réciproquement,  et  qui  prospèrent 
mieux  quand  ils  sont  plantés  ensemble.  Parmi 
les  pierres  on  remarque  la  même  chose ,  surtout 
dans  les  pierres  précieuses ,  le  corail ,  Fémeraude 
et  autres.  Le  ciel  est  aussi  le  mari  de  la  terre.  Il 
la  vivifie  par  la  chaleur  du  soleil ,  la  pluie  et  le 
vent,  et  lui  fait  ainsi  porter  toutes  sortes  de 
plantes  et  de  fruits.  > 

Les  petits  enfans  du  docteur  se  tenaient  de- 
bout devant  la  table ,  en  regardant  avec  bien  de 
Tattention  les  pêches  qui  étaient  servies;  le  doc- 
teur se  mit  à  dire  :  <  Qui  veut  voir  l'image 
d'une  âme  qui  jouit  dans  l'espérance ,  la  trouvera 
bien  ici.  Ah  I  si  nous  pouvions  attendre  avec  au- 
tant de  joie  la  vie  à  venir  !  t 

On  amena  au  docteur  sa  petite  fille  Magda- 
lena,  pour  qu'elle  chantât  à  son  cousin  le  chant 
qui  commence  ainsi  :  Le  pape  invoque  l'Empereur 
et  les  rois,  etc.  Mais  elle  ne  le  voulut  point, 
quoique  sa  mère  l'en  priât  fort.  Le  docteur  dit  à 
ce  sujet  :  «  Rien  de  bien  par  force.  Sans  la  grâce , 

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82  mImoibis 

il  ne  résulte  rien  de  bon  des  œuvres  de  la  loi.  • 

«  Servez  le  Seigneur  avec  craûUe  et  réjou4$ses^ 
vauê  avec  tremblement.  Il  n'y  a  pas  là ,  pour  moi, 
de  contradiction.  C'est  ce  que  mon  petit  Jean  ûiit 
à  regard  de  son  père.  Maïs  je  ne  puis  en  £aire 
autant  à  l'égard  de  Dieu.  Si  je  suis  à  ma  table, 
et  que  j'écrive  ou  que  je  fasse  autre  chose,  Jean 
me  chante  une  petite  chanson;  s'il  chante  trop 
hai|t  et  que  je  Tavertisse,  il  continue,  mais  en 
lui-même  et  avec  quelque  crainte.  Dieu  veut  aussi 
que  nous  soyons  toujours  gais,  mais  d'une  gaité 
mêlée  de  crainte  et  de  réserve.  > 

Au  premier  jour  de  l'an,  un  petit  enlant  du 
docteur  pleurait  et  oriait ,  au  point  que  personne 
ne  pouvait  le  calmer  :  le  docteur  avec  sa  lemme 
en  fut  triste  et  chagriné  une  grande  heure,  en- 
suite il  dit  :  «  Tels  sont  les  désagrémens  et  les 
charges  du  mariage...  C'est  pour  cela  qu'aucun 
des  Pères  n*a  rien  écrit  de  remarquablement  bon 
à  ce  sujet.  Jérôme  a  parlé  assez  salement,  je 
dirais  presque  anti -chrétiennement,  du  ,ma- 
riage,  etc.  Au  contraire  saint  Augustin...  » 

Après  qu'il  eut  joué  avec  sa  petite  Itagda- 
lena,  sa  femme  lui  donna  le  plus  jeune  de  ses 
en&ns,  et  il  dit  c  Je  voudrais  être  mort  à  l'âge  de 
cet  enfant  ;  j 'aurais  bien  renoncé  à  tout  l'honnettr 

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DB   LUTHEA.  83 

que  j'ai  et  que  je  puii  obtenir  encore  en  ce 
monde.  •  £t  comme  l'enfisint  l'eut  sali ,  il  dit  :  • 
Oh!  combien  notre  Seigneur  doit  en  souffrir  de 
nous  plus  qu'une  mère  de  son  enfant!  i 

Il  disait  à  son  petit  enfant  :  «  Tu  es  l'innocent 
petit  fou  de  notre  Seigneur ,  sous  la  grâce  et  non 
sous  la  loi.  Tu  es  sans  crainte,  sans  inquiétude  ; 
tout  ce  que  tu  fais  est  bien  fait.  » 

»  Les  enfiinssont  les  plus  heureux.  Nous  autres 
Tieux  fous  nous  nous  tourmentons  et  nous  affli- 
geons par  nos  éternelles  disputes  sur  la  parole. 
(c  Est-ce  yrai  ?  Est-ce  possible  ?  Comment  est  -  ce 
possible?  »  nous  demandons-nous  sans  cesse... 
Les  enfans ,  dans  la  simplicité  et  la  pureté  de  leur 
foi ,  ont  la  certitude  et  ne  doutent  en  rien  de  ce 
qui  fait  leur  salut»..  Pour  être  sauvé,  nous  devons, 
à  leur  exemple ,  nous  en  remettre  à  la  simple  pa- 
role. Maïs  le  diable,  pour  nous  empêcher ,  nous 
jette  sans  cesse  quelque  chose  en  travers.  C'est 
pourquoi  le  mieux  c'est  de  mourir  sans  différer  et 
de  nous  en  aller  vite  sous  terre. 

Une  autre  fois  que  son  petit  enfant  Martin  pre- 
nait le  sein  de  sa  mère,  le  docteur  dit  :  «  Cet  en- 
fant ,  et  tout  ce  qui  m'appartient,  est  haï  du  pape 
et  du  4uc  George,  ha!  de  leurs  partisans^  haï 
des  diables.  Cependant  tous  ces  ennemis  n'inquié- 

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84  vtuoiaa^ 

tant  guère  le  cher  enfant,  il  ne  s'inquiète  pas  de 
ce  que  tant  et  de  si  puisse ns  seigneurs  lui  en  veu- 
lent ,  il  suce  gaiment  la  mamelle ,  regarde  autour 
de  lui  en  riant  tout  haut,  et  les  laisse  gronder  tant 
qu'ils  veulent, 

Comme  maître  Spalatin  et  maître  Lenhart  Beier , 
pasteur  de  Zwickaw,  étaient  chez  le  docteur 
Martin  Luther ,  il-  jouait  bonnement  avec  son  pe- 
tit enfant  Martin^  qui  babillait  et  caressait  tendre- 
ment sa  poupée.  Le  docteur  dit  :  «  Telles  étaient 
nos  pensées  dans  le  Paradis;  simples  et  naïves, 
innocentes,  sans  méchanceté  ni  hypocrisie;  nous 
eussions  été  véritablement  comme  cet  enfant 
quand  il  parle  de  Dieu  et  qu'il  en  est  si  sûr.  > 

«  Quels  ont  dû  être  les  sentimens  d'Abraham, 
lorsqu'il  a  consenti  à  sacrifier  et  égorger  son  fils 
unique  ?  Il  n'en  aura  rien  dit  à  Sara.  La  chose 
lui  eût  trop  coûté.  Vraiment ,  je  disputerais  avec 
Bieu,  s'il  m'imposait  et  m'ordonnait  une  telle 
chose.  •  Alors  la  femme  du  docteur  prit  la  pa- 
role et  dit  :  t  Je  ne  puis  croire  que  Bieu  demande 
à  personne  qu'il  égorge  son  enfant.  » 

t  Ah ,  combien  mon  cœur  soupirait  après  les 
miens ,  lorsque  j'étais  malade  à  la  mort  dans  mon 
séjour  à  Smalkalde.  Je  croyais  que  je  ne  rever- 
rais plus  ma  femme  ni  mes  petits  enfans;  que 

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DB  LUTBC&.  85 

cette  séparation  me  faisait  de  mal!...  Il  n'est  per- 
sonne assez  dégagé  de  la  chair  pour  ne  pas  sen- 
tir ce  penchant  de  la  nature.  G*est  une  grande 
chose  que  le  lien  et  la  société  qui  unissent  Fhommp 
et  la  femme!  » 

Il  est  touchant  de  voir  comme  tout  ramenait 
Luther  à  des  réflexions  pieuses  sur  la  bonté  de 
Dieu,  sur  l'état  de  Thomme  avant  sa  chute,  sur 
la  yie  h  venir,  Ainsi  une  belle  branche  chargée 
de  cerises  que  le  docteur  Jonas  met  sur  table ,  la 
joie  de  sa  femme  qui  sert  des  poissons  du  petit 
étang  de  leur  jardin,  la  simple  vue  d'une  rose;  etc.  > 
Le  9  arril  1339,  le  docteur  se  trouvait  dans  son 
jardin  et  regardait  attentivement  les  arbres  tout 
brillans  de  fleurs  et  de  verdure.  Il  dit  avec  admi- 
ration :  «  Gloire  à  Dieu  qui  de  la  créature  morte 
fait  ainsi  sortir  la  vie  au  printemps.  Voyez  ces 
rameaux,  comme  ils  sont  forts  et  gracieux;  ils 
sont  déjà  tout  gros  de  fruits.  Voilà  une  belle 
image  de  la  résurrection  des  hommes.  L'hiver  est 
la  mort  et  Tété  la  résurrection.  Alors  tout  revit , 
tout  est  verdoyant.  » 

«  Philippe  et  moi,  nous  sommes  accablés 
d'afiaires  et  d'embarras.  Moi  qui  suis  vieux  et 
emeritus  ,  j'aimerais  mieux  maintenant  prendre 
on  plaisir  de  vieillard  dans  les  jardins,  à  contem- 

8 

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88  MiMoiass 

pler  les  merreillet  de  Dieu  dans  les  arbres-,  les 
fleurs,  les  herbes ,  les  oiseaux ,  etc.;  c'est  ce  plai- 
sir et  ce  loisir  qui  me  reviendraient,  si  mes  péch^ 
ne  m'avaient  mérité  d'en  être  privé  par  ces  affiii- 
res  importunes  et  souvent  inutiles.  »  (8  avril 
1338.) 

Le  18  avril  18S9,  sur  le  soir ,  il  y  eut  un  orage 
très  fort ,  suivi  d'une  pluie  bienfaisante  qui  ren- 
dit la  verdure  à  la  terre  et  aux  arbres.  Le  doc* 
teur  Martin  dit  en  regardant  le  ciel:  «  Voilà  un 
beau  temps!  Tu  nous  l'accordes ,  ô  mon  Bien  !  à 
nous  qui  sommes  si  ingrats ,  si  pleins  de  méchan- 
ceté et  d'avarice.  Tu  es  un  Dieu  débouté.  Ce  n'est 
pas  là  un  œuvre  de  Satan  ;  non  ,  c'est  un  ton- 
nerre bienfaisant  qui  ébranle  la  terre  et  l'ouvre 
pour  lui  faire  porter  des  fruits  et  répandre  un 
parfum  semblable  à  celui  que  répand  la  prière 
du  chrétien  pieux,  i 

Un  autre  jour ,  sur  la  route  de  Leipzig,  le  doc- 
teur voyant  la  pleine  couverte  de  blés  superbes, 
se  mit  à  prier  avec  ferveur  ;  il  disait  :  «  0  Dieu 
de  bonté,  tu  nous  donnes  une  année  heureuse! 
Ce  n'est  pas  à  cause  de  notre  piété  ;  c'est  pour 
glorifier  ton  saint  nom.  Fais,  ô  mon  Dieu,  que 
nous  nous  amendions  et  que  nous  croissions  dans 
ta  parole!  Tout  en  toi  est  miracle.  Ta  voix  lait  sor- 


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M  LQTHBB.  87 

tir  de  la  terre,  et  même  dusable  aride,  cesplanlea 
et  ces  épis  si  beaux  qui  réjojaissent  la  vue.  0  mon 
père,  donne  à  tous  tes  enfans  leur  pain  quoti* 
dien  !  > 

>  Supportons  les  difficultés  qui  accompagnent 
nos  fonctions,  avec  égalité  d'âme,  et  attendons 
secours  du  Christ.  Considère ,  dans  ces  violettes 
et  ces  pensées  que  tu  foules  en  te  promenant  sur 
la  lisière  de  nos  jardins,  un  emblème  de  notre 
condition.  Nous  consolons  le  peuple  (?)  lorsque 
nous  remplissons  FÉglise  ;  il  y  a  là  la  robe  de 
pourpre,  la  couleur  des  afflictions,  mais  au  fond 
la  fleur  d'or  rappelle  la  foi  qui  ne  se  flétrit  pas.  » 

Un  soir  le  docteur  Martin  Luther  voyait  un  petit 
oiseau  perché  sur  un  arbre  et  s'y  posant  pour  pas- 
ser la  nuit;  il  dit  :  Ce  petit  oiseau  a  choisi  son  abri 
et  va  dormir  bien  paisiblement;  i!  ne  s'inquiète 
pas ,  il  ne  songe  point  au  gite  du  lendemain ,  il 
se  tient  bien  tranquille  sur  sa  petite  branche,  et 
laisse  Dieu  songer  pour  lui.  » 

Vers  le  soir,  vinrent  deux  oiseaux  qui  faisaient 
un  nid  dans  le  jardin  du  docteur.  Ils  étaient  souvent 
effirayés  dans  leur  vol  par  ceux  qui  passaient.  Il 
se  mit  à  dire  :  «  Ah  !  cher  petit  oiseau ,  ne  fuis 
point,  je  te'souhaite  du  bien  de  tout  mon  cœur; 
si  tu  pouvais  seulement  me  croire!  C'est  ainsi  que 


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88  HiKoiaBs 

nous  refluons  de  nous  confier  en  Dieu,  qui  bien 
loin  de  vouloir  notre  perte,  a  donné  pour  nous 
son  propre  fils.  • 


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BB   LVTHia.  89 


CHAPITRE  n. 


L«  Bibl«.  — Les  Pères.  ^  Les.  Scolastiques.  ^Le  Pape. 
Les  Conciles. 


Le  docteur  Martin  Lather  avait  écrit  avec  de 
la  craie ,  sur  le  mur  qui  se  trouvait  derrière  son 
poêle,  les  paroles  suivantes  (Luc,  XVI)  ;  «  Qui  est 
fidèle  dans  la  plus  petite  chose ,  sera  fidèle  dans 
la  plus  grande.  Qui  est  infidèle  dans  le  petit  sera 
infidèle  dans  le  grand.  » 

>  Le  petit  enfant  Jésus  (il  le  montrait  peint 
sur  la  muraille),  dort  encore  dans  les  bras  de 
Marie,  sa  mère.  Il  se  réveillera  un  jour  et  nous 
demandera  compte  de  ce  que  nous  avons  fait.  • 

Luther  se  faisant  un  jour  couper  les  che- 

'8. 

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90  MivoIRES 

yeux  et  faire  la  barbe  en  présence  du  docteur 
Jonas,  dit  à  celui-ci  :  «  Le  péché  originel  est  en 
nous  comme  la  barbe.  On  la  coupe  aujourd'hui , 
nous  avons  le  visage  frais,  et  demain  elle  re- 
pousse et  ne  cesse  de  pousser  jusqu'à  ce  que 
nous  soyons  sous  terre.  De  même  le  péché  originel 
ne  peut  être  extirpé  en  nous;  il  remue  tant  que 
nous  vivons.  Néanmoins  nous  devons  lui  résister 
de  toutes  nos  forces  et  le  couper  sans  relâche.  • 

«  La  nature  humaine  est  si  corrompue  qu'elle 
n'éprouve  pas  même  le  désir  des  choses  célestes. 
Elle  est  comme  T  en  faut  nouveau-né  à  qui  l'on 
aurait  beau  promettre  tous  les  trésors  et  tous  les 
plaisirs  de  la  terre  :  il  n'en  a  nul  souci  et  ne 
connaît  que  le  sein  de  sa  mère.  De  même ,  quaud 
rÉvangile  nous  parle  de  la  vie  étemelle  que  Jé- 
•os-Ghrist  nous  a  promise ,  nous  sommes  sourds 
à  ses  paroles  divines,  nous  nous  engourdissons 
dans  la  chair,  et  nous  n'avons  que  des  pensées 
frivoles  et  périssables.  La  nature  humaine  n'a 
pas  l'intelligence,  pas  même  le  sentiment,  de  ce 
mal  mortel  qui  l'accable.  > 

«  Bans  les  choses  divines ,  le  Père  est  la 
grammaire ,  car  il  donne  les  mots,  il  est  la  source 
d'où  coulent  les  bonnes,  pures  et  belles  parolea 
que  l'on  peut  prononcer.  Le  Fils  est  la  dialeeti^ 


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SB    LUTHB&.  91 

que  :  il  donne  la  disposition ,  la  manière  de  placer 
les  choses  dans  un  bel  ordre,  de  sorte  qu'elles 
suivent  et  résultent  les  unes  des  autres.  Le  Saint- 
Esprit  est  la  rhétorique  :  Il  sait  bien  exposer, 
pousser  les  choses  et  les  étendre ,  donner  la  vie 
et  la  force ,  de  manière  à  faire  impression  et  sai- 
sir les  cœurs. 

»  La  Trinité  se  retrouve  dans  toute  la  créa- 
tion. Bans  le  soleil,  il  y  a  la  substance,  Téclat 
et  la  chaleur;  dans  les  fleuves,  la  substance,  le 
cours  et  la  puissance.  De  même  dans  les  art^. 
Dans  Tastronomie,  le  mouvement,  la  lumière  et 
l'influence;  dans  la  musique,  les  trois  notes 
re ,  mi,  fa ,  etc.  Les  scolastiques  ont  négligé  ces 
signes  importans,  pour  s'attacUer  à  des  niaiseries. 

>  Le  décalogue  est  la  doctrina  doctrinaruniij  le 
symbole  Vhistwria  hisioriarum,  le  pater  oratio  ore^ 
tionum ,  les  sacremens  ceretnoniœ  ceremoniarum,* 

On  demandait  au  docteur  Martin  Luther  si 
pendant  la  domination  du  pape,  les  gens  qui 
n'ont  pas  connu  cette  doctrine  de  TÉvangile  que 
nous  avons  aujourd'hui,  grâce  à  Dieu,  avaient 
pu  être  sauvés.  Il  répondit  :  t  Je  n'en  sais  rien; 
a  moins  que  je  ne  pense  que  le  baptême  a  pu  pro- 
duire cet  effet.  J'ai  vu  beaucoup  de  moines  aux- 
quels on  a  présenté  la  croix  de  Christ  à  leur  lit 


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92  uiuoiRBs 

de  mort,  comme  c'était  alors  l'usage.  Ils  peu- 
vent avoir  été  sauvés  par  leur  foi  en  ses  mérites 
et  ses  souffrances. 

<  Gicéron  est  bien  supérieur  à  Aristote  dans 
sa  morale.  Gicéron  était  un  homme  sage  et  la- 
borieux qui  a  beaucoup  fait  et  beaucoup  souf- 
fert. J'espère  que  notre  Seigneur  sera  clément 
pour  lui  et  pour  ceux  qui  lui  ressemblent ,  quoi- 
qu'il ne  nous  appartienne  pas  d'en  parler  avec 
certitude.  Que  Dieu  ne  puisse  faire  des  excep- 
tions et  établir  une  distinction  entre  les  païens, 
c'est  ce  qu'on  ne  pourrait  dire.  Il  y  aura  un  nou- 
veau ciel  et  une  nouvelle  terre  bien  plus  larges  et 
plus  vastes  que  ceux  d'aujourd'hui.  » 

On  demandait  à  Luther  si  l'offensé  devait  aller 
jusqu'à  demander  pardon  à  l'offenseur.  Il  répon- 
dit :  <  Non ,  Jésus-Christ  ne  l'a  pas  fait  lui-même , 
il  ne  l'a  pas  commandé.  Il  suffît  qu'on  pardonne 
les  offenses  dans  son  cœur,  qu'on  les  pardonne 
publiquement  y  s'il  y  a  lieu,  et  qu'on  prie  pour 
celui  qui  les  a  commises.  J'étais  moi-même  allé 
une  fois  demander  pardon  à  deux  personnes  qui 
m'avaient  offensé»  M.  £.  et  D.  H.  S.  (maître  £is- 
leben  [Agricola]  et  le  docteur  Jérôme  Schurf  ?); 
mais  par  hasard  ni  l'un  ni  l'autre  ne  fut  chex  lui , 
et  depuis  je  n'y  suis  pas  retourné.  Je  remercie 


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DB    tUTHEK.  63 

Dieu  maintenant  qu'il  ne  m'ait  point  permis  de 
faire  comme  je  voulaii.  » 

Le  docteur  Martin  Luther  soupirait  un  jour 
en  pensant  aux  perturbateurs  et  aux  sectaires 
qui  méprisaient  la  parole  de  Dieu.  <  Ah  1  disait-il, 
si  3 'étais  un  grand  poète ,  je  voudrais  écrire  un 
chant,  un  poème  magnifique  sur  l'utilité  et  l'effi- 
cacité de  la  parole  divine.  Sans  elle Pendant 

plusieurs  années  je  lisais  la  Bible  deux  fob  par 
an;  c'est  un  grand  et  puissant  arbre  dont  cha- 
que parole  est  un  rameau,  je  les  ai  secoués  tous, 
tant  j'étais  curieux  de  savoir  ce  que  chaque  bran- 
che portait,  ce  qu'elle  pouvait  donner,  et  j'en 
faisais  tomber  chaque  fois  une  couple  de  poires 
ou  de  pommes. 

>  Autrefois  sous  la  papauté,  on  faisait  des  pè- 
lerinages pour  vbiter  les  saints.  On  allait  à  Rome; 
à  Jérusalem,  à  Saint- Jacques  de  Compostelle, 
pour  l'expiation  de  ses  péchés.  Aujourd'hui  nous 
pouvons  faire  des.  pèlerinages  chrétiens  dans  la 
foi.  Quand  nous  lisons  avec  soin  les  prophètes, 
les  psaumes  et  les  évangiles,  nous  allons  non 
pas  par  la  ville  sainte,  mais  par  nos  pensées  et 
nos  cœurs ,  jusqu'à  Dieu.  C'est  là  visiter  la  véri- 
table terre  promise  et  le  paradb  de  la  vie  éter- 
nelle. > 


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04  viMOiiiBs 

<  Que  sont  \e%  saints  en  comparaison  du  Christ? 
rien  de  plus  que  les  petites  gouttes  de  la  rosée  des 
nuits  sur  la  tête  de  l'Époux  et  dans  les  boucles  de 
sa  chevelure.  » 

Luther  n'aimait  pas  qu'on  insistât  sur  les  mi- 
racles. Il  regardait  ce  genre  de  preuves  comme 
secondaire.  ■  Les  preuves  convaincantes  sont 
dans  la  parole  de  Dieu.  Nos  adversaires  lisent  la 
Bible  traduite  beaucoup  plus  que  les  nôtres.  Je 
crois  que  le  duc  George  Ta  lue  avec  plus  de  soin 
que  tous  ceux  de  la  noblesse  qui  tiennent  pour 
nous .  Il  dit  à  quelqu'un  :  «  Pourvu  que  le  moine 
achève  de  traduire  la  Bible,  il  peut  partir  ensuite 
quand  il  voudra.  » 

Le  docteur  Luther  disait  que  Mélanchton  l'a- 
vait forcé  de  traduire  le  Nouveau  Testament. 

«Que  nos  adversaires,  s'emportent  et  fassent 
rage.  Dieu  n'a  pas  opposé  un  mur  de  pierre  aux 
vagues  de  la  mer,  ni  une  montagne  d'acier.  Il  a  suffi 
d'un  rivage,  d'une  digue  de  sable. 

>  J'ai  beaucoup  lu  la  Bible  dans  ma  jcmnessc 
pendant  que  j'étais  moine.  Mais  cela  ne  servait  à 
rien ,  je  faisais  simplement  du  Christ  un  Moïse. 
Maintenant  nous  l'avons  retrouvé,  ce  cher  Christ 
Rendons  grâce  et  tenons-nous-y  ferme ,  et  souf- 
frons pour  lui  ce  que  nous  devons  souffrir. 


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DB   LUTHER.  05 

>  Pourquoi  enseigne-t-on  et  observe-t-on  les 
dix  comiDandeinens?  C'est  que  les  lois  naturelles 
ne  se  trouvent  nulle  part  si  bien  rangées  et  décri- 
tes que  dans  Moïse.  Je  voudrais  même  qu'on  lui 
fit  d'autres  emprunts  dans  les  choses  temporelles, 
toiles  que  les  lois  sur  la  lettre  de  divorce ,  le  ju- 
bilé, l'année  d'affranchissement,  les  dîmes,  etc. 
Le  monde  en  serait  mieux  gouverné...  C'est  ainsi 
que  les  Romains  ont  pris  leurs  Douze  Tables  chez 
les  Grecs...  Quant  au  sabbat  ou  dimanche ,  ce 
n'est  pas  une  nécessité  de  l'observer ,  et  si  nous 
l'observons,  nous  devons  le  faire,  non  pas  à 
cause  du  commandement  de  Moïse,  mais  parce 
que  la  nature  aussi  nous  enseigne  à  nous  donner 
de  temps  en  temps  un  jour  de  repos ,  afin 
qu'hommes  et  animaux  reprennent  des  forces, 
et  que  l'on  aille  entendre  le  sermon  et  la  parole 
de  Dieu.  » 

«Puisque,  dans  ce  siècle,  on  commence  à  res- 
tituer toutes  choses,  comme  si  déjà  c'était  le 
jour  de  la  restauration  universelle,  il  m'est  venu 
dans  l'esprit  d'essayer  si  on  ne  pourrait  pas  aussi 
restituer  Moïse  et  rappeler  les  rivières  à  leur 
source.  J'ai  eu  soin  d'abord  de  traiter  toutes 
choses  le  plus  simplement  du  monde,  et  de  ne 
pas  me  laisser  entraîner  aux  explications  mysti- 

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90  uéMOIRBS 

ques,  comme  on  les  appelle...  Je  ne  vois  pas 
d'autre  raison  pour  que  Dieu  ait  voulu  former  le 
peuple  juif  par  ces  cérémonies,  si  non  qu'il  a  vu 
le  penchant  du  peuple  à  se  laisser  prendre  à  ces 
choses  extérieures.  Afin  que  ce  ne  fussent  pas  des 
fantômes  vides  et  de  purs  simulacres,  il  a  ajouté  sa 
parole  pour  -y  mettre  du  poids  et  de  la  substance, 
de  sorte  qu'elles  devinssent  choses  sérieuses  et 
graves. 

»  J'ai  ajouté  à  chaque  chapitre  de  courtes  allé- 
gories, non  que  j'en  tienne  beaucoup  de  compte, 
mais  afin  de  prévenir  la  manie  de  plusieurs  à 
traiter  l'allégorie.  Ainsi ,  dans  Jérôme  ,  Origène 
et  autres  anciens  écrivains^  nous  voyons  une  mal- 
heureuse et  stérile  habitude  d'imaginer  des  allé- 
gories qui  ramènent  tout  à  la  morale  et  aux  œu- 
vres, tandis  qu'il  faudrait  tout  ramener  à  la  parole 
et  à  la  foi.  •  (  avril  1525.) 

«  Le  Pater  noster  est  ma  prière;  c'est  celle  que 
je  dis,  et  j'y  mêle  en  même  temps  quelque  chose 
des  Psaumes  pour  quelles  faux  docteurs  soient 
confondus  et  couverts  de  honte.  Le  Pater  n*a  au- 
cune prière  qui  lui  soit  comparable;  je  l'aime  mieux 
qu'aucun  psaume  (1).  » 

(i)  C'est  aussi  ce  que  dit  Montaigne  dans  ses  Essais. 

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DB   LUTHBE.  97 

«  J'avoue  franchement  que  j'ignore  si  je  pO0-  / 
aède  ou  non  le  sens  légitime  des  psaumes,  bienque'y" 
je  ne  doute  pas  de  la  vérité  de  celui  que  je  donne. 
—  L'un  se  trompe  en  quelques  endroits ,  l'autre 
en  plusieurs;  je  vois  des  choses  que  n'a  pas  vues 
saint  Augustin;  et  d'autres,  je  le  sais,  verront 
bien  des  choses  que  je  ne  vois  pas. 

»  Qui  oserait  prétendre  que  personne  ait  com- 
plètement entendu  un  seul  psaume?  Notre  vie 
est  un  commencement  et  un  progrès ,  et  non  une 
consommation;  celui-là  est  le  meilleur,  qui  ap- 
proche le  plus  de  l'esprit.  Il  y  a  des  degrés  dans 
la  vie  et  l'action ,  pourquoi  n'y  en  aurait-il  pas 
dans  l'intelligence?  L'Apôtre  dit  que  nous  nous 
transformons  de  lumière  en  lumière.  > 

Du  Nouveau  Testament.  «  L'Évangile  de  saint 
Jean  est  le  vrai  et  pur  Évangile ,  l'Évangile  prin- 
cipal ,  parce  qu'il  renferme  le  plus  de  paroles  de 
Jésus-Christ.  De  même ,  les  épitres  de  saint  Paul 
et  de  saint  Pierre  sont  bien  au-dessus  des  évangi- 
les de  saint  Mathieu ,  de  saint  Haro  et  de  saint 
Luc.  £n  somme ,  l'évangile  de  saint  Jean  et  sa  pre^ 
mière  épitre ,  les  épitres  de  saint  Paul ,  notamment 
celles  aux  Romains,  auxGalates,  aux  Éphésiens,et 
la  première  de  saint  Pierre ,  voilà  les  livres  qui 
te  montrent  Jrsus-Christ,ct  qui  t'ensei fanent  tout 

9 

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98  MÉMOIAXS 

oe  qu'il  t'est  nécessaire  et  utile  de  saToir ,  quand 
même  tu  ne  verrait  jamais  d'autre  livre.  > 

Il  ne  regardait  comme  apostoliques  ni  l'ép^ 
tre  aux  Hébreux,  ni  celle  de  saint  Jacques.  Il 
s'exprime  de  la  manière  suivante  sur  celle  de 
saint  Jade:  <  Personne  ne  peut  nier  que  cette 
épitre  ne  soit  un  extrait  ou  une  copie  de  la  se* 
cbnde  épitre  de  saint  Pierre;  les  mots  sont  pres- 
que les  mêmes.  Jude  y  parle  des  apôtres  comme 
leur  disciple ,  et  comme  après  leur  mort.  Il  cite 
des  versets  et  des  événemens  qu'on  ne  trouve 
nulle  part  dans  l'Écriture.  » 

L'opinion  de  Luther  sur  l'Apoôalypse  est  re- 
marquable :  «  Que  chacun,  dit-il ,  juge  de  ce  li- 
vre d'après  ses  lumières  et  son  sens  particulier. 
Je  ne  prétends  imposer  à  pe^nne  mon  opinion: 
je  dis  tout  simplement  ce  que  j'en  pense.  Je  ne 
le  regarde  ni  comme  apostolique,  ni  comme  pro- 
phétique... »  £t  ailleurs:  «  Beaucoup  de  Pères 
ont  rejeté  ce  livre ,  chacun  peut  en  penser  ce  que 
son  esprit  lui  inspirera.  Pour  moi,  je  ne  puis  me 
faire  à  cet  ouvrage.  Une  seule  raison  suffirait  poor 
m*en  détourner  :  c'est  que  Jésus-Christ  n'y  est 
adoré  ni  enseigné  tel  que  nous  le  connaissons.  • 

Des  Pères,  «  On  peut  lire  Jérôme  pour  l'étude 
de  l'histoire  :  quant  à  la  foi  et  à  la  bonne  vraie 

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OB  LOTHBR.  W 

religion  et  doctrine,  il  n'y  en  a  pas  un  mot  dans 
ses  écrits.  J'ai  déjà  proscrit  Orîgène.  Ghrysostôme 
n'a  point  d'autorité  chez  moi.  Basile  n'est  qu'un 
moine;  je  n'en  donnerais  pas  un  cheveu.  L'apo- 
logie de  Philippe  Mélanchton  est  au-dessus  des 
écrits  de  tous  les  docteurs  de  l'Église ,  sans  ex- 
cepter Augustin.  Hilaire  et  Théophylacte  sont 
bons.  Ambroise  aussi  ;  il  marche  bien  sur  l'article 
le  plus  essentiel ,  le  pardon  des  péchés. 

»  Bernard  est  au-dessus  de  tous  les  docteurs 
dans  ses  prédications;  mais,  quand  il  dispute, 
il  devient  un  tout  autre  homme;  alors  il  accorde 
trop  à  la  loi  et  au  libre  arbitre. 

■  Bonaventure  est  le  meilleur  des  théologiens 
Bcolastiques. 

»  Parmi  les  Pères ,  Augustin  a  sans  contredit 
la  première  place ,  Ambroise  la  seconde ,  Bernard 
la  troisième.  Tertullien  est  un  vrai  Carlostad. 
Cyrille  a  les  meîlîéiirëà  sentences.  -Gypfîèlt^-fe""^ 
martyr  est  un  foible  théologien.  Théophylacte 
est  le  meilleur  intreprète  de  saint  Paul.  * 

(Pour  prouver  que  l'antiquité  n'ajoute  pas  à 
l'autorité):  «  Nous  voyons  combien  saint  Paul 
se  plaint  avec  douleur  des  Corinthiens  et  des  Gâ- 
tâtes. Parmi  les  apôtres  mêmes,  le  Christ  trouva 
on  traitre  dans  Judas. 

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100  ■ÉMOi&n 

»  Les  livres  que  les  Pères  ont  écrits  sur  la  Bible 
n'ont  jamais  rien  de  concluant;  ils  laissent  le 
lecteur  suspendu  entre  le  ciel  et  la  terre.  Liseï 
Chrysostème»  le  meilleur  rhéteur  et  parleur  de 
tous.» 

Il  remarque  que  les  Pères  ne  disaient  rien  de 
la  justification  par  la  grâce  pendant  leur  vie» 
mais  y  croyaient  à  leur  mort.  Gela  était  plus 
prudent  pour  ne  point  encourager  le  mysti- 
cisme» ni  décourager  les  bonnes  œuvres. 

<  Les  cbers  Pères  ont  mieux  vécu  qu'écrit.» 

Il  fait  réloge  de  l'histoire  de  saint  Épiphane  et 
des  poésies  de  Prudence. 

«Augustin  et  Hilaire,  entre  tous,  ont  écrit 
avec  le  plus  de  clarté  et  de  vérité  ;  les  autres  doi-o 
vent  être  lus  cumjudicio. 

»  Ainbroise  a  été  qiêlé  aux  afiaires  du  monde, 
comme  nous  le  sommes  aujourd'hui.  Nous  som- 
mes obligés  de  nous  occuper  au  consistoire  d'af- 
faires de  mariage  plus  que  de  la  parole  de  Dieu... 

«On  a  nommé  Bonaventure  le  séraphique, 
Thomas  l'angélique ,  Scot  le  subtil  ^  Martin  Luther 
sera  nommé  l'archi-hérélique. 

Saint  Augustin  était  peint  dans  un  livre  avec 
un  capuchon  de  moine.  Luther  dit ,  en  voyant 
cette  image  :  >  Ils  font  tort  au  saint  homme  ^  car 

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HB   &UTHIE.  101 

iLa  mené  une  vie  commane ,  comme  tout  antro 
homme  dn  pays  ;.il  se  servait  de  cuillers,  et  de 
tasse  d'argent  ;  il  ii!a  pas  mené  une  vie  à  part 
comme  les  moines. 

9  Macaire,  Antoine,  Benoit,  ont  (ait  un  grand 
et  remarquable  tort  à  l'Église  avec  leur  moinerie; 
et  je  crois  que  dans  le  ciel  ils  seront  placés  bien 
plus  bas  qu'un  citoyen»  père  de  famille  pieux  et 
craignant  Dieu. 

»  Saint  Augustin  me  plaît  plus  que  tous  les  au- 
tres. Il  a  enseigné  une  pure  doctrine ,  et  soumis 
ses  livrea^,  avec  l'humilité  chétienne,  à  la  sainte 
Écriture...  Augustin  est  favorable  au  mariage;  il 
parle  bien  des  évéques  qui  étaient  les  pasteur» 
d'alors ,  mais  le  temps  et  les  disputes  des  Pélagiens  '^ 
l'on  aigri  et  lui  ont  fait  mal...  S'il  eût  vu  le  scan- 
dale de  la  papauté ,  il  ne  l'eût  certes.pas  soufiert. 

a  Saint  Au*gustin  est  le  premier  père  de  TÉgUsa-- . 
qui  ait  traité  du  péché  originel.  » 

Après  avoir  parlé  de  saint  Augustin,  Luther     ' 
ajoute:  «  Mais  depuis  que  j'ai  compris  Paul  parla 
grâce  de  Dieu ,  je  n'ai  pu  estimer  aucun  docteur; 
ils  sont  devenus  tout^à-fisiit  petits  à  mes  yeux . 

»  Je  ne  connais  aucun  des  Pères  dont  je  sois  si 
ennemi  que  de  saint  Jérôme.  Il  n'écrit  que  sur  le 
jeûne ,  les  alimens,  la  virginité,  etc.  Il  n'enseigne 

9. 

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102  MiHOIBBS 

rien  sar  la  foi,  etc.  Le  docteur  Staapitz  avait  cou- 
lame  de  dire  :  Je  youdrais  bien  savoir  connooit 
Jérôme  a  pu  être  sauyé  ? 

«  Les  nominaux  sont  dans  les  hautes  écoles  une 
secte  à  laquelle  j*ai  aussi  appartenu.  Ils  tiennent 
contre  les  thomistes ,  scotistes  et  albertistes.  Ils 
s*appel1ent  eux-mêmes  occamistes.  C*est  la  secte 
la  plus  nouTclle  de  toutes ,  et  aujourd'hui  la  plus 
puissante,  nommément  à  Paris. 

Luther  feit  cas  du  Maure  des  êentenees  do 
Pierre  Lombard;  mais  il  trouve  qu'en  général  les 
scolastiques  donnaient  trop  peu  à  la  grâce,  trop 
au  libre  arbitre. 

«  Gerson  seul ,  entre  tous  les  docteurs ,  a  (kit 
mention  des  tentations  spirituelles.  Tous  les  au- 
tres, Grégoire  de  Nazianze,  Augustin,  Scot, Tho- 
mas, Richard,  Oceam,  n'ont  senti  que  les  ten* 
tations  corporelles.  Le.seul  Gerson  a  écrit  sur  le 
découragement.  L'Église,  à  mesure  qu'elle  est 
plus  ancienne,  doit  éprouver  de  telles  tenta- 
tions spirituelles.  Nous  sommes  dans  cet  âge  de 
l'église. 

<  Guillaume  de  Paris  a  aussi  éprouvé  quelque 
ehose  de  ces  tentations  spirituelles.  Maïs  les  sco- 
lastiques ne  sont  jamais  parvenus  à  la  eonnais* 
sance  du  càtéohisrae.  Le  seul  Gerson  sert  à  ras- 

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Dl  lUTHSB.  103 

•urer  et  relever  les  consciences...  Il  a  sauvé  beau- 
coup de  pauvres  âmes  du  désespoir ,  en  amoin- 
drissant et  exténuant  la  loi  »  de  manière  toutefois 
que  la  loi  subsistât.  —  Mais  Christ  ne  perce 
point  le  tonneau ,  il  le  défonce.  Il  dît  :  «  Tu  ne 
dois  point  te  confier  dans  la  loi  ni  te  reposer  sur 
elle  y  mais  sur  moi,  sur  |le  Christ.  Si  tu  n'es  pas 
bon ,  je  le  suis.  » 

«  Le  docteur  Staupitz  nous  parlait  un  jour 
d^André  Zacharias  qui,  à  ce  qu'on  prétend,  a 
vaincu  Jean  Huss  dans  la  dispute.  Il  nous  racontait 
que  le  docteur  Proies ,  de  Gotha,  voyant  dans  un 
couvent  Zacharias  peint  avec  une  rose  à  son  bon- 
net, dit  à  ce  sujet  :  Dieu  me  garde  de  porter  une 
telle  rose,  car  il  a  vaincu  Jean  Huss  injustement, 
et  au  moyen  d'une  bible  falsifiée.  Il  y  a  dans  le 
XXXIV*  chapitre  d'Éiéchiel  :  C*e9t  moi  qui  vais 
f>f$iter  et punirmes pasteurs  :  maïs  on  y  avait  ajou- 
té ces  mots  :  et  non  point  h  peuple;  ceux  du  con- 
cile hii  montrèrent  ce  texte  dans  sa  propre  bible 
falsifiée  comme  les  autres,  et  conclurentainsi  :  Tu 
TOis  que  tu  ne  dois  point  punir  le  pape,  que  IHeu 
s'en  charge  lui-même.  Ainsi  le  saint  homme  a  été 
condamné  et  brûlé. 

»  Haitre  Jean  Agricola  lisait  un  écrît  de  Jean 
Huss,  plein  d'esprit,  de  résignation  et  de  fer- 

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104  vivoiRBS 

▼eur,  où  l'on  Toyait  comme  dans  sa  prison  il 
soaffrait  le  martyre  des  douleurs  de  la  pierre^  et 
se  Yoyait  rebuté  par  l'empereur  Sigismond.  Le 
docteur  Luther  admirait  tant  d'esprit  et  de  coa- 
rage...  C'est  bien  injustement,  disait-i],  que  sons 
sommes  appelés  hérétiques,  Jean  Hus»  et  moi... 

»  Jean  Huss  est  mort,  non  comme  un  anabap- 
tiste, mais  comme  un  chrétien.  On  Yoît  en  lui  la 
faiblesse  chrétienne;  mais  en  même  temps  s'éveille 
dans  son  âme  la  force  de  Dieu  qui  le  relève.  Le 
combat  de  la  chair  et  de  l'esprit^  dans  le  Christ 
et  dans  Huss,  est  doux  et  aimable  à  voir...  Con« 
stance  est  aujourd'hui  une  pauvre  misérable  ville. 
Je  crois  que  Dieu  l'a  punie...  Jean  Huss  a  été 
brûlé;  et  moi  aussi,  je  pense  que  je  serai  tué^ 
s'il  plaît  à  Dieu.  Il  a  arraché  quelques  épines  de 
la  vigne  du  Christ,  en  attaquant  seulement  les 
scandales  de  la  papauté.  Mais  moi,  docteur 
Martin  Luther ,  je  suis  venu  dans  un  champ  déjà 
noir  et  bien  labouré,  j'ai  attaqué  la  doctrine 
du  pape,  et  l'ai  terrassé. 

>  Jean  Huss  était  la  semence  qur  doit  mourir 
et  être  enfoncée  dans  la  terre,  pour  sortir  en- 
suite ,  et  croître  avec  force.  » 

Luther  improvisa  un  jour  à  table  le  vers  sui- 
vant : 


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DB    LOTHK&.  105 

PmUs   «ram  tW«ds,  morient  «ro  mors  tua*  Papa. 

<  La  tète  de  l'Anti-Ghrist,  c'est  à  la  fois  le  pape 
et  le  Turc.  Le  pape  en  est  l'esprit,  le  Turc  la  chair. 

»  C'est  ma  pauvre  et  infirme  condition  (pour 
ne  point  parler  de  la  justice  de  ma  cause)  qui  a 
fait  le  malheur  du  pape.  <  Si  j'ai  défendu  ma 
doctrine  contre  tant  de  rois  et  d'empereurs,  se 
disait-il,  comment  craindrais -je  un  simple 
moine?  »  S'il  m'avait  estimé  un  ejinemi  dan- 
gereux, il  aurait  pu  m'étoufler  dès  l'origine. 

»  J'avoue  que  j'ai  souvent  été  trop  violent, 
mais  jamais  à  l'égard  de  la  papauté.  Il  devrait  y 
avoir  contre  celle-ci  une  langue  à  part  dont  tous 
les  mots  fussent  des  coups  de  foudre. 

«  Les  papistes  sont  confondus  et  vaincus  par 
les  témoignages  de  l'Écriture.  Bien  merci,  je 
connais  leur  erreur  sous  toutes  ses  faces ,  de  l'a/- 
pha  à  Voméga.  Cependant  aujourd'hui  même 
qu'ils  avouent  que  TÉcriture  est  contre  eux, 
la  splendeur  et  la  majesté  du  pape  m'éblouissent 
quelquefois  et  c'est  avec  tremblement  que  je 
Tattaque... 

«  Le  pape  se  dit  :  ■  Céderais-je  à  un  moine 
fui  veut  me  dépouiller  de  ma  couronne-  et  de 

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106  HÊVOMBS 

ma  majesté?  Bien  fou  qui  céderait.  >  Je  donne- 
rais mes  deux  mains  pour  croire  en  Jésus-Christ 
aussi  fermement,  aussi  sûrement,  que  le  pape 
croit  que  Jésus-Christ  n'est  rien. 

>  I)'autres  ont  attaqué  les  mœurs  des  papes, 
comme  Érasme  et  Jean  Huss.  Mais  moi,  j'ai  ren- 
versé les  deux  piliers  sur  lesquels  reposait  la  pa- 
pauté :  les  vœux  et  les  messes  particulières.  > 

Des  Conciles.  —  ce  Les  conciles  ne  doivent  point 
ordonner  de  la  foi ,  mais  de  la  discipline.  » 

Le  docteur  Martin  Luther  levait  un  jour  les 
yeux  vers  le  ciel;  il  soupira,  et  dit  :  «  Ah!  un 
concile  général,  libre,  et  vraiment  chrétien! 
Dieu  saura  bien  le  faire;  la  chose  est  sienne;  il 
connaît  et  il  a  dans  sa  main  tous  les  conseils  les 
plus  secrets.  » 

»  Lorsque  Pierre -Paul  Vergerius,  légat  du 
pape,  vint  à  Wittemberg,  Tan  13SS,  et  que  je 
montai  au  château  où  il  était,  il  nous  cita,  et 
nous  somma  d'aller  au  concile.  Jlrai  ,  loi 
dis-je,  et  j'ajoutai  :  Vous  autres  papistes,  vous 
travaillez  inutilement.  Si  vous  tenei  un  coa« 
cile ,  vous  n'y  traitez  point  des  sacremens,  dd 
la  justification  par  la  foi,  des  bonnes  œuvres, 
mais  seulement  de  babioles  et  d'eniantillage , 
comme  de  fixer  la  longueur  des  habits»  ou  la 

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DB  LDTHEB.  107 

largeur  des  ceintures  des  prêtres,  ou  la  dimen- 
sion de  la  tonsure,  etc.  Il  se  détourna  de  moi, 
appuya  sa  tête  sur  sa  main,  et  dit  à  son  compa* 
gpion  :  «  Celui-ci  touche  vraiment  le  fond  des 
choses,  etc.  » 

On  demandait  qoand  le  pape  convoquerait 
le  concile.  «Il  me  semble,  dit  le  docteur  Martin 
Luther,  qu'il  n'en  sera  rien  avant  le  jugement 
dernier.  C'est  alors  que  notre  Seigneur  Dieu 
tiendra  lui-même  un  concile.  > 

Luther  conseillait  de  ne  point  refuser  d'aller 
au  concile,  mais  d'exiger  qu'il  fût  libre;  «  si  on 
le  refuse,  il  n'y  a  pas  de  meilleure  excuse  pour 
nous.  > 

Deahienê  0celéêiastique8.  Luther  voudrait  qu'ils 
fussent  appliqués  à  l'entretien  des  écoles  et  des 
pauvres  théologiens.  Il  déplore  la  spoliation  des 
églises.  Il  prédit  que  les  princes  vont  bientôt  se 
disputer  les  dépouilles  des  églises.  «  Le  pape  pro* 
digue  maintenant  les  biens  ecclésiastiques  aux 
princes  catholiques  pour  se  faire  des  amis  et  des 
alliés. 

»  Ce  ne  sont  point  tant  nos  princes  de  la  con- 
fession d'Augsbourg  qui  pillent  les  biens  ecclé- 
siastiques, c'est  plutôt  Ferdinand,  l'Empereur, 
et  l'archevêque  de  Hayence.  Ferdinand  a  ran- 

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108  mAmoikes 

çonné  tous  les  monastères.  Les  Bavarois  sont 
les  plus  grands  voleurs  des  biens  ecclésiastiques , 
ils  ont  de  riches  abbayes.  Mon  gracieux  seigneur 
et  le  Landgrave  n^ont  que  de  pauvres  monastères 
d'ordres  mendians.  On  voulait  à  la  diète,  mettre 
les  monastères  à  la  disposition  de  l'Empereur, 
qui  y  aurait  établi  ses  gouvernemens  militaires. 
Je  donnai  le  conseil  suivant  :  //  faut  auparavant 
réunir  Jou^  les  monastères  en  un.  même  lieu.  Qui 
voudrait  souffrir  dans  sa  terre  les  gens  de  l'Em  - 
pereur  9  Tout  cela  a  été  poussé  par  Farchevéque 
de  Mayence.  » 

Dans  la  réponse  à  la  lettre  où  le  roi  de  Dane- 
marck  lui  demandait  ses  conseils,  Luther  désap- 
prouve  l'article  de  la  réunion  des  bien  ecclésias- 
tiques à  la  couronne.  «Voyez ,  dit-il ,  au  contraire 
notre  prince  Jean  Frédéric,  comme  il  applique 
les  biens  de  TÉglbe  à  Fentretien  des  pasteurs  et 
des  professeurs.» 

«  Le  proverbe  a  raison ,  Biens  de  prêtres  ne 
profitent  pas  (pfaffengut  raffengut  ).  Burcbard 
Hund,  conseiller  de  l'électeur  de  Saxe,  Jean, 
avait  coutume  de  dire:  Nous  autres  delà  noblese, 
nous  avons  réuni  les  biens  des  cloîtres  à  nos  biens 
nobles,  et  les  biens  des  cloîtres  ont  dévoré  les 
biens  nobles ,  de  sorte  que  nous  n'avons  plus  ni 

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DB   LUTHMl.  109 

les  uns  ni  les  aulres.  >  Luther  ajonte  la  fable  du 
renard  qui  yenge  ses  petits  en  brûlant  Tarbre  et 
les  petits  de  l'aigle. 

Un  ancien  précepter  du  fils  de  Ferdinand ,  roi 
des  Romains,  nommé  Severus,  eontait  à  Lu- 
ther l'histoire  du  chien  qui  défendait  la  yiande 
et  qui  pourtant,  quand  les  autres  la  lui  arra- 
chaient ,  en  prenait  sa  part.  G*est  ce  que  fait  main- 
tenant l'Empereur,  dit  Luther,  pour  les  biens 
ecclésiastiques  (Utrecht  et  Liège). 

Des  cardinaux  et  des  évéques,  «  En  Italie^  en 
France ,  en  Angleterre ,  en  Espagne  ,  les  éréques 
sont  ordinairement  les  conseillers  des  rois;  c'est 
qu'ils  sont  pauvres.  Hais  en  Allemagne  où  ils 
sont  riches,  puissans,  et  où  ils  ont  une  ^j^ijiàe 
considération,  les  évéques  gouvernent  en  leur 
propre  nom. 

»  Je  veux  mettre  tous  mes  soins  pour  que  les 
canonicats  et  les  petits  évêchés  subsistent,  de 
sorte  qu  on  puisse  avec  ce  revenu  établir  des  pré- 
dicateurs et  des  pasteurs  dans  les  villes.  Les 
grands  évêchés  seront  sécularisés.  » 

Le  jour  de  l'Ascension,  le  docteur  Martin  Lu- 
ther dîna  avec  l'électeur  de  Saxe,  et  l'on  réso- 
lut que  les  évéques  conserveraient  leur  autorité . 
à  condition  qu'ils  abjureraient  le  pape.  «  Nos 
ToMv.  II.  10 

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1 10  JiiVQIRBS 

gens  les  examineront,  et  les  ordonneront,  par 
Fimposition  des  mwis.  C'est  ainsi  que  je  suis  évè- 
que  à  présent.  » 

Dans  les  disputes  d'Heidelberg ,  on  demandait 
d'où  venaient  les  moines.  Réponse:  «  Dieu  ayant 
fait  le  prêtre,  le  diable  voulut  l'imiter;  mais  il  fit 
la  tonsure  trop  grande ,  de  là  les  moines, 

»  La  moinerie  ne  se  rétablira  point  aussi  long- 
temps que  Tarticle  de  la  justification  restera  pur. 

»  Autrefois  les  moines  étaient  en  si  grande 
considération  que  le  pape  les  redoutait  plus  que 
les  rois  et  les  évéques.  Car  ils  avaient  le  commun 
peuple  dans  leurs  mains.  Les  moines  étaient  les 
meilleurs  oiseleurs  du  pape.  Le  roi  d'Angleterre 
a  beau  ne  plus  reconnaître  le  pape  pour  le  chef 
suprême  de  la  chrétienté;  il  ne&itrien  que  tour- 
menter le  corps,  en  fortifiant  Tâme  de  la  papauté.  • 
(Henri  YIII  n'avait  pas  encore  supprimé  les  mo- 
nastères. ) 


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,L    .I.JIII.    ■ -  '  ^^ 

CHAPITRE  II.I. 

Dm  4m1m  «t  «al7«r«lt^i ,  «t  dtt  tili  llMrt«z. 


«  On  doit  tirer  des  écoles  des  pastears  qui  édi- 
fient et  soutiennent  l'Église.  Des  écoles  et  des 
pasteurs,  cela  vaut  mieux  que  des  conciles, 
comme  je  l'ai  dit  déjà. 

9  J'espère  que  si  le  monde  dure  encore,  les 
universités  d'£rfurth  et  de  Leipzig  se  relèveront 
et  prendront  des  forces,  pourvu  qu'elles  adop- 
tent la  saine  théologie,  à  quoi  elles  semblent 
déjà  disposées.  Mais  il  faut  que  quelques-uns  s'en^ 
dorment  auparavant.  —  Je  m'étonnais  d'abord 
u'uUQ  université  eût  été  fondée  ici,  à  Wittem- 


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1 12  wiMOIltBS 

berg.  —  Erfurth  est  situé  au  mieux  pour  cela:  là 
il  doit  y  avoir  une  ville,  quand  même  celle  qui 
existe  serait  brûlée,  ce  que  Dieu  veuille  empê- 
cber.  L'université  d'Erfurtb  était  jadis  si  renom- 
mée, que  toutes  les  autres  en  comparaison  étaient 
considérées  comme  de  petites  écoles.  Maintenant 
cette  gloire  et  cette  majesté  ont  disparu,  et  Tu- 
niversité  d'Erfurth  est  tout-à-fait  morte. 

»  Autrefois  on  avançait  les  Maîtres,  on  les  ho- 
norait; on  portait  devant  eux  des  flambeaux.  Je 
trouve  qu*il  n'y  a  jamais  eu  en  ce  monde  de  joie 
comparable  à  celle-là.  C'était  aussi  une  grande 
fête  quand  on  faisait  des  docteurs.  On  allait  à 
cheval  autour  de  la  ville;  on  s'habillait  avec  plus 
de  soin,  on  se  parait.  Tout  cela  ne  se  fait  plus, 
mais  je  voudrais  bien  que  Ton  fît  revivre  ces 
bonnes  coutumes. 

»  Malheur  à  l'Allemagne  qui  néglige  les  écoles, 
qui  les  méprise  et  les  laisse  tomber  !  Malheur  à 
Farchevéque  de  Mayence  et  d'Ërfurth  qui  pour- 
rait d'un  mot  relever  les  universités  de  ces 
deux  villes,  et  qui  les  laine  désolées  et  dé- 
sertes! Un  seul  coin  de  l'Allemagne,  celui  où 
nous  sommes,  fleurit  encore,  grâce  à  Dieu,  par 
la  pureté  de  la  doctrine  et  la  culture  des  arts  li- 
béraux. Les  papistes  voudront  rebâtir  l'établet 

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BB    LUTBER.  113 

lorsque  le  loup  aura  mangé  les  brebis.  —  La 
faute  en  est  àl'éyéque  deMayence:  c'est  un  fléau 
pour  les  écoles  et  pour  toute  l'Allemagne.  Aussi 
en  est-il  déjà  justement  puni.  Il  a  sur  son  risage 
une  couleur  de  mort ,  comme  de  la  boue  mêlée 
de  sang. 

9  C'est  à  Paris,  en  France,  que  se  trouve  la 
plus  célèbre  et  la  plus  excellente  école.  Il  y  a 
une  foule  d'étudians,  dans  I^  vingt  miHe  et 
«u-delà.  Les  théologiens  y  ont  à  eux  le  lieu  le 
plus  agréable  de  la  ville ,  une  rue  particu- 
lière fermée  de  portes  aux  deux  bouta;  on  l'ap- 
pelle la  Sorbonne.  Peut-être  ,  à  ce  que  j'ima- 
gine, tire- 1- elle  ce  nom  de  ces  fruits  de  cor- 
miers (  aorbus  )  qui  viennent  sur  les  bords  de  la 
mer  Morte,  et  qui  présentent  au  dehors  une 
agréable  apparence;  ouvrez-les,  ce  n'est  que 
cendres  au-dedans.  Telle  est  l'université  de  Pa- 
rts, elle  présente  une  grande  foule,  mais  elle  est 
la  mère  de  bien  des  erreurs.  S'ils  disputent ,  ils 
orient  comme  des  paysans  ivres ,  en  latin ,  en 
finançais.  Enfin  on  frappe  des  pieds  pour  les  dedre 
taire.  Ils  ne  font  point  de  docteurs  en  théologie 
à  moins  qu'on  n'étudie  dix  ans  dans  leur  sophis- 
tique et  futile  dialectique.  Le  répondant  doit 
siéger  un  jour  entier  et  soutenir  la  dispute  contre 

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114  MfitfaiBE8 

tout  venant,  de  six  heures  du  matin  à  six  heures 
du  soir. 

»  A  Bourges  en  France ,  dans  les  promotions 
puhliques  de  docteurs  en  théologie  qui  se  font 
dans  l'église  métropolitaine,  on  leur  donne  à 
chacun  un  filet,  apparemment  pour  qu'ils  s'en 
servent  à  prendre  les  gens. 

»  Nous  avons ,  grâce'  à  Dieu ,  des  universités 
qui  ont  embrassé  la  parole  de  Dieu.  Il  y  a  encore 
beaucoup  de  belles  écoles  particulières  qui  se  dis* 
posent  bien,  telles  que  Zwickaw,  Torgaw,  Wit- 
temberg.  Gotha,  Ëisenach,  Deventer,  etc. 

Extrait  du  traité  de  Luther  sur  l'éducation,  -^ 
L'éducation  domestique  est  insuffisante.  —  Il  faut 
que  les  magistrats  veillent  à  l'instruction  des  en- 
fans.  Établir  des  écoles  est  un  de  leurs  principaux 
soins.  Les  fonctions  publiques  ne  doivent  même 
être  confiées  qu'aux  plus  doctes. — Importance  de 
l'étude  des  langues.  Le  diable  redoute  cette  étude, 
et  cherche  à  l'éteindre.  N'est-ce  pas  par  elle  que 
nous  avons  retrouvé  la  vraie  doctrine?  La  pre- 
mière chose  que  Christ  ait  donnée  à  ses  apôtres, 
c'est  le  don  des  langues.  -^  Luther  se  plaint  de 
ce  que,  dans  les  monastères,  on  ne  sait  plus  le 
latin ,  à  peine  l'allemand. 

«  Pour  moi,  si  j'ai  jamais  des  enfiAns,  et  que 

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DB   LUTBSB.  I (6 

ma  fortune  me  le  permette»  je  veux  qu'ils  de- 
Tiemcient  habiles  dans  les  langues  et  dans  l'his- 
toire;, qu'ils  apprennent  même  la  musique  et  les 
mathématiques.  »  Suit  un  éloge  des  poètes  et  des 
historiens. 

Qu'on  enyoie  au  moins  les  enfans  une  heure 
ou  deux  par  jour  à  l'école;  qu'ils  emploient  le 
reste  à  soigner  la  maison  et  à  apprendre  quelque 
métier. 

Il  doit  aussi  y  avoir  des  écoles  pour  les  filles. 
—  On  devrait  fonder  des  bibliothèques  publi- 
ques. D'abord  des  livres  de  théologie»  latins, 
grecs,  hébreux,  allemands,  puis  des. livres  pour 
apprendre  la  langue,  tels  que  les  orateurs,  les 
poètes,  peu  importe  qu'ils  soient  chrétiens  ou 
païens;  les  livres  qui  traitent  des  arts  libéraux  et 
des  arts  mécaniques;,  les  livres  de  jurisprudence 
et  de  médecine,,  les  annales,  les  chroniques,  les 
histoires,  dans  la  langue  où  elles  ont  été  écrites, 
doivent  tenir  la  première  place  dans  une  bi- 
bliothèque, etc.  » 

JDe9  langues,  —  «  Les  Grecs,  comparés  aux  Hé- 
breux, ont  bien  de  bonnes  et  agréables  paroles, 
msdsn'onipoinidesentences.  La  langue  hébraïque 
est  la  plus  riche;  elle  ne  mendie  point,  comme  le 
grec ,  le  latin  et  Fallemand.  £lle  n'a  pa»  besoin 
de  recourir  aux  mots  composés. 

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.116  HÉMOIRES 

>  Les  Hébreux  boivent  à  la  source,  les  Grecs  aa 
ruisseau ,  les  Latins  au  bourbier,  t 

«  J'ai  peu  d'usage  de  la  langue  latine,  élevé, 
comme  je  le  fus,  dans  la  barbarie  des  doctrines 
scolastiques.  >  (12  novembre  1544.) 

«  Je  ne  suis  point  de  dialecte  particulier  en 
allemand.  J'emploie  la  langue  commune,  de  ma- 
nière à  être  entendu  dans  la  haute  et  dans  la 
basse  Allemagne.  Je  parle  d'après  la  chancellerie 
de  Saxe,  que  tous  suivent,  en  Allemagne,  dans 
leurs  actes  publics,  rois,  princes,  villes  impé- 
riales. Aussi,  est-'ce  le  langage  le  plus  commun. 
L'empereur  Maximilien  et  l'électeur  Frédéric  de 
Saxe  ont  ainsi  ramené  les  dialectes  allemands  à 
une  langue  certaine.  La  langue  des  Marches  est 
encore  plus  douce  que  celle  de  Saxe.  » 

De  la  grammaire. —  «  Autre  chose  est  la  gram- 
maire, autre  chose  est  la  langue  hébraïque.  La 
langue  hébraïque,  puis  la  grammaire  positive,  a 
péri  en  grande  partie  chez  les  Juifs;  elle  est 
tombée  avec  la  chose  même,  et  avec  l'intelli- 
gence, comme  dit  Isa!e(XXIX).  Il  ne  faut  donc 
rien  accorder  aux  rabbin»  dans  les  choses  sacrées; 
ils  torturent  et  violentent  les  étymologies  et  les 
constructions,  parce  qu'ils  veulent  forcer  la  chose 
par  les  mots,  soumettre  la  chose  aux  mots,  tandis 

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Dl   LUTHCR*  117 

que  ce  sont  les  choses  qui  doivent  commander. 

»  On  Yoit  de  semblables  débats  entre  les  ci* 
céroniens  et  les  autres  latinistes.  Pour  moi ,  je 
ne  suis  ni  latin,  ni  grammairien,  encore  moins  ci- 
céronicn;  cependant,  j'approuve  ceux  qui  ai- 
ment mieux  prétendre  à  ce  dernier  nom.  De 
même ,  dans  la  littérature  sacrée ,  j'aimerais  à  être 
simplement  mosaïque,  davidique  ou  isaîque,  s'il 
6e  pouvait,  plutôt  qu'un  Hébreu  kumiqae,  ou 
semblable  à  tout  autre  rabbin.»  (1SS7.) 

«  Je  regrette  de  n'avoir  pas  plus  de  temps  à 
donner  à  l'étude  des  poètes  et  des  rhéteurs  :  j'a- 
vais acheté  un  Homère  pour  devenir  Grec.» 
(20marsl52B.} 

«Si  je  devais  écrire  sur  la  dialectique,  j'ex- 
primerais tout  en  allemand;  je  rejetterais  tous 
ces  mots  étrangers  :  propositio,  syllogismus , 
enthymema ,  exemplum,,, 

>  Ceux  qui  introduisent  de  nouveaux  mots, 
doivent  aussi  introduire  de  nouvelles  choses, 
comme  Scotavec  sa  réalité,  son  hiccité;  comme 
les  anabaptistes  et  les  prédicateurs  de  troubles, 
avec  leurs  besprengung,  entgrobung,  geiassenheit. 
Qu'on  se  garde  donc  de  tous  ceux  qui  s'étudient 
à  trouver  des  mots  nouveaux  et  inusités.  » 

Luther  citait  la  fable  de  la  cour  du  lion,  et 

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118  MéHOlKSS 

disait,  «  qu'après  la  Bible,  il  ne  connaissait  pas 
de  meilleur  livre  que  les  Fahle$  eTE^pe  et  les 
écrits  de  Caton;  de  même  que  Bonat  lui  sem- 
blait le  meilleur  grammairien.  Ce  n*est  point  un 
seul  homme  qui  a  fiaiit  ces  fables;  beaucoup  de 
grands  esprits  y  ont  trayaillé  à  chaque  époque 
du  monde.  • 

De$  suTons, —  «  Avant  peu  d'années,  on  man- 
quera entièrement  de  savans.  On  aurait  beau 
creuser  pour  en  déterrer,  rien  ne  servira  ;  on  pè- 
che trop  contre  Dieu.  • 

A  un  ami  :  c  Ne  te  laisse  pas  aller  à  la  crainte 
que  rAIlemagne  ne  devienne  plus  barbare  qu'elle 
ne  l'a  jamais  été  ,  par  la  chute  des  lettres  que 
causerait  notre  théologie.  »  (29  mars  1523.) 


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!>■   LUTHIK.  119 


CHAPITRE  IV. 


Dramti.  —  Musiqua»  —  Astrologie.  —  Imprimtric 
—  BtoqiM«  ete. 


Des  repréêevSaiions  ikéâiraleê,  —  Luther  ne 
désapprouve  point  un  maître  d'école  qui  jouait 
les  comédies  de  Térence.  Il  énumère  les  diverses 
utilités  de  la  comédie.  Si  on  s'abstenait  de  la  co- 
médie, parce  qu'il  s'agit  souvent  d'amour,  on 
n'oserait  non  plus  lire  la  Bible. 

« — Notre  cher  Joachim  m'a  demandé  mon  ju- 
gement sur  ces  représentations  d'histoires  saintes , 
que  blâment  plusieurs  de  vos  ministres.  Voici,  en 
peu  de  mots  y  mon  opinion.  lia  été  commandé  à 

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120  MÉSOIKBS 

tous  let  hommes  de  répandre  et  de  propager  le 
Verbe  de  Dîeiii  par  tous  les  moyens,  non  pas 
seulement  par  la  parole,  mais  par  écritures, 
peintures,  sculptures,  psaumes,  chansons,  in- 
strumens  de  musique,  comme  dit  le  psaume: 
Laudate  eum  in  tympano  et  choro ,  laudate  eum 
chordi»  et  organo,  £t  Moîse  dit:  Ligahi*  ea  quasi 
êignum  in  manu  tuâ,eruntque  et  movebun^er  in- 
ter  oculos  tuos ,  scribesque  ea  limine  et  ostiù  do- 
mû$  tuœ.  Moïse  veut  que  la  parole  se  meuve  àe- 
▼ant  les  yeux  ;  comment  cela  se  pourrait-il  faire 
mieux  et  plus  clairement  que  par  des  représen- 
tations semblables,  mais  graves  et  modestes,  el 
non  par  des  farces ,  comme  autrefois  sous  la  pa- 
pauté ?  De  tels  spectacles  frappent  les  yeux  du 
peuple,  rémeuvent  souvent  bien  plus  que  dei 
prédications  publiques.  Je  sais  que  dans  la  base 
Allemagne ,  où  Ton  a  interdit  la  profession  pu- 
blique  de  TÉvangile,  des  drames,  tirés  de  la  Loi 
et  de  rÉvangile,  en  ont  converti  un  grand  nom- 
bre. »  (5  avril  1543.) 

De  la  musique.  —  «  La  musique  est  on  des  piiu 
beaux  et  des  plus  magnifiques  présens  de  Bîeu. 
Satan  en  est  Tennemi.  Par  elle  on  repousse  bien 
des  tentations  et  de  mauvaises  pensées.  Le  diable 
ne  tient  pas  contre. 


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Dl  LUTHXn.  121 

»  Quelques-uns  de  la  noblesse,  et  des  courte 
sans,  pensent  que  mon  gracieux  seigneur  pour- 
rait épargner  en  musique  trois  mille  florins  par 
an;  et  Ton  dépense,  en  choses  inutiles ,  trente 
mille  florins. 

»  Le  duc  George,  le  landgrave  de  Hes8e,et 
rélecteur  de  Saxe,  Jean-Frédéric ,  entretenaient 
des  chanteurs  et  des  musiciens.  Aujourd'hui, 
c'est  le  duc  de  Bavière,  Tempereur  Ferdinand  et 
l'empereur  Charles.  » 

£n  1538 ,  17  décembre,  Luther  ayant  des  mu- 
siciens pour  hôtes,  et  les  ayant  entendus,  dit  avœ 
admiration:  «  Si  notre  Seigneur  nous  accorde  de 
si  nobles  dons  dans  cette  vie  même,  qui  n'est 
qu'ordure  et  misère,  que  sera-ce  donc  dans  la 
vie  éternelle?  En  voici  un  commencement. 

»  Chanter  est  le  meilleur  exercice.  Il  n'a  rien 
à  voir  avec  le  monde...  Aussi  je  me  rejouis  de  ce 
que  Dieu  a  refusé  aux  paysans  {sanw  doute  autr 
paysans  révoltés)  un  don  et  une  consolajtion  si 
grande;  ils  n'entendent  point  la  musique,  et 
n'écoutent  point  la  parole.  » 

Il  disait  un  jour  à  un  joueur  de  harpe:  «  Mon 
ami,  joue-moi  un  air,  comme  faisait  David.  Je 
crois  que,  s'il  revenait  aujourd'hui ,  il  serait  bien 
étonné  de  trouver  les  gens  si  habiles. 

11 

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122  ii£hoires 

9  Gomment  se  fait-il  pourtant  que  nous  ayons 
tant  de  belles  choses  dans  le  genre  mondain ,  et 
que ,  dans  le  spirituel ,  nous  n'ayons  rien  que  de 
froid  et  de  mauvais  (et  il  répétait  quelques  chan- 
sons allemandes}.  Pour  ceux  qui  méprisent  la 
musique ,  comme  font  tous  les  rêveurs  et  les  mys- 
tiques, je  ne  puis  m'accorder  avec  eux. 

«  ...  Je  demanderai  au  prince  qu'avec  cet  ar- 
gent il  établisse  une  musique.  >  (avril  lo41.) 

Le  4  octobre  15B0,  il  écrit  à  Ludovic  Senfel, 
musicien  de  la  cour  de  Bavière,  pour  lui  de- 
mander de  lui  mettre  en  musique  le  :  Inpace  m 
id  ipsutn.  «  L'amour  de  la  musique  m'a  iait 
surmonter  la  crainte  d'être  repoussé,  lorsque 
TOUS  verrez  un  nom  qui  vous  est  sans  doute 
odieux.  Ce  même  amour  me  donne  aussL  l'espé- 
rance que  mes  lettres  ne  vous  attireront  aucun 
désagrément.  Qui  pourrait,  fût-il  le  Turc,  vous 
en  faire  un  sujet  de  reproches  ?...  Après  la  théo- 
logie, il  n'y  a  aucun  art  que  l'on  puisse  mettre 
à  côté  de  la  musique.  » 

Luther  recommande  à  son  ami  Amsdorf  un 
peintre  nommé  Sébastien,  et  ajoute  :  «  Je  ne 
sais  si  vous  aurez  besoin  de  lui.  Je  désirerais  ce- 
pendant que  ton  habitation  fût  plus  ornée  et  plus 
élégante,  à  cause  de  la  chair  à  qui  reviennent 


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SB   LUTIIBB.  123 

auist  quelques  soins  et  quelques  recréations, 
lorsqu'elles  sont  sans  péché  et  sans  faute.  »  (6  fé- 
vrier 1542.) 

Peinture,  —  Les  pamphlets  de  Luther  contre  le 
pape  étaient  presque  toujours  accompagnés  de 
gravures  symboliques.  —  «  Quant  à  ces  trois  fu- 
ries, dit-il  dans  l'explication  d'une  de  ces  gra- 
vures satiriques,  je  n'avais  autre  chose  dans 
l'esprit,  lorsque  j'en  faisais  l'application  au  pape, 
que  d'exprimer  l'atrocité  de  labomination  papale 
par  ces  expressions  les  plus  énergiques,  les  plus 
atroces  de  la  langue  latine;  caries  Latins  ignorent 
ce  que  c'est  que  Satan  ou  le  diable,  comme  l'i- 
gnorent aussi  les  Grecs  et  toutes  les  nations.  » 
(8  mai  1545.) 

C'était  Lucas  Cranach  qui  en  avait  fait  les  figu- 
res. —  Luther  écrit  :  «  Maitre  Lucas  est  un  peintre 
peu  délicat.  Il  pouvait  épargner  le  sexe  féminin  en 
considération  de  nos  mères  et  de  l'œuvre  de  Dieu. 
Il  pouvait  peindre  d'autres  formes  plus  dignes  du 
pape,  je  veux  dire  plus  diaboliques.  »  (  3  juin 
1545.) 

«  Je  ferai  tous  me»  efforts,  si  je  vis,  pour 
que  le  peintre  Lucas  substitue  à  cette  peinture 
obscène  une  image  plus  honnête.  »  (15  juin.) 

Luther  professait  pour  Albert  D  ûrer  une  grande 

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124  MÉMOIRES 

admiration.  Lorsqu'il  apprit  sa  mort ,  il  écrivît  : 
«  Il  est  douloureux  sans  doute  de  l'avoir  perdu. 
Réjouissons* nous  cependant  de  ce  que  Christ, 
par  une  fin  si  heureuse  «  l'a  tiré  de  cette  terre  de 
misères  et  de  troubles,  qui,  peut-être  bientôt, 
sera  déchirée  par  des  troubles  plus  grands  en- 
core. Dieu  n'a  pas  voulu  que  celui  qui  était  né 
pour  un  siècle  heureux  ^  vît  de  si  tristes  choses; 
qu'il  repose  en  paix  avec  ses  pères.  *  (avril  1528.) 

De  l'asironotnie  et  de  l'astrologie,  —  «  Il  est 
vrai  que  les  astrologues  peuvent  prédire  l'avenir 
aux  impies^  et  leur  annoncer  )a  mort  qui  les  at- 
tend, car  le  diable  sait  les  pensées  des  impies,  et 
il  les  a  en  sa  puissance.  » 

On  fit  mention  d'un  nouvel  astronome,  qui 
voulait  prouver  que  c'est  la  terre .  qui  tourne, 
et  non  point  le  firmament,  le  soleil  et  la  lune; 
il  en  est  de  même,  disait-il,  pour  les  habitans 
de  la  terre  que  pour  ceux  qui  sont  dans  un  cha- 
riot ou  dans  un  vaisseau ,  et  qui  croient  voir  le 
rivage  ou  les  arbres  fuir  derrière  eux  (1).  •  Ainsi 

(i)  Sans  doute  Copernic  qui  termina  vers  i53o  son 
livre  De  orbium  cœlejtium  revolutlonlbus ,  imprimé,  en 
t543,  ^  Nuremberg,  avec  une  dédicace  au  pape  Paul 
III.  Dès  i540y  une  lettre  de  son  disciple  Rheticus  fit 
connaître  le  nouveau  système. 

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DB   LVTHEll.  125 

▼a  le  monde  aujourd'hui;  quiconque  veut  être 
habile,  ne  doit  pas  se  contenter  de  ce  que  font  et 
savent  les  autres.  Le  sot  veut  changer  tout  Part 
de  Tastronomie;  mais,  comme  le  dit  la  sainte 
Écriture,  Josué  commanda  au  soleil  des^arréter, 
et  non  à  la  terre.  * 

«Les  astrologues  ont  tort  d'attribuer  aux  étoiles  ' 
la  mauvaise  influence  qui  appartient  en  effet  aux 
comètes. 

>  Maître  Philippe  tient  fort  à  cela,  mais  il  n'a 
jamais  pu  me  persuader.  Il  prétend  que  l'art  est 
réel ,  mais  qu'il  n'y  a  point  de  maître  qui  s'y  en- 
tende. * 

Comme  on  montrait  un  horoscope  au  doc- 
teur Luther ,  il  dit  :  «  C'est  une  belle  et  agréable 
imagination,  et  qui  plaît  à  la  raison.  On  va  bien 
régulièrement  d'une  ligne  à  l'autre...  Il  en  est  de 
l'astrologie  comme  de  l'art  des  sophistes ,  de  de-- 
cem  prœdicamentis  realùer  distinctis  ;  tout  est 
faux  et  artificiel;  mais  dans  cette  œuvre  vaine  et 
fictive,  il  y  a  un  admirable  ensemble;  dans  tant 
de  siècles  et  parmi  tant  de  sectes,  thomistes,  al- 
bertistes,  scotistes,  ils  sont  restés  fidèles  aux 
mêmes  règles. 

«  La  science,  qui  a  pour  objet  la  matière,  eti 
incertaine.  Car  la  matière  est  sans  forme ,  et  dé- 

11. 

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126  HiitoiaBS 

pourvue  de  qualités  et  propriétés.  Or,  l'astrologie 

a  pour  objet  la  matière,  etc. 

»  Ils  avaient  dit  qu'il  y  aurait  un  déluge  en 
1524,  et  la  chose  .n'arriva  qu'en  1525,  époque 
du  soulèvement  des  paysans.  Déjà  le  bourgmes- 
tre Hendorf  avait  fait  monter  au  haut  de  sa 
maison  un  quart  de  bière  pour  y  attendre  le  dé- 
luge. » 

Maître  Philippe  disait  que  l'empereur  Charles 
devait  vivre  jusqu'à  quatre-vingt-quatre  ans;  le 
docteur  Luther  répondit  :  «  Le  monde  ne  durera 
pas  si  long-temps.  Ézéchiel  y  est  contraire.  Si  nous 
chassons  le  Turc ,  la  prophétie  de  Daniel  est  ac- 
complie ,  et  certainement  le  jour  du  jugement 
est  à  la  porte.  > 

Une  grande  étoile  rouge,  qui  avait  paru  dans 
le  ciel ,  et  qui  forma»  ensuite  une  croix  en  1516, 
reparut  plus  tard;  <  mais  alors,  dit  Luther,  la 
croix  parut  brisée;  car  FÉvangile  était  obscurci 
par  les  sectes  et  les  révoltes.  Je  ne  trouve  rien  de 
certain  dans  de  tels  signes  ;  ce  sont  communément 
des  signes  diaboliques  et  trompeurs.  Noua  en 
avons  vu  beaucoup  ces  quinze  dernières  années.  » 

Imprimerie,  —  «  L'imprimerie  est  le  dernier 
et  suprême  don ,  le  summum  et  posiremufn  do- 
num,  par   lequel  Dieu  avance   les  choses  de 

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DB  i^rTBBm.  127 

l'Évangile.  C'est  la  dernière  flamme  qui  luit  avant 
l'extinction  du  monde.  Grâce  à  Bien,  elle  est  ve- 
nue à  la  fin.  Sancti patres  dormienteadesiderâruni 
videre  hune  diem  révélait  Evangelii,  » 

Gomme  on  lui  montrait  un  écrit  des  Fugger,  orner 
de  lettres  d'une  forme  si  bizarre ,  que  personne 
ne  pouvait  le  lire,  il  dit:  «  C'est  une  invention 
d'hommes  habiles  et  prévoyans.  Mais  c'est  la  mar- 
que d'une  époque  bien  corrompue.  Nous  lisons 
que  Jules  César  employait  de  pareilles  lettres.  On 
dit  que  l'Empereur,  se  défiant  de  ses  secrétaires^ 
les  fait  écrire,  dans  les  afiaires  les  plus  impor- 
tantes, de  deux  manières  qui  se  contredisent  ;  et 
ils  ne  savent  point  auxquels  des  deux  écrits  il  doit 
mettre  son  sceau.  » 

Banque,  —  «  Un  cardinal ,  évêque  de  Brixen , 
étant  mort  fort  riche  à  Rome ,  on  ne  trouva 
point  d'argent  chez  lui ,  mais  seulement  un  petit 
billet  dans  sa  manche.  Le  pape  Jules  II  se  douta 
bien  que  c'était  une  lettre  de  change  ;  il  envoya 
sur-le-champ  chercher  le  facteur  des  Fugger,  à 
Rome,  et  lui  demanda  s'il  ne  connaissait  point 
cet  écrit  ?  Oui ,  répondit-il ,  c'est  la  reconnaissance 
de  ce  que  Fugger  et  compagnie  doivent  au  car- 
dinal j  cela  fait  trois  cent  mille  florins.  Le  pape 
demanda  s'il  pouvait  lui  payer  tout  cet  argent.  A 

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128  '  «iMOIBM 

toute  heure,  répondit  l'autre.  Le  pape  fit  venir 
ensuite  les  cardinaux  de  France  et  d'Angleterre , 
et  leur  demanda' si  leurs  rois  pourraient  trouver 
en  une  heure  trois  tonnes  d'or  ?  Ils  répondirent 
que  non.Ëhbien!  diUil,  un  bourgeois  d'Augsbourg 
peut  le  faire. 

'  Fugger  devant  un  jour  donner  au  conseil 
d'Augsbourg  l'estiniation  de  ses  biens,  il  répon- 
dit qu'il  ne  savait  pas  ce  qu'il  avait ,  car  son  ar- 
gent était  dans  tout  le  monde,  en  Turquie,  en 
Grèce ,  à  Alexandrie ,  en  France ,  en  Portugal ,  en 
Angleterre,  en  Pologne,  etc.,  mais  qu^il  pou- 
vait bien  donner  l'estimation  de  ce  qu'il  avait  à 
Augsbourg.  • 


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DM    LVTHBR.  I29 


CHAPITRE  V. 


De  la  prtdtutioo.  »  St^le  d«  Lutber^  —   Il  «voim  U   TiQlcac« 
d«  son  caractère. 


«  Oh  combien  je  tremblais  lorsque,  pour  a 
première  fois,  il  me  fallut  monter  en  chaire  !  mais 
on  me  forçait  de  prêcher.  II  fallait  d'abord  prê- 
cher les  frères...  » 

«  J'ai  bien ,  sous  cfe  même  poirier  où  nous  som- 
mes, opposé  au  docteur  Staupitz  quinze  argu- 
mens  contre  ma  vocation  à  la  prédication.  Je 
lui  dis  enfin:  •  Seigneur  docteur  Staupitz ,  vous 
voulez  me  tuer;  je  ne  vivrai  pas  trois  mois.  »  Il 
me  répondît  :  «  Eh  bien!  notre  Seigneur  a  de 
grandes  affaires;  on  a  besoin  de  gens  habiles  là- 
haut.  » 


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130  MiMOiais 

•  Je  n'apporte  guère  de  zèle  et  d'ardeur  à  la 
distribution  de  mes  œuvres  en  tomes;  j'ai  une 
faim  de  Saturne ,  je  les  voudrais  tous  dévorer. 
Car  il  n'y  a  pas  un  de  mes  livres  dont  je  sois  sa- 
tisfait, si  ce  n'est  peut-être  le  Traité  du  serf  arbi- 
tre et  le  Catéchisme.  •  (9  juillet  1537.) 

<  Je  n'aime  pas  que  Philippe  assiste  à  mes  le- 
çons ou  prédications ,  mais  je  mets  la  croix  de- 
vant moi,  et  je  me  dis:  Philippe ,  Jonas ,  Pomer, 
tous  les  autres,  ne  font  rien  à  la  chose;  et  je 
m'imagine  alors  qu'il  ne  s'est  assis  dans  la  chaire 
personne  de  plus  habile  que  moi  » 

Le  docteur  Jonas  lui  disait  :  «  Seigneur  doc- 
teur, je  ne  puis  du  tout  vous  suivre  dans  la  pré- 
dication. »  —  Le  docteur,  Luther  répondit  :  «  Je 
ne  le  puis  moi-mérae>,  car  souvent  c'est  ma  pro- 
pre personne  ou  quelque  chose  de  particulier 
qui  me  donne  l'occasion  d'un  sermon,  selon 
le  temps,  les  circonstances,  les  auditeurs.  Si 
j'étais  plus  jeune,  je  voudrais  retrancher  beau- 
coup dans  mes  prédications,  car  j'y  ai  mis  trop 
de  paroles.  • 

«  Je  veux  que  l'on  enseigne  bien  au  peuple  1% 
Catéchisme  ;  je  me  fonde  sur  lui  dans  tous  mes 
sermons,  et  je  prêche  aussi  simplement  que  pos- 
sible. Je  veux  que  les  hommes  du  commun  »  lei 


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DB   LUTHB&.  131 

eii£ins,le8  domestiques,  me  comprennent.  Ce 
n'est  point  pour  les  savans  que  Ton  monte  en 
cliaire  ;  ils  ont  les  livres.  » 

Le  docteur  Erasraus  Alberus,  prêta  partir 
pour  la  Marche,  demandait  au  docteur  Luther 
comment  il  fallait  prêcher  devant  le  prince.  «Tes 
prédications f  dit-il,  doivent  s'adresser,  non  aux 
princes,  mais  au  simple  et  grossier  peuple.  Si, 
dans  les  miennes,  je  songeais  à  Mélanchton  et 
aux  autres  docteurs ,  je  ne  ferais  rien  de  bon  ; 
mais  je  prêche  tout  simplement  pour  les  igno- 
rans,  et  cela  plait  à  tous.  Si  je  sais  du  grec,  de 
l'hébreu,  du  latin,  je  le  réserve  pour  nos  réu- 
nions de  savans.  Alors  nous  en  disons  de  li  sub- 
tiles que  Dieu  même  en  est  étonné.  » 

«  Albert  Durer,  le  fameux  peintre  de  Nurem- 
berg, avait  coutume  de  dire  qu'il  ne  prenait 
aucun  plaisir  aux  peintures  chargées  de  couleurs, 
mais  à  celles  qui  étaient  faites  avec  le  plus  de 
simplicité.  J'en  dis  autant  des  prédications.  * 

«  Oh  que  j'eusse  été  heureux ,  lorsque  j'étais 
au  cloître  d'Erfurth ,  si  j'avais  pu  une  fois,  une 
seule  fois,  entendre  prêcher  un  pauvre  petit 
mot  sur  l'Évangile  ou  sur  le  moindre  des  psau- 
mes!* 

«  Rien  n'est  plus  agréable  et  plus  utile  au  com- 

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132  IliHOIEKS 

mun  des  auditeurs,  que  de  prêcher  la  loi  et  les 
exemples.  Les  prédications  sur  la  Grâce  et  sur 
l'article  de  la  justification  sont  froides  pour  leurs 
oreilles.   » 

Parmi  les  qualités  que  Luther  exige  d'un  pré- 
dicateur, il  veut  qu'il  soit  beau  de  sa  personne, 
et  tel  que  les  bonnes  femmes  et  les  petites  filles 
puissent  l'aimer. 

Dans  le  Traité  sur  ht  vœux  monastiquei ,  Lu- 
ther demande  pardon  au  lecteur  de  dire  bien  des 
choses  qu'on  a  coutume  de  taire.  —  «  Pourquoi 
n'oser  dire  ce  que  le  Saint-Esprit,  pour  instruire 
les  hommes,  a  dicté  à  Moïse  ?  Mais  nous  voulons 
que  nos  oreilles  soient  plus  pures  que  la  bouche 
du  Saint-Esprit.  » 

A  J.  Brentiua,  •  Je  ne  veux  point  te  flatter, 
je  ne  te  trompe  pas,  je  ne  me  trompe  pas  moi- 
même  ,  quand  je  dis  que  je  préfère  tes  écrib  aux 
miens.  Ce  n'est  point  Brentius  que  je  loue,  mais 
l'Esprit  saint,  qui  en  toi  est  plus  doux,  plus 
tranquille;  tes  paroles  coulent  plus  pures,  plus 
limpides.  Mon  style,  à  moi,  inhabile  et  inculte, 
Tomit  un  déluge ,  un  chaos  de  paroles,  turbulent 
et  impétueux  comme  un  lutteur  toujours  aux 
prises  avec  mille  monstres  qui  se  succèdent;  et 
si  j'ose  comparer  de  petites  choses  aux  grandes. 


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Da    LUTHBll.  133 

il  me  lemble  qn'il  m*a  ëté  donné  quelque  chose 
de  ce  quadruple  esprit  d'Élîe,  «rapide  comme  le 
▼ent,  dévorant  comme  le  feu,  qui  renverse  les 
montagnes  et  brise  les  pierres;  à  toi,  au  con- 
traire, le  doux  murmure  de  la  brise  légère  et  ra- 
irakbissante.  Une  chose  me  console ,  c'est  que  le 
divin  père  de  famille  a  besoin ,  dans  cette  famille 
immense,  de  l'un  et  de  Tautre  serviteur,  du  dur 
contre  les  durs,  de  l'âpre  contre  les  âpres,  comme 
d'un  mauvais  coin  contre  de  mauvais  nœuds.  Pour 
purger  l'air  et  rendre  la  terre  plus  fertile,  ce 
n'est  point  assez  de  la  pluie  qui  arrose  et  pénè- 
tre, il  faut  encore  les  éclats  de  la  foudre.  » 
(20  août  1530.) 

Je  suis  loin  de  me  croire  sans  défaut;  mais  je 
puis  au  moins  me  glorifier  avec  saint  Paul ,  de 
ne  pouvoir  être  accusé  d'hypocrisie  et  d'avoir  tou- 
jours dit  la  vérité,  peut-être,  il  est  vrai,  un  peu 
trop  rudement.  Biais  j'aime  mieux  pécher  par 
la  dureté  de  mes  paroles,  en  jetant  la  vérité  dans 
le  monde»  que  de  la  retenir  honteusement  cap- 
tive. Si  les  grands  seigneurs  s'en  trouvent  blessés, 
qu'ils  se  mêlent  de  leurs  affaires  sans  plus  se 
soucier  des  miennes  et  de  nos  doctrines.  Est-ce 
que  je  leur  ai  fait  quelque  tort,  quelque  injustice? 
Si  je  pèche,  ce  sera  à  Dieu  de  me  pardonner. 
(  5  février  1522.)  12 

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134  mAmoiri» 

•  A  SpaltUin,  c  Je  ne  puis  nier  que  je  ne  sofi 
plus  violent  qu'il  ne  faudrait  ;  mais  ils  le  savaient 
c'était  à  eux  de  ne  pas  irriter  le  dogue.  Tu  peui 
savoir  par  toi-même  combien  c'est  une  chose 
difficile  que  de  modérer  son  feu  et  de  contenir  sa 
plume.  Et  voilà  pourquoi  j'ai  toujours  haï  de  pa- 
raître en  public;  mais  plus  je  le  hais,  plus  j'y 
suis  forcé  malgré  moi.  »  (février  1320.) 

Le  docteur  Luther  disait  souvent  :  «  J'ai  trois 
mauvais  chiens,  ingratùudinem ,  superbiametw- 
vidiam  (l'ingratitude,  l'orgueil  et  l'envie).  Celui 
qu'ils  mordent  est  bien  mordu.  % 

«  Si  je  meurs,  les  papistes  verront  quel  adve^ 
saire  ils  ont  eu  en  moi.  D'autres  prédicateurs 
n'auront  pas  la  même  mesure,  la  même  modéra- 
tion. On  l'a  déjà  éprouvé  avec  Hunier,  avec  Car- 
lostad,  Zwingli  et  les  anabaptistes,  d 

c  Dans  la  colère  mon  tempérament  se  re- 
trempe, mon  esprit  s'aiguise,  et  toutes  les  ten- 
tations, tous  les  ennuis  se  dissipent.  Je  n'écris 
et  ne  parle  jamais  mieux  qu'en  colère.  % 

A  Michel  Marx,  «  Tu  ne  saurais  croire  com- 
bien j'aime  à  voir  mes  adversaires  s'élever  chaque 
jour  davantage  contre  moi.  Je  ne  suis  jamab 
plus  superbe  et  plus  audacieux  que  lorsque  j'ap- 
prends que  je  leur  déplais.  Docteurs,  évéques» 


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DE  LOTVIR.  185 

princes,  que  m'importe  ?  Il  est  écrit  :  Tremueruni 
genteê  etpopuli  medùati  aunt  inania,  Atbtiteruni 
regea  terrw ,  et  principea  convenerunt  in  unutn 
adveraûs  Deum  et  adversùs  Christum  ejus, 

»  J'ai  un  tel  dédain  pour  ces  satans ,  que  si  je 
n'étais  retenu  ici,  j'irais  tout  droit  à  Rome,  en 
haine  du  diable  et  de  toutes  ces  furies.  » 

«  Il  fout  que  j'aie  de  la  patience  avec  le  pape, 
arec  mes  disciples,  avec  mes  domestiques,  avec 
Catherine  de  Bora ,  avec  tout  le  monde ,  et  ma  vie 
n*est  autre  chose  que  de  la  patience.  » 


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136  viMOIRBS 


LIVRE  CINQUlÈME^ 


CHAPITRE  PREMIER. 


Mort  do.  p^r«  d«  Luther ,  d«  m  fiJU ,  elt. 


«  Il  n'est  pas  d'alliance  ni  de  société  plus  belle, 
plus  douce  et  plus  heureuse,  qu'un  bon  mariage. 
C'est  une  joie  de  voir  deux  époux  vivre  unis  et 
en  paix.  Mais  aussi,  rien  n'est  plus  amer  et  plus 
douloureux  que  quand  ce  lien  se  déchire.  Après 
cela  vient  la  mort  des  enfana.  Cette  dernière  dou- 
leur, je  la  connais,  hélas!  « 


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BB  tOTVBB.  1S7 

—  «  Je  sais  trirte  en  t'écrivant,  car  j'ai  reçu 
la  noavelle  de  la  mort  de  mon  père,  ce  vieux 
Luther,  si  bon  et  si  aimé.  Et  bien  que  par  moi 
il  ait  eu  un  si  facile  et  si  pieux  passage  eu 
Christ,  et  que,  délivré  des  monstres  d'ici-bas, 
il  repose  dans  la  paix  éternelle,  cependant 
naes  entrailles  se  sont  émues,  car  c'est  par  lui 
que  Dieu  m'a  fait  naître  et  m'a  élevé.»  — Dans  une 
lettre  du  même  jour  à  Mélanchton  :  €...  Je  succède 
à  son  nom;  voici  maintenant  que  je  suis  pour  ma 
&mille  le  vieux  Luther.  C'est  mon  tour,  c'est 
mon  droit  de  le  suivre  par  la  mort  dans  ce 
royaume  que  Christ  nous  a  prorais  à  nous  tous 
qui,  à  cause  de  lui,  sommes  les  plus  misérables 
des  hommes ,  et  l'opprobre  du  monde...  Je  me 
réjouis  cependant  qu'il  ait  vécu  dans  ce  temps , 
et  qu'il  ait  pu  voir  la  lumière  de  la  vérité.  Dieu 
•oit  béni  dans  tous  ses  actes ,  dans  tous  ses  des- 
seins! >  (5  juin  1530.) 

•  La  nouvelle  étant  venue  de  Freyberg  que 
maître  Hausman  était  mort ,  nous  la  cachâmes  au 
docteur  Luther,  et  lui  dîmes  d'abord  qu'il  était 
malade,  puis  qu'il  était  au  lit,  puis  qu'il  s'était 
bien  doucement  endormi  dans  le  Christ.  Le  doc- 
teur se  mit  à  pleurer  bien  fort,  et  dit  :  <  Voici  des 
temps  bien  périlleux;  Dieu  balaie  son  aire  et  sa 

12. 

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138  aiMoiavs 

grange.  Je  le  prie  de  ne  pas  laisser  rirre  long- 
temps après  ma  mort  ma  femme  et  mes  enfans.  > 
Il  resta  assis  tout  le  jour;  il  pleurait  et  s'affli- 
geait. Il  était  avec  le  docteur  Jonas,  maître  Phi- 
lippe (  Mélanchton  ) ,  maître  Joachim  Camera- 
rius,  et  Gaspard  de  Keckeritz,  et,  au  milieu 
d'eux,  il  était  assis,  tout  affligé  et  en  larmes.  • 
(1538.) 

•  Lorsqu'il  perdit  sa  fille  Hagdalena ,  âgée  de 
quatorze  ans ,  la  femme  du  docteur  pleurait  et  se 
lamentait.  Il  lui  dit  :  «  Chère  Catherine ,  songe 
pourtant  où  elle  est  allée.  Elle  a  certes  fait  un 
heureux  voyage.  La  chair  saigne,  sans  doute,  c'est 
sa  nature; maisl'esprit  vit  et  se  trouve  selon  sessou- 
haits.  Les  enfans  ne  disputent  point;  cozume  on 
leur  dit,  ils  croient.  Chez  les  enfans  tout  est  simple. 
Ils  meurent  sans  chagrin  ni  angoisses ,  sans  dis- 
putes, sans  tentations  de  la  mort,  sans  douleur 
corporelle ,  tout  comme  s'ils  s'endormaient.  » 

€  Comme  sa  fille  était  fort  malade,  il  disait  : 
«  Je  l'aime  hien  !  Mais,  6  mon  Dieu!  si  c'est  ta  vo- 
lonté de  la  prendre  d'ici ,  je  veux  la  savoir  sans 
regret  auprès  de  toi.  <  £t  comme  elle  était  au  lit, 
il  lui  disait  :  «  Ha  chère  petite  fille,  ma  petite 
Madeleine,  tu  resterais  volontiers  ici  auprès  de  ton 
père,  et  tu  irais  pourtant  volontiers  aussi  à  ton 

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BU  LtTTHia.  180 

autre  père.  «  Elle  répondît  :  «Oui,  mon  cher  père, 
comme  Dieu  voudra.  >  «  Chère  petite  fille!  ajou- 
ta-t-îl ,  l'esprit  veut ,  mais  la  chair  est  faible.  »  Il 
se  promena  en  long  et  en  large  et  dit  :  •  Oui ,  je 
Fai  aimée  bien  fort.  Si  la  chair  est  si  forte ,  que 
sera-ce  donc  de  l'esprit  ?  » 

«  Il  disait  entre  autres  choses  :  »  Dieu  n'a  pas 
donné  depuis  mille  ans  à  aucun  évéque  d'aussi 
grands  dons  qu'à  moi;  car  on  doit  se  glorifier  des 
dons  de  Dieu.  £h  bien  !  je  suis  en  colère  contre 
moi-même  de  ce  que  je  ne  puis  m'en  réjouir  de 
cœur,  ni  rendre  grâce;  je  chante  bien  de  temps 
en  temps  à  notre  Seigneur  un  petit  cantique,  et  le 
remercie  tin  peu. 

■  £h  bien!  que  nous  vivions  ou  que  nous  mou- 
rions, Domtniêumua  au  génitif  ou  au  nominatif. 
Allons,  seigneur  docteur,  tenez  ferme.  » 

>  La  nuit  qui  précéda  la  mort  de  Hagdalena , 
la  femme  du  docteur  avait  eu  un  songe;  il  lui 
semblait  voir  deux  beaux  jeunes  garçons  bien 
parés,  qui  voulaient  prendre  sa  fille  et  la  mener 
,  à  la  noce.  Lorsque  Philippe  Mélanchton  vint  le 
matin  dans  le  cloître,  et  demanda  à  la  dame  : 
•  Que  &ite»>vous  de  votre  fille  ?  «  elle  lui  raconta 
son  rêve.  Il  en  fut  bien  efirayé,  et  dit  aux  autres  : 
c  Les  jeunes  garçons  sont  les  saints  anges  qui  vont 

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140  MÉHoiais 

venir  pour  mener  la  vierge  à  la  véritable  noce  du 

royaume  céleste»  >  £t  en  effet  le  même  jour  elle 

mourut. 

»  Lorsque  la  petite  Magdalena  était  à  Fagonie 
et  allait  mourir,  le  père  tomba  à  genoux  devant 
son  lit,  pleura  amèrement,  et  pria  Dieu  qu'il 
voulût  bien  la  sauver.  £lle  expira  et  s'endormit 
dans  les  bras  de  son  père.  La  mère  était  bien 
dans  la  même  chambre,  mais  plus  loin  du  lit,  à 
cause  de  son  affliction.  Le  docteur  répétait  sou- 
vent :  c  Que  la  volonté  de  Dieu  soit  faite  !  ma  fille 
a  encore  un  père  dans  le  ciel.  »  Alors  maître 
Philippe  se  mit  à  dire  :  «  L'amour  des  parens  est 
une  image  de  la  divinité  imprimée  au  cœur  des 
hommes.  Dieu  n'aime  pas  moins  le  genre  humain 
que  les  parens  leurs  enfans.  >  Lorsqu'on  la  mit 
dans  la  bière,  le  père  dit  :  «  Pauvre  chère  petite 
Madeleine,  te  voilà  bien  maintenant?»  lUa  regar- 
da ainsi  étendue,  et  dit  :  c  0  cher  en&nt,  ta  res- 
susciteras ,  tu  brilleras  comme  une  étoile  !  Oui, 
comme  le  soleil!...  Je  suis  joyeux  en  esprit,  mais 
dans  la  chair  je  suis  bien  triste.  C'est  une  chose 
merveilleuse  de  savoir  qu'elle  est  certainement 
en  paix ,  qu'elle  est  bien,  et  cependant  d'être  si 
triste.» 

•  Et  lorsque  le  peuple  vint  pour  aider  à  < 


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M   LOTBXE.  141 

porter  le  corps,  et  que,  selon  le  commun  usage, 
ils  lui  disaient  qu'ils  prenaient  part  à  son  mal- 
heur, il  leur  dit  :  «  Ne  tous  chagrinet  pas,  j'ai  en- 
Toyé  une  sainte  an  ciel.  Oh!  puissions-nous  avoir 
une  telle  mort!  Une  telle  mort,  je  l'accepterais 
sur  rheure!  c  —  Lorsque  l'on  chanta  :  Seigneur, 
qu'il  ne  tous  souTienne  pas  de  nos  anciens  péchés! 
il  ajouta  :  «  Non-seuletnent  des  anciens  ,*mais  de 
ceux  d'aujourd'hui.  Car  nous  sommes  avides,  usu- 
riers, etc.  ;  le  scandale  de  la  messe  existe  encore 
dans  le  monde!  • 

>  Au  retour,  il  disait  entre  autres  choses  :  c  On 
doit  s'inquié^r  du  sort  de  ses  enilEins ,  et  surtout 
des  pauvres  filles.  Je  ne  plains  pas  les  garçons  ; 
un  garçoh  vit  partout ,  pourvu  qu'il  sache  tra- 
vailler. Mais  le  pauvre  petit  peuple  des  filles  doit 
chercher  sa  vie  un  hâton  à  la  main.  Un  garçon 
peut  aller  aux  écoles,  et  devenir  un  hahile  gar- 
çon (ein  feiner  man).  Une  petite  fille  ne  peut  en 
faire  autant.  Elle  tourne  facilement  au  scandale  et 
devient  grosse.  Aussi  je  donne  hien  volontiers 
celle-ci  à  notre  Seigneur.  » 

A  Jonas,  La  renommée  t'aura,  je  pense,  in- 
formé de  la  renaissance  de  ma  fille  Madeleine  au 
royaume  du  Christ;  et  bien  que  moi  et  ma  femme 
nous  dussions  ne  songer  qu'à  rendre  de  joyeuses 

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142  x^noiafes 

actions  de  gr&ces  pour  un  si  heureux  passage  et 
une  fin  si  désirable ,  par  où  elle  a  échappé  à  la 
puissance  de  la  chair ,  du  monde ,  du  Turc  et 
du  Diable,  cependant  la  force  rvr  «-rtpyvf  est  si 
grande  que  je  ne  puis  le  supporter  sans  sanglots, 
sans  gémissement ,  disons  mieux  ,  sans  une  véri- 
table mort  du  cœur.  Dans  le  plus  profond  de 
mon  cœdr  sont  encore  gravés  ses  traits  ,  ses  pa- 
roles ,  ses  gestes  ,  pendant  sa  vie  et  sur  son  lit  de 
mort;  mon  obéissante  et  respectueuse  fille!  La 
mort  même  du  Christ  (et  que  sont  toutes  les 
morts  en  comparaison  ?)  ne  peut  me  Farracherde 
la  pensée  ,  comme  elle  le  devrait....  Elle  était , 
comme  tu  sais,  douce  de  caractère,  aimable  et 
pleine  de  tendresse.  »  (2S  septembre  1543.) 


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DB    LUTHSB.  143 


CHAPnRE  IL 


'D9  Véqniti^  de  U  LoU  ~  OpposlUoa  du  tlMolofiti 
«t  du  juriiUi 


c  II  Tant  mieux  se  gouYemer  d'après  la  raison 
naturelle  que  diaprés  la  loi  écrite ,  car  la  raison  est 
l'âme  et  la  reine  de  la  loi.  Mais  où  sont  les  gens 
qui  ont  une  telle  intelligence?  on  en  peut  à  peine 
trouver  un  par  siècle.  Notre  gracieux .  seigneur , 
rélecteur  Frédéric ,  était  un  tel  homme.  Il  y  a  eu 
encore  son  conseiller  le  seigneur  Fabian  de  Feî- 
litsch ,  un  laïc ,  qui  n'avait  point  étudié  et  qui  ré- 
pondait sur  apices  et  medullam  jurts  mieux  que 
les  juristes  d'après  leurs  livres.—  Maître  Philippe 


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144  aisoiiiBt 

Mélanchton  enseigne  les  arts  libéraux,  de  manière 
qu'il  en  tire  moins  de  lumière  qu  il  ne  leur  en 
prête  lui-même.  Voî  aussi ,  je  porte  mon  art  dans 
les  livres,  je  ne  l'en  tire  point.  Celui  qui  vou- 
drait imiter  les  quatre  hommes  dont  je  viens  de 
parler,  ferait  aussi  bien  d'y  renoncer;  il  faut 
plutôt  qu'il  apprenne  et  qu'il  écoute.  De  tels 
prodiges  sont  rares.  La  loi  écrite  est  pour  le 
peuple  et  l'homme  du  commun.  La  raison  natu- 
relle et  la  haute  intelligence  sont  pour  les  hommes 
dont  j'ai  parlé.  » 

«  Il  y  a  un  étemel  combat  entre  les  juristes  et 
les  théologiens;  c'est  la  même  opposition  qu'en- 
tre la  loi  et  la  grâce.  » 

«  Le  droit  est  une  belle  fiancée ,  pourvu  qu'elle 
reste  dans  son  lit  nuptial.  Si  elle  monte  dans  un 
autre  lit  et  veut  gouverner  la  théologie,  c'est 

une  grande  p Le  droit  doit  ôter  sa  barrette 

devant  la  théologie.  > 

A  Mélanchton,  c  Je  pense  comme  autrefois  sur 
le  droit  du  glaive  ;  je  pense  avec  toi  que  l'Évan- 
gile n'a  rien  enseigné  ni  conseillé  sur  ce  droit, 
et  que  cela  ne  devait  être  en  aucune  façon ,  parce 
que  l'Évangile  est  la  foi  des  volontés  et  des  liber- 
tés, qui  n'ont  rien  à  faire  avec  le  glaive  ou  le 
droit  du  glaive.  Mab  ce  droit  n'y  est  pas  aboli, 

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DB    LVTBB11.  145 

il  y  est  iném«  confirmé  et  recommandé  ;  ce  qui 
n'a  lieu  pour  aucune  des  choses  simplement  per- 
mises. » 

«  Avant  moi ,  il  n'y  a  aucun  juriste  qui  ait  su  ce 
qu'est  le  droite  relativement  à  Dieu.  Ce  qu'ils 
ont ,  ils  l'ont  de  moi.  Il  n'est  point  mis  dans  1^- 
vangile  que  l'on  doive  adorer  les  juristes.  Si  no- 
tre Seigneur  Dieu  veut  juger,  que  lui  importent 
les  juristes  ?  Pour  ce  qui  regarde  le  monde ,  je  les 
laisse  maîtres.  Mais  dans  les  choses  de  Dieu,  ils 
doivent  être  sous  moi.  Mon  psaume  à  moi , 
c'est  celui-ci  :  Rois^  aoyez  châtiés ,  etc.  S'il  faut 
qu'un  des  deut  périsse,  périsse  le  droit,  règne 
le  Christ! 

>  Principes  convenerunt  in  unutn,  David  le  dit 
lui-même ,  contre  son  fils  se  dresseront  la  puis- 
sance ,  la  sagesse ,  la  multitude  du  monde ,  et  il 
doit  être  seul  contre  beaucoup ,  insensé  contre  les 
sage9,  impuissant  contre  les  puissans.  Certes, 
c'est  là  une  merveilleuse  conduite  des  choses. 
Notre  Seigneur  Dieu  ne  manque  de  rien  que  de 
gens  sages,  mais  derrière  sonne  le  terrihle 
Et  nunc ,  reges,  intelligite;  erudiminiqui  judi- 
catis  terram  (Comprenez  maintenant,  6  rois; 
instruisez- vous,  juges  delà  terre.) 

»  Si  les  juristes  ne  prient  point  pour  le  pardon 
TOMB.II.    •  IS 

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146  MiuOIRBS 

de  leurs  péchés  et  n'acceptent  point  rÉvangile , 
je  veux  les  confondre,  de  sorte  qu'ils  ne  sachent 
plus  comment  se  tirer  d'affaire.  Je  n'entends  rien 
au  droit,  mais  je  suis  seigneur  du  droit  dans  les 
choses  qui  touchent  la  conscience. 

»  Nous  sommes  redevables  aux  juristes  d'avoir 
enseigné  et  d'enseigner  au  monde  tant  d'équi- 
voques, de  chicanes,  de  calomnies,  que  le  lan- 
gage est  devenu  plus  confus  que  dans  une  Babel. 
Ici ,  nul  ne  peut  comprendre  l'autre ,  là ,  nul  ne 
veut  comprendre.  0  sycophantes,  ô  sophistes^ 
pestes  du  genre  humain.  Je  t'écris  tout  en  colère, 
et  je  ne  sais  si ,  de  sang  -  froid ,  j'enseignerais 
mieux.  »  (6  février  1346.) 

La  veille  d'un  jour  où  on  allait  faire  un  docteur 
en  droit',  Luther  disait  :«  Demain  on  fera  urne 
nouvelle  vipère  contre  les  théologiens.  » 

«  Oh  a  raison  dédire  :  un  bon  juriste  est  un  mau- 
vais chrétien.  En  effet,  le  juriste  estime  et  vante 
la  justice  des  œuvres,  conune  si  c'était  par  là 
qu'on  est  juste  devant  Dieu.  S'il  devient  chrétien, 
il  est  considéré  parmi  les  juristes  comme  un  ani- 
mal monstrueux ,  il  faut  qu'il  mendie  son  pain, 
les  autres  le  regardent  comme  séditieux, 

»  Qu'on  frappe  la  conscience 'des  juristes,  ils 
ne  savent  ce  qu'ils  doivent  faire.  Mùnzer  les  atta- 
quait avecTépéej  c'était  un  fou. 

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Dl   LÛTHBR.  147 

»  Si  j'étudiais  seulement  deux  ans  en  droit,  je 
voudrais  devenir  plus  savant  que  le  docteur  G.  ; 
car  je  parlerais  des  choses,  selon  qu'elles  sont  vé- 
ritablement justes  ou  injustes.  Mais  lui ,  il  chi- 
cane sut*  les  mots. 

>  La  doctrine  des  juristes  n'est  rien  qu'un  nisi, 
un  excepté.  La  théologie  ne  procède  pas  ainsi , 
elle  a  un  ferme  fondement. 

>  L'autorité  des  théologiens  consiste  en  ce 
qu'ils  peuvent  obscurcir  les  universaux ,  et  tout 
ce  qui  s'y  rapporte.  Ils  peuvent  élever  et  abais- 
ser. Si  la  Parole  se  fait  entendre ,  Moïse  et  l'Em- 
pereur doivent  céder.  *"'  ' 

>  Le  droit  et  les  lois  des  Perses  et  des  Grecs 
sont  tombés  en  désuétude  et  abolis'.  Le  droit 
romain  ou  impérial  ne  tient  plus  qu'à  un  fil. 
Car  si  un  empire  ou  un  royaume  tombe ,  ses  lois 
et  ordonnances  doivent  tomber  aussi. 

>  Je  laisse  le  cordonnier ,  le  tailleur ,  le  juriste 
pour  ce  qu'ils  sont.  Mais  qu'ils  n'attaquent  point 
ma  chaire!... 

•  Beaucoup  de  gens  croient  que  la  théologie 
qui  est  révélée  aujourd'hui ,  n'est  rien.  Si  cela  a 
lieu  de  notre  vivant,  que  sera-ce  après  notre 
mort?  En  récompense  beaucoup  d'entre  nous  sont 
gros  de  cette  pensée  dont  ils  accoucheront  plus 
tard ,  que  le  droit  n'est  rien. 

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148  MÉMOIRES 

Sermon  contre  les  juristes ,  prêché  le  jour  des 
Rois,  <  Voilà  comme  agissent  nos  fiers  juristes  et 
cheyaliers  ès-Iois  de  Wittemberg...  Ils  ne  lisent 
point  nos  livres ,  les  appellent  catoniques  (pour 
canoniques),  ne  s'inquiètent  pas  de  notre  Sei- 
gneur, et  ne  visitent  point  nos  églises.  £h  bien! 
puisqu'ils  ne  reconnaissent  point  le  docteur  Po- 
mer  pour  évéque  de  Wittemberg,  ni  moi  pour 
prédicateur  de  cette  église,  je  ne  les  compte 
plus  dans  mon  troupeau. 

»  Mais ,  disent-ils ,  tous  allez  contre  le  droit 
impérial.  J'emm...e  ce  droit  qui  fait  tort  au  pau- 
vre homme.  » 

Suit  un  dialogue  du  juriste  avec  le  plaideur 
à  qui  il  promet  pour  dix  thalers  de  faire  tramer 
une  affisiire  dix  ans...  «  Bonnes  et  pieuses  geas 
comme  Reinicke  Fucfas ,  dans  le  poème  du  Re- 
nard... > 

«  Bon  peuple ,  veuillez  agréer  les  moti&  pour 
lesquels  je  veux  être  impitoyable  envers  les  ju- 
ristes... Ils  vantent  le  droit  canonique,  la  m...e 
du  pape,  et  le  représentent  comme  une  chose 
magnifique,  lorsque  nous  l'avons,  avec  tant  de 
peine,  repoussé  et  chassé  de  nos  églises...  Je  ta 
le  conseille,  juriste, laisse  dormir  le  vieux  dogue. 
Une  fois  éveillé ,  tu  ne  le  ramènerais  pat  aisément 
à  la  loge. 

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OB  tVTHBm.  149 

•  Les  juristes  se  plaignent  fort,  et  m'en  veu- 
lent. Qu'y  puis-je  faire  ?  Si  je  ne  devais  pas  ren- 
dre compte  de  leurs  âmes,  je  ne  les  châtierais 
point.  >  Il  déclare  pourtant  ensuite  qu'il  n'a 
point  parlé  des  juristes  pieux. 


i3 

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100  HiMCHlES 


CHAPITRE  m. 


La  Foi ,  U  Lof. 


A  GerbellfUê  :  c  Bans  cette  cohue  de  scanda- 
les ,  ne  te  démens  pas  toi-même.  Je  te  la  rends 
pour  te  soutenir,  réponse  (la  foi)  que  tu  m'as 
montrée  jadis  ;  je  te  la  rends  vierge  et  sans  tache. 
Mais  ce  qu4l  y  a  en  elle  d'admirable  etd'inoui» 
c'est  qu'elle  dësireet  attire  une  infinité  de  rivaux  f 
et  qu'elle  est  d'autant  plus  chaste  qu'elle  est  ré- 
ponse d'un  plus  grand  nombre 

>  Notre  rival ,  Philippe  Mélanchton ,  te  salue. 
Adieu ,  sois  heureux  avec  la  fiancée  de  ta  jeu- 
nesse. »  (23 janvier  152d.) 

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DB   LUTHBR.  l&l 

A  Mélanchon,  «  Sois,  pécheur,  et  pèche  forte- 
ment, mais  aie  encore  plus  forte  confiance,  et 
réjouis«toi  en  Christ ,  qui  est  le  vainqueur  du 
péché,  de  la  mort  et  du  monde.  Il  faut  pécher 
tant  que  nous  sommes  ici.  Cette  vie  n'est  point 
le  séjour  de  la  justice;  non,  nous  attendons, 
eomme  dit  Pierre ,.  les  cieux  nouveaux  et  la  terre 
nouvelle  où  la  justice  habite > 

«  Prie  grandement;  car  tu  es  un  grand  pé-* 
cheur.  « 

<  Je  suis  maintenant  tout-à-fait  dans  la  doc- 
trine de  la  rémission  des  péchés.  Je  n'accorde 
rien  à  la  Loi  ni  à  tous  les  Diables.  Celui  qui  peut 
creîre  en  son  cœur  à  la  remission  des  péchés, 
celui-là  est  sauvé.  > 

«  De  même  qu'il  est  impossible  de  rencontrer 
dans  la  nature  le  ^oïni  mathématique,  indivisible, 
de  même  l'on  ne  trouve  nulle  part  la  justice  telle 
quela  Loila  demande.  Personne  ne  peut  satisfaire 
à  la  Loi  entièrement,  et  les  juristes  eux-mêmes, 
malgré  tout  leur  art,  sont  bien  souvent  obligés  de 
recourir  à  la  rémission  des  péchés,  car  ils  n'at- 
teignent pas.  toujours  le  but ,  et  quand  ils  ont 
rendu  un  faux  jugement ,  et  que  le  Diable  leur 
tourmente  la  conscience ,  ni  Barthole ,  ni  Baldus, 

ni  tous  leurs  autres  docteurs  ne  leur  servent  de 

I 

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152  ffftaioiiifss 

rien.  Potuf  réabiter»  iU  sont  ft>rci£s  de  se  couTiir 
de  YiwtiiKumfdeiSi'è^diTe  de  la  rémiasion  de» 
péchés»  Ils  font  leur  possible  pour  bien  juger,  et 
après  cela  il  ne  leur  reste  plus  qu'à  dire  :  <  Si  j'ai 
mal  jugé ,  6  mon  Dieu ,  pardonne*le-moi.  »  *^ 
C'est  la  théologie  seule  qui  possède  le  point  ma- 
thématique, elle  ne  tâtonne  paa^  elle  a  le  Yerbe 
même  de  Dieu.  Elle  dit  :  a  II  n'est  qu'une  justice, 
Jésus-GhrÎBt.  Qid  vit  en  lui,  celui-là  est  juste.  » 

»  La  Loi  sans  doute  est  nécessaire ,  mais  non 
pour  la  béatitude^  bar  {lenoniné  ne  peut  Tac- 
complir  ;  mais  le  pardon  des  péchés  la  consomme 
et  l'accomplit. 

»  La  Loi  est  un  vrai  labyrinthe  qui  nepeatano 
brouiller  les  consciences,  et  la  justice  de  la  Loi  «t 
un  minotaure,  c'èst-à-dird  une  pure  fiction  qni 
ne  nous  conduit  point  à  la  béatitude ,  mais  nous 
attire  en  enfer.  > 

Addition  de  Luther  a  wne  lettre  de  Mélanrchion 
sur  la  Grâce  et  la  Lei...  — .  «  Pour  me  délivrer 
entièrement  de  la  vue  de  la  Loi  et  des  œuvres» 
je  ne  me  contente  pas  même  de  voir  en  Jésua- 
Christ  mon  maitre ,  mon  docteur  et  mon  dona- 
teur, je  veux  qu'il  soit  lui-même  ma  doctrine  et 
mon  don ,  de  telle  sorte ,  qu'en  lui  je  possède 
toute  chose.  Il  dit  :  «  Je  suis  le  chemin,  la  vé- 

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01   LVTHBB.  1S3 

rite  et  la  vie ,  >  non  pas  :  <  Je  te  montre  ou  je 
te  donne  le  chemin ,  la  vérité  et  la  vie,  »  comme 
s'il  opérait  seulement  ceci  en  moi  »  et  que  lui- 
même  il  fut  néanmoins  en  dehors  de  moi...  >  — 
■  11  n'est  qu'un  seul  point  dans  toute  la  théolo* 
gie  :  Traie  foi  et  confiance  en  Jésus-Christ.  Cet 
article  contient  toizs  les  autres.  —  «  Notre  foi  est 
un  soupir  inexprimable.  »  £t  ailleurs  :  t  Nous 
sommes  nos  propres  geôliers.  (C'est-à-dire  que 
nous  nous  enfermons  dans  nos  œuvres,  au  lieu 
de  nous  élancer  dans  la  foi.) 

»  Le  diable  veut  seulement  une  justice  aeiiv^, 
une  justice  que  nous  fassions  nous-mêmes  en 
nous  y  tandis  que  nous  n'en  avons  qu'une  pas- 
être  et^rangère  qu'il  ne  veut  point  nous  laisser. 
Si  nous  étions  bornés  à  V active,  nous  serions 
perdus,  car  elle  est  défectueuse  dans  tous  les 
hommes.  » 

Cn  docteur  anglais,  Antonius  Bams,  deman- 
dait au  docteur  Luther  si  les  chrétiens,  justifiés 
par  la  foi  en  Christ,  méritaient  quelque  chose 
pour  les  œuvres  qui  venaient  ensuite.  Car  cette 
question  était  souvent  agitée  en  Angleterre. 
Réponse  :'PNous  sommes  encore  pécheurs 
aprèt  la  justification  ;  2®  Dieu  promet  récom* 
pense  à  ceux  qui  fout  bien.  Les  œuvres  ne  mé- 

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154  VÉMOIBES 

ritent  point  le  ci«l ,  mais  elles  ornent  la  foi  qui 
nous  justifie.  Dieu  ne  couronne  que  les  dom 
mêmes  qu^il  nous  a  faits. 

FiDELis  AifiHJi  vox  AD  GiiRisTiiM.  Ego  êum  tuum 
peccatum,  tu  mea  justùia';  triumpho  igùur  se- 
curus,  etc. 

«Pour  résister  au  désespoir,  il  ne  suffit  pai 
d'avoir  de  vains  mots  sur  la  langue ,  ni  une  vainc 
et  faible  opinion;  mais  il  faut  qu'on  relève  h 
tête ,  que  Ton  prenne  une  âme  ferme  et  que  Toc 
se  confie  en  Christ  contre  le  péché,  la  mort, 
l'enfer,  la  Loi  et  la  mauvaise  conscience.  » 

<  Quand  la  Loi  t'accuse  et  te  reproche  ta 
fautes,  ta  conscience  te  dit:  Qui,  Dieu  a  donm 
la  Loi  et  commandé  de  l'observer  sous  peifte  de 
damnation  éternelle;  il  faut  donc  que  tu  soi: 
damné.  A  cela  tu  répondras:  Je  sais  bien  que 
Dieu  a  donné  la  Loi ,  mais  il  a  aussi  donné  pai 
son  fils  l'Évangile  qui  dit  :  Celui  qui  aura  reçu  h 
baptême  et  qui  croira,  sera,  sauvé.  Cet  Évan£ph 
est  plus  grand  que  toute  la  Loi ,  car  la  Loi  es 
terrestre  et  nous  a  été  transmise  par  un  homme 
l'Évangile  est  céleste  et  nous  a  été  apporté  par  1 
Fils  de  Dieu. —  N'importe,  dit  la  conscience,  ti 
aa  péché  et  transgressé  le  commandement  d 
Bieu)  donc  tu  seras  damné. — Réponse:  Je  sai 

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DB   LUTHEE.  155 

fort  bien  que  j'ai  péché,  mais  l'Évangile  m'af- 
franchit de  mes  péchés,  parce  que  je  crois  en 
Jésus,  et  cet  Évangile  est  élevé  au-dessus  de  la 
Loi  autant  que  le  ciel  l'est  au-dessus  de  la  terre. 
C'est  pourquoi  le  corps  doit  rester  sur  la  terre  et 
porter  le  fardeau  de  la  Loi,  mais  la  conscience 
monter,  avec  Isaac,  sur  la  montagne,  et  s'atta- 
cher à  l'Évangile,  qui  promet  la  vie  éternelle  à 
ceux  qui  croient  en  Jésus-Christ.  —  N'importe , 
dit  encore  la  conscience,  tu  iras  en  enfer;  tu  n'as 
pas  observé  la  Loi, — Réponse:  Oui,  si  le  ciel 
ne  venait  à  mon  secours;  mais  il  est  venu  à  mon 
secours,  il  s'est- ouvert  pour  moi;  le  Seigneur  a 
dit:  Celui  qui  sera  baptisé  et  qui  croira,  sera 
sauvé.  » 

Dieu  dit  à  Moïse:  Tu  verras  mon  dos,  mais  non 
point  mon  visage.  Le  dos  c'est  la  Loi ,  le  visage 
c'est  l'Évangile.  » 

«  La  Loi  ne  souffre  pas  la  Grâce ,  et  à  son  tour 
la  Grâce  ne  souffre  pas  la  Loi.  La  Loi  est  donnée 
seulement  aux  orgueilleux  ,  aux  arrogans ,  à  la 
noblesse ,  aux  paysans ,  aux  hypocrites  et  à  ceux 
qui  ont  mis  leur  amour  et  leur  plaisir  dans  la 
multitude  des  lois.  Mais  la  Grâce  est  promise  aux 
pauvres  cœurs  souffrans ,  aux  humbles ,  aux  af- 
fllgés;  c'est  eux  que  regarde  le  pardon  des  pé- 


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À 


1 56  MÉHOIRBS 

chés.  A  la  Grâce  appartiennent  maître  Nicobs 
Hausmann  ,  Gordatus ,  Philippe  (  Hélanchton  )  et 
moi.  > 

«  Il  n'y  a  point  d'auteur,  excepté  saint  Paul, 
qui  ait  écrit  d'une  manière  complète  et  parfaite 
sur  la  Loi ,  car  c'est  la  mort  de  toute  raison  de 
juger  la  Loi  :  l'esprit  en  est  le  seul  juge.iL  (15  août 
15S0.) 

c  La  bonne  et  véritable  théologie  consiste  daiu 
la  pratique ,  l'usage  et  l'exercice.  Sa  base  et  son 
fondement,  c'est  le  Christ,  dont  on  comprend 
arec  la  foi ,  la  passion ,  la  mort  et  la  résurrection 
Ils  se  font  aujourd'hui,  pour  eux,  une  théologù 
spéculative  d'après  la  raison.  Cette  théologie  spé- 
culative appartient  au  diable  dans  l'enfer,  Ains 
Zwingle  et  les  sacramentaires  spéculent  que  h 
corps  du  Christ  est  dans  le  pain ,  mais  seulemen 
dans  le  sens  spirituel.  C'est  aussi  la  théologie 
d'Origène.  David  n'agit  pas  ainsi,  mais  il  recon 
nait  ses  péchés  et  dit:  Miserere  tnei  Domine! 

«  J'ai  vu  naguère  deux  signes  au  ciel.  Je  regai 
dais  par  la  fenêtre  au  milieu  de  la  nuit,  et  je  v 
les  étoiles  et  toute  la  voûte  majestueuse  de  Die 
se  soutenir  sans  que  je  pusse  apercevoir  les  c( 
lonnes  sur  lesquelles  le  Maître  avait  appuyé  celi 
voûte.  Cependant  elle  ne  s'écroulait  pas.   Il  y  c 

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01  iitTHBm.  157 

a  maintenant  qui  cherchent  ces  colonnes  et  qui 
Tondraient  les  toucher  de  leurs  mains.  Mais 
comme  ils  n'y  peuvent  arriver  ,^ils  tremblent,  se 
lamentent,  et  craignent  que  le  ciel  ne  tombe.  Us 
pourraient  les  toucher  que  le  ciel  n'en  bougerait 
pas. 

»  Plus  tard  je  vis  de  gros  nuages,  tout  chargés, 
qui  flottaient  sur  ma  tête  comme  un  océan.  Je 
n'apercevais  nul  appui  qui  les  pût  soutenir. 
Néanmoins,  ils  ne  tombaient  pas,  mais  nous  sa- 
luaient tristement  et  passaient.  £t  comme  ils  pas- 
saient, je  distinguai  dessous  la  courbe  qui  les 
avait  soutenus,  un  délicieux  arc-en-ciel.  Mince 
il  était  sans  doute ,  bien  délicat ,  et  l'on  devait 
trembler  pour  lui  en  voyant  la  masse  des  nuages. 
Cependant  cette  ligne  aérienne  suffisait  pour  por- 
ter cette  charge  et  nous  protéger.  Nous  en  voyons 
toutefois  qui  craignent  le  poids  du  nuage,  et  ne 
se  fient  pas  au  léger  soutien  ;  ils  voudraient  bien 
en  éprouver  la  force,  et,  ne  le  pouvant,  ils 
craignent  que  les  nuages  ne  fondent  et  Yie  nous 

abîment  de  leurs  flots Notre  arc-en-ciel  est 

faible,  leurs  nuanges  sont  lourds.  Mais  la  fin  ju- 
gera de  la  force  de  l'arc.  Sed  in  fine  vidêbitur 
eujus  ioni,  c  (août  1530.) 

14 

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158  aiMoiau 


CHAPITRE  IV. 


D«f  noTaUan  :  Mystiqnei ,  eCe. 


«  Le  comint  Qt  nous  réussit  mal ,  c'est  ]a  cai 
de  la  ruine  d'Adam. 

»  Je  crains  deux  choses  :  Tépicuréisme  et  Fi 
thousiasme,  deux  sectes  qui  doivent  régner  < 
core. 

»  Otez  le  décalogue,  il  n'y  a  plus  d'héré 
L^Écriture  sainte  est  le  livre  de  tous  les  hén 
ques.  > 

Luther  nommait  les  esprits  séditieux  et  pi 


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DB   LUTHBR.  159 

somptueux,  «  des  saints  précoces  qui,  avant  la  ma- 
turité, étaient  piqués  des  vers  et  au  moindre  vent 
tombaient  de  l'arbre.  Les  rêveurs  (schwermer) 
sont  comme  les  papillons.  D'abord  c'est  une  che- 
nille qui  se  pend  à  un  mur ,  s'y  fait  une  petite 
maison,  éclot  à  la  chaleur  du  soleil,  et  s'envole 
en  papillon.  Le  papillon  meurt  sur  un  arbre  et 
laisse  une  longue  traînée  d'œuis.  » 

Le  docteur  Martin  Luther  disait  au  sujet  des 
feux  frères  et  hérétiques  qui  se  séparent  de  nous , 
qu'il  fallait  les  laisser  faire  et  ne  pas  s'en  inquié- 
ter ;  s'ils  ne  nous  écoutent  point,  nous  les  enver- 
rons avec  tous  leurs  beaux  semblans  en  enfer. 

«  Quand  je  commençai  à  écrire  contre  les  in- 
dulgences, je  fus  pendant  trois  ans  tout  seul,  et 
personne  ne  me  tendait  la  main.  Aujourd'hui  ils 
veulent  tous  triompher.  J'aurais  hicn  assez  de 
mal  avec  mes  ennemis  sans  celui  que  ine  font  mes 
bons  petits  frères.  Mais  qui  peut  résister  à  tous? 
ce  sont  des  jeunes  gens  tout  frais,  qui  n'ont 
rien  fait  jusqu'ici;  moi  je  suis  vieux  maintenant, 
et  j'ai  eu  de  grandes  peines,  de  grands  travaux. 
Osiander  peut  faire  le  fier;  il  a  du  bon  temps;  il 
a  deux  prédications  à  faire  par  semaine  et  quatre 
cents  florins  par  an.  » 

«  En  1521 ,  il  vint  chez  moi  l'un  de  ceux  de 

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100  lliMOIlLBS 

Zwickau,  du  nom  de  Marcus^  assez  afiable  dans 
ses  manières,  mais  frivole  dans  ses  opinions  et 
dans  sa  vie.  Il  voulait  conférer  avec  moi  au  sujet 
de  sa  doctrine.  Gomme  il  ne  parlait  que  de  cho- 
ses étrangères  à  TÉcriture,  je  lui  dis  que  je  ne  re- 
connaissais que  la  parole  de  Dieu,  et  que,  s'il 
voulait  établir  autre  chose,  il  devait  au  moins 
prouver  sa  mission  par  des  miracles.  Il  me  ré- 
pondit :  «  Des  miracles?  ah!  vous  enverrez  dans 
sept  ans.  Dieu  même  ne  pourrait  m'enlever  ma 
foi.  »  Il  dit  aussi  :   c  Je  vois  de  suite  si  quelqu'un 
est  élu  ou  non.  »  — Après  qu'il  m'eut  beaucoup 
parlé  du  talent  qu'il  ne  fallait  pas  enfouir,  du 
dé  grossissement ,  de  Vennui,  de  V  attente,  je  lui 
demandai  qui  comprenait  cette  langue.  Il  me  ré- 
pondit qu'il  ne  prêchait  que  devant  les  disciples 
croyans  et  habiles.   Gomment  vois-tu  qu'ils  sont 
habiles?  lui  dis-je.  —  Je  n'ai  qu'à  les  regarder, 
répondit-il ,  pour  voir  leur  talent.  —  Quel  talent, 
mon  ami,  trouves-tu  en  moi  par  exemple?  — 
Vous  êtes  encore  au  premier  degré  de  la  mobi- 
lité, me  répondit-il^  mais  il  viendra  un  temps 
où  vous  serez  au  premier  de  l'immobilité  comme 
moi.  —  Sur  ce,  je  lui  citai  plusieurs  textes  de 
l'Écriture    et   nous   nous   séparâmes.    Quelque 
temps  après,  il  m'écrivit  une  lettre  très  amicale. 


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DB  lUTHBR.  161 

pleine  d'exhortations;  mais  je  lui  répondis  : 
Adieu,  cherMarcus. 

»  Plus  tard ,  il  vint  chez  moi  un  tourneur  qui 
se  disait  aussi  prophète.  Il  me  rencontra  au  mo- 
ment où  je  sortais  de  ma  maison ,  et  me  dit  d'un 
ton  hardi  :  «  Monsieur  le  docteur ,  je  vous  apporte 
un  message  de  mon  Père.  —  Qui  est  donc  ton 
père?  lui  dis-je.  —  Jésus-Christ,  répondit-il.  — 
C'est  notre  père  commun,  lui  dis-je;  que  t'a-t-il 
ordonné  de  m'annoncer  ?  —  Je  dois  tous  annon- 
cer ,  de  la  part  de  mon  père ,  que  Bien  est  irrité 
contre  le  monde.  —  Qui  te  l'a  dit  ?  —  Hier ,  en 
sortant  par  la  porte  de  Kosivick ,  j'ai  vu  dans  l'air 
un  petit  nuage  de  feu;  cela  prouve  évidemment 
que  Dieu  est  irrité.  »  Il  me  parla  encore  d'un 
autre  signe.  «  Au  milieu  d'un  sommeil  profond , 
dit-il,  j'ai  vu  des  ivrognes  assis  à  tahle,  qui  di- 
raient :  Buvons^  buvons;  et  la  main  de  Bien 
était  au-dessus  d'eux.  Soudain  l'un  d'eux  me  versa 
de  la  bière  sur  la  tête  et  je  m'éveillai.  »  — Écoute, 
mon  ami,  lui  dis-je  alors,  ne  plaisante  pas  ainsi 
avec  le  nom  et  les  ordres  de  Bien;  et  je  le  répri* 
mandai  vivement.  Quand  il  vit  dans  quelles  dis- 
positions j'étais  à  son  égard ,  il  s'en  alla  tout  en 
colère  et  murmurant  :  t  Sans  doute  quiconque 
ne  pense  pas  comme  Luther  est  un  fou.  » 

14. 

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162  MEMOiaKS 

)iTUne  autre  fois  encore,  j'eus  affaire  à  un 
homme  des  Pays-Bas.  Il  youlait  disputer  avec  moi 
jusqu'au  feu  inclusivemeni ,  disait-il.  Quand  je 
vis  son  ignorance ,  je  lui  dis  :  «  Ne  vaudrait-il 
pas  mieux  que  nous  disputassions  sur  quelques 
canettes  de  bière  ?  >  Ce  mot  le  fâcha ,  et  il  s'en 
alla.  Le  diable  est  un  esprit  orgueilleux;  il  ne 
saurait  souffrir  qu'on  le  méprise.  » 

Maître  Stiefel  vint  à  Wittemberg,  parla  secrè- 
tement^avec  le  docteur  Luther,  et  lui  montra  son 
opinion  en  vingt  articles,  sur  le  jugement  der- 
nier. Il  pensait  que  le  jugement  aurait  lieu  le 
jour  de  saint  Luc.  On  lui  dit  de  se  tenir  tran- 
quille et  de  n'en  point  parler;  ce  qui  le  chagrina 
fort,  c  Cher  seigneur  docteur,  dit-il, je  m'étonne 
que  vous  me  défendiez  de  prêcher  ceci ,  et  que 
vous  ne  vouliez  pas  me  croire.  Il  est  cependant 
sûr  que  je  dois  en  parler,  quoique  je  ne  le  fasse 
point  volontiers.  >  Le  docteur  Luther  lui  répliqua  : 
t  Cher  maître ,  vous  avez  bien  pu  vous  taire  dix 
ans  sur  ce  sujet,  pendant  le  règne  de  la  papauté; 
tenez- vous  encore  tranquille  pour  le  peu  de  temps 
qui  reste.  —  Mais  ce  matin  même,  comme  je  me 
mettais  en  marche  de  bonne  heure,  j'ai  vu  un 
arc-en-ciel  très  beau,  et  j'ai  pensé  à  la  venue  du 
Christ.  —  Non ,  il  n'y  aura  point  alors  d'arc-on- 


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DB   LUTHE&.  163 

ciel  ;  d'un  même  coup  le  feu  du  tonnerre  consu- 
mera toute  créature.  Un  fort  et  puissant  son 
de  trompette  nous  réveillera  tous.  €e  n'est  pas 
avec  le  son  du  chalumeau  que  l'on  se  fera  en- 
tendre sur-le-champ  à  ceux  qui  sont  dans  la 
tombe.  »  (15âS.) 

«  Michel  Stiefel  croit  être  le  septième  ange  qui 
annonce  le  dernier  jour;  il  donne  ses  livres  et 
ses  meubles,  comme  s'il  n*en  avait  plus  besoin. 

]»  fiileas  est  certainement  damné,  quoiqu'il  ait 
eu  de  bien  grandes  révélations,  pas  moindres 
que  celles  de  Daniel,  car  il  embrasse  aussi  les 
quatre  empires.  C'est  un  terrible  exemple  pour 
les  orgueilleux.  Oh!  humilions-nous.  » 

»  Le  docteur  Jeckel  est  un  compagnon  de 
l'espèce  de  Eisleben  (Agricola).  Il  faisaitla  cour  à 
ma  nièce  Anna;  mais  je  lui  dis:  «  Gela  ne  doit 
point  se  faire ,  dans  toute  l'éternité  !»  £t  à  la  pe- 
tite fille:  «  Si  tu  veux  l'avoir,  ôte-toi  pour  tou- 
jours de, devant  mes  yeux,  je  ne  veux  plus  te 
voir  ni  t'entendre.  » 

Le  duc  Henri  de  Saxe  étant  venu  à  Wittem- 
berg,  le  docteur  Martin  Luther  lui  parla  deux 
fois  contre  le  docteur  Jeckel,  et  exhorta  le  prince 
à  songer  aux  maux  de  l'Église.  Jeckel  avait  prêché 
la  doctrine  suivante:  «  Fais  ce  que  tu  veux ,  crois 


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1 64  MilfOlAES 

seulement,  tu  seras  sauré. —  Il  faudrait  dire: 
Quand  tu  seras  rené ,  et  devenu  un  nouvel 
homme,  fais  alors  ce  qui  se  présentée  toi.  Les 
sots  ne  savent  point  ce  que  c'est  que  la  foi...  * 
Un  pasteur  de  Torgau  vint  se  plaindre  au  doc- 
teur Luther  de  l'insolence  et  de  rhypocrisie  da 
docteur  Jeckel ,  qui  »  par  ses  ruses ,  avait  attiré 
à  lui  tous  ceux  de  la  noblesse ,  du  conseil ,  et  le 
prince  même.  Le  docteur  l'ayant  entendu,  fré- 
mit ,  soupira,  se  tut ,  et  se  mit  en  prière  ;  et  le 
même  jour,  il  ordonna  qu'on  exigeât  d'Eisleben 
(Agricola),  qu'il  fit  une  rétractation  publique,  ou 
qu'il  fût  publiquement  confondu. 

«  Le  docteur  Luther  faisant  reproche  à  Jeckel 
de  ce  qu'ayant  si  peu  d'expérience,  étant  si  peu 
exercé  dans  la  dialectique  et  la  rhétorique,  il 
osait  entreprendre  de  telles  choses  contre  ses 
maîtres  et  précepteurs;  il  répondit:  •  Je  dois 
craindre  Dieu  plus  que  mes  précepteurs;  j'ai  un 
Dieu  aussi  bien  que  vous...»  Le  docteur  Jeckel 
se  mit  ensuite  à  table  pour  souper,  il  avait  Vair 
sombre;  et  le  docteur  Luther  se  curait  les  dents, 
ainsi  que  les  convives  venus  de  Freyberg.  Alors 
Luther  se  mit  à  dire  :  «  Si  j'avais  rendu  la  cour 
aussi  pieuse  que  vous  le  monde ,  j'aurais  bien 
travaillé,  etc.  •  Et  Jeckel  se  tenait  toujours  avec 


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OB  LUTES  A.  165 

un  air  sombre ,  les  yeux  baissés,  montrant ,  par 
cette  contenance ,  ce  qu'il  avait  en  esprit.  En- 
fin Luther  se  leva,  et  voulut  sortir;  Jeckel  au- 
rait encore  bien  voulu  s'expliquer  et  discuter 
avec  lui^  mais  le  docteur  ne  voulut  plus  lui 
parler.  » 

Des  Antinomienê ,  et  particulièi'ement  d'Eisle- 
ben  {Agricola).  —  «  Ah  !  combien  cela  fait  mal , 
quand  on  perd  un  bon  ami  qu'on  aimait  beau- 
coup! J'ai  eu  cet  homme-là  à  ma  table;  il  a  été 
mon  bon  compagnon  ,  il  riait  avec  moi ,  il  était 
gai...  et  voilà  qu'il  se  met  contre  moi!...  Gela 
n'est  point  à  soujQrir»  Rejeter  la  loi  sans  laquelle 
il  n'y  a  ni  église,  ni  gouvernement,  cela  ne  s'ap- 
pelle pas  percer  le  tonnean  ,  mais  le  défoncer... 
C'est  le  moment  de  combattre...  Puis-je  le  voir 
s'enorgueillir  pendant  ma  vie ,  et  vouloir  gouver- 
ner?... Il  ne  suffit  pas  qu'il  dise,  pour  s'excuser, 
qu'il  n'a  parlé  que  du  docteur  Greuziger  et  de 
maître  Roerer.  Le  Catéchisme,  l'Explication  du 
décalogue  et  la  Confession  d'Augsbourg,  sont 
miens,  et  non  point  à  Creuziger  ou  à  Roerer...  Il 
veut  enseigner  la  pénitence  par  l'amour  de  la  jus- 
tice. Ainsi,  il  ne  prêche  qu'aux  hommes  justes  et 
pieux  la  révélation  du  courroux  divin.  Il  ne  prê- 
che pas  pour  les  impies.  Cependant  saint  Paul 

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166  ninoiaiM 

dit:  La  Loi  est  donnée  aux  injuêtes.  En  somme, 
en  ôtant  la  Loi,  il  6te  anssi  TÉvangile  ;  il  tire  no^ 
tre  croyance  du  ferme  appui  de  la  conscience  , 
pour  la  soumettre  aux  caprices  de  la  chair. 

«  Qui  aurait  pensé  à  la  secte  des  antînomiens?... 
J'ai  surmonté  trois  cruels  orages  :  Mûnzer,  les 
sacramentaires  et  les  anabaptistes.  Il  faudra  donc 
écrire  sans  fin!  Je  ne  désire  pas  vivre  long-temps, 
car  il  n'y  a  plus  de  paix  à  espérer.  •  (15S8.) 

Le  docteur  Luther  ordonna  à  maître  Ambrobe 
Bernd  d'apprendre  aux  professeurs  de  Tunirer- 
sité  à  ne  point  être  factieux ,  à  ne  point  préparer 
de  schisme,  et  il  défendit  que  maître  Ëisleben  fût 
élu  doyen...  «  Dites  cela  à  vos  facultistes,  et  s'ib 
n'en  font  pen,  je  prêcherai  contre  eux.  »  (1539.) 

Le  dernier  jour  de  novembre,  Luther  était 
en  joie  et  en  gaîté  avec  ses  cousins,  son  frère ,  sa 
sœur,  et  quelques  bons  amis  de  Mansfeld.  On 
fit  mention  de  maître  Grickel ,  et  ils  le  priaient 
pour  lui.  Le  docteur  répondit  :  «  J'ai  tenu  cet 
homme-là  pour  mon  plus  fidèle  ami;  mais  il  m'a 
trompé  par  ses  ruses,  j'écrirai  bientôt  contre  lui; 
qu'il  y  prenne  garde;  il  n'y  a  en  lui  aucune  pé- 
nitence. »  (1538.) 

«  J'ai  eu  tant  de  confiance  en  cet  homme-là 
(  Eisleben  ) ,  que ,  lorsque  j'allai  à   Smaikalde, 


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DB   LUTHBE.  167 

en  15S7y  je  lui  recommandai  ma  chaire,  mon 
Église,  ma  femme,  mes  enfans,  ma  maison,  tout 
ce  que  j'avais  de  secret.  » 

Le  dernier  jour  de  janvier ,  15S9,  au  soir^  le 
docteur  Luther  lut  les  propositions  qu'£isleben 
allait  soutenir  contre  lui;  il  y  avait  mis  je  ne  sais 
quelles  absurdités  de  Saûl  et  de  Jonathas  (  J'ai 
mangé  un  peu  de  miel ,  et  c'est  pour  cela  que  je 
meurs).  •  Jonathas,  dit  Luther,  c'est  maître  Eisle- 
ben  qui  mange  le  miel  et  prêche  l'Évangile;  Saûl, 
c'est  Luther...  Ah!  Ëisleben,  es-tu  donc  un  tel... 
Oh  !  Dieu  te  pardonne  ton  amertume  !  » 

«  Si  la  Loi  est  ainsi  renvoyée  de  l'Église  au  con- 
seil, à  l'autorité  civile,  celle-ci  dira  à  son  tour  : 
Nous  sommes  aussi  fidèles  chrétiens ,  la  Loi  ne 
noui  regarde  point.  Le  bourreau  finira  par  en 
dire  autant.  Il  n'y  aura  plus  que  grâce,  douceur, 
et  bientôt  caprices  effrénés  et  scélératesse.  Ainsi 
commença  Mûnzer.  » 

En  1540,  Luther  donna  un  repas  auquel  assis- 
tèrent les  principaux  membres  de  l'Université. 
Vers  la  fin  du  repas,  quand  tout  le  monde  fut 
en  belle  humeur ,  un  verre  à  cercles  de  couleurs 
fut  apporté.  Luther  y  versa  du  vin  et  le  vida 
à  la  santé  des  convives.  Ceux-ci  lui  rendirent 
son  salut  en  vidant  le  verre  chacun  à  son  tour ,  à 


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168  MÉHOiaBs  , 

la  santé  de  leur  hôte.  Quand  ce  fut  le  tour  de 
maître  Eisleben ,  Luther  lui  présenta  le  verre  en 
disant  :  «  Mon  cher,  ce  qui,  dans  ce  verre,  est 
au-dessus  du  premier  cercle,  ce  sont  les  dix  corn- 
mandemens;  de  là  jusqu'au  second,  c^estle  credo; 
jusqu'au  troisième,  c'est  le  pater  noster;  le  caté- 
chisme est  au  fond.  >  Puis  il  le  vida  lui-même, 
le  fit  remplir  de  nouveau  et  le  donna  à  maître 
Eisleben.  Celui-ci  n'alla  point  au-delà  du  pre- 
mier cercle ,  il  remit  le  verre  sur  la  table  et  ne  le 
put  regarder  sans  une  espèce  d'horreur.  Luther 
le  vit ,  et  il  dit  aux  convives  :  •  Je  savais  bien 
que  maître  Eisleben  ne  boirait  qu'aux  Gomman- 
demeas,  et  qu'il  laisserait  le  credo  ,]e  pater  9u>8ief 
et  le  catéchisme.  » 

Maître  Jobst  étant  à  la  table  de  Luther,  lai 
montra  des  propositions  d'après  lesquelles  on 
ne  devait  point  prêcher  la  Loi,  puisque  ce  n'esi 
pas  elle  qui  nous  justifie.  Luther  s'emporta  e 
dit  :  •  Faut-il  que  les  nôtres  commencent  d< 
telles  choses ,  même  de  notre  vivant.  Ah  !  fM>m 
bien  nous  devons  honorer  maître  Philippe  (Mé 
lanchton),  qui  enseigne  avec  clarté  et  vérit 
l'usage  et  l'utilité  de  la  Loi.  Elle  se  vérifie,  l 
prophétie  du  comte  Albert  de  Mansfeld  qui  mV 
crivait  :  Il  y  a  derrière  cette  doctrine  un  Miknze\ 
En  cfiet ,  celui  qui  détruit  la  doctrine  de  la  L< 

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f  DE   LVTHBE.  169 

détruit  en  même  iem^spolùicam  et  œconomiam.Si 
l'on  met  la  Loi  en  dehors  de  l'Église ,  il  n'y  aura 
plus  de  péché  reconnu  dans  le  monde  :  car  l'Évan- 
gile ne  définit  et  ne  punit  le  péché  qu'en  recou- 
rant à  la  Loi.  >  (1341.) 

<  Si,  au  commencement,  j'ai  dans  ma  doctrine 
parlé  et  écrit  si  durement  contre  la  Loi,  cela  est 
venu  de  ce  que  TÉglise  chrétienne  était  chargée 
de  superstitions,  sous  lesquelles  Christ  était 
tout-à-fait  obscurci  et  enterré.  Je  voulais  sauver 
et  affranchir  de  cette  tyrannie  de  la  conscience 
les  âmes  pieuses  et  craignant  Dieu.  Mais  je  n'ai 
jamais  rejeté  la  Loi...  » 


IK 

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170  MiMOian 


CHAPITRE  y. 


TwUUoM  :  Ae|r«U  «C  dontet  des  mmii,  de  U    l«inm«;    Dovttf 
dm  Luther  lui-m^e* 


Maître  Philippe  Mélanchton  dit  un  jour  la 
fable  suivante  à  la  table  du  docteur  Martin  Lu- 
ther :  <  Un  homme  avait  pris  un  petit  oiseau ,  et 
le  petit  oiseau  aurait  bien  voulu  être  libre  ;  et  il 
disait  à  l'homme  :  0  mon  bon  ami,  lache-moi, 
je  te  montrerai  une  belle  perle  qui  vaut  bien  des 
milliers  de  florins!  Tu  me  trompes,  ditThorame. 
Oh  non!  aie  confiance,  viens  avec  moi,  je  vais 
te  le  montrer.  L'homme  lâche  l'oiseau ,  qui  se 
perche  sur  un  arbre  et  lui  chante  :  Crede  paràm, 
tua  êerva,  et  quœ  periére,  relinque{ne  te  confie 
pas  trop,  garde  bien  le  tien,  laisse  ce  qui  est 

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M   LtTHSB«  171 

perdu  sans  retour  ).  C'était  en  effet  une  belle 
perle  qu'il  lui  laissait.  » 

c  Philippe  me  demandait  une  fois  que  je  vou- 
lusse lui  tirer  de  la  Bible  une  devise,  mais  telle 
qu'il  ne  s'en  lassât  point.  On  ne  peut  rien  don- 
ner à  l'homme  dont  il  ne  se  lasse.  » 

«  Si  Philippe  n'eût  pas  été  si  affligé  par  les 
tentations,  il  aurait  des  idées  et  des  opinions 
singulières.» 

Le  paradis  de  Luther  est  très  grossier.  Il  croit 
que,  dans  le  nouveau  ciel  et  la  nouvelle  terre,  il 
y  aura  aussi  des  animaux  utiles.  «  Je  pense  sou- 
vent à  la  vie  éternelle  et  aux  joies  que  Ton  doit  y 
trouver,  mais  je  ne  puis  comprendre  à  quoi  nous 
y  passerons  le  temps,  car  il  n'y  aura  aucun  chan- 
g^ement,  aucun  travail,  ni  boire,  ni  manger,  ni 
affaires;  mais  je  pense  que  nous  aurons  assex 
d'objets  à  contempler.  Sur  cela,  Philippe  Mé- 
lanchton  dit  très  bien  :  Maitre,  montrez-nous  le 
Père;  cela  nous  suffit.  > 

«  Les  paysans  ne  sont  pas  dignes  de  tant  de 
fruits  que  porte  la  terre.  Je  remercie  plus  notre 
Seigneur  pour  un  arbre  que  tous  les  paysans 
pour  tous  leurs  champs.  Ah!  domine  doctor,  dit 
Mélanchton ,  exceptez- en  quelquesr-uns ,  tels 
qu'Adam,  Noê,  Abraham  Jsaac.»  . 

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172   -  MiHOlftBS 

•  Le  docteuif  Jonas  disait  à  souper  :  Ah! 
comme  saint  Paul  parle  magnifiquement  de  sa 
mort.  Je  ne  puis  pourtant  le  croire.  —  Il  me  sem- 
ble aussi,  dit  le  docteur  Luther,  que  saint  Paul  loi- 
méme  ne  pouvait  penser  sur  cette  matière  avec 
autant  de  force  qu'il  parlait  ;  moi-même,  malheu- 
reusement, je  ne  puis  sur  cet  article  croire  aussi 
fortement  que  prêcher,  parler  et  écrire,  ausâ 
fortement  que  d'autres  gens  s'imaginent  que  je 
crois.  Et  il  ne  serait  peut-être  pas  bon  que  nous 
fissions  tout  ce  que  Bien  commande,  car  c'eo 
serait  fait  de  sa  divinité;  il  se  trouverait  men- 
teur ,  et  ne  pourrait  rester  véridique  dîiiis  ses  , 
paroles.  » 

«  Un  méchant  et  horrible  livre  contre  la  sainte 
Trinité  ayant  été  publié  par  l'impression,  en  1633, 
le  docteur  Martin  Luther  dit  :  «  Ces  esprits  chi- 
mériques ne  croient  pas  que  d'autres  gens  aient 
eu  aussi  des  tentations  sur  cet  article.  Mais  poQ^ 
quoi  opposer  ma  pensée  à  la  parole  de  Diea  et 
au  saint-Esprit  {ppponere  meam  cogitafionem  verho 
Dei,  et  spiritui  sancio)  ?  Cette  opposition  ne  sou- 
tient pas  l'examen.  > 

La  femme  du  docteur  lui  disait  :  «  Seigneur 
docteur,  d'où  vient  que  sous  la  papauté  nous 
priions  si  souvent  et  avec  tant  de  ferveur,  tan- 

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DB  lOTHBE.  173 

dit  qu'àtijcnird'hiiî  noire  prière  e^  tout-^-faii 
froide,  et  nous  prions  rarement?  »  Le  docteur 
répondit  :  <  Le  diable  pousse  sans  cesse  ses 
serviteurs  à  pratiquer  diligemment  son  culte.  » 

Le  docteur  Hartin  Luther  exhortait  sa  femme 
à  lire  etéconter  avec  soin  la  parole  de  ]>teu,  par-* 
iiculièrement  le  psautier.  £lle  répondît  qu^elle 
réeoutait  suffisamment,  et  en  lisait  chaque  jour; 
qu'elle  ponrrart  même,  s'il  plaisait  à  Dieu,  en 
répéter  beaucoup  de  choses.  Le  docteur  soupira 
et  dit  :  •  Ainsi  comftence  le  dégoût  de  la  parole 
de  Dieu.  C'est  le  signe  d'un  mal  futur.  Il  Tiendra 
de  nouveaux  livres,  et  la  sainte  Écriture  sera 
méprisée ,  jetée  dans  un  coin^  et  comme  on  dit  : 
sous  la  table. 

Luther  demandait  à  sa  femme  si  elle  aussi 
croyait  qu'elle  fût  sainte?  Elle  s'en  étonna,  et 
dît  !  «  Gomment  puis-je  être  sainte ,  je  suis  une 
grande  pécheresse.  »  Il  dit  alors  :  «  Voyez  pour- 
tant l'horreur  de  la  doctrine  papale ,  comme  elle 
a  blessé  les  cœurs  et  préoccupé  tout  Vhomme 
intériear.  Ils  ne  sont  plus  capables  de  rien  voir, 
hors  la  piété  et  la  sainteté  personnelle  et  exté- 
rieure des  œuvres  que  l'homme  même  fait  pour 
soi.  > 

<  Le  Pater  noster  et  la  foi ,  me  rassurent  contre 

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174  KiMOlAU 

le  diable.  Ha  petite  Madeleine  et  mon  petit  Jean 
prient  en  outre  pour  moi,  ainsi  que  beaucoup 
d'autres  chrétiens...  J'aime  ma  Catherine  ,  je 
Taime  plus  que  moi-même,  car  je  voudrais  mou- 
rir plutôt  que  de  lui  Toir  arriver  du  mal  à  elle 
et  à  ses  enfans;  j'aime  aussi  mon  Seigneur  Jésus- 
Christ  qui,  par  pure  miséricorde,  a  versé  son 
sang  pour  moi  ;  mais  ma  foi  devrait  être  beau- 
coup plus  grande  et  plus  vive.  0  mon  Bien!  ne 
juge  point  ton  serviteur  !  > 

flc  Ce  qui  ne  contribue  pas  peu  à  affliger  et 
tenter  les  cœurs,  c'est  que  Dieu  semble  capri- 
cieux et  changeant.  Il  a  donné  à  Adam  des  pro- 
messes et  des  cérémonies,  et  cela  a  fini  avec 
Tare- en- ciel  et  l'arche  de  Noé.  Il  a  donné  à 
Abraham  la  circoncision ,  à  Moïse  des  signes  mi- 
raculeux, à  son  peuple  la  Loi;  mais  au  Christ,  et 
par  le  Christ,  l'Évangile,  qui  est  considéré  comme 
annulant  tout  cela.  Et  voilà  que  les  Turcs  effacent 
cette  voix  divine  ,  et  disent  :  Votre  loi  durera 
bien  quelque  temps,  mais  elle  finira  par  être 
changée.  >    (Luther  n'ajoute  aucune  réflexion.) 


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>B  Lirma.  175 

V^ 

CHAPITRE  YI. 

Z^  diabl*.  —  TcnUtloni* 


«  Une  fois,  dans  notre  cloitre  à  Wittemherg ^ 
j'ai  entendu  distinctement  le  bruit  que  faisait 
le  diable.  Gomme  je  commençais  à  lire  le  psau- 
tier, après  avoir  chanté  matines,  que  j'étais  as- 
sis, que  j'étudiais  et  que  j'écrivais  pour  ma  le- 
çon, le  diable  vint  et  fit  trois  fois  du  bruit 
derrière  mon  poêle,  comme  s'il  en  eut  traîné  un 
boisseau.  Enfin,  comme  il  ne  voulait  point  finir, 
je  rassemblai  mes  petits  livres  et  allai  me  mettre 
an  lit...  Je  l'entendis  encore  une  nuit  au-dessus 
de  ma  chambre  dans  le  cloitre  j  mais  comme  je 

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176  HinoT&ES 

remarquai  que  c'était  le  diable ,  je  n'y  fis  pas 

attention  et  me  rendormis.  » 

«  Une  jeune  fille  qui  était  Tamie  du  vieil  éco- 
nome à  Wittemberg,  se  trouvant  malade,  il  se 
présenta  à  elle  une  vision  comme  si  c'eût  été  le 
Christ  sous  une  forme  belle  et  magnifique  ;  elley 
crut  et  se  mit  à  prier  cette  figure.  On  envoya  en 
hâte  au  cloître  chercher  le  docteur  Luther.  Lors- 
qu'il eût  vu  la  figure ,  qui  n'était  qu'un  jeu  et 
une  singerie  du  diable ,  il  exhorta  la  fille  à  ne  pas 
se  laisser  duper  ainsi.  £n  efiet ,  dès  qu'elle  eut 
craché  au  visage  du  fantôme,  le  diable  disparut, 
la  figure  se  changea  en  un  grand  serpent  qui  con- 
rut  à  la  fille  et  la  mordit  à  l'oreille ,  de  sorte  que 
le  sang  coula.  Le  serpent  s'évanouit  bientôt.  Le 
docteur  Luther  vit  la  chose  de  ses  propres  yenx, 
avec  beaucoup  d'autres  personnes.  (L'éditeur  des 
Conversations  ne  dit  point  tenir  cette  histoire  de 
Luther.) 

Un  pasteur  des  environs  de  Torgau  se  plaignait 
à  Luther  que  le  diable  faisait  la  nuit  un  bruit, 
un  tumulte  et  un  renversement  extraordinaires 
dans  sa  maison ,  qu'il  lui  cassait  ses  pots  et  sa 
vaisselle  de  bois ,  lui  jetait  les  morceaux  à  la  tète, 
et  riait  ensuite.  Il  faisait  ce  manège  depnis  tirt 
an,  et  ni  sa  femme,  ni  ses  enfans  ne  voulaient 

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BB   LUTHU.  177 

plus  rester  dans  la  maison.  Luther  dît  au  pas* 
teur:  «Cher  frère,  sois  fort  dans  le  Seigneur, 
ne  cède  point  à  ce  meurtrier  de  diable.  Si  l'on 
n'a  point  înTÎté  et  attiré  cet  hôte  chet  soi  par  ses 
péchés,  on  peut  lui  dire  :  Ego  auctoritaie  divinâ 
hic  êum  paier  familioê  et  vocatione  cœlesii  pastor 
ecclesiœ;  mais  toi,  diable,  tu  te  glisses  dans 
cette  maison  comme  un  Toleur  et  un  meurtrier. 
Pourquoi  ne  restes-tu  pas  dans  le  ciel?  Qui  t'a 
invité  ici?  » 

Sur  une  poMédée.  <  Puisque  ce  diable  est  un 
esprit  jovial,  et  qu'il  se  moque  de  nous  tout  à 
son  aise,  il  nous  faut  d'abord  prier  sérieusement 
pour  la  jeune  fille  qui  souffre  ainsi  à  cause  de  nos 
péchés.  Ensuite  il  faut  mépriser  cet  esprit  et  s'en 
rire,  mais  ne  pas  aller  l'éprouver  par  des  cxor- 
cismes  et  autres  choses  sérieuses,  parce  que  la 
superbe  diabolique  se  rit  de  tout  cela.  Per* 
sévérons  dans  la  prière  pour  la  jeune  fille  et 
dans  le  mépris  pour  le  diable >  et  enfin,  avec  la 
grâce  du  Christ,  il  se  retirera.  Il  serait  bon  aussi 
que  les  princes  voulussent  réformer  leurs  vices, 
dans  lesquels  cet  esprit  malin  nous  montre  qu'il 
triomphe.  Jeté  prie,  puisque  c'est  une  chose  di* 
gne  d'être  publiée^  de  t'informer  exactement  de 
toutes   les    circonstances  ;  pour  écarter  toute 


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178  iciHOiHis 

fraude,  ai§ure*toi  si  les  pièces  d'or  que  cette  fille 
avale  sont  de  vraies  pièces  d'or,  et  de  bon  aloL 
Car  j'ai  été  jusqu'à  présent  obsédé  de  tant  de 
fourberies,  de  ruses,  de  machinations,  de  men- 
songes, d'artifices,  que  je  ne  me  prête  plus  ai- 
sément à  rien  croire  que  je  n'aie  vu  fiiire  et  dire.» 
(5  août  15S6.) 

«  Que  ce  pasteur  n'ait  pas  la  conscience  trou- 
blée de  ce  qu'il  a  enseveli  cette  femme  qui  s'é- 
tait tuée  elle-même ,  si  toutefois  elle  s'est  tuée. 
Je  connais  beaucoup  d'exemples  semblables, 
mais  je  juge  ordinairement  que  les  gens  ont  été 
tués  simplement  et  immédiatement  par  le  diable, 
comme  un  voyageur  est  tué  par  un  brigand.  Car, 
lorsqu'il  est  évident  que  le  suicide  n'a  pu  avoir 
lieu  naturellement,  quand  il  s'agit  d'une  corde, 
d'une  ceinture  ou  (comme  dans  le  cas  dont  tu  me 
parles)  d'un  voile  pendant  et  sans  nœud ,  qui  ne 
tuerait  pas  même  une  mouche ,  il  faut  croire,  se- 
lon moi ,  que  c'est  le  diable  qui  fascine  les  hommes 
et  leur  fait  croire  qu'ils  font  toute  autre  chose, 
par  exemple  une  prière  ;  et  cependant  le  diable 
les  tue.  Néanmoins  le  magistrat  fait  bien  de  punir 
avec  la  même  sévérité ,  de  peur  que  Satan  ne 
prenne  courage  pour  s'introduire.  Le  monde  mé- 
rite bien  de  tels  arertissemens,  puisqu'il  épicu- 


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DB   LDTRBB.  170 

rise  et  pense  que  le  démoa  n'est  rien.  »  (I""  dé- 
cembre 1544.) 

<  Satan  a  voulu  tuer  notre  prieur»  en  jetant 
sur  lui  un  pan  de  mur.  Mais  Dieu  Ta  miraculeuse- 
ment sauvé.  >  (4  juillet  1524.) 

«  Les  fous,  les  boiteux,  les  aveugles ,  les  muets 
sont  des  hommes  chez  qui  les  démons  se. sont  éta. 
blis.  Les  médecins  qui  traitent  ces  infirmités, 
comme  ayant  des  causes  naturelles,  sont  des 
ignorans  qui  ne  connaissent  point  toute  la  puis- 
sance du  démon.  >  (14  juillet  13â8.) 

€  Il  y  a  des  lieux,  dans  beaucoup  de  pays,  où 
habitent  les  diables.  La  Prusse  a  grand  nombre 
de  mauvais  esprits.  En  Suisse ,  non  loin  de  Ln- 
ceme,  sur  une  haute  montagne,  il  y  a  un  lac 
qu'on  appelle  l'étang  de  Pilate  ;  le  diable  y  est 
établi  d'une  manière  terrible.  Dans  mon  pays, 
il  y  a  un  étang  situé  de  même.  Si  l'on  y  jette  une 
pierre,  il  s'élève  un  grand  orage,  et  tout  le  pays 
tremble  à  l'entour.  C'est  une  habitation  de  dia- 
bles qui  y  sont  prisonniers. 

>  Le  diable  a  emporté  à  Sussen ,  le  jour  du 
Tendredi  saint ,  trois  écuyers  qui  s'étaient  voués 
à  lui.  >  (1538.) 

Un  jour  de  grand  orage ,  Luther  disait  :  <  Ceat 
le  diable  qui  (ait  ce  temps-là;  les  vents  ne  sont 

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180  aittouBS 

antre  chose  que  de  bons  ou  de  mauvais  esprits.  La 
diable  respire  et  souffle.  > 

Deux  nobles  avaient  juré  de  se  tuer  l'un  l'autre 
(du  temps  de  Maximilien).  Le  diable  ayant  tué 
l'un  d*eux  dans  son  lit  avec  l'épée  de  l'autre  le 
survivant  fut  amené  sur  la  place  publique.  On 
enleva  la  terre  couverte  par  son  ombre,  et  on  le 
bannit  du  pays.  C'est  ce  qui  s'appelle  mors  ci- 
9ilis.  Le  docteur  Grégoire  Bruck ,  chaneelier 
de  Saxe ,  fit  ce  récit  à  Luther. 

Suivant  deux  histoires  de  gens  avertis  d'avance 
qu'ils  seraient  emportés  par  le  diable,  et  qui,  quci 
qu'ils  eussent  reçu  le  saint  sacrement,  et  qu'Us 
fussent  gardés  avee  des  cierges  par  leurs  amis  en 
prières ,  n'en  furent  pas  moins  emportés  au  jour 
et  à  l'heure  marqués.  «  Il  a  bien  crucifié  notre 
Seigneur  lui-même.  Mais,  pourvu  qu'il  n'emporte 
pas  l'âme,  tout  va  bien.  » 

«  Le  diable  promène  les  gens  dans  leur  som- 
meil de  côté  et  d'autre ,  de  sorte  qu'ils  font  toute 
chose  comme  s'ils  vetUai^it.  Autrefois  les  pa- 
pistes, comme g^is  superstitieux,  disaient  qut 
de  tels  hommes  devaient  ne  pas  avoir  été  bien 
baptisés,  ou  qu'ils  l'avaient  peut-être  été  par  ui 
prêtre  ivre.  • 

«  Aux  Pays-Bas  et  en  Saxe,  un  diien  mont 

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DB   LUTHER.  l81 

trueux  sent  les  gens  qui  doivent  mourir,  et  rôde 
autour... 

>  Les  moines  conduisaient  chez  eux  un  pos- 
sédé. Le  diable  qui  était  en  lui,  dit  aux  moines: 
«  0  mon  peuple,  que  t'ai-je  fait  !  »  Populemeus, 
quidfeci  tibif  ■ 

On  racontait  à  la  table  de  Luther  qu'un  jour , 
dans  une  cavalcade  de  gentilshommes,  Tun  d'eux 
s'était  écrié  en  piquant  des  deux  :  «  Au  diable  le 
dernier!»  Comme  il  avait  deux  chevaux,  il  en 
lâcha  un;  et  celui-ci,  restant  le  dernier,  le 
diable  l'emporta  avec  lui  dans  les  airs.  Luther 
dit  à  cette  occasion:  «  Il  ne  faut  pas  convier 
Satan  à  notre  table.  Il  vient  sans  avoir  été  prié. 
Tout  est  plein  de  diables  autour  de  nous;  nous- 
mêmes  qui  veillons  et  qui  prions  journellement , 
nous  avons  assez  affaire  à  lui.  » 

«  Un  vieux  curé,  faisant  un  jour  sa  prière, 
entendit  derrière  lui  le  diable  qui  voulait  l'en 
empêcher,  et  qui  grognait  comme  aurait  fait  tout 
un  troupeau  de  porcs.  Le  vieux  curé,  sans  se 
laisser  effrayer  ,  se  retourna  et  lui  dit  :  «  Maître 
diable,  il  t'est  bien  advenu  ce  que  tu  méritais) 
tu  étais  un  bel  ange  ,  et  te  voilà  maintenant  un 
vilain  porc.  »  Aussitôt  les  grognemens  cessèrent, 
ToM«  11.  16 

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182  ttiuoiiiES 

car  le  diable  ne  peut  souffrir  qu*oa  le  méprise.., 

La  foi  le  rend  faible  comme  un  eniant.  » 

c  Le  diable  redoute  la  parole  de  Dieu.  Il  ne  la 
peut  mordre  ;  il  s'y  ébrèche  les  dents.  » 

«  Un  jeune  vaurien ,  sauvage  et  emporté ,  bu- 
vait un  jour  avec  quelques  compagnons  dans  un 
cabaret.  Quand  il  n'eut  plus  d'argent ,  il  dit  que 
s'il  se  trouvait  quelqu'un  qui  lui  payât  un  bon 
écot,  il  lui  vendrait  son  àme.  Peu  après,  un 
homme  entra  dans  le  cabaret ,  se  mit  à  boire  avec 
le  vaurien ,  et  lui  demanda  s'il  était  véritablement 
prêt  à  vendre  son  âme.  Celui-ci  répondit  hardi- 
ment oui ,  et  l'homme  lui  paya  à  boire  toute  h 
journée.  Sur  le  soir,  quand  le  garçon  fut  ivre, 
l'inconnu  dit  aux  autres  qui  étaient  dans  le  ca- 
baret :  »  Messieurs  ,  qu'en  pensez  -  vous  ?  « 
quelqu'un  achète  un  cheval ,  la  selle  et  la  bride 
ne  lui  appartiennent-elles  pas  aussi.  »  Les  assis- 
tans  s'effrayèrent  beaucoup  à  ces  mots ,  et  ne 
voulurent  d'abord  pas  répondre  ,  mais ,  comme 
l'étranger  les  pressait  ,  ils  dirent  à  la  fin  : 
«  Oui ,  la  selle  et  la  bride  sont  aussi  à  lui.  »  Aus- 
sitôt le  diable  (  car  c'était  lui  )  saisit  le  mauvais 
sujet  et  l'emporta  avec  lui  à  travers  le  plafond . 
de  sorte  que  l'on  n'a  jamais  su  ce  qu'il  est  de- 
venu. » 


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DB    LUTHER.  183 

Une  autre  fois,  Luther  raconta  lliiatoire  d*un 
soldat,  qui  avait  déposé  de  l'argent  chei  son 
hôte,  dans  le  Brandebourg.  Cet  hôte,  quand  le 
soldat  lui  redemanda  son  argent,  nia  d'avoir  rien 
reçu.  Le  soldat  furieux  se  jeta  sur  lui,  et  le  mal- 
traita, mais  le  fourbe  le  fit  arrêter  par  la  justice 
et  l'accusa  d'avoir  violé  lapaïar  domestique  [kaus- 
friede.  )  Pendant  que  le  soldat  était  en  prison» 
le  diable  vint  chez  lui  et  lui  dît  :  t  Demain  tu 
seras  condamné  à  mort  et  exécuté.  Si  tu  me  véfads 
ton  corps  et  ton  âme,  je  te  délivre.  »  Le  soldat 
n'y  consentit  point.  Alors  le  diable  lui  dit  :  <  Si 
tu  ne  veux  pas,  écoute  au  moins  le  conseil  que 
je  te  donne.  Demain,  quand  tu  seras  devant  les 
j  nges ,  je  me  tiendrai  près  de  toi ,  en  bonnet  bleu 
avec  une  plume  blanche.  Demande  alors  aux  juges 
qu'ils  me  laissent  plaider  ta  cause,  et  je  te  tirerai 
de  là.  Le  lendemain ,  le  soldat  suivit  le  conseil 
du  diable,  et  comme  l'hôte  persistait  à  nier,  l'a- 
vocat en  bonnet  bleu  lui  dit  :  «  Mon  ami ,  com- 
nient  peux  -  tu  ainsi  te  parjurer?  L'argent  du 
soldat  se  trouve  dans  ton  lit,  sous  le  traversin- 
Seigneurs  échevins,  envoyez-y  et  vous  verrez  que 
je  dis  vrai.  »  Quand  Thôte  entendit  cela,  il  s'écria 
avec  un  gros  juremeut  :  «  Si  j'ai  reçu  l'argent,  je 
veux  que  le  diable  m'enlève  sur  l'heure.  •  Mais 

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184  MÉMOIRES 

les  sergens  envoyt's  à  Tauberge  trouvèrent  l'ar- 
gent à  la  place  indiquée,  et  l'apportèrent  devant 
le  tribunal.  Alors  Tbomme  au  bonnet  bleu  dit 
en  ricanant  :  «  Je  savais  bien  que  j'aurais  l'un 
des  deux,  le  soldat  ou  Taubergiste.  »  11  tordit  le 
cou  à  celui-ci  et  remporta  dans  les  airs.  —  Lu- 
ther, ayant  conté  l'histoire,  ajouta  qu'il  n'ai- 
mait pas  qu'on  jurât  par  le  diable,  comme 
faisaient  beaucoup  de  gens  ;  «  car ,  disait  -  il ,  le 
mauvais  drôle  n'est  pas  loin;  Ton  n'a  pas  besoin 
de  le  peindre  sur  les  murs  pour  qu'il  soit  pré- 
sent. » 

«  Il  y  avait  à  £rfurth  deux  étudians,  dont  l'un 
aimait  si  fort  une  jeune  fille,  quil  en  serait  de- 
venu bientôt  fou.  L'autre  ,  qui  était  sorcier  ^ 
sans  que  son  camarade  en  sût  rien ,  lui  dit  :  ■  Si 
tu  promets  de  ne  point  lui  donner  un  baiser  et 
de  ne  point  la  prendre  dans  tes  bras,  je  ferai 
en  sorte  qu'elle  vienne  te  trouver.  Il  la  fit  venir 
en  effet.  L'amant  ,  qui  était  un  beau  jeune 
homme,  la  reçut  avec  tant  d'amour  ,  et  il  lui  par> 
lait  si  vivement,  que  le  sorcier  craignait  toujours 
qu'il  ne  Tembrassàt;  enfin  il  ne  put  se  contenir. 
A  rinstapt  même  elle  tomba  et  mourut.  Quand 
ils  la  virent  morte ,  ils  eurent  grand'  peur,  et  le 
sorcier  dit  :    ■  Employons  notre  dernière   ra- 


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DB    LUTHER.  185 

source,  »  Il  fit  si  bien,  que  le  diable  la  reporta 
chez  elle,  et  qu'elle  continua  de  faire  tout  ce 
qu'elle  faisait  auparavant  dans  la  maison  ;  mais 
elle  était  fort  pâle  et  ne  parlait  point.  Au  bout 
de  trois  jours,  les  parens  allèrent  trouver  les 
théologiens,  et  leur  demandèrent  ce  qu*il  fallait 
faire.  A  peine  ceux-ci  eurent-ils  parlé  fortement 
à  la  fille,  que  le  diable  se  retira  d'elle;  le  ca- 
davre tomba  raide  avec  une  grande  puanteur.  » 

«  Le  docteur  Luc  Gauric ,  le  sorcier  que  vous 
avez  &it  venir  d'Italie ,  m'a  souvent  avoué  que 
son  maître  conversait  avec  le  diable.  » 

«  Le  diable  peut  se  changer  en  homme  ou 
en  femme  pour  tromper,  de  telle  manière  qu'on 
croit  être  couché  avec  une  femme  en  chair  et 
en  08,  et  qu'il  n'en  est  rien;  car,  suivant  le 
mot  de  saint  Paul,  le  diable  est  bien  fort  avec 
les  fils  de  l'impiété.  Gomme  il  en  résulte  sou- 
vent des  enfans  ou  des  diables,  ces  exemples 
sont  efirayans  et  horribles.  C'est  ainsi  que  ce 
qu'on  appelle  le  nix,  attire  dans  l'eau  les  vierges 
ou  les  femmes  pour  crter  des  diablotins.  Le 
diable  peut  aussi  dérober  des  enfans;  quel- 
quefois dans  les  six  premières  semaines  de  leur 
naissance,  il  enlève  à  leur  mère  ces  pauvres  créa- 
tures pour  en  substituer  à  leur  place  d  autres, 

16. 

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1S8  MÉMOIRES 

nommées  êupposiiitii,  et  par  les  Saxons,  kil- 

<  Il  y  a  huit  ans,  j'ai  yu  et  touché  moi-même 
à  Dessau  un  enfant  qui  n'avait  pas  de  parens,  et 
qui  venait  du  diable.  Il  avait  douze  ans,  et  était 
tout-à-fait  conformé  comme  un  enfant  ordinaire. 
Il  ne  faisait  que  manger ,  et  mangeait  autant  que 
quatre  paysans  ou  batteurs  en  grange.  Il  faisait 
aussi  tous  ses  besoins.  Mais  quand  on  le  touchait , 
il  criait  comme  un  possédé;  s'il  arrivait  quel- 
que accident  malheureux  dans  la  maison ,  il  s^en 
réjouissait  et  riait;  si,  au  contraire,  tout  allait 
bien,  il  pleurait  continuellement.  Je  dis  aux 
princes  d'Anhalt  avec  qui  j'étais  :  Si  j'avais  à 
commander  ici,  je  ferais  jeter  cet  enfant  dans 
la  Moldau ,  au  risque  de  m'en  faire  le  meurtrier. 
Mais  rélecteur  de  Saxe  et  les  princes  n'étaient 
pas  de  mon  opinion.  Je  leur  dis  alors  de  faire 
prier  Dieu  dans  i'église  pour  qu'il  enlevât  le  dé- 
mon. On  répéta  ces  prières  tous  les  jours  pen- 
dant une  année ,  et  après  ce  temps  l'enfant  mou- 
rut. »  Quand  le  docteur  eut  raconté  cette  histoire, 
quelqu'un  lui  demanda  pourquoi  il  aurait  voulu 
jeter  cet  enfant  à  l'eau.  C'est,  répondit-il,  que 
les  enfans  de  cette  espèce  ne  sont  autre  chose, 
à  mon  sens,  qu'une  masse  de  chair,  sans  âme. 

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DB    LUTHBR.  187 

Le  diable  est  bien  capable  de  produire  de  ces 
choses;  tout  ainsi  qu'il  anéaniit  les  focultés  des 
hommes,  quand  il  les  possède  corporëlleraetit , 
de  manière  à  leur  enleyer  la  raison  et  à  les  ren- 
dre sourds  et  aveugles  pour  quelque  temps,  de 
même  il  habite  dans  ces  masses  de  chair  et  est 
lui-même  leur  âme.  —  Il  faut  que  le  diable  soit 
bien  puissant  pour  tenir  ainsi  nos  esprits  pri- 
sonniers. Origène,  ce  me  semble,  n*a  pas  assez 
compris  cette  puissance;  autrement  il  n'aurait 
point  pensé  que  le  diable  pourra  obtenir  grâce 
au  Jugement  dernier.  Quel  horrible  péché  de  se 
révolter  ainsi  sciemment  contre  son  Dieu,  son 
créateur  ! 

»  £h  Saxe,  près  Halberstadt,  il  y  avait  un 
homme  qui  avait  un  kilkropff.  Cet  enfant  pou-» 
vait  épuiser  sa  mère  et  cinq  autres  femmes  en  les 
tétant ,  et  il  dévorait  outre  cela  tout  ce  qu'on  lui 
présentait.  On  donna  à  l'homme  le  conseil  de 
fieiire  un  pèlerinage  à  Holckelstadt,  de  vouer  son 
kilkropff  à  la  vierge  Marie,  et  de  le  fiaire  bercer 
en  cet  endroit.  L'homme  suivit  cet  avis,  et  il  em- 
porta son  enfant  dans  un  panier;  mais,  en  pas- 
sant sur  un  pont,  un  autre  diable,  qui  était  dans 
la  rivière,  se  mit  à  crier  :  Kilkropff!  kilkropff! 
L'enfant,  qui  était  dans  le  panier,  et  qui  n'avait 

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188  niitoiEiLS 

jamais  encore  pronoucé  un  seul  mot ,  répondit  : 
Oh!  oh!  oh!  Le  diable  de  la  rivière  lui  demanda 
ensuite  :  Où  vas-tu?  L'enfant  du  panier  répon- 
dit :  Je  m'en  vais  à  Holckelstadt,  à  notre  Mère 
Lien-aimée,  pour  me  faire  bercer.  Le  paysan, 
très  effrayé,  jeta  Tenfant  et  le  panier  dans  la  ri- 
vière; sur  quoi  les  deux  diables  se  mirent  à 
s'envoler  ensemble.  Ils  crièrent  :  Oh!  oh!  oh! 
firent  quelques  cabrioles  l'un  par-dessus  l'autre 
et  s'évanouirent.  » 

Luther,  eu  sortant  un  dimanche  de  l'église 
du  château  où  il  avait  prêché,  rencontra  un 
landsknecht  qui  s  adressa  à  lui,  se  plaignant  des 
tentations  continuelles  quïl  avait  à  essuyer  de  la 
part  du  diable,  disant  qu'il  venait  souvent  à  lui 
et  le  menaçait  de  l'enlever  dans  les  airs.  Pendant 
qu'il  parlait  ainsi,  le  docteur  Poraer,  qui  pas- 
sait par  ce  chemin,  s  approcha  aussi  de  lui  et 
aida  Luther  à  le  consoler.  «  IVe  désespérer  pas, 
lui  disaient-ils,  car  malgré  ces  tentations  du 
diable,  vous  n'êtes  point  à  lui.  Notre  Seigneur 
Jésus -Christ  a  aussi  été  tenté  par  lui,  mais 
il  l'a  surmonté  par  la  parole  de  Dieu.  Défendez- 
vous  de  même  par  la  parole  de  Dieu  et  par  la 
prière.  Luther  ajouta  :  «  Si  le  diable  te  tour- 
mente  et  te  menace  de  t'emmener,  réponds 


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DB    LUTHER.  189 

lui  :  «  Je  suis  à  Jésus -Christ,  qui  est  mou 
Seigneur;  c'est  en  lui  que  je  crois,  et  c'est  au- 
près de  lui  qiLie  je  serai  un  jour.  Il  a  dit  lui- 
même  qu'aucune  puissance  ne  pourra  enlever  les 
chrétiens  de  sa  main.  >  Pense  plutôt  à  Dieu  qui 
est  au  ciel  qu'au  diable,  et  cesse  de  t'effrayer  de 
ses  ruses.  Je  sais  bien  qu'il  serait  fort  aise  de 
l'enlever,  mais  il  ne  le  peut.  Il  est  comme  le 
voleur  qui  voudrait  bien  mettre  la  main  sur  le 
coffre-fort  du  riche;  la  volonté  ne  lui  manque 
j)as,  mais  le  pouvoir.  De  même  Dieu  ne  per- 
mettra pas  au  diable  de  te  faire  du  mal.  Écoute 
fidèlement  la  parole  divine,  prie  avec  ferveur, 
travaille,  ne  sois  pas  trop  souvent  seul,  et  tu 
verras  que  Dieu  te  délivrera  de  Satan  et  te  con- 
servera dans  son  troupeau.  » 

Un  jeune  ouvrier,  maréchal  ferrant  de  son 
état ,  prétendait  être  poursuivi  par  un  spectre  à 
travers  toutes  les  rues  de  la  ville.  Luther  le  fit 
Tenir  chez  lui  et  l'interrogea  en  présence  de  plu- 
sieurs personnes  doctes.  Le  jeune  homme  disait 
que  le  spectre  qui  le  poursuivait  lui  avait  reproché 
comme  un  sacrilège  d'avoir  communié  sous  les 
deux  espèces,  et  qu'il  lui  avait  dit  :  tSi  tu  retour- 
nes dans  la  maison  de  ton  maître,  je  te  tords  le 
cou.  »  C'est  pourquoi  il  n'était  pas  rentré  depuis 

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100  Hinoiasa 

plusieurs  jours.  Le  docteur,  après  TaToir  beau- 
coup interrogé ,  lui  dit:  «Prends  garde ,  mon  ami, 
de  ne  pas  mentir.  Grains  Dieu,  écoute  sa  parole 
avec  attention  ;  retourne  chez  ton  maître,  bis 
ton  travail,  et  si  Satan  revient,  dis-lui  :«  Je  ne 
veux  pas  t'obéir.  Je  n'obéirai  qu'à  Dieu  qui  m'a 
appelé  à  ce  métier  :  je  resterai  ici  à  mon  travail, 
et  un  ange  même  viendrait,  que  je  ne  m'en 
laisserais  pas  détourner.  • 

«  Le  docteur  Luther,  devenu  plus  âgé,  éprouva 
peu  de  tentations  de  la  part  des  hommes;  mais 
le  diable ,  comme  il  le  reconnaît  lui-même,  allait 
promener  avec  lui  dans  le  dortoir  du  cloître;  il 
le  vexait  et  le  tentait.  Il  avait  un  ou  deux  diables 
qui  répiaient,  et  sHlsne  pouvaient  parvenir  au 
.  cœur ,  ils  saisissaient  la  tête  et  la  tourmentaient. 

«  ...  Cela  m'est  arrivé  souvent.  Quand  je  te- 
nais un  couteau  dans  les  mains,  il  me  venait  de 
mauvaises  pensées;  souvent  je  ne  pouvais  prier, 
et  le  diable  me  chassait  de  la  chambre.  Car  nous 
autres  nous  avons  affaire  aux  grands  diables  qui 
sont  docteurs  en  théologie.  Les  Turcs  et  les  pa- 
pistes ont  de  petits  diablotins  qui  ne  sont  point 
théologiens,  mais  seulement  juristes. 

•  Je  sais,   grâce  à  Dieu,  que  ma  cause    est 
bonne  et  divine;  si  Christ  n'est  point  dans    le  ciel 


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D8   LUTUBR.  101 

et  Seigneur  du  monde ,  alors  mon  afbire  est  mau- 
vaise. Cependant  le  diable  me  serre  souvent  de 
si  près  dans  la  dispute ,  qu'il  m'en  vient  la  sueur. 
Il  est  éternellement  irrité  ,  je  le  sens  bien,  je  le 
comprends.  Il  couche  avec  moi  plus  près  que  ma 
Catherine.  Il  me  donne  plus  de  trouble  qu'elle  de 
joie...  Il  me  pousse  quelquefois:  La  Loi,  dit-il, 
est  aussi  la  parole  de  Dieu  ;  pourquoi  l'opposer 
toujours  à  l'Évangile? — «  Oui,  dis-je  à  mou 
tour;  mais  elle  est  aussi  loin  de  l'Évangile  que  le 
ciel  l'est  de  la  terre ,  etc.  » 

«  Le  diable  n'est  pas,  à  la  vérité,  un  docteur 
qui  a  pris  ses  grades,  mais  du  reste  il  est  bien 
savant ,  bien  expérimenté.  Il  n'a  pourtant  fait 
son  métier  que  depuis  six  mille  ans.  Si  le  diable 
est    sorti  quelquefois    des    possédés,  lorsqu'il 
était  conjuré  par  les  moines  et  les  prêtres  pa- 
pistes ,    en  laissant    après   lui    quelque  signe, 
un   carreau  cassé,  une  fenêtre  brisée,  un  pan 
de  mur  ouvert ,  c'était  pour  faire  croire  aux  gens 
qu'il  avait  quitté  le  corps,  mais  en  effet  pour 
posséder  l'esprit,  pour  les  confirmer  dans  leurs 
superstitions.  » 

Au  mois  de  janvier  15SS  ,  Luther  tomba 
dangereusement  malade.  Le  médecin  le  crut  me- 
nacé d'une  attaqua  d'apoplexie.  Mélanchton  et 

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102  uÉiiioiRes 

Korer,  assis  près  de  son  lit,  ayant  parlé  de  la 
joie  que  la  nouvelle  de  sa  mort  causerait  sans 
doute  aux  papistes,  il  leur  dit  avec  assurance  : 
■  Je  ne  mourrai  pas  encore,  je  le  sais  eertaine- 
inent.  Dieu  ne  confirmera  point  à  présent  Fabo- 
minable  papisme  par  ma  mort.  Il  ne  voudra  point, 
après  celle  de  Zwingli  et  d'OËcolampade,  ac- 
corder aux.  papistes  un  nouveau  sujet  de  triom- 
phe. Satan,  il  est  vrai ,  ne  songe  qu'à  me  tuer; 
il  ne  me  quitte  d'un  pas.  Mais  ce  n'est  pas  si 
volonté  qui  s'accomplira  :  ce  sera  celle  du  Sei- 
gneur. » 

<  Ma  maladie,  qui  consiste  dans  des  vertige» 
et  autres  choses ,  n'est  point  naturelle  ;  ce  qiK^ 
je  puis  prendre  ou  faire  ne  me  sert  à  rien,  quoi- 
que j'observe  avec  soin  les  conseils  de  mon  mé- 
decin. » 

En  1536,  il  maria  à  Torgau  le  duc  Philippe 
de  Poméranie  à  la  sœur  de  FÉlerteur.  Au  milieu 
de  la  cérémonie ,  l'anneau  nuptial  échappa  de  si 
main  et  roula  par  terre.  Il  eut  un  mouvement  de 
terreur  ,  mais  se  rassura  aussitôt  en  disant  : 
«  Écoute,  diable,  cela  ne  te  regarde  pas,  c'e>t 
peine  perdue,  «  et  il  continua  de  prononcer  le* 
paroles  de  la  bénédiction. 
»   Pendant  que  le  docteur  Luther  causait  :» 

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DB   LUTHRA.  193 

table  arec  quelques  -  uns ,  sa  femme  sortit  et 
tomba  en  défaillance.  Lorsqu'elle  revint  à  elle, 
le  docteur  lui  demanda  quelles  pensées  elle  avait 
eues.  Elle  raconta  comme  elle  avait  éprouvé  des 
tentations  toutes  particulières  qui  sont  les  signes 
certains  de  la  mort,  et  qui  frappent  au  cœur  plus 
sùreiçent  qu'une  balle  ou  une  flèche...  «Celui  qui 
éprouve  de  telles  tentations,  dit  -  il,  je  lui  don- 
nerai un  bon  conseil,  c'est  de  penser  à  quelque 
chose  de  gai,  de  boire  un  bon  coup ,  de  jouer  et 
dé  prendre  quelques  passe  -temps,  ou  bien  de 
s'attacher  à  quelque  occupation  honorable.  Mais 
le  meilleur  remède,  c'est  de  croire  en  Jésus- 
Christ.  > 

«  Quand  le  diable  me  trouve  oisif  et  que  je  ne 
pense  point  à  la  jparole  de  Dieu ,  alors  il  me  fait 
venir  un  scrupule,  comme  si  je  n'avais  pas  bien 
enseigné ,  comme  si  c'était  moi  qui  eusse  renversé 
et  détruit  les  autorités ,  et  causé  par  ma  doctrine 
tant  de  scandales  et  de  troubles.  Mais  quand  je 
ressaisis  la  parole  de  Dieu,  alors  j'ai  gagné  la 
partie.  Je  me  défends  contre  le  diable  et  je  dis  : 
Qu'importe  à  Dieu  tout  le  monde,  quelque 
grand  qu'il  puisse  être  ?  Il  en  a  établi  son  Fils 
seigneur  et  roi.  Si  le  monde  veut  le  renverser  du 
trône,  Dieu  le  bouleversera  et  le  mettra  en  cen- 

17 

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1 04  HivOIRES 

dre  ;  car  il  dit  lui-mènie  :  «  C'est  mon  fils ,  tous 
devez  Técouter.  »  Maintenant,  ô  rois,  apprenez; 
disciplinez-TOus ,  juges  de  la  terre  {Verudtmtni  de 
la  Vulgale  est  moins  fort.) 

»  Le  diable  s'efforce  surtout  de  nous  arracher 
du  cœur  l'article  de  la  rémission  des  péchés. 
Quoi!  dit-il,  tous  prêchez  ce  qu^  aucun  homme  H*a 
enseigné  dans  tant  de  êiècleê!  si  cela  déplaisait  à 
])ieuf„ 

•  La  nuit ,  quand  je  me  réveille^  le  diable  rient 
bientôt ,  dispute  avec  moi  et  me  donne  d'étranges 
pensées ,  jusqu'à  ce  que  je  m'anime  et  que  je  lui 
dise:  Baise  mon  c...!  Bien  n'est  pas  irrité  comme 
tu  le  dis. 

t  Aujourd'hui,  comme  je  m'éveillai,  le  diable 
vint ,  voulut  disputer  ,  et  il  me  disait  :  «  Tu  es  un 
pécheur.  »  —  Je  répliquai  :  Bis-moi  quelque  chose 
de  nouveau,  démon;  je  savais  déjà  cela...  Tai 
assez  de  péchés  réels ,  sans  ceux  que  tu  inven- 
tes... —  Il  insistait  encore  :  t  Qu'as-tu  fait  des 
cloitres  dans  ce  mode  ?  >  — A  quoi  je  répondis: 
Que  t'importe  ?  Tu  vois  bien  que  ton  culte  sacri- 
lège subsiste  toujours.  » 

Un  jour  que  l'on  parlait  à  souper  du  sorcier 
Faust,  Luther  dit  sérieusement  :  t  Le  diable 
n'emploie  pas  contre  moi  le  secours    des   en- 


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Dl   LUTHBH.  195 

chanteurs.  S'il  pouvait  me  nuire  par  là ,  il  Tau- 
rait  fait  depuis  long-temps.  Il  m'a  déjà  souvent 
tenu  par  la  tête;  mais  il  a  pourtant  fallu  qu'il 
me  laissât  aller.  J'ai  bien  éprouvé  quel  compa- 
gnon c'est  que  le  diable;  il  m'a  souvent  serré 
de  si  près  que  je  ne  savais  si  j'étais  mort  ou  vi- 
vant. Quelquefois  il  m'a  jeté  dans  le  désespoir  au 
point  que  j'ignorais  même  s'il  y  avait  un  Dieu,  et 
que  je  doutais  complètement  de  notre  cher  Sei- 
gneur. Mais  avec  la  parole  de  Dieu,  etc. 

»  Le  diable  me  fait  regarder  la  loi,  le  péché 
et  la  mort.  Il  me  présente  cette  trinité ,  et  s'en 
sert  pour  me  tourmenter. 

»  Le  diable  nous  a  juré  la  mort ,  mais  il  mor- 
dra dans  une  noix  creuse. 

»  La  tentation  de  la  chair  est  petite  chose;  la 
moindre  femme  dans  la  maison  peut  guérir  cette 
maladie.  £ustochia  aurait  guéri  saint  Jérôme. 
Hais  Dieu  nous  garde  des  grandes  tentations  qui 
touchent  Téternité  !  Alors  on  ne  sait  point  si 
Dieu  est  le  diable ,  ou  si  le  diable  est  Dieu.  Ces 
tentations  ne  sont  point  passagères. 

x)  Si  je  tombe  en  pensées  qui  ne  touchent  que 
le  monde  ou  la  maison .  je  prends  un  psaume  ou 
quelques  mots  de  Saint-Paul ,  et  je  dors  par-des- 
sus;  mais  celles  qui  viennent  du  diable  me  cou- 

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106  HéuoiaBS 

tent  dayantage;  je  ne  puis  m'en  tiref  qu'avec 

quelque  bonne  farce. 

•  Le  grain  d'orge  a  beaucoup  à  souffirir  des 
hommes  (1).  D'abord  on  le  jette  dans  la  terre  pour 
qu'il  y  pourrisse  ;  ensuite ,  quand  il  est  mûr,  on 
le  coupe,  on  le  bat  en  grange  et  on  le  sèche, 
on  le  fait  cuire  pour  en  tirer  de  la  bière ,  et  le 
faire  avaler  aux  ivrognes.  Le  lin  est  aussi  mar- 
tyr à  sa  manière.  Quand  il  est  mûr,   on  l'ar- 
rache, on  le  rouit,  on  le  sèche,  on  le  bat,  on  le 
teille,  on  le  sérance,  on  le  file,  on  le  tisse,  on 
en  fabrique  de  la  toile  pour  en  faire  des  chemises, 
des  souquenilles,  etc.  Quand  celles-ci  sont  déchi- 
rées, l'on  en  fait  des  torchons ,  ou  l'on  y  met  des 
emplâtres  pour  être  appliquées  sur  les  plaies,  les 
abcès,  l'on  en  fait  des  mèches,  ou  bien  on  les 
Tend  au  papetier  qui  les  broie,  les  dissout,  et  en 
fait  du  papier.  Ce  papier  sert  à  écrire ,  à  impri- 
mer^ à  faire  des  jeux  de  cartes;  enfin  il  est  dé- 
chiré et  employé  aux  plus  vils  usages.  Ces  plan- 
tes, ainsi  que  d'autres  créatures  qui  nous  sont 
très  utiles,  ont  beaucoup  à  souffirir;  les  chrétiens 


(i)  Voyex  la  belle  ballade  anglaise  sur  le  martyre  de 
JBarlej^corn. 


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DB    LUTHER.  197 

bons  et  pieux  oat  de  même  beaucoup  à  endurer 
des  méchans  et  des  impies.  > 

«  Quand  le  diable  vient  me  trouver  la  nuit,  je 
lui  tiens  ce  discours  :  Diable,  je  dois  dormir 
maintenant  ;  car  c'est  le  commandement  et  Tor- 
dre de  Dieu  que  nous  travaillions  le  jour,  et  que 
nous  dormions  la  nuit.  S'il  m'accuse  d'être  un 
pécheur,  je  lui  dis  pour  lui  faire  dépit  :  Sancte 
Satané,  ora  pro  me!  ou  bien  :  Medice,  cura  te 
ipsum,  ■ 

«  Si  vous  prêchez  celui  qui  est  tenté ,  il  vous 
faut  tuer  Moïse  et  le  lapider.  Si  au  contraire  il  re- 
vient à  lui  et  oublie  la  tentation,  qu'on  lui  prêche 
la  loi.  Alioqui  afflicto  non  est  addenda  afflictio, 

■  ...  La  meilleure  ^lanière  de  chasser  le  diable, 
si  on  ne  peut  le  faire  avec  les  paroles  de  la  sainte 
Écriture ,  c'est  de  lui  adresser  des  mots  piquans 
et  pleins  de  moquerie.  » 

«  On  peut  consoler  les  gens  affligés  de  tenta- 
tions en  leur  donnant  à  manger  et  à  boire  ;  mais 
le  remède  ne  réussirait  pas  pour  tous ,  surtout 
pour  les  jeunes  gens.  Pour  moi  qui  suis  vieux, 
un  bon  coup  pourrait  chasser  les  tentations  et 
me   faire  dormir  un  somme.  » 

«  La  meilleure  médecine  contre  les  tentations, 
c'est  de  parler  d'autre  chose ,  de  Marcolphe , 

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1 98  M^MOIEBS 

d^Eulenspiegel ,  et  d'autres  fiirces  de  ce  genre ,  etc. 
— Le  diable  est  un  esprit  triste,  la  musique  le  fait 
fuir  bien  loin.  » 

Le  morceau  important  qu'on  va  lire  est  en 
quelque  sorte  le  récit  de  la  guerre  opiniâtre 
que  Satan  aurait  faite  à  Lutber  pendant  toute  sa 
vie. 

Préface  du  doctewr  Martin  Luther,  écrite  fMr 
lui  avant  $a  mort. —  «  Quiconque  lira  avec  at- 
tention rbistoire  ecclésiastique,  les  livres  des 
saints  Pères,  et  particulièrement  la  Bible,  verra 
clairement  que  depuis  le  commencement  de 
rÉglise ,  les  choses  se  sont  toujours  passées  de  la 
même  manière.  Toutes  les  fois  que  la  Parole  s'était 
fait  entendre  et  que  Dieu  s'était  rassemblé  un 
petit  troupeau,  le  diable  s'est  bien  viteapereude 
la  lumière  divine  ,  et  s'est  mis  à  siffler,  souffler, 
tempêter  de  tous  les  coins,  essayant  de  toute» 
ses  forces  s'il  pourrait  l'éteindre.  On  avait  beau 
boucher  un  ou  deux  trous  ,  il  en  trouvait  un 
autre,  soufflait  toujours  et  faisait  rage.  Il  n'y  a 
encore  eu  aucune  fin  à  cela,  et  il  n'y  en  aura 
pas  jusqu'au  jour  du  Jugement. 

»  Je  tiens  qu'à  moi  seul  (  pour  ne  point  par- 
ler des  anciens)  j'ai  essuyé  plus  de  vingt  OHra* 
gans ,  vingt  assauts  du  diable.  D'abord  j'ai  ea 

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DB    LVTRBB.  199 

contre  moi  les  papistes.  Tout  le  inonde,  je  crois, 
sait  à  peu  près  combien  de  tempêtes,  de  bulles 
et  de  liyres  le  diable  a  lâchés  par  eux  contre  moi, 
de  quelle  façon  lamentable  ils  m'ont  déchiré , 
dévoré ,  mis  à  rien.  Il  est  vrai  que  moi-même 
je  soufflais  quelque  peu  contre  eux;  mais  cela 
ne  servait  de  rien;  les  enragés  soufflaient  en- 
core plus,  et  vomissaient  feu  et  flammes.  Il  en 
a  été  ainsi  jusqu'à  ce  jour  sans  interruption. 

»  J'avais  un  instant  cessé  de  craindre  cette 
tempête  du  diable ,  lorsqu'il  se  fit  jour  par  un 
nouveau  trou,  par  Mûnzer  et  sa  révolte  qui 
faillait  m'éteindre  la  lumière.  Le  Christ  bouche 
encore  ce  trou  là ,  et  le  voilà  qui  par  Garlostad 
casse  des  carreaux  à  ma  fenêtre,  le  voilà  qui 
mugit  et  tourbillonne,  au  point  de  me  faire  croire 
qu'il  allait  emporter  lumière,  cire  et  mèche  à  la 
fois.  Mais  Dieu  fut  en  aide  à  sa  pauvre  lumière,  il 
ne  permit  point  qu'elle  fût  éteinte.  Alors  vin- 
rent les  secramentaires  et  les  anabaptistes ,  qui 
brisèrent  portes  et  fenêtres  pour  en  finir  de  cette 
lumière,  et  qui  la  mirent  de  nouveau  dans  le 
plus  grand  danger.  Dieu  merci,  leur  volonté 
fat  trompée  également 

»  D'autres  encore  ont  tempêté  contre  les  an- 
ciens maîtres ,  contre  le  pape  et  contre  Luther  à 

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200  HÉVOIASS 

la  fois,  tels  que  Servet,  Gampanus Quanta 

ceux  enfin  qui  ne  m^ont  point  assailli  publique- 
ment par  des  livres  imprimes,  mais  dontilm*a 
fallu  essuyer  en  particulier  les  écrits  et  discours 
remplis  de  venin,  je  ne  les  mettrai  pas  ici  en 
ligne  de  compte.  lime  suffit  démontrer  que  j*ai 
dû  apprendre  par  expérience  (je  n'en  voulaispas 
croire  les  histoires)  que  l'Église,  pour  Tamour  de 
sa  chère  Parole,  de  sa  bienheureuse  lumière,  ne 
peut  avoir  de  repos,  mais  qu'elle  doit  attendre 
incessamment  de  nouvelles  tempêtes  du  diable» 
comme  cela  s'est  vu  depuis  le  conmience- 
ment. 

»  Et  quand  je  devrais  vivre  encore  cent  ans, 
quand  j'aurais  apaisé  les  tempêtes  d'autrefois  et 
d'aujourd'hui ,  quand  je  pourrais  encore  apaiser 
celles  qui  viendront ,  je  vois  clairement  que  cela 
ne  donnerait  pas  le  repos  à  nos  descendans ,  aussi 
long-temps  que  le  diable  vivra  et  régnera.  C'est 
pourquoi  je  prie  Dieu  de  m'accorder  une  petite 
heure  d'état  de  grâce;  je  ne  demande  pas  de  res- 
ter en  vie  plus  long-temps. 

»  Vous  qui  viendrez  après  nous ,  priez  Dieu 
aussi  avec  ferveur,  pratiquez  assidûment  sa  pa- 
role ,  conservez  bien  la  pauvre  chandelle  de  Dieu  ; 
car  le  diable   ne  dort  ni   ne  chôme,  et  il  ne 

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DE    LVTHEH.  •     201 

mourra  pas  non  plus  avant  le  jugement  dernier. 
Toi  et  moi,  nous  mourrons^  et  quand  nous  serons 
morts,  lui  il  n'en  restera  pas  moins  tel  qu'il  a 
toujours  été ,  toujours  tempêtant  contre  FÉvan* 
gile... 

*  Je  le  Tois  de  loin  qui  gonfle  ses  joues  à  en 
devenir  tout  rouge ,  qui  souffle  et  qui  fait  fu- 
reur ;  mais  notre  Seigneur  Jésus-Christ ,  qui ,  dès 
le  commencement ,  lui  a  donné  un  coup  de  poing 
sur  cette  joue  gonflée,  le  combat  maintenant  en- 
core, et  le  combattra  toujours.  Il  ne  peut  pas  en 
avoir  menti ,  quand  il  dit  :  «  Je  serai  auprès  de 
vous  jusqu'à  la  lin  du  monde,  »  et  «  Les  por- 
tes de  l'enfer  ne  prévaudront  pas  contre  mon 
Église;  »  et  dans  Saint  Jean  :  «  Mes  brebis  ne  pé- 
riront jamais  ;  personne  ne  les  arrachera  de  ma 
main  ;  *  et  dans  saint  Mathieu ,  X  :  ce  Tous  les  che- 
veux de  votre  tête  sont  comptés;  c'est  pourquoi 
ne  craignez  pas  ceux  qui  tuent  le  corps.  » 

«  Néanmoins,  il  nous  est  commandé  de  veiller 
et  de  garder  sa  lumière  tant  qu'il  est  en  nous.  Il 
est  dit:  «  VigUQte;  le  diable  est  un  lion  rugissant 
qui  tourne  autour  et  qui  veut  nous  dévorer.  »  Tel 
il  était  quand  saint  Pierre  disait  cela,  et  tel  il 
sera  encore  jusqu'à  la  fin  du  monde » 

(Luther  revient  ensuite  à  parler  du  secourt  de 

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202  MimoiEBS 

Dieu  sans  lequel  tous  nos  efforts  seraient  vains, 
et  il  continue  ainsi  :  )  «  Toi  et  moi  nous  n'étions 
rien  il  y  a  mille  ans ,  et  cependant  l'Église  a  été 
sauvée  sans  nous  :  elle  Fa  été  par  celui  de  qui  il 
est  dit  :  Heri  et  hodiè.  De  même  à  présent  ce 
n'est  pas  nous  qui  conservons  l'Église,  car  noas 
ne  pouvons  atteindre  le  diable  qui  est  dans  le 
pape,  les  séditieux  et  les  mauvaises  gens;  elle 
périrait  sous  nos  yeux ,  et  nous-mêmes  avec  elle, 
n'était  quelqu'autre  qui  conserve  tout.  Il  nous 
faut  laisser  faire  celui  de  qui  nous  lisons  :  ^t 

erU ,  ut  hodiè 

»  C'est  une  chose  lamentable  de  voir  notre 
orgueil  et  notre  audace  après  les  terribles  et 
honteux  exemples  de  ceux  qui^  dans  leur  vanité, 
avaient  cru  que  l'Église  était  bâtie  sur  eux. 
Comment  a  fini  ce  Mùnzer(  pour  ne  parler  que 
de  ce  temps),  lui  qui  pensait  que  l'Église  ne  pou- 
vait exister  s'il  n'était  là  pour  la  porter  et  la 
gouverner  ?  Et  tout  récemment  encore  les  ana- 
baptistes n'ont-ils  pas  été  pour  nous  un  avertis- 
sement assez  terrible  pour  nous  rappeler  combien 
un  diable  plus  subtil  encore  est  près  de  nous, 
combien  nos  belles  pensées  sont^dangereuses,  et 
comme  il  est  nécessaire  (selon  le  conseil  d'Isaie) 
que  nous  regardions  dans  nos  mains  quand  nous 


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DB   LUTHB&.  203 

ramassons  quelque  chose ,  pour  voir  si  c^est  Dieu 
ou  une  idole ,  si  c'est  de  Tor  ou  de  Targile  ? 

r>  Hais  tous  ces  avertissemens  sont  perdus;  nous 
vivons  en  pleine  sécurité.  Oui ,  sans  doute  le  dia- 
ble est  loin  de  nous;  nous  n'avons  rien  de  cette 
chair,  qui  était  même  en  saint  Paul,  et  dont  il 
ne  pouvait  se  défendre  malgré  tous  ses  efforts 
(Kom.  YII.)  Nous ,  nous  sommes  des  héros ,  nous 
n'avons  pas  à  nous  mettre  en  peine  de  la  chair  et 
de  la  pensée,  nous  sommes  de  purs  esprits,  nous 
tenons  captifs  la  chair  et  le  diable  à  la  fois,  et 
tout  ce  qui  nous  vient  dans  la  tête ,  c'est  imman- 
quablement inspiration  du  Saint-Esprit;  aussi 
cela  tournc-t-il  si  bien  à  la  fin  que  le  cheval  et 
le  cavalier  se  cassent  le  cou. 

•  Les  papistes,  je  le  sais,  me  diront  ici  :<  £h 
bien!  tu  le  vois;  c'est  toi-même  qui  te  plains  des 
troubles  et  des  séditions?  Qui  en  est  cause,  si  ce 
n'est  toi  et  ta  doctrine  ?  »  Voilà  le  bel  artifice  par 
lequel  ilS  pensent  renverser  de  fond  en  comble 
la  doctrine  de  Luther.  Il  n'importe!  Qu'ils  ca- 
lomnient, qu'ils  mentent  tant  quils  voudront; 
il  faudra  bien  qu'ils  se  taisent.  D'après  ce  grand 
argument ,  tous  les  prophètes  auraient  été  égale- 
ment des  hérétiques  et  des  séditieux,  car  ils 
furent  tenus  pour  tels  par  leur  propre  peuple; 

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204  m£koires 

comme  tels  ils  furent  persécutés,  et  la  plupart 

mis  à  mort. 

>  Jésus-Christ  lui-même,  notre  Seigneur,  fut 
obligé  de  s'entendre  dire  par  les  Jui& ,  et  en  par- 
ticulier par  les  pontifes,  les  pharisiens,  les  scri- 
bes, etc. ,  par  ceux  qui  étaient  les  plus  hauii 
en  pouvoir,  qu'il  avait  le  diable  en  lui,  qu'il 
chassait  les  diables  par  d'autres  diable» ,  qu'il 
était  un  samaritain,  le  compagnon  des  publi- 
cains  et  des  pécheurs.  11  fut  même  à  la  fin  con- 
damné à  mourir  sur  la  croix  comme  blasphéma- 
teur et  séditieux.  <  Lequel  d'entre  les  prophètes, 
disait  saint  Etienne  aux  Juifs  qui  allaient  le  la- 
pider, lequel  vos  pères  n'ont-ils  pas  persécuté 
et  tué?  £t  vous,  leurs  descendans,  vous  avez 
vendu  et  tué  le  juste  dont  ces  prophètes  avaient 
annoncé  la  venue.  » 

«(  Les  apôtres  et  les  disciples  n'ont  pas  été  plus 
heureux  que  leur  maître,  les  prédictions  qu'il 
l«ur  avait  faites  se  sont  accomplies... 

»  S'il  en  est  ainsi,  et  l'Écriture  en  feût  foi. 
pourquoi  donc  nous  étonner  de  ce  que  nous  aussi 
qui,  dans  ces  temps  terribles,  prêchons  Jésus- 
Christ  et  nous  reconnaissons  pour  ses  fidèles, 
nous  soyons,  à  son  exemple,  persécutés  et  con- 
damnés comme  hérétiques,  comme  séditieux? 

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DB   LUTHER.  ^05 

Que  sommes-nous  à  côté  de  ces  génies  sublimes, 
éclairés  par  le  Sain t-l<lsp rit,  ornts  de  tant  de  dons 
admirables,  et  doués  d'une  foi  si  forte  ? 

»  N'ayons  donc  pas  honte  des  calomnies  et  des 
outrages  dont  nos  adversaires  nous  poursuivent. 
Que  tout  cela  ne  nous  effraie  point.  Mais  regar- 
dons comme  notre  plus  grande  gloire  de  recevoir 
du  monde  le  même  salaire  que  dès  le  commen- 
cement tous  les  saints  en  ont  reçu  pour  leurs 
fidèles  services.  Réjouissons-nous  en  Dieu  de  ce 
que  nous  aussi,  pauvres  pécheurs  et  gens  m<'- 
'prisés,  nous  avons  été  jugés  dignes  de  souffrir 
rignominie  pour  le  nom  du  Christ... 

»  Les  papistes,  avec  leur  grand  argument,  res- 
semblent à  un  homme  qui  dirait  que  si  Dieu 
n'avait  pas  créé  de  bons  anges,  il  n'y  aurait  pas 
eu  de  diables;  car  c'est  des  bons  anges  que 
ceux-ci  sont  venus.  De  même,  Adam  accusa 
Dieu  de  lui  avoir  donné  une  femme,  car  si  Dieu 
n'avait  pas  créé  Adam  et  Eve,  ils  n'auraient  pas 
péché.  Il  résulterait  de  ce  beau  raisonnement  que 
Dieu  seul  fût  pécheur,  et  qu'Adam  et  ses  enfans 
fussent  tous  purs,  pieux  et  saints. 

■  Il  est  sorti  de  la  doctrine  de  Luther  beaucoup 
d'esprits  de  trouble  et  de  révolte,  disent- ils. 
Donc  la  doctrine  de  Luther  vient  du  diable.  » 

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206  M&HOIRIS 

Mais  saint  Jean  dit  aussi  (1 ,  2.)  :  «  Ils  sont  sortis 
d'entre  nous,  mais  ils  n^étaieut  point  des  nôtres.» 
Judas  était  parmi  les  disciples  de  Jésus-Christ; 
donc  (d'après  leur  argument)  Jésus-Christ  est 
un  diahle.  Jamais  hérétique  n'est  sorti  d'entre 
les  païens;  ils  sont  tous  venus  de  la  sainte  Église 
chrétienne;  l'Église  serait  donc  TouTrage  da 
diable. 

»  Il  en  fut  de  même  de  la  Bible  sous  le  pape; 
on  l'appelait  publiquement  un  livre  d'hérétiques, 
et  on  l'accusait  de  prêter  appui  aux  opinions  les 
plus  condamnables.  Encore  aujourd'hui  ils  crient: 
<  L'Église,  l'Église,  contre  et  par-dessus  la 
Bible  !  »  Eroser ,  l'homme  sage ,  ne  sut  même  trop 
dire  s'il  était  bon  que  la  Bible  fût  traduite  en 
allemand;  peut-être  ne  savait-il  pas  non  plus  s'il 
était  bon  qu'elle  eût  été  jamais  écrite  en  hébreu, 
en  grec  ou  en  latin  ;  elle  et  l'Église  ne  sont  pas 
en  trop  bon  accord. 

»  Si  donc  la  Bible ,  le  livre  et  la  parole  da 
Saint-Esprit,  a  de  telles  choses  à  endurer  d'eux . 
pourquoi  ,nous,  ne  supporterions-nous  pas  à  plus 
forte  raison  qu'ils  nous  imputent  toutes  les  hé- 
résies et  les  séditions  qui  éclatent?  L'araignée 
tire  son  poison  de  la  belle  et  aimable  rose  où 
l'abeille  ne  trouve  que  miel;  est-ce  la  fiiute  de  la 


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DB   LVTHSB.  207 

fleur  n  son  miel  devient  du  poison  dans  l'arai- 
gnée ? 

»  C'est  y  comme  dit  le  proverbe:  «Chien  qu'on 
Tcut  battre  a  mangé  du  cuir  ,  »  ou ,  comme  dit 
finement  Ésope  :  «  La  brebis  que  le  loup  veut 
luanger  a  troublé  l'eau,  quoiqu'elle  soit  au  bas 
du  courant.  «  Eux,  qui  ont  rempli  l'Église  d'er- 
reur et  de  sang,  de  mensonge  et  de  meurtre ,  ce 
ne  sont  pas  eux  qui  ont  troublé  l'eau.  Nous,  nous 
résistons  aux  séditions  et  aux  erreurs  des  héré- 
tiques, et  c'est  nous  qui  l'avons  troublée.  Eh 
bien!  loup,  mange;  mange,  mon  ami,  et  qu'un 
os  te  reste  au  travers  du  gosier,..  Us  ne  peuvent 
faire  autrement  ;  tel  est  le  monde  et  son  Dieu  S'ils 
ont  appelé  Belzébut  le  maître  de  la  maison  ,  trai- 
teront»ils  mieux  les  serviteurs?  Et  si  la  sainte 
Écriture  est  appelée  un  livre  d'hérétiques,  com- 
ment nos  livres  pourraient-ils  être  honorés?  Le 
Dieu  vivant  est  notre  juge  à  nous  tous;  il  mettra 
uu  jour  tout  cela  au  clair ,  si  nous  devons  en 
croire  ce  livre  d'hérétiques,  qu'on  appelle  la 
sainte  Écriture  ,  qui  tant  de  fols  en  a  témoigné. 

»  Veuille  Jésus-Christ,  notre  Dieu-aimé  et 
le  gardien  de  nos  âmes  qu'il  a  rachetées  par  son 
sang  précieux,  conserver  son  petit  troupeau 
fidèle  à  sa  sainte  parole ,  afin  qu'il  augmente  et 

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203  MÉMOIRES 

croisse  en  grâce,  en  lumière,  en  foi.  Puisse-t-il 
daigner  le  soutenir  contre  les  tentations  de  Sa- 
tan et  du  monde ,  et  prendre  enfin  en  pitié  ses 
gémissemens  profonds  et  Tattente  pleine  d  an- 
goisses dans  laquelle  il  soupire  vers  Fheureux 
jour  de  la  glorieuse  venue  de  son  Sauveur  ,  en 
sorte  que  les  fureurs  et  les  morsures  meurtrières 
des  serpens  cessent  enfin ,  et  que  pour  les  enCans 
de  Dieu  commence  la  révélation  de  la  liberté  et 
béatitude  qu^ils  espèrent  et  qu'ils  attendent  en 
patience.  Amen.  Amen.» 


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DB    LOTniK.  209 


CHAPITRE  Vn. 


Maladies*  ^  Désir  de  la  mort  at  du  jugement.  —Mort,  i546. 


«  Le  mal  de  dents  et  le  mal  d'oreilles  sont 
bien  cruels;  j'aimerais  mieux  la  peste  et  le  mal 
français.  Lorsque  j'étais  à  Gobourg,  en  1530, 
je  souffrais  d'un  bruit  et  d'un  sifflement  dans  les 
oreilles  :  c'était  comme  du  vent  qui  me  sortait  de 
la  tête...  Le  diable  est  pour  quelque  chose  là- 
dedans. 

•  Il  fiaiut  manger  et  boire  du  TÎn  quand  on  est 
malade.  »  Il  se  traita  ainsi  à  Smalkalde,  en  15S7. 

Un  homme  se  plaignait  de  la  gale;  Luther 
lui  dit  :    «  Je  voudrais  bien  changer  avec  vous  ; 

18. 

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210  aiHOi&BS 

j«  TOUS  donneraiB  dix  florins  de  retour.  Vous  n» 
savez  pas  combien  c'est  une  chose  pénible  que  le 
vertige.  Aujourd'hui  je  ne  puis  lire  de  suite  une 
lettre  entière»  ^pas  même  deux  ou  trois  lignes 
du  Psautier.  Le  bourdonnement  recommence 
dans  les  oreilles,  au  point  que  souvent  je  suis 
près  de  tomber  sur  mon  banc.  La  gale,  au  con- 
traire, est  chose  utile,  etc.  > 

Après  avoir  prêché  à  Smalkalde,  et  diné  en- 
suite, il  éprouva  les  douleurs  de  la  pierre,  et 
pria  avec  ardeur  :  «  0  mon  Dieu ,  mon  seigneur 
Jésus  î  tu  sais  avec  quel  zèle  j'ai  enseigné  ta  pa- 
role. Si  est  pro  glorià  nomini»  iui,  viens  à  mon 
secours;  sinon,  £ferme-moi  les  yeux.  Ego  moriar 
inimicus  inimicû  tuù.  Je  meurs  dans  la  haine  de 
oe  scélérat  de  pape,  qui  s'est  élevé  au-dessus  du 
Christ.  »  Et  il  composa  à  l'instant,  sur  oe  sujet» 
quatre  vers  latins^ 

•  Ma  tète  est  si  variable  etsi  fiuble  que  je  ne 
puia  rien  écrire  m  lire,  surtout  à  jeun.  »  (9  fé- 
vrier 154^  Yoye^  aussi  le  16  août.) 

c  Je  suis  £aiible  et  fatigué  de  vivre ,  et  je  songe 
à  dire  adieu  au  moa46t  qui  est  maiotenanit  tout 
au  malin^  Qu^  le  Seigneur  m'accorde  une  h9om 
heure  et  u»  heureux  passage.  AmetL  «  (14  mars.) 

A  Awh9do9f.  —  c  Je  t'écris  ayrès.  souper,  car 


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DB    LUTH».  211 

à  jeun  je  ne  puis  sans  danger  jeter  les  yeux  sur 
un  livre;  je  m'étonne  fort  de  cette  maladie, 
et  ne  sais  si  c'est  un  soufflet  de  Satan  ou  si  ce 
n'est  que  faiblesse  de  nature.  »  (18  août  154S.) 

«  Je  crois  que  ma  réritable  maladie,  c'est  la 
yieillesse ,  ensuite  la  yiolence  des  travaux  et  des 
pensées,  mais  surtout  les  coups  de  Satan;  c'est 
ce  dont  toute  la  médecine  du  monde  ne  me  gué-: 
rira  pas.  »  (7  noTcrabre  1543.) 

A  Spalotin,  -^  •  Je  t'avoue  que,  dans  toute 
ma  vie  et  dans  toutes  les  affaires  de  l'Évangile,  je 
n'ai  jamais  eu  d'année  plus  troublée  que  celle 
qui  vient  de  finir.  J'ai  une  twrible  a&ire  avec 
les  juristes,  au  sujet  des  mariages  clandestûis; 
eeux  que  j'avais  cru  devoir  être  de  fidèles  amis  de 
l'Évangile,  je  trouve  eu  eux  des  ennemis  cruels. 
Penses-tu  que  ce  ne  soit  pas  pour  moi  un  sup- 
plice, je  te  le  demande ,  mon  eher  Spalatia?  » 
(30  janvier  1644.) 

«  Je  suis  paresseux,  fiitigué,  fimd,  c'est-à- 
dire  vieux  et  iautiiew  J'ai  achevé  na  route  ;  reste 
seutecseu^  que  le  Seigneur  wm  réunisse  à  mes 
pères,  etreadeàkpourritiHreetauxveQseeqiii 
leur  apparti^it.  Ble  voilà  lassasié  de  vîo,  si  cela 
peut  s'appeler  de  la  vie.  Prie  pour  moi,  afin  que 
l'heure  de  mon  passage  soit  agréable  à  Dieu,  et 

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212  MÂttOIRBS 

à  moi  salutaire.  Je  ne  m'occupe  plus  de  l'Empe- 
reur et  de  FEmpire ,  que  pour  les  recommander  à 
Bieu  dans  mes  prières.  Le  monde  me  semble  être 
venu  à  sa  dernière  heure  et  avoir  vieilli  comme 
un  vêtement,  selon  Pexpression  du  psalmîste; 
voici  l'heure  qu'il  en  faut  changer.  •  (3  décem- 
bre 15-4^.) 

,  «  Si  j'avais  su  au  commencement  que  les 
hommes  fussent  si  ennemis  de  la  parole  de  Bieu , 
je  me  serais  tu  certainement  et  tenu  tranquille. 
J'imaginais  qu'ils  ne  péchaient  que  par  igno- 
rance. » 

Il  disait  une  fois  :  <  La  noblesse,  les  bour- 
geois, les  paysans,  je  dirais  presque  tout  homme, 
pense  connaître  beaucoup  mieux  rÉvan]gile  que 
le  docteur  Luther  ou  que  saint  Paul  même.  Ils 
méprisent  les  pasteurs,  ou  plutôt  le  Seigneur  et 
Maître  des  pasteurs... 

•  Les  nobles  veulent  gouverner,  et  cependant 
ils  ne  peuvent  rien  comprendre.  Le  pape  sait  et 
peut  gouverner  par  le  fait.  Le  plus  petit  papiste 
est  plus  capable  de  gouverner  que  dix  des  nobles 
qui  sont  à  la  cour,  ne  leur  en  déplaise.  » 

On  disait  un  jour  à  Luther  que,  dans  Févê- 
ché  de  Wurtzbourg,  il  y  avait  six  cents  riches 
eures  qui  étaient  vacantes.  —  «  Il  ne  résultera 

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DB    LI'THEB.  2i3 

rien  de  bon  de  tout  cela,  dit-il.  Il  en  sera  de 
même  chez  nous,  si  nous  continuons  de  mé- 
priser la  parole  de  Dieu  et  ses  serviteurs...  Si  je 
voulais  devenir  riche,  je  n'aurais  qu'à  ne  point 
prêcher...  Les  visiteurs  ecclésiastiques  deman- 
daient aux  paysans  pourquoi  ils  ne  voulaient 
point  nourrir  leurs  pasteurs ,  eux  qui  pourtant 
entretenaient  des  gardeurs  de  vaches  et  de  porcs. 
«  Oh!  répondirent-ils,  nous  avons  besoin  d'un 
berger  j  nous  ne  pourrions  pas  nous  en  passer.  • 
Ils  croyaient  pouvoir  se  passer  de  pasteurs.  » 

Luther  prêcha  dans  sa  maison ,  pour  ses  en- 
fans  et  tous  les  siens,  le  dimanche,  pendant  six 
mois,  mais  il  ne  prêchait  point  dans  l'église.  «  Je 
le  fais,  dit-il  au  docteur  Jonas,  pour  acquitter 
ma  conscience  et  remplir  mon  devoir  de  père  de 
famille.  Mais  je  sais  et  je  vois  bien  que  la  parole 
de  Dieu  ne  sera  pas  plus  considérée  ici  que  dans 
réglise. 

»  C'est  vous  qui  prêcherez  après  moi ,  docteur 
Jonas,  songez-y  et  acquittez -vous-en  bien.  • 

Il  sortit  un  jour  de  l'église ,  indigné  de  ce  que 
Ton  causait.  (1545.) 

Le  16  février  15-46,  Luther  disait  qu'Aris- 
tote  n'avait  écrit  aucun  meilleur  livre  que  la 
cinquième   des  Ethica;   qu'il    y   donnait  cetta 

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214  viHOIRBS 

belle  définition  :  Quod  jusiiiia  sU  vtrtuê  eonMÛ^ 
tans  in  mwdiocritaie ,  pro  ut  êapienâ  mm»  AAm 
minai.  [Cet  éloge  de  la  modération   est   tiès 
remarquable  dans  la  dernière  année  de  Luther.] 

Le  chancelier  du  comte  de  Mansfeld,  qui  rcTe- 
naît  de  la  diète  de  Francfort,  dit  à  la  table  de 
Luther,  à  Eisleben,  que  l'Empereur  et  le  pape 
procédaient  brusquement  contre  réyêque  de  Co- 
logne Herman,  et  songeaient  à  le  chaaaer  de 
son  électorat.  Alors  il  parla  ainsi  :  «  Ils  ont  perdu 
la  partie;  ils  ne  peuvent  rien  Caire  contre  nous 
ayec  la  parole  de  Dieu  et  la  sainte  Écriture;  ergo 
volunt  $apieniiâ,  violentià,a8Mià,praciicâ,dalo, 
vi  et  armispugnare.  Que  dit  à  cela  notre  Seigneur? 
Il  Toit  bien  qu'il  est  un  pauvre  écolier ,  ei  il  dit  : 
Qu'allons-nous  devenir  mon  fils  et  moi?...  Pour 
moi,  quand  ils  me  tueraient,  il  Caut  auparavant 
qu'ils  mangent  ce  que...  J'ai  un  grand  avantage; 
mon  seigneur  s'appelle  Schefflemini;  c'est  lui  qui 
dit  :  Ego  suêcitabo  vos  in  noviasimo  die;  et  il  dira 
alors  :  Docteur  Martin,  docteur  Jonas,  seigneur 
Michel  Cœlius ,  venez  à  moi  ;  et  il  vous  nommera 
tous  par  vos  noms ,  comme  le  Seigneur  Chnat  dit 
dans  saint  Jean:  Et  vocai  eo$  nominatim,  £h  bien! 
BOyei  donc  sans  peur. 

»  Dieu  a  un  beau  jeu  de  oart«  qui  u'eit  com- 


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I 


DB   LtTUBB.  215  j 

posé  que  de  rois,  de  princes,  etc.  Il  bat  les  car- 
tes, par  exemple  le  pape  avec  Luther  ;  et  ensuite 
il  fait  comme  les  enfiins ,  qui ,  après  avoir  tenu 
quelque  temps  les  cartes  en  vain,  se  lassent  du  ^ 
jeu ,  et  les  jettent  sous  la  table.  » 

«  Le  monde  est  comme  un  paysan  ivre.  Si  on 
le  remet  en  selle  d'un  côté ,  il  tombe  de  l'autre. 
On  ne  peut  le  secourir  de  quelque  façon  qu'on 
s'y  prenne  Le  monde  veut  appartenir  au  diable.» 

Luther  disait  souvent  que  s*il  mourait  dans  sou 
lit,  ce  serait  une  grande  honte  pour  le  pape. 
«Vous  tous,  pape,  diable,  rois,  princes  et  sei- 
gneurs vous  devez  être  ennemis  de  Luther,  et 
cependant  vous  ne  pouvez  lui  faire  mal.  Il  n'en 
a  pas  été  de  même  pour  Jean  Huss.  Je  tiens 
que  depuis  cent  ans,  il  n'y  a  pas  eu  un  homme 
que  le  monde  hait  plus  que  moi.  Je  suis  aussi 
ennemi  du  monde;  je  ne  sais  rien  m  toià  viià 
à  quoi  j'aie  plaisir  ;  je  suis  tout-à-fait  fatigué  de 
vivre.  Que  notre  Seigneur  vienne  donc  vite,  et 
m'emmène.  Qu'il  vienne  surtout  avec  son  juge- 
ment dernier ,  je  tendrai  le  cou  ;  qu'il  lance  le 
tonnerre  et  que  je  repose...  »  Ensuite ,  il  se  con- 
lole  de  l'ingratitude  du  monde  ,  par  l'exemple 
de  Moïse,  de  Samuel,  de  saint  Paul ,  du  Christ. 

Un  des  convive^  dit  que  si  le  monde  suhsisait 

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216  HÉAIOIRES 

cinquante  ans,  il  viendrait  encore  bien  des 
choses.  Luther  répondit  :  «  A  Dieu  ne  plaise! 
ce  serait  pis  que  par  le  passé.  Il  s'élèverait  en- 
core bien  des  sectes  qui  sont  aujourd'hui  cachées 
dans  le  cœur  des  hommes.  Vienne  donc  le  Sei- 
gneur! qu'il  coupe  court  à  tout  cela  avec  le  ju- 
gement dernier;  car  il  n'y  a  plus  d'amélioration, 

a  II  fera  si  mauvais  à  vivre  sur  la  terre,  que 
Ton  criera  de  tous  les  coins  du  monde  :  Bon 
Dieu  !  viens  avec  le  jugement  dernier.  »  Et  comme 
il  tenait  en  main  un  chapelet  d'agates  blanches, 
il  ajouta  :  «  0  Dieu!  veuille  que  ce  jour  Tienne 
bientôt.  Je  mangerais  aujourd'hui  ce  chapelet 
pour  que  ce  fût  demain.  » 

On  parlait  à  sa  table  des  éclipses  et  de  leur 
peu  d'influence  sur  la  mort  des  rois  et  des  grands. 
Le  docteur  répondit  :  «  Il  est  vrai,  les  éclipses 
ne  veulent  plus  produire  d'effet;  je  pense  qnc 
notre  Seigneur  en  viendra  bientôt  aux  effets  vt- 
ritables,  et  que  le  Jugement  en  finira  bientôt 
avec  tout  cela.  C'est  ce  que  je  rêvais  l'autre  jour, 
comme  je  m'étais  mis  à  dormir  après  midi,  et  '  • 
disais  déjà  :  In  pace  in  id  îpsum  requiescam  seu 
dormiam.  Il  faut  bien  que  le  Jugement  arrÎTi»: 
car,  que  l'église  papale  se  réforme,  c'est  eha^^ 
impossible;  le  Tiir.?  et  les  juifs  ne  se  corrigeront 

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Bl    LUTHtl.  317 

pas  non  plus.  Il  n'y  a  aucune  amélioratioa  dans 
l'Empire  ;  voilà  maintenant  trente  ans  qu'on  a^ 
semble  toujours  les  diètes  sans  décider  rien... 
Je  pense  souvent ,  quand  je  réfléchis  en  me  pro- 
menant, à^ce  que  je  dois  demander  dans  mes 
prières  pour  la  diète.  L'évéqne  de  Mayence  ne 
vaut  rien^  le  pape  est  perdu.  Je  ne  vois  d'autre 
remède  que  do  dire  :  Notre  Père,  que  votre  règne 
arrive! 

9  Pauvres  gens  que  nous  sommes!  nous  ne 
gagnons  notre  pain  que  par  nos  péchés.  Jusqu'à 
sept  ans ,  nous  ne  faisons  rien  que  manger ,  boire, 
jouer  et  dormir.  De  là  jusqu'à  vingt  et  un  ans« 
nous  allons  aux  écoles  trois  ou  quatre  heures 
par  jour;  nous  suivons  nos  caprices,  nous  cou- 
rons, nous  allons  boire.  C'est  alors  seulement 
que  nous  commençons  à  travailler.  Vers  la  cin- 
quantaine, nous  avons  fini,  nous  redevenons 
enfans.  Ajoutez  que  nous  dormons  la  moitié  de 
notre  fie.  Fi  de  nous!  sur  notre  vie,  nous  ne 
donnons  pas  même  la  dime  à  Dieu  ;  ^t  nous  croi- 
rions avec  nos  bonnes  œuvres  mériter  le  ciel! 
Qu'ai-je  fait,  moi?  J'ai  babillé  deux  heures,  mangé 
pendant  trois,  resté  oisif  pendant  quatre.  Âhi 
Domine,  ne  intres  injudiemm  eumservo  iuo,  » 

Après  avoir  détaillé  toutes  ses  souffrances  à 
Tour  11.  19 

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ill8  n^HOIRBS 

Mélanchton  ;  «  Plaise  à  Christ  d'enlever  mon 
âme  dans  la  paix  du  Seignear.  Par  la  grâce  de 
Dieu,  je  suis  prêt  et  désireux  de  partir.  J'ai  vécu 
et  achevé  la  course  que  Dieu  m'avait  marquée... 
Que  mon  âme,  fatiguée  de  si  longue  route,  monte 
maintenant  au  ciel.  «  (18  avril  1541.) 

«  Je  n*ai  pas  le  temps  de  beaucoup  écrire, 
mon  cher  Probst ,  car  je  suis  accablé  par  l'âge  et 
les  fatigues,  ait,  hait,  ungestali,  comme  on  dit; 
cependant  le  repos  ne  m'est  pas  encore  permis, 
obsédé  comme  je  le  suis  par  tant  de  raisons,  tant 
de  nécessités  d'écrire.  J'en  sais  plus  que  toi  sur 
les  Vitalités  de  ce  siècle.  Le  monde  menace  ruine  : 
cela  est  certain,  tant  le  diable  se  déchaîne,  tant 
le  monde  s'abrutit.  Il  ne  reste  qu'une  seule  con- 
solation, c'est  que  ce  jour  est  proche.  On  est 
rassassié  de  la  parole  de  Dieu,  le  monde  en  prend 
un  singulier  dégoût.  Il  s'élève  moins  de  &ux 
prophètes.  Poui;quoi  susciterait-on  de  nouvelles 
hérésies ,  quand  on  a  pour  la  parole  un  mépris 
épicurien?  L'Allemagne  a  été,  et  elle  ne  sera  ja- 
mais oe  qu'elle  a  été.  La  noblesse  ne  pense  qu'à 
demander ,  les  villes  ne  songent  qu'à  elles-mêmes 
(et  avec  raison);  voilà  le  royaume  divisé  avec  soi» 
même ,  qui  a  dû  tenir  tète  à  cette  armée  de  dé- 
mons déchaînée  dans  l'armée  turque.  Nous  ne 


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BE    LUTHER.  21  9 

nous  soucions  guère  de  savoir  si  Dieu  est  pour 
nous  ou  contre  nous;  nous  devons  triompher 
par  notre  propre  force  des  Turcs  et  des  démons, 
et  de  Dieu  et  de  toutes  choses.  Tant  est  grande 
la  confiance  et  la  sécurité  insensées  de  l'Alle- 
magne expirante!  £t  cependant,  nous  autres,  que 
ferons-nous  ici?  Les  plaintes  sont  vaines,  les 
pleurs  sont  vains.  Il  ne  vous  reste  qu'à  dire 
cette  prière  :  Que  ta  volonté  soit  faite,  t  (Î6  mars 
1542)  (1). 

«  Je  vois  chez  tout  le  monde  une  cupidité  în- 
domptahle,  et  c'est  un  des  signes  qui  me  per- 
suade que  le  dernier  jour  est  proche;  il  semhle 
que  le  monde  dans  sa  vieillesse  et  son  dernier 
paroxisme,  tomhe  en  délire,  comme  il  arrive 
quelquefois  aux  mourans.  >  (8  mars  1544.) 

«  Je  crois  que  nous  sommes  cette  trompette 
suprême  qui  prépare  et  devance  la  venue  du 
Christ.  Ainsi,  quelque  faibles  que  nous  soyons, 
quelque  petit  son  que  nous  fassions  entendre  de* 
vant  le  monde,  nous  sonnons  fort  dans  l'assem- 

(i)  Il  seQible  qu'on  retrouve  ces  tristes  pensées  dans  \û 
beau  portrait  de  Luther  mort ,  qui  se  trouve  dans  la  col- 
lection du  libraire  Zimmer  à  Heidelberg;  ce  portrait  ex- 
prime aussi  la  continuation  d*un  long  effort. 

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220  MiHOlRES. 

blée  des  angles  du  ciel ,  qai  reprendront  après 
nous  et  se  chargeront  d'achever.  Amen.  *  (6  août 
1545.) 

Dans  les  dernières  années  de  sa  vie,  ses  en- 
nemis répandirent  plusieurs  fois  le  bruit  de  sa 
mort.  Ils  y  ajoutèrent  les  circonstances  les  plus 
extraordinaires  et  les  plus  tragiques.  Pour  les 
réfuter,  Luther  fit  imprimer  en  15-45,  en  alle- 
mand et  en  italien,  un  écrit  inutitulé  :  Menson- 
ges des  Welckes  sut  la  mort  du  docteur  Martin 
Luther. 

«  Je  Tai  dit  d'avance  au  docteur  Pomer:  celui 
qui  après  ma  mort  méprisera  l'autorité  de  cette 
école  et  de  cette  église,  celui-là  sera  un  héréti- 
que et  un  pervers.  Car  c'est  d'abord  ici  que  Dieu 
a  purifié  sa  parole  et  la  de  nouveau  révélée...  Qui 
pouvait  quelque  chose  il  y  a  vingt-cinq  ans? 
Qui  était  de  mon  côté  il  y  a  vingt  et  un  ans  ? 

9  Je  compte  souvent  et  j'approche  de  plus  en 
plus  des  quarante  années  au  bout  desquelles  ,je 
pense,  tout  ceci  doit  prendre  fin.  Saint  Paul  n'a 
prêché  que  quarante  ans.  De  même  le  prophète 
Jérémie  et  saint  Augustin.  Et  lorsque  furent 
écoulées  les  quarante  années  pendant  lesquelles 
on  avait  prêché  la  parole  de  Dieu ,  elle  a  cessé 
^e  se  faire  entendre,  et  une  grande  calamité  est 
venue  ensuite.  • 

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DB  IrVTBBH.  22 1 

La  Tieille  Électrice,  à  la  table  de  laquelle  il 
se  trouyait,  lui  souhaitait  quarante  ans  de  yie, 
<  Je  ne  youdrais  point  du  paradis,  dit-il,  à  con- 
dition de  yiyre  quarante  ans....  Je  ne  consulte  pas 
les  médecins.  Ils  ont  arrangé  que  je  devais  vivre 
encore  un  an;  je  ne  yeux  point  rendre  ma  yie 
triste,  mais,  au  nom  de  Dieu,  manger  et  ]M)ire 
ce  qu'il  me  plait. 

•  Je  voudrais  que  nos  adversaires  me  tuafr- 
sent ,  car  ma  mort  serait  plus  utile  à  l'église  que 
ma  vie.» 

16  février  1546  :  Comme  on  parlait  beaucoup 
de  mort  et  de  maladie  à  la  table  de  Luther,  pen- 
dant son  dernier  voyage  à  £isleben,  il  dit  :  «  Si 
je  retourne  à  Wittemberg,  je  me  mettrai  dans 
la  bière  et  je  donnerai  à  manger  aux  vers  un 
docteur  bien  gras.  9  Deux  jours  après  il  mourut 
à  Ëisleben. 

Impromptu  de  Luther  sur  la  fragilité  de  la  vie* 

Dat  Titram  Titro  Jonn  (vitruro  ipse)  Lulherns, 
Se  slmilem  ut  fragilî  noscat  uterque  vitro. 

Nous  laisBons  ces  vers  en  latin,  ils  auraient 
perdu  leur  mérite  dans  une  traduction. 

Billet  écrit  par  Luther  à  Eisleben,  deux  jours 
avant  sa  mort  :  «  Personne  ne  comprendra  Vir« 

19. 

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222  itiHoi«iî9 

gile  dans  les  Bucoliques,  s^îl  n'a  été  cinq.ana  par 

teur. 

»  Personne  ne  comprendra  Virgile  dans  les 
Géorgiques  f  s'il  n'a  été  cinq  ans  laboureur. 

•  Personne  ne  peut  comprendre  Gicéron  dans 
ses-  Lettres ,  s'il  n'a  été  durant  vingt  ans  mêlé  aux 
affaires  d'un  grand  état. 

»  Que  personne  ne  croie  avoir  assez  goûté  des 
saintes  Écritures  »  s'il  n'a  pendant  cent  années 
gouverné  les  églises,  avec  les  prophètes  Élie  et 
Elisée  f  avec  Jean-Baptiste ,  Christ  et  les  apôtres. 

t  Hanc  tu  ne  divinam  ^neida  tenta» 

»  Sed  vestigia  pronus  adora. 

»  Nous  sommes  de  pauvres  mendians.  Hoc  est 
verum;  16  februarii,  anno  1546.  » 

«  Prédiction  du  révérend  père  le  docteur  Mar- 
tin Luther,  écrite  de  sa  propre  main,  et  trouvée 
après  sa  mort  dans  sa  bibliothèque ,  par  ceux  que 
le  très  illustre  électeur  de  Saxe,  Jean  Frédéric  1", 
avait  chargés  de  la  fouiller. 

«  Le  temps  est  arrivé  auquel ,  selon  Tancieime 
prédiction ,  doivent  venir  après  la  révélation  de 
l'Antichrist ,  des  hommes  qui  vivraient  sans  Dieu, 
chacun  selon  ses  désirs  et  ses  illusions.  Le  pape 
était  un  dieu  au-dessus  de  Bieu,  et  maintenant 
tous  veulent  se  passer  de  Dieu,  surtout  les  pa- 

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D>  IktrTHBK.  223 

pistea.  Les  nôtres,  nmintenant  qu'ils  sont  libres 
des  lois  du  pape ,  Teulent  encore  l'être  do  la  loi 
de  Dieu ,  ne  suivre  que  des  mobiles  politiques , 
et  ne  les  suivre  encore  que  selon  leurs  caprices. 
— Nous  nous  figurons  qu'ils  sont  bien  loin  ceux 
dont  on  a  prédit  de  telles  choses;  ils  ne  sont 
autres  que  nous-mêmes. — Il  y  en  a  parmi  ceux-ci, 
qui  désirant  le  jour  de  l'homme ,  ont  commencé 
à  chasser  de  l'Église  le  décalogue  et  la  Loi.  Parmi 
eux  se  trouvent  maître  Ëisleben  (Agricola) ,  con- 
tre lequel,  etc.  —  Je  ne  suis  pas  inquiet  des  pa- 
pistes; ils  flattent  le  pape  par  haine  pour  nous, 
et  pour  devenir  puissans,  jusqu'à  ce  qu'ils  soient 
formidables  au  pauvre  pape....  Je  sens  une  grande 
consolation ,  quand  je  vois  les  adulateurs  du  pape 
lui  tendre  des  embûches  plus  terribles  que  moi- 
même,  qui  suis  son  ennemi  déclaré.  Il  en  est  de 
même  chez  nous  :  les  nôtres  me  donnent  plus 
d'affiaiires  et  de  périls  que  toute  la  papauté ,  qui 
désormais  ne  pourra  rien  contre  nous.  Tant  il  est 
vrfti  que  si  un  empire  doit  se  détruire ,  c'est  plu-* 
tôt  par  ses  propres  forces.  Celui  de  Rome 


Moie  ruit  sud.  .  .  . 

•  .  •  Corpus  magnum  popnlaroqne  poUntem 

1b  rat  tictrici  coortnam  viictra  dcxtri*  » 


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224  MiHoiEEa 

Yen  la  fia  de  Ba  vie,  Luther  prit  en  dégoût  le 
séjour  de  Wittemberg.  Il  écrivit  à  sa  femme, 
en  juillet  154K,  de  Leipzig  où  il  se  trouTait  : 
<  Grâce  et  paix ,  chère  Catherine  !  Notre  Jean  te 
racontera  comment  nous  sommes  arrivés.  Emst 
de  Schonfeld  nous  a  très  bien  reçus  à  Lobnitx, 
et  notre  ami  Scherle  encore  mieux  ici.  Je  vou- 
drais bien  m'ar ranger  de  manière  à  ne  plus  avoir 
besoin  de  relourner  à  Wiltemherg.  Hon  caur 
s'est  refroidi  pour  cette  ville ,  et  je  n  aime  plus  à 
y  rester.  Je  voudrais  que  tu  vendisses  la  petite 
maison,  avec  la  cour  et  le  jardin;  je  rendrais  à 
mon  gracieux  seigneur  la  grande  maison  dont  il 
m'a  fait  présent,  et  nous  nous  établirions  à  Zeib- 
dorf.  Avec  ce  que  je  reçois  pour  salaire,  nous 
pourrions  mettre  notre  terre  en  bon  état»  car  je 
pense  bien  que  mon  seigneur  ne  refusera  pas  de 
me  le  continuer,  du  moins  pour  cette  année,  que 
je  crois  fermement  devoir  être  la  dernière  de 
ma  vie.  Wittemberg  est  devenu  une  véritable 
Sodome^  et  je  ne  veux  pas  y  retourner.  Après- 
demain  je  me  rendrai  à  Mersebourg ,  où  le  comte 
George  m'a  vivement  prié  de  venir.  J'aimerais 
mieux  passer  ainsi  ma  vie  sur  les  grandes  routes, 
ou  à  mendier  mon  pain,  que  de  tourmenter  mes 
pauvres  derniers  jours  par  la  vue  des  scandales 

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DB   LUTBtA.  225 

de*Wittemberg,  où  toates  mes  peines  et  toutes 
mes  sueurs  sont  perdues.  Tu  peux  faire  savoir 
ceci  à  Philippe  et  à  Pomer,  que  je  prie  de  bénir 
la  yille  en  mon  nom.  Pour  moi,  je  ne  peux  plus 
y  vivre. » 

Il  ne  fallut  rien  moins  que  les  instantes  prières 
de  ses  amis ,  de  toute  Facadëmie  et  de  l'Électeur, 
pour  le  faire  renoncer  à  cette  résolution.  Il  revint 
à  Wittemberg  le  18  août. 

Luther  ne  put  mourir  tranquille  :  ses  derniers 
jours  furent  employés  à  la  tâche  pénible  de  ré- 
concilier les  comtes  de  Mansfeld,  dont  il  était  né 
le  sujet.  «  Huit  jours  de  plus  ou  de  moins ^  écrit-il 
au  comte  Albrecht,  en  lui  promettant  de  se  rendre 
à  £islcben,  huit  jours  de  plus  ou  de  moins,  ne 
m'arrêteront  pas ,  quoique  je  sois  bien  occupé 
d'ailleurs.  Je  pourrai  me  coucher  dans  le  cer- 
cueil avec  joie,  quand  j'aurai  vu  auparavant  mes 
chers  seigneurs  se  réconcilier  et  redevenir  amis.» 
(6  décembre  1543.) 

(De  £isleben.)i>  A  la  trèt  savante  et  très  profonde 
dame  Catherine  Luther  ,  ma  gracieuse  épouse. 
Chère  Catherine  !  nous  sommes  bien  tourmentés 
ici ,  et  nous  ne  serions  pas  fâchés  de  pouvoir 
retourner  chez  nous.  Cependant  il  nous  faudra  « 
je  pense,  rester  encore  une  huitaine  de  jours. 

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226  vÉvouiBs 

Tu  peux  dire  à  maître  Philippe  qu*il  ne  fera  pas 
mal  de  corriger  sapostille  sur  TÉvangile ,  car,  en 
l'écrivant ,  il  ne  savait  guère  pourquoi  le  Sei- 
gneur, dans  l'évangile,  appelle  les  richesses  des 
épines.  C'est  ici  l'école  où  l'on  apprend  ces  choses. 
La  sainte  Écriture  menace  partout  les  épines  du 
feu  éternel ,  cela  m'effraie  et  me  rend  de  la  pa- 
tience, car  je  dois  faire  tous  mes  efforts,  Diea 
aidant ,  pour  mener  la  chose  à  bonne  fin...  • 
(6  février  1546.) 

•  Ah  gracieuse  dame  Catherine  Luther ,  «a 
chère  épouse ,  qui  se  tourmente  beaucoup  trop. 
Grâce  et  paix  dans  le  seigneur.  Chère  Catherine! 
tu  devrais  lire  saint  Jean  et  ce  que  le  Catéchisme 
dit  de  la  confiance  que  nous  devons  avoir  en 
Dieu.  Tu  te  tourmentes  vraiment  comme  si  Diea 
n'était  pas  toutrpuissant ,  et  qu'il  ne  pût  produire 
de  nouveaux  docteurs  Martin  par  dixatnes,si 
l'ancien  se  noyait  dans  la  Saale  ou  périssait  d^une 
autre  manière.  J'ai  quelqu'un  qui  a  soin  de  moi , 
mieux  que  toi  et  les  anges  vous  ne  pourriez  ja- 
mais faire.  Il  est  assis  à  la  droite  du  Père  tout- 
puissant.  Tranquillise-toi  donc.  Amen...  Pavais 
aujourd'hui  l'intention  de  partir  in  ira  meà;  mais 
le  malheur  où  je  vois  mon  pays  natal ,  m'a  encore 
retenu.  Le  croirais*tu  ?  je  suis  devenu  légiste. 

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DS  LCTHBa.  227 

Cependant  cela  ne  servira  pas  à  grand'chose.  Il 
vaudrait  mieux  qu'ils  me  laissassent  théolo^en. 
II  serait  grand  besoin  pour  eux  d'humilier  leur 
superbe.  Us  parlent  et  agissent  comme  s'ils  étaient 
des  dieux,  mais  je  crains  bien  qu'ils  ne  devien- 
nent des  diables,  s'ils  continuent  ainsi.  Lucifer 
aussi  a  été  précipité  par  son  orgueil ,  etc.  Fais 
voir  cette  lettre  à  Philippe,  je  n'ai  pas  eu  le 
temps  de  lui  écrire  séparément,  a  (7  février  1546.) 

«  A  ma  douce  et  chère  épouse ,  Catherine  Luther 
de  Bora.  Grâce  et  paix  dans  le  Seigneur.  Chère 
Catherine!  Nous  espérons  retourner  chez  vous 
cette  semaine,  si  Dieu  le  veut.  Il  a  montré  la 
puissance  de  sa  grâce  dans  cette  afiaire.  Les  sei- 
gneurs se  sont  accordés  sur  tous  les  points,  à 
l'exception  de  deux  ou  trois ,  entre  autres  sur  la 
réconciliation  des  deux  frères,  les  comtes  Geb- 
hard  et  Albrecht.  Je  dînerai  aujourd'hui  avec  eux, 
et  je  tâcherai  de  les  faire  redevenir  frères.  Ils  ont 
écrit  l'un  contre  l'autre  avec  beaucoup  d'amer- 
tume, et  ne  se  sont  encore  rien  dit  pendant  les 
conférences.  —  Du  reste,  nos  jeunes  seigneurs 
sont  pleins  de  gaité  ;  ils  vont  en  traîneaux  avec 
les  dames ,  et  font  sonner  les  clochettes  de  leurs 
chevaux.  Dieu  a  exaucé  nos  prières. 

»  Je  t'envoie  des  truites,  dont  la  comtesse  AI- 


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229  xixoiRBs 

brecht  m'a  fait  présent.  Cette  dame  est  bien 
heureuse  de  voir  renaître  la  paix  dans  sa  famille... 
Le  bruit  court  ici  que  l'Empereur  s'arance  yen 
la  Westphalie,  et  que  le  Français  enrôle  des 
landsknechts,  de  même  que  le  Landgrave,  etc. 
Laissons-les  dire  et  forger  des  nouvelles  :  nous 
attendrons  ce  que  Dieu  voudra  faire.  Je  te  re- 
commande à  sa  protection.  —  Martin  Lcran.  • 
(14  février  1546.) 

Luther  était  arrivé  le  28  janvier  à  Eisleben ,  et 
quoique  déjà  malade ,  il  assista  aux  conférences 
jusqu'au  17  février.  Il  prêcha  aussi  quatre  fois, 
et  révisa  le  règlement  ecclésiastique  du  comté  de 
Mansfeld.  Le  17,  il  fut  si  malade  que  les  comtes 
le  prièrent  de  ne  pas  sortir.  Au  souper  »  il  parla 
beaucoup  de  sa  mort  prochaine,  et  quelqu^un 
lui  ayant  demandé  n  nous  nous  reconnaitriom 
les  uns  les  autres  dans  l'autre  monde ,  il  répon- 
dit qu'il  le  pensait.  En  rentrant  dans  sa  chambre 
avac  maître  Gœlius  et  ses  deux  fils,  il  s'appro- 
cha de  la  croisée  et  y  resta  Ion  g -temps  en 
prière.  Ensuite  il  dit  à  Aurifaber  qui  venait 
d'arriver  :  «  Je  me  sens  bien  faible,  et  mes 
douleurs  augmentent.  >  On  lui  donna  un  médi- 
cament, et  on  tâcha  de  le  réchauffer  par  da 
frictions.  Il  adressa  quelques  mots  au  comte  Al- 


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Bl    LUTHBA.  229 

brecht,  qoi  était  Tena  aussi,  et  se  mit  sar  nn  lit 
de  repos  en  disant  :  «  Si  je  pouvais  seulement 
sommeiller  une  petite  demi-heure ,  je  crois  que 
cela  me  soulagerait.  >  Il  s'endormit  en  effet,  et 
ne  se  réveilla  qu'une  heure  et  demie  après,  vers 
onze  heures.  £n  se  réveillant ,  il  dit  aux  assistans  : 
«  Vous  voilà  encore  assis  à  côté  de  moi ,  ne  vou- 
lez-vous pas  aller  reposer  vous-mêmes  ?  ■  Il  se 
remit  alors  à  prier ,  et  dit  avec  ferveur  :  In  manus 
tuas  commendo  spiritum  meum  ;  redemisti  me ,  Do- 
mine, Deus  vetitatis.  Il  dit  aussi  aux  assistans  : 
«  Priez  tous,  mes  amis,  pour  l'Évangile  de  notre 
Seigneur ,  pour  que  son  règne  s'étende ,  car  le 
concile  de  Trente  et  le  pape  le  menacent  grande- 
ment. •  Il  dormit  ensuite  jusque  vers  une  heure, 
et  quand  il  se  réveilla ,  le  docteur  Jonas  lui  de- 
manda comment  il  se  trouvait.  ■  0  mon  Dieu  ! 
répondit-il ,  je  me  sens  hien  mal.  Mon  cher  Jonas , 
je  pense  que  je  resterai  ici ,  à  Ëislehen ,  où  je  suis 
né.  •  Il  marcha  pourtant  un  peu  dans  la  chamhre 
et  se  remit  sur  son  lit  de  repos,  où  on  le  couvrit 
de  coussins.  Deux  médecins  et  le  comte  avec  sa 
femme  arrivèrent  ensuite.  Luther  leur  dit  :  «  Je 
meurs,  je  resterai  ici ,  à  Ëislehen;  »  et  le  docteur 
Jonas  lui  ayant  exprimé  l'espoir  que  la  transpi- 
ration le  soulagerait  peut- être,    il  répondit  : 

20 

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230  H^^MOIRES 

«  Non,  cher  Jonas,  c'est  une  sueur  froide  eC 
sèche,  le  mal  augmente.  »  Il  se  remit  alors  à  prier, 
et  dit  :  «  0  mon  père!  Dieu  de  notre  Seigneur 
Jésus  Christ,  toi  le  père  de  toute  consolation, 
je  te  remercie  de  m'a  voir  révélé  ton  fils  bien- 
aimé,  en  qui  je  crois,  que  j'ai  prêché  et  reconnu, 
que  j'ai  aimé  et  célébré,  et  que  le  pape  et  les 
impies  persécutent.  Je  te  recommande  mon  âme, 
ô  mon  Seigneur  Jésus -Christ!  Je  quitterai  ce 
corps  terrestre ,  je  vais  être  enlevé  de  cette  vie, 
mais  je  sais  que  je  resterai  éternellement  auprès 
de  toi.  >  Il  répéta  encore  trois  fois  :  In  manusfuai 
commendo  spiritutn  meum;  redemisti  me ,  Domine 
veritatis.  Soudain  il  ferma  les  yeux,  et  tomba 
évanoui.  Le  comte  Albrecht  et  sa  femme,  ain« 
que  les  médecins,  lui  prodiguèrent  leurs  secourt 
pour  le  rendre  à  la  vie.  Ils  n'y  parvinrent  qu'avec 
peine.  Le  docteur  Jonaslui  dit  alors  :  «  Révérend 
père,  mourez -vous  avec  constance  dans  la  foi 
que  vous  avez  enseignée  ?»  Il  répondit  par  un 
oui  distinct,  et  se  rendormit.  Bientôt  il  pâlit, 
devint  froid,  respira  encore  une  fois  profonde^ 
ment,  et  mourut. 

Son  corps  fut  transféré  dans  un  cercueil  d'ëtain, 
à  Wittemberg,  où  il  fut  inhumé  le  22  février  arer 
les  plus  grands  honneurs.  Il  repose  dans  IV^lîse 


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DB    LUTHEtt.  2ol 

du  château ,  au  pied  de  la  chaire.  (Ukert  I,  p.  S27, 
sqq.  ExtraU  de  la  relation  de  Jonas  et  de  Cœ- 
lius,) 

Testament  de  Luther,  daté  du  6  janvier  1542, 
—  Je  soussigné,  Martin  Luther,  docteur,  recon- 
nais avoir,  par  les  présentes,  donné  comme 
douaire  à  ma  chère  et  fidèle  épouse  Catherine , 
pour  qu'elle  en  jouisse  toute  sa  vie,  comme  bon 
lui  semblera  :  la  terre  de  Zeilsdorf,  telle  que 
je  l'ai.achetée  et  fait  disposer  depuis;  la  maison 
Brun  que  j'ai  achetée  sous  le  nom  de  Wolf;  les 
gobelets  et  autres  choses  précieuses,  telles  que 
bagues,  chaînes,  médailles  en  or  et  en  argent, 
de  la  valeur  de  mille  florins  environ. 

•  J'ai  fait  ceci ,  premièrement  parce  qu'elle  a 
toujours  été  mçi  pieuse  et  fidèle  épouse ,  qui  m'a 
aimé  tendrement ,  et  qui ,  par  la  bénédiction  du 
ciel ,  m'a  donné  et  élevé  cinq  enfans  heureuse- 
ment encore  en  vie.  Secondement ,  pour  qu'elle 
te  charge  de  mes  dettes  ,  montant  à  quatre  cent 
cinquante  florins  environ ,  au  cas  où  je  ne  pour- 
rais les  acquitter  avant  ma  mort.  Troisièmement 
et  surtout,  parce  que  je  ne  veux  pas  qu'elle  soit 
dans  la  dépendance  de  ses  enfans,  mais  plutôt 
que  les  enfans  dépendent  d'elle,  l'honorent  et 
lui  soient  soumis ,  comme  Dieu  l'a  commandé  ; 

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232  MEMOIRES 

car  j'ai  tu  bien  souvent  comme  le  Diable  eicito 
les  enfans,  même  les  enfans  pieux,  à  désobéira 
ce  commandement,  surtout  quand  les  mères  sont 
veuves ,  que  les  fils  ont  des  épouses,  et  les  filles 
des  maris.  Je  pense ,  au  reste  >  que  la  racresere 
la  meilleure  tutrice  de  ses  enfans,  et  qu'elle  ne 
fera  pas  usage  de  ce  douaire  au  détriment  de  ceux 
qui  sont  sa  chair  et  son  sang,  de  ceux  qu'elle 
a  portés  sous  son  cœur. 

•  Quoi  qu'il  puisse  advenir  d'elle  après  ma  mort 
(car  je  ne  puis  limiter  les  desseins  de  Diea)i 
j'ai  cette  confiance  qu'elle  se  conduira  toujours 
comme  une  bonne  mère  envers  ses  enfans,  et 
qu'elle  partagea  consciencieusement  avec  eux  ce 
qu'elle  possédera. 

>  £n  même  temps ,  je  prie  tous  mes  amis  d'être 
t€  moins  de  la  vérité  et  de  défendre  ma  chère  Ca- 
therine ,  s'il  allait  arriver  ,  comme  il  serait  pos- 
sible ,  que  de  mauvaises  langues  l'accusassent  de 
garder  pour  elle  quelque  somme  d'argent  ca- 
chée ,  et  de  ne  pas  en  faire  part  aux  enfans.  Je 
certifie  que  ;nous  n'avons  ni  argent  comptant,  m 
trésor  d'aucune  espèce.  £n  cela  rien  d'étonnant, 
si  l'on  veut  considérer  que  nous  n'avons  eu  d'au- 
tre revenu  que  mon  salaire  et  quelques  présens, 
et  que  cependant  nous  avons  bâti ,  et  porté  lesohar- 

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DB   LtJTHEa.  283 

gesd'uD  grand  ménage.  Je  regardemême  comme 
une  grâce  particulière  de  Dieu ,  et  je  l'en  re- 
mercie sans  cesse  ,  que  nous  ayons  pu  y  suffire, 
et  que  nos  dettes  ne  soient  pas  plus  considé- 
rables  

•  Je  prie  aussi  mon  gracieux  seigneur,  le  duc 
Jean-Frédéric ,  électeur ,  de  vouloir  bien  confir- 
mer et  maintenir  le  présent  acte ,  quoiqu'il  no 
soit  pas  fait  dans  la  forme  demandée  par  les  gens 
de  loi.  Blartin  Luthsb.  Signé  Hélakchtoic  ,  Cmoi- 
CBE  etBuGENiuGEiv,  commc  témoins.  > 


90. 

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234  MÉMOiais 


ADDITIONS 


R 


ÊGLÂIRCISSEMENS. 


Page  I  ,  ligna  8*  —  Les  Turcs..- 

Luther  crut  voir  d'abord  dans  les  Turcs  un 
secours  que  Dieu  lui  envoyait.  «  Ce  sont,  dit*iK 
les  ministres  de  la  colère  divine,  1526.  {Prœliari 
advenus  Turcas ,  est  repugnare  Deo ,  visùantiini- 
quiiaies  nostras  per  illos.  »  —  Il  ne  voulait  point 
que  les  protestans  s'armassent  contre  eux  pour 
défendre  les  papistes,  ■  car  ceux-ci  ne  valent  pas 
mieux  que  les  Turcs.  » 

Il  dit  dans  la  pré&ce  qu'il  mit  à  on  livre  du 

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ra  LUTHBB.  285 

docteur  Jonas,  que  les  Turcs  égalent  les  papis- 
tes, ou  les  surpassent  plutôt,  dans  les  choses  que 
ceux-ci  regardent  comme  essentielles  au  salut, 
tels  que  les  aumônes,  les  jeûnes,  lea  macérations^ 
les  pèlerinages,  la  yîe  monastique,  les  cérémo- 
nies et  les  autres  œuvres  extérieures ,  et  que  c'est 
pour  cette  raison  que  les  papistes  ne  parlent  pas 
du  culte  des  mahométans.  Il  prend  occasion  de 
ceci  pour  élever  au-dessus  de  ces  pratiques  ma- 
hométanes  ou  «  romanistes,  la  religion  pure  du 
cœur  et  de  l'esprit ,  enseignée  par  l'Evangile.  > 

Ailleurs,  il  fait  un  parallèle  entre  le  pape  et 
le  Turc,  et  conclut  ainsi  :  «  S'il  faut  combattre  le 
Turc ,  il  feut  aussi  combattre  le  pape.  »  —  Cepen- 
dant quand  il  vit  les  Turcs  menacer  sérieusement 
l'indépendance  de  l'Allemagne,  il  exprima  plu- 
sieurs fois  le  désir  qu'on  entretint  une  armée  per- 
manente sur  les  frontières  de  la  Turquie ,  et  ré- 
péta souvent  que  tout  ce  qui  portait  le  nom  de 
chrétien  devait  implorer  Bien  pour  le  succès  des 
armes  de  l'Empereur  contre  les  infidèles. 

Luther  exhorta  l'Électeur,  dans  une  lettre  du 
28  mai  1538,  à  prendre  part  à  la  guerre  qui  se 
préparait  contre,  les  Turcs.  Il  l'engagea  à  oublier 
les  querelles  intestines  de  l'Allemagne,  pour  tour- 
ner ses  armes  contre  l'ennemi  commun. 

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238  a£HoiRB8 

Un  homme  digne  de  foi ,  qni  avait  été  en  i 
bassade  chez  les  Tnrcs,  dit  un  jour  à  Luther  que 
le  sultan  lui  ayait  demandé  quel  homme  était 
Luther,  et  de  quel  âge,  et  qu'ayant  appris  qu'il 
ayait  environ  quai^nte-huit  ans,  il  disait  :  Je 
voudrais  qu'il  ne  fût  pas  si  âgé  ;  il  a  en  moi  un 
gracieux  seigneur ,  dites-le-lui  bien.  <  Que  Dieu 
me  préserve  de  ce  gracieux  seigneur,  s'écria 
Luther,  en  faisant  le  signe  de  la  croix.  >  (Tiachre- 
den,  p.  433,  verso.) 

P»gt  4,  ligne  ».—Le  Lantfgraue,  se  crojrant  menacé  ^  ievm 
une  armée,; 

Luther,  dans  une  lettre  au  chancelier  Brûck, 
dit,  en  parlant  des  préparatifs  de  guerre  du  Land* 
grave,  a  Une  pareille  agression  de  la  part  des 
nôtres ,  serait  la  plus  grande  honte  pour  TÉvan- 
gile.  Ce  ne  serait  point  une  révolte  de  paysans , 
mais  une  révolte  de  princes ,  qui  préparerait 
à  rAllemagne  les  maux  les  plus  terribles.  Sa- 
tan ne  désire  rien  autant.  »  (mai  1528.)  Il 
écrivit  plusieurs  lettres  dans  le  même  sens  à 
rÉlecteur.  —  Cependant  il  est  quelquefois  tenté 
de  lâcher  lui-même  la  bride  au  Landgrave.  Ayant 
lu  une  lettre  de  Hélanchton ,  qui  éuit  au  CW- 

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DB   LUTHEA.  237 

loque,  i]  dit  :  «  Ce  que  Philippe  écrit,  cela  a 
des  pieds  et  des  mains ,  de  l'autorité  et  de  la  gra- 
vité. Il  dit  des  choses  importantes  en  peu  de 
mots;  je  conclus  de  sa  lettre  que  nous  avons  la 

guerre Le  lâche  de  Mayence  fait  tout  le  mal. 

Ils  devraient  nous  donner  une  prompte  réponse. 
Si  j'étais  le  Landgrave,  je  tomberais  dessus,  je 
périrais  ou  je  les  exterminerais,  puisque  dans  une 
affaire  si  juste,  ils  ne  veulent  pas  nous  donner  la 
paix.  »  (Tischreden,  p.  151.) 

Page  a6>  ligne  la.  — •  Ze  duc  George.,, 

Ce  prince  se  montra  de  bonne  heure  opposé 
à  la  Réforme.  Dès  l'année  1525  (22  décembre), 
Luther  avait  écrit  au  duc  pour  le  prier  instam- 
ment de  renoncer  à  ses  persécutions  contre  la 
nouvelle  doctrine.  «  ...  Je  me  jette  à  vos  pieds 
pour  vous  supplier  de  cesser  enfin  vos  entreprises 
impies.  Non  que  je  craigne  le  préjudice  qui  en 
pourrait  résulter  pour  moi,, car  je  n'ai  plus  qu'à 
perdre  ce  misérable  corps  de  chair  que  dans  tous 
les  cas  la  terre  va  bientôt  recevoir.  Si  je  recher- 
chais mon  avantage,  je  ne  devrais  rien  tant  dé- 
sirer que  ]a  persécution.  On  a  vu  comme  elle  m'a 
servi  jusqu'ici  au-delà  de  toute  attente.  Si  je 

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2-^8  iiéHOiass 

prenais  plaisir  à  rendre  votre  Grâce  maîhenreuse. 
je  l'exciterais  de  toutes  mes  forces  à  continuer 
ses  violences  »  mais  c'est  mon  devoir  de  songer 
au  salut  de  votre  Grâce  et  de  la  supplier  à  ge- 
noux de  cesser  ses  criminelles  offenses  envers 
Dieu  et  sa  parole...  » 

Page  4  «  IJgne  lo  —  Le  docteur  Pack... 

«  Mon  cher  Amsdorf ,  voici  Otton  Pack,  pau- 
vre exilé  que  j'offre  à  ta  miséricorde  ;  il  sera  plas 
en  sûreté  à  Magdebourg  que  chez  moi;  je  crain- 
drais que  le  duc  George  ne  me  forçât  de  le  re- 
mettre entre  ses  mains.  •  (29  juillet  1529.) 

Page  5«  ligne  8. —  Le  grand-mattre  de  l'ordre  Teutoniqme  a»au 
sécularisé  la  Prusse.,, 

•  Lorsque  je  parlai  la  première  fois  au  prince 
Albert ,  comme  il  me  consultait  sur  la  règle  de 
son  ordre,  je  lui  conseillai  de  mépriser  cette 
règle  stupide  et  confuse ,  de  prendre  femme  et  de 
réduire  la  Prusse  à  une  forme  politique  ,  en  prin- 
cipauté ou  en  diiché.  Philippe  partageait  cette 
opinion,  et  donnait  le  même  conseil...  Gela  pour- 
rait s'exécuter  aisément ,  si  le  peuple  de  Prusse  et 

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DB    LUTHER.  230 

les  grands  unissaieut  leurs  prières  pour  qu'il 
osât  Tentreprendre  ;  il  aurait  ainsi  un  motif  né- 
cessaire et  puissant  défaire  cequ'il  désire...  C'est  à 
toi  avec  Speratus ,  Amandus  et  les  autres  ministres^ 
d'y  amener  le  peuple ,  de  l'enflammer ,  de  Tani- 
mer  pour  qu'il  invoque  la  main  de  Dieu,  afin 
qu'au  lieu  de  cette  abominable  principauté  her- 
maphrodite,  qui  n'est  ni  laïque  ni  ecclésiastique, 
il  désire  et  réclame  une  principauté  yéritable. 
— Je  voudrais  persuader  la  même  chose  à  réyê- 
que  ***\  lui  aussi ,  il  céderait  à  nos  raisons,  si  le 
peuple  le  pressait  de  ses  prières.  »  (4  juillet  l^UJ. 
Il  y  avait  six  mois  alors  que  cet  évéque  prê- 
chait ouvertement  la  réforme.  «  Ainsi ,  écrivait 
Luther  en  avril  1523,  pendant  le  fort  de  la  guerre 
des  paysans,  TÉvangile  court  à  pleine  course  et  à 
pleines  voiles  en  Prusse ,  où  il  n'était  pas  appelé, 
tandis  que  dans  la  haute  et  basse  AHeraagae  ,  oit 
il  est  venu  et  entré  de  lui-même,  on  le  blas- 
phème avec  fureur.  »  (T.  II,  p.  649.) 

P«g«  7»  ligne  lo. — Le  duc  George.,, 

«  Prie  avec  moi  le  Dieu  de  miséricorde,  pour 
qu'il  convertisse  le  duc  George  à  son  Évangile  , 
ou  que,  s'il  n'en  est  pas  digne,  il  soit  tiré  de  ce 
monde.  »  (27  mars  15â6.) 

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240  HÉHOIILE» 

Luther  écrivît  à  PÉlecteur,  au  sujet  de  ses  que- 
relles avec  le  duc  George  (31  décembre  1528)  : 
«...  Je  prie  votre  Grâce  électorale  de  m'abandon- 
ner  entièrement  à  la  décision  des  juges,  au  cas 
où  le  duc  George  le  demanderait,  car  il  est  de 
mon  do-oir  d'exposer  ma  tête  plutôt  que  de  Caiire 
éprouver  le  moindre  préjudice  à  votre  Grâce. 
Jésus^Ghrist,  je  Tespère,  me  donnera  les  forces 
nécessaires  pour  résister  tout  seul  à  Satan.  » 

Page  7 ,  ligne  27.  —  Où  s'arrêtera  la  superàe 
de  ce  Moab',, 

Le  duc  Georges  était ,  après  tout ,  un  persécu- 
teur assez  débonnaire.  Ayant  chassé  de  Leipsig 
quatre-vingts  luthériens,  il  leur  accorda  la  per* 
mission  de  garder  leurs  maisons ,  d'y  laisser  leun 
femmes  et  leurs  enfans ,  et  même  d'y  venir  trois 
fois  par  an  au  temps  des  foires.  —  Bans  une  autre 
circonstance,  Luther  ayant  conseillé  aux  protes- 
tans.  de  Leipsig  de  résister  aux  ordres  de  leur 
duc,  celui-ci  se  contenta  de  prier  Télecteur  de 
Saxe  d'interdire  à  Luther  toute  communication 
avec  ses  sujets.  (Cochlœus,  p.  âSO.) 

Page  8,  ligae  9.  —  Diète  à  Spire»,, 

Quelque  temps  après  cette  diète ,  Lutter  écrî- 

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DB   LUTHBB.  241 

Tit  la  consultation  suivante  :  «  D'abord  il  serait 
bon  que  notre  parti,  à  Texclusion  des  zwingUens, 
parlât  pour  lui  seul. 

•  En  second  lieu ,  qu'on  écrivit  à  l'Empereur, 
et  que  les  bienCaiits  du  prince  (l'électeur  de  Saxe) 
envers  l'Église  et  l'État,  fussent  amplifiés,  célé- 
brés, etc.  Il  ûiudrait  rappeler  :  i""  Qu'il  a  fait 
enseigner ,  de  la  manière  la  plus  pure ,  le  Christ 
et  sa  foi,  comme  on  ne  l'a  jamais  enseigné  de* 
puis  mille  ans;  qu'il  a  aboli  une  foule  d'abus  et 
de  monstruosités  nuisibles  à  l'Église  et  à  l'État, 
comme  les  marchés  de  messes,  les  abus  des  in* 
dulgences,  les  violences  de  l'excommunication, 
et  tant  d'autres  choses  qui  leur  ont  paru  à  eux- 
mêmes  intolérables,  et  dont  la  noblesse  a  exigé 
l'abolition  à  Worms. 

>  2°  Qu'il  a  résisté  aux  séditieux,  à  ceux  qui 
violaient  les  images  et  les  églises. 

»  S®  Que  la  dignité  impériale  a  été  par  lui  ho» 
norée,  glorifiée,  réformée,  plus  qu'on  ne  l'avait 
fait  en  plusieurs  siècles. 

9  4®  Que  nous  avons  fait  et  supporté  les  plus 
grandes  choses  contre  les  partisans  de  Humer, 
pour  sauver  la  majesté  et  la  paix  publique. 

>  5*^  Que  c'est  nous,  et  non  d'autres,  qui  avons 
réprimé  les  sacramentaires;  que  sans  nous  les 
papistes  eussent  été  écrasés. 

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242  MixoiftM 

»  6*  Que  nous  avons  de  même  réprimé  le» 
anabaptistes. 

•    7°  Qu'en  outre,  nous  avons  étouffe  les  maa 
vais  germes  que  de  méchantes  gens  avaient  ré- 
pandus en  divers  endroits  sur  la  sainte  Trinité ,  sur 
la  foi  du  Christ ,  etc.  Je  parle  d'Érasme,  d'Egra- 
nus  et  de  leurs  pareils.  >  (mai  1529.) 

Page  8,  ligne  14.  «—  Le  parti  de  la  Réforme  éclata... 

Luther  essaya  encore  de  retenir  les  siens;  lo 
22  mai  1529,  il  écrivit  à  l'Électeur  pour  le  di*- 
suader  d'entrer  dans  aucune  ligue  contre  TEm- 
pereur,  et  l'exhorter  à  s'en  remettre  à  la  pro- 
tection divine.  Dans  une  lettre  à  Agrîeola,  i) 
approuva  la  conduite  prudente  de  l'Électeur  à 
l'égard  de  l'empereur  :  «  Notre  prince  a  bien  fait 
de  reconnaître  un  seigneur  dans  une  ville  étran- 
gère, et  de  n'avoir  point  cherché  à  être  le  maître, 
comme  il  aurait  pu  le  faire.  Christ  a  dit  :  Si  toum 
êtes  persécuté  dans  une  ville,  fuyez  dans  une  au- 
tre; et  encore  :  Sortez  de  cette  maison.  Ainsi  je 
pense  que  notre  prince ,  comme  un  membre  qui 
ne  peut  se  séparer  du  corps,  ne  devait  point 
rompre  avec  César.  Mais  par  son  silence  il  s 
comme  fui  dans  une  autre  ville,  il  est  sorti  de 
cette  maison.  >  (30  juin  lâSO.) 

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»1  LDTBBa.  243 

Pag«  9,   Ugn*  ft.  —  £«  Landgrave  essaya  de  réconcilier  Lu- 
ther et  les  tttcramentaires,», 

Aa  landgrave  de  Hesse.  «  Grâce  et  paix  en 
Jésus-Christ.  Sérénissime  seigneur!  j'ai  reçu  la 
lettre  par  laquelle  votre  Altesse  veut  bien  m'en- 
gager  à  me  rendre  à  Marbourg,  pour  conférer 
avec  OËcolampade  et  les  siens,  au  sujet  de  nos 
opinions  sur  le  saint  Sacrement.  Je  ne  saurais 
cachera  votre  Altesse  que  je  mets  peu  d'espoir 
dans  une  pareille  conférence,  et  que  je  doute 
qu'on  en  voie  sortir  la  paix  et  l'union.  Néanmoins 
il  faut  rendre  grâce  à  votre  Altesse  de  la  solli- 
citude qu'elle  montre  en  cette  affaire,  et  je  suis 
disposé,  pour  ma  part,  à  me  rendre  au  lieu  dé- 
signé, bien  que  je  regarde  cette  démarche  comme 
inutile.  Je  ne  veux  pas  laisser  non  plus  à  nos  ad- 
versaires la  gloire  de  pouvoir  dire  qu'ils  aiment 
plus  que  nous  la  paix  et  la  concorde.  Mais  je  vous 
prie  humblement,  gracieux  prince  et  seigneur, 
de  vouloir  bien ,  avant  que  nous  nous  réunis- 
sions, vous  informer,  s'ils  sont  disposés  à  céder 
quelque  point  de  leurs  doctrines,  autrement  je 
craindrais  fort  que  le  mal  ne  fît  qu'empirer  par 
cette  conférence,  et  que  le  résultat  ne  fut  pré- 

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244  KiMoimit 

cisément  le. contraire  de  ce  que  votre  Altesse  re- 
cherche si  loyalement  et  si  sériensement.  A  quoi 
servirait-il  de  se  réunir  et  de  discuter,  si  les  deux 
parties  arrivaient  avec  la  résolution  de  ne  cé- 
der en  quoi  que  ce  fût?...  *  (23  juin  1529.) 

Dans  une  consultation  qui  nous  reste  sur  le 
même  sujet ,  et  que  l'on  attribue  généralement  à 
Luther,  il  exprime  le  désir  que  quelques  papistes,» 
hommes  graves  et  instruits,  >  assistent  à  la  oon- 
férence  comme  témoins. 

A  sa  femme.  <  Grâce  et  paix  en  Jésua-€hrist. 
Cher  seigneur  Catherine!  Apprenez  que  notre 
conférence  amicale  de  Marbourg  est  finie,  et  que 
nous  sommes  d'accord  en  tout  point ,  si  ce  n'est 
que  nos  adversaires  persistent  à  ne  voir  que  du 
pain  dans  TEucharistie ,  et  à  n'admettre  qu'une 
présence  spirituelle  de  Jésus-Christ.  Aujourd'hui 
le  Landgrave  nous  parlera  encore  une  fois ,  pour 
tâcher  de  nous  unir  ou  de  nous  porter  du  moins 
à  nous  reconnaître  pour  frères  et  membres  du 
même  corps.  Il  y  travaille  avec  ardeur.  Nous  leur 
accordons  la  paix  et  la  charité,  mais  nous  ne 
Toulons  pas  de  ce  nom  de  frères.  Demain  ou 
tprès-demain ,  je  pense,  nous  partirons  pour 
nous  rendre  au  Voigtland,  où  l'Électear  nous  a 
appelés. 


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AS   LCTOBR.  d45 

»  IMs  à  Pomer  que  les  meilleurs  argumens 
de  Zwingli  ont  été  :  Que  le  corp$  ne  peut  exister 
$anê  espace ,  et  que,  par  conséquent,  le  corps  du 
Christ  n^est  pas  dans  le  pain  ,  et  le  meilleur  d'OE- 
colampade  :  Que  le  saint  Sacrement  est  un  signe 
du  corps  du  Christ,  Dieu  les  a  yraimeut  aveuglés, 
ils  n'ont  su  que  nous  répondre.  —  Adieu.  Le 
messager  me  presse.  Priez  pour  nous.  Nous  som- 
mes bien  portans  et  vivons  comme  lés  princes. 
Embrasse  pour  moi  Leinette  (Madeleine)  et  le 
petit  Jean.  Le  jour  de  saint  François.  Votre  dé- 
voué serviteur  ,  Martin  Lirrua.  »  (  4  octobre 
1529.) 

Luther  écrivit  au  landgrave  de  Hesse  dans 
une  antre  lettre  (dO  mai  1530),  an  sujet  de  ses 
tentatives  de  conciliation  :  « ...  J'ai  supporté  de 
•i  grands  dangers  et  de  si  longs  tourmens  pour 
ma  doctrine,  que  certes  j'ai  lieu  de  désirer  de 
n'avoir  pas  travaillé  en  vain.  Ce  n'est  donc  point 
par  haine  ou  par  orgueil  que  je  leur  résiste;  il  y 
a  bien  long-temps  que  j'aurais  adopté  leur  doc- 
trine, Bien  ,  mon  Seigneur,  le  sait,  s'ils  avaient 
pu  m*en  montrer  la  vérité  :  mais  ks  raisons 
qu'ila  diMmentsont  trop  &iblct  pour  que  j'y  puisse 
engager  ma  consoience...  » 

SI. 

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246  iiiiioiBia 

Fajt  is,  ligne  ki.'— L'Électeur  ammnm... 

Il  partît  de  Torgaw  le  3  avril ,  et  arriva  à  Aug»- 
bourg  le  2  mai.  Sa  suite  se  composait  de  cent 
soixante  chevaux.  Les  théologiens  qu'il  avait  avec 
lui  furent  Luther ,  Mélanchton ,  Jonas  ,  Agri- 
oola,  Spalatin  et  Osiander.  Luther,  excommunié 
et  mis  au  ban  de  l'Empire,  resta  à  Gobourg. 
(Ukert.  t.I,p.  232.) 

Page    I  i ,  ligoe  la.  ~  L'Electeur  amena  Luther   U  plut  prêt 
potsible  d' Augtbourg. 

«  Je  suis  sur  les  confins  de  la  Saxe ,  à  moitié 
chemin  entre  Wittemberg  et  Augsbourg.  Il  y  au- 
rait eu  trop  de  danger  pour  moi  dans  cette  der- 
nière ville.  »  (juin  1530.) 

Page  f  4  »  llgae    19*  —  Les   nobles  seigneurs  qui  JbrmetO,  mot 
comices.; 

•  Ma  résidence  est  maintenant  au  milieu  des 
nuages,  dans  l'empire  des  oiseaux.  Sans  parler 
de  la  foule  des  autres  oiseaux ,  dont  les  chanto 
confus  feraient  taire  une  tempête,  il  y  a  près 
d'ici  un  certain  bois  tout  peuplé,  de  la  pre- 

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tm  LUTHBH.  247 

inière  à  la  dernière  branche ,  de  corbeaux  et  de 
corneilles.  Du  matin  au  soir ,  et  quelquefois  pen- 
dant toute  la  nuit,  il  y  a  là  une  crierie  si  infati- 
gable, si  incessante,  que  je  doute  qu'en  aucun 
lieu  du  monde  tant  d'oiseaux  se  soient  jamais 
réunis.  Pas  un  qui  se  repose  un  instant;  bon 
gré  mal  gré,  il  faut  les  entendre,  vieux  et  jeunes, 
mères  et  filles,  glorifier  à  qui  mieux  mieux,  par 
leurs  croassemens,  le  nom  de  corbeaux.  Peut- 
être  ,  par  ces  chants  si  harmonieux,  veulent -ils 
faire  descendre  doucement  le  sommeil  sur  mes 
paupières;  avec  la  grâce  de  Dieu ,  j'en  ferai  cette 
nuit  Texpérience.  C'est  une  noble  race  d'oiseaux, 
et,  comme  tu  le  sais,  fort  utiles  au  monde.  Il 
me  semble,  en  les  voyant,  que  j'ai  sous  les  yeux 
toute  l'armée  des  sophistes  et  des  Cochléistes, 
réunis  de  toutes  les  parties  du  monde  ,  afin 
que  j'apprécie  mieux  leur  sagesse  et  leur  doux 
langage,  et  que  je  voie  à  mon  aise  ce  qu'ils  sont 
et  ce  qu'ils  peuvent  pour  le  monde  de  l'esprit 
et  pour  le  monde  de  la  chair.  Jusqu'à  ce  jour , 
personne  n'a  entendu  philomèle ,  et  cependant 
le  coucou  ,  qui  annonce  et  accompagne  son 
chant,  s'enorgueillit  magnifiquement  dans  la 
gloire  de  sa  voixs  De  la  résidence  des  corbeaux. 
(23  avril  1530.) 

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248  ■t«(HKBi 

^Bg*  &5,  llgM  ao.  —  Luther  U  tanaitt  ndem»mt»,. 

Quelquefois  cependant  il  compatit  à  ses  dou- 
leurs. «  Vous  avez  confessé  Christ,  offert  la  paix, 
obéi  à  César ,  souffert  les  injures  ,  épuisé  les 
blasphèmes.  Vous  n'avez  point  rendu  le  mal  pour  , 
le  mal;  enfin  tous  avez  dignement  travaillé  à  la 
sainte  œuvre  de  Dieu,  comme  il  convient  à  des 
saints;  réjouissez- vous  donc  dans  le  Seigneur. 
Assez  long-temps  vous  avez  été  contristés  par  le 
monde.  Regardez  et  levez  la  tète ,  votre  rédemp- 
tion approche.  Je  vous  canoniserai  comme  de 
fidèles  membres  de  Christ;  que  &ut-il  de  plus  à 
votre  gloire  ?  »  (15  septembre  1530.) 

Vtigê  ao,  ligne  a.  —  J'aurais  voulu  être  la  victime  sacrifiée 
par  ce  dernier  concile  ,  comme  Jean  Huss.** 

t  Plaise  à  Dieu  que  nous  soyons  dignes  d'être 
brûlés  ou  égorgés  par  lui  (par  le  pape.)  Cepen* 
dant  si  nous  ne  méritons  pas  de  rendre  témoi* 
gnage  par  notre  sang ,  implorons  du  moins  Bien 
pour  qu'il  nous  accorde  cette  grâce  de  témoi- 
gner  par  notre  vie  et  nos  paroles  que  Jésa»-Ghnst 
est  seul  notre  Seigneur,  et  que  nous  l'adorerotts 
dans  tous  les  siècles  des  siècles,  Anen.  »  (T.  H  des 
œuvres  latines,  p.  270.) 


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mu  hvvmwÊL.  S49 

f  F«f«  to»  Ugne  16.  —  L»  profession  dêJU 

des  protestons.,  * 

i  A  la  diète  d'Augsbourg ,  le  duc  Guillaume  de 
Bavière,  qui  était  fort  opposé  à  la  doctrine  évan- 
gélique,  ayant  dit  au  docteur  £ck  :  «  Peut -on 
renverser  cette  opinion  par  FÉcriture  sainte  ?  » 
«  Non ,  dit-il ,  mais  par  les  Pères.  »  Uévéque  de 
Mayence  se  mit  à  dire  :  «  Voyez  !  nos  théologiens 
nous  défendent  joliment!  Les  luthériens  montrent 
leur  opinion  dans  FÉciture,  et  nous  la  nôtre  hors 
de  rÉcriture.  »  Le  même  évéque  disait  alors  : 
«  Les  luthériens  ont  un  article  auquel  on  ne  peut 
contredire,  quand  même  tous  les  autres  ne  vau- 
draient rien;  c^est  celui  du  mariage.  »  (Tischre- 
den,p.  99.) 

Pag»  SI  «   lign«  19.  —  L*archeuéque  de  Majenee  est  très 
porté  pour  la  paix,.» 

Luther ,  pour  l'exhorter  à  montrer  des  senti- 
mens  pacifiques,  lui  avait  écrit  une  lettre  qui  «• 
terminait  ainsi  :  €  Je  ne  puis  cesser  de  penser  à 
la  pauvre  Allemagne,  si  malheureuse,  si  aban- 
donnée, ai  méprisée,  vendue  à  tant  de  traîtres 
•n  même  temps.  C'est  ma  eb4re  patrie;  je.déii* 

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25Q  ■ftaocass 

rerais  tant  la  voir  heitreuse!  >  (0  juillet  1530,  de 

Cobourg.) . 

Faft  a3,  ligne  l8*  —  Si  VEmpareur  veutjiùre  un  état,  qu'il 
le  fasse  i  après  W^orms  aussi  il  enjit  un.— 

Luther  a  conscience  de  sa  force.  «  Si  j'étais 
tué  par  les  papistes,  ma  mort  protégerait  nos  des- 
cendans,  et  ces  bêtes  féroces  en  seraient  peut-être 
plus  cruellement  punies  que  je  ne  voudrais  moi- 
même.  Car,  il  y  a  quelqu'un  qui  dira  un  jour  :  Ou 
est  ton  frère  Abelf  Et  celui-là  les  marquera  au 
front,  et  ils  erreront  fugitifs  par  toute  la  terre... 
Notre  race  est  maintenant  sous  la  protection  du 
Seigneur,  puisqu'il  est  écrit  ;  Je  ferai  miséricorde 
jusqu'à  la  millième  génération  à  ceux  qui  m^ont 
aimé.  Et  moi  je  crois  à  ces  paroles.  •  (30  juin 
1»30.) 

«  Si  j'étais  tué  dans  une  émeute  papiste, 
j'emmènerais  à  ma  suite  un  grand  nombre  d'éTè- 
ques,  d«  prêtres,  de  moines,  si  bien  que  tous 
diraient  :  «  Le  docteur  Martin  Luther  est  con- 
duit au  ^épulcre  ayec  une  grande  procession; 
certes,  c'est  un  grand  docteur,  au-dessus  de 
tous  éyêques,  prêtres,  moines;  aussi  faut-il  qu'à 
•on  enterrement  ils  aillent  avec  lui,   étendus 


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DB    LUTHBA.  251 

sur  le  dos.  •  C'est  ainsi  que  nous  ferions  ensem- 
ble notre  dernier  voyage.»  (1531.  Gochlœus» 
p.  211.  Extrait  du  livre  de  Luther  intitulé  :  Avis 
aux  Allemands.) 

Les  catholiques,  lui  disait-on,  vous  reprochent 
plusieurs  fausses  interprétations  dans  votre  tra- 
duction de  rÉcriture.  Il  répondit  :  «  Ils  ont  en- 
core de  trop  longues  oreilles,  et  leur  hihanl  ht" 
han  !  est  trop  faible  pour  juger  une  traduction 
du  latin  en  allemand...  Dis-leur  que  le  docteur 
Martin  Luther  veut  qu'il  en  soit  ainsi,  et  qu'un 
papiste  et  un  âne  c'est  la  même  chose. 

Sic  volo ,  sic  j'ubeog  tit  pro  ratione  voiuntas, 

(Passage  cité  par  Gochlœus,  SOI ,  verso.) 

Pa^  aa  f  lign«  97.  -^  Qu'ils  nous  rendent  Léonard  Kêiser,^ 

«  Non-seulement  le  titre  de  roi,  mais  celui  do 
César  lui  est  bien  mérité,  puisqu'il  a  vaincu  ce- 
lui dont  le  pouvoir  ne  trouve  point  d'égal  sur  la 
terre.  Ce  n'est  pas  seulement  un  prêtre ,  c'est  un 
souverain  pontife  et  un  véritable  pape  ,  celui 
qui  a  offert  ainsi  son  corps  en  sacrifice  à  Dieu. 
Avec  juste  raison  l'appelait-on  Léonhard ,  c*est- 

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252  mixoïKBS 

à-dîre  force  du  lion  :  c'était  un  lion  fort  et  In- 
trépide. »  (22  octobre  1527.) 

A  Hausmann.  «  Je  pense  que  ta  auras  tu  l'his- 
toire de  Gaspard  Tauber;  le  nouyeau  martyr  de 
Vienne,  qui  aété  décapitéet  brûlé  dans  celte  YÎlle 
pour  la  parole  de  Dieu.  Il  en  est  arrivé  autant  à 
un  libraire  de  Bude,  en  Hongrie,  qu'on  a  brûlé 
au  milieu  de  ses  livres.  •  (12  novembre  1524.) 

Il  y  avait  à  Vienne  des  partisans  de  la  nouvelle 
doctrine.  «  Lorsqu'après  la  diète  d'Augsbourg  le 
cardinal  Gampeggio  entra  dans  la  ville  avec  le 
roi  Ferdinand,  on  habilla  un  petit  homme  de 
bois  en  cardinal,  on  lui  attacha  au  cou  des  indul- 
gences et  le  sceau  du  pape,  et  on  le  mit  sur  un 
chien  qui  avait  à  la  queue  une  vessie  de  porc 
pleine  de  pois.  On  fit  courir  ce  chien  à  travers 
toutes  les  rues.  •  (Tirchr.,  p.  251.) 

lan  aa  «  1*8»*  ij,"' Qu'ils  nous  rendent  Ketser  €t  immi 
d'autres  qu'Us  ont/ait  injustement  mourir.,. 

Si  Von  en  croyait  Gochlseus,  Luther  se  serait 
montré  persécuteur  à  son  tour.  En  1682,  un 
luthérien  s'étant  éloigné  de  ses  opinions,  Luther 
le  fit  enlever  et  conduire  à  Wittemberg,  où  il  fot 
emprisonné;  un  procès  fut  commeneé.  Comme 


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OB  Lumm.  253 

on  ne  troaya  pas  de  charges  safiisantes,  il  fallut 
le  relâcher.  Mais  il  fut  toujours  depuis  sourde- 
ment persécuté  par  les  luthériens.  (Gochlœus , 
p.  218.) 

Page   l4«  Itgn»  8.  —  On  im  prépare  d  combattre. ^^ 


Cependant  on  craignait  tant  de  part  et  d'au- 
tre rissne  de  la  lutte ,  que ,  contre  toute  probabi- 
lité, la  paix  se  maintint.  «  J'admire  ce  miracle 
de  Dieu,  que  tant  de  menaces  soient  allées  en 
fumée.  Tout  le  monde  en  effet  croyait  qu'au 
printemps  éclaterait  en  Allemagne  une  guerre 
atroce.  »  (juin  15SL) 

La  crainte  d'un  nouTcau  soulèvement  des  pay« 
sans  contribuait  à  entretenir  les  intentions  paci- 
fiques des  princes.  «  Les  paysans,  écrit  Luther, 
recommencent  à  s'assembler.  Une  soixantaine 
d'entre  eux  ont  cherché  à  surprendre  la  nuit  le 
château  de  Hohenstein.  Tu  vois  que  malgré  la 
présence  de  l'Empereur,  il  faut  prendre  des 
précautions  contre  cette  révolte;  que  serait-ce 
•i  les  papistes  commençaient  la  guerre?  •  (19  juil- 
let 1580.) 

ToMS  II.  22 


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254  MÉHOints 


rag«  s4«  ^^S^*  "•  -^Luther  fut  accusé  êtavMr  panssé  img 
protêt  tans  â  prendre  cette  attitude  hostile..^ 


Bien  loin  de  là,  il  avait  dès  1529  dissuadé  l'É- 
lecteur d'entrer  dans  aucune  ligue  dirigée  contre 
TEmpereur...  «  Nous  ne  saurions  approuver  une 
pareille  alliance;  s'il  en  résultait  quelque  mal- 
heur, peut-être  même  la  guerre  ouverte ,  tout  re- 
tomberait sur  notre  conscience,  et  nous  aime- 
rions mieux  être  dix  fois  morts  que  d'avoir  à 
nous  reprocher  du  sang  versé  pour  l'Évangile. 
Nous  sommes  ceux  qui  devons  souffrir ,  comme 
dit  le  prophète,  ceux  qui  ne  doivent  pas  se  ven- 
ger eux-mêmes,  mais  tout  remettre  entre  les 
mains  de  Dieu...  Je  supplie  donc  humblement 
votre  Grâce  électorale  de  ne  pas  se  laisser  abattre 
par  ce  danger.  Nous  allons  élever  nos  prières  à 
Dieu;  mais  nos  mains  doivent  rester  pures  de 
sang  et  de  crime.  S'il  arrivait  (contre  mon  opi- 
nion) que  l'Empereur  allât  jusqu'à  me  réclamer 
moi  ou  mes  amis,  nous  irions,  sous  la  protection 
de  Dieu ,  comparaître  devant  lui ,  plutôt  que  de 
causer  préjudiceà  Votre  Grâce  électorale,  comme 
je  l'ai  plusieurs  fois  déclaré  à  votre   au|^ufl(e 


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DK    LUTHKR.  255 

èro,   feu  l'électeur  Frédéric (18  noTem- 

re  1529.) 

Pafe  i411gii«  i^* -^  Mésistanc0  à  l'Emperêur„4 

Bans  le  livre  des  Propoide  table  (p.  S97,  verso 
:  suiv.)  Luther  parle  plus  explicitement  :  €  Ce 
'est  point  pour  la  religion  que  Ton  combattra. 
'Empereur  a  pris  les  évêchés  d'Utrecht  et  de 
iége;  il  a  offert  au  duc  de  Brunswick  de  lui 
lisser  prendre  Hildesheim.  Il  est  affamé  et  al- 
iré  des  biens  ecclésiastiques;  il  les  dévore.  Nos 
rinces  ne  le  souffriront  pas;  ils  voudront  manger 
vec  lui.  Alors  on  en  viendra  à  se  prendre  aux 
onnets.  »  (1530.) 

«  J'ai  souvent  été  interrogé  par  mon  gracieux 
BÎgneur ,  sur  la  question  de  savoir  ce  que  je  fe- 
ais  si  un  voleur  de  grand  chemin ,  un  meurtrier, 
enait  m'attaquer.  Je  résisterais  ,  dans  l'intérêt 
lu  prince  dont  je  suis  sujet  et  serviteur  ;  je  puis 
uerle  voleur,  mettre  le  couteau  sur  lui»  et 
nême  ensuite  recevoir  les  sacremens.  Mais  si  c'est 
)Our  la  parole  de  Dieu,  et  comme  prédicateur, 
jue  Ton  m'attaque,  je  dois  souffrir  et  recora- 
[nander  la  vengeance  à  Dieu.  Aussi  je  ne  prends 
point  de  couteau  en  chaire ,  mais  sur  la  route. 
Les  anabaptistes  sont  des  coquins  désespérés ,  ils 


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2SA  HiMOIEtS 

qe   portent  aucane  arme  et  se  yantent  d'un» 
grande  patience.  • 

(1536.)  «  Gomme  je  parlais  ponr  la  paix,  le 
landgrave  de  Hesse  me  disait  :  Seigneur  doctenr, 
TOUS  conseillez  très  bien;  mais  quoi?  Si  nous  ne 
suivons  pas  vos  conseils  ?  » 

(1539.)  Luther  répond  sur  la  question  da 
droit  de  résistance  «  que ,  selon  le  droit  public , 
le  droit  naturel  et  la  raison ,  la  résistance  à  Tcu- 
torité  injuste  est  permbe.  Il  n'y  a  de  difficulté 
que  dans  le  domaine  de  la  théologie. 

»  La  question  n'eût  pas  été  difficile  à  résoudre 
au  temps  des  apôtres,  car  toutes  les  autorités 
étaient  alors  païennes  et  non  chrétiennes.  Mais 
maintenant  que  tous  les  princes  sont  chrétiens 
ou  prétendent  l'être ,  il  est  difficile  de  conclure, 
car  un  prince  et  un  chrétien  sont  les  plus  pro- 
ches parens. — Qu'un  chétien  puisse  se  défendre 
contre  l'autorité,  il  y  a  là  matière  à  de  grandes 
réflexions.  — ...  Au  fond ,  c'est  au  pape  que  j^arra- 
rache  l'épée,  et  non  à  i'£mpereur. 

Il  résume  ainsi  lui-même  les  argumens  qu^ 
eût  pu  adresser  aux  Allemands,  s'il  eût  fait  une 
exhortation  à  la  résistance  : 

«  I.  L'Empereur  n'a  ni  droit  ni  puissance  pour 
ordonner  cela;  c'est  chose  certaine,  s'il    i*or- 


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SB    LDTSBA.  W? 

donne ,  on  ne  doit  point  lui  obéir.  %  Ce  n'est 
pas  moi  qui  excite  le  trouble  ,  je  l'enipéche  et  je 
m'y  oppose.  Qu'ils  Toîent  s'ib  n'en  sont  pas  les 
auteurs  »  lorsqu'ils  ordonnent  ce  qui  est  contre 
Dieu.  S.  Ne  badinez  pas  tant.'  Si  tous  faites  boire 
le  fou  (narren  Luprian) ,  prenez  garde  qu'il  ne 
Toua  crache  au  visage.  Il  est,  d'ailleurs ,  assez  al- 
téré ,  et  ne  demande  pas  mieux  que  de  boire  son 
soûl.  A.  £h  bien  !  tous  voulez  combattre  ;  courbez 
vos  têtes  pour  recevoir  la  bénédiction.  Ayez  bon 
succès  !  Dieu  vous  donne  joyeuse  victoire  !  Moi,doc- 
teur  Sartin  Luther,  votre  apôtre,je  vous  ai  parlé» 
je  vous  ai  avertis ,  comme  c'était  mon  devoir  !  » 

Il  dit  encore  ailleurs  :  «  Vous  méprisez  ma  doc- 
trine. Vous  voulez  prendre  le  Luther  dans  ses 
paroles ,  comme  faisaient  les  Pharisiens  au  Christ. 
Mais  si  je  voulais  (je  ne  le  veux  point) ,  j'aurais 
une  glose  pour  vous  embarrasser;  je  dirais  que 
cette  résistance  n'est  point  contre  l'Empereur, 
mais  contre  Dieu.  D'un  autre  côté  :  qu'un  politi- 
que ,  un  citoyen ,  un  sujet ,  n'est  pas  un  chré- 
tien, que  ce  n'a  pas  été  la  pensée  de  Christ  de 
détruire  les  droits ,  la  police  et  le  gouvernement 
du  monde.  Rends  à  Dieu  ce  qui  est  à  Dieu,  et  à 
César  ce  qui  est  à  César.  N'obéis  point  dans  ce 
qui  est  contre  Dieu  et  sa  paroi e^ 

22. 

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258  HiHOIRBS 

•  Je  condamne  la  révolte  an  péril  de  mon 
corps,  de  ma  vie,  de  mon  honneur  et  de  mes 
biens.  Je  voudrais  bien  vous  arrêter  et  vous  re- 
tenir. Si  vous  commencez ,  je  me  tairai  et  périrai 
avec  vous.  Vous  irez  en  enfer  au  nom  de  tous  les 
diables,  et  moi  au  ciel  au  nom  du  Christ.  Ils 
veulent  abuser  de  notre  doctrine,  mais  ils  Ter- 
ront  du  moins  qu'elle  n'est  point  erronée  en  soi. 

»  ...  Tuer  un  tyran  n'est  pas  chose  permise  à 
l'homme  qui  n'est  dans  aucune  fonction  publi- 
que ,  car  le  cinquième  commandement  dit  :  Tu 
ne  dois  pas  tuer.  Mais  si  je  surprends  un  homme 
près  de  ma  femme  ou  de  ma  fille,  qnoiqn*il 
ne  soit  point  un  tyran ,  je  pourrai  fort  bien  le 
tuer.  Item,  s*ii  prend  par  force  à  celui-ci  sa 
femme,  à  l'autre  sa  fille,  au  troisième  ses  terres 
et  ses  biens ,  que  les  bourgeois  et  sujets  s'assem- 
blent, ne  sachant  plus  comment  supporter  sa  tîo> 
lence  et  sa  tyrannie,  ils  pourront  le  tuer,  comme 
tout  autre  meurtrier  ou  voleur  de  grand  che- 
min. »  (  Tischr.,  p.  S97,  verso,  sqq.  ) 

»  Le  bon  et  vraiment  noble  seigneur  Gaspard 
de  Kokritz  m'a  demandé ,  mon  cher  Jean,  que  je 
t'écrivisse  mon  j ugement  sur  le  cas  où .Gesar  vou- 
drait faire  la  guerre  à  nos  princes,  au  sujet  de 
l'Évangile.  Serait-il  alors  permis  aux  nôtres  de 

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DB    LOTHER.  259 

•ésistcp  et  de  se  défendre?  J'araîs  déjà  écrit  mou 
)pinion  sur  ce  sujet ,  du  virant  du  duc  Jean. 
Lujourd'hui  il  est  un  peu  tard  pour  me  demander 
aon  avis,  puisqu'il  a  été  décidé  parmi  les  princes 
[u*ils  peuvent  et  veulent  résister  et  se  défendre , 
it  qu'on  ne  s'en  tiendra  pas  à  mon  dire...  Ne 
ortiiîe  pas  le  bras  des  impies  contre  nos  princes; 
aisse  le  champ  libre  à  la  colère  et  au  jugement 
le  Dieu;  ils  l'ont  cherché  jusqu'à  ce  jour  avec 
ùreur,  avec  rire  et  avec  joie.  Cependant  intimide 
es  nôtres  par  cet  exemple,  que  les  Machabées  ne 
ui virent  pas  ceux  qui  voulaient  se  défendre  cou- 
re Antiochus,  mais  que  dans  la  simplicité  de 
eur  cœur  ils  se  laissèrent  plutôt  tuer.  >  (8  fé- 
rier  15S9.) 

Dans  son  livre  De  seculari  poiestate,  dédié  au 
lue  de  Saxe,  il  dit  ;  «  En  Misnie,  en  Bavière  et 
•n  d'autres  lieux ,  les  tyrans  ont  promulgué  un 
>dit  pour  qu'on  ait  à  livrer  partout  aux  magistrats 
es  Nouveaux  Testamens.  Si  les  sujets  obéissent 
i  redit,  ce  n'est  pas  un  livre,  qu'ils  remettent  au 
3éril  de  leur  salut,  c'est  Christ  lui-même  qu'ils 
ivrent  aux  mains  d'Hérode.  Cependant,  si  on 
^eut  les  enlever  par  la  violence ,  il  faut  le  souf- 
frir; on  ne  doit  point  résister  à  la  témérité.  — 
Les  princes  sont  du  monde ,  et  le  monde  est  en- 
nemi de  Dieu.  • 

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300  ■iMOiact 

c  On  ne  doH  pas  obéir  à  César  s'il  reul  iaira 
la  guerre  à  notre  parti.  Le  Turc  n'attaque  pas 
son  Alcoran ,  TËmpereur  ne  doit  pas  davantage 
attaquer  son  Évangile.  »  (Gochlœus,  p.  210.) 

Page  14  «  Ifgna  l4»  —  ¥^<^ci  mon  mvis»- 

L'Électeur  avait  demandé  à  Luther  s'il  serait 
permis  de  résister  à  l'Empereur  les  armes  à  la 
main.  Luther  répondit  négativement,  en  jyoo- 
tant  seulement  :  «  Si  cependant  l'Empereur ,  non 
content  d'être  le  maître  des  états  des  princes, 
allait  jusqu'à  exiger  d'eux  de  persécuter,  de 
mettre  à  mort,  ou  de  chasser  leurs  sujets  pour 
la  cause  de  l'Évangile,  les  princes  convaincus  que 
ce  serait  agir  contre  la  volonté  de  Dieu ,  devrtmt 
lui  refuser  l'obéissance;  autrement  ils  violeraient 
leur  foi  et  se  rendraient  complices  du  crime.  D 
suffit  qu'ils  laissent  faire  l'Empereur,  qui  aura  à' 
en  rendre  compte,  et  qu'ils  ne  défendent  pas  leurs 
sujets  contre  lui.  »  Plus  loin  il  dit,  en  parlant  de 
la  guerre  civile  :  «  Quel  carnage  et  quelles  la- 
mentations couvriraient  alors  la  terre  allemande  ! 
Un  prince  devrait  mieux  aimer  perdre  trois  fois 
ses  états,  ou  mourir  trois  fois,  que  d  être  la  cause 
de  si  horribles  bouleversemens,  ou  seulement  d*y 

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DB    LVTHBB.  t6l 

consentir.  Quelle  conscience  pourrait  le  suppor- 
ter! Le  diable  verrait  cela  avec  plaisir;  Dieu 
veuille  nous  en  préserver  à  jamais  !  >  (9  mars  1 530.) 

Pagtta7,  1^8°'  a?*  —  Qu0  Ton  m'accuse  ou  non  d* être  trop 
tutoient... 

L'Électeur  avait  réprimandé  Luther  au  sujet 
de  deux  écrits  (Avertissement  à  ses  chers  Alle- 
mands ^  et  Gloses  sur  le  prétendu  édit  impérial) 
qu'il  trouvait  trop  violens,  Luther  lui  répondit 
(16  avril   1531)  qu'il  n'avait  fait  que  repousser 
Jes  attaques  plus  violentes  encore  de  ses  enne- 
mis, et  qu'il  serait  injuste  de  lui  imposer  silence 
lorsqu'on  laissait  tout  dire  à  ses  adversaires... 
«  Il  m'a  été  impossible  de  me  taire  plus  long- 
temps dans  cette  affaire  qui  me  concerne  plus 
que  tout  autre.  Si  je  gardais  le  silence  devant 
une  telle  condamnation  publique  de  ma  doc- 
trine ,  ne  serait-ce  pas  l'abandonner ,  la  renier  ? 
Plutôt  que  de  le  souffrir,  je  braverais  la  colère 
de  tous  les  diables,  celle  du  monde  entier,  sans 
parler  de  celle  des  conseillers  impériaux.' —  On 
dît  que  mes  deux  écrits  sont  tranchans  et  bien  af- 
filés; l'on  a  raison  :  je  ne  les  ai  pas  non  plus  faits 
pour  être  doux;  le  seul  regret  que  j'aie  c'est  qu'ils 


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263  nÊMoi&BS 

ne  soient  pas  plus  tranchans  encore.  Si  Ton  c<& 
sidère  la  violence  de  mes  adversaires,  l'on  s^i 
forcé  d'avouer  que  j'ai  été  trop  bénin...  Tooth 
monde  crie  contre  nous;  l'on  vocifère  i«  ca- 
lomnies les  plus  odieuses;  et  moi,  pauvre lioiose 
j'élève  la  voix  à  mon  tour,  et  voilà  que  per- 
sonne n'aura  crié  que  Luther...  En  60inme,tcû^ 
ce  que  nous  disons  et  faisons  est  injuste,  qi^^^ 
méine  nous  ressusciterions  les  morts;  tout  ** 
qu'ils  font,  eux,  est  juste,  quand  même '^n 
noieraient  l'Allemagne  dans  les  larmes  et  (bv 
le  sang.  » 

f  «gt  18,  ligne  9.  —  Eh  bien  !  puisqu'ils  sont  iMorrr 
gibles.';/e  romps  avec  eux 

•  Toujours  jusqu'à  présent  (15S4),  parlicuîi^ 
rement  à  la  diète  d'Augsbourg,  nous  avons  \^^ 
blement  offerfau  pape  et  aux  évêques  de  recevei: 
d'eux  la  consécration  et  IViutorité  spiritael/e,  ^ 
de  les  aider  à  conserver  ce  droit  ;  ils  nous  ost 
toujours  repoussés.  Et  s'il  arrive  un  jour,  pour  u 
consécration  sacerdotale ,  ce  qui  est  arrivé  pô- 
les indulgences,  à  qui  sera  la  faute.  Tai  offe^ 
aussi  de  me  taire  sur  les  indulgences  si  Ton  vou- 
lait se  taire  sur  ce  que  j'avais  écrit;  ils  n'ont  p^ 

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M    LUTHEB.  263 

▼oulu.  et  aujourd'hui  il  n'y  a  plus  asseï  de  mé- 
pris par  tout  le  monde  pour  les  indulgences;  in- 
dulgences,  lettrés  papales,  sceaux  brisés  gisent  à 
terre.  Ainsi  disparaîtra  le  pouvoir  de  consacrer 
et  le  chrême  et  les  tonsures,  de  sorte  qu'on  ne 
reconnaîtra  plus  où  est  l'évéque,  où  est  le  prê- 
tre. .  (Cochlœus,  p.  245.  extrait  du  De  angulari 
fnissâ.  Luth.,  op.  lat.,  VII,  p.  220.) 

P«ge  3o,  ligne  ^.^Anabaptiste». 

Il  y  avait  déjà  long-temps  qu'ils  remuaient  en 
lllemagne.  «  Nous  avons  ici  une  nouvelle  espèce 
le  prophètes,  venus  d'Anvers  ,  qui  prétendent 
ue  l'Esprit  saint  n'est  autre  chose  que  le  génie 
t  la  raison  naturelle.  (27  mars  1525.) 

»  Il  n'y  a  rien  de  nouveau,  sinon  que  l'on  dit 
ue  les  anabaptistes  augmentent  et  se  répandent 
e  tous  côtés.  (28  décembre  1527.) 

.  La  nouvelle  secte  des  anabaptistes  fait  d'é- 
)nnans  progrès;  ce  sont  des  gens  qui  mènent 
ne  vie  d'excellente  apparence,  et  qui  meurent 
vec  grande  audace  par  leau  ou  par   le  feu 
1  décembre  1527.) 

•  Il  y  a  beaucoup  de  troubles  en  Bavière....  il 
3  me  semble  pas  à  propos  que  tu  le«   livret 

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264  MÉMOIRES 

aux  magistrats;  ils  se  livreront  eux-mêmes  «  et 
alors  le  conseil  les  bannira  de  la  ville.  Je  vois 
partout  la  tradition  de  Mûnser ,  sur  la  perdition 
future  des  impies  et  le  règne  des  justes  sar  h 
terre.  C'est  ce  que  prophétise  Cellarius  dans  un 
livre  qu'il  vient  de  publier;  cet  esprit  est  on 
•  esprit  de  révolte.  (27  janvier  1528.)  » 

Le  12  mai  1528  il  écrit  à  Link  :  «  Tu  as  va. 
je  pense  ,  mon  Antischwermerutn  et  ma  disserta- 
tion sur  la  digamie  des  évéques.  Le  courage  des 
anabaptistes  mourans ,  ressemble  à  celui  des  do- 
natistes  dont  parle  Augustin ,  ou  à  la  fureur  des 
juifs  dans  Jérusalem  dévastée.  Les  saints  mar- 
tyrs, comme  notre  Léonard  Keiser ,  meurent 
avec  crainte^  humilité,  et  en  priant  pour  leurs 
bourreaux  ;  l'opiniâtreté  de  ceux-ci  au  contraire, 
lorsqu'ils  vont  à  la  mort,  semble  augmenter  avec 
l'indignation  de  leurs  ennemis.  » 

Page  53,  ligne  i^^ErécuHon.^» 

Extrait  d'un  ancien  livre  de  chant  des  anabap^ 
tistes,  ce  Les  paroles  d'Algérius  sont  des  miracles  : 
c  Ici,  drt-il,  les  autres  gémissent  et  pleurent,  et 
moi  j'y  ressens  de  la  joie.  Dans  ma  prison,  Tar- 
méedu  ciel  m'apparait;  je  ne  sais  combiea   de 


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DB   LUTBEB.  265 

martyrs  habitent  avec  moi  tous  les  jours.  Dans 
la  joie,  dans  les  délices ,  dans  Textase  de  la  grâce , 
je  vois  le  Seigneur  sur  son  trône.  > 

■  Mais  ta  patrie  ,  lui  disaîent-ils,  tes  amis,  tes 
parens ,  ta  profession ,  peux-tu  les  quitter  volon- 
tiers ?  Il  dit  aux  envoyés  ;  «  Nul  homme  ne  me 
bannit  de  ma  patrie;  elle  est  aux  pieds  du  trône 
céleste,  là  où  mes  ennemis  deviendront  mes 
amis  pour  chanter  le  même  cantique. 

»  Médecins,  artistes,  ouvriers,  ne  peuvent  ici- 
bas  réussir;  qui  ne  reconnaît  la  force  de  Dieu,  n'a 
qu'une  force  aveugle.  *  Les  juges  furieux  le  me- 
nacèrent du  feu.  «  Dans  la  puissance  des  flam- 
mes, ditAlgérius,  vous  reconnaîtrez  lamienne.» 
(Wunderhon,t.  I.) 

Pag«    5%^  ^  Fin  du  chapitre,,. 

Les  passages  suivans  de  Ruchat  (Réformation 
de  la  Suisse),  font  bien  connaître  le  bizarre  en- 
thousiasme des  anabaptistes.  «  L'an  1529  ,  neuf 
anabaptistes  furent  saisis  à  Baie ,  et  mis  en  prison. 
On  les  fit  venir  devant  le  sénat ,  et  on  appela  aussi 
les  ministres  pour  conférer  avec  eux.  D'abord 
OËcolampade  leur  expliqua  en  deux  mots  le 
symbole  des  apôtres  et  celui  de  uÀni  Athanuêé , 

U 

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S66  ateoiBBt 

et  leur  représenta  que  c'était  là  la  véritable  et 
indubitable  foi  chrétienne,  que  Jésus-Christ  et 
ses  apôtres  avaient  préchée.  Ensuite  le  bourg- 
meistre,  Adelbert  Meyer,  dit  aux  anabaptistes, 
qu'ils  Tenaient  d'entendre  une  bonne  explication 
de  la  foi  chrétienne ,  et  que ,  «  puis  qu'ails  se 
plaignaient  des  ministres,  ils  devaient  présen* 
tement  parler  à  cœur  ouvert  et  exposer  hardi- 
ment ce  qui  leur  faisait  de  la  peine.  >  Mais  il  n  y 
en  eut  pas  un  seul  qui  lui  répondit  un  mot,  ils  se 
contentèrent  de  se  regarder  les  uns  les  autres. 
Alors  le  premier  huissier  de  la  chambre  dit  i 
l'un  d'eux,  qui  était  tourneur  de  sa  profession: 
«  D'où  vient  que  tu  ne  parles  pas  présentement, 
après  avoir  tant  jasé  ailleurs,  dans  la  rue,  dans 
les  boutiques,  et  dans  la  prison?  »  Comme  ils 
gardaient  encore  le  silence ,  Marc  Hedelin,  chef 
des  tribus,  s'adressa  au  principal  de  ces  gens-là. 
et  lui  dit  :  •  Que  réponds-tu ,  frère,  à  ce  qui  fa 
été  proposé  ?  »  L'anabaptiste  lui  répondit  :  «  Je 
ne  vous  reconnais  point  pour  frère.»  «Comment?* 
lut  dît  ce  seigneur.  «Parce,  dit|  l'autre,  que 
vous  n'êtes  point  chrétien.  Amendez-vous  pre- 
n^ièrement,  corrigea- vous,  et  quittez  la  magis- 
trature. »  «  En  quoi  penses-tu  donc,  lui  dit  Hed»* 
lia»  que  je  pèche  tant  ?»  «  Vous  le  savex  bien  ;• 
lui  répondit  l'anabaptiste. 

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DB   LUTHBE.  267 

•  Le  bourgmeistre  prit  la  parole,  lui  ordonna 
de  répondre  avec  modestie  et  avec  douceur ,  et 
le  pressa  vivement  de  parler  sur  la  question  dont 
il  s'agissait.  Sur  quoi  il  répondit  :  «  Qu'il  ne 
croyait  pas  qu'un  chrétien  pût  être  dans  une  ma- 
gistrature mondaine,  parce  que  celui  qui  com- 
bat avec  l'épée,  périra  par  l'épée  :  Que  le  bap- 
tême de&enfans  est  du  diable,  et  une  invention 
du  pape  :  on  doit  baptiser  les  adultes,  et  non  les 
petits  en  fans,  selon  l'ordre  de  Jésus-Christ.  » 

9  OEcolampade  entreprit  de  le  réfuter,  avec 
toute  la  douceur  possible ,  et  de  lui  faire  voir,  que 
les  passages  qu'il  avait  cit'és,  avaient  un  autre 
sens ,  comme  tous  les  anciens  docteurs  en  faisaient 
foi.  «  Mes  chers  amis,  dit-il,  vous  n'entendez  pas 
l'Écriture  sainte  et  vous  la  maniez  fort  grossiè- 
rement, »  Et  comme  il  allait  leur  montrer  le  véri- 
table sens  de  ces  passages,  l'un  d'entre  eux,  qui 
était  meunier ,  l'interrompit ,  le  traitant  de  séduc- 
teur ,  qui  caquetait  beaucoup ,  et  dit  :  «  Que  ce 
qu'il  avait  là  allégué  contre  eux,  ne  faisait  rien 
au  sujet.  Qu^ils  avaient  entre  les  mains  la  pure  et 
propre  parole  de  Dieu ,  et  qu'ils  voulaient  s'y  at- 
tacher toute  leur  vie,  que  le  Saint-Esprit  parlait 
maintenant  par  lui.  Il  s'excusait  en  même  temps 
doTiG  pas  parler  éloquemment,  disant  qu'il  n'avait 

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268  Hitfoiftss 

pas  étudié ,  qu'il  n'avait  été  dans  aucune  uniTcr^ 
site,  et  que  dès  sa  jeunesse  il  avait  haï  la  sagesse 
humaine,  qui  est  pleine  de  tromperies.  Qu'il  con- 
naissait hien  la  ruse  des  scrihes ,  qui  cherchaieat 
perpétuellement  à  offusquer  les  yeux  des  simples.* 
Après  quoi  il  se  mita  crier  et  à  pleurer,  disant: 
«  Qu'après  avoir  ouï  la  parole  de  Dieu,  il  avait 
renoncé  à  sa  vie  déréglée  ;  et  que  maintenant  que 
par  le  haptéme  il  avait  reçu  le  pardon  de  ses  pé- 
chés, il  était  persécuté  de  chacun,  au  lieu  que 
dans  le  temps  qu'il  était  plongé  dans  toutes  sortes 
de  vices ,  personne  ne  l'avait  châtié ,  ni  mis  en  pri- 
son ,  comme  on  faisait  présentement.  Qu*on  l'avait 
enfermé  dans  la  tour,  comme  un  meurtrier;  quel 
était  donc  son  crime  ?  etc.  La  conférence  ayant 
duré  jusqu'à  l'heure  du  diner,  le  sénat  se  leva. 
>  Après  diner ,  le  sénat  s'étant  rassemblé ,  les  mi- 
nistres entrèrent  en  conférence  avec  les  anabap- 
tistes, au  sujet  de  la  magistrature.  £t  comme  Tua 
d'eux  eut  donné  des  réponses  assez  satisfaisantes 
sur  les  questions  qu'on  lui  avait  proposées,  cela 
fit  chogriu  aux  autres^  de  ce  qu'il  n'était  pas 
ferme  dans  leur  doctrine.  C'est  pourquoi  ils  Fin- 
terrorapirent.  «  Laisse-nous  parler,  luidîrent-ils, 
nous  qui  entendons  mieux  l'Écriture;  nous  pour» 
rons  mieux  répondre  sur  ces  articles ,  que  loi, 

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DB  LDTBBE.  209 

qui  es  encore  un  novice ,  et  qui  n'es  pas  capable 
de  défendre  notre  foi  contre  les  renards.  »  Alors 
le  tourneur  entrant  en  dispute,  soutint  que  saint 
Paul  {Rom.  2^11/) parlant  des  puissances  supé- 
rieures, n'entend  point  les  magistrats,  mais  les 
supérieurs  ecclésiastiques.  OËcolampade  lui  nia 
cela,  et  lui  demanda  en  quel  endroit  de  la  Bible 
il  le  trouvait ,  et  comment  il  le  prouverait  ?  L'au- 
tre lui  dit  :  «  Feuilletez  aussi  tout  TAncien  et  le 
Nouveau  Testament ,  et  vous  y  trouverez  que  vous 
devez  recevoir  une  pension;  vous  avez  meilleur 
temps  que^moi,  qui  suis  obligé  de  me  nourrir  du 
travail  de  mes  mains,  pour  n'être  à  charge  à  per- 
sonne. »  Cette  saillie  fit  un  peu  rire  les  assistans. 
OËcolampade  leur  dit:«  Messieurs,  il  n'est  pas 
temps  maintenant  de  rire  :  si  je  reçois  de  l'Église 
mon  entretien  et  ma  nourriture,  je  puis  prouver 
par  l'Écriture ,  que  cela  est  raisonnable  :  ainsi  ce 
sont  là  des  discours  séditieux.  Priez  plutôt  pour 
la  gloire  du  Seigneur,  afin  que  Dieu  amolisse 
leurs  cœurs  endurcis  et  les  éclaire.  • 

«  Après  plusieurs  autres  discours,  comme  le 
temps  de  se  lever  approchait^  il  y  en  eut  un, 
qui  n'avait  rien  dit  de  tout  le  jour,  qui  se  mit  à 
hurler  et  à  pleurer.  «  Le  dernier  jour  est  à  la 
porte  9  disait-il ,  amendez- vous,  la  cognée  est  déjà 

23. 

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270  mÊHoiRBs 

mise  à  l'arbre;  ne  noircissez  donc  pas  notre  doc- 
trine sur  le  baptême.  Je  vous  en  prie ,  pour  IV 
mour  de  Jésus-christ ,  ne  persécutez  pas  les  geni 
de  bien.  Certainement  le  juste  juge  viendra  bien- 
tôt, et  fera  périr  tous  les  médians.  • 

«  Le  bourgmcistre  Tinterrompit  pour  lui  dire 
qu'on  n'avait  pas  besoin  de  cette  lamentatioa; 
qu'il  devait  raisonner  sur  les  articles  dont  il 
était  question.  Il  voulut  continuer  sur  le  mèmt 
ton ,  mais  on  ne  le  lui  permit  pas.  Enfin  le  bourg- 
m eistre  justifia  la  conduite  du  sénat,  à  l'égard 
des  anabaptistes  :  il  représenta  qu'on  les  avait 
arrêtés ,  non  pas  à  cause  de  l'Évangile ,  ni  à  cause 
de  leur  bonne  conduite,  mais  à  cause  de  leurs 
déréglemens,  de  leur  parjure  et  de  leur  sédition. 
Que  l'un  deux  avait  commis  un  meurtre;  un  au- 
tre avait  enseigné  qu'on  ne  doit  point  payer  les 
dîmes  :  un  troisième  avait  excité  des  troubles,  etc. 
Que  c'était  pour  ces  crimes  qu'on  les  avait  saisis, 
jusqu'à  ce  qu'on  eût  décidé  quel  traitement  on 
leur  ferait,  etc. 

•  Dans  ce  moment^  l'un  d'entre  eux  se  mit  a 
crier  :  «  Mes  frères,  ne  résistez  point  au  méchant 
Quand  même  l'ennemi  serait  devant  votre  porte, 
ne  la  fermez  pas.  Laissez-les  venir,  ils  ne  peuvent 
rien  faire  contre  nous,  sans  la  volonté  du  Père» 

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hm   LUTRBR*  271 

puisque  nos  cheveux  sont  comptés.  Je  dis  bien 
plus  :  il  ne  faut  pas  même  résister  à  un  brigand 
dans  un  bois.  Ne  croyez-vous  pas  que  Dieu  ait 
•oin  de  vous  ?  >  On  lui  imposa  silence.  (Ruchat , 
Réforme  suisse,  Il ,  p.  <98.) 

Autre  dispute. —  «  Le  ministre  zvtringlien  leur 
parla  amiablement  et  avec  douceur ,  leur  remon- 
trant que,  s'ils  enseignaient  la  vérité,  ils  avaient 
tort  de  se  séparer  de  l'Église,  et  de  prêcher  dans 
les  bois,  et  dans  d'autres  lieux  écartés.  Ensuite 
il  leur  exposa  en  peu  de  mots  la  doctrine  de  l'É- 
glise. Un  des  anabaptistes  l'interrompit,  pour  lui 
dire  :  «  Nous  avons  reçu  le  Saint-Esprit  par  le 
baptême  ,  nous  n'avons  pas  besoin  d'instruc- 
tion. >  Un  des  seigneurs  députés  leur  dit  :  «  Nous 
avons  ordre  de  vous  dire ,  qu'on  veut  bien  vous 
laisser  aller  sans  autre  châtiment ,  pourvu  que 
TOUS  quittiez  le  pays  et  que  vous  promettiez  de 
n'y  plus  revenir ,  à  moins  que  vous  ne  vous  amen* 
diez.  >  L'uQ  des  anabaptistes  lui  répondit  :  <  Quel 
ordre  est-ce-la?  le  magistrat  n'est  point  maître  de 
la  terre  pour  nous  ordonner  de  sortir  ou  d'aller 
ailleurs.  Dieu  a  dit  :  Habite  le  pays.  Je  veux  obéir 
à  ce  commandement ,  et  demeurer  dans  le  pays 
où  je  suis  né,  où  j'ai  été  élevé,  et  personne  n'a 
le  droit  de  s'y  opposer.  •   Mais  on  lui  fit  bien-* 

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273  Hinoiais 

tôt  éprouver  le  contraire.  (Ruchat,  t.  III,  p.  109.) 
«  On  yit  à  Baie  un  anabaptiste  nommé  Conrad 
tn  Gassen,  qui  proférait  des  blasphèmes  étranges, 
par  exemple  :  «  Que  Jésus-Christ  n'était  point 
notre  Rédempteur  ;  qu'il  n'était  point  Dieu ,  et 
qu'il  n'était  point  né  d'une  Vierge.  »  Il  ne  faisait 
aucun  cas  de  la  prière  ,  et  comme  on  lui  repré- 
sentait que  Jésus- Christ  avait  prié  sur  la  mon- 
tagne des  Oliviers ,  il  répondait  avec  une  brutale 
insolence  :  «  Qui  est-ce  qui  l'a  ouï?  ■  Comme  il 
était  incorrigible,  il  fut  condamné  à  avoir  la  tète 
tranchée. —  Cet  impie  fanatique  me  fait  souvenir 
d'un  autre  de  nos  jours,  qui  a  séduit  certaines 
.  personnes  de  notre  voisinage  ^  il  y  a  quelques 
années ,  en  leur  persuadant  qu'il  ne  fallait  user 
ni  de  pain  ni  de  vin.  £t  comme  on  lui  objectait 
un  jour  à  Genève ,  que  le  premier  miracle  de  Jé- 
sus-Christ avait  été  de  changer  l'eau  en  Tin ,  il 
répondit  ;  «  Que  Jésus-Christ  était  encore  jeune 
dans  ce  temps-là ,  et  que  c'était  une  petite  faute 
qu'il  fallait  lui  pardonner.  *  (Ruchat,  Réforme 
suisse,  i,  III,  p.  104.) 

La  réforme,  née  dans  la  Saxe,  avait  promp*» 
tement  gagné  les  bords  du  Rhin,  et  était  allêe^ 
remontant  le  fleuve ,  s'associer  dans  la  Suisse  au 
rationalisme  vaudois;  elle  osa  même  passer  dan» 

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DB   tUTHEE.  273 

la  catholique  Italie.  Mélanchton ,  qui  entretenait 
correspondance  habituelle  avec  Bembo  et  Sado- 
lel,  tous  deux  secrétaires  apostoliques,  fut  d'a- 
bord beaucoup  plus  connu  que  Luther  des  éru- 
dits  italiens.  C'est  à  lui  qu'on  rapportait  la  gloire 
des  premières  attaques  contre  Rome.  Mais  la  ré- 
putation de  Luther  grandissant  avec  l'importance 
de  sa  réforme,  il  apparut  bientôt  aux  Italiens 
comme  le  chef  du  parti  protestant.  C'est  à  ce  titre 
qu'Altieri  lui  écrit  en  1^42  au  nom  des  églises 
protestantes  du  nord-est  de  l'Italie  : 

«  Au  très  excellent  et  très  intègre  docteur  et 
maître  dans  les  saintes  Ecritures,  le  seigneur 
Martin  Luther ,  notre  chef  (princeps)  et  notre 
frère  en  Christ,  les  frères  de  l'église  de  Venise, 
Vicence  et  Trévise. 

»  Nous  avouons  humblement  notre  faute  et 
notre  ingratitude ,  pour  avoir  tardé  si  long-temps 
à  reconnaître  ce  que  nous  te  devions  à  toi  qui 
nous  as  ouvert  la  voie  du  salut...  Nous  sommes 
exposés  à  toute  la  rage  derAntichrist,  et  sa  cruau- 
té augmente  de  jour  en  jour  contre  les  élus  do 
Dieu...  Errans,  dispersés,  nous  attendons  que 
vienne  le  fort  du  Seigneur...  Vous  que  Dieu  a 
placés  à  la  garde  de  son  troupeau ,  j  usqn'à  sa  ve- 
nue, veillez,  nous  vous  en  supplions,  chassez  1cm 


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274  ninoiABs 

loupi  qui  nous  dévorent...  Sollicitez  les  sérénis- 
simes  princes  de  rAllemag^e  qui  suivent  l'Évan- 
gile, d'écrire  pour  nous  au  sénat  de  Venise,  afin 
de  modérer  et  de  suspendre  les  mesures  violentes 
que  Ton  prend  contre  le  troupeau  du  Seigneur, 

à  la  suggestion  des  ministres  du  pape Vous 

savez  quel  accroissement  ont  pris  ici  vos  églises; 
combien  est  large  la  porte  ouverte  à  l'Évangile... 
travaillez  donc  encore  pour  la  cause  commune.» 
(Seckendorf ,  lib.  III,  p. '401.) 

Charles-Quint  contribua  lui-même  à  répandre 
dans  la  péninsule  le  nom  et  les  doctrines  de  Lu- 
ther ,  en  appelant  sans  cesse  dans  cette  contrée  de 
nouvelles  bandes  de  landsknechts,  parmi  lesquels 
se  trouvaient  beaucoup  de  prolestans.  On  sait 
que  George  Frundsberg,  le  chef  des  troupes  al- 
lemandes du  connétable  de  Bourbon,  jurait  d'é- 
trangler le  pape  avec  la  chaîne  d'or  qu'il  portail 
au  cou.  —  L'auteur  d'une  histoire  luthérienne 
rapporte  qu'un  de  ces  Allemands  se  vantait  de 
manger  bientôt  un  morceau  du  pape  {ut  ex  cor- 
pore  papœ  fi'utum'devoret).  Il  ajoute  qu'après  la 
prise  de  Rome  plusieurs  hommes  d'armes  chan- 
gèrent une  chapelle  en  écurie»  et  firent  des  bulles 
du  pape  une  litière  pour  leurs  chevaux ,  puis  st 
revêtant  d'habits  sacerdotanz,  ils  proclamèrent 

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DB   LUTHER.  275 

pape  un  landsknecht  qui ,  dans  son  consistoire , 
déclara  faire  abandon  de  la  papauté  à  Luther. 
(Gocblfeus,  p.  156).  —  Luther  fut  même  solen- 
nellement proclamé.  «  Un  certain  nombre  do 
soldats  allemands  s'assemblèrent  un  jour  dans  les 
rues  de  Rome,  montés  sur  des  chevaux  et  des 
mules.  Un  d'eux,  nommé  Grunwald,  remarqua- 
ble par.  sa  taille,  s'habilla  comme  le  pape,  se  mit 
sur  la  tête  une  triple  couronne,  et  monta  sur 
une  mule  richement  caparaçonnée;  d'autres 
s'étaient  habillés  en  cardinaux,  avec  une  mitre 
sur  la  tête,  et  vêtus  d'écarlate  ou  de  blanc,  sui- 
vant les  personnages  qu'ils  représentaient.  Ils  se 
mirent  ainsi  en  marche  au  bruit  des  tambours  et 
des  fifres,  entourés  d'une  foule  innombrable,  et 
avec  toute  la  pompe  usitée  dans  les  processions 
pontificales.  Lorsqu'ils  passaient  devant  quelques 
maisons  où  se  trouvait  un  cardinal,  Grunwald 
bénissait  le  peuple.  Il  descendit  ensuite^  de  sa 
mule,  et  les  soldats,  le  plaçant  sur  un  siège,  le 
portèrent  sur  leurs  épaules.  Arrivé  au  château 
Saint-Ange,  il  prend  alors  une  large  coupe  et 
boit  à  la  santé  de  Clément,  et  ceax  qui  l'envi- 
ronnent suivent  son  exemple.  Il  prête  ensuite 
serment  à  ses  cardinaux,  et  ajoute  qu'il  les  en- 
gage à  rendre  hommage  à  l'Empereur  comma  à 

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276  uÉatoiaKs 

leur  légitime  et  unique  souverain;  il  leur  fait 
promettre  qu'ils  ne  troubleront  plus  la  paix  de 
l'Empire  par  leurs' intrigues,  mais  que,  suivant 
les  préceptes  de  PÉcriture  et  l'exemple  de  Jésus* 
Christ  et  des  apôtres,  ils  demeureront  soumis  aa 
pouvoir  civil.  Après  une  harangue  dans  laquelle 
il  récapitula  les  guerres,  les  parricides  et  I« 
sacrilèges  des  papes,  le  prétendu  pontife  promit 
solennellement  de  transférer,  par  voie  de  testa- 
ment ,  son  autorité  et  sa  puissance  à  Martin  Lu- 
ther. Lui  seul ,  disait-il ,  pouvait  abolir  tous  ces 
abus  et  réparer  la  barque  de  saint  Pierre,  de 
sorte  qu'elle  ne  fût  plus  le  jouet  des  vents  et  des 
flots.  Élevant  alors  la  voix ,  il  dit  aux  assislans  ; 
«  Que  tous  ceux  qui  sont  de  cet  avis,  le  fiissent 
connaître  en  levant  la  main.  >  Aussitôt  la  multi- 
tude des  soldats  leva  la  main  en  s'écriant  :  «  Vire 
le  pape  Luther!  »  Toute  cette  scène  se  passait 
sous  les  yeux  de  Clément  VIL  (Macree,  Béf.  en 
Italie,  p.  66-7.) 

Les  ouvrages  de  Zwingli  étant  écrits  en  langue 
latine,  circulaient  plus  facilement  en  Italie  que 
ceux  des  réformateurs  du  nord  de  l'Allemagne, 
qui  n'écrivaient  point  toujours  dans  la  langue 
savante  et  universelle.  Cette  circonstance  esi 
eani  doute  une  des  causas  du  caractère  que  prit 

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SE    LUTHER.  277 

la  réforme  italienne,  particulièrement  dans  Ta- 
cadémie  de  Yicence,  où  naquit  le  socinianisme. 
Cependant  les  livres  de  Luther  passèrent  de 
bonne  heure  les  Alpes.  Le  14  février  1519,  le 
premier  magistrat  lui  écrit  :  «  Biaise  Salmonius , 
libraire  de  Leipzig,  m'a  présenté  quelques-uns 
de  vos  traités;  comme  ils  ont  eu  Tapprobatiou 
des  savans^  je  les  ai  livrés  à  Timpression,  et  j'en 
ai  envoyé  six  cqnts  exemplaires  en  France  et  en 
Espagne.  Ils  se  vendent  à  Paris,  et  mes  amis 
m'assurent  que  même ,  dans  la  Sorbonne ,  il  y  a 
des  gens  qui  les  lisent  et  les  approuvent.  Des  sa- 
vans  de  ce  pays  désiraient  aussi  depuis  long- 
temps voir  traiter  la  théologie  avec  i  ndépendance. 
Calvi,  libraire  de  Pavie,  s'est  chargé  de  faire 
passer  une  grande  partie  de  Fédition  en  Italie.  Il 
nous  promet  même  un  envoi  de  toutes  les  épi- 
grammes  composées  en  votre  honneur  par  les 
sa  vans  de  son  pays.  Telle  est  la  faveur  que  votre 
courage  et  votre  habileté  ont  attirée  sur  vous  et 
sur  la  cause  de  Christ.  > 

Le  19  septembre  1520,  Burchard  Schenk 
écrit  de  Venise  à  Spalatin  :  «  J'ai  lu  ce  que  vous 
me  mandez  du  seigneur  Martin  Luther  ;  il  y  a 
déjà  long-temps  que  sa  réputation  est  arrivée 
jusqu'à  nous,  mais  on  dit  par  la  ville  qu'il  le 

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278  UÉMOIBES 

gardé  du  pape!  Il  y  a  deux  mois,  dix  de  sei 
livres  furent  apportés  dans  notre  rille ,  et  aussitôt 
rendus...  Que  Dieu  le  conduise  dans  la  roie  de 
la  vérité  et  de  la  charité.  »  (Seckendorf,  p.  llo.) 

Quelques  ouvrages  de  Luther  pénétrèrent 
même  dans  Rome,  et  jusque  dans  le  Vatican,  sous 
la  sauve-garde  de  quelque  pieux  personnage  dont 
le  nom  remplaçait  en  tête  du  livre  celui  de  Fau- 
teur hérétique.  C'est  ainsi  que  plusieurs  cardi- 
naux eurent  à  sq  repentir  d'avoir  loué  hautement 
le  Commentaire  sur  VEpUre  aux  Romains,  et  le 
Traité  sur  la  justification  d'un  certain  cardinal 
Fregoso ,  qui  n'était  autre  que  Luther.  Il  en  ad- 
vint de  même  pour  les  Lieux  communs  de  Mé- 
lanchton.  (Maccree,  Réforme  italienne,  p.  S9.) 

«  Je  m'occupe,  dit  Bucer  dans  une  leilre  à 
Zwingli,  d'une  interprétation  dea  psaumes.  Les 
instances  de  nos  frères  de  la  France  et  de  TAlle- 
magne  inférieure ,  me  décident  à  les  publier  son» 
un  nom  étranger,  afin  que  les  lihraires  puissent 
les  vendre.  Car  c'est  un  crime  capital  d'introduire 
dans  ces  deux  pays  des  livres  qui  portent  nos 
noms.  Je  me  donnerai  donc  pour  un  Français, 
et  je  ferai  paraître  mon  livre  som  le  nom  dW re- 
tins FelinuS'  »  —  Il  dédia  ce  livre  an  Oanphin. 
(Lugduni  iii  idusjulii  anno  BIDXXIX.) 

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DB  LUTHBA.  279 

?•!•  59,  Iigo«  6-  —  Les  catholiques  et  tes  protestons  réunis 
un  instant  contre  les  anabaptistes.,. 

Pour  repousser  les  reproches  des  catholicpet 
qui  attribuaient  aux  prédicateurs  protestans  la 
révolte  des  anabaptistes,  les  Réformés  de  toutes 
les  sectes  cherchèrent  encore  une  fois  à  se  réu- 
nir. Une  conférence  eut  lieu  à  Wittemberg(1536). 
Bucer,  Capiton  et  plusieurs  autres  s'y  rendirent 
au  mois  de  mai,  pour  conférer  avec  Jes  théolo- 
giens saxons.  La  conférence  dura  du  22  au  25, 
jour  où  fut  signée  la  Formule  de  concorde  rédigée 
par  Mélancfaton.  Le  28,  Luther  et  Bucer  prê- 
chèrent à  Wittemberg,  et  proclamèrent  l'union 
qui  Tenait  de  se  conclure  entre  les  deux  partis. 
(Ukert,I,S07.) 

Avant  de  signer  la  formule  de  concorde ,  Lu- 
ther voulut  qu'elle  fût  approuvé  explicitement 
par  les  réformés  de  la  Suisse,  «  de  peur,  dit-il , 
que  par  des  réticences ,  cette  Concorde  ne  donne 
lieu  dans  la  suite  à  des  discordes  encore  plus  fâ- 
cheuses. «  (janvier  1535.)  Cette  approbation  fut 
donnée.  «  Les  Suisses,  écrit^il  au  [duc  Albert  do 
Prusse,  les  Suisses,  qui  jusqu'ici  n'étaient  pas 
d'accord  avec  nous  sur  la  question  du  saint  Sa- 

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280  MiMOIUBS 

crement,  sont  en  bon  chemin;  Dieu  Teuille  ne 
pas  nous  abandonner!  Bàle,  Strasbourg,  Augs- 
bourg  ,  Berne  et  plusieurs  autres  villes,  se  sont 
rangées  de  notre  côté.  Nous  les  recevons  comme 
frères,  et  nous  espérons  que  Dieu  finira  le  scan- 
dale^ non  pas  à  cause  de  nous,  car  nous  ne  l'a  tous 
pas  mérité,  mais  pour  glorifier  son  nom  et  faire 
dépit  à  cet  abominable  pape.  La  nouvelle  a  beau- 
coup effrayé  ceux  de  Rome.  Il  sont  dans  la  ter- 
reur et  n'osent  assembler  un  concile.  «(6  mai  1538.) 
Dans  le  même  temps,  des  négociations  étaient 
entamées  avec  Henri,  duc  de  Brunswick,   pour 
le   rattacher  aux  doctrines  luthériennes,   mais 
elles  restèrent  sans  résultat. — Le  23  octobre  loâ9, 
Luther  écrivit  à  TÉleoteur  pour   lui  annoncer 
que  les  négociations  avec  les  envoyés  du  roi  d'An- 
gleterre était  également  infructueuses.  La  let- 
tre est  signée  de  Luther ,  de  Mélanchton  ,  et  de 
plusieurs  autres  théologiens  de  Wittemberg. 

Pog«6o  ligne  tt^. — Les  armes  seules  pouvaient  décider— 

t  Le  docteur  Jean  Pommer  m'a  dit  une  fois 
qu'à  Lubeck ,  dans  la  maison  de  ville ,  on  avaiil 
trouvé  dans  une  vieille  chronique ,  une  prophé- 
tie d'après  laquelle  en  l'an  1550,   il  s'élèverait 


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Oa   LUTHBB.  181 

dans  rAllemagne  an  ^and  tumulte  à  cause  de 
la  religion  ;  et  que,  lorsque  VEmpereur  s'en  se- 
rait mêlé,  il  perdrait  tout  ce  qu'il  avait.  Mais  je 
ne  crois  point  que  l'Empereur  commence  la 
guerre  pour  la  cause  du  pape  ;  la  guerre  coûte 
trop  d'argent.  » 

L'éditeur  Aurifaber  ajoute  que  Charles-Quint, 
dans  Sa  retraite  de  Saint-Just,   avait  fait  tendre 
les  murs  d'une  vingtaine  de  tapisseries  qui  re- 
présentaient les  principales  actions  de  son  règne; 
qu'il  aimait  à  se  promener  en  les  regardant,  et 
que ,  lorsqu'il  s'arrêtait  devant  celle  qui  repré- 
sentait la  prise  de  l'électeur  de  Saxe  à  Muhlberg, 
il  soupirait  et  disait  :  Si  je  l'eusse  laissé  tel  qu'il 
était ,  je  serais  resté  tel  que  j'étais.  >  (Tischred., 
p.  6.) — Ce  mot  que.  l'éditeur  a  Tair  de  ne  pas 
comprendre,  peut-être  à  dessein,  est  fort   raî- 
«onnable  ;  car  rien  ne  fut  plus  funeste  à  Charles- 
Quint  que  d'avoir    donné  l'électorat  au  jeune 
Maurice. 

Pige  6i  ,  Hgne  S.  «-  Kaiiêbonne... 

•  Je  yeux  devancer  tes  lettres  et  te  prédire  oe 
qui  se  passe  à  Ratisbonne  même.  Tu  as  été  appelé 
par  l'Empereur,  il  t'a  dit  de  songer  aux  condi- 

24. 

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282  HiifoiREa 

lions  de  la  paix.  Toi,  tu  lui  as  répondu  en  latio , 
tu  as  fait  tout  ce  que  tu  as  pu,  mais  tu  es  resté 
au-dessous  d*un  si  grand  sujet.  Eck,  selon  son  ha- 
bitude, a  vociféré  :  «  Très  gracieux  Empereur,  je 
prétends  prouver  que  nous  avons  raison  et  que 
le  pape  est  la  tête  de  l'Église.  »  Yoilà  votre  his- 
toire. >  (  25  juin  1841.  ) 

Fage  6s,  Kgne  4*  *"  J^otra  prince,  s*  meeourmt  «t'A» 
PoHtaug  et  tous  deux  arrangèrent  la  réponse  à  ieur 
façon.: 

La  cour  cherchait  à  exercer  une  sorte  de  ooo* 
trôle ,  de  haute  surveillance  sur  les  ouvrages 
même  de  Luther.  En  1531 ,  il  avait  écrit  un  livre 
intitulé  :  Contre  l'hypocrite  de  Dresde ,  sans  en 
avoir  fait  part  àFÉlecteur;  il  lui  fallut  s'en  excu- 
ser auprès  du  chancelier  Brùck. 

«...  Si  mes  petits  ouvrages ,  dit-il ,  étaioit 
envoyas  à  la  cour ,  avant  de  paraître ,  ils  y  ren- 
contreraient tant  de  critiques  et  de  censure 
qu'ils  ne  paraîtraient  jamais,  et,  s'ils  paraissaient, 
nos  ennemis  soupçonneraient  chaque  fois  une 
foule  de  gens  d'y  avoir  pris  part.  De  cette  ma- 
nière ,  Von  sait  et  l'on  voit  qu'ils  sont  tout  ani- 
ment de  Luther;  et  c'est  à  lui  seul  de  s'en  jus- 
tifier. • 


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DB    LDTHB&.  283 

Dans  une  antre  circonstance  pins  sérieuse,  il 
eut  encore  à  lutter  contre  l'intervention  de  la 
cour.  Albert,  archevêque  de   Mayence  ,' avait 
fait  mettre  à  mort  l'un  de  ses  oiRciers,  nommé 
Schanz,  contrairement  aux  lois,  et  à  en  croire  la 
Toix  publique,  par  haine  personnelle.  Luther  lui 
adressa  à  cette  occasion  deux  lettres  pleines 
d'indignation.  Il  commençait  ainsi  la  première 
(81  juillet  1535)  :  «  Je  ne  vous  écris  plus,  cardi* 
nal,  dans  l'espoir  de  changer  votre  cœur  profon-* 
dément  perverti.  C'est  une  pensée  à  laquelle  j'ai 
renoncé.  Je  vous  écris  pour  satisfaire  à  ma  con- 
0cience   devant    Dieu  et   les  hommes,  et    ne 
pas  approuver ,  par  mon  silence ,  l'acte  horrible 
que  vous  venez  de  commettre.  >  Dans  ce  qui  suit, 
il  l'appelle  cardinal  d'enfer,  et  le  menace dubour- 
reau  éternel  qui  viendra  lui  demander  compte 
du  sang  versé.  Dans  la  seconde  lettre  (mars  15S6), 
il  dit  :  «  L'écrit  ci-joint  vous  fera  voir  que  le  sang 
de  Schanz  ne  se  tait  pas  en  Allemagne  comme 
dans  les  appartemens  de  votre  Grâce  électorale, 
au  milieu  de  vos  courtisans.  Abel  vit  en  Dieu  et 
son  sang  crie  contre  les  meurtriers  !...  J'ai  re- 
connu par  la  lettre  de  votre  Grâce  à  Antoine 
Schanz  que  vous  allez  jusqu'à  accuser  sa  famille 
d'être  cause  de  sa  mort.  J'ai  vu  et  entendu  ra- 

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284  HiHOIR£S 

conter  mainte  scélératesse  de  cardinal ,  mab 
je  n'aurais  jamais  cru  que  vous  fussiez  une  si 
cruelle  et  impudente  Tipère  pour  railler  encore 
les  malheureux ,  après  cette  abominable ,  cette 
infernale  action  !...  J'ai  recueilli  les  derniers 
cris  de  Schanz,  au  moment  de  sa  détresse,  ses 
dernières  protestations  contre  la  violence,  lors- 
que votre  Sainteté  lui  fit  arracher  les  dents  poar 
tirer  de  lui  un  faux  aveu;  je  publierai  ces  paroles, 
et  Dieu  aidant,  votre  Sainteté  dansera  une  danse 
qu'elle  n'a  jamais  dansée!...  Si  Caîn  sait  dire  : 
Suis'je  fait  pour  gardermon  frère 9  Dieu  sait  aussi 
lui  répondre  :  Sois  maudil  sur  la  terre,,.  Je  vous 
recommande  à  Dieu  ,  dit-il  à  la  fin  de  la  lettre, 
si  toutefois  le  chapeau  de  sang  (le  chapean  ronge 
de  cardinal)  vous  laisse  désirer  de  lui  être  re- 
commandé. • 

L'électeur  de  Saxe  et  le  duc  Albert  de  Prusse, 
parens  du  cardinal,  trouvèrent  trop  violent  ré- 
crit dont  Luther  parlait  dans  cette  lettre.  Ils  lui 
firent  dire  qu'il  attaquait  l'honneur  de  la  famille 
dans  la  personne  de  l'archevêque ,  et  lui  com- 
mandèrent d'user  de  ménagemens.  Luther  nVn 
publia  pas  moins  son  écrit  quelque  temps  après. 


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Bl   LVTUBB.  285 


Pagtt  6a «ligne  is.  —  Ils regurdsne touU cette ajffkirw 
comme  une  comédie,,» 


Dès  le  commenceinent  des  conférences,  Lu- 
ther avait  prévu  qu'elles  ne  mèneraient  à  rien. 
II  se  défiait  même  de  la  fermeté  de  Bucer  et,  du 
landgrave  de  Hesse.  Il  dit  dans  une  lettre  au 
chancelier  Brûck  :  «  Je  crains  que  le  Landgrave 
ne  se  laisse  entraîner  trop  loin  par  les  papistes, 
et  qu'il  ne  veuille  nous  entraîner  avec  lui.  Mais  il 
nous  a  déjà  suflisamnicnt  tiraillés  et  je  ne  me  lais- 
serai plus  mener  par  lui.  Je  reprendrais  plutôt 
tout  le  fardeau  sur  mes  épaules,  et  je  marcherais 
seul ,  à  mes  risques  et  périls,  comme  dans  le  com- 
mencement.  Nous  savons  que  c'est  la  cause  de 
Dieu;   c'est  lui  qui  nous  a  suscités,  qui  nous  a 
conduits  jusqu'ici,  il  saura  bien  faire  triompher 
sa  cause.  Ceux  qui  ne  voudront  pas  nous  suivre , 
n'ont  qu'à  rester  en  arrière.  Ni  l'Empereur,  ni  le 
Turc ,  ni  tous  les  Démons  ensemble ,  ne  pourront 
rien  contre  cette  cause ,  quoi  qu'il  en  puisse  ad- 
venir de  nous  et  de  ce  corps  mortel.  —  Je  m'in- 
dîg^ne  qu'ils  traitent  ces  afiaires  comme  des  af* 
fairea  mondaines,  des  a&ires  d'Empereur,  de 
Turcs,  de  princes,  dans  lesquelles  on  puisse  trAD- 


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288  siHOiftBS 

figer  à  volonté  «  avancer  ou  recaler.  Cest  une 
caïue  dans  laquelle  Dieu  et  Satan  combattent 
avec  tous  leurs  anges.  Ceux  qui  ne  le  croient  pas, 
ne  peuvent  pas  la  défendre.  *•  (avril  1541.) 

?•!•  6a  »  ligot  s6>—  Je  suis  indigné  qu'on  sejoum  mitut 
de  si  grandes  choses*»» 

«  Je  vais  à  Haguenau  ;  je  verrai  de  près  ce  for- 
midable Syrien,  ce  Behemoth  dont  se  rit^  au 
psaume  II,  l'habitant  du  ciel...  Mais  ils  ne  com- 
prendront point  ce  rire,  jusqu^au  moment  où  fi- 
nira ce  chant  funèbre  :  Vous  périrez  dans  la  route, 
quand  se  lèvera  sa  colère ,  parce  qu'ils  ont  re- 
fusé un  baiser  au  Fils(peribiiis  in  via,  cum  exar- 
scrit  ira  ejus  ,  quia  Filium  nolunt  oscalari). — 
Amen,  amen ,  que  cela  arrive.  Ils  Font  mérité,  ils 
l'ont  voulu. .  (2  juillet  1540.) 

Bag*  €7  •  IfgM  iS^-^Fuit  â  ff^itlember^». 

On  trouve  dans  les  Proposée  table  ^  p.  SSO: 
•  Le  mariage  secret  des  princes  et  des  grands  sei-> 
gneurs  est  un  vrai  mariage ,  devant  Bieu  ;  il  n'eut 
pas  sans  analogie  avec  le  concubinat  des  patriai^ 

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DB   LUTHER.  287 

ch es. «(Ceci  expliquerait  la  consaltation  en  fa- 
veur du  Landgraye.) 

Page  69  cligne  5, — Depuis  cette  époque,  les  lettres  ie  Luther, 
comme  celles  de  MéUnehùm,  sont  pleineé  de  dégoSt  et  de 
tristesse, 

«L'ingratitude  des  hommes,  c'est  le  cachet 
d^une  bonne  œuvre  ;  si  nos  efforts  plaisaient  au 
monde ,  à  coup  sûr  ils  ne  seraient  point  agréables 
à]>ieu.>(6aoûtl5S9.) 

«  La  tristesse  et  la  mélancolie  viennent  de  Sa* 
tan  ;  c'est  pour  moi  une  chose  sûre.  Dieu  n'afflige, 
ni  n'effraie,  ni  ne  tue;  il  est  le  Dieu  des  vivans. 
Il  a  envoyé  son  fils  unique,  pour  que  nous  vivions 
par  lui,  pour  lui ,  pour  qu'il  surmonte  la  mort 
C'est  pourquoi  l'Écriture  dit  :  Soyez  contens  el 
joyeux,  etc.>(Ti8chreden,  p.  205,  verso.) 

Sur  ta  tristesse, —  «  Vous  ne  pouvez  empêcher , 
disait  un  sage ,  que  les  oiseaux  ne  volent  au-dessus 
de  votre  tête;  mais  vous  empêcherez  qu'ils  ne  fas- 
sent leurs  nids  dans  vos  cheveux.  >  (19  juin  IStO.) 
Jean  de  Stochausen  avait  demandé  à  Luther 
de»  remèdes  contre  les  tentations  spirituelles  et  la 
mélanoolie.  Luther  lui  conseilla  dans  une  lettre 
d'ëviter  la  solitude  et  de  fortifier  sa  volonté  par 

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2Sâ  viuoiUBS 

uae  vie  active,  laborieuse.  li  lui  recommanda, 
outre  la  prière  la  lecture  du  livre  de  Gerson: 
De  cogitationibus  blasphemiœ  (27  novembre  1512) 

Il  donna  des  conseils  semblables  au  jeune 
prince  Joacbîra  d'Anhalt,  c  La  gaité,  dit  il ,  et  le 
bon  courage  (en  tout  bien  et  en  tout  honneur)  sont 
la  meilleure  médecine  des  jeunes  gens,  disons 
mieux,  de  tous  les  hommes.  Moi-même  qui  ai 
passé  ma  vie  dans  la  tristesse  et  les  pensées  som- 
bres, j'accepte  aujourd'hui  la  joie  partout  oîi  elle 
se  présente,  je  la  recherche  même.  La  joie  crimi- 
nelle vient  de  Satan,  il  est  vrai,  mais  la  joie  qu'on 
trouve  dans  le  commerce  d'hommes  honnèies  ei 

pieux,  celle-là  plaît  au  Seigneur Montez  a 

cheval,  allez  à  la  chasse  avec  vos  amis,  aroo&ei- 
vous  avec  eux.  La  solitude  et  la  mélancolie  sont 
un  poison;  c'est  la  mort  des  hommes,  et  surtout 
des  hommes  jeunes.  «  (26  juin  15â4.) 

Méianchtou  raconta  un  jour  à  la  table  de 
Luther  la  fable  suivante  :  <  Un'|>aysan  traverssni 
une  forêt,  rencontra  une  caverne  où  se  trouvait 
un  serpent.  Une  grande  pierre  roulée  devant, 
empêchait  l'animal  d'^nsortir.  U  supplia  le  paysan 
d'enlever  la  pierre,  lui  promettfnt  la  plus  belk 
récompense.  Le  paysan  se  laissa  tenter,  délivn 
le  serpent,  et  lai  demanda  le  prix  de  se  peine. 

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DS    LUTHER.  2S9 

A  qaoi  le  serpent  répoodit  qu'il  allait  lai  donner  la 
récompense  qae  le  monde  donne  à  ses  bien&i- 
teurs ,  qu'il  allait  le  tuer.  Tout  ce  que  le  paysan 
put  obtenir  par  ses  supplications ,  fut  qu'ils  re* 
mettraient  leur  différend  au  jugement  du  premier 
animal  qu'ils  rencontreraient.  Ce  fut  d'abord  un 
vieux  cbeval  qui  n'avait  plus  que  la  peau  et  les 
os.  Pour  toute  réponse,  il  dit  :  «  J'ai  consumé 
tout  ce  que  j'avais  de  force  au  service  de  l'homme; 
pour  récompense ,  il  va  me  tuer ,  m'écorcber.  » 
Ils  rencontrèrent  ensuite  un  vieux  chien  que  son 
maître  venait  de  rouer  de  coups ,  ce  nouvel  ar 
bitre  donna  même  décision.  Le  serpent  voulait 
alors  tuer  son  bienfaiteur.  Celui-ci  obtint  qu'ils 
prendraient  un  nouveau  juge,  et  que  la  sentence 
de  ce  dernier  serait  décisive.  Après  avoir  marché 
quelques  pas,  ils  virent  venir  à  eux  un  renard. 
Dès  que  le  paysan  Taperjçut,  il  invoqua  son  se- 
cours, et  lui  promit  tous  ses  poulets,  s'il  rendait 
une  décision  favorable.  Le  renard  ayant  entendu 
les  parties,  dit  qu'avant  de  prononcer,  il  fallait 
remettre  toutes  choses  dans  leur  premier  état; 
que  le  serpent  devait  retourner  dans  la  caverne 
pour  entendre  le  jugement.  Le  serpent  consentit, 
et,  dès  qu'il  y  fut,  le  paysan  boucha  le  trou 
de  son  mieux.  Le  renard  vint  la  nuit  suivante 
ToMP.  II.  2:5 

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200  KitfoxRes 

prendre  les  poulets  qui  lui  étaient  promu;  mais 
la  femme  et  les  valets  du  paysan  le  tuèrent.  • 
Hélanchton  ayant  fini  ce  conte,  le  docteur  dit  : 
«  Voilà  bien  Timage  de  ce  qu'on  voit  dans  le 
monde.  Celui  que  vous  avei  sauvé  de  la  potence 
vous  fait  pendre.  Si  je  n'avais  d'autre  exemple, 
je  n'aurais  qu'à  penser  à  Jésus^Ghrîst  qui,  après 
avoir  racheté  le  monde  entier  du  péché,  de  h 
mort,  du  diable  et  de  l'enfer,  fut  crucifié  par  la 
siens  mêmes.  »  (Tischreden ,  p.  56.) 

Les  plaisanteries,  les  jeux  de  mots  qui  se  ren- 
contrent si  souvent  dans  les  lettres  des  années 
précédentes ,  ont  disparu  dans  celles-ci  ;  la  cor- 
respondance de  Luther  devient  triste;   c'est  à 
peine  si  on  le  voit  sourire  une  seule  fois;  le  récit 
grotesque  d'une  expédition  militaire  de  quelques 
bourgeois  contre  des  brigands,  peut  tout  au  plus 
le  dérider  :  «  Voici  encore  une  nouvelle  victoire 
de  Kohlhase  (fameux  brigand  dont  la  vie  est  ra* 
contée  dans  un  curieux  roman  historique);  il  a 
pris  et  enlevé  un  riche  meunier.  Sitôt  que  noxa 
avons  su  la  chose ,  nous  nous  sommes  courageit- 
sement  précipités  à  travers  les  campagnes,  pas 
trop  loin  cependant  de  nos  murailles,  et  conruroe 
il  convient  à  des  saints  Ghristophes  en  peinlurv 
ou  à  des  saints  Georges  de  bois,  nous  avoiis  c(- 

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DB   LUTHER.  201 

frayé  les  nuées  de  quelques  coups  de  fusil...  Nous 
avons  fait  transporter  dans  la  ville  nos  bois,  nos 
arbres,  de  peur  que,  la  nuit,Koblhase  n^en  fasse 
un  pont  pour  passer  nos  petits  fossés.  Nous  som- 
mes tous  des  Hectors  et  des  Âchilles ,  ne  craignant 
personne ,  bien  que  nous  soyons  seuls  et  sans  en- 
nemis. * 

Pagtt  71 ,  ligne  ai,  -"  Poison,.» 

En  1641 ,  un  bourgeois  de  Wittemberg,  nom- 
mé Gléraann  Schober ,  suivit  Luther  l'arquebuse 
à  la  main ,  dans  l'intention  probable  de  le  tuer. 
Il  fut  arrêté  et  puni.  (Ukert  1 ,  323.) 

Pago  74,  ligne  5,  —  Famille,.. 

A  Marc  Cordel.  <  Comme  nous  en  sommes  con- 
Tenus,  mon  cher  Marc,  je  t'envoie  mon  fils  Jean, 
afin  que  tu  remploies  à  exercer  des  enfans  dans 
la  grammaire  et  la  musique,  et  en  même  temps, 
pour  que  tu  surveilles  et  corriges  ses  mœurs...  Si 
tes  soins  prospèrent  pour  ce  fils,  tu  en  auras,  do 
mon  vivant,  deux  autres...  Je  suis  en  travail 
de  théologiens,  mais  je  veux  enfanter  aussi  des 
grammairiens  et  des  musiciens.  «  (26  août  1542.) 

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202  ■ÉHOIBES 

Le  docteur  Jonas  avait  dit  un  jour  que  la  malt- 
diction  de  Dieu  sur  les  enfans  désobéissans  s*étai( 
accomplie  dans  la  famille  de  Luther  ;  le  jeune 
homme  dont  il  parlait  était  toujours  malade  et 
souffrant.  Le  docteur  Luther  ajouta  :  «C'est  la  pu- 
nition due  à  sa  désobéissance.  Il  m'a  presque  taé 
une  fois ,  et,  depuis  ce  temps ,  j'ai  perdu  toutes  les 
forces  de  mon  corps.  Grâce  à  lui ,  j'ai  compris  le 
passage  où  saint  Paul  parle  des  enfans  qui  tuent 
leurs  parens,  non  par  l'épée^maisparla  désobéii- 
sance.Ils  ne  vivent  guère,etn'ont  pasde  bonheur. 
0  mon  Dieu  !  que  le  monde  est  impie ,  et  dans 
quels  temps  nous  vivons!  Ce  sont  les  temps  dont 
Jésus-Christ  a  dit:  «Quand  le  fils  de  Thorame  vien- 
dra ,  croyez- vous  qu'il  trouvera  de  la  foi  et  de  la 
charité  ?»  Heureux  ceux  qui  meurent  avant  de 
yoir  des  temps  pareib.  >(Tischreden,  p.  48.) 

Fâg«  74  ,  ligne  5.—  La  femme.., 

«  La  femme  est  le  plus  précieux  des  trésors. 
Elle  est  pleine  de  grâces  et  de  vertus;  elle  gardi 
la  foi.  » 

—  «Le  premier  amour  est  violent,  il  nous  eni- 
yre  et  nous  enlève  la  raison.  L'ivresse  passée,  lu 

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DB    LUTHEB.  293 

369  pieuses  conserrent  l'amour  honnête ,  les  im- 
es  n'en, conservent  rien.  * 
—  <  Mon  doux  Seigneur!  si  c'est  ta  volonté 
inte  que  je  yive  sans  femme,  soutiens^moi 
ntre  les  tentations;  sinon,  veuille  m'accorder 
e  bonne  et  pieuse  jeune  fille,  avec  laquelle  je 
»se  doucement  ma  vie,  que  j'aime  et  dont  je 
s  aimé  en  retour.  »  (Tischreden ,  p.  329-Sl.) 

Pag«  74  «  lIgQ«  9.—  Assejrons^nous  à  sa  table*.. 

[I  y  était  toujours  entouré  de  ses  enfans  et  de 
amis,  Melanchton,  Jonas,  Aurifaber,  etc., 
l'avaient  soutenu  dans  ses  travaux.  Une  place 
îtte  table  était  chose  enviée. —  «  J'aurais  volon- 
s,  écrit-il  à  Gaspard  Muller,  reçu  Kégel  au 
)bre  de  mes  pensionnaires,  pour  différentes 
ons;  mais  le  jeune  Porse  de  Jéna  allant  bien- 
revenir ,  la  table  sera  pleine,  et  je  ne  pui»^ 
rtant  congédier  mes  anciens  et  fidèles  compa- 
is.  Si  cependant  il  se  trouve  plus  tard  une 
e  vacante ,  comme  cela  pourrait  arriver  après 
les,  je  ferai  avec  plaisir  ce  que  vous  désirez, 
ins  que  le  Seigneur  Catherine,  ce  que  je  ne 
e  pas,  ne  veuille  nous  refuser  sa  grâce.  »  (19 

*Digitized  by  VjOOÇIC 


204  HÂBfOI&ES 

janyîer  1536.)  Dominus  Ketka,  c'était  le  nom 
qu'il  donnait  souvent  à  sa  femme.  II  commence 
ainsi  une  lettre  qu'il  lui  écrit  le  26  juillet  1540: 
s  A  la  riche  et  noble  dame  de  Zeilsdorf  (1),  ma- 
dame la  doctoresse  Catherine  Luther ,  domiciliée 
à  Wittemberg ,  quelquefois  se  promenant  à  Zeils- 
dorf, ma  bien-aimée  épouse.  » 

Pa^tt  8o ,  ligne  aa .  ~  Marémge»., 

•  Le  mariage ,  que  l'autorité  approuTO  et  qui 
n'est  point  contre  la  parole  de  Dieu,  est  un  bon 

'  mariage ,  quel  que  soit  le  degré  de  parenté.  • 
(Tischreden ,  page  321 .) 

Il  blâmait  fort  les  juristes  qui ,  «  contre  leur 
propre  conscience ,  contre  le  droit  naturel,  divin 
et  impérial,  maintenaient  comme  valables  lespro- 
messes  secrètes  de  mariage.  On  doit  laisser  cbacun 
s'arranger  avec  sa  conscience.  On  ne  peut  forcer 
personne  à  l'amour. 

•  Les  dots,  présens  de  lendemain»  biens,  lié- 


(i)  Nom  d'un  viUage  près  duquel  Luther  pouédak  t 
petite  terre. 


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DB  LUTBia.  28& 

rîtages ,  etc. ,  ne  Regardent  que  Paatorité.  Je  yeux 
tes  lui  renvoyer,  afin  qu'elle  en  charge  ses  gens, 
du  qu'elle  décide  elle-même.  Nousaommes  pasteurs 
des  consciences ,  non  des  corps  ou  des  biens.  » 
(Tischreden,  p.  315.) 

Consulté  dans  un  cas  d'adultère ,  il  dit  :  «  On 
doit  les  citer  et  ensuite  les  séparer.  De  tels  cas 
regardent  proprement  l'autorité,  car  le  mariage 
est  une  chose  temporelle.  Il  n'intéresse  l'Église 
qu'en  ce  qui  touche  la  conscience.  »  (  Twhre- 
den,p.  322.  ) 

L'an  1639,  1"'  féyrier ,  il  disait  :  •  Quoique 
les  aflhires  relatives  aux  mariages  nous 'obli- 
gent tous  les  jours  d'étudier,  de  lire,  de  prê- 
cher, d'écrire  et  de  prier,  je  me  réjouis  que 
les  consistoires  soient  établis,  surtout  pour  ce 
genre  d'affieiires...  On  trouve  beaucoup  de  parens, 
particulièrement  de  beaux-pères  qui ,  sans  rai- 
son, défendent  le  mariage  à  leurs  enfans.  L'au- 
torité et  les  pasteurs  doivent  y  voir,  et  favoriser 
les  mariages,  même  contre  la  volonté  des  parens, 
selon  les  diverses  occurrences...  Les  enfans  doi- 
vent citer  à  leurs  parens  l'exemple  de  Samson. 
Nous  ne  sommes  plus  au  temps  de  la  papauté, 
où  l'on  suivait  la  loi  contre  l'équité.  »  (  Tîschre- 
den,  p.  822.) 

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296  MivoiABS 


fa|«84  t  ilfB«  rj.  —  Wmfammm  #f  nus  ptitêmn/hMs.. 


Darant  la  diète  d'Augsboarg,  il  écrivit  à  son  fils 
Jean  :  «  Grâce  et  paix  à  toi,  en  Jésus  -  Christ, 
mon  cher  petit  enfant.  Je  toîs  avec  {plaisir  que 
tu  apprends  bien  et  que  tu  pries  sans  distraction. 
Continue,  mon  enfant,  et,  quand  je  reviendrai 
à  la  maison,  je  te  rapporterai  quelque  belle 
chose. 

*  Je  sais  un  beau  et  riant  jardin,  tout  plein 
d^enians  en  robes  d'or ,  qui  vont  jouant  sous  les 
arbres  avec  de  belles  pommes,  des  poires ,  des 
cerises,  des  noisettes  et  des  prunes  \  ils  chantent, 
ils  sautent,  et  sont  tout  joyeux;  ils  ont  aussi  de 
jolb  petits  chevaux  avec  des  brides  d'or  et  des 
selles  d'argent.  £n  passant  devant  ce  jardin,  je 
demandais  à  l'homme  à  qui  il  appartient ,  quels 
étaient  ces  enfans  ?  Il  me  répondit  :  «  Ce  sont 
ceux  qui  aiment  à  prier ,  à  apprendre ,  et  qui 
sont  pieux.  >  Je  lui  dis  alors:  >  Cher  ami,  j'ai 
aussi  un  enfant ,  c'est  le  petit  Jean  Luther ,  ne 
pourrait*]]  pas  aussi  venir  dans  ce  jardin  manger 


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DB   LUTHBII.  2^7 

de  ces  belles  pommes  et  de  ces  belles  poires,  mon* 
ter  sur  ces  jolis  petits  chevaux ,  et  jouer  avec  les 
autres  enfans  ?  >  L'homme  me  répondit  :  «  S'il 
est  bien  sage  ,  s'il  prie  et  apprend  volontiers,  il 
pourra  aussi  venir ,  le  petit  Philippe  et  ]e  petit 
Jacques  avec  lui;  ils  trouveront  ici  des  fifres, 
des  timbales  et  autres  beaux  intrumens  pour  faire 
de  la  musique;  ils  danseront  et  tireront  avec  de 
petites  arbalètes.  >  En  parlant  ainsi ,  l'homme 
me  montra,  au  milieu  du  jardin,  une  belle  prai- 
rie pour  danser ,  où  l'on  voyait  suspendus  les  fi- 
fres, les  timbales,  et  les  petites  arbalètes.  Mais  il 
était  encore  matin,  les  enfans  n'avaient  pas  diné , 
et  je  ne  pouvab  attendre  que  la  danse  commen- 
çât. Je  dis  alors  à  lliomme  :  <  Cher  seigneur ,  je 
vais  vite  écrire  à  mon  cher  petit  Jean ,  afin  qu'il 
soit  bien  sage,  qu'il  prie  et  qu'il  apprenne,  pour 
venir  aussi  dans  ce  jardin;  mais  il  a  une  tante 
Madeleine  qu'il  aime  beaucoup  ,pourra-t-il  l'ame- 
ner avec  lui  ?»  L'homme  me  répondit  :  «  Oui, 
ils  pourront  venir  ensemble  ,  faites-le-lui  sa- 
voir. »  Sois  donc  bien  sage,  mon  cher  en- 
fant ;  dis  à  Philippe  et  à  Jacques  de  l'être  aussi, 
et  vous  viendrez  tous  ensemble  jouer  dans  ce 
beau  jardin.  — Je  te  recommande  à  la  protection 
de  Dieu.  Salue  de  ma  part  la  tante  Madeleine,  et 

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2S8  ■ivOIBES 

donne-lui  un  baiser  pour  moi.  Ton  père  qok  U 
chérit  Martin  Lothol  » 

(19juinl5S0.) 

page  88,  ~  Fin   du  chapitre,^ 

«  Dieu  sait  tous  les  métiers  mieux  «pie  per- 
sonne. Comme  tailleur,  il  fait  au  cerf  une  robe 
qui  lui  sert  neuf  cents  ans  sans  se  déchirer. 
Comme  cordonnier,  il  lui  donne  une  chaussure 
qui  dure  encore  plus  long-temps  que  lui.  £t  ne 
s'entend-il  pas  à  la  cuisine ,  lui  qui  par  le  feu  da 
soleil  fait  tout  cuire  et  tout  mûrir.  Si  notre  Sei- 
gneur vendait  les  biens  qu*il  donne,  il  en  ferait 
passablement  d'argent  ;  mais  parce  qu'il  les  donne 
gratis  ,  on  n'en  tient  pas  compte.  (Tischr.,  p.  S7.) 

Ce  passage  bizarre  et  un  assez  grand  nombre 
d'autres,  nous  montrent  dans  Luther  le  modèle 
probable  d'Abraham  de  Sancta  Clara.  Au  dii- 
septième  siècle ,  on  n'imitait  plus  que  les  défkutj 
de  Luther. 

P*8*  91 1  llgn«  17.  —  £«  décmlt^ruB,». 

•  Me  Yoilà  devenu  disciple  du  décalogue.  J« 
commence  à  comprendre  que  le  décalogue  cA  la 
dialectique  de  l'Évangile,  et  TÉvangile  la  rhéto- 


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DB  LtTHBa.  2G9 

riqae  da  décalogue;  Christ  a  tout  ce  qui  est  de 
Moïse,  mais  Moïse  n'a  pas  tout  ce  qui  est  de 
Christ.»  (20 juin  1530.) 

Fâg«  92  «  ligne  i3.  ->  Il  y  aura  un  nouvëuu  ciel,  unm 
nouvelle   terre.., 

«  Le  grincement  de  dents  dont  parle  l'Evan^ 
gile ,  c'est  la  dernière  peine  qui  suivra  une  mau- 
vaise conscience,  la  désolante  certitude  d*étre  à 
jamais  séparé  de  Dieu.  »  (Tischr.,  p.  366.)  Ainsi 
Lu  Cher  semble  avoir  une  idée  plus  spirituelle  da 
l'enfer  que  du  paradis. 

Pagtt93«  ligne  17.  _  Autrefois  on /aisaii 
des  pèlerinages*: 

A  Jean  de  Sternberg,  en  lui  dédiant  la  traduc- 
tion du  psaume  CXYII  :  «...  Si  je  vous  ai  nommé 
en  tète  de  ce  petit  travail ,  ce  n'a  pas  seulement 
été  pour  attirer  l'attention  des  gens  qui  mé- 
prisent tout  art  et  tout  savoir,  mais  aussi  pour 
témoigner  qu'il  y  a  encore  des  gens  pieux  parmi 
la  noblesse.  La  plupart  des  nobles  sont  aujour- 
d'hui si  insolens  et  si  dépravés,  qu'ils  excitent 
la  colère  du  pauvre  homme...  S'ils  voulaient  être 
respectés,  ils  devraient  avant  tout  respecter  euz- 

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300  HÊVOISES 

mêmes  Dieu  et  sa  parole.  Qu'ils  continuent  de 
vivre  ainsi  dan»  l'org^ueil ,  dans  l'insolence ,  dans 
le  mépris  de  toute  vertu,  et  ils  ne  seront  bientôt 
plus  que  des  paysans;  ils  le  sont  déjà ,  quoiqu'ils 
portent  encore  ]e  nom  de  nobles  et  le  cbapeau  à 
plumes...  Us  devraient  cependant  se  souvenir  de 
Mûnzer... 

»  ...  Je  souhaite  que  ce  petit  livre,  et  d'au- 
tres qui  lui  ressemblent ,  touchent  votre  cœur, 
et  que  vous  y  fassiez  un  pèlerinage  plus  utile  aa 
salut,  que  celui  que  vous  avez  fait  autrefois  à 
Jérusalem.  Non  que  je  méprise  ces  pèlerinages; 
j'en  ferais  moi-même  bien  volontiers,  si  je  pou- 
vais, et  j'aime  toujours  à  en  entendre  parler; 
mais  je  veux  dire  que  nous  ne  les  faisions  pâs 
dans  un  bon  esprit.  Quand  j'allai  à  Rome,  je  coq- 
rus  comme  un  fou  à  travers  toutes  les  églises, 
tous  les  couvens;  je  crus  tout  ce  que  les  impos- 
teurs y  avaient  jamais  inventé.  J'y  dis  une  dizaine 
de  messes,  et  je  regrettais  presque  que  mon  père 
et  ma  mère  fussent  encore  en  vie.  J'aurais  tant 
aimé  à  les  tirer  du  purgatoire  par  ces  messes  et 
autres  bonnes  œuvres!  On  dit  à  Rome  ce  pro- 
verbe :  Heureux  la  mère  dont  le  fils  dit  la  mes» 
la  veille  de  la  Saint-Jean  !  Que  j'aurais  élé  aise 
de  sauver  ma  mère! 


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DB    tUTBBR.  301 

•  Nous  faisions  ainsi,  ne  sachant  pas  mieux; 
le  pape  tolère  ces  mensonges.  Anjourd'hni ,  Dieu 
merci,  nous  avons  les  évangiles,  les  psaumes,  et 
autres  paroles  de  Dieu  ;  nous  pouvons  y  faire  des 
pèlerinages  plus  utiles,  y  visiter  et  contempler  la 
véritable  terre  promise,  la  vraie  Jérusalem,  le 
vrai  paradis.  Nous  n'y  marchons  pas  sur  les  tom- 
beaux des  saints  et  sur  leurs  dépouilles  mortelles, 
mais  dans  leurs  cœurs,  dans  leurs  pensées  et  leur 
esprit...»  (Gobourg ,  29  août  1530.) 

P  «ge  93  ,  ligne  1 8.  —  Pour  visiter  les  saints.» . 

«  Les  saints  ont  souvent  pécbé,  souvent  erré. 
Quelle  fureur  de  nous  donner  toujours  leurs 
actes  et  leurs  paroles  pour  des  règles  infaillibles! 
Qu'ils  sachent,  ces  sophistes  insensés,  ces  ponti- 
fes ignares,  ces  prêtres  impies,  ces  moines  sa- 
crilèges, et  le  pape  avec  toute  sa  séquelle....  que 
nous  n'avons  pas  été  baptisés  au  nom  d'Augustin , 
de  Bernard^  de  Grégoire,  au  nom  de  Pierre  ni 
de  Paul,  au  nom  de  la  bienfaisante  faculté  théo- 
logique  de  la  Sodome  (Sorbonne)  de  Paris,  do 
la  Gomorrhe  de  Louvain,  mais  au  nom  du  seul 
Jésus-Christ  notre  maitre.»  {De  abrogandâ  misêâ 
privaiâ.  Op.  lat.  Lutheri,  Witt.,  Il,  246.) 

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802  BiMOiEta 

«  Les  véritables  saints ,  ce  sont  toutes  les  aato- 
rités,  tous  les  serviteurs  de  TÉglise,  tous  les  pa- 
rens,  tous  les  enfons  qui  croient  en  Jésus-Christ, 
qui  ne  commettent  point  de  pécbé,  et  qui  ac* 
complissent,  chacun  dans  sa  condition,  les  de* 
Toirs  que  Dieu  leur  impose.  •  (Tischreden  ,  1S4, 
verso.) 

Luther  croit  peu  aux  légendes  des  saints ,  et 
déteste  surtout  celles  des  anachorètes.  ■ ...  Si  Fon 
a  fait  quelque  excès  du  coté  du  boire  ou  dn 
manger,  on  peut  Texpier  avec  le  jeûne  et  la  ma- 
ladie... • 

«  La  légende  de  saint  Christophe  est  une  belle 
poésie  chrétienne.  Les  Grecs  qui  étaient  des  gens 
doctes,  sages  et  ingénieux  ,  ont  voulu  montrer 
ce  que  doit  être  un  chrétien ,  (  chrisioforûs ,  qui 
porte  le  Christ).  Il  en  est  de  même  du  chevalier 
saint  George.  La  légende  de  sainte  Catherine  est 
contraire  à  toute  Thistoire  romaine,  etc.  • 

F  âge  93  «  Ifgn*  a»«  —  Les  prophètes. 

«  Je  sue  sang  et  eau  pour  donner  les  prophètes 
en  langue  vulgaire.  Bon  Dieu!  quel  travail!  comme 
ces  écrivains  juifs  ont  de  la  peine  à  parler  alle- 
mand. Ils  ne  veulent  pas  abandonne^  leur  hébreu 


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Dl   LUTJBSa.  S03 

pouy  notre  langue  barbare.  C'est  comme  si  Phi- 
lomèle»  perdant  sa  gracieuse  mélodie ,  était  obli« 
gée  de  chanter  toujours  avec  le  coucou  une  même 
note  monotone.  »  (14  juin  1528.)  —  Il  dit  ailleurs 
qu'en  traduisant  la  Bible ,  il  mettait  souvent  plu« 
sieurs  semaines  à  chercher  le  sens  d'un  mot. 
(Ukert.II,  p.  S87.) 

A  Jean  Frédéric,  duc  de  Saxe,  en  lui  envoyant 
aa  traduction  du  prophète  Daniel.  «...  Les  his- 
toriens racontent  avec  éloge  que  le  grand  Alexan* 
dre  portait  toujours  Homère  sur  lui  et  le  met- 
tait même  la  nuit  sous  sa  tête  :  combien  serait^il 
plus  juste  que  le  même  honneur,  ou  un  plus 
grand  encore  fût  rendu  à  Daniel  par  tous  les 
rois  et  princes  de  la  terre!  Ils  ne  devraient  pas 
le  mettre  sous  leur  tête,  mais  le  déposer  dans  leur 
cœur, car  il  enseigne  des  choses  bien  plus  hautes.» 
(février  ou  mars  1530.) 

Fage  96 «ligne  ta.  -^  Tsaumes,,. 

A  l'abbé  Frédéric,  de  Nuremberg,  en  lui  dé- 
diant la  traduction  du  psaume  GXYIII  :  « ...  C'est 
mon  psaume  à  moi,  mon  psaume  de  prédilec- 
tion. Je  les  aime  bien  tous;  j'aime  toute  l'Écri- 

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SOA  HÉHoniES 

tare  sainte ,  qui  est  toute  iorta  consolation  et  ma 
vie;  cependant  je  me  suis  attaché  particulièrement 
à  ce  psaume,  et  j'ai  en  vérité  le  droit  de  rappe- 
ler mien.  Il  a  aussi  bien  mérité  de  moi;  il  m*a 
sauvé  de  mainte  grande  nécessité  d'oii  ni  £mpe- 
peur,  ni  rois,  ni  sages,  ni  saints,  n^eussent  pu  me 
tirer.  C'est  mon  ami,  qui  m'est  plus  cher  que 
tous  les  honneurs,  toute  la  puissance  de  la  terre. 
Je  ne  le  donnerais  pas  en  échange,  si  roam'offirait 
tout  cela. 

»  Mais,  dira-t-on,  ce  psaume  est  commun  à 
tous;  personne  n'a  le  droit  de  le  dire  sien.  Oui, 
mais  le  Christ  est  bien  aussi  commun  à  tous,  et 
pourtant  le  Christ  est  mien.  Je  ne  suis  pas  ja- 
loux de  ma  propriété;  je  voudrais  la  mettre  en 
commun  avec  le  monde  entier...  £t  plût  à  Dieu 
que  tous  les  hommes  revendiquassent  ce  psaume 
comme  étant  à  eux  !  Ce  serait  la  querelle  la  plus 
touchante,  la  plus  agréable  à  Dieu,  une  que- 
relle d'union  et  de  charité  parfaite.  »  (Cobourg, 
1"  juillet  15S0.) 


Dès  le  commencement  de  Tannée  1519 ,  il  ccri- 

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DB   LCTHBB.  SOS 

Tait  à  Jérôme  Dûngersheim  une  lettre  remarqua- 
ble sur  rimportance  et  Tautorité  des  Pères  de  l'É- 
glise. «  L'évéque  de  Rome  est  au-dessus  de  tons 
par  sa  dignité.  C'est  à  lui  qu'il  faut  s'adresser 
dans  les  cas  difficiles  et  dans  les  grandes  néces- 
sités. J'avoue  cependant  que  je  ne  saurais  dé- 
tendre contre  les  Grecs  cette  suprématie  que  je 
lui  accorde. 

9  Si  je  reconnaissais  au  pape  le  pouvoir  de  tout 
faire  dans  l'Église,  je  devrais,  comme  consé- 
quence de  cette  doctrine ,  traiter  d'hérétiques, 
Jérôme ,  Augustin ,  Athanase,  Cyprien,  Grégoire, 
et  tous  les  évéques  d'Orient  qui  ne  furent  pas  éta- 
blis par  lui  ni  sous  lui.  Le  concile  de  Nicée  ne  fut 
pas  réuni  par  son  autorité;  il  n'y  présida  ni  par 
lui-même,  ni  par  un  légat.Quedirai-je  des  décrets 
de  ce  concile?  Les  connait-on  bien?  Sait-on  les- 
quels d'entre  eux  il  faut  reconnaître?...  C'est 
votre  coutume  à  toi  et  à  Eck ,  d'accepter  les  pa- 
roles de  tout  le  monde,  de  modifier  l'Écriture  par 
les  Pères,  comme  s'il  fallait  plutôt  croire  en  eux. 
Pour  moi,  je  fais  tout  autrement.  Comme  Au- 
gustin et  saint  Bernard ,  en  respectant  toutes  les 
autorités,  je  remonte  des  ruisseaux  jusqu'au 
fleuve  qui  leur  donne  naissance.  »  —  Suivent 
plusieurs  exemples  des  erreurs  dans  lesquelles 

M. 

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306  wiKOi&u 

les  Pères  sont  tombés.  Luther  les  critique  en  phi- 
lologue, montrantqu'ilsn'ont  pascompris  le  texte 
hébreu.  «  De  combien  d'autorités  Jérôme  n'aba9^ 
t*il  pas  contre  Joyinieu?  Augustin  contre  Pelage? 
-«Ainsi  Augustin  dit  que  ce  verset  de  la  Genèse: 
Faisons  Thomme  à  notre  image,  est  une  preore 
de  la  Trinité;  mais  il  y  a  dans  le  texte  hébreu: 
Je  ferai  Thomme/  etc. —  Le  Maître  des  sentences 
a  donné  un  bien  funeste  exemple  en  s*efforçant 
de  faire  accorder  les  paroles  de  tous  les  Pèrei 
Il  résulte  de  là  que  nous  devenons  la  risée  des  hé- 
rétiques, quand  nous  nous  présentons  devant  eux 
avec  ces  phrases  obscures  ou  à  double  sens.  £ck 
se  feit  le  champion  de  toutes  les  opinions  diverses 
et  oontraires.C'est  là-dessus  que  roulera  notre  dis- 
pute. >  (1619.) 

«^  «  J'admire  toujours  comment  après  les  apô- 
tres ,  Jérôme  a  pu  mériter  le  nom  de  Docteur  et 
l'Église,  Origène  celui  de  Maître  des  Églises...  Os 
ne  pourrait  faille  unseul chrétien  avec  leurs  livrei» 
tant  ils  sont  séduits  par  la  pompe  des  œuvres.  As- 
guêtin  lui-même  ne  vaudrait  pas  d'avantage»  à 
les  Pélagiens  ne  l'avaient  rudemeot  exercé ,  et 
contraint  de  défendre  la  foi.  »  (â6  août  ISM.) 

—  •  Celui  qui  a  osé  comparer  le  monachst 
au  baptême  était  complètement  fou;  c'était  pla- 

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DB   LVTHBA.  807 

tôt  une  bûche  qu^une  béte.  £hl  quoi,  croifiptu 
donc  Jérôme ,  lorsqu  ^  il  parle  d'une  manière  si 
impie  contre  Dieu ,  lorsqu'il  vent  qu'immédia- 
tement après  soi  -  même ,  ce  soient  ses  parens 
que  l'on  considère  le  plus?  Ecouteras-tu  Jérôme, 
tant  de  fois  dans  l'erreur,  tant  de  fois  dans  le  pé- 
ché ?  croiras-tu  un  homme  enfin ,  plutôt  que 
Dieu  lui-même  ?  Va  donc ,  et  crois  avec  Jérôme 
qu'il  faut  passer  sur  le  corps  à  ses  parens  pour 
fuir  au  désert.  »  (Lettre  à  Severinus,  moine  autri- 
chien; 6  octobre  1527.) 

Bage  loa ,  ligne  aS*  —  Les  Seolaitique*..* 

Grégoire  de  Kimini  a  conyaincu  les  scolasti- 
ques  d'une  doctrine  pire  que  celle  des  pélagiens... 
Car  bien  que  les  pélagiens  pensent  que  l'on  peut 
faire  une  bonne  œuvre  sans  la  grâce,  ils  n'affir- 
ment pas*qu'on  puisse  sans  la  grâce  obtenir  le 
ciel.  Les  scolastiques  parlent  comme  Pelage , 
lorsqu'ils  enseignent  que  sans  la  grâce  on  peut 
faire  une  bonne  œuvre ,  et  non  une  œuvre  méri- 
toire. Mais  ils  enchérissent  sur  les  pélagiens,  en 
ajoutant  que  Vhomme  a  l'inspiration  de  la  droite 
raison  naturelle  à  laquelle  la  volonté  peut  se  con- 
former naturellement,  tandis  que  les  pélagiens 

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308  HÉHOUIES 

avouent  que  lliomine  est  aidé  par  la  loi  de  Dieu. 

(1519.) 

Pago  107  «  ligne  z6>  —  Biens  eccUsltuUquesm*. 

f 

Luther  écrivit  au  roi  de  Danemarck  (  2  dé- 
cembre 1S36),  pour  approuver  la  suppression  de 
répiscopat ,  et  pour  engager  ce  prince  à  faire  an 
bon  usage  des  biens  ecclésiastiques,  c'est-à-dire 
(comme  il  l'écrivait  le  18  juillet  1529  au  margrans 
George  de  Brandebourg),  à  les  appliquer  à  des 
fondations  d'écoles  et  d'universités. 

«  L'Empereur  dissimule,  et  cependant  il  prend, 
il  dévore  les  évéchés,  Utrecht,  Liège,  etc.  Ceux 
de  la  noblesse  devraient  y  prendre  garde.  Je  me 
suis  durement  travaillé  pour  que  les  fondations 
ecclésiastiques  et  les  possessions  des  princes 
abbés  ne  fussent  point  dispersées,  mais  con- 
servées aux  pauvres  de  la  noblesse.  Hfalheureu- 
sement  cela  n'aura  pas  lieu.  »  (  Tischreden, 
p.  851.) 

Page  109,  ligne  la.— 2)ej  cardinaux  et  évéques»'» 

«Maître  Philippe  louait  devant  le  docteur  Lu- 
ther la  haute  intelligence  et  l'esprit  rapide  du 
cardinal,  évéque  de  Saltzbourg,  Mathieu  Lang. 


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DB   LUT]I£A.  809 

Il  disait  qa'en  1^30,  il  s'était  trouvé  six  heures 
avec  lui  à  Augsbourg,  et  qu'ils  avaient  causé  de 
la  religion.  Le  cardinal  lui  avait  dit  à  la  fin  : 
«  Mon  cher  domine  Philippe f  nous  autres  prêtres, 
nous  n'avons  encore  jamais  rien  valu.  Nous  sa- 
vons bien  que  votre  doctrine  est  bonne;  mais 
ignorez-vous  donc  que  jusqu'ici  on  n'a  jamais  rien 
pu  gagner  sur  les  prêtres?  Ce  n'est  pas  vous  qui 
commencerez.  »  tCe  cardinal  était  fils  d'un  mes- 
sager d'Augsbourg.  Son  père  était  d'une  bonne 
et  ancienne  famille,  mais  réduit  à  l'état  de  servi- 
teur par  sa  pauvreté, —  Ce  fut  le  premier  cardi- 
nal qu'il  y  ait  eu  en  Allemagne.  Appuyé  par  sa 
sœur,  il  se  fit  connaître  à  la  cour  de  Maximilien, 
fut  ensuite  envoyé  à  Kome  auprès  du  pape,  et 
plus  tard  nommé  coadjuteur  de  l'évêché  de  Salz-* 
bourg.  »  (Tischreden ,  p.  272.) 

«J'ai, jusqu'ici,  prié  pour  cetévêque,  cote- 
goricè ,  affirmative ,  positive ,  de  cœur ,  pour  que 
Dieu  voulût  le  convertir.  J'ai  essayé  aussi  par 
écrit  de  l'amener  à  la  pénitence.  Maintenant  je 
prie  pour  lui  hypotheticè  et  desperabundè...  Celui* 
là  n'est  point  frater  ignorantiœ ,  sed  malitiœ. 

9  n  m'a  souvent  écrit  amicalement,  et  m'a  &it 
espérer  qu'il  prendrait  femme ,  comme  je  lui  eu 
«vais  donné  le  oonseil  par  écrit. 

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SlO  ■ftltOlBtS 

>  Il  8*cflt  moqué  de  nous  jusqu'à  la  diète  d^Augs- 
bourg.  Là,  j'ai  appris  à  le  connaître.  Cependant 
il  veut  encore  être  mon  ami  au  point  qn'il  me  ré- 
clame pour  arbitre  dans  Tafiaire  de...  (Tischre- 
den,274,) 

«A  la  diète  d'Angsbourg,  VëTêque  de  Salti- 
bourg  disait:  t  II  y  a  quatre  moyens  ponr  récoo- 
cilier  les  deux  partis:  ou  que  nous  cédions  oa 
qu'ils  cèdent;  or,  ni  les  uns  ni  les  autres  n'en 
veulent  rien  faire;  ou  bien  encore,  il  faut  que 
l'on  oblige  d'autorité  un  des  partis  à  céder,  et 
comme  il  en  doit  résulter  un  grand  soulèyement, 
reste  le  quatrième  moyen,  savoir:  qu^un  parti 
extermine  rautre,  et  que  le  plus  fort  mette  le  plus 
faible  dans  le  sac.  »  Yoilà  de  beaux  plans  d'unité 
pour  un  évéque  chrétien.  »  (Ibidem ,  p.  19.) 

Paye  xio,  Itgnc  ii.— JUa/ne.»... 

«  Les  seuls  mendians  sont  divisés  en  sept  ptr> 
tis  ou  ordres ,  et  les  mineurs  à  leur  tour  en  sept 
espèces  de  mineurs.  Toutes  ces  sectes,  le  très 
saint  père  les  nourrit  et  les  entretient  lui-même. 
tant  il  a  peur  qu'elles  ne  viennent  à  s'ttnir.(Lettr« 
à  la  diète  de  Prague,  15  juillet  ISâS.) 


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DB    LUTBSa.  311 


Pige  lyj,  ligne  94* '"  ^'^  *'"^  ^**'  ^  V Allemagne ^  celui  cà 
nous  sommes  ^  fleurit  encore  par  la  culture  des  arts  libé" 


Luther  écri?it  à  l'Électenr,  le  20  mai  15S0, 
pour  relever  son  courage  et  le  consoler  des  cha- 
grins que  lui  causait  la  Réforme  :  «  Voyez  comme 
Dieu  a  fait  éclater  sa  grâce  et  sa  bonté  dans  les 
états  de  votre  Altesse!  n'est-ce  pas  là  que  son 
Évangile  a  le  plus  de  ministres  pieux  et  fidèles, 
ceux  qui  l'enseignent  avec  le  plus  de  pureté,  de 
zèle  et  de  fruit?  Vous  voyez  grandir  autour  de 
v'ous  tout  une  jeunesse  aimable ,  de  bonnes 
mœurs,  et  qui  sera  bientôt  savante  dans  la  sainte 
Écriture.  Cela  me  ravit  le  cœur  de  voir  nos  jeu- 
nes enfans,  garçons  et  petites  filles,  connaître 
mieux  aujourd'hui  Dieu  et  le  Christ ,  avoir  une 
foi  plus  pure  et  savoir  mieux  prier ,  qu'autrefois 
toutes  les  écoles  épiscopales  et  les  couvens  les 
plus  célèbres. 

»  Cette  jeunesse  vous  a  été  accordée  oomne  «n 
signe  de  faveur  et  de  miséricorde  divine.  Dieu 
vous  dit  en  quelque  sorte  :  Cher  duc  Jean ,  je  te 
confie  mon  plus  précieux  trésor;  sois  le  père  de 
cet  enfians.  Je  veux  que  taies  gouvernes,  que  tu 

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812  xéaioiRBS 

les  protèges;  sois  le  jardinier  de  mon  paradis,  etc.» 
Le  duc  ne  paraît  pas  avoir  tenu  grand  compt» 
de  cette  recommandation,  car  Luther  dit  dans 
plusieurs  de  ses  lettres  qu'il  y  avait  àWittemberg 
grand  nombre  d'étudians  qui  ne  vivaient  guère 
que  de  pain  et  d'eau. 

Page  1171  ligne  i2.  —  Je  regrette  de  n  avoir  pas  plus  de  temfi 
à  donner  à  l'étude  des  poètes  et  des  orateurs.,. 

A  Wencealas  Litik  tie  Nuremberg.  «  Si  cela  ne 
vous  donne  pas  trop  de  peines ,  mon  cher  Wen- 
ceslas,  je  vous  prie  de  faire  rassembler  pour  moi 
tous  les  dessins,  livres ,  cantiques,  chants  deMeis- 
tersangeret  bouts  rimes,  qui  auront  été  compo- 
sés en  allemand  et  imprimés  cette  année  chei 
vous;  envoyei-en  autant  que  vous  en  pourrei 
trouver.  Je  désirerais  vivement  les  avoir.  Nous 
savons  ici  composer  des  ouvrages  latins  ;  mais 
pour  les  livres  allemands ,  nous  ne  sommes  que 
des  apprentis.  Toutefois,  avec  Tardeur  que  nous 
y  mettons,  j'espère  que  nous  réussirons  bientôt 
de  manière  à  vous  satisfaire.  »  (âO  mars  1536.) 

Page  1 18  «   ligne  5.  —  Ce  n*est  point  un  seul  homme  çmi 
a  fait  ce*  fables... 

£n  1530,  Luther  traduisit  un  choix  des  lablrt 

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DB    LUTHER.  313 

d*Ésope.  Dans  la  préface  il  dit  qu'il  n'y  a  peut-être 
jamais  eu  d'homme  de  ce  nom ,  et  que  ces  fables 
ont  vraisemblablement  été  recueillies  de  la  bou-^ 
che  du  peuple.  (Luth.  Werke  IX ,  455.) 

Page  lai ,  ligne  i8.  —  Chanter  est  le  meilleur  exercice.,. 

fieine,  Revue  des  deux  Mondes,  P'mars  1834: 
«  Ce  qui  n'est  pas  moins  curieux  et  significatif 
que  ces  écrits  en  prose ,  ce  sont  les  poésies  de 
Luther,  ces  chansons  qui  lui  ont  échappé  daiTs 
le  combat  et  dans  la  nécessité.  On  dirait  une  fleur 
qui  a  poussé  entre  les  pierres ,  un  rayon  de  la 
lune  qui  éclaire  une  mer  irritée.  Luther  aimait  la 
musique,  il  a  même  écrit  un  traité  sur  cet  art, 
aussi  ses  chansons  sont -elles  très  mélodieuses. 
Sous  ce  rapport ,  il  a  aussi  mérité  son  surnom  de 
Cygne  d'Eisleben.  Mais  il  n'était  rien  moins  qu'un 
doux  cygne  dans  certains  chants  où  il  ranime  le 
courage  des  siens,  et  s'exalte  lui-même  jusqu'à  la 
plus  sauvage  ardeur.  Le  chant  avec  le  quel  il  en- 
tra à  Worms,  suivi  de  ses  compagnons,  était  un 
véritable  chant  de  guerre.  La  vieille  cathédrale 
trembla  à  ces  sons  nouveaux ,  et  les  corbeaux  fu- 
rent efifrayés  dans  leurs  nids  obscurs,  à  la  cime  des 
tours.  Cet  hymne,  la  Marseillaise  de  la  réforme, 

Î7 

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314  HéaioimBS 

a  conseryé  jusqu'à  ce  jour  sa  puissance  énergique, 
et  peut-être  entonnerons-nous  bientôt  dans  dei 
combats  semblables  ces  vieilles  paroles  retentis- 
santes et  bardées  de  fer  :  » 

Ifotro  Dieu  est  une  forteresse , 

Uae  épée  et  une  bonne  armure  ; 

Il  nons  délivrera  de  toiu  les  dangera 

Qui  nous  menacent  â  présent. 

Le  vieux  mécbant  démon 

Nous  en  veut  aujourd'hui  sérteasemeot. 

Il  est  armé  de  pouvoir  et  de  ruse , 

Il  n*a  pas  son  pareil  au  monde. 

Votre  puissance  ne  fera  rien , 

Vous  verres  bientôt  votre  perte  ; 

L'homme  de  vérité  combat  pour  nooi  • 

Dieu  lui-même  l'a  choisi. 

Veux-tu  savoir  son  nom  ? 

C'est  Jésus-Christ, 

Le  seigneur  Sabaoth. 

Il  n'est  pas  d'autre  Dieu  que  loi. 

Il  gardera  le  champ ,  il  donnera  la  Wctoire. 

Si  le  monde  était  plein  de  démons  • 

Et  s'ils  Tonlalenl  nous  dévorer. 

Ne  nous  mettons  pas  trop  en  peine 

Notre  entreprise  réussira  cependant. 

Le  prince  de  ee  monde  t 

Bien  qu'il  nous  fasse  la  griauee , 

Ne  nous  ffra  pas  de  mal. 

U  est  condamné , 

Vm  senl  mol  le  renverse. 


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DB   LUTBEB.  815 

lie  nous  laisseront  la  parole , 

Et  nous  ne  dirons  pas  merci  pour  cala  : 

La  parole  est  parmi  nous 

Arec  son  esprit  et  ses  dons. 

Qu'ils  nous  prennent  notre  corps  « 

Nos  biens ,  l'honneur ,  nos  c 

Laissea-les  faire , 

Ils  ne  ^gneront  rien  4  cela  ; 

À  noua  restera  l'empire. 


Page  laS ,  ligne  5*  •—  Peinture*.» 

«  Le  docteur  parla  un  jour  de  l'habileté  et  du 
talent  des  peintres  italiens.  «  Ils  savent  imiter  la 
nature  si  parfaitement,  dit-il,  qu'indépendam- 
ment de  la  couleur  et  de  la  forme  convenables , 
ils  expriment  encore  les  gestes  et  les  sentiraens 
de  manière  à  faire  croire  que  leurs  tableaux  sont 
choses  vivantes. —  La  Flandre  suit  la  trace  de  l'I- 
talie. Ceux  des  Pays-Bas,  et  surtout  les  Flamands 
ont  l'esprit  éveillé ,  ils  ont  aussi  de  la  facilité  pour 
apprendre  les  langues  étraugères.  C'est  un  pro- 
verbe que  si  Ton  portait  un  Flamand  dans  un  sao 
à  travers  l'Italie  ou  la  France,  il  n*en  apprendrait 
pas  moins  la  langue  du  pays.  »  (  Tischreden , 
p.  AU  verso.) 


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318  KiMOIAIfl 


Page  1 37  ,  ligne  17.  —   Banque.*, 

Il  dit  dans  son  traitée  de  Usuris  :  «  J'appelle 
usuriers  ceux  qui  prêtent  à  cinq  et  six  pour  cent 
L'Écriture  défend  le  prêt  à  intérêt;  on  doit  prê- 
ter de  l'argent  comme  on  prête  un  Tase  à  son 
voisin.  Les  lois  civiles  mêmes  défendent  Fusure. 
Ce  n'est  pas  faire  acte  de  charité  que  d'échan- 
ger une  chose  avec  quelqu'un  en  gagnant  sur  Yé- 
change;  c'est  voler.  Un  usurier  est  un  voleur  di- 
gne de  la  potence.  Aujourd'hui,  à  Leipsig,  celui 
qui  prête  cent  florins  en  reçoit  au  bout  d^une 
seule  année  quarante  pour  Tintérêt  de  son  argent 
—  On  ne  doit  pas  observer  les  promesses  faites 
aux  usuriers;  ils  ne  peuvent  être  admis  aux  sacre- 
mens  ni  ensevelis  en  terre  sainte.. —  Voici  le  der- 
nier conseil  que  j'aie  à  donner  aux  usuriers;  ils 
veulent  de  l'argent ,  de  l'or;  eh  bien!  qu'ils  s'a- 
dressent à  quelqu'un  qui  ne  leur  donnera  pas  dix 
ou  vingt  pour  cent,  mais  cent  pour  dix.  Celui-là 
a  de  quoi  satisfaire  ^  leur  avidité;  ses  trésors 
•ont  inépuisables;  il  peut  donner  sans  s'appau- 
vrir (Oper.  lat.  Luth.  Witt.  t.  VII ,  p.  419-37.) 

Le  docteur  Henning  proposait  cette  question 


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tn  LVTBBm.  817 

à  Luther  :  «  Si  j 'avais  amassé  de  l'argent,  que  je 
ne  Toulusse  pas  en  disposer,  et  qu'nn  homme 
Tint  me  prier  de  le  lui  prêter  pourrais-je  en 
bonne  conscience  lui  répondre  :  Je  n'ai  point 
d'argent  ?  —  Oui ,  dit  Luther ,  on  peut  le  faire 
en  conscience.  C'est  comme  si  on  disait  :  Je  n'ai 
point  d'argent  dont  je  yeuille  disposer...  Christ, 
en  ordonnant  de  donner ,  ne  dit  pas  de  donner 
à  tous  les  prodigues  et  dissipateurs...  Bans  cette 
ville ,  il  n'y  a  personne  de  plus  nécessiteux  que 
les  étudians.  La  pauvreté  y  est  grande  à  la  vérité, 
mais  la  paresse  encore  plus...  Je  ne  veux  point 
ôter  le  pain  de  la  bouche  à  ma  femme  et  à  mes 
enfans  pour  donner  à  ceux  à  qui  rien  ne  profite 
(Tischred.  p.  64). 

Page   i»8  «  A  la  fin  du  oliapitre  lY. 

On  peut  attacher  à  la  fin  de  ce  chapitre  diver- 
ses paroles  de  Luther  sur  les  papes,  les  rois,  les 
princes. 

a  II  n'y  a  jamais  eu  de  plus  rusé  trompeur  sur 
la  terre  que  le  pape  Clément  (Clément  VII).  C'est 
qu'il  était  de  Florence,  etc.  • 

«  Le  pape  Jules,  deuxième  du  nom,  était  un  ' 
homme  excellent  pour  le  gouvernement  et  la 

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318  BiMOiaBS 

guerre.....  Lorsqu'il  apprit  que  son  armie  avail 
été  battue  à  Ravenne^  il  blasphéma  Dieu  dans  le 
ciel  ;  il  lui  disait  :  Au  Dom  de  mille  diables ,  es-tu 
donc  devenu  si  bon  Français  ?  est-ce  ainsi  qne  tu 
protèges  ton  Église  ?  Il  tourna  les  yeux  vers  la 
terre,  et  dit  :  Saints  Suisses»  priei  pour  nous!  £t 
il  envoya  aussitôt  le  cardinal  de  Saltzbourg ,  li- 
thieu  Lang^  pour  traiter  avec  Tempereur  Maxi- 
milieu.  » 

«  Si  j'avais  été  de  ce  temps-là,  on  m'aurait 
fait  venir  à  Paris  avec  grand  honneur ,  mais  j'é- 
tais encore  trop  jeune  et  Dieu  ne  le  voulait  pcnnt, 
de  crainte  que  l'on  ne  pensât  que  c'était  la  puis* 
sance  du  roi  de  France ,  etc.  » 

«  Le  pape  Jules ,  II ,  nn  homme  plein  d'audace 
et  d'habileté ,  un  vrai  diable  incarné ,  avait  défi- 
nitivement résoin  de  réformer  les  Franciscains. 
Mais  ils  recoururent  aux  rois  et  aux  princes,  les 
firent  agir  et  envoyèrent  au  pape  quatre-vingt 
mille  couronnes.  Le  pape  dit  :  Comment  résister 
à  des  gens  si  bien  cuirassés  ?  » 

«  L'an  15SS,  l'astrologue  Gaurio  raconta  au 
margrave  de  Brandebourg,  Joachim^  que,  coHune 
on  faisait  a  Clément  VÏI  le  reproche  d'être  ba- 
tard,  il  répondit  :  Et  Jésus-Christ?  Dèa-lon  le 
Margrave  devint  favorable  à  Luther.  • 

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DE   LVTHSa.  31  & 

•  Lorque  ceux  de  Bruges  tenaient  prisonnier 
l'empereur  Maximilien ,  et  voulaient  lui  couper 
la  tête,  ils  écrivirent  au  sénat  de  Venise  pour  de- 
mander conseil.  Les  Vénitiens  répondirent:  Homo 
tnoriuus  non  facii  guerram,..  Les  Vénitiens  firent 
faire  une  farce  contre  Maximilien.  Le  doge  pa- 
raissait d'abord,  puis  venait  le  Français  qui  avait 
une  poche  au  côté  \  il  y  prenait  des  couronnes 
(pièces  de  monnaie),  et  les  couronnes  débor- 
daient la  poche.  Derrière  venait  r£mpereur,  peint  > 
en  habit  gris,  avec  un  petit  cor  de  chasse.  Il  avait 
aussi  une  poche,  mais  quand  il  y  mettait  la  main , 
les  doigts  passaient  à  travers. — Les  Florentins  en 
firent  autant.  Ils  représentèrent  le  Français  assi» 
sur  un  siège  percé ,  et....  de  l'argent.  L'empereur 
Maximilien  ramassait.  Mais  ils  ont  eu  depuis  une 
bonne  leçon.  Le  petit-fils  de  l'empereur  Maximi- 
lien,  l'empereur  Charles,  leur  a  bien  appris  à  vi- 
vre. Dieu  applique  volontiers  aux  orgueilleux  le 
verset  que  l'on  chante  au  Magnificat  :  Depoauit  po^ 
tentés  de  sede,  » 

«  L'empereur  Maximilien  disait  :  Si  on  mettait 
dusang  des  princes  d'Autriche  et  de  Bavière  bouiU 
lir  ensemble  dans  un  pot ,  on  le  verrait  en  même 
temps  sauter  dehors.  » 

«  On  dit  que  l'empereur  Maximilien  partit  un 

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320  véiioiRCs 

jour  d'un  éclat  de  rire  ;  il  en  avoua  la  cause  le 
lendemain.  Je  riais,  dit-il,  de  voir  que  Dieu  a 
confié  le  gouvernement  spirituel  à  un  ivrogne  de 
'  prêtre ,  comme  le  pape  Jules ,  et  le  gouvernement 
temporel  à  un  chasseur  de  chamois,  comme  je 
suis.  > 

«  Dans  le  château  de  Prague  Ton  voit  toute  la 
suite  des  portraits  des  rois,  Ferdinand  est  le  der- 
nier, et  il  n'y  a  plus  de  place.  Il  en  est  de  même 
dans  la  salle  ronde  du  château  de  Wittemberg. 
Cela  ne  signifie  rien  de  bon. 

L'empereur  Maximilien  disait  :  «  L'Empereur 
est  bien  le  roi  des  rois,  car  les  princes  de  i'Empirc 
font  tont  ce  qu^ils  veulent;  le  roi  de  France  estce- 
lui  des  ânes,  les  siens  exécutent  tout  ce  qu'il  com- 
mande ;  le  roi  d'Angleterre  est  le  roi  des  hommes, 
car  ils  lui  obéissent  et  ils  l'aiment.  » 

«  Maximilien  demandait  à*un  de  ses  secrétaires 
comment  il  fallait  traiter  un  serviteur  qui  le  vo- 
lait; et  comme  l'autre  répondait  qu'il  était  juste 
de  le  pendre  :  Nous  n'en  ferons  rien ,  dit  IHElmpe- 
reur  en  lui  frappant  sur  l'épaule,  nous  avons 
encore  besoin  de  vos  services,  » 

«  Après  l'élection  de  l'empereur  Charles,  l'é- 
lecteur de  Saxe  demanda  au  seigneur  Fabian  de 
Feilizsch ,  son  conseiller ,  s'il  lui  plaisait  qu^on  eût 

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Dl    LCTHKR.  821 

éla  empereur  le  roi  d'Espagne.  Cet  homme  sage 
répondit  :  ■  Il  est  bon  que  les  corbeaux  aient  un 
▼autour.  » 

On  lisait  dans  un  vieux  livre  cette  prophétie  : 
«  L'empereur  Charles  soumettra  toute  TEuropo, 
réformera  TEglise;  sous  lui,  les  ordres  men^ 
dians  et  les  sectes  seront  anéantis.  »    ' 

c  La  nouvelle  vint  qu'Antonio  de  Leyva  et 
André  Doria  avaient  conseillé  à  l'Empereur  d'al- 
ler en  personne  contre  le  Turc  et  de  ne  point 
emmener  son  frère;  car,  disaient-ils,  il  n'a  point 
de  bonheur.  En  effet,  Ferdinand  est  trop  fin  et 
trop  réfléchi  ;  il  n'a^^it  que  par  conseil  et  délibé* 
ration ,  jamais  par  impulsion  divine.  »  -r-  L'Em- 
pereur devjent  malheureux  ;  il  ne  sait  pas  profiter 
de  l'occasion;  il  perd  aujourd'hui  Milan. 

«  Le  roi  de  France  aime  les  femmes...  Au  con- 
traire, l'Empereur  passant  parla  France  en  1544, 
trouva  après  un  grand  festin^  une  belle  et  noble 
vierge  dans  son  lit,  que  le  roi  de.  France  y  avait 
fait  conduire.  L'Empereur  la  renvoya  honorable- 
ment chez  ses  parens. 

»  L'Empereur  n'a  appelé  à  son  couronnement 
que  des  princes  et  seigneurs  italiens  et  espagnols, 
qui  ont  porté  devant  lui  les  drapeaux  et  les  armes 
dea  électeurs.  J'avais  touché  cela  dans  un  petit. 

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823  HiMoniBS 

liTre,  mais  l'Électeur  en  a  fait  acheter  tous  les 
exemplaires. 

»  Le  roi  de  France  dépense  autant  d'argent  en 
trahison  que  pour  ses  armées.  Aussi,  dans  sa  guerre 
contre  le  pape  Jules  et  Venise ,  il  a  dissipé  vingt 
mille  hommes  arec  quatre  mille. 

»  Tant  que  François  a  eu  des  hommes  de  guerre 
allemands ,  il  a  obtenu  la  victoire.  Ce  sont  en  ef- 
fet les  meilleurs;  ils  se  contentent  de  leur  solde 
et  protègent  le  peuple.  Aussi  Antonio  de  Leyra 
conseilla ,  en  mourant ,  à  TEmpreur  de  s'attacher 
ses  soldats  allemands  ;  que  s'il  les  perdait,  ce  serait 
fait  de  lui  ;  car  ils  tenaient  tous  ensemble  comme 
un  seul  homme.  » 

Après  la  défaite  de  François  P'  de  Pavie,  Lu- 
ther écrivait  :  «  Que  le  roi  de  France  soit  de  chair 
ou  autre  chose ,  je  ne  me  réjouis  pas  de  le  voir 
vaincu  et  pris.  Vaincu,  cela  se  peut  souffrir,  mais 
captif,  c'est  une  monstruosité...  Peut-être  l'heure 
du  royaume  de  France  est-elle  venue,  comme 
cet  autre  le  disait  de  Troie  :  Venit  sumwui  éiei 
et  ineluctabile  fatum Ce  sont,  à  ce  qu'il  me  sem- 
ble, des  signes  qui  annoncent  le  dernier  jour  du 
monde.  Ces  signes  sont  plus  graves  qu'on  ne  serait 
tenté  de  le  croire...  Il  n'y  a  qu'une  chose  qui  me 
ikit  plaisir,  c'est  de  voir  frustré»  les  efforts  de 


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DE   LUTHEA.  323 

l'Anti-Ghrist,  qui  commençait  à  a'appuyer  sur  lo 
roi  de  France.  »  (mars  1525.) 

(Février  1537.)  «  Le  roi  de  France  est  persuadé 
que  chez  nous  autres  luthériens,  il  n*y  a  plus  ni 
mariage ,  ni  autorité ,  ni  église,  ni  rien  de  tout  ce 
qu'on  regarde  comme  sacré.  Son  envoyé ,  le  doc- 
teur Gervais,  nous  l'a  assuré  positivement.  Mais 
d'où  vient  cela?  certainement  de  ce  qu'on  ne  laisse 
pénétrer  en  ce  pays,  non  plus  qu'en  Italie ,  aucun 
écrit  des  nôtres,  et  que  le  scélérat  de  Mayence, 
ainsi  que  ses  pareils,  y  envoient  toutes  les  calom- 
nies qui  se  débitent  contre  nous.  » 

«  Nous  avons  ici  un  Français,  François  Lam- 
bert^ qui  était  il  y  a  deux  ans  prédicateur  apos- 
tolique, comme  on  les  appelle  parmi  les  mineurs, 
et  qui  vient  de  prendre  pour  femme  une  des  nô- 
tres :  il  espère  mieux  vivre  dans  le  voisinage  de 
la  France  (  à  Strasbourg)  ...  Il  gagnera  sa  vie  à 
traduire  en  français  mes  ouvrages  allemands.  » 
(  A  décembre  1523.  ) 

«  Les  rois  de  France  et  d'Angleterre  sont  lu- 
thériens pour  prendre ,  point  pour  donner.  lU 
ne  dierchent  point  l'intérêt  de  Dieu,  mais  le 
leur. 

»  Sept  nniversités  ont  approuvé  le  divorce  du 
roi  d'Angleterre;  mais  nous  autres  de  Wittem- 

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c24  BéMOlRES 

berg  et  ceux  de  LoaTain ,  nous  avons  soutenu  le 
contraire,  eu  égard  aux  circonstances  particu- 
lières,  à  la  longue  cohabitation,  à  Texistence 
d'une  fille,  etc. 

»  Quelques-uns  qui  araicnt  reçu  des  écrits 
d'Angleterre  annoncèrent  comment  le  roi  s*était 
séparé  de  l'ÉTangile.  Je  suis  charmé,  dit  Luther, 
que  nous  soyons  quitte  de  ce  blaspSemateur. 
Pai  seulement  regret  de  voir  que  Mélanchton  ait 
adresséses  plus  belles  préfaces  aux  plus  méchantes 
gens. 

•  Le  duc  George  de  Saxe  disait  qu'il  ne  for 
cerait  personne  à  communier  sons  une  espèce* 
mais  que  ceux  qui  voulaient  le  iaire  autrement, 
devaient  sortir  du  pays. 

»  Lorsque  le  duc  George  déclara  au  duc  Henri 
de  Saxe,  son  frère,  qu'il  ne  lui  laisserait  ses  états 
qu'à  condition  d'abandonner  l'Évangile,  il  ré- 
pondit :  «  Par  la  vierge  Ifarie  (  c'était  le  mot  or- 
dinaire  de  sa  Grâce),  avant  que  je  consente  à 
renier  mon  Christ,  j'irai  avec  ma  Catherine,  un 
petit  bâton  à  la  main ,  mendier  par  le  pays.  *  Je 
voudrais  que  l'Empereur  fît  pape  le  duc  George» 
les  évéques  supporteraient  sa  réforme  encore 
moins  que  la  mienne.  Il  réduirait  l'évéque  de 
Mayence  à quatorte  chevaux,  etc. 

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DS   tVTHER.  825 

»  Le  duc  George  a  racé  le  sang  bohémien  arec 
le  lait  Se  sa  mère,  fille  du  roi  de  Bohème,  Casi- 
mir. Il  aurait  fini  par  s'arranger  ayec  l'éléctetir 
Frédéric  ponr  frapper  les^évéques,  les  abbés,  etc. 
Il  est  de  sa  nature  ennemi  du  clergé  Mais  les 
lettres  et  les  flatteries  de  TËrapereur,  du  pape, 
des  rois  d'Angleterre  et  de  France,  l'ont  tellement 
enflé,  que,  etc.. 

9  Lorsque  le  duc  George  voyait  son  fils  Jean 
à  l'agonie,  il  le  consolait  en  lui  rappelant  l'ar- 
ticle de  la  justification  par  la  foi  en  Christ,  et 
l'exhortait  à  ne  regarder  que  le  Sauveur,  sans 
se  reposer  sur  ses  œuvres  ni  sur  l'invocation  des 
saints.  Alors,  l'épouse  du  duc  Jean,  sœur  du  land« 
grave  Philippe  de  Hesse,  dit  au  duc  George': 
«  Cher  seigneur  et  père ,  pourquoi  ne  laisse-t-on 
pas  prêcher  publiquement  cette  doctrine  dans  le 
pays?  »  —  «  Ma  chère  fille,  répondit-il,  on  la  doit 
enseigner  seulement  aux  mourans,  mais  point 
rtux  gens  en  santé.  »  (15i7.)  -^  Ce  duc  Jean  avait 
été  obligé  par  son  père  de  jurer  une  haine  éter- 
nelle à  la  doctrine  luthérienne,  et  il  l'avahAut 
oonnaitre  au  docteur  Luther  par  le  vieux  peintre 
Ltieas  Cranacfa. 

Leipsig  était  la  capitale  et  la  résidence  dn  duc 
George.  Aussi  les  protestans,  surveillés  de  près 

TOMP.    H.  2o 

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^26  MivOTftBS' 

par  le  duc,  n'y  pouyaient  faire  de  nombreux  pro- 
sélytes, et  Lather  en  marque  souvent  son  dépit 
par  sa  colère  contre  cette  ville. 

«  Je  hais ,  dit-il ,  ceux  de  Leipsig  comme  je  ne 
hais  rien  sous  le  soleil,  tant  il  y  a  là  d^orgueil, 
d'arrogance,  de  rapacité  et  d'usure.  (15  mai  1540.) 

>  Je  hais  cette  Sodome  (Leipsig,)  sentine  des  usu- 
res et  de  tous  les  maux.  Je  n'y  entrerais  qu'autaat 
qu'il  le  faut  pour  arracher  Loth.»  (^6  octobre  1 5S9.) 

»  L*électorat  de  Saxe  est  pauvre  et  rapporte  peu. 
Si  l'Électeur  n'avait  pas  la  Misnic ,  il  ne  pourrait 
entretenir  quarante  chevaux;  mais  il  a  des  tri- 
buts de  princes  et  seigneurs ,  des  droits  de  sau^ 
conduit^  des  douanes,  des  rentes,  etc..  Sa  Grâce 
électorale  a  cédé,  pour  de  l'argent ,  les  régales, 
entre  autres  le  droit  de  grâce. 

9  L'électeur  Frédéric  était  économe.  Il  savait 
bien  remplir  ses  caves  et  ses  greniers  de  grains  et 
d'autres  denrées.  Qn  compte  neuf  châteaux  qu  il 
a  fait  bâtir,  et  cependant  il  lui  ratait  toujoun 
assez  d'argent;  c'est  qu'il  suivait  le  bon  consdl 
que  son  fou  lui  avait  donné.  Un  jour ,  qu'il  « 
plaignait  de  manquer  d'argent,  le  fou  lui  dit  : 
Fais-toi  percepteur.  Il  exigeait  des  comptes  sévè- 
res de  ses  serviteurs.  Quand  il  venait  dans  un  de 
ses  châteaux ,  il  mangeait,  buvait ,  se  faisait  doii- 

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»■    LUTRBR*  827 

ner  di>  fourrage  comme  un  hôte  ordinaire,  et 
payait  tout  comptant.  Par  là  ilôtaità  ses  gens  l'oc- 
casion de  s'excuser ,  en  disant  :  On  a  tant  con- 
sommé de  choses ,  quand  le  prince  est  Tenu  ! 

9  L'électeur  Frédéric-le-Sage  disait  à  Worms , 
en  1^1  :  «Je  ne  trouve  point  d*église  romaine 
dans  ma  croyance;  mais  une  commune  église 
chrétienne  ,  je  l'y  trouve.  » 

«  Ce  même  prince  avait,  di^  Hélanthion ,  près, 
de  Wiltemberg  un  cerf  apprivoisé , qui  ,,pendant 
bien  des  années,  allait,  au  mois  de  septembre, 
dans  la  forêt  voisine ,  et  revenait  exactement  en 
octobre.  Lorsque  l'Électeur  fut  mort,  le  cerfjpar- 
tit  et  l'on  ne  le  revit  plus. 

»  En  1525 ,  rélecteur  Jean  de  Saxe  me  demanda 
s'il  devait  accorder  aux  paysans  leurs  douze  ar- 
ticles. Je  le  détournai  entièrement  d'en  approu- 
ver un  seul. 

»  Le  duc  Jean  disait  en  1525,  en  apprenant  la 
révolte  des  paysans:  «  Si  le  Seigneur  veut  que  je 
reste  prince ,  que  sa  volonté  soit  faite ,  mais  je  puis 
aussi  être  un  autre  homme.  » 

Luther  blâme  la  patience  de  ce  prince,  qui  avait 
appris  des  moines ,  ses  confesseurs  »  à  supporter  la 
désobéissance  de  ses  gens. 

n  disait  à  Luther  :  •  Mon  fils,  le  duc  Ernest,  m'a 

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328  HivoiftBS 

écrit  uue  lettre  latine  pour  me  demander  à  courir     I 
un  cerf.  Je  veux  qu'il  étudie;  Usera  toujours  à 
même  d'apprendre  à  laisser  pendre  deux  jambes 
•ur  un  cheval.» 

«  Le  même  prince  avait  toujours  pour  sa  garde 
six  nobles  jeunes  garçons,  qui  restaient  dans  a 
cbambre  et  qui  lui  lisaient  la  Bible  six  heures  par 
jour.  Sa  Grâce  électorale  s^endormait  quelquefois, 
mais  il  n'en  citait  pas  moins  à  son  réveil  quelques 
belles  paroles  qu'il  avait  remarquées  et  retenues. 
— Pendant  la  prédication  il  tenait  près  de  lui  des 
écrivains,  et  lui*méme  de  sa  propre  main  recueil- 
lait les  paroles  de  la  bouche  du  prédicateur. 

»  Lorsque  Ferdinand  fut  élu  roi  des  Romains 
à  Cologne,  le  jeune  duc  Jean-Frédéric  y  fut  en- 
voyé pour  protester  de  la  part  de  son  seigneur 
et  père.  Dès  qu'il  eut  exécuté  ses  ordres,  il  re- 
partit au  grand  galop ,  et  comme  il  avait  à  peine 
passé  la  porte,  on  envoya  des  gens  pour  courir 
après  lui  et  le  prendre.  (1531.) 

>  On  dit  que  l'Empereur  a  fait  entendre ,  après 
avoir  lu  notre  Confession  et  apologie,  qu'il  voulait 
que  l'on  enseignât  etque  l'on  préchat  dansle  même 
sens  par  tout  le  monde.  Le  duc  Greorge  auraU  dit 
aussi  qu'il  savait  très  bien  qu'il  y  avait  beaucou.^ 
d'abus  à  réformer  dans  l'Église,  mais  qu'il  ne  voWih. 

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DB    LUTBCR.  B29 

lait  pas  de  cette  réforme ,  quand  elle  venait  d'un 
moine  défroqué. 

»  La  dernière  fois  que  l'électeur  Jean  alla  à  la 
chasse ,  tout  le  gibier  lui  échappait.  Les  bétes  ne 
voulaient  plus  le  reconnaître  pour  maître^  c'était 
un  présage  de  sa  niort.(153S.) 

»  Le  duc  Jean-Frédéric,  qui  a  été  si  bien  pillé 
et  dépouillé  par  ceux  de  la  noblesse,  a  appris  à 
ses  dépens  à  les  connaître. 

»  L*électeur  Jean-Frédéric  est  naturellement 
colère,  mais  lisait  à  merveille  dompter  son  cour- 
roux.— Il  aime  à  bâtir  et  à  boire;  il  est  vrai  qu'un 
ai  grand  corps  doit  tenir  plus  qu'un  petit.  —  Il 
donne  par  ans  mille  florins  pour  l'université; 
pour  le  pasteur,  deux  cents,  avec  soixante  bois- 
seaux de  froment  ;  de  plus  soixante  florins  à  cause 
des  leçons  publiques.  »  Il  envoya  ^une  ibis  cinq 
cents  florins  à  Luther  sur  les  fonds  d'une  abbaye 
pour  marier  quelque  pauvre  religieuse. 

»  Quoique  le  docteur  Jbnas  l'y  engageât ,  Lu- 
ther refusa  de  demander  à  l'Électeur  une  nou- 
velle Visitation  deséglises.  «  lia  soixaMte-dix  con- 
seillers qui  crient  à  le  rendre  sourd.  Us  lui  disent  : 
Quel  bon  conseil  peut  donnejr  le  scribe  ?  eonten- 
tons-nousde  prier  Dieu  qu'il  dirige  le  cœur  du 
prince» 

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330  HiHOlRIS 

Du  landgrave  Philippe  de  Heise. — Le  Land- 
grave est  un  pieux,  intelligent  et  joyeax  seigneur: 
il  maintient  une  bonne  paix  dans  sa  terre,  qui 
n'est  que  pierres  et  forêts;  de  sorte  que  les  gem 
y  peuvent  voyager  et  commercer  sans  crainte... 
Le  Landgrave  est  un  guerrier,  un  Arminius,  pe- 
tit de  sa  personne ,  mais ,  etc.  Il  consulte  et  soit 
aisément  les  bons  conseils  ;  la  résolution  une  fois 
prise ,  il  exécute  promptemcnt. — L'Empereur  lui 
a  offert ,  pour  lui  faire  quitter  l'Évangile ,  la  pos- 
session paisible  du  comté  de  Katzenellenbogen , 
et  le  duc  George  l'aurait  fait  à  9e  prix  son  héri- 
tier... Il  a  une  tête  hessoise;  il  ne  peut  se  repo- 
ser ,  il  faut  qu'il  ait  quelque  chose  à  faire...  C'était 
une  grande  audace  de  vouloir,  en  1528 ,  envahir 
les  possessions  des  évêques;  et  c'a  été  un  acte 
plus  grand  d'avoir  rétabli  le  duc  de  Wurtemberg 
et  chassé  le  roi  Ferdinand  de  ce  pays.  Moi  et  Mé- 
lanchton ,  nous  fûmes  appelés  à  cette  occasion  à 
Weimar,  et  nous  employâmes  toute  notre  rhéto- 
rique à  empêcher  sa  Grâce  de  rompre  la  paix  de 
l'Empire...  Il  en  devint  tout  rouge  et  s'emporta. 
Cependant  c'est  une  âme  tout-à-fait  loyale. 

»  Dans  le  colloque  de  Marbourg,  en  1529, sa 
Grâce  vint  avec  un  petit  habit ,  de  sorte  que  per- 
sonne ne  l'aurait  reconnu  pour  le  Landgrave;  et 

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DB    LVTHBR.  331 

cependant ,  it  était  occupé  de  grandes  pensées.  li 
consulta  Mélanchton ,  et  lui  dit  :  «  Cher  maître 
Philippe ,  dois-je  souffrir  que  Tévéque  de  Mayence 
me  chasse  par  violence  mes  prédicateurs  évangé- 
liques?  «Philippe  répondit:  Si  la  juridiction  du 
lieu  appartient  à  Tévêque  de  Mayence,  votre 
Grâce  ne  peut  l'empêcher.  »  Permis  à  vous  de 
conseiller,  répondit  le  Landgrave ,  mais  je  n'agi- 
rai pas  moins.  • 

«A  la  diète  d' Au gshourg,  en  ISSO,  le  land- 
grave dit  publiquement  aux  évéques:  »  Faites  la 
paix ,  nous  vous  le  demandons.  Si  vous  ne  la  fai- 
tes point  et  qu'il  me  faille  descendre  de  mes 
montagnes,  j'en  saisirai  au  moins  un  ou  deux.  * 

c  Dieu  a  jeté  le  Landgrave  au  milieu  de  l'Em- 
pire. Il  a  autour  de  lui  quatre  électeurs  et  le  duc 
de  Brunswick  ;  et  il  les  &it  tous  trembler.  C'est 
que  le  commun  peuple  lui  est  attaché.  Avant  de 
rétablir  le  duc  de  Wurtemberg ,  il  était  allé  en 
France ,  et  le  roi  de  France  lui  avait  prêté  beau- 
coup d'argent  pour  la  guerre. 

»  Si  le  Landgrave  s'enflamme  une  fois...!  C'est 
ce  qui  nous  est  arrivé ,  à  moi  et  à  maître  Philip- 
pe ,  lorsque  nous  le  détournions  humblement  et 
£sûblement  de  la  guerre;  «  Qu'arrivera-t-il  si  je 
souffre  vos  conseils  et  si  je  n'agis  point  ?  t  —  C'est 

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332  nixoiAE» 

un  miracle  da  Dieu.  Le  Landgrave  esl  un  prince 
peu  puissant,  cependant  on  le  redoute;  c'est  un 
héros.  Il  a  renvoyé  les  évéques  au  chœur...  Les 
Saxons  et  ceux  de  la  Hesse,  lorsqu'ils  sont  en 
selle,  sont  de  vraja  cavaliers.  Les  cavaliers  des 
hautes  terres  (du  raidi  derAllemagne)  ne  sont  que 

des  danseurs.  Dieu  nous  conserve  le  Landgrave. 

Dieu  nous  préserve  de  la  guerre!  les  gêna  de 
guerre  sont  des  diables  incarnés.  Je  ne  parle 
pas  seulement  des  Espagnols,  mais  auasi  des 
Allemands. 

>  Après  la  diète  de  Francfort,  en  lâS9,  environ 
neuf  mille  soldats  d'élite  furent  rassemblés  autour 
de  Brème  et  de  Lunebourg  pour  être  eaiployés 
contre  les  états  protestans.  Hais  l'électeur  de 
Saxe  et  le  landgrave  de  Hesse  leur  firent  parler 
par  le  chevalier  Bernard  de  Mila,  leur  donnèrent 
de  l'argent  comptant  et  les  attirèrentà  eux.  £n* 
suite  mourut  subitement  le  duo  George,  etc.  » 

«Le  Umdgnupe  de  Hwse  et  de  Thuringe»  Louis- 
le-Fameux ,  était  un  seigneur  dur  et  colérique.  Il 
était  tenu  prisonnier  par  Vévêque  de  Hall,  il  aauta 
par  une  fenêtre  du  haut  du  château  et  du  rocher 
dana  la  Sak,  nagea,  a'aida  d'un  tronc  d^arlive  et 
échappa.  Il  sévissait  toujours  cruellement  conUra 
ses  sujete.  Sa  femme  s  avisa  de  lui  servir  de  la 

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Bl   LUTHER.       '  333 

viande  un  vendredi  saint,  et  comme  il  n'en  vou- 
lait pas  manger;  elle  lui  dit  :  «  Cher  seigneur,  vous 
craignez  ce  péché,  lorsque  vous  en  faites  tous  les 
jours  de  plus  grands  et  de  plus  horribles.  »  Hais 
elle  fut  obligée  de  s'enfuir  et  de  quitter  ses  en- 
fans.  Au  moment  de  son  départ ,  à  minuit ,  elle 
baisa  son  enfant  qui  était  enqpre  au  berceau ,  le 
bénit ,  et ,  dans  un  transport  d'amour  maternel , 
elle  le  mordit  à  la  joue  (i).  Accompagnée  d'une 
jeune  fille,  elle  descendit  par  une  corde  du  châ- 
teau de  Wartbourg ,  tout  le  long  du  précipice. 
Son  maitre-d'hôtel  Tattendait  avec  un  chariot, 
et  la  conduisit  secrètement  à  Francfort-sur-le- 
Mein.  —  Quand  ce  landgrave  mourut,  on  l'affu- 
bla d'un  habit  de  moine ,  ce  qui  faisait  beaucoup 
rire  tous  ses  chevaliers. 

«  £n  Italie,  les  hôpitaux  sont  bien  pourvus  » 
Lien  bâtis.  On  y  donne  une  bonne  nourriture; 
il  y  a  des  serviteurs  attentif  et  de  savans  méde^ 
cins.    Les  lits  et  les  habits  sont  très  propres  : 


(i)  Luther  appelle  Louis  ce  landgrave ,  qui  s'appelait 
effectivement  Ailert-ie-Dênaturé ,  et  vivait  en  ia88.  Sa 
femmey  Marguerite  était  fille  de  l'empereur  Frédéric  II; 
Bon  fils  est  Frédérie  I ,  dit  le  Mordu. 


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334  ■ivoiiss 

rintérieur  des  bâtimens  orné  de  belles  peintu- 
res. Aussitôt  qu'un  malade  y  est  amené;  on  lui 
aie  ses  habits  en  présence  d'un  notaire  qui  ea 
dresse  une  note  et  une  description  exacte  pour 
qu'ils  lui  soient  bien  gardés.  On  le  revêt  d'un 
Barreau  blanc,  on  le  met  dans  un  lit  bien  £ut  et 
dans  des  draps  blancs  ;  on  ne  tarde  pas.à  lui  ame- 
ner deux  médecins ,  et  les  serviteurs  viennent  lui 
apporter  à  mangera  boire  et  dans  des  verres  bien 
propres,  qu'ils  touchent  du  bout  du  doigt.  Il  vient 
aussi  des  dames  et  matrones  honorables  qui  se  voi- 
lent pendant  quelques  jours  pour  servir  les  pau- 
vres, de  sorte  qu'on  ne  sait  point  qui  elles  sont, 
et  elles  retournent  ensuite  chez  elles.  —  Tdi  tu 
aussi  à  Florence  que  les  hôpitaux  étaient  servis 
avec  tous  ces  soins  :  de  même  les  maisons  des  ea- 
&ns-trouvés,  où  les  petits  enfans  sont  nourris  tu 
mieux,  élevés,  enseignés  et  instruits.  Ils  les  ornent 
tous  d'un  costume  uniforme,  et  en  prennent  le  plus 
grand  soin. 

»  Je  ne  manque  point  de  drap,  mats  je  ne 
puis  me  décider  à  me  faire  foire  des  culottes.  La 
miennes  ont  été  raccommodées  quatre  fois  et  le 
seront  encore.  Les  tailleurs  ne  font  rien  de  bec 
et  prennent  trop  cher.  Cela  va  bien  mieux  en  Ita- 
lie; les  tailleurs  ont  une  corporation  particalièra 
qui  ne  fait  que  des  culottes. 

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DB   LUTHEK.  335 

>  En  Espagne,  pour  les  couches  de  Timpéra- 
trice,  trente  hommes  se  sont  fouettés  jusqu'au 
sang,  afin  de  lui  obtenir  un  heureux  enfantement, 
deux  même  en  sont  morts ,  et  cependant  la  mère 
ni  le  fœtus  n'ont  pu  être  délirrés.  Qu'a-t-on  fait 
de  plus  chez  les  païens?  (14  août  1539.) 

En  Italie  et  en  France,  les  curés  sont  générale- 
ment des  ânes.  Si  o.n  leur  demande  :  Quoi  suni 
#ac#'ain<?n^a?ilsrépondent:  Très. — Quce?Réponse  : 
Le  goupillon ,  l'encensoir  et  la  croix. 

9  En  France ,  il  y  a  eu  tant  de  superstition  , 
que  les  serfs  et  serviteurs  voulaient  pour  la  plu- 
part se  faire  moines.  Il  fallut  que  le  roi  défendit 
la  moinerie.  La  France  est  abîmée  dans  la  super- 
stition. Les  Italiens  de  même  sont  ou  superstitieux 
ou  épicuriens.  C'est  un  propos  commun  en  Ita- 
lie ,  qnand  ils  vont  à  l'église  de  dire  :  Allons  au 
préjugé  populaire. 

»  Lorsque  je  vis  Rome ,  je  tombai  à  genoux , 
levai  les  mains  au  ciel  et  dis  :  Salut,  sainte 
Rome ,  sanctifiée  par  les  saints  martyrs  et  par 
leur  sang  qui  y  a  été  versé...;  mais  elle  est  main-r 
tenant  déchirée,  und  der  teufel  hat  den'papst, 
seiaen  dreek,  darauss  geschissen.  —  Cent  ans 
avant  Jésus-Christ,  Rome  avait  quatre  millions 
de   citoyens;  peu  après,  neuf  millions;  certes, 

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235  MÉMOIRES  ^ 

cela  devait  faire  un  peuple,  si  tontefois  la  chose 
est  vraie.  — A  Venise,  trois  cent  mille  feux;  à 
Erfurt ,  dix  -  huit  mille  murs  à  feu  (  mors  mi- 
toyens )  :  à  Nuremberg  ,  à  peine  la  moitié«  — 
Rome  n'est  plus  qu'une  charogne  et  un  tas  de 
cendres...  Les  maisons  sont  aujourd'hui  où  étaient 
les  toits  de  Tancienne  Rome;  telle  est  l'épaisseur 
des  décombres ,  qu'il  y  en  a  la  hauteur  de  deux 
lances  de  landsknecht  (1).  Rien  n'y  est  à  louer 
que  le  consistoire  et  la  cour  de  Rote,  où  les  af- 
faires sont  instruites  et  jugées  avec  beaucoup  de 
justice. , 

Le  docteur  Staupitz  avait  entendu  dire  à  Rome , 
en  IBli ,  que  d'après  une  vieille  prophétie,  un 
ermite  s'élèverait  sous  le  pape  Léon  X ,  et  atta- 
querait la  papauté;  or,  les  augnstins  s'appelent 
aussi  ermites. 

»  Je  ne  voudrais  pas,  pour  cent  mille  florins, 
ne  pasafoir  vu  Rome;  je  me  serais  toujours  in- 
quiété si  je  ne  faisais  pas  injustice  au  pape.  »  — 
Il  répète  trois  fois  ces  paroles. 

«  Il  y  avait  en  Italie  un  ordre  particulier ,  qui 
s'appelait  les  Frèreê  de  l'ignorance.  Ils  devaient 

(i)  Voye»  le  f^oy^ge  de  Monfwgne. 

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DB   L0THER.  337 

jurer  de  ne  rien  sayoir  et  de  ne  vouloir  rien 
apprendre.  Tous  les  moines  méritent  le  même 
nom.  » 

Un  soir,  à  la  table  de  Luther,  il  se  trouvait  un  * 
vieux  prêtre  qui  racontait  beaucoup  de  choses  de 
Rome.  Il  y  était  allé  quatre  fois  et  y  avait  officié 
pendant  deux  ans.  Quand  on  lui  demanda  pour- 
quoi il  y  était  allé  si  souvent,  il  répondit  :  «  La 
première  fois  j'y  cherchais  un  filou,  la  seconde 
je  le  trouvais,  la  troisième  je  l'emportais  avec 
moi,  et  la  quatrième  je  l'y  rapportais  et  le  plaçais 
derrière  l'autel  de  Saint-Pierre.  » 

«  Christoff  Gros ,  qui  avait  été  long-temps  à 
Rome,  trabant  du  pape ,  parla  beaucoup  des  pays 
par  où  l'on  va  vers  la  Terre-Sainte ,  de  l'Aragon 
et  de  la  Biscaye.  Us  ont  pour  signe  du  bap- 
tême une  petite  cicatrice  au  nez ,  juste  sous  les 
yeux.  » 

«  Les  Écossais  sont  la  nation  la  plus  fière  ;  beau- 
coup se  sont  réfugiés  en  Allemagne,  à  £rfurth  et 
à  Wurtibourg;  ils  n'admettent  personne  comme 
moines  dans  leurs  couvens.  Les  Écossais  sont  mé- 
pri.sés  des  autres  nations,  comme  les  Samaritains 
par  les  Juifs.  » 

«  Les  Anglais  ont  été  chassé  de  France  après 

20 

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338  HÉMOIRES 

leur  défaite  à  Hontlhéri,  entre  Paris  et  Orléans(l). 
— Ils  ne  laissent  personne  à  Calais,  à  moins  qu'il 
ne  parle  anglais  dans  tant  d'heures.  » 

«  La  peste  règne  toujours  en  Angleterre.  — 
L'Angleterre  est  un  morceau  de  l'Allemagne.  — 
Les  langues  danoise  et  anglaise  sont  du  saxon, 
c'est-à-dire  du  véritable  allemand,  tandis  cpie  la 
langue  de  l'Allemagne  supérieure  n'est  point  la 
vraie  langue  allemande.  —  La  Souabe  et  la  Ba- 
vière sont  hospitalières  ;  au  contraire  la  Saxe.  — 
Luther  préfère  le  dialecte  de  la  Hesse  à  tous  l& 
autres  de  l'Allemagne,  parce  que  les  Hessois  ac- 
centuent les  mots  comme  s'ils  chantaient.  » 

Diversité  des  langues,  —  «  Supériorité  de  l'al- 
lemande :  elle  fait  sentit^  que  les  Allemands  sont 
gens  plus  simples  et  plus  vrais.  Au  contraire, 
c'est  un  proverbe  :  les  Français  écrivent  autre- 
ment qu'ils  ne  parlent,  et  parlent  autrement 
qu'ils  ne  pensent.  —  L'allemand  se  rapporte  au 
grec. Le  latin  est  sec,  il  n'a  pas  de  lettres  doubles. 
—  Finesse  des  Saxons  et  bas  Allemands,  ils  sont 
pires  que  les  Italiens ,  quand  ils  adoptent  les  idée« 


(i)  Il  est  inutile  de  relever  les  erreurs  grossières  dont 
iourmille  ce  chapitre. 


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DE    LUTHBR.  339 

de  ritalie.  —  les  habitations  et  l'aspect  des  pays 
changent  ordinairement  dans  l'espace  d'un  siècle. 
Il  y  a  peu  d'années  que  la  Hesse ,  la  Franconie , 
la  Westphalie,  n'étaient  qu'un  désert.  Au  con- 
traire, autour  de  Halle,  d'Halberstadt,  et  chez 
nous,  on  fait  jusqu'à  trois  milles  sans  trouver 
rien  que  bruyères ,  tandis  qu'autrefois  il  y  avait 
des  terres  cultivées.. Dieu  aura  ôté  la  fertilité  au 
pays,  pour  punir  les  habitans.  > 

«  Nous  sommes  de  bons  compagnons,  nous 
autres  Allemands,  nous  buvons,  nous  mangeons , 
nous  cassons  nos  vitres,  nous  perdons  en  une 
soirée  cent ,  mille  florins  ou  plus ,  et  nous  ou- 
blions le  Turc  qui,  en  trente  jours,  peut  être  avec 
sa  cavalerie  légère  à  Wittemberg.  » 

«  En  France ,  chacun  a  son  verre  à  table.  — 
Les  Français  se  préservent  de  l'air  j  s'ils  suent, 
ils  se  couvrent,  s'approchent  du  feu,  se  mettent 
an  lit;  sans  cela  ils  auraient  la  fièvre.  Deux  per- 
sonnes dansent  à  la  fois,  les  autres  regardent;  au 
contraire  en  Allemagne.  —  Les  prêtres  d'Italie  et 
de  France  ne  savent  pas  même  leur  langue.  » 

>  Dans  mon  voyage  sur  le  Rhin,  je  voulus  dire 
la  me£88 ,  mais  un  prêtre  me  dit  :  «  Vous  ne  le 
pouvez  :  nous  suivons  ici  le  rit  ambroisien.  > 

•  George  Fœgeler,  chancelier  du  margrave, 
• 

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340  nÉuoiBBS 

(lisait  que  dans  la  Bavière  il  y  avait  plus  de  cent 
vingt-cinq  curea  vacantes,  parce  qu'on  ne  pou- 
vait trouver  aucun  ecclésiastique. 

»  Dans  la  Bohême,  il  y  a  environ  trois  cents 
cures  vacantes,  de  même  chez  le  duc  George. 

»  La  Thuringe  avait  autrefois  un  sol  très  fer- 
tile en  grain,  surtout  autour  d'£rfurt;mais  main- 
tenant elle  est  frappée  de  malédiction.  Le  blé  7 
est  plus  cher  qu'à  Wittemberg.  C'est  ce  que  j'ai 
vu ,  il  y  a  un  an,  lorsque  j'étais  à  Smalkald  ;  ifs 
n'avaient  qu'un  mauvais  pain  noir...  Ils  ont  de 
telles  vendanges  qu'on  pourrait  donner  la  pinte 
pour  trois  liards;  si  elles  étaient  moitié  moins 
bonnes,  ils  seraient  très  riches;  mais  maintenant 
ils  donnent  le  vin  pour  le  tonneau. 

»  L'électorat  de  Saxe  a  eu  douze  coavens  de 
moines  déchaux ,  mineurs,  cinq  de  prêcheurs, 
moines  de  saint  Paul  et  carmélites,  et  quatre 
d'augustins.  Voilà  seulement  pour  les  moines  men- 
dians,  qui,  aujourd'hui  se  dissipent  d'eux-mêmes. 
—  Alors,  un  Anglais  qui  se  trouvait  à  table  chei 
le  docteur ,  se  mit  à  dire  qu'en  Angleterre»  il  n'y 
avait  guère  de  milles  carrés  d'AUeniagne,  où 
Ton  ne  trouvât  trente-deux  cloitres  de  moines 
raendians. 

»   Le  vieil  électeur  de  Brandebourg,  Joacbîm, 

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disait  une  fois  au  duc  de  Saxe  Frédéric  :  Gom- 
ment pouvez- vous,  vous'autres  princes  de  Saxe, 
frapper  de  la  monnaie  si  forte  ?  Nous  y  avons  ga- 
gné trois  tonnes  d'or  (en  renvoyant  une  monnaie 
inférieure  dans  la  Saxej 

La  princesse  de  A.  (Anhalt),  venant  à  Wittem- 
berg,  se  rendit  chez  Luther,  et  insista  vivement 
pour  discuter  avec  lui,  quoiquil  fût  malade  et 
*que  ce  fût  à  une  heure  indue.  Il  s'excusa  en  luî 
disant  :    «  Noble  dame,  je  suis  rarement  bien 
portant  dans  toute  l'année  ;  je  souffre  presque 
toujours  ou  du  corps  ou  de  l'esprit.  »  Elle  lui  ré* 
pondit  :   «  Je  le  sais,  mais  nous,  nous  ne  pou- 
vons pas  non  plus  vivre  tous  dans  la  piété.  »   Le 
docteur  lui  dit  alors  :    «  Vous  autres  de  la  no- 
blesse^ cependant,  vous  devriez  tous  être  pieux 
et  irréprochables,  car  vous  êtes  peu,  vous  for- 
mez un  cercle  étroit.  Nous,  gens  du  commun  et 
des  basses  classes ,  nous  nous  corrompons  par  la 
multitude;  nou»  sommes  en  grand  nombre;  il 
n'est  donc  pas  étonnant  qu'il  y  ait  si  peu  de  gens 
pieux  parmi  nous.  C*est  chez  vou#,  personnes 
nobles  et  illustres ,  que  nous  devrions  trouver 
des  exemples  de  piété,  d'honnêteté,  etc.  »  Et  il 
consinva  de  lui  parler  sur  ce  ton.  (Tischreden  , 
p.  341 ,  verso.) 

29. 

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342  HéiioiEKS 

Luther  avait  dans  sa  maison  et  à  sa  table  un 
Hongrois,  nommé  Mathias  de  Yai.  De  retour  en 
Hongrie,  il  y  prêcha,  et  fut  accusé  par  un  prédi- 
cateur papiste  devant  le  moine  €reorge,  frère  du 
Vayvode ,  alors  gouverneur  et  régent  à  Bnde.  Le 
moine  George  fit  apporter  deux  tonneaux  de 
pondre  sur  le  marché,  et  dit  :  «  Si  l'un  de  tous 
deux  prêche  la  bonne  doctrine,  asseyez-TOus 
dessus,  j*y  mettrai  le  feu;  nous  verrons  lequel 
des  deux  restera  vivant.  »  Le  papiste  refusa,  Ma> 
ihias  s^élança  sur  un  des  tonneaux.  Le  papiste  et 
les  siens  furent  condamnés  à  payer  quatre  cents 
florins  de  Hongrie ,  et  à  entretenir  pendant  un 
certain  temps  deux  cents  hommes  d^armes.  la- 
thias  eut  la  permission  de  prêcher  FÉvangile. 
(Tischr.,p.  18.) 

Un  seigneur  hongrois,  nommé  Jean  Hunîade, 
se  trouvant  àXorgau,  comme  ambassadeur  du 
roi  Ferdinand  auprès  de  l'électeur  Jean-Frédé- 
ric ,  pria  celui-ci  de  faire  venir  Luther  pour  qu'il 
pût  le  voir  et  lui  parler.  Luther  y  vint  ;  à  table , 
Tambassadeur  dit  qu'en  Hongrie  les  prêtres  don- 
naient la  communion  tantôt  sous  une,  tantôt 
sous  deux  espèces ,  et  qu'ils  prétendaient  que  la 
chose  était  indifférente.  «  Révérend  père ,  ajouta- 
t-il,  en  s'adressant  à  Luther,  me  permetiez-vous 

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DB   LUTHER.  343 

de  TOUS  demander  ce  que  vous  pensez  de  ces  prê- 
tres ?»  Le  docteur  repondit  qu'il  les  regardait 
comme  de  méprisables  hypocrites,*  Car,  dit-il, 
s'ils  étaient  bien  conyaincus  que  la  communion 
sous  deux  espèces  est  d'institution  divine ,  ils  ne 
pourraient  continuer  de  la  donner  sous  une 
seule.  » 

Luther  cacha  le  dépit  que  la  question  de  Tara- 
bassadeur  lui  avait  causé ,  et  quelque  temps  après, 
il  se  tout'na  vers  lui ,  en  disant  :  ce  Seigneur,  j'ai 
répondu  à  ce  que  votre  Grâce  me  demandait.  Me 
permettra-telle  de  lui  faire  une  question  à  mon 
tour  ?  »  L'ambassadeur  le  lui  permettant ,  il  con-* 
tinua  :  «  Je  suis  étonné  que  vos  pareils,  les  con- 
seillers des  rois  et  des  princes,  qui  savent  bien 
que  la  doctrine  de  l'Évangile  est  la  véritable,  ne 
laissent  pas  de  la  persécuter  de  toutes  leurs  forces. 
Me  pourriez-vous  dire  d'où  cela  vient?»  A  ces 
mots,  André Pflug, l'un  des  convives,  voyant  l'em- 
barras du  seigneur  hongrois,inter rompit  Luther  et 
parla  vivement  d'autre  chose,  de  sorte  que  le 
seigneur  fut  dispensé  de  répondre.  (Tischr. ,  p. 
148.) 

Le  chapitre  des  Propos  de  table  où  se  trouve 
réuni  tout  ce  que  Luther  a  dit  sur  les  Turcs,  est 

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344  MéHOi&És 

fort  curieux  coiume  peinture  des  alarmes  qu'é- 
prouvai ent  alors  toutes  les  familles  chrétiennes. 
Chaque  mouvement  des  harhares  est  marqué  par 
un  cri  de  terreur.  C'est  la  même  scène  que  celle 
de  Goetz  de  Berlichingen ,  où  le  cheTaHer  ne 
pouvant  agir,  se  fait  rendre  compte  par  les  sieos 
du  conihat  qui  a  lieu  dans  la  plaine ,  et  qu% 
contemplent  du  haut  d'une  tour;  c'est  la  mène 
anxiété  d'un  péril  toujours  croissant  et  qu'on  ert 
dans  l'impuissance  d'éviter  ou  de  con^battre. 

»  Le  Turc  ira  à  Rome ,  et  je  n'en  suis  pas  trop 
fâché ,  car  il  est  écrit  dans  le  prophète  Daniel ,  etc. 
Une  fois  le  Turc  à  Rome,  le  Jugement  dernier 
n'est  pas  loin. 

>  Le  Christ  a  sauvé  nos  âmes;  il  faudra  qu'il 
sauve  aussi  nos  corps;  car  le  Turc  va  donner  un 
bon  coupa  l'Allemagne.  Je  pense  souvent  à  tous 
les  maux  qui  vont  suivre,  et  il  m'en  vient  la 
sueur...  La  femme  du  docteur  s'écria  :  Dieu  nous 
préserve  des  Turcs!  Non,  reprit-il,  il  faut  bien 
qu'ils  viennent  et  qu'ils  nous  secouent  comme  il 
faut. 

'  »  Qui  m'eût  dit  que  je  verrais  en  face  l'un  de 
l'autre  les  deux  empereurs,  les  rois  du  Midi  et  du 
Septentrion  ?...  Oh  !  priez ,  car  nos  gens  de  guerre 
sont  trop  présomptueux,  ils  comptent  trop  sur 

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DE    LUTHER.  345 

leur  force  et  sur  leur  nombre.  Cela  ne  peut  pas 
bien  finir.  £t  il  ajoutait  :  Les  chevaux  allemands 
sont  plus  forts  que  ceux  des  Turcs;  ils  peuvent 
les  renverser;  ceux-ci  sont  plus  légers,  mais  plus 
petits. 

«  Je  ne  compte  point  sur  nos  murs,  ni  sur  nos 
arquebuses ,  mais  sur  le  Pater  nosfer.  C'est  là  ce 
qui  battra  les  Turcs;  le  décalogue  n'y  suffît  pas.  > 

Luther  dit  qu^après  avoir  depuis  long-temps 
désiré  de  connaître  l'Alcoran,  il  en  trouva  enfin 
une  mauvaise  version  latine  de  ISOO,  et  qu'il  la 
traduisit  en  allemand,  afin  de  mieux  faire  con- 
naître l'imposture  de  Mahomet.  Dans  son  «  In- 
struction tirée  de  l'Alcoran,  ■  il  prouve  que  ce 
n'est  point  Mahomet  qui  est  l'Anti  Christ  (car  Tim- 
posture,  dit-il ,  est  trop  visible  en  celui-ci),  mais 
plutôt  le  pape  avec  son  hypocrisie.  —  «  Il  y  a 
trois  ans  qu'un  moine  du  pays  des  Maures  vint 
ici.  Nous  disputâmes  avec  lui  par  l'intermédiaire 
d'un  interprète,  et  comme  il  fut  confondu  en  tous 
points  par  la  Parole  de  Dieu,  il  dit  à  la  fin  : 
«  C'est  là  une  bonne  croyance  .  » 

Les  juifs,  à  titre  de  juife  et  d'usuriers,  étaient 
fort  mal  avec  Luther. 

c  Nous  ne  devons  pas  souffrir  lea  juifs  parmi 
nous.  On  ne  doit  ni  boire  ni  manger  avec  eux.  — 

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346  aimoiaBs 

Cependunl ,  dit  quelqu^im ,  il  est  écrit  que  1&  j  1 1 
seront  cooTertis  «Tant  le  Jugement —  —  îi  Ll  H 
écrit  auasi ,  dit  la  femme  de  Luther,  qu^  n  y  j  i 
qu'une  bergerie  et  un  berger.  —  Oui,  chèr^  '. 
therine,  dît  le  docteur.  Mab  cela  s^est  dtj 
compli ,  lorsque  les  païens  ont  embrassé  11- 
gile.  «(Tiscfar.,  p.  431,)  1 

■  Si  j'étais  à  la  place  des  seigneurs  de  *' 
ferais  Tenir  ensemble  tous  lesjui&,  et  je  les'*  ] 
manderais  pourquoi  ils  appellent  Christ  en 
de  p.... ,  et  sainte  Marie  une  coareuse.  S'il»  y 
Tenaient  à  le  prouTer,  je  leur  doiuiera!>  ^^- 
florinsj  sinon  je  leur  arracherais  la  laap 
^Tischr.,  p.  4il,  Terso.) 

Ptg«  1 34  •  hgam  1.  —  «/«  iM  puis  mer  ^K«/e  me  f= 
violent,.» 

Érasme  disait:  «  Luther  est  insatiable  dV^  ^ 
et  de  riolences;  c'est  comme  Oreste  furku  ' 
(Erasm,,  Epist.  non  sobria  Luther.) 


Pa^    l47«    ligne  l6:   Le  droit  impérial  matiemt  fèx: 


Cependant  Luther  le  préférait  encore  aa  dr 
saxon. 


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DE   LVTHEft.  347 

■  Le  docteur  Luther  parlant  de  la  grande  bar- 
barie et  dureté  du  droit  saxon,  disait  que  les 
choses  iraient  au  mieux  si  le  droit  impérial  était 
suivi  dans  tout  FËrapire.  Mai»  Fopinion  s*est  éta- 
blie à  la  cour ,  que  le  changement  ne  pouvait  se 
faire  sans  grande  confusion  et  grande  dévasta- 
tion.   «  (Tischreden ,  page  412. 

Page  148.  ligne  a5.  -~  «Te  te  le  conseille  ,  juriste,  laisse 
dormir  le  vieux  dogue,,  • 

Dans  son  avant-dernière  lettre   à  Mélanchton 
(6  février  15-46) ,  il   dit  en  parlant  des  légistes  : 
«  Osycophantes^ô  sophistes,  ô  peste  du  genre  hu- 
main !...  Je  t'écris  en  colère,  maïs  je  ne  sais  si,  de 
sang  froid ,  je  pourrais  mieux  dire.  » 

Page  i49»  ligne  6ê  —  Juristes  pieux..» 

Il  souhaite  qu*on  améliore  leur  condition. 

■  Les  docteurs  en  droits  gagnent  trop  peu  et 
sont  obligés  de  se  faire  procureurs.  En  Italie,  on 
donne  à  un  juriste  quatre  cents  ducats  ou  plus  par 
an  ;  en  Allemagne  ,  ils  n'en  ont  que  cent.  On  de- 
vrait leur  assurer  des  pensions  honorables,  ainsi 
qu'aux  bons  et  pieux  pasteurs  et  prédicateurs. 
Faute  de  cela ,  ils  sont  obligés  pour  nourrir  leurs 

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S48  MÉMOI&BS 

femmes  et  leurs  en&iDS,  de  s'occaper  de  l'a^ 
caltare  et  des  soins  domestiques.  •  (  Tischreden. 

pageiU.) 

Paga  i49*  —  .^Va  du  chapUrr. 

Au  comte  Albrecht  de  Mansfeld,  au  sujet  d^uoe 
affaire  de  mariage  :  «  Les  paysans ,  les  gens  gpoî- 
siersquine  recherchent  que  la  liberté  de  la  chair, 
les  légistes  qui  décident  toujours  contre  la  fol. 
m'ont  rendu  si  las,  que  j'ai  rejet<^  décidément  le 
fardeau  des  affaires  de  mariages,  et  que  j  ai  dit  è 
plusieurs  de  faire ,  au  nom  de  tous  les  diables,  c« 
qu'il  leur  plaira  :  SinUe  mofiuoê  sepelire  martuo*^ 
Le  monde  veut  le  pape!  qu'il  l'ait,  s'il  n*en  pent 
être  autrement.  Tous  les  légistes  tiennent  pour  lui. 
Je  ne  sais  vraiment  si,  moi  mort,  ils  auront  le  cou- 
rage d'adjuger,  à  mes  enfans,  le  nom  de  Luther 
et  mes  guenilles!  Ils  jugent  toujours  d'après  Ir 
droit  papal.  A  qui  la  faute?  A  tous  autres  sei- 
gneurs; qui  les  rendez  trop  fiers,  qui  les  soutenei 
dans  tout  ce  qui  leur  plait  de  décider,  qui  opprimes 
les  pauvres  théologiens ,  quelque  raison  qo1b 
puissent  avoir...  ■  (5  octobre  1536.) 

«  Il  faudrait  dans  un  pays  deux  cents  pastenr« 
contre  un  juriste.  Nous  devrions,  en  attendant. 


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DB   LVTHBft.  349 

changer  en  pasteurs  les  juristes  et  les  médecins. 
Vous  verrez  que  cela  viendra.  »  (Tischreden ,  page 

-  4 ,  verso.) 

Page  i57 ,  fin  dujpkapitre. 

Discussion  confidentielle  entre  Mélanchton  et 
Luther.  (1536.) 

MÂLAifcnroN  trouve  probable  Fopinion  de  saint 
Augustin,  qui  soutient  «  que  nous  sommes  justifiés 
par  la  foi,  par  la  rénovation,  »  et  qui,  sous  le 
mot  de  rénovation ,  comprend  tous  les  dons  et 
les  vertus  que  nous  tenons  de  Dieu  (i).  «  Quelle 
est  votre  opinion?  demanda-t-il  à, Luther.  Tenez- 
vous,  avec  saint  Augustin,  que  les  hommes  sont 
j  ustifiés  par  la  rénovation ,  ou  bien  par  imputa- 
tion divine  ?»  —  Luthee  répond  :  «  Par  la  pure 
miséricorde  de  Dieu.  ■  —  Mélanchton  propose  de 
dire  que  Fhomme  est  justifié  prmctpa/tV^r  par  la 
foi ,  et  minus  principaliler  par  les  œuvres ,  en 
sorte  que  la  foi  rachète  Fimperfection  de  celles- 
ci.  —  LvTn&E.  a  La  miséricorde  de  Dieu  est  seule 


(  I  )Mé1a]ichon  fait  remarquer  que  saint  Augustin  n'ex- 
prime pas  cette  opinion  dans  ses  écrits  de  controverse.^ 

80 


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860  uiHOi&ES 

la  yraie  justification.  La  justification  par  les  œu- 
vres n'est  qu'extérieure;  elle  ne  peut  nous  déli- 
vrer ni  du  péché  hi  de  la  mort.  ■  —  Mélahcitqi. 
Je  vous  demande  ce  qui  justifie  saint  Paul  et  le 
rend  agréable  à  Dieu ,  après  sa  régénération  par 
l'eau  et  l'esprit  ?  —  Lurm.  «  C'est  uniquemeat 
cette  régénération  même.  Il  est  devenu  juste  d 
agréable  à  Dieu  par  la  foi ,  et  par  la  foi  il  reste 
tel  à  jamais.  >  —  Mélanchton.  Est-il  justifié  par  la 
seulje  miséricorde,  ou  bien  l'est-il  princ^alemeut 
par  la  miséricorde ,  et  moins  principalement  par 
ses  vertus  et  ses  œuvres?  —  Luther.   «  Non  pas. 
Ses  vertus  et  ses  œuvres  ne  sont  bonnes  et  pures 
que  parce  qu'elles  sont  de  saint  Paul ,  c'est-à-dire 
d'un  juste.  Une  œuvre  plaît  ou  déplait ,  est  bonne 
ou  mauvaise,  à  cause  de  la  personne  qui  la  fait  > 
—  MÂLAifcnroN.  Mais  vous  enseignez  vous-méine 
que  les  bonnes  œuvres  sont  nécessaires,  et  saint 
Paul  qui  croit,   et  qui  en  même  temps  fait  la 
œuvres,  est  agréable  à  Dieu  pour  cela.  S'il  fiiîsalt 
autrement  il  lui  déplairait.  —  Luther.    ■  Le? 
œuvres  sont  nécessaires,  il  est  vrai ,  mais  c'est  par 
une  nécessité  sans  contrainte,  et  toute  autre  qne 
celle  de  la  Loi.  Il  faut  que  le  soleil  luise,  c'est 
une  nécessité  également  ;  cependant  ce  n'est  pas 
par  suite  d'une  loi  qu'il  luit ,  mais  bien  par  na- 

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DB   LDTHEB.  351 

tare,  par  une  qualité  inhérente  et  'qui  ne  peut 
être  changée  :  il  est  créé  pour  luire.  De  même  le 
juste,  après  la  régénération ,  fait  les  œuvres,  non 
pour  obéir  à  quelque  loi  ou  contrainte ,  car  il  ne 
lui  est  pas  donné  de  loi,  mais  par  une  nécessité 
immuable.  —  Ce  que  vous  dites  de  saint  Paul, 
qui,  sans  les  œuvres,  ne  plairait  pas  à  Dieu,  est 
obscur  et  inexact,  car  il  est  impossible  qu'un 
croyant,  c'est-à-dire  un  juste,  ne  fasse  ce  qui  est 
bien.  »  —  Mélakchtoit.  Sadolet  nous  accuse  de 
nous  contredire  en  enseignant  que  la  foi  seule 
justifie,  et  en  admettant  néanmoins  que  les  bon- 
nes œuvres  sont  nécessaires.  —  Lutheb.  «  C'est 
que  les  faux  frères  et  les  hypocrites ,  faisant  sem- 
blant de  croire,  on  leur  demande  les  œuvres  pour 
confondre  leur  fourberie...  ■  —  Mélauchton.  Vous 
dîtes  que  saint  Paul  est  justifié  par  la  seule  misé- 
ricorde de  Dieu.  A  cela  je  réplique  que  si  l'obéis- 
sance ne  venait  s'ajouter  à  la  miséricorde  divine, 
il  ne  serait  point  sauvé ,  conformément  à  la  parole 
(I.  Cor.  ix)  :  t  Malheur  à  moi ,  si  je  ne  prêchais 
pas  l'Évangile!  >  —  Lutheb.  «  Il  n'est  besoin  de 
rien  ajouter  à  la  foi;  si  elle  est  véritable,  elle  est 
à  elle  seule  efiicace  toujours  et  en  tout  point.  Ce 
que  les  œuvres  valent,  elles  ne  le  valent  que  par 
la  puissance  et  la  gloire  de  la  foi,  qui  est,  comme 

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352  MiMOIRES 

le  soleil ,  resplendissante  et  rayonnante  par  né- 
cessité dé  nature.  »  —  MÉLAncirToif .  Bans  saint  Au- 
gustin, les  œuvre  sont  incluses  en  ces  mots  :  Solâ 
fide.  —  Luther.  «  Quoi  qu'il  en  soit,  saint  Au- 
gustin fait  assez  voir  qu'il  est  des  nôtres,  quand 
il  dit  :  »  Je  suis  effrayé,  il  est  vrai,  mab  je  oe 
désespère  pas,  car  je  me  souviens  des  plaies  do 
Seigneur.  «  £t  ailleurs ,  dans  ses  Confessions  :  ■ 
Malheur  aux  hommes,  quelque  bonne  et  louable 
que  leur  vie  puisse  être,  s'ils  ne  sollicitent  Is 
miséricorde  de  Dieu...  «  —  Kélarcktok.  Est-eUe 
vraie ,  cette  parole  :  «  La  justice  est  nécessaire 
au  salut?  «  ~r  LvTHtB.  «  Non  pas  dans  ce  sens, 
que  les  œuvres  produisent  le  salut ,  mais  qu'elles 
sont  les  compagnes  inséparables  de  la  foi  qui  jns* 
tifie.  C'est  tout  de  même  qu'il  faudra  que  je  sois 
là  en  personne  lorsque  je  serai  sauvé.  » 

«  J'en  serai  aussi ,  >  dit  l'autre  qu'on  menait 
pour  être  pendu,  et  qui  voyait  les  gens  courir  a 
toutes  jambes  vers  le  gibet...  La  foi  qui  nous  est 
donnée  de  Dieu  régénère  l'homme  incessamment 
et  lui  fait  faire  des  œuvres  nouvelles,  mais  ce  ne 
sont  pas  les  œuvres  nouvelles  qui  font  que 
l'homme  est  régénéré..  Les  œuvres  n'ont  pas  de 
justice  par  elles-mêmes  aux  yeux  de  Dieu,  quoi* 
qu'elles  ornent  et   glorifient  accidentellement 

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DB  LUTHBa,  S53 

l'homme  qui  les  fait...  En  somme,'  les  croyans 
sont  une  création  nouvelle ,  un  arbre  nouveau. 
Toutes  ces  manières  de  dire  usitées  dans  la  Loi  ; 
telles  que  :  «  Le  croyant  doit  faire  de  bonnes  œu- 
vres, ne  nous  conviennent  donc  plus.  On  ne  dit 
pas  :  Le  soleil  doU  luirez  un  bon  arbre  doit  por- 
ter de  bons  fruits,  trois  et  sept  doivent  faire  dix. 
Le  soleil  luit  par  sa  nature,  sans  qu'on  le  lui  com- 
mande ;  le  bon  arbre  porte  de  même  ses  bons 
fruits;  trois  et  sept  ont  de  tout  temps  fait  dix; 
il  n'est  pas  besoin  de  le  commander  pour  l'a- 
venir. 

Le  passage  suivant  est  plus  exprès  encore,  a  Je 
pense  qu'il  n'y  a  point  de  qualité  qui  s'appelle 
foi  ou  amour,  comme  le  disent  les  rêveurs  et  les 
sophistes,  mais  je  reporte  cela  entièrement  au 
Christ,  et  je  dis  mea  formalis  justitia  (la  justice 
certaine,  permanente,  parfaite,  dans  laquelle  il 
n'y  a  ni  manque,  ni  défaut;  celle  qui  est  comme 
elle  doit  être  devant  Dieu) ,  cette  justice  c'est  le 
Christ,  mon  seigneur.  (Tischr. ,  p  ISS.) 

Ce  passage  est  un  de  ceux  qui  font  le  plus 
fortement  sentir  le  rapport  intime  de  la  doctrine 
de  Luther  avec  le  système  d'identification  abso- 
lue. On  conçoit  que  la  philosophie  allemande  ait 
abouti  à  Schelling  et  à  Hegel, 

80. 

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354  HiMOlABS 


Page  i58. 


Les  papistes  se  moquaient  beaucoup  des  qua- 
tre nouTeaux  Évangiles.  Celui  de  Luther,  qui 
condarame  les  œuvres;  celui  de  Kuntius,  qui  re- 
baptise lesaldultes;  celui  d'Othon  de  Brunfels, 
qui  ne  regarde  rÉcritare  que  comme  un  pur 
récit  cabalisti^e,  âurda  $ine  spirtiu  namifo\ 
enfin,  celui  des  mystiques  (Gochlseus,  p.  165). 
Ils  auraient  pu  y  joindre  celui  du  docteur  Paulus 
Ricins,  médecin  juif^  qui  fit  paraître,  pendant  la 
diète  de  Ratisbonne,  un  petit  livre  où  Moïse  et 
saint  Paul  montraient,  dans  un  dialogue,  com- 
ment toutes  les  opinions  religieuses  qui  excitaient 
tant  de  disputes  pouvaient  être  conciliées. 


Pag*  1 6 1,  ligne  l4-  —  J'ai  vu  dans  l'air  un  petit  tntmgm 
dafeu.mn  Dieu  eit  irrité. 


«  La  comète  me  donne  à  penser  que  quelque 
malheur  menace  l'Empereur  Ferdinand.  Elle  a 
tourné  sa  queue  d'abord  vers  le  nord,  puis  vers  le 
sud,  désignant  ainsi  les  deux  frères,  (oct.  1531.) 


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DB  LUTHBA.  855 


Page  i63,  ligne  8.  —  Michel  Stiefel  croit  étro  le 
septième  ange... 

•  Michel  Stiefel ,  ayec  sa  septième  trompette , 
nous  prophétise  le  jour  du  jugement  pour  cette 
année,  yers  la  Toussaint.  »  (S6  août  1533.) 


Page  169,^11  du  chapitre. 

Il  se  moque  de  l'importance  donnée  aux  céré- 
monies extérieures  dans  une  lettre  à  Georges 
Duchholzer,  ecclésiastique  de  Berlin,  qui  lui  avait 
demandé  son  avis  sur  la  réforme  récemment  in* 
troduite  dans  le  Brandbourg  :  <  .  . .  .  Pour  ce  qui 
est  de  la  chasuble ,  des  processions  et  autres  cho- 
ses extérieures  que  votre  prince  ne  veut  pas  abo* 
lir,  voici  mon  conseil  :  S'il  vous  accorde  de  pré-  • 
cher  rÉvangile  de  Jésus-Christ  purement  et  sans 
additions  humaines,  d'administrer  le  baptême  et 
la  communion  tels  que  Christ  les  a  institués,  de 
supprimer  l'adoration  des  saints  et  les  messes  des 
morts,  de  renoncer  à  bénir  l'eau,  le  sel  et  les 
berbes ,  de  ne  plus  porter  les  saints  -  sacremens 
dans  les  processions,  enfin  s'il  n'y  lait  chanter 

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356  MinoiRES 

que  des  cantiques  purs  de  toute  doctrine  hu- 
maine :  faites  les  cérémonies  qu'il  demande,  à  la 
garde  de  Dieu,  portez  une  croix  d'or  ou  d'argent, 
une  chape,  une  chasuble  de  velours,  de  soie, 
de  toile  et  tout  ce  que  vous  voudrez.  Si  votre  sei- 
gneur ne  se  contente  pas  d'une  seule  chape  ou 
chasuble,  mettez  -en  trois,  comme  le  grand  prê- 
tre Aaron  qui  mettait  trois  robes  l'une  sur  l'au- 
tre, toutes  belles  et  magnifiques.  Si  sa  Grâce  élec- 
torale n'a  pas  assez  d'une  seule  procession  que 
vous  ferez  avec  chant  et  tintaraare,  faites-la  sept 
fois,  comme  Josué  et  les  enfans  d'Israël  allèrent 
sept  fois  autour  de  Jéricho  en  criant  et  sonnant 
des  trompettes.  Et  pour  peu  que  cela  amuse  sa 
Grâce  électorale ,  elle  n'a  qu'à  ouvrir  elle-même 
la  marche,  et  danser  devant  les  autres,  au  son  de> 
harpes,  des  timbales  et  des  sonnetes»  comme  fit 
David  devant  l'arche  du  Seigneur  à  Jérusalem,  je 
ne  m'y  oppose  point.  Ces  choses,  quand  Tabus  ne 
s'y  mêle  point,  n'ajoutent,  n'ètent  rien  à  FÉvan- 
gile.  Mais  il  ûiut  se  garder  d'en  fiadredes  nécessités, 
des  chaînes  pour  la  conscience.  Si  seulement  je 
pouvais  en  venir  là  avec  le  pape  et  ses  adhérent, 
ah!  que  je  remercierais  Dieu!  Vraiment,  si  le  pape 
me  cédait  ce  point,  il  pourrait  me  dire  déporter 
je  ne  sais  quoi,  que  je  le  porterais  pour  lui  &ire 


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DB    LUTHER.  857 

plaisir Pardonnez -moi,  mon  cher  ami,   de 

vous  répondre  si  brièvement  aujourd'hui;  j'ai  la 
tête  si  faible,  qu'il  m'en  coûte  d'écrire...  »  (4  dé- 
cembre 1339.) 

Page  i85«  ligne  9.  —  Elle  tomba raide.., 

«  Une  servante  avait  eu,  pendant  bien  des  an- 
nées un  invisible  esprit  familier  qui  s'asseyait  près 
d'elle  au  foyer ,  où  elle  lui  avait  fiât  une  petite 
place ,  s'entretenant  avec  lui  pendant  les  longues 
nuits  d'hiver.  Un  jour  la  servante  pria  Heinzchen 
(elle  nommait  ainsi  l'esprit)  de  se  laisser  voir  dans 
sa  véritable  forme.  Mais  Heinzchen  refusa  de  le 
Élire.  Enfin,  après  de  longues  instances,  il  y  con- 
sentit ,  et  dit  à  la  servante  de  descendre  dans  la 
cave ,  où  il  se  montrerait.  La  servante  prit  un 
flambeau,  descendit  dans  le  caveau,  et  là,  dans 
un  tonneau  ouvert ,  elle  vit  un  enfant  mort  qui 
flottait  au  milieu  de  son  sang.  Or,  longues  années 
auparavant,  la  servante  avait  mis  secrètement  un 
enCant  au  monde ,  l'avait  égorgé ,  et  l'avait  caché 
dans  un  tonneau.  »  (Tischreden,  page  222,  trad. 
d'Henri  Heine.  Voy.  son  bel  article  sur  Luther, 
Revue  deê  deux  Mondes,  1"'  mars  18S4.) 

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36d  aisoïKis 

F  «g»  190,  ligm  17.  — Ils  êmistssaiMnt  U  tét»... 

«  L'ennemi  de  tout  bien  et  de  toute  santé  (  le 
diable),  cbevaucbe  quelquefois  à  travers  ma  tête, 
de  manière  à  me  rendre  incapable  de  lire  où  d^é- 
crire  la  moindre  des  choses,»  (28  mars  1533.) 

F«g«a9l,  ligne  13,  —  Ledimblê  n'est  pas.  Ha  ^vérité, 
un  docteur  qui  a  pris  ses  grades.^ 

«  C'est  une  chose  menreilleuse,  dit  Bossuet,  de 
voir  combien  sérieusement  et  vivement  il  décrit 
son  réveil,  comme  en  sursaut,  au  milieu  de  la  nuit, 
l'apparition  manifeste  du  diable  pour  disputer 
contre  lui.  La  frayeur  dont  il  fut  saisi,  sa  sueur, 
son  tremblement  et  son  horrible  battement  de 
cœur  dans  cette  dispute,  les  pressans  argumens  du 
démon  qui  ne  laisse  aucun  repos  à  l'esprit;  le  son 
de  sa  puissante  voix;  ses  manières  de  disputer  ac- 
cablantes, où  la  question  et  la  réponse  se  font  sen- 
tir à  la  fois.  Je  sentis,  alors,  dit-il,  comment  il  ar- 
rive si  souvent  qu'on  meure  subitement  vers  le 
matin  :  c'est  que  le  diable  peut  tuer  et  étrangler 
les  hommes,  et  sans  tout  cela ,  les  mettre  si  fort  à 
rétroit  par  ses  disputes,  qu'il  y  a  de  quoi  en 


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DB    LDTHE&.  359 

mourir,  comme  je  l'ai  plusieurs  fois  expéri- 
menté.» {De  ahrogandâmissàpricatàfi,  YII,222, 
trad.  de  Bossuet,  Variations,  II,  p.  2Û3.) 

page  aïo ,  ligne  lo.  >—  Après  ainUr  prêché  à  Smatkaldé,», 

Il  écrivit  à  sa  femme  sur  cette  maladie  :  «...  J'ai 
été  comme  mort;  je  t'avais  déjà  recommandée, 
toi  et  nos  enfans,  à  Dieu  et  à  notre  Seig^neur, 
dans  la  pensée  que  je  ne  vous  reverrais  plus;  j'étais 
bien  ému  en  pensant  à  tous;  je  me  voyais  déjà 
dans  la  tombe.  Les  prières  et  les  larmes  de  gens 
pieux  qui  m'aiment,  ont  trouvé  grâce  devantDieu. 
Cette  nuit  a  tué  mon  mal,  me  voilà  comme 
rené....  (27  février  1537.) 

Luther  éprouva  une  rechute  dangereuse  àWit- 
temberg.  Obligé  de  rester  â  Gotha ,  il  se  croyait 
près  de  la  mort.  Il  dicta  à  Bugenhagen ,  qui  était 
avec  lui,  sa  dernière  volonté.  Il  déclara  qu'il 
avait  combattu  la  papauté  selon  sa  conscience, 
et  demanda  pardon  à  Mélanchton ,  à  Jonas  et  à 
Cruciger  des  offenses  qu'il  pouvait  leur  avoir 
laites.  (Ukert,  1. 1,  p.  326.) 

Page  Al  a  «  ligne  6.  —  Ma  véritable  maladie,., 

Luther  fut  atteint  de  bonne  heure  de  la  pierre; 

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vm 


3â0  hAmoiees 

cette  maladie  le  faisait  craellement  souffirîr.  Il  fut 

opéré  le  37  féyrier  1587. 

«  Je  commence  à  eptrer  en  convalescence, 
avec  la  g;ràce  de  Dieu,  je  rapprends  à  boire  et  à 
manger ,  quoique  mes  jambes ,  mes  genoux ,  mes 
os  tremblent,  et  que  je  me  porte  à  peine.  (21 
mars  18S7.)     . 

»  Je  ne  suis,  même  sans  parler  des  maladies 
et  de  la  yieillesse,  qu'un  cadarre  engourdi  el 
froid.  >  (6  décembre  1537.) 

Page  aa5,  ligne  i3.  ~  Las  comtes  de  MantfeU,.. 

Il  avait  essayé  en  vain  de  réconcilier  les  comtes 
de  Mansfeld.  «  Si  Ton  veut,  dit-il,  faire  entrer 
dans  une  maison  un  arbre  coupé,  il  ne  faut  pas 
le  prendre  par  la  tète;  toutes  les  brancbes  l'arrê- 
teraient à  la  porte.  Il  faut  le  prendre  parla  racine^ 
et  les  branches  plieront  pour  entrer.  (Tbcbre- 
den,  p.  855.) 

Page  »33  —  A  fajîn  du  ehapiire. 

Noos  réunissons  ici  plusieurs  particularités  rc-     | 
latives  à  Lutber. 
Erasme  dit  de  lui  :  «  On  loue  unanimement  les 


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DK    LOTHEB.  S6I 

mœurs  de  cet  homme;  c'est  un  grand  témoignage 
que  ses  ennemis  même  n'y  trouvent  pas  matière 
à  la  calomnie.  •  (Ukert,  t.  II,  page  5.) 

Luther  aimait  les  plaisirs  simples  :  il  faisait 
souvent  de  la  musique  avec  ses  commensaux  et 
jouait  aux  quilles  avec  eux.  —  M élanchton  dit  de 
lui  :  «  Quiconque  l'aura  connu  et  fréquenté  fa- 
milièrement, avouera  que  c'était  un  excellent 
homme»  doux  et  aimable  on  société,  nullement 
opiniâtre  ni  ami  de  la  dispute.  Joignez  à  cela  la 
gravité  qui  convenait  à  son  caractère.  —  S'il 
montrait  de  la  dureté  en  combattant  les  ennemis 
de  la  vraie  doctrine,  ce  n'était  point  malignité 
de  nature,  mais  ardeur  et  passion  pour  la  vérité.  > 
(Ukert,  t.  II,  p.  12.) 

«  Bien  qu'il  ne  fût  ni  d'une  petite  stature  ni 
d'une  complexion  faible ,  il  était  d'une  extrême 
tempérance  dans  leboire  et  le  manger.  Je  l'ai  vu 
étant  en  pleine  santé j  passer  quatre  jours  entiers 
sans  prendre  aucun  aliment ,  et  souvent  se  con- 
tenter ,  dans  une  journée  entière,  d'un  peu  de 
pain  et  d'un  hareng  pour  toute  nourriture.  >  {Vie 
de  Luther ,  par  Mélanchton.) 

Mélanchton  dit  dans  ses  OEuvres  posthumes: 
Tous  II.  21 


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362  hAhoikes 

«  Je  l'ai  80i\yent  tronyé ,  raoî-môme ,  pleurant  à 
chaudes  larmes ,  et  priant  Diea  ardemment  pour 
le  salut  de  TÉglise.  Il  consacrait,  chaque  jour, 
quelque  temps  à  dire  des  psaumes  et  à  invoquer 
Dieu  de  toute  la  feryeur  de  son  âme.  »  (Ukert, 
t.  II,  p.  7.) 

Luther  dit  de  lui-même  :  «  Si  j'étais  aussi  élo- 
quent et  aussi  riche  en  paroles  qu'Érasme;  ausà 
bon  helléniste  que  Joachim  Gamérarius,  au» 
savant  en  hébreu  que  Forscherius,  et  aussi  un 
peu  plus  jeune ,  ah  !  quels  travaux  je  ferais  I  i 
(Tischreden,p.447.) 

.  «  Le  licencié  Âmsdorf  est  naturellement  théo- 
logien. Les  docteurs  Greuziger  et  Jonas  le  sont 
par  art  et  réflexion.  Mais  moi  et  le  docteur  Po- 
mer,  nous  donnons  peu  de  prise  dans  la  dispute.» 
(Tischreden,  p.  4S5.) 

À  Antoine  Unruche  «yjuge  à  Torgau  «...  Je  vous 
remercie  de  tout  mon  cœur,  cher  Antoine,  d'a- 
voir pris  en  main  la  cause  de  Marguerite  Dorst, 
et  de  n'avoir  pas  souffert  que  ces  insolens  ho- 
bereaux enlevassent  à  la  pauvre  femme  le  peu 
qu'elle  a.  Vous  savez  que  le  docteur  Martin  ncsl 
pas  seulement  théologien  et  défenseur  de  la  foi. 

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DB  LUTHER.  363 

mais  aussi  le  soutien  du  droit  des  pauvres  gens 
qui  viennent  de  tous  côtés  lui  demander  ses  con- 
seils et  son  intercession  auprès  des  autorités.  Il 
sert  volontiers  les  pauvres»  comme  vous  feites 
vous-même  ,  vous  et  ceux  qui  vous  ressemblent. 
Tous  les  juges  devraient  être  comme  vous.  Vous 
êtes  pieux ,  vous  craignez  Dieu ,  vous  aîme^  sa  pa- 
role; aussi  Jésus-Christ  ne  vous  oubliera -t-il 
pas...»  (ISjuinlâSd.) 

Luther  écrit  à  sa  femme  au  suyet  d'un  vieux 
domestique  qui  allait  quitter  sa  maison  :  «  Il  fout 
congédier  notre  vieux  Jean  honorablement;  tu 
sais  qu'il  nous  a  toujours  servis  loyalement,  avec 
zèle ,  et  comme  il  convenait  à  un  serviteur  chré- 
tien. Combien  n'avons-nous  pas  donné  à  des  vau- 
riens ,  à  des  étudians  ingrats ,  qui  ont  foit  un  mau- 
vais usage  de  notre  argent?  Il  ne  fout  donc  pas 
lésiner,  dans  cette  occasion,  à  l'égard  d'un  si  hon- 
nête serviteur,  chez  lequel  notre  argent  sera 
placé  d'une  manière  agréable  a  Dieu.  Je  sais  bien 
que  nous  ne  sommes  pas  riches;  je  lui  donnerais 
volontiers  dix  florins  si  Je  les  avais;  en  tous  cas, 
ne  lui  en  (donne  pas  moins  de  cinq,  car  il  n'est 
pas  habillé.  Ce  que  tu  pourras  foire  de  plus,  fois- 
le ,  je  t'en  prie.  11  oat  vrai  que  la  caisse  de  la  ville 


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364  BiéaioiREs 

devrait  bien  aussi  lui  donner  quelque  efaose^ 
parce  qu'il  a  fait  toutes  sortes  de  services  dans 
réglise;  qu'ils  agissent  comme  ils  voudront.  Vois 
de  quelle  manière  tu  pourras  avoir  cet  argent. 
Nous  avons  un  gobelet  d'argent  à  mettre  en  gage. 
Dieu  ne  nous  abandonnera  pas,  j'en  suis  sûr. 
Adieu.  »  (17  février  1532.) 

c  Le  prince  m'a  donné  un  anneau,  d'or;  roab 
afin  que  je  visse  bien  que  je  n'étais  pas  né  pour 
porter  de  l'or,  l'anneau  est  aussitôt  tombé  de 
mon  doigt  (car  il  est  un  peu  trop  large).  Pai  dit  : 
Tu  n'es  qu'un  ver  de  terre,  et  non  un  homme. 
Il  fallait  donner  cet  or  à  Faber,  à  Eckius;  pour 
toi,  du  plomb,  une  corde  au  cou  te  convien- 
draient davantage.  »  (15  septembre  1530.) 

L'Électeur,  établissant  une  contribution  pour 
la  guerre  des  Turcs,  en  avait  fait  exempter  Lu- 
ther. Il  lui  répondit  qu'il  acceptait  cette  faveur 
pour  ses  deux  maisons ,  dont  l'une  (l'ancien  cou- 
vent) lui  coûtait  beaucoup  d'entretien  sans  rien 
rapporter ,  et  dont  l'autre  n'était  pas  payée  en- 
core. «  Mais,  continue-t-il,  je  prie  votre  Grâce 
électorale,  en  toute  soumission,  de  permettre 
que  je  contribue  pour  mes  autres  biens.  J'ai  e&- 

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»l    LUTHER.  865 

core  an  jardin  estimé  à  cinq  cents  florins,  une 
terre  à  quatre-vingt-dix ,  et  un  petit  jardin  qui 
en  vaut  vingt.  J'aimerais  bien  à  faire  comme  les 
autres,  à  combattre  le  Turc  de  mes  liards,  à  ne 
pas  être  exclu  de  Farmée  qui  doit  nous  sauver. 
Il  y  en  a  déjà  assez  qui  ne  donnent  pas  volon- 
tiers; je  ne  voudrais  pas  faire  des  envieux.  Il 
vaut  mieux  qu'on  n«  puisse  se  plaindre,  et  que 
Ton  dise  :  Le  docteur  Martin  est  aussi  obligé  de 
payer.  »  (26  mars  1642.) 

A  rélecteur  Jean.  «  Grâce  et  paix  en  Jésus- 
Christ.  Sérénissime  seigneur  !  j*ai  long-temps  dif- 
féré de  remercier  votre  Grâce  des  habits  qu'elle 
a  bien  voulu  m'envoyer;  je  le  fais  par  la  pre- 
ssente de  tout  mon  cœur.  Cependant  je  prie  hum- 
blement votre  Grâce  de  ne  pas  en  croire  ceux 
qui  me  présentent  comme  dans  le  dénument.  Je 
ne  sois  déjà  que  trop  riche  »e1on  ma  conscience; 
il  ne  me  convient  pas,  à  moi ,  prédicateur,  d'être 
dans  l'abondance ,  je  ne  le  souhaite  ni  ne  le  de- 
mande —  Les  faveurs  répétées  de  votre  Grâce 
commencent  vraiment  à  ra'effrayer.  Je  n'aime- 
rais pas  à  être  de  ceux  à  qui  Jésus-Christ  dit  : 
Malheur  à  vous,  riches,  parce  que  vous  avez 
déjà  reçu  votre  consolation!  Je  ne  voudrais  pas 

SI. 

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366  xitfOfRCft 

non  plus  être  à  charge  à  votre  Grâce,  dont  U 
bourse  doit  s'ouvrir  sans  cesse  pour  tant  d'objets 
importans.  C'était  donc  déjà  trop  de  l'étofie  brune 
qu'elle  m'a  envoyée:  mab,  pour  ne  pas  être  in- 
grat, je  veux  ausfd  porter  en  son  honneur  l'habit 
noir,  quoique  trop  précieux  pour  moi;  si  ce 
n'était  un  présent  de  votre  Grâce  électorale,  je 
n'aurais  jamais  voulu  porter  un  pareil  habit 

•  Je  supplie  en  conséquence  votre  Grâce  de 
vouloir  bien  dorénavant  attendre  que  je  prenne 
la  liberté  de  demander  quelque  chose.  Autrement 
cette  prévenance  de  sa  part  m'dterait  le  conrage 
d'intercéder  auprès  d'elle  pour  d'autres  qui  sont 
bien  plus  dignes  de  sa  faveur.  Jésus-Christ  ré- 
compensera votre  âme  généreuse  :  c'est  la  prière 
queje&isdetout  mon  cœur.  Amen.»  (17  aoAilS39. 

Jean-le-Constant  avait  fait  présent  à  Laiher  de 
l'ancien  couvent  des  Augustins  à  Wittemberg. — 
L'électeur  Auguste  le  racheta  de  ses  héritieis . 
an  1564  ,  pour  le  donner  à  l'univerûté.  (Ukert 
t,  I.  p.  »47.) 


Lieus  habitée  par  Luther  et  ohjetê  qu^am.  m 
êervéê  de  lui  —  La  maison  dan»  laquelle  Lather 
naquit  n'existe  plus;  elle  fut  brûlée  en  1689.  —  A 

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DB   LUTHBR.  867 

la  Wartbour ,  on  iDontre  encore  sur  le  mur  ane 
tache  d'encre  que  Luther  aurait  foit  en  jetant 
son  éoritoire  à  la  tète  du  diable.  — -  On  a  con- 
servé aussi  la  cellule  qu'il  occupait  au  couyent 
de  Wittemberg ,  arec  différons  meubles  qui  lui 
appartenaient.  Les  murs  de  cette  cellule  sont 
couverts  de  noms  de  visiteurs.  On  remarque  ce- 
lui de  Pierre-le-Grand  écrit  sur  la  porte.  —  A 
Cobourg ,  Ton  voit  la  chambre  qu'il  habitait  pen- 
dant la  diète  d'Augsbourg  (1680). 

Luther  portait  au  doigt  une  bague  d'or,  émail- 
lée,  suf  laquelle  on  voyait  nne  petite  tête  de 
mort  avec  ces  mots  :  Mari  sœpe  cogiia;  autour 
du  chaton  était  écrit  :  0  mon,  ero  mars  tua.  Cette 
bague  est  conservée  à  Dresde ,  ainsi  qu'une  mé- 
daille en  argent  dorée ,  que  la  femme  de  Luther 
portait  au  cou.  Dans  cette  médaille ,  un  serpent 
se  dresse  sur  les  corps  des  Israélites,  avec  ces 
mots  :  Serpens  esaltatus  typuê  Ckrisii  erucifixi. 
Le  revers  présente  Jésus-Christ  sur  la  croix  avec 
cette  légende  :  Christuê  moriwêê  esipra  peccaits 
nosiris.  D'un  côté  on  lit  encore  :  Z>.  Mort.  Luiar 
Caierinœ  suœ  dana.  D.  H.  F.  et  de  l'autre:  Quw 
nmêa  asianno  1409,  9t9januarii. 


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368  hAmoihbs 

Il  avaii  Iui->méme  un  cachet  dont  il  a  donné 
la  description  dans  une  lettre  à  Lazare  Spen- 
gler  :  «  Grâce  et  paix  en  Jésus-Cfarîst.  —  Cher 
seigneur  et  ami!  vous  me  dites  que  je  vous  ferais 
plaisir  en  tous  expliquant  le  sens  de  ce  qu'on 
voit  sur  mon  sceau.  Je  yais  donc  tous  indiquer 
ce  que  j'ai  youIu  y  faire  graver,  comme  symbole 
de  ma  théologie.  D'abord ,  il  y  a  une  croix  noire 
avec  un  cœur  au  milieu.  Cette  croix  doit  me  rap* 
peler  que  la  foi  au  Crucifié  nous  sauve  :  qui  croît 
en  lui  de  toute  son  âme  est  justifié.  Cette  croix 
est  noire  pour  indiquer  la  mortification ,  la  dou- 
leur par  laquelle  le  chrétien  doit  passer.  Le 
cœur  néanmoins  conserve  sa  couleur  naturelle; 
car  la  croix  n'altère  pas  la  nature ,  elle  ne 
tue  pas,  elle  vivifie.  Justus  fide  vivù,  ted  fide 
crucifiûpt.  Le  cœur  est  placé  au  milieu  d'une  rose 
blanche ,  qui  indique  que  la  foi  donne  la  conso- 
lation, la  joie  et  la  paix;  la  rose  est  blanche  et 
non  rouge ,  parce  que  ce  n'est  point  la  joie  et  la 
paix  du  monde ,  mais  celle  des  esprits  :  le  blanc 
est  la  couleur  des  esprits ,  et  de  tous  les  anges. 
La  rose  est  dans  un  champ  d'azur,  pour  montrer 
que  cette  joie  dans  l'esprit  et  dans  la  foi  est  un 
commencement  de  la  joie  céleste  qui  nous  attend; 
celle-ci  y  est  déjà  comprise,  elle  existe  déjà  eu 


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DB    LCTBE^,  S69 

espoir  mais,  le  moment  de  la  consommation  n'est 
pas  encore  venu.  Dans  ce  champ  vous  voyez  aussi 
un  cercle  d'or.  Il  indique  que  la  félicité  dans  le 
ciel  durera  éternellement,  et  qu'elle  est  supé- 
rieure à  toute  autre  joie,  à  tout  autre  bien, 
comme  Tor  est  le  plus  précieux  des  métaux.  — 
Que  Jésus-Christ,  notre  seigneur,  soit  avec  vous 
jusque  dans  la  vie  étemelle.  Amen.*  De  mon  dé- 
sert de  Cobourg,  8 juillet  1530.  » 

A  Altcnbourg,  l'on  a  conservé  long-temps  un 
verre  de  table  dans  lequel  Luther  avait  bu  la 
dernière  fois  qu'il  visita  son  ami  Spalatin.  (Ukert 
1. 1 ,  page  245  et  suiv.) 


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DE   LUTHIB.  371 


i»i»%»iv^ir»%»>w  >wwif»mwwMW*>w<w*w»«<ww  »»iww»«w*ww%ww»w<»ii«»[<w>%»>aw»%w»iK 


RENVOIS 


DU  TOME  DEUXIÈME. 


ige   3,  ligae  24.  Otto  Pack.  —  Cochlœus,  171. 

4,  19.  Cette  ligue.  —  XJkert,  a  16. 

5,  a3.  T'a  cnuii5  ^««.—Luther  Werke,  t.  IX, 

aSi. 
7,  9.  Mémoire  de  Luther.  -—Ibid.  t.  IX, 

297j 
aa, .  6.  L'Espagnol  disait.  —  Tbid.  t.  IX,4i4* 

a 5,  a.  Luther  écrit.  —  Ibid.  t.  IX ,  459- 

3i ,  16.  Comment  VÉwangiU,  —  Jhid.  t.  II , 

39»  >  '99- 


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44, 

aj 

5a, 

ai, 

54, 

»7 

63, 

•7 

372  ■  émoi  R  ES 

37 ,  34  •  Nouuelle  sur  les  AnahaptisieM .  —  Ibid. 

t.  Il,  3a8, 
43,  1 3 .  Les  anabaptistes  soumis,  —  Ibid.  t.  If, 

365. 
.  Entretien.  —  Ibid,  t.  II,  376. 
Le  ig janvier,  —  Ibid.  t.  II ,  ^wi. 
Préface  de  Luther.  —  Ibid.  1. 11,333- 
Les  instructions. —  Bossuetenadonné 
le  texte  dans  son  histoire  des  yarù- 
tions  de  l'Église  protesUuUe.  —  t. 
I,3a8,  199. 
74  j  i3'  Celui  qui  insulte.  —  Tischr.  a4i. 

76)  5.  Le  droit  saxon.  —  Ibid.  3i5.  bis. 

75,  II,  Il  nx  ^  point  de  doute,  —  Ibid.  11. 

75,  igT.  On  disait  à  Luther.  —  Ibid.  3ia  (û. 
7  6,  9*  Lettre  à  un  ami,  —  Ibid.  3i3.  bis. 

76,  18.  Il  n'est  guère  plus  possible.  —  Ibid. 
3i  5  bis, 

77 ,  5.  La  plus  grande  grâce.  —  Ibid.  3i3. 

77,  ai.  Au  jour  de  la,  —  Ibid.  3i6  bis. 

78,  9.  Le  docteur  M.  — Ibid.  3ao. 

78 ,  ai .  jErt  1 541 .  —  Ibid.  a64  to. 

79,  9.  La  première  année.  —  Ibid,  3i3  ^ù. 
79,  a5.  Luccu  Cranach.  —  i^û/.3i4* 
80  ,  37.  O/»  trompe  l'image.  —  Ibid.  3ia  bis, 
8&,  i5.  Les  petits  en/ans.  —  Ibid.  4a  &û. 
81 ,  aa.  On  amena.  —  Ibid.  ia4> 
8a,  3.  Sentez.  —  Ibid.  10  bis. 
8a,  1/^.  Au  premier  Jour.  —  Ibid,  3#4  ^' 


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DB    LUTHER.  37ti 

8a,  24.  Jprès  qu'il  eut,  —  Jhid.  47.  ' 

83 ,  6.  //  discdt  à  son,  —  Ibid.  49  his. 

83,  10.  Les  enfans  sont  les  plus  heureux.  — 

/ôiW.  134. 

83,  23.  Une  autrefois.  —  Ibid.  i34  bis, 

84,  7.  Comme  maître,  —  Ibid,  45  i^-i 

84  ,  16.  Qac&  o/i«  cfa  être.  —  Ibid,  47. 

85  5  7.  //  est  touchant.  —  Ibid.  42-43  passim. 
85;            14.  Le  9 a^^ril  iSSg.  --  /iw/.  363. 

86,  8.  Le  18  at^rd,  —  /iiW.  423. 

87 ,  6.  Supportons,  —  Lettre  V ,  726. 
87,            i5.  Un  soir.  —  Tischr.  43  bis, 
87 ,             22.  f^ers  le  soir,  —  Ibid.  24  bis. 

89,  11.  Le  petit  e«/«n«.— Tischred,32,Terso. 

90,  24*  Dans  les  choses  divines,  —  Ibid.  69. 

91 ,  17.  Le  décalogue,  —  Ibid,  112  verso. 

91,  ao.  On  demandait  au  docteur, — Ibid.36'i.  ' 

92,  5.  Cicéron,  —  Ibid,  425. 

92 ,  16.  On  demandait  à  Luther,  —  Ibid.  io(). 

93 ,  ê^.  Le  docteur  soupirait,  —  Ibid.  11  verso. 

93,  17.  Autrefois.  —  Ibid.  3ii. 

94,  a.  Que  sont  les  saints,  —  Cochlœus,Vie 

de  Luther ,  aaG. 
94,  18.  Nos  adversaires.  —  Xischred,  447. 

90,  a.  Pourquoi  enseigne-t-on?    —    Luth. 

Werke,t.II,i6. 
96,  ao    Le  Pater  noster.  —  Tischreden,  i53. 

97  ,  17.  L'évangile  de  saint  Jean,  ~  Ultert,  1 8. 

1 00,  18  Ambroise.  —  Tischreden  ,  383. 

32 

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S74  aiaioïKis 

lOi  ,  Il .  Smnt  jiugttstin,  ~  Ihid,  gS. 

loa,  5.  Les  rtomùuMiue.^Ihid,3l^. 

io3,  lo.  Lé  D.  SîoMpùz,  —  Wd.  3SS. 

io4 ,  8.  Jean  Bmms.  Ihid.  386. 

io4  «  33.  Jean  Huss  éuut.  —  IHd.  127. 

io5,  Z.  La  tête  de  i'aniicknsL  —  M  l 

to5,  5-  Cestmapaut^recondittÊn,—  !^-: 

io5,  16.  Les  papistes. — Ihid      a55. 

to5 ,  a4-  ^  P^P^  ^  ^-  —  J^'  ^ 

106,  6.  ITauiresimtattaq^Usmttsin.-^^ 

106,  10.  Des  conciles.  —  Ihid.  371-^ 

107,  16.  Deshiens eceUsiastiqurn,—^^^ 
loS,  Si.  Le  prouerhe  a  raison.  —Ihidi'> 

109,  la.'  En  Italie.  —  Ibid.  376. 

1 10 ,  5.  Dans  les  disputes.  —  Ihid.  T,i- 
110,  g>  La  moinerie,  —  Ihid.  aja. 
lag,  5.  Oh! comhienjetreiMais.'-^ 
i3o ,  8.  /e  n'aime  pas  que  Philippe.  -  ^' 

i3o ,  i4'  Le  docteur  Jonas  lui  disaU.  ^  ^^ 

xi3. 

i3o,  a4.  Je  veux  que  Von  enseigne.  -^ 

116. 

i3i,  S.  Le  docteur ErasmusJlhena.-^ 

184. 

i3i ,  17.  Jlheri  Durer.  —  Ihid.  4*5. 

i3i ,  aa.  Oh!  que /eusse  été  heureux.  -  ^^ 

Werke,t.  IX,  a45. 


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DB    LUTHVR.  375 

i3i  ,  37.  Bien  nat  plus  agréable.  —  Tischre- 

den^  i8a. 
i32  ,  6.  Parmi  les  qualités,  —  Ibid,  i83. 

i3a  ,  10.  Dans  le  traité.  —  Seckendorf,  livre  I, 

202/ 
134 ,  10,  Le  docteur  Lutfter  disait,  —  Tischre- 

den ,  io5. 
i34,  i4-  Si  je  meurs, — Ibid.  $56. 

134 ,  19.  Dans  la  colère,  —  Ibid,  1^5. 

i36,  5.  Il  n'est  pas  d'alliance.  —  Ibid.  33 1 . 

137 ,  m,  La  noui^elle  étant  venue.  —  Ibid.  274- 

1  3q  ,  19 .  La  nuit  qui  précéda  la  mort.  —  Ibid. 

36o. 
143,  5.  Il  vaut  mieux.  ^  Ibid.  347- 

1 44>  ï^'  I^  droit  est  une  belle  fiancée,  —  Ibid. 

273. 
145 ,  5.  Avant  moi  ,  il  n'y  a  eu.  —  Ibid.  402. 

148,  3.  Foilà  comme  agissent.  —  Ibid,  4o3. 

148,  20.  Bon  peuple,  veuillez  agréer.  —  Ibid. 

407. 
i5i ,  12.  /e  suis  maintenant,  —  Ibid.  102. 

i52,  II.  La  loi  sans  doute.  —  Ibid,  128. 

i52 ,  21 .  Pour  me  délivrer  entièrement. —  Tis- 

chreden,  i33. 
i53,  7.  Il  n'est  qu'un  seul  point.  —  Ibid.  i4o. 

1 53 ,  Luther  en  parlant.  —  Ibid.  1 47 • 

i53,  i3.  Lediable  veut  seulement,^  Ibid,  i^^» 

1 53 ,  ^o.  Un  docteur  anglais .  —  Ibid,  1 44 • 

i54  , .  8.  Pour  résister,  —  Ibid,  124. 


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376  XÉM0IBB8 

i55y  17.  Dieu  dit  à  Moïse,  —  Ihid.  isS. 

159,  lo.  Le  docteur  Martin  Luther  disait  au 

sujet.  —  Ibid.  392. 
X  59 ,  1 5 .  Quand  Je  commençai  à  écrire.  —  Ihid. 

193. 

159,  27.  En  tSai ,  il  fint  chez  moi.  —  Ihid. 

282. 
162,  10.  Maître  StieJeL  —  ibid,  3Gj. 

i63,  II.  Bileas.  —  Ibid.  192. 

i63,  16.  Le  docteur  Jeckel.  —  Ibid.  287. 

1 64  »  1 5 .  />  docteur  Lutherjaisant  reprocha.  — 

Ibid.  290. 

165,  8.  Dej  antinomiens. —  Ibid,  287. 

166,  6.  Qui  aurait  pensé.  —  Ibid.  288. 

166,  26.  J*ai  eu  tant  de  confiance.  —  Ibid,  291 . 

167,  21.  En  1540,  Luther.  —  Ibid.  129. 

168,  17.  Maître  Jobst.  —  /6ù/.  124. 

'^9  7*  Si  au  commencement,  — Ibid,  tiû. 

170,  5.  Maiire  Philippe  dit.  —  Ihid.  445. 

171 ,  4*  Philippe  me  demandait.  —  Ibid,  29. 
171 ,  8.  Si  Philippe  n* eût  pas  été.  —  iftû/.  igS. 
171 ,  II.  Le  Paradis  de  Luther.  —  Ibid,  3o5.{ 

171,  22.  Le  pajrsans  ne  sont  pas  dignes. -^  Ihid. 

52. 

172,  ^,  Le  docteur  Jonas.  —  Ihid.  x^, 
172,             16.  6^n  mécJiant  et  horrible.  —  Ihid,  70. 

172,  20.  La  femme  du  docteur,  —  Ihid.  i5o. 

173,  6.  Le  docteur  exhortait  sajemme, — Ihid, 
173,             27.  Le pater  noster. —  Ihid.  i35. 


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DB    tTJTHBR.  877 

i74î  4-  J'oime  ma  Catherine.  —  Ibid,  i^o. 
176,  4-   Une  jeune  JiUe,  —  Ibid,^i,  verso. 

176,  ai.  Un  pasteur,  — Jhid.  ao8. 

»795  i^*  Il  X  a  des  lieux,  —  Ibid.  ai  a. 

1 79  ,  a6.  Un  jour  de  grand  orage.  —  Ibid.  219. 

180,  la*  Suivent  deux  histoires,  —  Ibid.  214. 

180 ,  ^o.  Le  diable  promène,  —  Ibid,  ai  3 

180,  27.  Jux  Pays-Bas  et  en  Saxe,  —  Ibid, 

221. 

181 ,  4*  ^^^  moines  conduisaient  —  Ibid.  222. 
181 ,  S,  On  racontait  à  table,  —  Ibid.  ao5. 
181 ,            19.  Un  vieux  curé.  —  Ibid.  2o5. 

i83,  a.    r//ie  autre  Jbis ,  Luther,  —  /5ù/.  ao5. 

184,  14.  //^  ai'flif  à  Erfurth.  —  /&iVf.  ai5. 

i85,  XI.  Le  docteur  Luc  Gauric. -^  Ibid,  ^16. 

i85 ,  i4'  -^  diable  peut  se  changer. —  Ibid,  ai6. 

1 90 ,  XI,  Le  docteur  Luther  devenu  plus  âgé.  — 
Ibid.  222. 

190,  18.  Cela  m'est  arrivé.  —  Ibid,  220. 

s  90,  26.  Je  sais ^  grâce  à  Dieu.  —  Ibid.  224. 

191 ,  i3.  Le  Diable  n^est  pas.  —  Ibid,  202. 

1 91 ,  25.  Au  mois  de  janvier  1 53a.  —  Ukert,  1. 1, 

320. 

192,  i4«  Ma  maladie  qui  consiste.  —  Tischre- 

den.  2x0. 
19a,  19.  iE'/ii536,i7/?iarifl.  — TJkertjt.  1, 322. 

19a,  27.  Pendant  que  le  docteur  Luther. -^Th- 

clireden ,  229. 

193,  16.  Quand  le  diable  me  trouve.  —  Ibid.  8. 


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378  HiHoiaEs 

1 94 ,  II.  La  nuit ,  quand  je  me  réyeiUe.—'Ibtd. 

lof  ^  i6.  Aujourd'hui  comme  je.  —  Ihid.  aao. 

>  94  9  ^'  ^^j*^^*^  9'^  ^^^  parlait  à  souper.  — 

Ibid.  12. 

1^5 9  i^.  Le  diable  méfait  regarder.  —  Ihid. 

aao. 

1^5,  1 5.  £e  diable  nous  a  juré.  -^  Ibid.  362. 

iQ^  9  ^7'  La  tentation  de   la  chair,  —  Ibid.  3i8« 

1 95 ,  24*  Si  je  tombe.  —  Ibid.  226. 

196,  '  4*  ^  grain  d'orge  a  bien  à  souffrir.  — 

Ibid.  216. 

197  9  4*  Qf^^f^d  le  diable  vient.  —  Ibid.  227. 

'  97  9  ^o.  On  peut  consoler.  —  Ibid.  23 1. 

197 ,  76.  La  meilleure  médecine.  —  238. 

>  9Ô  »  9.  ^'  ^/ace  du  docteur,  —  Luth.  Wcrkc, 

t.  II,  I. 

ao9 ,  Z^.  Le  mal  de  dents.  —  Tischreden ,  336. 

209 ,  i3.   Un  homme  se  plaignait.—  Ibid.  357. 

210,  10.  Après  avoir  prêché.  — Ibid.  362. 
212,  Q.  Si  j'avais  su. — Ibid.  6. 

212,  14.  On  disait  une  Jois. —  Ibid.  5. 

212,  35.  On  disait  un  jour.  —  Ibid.SyWcno. 

21 3,  21.  C'est  vous  if  ui,  —  Ibid.  196,  verso. 
2i3,  '    iZ.  Il  soitit  un  jour.  —  /frû/.  189,  verso. 

21 3,  25.  Le  16 février.  —  Ibid.  4i4« 

214,  6    Le  cfiancelier  du  comte.  —  Ibid.  19. 

2 1 4 ,  27 .  Dieu  a  un  beau  jeu.  —  Ibid,  S2,  rtrso. 

21 5,  ly.  Le  monde.  —  Ibid.  44^,  verso. 


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DB   LUTHER.  379 

•i5,  II.  Luther,  —  Ihid,  449- 

ai  5,  27.   Un  des  convives,  —  ihid.ogS, 

a  16,  9*  //  'cra  si  mauvais  si^'tt,  i5. 

a  1 6 ,  16,  On  parlait  à  table.  —  Ibid,  3o4 .  verso . 

a  1 7 ,  II.  Pauvres  gens,  —  Ibid.  46. 

aao  y  i3.  Je  tai  dit  tt avance,  —  Ibid,  416. 

aai,  n.  La  vieille  êleetrice,  —Ibid,  36i-a. 

aai,  10.  Je  voudrais,  —/61V/.  147. 

aa i ,  1 3.  février  1 549  —  Ibid,  36a. 

aaiy  aa.  Impromptu  de  LutJier  sur  la  fragilité, 

—  Ibid.  358. 
aaa,  17.  Prédiction  du  Révérend.  —  Opéra  la- 

tfna,  lena,  i6ia,Iervol.  après  la 

table  des  matières. 

317,  ai.  /f  n'y  a  jamais  eu.  —  Tischreden, 

a43. 
3i7,  a6.  £tf  Pape  Jules  II*  du  nom  —  Ibid. 

a4a 

3 18,  II.  Si f  avais  été.  —  Ibid.  a43. 

3 18  y  16.  Le  Pape  Jules  11^  un  homme,  —  /&m/, 

369. 
3i8,  a3.  L'an  i53a.  —  Ibid.  Z^i, 

3i9,  a.  Lorsque  ceux  de  Bruges,  —  Ibid.  448. 

319 ,  a3.  L'empereur  Maximilien.  —  Ibid  43. 
319,            a7.  On  dit  que.  —  Ibid.  184 ,  verso. 
33o,           a5.  Après  l'élection.  —  Ibid,  53. 

3ai  9  9<  £a  nouvdle  vint,  —  /6ûf.  349. 

3ai ,  x8.  Les roisde France.  ^Ibid.  349»  verso. 

3a3,  a6.  Sept  universités.  —Ihid.  348. 


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380  aixoiBEs 

348,  wenom 

334,  i3.  U  duc  Georgt,  —  Aùf.  36Î. 
3a4,             17.  Lorsque  le  duc  George  dèdsrt- 

Ihid.  i56. 
3a5,  a.  £«  rf«<:  George  a  sucé.  -ïkd/v 

î      3a5,  10.  Lorêifueie  duc  George fofttL-fi^ 

i4a,Terso. 
3a7,  6.  L'électeur    Frédéric,  -  M.  F 

rerso. 
3a7,  16.  £»  i5a5.  —  Ibid.  1S2. 

328,  aa.  0»  lûJC  ^e  rempereur.  -  iW.  S 

3a9,  ai.  Quoique  le  doeUarJorm."!^^ 

33a ,  i3.  -irf/»nè<  ^a  dièu.  —  /W.  i56. 

333,  18.  En  Italie  les  hôpitaux,  -I^'r 

334^  ^i.  Je  ne  manque  point,— Ihid.'^ 

335 ,  8.  En  Italie  et  en  France.  -iW.*^ 

rerso.  ■*- 

335,  ai.  En  France,  —  fti/.a7i,TW» 

335,  ao.  Lorsque  je  ^^is  Rome.  -  ^  ^'^ 

336,  a3.  Il  X  aidait  en  ItaUe--n^'^^' 

337 ,  5.  €/«  *air à  la  tahîc'-ttid'^'^ 

337,  14.  QirUtoffGross.-Ihià.^U^'f' 

338,  5.  La  peste  rè^  toujours.- 1^-^' 

rerso. 

339,  a4.  DtfiM  mon  vofoge.  -  ^*^  ^^ 

339,  a7.  Qeorgt  Fmgder.  -  /i^*^-  «^t* 

340,  7.  LaTkuringe,^!^-^ 


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DB   LUTHIR.  381 

340  9  >7*  L'électoral  de  Saxe,  —  IbiJ.  269. 

540»  *7»  Le  fneil électeur.  —  /&iV.  6i,yerB0« 

$44  9  la.  Ze  Turc  ira  à  Rome,  —  Ihid,  43  a. 

344  »  16.  Le  C^rûf  a  «au^^.  —  Ibid,  43a. 

344 9  a4.  Qui  meut  dit.  —  T^ù/.  436. 

345,  7.  Jene  compte  point, — /%û/.  436,  verso. 

345,  10.  Luther  dit  qu'après.  Luth.  Werke.  — 

/ii;/.  T.  II.  4oa. 


VUr  »V  T«MS  DBQXlâlfS. 


S3. 

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TABLB   DBS  MATliRES.  383 


TABLE 

DU  DEUXIÈME  YOLUHK. 


LiTBs.  m.  —  i5ai9-x546. z 

Crap.  ler.  x5i9-iS3a.  Les  Turcs. 

—  Danger  de  rAUemagne.  — 
Angsbourg,  Smalkalde. —  Dan- 
ger du  protestantisme.    ...         i 

Cbap.II.  i534-i536.  Anabaptis- 
tes de  Munster.     .     .    •     .     .       3o 

Chap.  III.  x536-i545.  Dernières 
années  de  la  vie  de  Luther. 

—  Polygamie  du  landgraTe  de      Sg 
Hesse ,  etc 71 


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/ 


384  TAILI   DBS  KATIIBBS. 

Livam.  IV.  —  i53o-i546 74 

Chap.  I***.  Conrersations  de  Lu- 
ther. -*  La  famille,  la  femme, 
les  en&ns.  — -.  La  natore.     .     .      74 
Chap.  II.  La  Bible.  --  Les  Pères. 

—  Les  scolastiqQes.—  Le  pape. 
Les  coDciles 89 

Chap.  III.  Des  écoles  et  uniTer- 

sités  et  des  arts  Ubéfaox.    ;    .    m 
Chap.  IV.  Drames»  —  Musique. 

—  Astrologie.  —  Imprimerie. 

—  Banque,  etc. 119 

Chap.  V.  De  la  prédication.  — 

Style  de  Luther.  —  Il  avoue  la 
TÎolence  de  son  caractère.  .    .    isg 

LiTBE.  V.  —  Chap.  iw.  Mort  du  père  de  Lu- 
ther ,  de  sa  fille,  etc.      .     .    .     i96 
Chap.  IL  De  Téquité,  de  la  Loi. 

—  Opposition  du  théologien  et 

du  juriste i43 

Chap.  III.  La  foi  ;  la  loi.     .     .     .    i  So 
Chap.  IV.  Des  novateurs. —  Mys- 
tiques, etc i58 

Chap.  V.  TenUtions.  —  Regrets 
et  doutes  des  amis ,  de  la 
femme  ;  doutes  de  Luther  Ini- 
niérae. 170 

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TABLK   DBS   HATIl&aSS.  885 
Chap.  VI.  Le  diable.  —  Tenta- 
tions..  175 

Chap.  VII.  Maladies.  —  Désir  de 
la  mort  et  du  jugement.— Mort , 

1546 %og 

Additions  et  Éclairdssemens.  934 

Renvois 353 


TIM  DS  LÀ  TÀBLB  DU  TOMB  DBUXlillB. 


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MICHELET,  Jiiles 

608.2 

Mémoires  de  Luther, 

L9T.9 

183T. 

M623m 

1837