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MÉMOIRES
DE LUTHER,
ÉCRITS PAR LUI-MÊME.
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rmOPXSStUR ▲ L'^COLM ROBHÂLI, CBET DS la flCTKHI
IIST0UQU^^XAlC||7Sf SU ROTAUMI.
SOCIÉTÉ BELGE DE LIBRAIRIE. ETC.
HAnUN, CATTOIB BT COIIPAaini.
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C« mimyafifë nîest poîafttn roman liistoriqne
> l'^li^Vae Luther, pas davanta^nae histoire
eltfondalion da lutbéranisnie. € estaneft^ra^
}\àt^ composée d*un€ suite de traduulioii&
Ife premières années, que Luther ne pouvait race
[terliii-mèiiie, le traducteur a eu rarement bcsoï]
pe prendre la parole. Il n'a guère fait autre eho
huecliomrf dater , ordonner les textes épârâ. Ceê
comtamment Luther qui parle, toujours Lutherl
I raconté par Luther, Qui serait asset hardi pouJ
liDèler ses paroles à celles d'un tel homme ? 11 fal
Tome 1 l
^oogle M
«— TI —
lait se taire, et le laisser dire. Cest ce que Ton a
iait , autant qu'il ^tait possible.
Ce travail , publié en 18S5, a été fait presque
entièrement dans les années 1828 et 1829. Le
traducteur de la ScisuMa nuova sentait vivement
à cette époque le besoin de redescendre des tbéo-
ries aux applications, d'étudier le général dans
l'individuel, Tbistoire dans la biographie, Thu-
manité dans un bonmie. Il lui fallait un homme
qui eût été boni m n i^l^iHÉÉm|^iiissance , un
individu q^ifàt à la niTiÔie pnrHOnflfe||||lle et
nnei^ée; de plus, un bomme complfK^^j^^^^
^ûtîeld'action^^ un homme enfin dont la viefùtoRM
nue tout entière , et dans le plus grand détail ,
dont tous les acteit , toutes les paroles , eussent été
tiotés et recueillis.
Si Luther n'a pas iait lui-même ses mémoires ,
l les a du moins admirablement préparés (1). Sa
(i) Nous avons suivi pour les oeoTres allemandes l'é-
kionde Wiitcmbcrg^ en'ia ▼ol. in-folio, T539-1&59;
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y
— TU —
correspondance n'est guère moins Tolomineuse
que celle de Voltaire. De plus il n'est auenn de ses
ravnges dofpnatîques ou polémiques où il n'ait,
nos y songer, déposé quelque détail dont le bio-
^pbe peut iaire son profit. Ajoutez que toutes
ies paroles ont été ayidement recueillies par ses
<iisciples. Le bon, le mauyais, l'insignifiant, ils ont
URit pris; ce que Luther laissait échapper dam la
conversation la plus familière , au coin du feu , au
lirtiln^àtable^^fl^HiiU^Ëj, la moindre chose
i{u il dffiMii lâ femme , k ses enJknâ. à lui-même,
i latioea , celle de Wittf mbetg , effynrol.
- 1 5 5 8y q u elqti efois celle d*X éna , t boa- 1 6 1
\ ToL in-folio j pourlea Tùcfir£den,Véd\ÛQuàç¥n
i y'^^ In-fullo, Ou troiiTera à la fin du §econd vciliifl
. ;<^o*sqtjiperinetieiitdevérîfîercîiaquepassage<
I Qbsuk ùtxx citations lîréei dc^ Lettres , elles ouï
I «méiaeiil datées dîins le texte. La daïe rend lotit rea
^cpcrjlu ; elle saHit pasr faire irouver aisément ce
■ i^esdaits Teiïcclleûte édilian de W, Do Wette, 5 tq
^ ' ; Berlin, 1 8a 5* Indépendamment des œuvres de Lq
I ^jHoqsstoiu oui à profit quelques auues ouvrag
fy Google
— YIII —
vite ils récriyaieiit. Un homme, observé et suivi
de si près, a dà à chaque instant laisser tomber
des mots qu'il eût voulu ravoir. Plus tard les lu-
thériens y ont eu regret. Ils auraient bien voulu
rayer telle Ugne , arracher telle page. Quod êcrip"
tum est, êcriptum e$t.
C'est donc ici le vrai livre des Confessions de
Luther, confessions négligées, éparses, involon-
tûr<BS,etd'autantj^«Myiv ^ ui|^e Rousseau
sont à coup y r itu:|Rs naïves, edles deMat.4u'
gu5tin.,tfiûiiis cfmplètes et moins variées. ^^^^
J! ^
^çomme biographie, celle-ci se placerait, s'il
f Tedl écrite lui-même en entier, entre les deux au-
tres dont nous venons de (aire menlion. Elle pré-
ate réunies les deux faces qu'elles offrent sépar
êes. Dans saint Augustin , la passion , la nature ,
individualité humaine , n'apparaissent que pour
tre immolées à la grâce divine. C'est l'histoire
l'une crise de l'âme, d'une renaissance, d'une
Digitized by VjOOQIC
y
— IX —
yit9 muava; le sainteût rougi de nous (aire mieux
comiaitre l'autre Tie qu'il avait quittée. Bans Rous-
teaa, c'est tout le contraire; il ne s'agit plus de
k grâce ; la nature règne sans partage , elle triom*
phe, elle s'étale; cela Ta quelquefois jusqu'au dé-
goût. Luther a présenté , non pas l'équilibre de
h grâce et de la nature, mais leur plus doulou-
reux combat. Les luttes de la sensibilité, les ten-
tations plus hautes du doute, bien d'autres hommes
F en ont souilert| pnseat U.^ eul (WidcjmraeDt, il les
ri^jilpilllil en mourut, Luther n'a rien caehé, il
^^t^cêt pu contenir. Il a donn^ à roir emliài t àson-
ier, la plaie profonde de notre iiaUirc, Ce^'®
:^*?til bomme peut-être oii Ton puisse elud
L |tlaisr€ette terrible anatomie^
Joaqulci on n'a montré de Luther que
duel contre Rome. Ifous, nous donnons sa
eiïttèrc, scseombatâi ses doutes, ses tentation
«es conâolations. L'homme nous occupe ieî aufj
1.
I Google
— X —
ce violent et terrible réformàtmir du nord , non
fms seulement dans son nid d'aigle à la Wart*
bourg, ou braTHnt l'Empereur et l'Empire à la
diète deWormt ,|iiai8 dans sa maison de Wîttem-
berg, an nnlieu de ses graves amis , de ses enfiuia
qui entourent la table , se promenant avec eux
dans son jardin, sur les bords du petit étang ,
dans ce cloître mélancolique qui est devenu la
demeure d'une fi&mille; nous l'entendons rêvant
tout haut, trouvau^^iis tottt ett|^'entoure ,
dans la ûexa^mB le fruit , dafs roi»
passe y^ gTavfei et pieuses pensées.
is«H^ui
^Êfàelqne sympathie que puisse inspirer cette
timnble et puissante personnalité de Luther» elle
\ doit pasiniliiencer notre jugement sur la doc-
ivme qu'il a enseignée, sur les conséquences qui
|eii sortent nécessairement. Cet homme qui fit de
la liberté un si énergique usage» a ressuscité la
[héorie augu^^tbienne de l'anéantissement de la
s né. Il a immolé le libre arbitre à la grâce^
dby Google
^'
— Il —
rhomaie à IHen, h monde à une aorte de hUi-
Bé proTidentielle.
De nos jours les amis de la liberté se recom-
iBiadent volontiers du fataliste Luther. Gda sem-
ble bizarre an premier coup-d'cail. Luther lui-
fliêne croyait se retrouver dans Jeau Hnss, dans
les Yaudols , partisans du libre aritntre. C'est que
ces doctrines spéculatives, quelque opposéesqu'el-
I ' ,ii-Hwi. »tî renLOJilrejit tcîtitefois dans leur
I ijHi d'actfoo f la gouTeraiiieté de la raison
M^difidnelle , la résistance au prmG^|il4C|tclîlîon^
HBI * à l'autorité.
Il n'est donc pas inexact de dire que LuB
été le restaurateur de la liberté pour les dernîêf*
iièeiei. S'il Ta niée en théorie, il Ta fond*^© end
f^ffi6que. Il a» sinon fait , au moins couraijf^iifte*
ment ligné de son no ni la ^ande révolutioii i^ii
téfiliâa en Europe le droit d'exaincnXe premier
droit de l'inlellîçence bumaine, auquel tou
oogle
ù
— «I —
autres sont rattachés, si nous l'exerçons aujour-*
d'hui dans sa plénitude, c'est à lui en grande
partie que bous le devons. Nous ne pouvons pen-
ser, parler, écrire, que cet immense bienfait
de l'a£Eranchissement intellectuel ne se renou-
velle à chaque instant. Les lignes mêmes que je
trace ici, à qui dois-je de pouvoir les publier, si*
non au libérateur de la pensée moderne ?
Cette dette payée^jJHÉlpr^ noâl ne craîridrons
pas d 'avouer jgia pjr sympathies les pluÉtfujtes
ïie son^^ de ce coté. On ne trouvera pB^ffff
VéiimkérsLÛon de^ causes qui rendirent la vic-^
t^Pl^du protestantisme inévitable. Nous ne mon-
trerons pâs, après tant d'autres, les plaies d'une
iise où nous sommes nés, et qui nous est si
re. Pauvre vieille mère du monde moderne,
&niéc, battue par son fils, certes, ce n'est pas nous
Iqui voudrions la blesser encore. Nous aurons oc-
sioTi de dire ailleurs combien la doctrine ca-
s se^nhle, sinon plus logique, au i^qin^
^^ique pousse
dby Google >
I
— XIII —
phs jadicieuae, plus féconde et plus complète
que oelle d'aucune des sectes qui se sont élevées
cQotr* elle. Sa faiblesse, sa grandeur aussi, c'est
de n'sToir rien exclus qui fûtde Thomme , d'avoir
voulu satisGedre à la fois les principes contradictoi-
res de l'esprit humain. Cela seul donnait sur elle
des succès faciles à ceux qui réduisaient l'homme
à tel ou tel principe, en niant les autres. L'uni-
▼enel, en quelque sens qu'on prenne le mot, est
ikilîle rony^rèOpéGial* Vhéréme est uu chotjr,
BfâlInTHi' Spécialité dopii^on, spécialité de
|aj«. l^ldolT, Jean Hu$s, étaient d'icdens patrio-
I*iî le saiofi Luther fut rArminius de lamoat^rno |
illcmâ^e. Universelle dans le temps, ^I^H^s-
pice.dam la doctrine , l^Égli se avait conlre^a-
dm rinfériorité dVne mo y e une commune. lî^Ai
fclkîl luUcr pour Funité du monde contre fca
fbrcei diT erses du monde. Comme grand non
eOe contenait, elle traînait le mauvais bagage <
tièda et des timides. Comme gouTernen
elle rencontrait toutes les tentations mondaifii^i.
^
■^zmS' ^oogle
I
— XIT —
Comme centre des traditions religieuses, elle re-
cerait de toutes parts une foule de croyances lo-
cales contre lesquelles elle arait peine à défendre
•on unité, sa perpétuité. Elle se présentait au
monde telle que le monde et le temps FaTaient
I faite. Elle lui apparaissait sous la robe bigarrée
I de l'histoire. Ayant subi, embrassé l'humanité
tout entière, elle en avait aussi les misères, les
contradictions. Les petites sociétés hérétiques, fer*
ventes par le péril etl^jlH||ytfM|^^t partant
plus pures, plu^^HpMinHtatiaai
naissaient JIé irlfiJlTOmopolite. et se cofl
I avec ^gtieîl. tn pieux et profond mystique
Hliili et àcs Pays-Bas, l'agreste et simple Yaudois,
pj| connue Therbe des Alpes, avaient beau jeu
pMT accuser d'adultère et de prostitution celle
rtjwf avait tout reçu, tout adopté. Chaque ruisseau
liourrait dire à TOcéan, sans doute: Moi, je viens
jk ma mon Li gnc , j e ne connais d'eau que les mien-
^p. Toi, tu reçois les souillures du monde^
ù, mab je suis l'Océan.
dby Google
— XT —
Voilà ce qu'il fandfmil poaTOÎr clive eC dére^
lopper. Aucun lirre plni que celuî^ci , n'auimii
bcfoin d'une introduction. Pour saToir comment
Luther fut obligé de fiaire et solnr ce qu'il •p'
pelle lui-même la plu8 extrême des misères ; pour
comprendre ce grand et malheureux homme qui
remit en marche Feaprit humain à Tinstant même
où il croyait le reposer sur Foreiller de la grâce ^
pour apprécier cette tentative impuissante d'u^
nion entre ^j^^^^^jme, il faudrait connaître
les es .4i^ i^JuTclfl^HIJ^lHj^firent, avant et
^JJ^Kky 1^ mvsliques, les rationalbtea , c'est-à'
dire esquisser toute Fhistoire de la relîgH|achré-
tienne. Cette introduction si nécessaire, pi^ut^ro
dans quelque temps me déciderai -je à la
ner.
Pourquoi donc sgoumer encore ici ? pourqnDi
commencer tant de choses et sWrcter toujours c9i
chemin ? Si l'on tient à le savoir , je le dirai
lontiers.
A moitié de l'histoire Romaine » j'ai reDcontf
rscQi
Google
le chrisUaniame naissant. A moitié de l'histoire de
France je Fai rencontré , vieillissant et affiiissé ;
ici , je le retrouve encore. Quelque part que j'aille
il est devant moi , il barre ma route et m'empêche
de passer.
Toucher au christianisme! ceux-là seuls n'hé-
siteraient point qui ne le connaissent pas.... Pour
mOi , je me rappelle les nuits où je veillais une
mère malade; elle souffrait d'être immobile, elle
demandait qu'on l'ai^^^chaD^er .^de place et
touUdtse retouiyp^r. Les mains filta1ea^a|tejun[t ;
commen^emuer se^ membres endolor
men^ein
Voilà bien des années que ces idéeis me travail-^
l^t Elles font toujours dans cet£e saison d'ora-^
gpile trouble 1 la rêverie de ma solitude. Cette
côiiv e rsati on i ntéri e ure qui devraîtamé liorer, elle
É^M douce au moins , je ne suis pas pressé de la
EitTr ni de me séparer encore de ces vieilles et
|£e3 pensées.
Août 1835.
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V
filtimùitt0
DB
LITRE Premier.
WÊÊ^^ CHAPITRE PREMIElIJi^k
' 1488— 1K17. ^l
NaissaiiMt Vacation de Luther, son ordio«tioB« les tentatloi^^^
son TOjage 4 Aome. ^H
e JTai souvent conversé avec Mélanchton , elj
lui ai raconté toute ma vie de point en point. Jci
suis fils d'un paysan ; mon père , mon grand-père «
mon aieul, étaient de vrais paysans. Mon père eilL
\
Digitized bjLjOOÇlC
2 MÉH0IES8
allé à Mansfeld , et y est devenu mineur. Mol , j y
Buis né. Que je dusse être ensuite bachelier, doc-
teur , etc. , cela n'était point dans les étoiles. ]\*ai-je
pas étonné les gens en me faisant moine ? puis en
quittant le bonnet brun pour un autre? CelaTrai-
ment a bien chagriné mon père , et lui a fait mal.
Ensuite je me suis pris aux cheveux avec le pape ,
j'ai épousé une nonne échappée, et j'eri ai eu des
enfans. Qui a vu cela dans les étoiles? Qui m'aurait
annoncé d'avance qu'il en dût arriver ainsi?»
Jean Luther, père de celui qui est devenu si
célèbre , (' taî t d e Mn ru oaJttoMJH» , j m I ît v illagc do
Saj^e, ]»rès d'£iscii^n^ Sa mère cLi.it lilli||j_\iii bour-
geois iJ e ce 1 1 1> \ ille , o u , st^l on 1 1 n (* l r;ï d i tjoukouo
j'aclo[ït#riiîf5pliiSTol(mliers, de Aeustadt i?ttÇ
cQiù^, Si Ton eu croyait un auteur moderne"
mfm€ poLal ses autorités, Jean Luther aurait eu^
îemrillu'ur de tuer dans une prairie, un pay^san qui ;
i y faisiiit paître ses troupeaux, et eut été foreé do i
•«e retirer k Eialebcn, plus tard dans la vallée de
/ManstV'ld. Sa femme Tavait suivi enceinte ; elle ac-
f eoucha en arrivant à Ei.slcben de Martin Luther. '
f Le père, qui n'était qu^un pauvre mineur, av^iît
4| bien de la peine ii soutenir sa fomille , etl'on verra
lout-a-rheure que s*rs enfans furent obligées quel-,
efoisde vivred aumône. Cependant au lieu dn.
Digitized by VjOOQIC
:>
DB LDTUUL. S
les fcire traYaiUer avec lui, il voulut qu'ils allas-
mi aux écoles. Jean Luther parait avoir été un
homme plein de simplicité et de foi. Lorsque son
{Kuteur le consolait dans ses derniers momens ;
«Pour ne pas croire cela, dit-41, il faudrait être
on homme bien tiède. • Sa femme ne lui survécut
paid'ime année (1531). Usavaient alors une petite
fortone , qu'ils devaient sans doute à leur fib. Jean
Luther laisKi une maison , deux fourneaux à forge,
eteanron mille thalers en argent comptant
Les armes du père de Luther , car les paysans en
rriaieijt .: i *i***ULiua lir-, : u'unes des lîoblci,
uicat loal îiiiiipk'iEïf'Ht ufi i. marteau, LuiliL^r no
ai ai' S! s pareils. ïî acoiisi.ieré leur nom
iiiile dtrbénrdît' '?ila: « /fans,
çndre 6Vef/jf (Jeiui . ._..:^;Lierit^Éb
«Cest pour moi un devoir de piété t dit^MlRUt-
lâiKlilon, dam ia letlre où il lui anuouec la mvti
^«^JetnLtitherf de pleurer ecliii duquel le Père
^irmiiéricûrde mt\ fait naitre, celui par les travaux
^ leiaiaurs duquel Dieu m'a nourri et m'a for
iri que je suis^ quelque peu que je sois. Certes, |
ioefi|}ûiiis quil ail vécu jusqu aujourd'hui pôlî
Tmtlaliitnière de la Térîté. Béni ^it Dieu [loucf
' "-'■ ' linglous flcsconsctlsetaes décret ! amenfl
j LuTUE» OU Luder , ou Loliier{car ilgigxig
/
oogle
I
4 llilIOIEES
quelquefois ainsi), naquit à Eisleben , le 10 noTem-
bre 1489, à onze heures du soir. Envoyé de bonne
heure à Técole d'Eisenach (1-489), il chantait de-
vant les maisons pour gagner son pain, comme
faisaient alors beaucoup de pauvres étudians en
Allemagne. C'est de lui que nous tenons cette parti-
cularité. «Que personne ne s'avise de mépriser de-
vant moi les pauvres compagnons qui vont chantant
et disant de porte en porte : panempropter Deum I
vous savez comme dit le psaume : les princes et
lei rois ont chanté. Et moi aussi , j'ai été un pau-
vre mendiant, j'ai rec^^MMM^ portes des
maisons, partie ul^^^PHHH^^^^dans ma
chère ville !
Il irojngt^/Kik une subsistance
L maison de la dame Ursula,
Schweickard , qui eut ]
' ce jeune enfant. Les secours de cette
î charitable le mirent à même d'étudier qua-
is àËisenach. £n 1301 , il entra à l'université
furth , où il fut soutenu par son père. Luther
: quelque part sa bienfaitrice par des mots
; d'émotion , et il en a gardé reconnaissance
[femmes toute sa vie.
près avoir essayé de la théologie, il fut décidé,
conseils de ses amis, à embrasser l'étude
dby Google
DX LUTHIR. 5
du droit , qoi conduisait alors aux postes les plus
locrati^ de TËtat et de l'Église. Mais il ne semble
pas s'y être jamais livré avec goût. Il aimait bien
mieux la belle littérature , et surtout la musique.
C'était son art de prédilection. Il la cultiva toute
sa vie , et l'enseigna à ses enfans. Il n'hésite pas à
déclarer que la musique lui semble le premier
des arts après la théologie. « La musique est l'art
des prophètes; c'est le seul qui, comme la théo-
logie, puisse calmerles troubles de l'âme et met-
tre le diable en fuite. > Il touchait du luth , jouait
de la flùte^AM||ÉaMA^ réussi encore dans
d'autr^^^HpHHHBÏu^iond peintre Lucas
Ci^l^^^IPPait , ce semble , adf^^e ses mains,
, tourner,
goût pour la musique et la nWHBe , la
lecture assidue des poètes qu'il mêlait aux éludes
de la dialectique etdu droit, tout cela n'annonçai
point qu'il dût bientôt jouer un r61e si sérieux dim»
l'histoire de la religion. Diverses traditioQsportiA-
raient à croire que, malgré &qii application , 11
partageait la vie des étudians allemands de relia
époque: cette gai té dans l'indigence, ces ha!*i In-
des bruyantes , cet extérieur belliqueux a\ e(* ujif
•âme douce et un esprit pacifique ^ roâtentalion du
déM)rdre avec des mœurs pures. Certes, si qurU
■■■' ^- ^
Datiz^^OOgle
DS LUTBE&. 7
H resta un mois sans se laisser Toir. Il sentait corn-
Ikien il tenait encore au monde ; il craignait le vi-
n^e respecté de son père , et ses ordres et ses priè-
res. Ce ne fat , en effet , qu'au bout de deux ans
que Jean Luther le laissa Êûre et consentit à assis-
ter à son ordination. On avait choisi pour la céré-
monie le jour oii le mineur pouvait quitter ses tra-
nui. Il Tint à Erfurth avec plusieurs de ses amis ,
et donna au fils qu'il perdait, ce qu'il avait pu met-
tre de côté , vingt florins.
U ne iaut pas croire qu'en prenant ces enga*
^jeruens r r , ; > , . , u; jjuuvea ii prélre fiit poussé
pamneibrrc^r ftingiilT^ra^oua avons yu avec
de litléralure «BoiïJiiirje il étiiit en-
cloitre. Écoutons-le lu|j^t^mc sur les
^ïSfKtiîtioiis qu'il y apportait: • Lorsque jt^ du ma
Irramière messe h Erfurth, j' étais prc^(ue tiinri:
'ïrjt n a^ais aucune foi. Je voyais seulement quo
fAib très digne. Je ne me regardais point comiiic
impécbeur* La preinière messe était ehofle fort
lâibrée et dont il revenait beauœup d'arfciit.
On apportait les hora^ canonicait aveu des fiaiii-
^mm. Le eher jeune fsi^neur, comme let» payâajbs
■appelaient leur nouveau euré, devait alors dan-
ger ivee m mère, si elle vivait encore, ellesfs^i^
fnnsrn pleuraient de joie. Si elle liait mOfte^ il
8 MiMOlREf
la mettait, dûaît-on, sous le calice, et la sauvait
du purgatoire.»
Luther ayant obtenu ce qu'il voulait , étant de-
venu prêtre, moine, tout étant consommé, et la
porte close, alors conunencèrent , je ne dis pas
les regrets, mais les tristesses, les perplexités, les
tentations de la chair , les mauvaises subtilités de
l'esprit. Nous ne savons guère aujourd'hui ce que
c'est que cette rude gymnastique de l'Âme solitaire.
Nous donnons bon ordre à nos passions. Nous les
tuons à leur naissance. Dans cette énervante dis-
traction d'afi&iires, d'étu(^f^A|^w|unces fiiciles,
dans "Cette satiété p]^nPMHH|^^^^^prit,
comment se re^|^HR)r les guerre
que se livr||fl^^W-méme l'homme
âge, l^Jj^HaTeux mystères d'une vie abstint
et fa^|P|ue, tant de combats terribles qui ont
1 bruit et sans mémoire entre le mur et
i vitraux de la pauvre cellule du moine?
l'archevêque de Mayence disait souvent : Le
humain est comme la meule d'un moulin,
^n y met du blé, elle l'écrase et en fait de la
3; si l'on n'en met point, elle tourne tou-
, mais s'use elle-même. »
Lorsque j'étais moine, dit Luther , j'écri-
vais'ipuvent au docteur Staupitz. Je lui écrivais
1
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% DJ& LUTHia. 0
tmelbîs: Oh! me^ péchés hnes péchés! mes péchés!
A quoi il me répondit . i Tu veux être sans péché,
et ta n'en as pourtant aucun yéritable. Christ a
été le pardon des péchés. «
■ ... Je me confessais souvent au docteur Stau-
pttz, non d'affiiires de femmes, mais de ce qui fiiit
le nœnd de la question. Il me répondait ainsi que
tons les autres confesseurs : Je ne comprends pas.
Enfin il Tint me trouver à table et me dit : Gom-
ment donc étes-vous si triste, firaier Martine f —
Ah ! oui , je le suis, répondis-je. — Vous ne savei
I pa», dll~il, q^^^^^^^gptation vous mi bon no
I et néce^M^^H^ne ferait iH>iineqLi^à vous. Il
Tfïi^l^^^HRiemc'nt {|ue j'étaîi savant , et quâ
^I^HfHqnilîoiiSf je devieudrals ticr et ori^ueil-
^^Ei; mats j'ai eoiuprh plus tard que c^éiuit anti
^Hdîx et une parole du Saint-Kâprît. >
^P Luiher raconte atlleurâ quo ces tentations
ztraiem réduit à un tel état , que pendant qua-
^nejouriil ti'avnit ni bu, ni niante ^ ni donnl.
• Ah î si saint PéIuI vivait aujourd'hui , que j«
Mudraii savoir di> ïui-mènie quel genre de t€m-
>lioiiîl a éprouvé. Ce n'était point faiguillon d©^
■ 3^ rhair, ee n*était point la bonne Técla, conmtc
.iî rhcni îe* papistes, OH î non, ee n'était point
H| an péché qui lui eût déchiré la couicimco^
by Google
10 MÉKOIBES , ^
C'est quelque chose de plus haut que le désespoir
causé par les péchés; c'est plutôt la tentation don%
il est parlé dans le psaume: Mon Dieu, mon Dieu
pourquoi m'as-tu délaissé ? Comme s'il voulait
dire : Tu m'es ennemi sans cause; et comme dans
Joh: Je suis pourtant juste et innocent. Je suis sûr
que le livre de Job est une histoire véritable
dont ona Ceiit ensuite un poème.... Jérôme et au-
tres pères n'ont pas senti de telles tentations. Ils
n'en ont connu que de puériles, celles de la chair,
qui ont pourtant bien aussi leurs ennuis. Augus*
tin et Ambroise ont ei^ug^^l|ntation8 et ont
tremblé devant ^e^^Kj/tt^j^^j^^Tien en
comparaison di^pjpTde Satan^l^^^^ c/es
poings,.,, S^pPTeacore un peu, ,
un liyM^Jp les tentations, sans
hojl^Pae peut ni comprendre la sainte Écritui
n^Hnaitre la crainte et l'amour de Dieu.>
^K.. J'étais malade à l'infirmerie. Les tentations
les plus cruelles épuisaient mon corps et le mar-
tyrisaient, de sorte que je pouvais à peine respi-
<r et haleter. Aucun homme ne me consolait:
is ceux auxquels je me plaignais, répondaient:
ne sais pas. Alors je me disais: Suis-je donc lo
seul qui doive être si triste en esprit?... Oh! que
je voyais des spectres et des figures horribles!...
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m urma. Il
^lais il y a dix ans, Diea roe donna une cmisola-
tÎQD par ses ohere an^es, cello de combattre et
d'écrire. »
Il noua explique Im-méme longtemps après «
Tannée même qui précéda celle de sa mort , de
quelle nature étaient ces tentations si terribles.
« Dès les écoles, en étudiant les épitres de saint
Paul, j'avaû été saisi du plus TÎolent désir de
savoir ce que saint Paul voulait dire dans l'é-'
pitre aux Romains. Un seul mot m'arrêtait : jusii^
iia Dêi reveUUuriniilo, Je baissais ce moifjuêiHià
De% parce q^^^lû^j^j^i^ des docteurs, j'avais
appris à rn^^^^rfujiiftici; ; t ctive, par laquelle
I c-^i } 'i ^^^HpFptj uiliv^ mfi^^^ ^^ pécbeurs.
m Elis In vie d uii m^il^Hk|réhensible,
pourtant sentais en moi uNSni^itiir e in-
du pécheur, sans parvenir à nio ra^surrr
. satisfaction que je pouvais faire ii Tïïcn^e
Eii'aimais point, non, il faut le dire, je huiitoiuAe
Keu juste, vengeur du pécbé. Je Tirijid^|mis
'^^ntre lui. C'était en moi un grand murmure , n
'ce n'était blasphème, Je disais: « N'est^e donc
pas assez que les malheureux pécheurs, déjà per«
dus éternellement par le péché originel, aient été
accablés de tant de calamités par la loi du déca-'
logue; il faut encore que Dieu ajoute la douleur
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12 xiHOI&BS
à la douleur par son Évangile, et que dansFÉran-
gile même il nous menace de sa justice et desai
colère?... » Je m'emportais ainsi dans le tronblo
de ma conscience, et je revenais toujours frapper
au même endroit de saint Paul, brûlant de pé-
nétrer ce qu'il voulait dire.
m Comme je méditais nuit et jour sur ces paroles
(La justice de Dieu se révèle en lui, comme il est
écrit: le juste vit de la foi), Dieu eut enfin pitié
de moi ; je compris que la justice de Dieu, c'est
celle dont vit le juste, par le bieniait de Dieu,
c'est-à-dire la Foi ; et ou^^^^uge signifiait :
l'Évangile révèle l^flHI^^^Bîptice pas^
sive , par laqud^HIffiieu mis^HI||^H|pous
justifie par ^^PRlors je me sentis cofi
et il m^enflR que j'entrais , à portes oui?
Biradîs... Je lus plus tard le livre de saiiil[
Ai^HfA, De la lettre et de Vespfii, et je trouva
c<I^Pemon attente, qu'il entend aussi par justic
de meu, celle de laquelle Dieu nous revêt eu nous^
justifiant. Je m'en réjouis, quoique la chose so^
dite encore imparfaitement dans ce livre, et qo^si-
ce Père ne s'explique pas complètement ni avee^.
clarté sur la doctrine de l'imputation....»
Il ne manquait à Luther pour se confirmer'
dans la doctrine de la grâce, que de visiter la
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1>M LUTHER. 13
pei^le chez lequel la grâce avait défieiilli. C'est
defltalie que nous parlons. On nous dispense
de peindre cette Italie des Borgia. Il y arait cer^
niBemait à cette époque quelque chose qui s'est
m rarement ou jamais dans l'histoire : une per-
îersté raisonnée et scientifique , une magnifique
j ostentation de scélératesse, disons tout d'un mot :
leprétreathée,secroyantroi du monde. Cela était
I dn temps. Ce qui était du pays , ce qui ne peut
I changer, c'est cet inyincible paganisme qui a
toujours subsisté en Italie. Là , quoi qu'on &8se ^
\ Il nature est païenntv Telle nature, tel art. C'est
une gloriçLUie èéMiédie, llr;^j>''i- par Rapbaêlt
«mmf TAriosle. Ce qu'il y a de f^ravc^ cUé-
nÇrin dansVart iluHeo , les lioinmes du
genUiient peu. Ils n'y reeûimaissaieiit que
le. que tcnialiom chanicUes, Leur mcil-
aredc-fenâc, c'était deferiner les yeux, depa^-
ffti, de maudire en passiint.
ité auâLère de Tltalio^ la politique 6t la
dencc» ne les choquaient pas moins. Les
itkmf g^ermaniques ont toujourâ instinctivement
juaudit le droit romain. Tacite raconte
a U défaite de Varus^ k^s Germains se vengc-
l des formes juridiques auxquelles il avait es-
* de Ifi »oujnetlfe. Vixxi de ces burbares
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14 aixouixs
clouAnt k un arbre latéte d'un légiste romain, lui
perça la langue, et loi disait : Siffle, vipère,-
siffle maintenant. Cette haine des légistes, per-^
pétuée dans tout le moyen-âge, a été, comme on
Terra , vivement exprimée par Luther; et il eit
devait être ainsi. Le légiste et le théologien sont
les deux pôles; Fun croit à la liberté ^ l'autre àla
grâce; l'un à l'homme ^ l'autre à Dieu. La pre-
mière croyance fut toujours celle de l'Italie. Son
réformateur, Savonarole^ qui parut peu avant
Luther, ne proposait rien autre qu'un change-^
ment dans les œuvres , ^^Qg^^l^^ceiurs , et non
dans la foi.
Toilà Luther jSpiMnie. C'est WlHBMt de
joie, d'immense eipoir, que celui où l'oir!
les AImi pour entrer dans cette glorieuse
tré^^Kspérait certainement raffermir sa foi da
la HPrsainte j laisser ses doutes aux tombeaux:
ddMaints apôtres. La vieille Rome aussi, la Romi
classique l'attirait, ce sanctuaire des lettres , qu^
avait cultivées avec tant d'ardeur dans sa pauvre
ville de Wittemberg.
D'abord il est reçu à Milan dans un coiivent de
marbre. Il continue de couvent en couvent,
c'est-à-dire de palais en palais. Partout grande
chère , tables somptueuses. Le candide Allemand
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BB I.UTBBB. 16
s'ètoimait un peu de ces maynificencei de l'hii*
milité, de ces splendeon royales deUpénitenoe.
n se basarda une ibis à dire aux moines italiens
<pi'ila fendent mieux de ne pas manger de TÎande
le Tendredi. Cette parole faillit lui coûter la
Tie ; il n'échappa qu'ayec peineà leurs embûches.
Il continue , triste, désabusé, à pied dans les
plaines brûlantes de la Lombardie. Il arrive ma-
lade à Padoue i il persiste , il entre mourant à
Bologne. La pauvre tête du voyageur avait été
trop rudement frappée du soleil dltalie, et de
tant d'étranges choses ^t de telles mœurs , et de
telles P^^^kÉBHR^Bl^ Bologne , dans la
ville^^HpI^Oes le^HH|||ç^nt sa mortpro-
ghaflpffrépëtaît tout bas, 'poiur se raffermir,
I paroles du prophète et de Tapôtre : Le jusie
' de la foi,
II exprime naïvement dans une eonTcfialioti
combien Fltalie faisait peur aux hou^ Alloinattdâ.
« Il suffit aux Italiensqne vous regardicidai}» un
miroir pour qu'ils puissent vous tiii*r. Us peuvent
vous ôter tous les sens par de set s *?^ poi^Arw En
Italie, l'air est pestilentiel. La nuit enferme exac-
tement les fenêtres , et l'on bouche les fentes. >
Luther assure qu'il fut malade , ainsi que le frère
(joi l'accompagnait, pour avoir donni les croisées
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*' i
16 IliMOIEBa
ouvertes , mais ils mangèrent deux grenades par
lesquelles Dieu leur sauva la vie.
Il continua son voyage , traversa seulement Flo-
rence y et entra enfin dans Rome. Il desceadîtau
couvent de son ordre près la porte du Peuple,
« Lorsque j'arrivai, je tombai à genoux, levai les
' mains au ciel , et je m'écriai : Salut, sainte Rome,
sanctifiée par les saints martyrs , et par leur sang
quii y été versé !... » Dans sa ferveur , dit-il, il
courut les saints lieux , vit tout , crut tout. Il
s'aperçut bientôt qu'il croyait seul. Le christia-
nisme semblait oublié dans cette capitale du
monde chrétien. L^flpHPHH^ le scanda-
leux Alexandre YJ^i^îtlebelli^HlQdk^léri-
que Jules IL Ce père des fidèles ne respHl quAi
sang et ruine. On sait que son grand artiste Mi«fl
chel^Oige le représenta foudroyant Bologne de ■
sa ijpédiction. Le pape venait de lui commander ^
pour lui-même un tombeau grand comme un '
temple ; c'est le monument dont il reste le Moïse,
entre autres statues.
L'unique pensée du pape et de Rome , c'était
alors la guerre contre les Français. Luther eût
été bien reçu à parler de la grâce et del'impuis-
sance des œuvres à ce singulier prêtre qui as-
siégeait les villes en personne, qui récemment
dby Google
DX LUTinUl. 17
encore n'arait touIu entrer à la Hirandole que
parla brèche. Ses cardinaux, apprentis officiers,
^ent des politiques, des diplomates, ou bien
des gens de lettres, des savans parvenus, qui
ne lisaient que Gicéron , qui auraient craint de
compromettre leur latinité en ouvrant la Bible.
S'ils nominaient le pape , c'était le grand poniifh;
on saint canonisé était dans leur langage re-
laius inier Divos , et s'ils parlaient encore de la
grâce, ils disaient : Beorum immorialium befi«-
Si noire AlTçiuand se réfuf^iaît aux églises, il
I Bayait |ijs même la consolation d'une bonne
■ ir prêtre rotimin cipédiait le divin saeri-
^' de telle vitesse* que Luther était eneore à
Bh-RD^le quand rofTidîint lui disait i Ue, missa
Hf.Cei prêtres italiens fïtisai ont souvent parade
^puae tcaudûleiisc audace d'esprit fort- 11 leur
BrrttiA eu coriîiacrant Thostie de dire : panis ev,
Htj»#i» monehiM. U ne restait phi9 qu'à Iblr en
Hr ruikul la tcte, Luther quitUi Rome au boni de
■IjiïatQne jours.
Il emporta il en Alletuagnc la condamnation de
I niali«, telle de TÉglise. Dans ce rapide et triste
^^>v,ipJeSaïon en avait vuasset pour condam-
*^trQf peu pour comprendre. Certes, pour un
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48 KiMOIRXS
esprit préoccupé du côté moral du chriatianinne,
il eût fiftllu un singulier efibrt de philosophie, un
sens historique bien précoce pour retrouver la
religion dans ce monde d'art, de droit, de poli-
tique , qui constituait l'Italie.
« Je ne youdrais pas, dit->il quelque part, je
ne voudrais pas pour cent mille florins ne pas
avoir vu Rome (et il répète ces mots trois fois).
Je serais resté dans l'inquiétude de &iro peut-
être injustice au pape. »
^
dby Google
DB |,OTHU,
Ut
CHAPITRE II.
1817-1821.
Ladicr tUaque les Indulgences. Il brûle la bulle du pape. —
crunM, Hotten, Frans de Sickiogen. ->- Luther comparait i la
ditte de Worau. — Son enlèrement.
^
La papauté était loin de soupçou^ner son dan-
l^w. ©epuis le Irciuèrae siècle on dispuWâ, on
aboftii i^ontf e elle. Le monde lui paraiss^BdéiS-
tiitfrraicnt cndartniau b mil uniforme deçPl^ail-
lena de TÊtole. Il semblait qu'il n'y eàt plus
[i^Tind'cbofie de nouveau à dire. Tout le monde
rié à perdre haleine. Wicleff, Jean Hum,
le Prague, persécutés, condamnés, brû-
I avaient pas moins eu le temps de dire
n'ils avaient en pensée. Les docteurs de
liolique université de Paris, les Pierre
tt
dbyGo'ogle
20 MillOI&B8
d'Aiily , les Glémengis, le doux Gerson lui-même,
avaient respectueiuement souffleté la papauté.
Elle durait pourtant , elle vivotait, patiente et te-
nace. Le quinzième siècle s'écoula ainsi. Les con-
ciles de Constance et de Bâle eurent moins d'effet
que de bruit. Les papes les laissèrent dire, firent
révoquer les Pragmatiques, rétablirent tout dou-
cement leur domination en Europe et fondèrent
une grande souveraineté en Italie.
Jules II conquit pour l'église; Léon X pour sa
famille. Ce jeune pape, mondain, bomme de let-
tres, homme de plaisi^^^laSûres, comme les
autres Médicis, avait MmHHJiJ^Éjl son âge, et
celles des vieux papes, et celles liwn tiHips. Il
voulnit faire rois les Médicis. Lui-même jouait 1^
rôle du premier roi de la chrétienté. Indépen
damment de cette coûteuse diplomatie qui s'é^l
tendait à tomles états de l'Europe, il entretenait
de lointaines relations scientifiques. Il s'informait
du Nord même , et faisait recueillir jusqu'aux
monumens de l'histoire Scandinave. A Rome, il
bâtissait Saint-Pierre, dont Jules H lui avait lé-
gué la construction. L'héroïque Jules II n'avait
pas «calculé ses ressources. Quand Michel-Ange
apportait un tel plan, qui pouvait marchander? Il
avaitdit, comme on sait, duPanthéon:Jemettrai ce
dby Google
DB Limmi. 21
temple à trois cents pieds dans les âtrs. Le pan-
▼re état romain n'était pas de force a Intter contre
le génie magnifique de ces artistes, dont Fancien
Empire, maître du monde, aurait à peine été ca-
pable de réaliser les conceptions.
Léon X avait commencé son pontificat par ren-
dre à François I*' ce qui nVtait pas à lui, les
droits deTéglise de France. Plus tard, il avait &it
pourfinance trente cardinaux en unefois. C'étaient
là de petites ressources. Il n'avait pas, lui, les
mines du Mexique. Ses mines, c'étaient la vieille
foi des peuples, leuuzédule débonnaireté. Il en
avait donné JdflHjj^BA Allemagne aux ïïo-
nûnicaiw^iuPNMm^ Augustins dans
k vente dei indulgences. Le dominicain Tetzel,
tnté saltimbanque, allait à grand bruit, grand
reil, grande dépense, débitant cette denrée
les églises, dans les places, dans les cabarets.
wt Wadait le moins qu'il pouvait , et empochait
l'argent; le légat du pape l'en convainquit plus
tarjL La foi des acheteurs diminuant, il fallait
bien enfler le mérite du spécifique; il y avait
longtemps qu'on en vendait ; le commerce bais-
sait. L'intrépide Tetzel avait poussé la rhétorique
aux dernières limites de l'amplification. Entassant
hardiment les pieuses menteries, il énumérait
dby Google
32 MiMOl&ES
tous les maux dont guériasait cette panacée. Il ne
se contentait pas des péchés connus > il inventaît
des crimes, imaginait des inCamies, étranges,
inouïes, auxquelles personne ne songea jamais;
et quand il voyait l'auditoire frappé d'horreur,
il ajoutait froidement : « £h bien, tout cela est
expié, dès que l'argent sonne dans la caisse du
pape! »
Luther assure qu'alovs il ne «avait trop ce que
c'était que les indulgences. Lorsqu'il en vit le
prospectus fièrement décoré du nom et dp la pro^
tection de rarchevêquedeMayence, que le pape
avait chargé de surveHNà VlM^es indulgen-
ces en Allemagne, il fut saisi nmignation. Ja-
mais un problème de pure spéculation ne l'eût
mis en contradiction avec ses supérieurs ecclé»
siastiques. Mais ceci était une question de b(m
sens , de moralité. Docteur en théologie , profe»?
•eur influent à l'université de Wittemberg que
l'Électeur venait de fonder, vicaire provincial
des Augustins, et chargé de remplacer le vicaire
général dans les visites pastorales de la Misnie et
de la Thuringe , il se croyait sans doute plus resr
pensable qu'un autre du dépôt de la foi saxonne,
^a conscience fut frappée , il risquait beaucoup
en parlant; s'il se taisait, il se croyait dsimné^
dby Google
DB LUTHUl. 28
tl commença daim la forme légale, s'adressa
à won érdqae, celui de Brandebourg, pour le
prier de faire taire Tetzel. L'éréque répondit que
c'était attaquer la puissance de l'Église, qu'il aK
lait se faire bien des affieiires, qu^l valait mieux
se tenir tranquille. Alors Luther s'adressa au
primat, archeydque de Mayence et de Magde*
bourg. Ce prélat était un prince de la maison de
Brandebourg , ennemie de l'électeur de Saxe;
Luther lui envoyait des propositions qu'il oflRrait
de soutenir contre la doctrine des indulgences.
Nous abrégeons sa lettre, extrêmement longue
dans roriginal^^||g||^1517)
« Père TénJHVèitmra, prince très illustrej
veuille votre gntee jeter un œil fiivorable sur moi
É||A jie suis que terre et cendre , et recevoir iava-
'^■ment ma demande avec là douceur épisco*'
jllk On porte par tout le pays, au nom de votre
fÇÊme et seigneurie^ l'indulgence papale pour la
construction de la cathédrale de Saint-Pierre de
Rome. Je ne blâme pas tant les grandes clameurs
des prédicateurs de l'indulgence < lesquels je n'ai
point entendus, que le faux sens adopté par le
pauvre, simple et grossier peuple, qui publie
partout hautement les imaginations qu'il a con-
çues à ce sujet. Gela me fait mal et me rend ma'
dby Google
24 M^MOIABS
lade... Ils croient que les âmes seront tirées du
purgatoire, dès qu'ils auront mis Tarant dans les
coffres. Ils croient que l'indulgence est assez puis-
sante pour sauver le plus grand pécheur, celui
(tel est leur blasphème) qui aurait violé la sainte
mère de notre Sauveur!... Grand Dieu! les pauvres
^^es seront donc sous le sceau de votre autorité,
enseignées pour la mort et non pour la vie! Vous
en rendrez un compte terrible , dont la gravité
va toujours croissant...
» Qu'il vous plaise, noble et vénérable père,
de lire et de considérer les propositions suivantes,
où l'on montre la vanké|riMg|d|deences que les
prédicateurs proclameliHHHBbse tout à fait
certaine. *
L'archevêque ne répondit pas. Luther, qqî
s'en doutait, avait le même jour, SI octobre ISlf,
veille de la Toussaint, à midi, affiché ses propo
sitions à l'église du château de Wittemberg, qui
subsiste encore.
« Les thèses indiquées ci-dessous, seront sou-
tenues à Wittemberg, sous la présidence du ré-
vérend Martin Luther, etc. 1517 :
> Le pape ne veut ni ne peut remettre aucune
peine, si ce n'est celles qu'il a imposées de son
chef ou d'après les canons.
dby Google
DB LDTHKt. S5
—Les canons p^tentiaux sont pour les Tiyans ;
ibae penyent charger d'aucune peine Fâme des
iMrts.
— Le changement de la peine canonique en
pdne du purgatoire, est une iTrue^une ziianie;
érideimnent les évéques dormaient quandi on a
mè cette mauTaise herbe.
— Le pouvoir de soulager les âme» du purga-^
toire c{ue le pape peut exercer par toute la chré-»
tiente. chaque évéque, chaque curé le possède
dans son diocèse, dans sa paroisse.... Qui sait si
toutes les âmes en purgatoire Tondraient être ra**
éeiées? on la diL de^nt Séverin.
— Il ùkMi enseigner aux chétiens qu'à moins
Iffoir le superflu, ils doivent gartler pour leur
te le nécessaire , et ne rîen dépenser pouF
^fs péchéa-
— IV feut enseigner aux chrétiens que la pape;
i^and il donne des pardons, a moins besoin d'ar-
^ni que ée bonne prière pour lui ^ et que c'est là
ce qu'il demande^
— U faut e^iseigner aux cbréliËns que si le pape
conûaiaaait les exactions des pécheurs de pardons^
il aimeraii mieux que la basilique de Saint-Pierre
tombal en cendres, plutôt que de la c<Histrnird
tvec h chair f la peau et les os de ses brebis^-
TûVfi 1 !t
DigitizedbyVjOOÇlC -
-^Le pape doit TOulMr qa« « les pardons,
chote petite, sont célébrés arec une cloche, une
cérémonie, une solennité, rÉrangile, chose si
grandie, soii prêché atec oent cloches, cent céré-
monies, cent solennités.
«^ Le vrai trésor de l'Église , c'est le sacro-saint
Évangile de la gloire et de la grAce de Dieu.
— On a sujet de haSr ce trésor de l'Évan-
gile , par qui les premiers deviennent les der-
— On a sujet d'aimer le trésor des indnlgen-
ees, par qui les denders deviennent les premiers.
— Les trésors de lIÉwMynj^t les filets avec
lesquels on péchait les vHneNe richesses;
•«^Les trésors des indulgences sont les filets
avec lesquels on pèche les richeascB des hommea.
— Dire que la croix , mise dans les armes dli
pape, équivaut à la croix du Christ, c'est un Maih
phème.
*~ Pourquoi le pape, dans sa très sainte cha-
rité, ne vide-t-il pas le purgatoire où tant d'Ames
en peine? Ce serait là exercer plus digne-
son pouvoir, que de délivrer des âmes à
prix d'argent (cet argent porte malheur); et pour-
leoreP pour élever une église?
-•- Quelle est cette étrange compassion de Dieu
dby Google
et da pftfe , <|ui » poor de Targrat, chajageal rame
d'on impie, d'oB esiieiiii de Dieu, en «ne àme
pieofe et agréable au Seigneur?
— Le fiape, dont les trëaort 8iu|Ni»«it aajoQff-
dliai les plus énormes trésors, ne peut-il donc,
aTec son argent plutôt qu^aveo cdoi des paurres
âdèies, éley^ ui^ seule église, la basilique de
Saint-Pierre?
— Q«e remet, <fae donne le pape à ceux qm^
par la contrition parfaite, ont droit à la rémis-
fion pléaîère?
— Loin de nous tous ces prophètes, qui disent
i% p«^yple de Chrisl : Lu paU , lupmùf; et ne don-
nent pomi la paix*
— Loin, Lien loin, tous ce» prophètes qui di-
i^Bl au peuple de Clirkl : La crois , la craÙF ; ^i
^B iBonlrr n t poi n t la c r 0 î i .
^B — H faut exhorter les t;hrt liens à suivre Christ,
l^iir chef :i travers les peines, les supplices el
reafl^G|ne;^^fl|sorte qu'ils soient assurés que
c'ealMBJbl tlHbttions qu'on entre dans le ciel,
CxM pi ipbîijHps, négatives et polémiques, trou-
raieni leur «oiBiémeBt dans les thèses dogmati-
ques que LudnRpublîa presque en même temps:
L'hoanift^Meiit pas naturdlement Touloir
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28 MEMOIRES
qae Dieu toit Dieu. Il aimerait mieux être Dieu
lui-même, et que Dieu ne fôt pas Dieu.
— Il est £biux que Tappétît soit libre d'aller dans
les deux sens; il n'est pas libre, mais captif.
— Il n'y a eu la nature, par devant Dieu, rien
que concupiscence.
— Il est &UK que cette concupiscence puisse
être régflée par la vertu de l'espérance. Car l'e»-
pérance est contraire à la charité qui cberche et
désire seulement ce qui est de Dieu. L'espérance
ne vient pas de nos mérites, mais de nos passions
qui effacent nos mérites.
— La meilleure , l'iaiMUiUe préparation et
l'unique disposition à revoir la ^âce , c'est le
choix et la prédestination arrêtés par Dieu de
toute éternité.
— Du côté de l'homme , rien ne précède la
grâce, que la non-disposition à la grâce , ou plu-
têt la rébellion.
1- Il est faux qu'on puisse trouver excuse dans
une ignorance invincible. L'ignorance de Dieu ,
de soi, des bonnes œuvres, c'est la nature invin-
cible de l'homme , etc. »
La publication de ces thèses et le sermon en
langue vulgaire que Luther prononça à l'appui,
furent comme un coup de tonnerre dans l'Alle-
dby Google
BB LUTHBK. 29
magne. Cette iminolatton de la liberté à la grAce,
de rhorome à Dieu , du fini à Tinfini, fut recon**
uue, par le peuple allemand, comme la rraîe reli-
gion nationale, la foi que Gottschalk ayait pro-
fessée dès le temps de Gharlemagne , au berceau
même du christianisme allemand, la foi deTauler,
et de tous les mystiques des Pays-Bas. Le peuple
se jeta avec la plus âpre aTidité sur cette pâture
religieuse dont on l'avait sevré depuis le quator-
zième siècle. Les propositions furent imprimées
à je ne sais combien de raille, dévorées, répan- •
dues, colportées. Luther fut lui-même alarmé
de son succès. «Je suis fiché , dit-il , de les voir
tant imprimées /tant répandues; ce n'est pas là
une bonne manière d'inspirer le peuple. Il me
leste moi-même quelques doutes. J'aurais mieux
prouvé certaines choses, j'en aurais omisd'autres,
n j'avais prévu cela.»
Il semblait alors fort disposé à laisser tout et i
se soumettre. • Je veux obéir, disait-il ; j'aimerais
mieux obéir que faire des miracles, quand même
j'aurais le don des miracles. »
Tetzel ébranla ses résolutions pacifiques, en
brûlant les propositions de Luther. Lés étudiant
de Wittemberg usèrent de représailles pour cel-
les de Tetzel , et Luther en exprime quelque re-
S.
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SO MÎMOIRBS
gret. Mais lui-même fit paraître ses RétoluiionB,
à l'appui des premières propositions. « Yous ver*
ret, écrit-il à un ami, mes Resolutioneê et respon-
êiones. Peut-être en certains passages les trouve-
ret-vous plus libres qu'il ne fieiudf ait ; à plus forte
raison doivent-elles paraître intolérables aux flat-
teurs de Rome. Elles étaient déjà publiées; autre-
ment , j'y aurais mis quelque adoucissement. »
Le bruit de cette controverse se répandit hors
de lltalie et parvint à Rome. On prétend qne
Léon X crut qu'il ne s'agissait que dejaloune de mé*
tier entre les Augustins et les Dominicains, et qu'il
aurait dit : c Rivalités de moines! Fra Luther est
un beau génie I » De son côté, Luther proteataît
de son respect pour le pape même. Il écrivit en
même temps deux lettres, l'une à LéonX , par la-
quelle il s'abandonnait à lui sans réserve , et se
soumettait à sa décision. « Très saint Père , disait-
il en finissant , je m'offre et me jette à vos pieds ,
moi et tout ce qui est en moi. Donnei la vie on la
mort; appelez, rappelez, approuves, désapprou-
vez, je reconnais votre voix pour la voix du Christ
qui règne et parle en vous. Si j'ai mérité la mort,
je ne refuserai point de mourir ; car la terre et la
plénitude de la terre sont au Seigneur qui Mt
béni dans les siècles : puisse-t-il vous sauver éter-
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DB LDTHBM. Si
DeDeuent! Amen. * ( Jour de la Trinité , 1518 ).
iaatre lettre était adressée au yicaire fpénénJ
Stâapîtz, qu'il priait de l'envoyer an pape. Dans
ceUe-d, Lather indiquait que sa doctrine n'était
titre que cdle qu'il avait reçue de Staupitz lui-
nèflie. « Je me souviens, mon révérend Père,
quepsnni vos doux et salutaires discours , d'où
non Sei(piear Jésus Mi découler pour moi de
à mer? eilleuses consolations , il y eut aussi men-
tion damjet delapénUencê : et qu'alors émus
de pitié pour tant de consciences, que l'on tor-
ture par dlnnorobrables et insupportables près*
eriptiouâ sur la manière de se confesser, nous
reciuaes de vous, comme une voix du ciel, cette
pirolf : Qu'il n*f m de tmie pénîtenee que celle
fti commence par V amour de la justice et deDieui
dqsflce qu'ils dotiïieiit |Jour la fin de la péni-
*«csai doit être plutôt le principe. — Cette
pirofe de vous resta en moi comme la flèche
^p& da chfluneur. J'osai en(piger la lutte avec
kl éoritores qui enseignent la pénitence ; joûte
plèbe de diarme, où les paroles saintes jaillts-
"ieQtde tontes parts et voltigeaient autour de
BU en saluant et applaudissant cette senteoee^
iotrebis il n'y avait rien de plus amer pour moi
^ teste récriture que ce mot de pénitence ,
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32 IIBUOIRES
bien que je fine mes efforU pour dissimuler de«
vaut Bleu , et exprimer un amour de commande.
Aujourd'hui rien , comme ce mot , ne sonne déli-
cieusement à mon oreille. Tant les préceptes de
Dieu deviennent suaves et doux , lorsqu'on ap-
prend à les lire , non dans les livres seulement ,
mais dans les blessures mêmes du doux Sauveur! •
Ces deux lettres du 30 mai 1518 , sont datées
d'Heidelberg, où les Augustins tenaient alors un
synode provincial , et où Luther s'était rendu pour
soutenir ses doctrines et combattre à tout venant.
Cette fameuse université à deux pas du Rhin , et
par conséquent sur la rouie la plus fréquentée
de l'Allemagne , était certainement le théâtre le
plus éclatant où l'on pût présenter la nouvelle
doctrine.
Rome commençait à s'émouvoir. Le maître du
sacré palais , le vieux dominicain Sylvestre de
Prierio , écrivit contre le moine augustin en ia-
veur de la doctrine de saint Thomas, et s'attira
une foudroyante réponse (fin d'août 1518). Luther
reçut immédiatement l'ordre de comparaître à
Rome dans soixante jours. L'empereur Maximilien
avait inutilement demandé qu'on ne précipitât
pas les choses, promettant défaire tout ce que le
pape ordonnerait au sujet de Luther, liais à Rome
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DB LUTHBB. 83
on n'était pas sans quelque méfiance sur le lèle
de Haximilien. U arrivait de lui certains roots qui
fcmnaient mal aux oreilles du pape : « Ce que
&it TOtre moine n'est pas à mépriser , avait dit
Fempereur à Pfeffînger, conseiller de l'électeur
de Saxe; le jeu va commencer avec les prêtres.
Prenez soin de lui, il pourrait arriver que nous
en eussions b^oin. * Plus d'une fois il s'était plaint
amèrement des prêtres et des clercs. « Ce pape,
diiait-ilen parlant de Léon X, s'est conduit avec
moi comme un misérable. Je puis dire que je n'ai
trouvé dans aucun pape ni sincérité ni bonne foi;
mais j'espèrje bien , s'il plait à Dieu, que celui-ci
sera le dernier, ■ Ces jj a roi es étaient menaçantes.
L'on se rappelait d'ailleurs que Maximilien, pour
réconcilier définJtÎTemenl l'Empire et le Saint-
Siège, avait songé à se fniro pape lui-même. Aussi
Léonîst^ garda bien de lui remettre la décision
de cette querelle, qui prenait chaque jour une
nouvelle importance.
Luther n'avait d'espérance que dans la protec-
tion de l'Électeur. Ce prince , soit par intérêt pour
sa nouvelle université , soit par goût pour la per-
sonne de Luther , l'avait toujours protégé spécia-
lement Il arait voulu faire les frais de son doc-
M>rat. £n 1517, Luther le remercie dans une
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34
leitro de lui aroir enroyé, à Feiilrée de l'hiver,
dn dnip pour loi faire une robe. Il se doutai*
bies auBfli que l'Électeur ne lui savait pas maocvais
gré d'un éclat qui feisast tort à raroheréque de
Mayeitce et Magdebourg , prince issu de bi huiî-
son de Brandebourg, et par conséquent ennemi
do celle de Saxe. Enfin , et e'était un puinant me-
Ctf de se rassurer, FÉleeteur avait annoncé qu'il
ne connaissait de règle de foi que les propres
paroles de l'Écriture. Luther le lui rappelle dans
le passage suivant (â7 mars 1519) : « Le docteur
J. Staupkx, mon véritable père en Christ, m'a
rapporté que causant un jour avec votre altesse
Rectorale sur ces prédicateurs qui, au lieu d'an-
noncer la pure parole de Dieu , ne prêchent au
peuple que de misérables arguties ou des tradi-
tions humaines, vous lui dites qu6 la sainte Écri-
ture parle avec une telle majesté et une si com-
plète évidence, qu'elle n'a pas besoin de tous ces
instrumensde disputes, et qu'elle force de dire :
« Jamais homme n'a ainsi parlé; là est le doigt
> de Bîeu; Celui-ci n'enseigne point comme les
» scribes et les pharisiens, mais comme ayant la
» toute-puissance.» Staupitz approuvant ces paro-
les ^ vous lui dites : « Donnez-moi dono la main,
et promeltei-moî , je vous prie, qu'à l'avenir vous
dby Google
MMTrei cette Bomvelledoctriae. •
aaitarelle de ce peaage le troeye dans ime TÎe
neteiiicrite de TÉleetevr, par Sfialatu < Aree
fwd plaisir il éoootail les prMicalîoos, et lisaîl
la pan^ de IKea, surionit les évangflistes dont
il arak sans cesse à la beache de lielleseA ooase-
lentes sentences i lais ceUe qu'il rApéCait sans
cesse , c'était cette parole de Christ saint Jean :
Samê wèoi vans ms pouveM rien. tU se sentait de
cette parole ponr conJiattre la doctrine da libre
arbitre, avant même qu'Érasme de Kotterdam
^i osé sootenir dans plusieurs écrits contre la
parole de Dieu cette misérable Itterté. II me di«
sait souvent, comment pouTOos-nom avoir lelibre
arbitre, puisque Christ lui-même a dit : Sans moi
vous ne pouvez rien, Sme m^mikiipaêuiiÊ /Quwfv.»
Toutefois on se tromperait ai l'on croyait, d'a-
près ceci, que Staupitz et son disciple ne furent
que Tinstrument de rÙecteur. La Réforme de
Luther fut évidemment spontanée. Le prince,
comme nous le verrons ailleun, s'effraya (dntêt
de l'audace de Luther. 11 aima , il embrassa la Ré*
fonne, il en profita; jamais il ne Teût com-
mencée.
Luther écrit le 15 lévrier 11S18 à son prudent
ami, Spalatin , le chapelain, le secrétaire et le
dby Google
confident de Télecteur : « Voilà ces cfiailleura
qui vont disant , à mon g^and chagrin , que tout
ceci est Touvrage de notre très illustre Prince ; à
les en croire , c'est lui qui me pousserait pour
foire dépit à l'archevêque de Magdebourg et de
Hayence. Examinez, je vous prie, s'il est à pro-
pos d'en avertir le Prince. Je suis yraiment dé-
solé de voir son altesse soupçonnée à cause de
moi. Devenir une cause de discorde entre de si
grands princes , il y a de quoi trembler et fré-
mir. » Il tient le même langage à l'Électeur lui-
même dans sa relation de la conférence d'Augs-
bourg (novembre).
21 mars, à J. Lange (depuis archevêque de
Saltzbourg) : « Notre Prince nous a pris sous sa
sa protection , moi et Garlostadt, et cela sans en
avoir été prié. Il ne souffrira pas qu'ils me traî-
nent à Rome. Ils le savent, et c'est leur chagrin. »
Ceci ferait croire qu'alors Luther avait reçu de
l'Electeur des assurances positives. Cependant,
le 21 août 1518, dans une lettre plus confiden-
tielle, à 8palatin , il dit : « Je ne vois pas encore
comment éviter les censures dont je suis menacé,
si le Prince ne vient à mon secours. Et pourtant ,
j'aimerais mieux toutes les censures du monde
plutôt que de voir son altesse blâmée à cause de
dby Google
Dl LVTHia. 37
. Toici oe qui a paru le mieux à nos doctes
et pradens amis « c'est que je demande au Prince
BO sauf -conduit {salvum, ui vooani, ctmdmctmm
fer atêmm daminium ). Il me le refusera , j'en suis
sâr 1 et j'aurai, disent-ils , une bonne excuse pour
ne pas comparaître à Rome. Veuillez donc faire
en sorte d'obtenir de notre très illustre Prince
un çescript portant qu'il me refuse le sauf-con-
duit , et m'abandonne, si je me mets en route, à .
mes risques et périls, £n cela vous me rendrez
un important service. Mais il faut que la cbose se
&sBe promptement; le temps presse , le jour fixé
approche. >
Luther eutpus'épargner cette lettre. Leprince^
saus l'en avertir, le protégeait activement. Il avait
obtenu que Luther serait examiné par un légat
ea Allemagne, dans la ville libre d'Augsbourg ;
et à ce moment il était de sa personne à Augs-
bourg, où sans doute il s'entendait avec les ma-
gistrats pour garantir là sûreté de Luther dans
cette dangereuse entrevue. C'est sans doute à j
cette providence inyisible de Luther qu'on doit
attribuer les soins inquiets de ces magistrats y pour ,
le préserver des embûches que pouvaient lui
dresMr les Italiens. Pour lui , il aUait droit devant
lui dans son courage et sa simplicité , sans bien
S
dby Google
88 aivoimis
savoir ce que le prince ferait on ne ferait pa», en
la&Teur (Ssept.).
< Je Fai dit, et, je le répète , je ne Tenx pat
qne dans cette aflbire notre Prince , qni est inn^
cent de tout cela , {bumo la moindre chose ponr
défendre mes propositions... Qu'il tienne la main
à ce que je ne sois exposé à aucune violence , s'il
peut le faire sans compromettre ses intérêts. S41
ne le peut , j'accepte mon péril tout entier^ •
Le légat , Caietano de Yio , était certainement
un juge peu suspect. H avait écrit lui-même qu'il
était permis d'interpréter l'Écriture , sans suivre
le torrent des Pères {conirà torrentem SS, Pa-
trum). Ces hardiesses l'avaient rendu quelque
peu suspect d'hérésie. Homme du pape dans cette
affaire que le pape le chargeait d'arranger , il
prit la chose en politique , n'attaqua dans la doc-
trine de Luther que ce qui ébranlait la domina-
tion politique et fiscale de la ceur de Rome. Il
s'en tint à la question pratique du trésor des indul"
gences, sans remonter au principe spéculatif de
la grâce.
« Lorsque je fus cité à Augsbourg, j'y vins et
comparus , mais avec une forte garde et soua la
garantie de l'électeur de Saxe, Frédéric, qui
m'avait adressé à ceux d'Augabourg et m'avait re^
dby Google
BB Liinu. 89
conmandé à eux. B« eurent grande attention à
moif et m'avertirent de ne point aller aveo let
Italiens, de ne faire aocune société avec enx» de
ne point me fier à enx , car je ne tayais pas, di-
aient-ib, ee i{iie c'était qu'on Welche. Pendant
trois jours entiers , je fus à Augsbourg sans sau^
conduit de l'Empereur. Bans cet intervalle, un
Italien Tenaitaouvent m'inviter à aller chei le car-
dinal. Il insistait sans se décourager. Tu dois te
rétracter , disait-îl ; tu n'as qu'un mot à dire : re*
paco. Le cardinal te recommandera au pape,
et tu retourneras avec honneur auprès da ton
prince. »
n lui aitait entre autres exemples , celui du la-
menx Joachim de Flores, qui, s'étant soumis,
n'avait pas été hérétique, quoiqu'il eût avancé
des propositions hérétiques.
< Au bout de trois jours, arriva l'évéque de
Trente, qui montra au cardinal le sauf-«onduit
de l'empereur. Alors j'allai le trouver en toute
humilité. Je tombai d'abord à genoux, puis je
m'abaissai jusqu'à terre et je restai à ses pieds.
Je ne me relevai que quand il me l'eut ordonné
trois ibis. Cela lui plut fort, et il espéra que je
prendrais une meilleure pensée.
• Lorsque je revins le lendemain et que je re-
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40 mAmoirbs
fuiMd absolument de rien rétracter, il me dit :
Penses-tu que le pape s'embarrasse beaucoup de
TAIlemagne? Crois-tu que les princes te défen-
dr<Hit avec des armes et des gens de guerre ? Oh 1
non ! Oîi veux-tu rester ?... — Sous le ciel , ré-
pondis-je.
• Plus tard le pape baissa le ton et écrivit à
l'Église , même à maître Spalatin , et à Pfeffinger,
afin qu'ils me fissent livrer à lui , et insistassent
pour l'exécution de son décret.
» Cependant mes petits livres et mes Reêolu-
iianeê allèrent , ou plutôt volèrent en peu de
jours par toute l'Europe. Ainsi , l'électeur de Saxe
fut confirmé et fortifié; il ne voulut point exécu-
ter les ordres du pape et se soumit à la connais-
sance de l'Écriture.
» Si le cardinal eût agi à mon égard avec plus
de raison et de discrétion , s'il m'eût reçu lors-
que je tombai à ses pieds , les choses n'en seraient
jamais venues où elles sont. Car, dans ce temps, je
ne voyais encore que bien peu les erreurs du pape ;
s'il s'était tu , je me serais tu aisément. C'était
alors le style et l'usage de la cour de Rome, que
le pape dit dans les affiiires obscures et embrouil-
lées : Nous rappelons la chose à nous, en vertu
de notre puissance papale , annulons le tout et le
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ra Lonn. 41
mettons à néant. Alon il ne reitaH plot ans deux
parties qu'à pleurer. Je tiens qoe le pape donne-
rait trois cardinaux pour que la chose tài encore
dans le sac. •
Ajoutons quelques détails tirés d'une lettre
qa'écriyit Luther à Spalatin ( c'est-à-dire à r£-
lecteur) lorsqu'il était à Angsbourg, et pendant
les conférences (14 octobre) : «Voilà quatrejonrs
que le lé|^t confere avec moi, disons mieux,
contre moi Il refuse de disputer en public
ou même en particulier, répétant sans cesse:
Hétracte^toî , reconnais ton erreur, que tu le
croies ou non; la pape le veut ainsi... Enfin on a
obtenu de lui que je pourrais m'expliquer par
écrit, et je l'ai fait en présence du seigneur de
Tôlitscb , représentant de l'Électeur. Alors le
légat n'a plus voulu de ce que j'avais écrit, il s'est
remis à crier rétractation. Il s*est allé chercher je
ne sais quel long discours dans les romans de
saint Thomas , croyant alors m'avoir vaincu et ré-
duit au silence. Dix fois je voulus parler, autant
de fois il m'arrêtait, il tonnait, il régnait tyran-
niquement dans la dispute.
» Je me mis enfin à crier à mon tour : Si vous
pouvei me montrer que votre décret de Clé-
ment TI dit expressément que les mérites du
S.
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42k mimotMM
Cbrfat êùtti le trésor des indiilg^eiioes, je me ré-
tracte.— ^Diea sait alors comme ils ont tous éclaté
de rire. Lui il a arraché le liyre et Va feuilleté
hors d'haleine {fervena et anhelan$) juaq[u'à Ueii-
dioit où il est écrit, ^e Christ par sa Passion a
aeqm» les trésors , etc. Je Tarrétais sur ce mot
a ocjfiftf... — Après le dîner, il fit Tenir le réré-
rend père Staupiti, et par ses oaresses l'engagea
de m'amener à une rétractation, «goûtant qfx» je
trouverais difficilement quelqu'un qui me Toulut
plus de hien que lui-même. » ^
Les disputans suivaient une méthode diflé*
rente; la conciliation était impossible. Les amis
de Luher craignaient un guet-à-pens de la part
des. Italiens. Il quitta Augsbouiip en laissant un
appelaupape mieux informé, et iladressaunelon-
gue relation de la conférence à l'Éleoteur. Nous
y apprenons que dans la discussion, il avait ap-
.puyé ses opinions relatives à, l'autorité du pape,
sur le concile de Bàle, sur l'nniversité de Paris et
flur Gerson. D prie l'Électéar do.no point le livrer
«u pape : « Veuille votrejtfês illustre Altesse fiùre
ce qui est de son honxuetur , de sa consoienoe , et
-me pas m'envoyer au {lape. L'homme (il parle
du légat ) n'a oertainement pas dans ses insinic-
lions une garantie pour ma sûreté à Rome. Par*
dby Google
DB arma. 48
kreiioeaei»à¥Otr!eUài|illiislre Alteiie,oef^
nît lui dire de livrer le sang chrétieDy de de-
Teair lioiiiicide. A Rome ! le pape lui-même n'y
▼it pas &i sûreté. Ds ont là-bas assez de papier
et d'encre ; ils ont des notaires et des scribes sans
nombre. Ils peuvent aisément écrire en quoi j'ai
erré.nencoàtera moins d'argent pour m'instmire
absent par écrit, que pour me perdre présent par
trahison.»
Ces craintes étaient fondées. La cour de Borne
allait s'adresser directemmt à l'électeur de Saxe.
U lui ialkit Lutber à tout prix. Le légat s'était
d^ plaint amèrement à Frédéric de l'audace de
Luther , le snpplimt de le renvoyer à Augsbourg
on de le ohasser , s'il ne voulait souiller sa gloire
et celle de ses ancêtres en protégeant ce miséra-
ble moine. « JPai appris hier de Nuremberg que
CEbaries de Miltitz est en route; qu'il a trois bre6
du pape (au dire d'un témoin oculaire et digne
de loi) poiur me prendre au corps et me livrerau
pontife. Mais j'en ai appelé au futur concile. » D
était nécessaire qu'il se hâtât de récuser le pape ,
car y comme le légat l'avait écrit à Frédéric, Lur
ther était déjà condamné à. Rome. U fit cettejw)u-
veOe protestation en observant toutes les fonoes
juridiques, déclara qu'il se soumettrait volontieca
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44 HÉMOIBBS
aa Jugement dn pape bien informé ; mais que le
papepoUyant faillir, commesaintPierre lui-même
a failli , il en appelait au concile général, supé-
rieur au pape, de tout ce quelepape décréterait
contre lui. Cependant il craignait quelque vio-
lence subite; onpouvaitrenleverdeWittemberg.
«L'on t'a trompé, écrit- il à Spalatin, je n'ai
point fiât mes adieux au peuple de Wittemberg;
il est Trai que j'ai parlé à peu près comme il suit:
Vous le savez tous, je suis un prédicateur variable
et peu fixe. Combien de fois ne vous ai-je pas
quittés sans vous saluer! Si la même chose arri-
vait encore et que je ne dusse point revenir , pre-
nez que je vous ai fait mes adieux d'avance. •
(3 décembre. ) « On me conseille de deman-
der au prince qu'il m'enferme, comme prison-
nier, dans quelque château , et qu'il écrive au
légat qu'il me tient en lieu sûr, où je serai forcé
de répondre. »
« U est hors de doute que le prince et l'uni-
versité sont pour moi. L'on me rapporte une con-
versation tenue sur mon compte à la cour de
l'évéquede Brandebourg. Quelqu'un dit : Érasme,
Fabricius et autres doctes personnages le soutien-
nent. Le pape ne s'en soucierait guère, répondit
févèque, si l'université de Wittemberg et l'Éleo*
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M Lirmi. 45
tenr n'étaient aiud de son côté. » Cependant Luther
paan dans de Tires craintes la fin de cette année
1K18. Il songeait à quitter rAUemagne. « Pour
n^attirer ancon danger sur Totre Altesse, Toici que
j'abandonne tos terres; j'irai où me conduira la
miaéricordedeIKea, me confiant atout éréne-
ment dans sa diTÎne volonté. C'est pourquoi je
nlue respectueusement TOtre Altesse ; chex quel*
que peuple que j'aille, je conserverai une étemelle
reconnaissance de vos bienfaits. »(19 novembre.)
La Saxe pouvait en effet lui paraître alors une
retraite peu sâre. Le pape cherchait à gagner
l'Électeur. Charles de Hiltitz fut chargé de lui of-
frir la rose d'or, haute distinction que la cour de
Rome n'accordait guère qu'à des rois, comme
récompense de leur piété filiale envers l'Église.
C'était pour l'Électeur une épreuve difficile. Il
fallait s'expliquer nettement , et peut-être attirer
sur soi un grand péril. Cette hésitation de l'Élec-
teur parait dans une lettre de Luther. « Le prince
m'a tout-à-fait détourné de publier les Actes de
la conférence d'Augsbourg , puis il me l'a permis,
et on les imprime... Dans soninquiétude pour moi »
il aimerait mieux que je fusse partout ailleurs. Il
m'afiût venirà lichtenberg , oik j'ai conféré long-
tempsaveo Spalatin sur eesojet 8i lesoenauresTÎen-
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46 «iMOuiss
nent, ai-je dit, je ne resterai point. Il m'a peur-
tant dit de ne pas tant me hâter de partir pour la
France. »
Ceci était écrit le IS décembre. Le SO , Luther
était rassuré. L'Électeur avait répondu, avec une
froideur toute diplomatique, qu'il se reconnais*
sait pour fils très obéissant de la très sainte mère
Église, qu'il professait un ^rand respect pour la
sainteté pontificale , mais donandait qu'on fit
examiner l'affidre par des juges non suspects. C'é-
tait un moyen delà faire traîner en longueur; peu*
dant ce temps il pouvait survenir tel incident qui
diminuerait, qui tournerait le danger. C'était
tout de gagner du temps. En effet , au mois de jan-
vier 1519 , l'Empereur mourut, l'interrègne com-
mença, et Frédéric se trouva, par le choix de
Maximilien, vicaire de l'Empire dans la vacance.
Le S mars 1519, Luther rassuré écrivit au pape
une lettre altière, sous forme respectueuse. < Je
ne puis supporter, très saint Père, le poidsde votre
courroux; mais je ne sais conmient m'y soustraire.
Grâce aux résistances et aux attaques de mes en-
nemis, mes paroles se sont répandues plus que je
n'espérais, et elles ont descendu trop profondé-
ment danales cceurs pour que je puisse les rétrao-
ter. L'Allemagne fleurit de nos jours en érudition.
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]>s Limnm. 47
en rÙNm, en génie. Si je renx honorer Rome
parlerait die, je dois me garder de rien révo-
quer. Ce ierait soniller encore plus l'égliae ro-
maine, la livrer anx accnsattons, au mépris des
hommes.
9 Geux*làonifidtinjure et déshonneur àFéglise
romaine en Allemagne, qui , abusant du nom de
votre Sainteté , n'ont servi par leurs absurdes pré^
dications qu'une infâme avarice, et qui ont souillé
les choses saintes de l'abomination et de l'oppro^
hre d'Egypte. Et comme si ce n'était asseï de tant
de maux, moi qui ai voulucombattre ces monstres,
c'est moi qu'ils accusent
9 Maintenant, très saint Pèroi j'en atteste Dieu
et les hommes, je n'ai jamais voulu, je ne veux
pas davantage aujourd'hui toucher à l'église ro-*
maine ni à votre sainte autorité. Je reconnais
pleinement que cette église est au<^essus de tout^
qu'on ne lui peut rien préférer , de ce qui est au
dék et sur la terre, si ce n'est Jésus-Christ, notre
seigneur.»
Luther avait dès^lors pris son parti. I>éjà un
mois ou deux auparavant il avait écrit : « Le pape
n'a pas voulu souffrir un juge , et moi je n'ai pas
voulu du jugement du pape. Il sera donc le texte,
et moi k glose. » Ailleurs il dit à Spalatîn
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48 MixOtABS
( IS mars) : « Je suis en trarail pour l'épître de
saint Paul aux Galates. JTai en pensée unsermon sur
la Passion; outre mes leçons ordinaires J'enseigne
le soir les petits enfants, et je leur explique rorai-
son dominicale. Cependant, je retourne les décré-
taies pour manouYelle dispute, et j'y trouve Christ
tellement altéré et crucifié, que je ne sais trop (je
TOUS le disàroreille)si le pape n'est pas rAntichrist
lui-même , ou l'apôtre de l'Antichrist. *
Quels que fussent les progrès de Luther dans la
violence , le pape avait désormais peu de chance
d'arracher à un prince puissant, à qui la plupart
des électeurs déféraient l'empire, son théologien
favori. Miltitz changea de ton. Il déclara quele pape
voudrait hien encore se contenter d'une rétracta-
tion. Il vit familièrement Luther. Il le flatta , il loi
avoua qu'il avait enlevé le monde à soi, et l'avait
soustrait au pape. Il assurait que dans sa route , il
avait à peine trouvé sur cinq hommes , deux oa
trois partisans de la papauté. Il voulait lui per-
suader d'aller s'expliquer devant l'archevêque de
Trêves. Il ne justifiait pas autrement qu'il fût auto-
risé à faire cette proposition ni par le pape, ni
par l'archevêque. Le conseil était suspect. Luther
savait qu'il avait été hrùlé en effigie à Rome [p •-
pyincetis Martinus in canipo Florœ puhlicè com^
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Ds LOTm. 49
^mtiuê, eseemimê,dêTOiu$]. Il répondit durement
à MiltitZf et TaTertît qu'un de ses envoyés avait
inspiré de teb loupçonsà Wittemberg, qu'on avait
£ûlli le fidre sauter dans FElbe. « Si , comme vous
le dites, vous êtes obligé, par mon refus, de venir
vous-même. Dieu voosaccorde un heureux voyage!
Soi, je suis fort occupé; je n'ai ni le temps, ni
Targent nécessaire pour me promener ainsi. Adieu,
bonune excellent. » [17 mai.]
A l'arrivée deMiltitz en Allemagne, Luther avait
dit qu'il se tairait, pourvu que ses adversaires se
tussent aussi. Ils le dégagèrent de sa parole^ Le
docteur £ck le défia solennellement de venir dia*
puter avec lui à Leipzig. Les facultés de Paris, de
LouTain f de Cologne , condamnèrent ses propo-
sitions.
. Pour se rendre décemment à Leipzig, Luther
fut obligé de demander une robe au parcimonieux
Électeur , qui , depuis deux ou trois ans , avait on*
blié de l'habiller. La lettre est curieuse :
« Je prie votre Grâce électorale de vouloir bien
m'acheter une chape blanche et une chape noire.
La blanche, je la demande humblement. Pour la
noire, votre altesse me la doit; car il y a deux ou
trois ans qu'elle me l'a promise, et Pfeffinger
délie si difficilement les cordons de sa bourse, que
4
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60 infaioufts
j'ai été obligé de m'en procurer uae moi-même.
Je prie humblement votre Altesse, qui a pensé
que le Pêavtier méritait une cbape noire , de tou*
loir bien ne pas juger le «otn^ Paul indigne d'une
chape blanche. »
Luther était alors si complètement rassuré,
que non content d'aller se défendre à Leipzif^^ il
prit l'offeniiTe à Wittemberg. « Il osa , dit son bio-
graphe catholique, Gochleenis, il osa, avecrauto-
risation du prince qui le protégeait, citer solen^
nellement les inquisiteurs les plus habiles, oeux
qui se croiraient capables d'avaler le fer et de
fendre le caillou, pour qu'ils vinssent disputer
avec lui ; on leur offirait le sauf'conduit du prince,
qui de plus se chargeait de les héberger et de les
défrayer. »
Cependant I le principal adversaire de Luther,
le docteur Eck, s'était rendu à Rome pour solli-
citer sa condamnation. Luther était jugé d'avance.
Il ne lui restait qu'à juger son juge, à condamner
lui-même l'autorité par^evant le peuple. G'e^t ce
qu'il fit dans son terrible livre de la Captivité de
Babylone. Il avançait que l'Église était captive,
que Jéstts^hrist, constamment profané dans Fi"
dolÂtrie de la messe, méconnu dans le dogme de
la transsubstantiation, se trouvait prisonnier du
pape.
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]» I.6TBSA. 51
Il explique dans la préface, areo une auda-
ciMae firamdiiae, comment il s'est trouvé pouiié
de proche eu proche par ses adversaires : « Que
je le TeniUe ou non , je deviens chaque jour plus
habile y poussé comme je suis, et t^oiuen haleine
par taat de maitres à la fois. J'ai écrit sur les bk-
dttlgences, il y a deux ans, mais d'une façon qui
me fidi regretta vivement d'avoir donné me^
fisuiHes au public. J'étais encore prodigieusement
ennpoué à cette époque de la puissance papale; je
n'osai rejeter les indulgences entièrement. Je les
Toyab d'ailleurs approuvées par tant de person*
aes; moi , j'étais seul à rouler ce rocher (hœ vol-
ven Mumm). Mais depuis, grâce à 8ilvestre el
autres firères qui les défendirent vaillamment,
j'ai cmnpris que ce n'était rien autre chose que
des impostures inventées parles flatteurs dcRome,
pour bire perdre la foi aux hcmunes et s'emparer
de leur bourse, t^laise à Dieu que je puisse porter
les libraires et tous ceux qui ont lu mes écrits sur
les indulgences à les brûier sans en laisser trace,
en mettant à la place de tout ce que j'ai dit , cette
unique proposition : Les ùuMgênoeê aant des hil"
Utêêéeê inveniéeê par les fiagomeurs de Home.
» Après cela, Eck, Emser et leur bande vinrent
m'entieprendre sur la question de la suprématie
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52 BÉMOIEES
da pape. Je dois reconnaître , pour ne pas me
montrer ingrat envers ces doctes personnages,
que la peine qu'ils se sont donnée n'a pas été per-
due pour mon avancement. Auparavant, je niais
que la papauté fut de droit divin , mais j'accordais
encore qu'elle était de droit humain. Après avoir
entendu et lu les subtilités uUrà-subtiles sur les-
quelles ces pauvres gens fondent les droits de leur
idole, j'ai fini par mieux comprendre, et je me
suis trouvé convaincu que le règne du pape est
celui de Babylone et de Netnrod, le fort chasseur.
C'est pourquoi je prie instamment les libraires et
les lecteurs (pour que rien ne manque au suc-
cès de mes bons amis), de brûler également ce
que j'ai écrit jusqu'ici sur ce point, et de s'en
tenir à cette proposition : Le pape est le fort chas^
seur, leNemrodde Vépiscopat romain,*
En même temps, pour qu'on sût bien qu'il s'at-
taquait à la papauté plus qu'au pape, il écrivit
dansles deux langues une longue lettre à Léon X,
où il s'excusait de lui en vouloir personnellement.
< Au milieu des monstres de ce siècle , contre les-
queb je combats depuis trois ans , il faut bien
qu'une fois pourtant, très honorable Père, je me
souvienne de toi. Ta renommée tant célébrée des
gens de lettres, ta vie irréprochable te mettrait
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»B LVTHBB. 88
aortems de toute attaqae. Je ne suis pas m sot
que de m'en prendre à toi , lorsqu'il n'est per-
none qoi ne te loue. Je t'ai appelé un Daniel dans
Bibylone , j'ai protesté de ton innocence... Oui ,
cher Léon, tu me bis l'effet de Daniel dans la fosse
d'Ézéchiel parmi les scorpions. Que pourrais4u ,
Kul contre ces monstres? Ajoutons encore trois
ou quatre cardinaux sayans et Tortueux. Vous sé-
ries empoisonnés infiiilliblement si tous osiet en-
treprendre de remédier à tant de maux... C'en est
fait de la cour de Rome. La colère de Dieu est to-
Boe pour elle à son terme; elle hait les conciles,
elle a horreur de toute réforme. Elle remplit l'é-
loge de sa mère , dont il est dit : Nouê avons soigné
Bahylone;eUe n'est pas guérie, laissons Babylone.
0 infortuné Léon , qui sièges sur ce trône maudit!
loi je te dis la Térité parce que je te toux du bien.
Si sûnt Bernard aTait pitié de son pape Eugène,
quelles seront nos plaintes , lorsque la corruption
a augmenté trois cents ans de pins... Oni , tu me
remercierais de ton salut étemel , si je Tenais à
bout debriser ce cachot, cetenfer, où tu te trouTcs
retenu.»
Lorsque la bulle de condamnation arriTa en
Allemagne, elle trouTa tout un peuple soulevé. A
£rfiirt)i, les étudians l'arrachèrent aux libraires,
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64 KéiioïKis
la aireiit en pièces e( la jeftèreni à l'eau en fiii-
tant cette mauvaise pointe : « Bulle elle est, di-
saient-ils, comme bulle d'eau elle doit nager. •
Luther écrivit à l'instant: Conire la bulle exéora-^
blede l'Aniichriêt.LelOàèQembwe lttSO,illabrùla
aux portes de la ville, et le même jour il écrivît
à Spalatin, son intermédiaire ordinaire auprès de
l'Électeur. « Aujourd'hui 10 décembre de l'année
1S30 , la neuvième heure du jour, ont été brûlés
à Wittemberg, à la porte de l'ist, près la sainte
croix, tous les livres du pape, le Décret , les Bé^
eréialei, l'Exiravaganie de Clément YI, la der-
nière bulle de I^éon X , la Somme angélique , la
Chrysoprasus d'Eck et quelques autres ouvrages
d'Eck et d'Emser. Voilà des choses nouvelles ! •
11 dit dans l'acte même qu'il fit dresser à ce sujet :
« Si quriqu'un me demande pourquoi j'en agis
ainsi , je lui répondrai que c^est une vieille cou-
tume de brûler les mauvais livres. Les apôtres en
ont brûlé pour cinq mille deniers. >
Selon la tradition , il aurait dit, en jetant dans
lesflammes le livre des Décrétales : « Tu as affligé
le saint du Seigneur, que le feu éternel t'afflige
toi-même et te consume. >
C'était bien là, en effet, des choses nouvettei,
comme le disait Luther. Jusqu'alora la plupart
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Ml LVTftBE. IW
ilesflectes et des hérësias s'étaient fermées dans
l'ombre, et se seraient tenues henreoses d'être
igiioréee; mais ▼oici qu'un moine traite d'égal à
é^l avec le pape, et se eonstitue le jug^e du cheC
de VÉ^lme. La chaîne de la tradition vient d'être
rompue, l'unité brisée, larofte mim eouimre déchi*
rée. Qu'on ne croie pas que Luther lui-même, avec
toute sa violence , ait franchi sans douleur ce der-
nier pas. C'était d'un coup arracher de son cœur
tout un passé vénérable dans lequel on avait été
nourri. Il croyait, il est vrai , garder pour soil'É-
cvîture. Hais enfin c'était l'Écriture autrement in-
terprétée qu'on ne faisait depuis mille ans. Ses
ennemis ont dit 'souvent tout cela; aucun d'eux
iptas éloquemment que lui.
« Sans doute , écrit-il à Érasme au commence-
ment de son triste livre De iervo urbtfrio , sam
doute , tu te sens quelque peu arrêté en présence
d'une suite â nombreuse d'érudits, devant le con-
sentement de tant de siècles où brillèrent des
Vkorames si habiles dans les lettres sacrées, où pa-
rurent de n grands martyrs, glorifiés par de nom-
breux miracles. Ajoute encore les théologien
plus récens, tant d'académies, de conciles, d'évè-
ques, de pontifes. De ce côté se trouvent l'érudi-
tion, le génie, le nombre, la grandeur, la hau-
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56 BteoiftEs
tenr, la force, la sainteté, les miracles, et qne n^y
a-t-il pas ? Du mien , Wiclef et Laurent Yalla ( et
aussi Augustin, quoique tu l'oublies), puis Luther,
un pauvre homme, né d'hier, seul avec quelques
amis qui n'ont ni tant d'érudition, ni tant de gé-
nie , ni le nombre , ni la grandeur, ni la sainteté,
ni les miracles. A eux tous, ih ne pourraient gué-
rir un cheval boiteux... Ei alia quœ tu plurma
fanda enumerare valeê. Que sommes-nous , nous
autres? Ce que le loup disait de Philomèle : Tu
n'es qu'une voix; Vox e»t,prœterêàquenihil...
• Je l'avoue , mon cher Érasme , c'est avec rai-
son que tu hésites devant toutes ces choses; moi
aussi, il y a dix ans, j'ai hésité Pouvais-je
croire que cette Troie, qui depuis si long-temps
avait victorieusement réâsté à tant d'assauts, pût
tomber un jour ? J'en atteste Dieu dans mon âme,
j'eusse persévéré dans ma crainte, j'hésiterais en^
core aujourd'hui , si ma conscience , si la vérité ,
ne m'avaient contraint de parler , je n'ai pas, tu
le penses bien , un cœur de roche; et quand je
l'aurais, battu par tant de flots et d'orages, il se
serait brisé , ce cœur, lorsque toute cette autorité
venait fondre sur ma tête, comme un déluge prêt
à m'accabler. >
Il dit ailleurs : «...J'ai appris par lasainteÉcri-»
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tureque c'est chose pleine de péril et de terreur
d'âerer la toîx dans l'église de Bien, de parler au
ndZiea de ceux qae tous aurez pour juges» lors-
qa'arriTés au dernier jour du jugement , tous
TOUS trouTerez sous le regard de Dieu , sous l'œil
des anges, toute créature Toyant, écoutant, et
dressant l'oreille au Yerbe di^in. Certes , quand
j'y songe, je ne désirerais rien plus que le si-
lence , et l'éponge pour mes écrits... Avoir à ren-
dre compte à Dieu de toute parole oiseuse, cela
est dar, cela est effroyable ! (1)>
(27 mars 1519) > J'étais seul , et jeté dans cette
sffiûre sans prévoyance ; j'accordais au pape
beaucoup d'articles essentiels, qu'étais-je, pauvre
misérable moine, pour tenir contre la majesté du
pape, devant lequel les rois de la terre (que disrje?
(i) 0 est carieux de rapprocher de ces paroles de
lAither le passage si différent des Confessions de Bons-
•eau :
« Qae la trompette du jugement dernier sonne quand
eBe Tondra ; je Tiendrai , ce liyre â )a main , me présen-
ter derantle souverain juge. Je dirai hautement: Voilà
ce qae jai £iit, ce qae j*ai pensé, ce que je fus
EtpQis,qu*an seul dise, sHlTose : JefuêmtiUeurqiêeett
homme-là. •
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58 MéKomB
la terre méme,renfer et le ciel)trenblaient ?... Ce
que j'ai Bouffert la première et la secimde.aiixiée ;
dans quel abattement, noa pas feint et supposé,
mais bien véritable > ou plutôt dans quel déses-
poir je me trouvais, ah ! ils ne le savent point ces
esprits confians qui, depuis, ont attaqué le pape
avec tant de fierté et de présomption... Ne pouvant
trouver de lumière auprès des maîtres morts ou
muets (je parle des livres des théologiens etdes je*
suites), je souhaitai de consulter le conseil vivant
des églises de Dieu, afin que, s'ilexbtait des gens
pieux qu'éclairât le Saint-Esprit, ik prissent com-
passion de moi , et voulussent bien donner unavis
bon et sûr, pour mon bien et pour celui de toute
la chrétienté. Kais il était impossible que je les
reconnusse. Je ne regardais que le pape, les car*
dinaux, évéques, théologiens, canonistes, moines,
prêtres; c'est de là que j'attendais l'esprit. Car je
m'étais si avidement abreuvé et repu de leur doc-
trine , que je ne sentais plus si je veiUais ou si je
dormais... Si j'avais alors bravé le pape, comme
je le fais aujourd'hui, je me serais imaginé que la
terre se fût , à l'heure même , ouverte pour m'en-
gloutir vivant, ainsi que Coré et Abiron..* Lors-
que j'entendais le nom de l'Église, je frémissais
lf\ offrais de céder. En 1518, je dis au cardinal
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DB B9l1Ba« Si
GmIuo à AuKdMrarg, que je Tonlow déaofMît
BM ksB; senlenieiit je le priais, en tonte hn-
maîi^ , dHmpcMer même silence à mes advessai**
les, et d'arrêter leurs clameurs. Loin de me IW
coider» il me menaça, si je ne me rétractais , de
esodanmer toot ce que j'ATsâs enseigné. J'aTais
déjà dotmé le Gatécbismei par lequel beaucoup
de gens s'étaient améliorés; je ne dorais pas
souffirir qu'il fût condamné....
» le fbs ainsi forcé de tenter ce que je regar*
dais comme ledemier desmaux...Hais jenesonge
pas ponrcette foisà compter mon histoire Je veuT
aeolement confesser ma sottise , mon i^orance
etma fidblesse. Je tcux faire trembler, par mon
eiemple, ces présomptueux criailleurs ou écri*
YaiUeura, qui n'ont point porté la croix , ni connu
les tantations de Satan... >
Contre la tradition du mdyen-âge, cOnireVau-
torilé de l'Église, Luthercherchait un rrfuge dans
llçrîture, antérieure à la tradition, supérieure à
ll^se elle-même. H traduisait les psaumes , il
écriTait seaposiUleê des évangiles et des épîtres.
Anidle autre époque de sarie, il n^apprWba plus
près du mysticisme. H se fondait alors sur saint
Jean, non moins que sur saint Paul, et semblait
prêt à parcourir ions les degrés de la doctrine dtf
Digitizedby Google
60 ufaioius
ramour, sans s'effirayer des conséquences funestes
qui en découlaient pour la liberté et la moralité
de l'honune. H y a, dit-il » dans son livre de la Li ^
bertéchrétienneyilyadeuxhommesdanslliomme.
L'homme intérieur, Tâme , l'homme extérieur, le
corps; aucun rapport entre eux. Comme les œu-
vres Tiennent de l'homme extérieur, leurs effets
ne peuvent affecter l'àme ; que le corps hante des
lieux profanes, qu'il mange, boive, qu'il ne prie
point de bouche et néglige tout ce que font les
hypocrites, l'ame n'en souffrira pas. Par la foi,
l'âme s'unit au Christ comme l'épouse à son époux.
Alors tout leur est commun , le bien comme le
mal... Nous tous, qui croyons en Christ, nous
sommes rois et pontifes.*- Le chrétien élevé par
sa foi au-dessus de tout, devient, par cette puis-
sance spirituelle , seigneur de toutes choses, de
sorte que rien ne peut lui nuire , imo omuia ei
êubjeeta eoguuiur iervire ad ialutem,,. Si je crois,
toutes choses bonnes ou mauvaises tournent en
bien pour moi. C'est là cette inestimable puissance
et liberté du chrétien.
t Si tu sens ton cœur hésiter et douter, il est
grand temps que tu ailles au prêtre , et que tu
demandes l'absolution de tes péchés. Tu doia
mourir mille fois plutôt que de douter du juge-
ci by Google
DB tmniBft. 61
ment du prêtre » qui est le jugement de Dieu. Si
tu peux croire à ce jugement , ton cœur doit riro
de joie et louer IKeu , qui , par l'intermédiaire de
rhomme, a consolé ta conscience. — ^ Si tu ne
penses pas être digne du pardon , c'est que tu
n'as pas encore fait assez , c'est que tu es trop peu
instruit dans la foi , et plus qu'il ne faut dans les
œuvres. Il est mille fois plus important de croire
fermement à l'absolution que d'en être digne , et
de Cadre satisfaction. Cette foi vous rend digne ,
et constitue la véritable satisfaction. L'bomme
peut alors serrir avec joie son Dieu , lui qui , sans
cela , par suite de l'inquiétude de son cœur, ne
£iit jamais aucune bonne œuvre. C'est là ce qui
s'appelle le doux Cardeau de notre Seigneur
Jésu»-Cbrist. > Sermon prêché à Leipzig , en 1519,
SUT la justification.
Cette dangereuse doctrine fut accueillie par le
peuple et par la plus grande partie des lettrés.
Érasme, le plus célèbre d'entre eux , parait seul
en avoir senti la portée. Esprit critique et néga-
tif, émule du bel esprit italien Laurent Yalla ,
qui avait écrit au quinzième siècle un livre De
iibero arbitrio , il écrivit lui-même contre Luther,
sous ce même titre. Dès l'année 1S19, il reçut
avec froideur les avances du moine de Wîttcm-
TOMB 1 ^
Digitizedby Google
82 xiMonixs
berg. Celui-ci, qui sentait alors combien il avait
besoin de l'appui des gens de lettres, avait écrit
des lettres louangeuses à Reucblin et à Érasme
(1518,1519). La réponse de ce dernier est froide
et significative ( 1519 ). < Je me réserve tout entier
pour mieux aider à la renaissance des bellea-
lettres \ et il me semble que l'on avance plus par
une modération politique (modestia civili) que
par l'emportement. C'est ainsi que le Christ a
amené le monde sous son obéissance ; c'est ainsi
que ^aul a aboli la loi judaïque en tirant tout à
l'interprétation. Il vaut mieux crier contre ceux
qui abusent de l'autorité des prêtres que contre
les prêtres eux-mêmes. Il en faut taire autant à
l'égard des rois. Au lieu de jeter le mépris sur les
écoles , il faut les ramener à de plus saines études.
LorsquHl s'agit de choses trop enfoncées dans les
esprits pour qu'on puisse les en arracher d'un seul
coup , il faut procéder par la discussion et par
une argumentation serrée et puissante, plutôt
que par affirmations... Il faut toujours prendre
garde de ne rien dire , de ne rien faire d'un air
d'arrogance ou de révolte ; telle est , selon moi ,
la méthode qui convient à l'esprit du Christ. Ce
que j'en dis n'est pas pour vous enseigner ce que
vous devez faire , mais pour que vous fiisriex tou-
jours comme vous faites. »
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BI LUTH». 08
Ces timides ménagemens n'étaient point à Tu-
nge d'un tel homme ni d'un tel paornent. L'en-
trainement était immense. Les nobles et le peuple,
les châteaux et les villes libres, rivalisaient de
lèle et d'enthousiasme pour Luther. A Nuremr
berg , à Strasbourg, à Mayence même, on s'arra-*
cbaît ses moindres pamphlets. La feuille , toute
humide , était apportée sous le manteau , et pas-
sée de boutique en boutique. Les prétentieux
fittérateurs du compagnonage allemand, les fer-
blantiers poètes, les cordonniers hommes de
lettres, dévoraient la bonne nouvelle. Le bon
Hans-Sachs sortait de sa vulgarité ordinaire , iï
fajflsait son soulier commencé , il écrivait ses meil-
leurs vers, sa meilleure pièce. Il chantait à demi^
voix, U rosêignol de Wittemberg, dont la voix
retentit partout...
ftien ne seconda plus puissamment Luther que
le zèle des imprimeurs et des libraires pour les
idées nouvelles. « Les livres qui lui étaient favo-
rables, dit un contemporain, étaient imprimés
par les typographes avec un soin minutieux ,
souvent à leurs frais, et à un grand nombre
d'exemplaires. Il y avait une foule d'anciens moi*
nesqui, rentrés dansleâècle, vivaient des livres
de Luther, et les colportaient par toute l'Aile-
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Od HiMOI&Bfl
magne. Ce n'était qu'à force d'argent que les
catholiques pouyaient faire imprimer leurs oq«
vrages, et l'on y laissait tant de fautes, qu'ils
semblaient écrits par des ignoranset des barbares.
Si quelque imprimeur plus consciencieux y ap-
portait plus de soin, on le tourmentait, on se
riait de lui dans les marchés publics et aux foires
de Francfort, comme d'un papiste, d'un esclara
des prêtres. >
Quelque fût le zèle des villes , c'était surtout à
la noblesse que Luther avait fiedt appel, et elle y
répondait avec un xèle qu'il était souvent con-
traint de modérer Im-méme. En 1619, il écri-
vit en latin une Défense de» ariicleê condamnés
par la bulle de Léon X , et il la dédie dans ces ter-
mes au seigneur Fabien de Feilitzsch : « Il nous
a paru convenable de vous écrire désormais à
vous autres laïques , nouvel ordre de clercs , et de
débuter heureusement , s'il plait à Dieu , sous les
favorables auspices de ton nom. Que cet écrit
me recommande donc, ou plutôt qu'il recom-
mande la doctrine chrétienne à toi et à toute
votre noblesse. > II avait envie de dédier la tra-
duction de cet ouvrage à Franz de Sickingen , et
quelque autre aux comtes de Kansfeld \ il s'en
abstint, dit-il, « de crainte d'éveiller la jalousie
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DB LUTHIB. 00
de beaucoup d'autres, et surtout de la noblesse
francomenne. > La même année il publiait son
TÎolent pamphlet : A la noblesse chrétienne d'Aile-
wtagne sur V amélioration de la chrétienté. Quatre
mille exemplaires furent enlevés en un instant.
Les principaux des nobles, amis de Luther,
étadeot Silvestre de Schauenbergf , Franz de Sic-
lûngen, Taubenheim et Ulrich deHutten. Schau-^
enberg avait confié son jeune fils aux soins de
lélancbton , et offrait de prêter main forte à
rélecteur de Saxe , en cas qu'il vînt en péril pimr
la cause de la réforme. Tauhenheim et d'autres
envoyaient de l'argent à Luther, c J'ai reçu cent
pièees d'or que m'envoie Taubenheim; Schart
m'en a aussi donné cinquante, et je commence
à craindre que Pieu ne me paie ici-bas; mais j'ai
protesté que je ne voulais pas être ainsi gorgé,
ou que j'allais tout rendre. » Le margrave de
Brandebourg avait sollicité la faveur de le voir ;
Sickingen et Hutten lui promettaient leur appui
envers et contre tous. « Hutten, dit-il , en sep-
tembre 1520, m'a adressé une \ei\xe brûlante de
colère contre le pontife romain; il écrit qu'il va
tomber de la plume et de l'épée sur la tyrannie
sacerdotale ; il est outré de ce. que le pape a es-
sayé contre lui le poignard et le poison, et a
t.
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66 HiHOIRSS
mandé à rérécpie de Mayence de le lui envoyer
à Rome, pieds et poings liés. > « Tu vois, dit-il
encore, ce que demande Hutten ; mais je ne tou-
drais pas qu'on fit servir à la cause de rÉvangile
la violence et le meurtre. Je lui ai écrit dans ce
sens.»
Cependant l'Empereur venait de sommer Lu-
ther de comparaître à Worms devant la diète im-
périale ; les deux partis allaient se trouver en
présence , amis et ennemis.
Plût à Dieu , disait Hutten , que je pusse assis-
ter à la diète ; je mettrais les choses en mouve-
ment J'exciterais bien vite quelque tumulte. *Le
IfcO avril , il écrit à Luther : « Quelles atrocités
ai-je apprises! Il n'y a point de furie comparable
à la fureur de ces gens. Il fiiuten venir, je le vois,
aux glaives, aux arcs, aux flèches, aux canons.
Toi , père , fortifie ton courage , moque-toi de ces
bétes sauvages. Je vois s'accroître chaque jour le
nombre de tes partisans; tu ne manqueras pas
de défenseurs. Un grand nombre sont venus vers
moi , disant : Plaise à Dieu qu'il ne faiblisse pas,
qu'il réponde avec courage, qu'il ne se laisse abat-
tre par aucune terreur! > En même temps Hutten
envoyait partout des lettres aux magistrats des
villes, pour former une ligue entre elles et les
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DK I.UTHB&. 67
nobles du Rbin , c'est^-dire pour les armer con-
tre les princes ecclésiastiques (1). Il écrÎTaitàPir^
kâraer^I'un des principaux magistrats de Nu-
remberg:
« Excite le courage des tiens; j'ai quelque es-
pérance que TOUS trouverez des partisans dans
les YiUes qu'anime Famour de la liberté. Franz
de Sickingen est pour nous; il brûle de zèle. Il
s'est pénétré de Luther. Je lui fus lire à table ses
opuscules. Ilajurédenepoint manquer à la cause
de la liberté ; et cequ'il a dit, il le fera. Prêche pour
lui près de tes concitoyens. Il n'y a point d'âme
plus grande en Allemagne. >
Jusque dans l'assemblée de Worras il y avait
des partisans de Luther. « Quelqu'un, en pleine
dièle , a montré un écrit portant que quatre cent»,
noblesont juré dele défendre; etil a^joutéBunt-
schuh, Buntschuh (c'était, comme on verra, le
mot de ralliement des paysans insurgés). Les ca-
tholiques n'étaient même pas très sûrs de l'Em-.
pereur. Hutten écrit, durant la diète : « César ,
dit-on , a résolu de. pvendre le parti du pape. >
(i) Voyez daDS nos Éclaircissement le dialogue des vo-
lean composé par HoUen , dans le bal de réimir les bo-
bles et les bourgeois contre les prêtres.
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68 HiMOI&KS
Dans la ville, parmi le peuple, les luthériens
étaieni nombreux. Hermann Busch écrit à Hutten
qu'un prêtre, sorti du palais impérial avec deux
soldats espagnols, voulut, aux portes mêmes du
palais, enlever de force quatre-vingts exemplaires
de la Captiviié de Bahylone , mais qu'il fut bien-
tôt obligé de se réfugier dans l'intérieur du pa-
lais. Cependant , pour le décider à prendre les
armes , il lui montre les Espagnols se promenant
toutBers sur leurs mules dans lesplacesde Worms,
et la foule intimidée qui se retire.
Le biographe hostile de Luther , Gochlœus ,
raconte d'une manière satirique le voyage du ré-
formateur.
c On lui prépara, dit-il, un chariot , en forme
de litière bien fermée/ oii il était parfoitement à
Fabri des injures de l'air. Autour de. lui étaient
de doctes personnes , le prévôt Jonas , le docteur
Schurf , le théologien Amsdorf, etc. Partout oit
il passait il y avait un grand concours de peuple^
Dans les hôtelleries , bonne chère , de joyeuses
libations, même de la musique. Luther lui-même
pour attirer les yeux , jouait de la harpe comme
un autre Orphée , un Orphée tondu et encapu-
chonné. Bien que le sauf-conduit de l'Empereur
prêtât qu'il ne prêcherait point sur sa route, il
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prèdut cependant à Erfurtli , le jour de la Qua*
nmodo , et fit imprimer son sermon. » Ce portrait
de Luther ne s'accorde pas trop avec celui qu'en
a Eût un contemporain quelque temps avant la
diète de Worms.
« Martin est d'une taiUe moyenne; les soucis
et les études l'ont maigri au point que l'on pour-
ndt compter tons les os de son corps. Cependant
il est encore dans la force et la Terdeur de l'âge.
Sa Toix est claire et perçante. Puissant dans la
doctrine, admirable dans la connaissance de l'É^
criture. dont il pourrait presque citer tous les
▼eiaets les uns après les autres , il a appris le grec
et l'hébreu pour comparer et juger les traduc*
tioBS de la bible. Jamais il ne reste court ; il a à sa
disposition un monde de choses et de paroles
( Sylva ingens verborum et rerum). Il est d'un
connnerce agréable et facile ; il n'a jamais dans son
air rien de dur , de sourcilleux; il sait même se
prêter aux plaisirs de la vie. Dans les réunions iî
estged, plaisant, montrant partout une parfaite
sécurité et faisant toujours bon visage, malgré les
atroces menaces de ses adversaires. Aussi est»il
difficile de croire que cet homme entreprenne de
si grandes choses sans la protection divine. Le
seul reproche que presque tout le monde lui
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70 MiHOIRBS
£siit, c^est d'être trop mordant dans tes réponses,
de* ne recaler deyant aucune expression outra-
geante. «
Nous devons à Luther lui-même un beau récit
de ce qui eut lieu à la diète, et ce récit est gé-
néralement conforme à ceux qu'en ont fiiits ses
ennemis.
« Lorsque le héraut m'eut cité le mardi de la
aemaine sainte , et m'eut apporté le sauf-conduit
de r£mpereur et de plusieurs princes , le même
sauf-conduit fut , le lendemain mercredi , violé à
Worros, où ils me condamnèrent et brûlèrent mes
livres. La nouvelle m'en vint lorsque j'étais à
Erfarth. Dans toutes les villes la condamnation
était déjà publiquement affichée , de sorte que le
héraut lui-même me demandait si je songeais en-
core à me rendre à Worms ?
« Quoique je fusse effrayé et tremblant, je lui
répondit : Je veux m'y rendre , quand même il
devrait 9'y trouver autant de diables que de tuiles
sur les toits ! Lors donc que j'arrivai à Oppen-
heim près de Worms , maître Bucer vient me trou-
ver, et me détourna d'entrer dans la ville. Sgla-
pian, confesseur de l'Empereur, était venu le
trouver et le prier de m'avertir que je n'entrasse
point à Worms; cfir je devais y être brûlé! Je
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M I^UTOA. f t
ferais mieux , dinit-il, de m'arrAter étn» le toi*
sinage chez Franx de Sickingen, qui me recevrai!
TolontierSh
c Les misérables iaisaient tout cela pout m'em^
pécher de comparaître; car , si j'avais tardé trois
jours I mon sauf^conduit n'eât plus été valable #
i]s m'auraient fermé les portes , ne m'auraient
point écouté « mais condamné tyranniquement.
ravançai donc dans la simplicité de mon coeur^
et lonque je fus en vue de la ville, j'écrivis sur
l'heure à Spalatin que j'étais arrivé, en lui de-
mandant où je devais loger. Ib s'étonnèrent tous
de mon arrivée imprévue^ car ils pensaient que
je serais resté dehors, arrêté par la ruse et par la
terreur.
« Deux de la noblesse , le seigneur de Hirsfeld
et Jean Schott, vinrent me prendre par ordre de
rélecteur de Saxe et me conduisirent ches eux.
Mais aucun prince ne vint me voir^ seulement de»
comtes et des nobles qui me regardaient beau-
coup. C'étaient ceux qui avaient présenté à Sa
Majesté Impériale les quatre cents articles contre
les ecclésiastiques, en priant qu'on réformât les
abus; sinon qu'ils le feraient eux-mêmes. Ds en
ont tous été délivrés par mon évangile.
» Le pape avait écrit à l'Empereur de nepoûot^
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7) idiHontBS
obëerrer le sauf-conduit. Le« évéques y pom-
«ûeut; mais les princes et les états n'y voulurent
point consentir ; car il en fût résulté bien du
bruit. J'avais tiré un grand éclat de tout cela ;
ils devaient avoir peur de moi plus que je n'avais
d'eux. En effet le landgrave de Hesse qui était
encore un jeune seigneur, demanda à m'enten-
dre, vint me trouver, causa avec moi, et me dit
à la fin : cher docteur ^ si vous avez raison , que
notre Seigneur Dieu vous soit en aide!
* J'avais écrit, dès mon arrivée, à Sglapian,
confesseur de l'Empereur, en le priant de vou-
loir bien venir me trouver , selon sa volonté et
sa commodité; niAisil ne voulut pas : il disait que
la chose serait inutile.
» Je fus ensuite cité et je comparus devant tout
le conseil de la diète impériale dans la maison de
ville, où l'Empereur, les électeurs et les princes
étaient rassemblés (1). Le docteur Eck, officiai de
l'évèquede Trêves, comn&ença, et me dit : Mar-
tin, tu es appelé ici pour dire si tu reconnaispour
(i) n se trouvait à la diète , outre TEmpercur , «ix élec-
teurs , un archiduc , deux landgraves , cinq margraves,
vingt-sept ducs et un grand nombre de comtes , d^arche-
vëqaes , d^èvèques , etc. ; en tout deux cent sixperso^mes.
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Ds itVnfXR* 78
ûens les livres qui sont placés sar la taUe. Et
il me les montrait. — Je le crois , réponds^je.
lak le dootear Jérôme SeHurff ijoata sor-le-
champ : Qu'on lise las titres* Lorsqu'on les eut
lus, je dis : Oui, oea lÎTres sont les miens.
• U me demanda encore : yeux-4u les désa-
Touer ? Je répondis : Très gracieux seigneur Em*
pereur , quelques-uns de mes écrits sont des livres
de oontrotene , dans lesquels j'attaque mes ad-*
Tenaires. D'autres sont des liyres d'enseignement
et de doctrine. Bana ceux-ci je ne puisi ni ne veux
rieft rétracter , car c'est parole de Dieu. Mais pour
mes livres de controverse, si j'ai été trop violent
contre quelqu'un, si j'ai été trop loin, je veux
bien me laisser instruire, pourvu qu'on me donne
le temps d'y penser. On me donna un jour et une
nuit.
• Le jour d'après , je fus appelé pai* les évéques
etd'autres qui devaient traiter avec moi pour que
je me rétractasse. Je leur dÎB : La parole de Dieu
n'est point ma parole; c'est pourquoi je ne puis
l'abandonner. Mais, dans ce qui est au-^ldà, je
veux être obéissant et docile. Le margrave Joa-
cbim prit alors la parole, et dit : Seigneur doc*
teur , autant que je puis comprendre , votre pen-
sée est de vous laisser conseiller et instruire , hors
4
Digitizedby Google
74 vkKOIEIB
les seuls points qui touchent l'Écriture? — Oui»
répondis-je , c'est ce que je yeux.
» Ils me dirent alors que je deyais m'en itemeC-
tre à la migesté impériale ; mais je n'y consentis
point. Ils me demandaient s'ils n'étment pas eux--
mêmes des chrétiens qui pussent décider dd telles
choses? A quoi je répliquai : Oui, pouryu que ce
soit sans faire tort ni offense à l'Écriture, que je
yeux maintenir. Je ne puis abandonner ce qui
n'est pas mien. — Ils insistaient : Vous devez yous
reposer sur nous et croire que nous déciderons
bien. — Je ne suis pas fort porté à croire que
ceux-là décideront pour moi contre eux*>mémeSt
qui yiennent de me condamner déjà , lonque j'é-*
tais sous le sauf-conduit. IKais yoyez ce queje yeux
faire; agissez avec moi comme yous voudrez; je
consens à renoncera mon sauf-conduit, et à vous
l'abandonner. Alors le seigneur Frédéric de Fei-
litsch se mit à dire : £n voilà véritablement arisez,
si ce n'est trop.
» Ils dirent ensuite : Abandonnez-nous siii moins
quelques articles. Je répondis : Au nom de Bieu»
je ne veux point défendre le» articles qui sont
étrangers à FÉcriture. Aussitôt deux évoques al«
lèrent dire à l'Empereur que je me rétractais*
Alors révéque*** envoya vers moi, et. me fit de*
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DB LUTHim. . 75
nMûuier n j'araii consenti à m'en remettre à I^Em-^
perenr et à l'Empire? Je répondis que je ne le
Toolais pas, et que je n'y avais jamais consenti.
Aiiin, je résistais senl contre tons. Mon doctenr
el les autres étaient mécontens de ma ténacité.
Quelques-uni me disaient que si je voulais m'en
remettre à eux, ils abandonneraient et céde^
raient en retour les articles qui avaient été con-
damnés au concile de Constance. A tout cela je
répondais : Yoici mon corps et ma vie.
» Gochleus vint alors, et me dit : Martin , si i\\
veux renoncer au sauf^conduit , je disputerai avec
toi. Je l'aurais iait dans ma simplicité, mais le
docteur Jérôme Schurff répondit en riant et avec
ironie : Oui, vraiment, c'est cela qu'il faudrait.
Ce n'est pas une offre inéfj^ale ; qui serait si sot!..
Ainsi je restai sous le saufH)Onduit. Quelques bons
eompaipons s'étaient déjà élancés en disant : Com-.
ment ? vous l'emmèneriez prisonnier ? Cela ne
saurait être.
• Sur ces entrefaites, vint un docteur du mar-i
grave de Bade , qui essaya dem'émouvoir avec de
fpands mots : Je devais, disait-il , beaucoup faire,
beaucoup céder pour l'amour de la charité, afin
que la paix et l'union subsistassent, et qu'il n'y
eût pas de soulèvement. On était obligé d'obéir k
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76 MiMOIEBS
]a mijesté impériale , comme à la pku haute auto*
rite; on deyait soigneusement éviter de Caire du
scandale dans le monde; par conséquent, je de^
rais me rétracter. — Je veux de tout mon cœur,
répondis-je, au nom de la charité, obéir et tout
faire , en ce qui n'est point contre la foi et Yhonr
neur de Christ.
» Alors le chancelier de Trêves me dit : Martin^
tu es désobéissant à la majesté impériale ; c'est
pourquoi il t'est permis de partir, sous le 8au&
conduit qui t'a été donné. Je répondis : Il s'est (ait
comme il a plu au Seigneur. Et vous, à votre tour,
considérez où vous restez. Ainsi, je partis dans
ma simplicité , sans remarquer ni comprendra
toutes leurs finesses.
» Ensuite ils exécutèrent le oruel édit du ban ,
qui donnait à chacun occasion de se venger de
ses ennemis, sous prétexte et apparence d'hérésie
luthérienne, et cependant il a bien fallu à la fin
que les tyrans révoquassent ce qu'ils avaient ftdt.
» C'est ainsi qu'ilm'advint à Worms, oùjen'a-r
vais pourtant de soutien que le Saint-Esprit. »
IVous trouvons d'autres détails curieux dans lui
récit plus étendu de la conférence de Worms,
écrit immédiatement après, et qui peut-être es!
de Luther; cependant il y parle à la troisième
personne.
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BS LVTHBB. 77
•Le lendemain derarrirée de Latherà Womis,
à quatre heurea de Taprèa-midi , le maître des
cérémonies de l'Empire» et le héraut qui TaTait
accompa^é depuis Wittemberg, vinrent le pren-
dre dans son hôtellerie dite la Cour Allemande, et
k conduisirent à la maison de tille par des pas-
nges secrets, pour le soustraire à la foule qui
l'était rassemblée sur le chemin. Il y en eut beau-
coup, malgré cette précaution, qui accouraient
aux portes de la maison de ville, et voulaient y
pénétrer avec Luther ; mais les gardes les repous*
Mdent. Beaucoup étaient montés sur lest oitspour
voir le docteur Martin. Lorsqu'il fut entré dans
Ja salle, plusieurs seigneurs vinrent successive-
ment lui adresser des paroles d'encouragement :
« Soyei intrépide, lui disaient-ils, parlei en
homme , et ne craignez pas ceux qui peuvent tuer
les corps, mais qui sont impuissans contre les
âmes. » < Moine, dit le fiimeux capitaine Georges
Frundsberg, en lui mettant la main sur l'épaule ,
prend»-y-garde, tu vas fiiire un pas plus périlleux
que nous autres n'en avons jamais fait. Mais si in
es dans le bon chemin , Dieu ne t'abandonnera
pas. ■ Lq duc Jean de Weimar lui avait donné
Tlirgent nécessaire à son voyage.
» Lutherfitses réponses en latin eten allemand^
4.
Digitizedby Google
78 nfaioiBBt
U rappela d'abord que dans ses oaTragesil 7 avait
des choses approuvées même de ses adversaires;
et que sans doute ce n'était pas cette partie qu'il
s'agissait de révoquer; pub il continua ainsi :
« La seconde partie de mes livres comprend ceux
dans lesquels j'ai attaqué la papauté et les papis-
tes, comme ayant, par une fausse doctrine, par
une vie et des exemples pervers , désolé la chré-
tienté dans les choses du corps et dans celles de
l'àme. Or, personne ne peut nier, etc Gepen*
dant lespapesont enseigné eux-mêmes dans leurs
décrétales que les constitutions du pape, qui se-
raient contraires à l'Évangile ou aux Pères , de*
vaient être regardées comme fausses et non vala-
bles. Si donc je révoquais cette partie , je ne fe-
rais que fortifier les papistes dans leur tyrannie
et leur oppression , et ouvrir portes et fenê-
tres à leurs horribles impiétés On dirait que
j'ai révoqué mes accusations contre eux sur
l'ordre de ^ Majesté Iinpériale et de l'Empire.
Dieul quel manteau ignominieux je deviendrais
pour leur perversité et leur tyrannie !
> La troisième et dernière partie de mes livres
est de nature polémique. J'avoue que j'y ai sou-t
vent été plus violent et plus âpre que la religioa
et ina robe ne le veulent. Je ne me donne pas pour
•
Digitizedby Google
BB LUTHU. 90
on taint. Ce n'est pas non plus ma Tie que je d»-
cntederant touS) mais la doctrine de JéRu-GhriaC.
néanmoins, je ne crois pas qu'il me couTienne
de réiracter ceci plus que le reste , car ici encore,
je ne ferais qu'approuTer la tyraimie et l'impiété
qui raTagent le peuple de Dieu.
• Je ne sub qu'un homme. Je ne puis défendre
ma doctrine autrement que n'a iSeït mon dirin
Saureur; quand il fut frappé par l'ofibier du
grand-prètre, il lui dit : « Si j'ai mal parlé, fiiites
Toir ce que j'ai dit de mal. •
> Si donc le Seigneur lui-même a demandé à
être interrogé, et même par un méchant esclave,
à combien plus forte raison moi, qui ne suis que
terre et cendre, et qui puis me tromper facile-
ment, ne derraia-je pas demander à me justifier
sur ma doctrine ? Si les témoignages de l'Écri-
ture sont contre moi, je me rétracterai de grand
cœur, et je serai le premier à jeter mes liTres au
feu..... Craignez que le règne de notre jeune et
tant louable empereur Charles (lequel est main-
tenant, avec Bieuf un grand espoir pour nous),
ne commence ainsi d'une manière funeste, et n'ait
i|ne suite et une fin également déplorable 1... Je
supplie donc en toute humilité Votre Kigesté Iuh
pénale et Vos Altesses Électoraleset Seigneuriales.
DigitizedbyVjOOÇlC
80 MÉKOIBBS
de ne pas Tonliràr se laisaer indSgpoaer contre ma
doctrine sans que mes adversaires aient produit
de justes raisons contre moi >
> Après ce discours, l'orateur de l'Empereur se
leva viTement et dit <{ue Luther était resté à côté
de la question, qu'on ne pouvait remettre en doute
ce qui avait été une fois décidé par les conciles ,
et qu'on lui demandait en conséquence de dire
tout simplement et uniment s'ils se rétractait ou
> Alors Luther reprit la parole en ces termes:
« Puis donc que Votre Ibgesté Impériale et Vos
Altesses demandent de moi une hrève et simple
réponse, j'en vais donner une qui n'aura ni dents
ni cornes : Si l'on ne peut me convaincre par la
sainte Écriture ou par d'autres raisons claires et
incontestables (car je ne puis m'en rapporter uni-
quement ni au pape ni aux concôles qui ont si sou-
vent failli), je ne puis, je ne veux rien révoquer.
Les témoignages que j'ai cités n'ont pu être ré-
futés , ma conscience est prisonnière dans la pa-
role de Dieu; l'on ne peut conseiller à personne
d'agir contre sa conscience. He voici donc; je ne
puis faire autrement. Que Dieu me soit en aide,
Amen.»
» Les électeurs et états de l'Empire allèrent se
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oonanUer rar cette réponse de Luther. Après une
kHigue dâibération^de leur part , Fofifeial de Trè»
Tes fut chargé de la réfuter. « Martin, dit-il, tu
n'as point répondu avec la modestie qui convient
à ta condition. Ton discours ne se rapporte pas à
la question qui t'a été posée. .. . A quoi hon discuter
de nouveau des points que l'Église et les concîlea
ont condamnés depuis tant de siècles ?.... Si ceux
qui se mettent en opposition ayec les conciles tou-*
laient forcer l'Église à les conyaincre avec deslt*
Très, il n'y aurait plus rien de certain et de défini-
tif dans la chrétienté. C'est pourquoi Sa Majesté
demande que tu répondes tout simplement par
oui ou par non si tu veux révoquer. »
» Alors Luther prial'Empereur de ne point souf-
frir qu'on le contraignit à se retracter contraire-
ment à sa conscience , et sans qu'on lui eût fait voir
qu'il était dans l'erreur. Il ijouta que sa réponse
n'était point sophistique , que las conciles avaient
souvent pris des décisions contradictoires, et qu'il
élait prêta le prouver. L'official répondit hriève-
ment qu'on ne pouvait prouver ces contradictions,
mais Luâier persista et offrit d'en donner les
preuves.
» Cependantcommelejourtomhaitetqu'ilcom-
men^t à foire sombre , l'assemblée se-aépara. Les
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83 MivOlEBS
Ifpagnolâ se moquèrent de rhommeDieu et Fin-
joiièrent quand il sortit de la maison de ville pour
retourner à son hôtellerie.
> Le lendemain TEmperenr enroya aux élec*
teurs et états pour en délibérer, Facte du ban im-
périal contre Luther et ses adhérens* Le sauf*
conduits néanmoins était maintenu dans cet acte.
B Bans la dernière conférence, FarcheTéque
de Trêves demanda à Luther quel conseil il don-
nerait lui-même pour terminer cette a&ire. Lu-
ther répondit : « Il n'y a ici d'autre conseil à
donner quç celui de Gamaliel dans les Actes des
Apétreê : Si cette œuvre vient des hommes, elle
périra: si, de Dieu, vous n'y pouvex rien. »
» Peu après, l'official de Trêves vint porter à
Luther dans son hôtellerie le sauf-conduit impé-
rial pour son retour. Il avait vingt jours pour se
rendre en lieu de sûreté, et il lui était enjoint do
ne point prêcher, ni autrement exciter le peu-
ple sur sa route. Il partit le lendemain, 26 avriL
Le héraut l'escorta sur un ordre verbal de l'Em-
pereur.
» Arrivé à Friedbourg » Luther écrivit deux
lettres, l'une à l'Empereur, l'autre aux électeurs
et états assemblés à Worms. Bans la première , il
exprijup son regret d'avoir été dans la nécessité
Digitizedby Google
M LUTHBE. 8S
de d^béir à PEmperear. « Mais, dit*il, Dieu et
ia parole sont au'^esBiu de tons lei hommei. » Il
regrette aiusi de n'avoir pa obtenir qu'on diâc»-
t&t les témoignages qu'il avait tirés de l'Écriture,
i^utant qu'il est prêt à se présenter de nouveau
devant toute autre assemblée que l'on désignera ,
et à se soumettre en toutes cbosessans exception,
pourvu que la parole de Dieu ne reçoive aucune
atteinte. La lettre aut électeurs et états est écrite
dans le même sens.
» (A Spalatin.) « Tu ne saurais croire avec
quelle civilité m'a reçu l'abbé de HirsTeld. Il a
envoyé audevant de nousi à la distance d'uti
grand mille, son chancelier et son trésorier, ^
lui-même il est venu nous recevoir près de son
château avec une troupe de cavaliers, pour nous
conduire dans la ville. Le sénat nous a reçus à la
porte. L'abbé nous a splendidement traités dans
son monastère y et m'a couché dans son lit. Le
cinquième jour > au matin, ils me forcèrent de
fidre un sermon» J'eus beau représenter qu'ils
perdraient leurs régales^ si les Impériaux allaient
Iraiter cela de violation de la foi jurée, parce
qu'ils m'avaient enjoint de ne pas prêcher sur ma
route. Je disais pourtant que je n'avais jamais
^sOnsenti à lier la parole de Dieu ; ce qui est vrai.
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84 niitotftBs
« Je prêchai également à Ëîsenach , devant nn
enré tout tremblant, et un notaire et des témoin»
qui protestaient, en s'eicnsant sur la crainte de
leurs tyrans. Ainsi, tu entendras peut-être dire
À Worms que j'ai violé ma foi; mais je ne l'ai pas
violée. Lier la parole de Dieu, c'est une condi-
tion qui n'est pas en mon pouvoir.
« Enfin , on vint à pied d'Ëisenach à notre ren-
contre, et nous entrâmes le soir dans la ville;
tous nos compagnons étaient partis le matin avec
Jérôme.
c Pour moi, j'allais rejoindre ma chair (ses pa-
rons) en traversant la forêt, et je venais de les quit-
ter pour me diriger sur Walterhausen , lorsque,
peu d'instans après, près du fort d'Altenstein, je
fus fait prisonnier. Amsdorf savait sans doute
qu'on me prendrait, mais il ignore où l'on me
garde.
c Hon frère, ayant tu à temps les cavaliers,
sauta à bas de la voiture, et saùs demander congé ,
il arriva à pied, sur le soir, m'a-t-on dit , à Wat-
terhausen. Moi, on m'ôta mes vêtemens pour me
Csôre mettre un habit de chevalier, et je me lais-
sai croître les cheveux et la barbe. Tu ne m'au-
raispas reconnu sans peine , car depuis long-temps
je ne me reconnais pas moi-même. Me voilà mair^
dby Google
DB LUTHBE. 85
tenant TÎTant dam la liberté chrétienne» affran-
chi de tontes les lois dn tyran. > (14 mai.)
Conduit au château de Wartbourg, Luther ne
savait trop à qui il deyait attribuer la douce et
honorabFe captivité dans laquelle il se voyait re-
tenu, n avait renvoyé le héraut qui l'escortait à
quelques lieues de Wonns, et ses ennemis en
ont conclu qu'il s'attendait à son enlèvement. Le
contraire ressort de sa correspondance. Cepen-
dant un cri de douleur s'élevait par toute l'AUe-
mafpie. On croyait qu'il avait péri; on accusait
l'Empereur et le pape. Dans la réalité, c'était l'é-
lecteur de Saxe, le proleet^r de Luther, qui,
s'effirayant de la sentence portée contre lui, et ne
pouvant ni le soutenir , ni l'abandonna , avait
imaginé ce moyen de le sauver de sa propre au-
dace, de gagner du temps, tout en fortifiant son
parti. Cacher Luther, c'était le sûr moyen de por-
ter au comble l'exaltation de l'Allemagne et ses
craintes pour le champion de la foi.
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86 MÉiroiRss
LIVRE DEUXIÈME.
1521—1528.
CHAPITRE PREMIER.
18S1-1S94.
S^onr àt LnUior au château de Wartlioui^. — H reTient à WfUem»
berg aans rantorisatiôn de FElecteur. — Ses icnXï contre le roi
d'AngUterra , et contre lai princes «n géa^rali
Pendant qu*à Worms on s'indigne, on s'irrite
d'avoir laissé échapper l'audacieux, il n'est plus
temps, il plane invisible sui* ses ennemis du haut
du château de Wartbourg. Bel et bien clos dans
son donjon» il peut à son aise reprendre safl&te,
DigitizedbyVjOOÇlC
chanter ses psaumes allemandb , tradoire sa BiMe»
foudroyer le diable et le pape.
• Le bruit se répand, écrit Luther, que des
Mnis euToyéd de Franconie m'ont fidt prisonnier.»
— Et ailleurs : « On a pensé, à ce que je soup-
çonne, que Luther avait été t^é op condainné à
un éternel silence, afin que la chose publique re-.
tombât sous la tyrannie sophistique, dont on me
mit si mauYaîs gré d'aToir commencé la ruine.»
I^uther eut soin cependant de laisser voir qu*il
existait encore. U écrit à Spalatîn : « Je voudrais
que la lettre que je t'envoie se perdit par quel-
que adroite négligence de toi ou des tiens, pour
qu'elle tombât entre les mains de nosenneinis....
Tu feras copier rérangile que je Venvoie; il ne
&ttt pas qu'on reconnaisse ma main. » -«f- « J'avait
résolu dans mon désert de dédier à mon hôte un
lirre sur les Traditions des hommes , car il me de*
mapdait que je l'instruisisse sur cette matière;
maîsj'ai craint de relever parla le lieu dema cap-
tivité. » V « Je n'ai obtenu qu'avec peine de t'en-
Toyer cette lettre, tant on a peur qu'ik ne
viennent à découvrir en quel lieu je suis... •
(Juin 15S1.}
• Les prêtres et les moines, qui ont fiiit leurs
folies pendant que j'étais libre, ont tellement peur
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88 XiHOlEBS
depuis que je fub captif, qu'ils commencent à
adoucir les extravagances qu'ik ont dâiitées con-
tre moi. Ils ne peuvent plus soutenir l'effort de
la foule qui grossit, et ne savent par où s'échap-
per. Voyez-vous le bras du Pubsant de Jacob,
tout ce qu*il &it pendant que nous nous taisons ,
que nous patientons , que nous prions! Ne se vé-
rifie-t-elle pas cette parole de Hotse: Vos tacehir
iit, et Dominus pugnahù pro vobi» f Un de ceux
de Rome a écrit à une huppe (1) de Mayence :
« Luther est perdu comme nous le voulions; mais
« le peuple est tellement soulevé, que je crains
« bien que nous ayons peine à sauver nos vies, si
« nous n'allons à sa recherche , chandelles allu->
t mées, et que nous ne le fassions revenir. >
Luther date ses lettres: De la région de Fair,
de la région des oiseauw; ou bien: Du milieu dee
oiêemuD qui ehanieni douoemeni sur h branchage
ei hueni Dieu jour et n/uU de toutes leurs forces ;
ou enomre : De la montagne , de Vile de Paihmos,
• C'est de là qu'il répand dans des lettres tristes
(i) Cette désignation des dignitau^s de rEglise^fait
penser aux obeaux merveilleux de Rabelais^ les papegotSf
Mgots, etc.
dby Google
ci éloquentee les pensées qui viennent remplir sa
•ditiide {es eremo meâ ). « Qee faii-tu mainte-
nant» nacm Fhîtippe, dit^il à Mélanditon ? est-ce
qoe ta ne pries point pour moi ? Quant à moi,
aisb tout le jour, je me mets devant les yeux la
figure de l'Église, etje vois cette parole du psaume
LXXXYin : < Numquid vun^ eomtUuUti omne$
fim hammam f Bien! quel horrible spectre de
h oelère de Dieu, que ee règne abominable de
PAnEtichrist de Rome! Je prends en haine la du* ^
raté de mon cœur , qui ne se résout pas en tor-
rens de larmes pour pleurer les fils de mon peu*
|de égorgé. Il ne s'en trouve pas un qui se lève
et qià tienne pour IMeu, ou qui fasse de soi un
rempart à la maison d'Israël , dans ce jour su-
pndme de la colère. 0 règne du pape, digne de
la fie dessiècles! Bien aie pitié de nous!» ( U nai.)
« Quand je considère cei temps horribles de
cslère, je ne demande rien que de trouver dans
mm yeux des fleuves de larmes pour pleurer la
déMitaticm des âmes, que produit ee royaume de
péché et de perdition. Le monstre siège à Rome ,
au milieu de l'ÉgUse , et il se proclame Dieu ; les
pontifes l'adulent, les s(q>hi8tes l'encensent, et
il ft*est rien qee ne fassent pour lui les hypocri*
fea. Cependant l'enfer épanouit son cœur , et
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90 iiiiioiMs
ouvre sa gueule immense: Satan te joue dans la
perdition des âmes. Moi, je sub assis tout le jour,,
à boire et à ne rien faire. Je lis la Bible en grec
et en hébreu. J'écrirai quelque chose en allemand
9ur la liberté de la confession auriculaire. Je con-»
tinuerai aussi le psautier et les commentaires
{potiillaê)^ dès que j'aurai reçu de Wittemberg
ce dont j'ai besoin ; entre autres choses le Magnir-
ficai que j'ai commencé.» (U mai.) Cette soli-
tude mélancolique était pour Luther pleine de
tentations et de troubles. Il écrit à Mélanchton :
«Ta lettre m'a déplu à double titre; d'abord parce
que je vois que tu portes ta croix avec impatience»
que tu cèdes trop aux affections, que tu es ten-
dre selon ta coutume ; ensuite, parce que tu m'é-
lèyes trop haut , et que tu tombes dans une grande
erreur en m'attribuant tant de choses, comme si
je prenais tant de souci de la cause de Dieu. Cette
haute opinion que tu as de moi me confond et
me déchire , quand je me vob insensible et en-
durci, assis dans l'oisiveté, 6 douleur! rarement
en prières, ne poussant pas un gémissement pour
l'Église de Dieu. Que dis-je ! ma chair indomptée
me brûle d'un feu dévorant. En somme , moi qui
devais être consumé par l'esprit, je me consume
par la chair, la luxure, la paresse, l'oisiveté «
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DB LDTHIB. 01
la smnnolfiiice; est-ce donc parce que.YOus ne
priez plQ4 pour moi, que Diea s'est détourné de
mpi ? Cest à t<)i de prendre ma place , toi mieux
doué de Piçii, et qui lui es plus agréable.
9 Voilà déjà hipt jours que je n^éoris pas, que
j^ ne prie pas, que je n'étudie pas, soit tentations
de la chair, soit autres ennnis qui me tourmen-
tei|t. ^i les choses ne vont pas mieux , j'entrerai
publiquement à Erfurth: tu m'y yerras ou je t'y
Terrai ; car }p consulterai le§ médecins ou les chi-
rurgieua. > Il était maladç alors , et souffrait cru-
ellement; il décrit son mal dans des termes trop
naiisy et on peut dire trop grossiers, pour que
nous puissions les traduire. Mais ses souffrances,
spirituelles étaient plus rives encore et plus pro-
fondes. ( 13 juillet. )
«Lorsque je partis de Worms, en 1591 , que je
fus pris près d'Eisenach , et que j'habitai mon
pathmos, le château de Wartbourg, j'étais loin
du monde dans un chambre , et personne ne pou-
vait Tenir à moi que deux jeunes garçons nobles
qui m'apportaient à manger et à boire deux fois
le jour. Ils m'avaient acheté un sac de noisettes
que j'avais mis dans une caisse. Le soir , lorsque
je fus passé dans l'autre chambre , que j'eusse
éteint la lumière, et que je me fusse couché , il
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92 viHOlEBS
me lenibla que les noisettes se mettaient en mou-
Tement , se heurtaient bien fort Fune contre l'au-
tre, et venaient cliqueter contre mon lit. Je ne
m'en inquiétai point. Plus tard, je me réyeillai;
il se faisait sur l'escalier un grand bruit comme
si l'on eût jeté du haut en bas une centaine de
tonneaux. Je savais bient^ependant que l'escalier
était fermé avec des chaînes et une porte de fer,
de' sorte que persoime ne pouvait monter. Je me
levai pour voir ce que c'était, et je dis: Est-ce
toi?... ïh bien! sôit... Et je me recommandai au
Seigneur Christ dont il est écrit, Omnia subje^
eiatipedibut ejus, comme dit le YIII psaume, et
je me remis au lit. — Alors vint à Eisenach la
femme de Jean de Berblibs. Elle avait soupçonné
que j'étais au château, et elle aurait voulu me
voir; mais la chose était impossible. Ils me mirent
alors dans une autre partie du château, et pkr
cèrent la dame de Berblibs dans la chambre que
j'occupais, et elle entendit la nuit tant de va*,
carme , qu'elle crut qu'il y avait mille diables.»
Luther trouvait peu délivres à Wartbourg. Il
se mit avec ardeur à l'étude du grec et de l'hé-
breu: il s'occupa de répondre au livre de Lato«
mus, si prolixe, dit-il, et si mal écrit. Il traduisit
^n allemand l'apologie de Mélancfaton contre les
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M Luraïa. OS
théotoficai de Paris» ea y ajoaUmt un commen-
taire (/aiam moêimi^pariiienweê tipolofiBm emmU-
l^rmm imamià tUOui vêmmeuiè daf mdjeciû mm/h-
UUémibmêJ) (18 juillet.) H déploTtit alon une
aGtiyité extraordinaire , et du haut de la monta-
ipie inondait l'Allemagne d'écrits: « J'ai publié
un petit livre contre celui de Catharinus sur l'An-
Uoliriflt, un traité en Allemand sur la confesnon,
le psaume LXVII expliqué en allemand, le can-
tique de Marie expliqué en allemand , le psaume
XXXVII de même» et une consolation à l'église
de Witteraberg.
• J'ai sous presse un commentaire en allemand
desépltres et évangiles de l'année; j'ai également
terminé une réprimande publique au cardinal
de liayencesur l'idole des indulgences qu'il vient
de relever à Halle, et une explication de révan«-
gîle des dix lépreux ; le tout en allemand. Je suis
né pour mes Allemands, et je veux les servir. J'a<>
vais commencé en cbaire , à Wittemberg, une
amplification populaire sur les denx Testamens,
et j'étais parvenu, dans la Genèse, an XXXII*
diapitre, et dans l'Évangile, à laint Jean-Bap*
tiste. Je me suis arrêté là. » (1*' novembre.)
« Je suis dans le tremblement, et ma oonsdence
me trouble , parce qu'à Worms, cédant à ton
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04 mAhoibis
conseil et à celui de tes amis, j'ai laissé (iaiblir
Fesprit en moi , au lieu de montrer un Élie à ces
idoles. Ils en entendraient bien d'autres, si je me
trouvais encore une fois devant eux. » (9 septem-
bre.)
L'affaire de l'arcbevéque de Kayence, à la-
quelle il est fait allusion dans la lettre que nous
venons de citer, mérite que nous y insistions. Il
est curieux de voir l'énergie qu'y déploie Luther,
et comme il y traite en maître les puissances, le
cardinal archevêque, et l'Électeur lui-même. Spa-
latin lui avait écrit pour l'engager à supprimer
sa réprimande publique à l'archevêque. Luther
lui répond : « Je ne sais si jamais lettre m'a été
plus désagréable que ta dernière; non-6eulement
j'ai différé ma réponse , mais j'avais résolu de
n'en pas âdre. D'abord se ne supporterai pas ce
que tu me dis, que le Prince ne souffrira point
qu'an éorioe contre le Mayençait , et qu'on trouble
la pavD publique j je vous anéantirais plutôt {per^
dam) toi et l'archevêque et toute créature. Tu dis
fortbieu qu'il ne faut pas troubler la paix publi-
que; et tu souffriras qu'on trouble la paix éter-
nelle de Dieu par ces œuvres impies et sacrilèges
de perdition? Non pas, Spalatin, non pas, Prince;
je résisterai de toutes mes fprces pour les brebis
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DE LUTtiBA. 95
du Christ à ce loup dévorant j comme j*iu réâitté
aux autres. Je t'envoie donc un livre contre lai
qoi éUlit déjà prêt qnand talettre est venue : elle
ne m'y a pas fait changer un mot. Je devais toute-
Cns le soumettre à l'exameu de Philippe (Mélanch-
Um); c'était à lui d'y changer ce ({u'il eût jugé à
propos. Garde^i de ne pas le transmettre à Phi-
lippe, ou dé chercher à dissaader; là chose est
décidée, on ne t'écoutera point. > (H novem-
hre.) Quelques jours après , il écrit à l'évêquo
lui-même :
« ... Cette première et fidèle ethoi^tion qud
j'avais iSûte à votre Grâce électorale, ne m'ayant
valu de sa part que raillerie et ingpratitude Je lui
aï écrit une seconde îoiâ , lui offrant d'accepter
ses instructions et ses conseils. Quelle a été la ré*-
ponse de votre Grâce ? dure , malhonnête , in-»
digne d'un évêque et d'un chrétien.
9 Or , quoique mes deux lettres n'aient tervi
à rien , je ne me laisse point rebuter , et , confor^
mément à l'Évangile, je vais &ire parvenir à vo-
tre Grâce un troisième avertissement. Vous venez
de rétablir à Halle l'idole qui iàit petdre aux
bons et siraplei chrétiensleur argent et leur âme,
et vous avet publiquement reconnu pai* là que
tout ce qu'avait bit Tetzel, il l'avait fait de con-«
eert avec l'archevêque de Mayence...
Digitizedby Google
96 KÉHOIRXS
» Ce même Dieu vit encore» n'en doutet pa»;
il sait encore l'art de résister à un cardinal de
Mayence, celui-ci eût-il quatre empereurtde son
côté. C'est son plaisir de briser les cèdres, et d'a-
baisser les Pharaons superbes et endurcis. Je prie
TOtre Grâce de ne point tenter ce Bien.
» Penseriei-Tous que Luther fut mort ? Ne le
croyez pas. Il est sous la protection de ce Dieu
qui déjà a humilié le pape» et tout prêt à com-
mencer avec l'archevêque de Mayence un jeu
dont peu de gens se douteront.... Donné en mon
désert, le dimanche, après Saint^atherine (25
novembre 1531). Votre bienveillant et soumis »
Martin Lutkee.
Le cardinal répondit humblement , et de sa
propre main :
« Cher docteur , j'ai reçu votre lettre datée du
dimanche d'après la Sainte-Catherine, et je l'ai
lue avec toute bienveillance et amitié. Cependant
je m'étonne de son contenu , car on a remédié
depuis long-temps à la chose qui vous a fiait
écrire.
> Je me conduirai dorénavant, Dieu aidant,
de telle sorte qu'il convient à un prince pieux
chrétien et ecclésiastique. Je reconnais que j'ai
besoin de la grâce de Dieu , et que je suis un
DigitizedbyVjOOÇlC
m LUTHB&. 07
pauvre homme, péchear et faillible, qui pèche
et se trompe tous les jours. Je sais qu'il n'est rien
de bon en moi sans la grâce de Dieu , et que je
ne suis par moi-même qu'un vil fumier.
s Voilà ce que je voulais répondre à votre
bienveillante exhortation , car je suis aussi di»-
posé qu il est possible à vous fiûre toute sorte de
grâce et de bien. Je souffre volontiers une répri-
mande fraternelle et chrétienne, et j'espère que
le Dieu miséricordieux m'accordera sa grâce et
sa force, pour vivre selon sa volonté en ceci
comme dans les autres choses. Donné à Halle , le
jour de Saint-Thomas (Si décembre 1831).
AusKTVs fÊMHU propriâ, »
Le prédicateur et conseiller de l'archevêque ,
Fabricius Capiton , dans une réponse à la lettre
de «Luther , avait blâmé son âpreté, et dit qu'il
fallait garder des ménagemens avec les puissans,
les excuser, quelquefois même fermer les yeux
sur leurs actes, etc... Luther réplique : ... « Vous
demandez de la douceur et des ménagemens , je
vous entends. Mais y a-t-il quelque communaut'*
entre le chrétien et l'hypocrite ? La foi chétienne
est une foi publique et sincère; elle voit les
choses, elle les proclame telles qu'elles sont. Mon
opinion est qu'on doit démasquer tout, ne rien
Tom 1 4
Digitizedby Google
9B MiMoiim
ménager, n'excuser rien , ne fermer les yenx snr
rien , de sorte que la vérité reste pure et à décoa-
Tert, et oomme placée snr un champ libre...
Jérémie , 48 : Maudîi 9oit celui qui ett tiède dans
V œuvre an Seigneur! Autre chose est, mon cher
Fabricius , de louer le rice ou Tamoindrir , autre
chose de le guérir avec bonté et douceur. Avant
tout, il faut déclarer hautement ce qui est juste
et injuste, et ensuite, quand l'auditeur s'est pé-
nétré de notre enseignement , il faut l'accueillir
et Paider malgré les imperfections dans lesquelles
il pourra encore retomber. Ne repaueêeMpoê celui
qui eêi fkible dan$ la foi y dit saint Paul... J'espère
qu'on ne pourra me reprocher d'avoir , pour ma
part, manqué de charité et de patience cm vers
les faibles... Si votre cardinal avait écrit sa lettre
dans la sincérité de son cœur, ô mon Dieu, avec
quelle joie , quelle humilité je tomberais à ses
pieds! comme je m'estimerais indigne d'en baiser
la poussière ! car moi-même stiis-je autre chose
que poussière et ordure? Qu'il accepte la parole
de Dieu, et nous serons à lui comme des servi-
teurs fidèles et soumis... A l'égard de ceux qui
persécutent et condamnent cette parole , la cha-
rité suprême consiste précisément à résister à leurs
fureurs lacriléges de toutes manières.
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nu LUTHBa. 09
• Groyex-TOUft trouver en Luther un hoiuiue
qui consente à fermer les yeux , pounru (ju'on
Tamnae par quelques cigoleries? Cher F&bri-
cîusy j« derrais tou^ répondre plus durement que
jena Cbûa...». mon amow est prêt à mourir pour
tous; mais qui touche à la foi, touche à la pru-
nelle de notre œil. Raillez ou honorez Vatnour
comme tous le youdrez; mais la foi, la parole»
TOUS devez l'adorer et la regarder comme le saint
des saints: c'est ce que nous exigeons de vous. At-
tendez tout de notre amour, mais craignez, re-
doutez notre foi
» Je ne réponds point au cardinal même, ne
sachant comment lui écrire, sans approuver ou
reprendre sa sincérité ou son hypocrisie. C'est
par vous qu'il saura la pensée de Luther De
mon désert, le jour de Saint- Antoine (17 janvier
1522). .
Citons encore la préface qu'il mit en tête de son
explication de l'évangile des Lépreux, et qu'il
adressa à plusieurs de ses amis :
• Pauvre frère que je suis ! voilà que j'ai en-
core allumé un grand feu; j'ai de nouveau mordu
un hon trou dans la poche des papistes , j'ai atta-
(pié la confession! Que vais-je devenir désormais?
Où trouveront^ils assez de soufre, de bitume, de
dby Google
100 «ÉMOIftXS
fer et de boia , pour mettre en cendres eet héré-
tique empoisonné ? Il faudra pour le moins enle-
ver les fenêtres des églises, de peur que Fespace
ne manque aux prédications des saints prêtres
sur l'Évangite, îd ett, à leurs injures et à leurs
vociférations furibondes contre Lutber. Quelle
autre chose prêcheraient-ils au pauvre peuple ?
Il faut que chacun prêche ce qu'il peut et ce qu'il
sait.
«... Tuez, tuci, s'écrient-ils, tuez cet hérésiar-
* que qui veut renverser tout l'état ecclésiasti-
* que , qui veut soulever la chrétienté entière ! »
J'espère que, si j'en suis digne, ils en viendront
là , et qu'ils combleront en moi la mesure de leurs
pères. Hais il n'est pas encore temps, mon heure
n'est pas venue; il faut qu'auparavent je rende
encore plus furieuse cette race de vipères , et que
je mérite loyalement de mourir par eux....»
Du fond de sa retraite , ne pouvant plus se jeter
dans la mêlée , il exorte Mélanchton :
«Lorsmêmeque jepérirais, rienne serait perdu
pour l'Évangile, car tu m'y surpasses aujour-
d'hui ; tu es l'Elysée qui succède à Élie, enveloppé
d'un double esprit.
* Ne vous laissez pas abattre, InaÎB chantez la
nuit le cantique du Seigneurque je vousai donné:
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Bl LOTHU. 101
je le chantoFÛ amn, moi, n'ayant de loaci que
peur la parole. Que celui qui ignore , ignore : que
celui qui périt » périsee» pourru qu'ils ne puis-
sent pas se plaindre que notre oflice leur ait man-
qué. » (M mai 15S1.)
• On le presndt alors de donner la solution d'une
question qu'il avait soulevée, et dont la décision
ne pouvait sortir des controverses théologiques,
la question des vœux monastiques; les moines de-
mandaient de toutes parts à sortir, et Mélanchton
n'osait rien prendre sur lui. Luther luirméme n'a-
borde œ sujet qu'avec hésitation.
- « Vous ne m'avex pas encore convaincu qu'on
doive penser de même du vœu des prêtres et de
oriui des moines. Ce qui me touche beaucoup,
c'est que l'ordre sacerdotal, institué de Dieu, est
libre, mais non pas celui des moines, qui ont
dioisi leur état, et se sont offerts à Dieu de leur
plein gré. Je déciderais pourtant volontiers que
ceux qui n'ont pas atteint l'ige du mariage, ou
qui y sont encore, et qui sont entrés dans ces
coupe-gorges, en peuvent sortir sans scrupule;
mais je n'ose me prononcer pour ceux qui sont
.•déjà vieux , et qui ont vécu long^mps dans
jcetétat.
» Du reste, comme Paul donne, au sujet des
4-
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103 HiHOiaBs
prêtres, une décitfîon très large, en disant que ce
sont les démons qui leur ont interdit le mariage ,
et que la yoix de Paul est la yoix de la msgesté
divine , je ne doute point qu'il ne faille la confes-
ser hautement ; ainsi, lors même qu'au temps de
leur profession , ils se seraient liés par cette pro-
hibition du diable , maintenant qu'ils savent i
quoi ils se sont liés, ib peuToit se délier en toute
confiance ( 1*' août. ) Pour moi, j'ai souvent an-
nulé sans scrupule des vœux fiiits avant l'âge de
vingt ans, et je les annulerais encore, parce qu'il
n'est personne qui ne voie qu'il n'y a eu là ni
délibération ni connaissance. Hais j'ai fait cela
pour ceux qui n'avaient pas encore changé d'état
ni d'habit; quant à ceux qui auraient déjà exeréé
dans les monastères les fonctions du sacrifice , je
n'ai rien osé encore. Je ne sais de quel nuage
m'ofhsquent et me tourmentent cette vanité et
cette opinion humaine, * (6 août 1521.)
Quelquefois il se rassure , et parle nettement :
« Quant aux vœux des religieux et des prêtres,
nous avons fait , Philippe et moi , une vigoureuse
conspiration pour les détruire et les mettre à
néant.... Ce malheureux célibat des jeunes gens
et des jeunes filles me révèle tous les joiin tant
de monstruosités, que rien ne sonne plus mal à
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BK LUTBia. 103
Bi«s«raU«B qae le nom de nonnei de moine» de
prêtre ; el le mariage me semble un paradis,
même avec la dernière pauvreté. » ( 1^ no-
vembre.)
PréfiM^e de Lnther àson livre D9 Voiis iMmag-
ticit , écrite aoofl forme de lettre à son père. (SI
DOT. 1531.) « .... Ce n'est pas volontairement qne
je me suis fidt moine. Dans la terreur d'une ap-
parition soudaine , entouré de la mort et me
croyant appelé par le ciel, je fis un vœu irréflé«
dû et forcé. Quand je te dis cela dans notre en-
trevue , tu me répondis : « Dieu veuille que ce ne
soit pas un prestige et un fimtôme diabolique! »
Cette parole, comme si Dieu l'eût prononcée par
ta bouche , me pénétra bientôt profondément;
mais je fermai mon cœur, tant que je pus, contre
toi et ta parole» De même, lonque ensuite je te
reprochai ton reventiment , tu mefis une réponse
qui me frappa comme aucune parole ne m'a
frappé , et elle est toujours restée au fond de mon
cœur. Tu me dis : « ff 'aa*tu pas entendu anoî
qu'on doit obéir à ses parens? » Mais j'étais en-
durci dans ma dévotion, et j'écoutais ce que tu
disai&co&mie ne venant que d'un homme. Cepen*
dant, dans le fond de mon ame,je n'ai jamais pu
mépriser ces paroles.... *
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104 nitfoiRKs
— « Il mesoayient que lorsque j'eus pranoncé
mes Yoeux , le père de ma chair, d'abord très ir*
rtté, s'écria, lorsqu'il fut apaisé : Plaise au ciel
que ce ne soit pas un tour de Satan ! Parole qui
a jeté dansmon cœur de si profondes racines, que
je n'aijamabrien entendude sa bouche dont j'aie
gardé une plus ferme mémoire. Il me semble que
Bien a parlé par sa bouche. * (9 septembre.) Il
recommande à Wenceslas Link qu'on laisse aux
moines la liberté de sortir des couvens sans jamais
contraindre personne. « Je suis sûr que tu ne fe*
ras, que tu ne laisseras rien faire de contraire à
FËvangile, lors même qu'il fisiudrait perdre tous
les monastères. Je n'aime point cette sortie tur«*
bulente dont j'ai ou! parler... Mais je ne vois pus
qu'il soit bon et convenable de les rappeler,
quoiqu'ils n'aient pas. bien et convenablement
agi. Il faudrait qu'à l'exemple de Gyrus dans Hé-
rodote, tu donnasses la liberté à ceux qui veulent
sortir, mais sans mettre personne dehors, ni re»
tenir personne par force... »
Il avait montré la même tolérance lorsque ceux
d'Erfurth s'étaient portés à des actes de violence
envers les prêtres catholiques. Garlostad, à Wit^
temberg, eut bientôt rempli et dépassé les instînio*
tiens de Luther.
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M lUTOBA. 105
• Bon Bleu! s'écrie celui-ci dans une lettre à
Spalatin^ nos gens de Wittemberg marieront^ils
jusqu'aux moines! Quant à moi , ils ne me feront
pas prendre femme. — Prends bien garde de ne
pas prendre femme, afin de ne pas tomber dans
la tribulation de la chair. » (6 août. )
Cette hésitation et ces ménagements montrent
asseï que Luther suivait plus qu41 ne devançait
le mouvement qui entraînait tous les esprits hors
des routes anciennes.
« Origène, écrit^il à Spalatin, avait un ensei-
gnement à part pour les femmes; pourquoi Mé»
lanchton n'essaierait-il pas quelque chose de pa-
reil? Il le peut et le doit, car le peuple a fiiim et
9oif. >
« Je désirerais fort que Mélanchton prêchât
aussi quelque part en public, dans la ville, aux
jours de fêtes, dans Faprès^née, pour tenir le
lien delà boisson et du jeu: on s'habituerait ainsi à
ramener la liberté , et à la façoimer sur le modèle
de l'Église antique.
> Car si nous avons rompu avec toutes les lois
humaines, et secoué le joug , nous arrêteron»-nou$
à ce que Mélanchton n'est pas oint et rasé^ à ce
qu'il est marié ? Il est véritablement prêtre, et il
.remplit les fonctions du prêtre, à moins que l'of**
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106 ttiSfOlKEf
fice du prêtre ne soit pas Renseignement de la pa-
role. Autrement le Christ non plus ne sera pas
prêtre, puisqu'il enseigne tantôt dans lessynago*
gués, tantôt sur la barque, tantôt sur le ritage,
tantôt sur la montagne. Tout rôle en tout lieu, à
toute heure, il l'a rempli sans cesser d'être lui-
même.
» Il faudrait que Mélanchton lût au peuple l'Ë-
rangile en allemand , comme il a commencé à le
lire en latin , afin de devenir ainsi peu-à-peu un
érêque allemand , comme il est devenu éyêque la-
tin. > ( 9 septembre.)
Cependant l'Empereur étant occupé de la
guerre contre le roi de France , l'Électeur se ras-
sura et il fit donner à Luther un peu plus de li-
berté. « Je suis allé deux jours à la chasse pour
voir un peu ce plaisir yAtf»vVi»^«f ( doux«amer)
des héros : nous primes deux lièvres et quelques
pauvres misérables perdreaux; digne occupation
d'oisifs. Jethéologisais pourtant au milieu desfilets
et des chiens; autant ce spectacle m'a causé de
plaisir , autant c'a été pour moi un mystère de pi-
tié et de douleur. Qu'est-ce que cela nous repré-
sente, sinon le diable avec ses docteurs impies pour
chiens, c'est-à-dire les évoques et les théologiens
qui chassent ces innocentes bestioles. Je sentais
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Bl LUTBSa. 107
pTof<mdémeQt ce triste .mystère sur les animaux
simples Ht fidèles.
* £a voici un autre plus atroce. Nous avioDs
aauTé un petit lièvre vivant, je Tavais enveloppé
dans la manche de ma robe; pendant que j'étais
éloigné un instant , les chiens trouvèrent le pau'
vre lièvre, et, à travers la robe , lui cassèrent la
jambe droite, et Fétranglèrent. Ainsi sévissent le
pape et Satan pour perdre même les âmes sau-
vées.
• Enfin, j'en ai assez de la chasse ; j'aimerais
mieux, je pense, celle où Ton perce de traits et
des flèches ours, loups, sangliers, renards, et toute
la gentdes docteurs impies... Je t'écris cette plaî-
sauterie, afin que tu saches que vous autres cour-
tisans, mangeurs de bétes, vous serez bétes à votre
tour dans le paradis, où saura bien vous prendre
et vous encager, Christ, le grand chasseur. C'est
TOUS qui êtes en jeu , tandis que vous vous joue^
à la chasse. • (15 août.) — IHi reste, Luther ne se
déplaisait pas à Wartbourg; il y avait trouvé un
accueil libéral, où il reconnaissait la main de !'£•
lecteur. « Le maître de ce lieu me traite beaucoup
mieux que je ne le mérite. » (10 juin.) « Je ne vou-
drais être à charge a personne. Mais je suis per-
suadé que je vis ici aux dépens de notre prince î
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106 Miaofmss
autrement je n'y resterais pas une heure. On sait
que s'il £ftut dépenser l'argent de quelqu'un , c'est
celui des princes. » (15 août.)
A la fin du mois de novembre 15S1 , le désir de
revoir et d'encourager ses disciples lui fit finire
une courte excursion à Wittemberg; mais il eut
soin que l'Électeur n^en sût rien. « Je lui cache »
dit-il à Spalatin, et mon voyage et mon retour.
Pour quel motif ? c'est ce que tucomprendsassez.»
Le motif, c'était le caractère alarmant que pre^
nait la Réforme entre les mains de Garlosiad, des
théologiens démagogues, des briseurs d'images,
anabaptistes et autres, qui commençaient à se pro*
duire. « Nous avons vu le prince de ces prophètes,
Claus-Stork , qui marche avec l'air et le costume
de ces soldats que nous appelons lanxknecht; il
y en avait encore un autre en longue robe, et le
docteur Gérard de Cologne. Ce Stork me semble
porté par un esprit de légèreté , qui ne lui per*
met pas de fiiire grand casde ses propres opinions.
Mais Satan se joue dans ces hommes. » (4 septem-
bre 1522.)
Luther n'attachait pas encore à ce mouvement
une grande importance. « Je ne sors pas de ma
retraite, écrit-il; je ne bouge pas pour ces pro-
phètes* car ils ne m'émeuvent guère. » (17 jan-
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os LUTHSR. 109
irîer 18tt.)Il chargea Mélanchton de les éprouver,
et c'est alors qu'il lui adressa cette belle lettre
(IS janvier 1522) : « Si tu veux éprouver leur
inspiration, demande s'ils ont ressenti ces angois*
ses spirituelles et ces naissances divines , ces morts
et ces enfers... Si tu n'entends que choses douces
et paisibles et dévotes (comme ils disent) , quand
même ils se diraient ravis au troisième ciel , tu
n'approuveras rien de cela. Il y manque le signe
du Fils de l'homme, le /8«a-«if«9( pierre de touche),
l'unique épreuve des chrétiens, la règle qui dis-
cerne les esprits. Veux-tu savoir le lieu , le temps
et la manière des entretiens divins? écoute : // a
hrké comme le lion toue meBOê^ etc. Jai éié re»
poussé de ta face et de tes regards, etc. Mon âme
û été remplie dentaux, et ma vie a approché de l'en*
frr. La majesté divine ne parle pas comme ils le pré-
tendent , immédiatement , et de manière que
l'homme la voie; non, L'homme ne me verra point,
et il vivra. C'est pourquoi elleparlepar la bouche
des hommes, parce que nous ne pouvons tous sup-
porter sa parole. La vierge même s'est troublée à
la vue de l'ange. Écoutez aussi la plainte de Da-
niel et de Jérémîe : PrencM-moi dans votre juge-
ment, et ne soyez pas un sujet d'épouvante. »
(17 janvier 1632. ) «Aie soin que notre prince
8
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110 HixOlRES
ne teigne pas ses mains du sang de ces netsif eaui
prophètes.
» €'est par la parole seule qu'il faut ccHubattre ,
par la parole qu'il faut vaincre « par la parole
qu'il faut détruire ce qu'ils ont élevé par la force
et la violence.
»... Je ue condamne que par la parole ; que
celui qui croit, croie et suive; que celoi qui ne
croit pas» ne croie pas, et qu'on le laisse aller*
Il ne £ftut contraindre aucune personne à la foi ni
aux choses de la foi; il faut l'y traîner par la pa*
rolm. Je condamne les images, mais par la parole,
non pour qu'on les brûle, mais pour qu'on n'y
mette pas sa confiance. *
Mais il se passait à Wiitemberg même des cho-*
ses qui ne pouvaient permettre à Luther de res-'
ter plus long-temps dans son donjon. Il partit
sans demander l'agrément de l'Électeur.
On trouve, dans un des historiens de la Ré*'
forme, un curieux récit de ce voyage.
«JeanKessler, jeunp théologien de Saint-6a11 y
se rendant avec un ami à Wittemberg pour
y achever ses études, rencontra le soir, dans une
auberge située à la porte d'Iéna, Luther habillé
en cavalier. Ils ne le connurent point. Le ca^
valier avait devant lui un petit livre, qui était ^
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M IDTHBA. 111
ooomie ik lo Tirent pliu tard , le paautier en
hébreu. U les ialua poliment, il les invita à t'a»*
eew à aa table. Bam la oonTersation, il leur de*
manda anari ce que l'on pensait de Luther en
Snine. Kessler Ini répondit que les uns ne sa*
vaient ooaunent le célébrer, et remerciaient Dieu
de l'avoir envoyé sur la terre pour y relever la
rériié^ tandis que d'autres, et notamment les
prêtres, le condamnaient comme un héritique
qu'on ne pouvait épargner. D'après quelques
mots que l'hôtelier dit aux jeunes voyageurs, ib
le prirent pour Clrieh de Hutten. Les marchands
arrivèrent; Tun d'eux tira de aa poche et mit à
côté de lui un livre de Luther nouvellement îm-»
primé, et qui n'était pas encore relié. U demanda
ailes autres l'avaient déjà vuXuther parla du peu
de bonne volonté pour les choses sérieuses , qui
se manifestait dans les princes assembles alors à
la diète à Nuremberg. U exprima aussi l'espoir
« que la vérité évangéliqueporteraitplusdefiraits
9 dans ceux qui viendraient et qui n*auraient pas
9 encore été empoisonnés par l'erreur papale. »
L'un des marchands dit : « Je ne suis pas savant
en ces questions; mais, à mon sens, Luther doit
être ou un ange du del , ou un démon de l'en-*
fer; aoasi, je vais employer les derniem dix flo*
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1 1% liteoiâvf
lins que je me soi» ménagés à aller à oonfeate
chez lui. • Cette conversation eut lieu pendant
le souper. Luther s'était arrangé d'avance avec
Thôtelier pour payer Técot de toute la table. Au
moment de se retirer, Luther donna la main aux
deux Suisses (les marchands étaient allés à leurs
a£GBiires), les priant de saluer de sa part, quand
lisseraient arrivés à Wittemberg, le docteur Jé-
rôme Schurff, leur compatriote. Us lui demandè-
rent comment ils le devaient nommer auprès de
celui-ci. « Dites-lui seulement, leur répond-il ,
que celui qui doit venir le salue; il ne manquera
pas de comprendre ces paroles. *
« Les marchands, quand ils apprirent, en re-
venant dans la chambre, que c'était à Luther
qu'ils avaient parlé, furent inconaolables de ne
pas l'avoir su plus tôt, de ne pas lui avoir montré
plus de respect , et d'avoir dit en sa présence des
choses peu sensées. Le lendemain, ils se levèrent
exprès de grand matin, pour le trouver encore
avant son départ, et lui faire leurs très humbles
excuses. Luther ne convint qu'implicitementque
c'était lui. »
Comme il était en chemin pour se rendre à
Wittemberg, il écrivit à l'Électeur qui lui avait
défendu de quitter Wartbourg : c Ce n'at
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Dl LUTBBE. 113
pas des hommes que je tiens rÉvangile, mais da
cîel;de notre Seigneur Jésus-Christ, et j'aurais
liien pu , comme je veux &ire dorénavant^ m'ap-
peler son serviteur, et prendre le titre d'évangé-
Bste» Si j'ai demandé à être interrogé « ce n'était
pas que je doutasse de la bonté de ma cause, mais
uniquement par déférence et humilité. Or, comme
je vois que cet excès d'humilité ne &it qu'abais-
ser l'Évangile, et que le diable, si je cède un
ponce de terrain, veut occuper toute la place,
ma conscience me force d'agir autrement. C'est
assez que, pour plaire à votre Grâce électorale ,
j'aie passé une année dans la retraite. Le diable
sait bien que ce n'était pas crainte ; il a vu mon
cœur quand je suis entré dans Worms. La ville
eut-eHe été pleine de diables , je m'y serais jeté
avec joie.
> Or, le duc Georges ne peut pas même passer
pour un diable ; et votre Grâce électorale se dira
dle-méme si ce ne serait pas outrager indigne*
ment le Père de toute miséricorde , qui nouscom-
mande d'avoir confiance en lui, que de craindre
la colère de ce duc. Si Dieu m'appelait à Leip*
sick, sa capitale, comme il m'appelle à Wittem-
berg , j'y entrerais quand même (pardonnez-moi
celte fUie) quand même il pleuvrait des ducs
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114 xilIOIBBt
Creorgdf neuf jours durant , et chacun d'eux neuf
fois plus furieux. Il prend donc Jésus-Christ pour
un homme de paille. Le seigneur peut bien tolé-
rer cela quelque temps , mais non pas toujouiu.
Je ne cacherai pas non plus à votre Grâce éleo*
tonale que j'ai plus d'une fois prié et pleuré pour
que Dieu TOulàt éclairer le duc; je le ferai encora
une fois arec ardeur, mais ce sera la dernière.
Je supplie aussi votre Grâce de prier elle-même
et de faire prier , pour que nous détournions de
lui, s'il plaît à Ih'eu, le terrible jugement qui»
chaque jour , hâasl le menace de plus près.
* J'écris ceci pour vous (aire savoir que je vais
à Wittemberg sous une protection plus haute
que celle de l'Électeur; aussi n'ai^je pas l'inten-
tion de demander appui à votre Grâce. Je crois
même que je la protégerai plus que je ne serai
protégé par elle : si je savais qu'elle d&t me pro-^
^éger , je ne viendrais pas. L'épée ne peut rien
en ceci; il faut que Dieu agisse, sans que les
hommes s'en mêlent. Celui qui a le plus de foi ^
protégera le plus efficacement, et comme je sens
que votre Grâce est encore très iSuble dans la
foi, je ne puis nullement voir en elle celui qui
doit me protéger et me sauver.
9 Votre Grâce électorale me demande ce
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115
qu'elle doit ûdre en cm otroooslaiioet* «tlûwuit
avoir fiiit peu jusqu'ici. Je répoodt, en tonte
ionnûanon, qpie Totre Grâce n'a fidt que trop» et
qu'elle ne devrait rien faire. Bien ne vent pat
de toutes oes inquiétudes , de tout œ mouTO»
ment » quand il s'agit de sa cause; il reut qu'on
s'en remette à lui seul. Si votre GrAce a oette»
fol, elle trouvera paix et sécurité; sinon* moi du
moins, je croirai; et je serai obligé de laisser à
votre Grâce les tourmens par lesquels Dieu
punit les incrédules. Puis donc que je ne veux
pas suivre les ^hortations de votre Grâce, elle
sera justifiée devant Dieu , si je suis pris ou tué.
Devant les hommes, je désire qu'elle agisN comme
il suit : qu'elle obéisM à l'autorité en bon éleo*
tour, qu'elle laÎMe régner la Majesté impériale
en ses états conformément aux .réglemens de
l'Empire, et qu'elle se garde d'opposer quelque
résistance à la puissance qui voudra me prendre
ou me tuer; car personne ne doit briser la puis-
sance ni lui résister, hormis celui qui l'a insti-
tuée; autrement, c'est révolte, c'est cMitre Dieu.
J'espère seulem^Qit quHlsaurontasses de sens pour
reconnaître que votre Grâce électorale eit de
trop hautlieu pourse &ire eUe^mème mon geMier.
8i elle laisifs les portes ouvertes, et qu'elle
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1 16 IliHOl&ES
lasse observer le sauf-conduit , au cas où ils vien-*
dront me prendre , elle aura satb&it à l'obéis*
sance. Si , au contraire, ils sont assez déraisonna-
bles pour ordonner à votre Grâce de mettre
elle-même la mainsur moi I je ferai en sorte qu'elle
n'éprouve pour moi nul préjudice de corps, de
biens, ni d'âme.
» Je m'expliquerai plus au long une autre
fois , s'il en est besoin. J'ai dépêcbé le présent
écrit, de peur que votre Grâce ne fût affligée de
la nouvelle de mon arrivée; car , pour être chré-
tien , je dois consoler tout le monde et n'être pré-
judiciable à personne.
• Si votre Grâce croyait, elle verrait la ma-
gnificence de Dieu ; mais comme elle ne croit pas
encore, elle n'a encore rien vu. Aimons et glori-
fions Dieu dans l'éternité. Amen. Écrit à Borna, à
côté de mon guide , le mercredi des Cendres llSâS.
(5 mars).iDe votre Grâce électorale le très soumis
serviteur. Ittartîn Luthek. »
' ( 7 mars). L'Électeur avait fait prier Luther de
lui exposer les motifs de son retour à Wittemberg
dans une lettre qui pût être montrée à l'Empe-
reur. Dans cette lettre, Luther donne trois mo-
tifs : l'église de Wittemberg l'a instamment prié
àe revenir ; deuxièmement, le désordre s'est mis
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DB LUTHBB. 117
dans «on troupeau; enfin il n touIu empêcher,
autant qu'il serait en lui, Fînsurrection qu'il re-
garde comme imminente.
«... Le second motif de mon retour, dit-il ,
c'est qu'à Wittemberg, pendant mon absence,
Satan a pénétré dans ma bergerie , et y a &it des
raTages que je ne puis réparer que par ma pré-
sence et par ma parole vivante; une lettre n'y
aurait rien fait. Ha conscience ne me permettait
plus de tarder; je devais négliger non-seulement
la grâce ou disgrâce de votre Altesse, mais la co-
lère du monde entier. C'est mon troupeau, le
troupeau que Dieu m'a confié, ce sont mes en-
fiins en Jésus-Christ : je n'ai pu hésiter un mo*
ment. Je dois souffrir la mort pour eux , et je le
ferais volontiers avec la g[râce de Dieu, comme
Jésus-Christ le demande ( saint Jean, X , 12). S'il
eût suffi de ma plume pour remédier à ce mal ,
pourquoi serais-je venu? Pourquoi, si ma pré-
lence n'y était pas nécessaire , ne me résoudrais-je
à quitter Wittemberg pour toujours ? ... »
Luther à son ami Hartmuth de Kronberg , au
mois de mars (peu après son retour à Wittem-
berg) : « . . . . Satan, qui toujours se mêle parmi
les enfans de Dieu , comme dit Job (1,6), vientde
Dont faire ( et*à moi en particulier) un mal cruel
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1 18 aiiwoiEES
à Wiitemberg. Tous mes ennemis, quelque près
qu'ils fussent souvent de moi , ne m'ont jamais
porté un coup comme celui que j'ai reçu des
miens. Je suis obligé d'avouer que cette fumée
me ùli bien mal aux yeux et au cœur. « C'est par
» là, s'est dit Satan, quejeveuxabattrelecourage
1 de Luther, et vaincre cet esprit si roide. Cette
> fois, il ne s'en tirera pas. »
«... Peut-être Dieu me veutril punir par ce
coup, d'avoir, à Worms, comprimé mon esprit,
et parlé avec trop peu de véhémence devant les
tyrans. Les païens, il est vrai, m'ont depuis ac-
cusé d'orgueil. Ils ne savent pas ce que c'est que
la foi.
» Je cédais aux instances de mesbpns amis qui
ne voulaient point que je parusse trop sauvage:
mais je me suis souvent repenti de cette déférence
et de cette humilité.
» ... Moi-même je ne connais point Luther, et
neveux point le connaître. Ce que je proche ne
vient pas de lui, mais de Jésus-Christ. Que le dla-*
ble emporte Luther, s'il peut , je ne m'en soucie
pas, pourvu qu'il laisse Jésus-Christ régner dans
les cœurs... »
Vers le milieu de la même année, Luther éclata
avec la plus grande violence contre les princes.
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BB LVTlIBa. 119
Un grand nombre de princes et d'évéques (entre
autres le duc Georges), venaient de prohiber la
traduction qu'il donnait alors de la Bible; on en
rendait le prix à ceux qui l'avaient achetée. Lu*
ther accepte audadeusement le combat : « Nous
avons eu les prémices de la victoire et triomphé
de la tyrannie papale qui avait pesé sur les rois
et les princes; combien nesera-^t-il pas plus &cile
de venir à bout des princes eux-mêmes?... J'ai
grand'peur que s'ils continuent d'écouter cette
sotte cervelle du duc Georges, il n'y ait des trou*
blés qui mènent à leur perte , dans toute l'Aile*
magne, les princes et les magistrats, et qui en*
veloppent en même temps le clergé tout entier;,
c'est ainsi que je vois les choses. Le peuple s'agite
de tous cdtés, et il a les yetix ouverts; il ne veut
plus, il ne peut plus se laisser opprimer. C'est le
Seigneur qui mène tout cela et qui ferma les yeux
des princes sur ces symptômes menaçans, c'est
lui qui consommera tout par leur aveugleuient
et leur violence ; il me semble voir l'Allemagne
nager dans le sang.
» Qu'ils sachent bien que le glaive de la guerre
mile est suspendu sur leurs têtes, lis font tout
pour perdre Luther, et Luther fait tout pour les
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120 MilIOIBES
sauyer. Ce n'est pas pour Luther , mais pour eux
qu'approche la perdition; ils Fayancent eux-
mêmes , au lieu de s'en garder. Je crois que l'es*
prit parle ici en moi. Que si le décret de la colère
est arrêté dans le ciel, et que la prière ni la sagesse
n'y puissent rien , nous obtiendrons que notre Jo-
sias s'endorme dans la paix, et que le monde soit
laissé à lui-même dans sa Babylone. — Quoique
exposé à toute heure à la mort, au milieu de met
ennemis, sans aucun secours humain , je n'ai ce-
pendant jamais rien tant méprisé en ma vie que
ces stupides menaces du prince Georges et de ses
pareils. L'esprit , n'en doute pas , se rendra maître
du duc Georges et de ses égaux en sottise. Je t'é-
cris tout ceci à jeun et de grand matin, le cœur
rempli d'une pieuse confiance. Mon Christ vit et
règne, et moi je vivrai et régnerai. » (19 mars.)
Au milieu de l'année parut le livre qu'Henri
YIII avait fait faire par son chapelain Edward
Lee, et danslex{uel il se portait pour Champion
de l'Église.
« Il y a bien dans ce livre une ignorance royale,
mais il y a aussi une virulence et une fausseté qui
n'appartiennent qu'à Lee. » (2â juillet.)*— Laré-r
ponse de Luther parut l'année suivante, sa vio-
lence surpasse tout ce que ses écrits contre le pape
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DB LUTftSa. 121
aTaientpu faire attendre. Jamais ayant cette épo*
que nn homme privé n'avait adressé à un roi des
paroles si méprisantes et si andacieoses.
• Moi , aux paroles des pères, des hommes, des
anges, des démons, j'oppose, non pas l'antique
usage ni la multitude des hommes, mais la seule
parole de l'étemelle Majesté, l'Évangile qu'eux-
mêmes sont forcés de reconnaître. Là , je me tiens,
je m'assieds, je m'arrête; là est ma gloire, mon
triomphe; de là, j'insulte aux papes, aux thomis-
tes, aux henricistes, aux sophistes et à toutes les
portes de l'enfer. Je m'inquiète peu des paroles
des hommes, quelle qu'ait été leur sainteté; pas
davantage de la tradition, de la coutume trom-
peuse. La parole de Dieu est au-dessus de tout. Si
j'ai pour moi la divine Majesté, que m'importe le
reste, quand même mille Augustins, mille Gy-
priens, mille églises de Henri, se lèveraient con-
tre moi? Dieu ne peut errer ni tromper; Augus-
tin etCyprien , comme tous les élus , peuvent errer
et ont erré.
» La messe vaincue , nous avons, je crois, vaincu
la papauté. La messe était comme la roche, où
la papauté se fondait, avec ses monastères, ses
épiacopats, ses collèges, ses autels, ses ministres
et ses doctrines; enfin avec tout son ventre. Tout
6
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122 nHOi&ss
cela croulera aTec l'abominatiôii de leur messe sa-
crilège.
9 Poar la cause de Christ , j'ai foulé aux pieda
Tidolede Fabomination romaine» qui s'était mise
à la place de Bîeu et s'était établie maîtresse des
rois et du monde. Quel est donc cet Henri, ce
nouveau thomiste , ce disciple du monstre, pour
que je respecte ses blasphèmes et sa riolence ?
Il est le défenseur de l'Église , oui , de son Église
à lui qu'il porte si haut , de cette prostituée qui
yit dans la pourpre, i?re de débauches , de cette
mère de fornications. Moi, mon chef est Christ ,
je frapperai du même coup cette Église et son dé-
fenseur qui ne font qu'un; je les briserai...
» J'en suis sûr, mes doctrines viennent du
eiel. Je les ai ùli triompher contre celui qui »
dans son petit ongle » a plus de force et d'astuce
que tous les papes, tous les rois, tous les doc*
leurs... Mes dogmes resteront, et le pape tom-
bera, malgré toutes les portes de l'enfer, toutes
les puissances de l'air, de la terre et de la mer.
Ilsm'ont provoqué à la guerre, eh bien! ils l'au-
ront la guerre. Ils ont méprisé la paix que je leur
offrais, ils n'auront plus la paix. Dieu verra qui
des deux le premier en aura assez , du pape ou
de Luther. Trois fois j'ai paru devant eux. Je suis
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DB LDTlIBm. 128
entré dans Wonns, sachant bien que César de-
vait violer à mon égard la foi publique. Luther ,
oe fugitif, ce trembleur , est venu se jeter sous
les dents de Behemoth... Mais eux , ces terribles
Iféans , dans ces trois années, s'en esi«il présenté
un seul à Wittemberg ? Et cependant ils y seraient
Tenus en toute sûreté sous la garantie de TËmpe-
reur. Les lâches, ils osent espérer encore le triom**
phe ! Ils pensaient se relever , . par ma fuite, de
leur honteuse ignominie. On la connaît aujour-
d'hui par tout le monde; on sait qu'ils n'ont point
eu le courage de se hasarder en face du seul
Luther. > (1523.)
Il fut plus violent encore dans le traité qu'il
publia, en allemand, sur la Puisuince séculière.
« Les princes sont du monde, et le monde est
ennemi de Dieu ; aussi vivent-ils selon le monde
et contre la loi de Dieu. Ne vous étonnez donc
pas de leurs furieuses violences contre l'Évangile^
car ils ne peuvent manquer à leur propre nature.
Vom devez savoir que depuis le commencement
du monde, c'est chose bien rare qu'un prince
prudent, plus rare encore un prince probe et
homiête. Ce sont communément de grands sots ,
ou de maudits vauriens (maxùnè fatui , pessimi
nebuhn09 super tetrum). Aussi, faut-il toujours
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124 fliMaiREs
attendre d'eux le pis , presque jamais le bien,
surtout lorsqu'il s'agit du salut des âmes. Ils sèr-
▼eut ^ Dieu de licteurs et de bourreaux , quand
il veut punir les méchans. Notre Dieu est un pois-
sant roi, il lui faut de nobles, d'illustres, de ri-
ehes bourreaux et licteurs comme ceux-ci ; il Teut
qu'ils aient en abondance des richesses , des hon-
neurs, qu'ils soient redoutés de tous. Il plaît à sa
dÎTine volonté que nous appelions ses bourreaux
de démens seigneurs, que nous nous proster-
nions à leurs pieds , que nous soyons leurs très
humbles sujets. Mais ces bourreaux ne poussent
point eux-mêmes l'artifice jusqu'à Touloir deve-
nir de bons pasteurs. Qu'un prince soit prudent,
probe, chrétien , c'est là un grand miracle, un
précieux ^gne delà faveur divine ; car d'ordinaire,
il en arrive comme pour lesjuifsdont Dieu disait:
« Je leur donnerai un roi dans ma colère, jel'ô-
terai dans mon indignation. Dabo tibi regem in
fitrare meo , et auferam in indignatione meâ, »
» Les voilà , nos princes chrétiens qui protè-
gent la foi et dévorent le Turc... Bons compa-
gnons! fiez-vous-y. Ils vont faire quelque chose
dans leur belle sagesse : ils vont se casser le cou,
et pousser les nations dans les désastres et les mi-
sères... Pour moi , j'ouvrirai les yeux aux aveugles
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Ds Xiimn»; f2S
pour qu'ib eomprennent ces quatre moU da
"pmvaaeC^lzEgundîieontempium êuperprincipe».
Je TOUS le jure par Bieu même , si tous attendez
qu'on Tienne tous crier en face ces quatre mots»
Touflètes perdus, quand même chacun de tous
•erait aussi puissant que le Turc; et alors il ne
vous serTira de rien de tous enfler et de grincer
des dents... Il y a déjà bien peu de princes qui ne
soient traités de sots et de fripons; c'est qu'ils se
montrent tels, et que le peuple commence à com->
prendre... Bobs maîtres et seigneurs, gouTemei
STec modération et justice, car tos peuples ne
supporteront pas long-temps TOtre tyrannie; ils
ne le peuTent ni ne le Tculent Ge monde n'esl
plus le monde d'autrefois , oh tous alliez à la
diasse des hommes comme à celle des bêtes fm^
Tes.»
CMMonration de Luther , sur deux mandemens
sérères de l'Empereur contre lui. «... J'exhorte
tout bon chrétienà prier aTOc nous pour cesprin-
ces aTeugles , que Dieu nous a sans doute euToy es
dans sa colère, et à ne pas les suÎTre contre les
Turcs. Le Turc est dix fois plus habile et plus relî*
gieux que nos princes. €ommenl ponrraient*ih
Téosnr contre lui, ces fousqui tentent et blaqphè»
mentlMeail'unemanièrehorrible ?GettepauTreet
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^tisérable créature, qui n'esl pas un kistaot lùre
deaa yie» notre Empereur « ne se glorifle^V-il pas
irapndemment d'être le Trai et sonTerain défen-
seur de la foi chrétienne ?
• L'Écriture sainte dit que la foi chrétionmi
est un roolidr contre lequel échoueront et le dia-
ble et la mort, et toute puissance; que c'est une
force divine; et cette force dirine se ferait protêt
ger par un enfant de la mort que la moindre
chose jettera bas? 0 Dieut que le monde ecrt iti-
sensé! Voilà le roi d'Angleterre qui s'intitule à
son tour , défwMeuf de la fin ! Les Hongrois mê-
mes se vantent d'être lesptDtecteurS de Dieu, et
ils chantent dans leurs litanies ; tJt noê dêfenèùt^$
tuoê ewaudif dignêris,** Pourquoi n'y a-44l pas
aussi des princes pour protéger Jésus-Christ, et
d'autres pour défendre le Saint-Esprit? Alors, je
^ense, la sainte Trinité et la foi seraient enfin
eénvenableipent gardées!.». » (1^218.)
De telles hardiesses effrayaient l'Électeur. Lu*
Iher avait peine à le rassurer» • Je me souviens,
moucher Spalàtin^ de ce que j'ai écHt de Borli
à l'Électeur, et plût à Dieu que vouseussies M,
avertis par les signes ai évidtes de la main du
9ieu. Né voilà«4*il pas deux ans qUe je vis eiMo^
contre tout attente. I^'Éledeur nonisteledièttlesl
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!>■ LOT0BB. 127
à Tabrit imJft depuis un an il Toit la fureur des
princes apaisée? Il n'est pas difficile au Christ de
proCéger le Christ dans cette mienne cause , où
l'Éleoteur est entré par le conseil de Dieu. 8i je
savais un moyen de le tirer de cette cause sans
honte pourrÉvangile»je n'y plaindrais pas même
na Tie. Moi , j'avais bien compté qu'avant on an
on me traînerait au dernier supplice; c'était là
mon expédient pour sa déllvURnee. Maintenant «
puisquenousnesommes pas capables decompre»*
dre et de pénétrer son dessein»nous serons toujours
pariaitement en sûreté en disant : Qn^ im vionié
êoitfaiiei £t je ne doute pas que le prince nesoit
à l'abri de toute attaque, tant qu'il ne donnem
pas un assentiment et une approbation publique
à notre cause. Pourquoi est-il forcé de partager
notre opprobre? Dieu le sait, quoiqu'il soit bien
certain qu'il n'y a là pour lui ni dommage, ni
péril, et, au contraire, un grand avantage pour
son salut » (12 octobre 152S. )
Ce qui faisait la sécurité de Luther, c'est qu'un
bouleversement général semblait imminent. La
tourbe populaire grondait. La petite noblesse, plus
impatiente , prenait le devant. Les riches princi-
pautés ecclésiastiques étaient là comme une proie ,
dont le pHlage semblait devoir commencer la
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128 MÉHOIÂES
guerre cWile. Les catholiques eux-mêmes réta-
maient par les moyens légaux, contre les abus
que Luther avait signalés dans TÉglise. En mars
1823, la diètede Nuremberg suspendit l'exécution
de l'éditimpérial contre Luther, et dressa contre
le clergé cewtum gravamina. Déjà le plus ardent
des nobles du Rhin, Franz de Sickingen, avait
ouvert la lutte despetîts seigneurs contre les prin-
ces, en attaquant le Palatin. « Voilà, dit Lather,
une chose très lâcheuse. Des présages certains
nous annoncent un bouleversement des états. Je
ne doute pas que rAUemagnene soit menacée, ou
de laplus cruelle guerre,ou de son dernier jour.»
(16 janvier 182S0
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M lOTna.
129
CHAPITRE II.
de l*^lMltttUri«an«..JE»Mii
d*oiigaDlMUon , etc.
Les temps qui snivent le retour de Luther à
Wittemberg forment la période de sa vie la
plus active , la plus laborieuse. Il lui fallait con-
tinuer la Réforme , entrer chaque jour plus avant
dans la voie qu'il avait ouverte, renverser de
nouveaux obstacles, et cependant de temps à
autre s'arrêter dans cette œuvre de destruction
pour réédifier et rebâtir tellement quellement. Sa
TÎe n'a plus alors l'unité qu'elle présentait à
Wonns et au château de Wartbourg. Descendu
de sa poétique solitude, plongé dans lesplus mes-
quines réalités, jeté en proie au monde, c^est à
loi que s'adresseront tous les ennemis de Rome.
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180 viaoïass
Tous affluent chez lui et assiègent sa porte, prin-
ces , docteurs ou bourgeois. Il &ut qu'il réponde
aux Bohémiens, aux Italiens, aux Suisses, à toute
r£urope. Les fugitife arrÎTent de tous côtés. De
ceux-ci les plus embarrassans, sans contredit, ce
sont les religieuses échappées de leurs couyens ,
repoussées de leurs &niilles, et qui viennent cher-
cher un asile auprès de Luther. Cet honime de
trente-six ans est obligé dereceroirces femmes et
ces filles, de leur servir de père. Pauvre moine,
dans sa situation nécessiteuse (voyez le chapitre lY),
il arrache à peine quelques secours pour elles
au parcimonieux Électeur qui le laisse lui-même
mourir de iaim. Tomber dans ces misères après le
triomphe de Worms, c'était de quoi calmer l'exal*
tation du réformateur.
Les réponses qu'il donne à cette foule qui vient
le consulter sont empreintei d'une libéralité d'es**
prit dont nous le verrons quelquefois s'écarter
plus tard, lorsque devenu chef d'une église éta-«
blie, il éprouvera lui-même le besoin d'arrêter
la mouvement qu'il avait imprimé à la pensée re-
ligieuse.
D'abord c'est le pasteur da Zwickau , Hansmann,
qui interpelle Luther pour fixer les limites de la
liberté évangélique. Il répond : « Noua donnons
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fibeité entière sur Fudc et l'antre espèce; maU
à ceux qui s'en approchent dignement et avec
crainte. Laissons tout le reste selon le rite accou-^
tome, et que chacun suive son propre esprit, que
ehacuB écoute sa conscience pour répondre à l'É^
Ttngîle. • Ensuite viennent les frères Moraves, las
Vaudois de la Moravie. (86 mars 1888) : « Le sa-
crement lui-même, leur écrit Luther, n'est pas
tellement nécessaire , qu'il rende superflues la foi
et la charité. C'est une folie que de s'escrimer pour
ces misères, en négligeant les choses précieuses et
flslutaires. Là où se trouvent la foi et la charité ,
il ne peut y avoir de péché , ni parce qu'on adore,
ni parce qu'on n'adore pas. Au contraire , là où
il n'y a pas charité et foi , il ne peut y avoir qu'é**
temel péché. Si ces ergoteurs ne veulent pas dire
concomitance , qu'ils disent autrement et cessent
de disputer, puisqu'on s'accorde sur le fond. La
foi, la charité n'adore pas (il s'agit du culte des
saints), parce qu'elle sait qu'il n'est pas commandé
d*adorer , et qu'on ne pèche pas pour ne point
aborer. Ainsi elle passe en liberté au milieu de
ces gens, et les accorde tous en laissant chacun
abonder dans son propre sens. Elle défend de dis»
puter et de se condamner les uns les autres ; car
elle hait les sectes elles schismes. Je résoudrais la
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182 viHOUJM
question de l'adoration de Dieu dans les saints^
en disantque c'est une choselibre et indififérente. »
Il s'exprime sur ce demiersujet avec une hauteur
singulière.
« Le monde entier m'interroge tellement (ce
que j'admire) sur le culte des saints, que je suis
forcé de mettre au jour mon jugement. Je vou-
drais qu'on laissât dormir cette question , pour ce
seul motif, qu'elle n*est pas nécessaire. • (29 mai
1522.) « Quant à l'exposition des reliques, je crois
qu'on les a déjà montrées et remontrées par toute
la terre. Pour le purgatoire, je pense que c'est
chose fort incertaine. Il est rraisemblable qu'à
l'exception d'un petit nombre , tous les morts dor-
ment insensibles. Je ne crob pas que le purga->
toire soit un lieu déterminé, comme l'imaginent
les sophistes. A les en croire, tons ceux qui ne
sont ni dans le ciel ni dans l'enfer sont dans le
purgatoire. Qui oserait Fassurer? les 'âmes des
morts peuTont dormir entre le ciel , la terre, l'en*
fer, le purgatoire et toutes choses, comme il ar-
rive aux vivans, dans un profond sommeil... Je
pense que c'est cette peine qu'on appelle l'avantr
goût de l'enfer, et dont le Christ, Moise» Abra-
ham, David, Jacob, Job, Ézéchias et beaucoup
d'autres ont tant souffert. Comme elle est sembk-
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DE LUTHER • 133
ble à l'enfer, et cependant temporaire, qu'elle
ait lieu dans le corps ou hors du corps, c'est pour
moi le purgatoire. > (13 janvier 1522.)
La confession perd, entre les mains de Luther,
le caractère que lui avait donné l'Église. Ce n'est
plus ce redoutable tribunal qui ouvre et ferme
le ciel. Le prêtre ne fait plus que mettre sa sa-
gesse et son expérience au service du pénitent^
de sacrement qu'elle était, la confession devient,
pour le prêtre , im ministère de consolation et de
bon conseil.
« Dans la confession , il n'est point nécessaire
que l'on raconte tous ses péchés; mais les gens
peatent dire ce qu'ils veulent; nous ne les lapi^
dons point pour cela ; s'ils avouent du fond du
cœur qu'ils sont de pauvres pécheurs, nous nous
en contentons.
> Si un meurtrier disait devant les tribunau.t
que je l'ai absous ^ je dirais : je ne sais point s'il
est absous; ce n'est pas moi qui confesse et absous,
c'est le Christ. A Venise, une femme avait tué, et
jeté à l'eau, un jeune compagnon qui avait cou-
ché avec elle. Un moine lui donna l'absolution et
la dénonça. La femme s'excusa eu montrant l'ab
solution du moine. Le sénat décida que le moine
serait brûlé et la femme bannie de la ville. C'é'
ToBiE 1 5
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134 HSHOiaBS
tait un jugement bien sage. Hais si je donnais nn
billet , signé de ma main , à une conscience effrayée,
et que le juge eût ce billet, je pourrais justement
Icf réclamer, comme j'ai foit avec le duc Georges.
Car celui qui a en main les lettres des autres, sans
un bon titre , celui-là est un voleur. »
Quant à la messe, il la traite dès 1319 comme
une chose indifférente pour ses formes extérieu-
res. Il écrirait alors à Spalatin . « Tu me demandes
un modèle de commémorations pour la messe.
Je te supplie de ne pas te tourmenter de ces mi-
nuties; prie pour ceux pour lesquels Dieu t'in-
spirera , et aie la conscience libre sur ce sujet.
€e n'est pas une chose si importante, qu'il feille
enchaîner encore par deis décrets et des tradi^
tions l'esprit de liberté: il suffit, et au-delà, de
la niasse déjà excessive des traditions régnantes.»
Veft la fin de «a vie, en 1J&A1L, il disait encore au
même Spalatin ( 10 novembre ): «Fais pour l'élé-
vation du sacrement, ce qu'il te plaira de hite.
Je neveux pas que dans les choses indifférentes,
on impose aucune chaîne. C'est ainsi que j'écris,
que j'écrivis, que j'écrirai toujours, à tous ceux
qui me fatiguent de cette question. »
n comprenait pourtant la nécessité d'un culte
extérieur. « Bien que les cérémonies ne soient
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]»■ LUTBBa. 139
pas nëoesBaires au nlut . cependant ellea font îm-
preHÎOB sur les esprits grosâers. Je parle prm-
dpalement des cérémonies de la mes», qne tous
pou¥es ccMiserver, comme nous avons frit ici, à
mttember^^» (11 janyier lKSl.)«Je ne con-
damne aucune cérémonie, si ce n'est celles qui
lont contraires à l'Éraufple. Nous avons conservé
le baptistère et le baptême, bien que nous l'ad*
oiimstrions en nous servant de la langue vul-
f^aire. Je permets les images dans le temple ; la
messe est célébrée avec les rites et les costumes
accoutumés, seulement on y chante quelques
hymnes enlangue vulgaire, et les paroles de la
consécration sont en allemand. Enfin je n'aurais
point aboli la messe latine, pour y substituer la
mesBe en langue vulgaire , si je n'y avaisétéforoé.»
(U mars 1528.)
• Tu vas organiser l'église de Komigsberg;
je t'en prie , au nom du Christ, change le moins
de choses possible. Il y a près de là des riUesépiS"
oopales, il ne faut pas que les cérémonies de la
noavelle Église different beaucoup des anciens
rites. Si la messe en latin n'est pas abolie, ne
l'sbolis pas; seulement méles-y quelques chants
ea allemand. Si elle est abolie, conserve l'ordre
et les costumes anciens. » ( 16 juillet IBIB. )
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à
136 nÉHOiRES
Le changement le plus gra^e que Luther fit
subir à la même, fut de la traduire en langue Vul-
gaire. « La messe sera dite en allemand pour les
laïques, mais Toffice de chaque jour se fera en
latin , en y joignant toutefois quelques hymnes al<-
lemands. « ( 28 octobre IBââ. )
« Je suis bien aise de voir qu'en Allemagne la
meese soit à présent célébrée en allemand. Mais
que Garlostad fasse de cela une nécessité, voilà
qui est encore de trop. C'est un esprit incorri<r
gible. Toujours, toujours des lois, des nécessités,
des péchés! Il ne saurait faire autrement... Je di-*
rai volontiers la messe en allemand, et je m'en
occupe aussi ; mais je voudrais qu'elle eût un vé*
ritable air allemand. Traduire simplement le
texte latin , en conservant le ton et le chant usi-
tés, cela peut aller à la rigueur, mais ne sonne
pas bien et ne me satisMt pas. Il faut que tout en-
semble, texte et notes, accent et gestes, viennent
de notre langue et de notre voix natales; au*
trement ce ne sera qu'imitation et singerie... »
« Je désire, plutôt que je ne promets , de vous
donner une messe en allemand; car je ne me
sens pas capable de ce travail , où il faut à la fois
la musique et l'esprit. > ( 13 novembre 1524.)
« Je te renvoie la messe ; je tolérerai qu'on la
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!>■ LDTHBE. 187
chante ainsi, mais il ne me plaît pas qu'on garde
la musique latine sur les paroles allemandes. Je
voudrais qu'on adoptât le chant allemand. »
(26 mars 1525. )
i Je suis d'avis qu'il serait bon, à l'exemple des
prophètes et des anciens pères de l'Église, de
Sûre des psaumes en allemand pour le peuple.
Nous cherchons des poètes de tous côtés; mais
puisqu'il t'a été donné beaucoup de faconde et
d'éloquence dans la langue allemande, et que tu
as cultivé ces dons , je te prie de m'aider dans
mon travail , et d'essayer de traduire quelque
psaume sur le modèle de ce que j'ai déjà fait. Je
Tondrais exclure les mots nouveaux et les termes
de cour : il faudrait, pour être compris du peu<«>
pie , le langage le plus simple et le plus ordinaire,
quoîcpie, cependant, pur et juste; il faudrait que
I91 phrase fût claire et le plus près du texte qu'il
sera possible. » ( 1624.)
Ce n'était pas chose facile que d'organiser la
nouvelle Église. L'ancienne hiérarchie était bri-
sée. Le principe de la Réforme étant de ramener
toute chose au texte de l'Évangile , pour être con-'
séquent , il fallait rendre à l'Église la forme dér
mocratique qu'elle avait aux premiers siècles. Lu^
thçr y semblait d'abord dbposé.
».
DigitizedbyVjOOÇlC
188 mIhoiiibs
D€ mmiitriê Eeeleaim it^Uu^ndû, adreieA aux
Bohémiens. < Voilà une belle intention des papis-
tes, que le prêtre est revêtu d'un caractère in-
délébile , et qu'aucune faute ne peut le lui dire
perdre... Le prêtre doit être choisi» élu par les
suffrages du peuple, et ensuite confirmé par Té-
yêque (c'est-a-dire qu'après l'élection, le pre-
mier, le plus yénérable d'entre les électeurs im-
pcMM les mains à l'élu). £st-oe que Christ, le pre-
mier prêtre du nouveau Teitament, a eu besoin
de la tonsure et de toutes ce« momeries de l'ordi-
nation épiscopale. Est-ce que ses apôtres, ses di»-
ciples en ont eu besoin ?... Tous les chrétiens sont
prêtres , tous peuvent enseigner la parole de Dieu,
administrer le baptême, consacrer le pain et le
vin 9 car Christ a dit : Faites cela en mémoire de
moi. Nous tous qui sommes chrétiens, nous avons
le pouvoir des clés. Christ a dit aux apêtres qui
représentaient auprès de lui l'humanité tout en*
tîère : Je vous le dis en vérité , ce que vous aurez
délié sur la terre , sera délié dans le ciel. Kais lier
et délier n'est autre chose que prêcher et applî»
quer l'Évangile. Bélier, c'est annoncer que Dieu
a remis les &utes du pécheur. Lier , c'est ôter l'É*
vangile et annoncer que les péchés sont retenus.
9 Les noms que doivent porter les preuves sont
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DS JLPTHKl. 139
oeax demiimtrei » diacres, éréques (tanreîllaDs),
diqwnsateiin. 8i le rainifire œsse d'être fidèle,
il doit être dépoié ; ses frères peuvent PeKcommu-
mer et mettre quelqu'autre niinistre à sa place.
Le premier office dans FÉgUse est celui de la pré-
dication. Jésua-Chnst et Paul prêchaient, mais ne
baptisaient point» (152S.)
n ne voulait point , nous l'avons déjà vu , qu'on
astreif^iit toutes les églises à une règle uniforme.
« Ce n'est point mon avis qu'on doive imposer à
tontel'AIleniagnenosréglemensde Wittemberg. »
Etenoore: «Il ne me parait point sûr de réunir
les nêtres en concile , pour établir l'unité des cé«
rémcmies; c'est une chose de mauvais exemple,
à qoelqne bonne intention qu'on l'entreprenne,
ainsi qu^ le prouvent tous lesconciles de l'Église,
depuis le commencement. Ainsi dans le e<mcile
des apêtres on a traité des œuvres et des traditions
plus que de la foi; dans ceux qui ont suivi , en n'a
jamais parlé de la foi ^ mab toujours d'opinions
et de questions , en sorte que le nom de concile ,
n'est aussi suspect et aussi odieux que le nom de
libre arbitre. Si une église ne veut pas imiter l'aur
treen ces choses extérieures, qu'est-il besoin de
seeeoirmindrepar des décretsde conciles, qui se
changent bieniêt en lob et en filets pour les âmes ?«
( 11 novembre 1524.)
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140 MÉaOIKES
Cependant il sentit que cette liberté poaTaîi
aller trop loin , et faire tomber la Réforme dans
une foule d'abus. « J'ai lu ton ordination, mon
cher Hausmann , mais je pense qu'il ne faut pas la
publier. J'en suis depuis long-temps à me rcpen-r
tir de ce que j'ai fait; depuis qu'à mon exemple
tous ont proposé leurs réformes, la variété et la
multitude des cérémonies a cru à l'infini , si bien
qu'avant peu nous aurons surpassé l'océan des
cérémonies papales. » (21 mars ISS-i.)
Pour mettre quelque unité dans les cérémonies
de la nouvelle Église on institua des visites an*
nuelles , qui se firent dans toute la Saxe. Les visi-
teurs devaient s'informer de la vie et des doctri-
nes des pasteurs , redresser la foi de ceux qui er-
raient, et dépouiller du sacerdoce ceux dont les
mœurs n'étaient point exemplaires. Ces visiteurs
étaient nommés par l'électeur , d'après les avis
de Luther qui , résidant toujours à Wittemberg ,
formait, avec Jonas,Mélanchton, et quelques au-
tres théologiens, une sorte de comité central
pour la direction de toutes les affaires ecclésias-
tiques.
« Ceux de Wînsheim ont demandé à notro il-
lustre prince de te permettre de venir gouverner
leur église; d'après notre délibération, il a rejeté
.*
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DB LUTHER. 141
cette demande. Il t'accorde de retourner dans ta
patrie , si nous te jugeons digne de ce ministère.
( novembre 1531 ). Signé Lvther , Jouas , Mé-
lAffCIT05.
On trouTC dans les lettres de Luther un grand
nombre de consultations de ce genre, signées
de lui et de plusieurs autres théologiens prêtes*
tans.
Bien que Luther n'eût aucun titre qui le plaçât
au-dessus des autres pasteurs ; il exerçait cepen-
dant une sorte de suprématie et de contrôle.
«Voici, écrit-il à Amsdorf, de nouvelles plaintes
sur toi et Frezhans, parce que vous arez excom-
munié un barbier; je ne veux point décider en-
core entre vous , mais réponds, je t'en supplie ,
pourquoi cette excommunication ? » ( juillet
15»),
«Nous ne pourons que refuser la communion ;
tenter de donner à l'excommunication religieuse
tous les effets de l'excommunication politique ,
ce serait nous rendre ridicules en essayant de
£iire ce qui n'est plus de ce siècle, et ce qui est
au-desms de nos forces... Le magistrat civil doit
rester en dehors de toutes ces choses. > ( 26 juin
15SS). Cependant l'excommunication lui semblait
parfois une arme bonne à employer. Un bour-
* Digitizedby Google
143 MiiioxaBS
geoû de Wittamberg avait acheté une maiaon
trente fiorim, et, après quelques réparations, il
youlut la Tendre quatre cents. « S'il le fait, dit
Luther, je Texcommunie. Nous devrions relever
l'excommunication. » — Comme on parlait de ré-
tablir les consistoires , le jurisconsulte Christian
Bruck dit à Luther . «Les nobles et les bourgeoia
craignent que vous ne commenciez par les pay-
sans pour en venir ensuite à eux. — Juriste , ré-
pondit Luther , tenez-vous-en à votre droit et à
ce qui touche l'ordre extérieur. » — En 15S8, ap-
prenant qu'un homme de Wittemberg mépri-
sait Dieu , sa parole et ses serviteurs , il le fidt
menacer par deux chapelains. — Plus tard , il dé-
fend d^admettre au sacrement un noble qui était
usurier.
Une des choses qui tourmentèrent le plus le
réformateur, fut l'abolition des vœux monasti-
ques. Dès le milieu de IKSâ, il publia une exhor-
tation aux quatre ordres mendians. Les Augus-
iins au mois de mars, les Chartreux au mois
d'août se déclarèrent hautement pour lui.
• Aux lieutenans de la Ifigesté impériale à Nur
remberg i... Dieu ne peut demander des vœux ,
qui sont au-dessus de la nature humaine... Chers
seigneurs, laissez^vous fléchir. Vous ne' savez pas
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DB LVTHBA. 14S
qiidUeB horribles et infâmes malices le diable
exerce daiis les couTens. Ne tous en rendei pas
complices; n'en chargez pas votre conscience.
8i mes ennemis les plas acharnés saTaient ce que
j'apprendb chaque jour de tous les pays, ah! ib
m'aideraient demain à renTcrser les eouvens.
¥ona me forcez à crier pins haut que je ne von»
dnds. Cédet, je tous en supplie, avant que les
scandales n'éclatent trop honteusement. » ( Août
« Le décret général des Chartreux sur la U>
berlé qu'auront les moines de sortir et de quitter
l'habit, me plait fort, et je le publierai. L'exem*
pie d*un ordre si conndévable aidera nos affiiires
et appuiera nos décisions. » (M aoât IttSS)— Ce-
pendant il voulait que les choses se fissent sans
bruit ni scandale. Il écrit à Jean Lange : « Ta
sortie du monastère n'a pas, je paue, été sans
motif, mais j'aurais mieux aimé que tu te nûsses
au-dessus de tous les motib; non que je con*
damne la liberté de sortir, mais je voudrais voir
enlever à nos adversaires toute occasion de ea«
lomnie. >
n avait beau recommander qu'on évitât toute
vioience; la Réfoime lui échappait en s'étendaat
chaque jour au dehors. A Erfurth , en Itttl , oui
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l&à MémOlBES
avait forcé les maisoas de plusieurs prêtres, et il
s'en était plaint ; on alla encore plus loin , en
1522, dans les Pays-Bas. « Tu sais , je pense , ce
qui s'est passé à Anvers , et comment les femmes
ont délivré par force Henri de Zutphen. Les frè-
res sont chassés du couvent , les uns prisonniers
en divers endroits , les autres relâchés après
avoir renié le Christ ; d'autres encore ont per-
sisté ; ceux qui sont fils de la cité ont été jetés
dans la maison des Béghards; tout le mobilier du
couvent est vendu, et l'église fermée ainsi que
le couvent ; on va la démolir. Le saint Sacrement
a été transporté en pompe dans l'église de la sainte
Vierge, comme si on le tirait d'un lieu hérétique;
des bourgeois , dés femmes, ont été torturés et
punis. Henri lui-même revient à nous par Brème;
il s'y est arrêté et y enseigne la parole, à la prière
du peuple, sur l'ordre du conseil , en dépit de
l'évêque. Le peuple est animé d'un désir et d'une
ardeur admirables; enfin, quelques personnes
ont établi près de nous un colporteur , qui leur
porte des livres de Wittemberg. Henri lui-même
voulait avoir de toi des lettres d'obédience; mais
nous ne pouvions t'atteindre si promptement
Nous en avons donc donné en ton nom, sous Id
sceau de notre prieur.» (19 décembre 1522).
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BB LtTBCE. 14A
Tous les Aagustins de Wittemberg avaient l'un
après l'autre abandonné le couvent, le prieur en
résignala propriété entre les mains de TÉlecteur,
et Luther jeta le froc. Le 9 octobre 1524, il pa-
rut en public arec une robe semblable à celle que
les prédicateurs portent encore aujourd'hui en
AUemagne; c'était l'Électeur qui lui en avait donné
le drap.
Son exemple encouragea moines et religieuses
à rentrer dans le siècle. Ces femmes, jetées tout*
ircoup hors du cloître et fort embarrassées dans
im monde qu'elles ne connaissaient pas, accou^
raient près de celui dont la parole leur avait fait
quitterla solitude du monastère.
« Pai reçu hier neufreligieuses sortant de cap-^
tinté , du monastère deNimpschen , et parmi elles
Staupitzit et deux autres de la famille de Zeschau. •
(8avrill52S.)
« J'ai grand'pitié d'elles, et sui*toutdeâ autres
({ai meurent en foule de cette maudite et inces-
toeose chasteté. Ce sexe si faible, est uni au mâlo
parla nature, par Bien même; si on l'en sépare,
il périt. 0 tyrans, ô parens cruels d'Allemagne!...
Ta demandes cequeje ferai à leur égard ? D'abord
je signifierai aux parens qu'ils les recueillent;
Mnon, j'aurai soin qu'on les reçoive ailleurs^
6
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146 kAmoiaes
Voici leurs noms: Ilagdeleine Staupitz, Eisa de
Canitz , Ave Grossin , Ave Schonfeld et sa sœur
])Iarguerite Schonfeld , Laneta de Golis , Hargue-^
rite Zeschau et Catherine de Bora. Elles se sont
évadées d'une manière étonnante... Mendie-moi
auprès de tes riches courtisans quelque argent,
dont je puisse les nourrir pendant une huitaine
ou une quinzaine de jours, jusqu'à ce que je les
rende à leurs parens ou à ceux qui m'ont donné
promesse. » (10 avril 1533.)
« Mon maître Spalatin , je m'étonne que vous
m'ayez renvoyé cette femme , puisque vous con-
naissez bien ma main , et que vous ne donnez
d'autre raison , sinon que la lettre n'était pas si-
gnée... Prie l'Électeur qu'il donne quelques dix
florins et une robe neuve ou vieille ou autre
chose» enfin qu'il donne pour ces pauvres vier-
ges malgré elles. » (ââ avril 1529.)
Le 10 avril 15SS, Luther écrità Léonard Koppe»
bourgeois considérable de Torgau, qui avait aidé
neuf religieuses à se retirer de leur couvent. Il
l'approuve et l'exhorte à ne pas se laisser e£frayer
par les cris qui s'élèveront contre lui. « Vous avezr
fait une bonne œuvre , et plût à Dieu que nous-
pussions délivrer de même tant d'autres con^
sciences qui sont encore prisonnières... La parole
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DX LVTHU. 147
ê» IMena «it muntenant dans le monde et hoq
dai» les Gouveitt... «
Le IS join l^SM, il écrit une lettre de conao*
ktion à trois demoiielles que le duc Henri , fils
èoL duc Georges, avait chassées de sa cour pour
avoir lu les livres de Luther. « Béniaset ceux qui
TOUS outrafj^ent , etc... Vous n'êtes malheureuse-
ment que trop vengées de leur injustice. II faut
avoir pitié de ces furieux , de ces insensés qui ne
voient pas qu'ils perdent misérablement leur âme
en pensant vous fiaôre du mal... »
« Voici bien du nouveau , que tu sais déjà ,
sans doute , c'est que la duchesse de Hontsberg
i^est échappée par grand miracle du couvent de
Freyberg; elle est dans ma maison avec deux
jeunes filles , l'une Marguerite Yolckmarin , fille
d'un bourgeois de Leipsîck, l'autre, Dorothée,
fille d'un bourgeois de Freyberg, » (30 octobre
1)»8.)
« Cette malheureuse Elisabeth de Reinsberg,
chassée de réc<rie des filles d'Altenbourget n'ayant
plus de quoi vivre , s'est adressée à moi après
s'être plainte au Prince , qui l'a renvoyée à ceux
qui sont chargés du séquestre; elle ma prié de
t^écrire pour que tu l'appuies près d'eux , etc. «
(lIarsl5S8.)
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148
t « Cette Jeune £lle d'Altenbourg . dont le tieux
père et la mère ont été pris dans leur maison ,
s'est adressée à moi pour me supplier de
lui donner secours et i^onseil. Ce que je fe-
rai dans cette affaire, Dieu le sait. > (14 juil-
let 15S3. )
. Quelipies mots de Luther donnent lieu de
iDroire, que ces femmes qui affluaient autour
de lui , abusèrent souvent de sa facilité , que
plusieurs même prétendaient faussement s*étre
échappées du cloître. — « Que de religieuses
n*ai-^je pas soutenues à grands frais!. Que de
fois n'ai-je pas été trompé par de prétendues
nonnes, de Traies coureuses, quelle que fût
leur noblesse ( generosas meretrices ). > ( 153â ,
S4août.)
Ces tristesméprises modifièrent de bonneheure
les idées de Luther, sur l'opportunité de la sup-
pression des couTens. Dans une préface adressée
p. la commune de Leisnick (162S), il conseille de ne
pas les supprimer violemment; mais de les laisser
s'éteindre en n'y recevant plus de novices. Comme
il ne faut contraindre personne dans les choses
de la foi , continue>-t-il , on ne doit pas expulser
ni maltraiter c^ux qui voudront rester dans les
couvons, soit à cause de leur grand âge, soit par
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DB LUTHER. l49
amour de ToisiTeté et de la bonne chère, soit par
motif de conscience. Il faut les laisser jusqu'à
leur fin comme ils ont été aupararant, car TÉvan^
gile nous enseigne de faire du bien , même aux
indigpAes; et il faut considérer ici que ces person*
nés sont entrées dans leur état, aveuglées par
l'erreur commtme , et qu'elles n'ont point appris
de métier qui puisse les nourrir.... Les biens de
ces couvens doivent être employés comme il suit :
d'abord , je viens de le dire , à l'entretien des re-
ligieux qui 7 restent. Ensuite il faut donner une
certaine somme à ceux qui en sortent ( quand
même ils n'auraient rien apporté) ; pour qu'ils
puissent commencer un autre état ; car ils quit-
tent leur' asile pour toujours, et ils auraient pu ,
pendant qu'ib étaient au couvent, apprendre
quelque chose. Quant à ceux qui avaient apporté
du bien , il est juste qu'on leur en restitue la plus
grande partie, sinon le tout. Ce qui reste sera
mis en caisse commune pour en être prêté et
donné |aux pauvres du pays. On remplira ainsi
la volonté des fondateurs; car, quoiqu'ils se soient
laines séduire à donner leur bien aux couvens,
leur intention a pourtant été de le conserver à
l'honneur et au culte de Dieu. Or, il n'est pas de
'plus. beau culte que la charité chrétienne qui
6,
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160 xiHOtEBS
vient au lecours da Tindigent, comme Jésus-
Chrât l'atteste lui-même au jugement dernier
(saint Mathieu, XXY )... Cependant, si parmi
les héritiers des fondateurs il s'en trouvait qui
fussent dans le besoin , il serait équitable et con-
forme à la charité de leur délivrer une partie de
la fondation, même le tout, s'il était nécessaire ,
la volonté de leurs pères n'ayant pu être , ou du
moins n'ayant pas dû être , d'ôter le pain à leurs
eoians et héritiers pour le donner à des étran-
gers... Vous m'objecterez que je fais le trou trop
large, et que de celte manière il restera peu de
chose à la caisse commune ; chacun, dites-vous ,
viendra prétendre qu'il lui iaut tant et tant , etc.
Kais j'ai déjà dit que ce doit être une œuvre d'é-
quité et de charité. Que chacun examine , en sa
conscience, combien il lui faudra pour ses be-
soins et combien il pourra laisser à la caisse ,
qu'ensuite la commune pèse les circonstances à
son tour, et tout ira bien. Quand même la cupi-
dité de quelques particuliers trouveraient son
profit à cet accommodement , cela vaudrait tou-
jours nûeux que les pillages et les désordres qu'on
a vus en Bohême... >
• Je ne voudrais pas conseiller, à des vieillards
de quitter le monastère, d'abord parce que, i«n«
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161
^iiftiiumoade,ibde?iendraientpeal-étreàcfaarg«
au autres, et trouroraient difficilement, dans
ce rafiroidiflsement de la cliarité , les soins dont ib
sont dignes. Bans Tintérieur du monastère, îh
ne seront à charge à personne , ni obligés de re^
conrir à la sollicitude des étrangers; ils pourront
&ife beaucoup pour le salut de leur prochain;
ee qui, dans le monde, leur serait difficile, je
dis même impossible. > LuHier finit par encou*
rager un molneà rester dans son monastère. « J'y
ai moir-méme vécu quelques années; j'y aurais
▼écu plus long-temps, et j'y serais encore au-^
jeurd'hui , si mes frères et Tétat du monastère me
Pavaient permis. » (M iérrier 1538.)
Quelques nonnes des Pays-Bas écrivirent au
docteur Martin Luther , et se recommandèrent à
ses prières. C'étaient de pieuses vierges craignant
Dieu, qui se nourrissaient du travail de leurs
mains, et vivaient dans Funkm. Le docteur en
eut grande compassion, et il dit : c On doit lais*
ser de pauvres nonnes comme celles-ci vivretou-
jours à leur manière. Il en est de même des telà*
Uoster, qui ont été fondés par les princes pour
ceux de la noblesse. Mais les ordres mendians... .
Cflstdesdottrescommeceux dont je parlais tout^A*
l'heure, que l'on peut tirer des gens habiles pou^
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152 «iMOI&B8
les charges de l'Église pour le gouvernement
civil et pour l'économie. »
Cette époque de la vie de Lutber ( 1521«-1528 )
fut prodigieusement af&irée et misérablement
laborieuse. Il n'était plus soutenu, conune dans
la précédente, par la chaleur de la lutte et l'in-
térêt du péril. A Spalatin. • Je t'en conjure,
délivre-moi ; je suis tellement écrasé des afiGaiires
des autres, que la vie m'en devient à charge...
— Blartin Liirasa, courtisan hors de la cour, et
bien malgré lui. {Aulieuê esirà aulam , et ^vUus. )
( IBSid. ) Je suistrès occupé , visiteur, lecteur , pré-
dicateur, auteur, auditeur, acteur, coureur , lut-
teur, et que sais-je?» (â9 octobre 1528.)
La réforme des paroisses à poursuivre , l'uni-
fopnité des cérémonies à établir, la rédaction
du grand Catéchisme , les réponses aux nouveaux
pasteurs, les lettres à l'Électeur dont il fallait
obtenir Tagrément pour chaque innovation ; c'é-
tait bien du travail et bien de l'ennui. Cependant
les adversaires de Luther ne le laissaient pas re-«
poser. Érasme publiait contre lui son formidable
livre De Ithero arbùrio , auquel Luther ne se dé»
cida à répondre qu'en 1525. La Réforme elle-i
même semblait se tourner contre le réfonnateur,
Son ancien ami Carlostad avait couru .dans I4
dby Google
tfB LUTHia. 15S
▼oie où marchait Luther. C'était même pour Var^
rèter dans ses rapides et TÎoIentes innovations ,
que Luther avait quitté précipitamment le chA^
teau de Wartbourg. Il ne s'agissait plus seulement
de l'autorité religieuse; l'autorité civile elle-même
allait être mise en question. Derrière Garlostad , on
entrevoyait Mûnzer; derrière les sacramentaires
et les iconoclastes , apparaissait dans le lointain la
révolte des paysans, une jacquerie*, une guerre
servile plus raisonnée , plusniveleuse et non moins
langlaQte que celles de l'antiquité,
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1B4
CHAPITKB III.
ISM— 1KS5.
CaiiMtad MAMtf. Gnerre âm psytaw.
« Priex pour moi; et aidez-moi à fouler aux
pieds ce Satan qui s'est élevé à Wittemberg con-
tre l'Évangile» au nom de l'Évangile : nous avons
maintenant à combattre un ange devenu , comme
il croit, ange de lumière. Il sera difficile de feire
céder Garlostadt par persuasion: mais Christ le
contraindra , s'il ne cède de lui-même. Car nous
sommes maîtres de la vie et de la mort , noys qui
croyons au maître de la vie et de la mort. > ( 1^
mars 1K33. )
« J'ai résolu de lui interdire la chaire oti il est
monté témérairement sans aucune vocation , mal-
gré Dieu et les hommes. » ( 19 mars. )
• Pai £àché Carlostad , parce que j'ai cane ses
ordinations, quoique je n'aie pas condanmé sa
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DE L17TH1E. 155
doctrine; il me déplaît cependant qu'il ne s'oc^
cape que de cérémonies et de choses extérieures ,
négligeant la Traie doctrine chrétienne; c'est-à-*
dire la foi et la charité.... Par sa sotte manière
d'enseigner , il conduisait le peuple à se croire
chrétien pour des misères , pour communier sous
las deux espèces , pour ne pas se confesser, pour
briser des images... Il voulait s'ériger en nouveau
doeteur et élever ses ordonnances dans le peuple,
sur la mine de mon autorité {presià meà auetO'*
rëmte).» (80 mars. )
« Aujourd'hui même , j'ai pris à part Garlostad,
pour le supplier de ne rien publier contre moi ;
qu'autrement, nous serions forcés déjouer de la
oome l'un contre l'autre. Notre homme a juré
par tout ce qu'il y a de plus sacré, de ne rien
écrire contre moi. » (21 avril. )
«... Il font instruire les faibles avec douceur
et patience... Yeux- tu , après avoir sucé le lait,
couper les mamelles et empêcher les autres de
se nourrir comme toi? Si les mères jetaient par
terre et abandonnaient les enfons qui ne savent
pas» en naissant, manger comme les hommes , que
lenûa-ta devenu ? Cher ami , si tu as sucé et grandi
■sset, laisse donc les autres sucer et grandir à
leur to«r.... •
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169 MBHOIUBS
Garlostad abandonna ses fonctions de profe»*
seur et d'archidiacre a Wittemberg , mais sans
abandonner le traitement, il s'en alla à Orla-
munde, puis à léna. « Garlostad a érigé une im*
primerieà léna... Mais TÉlecteur et notre acadé-
mie ont promis , conformément à Fédit impérial ,
de ne permettre aucune publication qui n'ait été
soumise à l'examen des conmiissaires. On ne peut
souffrir que Garlostad et les siens s'affranchissent
seuls de la soumission aux princes. » ( 7 janvier
1524.) « Garlostad est infatigable comme d'habi*
tude; avec ses nouvelles presses qu'il a érigées à
léna, il a publié et publiera, m'a-t-on dit, dix*
huit ouvrages. > ( 14 janvier 1524. )
« Laissons la tristesse avec l'inquiétude à l'es-
prit de Garlostad. Pour nous, soutenons le com^
bat sans trop nous en préoccuper; c'est la cause
de Dieu j c'est l'affaire de Dieu^ ce sera l'œuvre
de Dieu « la victoire de Dieu; il saurai sans nous,
combattre et vaincre ; que s'il nous juge dignes de
nous prendre pour cette guerre « nous serons
prêts et dévoués. J'écris ceci pour t'exhorter, toi
et 1^ autres par ton intermédiaire « à ne pas avoir
peur de Satan, à ne pas laisser votre cœur se
troubler. Si nous sommes injustes , ne iaut-il pas
que nous soyons accablés P Si nous sommes justes ^
dby Google
DK LUTHBB. 157
il y a un Dieu juste qui fera voir notre justice'
comme le plein midi. Périsse ce qui périt, survive
ce qui survit j ce n'est pas notre afEûre. » (Si2 oc-
tobre 15â4.)
« Nous rappellerons Garlostad au nom de Tu-»
Diversité à Tofficé de la parole, qu'il doit à Wit-
temberg, nous le rappellerons du lieu où il n'a
pas été appelé; enfin , s'il ne vient pas, nous l'ac-'
caserons auprès du prince. > ( 14 mars 1524).
Luther crut devoir se transporter lui-même à
léna. Garlostad se croyant blessé par un sermon
de Luther, lui fit demander une entrevue. Elle
eut lieu dans la chambre de Luther, en présence
d'un grand nombre de témoins. Après de longues
récriminations de part et d'autre , Garlostad dit >
« Allons, docteur, prêchez toujours contre moi t
je saurai ce que j'ai à faire de mon côté. Luther ;
Si vous avez quelque chose sur le cœur, écrivez-*
le hardiment. Carlosi, Aussi ferai-je, et je ne
craindrai personne. Luth. Oui, écrivez contre
moi publiquement. Carlost. Si c'est là votre en-
vie, j'ai de quoi vous satisfaire. Luth. Faites, je
vous donnerai un florin pour gage de bataille.
Carhits Un florin ? Luth. Que je sois un menteui*
si je ne le £bûs. Carlost. Ehbien! j'accepte. » A ce
mot , le docteur Luther tira de sa poche un flo^
7
DigitizedbyVjOOÇlC
à
158 xivoiEBt
rin d'or qu'il présenta à Garlostad en dûant :
« Prenez et attaquez -moi, hardiiuent; allons,
BUS. » Garlostad prit le florin , le montra à tous les
assistans, et dit : « Chers frères^ voilà des arrhes ,
c'est le signe du droit que j'ai d'écrire contre le
docteur Luther. Soyez-en tous témoins. > Ensuite
il le mit dans sa bourse et donna la main à Lu-
ther. Celui-ci but un coup à sa santé. Carlostad
lui fit raison en ajoutant : « Cher docteur, je tous
prie de ne pas m'empécher d'imprimer ce que je
voudrai et de ne me persécuter en aucune façon.
Je pense me nourrir de ma charrue, et vous seret
à même d'éprouver ce que produit la charrue. <
Luth, « Comment voudrais-je vous empêcher
d'écrire contre moi ? Je vous prie de le faire et je
vous donne ce florin tout justement pour que
voua ne m'épargniez point. Plus vous m'attaquerez
violemment , plus j'en serai aise. > Ils se donné'
rent encore une fois la main et se séparèrent.
Cependant comme la ville d'Orlamunde en-
trait trop vivement dans les opinions de Carlos^
tad , et avait même chassé son pasteur , Luther
obtint un ordre de l'Électeur pour l'en faire sor-
tir. Carlostad lut solennellement une lettre d'a<«
dieu , aux hommes d'abord , et ensuite aux fem-
mes; on les avait appelés au son de la cloche, et
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I» I.OTHU. ISO
pendant la leeture tous pleuraient : • Carlostad a
écrit à ceux d'Orlamunde, avec cette siucription,
Ambré Bodentiein, ckoêsé, sans avoir Meniendm
ni convaincu, par Martin Luther. Ta yoîs qae moi
qui ai iiulli être martyr, j'en sois Tenu à ce pornt
debire des martyrs à mon tour. £graniu fait le
martyr aussi, et écrit qu'il a été chassé parles
papistes et par les luthériens. Tu ne saurais croire
combien s'est répandu ce dogme de Garlostad sur
le sacrement.^*^ est renu à résipiscence et de-
mande pardon ; on l'avait aussi forcé de quitter
le pays; j'ai écrit pour lui , et ne sais si j'obtien-
drai. Martin d'Iéna , qui avait également reçu
l'ordre de partir, a fait en chaire ses adieux, tout
en larmes et implorant son pardon : il a reçu
pour toute réponse cinq florins, puis en fisûsant
mendier par la ville, il a eu encore vingt-cinq
gros. Tout eela tournera, je pense au bien des
prédicateurs; ce sera une épreuve pour leur vo-
cation , qui leur apprendra en méms temps à
prêcher et à se conduire avec crainte. » (S7 oct^
bre 18a4).
Carlostad tourna alors vers Strasbourg, et de
là vers Bâle. Ses doctrines se rapprochaient beau-
coup de celles des Suisses, d'OEcolampade, de
Zwingli , etc.
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160 MiHOl&ES
« Je'difiëre d'écrire sur reucharistie, jusqu'à
ce que Garlostad ait répandu les pobons qu'il
doit répandre, comme il me l'a promis aprèsavoir
même reçu de moi , une pièce d'or. — Zwingli
et Léon le Juif, dans la Suisse, tiennent les mêmes
opinions que Garlostad; ainsi se propage ce fléau;
mais le Christ règne, s'il ne combat point. •
(12 novembre 152-4.)
Toutefois il crut devoir répondre aux plaintes
que Caisait Garlostad d'avoir été chassé par lui
de la Saxe. « D'abord je puis dire que je n'ai ja-
mais fait mention de Garlostad devant l'électeur
de Saxe; car je n'ai , de toute ma vie, dit un mot
à ce prince: je ne Tai pas non plus entendu par-
ler, je n'ai pas même vu sa figure, si ce n'est une
fois à Worms, en présence de l'Empereur, quand
je fus interrogé pour la seconde fois. Mais il est
vrai que je lui ai souvent écrit par Spalatin, sur-
tout pour l'engagera résister à l'esprit d'Alstet(l).
Mais mes paroles restèrent sans effet , au point
que je me fâchais contre l'Électeur. Garlostad de-
vait donc épargner à un tel prince les outrages
(i) Cétait la rdsidcDce de M&nzer, chef de la réyolte
des paysans , dont nous parlerons plus bas.
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DX L0THSA. IQI
qn'a lui à prodigues... Quant au duc Jean Frédé-
ne, j'avoue queje lui ai souvent parlé de cesaflfei-
ïes; jeluiai signalé lesattentaU etFambition pei^.
verse de Carlostad... »
•.... n n'y a pas à plaisanter avec Monseigneur
anale monde (herr omne$y, c'est pourquoi Dieu
a constitué des autorités; car il veut qu'U y ait de
l'ordre ici-bas. »
Enfin Carlostad éclata. « J'ai reçu hier une let-
tre de mes amis de Strasbourg ausujet de Carlos-
tad: en voyageant de ce côté, il est allé à Baie,
et il a enfin vomi cinq livres, qui seront suivis de
deuxautres. J'y suis traite de double papiste , d'al-
Bé de l'Antichrist, que sais-je ? (14 décembre.)
Mes amis m'écrivent de Bâle , que les amis de Car-
lostad y ont été punis de la prison, et que peu
s'en est feUu qu'on ne brûlât ses livres. Il y a été
aussi lui-même, mais en cachette. OËcolampade
et Pellican écrivent pour donner leur assentiment
à son opinion. . ( IS janvier 1525.)
• Carlostad avait résolu d'aller nicher à
Schweindorf ; mais le comte d'Henneberg le lui a
interdit par lettres expresses au conseil de ville.
Jevoudraisbienqu'onenfitautantpourStraus6...«
(10avrill625.)
Luther parut charmé de voir Carlostad se dé«
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162 HiifoiAss
clarer: « Le diable a'est tu, écrit^il, jusqu'à ce
que je l'euase gagné avec un florin qui, grâce à
Dieu , a été bien placé , et je ne m'en repens paa. »
Il écrivit alors divers pamphlets d'une verve ad-
mirable Contre hêpropkèieê eéleUoê. « On ne craint
rien, comme si le diable dormait; tandis qu'il
tourne autour, comme un lion cruel. Hais j'e^
père que, moi vivant, il n'y aura point de péril.
Tant que je vivrai, je combattrai , serve ce que
pourra. » Chacun ne cherche que ce qui plait à
la raison. Ainsi les Ariens, les Pélagiens... Ainsi
sous la papauté , c'était une proposition bien son^
nante que le libre arbitre pût quelque chose
pour la grâce. La doctrine de la foi et delà bonne
conscience importe plus que celle des bonnes
œuvres; car, si les œuvres manquent, la foi res-
tant, il y a encore espoir de secours. On doit em-
ployer les moyens spirituels pour engager les vrais
chrétiens à reconnaître leurs péchés. « Mais pour
les hommes grossiers , pour Monêieur toui le
monde (Herr omneê), on doit le pousser corporel-
lement et grossièrement à travailler et Cadre sa
besogne, de sorte que bon gré mal gré, il soit
pieux extérieurement sous la loi et sous le glaive ,
comme on tient les bêtes sauvages en cages et en-
chaînées.
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183
9 L'esprit desnouTeaux prophètes Teut être le
plni haat esprit, un esprit qui aurait mangé le
Saint-Esprit avec les plumes et avee tout le reste...
Kble, disent-ils, oui, bibel, bubel, babel... Eh !
Ken! puisque le mauvais esprit est si obstiné dans
lOnsenSfjene TOUX pas lui céder plus que je ne
Tai Sût auparavant. Je parlerai des images, d'a-
bc^ sdon la loi de Moue, et je dirai que MoIsc
ne défend que les images de Dieu... Contentons-
nous donc de prier les princes de supprimer les
iman^ ' ^ ôtons-les de n^s cœurs. •
Plus loin Luther s'étonne ironiquttnent de ce
que les modernes iconoclastes ne poussent pas
leur zèle pieux jusqu'à se défaire aussi de leur
argent et de tout objet précieux qui porte des
empreintes d'images. « Pour aider la faiblesse
de ces saintes gens et les délivrer de ce qui les
souilla , il faudrait des gaillards qui n'eussent
pas grand'chose dans le gousset. La voix eélette,
àce qu'il parait, n'estpasasset forte pour les en-
gager à tout jeter d'eux-mêmes. Il &udrait un
peu de violence. »
« ... Lorsqu'à Orlamunde je traitai des images
avec les disciples de Carlostad , et que j'eus mon-
tré par le texte, que dans tous les passages de
Koise qu'ils me citaient il n'était parlé que des
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16A MixOIAÈS
idoles des païens, il en sortit un d'entre eux, qui
se croyait sans doute le plus habile, et qui me
dit: • Écoute! Je puis bien te tutoyer, si tu es
chrétien. > Je lui répondis : « Appelle«moi tou-
jours comme tu voudras. • Mais je remarquai
qu'il m'aurait plus volontiers encore frappé; il
était si plein de l'esprit de Garlostad, que les
autres ne pouvaient le faire taire. « Si tu ne veux
pas suivre Moïse , continua-t-il , il fout au moins
que tu souffires l'Évangile; mais tu as jeté TËvan-
gile sous la table, et il faut qu'il soit tiré de là;
non, il n'y peut pas rester. » — « Que dit donc
l'Évangile ? • lui répliquai-je. — « Jésus dit dans
l'Évangile (ce fut sa réponse ), je ne sais pasoii
cela se trouve, mais mes frères le savent bien,
que la fiancée doit ôter sa chemise dans la nuit
des noces. Donc il faut ôter et briser toutes les
images, afin de devenir purs et libres de la créa-
ture. > Hœc nie.
« Que devais-je faire , me trouvant parmi de
telles gens? Ce fut du moins pour moi l'occasion
d'apprendre que briser les images c'était, d'après
l'Évangile , ôter la chemise à la fiancée dans la
nuit des noces. Ces paroles et ce mot de l'Évan-
gile jeté sous la table , il les avait entendus de
pon maître; sans doute Carlostad m'avait accusé
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DB LUTHBE. 165
de jeter rËyangUe , pour dire qu'il était venu le
relerer. Cet orgueil est cause de tous ses mal-
heurs; Toilà ce qui Fa poussé de la lumière dans
les ténèbres... »
« ... Nous sommes alègres et pleins de courage,
et nous combattons contre des esprits mélanco-
liqaes, timides, abattus, qui ont peur du bruit
d'une feuille sans aroir pettt* de Dieu; c'est l'or-
dinaire des impies (psaume XXY ). Leur passion ,
c'est de régenter Dieu , et sa parole et ses œuvres.
Us ne seraient pas si hardis si Dieu n'était invi-»
sible , intangible. Si c'était un homme visible et
présent , il les ferait fuir avec un brin de paille.
« Celui que Dieu pousse à parler , le fait libre-<
ment et publiquement sans s'inquiéter s'il est seul,
et si quelqu'un se met de son parti. Ainsi fit Jeré-
mie, et je puis me vanter d'avoir moi-même fait
ainsi (1). C'est donc sans aucun doute le diable,
(i) • L'esprit à& cet prophètes s'est tonjoars chevale-
rcsqnement enfui, et voilà qu'il se glorifie comme un
esprit magnanime et cfaevaleresqae. Mais moi , j'ai paru
à Leipsic pour y disputer devant le peuple le plus dan-
gereux. Je me suis présenté à Augshourg , sans sauf-con-
duit, devant mes plus grands ennemis ; à Worms , devant
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106 mAxoiebs
cet esprit détonrné et homicide , qui se glisse par
derrière , et qui s'excuse ensuite , disant que d'a-
bord il n'avait pas été assez fort dans la foi. Non,
l'esprit de Dieu ne s'excuse point ainsi. Je te
connais bien , mon diable...
«... Si tu leur demandes (aux partisans de Gar-
lostad) comment on arrive à cet esprit sublime,
ik ne te renvoient .point à l'Évangile , mais à
leurs rêves, aux espaces imaginaires. • Pose-toi
dans l'eimui , disent-ils , comme moi je m'y suis
posé: et tu l'apprendras de même; la voix céleste
se fera entendre, et Dieu te parlera en personne.»
Si ensuite tu insistes et demandes ce que c'est que
cet ennui , ik en savent autant que le docteur
Garlostad sait le grec et l'hébreu... Ne reconnais-tu
pas ici le diable , l'ennemi de l'ordre divin ? Le
vois-tu comme il ouvre un large bouche, criant :
Esprit , esprit , esprit; et tout en criant cela il dé-*
truit ponts, chemins, échelles; en un mot, toute
voie par laquelle l'esprit peut pénétrer en toi : à sa*
voir l'ordre extérieur établi de Dieu dans le saint
baptême, dans les signes et dans sa propre parole?
César et tont l'Empire , quoique je fusse bien que fc
sauf-conduit était brisé. Mon esprit est resté libre comme
une fleur des champs... "(i5a4«)
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DK LUTBBE. 167
Ils Tenlent que tu apprennes à monter les nues,
fîbeFaucber le vent, et Us ne te disent ni comment,
ni quand , ni où, ni quoi; tu dois, comme eux ,
l'apprendre par toi-même. »
■ Martin Luther, indigne ecclésiaste et évan^
géliste à Wittemberg, à tous le chrétiens de Stras-
bourg , les tout aimables amis de Dieu : Je sup«
porterais volontiers les emportemens de Garlostad
dans l'affiiire des images. Hoi«même j'ai fait par
mes écrits, plus de mal aux images qu'il ne fera
jamais par toutes ses violences et ses fureurs,
lais ce qui est intolérable, c'est que l'on pousse
les gens à tout cela, comme si c'était obligatoire,
et qu'à moins de. briser les images , on ne pût
être chrétien. Sans doute , les œuvres ne font
pas le chrétien; ces choses extérieures telles que
les images et le sabbat , sont laissées libres dans
le Nouveau Testament, de même que toutes les
autres cérémonies de la loi. Saint Paul dit: « Nous
savons que les idoles ne sont rien dans le monde. »
Si elles ne sont rien , pourquoi donc , à ce
sujet , enchaîner et torturer la conscience des
chrétiens ? Si elles ne sont rien, qu'elles tombent
ou qu'elles soient debout, il n'importe. »
Il passe à un sujet plus élevé, à la question de
la présence réelle, question supérieure du sym*
,..,. ^
168 xinoiBBs
bolisme chrétien dont celle des images estle côté
inférieur. C'est principalement en ce point que
Luther se trouvait opposé à la réforme suisse, et
que Garlostad s'y rattachait , quelque éloigné
qu'il en fût par la hardiesse de ses opinions po-
litiques.
« J'avoue que si Garlostad ou quelque autr«
eût pu me montrer, il y a cinq ans , que dans le
saint sacrement il n'y a que du pain et du vin, il
m'aurait rendu un grand service. J'ai eu des ten-
tations bien fortes alors, je me suis tordu, j'ai
lutté ; j'aurais été bien heureux de me tirer de là.
Je voyais bien que je pouvais ainsi porter au pa-
pisme ]e coup le plus terrible.^. Il y en a bien eu
deux encore qui m'ont écrit sur ce point, et de
plus habiles gens que le docteur Garlostad , et
qui ne torturaient pas comme lui les paroles d'a-
près leur caprice. Mais je suis enchaîné, je ne
puis en sortir, le texte est trop puissant, rien ne
peut l'arracher de mon esprit.
> Aujourd'hui même, s'il arrivait que quel-
qu'un pût me prouver, par des raisons solides,
qu'il n'y a là que du pain et du vin^ on n*ilurait
pas besoin de m'attaquer si furieusement. Je ne
suis malheureusement que trop porté à cette in-
terprétation toutes les fois que je sens en moi mou
Digitizedby Google
Adain. Mais ce que le doctear Garlostad imagine
H débite sur ce sujet me toucbe si peu, qu^au
contraire j'en suis plutôt confirmé danâ mon opi-
nion ; et si je ne l'avais déjà pensé, de telles billet
Tesées prises bors de l'Écriture, et comme en
l'air, suffiraient pour me faire croire que son opi*
nion n'est pas la bonne. »
n avait écrit déjà dans le pampblet Contre leê
prophètes célestes, « Garlostad dit ne pouToir rat^
sonnablement concevoir que le corps de Jésus-
Christ se réduise dans un si petit espace. Hais, si
on consulte la raison , on ne croira plus aucun
mystère... > Luther ajoute à là page suivante^
cette bouffonnerie incroyablement audacieuse :
« Tu penses apparemment que l'ivrogfne Christ
ayant trop bu à souper , a étourdi ses disciples dé
paroles superflues. >
Cette violente polémiqué dé Luther contre Gar-
lostad était chaque jour aigrie par le^ symp-
tômes effirayâns de bouleversement général qui
menaéait l'Allemagne. Les doctrine^ du hardi
théologien l'épondaient aux vœux* aux pensées
dont les masses populaires étaient préoccupées ,
enSooabe, en Thuringe, en Alsace, dans tout
l'occident de l'Empire. Le bas peuple , les pay-
sans, endormis depuis si long-temp» sous le
TOMB 1 6
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170 HÉiioiaBa
poids de Toppression féodale, eniendireol les
aavans et les princes parler de liberté , d^aflBcan-
chissement, et s'appliquèreut ce quon ae. disait
pas pour eux (1). La rédamation des pauvres pay-
aaiis de la Sooal^e , daBS sa barbarie oaSve , restera
comme un monument de modération couraifeose.
Peu-à-peu Tétemelle haine du pauvre contre le
ricbe se réveilla , moins aveugle toutefois que
dans la jacquerie , mais chercluuit déjà une forme
(i) Les paysans n'avaient pa^ attendu la Réfùmie pour
s'iosurger ; des révoltes avaient eu lieu dès 1491 9 dès
x5oa. Les villes libres avaient imité cet exemple : Erfurth
en i5o9', Spire en i5ia, et Worms en i5x3. Les trou-
bles avaient recommencé en i5a4 ) mais , cette fols, par
les nobles. Franz de Siclûngen , leur chef, crut le mo-
ment venu de se jeter sur les biens des princes ecclésias-
tiques; il osa mettre le siège devant Trêves. II était,
(lit-on , dirigé par les célèbres réformateurs OEcolanpade
et Bucer , et par Butten , alors au service de rarçhevé-
que de Mayence. Le doc de Bavière, le palatin, le land-
grave de Hesse, vinrent délivrer Trêves 5 ils voulaient
attaquer Mayence, en punition de la connivence pré-
sumée de Varchevêque avec Sickingen. Celui-ci périt;
Hutten fut proscrit , et dès lors sans asile , mais toujours
écrivant , toujours violent et colérique ; il mourut peu
après de misère.
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DB LVTHKft. 171
fyiAémaUqBe, qu'eUe ne derait atteindre qu^tiu
tenps defe nivtîeurè ang^lfedê. Elle se compliqua de
tous les .gemMto dd démocrAtie religieuse qu'on
avait cru étouffés au mOyen-âge. Des Lollardistes,
ëes Béghardt, une foule de Tisionnaîres apoca-
lyptiques se remuèrent Le mot de ralliement
devint plus tard la nécessité d'un second bap-
tême; dès le principe ) le but fut une guerre ter»
rible contre l'ordre établi, contre toute espèee
d*ordre; guerre contre la propriété, c'était un
Yol &it au paurre ; guerre eontre la science , elle
rompait l'égalité naturelle , elle tentait Dieu qui
révélait tout à ses saints; les livres^ les tableaux
étaient des inventions du diable.
Les paysans se soulevèrent d'abord dans la
Foréi-Noire, puis autour d'fieilbronn, de Franc-
fort , dans le pays de Bade et Spire. De là, l'in-
cendie gagna l'Alsace, et nulle part il n'eut un
caractère plus terrible. Nous le retrouvons en-
core dans le Paktinat, la Hesse, la Bavière. En
Soaabe, le chef principal des insurgés était un
des petits nobles de la vallée du Necker , le célè-
bre Goetz de Berlichiiigen, Goeiz à la main de
JBt, qui assurait n'être devenu leur général que
BMlgré lui et par force.
« Doléance et demande amiable de toute la
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17!!^ i|iiioi4£9
réunion dçs paysans, ayec leurs prières chré-
tiennes. Le tout exposé très brièvement en douze
articles ppncipaux. Au lecteur chrétien , paix et
gr^ce divine par le Christ !
» Il y a aujourd'hui beaucoup d'antirchrétiens
qui prennent occasion de la réunion des paysans
pour blasphémer l'Évangile , disant : que ce sont
là les fruits du nouvel Évangile, que personne
n'obéisse plus , que chacun se soulève et se cabre,
qu'on s'assemble et s'attroupe avec grande ylo>
lence ; qu'on veuille réformer , chasser les auto-
rités ecclésiastiques et séculières, peutrétre même
les égorger. A ces jugemens pervers et impies ,
répondent les articles suivans.
» D'abord ils détournent l'opprobre dont on
veut couvrir la parole de Dieu; ensuite ils discul.
peut chrétiennement les paysans du reproche de
désobéissance et de révolte.
• L'Évangile n'est pas une cause de soulève-
ment ou de trouble; c'est une parole qui annonce
le Christ, le Messie qui nous était promis; cette
parole et la vie qu'elle enseigne ne sont qu'amour ,
paix , patience et union. Sachez aus» que tous
ceux qui croient en ce Christ seront unis dans
l'amour, la paix et la patience. Puis donc que lea
articles des paysans, com^ie on le verra plus clai<
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Al LUTEBE. 178
rrâient ensuite, ne sont pas dirigés à une autre
intention que d'entendre l'Évangile, et de vivre
en s'y conformant, comment les anti-chrétiens
peuvent-ils nommer l'ÉvangUe une cause de trou-
ble et de désobéissance. Si les anti<K;hrétiens et les
ennemis de l'Évangile se dressent contre de telles
demandes, ce n'est pas l'Évangile qui en est la
cause, c'est le diable, le mortel ennemi de l'É-
vangile , lequel , par l'incrédulité , a éveilla dans
les siens l'espoir d'opprimer et d'efiacerla parole
de Bien qui n'est que paix , amour et union.
» Il résulte clairement de là que les paysans
qui , dans leurs articles , demandent un tel Évan-
gile pour leur doctrine et pour leur vie, ne peu-
vent être appelés désobéissans ni révoltés. Si Bieu
nous appelle et nous presse de vivre selon sa pa-
role, s'il veut nous écouter, qui blâmera la vo-
lonté de Bieu, qui pourra s'attaquer à son juge-
ment, et lutter contre ce qu'il lui plait défaire ?
n a bien entendu les en£Buis d'Israël qui criaient
à lui , il les a délivrés de la main de Pharaon. Ne
peut-il pas encore aujourd'hui sauver les siens ?
Oui, il les sauvera , et bientôt \ Lis donc les arr
Udes suivans, lecteur chrétien ; lis-les avec soiu^
et juge. •
> Saiyeiit les articles:
6.
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À
174 1IÉI1OMI0
« L En premier lieu , c'est noire hniiible de*
mande ei prière à nous touB, c'est notre volonté
unanime, que désormais nous ayons le pouymr
et le droit d'élire et choisir nous-mêmes un pas-
teur; que nous ayons aussi le pouvoir de le dé-
poser s'il se conduit comme il ne convient point.
Le même pasteur chobi par nous , doit nous prê-
cher clairement le saint Évangile, dans sa pu-
reté , sans aucune addition de préceptp ou de
commandement humain. Car en nous annonçant
toujours la véritable foi , on nous donne occasion
de prier Dieu, de lui demander sa grâce, de for-
mer en nous cette même véritable foi et de l'y
afiermir. Si la grâce divine ne se forme point en
nous I nous restons toujours chair et sang , et alors
nous ne sommes rien de bon. On voit clairement
dans l'Écriture que nous ne pouvons arriver à
Dieu que par la véritable foi, et parvenir à la
béatitude que par sa miséricorde. Il nous Ceint
done nécessairement un tel guide et pasteur ,
ainsi qu'il est institué dans l'Écriture.
• IIv Puisque la aime légitime est établie dans
l'Ancien Testament (que le Nouveau a confirmé
en tout), BOUS voulons payer la dtmelégithnefé«
grain, toutefois de la manière convenable... Nous
sommes désormais dans la volonté que lesprud'-
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M ivmtB. 175
lioninieB étaMM par une oonunune reçdhrent et
rwwmWent cette dime; qu'ils fcarnùseiit au pas-
teur élu par toute une commune de quoi Pentre-
tenir lui et les siens suffisamment et eonyenable-
nent, après que la commune en aura connu, et
ee qui restera, on doit en user pour soulager les
paurres qui se trouvent dans le mémeyiUage. S'il
restait encore quelque chose, on doit le rëserrer
pour les finis de guerre, d'escorte et autres choses
temblahles, afin de délirrer les pauvres gens de
l'impôt établi jusqu'ici pour le paiement de ces
frais. 8*il est aHiré , d'un autre côté, qu'un ou
planeurs villages aient, dans le besoin, vendu
lear dime, ceux qui l'ont achetée n'auront rien
à redouter de nous; nous nous arrangerons avec
eux selon les circonstances, afin de les indemni-
fer au fur et à mesure que now pourrons. Mais
qnflQt à ceux qui^ au lieu d'avoir acquis la dime
d*im village par achat, se la sont appropriée de
lear propre chef, eux ou leurs ancêtres, nous ne
leor devons rien et nous ne leur donnerons rien.
Celle dime sera employée comme il est dit ei-des-
nis. Peur ce qui est de la petite dkne et de la
diinedusang (du bétail), nous ne l'acquitterons
en aucune Csiçon, car Bien le Seigneur a créé les
animaux pour être librement à l'usage derhomme.
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176 IfiMOlHBS .
Nous estimons cette dime une dime illégfitime, in-i
ventée par les hommes; c'est pourquoi nous ces-
serons de la payer. >
Dans leur ni« article, les paysans déclarent ne
plus vouloir être traités comme la propriété de
leurs ^igneurs; « car Jésufr-Ghrist, par son sang^
précieux , les a rachetés tous sans exception , le
pâtre à Fégal de VËmpereur. > Ils veulent être li-
bres, mais seulement selon rËcr^ture, c'est-à-dire
sans licence aucune et en reconnaissant l'autorité ,
car rÉvangile leur enseigne à être humbles et à
obéir aux puissances « en toutes choses convena-'
blés et chrétiennes. *
« IV. Il est contraire à la justice et à la charité,
disent-ils, que les pauvres gens n'aientaucun droit
au gibier, aux oiseaux et aux poissons des eaux
courantes; de même : qu'ils soient obligés de souf-
frir, sans rien dire, l'énorme dommage que font
à leurs champs les bêtes des forêts; car, lorsque
Dieu créa l'homme, il lui donna pouvoir sur tous
lesanimaux indistinctement. > — Ilsajoutent qu'ils
auront, conformément à l'Évangile, des égards
pour ceux d'entre les seigneurs qui pourront prou-
ver , par des titres , qu'ils ont acheté leur droit de
péché , mais que pour les autres ce droit cessera
sans indemnité.
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DB LUTHSB. 177
V. Les bois et forêts anciennement communaux ,
qui auront passé en les mains de tiers, autrement
que par suite d'une vente équitable, doivent rer
venir à leur propriétaire originaire, qui est la
commune. Chaque babitant doit avoir le droit d'y
prendre le bois qui lui sera nécessaire, au juge?
ment des prud'hommes.
YI. Ils demandent un allégement dans les serr
vices qui leur sont imposés, et qui deviennent de
jour en jour plus accablans. Ils veulent servir
• comme leurs pèrçs, selon la parole de Dieu. >
« VIL Que le seigneur ne demande pas au pay^
•an de faire gratuitement plus de services qu'il
n'est dit dans leur pacte mutuel (vereinigung).
» YIII. Beaucoup de terres sont grevées d'un
cens trop élevé. Que les seigneurs acceptent Par*
bitrage d'hommes irréprochables , et qu'ils dimi-
nuent le cens selon l'équité , « afin que le paysan
ne travaille pas en vain, car tout ouvrier a droit
à 80n salaire. >
<IX. La justice se rend ayec partialité. On éta-
blit sans cesse de nouvelles dispositions sur les
peines. Qu'on ne &vorîse personne et qu'on s'en
tienne aux anciens réglemens.
• X. Que les champs et prairies distraits des biens
de la commune , autrementquepar une vente équi-
table, retournent à la commune.
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178 MixOIBBS
> XI. Les droits de décès sont révoltans et ou-
vertement opposés à la volonté de DieUt ^ car
c'est une spoliation desyeuvesetdes orphelins. •
Qu'ils soient entièrement et à jamais abolis.
9 XII..... S'il se trouvait qu'un ou plusieurs des
articles qui précèdent , fût en opposition avec l'É-
criture (ce que nous ne pensons pas) , nous y re-
nonçons d'avance. Si , au contraire , l'Écriture nous
en indiquait encore d'autres sur l'oppression du
prochain, nous les réservons et y adhérons égale-
ment dès à présent. Que la paix de Jésus-Ghrist
soit avec tous. Amen. •
Luther ne pouvait garder le silence dans cette
grande crise. Les seigneurs l'accusaient d'être le
premier auteur des troubles. Les paysans se re-
commandaient de son nom, et l'invoquaient pour
arbitre. Il ne refusa pas ce rôle dangereux. Dans
sa réponse à leurs douze articles, il se porte pour
juge entre le prince et le peuple. Nulle part peut-
être il ne s'est élevé plus haut.
Exhofiation à la pais, en répon$è aux doaxe
articles des paysans de la Sanabe , et aussi eonirs
Vesprit de meurtre et de brigandage des auires pay-
sans ameutés. — « Les paysans actuellement rss-
semblés dans la Souabe, viennent de dresser et
de faire répandre, par la vote de l'impression ,
dby Google
SB 1.VTHB1. 179
douze articles qui renferment leurs griefc contre
Tautorité. Ce que j'approuTeleplus dans cet écrit,
c'est qu'au douzième article ils se déclarent prêta
à acc^|>ter toute instructiim évangélique meilleure
cpiela leur au sujet de leuvadoléanoes.
■ In effet, si ce sont là leurs véritables inten-
tions ( et oomnie ils ont fiiit leur déclaration à la
iace dea hommes, sans craindre la lumière , il ne
meconyient pas de l'interpréter autrement), il
y a encore à espérer une bonne fin à toutes ces
aptations.
■ Et moi qui suis aussi du nombre de ceux qui
font de VÉcriture sainte leur étude sur cette
terre, moi auquel ils s'adressent nommément (s'en
rapportant à moi dans un de leurs imprimés ) , je
me sens singulièrement enhardi par cette décla-
raUon de leur part à produire aussi mon senti-
ment an grand jour sur la matière en question ,
conformément aux préceptes de la charité, qui
doit unir tous les hommes. En qu<M faisant, je
m'affranchirai et devant Bîeu et devant les hom-
mes du reproche d'avoir contribué au mal par
mon silence, au cas où ceci finirait d'une manière
fimeste.
» Pen^étre aussi n'ont-ils bit cette déclaration
que pour en imposer» et sans doute il y en aparmi
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180 K^MOiaES
eux d'assez méchans pour (^ela , car il est impOs^
sible qu'en une telle multitude , tous soient bons
chrétiens; il est plutôt yraisemblable que. beau-
coup d'entre eux font servir la boiiiie Tolonté deê
autres aux desseins pervers qui leur ^nt propres.
Eh bien ! s'il y a imposture dans cette déclaration ,
j'annonce aux imposteurs qu'ils ne réussiront pas;
et que, s'ils réussissaient, ce serait à leur dam, à
leur perte étemelle.
9 L'affiiire dans laquelle nous sommes engagea
est grande et périlleuse; elle touche et le royaume
de Dieu et celui de ce monde. En effet , s'il
arrivait que cette révolte se propageât et prît lé
dessus , l'un et l'autre y périraient, et le gouver-
nement séculier et la parole de Dieu , et il tf'ensui^
vrait une éternelle dévastation de toute la terré
allemande. Il est donc urgent, dans de si graves
circonstances, que nous donnions sur toutes cho-
ses notre avis librement, et sans égard aux per-
sonnes. En même temps il n'est pas moins néces-
saire que nous devenions enfin attentifs et obéis^
sans , que nous cessions de boucher nos oreilles
et nos cœurs , ce qui , jusqu'ici , a laissé prendre
à la colère de Dieu son plein mouvement, son
branle le plus terrible ( êeinen voUen gang und
êchwang). Tant de signes effrayans qui , dans ces
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IfB LIITABH. 181
denùen iemps , ont apparu au ciel et sur la terre^
amiottceiit de gfrandes calamités et des change-*
nens inouis à rAllema^ne. Nous nous en in-'
quiétons peu , pour notre malheur ; mais Bîeu
n'en poursuivra pas moins le cours de ses châ->
timens , jusqu'à ce qu'il ait enfin &it mollir nos
têtes de fer.
« PaEMitai Paetie* — Au» princes et $eign&ure,
^ D'abord nons ne pouvons remercier personne
snr la terre de tout ce désordre et de ce sou*^
lèrement, si ce n'est vous, princes et seigneurs,
TOUS surtout aveugle» évoques, prêtres et moines
insensés, qui , aujourd'hui encore t endurcis dans
votre perversité , ne cessez de crier contre le saint
Évangile, quoique vous sachiez qu'il est juste et
bon et que vous ne pouvez rien dire contre.
£n même temps, comme autorités séculières,
vous êtes les bourreaux et les sangsues des pau<-
vres gens» vous immolez tout à votre luxe et à
votre orgueil effrénés, jusqu'à ce que le peuple
ne veuille ni ne puisse vous endurer davantage.
Vous avez déjà le glaive à la gorge, et vous vous
croyez encore si fermes en selle qu'on ne puisse
vous renverser. Vous vous calerez le col avec
cette sécurité impie. Je vous avais exhorté main-
tes ibis à voua garder de ce verset (psaume GIV):
7
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182 vinoiESs
Eff^mdU eùntemfiitm super pHneipêi : 0 rené
le mépr» sar les princes. Vous faites toas Toe
efforts pour que ces paroles s'accomplissent sur
▼ons, voos Toulez que la massue déjà levée
tombe et vous écrase ; les avis, les consuls se-
raient superflus.
• Les signes de la colère de Dieu qui apparais*
sent sur la terre et au ciel, s'adressent à voua
pourtant C'est vous , ce sont vos crimes que Dieu
veut punir. Si ces paysans qui vous attaquent
maintenant ne sont pas les ministres de sa vo-
lonté, d'autres le seront. Vous les battriez, que
vous n'en seriez pas moins vaincus. Dieu en sus-
citerait d'autres; il veut vous frapper et il vous
frappera.
• Vous comblez la mesure de vos iniquités en
imputant cette calamité à PÉvangile et à ma doc
trine. Calomniez toujours. Vous ne voulez pas
savoir ce que j'ai enseigné et ce qu'est l'Évan-
gile; il en est un autre à la porte qui va vous
l'apprendre , si vous ne vous amendez. Ne me
suis-je pas employé de tout temps avec zèle et
ardeur à recommander au peuple l'obéissance à
l'autorité, à la vôtre même, si tyrannique, si ii»-
tolérable qu'elle fàt? qui plus que moi a com-
battu la sédition ? Aussi les prophètes de meurtre
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ÙM WTMMM. 18S
leat-îk autant que toiu. To«« penéctt»
I Évanfilepar toui les raoyefit qui étaient
f pendant que oet Évangile fiJiait prier
le pour Yom et qu'il aidait à aoutenir
torité chancelante.
rérité, si je voulais me venger « je n'au*
Qtenantqu'à rire dans ma barbe et regain
aysans à Tœuvre; je pourrais même faire
mmune avec eux et envenimer la plaie.
B préserve de pareilles pensées! €*est
M, ohers seigneurs, amis ou ennemis,
iaei pas mon loyal secours, quoique je
qu'un pauvre honune; ne méprisez pas
is cette sédition, je vous supplie : non
je veuille dire par là qu'ils soient trop
ntre youm ; ce n'est pas eux que je vou*
[)U8 £Bire craindre, c'est Bien, c'est le
r irrité. Si Celui-là veut vous punir (vooa
D£ que trop mérité ) , il vous punira ;
'y avait pas assez de paysans, il change^
pierres en paysans; un seul des leurs en
ait cent des vôtres^ tous tant que voua
vos cuirasses ni votre force ne vous sau«*
est encore un conseil à vous donner «
âgneurs, au nom de Dieu, reculez un peu
Digitized by VjOOÇIC
184 vénoiABS
tlerant la colère que vous voyez décliaùiée. Oa
craint et on évite Tbomme ivre. Mettez ua terme
à V09 exactions , faites trêve à cette âpre tyrannie ;
traitez les paysans comme l'homme sensé traite
les gfens ivres ou en démence. N'engagez pas de
lutte avec eux, vous ne pouvez savoir comment
cela finira. Employez d'abord la douceur, de
peur qu'une &ible étincelle » gagnant tout au*
tour, n'aille allumer, par toute rAllemagne^
«in incendie que rien n'éteindrait. Vous ne per«»
drez rien par la douceur, et quand même vous
y perdriez quelque peu, la paix vous en dédom-
magerait au centuple. Bans la guerre, vous pou-
vez vous engloutir et vous perdre, corps et biens.
Les paysans ont dressé douze articles dont quel*
ques-uns cpntiennent des demanda si équitables,
qu'elles vous déshonorent devant Dieu et les
hommes, et qu'elles réalisent le psaume CYIII,
car elles couvrent les princes de mépris.
9 Moi, j'aurais bien d'autres articles et de plus
importans peut-être à dresser contre vous, sur le
gouvernement de l'Allemagne, ainsi que je l'ai
fait dans mon livre A la nobleêse allemande. Mais
mes paroles ont été pour vous comme le vent en
j'air , et c'est pour cela qu'il vous faut maintenant
«SBuyer toutes ces réclamations d'intérêt» partir
culiers.
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DB LUTHER . 185
» Quant aux premiers articles, Tousnepoutez
leur refuser la libre élection de leurs pasteurs. Ils
veulent qu'on leur prêche l'Évangile. L'autorité
ne peut ni ne doit y mettre d'empêchement, elle
doit même permettre à chacun d'enseigner et de
eroire ce que bon lui semblera, que ce soit Évan-^
gile ou mensonge. C'est assez qu'elle défende de
prêcher le trouble et la révolte.
• Les autres articles, qui touchent l'état ma-*
tériel des paysans, droits de décès, augmentation
des services, etc. , sont également justes. Car l'au«
torité n'est point instituée pour son propre inté*
rêt ni pour faire servir les sujets à l'assouvisse^
tnent de ses caprices et de ses mauvaises passions,
mais bien pour l'intérêt du peuple. Or, on ne
peut supporter si long-temps vos criantes exac^
lions. A quoi servirait-il au paysan de voir son
champ rapporter autant de florins que d'herbes
et de grains de blé , si son seigneur le dépouil*
lait dans la même mesure, et dissipait, comme
paille, l'argent qu'il en aurait tiré, l'employant
vn habits, châteaux et bombances? Ce qu'il fau-
drait faire avant tout^ ce serait de couper court
à tout ce luxe et de boucher les trous par où l'ar-
fipent s'en va , de façon qu'il en restât quelque peu
^aii4 la poche dn. paysan.
7.
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186 nfaioiEit
• DiiJxitnPAinB. — Ans Pay$aH$. — JuaiiaHci,
oheii amiit tous n'arei tu qu'une choie: j'ai
reoounu que les princes et seigneurs qui dé-
fendit de prêcher l'ÉvangUe, et qui chargent
les peuples de fardeaux intolérables, ont bien
nérité que Bien les précipitât du siège • car ils
pèchent cratre Dieu et les hommes , ils sont sans
excuse. Néanmoins c'est à roua de conduire votre
entreprise avec conscience et justice. Si tous ares
de la conscience , Dieu tous assistera : quand
même tous succomberiei pour le moment, tous
triompheriez à la fin; ceux de tous qui périraient
dans le combat, seraient sauTés. Mais si tous aTea
la justice et la conscience contre tous, toussuc*
comberei , et quand même tous ne succomberiei
pas, quand même tous tueriez tous les princes,
votre corps et TOtre âme n'en seraient pas moina
éternellement perdus. Il n'y a donc pas à plaisan-
ter ici. D y Ta doTotre corps et de votre vie à ja-
mais. Ce qu'il vous but considérer, ce n'est pat
TOtre force et le tort de vos adversaires , il &ut
voir surtout si ce que vous fSeâtes est selon la j«»«
ticeetla conscience.
» N'en croyet donc pas, je vou4 prio, les pio-t
phètes de meurtre que Satan a suscités panai
vous , et qui viennent de lui , quoiqu'ils invoquenl
Digitizedby Google
187
lêËÙmà nom de l'Évangile. Ha me haïront à oâtue
da oonMvl qne je Tona donne, ib m'appeUeronl
hypoerite, maÎBoela ne me tonche point. Ce ipie
je dénre, c'est de lauTer de la colère de Keu
hf bonnes et honnêtes gens qnisont panni tous;
je ne craindrai pasles antres, qu'ils me mépriseiU
en mm. J'encminais Un qni est pins fort qu'eu
tons, etCdnî-Ià m'enseigne par le psaume III de
finreoequejefiôs. Les cent mille ne me font pas
penr....
» Tona înTOqnei le nom de Dieu et tous pré»
Isndei agir d'i^rëa sa parole; n'ouhliex donc paa
avant font que IMeu punit celui qui invoque son
nom en vain, Graignez sa colère. Qu'étes-Tous,
et qn'eslFce que le monde ? Onbliex-voua qu'il est
le IHen teni-poisnnt et terrible , le Bien du dé*
lnge« oelat qui a foudroyé Sodome? Or , il est
fodle de voir que vous ne foitm pas honneur à
son nem. IMeu ne dit-il pas : Qui prend l'épée
périra par l'épée? Et saint Paul : Que toute Ame
sait sonmise à Fantorité en tout respect et bon*-
nenr? Gomment pouTe^TOus, aprèscesenseigne*
mens, prétendre encore que vous agisseï d'après
l'Évangile? Prenex-y garde» un jugement terri-
ble voua attend.
» Kaia» ditea*votts, Fauterité est mauvaise, ia^
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188 • MitfOikES
tolérable , elle ne veut pas nous laisief l'Évangile ,
elle nous accable de charges hors de toute me^
isure , elle nous perd de corps et d'âme. A cela
je réponds que la méchanceté et l'injustice de
l'autorité n'excusent pas la révolte, car il ne con-
fient pas à tout homme de punir les méchans. En
outre le droit naturel dit que nul ne doit être
juge de sa propre cause, ni se venger lui-même,
icar le proverbe dît yrai : Frapper qui frappe, ne
vaut. Le droit divin nous enseigne même chose ,
La vengeance m'appartient, dit le Seigneur, c'est
moi qui veux juger. Votre entreprise est done
contraire non-seulement au droit , selon la Bible
et rÉvangile , mais aussi au droit naturel et à la
simple équité. Vous ne pouvez y persister à moins
xle prouver que vous y êtes appelés par un nou-
veau commandement de Dieu, tout particulier
et confirmé par des miracles.
» Vous voyez la paille dansTœil de l'autorité,
mais vous ne voyez pas la poutre qui est dans le
vôtre. L'autorité est injuste en ce qu'elle inter«-.
dit l'Évangile et qu'elle vous accable de charges;
'mais combien êtes-vous plus inj ustes, vous qui , non
tsontens d'interdire la parole de Dieu, la foulez aux
pieds, vous qui vous arrogez le pouvoir réservé
là Dieu seul? D'un autre côté, qui est le phi%
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Bi &irTiu&. 189
l^nd Voleur (Je vons en fais juge) de celui qui
prend une partie ou de celui qui prend le tout ?
Or l'autorité vous prend injustement votre bien ,
mais TOUS lui prenex à elle non-seulement le bien,
mais aussi le corps et la vie. Vous assurez bien ,
il est Trai , que tous lui laisserez quelque cbose;
qui TOUS en croira? Vous lui aTcz pris le pou-
Toir ; qui prend le tout ne craint pas de prendre
aussi la partie; quand le loup mange la brebis,
il en mange bien aussi les oreilles.
» Et comment ne voyez-vous donc pas, mes
amis, que si votre doctrine était Traie, il n'y au-^
rait plus sur la terre ni autorité, ni ordre, ni
justice d'aucune espèce? Chacun serait son juge
à soi; l'on ne Terrait que meurtre, désolation et
brigandage.
» Que feriez-TOus, si, dansTotre troupe, char*
con voulait également être indépendant, se faire
justice, se Tenger lui-même ? Le souffririez-TOus ?
He diriez-TOus pas que c'est aux supérieurs de
juger?
B Telle est la loi que doiTcnt obserrer même
les puens , les Turcs et les juiJEs, s'il doit y avoir
ordre et paix sur la terre. Loin d'être chrétiens ,
vous êtes donc pires que les païens et les Turcs.
Que dira Jésus-Christ en Toyant son nom ainsi
profané par tous?
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180 MÛoiaES
» Chen amÎ8 , je crains fort que Satan n'ait en*
Toyé parmi vous des prophètes de meurtre <|tti
convoitent l'empire de ce monde et qui pensent
y arriver par vous, sans s'inquiéter des périk et
temporels et spirituels dans lesqueb ils voua
précipitent
B Mais passons maintenant au droit évangélique.
Celui-ci ne lie pas les païens comme le droit dont
nous venons de parler. Jésus-Christ, dont voua
tirez le nom de chrétiens, ne dit-il pai (saint
Katfaieu, Y) : Ne résistez pas à celui qui vaus
lait du mal; si quelqu'un te frappe à la joue
droite, présente aussi l'autre... L'entendez-vous,
chrétiens rassemblés ? Comment Esites-vous rimer
votre conduite avec ce précepte ? Si vous ne sa-
vez pas soufifrir, comme le demande notre Sei*
gneur, dépouillez vite son nom, vous n'en êtes pas
dignes; ou il va tout^à-l'heure vous l'arracher
lui-même.
• (Suivent d'autres versets de l'Évangile sur la
douceur chrétienne). Sou£frip,soufirir, la croix^
la croix, voilà la loi qu'enseigne le Christ, il n'y
en a point d'autres...
B £h I mesamis, si vous finîtes de teUes choses^
quand donc en viendrez-vous à cet autre pré*
cepte qui vous commande d'aimer vos enuemis el
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fidre du bien ?... Oh] plût à Dîmi qne U
d'entre noot funent avant tout de bûaê
païens qui obterraiAent ta loi naiurelle}
r Tom montrer jiifti| il* où yos prophètes
égarés, je n'ai qu'à vout ruppeler qu«i-
smples qui mettent en lumière la loi de
le. Regardai JéMUkChnAt et saint Pierre
jaitlin de Géiémaneh. Samt Pierre ne
1 pas fiiire une bonne action en défen^
I maître et seigneur « contre ceui qui
; pour le limrer aux bon rreaut ? Et copei^
is sayei que Jésos-Christ te réprimanda
an meurtrier pour avoir résiité Tépée k
re exemple : Jésus-Chr»t lui-même atta-
oroix, que fiut^ilT Me prient- il pas pour
lécuteurs; ne dit-il pas : 0 mon père t
nez-leur , car ils ne savent ce qti'îb fonti
»-Ghrist ne fut-il pas cependant glorifié
'oir souffert, son royaume Q'a-t-ilpaspré-
riomphéPDe même Bleu vonsaideraUf
ariei souffrir comme iT le demande,
tr prendre un exemple du ns le tempiméme
rivons, comment s'eat-il fait que ni TEm-
ni le pape n'aient pu rien contre moi f
f ont fait d'eflioris pour arrêter et dé-
ci by Google
i
102 wfafOiaBa
traire l'Évangile , plus celui-ci a gagtté el prit
force? Je n'ai point tiré Tépée, je n'ai point fiaût
de révolte; j'ai toujours prêché l'obéissance à
l'autorité , même à celle qui me persécutait; je
m'en reposais toujours sur Dieu, je remettais tout
^ntre ses mains. C'est pour cela, qu'en dépit du
pape et des tyrans, il m'a non-seulement conservé
la vie, cequi déjà était un miracle, mais il a auasi
4e plus en plus avancé et répandu mon Évangile.
Et voilà que maintenant, pensant servir l'Évan-
^e, vous vous jetez en travers. En vérité^ vous
lui portez le coup le plus terrible dans l'esprit des
hommes , vous l'écrasez pour ainsi dire par vos
perverses et folles entreprises.
» Je vous dis tout ceci, chers amis, peut vous
montrer combien vous profanez le nom du Ghriat
et de sa sainte loi. Quelque justes que puissent
être vos demandes, il ne convient au chrétien de
combattre ni d'employer la violence : nous de*
vous souffrir l'injustice, telle est noire loi (I. Co-
rinth. YI). Je vous le répète donc^ agissez en cette
occurrence comme vouS'VOudrez, maislaissez là Iç
nom de Christ, et n'en faites pas honteusement le
prétexte et le manteau de votre conduite impie.
Je ne le permettrai pas, je ne ne le tolérerai pas,
je vous arracherai ce nom par tous les effortsdont
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M liUtHUl. 190
je suis capable, jusqu'à la dernière goutte de mon
sang...
» Non que je veuille par là justifier l'autorité :
ses torts son immenses, je l'avoue; mais ce que
je veux, c'eit que, s'il faut malheureusement (Dieu
▼eoille nous l'épargner ! ), s'il faut, dis-je, que vous
en veniez aux mains, on n'appelle chrétiens ni
l'un ni l'autre parti. Ce sera une guerre de païens
et point autre, car les chrétiens ne combattent pas
avec lesépées ni lesarquebuses, mais avec lacroix
et la patience, de même que le général Jésus^
Christ ne manie pas l'épée, mais se laisse attacher
à la croix. Leur triomphe ne consiste pas dans la
domination et le pouvoir , mais dans la soumis-
non et l'humilité. Les armes de notre chevalerie
n*ont pas d'efficacité corporelle , leur force est
dans le Très-Haut.
» Intitulez-vous donc : gens qui veulent suivre
la nature et ne pas supporter le mal; voilà le nom
qui vous convient; si vous ne le prenez pas, mais
que vous persistiez à garder et prononcer sans
cesse celui du Christ, je ne pourrai que vous re^
garder comme mes ennemis et comme ceux de
l'Évangile , à l'égal du pape et de l'Empereur. Or,
sachez que dans ce cas, je suis décidé à m'en re-
mettre entièrement à Dieu, et à l'implorer pour
8
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194 SliMOI&ES
qu'il TOUS éclaire» qu'il soitconti'e tous et toos
fasse échouer.
» J'y risquerai ma tête, comme j'ai fait contre
le pape et l'Empereur, car je vois clairement que
le diable n'ayant pu venir à bout de moi par eux,
veut m'exterminer et me dévorer par les prophè-
tes de meurtre qui sont parmi vous. Eh bien, qu'il
me dévore : un tel morceau ne sera pas de facile
digestion.
> Toutefois, chers amis, je vous supplie hum-
bleinent et comme un ami qui veut votre bien,
d'y bien penser avant d'aller plus loin, et de me
dispenser de combattre et de prier contre vous,
quoique je ne sois moi-même qu'un pauvre pé-
cheur; je sais pourtant que dans ce cas j'aurais
tellement raison, que Dieu écouterait immanqua-
blement mes prières. Il nous a enseigné lui-même,
dans le saint Pater noster, à demander que «on nom
êoH sanctifié sur la terre comme au ciel. Il est im-»
possible que vous ayez , de votre cMé, la même
confiance en Dieu; car l'Écriture et votre con-
science vous condamnent et vous disent que vous
agissez en païens, en ennemis de l'Évangile. Si voua
étiez chrétiens, vous n'agiriez pas du poing et de
l'épée; vous diriez. Délivrez-nous du mal, et,
Que ta volonté êoit faite (suivent des versets qui
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hn LUTHSB. 106
expriment cette pensée). Hai§ tous Toulex être
Toas-mdmeB yotre Dieu et votr^ Sauveur ; le vrai
Dieu» le yrai Sauveur tous abandonne donc. Les
demandes que tous avei dressées ne sont pascon-^
trairesau droit naturel et à l'équité, par leur te*
neurméme, mais parla TÎolence avec laquelle
TOUS les Toulez arracher à l'autorité. Aussi celui
qui l^s a dressées n'est pas homme pieux et sin-r
cère; il a cité grand nombre de chapitres de Vtn
criture , sana écrire les versets mêmes, afin de ren-
dre Totre entreprise spécieuse, de séduire et de
TOUS jeter dans les périls. Quand oîi lit les chapi-
tres quil a désignés, on n'y voit pas grand'chose
sur votre entreprise, on y trouve plutôt le con-
traire, à savoir, que l'on doit vivre et agir chrétien*
nement. Ce sera, je pense, un prophète séditieux
qui aura voulu attaquer l'Évangile par vous^Bieu
veuille lui résister et vous garder de lui.
9 £n premier lieu , vous vous glorifiez , dans vo-
tre préface, de ne demander qu'à vivre selon l'É-
vangile. Hais n'avouez-vous pas vous-mêmes que
TOUS êtes en révolte ? Et comment, je vous le de-
mande , avez-i^vous l'audace de colorer une pareille
conduite du saint nom de l'Évangile ?
» Vous citez en exemple lesenians disraél. Voua
dites que Dieu entendit les cris qu'ils poussaient
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106 H^HOIRES
vers lui , et qu'il les délivra. Pourqfuoi doncnesai'
yez-vous pas cet exemple dont vous vousglorîfiez?
Invoquez Dieu, comme ils ont fait, et attendez
qu'il vous envoie aussi un Moïse qui prouTe sa mis-
sion par des miracles. Les enfans d'Israël ne s'a-
meutèrent point contre Pharaon ; ils ne s'aidèrent
point eux-mêmes comme vous avez dessein de
faire. Cet exemple vous est donc directement con-
traire , et vous damne au lieu de vous sauver.
• Il n'est pas vrai non plus que vos articles,
comme vous l'annoncez dans votre pré&ce, en-
seignent l'Évangile et lui soient conformes. Y en
a-t-il un seul sur les douze , qui renferme quelque
point de doctrine évangélique ? N'ont-ils pas tous
uniquement pour objet d'affranchir vos personnes
et vos biens? Ne traitentvils pas tous de choses
temporelles? Vous, vous convoitez le pouvoir et
les biens de la terre , vous ne voulez souffrir au-
cun tort; l'Évangile, au contraire, n'a nul souci
de ces choses, et place la vie extérieure dans la
30uffrance, l'injustice, la croix, la patience et le
mépris de la vie , comme de toute affûre de ce
monde.
• H faut donc ou que vous abandonniez votre
entreprise, et que vous consentiez à souffirir les
torts, si vous voulez porter le nom de chrétiens;
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DB I.DTHSa. 197
on bien , si ▼ous penîstei dans tos résolutions , il
&Qt qne tous dépouilliez ce nom et que tous en
preniez un autre. Choississez , point de milieu.
> Vous ditesque l'on empêche rÉvangile de par-
Tenir jusqu'à vous : je tous réponds qu'il n'y a
aacune puissance ni sur la terre ni au ciel qui
puise fiiire cela. Une doctrine publique marche
libre sous le ciel, elle n'est liée à aucun endroit,
aussi peu que l'étoile qui , trayersant les airs , an-
nonçait aux sages de l'Orient la naissance de Je-
iiis-€hrist... Si l'on interdit l'Évangile dans la Tille
eu le yillage où tous êtes, suiyez-le ailleurs où
onle prêche.. . Jésus-Christ a dit (saint Matthieu, X) :
■ S'ils TOUS chassent d'une Tille, fuyez dans une
autre. > Il ne dit point : < S'ils Toulent tous chas-
ler d'une ville , restez-y , attroupez-TOus contre les
seigneurs, au nom de FÉvangile, et rendez-TOus
maitres de la Tille. > Qu'est-ce donc que ces chré-
tiens qui , au nom de l'Évangile , se font brigands,
▼oleurs? Osent-ils bien se dire éTangéliques ?
» Réponse au 1«' article. — Si l'autorité ncTeut
pas de bon gré entretenir le pasteur qui conTieot
à U commune , il faut , dit Luther, que celle-ci le
bne à ses propres frais. Si l'autorité ne Tout pas
UAérer ce pasteur, que les fidèles le suÎTent dans
une autre commune.
8.
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108 MiHonuia
9 RépoMaà l'article II. — Vonsvoulei dispoaep
d'une dime qui n'est pas à tous : oe serait une
spoliation» un bri(;anda|;e. Si vous Toulet Caire
du bien , fiittes^e du TÛtre et non de ce qui est à
autrui. Dieu dit par Isaie : « Je déteste l'offrande
qui vient du yol.
• Réponse à l'article III. — Tous youlei appli-
quer à la chair la liberté chrétienne ensei^ëe
par rÉyangUe. Abraham ^ les autres patriaiv
ohes , ainsi que les prophètes , n'ont^ila pas ausn
eu des serfs P Lisex saint Paul , l'empire de ce
monde ne peut subsister dans l'inégalité des per-r
sonnes.
B Aux huit derniers articles. — Quant à tos
articles sur le gibier , le bois , les servioe9 , lee
cens , etc. » je les renvoie aux hommes de loi ; il ne
me convient pas d'en juger , mais je vous répète
que le chrétien est un martyr, et qu'il n'a nul
souci de toutes ces choses; cesses donc de parler
du droit chrétien , et dites plutôt que c'est le
droit humain, le droit naturel que vousreyendi-
quez, car le droit chrétien vous commande de
souffrir en ces choses, et de ne vous plaindre
qu'à Dieu.
a Chars anris, voilà l'instruction que j'ai à vous
donner en réponse à la demande que vous m'a«
dby Google
DB Lunuft. 199
Tet fiiite. IMeii Tenille que tous aoyei fidèles à
^mire pTcmieue , de tous laiaer guider selon
l'Écriture. Ne oriex pas trop d'abord : Luther est
im flatteur des princes, il parle contre rÉvangile.
Mais liaet auparayant, et Toyes si tout ce que je
dis n'est pas fondé sur la parole de Dieu.
• Esho9tmi¥m ans deu» poftiê. — Puis donc ,
mea amis , que ni les uns ni les autres, vous ne
défendez une chose chrétienne, mais queles deux
partis agissent également contre Dieu , renon^
ces, je TOUS supplie, à la yiolence. Autrement
TOUS couvrirez toute FAllemagne d'un carnage
horrible , et cela n'aura pas de fin. Car comme
TOUS êtes également dans l'injustice, tous tous
perdrez mutuellement^ et Dieu firappera un mé*
chant par l'autre.
* Vous, seigneurs , vous aTei contre tous l'É*
criture et l'histoire, qui tous enseignent que la
tyrannie a toujours été punie. Vous êtes youa-
mêmes des tyrans et des bourreaux , vous inter-*
disez l'Érangile. Tous n'avez donc nul espoir
d'échapper au sort qui jusquHci a frappé vos pa^
reils. Voyez tous ces empires des Assyriens , des
Perses, des Grecs, des Romains, ib ont tous péri
parle glaive, après avoir commencé par le glaive.
Dieu voulait prouver que c'est lui qui est juge de
dby Google
200 MiHOIMS
la terre, et que nulle injustice ne reste impunie.
9 Vous , paysans , tous avet de même contre
vous l'Écriture et l'expérience. Jamais Ja révolte
n'a eu une bonne fin , et Dieu a sévèrement pourvu
à ce que cette parole ne fût pas trompeuse : Qui
prend Tépée périra par l'épée. Quand même
vous vaincriei tous les nobles, vainqueurs des
nobles , vous vous décbireriez entre vous comme
les bêtes féroces. L'esprit ne régnant pas sur
vous, mais seulement la chair et le sang, Dieu
ne tarderait pas à envoyer un mauvais esprit^ un
esprit destructeur, comme il fit à Sichemetàson
roi....
» Ce qui me pénètre de douleur et de pitié (et
plût au ciel que la chose pût être rachetée de ma
vie! ) ce sont deux malheurs irréparables qui vont
fondre sur l'un et l'autre parti. D'abord, comme
vous combattez tous pour l'iiyustice, il est im-
manquable que ceux qui périront dans la lutte
seront éternellement perdus corps et âme; car
ils mourront dans leurs péchés, sans repentir»
sans secours de la grâce. L'autre malheur, c'est
que l'Allemagne sera dévastée; un tel carnage
une fois commencé, il ne cessera p^s avant que
tout soit détruit. Le combat s'engage aisément,
mais il n'est pas en notre pouvoir de l'arrêter, la^
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DE LUTHSH. 301
seoséft , que tous ont-ils donc fait , ces en&ns , ces
fiemmes, ces vieillards , que tous entraînez dans
TOtre perte, pour que tous remplissiez le pays de
sang, de brigandage, pour que tous Dansiez tant
de TeuTes et d'orphelins ?
» Oh! Satan se réjouît! Dieu est dans son cour*
roux le plus terrible, et il menace de le lâcher
contre nous. Prenez-y garde , chers amis , il y
Ta des uns comme des autres. A quoi tous ser«
TÎra-t-il de tous damner éternellement et de gaité
de cœur, et de laisser après tous un pays ensan*
glanié et désert ?
• C'est pourquoi mon conseil serait de choisir
quelques comtes et seigneurs parmi la noblesse,
de choisir également quelques conseillers dans
les Tilles, et de les laisser accorder les afiaires à
l'anûable. Vous, seigneurs, si tous m'écoutez,
TOUS renoncerez à cet orgueil outrageant qu'il
▼DOS faudrait bien dépouiller à la fin: tous adou^
cirez TOtre tyrannie, de sorte que le pauTre
homme puisse aToir aussi un peu d'aise. Vous,
paysans, tous céderez de TOtre côté, et tous
abandonnerez quelques-uns de tos articles qui
Tont trop loin. De cette manière, les affaires
n'auront pas été traitées selon l'ÉTangile , mais
da moins accordées conformément au droit hu«
main.
DigitizedbyVjOOÇlC
203 hAvoues
» Si TOUS ne taÎTiez paa vn temblable coiueil
(oequ'à Dieu ne plaûe) , je ne poumiyons empé*
cher d'en venir aux maim. Mais je serai innocent
de la perte de vos âmes, de yotre sang, de votre
bien. C'est sur vous <{ue pèseront vos péchés. Je
vous l'ai déjà dit, ce n'est pas un combat de
chrétiens contre chrétiens , mais de tyrans, d'op-
presseurs, contre des brigands, des profanateurs
du nom de l'Évangile. Ceux qui périront se-
ront éternellement damnés. Pour moi, je prie-
rai Dieu avec les miens , afin qu'il vous réconci-
lie et vous empêche d'en venir où vous voulez.
Néanmoins je ne puis vous cacher qup les signes
terribles qui se sont fait voir dans ces derniers
temps, attristent mon âme et me font craindre que
la colère de Dieu ne soit trop allumée , et qu'il ne
dise comme dans Jérémie: Quand même Noé,
Job et Daniel se placeraient devant ce peuple,
je n'aurais pas d'entrailles pour lui. Dieu veuille
que vous craigniez sa colère et que vous vous
amendiez, afin que la calamité soit au moins
différée ! Tels sont les conseils que je vous donne
en chrétien et en frère , ma conscience m'en est
témoin, Dieufiisse qu'ils portent fruit. Amen.»
Le caractère biographique de cet ouvrage et
les proportions danslesquelles nouadevona le res»
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i« LVTBaft. 203
serrer, ne nous permettent pas d'entrer dans
rhktoire de cette Jacquerie allemande ( Toyet
toutefois nos Additions et Éclaircissemens ). Nous
nous contenterons ici de rapporter la sanguinair
proclamation du docteur Thomas Mûnzer , chef
des paysans de Thuringe; elle forme un singu»
lier contraste ayec le ton de modération et de
douceur qu'on a pu remarquer dans les Douze
articles que nous avons donnés plus haut.
« La Trai* crainte de Diea aTint tout.
• Chers frères, jusqu'à quand dormirez'^yous ?
Désohéirez-Tous toujours à la volonté de Dieu»
parce que , bornés comme vous êtes » vous vous
croyez abandonnés ? Que de fois vous ai-je répété
mes enseignemens ! Bieu ne peut Se révélei* plus
long-temps. Il faut que vous teniez ferme. Sinon ,
le sacrifice) les douleurs , tout aura été en vain*
Vous recommencerez alors à souffrir, je vous le
prédis. Il faut ou souffrir pour la cause de Dieu ^
ou devenir le martyr du Diable.
• Tenez doilc fermé » résistez à là peur et à la
paresse i cessez de flatter les rêveurs dévoyés du
chemin , et les scélérats impies. Levez^vous « et
combattez le combat du Seigneur. Le temps
près». Faites respecter à vos frères le témoignage
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204 HÉIIOIEBS
de Dieu; autrenient , tous périront. L'Allemagne,
la France, Fltalie sont tout entières soulevées; le
Maître veut jouer son jeu , l'heure des mécbans
est Tenue.
» AFulde quatre églises de l'évéché ont été sac-
cagées, la semaine sainte; les paysans deKlégen
en Hégau, et ceux de la Forét-Noire , se sont le-
vés au nombre de trois cent mille. Leur masse
grossit chaque jour. Toute ma crainte , c'est que
ces insensés ne donnent dans un pacte trompeur ,
dont ils ne prévoient pas les suites désastreuses.
Vous ne seriez que trois, mais confians en Dieu ,
cherchant son honneur et sa gloire, que cent
mille ennemi» ne vous feraient pas peur«
» Sus, sus, sus! {dran, draUf dran !) il est temps ,
les méchans tremblent. Soyez sans pitié, quand
même Esaû vous donnerait de belles paroles (Cky
nèse, XXXllI); n'écoutez pas les gémissemens des
impies; ils nous supplieront bien tendrement , ils
pleureront comme les enfans; n'en soyez pas tou-
chés; Dieu défendit à Moïse de l'être (Deut. VU) , et il
nous a révélé la même défense. Soulevez les villes et
les villages , surtout les mineurs des montagnes . . .
» Sus, sus, sus! {dran, dran, dran!) pendant que
le feu chauffe; que le glaive tiède de sang n'ait
pas le temps de l'efroidir. Forgez Nemrod sur
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DE LUTHim. 205
e , pink pank, tuez tout dans la tour;
ceux-là viyront, tous ne serez jamais dé-
la crainte des hommes. On ne peut vous
s Dieu, tant qu'ib régnent sur vous.
sus , sus! ( dran , dran, dranl) pendant
jour , Dieu vous précède; suivez. Toute
Loire est décrite et expliquée dans saint
, chapitre XXIY. N'ayez donc peur. Dieu
vous, comme il est dit , chapitre II , pa-
3 2. Dieu TOUS dit de ne rien craindre,
eur du nombre. Ce n'est pas votre com-
(t celui du Seigneur, ce n'est pas vous
battez. Soyez hardis, et vous éprouverez
nce du secours d'en haut. Amen. Donné
isen, en 1525. Thomas Mvifui, serviteur
contre les impies. »
me lettre à l'électeur Frédéric et au duc
ither se compare à Mûnzer... « Moi , je
[u'un pauvre homme; j'ai commencé mon
se avec crainte et tremblement; ainsi fit
al ( il l'avoue lui-même, Cor. I , S - 6 ) ,
cependant pouvait se glorifier d'enten-
roix céleste. Moi je n'entends pas de telles
je ne suis pas soutenu de l'Esprit. Avec
imbles ménagemens n'ai-je pas attaqué le
[uels n'ont pas été mes combats contre
si 0
dby Google
I
L
206 VÂMOIRES
moi-même! quelles supplications n'ai-je pas lai-
tes à Dieu! mon premier écrit en fait foi. Cepen-
dant j'ai fait avec ce pauvre esprit ce que n'a pas
encore osé ce terrible esprit croque-monde (welt-
fressergeist) , qui du haut de son soleil nous re-
garde à peine comme des insectes (1). J'ai disputé
à Leipiig , entouré du peuple le plus hostile. J'ai
comparu à Augsbourg devant mon plus grand
ennemi. J'ai tenu à Worms devant César et tout
l'Empire , quoique je susse bien que mon sauf-
conduit était rompu et que l'astuce et la trahison
m'attendaient.
« Quelque faible et pauvre que je fusse alors,
mon cœur me disait pourtant qu'il fallait entrer
dans Worms , dussé-je y trouver autant de dia-
bles que de tuiles sur les toits... Il m'a fallu ,
dans mon coin, disputer sans relâche, que ce
fût contre un, contre deux, contre trois, n'im-
porte , de quelque façon qu'on le demandât.
Faible et pauvre d'esprit, j'ai dû pourtant rester
à moi-même, comme la fleur des champs; je
ne pouvais choisir ni l'adversaire, ni le temps.
ou
(i) Muuzer se refusait à toute controverse privée ^.
tenue devant une assemblée qui ne lui fût pas farorable
dby Google
DB LUTHfim. 207
ni le lien , ni le mode , ni la mesure de l'atta-
que; j'ai dû me tenir prêt à répondre à tout le
monde, comme l'enseigne l'apôtre (saint Pierre,
Ep. 1,8-15).
» Et cet esprit qui est élevé au-dessus de nous
autant que le soleil l'est au-dessus de la terre ,.
cet esprit qui nous regarde à peine comme des
insectes et des vermisseaux , il lui &iut une assem-
blée toute composée de gens favorables et sûra
desquels il n'ait rien à craindre , et il refuse de
répondre à deux ou trois tenans qui l'interro-
geraient à part... C'est que nous n'avons de force
que celle que Jésus-Christ nous donne ; s'il
nous livre à nous-mêmes , le bruit d'une feuillQ
peut nous faire trembler; s'il nous soutient,
notre esprit sent bien en soi la puissance et la
gloire du Seigueur... Je suis forcé de me vanter
moi-même, quelque folie qu'il y ait en cela;
saint Paul y fut bien contraint aussi ( Cor. lî ,
11-16); je m'en abstiendrais volontiers, «i je le
pouvais en présence de ces esprits de mensonge. »
Immédiatement après la défaite des paysans ,
Hélanchton publia une petite histoire *de Hûn-
zer. Il est inutile de dire que ce récit est singu-
lièrement défavorable aux vaincus. L'auteur as-
sure que Mûnzer , réfugié à Frankenhausen , se
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208 MiiioimES
cacha dans un Ut » et fit le malade , mais on cai*
Talier le troaya, et ion portefeuille le fit recon-
naître...
« Quand on lui serra les menottes , il poussa des
cris^ à cette occasion le duc Georges s'avisa de
lui dire : « Tu souffires , Thomas, mais ils ont souf-
fert davantage aujourd'hui, les pauvres gens
qu'on a tués, et c'est toi qui les avais poussés là. »
« Us ne l'ont pas voulu autrement, « répondit
Thomas, en éclatant de rire , comme s'il eût été
possédé du diahle... •
MûQzer avoua dans son interrogatoire qu'il
songeait depuis long-temps à réformer la chré-
tienté, et que le soulèvement des paysans de la
Souahe lui avait paru une occasion favorable.
• Il se montra très pusillanime au dernier mo-
ment. Il était tellement égaré, qu'il ne put re-
citer seul le Credo, Le duc Henri de Brunswick
le lui dit et il le répéta. — Il avoua aussi publique-
ment qu'il avait eu tort ; quant aux princes, il les
exhorta à être moins durs envers les pauvres gens,
et à lire les livres des Rois, disant que s'ils sui-
vaient ses conseils ils n'auraient plus de sembla*
blés dangers à craindre. Après ce discours il fut
décapité. Sa tête fut attachée à une pique , et resta
exposée pour l'exemple. >
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M LOTBBa. 209
rÎTit avant de raoaiir aux habitant de Mûl-
f pour lear recommander sa femme et les
e ne point te Tenger aor elle. « ÀTant de
la terre, diaait-il, il croyait deroir les ex-
instamment à renoncer àlaréTolte et à éri-
te nouvelle efluaion de sanfç. •
[uelqnes atroces ▼iolences que se soient
\ Mûnzer et les paysans, on s'étonne de
iiè arec laquelle Luther parle de lear dé»
[ ne leur pardonne pas d'avoir compromis
I de la Réforme... « 0 misérables écrits
ibles» oh sont maintenant ces paroles par
les TOUS excitiet et ameutiez les pauvres
(}uand vous disiez qu'ils étaient le peuple
a, que IKeu combattait peureux, qu'un
entre eux abattrait cent ennemis, qu'avec
peau ils en tueraietit cinq de chaque coup,
les pierres des arquebuses , au lieu de frap-
fvant , tourneraient contre ceux qui les au-
tirées? Où est maintenant Humer arec
Hanche dans laquelle il se ûûsait fortd'ar-
out ce qu'on lancerait contre son peuple ?
»t maintenant ce Dieu qui pendant près
année a prophétisé par la bouche de
r?.
I crois que tous les paysans doivent périr
9.
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210 niiioiiiBS
plutôt que les princes et les magistrats, parce que
les paysans prennent Tépée sans autorité diyine. . .
Nulle miséricorde , nulle tolérance n'est due aux
paysans , mais Findignation de Dien et des
hommes. » (SO mai 1525.) — « Les paysans, dit-il
ailleurs , sont dans le ban de Dieu et de l'Empe-
reur. On peut les traiter comme des chiens enra-
gés. > — Dans une lettre du 21 juin, il énumère
les horribles massacres qu'en ont faits les nobles ,
sans donner le moindre signe d'intérêt ou de pitié.
Luther montra plus de générosité à l'égard de
son ennemi Carlostad. Celui-ci courait alors le
plus grand danger. Il avait peine à se justifier d'a-
voir enseigné des doctrines analogues à celles de
Kûnzer. Il revint à Wittemberg, s'humilia auprès
de Luther. Celui-ci intercéda en sa £aveur et ob«-
tint de l'Électeur que Carlostad pût, selon son
désir, s'établir comme laboureur à Kemberg.
• Le pauvre homme me tait beaucoup de peine,
et votre Grâce sait qu'on doit être clément envers
les malheureux, surtout quand ils sont ianocens.*
(12 septembre 1525.)
Le 22 novembre 1526, il écrit encore : «... Le
docteur Carlostad m'a vivement prié d'intercéder
auprès de votre Grâce pour qu'il lui fût accordé
d'habiter la ville de Kemberg; la malice des pay-
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DS LUTHim. 211
I lui rend pénible le séjour d'un village. Or,
connue il s'est tenu tranquille jusqu'à présent, et
que d'ailleurs le prévôt de Kemberg le pourrait
bien surveiller, je prie humblement. votre Grâce
électorale de lui accorder sa demande, quoique
votre Grâce ait déjà fait beaucoup pour lui et
qu'elle se soit même attiré à son sujet des soup-
çons et des calomnies. Mais Dieu vous le rendra
d'autant plus abondamment. G'està lui desonser
ausalut deson âme, cela le regarde: pour cequi est
du corps et de la subsistance, nous devons le bien
traiter ■
«A tou» les chers chrétiens qui le présent écrit
verront , grâce et paix de Dieu notre père et de
notre Seigneur Jésus-Christ. Le docteur Martin
LirraiB. Le docteur Andréas Garlostad vient de
m'envoyerun petit livrepar lequel il se disculpe
d'avoir été l'un des chefs des rebelles, et il me
prie instamment de fidre imprimer cet écrit pour
sauver l'honneur à6 son nom et peut-être même
sa vie qui se trouve en péril , par suite de la pré-
cipitation avec laquelle on jugerait les accusés.
En effet le bruit court que l'on va procéder rapi-
dement contre beaucoup de pauvres gens, et par
pure colère eiiéculer les innocens avec les coupa-
bles, sana les avoir entendus ni convaincus; et je
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212 xiaoïais
crains Inen queles lâches tyrans, qui, aupàrayanl
tremblaient au bruit d'une feuille, ne s'enhardis-
sent maintenant à assouvir leur mauvais vouloir ,
jusqu'à ce que , au jour marqué, Dieu les jette
bas, à leur tour.
» Or, quoique le docteur Cariostad soit mon
plus grand ennemi dans des questionsde doctrine,
et qu'il n'y ait pas de réconciliation à espérer en-
tre nous sur ces points, la confiasioeavec laquelle
il s'adresse à moi dans ses alarmes, plutôt qu'à
ses anciens amis qui ranimaient autrefois oofitre
moi , cette confiance ne sera point trompée, et je
lui rendrai volontiers ce service, ainsi que d'au-
tres s'il y a lieu •
Luther exprime l'espoir, que, par la grâce de
Dieu , tout pourra encore bien tourner pour Car-
lostad 1 et qu'il finira par renoncer à ses erreurs
touchant le sacrement. En même temps il se dé-
fend contre ceux qui croiraient qu'en fiiisant
cette démarche, il cède en quoi que ce soit sur
les points de doctrine. Quant à ceux qui l'accuse-
raient d'un excès de crédulité, il leur .r^ond :
«Qu'il ne lui convient ni à lui ni à personne de
juger le cœur d'autrui. La charité n'est pas soup-
çonneuse , dit saint Paul , et ailleurs : La charité
eroit et confie tout. »
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ici donc mon opinion : tant que le docteur
ad s'offre à se £edre juger selon le droit , et
tir ce qui est juste au cas où il serait con*
d'avoir pris part à la rébellion, je dois
r foi à son liTre et à son dire , quoique moi-
auparavant je fusse disposé à le croire
, lui et les siens, d*un esprit séditieux. Mais
snt je dois aidera ce qu'il obtienne l'en*
{u'ildésire^»
\ ce qui suit , Luther attribue , en grande
ce qui est arrivé à la violence avec laquelle
Qces et les évêques se sont opposés à Vin*
tion religieuse. « De là parmi le peuple
iireur qui naturellement ne cessera point
{ue les tyrans ne soient dans la boue; car
«es ne peuv.ent durer quand un maître ne
l'inspirer la crainte, au lieu de se &ire
^n, laissons plutôt notre prétraille et nos
»ux , fermer l'oreille aux avertissemens ;
aillent, qu'ils aillent, qu'ils continuent
ser l'Évangile du mal qu'ils ont mérité ,
disent toujours: Je m'en moque. Tout-à-
» il eu viendra un Autre qui leur irépon-
• Je veux que dans quelque temps il ne
9US le ciel ni prince ni évéque. » Laissez-les
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2 i 4 MEMOIRES
donc faire; ils ne tarderont pas à trouver ce qa'ils
cherchent depuis si long*temps ; la chose est en
train. Dieu yenille encore qu'ils se conTertissent à
temps ! Amen.
» Je prie en conséquence les nobles et les éyé»
ques et tout le monde , de laisser se défendre le
docteur Garlostad qui assure si solennellement
pouvoir se justifier de toute rébellion , de peur
que Dieu ne soit tenté davantage , et que la co*
1ère du peuple ne devienne plus violente et plus
juste.... Il n'a jamais menti celui qui a promis
d'entendre les cris des opprimés , et ce n'est noa
plus la puissance qui lui manque pour punir. Que
Dieu nous accorde sa grâce. Amen.» (1525).
«L'Allemagne est perdue, j'en ai peur. Il &ut
bien qu'elle périsse puisque les princes ne veu-
lent employer que Tépée. Ah ! ils croient qu'on
peut ainsi arracher , poil à poil , la barbe du bon
Dieu ; il le leur rendra sur la face. » (1526).
«L'esprit de ces tyrans est impuissant, lâche,
étranger à toute pensée honnête. Us sont dignes
d'être les esclaves du peuple. Mais par la grâce
de Christ, je suis assez vengé par le mépris que
j'ai pour eux et pour Satan , leur dieu. ■ ( Fin de
décembre 1525).
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DE LUTHER. 215
CHAPITRE IV.
1524— lits?.
AUMjoes des rationalUtei contre Lather — Zwiagli ,
Bucer «etc. — Erasme»
Pendant cette terrible tragédie de la guerre
des paysans, la guerre théologique continuait
contre Luther. Les réformateurs de la Suisse et
du Rhin , Zwingli , Bucer , OËcolampade , parta-
geaient les principes théologiques de Garlostad ;
ils n'en différaient guère que par leur soumission
à Tantorité civile. Aucun d'eux ne voulait rester
dans les bornes que Luther prétendait imposera
h Réforme. Durs et froids logiciens, ike&çaient
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216 MÉMOIESS
chaque jour ce qu'il essayait de sauver, de la
vieille poésie chrétienne. Moins hardi , et plus
dangereux encore, le roi des gens de lettres , le
froid et ingénieux Érasme lui portait des coups
plus terribles.
Pendant long-temps, Zivingli et Bucer ( 1 ) , esprits
politiques, essayèrent de sauver à tout prix l'ap-
parente unité du protestantisme. Bucer, le grand
archiiecte de$ êubiHùés (Bossuet) dissimula quel-
que temps ses opinions aux yeux de Luther et se
fit même le traducteur de ses ouvrages allemands.
• Personne, dit Luther, personne n'a traduit en
latin mes ouvrages avec plus d'habileté et d'exac-
titude que maître Bucer. Il n'y mêle rien de ses
folies relativement au sacrement. Si je voulais
montrer mon cœur et ma pensée avec des mots,
je ne pourrais pas mieux faire. «
(i) he» énidita du seizième siècle tradaisaient ordinai-
rement en grec leur nom propre. Ainsi Kuhhorn (cortiede
vache) avait changé son nom en celui de Bucer, Haus-
chein (lumière domestique) se fit appeler OEcolampade,
Didier ( de desiderium , désir ) Erasme , Schwarc-Erde
(terre noire) Melanchton , etc. Luther et Zwingli, les
deux réformateurs populaires, gardent seuls le nom qn^ils
ont reçu, dans la langue vnlguire.
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Dl LUTHKR. 217
Ailleurs il semble s'être aperça de Tinfidélité
de la traduction. Le IS septembre 1637, il éorit
à on imprimeur, que Bucer en traduisant ses ou-
vrages en latin, ayait altéré certains passages de
mamère à lui fhire dire ce qu'il ne pensait pas.
« C'est ainsi que nous avons rendu les Pères hé-
rétiques. » Et il le prie, s'il réimprime le volume
oà se trouvent leschangemens de Bucer, défaire
lui-même une préface pour avertir le lecteur.
En 1527, Lutber écrivit contre Zwingli et 0£co-
lampade un livre où il les appelait nouveaux
wiclefistes et déclarait leurs opinions dangereu-
ses et sacrilèges.
Enfin, en 1528, il disait : • Je connais asseï
et plus qu'assez l'iniquité de Bucer , pour ne pas
m'étonner qu'il tourne contre moi ce que j'ai
écrit pour le sacrement... Que le Christ te garde,
toi qui vis au milieu de ces bêtes féroces, de ces
▼ipères, de ces lionnes, de ces panthères, avec
presque plus de danger que Daniel dans la fosse
aux lions.*
« Je crois Zwingli bien digne d'une sainte
haine, pour sa téméraire et criminelle manière
de traiter la parole de Bien. > (27 octobre 1527.)
^ • Quel homme que ce ZwingU, si ignorant
dans la grammaire et la dialectique pour ne rien
10
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218 HiMOIRES
dire des autres sciences! » (28 noyembre IWJ.)
Dans un second outrage qu'il publia contre
eux en 1528, il dit : « Je rejette et condamne
comme pure erreur toute doctrine qui parle du
libre arbitre. » C'était là sa grande querelle avec
Érasme. Elle avait commencé dès l'année 1525 ,
où Erasme publia son livre De liberoarbitrio; jus-
qu'alors ils avaient été en relations amicales.
Érasme avait plusieurs fois pris la défense de Lu-
ther, et celui-ci en retour consentait à respecter
la neutralité d'Érasme. La lettre suivante montre
que Luther croyait en 1524 avoir besoin de gar*
der encore quelques ménagemens.
€ Voilà asseï long-temps que je me tais, cher
Érasme ; et quoique j'attendisse que toi , le pre-
mier et le plus grand des deux , tu rompisses le si-
lence , j'ai cru que la charité même m'ordonnait de
commencer. D'abord je ne te reproche pas d'être
resté éloigné de nous , de crainte d'embarrasser
la cause que tu soutenais contre nos ennemis , les
papistes. Enfin , je ne me suis pas autrement fôché
de ce que, dans les livres que tu as publiés en
plusieurs endroits pour capter leur faveur ou
adoucir leur furie, tu nous as harcelés de quel-
ques morsures et piqûres assez vives. Nous voyons
que le Seigneur ne t'a pas donné encore l'éner-
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DB CVTHBE. 219
gie ou le sens qu'il faudrait, pour attaquer ces
monstres librement et courageusement, et nous
ne sommes pas gens à exiger de toi ce qui est au-
dessus de tes forces. Nous avons respecté en toi
ta fiedblesse et la mesure du don de Dieu. Le monde
entier ne peut nier que tu n'aies fait fleurir les
lettres, par où Ton arrive à la véritable intelli-
gence des Écritures, et que ce don de Dieu ne
soit en toi magnifique et admirable; c'est de quoi
il iaut rendre grâce. Aussi, n'ai-je jamais désiré
de te voir sortir de la mesure où tu te tiens pour
entrer dans notre camp ; tu y rendrais de grands
lerrices sans doute par ton tal ent et ton éloquence ;
mais, puisque le cœur fait défaut, mieux vaut
servir dans ce que Dieu t'a donné. On craignait
seulement que tu ne te laissasses entraîner par
nos adversaires à attaquer nos dogmes dans des
livres, et alors j'aurais été contraint de te résister
en face. Nous avons apaisé quelques-uns des nô-
tres qui avaient préparé des livres pour te traîner
dans l'arène. C'est pour cette raison que je n'au-
rais pas voulu voir publier VEspostulatio d'Hut-
ten, et encore moins ton Éponge d'Hutten, Tu as
pu, dans cette dernière circonstance, sentir par
toi-même combien il est aisé d'écrire sur la mo-
dération , et d'accuser l'emportement de Luther,
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^20 uiHOl&ES
mab difficile , impossible de pratiquer ces leçons,
sinon par un don singulier de l'esprit. Crois-le
donc, ou ne le crois pas, le Christ m'est témoin
que je te plains du fond de l'âme, à Toir tant de
haines et de passions irritées contre toi , desquel-
les je ne puis croire (ta yertuest humaine et trop
feible pour des tels orages) que tu ne ressentes
aucune émotion. Cependant peut-être les nôtres
sont poussés par un zèle légitime; il leur semble
que tu les as indignement provoqués... Pour moi,
quoique irritable et souvent entraîné par la colère
à écrire avec amertume, je ne Tai jamais fait qu'à
regard des opiniâtres. Cette clémence et cette
douceur envers les pécheurs et les impies , quel-
que insensés et iniques qu'ils puissent être , ma
conscience m'en rend témoignage, et je puis en
appeler à l'expérience de bien des gens. De même
j'ai retenu ma plume, malgré tes piqûres, jai
promis de la retenir, jusqu'à ce que tu te fusses
ouvertement déclaré. Car, quels que soient nos
dissentimens, avec quelque impiété ou quelque
dissimulation qne tu exprimes ta désapprobation
ou tes doutes sur les points les plus importans de
la religion , je ne puis ni ne veux t'accuser d'en-
tctement. Mais que &ire maintenant ? Des deux
côtés les choses sont très envenimées. Moi , je vou-
dby Google
DB LUTHIB. 221
draîfl, si je poavais servir de médiateur, qu'ils
cessassent de t'attaquer avec tant de furie , et lais-
sassent ta yieillesse s'endormir en paix dans le
Seigneur. Ils le feraient, je pense, s'ils considé-
raient ta faiblesse, et s'ils appréciaient la grandeur
de cette cause qui a depuis long-temps dépassé
ta petite mesure. Les choses en sont Tenues à ce
point qu'il n'y a guère de péril à craindre pour
notre cause , lors même qu'Érasme réunirait con-
tre nous toutes ses forces... Toutefois il y a bien
quelque raison, pour que les nôtres supportent
mal tes attaques; c'est que la faiblesse humaine
s'inquiète et s'efiraie de l'autorité et du nom d'É-
rasme; être mordu d'Érasme une seule fois, c'est
tout autre chose que d'être en butte aux attaques
de tous les papistes conjurés. Je voulais te dire
tout cela, cher Érasme , en preuve de ma can-
deur , et parce que je désire que le Seigneur t'en-
voie un esprit digne de ton nom. Si cela tarde ,
je demande de toi, que du moins, tu restes speo-
tateurde notre tragédie. Ne joins pas tes forces à
nos adversaires; ne publie pas de livres contre moi,
et je n'en publierai pascontretoi.Quant àceuxqui
se plaignent d'être attaqués au nom de Luther,
souviens-toi que ce sont des hommes semblables
à toi et à moi , auxquels il faut accorder indul-
10.
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222 MÉMOIKBS
genceet pardon, et que, comme dit saint Paul,
il nous faut porter le fardeau les uns des autres.
C'est assez de se mordre , il faut songer à ne pas
nous dévorer les uns les autres...» ( Avril 1524.)
A Borner. « Érasme en sait moins sur la prédes-
tination , que n'en avaient jamais su les sophistes
de rÉcole. Érasme n'est pas redoutable sur cette
matière , non plus que dans toutes les choses chré-
tiennes.
» Je ne provoquerai pas Érasme, et même, s^il
me provoque une fois, deux fois, je ne riposterai
pas. Il n'est pas sage à lui de préparer contre moi
les forces de son éloquence... Je me présenterai
avec confiance devant le très éloquent Érasme ,
tout bégayant que je suis en comparaison de lui;
je ne me soucie point de son crédit, de son nom,
de sa réputation. Je ne me fâche pas contre Mosel-
lanus de ce qu'il s'attache à Érasme plutôt qu'à
moi. Dis-lui même qu'il soit érasmien de toute sa
force.» (28 mai 1522.)
Ces ménagemens ne pouvaient durer. La pu-
blication du De lihero arbitrio, fut une déclara-
tion de guerre. Luther reconnut que la véritable
question venait d'être enfin posée. « Ce que j'es-
time , ce que je loue en toi , c'est que seul tu as
touché le fond de Tafiaire, et ce qui est letout des
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Al. LDTHIB. 223
chofles; je yeux dire : le libre arbitre. Toi» tu ne
me fatigues pas de querelles étrangères , de pa-
pauté, de purgatoire , d'indulgences et autres fa-
daises, pour lesquelles ilsm*ont relancé. Seul, tu
as saisi le nœud, tu as frappé à la gorge. Merci,
Érasme !... >
«Il estirréligieux, dis-tu, il estsuperflu, de pure
curiosité, de savoir si Dieu est doué de prescience,
si notre volonté agit dans ce qui touche le salut
étemel, ou seulement souffre Faction de la grâce;
si ce que nous faisons de bien ou de mal , nous le
faisons ou le souffrons!... Grand Dieu, qu'y aura-
t-il donc de religieux, de grave, d'utile ? Érasme,
Érasme , il est difficile d'alléguer ici Fignorance.
Un homme de ton âge , qui vit au milieu du peu-
ple chrétien, et qui a long-temps médité l'Écri-
ture ! il n'y a pas moyen de t'excuser , ni de bien
penser de toi... Eh quoi! vous , théologien, vous,
docteur des chrétiens, vous ne restez pas même
dans votre scepticisme ordinaire, vous décidez que
ces choses n'ont rien de nécessaire, sans lesquelles
il n'y a plus ni Dieu, ni Christ, ni Évangile, ni foi,
rien qui subsiste, je ne dis pas du christianisme,
mais du judaïsme! »
Mais Luther a beau être fort, éloquent, il ne
peut briser les liens qui l'enserrent! « Pourquoi ,
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224 MiHOiAis
dit Érasme, Dieu ne change-t-il paB leyice de no-
tre volonté, paùqu'elle n'est pas en notre pou-
Toir;ou pourquoi nous Timpute-t-il , puisque ce
yice de la volonté est inhérent à l'homme ?.. Le
vase dit au potier : Pourquoi m'avez-Tons fiiit
pour le feu étemel?... Si l'homme n'est pas libre,
que signifient pr^c6p/9^ action, récompens», enfin
toute la langue? Pourquoi ces mots: Convertissez-
vous , etc. »
Luther est fort embarrassé de répondre à tout
cela : « Dieu vous parle ainsi, dit il, seulement
pour nous convaincre que nous sommes impuis-
sans si nous n'implorons le secours de Dieu. Satan
dit : Tu peux agir. Moïse dit: Agis; pour nous con-
vaincre contre Satan que nous ne pouvons agir.»
Réponse, ce semble^ ridicule et cruelle; c'est lier
les gens pour leur dire, marchez, et les frapper
chaque fois qu'ils tombent. Reculant devant Jes
conséquences qa'Érasme tire ou laisse entrevoir,
Luther rejette tout système d'interprétation de
l'Écriture , et lui-même se trouve forcé d'y recou-
rir pour échapper aux conclusions de son adver-
saire. C'est ainsi , par exemple , qu'il explique le
Indurabo cor Pharaonù: « En nous, c'estp^-dire
par nous, Dieu Ceiît mal, non par sa faute, mais
par suite de nos vices; car nous sommes pécbeui&
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DB LVTHBR. 226
par nature, tandis que Dieu ne peutÊdre que le
bien. £n yertu de sa toute-puissance, il nous en-
traine dans son action, mais il ne peut faire, quoi-
qu'il soitlebien même, qu'un mauTaîs instrument
ne produise pas le mal. »
Ce dut être une grande joie pour Érasme, de
Toir l'ennemi triomphant de la papauté s'agiter
douloureusement sous les coups qu'il lui portait,
et saisir pour le combattre une arme si dangereuse
à celui qui la tient. Plus Luther se débat, plus il
prend avantage , plus il s'enfonce dans sa victoire,
et plus il plonge dans l'immoralité et le fatalisme ,
au point d'être contraint d'admettre que Judas
devait nécessairement trahir le Christ. Aussi Lu-
ther garda un long souvenir de cette querelle. Il
ne se fit point illusion sur son triomphe; la so-
lution du terrible problème ne se trouvait point,
il le sentait, dans son De iervo arbiirio, et jus-
qu'à son dernier jour le nom de celui qui l'avait
poussé jusqu'aux plus immorales conséquences
de la doctrine de la grâce , se mêle dans ses écrits
et dans ses discours aux malédictions contre les
blasphémateurs du Christ.
Il s'indignait surtout de l'apparente modéra-
tion d'Érasme, qui n'osant attaquer à sa base
rédifice du christianisme , semblait vouloir le dé-
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226 MÉMOIRSS
truire lentement, pierre à pierre. Ces détours,
cette conduite équivoque, n^allaient point à
rénergie de Luther. « Érasme, dit-il, ce roi
amphibole qui siège tranquille sur le trône de
Taraphibologie , nous abusé par ses paroles am-
biguës , et bat des mains quand il nous voit enla-
cés dans ses insidieuses figures , comme une proie /
tombée dans ses rets. Trouvant alors une occa-
sion pour sa rhétorique, il tombe sur nous à
grands cris, déchirant, flagellant, crucifiant, nous
jetant tout l'enfer à la tète, parce qu'on a com-
pris, dit-il, d'une manière calomnieuse, infâme
et satanique , des paroles qu'il voulait cependant
que l'on comprit ainsi... Voyez-le s'avancer en
rampant comme une vipère pour tenter les âmes
simples, comme le serpent qui sollicita Eve au
doute et lui rendit suspects les préceptes de
Dieu. » Cette querelle causa à Luther, quoi qu'il
en dise, tant d'embarras et de tourmens, qu'il
finit par refuser le combat, et qu'il empêcha ses
amis de répondre pour lui. « Quand je me bats
contre de la boue, vainqueur ou vaincu, je suis
toujours sali (1). >
(i) Hoc|8cio pro certo , quod , si cum stercore certo,
Vinco vel vincor, sempercgo maculor.
Digitizedby Google
DB LUTHBR. 227
« Je ne Toudrais pas, écrit-il à son fils Jean,
recevoir dix mille florins, et me trouver devant
notre Seigneur , dans le péril où sera Jérôme , en-
core moins dans celui d'Érasme.
> Si je reprends de la santé et de la force, je
veux pleinement et librement confesser mon
Dieu contre Érasme. Je ne veux pas vendre
mon cher petit Jésus. J'avance tous les jours
vers le tombeau ; c'est pourquoi je veux aupa-
ravant confesser mon Dieu à pleine bouche et
lans mettre une feuille devant. — Jusqu'ici j'ai
hésité, je me disais : Si tu le tues, qu'arrivera-
t-il ? J'ai tué Mûnzer dont la mort me pèse sur le
col. Mais je l'ai tué, parce qu'il voulait tuer mon
Christ. >
Au jour de la Trinité, le docteur Martin Lu-
ther dit : « Je vous prie, vous tous, pour qui
l'honneur de Christ et l'Évangile est une chose
sérieuse, que vous veuillez être ennemis d'É-
rasme... »
Un jour le docteur Luther dit au docteur Jo-
nas et au docteur Pomeranus, avec on grand et
sérieux zèle de cœur : « Je vous recommande
comme ma dernière volonté d'être terrible pour
ce serpent.... Dès que je reviendrai en santé , je
veox avec l'aide de Dieu, écrire contre lui, et le
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228 kAmoiris
tuer. Nous avoiu souffert qu'il se moquât de nous
et nous prit à la gorge, mais aujourd'hui qu'il
en veut faire autant au Christ, nous voulons
nous mettre contre lui... Il est rrai qu'écraser
Érasme , c'est écraser une punaise , mais mon
Christ dont il se moque m'importe plus que le
péril d'Érasme.
■ Si je vis, je veux avec l'aide de Dieu, purger
l'Église de son ordure. C'est lui qui a semé et fait
naitre Crotus, Egranus, Witieln, OEcolampade,
Campanus et d'autres visionnaires ou épicuriens.
Je ne veux plus le reconnaître dans l'Église, qu'on
le sache hien. »
Luther dit un jour en voyant le portrait d'É-
rasme. « Érasme , comme sa figure le montre , est
un homme plein de ruse et de malice, qui s'est
moqué de Dieu et de la religion. Il emploie
de belles paroles: « le cher Seigneur Christ, la
parole de salut, les saints sacremens, • mais il
tient la vérité pour une très froide chose. S'il
prêche , cela sonne faux , comme un vase fêlé. Il
a attaqué la papauté, et maintenant il tire sa tête
du lac. »
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DB LUTBBB. 229
CHAPITRE V.
1836—1590.
lage de Luther. Paurretë. Découragement. AbendoB.
Maladie- Croyance à la fin du monde.
ne la plus ferme aurait eu peine à rëtifl*
tant de secousses; celle de Luther faiblit
ornent après la crise de Tannée 1K25. Son
irait changé, et de la manière la plus triste.
[>sition d'Érasme signalait l'éloignement
)ns de lettres qui, d'abord, avaient servi si
mment la cause de Luther. Il avait laissé
^ponse sérieuse le livre De lihero arbùrio.Le
novateur, le chef du peuple contre Rome,
vu dépassé par le peuple , maudit du peu-
11
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230 uÉKOiass
pie, dans la £^acrre des paysans. Il ne faut pas
s'étonner du découragement qui s'empara de lui
à cette époqne. Dans cet affaiblissement de l'es-
prit , la chair redevint forte; il se maria. Les deux
ou trois ans qui suivent , sont une sorte d'éclipsé
pour Luther; nous le voyons généralement pré-
occupé de soins matériels, qui ne peuvent rem-
plir le vide qu'il éprouve. Enfin il succombe;
une grande crise physique marque la fin de cette
période d'atonie. Il est réveillé de sa léthargie
parle danger de l'Allemagne envahie par Soliman
(1529), et menacée par Charles-Quint dans sa li-
berté et sa foi à la diète d'Augsbourg (15S0).
« Puisque Dieu a créé la femme telle qu'elle
doit nécessairement être auprès de l'homme,
n^en demandons pas davantage, Dieu est de nôtre
côté. Honorons donc le mariage comme chose
honorable et divine.
» Ce genre de vie est 'le premier qui ait plu à
Dieu, c'est celui qu'il a perpétuellement main-
tenu, c'est le dernier qu'il glorifiera sur tout
autre. Oii étaient les royaumes et les empires,
lorsque Adam et les patriarches vivaient dans
le mariage? — De quel autre genre de vie dérive
l'empire sur toutes choses? Quoique par la ma-
lice des hommes les magistrats aient été obligés
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DB LUTHKB. 281
arper en grande partie, et que le mariage
îvenn un empire de guerre , tandis que
riage, dans sa pureté et sa simplicité est
re de la paix. > (17 janvier 1525.)
1 m'écris, mon cher Spalatin, que tu veux
onner la cour et ton office... Mon avis est
L restes, à moins que tu ne partes pour te
r... Pour moi, je suis dans la main de Dieu ,
e une créature dont il peut changer et re-
er le cœur, qu'il peut tuer ou vivifier, à
nstant et à toute heure. Cependant dans
où a toujours été et où est encore mon
je ne prendrai point de fenune, non que
sente ma chair et mon sexe, je ne suis ni
is ni de pierre, mais mon esprit n'est pas
3 au mariage, lorsque j'attends chaque jour
rt et le supplice des hérétiques. » (30 no-
pe 1524. )
e t'étonne pas que je ne me marie point ,
c famosus sum amator. Il faut plutôt s'éton-
ue moi, qui écris tant sur le mariage,
i suis sans cesse mêlé aux femmes, je ne
IS devenu femme depuis long^temps , sans
* de ce que je n'en aie épousé aucune. Ge-
int, si tu veux te régler sur mon exemple, en
un hien puissant. J*ai eu jusqu'à trois épou-
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232 tf£tfOIBB6
ses en même temps, et je lésai aimées si fort que j^en
ai perda deux qui vont prendre d'autres époux.
Pour la troisième, je la retiens à peine de la main
gauche, et elle ya s'échapper. ■ (16 avril 1525.)
A Amsdorf. • J'espère vivre encore quelque
temps, et je n'ai point voulu refuser de donner
à mon père l'espoir d'une postérité. Je veux d'ail-
leurs (aire moi-même ce que j'ai enseigné, puis-
que tant d'autres se sont montrés pusillanimes
pour pratiquer ce qui est si clairement dit dans
l'Évangile. C'est la volonté de Dieu que je suis; je
n'ai point pour ma femme un amour brûlant, dé-
sordonné, mais seulement de l'affection. > (21 juin
1525.)
Celle qu'il épousa était une jeune fille noble ,
échappée du couvent, âgée de vingt-quatre ans
et remarquablement belle; elle se nommait Ca-
therine de Bora; il paraît qu'elle avait aimé d'a-
bord Jérôme Baumgartner, jeune savant de Nu-
remberg. Luther écrivait à celui-ci, le 12 octobre
1524 : « Si tu veux obtenir ta Catherine de Bora,
hâte-toi , avant qu'on ne la donne à un autre, qui
l'a sous la main. Cependant elle n'a pas encore
triomphé de son amour pour toi. Moi, je me ré-
jouirais fort de vous voir unis. »
Il écrit à Stiefel, un an après le mariage (12
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DB LVTHBE. 283
tS26). «Catherine, ma chère eôiê, te aalme;
porte fort bien, grâce à Dieu; douce pour
béissante et &ci)e en toutes choses, au-delà
1 espérance. Je ncToudraispas changer ma
lié pour les richesse de Grésus. »
1er , en effet , était très pauTre alors. Préoc-
es soins de son ménage et de la iamille dont
ît bientôt se trouver chargé, il cherchait
ire un métier ; il travaillait de ses mains :
monde ne veut plus nous nourrir pour la
, apprenons à vivre de nos mains. > Il eût
sans doute, s'il avait pu choisir, quelqu'un
arts qu'il aimait , Fart d'Albert Durer et de
d Lucas Granach , ou la musique, qu'il ap-
la première science après la théologie;
n'avait point de maître. Il se fit tourneur,
fue parmi nousautres barbares il n'y a point
li d'esprit cultivé, moi et Wolfgang, mon
ur , nous nous sommes mis à tourner. » D
$a Wenceslas Link de lui acheter des in»-
ns à Nuremberg. Il se mit aussi à jardiner
tir : « J'ai planté un jardin, écrit-il à Spa-
j'ai construit une fontaine, et à Tim comme
re j'ai assez bien réussi. Viens et tu seras
Qué de lis et de roses. > (décembre 1525).
m d'avril 1837 , un abbé de Nuremberg lui
11.
1
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234 iiiiroiâis
fit présent d'une horloge . « Il faut , lui répon-
dit-il , que je me fasse disciple des mathémati-
ciens pour comprendre tout ce mécanisme ; car
je n'ai jamais rien Tttde pareil. » Et un mois après :
« J'ai recules instruroens pour tourner, et le ca-<
dran avec le cylindre et l'horloge de bois. Mais tu
as oublié de me dire combien il me restait à payer.
J'ai pour le moment assez d'outils , à moins que tu
n'en aies de nouvelle espèce qui puissent tourner
d'eux-mêmes pendant que mon serviteur ronfle
ou lève le nez en l'air. Je suis déjà maître passé
en horlogerie. Gela m'est précieux pour marquer
l'heure à mes ivrognes de Saxons, qui font plus
attention à leurs verres qu'à l'heure , et ne s'in-
quiètent pas beaucoup si le soleil , l'horloge ou
celui qui la règle, se trompent. > (19 mai 1527.)
« Mes melons ainsi que mes courges et mes ci-
trouilles croissent à vue d'œil. Tu vois que j'ai su
bien faire venir les graines que vous m'avez en-
voyées. > (2 juillet).
Le jardinage n'était pas une grande ressource.
Luther se trouvait dans une situation affligeante
et bizarre. Cet homme qui régentait les rois, se
voyait, pour les besoins de la subsistance jour-
nalière, dansia dépendance de l'Électeur. La nou-
velle église ne s'était affranchie de la papauté qu an
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DE L1ITHSB. 235
s^aflBojétiMaDt à Fautoriié civile; elle se voyait,
dès sa naissance, négligée, affamée parcelle-ci.
£n 1529, Lutber avait écrit à Spalatin qu'il
voulait résigner son revenu de couvent entre les
mains de l'Électeur. « ... Puisque nous ne lisons
plus, ni ne braillons, ni ne niessons, ni ne iai-
•ODS aucune chose de ce qu'a institué la fon->
dation, nous ne pouvons plus vivre de cet
argent; on a droit de le réclamer. • (novem-
bre 152S.)
« Staupitzne.paie encore rien de nos revenus...
Tous les jours les dettes nous enveloppent davan*
^e^j ^t je ^e sais s'il faut demander encore à l'É-
lecteur, ou laisser aller les choses, et que ce qui
périsse, périsse jusqu'à ce qu'enfin la misère me
force de quitter Wittemberg, et de faire satisfieic-
tionaux gens du pape etdel'Ëmpereur. » (novem-
bre 1523.) «Sommes^nous ici pour payer à tout le
monde, et que personne ne nous paie? Gela est
vraiment étrange. » (1°' février 152-4.) «Je suis de
jour en jour plus accablé de dettes. Il me faudra
chercher l'aumône de quelque autre manière. >
(34 avril 1524.) « Cette vie ne peut durer. Com-
ment ces lenteurs du prince n'exciteraient-elles
pas de justes soupçons! Pour moi, j'aurais depuis
long-temps abandonné le couvent pour me loger
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236 HiMoiRU
ailleurs , en vivant de mon travail (quoiqnlci je
ne vive pas sans travail non plus), si je n'avais
craint un scandale pour l'Évangile et même pour
le prince. • (fin de décembre 1524.)
• Tu me demandes huit florins, mais où les
prendrai-je ? Gomme tu le sais, il &ut que je vive
avec la plus stricte économie, et mon imprudence
m'a fait contracter cette année une dette de plas
de cent florins que je dois à l'un et à l'autre. J'ai
été obligé de laisser trois gobelets pour gage de
cinquante florins. Il est vrai que mon Seigneur,
qui avait ainsi puni mon imprudence , m'a enfin
libéré... Ajoute que Lucas et Christian ne veulent
plus m'accepter pour répondant , ayant éprouvé
que de cette manière ils perdent tout, ou épui-
sent jusqu'au fond de ma bourse. » (2 février 1527.)
< Dis à Nicolas Endrissus qu'il me demande
quelques exemplaires de mes ouvrages. Quoique
je sois très pauvre , cependant je me suis réservé
certains droits avec mes imprimeurs; je ne leur
demande rien pour tout mon travail , si ce n'est de
pouvoir prendre parfois un exemplaire de mes
livres. Ce n'est pas trop, je pense, puisque d'au-
tres écrivains, même des traducteurs reçoivent un
iucat par cahier. • (5 juillet 1527.)
t Qu'est-il arrivé, mon cher Spalatin, pour que
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DE LUTHEa. 267
ta m'écrÎTes ayec tant de menaces et d'an ton si
impérieax ? Johas n'a-t-il pas assez essayé tes mé-
pria et ceax de ton prince, pour que vous tous
acfaamiei encore sur cet homme excellent ? Je
connais le caractère du prince , je sais comme il
traite légèrement les hommes?... C'est donc ainsi
qae nous honorons FÉTangile, en refusant à ses
ministres une petite prébende pour rlyre... N'esta
ce pas une iniquité et une odieuse perfidie que de
lui ordonner de partir , et toutefois de faire en
sorte qu'on n'ait pas l'air de lui en avoir donné
l'ordre ? Et vous croyci que le Christ ne s'aper-
çoit paffde cette ruse ?... Je ne pense pas cepen-*
dant que nous ayons été pour le prince une cause
de dommage... Il en est venu dans sa bourse pas-^
sableroent des biens de ce monde , et il en vient
chaque jour davantage. — Dieu saura bien nous
repaître, si vous nous refusez l'aumône et quelque
maudite monnaie. — ... Cher Spalatin, traite-nous,
je te prie , nous les pauvres et les exilés de Christ,
avec plus de douceur, ou explique-toi nettement,
afin que nous sachions où nous allons, que nous
ne soyons plus forcés de nous perdre nous-mêmes
en suivant un ordre à double sens , qui , tout en
nous contraignant de partir, ne nous permet pas
de nommer ceux qui nous y forcent. » (27 novem-
bre 1524.)
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238 MiMOIBES
« Nous avons reçu avec plaisir, mon cher
Gérard Lampadarius , et la lettre et le drap ,
que tu nous as envoyés avec tant de candeur
d'âme et de bienveillance de cœur... Nous nous
servons constamment, et chaque nuit, de tes
lampes, ma Catherine et moi , et nous nous
plaignons ensemble de ne t'avoir pas fait de ca-
deau et de n'avoir rien à t'envoyer qui entretint
auprès de toi notre souvenir. J'ai grande honte de
ne t'avoir pas même fait un présent de papier,
lorsque cela m'était facile... Je ne laisserai pas de
t'envoyer au moins quelque liasse de livres. Je
t'aurais dès maintenant envoyé un Isaïe allemand
qui vient de naître , mais on m'a arraché tous les
exemplaires, et je n'en ai plus un seul. • ( 14 oc-
tobre 1528.)
A Martin Gorlitx , qui lui avait fait un présent
de bière. « Ta Gérés de Torgau a été heureu-
sement et glorieusement consommée. On l'avait
réservée pour moi et pour les visiteurs, qui ne
pouvaient se lasser de la vanter par-dessus tout
ce qu'ils avaient jaraab goûté. Et moi , en vrai
rustre, je ne t'en ai pas remercié encore, toi et
ton Émilia. Je suis un olxùhTxtlrnç si négligent de
mes affiiires, que j'avais oublié , et que j'ignorais
entièrement, que je l'eusse dans ma cave; c'est
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BB LUTHER. 239
mon serviteur qui me Ta rappelé. Salue pour moi
tous nos frères, et surtout ton Émilia et son fils,
la biche gracieuse et le jeune faon. Que le Sei-
gneur te bénisse et te fasse multiplier à milliers,
selon l'esprit comme selon la chair. • (15 janvier
1529.)
Luther écrit à Amsdorf qu'il va donner Fhos*-
pitalité à une nouvelle mariée. « Si ma Cathe-
rine accouchait en même temps, et que tout cela
vînt à coïncider, tu en deviendrait plus pauvre.
Geins-toi donc , non pas du fer et du glaive , mais
d'or et d'argent et d'un bon sac, à tout événement,
car je ne te lâcherai pas sans un présent. > (29
mars 1529.)
A Jonas. «J'en étais à la dixième ligne de ta
lettre quand on vint m'annoncer que ma Ketha
iii'avait*donné une fille. Gloria et lauêPatti in cœ-
iis. Mon petit Jean est sauvé, la femme d'Augustin
-ra bien; enfin Marguerite Mochinn a échappé
contre toute attente. £n compensation, nous
aTons perdu cinq porcs... Puisse la peste se con-
tenter de cette contribution. Ego sutn , qui sum
hactenùs , scUicet vt aposiolus , quasi moriuus ,
ei ecce vivo.^
ta peste régnait alors à Wittenberg. La femme
de Luther était enceinte, son fils malade de*
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240 MiMOIRBS
dente; deux femmes, Hanna et Hargaerite Ho-
chinn, avaient été atteintes delà peste. Il écrit à
Amsdorf: « Ma maison est devenue un hôpital.»
(!•' novembre 1557.)
« La femme de Georges, le chapelain, est morte
d'une feusse couche et de la peste... Tout le mon-
de était frappé de terreur. J'ai recueilli le curé
avec sa famille.» (4 novembre 1K27.) « Ton petit
Jean ne te salue pas, parce qu'il est malade mais
il te demande tes prières. Voici douie jours qu'il
n'a rien mangé . C'est une chose admirable com-
bien cet enfant a la volonté d'être gai et alègre
comme de coutume, mais l'excès de sa fai*
blesse ne le lui permet pas. On a ouvert hier l'a-
postèmede Marguerite Mochinn; elle commence
à se rétablir; je l'ai renfermée dans notre cham-
bre d'hiver , et nous , nous nous tenons dans la
grande salle de devant , Hânschen dans ma cham-
bre à poêle, et la femme d'Augustin dans la
sienne: nous commençons à espérer la fin de la
peste. Adieu, embrasse ta fille et sa mère, et sou-
venez-vous de nous dans vos prières.» (10 novem-
bre 1527.)
« Mon pauvre fils était mort , mais il est ressus-
cité ; depuis douze jours il ne mangeait plus.
Le Seigneur a augmenté ma hmille d'une petite
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BB LUTHXa. 241
fille. Nou» nous portons tous bien , à l'exception
de Luther lui-même qui, sain de corps, isolé du
monde entier souffre à Tintérieur, des atteintes
du diable et de tous ses anges. J*écris pour la se-
conde et la dernière fois contre les ;sacramen-
taires et leurs vaines paroles, etc. > (31 décembre
1527.)
• Ma petite fille Elisabeth est morte ; je m'é-
tonne comme elle m'a laissé le cœur malade , un
cœur de femme, tant je suis ému. Je n'aurais
jamais cru que l'âme d'un père fût si tendre pour
son enfant. > (5 août 1528.) «Je pourrais t'ap-
prendre ce que c'est qu'être père, prœseriim
sexûs, qui ultra filiorum casum eiiam habet mise-
ricordtam valdè moveniem,^ (5 juin 1330.)
Yers la fin de l'année 1527^ Luther lui-même
fat plusieurs fois très malade de corps et d'esprit.
Le27 octobre il termineainsiune lettre à Mélanch-
ton. « Je n'ai pas encore lu le nouvel ouvrage
d'Érasme, et que lirais-je, moi serviteur malade
de Jésus-Christ, moi qui suis à peine vivant? que
£ûre? qu'écrire? Dieu veut-il ainsi m'abimer
de tous les flots à la fois ? £t ceux qui devraient
avoir compassion de moi, viennent, après tant
de souffrances, me donner le coup de grâce!
Pause Dieu les éclairer et les convertir ! Âmen. »
TOMB 1 12
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242 «teôiEBS
Deux amis intimes de Luther, les docteur
Jean Bugenhagen et Jonas nous ont laissé la noi
suivante sur une défaillance qui surprit Luther
▼ers la fin de 1627. « Le samedi de la Visitation d
Notre-Dame (15S7), dans raprès-raidi, le docteu
Luther se plaignait de douleurs de tête et d
bourdonnemens d'oreilles d'une violence inex
primable. Il croyait y succomber. Dans la mâtiné
il fît appeler le docteur Bugenhagen pour se con
fesser à lui. Il lui parla avec effroi des tentation
qu'il venait d^éprouver, le supplia de le soutenir
de prier Dieu pour lui , et il termina en disant
« Parce que j'ai quelquefois l'air gai et joyeux
beaucoup de gens se figurent que je ne march
que sur des roses; Dieu sait ce qu'il en est dan
mon cœur. Je me suis souvent proposé, dans l'in
térét du monde , de prendre un extérieur pin
austère et plus saint (je ne sais trop commeii
dire), mais Dieu ne ma pas donné de faire comm
je voulais. »
• L'après-midi du même jour, il tomb
sans connaissance, devint froid, et ne donn
plus signe de vie. Quand il fut rappelé à lui
même, par les secours qu'on lui prodiguait, i
se mit à prier avec grande ferveur : « Tu sais
ô mon Dieu, disait-il, que j'eusse volontier
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DB LUTH». 243
rené mon sang pour U parole, mais tuas voulu
qu'il en fût autrement. Que ta yolonté soit faite!
Sans doute je n'en étais pas digne. La mort serait
mon bonheur; cependant, 6 mon Dieu, si tu le
roulais, je vivrais volontiers encore pour répan-
dre ta sainte parole et consoler ceux des tiens
qui faiblissent. Si mon heure est venue, néan-
moins, que ta volonté soit Caite! Tu es le maître
de la vie et de la mort.
» 0 mon Seigneur Jésu^-Ghrist, je te remercie
de m'avoir fait la grâce de connaître ton saint
nom. Tu sais que je crois en toi, au Père et au
Saint-Esprit; tu es mon divin médiateur et sau-
veur .. Tu sais, ô mon Seigneur, que Satan m'a
dressé maints pièges, pour tuer mon corps par
les tyrans et mon àme par ses flèches ardente»,
par ses tentations infernales. Jusquici tu m'as
protégé miraculeusement contre toutes ses fu-
reurs. Protége-moi encore, ô mon Seigneur fi-
dèle , si telle est ta volonté. •
» Ensuite il se tourna vers nous deux (Bugen-
hagen et Jonas) , et nous dit : • Le monde aime
le mensonge, et il y en aura baucoup qui diront
que je me suis rétracté avant de mourir. Je vous
demande donc instamment de recevoir ma pro-
fession de foi : je déclare, en conscience, avoir
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244 hAuoibis
enseigné la vraie parole de Dieu, comme le Sei-
gneur me Ta imposé et m'y a contraint. Oui ,
je le déclare , ce que j'ai prêché sur la foi , la
charité, la croix, le saint sacrement, et autres
articles de la doctrine chrétienne, est juste, bon
et salutaire,
» Beaucoup m'accusent d'avoir été trop vio-
lent et trop dur. Je l'avoue, j'ai quelquefois été
violent et dur envers mes ennemis. Cependant
je n'ai jamais recherché le préjudice de qui que
ce soit, bien moins encore la perdition d'aucune
âme. Je m'étais proposé d'écrire sur le baptême
et contre Zwingli, mais, à ce qu'il semble, IHeu
en a décidé autrement. ■
> Ensuite il parla des sectes qui viendront per-
vertir la parole de Dieu et qui n'épargneront pas ,
disait-il , le troupeau que le Seigneur a racheté
de son sang. Il pleurait en parlant ainsi. « Jus-
qu'ici , disait-il encore , Dieu m'a permis de lut-
ter avec vous contre ces esprits de désordre,
et je le ferais volontiers encore ; mais seuls, vous
serez trop faibles contre eux tous. Jésus-Christ
me rassure pourtant; car il est plus fort que Satan
et toutes ses armes : il est le Seigneur de Satan.»
> Quelque temps après, quand on l'eut un peu
réchauffé par des frictions et l'application de coua-
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DB LUTHER. 245
•1118 bien chauds, il demanda à sa femme : « Où
donc est mon petit cœur , mon bien-aimé petit
Jean ? • Quand l'enfant fut apporté, il sourit à
•on père qui se mit à dire les larmes aux yeux :
« 0 cher pauvre petit enfant, je te recom-
mande bien à Dieu, toi et ta bonne mère, ma
chère Catherine. Vous n'avez rien. Kais Dieu
aura soin de vous. Il est le père des orphelins et
des veuves. Conserve-les, ô mon Dieu , instruis-
les, comme tu m'as conservé et instruit jusqu'à
ce jour. » Ensuite il dit quelques mots à sa femme
au sujet de quelques gobelets d*argent. Tu sais,
ajouta-t-il , que nous n'avons rien que cela. •
» Un sommeil profond lui rendit des forces, et
le lendemain il se trouva beaucoup mieux. Il dit
alors au docteur Jouas : « Je n'oublierai jamais
la journée d'hier. Le Seigneur conduit l'homme
dans l'enfer et l'en retire. La tempête qui fondit
hier matin sur mon ame, a été bien plus terrible
que celle que mon corps a essuyée vers le soir,
Dieu tue et vivifie. Il est le maître de la vie et de
la mort. 9
» — Pendant près de trois mois, j'ai langui non
de corps mais d'esprit; au point que c'est à peine
M j'ai pu écrire quelques lignes. Ce sont là les
persécutions de Satan. • (8 octobre 1527.)
IS.
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246 MiHOiaES
«Je voudrais répondre aux sacrameutaires ;
mais si mon ame ne se fortifie , je ne suis capable
de rien. >(!'''' novembre 1537.) « Je n'ai pas en-
core lu Érasme ni les sacramentaires, si ce n'est
environ trois cahiers de Zwingli. C'est bien fait à
eux de me fouler aux pieds misérablement, afin
que je puisse dire avec Jésus-Cbrist : // a peraé-
euté le faible , le pauvre , celui jdoni la moiiifica^
tion avait brisé le cœur, » Seul je porte le poids
de la colère de Dieu, parce que j*ai péché envers
lui; le pape et César, les princes, les évéques, le
monde entier me hait et m'assaille : mais ce n'est
pas assez encore, si mes frères mêmes ne viennent
me tourmenter; mes péchés, la mort, Satan et
ses anges, sévissent sans interruption contre moi.
Et qu'est-ce qui me garderait , qui me consolerait,
si Christ lui-même m'abandonnait, lui pour qui
j'ai encouru leur haine? Mais il n'abandonnera
pas, à la fin dernière, le malheureux pécheur,
car je pense bien que je serai le dernier de tous
les hommes. Oh! plaise, plaise au ciel, qu'Érasme
et les sacramentaires éprouvent, un quart-d'heure
seulement, les misères de mon cœur! » (10 no-
vembre 1S27.)
« Satan me fait endurer de merveilleuses ten-
tations, mais les prières des saints ne m'abandon-
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BB tUTUA. 247
nent pas , quoique les blessures de mou cœur ne
soient pas faciles à guérir. Ma consolation, c'est
qu'il en est bien d'autres qui ont à liyrer les mêmes
combats. Sans doute il n'y a point de maux que
mes péchés n'aient mérités. Mais ma vie, ma force,
c'est que j'ai la conscience d'avoir enseigné pour
le salut de beaucoup la yraie et pure parole du
Christ; c'est lace qui brûle Satan; il voudrait me
voir , moi avec le Verbe , noyé et perdu. Aussi je
n'ai rien à souffrir des tyrans de ce monde, tan»
disque d'autres sont tués, brûlés, et meurent
pour le Christ; mais je n'en ai que plus à souf-
frir spirituellement du prince de ce monde. »
(21 août 1527.)
« Quand je veux travailler, ma tète est comme
remplie de tintemens, de tonnerres, et si je ne
cessais à Tinstant, je tomberais en syncope. Voici
le troisième jour que je n'ai pu même regarder
une lettre. Ma tête devient un petit chapitre, que
cda continue , et elle ne sera bientôt plus qu'un
paragraphe, qu'une phrase {oaput meum factum
eêt capUulum, perget vero fietque paragraphus ,
tandem perioduê),.. Le jour ou tes lettres m'arri-
▼èrent de Nuremberg, j'eus une visite de Satan;
3'étais seul; Vitus et Cyriacus étaient éloignés.
Cette fois il fut le plus fort , me chassa de mon
DigitizedbyVjOOÇlC
248 hAmoiabs
lit, me força d'aller chercher des visages d'hom-
mes, i (12mail5S0.)
« Quoique bien portant, je suis toujours ma-
lade des persécutions de Satan ; cela m^empéche
d'écrire et de rien faire. — Le dernier jour, je
le crois bien, n'est pas loin de nous. Adieu, ne
cesse de prier pour le pauvre Luther. » (28 fé-
vrier 1529.) — « On peut éteindre les tentations
de la chair, mais qu'il est difficile de lutter contre
la tentation du blasphème et du désespoir! Nous
ne comprenons point le péché, ni ne savons où
est le remède. > — Après une semaine de souf-
frances continuelles, il écrivait: « Ayant perdu
presque mon Christ , j'étais battu des flots et des
tempêtes du désespoir et du blasphème. > (2 août
1527.)
Au milieu de ces troubles intérieurs, Luther,
loin d'être soutenu et consolé par ses amis, les
voyait les uns tièdes eX timideiflent sceptiques ;
les autres, lancés dans la route du mysticisme que
lui-même leur avait ouverte, et s'éloignant de lui
chaque jour. Le premier qui se déclara fut Agri-
cola, le chef des Antinomiens (ennemis de la Loi).
Nous verrons au dernier livre combien cette po-
lémique, contre un ami si cher, troubla Luther
dans ses derniers jours.
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DB LVTHSm. 249
« Quelqu'un m*a fait an conte à ton sujet ,
mon cher Agricola , et il a insisté, jusqu'à ce que -
je lui eusse promis de t'en écrire et de m'en as-
surer. Ce conte , c'est que tu commencerais à met-
tre en avant que l'on peut avoir la foi sans les
œuvres, et que tu défendrais cette nouveauté en-
vers et contre tous , à grand renfort de mots grecs
et d'artifices de rhétorique... Je t'avertis de te dé-
fier des pièges de Satan... A quoi me suis-je jamais
moins attendu qu'à la chute d'0£colampade et
de Regius ? Et que n'ai-je pas à craindre mainte-
nant pour ces hommes qui ont été mes intimes?
Il n'est pas étonnant que je tremble aussi pour toi
que, pour rien au monde, je ne voudrais voir sé-
paré d'opinion. > (11 septembre 1528.)
« Pourquoi m'irriterais-je contre les papistes?
Tout ce qu'ils me font est de bonne guerre. Nous
sommes ennemis déclarés. Mais ceux qui me font
le plus de mal , ,ce sont mes plus chers enfans.
Fraterculi mei, aurei amicuU met, eux qui , si
Luther n'avait point écrit, ne sauraient rien de
Christ Qt de l'Évangile, et n'auraient pas secoué
la tyrannie papale; du moins, s'ils en eussent eu
le pouvoir, le courage leur aurait manqué. Je
croyait avoir jusqu'à présent souffert et épuisé
toutes les adversités, mais mon Absalon^ Feniant
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250 MiV0I&E9
de mon cœur, n'avait paa encore délaissé son
père; il n'avait point versé Tignominie sur David.
Mon Judas, la terreur des disciples de Christ, le
traître qui livra son maître, ne m'avait point en-
core vendu, et voici maintenant que tout cela a
été fait.
s — Il y a maintenant contre nous une persé-
cution clandestine, mais bien dangereuse. Notre
ministère est méprisé. Nou»-mômes nous sommes
hais, persécutés, on nous laisse périr de faim.
Voilà quel est aujourd'hui le sort de la parole de
Dieu; lorsqu'elle vient à ceux qui en ont besoin, ils
ne veulent pas la recevoir. Christ n'aurait point
été crucifié s'il était sorti de Jérusalem. Mais le
prophète ne veut point mourir hors de Jérusalem,
et cependant ce n'est que dans sa patrie que le
prophète est sans honneur. C'est ainsi qu'il en est
de nous... Il arrivera bientôt que tous les grands de
ce duché l'auront rendu vide de ministres de la pa-
role; ceux-ci seront chassés par la faim, pour ne
rien dire des autres injures.» (18 octobre lëâl.)
• Il n'y a rien de très certain sur les apparitions
dont on fait tant de bruit en Bohème; beaucoup
nient le Caiit. Quant au goufire qui s'est formé ici ,
sous mes propres yeux , le dimanche après rÉpi-
phanie , à huit heures du soir, c'est une chose cer-
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DB LUTinn. 251
tainé, et qui s'est rue en plusieurs endroits jusqu'à
la mer. De plus, en décembre, on a tu le ciel en feu
au-dessus de l'église de Breslaw, à ce que m'écrit
le docteur Hess; un autre jour, ajoute^t-il, on avu
deux charpentes embrasées, et, au milieu, une
tourelle de feu. C'est le dernier jour , si je ne me
trompe, qu'annoncent ces signes. L'Empire tombe,
leirois tombent, les prêtres tombent, et le monde
entier chancelle , comme une grande maison qui
va crouler, annonce sa ruine par des petites lézar.
des. Gela ne tardera point à moins que le Turc ,
ainsi qu'Ézéchiel le prophétise de Gog et de Magog,
ne se perde dans sa Tictoire et son orgueil , avec
le pape son allié. » (7 mars 1529.)
«Grâce et paix en notre Seigneur Jésus-Christ.
Le monde court à sa fin, il me vient souyent cette
pensée que le jour du Jugement pourraitbien ar-
river avant que nous eussions achevé notre tra-
duction de la sainte Écriture. Toutes les choses
temporelles qui y sont prédites se trouvent accom-
plies. L'Empire romain penche vers sa ruine , le
Turc est arrivé aucomble de sa puissance, la splen-
deur papale s'éclipse , le monde craque en tous
les coins comme s'il allait crouler. L'Empire , si
l'on veut, s'est relevé un peu sous notre empe-
reur Charles, mais c'est peut-être pour la dernière
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252 viMoiEBS
fois ; ne serait-ce pas comme la lumière qui , au
moment de s'éteindre pour toujours, jette une
vire et dernière flamme ?... »
• Le Turc Ta fondre sur nous; ce sera, je le
crois bien, le réformateur envoyé par la colère
de Dieu. » (Itt mars.)
< J'ai chez moi un homme arrivé à Venise,
qui affirme que le fils du doge est à la cour du
Turc : ainsi nous combattons jusqu'à présent
contre celui-ci, en attendant que le pape, les
Vénitiens, les Français, se soient ouvertement et
impudemment faits Turcs. Le même homme rap-
porte encore qu'il y avait dans l'armée du Fran-
çais, à Pavie, huit cents Turcs, dont trois cents
sont retournés sains et saufs dans leur pays, par
ennui de la guerre. Gomme tu ne m'écris pas ces
monstruosités, j'ai pensé que tu les ignorais;
pour moi elles m'ont été racontées et par écrit
et de vive voix , avec des détails qui ne me per-
mettent pas d'en douter. L'heure de minuit ap-
proche où l'on entendra ce cri : L'époux arrive ,
êoriez au-devant de lui. • (6 mai 1629.)
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BB LVTIRA. 253
ADDITIONS
n
ÊGLAIRGISSEMENS.
Page I , ligna 8. — Naissance., %
Cochlœus prétend que Luther fut engendré
par un incube. Lorsqu'il était moine , ajoute-t-il ,
il fut soupçonné d'avoir commerce avec le dia-
ble. Un jour, à réyangile, à l'endroit où il est
parlé d'un diable sourd et muet, forcé de quit-
ter le corps d'un possédé, Luther tomba en
criant : Non 8um, non sum. — Bans un sermon
au peuple, il dit que lui et le diable se connais-
li
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254 MfaioiRis
saient de longae date , qu'ils étaient en relations
habituelles, et que lui, Luther, avait mangé
plus d'un grain de sel avec Satan. — Cochlœus,
Vie de Luther, préface et pages 1 et 2. — Voir le
chapitre du diable dans noire second volume.
Des Espagnols, qui se trouvaient à la diète
d'Augsbourg ( 15S0) croyaient sérieusement que
Luther avec sa femme devaient engendrer l'Anti-
Christ. Luth. Werke, 1. 1, p. 415.
Jules-César Yanini , Cardan et François Junc-
tinus, trouvèrent dans les constellations qui
avaient accompagné la naissance de Luther,
qu'il devait être un archi-hérétique et un archi-
scélérat. Tycho-Brahé et Nicolas Prûckcr, au
contraire , déclarèrent qu'il était né sous un très
heureux signe.
Plusieurs de ses ennemis le disaient sérieuse-
ment fils et disciple du diable. B'autres préten-
daient qu'il était né en Bohème, parmi les Hus-
sites. Il s'exprime ainsi dans une de ses lettres,
au sujet de cette dernière assertion : « Il est un
noble et célèbre comté, du nom de Mansfeld,
situé dans l'évéché de Halberstadt et la princi-
pauté de Saxe. Presque tous mes seigneurs me
connaissent personnellement, ainsi que mon
père. — Je suis né à Eisieben, j'ai été élevé à
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Dl LDTBBA. 255
Hansfeld, instruit à Magdebourg et à Eisenach,
fait MaUre et moine augustin à Ërfurt, docteur
à Wittemberg, et dans toute ma vie je n'ai pas
approché de la Bohême plus près que Dresde. »
(Ukert, Biogr, de L., t. Il, p. 66.)
Page 3 • ligoo tj. ^Martin Luther.,,
LothariuSi lut-her, leute-herrf chef des hommes,
chef du peuple?
Page 9 , ligne 19. — Tentations,,..
« Quand j'étais jeune , il arriva qu'à Eisleben,
à la Fête-Dieu, j'allais avec la procession en habit
de prêtre. Tout-à-coup la vue du Saint-Sacrement,
que portait le docteur Staupitz , m'effraya telle-
ment, que je suai de tout mon corps, et crus mou-
rir de terreur. La procession finie, je me confessai
au docteur Staupitz, et lui racontai ce qui m'était
arrivé. Il me répondit : « Tes pensées ne sont pas
selon le Christ, Christ n'eSraie point ; il console.»
Cette parole me remplit de joie et me fut d'une
grande consolation. » (Tischreden, p. 133, verso).
« Le docteur Martin Luther racontait que, lors-
qu'il éta>M cloître à Ërfurt, il avait dit une fois
au doctetti i^taupitz : < Ah! cher seigneur docteur,
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258 HÉMOIABS
DOtre Seigneur-Dieu agit d'une manière si terrible
avec les gens? Qui peut le serrir, s'il frappe ainsi
autour de soi ? » A quoi il nie répondit : « Mon
cher , apprenez à mieux juger de Bien ; s'il n'agis-
sait pas ainsi, comment pourrait-il dompter les têtes
dures ? il doit prendre garde aux grands arbres
de crainte qu'ils ne montent jusqu'au ciel. >
(Tischreden , page l&O, verso.)
Dans sa jeunesse, lorsqu'il étudiait encore à
Ërfurt, Luther fut atteint d'une très grave ma-
ladie ; il croyait qu'il en mourrait. Un vieux curé
lui dit alors , au rapport de Matthésius : « Prenez
courage , mon cher bachelier, vous ne mourrez
point cette fois; Dieu fera encore de vousun grand
homme qui consolerabeaucoup de gens. • (Ukert*
1. 1, p. 318.)
Luther avait difficilement supporté les obliga»
tiens qu'imposait la vie monastique. Il raconte
comment , au commencement de la Réforme , il
tâchait encore de lire régulièrement ses Heures
sans y parvenir. < Quand je n'aurais fait autre chose
que délivrer les hommes de cette tyrannie , on
me devrait de la reconnaissance. » (Tischreden •
page 150.)
Cette répétition constante et à hettrë fixe des
mêmes méditations, cette matérialisation de la
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DB LUTH8&. 267
prière , qui pesait tant au génie impatient de Lu-
ther, Ignace de Loyola, contemporain du réfor-
mateur allemand , la mettait alors plus que ja-
mais en honneur dans ses singuliers Exercices re-
ligieux,
«A Erfurt, Luther lut la plupart des écrits qui
nous restent des anciens latins, Gicéron, Virgile»
Tite-Live... A Tâge de vingt ans décoré du titre
de maitre-è»-arts, et, d'après Tayis de ses parens,
il commença à s'appliquera la jurisprudence... Au
courent d'£rfurt , il excitait Tadmiration dans
les exercices publies, par la facilité avec laquelle
il se tirait des labyrinthes de la dialectique... Il
lisait avidement les prophètes et les apôtres, puis
les livres de saint Augustin, son Explication de$
psaumes et son livre De VesprU et de la lettre : il
apprit presque par cœur les Traités de Gabriel
Biel et de Pierre d'Ailly, évêque de Gambray; il
lut assidûment les écrits d^Occam , dont il préfé-
rait la logique à celle de Thomas et de Scot. Il lut
beaucoup aussi les écrits de Gerson, et par-dessus
tout ceux de saint Augustin. > (Fie de Luther, par
Melanchton. )
page SI, ligne lO. — Trente cardinaux enunefoit.,.,
Cest trente et un cardinaux qui furent créés
18.
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268 MivoiABS
le 13 juin 1817. Le mêniejoar,an orage renrena
l*ange qui est au haut du château Saint- A^^fir® «
frappa un enfant Jésut dans une église et fit tom-
ber les clés de la statue de saint Pierre. (Ruchat,
I , S6; d'après Hotting., 19)
Pag0 SI, ligne iG^-^TeUel.,.
11 ens^gnait dans ses prédications que si quel-
qu'un avait violé la sainte Vierge , son péché lui
serait pardonné en vertu des indulgences; que la
croix rouge qu'il plantait dans les églises, avait
autant de vertu que celle de Jésus-Christ; qu'il
avait phis converti de gens par ses indulgences,
que saint Pierre par ses sermons ; que l^s Saxons
n'avaient qu'à donner de l'argent , et que leurs
montagnes deviendraient des mines d'argent, etc.
{Luther ade. Brunwic. Seckendorf. hist. Luthe-
ranismi, livre I, S 16 , etc.)
Comme concession indirecte, les catholiques
^abandonnèrent Tetzel. Miltitz écrivit à Pfeffinger^
un des ministres de l'Électeur : i Les mensonges
et les fraudes de Tetzel me sont assez connus; je
lui en ai fait de vi& reproches, je les lui ai prou«
vés en présence de témoins. J'écrirai tout aupon^
tife , et j'attendrai sa sentence. D'après une lettre
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INI LUTHBB. 259
d'un &ctear de la banque des Fugger, chargé de
tenir compte de l'argent des indalgences, je l'ai
Gonvaincu d'avoir reçu par mois quatre-vingts
florins pour lui-même et dix pour son serviteur ,
outre ce qpi'on lui payait pour se défrayer lui et
les siens, et pour la nourriture de trois chevaux.
Je ne compte pas là-dedans ce qu'il a volé on dé-
pensé inutilement. Vous voyez comment le nnsé-
nMe a servi la sainte Église romaine et l'archevê-
que de Mayence, mon très clément seigneur. »
(Seckendorf , livre I, p. 6â,)
Page sa, ligne |5. — Il /ut saisi d'indignation.,,
■ Lorsque j'entrepris d'écrire contre la gros-
sière erreur des indulgences, le docteur Jérôme
Schurf m'arrêta et me dit : < Voulez- vous donc
écrire contre le pape ? Que voulez- vous iaire ? on
ne le souffrira pas. — £h quoi ! répondis-je ; s'il
fallait qu'on le souffrît ? » (Tischreden, 384 verso.)
Page s3, ligne i.-^ S'adressa à lévéque de
Brandebourg.»,
8a lettre à Vévêque de Brandebourg est assex
méticuleuse; ses paroles, pleines de soumission,
sent loin d'annoncer les violences qui vont faien-
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260 vivoiBCf
tôt éclater. Il lui envoie ses propositions, oh
plutôt ses doutes; car il ne veut rien dire ni
dans un sens ni dans l'autre , jusqu'à ce que
l'Église ait prononcé. Il blâme les adversaires
du saint-siége. a Que ne disputent-ils aussi de la
puissance , de la sagesse et de la bonté de celui
qui a donné ce pouvoir à l'Église?» Il loue la dou-
ceur et l'humilité de l'évêque ; il l'engage à pren-
dre la plume et à efiacer ce qu'il lui plaira , ou à
brûler le tout. (Luth. Werke, IX ; p. 64.)
Fage a8« ligne a6. — Sermon sur l'indulgence
et la grâce»*»
Dans les cinq premiers paragraphes, dans le
sixième surtout, qui est très mystique, il expose
très clairement la doctrine de saint Thomas; il
prouve ensuite , par l'Écriture , contre cette doc-
trine, que le repentir et la conversion du pé-
cheur peuvent seuls lui assurer le pardon de ses
péchés. — S IX. «Quand même l'Église déclarerait
aujourd'hui que l'indulgence efface les péchés
mieux que les œuvres de satisfaction, il vau-
drait mille fois mieux, pour un chrétien, ne
point acheter l'indulgence, mais plutôt faire
les œuvres et souffrir les peines; car l'indul-
gence n'est et ne peut être qu'une dispensa
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DB LUTHBE. 201
de bonnes œuvres et de peines salutaires. » —
|Xy. < Il est meilleur et plus sûr de donner pour
la construction de saint Pierre que d'acheter
l'iudulgence prêchée à ce sujet. Vous devez avant
tout donner à votre pauvre prochain , et s*il n'y
a plus personne dans votre ville qui ait besoin
de votre secours, alors vous devez donner pour
les églises de votre ville... Mon désir, ma prière
et mon conseil sont que personne nachète
Tindulgence. Laissez les mauvais chrétiens l'a»
cheter; que chacun marche pour soi. » —
S XYIII. «Si les âmes peuvent être tirées du pur»
gatoire par Fefficacité de l'indulgence , je n'en sais
rien, je ne le crois même pas; le plus sûr est de
recourir à la prière... Laissez les docteurs scolas-
tiques rester scolastîques; ils ne sont pas assez,
tous ensemble, pour autoriser une prédication. »
€e morceau, très court, semble moins un
sermon que des notes sur lesquelles Luther de-
vait parler. (Luth. Werke, VII, p. i.)
Page 3o« ligua is.— £«-on X-..
> Autrefois, le pape était extrêmement or-
gueilleux , et méprisait tout le monde. Le cardi-
nal-légat Gaietano me dit à Augsbourg , < Quoi !
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262 KÉHOIRBS
tii crois que le pape se soucie de l'Allonagne?
Le petit doigt da pape est plus puissant que toofl
vos prinees. > — ^ « Quand on présenta au pape
mes premières propositions sur les indulgences,
il dit < C'est d'un Allemand ivre, laissez-le se
dégriser, et il parlera autrement » C'est avec ce
ton de raillerie qu'il méprisait tout le monde. >
Luther ne fut point en reste avec les Italiens;
il leur rendit énergiquement leur mépris c Si oe
Sylvestre ne cesse de me provoquer par ses niai-
series, je mettrai fin au jeu, et lâchant la hrideà
mon esprit et à ma plume , je lui montrerai qu'il
y en a , en Allemagne , qui comprennent ses ruses
etcelles de Rome ; et Dieu veuille que cela vienne
bientôt! Depuis trop long-temps, les Romains,
avec leurs jongleries, leurs tours et leurs détours,
s'amusent de nous comme de niais et deboufibns.»
(P' septembre 1518.)
< Je suis charmé que Philippe (Mélanchton)
ait éprouvé par lui-même le génie des Italiens.
Cette philosophie ne veut croire qu'après expé-
rience. Pour moi , je ne pourrais plus me fier à
aucun Italien , pas même au confesseur de l'Em-
pereur. Mon Caietano m'aimait d'une telle amitié,
qu'il aurait voulu verser pour moi tout le sang
qui coule dans mes veines. Cesont des drôles.
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D« LUTBIH. 263
L'Italien , quand il est bon , est très bon ; mais c'est
un prodige qui ressemble beaucoup à celui du
cygne noir.* (SI juillet 1530.)
< Je soubaite à Sadolet de croire que Dieu est
le père des bommes, même bors de ritalie;mai8
les Italiens ne penrent se mettre cela dans l'es-
prit » (U octobre 1539.)
« Les Italiens , dit Hutten , qui nous accusaient
d'être irapuissans à produire ce qui demande du
génie, sont forcés d'admirer aujourd'bui notre
Albert Durer, si bien que , pour mieux vendre
leurs ouvrages, ils les marquent de son nom.
(Hutten, III, 76.)
Page 3o, ligne l4* — Fra Luther est un beau génie.,»
Bien avant 1523 , le seigneur Conrad Hofmann
engageait l'arcbevéque deMayence à pourvoir aux
affaires de la religion , de crainte qu'il ne s'éle-
vât un grand incendie. Il répondit : « C'est
une affaire de moines, ils l'arrangeront bien eux-
mêmes. >
Page 33, ligoe t^,^- Ce prince, soit par intérêt pour sa nouueU»
université..».
L'université de Wittemberg écrivit à l'Élec-
teur, lui demandant sa j^otection pour le plus
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264 M&II0IEB8
illustre de ses membres, (p. 55. Seckendorf.) La
célébrité croissante de Lutber amenait à Wittem-
berg un concours immense d'étudians. Luther dit
lui-même : Studium nostrum more formicarum fer-
vet. Un auteur presque contemporain écrit :
«J'ai appris de nos précepteurs que des étudians
de toutes nations Tenaient à Wittemberg pour en-
tendre Luther et Mélanchton; sitôt qu'ils aperce-
raient la ville, ils rendaient grâces à Dieu, les
mains jointes ; car de Wittemberg , comme autre-
fois de Jérusalem , est sortie la lumière de la vé-
rité évangélique , pour se répandre de là jus-
qu'aux terres les plus lointaines. (Seul têtus in
annalibus, an 1S17 , p. 16, 17. Cité par Secken-
dorf, p. 89.)
Toutefois, la protection de l'Électeur n'était
point très généreuse, « Ce que je t'ai déjà dit, mon
cher Spalatin, je te le dis et le répète encore ;
cherche bien à savoir si c'est l'intention du prince
que cette académie s'écroule et périsse. J'aimerais
fort à le savoir , pour ne pas retenir inutilement
ceux que chaque jour on appelle ailleurs. Ce bruit
s'est déjà tellement accrédité , que ceux de Nu-
remberg sollicitent pour laire venir Mélanchton ,
tant ils sont persuadés que cette école est déser-
tée. Tu sais cependant qu'on ne peut ni ne doit
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!>■ LUTHEB. 265
contraindre le prince.» (1"" noYembre 15W.)
Après la mort de l'Électeur, Luther envoya
à Spalatin un plan pour Torgainisation de Funi-
vendté. (SO mai 1525.)
Pa{;e 13, ligae i5. — L*av<Ui toujours protégé,
L'Électeur écrit lui-même à Spalatin , l'affaire
do notre Martin ya bien . Pfeffînger a bonne es-
pérance. (Seckendorf , p. 53.)
Il fit dire à Luther qu'il avait obtenu du légat
Caietano que celui-ci écrirait à Rome pour que
l'on remit à de certains juges le soin de décider
Ta&ire; que jusque là il patientât, et que peut-
être les censures ne viendraient point. (Secken-
dorf, p. 44.)
PtfpB 34, ligne i8.— £a suinte Écriture parle avec une telle
majesté qu'elle n'a pas besoin,.,,
Schenk avait été chargé d'acheter des reliques
pour l'église collégiale de Wittemberg; mais, en
1520, la commission fut révoquée , et les reliques
renvoyées en Italie pour y être vendues à quel-
que prix que ce fût. « Car ici, écrit Spalatin, le
l>as peuple les méprise, dans la ferme et très lé-
gitime persuasion qu'il suffit d'apprendre de l'É-
14
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266 MÉM0I£B8
Griture à avoir foi et confiance en Dieu, et à aimer
son prochain. » (Maccrée, p. 87, d'aprèi la vie de
Spalatin parSchlegel,p, B9. Seckendorf.!. p, SÛ3.)
page 38, ligne xi.— Xe légat Caietano...
Extrait d'une relation des conférences du car-
dinal Caietano avec Luther.
Luther ayant déclaré que le pape n'avait de
pouvoir que «a/t^d 5rtp<uni, le cardinal se moqua
de ces paroles, et lui dit : « Ne sais-tu pas que le
pape est au-dessus des conciles? N'a- 1- il pas
tout récemment condamné et puni le concile de
Bâle ? » Luther : « Mais l'université de Paris en
a appelé. » Le Cardinal : » Ceux de Paris seront
punis également. > Plus tard , Luther ayant cité
Gerson , le cardinal lui répliqua : « Que m'im-
portent les Gersonistes? > Sur quoi Luther lui de-
manda qui donc étaient les Gersonistes? « £h!
laissons cela , > dit le cardinal , et il se mit à par-
ler d'autre chose.
Le cardinal envoya au pape la réponse de
Luther par un courrier extraordinaire. Il fit aussi
dire à Luther, parle docteur Wenceslas, que
pourvu qu'il voulût révoquer ce qu'il avait avancé
sur les indulgences, l'afiaire serait tout arrangée.
dby Google
DB LVTHSR. 267
« Car, ajoata-t-il, l'article sur la foi nécessaire
pour le saint sacrement pourrait bien se laisser
interpréter et tourner. »
Pendant que Luther était à Augsbourg, il fut
souyent prié de prêcher dans cette ville, mais il
refusa constamment, avec civilité; il craignait
que le légat ne crût qu'il le ferait pour railler
et le braver.
Luther dit en s'en retournant d'Augsbourg:
■ Que s'ils avait quatre cents têtes , il voudrait
plutôt 1^ perdre toutes que de révoquer son
article touchant la foi. » — « Personne en Alle-
magne, dit Hutten, ne méprise plus la mort que
Luther. »
Bans la Protestation qu'il rédigea après ses
conférences avec Gaietano , il offrit à celui-ci
d'exposer ses opinions dans un mémoire , et de les
soumettre au jugement des trois universités de
Bâie, de Fribourg (en Brisgaw) et de Louvain;
même, si on le demandait, au jugement de l'u-
niversité de Paris, « estimée de tout temps la plus
chrétienne et la plus savante. »
Lettre de Luther à l'électeur de Saxe pour se
défendre contre les accusation du cardinal Gaie-
tano. ( 19 novembre 1S18.)« Une chose m'afiUge
vivement , c'est que le seigneur légat parle ma-
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268 HiMonBS
licieusement de votre Grâce électorale comme û
je me fondais sur eUe en entreprenant toutes cef
choses. Il y a de même des menteurs parmi nous
qui avancent que c'est d'après l'exhortation et
le conseil de votre Grâce que j'ai commencé à
discuter la question des indulgences; et cepen-
dant il n'est personne , parmi mes plus chers amis,
qui ait été instruit d'avance de mon dessein ex-
cepté messeigneurs l'archevêque de Magdebourg
et l'évéque de Brandebourg...»
Page 46 « ligne >>• -—Examiner Vaffiùre par des jugmt
non suspects-. o
Les légats se réduisaient à demander qu'on
brûlt les livres de Luhter. « Le pape , disaient-ils .
ne vei ^. pas souiller ses mains du sang de Luther,»
(Luth, ipera, IL) *
Pane 48 1 ligoa t5*—MiUtts changea de ton..'
En llSâO, les adversaires de Luther s'étaientSivi-
sés en deux partis, réprésentés par Eck éi Hiltîtz.
Le premier , qui a disputé publiquement contre
Luther , croit son honneur et sa réputation de
théologien engagés à obtenir une rétractation
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m LtTinut. 2S9
formelle de Luther ou sa condamnation par le
pape comme hérétique. £ck pousse aux mesures
TÎolentes. Miltitz, au contraire, qui est l'agent
direct du saint-siége, Toudrait concilier les choses.
Il accorde tout à Luther , parle comme lui ,. mê-
me de la papauté, et ne lui demande que le si-
lence.
Le SO octobre 1520 , il écrit que , si Luther s'en
tient à ses promesses, il le délivrera de la bulle ,
qui ne doit avoir son effet que dans quatre mois.
Le même jour il écrità l'Électeur pour lui deman-
der de l'argent afin qu'il ait de. quoi envoyer à
Rome pour se faire, près du pape, des patrons
pour combattre les malicieuses délations et les
honteux mensonges d'£ck contre Luther. Il l'in-
vite à écrire lui-même au pontife , et à envoyer
aux jeunes cardinaux , parens du pape , deux ou
trois pièces d'or à son effigie et autant en argent
afin de se les. concilier. Enfin il le supplie de lui
continuer sa pension et de lui donner à lui-même
quelque chose; car ce qu'il avait reçu , on le lui
a volé.
Le lA octobre, il écrit que Luther consent à
se taire si ses adversaires veulent garder le si-
lence. Il promet que les choses n'iront pas comme
Tespèrent £ck et sa faction, il engage encore
14.
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270 xiHOIBBf
rÉlecteur à envoyer quarante on cinquante flo-
rins au cardinal quaiuor Sanciarum (Seckendorf,
1. 1, p. M.)
Ce Miltitz était un assez bon compagnon. Dans
une lettre à l'Électeur, où il réclame le paiement
de sa pension , il raconte qu'étant à Stolpa j
avec l'éyéquede Misnie, ils buTaient joyeusement
ensemble lorsque sur le soir on apporta un petit
livre de Luther, contre l'official de Stolpa; Té-
véque s'indigna , l'official jura; mais lui , il ne fit
qu'en rire, comme fit plus tard le duc George
qui s'en amusa beaucoup. (1510.) (Seckendorf»
l.I,p.98.)
Le docteur Wolfigang Reissenbach raconte
que Luther et Hiltitz , l'un avec trente chevaux ,
l'autre accompagné de quatre seulement, vin-
rent le 11 octobre, à Lichtenberg; qu'ils y vé-
curent joyeusement, son économe leur fournis-
sant en abondance tout ce qui était nécessaire. Il
ajoute qu'il avait mieux aimé se trouver absent »
parce qu'il n'aime pas Miltitz qui lui a fait perdre
six cents florins. (Seckendorf, 1. I, p. 99.)
Miltitz finit dignement : on dit qu'un jour
après de copieuses libations, il tomba dans le
Rhin près de Mayence et s'y noya. Il avait alors
sur lui cinq cents pièces d'or. (Seckendorf, 1. 1,
p. 117.)
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»■ LDTHBH. 271
Pafc 48 , Ugn« i8.— £«/ acova ^v'// avait ênUvi te monda
a soi'.»
Les livres de Luther avaient en effet déjà une
grande vogue. Jean Froben , célèbre imprimeur
de Bâle, lui écrivit le lA février 1519 que ses 11-
Tres sont lus et approuvés, à Paris même, et ju^
que dans la Sorbonne; qu'il ne lui reste plus un
seul exemplaire de tous ceux qu'il avait réimpri-
més à Bâle; qu'ils sont dispersés en Italie, en Espa-
gne et ailleurs, partout approuvés des docteurs.
(Seckendorf, LI,p.68.)
Psgo 5o, l!gn« S. -^Non content d^ aller se défendre
à Leipstg-..
Voyage de Luther àLeipsig: €ll|y avait d'abord
Carlostad seul sur un chariot, et précédant tous
les autres; mais une roue s'étant brisée près de
l'église Saint Paul,il tomba, etcettechute futcon-
sidérée comme un mauvais présage pour lui. Puis
venait le chariot de Bamim , prince de Poméra-
BÎe, qui alors étudiait à Wittemberg et portait le
titre de recteur honoraire. A ses côtés étaient Lu-
ther et Mélanchton; un grand nombre d'étudians
dby Google
272 MÉMOIRES
do Wittemberg accompagnaient en armes la voi-
ture. . (19 juin 1519.) (Seckendorf, 1. I, p. M.)
Eck raconte son entrevue avec Luther (qu'il
appelle Lotier, en allemand un vagabond, un
pendard). « Luther vint en grande pompe à
Leipsig, avec deux cents étudians de Wittem-
berg, quatre docteurs, trois licenciés, pluâeurs
maîtres et un grand nombre de ses partisans ; le
docteur Lang d'£rfurth, Egranus, un prédica-
teur de Gorlitz , un bourgeois d'Anneberg , des
schismatiques de Prague et des picards (hussites),
qui vantent Martin comme un grand docteur de
vérité, comme l'égal de leur Jean Huasinetz. La
dispute fut arrêtée pour le âO juin; j'accordai
que ceux de Leipsig ne seraient pas juges, quoi-
qu'ils fussent bien disposés pour moi. Par toute
la ville il n'était bruit que de ma défaite, et per-
sonne n'osait me faire société. Moi, comme un
vieux docteur, j'étais là pour faire tète à tons.
Cependant le prince m'envoya un bon cerf et
donna une biche à Garlostad , contre lequel je
devais aussi disputer. La citadelle fut magnifi-
quement préparée pour nous servir de champ de
bataille. Le lieu était gardé par soixante-seize sol-
dats pour nous défendre en cas de besoin, contre
les insultes de ceux de Wittemberg et des Bohé-
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M LrTRFE. 273
miens... Quand Luther entra, je tis bien quil
ne voulait pas disputer... Il refusa de reconnaître
aucune espèce de jugées. Je lui proposai les com-
missaires du prince (le duc Géorgie ) , l'université
de Leipsig, ou toute autre université qu'il vou-
drait choisir en Allemagne , ou si TAllemagne lui
semblait trop petite, en Italie, en France, en
Espagne. Il refusa tout. Seulement à la fin il con-
•entît à convenir d'un juge avec moi , et à dis-
puter , pourvu qu'il lui fût permis de publier en
allemand les actes de la conférence. Je ne pouvais
accorder cela. Je ne sais maintenant quand nous
commencerons Le sénat qui craint que ceux
deWittemberg n'exécutent leurs menaces, a,
la nuit dernière, garni de soldats les maisons
voisines. ■ (Seckendorf , 1. p. 85-6.)
Kosellanus^ professeur de langue grecque à
Leipsig et qui fut chargé d'ouvrir les conféren-
ces par un discours au nom du prince, rapporte
dans une lettre à Pirkheimer, qu'on avait enfin
choisi pour juges des docteurs d'£rfurth et de
Pans. Mosellanus est favorable à Luther, oc £ck ,
dit-il , par ses cris , sa figure de soldat, ses regards
de travers , ses gestes d'histrion , semblait un petit
furieux... se vantant sans cesse, affirmant des
choses fausses, niant impudemment des choses
vraies... » (Seckendorf, L I, p. 90.)
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274 MÉHOIRtS
Ptf* 5o« lignt II. •!>« prince qui U prot^eait.^,.
Luther ne dut plus douter de la protection de
FÉlecteur, lorsque Spalatin, le confident de ce
prince, traduisit en allemand et publia son livre
intitulé : Consolation à tous les chrétiens, (fé-
Triorl5ÎO.)
Payt^So, ligne 14.— Povr qu'ils vitissemt disputer apec iui...
A cette époque, Luther, encore peu arrêté dans
ses idées de réforme , cherchait à s'éclairer sur
ses doutes par la discussion ; il demandait , il sol-
licitait les conférences publiques. Le 15 janvier
1520, il écrivit à l'Empereur :
<K Voici bientôt trois ans que je souffre des co-
lères sans fin, et d'outrageantes injures, que je
suis exposé à mille périls et à tout ce que mes
adversaires peuvent inventer de mal contre moi.
En vain j'ai demandé pardon pour mes paroles,
en vain j'ai offert de garder le silence , en vain
j'ai proposé des conditions de paix , en vain j'ai
prié que l'on voulût bien m'éclairer si j'étais dans
l'erreur. L'on n'a rien écouté; l'on n'a fait qu'une
chose, préparer ma ruine et celle de l'Évangile.
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DB LUTHSK. 275
Puisque j'ai yainement tout tenté jusqu'à pré*
sent, je veux, à l'exemple de saint Athanase, in-
voquer la majesté impériale ; j'implore donc hum-
blement votre Majesté , Charles , prince des rois
de la terre , pour qu'elle ait pitié , non pas de
moi, mais de la cause de la vérité, pour laquelle
seule il vous a été donné de porter le glaive.
Qu'on me laisse prouver ma doctrine; je vain-
crai, ou je serai vaincu; et si je suis trouvé im-
pie ou hérétique , je ne veux point de protection
ni de miséricorde. » (Opéra latina Lutheri. Wit-
temb., 11,42.)
Le 4 février , il écrit encore à Parchevéque de
Mayence et à Tévéque de Mersebonrg des lettres
pleines de soumission et de respect, où il les sup-
plie de ne pas croire les calomnies que l'on ré-
pand sur son compte ; il ne demande qu'à s'in-
struire, qu'à éclaircir ses doutes. (Luth, opéra,
II, 44.)
Page 53, ligne %5"^ Lorsque la buiU.,.
Les cicéroniens de la cour pontificale, les Sa-
dolets, etc., avaient déployé toute leur science,
toute leur littérature pour écrire la bulle de
Léon X. Leur belle invocation à tous les saints
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276 MiHoiBss
cooire Luther rappelle éyidemment la fameute
péroraison du discours de Gicéron, De Signù,
dans laquelle il adjure tous les dieux de venir
témoigner contre Verres qui a outragé leurs au-
tels. Par malheur, les secrétaires du pape, plus
préoccupés des formes oratoires de l'antiquité
que de l'histoire de l'Église , ne s'étaient point
aperçus qu'ils évoquaient contre Luther celui
même sur lequel s'appuyait Luther : « Exsurge ,
tu quoque ^ qtiœsutnu$, Paule , qui Ecclesiatn iuà
dodrinâ illustrasti. Surgit novut Porphyriua,.. —
( Lutheri opéra , II , 52. )
Léon X , en condamnant dans cette bulle les
livres de Luther , lui offrait de nouveau un sauf-
conduit pour se rendre à Rome , et promettait
de lui payer ses frais de voyage.
Les universités de Louvain et de Cologne ap-
prouvèrent la bulle du pape , et s'attirèrent ainsi
les attaques de Luther. Il les accusa d'avoir in-
justement condamné Occam, Pic de la Miran-
dole, Laurent Yalla, Jean Reuchlin. Pour aflbi-
blir, dit Cochlœus, l'autorité de ces universités,
il les attaquait sans cesse dans ses livres , mettant
en marge, lorsqu'il rencontrait un barbarisme
ou quelque chose de mal dit : comme à Louvain,
comme à Cologne , lovanialiter , colonialiter, etc.
(Cochlœus, p. S2.)
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DB tUTH9B. 277
A Cologne, à Mayence, et dans tous les états
héréditaires de Charles V, on brûla, dès ISaO,
les livres de Luther. (Cochlaeus, p. 25.)
Pag» 5$, ligne i5. — jiucun d'eux plus êloqurnnment,
que lui:.
n écrivait le 29 novembre 1521 aux Augustîns,
de Wittemberg : « Je senà chaque jour combien
il est difficile de déposer les scrupules que Ton a
conservés long-temps. Oh ! qu'il m'en a coûté de
peine, quoique j'eusse l'Écriture de mon côté
pour me justifier par-devant moi-même de ce que
seul j'osai m'élever contre le pape et le tenir pour
PAntichrist! Quelles n'ont pas été les tribulations
de mon cœur! que de fois ne me suis-je pas op-
posé avec amertume à cet argument des papistes :
« Es-tu seul sage ? Tous les autres se tromperaient-
ils, se seraient-ils trompés depuis si long-temps?
que sera-ce si tu te trompes et que tu entraines
dans ton erreur tant d'âmes qui seront éternelle-
ment damnées ? Ainsi je me débattais avec moi-
même, jusqu'à ce que Jésus-Christ, par sa propre
et infaillible parole, me fortifiât et dressât mon
cœur contre cet argument , comme un rivage de
Tome I 16
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278 niMoiuBS
rochers , dressé contre les flots, se rit de toates
leurs fureurs... » (Luth. Briefe, t. II, p. 107.)
P«g« 59, ligne iSm^Il se Jbndait alors sur suint JfeoH,,»
«Il faut procéder dans rÉvangile de saint
Jean, d'après un tout autre point de vue que
dans les autres évangélistes. L'idée de cet évan-
gile , c'est que Thomme ne peut rien, n'a rien de
soi-même, qu'il ne tient rien que de la miséricorde
devine... Je le répète , et le répéterai : Celui qui
veut s'élever à une pensée , à une spéculation
salutaire sur Dieu, doit tout subordonner à l'hu-
manité du Christ. Qu'il se la représente sans cesse
dans son action ou dans sa passion, jusqu'à ce que
son cœur s'amollisse. Alors qu'il ne s'arrête pas
là, qu'il pénètre et pousse plus lois la pensée:
ce n'est pas par sa volonté, mais parcelle de Dieu
le Père , que Jésus fait ceci et cela. C'est là qu'il
commencera à goûter la douceur infinie de la
volonté du père, révélée dans l'humanité du
Christ»
Fag« €3« ligne 7. — On s'arrachait ses pamphlets^.
Le célèbre peintre Lucas Cranach Caiisait des
gravures pour les opuscules de Luther. (Secken-
dorf , p. 1^.)
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DK7i.VTHia* 279
Pagt G4 • UgM 6- ~ Si quelque impHmêur mppartmit du soin
aux ouvrag0s des papistes , on le tourmentait'^
De même à Augsbonrg. La confession d'Angs-
bourg fut imprimée et répandue dans toute UAl-
l«magne avant la fin même de la diète ; la réfuta-
tiondescatholiquesdontrEmpereuraTaitordonné
rimpression, fat remise aux imprimeurs, mais
ne parut pas. Aussi Luther, reprocliant aux ca-
tholiques de ne pas oser la publier, appelle cette
réfutation, un oiseau de nuit, un hibou, une chauve-
êouris {noetua et veêpertilio) (Cochlœus,202.)
P«g« A4 JigiM 19. .- Luther avaifjkii appel à la noblesse. .
« A ta Migesté impériale et à la noblesse chré-
tienne de la nation allemande, le docteur Martin
Luther. (1520.)
> Grâce et force de notre Seigneur Jésus... Les
Komanistes ont habilement élevé autour d'eux
trois murs au moyen desquels ils se sont jusqu'ici
protégés contre toute réforme, au grand préjudice
de tonte la chrétienté. D'abord ils prétendent que
le pouvoir spirituel est au-dessus du pouvoir tem-
porel; ensuite, qu'au pape seul il appartient d'in*
Digitized by VjOOÇIC
280 KiMOt&BS
terpréter la Bible; troisièmement, que le pape
seul a droit de convoquer un concile.
• Sur ce, puisse Dieu nous être en aide et nous
donner une de ces trompettes qui renversèrent
jadis les murs de Jéricho, pour souffler bas ces
murs de paille et de papier» mettre en lumière
les ruses et les mensonges du diable, et recou*
vrer par pénitence et amendement la grâce de
Dieu. Commençons par le premier mur.
» Premier mur.,. Tous les chrétiens sont de con-
dition spirituelle, et il n'est entre eux d'autre
différence que celle qui résulte de la différence
de leurs fonctions, selon la parole de l'apôtre
(I. Cor. xu), qui dit c que nous sommes tous un
même corps, mais que chaque membre a un of-
fice particulier, par lequel il est utile aux au-
tres. 9
> Nous avons tous le même baptême , le même
Évangile, la même foi, et nous sommes tous égaux
comme chrétiens Il devrait en être du curé
comme du bailli, que pendant ses fonctions il soit
au-dessus des autres; déposé, qu'il redevienne ce
qu'il a été , simple bourgeois. Les caractères t*-
délébilês ne sont qu'une chimère... Le pouvoir se»
culier étant institué de Dieu , afin de punir les
méchana et de protéger les bons, son ministère
Digitizedby Google
QB LVTHBE. 281
devrait s'étendre sur toute la chrétienté, sans con-
sidération de personne, pape, éTéque, moine,
religieuse au autre , n'importe... Un prêtre a-t-il
été tué : tout le pays est frappé d'interdit. Pour^
quoi n'en est-dl pas de même après le meurtre
d'un paysan ? B'oii vient une telle différence entre
des chrétiens que Jésus-Chrbt appelle égaux? Uni-
quement des lois et des inventions humaines...
• Deuxième mur.,. Nous sommes tous prêtres.
L'apôtre ne dit-il pas (I. Gor.n) : « Un homme
êpiniuel juge toutes choses et n'est jugé par per->
sonne ? » Nous avons tous un même esprit dans la
foi, dit encore l'Évangile; pourquoi ne sentirions»
nous pas , aussi bien que les papes qui sont sou-
vent des mécréans, ce qui est conforme ou con-
traire à la foi ?
B Trtneième mur... Les premiers conciles ne
furent pas convoqués par les papes. Celui de Ni-
eée lui-même fut convoqué par Tempereur Con-
stantin Si les ennemis surprenaient une ville,
l'honneur serait à celui qui, le premier, crierait
aux armes! qu*il fût bourgmestre ou non. Pourquoi
n'en serait-41 pas de même de celui qui ferait senti-
nelle contre nos ennemis de l'enfer, et, les voyant
s'avancer , rassemblerait le premier les chrétiens
contre eux ? Faut-il pour cela qu'il soit pape?... ■.
15.
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282 vivoiAEs
Voici en résumé les réformes que propose
Luther : Que le pape diminue le luxe dont il est
entouré , et qu'il se rapproche de la pauvreté de
JésufrChrist. Sa cour absorbe des sommes im-
menses. On a calculé que plus' de trois cent mille
florins allaient tous les ans d'Allemagne à Rome.
Douze cardinaux suffiraient, et ce serait au. pape
à les nourrir. Pourquoi les Allemands se laissa
raient-ils dépouiller par les cardinaux qui enva-
hissent toutes les riches fondations , et qui en
dépensent les revenus à Home? Les Français ne
le souffrent pas. — Que l'on ne donne plus rien
au pape pour être employé contre les Turcs; oe
n'est qu'un leurre, un misérable prétexte, pour
tirer de nous de l'argot — Qu'on cesse de lui
reconnaître le droit d'in • estiture. Rome attire
tout à soi par les pratiques les plus impudentes,
n est en cette ville un simple courtisan qui po§-
sède vingtrdeux eures, sept prieurés et quarante-*
quatre prébendes, etc.
Que l'autorité séculière n'envoie plus à Rome
à*annaieif comme on fait depuis cent ans. —
Qu'il suffise , pour l'installation des évéqnes •
qu'ils soient confirmés par les deux évéques les
plus voisins, ou par leur archevêque, conformé*
ment au concile de Nicée. — «Je veux seole^
Digitizedby Google
hm LDTBBK. 9jB3
ment, en écriTant ceci, Cèdre réfléchir ceux qui
sont disposés à aider la nation allemande à rede-
venir chrétienne et libre après le déplorable
l^nremement du pape, ce gouyernement anti-
chrétien. «
Moins de pèlerinages en Italie. — Laissons s'é-
teindre les ordres mendians. Us ont dégénéré et
ne remplissent pas le but de leurs fondateurs. —
Permettre le mariage des prêtres. — Supprimer
un grand nombre de fêtes, ou les faire coïncider
avec les dimanches. Abolir les fêtes de patronage,
si préjudiciables aux bonnes mœurs. — Suppri-
mer des jeûnes, t Beaucoup de choses qui ont été
bonnes autrefois ne le sont plus à présent. » —
Éteindre la mendicité. Que chaque commune soit
tenue d'avoir soin de ses pauvres. — Béfendre de
fbnder des messes privées. — Examiner la doc-
trine des Bohèmes mieux qu'on n'a fait, et se join-
dre à eux pour résister à la cour de Rome. — ^Abo-
lir les décrétales. — Supprimer les maisons de
prostitution.
« Je sais encore une autre chanson sur Rome
et les Romanistes; si l'oreille leur démange , je la
leur chanterai aussi , et je monterai jusqu'aux der-
niers octaves. Me comprends-tu , Rome ? » (Luth.
WeAe, VI, 644-568.)
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284 Mixoi&Bs
P âge 66. Itg. 4* " ^^ "« voudrais pas çu'on^t servir à la eaus»
de l' Évangile la violence et le meurtre,.»
n voulait que VAllemagne se séparât paisible-
ment du saint-siége : c'est en ce sens qu'il écrivit
en 1520 à Charles-Quint et aux nobles allemands
pour les engager à renoncer à Fobédience de
Rome. «L'Empereur, disait-il, a égal pouvoir
sur les clercs et sur les laïques; le dilTérence en-
tre ces deux états n'est qu'une fiction, puisque,
par le baptême , nous devenons tous prêtres. •
(Luthçri opéra, II, p. 20.)
Cependant, si l'on en croit l'autorité assex sus-
pecte, il est vrai, de Cochlœus, il aurait, dès
cette époque même, prêché la guerre contre
Rome. — « Quç TEmpereur, les rois, les princes
ceignent le glaive et frappent cette peste du
monde. Il faut en finir par l'épée , il n'y a point
d'autre remède. Que veulent dire ces hommes per-
dus, privés de sens commun : que c'est là ce que
doit faire PAntichrist. Si nous avons des potences
pour les voleurs , des haches pour les brigands,
des bûchers pour les hérétiques , pourquoi n'au-
rions-nous pas des armes pour ces maîtres de
perdition , ces cardinaux , ces papes, toute cette
dby Google
ra iVTBBA. 285
tourbe de la Sodome romaine qui corrompt l'É-
glise de Dieu ? pourquoi ne laverions-nous pas
nos mains dans leur sang ?» Je ne sais de quel
ouvrage de Luther Gochlœus a tiré ces paroles,
(page M.)
Page 66, ligne 25. — ffullen... pour Jbrmer une Uguê entre
les villes et les nobles du Bhin,,%
Dès TouTerturede la diète, il s'était enquis au-
près de Spalatin de la conduite que l'Électeur
tiendrait en cas de guerre. On avait lieu de croire
qu'il soutiendrait son théologien , la gloire de son
université. « Qui ignore, lui écrit Luther, que
le prince Frédéric est devenu, pour la pro-
pagation de la littérature, l'exemple de tous
les princes? Votre Wittemberg hébraïse et hel-
lénise avec bonheur. Les préceptes de Minerve
y gouvernent les arts mieux que jamais, la vraie
théologie du Glt^ist y triomphe. » Il écrit à Spa-
latin (S octobre 1K20:) «Plusieurs ont pensé
que je devais demander à notre bon prince de
m'obtenir un édit de l'Empereur, pour que per-
sonne ne pût me condamner sans que j'eusse été
cmiTaincu d'erreur par l'Écriture. Examine si
cela est à propos. » On voit par ce qui cuit que
dby Google
286 iitooimu
Lather croyait aiuri pouvoir compter sur la sym-
pathie des peuples de l'Italie. « Au lieu de livres,
j'aimerais mieux qu'on pût multiplia les livres
vivans, c'est-à-dire les prédicateurs. Je t'envoie
ce qu'on m'a écrit d'Italie sur ce sujet. Si notre
prince le voulait , je ne crois pas qu'il pût entre-
prendre d'œuvre plus digne de lui. Le petit peu-
ple d'Italie y prenant part, notre cause en rece-
vrait une grande force. Qui sait, Dieu peut-être
les suscitera. Il nous garde notre prince, afin de
faire agir la parole divine par son intermédiaire.
Vois donc ce que tu pourras fiûre de ce côté pour
la cause du Christ. »
Luther n'avait pas négligé de s'attirer l'af-
fection des villes : nous le voyons à la fin de
l'an 1520 solliciter de l'Électeur une diminution
d'impôts pour celle de Kemberg. < Ce peuple ,
écrit-il, est misérablement épuisé par cette détes-
table usure Ce sont les prêtrises, les offices du
culte, et même quelques confréries, qu'on nour-
rit de ces impôts sacrilèges et de ces rapine» im-
pies. •
Fage 67, ligne 18. — Buntschuh, — Soulier d'allUnce...
Le sabot servait déjà de ngne distinctif au
douiième siècle. SabaitUi était un nom des Yau-
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DB LVTHSB. &87
dois. ( Voy. Dufresne, Glossar. a«i mot Sahaiaiù)
Pag« 68* lign« 9. — Pour U décider à prendrêlet
mrmes:.
« L'audace des romanistas augmente, écrit-il 9
Hutten; car, comme ils disent, tu aboies, mais
tu ne mords point. » (Opéra Hutten, lY , 306.)
Un autre littérateur , Helius Eobanus Bessus, le
presse de s'armer pour Luther. « Franx y sera
pour nous soutenir, ei^tous deux, je le prédis,
▼ous serex la foudre qui écrasera le monstre de
Rome. > (Hutten op. lY , 309.)
Page 66, ligne »6. -^ Sa^f-condutu,^
«Charles, par la grâce de Dieu, etc. Révérend,
cher et pieux docteur! Nous et les États du saint*
Empire, ici rassemblés, ayant résolu de nous, in-
former de ta doctrine et des livre que tu as
publiés depuis un certain temps , nous t'avons
donné et t'envoyons ci -joints la garantie et le
sauf- conduit de l'Empire pour venir ici et re-
tourner ensuite en lieu de sûreté; c'est notre vo*
lonté très précise que tu te rendes auprès de nocw
dans les vingt et un jours que porte ledit sauC-
Digitizedby Google
288 HiMOIRBt
conduit, sans craindre violence ni dommage aï
cun... Donné en notre ville libre de Worms, 1
sixième jour du mois de mars 1521, dans la»
conde année de notre rogne. Signé de la mat
de Varchichancelier, . (Luth. Werke, IX , p. 10€
Page 7», lîgae 55. — J'avais tiré un grand éclat
de tout cela.-
Spalatin raconte dans ses annales (p. 50) qi
le second jour où Luther avait comparu, l'éle
teur de Saxe, revenant de la maison de la vill<
fit appeler Spalatin dans sa chambre et lui e
prima dans quelle surprise il était : « Le doctei
Martin a bien parlé devant l'Empereur et les pri
ces et états de l'Empire, seulement il a été trc
hardi. » (fifarheinecke , histoire de la Réfoi
ma, 1,264.)
« Cependant Luther recevai continuelleme
la visite d'un grand nombre de princes , de co
tes et autres personnes de distinction. Lemercrc
suivant (huit jours après sa première compai
tion) il futinvité par Farchevêque de Trèveî
se rendre chez lui. Il y vint avec plusieurs de
amis et y trouva, outre l'archevêque, le mj
grave de Brandebourg, le duc George de Sai
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Dl LUTHIE. 289
le grand-iDaitre de l'ordre Teutonique, et un
grand nombre d'ecclésiastiques. Le chancelier du
margrave de Bade prit la parole , et l'engagea,
avec beaucoup d'éloquence, à entrer dans de meil-
leures voies; il défendit Tautorité des conciles et
essaya d'alarmer Luther sur l'influence que son
livre de la Liberté chrétienne allait avoir sur le
peuple , déjà si disposé à la sédition. « Il faut au-
jourd'hui des lois et des établissemens humains ,
dit-il ; nous ne sommes plus au temps où tous les
6dè1es n'étaient qu'un cœur et un esprit. » Il
finit par menacer Luther de la colère de l'Empe-
reur qui allait infailliblement l'accabler. — Lu-
ther , dans sa réponse , remercia les assistans de
l'intérêt qu'ils prenaient à lui et des conseils
qu'ils lui faisaient donner. Il dit qu'il était loin
de blâmer tous les conciles, mais que celui de
Constance avait condamné formellement un ar-
ticle de la foi chétienne ; qu'il ferait tout plutôt
que de rétracter la parole de Dieu, qu'il prêchait
sans cesse au peuple la soumission à l'autorité,
mais qu'en matière de foi il fallait obéir à Dieu
plutôt qu'aux hommes. Gela dit, il se retira et les
princes délibérèrent. Quand il fut rappelé , lé
chancelier de Bade répéta une partie de ce qu'il
avait déjà dit et l'exhorta finalement à soumettre
16
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290 ninoiRBa
sea livres au jugement de Sa Majesté et de l'Em-
pire. Luther répondit, avec modestie, quHl ne lui
convenait point de se soustraire au jugement de
l'Empereur, des Électeurs et des États qu'il ré-
vérait; il voulait s'y soumettre, mais à la condition
que Texamen se ferait selon le texte de l'Écriture
sainte : « Car, ajouta-t-il, ce texte est si clair pour
moi que je ne puis céder, à moins qu'on ne prouve,
par l'Écriture même , l'erreur de mon interpré-
tation. » Alors les princes se retirèrent pour se
rendre à la maison de ville, et l'archevêque resta
avec son officiai et Gochlœus pour renouveler ses
tentatives auprès de Luther, qui avait de son
côté le docteur Schurff et Nicolas Amsdorf. Tout
échoua.
Néanmoins l'Empereur, à la prière de l'arche-
vêque , prolongea de deux jours le sauf-conduit
de Luther pour donner le temps d'entamer de
nouvelles conférences. Il y en eut encore quatre,
mab elles n'eurent pas plus de succès. » (Luth.
Werke,IX, 110.)
Pige 8s, ItgM 9* — Dtms la dernière eonfirencê»..
Luther termina cette conférence en disant:
« En ce qui touche la parole de Dieu et la foi,
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DB LUTHBa. 291
tout chrétien est juge lui-même, auasi bien que
le pape, car il faut que chacun vive et meure
selon cette foi. La parole de Bieu est une pro-
priété de la commune entière. Chacun de ses
membres peut l'expliquer. • Je citai à l'appui,
Gûntinue Luther, le passage de saint Paul, I.
Cor. ziT, où il est dit : Revelaium asêidenti êi fuerU,
prior iaceai. Ce texte prouve clairement que le
maître doit suivre le disciple, si celui-ci entend
mieax la parole de Dieu. Ils ne purent réfuter
ce témoignage, et nous nous séparâmes. » (Luth.
Wcrke, IX,p.ll7.)
f «f» 99 , ligM 93 • — // trouuM pêH de livrés d W^aHbourg»
Use mit à V étude du grec et deChéùreu,,»
C'est là qu'il commença -sa traduction de la
Bible. Plusieurs versions allemandes en avaient
été déjà publiées à Nuremberg, en U77, U8S,
1490, et à Augsbourg en 1518; mais elles n'é-
taient point faites pour le peuple. (Nec legi per-
mittebantur, nec ob styli et typorum horridita-
tem satisfacere poterant. Seckendorf , lib. I, 204.)
Avant la fin du quinzième siècle, TAllemagne
poaiédait au moins douze éditions de la Bible en
langue vulgaire, tandis que l'Italie n'en avait
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202 MiMOlRBS
encore que deux , et la France une seule. ( Jon
hisi. de la Réforme à Strasbourg.)
Les adversaires de la Réforme contribuai e
eux-mêmes à augmenter le nombre des Bibles (
langue vulgaire. Ainsi Jérôme Emser publia ui
traduction de FÉcriture pour Fopposer à celle i
Luther. (Gocblœus, 50.) Celle de Luther ne p
rut complète qu'en 15S4.
Le seul institut de Ganstein à Halle, imprim
dans l'espace de cent ans, deux millions de Bibk
un million de Nouveaux Testamens et autant i
Psautiers. (Ukert, t. n, p. 339.)
« J'avais vingt ans, dit Luther lui-même, qi
je n'avais pas encore vu de Bible. Je croyais qu
n'existait d'autres évangiles ni épitres que cell
des sermonaires. Enfin , je trouvai une Bible dai
la bibliothèque d'Erfurt, et j'en fis souvent le(
ture au docteur Staupitz avec grand étonm
ment...» (Tischreden, p. 255.)
« Sous la papauté, la Bible était inconnue ai
gens. Carlostad commença à la lire lorsqu'il iu
déjà docteur depuis huit ans.» (Tischreden, p. i
verso. )
«A la diète d'Augsbourg(1530), l'évêque i
Mayence jeta un jour les yeux sur une Bibl
Survint par hasard un de ses conseillers qui 1
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1>m LUTHXA.
dit : « Gracieux teigneur , que fait de ce liyre vo-
tre Grâce électorale?» A quoi il répondit: «Je
ne sais quel livre c'est ; seulement tout ce que j*y
trouve est contre nous. « — Le docteur Usingen,
moine augustin , qui fut mon précepteur au cou-
vent d*£rfurt, me disait , quand il me voyait lire
la Bible avec tant d'ardeur : « Ah! frère Martin,
qu'est-ce que la Bible ? On doit lire les anciens
docteurs qui en ont sucé le miel de la vérité. La
Bibte est la cause de tous les troubles. « ( Tis-
chred. , p. 7.)
Selneccer, contemporain de Luther, rapporte
que les moines, voyant Luther très assidu à la lec-
ture des livres saints, en murmurèrent et lui dirent
que ce n'était pas en étudiant de la sorte, mais
enquêtant et ramassant du pain, de la viande, du
poisson , des œu& et de l'argent , qu'on se rendait
utile à la communauté. — Son noviciat fut très
dur; on le chargea, dans l'intérieur de la mai-
son, des travaux les pi us pénibles et les plus vils»
et en dehors, de la quête avec la besace. (Alma-
nach des protestans pour 1810, p. 43.)
« Naguère le temps n'était pas bon pour étu-
dier ; on tenait en tel honneur le païen Aristote ,
que celui qui eût parlé contre , eût été condami^é
à Cologne comme le plus grand hérétique. Encore
16.
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294 viMOiABS
ne rentendaient-ils pas. Les sophistes rayaient
tant obscurci! Un moine, en prêchant la Pas-
sion, agita pendant deux heures cette question :
Vtrùm q%uiliia$ realiier distincta $U à substanitâ.
Et il disait, pour donner un exemple : Ma tête
pourrait bien pasêer par ce trou, maU la groê-
seur de ma tête n'y peut passer. > (Tisehred. ,
p. 15, yerso.)
c Les moines méprisaient ceux d'entre eux qui
étaient sayans. Ainsi mes frères au couvent m'en
youlaient d'étudier. Ils disaient : Sic tibi, eic
mihi, eackum per nackum (le sac sur le cou). Ils
ne faisaient aucune distinction. » (Tisehred. ,
p. 272.)
« Autrefois les premiers docteurs n'auraient
pu, je ne dis pas composer, mais bien lire une
oraison latine. Ils mêlaient à leur latin des mots
qui n'étaient pas même allemands, mais yirendes. »
(Tisehred. , p. 18.)
Cette ignorance du clergé était générale en
Europe. En 1830, un moine français disait en
chaire : « On a trouvé une nouvelle langue que
l'on appelle grecque; il faut s'en garantir avec
soin. Cette langue enfante toutes les hérésies :
Je vois dans les mains d'un grand nombre de per^
sonnes un livre écrit en cette langue; on le nomme
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DB LVTUm. 205
nouveau Te8ia,men$ : c'est on livre plein de ron«
ces et de vipères. Quant à la laogae hébraïque»
tous ceux qui l'apprennent deviennent juifi aus-
sitôt. » (Sismondi , Hist. de Fr. , XYI, p4S6 .)
Pag« 93, ligne tS.^Le cardimd d^ Majrence»,. H l'appelait
le pepe de Me jence*
Ihirant la révolte des j^aysans, il lui écrivit
pour l'engager à se marier et à séculariser ses
deux archevêchés. Ce serait, lui disait-il entre
autres raisons, un puissant moyen de faire cesser
les troubles dans son électorat. (7 juin 1535.)
Pege 94, ligne 4* ~ Us en •ntendrtUeitt bien d'autre*, i/.m
. Après Worms, il comprit que les conférances
et discussions publiques, que jusque là il avait
demandées, seraient à l'avenir inutiles, et dès-lors
il s'y refusa toujours. « Je ne reconnaîtrai plus»
dit-il, dans son livre Contra atatum eccloBiasticum,
je ne reconnaîtrai plus désormais de juges, ni
parmi vous, ni parmi les anges. J'ai montré déjà
à Worms assez d'humilité; je serai, comme dit
saint Paul , votre juge et celui des anges, et qui-»
conque n'acceptera pas ma doctrine, ne pourra
être sauvé, car ce n'est point la mienne, mais
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296 viMOiaBi
celle de Dieu, c'est pourquoi mon jugement sera
celui de Dieu même. » Je cite d'après le très sus-
pect Gochlœus (p. 48) , n'ayant pas en ce moment
le texte sous les yeux.
Page lo8, ligne lî.-^ Le motif dm son départ de JF'artbourg ,
c'était le caractère alarmant que prenait la Réforme...
Avant de quitter sa retraite , il chercha plu-
sieurs fois, par ses lettres, à empêcher les siens
d'aller trop loin. — Aux hahitans de Wittem-
berg. «... Vous attaquez les messes , les images
et autres misères, tandis que tous abandonnez la
foi et la charité dont vous avez tant besoin. Vous
avez affligé, par vos scandales, beaucoup d'âmes
pieuses, peut-être meilleures que vous. Vous avez
oublié ce que l'on doit aux faibles. Si le fort court
de toute sa vitesse , ne faut-il pas que le faible ,
laissé en arrière , succombe ?
« Dieu vous a fait une grande grâce et vous
a donné la Parole dans toute sa pureté. Cepen-
dant je ne vois nulle charité en vous. Tous ne
supportez point ceux qui n'ont jamais entendu
la Parole. Vous n'avez nul souci de nos frères et
de nos sœurs de Leipzig , de M eissen et de tant
d'autres pays que nous devons sauver avec nous...
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Dl LUTHIR. 297
Vous TOUB êtes précipités dans cette afiaire » tête
baissée et sans regarder ni à droite ni à gauche.
Ne comptez donc pas sur moi ; je vous renierai.
Vous avez commencé sans moi, il vous faudra
bien finir d« même... > (Décembre 1521.)
Page XI 7, Ifgne 5. _I> désordre s'est mis dans son
troupeau...
De retour à Wittemberg, il prêcha huit Jours
de suite. Ces sermons suffirent pour remettre Tor-
dre dans la ville,
Page 118 • ligna ao. — Je ne connais point Luther...
■ Exhortation charitable du docteur Martin
Luther à tous les chrétiens , pour qu'ils se gar-
dent de l'esprit de trouble et de révolte. {l^fÀ.)
» ... En premier lieu, je vous prie de vouloir
laisser de côté mon nom , et de ne pas vous appe-
ler luthériens, mais chrétiens. Qu'est-ce que Lu-
ther ? Ma doctrine ne vient pas de moi. Moi , je
n'ai été crucifié pour personne, Saint Paul (L Co-
rinth. m) ne voulait point que l'on s'appelât pau-
liens, ni pétriens, mais chrétiens. Comment donc
me conviendrait-il, à moi, misérable sac à ver-
mine et à ordure, de donner mon nom aux en*
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298 véHOlEBS
ùlub du Christ? Cessez, chen amis, de prendre
ces noms de parti, détruisons-les et appelons-nous
chrétiens, d'après le nom de celui de qui Tient
notre doctrine.
» Il est juste que les papistes portent un nom
de parti , parce qu'ils ne se contentent pas de la
doctrine et du nom de Jésus Christ; ils yeulent
être en outre papistes. £hbien! qu'ils appartien-
nent au pape qui est leur maître. Moi , je ne suis
ni ne yeux être le maître de personne. Je tiens
avec les miens pour la seule et commune doctrine
du Christ qui est notre unique maître. » (Luth.
WerkeII,p.4.)
JP«g« ISJ» ligne a. — «Tirmai j , mfa/tt cHte époque, um homme
prwé n^ avait adressé à un roi dës paroles si méprisantes:.
En même temps qu'il traitait si rudement Henri
YIII et les princes, il passait toutes les bornes
dans ses attaques contre le saint-siége. Bans sa
réponse aux brefs du pape Adrien , il dit en finis-
sant : « Je suis fâché d'être obligé de donner de
si bon allemand contre ce pitoyable latin de cui-
sine. Mais Dieu veut confondre l'Antichrist en
toutes choses, il ne lui laisse plus rien, ni art,
ni langue; on dirait qu'il est fou, qu'il est tombé
dby Google
M LUTHER. 299
en en&nce. C'est une honte d'écrire aux Alle-
inands en pareil latin, de présenter à des gens
raisonnables une interprétation aussi maladroite
et aussi absurde de l'Écriture. > ( 1523.)
Prélace mise par Luther en tète de deux bulles
par lesquelles le pape Clément II annonçait la
célébration du jubilé pour 1525 :
«... Le pape dit dans sa bulle qu'il veut ou-
vrir la porte d'or. Nous avons depuis long-temps
ouvert toutes les portes en Allemagne , mais les
escrocs italiens ne nous rapportent pas un liard
de ce qu'ils nous ont volé par leurs indulgentiœ ,
difpetuationes et autres inventions diaboliques.
Cher pape Clément , toute ta clémence et toutes
tes douceurs ne te serviront de rien ici. Nous
n'achèterons plus d'indulgences. Chère porte
d'or, chères bulles, retournez d'où vous venez;
faites - vous payer par les Italiens. Qui vous con-
naît, ne vous achète plus. Nous savons, Dieu
merci , que ceux qui entendent et qui croient le
saint Évangile, ont à toute heure un jubilé... Bon
pape , qu'avons-nous à faire de tes bulles ? Épar-
gne le plomb et le parchemin; cela est désor-
mais d'un mauvais rapport. » (Luth. Werke,
IX, p. 204.)
• Je ferais un même paquet du pape et des
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dOO UÉMOIRES
cardinaux, pour les jeter tous ensemble dans ce
petit fossé de la mer de Toscane. Ce bain les
guérirait; j'y engage ma parole et je donne Jé-
sus-Christ pour caution. »
« Mon petit Paul , mon petit pape , mon petit
ânouy allez doucement, il fait glacé: tous vous
rompriez une jambe; tous vous gâteriez, et on
dirait : Que diable est ceci ? comme le petit pape-
lin s'est gâté? > (1542, traduction de Bossuet,
Variations, I, 45-6.)
Interprétation du monachovitule et de deux
horribles monstres papalins trouvés dans le Ti-
bre, à Rome, Van 1496; publié à Friberg en
Misnie, l'an 1528, par Pk. Melanckton et Mar-
tin Luther. — « Dans tous les temps Dieu a mon-
tré par des signes évidens sa colère ou sa miséri-
corde. G*est ainsi que son prophète Daniel a prédit
l'arrivée de TAntichrist, afin que tous les fidèles
avertis se gardassent de ses blasphèmes et de son
idolâtrie.
» Durant cette domination tyrannique. Dieu a
donné beaucoup de signes, et dernièrement en-
core , cet horrible monstre papalin , trouvé mort
dans le Tibre l'an 1496... D'abord la tète d'âne
désigne le pape; car l'Église est un corps spiri-
tuel qui ne doit ni ne peut avoir de této visible ;
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DB LUTHEB. 301
Christ seul est le seigneur et le chef de TÉglise.
Le pape s'est touIu faire contre Dieu la tête vi-
âble de l'Église; cette tête d'âne attachée à un
corps humain, le désigne donc évidemment. £n
effet, une tête d'âne convient-elle mieux au corps
de l'homme que le pape à l'Église? Autant le
cerveau de l'âne diffère de la raison et de Tin-
telligence humaine, autant la doctrine papale
s'éloigne des dogmes du Christ. Dans le royaume
da pape , les traditions humaines font la loi : il
s'est étendu, il s'est élevé par elle. S'il entendait
la parole du Christ, il croulerait aussitôt.
» Ce n'est pas seulement pour les saintes Écri-
tures qu'il a une cervelle d'âne, mais pour ce
qui regarde même le droit naturel, pour les
choses que doit décider la raison humaine. Les
juristes impériaux disent en effet qu'un véritable
canoniste est véritablement un âne.
> La main droite du monstre, semblable au
pied de l'éléphant, montre qu'il écrase les crain-
tifs et les faibles. Il blesse en effet et perd les
âmes par tous ses décrets qui, sans cause ni né-
cessité, chargent les consciences de la terreur
de mille péchés qu'ils inventent et dont on ne
sait pas même les noms.
> La main gauche désigne le puissance tem-
17
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302 MiHOIABS
porelle du pape. Contre la parole de Christ,
est derenu le seigneur des rois et des prince
Aucun d'eux n'a soulevé, iait et conduit tant c
guerres , aucun n'a Tersé autant de sang. Occui
de choses mondaines» il néglige la doctrine <
ahandonne l'Église.
» Le pied droit, semblable au sabot d'un bœu
désigne les ministres de l'autorité spirituelle, qu
pour l'oppression des âmes, soutiennent et défet
dent ce pouvoir ; c'est à savoir les docteurs poi
tificaux , les parleurs, les confesseurs , ces nué<
de moines et de religieuses; mais surtout h
théologiens scolastîques, qui tous s'en vont répai
dant ces intolérables lois du pontife , et tiennei
ainsi les consciences captives sous le pied de l't
léphant.
» Le pied gauche , qui se termine par des 01
glesde griffon, signifie les ministres de la puissanc
civile. De même que les ongles du griffon ne \i
chent point facilement ce qu'ils ont une fois pris
de même les satellites du pape ont pris auxhame
çons des canons lesbiensde toute l'Europe, et le
retiennent opiniâtrement sans qu^on les leur puisa
arracher.
» Le ventre et les seins de femme désignent 1
corps du pape, c'est-à-dire les cardinaux , évé
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DB LUTHU. 803
que», prêtres, moines, tous les sacrosaints mar-
tyrs, tous ces porcs bien engraissés du troupeau
d'Ëpicure, qui n'ont d'autre soin que déboire,
manger et jouir de voluptés de tout genre, de
tout sexe, le tout en liberté, et même avec garan-
tie de privilèges...
» Les yeux pleins d'adultère, le cœur d'avarice,
ces fils de la malédiction ont abondonné le droit
chemin poursuivre Balaam qui allait cbercber le
prix de l'iniquité. »
Page Aa3 , ligne i3. — {Fin dà l'extrait du lit^re
contre Henri yiIL)
Cette réponse violente scandilîsa , comme Lu«
ther le dit lui-même, un grand nombre de ses par-
tisans. Le roi Gbristiem l'engagea même à écrire
à Henri VIII, qui, disait-il, allait établir la réforme
en Angleterre. La lettre de Luther est très hum-
ble : il s'excuse en disant que des témoins dignes de
foi l'ont assuré que le livre qu'il avait attaqué
n'avait pas été composé par le roi d'Angleterre :
il lui offre de chanter la palinodie {palinodiam
cantttre). — (1«' septembre 15S5.)
Cette lettre ne produisit aucun effet. Henri VIII
avait été trop vivement blessé pour revenir. Luther
Digitized
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804 MÊBIOtKBS
en fut pour ses avances. Aussi , disait-il quelques
mois après : < Ces tyrans, au cœur de femme, n^ont
qu*un esprit impuissant et sordide; ils sont dignes
d'être les esclaves du peuple. Mais, par la g^râce
de Christ, je suis assez vengé par le mépris que
j'ai pour eux et pour Satan leur dieu. > (fin de
décembre 1523.)
Thomas Morus, sous le nom de Guillaume Ros-
seus, prit, contre Luther, la défense de Henri
YIII. Il attaqua surtout le langage sale et igno-
ble de Luther. (Cochlœus , p. 60.)
P«g« la3, ligne 17. — Les princes sont du monde....
« Rien d'étonnant si les princes ne cherchent
que leur compte dansFÉvangile, et s'ils ne sont que
de nouveaux ravisseurs à la chasse des anciens. Une
lumière s'est levée qui nous fait voir ce que c'est
que le monde; c'est le règne de Satan. (1324.)
Page 127, ligne 12. — Nous serons toujours en sûreté en disant
quêta 'volonté soit faite. ..
Le découragement commence déjà parfob à
percer dans les écrits de Luther. Cette même an-
née 15âSy au mois d'août, il écrivait aux lieute^
Digitizedby Google
Dl LUTHER. 305
nanfl itnpériaux , présens à la diète de Nurem-
berg. «... Il me semble aussi qu'aux termes du
mandement impérial , rendu au mois de mars,
je devrais être affranchi du ban et de l'excom-
munication jusqu'au futur concile : autrement
je ne saurais comprendre ce que veut la remise
dont il est parlé dans ce mandement; car je con-
sens à observer les conditions sur lesquelles elle
est fondée... Au reste, il n'importe. Ma vie est peu
de chose. Le monde a assez de moi, et moi de lui:
que je sois sous le ban ou non, cela est indiffé-
rent. Mais du moins, ayez pitié du pauvre peuple t
chers seigneurs. C'est en son nom que je vous
supplie de m'écouter... » Il demande qu'on n'exé-
cute pas sévèrement le mandement impérial re-
latif à la punition des membres du clergé qui se
marieraient ou sortiraient de leur ordre.
page 129 1 ligne 9, ^- Essais d'organisation,..
Lorsque Luther sentit la nécessité de mettre^
un peu d'ordre et de régularité dans l'Église nou-
velle, lorsqu'il se vit appelé chaque jour à ju^er
des causes matrimoniales , à décider sur tous les
rapports de l'Église avec les laïques , il se mit à
étudier le droit canon.
17.
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soft afaioius
c Dana cette afiEdre de mariage qui m'était
déférée, j'û jugé d'après les décrets mêmes du
pape. Je commence à lire les réglemens des pa-«
pistes et je Tois qu'ils ne les suirent même pas. »
(30 mars 15S9.)
« Je donnerais ma main gauche pour que lea
papistes fussent obligés d'observer leurs canons.
Ils crieraient plus fort contre eux que contre
Luther. »
« Les décrétales ressemblent au monstre:
jeune fille par la tête, le corps est un lion dévo-«
rant; la queue est celle du serpent; ce n'est que
mensonges et tromperie. Yoilà, au reste, Timage
de toute la papauté. » (Tischreden, p. 377, fo^
lio etrerso.) ^
Paft i3o, ligne tS.mmLet réponses qu'il dSoivw...
(11 octobre 153S.) A la commune fEitlin-
gen.,. • Il est yrai que j'ai dit que la confession
était une bonne chose. De même je ne défends à
personne déjeuner, de chômer, d'aller en pèle-
rinage, etc. , mais je yeux que ces choses se fas*
sent librement, à la yolonté de chacun, et non
comme si c'était péché mortel d'y manquer.
Nous devons avoir la conscience libre en toutes
dby Google
n I.1ITHBB. 807
choses qui ne touchent pas la foi^ ni l'amour
du prochain... Mais, coinme 11 y a beaucoup de
consciences captives dans les lois du pape , tu fais
bien de ne pas manger de viande en présence de
ces honnnes encore iiaâbles dans la foi. Cette ab*
stinence de ta part devient une œuvre de charité ,
par cela qu'elle ménage la conscience de ton
prochain. Du reste, ces œuvres ne sont pas
commandées, les prescriptions du pape ne sont
rien... 9
(16 octobre 153S.) A MicM Vander Sirauen ,
péager à. Borna. (Au sujet d'un prédicateur
d'Oelniti qui exagérait les principes de Luther) .
« Vous avez vu mon opinion par le livre de la
eonfesnon et de la mesêe : j'y établis que la con-
fession est bonne quand elle est libre et sans
contrainte, et que la messe, sans être un sacri*
fice ni une bonne œuvre, est pourtant un témoi-
{|;nage de la religion et un bienfait de Dieu , etc.
Le tort de votre prédicateur, c'est qu'il vole trop
baat et qu'il jette les vieux souliers avant d'en
avoir de neu&. Il devrait commencer par bien
instruire le peuple sur la foi et la charité. Dans
on an, lorsque la commune aura bien compris
Jésns-Christ, il sera assez temps de toucher les
points sur lesquels il prêche maintenant. A quoi
* DigitizedbyVjOOÇlC
308 Hteoiftis
bon cette précipitation avec le peuple ignorant?
J'ai prêché près de trois ans à Wittcniberg avant
d'en venir à ces questions; et ceux-ci ren-
ient tout finir en une heure! ces hommes si
pressés nous font beaucoup de mal. Je vous
prie de dire au percepteur d'Oelnitz qu'il en-
joigne à son prédicateur d'agir désormais avec
plus de mesure, et de commencer avant tout
par bien enseigner Jésus-Christ : sinon, qu'il
laisse là ses folles prédications et qu'il s'éloigne.
Que surtout il cesse de défendre et de punir la
confession. C'est un esprit pétulant et immodéré
qui a vu de la fumée» mais qui ne sait pas où est
la flamme... »
Page l34t ligne 8- >- La messe...
« S'il plaît à Dieu, j'abolirai ces messes ou je
tenterai autre chose. Je ne puis supporter plus
long-temps les ruses et les machinations de ces
trois demi-chanoines contre l'unité de notre
église.» (27 novembre 1524.)
« J'ai enfin poussé nos chanoines à consentir
à l'abrogation des messes. > (2 décembre 1524.)
« Ces deux mots messe et sacrement sont aussi
éloignés l'un de l'autre que ténèbres et lumières,
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DB LUTHKA. 809
diable et Dieu... Puisse Dieu donner à tous les
chrétiens un tel cœur, qu'ils aient horreur de ce
mot, la messe, et qu'en l'entendant ils se sig;nent
comme ils feraient contre une abomination du
diable. «
On l'interroge souvent sur le baptême des en-
fans nondùtn ex utero egreênorum « J'ai empêché
nos bonnes femmes de baptiser l'enfant avant sa
naissance; elles avaient coutume de baptiser
le fœtus sitôt que la tête paraissait. Pourquoi ne
pas le baptiser par-dessus le ventre de sa mère ,
on mieux encore, baptiser le ventre même? >
(IS mars 1531.)
Page i38« ligne a. — De ministris instituendis.».
Instruction au ministre de Wittemberg :
Renvoyer les prêtres indignes;
Abroger toutes messes et vigiles payées;
Le matin, au lieu de messe, Te /?eiim^ lecture
et exhortation;
Le soir lecture et explication; — complies
après le souper ;
Ne célébrer qu'une messe aux dimanches et
fèieè. • (Briefe, 19 août 1523.)
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810 VÂHOIEIt
En 1520, il publia un catéchisme. Hais dix i
plus tard, il en fit un autre oil il ne conserva q
le baptême et la communion. Plus de confessi<
Seulement il engage à recourir souvent à l'ex]
rience du pasteur.
Pour soustraire les ministres à la dépendan
de Tautorité civile, il voulait conserver les dim
c H me semble que les décimes sont la chose
plus juste du monde. Et plût à Dieu que tout
taxes abolies, il ne subsistât que des dîmes , i
même des neuvièmes et des huitièmes. Que dia-j<
les Égyptiens donnaient le cinquième, et ils i
▼aient pourtant. Nous, nous ne pouvons vivre av<
la dîme , il y a d'autres charges qui nous écrasent.
(15 juin 1824.)
Ptge i38, ligne 4. » Caractère indéUbile,.,
• On doit déposer et emprisonner les pasteui
et prédicateurs qui Ibnt scandale. L'Électeur a n
solu de fiûre construire une prison à cet effet
« Le docteur parla ensuite de Jean Sturm qu'i
avait souvent visité dans le château de Witten
berg, et qui s'était toujours obstiné à croire qu
Christ n'était mort que pour l'exemple. Il fut e
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Dl LVTIIIA. 311
îonséqnence conduit à Schwrinitz, et y mourut
lansla tour, i (Tischred., p. 196.)
Luther disait que Ton ne devait punir de mort
Bsanabaptistes qu'autant qu'ils étaient séditieux. »
rischred., p. 298.)
Page i4o , ligne i3. ~ Kisitês annumlles,..
La commission que l'Électeur, sur les exhorta-
ions de Luther, nomma en 1528 pour inspecter les
coles, se composait de Jérôme Schurff, docteur
n droit, du seigneur Jean de PlaunitZi d'Asme
e Hauhitz et de M élanchton.
Dans l'instruction que ces inspecteurs adres-
srent ensuite aux pasteurs de l'électorat avec
approbation de Luther , on peut remarquer le
assage suivant : « Il y en a qui disent que l'on
e doit pas défendre la foi par l'épée , mais que
on doit souffrir comme ont fait Jésus-Christ et
3S apôtres. A cela il faut répondre qu'à la vérité
eux qui ne régnent pas doivent souffrir comme
idividuset n'ont pas droit de se défendre; mais
ue l'autorité est chargée de protéger ses sujets
outre toute violence et injustice , que cette vio-
mce ait une cause religieuse ou une autre. »
Luth. Werkc , t. IX , p. ÎW , verso.)
b^Google
312 KÉMOIHBS
En 1527, le prince envoie à Luther les r
ports de la visite des églises en lui demand
s'il Caillait les imprimer. (19 août 1527.)
Pftgo i4i • ligna lO. — Luther exerçait une sorte
de suprématie.,.
Il décide que les chanoines sont obligés
partager avec les bourgeois les charges publiqi
{Lettre ùu conseil de Stettin , 12 janvier 15Î
C'est à lui que souvent on s'adressait pour ol
nir une place de ministre.
« Ne sois pas inquiet d'avoir une paroisse ^
y a partout grande pénurie de fidèles pasteurs
bien que nous sommes forcés d'ordonner et d'
stituer des ministres avec un rite particuli
sans tonsure I sans onction, sans mitre, si
bâton, sans gants ni encensoir, enfin sans é
ques. ■ (16 décembre 1530.)
Les habitans de Riga et le prince Albert
Prusse demandent à Luther de leur envoyer <
ministres. (1531.)
Le roi de Suède , Gustave I" , lui demande
même un précepteur pour son fils, (avril 153
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Dl LVTHSA. 313
T «g* 1 4i « ligne 1 7. — Exconunknicatton. . .
« Le prince a répondu à runiveraité qu'il vou-
lait hâter la visite des paroisses, afin que cela
(ait et les églises constituées, on puisse te ser-
vir de Texcommunication quand besoin sera. »
(10 janvier 1527.)
?agr i4a «ligne 19. —^^o/xf/oii des vœux monastiques...
«Bans son traité viiandâ kominum doctrine
il dit des évéquea et des grands de FÉglise :
> Qu'ils sachent ces effrontés et impudiques qui
ont sans cesse à la bouche « le christianisme , le
christianisme , > qu'ils sachent que ce n'est point
pour eux que j'ai écrit qu'il fallait se nourrir de
viande , s'abstenir de la confession et briser les
images; eux, ne sont-ils pas comme ces impurs
qui souillaient le camp dlsraêl ? Si j'ai écrit ces
choses, c'est pour délivrer la conscience cap-
tive de ces malheureux moines, qui voudraient
rompre leurs vœux , et qui doutent s'ils peuvent
le faire sans pécher. » (Seckendorf, lib. I, sect. 50,
p. 202.)
Page 145 . ligee 16. — J*at reçu hier neuf religieuses,/*
• Neuf religieuses avaient été enlevées de
Tonl. 18
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314 V^MOlREt
leur couTent et amenées à Wittemberg. « Ils
m'appellent ravisseur , dit Luther , oui , et bien-
heureux ravisseur comme Christ, qui fut aussi
ravisseur en ce monde, quand par sa mort il ar-
racha au prince de la terre ses armes et ses riches-
ses , et qu'il l'emmena captif. » (Cochlœus , p. 73.)
Pag. l4^ , li|{n6 ao* ~ J*m pitié d'elles,.* qui meurent en Joule
de cette maudite et incestueuse chasteté.,»
«Anne Craswytzinne échappée de ses liens,
à Leusselitz, est venue habiter avec nous. Elle
a épousé Jean Scheydewind, et me charge de te
saluer doucement en son nom , et avec elle trois
autres, Barbe Rockenberg, Catherine Tauben-
heim, Marguerite Hirstorf. ■ (11 janvier 1525.)
A Spalaiin. « Si tu ne le sais pas encore , tous
les prêtres d'ici ne se contentent pas de mener
une conduite sacrilég»; ce sont des cœurs endur-
cis, des contempteurs de Dieu et des hommes,
qui passent presque toutes les nuits avec des
prostituées... J'ai dit hautement que, si dans leur
impiété, nous devons les tolérer, il est du devoir
du magistrat de s'opposer à leurs débauches ou de
les contraindre au mariage... Tu craignais derniè-
rement qu'on ne pût accuser l'Électeur de favo-
riser ouvertement les prêtres mariés. » (â jan-
vier 1323.)
Digitized by VjOOÇIC
D» LUTioai. 815
(27 mars 1525^) A Wolfgang Reinenback,
précepteur à Lichtenberg. « ... Mon cher, ne
volons pas plus haut, et ne prétendons pa» mieux
&ire qu'Abraham, David, Isaîe, saint Pierre,
saint Paul, et tous les patriarche», prophètes et
apôtres, ainsi que tant de saints martyrs et
évéques qui tous ont reconnu sans honte qu'ils
étaient des hommes créés par Dieu, et qui,
fidèles à sa parole, ne $ont pas restée $euh. Qui a
honte du mariage, a honte d'être homme. Nous
ne pouvons nous Cèdre autres que Dieu n'a voulu
que nous soyons. Enfans d'Adam, nous devons
à notre tour laisser des enfans. — 0 folie! nous,
voyons tous les jours quelle peine il en coûte
pour rester chaste dans le mariage même, et
nous rejetons encore le mariage! Nous tentons
Dieu outre mesure, par nos vœux insenséfi, eit
nous préparons la voie à Satan ... »
Pagf iSsj ligne 4. » Cette éptxjua de la vie de'Luther ( i5a i-i598)
Jut prodigieusement affairée**'
A Frédéric de Nuremberg. « Si j'ai tant difiéré
à te féliciter sur ton mariage, tu peux croire que
j'en ai eu juste raison, avec les distractions d'une
santé si variable, tant de livres à publier, de
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816 HéMOi&tti
lettres à écrire, de sujets à traiter, de dev
envers mes amis, et en nombre incroyabli
infini, accablé d'an orage et d'un déluge d'afia
.... Le 17 janvier, à souper et à la hâte. Tu ]
donneras à ma loquacité, peut-être aussi
souper, bien que je ne sois pas ivre. > (1S25.
Au milieu de toutes ces affaires , il entreti
correspondance avec Ghristiem II.
A SpQlaiin. « Les porteurs sont rares , sans
je t'aurais envoyé depuis long-temps les ti
lettres du roi Ghristiem, aujourd'hui le
malheureux des hommes, et ne vivant plus
pour Christ. * (27 mars 1525.)
A Mélanchton, « Rien de nouveau, si ce
une lettre du roi de Suède Ghristiem qu'il i
adresse à tous les deux avec une petite c(
d'argent; il nous demande de ne pas croire <
qui le représenteraient comme un déserteu
l'Évangile. » (novembre 1540. )
Il lui fallait encore veiller, par toute VI
magne, sur les intérêts des réformés. La (
mune réformée de Miltenberg (en Franco
était opprimée par les officiers de l'électeui
Mayence. Toute correspondance avec cette
avait été interrompue. Luther adressa aux li
tans une lettre de consolation qu'il fit impri
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DB LUTI1B&. 817
pour qu'elle pût leur parvenir. Il en avertit
rÉlecteur, et lui demanda «si ses officiers n'abu-
saient pas de son nom. < (14 février 18^4.)
£n 1528, une religieuse de Freyberg s'adresse
à lui pour qu'il Fenlcve de son couvent , et la corà
duise en Saxe. (29 juin 1528.) — « Occupatissi-
musscribo visitator , leetor, prœdicator , scriptor,
auditor, actor, cursor, procurator , et quid non? »
(29 octobre 1528.)
Ptg* isS, lignt 97* — Son ancien ami Carlostad...
Carlostad était chanoine et archidiacre dans
l'église collégiale de tous ht aainis; il en était
doyen lorsque Luther fut reçu docteur en 1512.
(Seckendorf , Uv. 1 , 72.)
Page 1 53, ligne 7. —DerHire Corlùstad on entreroxait
Miinsor^:
Lettres du docteur Martin Luther aux chré-
tiens d'Anvers « Nous avions cru, tant que
dura le tè|pie du pape, que les esprits de bruit
et de vacarme, qui se font souvent entendre la
nuit, étaient des âmes d'hommes qui , après la
mort, revenaifflat et rôdaient pour expier leurs
18.
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818 hAvoiaes
péchés. Cette erreur , Diea merci, a été décou*
▼erte par rÉyangile, et l'on sait à présent que
ce ne sont pas des âmes d'hommes, mais rien
autre que des diables malicieux qui trompaient
les gens par de fausses réponses. Ce sont eux qui
ont mis dans le monde tant d'idolâtrie.
9 Le diable voyant que ce genre de racarme
ne peut continuer, il lui iaut du nouyeau; il se
met à faire rage dans ses membres, je yeux dire
dans les impies , à travers lesquels il se £ftit jour par
toute sorte de vanités chimériques et de doctrines
extravagantes. Celui-ci ne veut plus de baptême,
celui-là nie la vertu de l'eucharistie, un troi-
sième met encore un monde entre celui-ci et le
jugement dernier; d'autres enseignent que Jésus-
Christ n'est pas Dieu; les uns disent ceci, les
autres cela , et il y a presque autant de sectes et
de croyances que de têtes.
» Il faut que j'en cite un pour exemple, car
j'ai bien à faire avec ces sortes d'esprits. Il n'est
personne qui ne prétende être plus savant que
Luther; c'est contre moi qu'ils veulent tous ga-
gner leurs éperons. Et plût au ciel qu'ib fussent
ce qu'ils pensent être , et que moi je ne fusse
rien ! Celui-là donc m'assurait entre autres cho-
ses qu'il était envoyé vers moi par le Dieu qui a
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DB LUTHBa. 310
créé le ciel et la terre, il en disait des clioseB
magnifiques, mais le manant perçait toujours.
» Enfin il m'ordonna de lui lire les livres de
Hoise. Je lui demandai un signe qui confirmât
cet ordre. C'est, dit-il^ écrit dans l'Éyangile de
saint Jean. Alors j'en eus asset et je lui dis de
revenir une autre fois , que nous n'aurions pas le
temps de lire pour cette fois les livres de Moïse...
• Il m'en faut bien entendre dans une année
de ces pauvres gens. Le diable ne peut pas m'ap-*
prêcher de plus près. Jusqu'ici le monde avait
été plein de ces esprits bruyanssans corps, qui se
donnaient pour de âmes d'hommes ; maintenant
ils ont des corps et se donnent tous pour des an-
ges vivans...
» Quand le papa régnait, on n'entendait point
^parler de troubledl^le Fort (le diable) était en
paix dans sa forteresse; mais à présent qu'un plus
fort est venu qui prévaut contre lui et qui le
dbasse, comme dit l'Évangile, il tempête et aort
avec fureur et fracas.
n Chers amis, il est venu aussi parmi vous un
det ces esprit de vacarme qui ont chair et sang. 0
veut vous égarer dans les inventions de son or-
gueil ; gardez-vous de lui.
> D'abord il dit que tout homme a le Saint*
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320 MiNOIRBS
Esprit. Secondement, que lo Saint-Esprit n'est
autre chose que notre raison et notre intelli-
g;ence. Troisièmement , que tout homme a la foi.
Quatrièmement, qu'il n'y a pas d'enfer; que du
moins la chair seule sera damnée. Cinquième-
ment, que tonte âme aura la vie étemelle. Sixiè-
mement, que la simple nature nous enseigne de
faire au prochain ce que nous voulons qu'on nous
fasse; c'est là, disent-ils, la foi. Septièmement,
que la loi n'est pas violée par la concupiscence ,
tant que nous ne consentons pas au plaisir. Huitiè-
mement, que celui qui n'a pas le Saint-Esprit,
est aussi sans péché, car il n'a pas de raison.
« Tout cela ce sont des propositions audacien*
ses, de vains jeux de la fantaisie : si l'on excepte
la septième, les autres ne méritent pas de ré«
ponse
« Il nous suffit de savoir que Bien ne veut pas
que nous péchions. Pour la manière dont il per-
met, on veut qu'il y ait du péché, nous ne devons
pas toucher cette question. Le serviteur ne doit
point savoir le secret du maitre, mais seulement
ce qu'il ordonne. Combien moins une pauvre
créature doit-elle vouloir scruter et approfondir
la majesté et le mystère de son Dieu?...
> Nous avons assez affaire pendant toute notre
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DB LUTHB&. m
Tie, de connaître la loi de Dieu et d'apprendre
lonfils Jésiu-Christ.. c 1526. (Luth. Werke^tome II,
p. 61 , 8qq.)
P âge i5j , ligna 1 1. — Luther crut detfoirse transporter
d léna..;
Garlostad, dans une dispute, cita Luther au
jugement dernier. — « Gomme nous étions à
rhôtellerie , et que nous parlions de ces affiiires,
après s'être engagé à défendre sa doctrine à fond,
soudain il se détourna, fit claquer ses doigts, et
dit : « Je me moque de vous. » Or, s'il ne m'es-
time pas davantage , qui d'entre nous estimera-
t-il ? ou pourquoi perdrai-je mon temps à le
prêcher ? Je pense toujours qu'il me regarde
comme Tun des plus savans de Wittemberg; et
cependant , il me dit au nez : « Je me moque de
TOUS. » Comment, après cela, peut-on croire en-
core à sa sincérité, lorsqu'il prétend vouloir se
laisser instruire ? »
Garlostad avait abandonné ses fonctions de pro-
fesseur et d'archidiacre à Wittemberg (tout en
gardant son traitement) pour aller à Orlamûnde,
sans autorisation ni de l'Électeur ni de l'Univer-
sité. Ce fut une des causes du mécontentement qui
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saa aévoi&Bs
éclata contre lui. L'Université lui ayant écrit pour
le rappeler dans son sein, il lui fit répondre par
ses partisans d'une manière insolente.
Luther fut envoyé par FÉIecteur et l'Université
à Orlamûnde pour y prêcher contre les doctrines
de Carlostad et tout ramener à l'ordre ; mais il fut
très mal reçu par le peuple.
Carlostad s'habillait à Orlamûnde plus simple-
ment que les autres pasteurs. Il ne soufiPrait pas
qu'on l'appelât docteur; il se' faisait appeler ^re
André, voisin André, Il se soumettait à la juridic-
tion du juge de la petite ville, pour être entière-
ment comme les autres bourgeois. (Luth. Werke,
t. II, p. 18-22.)
9ag« i58, ligne 93 Luther obtint un ordre pour
le faire sorlir,»^
« Quant au reproche que Carlostad me fiaiit de
l'avoir chassé, je ne me chagrinerais pas trop si
ce reproche était fondé; mais, Dieu aidant, je
crois bien que je puis m'en justifier. Dans tous les
cas , je suis fort aise qu'il ne soit plus dans notre
pays, et je voudrais bien qu'il ne fût pas non plus
chez vous...
» Se fondant sur l'un de ses écrits, il m'aurait
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BB LVTHBE. 823
presque persuadé de ne pas confondre Pesprit qui
l'anime avec l'esprit séditieux et homicide d'Alt-
stet {résidence lie JfAn^er); mais lorsque, sur l'or«-
dre de mon prince , je me rendis à Orlamûn de
parmi les bons chrétiens de Carlostad, je n'éprou-
tai que trop bien quelle semence il avait semée.
Je remerciai Dieu de ne pas être lapidé ni couTert
de boue, car il y en avait qui me disaient, par
forme de bénédiction : « Va-t'en , au nom de mille
diables , et casse^toi le cou avant que tu ne sois
sorti de la ville. » Malgré cela, ils se sont arrangés
et parés bien proprement dans le petit livre qu'ils
ont publié. Si l'âne avait des cornes, c'est4i-dire
si j'étais prince de Saxe, Garlostad ne serait pas
chassé, à moins que Ton ne m'en priât bien fort.
— Je lui conseillerais de ne pas dédaigner la
bonté des princes. > (Lettre aux Strasqourgeois.
Luther, Werke, t. II, p. 58. )
Garlostad , au dire de plusieurs témoins, avait
à son service un chapelain qui faisait le rôle de
l'esprit dans les apparitions et révélations surna-
turelles par lesquelles son maître en imposait au
peuple. (Luth.briefe, édit. 1826, 11% vol., p. 625. )
« Garlostad était fort téméraire ; il a osé dispu*
ter même à Rome dans le principal collège , m
domo Sofieniiœ. Il est revenu en Allemagne tout
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324 MiicoiRn
magnifique et ayecde beaux habit8.G'e8t par pare
jalousie qu'il s'est fait ensuite paysan : il allait tête
nue etne voulait pas qu'on l'appelât docieur,mMk
* Garlostad condamnait les grades et promo-
tions dans les universités. Il dit un jour : « Je
sais que je fais mal en élevant ces deux hommes
au grade de docteur , seulement à cause des deux
florins; mais je jure bien de n'en plus (aire d'au-
tre. » Il dit ces paroles dans Féglise du château
à Wittemberg, et je l'en repris fortement (Tis-
chreden, p. -416.)
» Dans la dispute de Leipzig, Garlostad in-
sista pour parler avant moi. Il me laissa à com-
battre les propositions d'Ëck sur la primauté du
pape et sur Jean Huss... G'est un pauvre dispu-
teur ; il >i une tête dure et opiniâtre. ... Il avait
pourtant une très joyeuse Marie.
» Ges troubles scandaleux font bien du tort à
l'Évangile. Un espion français me disait expres-
sément que son roi était informé de tout cela,
qu'il avait appris que nous ne respections plus ni
la religion ni l'autorité politique , pas même le
mariage, et qu'il en allait chez nous comme chez
les bêtes. (Tbchreden, p. 417-42S.)
JforI dé Carloêtad. — « Je voudrais savoir si
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HÉ LUTHBR. 325
Carlostad est mort repentant. Un ami, qui m'écrit
de Bâle pour m^annoncer sa mort , ajoute une
histoire singulière : il assure qu'un spectre erre
autour de son tombeau et dans sa maison même ,
où il cause un grand trouble en jetant des pierres
et des gravois. Mais la loi athénienne défend de
médire des morts; c'est pourquoi je n'ajouterai
rien.. (16 février 1542.)
■ Carlostad est mort tué par le diable. On m'é-
crit que , pendant qu'il prêchait , il lui apparut ,
à lui et à beaucoup d'autres, un homme d'une
haute stature qui entra dans le temple , et se mit
à une place vide auprès d'un bourgeois , puis sor-
tît et alla à la maison de Carlostad ; que là il prit
son fils , qu'il trouva seul , et l'enleva comme pour
le briser contre terre, mais le laissa sans lui faire
de mal , et lui ordonna de dire à son père qu'il
reviendrait dans trois jours pour l'emporter. Car-
lostad serait mort le troisième jour. On ajoute
qu'après le sermon il alla trouver le bourgeois ,
et lui demanda quel était cet homme ? Le bour-
geois répondit qu'il n'avait rien vu. Je crois qu'il
aura été ainsi saisi de terreurs soudaines, et que
nulle autre peste ne l'aura tué que la peur de la
mort ; car il avait toujours eu pour la mort une
horreur misérable. » ( 7 avril 1S42. )
19.
4
DigitizedbyVjOOÇlC
■iaoïAis
Page 171 1 1%IM 16. — Les pmjrsant se sevhvèreHt
d'abord -M.
Une circonstance importante de la {^erre c
paysans, c'est qu'elle éclata pendant que
troupes de FEmpire étaient en Italie. Autremc
les soulèvemens eussent été plus vite comprira
Les paysans du comte Sigismond de LupffiE
en Hégovie (1524), commencèrent la révo
à cause des charges qui pesaient sur eux; ils
déclarèrent à Guillaume de Furstemberg, c
voyé pour les réduire; ils ne s'étaient po
soulevés pour la cause du luthéranisme. ]
premiers à les imiter furent les paysans de Ken
ten, qui prirent pour prétexte la sévérité
leur abbé; ils pénétrèrent dans les villes et cl
teaux de l'abbé, brisant toutes les images , t(
les omemens des temples. L'abbé pris par c
fut conduit à Kempten, où il fut contraim
vendre pour trente-deux mille écus d'or tous
anciens droits. D'autres vinrent se joindre
eux, et ils se trouvèrent, près d'Ulm, au nom]
de quatorze mille. Ceux de Leipheim et Gux
berg étaient pour eux, ainsi que les paysans des (
virons d'Augsbourg. Ces deux petites villes, ase
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DB LVTHBE. 227
gées par la ligue de Souabe, se rendirent; l'une fut
abandonnée pour le pillage aux fantassins, l'autre
aux caTaliers. Les paysans vaincus se releTërent,
et cet te fois ne dévastèrent plus seulement les mo-
nastères, mais les maisons des nobles. Un comte
de Montfort s'interposa avec les députés de Ra-
▼ensperg et d'Uberlingen. Un grand nombre de
paysans n'en furent pas moins mis en croix , dé-
capités, etc.
Ce premier soulèvement semblait assoupi,
lorsque Mûnzer fit révolter les paysans de Thu-
ringe.
Le pieux, l'érudit, le pacifique Hélanchton
montra combien les demandes des paysans s'ac-
cordaient avec la parole de Dieu et la justice; il
exhorta lés princes à la clémence. Luther frappa
sur l'un et l'autre. (Voir le texte.)
Les paysans de la Thuringe, du Palatinat,
des diocèses de Mayence, d'Halberstadt, et ceux
de VOdenwald, se réunirent dans la Forét-
Hoire, sous la conduite de l'aubergiste Metzler,
de Ballenberg. Ils s'emparèrent de Mergen-
tbeim, et forcèrent plusieurs comtes, barons et
chevaliers, de se réunir à eux. Les sujets des
comtes de Hohenlohe, déjà révoltés, vinrent les
joindre.'Les comtes de Hohenlohe ayant reçu des
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328 . viiioi&ss
paysans des lettres de sûreté , •cellées avec um
pièce d'argent à reffigie du comte Palatin, un<
conférence eut lieu, et les comtes promiren
pour cent et un ans d'observer les douze arti
des, £n signe de joie les paysans tirèrent deu:
mille coups de fusil. Plusieurs nobles se joigni
rent volontairement aux paysans; d'autres y fu
rent contraints par la force. La ville de Landai
entra dans leur ligue. En même temps les pay
sans des environs d'Hcilbronn se soulevèrent, e
après quelques courses ^ se joignirent à la pre
mière troupe. Plusieurs villes les appelèrent e
leur ouvrirent les portes.
Le traité fait par les paysans avec le vicaire dt
rélecteur deMayence, fut signé deGoetz deBerli
chingen et de George Metzler, de Ballenberg. Le
paysans envoyèrent huit de leurs chefs prendre h
serment de tous les habitans du diocèse de May ence
Le clergé de ce diocèse dut leur payer en qua-
torze jours quinze mille florins d'or. Les paysan
du Rhingaw, opprimés pas l'abbé d'£rbach, se sou
levèrent vers la même époque. Le vicaire de Té
lecteur de Mayence ayant souscrit à leurs deman-
des , ce tumulte s'apaisa.
Voici en substance les demandes des paysans du
Rhingaw. — Les ministres seront élus. Ils vivront
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DB LOTHK». 320
delà trentième partie du yin et du blé que la com-
munauté lèvera sur chacun ; s'il en reste quelque
chose , on le gardera pour les pauvres et pour les
dépenses de la communauté — Égalité des charges
pour tous, à moins que Ton ne prouve, par des
actes authentiques, les privilèges et exemptions
auxquels on prétend. — Point d'impôt pour celui
qui vendra le vin de sa vigne : le revendeur seul
paiera. — Point d'excommunication dans les cau-
ses séculières. — La servitude sera abolie. — Qn
refusera logement aux juifs à cause de leurs indi-
gnes usures; le juge ne fera aucune exécution à
raison d'usures, mais recherchera quel était le ca-
pital.
Que le commerce de bois de construction soit
libre comme il l'a toujours été, et que ceux de
Mayence n'y mettent point obstacle. — Personne
ne sera plus reçu dans les monastères; tous auront
permission d'en sortir. — Le seigneur ne pourra
plus intervenir , même indirectement , dans les
procès. — Le magistrat du lieu veillera sur tous
les besoins des veuves, des orphelins et des pupil-
les.— Les pâturages, les rivièresseront libres, ainsi
que la chasse , en respectant toutefois les privilè-
ges du magistrat et du prince. — Le juge sera
soumis aux mêmes charges que les autres citoyens
19.
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330 aiMOiEit
nobles oq non nobles. — On ne jugera point se
le droit canonique dans les causes séculières, n
selon la coutume du lieu. — Que personne ne
vendique la propriété des forêts. — Si la coran
nauté du Rhingaw arrête quelques autres artic
ils devront être acceptés de ceux d'Erbach. (G
dalius, apud Schardt, rerum germanic. sci
vol. II, p. 142-3.)
L'insurrection avait fait de grands progrès
Alsace; le duc Antoine de Lorraine, défense
ardent de l'Églbe, rassembla un corps detrouj
formé principalement des débris de la bataille
Pavie, et tomba sur les paysans le 18 mai 15!
près de Lupfenstein. Il les défit, brûla le bourg
Lupfenstein avec tousses habitans, prit Saver
où un gciind nombre de paysans s'étaient retir
H LnUil,qut!c[ des jours après, un troisième coi
d*itisurgés pris de Scherweiler. Plusieurs bis
riens portant mi-delà de trente mille le noml
des paysans qui }ïé rirent en trois rencontres. Tr
rcnts prison II urr^ furent décapités. (D. Calm
histoire de la lorraine , I, p. 495 et suiv.; Hott
gcr, hîiKt.de la Suisse, p. 28, II; Sleidan, p. 11
' George de Frundsberg, qui s'ét
«alaille de Pavie et que Farcbid
^ela en Allemagne pour termii
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DB LUTHBm. 831
la guerre, n'imita point les cruautés des autres
cbe&. Les paysans étaient retranchés près de
Kempten. Sûr de les accabler par la supériorité
de ses forces, il évita l'effusion du sang. Il con-
tint l'impatience de son collègue George de Wald-
bourg, et fit secrètement exhorter les paysans à
le disperser dans les forêts et les montagnes. Ils le
crurent, et cefutleursalut. (Wachsmuth,p. 1S7.)
Une chanson franconienne faite après la guerre
des paysans, avait pour devise:
« Gtre k toi , pt jsan • mon cheval te reiiTerse.»
C'était la contre-partie du chant de guerre des
Dithmarsen, après qu'ils eurent défait la garde
noire:
m 6«re à toi « ceraller, roÛk le peysen. »
Les paysans soulevés avaient en général adopté
pour signe une croix blanches. Certaines corps
avaient des bannières sur lesquelles était repré-
sentée la roue de la fortune (1). D'autres avaient
des sceaux sur lesquelles on voyait un soc de
(i) Des témoignages précis font voir que ce n'étaient
pas des roues de charrue comme symboles de Tagricul*
ture.
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332 MéuoiaBS
charrue avec un fléau, un râteau ou une fourc
et un sabot placés en croix. (Gropp, chronic
de Wurtibourg , I, 97, Wachsmuth, p. 36.)
Il parut en 1525 un violent pamphlet ai
nyme intitulé : « A l'assemblée de tous les pi
sans.» Ce pamphlet, publié dans TAllema^
méridionale , porte sur le titre tine roue de
fortune, avec cette inscription en vers a]
mands :
« L« moment eit Tenu par la roue de fortUDe ,
» Dieu sail d'avaooe qui gardera le haut. »
« r aysani , Il « Romaniste ,
« Bons chrétiens. * Il » Sopkiites. »
Plus bas :
« Qot nous fait tant suer 7
» L'avarice des seigneurs. »
Et à la fin:
■ Tourne, tourne, tourne,
» Bon gré , mal gré , tu dois tourner. »
(Strobel, Mémoires êur la littérature du seizièf
êiècle, II, p. U. — Wachsmuth, p. 55.)
Les paysans s'étaient vantés que leur cons(
général durerait cent et un ans. —Après la pri
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DM LUTHBa. 333
Veinsberg , ils décidèrent dans ce conseil de
)lus accorder la vie à aucun prince, comte,
m, noble, chevalier, prêtre, ou moine, « en
mot à aucun des hommes qui vivent dans
iveté. » £n effet, ils massacrèrent tous les no-
faits prisonniers, pour venger, disaient-ils,
lort de leurs frères de Souabe... Parmi ces
les, tués par les paysans, se trouvait le mari
le fille naturelle de l'empereur Maxîmilien ;
la conduisirent elle-même à Heilbronn dans
:oiubereau à fumier. Ils détruisirent un grand
ibre de couvens; dans la seule Franconie deux
t quatre-vingt-treize monastères ou châteaux
înt dévastés.
orsqu^ils pillaient un château ou un monas-
i , ils ne manquaient jamais de courir d'abord
sellier pour y boire le vin , puis ils se parta-
ient entre eux les ornemens d'église et les ha-
I pontificaux. (Haarer [Petrus Grinitus] , apud
îher, III,2A2-8.)— Au monastère d'£rbach,
is le Rhingaw , il y avait une immense cuve
itenant quatre-vingt-quatre grands muids de
. Elle était pleine quand les paysans arrivèrent;
[l'en laissèrent pas un tiers. (Cochlœus, p. 108.)
1s forçaient les seigneurs de leur envoyer leurs
("Sans. Le conseil-commun , leur écrivàient-ils^
dby Google
334 ■(«oiRBs
a décidé que vous réuniriez votre peuple et que
vous nous enverriez les hommes, après les avoir
armés. Si vous ne le faites, tenez pour certain que
vous serez très incertain de votre vie et de vos
biens. — (Haarer, apud Freher, t.III, p. 247.)
Les femmes prirent part à la guerre des pay-
sans. Du côté de Heilbtonn, elles marchaient réu-
nies sous une bannière. (Jœger , Histoire de Heil-
bronn, II, p. 34.)
* Quand les paysans menèrent le comte de
Lœvirenstein par Weinsberg , il fut respectueuse-
ment salué d'un passant. Un vieux paysan qui le
vit , s'avança aussitôt avec sa hallebarde , et dit au
passant : « Pourquoi t'inclines-tu ? Je vaux autant
que lui. » (Jseger, Histoire de Heilbronn^II, p. S2.)
— Les paysans s'amusaient à faire ôter les cha-
peaux aux nobles devant eux.
Les paysans de l'évêché de Wurzbourg , con-
duits par un homme de tête , nommé Jacques
Kohi , demandèrent que les châteaux fussent dé-
molis et qu'aucun noble ne pût avoir de cheval
de guerre. Ils voulaient que les nobles n'eussent
d'autre droit que le droit commun. (Stumpf,
Faits mémorables de l'histoire de la Franconie ,
t. II, 44. Wachsmuth , p. 58 , 72. )
« Lorsque Hûnzer était à Zwickaa , il vint trou-
ci by Google
Di LtTHsm. 385
ver une belle fille , et lui dit qu'il ëtait envoyé
vers elle par une voix divine pour dormir avec
elle; sans cela il ne pouvait enseigner la parole
de Dieu. La fille l'avoua en confession sur son lit
de mort. (Tischred., p.âdâ.)
> Mûnzer établissait des degrés dans l'état du
chrétien, P le dégrossisseraent(entgrobung) pour
celui qui se dégageait des péchés les plus gros-
siers, la gourmandise, l'ivrognerie, l'amour des
femmes-; â*" l'état d'étude, lorsqu*on pensait à
une autre vie et qu'on travaillait à s'améliorer ;
S^'la contemplation, c'est-à-dire les méditations sur
les péchés et sur la grâce; -4** l'ennui , c'est-à-dire
l'état où la crainte de la loi nous rend ennemis de
nous-mêmes et nous inspire le regret d'avoir
péché; 5° Suspentionèm gratiœ, le profond
abandon, la profonde incrédulité , et le désespoir
tel que celui de Judas; ou au, contraire, l'aban-
don de la foi en Dieu, Ibrsque l'on se met à sa
disposition, et qu'on le laisse faire Il m'écrivit
une fois à moi et à Mélanchton : « J'aime assez
que vous autres de Wittembergl, vous attaquiez
ainsi le pape , mais vos prostitutions que vous ap-
pelez mariages, ne me plaisent guère. > Il ensei-
gnait qu'un homme ne doit point coucher avec
sa femme à moins d'être préalablement assuré par
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336 KitfOIBES
une révélation divine qa'il engendrera un enfant
saint; sans cela, c'était commettre un adultère
avec sa femme. (Tischreden , p. â92-S.)
Mûnzer était très instruit dans les lettres sa-
crées. — Il avait reçu sa doctrine , disait-il , par
des révélations divines , et il n'enseignait rien au
peuple, il n'ordonnait rien qui ne vînt de Dieu
même. Il avait été chassé de Prague et de plu-
sieurs autres villes. Fixéà Alstœdt en Saxe, il dé-
clama contre le pape, et ce qui était plus dan-
gereux, contre Luther même. — L'Écriture,
disait-il , promet que Dieu accordera ce qui lui
est demandé; or, il ne peut refuser un signe à
celui qui cherche la vraie connaissance. Cette re-
cherche est agréable à Dieu, et nul doute qu'il
ne déclare sa volonté par quelque signe certain.
Il ajoutait que Dieu lui ferait entendre à lui-
même sa parole, ainsi qu'il avait fait pour Abra-
ham, et que si Dieu refusait de communiquer
avec lui comme il avait communiqué avec les
patriarches, il lancerait des traiti contre lui (?),
teh in se ipmm conjecturum» Il disait que Dieu
manifestait sa volonté par les songes. (Gnodalius,
ap. rer. germ. scrip. Il, p. 151.)
Pendant que Mûnier exhortait les paysans,
avant le combat de Frankenhausen , un arc-en-
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D« LUTHBR. 337
ciel parut au-dessus d'eux. Gomme les paysatis
aTaient cet emblème sur leur bannière, ils se
crurent dès-lors assurés de la victoire. (Hist. de
Mùnzer par M élanchton » Lutb. Werke, t, II,
p. 408.)
Page 178 , ligne 14. — Luther ne pouvait garder
le silence*'.
Dès Tannée 1524, il avait exborté l'électeur
Frédéric et le duc Jean à prendre des mesurei
TÎgoureuses contre les paysans en révolte.
■ ... Jésus-Christ et ses apôtres n'ont point
renversé les temples ni brisé les imag;es. Ils ont
gagné les esprits par la parole de Dieu, et les
images, les temples sont tombés d'eux-mêmes.
Imitons leur exemple. Songeons à détacher les
esprits des couvons et de la superstition. Qu'en-
suite les autorités fassent des couvons et des
images délaissés ce que bon leur semblera. Que
nous importe que les bois et les pierres subsis-
tent, si les esprits sont affranchis ? ... Ces violences
peuvent être bonnes pour des ambitieux qui
veulent se faire un nom, jamais pour ceux qui
recherchent le salut des âmes... * (21 août 1524.)
20
Digitized by VjOOÇIC
338 M^Moiass
Ptge 178* ligna si.— Exhortation à la paix.,.
« Exhortation sincère du docteur M. Luther à
tous les chrétiens pour qu'ils se gardent de l' esprit
de rébellion. 1524. — L'homme du peuple, tenté
hors de toute mesure , et écrasé de charges intolé-
rables, ne yeut ni ne peut plus supporter cela, et
il a de bonnes raisons pour frapper du fléau et de
la massue, comme Jean de la pioche menace de
jEaire... Je suis charmé de voir que les tyrans
craignent. Quant moi, menace ou craigne qui
voudra, etc.
» C'est Fautorité séculière et les nobles qui
devraient mettre la main à Tœuvre (à l'œuvre de
réforme); ce qui se fait par les puissances régu-
lières ne peut être pris pour sédition. >
Après avoir dit qu'il fallait une insurrection spi-
rituelle et non temporelle : « £h bien! répands,
aide à répandre le saint Évangile; enseigne , écris,
prêche que tout établissement humain n'est rien;
dissuade tout le monde de se faire prêtre papiste,
moine, religieuse; à tous ceux qui sont là-dedans,
conseille-leur d'en sortir ; cesse de donner de
l'argent poi^ les bulles, les cierges, les cloches,
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M t1)THE&. 839
les tableaux , les églises; dis-leur que la Tie chré-
tienne consiste dans la foi et la charité. Continuons
deux ans de la sorte, et tu yerras ce que seront
deyenus pape, éyéques, cardinaux, prétraille,
moines , religieuses , cloches , tours d'églises ,
messes, yigiles, soutanes, chapes, tonsures, rè-
gles, statuts, et toute cette Termine, tout ce bour-
donnement du règne papal. Tout aura disparu
comme fumée. »
Après ayoir recommandé la douceur et la pa-
tience envers les faibles d*esprit qu'on yeut éclai-
rer, Luther continue : « Si ton frère avait le cou
cruellement serré d'une corde, et que, venant à
son secours, tu tirasses la corde avec violence ou
que tu y portasses précipitamment ton couteau,
n'étranglerais-tu pas , ne blesserais-tu pas ton
frère ? Tu lui ferais plus de mal que la corde et
l'ennemi qui l'aurait lié. Si tu veux le secourir,
attaque l'ennemi ; la corde , tu la toucheras avec
précaution jusqu'à ce qu'elle soit ôtée. C'est ainsi
qu'il faut t'y prendre. Ne ménage pas les fourbes
et les tyrans endurcis , porte-leur des coups terri-
bles, puisqu'ils ne veulent point écouter; mais
les simples qu'ils ont cruellement garrottés des
liens de leur fausse doctrine, tu les traiteras
tout autrement, tu les délieras peu-à-peu , tu leur
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840 MÉHOIEBS
diras la raison et la cause de tout, et tu les affrai
chiras ainsi avec le temps... Tu ne peux être assi
dur envers les loups , assez doux envers les Csâbli
brebis. •
Page M)9t ngna 8* -^On s'êfonne dé la dureté at^ee laquMi
Luther parle de leur défaite...
A Jean Rûhel, beau- frère de Luther, — < Ce
cbose lamentable qu'on en finisse ainsi avec ۥ
pauvres gens (les paysans). Mais comment faire
Dieu veut qu^il se répande une terreur dans
peuple. Autrement, Satan ferait pis que ne foi
maintenant les princes. Il faut bien préférer
moindre mal au plus grand... » {^% mai ISSS
«... Ce qui me porte surtout à écrire si vi<
lemment contre les paysans , c*est que je suis r
volté de les voir entraîner les timides de forc<
et précipiter ainsi des innocens dans les cbàl
mens de Dieu. ( SO mai 1535.)
Page llo»Iigoe 17. *^ Luther intercéda.. . et obtint.,, qu'il f
t' établir à Kemberg.,,
Garlostad, après avoir obtenu la permission <
restera Kembèrg, ne s'y tint pas tranquille, comi
il Tavait promis. Il fit imprimer et répandre cla
dby Google
»■ LuxaBA. 841
deftinement, sam nom d'auteur, différen§ écrits
contre Luther, et s'adressa en même temps au
chancelier Bruck poar se plaindre des torts que
son ancien adversaire aurait eus envers lui. Lu-
ther, en ayant été instruit, écrivit au chancelier
pour lui exposer ce qui s'était passé entre lui et
Garlostad, et ce qu'il pensait de ce dernier (24
sept. 1 528.) «... En vérité , dit-il , je ne sais que ré*
pondre à de pareils griefs. Au moindre mal , au
moindre désagrément qui lui arrive, il &ut que
Luther en soit la cause Par compassion, j'avais
bien voulu qu'il vint m'exposer ses scrupules, et
j'avais tâché d*y répondre à son contentement: il
m'en faisait des remercimens, et cependant j'ai
TU depuis, par une de ses lettres à Schv^enkfeld ,
qu'il se raillait de ma bonne volonté et de ma
eompassion. Depuis ce temps mon cœur s'est dé-
tourné de lui...
9 Si on ne le surveille de plus près , pour l'em-
pécher de faire imprimer ces écrits anonymes
(qu'on sait bien être de lui), qui croira à la lon-
gue que ce soit sans le consentement de notre gra-
cieux seigneur , et à notre insu, que Garlostad sé-
journe parmi nous? D'un autre côté, s'il sortait
del'électorat, il exciterait probablement des trou-
bles , et l'on ne manquerait pas d'en rendre res-
20. joogle
243 mAmoieis
ponsabletnotreseigneur qui aurait pales prévenir
en retenant sous sa main cet honune dangereux.
Le souvenir de Mûnzer me fait peur... Mon avis
serait donc qu'on lui fit strictement observer le
silence qu'il a juré de garder, et qu'on ne le laissât
point sortir du pays jusqp'à nouvelle décùion.
Des paroles sévères sufi&ront, j'en suis sûr» car il
est jhcile de lui imposer par un ton ferme et décidé.
Quant à moi , je me trouve bien puni de l'avoir
fiât revenir parmi nous , et d*avoir si imprudem-
ment convié Satan à ma table. >
Page SIS, Ifgne i6. ~ Luther exprime quê V espoir tout pour r»
encore bien tourner pour Carlostad.,,
« Hier, nous avons baptisé un fils de Carlostad,
ou plutôt nous avons rebaptisé le baptême. Qui
aurait cru, l'année dernière, que ceux qui appe-
laient le baptême un bain de chien, le demande-
raient aujourd'hui à leurs anciens ennemis ? > (fé-
vrier 15â6}. Mais son retour n'était point sincère.
« Il vit avec nous, nous espérions le ramener dans
la bonne voie, mais le misérable s'endurcit de
jour en jour. Toutefois la crainte lui ferme la
bouche.» (28 novembre 1527.) Quelques mois
plus tard il écrit à un de ses amis : « Cette vipère
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M I.17THBE. 843
de Carlostad , que je tiens dans mon sein , remue
et s'agite, mais n'ose sortir. Plût à Dieu que tes
fanatiques Teussent parmi eux et que j'en fusse
déUvrél» (28juillet 1528.)
« Carlostad est absent depuis quelques semai-
nes, on pense qu'il est allé retrouver les siens et
chercher son nid. Qu'il aille, puisqu'il n'est point
de bons procédés qui puissent le ramener. » (S7
octobre 15S7.) Carlostad ne put supporter long-
temps la protection hautaine et menaçante de Lu-
ther ; il s'enfuit aux Pays-Bas.
« Carlostad s'est arrêté en Frise joyeux et triom-
phant. Il a appelé sa femme à lui par une let-
tre de gloriole et de félicitations. > (6 mai 1539.)
Luther pria le chancelier de l'Électeur, Chris-
tian Bayer , de faire accorder à Carlostad un sauf-
conduit : « La femme de Carlostad m'a prié in-
stamment de m'employer auprès de mon gracieux
seigneur pour obtenir un sauf-conduit à son mari
qui désirerait revenir parmi nous. Quoique j'aie
peu de confiance dans le succès de cette demande,
je n'ai pu cependant lui refuser mon appui. »
(18 juillet 1520.)
Luther intitula l'un de ses écrits contre Car-
lostad : c De la noble et gracieuse dame , dite
Fhabile intelligence du docteur Carlostad sur
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844 MiiMOIftES
le point de rSucliaristie. » (Luth. Werke, t. Il,
p.W.)
Pagt si3 , ligne 27. — Contre les princes,,,
« Bons princes et seigneurs , vous êtes trop pres-
sés de me voir mourir, moi qui ne suis qu'un
pauvre homme; vous croyez qu'après cela vous
aurez vaincu. Mais si vous aviez des oreilles pour
entendre , je vous dirais d'étranges choses : c'est
que si Luther ne vivait, aucun de vous ne serait
sûr de sa vie et de ses biens. Sa mort serait pour
vous tous une calamité. Continuez toutefois
joyeusement; tuez, brûlez ; pour moi, je ne céde-
rai point, si Dieu le permst. Voilà qui je suis; ce*
pendant, je vous en supplie, soyez assez bons,
quand vous m'aurez tué , pour ne pas me ressus-
citer et me tuer une seconde fois... Je n'ai pas af-
foire, je le vois , à des hommes raisonnables; tou-
tes les bétes de l'Allemagne sont lâchées contre
moi, comme des loups ou des porcs qui me doi-
vent mettre en lambeaux.... J'ai voulu vous aver-
tir, mais cet avis vous sera certainement inutile ;
Dieu vous a frappés d'aveuglement. » (Passage de
Luther, cité par Gochlœus, p. 87. )
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BB LUTEBU. 845
Page ai6, ligne 7. ^ Bueer-. distimufm queltfuê ttmps ses
opinions aux yeux delM%Ker%„
Le 25 mai 1524, Luther écriyait à Capiton :
«Il y a des gens qui s'obstinent à affirmer que je
condamne TOtre manière d'agir, à toi et à Bucer..,
Sans doute ces vains bruits sont nés de cette let-
tre que je t'adressai, que Ton a depuis tant de
fois imprimée, et qu'on yient même de traduire
en allemand. C'est ce qui me détourne presque
d'écrire des lettres , quand je vois qu'on me les
enlève ainsi malgré moi pour la presse, tandis
qu'il y a beaucoup de choses qu'on peut et qu'on
doit s'écrire entre amis, mais que l'on ne veut
pas voir répandre dans le public. »
Le \k octobre 1539, il écrit à Bucer : « Tu sa-
lueras respectueusement pour moi J. Sturm et
J.Calvin, dont j'ai lu les livres avec unsingulier
plaisir. »
Page st7, lignent^ JgwingU, OEcolampada*,'
« OËcolampade et Zwingli ont dit : «Nous res-
tons en paix avec Luther, parce qu'il est le pre-
mier par qui Dieu ait donné l'Évangile, mais
dby Google
346 MteoiRii
après sa mort, nous ferons valoir de nouveau nos
opinions. » Ils ne savaient pas qu'ils dureraient
moins que Luther. »
« Luther disait qu'on devait se contenter de
mépriser ce misérable Gampanus et ne point
écrire contre lui. Alors Mélanchton se mit à dire
que son avis était qu'on devait le pendre , et qu'il
eu avait écrit à son maître l'Électeur.
« Gampanus croit savoir plus de grec que Lu-
ther et que Pomer. Le chrétien est, selon lui, ^n
homme parfait et infaillible; il fait de l'homme une
bûche , comme les stoïciens. Si nous ne sentions
aucun combat en nous, je ne voudrais pas don-
ner un liard de toutes les prédications et des sa-
cremens. « (Tischreden , p. â8S. )
Zwingli ose dire: « Nous voulons dans trois ans
avoir dans notre parti la France, l'Espagne et l'An-
gleterre. — *** introduit ses livres sous notre
nom de Suisse en France , de sorte que plusieurs
villes en sont infectées... J'ai plus d'espérance dans
ceux de Strasbourg. »
€ OEcolampade était d'abord un brave homme ;
mais il a pris ensuite de l'amertume et de l'ai-
greur. Zwingli a été un homme gai et aimable,
et pourtant il est devenu triste et sombre. » (Tis-
chreden, p. 283.)
Digitizedby Google
DB LUTHm. 847
« Après avoir entendu ZwingU à la conférence
de Marbourg, je l'ai jugé un homme excellent,
ainsi qu'OEcolampade... J'ai été très affligé de te
voir publier le livre de Zwingli au roitrè» chrétien,
avec force louanges pour ce livre, tandis que tu
savais qu'il contenait beaucoup des choses qui ne
me déplaisent pas seulement à moi , mais à tous
les gens pieux. Non que j'envie l'honneur qu'on
rend à Zwingli, dont la mort m'a causé tant de
douleur , mais parce qu'aucune considération ne
doit porter préjudice à la pureté de la doctrine.»
( U mai 1528)
'■ge a 171 ligna i5. "Je connais as te» P iniquité
de Bucer:»
€ Maître Bucer se croyait autrefois bien savant;
il ne l'a jamais été , car il écrit dans un livre que
tous les peuples ont une seule religion et sont ainsi
sauvés. Certes, cela s'appelle extravaguer. » (Tûh
chreden, p. 184.)
€ On apporta au docteur Luther un grand li-
vre qu'avait écrit un Français nommé Guillaume
Postellus, sur VVnUé dans le Monde. Il s'y don-
nait beaucoup de peine pour prouver les articles
de la foi par la raison et le nature , afin de pou-
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348 MÉMOIAES
voir convertir les Turcs et les juife et amener tous
les hommes à une même foi. Le docteur dit à ce
sujet : € C'est prendre trop pour un morceau. On
a déjà écrit de pareils livres sur la théologie na-
turelle. Il en est advenu à cet auteur selon le
proverbe : Les Français ont peu de cervelle. Il
viendra encore des visionnaires qui entreprit*
dront d'accorder tous les genres d'idolâtrie avec
une apparence de foi et de l'excuser ainsi. > (Tis-
chreden, 68, verso.)
Bucer assaya plusieurs fois de se rapprocher
de Luther. « Je puis bien pour ce qui me regarde
user de patience avec vous, lui écrivit Luther,
et croire que vous ne pouvez revenir si brusque-
ment; mais j'ai dans le pays de grandes multitu-
des d'hommes (comme vous l'avez vu à Smal-
kalde) que je ne tiens pas tous dans la main. Nous
ne pouvons souffrir, en aucuoe manière, que
vous prétendiez n'avoir point erré, ou que vous
disiez que nous ne nous sommes point entendus.
Le meilleur pour vous serait ou d'avouer fran*
chement, ou de garder le silence en enseignant
désormais la bonne doctrine. Il y en a de notre
côté qui ne peuvent souffrir vos détours, comme
Amsdorf, Osiander, et encore d'autres. > (15S2.)
Il y eut après la révolte des anabaptistes, IKW,
Digitizedby Google
DB LUTHER. 349
de nouTelles tentatives pour réunir les églises
réformées de Suisse, d'Alsace et de Saxe dans
une même confession. Luther écrit à Capiton
(Kœpstein), ami de Bucer el ministre de Stras-
bourg : « Ma Catherine te remercie de l'anneau
d'or que tu lui as envoyé. Je ne l'ai jamais vue
plus fâchée que quand elle s'est aperçue qu'on
le lui avait volé, ou qu'elle l'avait perdu par né-
gligence , ce que je ne puis croire , quoiqu'elle
le répète sans cesse. Je lui avais persuadé que
ce don lui était envoyé comme un heureux
gage de la concorde future de votre église avec
la nôtre : la pauvre femme est tout affligée. »
(9 juillet 1»S7.)
Page sao , Ugne s5« — Je ne puis t'aecujer^ ,
d'entêtement...
• J'ai quelque chose qui défendra ma cause,
lors même que le monde entier extravaguerait
contre moi : c'est ce qu'Érasme appelle mon
entêtement à affirmer {pervicaeia OBierentU^. »
(V* octobre 15^3.)
rage sss,ligo« s3. -^De lihero arhitrio^.,
« Tu dis moins , mais tu accordes plus au
TOMB 1 SI
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350 HiMOIRKt
libre arbitre qpie tous les autres; car tu ne défi-
nis point le libre arbitre, et pourtant tu lui
donnes tout, ^accepterais plus volontiers ce
que nous disent sur ce point les sopbistes et
leur maître Pierre Lombard, pour qui le libre
arbitre n'est que la faculté de discerner et de
choisir le bien, si Ton est soutenu par la grâce,
le mal, si la grâce nous manque. Pierre Lom-
bard croit avec Augustin que le libre arbi-
tre , s'il n'a rien qui le dirige , ne peut que con-
duire l'homme à sa chute , qu'il n'a de force que
pour le péché. Aussi Augustin, dans son second
livre contre Julien, l'appelle le serf arbitre,
plutôt que le libre arbitre. (De servo arbitrio,
p. 477, verso.)
Tégê ata , ligne a4* — ^^ reconnut que la véritable çuatiùm
venait d'être posée., * Il hésita quelque temps à répondre.,.
« On ne saurait croire combien j'ai de dégoàt
pour ce traité du Libre arbitre; je n'en ai en-
core lu que quelques pages... C'est un grand
ennui que de répondre à un si savant livre d'un
•i savant personnage. » (1"' novembre 1524.)
Cependant il ne pouvait laisser passer ce livre
aans réponse. «J'ai tué, dit*il quelque part, par
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Di tuTHim. 3Sl
mon âlence, Eck, Emser , Cochlœus. » Mais avec
Érasme , il n'en pouvait être ainsi : son immense -
réputation rendait une réfutation nécessaire.
Luther se mit bientôt à l'œuvre : « Je suis tout
entier dans Érasme et le libre arbitre, et je ferai
en sorte de ne pas lui laisser un seul mot de juste,
comme il est vrai qu'il n'en a pas dit un seul. •
( 28 septembre 1525.)
Paf« aaS» UgM »3. -^ // n'jr a. plus ni Dieu ni Chriêi,.»
« Si Dieu a la prescience , si Satan est le prince
du monde, si le pécbé originel nous a perdus,
si les juifs , cherchant la justice , sont tombés dans
rinjustice , tandis que les Gentils , cherchant
l'injustice, ont trouvé la justice {gratis et inspe^
raio)y si le Christ nous a rachetés par son sang,
il n'y a point de libre arbitre ni pour l'homme ,
ni pour l'ange. Autrement le Christ est superflu,
ou bien il faut admettre qu'il n'a racheté que la
partie la plus vile de l'homme. (I>0 servo arbi-
trio, p. 525 , verso.)
Pag» as5 «ligne ii. — Plus Luther se débat..»
Poussé par la contradiction, Luther arrive à
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352 vittoi&is
soutenir les propositioiis Mivaiites : La grâce
est donnée gratuitement aux plus indignes, aux
moins méritans; on ne peut l'obtenir par des
études, desœuTres, des efforts petits ou grands;
elle n'est pas même accordée au zèle ardent du
meilleur, du plus vertueux des hommes, qui
cherche et suit la justice. ( Do aervo mrbitrio ,
p. 520. )
P«|« »i5, ligD* ai. — Jusqu'à son. dtmi^^ jour , im nom
d'Erasms^ etc.*.
« Ce que tu m'écris d'Érasme, qu'il écume
contre moi, je lésais, et je l'ai bien vu par ses
lettres... C'est un homme très léger, qui se rit de
toutes les religions, comme son Lucien, et qui
n'écrit rien de sérieux , si ce n'est par rengeance
et pour nuire. > (28 mai 1529.)
« Érasme se montre digne de lui-même, en
poursuivant ainsi le nom luthérien, qui fait sa
sûreté. Que ne s'en ya-tr«il chez ses Hollandais,
ses Français, ses Italiens, ses Anglais, etc.?.... Il
veut par ces flatteries se préparer un logement,
mais il n'en trouvera pas et tombera à terre entre
deux selles. Si les luthériens l'avaient haï comme
les siens le haïssent, ce ne serait qu'ai} péril àe
dby Google
DB LUTHBR» 353
ses jours qu'il Tirrait à Bâle. Mais que le Christ
juge cet athée, ce Lucien, cetÉpicnre. » (7 mars
1539.)
Cette lettre se rapporte probablement à la pu-
blication suivante : Contra quoêdam qui se feho
jactani Evangelicos, epùiola Desid. Erasmi Roi.
jàm recems edÙ9 et scholii» illuHrata. Ad Vuliu-*
rmm Nêoeow^m dot. Frib. 1529. in-S"».
P«gesia6« ligM '• — Ces détours, et la conduit» équivoque
iC Erasme , n allaient point à l'énergie de Luther.
• Je te Tois, mon cher Érasme, te plaindre
dans tes écrits , de ce tumulte, et regretter la paix,
la concorde que nous ayons perdues. Cesse de te
plaindre , de chercher des remèdes. Ce tumulte ,
c'est par la Tolonté de Dieu qu'il s'est élevé et
qu'il dure encore: il ne cessera pas avant que tous
les adversaires de la parole de Dieu soient deve-
nus comme la boue de nos carrefours. • (De servo
arbiirio, p. 465.)
I^age aa9 » Mgne 4* — Mariage de Luther,.,
Luther, en prêchant le mariage des prêtres , me
songeait qu'à mettre fin au honteux démenti
qu'ils donnaientchaque jour à leur vœu de chus-
21.
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364 HÉMOIEBS
teté; il ne l'avisait point alors qu'un prêtre marié
pût préférer sa fsimille selon la chair à celle que
Dieu et l'Église lui ont donnée. Mais lui - même
ne put toujours se soustraire à ces sentimens égoïs-
tes du père de famille; il lui échappe parfois des
paroles qui forment un fâcheux contraste avec la
charité et le dévouement, tels que les prêtres
catholiques les ont compris et souvent pratiqués.
« Il suffît , dit-il , dans une instruction à un pasteur ,
que le peuple communie trois ou quatre fois par
an, et publiquement. La communion donnée sépa-
rément aux particuliers deviendrait un poids trop
• lourd pour les ministres, surtout en temps de
peste. Il ne faut point d'ailleurs rendre ainsi l'É-
glise, avec ses sacremens, l'esclave de chacun, sur-
tout de ceux qui la méprisent et veulent cepen-
dant qu'à tout évévement l'Église soit prête pour
eux , eux qui ne font jamais rien pour elle. >
(26 novembre 15S9.)
Cependant il se conduisait lui-»méme d'après
d'autres maximes. Il montra dans les circonstan-
ces graves une charité héroïque.
« Ma maison devient un hôpital. Tous étant
frappés d'effroi, j'ai reçu chez moi le pasteur
(dont la femme venait de mourir) et toute sa fa-
mille. » (4 novembre 1627.)
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DB LDTHBft. 865
« Le docteur Luther parlait de la mort du doo
ir Sébald et de sa femme, qu'il avait Tiiités et
ichés daiu leur maladie. « Ils sont morta, di-
t-il, do chagrin et d'inquiétude plutôt que do
peste. » Il retira leurs enfans dans sa maison;
comme on lui faisant entendre qu*il ten-
t Dieu : « Ah ! dit-il, j'ai eu de bons maîtres
i m'ont appris ce que c'était que tenter Dieu. »
La peste étant dans deux maisons , on voulait
[uestrer un diacre qui y était entré. Luther ne
voulut pas, par confiance en Dieu et- de crainte
sffirayer. (décembre 1598. Tisekreden, p. 366.)
•
Page ao3, ligne 8. ^ Préoccupé de soins matériels. >*
A Spalatin, « Tout pauvre que je suis, je t'au-
is renvoyé cette belle orange d'or que tu avab
nuée à ma femme, si je n'avais craint de t'of-
iser.
» Saluta tuam conjugem suavissimè; verùmet
tum facias cùm in thoro suavissimis amplexi-
LS et osculis Gatharinam tenueris, ac sic cogi-
reris : En hune hominem , optîmam creaturu-
n Dei mei , donavit mihi Ghristus meus ; sit iUi
IS et glorîa! » (6 dédembre 1S2S.)
« Salutabis tuum Dictative multis basîis^ vice
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356 HÉHOIRCS
mea et Johannelli mei » qui hodîe didicit &i
paplitibvB soins in omnem anfulum cacare, i
cacavit Terè in omnem angolmn miro negoUc
Sahitat te mea Ketba et orarepro se rogat, pv
pera propediem futura ; Chrôhis assit.» ( 19 o<
bre 15Î7.) — • Filiolam aliam habeoin utero,
ayril 1 528. ) — « Mon petit Jean est gai et fort ; c
un petit homme Vorace et ftt6ac«.> (mai 1537.
• Salue pour moi ce gros mari de Melchior , à
je souhaite une femme soumise, qui , le jour
mène sept fois par les cheveux autour de la pi
publique, et la nuit, lYtourdisse trois fois de
rôles conjugales, comme il le mérite. > (10
vrier 1525.)
« Nous buvons d'excellent vin de la cave
"prince , et nous deviendrions de parfaits évan
liques, si l'Évangile nous engraissait demémi
(8marsl52S.)
Lettre à /. Agricola (dont la femme allait ace
cher). — «Tu donneras une pièce d'or au nouve
né, et une autre à l'accouchée , pour qu'elle bo
du vin et qu'elle ait du lait. Si j'avais été p
sent, j'eusse servi de compère. De la région
oiseaux, 1521. *
Les lettres de cette époque se terminent d'
dinaire par quelques-uns de ces mots: Mea coi
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BB LUTIKM. 857
dominuê mené , imperatrix mea Ketha i€ êalutai.
Ma chère côte, mon maître, mon impératrice ,
Ketha te salue.
« Ketha, mon seigneur, était dans son nouveau
royaume, à Zeilsdorf (petit bien que possédait Lu-
ther ) , quand tes lettres sont arrivées. *
II écrit à Spalatin : « Mon Eve demande tes priè-
res pour que Dieu lui conserve ses deux enlans ,
et lui accorde d'en concevoir et d'en enfanter
heureusement un troisième. » (15 mai 1528. )
Gochlœus appelle la femme de Luther: dignum
ollœ operculum (page 7S.)
Luther prie Nicolas AmsdorI d'être parrain de
la fille Magdalena(5 mailS29) : « Digne seigneur f
le Père de toute grâce nous a accordé^ à moi et à
nia bonne Catherine, une chère petite enfant. Dans
cette circonstance , qui nous rend si joyeux, nous
vous prions de remplir unofiicechrétien, et d'être
le père spirituel de notre pauvre petite païenne,
pour la faire entrer dans la sainte communauté
des chrétiens, parle divin sacremait du baptême.
Que Dieu soit avec vous! >
Luther eut trois fils, Jean, Martin, Paul, et
trois filles, Elisabeth, Madeleine. Marguerite. Les
deux premières de s^ filles moururent jeunes,
lune à l'âge de huit mois, l'antre à treiioans. On
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808 ntlHoi&Bs
lisait sar le tombeau de la première : Hic dormH
£liêabetha,filiola Luiheri,
La descendance mâle de Luther s'éteignit en
1759.(DkertJ,p. M.)
Il y a dans Téglise de Kieritzsch (village saxon),
un portrait de la femme de Luther en plâtre, por*
tant l'inscription suivante : Catarina Lutheri ge-
bohmevon Bohrau, 1540:€e portrait avait appar^
tenu à Luther. (Ukert, I, 364.)
PagesSo, llpia lO. — Cetta période d'atonie.^.
Il s'indigne à son tour contre les prédicateurs
trop véhémens • Si N*** , écrit^il à Hausmann, ne
peut se modérer , je le ferai chasser par le prince.
» Je vous avais déjà prié, dit-il au même pré-
dicateur, de prêcher paisiblement la parole de
Dieu , en vous abstenant de personnalités et de
tout ce qui peut troubler le peuple sans aucun
fruit... Vous parlei trop froidement du sacrement
et restez trop long-temps sans communier. • (10 fé*
vrier 1528.)
< n BOUS est arrivé de Kœnigsberg un prédi-
cateur qui veut faire je ne sais quelles loiï sur
les cloches, les cierges , et autres choses sembla-
bles... Il n'est pas bon de prêcher trop souvent;
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SB LUTHEA. 359
j'apprends qae chaque diinanclie on fait trois ser-
mons à Kœnigsberg. Qu'est-il besoin ? deux suffi-
raient; et pour toute la semaine, ce serait assez
de deux ou trois. Lorsqu'on prêche, chaque jour,
on monte en chaire sans avoir médité son sujet ,
et l'on dit tout ce qui rient à la bouche ; s'il ne
Tient rien de bon, on dit des platitudes et des in-
jures. — Plaise à Dieu de modérer les langues et
les esprits dé nos prédicateurs. Ce prédicateur de
Kœnigsberg est trop véhément, il a toujours des
paroles sombres, tragiques , et des plaintes amè-
res pour les moindres choses. > (16 juillet 1528.)
< Si je voulais devenir riche, je n'aurais qu'à
ne plus prêcher, je n'aurais qu'à me faire bate-
leur; je trouverais plus de gens qui voudraient me
.voir pour de l'argent, que je n'ai d'auditeurs au-
jourd'hui. » (Tischr., p. 186.)
Page 25o ligne 1 8. — Honorons le mariage,..
Le 25 mai 1524 , il écrivait déjà à Capiton et
Bucer : < J'aime fort ces mariages que vous faites
de prêtres , de moines et de nonnes ; j'aime cet ap-
pel des maris contre l'évêq^e de Satan , j'aime les
choix qu'on a faits pour les paroisses. Que dirai-
je, je n'ai rien appris de vous dont je n'aie une
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360 MÉHOIKBS
joie extrême. Poursuiyez seulement et aTane
prospérité... Je dirai plus: on a, dans ces de
res années , fait assez de concessions aux fai
D^ailleurs, puisqu'ils s'endurcissent de jou
jour, il faut agir et parler en toute libert
vais enfin songer moi-même à rejeter le
que j'ai gardé jusqu'à présent pour le soi
des fiiibles et en dérision du pape. » ( âjj
1524.)
P>Se a Sa* UgOM 7 ^ </« n'ai point wmlu router de do
mon père Vespoir d'une postérité:.
« L'affiiire des paysans a rendu courage au:
pistes et iait tort à la cause de l'Évangile; il i
fiiuC , nous aussi , porter plus haut la tête,
dans ce but que pour ne plus attester Vt
gile de paroles seulement, mais par mesactio
viens d'épouser une nonne. Mes ennemis tr
pbaient, ils criaient : lo ! io ! J'ai voulu
prouver que je n'étais pas encore disposé à
retraite , quoique vieux et faible. Et je
d'autres choses encore Je l'espère , qui troi
ront leur joie et appuieront mes paroi
(16aoùtl5S5.)
Le docteur £ck publia un recueil intil
Epahêlmmia foêtiva in Luikemm, Eessum (\
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BB LUTHKB. 381
nufn Regium) et in genus nuptiatorum. On y trouye
entre autres pièces une hymne de dix-neuf stro-
plies , intitulée : Hymnus paranymphorum , et
eommençant parées mots: loJioIio ! io! gaudea-
mus cum jubilo , etc; une Additio dithyram-
bieaadepithalamîun Mart. Lwtheri , dans le même
mètre; un Epithalamium Mart, Lutheri, en hexa-
mètres commençant ainsi : Die tnihi, musa , no-
ffum, etc. Hasemherg fit sur le même sujet une sa-
tire intitulée : Ludus ludeniem Luderum ludens,
Luther y répondit par différentes pièces dont
le recueil fut imprimé sous le titre : La fable du
lion et de Vàne,
Luther était à peine marié, que ses ennemis
répandirent le hruit que sa femme venait d^ac-
coucher. Érasme accueillit ce hruit avec empres-
sement et se hâta d'en faire part à ses correspon-
dans; mais il se vit obligé plus tard de le démentir.
(Ukert. I, 189-192.)
Page ^35 , Ifgne l3. — Tous les Jours les dettes nous enveloppent
davantage, .•
£n 1527 , il fut obligé de mettre en gage trois
gobelets pour cinquante florins et d'en rendre
un pour dôme florins. Son revenu ordinaire ne
22
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362 ■Ahoiebs
s'éleva jamais au-dessus de deux cents florins de
Misnie par an. — Les libraires lui avaient offert
une somme annuelle de quatre cents florins, mais
il ne put se résoudre à les accepter. — Malgré le
peu d'aisance dont il jouissait, sa libéralité était
extrême. Il donnait aux pauvres les présens de
baptême destinés à sesenfans. Un pauvre étudiant
lui demandant un jour quelque peu d'argent, il
pria sa femme de lui en donner ; mais celle-ci ré-
pondit qu'il n'y en avait plus dans la maison. Lu-
ther prit alors un vase d'argent et le remit à l'é-
tudiant pour qu'il le vendit à un orfèvre. (Ukert.
n.p.7.)
c Je lui aurais volontiers donné de quoi bire
sa route , si je n'étais accablé par la multitude des
pauvres, qui, outre ceux de notre ville, accou-
rent ici comme en un lieu célèbre. • (avril 1539. )
« Je t'en supplie, mon cher Justus, par grâce,
arrache du trésorier cet argent qu'il est si difficile
d'avoir et que le prince a promis à G. ScharC.Tu
donneras, s'il le faut, une quittance en mon nom.»
(11 mai 1540.)
« Luther se promenant un jour avec le docteur
Jonas et quelques autres amis, fit l'aumône à des
pauvres qui passaient. Le docteur Jonas l'indta,
en disant : « Qui sait si Dieu me le rendra ? » Ln-
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M tUTBBA. 863
iberlai répondit : « Yousoubliez que Dieu tous l'a
donné.» Le mot de JonasiadiquefortementPinu-
tilité des œuvres qui résultait de la doctrine de
Luther. (Tischr. 144, verso.)
« Le docteur Pommer apporta un Jour au doc-
teur Luther cent florins dont un seigneur lui fai-
sait présent, mais il ne voulut point les accepter;
il en donna la moitié à Philippe et voulut rendre
l'antre au docteur Pommer qui n'en voulut pas. »
(Tischr., p. 59.)
« Je n'ai jamais demandé un liard à mon gra-
cieux seigneur. » (Tischr., p. 5S-60.)
¥mgt s36« ligne si. — Je ne leur demande rien pour men
• Un commerce légitime est béni de Dieu,
comme lorsque Ton tire un liard de vingt, mais
un gain impie sera maudit. Ainsi l'imprimeur***
a gagné beaucoup sur les livres que je lui ai &it
imprimer; avec un liard il en gagnait deux. . . .
L'imprimeur Jean Grunenberger me disait con-
sciencieusement : Seigneur docteur, celarapporte
beaucoup trop ; je ne puis avoir assez d'exem-
plaires. C'était un homme craignant Dieu , aussi
a-t-il été béni de notre Seigneur. » (Tischr., p. 03 »
Tono.)
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364 MiMoi&BS
« Tu saii, mon cher Ainsdorf, que je ne puis
suffire à nos presses, et voilà que tout le monde
me demande de cette pâture; il y a ici près de
six cents imprimeurs. » (11 avril 1525.)
F«|e a4Ô' ^*S^* l7. — Pourquoi m'irriterai-j'e contre Us
papistes ? tout C9 qu'ils me /ont est de bonne guerre :.
Ils cherchaient cependant, à ce qu'il semble,
à se défaire de lui par le poison.
(Janvier et février 1525.) Luther parle dans
deux lettres différentes, de juifs polonais, qui
auraient été envoyés à Wittemberg pour l'empoi-
sonner (Judaei qui mihi venenum paravere),
moyennant le prix de 2000 ducats. Gomme ils ne
dénoncèrent personne dans leur interrogatoire ,
on allait les mettre à la torture, mais Luther ne
le souffrit point, et il s'employa même à les faire
mettre en liberté, quoiqu'il n'eût aucun doute
sur le nom de l'instigateur.
• Ils ont promis de l'or à ceux qui me tueraient^
c estainsi qu'aujourd'hui combat , règne et triom-
phe le saint-siége apostolique, le régulateur de
la foi, la mère des églises. * (Gochlaeus, p. 25.)
Un Italien de Sienne mangea avec le docteur
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DB LUTHBK. 866
Martin Luther , causa beaucoup ayec lui , et resta
à Wittemberg quelques semaines, peut-être pour
savoir conunent les choses s'y passaient. (Tischr,
p. 416.)
Des tentatiTes d'un autre genre eurent aussi
lieu.
< Mathieu Lang, évéque de Sakbourg, m'a re-
cherché d'une manière si singulière, que sans
l'assistance particulière de notre Seigneur , j'eusse
éti pria. En 1525, il m'envoya par un docteur
vingt florins d'or, et les fit donner à ma Cathe-
rine , mais je n'en voulus rien prendre. C'est avec
l'argent que cet évéque a pris tous les juristes,
de sorte qu*ils disent ensuite : Ahl c'est un ser-
gneurquipense bien. Lui, cependant, se tienttran-
quille et rit en tapinois. U^e fois il envoya à un
curé qui prêchait l'Évangile, une pièce de Damas,
pour qu'il se rétractât, et il dit ensuite : £st-ii
possible que ces luthériens soient de si grands
fripons, qu'ils lassent tout pour de l'argent?»
(Tischreden, p. 274, verso)
Mélanchton , qui ne rompit jamais avec les let-
trés de la cour pontificale, fut pendant quelque
temps soupçonné d'avoir reçu des offres.
Un jour , on apporta une lettre de Sadolet à
Sturmius, dans laquelle il flattait Mélanchton
».
Digitized by VjOOÇIC
866 MiMOimBft
Luther disait : « Si Philippe Toulait s'arranger
aTec eux; il deviendrait aisément cardinal, et
n'en garderait pas moins sa femme et ses enfans.
« Sadolet, qui a été quinze ans au service du
pape, est un homme plein d'esprit et de science;
il a écrit à maître Philippe Mélanchton le plus
amicalement du monde, à la manière de ces Ita-
liens, peut-être dans Pe^oir de l'attirer à eux,
au moyen d'un cardinalat. Il l'a fiiit sans doute
par l'ordre du pape, car ces messieurs sont in-
quiets; ils ne savent comment s'y prendre. —
Le même Sadolet n'a aucune intelligence de l'É-
criture, comme on le voit dans son commentaire
sur le psaume 51. Les papistes n'y entendrait
plus rien, ils ne sont plus capables de gouver-
ner une seule église; ils se tiennent fiers et raides
dans le gouvernement et crient : Les décisions des
Pères ne comportent point de doute. »
Pag* b5o , ligna 8. ^ Persécution. . -
« Aux chrétiens de la Hollande, du Brabant
et de la Flandre (à l'occasion du supplice de deux
moines augustins, qui avaient été brûlés à
Bruxelles.)
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n LOTEBi. 887
« •». Oh! que cet doux hommes ont péri mi-
sérablement! Hait de quelle gloire ils jouiront aa-
près duSeigneurI c'est peu de chose d'être outragé
et tué par le monde pour ceux qui savent qu0
teur êang eit préeieus , et que leur mari est chère
h Dieu, comme disent les psaumes (116, 15).
Qu'est-ce que le monde comparé à Dieu?... Quelle
joie , quelles délices les anges auront-Us ressen-
ties^ en voyant ces deux âmes! Dieu soit loué et
béni dans l'éternité, de nous avoir permis, à
nous aussi, de voir et entendre de vrais saints , de
vrais martyrs, nous qui jusqu'ici avons adoré
tant de faux saints! Vos frères d'Allemagne n'ont
pas encore été dignes de consommer un si glo-
rieux sacrifice, quoique beaucoup d'entre eux
n'aient pas été sans persécutions. C'est pour-
quoi, chers amis, soyez alègres et joyeux dans
le Christ, et tous, rendon»-lui grâce des signes
et miracles qu'il a commencé d'opérer parmi
nous. II vient de relever notre courage par de
nouveaux exemples d'une vie digne de lui. Il est
temps que le royaume de Dieu s'établisse, non
plus seulement en paroles, mais en actions et
en réalité... > (iwllei IMS.)
«La noble dame Argula de Staufen soutient sur
cette terre un grand combat; elle est pleine de
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368 MixoiAEt
Tesprit, d6 la parole et de la science du Christ..
Elle aenyahi de ses écrits l'académie dlngolstad,
parce qu'on y avait forcé un jeune homme, nommé
Arsacius, à une honteuse révocation. Son mari,
qui est lui-même un tyran , et qui a maintenant
perdu une charge à cause d'elle, hésite sur ce
qu'il doit faire. £lle, elle est au milieu de tous
ces périls avec une foi forte, mais, ainsi qu'elle
me récrit elle-même , non pas sans qu^ son cœur
s'effraie. Elle est l'instrument précieux du Christ^
je le la recommande, afin que le Christ confonde
par ce vase infirme lespui ssans et ceux qui se glo-
rifient dans leur sagesse. » (1524.)
A Spalaiin. « Je t'envoie les lettres de notre
chère Argula, afin que tu voies cequecette femme
pieuse endure de travaux et de souffrances. » ( Il
novembre 15â8.
La traduction de la Bible par Luther donna
à tous enrie de disputer; on vitjusqu'à des femmes
provoquer les théologiens, et déclarer que tous
les docteurs n*étaient que des ignorans. Il y en
eut qui voulurent monter en chaire, et enseigner
dans les églises. Luther n'avait-il pas déclaré que
par le baptême tous devenaient prêtres, évéques^
papes, etc. ? (Gochlœus , p. 5 1 . )
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DB lUTUa.
P«g« a5o , llg«e il. ^ On nous laisse périr dêfaim^,^
Un jour qu'il était question, à la table de Lu-
ther , du peu de générosité que l'on montrait à
l'égard des prédicateurs, il dit : « Le monde n'est
pas digne de leur rien donner de bon cœur; il
veut avoir desgueuxet des criards impudens, tel
que le frère Mathieu. Ce frère , à force de men-
dier, avait obtenu de l'électeur la promesse qu*on
lui achèterait une fourrure. Comme le trésorier
du prince n'en faisait rien, le prédicateur dit en
plein sermon , devant l'électeur : « Où est donc
ma fourrure ? » L'ordre fut renouvelé au tréso-
rier, mais celui-ci diJOTérant encore de l'exécuter,
le prédicateur parla de nouveau de sa fourrure,
dans un autre sermon où l'électeur était présent.
« Je n'ai pas encore vu ma fourrure , )» dit-il , et
c'est ainsi qu'il obtint à la fin ce qu'il désirait. »
(Tischreden, p. 189 , verso.)
Bu reste , Luther se plaint lui-même du misé-
rable état dans lequel se trouvent les ministres :
«On refuse de les payer, dit-il, et ceux qui jadis
prodiguaient des milliers de florins à cli^cun des
fourbes sans nombre qui lés abusaient, ne veu-i
dby Google
370 MivOIEBS
lent pas aujourd'hui en donner cent pour un prê-
tre. » (!•' mars 1531.)
c On a commencé à établir ici (à Wittemberg),
un consistoire pour les causes matrimoniales, et
pour forcer les paysans à observer quelque dis-
cipline et à payer les rentes aux pasteurs , chose
qu'il faudra peut-être faire aussi à l'égard de quel-
ques-uns de la noblesse et de la magistrature. •
(njauTierlB^l.)
Vtft a5o • UgM %% — Jpparitiomâ^
« Joachim m'écrit qu'il est né à Bamberg un
enfant à tête de lion , qui est mort promptement :
qu'il a aussi apparu des croix au-dessus de laTille,
mais que le bruit qui s'en répandait a été étouffé
par les prêtres. » (tt janvier 1525.) '
15S5. c Les princes meurent en grand nom-
bre cette année; c'est là peut-être ce qu'annon-
çaient tant de signet. * (6 septembre 15SK.)
m Bv Ton nuBi.
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371
RENVOIS
BU PREMIER VOLUME.
Tmu les passages tirés des lettres ont été, comne on Ta pv Toir,
exactement datés dans le texte. La date rend tout renroi snperfln. On
retrouvera facilement ces passages dans l'excellente édition de De
Welte , Berlin , i835. (Yoyes la note de la préface.) I
Page a, ligne ii. ^inji.— Tischreden, page n^o,
8, 3. Purgatoire, — Tischreden , a8i-a.
8, a6. S'use elle-même, ^TUchredeiifUBo,
8 y a6. Lorsque fêtais moine. ^ Tout ce qui
, regarde les tentations de Luther est
tiré de Tisdireden, loa , 23ia,a4o bis^
93i,aa8, aag.
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372 MÉHOIfttS
la, aS. Lïifi^utanon.— Luth, oper.lat. leoc,
161 a , 1. 1 , pr œf . — Die V martii 1545 .
i5j a5. Fentes, — Tischreden, 44® *"•
16 , 6. Du peuple. — Tischreden , 44^-' ■
I ^ , 1 7 . /le missa est. — Tischreden , 44' •
j3 ij. Je ne voudrais pas. — Tischreden, 44'-
aj , aa. Les thèses, — Luth, oper., Witt, i545,
1. 1,50-98.
an , a5. Les thèses dogmatiques, — Witt. oper.
lut. t. II, 56.
33 , iS, Le denier, — Seckendorf, De Luthera-
nismoy 44*
35, 17. Facere. — Seckendorf, 79.
38, a4. Lorsque, — Tischreden , 377-80.
58 , 4. Que je le veidUe ou non, — Luth
oper. Witt. t. IX, 63.
57, la. Effroyable, — Dédicace à Télecteur
de Saxe ( a7 mars 1619 ) Luther^s
briefe, t. I,a4i-
60 a3. Chrétien, — De libertau chrlstiand
Luth. oper. Witt. i58a, f» t. If. Se-
lon CochloBus , ce livre fut composé
avant i5ai.
6a a8. Comme vous faites, — Erasmi Epist.
1. 111,445.
64, 9. EscUu^e des prêtres, — Cochlœus, 54-
16^ 14. Tumulte. — Hutteu. oper. t. IV, aga.
66, a5. Terreur. — ibid. agS.
67. 14. AeUmagne, — Ihid, :x'fi.
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m LUTHBK. 373
67 , 19. Bunischuch, — Hid. 276.
67 , a3. Pape. — Jbid, 276.
68 y ta. 4^e ret/ne. ^ 3o6.
69, 3. Sermon. — Cochlœus, ag.
70, 3. Outrageante. — XJlert. 1. 1 , iSq.
7a, a6. Z)ei<jrcen£5Û:/707yonR«f.~Latli.oper.
Witt. t. IX» 104 et 199.
779 a4. NeVahandonnerapas, — Marheinecke,
t.I,a56.
77 , a6. Foyage. — iJwj?. a53.
83, II. Même sens. — Luth. Werke , t. IX ,
107-15.
93, aa. MiUe diables. — Tischreden , ao8.
96, la. Se douteront. — Luth. Werke. Witt.
t.IX,ia9.
97, i3- Jutre chose. — Ihid. i3o.
90» 17. De Luther. — Jbid. i3a.
100, 19. Mourir pour elle. — Ibid. ia3-i9
lia, a4. Cétaitlui. — Marheinecle, 1. 1.
wo, a6. Z)« £a«^er. — Oper. Luth. Witt. t. II,
333-5i. Livre de Luther contre
Henri VIII.
ia3 , i3. Du seul Luther. — ïbid, 33i . Ibid.
1^4, ^i.^Indignatione med. — Luth. oper. De
seculari potestaie. Cochlœus , 58.
laSy 17. Bétes fauves. — Ibid. CochlœuB 59.
138, 7. Centum gratfomina ' — • SecKendorf.
t. I, a5i.
i33y i3. Doits /a confession. — Tischreden ,
16a.
as
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374 MiMoitiBs
i33, 19. Si un meurtrier. — Ihid. i63.
i36 , 8. Je suis bien aise, —Luth. Werke, t. Il
iSo, S, Ne b€iptisaient point, — Luth. oper.
Witt. t. 11,364-74.
,^o a3. Affaires ecclésiastiques. Seckendorf ,
t. Il, 100.
lAi 27. Un bourgeois, — Tischreden, 176.
i4a, 6. Comme on parlait, — Ibid. 177.
i48 ao. Dans une pré/ace. — Luth. Werke,
t. IX\536,
i5i 16. Quelques nonnes, — Tischreden. 271-
i57, la. Carlostadsecrofant,^lxVL\h,yferkc,
t. IX, 211 bis,
16a, 6. Prophètescélestes,'-Ibid:\,ll^\oX,
160, II. aiassédelaSaxe.'^Ibid.X.ll.i'j-^^.
i63 14. Iconoclastes, — Ibid. t. Il, i3.
168 a. Vaffaire des images,-^ Ibid. t. II, 58,
173 37. Suivent les articles, — Luth. Werke,
t. 11,64.
ao3 6- Proclamation de Afuntzer, — Ibid.
t. 11,91.
178, aa. Exhortation àlapaix,'-'Ibid.t.llfi6.
207, a3. Immédiatement après, — ■ Ibid. U II,
406.
ai 1 , 17. iC^ docteur Andréas. — /Jû/. t. Il, 59.
ai4, x6. V Allemagne est perdue. — Cochlœus,
140.
ai6, x3. Personne n'a traduit, —Tischreden,
4a5.
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01 LVTHIA. 875
aa7, 6. Sijereprends.-^TuchredenyTgg-ZoS,
a4i , i8. f^ers lafn. — Luth. Werke, t. IX, 238.
^9> •7* Pourquoi mirriterai-je, — Cochlœus,
i46.
a5 1 , i6. Grâce et paix, — Luth. Werke, t. IX„
S43.
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TABLE
DU TOME PREMIER.
LiTM !•'. — i483-i5ax i
Cbâp. i«v. i483-i5i7. Naissance, édaca-
tion de Luther; son ordination; ae»
tentations ; son Tojrage li Rome. . .
Chjl». n. i5i7-i5ai. Luther attaque les
indulgences. Il brûle la bulle du pape.
— Érasme, Hutten, Franz de Sickin-
gen. — Luther comparait à la diète de
Worms. — Son enlèrement. ... 19
LiyaiU. — x5ai-i5a8 86
Cha». i**. i5ax-i5a4- Séjour de Luther
au château de Wartbourg. — Ilrerient
à Wittemberg sans Tautorisati^^de l'É-
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378 TABLB DBS KATliEBS.
lecteur.— Ses écrits contre le roi d^ An-
gleterre et contre les princes en général. 86
Chap. II. Commencemens de Téglise lu-
thérienne. — Essais d'organisation, etc. 129
Chap. III. i5a3-i5a5. GarlosUd.~-Mun-
zer. — Guerre des paysans i54
Chap. IV. i5a4-i5a7. Attaques des ra-
tionnalistes contre Luther. — Zwingli,
Bucer, etc. — Érasme ai S
Chap. V. xSaG-iSag. Mariage de Luther.
Pauvreté. Découragement. Abandon.
Maladie Croyance à la fin du monde, a 319
Additions et Édaircissemens. .... a5S
Renvois 373
nV Dl LÀ TABLK 0V TOMH PRBKIU.
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'»
I
DE
LTTSBii.
"f^
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IMPRIMEEIE DE J.-B. DE WALLBNS ET €««>
Qiui ans Pierres Bleaes^ n* la.
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0
MÉMOIRES
DE LUTHER,
ÉCRITS PAR LUI-MÊME;
nAODITS R MIS Kl OUttB
PilR H. HIGHELET,
PBOFEMVUB A L*iCOLK VORKÂLS, CHEF DE LA tlCTlUN
BISTOKIQVa AUX ABCHIYZS AU BOTAVMB.
TOHBU
SOCIÉTÉ BELGE DE LIBRAIRIE, ETC.
BiOIIAII, CATTOIR BT COHP*.
1837.
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/ /
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fiSlkmùivt^
DB
LIVRE TROISIÈME.
1629—1546.
CHAPITRE PREMIER.
1BS9— IKSS.
Les Turcs. Danger de VAUemagne. — Ângsboiirg, Smelkalde-
Danger dv prosesUntisme.
Luiher fut tiré de son abattement et ramené à
la vie active par les dangers qui menaçaient la
Réforme et l'Allemagne. Lorsque ce fléau dé Dieu,
qu'il attendait avec résignation comme le signe
ToMB !!• Digitized bJGoogle
2 vAaroiRBS'
du Jugement, fondit en effet 8ur l'Allemagne,
lorsque les Turcs vinrent camper devant Vienne .
Luther se ravisa, appela le peuple aux armes, et
fit un livre contre les Turcs, qu'il dédia au land.
grave de Heaie. Le 9 octobre 1328 il écrivit à ce
prince, pour lui exposer les motifs qui Favaient
dééidé à composer ce livre. « Je ne puis me taire,
dit-il; il est malheureusement parmi nous des
prédicateurs qui font croire au peuple qu'on ne
doit point s'occuper de la guerre des Turcs ; il y
en a même d'assez extravagans pour prétendre ,
qu'en toutes circonstances , il est défendu aux
chrétiens d'avoir recours aux armes temporelles.
D'autres encore, qui regardent le peuple alle-
mand comme un peuple de brutes incorrigibles,
vont jusqu'à désirer qu'il tombe au pouvoir des
Turcs. Ces folies , ces horribles malices , sont
imputées à Luther et à l'Évangile , comme , il y
a trois ans, la révolte des paysans, et en général
tout le mal qui arrive dans le monde. Il est donc
urgent que j'écrive à ce sujet, tant pour confon-
dre les calomniateurs, que pour éclairer les con-
sciences innocentés sur ce qu'il fout £aire contre
le Turc...»
« Nous avons appris hier que le Turc est parti
de Vienne pour la Hongrie, par un grand miracle
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de Dieu. Car après avoir livré Inutilemeni le
yingtièiue assaut, il a ouvert la brèche par une
mine en trois endroits. Mais rien n'a pu ramener
son armée à l'attaque, Dieu l'avait frappée de
terreur ; ils aimaient mieux se laisser égorger par
leurs cheis que de tenter ce dernier assaut. On
croit qu'il s'est retiré ainsi de peur des bombardes
et de notre future armée; d'autres en jugent au-
trement. Dieu a manifestement combattu pour
nous cette année. Le Turc a perdu vingt*six mille
hommes, et il a péri trois mille des nôtres dans
les sorties. J'ai voulu te communiquer ces nou-
velles afin que nous rendions grâces et que nous
priions ensemble. Car le Turc, devenu notre
voisin, ne nous laissera pas éternellement la paix.»
(27 octobre 1529.)
L'Allemagne était sauvée, mais le protestan-
tisme allemand n'en était que plus en péril. L'irri-
tation des deux partis avait été portée au comble
par un événement antérieur à l'invasion de Soli-
man. Si l'on en croit le biographe catholique de
Luther, Cochlœus, que nous avons déjà cité, le
chancelier du duc George, Otto Pack, supposa
une ligue des princes catholiques contre l'élec-
teur de Saxe et le landgrave de Hesse ; il apposa
à ce prétendu projet le sceau du due George ,
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A nixoiAia
pull livra ces fausses lettres au Landgrave qui, se
croyant menacé, leva une armée et s'unit étroi-
tement à l'Électeur.
Les catholiques et surtout le duc George se
défendirent vivement d'avoir jamais songé à me-
nacer l'indépendance religieuse des princes lu-
thériens; ils rejetèrent tout sur le chancelier qui
n'avait fait peut-être que divulguer les secrets des-
seins de son maître. «Le docteur Pack, captif
volontaire du Landgrave, à ce que je pense, est
jusqu'à présentaccusé d'avoir formé cette alliance
des princes.Il prétend se tirer d'afEedre à son hon-
neur, et fasse Dieu que cette trame retombe sur
la tête du rustre qui en est , je crois , l'auteur,
sur celle de notre grand adversaire, tu sais de
qui je parle (le duc George de Saxe. ) » (14 juil-
let 1528.)
« Cette ligue des princes impies, qu'ils nient ce-
pendant, tu vois quek troubles elle a excités; pour
moi, je prends la froide excuse du duo George
pour un aveu. Dieu confondra ce fou enragé, ce
Moab qui dresse sa superbe au-dessus de ses for^
ces. Nous prierons contre ces homicides^ asseï
d'indulgence. S'ils ourdissent encore quelque
projet, nous invoquerons Dieu, puis nous appel-
lerons les princes pour qu'ils soient perdus sans
miséricorde. »
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VÈ IVTHSB. S
Bien que tons les princes eussent déclaré ces
lettres bosses, les éréques de Mayence, Bam-
berg, etc., furent tenus de payer cent mille écus
d'or, comine indemnité desarmemens qu'avaient
faits les princes luthériens. Ceux-ci ne deman-
daient pas mieux que de commencer la guerre. Us
se comptaient et sentaient leurs forces. Le grand-
raaitre de l'ordre Teutonique avait sécularisé la
Prusse; les ducs de Mecklembourg et de Bruns-
ivick, encouragés par ce grand événement,
avaient appelé des prédicateurs luthériens (1525.)
La Réforme dominait dans le nord de FAllemagne.
En Suisse et sur le Rhin, les Zwingliens, chaque
jour plus nombreux , cherchaient à se rappro-
cher de Luther. Enfin, au sud et à l'est, les Turcs,
maîtres de Bude et de la Hongrie, menaçaient
toujours l'Autriche et tenaient en échec l'Empe-
reur. A son défaut le duc George de Saxe, et
les puissans évoques du nord , s'étaient constitués
les adversaires de la Réforme. Une violente polé-
mique s'était engagée depuis long-temps entre ce
prince et Luther. Le duc écrivait à celui-ci : «Tu
crains que nous n'ayons commerce avec les hypo-
crites, la présente te fera voir ce qui en est. Si
nous dissimulons dans cette lettre , tu pourras dire
de nous tout ce que tu voudras; sinon , il fiiudra
I.
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6 MiHOl&B0
chercher les hypocrites là où Ton t'appelle un
prophète, un Daniel, l'apôtre de rAllemagne,
révangéliste... Ta t'imagines peut-être que tu es
envoyé de Dieu vers nous, comme ces prophètes
à qui Dieu donna mission de convertir les prin-
ces et les puissans. Moïse fut envoyé à Pharaon ,
Samuel à Saûl , Nathan à David , Isaie à £zéchias,
saint Jean-Baptiste à fiérode, nous le savons.
Mais parmi tous ces prophètes nous ne trouvons
pas un seul apostat. Ils ont tous été gens con-
stans dans ^eur doctrine, hommes sincères et pieux,
sans orgueil , sans avarice , amis de la chas-
teté...
» Nous ne faisons pas non plus grand cas de
tes prières ni de celles des tiens; nous savons
que Dieu hait l'assemblée de tes apostats... Dieu
a puni par nous Munzer de sa perversité; il
pourra bien en faire autant de Luther , et nous
ne refuserons pas d'être encore, en ceci, son in-
digne instrument...
• Non, reviens plutôt, Luther, ne te laisse
pas mener plus long-temps par l'esprit qui sédui-
sit l'apostat Sergius : l'Église chrétienne ne
firme pas son sein au pécheur repentant.. Si
c'est l'orgueil qui t'a perdu, regarde ce fier ma-
nichéen, saint Augustin, ton maître, dont tuas
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Al LUTHER. 7
juré d'obferver la règle : reviens comme lui, re^
riens à ta fidélité et à tes sermons, sois comme
lui une lumière de la Chrétienté... Voilà les con-
seils que nous avons à te donner pour le nouvel
an. Si tu t'y conformes, tu en seras éternellement
récompensé do Dieu , et nous ferons tout ce qui
est en notre pouvoir pour obtenir ta grâce de
TEmpereur. • (28 décembre 1525.)
Mémoire de Luther contre le duc George qui
avaitintercepté une de ses lettres, 1529... «Quant
aux belles dénominations que le duc George me
donne» misérable, scélérat, parjure et sans hon-
neur, je n'ai qu'à l'en remercier; ce sont là les
émeraudes, les rubis et les diamans dont les
princes doivent m'orner en retour de l'honneur
et de la puissance que l'autorité tempordle tire
de la restauration de l'Évangile... »
« ... Ne dirait-on pas que le duc George ne con-
naît pas de supérieur ? Moi , hobereau des hobe-
reaux , dit-il , je suis seul maître et prince , je suis
au-dessus de tous les princes de l'Allemagne,
au-dessus de l'Empire, de ses lois et de ses usages.
C'est moi que l'on doit craindre, à moi seul que
l'on doit obéir ; ma volonté doit faire loi en dépit
de quiconque pensera et parlera autrement. —
Ami , où s'arrêtera la superbe de ce Moab ? Il ne
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8 HAMOfRBS
lui reste plus qu% escalader le ciel, à espionner,
punir les lettres et les pensées jusque dans le
sanctuaire de Dieu même. Voilà notre petit
prince, et avec cela il veut être glorifié, respecté,
adoré! à la bonne heure, grand merci ! •
£n 1529, Tannée même du traité de Cambrai
et du siège de Vienne par Soliman, l'Empereur
arait convoqué une diète à Spire. (15 mars .) On
y décida que les états de l'Empire devaient con-
tinuer d'obéir au décret lancé contre Luther
en 1524, et que toute innovation demeurerait
interdite jusqu'à la convocation d'un concile gé-
néral. C'est alors que le parti de la Réforme
éclata. L'électeur de Saxe, le margrave de Bran-
debourg, le landgrave de Hesse, les ducs de
Lunebourg^ le prince d'Anhalt, et avec eux les
députés de quatorze villes impériales, firent con-
tre le décret de la diète une protestation solen-
nelle, le déclarant injuste et impie. Ik en gardè-
rent le nom de protestans.
Le landgrave de Hesse sentait la nécessité de
réunir toutes les sectes dissidentes pour en for-
mer un parti redoutableaux catholiques de l'Alle-
magne; il essaya de réconcilier Luther avec les
sacramentaires. Luther prévoyait bien l'inutilité
de cette tentative.
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DB LUTHBB. 0
■ Le landgraTe de Hesse nous a convoqués à
Harbourg pour la Saint-Michel , afin de tenter
un accord entre nous et les sacramentaires. . . Je
n'en attendais rien de bon; tout est plein d'éra-
bûcbes, je le vois bien. Je crains que la victoire
ne leur reste, comme au siècle d'Arius. On a tou-
jours TU de pareilles assemblées être plus nuisi-
bles qu^utiles... Ce jeune homme de Hesse est in-
quiet et plein de pensées qui fermentent. Le
Seigneur nous a sauvés, dans ces deux dernières
années, de deux grands incendies qui auraient
embrasé toute l'Allemagne. » (â août 1529. )
Nous avons reçu du landgrave une magnifique
et splendide hospitalité. Il y avait là O£colam-
pade, Zwingli, Bucer, etc. Tous demandaient la
paix avec une humilité extraordinaire. La confé-
rence a duré deux jours; j'ai répondu à OEco-
lampade et à Zwingli en leur opposant ce passage :
Hoo est corpus meum ; j'ai réfuté toutes leurs ob-
jections. £n somme , ce sont des gens ignorans et
incapables de soutenir une discussion. » ( 12 octo-
bre 1529).
• Je me réjouis, mon cher Amsdorf, de te
voir te réjouir de notre synode de Harbourg ; la
chose est petite en apparence, mais au fond très
importante. Les prières des gens pieux ont fait
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10 «iMOIRBS
que nous les voyons confondus , morfondus humi-
liés. ■
« Toute Targumentation de Zwingli se rédui-
sait à ceci : que le corps ne peut être sans lieu ni
dimension. OEcolarapade soutenait que les Pères
appelaient le pain un signe, que ce n'était donc
pas le corps même... Ils nous suppliaient de leur
donner le nom de frères. Zwingli le demandait
au Landgrave en pleurant. Il n*y aaucun Heusur
la terre, disait-il, où j'aimerais le mieux passer
ma vie qu'à Wittemberg... Nous ne leur avons pas
accordé ce nom de frères, mais seulement ce que
la charité nous oblige à donner même à nos en-
nemis... Ils se sont en tout point conduits avec
une incroyable humilité et douceur. C'était,
comme il est visible aujourdhui, pour nous ame-
ner à une feinte concorde , pour nous faire les
partisans, les patrons de leurs erreurs... 0 rusé
Satan! mais Christ qui nous a sauvés est plus ha-
bile que toi. Je ne m'étonne plus maintenant de
leurs impudens mensonges. Je vois qu'ils ne peu-
vent faire autrement , et je me glorifie de leur
chute.. (P'juin 1530.)
Cette guerre théologique de l'Allemagne rem-
plit les intermèdes de la grande guerre euro-
péenne que Charles-Quint soutenait contre Fran-
dby Google
DB LtTHCa. Il
çoiâ P' et contre les Tues. Mais dans les crises les
plus Tiolentes de celle-ci, Fautre se ralentit à
peine. C'est un imposant spectacle que celui de
r Allemagne absorbée dans la pensée religieuse ,
et près d'oublier la ruine prochaine dont sem-
blaient la menacer les plus formidables ennemis.
Pendant que les Turcs franchissaient toutes les
anciennes barrières et que Soliman répandait ses
Tartares au-delà de Vienne, FAUemagne dispu-
tait sur la transsubstantiation et sur le libre arbi-
tre. Ses guerriers les plus illustres siégeaient dans
les diètes et intorrogeaient les docteurs. Tel était
le flegme intrépide de cette grande nation,
telle sa confiance dans sa force et dans sa masse.
La guerre des Turcs et celle des Français, la
prise de Rome et la défense de Vienne, occu-
paient tellement Charles-Quint et Ferdinand,
que les protcstans avaient obtenu la tolérance
jusqu'au prochain concile. Mais en 1530, Char-
les-Quint, voyante la France abattue, l'Italie as-
servie, Soliman repoussé, entreprit de juger le
grand procès de la Réforme Les deux partis com-
parurent à Augsbourg. Les sectateurs de Luther,
désignés par le nom général de proteHanê^ vou-
lurent se distinguer de tous les autres ennemis
de Rome , dont les excès auraient calomnié leur
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12 NÉMOIRBS
cause, des iwingliens républicains de la Suisse,
odieux aux princes et à la noblesse, des anabap-
tistes surtout, proscrits comme ennemis de l'or-
dre et de la société. Luther, sur qui pesait
encore la sentence prononcée à Worms, qui le
déclarait hérétique, ne put s'y rendre; il fat
remplacé par le savant et pacifique Mélanchton,
esprit doux et timide comme Érasme, dont il res-
tait l'ami, malgré Luther.
L'électeur amena du moins celui-ci le plus
près possible d'Augsbourg , dans la forteresse de
Gobourg. De là Luther pouvait entretenir avec
les ministres protestans une active et facile cor-
respondance. Le âS avril il écrit à Mélanchton :
■ Je suis enfin arrivé à mon Sinaï, cher Philippe;
mais de ce Sina! je ferai une Sion , et j'y élèverai
trois tabernacles, l'un au psalmiste , l'autre aux
prophètes, l'autre enfin à Ésope (dont il traduisait
alors les fiaibles). Rien ne manque pour que ma
solitude soit complète. J'ai une vaste maison , qui
domine le château , et les clés de toutes les cham-
bres. A peine y a-t-il trente personnes dans toute
la forteresse, encore douie sont des veilleurs de
nuit , et deux autres des sentinelles toujours pos-
tées sur les tours. » (îâ avril.)
A Spalaiin (9 mai) : « Vous alleià Augsbourg,
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DB LVTHBE. 13
I aToir pris les auspices, et ne sachant qnand
ils Tcas permettront de commencer. Moi , je sois
déjà au milieu des comices, en présence de mag-
nanimes souTerains, devant des rois, des ducs,
des grands, des nobles, qui confèrent avec gra-
TÎté sur les affidres de l'état , et d'une voix infa-
tigable remplissent l'air de leurs décrets et de
leurs prédications. Ils ne siègent point enfer^
mes dans ces antres et ces royales cavernes que
TOUS appelez des palais, mais sous le soleil; ils ont
le ciel pour tente , pour tapis riche et varié, la
verdure des arbres sous lesquelsils sont en liberté,
pour enceinte, la terre jusqu'à ses dernières li-
mites. Ce luxe stupide de l'or et de la soie leur
fait horreur; tous, ils ont mêmes couleurs, même
visage. Ils sont tous également noirs, tous font la
même musique , et dans ce chant sur une seule
note, l'on n'entend que l'agréable dissonnance de
la voix des jeunes se mêlant à celle des vieux.
Nulle part je n'ai vu ni entendu parler de leur
Empereur; ils méprisent souverainement ce qua-
drupède qui sert à nos chevaliers ; ils ont quel-
que chose de meilleur, avec quoi ils peuvent se
moquer de la furie des canons. Autant que j'ai
pu comprendre leurs décrets , grâce à un inter*
prête, ils ont décidé, à l'unanimité , de &ire la
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14 ]|iM0IB£9
guerre , pendant toute cette année, à l'orge, aubM
et à la &rme , enfin à ce qu'il y a de mieux parmi
les fruits etles graines. £t il est à craindre qu'ils ne
soient presque partout vainqueurs, car c'est une
race de guerriers adroits et rusés, également ha-
bUes à butiner par force ou surprise. Moi , oisif
spectateur, j'ai assisté avec grande satisfaction à
leurs comices. L'espoir où je suis des victoiresque
Leur courage leur donnera sur le blé et l'orge, ou
sur tout autre ennemi, m'a rendu le fidèle et sin-
cère ami de ces pâtre» ptUriœ , de ces sauveurs de
la république. £t si par des vœux je puis les ser^
vir, je demande au ciel que délivrés de l'odieux
nom de corbeaux, etc. Tout cela n'est qu'une plai*
sauterie, mais une plaisanterie sérieuse et néces*
saire pour repousser les pensées qui m'accablent,
si toutefois elle les repousse. • (9 mai. )
« Les nobles seigneurs qui forment nos comiqes
courent ou plutôt naviguent à travers les airs. Le
matin, de bonne beure, ils s'en vont en guerre,
armés de leurs becs invincibles, et tandis qu'ils
pillent, ravagent et dévorent, je suis délivré
pour quelque temps de leurs éternels chants de
victoire. Le soir, ils reviennent triomphans; la
fajtigue derme leurs yeux, mais leur sommeil est
doux et léger comme celui d'un vainqueur. Il y
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OB LOTHBA. 15
aqvelquefl joan j'ai pénétré dans lenr palais pour
▼oir la pompe de leur empire. Les malheureux
earent grand'peur; ils s'imaginaient que je venais
détraire leu^ industrie. Ce fînt un bruit, une
frayeur, des visages consternés) ! ! Quand je vis
que moi senl je faisais trembler tant d'Achilles
et d'Hectors, je battis des mains, je jetai mon
chapeau en Pair, pensant que j'étais bien aSseï
vengé si je pouvais me moquer d'eux. Tout ceci
n'est point un simple jeu, c'est une allégorie,
un présage de ce qui arrivera. Ainsi devant la
parole de Dieu l'on verra trembler toutes ces
harpies qui sont maintenant à Augsbourg, criant
et romanisant. » ( 19 juin. )
Hélanchton, transformé à Augsbourg en chef
de parti , ayant à batailler chaque jour avec les lé-
gats, les princes, l'Empereur, se trouvait fort
mal de cette vie active qu'on lui avait imposée.
Plnsieurs fois il fit part de ses peines à Luther,
qui , pour toute consolation, le tançait rudement :
« Vous me parlez de vos travaux , de vos pé-
rils, de vos larmes, et moi, suis-je donc assis sur
des roses? est-ce que je ne porte pas une part de
votre fardeau? Ah! plût au ciel que ma cause
fût telle qu'elle permit les larmes! t (29 juin
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16 «iMOlEBA
c Dieu récompense selon ses œuTres le tyran
de Salzbourg qui te fiait tant de mal ! Il méritait
de toi une autre réponse , telle que je ]a lui aurais
faite peut-être , telle qu'il n'en a jamais entendu
de semblable. Il faudra qu'ils entendent , je le
crains, cette parole de Jules César : II» Vont
voulu,,,
» Tout ce que j*écris est inutile , parce que tu
veux, selon ta phlilosophie, gouverner toutes ces
choses avec ta raison, c'estnà-dire déraisonner
avec la raison. Va, continue de te tuer à cette
chose , sans voir que ta main ni ton esprit ne peu-
vent la saisir, qu'elle ne veut pas de tes soins. •
(30 juin 1530.)
« Dieu a mis cette cause dans un certain lieu
que ne connaissait point ta rhétorique ni ta phi-
losophie. Ce lieu, on l'appelle la foi; là toutes
choses sont inaccessibles à la vue; quiconque veut
les rendre visibles, apparentes et compréhensi-
bles, celui-là ne gagne pour prix de son travail
que des peines et des larmes, comme tu en as ga-
gné. Dieu a dit qu'il habitait dans les nues, qu'il
était assis dans les ténèbres. Si Moïse avait cher-
ché un moyen d'éviter l'armée de Pharaon , Israël
serait peut-être encore en Egypte... Si noua n'a-
vons pas la foi , pourquoi ne pas chercher conso-
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DB 1.UTHBE. 17
lation dans la foi d'autroi ? car il y en a néces-
Bairement qui croient, si nous ne croyons pas;
Ou bien , faut-il dire que le Christ nous a aban-
donnés, ayant la consommation des siècles ? SU
n'est pas arec nous, où est-il en ce monde, je
TOUS le demande ? Si nous ne sommes point l'É-
glise où une partie de TÉglise, où est l'Église ?
Est-ce Ferdinand, le duc de BaYière, le pape, le
Turc et leurs semblables ? Si nous n'arons la pa-
role de Dieu, qui donc l'aura ? Toi, tu ne com-
prends point toutes ces choses; car Satan te
trayaille et te rend faible. Puisse le Christ te
guérir 1 c'est ma sincère et continuelle prière. »
(29 juin.)
« Ma santé est faible... Mais je méprise cet ange
de Satan qui Yient souffleter ma chair. Si je ne
puis lire ni écrire, au moins je puis penser et
prier, et même me quereller arec le diable; en-
suite dormir, paresser, jouer et chanter. Quanta
toi, mon cher Philippe , ne te macère point pour
cette affiûre qui n'est point en ta main, mais en
celle dTJn plus puissant à qui personne ne pourra
l'enlerer. > (81 juiUet.)
Mélanchton croyait qu'il était possible de rap-
procher les deux partis ; Luther comprit de bonne
«heure qu'ils étaient irréconciliables. Dans le com-
2.
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18 mAmoiebs
menoement de la Réforme, il avait soaTent rë«
clamé les conférences et les disputes publiques; il
lui fallait alors tout tenter, avant d*abandonner
Tespérance de conserver l'unité chrétienne; mais
sur la fin de sa vie, dès le temps même delà dièie
d'Augsbourg, il se prononçait contre toua ces
combats de parole, où le vaincu ne veut jamais
avouer sa défiiite.
(26 août 1530.) < Je suis contre toute tentative
faite pour accorder les deux doctrines; car c*est
chose impossible, à moins que le pape ne veuille
abolir sa papauté. C'est assez pour nous d'avoir
rendu raison de notre croyance et de demander
la paix. Pourquoi espérer de les convertir à la
vérité ?i
A SpahUm. (M août I5S0} € J'apprends que
vous avez entrepris une œuvre admirable > de
mettre d'accord Luther et le pape. Mais le pape
ne le veut pas, et Luther s'y refuse; prenez garde
d'y perdre votre temps et vos peines. Si voua en
venez à bout^ pour suivre votre exemple, je
vous prometa de réconcilier Christ et BéMal. •
Bans une lettre du 21 juillet il écrivait à Mé*
lanchton: « Vous verrez si j'étais un vrai pro-
phète quand je répétais sans cesse qu'il n'y avait
point d'accord possible entre les deux doctrinea»
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OB LVTHBR. 19
et que ce ferait asseï pour liens d'obtenir la paix
publique. »
Ces ^prophéties ne furent pas écoutées; les
conférences eurent lieu , et l'on demanda aux
protestans une profession de foi. Mélanchton la
«édigea^ en prenant l'ayis de Luther sur les
points les plus importans.
À Mélanchton. « JTai reçu yotre apologie , et
je m'étonne qacTOos me demandieice qu'il &ut
céder aux papistes. Pour ce qui est du prince
et de ce qu'il fiiut lui accorder si quelque dan-
ger le menace j c'est une autre question. Quant
à moi , il a été fiiit dans cette apologie plus de
concessions qu'il n'était conyenable ; et s'ils les
rejettent, je ne yob pas que je puisse aller plus
loin, à moins que leurs raisons et leurs livres
ne me paraissent meilleurs qu'ils ne m'ont sem-
blé jusqu'à cette heure. J'emploie les jours et les
nuits à cette affiiire, réfléchissant, interprétant,
discutant, parcourant toute l'Écriture ; chaque
jour augmente ma certitude et me confirme dans
ma doctrine. >
(!20 septembre 1530.) « Nos adversaires ne ^
nous cèdent pas un poil; et nous^ il ne faut pas
seulement que nous leur cédions le canon, les
messes, la communion sous une espèce, la juri-
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20 idbioi&Bs
diction accoutumée ; mais encore 11 fimdnit
avouer que leurs doctrines, leurs p^-sëcutions,
tout ce qu'ils ont (ait ou pensé , a été juste et lé-
gitime , et que c'est à tort que nous les aTons ac-
cusés. G'est-à^lire qu'ils yeulent que notre pro-
pre témoignage les justifie et nous condamne.
Ce n'est pas là simplement nouA rétracter , mais
nous maudire trois fois nous-mêmes. »
« ... Je n'aime pas que dans cette cause tous
TOUS appuyiez de mes opinions. Je ne yeux être
ni paraître TOtre chef; quand même l'on inter-
préterait cela à bien , je ne Teux pas de ce nom.
Si ce n'est point yotre propre cause, je ne veux
pas qu'on dise que c'est la mienne , et que je vous
l'ai imposée. Je la défendrai moi-même s'il n'y
a que moi qui la soutienne. »
Deux jours avant, il ayait écrit à Mélanchton :
« Si j'apprends que les choses vont mal de votre
côté, j'aurais peine à m'empêcher d'aller voir
cette formidable rangée des dents de Satan. • £t
quelque temps après : c J'aurais voulu être la
victime sacrifiée par ce dernier concile^ comme
Jean Huss a été à Constance celle du dernier
jour de la fortune papale. > (âl juillet 1530.)
La profession de foi des protestans fut pré-
sentée à la diète et « lue par ordre de César de-
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DB LvnmK. 21
Tant tout l'Empire, c'est-à-dire derant tous les
princes et les états de l'Empire. C'est une grande
joie pour moi d'aToir vécu jusqu'à cette heure ,
que je Toie Christ prêché par ses confesseurs
devant une telle assemblée, et dans une si belle
confession. » (6 juillet.)
Cette confession était signée de cinq élec-
teurs, trente princes ecclésiastiques, vingt-trois
princes séculiers, vingt -deux abbés, trente-
deux comtes et barons, trente-neuf villes libres
et impériales. « Le prince électeur de Saxe , le
margrave George de Brandebourg, Jean Frédé-
ric-le- Jeune, landgrave de Hesse; Ernest et Fran-
çob, ducs de Lunebourg; le prince Wolfgang de
Anhalt ; les villes de Nuremberg et de Reutlingen,
ont signé la confession Beaucoup d'évéques
inclinent à la paix, sans s'inquiéter des sophismes
d'Eck et de Faber. L'archevêque de Mayence est
très porté pour la paix ; de même le duc Henri
de Brunswick, qui a invité familièrement Mé-
lanchton àdiner, l'assurant qu'il ne pouvait nier
les articles touchant les deux espèces, le mariage
des prêtres, et l'inutilité d'établir des différences
entre les choses qui servent à la nourriture. Les
nôtres avouent que personne ne s'est montré plus
conciliant dans toutes les conférences que l'Em*
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22 ntaoïBBS
perenr. Il a reçu notre prince non-seulement
aTCc bonté , mais avec respect. • (6 juillet.)
L'évêque d'Augsbourg, le confesseur môme de
Charles-Quint, étaient favorablement disposés
pour les luthériens. L'Espagnol disait à Mélan-
chton qu'il s*étonnait qu'en Allemagne on con-
testât la doctrine de Luther sur la foi ; que lui il
avait toujours pensé de même sur ce point (rela-
tion de Spalatin sur la diète d'Augsbourg.)
Quoi qu'en dise ici Luther des douces dispo-
sitions de Charles-Quint, il termina les discus-
sions en sommant les réformés de renoncer à
leurs erreurs sous peine d'être mis au ban de
l'Empire. Il sembla même prêt à employer la vio-
lence et fit un instant fermer les portes d'Angs-
bourg,
« Si l'Empereur veut faire un édit, qu'il le
fasse; après Worras aussi il en fit un. Écoutons
l'Empereur puisqu'il est l'Empereur, rien de plus.
Que nous importe ce rustre qui veut se poser com-
me Empereur (il parle du duc George)? » (15 juil-
let 1530.)
t Notre cause se défendra mieuj: de la violence
et des menaces , que de ces ruses sataniques que
j'ai craintes, surtout jusqu'à ce jour... Qu'ils nous
rendent Léonard, Keiser et tant d'autres, qu'ils
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DB LTJTHSB. 23
ont si injustement fait mourir. Qu'ils nous ren-
dent tant d'âmes perdues par leur doctrine im-
pie; qu'ils rendent toutes ces richesses qu'ils ont
prises aYOc leurs trompeuses indulgences et leurs
fraudes de toute espèce. Qu'ils rendent à Dieu sa
gloire violée par tant de blasphèmes ; qu'ils réta-
blissent dans les personnes et dans les mœurs la
pureté ecclésiastique, si honteusement souillée.
Que dirais-je encore? Alors nous aussi nous pour-
rons parler de />09«e««orto.» (13 juillet.)
« L'Empereur ya ordonner simplement que
toutes choses soient rétablies en leur état, que
le règne du pape recommence, ce qui excitera, je
le crains, de grands troubles pour la ruine des
prêtres et des clercs. Les yiliesles plus puissantes ,
Nuremberg, Ulm, Augsbourg, Francfort, Stras-
bourg et douze autres , rejettent ouvertement le
décret impérial , et font cause commune avec nos
princes. Tu as entendu parler de l'inondation de
Rome , de celle de Flandre et de Brabant. Ce sont
des signes envoyés de Dieu, mais les impies ne
peuvent les comprendre. Tu sais encore la vision
des moines de Spire. Brentius m'écrit qu'à Bade
on a vu dans les airs une armée nombreuse ; et
sur le flanc de cette armée un soldat qui bran-
dissait une lance d'tin air triomphant , et qui pa<isa
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24 BiMOlEBS
la montagne voisine et le Rhin. ■ (5 décembre.)
La diète fut à peine dissoate , que les princes
protestans se rassemblèrent à Smalkalde et y
conclurent une ligue défensive , par laquelle ils
devaient former un même corps (31 décembre).
Ils protestèrent contre l'élection de Ferdinand au
titre de roi des Romains. On se prépara à com-
battre; les contingens furent fixés : on s'adressa aux
rois de France, d'Angleterre et de Danemark.
Luther fut accusé d'avoir poussé les protestans à
prendre cette attitude hostile.
« Je n*ai point conseillé , comme on l'a dit , la
résistance à l'Empereur. Yoici mon avis comme
théologien : Si les juristes montrent par leurs
lois que cela est permis, moi je leur permettrai
de suivre leurs lois. Si l'Empereur a établi dans
ses lois qu'en pareil cas on peut lui résister , qu'il
souffre de la loi que lui-même a faite... Le prince
est une personne politique; s'il agit conune prince,
il n'agit pas comme chrétien, car le chrétien n'est
ni prince^ ni homme, ni femme, ni aucune per-
sonne de ce monde. Si donc il est permisau prince,
comme prince, de résister à César, qu'il le fasse
selon son jugement et sa conscience. Quant au
chrétien, rien ne lui est permis; il est mort au
monde. • (15 janvier 1531.)
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DB LUTHVB. 25
En 1531 , Luther écrit un mémoire contre un
petk*liTre anonyme imprimé à Dresde , dans le-
quel on reprochait aux protestans de s'armer
en secret et de Touloir surprendre les catholiques,
pendant que ceux-ci ne songeaient, disait-on,
qu'à la paix et à la concorde.
«... On cache soigneusement d'où ce livre
vient, personne ne doit le savoir. £h bien! je le
veux donc ignorer aussi. Je veux avoir le rhume
pour cette fois et ne pas sentir le maladroit pé-
dant. Cependant j'essaierai toujours mon savoir-
faire et je frapperai hardiment sur le sac : si les
coups tombent sur l'âne qui s'y trouve , ce ne
sera pas ma faute; ce n'est pas à lui, c'est au
sac que j'en voulais.
> Qu'il soit vrai ou non que les luthériens se
préparent et se rassemblent, cela ne me regarde
pas , ce n'est pas moi qui le leur ai ordonné ni
conseillé ; je ne sais pas ce qu'ils font ou ce qu'ils
ne font pas; mais puisque les papistes annoncent
par ce livre qu'ils croient à ces armemens, j'ac-
cueille ce bruit avec plaisir et je me réjouis de
leurs illusions et de leurs alarmes; j'augmente-
rais même volontiers ces illusions, si je le pouvais,
rien que pour les faire mourir de peur. Si Caïn
tue Abel, si Anne et Caïphe persécutent Jésus ^
dby Google
26 MteOlEBS
il est juste qu'ils en soient punis. Qu'ik Tivent
dans les transes, quUls tremblent au bruit d'une
feuille, qu'ils Toient partout le fiintôme de Fin*
surrection* et la mort, rien de plus équitable.
9 ... N'est-il pas yrai, imposteurs, que lorsqu'à
Augsbourg les nôtres présentèrent leur confes-
sion de foi , un papiste a dit : Ils nous donnent
là un livre écrit avec de l'encre; je Toudrais,
moi, qu*on leur répondit avec du sang?
> N'est-il pas vrai que l'électeur de Brande-
bourg [et] le duc George de Saxe ont promis à
l'Empereur de fournir cinq mille chevaux contre
les luthériens ?
9 N'est-il pas vrai qu'un grand nombre de
prêtres et de seigneurs ont parié qu'avant la Saint-
Michel , c'en serait &it de tous les luthériens ?
» N'est-il pas vrai que l'électeur de Brande-
bourg a déclaré publiquement que l'Empereur et
tout l'Empire s'emploieraient corps et biens pour
arriver à ce but?..:
» Croyez-vous que l'on ne connaisse pas votre
édit? que l'on ignore que par cet édit toutes les
épées de l'Empire sont aiguisées et dégainées,
toutes les arquebuses chargées, toute la cavale-
rie lancée, pour fondre sur l'électeur de Saxe et
son parti , pour tout mettre à feu et à sang, tout
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DB LUTHBE. 27
rempUr de pleurs et de désolation? voilà votre
édity voilà vos entreprises meurtrières scellées
de votre sceau et de vos armes, et vous voulez
que l'on appelle cela de la paix , vous osez accu-
ser les luthériens de troubler le bon accord ?
0 impudence, ô hypocrisie sans homes I... Mais
je vous entends : vous voudriez que les nôtres
ne s'apprêtassent point à la guerre dont leurs
ennemis mortels les menacent depuis si long-
temps, mais qu'ils se laissassent égorger sans
crier ni si défendre , comme des brebis à l'a-
battoir. Grand merci, mes bonnes gens! Moi,
prédicateur, je dois endurer cela, je le sais
bien, et ceux à qui cette grâce est donnée
doivent l'endurer également. Mais que tous les
autres en feront de même, je ne puis le ga-
rantir aux tyrans. Si je donnais publiquement
ce conseil aux nôtres, les tyrans s'en prévau-
draient, et je ne veux point leur ôter la peur
qu'ils ont de notre résistance. Ont^ils envie de
gagner leurs éperons en nous massacrant ? qu'ils
les gagnent donc avec péril comme il convient à
de braves chevaliers. Égorgeurs de leur métier,
qu'ils s'attendent du moins à être reçus comme
des égorgeurs...
» .... Que Ton m'accnse, ou non, d'être trop
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28 BÉMOIABa
violent, je ne m'en soucie plus. Je veux que
ce soit ma gloire et mon honneur désormais,
que Ton dise de moi comme je tempête et sévia
contre les papistes. Voilà plus de dix ans que je
m'humilie et que je donne de bonnes paroles.
A quoi tant de supplications ont-elles servi? A
empirer le mal. Ces rustres n'en sont que plus
fiers. — Eh bien! puisqu'ils sont incorrigibles,
puisqu'il n'y a plus espoir d'ébranler leurs in-
fernales résolutions par la bontéj je romps avec
eux, je les poursuivrai de mes imprécations,
sans fin ni repos, jusqu'à ma tombe. Ils n'au-
ront plus jamais une bonne parole de moi ; je
veux qu'on les enterre au bruit de mes foudres
et de mes éclairs,
» Je ne puis plus prier sans maudire. Si je dis,
Que ton nom soii sanctifié, il faut que j'ajoute :
Maudit soit le nom des papistes et de tous ceux
qui te blasphèment! Si je dis, Que ton royaume
arrive , je dois sgouter : Maudits soient la papauté
et tous les royaumes qui sont opposés au tien!
Si je dis, Que ta volonté âoit faite ^ je dis encore :
Maudits soient et périssent les desseins des pa-
pistes et de tous ceux qui te combattent!... Ainsi
je prie ardemment tous les jours ^ et avec moi
tous les vrais fidèles de Jésus-Christ... Cepen-
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fit &UTHB&. 20
dant je garde encore à tout le inonde un cœur
bon et aimant, et mes pins grands ennemis eux-
mêmes le savent bien.
9 Souvent la nuit , quand je ne puis dormir , je
cberche dans mon lit, avec douleur et anxiété ,
comment on pourrait encore déterminer les pa-
pistes à la pénitence avant le jugement terrible
qui les menace. Mais il semble que cela ne doit
pas être. Us repoussent toute pénitence et de-
mandent à grands cris notre sang. L'évéque do
Saltzbourg a dit à maître Philippe , à la diète
d'Âugsbourg : « Pourquoi disputer si longtemps?
Nous savons bien que vous avei raison. » Et un
autre jour : « Tous ne voulei pas céder , nous
non plus , il faut donc qu'un parti extermine l'au-
tre. Vous ètes^ le petit et nous le grand : nous
verrons qui aura le dessus. » Jamais je n'aurais
cm qu'on pût dire de telles paroles, t
d byCoogle
90 MiaonuH
CHAPITRE II.
18S4-16S6.
IntbaptUlM de MuDSter.
Pendant que les denx grandes lignes des prin-
ces sont en présence , et semblent se défier , on
tiers s'élève entre deux , pour l'effroi commun
des deux partis. Cette fois , c'esi encore le peu-
ple , comme dans la guerre des paysans, mais un
peuple organisé, maître d'une riche cité. La jo^
querie du Nord , plus systématique que celle du
Midi, produit l'idéal de la démagogie allemande
du seizième siècle, une royauté biblique, un Da-
vid populaire , un messie artisan. Le mystique
compagnonage allemand intronise un tailleur.
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DB I.UTHBB. 81
treprise da tailleur fut hardie, mais non
' <1*\ Uanabnptisme avait de grandes forces.
lut a que dans Munster; mais il était ré-
lans la Westjihalie, dans le Brabant, la
Ire. la Hollande , ïa Frise, et tout le littoral
l Bahti.[iie jusfiti'en livonie.
Analkipliites formulèrent la malédiction
I paysans Taincus avaient jetée sur Luther.
lurent en lui Tami de la noblesse, le sou*
raulorké civile , le rémora de la Réforme.
lire prophètes, deux vrais et deux fiiux; les
•oui David et Jean de Leyde; les faux,
iipf^ et Luther, mais Luther est pire que le
t*n{ t' Évangile a i^ahordpria naissance à
Tf, et comment il y a fini après la destruc-
anahopiiMiffif. Histoire véritable et bien
Vfre iue et conservée dans la mémoire {car
en annhapiisies de Munster vit encore) ,
jr Eenricus Dorpius de cette ville. Nous
atenterom do donner un extrait de ce
rit:
amie commeaça à Munster en 1583, par
un, prédicateur luthérien ou zwinglien.
Il im si ^rand succès, que Tévèque ce-
Imtercession du landgrave de HMse,
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82 viaoïABS
accorda aux évangéliqaes six de ses églises. Plas
tard, un garçon tailleur, Jean de Le^de, y ap-
porta la doctrine des anabaptistes, et la propa-
gea dans quelques &niilles. Il fut aidé dans son
œuvre par un prédicateur nommé Hennann Sta-
prœda, de Mœrsa, anabaptiste comme lui. Bien-
tôt leurs assemblées secrètes devinrent si nom-
breuses, que les catholiques et les réformés en
furent également alarmés , et chassèrent les ana-
baptistes de la ville. Maïs ceux*ci revinrent plus
bardis; ils intimidèrent le conseil , et l'obligèrent
de fixer un jour où il y aurait discussion publi-
que dans la maison commune, sur le baptén^e
des enians. Dans cette discussion , le pasteur Roth-
mann passa du c6té des anabaptistes, et devint
lui-même un de leurs chefs... Un jour, un autre
de leurs prédicateurs se met à courir dans les
rues , en criant : « Faites pénitence , faites péni-
tence, amendez-vous, iaites-voas pabtiser, ou
Dieu va vous punir I * Soit crainte, soit zèle relir
gieux, beaucoup de gens qui entendirent ces
cris, se hâtèrent de demander le baptême. Alors
les anabaptistes rempUssent la marché en criant :
« Sus aux païens qui ne veulent pas du'baptéme!»
Ils s'emparent des canons, des munitions, de la
maison de ville, et maltraitent les catholiques et
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M LCTHU. S8
les luthériens qu'ils rencontrent Ceu-ci se for-
ment en nombre et attaquent les anabaptistes à
leur tour. Après divers combats sans résultat, les
deux partis. éprouTèrent le besoin de se rappro-
cher» et conyinrent que chacun serait libre de
professer sa croyance. Mais les anabaptistes n'ob-
serrèrent point ce traité ; ils écrivirent sous main
à tous ceux de leur secte qui étaient dans les villes
Toisines pour les faire venir à Munster. « Quittez
ce que vous avez, écrivaient-ils; maisons, fen^
mes, en&ns, laissez tout pour venir à nous. Tout
ce que vous aurez abandonné, vous sera rendu au
décuple... t Quand les riches s*aperçurent que la
ville se remplissait d'étrangers, ils. en sortirent
comme ils purent, n'y laissant de leur parti que
les gens du bas peuple, (carême de l'année 1534.)
Les anabaptistes, enhardis par leur départ et
par les renforts qui leur étaient arrivés, dépo-
sèrent aussitôt le conseil de ville qui était luthé-
rien, et en composèrentun d'hommes de leur parti.
Quelques jours plus tard,, ils pillèrent les égli-
ses et lescouvens, et coururent la ville en tumulte,
armés de hallebardes^ d'arquebuses et de bâtons,
criant comme des furieux: « Faites pénitence,
fSeûtes pénitence! * et après : « Kors la ville ,. im-
pies ! hors la ville, ou l'on vous assomme! » Ainsi
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84 mlMoiBii
ils chassèrent sans pitié tout ce qui n^était pas des
leurs. Ni rieillard, ni femme enceinte ne fîit ex-
cepté. Un grand nombre de ces panyres fugitifs
tombèrent entreles mains del'éyéqae, qui se pré-
parait à assiéger la ville. Sans avoir égard à ce
qu'ils n'étaient point dn parti anabaptiste, il les
fit emprisonner; beaucoap d'entre eux furent
même cruellement mis à mort.
Les anabaptistes étant maîtres de la ville , leur
prophète suprême, Jean de Matthiesen, ordonna
que tout le monde mit son avoiren commun, sans
rien celer, sous peine de la vie. Le peuple eut peur
et obéit. Les biens des fugitifs furent saisis de
même. Ce prophète décida encore quel'on ne gar-
derait aucun autre livre que la Bible et le Nou-
veau Testament. Tous les autres qu'on put trouver
furent brûlés dans la cour de la cathédrale. Ainsi
le voulait le Père du ciel , disait le prophète. On
en brûla au moins pour vingt mille florins.
Un maréchal ferrant ayant parlé injurieusement
des prophètes , toute la commune est assemblée
«ur le marché, et JeanHatthiesen le tue d'un coup
de feu. Peu après, ce prophète court tout senl
hors de la ville, une hallebarde à la main, criant
que le Père lui a Ordonné de repousser les enne-
mis. Il avait à peine passé la porte qu'il fut tné.
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DB LUTBIA. 85
Jean de Leyde lui succéda comme prophète
suprême , et il épousa sa veuve. Il releva le cou-
rage du peuple abattu par la mort de son prédé«
cesseur. A la Pentecôte, Févéque fit donner Tas-
saut , mais il fut repoussé avec grande perte. Jean
de Leyde nomma douie fidèles (parmi lesquels se
trouvaient trois nobles) pour être les anciens dau
Israël... Il déclara aussi que Dieu lui avait révélé
des doctrines nouvelles sur le mariage; il discuta
avec les prédicateurs, qui, enfin, se rangèrent à
son avis et prêchèrent trois jours de suite sur la
pluralité des femmes. Un assez grand nombre d'ha-
bitans se déclarèrent contre la nouvelle doctrine,
et firent même prisonniers les prédicateurs avec
l'un des prophètes; mais bientôt ils furent obligés
de les relâcher, et quarante-neuf d'entre euxpé^
rirent.
A la Saint-Jean de l'année 1534, un nouveau
prophète, auparavant orfèvre à Warendor£f, as-
sembla le peuple, et lui annonça qu'il avait eu
une révélation d'après laquelle Jean de Leyde
devait régner sur toute la terre, et occuper le
trône de David jusqu'au temps où Dieu le Père
viendrait lui redemander le gouvernement... Les
douze anciens furent déposés et Jean de Leyde
proclamé roi.
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86 iiiiioiaBS
Pliu les anabaptistes prenaient de femmes, plus
l'esprit de libertinage augmentait parmi em; ib
commirent dliorribles excès sur des jeunes filles
de dix, douze et quatorze ans. Ces violences
barbares, et les maux du siège irritèrent une
partie du peuple. Plusieurs soupçonnaient Jean
de Leyde d'imposture et songeaient à le livrer à
révêque. Le roi redoubla de vigilance et nomma
douze ducs cbargés de maintenir la ville dans la
soumission (jour des Rois 15S5). Il promit à ces
douze che& qu'ils régneraient à la place de tous
les princes de la terre, et il leur distribua d'a-
vance des électorats et des principautés. Le
« noble landgrave de Hesse» est seul excepté de
la proscription; ils espèrent, disent-ils, qu'il
deviendra leur frère... Le roi désigna le jour
de Pâques comme l'époque où la ville serait dé-
livrée.
... L'une des reines ayant dit à ses compagnes
qu'elle ne croyait pas conforme à la volonté de
Dieu qu'on laissât ainsi le pauvre peuple mourir
de misère et de faim , le roi la conduisit au mar-
ché avec ses autres femmes, lui ordonna de s'a-
genouiller au milieu de ses compagnes proster-
nées comme elle, et lui trancha la tète. Les
autres reines chantèrent : Gloire à Dieu au haut
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DB LVTBSa. 87
de$ deux! et tout le peuple se mit à damer au-
tour. Cependant il n'avait plus à manger que du
pain et du sel! Vers la fin du siège, la famine
fut si grande que Ton y distribuait régulièrement
la chair des morts; on n'exceptait que ceux qui
avaient eu des maladies contagieuses. A la
Saint -Jean de Tannée 1585» Tévéque apprit
d'un transfuge le moyen d'attaquer la ville
avec avantage. Elle fut prise le jour même de la
Saint- Jean, et, après une résistance opiniâtre, les
anabaptistes furent massacrés. Le roi, ainsi que
son vicaire et son lieutenant, fut emmené entre
deux cbevaux , une chaîne double au cou, la tête
et les pieds nus... L'évéque l'interpella durement
sur l'horrible désastre dont il était cause ; il lui ré-
pondit : « François de Waldeck (c'était son nom),
si les choses avaient été à mon gré, ils seraient
tous morts de &im, avant que je t'eusse livré la
ville. »
Nous trouvons beaucoup d'autres détails inté-
ressans dans une pièce insérée au second volume
des œuvresallemandes de Luther (édition de Witt.)
sons le titre suivant: Nouvelle sur lesanabaptistei
de Munster.
i... Huit jours après que l'assaut a été repoussé
par les anabaptistes, le roi a commencé son règne
TOMB 11. 4
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38 HisiOXABS
en s'entourant d'une cour complète, à l'égal d'un
prince séculier. Il a institué des maîtres de cérémo-
nies, des maréchaux, des huissiers, des maîtres
de cuisine, des fourriers, des chanceliers, des
ordiieuTs {redner), des serviteurs pour la table, des
échansons, etc.
> Une de ses femmes a été élevée au rang de
reine , et elle a également sa cour à elle. C'est
une belle et noble femme de Hollande, mariée
auparavant à un autre prophète qui a été tué
devant Munster et de qui elle est encore enceinte.
» Le roi a en outre trente et un chevaux cou-
verts de draps d'or. Il s'estfait faire des habits pré-
cieux en or et en argent avec les ornemens de
l'église. Son écuyer est paré comme lui de véte-
mens superbes pris de ces ornemens, et il porte
en outre des bagues d'or; de même la reine avec
ses vierges et ses femmes.
> Lorsque le roi, dans sa majesté , traverse la
ville à cheva^, des pages l'accompagnent : l'un
porte à son côté droit la couronne et la Bil)le,rau-
tre une épée nue. L'un d'eux est le fils de l'é-
véque de Munster. Il est prisonnier et il sert le
roi dans sa chambre.
» Le roi a de même dans sa triple couronne sur-
montée d'une chaine d'or et de pierreries, la figure
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DE LUTHER. 39
du monde percée d'une épée d'or et d'une épée
d'argent. Au milieu du pommeau des deuxépées
se trouve une petite croix sur laquelle est écrit :
Un roi de la justice sur le monde, La reine porte
les mêmes ornemens.
* £n cet appareil le roi se rend trois fois par
semaine au marché , où il monte sur un siège
élevé qu'on a fait exprès. Le lieutenant du roi,
nommé Knipperdolling,se tient une marche plus
bas, puis viennent les conseillers. Celui qui a af-
faire au roi s'incline deux fois, se laisse tomber
à terre à la troisième , et expose ensuite ce qu'il
a à dire.
» Un mardi ils ont célébré la sainte Cène dans
la cour du dôme; ils étaient à table au nombre de
près de quatre mille deux cents. Trois plats furent
servis : à savoir du bouilli, du jambon et du rôti;
le roi et ses femmes et tous leurs domestiques ser-
virent les convives.
» Après le repas, le roi et la reine prirent du gâ-
teau de froment, le rompirent et en donnèrent
aux autres, disant : ce Prenez, mangez et annon-
cez la mort du Seigneur. > De même ils prirent
une cruche de vin , disant : « Prenez , buvez-en
tous et annoncez la mort du Seigneur. ■
» Les convives rompirent de même des gâteaux
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40 KiMOIBBS
et se les présentèrent les uns aux autres en pro-
nonçant ces paroles : « Frère et sœur, prends et
mange. De même que Jésus-Christ s'est dévoué
pour moi , de même je veux me dévouer pour toi;
et de même que dans ce gâteau les grains de fro-
ment sont joints, et que les raisins ont été unis
pour former ce vin, de même nous aussi nous
sommes unis. » Ils s'exhortaient en même temps
à ne rien dire de frivole, ni qui fût contraire
à la loi du Seigneur. Ensuite ils remercièrent
Dieu, d'ahord par des prières, et puis par des
cantiques , surtout par le cantique : Gloire à
Dieu au haut des cieux! Le roi et ses femmes,
avec leurs serviteurs , se mirent à table éga-
lement , ainsi que ceux qui revenaient de la
garde.
» Quand tout fut fini, le roi demanda à l'a»-
semblée s'ils étaient tous disposés à faire et à
souffrir la volonté du Père. Ils répondirent tous:
Oui, Puis le prophète Jean de Warendorff se
leva , et dit : « Que Dieu lui avait ordonné d'en-
voyer quelques-uns d'entre eux pour annoncer
les miracles dont ils avaient été témoins. » Le
même prophète ajouta que, selon l'ordre de
Dieu, ceux qu'il nommerait devaient se rendre
dans quatre villes de l'Empire, et y prêcher...
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DB LtTHBA. 41
On donna à chacun un fenin d'or de la valeur de
neuf florins avec de la monnaie ordinaire pour
le voyage , et ils partirent le soir même.
» La veille de Saint-Gall , ils parurent dans les
villes désignées , faisant grand bruit , et criant :
« Convertissez-vous et faites pénitence , car la
9 miséricorde du Père est à sa fin. La cognée
» frappe déjà la racine de l'arbre. Que votre ville
» accepte la paix , ou elle va périr. » Arrivés de-
vant le conseil des quatre villes, ils étendirent
leurs manteaux par terre, et y jetèrent les sus-
dites pièces d'or , en disant : « Nous sommes en-
t voyés par le Père pour vous annoncer la paix.
« Si vous Tacceptez, mettez tout votre bien en
» conmiun; si vous ne voulez pas faire cela,
9 nous protesterons devant Bieu avec cette pièce
9 d'or , et nous prouverons par elle que vous avez
• rejeté la paix qu'il vous envoyait. Il est arrivé
• maintenant le temps annoncé par tous les
» prophètes, ce temps oii Bieu ne voudra plus
» • souffrir sur la terre que la justice ; et quand le
9 roi aura £aiit régner la justice sur toute la face
9 de la terre, alors Jésus-Christ remettra le gou-
9 yemement entre les mains du Père. >
» Alors ils furent mis en prison et questionnés
sur leur croyance, leur vie, etc.. (Suit l'interro-
4.
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42 MinoiRBt
gatoîre. )... Ils disaient qu'il y avait quatre pro-
phètes , deux Trais , et deux faux ; que les yrais ,
c'étaient David et Jean de Leyde, et les faux , le
pape et Luther. « Luther, disaient-ils, est pire
encore que le pape. « Ils tiennent aussi pour
damnés tous les autres anabaptistes, quelque
part qu'ils se trouvent.
« ... Dans Munster, disaient-ils, les hommes
ont communément cinq, six , septou huit femmes ,
selon leur bon plaisir (1). Mais chacun est obligé
d'habiter d'abord avec l'une d'entre elles, jus-
qu'à ce qu'elle soit enceinte. Ensuite, il peut faire
comme il lui plait. Toutes les jeunes filles qui ont
passé douze ans doivent se marier...
»... Ils détruisent les églises et toutes maisons
consacrées à Dieu...
» ... Ils attendent à Munster des gens de Gro-
ningue et d'autres contrées de la Hollande. Eux
venus, le roi se lèvera avec toutes ses forces, et
subjuguera la terre entière.
» Ils tiennent aussi qu'il est impossible de bien
comprendre l'Écriture sans que des prophètes
(x) L'un des interrogés dît que le roi en avait cinq. D'à*
près une autre relation, le nombre en serait monté à la fin
jusqu'à dix«iept.
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l'aient expliquée. Quant on discute avec eux et
qu*il9 en viennent à ne pouvoir justifier leur en-
treprise par l'Écriture , ils disent que le Père ne
leur donne pas de s'expliquer là-dessus. D'autres
répondent: Le prophète l'a dit par l'ordre de
Dieu.
• Il ne s'en trouva aucun qui voulût se rétrac-
ter, ni qui acceptât sa grâce à ce prix. Ils chan-
taient et remerciaient Dieu qui les avait jugés di-
gnes de souffrir pour son nom.
Les anabaptistes sommés par le landgrave de
Hesse de se justifier relativement au roi qu'ils
s'étaient donné, lui répondirent (janvier lâSS):
« Que les temps de la restitution annoncés par
les livres saints étaient arrivés, que l'Évangile
leur avait ouvert la prison de Babylone , et qu'il
allait à présent rendre aux Babyloniens selon
leurs œuvres; qu'une lecture attentive des pro-
phètes , de l'Apocalypse , etc. , montrerait évi-
demment au Landgrave si c'était d'eux-mêmes
qu'ils avaient institué un roi, ou bien par l'ordre
de Dieu, etc. »
Suit la convention qui fut arrêtée l'an 1533,
entre l'évéque de Munster et cette ville par l'en-
tremise des conseillers du Landgrave.... Les ana-
baptistes envoyèrent au landgrave de Hesse leur
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44 HiMOiais
livre De restUuiione, Il le lut avec indignation et
ordonna à ses théologiens d*y répondre et d'op-
poser particulièrement aux anabaptistes neuf arti-
cles qu'il désigna. Dans ces articles il leur repro-
che entre autres choses : 1** de £aiire consister la
justice non pas dans la foi seule, mais dans la foi
et les œuyres ensemble ; 2** d'accuser injustement
Luther de n'avoir jamais enseigné les bonnes
œuvres; 3® de défendre le libre arbitre.
Dans le lÏYre De resiiiutione , les anabaptistes
divisaient toute l'histoire du monde en trois par-
tics principales. « Le premier monde , disent-ils ,
celui qui exista jusqu'à Noé, fut submergé par
les eaux. Le second, celui dans lequel nous-
mêmes nous vivons encore, sera fondu et pu^
rifié par le feu. Le troisième sera un nouveau
ciel et une nouvelle terre , habités par la justice.
C'est ce que Dieu a désigné par l'arche sainte
dans laquelle il y avait le vestibule, le sanctuaire
et le saint des saints... La venue du troisième
monde sera précédée d'une restitution et d'un
châtiment universels. Les méchans seront tuét,
le règne de la justice préparé , les ennemis du
Christ jetés à bas, et toutes choses restituées. C'est
ce temps qui commence maintenant. »
Entniiên ou discussion qu^AtUoine Corvinus et
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DB i.rTHBm. 45
Jean Kymeui ont eue à Béverger avec Jean de
Leyde, le roi de Munster, — « Quand le roi en-
tra dans notre chambre ayec l'escorte qui l'avait
tiré de sa prison , nous le saluâmes d'une ma-
nière amicale et l'invitâmes à s'asseoir près du
feu. Nous lui demandâmes comment il se portait
et s'il souffrait dans sa prison. Il répondit qu'il
souffrait du froid et se sentait mal au cœur, mais
qu'il devait tout endurer avec patience , puisque
Dieu avait ainsi disposé de lui. Peu à peu , tou-
jours en lui parlant amicalement, car on ne pou-
vait rien obtenir de lui d'une autre manière»
nous arrivâmes à parler de son royaume et de sa
doctrine , de la manière qu'il suit :
Panisa POINT db l'intehhogatoue. — Lee minis^
très. « Cher Jean , nous entendons dire de votre
gouvernement des choses extraordinaires et hor-
ribles. Si eUes sont telles qu'on le dit, et mal-
heureusement cela n'est que trop vrai , nous ne
pouvons concevoir comment il vous est possible
de justifier une semblable entreprise par la sainte
Écriture... »
Le roi. « Ce que nous avons fait et enseigné,
nous l'avons fait et enseigné avec bon droit, et
nous pouvons justifier toute notre entreprise , nos
actions et notre doctrine devant Dieu et à qui il
appartient. »
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46 HiMOtRES
Les ministren lui objectent qne dans TÉcriture
il n'était question que d'un règne spirituel de Jésus-
Christ : « Mon royaume n'est pas de ce monde, • a-t-îl
' dit lui-même.
Le roi, • J'entends très bien ce que vous, dites
du royaume spirituel de Jésus-Christ et je n'atta-
que nullement les passages que tous citez. Mais
vous devez savoir distinguer le royaume spirituel
de Jésus-Christ, lequel se rapporte aux temps de
la souffrance et duquel après tout ni vous ni Lu-
ther vous n'avez une juste idée , et l'autre royaume ,
celui qui, après la résurrection, sera établi dans
ce monde pendant mille ans. Tous les versets qui
traitent du royaume spirituel de Jésus-Christ ont
rapport au temps de la souffrance, mais ceux qui
se trouvent dans les prophètes et dans l'Apoca-
lypse et qui traitent du royaume temporel , doi-
vent être rapportés au temps de la gloire et de
la puissance que Jésus-Christ aura dans le monde
avec les siens.
» Notre royaume de Munster a été une image
de ce rojaume temporel du Christ; vous savez que
Dieu annonce et désigne beaucoup de choses par
des figures. Nous avions cru que notre royaume
durerait jusqu'à la venue du Seigneur, mais nous
voyons à présent qu'en ce point notre entende-
dby Google
hM LCTHia. 47
ment a failli et que nos prophètes ne Font pas
bien compris eux-mêmes. Dieu nous en a, dans
la prison » ouvert et révélé la véritable intelli-
gence...
V Je n'ignore pas que vous rapportez commu-
nément au royaume spirituel du Christ ces passa-
ges et d'autres semblables , qui pourtant doivent,
sans aucun doute, être entendusdu royaumetem-
porel. Mais qu'est-ce que ces interprétations spi-
rituelles , et à quoi servent-elles, si rien ne doit
se réaliser un jour ?...Dieu a créé le monde prin-
cipalement pour se complaire dans les hommes
auxqueb il a donné un reflet de sa force et de sa
puissance. »
Les ministres. « ... £t comment vousjustifierez-
vous quand Dieu vous dira au jugement dernier :
Qui t'a fait roi? Qui t'a ordonné de répandre dans
le monde de si effroyables erreurs, au grand dé-
triment, de ma parole ? »
Le roù « Je répondrai : Les prophètes de Muns-
ter me l'ont ordonné comme étant votre volonté
divine , en preuve de quoi ils m'ont doi^ié en
gage leur corps et leur âme. »
Les ministres lui demandent ce qu'il en est des
révélations divines qu'il aurait eues, dit-on, au
sujet de son élévation à la royauté.
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48 HiHOIRES
Le roi « Je n'ai pan eu de réyélation à ce sujet,
seulement il m'est venu des pensées , comme s'il
devait y avoir un roi à Munster, et que moi je dusse
être ce roi. Ces pensées m'ébranlèrent et m'affli-
gèrent profondément. Je priai Dieu de vouloir
bien prendre en considération mon inhabileté ,
et de ne point me charger d'un tel fardeau. Au cas
où il ne voudrait pas m'épargner cette peine, je
le priai de me faire désigner par des prophètes
dignes de foi et en possession de sa parole. Je m en
tins là et n'en dis rien à personne. Mais cpiinie
jours après un prophète se leva au milieu de
la commune et s'écria que Dieu lui avait signifié
que Jean de Leyde devait être roi. Il annonça la
même chose au conseil , qui aussitôt se coaiorma
à ce qu'il disait , se démit de son pouvoir et me
proclama roi avec toute la commune. Il me remit
aussi le glaive de la justice. C'est ainsi que je suis
devenu roi. >
Deuxième iiETicLE. — Le roi, « ... Nous ne nous
sommes opposés à l'autorité que parce qu'elle
voulait nous interdire notre baptême et la parole
de Dieu. Nous avons résisté à la violence. Vous
prétendez que nous avons agi injustement en
cela, mais saint Pierre ne dil-il pas qu'on doit
obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes?... Vous ne
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Dl LUTHBR. 40
réprouTeriez pas tout >ce que nous avons fait ,
si TOUS saviez comment les choses se sont pasr
Leê ministres. « Parez et justifiez vos actes ,
comme vous voudrez , vous n'en serez pas moins
éternellement des rebelles^ coupables du crime
de lèse-majesté. Le chrétien doit souffrir et ne
point résister au méchant. Quand même tout le
conseil se fût rangé de votre parti (ce qui n'a pas
eu lieu) , vous auriez dû supporter la violence
plutôt que de commencer un schisme , une sédi-
tion , une tyrannie pareille , contrairement à la
parole de Dieu, à la majesté de l'Empereur , à la
dignité royale, à celle de l'électorat et des princes
et états de TEmpire. >
Le roi. « Nous savons ce que nous avons fait :
Que Dieu soit notre juge. »
Les minisires. » Nous aussi , nous savons sur
quoi est fondé ce que nous disons. Que Dieu soit
notre juge aussi. 9
Troisième article. — Le roi. a ... Nous avons
été assiégés et détruits à cause de la parole di-
vine; c'est pour elle que nous avons souffert la
faim et tous les maux^ que nous avons perdu les
nôtres^ et que nous sommes tombés dans une si
lamentable calamité! Ceux d'entre nous qui sont
K
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%
60 KÉXOIBIS
encore en vie, mourront sans résistance et sans
plainte, comme Tagneau qu'on immole... »
GiRQUiÈiE AETicLE. — Leroi dit qu'il a longtemps
été de l'avis de Zwingli , mais qu'il est reyenn à
croire en la transsubstantiation. Seulement il
n'accorde pas à ses interlocuteurs que celle-ci
s'opère aussi dans celui qui n'a pas la foi.
Sixième AETicLE. — L0S ministres, «... Que vou-
lez-vous donc feire de Jésos-Christ , s'il n'a pas
reçu chair et sang de sa mère Marie? Voulez- vous
qu'il soit un fantôme, un spectre? Il serait besoin
que notre Urbanus Regius fit imprimer un se-
cond livre pour vous faire comprendre votre
langue natale (1), sans cela vos têtes d'ânes résis-
teront toujours à l'instruction. »
Le roi. « Si vous saviez quelle consolation in-
finie est renfermée dans cette connaissance que
Jésus-Christ, Dieu et fils du Dieu vivant, s'est
fait homme et a versé son sang, non pas celui de
Marie, pour racheter nos péchés (lui qui est pur
de toute faute) , vous ne parleriez pas comme vous
faites et vous ne trouveriez pas notre opinion si
mauvaise. »
SsmÈiiB ARncLi sur la polygamie. — Le roi
(i) Ceci se rapporte k Finterpréution da mot : né; gi"
àoren.
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DB LUTHBB. 51
oppose aux ministres Texeniple des patriarches.
Les ministres se retranchent derrière Fusage
généralement établi dans les temps modernes , et
déclarent qne le mariage est res poltiica. Le roi
dit qu'il vaut mieux avoir beaucoup d'épouses,
que beaucoup de prostituées, et termine cet en-
tretien, comme le second, par ces mots : « Que
Dieu soit notre juge. >
Quoique rédigé par les prédicateurs, l'effet de
cette discussion ne leur est pas foyorable. On ne
peut s'empêcher d'admirer la fermeté, le bon
sens, et la modeste simplicité du roi de Munster,
qui ressort encore par la dureté pédantesque de
ses interlocuteurs.
Corvinus et Kymeus au lecteur chrétien : —
«Nous avons représenté notre entretien avec le
roi à-peu-près mot pour mot, san^s passer un seul
de ses argumens ; seulement nous les avons mis
en notre langage et posés plus convenablement
qu'il ne le faisait... Environ huit jours après, il
envoya vers nous pour nous prier de venir encore
une fois traiter avec lui... Nous discutâmes da
nouveau pendant deux jours; il se trouva plus
docile que la première fois, mais nous n'avons vu
en cela que le désir de sauver sa vie. Il déclara
de son propre mouvement que si on le^ prenait
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62 «teoimBS
en grâce, il voulait avec le secours de Helcfaior
Hoffmann et de ses reines, exhorter tous les ana-
baptistes, qui sont très nombreux, selon lui, dans
la Hollande, le Brabant, TAng^leterre et la Frise,
à se taire désormais, à obéir, et même à daire
baptiser leurs enfans, jusqu^à ce que l'autorité
s arrangeât avec eux sur les affaires de religion...»
Suit la nouvelle confession de foi de Jean de
Leyde , par laquelle il modifie quelques points de
la première. En exhortant les anabaptistes à l'o-
béissance, il n'entend qu'une obéissance exté-
rieure. Il ne cède point sur le fond des doctrines,
et veut qu'on laisse les consciences libres. Quant
à l'eucharistie , il déclare que tous ses confrères
sont zwingliens sur ce point, et que lui-même il Ta
toujours été , mais que dans sa prison Dieu lui
a fait connaître ses erreurs. Cette confession est
signée en hollandais : Moi, Jean de Leyde, signé
de ma propre main.
Le 19 janvier 1536, Jean de Leyde, ainsi que
Knipperdolling et Krechting, son vicaire et son
lieutenant , furent tirés de leurs cachots. Le len-
demain, l'évêque leur envoya son chapelain pour
conférer avec chacun d'eux séparément, sur leurs
<;royance8 et sur les actes qu'ils avaient commis.
Le roi témoigna du repentir et se rétracta, mab
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M LUTHUl. 53
les deux autres persistèrent et ne s'avouèrent cou*
pables en rien... Le 22 au matin, toutes les portes
de Munster furent fermées; on ne laissa plus
entrer ni sortir, et vers les huit heures, le roi,
dépouillé jusqu'à la ceinture, fut conduit sur un
échafaud dressé dans le marché. Deux cents fan»
tassins et trois cents cavaliers se tenaient auprès.
L'affluence du peuple était extrême. Il fut atta-
ché à un poteau, et deux bourreaux le déchiré*
rent tour-à-tour avec des tenailles ardentes. Enfin
Tnn d'eux lui plong^ea un couteau dans la poi-
trine, et termina ainsi l'exécution qui durait de-
puis une heure.
« Aux trois premiers coups de tenailles le roi
ne laissa entendre aucun cri, mais après il s'écria
sans cesse, les yeux tournés au ciel : 0 mon
Père, ayez ptiié de moil et il pria Dieu avec ar^
deur, pour la rémission de ses péchés. Quand il
se sentit défaillir , il dit : 0 mon Père , je remeiê
mou esprit entre tes mains! et il expira. »
< Le cadavre fut jeté sur une claie et trainé
devant la tour de Saint-Lambert , où étaient pré-
parés trois paniers de fer. Arrivé là, on l'attacha
avec des chaînes dans l'un de ces paniers, et les
paysans le hissèrent au haut de la tour , où il fut
suspendu à uu crochet. » — Le supplice de Knip-
6.
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64 «iiiouiBt
perdolling et de Krechting fut le même que celui
du roi. Ils persistèrent jusqu'à la fin dans tout ce
qu'ils avaient dit. c Pendant Fexécution ils n'in-
Toquèrent que le Père , sans faire mention du
Christ, comme c'était Tiisage de leur secte. Ni
l'un ni l'autre ne dit rien de remarquable : peut-
être leur silence était^il la suite des tourmens
qu'ils avaient endurés dans la prison, car ils
semblaient déjà plus morts que vifs. Leurs corps
furent mis dans les deux autres paniers de fer,
et hissés par les paysans, l'un à la droite, l'autre
à la gauche du roi , mais plus bas de la hauteur
d'un homme. Alors on rouvrit les portes de la
ville, et il y entra une grande foule de gens
venus trop tard pour voir l'exécution. »
Préface de Luther aux Nouvelle$ , eut le$ af
fakesde Munster, < Ah! que dois-je, et comment
dois-je écrire contre ou sur ces pauvres gens de
Munster! N'est-il pas visible que le diable y règne
en personne, ou plutôt qu'il y a là toute une bande
de diables?
> Reconnaissons pourtant ici la grâce et la mi-
séricorde infinies de Dieu. Après que TAUema-
gne, par tant de blasphèmes, parle sang de tant
d'innocens, a mérité une si rude férule, le père-
de toute miséricorde ne permet pas encore aa
Digitizedby Google
diable de frapper son rrai coup, il nous avertit
d'abord paternellement par ce jeu ^oasîer que
Satan fait à Munster. La puissance de Dieu oon-
traint l'esprit aux cent ruses à s'y prendre d'a-
bord ayec gaucherie et maladresse, afin de nous
laisser le temps d'échapper par la pénitence , aux
coups mieux calculés gu'il nous réservait. »
» En effet» Tesprit qui veut tromper le mond0
né doit pas commencer par prendre des femmes ,
par étendre la main vers les honneurs et le glaive
royal, ou bien par égorger les gens; ceci est trop
grossier. Chacun s'aperçoit que cet esprit ne vent
autre chose que s'élever lui-*méme et opprimer
les autres. Ce qu'il faut pour tromper, c'est de
mettre un habit gris , de prendre un air triste et
piteux, de pencher la tête, de refuser l'argent,
de ne pas manger de viande ; de fuir les femmes
à l'égal du poison , de repousser comme damna-
ble tout pouvoir temporel , de rejeter le glaive^
puis de se baisser tout doucement vers la cou-
ronne, le glaive et les clés, pour les ramasser et
s'en saisir furtivement. Yoilà qui pourrait réus-
sir , voilà qui tromperait même les sages , les hom-
mes tournés au spirituel. Ce serait là un beau
diable , à plumes plus belles que plumes de paon
et de faisan.
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66 MilIOlABS
» Mais saiair la couronne si impudemment,
prendre non-seulement une femme , mais autant
de femmes que dit le caprice et le plaisir. Ah î
c'est le fait d'un diablotin écolier, d'un diable
àFA B G; ou bien c'est le véritable Satan, le
Satan docte et habile, mais garrotté par la main
de Dieu de chaînes si puissantes qu'il n'a pu agir
plus adroitement/ C'est pour nous menacer tous
et nous exhorter à craindre ses chatimens, avant
qu'il ne laisse le champ libre à un diable savant
qui nous attaquerait, non plus avec l'A B C,
mais avec le véritable texte, le texte difficile. S'il
lait de telles choses comme diablotin à l'école,
que ne pourrait-il £aiire comme diable raisonna-
ble , sage , savant , légiste , théologien ?
» ... Lorsque Dieu est en colère et qu'il nous
prive de sa parole, nulle tromperie du diable
n'est trop grossière. Les commencemens de Ma-
homet aussi furent grossiers ; cependant , Dieu
n'y mettant obstacle , il en est sorti un empire
damnable et infâme, comme tout le monde sait
Si Dieu ne nous eût pas été en aide contre Mûn-
xer, il se fût élevé par lui un empire turc, comme
celui de Mahomet. £n somme : nulle étincelle
n'est si petite , que Dieu y laissant souffler le dia-
ble, il n'en puisse sortir un feu qui dévore le
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DB LOTHBB. 67
mondé , et que personne n'éteigne. La meilleure
arme contre le diable c'est le glaire de l'esprit,
la parole de Dieu; le diable est un esprit et
il se moque des cuirasses, des chevaux et des ca-
valiers.
» Mais nos seigneurs é?éques et princes ne
veulent pas souffrir que l'on prêche l'Évangile ,
et que, par la piarole divine, l'on arrache les
âmes au diable; ils pensent qu'ils suffit d'égorger.
De cette manière ils prennent au diable les corps,
ils lui laissent les âmes; ils réussiront comme les
Juifs, qui croyaient exterminer Christ en le cru-
cifiant
» Ceux de Munster, entre autres blasphè-
mes, parlent de la naissance de Jésus-Christ,
comme s'il ne venait pas (c'est leur langage) de
la semence de Marie , et que cependant il fût de
la semence de David. Mais ils ne s'expliquent pas
clairement. Le diable garde la bouillie ardente
dans la bouche et ne fait que grommeler : mum,
mum , voulant probablement dire' pis. Toutefois
ce que l'on comprend , c'est que , d'après eux ,
la semence ou la chair de Marie ne pourrait pas
nous racheter. £h bien! diable, grommelé et
crache tant que tu voudras, le seul petit mot : né^
renverse tout cela. Dans toutes les langues, sur
Digitizedby Google
58 HiiioiiiES
toute la terre, on appelle né Tenfant de cbairet
de sang qui sort des entrailles de la femme, et
non autre chose. Or , l'Écriture dit partout que
Jésus-Christ est né de sa mère Marie, qu'il est son
fils premier né : ainsi Isaîe , Gabriel , et ail-
leurs : « Tu seras enceinte en ton corps , > etc.
Mon cher, être enceinte ne signifie pas: être un
tuyau par lequel il coule de l'eau (selon les blas-
phèmes de Manichée) ; mais cela veut dire qu'un
enfant est pris de la chair et du sang de sa mère,
qu'il est nourri en elle, qu'il y prend croissance,
qu'il est à la fin mis au monde.
» L'autre proposition de ces gens , celle par la-
quelle ils condamnent le baptême des enfans et en
font une chose païenne, est de même assez gros-
sière. Ils regardent comme mauvais tout ce que
les impies ontetdonnent.Pourquoi donc alors ne
tiennent-ils pas pour mauvais l'or , l'argent et les
autres biens qu'ils ont pris aux impies dans Mun-
ster. Ils devraient faire de l'or et de l'argent tout
neuf....
» Leur méchant royaume est si visiblement un
royaume de grossière imposture et de révolte ,
qu'il n'est pas besoin d*en parler. Ten ai déjà trop
dit: Je m'arrête. >
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DB LVTHBa. 59
CHAPITRE III.
1BS6— 1K46.
Dernières anaéet de la vie de Luther. — Folygamie du
landgrave de Heeae, etc.
Les catholiques et les protestant réunis un
instant contre les anabaptistes, n'en furent en-
suite que plus ennemis. On parlait toujours d'un
concile général; personne n'en voulait sérieuse-
ment. Le pape le redoutait, les protestans le ré-
cusaient d'avance.
« On m'écrit de la diète , que l'empereur presse
les nôtres de consentir à un concile, et qu'il se
courrouce de leur refus. Je necomprendspasces
monstruosités. Le pape nie que des hérétiques
comme nous puissent avoir plaoeà un concile: l'Era-
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60 hAuoiebs
pereur veut que nousconsentionsau concile età ses
décrets. C'est peut-étreDien qui les rend fous. . . Biais
Yoici sans doute leur folle combinaison. Comme
jusqu'à présent ils n'ont pu , sous le nom du pape ,
de l'Église, de l'Empereur, des diètes, rendre
redoutable leur mauvaise cause , ils pensent main-
tenant à se- couvrir du nom de concile afin de
pouvoir crier contre nous: que nous sommes des
gens tellement perdus et désespérés que nous ne
voulons écouter ni le pape, ni l'Église, ni l'Em-
pereur , ni l'Empire, ni le concile même que nous
avons tant de fois demandé. Voyez l'habileté de
Satan contre ce pauvre sot de Dieu, qui aura sans
doute de la peine à se tirer de pièges si bien
dressés ?.... Non, c'est !• Seigneur qui se jouera
de ceux qui se jouent de lui. S'il nous faut consen-
tir à un (;oncile ainsi disposé pour nous, pour-
quoi , il y a vingt-cinq ans, ne nous sommes-nous
pas soumis au pape , seigneur des conciles, et à
toutes ses bulles?» (9 juillet 15-4Ô.)
Ce concile aurait pu resserrer l'unité de la hié-
rarchie catholique, mais non rétablir celle de
l'Église. Les armes devaient seules décider. Déjà
les protestans avaient chassé les Autrichiens du
Wurtemberg. Ils dépouillaient Henri de Bruns-
wick, qui exécutait à son profit les arrêts delà
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DE LVTHER. 6l
chambre impériale. Ils encourageaient l'arche-
Téque de Cologne à imiter l'exemple d'Albert de
Brandebourg , en sécularisant son archevêché, ce
qui leur eût donné la majorité dans le conseil
électoral. Gependantil y eut encore quelques ten-
tatives de conciliation. Ses conférences s'ouvri-
rent à Worms et à Ratisbonne (1540 — 1541).
Elles furent aussi inutiles que celles qui les avaient
précédées. Luther ne s'y trouva point et donna
même peu d'attention à ces disputes qui de jour
en jour prenaient un caractère plus politique
que religieux.
< Il ne m'est rien venu de Worms, si ce n'est
ce que m'écrit Hélanchton , qu'il s'y est réuni une
telle multitude de doctes personnages de France ,
d'Italie, d'Espagne et d'Allemagne, que dans au-
cun synode pontifical on n'en pourra jamais voir
nn aussi grand nombre. > (27 novembre 1540.)
« J'ai reçu des nouvelles de Worms. Les nô-
tres procèdent avec force et sagesse , nos adver-
saires, comme gens sots et ineptes, n'usent que
de ruses et de mensonges. On croirait voir Satan
lui-même, quand se lève l'aurore, courir çà et
là cherchant, sans pouvoir trouver, quelque
sombre repaire pour échapper à cette lumière
qui le poursuit. » (9 janvier 1541.)
6
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62 HÉUOItES
Après une noarelle conférence de théologiens
des deux partis on voulat avoir l'opinion de Lut-
ther sur dix articles dont on était convenu, t No-
tre prince apprenant que l'on venait directe-
ment à moi sans s^adresser à lui, accourut avec
Pontanus , et tous deux arrangèrent la réponse
à leur &çon. »
Quelques années auparavant, cette interven-
tion du prince aurait soulevé Findignation de
Luther. Ici il en parle lans colère , le dégoût et
la lassitude commencent à s'emparer de lui. Il
voit hien qu'en travaillant à rétablir l'Évangile
dans sa pureté primitive , il n'a fait que fournir
aux puissans du siècle les moyens de satisfaire
leurs ambitions terrestres, et qu'ils font chaque
jour bon marché de son Christ.
t Notre excellent prinoe m'a donné à lire les
conditions qu'il veut proposer pour avoir la paix
avec l'Empereur et nos adversaires. Je vois qu'ils
regardent toute cette affaire comme une comédie
qui se joue entre eux , tandis que c'est une tra-
gédie entre Dieu et Satan , où Satan triomphe et
où Dieu est humilié. Mais viendra la catastrophe
où le Tout-Puissant, auteur de cette tragédie,
nous donnera la victoire. Je suis indigné qu'on
se joue ainsi de si grandes choses. » (4 avrit 1541 .)
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DB tUTHEa. 03
Nous avons vu de bonne heure dans quelle
triste dépendance la Réforme s'était trouvée à l'é-
gard des princes qui la protégeaient; Luther eut
le temps de voir les conséquences où cette
dépendance devait aboutir. Ces princes, c'é-
taient des hommes; il fallut les servir, non-fieu-
lement comme princes, mais comme hommes,
dans leurs caprices, dans les besoins de leur hu-
manité. De là des concessions qui sans être con-
traires aux principes de la Réforme , semblèrent
peu honorables aux réformateurs.
Le chef le plus belliqueux du parti protestant,
l'impétueux et colérique landgrave de Hesse, fit
représenter à Luther et aux ministres que sa
santé ne lui permettait pas de se contenter d'une
femme. Les instructions qu'il donna à Bucer
pour négocier cette a£&ire avec les théologiens de
Wittemberg^ sont un curieux mélange de sensua-
lité , de craintes religieuses et de naïveté hardie.
« Depuis mon mariage, écrit-il, je vis dans
l'adultère et la fornication ; et comme je ne veux
point abandonner cette vie, je ne puis m'appro-
cher de la Sainte-Table; car saint Paul a dit que
l'adultère ne possédera pas le royaume descieux.»
U énumère ensuite les raisons qui le forcent à
vivre ainsi. « Ma femme, dit-il, n'est ni belle,
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64 HittOI&BS
ni aimable; elle sent mauvais, elle boit, et mes
cbambellans savent bien comment elle se com-
porte alors , etc. * — Je suis d'une fbrte corn-
plexion, les médecins peuvent le témoigner,
souvent je vais aux diètes impériales « Uhi huiè
vivUur et corpus ouratur; quomodo me ihi gérera
queam absque uxore , càm non sempermagnum
gynœceum mecum ducere possimf... » Comment
pub-je punir la fornication et les autres crimes,
lorsque moi-même je m'en rends coupable, lors-
que tous pourraient me dire : Maître , commence
par toi... Si nous prenions les armes pour la
cause de rÉvangile, je ne le ferais qu'ayec une
conscience troublée, car je me dirais : Si tu
meurs en cette guerre, tu vas au démon... J^i lu
avec soin l'Ancien et le Nouveau Testament, et
je n'y ai trouvé d'autre remède que de prendre
une seconde femme, car je ne puis, ni ne veux
changer la vie que je mène. Je Tatteste par-de-
vant Dieu, ce qu'Abraham, Jacob, David, La-
mech et Salomon ont fait, pourquoi ne le puis-je
faire? » Cette question de la polygamie avait été
agitée déjà dans les premières années du protes-
tantisme; on la trouvait partout dans l'Écriture
à laquelle la Réforme disait vouloir ramener
le monde. Les réformateurs considéraient d'ail*
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DB LUTHIR. 65
leurs le mariage ut res politica, et sujette aux
réglemens du prîïice. En présence de cette ques-
tion, Luther recula d'abord; la chose lui répu-
gnait . mais il n*osait condamner l'Ancien Testa-
ment. D'ailleurs la doctrine que le Landgrave in-
voquait y était précisément celle que Luther avait
adoptée ^i principe dès les commencemens de la
Réforme, quoiqu'il ne conseillât pas de la prati-
quer; il avait écrit en 1524 : « Il faut que le mari
soit certain par sa propre conscience et par la
parole de Dieu, que la polygamie lui est per-
mise Pour moi, j'avoue- que je ne puis
mettre d'opposition à ce qu'on épouse plusieurs
femmes , et que cela ne répugne pas à l'Écriture
sainte. Cependant je ne voudrais pas que cet
exemple s'introduisît parmi les chrétiens, à qui
il convient de s'abstenir même de ce qui est per-
mis., pQur éviter le scandale et pour maintenir
VhoMesiasqne saint Paul exige en toute occasion.
Il est toutrà-fait indigne d'un chrétien de courir
avec tant d'ardeur pour son propre avantage jus-
qu'aux dernières limites de la liberté, et de né-
gliger pourtant les choses les plus vulgaires et
les plus nécessaires de la charité. Aussi je n'ai
point voulu, dans mon sermon, ouvrir cett»
fenêtre. » (13 janvier 1324.)
6.
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66 ■JbiaiBft$
c La polygamie permise autrefois aux Juifii et
aux gentils, ne peut, d'après la foi, exister chez
les chrétiens si ce n*est dans on cas d'absolae
nécessité , comme quand on est obligé de se sé-
parer de sa femme lépreuse, etc. Tu diras donc
à ces hommes de chair que s'ils veulent être
chrétienst, il leur faut maîtriser la chair et ne
point lui lâcher la bride. S'ils veulent être gen-
tils, quHls le soient, mais à leurs risques et périlka
(21 mars 1527.)
Un jour Luther demanda au docteur Basîlioa
si, d'après les lois, le mari dont la femme aurait
quelque maladie incurable, et serait , pour ainsi
dire, plus morte que vivante, pourrait être au-
torisé à prendre une concubine. Le docteur Ba-
silius ayant répondu que dans certains cas, cette
pesmission serait probablement accordée, Luther
dit : « C'est là une chose dangereuse, ear si Ton
admet les cas de maladie, l'on pourrait venip<sha^
quejour inventer de nouvelles raisons de dissou-
dre les mariages. « (15â9.)
Le message du Landgrave jeta Luther dans un
gqand embarras. Tout ce qu'il y avait de théolo^
giens protestana à Wittemberg se réunit pour
dresser une réponse ; on résolut de composer
avec ce prince. On lui acoorda le double mariage,
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DE iVTBEA. 07
mais à condition que sa seconde femme ne serait
point reconnue publiquement. « Votre Altesse
comprend assez d'elle-mém« la différence qu'il y
a d'établir une loi universelle ou d'user de dis-
pense en un cas particulier pour de pressantes
raisons. Nous ne pouTons introduire publique^
nouent et sanctionner comme par une loi la per-
misnon d'épouser plusieurs femmes... Nous
prions Votre Altesse de considérer dans quel
danger serait un homme convaincu d'avoir in-
troduit en Allemagne une telle loi, qui divise-
rait les familles et les engagerait en des procès
éternels Votre Altesse est d'une complexion
iisâble^ elle dort peu; de grands ménagemenslui
so«t nécessaires... Le grand Scanderbeg exhor-
tait souvent ses soldats à la chasteté, disant qu'il
a'y avait rien de si nuisible à leur profession que
le plaisir de l'amour... Qu'il plaise donc à Votre
Altesse d'examiner sérieusement les considéra-
tions du scandale, des travaux, des soins, des
chagrins et des infirmités qui lui ont été représen-
tées... si cependant Votre Altesse est entièrement
résolue d'épouser une seconde femme, nous
jugeons qu'elle doit le faire secrètement... Fait
à Wittember^, après la fête de saint Nicolas,
de l'an iâS9. Ibfftin Lvnm, Philippe MiOéiiiQa*
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68 MiMOIAES
TON, Martin Buceh, Antoine Gorv», Adam, Jean*
Leri56, Justin WiifTFERT, Dyonisius Melauthek. »
C'était une chose dure que de forcer Luther
qui , comme théologien et père de famille , tenait
à la sainteté du maria g;e , de déclarer qu'en vertu
de l'Ancien Testament , deux femmes pouvaient
s'asseoir avec leurs jalousies et leurs haines ai»
même foyer domestique. Cette croix , il la sentit
douloureusement. « Quant à l'affaire macédoni-
que, ne t'en afflige pas trop, puisque les choses
en sont venues au point que ni joie ni tristesse n'y
peuvent rien. Pourquoi nous tuer nous-mêmes ?
pourquoi souffrir que la tristesse nous été la
pensée de celui qui a vaincu toutes les morts et
toutes les tristesses ? Celui quia vaincu le diable et
jugé le prince de ce monde, n'a-t-il pas en même
temps jugé et vaincu ce scandale ?... A leurs yeux,
nos vertus sont des vices quand nous n'adorons
point Satan avec eux. Que Satan triomphe donc,
et n'en concevons ni chagrin, ni tristesse; mais
réjouissons- nous en Christ, qui brisera les ef«
forts de tous nos ennemis. * (18 juin 15-40).
Il me semble qu'il ait espéré, pour éviter oe
scandale, l'intervention de l'Empereur.
' « Si César et l'Empire le voulaient, comme ils
seront forcés de le vouloir, ils feraient bientôt
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Dl LUTHBE. 60
cesser par un édit ce scandale , afin que cela ne
puisse deyenir pour l'arenir un droit ou un
exemple. »
Depuis cette époque, les lettres de Luther,
comme celles de Mélanchton, sont pleines de
dégoût et de tristesse.
Quelqu'un demandant à Luther de l'appuyer
par une lettre près de la cour de Dresde, Luther
lui répond qu'il a perdu tout crédit, toute in-
fluence. Dans les lettres précédentes, il se trouve
parfois des expressions amères contre cette cour.
Mundana illa caula,
« J'assisterai à tes noces, mon cher Lauter-
bach , mais en esprit et par la prière. Car que j'y
aille de corps , ce n'est pas seulement la multitude
des affaires qui m'en empêche , mais le danger
d'offenser ces mamelucks et la reine de ce royaume
( la duchesse Catherine de Saxe?); car qui n'est
offensé de la folie de Luther?»
• Tu me demandes, mon cher Jonas, de t'é*
crire de temps à autre quelques mots de conso-
lation. Mais c'est moi plus que personne qui ai
besoin que tes lettres viennent rendre quelque
Tie à mon esprit , moi qui comme Loth ai tant à
souffrir au milieu de cette infâme et satanique
ingratitude, de cet horrible mépris de la parole.
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70 HiMOlBXa
du Seigneur. Il faut que je voie Satan pcaséder
les cœurs de ceux qui croient qu'à eux seul^ aont
réservées les premières places dans le royaume
de Christ!»
Les protestans commençaient déjà à se reli-
cher de leur sévérité. On rouvrait les raaisona
de débauches. Il vaudrait mieux, dit Luther,
ne pas avoir chassé Satan que de le ramener en
plus grande force. ( IS septembre 1540. )
« Le pape , TËmpereur, le Français, Ferdinand,
ont envoyé auprèt du Turc, pour demander la
paix, une ambassade magnifique chargée de riches
présens. Et ce qu'il y a de plus beau, c'est que
pour ne pas blesser les yeux des Turcs , ils ont
tous quitté le costume de leur pays , et se sont pa-
rés de longues robes à la mode turque... J'espère
que .ce sont les signes bienheureux de la fin im-
minente de toutes choses. » (17 juillet 1545.)
A Jonas. « Je te dis à l'oreUle que j'ai de
grands soupçons qu'on nous enverra seuls ,
nous autres luthériens, à la guerre contre le
Turc. Le roi Ferdinand a enlevé de Bohême l'ar^
gent de la guerre, et a défendu qu'on fît partir
un seul soldat. L'Empereur ne &itrien. El si c'é-
tait leur dessein que nous fussions exterminés
par le Turc ? » (S9 décembre 1543.)
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DB LUTHER. 71
* Bien de nouveau ici , sinon que le margraye
de Brandebourg se fait une mauvaise réputation
par tout le monde au sujet de la guerre de Bon*
grie. Ferdinand n'en a pas une meilleure. Je Tois
un concours de tant de motifs et de très vrai-
semblables f que je ne puis m'empêcher de croire
que tout cela indique une horrible et funeste
trahison. » (28 janvier 1542.)
t Je le demande, qu'arrivera-t-il enfin de
cette horrible trahison des princes et des rois? •
(16 décembre 1543.)
t Puisse Dieu nous venger des incendiaires
(presque tous les mois il parle d'incendies qui ont
lieu à Wittemberg) ! Satan a trouvé un nouveau
moyen de nous tuer. On jette du poison dans le
vin , du plâtre dans le lait. A léna , douze peiv
sonnes ont été empoisonnées dans du vin. Peut-
être sont-elles mortes seulement pour avoir trop
bu. Cependant on assure qu'à Magdebourg et à
Northuse, on a trouvé des marchands vendant dn
lait empoisonné. » (avril 1541.) Dans une des
lettres suivantes, il fait mention d'une histoire
d'hosties empoisonnées. — A Amsdorf , à l'occa-
sion de la peste de Magdebourg. « Ce que tu me
mandes de la frayeur que Ton a aujourd'hui de la
peste, j'en ai fait aussi l'épreuve il y a quelques
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72 MinoiBBS
années; et je m'étonne de voir que, plusse ré-
pand la prédication de la vie en Jésus-Christ, plus
augmente dans le peuple la peur de la mort, soit
qu'auparavant, sous le règne du pape, un faux
espoir de vie diminuât pour eux la crainte de la
mort, et que maintenant la véritable espérance
de vie étant mise devant leurs yeux ^ ils sentent
combien la nature est faible pour croire au vain-
queur de la mort, soit que Dieu nous tente par
ces faiblesses et laisse prendre à Satan, au milieu
de cette frayeur, plus de hardiesse et de force.
Tant que nous avons vécu dans la foi du pape,
nous étions comme des gens ivres , endormis ou
fous, prenant la mort pour la vie, c'est-à-dire
ignorant ce que c'est que la mort et la colère de
Dieu. Maintenant que la lumière a brillé et que
la colère de .Dieu nous est mieux connue, la na-
ture est sortie du sommeil et de la folie. De là
vient qu'ils ont plus de peur qu'autrefois... J'a-
joute et j'applique ici ce passage du psaume LXXI:
Ne me rejetez pas dans le temps de ma vieillesse;
lorsque ma force succombera , ne m'abandonnes
pas. Car je pense que ce temps suprême est la
yieillesse du Christ et le temps de l'abattement,
c'est-à-dire que c'est le grand et dernier assaut
du diable, comme David, dans ses derniers
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DB LUTHBB. 78
jours, a&ibli par l'âge, eût été tué par le géant,
si Abisaî ne fût venu à son aide... J'ai appris
presque toute cette année à chanter avec saint
Paul : Quasi mortui et ecce vivimus. Et ailleurs :
Peu gloriam vestram quotidiè morior, £t quand il
dit aux Corinthiens, In moriibus fréquenter ^ ce
n'a pas .été chez lui spéculation ou méditation sur
la mort, mais sentiment de la mort elle-même,
comme s'il n'y avait plus d'espérance de vie. »
(20 novembre 1538.)
« J'espère qu'au milieu du déchirement du
monde, le Christ va hâter son jour et fera écrou-
ler l'univers, Vt fractus illabatur orbis, » (12 fé-
vrier 1588.)
Ton n. 1
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74 MÉHOIRIS
LIVRE QUATRIÈME.
1880— ltS46.
CHAPITRE PREMIER.
CoATcrsations de Luther, -i- L> famille, U femme , les
enfans. La nature.
Arrètoiu-nous dans cette triste histoire des
dernières années de la vie publique. Réfugions-
nous , comme Luther , dans la vie privée ; asseyons-
nous à sa table, à côté de sa femme , au milieu de
ses enfans et de ses amis ; écoutons les paroles
graves du pieux et tendre père de famille.
« Celui qui insulte les prédicateurs et les fem-
mes ne réussira pas bien. C'est des femmes que
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!>■ LVTBBft. 75
Tiennent let enfans par quoi se maintient le gou-
Ternement de la famille et de l'état. Qui les mé-
prise, méprise Dieu et les hommes.
9 Le droit saxon est trop dur, lorsqu'il donne
seulement à la yeure un siège et une quenouille.
Par le premier mot, il &ut entendre la mai-
son, par le second, l'entretien, la subsistance.
On paie bien un valet. Que dis-je ? on donne plus
à un mendiant.
9 II n'y a point de doute que les femmes en
mal d'enfant , qui meurent dans la foi , sont sau-
yées, parce qu'elles meurent dans la charge et la
fonction pour laquelle Dieu les a créées.
» C'est l'usage dans les Pays-Bas, que chaque
nouveau et jeune prêtre se choisisse une petite
fille qu'il tient pour sa fiancée, et cela , pour ho-
norer le saint état du mariage. »
On disait à Luther: Si un prédicateur chré-
tien doit souffrir la prison et la persécution pour
l'amour de la parole, ne doit-il pas, à plus forte
raison , se passer du mariage ? Il répondit à cela :
« Il est plus facile de supporter la prison que de
bi'ûler : je l'ai éprouvé moi-même. Plus je ma-
cérais mon corps , plus je tâchais de le dompter,
«t plus je brûlais. Quand on aurait le don de
rester chaste dans le célibat, on doit encore se
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76 vinoiaBS
marier pour &ire dépit au pape... 6î j^étais mort
à Fimproviste, j'aurais voulu pour honorer le
mariage , faire Tenir à mon lit de mort une pieuse
fille que j'aurais prise comme épouse, et à la-
quelle j'aurais donné deux gobelets d'argent pour
don de noces et présent de lendemain (morgen-
gabe). >
Lettre à un ami qui lui demande conseil pour se
marier : « Si tu brûles, il faut prendre femme...
Tu voudrais bien en avoir une, belle, pieuse et
riche. Très bien, mon cher; on t'en donnera une
en peinture, avec des joues roses et des jambes
blanches. Ce sont aussi les plus pieuses; mais
elles ne valent rien pour la cuisine ni pour le
lit... Se lever de bonne heure et se marier jeune,
personne ne s'en repentira.
• Il n'est guère plus possible de se passer de
femme que de boire ou de manger. Conçu,
nourri, porté dans le corps des femmes, notre
chair est à elles dans sa plus grande partie , et il
nous est impossible de nous en séparer tout-à*
fait.
■ Si j'avais voulu faire l'amour, il y a treize
ans, j'aurais pris Ave Schonfeldin, qui est au-
jourd'hui au docteur BasiliuB, le médecin de
Prusse. J% n'aimais pas alors ma Catherine; je
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DB ttJTRKm. 77
la soupçonnais d'être fière et hautaine; mab il a
plu ainsi àBieu; il a voulu que j'eusse pitié d'elle,
et cela m'a fort bien tourné; Bieu soit loué!
• La plus grande grâce de Bieu est d'avoir un
bon et pieux époux , avec qui vous viviez en paix ,
à qui vous puissiez confier tout ce que vous avez ,
même votre corps et votre vie, et avec qui vous
ayez de petits enians. Catherine , tu as un homme
pieux qui t'aime , tu es une impératrice. Grâce
sçit rendue à Bieu! »
Quelqu'un excusait ceux qui courent après les
filles, le docteur Luther répondit : « Qu'ils sa-
chent que c'est mépriser le sexe féminin. Ils abu-
sent des femmes qui n'ont pas été créées pour
cela. C'est une grande chose qu'une jeune fille
puisse toujours être aimée ; le diable le permet
rarement... £lle disait bien, mon hôtesse d'£i-
senach, quand j'y étais aux écoles ; // n'est sur
terre chose plus douce que (T être aimé cPune femme,»
« Au jour dfi la Saint-Martin , anniversaire de
la naissance du docteur Martin Luther , maître
Ambrosius Brend vint lui demander sa nièce...
Un jour qu'il les surprit dans un entretien secret,
il se mit à rire, et dit ; « Je ne m'étonne pas
qu'un fiancé ait tant à dire à sa fiancée, pour-
raient-ils se lasser jamais ? Mais on ne doit point
7.
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78 siaoïmBS
les géoer; ils ont privilège psr dessus Droit et
Gontume. • — En la lui accordant, il dit ces pa-
roles : « Monsieur et cher arai, je vous présente
cette jeune fille telle que Dieu me l'a donnée
dans sa bonté. Je la remets entre vos mains;
Dieu TOUS bénisse, de sorte que votre union soit
sainte et heureuse! »
Le docteur Martin Luther était à la noce de
la fille de Jean LuffLe. Après le souper, il con-
duisit la mariée au lit , et dit à l'époux , que d'a-
près le commun usage il devait être le maître
dans la maison... quand la femme n'y était pas:
et pour signe , il ôta un soulier à l'époux et le mit
sur le ciel du lit , afin qu'il prit ainsi la domina-
tion et le gouvernement.
« Fais comme moi, cher compagnon, quand je
voulus prendre ma Gathrine, je priai notre Sei-
gneur , mais je priai sérieusement. Fais-en autant ,
tu n'as pas encore sénensement prié. »
En 1541 , Lnther fut un jour extrêmement gai
et enjoué à table. « Ne vous scandalisez pas de me
voir den bonne humeur, dit-il à ses amis, j'û
reçu aujourd'hui beaucoup de mauvaises nou-
velles et je viens de lire une lettre très violente
contre moi. Nos afiËiires vont bien, puisque le dia-
ble tempête si fort. >
Digitizedby Google
DB LUTHBE. 79
Il riait du barardage de sa femme , et loi de-
mandait si , avant de préclier si bien , elle avait
dit un Pater. Si elle Feut fait , Dieu lui aurait sans
doute défendu de prêcher.
«Si je devais encore &ire Tamour, je vou-
drais me tailler dans la pierre nue (bmme obéis-
sante ; sans cela je désespè re d'en trouver.
> La première année du mariage, Ton a d'é-
tnmges pensées. Si on est à table, on se dit : Au-
paravant tu étais seul ; aujourd'hui tu es à deux
(Selhander), Au lit, si l'on s'éveille, on voit une
autre tète à côté de soi. Dans la première année,
ma Catherine se tenait assise a côté de moi quand
j'étudiais, et comme elle ne savait que dire,
elle me demandait ; « Seigneur docteur, en
Prusse, le maitre-d'hôtel n'est-il pas frère du
margrave?»
9 II ne faut pas mettre d'intervalle entre les
fiançailles et les noces... Les amis mettent des
obstacles, comme il m'est arrivé avec maitre
Philippe et pour le mariage d'Eisleben (Agrioola),
Tous mes meilleurs amis criaient : Point celle-là ,
mais une autre.»
Lucas Granach l'aîné avait fait le portrait de
la femme de Luther. Lorsque le tableau fut su»*
pendu à la muraille et que le docteur le vit: «Je
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80 BtuoiaBB
veux, dit-il, faire peindre aussi un homme, en-
Toyer à Mantoue les deux portraits pour le con-
cile , et demander aux saints pères s'ils n'aime-
raient pas mieux l'état du mariage, que le céli-
bat des ecclésiastiques. •
«...Un signe certain que Dieu est ennemi de la
papauté, c'est qu'il lui a refusé cette bénédiction
du fruit corporel (la génération desenfans...).
« Quand Eve fut amenée devant Adam, il de-
vînt plein du Saint-Esprit et lui donna le plus
beau , le plus glorieux des noms; il l'appela Eva,
c'est-à-dire la mère de tous les vivans; il ne
l'appela point sa femme, mais la mère, la mère
de tous les vîvans. C'est là la gloire et l'orne-
ment le plus précieux de la femme : elle est
Fons omnium viventium, la source de toute vie
humaine. Cette parole est brève ^ mais ni Bémos-
thènes ni Cicéron n'aurait pu dire ainsi. C'est
le Saint-Esprit lui-même qui parle ici par notre
premier père, et comme il a fait un si noble
éloge du mariage, il est juste que nous couvrions
et cachions ce qu'il y a de fragile dans la femme.
Jésus-Christ , le fils de Dieu , n'a pas non plus
méprisé le mariage; il est lui-même né d'une
femme , ce qui est un grand éloge du mariage. «
« On trouve l'image du mariage dans toutes
Digitized by VjOOÇIC
DB lUTHSa. 81
les créature», non-seulement dans les animaux
de la terre, de Tair et des eaux, mais encore
dans les arbres et les pierres. Tout le monde sait
qu'il est des arbres^ tels que le pommier et le
poirier, qui sont comme mari et femme, qui se
demandent réciproquement, et qui prospèrent
mieux quand ils sont plantés ensemble. Parmi
les pierres on remarque la même chose , surtout
dans les pierres précieuses , le corail , Fémeraude
et autres. Le ciel est aussi le mari de la terre. Il
la vivifie par la chaleur du soleil , la pluie et le
vent, et lui fait ainsi porter toutes sortes de
plantes et de fruits. >
Les petits enfans du docteur se tenaient de-
bout devant la table , en regardant avec bien de
Tattention les pêches qui étaient servies; le doc-
teur se mit à dire : < Qui veut voir l'image
d'une âme qui jouit dans l'espérance , la trouvera
bien ici. Ah I si nous pouvions attendre avec au-
tant de joie la vie à venir ! t
On amena au docteur sa petite fille Magda-
lena, pour qu'elle chantât à son cousin le chant
qui commence ainsi : Le pape invoque l'Empereur
et les rois, etc. Mais elle ne le voulut point,
quoique sa mère l'en priât fort. Le docteur dit à
ce sujet : « Rien de bien par force. Sans la grâce ,
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82 mImoibis
il ne résulte rien de bon des œuvres de la loi. •
« Servez le Seigneur avec craûUe et réjou4$ses^
vauê avec tremblement. Il n'y a pas là , pour moi,
de contradiction. C'est ce que mon petit Jean ûiit
à regard de son père. Maïs je ne puis en £aire
autant à l'égard de Dieu. Si je suis à ma table,
et que j'écrive ou que je fasse autre chose, Jean
me chante une petite chanson; s'il chante trop
hai|t et que je Tavertisse, il continue, mais en
lui-même et avec quelque crainte. Dieu veut aussi
que nous soyons toujours gais, mais d'une gaité
mêlée de crainte et de réserve. >
Au premier jour de l'an, un petit enlant du
docteur pleurait et oriait , au point que personne
ne pouvait le calmer : le docteur avec sa lemme
en fut triste et chagriné une grande heure, en-
suite il dit : « Tels sont les désagrémens et les
charges du mariage... C'est pour cela qu'aucun
des Pères n*a rien écrit de remarquablement bon
à ce sujet. Jérôme a parlé assez salement, je
dirais presque anti -chrétiennement, du ,ma-
riage, etc. Au contraire saint Augustin... »
Après qu'il eut joué avec sa petite Itagda-
lena, sa femme lui donna le plus jeune de ses
en&ns, et il dit c Je voudrais être mort à l'âge de
cet enfant ; j 'aurais bien renoncé à tout l'honnettr
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DB LUTHEA. 83
que j'ai et que je puii obtenir encore en ce
monde. • £t comme l'enfisint l'eut sali , il dit : •
Oh! combien notre Seigneur doit en souffrir de
nous plus qu'une mère de son enfant! i
Il disait à son petit enfant : « Tu es l'innocent
petit fou de notre Seigneur , sous la grâce et non
sous la loi. Tu es sans crainte, sans inquiétude ;
tout ce que tu fais est bien fait. »
» Les enfiinssont les plus heureux. Nous autres
Tieux fous nous nous tourmentons et nous affli-
geons par nos éternelles disputes sur la parole.
(c Est-ce yrai ? Est-ce possible ? Comment est - ce
possible? » nous demandons-nous sans cesse...
Les enfans , dans la simplicité et la pureté de leur
foi , ont la certitude et ne doutent en rien de ce
qui fait leur salut».. Pour être sauvé, nous devons,
à leur exemple , nous en remettre à la simple pa-
role. Maïs le diable, pour nous empêcher , nous
jette sans cesse quelque chose en travers. C'est
pourquoi le mieux c'est de mourir sans différer et
de nous en aller vite sous terre.
Une autre fois que son petit enfant Martin pre-
nait le sein de sa mère, le docteur dit : « Cet en-
fant , et tout ce qui m'appartient, est haï du pape
et du 4uc George, ha! de leurs partisans^ haï
des diables. Cependant tous ces ennemis n'inquié-
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84 vtuoiaa^
tant guère le cher enfant, il ne s'inquiète pas de
ce que tant et de si puisse ns seigneurs lui en veu-
lent , il suce gaiment la mamelle , regarde autour
de lui en riant tout haut, et les laisse gronder tant
qu'ils veulent,
Comme maître Spalatin et maître Lenhart Beier ,
pasteur de Zwickaw, étaient chez le docteur
Martin Luther , il- jouait bonnement avec son pe-
tit enfant Martin^ qui babillait et caressait tendre-
ment sa poupée. Le docteur dit : « Telles étaient
nos pensées dans le Paradis; simples et naïves,
innocentes, sans méchanceté ni hypocrisie; nous
eussions été véritablement comme cet enfant
quand il parle de Dieu et qu'il en est si sûr. >
« Quels ont dû être les sentimens d'Abraham,
lorsqu'il a consenti à sacrifier et égorger son fils
unique ? Il n'en aura rien dit à Sara. La chose
lui eût trop coûté. Vraiment , je disputerais avec
Bieu, s'il m'imposait et m'ordonnait une telle
chose. • Alors la femme du docteur prit la pa-
role et dit : t Je ne puis croire que Bieu demande
à personne qu'il égorge son enfant. »
t Ah , combien mon cœur soupirait après les
miens , lorsque j'étais malade à la mort dans mon
séjour à Smalkalde. Je croyais que je ne rever-
rais plus ma femme ni mes petits enfans; que
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DB LUTBC&. 85
cette séparation me faisait de mal!... Il n'est per-
sonne assez dégagé de la chair pour ne pas sen-
tir ce penchant de la nature. G*est une grande
chose que le lien et la société qui unissent Fhommp
et la femme! »
Il est touchant de voir comme tout ramenait
Luther à des réflexions pieuses sur la bonté de
Dieu, sur l'état de Thomme avant sa chute, sur
la yie h venir, Ainsi une belle branche chargée
de cerises que le docteur Jonas met sur table , la
joie de sa femme qui sert des poissons du petit
étang de leur jardin, la simple vue d'une rose; etc. >
Le 9 arril 1339, le docteur se trouvait dans son
jardin et regardait attentivement les arbres tout
brillans de fleurs et de verdure. Il dit avec admi-
ration : « Gloire à Dieu qui de la créature morte
fait ainsi sortir la vie au printemps. Voyez ces
rameaux, comme ils sont forts et gracieux; ils
sont déjà tout gros de fruits. Voilà une belle
image de la résurrection des hommes. L'hiver est
la mort et Tété la résurrection. Alors tout revit ,
tout est verdoyant. »
« Philippe et moi, nous sommes accablés
d'afiaires et d'embarras. Moi qui suis vieux et
emeritus , j'aimerais mieux maintenant prendre
on plaisir de vieillard dans les jardins, à contem-
8
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88 MiMoiass
pler les merreillet de Dieu dans les arbres-, les
fleurs, les herbes , les oiseaux , etc.; c'est ce plai-
sir et ce loisir qui me reviendraient, si mes péch^
ne m'avaient mérité d'en être privé par ces affiii-
res importunes et souvent inutiles. » (8 avril
1338.)
Le 18 avril 18S9, sur le soir , il y eut un orage
très fort , suivi d'une pluie bienfaisante qui ren-
dit la verdure à la terre et aux arbres. Le doc*
teur Martin dit en regardant le ciel: « Voilà un
beau temps! Tu nous l'accordes , ô mon Bien ! à
nous qui sommes si ingrats , si pleins de méchan-
ceté et d'avarice. Tu es un Dieu débouté. Ce n'est
pas là un œuvre de Satan ; non , c'est un ton-
nerre bienfaisant qui ébranle la terre et l'ouvre
pour lui faire porter des fruits et répandre un
parfum semblable à celui que répand la prière
du chrétien pieux, i
Un autre jour , sur la route de Leipzig, le doc-
teur voyant la pleine couverte de blés superbes,
se mit à prier avec ferveur ; il disait : « 0 Dieu
de bonté, tu nous donnes une année heureuse!
Ce n'est pas à cause de notre piété ; c'est pour
glorifier ton saint nom. Fais, ô mon Dieu, que
nous nous amendions et que nous croissions dans
ta parole! Tout en toi est miracle. Ta voix lait sor-
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M LQTHBB. 87
tir de la terre, et même dusable aride, cesplanlea
et ces épis si beaux qui réjojaissent la vue. 0 mon
père, donne à tous tes enfans leur pain quoti*
dien ! >
> Supportons les difficultés qui accompagnent
nos fonctions, avec égalité d'âme, et attendons
secours du Christ. Considère , dans ces violettes
et ces pensées que tu foules en te promenant sur
la lisière de nos jardins, un emblème de notre
condition. Nous consolons le peuple (?) lorsque
nous remplissons FÉglise ; il y a là la robe de
pourpre, la couleur des afflictions, mais au fond
la fleur d'or rappelle la foi qui ne se flétrit pas. »
Un soir le docteur Martin Luther voyait un petit
oiseau perché sur un arbre et s'y posant pour pas-
ser la nuit; il dit : Ce petit oiseau a choisi son abri
et va dormir bien paisiblement; i! ne s'inquiète
pas , il ne songe point au gite du lendemain , il
se tient bien tranquille sur sa petite branche, et
laisse Dieu songer pour lui. »
Vers le soir, vinrent deux oiseaux qui faisaient
un nid dans le jardin du docteur. Ils étaient souvent
effirayés dans leur vol par ceux qui passaient. Il
se mit à dire : « Ah ! cher petit oiseau , ne fuis
point, je te'souhaite du bien de tout mon cœur;
si tu pouvais seulement me croire! C'est ainsi que
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88 HiKoiaBs
nous refluons de nous confier en Dieu, qui bien
loin de vouloir notre perte, a donné pour nous
son propre fils. •
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BB LVTHia. 89
CHAPITRE n.
L« Bibl«. — Les Pères. ^ Les. Scolastiques. ^Le Pape.
Les Conciles.
Le docteur Martin Lather avait écrit avec de
la craie , sur le mur qui se trouvait derrière son
poêle, les paroles suivantes (Luc, XVI) ; « Qui est
fidèle dans la plus petite chose , sera fidèle dans
la plus grande. Qui est infidèle dans le petit sera
infidèle dans le grand. »
> Le petit enfant Jésus (il le montrait peint
sur la muraille), dort encore dans les bras de
Marie, sa mère. Il se réveillera un jour et nous
demandera compte de ce que nous avons fait. •
Luther se faisant un jour couper les che-
'8.
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90 MivoIRES
yeux et faire la barbe en présence du docteur
Jonas, dit à celui-ci : « Le péché originel est en
nous comme la barbe. On la coupe aujourd'hui ,
nous avons le visage frais, et demain elle re-
pousse et ne cesse de pousser jusqu'à ce que
nous soyons sous terre. De même le péché originel
ne peut être extirpé en nous; il remue tant que
nous vivons. Néanmoins nous devons lui résister
de toutes nos forces et le couper sans relâche. •
« La nature humaine est si corrompue qu'elle
n'éprouve pas même le désir des choses célestes.
Elle est comme T en faut nouveau-né à qui l'on
aurait beau promettre tous les trésors et tous les
plaisirs de la terre : il n'en a nul souci et ne
connaît que le sein de sa mère. De même , quaud
rÉvangile nous parle de la vie étemelle que Jé-
•os-Ghrist nous a promise , nous sommes sourds
à ses paroles divines, nous nous engourdissons
dans la chair, et nous n'avons que des pensées
frivoles et périssables. La nature humaine n'a
pas l'intelligence, pas même le sentiment, de ce
mal mortel qui l'accable. >
« Bans les choses divines , le Père est la
grammaire , car il donne les mots, il est la source
d'où coulent les bonnes, pures et belles parolea
que l'on peut prononcer. Le Fils est la dialeeti^
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SB LUTHB&. 91
que : il donne la disposition , la manière de placer
les choses dans un bel ordre, de sorte qu'elles
suivent et résultent les unes des autres. Le Saint-
Esprit est la rhétorique : Il sait bien exposer,
pousser les choses et les étendre , donner la vie
et la force , de manière à faire impression et sai-
sir les cœurs.
» La Trinité se retrouve dans toute la créa-
tion. Bans le soleil, il y a la substance, Téclat
et la chaleur; dans les fleuves, la substance, le
cours et la puissance. De même dans les art^.
Dans Tastronomie, le mouvement, la lumière et
l'influence; dans la musique, les trois notes
re , mi, fa , etc. Les scolastiques ont négligé ces
signes importans, pour s'attacUer à des niaiseries.
> Le décalogue est la doctrina doctrinaruniij le
symbole Vhistwria hisioriarum, le pater oratio ore^
tionum , les sacremens ceretnoniœ ceremoniarum,*
On demandait au docteur Martin Luther si
pendant la domination du pape, les gens qui
n'ont pas connu cette doctrine de TÉvangile que
nous avons aujourd'hui, grâce à Dieu, avaient
pu être sauvés. Il répondit : t Je n'en sais rien;
a moins que je ne pense que le baptême a pu pro-
duire cet effet. J'ai vu beaucoup de moines aux-
quels on a présenté la croix de Christ à leur lit
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92 uiuoiRBs
de mort, comme c'était alors l'usage. Ils peu-
vent avoir été sauvés par leur foi en ses mérites
et ses souffrances.
< Gicéron est bien supérieur à Aristote dans
sa morale. Gicéron était un homme sage et la-
borieux qui a beaucoup fait et beaucoup souf-
fert. J'espère que notre Seigneur sera clément
pour lui et pour ceux qui lui ressemblent , quoi-
qu'il ne nous appartienne pas d'en parler avec
certitude. Que Dieu ne puisse faire des excep-
tions et établir une distinction entre les païens,
c'est ce qu'on ne pourrait dire. Il y aura un nou-
veau ciel et une nouvelle terre bien plus larges et
plus vastes que ceux d'aujourd'hui. »
On demandait à Luther si l'offensé devait aller
jusqu'à demander pardon à l'offenseur. Il répon-
dit : < Non , Jésus-Christ ne l'a pas fait lui-même ,
il ne l'a pas commandé. Il suffît qu'on pardonne
les offenses dans son cœur, qu'on les pardonne
publiquement y s'il y a lieu, et qu'on prie pour
celui qui les a commises. J'étais moi-même allé
une fois demander pardon à deux personnes qui
m'avaient offensé» M. £. et D. H. S. (maître £is-
leben [Agricola] et le docteur Jérôme Schurf ?);
mais par hasard ni l'un ni l'autre ne fut chex lui ,
et depuis je n'y suis pas retourné. Je remercie
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DB tUTHEK. 63
Dieu maintenant qu'il ne m'ait point permis de
faire comme je voulaii. »
Le docteur Martin Luther soupirait un jour
en pensant aux perturbateurs et aux sectaires
qui méprisaient la parole de Dieu. < Ah 1 disait-il,
si 3 'étais un grand poète , je voudrais écrire un
chant, un poème magnifique sur l'utilité et l'effi-
cacité de la parole divine. Sans elle Pendant
plusieurs années je lisais la Bible deux fob par
an; c'est un grand et puissant arbre dont cha-
que parole est un rameau, je les ai secoués tous,
tant j'étais curieux de savoir ce que chaque bran-
che portait, ce qu'elle pouvait donner, et j'en
faisais tomber chaque fois une couple de poires
ou de pommes.
> Autrefois sous la papauté, on faisait des pè-
lerinages pour vbiter les saints. On allait à Rome;
à Jérusalem, à Saint- Jacques de Compostelle,
pour l'expiation de ses péchés. Aujourd'hui nous
pouvons faire des. pèlerinages chrétiens dans la
foi. Quand nous lisons avec soin les prophètes,
les psaumes et les évangiles, nous allons non
pas par la ville sainte, mais par nos pensées et
nos cœurs , jusqu'à Dieu. C'est là visiter la véri-
table terre promise et le paradb de la vie éter-
nelle. >
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04 viMOiiiBs
< Que sont \e% saints en comparaison du Christ?
rien de plus que les petites gouttes de la rosée des
nuits sur la tête de l'Époux et dans les boucles de
sa chevelure. »
Luther n'aimait pas qu'on insistât sur les mi-
racles. Il regardait ce genre de preuves comme
secondaire. ■ Les preuves convaincantes sont
dans la parole de Dieu. Nos adversaires lisent la
Bible traduite beaucoup plus que les nôtres. Je
crois que le duc George Ta lue avec plus de soin
que tous ceux de la noblesse qui tiennent pour
nous . Il dit à quelqu'un : « Pourvu que le moine
achève de traduire la Bible, il peut partir ensuite
quand il voudra. »
Le docteur Luther disait que Mélanchton l'a-
vait forcé de traduire le Nouveau Testament.
«Que nos adversaires, s'emportent et fassent
rage. Dieu n'a pas opposé un mur de pierre aux
vagues de la mer, ni une montagne d'acier. Il a suffi
d'un rivage, d'une digue de sable.
> J'ai beaucoup lu la Bible dans ma jcmnessc
pendant que j'étais moine. Mais cela ne servait à
rien , je faisais simplement du Christ un Moïse.
Maintenant nous l'avons retrouvé, ce cher Christ
Rendons grâce et tenons-nous-y ferme , et souf-
frons pour lui ce que nous devons souffrir.
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DB LUTHER. 05
> Pourquoi enseigne-t-on et observe-t-on les
dix comiDandeinens? C'est que les lois naturelles
ne se trouvent nulle part si bien rangées et décri-
tes que dans Moïse. Je voudrais même qu'on lui
fit d'autres emprunts dans les choses temporelles,
toiles que les lois sur la lettre de divorce , le ju-
bilé, l'année d'affranchissement, les dîmes, etc.
Le monde en serait mieux gouverné... C'est ainsi
que les Romains ont pris leurs Douze Tables chez
les Grecs... Quant au sabbat ou dimanche , ce
n'est pas une nécessité de l'observer , et si nous
l'observons, nous devons le faire, non pas à
cause du commandement de Moïse, mais parce
que la nature aussi nous enseigne à nous donner
de temps en temps un jour de repos , afin
qu'hommes et animaux reprennent des forces,
et que l'on aille entendre le sermon et la parole
de Dieu. »
«Puisque, dans ce siècle, on commence à res-
tituer toutes choses, comme si déjà c'était le
jour de la restauration universelle, il m'est venu
dans l'esprit d'essayer si on ne pourrait pas aussi
restituer Moïse et rappeler les rivières à leur
source. J'ai eu soin d'abord de traiter toutes
choses le plus simplement du monde, et de ne
pas me laisser entraîner aux explications mysti-
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90 uéMOIRBS
ques, comme on les appelle... Je ne vois pas
d'autre raison pour que Dieu ait voulu former le
peuple juif par ces cérémonies, si non qu'il a vu
le penchant du peuple à se laisser prendre à ces
choses extérieures. Afin que ce ne fussent pas des
fantômes vides et de purs simulacres, il a ajouté sa
parole pour -y mettre du poids et de la substance,
de sorte qu'elles devinssent choses sérieuses et
graves.
» J'ai ajouté à chaque chapitre de courtes allé-
gories, non que j'en tienne beaucoup de compte,
mais afin de prévenir la manie de plusieurs à
traiter l'allégorie. Ainsi , dans Jérôme , Origène
et autres anciens écrivains^ nous voyons une mal-
heureuse et stérile habitude d'imaginer des allé-
gories qui ramènent tout à la morale et aux œu-
vres, tandis qu'il faudrait tout ramener à la parole
et à la foi. • ( avril 1525.)
« Le Pater noster est ma prière; c'est celle que
je dis, et j'y mêle en même temps quelque chose
des Psaumes pour quelles faux docteurs soient
confondus et couverts de honte. Le Pater n*a au-
cune prière qui lui soit comparable; je l'aime mieux
qu'aucun psaume (1). »
(i) C'est aussi ce que dit Montaigne dans ses Essais.
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DB LUTHBE. 97
« J'avoue franchement que j'ignore si je pO0- /
aède ou non le sens légitime des psaumes, bienque'y"
je ne doute pas de la vérité de celui que je donne.
— L'un se trompe en quelques endroits , l'autre
en plusieurs; je vois des choses que n'a pas vues
saint Augustin; et d'autres, je le sais, verront
bien des choses que je ne vois pas.
» Qui oserait prétendre que personne ait com-
plètement entendu un seul psaume? Notre vie
est un commencement et un progrès , et non une
consommation; celui-là est le meilleur, qui ap-
proche le plus de l'esprit. Il y a des degrés dans
la vie et l'action , pourquoi n'y en aurait-il pas
dans l'intelligence? L'Apôtre dit que nous nous
transformons de lumière en lumière. >
Du Nouveau Testament. « L'Évangile de saint
Jean est le vrai et pur Évangile , l'Évangile prin-
cipal , parce qu'il renferme le plus de paroles de
Jésus-Christ. De même , les épitres de saint Paul
et de saint Pierre sont bien au-dessus des évangi-
les de saint Mathieu , de saint Haro et de saint
Luc. £n somme , l'évangile de saint Jean et sa pre^
mière épitre , les épitres de saint Paul , notamment
celles aux Romains, auxGalates, aux Éphésiens,et
la première de saint Pierre , voilà les livres qui
te montrent Jrsus-Christ,ct qui t'ensei fanent tout
9
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98 MÉMOIAXS
oe qu'il t'est nécessaire et utile de saToir , quand
même tu ne verrait jamais d'autre livre. >
Il ne regardait comme apostoliques ni l'ép^
tre aux Hébreux, ni celle de saint Jacques. Il
s'exprime de la manière suivante sur celle de
saint Jade: < Personne ne peut nier que cette
épitre ne soit un extrait ou une copie de la se*
cbnde épitre de saint Pierre; les mots sont pres-
que les mêmes. Jude y parle des apôtres comme
leur disciple , et comme après leur mort. Il cite
des versets et des événemens qu'on ne trouve
nulle part dans l'Écriture. »
L'opinion de Luther sur l'Apoôalypse est re-
marquable : « Que chacun, dit-il , juge de ce li-
vre d'après ses lumières et son sens particulier.
Je ne prétends imposer à pe^nne mon opinion:
je dis tout simplement ce que j'en pense. Je ne
le regarde ni comme apostolique, ni comme pro-
phétique... » £t ailleurs: « Beaucoup de Pères
ont rejeté ce livre , chacun peut en penser ce que
son esprit lui inspirera. Pour moi, je ne puis me
faire à cet ouvrage. Une seule raison suffirait poor
m*en détourner : c'est que Jésus-Christ n'y est
adoré ni enseigné tel que nous le connaissons. •
Des Pères, « On peut lire Jérôme pour l'étude
de l'histoire : quant à la foi et à la bonne vraie
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OB LOTHBR. W
religion et doctrine, il n'y en a pas un mot dans
ses écrits. J'ai déjà proscrit Orîgène. Ghrysostôme
n'a point d'autorité chez moi. Basile n'est qu'un
moine; je n'en donnerais pas un cheveu. L'apo-
logie de Philippe Mélanchton est au-dessus des
écrits de tous les docteurs de l'Église , sans ex-
cepter Augustin. Hilaire et Théophylacte sont
bons. Ambroise aussi ; il marche bien sur l'article
le plus essentiel , le pardon des péchés.
» Bernard est au-dessus de tous les docteurs
dans ses prédications; mais, quand il dispute,
il devient un tout autre homme; alors il accorde
trop à la loi et au libre arbitre.
■ Bonaventure est le meilleur des théologiens
Bcolastiques.
» Parmi les Pères , Augustin a sans contredit
la première place , Ambroise la seconde , Bernard
la troisième. Tertullien est un vrai Carlostad.
Cyrille a les meîlîéiirëà sentences. -Gypfîèlt^-fe""^
martyr est un foible théologien. Théophylacte
est le meilleur intreprète de saint Paul. *
(Pour prouver que l'antiquité n'ajoute pas à
l'autorité): « Nous voyons combien saint Paul
se plaint avec douleur des Corinthiens et des Gâ-
tâtes. Parmi les apôtres mêmes, le Christ trouva
on traitre dans Judas.
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100 ■ÉMOi&n
» Les livres que les Pères ont écrits sur la Bible
n'ont jamais rien de concluant; ils laissent le
lecteur suspendu entre le ciel et la terre. Liseï
Chrysostème» le meilleur rhéteur et parleur de
tous.»
Il remarque que les Pères ne disaient rien de
la justification par la grâce pendant leur vie»
mais y croyaient à leur mort. Gela était plus
prudent pour ne point encourager le mysti-
cisme» ni décourager les bonnes œuvres.
< Les cbers Pères ont mieux vécu qu'écrit.»
Il fait réloge de l'histoire de saint Épiphane et
des poésies de Prudence.
«Augustin et Hilaire, entre tous, ont écrit
avec le plus de clarté et de vérité ; les autres doi-o
vent être lus cumjudicio.
» Ainbroise a été qiêlé aux afiaires du monde,
comme nous le sommes aujourd'hui. Nous som-
mes obligés de nous occuper au consistoire d'af-
faires de mariage plus que de la parole de Dieu...
«On a nommé Bonaventure le séraphique,
Thomas l'angélique , Scot le subtil ^ Martin Luther
sera nommé l'archi-hérélique.
Saint Augustin était peint dans un livre avec
un capuchon de moine. Luther dit , en voyant
cette image : > Ils font tort au saint homme ^ car
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HB &UTHIE. 101
iLa mené une vie commane , comme tout antro
homme dn pays ;.il se servait de cuillers, et de
tasse d'argent ; il ii!a pas mené une vie à part
comme les moines.
9 Macaire, Antoine, Benoit, ont (ait un grand
et remarquable tort à l'Église avec leur moinerie;
et je crois que dans le ciel ils seront placés bien
plus bas qu'un citoyen» père de famille pieux et
craignant Dieu.
» Saint Augustin me plaît plus que tous les au-
tres. Il a enseigné une pure doctrine , et soumis
ses livrea^, avec l'humilité chétienne, à la sainte
Écriture... Augustin est favorable au mariage; il
parle bien des évéques qui étaient les pasteur»
d'alors , mais le temps et les disputes des Pélagiens '^
l'on aigri et lui ont fait mal... S'il eût vu le scan-
dale de la papauté , il ne l'eût certes.pas soufiert.
a Saint Au*gustin est le premier père de TÉgUsa-- .
qui ait traité du péché originel. »
Après avoir parlé de saint Augustin, Luther '
ajoute: « Mais depuis que j'ai compris Paul parla
grâce de Dieu , je n'ai pu estimer aucun docteur;
ils sont devenus tout^à-fisiit petits à mes yeux .
» Je ne connais aucun des Pères dont je sois si
ennemi que de saint Jérôme. Il n'écrit que sur le
jeûne , les alimens, la virginité, etc. Il n'enseigne
9.
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102 MiHOIBBS
rien sar la foi, etc. Le docteur Staapitz avait cou-
lame de dire : Je youdrais bien savoir connooit
Jérôme a pu être sauyé ?
« Les nominaux sont dans les hautes écoles une
secte à laquelle j*ai aussi appartenu. Ils tiennent
contre les thomistes , scotistes et albertistes. Ils
s*appel1ent eux-mêmes occamistes. C*est la secte
la plus nouTclle de toutes , et aujourd'hui la plus
puissante, nommément à Paris.
Luther feit cas du Maure des êentenees do
Pierre Lombard; mais il trouve qu'en général les
scolastiques donnaient trop peu à la grâce, trop
au libre arbitre.
« Gerson seul , entre tous les docteurs , a (kit
mention des tentations spirituelles. Tous les au-
tres, Grégoire de Nazianze, Augustin, Scot, Tho-
mas, Richard, Oceam, n'ont senti que les ten*
tations corporelles. Le.seul Gerson a écrit sur le
découragement. L'Église, à mesure qu'elle est
plus ancienne, doit éprouver de telles tenta-
tions spirituelles. Nous sommes dans cet âge de
l'église.
< Guillaume de Paris a aussi éprouvé quelque
ehose de ces tentations spirituelles. Maïs les sco-
lastiques ne sont jamais parvenus à la eonnais*
sance du càtéohisrae. Le seul Gerson sert à ras-
Digitizedby Google
Dl lUTHSB. 103
•urer et relever les consciences... Il a sauvé beau-
coup de pauvres âmes du désespoir , en amoin-
drissant et exténuant la loi » de manière toutefois
que la loi subsistât. — Mais Christ ne perce
point le tonneau , il le défonce. Il dît : « Tu ne
dois point te confier dans la loi ni te reposer sur
elle y mais sur moi, sur |le Christ. Si tu n'es pas
bon , je le suis. »
« Le docteur Staupitz nous parlait un jour
d^André Zacharias qui, à ce qu'on prétend, a
vaincu Jean Huss dans la dispute. Il nous racontait
que le docteur Proies , de Gotha, voyant dans un
couvent Zacharias peint avec une rose à son bon-
net, dit à ce sujet : Dieu me garde de porter une
telle rose, car il a vaincu Jean Huss injustement,
et au moyen d'une bible falsifiée. Il y a dans le
XXXIV* chapitre d'Éiéchiel : C*e9t moi qui vais
f>f$iter et punirmes pasteurs : maïs on y avait ajou-
té ces mots : et non point h peuple; ceux du con-
cile hii montrèrent ce texte dans sa propre bible
falsifiée comme les autres, et conclurentainsi : Tu
TOis que tu ne dois point punir le pape, que IHeu
s'en charge lui-même. Ainsi le saint homme a été
condamné et brûlé.
» Haitre Jean Agricola lisait un écrît de Jean
Huss, plein d'esprit, de résignation et de fer-
Digifeed by VjOOÇIC
104 vivoiRBS
▼eur, où l'on Toyait comme dans sa prison il
soaffrait le martyre des douleurs de la pierre^ et
se Yoyait rebuté par l'empereur Sigismond. Le
docteur Luther admirait tant d'esprit et de coa-
rage... C'est bien injustement, disait-i], que sons
sommes appelés hérétiques, Jean Hus» et moi...
» Jean Huss est mort, non comme un anabap-
tiste, mais comme un chrétien. On Yoît en lui la
faiblesse chrétienne; mais en même temps s'éveille
dans son âme la force de Dieu qui le relève. Le
combat de la chair et de l'esprit^ dans le Christ
et dans Huss, est doux et aimable à voir... Con«
stance est aujourd'hui une pauvre misérable ville.
Je crois que Dieu l'a punie... Jean Huss a été
brûlé; et moi aussi, je pense que je serai tué^
s'il plaît à Dieu. Il a arraché quelques épines de
la vigne du Christ, en attaquant seulement les
scandales de la papauté. Mais moi, docteur
Martin Luther , je suis venu dans un champ déjà
noir et bien labouré, j'ai attaqué la doctrine
du pape, et l'ai terrassé.
> Jean Huss était la semence qur doit mourir
et être enfoncée dans la terre, pour sortir en-
suite , et croître avec force. »
Luther improvisa un jour à table le vers sui-
vant :
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DB LOTHK&. 105
PmUs «ram tW«ds, morient «ro mors tua* Papa.
< La tète de l'Anti-Ghrist, c'est à la fois le pape
et le Turc. Le pape en est l'esprit, le Turc la chair.
» C'est ma pauvre et infirme condition (pour
ne point parler de la justice de ma cause) qui a
fait le malheur du pape. < Si j'ai défendu ma
doctrine contre tant de rois et d'empereurs, se
disait-il, comment craindrais -je un simple
moine? » S'il m'avait estimé un ejinemi dan-
gereux, il aurait pu m'étoufler dès l'origine.
» J'avoue que j'ai souvent été trop violent,
mais jamais à l'égard de la papauté. Il devrait y
avoir contre celle-ci une langue à part dont tous
les mots fussent des coups de foudre.
« Les papistes sont confondus et vaincus par
les témoignages de l'Écriture. Bien merci, je
connais leur erreur sous toutes ses faces , de l'a/-
pha à Voméga. Cependant aujourd'hui même
qu'ils avouent que TÉcriture est contre eux,
la splendeur et la majesté du pape m'éblouissent
quelquefois et c'est avec tremblement que je
Tattaque...
« Le pape se dit : ■ Céderais-je à un moine
fui veut me dépouiller de ma couronne- et de
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106 HÊVOMBS
ma majesté? Bien fou qui céderait. > Je donne-
rais mes deux mains pour croire en Jésus-Christ
aussi fermement, aussi sûrement, que le pape
croit que Jésus-Christ n'est rien.
> I)'autres ont attaqué les mœurs des papes,
comme Érasme et Jean Huss. Mais moi, j'ai ren-
versé les deux piliers sur lesquels reposait la pa-
pauté : les vœux et les messes particulières. >
Des Conciles. — ce Les conciles ne doivent point
ordonner de la foi , mais de la discipline. »
Le docteur Martin Luther levait un jour les
yeux vers le ciel; il soupira, et dit : « Ah! un
concile général, libre, et vraiment chrétien!
Dieu saura bien le faire; la chose est sienne; il
connaît et il a dans sa main tous les conseils les
plus secrets. »
» Lorsque Pierre -Paul Vergerius, légat du
pape, vint à Wittemberg, Tan 13SS, et que je
montai au château où il était, il nous cita, et
nous somma d'aller au concile. Jlrai , loi
dis-je, et j'ajoutai : Vous autres papistes, vous
travaillez inutilement. Si vous tenei un coa«
cile , vous n'y traitez point des sacremens, dd
la justification par la foi, des bonnes œuvres,
mais seulement de babioles et d'eniantillage ,
comme de fixer la longueur des habits» ou la
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DB LDTHEB. 107
largeur des ceintures des prêtres, ou la dimen-
sion de la tonsure, etc. Il se détourna de moi,
appuya sa tête sur sa main, et dit à son compa*
gpion : « Celui-ci touche vraiment le fond des
choses, etc. »
On demandait qoand le pape convoquerait
le concile. «Il me semble, dit le docteur Martin
Luther, qu'il n'en sera rien avant le jugement
dernier. C'est alors que notre Seigneur Dieu
tiendra lui-même un concile. >
Luther conseillait de ne point refuser d'aller
au concile, mais d'exiger qu'il fût libre; « si on
le refuse, il n'y a pas de meilleure excuse pour
nous. >
Deahienê 0celéêiastique8. Luther voudrait qu'ils
fussent appliqués à l'entretien des écoles et des
pauvres théologiens. Il déplore la spoliation des
églises. Il prédit que les princes vont bientôt se
disputer les dépouilles des églises. « Le pape pro*
digue maintenant les biens ecclésiastiques aux
princes catholiques pour se faire des amis et des
alliés.
» Ce ne sont point tant nos princes de la con-
fession d'Augsbourg qui pillent les biens ecclé-
siastiques, c'est plutôt Ferdinand, l'Empereur,
et l'archevêque de Hayence. Ferdinand a ran-
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108 mAmoikes
çonné tous les monastères. Les Bavarois sont
les plus grands voleurs des biens ecclésiastiques ,
ils ont de riches abbayes. Mon gracieux seigneur
et le Landgrave n^ont que de pauvres monastères
d'ordres mendians. On voulait à la diète, mettre
les monastères à la disposition de l'Empereur,
qui y aurait établi ses gouvernemens militaires.
Je donnai le conseil suivant : // faut auparavant
réunir Jou^ les monastères en un. même lieu. Qui
voudrait souffrir dans sa terre les gens de l'Em -
pereur 9 Tout cela a été poussé par Farchevéque
de Mayence. »
Dans la réponse à la lettre où le roi de Dane-
marck lui demandait ses conseils, Luther désap-
prouve l'article de la réunion des bien ecclésias-
tiques à la couronne. «Voyez , dit-il , au contraire
notre prince Jean Frédéric, comme il applique
les biens de TÉglbe à Fentretien des pasteurs et
des professeurs.»
« Le proverbe a raison , Biens de prêtres ne
profitent pas (pfaffengut raffengut ). Burcbard
Hund, conseiller de l'électeur de Saxe, Jean,
avait coutume de dire: Nous autres delà noblese,
nous avons réuni les biens des cloîtres à nos biens
nobles, et les biens des cloîtres ont dévoré les
biens nobles , de sorte que nous n'avons plus ni
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DB LUTHMl. 109
les uns ni les aulres. > Luther ajonte la fable du
renard qui yenge ses petits en brûlant Tarbre et
les petits de l'aigle.
Un ancien précepter du fils de Ferdinand , roi
des Romains, nommé Severus, eontait à Lu-
ther l'histoire du chien qui défendait la yiande
et qui pourtant, quand les autres la lui arra-
chaient , en prenait sa part. G*est ce que fait main-
tenant l'Empereur, dit Luther, pour les biens
ecclésiastiques (Utrecht et Liège).
Des cardinaux et des évéques, « En Italie^ en
France , en Angleterre , en Espagne , les éréques
sont ordinairement les conseillers des rois; c'est
qu'ils sont pauvres. Hais en Allemagne où ils
sont riches, puissans, et où ils ont une ^j^ijiàe
considération, les évéques gouvernent en leur
propre nom.
» Je veux mettre tous mes soins pour que les
canonicats et les petits évêchés subsistent, de
sorte qu on puisse avec ce revenu établir des pré-
dicateurs et des pasteurs dans les villes. Les
grands évêchés seront sécularisés. »
Le jour de l'Ascension, le docteur Martin Lu-
ther dîna avec l'électeur de Saxe, et l'on réso-
lut que les évéques conserveraient leur autorité .
à condition qu'ils abjureraient le pape. « Nos
ToMv. II. 10
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1 10 JiiVQIRBS
gens les examineront, et les ordonneront, par
Fimposition des mwis. C'est ainsi que je suis évè-
que à présent. »
Dans les disputes d'Heidelberg , on demandait
d'où venaient les moines. Réponse: « Dieu ayant
fait le prêtre, le diable voulut l'imiter; mais il fit
la tonsure trop grande , de là les moines,
» La moinerie ne se rétablira point aussi long-
temps que Tarticle de la justification restera pur.
» Autrefois les moines étaient en si grande
considération que le pape les redoutait plus que
les rois et les évéques. Car ils avaient le commun
peuple dans leurs mains. Les moines étaient les
meilleurs oiseleurs du pape. Le roi d'Angleterre
a beau ne plus reconnaître le pape pour le chef
suprême de la chrétienté; il ne&itrien que tour-
menter le corps, en fortifiant Tâme de la papauté. •
(Henri YIII n'avait pas encore supprimé les mo-
nastères. )
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,L .I.JIII. ■ - ' ^^
CHAPITRE II.I.
Dm 4m1m «t «al7«r«lt^i , «t dtt tili llMrt«z.
« On doit tirer des écoles des pastears qui édi-
fient et soutiennent l'Église. Des écoles et des
pasteurs, cela vaut mieux que des conciles,
comme je l'ai dit déjà.
9 J'espère que si le monde dure encore, les
universités d'£rfurth et de Leipzig se relèveront
et prendront des forces, pourvu qu'elles adop-
tent la saine théologie, à quoi elles semblent
déjà disposées. Mais il faut que quelques-uns s'en^
dorment auparavant. — Je m'étonnais d'abord
u'uUQ université eût été fondée ici, à Wittem-
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1 12 wiMOIltBS
berg. — Erfurth est situé au mieux pour cela: là
il doit y avoir une ville, quand même celle qui
existe serait brûlée, ce que Dieu veuille empê-
cber. L'université d'Erfurtb était jadis si renom-
mée, que toutes les autres en comparaison étaient
considérées comme de petites écoles. Maintenant
cette gloire et cette majesté ont disparu, et Tu-
niversité d'Erfurth est tout-à-fait morte.
» Autrefois on avançait les Maîtres, on les ho-
norait; on portait devant eux des flambeaux. Je
trouve qu*il n'y a jamais eu en ce monde de joie
comparable à celle-là. C'était aussi une grande
fête quand on faisait des docteurs. On allait à
cheval autour de la ville; on s'habillait avec plus
de soin, on se parait. Tout cela ne se fait plus,
mais je voudrais bien que Ton fît revivre ces
bonnes coutumes.
» Malheur à l'Allemagne qui néglige les écoles,
qui les méprise et les laisse tomber ! Malheur à
Farchevéque de Mayence et d'Ërfurth qui pour-
rait d'un mot relever les universités de ces
deux villes, et qui les laine désolées et dé-
sertes! Un seul coin de l'Allemagne, celui où
nous sommes, fleurit encore, grâce à Dieu, par
la pureté de la doctrine et la culture des arts li-
béraux. Les papistes voudront rebâtir l'établet
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BB LUTBER. 113
lorsque le loup aura mangé les brebis. — La
faute en est àl'éyéque deMayence: c'est un fléau
pour les écoles et pour toute l'Allemagne. Aussi
en est-il déjà justement puni. Il a sur son risage
une couleur de mort , comme de la boue mêlée
de sang.
9 C'est à Paris, en France, que se trouve la
plus célèbre et la plus excellente école. Il y a
une foule d'étudians, dans I^ vingt miHe et
«u-delà. Les théologiens y ont à eux le lieu le
plus agréable de la ville , une rue particu-
lière fermée de portes aux deux bouta; on l'ap-
pelle la Sorbonne. Peut-être , à ce que j'ima-
gine, tire- 1- elle ce nom de ces fruits de cor-
miers ( aorbus ) qui viennent sur les bords de la
mer Morte, et qui présentent au dehors une
agréable apparence; ouvrez-les, ce n'est que
cendres au-dedans. Telle est l'université de Pa-
rts, elle présente une grande foule, mais elle est
la mère de bien des erreurs. S'ils disputent , ils
orient comme des paysans ivres , en latin , en
finançais. Enfin on frappe des pieds pour les dedre
taire. Ils ne font point de docteurs en théologie
à moins qu'on n'étudie dix ans dans leur sophis-
tique et futile dialectique. Le répondant doit
siéger un jour entier et soutenir la dispute contre
DigSzVdby Google
114 MfitfaiBE8
tout venant, de six heures du matin à six heures
du soir.
» A Bourges en France , dans les promotions
puhliques de docteurs en théologie qui se font
dans l'église métropolitaine, on leur donne à
chacun un filet, apparemment pour qu'ils s'en
servent à prendre les gens.
» Nous avons , grâce' à Dieu , des universités
qui ont embrassé la parole de Dieu. Il y a encore
beaucoup de belles écoles particulières qui se dis*
posent bien, telles que Zwickaw, Torgaw, Wit-
temberg. Gotha, Ëisenach, Deventer, etc.
Extrait du traité de Luther sur l'éducation, -^
L'éducation domestique est insuffisante. — Il faut
que les magistrats veillent à l'instruction des en-
fans. Établir des écoles est un de leurs principaux
soins. Les fonctions publiques ne doivent même
être confiées qu'aux plus doctes. — Importance de
l'étude des langues. Le diable redoute cette étude,
et cherche à l'éteindre. N'est-ce pas par elle que
nous avons retrouvé la vraie doctrine? La pre-
mière chose que Christ ait donnée à ses apôtres,
c'est le don des langues. -^ Luther se plaint de
ce que, dans les monastères, on ne sait plus le
latin , à peine l'allemand.
« Pour moi, si j'ai jamais des enfiAns, et que
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DB LUTBSB. I (6
ma fortune me le permette» je veux qu'ils de-
Tiemcient habiles dans les langues et dans l'his-
toire;, qu'ils apprennent même la musique et les
mathématiques. » Suit un éloge des poètes et des
historiens.
Qu'on enyoie au moins les enfans une heure
ou deux par jour à l'école; qu'ils emploient le
reste à soigner la maison et à apprendre quelque
métier.
Il doit aussi y avoir des écoles pour les filles.
— On devrait fonder des bibliothèques publi-
ques. D'abord des livres de théologie» latins,
grecs, hébreux, allemands, puis des. livres pour
apprendre la langue, tels que les orateurs, les
poètes, peu importe qu'ils soient chrétiens ou
païens; les livres qui traitent des arts libéraux et
des arts mécaniques;, les livres de jurisprudence
et de médecine,, les annales, les chroniques, les
histoires, dans la langue où elles ont été écrites,
doivent tenir la première place dans une bi-
bliothèque, etc. »
JDe9 langues, — « Les Grecs, comparés aux Hé-
breux, ont bien de bonnes et agréables paroles,
msdsn'onipoinidesentences. La langue hébraïque
est la plus riche; elle ne mendie point, comme le
grec , le latin et Fallemand. £lle n'a pa» besoin
de recourir aux mots composés.
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.116 HÉMOIRES
> Les Hébreux boivent à la source, les Grecs aa
ruisseau , les Latins au bourbier, t
« J'ai peu d'usage de la langue latine, élevé,
comme je le fus, dans la barbarie des doctrines
scolastiques. > (12 novembre 1544.)
« Je ne suis point de dialecte particulier en
allemand. J'emploie la langue commune, de ma-
nière à être entendu dans la haute et dans la
basse Allemagne. Je parle d'après la chancellerie
de Saxe, que tous suivent, en Allemagne, dans
leurs actes publics, rois, princes, villes impé-
riales. Aussi, est-'ce le langage le plus commun.
L'empereur Maximilien et l'électeur Frédéric de
Saxe ont ainsi ramené les dialectes allemands à
une langue certaine. La langue des Marches est
encore plus douce que celle de Saxe. »
De la grammaire. — « Autre chose est la gram-
maire, autre chose est la langue hébraïque. La
langue hébraïque, puis la grammaire positive, a
péri en grande partie chez les Juifs; elle est
tombée avec la chose même, et avec l'intelli-
gence, comme dit Isa!e(XXIX). Il ne faut donc
rien accorder aux rabbin» dans les choses sacrées;
ils torturent et violentent les étymologies et les
constructions, parce qu'ils veulent forcer la chose
par les mots, soumettre la chose aux mots, tandis
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Dl LUTHCR* 117
que ce sont les choses qui doivent commander.
» On Yoit de semblables débats entre les ci*
céroniens et les autres latinistes. Pour moi , je
ne suis ni latin, ni grammairien, encore moins ci-
céronicn; cependant, j'approuve ceux qui ai-
ment mieux prétendre à ce dernier nom. De
même , dans la littérature sacrée , j'aimerais à être
simplement mosaïque, davidique ou isaîque, s'il
6e pouvait, plutôt qu'un Hébreu kumiqae, ou
semblable à tout autre rabbin.» (1SS7.)
« Je regrette de n'avoir pas plus de temps à
donner à l'étude des poètes et des rhéteurs : j'a-
vais acheté un Homère pour devenir Grec.»
(20marsl52B.}
«Si je devais écrire sur la dialectique, j'ex-
primerais tout en allemand; je rejetterais tous
ces mots étrangers : propositio, syllogismus ,
enthymema , exemplum,,,
> Ceux qui introduisent de nouveaux mots,
doivent aussi introduire de nouvelles choses,
comme Scotavec sa réalité, son hiccité; comme
les anabaptistes et les prédicateurs de troubles,
avec leurs besprengung, entgrobung, geiassenheit.
Qu'on se garde donc de tous ceux qui s'étudient
à trouver des mots nouveaux et inusités. »
Luther citait la fable de la cour du lion, et
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118 MéHOlKSS
disait, « qu'après la Bible, il ne connaissait pas
de meilleur livre que les Fahle$ eTE^pe et les
écrits de Caton; de même que Bonat lui sem-
blait le meilleur grammairien. Ce n*est point un
seul homme qui a fiaiit ces fables; beaucoup de
grands esprits y ont trayaillé à chaque époque
du monde. •
De$ suTons, — « Avant peu d'années, on man-
quera entièrement de savans. On aurait beau
creuser pour en déterrer, rien ne servira ; on pè-
che trop contre Dieu. •
A un ami : c Ne te laisse pas aller à la crainte
que rAIlemagne ne devienne plus barbare qu'elle
ne l'a jamais été , par la chute des lettres que
causerait notre théologie. » (29 mars 1523.)
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!>■ LUTHIK. 119
CHAPITRE IV.
Dramti. — Musiqua» — Astrologie. — Imprimtric
— BtoqiM« ete.
Des repréêevSaiions ikéâiraleê, — Luther ne
désapprouve point un maître d'école qui jouait
les comédies de Térence. Il énumère les diverses
utilités de la comédie. Si on s'abstenait de la co-
médie, parce qu'il s'agit souvent d'amour, on
n'oserait non plus lire la Bible.
« — Notre cher Joachim m'a demandé mon ju-
gement sur ces représentations d'histoires saintes ,
que blâment plusieurs de vos ministres. Voici, en
peu de mots y mon opinion. lia été commandé à
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120 MÉSOIKBS
tous let hommes de répandre et de propager le
Verbe de Dîeiii par tous les moyens, non pas
seulement par la parole, mais par écritures,
peintures, sculptures, psaumes, chansons, in-
strumens de musique, comme dit le psaume:
Laudate eum in tympano et choro , laudate eum
chordi» et organo, £t Moîse dit: Ligahi* ea quasi
êignum in manu tuâ,eruntque et movebun^er in-
ter oculos tuos , scribesque ea limine et ostiù do-
mû$ tuœ. Moïse veut que la parole se meuve àe-
▼ant les yeux ; comment cela se pourrait-il faire
mieux et plus clairement que par des représen-
tations semblables, mais graves et modestes, el
non par des farces , comme autrefois sous la pa-
pauté ? De tels spectacles frappent les yeux du
peuple, rémeuvent souvent bien plus que dei
prédications publiques. Je sais que dans la base
Allemagne , où Ton a interdit la profession pu-
blique de TÉvangile, des drames, tirés de la Loi
et de rÉvangile, en ont converti un grand nom-
bre. » (5 avril 1543.)
De la musique. — « La musique est on des piiu
beaux et des plus magnifiques présens de Bîeu.
Satan en est Tennemi. Par elle on repousse bien
des tentations et de mauvaises pensées. Le diable
ne tient pas contre.
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Dl LUTHXn. 121
» Quelques-uns de la noblesse, et des courte
sans, pensent que mon gracieux seigneur pour-
rait épargner en musique trois mille florins par
an; et Ton dépense, en choses inutiles , trente
mille florins.
» Le duc George, le landgrave de Hes8e,et
rélecteur de Saxe, Jean-Frédéric , entretenaient
des chanteurs et des musiciens. Aujourd'hui,
c'est le duc de Bavière, Tempereur Ferdinand et
l'empereur Charles. »
£n 1538 , 17 décembre, Luther ayant des mu-
siciens pour hôtes, et les ayant entendus, dit avœ
admiration: « Si notre Seigneur nous accorde de
si nobles dons dans cette vie même, qui n'est
qu'ordure et misère, que sera-ce donc dans la
vie éternelle? En voici un commencement.
» Chanter est le meilleur exercice. Il n'a rien
à voir avec le monde... Aussi je me rejouis de ce
que Dieu a refusé aux paysans {sanw doute autr
paysans révoltés) un don et une consolajtion si
grande; ils n'entendent point la musique, et
n'écoutent point la parole. »
Il disait un jour à un joueur de harpe: « Mon
ami, joue-moi un air, comme faisait David. Je
crois que, s'il revenait aujourd'hui , il serait bien
étonné de trouver les gens si habiles.
11
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122 ii£hoires
9 Gomment se fait-il pourtant que nous ayons
tant de belles choses dans le genre mondain , et
que , dans le spirituel , nous n'ayons rien que de
froid et de mauvais (et il répétait quelques chan-
sons allemandes}. Pour ceux qui méprisent la
musique , comme font tous les rêveurs et les mys-
tiques, je ne puis m'accorder avec eux.
« ... Je demanderai au prince qu'avec cet ar-
gent il établisse une musique. > (avril lo41.)
Le 4 octobre 15B0, il écrit à Ludovic Senfel,
musicien de la cour de Bavière, pour lui de-
mander de lui mettre en musique le : Inpace m
id ipsutn. « L'amour de la musique m'a iait
surmonter la crainte d'être repoussé, lorsque
TOUS verrez un nom qui vous est sans doute
odieux. Ce même amour me donne aussL l'espé-
rance que mes lettres ne vous attireront aucun
désagrément. Qui pourrait, fût-il le Turc, vous
en faire un sujet de reproches ?... Après la théo-
logie, il n'y a aucun art que l'on puisse mettre
à côté de la musique. »
Luther recommande à son ami Amsdorf un
peintre nommé Sébastien, et ajoute : « Je ne
sais si vous aurez besoin de lui. Je désirerais ce-
pendant que ton habitation fût plus ornée et plus
élégante, à cause de la chair à qui reviennent
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SB LUTIIBB. 123
auist quelques soins et quelques recréations,
lorsqu'elles sont sans péché et sans faute. » (6 fé-
vrier 1542.)
Peinture, — Les pamphlets de Luther contre le
pape étaient presque toujours accompagnés de
gravures symboliques. — « Quant à ces trois fu-
ries, dit-il dans l'explication d'une de ces gra-
vures satiriques, je n'avais autre chose dans
l'esprit, lorsque j'en faisais l'application au pape,
que d'exprimer l'atrocité de labomination papale
par ces expressions les plus énergiques, les plus
atroces de la langue latine; caries Latins ignorent
ce que c'est que Satan ou le diable, comme l'i-
gnorent aussi les Grecs et toutes les nations. »
(8 mai 1545.)
C'était Lucas Cranach qui en avait fait les figu-
res. — Luther écrit : « Maitre Lucas est un peintre
peu délicat. Il pouvait épargner le sexe féminin en
considération de nos mères et de l'œuvre de Dieu.
Il pouvait peindre d'autres formes plus dignes du
pape, je veux dire plus diaboliques. » ( 3 juin
1545.)
« Je ferai tous me» efforts, si je vis, pour
que le peintre Lucas substitue à cette peinture
obscène une image plus honnête. » (15 juin.)
Luther professait pour Albert D ûrer une grande
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124 MÉMOIRES
admiration. Lorsqu'il apprit sa mort , il écrivît :
« Il est douloureux sans doute de l'avoir perdu.
Réjouissons* nous cependant de ce que Christ,
par une fin si heureuse « l'a tiré de cette terre de
misères et de troubles, qui, peut-être bientôt,
sera déchirée par des troubles plus grands en-
core. Dieu n'a pas voulu que celui qui était né
pour un siècle heureux ^ vît de si tristes choses;
qu'il repose en paix avec ses pères. * (avril 1528.)
De l'asironotnie et de l'astrologie, — « Il est
vrai que les astrologues peuvent prédire l'avenir
aux impies^ et leur annoncer )a mort qui les at-
tend, car le diable sait les pensées des impies, et
il les a en sa puissance. »
On fit mention d'un nouvel astronome, qui
voulait prouver que c'est la terre . qui tourne,
et non point le firmament, le soleil et la lune;
il en est de même, disait-il, pour les habitans
de la terre que pour ceux qui sont dans un cha-
riot ou dans un vaisseau , et qui croient voir le
rivage ou les arbres fuir derrière eux (1). • Ainsi
(i) Sans doute Copernic qui termina vers i53o son
livre De orbium cœlejtium revolutlonlbus , imprimé, en
t543, ^ Nuremberg, avec une dédicace au pape Paul
III. Dès i540y une lettre de son disciple Rheticus fit
connaître le nouveau système.
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DB LVTHEll. 125
▼a le monde aujourd'hui; quiconque veut être
habile, ne doit pas se contenter de ce que font et
savent les autres. Le sot veut changer tout Part
de Tastronomie; mais, comme le dit la sainte
Écriture, Josué commanda au soleil des^arréter,
et non à la terre. *
«Les astrologues ont tort d'attribuer aux étoiles '
la mauvaise influence qui appartient en effet aux
comètes.
> Maître Philippe tient fort à cela, mais il n'a
jamais pu me persuader. Il prétend que l'art est
réel , mais qu'il n'y a point de maître qui s'y en-
tende. *
Comme on montrait un horoscope au doc-
teur Luther , il dit : « C'est une belle et agréable
imagination, et qui plaît à la raison. On va bien
régulièrement d'une ligne à l'autre... Il en est de
l'astrologie comme de l'art des sophistes , de de--
cem prœdicamentis realùer distinctis ; tout est
faux et artificiel; mais dans cette œuvre vaine et
fictive, il y a un admirable ensemble; dans tant
de siècles et parmi tant de sectes, thomistes, al-
bertistes, scotistes, ils sont restés fidèles aux
mêmes règles.
« La science, qui a pour objet la matière, eti
incertaine. Car la matière est sans forme , et dé-
11.
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126 HiitoiaBS
pourvue de qualités et propriétés. Or, l'astrologie
a pour objet la matière, etc.
» Ils avaient dit qu'il y aurait un déluge en
1524, et la chose .n'arriva qu'en 1525, époque
du soulèvement des paysans. Déjà le bourgmes-
tre Hendorf avait fait monter au haut de sa
maison un quart de bière pour y attendre le dé-
luge. »
Maître Philippe disait que l'empereur Charles
devait vivre jusqu'à quatre-vingt-quatre ans; le
docteur Luther répondit : « Le monde ne durera
pas si long-temps. Ézéchiel y est contraire. Si nous
chassons le Turc , la prophétie de Daniel est ac-
complie , et certainement le jour du jugement
est à la porte. >
Une grande étoile rouge, qui avait paru dans
le ciel , et qui forma» ensuite une croix en 1516,
reparut plus tard; < mais alors, dit Luther, la
croix parut brisée; car FÉvangile était obscurci
par les sectes et les révoltes. Je ne trouve rien de
certain dans de tels signes ; ce sont communément
des signes diaboliques et trompeurs. Noua en
avons vu beaucoup ces quinze dernières années. »
Imprimerie, — « L'imprimerie est le dernier
et suprême don , le summum et posiremufn do-
num, par lequel Dieu avance les choses de
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DB i^rTBBm. 127
l'Évangile. C'est la dernière flamme qui luit avant
l'extinction du monde. Grâce à Bien, elle est ve-
nue à la fin. Sancti patres dormienteadesiderâruni
videre hune diem révélait Evangelii, »
Gomme on lui montrait un écrit des Fugger, orner
de lettres d'une forme si bizarre , que personne
ne pouvait le lire, il dit: « C'est une invention
d'hommes habiles et prévoyans. Mais c'est la mar-
que d'une époque bien corrompue. Nous lisons
que Jules César employait de pareilles lettres. On
dit que l'Empereur, se défiant de ses secrétaires^
les fait écrire, dans les afiaires les plus impor-
tantes, de deux manières qui se contredisent ; et
ils ne savent point auxquels des deux écrits il doit
mettre son sceau. »
Banque, — « Un cardinal , évêque de Brixen ,
étant mort fort riche à Rome , on ne trouva
point d'argent chez lui , mais seulement un petit
billet dans sa manche. Le pape Jules II se douta
bien que c'était une lettre de change ; il envoya
sur-le-champ chercher le facteur des Fugger, à
Rome, et lui demanda s'il ne connaissait point
cet écrit ? Oui , répondit-il , c'est la reconnaissance
de ce que Fugger et compagnie doivent au car-
dinal j cela fait trois cent mille florins. Le pape
demanda s'il pouvait lui payer tout cet argent. A
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128 ' «iMOIBM
toute heure, répondit l'autre. Le pape fit venir
ensuite les cardinaux de France et d'Angleterre ,
et leur demanda' si leurs rois pourraient trouver
en une heure trois tonnes d'or ? Ils répondirent
que non.Ëhbien! diUil, un bourgeois d'Augsbourg
peut le faire.
' Fugger devant un jour donner au conseil
d'Augsbourg l'estiniation de ses biens, il répon-
dit qu'il ne savait pas ce qu'il avait , car son ar-
gent était dans tout le monde, en Turquie, en
Grèce , à Alexandrie , en France , en Portugal , en
Angleterre, en Pologne, etc., mais qu^il pou-
vait bien donner l'estimation de ce qu'il avait à
Augsbourg. •
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DM LVTHBR. I29
CHAPITRE V.
De la prtdtutioo. » St^le d« Lutber^ — Il «voim U TiQlcac«
d« son caractère.
« Oh combien je tremblais lorsque, pour a
première fois, il me fallut monter en chaire ! mais
on me forçait de prêcher. II fallait d'abord prê-
cher les frères... »
« J'ai bien , sous cfe même poirier où nous som-
mes, opposé au docteur Staupitz quinze argu-
mens contre ma vocation à la prédication. Je
lui dis enfin: • Seigneur docteur Staupitz , vous
voulez me tuer; je ne vivrai pas trois mois. » Il
me répondît : « Eh bien! notre Seigneur a de
grandes affaires; on a besoin de gens habiles là-
haut. »
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130 MiMOiais
• Je n'apporte guère de zèle et d'ardeur à la
distribution de mes œuvres en tomes; j'ai une
faim de Saturne , je les voudrais tous dévorer.
Car il n'y a pas un de mes livres dont je sois sa-
tisfait, si ce n'est peut-être le Traité du serf arbi-
tre et le Catéchisme. • (9 juillet 1537.)
< Je n'aime pas que Philippe assiste à mes le-
çons ou prédications , mais je mets la croix de-
vant moi, et je me dis: Philippe , Jonas , Pomer,
tous les autres, ne font rien à la chose; et je
m'imagine alors qu'il ne s'est assis dans la chaire
personne de plus habile que moi »
Le docteur Jonas lui disait : « Seigneur doc-
teur, je ne puis du tout vous suivre dans la pré-
dication. » — Le docteur, Luther répondit : « Je
ne le puis moi-mérae>, car souvent c'est ma pro-
pre personne ou quelque chose de particulier
qui me donne l'occasion d'un sermon, selon
le temps, les circonstances, les auditeurs. Si
j'étais plus jeune, je voudrais retrancher beau-
coup dans mes prédications, car j'y ai mis trop
de paroles. •
« Je veux que l'on enseigne bien au peuple 1%
Catéchisme ; je me fonde sur lui dans tous mes
sermons, et je prêche aussi simplement que pos-
sible. Je veux que les hommes du commun » lei
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DB LUTHB&. 131
eii£ins,le8 domestiques, me comprennent. Ce
n'est point pour les savans que Ton monte en
cliaire ; ils ont les livres. »
Le docteur Erasraus Alberus, prêta partir
pour la Marche, demandait au docteur Luther
comment il fallait prêcher devant le prince. «Tes
prédications f dit-il, doivent s'adresser, non aux
princes, mais au simple et grossier peuple. Si,
dans les miennes, je songeais à Mélanchton et
aux autres docteurs , je ne ferais rien de bon ;
mais je prêche tout simplement pour les igno-
rans, et cela plait à tous. Si je sais du grec, de
l'hébreu, du latin, je le réserve pour nos réu-
nions de savans. Alors nous en disons de li sub-
tiles que Dieu même en est étonné. »
« Albert Durer, le fameux peintre de Nurem-
berg, avait coutume de dire qu'il ne prenait
aucun plaisir aux peintures chargées de couleurs,
mais à celles qui étaient faites avec le plus de
simplicité. J'en dis autant des prédications. *
« Oh que j'eusse été heureux , lorsque j'étais
au cloître d'Erfurth , si j'avais pu une fois, une
seule fois, entendre prêcher un pauvre petit
mot sur l'Évangile ou sur le moindre des psau-
mes!*
« Rien n'est plus agréable et plus utile au com-
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132 IliHOIEKS
mun des auditeurs, que de prêcher la loi et les
exemples. Les prédications sur la Grâce et sur
l'article de la justification sont froides pour leurs
oreilles. »
Parmi les qualités que Luther exige d'un pré-
dicateur, il veut qu'il soit beau de sa personne,
et tel que les bonnes femmes et les petites filles
puissent l'aimer.
Dans le Traité sur ht vœux monastiquei , Lu-
ther demande pardon au lecteur de dire bien des
choses qu'on a coutume de taire. — « Pourquoi
n'oser dire ce que le Saint-Esprit, pour instruire
les hommes, a dicté à Moïse ? Mais nous voulons
que nos oreilles soient plus pures que la bouche
du Saint-Esprit. »
A J. Brentiua, • Je ne veux point te flatter,
je ne te trompe pas, je ne me trompe pas moi-
même , quand je dis que je préfère tes écrib aux
miens. Ce n'est point Brentius que je loue, mais
l'Esprit saint, qui en toi est plus doux, plus
tranquille; tes paroles coulent plus pures, plus
limpides. Mon style, à moi, inhabile et inculte,
Tomit un déluge , un chaos de paroles, turbulent
et impétueux comme un lutteur toujours aux
prises avec mille monstres qui se succèdent; et
si j'ose comparer de petites choses aux grandes.
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Da LUTHBll. 133
il me lemble qn'il m*a ëté donné quelque chose
de ce quadruple esprit d'Élîe, «rapide comme le
▼ent, dévorant comme le feu, qui renverse les
montagnes et brise les pierres; à toi, au con-
traire, le doux murmure de la brise légère et ra-
irakbissante. Une chose me console , c'est que le
divin père de famille a besoin , dans cette famille
immense, de l'un et de Tautre serviteur, du dur
contre les durs, de l'âpre contre les âpres, comme
d'un mauvais coin contre de mauvais nœuds. Pour
purger l'air et rendre la terre plus fertile, ce
n'est point assez de la pluie qui arrose et pénè-
tre, il faut encore les éclats de la foudre. »
(20 août 1530.)
Je suis loin de me croire sans défaut; mais je
puis au moins me glorifier avec saint Paul , de
ne pouvoir être accusé d'hypocrisie et d'avoir tou-
jours dit la vérité, peut-être, il est vrai, un peu
trop rudement. Biais j'aime mieux pécher par
la dureté de mes paroles, en jetant la vérité dans
le monde» que de la retenir honteusement cap-
tive. Si les grands seigneurs s'en trouvent blessés,
qu'ils se mêlent de leurs affaires sans plus se
soucier des miennes et de nos doctrines. Est-ce
que je leur ai fait quelque tort, quelque injustice?
Si je pèche, ce sera à Dieu de me pardonner.
( 5 février 1522.) 12
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134 mAmoiri»
• A SpaltUin, c Je ne puis nier que je ne sofi
plus violent qu'il ne faudrait ; mais ils le savaient
c'était à eux de ne pas irriter le dogue. Tu peui
savoir par toi-même combien c'est une chose
difficile que de modérer son feu et de contenir sa
plume. Et voilà pourquoi j'ai toujours haï de pa-
raître en public; mais plus je le hais, plus j'y
suis forcé malgré moi. » (février 1320.)
Le docteur Luther disait souvent : « J'ai trois
mauvais chiens, ingratùudinem , superbiametw-
vidiam (l'ingratitude, l'orgueil et l'envie). Celui
qu'ils mordent est bien mordu. %
« Si je meurs, les papistes verront quel adve^
saire ils ont eu en moi. D'autres prédicateurs
n'auront pas la même mesure, la même modéra-
tion. On l'a déjà éprouvé avec Hunier, avec Car-
lostad, Zwingli et les anabaptistes, d
c Dans la colère mon tempérament se re-
trempe, mon esprit s'aiguise, et toutes les ten-
tations, tous les ennuis se dissipent. Je n'écris
et ne parle jamais mieux qu'en colère. %
A Michel Marx, « Tu ne saurais croire com-
bien j'aime à voir mes adversaires s'élever chaque
jour davantage contre moi. Je ne suis jamab
plus superbe et plus audacieux que lorsque j'ap-
prends que je leur déplais. Docteurs, évéques»
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DE LOTVIR. 185
princes, que m'importe ? Il est écrit : Tremueruni
genteê etpopuli medùati aunt inania, Atbtiteruni
regea terrw , et principea convenerunt in unutn
adveraûs Deum et adversùs Christum ejus,
» J'ai un tel dédain pour ces satans , que si je
n'étais retenu ici, j'irais tout droit à Rome, en
haine du diable et de toutes ces furies. »
« Il fout que j'aie de la patience avec le pape,
arec mes disciples, avec mes domestiques, avec
Catherine de Bora , avec tout le monde , et ma vie
n*est autre chose que de la patience. »
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136 viMOIRBS
LIVRE CINQUlÈME^
CHAPITRE PREMIER.
Mort do. p^r« d« Luther , d« m fiJU , elt.
« Il n'est pas d'alliance ni de société plus belle,
plus douce et plus heureuse, qu'un bon mariage.
C'est une joie de voir deux époux vivre unis et
en paix. Mais aussi, rien n'est plus amer et plus
douloureux que quand ce lien se déchire. Après
cela vient la mort des enfana. Cette dernière dou-
leur, je la connais, hélas! «
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BB tOTVBB. 1S7
— « Je sais trirte en t'écrivant, car j'ai reçu
la noavelle de la mort de mon père, ce vieux
Luther, si bon et si aimé. Et bien que par moi
il ait eu un si facile et si pieux passage eu
Christ, et que, délivré des monstres d'ici-bas,
il repose dans la paix éternelle, cependant
naes entrailles se sont émues, car c'est par lui
que Dieu m'a fait naître et m'a élevé.» — Dans une
lettre du même jour à Mélanchton : €... Je succède
à son nom; voici maintenant que je suis pour ma
&mille le vieux Luther. C'est mon tour, c'est
mon droit de le suivre par la mort dans ce
royaume que Christ nous a prorais à nous tous
qui, à cause de lui, sommes les plus misérables
des hommes , et l'opprobre du monde... Je me
réjouis cependant qu'il ait vécu dans ce temps ,
et qu'il ait pu voir la lumière de la vérité. Dieu
•oit béni dans tous ses actes , dans tous ses des-
seins! > (5 juin 1530.)
• La nouvelle étant venue de Freyberg que
maître Hausman était mort , nous la cachâmes au
docteur Luther, et lui dîmes d'abord qu'il était
malade, puis qu'il était au lit, puis qu'il s'était
bien doucement endormi dans le Christ. Le doc-
teur se mit à pleurer bien fort, et dit : < Voici des
temps bien périlleux; Dieu balaie son aire et sa
12.
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138 aiMoiavs
grange. Je le prie de ne pas laisser rirre long-
temps après ma mort ma femme et mes enfans. >
Il resta assis tout le jour; il pleurait et s'affli-
geait. Il était avec le docteur Jonas, maître Phi-
lippe ( Mélanchton ) , maître Joachim Camera-
rius, et Gaspard de Keckeritz, et, au milieu
d'eux, il était assis, tout affligé et en larmes. •
(1538.)
• Lorsqu'il perdit sa fille Hagdalena , âgée de
quatorze ans , la femme du docteur pleurait et se
lamentait. Il lui dit : « Chère Catherine , songe
pourtant où elle est allée. Elle a certes fait un
heureux voyage. La chair saigne, sans doute, c'est
sa nature; maisl'esprit vit et se trouve selon sessou-
haits. Les enfans ne disputent point; cozume on
leur dit, ils croient. Chez les enfans tout est simple.
Ils meurent sans chagrin ni angoisses , sans dis-
putes, sans tentations de la mort, sans douleur
corporelle , tout comme s'ils s'endormaient. »
€ Comme sa fille était fort malade, il disait :
« Je l'aime hien ! Mais, 6 mon Dieu! si c'est ta vo-
lonté de la prendre d'ici , je veux la savoir sans
regret auprès de toi. < £t comme elle était au lit,
il lui disait : « Ha chère petite fille, ma petite
Madeleine, tu resterais volontiers ici auprès de ton
père, et tu irais pourtant volontiers aussi à ton
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BU LtTTHia. 180
autre père. « Elle répondît : «Oui, mon cher père,
comme Dieu voudra. > « Chère petite fille! ajou-
ta-t-îl , l'esprit veut , mais la chair est faible. » Il
se promena en long et en large et dit : • Oui , je
Fai aimée bien fort. Si la chair est si forte , que
sera-ce donc de l'esprit ? »
« Il disait entre autres choses : » Dieu n'a pas
donné depuis mille ans à aucun évéque d'aussi
grands dons qu'à moi; car on doit se glorifier des
dons de Dieu. £h bien ! je suis en colère contre
moi-même de ce que je ne puis m'en réjouir de
cœur, ni rendre grâce; je chante bien de temps
en temps à notre Seigneur un petit cantique, et le
remercie tin peu.
■ £h bien! que nous vivions ou que nous mou-
rions, Domtniêumua au génitif ou au nominatif.
Allons, seigneur docteur, tenez ferme. »
> La nuit qui précéda la mort de Hagdalena ,
la femme du docteur avait eu un songe; il lui
semblait voir deux beaux jeunes garçons bien
parés, qui voulaient prendre sa fille et la mener
, à la noce. Lorsque Philippe Mélanchton vint le
matin dans le cloître, et demanda à la dame :
• Que &ite»>vous de votre fille ? « elle lui raconta
son rêve. Il en fut bien efirayé, et dit aux autres :
c Les jeunes garçons sont les saints anges qui vont
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140 MÉHoiais
venir pour mener la vierge à la véritable noce du
royaume céleste» > £t en effet le même jour elle
mourut.
» Lorsque la petite Magdalena était à Fagonie
et allait mourir, le père tomba à genoux devant
son lit, pleura amèrement, et pria Dieu qu'il
voulût bien la sauver. £lle expira et s'endormit
dans les bras de son père. La mère était bien
dans la même chambre, mais plus loin du lit, à
cause de son affliction. Le docteur répétait sou-
vent : c Que la volonté de Dieu soit faite ! ma fille
a encore un père dans le ciel. » Alors maître
Philippe se mit à dire : « L'amour des parens est
une image de la divinité imprimée au cœur des
hommes. Dieu n'aime pas moins le genre humain
que les parens leurs enfans. > Lorsqu'on la mit
dans la bière, le père dit : « Pauvre chère petite
Madeleine, te voilà bien maintenant?» lUa regar-
da ainsi étendue, et dit : c 0 cher en&nt, ta res-
susciteras , tu brilleras comme une étoile ! Oui,
comme le soleil!... Je suis joyeux en esprit, mais
dans la chair je suis bien triste. C'est une chose
merveilleuse de savoir qu'elle est certainement
en paix , qu'elle est bien, et cependant d'être si
triste.»
• Et lorsque le peuple vint pour aider à <
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M LOTBXE. 141
porter le corps, et que, selon le commun usage,
ils lui disaient qu'ils prenaient part à son mal-
heur, il leur dit : « Ne tous chagrinet pas, j'ai en-
Toyé une sainte an ciel. Oh! puissions-nous avoir
une telle mort! Une telle mort, je l'accepterais
sur rheure! c — Lorsque l'on chanta : Seigneur,
qu'il ne tous souTienne pas de nos anciens péchés!
il ajouta : « Non-seuletnent des anciens ,*mais de
ceux d'aujourd'hui. Car nous sommes avides, usu-
riers, etc. ; le scandale de la messe existe encore
dans le monde! •
> Au retour, il disait entre autres choses : c On
doit s'inquié^r du sort de ses enilEins , et surtout
des pauvres filles. Je ne plains pas les garçons ;
un garçoh vit partout , pourvu qu'il sache tra-
vailler. Mais le pauvre petit peuple des filles doit
chercher sa vie un hâton à la main. Un garçon
peut aller aux écoles, et devenir un hahile gar-
çon (ein feiner man). Une petite fille ne peut en
faire autant. Elle tourne facilement au scandale et
devient grosse. Aussi je donne hien volontiers
celle-ci à notre Seigneur. »
A Jonas, La renommée t'aura, je pense, in-
formé de la renaissance de ma fille Madeleine au
royaume du Christ; et bien que moi et ma femme
nous dussions ne songer qu'à rendre de joyeuses
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142 x^noiafes
actions de gr&ces pour un si heureux passage et
une fin si désirable , par où elle a échappé à la
puissance de la chair , du monde , du Turc et
du Diable, cependant la force rvr «-rtpyvf est si
grande que je ne puis le supporter sans sanglots,
sans gémissement , disons mieux , sans une véri-
table mort du cœur. Dans le plus profond de
mon cœdr sont encore gravés ses traits , ses pa-
roles , ses gestes , pendant sa vie et sur son lit de
mort; mon obéissante et respectueuse fille! La
mort même du Christ (et que sont toutes les
morts en comparaison ?) ne peut me Farracherde
la pensée , comme elle le devrait.... Elle était ,
comme tu sais, douce de caractère, aimable et
pleine de tendresse. » (2S septembre 1543.)
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DB LUTHSB. 143
CHAPnRE IL
'D9 Véqniti^ de U LoU ~ OpposlUoa du tlMolofiti
«t du juriiUi
c II Tant mieux se gouYemer d'après la raison
naturelle que diaprés la loi écrite , car la raison est
l'âme et la reine de la loi. Mais où sont les gens
qui ont une telle intelligence? on en peut à peine
trouver un par siècle. Notre gracieux . seigneur ,
rélecteur Frédéric , était un tel homme. Il y a eu
encore son conseiller le seigneur Fabian de Feî-
litsch , un laïc , qui n'avait point étudié et qui ré-
pondait sur apices et medullam jurts mieux que
les juristes d'après leurs livres.— Maître Philippe
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144 aisoiiiBt
Mélanchton enseigne les arts libéraux, de manière
qu'il en tire moins de lumière qu il ne leur en
prête lui-même. Voî aussi , je porte mon art dans
les livres, je ne l'en tire point. Celui qui vou-
drait imiter les quatre hommes dont je viens de
parler, ferait aussi bien d'y renoncer; il faut
plutôt qu'il apprenne et qu'il écoute. De tels
prodiges sont rares. La loi écrite est pour le
peuple et l'homme du commun. La raison natu-
relle et la haute intelligence sont pour les hommes
dont j'ai parlé. »
« Il y a un étemel combat entre les juristes et
les théologiens; c'est la même opposition qu'en-
tre la loi et la grâce. »
« Le droit est une belle fiancée , pourvu qu'elle
reste dans son lit nuptial. Si elle monte dans un
autre lit et veut gouverner la théologie, c'est
une grande p Le droit doit ôter sa barrette
devant la théologie. >
A Mélanchton, c Je pense comme autrefois sur
le droit du glaive ; je pense avec toi que l'Évan-
gile n'a rien enseigné ni conseillé sur ce droit,
et que cela ne devait être en aucune façon , parce
que l'Évangile est la foi des volontés et des liber-
tés, qui n'ont rien à faire avec le glaive ou le
droit du glaive. Mab ce droit n'y est pas aboli,
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DB LVTBB11. 145
il y est iném« confirmé et recommandé ; ce qui
n'a lieu pour aucune des choses simplement per-
mises. »
« Avant moi , il n'y a aucun juriste qui ait su ce
qu'est le droite relativement à Dieu. Ce qu'ils
ont , ils l'ont de moi. Il n'est point mis dans 1^-
vangile que l'on doive adorer les juristes. Si no-
tre Seigneur Dieu veut juger, que lui importent
les juristes ? Pour ce qui regarde le monde , je les
laisse maîtres. Mais dans les choses de Dieu, ils
doivent être sous moi. Mon psaume à moi ,
c'est celui-ci : Rois^ aoyez châtiés , etc. S'il faut
qu'un des deut périsse, périsse le droit, règne
le Christ!
> Principes convenerunt in unutn, David le dit
lui-même , contre son fils se dresseront la puis-
sance , la sagesse , la multitude du monde , et il
doit être seul contre beaucoup , insensé contre les
sage9, impuissant contre les puissans. Certes,
c'est là une merveilleuse conduite des choses.
Notre Seigneur Dieu ne manque de rien que de
gens sages, mais derrière sonne le terrihle
Et nunc , reges, intelligite; erudiminiqui judi-
catis terram (Comprenez maintenant, 6 rois;
instruisez- vous, juges delà terre.)
» Si les juristes ne prient point pour le pardon
TOMB.II. • IS
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146 MiuOIRBS
de leurs péchés et n'acceptent point rÉvangile ,
je veux les confondre, de sorte qu'ils ne sachent
plus comment se tirer d'affaire. Je n'entends rien
au droit, mais je suis seigneur du droit dans les
choses qui touchent la conscience.
» Nous sommes redevables aux juristes d'avoir
enseigné et d'enseigner au monde tant d'équi-
voques, de chicanes, de calomnies, que le lan-
gage est devenu plus confus que dans une Babel.
Ici , nul ne peut comprendre l'autre , là , nul ne
veut comprendre. 0 sycophantes, ô sophistes^
pestes du genre humain. Je t'écris tout en colère,
et je ne sais si , de sang - froid , j'enseignerais
mieux. » (6 février 1346.)
La veille d'un jour où on allait faire un docteur
en droit', Luther disait :« Demain on fera urne
nouvelle vipère contre les théologiens. »
« Oh a raison dédire : un bon juriste est un mau-
vais chrétien. En effet, le juriste estime et vante
la justice des œuvres, conune si c'était par là
qu'on est juste devant Dieu. S'il devient chrétien,
il est considéré parmi les juristes comme un ani-
mal monstrueux , il faut qu'il mendie son pain,
les autres le regardent comme séditieux,
» Qu'on frappe la conscience 'des juristes, ils
ne savent ce qu'ils doivent faire. Mùnzer les atta-
quait avecTépéej c'était un fou.
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Dl LÛTHBR. 147
» Si j'étudiais seulement deux ans en droit, je
voudrais devenir plus savant que le docteur G. ;
car je parlerais des choses, selon qu'elles sont vé-
ritablement justes ou injustes. Mais lui , il chi-
cane sut* les mots.
> La doctrine des juristes n'est rien qu'un nisi,
un excepté. La théologie ne procède pas ainsi ,
elle a un ferme fondement.
> L'autorité des théologiens consiste en ce
qu'ils peuvent obscurcir les universaux , et tout
ce qui s'y rapporte. Ils peuvent élever et abais-
ser. Si la Parole se fait entendre , Moïse et l'Em-
pereur doivent céder. *"' '
> Le droit et les lois des Perses et des Grecs
sont tombés en désuétude et abolis'. Le droit
romain ou impérial ne tient plus qu'à un fil.
Car si un empire ou un royaume tombe , ses lois
et ordonnances doivent tomber aussi.
> Je laisse le cordonnier , le tailleur , le juriste
pour ce qu'ils sont. Mais qu'ils n'attaquent point
ma chaire!...
• Beaucoup de gens croient que la théologie
qui est révélée aujourd'hui , n'est rien. Si cela a
lieu de notre vivant, que sera-ce après notre
mort? En récompense beaucoup d'entre nous sont
gros de cette pensée dont ils accoucheront plus
tard , que le droit n'est rien.
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148 MÉMOIRES
Sermon contre les juristes , prêché le jour des
Rois, < Voilà comme agissent nos fiers juristes et
cheyaliers ès-Iois de Wittemberg... Ils ne lisent
point nos livres , les appellent catoniques (pour
canoniques), ne s'inquiètent pas de notre Sei-
gneur, et ne visitent point nos églises. £h bien!
puisqu'ils ne reconnaissent point le docteur Po-
mer pour évéque de Wittemberg, ni moi pour
prédicateur de cette église, je ne les compte
plus dans mon troupeau.
» Mais , disent-ils , tous allez contre le droit
impérial. J'emm...e ce droit qui fait tort au pau-
vre homme. »
Suit un dialogue du juriste avec le plaideur
à qui il promet pour dix thalers de faire tramer
une affisiire dix ans... « Bonnes et pieuses geas
comme Reinicke Fucfas , dans le poème du Re-
nard... >
« Bon peuple , veuillez agréer les moti& pour
lesquels je veux être impitoyable envers les ju-
ristes... Ils vantent le droit canonique, la m...e
du pape, et le représentent comme une chose
magnifique, lorsque nous l'avons, avec tant de
peine, repoussé et chassé de nos églises... Je ta
le conseille, juriste, laisse dormir le vieux dogue.
Une fois éveillé , tu ne le ramènerais pat aisément
à la loge.
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OB tVTHBm. 149
• Les juristes se plaignent fort, et m'en veu-
lent. Qu'y puis-je faire ? Si je ne devais pas ren-
dre compte de leurs âmes, je ne les châtierais
point. > Il déclare pourtant ensuite qu'il n'a
point parlé des juristes pieux.
i3
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100 HiMCHlES
CHAPITRE m.
La Foi , U Lof.
A GerbellfUê : c Bans cette cohue de scanda-
les , ne te démens pas toi-même. Je te la rends
pour te soutenir, réponse (la foi) que tu m'as
montrée jadis ; je te la rends vierge et sans tache.
Mais ce qu4l y a en elle d'admirable etd'inoui»
c'est qu'elle dësireet attire une infinité de rivaux f
et qu'elle est d'autant plus chaste qu'elle est ré-
ponse d'un plus grand nombre
> Notre rival , Philippe Mélanchton , te salue.
Adieu , sois heureux avec la fiancée de ta jeu-
nesse. » (23 janvier 152d.)
Digitizedby Google
DB LUTHBR. l&l
A Mélanchon, « Sois, pécheur, et pèche forte-
ment, mais aie encore plus forte confiance, et
réjouis«toi en Christ , qui est le vainqueur du
péché, de la mort et du monde. Il faut pécher
tant que nous sommes ici. Cette vie n'est point
le séjour de la justice; non, nous attendons,
eomme dit Pierre ,. les cieux nouveaux et la terre
nouvelle où la justice habite >
« Prie grandement; car tu es un grand pé-*
cheur. «
< Je suis maintenant tout-à-fait dans la doc-
trine de la rémission des péchés. Je n'accorde
rien à la Loi ni à tous les Diables. Celui qui peut
creîre en son cœur à la remission des péchés,
celui-là est sauvé. >
« De même qu'il est impossible de rencontrer
dans la nature le ^oïni mathématique, indivisible,
de même l'on ne trouve nulle part la justice telle
quela Loila demande. Personne ne peut satisfaire
à la Loi entièrement, et les juristes eux-mêmes,
malgré tout leur art, sont bien souvent obligés de
recourir à la rémission des péchés, car ils n'at-
teignent pas. toujours le but , et quand ils ont
rendu un faux jugement , et que le Diable leur
tourmente la conscience , ni Barthole , ni Baldus,
ni tous leurs autres docteurs ne leur servent de
I
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152 ffftaioiiifss
rien. Potuf réabiter» iU sont ft>rci£s de se couTiir
de YiwtiiKumfdeiSi'è^diTe de la rémiasion de»
péchés» Ils font leur possible pour bien juger, et
après cela il ne leur reste plus qu'à dire : < Si j'ai
mal jugé , 6 mon Dieu , pardonne*le-moi. » *^
C'est la théologie seule qui possède le point ma-
thématique, elle ne tâtonne paa^ elle a le Yerbe
même de Dieu. Elle dit : a II n'est qu'une justice,
Jésus-GhrÎBt. Qid vit en lui, celui-là est juste. »
» La Loi sans doute est nécessaire , mais non
pour la béatitude^ bar {lenoniné ne peut Tac-
complir ; mais le pardon des péchés la consomme
et l'accomplit.
» La Loi est un vrai labyrinthe qui nepeatano
brouiller les consciences, et la justice de la Loi «t
un minotaure, c'èst-à-dird une pure fiction qni
ne nous conduit point à la béatitude , mais nous
attire en enfer. >
Addition de Luther a wne lettre de Mélanrchion
sur la Grâce et la Lei... — . « Pour me délivrer
entièrement de la vue de la Loi et des œuvres»
je ne me contente pas même de voir en Jésua-
Christ mon maitre , mon docteur et mon dona-
teur, je veux qu'il soit lui-même ma doctrine et
mon don , de telle sorte , qu'en lui je possède
toute chose. Il dit : « Je suis le chemin, la vé-
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01 LVTHBB. 1S3
rite et la vie , > non pas : < Je te montre ou je
te donne le chemin , la vérité et la vie, » comme
s'il opérait seulement ceci en moi » et que lui-
même il fut néanmoins en dehors de moi... > —
■ 11 n'est qu'un seul point dans toute la théolo*
gie : Traie foi et confiance en Jésus-Christ. Cet
article contient toizs les autres. — « Notre foi est
un soupir inexprimable. » £t ailleurs : t Nous
sommes nos propres geôliers. (C'est-à-dire que
nous nous enfermons dans nos œuvres, au lieu
de nous élancer dans la foi.)
» Le diable veut seulement une justice aeiiv^,
une justice que nous fassions nous-mêmes en
nous y tandis que nous n'en avons qu'une pas-
être et^rangère qu'il ne veut point nous laisser.
Si nous étions bornés à V active, nous serions
perdus, car elle est défectueuse dans tous les
hommes. »
Cn docteur anglais, Antonius Bams, deman-
dait au docteur Luther si les chrétiens, justifiés
par la foi en Christ, méritaient quelque chose
pour les œuvres qui venaient ensuite. Car cette
question était souvent agitée en Angleterre.
Réponse :'PNous sommes encore pécheurs
aprèt la justification ; 2® Dieu promet récom*
pense à ceux qui fout bien. Les œuvres ne mé-
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154 VÉMOIBES
ritent point le ci«l , mais elles ornent la foi qui
nous justifie. Dieu ne couronne que les dom
mêmes qu^il nous a faits.
FiDELis AifiHJi vox AD GiiRisTiiM. Ego êum tuum
peccatum, tu mea justùia'; triumpho igùur se-
curus, etc.
«Pour résister au désespoir, il ne suffit pai
d'avoir de vains mots sur la langue , ni une vainc
et faible opinion; mais il faut qu'on relève h
tête , que Ton prenne une âme ferme et que Toc
se confie en Christ contre le péché, la mort,
l'enfer, la Loi et la mauvaise conscience. »
< Quand la Loi t'accuse et te reproche ta
fautes, ta conscience te dit: Qui, Dieu a donm
la Loi et commandé de l'observer sous peifte de
damnation éternelle; il faut donc que tu soi:
damné. A cela tu répondras: Je sais bien que
Dieu a donné la Loi , mais il a aussi donné pai
son fils l'Évangile qui dit : Celui qui aura reçu h
baptême et qui croira, sera, sauvé. Cet Évan£ph
est plus grand que toute la Loi , car la Loi es
terrestre et nous a été transmise par un homme
l'Évangile est céleste et nous a été apporté par 1
Fils de Dieu. — N'importe, dit la conscience, ti
aa péché et transgressé le commandement d
Bieu) donc tu seras damné. — Réponse: Je sai
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DB LUTHEE. 155
fort bien que j'ai péché, mais l'Évangile m'af-
franchit de mes péchés, parce que je crois en
Jésus, et cet Évangile est élevé au-dessus de la
Loi autant que le ciel l'est au-dessus de la terre.
C'est pourquoi le corps doit rester sur la terre et
porter le fardeau de la Loi, mais la conscience
monter, avec Isaac, sur la montagne, et s'atta-
cher à l'Évangile, qui promet la vie éternelle à
ceux qui croient en Jésus-Christ. — N'importe ,
dit encore la conscience, tu iras en enfer; tu n'as
pas observé la Loi, — Réponse: Oui, si le ciel
ne venait à mon secours; mais il est venu à mon
secours, il s'est- ouvert pour moi; le Seigneur a
dit: Celui qui sera baptisé et qui croira, sera
sauvé. »
Dieu dit à Moïse: Tu verras mon dos, mais non
point mon visage. Le dos c'est la Loi , le visage
c'est l'Évangile. »
« La Loi ne souffre pas la Grâce , et à son tour
la Grâce ne souffre pas la Loi. La Loi est donnée
seulement aux orgueilleux , aux arrogans , à la
noblesse , aux paysans , aux hypocrites et à ceux
qui ont mis leur amour et leur plaisir dans la
multitude des lois. Mais la Grâce est promise aux
pauvres cœurs souffrans , aux humbles , aux af-
fllgés; c'est eux que regarde le pardon des pé-
Digitized by VjOOÇIC
À
1 56 MÉHOIRBS
chés. A la Grâce appartiennent maître Nicobs
Hausmann , Gordatus , Philippe ( Hélanchton ) et
moi. >
« Il n'y a point d'auteur, excepté saint Paul,
qui ait écrit d'une manière complète et parfaite
sur la Loi , car c'est la mort de toute raison de
juger la Loi : l'esprit en est le seul juge.iL (15 août
15S0.)
c La bonne et véritable théologie consiste daiu
la pratique , l'usage et l'exercice. Sa base et son
fondement, c'est le Christ, dont on comprend
arec la foi , la passion , la mort et la résurrection
Ils se font aujourd'hui, pour eux, une théologù
spéculative d'après la raison. Cette théologie spé-
culative appartient au diable dans l'enfer, Ains
Zwingle et les sacramentaires spéculent que h
corps du Christ est dans le pain , mais seulemen
dans le sens spirituel. C'est aussi la théologie
d'Origène. David n'agit pas ainsi, mais il recon
nait ses péchés et dit: Miserere tnei Domine!
« J'ai vu naguère deux signes au ciel. Je regai
dais par la fenêtre au milieu de la nuit, et je v
les étoiles et toute la voûte majestueuse de Die
se soutenir sans que je pusse apercevoir les c(
lonnes sur lesquelles le Maître avait appuyé celi
voûte. Cependant elle ne s'écroulait pas. Il y c
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01 iitTHBm. 157
a maintenant qui cherchent ces colonnes et qui
Tondraient les toucher de leurs mains. Mais
comme ils n'y peuvent arriver ,^ils tremblent, se
lamentent, et craignent que le ciel ne tombe. Us
pourraient les toucher que le ciel n'en bougerait
pas.
» Plus tard je vis de gros nuages, tout chargés,
qui flottaient sur ma tête comme un océan. Je
n'apercevais nul appui qui les pût soutenir.
Néanmoins, ils ne tombaient pas, mais nous sa-
luaient tristement et passaient. £t comme ils pas-
saient, je distinguai dessous la courbe qui les
avait soutenus, un délicieux arc-en-ciel. Mince
il était sans doute , bien délicat , et l'on devait
trembler pour lui en voyant la masse des nuages.
Cependant cette ligne aérienne suffisait pour por-
ter cette charge et nous protéger. Nous en voyons
toutefois qui craignent le poids du nuage, et ne
se fient pas au léger soutien ; ils voudraient bien
en éprouver la force, et, ne le pouvant, ils
craignent que les nuages ne fondent et Yie nous
abîment de leurs flots Notre arc-en-ciel est
faible, leurs nuanges sont lourds. Mais la fin ju-
gera de la force de l'arc. Sed in fine vidêbitur
eujus ioni, c (août 1530.)
14
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158 aiMoiau
CHAPITRE IV.
D«f noTaUan : Mystiqnei , eCe.
« Le comint Qt nous réussit mal , c'est ]a cai
de la ruine d'Adam.
» Je crains deux choses : Tépicuréisme et Fi
thousiasme, deux sectes qui doivent régner <
core.
» Otez le décalogue, il n'y a plus d'héré
L^Écriture sainte est le livre de tous les hén
ques. >
Luther nommait les esprits séditieux et pi
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DB LUTHBR. 159
somptueux, « des saints précoces qui, avant la ma-
turité, étaient piqués des vers et au moindre vent
tombaient de l'arbre. Les rêveurs (schwermer)
sont comme les papillons. D'abord c'est une che-
nille qui se pend à un mur , s'y fait une petite
maison, éclot à la chaleur du soleil, et s'envole
en papillon. Le papillon meurt sur un arbre et
laisse une longue traînée d'œuis. »
Le docteur Martin Luther disait au sujet des
feux frères et hérétiques qui se séparent de nous ,
qu'il fallait les laisser faire et ne pas s'en inquié-
ter ; s'ils ne nous écoutent point, nous les enver-
rons avec tous leurs beaux semblans en enfer.
« Quand je commençai à écrire contre les in-
dulgences, je fus pendant trois ans tout seul, et
personne ne me tendait la main. Aujourd'hui ils
veulent tous triompher. J'aurais hicn assez de
mal avec mes ennemis sans celui que ine font mes
bons petits frères. Mais qui peut résister à tous?
ce sont des jeunes gens tout frais, qui n'ont
rien fait jusqu'ici; moi je suis vieux maintenant,
et j'ai eu de grandes peines, de grands travaux.
Osiander peut faire le fier; il a du bon temps; il
a deux prédications à faire par semaine et quatre
cents florins par an. »
« En 1521 , il vint chez moi l'un de ceux de
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100 lliMOIlLBS
Zwickau, du nom de Marcus^ assez afiable dans
ses manières, mais frivole dans ses opinions et
dans sa vie. Il voulait conférer avec moi au sujet
de sa doctrine. Gomme il ne parlait que de cho-
ses étrangères à TÉcriture, je lui dis que je ne re-
connaissais que la parole de Dieu, et que, s'il
voulait établir autre chose, il devait au moins
prouver sa mission par des miracles. Il me ré-
pondit : « Des miracles? ah! vous enverrez dans
sept ans. Dieu même ne pourrait m'enlever ma
foi. » Il dit aussi : c Je vois de suite si quelqu'un
est élu ou non. » — Après qu'il m'eut beaucoup
parlé du talent qu'il ne fallait pas enfouir, du
dé grossissement , de Vennui, de V attente, je lui
demandai qui comprenait cette langue. Il me ré-
pondit qu'il ne prêchait que devant les disciples
croyans et habiles. Gomment vois-tu qu'ils sont
habiles? lui dis-je. — Je n'ai qu'à les regarder,
répondit-il , pour voir leur talent. — Quel talent,
mon ami, trouves-tu en moi par exemple? —
Vous êtes encore au premier degré de la mobi-
lité, me répondit-il^ mais il viendra un temps
où vous serez au premier de l'immobilité comme
moi. — Sur ce, je lui citai plusieurs textes de
l'Écriture et nous nous séparâmes. Quelque
temps après, il m'écrivit une lettre très amicale.
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DB lUTHBR. 161
pleine d'exhortations; mais je lui répondis :
Adieu, cherMarcus.
» Plus tard , il vint chez moi un tourneur qui
se disait aussi prophète. Il me rencontra au mo-
ment où je sortais de ma maison , et me dit d'un
ton hardi : « Monsieur le docteur , je vous apporte
un message de mon Père. — Qui est donc ton
père? lui dis-je. — Jésus-Christ, répondit-il. —
C'est notre père commun, lui dis-je; que t'a-t-il
ordonné de m'annoncer ? — Je dois tous annon-
cer , de la part de mon père , que Bien est irrité
contre le monde. — Qui te l'a dit ? — Hier , en
sortant par la porte de Kosivick , j'ai vu dans l'air
un petit nuage de feu; cela prouve évidemment
que Dieu est irrité. » Il me parla encore d'un
autre signe. « Au milieu d'un sommeil profond ,
dit-il, j'ai vu des ivrognes assis à tahle, qui di-
raient : Buvons^ buvons; et la main de Bien
était au-dessus d'eux. Soudain l'un d'eux me versa
de la bière sur la tête et je m'éveillai. » — Écoute,
mon ami, lui dis-je alors, ne plaisante pas ainsi
avec le nom et les ordres de Bien; et je le répri*
mandai vivement. Quand il vit dans quelles dis-
positions j'étais à son égard , il s'en alla tout en
colère et murmurant : t Sans doute quiconque
ne pense pas comme Luther est un fou. »
14.
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162 MEMOiaKS
)iTUne autre fois encore, j'eus affaire à un
homme des Pays-Bas. Il youlait disputer avec moi
jusqu'au feu inclusivemeni , disait-il. Quand je
vis son ignorance , je lui dis : « Ne vaudrait-il
pas mieux que nous disputassions sur quelques
canettes de bière ? > Ce mot le fâcha , et il s'en
alla. Le diable est un esprit orgueilleux; il ne
saurait souffrir qu'on le méprise. »
Maître Stiefel vint à Wittemberg, parla secrè-
tement^avec le docteur Luther, et lui montra son
opinion en vingt articles, sur le jugement der-
nier. Il pensait que le jugement aurait lieu le
jour de saint Luc. On lui dit de se tenir tran-
quille et de n'en point parler; ce qui le chagrina
fort, c Cher seigneur docteur, dit-il, je m'étonne
que vous me défendiez de prêcher ceci , et que
vous ne vouliez pas me croire. Il est cependant
sûr que je dois en parler, quoique je ne le fasse
point volontiers. > Le docteur Luther lui répliqua :
t Cher maître , vous avez bien pu vous taire dix
ans sur ce sujet, pendant le règne de la papauté;
tenez- vous encore tranquille pour le peu de temps
qui reste. — Mais ce matin même, comme je me
mettais en marche de bonne heure, j'ai vu un
arc-en-ciel très beau, et j'ai pensé à la venue du
Christ. — Non , il n'y aura point alors d'arc-on-
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DB LUTHE&. 163
ciel ; d'un même coup le feu du tonnerre consu-
mera toute créature. Un fort et puissant son
de trompette nous réveillera tous. €e n'est pas
avec le son du chalumeau que l'on se fera en-
tendre sur-le-champ à ceux qui sont dans la
tombe. » (15âS.)
« Michel Stiefel croit être le septième ange qui
annonce le dernier jour; il donne ses livres et
ses meubles, comme s'il n*en avait plus besoin.
]» fiileas est certainement damné, quoiqu'il ait
eu de bien grandes révélations, pas moindres
que celles de Daniel, car il embrasse aussi les
quatre empires. C'est un terrible exemple pour
les orgueilleux. Oh! humilions-nous. »
» Le docteur Jeckel est un compagnon de
l'espèce de Eisleben (Agricola). Il faisaitla cour à
ma nièce Anna; mais je lui dis: « Gela ne doit
point se faire , dans toute l'éternité !» £t à la pe-
tite fille: « Si tu veux l'avoir, ôte-toi pour tou-
jours de, devant mes yeux, je ne veux plus te
voir ni t'entendre. »
Le duc Henri de Saxe étant venu à Wittem-
berg, le docteur Martin Luther lui parla deux
fois contre le docteur Jeckel, et exhorta le prince
à songer aux maux de l'Église. Jeckel avait prêché
la doctrine suivante: « Fais ce que tu veux , crois
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1 64 MilfOlAES
seulement, tu seras sauré. — Il faudrait dire:
Quand tu seras rené , et devenu un nouvel
homme, fais alors ce qui se présentée toi. Les
sots ne savent point ce que c'est que la foi... *
Un pasteur de Torgau vint se plaindre au doc-
teur Luther de l'insolence et de rhypocrisie da
docteur Jeckel , qui » par ses ruses , avait attiré
à lui tous ceux de la noblesse , du conseil , et le
prince même. Le docteur l'ayant entendu, fré-
mit , soupira, se tut , et se mit en prière ; et le
même jour, il ordonna qu'on exigeât d'Eisleben
(Agricola), qu'il fit une rétractation publique, ou
qu'il fût publiquement confondu.
« Le docteur Luther faisant reproche à Jeckel
de ce qu'ayant si peu d'expérience, étant si peu
exercé dans la dialectique et la rhétorique, il
osait entreprendre de telles choses contre ses
maîtres et précepteurs; il répondit: • Je dois
craindre Dieu plus que mes précepteurs; j'ai un
Dieu aussi bien que vous...» Le docteur Jeckel
se mit ensuite à table pour souper, il avait Vair
sombre; et le docteur Luther se curait les dents,
ainsi que les convives venus de Freyberg. Alors
Luther se mit à dire : « Si j'avais rendu la cour
aussi pieuse que vous le monde , j'aurais bien
travaillé, etc. • Et Jeckel se tenait toujours avec
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OB LUTES A. 165
un air sombre , les yeux baissés, montrant , par
cette contenance , ce qu'il avait en esprit. En-
fin Luther se leva, et voulut sortir; Jeckel au-
rait encore bien voulu s'expliquer et discuter
avec lui^ mais le docteur ne voulut plus lui
parler. »
Des Antinomienê , et particulièi'ement d'Eisle-
ben {Agricola). — « Ah ! combien cela fait mal ,
quand on perd un bon ami qu'on aimait beau-
coup! J'ai eu cet homme-là à ma table; il a été
mon bon compagnon , il riait avec moi , il était
gai... et voilà qu'il se met contre moi!... Gela
n'est point à soujQrir» Rejeter la loi sans laquelle
il n'y a ni église, ni gouvernement, cela ne s'ap-
pelle pas percer le tonnean , mais le défoncer...
C'est le moment de combattre... Puis-je le voir
s'enorgueillir pendant ma vie , et vouloir gouver-
ner?... Il ne suffit pas qu'il dise, pour s'excuser,
qu'il n'a parlé que du docteur Greuziger et de
maître Roerer. Le Catéchisme, l'Explication du
décalogue et la Confession d'Augsbourg, sont
miens, et non point à Creuziger ou à Roerer... Il
veut enseigner la pénitence par l'amour de la jus-
tice. Ainsi, il ne prêche qu'aux hommes justes et
pieux la révélation du courroux divin. Il ne prê-
che pas pour les impies. Cependant saint Paul
Digitizedby Google
166 ninoiaiM
dit: La Loi est donnée aux injuêtes. En somme,
en ôtant la Loi, il 6te anssi TÉvangile ; il tire no^
tre croyance du ferme appui de la conscience ,
pour la soumettre aux caprices de la chair.
« Qui aurait pensé à la secte des antînomiens?...
J'ai surmonté trois cruels orages : Mûnzer, les
sacramentaires et les anabaptistes. Il faudra donc
écrire sans fin! Je ne désire pas vivre long-temps,
car il n'y a plus de paix à espérer. • (15S8.)
Le docteur Luther ordonna à maître Ambrobe
Bernd d'apprendre aux professeurs de Tunirer-
sité à ne point être factieux , à ne point préparer
de schisme, et il défendit que maître Ëisleben fût
élu doyen... « Dites cela à vos facultistes, et s'ib
n'en font pen, je prêcherai contre eux. » (1539.)
Le dernier jour de novembre, Luther était
en joie et en gaîté avec ses cousins, son frère , sa
sœur, et quelques bons amis de Mansfeld. On
fit mention de maître Grickel , et ils le priaient
pour lui. Le docteur répondit : « J'ai tenu cet
homme-là pour mon plus fidèle ami; mais il m'a
trompé par ses ruses, j'écrirai bientôt contre lui;
qu'il y prenne garde; il n'y a en lui aucune pé-
nitence. » (1538.)
« J'ai eu tant de confiance en cet homme-là
( Eisleben ) , que , lorsque j'allai à Smaikalde,
dby Google
DB LUTHBE. 167
en 15S7y je lui recommandai ma chaire, mon
Église, ma femme, mes enfans, ma maison, tout
ce que j'avais de secret. »
Le dernier jour de janvier , 15S9, au soir^ le
docteur Luther lut les propositions qu'£isleben
allait soutenir contre lui; il y avait mis je ne sais
quelles absurdités de Saûl et de Jonathas ( J'ai
mangé un peu de miel , et c'est pour cela que je
meurs). • Jonathas, dit Luther, c'est maître Eisle-
ben qui mange le miel et prêche l'Évangile; Saûl,
c'est Luther... Ah! Ëisleben, es-tu donc un tel...
Oh ! Dieu te pardonne ton amertume ! »
« Si la Loi est ainsi renvoyée de l'Église au con-
seil, à l'autorité civile, celle-ci dira à son tour :
Nous sommes aussi fidèles chrétiens , la Loi ne
noui regarde point. Le bourreau finira par en
dire autant. Il n'y aura plus que grâce, douceur,
et bientôt caprices effrénés et scélératesse. Ainsi
commença Mûnzer. »
En 1540, Luther donna un repas auquel assis-
tèrent les principaux membres de l'Université.
Vers la fin du repas, quand tout le monde fut
en belle humeur , un verre à cercles de couleurs
fut apporté. Luther y versa du vin et le vida
à la santé des convives. Ceux-ci lui rendirent
son salut en vidant le verre chacun à son tour , à
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168 MÉHOiaBs ,
la santé de leur hôte. Quand ce fut le tour de
maître Eisleben , Luther lui présenta le verre en
disant : « Mon cher, ce qui, dans ce verre, est
au-dessus du premier cercle, ce sont les dix corn-
mandemens; de là jusqu'au second, c^estle credo;
jusqu'au troisième, c'est le pater noster; le caté-
chisme est au fond. > Puis il le vida lui-même,
le fit remplir de nouveau et le donna à maître
Eisleben. Celui-ci n'alla point au-delà du pre-
mier cercle , il remit le verre sur la table et ne le
put regarder sans une espèce d'horreur. Luther
le vit , et il dit aux convives : • Je savais bien
que maître Eisleben ne boirait qu'aux Gomman-
demeas, et qu'il laisserait le credo ,]e pater 9u>8ief
et le catéchisme. »
Maître Jobst étant à la table de Luther, lai
montra des propositions d'après lesquelles on
ne devait point prêcher la Loi, puisque ce n'esi
pas elle qui nous justifie. Luther s'emporta e
dit : • Faut-il que les nôtres commencent d<
telles choses , même de notre vivant. Ah ! fM>m
bien nous devons honorer maître Philippe (Mé
lanchton), qui enseigne avec clarté et vérit
l'usage et l'utilité de la Loi. Elle se vérifie, l
prophétie du comte Albert de Mansfeld qui mV
crivait : Il y a derrière cette doctrine un Miknze\
En cfiet , celui qui détruit la doctrine de la L<
Digitizedby Google
f DE LVTHBE. 169
détruit en même iem^spolùicam et œconomiam.Si
l'on met la Loi en dehors de l'Église , il n'y aura
plus de péché reconnu dans le monde : car l'Évan-
gile ne définit et ne punit le péché qu'en recou-
rant à la Loi. > (1341.)
< Si, au commencement, j'ai dans ma doctrine
parlé et écrit si durement contre la Loi, cela est
venu de ce que TÉglise chrétienne était chargée
de superstitions, sous lesquelles Christ était
tout-à-fait obscurci et enterré. Je voulais sauver
et affranchir de cette tyrannie de la conscience
les âmes pieuses et craignant Dieu. Mais je n'ai
jamais rejeté la Loi... »
IK
Digitizedby Google .
170 MiMOian
CHAPITRE y.
TwUUoM : Ae|r«U «C dontet des mmii, de U l«inm«; Dovttf
dm Luther lui-m^e*
Maître Philippe Mélanchton dit un jour la
fable suivante à la table du docteur Martin Lu-
ther : < Un homme avait pris un petit oiseau , et
le petit oiseau aurait bien voulu être libre ; et il
disait à l'homme : 0 mon bon ami, lache-moi,
je te montrerai une belle perle qui vaut bien des
milliers de florins! Tu me trompes, ditThorame.
Oh non! aie confiance, viens avec moi, je vais
te le montrer. L'homme lâche l'oiseau , qui se
perche sur un arbre et lui chante : Crede paràm,
tua êerva, et quœ periére, relinque{ne te confie
pas trop, garde bien le tien, laisse ce qui est
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M LtTHSB« 171
perdu sans retour ). C'était en effet une belle
perle qu'il lui laissait. »
c Philippe me demandait une fois que je vou-
lusse lui tirer de la Bible une devise, mais telle
qu'il ne s'en lassât point. On ne peut rien don-
ner à l'homme dont il ne se lasse. »
« Si Philippe n'eût pas été si affligé par les
tentations, il aurait des idées et des opinions
singulières.»
Le paradis de Luther est très grossier. Il croit
que, dans le nouveau ciel et la nouvelle terre, il
y aura aussi des animaux utiles. « Je pense sou-
vent à la vie éternelle et aux joies que Ton doit y
trouver, mais je ne puis comprendre à quoi nous
y passerons le temps, car il n'y aura aucun chan-
g^ement, aucun travail, ni boire, ni manger, ni
affaires; mais je pense que nous aurons assex
d'objets à contempler. Sur cela, Philippe Mé-
lanchton dit très bien : Maitre, montrez-nous le
Père; cela nous suffit. >
« Les paysans ne sont pas dignes de tant de
fruits que porte la terre. Je remercie plus notre
Seigneur pour un arbre que tous les paysans
pour tous leurs champs. Ah! domine doctor, dit
Mélanchton , exceptez- en quelquesr-uns , tels
qu'Adam, Noê, Abraham Jsaac.» .
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172 - MiHOlftBS
• Le docteuif Jonas disait à souper : Ah!
comme saint Paul parle magnifiquement de sa
mort. Je ne puis pourtant le croire. — Il me sem-
ble aussi, dit le docteur Luther, que saint Paul loi-
méme ne pouvait penser sur cette matière avec
autant de force qu'il parlait ; moi-même, malheu-
reusement, je ne puis sur cet article croire aussi
fortement que prêcher, parler et écrire, ausâ
fortement que d'autres gens s'imaginent que je
crois. Et il ne serait peut-être pas bon que nous
fissions tout ce que Bien commande, car c'eo
serait fait de sa divinité; il se trouverait men-
teur , et ne pourrait rester véridique dîiiis ses ,
paroles. »
« Un méchant et horrible livre contre la sainte
Trinité ayant été publié par l'impression, en 1633,
le docteur Martin Luther dit : « Ces esprits chi-
mériques ne croient pas que d'autres gens aient
eu aussi des tentations sur cet article. Mais poQ^
quoi opposer ma pensée à la parole de Diea et
au saint-Esprit {ppponere meam cogitafionem verho
Dei, et spiritui sancio) ? Cette opposition ne sou-
tient pas l'examen. >
La femme du docteur lui disait : « Seigneur
docteur, d'où vient que sous la papauté nous
priions si souvent et avec tant de ferveur, tan-
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DB lOTHBE. 173
dit qu'àtijcnird'hiiî noire prière e^ tout-^-faii
froide, et nous prions rarement? » Le docteur
répondit : < Le diable pousse sans cesse ses
serviteurs à pratiquer diligemment son culte. »
Le docteur Hartin Luther exhortait sa femme
à lire etéconter avec soin la parole de ]>teu, par-*
iiculièrement le psautier. £lle répondît qu^elle
réeoutait suffisamment, et en lisait chaque jour;
qu'elle ponrrart même, s'il plaisait à Dieu, en
répéter beaucoup de choses. Le docteur soupira
et dit : • Ainsi comftence le dégoût de la parole
de Dieu. C'est le signe d'un mal futur. Il Tiendra
de nouveaux livres, et la sainte Écriture sera
méprisée , jetée dans un coin^ et comme on dit :
sous la table.
Luther demandait à sa femme si elle aussi
croyait qu'elle fût sainte? Elle s'en étonna, et
dît ! « Gomment puis-je être sainte , je suis une
grande pécheresse. » Il dit alors : « Voyez pour-
tant l'horreur de la doctrine papale , comme elle
a blessé les cœurs et préoccupé tout Vhomme
intériear. Ils ne sont plus capables de rien voir,
hors la piété et la sainteté personnelle et exté-
rieure des œuvres que l'homme même fait pour
soi. >
< Le Pater noster et la foi , me rassurent contre
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174 KiMOlAU
le diable. Ha petite Madeleine et mon petit Jean
prient en outre pour moi, ainsi que beaucoup
d'autres chrétiens... J'aime ma Catherine , je
Taime plus que moi-même, car je voudrais mou-
rir plutôt que de lui Toir arriver du mal à elle
et à ses enfans; j'aime aussi mon Seigneur Jésus-
Christ qui, par pure miséricorde, a versé son
sang pour moi ; mais ma foi devrait être beau-
coup plus grande et plus vive. 0 mon Bien! ne
juge point ton serviteur ! >
flc Ce qui ne contribue pas peu à affliger et
tenter les cœurs, c'est que Dieu semble capri-
cieux et changeant. Il a donné à Adam des pro-
messes et des cérémonies, et cela a fini avec
Tare- en- ciel et l'arche de Noé. Il a donné à
Abraham la circoncision , à Moïse des signes mi-
raculeux, à son peuple la Loi; mais au Christ, et
par le Christ, l'Évangile, qui est considéré comme
annulant tout cela. Et voilà que les Turcs effacent
cette voix divine , et disent : Votre loi durera
bien quelque temps, mais elle finira par être
changée. > (Luther n'ajoute aucune réflexion.)
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>B Lirma. 175
V^
CHAPITRE YI.
Z^ diabl*. — TcnUtloni*
« Une fois, dans notre cloitre à Wittemherg ^
j'ai entendu distinctement le bruit que faisait
le diable. Gomme je commençais à lire le psau-
tier, après avoir chanté matines, que j'étais as-
sis, que j'étudiais et que j'écrivais pour ma le-
çon, le diable vint et fit trois fois du bruit
derrière mon poêle, comme s'il en eut traîné un
boisseau. Enfin, comme il ne voulait point finir,
je rassemblai mes petits livres et allai me mettre
an lit... Je l'entendis encore une nuit au-dessus
de ma chambre dans le cloitre j mais comme je
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176 HinoT&ES
remarquai que c'était le diable , je n'y fis pas
attention et me rendormis. »
« Une jeune fille qui était Tamie du vieil éco-
nome à Wittemberg, se trouvant malade, il se
présenta à elle une vision comme si c'eût été le
Christ sous une forme belle et magnifique ; elley
crut et se mit à prier cette figure. On envoya en
hâte au cloître chercher le docteur Luther. Lors-
qu'il eût vu la figure , qui n'était qu'un jeu et
une singerie du diable , il exhorta la fille à ne pas
se laisser duper ainsi. £n efiet , dès qu'elle eut
craché au visage du fantôme, le diable disparut,
la figure se changea en un grand serpent qui con-
rut à la fille et la mordit à l'oreille , de sorte que
le sang coula. Le serpent s'évanouit bientôt. Le
docteur Luther vit la chose de ses propres yenx,
avec beaucoup d'autres personnes. (L'éditeur des
Conversations ne dit point tenir cette histoire de
Luther.)
Un pasteur des environs de Torgau se plaignait
à Luther que le diable faisait la nuit un bruit,
un tumulte et un renversement extraordinaires
dans sa maison , qu'il lui cassait ses pots et sa
vaisselle de bois , lui jetait les morceaux à la tète,
et riait ensuite. Il faisait ce manège depnis tirt
an, et ni sa femme, ni ses enfans ne voulaient
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BB LUTHU. 177
plus rester dans la maison. Luther dît au pas*
teur: «Cher frère, sois fort dans le Seigneur,
ne cède point à ce meurtrier de diable. Si l'on
n'a point înTÎté et attiré cet hôte chet soi par ses
péchés, on peut lui dire : Ego auctoritaie divinâ
hic êum paier familioê et vocatione cœlesii pastor
ecclesiœ; mais toi, diable, tu te glisses dans
cette maison comme un Toleur et un meurtrier.
Pourquoi ne restes-tu pas dans le ciel? Qui t'a
invité ici? »
Sur une poMédée. < Puisque ce diable est un
esprit jovial, et qu'il se moque de nous tout à
son aise, il nous faut d'abord prier sérieusement
pour la jeune fille qui souffre ainsi à cause de nos
péchés. Ensuite il faut mépriser cet esprit et s'en
rire, mais ne pas aller l'éprouver par des cxor-
cismes et autres choses sérieuses, parce que la
superbe diabolique se rit de tout cela. Per*
sévérons dans la prière pour la jeune fille et
dans le mépris pour le diable > et enfin, avec la
grâce du Christ, il se retirera. Il serait bon aussi
que les princes voulussent réformer leurs vices,
dans lesquels cet esprit malin nous montre qu'il
triomphe. Jeté prie, puisque c'est une chose di*
gne d'être publiée^ de t'informer exactement de
toutes les circonstances ; pour écarter toute
dby Google .
178 iciHOiHis
fraude, ai§ure*toi si les pièces d'or que cette fille
avale sont de vraies pièces d'or, et de bon aloL
Car j'ai été jusqu'à présent obsédé de tant de
fourberies, de ruses, de machinations, de men-
songes, d'artifices, que je ne me prête plus ai-
sément à rien croire que je n'aie vu fiiire et dire.»
(5 août 15S6.)
« Que ce pasteur n'ait pas la conscience trou-
blée de ce qu'il a enseveli cette femme qui s'é-
tait tuée elle-même , si toutefois elle s'est tuée.
Je connais beaucoup d'exemples semblables,
mais je juge ordinairement que les gens ont été
tués simplement et immédiatement par le diable,
comme un voyageur est tué par un brigand. Car,
lorsqu'il est évident que le suicide n'a pu avoir
lieu naturellement, quand il s'agit d'une corde,
d'une ceinture ou (comme dans le cas dont tu me
parles) d'un voile pendant et sans nœud , qui ne
tuerait pas même une mouche , il faut croire, se-
lon moi , que c'est le diable qui fascine les hommes
et leur fait croire qu'ils font toute autre chose,
par exemple une prière ; et cependant le diable
les tue. Néanmoins le magistrat fait bien de punir
avec la même sévérité , de peur que Satan ne
prenne courage pour s'introduire. Le monde mé-
rite bien de tels arertissemens, puisqu'il épicu-
dby Google
DB LDTRBB. 170
rise et pense que le démoa n'est rien. » (I"" dé-
cembre 1544.)
< Satan a voulu tuer notre prieur» en jetant
sur lui un pan de mur. Mais Dieu Ta miraculeuse-
ment sauvé. > (4 juillet 1524.)
« Les fous, les boiteux, les aveugles , les muets
sont des hommes chez qui les démons se. sont éta.
blis. Les médecins qui traitent ces infirmités,
comme ayant des causes naturelles, sont des
ignorans qui ne connaissent point toute la puis-
sance du démon. > (14 juillet 13â8.)
€ Il y a des lieux, dans beaucoup de pays, où
habitent les diables. La Prusse a grand nombre
de mauvais esprits. En Suisse , non loin de Ln-
ceme, sur une haute montagne, il y a un lac
qu'on appelle l'étang de Pilate ; le diable y est
établi d'une manière terrible. Dans mon pays,
il y a un étang situé de même. Si l'on y jette une
pierre, il s'élève un grand orage, et tout le pays
tremble à l'entour. C'est une habitation de dia-
bles qui y sont prisonniers.
> Le diable a emporté à Sussen , le jour du
Tendredi saint , trois écuyers qui s'étaient voués
à lui. > (1538.)
Un jour de grand orage , Luther disait : < Ceat
le diable qui (ait ce temps-là; les vents ne sont
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180 aittouBS
antre chose que de bons ou de mauvais esprits. La
diable respire et souffle. >
Deux nobles avaient juré de se tuer l'un l'autre
(du temps de Maximilien). Le diable ayant tué
l'un d*eux dans son lit avec l'épée de l'autre le
survivant fut amené sur la place publique. On
enleva la terre couverte par son ombre, et on le
bannit du pays. C'est ce qui s'appelle mors ci-
9ilis. Le docteur Grégoire Bruck , chaneelier
de Saxe , fit ce récit à Luther.
Suivant deux histoires de gens avertis d'avance
qu'ils seraient emportés par le diable, et qui, quci
qu'ils eussent reçu le saint sacrement, et qu'Us
fussent gardés avee des cierges par leurs amis en
prières , n'en furent pas moins emportés au jour
et à l'heure marqués. « Il a bien crucifié notre
Seigneur lui-même. Mais, pourvu qu'il n'emporte
pas l'âme, tout va bien. »
« Le diable promène les gens dans leur som-
meil de côté et d'autre , de sorte qu'ils font toute
chose comme s'ils vetUai^it. Autrefois les pa-
pistes, comme g^is superstitieux, disaient qut
de tels hommes devaient ne pas avoir été bien
baptisés, ou qu'ils l'avaient peut-être été par ui
prêtre ivre. •
« Aux Pays-Bas et en Saxe, un diien mont
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DB LUTHER. l81
trueux sent les gens qui doivent mourir, et rôde
autour...
> Les moines conduisaient chez eux un pos-
sédé. Le diable qui était en lui, dit aux moines:
« 0 mon peuple, que t'ai-je fait ! » Populemeus,
quidfeci tibif ■
On racontait à la table de Luther qu'un jour ,
dans une cavalcade de gentilshommes, Tun d'eux
s'était écrié en piquant des deux : « Au diable le
dernier!» Comme il avait deux chevaux, il en
lâcha un; et celui-ci, restant le dernier, le
diable l'emporta avec lui dans les airs. Luther
dit à cette occasion: « Il ne faut pas convier
Satan à notre table. Il vient sans avoir été prié.
Tout est plein de diables autour de nous; nous-
mêmes qui veillons et qui prions journellement ,
nous avons assez affaire à lui. »
« Un vieux curé, faisant un jour sa prière,
entendit derrière lui le diable qui voulait l'en
empêcher, et qui grognait comme aurait fait tout
un troupeau de porcs. Le vieux curé, sans se
laisser effrayer , se retourna et lui dit : « Maître
diable, il t'est bien advenu ce que tu méritais)
tu étais un bel ange , et te voilà maintenant un
vilain porc. » Aussitôt les grognemens cessèrent,
ToM« 11. 16
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182 ttiuoiiiES
car le diable ne peut souffrir qu*oa le méprise..,
La foi le rend faible comme un eniant. »
c Le diable redoute la parole de Dieu. Il ne la
peut mordre ; il s'y ébrèche les dents. »
« Un jeune vaurien , sauvage et emporté , bu-
vait un jour avec quelques compagnons dans un
cabaret. Quand il n'eut plus d'argent , il dit que
s'il se trouvait quelqu'un qui lui payât un bon
écot, il lui vendrait son àme. Peu après, un
homme entra dans le cabaret , se mit à boire avec
le vaurien , et lui demanda s'il était véritablement
prêt à vendre son âme. Celui-ci répondit hardi-
ment oui , et l'homme lui paya à boire toute h
journée. Sur le soir, quand le garçon fut ivre,
l'inconnu dit aux autres qui étaient dans le ca-
baret : » Messieurs , qu'en pensez - vous ? «
quelqu'un achète un cheval , la selle et la bride
ne lui appartiennent-elles pas aussi. » Les assis-
tans s'effrayèrent beaucoup à ces mots , et ne
voulurent d'abord pas répondre , mais , comme
l'étranger les pressait , ils dirent à la fin :
« Oui , la selle et la bride sont aussi à lui. » Aus-
sitôt le diable ( car c'était lui ) saisit le mauvais
sujet et l'emporta avec lui à travers le plafond .
de sorte que l'on n'a jamais su ce qu'il est de-
venu. »
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DB LUTHER. 183
Une autre fois, Luther raconta lliiatoire d*un
soldat, qui avait déposé de l'argent chei son
hôte, dans le Brandebourg. Cet hôte, quand le
soldat lui redemanda son argent, nia d'avoir rien
reçu. Le soldat furieux se jeta sur lui, et le mal-
traita, mais le fourbe le fit arrêter par la justice
et l'accusa d'avoir violé lapaïar domestique [kaus-
friede. ) Pendant que le soldat était en prison»
le diable vint chez lui et lui dît : t Demain tu
seras condamné à mort et exécuté. Si tu me véfads
ton corps et ton âme, je te délivre. » Le soldat
n'y consentit point. Alors le diable lui dit : < Si
tu ne veux pas, écoute au moins le conseil que
je te donne. Demain, quand tu seras devant les
j nges , je me tiendrai près de toi , en bonnet bleu
avec une plume blanche. Demande alors aux juges
qu'ils me laissent plaider ta cause, et je te tirerai
de là. Le lendemain , le soldat suivit le conseil
du diable, et comme l'hôte persistait à nier, l'a-
vocat en bonnet bleu lui dit : « Mon ami , com-
nient peux - tu ainsi te parjurer? L'argent du
soldat se trouve dans ton lit, sous le traversin-
Seigneurs échevins, envoyez-y et vous verrez que
je dis vrai. » Quand Thôte entendit cela, il s'écria
avec un gros juremeut : « Si j'ai reçu l'argent, je
veux que le diable m'enlève sur l'heure. • Mais
Digitizedby Google
184 MÉMOIRES
les sergens envoyt's à Tauberge trouvèrent l'ar-
gent à la place indiquée, et l'apportèrent devant
le tribunal. Alors Tbomme au bonnet bleu dit
en ricanant : « Je savais bien que j'aurais l'un
des deux, le soldat ou Taubergiste. » 11 tordit le
cou à celui-ci et remporta dans les airs. — Lu-
ther, ayant conté l'histoire, ajouta qu'il n'ai-
mait pas qu'on jurât par le diable, comme
faisaient beaucoup de gens ; « car , disait - il , le
mauvais drôle n'est pas loin; Ton n'a pas besoin
de le peindre sur les murs pour qu'il soit pré-
sent. »
« Il y avait à £rfurth deux étudians, dont l'un
aimait si fort une jeune fille, quil en serait de-
venu bientôt fou. L'autre , qui était sorcier ^
sans que son camarade en sût rien , lui dit : ■ Si
tu promets de ne point lui donner un baiser et
de ne point la prendre dans tes bras, je ferai
en sorte qu'elle vienne te trouver. Il la fit venir
en effet. L'amant , qui était un beau jeune
homme, la reçut avec tant d'amour , et il lui par>
lait si vivement, que le sorcier craignait toujours
qu'il ne Tembrassàt; enfin il ne put se contenir.
A rinstapt même elle tomba et mourut. Quand
ils la virent morte , ils eurent grand' peur, et le
sorcier dit : ■ Employons notre dernière ra-
dby Google
DB LUTHER. 185
source, » Il fit si bien, que le diable la reporta
chez elle, et qu'elle continua de faire tout ce
qu'elle faisait auparavant dans la maison ; mais
elle était fort pâle et ne parlait point. Au bout
de trois jours, les parens allèrent trouver les
théologiens, et leur demandèrent ce qu*il fallait
faire. A peine ceux-ci eurent-ils parlé fortement
à la fille, que le diable se retira d'elle; le ca-
davre tomba raide avec une grande puanteur. »
« Le docteur Luc Gauric , le sorcier que vous
avez &it venir d'Italie , m'a souvent avoué que
son maître conversait avec le diable. »
« Le diable peut se changer en homme ou
en femme pour tromper, de telle manière qu'on
croit être couché avec une femme en chair et
en 08, et qu'il n'en est rien; car, suivant le
mot de saint Paul, le diable est bien fort avec
les fils de l'impiété. Gomme il en résulte sou-
vent des enfans ou des diables, ces exemples
sont efirayans et horribles. C'est ainsi que ce
qu'on appelle le nix, attire dans l'eau les vierges
ou les femmes pour crter des diablotins. Le
diable peut aussi dérober des enfans; quel-
quefois dans les six premières semaines de leur
naissance, il enlève à leur mère ces pauvres créa-
tures pour en substituer à leur place d autres,
16.
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1S8 MÉMOIRES
nommées êupposiiitii, et par les Saxons, kil-
< Il y a huit ans, j'ai yu et touché moi-même
à Dessau un enfant qui n'avait pas de parens, et
qui venait du diable. Il avait douze ans, et était
tout-à-fait conformé comme un enfant ordinaire.
Il ne faisait que manger , et mangeait autant que
quatre paysans ou batteurs en grange. Il faisait
aussi tous ses besoins. Mais quand on le touchait ,
il criait comme un possédé; s'il arrivait quel-
que accident malheureux dans la maison , il s^en
réjouissait et riait; si, au contraire, tout allait
bien, il pleurait continuellement. Je dis aux
princes d'Anhalt avec qui j'étais : Si j'avais à
commander ici, je ferais jeter cet enfant dans
la Moldau , au risque de m'en faire le meurtrier.
Mais rélecteur de Saxe et les princes n'étaient
pas de mon opinion. Je leur dis alors de faire
prier Dieu dans i'église pour qu'il enlevât le dé-
mon. On répéta ces prières tous les jours pen-
dant une année , et après ce temps l'enfant mou-
rut. » Quand le docteur eut raconté cette histoire,
quelqu'un lui demanda pourquoi il aurait voulu
jeter cet enfant à l'eau. C'est, répondit-il, que
les enfans de cette espèce ne sont autre chose,
à mon sens, qu'une masse de chair, sans âme.
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DB LUTHBR. 187
Le diable est bien capable de produire de ces
choses; tout ainsi qu'il anéaniit les focultés des
hommes, quand il les possède corporëlleraetit ,
de manière à leur enleyer la raison et à les ren-
dre sourds et aveugles pour quelque temps, de
même il habite dans ces masses de chair et est
lui-même leur âme. — Il faut que le diable soit
bien puissant pour tenir ainsi nos esprits pri-
sonniers. Origène, ce me semble, n*a pas assez
compris cette puissance; autrement il n'aurait
point pensé que le diable pourra obtenir grâce
au Jugement dernier. Quel horrible péché de se
révolter ainsi sciemment contre son Dieu, son
créateur !
» £h Saxe, près Halberstadt, il y avait un
homme qui avait un kilkropff. Cet enfant pou-»
vait épuiser sa mère et cinq autres femmes en les
tétant , et il dévorait outre cela tout ce qu'on lui
présentait. On donna à l'homme le conseil de
fieiire un pèlerinage à Holckelstadt, de vouer son
kilkropff à la vierge Marie, et de le fiaire bercer
en cet endroit. L'homme suivit cet avis, et il em-
porta son enfant dans un panier; mais, en pas-
sant sur un pont, un autre diable, qui était dans
la rivière, se mit à crier : Kilkropff! kilkropff!
L'enfant, qui était dans le panier, et qui n'avait
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188 niitoiEiLS
jamais encore pronoucé un seul mot , répondit :
Oh! oh! oh! Le diable de la rivière lui demanda
ensuite : Où vas-tu? L'enfant du panier répon-
dit : Je m'en vais à Holckelstadt, à notre Mère
Lien-aimée, pour me faire bercer. Le paysan,
très effrayé, jeta Tenfant et le panier dans la ri-
vière; sur quoi les deux diables se mirent à
s'envoler ensemble. Ils crièrent : Oh! oh! oh!
firent quelques cabrioles l'un par-dessus l'autre
et s'évanouirent. »
Luther, eu sortant un dimanche de l'église
du château où il avait prêché, rencontra un
landsknecht qui s adressa à lui, se plaignant des
tentations continuelles quïl avait à essuyer de la
part du diable, disant qu'il venait souvent à lui
et le menaçait de l'enlever dans les airs. Pendant
qu'il parlait ainsi, le docteur Poraer, qui pas-
sait par ce chemin, s approcha aussi de lui et
aida Luther à le consoler. « IVe désespérer pas,
lui disaient-ils, car malgré ces tentations du
diable, vous n'êtes point à lui. Notre Seigneur
Jésus -Christ a aussi été tenté par lui, mais
il l'a surmonté par la parole de Dieu. Défendez-
vous de même par la parole de Dieu et par la
prière. Luther ajouta : « Si le diable te tour-
mente et te menace de t'emmener, réponds
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DB LUTHER. 189
lui : « Je suis à Jésus -Christ, qui est mou
Seigneur; c'est en lui que je crois, et c'est au-
près de lui qiLie je serai un jour. Il a dit lui-
même qu'aucune puissance ne pourra enlever les
chrétiens de sa main. > Pense plutôt à Dieu qui
est au ciel qu'au diable, et cesse de t'effrayer de
ses ruses. Je sais bien qu'il serait fort aise de
l'enlever, mais il ne le peut. Il est comme le
voleur qui voudrait bien mettre la main sur le
coffre-fort du riche; la volonté ne lui manque
j)as, mais le pouvoir. De même Dieu ne per-
mettra pas au diable de te faire du mal. Écoute
fidèlement la parole divine, prie avec ferveur,
travaille, ne sois pas trop souvent seul, et tu
verras que Dieu te délivrera de Satan et te con-
servera dans son troupeau. »
Un jeune ouvrier, maréchal ferrant de son
état , prétendait être poursuivi par un spectre à
travers toutes les rues de la ville. Luther le fit
Tenir chez lui et l'interrogea en présence de plu-
sieurs personnes doctes. Le jeune homme disait
que le spectre qui le poursuivait lui avait reproché
comme un sacrilège d'avoir communié sous les
deux espèces, et qu'il lui avait dit : tSi tu retour-
nes dans la maison de ton maître, je te tords le
cou. » C'est pourquoi il n'était pas rentré depuis
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100 Hinoiasa
plusieurs jours. Le docteur, après TaToir beau-
coup interrogé , lui dit: «Prends garde , mon ami,
de ne pas mentir. Grains Dieu, écoute sa parole
avec attention ; retourne chez ton maître, bis
ton travail, et si Satan revient, dis-lui :« Je ne
veux pas t'obéir. Je n'obéirai qu'à Dieu qui m'a
appelé à ce métier : je resterai ici à mon travail,
et un ange même viendrait, que je ne m'en
laisserais pas détourner. •
« Le docteur Luther, devenu plus âgé, éprouva
peu de tentations de la part des hommes; mais
le diable , comme il le reconnaît lui-même, allait
promener avec lui dans le dortoir du cloître; il
le vexait et le tentait. Il avait un ou deux diables
qui répiaient, et sHlsne pouvaient parvenir au
. cœur , ils saisissaient la tête et la tourmentaient.
« ... Cela m'est arrivé souvent. Quand je te-
nais un couteau dans les mains, il me venait de
mauvaises pensées; souvent je ne pouvais prier,
et le diable me chassait de la chambre. Car nous
autres nous avons affaire aux grands diables qui
sont docteurs en théologie. Les Turcs et les pa-
pistes ont de petits diablotins qui ne sont point
théologiens, mais seulement juristes.
• Je sais, grâce à Dieu, que ma cause est
bonne et divine; si Christ n'est point dans le ciel
dby Google
D8 LUTUBR. 101
et Seigneur du monde , alors mon afbire est mau-
vaise. Cependant le diable me serre souvent de
si près dans la dispute , qu'il m'en vient la sueur.
Il est éternellement irrité , je le sens bien, je le
comprends. Il couche avec moi plus près que ma
Catherine. Il me donne plus de trouble qu'elle de
joie... Il me pousse quelquefois: La Loi, dit-il,
est aussi la parole de Dieu ; pourquoi l'opposer
toujours à l'Évangile? — « Oui, dis-je à mou
tour; mais elle est aussi loin de l'Évangile que le
ciel l'est de la terre , etc. »
« Le diable n'est pas, à la vérité, un docteur
qui a pris ses grades, mais du reste il est bien
savant , bien expérimenté. Il n'a pourtant fait
son métier que depuis six mille ans. Si le diable
est sorti quelquefois des possédés, lorsqu'il
était conjuré par les moines et les prêtres pa-
pistes , en laissant après lui quelque signe,
un carreau cassé, une fenêtre brisée, un pan
de mur ouvert , c'était pour faire croire aux gens
qu'il avait quitté le corps, mais en effet pour
posséder l'esprit, pour les confirmer dans leurs
superstitions. »
Au mois de janvier 15SS , Luther tomba
dangereusement malade. Le médecin le crut me-
nacé d'une attaqua d'apoplexie. Mélanchton et
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102 uÉiiioiRes
Korer, assis près de son lit, ayant parlé de la
joie que la nouvelle de sa mort causerait sans
doute aux papistes, il leur dit avec assurance :
■ Je ne mourrai pas encore, je le sais eertaine-
inent. Dieu ne confirmera point à présent Fabo-
minable papisme par ma mort. Il ne voudra point,
après celle de Zwingli et d'OËcolampade, ac-
corder aux. papistes un nouveau sujet de triom-
phe. Satan, il est vrai , ne songe qu'à me tuer;
il ne me quitte d'un pas. Mais ce n'est pas si
volonté qui s'accomplira : ce sera celle du Sei-
gneur. »
< Ma maladie, qui consiste dans des vertige»
et autres choses , n'est point naturelle ; ce qiK^
je puis prendre ou faire ne me sert à rien, quoi-
que j'observe avec soin les conseils de mon mé-
decin. »
En 1536, il maria à Torgau le duc Philippe
de Poméranie à la sœur de FÉlerteur. Au milieu
de la cérémonie , l'anneau nuptial échappa de si
main et roula par terre. Il eut un mouvement de
terreur , mais se rassura aussitôt en disant :
« Écoute, diable, cela ne te regarde pas, c'e>t
peine perdue, « et il continua de prononcer le*
paroles de la bénédiction.
» Pendant que le docteur Luther causait :»
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DB LUTHRA. 193
table arec quelques - uns , sa femme sortit et
tomba en défaillance. Lorsqu'elle revint à elle,
le docteur lui demanda quelles pensées elle avait
eues. Elle raconta comme elle avait éprouvé des
tentations toutes particulières qui sont les signes
certains de la mort, et qui frappent au cœur plus
sùreiçent qu'une balle ou une flèche... «Celui qui
éprouve de telles tentations, dit - il, je lui don-
nerai un bon conseil, c'est de penser à quelque
chose de gai, de boire un bon coup , de jouer et
dé prendre quelques passe -temps, ou bien de
s'attacher à quelque occupation honorable. Mais
le meilleur remède, c'est de croire en Jésus-
Christ. >
« Quand le diable me trouve oisif et que je ne
pense point à la jparole de Dieu , alors il me fait
venir un scrupule, comme si je n'avais pas bien
enseigné , comme si c'était moi qui eusse renversé
et détruit les autorités , et causé par ma doctrine
tant de scandales et de troubles. Mais quand je
ressaisis la parole de Dieu, alors j'ai gagné la
partie. Je me défends contre le diable et je dis :
Qu'importe à Dieu tout le monde, quelque
grand qu'il puisse être ? Il en a établi son Fils
seigneur et roi. Si le monde veut le renverser du
trône, Dieu le bouleversera et le mettra en cen-
17
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1 04 HivOIRES
dre ; car il dit lui-mènie : « C'est mon fils , tous
devez Técouter. » Maintenant, ô rois, apprenez;
disciplinez-TOus , juges de la terre {Verudtmtni de
la Vulgale est moins fort.)
» Le diable s'efforce surtout de nous arracher
du cœur l'article de la rémission des péchés.
Quoi! dit-il, tous prêchez ce qu^ aucun homme H*a
enseigné dans tant de êiècleê! si cela déplaisait à
])ieuf„
• La nuit , quand je me réveille^ le diable rient
bientôt , dispute avec moi et me donne d'étranges
pensées , jusqu'à ce que je m'anime et que je lui
dise: Baise mon c...! Bien n'est pas irrité comme
tu le dis.
t Aujourd'hui, comme je m'éveillai, le diable
vint , voulut disputer , et il me disait : « Tu es un
pécheur. » — Je répliquai : Bis-moi quelque chose
de nouveau, démon; je savais déjà cela... Tai
assez de péchés réels , sans ceux que tu inven-
tes... — Il insistait encore : t Qu'as-tu fait des
cloitres dans ce mode ? > — A quoi je répondis:
Que t'importe ? Tu vois bien que ton culte sacri-
lège subsiste toujours. »
Un jour que l'on parlait à souper du sorcier
Faust, Luther dit sérieusement : t Le diable
n'emploie pas contre moi le secours des en-
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Dl LUTHBH. 195
chanteurs. S'il pouvait me nuire par là , il Tau-
rait fait depuis long-temps. Il m'a déjà souvent
tenu par la tête; mais il a pourtant fallu qu'il
me laissât aller. J'ai bien éprouvé quel compa-
gnon c'est que le diable; il m'a souvent serré
de si près que je ne savais si j'étais mort ou vi-
vant. Quelquefois il m'a jeté dans le désespoir au
point que j'ignorais même s'il y avait un Dieu, et
que je doutais complètement de notre cher Sei-
gneur. Mais avec la parole de Dieu, etc.
» Le diable me fait regarder la loi, le péché
et la mort. Il me présente cette trinité , et s'en
sert pour me tourmenter.
» Le diable nous a juré la mort , mais il mor-
dra dans une noix creuse.
» La tentation de la chair est petite chose; la
moindre femme dans la maison peut guérir cette
maladie. £ustochia aurait guéri saint Jérôme.
Hais Dieu nous garde des grandes tentations qui
touchent Téternité ! Alors on ne sait point si
Dieu est le diable , ou si le diable est Dieu. Ces
tentations ne sont point passagères.
x) Si je tombe en pensées qui ne touchent que
le monde ou la maison . je prends un psaume ou
quelques mots de Saint-Paul , et je dors par-des-
sus; mais celles qui viennent du diable me cou-
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106 HéuoiaBS
tent dayantage; je ne puis m'en tiref qu'avec
quelque bonne farce.
• Le grain d'orge a beaucoup à souffirir des
hommes (1). D'abord on le jette dans la terre pour
qu'il y pourrisse ; ensuite , quand il est mûr, on
le coupe, on le bat en grange et on le sèche,
on le fait cuire pour en tirer de la bière , et le
faire avaler aux ivrognes. Le lin est aussi mar-
tyr à sa manière. Quand il est mûr, on l'ar-
rache, on le rouit, on le sèche, on le bat, on le
teille, on le sérance, on le file, on le tisse, on
en fabrique de la toile pour en faire des chemises,
des souquenilles, etc. Quand celles-ci sont déchi-
rées, l'on en fait des torchons , ou l'on y met des
emplâtres pour être appliquées sur les plaies, les
abcès, l'on en fait des mèches, ou bien on les
Tend au papetier qui les broie, les dissout, et en
fait du papier. Ce papier sert à écrire , à impri-
mer^ à faire des jeux de cartes; enfin il est dé-
chiré et employé aux plus vils usages. Ces plan-
tes, ainsi que d'autres créatures qui nous sont
très utiles, ont beaucoup à souffirir; les chrétiens
(i) Voyex la belle ballade anglaise sur le martyre de
JBarlej^corn.
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DB LUTHER. 197
bons et pieux oat de même beaucoup à endurer
des méchans et des impies. >
« Quand le diable vient me trouver la nuit, je
lui tiens ce discours : Diable, je dois dormir
maintenant ; car c'est le commandement et Tor-
dre de Dieu que nous travaillions le jour, et que
nous dormions la nuit. S'il m'accuse d'être un
pécheur, je lui dis pour lui faire dépit : Sancte
Satané, ora pro me! ou bien : Medice, cura te
ipsum, ■
« Si vous prêchez celui qui est tenté , il vous
faut tuer Moïse et le lapider. Si au contraire il re-
vient à lui et oublie la tentation, qu'on lui prêche
la loi. Alioqui afflicto non est addenda afflictio,
■ ... La meilleure ^lanière de chasser le diable,
si on ne peut le faire avec les paroles de la sainte
Écriture , c'est de lui adresser des mots piquans
et pleins de moquerie. »
« On peut consoler les gens affligés de tenta-
tions en leur donnant à manger et à boire ; mais
le remède ne réussirait pas pour tous , surtout
pour les jeunes gens. Pour moi qui suis vieux,
un bon coup pourrait chasser les tentations et
me faire dormir un somme. »
« La meilleure médecine contre les tentations,
c'est de parler d'autre chose , de Marcolphe ,
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1 98 M^MOIEBS
d^Eulenspiegel , et d'autres fiirces de ce genre , etc.
— Le diable est un esprit triste, la musique le fait
fuir bien loin. »
Le morceau important qu'on va lire est en
quelque sorte le récit de la guerre opiniâtre
que Satan aurait faite à Lutber pendant toute sa
vie.
Préface du doctewr Martin Luther, écrite fMr
lui avant $a mort. — « Quiconque lira avec at-
tention rbistoire ecclésiastique, les livres des
saints Pères, et particulièrement la Bible, verra
clairement que depuis le commencement de
rÉglise , les choses se sont toujours passées de la
même manière. Toutes les fois que la Parole s'était
fait entendre et que Dieu s'était rassemblé un
petit troupeau, le diable s'est bien viteapereude
la lumière divine , et s'est mis à siffler, souffler,
tempêter de tous les coins, essayant de toute»
ses forces s'il pourrait l'éteindre. On avait beau
boucher un ou deux trous , il en trouvait un
autre, soufflait toujours et faisait rage. Il n'y a
encore eu aucune fin à cela, et il n'y en aura
pas jusqu'au jour du Jugement.
» Je tiens qu'à moi seul ( pour ne point par-
ler des anciens) j'ai essuyé plus de vingt OHra*
gans , vingt assauts du diable. D'abord j'ai ea
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DB LVTRBB. 199
contre moi les papistes. Tout le inonde, je crois,
sait à peu près combien de tempêtes, de bulles
et de liyres le diable a lâchés par eux contre moi,
de quelle façon lamentable ils m'ont déchiré ,
dévoré , mis à rien. Il est vrai que moi-même
je soufflais quelque peu contre eux; mais cela
ne servait de rien; les enragés soufflaient en-
core plus, et vomissaient feu et flammes. Il en
a été ainsi jusqu'à ce jour sans interruption.
» J'avais un instant cessé de craindre cette
tempête du diable , lorsqu'il se fit jour par un
nouveau trou, par Mûnzer et sa révolte qui
faillait m'éteindre la lumière. Le Christ bouche
encore ce trou là , et le voilà qui par Garlostad
casse des carreaux à ma fenêtre, le voilà qui
mugit et tourbillonne, au point de me faire croire
qu'il allait emporter lumière, cire et mèche à la
fois. Mais Dieu fut en aide à sa pauvre lumière, il
ne permit point qu'elle fût éteinte. Alors vin-
rent les secramentaires et les anabaptistes , qui
brisèrent portes et fenêtres pour en finir de cette
lumière, et qui la mirent de nouveau dans le
plus grand danger. Dieu merci, leur volonté
fat trompée également
» D'autres encore ont tempêté contre les an-
ciens maîtres , contre le pape et contre Luther à
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200 HÉVOIASS
la fois, tels que Servet, Gampanus Quanta
ceux enfin qui ne m^ont point assailli publique-
ment par des livres imprimes, mais dontilm*a
fallu essuyer en particulier les écrits et discours
remplis de venin, je ne les mettrai pas ici en
ligne de compte. lime suffit démontrer que j*ai
dû apprendre par expérience (je n'en voulaispas
croire les histoires) que l'Église, pour Tamour de
sa chère Parole, de sa bienheureuse lumière, ne
peut avoir de repos, mais qu'elle doit attendre
incessamment de nouvelles tempêtes du diable»
comme cela s'est vu depuis le conmience-
ment.
» Et quand je devrais vivre encore cent ans,
quand j'aurais apaisé les tempêtes d'autrefois et
d'aujourd'hui , quand je pourrais encore apaiser
celles qui viendront , je vois clairement que cela
ne donnerait pas le repos à nos descendans , aussi
long-temps que le diable vivra et régnera. C'est
pourquoi je prie Dieu de m'accorder une petite
heure d'état de grâce; je ne demande pas de res-
ter en vie plus long-temps.
» Vous qui viendrez après nous , priez Dieu
aussi avec ferveur, pratiquez assidûment sa pa-
role , conservez bien la pauvre chandelle de Dieu ;
car le diable ne dort ni ne chôme, et il ne
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DE LVTHEH. • 201
mourra pas non plus avant le jugement dernier.
Toi et moi, nous mourrons^ et quand nous serons
morts, lui il n'en restera pas moins tel qu'il a
toujours été , toujours tempêtant contre FÉvan*
gile...
* Je le Tois de loin qui gonfle ses joues à en
devenir tout rouge , qui souffle et qui fait fu-
reur ; mais notre Seigneur Jésus-Christ , qui , dès
le commencement , lui a donné un coup de poing
sur cette joue gonflée, le combat maintenant en-
core, et le combattra toujours. Il ne peut pas en
avoir menti , quand il dit : « Je serai auprès de
vous jusqu'à la lin du monde, » et « Les por-
tes de l'enfer ne prévaudront pas contre mon
Église; » et dans Saint Jean : « Mes brebis ne pé-
riront jamais ; personne ne les arrachera de ma
main ; * et dans saint Mathieu , X : ce Tous les che-
veux de votre tête sont comptés; c'est pourquoi
ne craignez pas ceux qui tuent le corps. »
« Néanmoins, il nous est commandé de veiller
et de garder sa lumière tant qu'il est en nous. Il
est dit: « VigUQte; le diable est un lion rugissant
qui tourne autour et qui veut nous dévorer. » Tel
il était quand saint Pierre disait cela, et tel il
sera encore jusqu'à la fin du monde »
(Luther revient ensuite à parler du secourt de
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202 MimoiEBS
Dieu sans lequel tous nos efforts seraient vains,
et il continue ainsi : ) « Toi et moi nous n'étions
rien il y a mille ans , et cependant l'Église a été
sauvée sans nous : elle Fa été par celui de qui il
est dit : Heri et hodiè. De même à présent ce
n'est pas nous qui conservons l'Église, car noas
ne pouvons atteindre le diable qui est dans le
pape, les séditieux et les mauvaises gens; elle
périrait sous nos yeux , et nous-mêmes avec elle,
n'était quelqu'autre qui conserve tout. Il nous
faut laisser faire celui de qui nous lisons : ^t
erU , ut hodiè
» C'est une chose lamentable de voir notre
orgueil et notre audace après les terribles et
honteux exemples de ceux qui^ dans leur vanité,
avaient cru que l'Église était bâtie sur eux.
Comment a fini ce Mùnzer( pour ne parler que
de ce temps), lui qui pensait que l'Église ne pou-
vait exister s'il n'était là pour la porter et la
gouverner ? Et tout récemment encore les ana-
baptistes n'ont-ils pas été pour nous un avertis-
sement assez terrible pour nous rappeler combien
un diable plus subtil encore est près de nous,
combien nos belles pensées sont^dangereuses, et
comme il est nécessaire (selon le conseil d'Isaie)
que nous regardions dans nos mains quand nous
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DB LUTHB&. 203
ramassons quelque chose , pour voir si c^est Dieu
ou une idole , si c'est de Tor ou de Targile ?
r> Hais tous ces avertissemens sont perdus; nous
vivons en pleine sécurité. Oui , sans doute le dia-
ble est loin de nous; nous n'avons rien de cette
chair, qui était même en saint Paul, et dont il
ne pouvait se défendre malgré tous ses efforts
(Kom. YII.) Nous , nous sommes des héros , nous
n'avons pas à nous mettre en peine de la chair et
de la pensée, nous sommes de purs esprits, nous
tenons captifs la chair et le diable à la fois, et
tout ce qui nous vient dans la tête , c'est imman-
quablement inspiration du Saint-Esprit; aussi
cela tournc-t-il si bien à la fin que le cheval et
le cavalier se cassent le cou.
• Les papistes, je le sais, me diront ici :< £h
bien! tu le vois; c'est toi-même qui te plains des
troubles et des séditions? Qui en est cause, si ce
n'est toi et ta doctrine ? » Voilà le bel artifice par
lequel ilS pensent renverser de fond en comble
la doctrine de Luther. Il n'importe! Qu'ils ca-
lomnient, qu'ils mentent tant quils voudront;
il faudra bien qu'ils se taisent. D'après ce grand
argument , tous les prophètes auraient été égale-
ment des hérétiques et des séditieux, car ils
furent tenus pour tels par leur propre peuple;
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204 m£koires
comme tels ils furent persécutés, et la plupart
mis à mort.
> Jésus-Christ lui-même, notre Seigneur, fut
obligé de s'entendre dire par les Jui& , et en par-
ticulier par les pontifes, les pharisiens, les scri-
bes, etc. , par ceux qui étaient les plus hauii
en pouvoir, qu'il avait le diable en lui, qu'il
chassait les diables par d'autres diable» , qu'il
était un samaritain, le compagnon des publi-
cains et des pécheurs. 11 fut même à la fin con-
damné à mourir sur la croix comme blasphéma-
teur et séditieux. < Lequel d'entre les prophètes,
disait saint Etienne aux Juifs qui allaient le la-
pider, lequel vos pères n'ont-ils pas persécuté
et tué? £t vous, leurs descendans, vous avez
vendu et tué le juste dont ces prophètes avaient
annoncé la venue. »
«( Les apôtres et les disciples n'ont pas été plus
heureux que leur maître, les prédictions qu'il
l«ur avait faites se sont accomplies...
» S'il en est ainsi, et l'Écriture en feût foi.
pourquoi donc nous étonner de ce que nous aussi
qui, dans ces temps terribles, prêchons Jésus-
Christ et nous reconnaissons pour ses fidèles,
nous soyons, à son exemple, persécutés et con-
damnés comme hérétiques, comme séditieux?
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DB LUTHER. ^05
Que sommes-nous à côté de ces génies sublimes,
éclairés par le Sain t-l<lsp rit, ornts de tant de dons
admirables, et doués d'une foi si forte ?
» N'ayons donc pas honte des calomnies et des
outrages dont nos adversaires nous poursuivent.
Que tout cela ne nous effraie point. Mais regar-
dons comme notre plus grande gloire de recevoir
du monde le même salaire que dès le commen-
cement tous les saints en ont reçu pour leurs
fidèles services. Réjouissons-nous en Dieu de ce
que nous aussi, pauvres pécheurs et gens m<'-
'prisés, nous avons été jugés dignes de souffrir
rignominie pour le nom du Christ...
» Les papistes, avec leur grand argument, res-
semblent à un homme qui dirait que si Dieu
n'avait pas créé de bons anges, il n'y aurait pas
eu de diables; car c'est des bons anges que
ceux-ci sont venus. De même, Adam accusa
Dieu de lui avoir donné une femme, car si Dieu
n'avait pas créé Adam et Eve, ils n'auraient pas
péché. Il résulterait de ce beau raisonnement que
Dieu seul fût pécheur, et qu'Adam et ses enfans
fussent tous purs, pieux et saints.
■ Il est sorti de la doctrine de Luther beaucoup
d'esprits de trouble et de révolte, disent- ils.
Donc la doctrine de Luther vient du diable. »
I Digitizedby Google
206 M&HOIRIS
Mais saint Jean dit aussi (1 , 2.) : « Ils sont sortis
d'entre nous, mais ils n^étaieut point des nôtres.»
Judas était parmi les disciples de Jésus-Christ;
donc (d'après leur argument) Jésus-Christ est
un diahle. Jamais hérétique n'est sorti d'entre
les païens; ils sont tous venus de la sainte Église
chrétienne; l'Église serait donc TouTrage da
diable.
» Il en fut de même de la Bible sous le pape;
on l'appelait publiquement un livre d'hérétiques,
et on l'accusait de prêter appui aux opinions les
plus condamnables. Encore aujourd'hui ils crient:
< L'Église, l'Église, contre et par-dessus la
Bible ! » Eroser , l'homme sage , ne sut même trop
dire s'il était bon que la Bible fût traduite en
allemand; peut-être ne savait-il pas non plus s'il
était bon qu'elle eût été jamais écrite en hébreu,
en grec ou en latin ; elle et l'Église ne sont pas
en trop bon accord.
» Si donc la Bible , le livre et la parole da
Saint-Esprit, a de telles choses à endurer d'eux .
pourquoi ,nous, ne supporterions-nous pas à plus
forte raison qu'ils nous imputent toutes les hé-
résies et les séditions qui éclatent? L'araignée
tire son poison de la belle et aimable rose où
l'abeille ne trouve que miel; est-ce la fiiute de la
' DigitizedbyVjOOÇlC
DB LVTHSB. 207
fleur n son miel devient du poison dans l'arai-
gnée ?
» C'est y comme dit le proverbe: «Chien qu'on
Tcut battre a mangé du cuir , » ou , comme dit
finement Ésope : « La brebis que le loup veut
luanger a troublé l'eau, quoiqu'elle soit au bas
du courant. « Eux, qui ont rempli l'Église d'er-
reur et de sang, de mensonge et de meurtre , ce
ne sont pas eux qui ont troublé l'eau. Nous, nous
résistons aux séditions et aux erreurs des héré-
tiques, et c'est nous qui l'avons troublée. Eh
bien! loup, mange; mange, mon ami, et qu'un
os te reste au travers du gosier,.. Us ne peuvent
faire autrement ; tel est le monde et son Dieu S'ils
ont appelé Belzébut le maître de la maison , trai-
teront»ils mieux les serviteurs? Et si la sainte
Écriture est appelée un livre d'hérétiques, com-
ment nos livres pourraient-ils être honorés? Le
Dieu vivant est notre juge à nous tous; il mettra
uu jour tout cela au clair , si nous devons en
croire ce livre d'hérétiques, qu'on appelle la
sainte Écriture , qui tant de fols en a témoigné.
» Veuille Jésus-Christ, notre Dieu-aimé et
le gardien de nos âmes qu'il a rachetées par son
sang précieux, conserver son petit troupeau
fidèle à sa sainte parole , afin qu'il augmente et
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203 MÉMOIRES
croisse en grâce, en lumière, en foi. Puisse-t-il
daigner le soutenir contre les tentations de Sa-
tan et du monde , et prendre enfin en pitié ses
gémissemens profonds et Tattente pleine d an-
goisses dans laquelle il soupire vers Fheureux
jour de la glorieuse venue de son Sauveur , en
sorte que les fureurs et les morsures meurtrières
des serpens cessent enfin , et que pour les enCans
de Dieu commence la révélation de la liberté et
béatitude qu^ils espèrent et qu'ils attendent en
patience. Amen. Amen.»
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DB LOTniK. 209
CHAPITRE Vn.
Maladies* ^ Désir de la mort at du jugement. —Mort, i546.
« Le mal de dents et le mal d'oreilles sont
bien cruels; j'aimerais mieux la peste et le mal
français. Lorsque j'étais à Gobourg, en 1530,
je souffrais d'un bruit et d'un sifflement dans les
oreilles : c'était comme du vent qui me sortait de
la tête... Le diable est pour quelque chose là-
dedans.
• Il fiaiut manger et boire du TÎn quand on est
malade. » Il se traita ainsi à Smalkalde, en 15S7.
Un homme se plaignait de la gale; Luther
lui dit : « Je voudrais bien changer avec vous ;
18.
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210 aiHOi&BS
j« TOUS donneraiB dix florins de retour. Vous n»
savez pas combien c'est une chose pénible que le
vertige. Aujourd'hui je ne puis lire de suite une
lettre entière» ^pas même deux ou trois lignes
du Psautier. Le bourdonnement recommence
dans les oreilles, au point que souvent je suis
près de tomber sur mon banc. La gale, au con-
traire, est chose utile, etc. >
Après avoir prêché à Smalkalde, et diné en-
suite, il éprouva les douleurs de la pierre, et
pria avec ardeur : « 0 mon Dieu , mon seigneur
Jésus î tu sais avec quel zèle j'ai enseigné ta pa-
role. Si est pro glorià nomini» iui, viens à mon
secours; sinon, £ferme-moi les yeux. Ego moriar
inimicus inimicû tuù. Je meurs dans la haine de
oe scélérat de pape, qui s'est élevé au-dessus du
Christ. » Et il composa à l'instant, sur oe sujet»
quatre vers latins^
• Ma tète est si variable etsi fiuble que je ne
puia rien écrire m lire, surtout à jeun. » (9 fé-
vrier 154^ Yoye^ aussi le 16 août.)
c Je suis £aiible et fatigué de vivre , et je songe
à dire adieu au moa46t qui est maiotenanit tout
au malin^ Qu^ le Seigneur m'accorde une h9om
heure et u» heureux passage. AmetL « (14 mars.)
A Awh9do9f. — c Je t'écris ayrès. souper, car
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DB LUTH». 211
à jeun je ne puis sans danger jeter les yeux sur
un livre; je m'étonne fort de cette maladie,
et ne sais si c'est un soufflet de Satan ou si ce
n'est que faiblesse de nature. » (18 août 154S.)
« Je crois que ma réritable maladie, c'est la
yieillesse , ensuite la yiolence des travaux et des
pensées, mais surtout les coups de Satan; c'est
ce dont toute la médecine du monde ne me gué-:
rira pas. » (7 noTcrabre 1543.)
A Spalotin, -^ • Je t'avoue que, dans toute
ma vie et dans toutes les affaires de l'Évangile, je
n'ai jamais eu d'année plus troublée que celle
qui vient de finir. J'ai une twrible a&ire avec
les juristes, au sujet des mariages clandestûis;
eeux que j'avais cru devoir être de fidèles amis de
l'Évangile, je trouve eu eux des ennemis cruels.
Penses-tu que ce ne soit pas pour moi un sup-
plice, je te le demande , mon eher Spalatia? »
(30 janvier 1644.)
« Je suis paresseux, fiitigué, fimd, c'est-à-
dire vieux et iautiiew J'ai achevé na route ; reste
seutecseu^ que le Seigneur wm réunisse à mes
pères, etreadeàkpourritiHreetauxveQseeqiii
leur apparti^it. Ble voilà lassasié de vîo, si cela
peut s'appeler de la vie. Prie pour moi, afin que
l'heure de mon passage soit agréable à Dieu, et
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212 MÂttOIRBS
à moi salutaire. Je ne m'occupe plus de l'Empe-
reur et de FEmpire , que pour les recommander à
Bieu dans mes prières. Le monde me semble être
venu à sa dernière heure et avoir vieilli comme
un vêtement, selon Pexpression du psalmîste;
voici l'heure qu'il en faut changer. • (3 décem-
bre 15-4^.)
, « Si j'avais su au commencement que les
hommes fussent si ennemis de la parole de Bieu ,
je me serais tu certainement et tenu tranquille.
J'imaginais qu'ils ne péchaient que par igno-
rance. »
Il disait une fois : < La noblesse, les bour-
geois, les paysans, je dirais presque tout homme,
pense connaître beaucoup mieux rÉvan]gile que
le docteur Luther ou que saint Paul même. Ils
méprisent les pasteurs, ou plutôt le Seigneur et
Maître des pasteurs...
• Les nobles veulent gouverner, et cependant
ils ne peuvent rien comprendre. Le pape sait et
peut gouverner par le fait. Le plus petit papiste
est plus capable de gouverner que dix des nobles
qui sont à la cour, ne leur en déplaise. »
On disait un jour à Luther que, dans Févê-
ché de Wurtzbourg, il y avait six cents riches
eures qui étaient vacantes. — « Il ne résultera
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DB LI'THEB. 2i3
rien de bon de tout cela, dit-il. Il en sera de
même chez nous, si nous continuons de mé-
priser la parole de Dieu et ses serviteurs... Si je
voulais devenir riche, je n'aurais qu'à ne point
prêcher... Les visiteurs ecclésiastiques deman-
daient aux paysans pourquoi ils ne voulaient
point nourrir leurs pasteurs , eux qui pourtant
entretenaient des gardeurs de vaches et de porcs.
« Oh! répondirent-ils, nous avons besoin d'un
berger j nous ne pourrions pas nous en passer. •
Ils croyaient pouvoir se passer de pasteurs. »
Luther prêcha dans sa maison , pour ses en-
fans et tous les siens, le dimanche, pendant six
mois, mais il ne prêchait point dans l'église. « Je
le fais, dit-il au docteur Jonas, pour acquitter
ma conscience et remplir mon devoir de père de
famille. Mais je sais et je vois bien que la parole
de Dieu ne sera pas plus considérée ici que dans
réglise.
» C'est vous qui prêcherez après moi , docteur
Jonas, songez-y et acquittez -vous-en bien. •
Il sortit un jour de l'église , indigné de ce que
Ton causait. (1545.)
Le 16 février 15-46, Luther disait qu'Aris-
tote n'avait écrit aucun meilleur livre que la
cinquième des Ethica; qu'il y donnait cetta
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214 viHOIRBS
belle définition : Quod jusiiiia sU vtrtuê eonMÛ^
tans in mwdiocritaie , pro ut êapienâ mm» AAm
minai. [Cet éloge de la modération est tiès
remarquable dans la dernière année de Luther.]
Le chancelier du comte de Mansfeld, qui rcTe-
naît de la diète de Francfort, dit à la table de
Luther, à Eisleben, que l'Empereur et le pape
procédaient brusquement contre réyêque de Co-
logne Herman, et songeaient à le chaaaer de
son électorat. Alors il parla ainsi : « Ils ont perdu
la partie; ils ne peuvent rien Caire contre nous
ayec la parole de Dieu et la sainte Écriture; ergo
volunt $apieniiâ, violentià,a8Mià,praciicâ,dalo,
vi et armispugnare. Que dit à cela notre Seigneur?
Il Toit bien qu'il est un pauvre écolier , ei il dit :
Qu'allons-nous devenir mon fils et moi?... Pour
moi, quand ils me tueraient, il Caut auparavant
qu'ils mangent ce que... J'ai un grand avantage;
mon seigneur s'appelle Schefflemini; c'est lui qui
dit : Ego suêcitabo vos in noviasimo die; et il dira
alors : Docteur Martin, docteur Jonas, seigneur
Michel Cœlius , venez à moi ; et il vous nommera
tous par vos noms , comme le Seigneur Chnat dit
dans saint Jean: Et vocai eo$ nominatim, £h bien!
BOyei donc sans peur.
» Dieu a un beau jeu de oart« qui u'eit com-
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I
DB LtTUBB. 215 j
posé que de rois, de princes, etc. Il bat les car-
tes, par exemple le pape avec Luther ; et ensuite
il fait comme les enfiins , qui , après avoir tenu
quelque temps les cartes en vain, se lassent du ^
jeu , et les jettent sous la table. »
« Le monde est comme un paysan ivre. Si on
le remet en selle d'un côté , il tombe de l'autre.
On ne peut le secourir de quelque façon qu'on
s'y prenne Le monde veut appartenir au diable.»
Luther disait souvent que s*il mourait dans sou
lit, ce serait une grande honte pour le pape.
«Vous tous, pape, diable, rois, princes et sei-
gneurs vous devez être ennemis de Luther, et
cependant vous ne pouvez lui faire mal. Il n'en
a pas été de même pour Jean Huss. Je tiens
que depuis cent ans, il n'y a pas eu un homme
que le monde hait plus que moi. Je suis aussi
ennemi du monde; je ne sais rien m toià viià
à quoi j'aie plaisir ; je suis tout-à-fait fatigué de
vivre. Que notre Seigneur vienne donc vite, et
m'emmène. Qu'il vienne surtout avec son juge-
ment dernier , je tendrai le cou ; qu'il lance le
tonnerre et que je repose... » Ensuite , il se con-
lole de l'ingratitude du monde , par l'exemple
de Moïse, de Samuel, de saint Paul , du Christ.
Un des convive^ dit que si le monde suhsisait
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216 HÉAIOIRES
cinquante ans, il viendrait encore bien des
choses. Luther répondit : « A Dieu ne plaise!
ce serait pis que par le passé. Il s'élèverait en-
core bien des sectes qui sont aujourd'hui cachées
dans le cœur des hommes. Vienne donc le Sei-
gneur! qu'il coupe court à tout cela avec le ju-
gement dernier; car il n'y a plus d'amélioration,
a II fera si mauvais à vivre sur la terre, que
Ton criera de tous les coins du monde : Bon
Dieu ! viens avec le jugement dernier. » Et comme
il tenait en main un chapelet d'agates blanches,
il ajouta : « 0 Dieu! veuille que ce jour Tienne
bientôt. Je mangerais aujourd'hui ce chapelet
pour que ce fût demain. »
On parlait à sa table des éclipses et de leur
peu d'influence sur la mort des rois et des grands.
Le docteur répondit : « Il est vrai, les éclipses
ne veulent plus produire d'effet; je pense qnc
notre Seigneur en viendra bientôt aux effets vt-
ritables, et que le Jugement en finira bientôt
avec tout cela. C'est ce que je rêvais l'autre jour,
comme je m'étais mis à dormir après midi, et ' •
disais déjà : In pace in id îpsum requiescam seu
dormiam. Il faut bien que le Jugement arrÎTi»:
car, que l'église papale se réforme, c'est eha^^
impossible; le Tiir.? et les juifs ne se corrigeront
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Bl LUTHtl. 317
pas non plus. Il n'y a aucune amélioratioa dans
l'Empire ; voilà maintenant trente ans qu'on a^
semble toujours les diètes sans décider rien...
Je pense souvent , quand je réfléchis en me pro-
menant, à^ce que je dois demander dans mes
prières pour la diète. L'évéqne de Mayence ne
vaut rien^ le pape est perdu. Je ne vois d'autre
remède que do dire : Notre Père, que votre règne
arrive!
9 Pauvres gens que nous sommes! nous ne
gagnons notre pain que par nos péchés. Jusqu'à
sept ans , nous ne faisons rien que manger , boire,
jouer et dormir. De là jusqu'à vingt et un ans«
nous allons aux écoles trois ou quatre heures
par jour; nous suivons nos caprices, nous cou-
rons, nous allons boire. C'est alors seulement
que nous commençons à travailler. Vers la cin-
quantaine, nous avons fini, nous redevenons
enfans. Ajoutez que nous dormons la moitié de
notre fie. Fi de nous! sur notre vie, nous ne
donnons pas même la dime à Dieu ; ^t nous croi-
rions avec nos bonnes œuvres mériter le ciel!
Qu'ai-je fait, moi? J'ai babillé deux heures, mangé
pendant trois, resté oisif pendant quatre. Âhi
Domine, ne intres injudiemm eumservo iuo, »
Après avoir détaillé toutes ses souffrances à
Tour 11. 19
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ill8 n^HOIRBS
Mélanchton ; « Plaise à Christ d'enlever mon
âme dans la paix du Seignear. Par la grâce de
Dieu, je suis prêt et désireux de partir. J'ai vécu
et achevé la course que Dieu m'avait marquée...
Que mon âme, fatiguée de si longue route, monte
maintenant au ciel. « (18 avril 1541.)
« Je n*ai pas le temps de beaucoup écrire,
mon cher Probst , car je suis accablé par l'âge et
les fatigues, ait, hait, ungestali, comme on dit;
cependant le repos ne m'est pas encore permis,
obsédé comme je le suis par tant de raisons, tant
de nécessités d'écrire. J'en sais plus que toi sur
les Vitalités de ce siècle. Le monde menace ruine :
cela est certain, tant le diable se déchaîne, tant
le monde s'abrutit. Il ne reste qu'une seule con-
solation, c'est que ce jour est proche. On est
rassassié de la parole de Dieu, le monde en prend
un singulier dégoût. Il s'élève moins de &ux
prophètes. Poui;quoi susciterait-on de nouvelles
hérésies , quand on a pour la parole un mépris
épicurien? L'Allemagne a été, et elle ne sera ja-
mais oe qu'elle a été. La noblesse ne pense qu'à
demander , les villes ne songent qu'à elles-mêmes
(et avec raison); voilà le royaume divisé avec soi»
même , qui a dû tenir tète à cette armée de dé-
mons déchaînée dans l'armée turque. Nous ne
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BE LUTHER. 21 9
nous soucions guère de savoir si Dieu est pour
nous ou contre nous; nous devons triompher
par notre propre force des Turcs et des démons,
et de Dieu et de toutes choses. Tant est grande
la confiance et la sécurité insensées de l'Alle-
magne expirante! £t cependant, nous autres, que
ferons-nous ici? Les plaintes sont vaines, les
pleurs sont vains. Il ne vous reste qu'à dire
cette prière : Que ta volonté soit faite, t (Î6 mars
1542) (1).
« Je vois chez tout le monde une cupidité în-
domptahle, et c'est un des signes qui me per-
suade que le dernier jour est proche; il semhle
que le monde dans sa vieillesse et son dernier
paroxisme, tomhe en délire, comme il arrive
quelquefois aux mourans. > (8 mars 1544.)
« Je crois que nous sommes cette trompette
suprême qui prépare et devance la venue du
Christ. Ainsi, quelque faibles que nous soyons,
quelque petit son que nous fassions entendre de*
vant le monde, nous sonnons fort dans l'assem-
(i) Il seQible qu'on retrouve ces tristes pensées dans \û
beau portrait de Luther mort , qui se trouve dans la col-
lection du libraire Zimmer à Heidelberg; ce portrait ex-
prime aussi la continuation d*un long effort.
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220 MiHOlRES.
blée des angles du ciel , qai reprendront après
nous et se chargeront d'achever. Amen. * (6 août
1545.)
Dans les dernières années de sa vie, ses en-
nemis répandirent plusieurs fois le bruit de sa
mort. Ils y ajoutèrent les circonstances les plus
extraordinaires et les plus tragiques. Pour les
réfuter, Luther fit imprimer en 15-45, en alle-
mand et en italien, un écrit inutitulé : Menson-
ges des Welckes sut la mort du docteur Martin
Luther.
« Je Tai dit d'avance au docteur Pomer: celui
qui après ma mort méprisera l'autorité de cette
école et de cette église, celui-là sera un héréti-
que et un pervers. Car c'est d'abord ici que Dieu
a purifié sa parole et la de nouveau révélée... Qui
pouvait quelque chose il y a vingt-cinq ans?
Qui était de mon côté il y a vingt et un ans ?
9 Je compte souvent et j'approche de plus en
plus des quarante années au bout desquelles ,je
pense, tout ceci doit prendre fin. Saint Paul n'a
prêché que quarante ans. De même le prophète
Jérémie et saint Augustin. Et lorsque furent
écoulées les quarante années pendant lesquelles
on avait prêché la parole de Dieu , elle a cessé
^e se faire entendre, et une grande calamité est
venue ensuite. •
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DB IrVTBBH. 22 1
La Tieille Électrice, à la table de laquelle il
se trouyait, lui souhaitait quarante ans de yie,
< Je ne youdrais point du paradis, dit-il, à con-
dition de yiyre quarante ans.... Je ne consulte pas
les médecins. Ils ont arrangé que je devais vivre
encore un an; je ne yeux point rendre ma yie
triste, mais, au nom de Dieu, manger et ]M)ire
ce qu'il me plait.
• Je voudrais que nos adversaires me tuafr-
sent , car ma mort serait plus utile à l'église que
ma vie.»
16 février 1546 : Comme on parlait beaucoup
de mort et de maladie à la table de Luther, pen-
dant son dernier voyage à £isleben, il dit : « Si
je retourne à Wittemberg, je me mettrai dans
la bière et je donnerai à manger aux vers un
docteur bien gras. 9 Deux jours après il mourut
à Ëisleben.
Impromptu de Luther sur la fragilité de la vie*
Dat Titram Titro Jonn (vitruro ipse) Lulherns,
Se slmilem ut fragilî noscat uterque vitro.
Nous laisBons ces vers en latin, ils auraient
perdu leur mérite dans une traduction.
Billet écrit par Luther à Eisleben, deux jours
avant sa mort : « Personne ne comprendra Vir«
19.
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222 itiHoi«iî9
gile dans les Bucoliques, s^îl n'a été cinq.ana par
teur.
» Personne ne comprendra Virgile dans les
Géorgiques f s'il n'a été cinq ans laboureur.
• Personne ne peut comprendre Gicéron dans
ses- Lettres , s'il n'a été durant vingt ans mêlé aux
affaires d'un grand état.
» Que personne ne croie avoir assez goûté des
saintes Écritures » s'il n'a pendant cent années
gouverné les églises, avec les prophètes Élie et
Elisée f avec Jean-Baptiste , Christ et les apôtres.
t Hanc tu ne divinam ^neida tenta»
» Sed vestigia pronus adora.
» Nous sommes de pauvres mendians. Hoc est
verum; 16 februarii, anno 1546. »
« Prédiction du révérend père le docteur Mar-
tin Luther, écrite de sa propre main, et trouvée
après sa mort dans sa bibliothèque , par ceux que
le très illustre électeur de Saxe, Jean Frédéric 1",
avait chargés de la fouiller.
« Le temps est arrivé auquel , selon Tancieime
prédiction , doivent venir après la révélation de
l'Antichrist , des hommes qui vivraient sans Dieu,
chacun selon ses désirs et ses illusions. Le pape
était un dieu au-dessus de Bieu, et maintenant
tous veulent se passer de Dieu, surtout les pa-
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D> IktrTHBK. 223
pistea. Les nôtres, nmintenant qu'ils sont libres
des lois du pape , Teulent encore l'être do la loi
de Dieu , ne suivre que des mobiles politiques ,
et ne les suivre encore que selon leurs caprices.
— Nous nous figurons qu'ils sont bien loin ceux
dont on a prédit de telles choses; ils ne sont
autres que nous-mêmes. — Il y en a parmi ceux-ci,
qui désirant le jour de l'homme , ont commencé
à chasser de l'Église le décalogue et la Loi. Parmi
eux se trouvent maître Ëisleben (Agricola) , con-
tre lequel, etc. — Je ne suis pas inquiet des pa-
pistes; ils flattent le pape par haine pour nous,
et pour devenir puissans, jusqu'à ce qu'ils soient
formidables au pauvre pape.... Je sens une grande
consolation , quand je vois les adulateurs du pape
lui tendre des embûches plus terribles que moi-
même, qui suis son ennemi déclaré. Il en est de
même chez nous : les nôtres me donnent plus
d'affiaiires et de périls que toute la papauté , qui
désormais ne pourra rien contre nous. Tant il est
vrfti que si un empire doit se détruire , c'est plu-*
tôt par ses propres forces. Celui de Rome
Moie ruit sud. . . .
• . • Corpus magnum popnlaroqne poUntem
1b rat tictrici coortnam viictra dcxtri* »
dby Google
224 MiHoiEEa
Yen la fia de Ba vie, Luther prit en dégoût le
séjour de Wittemberg. Il écrivit à sa femme,
en juillet 154K, de Leipzig où il se trouTait :
< Grâce et paix , chère Catherine ! Notre Jean te
racontera comment nous sommes arrivés. Emst
de Schonfeld nous a très bien reçus à Lobnitx,
et notre ami Scherle encore mieux ici. Je vou-
drais bien m'ar ranger de manière à ne plus avoir
besoin de relourner à Wiltemherg. Hon caur
s'est refroidi pour cette ville , et je n aime plus à
y rester. Je voudrais que tu vendisses la petite
maison, avec la cour et le jardin; je rendrais à
mon gracieux seigneur la grande maison dont il
m'a fait présent, et nous nous établirions à Zeib-
dorf. Avec ce que je reçois pour salaire, nous
pourrions mettre notre terre en bon état» car je
pense bien que mon seigneur ne refusera pas de
me le continuer, du moins pour cette année, que
je crois fermement devoir être la dernière de
ma vie. Wittemberg est devenu une véritable
Sodome^ et je ne veux pas y retourner. Après-
demain je me rendrai à Mersebourg , où le comte
George m'a vivement prié de venir. J'aimerais
mieux passer ainsi ma vie sur les grandes routes,
ou à mendier mon pain, que de tourmenter mes
pauvres derniers jours par la vue des scandales
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DB LUTBtA. 225
de*Wittemberg, où toates mes peines et toutes
mes sueurs sont perdues. Tu peux faire savoir
ceci à Philippe et à Pomer, que je prie de bénir
la yille en mon nom. Pour moi, je ne peux plus
y vivre. »
Il ne fallut rien moins que les instantes prières
de ses amis , de toute Facadëmie et de l'Électeur,
pour le faire renoncer à cette résolution. Il revint
à Wittemberg le 18 août.
Luther ne put mourir tranquille : ses derniers
jours furent employés à la tâche pénible de ré-
concilier les comtes de Mansfeld, dont il était né
le sujet. « Huit jours de plus ou de moins ^ écrit-il
au comte Albrecht, en lui promettant de se rendre
à £islcben, huit jours de plus ou de moins, ne
m'arrêteront pas , quoique je sois bien occupé
d'ailleurs. Je pourrai me coucher dans le cer-
cueil avec joie, quand j'aurai vu auparavant mes
chers seigneurs se réconcilier et redevenir amis.»
(6 décembre 1543.)
(De £isleben.)i> A la trèt savante et très profonde
dame Catherine Luther , ma gracieuse épouse.
Chère Catherine ! nous sommes bien tourmentés
ici , et nous ne serions pas fâchés de pouvoir
retourner chez nous. Cependant il nous faudra «
je pense, rester encore une huitaine de jours.
I Digitizedby Google
226 vÉvouiBs
Tu peux dire à maître Philippe qu*il ne fera pas
mal de corriger sapostille sur TÉvangile , car, en
l'écrivant , il ne savait guère pourquoi le Sei-
gneur, dans l'évangile, appelle les richesses des
épines. C'est ici l'école où l'on apprend ces choses.
La sainte Écriture menace partout les épines du
feu éternel , cela m'effraie et me rend de la pa-
tience, car je dois faire tous mes efforts, Diea
aidant , pour mener la chose à bonne fin... •
(6 février 1546.)
• Ah gracieuse dame Catherine Luther , «a
chère épouse , qui se tourmente beaucoup trop.
Grâce et paix dans le seigneur. Chère Catherine!
tu devrais lire saint Jean et ce que le Catéchisme
dit de la confiance que nous devons avoir en
Dieu. Tu te tourmentes vraiment comme si Diea
n'était pas toutrpuissant , et qu'il ne pût produire
de nouveaux docteurs Martin par dixatnes,si
l'ancien se noyait dans la Saale ou périssait d^une
autre manière. J'ai quelqu'un qui a soin de moi ,
mieux que toi et les anges vous ne pourriez ja-
mais faire. Il est assis à la droite du Père tout-
puissant. Tranquillise-toi donc. Amen... Pavais
aujourd'hui l'intention de partir in ira meà; mais
le malheur où je vois mon pays natal , m'a encore
retenu. Le croirais*tu ? je suis devenu légiste.
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DS LCTHBa. 227
Cependant cela ne servira pas à grand'chose. Il
vaudrait mieux qu'ils me laissassent théolo^en.
II serait grand besoin pour eux d'humilier leur
superbe. Us parlent et agissent comme s'ils étaient
des dieux, mais je crains bien qu'ils ne devien-
nent des diables, s'ils continuent ainsi. Lucifer
aussi a été précipité par son orgueil , etc. Fais
voir cette lettre à Philippe, je n'ai pas eu le
temps de lui écrire séparément, a (7 février 1546.)
« A ma douce et chère épouse , Catherine Luther
de Bora. Grâce et paix dans le Seigneur. Chère
Catherine! Nous espérons retourner chez vous
cette semaine, si Dieu le veut. Il a montré la
puissance de sa grâce dans cette afiaire. Les sei-
gneurs se sont accordés sur tous les points, à
l'exception de deux ou trois , entre autres sur la
réconciliation des deux frères, les comtes Geb-
hard et Albrecht. Je dînerai aujourd'hui avec eux,
et je tâcherai de les faire redevenir frères. Ils ont
écrit l'un contre l'autre avec beaucoup d'amer-
tume, et ne se sont encore rien dit pendant les
conférences. — Du reste, nos jeunes seigneurs
sont pleins de gaité ; ils vont en traîneaux avec
les dames , et font sonner les clochettes de leurs
chevaux. Dieu a exaucé nos prières.
» Je t'envoie des truites, dont la comtesse AI-
dby Google
229 xixoiRBs
brecht m'a fait présent. Cette dame est bien
heureuse de voir renaître la paix dans sa famille...
Le bruit court ici que l'Empereur s'arance yen
la Westphalie, et que le Français enrôle des
landsknechts, de même que le Landgrave, etc.
Laissons-les dire et forger des nouvelles : nous
attendrons ce que Dieu voudra faire. Je te re-
commande à sa protection. — Martin Lcran. •
(14 février 1546.)
Luther était arrivé le 28 janvier à Eisleben , et
quoique déjà malade , il assista aux conférences
jusqu'au 17 février. Il prêcha aussi quatre fois,
et révisa le règlement ecclésiastique du comté de
Mansfeld. Le 17, il fut si malade que les comtes
le prièrent de ne pas sortir. Au souper » il parla
beaucoup de sa mort prochaine, et quelqu^un
lui ayant demandé n nous nous reconnaitriom
les uns les autres dans l'autre monde , il répon-
dit qu'il le pensait. En rentrant dans sa chambre
avac maître Gœlius et ses deux fils, il s'appro-
cha de la croisée et y resta Ion g -temps en
prière. Ensuite il dit à Aurifaber qui venait
d'arriver : « Je me sens bien faible, et mes
douleurs augmentent. > On lui donna un médi-
cament, et on tâcha de le réchauffer par da
frictions. Il adressa quelques mots au comte Al-
dby Google
Bl LUTHBA. 229
brecht, qoi était Tena aussi, et se mit sar nn lit
de repos en disant : « Si je pouvais seulement
sommeiller une petite demi-heure , je crois que
cela me soulagerait. > Il s'endormit en effet, et
ne se réveilla qu'une heure et demie après, vers
onze heures. £n se réveillant , il dit aux assistans :
« Vous voilà encore assis à côté de moi , ne vou-
lez-vous pas aller reposer vous-mêmes ? ■ Il se
remit alors à prier , et dit avec ferveur : In manus
tuas commendo spiritum meum ; redemisti me , Do-
mine, Deus vetitatis. Il dit aussi aux assistans :
« Priez tous, mes amis, pour l'Évangile de notre
Seigneur , pour que son règne s'étende , car le
concile de Trente et le pape le menacent grande-
ment. • Il dormit ensuite jusque vers une heure,
et quand il se réveilla , le docteur Jonas lui de-
manda comment il se trouvait. ■ 0 mon Dieu !
répondit-il , je me sens hien mal. Mon cher Jonas ,
je pense que je resterai ici , à Ëislehen , où je suis
né. • Il marcha pourtant un peu dans la chamhre
et se remit sur son lit de repos, où on le couvrit
de coussins. Deux médecins et le comte avec sa
femme arrivèrent ensuite. Luther leur dit : « Je
meurs, je resterai ici , à Ëislehen; » et le docteur
Jonas lui ayant exprimé l'espoir que la transpi-
ration le soulagerait peut- être, il répondit :
20
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230 H^^MOIRES
« Non, cher Jonas, c'est une sueur froide eC
sèche, le mal augmente. » Il se remit alors à prier,
et dit : « 0 mon père! Dieu de notre Seigneur
Jésus Christ, toi le père de toute consolation,
je te remercie de m'a voir révélé ton fils bien-
aimé, en qui je crois, que j'ai prêché et reconnu,
que j'ai aimé et célébré, et que le pape et les
impies persécutent. Je te recommande mon âme,
ô mon Seigneur Jésus -Christ! Je quitterai ce
corps terrestre , je vais être enlevé de cette vie,
mais je sais que je resterai éternellement auprès
de toi. > Il répéta encore trois fois : In manusfuai
commendo spiritutn meum; redemisti me , Domine
veritatis. Soudain il ferma les yeux, et tomba
évanoui. Le comte Albrecht et sa femme, ain«
que les médecins, lui prodiguèrent leurs secourt
pour le rendre à la vie. Ils n'y parvinrent qu'avec
peine. Le docteur Jonaslui dit alors : « Révérend
père, mourez -vous avec constance dans la foi
que vous avez enseignée ?» Il répondit par un
oui distinct, et se rendormit. Bientôt il pâlit,
devint froid, respira encore une fois profonde^
ment, et mourut.
Son corps fut transféré dans un cercueil d'ëtain,
à Wittemberg, où il fut inhumé le 22 février arer
les plus grands honneurs. Il repose dans IV^lîse
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DB LUTHEtt. 2ol
du château , au pied de la chaire. (Ukert I, p. S27,
sqq. ExtraU de la relation de Jonas et de Cœ-
lius,)
Testament de Luther, daté du 6 janvier 1542,
— Je soussigné, Martin Luther, docteur, recon-
nais avoir, par les présentes, donné comme
douaire à ma chère et fidèle épouse Catherine ,
pour qu'elle en jouisse toute sa vie, comme bon
lui semblera : la terre de Zeilsdorf, telle que
je l'ai.achetée et fait disposer depuis; la maison
Brun que j'ai achetée sous le nom de Wolf; les
gobelets et autres choses précieuses, telles que
bagues, chaînes, médailles en or et en argent,
de la valeur de mille florins environ.
• J'ai fait ceci , premièrement parce qu'elle a
toujours été mçi pieuse et fidèle épouse , qui m'a
aimé tendrement , et qui , par la bénédiction du
ciel , m'a donné et élevé cinq enfans heureuse-
ment encore en vie. Secondement , pour qu'elle
te charge de mes dettes , montant à quatre cent
cinquante florins environ , au cas où je ne pour-
rais les acquitter avant ma mort. Troisièmement
et surtout, parce que je ne veux pas qu'elle soit
dans la dépendance de ses enfans, mais plutôt
que les enfans dépendent d'elle, l'honorent et
lui soient soumis , comme Dieu l'a commandé ;
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232 MEMOIRES
car j'ai tu bien souvent comme le Diable eicito
les enfans, même les enfans pieux, à désobéira
ce commandement, surtout quand les mères sont
veuves , que les fils ont des épouses, et les filles
des maris. Je pense , au reste > que la racresere
la meilleure tutrice de ses enfans, et qu'elle ne
fera pas usage de ce douaire au détriment de ceux
qui sont sa chair et son sang, de ceux qu'elle
a portés sous son cœur.
• Quoi qu'il puisse advenir d'elle après ma mort
(car je ne puis limiter les desseins de Diea)i
j'ai cette confiance qu'elle se conduira toujours
comme une bonne mère envers ses enfans, et
qu'elle partagea consciencieusement avec eux ce
qu'elle possédera.
> £n même temps , je prie tous mes amis d'être
t€ moins de la vérité et de défendre ma chère Ca-
therine , s'il allait arriver , comme il serait pos-
sible , que de mauvaises langues l'accusassent de
garder pour elle quelque somme d'argent ca-
chée , et de ne pas en faire part aux enfans. Je
certifie que ;nous n'avons ni argent comptant, m
trésor d'aucune espèce. £n cela rien d'étonnant,
si l'on veut considérer que nous n'avons eu d'au-
tre revenu que mon salaire et quelques présens,
et que cependant nous avons bâti , et porté lesohar-
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DB LtJTHEa. 283
gesd'uD grand ménage. Je regardemême comme
une grâce particulière de Dieu , et je l'en re-
mercie sans cesse , que nous ayons pu y suffire,
et que nos dettes ne soient pas plus considé-
rables
• Je prie aussi mon gracieux seigneur, le duc
Jean-Frédéric , électeur , de vouloir bien confir-
mer et maintenir le présent acte , quoiqu'il no
soit pas fait dans la forme demandée par les gens
de loi. Blartin Luthsb. Signé Hélakchtoic , Cmoi-
CBE etBuGENiuGEiv, commc témoins. >
90.
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234 MÉMOiais
ADDITIONS
R
ÊGLÂIRCISSEMENS.
Page I , ligna 8* — Les Turcs..-
Luther crut voir d'abord dans les Turcs un
secours que Dieu lui envoyait. « Ce sont, dit*iK
les ministres de la colère divine, 1526. {Prœliari
advenus Turcas , est repugnare Deo , visùantiini-
quiiaies nostras per illos. » — Il ne voulait point
que les protestans s'armassent contre eux pour
défendre les papistes, ■ car ceux-ci ne valent pas
mieux que les Turcs. »
Il dit dans la pré&ce qu'il mit à on livre du
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ra LUTHBB. 285
docteur Jonas, que les Turcs égalent les papis-
tes, ou les surpassent plutôt, dans les choses que
ceux-ci regardent comme essentielles au salut,
tels que les aumônes, les jeûnes, lea macérations^
les pèlerinages, la yîe monastique, les cérémo-
nies et les autres œuvres extérieures , et que c'est
pour cette raison que les papistes ne parlent pas
du culte des mahométans. Il prend occasion de
ceci pour élever au-dessus de ces pratiques ma-
hométanes ou « romanistes, la religion pure du
cœur et de l'esprit , enseignée par l'Evangile. >
Ailleurs, il fait un parallèle entre le pape et
le Turc, et conclut ainsi : « S'il faut combattre le
Turc , il feut aussi combattre le pape. » — Cepen-
dant quand il vit les Turcs menacer sérieusement
l'indépendance de l'Allemagne, il exprima plu-
sieurs fois le désir qu'on entretint une armée per-
manente sur les frontières de la Turquie , et ré-
péta souvent que tout ce qui portait le nom de
chrétien devait implorer Bien pour le succès des
armes de l'Empereur contre les infidèles.
Luther exhorta l'Électeur, dans une lettre du
28 mai 1538, à prendre part à la guerre qui se
préparait contre, les Turcs. Il l'engagea à oublier
les querelles intestines de l'Allemagne, pour tour-
ner ses armes contre l'ennemi commun.
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238 a£HoiRB8
Un homme digne de foi , qni avait été en i
bassade chez les Tnrcs, dit un jour à Luther que
le sultan lui ayait demandé quel homme était
Luther, et de quel âge, et qu'ayant appris qu'il
ayait environ quai^nte-huit ans, il disait : Je
voudrais qu'il ne fût pas si âgé ; il a en moi un
gracieux seigneur , dites-le-lui bien. < Que Dieu
me préserve de ce gracieux seigneur, s'écria
Luther, en faisant le signe de la croix. > (Tiachre-
den, p. 433, verso.)
P»gt 4, ligne ».—Le Lantfgraue, se crojrant menacé ^ ievm
une armée,;
Luther, dans une lettre au chancelier Brûck,
dit, en parlant des préparatifs de guerre du Land*
grave, a Une pareille agression de la part des
nôtres , serait la plus grande honte pour TÉvan-
gile. Ce ne serait point une révolte de paysans ,
mais une révolte de princes , qui préparerait
à rAllemagne les maux les plus terribles. Sa-
tan ne désire rien autant. » (mai 1528.) Il
écrivit plusieurs lettres dans le même sens à
rÉlecteur. — Cependant il est quelquefois tenté
de lâcher lui-même la bride au Landgrave. Ayant
lu une lettre de Hélanchton , qui éuit au CW-
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DB LUTHEA. 237
loque, i] dit : « Ce que Philippe écrit, cela a
des pieds et des mains , de l'autorité et de la gra-
vité. Il dit des choses importantes en peu de
mots; je conclus de sa lettre que nous avons la
guerre Le lâche de Mayence fait tout le mal.
Ils devraient nous donner une prompte réponse.
Si j'étais le Landgrave, je tomberais dessus, je
périrais ou je les exterminerais, puisque dans une
affaire si juste, ils ne veulent pas nous donner la
paix. » (Tischreden, p. 151.)
Page a6> ligne la. — • Ze duc George.,,
Ce prince se montra de bonne heure opposé
à la Réforme. Dès l'année 1525 (22 décembre),
Luther avait écrit au duc pour le prier instam-
ment de renoncer à ses persécutions contre la
nouvelle doctrine. « ... Je me jette à vos pieds
pour vous supplier de cesser enfin vos entreprises
impies. Non que je craigne le préjudice qui en
pourrait résulter pour moi,, car je n'ai plus qu'à
perdre ce misérable corps de chair que dans tous
les cas la terre va bientôt recevoir. Si je recher-
chais mon avantage, je ne devrais rien tant dé-
sirer que ]a persécution. On a vu comme elle m'a
servi jusqu'ici au-delà de toute attente. Si je
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2-^8 iiéHOiass
prenais plaisir à rendre votre Grâce maîhenreuse.
je l'exciterais de toutes mes forces à continuer
ses violences » mais c'est mon devoir de songer
au salut de votre Grâce et de la supplier à ge-
noux de cesser ses criminelles offenses envers
Dieu et sa parole... »
Page 4 « IJgne lo — Le docteur Pack...
« Mon cher Amsdorf , voici Otton Pack, pau-
vre exilé que j'offre à ta miséricorde ; il sera plas
en sûreté à Magdebourg que chez moi; je crain-
drais que le duc George ne me forçât de le re-
mettre entre ses mains. • (29 juillet 1529.)
Page 5« ligne 8. — Le grand-mattre de l'ordre Teutoniqme a»au
sécularisé la Prusse.,,
• Lorsque je parlai la première fois au prince
Albert , comme il me consultait sur la règle de
son ordre, je lui conseillai de mépriser cette
règle stupide et confuse , de prendre femme et de
réduire la Prusse à une forme politique , en prin-
cipauté ou en diiché. Philippe partageait cette
opinion, et donnait le même conseil... Gela pour-
rait s'exécuter aisément , si le peuple de Prusse et
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DB LUTHER. 230
les grands unissaieut leurs prières pour qu'il
osât Tentreprendre ; il aurait ainsi un motif né-
cessaire et puissant défaire cequ'il désire... C'est à
toi avec Speratus , Amandus et les autres ministres^
d'y amener le peuple , de l'enflammer , de Tani-
mer pour qu'il invoque la main de Dieu, afin
qu'au lieu de cette abominable principauté her-
maphrodite, qui n'est ni laïque ni ecclésiastique,
il désire et réclame une principauté yéritable.
— Je voudrais persuader la même chose à réyê-
que ***\ lui aussi , il céderait à nos raisons, si le
peuple le pressait de ses prières. » (4 juillet l^UJ.
Il y avait six mois alors que cet évéque prê-
chait ouvertement la réforme. « Ainsi , écrivait
Luther en avril 1523, pendant le fort de la guerre
des paysans, TÉvangile court à pleine course et à
pleines voiles en Prusse , où il n'était pas appelé,
tandis que dans la haute et basse AHeraagae , oit
il est venu et entré de lui-même, on le blas-
phème avec fureur. » (T. II, p. 649.)
P«g« 7» ligne lo. — Le duc George.,,
« Prie avec moi le Dieu de miséricorde, pour
qu'il convertisse le duc George à son Évangile ,
ou que, s'il n'en est pas digne, il soit tiré de ce
monde. » (27 mars 15â6.)
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240 HÉHOIILE»
Luther écrivît à PÉlecteur, au sujet de ses que-
relles avec le duc George (31 décembre 1528) :
«... Je prie votre Grâce électorale de m'abandon-
ner entièrement à la décision des juges, au cas
où le duc George le demanderait, car il est de
mon do-oir d'exposer ma tête plutôt que de Caiire
éprouver le moindre préjudice à votre Grâce.
Jésus^Ghrist, je Tespère, me donnera les forces
nécessaires pour résister tout seul à Satan. »
Page 7 , ligne 27. — Où s'arrêtera la superàe
de ce Moab',,
Le duc Georges était , après tout , un persécu-
teur assez débonnaire. Ayant chassé de Leipsig
quatre-vingts luthériens, il leur accorda la per*
mission de garder leurs maisons , d'y laisser leun
femmes et leurs enfans , et même d'y venir trois
fois par an au temps des foires. — Bans une autre
circonstance, Luther ayant conseillé aux protes-
tans. de Leipsig de résister aux ordres de leur
duc, celui-ci se contenta de prier Télecteur de
Saxe d'interdire à Luther toute communication
avec ses sujets. (Cochlœus, p. âSO.)
Page 8, ligae 9. — Diète à Spire»,,
Quelque temps après cette diète , Lutter écrî-
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DB LUTHBB. 241
Tit la consultation suivante : « D'abord il serait
bon que notre parti, à Texclusion des zwingUens,
parlât pour lui seul.
• En second lieu , qu'on écrivit à l'Empereur,
et que les bienCaiits du prince (l'électeur de Saxe)
envers l'Église et l'État, fussent amplifiés, célé-
brés, etc. Il ûiudrait rappeler : i"" Qu'il a fait
enseigner , de la manière la plus pure , le Christ
et sa foi, comme on ne l'a jamais enseigné de*
puis mille ans; qu'il a aboli une foule d'abus et
de monstruosités nuisibles à l'Église et à l'État,
comme les marchés de messes, les abus des in*
dulgences, les violences de l'excommunication,
et tant d'autres choses qui leur ont paru à eux-
mêmes intolérables, et dont la noblesse a exigé
l'abolition à Worms.
> 2° Qu'il a résisté aux séditieux, à ceux qui
violaient les images et les églises.
» S® Que la dignité impériale a été par lui ho»
norée, glorifiée, réformée, plus qu'on ne l'avait
fait en plusieurs siècles.
9 4® Que nous avons fait et supporté les plus
grandes choses contre les partisans de Humer,
pour sauver la majesté et la paix publique.
> 5*^ Que c'est nous, et non d'autres, qui avons
réprimé les sacramentaires; que sans nous les
papistes eussent été écrasés.
DigitizedbyVjOOÇlC
242 MixoiftM
» 6* Que nous avons de même réprimé le»
anabaptistes.
• 7° Qu'en outre, nous avons étouffe les maa
vais germes que de méchantes gens avaient ré-
pandus en divers endroits sur la sainte Trinité , sur
la foi du Christ , etc. Je parle d'Érasme, d'Egra-
nus et de leurs pareils. > (mai 1529.)
Page 8, ligne 14. «— Le parti de la Réforme éclata...
Luther essaya encore de retenir les siens; lo
22 mai 1529, il écrivit à l'Électeur pour le di*-
suader d'entrer dans aucune ligue contre TEm-
pereur, et l'exhorter à s'en remettre à la pro-
tection divine. Dans une lettre à Agrîeola, i)
approuva la conduite prudente de l'Électeur à
l'égard de l'empereur : « Notre prince a bien fait
de reconnaître un seigneur dans une ville étran-
gère, et de n'avoir point cherché à être le maître,
comme il aurait pu le faire. Christ a dit : Si toum
êtes persécuté dans une ville, fuyez dans une au-
tre; et encore : Sortez de cette maison. Ainsi je
pense que notre prince , comme un membre qui
ne peut se séparer du corps, ne devait point
rompre avec César. Mais par son silence il s
comme fui dans une autre ville, il est sorti de
cette maison. > (30 juin lâSO.)
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»1 LDTBBa. 243
Pag« 9, Ugn* ft. — £« Landgrave essaya de réconcilier Lu-
ther et les tttcramentaires,»,
Aa landgrave de Hesse. « Grâce et paix en
Jésus-Christ. Sérénissime seigneur! j'ai reçu la
lettre par laquelle votre Altesse veut bien m'en-
gager à me rendre à Marbourg, pour conférer
avec OËcolampade et les siens, au sujet de nos
opinions sur le saint Sacrement. Je ne saurais
cachera votre Altesse que je mets peu d'espoir
dans une pareille conférence, et que je doute
qu'on en voie sortir la paix et l'union. Néanmoins
il faut rendre grâce à votre Altesse de la solli-
citude qu'elle montre en cette affaire, et je suis
disposé, pour ma part, à me rendre au lieu dé-
signé, bien que je regarde cette démarche comme
inutile. Je ne veux pas laisser non plus à nos ad-
versaires la gloire de pouvoir dire qu'ils aiment
plus que nous la paix et la concorde. Mais je vous
prie humblement, gracieux prince et seigneur,
de vouloir bien , avant que nous nous réunis-
sions, vous informer, s'ils sont disposés à céder
quelque point de leurs doctrines, autrement je
craindrais fort que le mal ne fît qu'empirer par
cette conférence, et que le résultat ne fut pré-
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244 KiMoimit
cisément le. contraire de ce que votre Altesse re-
cherche si loyalement et si sériensement. A quoi
servirait-il de se réunir et de discuter, si les deux
parties arrivaient avec la résolution de ne cé-
der en quoi que ce fût?... * (23 juin 1529.)
Dans une consultation qui nous reste sur le
même sujet , et que l'on attribue généralement à
Luther, il exprime le désir que quelques papistes,»
hommes graves et instruits, > assistent à la oon-
férence comme témoins.
A sa femme. < Grâce et paix en Jésua-€hrist.
Cher seigneur Catherine! Apprenez que notre
conférence amicale de Marbourg est finie, et que
nous sommes d'accord en tout point , si ce n'est
que nos adversaires persistent à ne voir que du
pain dans TEucharistie , et à n'admettre qu'une
présence spirituelle de Jésus-Christ. Aujourd'hui
le Landgrave nous parlera encore une fois , pour
tâcher de nous unir ou de nous porter du moins
à nous reconnaître pour frères et membres du
même corps. Il y travaille avec ardeur. Nous leur
accordons la paix et la charité, mais nous ne
Toulons pas de ce nom de frères. Demain ou
tprès-demain , je pense, nous partirons pour
nous rendre au Voigtland, où l'Électear nous a
appelés.
dby Google
AS LCTOBR. d45
» IMs à Pomer que les meilleurs argumens
de Zwingli ont été : Que le corp$ ne peut exister
$anê espace , et que, par conséquent, le corps du
Christ n^est pas dans le pain , et le meilleur d'OE-
colampade : Que le saint Sacrement est un signe
du corps du Christ, Dieu les a yraimeut aveuglés,
ils n'ont su que nous répondre. — Adieu. Le
messager me presse. Priez pour nous. Nous som-
mes bien portans et vivons comme lés princes.
Embrasse pour moi Leinette (Madeleine) et le
petit Jean. Le jour de saint François. Votre dé-
voué serviteur , Martin Lirrua. » ( 4 octobre
1529.)
Luther écrivit au landgrave de Hesse dans
une antre lettre (dO mai 1530), an sujet de ses
tentatives de conciliation : « ... J'ai supporté de
•i grands dangers et de si longs tourmens pour
ma doctrine, que certes j'ai lieu de désirer de
n'avoir pas travaillé en vain. Ce n'est donc point
par haine ou par orgueil que je leur résiste; il y
a bien long-temps que j'aurais adopté leur doc-
trine, Bien , mon Seigneur, le sait, s'ils avaient
pu m*en montrer la vérité : mais ks raisons
qu'ila diMmentsont trop &iblct pour que j'y puisse
engager ma consoience... »
SI.
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246 iiiiioiBia
Fajt is, ligne ki.'— L'Électeur ammnm...
Il partît de Torgaw le 3 avril , et arriva à Aug»-
bourg le 2 mai. Sa suite se composait de cent
soixante chevaux. Les théologiens qu'il avait avec
lui furent Luther , Mélanchton , Jonas , Agri-
oola, Spalatin et Osiander. Luther, excommunié
et mis au ban de l'Empire, resta à Gobourg.
(Ukert. t.I,p. 232.)
Page I i , ligoe la. ~ L'Electeur amena Luther U plut prêt
potsible d' Augtbourg.
« Je suis sur les confins de la Saxe , à moitié
chemin entre Wittemberg et Augsbourg. Il y au-
rait eu trop de danger pour moi dans cette der-
nière ville. » (juin 1530.)
Page f 4 » llgae 19* — Les nobles seigneurs qui JbrmetO, mot
comices.;
• Ma résidence est maintenant au milieu des
nuages, dans l'empire des oiseaux. Sans parler
de la foule des autres oiseaux , dont les chanto
confus feraient taire une tempête, il y a près
d'ici un certain bois tout peuplé, de la pre-
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tm LUTHBH. 247
inière à la dernière branche , de corbeaux et de
corneilles. Du matin au soir , et quelquefois pen-
dant toute la nuit, il y a là une crierie si infati-
gable, si incessante, que je doute qu'en aucun
lieu du monde tant d'oiseaux se soient jamais
réunis. Pas un qui se repose un instant; bon
gré mal gré, il faut les entendre, vieux et jeunes,
mères et filles, glorifier à qui mieux mieux, par
leurs croassemens, le nom de corbeaux. Peut-
être , par ces chants si harmonieux, veulent -ils
faire descendre doucement le sommeil sur mes
paupières; avec la grâce de Dieu , j'en ferai cette
nuit Texpérience. C'est une noble race d'oiseaux,
et, comme tu le sais, fort utiles au monde. Il
me semble, en les voyant, que j'ai sous les yeux
toute l'armée des sophistes et des Cochléistes,
réunis de toutes les parties du monde , afin
que j'apprécie mieux leur sagesse et leur doux
langage, et que je voie à mon aise ce qu'ils sont
et ce qu'ils peuvent pour le monde de l'esprit
et pour le monde de la chair. Jusqu'à ce jour ,
personne n'a entendu philomèle , et cependant
le coucou , qui annonce et accompagne son
chant, s'enorgueillit magnifiquement dans la
gloire de sa voixs De la résidence des corbeaux.
(23 avril 1530.)
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248 ■t«(HKBi
^Bg* &5, llgM ao. — Luther U tanaitt ndem»mt»,.
Quelquefois cependant il compatit à ses dou-
leurs. « Vous avez confessé Christ, offert la paix,
obéi à César , souffert les injures , épuisé les
blasphèmes. Vous n'avez point rendu le mal pour ,
le mal; enfin tous avez dignement travaillé à la
sainte œuvre de Dieu, comme il convient à des
saints; réjouissez- vous donc dans le Seigneur.
Assez long-temps vous avez été contristés par le
monde. Regardez et levez la tète , votre rédemp-
tion approche. Je vous canoniserai comme de
fidèles membres de Christ; que &ut-il de plus à
votre gloire ? » (15 septembre 1530.)
Vtigê ao, ligne a. — J'aurais voulu être la victime sacrifiée
par ce dernier concile , comme Jean Huss.**
t Plaise à Dieu que nous soyons dignes d'être
brûlés ou égorgés par lui (par le pape.) Cepen*
dant si nous ne méritons pas de rendre témoi*
gnage par notre sang , implorons du moins Bien
pour qu'il nous accorde cette grâce de témoi-
gner par notre vie et nos paroles que Jésa»-Ghnst
est seul notre Seigneur, et que nous l'adorerotts
dans tous les siècles des siècles, Anen. » (T. H des
œuvres latines, p. 270.)
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mu hvvmwÊL. S49
f F«f« to» Ugne 16. — L» profession dêJU
des protestons., *
i A la diète d'Augsbourg , le duc Guillaume de
Bavière, qui était fort opposé à la doctrine évan-
gélique, ayant dit au docteur £ck : « Peut -on
renverser cette opinion par FÉcriture sainte ? »
« Non , dit-il , mais par les Pères. » Uévéque de
Mayence se mit à dire : « Voyez ! nos théologiens
nous défendent joliment! Les luthériens montrent
leur opinion dans FÉciture, et nous la nôtre hors
de rÉcriture. » Le même évéque disait alors :
« Les luthériens ont un article auquel on ne peut
contredire, quand même tous les autres ne vau-
draient rien; c^est celui du mariage. » (Tischre-
den,p. 99.)
Pag» SI « lign« 19. — L*archeuéque de Majenee est très
porté pour la paix,.»
Luther , pour l'exhorter à montrer des senti-
mens pacifiques, lui avait écrit une lettre qui «•
terminait ainsi : € Je ne puis cesser de penser à
la pauvre Allemagne, si malheureuse, si aban-
donnée, ai méprisée, vendue à tant de traîtres
•n même temps. C'est ma eb4re patrie; je.déii*
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25Q ■ftaocass
rerais tant la voir heitreuse! > (0 juillet 1530, de
Cobourg.) .
Faft a3, ligne l8* — Si VEmpareur veutjiùre un état, qu'il
le fasse i après W^orms aussi il enjit un.—
Luther a conscience de sa force. « Si j'étais
tué par les papistes, ma mort protégerait nos des-
cendans, et ces bêtes féroces en seraient peut-être
plus cruellement punies que je ne voudrais moi-
même. Car, il y a quelqu'un qui dira un jour : Ou
est ton frère Abelf Et celui-là les marquera au
front, et ils erreront fugitifs par toute la terre...
Notre race est maintenant sous la protection du
Seigneur, puisqu'il est écrit ; Je ferai miséricorde
jusqu'à la millième génération à ceux qui m^ont
aimé. Et moi je crois à ces paroles. • (30 juin
1»30.)
« Si j'étais tué dans une émeute papiste,
j'emmènerais à ma suite un grand nombre d'éTè-
ques, d« prêtres, de moines, si bien que tous
diraient : « Le docteur Martin Luther est con-
duit au ^épulcre ayec une grande procession;
certes, c'est un grand docteur, au-dessus de
tous éyêques, prêtres, moines; aussi faut-il qu'à
•on enterrement ils aillent avec lui, étendus
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DB LUTHBA. 251
sur le dos. • C'est ainsi que nous ferions ensem-
ble notre dernier voyage.» (1531. Gochlœus»
p. 211. Extrait du livre de Luther intitulé : Avis
aux Allemands.)
Les catholiques, lui disait-on, vous reprochent
plusieurs fausses interprétations dans votre tra-
duction de rÉcriture. Il répondit : « Ils ont en-
core de trop longues oreilles, et leur hihanl ht"
han ! est trop faible pour juger une traduction
du latin en allemand... Dis-leur que le docteur
Martin Luther veut qu'il en soit ainsi, et qu'un
papiste et un âne c'est la même chose.
Sic volo , sic j'ubeog tit pro ratione voiuntas,
(Passage cité par Gochlœus, SOI , verso.)
Pa^ aa f lign« 97. -^ Qu'ils nous rendent Léonard Kêiser,^
« Non-seulement le titre de roi, mais celui do
César lui est bien mérité, puisqu'il a vaincu ce-
lui dont le pouvoir ne trouve point d'égal sur la
terre. Ce n'est pas seulement un prêtre , c'est un
souverain pontife et un véritable pape , celui
qui a offert ainsi son corps en sacrifice à Dieu.
Avec juste raison l'appelait-on Léonhard , c*est-
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252 mixoïKBS
à-dîre force du lion : c'était un lion fort et In-
trépide. » (22 octobre 1527.)
A Hausmann. « Je pense que ta auras tu l'his-
toire de Gaspard Tauber; le nouyeau martyr de
Vienne, qui aété décapitéet brûlé dans celte YÎlle
pour la parole de Dieu. Il en est arrivé autant à
un libraire de Bude, en Hongrie, qu'on a brûlé
au milieu de ses livres. • (12 novembre 1524.)
Il y avait à Vienne des partisans de la nouvelle
doctrine. « Lorsqu'après la diète d'Augsbourg le
cardinal Gampeggio entra dans la ville avec le
roi Ferdinand, on habilla un petit homme de
bois en cardinal, on lui attacha au cou des indul-
gences et le sceau du pape, et on le mit sur un
chien qui avait à la queue une vessie de porc
pleine de pois. On fit courir ce chien à travers
toutes les rues. • (Tirchr., p. 251.)
lan aa « 1*8»* ij,"' Qu'ils nous rendent Ketser €t immi
d'autres qu'Us ont/ait injustement mourir.,.
Si Von en croyait Gochlseus, Luther se serait
montré persécuteur à son tour. En 1682, un
luthérien s'étant éloigné de ses opinions, Luther
le fit enlever et conduire à Wittemberg, où il fot
emprisonné; un procès fut commeneé. Comme
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OB Lumm. 253
on ne troaya pas de charges safiisantes, il fallut
le relâcher. Mais il fut toujours depuis sourde-
ment persécuté par les luthériens. (Gochlœus ,
p. 218.)
Page l4« Itgn» 8. — On im prépare d combattre. ^^
Cependant on craignait tant de part et d'au-
tre rissne de la lutte , que , contre toute probabi-
lité, la paix se maintint. « J'admire ce miracle
de Dieu, que tant de menaces soient allées en
fumée. Tout le monde en effet croyait qu'au
printemps éclaterait en Allemagne une guerre
atroce. » (juin 15SL)
La crainte d'un nouTcau soulèvement des pay«
sans contribuait à entretenir les intentions paci-
fiques des princes. « Les paysans, écrit Luther,
recommencent à s'assembler. Une soixantaine
d'entre eux ont cherché à surprendre la nuit le
château de Hohenstein. Tu vois que malgré la
présence de l'Empereur, il faut prendre des
précautions contre cette révolte; que serait-ce
•i les papistes commençaient la guerre? • (19 juil-
let 1580.)
ToMS II. 22
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254 MÉHOints
rag« s4« ^^S^* "• -^Luther fut accusé êtavMr panssé img
protêt tans â prendre cette attitude hostile..^
Bien loin de là, il avait dès 1529 dissuadé l'É-
lecteur d'entrer dans aucune ligue dirigée contre
TEmpereur... « Nous ne saurions approuver une
pareille alliance; s'il en résultait quelque mal-
heur, peut-être même la guerre ouverte , tout re-
tomberait sur notre conscience, et nous aime-
rions mieux être dix fois morts que d'avoir à
nous reprocher du sang versé pour l'Évangile.
Nous sommes ceux qui devons souffrir , comme
dit le prophète, ceux qui ne doivent pas se ven-
ger eux-mêmes, mais tout remettre entre les
mains de Dieu... Je supplie donc humblement
votre Grâce électorale de ne pas se laisser abattre
par ce danger. Nous allons élever nos prières à
Dieu; mais nos mains doivent rester pures de
sang et de crime. S'il arrivait (contre mon opi-
nion) que l'Empereur allât jusqu'à me réclamer
moi ou mes amis, nous irions, sous la protection
de Dieu , comparaître devant lui , plutôt que de
causer préjudiceà Votre Grâce électorale, comme
je l'ai plusieurs fois déclaré à votre au|^ufl(e
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DK LUTHKR. 255
èro, feu l'électeur Frédéric (18 noTem-
re 1529.)
Pafe i411gii« i^* -^ Mésistanc0 à l'Emperêur„4
Bans le livre des Propoide table (p. S97, verso
: suiv.) Luther parle plus explicitement : € Ce
'est point pour la religion que Ton combattra.
'Empereur a pris les évêchés d'Utrecht et de
iége; il a offert au duc de Brunswick de lui
lisser prendre Hildesheim. Il est affamé et al-
iré des biens ecclésiastiques; il les dévore. Nos
rinces ne le souffriront pas; ils voudront manger
vec lui. Alors on en viendra à se prendre aux
onnets. » (1530.)
« J'ai souvent été interrogé par mon gracieux
BÎgneur , sur la question de savoir ce que je fe-
ais si un voleur de grand chemin , un meurtrier,
enait m'attaquer. Je résisterais , dans l'intérêt
lu prince dont je suis sujet et serviteur ; je puis
uerle voleur, mettre le couteau sur lui» et
nême ensuite recevoir les sacremens. Mais si c'est
)Our la parole de Dieu, et comme prédicateur,
jue Ton m'attaque, je dois souffrir et recora-
[nander la vengeance à Dieu. Aussi je ne prends
point de couteau en chaire , mais sur la route.
Les anabaptistes sont des coquins désespérés , ils
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2SA HiMOIEtS
qe portent aucane arme et se yantent d'un»
grande patience. •
(1536.) « Gomme je parlais ponr la paix, le
landgrave de Hesse me disait : Seigneur doctenr,
TOUS conseillez très bien; mais quoi? Si nous ne
suivons pas vos conseils ? »
(1539.) Luther répond sur la question da
droit de résistance « que , selon le droit public ,
le droit naturel et la raison , la résistance à Tcu-
torité injuste est permbe. Il n'y a de difficulté
que dans le domaine de la théologie.
» La question n'eût pas été difficile à résoudre
au temps des apôtres, car toutes les autorités
étaient alors païennes et non chrétiennes. Mais
maintenant que tous les princes sont chrétiens
ou prétendent l'être , il est difficile de conclure,
car un prince et un chrétien sont les plus pro-
ches parens. — Qu'un chétien puisse se défendre
contre l'autorité, il y a là matière à de grandes
réflexions. — ... Au fond , c'est au pape que j^arra-
rache l'épée, et non à i'£mpereur.
Il résume ainsi lui-même les argumens qu^
eût pu adresser aux Allemands, s'il eût fait une
exhortation à la résistance :
« I. L'Empereur n'a ni droit ni puissance pour
ordonner cela; c'est chose certaine, s'il i*or-
dby Google
SB LDTSBA. W?
donne , on ne doit point lui obéir. % Ce n'est
pas moi qui excite le trouble , je l'enipéche et je
m'y oppose. Qu'ils Toîent s'ib n'en sont pas les
auteurs » lorsqu'ils ordonnent ce qui est contre
Dieu. S. Ne badinez pas tant.' Si tous faites boire
le fou (narren Luprian) , prenez garde qu'il ne
Toua crache au visage. Il est, d'ailleurs , assez al-
téré , et ne demande pas mieux que de boire son
soûl. A. £h bien ! tous voulez combattre ; courbez
vos têtes pour recevoir la bénédiction. Ayez bon
succès ! Dieu vous donne joyeuse victoire ! Moi,doc-
teur Sartin Luther, votre apôtre,je vous ai parlé»
je vous ai avertis , comme c'était mon devoir ! »
Il dit encore ailleurs : « Vous méprisez ma doc-
trine. Vous voulez prendre le Luther dans ses
paroles , comme faisaient les Pharisiens au Christ.
Mais si je voulais (je ne le veux point) , j'aurais
une glose pour vous embarrasser; je dirais que
cette résistance n'est point contre l'Empereur,
mais contre Dieu. D'un autre côté : qu'un politi-
que , un citoyen , un sujet , n'est pas un chré-
tien, que ce n'a pas été la pensée de Christ de
détruire les droits , la police et le gouvernement
du monde. Rends à Dieu ce qui est à Dieu, et à
César ce qui est à César. N'obéis point dans ce
qui est contre Dieu et sa paroi e^
22.
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258 HiHOIRBS
• Je condamne la révolte an péril de mon
corps, de ma vie, de mon honneur et de mes
biens. Je voudrais bien vous arrêter et vous re-
tenir. Si vous commencez , je me tairai et périrai
avec vous. Vous irez en enfer au nom de tous les
diables, et moi au ciel au nom du Christ. Ils
veulent abuser de notre doctrine, mais ils Ter-
ront du moins qu'elle n'est point erronée en soi.
» ... Tuer un tyran n'est pas chose permise à
l'homme qui n'est dans aucune fonction publi-
que , car le cinquième commandement dit : Tu
ne dois pas tuer. Mais si je surprends un homme
près de ma femme ou de ma fille, qnoiqn*il
ne soit point un tyran , je pourrai fort bien le
tuer. Item, s*ii prend par force à celui-ci sa
femme, à l'autre sa fille, au troisième ses terres
et ses biens , que les bourgeois et sujets s'assem-
blent, ne sachant plus comment supporter sa tîo>
lence et sa tyrannie, ils pourront le tuer, comme
tout autre meurtrier ou voleur de grand che-
min. » ( Tischr., p. S97, verso, sqq. )
» Le bon et vraiment noble seigneur Gaspard
de Kokritz m'a demandé , mon cher Jean, que je
t'écrivisse mon j ugement sur le cas où .Gesar vou-
drait faire la guerre à nos princes, au sujet de
l'Évangile. Serait-il alors permis aux nôtres de
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DB LOTHER. 259
•ésistcp et de se défendre? J'araîs déjà écrit mou
)pinion sur ce sujet , du virant du duc Jean.
Lujourd'hui il est un peu tard pour me demander
aon avis, puisqu'il a été décidé parmi les princes
[u*ils peuvent et veulent résister et se défendre ,
it qu'on ne s'en tiendra pas à mon dire... Ne
ortiiîe pas le bras des impies contre nos princes;
aisse le champ libre à la colère et au jugement
le Dieu; ils l'ont cherché jusqu'à ce jour avec
ùreur, avec rire et avec joie. Cependant intimide
es nôtres par cet exemple, que les Machabées ne
ui virent pas ceux qui voulaient se défendre cou-
re Antiochus, mais que dans la simplicité de
eur cœur ils se laissèrent plutôt tuer. > (8 fé-
rier 15S9.)
Dans son livre De seculari poiestate, dédié au
lue de Saxe, il dit ; « En Misnie, en Bavière et
•n d'autres lieux , les tyrans ont promulgué un
>dit pour qu'on ait à livrer partout aux magistrats
es Nouveaux Testamens. Si les sujets obéissent
i redit, ce n'est pas un livre, qu'ils remettent au
3éril de leur salut, c'est Christ lui-même qu'ils
ivrent aux mains d'Hérode. Cependant, si on
^eut les enlever par la violence , il faut le souf-
frir; on ne doit point résister à la témérité. —
Les princes sont du monde , et le monde est en-
nemi de Dieu. •
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300 ■iMOiact
c On ne doH pas obéir à César s'il reul iaira
la guerre à notre parti. Le Turc n'attaque pas
son Alcoran , TËmpereur ne doit pas davantage
attaquer son Évangile. » (Gochlœus, p. 210.)
Page 14 « Ifgna l4» — ¥^<^ci mon mvis»-
L'Électeur avait demandé à Luther s'il serait
permis de résister à l'Empereur les armes à la
main. Luther répondit négativement, en jyoo-
tant seulement : « Si cependant l'Empereur , non
content d'être le maître des états des princes,
allait jusqu'à exiger d'eux de persécuter, de
mettre à mort, ou de chasser leurs sujets pour
la cause de l'Évangile, les princes convaincus que
ce serait agir contre la volonté de Dieu , devrtmt
lui refuser l'obéissance; autrement ils violeraient
leur foi et se rendraient complices du crime. D
suffit qu'ils laissent faire l'Empereur, qui aura à'
en rendre compte, et qu'ils ne défendent pas leurs
sujets contre lui. » Plus loin il dit, en parlant de
la guerre civile : « Quel carnage et quelles la-
mentations couvriraient alors la terre allemande !
Un prince devrait mieux aimer perdre trois fois
ses états, ou mourir trois fois, que d être la cause
de si horribles bouleversemens, ou seulement d*y
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DB LVTHBB. t6l
consentir. Quelle conscience pourrait le suppor-
ter! Le diable verrait cela avec plaisir; Dieu
veuille nous en préserver à jamais ! > (9 mars 1 530.)
Pagtta7, 1^8°' a?* — Qu0 Ton m'accuse ou non d* être trop
tutoient...
L'Électeur avait réprimandé Luther au sujet
de deux écrits (Avertissement à ses chers Alle-
mands ^ et Gloses sur le prétendu édit impérial)
qu'il trouvait trop violens, Luther lui répondit
(16 avril 1531) qu'il n'avait fait que repousser
Jes attaques plus violentes encore de ses enne-
mis, et qu'il serait injuste de lui imposer silence
lorsqu'on laissait tout dire à ses adversaires...
« Il m'a été impossible de me taire plus long-
temps dans cette affaire qui me concerne plus
que tout autre. Si je gardais le silence devant
une telle condamnation publique de ma doc-
trine , ne serait-ce pas l'abandonner , la renier ?
Plutôt que de le souffrir, je braverais la colère
de tous les diables, celle du monde entier, sans
parler de celle des conseillers impériaux.' — On
dît que mes deux écrits sont tranchans et bien af-
filés; l'on a raison : je ne les ai pas non plus faits
pour être doux; le seul regret que j'aie c'est qu'ils
dby Google
263 nÊMoi&BS
ne soient pas plus tranchans encore. Si Ton c<&
sidère la violence de mes adversaires, l'on s^i
forcé d'avouer que j'ai été trop bénin... Tooth
monde crie contre nous; l'on vocifère i« ca-
lomnies les plus odieuses; et moi, pauvre lioiose
j'élève la voix à mon tour, et voilà que per-
sonne n'aura crié que Luther... En 60inme,tcû^
ce que nous disons et faisons est injuste, qi^^^
méine nous ressusciterions les morts; tout **
qu'ils font, eux, est juste, quand même '^n
noieraient l'Allemagne dans les larmes et (bv
le sang. »
f «gt 18, ligne 9. — Eh bien ! puisqu'ils sont iMorrr
gibles.';/e romps avec eux
• Toujours jusqu'à présent (15S4), parlicuîi^
rement à la diète d'Augsbourg, nous avons \^^
blement offerfau pape et aux évêques de recevei:
d'eux la consécration et IViutorité spiritael/e, ^
de les aider à conserver ce droit ; ils nous ost
toujours repoussés. Et s'il arrive un jour, pour u
consécration sacerdotale , ce qui est arrivé pô-
les indulgences, à qui sera la faute. Tai offe^
aussi de me taire sur les indulgences si Ton vou-
lait se taire sur ce que j'avais écrit; ils n'ont p^
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M LUTHEB. 263
▼oulu. et aujourd'hui il n'y a plus asseï de mé-
pris par tout le monde pour les indulgences; in-
dulgences, lettrés papales, sceaux brisés gisent à
terre. Ainsi disparaîtra le pouvoir de consacrer
et le chrême et les tonsures, de sorte qu'on ne
reconnaîtra plus où est l'évéque, où est le prê-
tre. . (Cochlœus, p. 245. extrait du De angulari
fnissâ. Luth., op. lat., VII, p. 220.)
P«ge 3o, ligne ^.^Anabaptiste».
Il y avait déjà long-temps qu'ils remuaient en
lllemagne. « Nous avons ici une nouvelle espèce
le prophètes, venus d'Anvers , qui prétendent
ue l'Esprit saint n'est autre chose que le génie
t la raison naturelle. (27 mars 1525.)
» Il n'y a rien de nouveau, sinon que l'on dit
ue les anabaptistes augmentent et se répandent
e tous côtés. (28 décembre 1527.)
. La nouvelle secte des anabaptistes fait d'é-
)nnans progrès; ce sont des gens qui mènent
ne vie d'excellente apparence, et qui meurent
vec grande audace par leau ou par le feu
1 décembre 1527.)
• Il y a beaucoup de troubles en Bavière.... il
3 me semble pas à propos que tu le« livret
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264 MÉMOIRES
aux magistrats; ils se livreront eux-mêmes « et
alors le conseil les bannira de la ville. Je vois
partout la tradition de Mûnser , sur la perdition
future des impies et le règne des justes sar h
terre. C'est ce que prophétise Cellarius dans un
livre qu'il vient de publier; cet esprit est on
• esprit de révolte. (27 janvier 1528.) »
Le 12 mai 1528 il écrit à Link : « Tu as va.
je pense , mon Antischwermerutn et ma disserta-
tion sur la digamie des évéques. Le courage des
anabaptistes mourans , ressemble à celui des do-
natistes dont parle Augustin , ou à la fureur des
juifs dans Jérusalem dévastée. Les saints mar-
tyrs, comme notre Léonard Keiser , meurent
avec crainte^ humilité, et en priant pour leurs
bourreaux ; l'opiniâtreté de ceux-ci au contraire,
lorsqu'ils vont à la mort, semble augmenter avec
l'indignation de leurs ennemis. »
Page 53, ligne i^^ErécuHon.^»
Extrait d'un ancien livre de chant des anabap^
tistes, ce Les paroles d'Algérius sont des miracles :
c Ici, drt-il, les autres gémissent et pleurent, et
moi j'y ressens de la joie. Dans ma prison, Tar-
méedu ciel m'apparait; je ne sais combiea de
dby Google
DB LUTBEB. 265
martyrs habitent avec moi tous les jours. Dans
la joie, dans les délices , dans Textase de la grâce ,
je vois le Seigneur sur son trône. >
■ Mais ta patrie , lui disaîent-ils, tes amis, tes
parens , ta profession , peux-tu les quitter volon-
tiers ? Il dit aux envoyés ; « Nul homme ne me
bannit de ma patrie; elle est aux pieds du trône
céleste, là où mes ennemis deviendront mes
amis pour chanter le même cantique.
» Médecins, artistes, ouvriers, ne peuvent ici-
bas réussir; qui ne reconnaît la force de Dieu, n'a
qu'une force aveugle. * Les juges furieux le me-
nacèrent du feu. « Dans la puissance des flam-
mes, ditAlgérius, vous reconnaîtrez lamienne.»
(Wunderhon,t. I.)
Pag« 5%^ ^ Fin du chapitre,,.
Les passages suivans de Ruchat (Réformation
de la Suisse), font bien connaître le bizarre en-
thousiasme des anabaptistes. « L'an 1529 , neuf
anabaptistes furent saisis à Baie , et mis en prison.
On les fit venir devant le sénat , et on appela aussi
les ministres pour conférer avec eux. D'abord
OËcolampade leur expliqua en deux mots le
symbole des apôtres et celui de uÀni Athanuêé ,
U
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S66 ateoiBBt
et leur représenta que c'était là la véritable et
indubitable foi chrétienne, que Jésus-Christ et
ses apôtres avaient préchée. Ensuite le bourg-
meistre, Adelbert Meyer, dit aux anabaptistes,
qu'ils Tenaient d'entendre une bonne explication
de la foi chrétienne , et que , « puis qu'ails se
plaignaient des ministres, ils devaient présen*
tement parler à cœur ouvert et exposer hardi-
ment ce qui leur faisait de la peine. > Mais il n y
en eut pas un seul qui lui répondit un mot, ils se
contentèrent de se regarder les uns les autres.
Alors le premier huissier de la chambre dit i
l'un d'eux, qui était tourneur de sa profession:
« D'où vient que tu ne parles pas présentement,
après avoir tant jasé ailleurs, dans la rue, dans
les boutiques, et dans la prison? » Comme ils
gardaient encore le silence , Marc Hedelin, chef
des tribus, s'adressa au principal de ces gens-là.
et lui dit : • Que réponds-tu , frère, à ce qui fa
été proposé ? » L'anabaptiste lui répondit : « Je
ne vous reconnais point pour frère.» «Comment?*
lut dît ce seigneur. «Parce, dit| l'autre, que
vous n'êtes point chrétien. Amendez-vous pre-
n^ièrement, corrigea- vous, et quittez la magis-
trature. » « En quoi penses-tu donc, lui dit Hed»*
lia» que je pèche tant ?» « Vous le savex bien ;•
lui répondit l'anabaptiste.
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DB LUTHBE. 267
• Le bourgmeistre prit la parole, lui ordonna
de répondre avec modestie et avec douceur , et
le pressa vivement de parler sur la question dont
il s'agissait. Sur quoi il répondit : « Qu'il ne
croyait pas qu'un chrétien pût être dans une ma-
gistrature mondaine, parce que celui qui com-
bat avec l'épée, périra par l'épée : Que le bap-
tême de&enfans est du diable, et une invention
du pape : on doit baptiser les adultes, et non les
petits en fans, selon l'ordre de Jésus-Christ. »
9 OEcolampade entreprit de le réfuter, avec
toute la douceur possible , et de lui faire voir, que
les passages qu'il avait cit'és, avaient un autre
sens , comme tous les anciens docteurs en faisaient
foi. « Mes chers amis, dit-il, vous n'entendez pas
l'Écriture sainte et vous la maniez fort grossiè-
rement, » Et comme il allait leur montrer le véri-
table sens de ces passages, l'un d'entre eux, qui
était meunier , l'interrompit , le traitant de séduc-
teur , qui caquetait beaucoup , et dit : « Que ce
qu'il avait là allégué contre eux, ne faisait rien
au sujet. Qu^ils avaient entre les mains la pure et
propre parole de Dieu , et qu'ils voulaient s'y at-
tacher toute leur vie, que le Saint-Esprit parlait
maintenant par lui. Il s'excusait en même temps
doTiG pas parler éloquemment, disant qu'il n'avait
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268 Hitfoiftss
pas étudié , qu'il n'avait été dans aucune uniTcr^
site, et que dès sa jeunesse il avait haï la sagesse
humaine, qui est pleine de tromperies. Qu'il con-
naissait hien la ruse des scrihes , qui cherchaieat
perpétuellement à offusquer les yeux des simples.*
Après quoi il se mita crier et à pleurer, disant:
« Qu'après avoir ouï la parole de Dieu, il avait
renoncé à sa vie déréglée ; et que maintenant que
par le haptéme il avait reçu le pardon de ses pé-
chés, il était persécuté de chacun, au lieu que
dans le temps qu'il était plongé dans toutes sortes
de vices , personne ne l'avait châtié , ni mis en pri-
son , comme on faisait présentement. Qu*on l'avait
enfermé dans la tour, comme un meurtrier; quel
était donc son crime ? etc. La conférence ayant
duré jusqu'à l'heure du diner, le sénat se leva.
> Après diner , le sénat s'étant rassemblé , les mi-
nistres entrèrent en conférence avec les anabap-
tistes, au sujet de la magistrature. £t comme Tua
d'eux eut donné des réponses assez satisfaisantes
sur les questions qu'on lui avait proposées, cela
fit chogriu aux autres^ de ce qu'il n'était pas
ferme dans leur doctrine. C'est pourquoi ils Fin-
terrorapirent. « Laisse-nous parler, luidîrent-ils,
nous qui entendons mieux l'Écriture; nous pour»
rons mieux répondre sur ces articles , que loi,
Digitizedby Google
DB LDTBBE. 209
qui es encore un novice , et qui n'es pas capable
de défendre notre foi contre les renards. » Alors
le tourneur entrant en dispute, soutint que saint
Paul {Rom. 2^11/) parlant des puissances supé-
rieures, n'entend point les magistrats, mais les
supérieurs ecclésiastiques. OËcolampade lui nia
cela, et lui demanda en quel endroit de la Bible
il le trouvait , et comment il le prouverait ? L'au-
tre lui dit : « Feuilletez aussi tout TAncien et le
Nouveau Testament , et vous y trouverez que vous
devez recevoir une pension; vous avez meilleur
temps que^moi, qui suis obligé de me nourrir du
travail de mes mains, pour n'être à charge à per-
sonne. » Cette saillie fit un peu rire les assistans.
OËcolampade leur dit:« Messieurs, il n'est pas
temps maintenant de rire : si je reçois de l'Église
mon entretien et ma nourriture, je puis prouver
par l'Écriture , que cela est raisonnable : ainsi ce
sont là des discours séditieux. Priez plutôt pour
la gloire du Seigneur, afin que Dieu amolisse
leurs cœurs endurcis et les éclaire. •
« Après plusieurs autres discours, comme le
temps de se lever approchait^ il y en eut un,
qui n'avait rien dit de tout le jour, qui se mit à
hurler et à pleurer. « Le dernier jour est à la
porte 9 disait-il , amendez- vous, la cognée est déjà
23.
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270 mÊHoiRBs
mise à l'arbre; ne noircissez donc pas notre doc-
trine sur le baptême. Je vous en prie , pour IV
mour de Jésus-christ , ne persécutez pas les geni
de bien. Certainement le juste juge viendra bien-
tôt, et fera périr tous les médians. •
« Le bourgmcistre Tinterrompit pour lui dire
qu'on n'avait pas besoin de cette lamentatioa;
qu'il devait raisonner sur les articles dont il
était question. Il voulut continuer sur le mèmt
ton , mais on ne le lui permit pas. Enfin le bourg-
m eistre justifia la conduite du sénat, à l'égard
des anabaptistes : il représenta qu'on les avait
arrêtés , non pas à cause de l'Évangile , ni à cause
de leur bonne conduite, mais à cause de leurs
déréglemens, de leur parjure et de leur sédition.
Que l'un deux avait commis un meurtre; un au-
tre avait enseigné qu'on ne doit point payer les
dîmes : un troisième avait excité des troubles, etc.
Que c'était pour ces crimes qu'on les avait saisis,
jusqu'à ce qu'on eût décidé quel traitement on
leur ferait, etc.
• Dans ce moment^ l'un d'entre eux se mit a
crier : « Mes frères, ne résistez point au méchant
Quand même l'ennemi serait devant votre porte,
ne la fermez pas. Laissez-les venir, ils ne peuvent
rien faire contre nous, sans la volonté du Père»
Digitizedby Google
hm LUTRBR* 271
puisque nos cheveux sont comptés. Je dis bien
plus : il ne faut pas même résister à un brigand
dans un bois. Ne croyez-vous pas que Dieu ait
•oin de vous ? > On lui imposa silence. (Ruchat ,
Réforme suisse, Il , p. <98.)
Autre dispute. — « Le ministre zvtringlien leur
parla amiablement et avec douceur , leur remon-
trant que, s'ils enseignaient la vérité, ils avaient
tort de se séparer de l'Église, et de prêcher dans
les bois, et dans d'autres lieux écartés. Ensuite
il leur exposa en peu de mots la doctrine de l'É-
glise. Un des anabaptistes l'interrompit, pour lui
dire : « Nous avons reçu le Saint-Esprit par le
baptême , nous n'avons pas besoin d'instruc-
tion. > Un des seigneurs députés leur dit : « Nous
avons ordre de vous dire , qu'on veut bien vous
laisser aller sans autre châtiment , pourvu que
TOUS quittiez le pays et que vous promettiez de
n'y plus revenir , à moins que vous ne vous amen*
diez. > L'uQ des anabaptistes lui répondit : < Quel
ordre est-ce-la? le magistrat n'est point maître de
la terre pour nous ordonner de sortir ou d'aller
ailleurs. Dieu a dit : Habite le pays. Je veux obéir
à ce commandement , et demeurer dans le pays
où je suis né, où j'ai été élevé, et personne n'a
le droit de s'y opposer. • Mais on lui fit bien-*
Digitizedby Google
273 Hinoiais
tôt éprouver le contraire. (Ruchat, t. III, p. 109.)
« On yit à Baie un anabaptiste nommé Conrad
tn Gassen, qui proférait des blasphèmes étranges,
par exemple : « Que Jésus-Christ n'était point
notre Rédempteur ; qu'il n'était point Dieu , et
qu'il n'était point né d'une Vierge. » Il ne faisait
aucun cas de la prière , et comme on lui repré-
sentait que Jésus- Christ avait prié sur la mon-
tagne des Oliviers , il répondait avec une brutale
insolence : « Qui est-ce qui l'a ouï? ■ Comme il
était incorrigible, il fut condamné à avoir la tète
tranchée. — Cet impie fanatique me fait souvenir
d'un autre de nos jours, qui a séduit certaines
. personnes de notre voisinage ^ il y a quelques
années , en leur persuadant qu'il ne fallait user
ni de pain ni de vin. £t comme on lui objectait
un jour à Genève , que le premier miracle de Jé-
sus-Christ avait été de changer l'eau en Tin , il
répondit ; « Que Jésus-Christ était encore jeune
dans ce temps-là , et que c'était une petite faute
qu'il fallait lui pardonner. * (Ruchat, Réforme
suisse, i, III, p. 104.)
La réforme, née dans la Saxe, avait promp*»
tement gagné les bords du Rhin, et était allêe^
remontant le fleuve , s'associer dans la Suisse au
rationalisme vaudois; elle osa même passer dan»
Digitizedby Google
DB tUTHEE. 273
la catholique Italie. Mélanchton , qui entretenait
correspondance habituelle avec Bembo et Sado-
lel, tous deux secrétaires apostoliques, fut d'a-
bord beaucoup plus connu que Luther des éru-
dits italiens. C'est à lui qu'on rapportait la gloire
des premières attaques contre Rome. Mais la ré-
putation de Luther grandissant avec l'importance
de sa réforme, il apparut bientôt aux Italiens
comme le chef du parti protestant. C'est à ce titre
qu'Altieri lui écrit en 1^42 au nom des églises
protestantes du nord-est de l'Italie :
« Au très excellent et très intègre docteur et
maître dans les saintes Ecritures, le seigneur
Martin Luther , notre chef (princeps) et notre
frère en Christ, les frères de l'église de Venise,
Vicence et Trévise.
» Nous avouons humblement notre faute et
notre ingratitude , pour avoir tardé si long-temps
à reconnaître ce que nous te devions à toi qui
nous as ouvert la voie du salut... Nous sommes
exposés à toute la rage derAntichrist, et sa cruau-
té augmente de jour en jour contre les élus do
Dieu... Errans, dispersés, nous attendons que
vienne le fort du Seigneur... Vous que Dieu a
placés à la garde de son troupeau , j usqn'à sa ve-
nue, veillez, nous vous en supplions, chassez 1cm
dby Google
274 ninoiABs
loupi qui nous dévorent... Sollicitez les sérénis-
simes princes de rAllemag^e qui suivent l'Évan-
gile, d'écrire pour nous au sénat de Venise, afin
de modérer et de suspendre les mesures violentes
que Ton prend contre le troupeau du Seigneur,
à la suggestion des ministres du pape Vous
savez quel accroissement ont pris ici vos églises;
combien est large la porte ouverte à l'Évangile...
travaillez donc encore pour la cause commune.»
(Seckendorf , lib. III, p. '401.)
Charles-Quint contribua lui-même à répandre
dans la péninsule le nom et les doctrines de Lu-
ther , en appelant sans cesse dans cette contrée de
nouvelles bandes de landsknechts, parmi lesquels
se trouvaient beaucoup de prolestans. On sait
que George Frundsberg, le chef des troupes al-
lemandes du connétable de Bourbon, jurait d'é-
trangler le pape avec la chaîne d'or qu'il portail
au cou. — L'auteur d'une histoire luthérienne
rapporte qu'un de ces Allemands se vantait de
manger bientôt un morceau du pape {ut ex cor-
pore papœ fi'utum'devoret). Il ajoute qu'après la
prise de Rome plusieurs hommes d'armes chan-
gèrent une chapelle en écurie» et firent des bulles
du pape une litière pour leurs chevaux , puis st
revêtant d'habits sacerdotanz, ils proclamèrent
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DB LUTHER. 275
pape un landsknecht qui , dans son consistoire ,
déclara faire abandon de la papauté à Luther.
(Gocblfeus, p. 156). — Luther fut même solen-
nellement proclamé. « Un certain nombre do
soldats allemands s'assemblèrent un jour dans les
rues de Rome, montés sur des chevaux et des
mules. Un d'eux, nommé Grunwald, remarqua-
ble par. sa taille, s'habilla comme le pape, se mit
sur la tête une triple couronne, et monta sur
une mule richement caparaçonnée; d'autres
s'étaient habillés en cardinaux, avec une mitre
sur la tête, et vêtus d'écarlate ou de blanc, sui-
vant les personnages qu'ils représentaient. Ils se
mirent ainsi en marche au bruit des tambours et
des fifres, entourés d'une foule innombrable, et
avec toute la pompe usitée dans les processions
pontificales. Lorsqu'ils passaient devant quelques
maisons où se trouvait un cardinal, Grunwald
bénissait le peuple. Il descendit ensuite^ de sa
mule, et les soldats, le plaçant sur un siège, le
portèrent sur leurs épaules. Arrivé au château
Saint-Ange, il prend alors une large coupe et
boit à la santé de Clément, et ceax qui l'envi-
ronnent suivent son exemple. Il prête ensuite
serment à ses cardinaux, et ajoute qu'il les en-
gage à rendre hommage à l'Empereur comma à
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276 uÉatoiaKs
leur légitime et unique souverain; il leur fait
promettre qu'ils ne troubleront plus la paix de
l'Empire par leurs' intrigues, mais que, suivant
les préceptes de PÉcriture et l'exemple de Jésus*
Christ et des apôtres, ils demeureront soumis aa
pouvoir civil. Après une harangue dans laquelle
il récapitula les guerres, les parricides et I«
sacrilèges des papes, le prétendu pontife promit
solennellement de transférer, par voie de testa-
ment , son autorité et sa puissance à Martin Lu-
ther. Lui seul , disait-il , pouvait abolir tous ces
abus et réparer la barque de saint Pierre, de
sorte qu'elle ne fût plus le jouet des vents et des
flots. Élevant alors la voix , il dit aux assislans ;
« Que tous ceux qui sont de cet avis, le fiissent
connaître en levant la main. > Aussitôt la multi-
tude des soldats leva la main en s'écriant : « Vire
le pape Luther! » Toute cette scène se passait
sous les yeux de Clément VIL (Macree, Béf. en
Italie, p. 66-7.)
Les ouvrages de Zwingli étant écrits en langue
latine, circulaient plus facilement en Italie que
ceux des réformateurs du nord de l'Allemagne,
qui n'écrivaient point toujours dans la langue
savante et universelle. Cette circonstance esi
eani doute une des causas du caractère que prit
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SE LUTHER. 277
la réforme italienne, particulièrement dans Ta-
cadémie de Yicence, où naquit le socinianisme.
Cependant les livres de Luther passèrent de
bonne heure les Alpes. Le 14 février 1519, le
premier magistrat lui écrit : « Biaise Salmonius ,
libraire de Leipzig, m'a présenté quelques-uns
de vos traités; comme ils ont eu Tapprobatiou
des savans^ je les ai livrés à Timpression, et j'en
ai envoyé six cqnts exemplaires en France et en
Espagne. Ils se vendent à Paris, et mes amis
m'assurent que même , dans la Sorbonne , il y a
des gens qui les lisent et les approuvent. Des sa-
vans de ce pays désiraient aussi depuis long-
temps voir traiter la théologie avec i ndépendance.
Calvi, libraire de Pavie, s'est chargé de faire
passer une grande partie de Fédition en Italie. Il
nous promet même un envoi de toutes les épi-
grammes composées en votre honneur par les
sa vans de son pays. Telle est la faveur que votre
courage et votre habileté ont attirée sur vous et
sur la cause de Christ. >
Le 19 septembre 1520, Burchard Schenk
écrit de Venise à Spalatin : « J'ai lu ce que vous
me mandez du seigneur Martin Luther ; il y a
déjà long-temps que sa réputation est arrivée
jusqu'à nous, mais on dit par la ville qu'il le
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278 UÉMOIBES
gardé du pape! Il y a deux mois, dix de sei
livres furent apportés dans notre rille , et aussitôt
rendus... Que Dieu le conduise dans la roie de
la vérité et de la charité. » (Seckendorf, p. llo.)
Quelques ouvrages de Luther pénétrèrent
même dans Rome, et jusque dans le Vatican, sous
la sauve-garde de quelque pieux personnage dont
le nom remplaçait en tête du livre celui de Fau-
teur hérétique. C'est ainsi que plusieurs cardi-
naux eurent à sq repentir d'avoir loué hautement
le Commentaire sur VEpUre aux Romains, et le
Traité sur la justification d'un certain cardinal
Fregoso , qui n'était autre que Luther. Il en ad-
vint de même pour les Lieux communs de Mé-
lanchton. (Maccree, Réforme italienne, p. S9.)
« Je m'occupe, dit Bucer dans une leilre à
Zwingli, d'une interprétation dea psaumes. Les
instances de nos frères de la France et de TAlle-
magne inférieure , me décident à les publier son»
un nom étranger, afin que les lihraires puissent
les vendre. Car c'est un crime capital d'introduire
dans ces deux pays des livres qui portent nos
noms. Je me donnerai donc pour un Français,
et je ferai paraître mon livre som le nom dW re-
tins FelinuS' » — Il dédia ce livre an Oanphin.
(Lugduni iii idusjulii anno BIDXXIX.)
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DB LUTHBA. 279
?•!• 59, Iigo« 6- — Les catholiques et tes protestons réunis
un instant contre les anabaptistes.,.
Pour repousser les reproches des catholicpet
qui attribuaient aux prédicateurs protestans la
révolte des anabaptistes, les Réformés de toutes
les sectes cherchèrent encore une fois à se réu-
nir. Une conférence eut lieu à Wittemberg(1536).
Bucer, Capiton et plusieurs autres s'y rendirent
au mois de mai, pour conférer avec Jes théolo-
giens saxons. La conférence dura du 22 au 25,
jour où fut signée la Formule de concorde rédigée
par Mélancfaton. Le 28, Luther et Bucer prê-
chèrent à Wittemberg, et proclamèrent l'union
qui Tenait de se conclure entre les deux partis.
(Ukert,I,S07.)
Avant de signer la formule de concorde , Lu-
ther voulut qu'elle fût approuvé explicitement
par les réformés de la Suisse, « de peur, dit-il ,
que par des réticences , cette Concorde ne donne
lieu dans la suite à des discordes encore plus fâ-
cheuses. « (janvier 1535.) Cette approbation fut
donnée. « Les Suisses, écrit^il au [duc Albert do
Prusse, les Suisses, qui jusqu'ici n'étaient pas
d'accord avec nous sur la question du saint Sa-
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280 MiMOIUBS
crement, sont en bon chemin; Dieu Teuille ne
pas nous abandonner! Bàle, Strasbourg, Augs-
bourg , Berne et plusieurs autres villes, se sont
rangées de notre côté. Nous les recevons comme
frères, et nous espérons que Dieu finira le scan-
dale^ non pas à cause de nous, car nous ne l'a tous
pas mérité, mais pour glorifier son nom et faire
dépit à cet abominable pape. La nouvelle a beau-
coup effrayé ceux de Rome. Il sont dans la ter-
reur et n'osent assembler un concile. «(6 mai 1538.)
Dans le même temps, des négociations étaient
entamées avec Henri, duc de Brunswick, pour
le rattacher aux doctrines luthériennes, mais
elles restèrent sans résultat. — Le 23 octobre loâ9,
Luther écrivit à TÉleoteur pour lui annoncer
que les négociations avec les envoyés du roi d'An-
gleterre était également infructueuses. La let-
tre est signée de Luther , de Mélanchton , et de
plusieurs autres théologiens de Wittemberg.
Pog«6o ligne tt^. — Les armes seules pouvaient décider—
t Le docteur Jean Pommer m'a dit une fois
qu'à Lubeck , dans la maison de ville , on avaiil
trouvé dans une vieille chronique , une prophé-
tie d'après laquelle en l'an 1550, il s'élèverait
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Oa LUTHBB. 181
dans rAllemagne an ^and tumulte à cause de
la religion ; et que, lorsque VEmpereur s'en se-
rait mêlé, il perdrait tout ce qu'il avait. Mais je
ne crois point que l'Empereur commence la
guerre pour la cause du pape ; la guerre coûte
trop d'argent. »
L'éditeur Aurifaber ajoute que Charles-Quint,
dans Sa retraite de Saint-Just, avait fait tendre
les murs d'une vingtaine de tapisseries qui re-
présentaient les principales actions de son règne;
qu'il aimait à se promener en les regardant, et
que , lorsqu'il s'arrêtait devant celle qui repré-
sentait la prise de l'électeur de Saxe à Muhlberg,
il soupirait et disait : Si je l'eusse laissé tel qu'il
était , je serais resté tel que j'étais. > (Tischred.,
p. 6.) — Ce mot que. l'éditeur a Tair de ne pas
comprendre, peut-être à dessein, est fort raî-
«onnable ; car rien ne fut plus funeste à Charles-
Quint que d'avoir donné l'électorat au jeune
Maurice.
Pige 6i , Hgne S. «- Kaiiêbonne...
• Je yeux devancer tes lettres et te prédire oe
qui se passe à Ratisbonne même. Tu as été appelé
par l'Empereur, il t'a dit de songer aux condi-
24.
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282 HiifoiREa
lions de la paix. Toi, tu lui as répondu en latio ,
tu as fait tout ce que tu as pu, mais tu es resté
au-dessous d*un si grand sujet. Eck, selon son ha-
bitude, a vociféré : « Très gracieux Empereur, je
prétends prouver que nous avons raison et que
le pape est la tête de l'Église. » Yoilà votre his-
toire. > ( 25 juin 1841. )
Fage 6s, Kgne 4* *" J^otra prince, s* meeourmt «t'A»
PoHtaug et tous deux arrangèrent la réponse à ieur
façon.:
La cour cherchait à exercer une sorte de ooo*
trôle , de haute surveillance sur les ouvrages
même de Luther. En 1531 , il avait écrit un livre
intitulé : Contre l'hypocrite de Dresde , sans en
avoir fait part àFÉlecteur; il lui fallut s'en excu-
ser auprès du chancelier Brùck.
«... Si mes petits ouvrages , dit-il , étaioit
envoyas à la cour , avant de paraître , ils y ren-
contreraient tant de critiques et de censure
qu'ils ne paraîtraient jamais, et, s'ils paraissaient,
nos ennemis soupçonneraient chaque fois une
foule de gens d'y avoir pris part. De cette ma-
nière , Von sait et l'on voit qu'ils sont tout ani-
ment de Luther; et c'est à lui seul de s'en jus-
tifier. •
db'y Google
DB LDTHB&. 283
Dans une antre circonstance pins sérieuse, il
eut encore à lutter contre l'intervention de la
cour. Albert, archevêque de Mayence ,' avait
fait mettre à mort l'un de ses oiRciers, nommé
Schanz, contrairement aux lois, et à en croire la
Toix publique, par haine personnelle. Luther lui
adressa à cette occasion deux lettres pleines
d'indignation. Il commençait ainsi la première
(81 juillet 1535) : « Je ne vous écris plus, cardi*
nal, dans l'espoir de changer votre cœur profon-*
dément perverti. C'est une pensée à laquelle j'ai
renoncé. Je vous écris pour satisfaire à ma con-
0cience devant Dieu et les hommes, et ne
pas approuver , par mon silence , l'acte horrible
que vous venez de commettre. > Dans ce qui suit,
il l'appelle cardinal d'enfer, et le menace dubour-
reau éternel qui viendra lui demander compte
du sang versé. Dans la seconde lettre (mars 15S6),
il dit : « L'écrit ci-joint vous fera voir que le sang
de Schanz ne se tait pas en Allemagne comme
dans les appartemens de votre Grâce électorale,
au milieu de vos courtisans. Abel vit en Dieu et
son sang crie contre les meurtriers !... J'ai re-
connu par la lettre de votre Grâce à Antoine
Schanz que vous allez jusqu'à accuser sa famille
d'être cause de sa mort. J'ai vu et entendu ra-
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284 HiHOIR£S
conter mainte scélératesse de cardinal , mab
je n'aurais jamais cru que vous fussiez une si
cruelle et impudente Tipère pour railler encore
les malheureux , après cette abominable , cette
infernale action !... J'ai recueilli les derniers
cris de Schanz, au moment de sa détresse, ses
dernières protestations contre la violence, lors-
que votre Sainteté lui fit arracher les dents poar
tirer de lui un faux aveu; je publierai ces paroles,
et Dieu aidant, votre Sainteté dansera une danse
qu'elle n'a jamais dansée!... Si Caîn sait dire :
Suis'je fait pour gardermon frère 9 Dieu sait aussi
lui répondre : Sois maudil sur la terre,,. Je vous
recommande à Dieu , dit-il à la fin de la lettre,
si toutefois le chapeau de sang (le chapean ronge
de cardinal) vous laisse désirer de lui être re-
commandé. •
L'électeur de Saxe et le duc Albert de Prusse,
parens du cardinal, trouvèrent trop violent ré-
crit dont Luther parlait dans cette lettre. Ils lui
firent dire qu'il attaquait l'honneur de la famille
dans la personne de l'archevêque , et lui com-
mandèrent d'user de ménagemens. Luther nVn
publia pas moins son écrit quelque temps après.
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Bl LVTUBB. 285
Pagtt 6a «ligne is. — Ils regurdsne touU cette ajffkirw
comme une comédie,,»
Dès le commenceinent des conférences, Lu-
ther avait prévu qu'elles ne mèneraient à rien.
II se défiait même de la fermeté de Bucer et, du
landgrave de Hesse. Il dit dans une lettre au
chancelier Brûck : « Je crains que le Landgrave
ne se laisse entraîner trop loin par les papistes,
et qu'il ne veuille nous entraîner avec lui. Mais il
nous a déjà suflisamnicnt tiraillés et je ne me lais-
serai plus mener par lui. Je reprendrais plutôt
tout le fardeau sur mes épaules, et je marcherais
seul , à mes risques et périls, comme dans le com-
mencement. Nous savons que c'est la cause de
Dieu; c'est lui qui nous a suscités, qui nous a
conduits jusqu'ici, il saura bien faire triompher
sa cause. Ceux qui ne voudront pas nous suivre ,
n'ont qu'à rester en arrière. Ni l'Empereur, ni le
Turc , ni tous les Démons ensemble , ne pourront
rien contre cette cause , quoi qu'il en puisse ad-
venir de nous et de ce corps mortel. — Je m'in-
dîg^ne qu'ils traitent ces afiaires comme des af*
fairea mondaines, des a&ires d'Empereur, de
Turcs, de princes, dans lesquelles on puisse trAD-
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288 siHOiftBS
figer à volonté « avancer ou recaler. Cest une
caïue dans laquelle Dieu et Satan combattent
avec tous leurs anges. Ceux qui ne le croient pas,
ne peuvent pas la défendre. *• (avril 1541.)
?•!• 6a » ligot s6>— Je suis indigné qu'on sejoum mitut
de si grandes choses*»»
« Je vais à Haguenau ; je verrai de près ce for-
midable Syrien, ce Behemoth dont se rit^ au
psaume II, l'habitant du ciel... Mais ils ne com-
prendront point ce rire, jusqu^au moment où fi-
nira ce chant funèbre : Vous périrez dans la route,
quand se lèvera sa colère , parce qu'ils ont re-
fusé un baiser au Fils(peribiiis in via, cum exar-
scrit ira ejus , quia Filium nolunt oscalari). —
Amen, amen , que cela arrive. Ils Font mérité, ils
l'ont voulu. . (2 juillet 1540.)
Bag* €7 • IfgM iS^-^Fuit â ff^itlember^».
On trouve dans les Proposée table ^ p. SSO:
• Le mariage secret des princes et des grands sei->
gneurs est un vrai mariage , devant Bieu ; il n'eut
pas sans analogie avec le concubinat des patriai^
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DB LUTHER. 287
ch es. «(Ceci expliquerait la consaltation en fa-
veur du Landgraye.)
Page 69 cligne 5, — Depuis cette époque, les lettres ie Luther,
comme celles de MéUnehùm, sont pleineé de dégoSt et de
tristesse,
«L'ingratitude des hommes, c'est le cachet
d^une bonne œuvre ; si nos efforts plaisaient au
monde , à coup sûr ils ne seraient point agréables
à]>ieu.>(6aoûtl5S9.)
« La tristesse et la mélancolie viennent de Sa*
tan ; c'est pour moi une chose sûre. Dieu n'afflige,
ni n'effraie, ni ne tue; il est le Dieu des vivans.
Il a envoyé son fils unique, pour que nous vivions
par lui, pour lui , pour qu'il surmonte la mort
C'est pourquoi l'Écriture dit : Soyez contens el
joyeux, etc.>(Ti8chreden, p. 205, verso.)
Sur ta tristesse, — « Vous ne pouvez empêcher ,
disait un sage , que les oiseaux ne volent au-dessus
de votre tête; mais vous empêcherez qu'ils ne fas-
sent leurs nids dans vos cheveux. > (19 juin IStO.)
Jean de Stochausen avait demandé à Luther
de» remèdes contre les tentations spirituelles et la
mélanoolie. Luther lui conseilla dans une lettre
d'ëviter la solitude et de fortifier sa volonté par
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2Sâ viuoiUBS
uae vie active, laborieuse. li lui recommanda,
outre la prière la lecture du livre de Gerson:
De cogitationibus blasphemiœ (27 novembre 1512)
Il donna des conseils semblables au jeune
prince Joacbîra d'Anhalt, c La gaité, dit il , et le
bon courage (en tout bien et en tout honneur) sont
la meilleure médecine des jeunes gens, disons
mieux, de tous les hommes. Moi-même qui ai
passé ma vie dans la tristesse et les pensées som-
bres, j'accepte aujourd'hui la joie partout oîi elle
se présente, je la recherche même. La joie crimi-
nelle vient de Satan, il est vrai, mais la joie qu'on
trouve dans le commerce d'hommes honnèies ei
pieux, celle-là plaît au Seigneur Montez a
cheval, allez à la chasse avec vos amis, aroo&ei-
vous avec eux. La solitude et la mélancolie sont
un poison; c'est la mort des hommes, et surtout
des hommes jeunes. « (26 juin 15â4.)
Méianchtou raconta un jour à la table de
Luther la fable suivante : < Un'|>aysan traverssni
une forêt, rencontra une caverne où se trouvait
un serpent. Une grande pierre roulée devant,
empêchait l'animal d'^nsortir. U supplia le paysan
d'enlever la pierre, lui promettfnt la plus belk
récompense. Le paysan se laissa tenter, délivn
le serpent, et lai demanda le prix de se peine.
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DS LUTHER. 2S9
A qaoi le serpent répoodit qu'il allait lai donner la
récompense qae le monde donne à ses bien&i-
teurs , qu'il allait le tuer. Tout ce que le paysan
put obtenir par ses supplications , fut qu'ils re*
mettraient leur différend au jugement du premier
animal qu'ils rencontreraient. Ce fut d'abord un
vieux cbeval qui n'avait plus que la peau et les
os. Pour toute réponse, il dit : « J'ai consumé
tout ce que j'avais de force au service de l'homme;
pour récompense , il va me tuer , m'écorcber. »
Ils rencontrèrent ensuite un vieux chien que son
maître venait de rouer de coups , ce nouvel ar
bitre donna même décision. Le serpent voulait
alors tuer son bienfaiteur. Celui-ci obtint qu'ils
prendraient un nouveau juge, et que la sentence
de ce dernier serait décisive. Après avoir marché
quelques pas, ils virent venir à eux un renard.
Dès que le paysan Taperjçut, il invoqua son se-
cours, et lui promit tous ses poulets, s'il rendait
une décision favorable. Le renard ayant entendu
les parties, dit qu'avant de prononcer, il fallait
remettre toutes choses dans leur premier état;
que le serpent devait retourner dans la caverne
pour entendre le jugement. Le serpent consentit,
et, dès qu'il y fut, le paysan boucha le trou
de son mieux. Le renard vint la nuit suivante
ToMP. II. 2:5
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200 KitfoxRes
prendre les poulets qui lui étaient promu; mais
la femme et les valets du paysan le tuèrent. •
Hélanchton ayant fini ce conte, le docteur dit :
« Voilà bien Timage de ce qu'on voit dans le
monde. Celui que vous avei sauvé de la potence
vous fait pendre. Si je n'avais d'autre exemple,
je n'aurais qu'à penser à Jésus^Ghrîst qui, après
avoir racheté le monde entier du péché, de h
mort, du diable et de l'enfer, fut crucifié par la
siens mêmes. » (Tischreden , p. 56.)
Les plaisanteries, les jeux de mots qui se ren-
contrent si souvent dans les lettres des années
précédentes , ont disparu dans celles-ci ; la cor-
respondance de Luther devient triste; c'est à
peine si on le voit sourire une seule fois; le récit
grotesque d'une expédition militaire de quelques
bourgeois contre des brigands, peut tout au plus
le dérider : « Voici encore une nouvelle victoire
de Kohlhase (fameux brigand dont la vie est ra*
contée dans un curieux roman historique); il a
pris et enlevé un riche meunier. Sitôt que noxa
avons su la chose , nous nous sommes courageit-
sement précipités à travers les campagnes, pas
trop loin cependant de nos murailles, et conruroe
il convient à des saints Ghristophes en peinlurv
ou à des saints Georges de bois, nous avoiis c(-
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DB LUTHER. 201
frayé les nuées de quelques coups de fusil... Nous
avons fait transporter dans la ville nos bois, nos
arbres, de peur que, la nuit,Koblhase n^en fasse
un pont pour passer nos petits fossés. Nous som-
mes tous des Hectors et des Âchilles , ne craignant
personne , bien que nous soyons seuls et sans en-
nemis. *
Pagtt 71 , ligne ai, -" Poison,.»
En 1641 , un bourgeois de Wittemberg, nom-
mé Gléraann Schober , suivit Luther l'arquebuse
à la main , dans l'intention probable de le tuer.
Il fut arrêté et puni. (Ukert 1 , 323.)
Pago 74, ligne 5, — Famille,..
A Marc Cordel. < Comme nous en sommes con-
Tenus, mon cher Marc, je t'envoie mon fils Jean,
afin que tu remploies à exercer des enfans dans
la grammaire et la musique, et en même temps,
pour que tu surveilles et corriges ses mœurs... Si
tes soins prospèrent pour ce fils, tu en auras, do
mon vivant, deux autres... Je suis en travail
de théologiens, mais je veux enfanter aussi des
grammairiens et des musiciens. « (26 août 1542.)
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202 ■ÉHOIBES
Le docteur Jonas avait dit un jour que la malt-
diction de Dieu sur les enfans désobéissans s*étai(
accomplie dans la famille de Luther ; le jeune
homme dont il parlait était toujours malade et
souffrant. Le docteur Luther ajouta : «C'est la pu-
nition due à sa désobéissance. Il m'a presque taé
une fois , et, depuis ce temps , j'ai perdu toutes les
forces de mon corps. Grâce à lui , j'ai compris le
passage où saint Paul parle des enfans qui tuent
leurs parens, non par l'épée^maisparla désobéii-
sance.Ils ne vivent guère,etn'ont pasde bonheur.
0 mon Dieu ! que le monde est impie , et dans
quels temps nous vivons! Ce sont les temps dont
Jésus-Christ a dit: «Quand le fils de Thorame vien-
dra , croyez- vous qu'il trouvera de la foi et de la
charité ?» Heureux ceux qui meurent avant de
yoir des temps pareib. >(Tischreden, p. 48.)
Fâg« 74 , ligne 5.— La femme..,
« La femme est le plus précieux des trésors.
Elle est pleine de grâces et de vertus; elle gardi
la foi. »
— «Le premier amour est violent, il nous eni-
yre et nous enlève la raison. L'ivresse passée, lu
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DB LUTHEB. 293
369 pieuses conserrent l'amour honnête , les im-
es n'en, conservent rien. *
— < Mon doux Seigneur! si c'est ta volonté
inte que je yive sans femme, soutiens^moi
ntre les tentations; sinon, veuille m'accorder
e bonne et pieuse jeune fille, avec laquelle je
»se doucement ma vie, que j'aime et dont je
s aimé en retour. » (Tischreden , p. 329-Sl.)
Pag« 74 « lIgQ« 9.— Assejrons^nous à sa table*..
[I y était toujours entouré de ses enfans et de
amis, Melanchton, Jonas, Aurifaber, etc.,
l'avaient soutenu dans ses travaux. Une place
îtte table était chose enviée. — « J'aurais volon-
s, écrit-il à Gaspard Muller, reçu Kégel au
)bre de mes pensionnaires, pour différentes
ons; mais le jeune Porse de Jéna allant bien-
revenir , la table sera pleine, et je ne pui»^
rtant congédier mes anciens et fidèles compa-
is. Si cependant il se trouve plus tard une
e vacante , comme cela pourrait arriver après
les, je ferai avec plaisir ce que vous désirez,
ins que le Seigneur Catherine, ce que je ne
e pas, ne veuille nous refuser sa grâce. » (19
*Digitized by VjOOÇIC
204 HÂBfOI&ES
janyîer 1536.) Dominus Ketka, c'était le nom
qu'il donnait souvent à sa femme. II commence
ainsi une lettre qu'il lui écrit le 26 juillet 1540:
s A la riche et noble dame de Zeilsdorf (1), ma-
dame la doctoresse Catherine Luther , domiciliée
à Wittemberg , quelquefois se promenant à Zeils-
dorf, ma bien-aimée épouse. »
Pa^tt 8o , ligne aa . ~ Marémge».,
• Le mariage , que l'autorité approuTO et qui
n'est point contre la parole de Dieu, est un bon
' mariage , quel que soit le degré de parenté. •
(Tischreden , page 321 .)
Il blâmait fort les juristes qui , « contre leur
propre conscience , contre le droit naturel, divin
et impérial, maintenaient comme valables lespro-
messes secrètes de mariage. On doit laisser cbacun
s'arranger avec sa conscience. On ne peut forcer
personne à l'amour.
• Les dots, présens de lendemain» biens, lié-
(i) Nom d'un viUage près duquel Luther pouédak t
petite terre.
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DB LUTBia. 28&
rîtages , etc. , ne Regardent que Paatorité. Je yeux
tes lui renvoyer, afin qu'elle en charge ses gens,
du qu'elle décide elle-même. Nousaommes pasteurs
des consciences , non des corps ou des biens. »
(Tischreden, p. 315.)
Consulté dans un cas d'adultère , il dit : « On
doit les citer et ensuite les séparer. De tels cas
regardent proprement l'autorité, car le mariage
est une chose temporelle. Il n'intéresse l'Église
qu'en ce qui touche la conscience. » ( Twhre-
den,p. 322. )
L'an 1639, 1"' féyrier , il disait : • Quoique
les aflhires relatives aux mariages nous 'obli-
gent tous les jours d'étudier, de lire, de prê-
cher, d'écrire et de prier, je me réjouis que
les consistoires soient établis, surtout pour ce
genre d'affieiires... On trouve beaucoup de parens,
particulièrement de beaux-pères qui , sans rai-
son, défendent le mariage à leurs enfans. L'au-
torité et les pasteurs doivent y voir, et favoriser
les mariages, même contre la volonté des parens,
selon les diverses occurrences... Les enfans doi-
vent citer à leurs parens l'exemple de Samson.
Nous ne sommes plus au temps de la papauté,
où l'on suivait la loi contre l'équité. » ( Tîschre-
den, p. 822.)
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296 MivoiABS
fa|«84 t ilfB« rj. — Wmfammm #f nus ptitêmn/hMs..
Darant la diète d'Augsboarg, il écrivit à son fils
Jean : « Grâce et paix à toi, en Jésus - Christ,
mon cher petit enfant. Je toîs avec {plaisir que
tu apprends bien et que tu pries sans distraction.
Continue, mon enfant, et, quand je reviendrai
à la maison, je te rapporterai quelque belle
chose.
* Je sais un beau et riant jardin, tout plein
d^enians en robes d'or , qui vont jouant sous les
arbres avec de belles pommes, des poires , des
cerises, des noisettes et des prunes \ ils chantent,
ils sautent, et sont tout joyeux; ils ont aussi de
jolb petits chevaux avec des brides d'or et des
selles d'argent. £n passant devant ce jardin, je
demandais à l'homme à qui il appartient , quels
étaient ces enfans ? Il me répondit : « Ce sont
ceux qui aiment à prier , à apprendre , et qui
sont pieux. > Je lui dis alors: > Cher ami, j'ai
aussi un enfant , c'est le petit Jean Luther , ne
pourrait*]] pas aussi venir dans ce jardin manger
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DB LUTHBII. 2^7
de ces belles pommes et de ces belles poires, mon*
ter sur ces jolis petits chevaux , et jouer avec les
autres enfans ? > L'homme me répondit : « S'il
est bien sage , s'il prie et apprend volontiers, il
pourra aussi venir , le petit Philippe et ]e petit
Jacques avec lui; ils trouveront ici des fifres,
des timbales et autres beaux intrumens pour faire
de la musique; ils danseront et tireront avec de
petites arbalètes. > En parlant ainsi , l'homme
me montra, au milieu du jardin, une belle prai-
rie pour danser , où l'on voyait suspendus les fi-
fres, les timbales, et les petites arbalètes. Mais il
était encore matin, les enfans n'avaient pas diné ,
et je ne pouvab attendre que la danse commen-
çât. Je dis alors à lliomme : < Cher seigneur , je
vais vite écrire à mon cher petit Jean , afin qu'il
soit bien sage, qu'il prie et qu'il apprenne, pour
venir aussi dans ce jardin; mais il a une tante
Madeleine qu'il aime beaucoup ,pourra-t-il l'ame-
ner avec lui ?» L'homme me répondit : « Oui,
ils pourront venir ensemble , faites-le-lui sa-
voir. » Sois donc bien sage, mon cher en-
fant ; dis à Philippe et à Jacques de l'être aussi,
et vous viendrez tous ensemble jouer dans ce
beau jardin. — Je te recommande à la protection
de Dieu. Salue de ma part la tante Madeleine, et
. Digitizedby VjOOÇIC
2S8 ■ivOIBES
donne-lui un baiser pour moi. Ton père qok U
chérit Martin Lothol »
(19juinl5S0.)
page 88, ~ Fin du chapitre,^
« Dieu sait tous les métiers mieux «pie per-
sonne. Comme tailleur, il fait au cerf une robe
qui lui sert neuf cents ans sans se déchirer.
Comme cordonnier, il lui donne une chaussure
qui dure encore plus long-temps que lui. £t ne
s'entend-il pas à la cuisine , lui qui par le feu da
soleil fait tout cuire et tout mûrir. Si notre Sei-
gneur vendait les biens qu*il donne, il en ferait
passablement d'argent ; mais parce qu'il les donne
gratis , on n'en tient pas compte. (Tischr., p. S7.)
Ce passage bizarre et un assez grand nombre
d'autres, nous montrent dans Luther le modèle
probable d'Abraham de Sancta Clara. Au dii-
septième siècle , on n'imitait plus que les défkutj
de Luther.
P*8* 91 1 llgn« 17. — £« décmlt^ruB,».
• Me Yoilà devenu disciple du décalogue. J«
commence à comprendre que le décalogue cA la
dialectique de l'Évangile, et TÉvangile la rhéto-
dby Google
DB LtTHBa. 2G9
riqae da décalogue; Christ a tout ce qui est de
Moïse, mais Moïse n'a pas tout ce qui est de
Christ.» (20 juin 1530.)
Fâg« 92 « ligne i3. -> Il y aura un nouvëuu ciel, unm
nouvelle terre..,
« Le grincement de dents dont parle l'Evan^
gile , c'est la dernière peine qui suivra une mau-
vaise conscience, la désolante certitude d*étre à
jamais séparé de Dieu. » (Tischr., p. 366.) Ainsi
Lu Cher semble avoir une idée plus spirituelle da
l'enfer que du paradis.
Pagtt93« ligne 17. _ Autrefois on /aisaii
des pèlerinages*:
A Jean de Sternberg, en lui dédiant la traduc-
tion du psaume CXYII : «... Si je vous ai nommé
en tète de ce petit travail , ce n'a pas seulement
été pour attirer l'attention des gens qui mé-
prisent tout art et tout savoir, mais aussi pour
témoigner qu'il y a encore des gens pieux parmi
la noblesse. La plupart des nobles sont aujour-
d'hui si insolens et si dépravés, qu'ils excitent
la colère du pauvre homme... S'ils voulaient être
respectés, ils devraient avant tout respecter euz-
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300 HÊVOISES
mêmes Dieu et sa parole. Qu'ils continuent de
vivre ainsi dan» l'org^ueil , dans l'insolence , dans
le mépris de toute vertu, et ils ne seront bientôt
plus que des paysans; ils le sont déjà , quoiqu'ils
portent encore ]e nom de nobles et le cbapeau à
plumes... Us devraient cependant se souvenir de
Mûnzer...
» ... Je souhaite que ce petit livre, et d'au-
tres qui lui ressemblent , touchent votre cœur,
et que vous y fassiez un pèlerinage plus utile aa
salut, que celui que vous avez fait autrefois à
Jérusalem. Non que je méprise ces pèlerinages;
j'en ferais moi-même bien volontiers, si je pou-
vais, et j'aime toujours à en entendre parler;
mais je veux dire que nous ne les faisions pâs
dans un bon esprit. Quand j'allai à Rome, je coq-
rus comme un fou à travers toutes les églises,
tous les couvens; je crus tout ce que les impos-
teurs y avaient jamais inventé. J'y dis une dizaine
de messes, et je regrettais presque que mon père
et ma mère fussent encore en vie. J'aurais tant
aimé à les tirer du purgatoire par ces messes et
autres bonnes œuvres! On dit à Rome ce pro-
verbe : Heureux la mère dont le fils dit la mes»
la veille de la Saint-Jean ! Que j'aurais élé aise
de sauver ma mère!
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DB tUTBBR. 301
• Nous faisions ainsi, ne sachant pas mieux;
le pape tolère ces mensonges. Anjourd'hni , Dieu
merci, nous avons les évangiles, les psaumes, et
autres paroles de Dieu ; nous pouvons y faire des
pèlerinages plus utiles, y visiter et contempler la
véritable terre promise, la vraie Jérusalem, le
vrai paradis. Nous n'y marchons pas sur les tom-
beaux des saints et sur leurs dépouilles mortelles,
mais dans leurs cœurs, dans leurs pensées et leur
esprit...» (Gobourg , 29 août 1530.)
P «ge 93 , ligne 1 8. — Pour visiter les saints.» .
« Les saints ont souvent pécbé, souvent erré.
Quelle fureur de nous donner toujours leurs
actes et leurs paroles pour des règles infaillibles!
Qu'ils sachent, ces sophistes insensés, ces ponti-
fes ignares, ces prêtres impies, ces moines sa-
crilèges, et le pape avec toute sa séquelle.... que
nous n'avons pas été baptisés au nom d'Augustin ,
de Bernard^ de Grégoire, au nom de Pierre ni
de Paul, au nom de la bienfaisante faculté théo-
logique de la Sodome (Sorbonne) de Paris, do
la Gomorrhe de Louvain, mais au nom du seul
Jésus-Christ notre maitre.» {De abrogandâ misêâ
privaiâ. Op. lat. Lutheri, Witt., Il, 246.)
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802 BiMOiEta
« Les véritables saints , ce sont toutes les aato-
rités, tous les serviteurs de TÉglise, tous les pa-
rens, tous les enfons qui croient en Jésus-Christ,
qui ne commettent point de pécbé, et qui ac*
complissent, chacun dans sa condition, les de*
Toirs que Dieu leur impose. • (Tischreden , 1S4,
verso.)
Luther croit peu aux légendes des saints , et
déteste surtout celles des anachorètes. ■ ... Si Fon
a fait quelque excès du coté du boire ou dn
manger, on peut Texpier avec le jeûne et la ma-
ladie... •
« La légende de saint Christophe est une belle
poésie chrétienne. Les Grecs qui étaient des gens
doctes, sages et ingénieux , ont voulu montrer
ce que doit être un chrétien , ( chrisioforûs , qui
porte le Christ). Il en est de même du chevalier
saint George. La légende de sainte Catherine est
contraire à toute Thistoire romaine, etc. •
F âge 93 « Ifgn* a»« — Les prophètes.
« Je sue sang et eau pour donner les prophètes
en langue vulgaire. Bon Dieu! quel travail! comme
ces écrivains juifs ont de la peine à parler alle-
mand. Ils ne veulent pas abandonne^ leur hébreu
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Dl LUTJBSa. S03
pouy notre langue barbare. C'est comme si Phi-
lomèle» perdant sa gracieuse mélodie , était obli«
gée de chanter toujours avec le coucou une même
note monotone. » (14 juin 1528.) — Il dit ailleurs
qu'en traduisant la Bible , il mettait souvent plu«
sieurs semaines à chercher le sens d'un mot.
(Ukert.II, p. S87.)
A Jean Frédéric, duc de Saxe, en lui envoyant
aa traduction du prophète Daniel. «... Les his-
toriens racontent avec éloge que le grand Alexan*
dre portait toujours Homère sur lui et le met-
tait même la nuit sous sa tête : combien serait^il
plus juste que le même honneur, ou un plus
grand encore fût rendu à Daniel par tous les
rois et princes de la terre! Ils ne devraient pas
le mettre sous leur tête, mais le déposer dans leur
cœur, car il enseigne des choses bien plus hautes.»
(février ou mars 1530.)
Fage 96 «ligne ta. -^ Tsaumes,,.
A l'abbé Frédéric, de Nuremberg, en lui dé-
diant la traduction du psaume GXYIII : « ... C'est
mon psaume à moi, mon psaume de prédilec-
tion. Je les aime bien tous; j'aime toute l'Écri-
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SOA HÉHoniES
tare sainte , qui est toute iorta consolation et ma
vie; cependant je me suis attaché particulièrement
à ce psaume, et j'ai en vérité le droit de rappe-
ler mien. Il a aussi bien mérité de moi; il m*a
sauvé de mainte grande nécessité d'oii ni £mpe-
peur, ni rois, ni sages, ni saints, n^eussent pu me
tirer. C'est mon ami, qui m'est plus cher que
tous les honneurs, toute la puissance de la terre.
Je ne le donnerais pas en échange, si roam'offirait
tout cela.
» Mais, dira-t-on, ce psaume est commun à
tous; personne n'a le droit de le dire sien. Oui,
mais le Christ est bien aussi commun à tous, et
pourtant le Christ est mien. Je ne suis pas ja-
loux de ma propriété; je voudrais la mettre en
commun avec le monde entier... £t plût à Dieu
que tous les hommes revendiquassent ce psaume
comme étant à eux ! Ce serait la querelle la plus
touchante, la plus agréable à Dieu, une que-
relle d'union et de charité parfaite. » (Cobourg,
1" juillet 15S0.)
Dès le commencement de Tannée 1519 , il ccri-
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DB LCTHBB. SOS
Tait à Jérôme Dûngersheim une lettre remarqua-
ble sur rimportance et Tautorité des Pères de l'É-
glise. « L'évéque de Rome est au-dessus de tons
par sa dignité. C'est à lui qu'il faut s'adresser
dans les cas difficiles et dans les grandes néces-
sités. J'avoue cependant que je ne saurais dé-
tendre contre les Grecs cette suprématie que je
lui accorde.
9 Si je reconnaissais au pape le pouvoir de tout
faire dans l'Église, je devrais, comme consé-
quence de cette doctrine , traiter d'hérétiques,
Jérôme , Augustin , Athanase, Cyprien, Grégoire,
et tous les évéques d'Orient qui ne furent pas éta-
blis par lui ni sous lui. Le concile de Nicée ne fut
pas réuni par son autorité; il n'y présida ni par
lui-même, ni par un légat.Quedirai-je des décrets
de ce concile? Les connait-on bien? Sait-on les-
quels d'entre eux il faut reconnaître?... C'est
votre coutume à toi et à Eck , d'accepter les pa-
roles de tout le monde, de modifier l'Écriture par
les Pères, comme s'il fallait plutôt croire en eux.
Pour moi, je fais tout autrement. Comme Au-
gustin et saint Bernard , en respectant toutes les
autorités, je remonte des ruisseaux jusqu'au
fleuve qui leur donne naissance. » — Suivent
plusieurs exemples des erreurs dans lesquelles
M.
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306 wiKOi&u
les Pères sont tombés. Luther les critique en phi-
lologue, montrantqu'ilsn'ont pascompris le texte
hébreu. « De combien d'autorités Jérôme n'aba9^
t*il pas contre Joyinieu? Augustin contre Pelage?
-«Ainsi Augustin dit que ce verset de la Genèse:
Faisons Thomme à notre image, est une preore
de la Trinité; mais il y a dans le texte hébreu:
Je ferai Thomme/ etc. — Le Maître des sentences
a donné un bien funeste exemple en s*efforçant
de faire accorder les paroles de tous les Pèrei
Il résulte de là que nous devenons la risée des hé-
rétiques, quand nous nous présentons devant eux
avec ces phrases obscures ou à double sens. £ck
se feit le champion de toutes les opinions diverses
et oontraires.C'est là-dessus que roulera notre dis-
pute. > (1619.)
«^ « J'admire toujours comment après les apô-
tres , Jérôme a pu mériter le nom de Docteur et
l'Église, Origène celui de Maître des Églises... Os
ne pourrait faille unseul chrétien avec leurs livrei»
tant ils sont séduits par la pompe des œuvres. As-
guêtin lui-même ne vaudrait pas d'avantage» à
les Pélagiens ne l'avaient rudemeot exercé , et
contraint de défendre la foi. » (â6 août ISM.)
— • Celui qui a osé comparer le monachst
au baptême était complètement fou; c'était pla-
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DB LVTHBA. 807
tôt une bûche qu^une béte. £hl quoi, croifiptu
donc Jérôme , lorsqu ^ il parle d'une manière si
impie contre Dieu , lorsqu'il vent qu'immédia-
tement après soi - même , ce soient ses parens
que l'on considère le plus? Ecouteras-tu Jérôme,
tant de fois dans l'erreur, tant de fois dans le pé-
ché ? croiras-tu un homme enfin , plutôt que
Dieu lui-même ? Va donc , et crois avec Jérôme
qu'il faut passer sur le corps à ses parens pour
fuir au désert. » (Lettre à Severinus, moine autri-
chien; 6 octobre 1527.)
Bage loa , ligne aS* — Les Seolaitique*..*
Grégoire de Kimini a conyaincu les scolasti-
ques d'une doctrine pire que celle des pélagiens...
Car bien que les pélagiens pensent que l'on peut
faire une bonne œuvre sans la grâce, ils n'affir-
ment pas*qu'on puisse sans la grâce obtenir le
ciel. Les scolastiques parlent comme Pelage ,
lorsqu'ils enseignent que sans la grâce on peut
faire une bonne œuvre , et non une œuvre méri-
toire. Mais ils enchérissent sur les pélagiens, en
ajoutant que Vhomme a l'inspiration de la droite
raison naturelle à laquelle la volonté peut se con-
former naturellement, tandis que les pélagiens
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308 HÉHOUIES
avouent que lliomine est aidé par la loi de Dieu.
(1519.)
Pago 107 « ligne z6> — Biens eccUsltuUquesm*.
f
Luther écrivit au roi de Danemarck ( 2 dé-
cembre 1S36), pour approuver la suppression de
répiscopat , et pour engager ce prince à faire an
bon usage des biens ecclésiastiques, c'est-à-dire
(comme il l'écrivait le 18 juillet 1529 au margrans
George de Brandebourg), à les appliquer à des
fondations d'écoles et d'universités.
« L'Empereur dissimule, et cependant il prend,
il dévore les évéchés, Utrecht, Liège, etc. Ceux
de la noblesse devraient y prendre garde. Je me
suis durement travaillé pour que les fondations
ecclésiastiques et les possessions des princes
abbés ne fussent point dispersées, mais con-
servées aux pauvres de la noblesse. Hfalheureu-
sement cela n'aura pas lieu. » ( Tischreden,
p. 851.)
Page 109, ligne la.— 2)ej cardinaux et évéques»'»
«Maître Philippe louait devant le docteur Lu-
ther la haute intelligence et l'esprit rapide du
cardinal, évéque de Saltzbourg, Mathieu Lang.
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DB LUT]I£A. 809
Il disait qa'en 1^30, il s'était trouvé six heures
avec lui à Augsbourg, et qu'ils avaient causé de
la religion. Le cardinal lui avait dit à la fin :
« Mon cher domine Philippe f nous autres prêtres,
nous n'avons encore jamais rien valu. Nous sa-
vons bien que votre doctrine est bonne; mais
ignorez-vous donc que jusqu'ici on n'a jamais rien
pu gagner sur les prêtres? Ce n'est pas vous qui
commencerez. » tCe cardinal était fils d'un mes-
sager d'Augsbourg. Son père était d'une bonne
et ancienne famille, mais réduit à l'état de servi-
teur par sa pauvreté, — Ce fut le premier cardi-
nal qu'il y ait eu en Allemagne. Appuyé par sa
sœur, il se fit connaître à la cour de Maximilien,
fut ensuite envoyé à Kome auprès du pape, et
plus tard nommé coadjuteur de l'évêché de Salz-*
bourg. » (Tischreden , p. 272.)
«J'ai, jusqu'ici, prié pour cetévêque, cote-
goricè , affirmative , positive , de cœur , pour que
Dieu voulût le convertir. J'ai essayé aussi par
écrit de l'amener à la pénitence. Maintenant je
prie pour lui hypotheticè et desperabundè... Celui*
là n'est point frater ignorantiœ , sed malitiœ.
9 n m'a souvent écrit amicalement, et m'a &it
espérer qu'il prendrait femme , comme je lui eu
«vais donné le oonseil par écrit.
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SlO ■ftltOlBtS
> Il 8*cflt moqué de nous jusqu'à la diète d^Augs-
bourg. Là, j'ai appris à le connaître. Cependant
il veut encore être mon ami au point qn'il me ré-
clame pour arbitre dans Tafiaire de... (Tischre-
den,274,)
«A la diète d'Angsbourg, VëTêque de Salti-
bourg disait: t II y a quatre moyens ponr récoo-
cilier les deux partis: ou que nous cédions oa
qu'ils cèdent; or, ni les uns ni les autres n'en
veulent rien faire; ou bien encore, il faut que
l'on oblige d'autorité un des partis à céder, et
comme il en doit résulter un grand soulèyement,
reste le quatrième moyen, savoir: qu^un parti
extermine rautre, et que le plus fort mette le plus
faible dans le sac. » Yoilà de beaux plans d'unité
pour un évéque chrétien. » (Ibidem , p. 19.)
Paye xio, Itgnc ii.— JUa/ne.»...
« Les seuls mendians sont divisés en sept ptr>
tis ou ordres , et les mineurs à leur tour en sept
espèces de mineurs. Toutes ces sectes, le très
saint père les nourrit et les entretient lui-même.
tant il a peur qu'elles ne viennent à s'ttnir.(Lettr«
à la diète de Prague, 15 juillet ISâS.)
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DB LUTBSa. 311
Pige lyj, ligne 94* '" ^'^ *'"^ ^**' ^ V Allemagne ^ celui cà
nous sommes ^ fleurit encore par la culture des arts libé"
Luther écri?it à l'Électenr, le 20 mai 15S0,
pour relever son courage et le consoler des cha-
grins que lui causait la Réforme : « Voyez comme
Dieu a fait éclater sa grâce et sa bonté dans les
états de votre Altesse! n'est-ce pas là que son
Évangile a le plus de ministres pieux et fidèles,
ceux qui l'enseignent avec le plus de pureté, de
zèle et de fruit? Vous voyez grandir autour de
v'ous tout une jeunesse aimable , de bonnes
mœurs, et qui sera bientôt savante dans la sainte
Écriture. Cela me ravit le cœur de voir nos jeu-
nes enfans, garçons et petites filles, connaître
mieux aujourd'hui Dieu et le Christ , avoir une
foi plus pure et savoir mieux prier , qu'autrefois
toutes les écoles épiscopales et les couvens les
plus célèbres.
» Cette jeunesse vous a été accordée oomne «n
signe de faveur et de miséricorde divine. Dieu
vous dit en quelque sorte : Cher duc Jean , je te
confie mon plus précieux trésor; sois le père de
cet enfians. Je veux que taies gouvernes, que tu
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812 xéaioiRBS
les protèges; sois le jardinier de mon paradis, etc.»
Le duc ne paraît pas avoir tenu grand compt»
de cette recommandation, car Luther dit dans
plusieurs de ses lettres qu'il y avait àWittemberg
grand nombre d'étudians qui ne vivaient guère
que de pain et d'eau.
Page 1171 ligne i2. — Je regrette de n avoir pas plus de temfi
à donner à l'étude des poètes et des orateurs.,.
A Wencealas Litik tie Nuremberg. « Si cela ne
vous donne pas trop de peines , mon cher Wen-
ceslas, je vous prie de faire rassembler pour moi
tous les dessins, livres , cantiques, chants deMeis-
tersangeret bouts rimes, qui auront été compo-
sés en allemand et imprimés cette année chei
vous; envoyei-en autant que vous en pourrei
trouver. Je désirerais vivement les avoir. Nous
savons ici composer des ouvrages latins ; mais
pour les livres allemands , nous ne sommes que
des apprentis. Toutefois, avec Tardeur que nous
y mettons, j'espère que nous réussirons bientôt
de manière à vous satisfaire. » (âO mars 1536.)
Page 1 18 « ligne 5. — Ce n*est point un seul homme çmi
a fait ce* fables...
£n 1530, Luther traduisit un choix des lablrt
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DB LUTHER. 313
d*Ésope. Dans la préface il dit qu'il n'y a peut-être
jamais eu d'homme de ce nom , et que ces fables
ont vraisemblablement été recueillies de la bou-^
che du peuple. (Luth. Werke IX , 455.)
Page lai , ligne i8. — Chanter est le meilleur exercice.,.
fieine, Revue des deux Mondes, P'mars 1834:
« Ce qui n'est pas moins curieux et significatif
que ces écrits en prose , ce sont les poésies de
Luther, ces chansons qui lui ont échappé daiTs
le combat et dans la nécessité. On dirait une fleur
qui a poussé entre les pierres , un rayon de la
lune qui éclaire une mer irritée. Luther aimait la
musique, il a même écrit un traité sur cet art,
aussi ses chansons sont -elles très mélodieuses.
Sous ce rapport , il a aussi mérité son surnom de
Cygne d'Eisleben. Mais il n'était rien moins qu'un
doux cygne dans certains chants où il ranime le
courage des siens, et s'exalte lui-même jusqu'à la
plus sauvage ardeur. Le chant avec le quel il en-
tra à Worms, suivi de ses compagnons, était un
véritable chant de guerre. La vieille cathédrale
trembla à ces sons nouveaux , et les corbeaux fu-
rent efifrayés dans leurs nids obscurs, à la cime des
tours. Cet hymne, la Marseillaise de la réforme,
Î7
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314 HéaioimBS
a conseryé jusqu'à ce jour sa puissance énergique,
et peut-être entonnerons-nous bientôt dans dei
combats semblables ces vieilles paroles retentis-
santes et bardées de fer : »
Ifotro Dieu est une forteresse ,
Uae épée et une bonne armure ;
Il nons délivrera de toiu les dangera
Qui nous menacent â présent.
Le vieux mécbant démon
Nous en veut aujourd'hui sérteasemeot.
Il est armé de pouvoir et de ruse ,
Il n*a pas son pareil au monde.
Votre puissance ne fera rien ,
Vous verres bientôt votre perte ;
L'homme de vérité combat pour nooi •
Dieu lui-même l'a choisi.
Veux-tu savoir son nom ?
C'est Jésus-Christ,
Le seigneur Sabaoth.
Il n'est pas d'autre Dieu que loi.
Il gardera le champ , il donnera la Wctoire.
Si le monde était plein de démons •
Et s'ils Tonlalenl nous dévorer.
Ne nous mettons pas trop en peine
Notre entreprise réussira cependant.
Le prince de ee monde t
Bien qu'il nous fasse la griauee ,
Ne nous ffra pas de mal.
U est condamné ,
Vm senl mol le renverse.
DigitizedbyVjOOÇlC
DB LUTBEB. 815
lie nous laisseront la parole ,
Et nous ne dirons pas merci pour cala :
La parole est parmi nous
Arec son esprit et ses dons.
Qu'ils nous prennent notre corps «
Nos biens , l'honneur , nos c
Laissea-les faire ,
Ils ne ^gneront rien 4 cela ;
À noua restera l'empire.
Page laS , ligne 5* •— Peinture*.»
« Le docteur parla un jour de l'habileté et du
talent des peintres italiens. « Ils savent imiter la
nature si parfaitement, dit-il, qu'indépendam-
ment de la couleur et de la forme convenables ,
ils expriment encore les gestes et les sentiraens
de manière à faire croire que leurs tableaux sont
choses vivantes. — La Flandre suit la trace de l'I-
talie. Ceux des Pays-Bas, et surtout les Flamands
ont l'esprit éveillé , ils ont aussi de la facilité pour
apprendre les langues étraugères. C'est un pro-
verbe que si Ton portait un Flamand dans un sao
à travers l'Italie ou la France, il n*en apprendrait
pas moins la langue du pays. » ( Tischreden ,
p. AU verso.)
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318 KiMOIAIfl
Page 1 37 , ligne 17. — Banque.*,
Il dit dans son traitée de Usuris : « J'appelle
usuriers ceux qui prêtent à cinq et six pour cent
L'Écriture défend le prêt à intérêt; on doit prê-
ter de l'argent comme on prête un Tase à son
voisin. Les lois civiles mêmes défendent Fusure.
Ce n'est pas faire acte de charité que d'échan-
ger une chose avec quelqu'un en gagnant sur Yé-
change; c'est voler. Un usurier est un voleur di-
gne de la potence. Aujourd'hui, à Leipsig, celui
qui prête cent florins en reçoit au bout d^une
seule année quarante pour Tintérêt de son argent
— On ne doit pas observer les promesses faites
aux usuriers; ils ne peuvent être admis aux sacre-
mens ni ensevelis en terre sainte.. — Voici le der-
nier conseil que j'aie à donner aux usuriers; ils
veulent de l'argent , de l'or; eh bien! qu'ils s'a-
dressent à quelqu'un qui ne leur donnera pas dix
ou vingt pour cent, mais cent pour dix. Celui-là
a de quoi satisfaire ^ leur avidité; ses trésors
•ont inépuisables; il peut donner sans s'appau-
vrir (Oper. lat. Luth. Witt. t. VII , p. 419-37.)
Le docteur Henning proposait cette question
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tn LVTBBm. 817
à Luther : « Si j 'avais amassé de l'argent, que je
ne Toulusse pas en disposer, et qu'nn homme
Tint me prier de le lui prêter pourrais-je en
bonne conscience lui répondre : Je n'ai point
d'argent ? — Oui , dit Luther , on peut le faire
en conscience. C'est comme si on disait : Je n'ai
point d'argent dont je yeuille disposer... Christ,
en ordonnant de donner , ne dit pas de donner
à tous les prodigues et dissipateurs... Bans cette
ville , il n'y a personne de plus nécessiteux que
les étudians. La pauvreté y est grande à la vérité,
mais la paresse encore plus... Je ne veux point
ôter le pain de la bouche à ma femme et à mes
enfans pour donner à ceux à qui rien ne profite
(Tischred. p. 64).
Page i»8 « A la fin du oliapitre lY.
On peut attacher à la fin de ce chapitre diver-
ses paroles de Luther sur les papes, les rois, les
princes.
a II n'y a jamais eu de plus rusé trompeur sur
la terre que le pape Clément (Clément VII). C'est
qu'il était de Florence, etc. •
« Le pape Jules, deuxième du nom, était un '
homme excellent pour le gouvernement et la
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318 BiMOiaBS
guerre..... Lorsqu'il apprit que son armie avail
été battue à Ravenne^ il blasphéma Dieu dans le
ciel ; il lui disait : Au Dom de mille diables , es-tu
donc devenu si bon Français ? est-ce ainsi qne tu
protèges ton Église ? Il tourna les yeux vers la
terre, et dit : Saints Suisses» priei pour nous! £t
il envoya aussitôt le cardinal de Saltzbourg , li-
thieu Lang^ pour traiter avec Tempereur Maxi-
milieu. »
« Si j'avais été de ce temps-là, on m'aurait
fait venir à Paris avec grand honneur , mais j'é-
tais encore trop jeune et Dieu ne le voulait pcnnt,
de crainte que l'on ne pensât que c'était la puis*
sance du roi de France , etc. »
« Le pape Jules , II , nn homme plein d'audace
et d'habileté , un vrai diable incarné , avait défi-
nitivement résoin de réformer les Franciscains.
Mais ils recoururent aux rois et aux princes, les
firent agir et envoyèrent au pape quatre-vingt
mille couronnes. Le pape dit : Comment résister
à des gens si bien cuirassés ? »
« L'an 15SS, l'astrologue Gaurio raconta au
margrave de Brandebourg, Joachim^ que, coHune
on faisait a Clément VÏI le reproche d'être ba-
tard, il répondit : Et Jésus-Christ? Dèa-lon le
Margrave devint favorable à Luther. •
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DE LVTHSa. 31 &
• Lorque ceux de Bruges tenaient prisonnier
l'empereur Maximilien , et voulaient lui couper
la tête, ils écrivirent au sénat de Venise pour de-
mander conseil. Les Vénitiens répondirent: Homo
tnoriuus non facii guerram,.. Les Vénitiens firent
faire une farce contre Maximilien. Le doge pa-
raissait d'abord, puis venait le Français qui avait
une poche au côté \ il y prenait des couronnes
(pièces de monnaie), et les couronnes débor-
daient la poche. Derrière venait r£mpereur, peint >
en habit gris, avec un petit cor de chasse. Il avait
aussi une poche, mais quand il y mettait la main ,
les doigts passaient à travers. — Les Florentins en
firent autant. Ils représentèrent le Français assi»
sur un siège percé , et.... de l'argent. L'empereur
Maximilien ramassait. Mais ils ont eu depuis une
bonne leçon. Le petit-fils de l'empereur Maximi-
lien, l'empereur Charles, leur a bien appris à vi-
vre. Dieu applique volontiers aux orgueilleux le
verset que l'on chante au Magnificat : Depoauit po^
tentés de sede, »
« L'empereur Maximilien disait : Si on mettait
dusang des princes d'Autriche et de Bavière bouiU
lir ensemble dans un pot , on le verrait en même
temps sauter dehors. »
« On dit que l'empereur Maximilien partit un
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320 véiioiRCs
jour d'un éclat de rire ; il en avoua la cause le
lendemain. Je riais, dit-il, de voir que Dieu a
confié le gouvernement spirituel à un ivrogne de
' prêtre , comme le pape Jules , et le gouvernement
temporel à un chasseur de chamois, comme je
suis. >
« Dans le château de Prague Ton voit toute la
suite des portraits des rois, Ferdinand est le der-
nier, et il n'y a plus de place. Il en est de même
dans la salle ronde du château de Wittemberg.
Cela ne signifie rien de bon.
L'empereur Maximilien disait : « L'Empereur
est bien le roi des rois, car les princes de i'Empirc
font tont ce qu^ils veulent; le roi de France estce-
lui des ânes, les siens exécutent tout ce qu'il com-
mande ; le roi d'Angleterre est le roi des hommes,
car ils lui obéissent et ils l'aiment. »
« Maximilien demandait à*un de ses secrétaires
comment il fallait traiter un serviteur qui le vo-
lait; et comme l'autre répondait qu'il était juste
de le pendre : Nous n'en ferons rien , dit IHElmpe-
reur en lui frappant sur l'épaule, nous avons
encore besoin de vos services, »
« Après l'élection de l'empereur Charles, l'é-
lecteur de Saxe demanda au seigneur Fabian de
Feilizsch , son conseiller , s'il lui plaisait qu^on eût
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Dl LCTHKR. 821
éla empereur le roi d'Espagne. Cet homme sage
répondit : ■ Il est bon que les corbeaux aient un
▼autour. »
On lisait dans un vieux livre cette prophétie :
« L'empereur Charles soumettra toute TEuropo,
réformera TEglise; sous lui, les ordres men^
dians et les sectes seront anéantis. » '
c La nouvelle vint qu'Antonio de Leyva et
André Doria avaient conseillé à l'Empereur d'al-
ler en personne contre le Turc et de ne point
emmener son frère; car, disaient-ils, il n'a point
de bonheur. En effet, Ferdinand est trop fin et
trop réfléchi ; il n'a^^it que par conseil et délibé*
ration , jamais par impulsion divine. » -r- L'Em-
pereur devjent malheureux ; il ne sait pas profiter
de l'occasion; il perd aujourd'hui Milan.
« Le roi de France aime les femmes... Au con-
traire, l'Empereur passant parla France en 1544,
trouva après un grand festin^ une belle et noble
vierge dans son lit, que le roi de. France y avait
fait conduire. L'Empereur la renvoya honorable-
ment chez ses parens.
» L'Empereur n'a appelé à son couronnement
que des princes et seigneurs italiens et espagnols,
qui ont porté devant lui les drapeaux et les armes
dea électeurs. J'avais touché cela dans un petit.
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823 HiMoniBS
liTre, mais l'Électeur en a fait acheter tous les
exemplaires.
» Le roi de France dépense autant d'argent en
trahison que pour ses armées. Aussi, dans sa guerre
contre le pape Jules et Venise , il a dissipé vingt
mille hommes arec quatre mille.
» Tant que François a eu des hommes de guerre
allemands , il a obtenu la victoire. Ce sont en ef-
fet les meilleurs; ils se contentent de leur solde
et protègent le peuple. Aussi Antonio de Leyra
conseilla , en mourant , à TEmpreur de s'attacher
ses soldats allemands ; que s'il les perdait, ce serait
fait de lui ; car ils tenaient tous ensemble comme
un seul homme. »
Après la défaite de François P' de Pavie, Lu-
ther écrivait : « Que le roi de France soit de chair
ou autre chose , je ne me réjouis pas de le voir
vaincu et pris. Vaincu, cela se peut souffrir, mais
captif, c'est une monstruosité... Peut-être l'heure
du royaume de France est-elle venue, comme
cet autre le disait de Troie : Venit sumwui éiei
et ineluctabile fatum Ce sont, à ce qu'il me sem-
ble, des signes qui annoncent le dernier jour du
monde. Ces signes sont plus graves qu'on ne serait
tenté de le croire... Il n'y a qu'une chose qui me
ikit plaisir, c'est de voir frustré» les efforts de
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DE LUTHEA. 323
l'Anti-Ghrist, qui commençait à a'appuyer sur lo
roi de France. » (mars 1525.)
(Février 1537.) « Le roi de France est persuadé
que chez nous autres luthériens, il n*y a plus ni
mariage , ni autorité , ni église, ni rien de tout ce
qu'on regarde comme sacré. Son envoyé , le doc-
teur Gervais, nous l'a assuré positivement. Mais
d'où vient cela? certainement de ce qu'on ne laisse
pénétrer en ce pays, non plus qu'en Italie , aucun
écrit des nôtres, et que le scélérat de Mayence,
ainsi que ses pareils, y envoient toutes les calom-
nies qui se débitent contre nous. »
« Nous avons ici un Français, François Lam-
bert^ qui était il y a deux ans prédicateur apos-
tolique, comme on les appelle parmi les mineurs,
et qui vient de prendre pour femme une des nô-
tres : il espère mieux vivre dans le voisinage de
la France ( à Strasbourg) ... Il gagnera sa vie à
traduire en français mes ouvrages allemands. »
( A décembre 1523. )
« Les rois de France et d'Angleterre sont lu-
thériens pour prendre , point pour donner. lU
ne dierchent point l'intérêt de Dieu, mais le
leur.
» Sept nniversités ont approuvé le divorce du
roi d'Angleterre; mais nous autres de Wittem-
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c24 BéMOlRES
berg et ceux de LoaTain , nous avons soutenu le
contraire, eu égard aux circonstances particu-
lières, à la longue cohabitation, à Texistence
d'une fille, etc.
» Quelques-uns qui araicnt reçu des écrits
d'Angleterre annoncèrent comment le roi s*était
séparé de l'ÉTangile. Je suis charmé, dit Luther,
que nous soyons quitte de ce blaspSemateur.
Pai seulement regret de voir que Mélanchton ait
adresséses plus belles préfaces aux plus méchantes
gens.
• Le duc George de Saxe disait qu'il ne for
cerait personne à communier sons une espèce*
mais que ceux qui voulaient le iaire autrement,
devaient sortir du pays.
» Lorsque le duc George déclara au duc Henri
de Saxe, son frère, qu'il ne lui laisserait ses états
qu'à condition d'abandonner l'Évangile, il ré-
pondit : « Par la vierge Ifarie ( c'était le mot or-
dinaire de sa Grâce), avant que je consente à
renier mon Christ, j'irai avec ma Catherine, un
petit bâton à la main , mendier par le pays. * Je
voudrais que l'Empereur fît pape le duc George»
les évéques supporteraient sa réforme encore
moins que la mienne. Il réduirait l'évéque de
Mayence à quatorte chevaux, etc.
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DS tVTHER. 825
» Le duc George a racé le sang bohémien arec
le lait Se sa mère, fille du roi de Bohème, Casi-
mir. Il aurait fini par s'arranger ayec l'éléctetir
Frédéric ponr frapper les^évéques, les abbés, etc.
Il est de sa nature ennemi du clergé Mais les
lettres et les flatteries de TËrapereur, du pape,
des rois d'Angleterre et de France, l'ont tellement
enflé, que, etc..
9 Lorsque le duc George voyait son fils Jean
à l'agonie, il le consolait en lui rappelant l'ar-
ticle de la justification par la foi en Christ, et
l'exhortait à ne regarder que le Sauveur, sans
se reposer sur ses œuvres ni sur l'invocation des
saints. Alors, l'épouse du duc Jean, sœur du land«
grave Philippe de Hesse, dit au duc George':
« Cher seigneur et père , pourquoi ne laisse-t-on
pas prêcher publiquement cette doctrine dans le
pays? » — « Ma chère fille, répondit-il, on la doit
enseigner seulement aux mourans, mais point
rtux gens en santé. » (15i7.) -^ Ce duc Jean avait
été obligé par son père de jurer une haine éter-
nelle à la doctrine luthérienne, et il l'avahAut
oonnaitre au docteur Luther par le vieux peintre
Ltieas Cranacfa.
Leipsig était la capitale et la résidence dn duc
George. Aussi les protestans, surveillés de près
TOMP. H. 2o
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^26 MivOTftBS'
par le duc, n'y pouyaient faire de nombreux pro-
sélytes, et Lather en marque souvent son dépit
par sa colère contre cette ville.
« Je hais , dit-il , ceux de Leipsig comme je ne
hais rien sous le soleil, tant il y a là d^orgueil,
d'arrogance, de rapacité et d'usure. (15 mai 1540.)
> Je hais cette Sodome (Leipsig,) sentine des usu-
res et de tous les maux. Je n'y entrerais qu'autaat
qu'il le faut pour arracher Loth.» (^6 octobre 1 5S9.)
» L*électorat de Saxe est pauvre et rapporte peu.
Si l'Électeur n'avait pas la Misnic , il ne pourrait
entretenir quarante chevaux; mais il a des tri-
buts de princes et seigneurs , des droits de sau^
conduit^ des douanes, des rentes, etc.. Sa Grâce
électorale a cédé, pour de l'argent , les régales,
entre autres le droit de grâce.
9 L'électeur Frédéric était économe. Il savait
bien remplir ses caves et ses greniers de grains et
d'autres denrées. Qn compte neuf châteaux qu il
a fait bâtir, et cependant il lui ratait toujoun
assez d'argent; c'est qu'il suivait le bon consdl
que son fou lui avait donné. Un jour , qu'il «
plaignait de manquer d'argent, le fou lui dit :
Fais-toi percepteur. Il exigeait des comptes sévè-
res de ses serviteurs. Quand il venait dans un de
ses châteaux , il mangeait, buvait , se faisait doii-
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»■ LUTRBR* 827
ner di> fourrage comme un hôte ordinaire, et
payait tout comptant. Par là ilôtaità ses gens l'oc-
casion de s'excuser , en disant : On a tant con-
sommé de choses , quand le prince est Tenu !
9 L'électeur Frédéric-le-Sage disait à Worms ,
en 1^1 : «Je ne trouve point d*église romaine
dans ma croyance; mais une commune église
chrétienne , je l'y trouve. »
« Ce même prince avait, di^ Hélanthion , près,
de Wiltemberg un cerf apprivoisé , qui ,,pendant
bien des années, allait, au mois de septembre,
dans la forêt voisine , et revenait exactement en
octobre. Lorsque l'Électeur fut mort, le cerfjpar-
tit et l'on ne le revit plus.
» En 1525 , rélecteur Jean de Saxe me demanda
s'il devait accorder aux paysans leurs douze ar-
ticles. Je le détournai entièrement d'en approu-
ver un seul.
» Le duc Jean disait en 1525, en apprenant la
révolte des paysans: « Si le Seigneur veut que je
reste prince , que sa volonté soit faite , mais je puis
aussi être un autre homme. »
Luther blâme la patience de ce prince, qui avait
appris des moines , ses confesseurs » à supporter la
désobéissance de ses gens.
n disait à Luther : • Mon fils, le duc Ernest, m'a
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328 HivoiftBS
écrit uue lettre latine pour me demander à courir I
un cerf. Je veux qu'il étudie; Usera toujours à
même d'apprendre à laisser pendre deux jambes
•ur un cheval.»
« Le même prince avait toujours pour sa garde
six nobles jeunes garçons, qui restaient dans a
cbambre et qui lui lisaient la Bible six heures par
jour. Sa Grâce électorale s^endormait quelquefois,
mais il n'en citait pas moins à son réveil quelques
belles paroles qu'il avait remarquées et retenues.
— Pendant la prédication il tenait près de lui des
écrivains, et lui*méme de sa propre main recueil-
lait les paroles de la bouche du prédicateur.
» Lorsque Ferdinand fut élu roi des Romains
à Cologne, le jeune duc Jean-Frédéric y fut en-
voyé pour protester de la part de son seigneur
et père. Dès qu'il eut exécuté ses ordres, il re-
partit au grand galop , et comme il avait à peine
passé la porte, on envoya des gens pour courir
après lui et le prendre. (1531.)
> On dit que l'Empereur a fait entendre , après
avoir lu notre Confession et apologie, qu'il voulait
que l'on enseignât etque l'on préchat dansle même
sens par tout le monde. Le duc Greorge auraU dit
aussi qu'il savait très bien qu'il y avait beaucou.^
d'abus à réformer dans l'Église, mais qu'il ne voWih.
Diqitized bv CjOOÇIC
DB LUTBCR. B29
lait pas de cette réforme , quand elle venait d'un
moine défroqué.
» La dernière fois que l'électeur Jean alla à la
chasse , tout le gibier lui échappait. Les bétes ne
voulaient plus le reconnaître pour maître^ c'était
un présage de sa niort.(153S.)
» Le duc Jean-Frédéric, qui a été si bien pillé
et dépouillé par ceux de la noblesse, a appris à
ses dépens à les connaître.
» L*électeur Jean-Frédéric est naturellement
colère, mais lisait à merveille dompter son cour-
roux.— Il aime à bâtir et à boire; il est vrai qu'un
ai grand corps doit tenir plus qu'un petit. — Il
donne par ans mille florins pour l'université;
pour le pasteur, deux cents, avec soixante bois-
seaux de froment ; de plus soixante florins à cause
des leçons publiques. » Il envoya ^une ibis cinq
cents florins à Luther sur les fonds d'une abbaye
pour marier quelque pauvre religieuse.
» Quoique le docteur Jbnas l'y engageât , Lu-
ther refusa de demander à l'Électeur une nou-
velle Visitation deséglises. « lia soixaMte-dix con-
seillers qui crient à le rendre sourd. Us lui disent :
Quel bon conseil peut donnejr le scribe ? eonten-
tons-nousde prier Dieu qu'il dirige le cœur du
prince»
DigitizedbyLjOOgle
330 HiHOlRIS
Du landgrave Philippe de Heise. — Le Land-
grave est un pieux, intelligent et joyeax seigneur:
il maintient une bonne paix dans sa terre, qui
n'est que pierres et forêts; de sorte que les gem
y peuvent voyager et commercer sans crainte...
Le Landgrave est un guerrier, un Arminius, pe-
tit de sa personne , mais , etc. Il consulte et soit
aisément les bons conseils ; la résolution une fois
prise , il exécute promptemcnt. — L'Empereur lui
a offert , pour lui faire quitter l'Évangile , la pos-
session paisible du comté de Katzenellenbogen ,
et le duc George l'aurait fait à 9e prix son héri-
tier... Il a une tête hessoise; il ne peut se repo-
ser , il faut qu'il ait quelque chose à faire... C'était
une grande audace de vouloir, en 1528 , envahir
les possessions des évêques; et c'a été un acte
plus grand d'avoir rétabli le duc de Wurtemberg
et chassé le roi Ferdinand de ce pays. Moi et Mé-
lanchton , nous fûmes appelés à cette occasion à
Weimar, et nous employâmes toute notre rhéto-
rique à empêcher sa Grâce de rompre la paix de
l'Empire... Il en devint tout rouge et s'emporta.
Cependant c'est une âme tout-à-fait loyale.
» Dans le colloque de Marbourg, en 1529, sa
Grâce vint avec un petit habit , de sorte que per-
sonne ne l'aurait reconnu pour le Landgrave; et
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DB LVTHBR. 331
cependant , it était occupé de grandes pensées. li
consulta Mélanchton , et lui dit : « Cher maître
Philippe , dois-je souffrir que Tévéque de Mayence
me chasse par violence mes prédicateurs évangé-
liques? «Philippe répondit: Si la juridiction du
lieu appartient à Tévêque de Mayence, votre
Grâce ne peut l'empêcher. » Permis à vous de
conseiller, répondit le Landgrave , mais je n'agi-
rai pas moins. •
«A la diète d' Au gshourg, en ISSO, le land-
grave dit publiquement aux évéques: » Faites la
paix , nous vous le demandons. Si vous ne la fai-
tes point et qu'il me faille descendre de mes
montagnes, j'en saisirai au moins un ou deux. *
c Dieu a jeté le Landgrave au milieu de l'Em-
pire. Il a autour de lui quatre électeurs et le duc
de Brunswick ; et il les &it tous trembler. C'est
que le commun peuple lui est attaché. Avant de
rétablir le duc de Wurtemberg , il était allé en
France , et le roi de France lui avait prêté beau-
coup d'argent pour la guerre.
» Si le Landgrave s'enflamme une fois...! C'est
ce qui nous est arrivé , à moi et à maître Philip-
pe , lorsque nous le détournions humblement et
£sûblement de la guerre; « Qu'arrivera-t-il si je
souffre vos conseils et si je n'agis point ? t — C'est
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332 nixoiAE»
un miracle da Dieu. Le Landgrave esl un prince
peu puissant, cependant on le redoute; c'est un
héros. Il a renvoyé les évéques au chœur... Les
Saxons et ceux de la Hesse, lorsqu'ils sont en
selle, sont de vraja cavaliers. Les cavaliers des
hautes terres (du raidi derAllemagne) ne sont que
des danseurs. Dieu nous conserve le Landgrave.
Dieu nous préserve de la guerre! les gêna de
guerre sont des diables incarnés. Je ne parle
pas seulement des Espagnols, mais auasi des
Allemands.
> Après la diète de Francfort, en lâS9, environ
neuf mille soldats d'élite furent rassemblés autour
de Brème et de Lunebourg pour être eaiployés
contre les états protestans. Hais l'électeur de
Saxe et le landgrave de Hesse leur firent parler
par le chevalier Bernard de Mila, leur donnèrent
de l'argent comptant et les attirèrentà eux. £n*
suite mourut subitement le duo George, etc. »
«Le Umdgnupe de Hwse et de Thuringe» Louis-
le-Fameux , était un seigneur dur et colérique. Il
était tenu prisonnier par Vévêque de Hall, il aauta
par une fenêtre du haut du château et du rocher
dana la Sak, nagea, a'aida d'un tronc d^arlive et
échappa. Il sévissait toujours cruellement conUra
ses sujete. Sa femme s avisa de lui servir de la
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Bl LUTHER. ' 333
viande un vendredi saint, et comme il n'en vou-
lait pas manger; elle lui dit : « Cher seigneur, vous
craignez ce péché, lorsque vous en faites tous les
jours de plus grands et de plus horribles. » Hais
elle fut obligée de s'enfuir et de quitter ses en-
fans. Au moment de son départ , à minuit , elle
baisa son enfant qui était enqpre au berceau , le
bénit , et , dans un transport d'amour maternel ,
elle le mordit à la joue (i). Accompagnée d'une
jeune fille, elle descendit par une corde du châ-
teau de Wartbourg , tout le long du précipice.
Son maitre-d'hôtel Tattendait avec un chariot,
et la conduisit secrètement à Francfort-sur-le-
Mein. — Quand ce landgrave mourut, on l'affu-
bla d'un habit de moine , ce qui faisait beaucoup
rire tous ses chevaliers.
« £n Italie, les hôpitaux sont bien pourvus »
Lien bâtis. On y donne une bonne nourriture;
il y a des serviteurs attentif et de savans méde^
cins. Les lits et les habits sont très propres :
(i) Luther appelle Louis ce landgrave , qui s'appelait
effectivement Ailert-ie-Dênaturé , et vivait en ia88. Sa
femmey Marguerite était fille de l'empereur Frédéric II;
Bon fils est Frédérie I , dit le Mordu.
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334 ■ivoiiss
rintérieur des bâtimens orné de belles peintu-
res. Aussitôt qu'un malade y est amené; on lui
aie ses habits en présence d'un notaire qui ea
dresse une note et une description exacte pour
qu'ils lui soient bien gardés. On le revêt d'un
Barreau blanc, on le met dans un lit bien £ut et
dans des draps blancs ; on ne tarde pas.à lui ame-
ner deux médecins , et les serviteurs viennent lui
apporter à mangera boire et dans des verres bien
propres, qu'ils touchent du bout du doigt. Il vient
aussi des dames et matrones honorables qui se voi-
lent pendant quelques jours pour servir les pau-
vres, de sorte qu'on ne sait point qui elles sont,
et elles retournent ensuite chez elles. — Tdi tu
aussi à Florence que les hôpitaux étaient servis
avec tous ces soins : de même les maisons des ea-
&ns-trouvés, où les petits enfans sont nourris tu
mieux, élevés, enseignés et instruits. Ils les ornent
tous d'un costume uniforme, et en prennent le plus
grand soin.
» Je ne manque point de drap, mats je ne
puis me décider à me faire foire des culottes. La
miennes ont été raccommodées quatre fois et le
seront encore. Les tailleurs ne font rien de bec
et prennent trop cher. Cela va bien mieux en Ita-
lie; les tailleurs ont une corporation particalièra
qui ne fait que des culottes.
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DB LUTHEK. 335
> En Espagne, pour les couches de Timpéra-
trice, trente hommes se sont fouettés jusqu'au
sang, afin de lui obtenir un heureux enfantement,
deux même en sont morts , et cependant la mère
ni le fœtus n'ont pu être délirrés. Qu'a-t-on fait
de plus chez les païens? (14 août 1539.)
En Italie et en France, les curés sont générale-
ment des ânes. Si o.n leur demande : Quoi suni
#ac#'ain<?n^a?ilsrépondent: Très. — Quce?Réponse :
Le goupillon , l'encensoir et la croix.
9 En France , il y a eu tant de superstition ,
que les serfs et serviteurs voulaient pour la plu-
part se faire moines. Il fallut que le roi défendit
la moinerie. La France est abîmée dans la super-
stition. Les Italiens de même sont ou superstitieux
ou épicuriens. C'est un propos commun en Ita-
lie , qnand ils vont à l'église de dire : Allons au
préjugé populaire.
» Lorsque je vis Rome , je tombai à genoux ,
levai les mains au ciel et dis : Salut, sainte
Rome , sanctifiée par les saints martyrs et par
leur sang qui y a été versé...; mais elle est main-r
tenant déchirée, und der teufel hat den'papst,
seiaen dreek, darauss geschissen. — Cent ans
avant Jésus-Christ, Rome avait quatre millions
de citoyens; peu après, neuf millions; certes,
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235 MÉMOIRES ^
cela devait faire un peuple, si tontefois la chose
est vraie. — A Venise, trois cent mille feux; à
Erfurt , dix - huit mille murs à feu ( mors mi-
toyens ) : à Nuremberg , à peine la moitié« —
Rome n'est plus qu'une charogne et un tas de
cendres... Les maisons sont aujourd'hui où étaient
les toits de Tancienne Rome; telle est l'épaisseur
des décombres , qu'il y en a la hauteur de deux
lances de landsknecht (1). Rien n'y est à louer
que le consistoire et la cour de Rote, où les af-
faires sont instruites et jugées avec beaucoup de
justice. ,
Le docteur Staupitz avait entendu dire à Rome ,
en IBli , que d'après une vieille prophétie, un
ermite s'élèverait sous le pape Léon X , et atta-
querait la papauté; or, les augnstins s'appelent
aussi ermites.
» Je ne voudrais pas, pour cent mille florins,
ne pasafoir vu Rome; je me serais toujours in-
quiété si je ne faisais pas injustice au pape. » —
Il répète trois fois ces paroles.
« Il y avait en Italie un ordre particulier , qui
s'appelait les Frèreê de l'ignorance. Ils devaient
(i) Voye» le f^oy^ge de Monfwgne.
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DB L0THER. 337
jurer de ne rien sayoir et de ne vouloir rien
apprendre. Tous les moines méritent le même
nom. »
Un soir, à la table de Luther, il se trouvait un *
vieux prêtre qui racontait beaucoup de choses de
Rome. Il y était allé quatre fois et y avait officié
pendant deux ans. Quand on lui demanda pour-
quoi il y était allé si souvent, il répondit : « La
première fois j'y cherchais un filou, la seconde
je le trouvais, la troisième je l'emportais avec
moi, et la quatrième je l'y rapportais et le plaçais
derrière l'autel de Saint-Pierre. »
« Christoff Gros , qui avait été long-temps à
Rome, trabant du pape , parla beaucoup des pays
par où l'on va vers la Terre-Sainte , de l'Aragon
et de la Biscaye. Us ont pour signe du bap-
tême une petite cicatrice au nez , juste sous les
yeux. »
« Les Écossais sont la nation la plus fière ; beau-
coup se sont réfugiés en Allemagne, à £rfurth et
à Wurtibourg; ils n'admettent personne comme
moines dans leurs couvens. Les Écossais sont mé-
pri.sés des autres nations, comme les Samaritains
par les Juifs. »
« Les Anglais ont été chassé de France après
20
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338 HÉMOIRES
leur défaite à Hontlhéri, entre Paris et Orléans(l).
— Ils ne laissent personne à Calais, à moins qu'il
ne parle anglais dans tant d'heures. »
« La peste règne toujours en Angleterre. —
L'Angleterre est un morceau de l'Allemagne. —
Les langues danoise et anglaise sont du saxon,
c'est-à-dire du véritable allemand, tandis cpie la
langue de l'Allemagne supérieure n'est point la
vraie langue allemande. — La Souabe et la Ba-
vière sont hospitalières ; au contraire la Saxe. —
Luther préfère le dialecte de la Hesse à tous l&
autres de l'Allemagne, parce que les Hessois ac-
centuent les mots comme s'ils chantaient. »
Diversité des langues, — « Supériorité de l'al-
lemande : elle fait sentit^ que les Allemands sont
gens plus simples et plus vrais. Au contraire,
c'est un proverbe : les Français écrivent autre-
ment qu'ils ne parlent, et parlent autrement
qu'ils ne pensent. — L'allemand se rapporte au
grec. Le latin est sec, il n'a pas de lettres doubles.
— Finesse des Saxons et bas Allemands, ils sont
pires que les Italiens , quand ils adoptent les idée«
(i) Il est inutile de relever les erreurs grossières dont
iourmille ce chapitre.
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DE LUTHBR. 339
de ritalie. — les habitations et l'aspect des pays
changent ordinairement dans l'espace d'un siècle.
Il y a peu d'années que la Hesse , la Franconie ,
la Westphalie, n'étaient qu'un désert. Au con-
traire, autour de Halle, d'Halberstadt, et chez
nous, on fait jusqu'à trois milles sans trouver
rien que bruyères , tandis qu'autrefois il y avait
des terres cultivées.. Dieu aura ôté la fertilité au
pays, pour punir les habitans. >
« Nous sommes de bons compagnons, nous
autres Allemands, nous buvons, nous mangeons ,
nous cassons nos vitres, nous perdons en une
soirée cent , mille florins ou plus , et nous ou-
blions le Turc qui, en trente jours, peut être avec
sa cavalerie légère à Wittemberg. »
« En France , chacun a son verre à table. —
Les Français se préservent de l'air j s'ils suent,
ils se couvrent, s'approchent du feu, se mettent
an lit; sans cela ils auraient la fièvre. Deux per-
sonnes dansent à la fois, les autres regardent; au
contraire en Allemagne. — Les prêtres d'Italie et
de France ne savent pas même leur langue. »
> Dans mon voyage sur le Rhin, je voulus dire
la me£88 , mais un prêtre me dit : « Vous ne le
pouvez : nous suivons ici le rit ambroisien. >
• George Fœgeler, chancelier du margrave,
•
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340 nÉuoiBBS
(lisait que dans la Bavière il y avait plus de cent
vingt-cinq curea vacantes, parce qu'on ne pou-
vait trouver aucun ecclésiastique.
» Dans la Bohême, il y a environ trois cents
cures vacantes, de même chez le duc George.
» La Thuringe avait autrefois un sol très fer-
tile en grain, surtout autour d'£rfurt;mais main-
tenant elle est frappée de malédiction. Le blé 7
est plus cher qu'à Wittemberg. C'est ce que j'ai
vu , il y a un an, lorsque j'étais à Smalkald ; ifs
n'avaient qu'un mauvais pain noir... Ils ont de
telles vendanges qu'on pourrait donner la pinte
pour trois liards; si elles étaient moitié moins
bonnes, ils seraient très riches; mais maintenant
ils donnent le vin pour le tonneau.
» L'électorat de Saxe a eu douze coavens de
moines déchaux , mineurs, cinq de prêcheurs,
moines de saint Paul et carmélites, et quatre
d'augustins. Voilà seulement pour les moines men-
dians, qui, aujourd'hui se dissipent d'eux-mêmes.
— Alors, un Anglais qui se trouvait à table chei
le docteur , se mit à dire qu'en Angleterre» il n'y
avait guère de milles carrés d'AUeniagne, où
Ton ne trouvât trente-deux cloitres de moines
raendians.
» Le vieil électeur de Brandebourg, Joacbîm,
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disait une fois au duc de Saxe Frédéric : Gom-
ment pouvez- vous, vous'autres princes de Saxe,
frapper de la monnaie si forte ? Nous y avons ga-
gné trois tonnes d'or (en renvoyant une monnaie
inférieure dans la Saxej
La princesse de A. (Anhalt), venant à Wittem-
berg, se rendit chez Luther, et insista vivement
pour discuter avec lui, quoiquil fût malade et
*que ce fût à une heure indue. Il s'excusa en luî
disant : « Noble dame, je suis rarement bien
portant dans toute l'année ; je souffre presque
toujours ou du corps ou de l'esprit. » Elle lui ré*
pondit : « Je le sais, mais nous, nous ne pou-
vons pas non plus vivre tous dans la piété. » Le
docteur lui dit alors : « Vous autres de la no-
blesse^ cependant, vous devriez tous être pieux
et irréprochables, car vous êtes peu, vous for-
mez un cercle étroit. Nous, gens du commun et
des basses classes , nous nous corrompons par la
multitude; nou» sommes en grand nombre; il
n'est donc pas étonnant qu'il y ait si peu de gens
pieux parmi nous. C*est chez vou#, personnes
nobles et illustres , que nous devrions trouver
des exemples de piété, d'honnêteté, etc. » Et il
consinva de lui parler sur ce ton. (Tischreden ,
p. 341 , verso.)
29.
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342 HéiioiEKS
Luther avait dans sa maison et à sa table un
Hongrois, nommé Mathias de Yai. De retour en
Hongrie, il y prêcha, et fut accusé par un prédi-
cateur papiste devant le moine €reorge, frère du
Vayvode , alors gouverneur et régent à Bnde. Le
moine George fit apporter deux tonneaux de
pondre sur le marché, et dit : « Si l'un de tous
deux prêche la bonne doctrine, asseyez-TOus
dessus, j*y mettrai le feu; nous verrons lequel
des deux restera vivant. » Le papiste refusa, Ma>
ihias s^élança sur un des tonneaux. Le papiste et
les siens furent condamnés à payer quatre cents
florins de Hongrie , et à entretenir pendant un
certain temps deux cents hommes d^armes. la-
thias eut la permission de prêcher FÉvangile.
(Tischr.,p. 18.)
Un seigneur hongrois, nommé Jean Hunîade,
se trouvant àXorgau, comme ambassadeur du
roi Ferdinand auprès de l'électeur Jean-Frédé-
ric , pria celui-ci de faire venir Luther pour qu'il
pût le voir et lui parler. Luther y vint ; à table ,
Tambassadeur dit qu'en Hongrie les prêtres don-
naient la communion tantôt sous une, tantôt
sous deux espèces , et qu'ils prétendaient que la
chose était indifférente. « Révérend père , ajouta-
t-il, en s'adressant à Luther, me permetiez-vous
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DB LUTHER. 343
de TOUS demander ce que vous pensez de ces prê-
tres ?» Le docteur repondit qu'il les regardait
comme de méprisables hypocrites,* Car, dit-il,
s'ils étaient bien conyaincus que la communion
sous deux espèces est d'institution divine , ils ne
pourraient continuer de la donner sous une
seule. »
Luther cacha le dépit que la question de Tara-
bassadeur lui avait causé , et quelque temps après,
il se tout'na vers lui , en disant : ce Seigneur, j'ai
répondu à ce que votre Grâce me demandait. Me
permettra-telle de lui faire une question à mon
tour ? » L'ambassadeur le lui permettant , il con-*
tinua : « Je suis étonné que vos pareils, les con-
seillers des rois et des princes, qui savent bien
que la doctrine de l'Évangile est la véritable, ne
laissent pas de la persécuter de toutes leurs forces.
Me pourriez-vous dire d'où cela vient?» A ces
mots, André Pflug, l'un des convives, voyant l'em-
barras du seigneur hongrois,inter rompit Luther et
parla vivement d'autre chose, de sorte que le
seigneur fut dispensé de répondre. (Tischr. , p.
148.)
Le chapitre des Propos de table où se trouve
réuni tout ce que Luther a dit sur les Turcs, est
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344 MéHOi&És
fort curieux coiume peinture des alarmes qu'é-
prouvai ent alors toutes les familles chrétiennes.
Chaque mouvement des harhares est marqué par
un cri de terreur. C'est la même scène que celle
de Goetz de Berlichingen , où le cheTaHer ne
pouvant agir, se fait rendre compte par les sieos
du conihat qui a lieu dans la plaine , et qu%
contemplent du haut d'une tour; c'est la mène
anxiété d'un péril toujours croissant et qu'on ert
dans l'impuissance d'éviter ou de con^battre.
» Le Turc ira à Rome , et je n'en suis pas trop
fâché , car il est écrit dans le prophète Daniel , etc.
Une fois le Turc à Rome, le Jugement dernier
n'est pas loin.
> Le Christ a sauvé nos âmes; il faudra qu'il
sauve aussi nos corps; car le Turc va donner un
bon coupa l'Allemagne. Je pense souvent à tous
les maux qui vont suivre, et il m'en vient la
sueur... La femme du docteur s'écria : Dieu nous
préserve des Turcs! Non, reprit-il, il faut bien
qu'ils viennent et qu'ils nous secouent comme il
faut.
' » Qui m'eût dit que je verrais en face l'un de
l'autre les deux empereurs, les rois du Midi et du
Septentrion ?... Oh ! priez , car nos gens de guerre
sont trop présomptueux, ils comptent trop sur
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DE LUTHER. 345
leur force et sur leur nombre. Cela ne peut pas
bien finir. £t il ajoutait : Les chevaux allemands
sont plus forts que ceux des Turcs; ils peuvent
les renverser; ceux-ci sont plus légers, mais plus
petits.
« Je ne compte point sur nos murs, ni sur nos
arquebuses , mais sur le Pater nosfer. C'est là ce
qui battra les Turcs; le décalogue n'y suffît pas. >
Luther dit qu^après avoir depuis long-temps
désiré de connaître l'Alcoran, il en trouva enfin
une mauvaise version latine de ISOO, et qu'il la
traduisit en allemand, afin de mieux faire con-
naître l'imposture de Mahomet. Dans son « In-
struction tirée de l'Alcoran, ■ il prouve que ce
n'est point Mahomet qui est l'Anti Christ (car Tim-
posture, dit-il , est trop visible en celui-ci), mais
plutôt le pape avec son hypocrisie. — « Il y a
trois ans qu'un moine du pays des Maures vint
ici. Nous disputâmes avec lui par l'intermédiaire
d'un interprète, et comme il fut confondu en tous
points par la Parole de Dieu, il dit à la fin :
« C'est là une bonne croyance . »
Les juifs, à titre de juife et d'usuriers, étaient
fort mal avec Luther.
c Nous ne devons pas souffrir lea juifs parmi
nous. On ne doit ni boire ni manger avec eux. —
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346 aimoiaBs
Cependunl , dit quelqu^im , il est écrit que 1& j 1 1
seront cooTertis «Tant le Jugement — — îi Ll H
écrit auasi , dit la femme de Luther, qu^ n y j i
qu'une bergerie et un berger. — Oui, chèr^ '.
therine, dît le docteur. Mab cela s^est dtj
compli , lorsque les païens ont embrassé 11-
gile. «(Tiscfar., p. 431,) 1
■ Si j'étais à la place des seigneurs de *'
ferais Tenir ensemble tous lesjui&, et je les'* ]
manderais pourquoi ils appellent Christ en
de p.... , et sainte Marie une coareuse. S'il» y
Tenaient à le prouTer, je leur doiuiera!> ^^-
florinsj sinon je leur arracherais la laap
^Tischr., p. 4il, Terso.)
Ptg« 1 34 • hgam 1. — «/« iM puis mer ^K«/e me f=
violent,.»
Érasme disait: « Luther est insatiable dV^ ^
et de riolences; c'est comme Oreste furku '
(Erasm,, Epist. non sobria Luther.)
Pa^ l47« ligne l6: Le droit impérial matiemt fèx:
Cependant Luther le préférait encore aa dr
saxon.
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DE LVTHEft. 347
■ Le docteur Luther parlant de la grande bar-
barie et dureté du droit saxon, disait que les
choses iraient au mieux si le droit impérial était
suivi dans tout FËrapire. Mai» Fopinion s*est éta-
blie à la cour , que le changement ne pouvait se
faire sans grande confusion et grande dévasta-
tion. « (Tischreden , page 412.
Page 148. ligne a5. -~ «Te te le conseille , juriste, laisse
dormir le vieux dogue,, •
Dans son avant-dernière lettre à Mélanchton
(6 février 15-46) , il dit en parlant des légistes :
« Osycophantes^ô sophistes, ô peste du genre hu-
main !... Je t'écris en colère, maïs je ne sais si, de
sang froid , je pourrais mieux dire. »
Page i49» ligne 6ê — Juristes pieux..»
Il souhaite qu*on améliore leur condition.
■ Les docteurs en droits gagnent trop peu et
sont obligés de se faire procureurs. En Italie, on
donne à un juriste quatre cents ducats ou plus par
an ; en Allemagne , ils n'en ont que cent. On de-
vrait leur assurer des pensions honorables, ainsi
qu'aux bons et pieux pasteurs et prédicateurs.
Faute de cela , ils sont obligés pour nourrir leurs
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S48 MÉMOI&BS
femmes et leurs en&iDS, de s'occaper de l'a^
caltare et des soins domestiques. • ( Tischreden.
pageiU.)
Paga i49* — .^Va du chapUrr.
Au comte Albrecht de Mansfeld, au sujet d^uoe
affaire de mariage : « Les paysans , les gens gpoî-
siersquine recherchent que la liberté de la chair,
les légistes qui décident toujours contre la fol.
m'ont rendu si las, que j'ai rejet<^ décidément le
fardeau des affaires de mariages, et que j ai dit è
plusieurs de faire , au nom de tous les diables, c«
qu'il leur plaira : SinUe mofiuoê sepelire martuo*^
Le monde veut le pape! qu'il l'ait, s'il n*en pent
être autrement. Tous les légistes tiennent pour lui.
Je ne sais vraiment si, moi mort, ils auront le cou-
rage d'adjuger, à mes enfans, le nom de Luther
et mes guenilles! Ils jugent toujours d'après Ir
droit papal. A qui la faute? A tous autres sei-
gneurs; qui les rendez trop fiers, qui les soutenei
dans tout ce qui leur plait de décider, qui opprimes
les pauvres théologiens , quelque raison qo1b
puissent avoir... ■ (5 octobre 1536.)
« Il faudrait dans un pays deux cents pastenr«
contre un juriste. Nous devrions, en attendant.
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DB LVTHBft. 349
changer en pasteurs les juristes et les médecins.
Vous verrez que cela viendra. » (Tischreden , page
- 4 , verso.)
Page i57 , fin dujpkapitre.
Discussion confidentielle entre Mélanchton et
Luther. (1536.)
MÂLAifcnroN trouve probable Fopinion de saint
Augustin, qui soutient « que nous sommes justifiés
par la foi, par la rénovation, » et qui, sous le
mot de rénovation , comprend tous les dons et
les vertus que nous tenons de Dieu (i). « Quelle
est votre opinion? demanda-t-il à, Luther. Tenez-
vous, avec saint Augustin, que les hommes sont
j ustifiés par la rénovation , ou bien par imputa-
tion divine ?» — Luthee répond : « Par la pure
miséricorde de Dieu. ■ — Mélanchton propose de
dire que Fhomme est justifié prmctpa/tV^r par la
foi , et minus principaliler par les œuvres , en
sorte que la foi rachète Fimperfection de celles-
ci. — LvTn&E. a La miséricorde de Dieu est seule
( I )Mé1a]ichon fait remarquer que saint Augustin n'ex-
prime pas cette opinion dans ses écrits de controverse.^
80
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860 uiHOi&ES
la yraie justification. La justification par les œu-
vres n'est qu'extérieure; elle ne peut nous déli-
vrer ni du péché hi de la mort. ■ — Mélahcitqi.
Je vous demande ce qui justifie saint Paul et le
rend agréable à Dieu , après sa régénération par
l'eau et l'esprit ? — Lurm. « C'est uniquemeat
cette régénération même. Il est devenu juste d
agréable à Dieu par la foi , et par la foi il reste
tel à jamais. > — Mélanchton. Est-il justifié par la
seulje miséricorde, ou bien l'est-il princ^alemeut
par la miséricorde , et moins principalement par
ses vertus et ses œuvres? — Luther. « Non pas.
Ses vertus et ses œuvres ne sont bonnes et pures
que parce qu'elles sont de saint Paul , c'est-à-dire
d'un juste. Une œuvre plaît ou déplait , est bonne
ou mauvaise, à cause de la personne qui la fait >
— MÂLAifcnroN. Mais vous enseignez vous-méine
que les bonnes œuvres sont nécessaires, et saint
Paul qui croit, et qui en même temps fait la
œuvres, est agréable à Dieu pour cela. S'il fiiîsalt
autrement il lui déplairait. — Luther. ■ Le?
œuvres sont nécessaires, il est vrai , mais c'est par
une nécessité sans contrainte, et toute autre qne
celle de la Loi. Il faut que le soleil luise, c'est
une nécessité également ; cependant ce n'est pas
par suite d'une loi qu'il luit , mais bien par na-
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DB LDTHEB. 351
tare, par une qualité inhérente et 'qui ne peut
être changée : il est créé pour luire. De même le
juste, après la régénération , fait les œuvres, non
pour obéir à quelque loi ou contrainte , car il ne
lui est pas donné de loi, mais par une nécessité
immuable. — Ce que vous dites de saint Paul,
qui, sans les œuvres, ne plairait pas à Dieu, est
obscur et inexact, car il est impossible qu'un
croyant, c'est-à-dire un juste, ne fasse ce qui est
bien. » — Mélakchtoit. Sadolet nous accuse de
nous contredire en enseignant que la foi seule
justifie, et en admettant néanmoins que les bon-
nes œuvres sont nécessaires. — Lutheb. « C'est
que les faux frères et les hypocrites , faisant sem-
blant de croire, on leur demande les œuvres pour
confondre leur fourberie... ■ — Mélauchton. Vous
dîtes que saint Paul est justifié par la seule misé-
ricorde de Dieu. A cela je réplique que si l'obéis-
sance ne venait s'ajouter à la miséricorde divine,
il ne serait point sauvé , conformément à la parole
(I. Cor. ix) : t Malheur à moi , si je ne prêchais
pas l'Évangile! > — Lutheb. « Il n'est besoin de
rien ajouter à la foi; si elle est véritable, elle est
à elle seule efiicace toujours et en tout point. Ce
que les œuvres valent, elles ne le valent que par
la puissance et la gloire de la foi, qui est, comme
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352 MiMOIRES
le soleil , resplendissante et rayonnante par né-
cessité dé nature. » — MÉLAncirToif . Bans saint Au-
gustin, les œuvre sont incluses en ces mots : Solâ
fide. — Luther. « Quoi qu'il en soit, saint Au-
gustin fait assez voir qu'il est des nôtres, quand
il dit : » Je suis effrayé, il est vrai, mab je oe
désespère pas, car je me souviens des plaies do
Seigneur. « £t ailleurs , dans ses Confessions : ■
Malheur aux hommes, quelque bonne et louable
que leur vie puisse être, s'ils ne sollicitent Is
miséricorde de Dieu... « — Kélarcktok. Est-eUe
vraie , cette parole : « La justice est nécessaire
au salut? « ~r LvTHtB. « Non pas dans ce sens,
que les œuvres produisent le salut , mais qu'elles
sont les compagnes inséparables de la foi qui jns*
tifie. C'est tout de même qu'il faudra que je sois
là en personne lorsque je serai sauvé. »
« J'en serai aussi , > dit l'autre qu'on menait
pour être pendu, et qui voyait les gens courir a
toutes jambes vers le gibet... La foi qui nous est
donnée de Dieu régénère l'homme incessamment
et lui fait faire des œuvres nouvelles, mais ce ne
sont pas les œuvres nouvelles qui font que
l'homme est régénéré.. Les œuvres n'ont pas de
justice par elles-mêmes aux yeux de Dieu, quoi*
qu'elles ornent et glorifient accidentellement
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DB LUTHBa, S53
l'homme qui les fait... En somme,' les croyans
sont une création nouvelle , un arbre nouveau.
Toutes ces manières de dire usitées dans la Loi ;
telles que : « Le croyant doit faire de bonnes œu-
vres, ne nous conviennent donc plus. On ne dit
pas : Le soleil doU luirez un bon arbre doit por-
ter de bons fruits, trois et sept doivent faire dix.
Le soleil luit par sa nature, sans qu'on le lui com-
mande ; le bon arbre porte de même ses bons
fruits; trois et sept ont de tout temps fait dix;
il n'est pas besoin de le commander pour l'a-
venir.
Le passage suivant est plus exprès encore, a Je
pense qu'il n'y a point de qualité qui s'appelle
foi ou amour, comme le disent les rêveurs et les
sophistes, mais je reporte cela entièrement au
Christ, et je dis mea formalis justitia (la justice
certaine, permanente, parfaite, dans laquelle il
n'y a ni manque, ni défaut; celle qui est comme
elle doit être devant Dieu) , cette justice c'est le
Christ, mon seigneur. (Tischr. , p ISS.)
Ce passage est un de ceux qui font le plus
fortement sentir le rapport intime de la doctrine
de Luther avec le système d'identification abso-
lue. On conçoit que la philosophie allemande ait
abouti à Schelling et à Hegel,
80.
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354 HiMOlABS
Page i58.
Les papistes se moquaient beaucoup des qua-
tre nouTeaux Évangiles. Celui de Luther, qui
condarame les œuvres; celui de Kuntius, qui re-
baptise lesaldultes; celui d'Othon de Brunfels,
qui ne regarde rÉcritare que comme un pur
récit cabalisti^e, âurda $ine spirtiu namifo\
enfin, celui des mystiques (Gochlseus, p. 165).
Ils auraient pu y joindre celui du docteur Paulus
Ricins, médecin juif^ qui fit paraître, pendant la
diète de Ratisbonne, un petit livre où Moïse et
saint Paul montraient, dans un dialogue, com-
ment toutes les opinions religieuses qui excitaient
tant de disputes pouvaient être conciliées.
Pag* 1 6 1, ligne l4- — J'ai vu dans l'air un petit tntmgm
dafeu.mn Dieu eit irrité.
« La comète me donne à penser que quelque
malheur menace l'Empereur Ferdinand. Elle a
tourné sa queue d'abord vers le nord, puis vers le
sud, désignant ainsi les deux frères, (oct. 1531.)
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DB LUTHBA. 855
Page i63, ligne 8. — Michel Stiefel croit étro le
septième ange...
• Michel Stiefel , ayec sa septième trompette ,
nous prophétise le jour du jugement pour cette
année, yers la Toussaint. » (S6 août 1533.)
Page 169,^11 du chapitre.
Il se moque de l'importance donnée aux céré-
monies extérieures dans une lettre à Georges
Duchholzer, ecclésiastique de Berlin, qui lui avait
demandé son avis sur la réforme récemment in*
troduite dans le Brandbourg : < . . . . Pour ce qui
est de la chasuble , des processions et autres cho-
ses extérieures que votre prince ne veut pas abo*
lir, voici mon conseil : S'il vous accorde de pré- •
cher rÉvangile de Jésus-Christ purement et sans
additions humaines, d'administrer le baptême et
la communion tels que Christ les a institués, de
supprimer l'adoration des saints et les messes des
morts, de renoncer à bénir l'eau, le sel et les
berbes , de ne plus porter les saints - sacremens
dans les processions, enfin s'il n'y lait chanter
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356 MinoiRES
que des cantiques purs de toute doctrine hu-
maine : faites les cérémonies qu'il demande, à la
garde de Dieu, portez une croix d'or ou d'argent,
une chape, une chasuble de velours, de soie,
de toile et tout ce que vous voudrez. Si votre sei-
gneur ne se contente pas d'une seule chape ou
chasuble, mettez -en trois, comme le grand prê-
tre Aaron qui mettait trois robes l'une sur l'au-
tre, toutes belles et magnifiques. Si sa Grâce élec-
torale n'a pas assez d'une seule procession que
vous ferez avec chant et tintaraare, faites-la sept
fois, comme Josué et les enfans d'Israël allèrent
sept fois autour de Jéricho en criant et sonnant
des trompettes. Et pour peu que cela amuse sa
Grâce électorale , elle n'a qu'à ouvrir elle-même
la marche, et danser devant les autres, au son de>
harpes, des timbales et des sonnetes» comme fit
David devant l'arche du Seigneur à Jérusalem, je
ne m'y oppose point. Ces choses, quand Tabus ne
s'y mêle point, n'ajoutent, n'ètent rien à FÉvan-
gile. Mais il ûiut se garder d'en fiadredes nécessités,
des chaînes pour la conscience. Si seulement je
pouvais en venir là avec le pape et ses adhérent,
ah! que je remercierais Dieu! Vraiment, si le pape
me cédait ce point, il pourrait me dire déporter
je ne sais quoi, que je le porterais pour lui &ire
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DB LUTHER. 857
plaisir Pardonnez -moi, mon cher ami, de
vous répondre si brièvement aujourd'hui; j'ai la
tête si faible, qu'il m'en coûte d'écrire... » (4 dé-
cembre 1339.)
Page i85« ligne 9. — Elle tomba raide..,
« Une servante avait eu, pendant bien des an-
nées un invisible esprit familier qui s'asseyait près
d'elle au foyer , où elle lui avait fiât une petite
place , s'entretenant avec lui pendant les longues
nuits d'hiver. Un jour la servante pria Heinzchen
(elle nommait ainsi l'esprit) de se laisser voir dans
sa véritable forme. Mais Heinzchen refusa de le
Élire. Enfin, après de longues instances, il y con-
sentit , et dit à la servante de descendre dans la
cave , où il se montrerait. La servante prit un
flambeau, descendit dans le caveau, et là, dans
un tonneau ouvert , elle vit un enfant mort qui
flottait au milieu de son sang. Or, longues années
auparavant, la servante avait mis secrètement un
enCant au monde , l'avait égorgé , et l'avait caché
dans un tonneau. » (Tischreden, page 222, trad.
d'Henri Heine. Voy. son bel article sur Luther,
Revue deê deux Mondes, 1"' mars 18S4.)
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36d aisoïKis
F «g» 190, ligm 17. — Ils êmistssaiMnt U tét»...
« L'ennemi de tout bien et de toute santé ( le
diable), cbevaucbe quelquefois à travers ma tête,
de manière à me rendre incapable de lire où d^é-
crire la moindre des choses,» (28 mars 1533.)
F«g«a9l, ligne 13, — Ledimblê n'est pas. Ha ^vérité,
un docteur qui a pris ses grades.^
« C'est une chose menreilleuse, dit Bossuet, de
voir combien sérieusement et vivement il décrit
son réveil, comme en sursaut, au milieu de la nuit,
l'apparition manifeste du diable pour disputer
contre lui. La frayeur dont il fut saisi, sa sueur,
son tremblement et son horrible battement de
cœur dans cette dispute, les pressans argumens du
démon qui ne laisse aucun repos à l'esprit; le son
de sa puissante voix; ses manières de disputer ac-
cablantes, où la question et la réponse se font sen-
tir à la fois. Je sentis, alors, dit-il, comment il ar-
rive si souvent qu'on meure subitement vers le
matin : c'est que le diable peut tuer et étrangler
les hommes, et sans tout cela , les mettre si fort à
rétroit par ses disputes, qu'il y a de quoi en
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DB LDTHE&. 359
mourir, comme je l'ai plusieurs fois expéri-
menté.» {De ahrogandâmissàpricatàfi, YII,222,
trad. de Bossuet, Variations, II, p. 2Û3.)
page aïo , ligne lo. >— Après ainUr prêché à Smatkaldé,»,
Il écrivit à sa femme sur cette maladie : «... J'ai
été comme mort; je t'avais déjà recommandée,
toi et nos enfans, à Dieu et à notre Seig^neur,
dans la pensée que je ne vous reverrais plus; j'étais
bien ému en pensant à tous; je me voyais déjà
dans la tombe. Les prières et les larmes de gens
pieux qui m'aiment, ont trouvé grâce devantDieu.
Cette nuit a tué mon mal, me voilà comme
rené.... (27 février 1537.)
Luther éprouva une rechute dangereuse àWit-
temberg. Obligé de rester â Gotha , il se croyait
près de la mort. Il dicta à Bugenhagen , qui était
avec lui, sa dernière volonté. Il déclara qu'il
avait combattu la papauté selon sa conscience,
et demanda pardon à Mélanchton , à Jonas et à
Cruciger des offenses qu'il pouvait leur avoir
laites. (Ukert, 1. 1, p. 326.)
Page Al a « ligne 6. — Ma véritable maladie,.,
Luther fut atteint de bonne heure de la pierre;
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vm
3â0 hAmoiees
cette maladie le faisait craellement souffirîr. Il fut
opéré le 37 féyrier 1587.
« Je commence à eptrer en convalescence,
avec la g;ràce de Dieu, je rapprends à boire et à
manger , quoique mes jambes , mes genoux , mes
os tremblent, et que je me porte à peine. (21
mars 18S7.) .
» Je ne suis, même sans parler des maladies
et de la yieillesse, qu'un cadarre engourdi el
froid. > (6 décembre 1537.)
Page aa5, ligne i3. ~ Las comtes de MantfeU,..
Il avait essayé en vain de réconcilier les comtes
de Mansfeld. « Si Ton veut, dit-il, faire entrer
dans une maison un arbre coupé, il ne faut pas
le prendre par la tète; toutes les brancbes l'arrê-
teraient à la porte. Il faut le prendre parla racine^
et les branches plieront pour entrer. (Tbcbre-
den, p. 855.)
Page »33 — A fajîn du ehapiire.
Noos réunissons ici plusieurs particularités rc- |
latives à Lutber.
Erasme dit de lui : « On loue unanimement les
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DK LOTHEB. S6I
mœurs de cet homme; c'est un grand témoignage
que ses ennemis même n'y trouvent pas matière
à la calomnie. • (Ukert, t. II, page 5.)
Luther aimait les plaisirs simples : il faisait
souvent de la musique avec ses commensaux et
jouait aux quilles avec eux. — M élanchton dit de
lui : « Quiconque l'aura connu et fréquenté fa-
milièrement, avouera que c'était un excellent
homme» doux et aimable on société, nullement
opiniâtre ni ami de la dispute. Joignez à cela la
gravité qui convenait à son caractère. — S'il
montrait de la dureté en combattant les ennemis
de la vraie doctrine, ce n'était point malignité
de nature, mais ardeur et passion pour la vérité. >
(Ukert, t. II, p. 12.)
« Bien qu'il ne fût ni d'une petite stature ni
d'une complexion faible , il était d'une extrême
tempérance dans leboire et le manger. Je l'ai vu
étant en pleine santé j passer quatre jours entiers
sans prendre aucun aliment , et souvent se con-
tenter , dans une journée entière, d'un peu de
pain et d'un hareng pour toute nourriture. > {Vie
de Luther , par Mélanchton.)
Mélanchton dit dans ses OEuvres posthumes:
Tous II. 21
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362 hAhoikes
« Je l'ai 80i\yent tronyé , raoî-môme , pleurant à
chaudes larmes , et priant Diea ardemment pour
le salut de TÉglise. Il consacrait, chaque jour,
quelque temps à dire des psaumes et à invoquer
Dieu de toute la feryeur de son âme. » (Ukert,
t. II, p. 7.)
Luther dit de lui-même : « Si j'étais aussi élo-
quent et aussi riche en paroles qu'Érasme; ausà
bon helléniste que Joachim Gamérarius, au»
savant en hébreu que Forscherius, et aussi un
peu plus jeune , ah ! quels travaux je ferais I i
(Tischreden,p.447.)
. « Le licencié Âmsdorf est naturellement théo-
logien. Les docteurs Greuziger et Jonas le sont
par art et réflexion. Mais moi et le docteur Po-
mer, nous donnons peu de prise dans la dispute.»
(Tischreden, p. 4S5.)
À Antoine Unruche «yjuge à Torgau «... Je vous
remercie de tout mon cœur, cher Antoine, d'a-
voir pris en main la cause de Marguerite Dorst,
et de n'avoir pas souffert que ces insolens ho-
bereaux enlevassent à la pauvre femme le peu
qu'elle a. Vous savez que le docteur Martin ncsl
pas seulement théologien et défenseur de la foi.
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DB LUTHER. 363
mais aussi le soutien du droit des pauvres gens
qui viennent de tous côtés lui demander ses con-
seils et son intercession auprès des autorités. Il
sert volontiers les pauvres» comme vous feites
vous-même , vous et ceux qui vous ressemblent.
Tous les juges devraient être comme vous. Vous
êtes pieux , vous craignez Dieu , vous aîme^ sa pa-
role; aussi Jésus-Christ ne vous oubliera -t-il
pas...» (ISjuinlâSd.)
Luther écrit à sa femme au suyet d'un vieux
domestique qui allait quitter sa maison : « Il fout
congédier notre vieux Jean honorablement; tu
sais qu'il nous a toujours servis loyalement, avec
zèle , et comme il convenait à un serviteur chré-
tien. Combien n'avons-nous pas donné à des vau-
riens , à des étudians ingrats , qui ont foit un mau-
vais usage de notre argent? Il ne fout donc pas
lésiner, dans cette occasion, à l'égard d'un si hon-
nête serviteur, chez lequel notre argent sera
placé d'une manière agréable a Dieu. Je sais bien
que nous ne sommes pas riches; je lui donnerais
volontiers dix florins si Je les avais; en tous cas,
ne lui en (donne pas moins de cinq, car il n'est
pas habillé. Ce que tu pourras foire de plus, fois-
le , je t'en prie. 11 oat vrai que la caisse de la ville
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364 BiéaioiREs
devrait bien aussi lui donner quelque efaose^
parce qu'il a fait toutes sortes de services dans
réglise; qu'ils agissent comme ils voudront. Vois
de quelle manière tu pourras avoir cet argent.
Nous avons un gobelet d'argent à mettre en gage.
Dieu ne nous abandonnera pas, j'en suis sûr.
Adieu. » (17 février 1532.)
c Le prince m'a donné un anneau, d'or; roab
afin que je visse bien que je n'étais pas né pour
porter de l'or, l'anneau est aussitôt tombé de
mon doigt (car il est un peu trop large). Pai dit :
Tu n'es qu'un ver de terre, et non un homme.
Il fallait donner cet or à Faber, à Eckius; pour
toi, du plomb, une corde au cou te convien-
draient davantage. » (15 septembre 1530.)
L'Électeur, établissant une contribution pour
la guerre des Turcs, en avait fait exempter Lu-
ther. Il lui répondit qu'il acceptait cette faveur
pour ses deux maisons , dont l'une (l'ancien cou-
vent) lui coûtait beaucoup d'entretien sans rien
rapporter , et dont l'autre n'était pas payée en-
core. « Mais, continue-t-il, je prie votre Grâce
électorale, en toute soumission, de permettre
que je contribue pour mes autres biens. J'ai e&-
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»l LUTHER. 865
core an jardin estimé à cinq cents florins, une
terre à quatre-vingt-dix , et un petit jardin qui
en vaut vingt. J'aimerais bien à faire comme les
autres, à combattre le Turc de mes liards, à ne
pas être exclu de Farmée qui doit nous sauver.
Il y en a déjà assez qui ne donnent pas volon-
tiers; je ne voudrais pas faire des envieux. Il
vaut mieux qu'on n« puisse se plaindre, et que
Ton dise : Le docteur Martin est aussi obligé de
payer. » (26 mars 1642.)
A rélecteur Jean. « Grâce et paix en Jésus-
Christ. Sérénissime seigneur ! j*ai long-temps dif-
féré de remercier votre Grâce des habits qu'elle
a bien voulu m'envoyer; je le fais par la pre-
ssente de tout mon cœur. Cependant je prie hum-
blement votre Grâce de ne pas en croire ceux
qui me présentent comme dans le dénument. Je
ne sois déjà que trop riche »e1on ma conscience;
il ne me convient pas, à moi , prédicateur, d'être
dans l'abondance , je ne le souhaite ni ne le de-
mande — Les faveurs répétées de votre Grâce
commencent vraiment à ra'effrayer. Je n'aime-
rais pas à être de ceux à qui Jésus-Christ dit :
Malheur à vous, riches, parce que vous avez
déjà reçu votre consolation! Je ne voudrais pas
SI.
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366 xitfOfRCft
non plus être à charge à votre Grâce, dont U
bourse doit s'ouvrir sans cesse pour tant d'objets
importans. C'était donc déjà trop de l'étofie brune
qu'elle m'a envoyée: mab, pour ne pas être in-
grat, je veux ausfd porter en son honneur l'habit
noir, quoique trop précieux pour moi; si ce
n'était un présent de votre Grâce électorale, je
n'aurais jamais voulu porter un pareil habit
• Je supplie en conséquence votre Grâce de
vouloir bien dorénavant attendre que je prenne
la liberté de demander quelque chose. Autrement
cette prévenance de sa part m'dterait le conrage
d'intercéder auprès d'elle pour d'autres qui sont
bien plus dignes de sa faveur. Jésus-Christ ré-
compensera votre âme généreuse : c'est la prière
queje&isdetout mon cœur. Amen.» (17 aoAilS39.
Jean-le-Constant avait fait présent à Laiher de
l'ancien couvent des Augustins à Wittemberg. —
L'électeur Auguste le racheta de ses héritieis .
an 1564 , pour le donner à l'univerûté. (Ukert
t, I. p. »47.)
Lieus habitée par Luther et ohjetê qu^am. m
êervéê de lui — La maison dan» laquelle Lather
naquit n'existe plus; elle fut brûlée en 1689. — A
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DB LUTHBR. 867
la Wartbour , on iDontre encore sur le mur ane
tache d'encre que Luther aurait foit en jetant
son éoritoire à la tète du diable. — - On a con-
servé aussi la cellule qu'il occupait au couyent
de Wittemberg , arec différons meubles qui lui
appartenaient. Les murs de cette cellule sont
couverts de noms de visiteurs. On remarque ce-
lui de Pierre-le-Grand écrit sur la porte. — A
Cobourg , Ton voit la chambre qu'il habitait pen-
dant la diète d'Augsbourg (1680).
Luther portait au doigt une bague d'or, émail-
lée, suf laquelle on voyait nne petite tête de
mort avec ces mots : Mari sœpe cogiia; autour
du chaton était écrit : 0 mon, ero mars tua. Cette
bague est conservée à Dresde , ainsi qu'une mé-
daille en argent dorée , que la femme de Luther
portait au cou. Dans cette médaille , un serpent
se dresse sur les corps des Israélites, avec ces
mots : Serpens esaltatus typuê Ckrisii erucifixi.
Le revers présente Jésus-Christ sur la croix avec
cette légende : Christuê moriwêê esipra peccaits
nosiris. D'un côté on lit encore : Z>. Mort. Luiar
Caierinœ suœ dana. D. H. F. et de l'autre: Quw
nmêa asianno 1409, 9t9januarii.
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368 hAmoihbs
Il avaii Iui->méme un cachet dont il a donné
la description dans une lettre à Lazare Spen-
gler : « Grâce et paix en Jésus-Cfarîst. — Cher
seigneur et ami! vous me dites que je vous ferais
plaisir en tous expliquant le sens de ce qu'on
voit sur mon sceau. Je yais donc tous indiquer
ce que j'ai youIu y faire graver, comme symbole
de ma théologie. D'abord , il y a une croix noire
avec un cœur au milieu. Cette croix doit me rap*
peler que la foi au Crucifié nous sauve : qui croît
en lui de toute son âme est justifié. Cette croix
est noire pour indiquer la mortification , la dou-
leur par laquelle le chrétien doit passer. Le
cœur néanmoins conserve sa couleur naturelle;
car la croix n'altère pas la nature , elle ne
tue pas, elle vivifie. Justus fide vivù, ted fide
crucifiûpt. Le cœur est placé au milieu d'une rose
blanche , qui indique que la foi donne la conso-
lation, la joie et la paix; la rose est blanche et
non rouge , parce que ce n'est point la joie et la
paix du monde , mais celle des esprits : le blanc
est la couleur des esprits , et de tous les anges.
La rose est dans un champ d'azur, pour montrer
que cette joie dans l'esprit et dans la foi est un
commencement de la joie céleste qui nous attend;
celle-ci y est déjà comprise, elle existe déjà eu
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DB LCTBE^, S69
espoir mais, le moment de la consommation n'est
pas encore venu. Dans ce champ vous voyez aussi
un cercle d'or. Il indique que la félicité dans le
ciel durera éternellement, et qu'elle est supé-
rieure à toute autre joie, à tout autre bien,
comme Tor est le plus précieux des métaux. —
Que Jésus-Christ, notre seigneur, soit avec vous
jusque dans la vie étemelle. Amen.* De mon dé-
sert de Cobourg, 8 juillet 1530. »
A Altcnbourg, l'on a conservé long-temps un
verre de table dans lequel Luther avait bu la
dernière fois qu'il visita son ami Spalatin. (Ukert
1. 1 , page 245 et suiv.)
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DE LUTHIB. 371
i»i»%»iv^ir»%»>w >wwif»mwwMW*>w<w*w»«<ww »»iww»«w*ww%ww»w<»ii«»[<w>%»>aw»%w»iK
RENVOIS
DU TOME DEUXIÈME.
ige 3, ligae 24. Otto Pack. — Cochlœus, 171.
4, 19. Cette ligue. — XJkert, a 16.
5, a3. T'a cnuii5 ^««.—Luther Werke, t. IX,
aSi.
7, 9. Mémoire de Luther. -—Ibid. t. IX,
297j
aa, . 6. L'Espagnol disait. — Tbid. t. IX,4i4*
a 5, a. Luther écrit. — Ibid. t. IX , 459-
3i , 16. Comment VÉwangiU, — Jhid. t. II ,
39» > '99-
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44,
aj
5a,
ai,
54,
»7
63,
•7
372 ■ émoi R ES
37 , 34 • Nouuelle sur les AnahaptisieM . — Ibid.
t. Il, 3a8,
43, 1 3 . Les anabaptistes soumis, — Ibid. t. If,
365.
. Entretien. — Ibid, t. II, 376.
Le ig janvier, — Ibid. t. II , ^wi.
Préface de Luther. — Ibid. 1. 11,333-
Les instructions. — Bossuetenadonné
le texte dans son histoire des yarù-
tions de l'Église protesUuUe. — t.
I,3a8, 199.
74 j i3' Celui qui insulte. — Tischr. a4i.
76) 5. Le droit saxon. — Ibid. 3i5. bis.
75, II, Il nx ^ point de doute, — Ibid. 11.
75, igT. On disait à Luther. — Ibid. 3ia (û.
7 6, 9* Lettre à un ami, — Ibid. 3i3. bis.
76, 18. Il n'est guère plus possible. — Ibid.
3i 5 bis,
77 , 5. La plus grande grâce. — Ibid. 3i3.
77, ai. Au jour de la, — Ibid. 3i6 bis.
78, 9. Le docteur M. — Ibid. 3ao.
78 , ai . jErt 1 541 . — Ibid. a64 to.
79, 9. La première année. — Ibid, 3i3 ^ù.
79, a5. Luccu Cranach. — i^û/.3i4*
80 , 37. O/» trompe l'image. — Ibid. 3ia bis,
8&, i5. Les petits en/ans. — Ibid. 4a &û.
81 , aa. On amena. — Ibid. ia4>
8a, 3. Sentez. — Ibid. 10 bis.
8a, 1/^. Au premier Jour. — Ibid, 3#4 ^'
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DB LUTHER. 37ti
8a, 24. Jprès qu'il eut, — Jhid. 47. '
83 , 6. // discdt à son, — Ibid. 49 his.
83, 10. Les enfans sont les plus heureux. —
/ôiW. 134.
83, 23. Une autrefois. — Ibid. i34 bis,
84, 7. Comme maître, — Ibid, 45 i^-i
84 , 16. Qac& o/i« cfa être. — Ibid, 47.
85 5 7. // est touchant. — Ibid. 42-43 passim.
85; 14. Le 9 a^^ril iSSg. -- /iw/. 363.
86, 8. Le 18 at^rd, — /iiW. 423.
87 , 6. Supportons, — Lettre V , 726.
87, i5. Un soir. — Tischr. 43 bis,
87 , 22. f^ers le soir, — Ibid. 24 bis.
89, 11. Le petit e«/«n«.— Tischred,32,Terso.
90, 24* Dans les choses divines, — Ibid. 69.
91 , 17. Le décalogue, — Ibid, 112 verso.
91, ao. On demandait au docteur, — Ibid.36'i. '
92, 5. Cicéron, — Ibid, 425.
92 , 16. On demandait à Luther, — Ibid. io().
93 , ê^. Le docteur soupirait, — Ibid. 11 verso.
93, 17. Autrefois. — Ibid. 3ii.
94, a. Que sont les saints, — Cochlœus,Vie
de Luther , aaG.
94, 18. Nos adversaires. — Xischred, 447.
90, a. Pourquoi enseigne-t-on? — Luth.
Werke,t.II,i6.
96, ao Le Pater noster. — Tischreden, i53.
97 , 17. L'évangile de saint Jean, ~ Ultert, 1 8.
1 00, 18 Ambroise. — Tischreden , 383.
32
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S74 aiaioïKis
lOi , Il . Smnt jiugttstin, ~ Ihid, gS.
loa, 5. Les rtomùuMiue.^Ihid,3l^.
io3, lo. Lé D. SîoMpùz, — Wd. 3SS.
io4 , 8. Jean Bmms. Ihid. 386.
io4 « 33. Jean Huss éuut. — IHd. 127.
io5, Z. La tête de i'aniicknsL — M l
to5, 5- Cestmapaut^recondittÊn,— !^-:
io5, 16. Les papistes. — Ihid a55.
to5 , a4- ^ P^P^ ^ ^- — J^' ^
106, 6. ITauiresimtattaq^Usmttsin.-^^
106, 10. Des conciles. — Ihid. 371-^
107, 16. Deshiens eceUsiastiqurn,—^^^
loS, Si. Le prouerhe a raison. —Ihidi'>
109, la.' En Italie. — Ibid. 376.
1 10 , 5. Dans les disputes. — Ihid. T,i-
110, g> La moinerie, — Ihid. aja.
lag, 5. Oh! comhienjetreiMais.'-^
i3o , 8. /e n'aime pas que Philippe. - ^'
i3o , i4' Le docteur Jonas lui disaU. ^ ^^
xi3.
i3o, a4. Je veux que Von enseigne. -^
116.
i3i, S. Le docteur ErasmusJlhena.-^
184.
i3i , 17. Jlheri Durer. — Ihid. 4*5.
i3i , aa. Oh! que /eusse été heureux. - ^^
Werke,t. IX, a45.
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DB LUTHVR. 375
i3i , 37. Bien nat plus agréable. — Tischre-
den^ i8a.
i32 , 6. Parmi les qualités, — Ibid, i83.
i3a , 10. Dans le traité. — Seckendorf, livre I,
202/
134 , 10, Le docteur Lutfter disait, — Tischre-
den , io5.
i34, i4- Si je meurs, — Ibid. $56.
134 , 19. Dans la colère, — Ibid, 1^5.
i36, 5. Il n'est pas d'alliance. — Ibid. 33 1 .
137 , m, La noui^elle étant venue. — Ibid. 274-
1 3q , 19 . La nuit qui précéda la mort. — Ibid.
36o.
143, 5. Il vaut mieux. ^ Ibid. 347-
1 44> ï^' I^ droit est une belle fiancée, — Ibid.
273.
145 , 5. Avant moi , il n'y a eu. — Ibid. 402.
148, 3. Foilà comme agissent. — Ibid, 4o3.
148, 20. Bon peuple, veuillez agréer. — Ibid.
407.
i5i , 12. /e suis maintenant, — Ibid. 102.
i52, II. La loi sans doute. — Ibid, 128.
i52 , 21 . Pour me délivrer entièrement. — Tis-
chreden, i33.
i53, 7. Il n'est qu'un seul point. — Ibid. i4o.
1 53 , Luther en parlant. — Ibid. 1 47 •
i53, i3. Lediable veut seulement,^ Ibid, i^^»
1 53 , ^o. Un docteur anglais . — Ibid, 1 44 •
i54 , . 8. Pour résister, — Ibid, 124.
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376 XÉM0IBB8
i55y 17. Dieu dit à Moïse, — Ihid. isS.
159, lo. Le docteur Martin Luther disait au
sujet. — Ibid. 392.
X 59 , 1 5 . Quand Je commençai à écrire. — Ihid.
193.
159, 27. En tSai , il fint chez moi. — Ihid.
282.
162, 10. Maître StieJeL — ibid, 3Gj.
i63, II. Bileas. — Ibid. 192.
i63, 16. Le docteur Jeckel. — Ibid. 287.
1 64 » 1 5 . /> docteur Lutherjaisant reprocha. —
Ibid. 290.
165, 8. Dej antinomiens. — Ibid, 287.
166, 6. Qui aurait pensé. — Ibid. 288.
166, 26. J*ai eu tant de confiance. — Ibid, 291 .
167, 21. En 1540, Luther. — Ibid. 129.
168, 17. Maître Jobst. — /6ù/. 124.
'^9 7* Si au commencement, — Ibid, tiû.
170, 5. Maiire Philippe dit. — Ihid. 445.
171 , 4* Philippe me demandait. — Ibid, 29.
171 , 8. Si Philippe n* eût pas été. — iftû/. igS.
171 , II. Le Paradis de Luther. — Ibid, 3o5.{
171, 22. Le pajrsans ne sont pas dignes. -^ Ihid.
52.
172, ^, Le docteur Jonas. — Ihid. x^,
172, 16. 6^n mécJiant et horrible. — Ihid, 70.
172, 20. La femme du docteur, — Ihid. i5o.
173, 6. Le docteur exhortait sajemme, — Ihid,
173, 27. Le pater noster. — Ihid. i35.
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DB tTJTHBR. 877
i74î 4- J'oime ma Catherine. — Ibid, i^o.
176, 4- Une jeune JiUe, — Ibid,^i, verso.
176, ai. Un pasteur, — Jhid. ao8.
»795 i^* Il X a des lieux, — Ibid. ai a.
1 79 , a6. Un jour de grand orage. — Ibid. 219.
180, la* Suivent deux histoires, — Ibid. 214.
180 , ^o. Le diable promène, — Ibid, ai 3
180, 27. Jux Pays-Bas et en Saxe, — Ibid,
221.
181 , 4* ^^^ moines conduisaient — Ibid. 222.
181 , S, On racontait à table, — Ibid. ao5.
181 , 19. Un vieux curé. — Ibid. 2o5.
i83, a. r//ie autre Jbis , Luther, — /5ù/. ao5.
184, 14. //^ ai'flif à Erfurth. — /&iVf. ai5.
i85, XI. Le docteur Luc Gauric. -^ Ibid, ^16.
i85 , i4' -^ diable peut se changer. — Ibid, ai6.
1 90 , XI, Le docteur Luther devenu plus âgé. —
Ibid. 222.
190, 18. Cela m'est arrivé. — Ibid, 220.
s 90, 26. Je sais ^ grâce à Dieu. — Ibid. 224.
191 , i3. Le Diable n^est pas. — Ibid, 202.
1 91 , 25. Au mois de janvier 1 53a. — Ukert, 1. 1,
320.
192, i4« Ma maladie qui consiste. — Tischre-
den. 2x0.
19a, 19. iE'/ii536,i7/?iarifl. — TJkertjt. 1, 322.
19a, 27. Pendant que le docteur Luther. -^Th-
clireden , 229.
193, 16. Quand le diable me trouve. — Ibid. 8.
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378 HiHoiaEs
1 94 , II. La nuit , quand je me réyeiUe.—'Ibtd.
lof ^ i6. Aujourd'hui comme je. — Ihid. aao.
> 94 9 ^' ^^j*^^*^ 9'^ ^^^ parlait à souper. —
Ibid. 12.
1^5 9 i^. Le diable méfait regarder. — Ihid.
aao.
1^5, 1 5. £e diable nous a juré. -^ Ibid. 362.
iQ^ 9 ^7' La tentation de la chair, — Ibid. 3i8«
1 95 , 24* Si je tombe. — Ibid. 226.
196, ' 4* ^ grain d'orge a bien à souffrir. —
Ibid. 216.
197 9 4* Qf^^f^d le diable vient. — Ibid. 227.
' 97 9 ^o. On peut consoler. — Ibid. 23 1.
197 , 76. La meilleure médecine. — 238.
> 9Ô » 9. ^' ^/ace du docteur, — Luth. Wcrkc,
t. II, I.
ao9 , Z^. Le mal de dents. — Tischreden , 336.
209 , i3. Un homme se plaignait.— Ibid. 357.
210, 10. Après avoir prêché. — Ibid. 362.
212, Q. Si j'avais su. — Ibid. 6.
212, 14. On disait une Jois. — Ibid. 5.
212, 35. On disait un jour. — Ibid.SyWcno.
21 3, 21. C'est vous if ui, — Ibid. 196, verso.
2i3, ' iZ. Il soitit un jour. — /frû/. 189, verso.
21 3, 25. Le 16 février. — Ibid. 4i4«
214, 6 Le cfiancelier du comte. — Ibid. 19.
2 1 4 , 27 . Dieu a un beau jeu. — Ibid, S2, rtrso.
21 5, ly. Le monde. — Ibid. 44^, verso.
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DB LUTHER. 379
•i5, II. Luther, — Ihid, 449-
ai 5, 27. Un des convives, — ihid.ogS,
a 16, 9* // 'cra si mauvais si^'tt, i5.
a 1 6 , 16, On parlait à table. — Ibid, 3o4 . verso .
a 1 7 , II. Pauvres gens, — Ibid. 46.
aao y i3. Je tai dit tt avance, — Ibid, 416.
aai, n. La vieille êleetrice, —Ibid, 36i-a.
aai, 10. Je voudrais, —/61V/. 147.
aa i , 1 3. février 1 549 — Ibid, 36a.
aaiy aa. Impromptu de LutJier sur la fragilité,
— Ibid. 358.
aaa, 17. Prédiction du Révérend. — Opéra la-
tfna, lena, i6ia,Iervol. après la
table des matières.
317, ai. /f n'y a jamais eu. — Tischreden,
a43.
3i7, a6. £tf Pape Jules II* du nom — Ibid.
a4a
3 18, II. Si f avais été. — Ibid. a43.
3 18 y 16. Le Pape Jules 11^ un homme, — /&m/,
369.
3i8, a3. L'an i53a. — Ibid. Z^i,
3i9, a. Lorsque ceux de Bruges, — Ibid. 448.
319 , a3. L'empereur Maximilien. — Ibid 43.
319, a7. On dit que. — Ibid. 184 , verso.
33o, a5. Après l'élection. — Ibid, 53.
3ai 9 9< £a nouvdle vint, — /6ûf. 349.
3ai , x8. Les roisde France. ^Ibid. 349» verso.
3a3, a6. Sept universités. —Ihid. 348.
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380 aixoiBEs
348, wenom
334, i3. U duc Georgt, — Aùf. 36Î.
3a4, 17. Lorsque le duc George dèdsrt-
Ihid. i56.
3a5, a. £« rf«<: George a sucé. -ïkd/v
î 3a5, 10. Lorêifueie duc George fofttL-fi^
i4a,Terso.
3a7, 6. L'électeur Frédéric, - M. F
rerso.
3a7, 16. £» i5a5. — Ibid. 1S2.
328, aa. 0» lûJC ^e rempereur. - iW. S
3a9, ai. Quoique le doeUarJorm."!^^
33a , i3. -irf/»nè< ^a dièu. — /W. i56.
333, 18. En Italie les hôpitaux, -I^'r
334^ ^i. Je ne manque point,— Ihid.'^
335 , 8. En Italie et en France. -iW.*^
rerso. ■*-
335, ai. En France, — fti/.a7i,TW»
335, ao. Lorsque je ^^is Rome. - ^ ^'^
336, a3. Il X aidait en ItaUe--n^'^^'
337 , 5. €/« *air à la tahîc'-ttid'^'^
337, 14. QirUtoffGross.-Ihià.^U^'f'
338, 5. La peste rè^ toujours.- 1^-^'
rerso.
339, a4. DtfiM mon vofoge. - ^*^ ^^
339, a7. Qeorgt Fmgder. - /i^*^- «^t*
340, 7. LaTkuringe,^!^-^
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DB LUTHIR. 381
340 9 >7* L'électoral de Saxe, — IbiJ. 269.
540» *7» Le fneil électeur. — /&iV. 6i,yerB0«
$44 9 la. Ze Turc ira à Rome, — Ihid, 43 a.
344 » 16. Le C^rûf a «au^^. — Ibid, 43a.
344 9 a4. Qui meut dit. — T^ù/. 436.
345, 7. Jene compte point, — /%û/. 436, verso.
345, 10. Luther dit qu'après. Luth. Werke. —
/ii;/. T. II. 4oa.
VUr »V T«MS DBQXlâlfS.
S3.
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TABLB DBS MATliRES. 383
TABLE
DU DEUXIÈME YOLUHK.
LiTBs. m. — i5ai9-x546. z
Crap. ler. x5i9-iS3a. Les Turcs.
— Danger de rAUemagne. —
Angsbourg, Smalkalde. — Dan-
ger du protestantisme. ... i
Cbap.II. i534-i536. Anabaptis-
tes de Munster. . . • . . 3o
Chap. III. x536-i545. Dernières
années de la vie de Luther.
— Polygamie du landgraTe de Sg
Hesse , etc 71
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/
384 TAILI DBS KATIIBBS.
Livam. IV. — i53o-i546 74
Chap. I***. Conrersations de Lu-
ther. -* La famille, la femme,
les en&ns. — -. La natore. . . 74
Chap. II. La Bible. -- Les Pères.
— Les scolastiqQes.— Le pape.
Les coDciles 89
Chap. III. Des écoles et uniTer-
sités et des arts Ubéfaox. ; . m
Chap. IV. Drames» — Musique.
— Astrologie. — Imprimerie.
— Banque, etc. 119
Chap. V. De la prédication. —
Style de Luther. — Il avoue la
TÎolence de son caractère. . . isg
LiTBE. V. — Chap. iw. Mort du père de Lu-
ther , de sa fille, etc. . . . i96
Chap. IL De Téquité, de la Loi.
— Opposition du théologien et
du juriste i43
Chap. III. La foi ; la loi. . . . i So
Chap. IV. Des novateurs. — Mys-
tiques, etc i58
Chap. V. TenUtions. — Regrets
et doutes des amis , de la
femme ; doutes de Luther Ini-
niérae. 170
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TABLK DBS HATIl&aSS. 885
Chap. VI. Le diable. — Tenta-
tions.. 175
Chap. VII. Maladies. — Désir de
la mort et du jugement.— Mort ,
1546 %og
Additions et Éclairdssemens. 934
Renvois 353
TIM DS LÀ TÀBLB DU TOMB DBUXlillB.
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MICHELET, Jiiles
608.2
Mémoires de Luther,
L9T.9
183T.
M623m
1837