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Full text of "Mémoires de Luther: écrits par lui-même"

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DE LUTHER, 

ÉGBiTrS PAR LUI-MÊME; 







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IMPRIMERIE DE J.-B. DE WALLENS ET C- 
Quai aux Plerrts Bleues, n? 13, 



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MÉMOIRES 

DE LUTHER, 

ÉCRITS PAR LUI-MijlE, 

TBADUIT IT MIS ZIX QWWK ••;•.; .-. ^^ 

PAR M. , MlCmSl^: !\ 

PROFESSEUR ▲ L*iGOL£ NORMi^V^H^AE Li. /RCnOlT 
HISTORIQUE ÂT7X ÂRCflASljlf DU ROtIuME!*. 

TOME I. 



BRUZSXi&SS, 

SOCIÉTÉ BELGE DE LIBRAIRIE, ETC. 

HiUMAN, CATTOIA BT COMPAGinB. 

1837. 



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•• •. 




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. i 

) 



Ce qu'oa va lire n^est point un roman Ustorique 
sur la vie de Luther, pas davantage une histoire 
de la fondation du luthéranisme. C'est une biogra* 
phie , composée d'une suite de traductions. Sauf 
les premières années, que Luther ne pouvait racbn-^ 
ter lui-même , le traducteur a eu rarement besoin 
de prendre la parole. Il n'a guère fait autre chose 
y quechoisir, dater , ordonnéir lés textes épatM. G W 
constamment Luther qui parlé , toujôirr^ Luther 
raconté par Luther. Qui serait assez hardi pour 
mêler ses parolé^à celles d'un' tel homhie ? Il fal- 

TOMB 1 1 

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\ 



1 



— TI — 

lait se taire I et le laisser dire. C'est ce que l'on a ; 
fait f autant qu'il était possible. 

Ce travail , publié en 1835, a été fait presque 
entièrement dans les années 1828 et 18S9. Le 
traducteur de la Seiemmm tmùwa sentait vivement 
à cette époque le besoin de redescendre des théo- 
ries aux applications, d'étudier le général dans 
l'individuel, l'histoire dans la biographie, l'hu- 
manité dans un homme. Il lui fallait un homme 
qui eût été homme à la plus haute puissance , un 
individu qui fût à la fois une personne réelle et 
une idée; de plus, un homme complet, de pen- 
sée et d'action; un homme enfin dont la vie fût con- 
nue tout entière , et dans le plus grand détail , 
dont tpus les actes , toutes les paroles , eussent été 
notés et recueillis. 

8i Luther n'a pas fait lui-même ses mémoires « 
il les a du moins admirablemeiU préparés (1). Sa 



' (i) Nott» avons saivi pour les œavros allemandes Té- 
diiion de Wittemberg, en ii vol. in-folio , i539>i559j 



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— m — 

correapondauoe n'est guère moins Toluiameus^ 
quo celle de Voltaire. De plus il n'tsst aucua de ses 
ouyrages dogmatiqui^ oupolénû^esoù il n'ait, 
sans y songer, déposé quelque détail dont le bio* 
graphe peut faire ^n profit. AjouJtèz que toutes 
ses paroles ont été ayidement recueillies par jes 
disciples. Le bon, le mauvais, l'insignifiant, ils ont 
tout pris ; -ce que Luther laissait échapper dans la 
conversation la plus fiunilière ,au coin du feu, au 
jardin, à table, après souper, la moindre chose 
qu'il disait à sa femme , à ses en&us, à lui-même, 

pour les œuTres latines , celle de Wittembcrg , en 7 yoL 
in-folio, i5457i558, quelquefois celle d'Iéna, x6oo-i6i3, 
en 4 vol. îa-foUo ; pour les Tischreden, l'édition de Franc- 
fort i56S, in-f<i4io. On trooTera à la fin du second Toliune 
des renvois qui permettent de vérifier chaque passage. 

Quant aux citations tirées des Lettres , elles ont été 
exactement datées dans le texte. La date rend tout ren- 
voi soporfln ; eUe suffit poar faire trouver aSséa^nt ces 
passages dans Texcellente édiuon de M. De Wette, S voL 
in-8° ; Berlin, 1 8a5. Indépendamment des œuvref de Lu- 
âier, nous avons mis à profit quelques antm ouvrages; 
fJkari, Seckfittdorf, Uwêmekû, etc. 



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— TIII — 

virile ib récrivaient. Un homme , observé et suivi 
de si près, a dû à chaque instant laisser tomber 
des mots qu'il eût voulu ravoir. Plus tard les lu- 
thériens y ont eu regret. Ils auraient bien voulu 
rayer telle ligae , arracher telle page. Quod icrîpr 
ium est, scriptumest. 

C'est donc ici le vrai livre des Confessions de 
Luther, confessions négligées, éparses, involon- 
taires, et d'autant plus vraies. Celles de Rousseau 
sont à coup sûr moins naïves, celles de saint Au- 
gustin moins complètes et moins variées. 

Comme biographie, celle-ci sq placerai^, s'il , 
l'eût écrite lui-même en entier, entre les deux aur 
tr^ dont nous venons de faire mention. Elle pré- 
sente réunies les deux faces qu'elles offrent sépar 
rées. Dans saint Augustin , la passion , la nature , 
l'individualité humaine, n'apparaissent que pour 
être immolées à la grâce divine. C'est l'histoire 
d^une crise de l'ame, d'une renaissance, d'une 



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— IX — 

y^a Huova; le saint eût rougfi de nous faire mieux 
connaître l'autre yie qu'il arait quittée. Dans Rous- 
seau, c'est tout le contraire; il ne s'agit plus de 
la grâce ; la nature règne sans partage , elle triom- 
phe , elle s'étale ; cela Ta quelquefois jusqu'au dé- 
goût. Luther a présenté, non pas l'équilibre de 
la grâce et de la nature, mais leur plus doulou- 
reux combat. Les luttes de la sensibilité, les ten- 
tations plus hautes du doute, bien d'autres hommes 
en ont souffert; Pascal les eut éyidemment, il les 
étoufia et il en mourut. Luther n'a rien caché, il 
ne s'est pu contenir. Il a donné à Toir en lui , à son- 
der , la plaie profonde de notre nature. C'est le 
seul homme peut-être où l'on puisse étudier à 
plaisir cette terrible anatomie. 

Jusqu'ici on n'a montré de Luther que son 

duel contre Rome. Nous, nous donnons sa vie 

entière, ses combats, ses doutes, ses tentations, 

ses consolations. L'homme nous occupe ici autant 

et plus que l'homme départi. Nous le montrons, 
1. 

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eç violent et terrible réformateiir du nord, non 
pas feulement dan^ ton nid d'aigle à la Wart-* 
bourg, ou brarant l'Empereur et FEmpirQ à Im 
diète deWorm0,raai0 dans sa mtôson de Witteia*^ 
berg, au milieu de ses graves amis , de ses eo&ns 
qui entourent la table , se promenant arec eux 
daiu9 son jardin, sur les bords du p^t étang , 
dans ce cloître aiiélanoolique qui est devenu la 
demeure d'une famille; nous l'entendons révani 
tout haut, trouvant dans tout ce qui l'entour^» 
dsgas la fleur, dans le fruit , dans l'oiseau qui 
PMie, de graves et pieuses pensées. 

Quelque sympathie que puisse inspirer cette 
aimable et puissante personnalité de Luther, elle 
ne doit pas influencer notrejugementsur la doc- 
trine qu'il a enseignée, sur les conséquences qui 
en sortent nécessairement. €et homme qui fit à^ 
la liberté un si énergique usage, a ressuscité I^ 
tjbéorie augustinienne de l'anéanUssement de la 
liberté. Il a impolé le libre arbitre à la graqe^ 

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— M — 

rhoaune à Dieu, U JsoonJQ à usm forto de&la^ 
|ilé providentiel^. 

. De no» joiuw 1«9 «mia de la Uiierté m recovM 
inaadent volontiers du fiitaliste Lutber.Cela aem-> - 
ble bizarre au premier co^p-d'otl. Luther lui^ 
iDeme croyait se retrouver dam Jean Hm», dans 
les YaudoÎ0, partiaanfl du libre arbitre. C'est qua 
ces doctrines spéculatives, quelque opposées qu'el- 
les pf^aisseot, se rencontrent toutefois d^ois Uur 
principe d'action , la souveraineté de la raison 
ladividudk, la résistwee aiu prineipe traditionf 
ml f à rautorité. 

II a'<6st done pas tnexact de dire que Luther a 
été la restaurateur de la liberté pour les derniers 
éèoles. S'il ra niée en théorie, il l'a fondée en 
praâflfue. Il a , sinon ftdt , an moina courageuse^ 
nani ûpié de son nom la (prande révolution qui 
légalisa en Europe le droit d'examen. Ce preinier 
droit do FintelMgenQé bianaine^ auquel tons les 



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— XII — 

autres sont rattachés, si nous l'exerçons aujourT 
d'hui dans sa plénitude, c'est à lui en grande 
partie que nous le devons. Nous ne pouvons pen- 
ser, parler, écrii^e, que cet immeqse bienfait 
de l'affranchissement intellectuel uq se renour 
velle à chaque instant. Les lignes mêmes que je 
trace ici, à qui dois-je de pouvoir les publier, si-^ 
non au libérateur de la pensée moderne ? 

Cette dette payée à Luther, nous ne craindrons 
pas d'avouer que nos sympathies les plu3 fortes 
ne sont pas de ce côté. On ne trouvera point ici 
rénumération des causes qui rendirent la vic- 
toire du protestantisme inévitable. Nous ne mon- 
trerons pas, après tant d'autres, les plaies d'une 
église où nous sommes nés, et qui nous est si 
chère..Pauvre vieille mère du monde moderne, 
reniée, battue par son fils, certes, ce n'est pas nous 
qui voudrions la blesser encore. Nous aurons oc- 
casion de dire ailleurs combien la doctrine car 
tholique vous sejhble, sinon plus logique, au mpins 

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— XÏIl — 

plus judicieuse , plus féconde et plus complèU 
que celle d'aucune des sectes qui se sont éleTees 
contre elle. Sa faiblesse, sa grandeur aussi, c'est 
de n'avoir rien exclus qui fûidç l'homme , d'ayoir 
voulu satisfaire à la fois les principes contradictoin 
rès de l'esprit humain. Gela seul donnait sur elle 
des succèis faciles à ceux qui réduisaient l'homme 
à tel ou tel principe , en niant les autres. L'uni-* 
Tersel, en quelque sens qu'on prenne le mot, est 
faible contre le spécial . Vhérésie est un chois, 
une spécialité. Spécialité d'opinion, spécialité de 
pays. Wicleff , Jean Huss , étaient d'ardens patrio- 
tes; le saxpn Luther fut l'Arminius de la moderne 
Allemagne. UniTerselle dans le temps, dans l'es- 
pace, dans la doctrine , l'Église avait contre cha- 
cun l'infériorité d'une moyenne commune. Il lui 
fallait lutter ppur l'unité du monde contre les 
forces diverses du monde. Comme grand nombre, 
elle contenait, elle traînait le mauvais bagage des 
tièdes et des timides. Gomme gouvernement, 
elle rencontrait toutes les tentations |||ondainet. 

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— XIT — 

Comme centre des traditions religieuses, elle re^ 
cerait de toutes parts une foule de croyances kn- 
eales contre lesquelles elle arait peine à défendre 
ion unité, «a perpétuité. Elle se présentait au 
monde tellç que le monde et le temps l'arai^t 
faite. Elle lui apparaissait sous la robe bîgparréa 
de l'histoire. Ayant subi, embrassé l'humanité 
tout entière, elle en avait aussi les misèi«s, les 
csontradictions. Les petites sociétés hérétiques, fer* 
rentes par le péril et la liberté, isolées, et partant 
plus pures, plus à l'abri des tentations, mécon-* 
naissaient l'église cosmopolite, et se comparaient 
avec orgueil. Le pieux et profond mystique du 
Rhin et des Paysi^Bas, l'agreste et simple Yaudois, 
pur comme Therbe des Alpes, avaient beau jeu 
pour accuser d'adultère et de prostitution celle 
qui avait tout reçu, tout adopté. Chaque ruisseau 
pourrait dire à l'Océan, sans doute: Moi, je viens 
de ma montagne, je ne connais d'eau que les mien*" 
nés. Toi, tu reçois les souillures du uMmde. 
•rî-Oui, mais je suis l'Océan, 



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Ymlà ce qu'il faudrAît pomroir dire et dére^ 
lôppeT. AtLonii livre plus que celui-ci , n'aurait 
besoîii d'une introâucti^n. Pour sêfvoir comment 
Lutter fut obligé de fidre et 9ubir ce qu'il ap- 
pelle lui-même la plus extrême des misères ; pour 
comprendre ce grand et malheureux homme qui 
remît en marche l'esprit humain à l'instant même 
où il croyait le reposer sur l'oreiller de la grâce } 
pour apprécier cette tentative impuissante d'u« 
mon entre Dieu et l'h(mime , il faudrait connaître 
les essais pluB cooséquens que firent, avant et 
après , les mystiques , les rationalistes t c'est-à- 
dire esquisser toute l'histoire de la religion chré- 
tienne. Cette introduction si nécessaire, peut-être 

dans quelque temps me déciderai* je à la don-* 
ner. 

Pourquoi donc ajourner encore ici ? pourquoi 
eommeneer tant de choses et s'arrêter toujours en 
chemin ? Si l'on tient à le savoir , je le dirai vo^ 
lontiers. 

A moitié de l'histoire Romaine , j'ai rencontré 



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— xn — 

le chrisUanisme naissant. A moitié de l'histoire d« 
France je l'ai rencontré , vieillissant et afibiflaé ; 
ici, je le retroure encore. Quelque part que j'ailla 
il est devant moi, il barre ma route et m'empêche 
de passer. 

Toucher au christianisme! ceux-là seuls n'hé' 
siteraient point qui ne le connaissent pas:... Pour 
moi , je me rappelle les nuits où je veillais une 
mère malade; elle souffrait d'être immobile , elle 
demandait qu'on l'aidât à changer de place et 
toulaitse retourner. Les mains filiales hésitaient ; 
comment remuer ses membres endoloris ?... 

Voilà bien des années que ces idéeis mé travail- 
lent. Elles font toujours dans cette saison d'ora- 
ges le trouble , la rêverie de ma solitude. Cette 
conversation intérieure qui Aevraitaméliorer ^ elle 
m'est douce au moins , je ne suis pas pressé de la 
finir, ni de me séparer encore de cer vieilles et 

chères pensées. 

Août 1835. 



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fi0iimùïxt0 



DB 



LIVRE PREMIER. 

1483—1521. 

CHAPITRE PREMIER. 
U88-1817. 



Niissaoee, éducation de Lather« son ordination • tes tentations « 
son voyage à Rome. 



« J'ai soayent conTer«é ayec Mélanchton , et 

lui ai raconté toute ma vie de point en point. Je 

suis fils d'un paysan ; mon père, mon grand-père , 

mon aïeul, étaient de yrais paysans. Mon père est 

2 



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2 XÉM0IEX8 

allé à Mansfeld, et y est derenu minear. Moi, j^y 
suis né. Que je dusse être ensuite bachelier, doc- 
teur , etc. , cela n'était point dans les étoiles. N'ai-jo 
pas étonné les gens en me faisant moine ? puis en 
quittant le bonnet brun pour un autre? Cela vrai- 
ment a bien chagriné mon père , et lui a fait mal. 
Ensuite je me suis pris aux cheveux avec le pape , 
j'ai épousé une nonne échappée, et j'en ai eu des 
enfans. Qui a vu cela dans les étoiles? Qui m'aurait 
annoncé d'avance qu'il en dut arriver ainsi?» 

Jean Luther, père de celui qui est devenu si 
célèbre , était de Mœra ou Mœrke , petit village de 
Saxe, près d'Eisenach. Sa mère étaitfille d'un bour- 
geois de cette ville, ou, selon une tradition que 
j'adopterais plus volontiers, de Neustadt enFran- 
conie. Si l'on en croyait un auteur moderne qui 
ne cite point ses autorités, Jean Luther aurait eu 
le malheur de tuer dans une prairie, un paysan qui 
y faisait paître ses troupeaux , et eut été forcé de 
se retirer à Eisleben , plus tard dans la vallée de 
Mansfeld. Sa femme l'avait suivi enceinte ; elle ac- 
coucha en arrivant à Eisleben de Martin Luther. 
Le père, qui n'était qu'un pauvre mineur, avait 
bien de la peine à soutenir sa famille , et l'on verra 
tout-à-l'heure que ses enfans furent obligés quel- 
quefois de vivre d'aumône. Cependant, au lien de 



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DB LI}THEK. S 

les Mre traTailler avec lui, il voulut qu'ils allas- 
sent aux écoles. Jean Luther paraît avoir été un 
konune plein de simplicité et de foi. Lorsque son 
pasteur le consolait dans ses derniers momens : 
< Pour ne pas crcnre cela, dit-il, il faudrait être 
un homme bien tiède. » Sa femme ne lui survécut 
pas d'une année (1531). Ds avaient alors une petite 
fortune, qu'ils devaient sans doute à leur fils. Jean 
Luther laissa une maison , deux fourneaux à forgée, 
f;t environ mille thalers en argent comptant. 

Les armes du père de Luther , car les paysans en 
prenaient à l'imitation des armoiries des nobles, 
étaient tout simplement un marteau. Luther ne 
rougit point de ses parens. Il a consacré leur nom 
dans sa formule de bénédiction nuptiale: « Hans^ 
veux-4u prendre Grethe(}eaxL, Marguerite). > 

«C'est pour moi un devoir de piété , dit-il à !!&• 
lanchton , dans la lettre où il lui annonce la mort 
de Jean Luther, de pleurer celui duquel le Père 
de miséricorde m'a fait naître, celui par les travaux 
'et les sueurs duquel Dieu m'a nourri et m'a formé 
tel que je suis , quelque peu que je sois. Certes, je 
me réjouis qu'il ait vécu jusqu'aujourd'hui pour 
voir la lumière delà vérité. Béni soit Dieu pour l'é« 
temité dans tous sesconseilset ses décrets ! amen ! » 

Martin Luther ou Luder , ou Lother (car il signe 



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4 uAiiroiBES 

quelquefois ainsi), naquit à £isleben»le 10 norem- 
bre 148S, àonze heures du soir. EnTOyéde bonne 
heure à Fécole d'Eisenach (1489), il chantait de- 
vant les maisons pour gagner son pain, comme 
faisaient alors beaucoup de pauvres étudians en 
Allemagne. C'est de lui que nous tenons cette parti- 
cularité. « Que personne ne s'avise de mépriser de- 
vant moi lespauvres compagnons qui vont chàittant 
et disant de porte en porte : panempropter Deum ! 
vous savez comme dit le psaume : les princes et 
les rois ont chanté. Et moi aussi, j'ai été un pau- 
vre mendiant, j'ai reçu du pain aux portes des 
maisons, particulièrement à Eisenach, dans ma 
chère ville ! « 

Il trouva enfin une subsistance plus assurée et 
un asile dans la maison de la dame Ursula, femme 
ou veuve de Jean Schweickard, qui eut pitié de 
voir errer ce jeune enfant. Les secours de cette 
femme charitable lé mirent à même d'étudier qua- 
tre ans à Eisenach. En 1501 , il entra à l'université 
d'Erfurth , où il fut soutenu par son père. Luther 
rappelle quelque part sa bienfaitrice par des mots 
pleins d'émotion , et il en a gardé reconnaissance 
aux femmes toute sa vie. 

Après avoir essayé de la théologie , il fut décidé^ 
par les conseils de ses amis , à embrasser l'étude 



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DE ItVNIbR. ' ;5 

du droit , qui conduisait alors aux postes les plus 
lucratifs de l'État et de TÉglise. Mais il ne semble 
pas s'y être jamais livré avec goût. Il aimait bien 
mieux la belle littérature , et surtout la musique. 
C'était son art de prédilection. Il la cultiva toute 
sa vie , et l'enseigna à ses enfans. Il n'hésite pas à 
déclarer que la musique lui semble le premier 
des arts après la théologie. « La musique est l'art 
des prophètes; c'est le seul qui, comme la théo- 
logie , puisse calmer les troubles de l'âme et met- 
tre le diable en fuite. ». Il touchait du luth , jouait 
de la flûte. Peut-être eût-il réussi encore dans 
d'autres arts. Il fut l'ami du grand peintre Lucas 
Cranach. Il était, ce semble, adroit de ses mains, 
il apprit à tourner. 

Ce goût pour la musique et la littérature , la 
lecture assidue des poètes qu'il mêlait aux études 
de ladialecticpie et du droit, tout cela n'annonçait 
point qu'il dût bientôt jouer un rôle si sérieux dans 
l'histoire de la religion. Biverses traditionsporte- 
raient à croire que, malgré son application, il 
partageait la vie des étudians allemands dé cette 
. époque : cette gaité dans l'indigence , ces habitu- 
des bruyantes , cet extérieur belliqueux^vec une 
vâme douce et un esprit pacifique , l'ostentation du 
désordre avec des mœurs pures. Certes, si quelr 

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llftHOIftES 

qu'un avait rencontré Martin Luther, voyageant 
à pied sur la routa d'Erfurth à Mansfeld , dans la 
troisième fête de Pâques de Tan 150$, Tépée et le 
couteau de chasse au côté , et se blessant lui-même 
de ses propres armes , il ne se serait point avisé 
que le maladroit étudiant dût sous peu renverser 
la domination de Téglise catholique dansla moitié 
de l'Europe. 

En 1&05, un accident donna à la vie du jeune 
homme une direction toute nouvelle. Il vit un de 
ses amis tué d'un coup de foudre à ses côtés. Il 
poussa un cri , et ce cri fut un vœu à sainte Anne 
de se Élire moine , s'il échappait. Le danger passé , 
il ne chercha pas à éluder un engagement arraché 
par la terreur. Il ne sollicita point de dispense. Il 
regardait le coup dont il s'était vu presque atteint , 
comme une menace et un ordre du ciel. Il ne dif- 
féra que de quatorze jours l'accomplissement de 
son vœu. 

Le 17 juillet 1505, après avoir passé gafment la 
soirée avec ses amis à faire de la musique, il entra 
la nuit dans le cloitre des Augustins , à Erfurth. 11 
n'avait apporté avec lui que son Plante et son Vir- 
gile. 

Le lendemain, il écrivit un mot d'adieu à diver* 
les penonnes» informa son père de sa résolution ^^ 



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DÉ LUTHE&. 7 

et resta un mois sans se laisser voir. Il sentait com- 
bien il tenait encore au monde ; il craigpnait le vi- 
sage respecté de son père , et ses ordres et ses priè- 
res. Ce ne fut , en effet , qu'au bout de deux ans 
<pke Jean Luther le laissa faire et consentit à assis- 
ter à son ordination. On avait choisi pour la céré- 
nftonie le jour où le mineur pouvait quitter ses tra- 
vaux. Il vint à Erfurthavec plusieurs de ses amis, 
et donna au fils qu'il perdait, ce qu'il avait pu met- 
ire de côté , vingt florins. 

Il ne &ut pas croire qu'en prenant ces enga« 
gemens redoutables, le nouveau prêtre fut poussé 
par une ferveur singulière. Nous avons vu avec 
quel be^ge de littérature mondaine il était en- 
tré dans le cloître. £ooutons-le lui-même sur les 
dispositions qu'il y apportait: «Lorsque je dis ma 
première messe à Ërfurth, j'étais presque mort: 
car je n'avais aucune foi. Je voyais seulement que 
j'étais très digne. Je ne me regardais point comme 
«an pécheur. La première messe était chose fort 
célébrée et dont il revenait beaucoup d'argent 
On apportait les horas eanoniùas avec des flam- 
beaux. Le cher jeune seigneur, comBae les paysans 
appelaient leur nouveau curé , devait alors dan- 
ser avec sa mère, si elle vivait encore, etlesossisr- 
tans en pleuraient de joie. Si elle était morte^ il 



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8 HÉMOl&ES 

la mettait, disait-on, sous le calice, et la sauvai! 
du purgatoire.» 

Luther ayant obtenu ce qu'il voulait , étant de- 
venu prêtre, moine, tout étant consommé, et la 
porte close, alors commencèrent, je ne dis pas 
les regrets, mais l^s tristesses, les perplexités, les 
tentations de la chair , les mauvaises subtilités de 
l'esprit. Nous ne savons guère aujourd'hui ce que 
c'est que cette rude gymnastique del'ame solitaire. 
Nous donnons bon ordre à nos passions. Nous les 
tuons à leur naissance. Dans cette énervante dis- 
traction d'af&ires, d'études, de jouissances faciles, 
dans cette satiété précoce des sens et de l'esprit, 
comment se représenter les guerres spirituelles 
que se livrait en lui-même l'homme du moyen- 
âge, les douleureux mystères d'une vie abstinente 
et fantastique, tant de combats terribles qui ont 
passé sans bruit et sans mémoire entre le mur et 
les sombres vitraux de la pauvreceUule du moine? 
€ Un archevêque de Mayence disait souvent : Le 
cœur humain est connue la meule d'un moulin. 
Si l'on y met du blé, elle l'écrase et en fait de la 
farine; si l'on n'en met point, elle tourne tou- 
jours, mais s'use elle-même. » 

« ... Lorsque j'étais moine, dit Luther , j'écri- 
^ais souvent au docteur Staupitz. Je lui écrivais 



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DB LUTHER. 

une fois: Oh! mes péchés! mes péchés! mes péchés! 
A quoi il me répondit . € Tu veux être sans péché, 
et tu n'en as pourtant aucun véritable. Christ a 
été le pardon des péchés. » 

«... Je me confessais souvent au docteur Stau- 
pitï, non d'afiaires de femmes, mais de ce qui fait 
le nœud de la question. Il me répondait ainsi que 
tous les autres confesseurs : Je ne comprends pas. 
ïnfin il vint me trouver à table et me dit : Com- 
ment donc étês-vous si triste, frater Martine f — 
Ah ! oui , je le suis , répondis-je. — Vous ne savez 
pas, dit-il, qu'une telle tentation vous est bonne 
et nécessaire, mais ne serait bonne qu'à vous. Il 
voulait dire seulement que j'étais savant , et qu« 
sans ces tentations, je deviendrais fier et orgueil-» 
leux ; mais j'ai compris plus tard que c'était une 
voix et une parole du Saint-Esprit. ■ 

Luther raconte ailleurs que ces tentations 
l'avaient réduit à un tel état , que pendant qua- 
torze jours il n'avait ni bu , ni mangé , ni dormi. 

«Ah 1 si saint Paul vivait aujourd'hui , que je 
voudrais savoir de lui-même quel genre de ten- 
tation il a éprouvé. Ce n'était point l'aiguillon de 
la chair, ce n'était point la bonne Técla, comme 
le rêvent les papistes. Oh înon, ce n'était point 
là un péché qui lui eût déchiré la conscience. 



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fO mAhoihes 

C'est quelque chose de plus haut que le désespoir 
causé par les péchés; c'est plutôt la tentation dont 
il est parlé dans le psaume: Mon Dieu, mon Bieu 
pourquoi m'as-tu délaissé ? Comme s'il vonlaît 
dire : Tu m'es ennemi sans cause; et comme dans 
Joh: Je suis pourtantjuste et innocent. Je suis sAr 
que le liyre de Job est une histoire véritable 
dont on a fait ensuite un poème.... Jérôme et au-* 
très pères n'ont pas senti de telles tentations. Ils 
n'en ont connu que de puériles , celles de la chair, 
qui ont pourtant bien aussi leurs ennuis. Augus^ 
tin et Ambroise ont eu aussi des tentations et ont 
tremblé devant le glaive; mais ce n'est rien en 
comparaison de l'ange de Satan qui frappe des 
poings,.,. Si je vis encore un peu, je veux écrire 
un livre sur les tentations, sans lesquelles un 
homme ne peut ni comprendre la sainte Écriture, 
ni connaître la crainte et l'amour de Dieu.» 

c . . J'étais malade à l'infirmerie. Les tentations 
les plus cruelles épuisaient mon corps et le mar* 
tyrisaient, de sorte que je poavais à peine respi- 
rer et haleter. Aucun homme ne me consolait: 
tous ceux auxquels je me plaignais, répondaient: 
Je ne sais pas. Alors je me disais: Suis*je donc le 
seul qui doive être si triste en esprit?... Oh! que 
je voyais des spectres et des figures horribles!... 



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DE tVTBXE. Il 

Mais il y a dix ans, Dieu me donna une consola" 
lion par ses chers ang^s» celle de combattre e^ 
d'écrire. » 

Il nous expUqiLe lui-» même longtemps après, 
l'année même qui précéda celle de «a mort; de 
quelle nature étaient ces tentations si terribles, 
c Dès les écoles^ en étudiant les épîtres de saint 
Paul, j'avais été saisi du plus violent désir de 
savoir ce que saint Paul voulait dire dans l'é^' 
pitre aux Romains. Un seul mot m'arrêtait : jusii^ 
tia Bei reveUUur in illo. Je baissais ce mot^ juêtUia 
Dei, parce que« selon l'usage des docteurs^ j'avais 
appris à l'entendrede la justice active, paf laquelle 
Dieu est juste* et punit les injustes et les pécheurs. 
Moi qui menais la vie d'un moine irrépréhensible, 
et qui pourtant sentais en moi la conscience in-^ 
quiète du pécheur, sans parvenir à me rassurer 
sur la satisfaction que je pouvais faire à Dieu, je 
n'aimais point, non, il faut le dire^ je haïssais ce 
Dieu juste, vengeur du péché. Je m'indignais 
contre lui. C'était en moi un grand murmure , si 
ce n'était blasphème , Je disais : < N'est-ce donc 
pas assez que les malheureux pécheurs, d^à per-' 
dus éternellement par le péché originel, aient été 
accablés de tant de calamités par la loi du déca-' 
lègue; il faut encore que Dieu! ajoute la douleur 



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12 iiixoiaBS 

à la douleur par son Éyangile, et que dansl'ËTaiH 
gîle même il nous menace de sa justice et de sa 
colère?...» Je m'emportais ainsi dans le trouble 
de ma conscience, et je revenais toujours frapper 
au même endroit de saint Paul, brûlant de pé- 
nétrer ce qu'il voulait dire. 

«Gomme je méditais nuit et jour sur ces paroles 
(La justice de Dieu se révèle en lui, comme ile$l 
écrit: le juste vit de la foi). Dieu eut enfin pitié 
de moi; je compris que la justice de Dieu, c'est 
celle dont vit le juste, par le bien&it de Bien, 
c'est-à-dire la JPoi; et que le passage signifiait: 
l'Évangile révèle la justice de Dieu, justice pas- 
sive , par laquelle le Dieu miséricordieux nous 
justifie par la foi. Alors je me sentis comme rené, 
et il me sembla que j'entrais , à portes ouvertes, 
dans le paradis... Je lus plus tard le livre de saint 
Augustin, De la lettre et de V esprit, et je trouvai, 
contre mon attente , qu'il entend aussi par justice 
de Dieu, celle de laquelle Dieu nous revêt en nom 
justifiant. Je m'en réjouis, quoique la cbose soit 
dite encore imparfaitement dans ce livre, et que 
ce Père ne s'explique pas complètement ni avec 
clarté sur la doctrine de l'imputation....» 

Il ne manquait à Luther pour se confirmer 
dans la doctrine de la grâce , que de visiter le 



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BB LUTHER. 19 

peuple chez lequel la grâce ayait défaini. Cest 
de ritalie que nous parlons. On nous dispense 
de peindre cette Italie des Borgia. Il y avait cer-^ 
tainement à cette époque quelque chose qui s'est 
YU rarement ou jamais dans l'histoire : une per- 
Terûté raisonnée et scientifique , une magnifique 
ostentation de scélératesse, disons tout d'un mot : 
le prêtre athée, se croyant roi du monde. Cela était 
du temps. Ce qui était du pays , ce qui ne peut 
changer y c'est cet inyincihle paganisme qui a 
toujours subsisté en Italie. Là , quoi qu'on fasse , 
la nature est païenne. Telle nature, tel art. C'est 
une glorieuse comédie, drapée par Raphaël^ 
chantée par FArioste. Ce qu'il y a de grave, d'é- 
leyé , de divin dans l'art italien , les hommes du 
Nord le sentaient peu. Ils n'y reconnaissaient que 
sensualité , que tentations charnelles. Leur meil- 
leure défense , c'était de fermer les yeux , de pas-» 
aer vite /de maudire en passant. 

Le côté austère de l'Italie, la politique et la 
jurisprudence^ ne les choquaient pas moins. Le» 
nations germaniques ont toujours instinctivement 
r^oussé, maudit le droit romain. Tacite raconte 
qu'à la défaite de Yarus, les Germains se vengè- 
rent des formes juridiques auxquelles il avait es- 
sayé de les soumettre. L'un de ces barbare» 
S 

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Il JliHOlRES 

clouant à un arbi^e la tête d'un légiste romain^lui 
perça la langue ^ et lui disait : Siffle , yipère» 
ëiffle maintenant. Cette haine des légistes, per^» 
pétuée dans tout le moyen-âge, a été, comme on 
verra , vivement exprimée par Luther; et il eil 
devait être ainsi. Le légiste et le théologien sont 
les deux pôles; l'un croit à la liberté, l'autre à la 
grâce ; l'un à l'homme ^ l'autre à Dieu. La pre- 
mière croyance fut toujours celle de l'Italie. Son 
réformateur, Savonarole^ qui parut peu avant 
Luther^ ne proposait rien autre qu'un change^ 
ment dans les œuvres, dans les mœurs, et non 
dans la foi. 

Voilà Luthef en Italie. C'est un moment de 
joie, d'immense espoir, que celui où l'on descend 
les Alpes pour entrer dans cette glorieuse con- 
trée. Il espérait certainementrafiermir sa foi dans 
la ville sainte , laisser ses doutes aux tombeaux 
des saints apôtres. La vieille Rome aussi, la Rome 
classique l'attirait, ce sanctuaire des lettres , qu'il 
avait cultivées avec tant d'ardeur dans sa pauvre 
ville de Wittemberg. 

D'abord il est reçu à Milan dans un couvent dei 
marbre. Il continue de couvent en couvent^ 
c'est-à-dire de palais en palais. Partout grande 
chère, tables somptueuses. Le candide Allemand 



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SK LVTHKR. 15 

•'étonnait un peu de ces magnificences de rhu** 
milité , de ces splendeurs royales delà pénitence. 
Il se hasarda une fois à dire aux moines italiens 
qu'ils feraient mieux de ne pas manger de viande 
le vendredi. Cette parole feillit lui coûter la 
vie ; il n'échappa qu'avec peine à leurs embûches. 

Il continue, triste, désabusé, à pied dans les 
plaines brûlantes de la Lombardie. Il arrive ma- 
lade à Padoue ; il persiste , il entre mourant à 
Ilologne. La pauvre tête du voyageur avait été 
trop rudement frappée du soleil d'Italie, et de 
tant d'étranges choses, et de telles mœurs , et de 
telles paroles. Il resta alité à Bologne , dans la 
ville du droit et des légistes, croyant sa mortpro-» 
chaine. Il répétait tout bas, pour se raffermir, 
les paroles du prophète et de l'apôtre : Le jushi 
9ft de la fbù 

Il exprime naïvement dans une conversation 
combien l'Italie faisait peur aux bons Allemands. 
« Il suffit aux Italiensque vous regardiez dans un 
miroir pour qu'ils puissent vous tuer, Jls peuvent 
vous ôter tous les sens par de secrets poisons. £n 
Italie, l'air est pestilentieL lia nuit enferme exac-^ 
tement les fenêtres , et l'on bouche les fentes. » 
Luther assure qu'il fut malade , ainsi que le frère 
qui l'accompagnait, pour avoir dormi les croisées 



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16 uiMOiRsa 

ouvertes , mais ils mangèrent deux grenadet par 

lesquelles Dieu leur sauva la vie. 

Il continua son voyage, traversa seulement Flo- 
rence , et entra enfin dans Rome. Il descendît aa 
couvent de son ordre près la porie du Peuple. 
« Lorsque j'arrivai, je tombai à genoux, levai les 
mains au ciel , et je m'écriai : Salut, sainte Rome, 
sanctifiée par les saints martyrs , et par leur sang 
quia y été versé I... > Dans sa ferveur , dit*il, il 
courut les saints lieux, vit tout, crut tout. Il 
«'aperçut bientôt qu'il croyait seul. Le christia- 
nisme semblait oublié dans cette capitale du 
monde chrétien. Le pape n'était plus le scanda- 
leux Alexandre VI; c'était lebelliqueux et coléri- 
que Jules IL Ce père des fidèles ne respirait que 
«ang et ruine. On sait que son grand artiste Mi- 
chel-Ange le représenta foudroyant Bologne de 
sa bénédiction. Le papevenait de lui commander 
pour lui-même un tombeau grand comme un 
temple; c'est le monument dont il reste le Moïse, 
entre autres statues. 

L'unique pensée du pape et de Rome , c'était 
alors la guerre contre les Français. Luther eût 
été bien reçu à parler de la grâce et de l'impuis- 
sance des œuvres à ce singulier prêtre qui as- 
siégeait les villes en personne, qui récemment 



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SB LVTHBA. 17 

encore n'avait touIu entrer à la Hirandole que 
par la brèche. Ses cardinaux , apprentis officiers, 
étaient des politiques, des diplomates, ou bien 
des gens de lettres, des savans parvenus, qui 
ne lisaient que Gicéron , qui auraient craint de 
compromettre leur latinité en ouvrant la Bible. 
S'ils nommaient le pape , c'était le grand pontifia 
nn saint canonisé était dans leur langage re^ 
ïafus interBivo^, et s'ils parlaient encore de la 
grâce , ils disaient : Deorum immoTialtun^ hene" 
ficiù. 

Si notre Allemand se réfugiait aux églises, il 
n'avait pas même la consolation d'une bonne 
messe. Le prêtre romain expédiait le divin sacii^ 
fice de telle vitesse, que Luther était encorç k 
l'évangile quand l'officiant lui disait : Ite, missa 
est. Ces prêtres italiens faisaient souvent parade 
d'une scandaleuse audace d'esprit fort. Il leur 
arrivait eu consacrant l'hostie de dire : panù eSj^ 
etpanù manebù. Il ne restait plus qu'à fuir en 
se voilant la tête. Luther quitta Rome au bout de 
quatorze jours. 

n emportait en Allemagne la condamnation de 
lltalie, celle de FÉglise. Dans ce rapide et triste 
voyage , le Saxon en avait vu assez pour condam- 
ner, trop peu pour comprendre. Certes, pour un 
S. 

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18 MiiiQiaKS 

esprit préoccupé du côté moral du christianisme, 
il eût fallu un singulier effort de philosophie , un 
sens historique hien précoce pour retrouver la 
religion dans ce monde d'art, de droit, de poli-^ 
^ique , qui constituait lltalie. 

« Je ne. voudrais pas, dit-il quelque part, Je 
l^e voudrais pas pour cent mille florins ne pas 
avoir vu Rome (et il répète ces mots trois fois). 
Je serais resté dans l'inquiétude de &ire peut^ 
être injustice au pape. > 



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DK LUTHE», 19 



iyw>»«<M»»» » <«»>l»<IIIIVKtW<»»*<»V M I»>«<«< 



CHAPITRE II. 
1817—1521. 



Luther alUqu* les Indolgencef. Il brûle 1« bulle du pape. >«r 
Erasme, Hutten, Frans de Sickingen. — Luther coinpa^att i U 
difte de Worœs, — Son enleTement. 



La papauté était loin de soupçonner son dan- 
ger. Depuis le treizième siècle on disputait, on 
aboyait contre elle. Le monde lui paraissait défi* 
nitiTement endormi au bruit uniforme des criail- 
leries de l'École. Il semblait qu'il n'y eût plus 
grand'chose de nouveau à dire. Tout le monde 
avait parlé à perdre haleine. Wicleff, Jean Huss, 
Jérôme dePrague, persécutés, condamnés, brû* 
lés, n'en avaient pas moins eu le temps de dire 
tout ce qu'ils avaient en pensée. Les docteurs de 
la très catholique université de Paris, les Pierre 



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20 MliiiOl&ES 

d'Ailly , les Glémengis, le doux Gerson lid-même, 
avaient respectueusement souffleté la papauté. 
Elle durait pourtant, elle vivotait, patiente et te- 
nace. Le quinzième siècle s'écoula ainsi. Les con- 
ciles de Constance et de Baie eurent moins d'e£fet 
que de bruit. Les papes les laissèrent dire, firent 
révoquer les Pragmatiques , rétablirent tout dou- 
cement leur domination en Europe et fondèrent 
une grande souveraineté en Italie. 

Jules II conquit pour l'église; Léon X pour sa 
famille. Ce jeune pape, mondain, homme de let- 
tres, homme de plaisir et d'affiaiires, comme les 
autres Médicis, avait les passions de son âge, et 
celles des vieux papes, et celles de son temps. Il 
voulait faire rois les Médicis. Lui-même jouait le 
rôle du premier roi de la chrétienté. Indépen- 
damment de cette coûteuse diplomatie qui s'é- 
tendait à tous les états de l'Europe , il entretenait 
de lointaines relations scientifiques. Il s'informait 
du Nord même, et faisait recueillir jusqu'aux 
monumens de l'histoire Scandinave. A Rome, il 
bâtissait Saint-Pierre, dont Jules II lui avait lé- 
gué la construction. L'héroïque Jules II n'avait 
pas calculé ses ressourcés. Quand Michel-Ange 
apportait un tel plan, qui pouvait marchander? Il 
livaitdit^ comme onsait^duPanthéon: Jemettraice 



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DB LUTHER. 21 

temple à trois cents pieds dans les airs. Le pau- 
vre état romain nVtait pas de force à lutter contre 
le génie magnifique de ces artistes, dont l'ancien 
Empire 9 maître du monde, aurait à peine été ca- 
pable de réaliser les conceptions. 

Léon X avait commencé son pontificat par Ten- 
dre à François I" ce qui n'était pas à lui, les 
droits de l'église de France. Plus tard, il avait fait 
pourfinanee trente cardinaux en une fois. C'étaient 
là de petites ressources. Il n'avait pas, lui, les 
mines du Mexique. Ses mines, c'étaient la vieille 
foi des peuples, leur crédule débonnaireté. Il en 
avait donné l'exploitation en AUemagne aux Do- 
minicains. Ils avaient succédé aux Augustins dans 
la vente des indulgences. Le dominicain Tetzel, 
effronté saltimbanque, allait à grand bruit, grand 
appareil, grande dépense, débitant cette denrée 
dans les églises, dans les places, dans les cabarets. 
Il rendait le moins qu'il pouvait, et empochait 
l'argent; le légat du pape l'en convainquit plus 
tard. La foi des acheteurs diminuant , il fallait 
bien enfler le mérite du spécifique; il y avait 
longtemps qu'on en vendait ; le commerce bais^ 
sait. L'intrépide Tetzel avait poussé la rhétorique 
aux dernières limites de l'amplification. Entassant 
hardiment les pieuses menteries, il énumérait 



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22 MiMOIRES 

tout le9 maux dont guérissait cette panacée. Il ne 
se contentait pas des péchés connus, il inyentait 
des crimes, imafjfinait des infomies, étranges, 
inouies, auxquelles personne ne songea jamais; 
^t quand il yoyait l'auditoire frappé d'horreur, 
il ajoutait froidement : « £h hien, tout cela est 
çxpié, dès <}ue l'argent sonne dans la caisse di^ , 
pape! » 

Luther assure qu'alors il ne savait trop ce que 
c'était que les indulgences. Lorsqu'il en Tit le 
prospectus fièrement décqré du nom et de la pro« 
iection de l'archevêque de Mayence, que le pape 
avait chargé de surveiller la vente desi indulgen-^ 
ces pi^ Allemagne , il fut saisi d'indignation. Ja-> 
mais un problème de pure spéculation ne l'eût 
mis en contradiction avec ses supérieurs ecclé- 
siastiques. Mais ceci était une question de bon 
sens , de moralité. Docteur en théologie , profe»* 
seur influent à l'université de Wittemberg que 
l'Électeur yenait de fonder, yicaire provincial 
des Augustins, e\ chargé de remplacer le vicaire 
général dans les visites pastorales de la Misnie et 
de la Thuringe, il se croyait sans doute plus res« 
ponsable qii'un autre du dépôt de la foi saxonne, 
^a conscience fut frappée, il risquait beattcoa|i 
m parliRt; ^'U se taisait, il se croyait ditmné. 



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2>E tUTftBB. 23 

Il commença dans la forme légale, sVidressa 

à son évêque, celui de Brandebourg, pour le 

prier défaire taire Tetiel.Uévêqùe répondit que 

c'était attaquer la puissance de TÉglise, qu'il al-» 

lait se faire bien des affaires, qu'il valait mieux 

se tenir tranquille. Alors Luther s'adressa au 

primat, archevêque de Mayence et de Magde* 

bourg* Ce prélat était un prince de la maison de 

Brandebourg, ennemie de l'électeur de Saxe; 

Liuther lui envoyait des propositions qu'il offrait 

de soutenir contre la doctrine des indulgences^ 

Ifous abrégeons sa lettre, extrêmement longue 

dans l'original (81 octobre 1517) 

« Père vénérable en Dieu, prince très illudtrei 
veuille votre grâce jeter un œil favorable sur moi 
qui ne suis que terre et cendre , et recevoir favo-' 
rablement ma demande avec la douceur épisco^ 
pale. On porte par tout le paySi au ndm de votre 
grâce et seigneurie^ l'indulgence papale pour la 
construction de la cathédrale de Saint^Pierre de 
Àome. Je ne blâme pas tant letl {grandes clameurs 
des prédicateurs de l'indulgence^ lesquels je li'ai 
point entendus { que le faux neni adopté par le 
pauvre, simple et grossier peuple f qui publie 
partout hautement les ima^nationd qu'il a con- 
çues à ce sujet. Gela me fait mal et me rend m»* 



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24 aisoiABS 

lade.»; Ib croietit que les âmes seront tirées do 
pmrgatoire> dès qu'ils auront mis l'argent dans k» 
coffires. Ik croient que l'indulgence est assez puis- 
santé pour sauver le plus grand pécheur, celui 
(tel est leur blasphème) qui aurait violé la sainte 
mère denotte Sauveur!... GrandBieu! les pauvre» 
âmes seront donc sous le sceau de votre autorité, 
enseignées pour la mort et non pour la vie! Vous 
en rendrez un compte terrible , dont la gravité 
va toujours croissant... 

» Qu'il vous plaise, noble et vénérable père, 
de lire et de considérer les propositions suivantes, 
où Ton montre la vanité des indulgences que la 
prédicateurs proclament comme chose tout à fait 
certaine. » 

L'archevêque ne répondit pas. Luther» qui 
s'en doutait, avait le même jour, 31 octobre 1517, 
veille de la Toussaint, à midi, affiché ses propo- 
sitions à l'église du château de Wittemberg^ qui 
subsiste encore. 

« Les thèses indiquées ci^dessous, seront sou» 
tenues à Wittemberg, sous la présidence du ré>^ 
vérend Martin Luther, etc. loi 7 ; 

» Le pape ne veut ni ne peut remettre aucune 
peine, si ce n'est celles qu'il, a imposées de son 
chef ou d'après les canons. 



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DB LUTHEA. 26 

^^ Les canons pénitentiaux sont pour les Tirans; 
ils ne peuvent charger d'aucune peine Fâme des 
morts. 

— Le changement de la peine canonique en 
peine du purgatoire, est une ivraie, une zizanie; 
évidemment les évéques dormaient quand on a 
semé cette mauvaise herbe. 

— ^Le pouvoir de soulager les âmes^du purgav 
toire que le pape peut exercer par toute la chrë*'^ 
tiente. chaque évéque, chaque curé le possède 
dans son diocèse, dans sa paroisse.... Qui sait si 
toutes les âmes en purgatoire voudraient être ra- 
chetées? on l'ft dit de saint Sëverin. 

— Il &ut enseigner aux chétiens qu'à moins 
d'avoir le superflu, ils doivent garder pour leur 
fJBunille le nécessaire, et ne rien dépenser pour 
leurs péchés. 

— Il &ut enseigner aux chrétien» que la pape, 
quand il donne des pardons , a moins besoin d'ar* 
gent que de bonne prière pour lui «et que c'est là 
ce qn'il demande. 

-^11 &ut enseigner aux chrétiens que si le pape 
connaissait les exactions des pécheurs de pardons, 
il aimerait mieux que la basilique de Saint^Pierre 
tombât en cendres, plutôt que de la construire 
avec la chair, la peau et les os de ses brebis. 
Tome 1 2 



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9d HillOIBES 

— Le pape doit vouloir que «i les pardotis, 
cfao^ petite, sont célébrés avec une cloche, une 
cérémonie, une solennité, TÉvangile, chose si 
grande, soit prêché avec cent cloches, cent céré- 
monies, cent solennités. 

— * Le vrai trésor de l'Église , c'est le sacro-^saint 
Évangile de la gloire et de la grâce de Dieu. 

— On a sujet de haïr ce trésor de l'Évan- 
gile , par qui les premiers deviennent les der- 
niers; 

— ■ On a sujet d'aimer le trésor des indulgen- 
ces, pa^ qui les derniers deviennent les premiers. 

— Les trésors de l'Évangile sont les filets avec 
lesquels on péchait les hommes de richesses ; 

^»-'Les trésors des indulgences sont les filets 
àtëc lèâiquels on pêche les richesses des hommes. 

— Dire que la croix , mise dans les armes du 
pape, équivaut à la croix du Christ, c'est un blas- 
phème. 

— Pourquoi le pape, dans sa très sainte cha- 
rité, ne vide-t-il pas le purgatoire où tant d'âmes 
sont en peine? Ce serait là exercer plus digne- 
ment son pouvoir, que de délivrer des àme^à 
prix d'argent (cet argent porte malheur); et pour- 
quoi encore? pour élever une église? 

— Quelle est cette étrange compassion de Dîeu 



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et lia pape , qui , pour de Fargeut, chaugeut Tâiue 
d'un impie, dW ennemi de Dieu, en une âme 
pieuse et agréable au Seigj^eur ? 

— Le pape, dont les trésors surpassent aujour- 
d'hui les plus énormes trésors, ne peut^il donc, 
avec son argent plutôt qu'ayec celui des pauvres 
fidèles, élever une seule église, la basilique de 
Saint-Pierre ? 

— Que remet, que donne le pape à ceux qui, 
par la contrition parfaite, ont droit à la rémis^ 
sLon plénière ? 

— Loin de nous tous ces prophètes, qui disent 
au peuple de Christ : La pais , la paix; et ne don- 
nent point la paix. 

— Loin, bien loin, tous ces prophètes qui di- 
sent au peuple de Christ : La croix, la croix; et 
ne montrent point la croix. 

— Il faut exhorter les chrétiens à suivre Christ, 
leur chef, à travers les peines, les supplices e^ 
Tenfer même; de sorte qu'ils soient assurés que 
c'est par les tribulations qu'on entre dans le ciel» 
et non par la sécurité et la paix« etc. » 

Ces propositions, négatives et polémiques, trou* 
vaieni leur complémeut dans les thèses dogmati- 
ques que Luther publia presque en même temps: 

p L'homme ne peut pas naturellement vouloir 



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28 MÉMOIRES 

que Diea soit Dieu. Il aimerait mieux être Dieu 
lui-même, et que Dieu ne fût pas Dieu. 

— Il est faux que l'appétit soit libre d'aller dans 
les deux sens; il n'est pas libre, mais captif. 

— Il n'y a en la nature, par devant Dieu, rien 
que concupiscence. 

— U est faux que cette concupiscence puisse 
être réglée par la vertu de l'espérance. Car l'es* 
pérance est contraire à la charité qui cherche et 
désire seulement ce qui est de Dieu. L'espérance 
ne vient pas de nos mérites, mais de nos passions 
qui eJBacent nos mérites. 

— La meilleure , l'infaillible préparation et 
l'unique disposition à recevoir la grâce , c'est le 
choix et la prédestination arrêtés par Dieu de 
toute éternité. 

— Du côté de l'homme , rien ne précède la 
grâce, que la non-disposition à la grâce , ou plu- 
tôt la rébellion. 

r- Il est faux qu'on puisse trouver excuse dans 
une ignorance invincible. L'ignorance de Dieu, 
de soi, des bonnes œuvres, c'est la nature invin- 
cible de l'homme , etc. » 

La publication de ces thèses et le sermon en 
langue vulgaire que Luther prononça à l'appui, 
furent comme un coup de tonnerre dans l'Aile- 



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DX L17THBR. 29 

magne. Cette immolation de la liberté à la ftAce, 
de l'homme à Dieu , du fini à Tinfini, fut recon* 
nue, par le peuple allemand, commela vraie reli- 
^on nationale ,1a foi que Gottschalk avait pro- 
fessée dès le temps de Charlemagne , au berceau 
-même du christianisme allemand, la foi deTauler, 
et de tous les mystiques des Pays-Bas. Le peuple 
se Jeta avec la plus âpre avidité sur cette pâture 
religieuse dont on l'avait sevré depuis le quator- 
zième siècle. Les propositions furent imprimées 
À je ne sais combien de mille, dévorées, répan^ 
dues, colportées. Luther fut lui-même alarmé 
de son succès. « Je suis fâché , dit-il , de les voir 
tant imprimées, tant répandues; ce n'est pas là 
une bonne manière d'inspirer le peuple. Il me 
■reste moi-même quelques doutes. J'aurais mieux 
prouvé certaines choses, j'en aurais omis d'autres, 
à j'avais prévu cela.» 

. Il s^nblait alors fort disposé à laisser tout et à 
se soumettre. « Je veux obéir, disait^il; j'aimerais 
mieux obéir, que &ire des miracles, quand même 
j'aurais le don des miracles. » 

Tetzel ébranla ses résolutions pacifiques, en 
brûlant les propositions dé Luther. Les étudians 
de Wittemberg usèrent de représailles pour cel- 
les de Tetzel , et Luther en exprime quelque re- 

3. 

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80 , viNOIRES 

gret. Hais lui-mèoie fit paraître lei Râ9oluti9Uë, 
à l'appvLi des premières propositioni. < Vous Ter^ 
rez, écrit-il à on ami, mes ReêohtthnMS et responr- 
iiones. Peut-être en certains passagei les itowre^ 
rez-TOUB plus libres qu'il ne feudraH; à pliufiMPte 
raison doivent-elles paraître intoléraUes axuc flait- 
teurs de Rome. Elles étaieoit déjà publiées; autre* 
ment, j'y aurais mis quelque adouciasanaent. » 

Le bruit de cette controverse se répandit bons 
de l'Italie et parvint à Borne. On prél^id que 
LéonX crutqi^'ilueâ'agissaitquedejalousie de mé- 
tier entre les Augustins et les Domimeains, et^lU 
«iiTAit dit : « Rivalités de mwnesl Fra Luther eat 
im beau génie I • De son cèté, Lnther protetltdbt/ 
de son respect pour le pape même. Il éerivii en 
même temps deux lettres, l'une à LéonX , par ia- 
quelie il s'abandonnait à kd sans réserve , et«e 
soumettait à sa décision. « Très saint Père , disait^ 
fl en finissant , je m'offre et me jette à vos pieds, 
moi et tcmt ce qui est en moi. Bonnes la vie on la 
mart'y appelez, rappdez, approuvez, désapprour 
vez, je reconnais votre voix pour la roix dn Ghrisl 
q«i règne et parle en vous. Si j'ai mérité lamort, 
je se i»f«serai point demenisr ; car la ien» «Éjà 
plénitude de la terre sont au Sekffmnr qaa est 
béni da»s les sièdm : pmâse^l«il vous«Ui^réAef ^ 



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DE hQTHME. 81 

jiAllemeai! Amea. » ( Jour de la Trinité , 1518 ). 
L'awUre lettre était a^T^imée au TÎcyiire géaéfal 
Staa|Ht£, qu'il priait de l'enroyer au pape. Dans 
ceUerci, Luther indiquait queaa doctriae u'était 
autre qpe eelle qu'il avait reçue de Stafipiti lui- 
la^me. « Je me souviens, mon révérend Père, 
que pamà vos doux et salutaires discoi»s , d'où 
JBOO Seigneur lésus ùài découler pour moi de 
li merveiUeuses consolaiion^ , il y eut aussi men- 
tion dn «u^ .de ia pénitence : et qu'alors émus 
de pitié pour tant de eonsciences, que l'on tor<- 
ture par d^inaombrables et insupportables pres- 
criptions sur la manière de se confesser, nous 
reçûmes de vous, comme une voix du ciel, cette 
parole : Qn'U n'y a de vraie féwUence fi/te celle 
qui commence par Vamour de la justice et deOieu; 
et .que ce qu'ils 4onnent pour la fin de la péni- 
tepea «en doit être plutôt le principe. — Celte 
purf^le de vous resta en moi comme la flèehe 
lîlpift 4»* çbassesr. J'^ostû engager la lutte «vec 
^^iptores iCfui eoseifoent la pémtenee; joute 
fleÎ9«4e€bwwe> où h» paroles saintes jaiUisr 
Mfptdie toutes parts et voltigeaient autpur 4e 
BHftim saluant et applaudissant cette senteiifle. 
Autrefois il n'y avait Tien de plus amer po^r moi 
4p0 tém\& r^çarîtare^qiae cexnpt de péi^t^oee, 



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82 ifiiioiftBS 

bien que je fisse mes efforts pour dissimuler de- 
yant Dieu , et exprimer un amour de commande. 
Aujourd'hui rien , comme ce mot , ne sonne déli- 
cieusement à mon oreille. Tant les préceptes de 
Dieu deviennent suaves et doux, lorsqu'on ap-» 
prend à les lire , non dans les livres seulement , 
mais dans les blessures mêmes du doux Sauveur!» 

Ces deux lettres du 30 mai 1518 , sont datées 
d'Heidelberg, où les Augpistins tenaient alors un 
synode provincial i et où Luther s'était rendu pour 
soutenir ses doctrines et combattre à tout venant. 
Cette bmeuse université à deux pas du Rhin, et 
par conséquent sur la route la plus fréquentée 
de rAllemagne , était certainement le théâtre le 
plus éclatant où Ton pût présenter la nouvelle 
doctrine. 

Rome commençait à s^émouvoir. Le maître du 
sacré palais , le vieux dominicain Sylvestre de 
Prierio, écrivit contre le moine augustin en &- 
veur de la doctrine de saint Thomas; et s'attira 
une foudroyante réponse (fin d'août 1518). Luther 
reçut immédiatement l'ordre de comparaître à 
Rome dans soixante jours. L'empereur Maximilien 
avait inutilement demandé qu'on ne précipitât 
pas les choses, promettant dè&ire tout ce que le 
pape ordonnerait au sujet de Luther. Hais à Rome 



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DB LCTHCR. 8S 

on n'était pas sans quelque méfiance sur le zèle 
de HaKimilien. Il arrivait de lui certains mots qui 
sonnaient mal aux oreilles du pape : « Ce que 
Élit votre moine n'est pas à mépriser , avait dit 
l'empereur à Pfeffînger, conseiller de l'électeur 
de Sftse-; le jeu va commencer avec les prêtres. 
Prenez soin de kii, il pourrait arriver que nous 
en eussions besoin. » Plus d'une foisil s'était plaitit 
amèroneni des prêtres et des clercs. « Ce pape, 
disait-il en parlant de Léon X , s'est conduit avec 
moi comme un misérable. Je puis dire que je n'ai 
trouvé dans aucun pape ni sincérité ni bonne foi; 
mais j'espère bien , s'il plait à Dieu, que celui-ci 
sera le dernier. » Ces paroles étaient menaçantes. 
L'on se rappelait d'ailleurs que Maximilien, peur 
réconcilier définitivement l'Empire et le Saint- 
£i^ge, avait songé à se faire pape lui-même. Aussi 
Léon X se garda bien de lui remettre la décision 
de cette querelle, qui prenait chaque jour une 
nouvelle importance. 

Luther n'avait d'espérance que dans la protec- 
tion de l'Électeur. Ce prince , soit par intérêt pour 
sa nouvelle université , soit par goût pour la per- 
sonne de Luther, l'avait toujours protégé spécia- 
lement. Il avait voulu faire les frais de son doc- 
torat En 1K17, Lutherie remercie dans une 



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84 MBIKMKSS 

lettre de lui avoir envoyé, a Tenirée de Thiver, 
du drap pour lui faire une robe. Il se doutait 
bien aus«i que l'Électeur ne lui «avait pai maiMrrâ 
gré d'un éclat qui Caisaii tiHrt à l'arcbevéque de 
llayence ei Magdebourg , prince issu de la mai-> 
son de Brandebourg, et par conséquent ennemi 
de celle de Saxe. Enfin , et c'était un puissant mo* 
tif de se rassurer, l'Électeur avait annoncé qufîl 
ne connaissait de règle de foi que les propres 
paroles de l'Éoritore. Lutber le lui rappelle dans 
le passage suivant (37 mars 1K19) : « Le docteur 
J. 8tanpitz, mon véritable père en Christ, m'a 
rapporté que causant un jour avec votre altesse 
électorale sur ces prédicateurs qui , au lieu d^an-» 
noacer la pure parole de Bien, ne prêchent au 
peuple que de misérables arguties ou des tradi* 
tiens humaines, vous lui dites que la sainte Écri* 
tare parle avec une telle magesté et une si com» 
plète évidence, qu'elle n'a pas besoin de tous ces 
instrumensde disputes, et qu'^e forée de dire: 
« Jamais homme n'a ainsi parlé; là est le doigt 
» de Dieu; Celui-^i n'enseigne point comme les 
• scribes et les pharisiens, mais coamie ayant la 
» tottte-puissance. » 8taupitz appnmvant ces pan»- 
les, vous luidites : « BoanesHnoi donc la masn , 
et promettez-moi, je vous prie, qu'à l'avenir vous 



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«ûrrez celte tioavelle doctrine. » La contiiiiuitioti 
ittJlttreUe de ce pasMge se trouve dans une rie 
mamiictite de l'Éleoteui*, par Spalatin « Avec 
quel plaisir il écoutait let prédicationdy et lirait 
la parole de Bleu, sartont les érangélistes dont 
il a^ait sans cesse à la bettche de belles et conso- 
lantes sentences I Mais celle qu'il répétait sans 
cesse i c'était cette parole de Christ saint Jean : 
SofM moi f>&uê ne poueen rien. Il se serrait de 
cette parole pour combattre ^a doctrine du libre 
arbitre, ayant même qu'Érasme de Rotterdam 
eût osé soutenir dans plusieurs écrits contre la 
parole de Dieu cette misérable liberté. Il me di^ 
sait souvent, comment pouTOn»-nous avoir le libre 
arbitre, puisque Christ lui-même a dit : Sans moi 
TOusne pouvez rien^ Sine menikilpoteetie faeere, » 

Toutefois on se tromperait si l'on croyait, d'a- 
près ceci, que Staupitz et son disciple ne furent 
qvie l'instrument de l'Électeur. La Réforme de 
Luther fut évidemment spontanée. Le prince , 
comme nous le verrons ailleurs, s'effinaya plutôt 
de l'audace de Luiher* Il aima , il embrassa la Ré- 
forme, il en profita; jamais il ne l'eât com- 
mencée. 

Luther écrit le 1& février 1818 à son prudent 
ami,. Spalatin, le chapelain, le secrétaire et le 



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36 niiiouLBS : 

confident de Félecteur : « Voilà ces criaiUeura 
qui vont disant, à mon grand chagrin , que tout 
ceci est l'ouvrage de notre très illustre Prince; à 
les en crwre , c'est lui qui me pousserait pmir 
faire dépit à rarchevécpie de Magdebourg et de 
Mayence. Examinez, je vous prie, s'il est à pro- 
pos d'en averUr le Prince. Je suis vrfiâment dé- 
solé de voir son altesse soupçonnée à- caiJ^se de 
moi. Devenir uae cause de discorde entre de » 
grands princes, il y a de quoi trembler et fré- 
mir. » Il tient le même langage à rÉlectpur lui- 
même dans sa relation de la conféreace d'Augs- 
bourg (novembre). 

21 mars, à J. Lange ( depuis archevêque de 
Saltzbourg) : « Notre Prince nous a» pris soua sa 
sa protection , moi et Garlostadt, et cela sans en 
avdir été prié. Il ne souffrira pas qu'ils me traî- 
nent à Rome. Ils le savent ,• et c'est leur oha^grin. » 
Ceci ferait croire. cpi'alors Lutiier avait reçu de 
l'Électeur des assurances positives. Cependant, 
le âl août 1618/ dans une lettre plus-^ confiden- 
tielle, à Spalatin , il dit : « Je ne vois pas encore 
comment éviter les censurer dont je suis menacé , 
si le Prince ne vient à mon secours. £t pourtant , 
j'aimerais mieux toutes les censures du monde 
plutôt que de voir son altesse blâmée à cause de 



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i>B t0T&Ba. 37 

moi.o Voici ce qui a paru le mieux à nos doctes 
et prudens amis , c'est que je demande au Prince 
on sauf-conduit {sahum, ut voeant, conductum 
per 8uum dominium ). Il me le refusera , j'en suis 
sûr , et j'aurai , disent-ils , une bonne excuse pour 
ne pas comparaître à Rome. Veuillez donc fidre 
en sorte d'obtenir de notre très illustre Prince 
un rescript portant qu'il me refuse le sauf-con<^ 
duit , et m'abandonne, si je me mets en route» à 
mes risques et périls. En cela vous me rendrez 
un important service. Mais il feut que la chose se 
£Eisse promptement; le temps presse , le jour fixé 
approche. ■ 

Luther eûtpu s'épargner cette lettre. Le prince, 
«ans l'en avertir, le protégeait activement. Il avait 
obtenu que Luther serait examiné par un légat 
en Allemagne, dans la ville libre d'Augsbourg ; 
et à ce moment il était de sa personne à Augs-^ 
bourg,, où sans doute il s'entendait avec les ma-» 
gistratspour garantir là sûreté de Luther dans 
cette dangereuse entrevue. C'est sans doute à 
cette providence invisible de Luther qu'oii doit 
attribuer les soins inquiets de ces magistrats, pour 
le préserver des embûches que pouvaient lui 
dresser les Italiens. Pour lui , il allait droit devant 
lui dans son courage et sa simplicité , sans bien 
% 

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38 KiHOI&B8 

saToir œ qae le prince ferait ou ne ferait pas, en 
•a faveur (2 sept.). 

« Je l'ai dit, et, je le répète , je ne veux pas 
que dans cette affaire notre Prince , qui est inno- 
cent de tout cela , fasse la moindre chose pour 
défendre mes propositions... Qu'il tienne la main 
à ce que je ne sois exposé à aucune violence , s'il 
peut le &ire sans compromettre ses intérêts. S'il 
ne le peut , j'accepte mon péril tout entier. > 

Le lé|;at , Gaietano de Yio , était certainement 
un juge peu suspect. Il avait écrit lui-même qu'il 
était permis d'interpréter l'Écriture , sans suivre 
le torrent des Pères {conirà torrentem SS. P«- 
tr»9i). Ces hardiesses l'avaient rendu quelque 
peu suspect d'hérésie. Homme du pape dans cette 
affiiire que le pape le chargeait d'arranger , il 
prit la chose en politique , n'attaqua dans la doc- 
trine de Luther que ce qui ébranlait la domina- 
tion politique et fiscale de la ceur de Rome. Il 
s'en tint à la question pratique du tréior de$ îmdul-' 
genceê, sans remonter au principe spéculatif de 
la grâce. 

« Lorsque je fus cité à Augsbourg, j'y vins et 
comparus , mais avec une forte garde et sous la 
garantie de l'électeur de Saxe, Frédéric, qui 
m'avait adressé à ceux d'Augsbourg et m'avait re" 



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ccMUmandé à eux. Ils eurent grande attention à 
moi, et m'avertirent de ne point aller avec les 
Ttalieii8 f de ne £atre auenne société avec enx , de 
me point me fier à eux , car je ne savaisi pas, di- 
saient-ils, ce que c'était qu'on Welohe. P^idant 
trois jours entiers , je fus à Augsbourg sans sauf- 
oonduît d« l'Empereur. Dans cet intervalle, un 
Ittdœn venait souvent m'invîter à aller cbez le car- 
dinal. U ÛDsiatait sans se décourager. Tu dois te 
rétracter , disait-il ; tu n'as qu'un mot à dire : #v- 
Meo, Le cardinal te recommandera au pape, 
et tu retourneras avec honneur auprès de ton 
prince. » 

Il lui citait entre autres exemples, celui du fi^ 
meux Joachim de Flores, qui, s'étant soumis, 
n'avait pas été hérétique, quoiqu'il eût avancé 
des propositions hérétiques. 

« Au bout de trois jours, arriva l'évêque de^ 
Trente, qui montra au cardinal le sauf-conduit 
de l'empereur. Alors j'aUai le trouver entoutç 
humilité. Je tombai d'abord à genoux , puis je 
m'abaissai jusqu'à terre et je restai à ses pieds. 
Je ne me relevai que quand il me l'eut ordonné 
troi» fois. Gela lui plut fort, et il espéra que je 
prendms une meilleure pensée. 

»• Lorsque je revins le lendemain et que je re- 



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40 MiiioiiiBs 

fusai absolument de rien rétracter > il me dit : 
Penses-ta qae le pape s'embarrasse beaucoup de 
rAllemagne? Crois-tu que les .princes te défen- 
dront avec des armes et des gens de guerre ? Oh ! 
non î Où veux-tu rester ?... — Sous le ciel , ré- 
pondis^je. 

» Plus tard le pape baissa le ton et écrivit à 
rÉglise , même à maître Spalatin, età Pfeifinger,. 
afin qu'ils me fissent livrer à lui , et insistassent 
pour l'exécution de son décret. 

» Cependant mes petits livres et mes Résolu^ 
tioneê allèrent , ou plutôt volèrent en peu de 
jours par toute l'Europe. Ainsi , l'électeur de Saxe 
fut confirmé et fortifié; il ne voulut point exécu- 
ter les ordres du pape et se soumit à la connais- 
sance de l'Écriture. 

» Si le cardinal eût agi à mon égard avec plus 
de raison et de discrétion , s'il m'eût reçu lors- 
que je tombai à ses pieds , les choses n'en seraient 
jamais venues où elles sont. Car, dans ce temps, je 
ne voyais encore que bien peu les erreurs du pape ; 
s'il s'était tu , je me serais tu aisément. C'était 
alors le style et l'usage de la cour de Rome, que 
le pape dît dans les affaires obscures et embrouil- 
lées : Nous rappelons la chose à nous, en vertu 
de notre puissance papale , annulons le tout et le 



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raettons à néant. Alors il ne restait plus aux deux 
parties qu'à pleurer. Je tiens que le pape donne- 
rait trois cardinaux pour que la chose fût encore 
dans le sac. > 

Ajoutons quelques détails tirés d'une lettre 
qu'écrivit Luther à Spalatin ( c'est-à-dire à l'É- 
lecteur) lorsqu'il était à Augsbourg, et pendant 
les conférences (14 octobre) : «Voilà quatrejours 
cpie le légat confère avec moi, disons mieux, 

contre moi Il refuse de disputer en public 

ou même en particulier, répétant sans cesse: 
Rétracte-toi, reconnais ton erreur, que tu le 
croies ou non; la pape le veut ainsi... Enfin on a 
obtenu de lui que je pourrais m'expliquer par 
écrit, et je l'ai &it en présence du seigneur de 
Feilitsch, représentant de l'Électeur. Alors le 
légat n'a plus voulu de ce que j'avais écrit, il s'est 
remis à crier rétractation. Il s*est allé chercher je 
ne sais quel long discours dans les romans de 
saint Thomas , croyant alors m'avoir vaincu et ré- 
duit au silence. Dix fois je voulus parler, autant 
de fois il m'arrêtait, il tonnait, il régnait tyran- 
niquement dans la dispute. 

> Je me mis enfin à crier à mon tour : Si vous 
pouvez me montrer que votre décret de Clé- 
ment VI dit expressément que les mérites du 

8. 

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43^ iiéiioiiiB» 

CihnU êonè le ixéMor Am indulgenceé, je me ré- 
tracte. — Dieu sait alors comme ils ont tous éclaté 
de rire. Lui il a arraché le livre et Va £BuiUeté 
hors d'haleine {fervens et anhelans) jusqu'à l'en- 
droit où il est écvit, que Christ par sa Passion a 
acquit les trésors , eto* Je l'arr^aîs sur ce mot 
a acqu$9„. — Après le diner, il fit Tenir le révé- 
rend père Staupitz» et par ses etresses l'engagea 
de m'amener à une rétractation , ajoiitanit que je 
trouTerai» diiScilemenl quelqu'un qui meicoiilât 
plus de bien que lui^<4nénie. » 

Les disputans suivaient une méthode difié- 
reç^; la coneiliatioa était impossible* Les anus 
de Luher craignaient ua guet^-p€»a de la part 
des Italiens. Il quitta Augshourg- en laissiaiit un 
appelaupape mieux informé, et il adressa unetoa- 
gne relation de la oonférence à l'Slecteur. Nous 
y apprenons que dans la discusnon, il avmt ap- 
puyé ses opiniOBi relatives à l'autorité du piq>e, 
sur le condleda B&le^ surTunivcrsitéde Paria et. 
sur Gcerson. U prie rÉiectmir de ne point le livrer 
au pape : « Veuille votre très illustre Altesse fiare 
ce qui est de- son honneur , de sa cons^^ice , et 
ne pas m'envoyer au pape. Lliomme (il parle 
du légat ) n'a certainement pas dans ses instrac* 
ttons une garantie pour ma sûreté à Rome. Paiv 



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ler en ce seiia à yetre très|iUttftre AUease, ee ae« 
rak lui dire de livrer le sang chrétien , de de- 
Tenir homicide. A Rome ! le pape lui-même n'y 
wt pas en sûreté. Ils ont là-bas tmei de papier 
et d'enere ; ils ont des notaires et des scribes sana 
nombre. Us peuvent aisément écrire en quoi j'ai 
erré-UenooÂteramoinsd'argentpour m'instruîre 
absent par écrit, que pour me perdre présent par 
trahison. » 

Ces craintes étaient fondées. La cour de Rome 
allait s'adresser directemrntà l'électeur de Saxe, 
n Ici fSaJlait Luther à tout prix. Le légat s'était 
déjà plcdnt amèrement à Frédéric de l'audace de 
Luther , le supjdiant de le renvoyer à Augsbourg 
ou de le chasser » s'il ne voulait souiller sa gloire 
et celle de ses ancêtres en protégeant ce misera*^ 
hle moine. « J'ai ^pris hier de Nuremberg, que 
Charles de Miltitz est en route ; qu'il a trois breb 
du pape ( au dire d'un témoin oculaire et digne 
de foî:)>pour me prendre au corp^et me livrecau 
pontifie. Maisj'en. ai appelé au futur concile. » Il 
étaitnécessaire qu'il se hâtât de récuser le pape , 
car y comme le légat l'avait écrit à Frédéric, Lu- 
ther était déjà condamné à Rome. Il fit cettenou- 
leUe protestation' en observant toutes les formes 
ji^ridiqi^es) déclara qu'il'se soumettrait volonti^n 



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44 MÉMOIBBS 

au jugement du pape bien inforfbé ; mais que le 
pape pouvant faillir, comme saint Pierre lui-même 
a fiiilli yilen appelait au concile général, supé- 
rieur au pape, de tout ce que le pape décréterait 
contre lui. Cependant il craignait quelque vio- 
lence subite ; on pouvait Fenlever de Wittemberg. 
«L'on t'a trompé, écrit -il à Spalatin, je n'ai 
point âdt mes adieux au peuple de Wittemberg; 
il est vrai que j'ai parlé à peu près comme il suit: 
Vous le savex tous, je suis un prédicateur variable 
et peu fixe. Combien de fois ne vous ai-je pas 
quittés sans vous saluer! Si la même chose arri- 
vait encore et que je ne dussepoint revenir , pre- 
nez que je vous ai fait mes adieux d'avance. « 

(2 décembre. ) « On me conseille de deman- 
der au prince qu'il m'ei^erme, comme prison- 
nier, dans quelque château y et qu'il écrive au 
légat qu'il me tient en lieu sûr, où je serai forcé 
de répondre. » 

« Il est hors de doute que le prince et l'uni- 
versité sont pour moi. L'on me rapporte une con- 
versation tenue sur mon compte à la cour de 
l'évêque de Brandebourg. Quelqu'un dit : Érasme, 
Fabricius et autres doctes personnages le souti^i- 
nent. Le pape ne s'en soucierait guère, répondit 
révéque, si Tuniversité de Wittemberg et l'Élee-t. 



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DB ivTnm. 45 

tearn'étaientaiiasi de son côté. > Cependant Luther 
passa dans de yiyes craintes la fin de cette année 
1518. Il songeait à quitter rAllemagne. « Pour 
n'atlirer aucun danger sur votre Altesse, yoici que 
j'abandonne tos terres; j'irai ou me conduira la 
miséricorde de Dieu , me confiant à tout événe- 
ment dans sa divine volonté. C'est pourquoi je 
nlae respectueusement votre Altesse ; chez quel- 
que peuple que j'aille Je conserverai une étemelle 
reconnaissance de vos bienfaits. » (19 novembre.) 
La Saxe pouvait en efiet lui paraître alors une 
retraite peu sûre. Le pape cherchait à gagner 
l'Électeur. Charles de Miltitz fut chargé de lui of- 
frir la rose d'or, haute distinction que la cour de 
Rome n'accordait guère qu'à des rois, comme 
récompense de leur piété filiale envers l'Église. 
C'était pour rÉlecteur une épreuve difiicile. Il 
&llait s'expliquer nettement , et peut-être attirer 
sur soi un grand péril. Cette hésitation de l'Élec- 
teur parait dans une lettre de Luther. « Le prince 
m'a toutrà-£ût détourné de publier les Actes de 
la conférence d'Augsbourg , puis il me l'a permis, 
et on les imprime... Danssoninquiétude pour moi , 
il aimerait mieux que je fusse partout ailleurs. Il 
m'a£dtveniràLichtenberg , où j'ai conféré long- 
temp8aveoSpalatinsur€esujet.Silescen8uresvienr 



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^6 uteoius 

lient, aiwjedit, je ne resterai point. Il m'a pour^ 
tant dit de ne pas tant me hâter de partir pour Ui 
France. > 

Ceci était écrit le là décembre. Le 20, Lutiber 
était rassuré. L'Électeur avait répondu , areo une 
froideur toute diplomatique, qu'il se reconnais* 
sait pour fils très obéissant de la très^ sainte mère 
Église, qu'il professait un grand respeetpoor la 
sainteté pontificale , mais demandait qu'on fît 
examiner l'aiaire par des juges non suspects^ C'é* 
tait un moyen de la faire traîner en longueur^ peor 
dant ce temps il pouvait survenir tel incident qui 
diminuerait, qui sgournerait le danger. C'était 
tout de gagner du temps. £n effet, au mois de jan- 
vier 1519 , l'Empereur mourut, l'interrègne corn* 
mença, et Frédéric se trouva, par le choix de 
Haximilien, vicaire de l'Empire dans la vacance. 

Le i mars 1519, Luther rassuré écrivit au pape 
une lettre altière, sous forme respeetueuse. « Jo 
ne puis supporter, très saint Père,]e poidftde votre 
courroux; mais je ne sais comment m'y soustraire. 
Grâce aux résistances et aux attaques de me& en- 
nemis, mes paroles se sont répandues plus que ja. 
n'ei^rais, et elles ont descendu trop prirfoadé* 
ment dans les cœurs pour que je puisse les rétrao* 
ter. L'Allemagne fleurit de«os jours en érudition. 



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en raison , en génie. Si je renx honoreT Rom« 
par^derant elle, je dois me garder de rien révo- 
ïpicr. Ce serait souiller encore plus Véglise ro* 
nnine, la lirrer aux accusations, au mépris des 
hommes. 

« Geux-^à ontfidtinjure et déshonneur à l'église 
romaine en Allemagne, qui , abusant du nom de 
fotre Sainteté, n'ont serri par leurs absurdes pré^ 
dications qu'une infâme avarice, et qui ont souOlé 
les choses saintes de l'abomination et de l'oppro^ 
bre d'Egypte* Et comme si ce n'était assez de tant 
àe maux, moi qui ai youlu combattre cesmonstres^ 
c'est moi qu'ils accusent. 

» maintenant, très saint Père, j'en atteste Dieu 
et les hommes, je n'ai jamais roulu, je ne veux 
pas davantage aujourd'hui toucher à l'église ro^ 
naine ni à votre sainte autorité. Je reconnais 
pleinement que cette église est au^essus de tout, 
qu'on ne lui peut rien préférer , de ce qui est au 
eiel et sur la terre, si ce n'est Jésus«Ghrist, notre 
leigneur. « 

Luther avait dès-lors pris son parti. Déjà un 
mois ou deux auparavant il avait écrit : < Le pape 
n'a pas voulu souffrir un juge , et moi je n'ai pas 
voulu du jugement du pape. Usera donc le texte, 
et moi la glose. » Ailleurs il dit à Spalatin 



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48. viKOl&BS 

(13 mars): « Je suis en travail poar l'épître de 
saint PaulauxGalates. J'ai en pensée nnsermon sur 
la Passion; outre mes leçons ordinaires J'enseigne 
le soir les petits enfants, et je leur explique Forai- 
son dominicale. Cependant Je retourne les décrë* 
taies pour manouvelle dispute, et j'y trouve Christ 
tellement altéré et crucifié, que je ne sais trop (je 
vous le dis à l'oreille) si le pape n'est pasl'Antichrist 
lui-même , ou l'apôtre de l'Antichrist. > 

Quels que fussent les progrès de Luther dans la 
violence, le pape avait désormais peu de chance 
d'arracher à un prince puissant , à qui la plupart 
des électeurs déféraient l'empire, son théologien 
fieivori. Miltitz changea de ton. Il déclara que le pape 
voudrait hien encore se contenter d'une rétracta-* 
tion. Il vit familièrement Luther. Il le flatta , il lui 
avoua qu'il avait enlevé le monde à soi, et l'avait 
soustrait au pape. Il assurait que dans sa route, il 
avait à peine trouvé sur cinq hommes , deux ou 
trois partisans de la papauté. Il voulait lui per- 
suader d'aller s'expliquer devant l'archevêque de 
Trêves. Il ne justifiait pas autrement qu'il lut auto- 
risé à faire cette proposition ni par le pape, ni 
par l'archevêque. Le conseil était suspect. Luther 
savait qu'il avait été hrûlé en e£Ggie à Rome [pa • 
pyracmts Martinus in campo Florœ pubiicè com^ 



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DB I.UTHBE. 49 

bÊUinê, eûpeefùi%9, devoêuê]. Il répondit durement 
àMiltitz, et l'avertit qu'on de ses envoyés avait 
inspiré de tels soupçons à Wittemberg, qu'on avait 
billi le fjBdre sauter dans l'Elbe. « Si, conune voua 
le dites, vous êtes obligé, par mon refus, devenir 
vou»-mème,I>ieuvousaccordeunheureuxvoyage! 
loi, je suis fort occupé; je n'ai ni le temps, nr 
l'argent nécessaire pour me promener ainsi. Adieu,, 
homme excellent. » [17 mai.] 

A l'arrivée deMiltitz en Allemagne, Luther avait 
dit qu'il se tairait, pourvu que ses adversaires se 
tassent aussi. Ils le dégagèrent de sa parole. Le 
docteur £ck le défia solennellement de venir dis- 
puter avec lui à Leipzig. Les facultés de Paris, de* 
Louvain, de Cologne, condanmèrent ses propo- 
rtions. 

. Pour se rendre décemment à Leipzig , Lutber 
bt obligé de demander uae robe au parcimonieux 
Électeur , qui, depuis deux ou trois ans, avait ou- 
Uié de l'habiller. La lettre est curieuse : 

« Je prie votre Grâce électorale de vouloir bien 
m'acheter une chape blanche et une chsqpe noire. 
La blanche, je la demande humblement. Pour la 
noire, TOtre altesse me la doit; car il y a deux ou 
trois ans qu'elle me l'a promise, et Pfeffinger 
délie si difficilement les cordons de sa bourse , qu* 

4 

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50 nfaioiRis 

j'ai été obligé de m'en procurer une moi-méme. 
Je prie haiid)lement votre Altesse, quia pensé 
qpie le PêaïUier méritait une chape noire , de Toa*« 
loir bien ne pas juger le saitti Paul indigne d'une 
cbape blanche. » 

Luther était alors si complètement rassuré^ 
que non content d'aller se défendre à Leipzig , il 
prit l'offensiye à Wittemberg. « Il osa ^ dit son bio^ 
graphe catholique, Cochlaeus,il osa^ avecl'aulo*- 
risation du prince qui le protégeait, citer solen-^ 
nellement les inquinteurs les plus habiles, ceux 
qui se croiraient capables d'avaler le fer et de 
fendre le caillou, pour qu'ils vinssent disputer- 
avec lui ; on leur offrait le sau^conduit du prince, 
qui de plus se chargeait de les héberger et de les 
défrayer. » 

Cependant, le principal adversaire de Luther « 
le docteur £ck, s'était rendu à Rome pour soUi*» 
citer sa condamnation. Luther était jugé d'avance. 
Il ne lui restait qu'à juger son juge, à condamner 
Itti-^néme l'autorité par-^ievant le peuple. C'est ce 
qu^il fit dans son terrible livre de la Captivité de: 
Babylone. Il avançait que l'Église était captive, 
que Jésu»^Christ, constamment prolané dans i'i-' 
dolatrie de la messe » méconnu dans le dogme de 
la transsubstantiation, se trouvait prisonnier da. 
pape. 

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09 ];.IJTHBa. SI 

n explique dans la pré£sice, avec tme auda* 
cîeiue franchise» comment il s'est trouvé poussé 
de proche eu proche par ses adversaires : t Que 
je le veuille ou non Je deviens chaque jour plus 
habile, poussé comme je suis, et tenu en haleine 
par tant de maîtres à la fois. J'ai écrit sur les in-» 
dulgences, il y a deux ans, mais d'une £açon qui 
me £ât regretter vivement d'avoir donné mes 
feuilles au public. J'étais encore prodigieusement 
engoué à cette époque de la puissance papale; je 
n'osai rejeter les indulgences entièrement. Je les 
yoyaîs d'ailleurs approuvées par tant de person* 
œs; moi , j'étais seul à rouler ce rocher {hoc vol" 
ver0 êaxum). Mais depuis, grâce à Silvestre et 
autres frères qui les défendirent vaillamment, 
j'ai compris que ce n'était rien autre chose que 
des impostures inventées par les flatteurs de Rome, 
pour &îre perdre la foi aux hommes et s'emparer 
de leur bourse. Plaise à Dieu que je puisse porter 
les libraires et tous ceux qui ont lu mes écrits sur 
les indulgences à les brûler sans en laisser trace, 
•n mettant à la place de tout ce que j'ai dit , cette 
inique proposition : Les indulgences sont des bit" 
hveêéeê inventées par les flagorneurs de Rome. 

B Après cela , Eck , Emser et leur bande vinrent 
«l'eftlteprendre sur ht question de la suprématie 



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52 HiHOiast 

du pape. Je dois reconnsdtre , pour ne pas me 
montrer ingrat envers ces doctes personnages, 
que la peine qu'ils se sont donnée n'a pas été per- 
due pour mon avancement. Auparavant, je niais 
que la papauté fût dé droit divin, mais j'accordais 
encore qu'elle était de droit humain. Après avoir 
entendu et lu les subtilités ultrà-subtiles sur les- 
quelles ces pauvres gens fondent les droits de leur 
idole, j'ai fini par mieux comprendre, et je me 
suifl trouvé convaincu que le règne du pape est 
celui de Babylone et de Nemrod, le fort chasseur. 
C'est pourquoi je prie instamment les libraires et 
les lecteurs (pour que" rien ne manque au suc- 
cès de mes bons amis), de brûler également ce 
que j'ai écrit jusqu'ici sur ce point, et de s'en 
tenir à cette proposition : Le pape est le fort chas- 
seur, le Nemrod de Vépiscopat romain,» 

En même temps, pour qu'on sût bien qu'il s'at- 
taquait à la papauté plus qu'au pape, il écrivit 
dansles deux langues une longue lettre à Léon X, 
où il s'excusait de lui en vouloir personnellement. 
« Au milieu des monstres de ce siècle , contre les- 
quels je combats depuis trois ans , il faut bien 
qu'une fois pourtant, très honorable Père, je me 
souvienne de toi. Ta renommée tant célébrée des 
gens de lettres, ta vie irréprochable te mettrait 



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DS LtTBlR. 53 

aa-dearas de toate attaque. Je ne luis pas n lot 
qfuede m'en prendre à toi, lorsqu'il n'est per- 
sonne qui ne te loue. Je t'ai appelé un Daniel dans 
Babylone, j'ai protesté de ton innocence... Oui, 
cher Léon, tu me fais l'effet de Daniel dans la fosse 
d'Ézéchiel parmi les scorpions. Que pourrais-tu , 
•eul contre ces monstres? Ajoutons encore trois 
ou quatre cardinaux savans et vertueux. Vous se^. 
riez empoisonnés in£aiilliblement si vous osiee en* 
treprendre de remédier à tant de maux... Cen est 
&it de la cour de Rome. La colère de Dieu est ve-^ 
nue pour elle à son terme ; elle hait les. conciles^ 
elle a horreur de toute réforme. Elle remplit l'é- 
loge de sa mère , dont il est dit : Nous avons soigné 
Babylone; elle n'est pas guérie, laissons Babylone. 
infortuné Léon, qui sièges sur ce trône maudit! 
Moi je te dis la vérité parce que je te veux du bien. 
Si saint Bernard avait pitié de son pape Eugène, 
quelles seront nos plaintes , lorsque la! corruption 
a augmenté trois cents ans de plus... Oui, tu me 
remerci^'ais de ton salut étemel , si je venais à 
hout debriser ce cachot, cetenfer, où tu te trouves 
retenu.» 

lorsque la bulle de^ condamnation arriva en 
Allemagne, elle trouva tout un peuple soulevé. A 
Erfmrth, les étudians l'arrachèrent aux libraires, 

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M KJMOUIBS 

la làirea/t ea pièces et la jelèreDt à l'ean en &1- 
«Mit oette mauTaise j^otnte : « Bulle elle est, di- 
saient'-ils» comme bulle d'eau elle doit nager. » 
jLuther écrivit à rkistaiit: Contre Im huile esécron 
hkde r^nficAm^. Le 10 décembre 15â0,ilkbrùla 
aux portes de la ville» et le même jour il écrivît 
à Spalatin, sou intermédiaire ordinaire auprès de 
rËlecteur. • Aujourd'hui 10 décembre de FamiFéQ 
l^âO , la neuvième heure du jour, ont été brûiés 
à Wittemberg, à la porte de l'Est, près la sainte 
crofaL, tous les livres du pape, le Décret , les Bé^ 
crétaleH, VExtravagataB do Clément YI; la à&S" 
nière bulle de LéonX, la Somme angélique , la 
Chrysoprasus d'Eck et quelqpaes autres ouvrleiges 
d'Ëck et d'Ëmser. Yoilà des choses nouvelles ! » 
Il dit dans Pacte même qu'il fit dresser à ce sujet : 
« Si quelqu'un me demande pourquoi j'en agis 
ainsi , je lui répondrai que c'est une vieille cou^- 
tume de brûler les mauvais livres. Les apôtres en 
ont brûlé pour cinq miUe deniers. » 

Scion la tradition , il aurait dit, en jetant dans 
les-flammes le livre des Décrétales : « Tu as affligé 
le saint du Seigneur, que le feu éternel t'«ffli|pa 
toi«méme et te consume. » 

C'était bien là, en effet, des choses i«mv«lles, 
comme le disait Lulûier. Jusqu'alors la plnpâsart 



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DB LUTHEK. 65 

des aectes et des hérésies s'étaient formées dans 
Fotdbre^ et se seraient tenues heureuses d'être 
ignorées; mais yoici qu'un moine traite d'égal à 
égal avec le pape , et se constitue le juge du chef 
èe l'Église. La chaîne de la tradition vient d'être 
TOtnpûe, l'unité hrisée, Isirobe sans couture déchi- 
rée. Qu'oui ne croie pas que Luther lui-même, arec 
toute sa violence , ait franchi sans douleur ce der- 
mer pas. C'étsiit d'un coup arracher de son cœiir 
txmi un passé vénérahle dans lequel on avait été 
nourri. Il croyait, il est vrai , garder pour soil'É- 
eriture. Mais enfin c'était l'Écriture autrement in- 
lerprétée qu'on ne disait depuis mille Sins. Ses 
ennesnis ont dit 'souvent tout cela; aucun d'eux 
plus éloquemment que lui. 

* Sam doute, écrit-il à Éi*asme au commence- 
ment de son triste livre De serve arbUrio , sans 
dhmte , tu te sens quelque peu arrêté en présence 
d'une suite si nombreuse d'érudits, devant le con- 
sentement de tant de siècles où brillèrekit des 
hommes si hahile« dans les lettres sacrées, où pa- 
reront de si grands martyrs, glorifiés par de nom- 
bnûrut miracles. Ajoute encore les théologiens 
plfiB réôens, tant d'académies, decOnciles,d'évê- 
ques, de pontifes. De ce côté se trouvent Térudi- 
tion, te génie, le nombre, la grandeur, la hau^ 



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56 MéMOIEES 

teur, la foroe, la sainteté, les miracles, et que n'y 
a-t-il pas ? Du mien , Wiclef et Laurent YaHâ ( et 
aussi Augustin, quoique tu l'oublies)^ puis Luther, 
un pauvre homme/ né d'hier, seul avec quelques 
amis qui n'ont ni tant d'érudition, ni tant de gé* 
nie , ni le nombre , ni la grandeur, ni la sainteté, 
ni les miracles. A eux tous, ils ne pourraient gué- 
rir un cheval boiteux... Et alia quœ tu plurifna 
fanda enumerare vales. Que sommes-nous , nous 
autres? Ce que le loup disait de Philomèle : Tu 
n'es qu'une voix; Vox est^prœtereàque nihU... 

> Je l'avoue , mon cher Érasme , c'est avec rai- 
son que tu hésites devant toutes ces choses; moi 

aussi, il y a dix ans, j'ai hésité Pouvais-je 

croire que cette Troie, qui depuis si long-temps 
avait victorieusement résisté à tant d'assauts , pût 
tomber un jour ? J'en atteste Dieu dans mon âme, 
j'eusse persévéré dans ma crainte, j'hésiterais en- 
core aujourd'hui , si ma conscience , si la vérité , 
ne m'avaient contraint de parler , je n'ai pas, tu 
le penses bien , un cœur de roche; et quand je 
l'aurais, battu par tant de flots et d'orages, il se 
serait brisé , ce cœur, lorsque toute cette autorité 
venait fondre sur ma tête , comme un déluge prêt 
à m'accabler. » 

Il dit ailleurs : «... J'ai appris par la sainte Écri- 



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BB LlTTHÉa. 57 

ture que c'est chose pleine de péril et de terreur 
d'élerer la Toix dans l'église de Bien, de parler au 
milieu de ceux que tous aurez pour juges, lors- 
qu'arrlyés au dernier jour du jugement , vous 
TOUS trouyerez sous le regard de Dieu, sous l'œil 
des anges, toute créature voyant, écoutant, et 
dressant l'oreille au Verbe divin. Certes , quand 
j'y songe, je ne désirerais rien plus que le si- 
lence, et l'éponge pour mes écrits... Avoir à ren- 
dre compte à Bien de toute parole oiseuse, cela 
est dur, cela est efiBroyable! (1)> 

(27 mars 1519) < J'étais seul , et jeté dans cette 
tSÈalre sans prévoyance ; j'accordais au pape 
beaucoup d'articles essentiels, qu'étais-je, pauvre 
misérable moine, pour tenir contre la migesté du 
pape, devant lequel les rois de la terre (que di»-je? 



(i) n est carieuX de rapprocher de ce9 paroles de 
Luther le passage si différent des Confessions de Rous- 
•ean : 

c Que la trompetle du jugement dernier sonne quand 
elle voudra^ je viendrai , ce livre â la main , me présen- . 
ter devantle souverain juge. Je dirai hautement: Voilà 

ce que j'ai fait, ce que j'ai pensé, ce que je fus 

Et pai5,qu*an muI dise, tHlTose : JefusnuilUurquÊ ch 



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£8 . mAkoirbs 

la terre même, l'enfer et le ciel) tremblaient ?«.« Ce 
que j'ai souffert la première et la seconde amiée ; 
dans quel abattement, non pas feint et supposé, 
mais bien véritable^ ou plutôt dans queldéses" 
poir je me trouvais, ah ! ils ne le savent point ces 
esprits confians qui, depuis, ont attaqué le pape 
avec tant de fierté et de présomption... Ne pouvant 
trouver de lumière auprès des maîtres morts ou 
muets (je parle des livres des théologiens et des je* 
suites), je souhaitai de consulter le conseil vivant 
des églises de Dieu, afin que, s'il existait des gens 
pieux qu'éclairât le Saint-Esprit, ils prissent corn'» 
passion de moi , et voulussent bien donner un avis 
bon et sûr, pour mon bien et pour celui de toute 
la chrétienté. Mais il était impossible que je les 
reconnusse. Je ne regardais que le pape, les car-» 
finaux, évêques, théologiens, canonistes, moines, 
prêtres; c'est de là que j'attendais l'esprit. Car je 
m'étais si avidement abreuvé et repu de leur doc-.- 
tripe , que je ne sentais plus si je veillais ou si je 
dormais... Si j'avgis alors bravé le pape, comme 
je le fais aujourd'hui, je me serais imaginé que la 
terre se fût , à l'heure même , ouverte pour m'eiH 
gloutir vivant, ainsi que Coré et Abiron... Lors- 
que j'entendais le nom de l'Église, jç frémissais 
p\, offrais de céder. En 1518, je dis au cardinal 



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DB UnKÏÏK. 59 

Cdètaao à Augsbourg, que je roulais donnais 
me laire; seulement je le priais ^ eu toute hu- 
milité , d'impolier même silence à mes adversai- 
res , et d'arrêter leurs clameurs. Loin de me l'ac- 
corder, il me menaça , si je ne me rétractais , de 
condamner tout ce que j'avais enseigné. J'avais 
déjà donné le Gatécliisme, par lequel beaucoup 
de gens s'étaient améliorés; je ne devais pas 
souffrir qu'il fût condamné.... 

» Je fus ainsi forcé de tenter ce que je rcgar** 
dais comme ledernier des maux... Mais je ne songe 
pas pour cette fois à compter mon histoire Je veux 
seulement confesser ma sottise t mon ignorance 
et ma faiblesse. Je veux faire trembler , par mon 
exemple , ces présomptueux criailleurs ou écri- 
▼ailleurs, qui n'ont point portéla croix, ni connu 
les tantations de Satan... » 

Contre la tradition du moyen-âge, contre Pau- 
torité de l'Église, Luther cherchait un refuge dans 
l'Écriture, antérieure à la tradition, supérieure à 
l'Église elle-même. Il traduisait les psaumes , il 
écrivait seapostilles des évangiles et des épitres. 
A nulle autre époque de sa vie , il n^appracha plus 
près du mysticisme. Il se fondait alors sur saint 
Jean, non moins que sur saint Paul, et semblait 
prêt à parcourir tous les degrés de la doctrine de 



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60 whioi&BS 

Vamour, tans s'effrayer des conséquences f unestea 
qui eu découlaient pour la liberté et la moralité 
de l'homme. Il y a, dit-il , dans son livre de la lâ ^ 
berté chrétienne, il y a deuxhommesdansl'homme. 
L'homme intérieur, l'âme , l'homme extérieur, le 
corps; aucun rapport entre eux. Gomme les œu-. 
vres viennent de l'homme extérieur, leurs effets 
ne peuvent affecter l'âme ; que le corps hante. des. 
lieux profanes, qu'il mange, boive, qu'il ne prie 
point de bouche et néglige tout ce que font les 
hypocrites, l'âme n'en souffrira pas. Par la foi,, 
l'âme s'unit au Christ comme l'épouse à son époux^ 
Alors tout leur est commun , le bien comme le 
mal... Nous tous, qui croyons en Christ, nous 
sommes rois et pontifes.— Le chrétien élevé par 
sa foi au-dessus de tout , devient , par cette puis- 
sance spirituelle , seigneur de toutes choses, de 
sorte que rien ne peut lui nuire , imo omnia et 
êubjecta coguntur servire ad salutem.,. Si je crois, 
toutes choses bonnes ou mauvaises tournent en 
bien pour moi. C'est là cette inestimable puissance 
et liberté du chrétien. 

> Si tu sens ton cœur hésiter et douter, il est 
grand temps que tu ailles au prêtre , et que lu 
demandes l'absolution de tes péchés. Tu dois 
mourir mille fois plutôt que de douter du juge- 



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BB LUTBBâ. 61 

Hiènt da prêtre , qui est le jugement de Dieu. Si 
ta peux croire à ce jugement , ton cœur doit rire 
de joie et louer Bieu , qui , par l'intermédiaire de 
l'homme, a consolé ta conscience. -« Si tu ne 
penses pas être digne du pardon, c'est que tu 
n'as pas encore fait assez , c'est que tu es trop peu 
inslniit dans la foi , et plus qu'il ne ÎBiut dans les 
œnrres. Il est mille fois plus important de croire 
fermement à l'absolution que d'en être digne , et 
de faire satis&ction. Cette foi vous rend digne , 
et constitue la véritable satisfaction. L'homme 
peut alors servir avec joie son Dieu , lui qui , sans 
cela , par suite de l'inquiétude de son cœur, ne 
bit jamais aucune bonne œuvre. C'est là ce qui 
s'appelle le doux fardeau de notre Seigneur 
Jésus-Christ. » Sermon prêché à Leipzig , en 1519, 
SQT la justification. 

Cette dangereuse doctrine fut accueillie par le 
peuple et par la plus grande partie des lettrés. 
Érasme , le plus célèbre d'entre eux , paraît seul 
en avoir feenti la portée. Esprit critique et néga- 
tif, émule du bel esprit italien Laurent Yalla , 
qui avait écrit au quinzième siècle un livre De 
lUkro arbUfio , il écrivit lui-même contre Luther, 
8o«s ce même titre. Dès l'année 1519, il reçut 
avec froideur les avances du moine de Wittcm- 

TOMB 1 3 

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62 . wkaomâ 

berg. Gelui-ci, qui sentait alors combien il ayait 
besoin de Tappui des gens de lettres» avait écrit 
des lettres louangeuses à Reuchlin et à Éraame 
( 1518 » 1519 ). La réponse de ce dernier est froide 
et significative ( 1519 )• « Je me réserve tout entier 
pour mieux aider à la renaissance des belles- 
lettres ; et il me semble que l'on avance plua par 
une modération politique (modestia civili) qpxe 
par l'emportement. C'est ainsi que le Christ a 
amené le monde sous son obéissance ; c'est ainsi 
que Paul a aboli la loi judaïque en tirant tout à 
l'interprétation. Il vaut mieux crier contre ceux 
qui abusent de l'autorité des prêtres que contre 
les prêtres eux-mêmes. Il en faut faire autant à 
l'égard des rois. Au lieu de jeter le mépris sur les 
écoles , il faut les ramener à de plus saines études. 
Lorsqu'il s'agit de choses trop enfoncées dans les 
esprits pour qu'on puisse les en arracher d'un seul 
coup , il faut procéder par la discussion et par 
une argumentation serrée et puissante,, plutôt 
que par affirmations... Il faut toujours prendre 
garde de ne rien dire , de ne rien faire d'un giir 
d'arrogance ou de révolte ; telle est , selon moi , 
la méthode qui convient à l'esprit du Christ. Ce 
que j'en dis n'est pas pour vous enseigner ce que 
vous devez £sûre , mais pour que vous fassiez tou- 
jours comme vous faites. » 

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Dt LVTRIR. 69 

Ces timtdea ménagemens n'étaient point à Tu- 
nge d'un tel homme ni d'un tel moment. L'en- 
traineraent était immense. Les nobles et le peuple, 
les châteanx et les Tilles libres, rivalisaient de 
lèle et d'enthousiasme pour Luther. A Nurem» 
berg, à Strasbourg, à Mayence même, on s'arra^ 
ehait ses moindres pamphlets. La feuille , toute 
hunide , était apportée sous le manteau , et pas- 
sée de boutique en boutique. Les prétentieux 
littérateurs du compagnonage allemand, les fer- 
blantiers poètes, les cordonniers hommes de 
lettres, dévoraient la bonne nouvelle. Le bon 
fians-Sachs sortait de sa vulgarité ordinaire, il 
laissait son soulier commencé , il écrivait ses meil-< 
leurs vers, sa meilleure pièce. Il chantait à demi^ 
voix , le rossignol de Wittemberg , dont la voix 
retentit partout... 

Rien ne seconda plus puissamment Luther que 
le zèle des imprimeurs et des libraires pour les 
idées nouvelles. « Les livres qui lui étaient favo-i 
râbles, dît un contemporain , étaient imprimés 
par les typograjphes avec un soin minutieux , 
souvent à leurs frais, et à un grand nombre 
d'exemplaires. Il y avait une foule d'anciens moi-i 
nés qui, r^itrés dans le siècle, vivaient des livres 
de Luther, et les colportaient par toute rAlle-i 



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04 MiMOlRBS 

magne. Ce n'était qu'à force d'argent que les 
catholiques pouvaient faire imprimer leurs ou- 
vrages, et l'on y laissait tant de fautes, qu'ils 
sembkiient écrits par des ignoranset des barbares. 
Si quelque imprimeur plus consciencieux y ap- 
portait plus de soin, on le tourmentait, on se 
riait de lui dans les marchés publics et aux foires 
de Francfort, comme d'un papiste, d'un esclave 
des prêtres. » 

Quelque fût le Eèle des villes , c'était surtout à 
la noblesse que Luther avait fait appel , et elle y 
répondait avec un zèle qu'il était souvent con-* 
traint de modérer lui-même. En 1519, il écri- 
vit en latin une Défense des articles condamnés . 
par la bulle-de Léon X , et il la dédie dans ces ter* 
mes au seigneur Fabien de Feilitzsch : « Il nous 
a paru convenable de vous écrire désormais à 
vous autres laïques, nouvel ordre de clercs, et de 
débuter heureusement , s'il plait à Dieu , sous les 
favorables auspices de ton nom. Que cet écrit 
me recommande donc, ou plutôt qu'il recom- 
mande la doctrine chrétienne à toi et à toute 
votre noblesse. » Il avait envie de dédier la tra- 
duction de cet ouvrage à Franz de Sickingen , et 
quelque autre aux comtes de Man^eld ; il s'en 
abstint, dit41, « de crainte d'éveiller la jalousie 



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BB L17THBR. 65 

de beaucoup d'autres, et surtout de la noblesse 
franconienne. » La même année il publiait son 
noient pamphlet : A la noblesse chrétienne d'Aile^ 
wM^ne êur Vamélioraiion de la chrétienté. Quatre 
■ûlle exemplaires furent enleyés en un instant. 

Les principaux des nobles, amis de Luther, 
étaient SUyestre de Schauenberg , Franz de Sic- 
kingen, Taubenheim et Ulrich de Hutten. Schau- 
onberg aTait confié son jeune fils aux soins de 
lélanchton , et offrait de prêter main forte à 
rélecteur de Saxe , en cas qu'il yint en péril pour 
la cause de la réforme. Taubenheim et d'autres 
envoyaient de l'argent à Luther. « J'ai reçu cent 
pièces d'or que m'envoie Taubenheim; Schart 
m'en a aussi donné cinquante, et je commence 
^craindre que Bien ne me paie ici-4)as; mais j'ai 
protesté que Je ne voulais pas être ainsi gorgé, 
Ml que j'allais tout rendre. » Le margrave de 
Brandebourg avait sollicité la faveur de lo voir ; 
Sickingen et Hutten lui promettaient leur appui 
•nvers et contre tous. « Hutten , dit-il , en sep- 
tembre 15^ , m'a adressé une lettre brûlante de 
colère contre le pontife romain; il écrit qu'il va 
tomber de la plume et de l'épée sur la tyrannie 
ntcerdotale ; il est outré de ce que le pape a es^ 
«ayé contre lui le poignard et le poison, et a 

3. 

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66 Hisoiass 

manclé à réyéque de Mayenee de le lui envoyer 
à Rome, pieds et poings liés. « « Tu vois, dit-îl 
encore , ce que demande Hutten ; mais je ne Ton- 
drais pas qu'on fit servir à la cause de l'Évangile 
la violence et le meurtre. Je lui ai écrit dam ce 
sens.» 

Cependant l'Empereur venait de sommer hvf 
ther de comparaître à Worms devant la diète im* 
périale ; les deux partis allaient se trouver en 
présence , amis et ennemis. 

Plût à Dieu , disait Hutten , que je pusse aasia- 
ter à la diète ; je mettrais les choses en mouve- 
ment J'exciterais bien vite quelque tumulte. »Le 
20 avril , il écrit à Luther : < Quelles atrocités 
ai-je apprises! Il n'y a point de furie comparable 
à la fureur de ces gens. Il faut en venir, je le vois, 
aux glaives, aux arcs, aux flèches, aux canons. 
Toi , père , fortifie ton courage , moque^toi de ces 
bétes sauvages. Je vois s'accroître chaque jour le 
nombre de tes partisans; tu ne manqueras pas 
de défenseurs. Un grand nombre sont venus vers 
moi , disant : Plaise à Dieu qu'il ne faiblisse pas, 
qu'ilrépondeavec courage, qu'ilnese laisseabat^ 
tre par aucune terreur! » £n même temps Hutten 
envoyait partout des lettres aux magistrats des 
villes, pour former une ligue entre elles et les 



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BB LUTHU. 67 

nobles du Rhin, c'est-à-dire pour les armer con- 
tre les princes ecclésiastiques (1). Il écrivait à Pir- 
keimer, l'un des principaux magistrats de Nu- 
remberg: 

< Excite le courage des tiens; j'ai quelque es^ 
pérance que tous trouverez des partisans dans 
les villes qu'anime l'amour de la liberté. Franz 
de Sickingen est pour nous; il brûje de zèle. Il 
l'est pénétré de Luther. Je lui fais, lire à table ses 
opuscules. Il a juré de ne point manquer à la cause 
delaliberté;et ce qu'il adit^il lefera. Prêche pour 
lui près de tes concitoyens. Il n'y. a point d'âme 
plus grande en Allemagne. » 

Jusque dans l'assemblée de Worms il y avait 
des partisans de Luther. < Quelqu'un, «n pleine 
diète , a montré uq écrit portant que quatre cents 
noble&ont juré dele défendre; et il aigoutéBunt^ 
schuh , Buntschuh (c'était , comme on verra , le 
mot de ralliement des paysans insurgés). Les ca- 
tholiques n'étaient même pas très sûrs de l'Ëm-. 
pereur. Hutten écrite, durant la diète : « César , 
diloon , a résolu de prendre le parti du pape. ». 

(i) Voyez dans nos Édaircissemens le dialogtie dset vo^ 
leors composé pae Hutten^ dans le but- de réunir les no- 
bles et les bourgeois co9tre les prêtres. 



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68 KiMoiBEa 

Dans la ville, parmi le peuple, les luthériens 
étaient nombreux. Hermann Busch écrit à Hutten 
qu'un prêtre, sorti du palais impérial avec deux 
soldats espagnols, voulut, aux portes mêmes du 
palais, enlever de force quatre-vingts exemplaires 
de la Capticiié de Babylone , mais qu'il fut bien- 
tôt obligé de se réfugier dans l'intérieur du pa- 
lais. Cependant , pour le décider à prendre les 
armes , il lui montre les Espagnols se promenant 
tout fiers sur leurs mules dans les places de Worms, 
et la foule intimidée qui se retire. 

Le biographe hostile de Luther , Gochlœus , 
raconte d'une manière satirique le voyage du rè» 
formateur. 

■ On lui prépara , dit-il , un chariot , en forme 
de litière bien fermée ,' où il était parfaitement à 
Tabri des injures de Fair. Autour de lui étaient 
de doctes personnes, le prévôt Jonas , le ck>eteur 
Schurf , le théologien Amsdorf , etc. Partout où 
il passait il y avait un grand concours de peuple 
Dans les hôtelleries , bonne chère , de joyeuses 
libati<Mi8, même de la musique* Luther lui-^même 
pour attirer les yeux , jouait de la harpe comme 
utt autre Orphée, un Orphée tondu et encapu- 
chonné. Bien que le sauf-conduit de l'ËmpereHr 
prêtât qu'il ne prêcherait point sur sa route, il 



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DB LVTHBR. 69 

{Hréclia cependant à Erfurth, le jour de la Qua^ 
limodo , et fit imprimer son sermon. > €e portrait 
de Lnther ne s'accorde pas trop avec cehii qu'en 
a fiiit un contemporain quelque temps ayant la 
diète de Worms. 

« Martin est d'une taille moyenne ; les soncis 
et les études Font maigri au point que Yon pour* 
fait compter tous le6 os de son corps. Cependant 
il est encore dans la force et la verdeur de l'âge. 
Sa voix est claire et perçante. Puissant dans la 
doctrine, admirable dans la connaissance de TÉ- 
eriture, dont il pourrait presque citer tous les 
versets les uns après les autres, il a appris le grec 
et l'hébreu pour comparer et juger les traduc- 
tions de la bible. Jamais il ne reste court ; il a à sa 
disposition un mobde de choses et de paroles 
( Sylva ingeus verborum et rcrum). Il est d'un 
commerce agréable et facile ; il n'a jamaîsdansson 
air rien de dur , de sourcilleux ; il sait même se 
prêter aux plaisirs de la vie. Dans les réunions il 
est gai, plaisant, montrant partout une parfaite 
sécurité et faisant toujours bon visage, malgré les 
atroces menaces de ses adversaires. Aussi est-il 
difficile de croire que cet homme entreprenne de 
à grandes choses sans la protection divine. Le 
•eul reproche que presque tout le monde lui 



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72 MimoiRSS 

observer le sauf-conduit. Les évéques y pous- 
saient; mais les princes et les états n'y voulurent 
point consentir ; car il en fût résulté bien du 
bruit. J'avais tiré un grand éclat de tout cela ; 
ils devaient avoir peur de moi plus que je n'avais 
d'eux. En effet le landgrave de Hesse qui était 
encore un jeune seigneur, demanda à m'enten- 
dre, vint me trouver, causa avec moi, et me dit 
à la fin : cher docteur , si vous avez raison, que 
notre Seigneur Dieu vous soit en aide! 

> J'avais écrit, dès mon arrivée, à Sglapîan, 
confesseur de l'Empereur, en le priant de vou- 
loir bien venir me trouver, selon sa volonté et 
sa commodité; mais il ne voulut pas : il disait que 
la chose serait inutile. 

« Je fus ensuite cité et je comparus devant tout 
le conseil de la diète impériale dans la maison de 
ville, oii l'Empereur, les électeurs et les princes 
étaient rassemblés (1). Le docteur Eck, officiai de 
l'évéque de Trêves, commença, et me dit : Mar- 
tin, tu es appelé ici pour dire si tu reconnaispour 



(i) Il se trouvait à la diète, outre TEmpereur, six élec- 
teurs , un archiduc , deux landgraves , cinq margraves , 
vingt-sept ducs et un grand nombre de comtes , d*arche- 
vèqaes , d'évêques , etc. ; en tout deux cent six personne*. 



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DS LVTHEll. 73 

tiens les liTres qui sont placés sur la table. Et 
il me les montrait. — Je le crois , répondis-je. 
lais le docteur Jérôme Schurff ajouta sur-le- 
cbaiop : Qu'on lise les titres. Lorsqu'on les eut 
las, je dis : Oui, ces livres sont les miens. 

» Il me demanda encore : Veux-tu les désa- 
▼ooer ? Je répondis : Très gracieux seigneur Em- 
pereur , quelques-uns de mes écrits sont des livres 
de controverse , dans lesquels j'attaque mes ad- 
▼ersaires. D'autres sont des livres d'enseignement 
et de doctrine. Dans ceux-ci je ne puis, ni ne veux 
rien rétracter , car c'est parole de Dieu. Mais pour 
mes livres de controverse, si j'ai été trop violent 
contre quelqu'un, si j'ai été trop loin, je veux 
Inen me laisser instruire, pourvu qu'on me donne 
le temps d'y penser. On me donna un jour ei une 
nuit. 

» JLe jour d'après, je fus appelé parles évêques 
etd'amteesqui devaient traiter avecjmioi pour que 
je me rétractasse. Je leur dis : La parole de Dieu 
B'est point ma parole; c'est pourquoi je ne puis 
l'abandomier. Mais, dans ce qui est au-delà, je 
ymst être obéissant et docile. Le margrave Joa- 
cUm prit «lors la parole, et dit : Seigneur doc- 
teur, autant que je puis comprendre, votre pen- 
iée est de tous laisser conseiller et instruire , hors 



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74 mÉiioiRBS 

les seuls points qui touchent rÉcritureP -»- Ouï, 

répondis-je , c'est ce que je veux. 

» Ils me dirent alors que je devais m'en remets 
tre à la majesté impériale ; mais je n'y consentis 
point. Us me demandaient s'ils n'étaient pas eux-- 
mêmes des chrétiens qui pussent décider de telles 
choses? A quoi je répliquai : Oui, pourvu que ee 
soit sans faire tort ni offense à l'Écriture , que je 
veux maintenir. Je ne puis abandonner ce q-ui 
n'est pas mien. — Ib insistaient : Vous devei voua 
reposer sur nous et croire que nous déciderons 
bien. -^ Je ne suis pas fort porté à croire que 
ceux*là décideront pour moi contre eux-mêmes , 
qui viennent de me condamner déjà, lorsque j.'é- 
tai9 sous le sauf-«onduit. Mais voyez ce que je veux 
faire^ agissez avec moi comme vous voudrez;. je 
consens à renoncer à mon sauf-conduit , et à vous 
l'abandonner. Alors le seigneur Frédéric de Fei- 
litsch se mit à dire : En voilà véritablement assez,- 
si ce n^est trop. 

» Ils dirent ensuite : Abandonnez-nous au moins 
quelques articles. Je répondis : Au nom de Dieu, 
je ne veux point défendre les articles qui sont 
étrangers à l'Écriture. Aussitôt deux évéquesal- 
lèrent dire à l'Empereur que je me rétractai»* 
Alors l'évêque*** envoya vers moi, et me fit de- 



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DB LUTHER. 75 

mander si j 'avais consenti à m'en remettre à l'Em- 
pereur et à l'Empire ? Je répondis que Je ne le 
▼onlais pas, et qnejen'y avais jamais consenti. 
Ainsi, je résistais seul contre tous. Mon docteur 
et les autres étaient mécontens de ma ténacité. 
Quelques-uns me disaient que si je voulais m'en 
remettre à eux , ils abandonneraient et céde- 
raient en retour les articles qui avaient été con- 
damnés au concile de Constance. A tout cela je 
répondais : Voici mon corps et ma vie. 

» Gochleus vint alors, et me dit : Martin , si tu 
veux renoncer au sauf-conduit , je disputerai avec 
toi. Je l'aurais fait dans ma simplicité, mais le 
docteur Jérôme Schurff répondit en riant etavea 
ironie : Oui, vraiment, c'est cela qu'il faudrait. 
Ce n'est pas une offre inégale ; qui serait si sot!.. 
Ainsi je restai sous le sauf-conduit. Quelques bons 
compagnons s'étaient déjà élancés en disant : Gom^ 
raent ? vous l'emmèneriez prisonnier ? Gela ne 
saurait être. 

« Sur ces entrefaites, vint un docteur du mar-* 
grave de Bade, qui essaya dem'émouvoir avec de 
grands mots : Je devais, disait-il , beaucoup faire^ 
beaucoup céder pour l'amour de la charité, afin 
que la paix et l'union subsistassent, et qu'il n'y 
eût pas de soulèvement. On était obligé d'obéir k 



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76 ViHOI&Bâ 

la majesté impériale, comme à la plus haute auto- 
rité; on devait soigneusement éviter de faire du 
scandale dans le monde; par conséquent ,ge de^ 
vais me rétracter. — Je veux de tout mon co^ur, 
répondis-je, au nom de la charité ^ obéir et tout 
faire , en ce qui n'est point contre la foi et Thon- 
neur de Christ. 

» Alors le chancelier de Trêves me dit : Martin, 
tu es désobéissant à la majesté impériale ; c'est 
pourquoi il t'est permis de partir, sous le sauf- 
conduit qui t'a été donné. Je répondis : Il s'est fait 
comme il a plu au Seigneur. Et vous, à votre tour» 
considérer où vous restez. Ainsi , je partis dans 
ma simplicité , sans remarquer ni comprendre, 
toutes leurs finesses. 

» Ensuite ils exécutèrent le cruel édit du ban , 
qui donnait à chacun occasion de se venger de 
ses ennemis, sous prétexte et apparence d'hérésie, 
luthérienne, et cependant il a bien fallu à la fin 
que les tyrans révoquassent ce qu'ils avaient fait. 

» C'est ainsi qu'il m'advint à Worms, où je n'a- 
vais pourtant de soutien que le Saint-Esprit. ■ 

Nous trouvons d'autres détails curieux dans un. 
récit plus étendu de la conférence de Worms« 
écrit immédiatement après, et qui peut-être est, 
de Luther; cependant il y parle à la troiaième 
personne. 

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BB IiOTSftA. 77 

' •LelMideniamderamTéedôLiiUierà'Woniis, 
à quatre heurei de raprès-midi , le maitre des 
oérénioiiieft de l'Empire, et le kérant qui l'avait 
accompagné depuis Wittanberg, Tinrent le pren- 
dre dans son hôtellerie dite la Cour Allemande, tX 
I9 conduisirent à la maison de ville par des pas- 
sages sécréta, pour le soustraire à la foule qni 
s'était rassemblée sur le chemin. Il y en eut beau* 
QObpt malgré cette précaution, qui accouraient 
aux portes de la maison de Tille , et Toulaient y 
pénétrer avec Luther ; mais les gardes les repous^ 
ssient. Beaucoup étaient montés sur lest oitspour 
TOBT le docteur Martin. Lorsqu'il fut entré dans 
la salle, phisienrs seigneurs vinrent successive- 
ment lui adresser des paroles d'encouragement : 
t Soyez intrépide, lui disaient-ils, parlez en 
iMmone , et ne craignez pas ceux qui peuvent tuer 
les eorpa, raab qui sont impuissans contre les 
âmes, > • Moine, dît le &meut: capitaine Georges 
Erandiberg, en lui mettant la main sur l'épaule , 
prends-y-'garde, tu vas feire un pas plus périlleux 
que nous autres n'en avons jamais hîX. Mais si tu 
es dans le bon chemin, IHen ne t'abandonnera 
pasL» Le duc lean de Weimar lui avait donné 
l'argent nécessaire à son voyage. 
« I^ntherfittes réponses en liftineten allemand. 

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78 HteoiEES 

U rappela d'abord que dans ses ouvrages il y avait 
des choses approuvées même de ses adversaires ; 
et que sans doute ce n'était pas cette partie qa'il 
s'agissait de révoquer; puis il continua ainsi : 
c La seconde partie de mes livres comprend ceux 
dans lesquels j'ai attaqué la papauté et les papis- 
tes, comme ayant, par une fausse doctrine, par 
une vie et des exemples pervers , désolé la chré- 
tienté dans les choses du corps et dans celles' da 

l'&me. Or, personne ne peut nier, etc Gepe^ 

dant les papes ont enseigné eux-mêmes danslears 
décrétales que les constitutions du pape, qui se- 
raient contraires à l'Évangile ou aux Pères , de- 
vaient être regardées comme fausses et non vula^ 
blés. Si donc je révoquais cette partie , je ne fe^ 
rais que fortifier les papistes dans leur tyraniûe 
et leur oppression , et ouvrir portes et fenê- 
tres à leurs horribles impiétés On dirait que 

j'ai révoqué mes accusations contre eux sur 
l'ordre de Sa l^ajesté Impériale et de l'Empire. 
]>ieu! quel manteau ignominieux je devi«idrais 
pour leur perversité et leur tyrannie ! 

V La troisième et dernière partie de mes livres 
est de nature polémique. J'avoue que j'y ai sou-*- 
vent été plus violent et plus âpre que la reli^^on 
et ma robe ne le veulent. Je ne me donne pas pour 



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DB LUTHBft. 79 

«D saint. Ce n'est pas non pins ma vie qne je dis- 
cute devant vous, mais la doctrine de Jésus-Christ. 
Néanmoins, je ne crois pas qu'il me convienne 
de rétracter ceci plus que le reste, car ici encore, 
je ne ferab qu'approuver la tyrannie et l'impiété 
qui ravagent le peuple de Dieu. 

» Je ne suis qu'un homme. Je ne puis défendre 
ma doctrine autrement que n'a fait mon divin 
Sauveur; quand il fut frappé par l'officier du 
grand-prêtre, il lui dit : « Si j'ai mal parlé, faites 
voir ce que j'ai dit de mal. « 

» Si donc le Seigneur lui-même a demandé à 
être interrogé, et même par un méchant esclave, 
à combien plus forte raison moi , qui ne suis que 
terre et cendre, et qui puis me tromper facile^ 
ment, ne devrais-je pas demander à me justifier 
for ma doctrine ? Si les témoignages de l'Écri- 
ture sont contre moi, je me rétracterai de grand 
cœur, et je serai le premier à jeter mes livres au 

feu Craignez que le règne de notre jeune et 

tant louable empereur Charles (lequel est msàn^ 
tenant, avec Dieu, un grand espoir pour nous), 
ne commence ainsi d'une manière funeste, et n'ail 
une suite et une fin également déplorable !... Je 
supplie donc en toute humilité Votre Majesté Im-^ 
pmale et Vos Altesses Électoraleset Seigneuriales» 



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80 uiiioiaBS 

de ne pas vouloir se laisser indisposer contee 
doctrine sans que mes adversaires aient produit 
de justes raisons contre moi...., » 

» Après ce discours, Forateur de l'Empereur se 
leva vivement et dit que Luther était resté à côté 
de la question, qu'on ne pouvait remettre en douta 
ce qui avait été une fois décidé par les conciles , 
et qu'on lui d^xiandait en conséquence de dire 
tout simplement et uniment s'ils se rétractait on 
non. 

■ Alors Luther reprit la parole en ces termes: 

• Puis donc que Votre Majesté Impériale et Vos 
Altesses demandent de moi une brève et simple 
répoase, j'en vais donner une qui n'aura ni dents 
ni cornes : Si l'on ne peut me convaincre par la 
sainte Écriture ou par d'autres raisons claires et- 
incontestables (car je ne puis m'en rapporter uni» 
quement ni au pape ni aux conciles qui ont si soi»* 
vent feilli) f je ne pub , je ne veux rien révoquer. 
Les témoignages que j'ai cités n'ont pu être ré- 
futés, ma conscience est prisonnière dans la pa<* 
rple de Dieu; l'on ne peut conseiller à persomie 
d'agir contre sa conscience. Me voici donc ; je oe 
piûs ùdte autrement. Que Dieu me soit en aiét. 
Amen. » 

9 Les électeurs et états de l'Empire aUèrent sei 



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DE LVTIirai. 81 

comulter but cette réponse de Luther. Après une 
longue délil^ration^de leur part, Tofficial de Trê- 
ves fut chargé de la réfuter. « Martm, dit-il, tu 
n'as point répondu avec la modestie qui convient 
à ta condition. Ton discours ne se rapporte pas à 
la question qui t'a été posée.... A quoi hon discuter 
de nouveau des points que l'Église et les conciles 
ont condamnés depuis tant de siècles ?.... Si ceux 
qui se mettent en opposition avec les conciles vou- 
laient forcer FÉglîse à les convaincre avec des li- 
vres, il n'y aurait plus rien de certain et de défini- 
tif dans la chrétienté. C'est pourquoi Sa Majesté 
demande que tu répondes tout simplement par 
oui ou par non si tu veux révoquer. » 

• Alors Luther pria l'Empereur de ne point souf- 
frir qu'on le contraignit à se retracter contraire- 
ment à sa conscience , et sans qu'on lui eût ÎBÂi voir 
({a'il était dans l'erreur. Il ajouta que sa réponse 
n'était point sophistique , que les conciles avaient 
souvent pris des décisions contradictoires, et qu'il 
était prêt à le prouver. L'official répondit briève- 
ment qu'on ne pouvait prouver ces contradictions, 
nais Luther persista et offrit d'en donner les 
preuves. 

• Cependant comme le jour tombait et qu'il com- 
^Bençait à foire sombre , l'assemblée se sépara. Les 



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82 HinoiREfl 

Espagnols se moquèrent de Fhomme Dieu et l'in- 
jurièrent quand il sortit de la maison de ville pour 
retourner à son hôtellerie. 

» Le lendemain l'Empereur envoya aux élec- 
teurs et états pour en délibérer, l'acte du ban im- 
périal contre Luther et ses adhérons. Le sauf- 
conduits néanmoins était maintenu dans cet acte. 

9 Bans la dernière conférence, l'archevêque 
de Trêves demanda à Luther quel conseil il don- 
nerait lui'^méme pour terminer cette affaire. Lu- 
ther répondit : « Il n'y a ici d'autre conseil à 
donner que celui de Gamaliel dans les Actes des 
Apôtres : Si cette œuvre vient des hommes, elle 
périra: si, de Dieu, vous n'y pouvez rien. • 

• Peu après, l'official de Trêves vint porter à 
Luther dans son hôtellerie le sauf-conduit impé- 
rial pour son retour. Il avait vingt jours pour se 
rendre en lieu de sûreté, et il lui était enjoint de 
ne point prêcher , ni autrement exciter le peu- 
ple sur sa route. Il partit le lendemain, S6 avril. 
Le héraut l'escorta sur un ordre verbal de l'Em- 
pereur. 

» Arrivé à Friedbourg , Luther écrivit deux 
lettres, l'une à l'Empereur, l'autre aux électeurs 
et états assemblés à Worms. Dans la première , il 
exprime son regret d'avoir été dans la nécessité 



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DB LUTHBA. 8S 

de désobéir à l'Empereur. «Hais, dit^^il^ Dieu et 
jÊA parole sont au-dessus de tous les hommes. » Il 
regrette aussi de n'avoir pu obtenir qu'on discu- 
tât les témoignages qu'il avait tirés de l'Écriture, 
igoutant qu'il est prêt à se présenter de nouveau 
devant toute autre assemblée que l'on désignera, 
et à se soumettre en toutes choses sans exception, 
pourvu que la parole de Dieu ne reçoive aucune 
atteinte. La lettre aux électeurs et états est écrite 
dans le même sens. 

» (A Spalatin.) « Tu ne saurais croire avec 
quelle civilité m'a reçu l'abbé de Hirsfeld. Il a 
envoyé audevant de nous, à la distance d'un 
grand mille, son chancelier et son trésorier, et 
lui-même il est venu nous recevoir près de son 
château avec une troupe de cavaliers, pour nOus 
conduire dans la ville. Le sénat nous a reçus à l«t 
porte. L'abbé nous a splendidement traités dans 
aon monastère , et m'a couché dans son lit. Le 
cinquième jour , au matin « ils me forcèrent de 
fidre un sermon. J'eus beau représenter qu'ils 
perdraient leurs régales « si les Impériaux allaient 
traiter cela de violation delà foi jurée » parce 
cp'ils m'avaient enjoint de ne pas prêcher sur ma 
route. Je disais pourtant que je n'avais jamais 
consenti à.lier la parole de Dieu ; ce qui est vrai. 



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84 viHoi&ss 

« Je prêchai également à Ëisenaeli, devant ail 
curé tout tremblant y et un notaire et des témoini 
qui protestaient, en s'excusant sur la erainte de 
leurs tyrans. Ainsi, tu entendras peut-être dîrê 
à Worms que j'ai violé ma foi; mais je ne Fai pas 
violée. Lier la parole de Dieu, c'est une condi- 
tioa qui n'est pas en mon pouvoir. 

« Enfin , on vint à pied d'Ëisenach à notre ren*- 
contre, et nous entrâmes le soir dans la ville; 
tous nos compagnons étaient partis le matin ayet 
Jérôme. 

« Pour moi, j'allais rejoindre ma chair (ses pa* 
rens) en traversant laforét, et je venais de les quit- 
ter pour me diriger sur Walterhausen , lorsque, 
peu d'instans après, près du fort d'AUenstein, je 
fus fait prisonnier. Amsdorf savait sans doute 
qu'on me prendrait, mais il ignore où l'on me 
garde. 

« Mon frère, ayant vu à temps les cavaHers, 
sauta à bas de la voiture, et sans d^nander congé, 
il arriva à pied, sur le soir, m'a^^t-on dit , à Wal- 
terhausen. Moi, on m'ôta mes vétemens pour me 
faire mettre uii habit de chevalier, et je mêlais^ 
sai croître les cheveux et la barbe. Tu ne m'au^ 
rais pas reconnu sans peine , car depuis k)ng-tempé 
je ne me reconnais pas^moi'^méme* Me voilà main* 



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la LDTHBR. 85 

tenant Tirant dans la liberté chrétienne, affran- 
chi de toutes les lois dn tyran. > (14 mai.) 

Conduit au château de Wartbourg, Luther ne 
sayait trop à qui il derait attribuer la douce et 
honorable captivité dans laquelle il se voyait re- 
tenu. Il avait renvoyé le héraut qui l'escortait à 
quelques lieues de Worms , et ses ennemis en 
ont conclu qu'il s'attendait à son enlèvement. Le 
contraire ressort de sa correspondance. Cepen- 
dant un cri de douleur s'élevait par toute l'Alle- 
magne. Qn croyait qu'il avait péri; on accusait 
l'Empereur et le pape. Dans la réalité, c'était l'é- 
lecteur de Saxe, le protecteur de Luther, qui, 
fl'effrayant de la sentence portée contre lui, et ne 
pouvant ni le soutenir , ni l'abandonner , avait 
imaginé ce moyen de le sauver de sa propre au- 
dace , de gagner du temps , tout en fortifiant son 
parti. Cacher Luther, c'était le sûr moyen de por- 
ter au comble l'exaltation de l'Allemagne et ses 
craintes pour le champion de la foi. 



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86 MiVOIRBS 



«MMlNMMlMlMrtMéMMfAMri 



LITRE DEUXIÈME. 

1521—1628. 

CHAPITRE PREMIEH4 
1S31-1KS4. 

léjonr de Luther au cliâteâU «le Wartbourg . — il revient a WitUrn^ 
berg tmns rantorisatidn de l'Electeur. — Ses écrits coatre le roi 
d'Angleterre « et contM les princes tn généceli 



Pendant qu'à Wonns on s'iridigrie , ôii s'irrite 
d'avoir laissé échapper l'audacient , il n'est plus 
temps , il plane invisible sur ses ennemis du haut 
du cbàteau de Wartbourg. Bel et bien clos dans 
son donjon, il peut à son aise reprendre sa flûte, 



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1» IiDTIUli. 87 

(jianter st» psaumes allemands , traduire sa Bible, 
fpadroyer le diable et le pape. 

« Le lirait se répand, écrit Luther, que det 
aniis enyoyéii de Jranconie m'ont £iit prisonnier. » 
— £t fiilleurs : « Qn a pen^é, à ce que je soup^ 
çQipie, que Luther avait été t^é ou condainné à 
lin éternel silence, afinque'laçhosç publique r&v 
tombât spus la tyrai^ie sophistique, dont op me 
lait si mauyais gfré d'avoir commencé la ruine. * 
IfUther eut soin cependant de laisser voir qu'il 
existait encore. Il écrit à Spalatin : « Je voudrai^ 
qae la lettre que je t'envoie se perdit par quel- 
({ae adroite négligence de toi ou des tiens, pour 
([n'elle tombât entre les maips dç nos epneinis.... 
Tu feras copier l'évangUe qi^e je t'eiiToie; il ne 
&ut pas qu'on rçconpaisse ma main. » -rr- « J'avais 
iéfK>lu dans mon désert de dédier à mon hôte un 
livre ai^r les Traditions des hommes , car il me de» 
num^^t que je l'instruisisse sur cette matière; 
maisj'ai craint de relever parla le lieu de ma cap- 
tivité.» -- « Je n'ai obtenu qu'avec peine de t'en- 
voyer cette lettre, tant on a peur qu'ils ne 
viennent à découvrir en quel lieu je suis... » 
(Juin 15âl.) 

« Les prêtres et les moines, qui ont Ç^t leurs 
folies pendant que j'étais libre , ont tellement peur 



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88 xifioi&Bs 

depab que je tais captif, qu^Is commencent à 
adoucir les extravagances qu'ils ont débitées con- 
tre moi. Ils ne peuvent plus soutenir Peffort de 
la foule qui grossit, et ne savent par où s*échap- 
per. Voyei-^TOus le bras du Puissant de Jacob , 
tout ce qu*il &it pendant que nous nous taisons , ' 
que nous patientons , que nous prions! Ne se vé- 
rifie-t-elle pas cette parole de Moïse: Vos tacehi^ 
iis, et Dominus pugnubit pro vobis f Un de ceux 
de Rome a écrit à une huppe (1) de Mayence : 
« Luther est perdu comme nous le voulions; mais 
« le peuple est tellement soulevé, que je crains 
« bien que nous ayons peine à sauver nos vies, si 
« nous n'allons à sa recherche , chandelles allu- 
€ mées, et que nous ne Ife fassions revenir. » 

Luther date ses lettres: De la région de Pair, 
de la région des oi^aux; ou bien: Du milieu des 
oiseausf qui chantent doucement sur h branchage 
et louent Dieu jour et nuit de toutes leurs forces; 
oa encore : De la montagne, de Me de Pathmos, 
C'est de là qu'il répand dans des lettres tristes 



(i) Cette désignation des dignitaires de r£glise|£ait 
penser aux oiseaux merveilleux de Rabelais^ les papegots, 
MgotSj etc. 



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BB I.17T1I1B. 89 

0l éloquentes iespeniéesqiii Tiffiaiient vettipUr sa 
floHtiide ( 0s êtvmQ meà )• • Que faii-ta mainte- 
imit, mon Philippe, dit^^il à Hélanchton ? eflt-ee 

que ta ne pries point pour moi ? Quant à moi, 

ams tout le jour, je me mets devant les yetix la 
âl^uredeFÉglise, etje vois cette parole du psaume 
LXXXyni : « Numquid 9anè eonsiHuisfi omnea 
fiiias hominumf Dieu! quel horrible spectre de 
la eolè»re de IHeu, que ce règne abominable de 
rAntiehrist de Rome! Je prends en haine la du- 
reté de mon cœur, qui ne se résout pas en tor-^ 
rens de larmes pour pleurer les fils de mon peu- 
^e égorgé. Il ne s'en trouve pas un qui se lève 
et qui tienne pour Dieu, ou qui fesse de soi un 
rempart à la maison d'israël , dans ee jour su-'* 
préme de la colère. règne du pape, digne de 
IsiMe des siècles! Dieu aie pitié de nous!t (13 mai.) 
c Qusnd je considère ces temps horribles de 
colère, je ne dmnande rien que de trouver dans 
Boea yeux des fleuves de larmes pour pleurer la 
désoi^on des âmes , que produit ce royaume de 
pMaè et de perdition. Le monstre siège à Rome , 
au milieu de l'Église, et il se proclame Dieu ; les 
pont^Ses l'adulent, les sophistes l'encensent, et 
il A'est rien que ne fassent pour Im les hypocri- 
tes. Cep^idant Fenfer épanouit son cœur , et 



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90 xiMOiiuis 

Quvre sa gueule immense: Satan se joine dans br 
perdition des âmes. Moi, je sois assis tout le jour^- 
à boire et à ne rien faire. Je Us la Bible en grec 
et en hébreu. J'écrirai quelque chose en allemand 
sur la liberté de la confession auriculaire. Je con-» 
tinuerai aussi le psautier et les commentairest 
{postulas), dès que j'aurai reçu daWîttemberg" 
ce dont j'ai besoin; entre autres choses le Ma^ni-* 
ficat que j'ai commencé. > ( â-4 mai. ) Cette soli- 
tude mélancolique était pour Luther pleine de 
tentations et de troubles. Il écrit à Mélanchton : 
it Ta lettre m'a déplu à double titre; d'abord parce 
que je voii^ que tu portes ta croix avec impatience, 
que tu eèdes trop aux affections, que tu es tan-" 
dre selon ta coutume; ensuite, parce que tum'é«. 
lèves trop haut, et que tu tombes dans une grande 
erreur en ^'attribuant tant de choses, comme si 
je prenais tant de souci delà cause de Bien. Cette 
haute opinion que tu as de moi me confond et 
me déchire , quand je me vois insensible et en-' 
durci, assis dans l'oisiveté, ô douleur! rarement 
çn prières, ne poussant pas un gémissement pour 
l'Ëglisede Dieu. Que dis-je! ma chair indomptée 
me brûle d'un feu dévorant. En somme, moi qui 
devais être consumé par l'esprit , je me consume 
par la chair, la luxure, la paresse,' l'oisiteté^ 



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DR LUTHSa. 91 

l|i sonmolence; est-ce donc parce qne tous ne 
priez plus pour moi, que Dieu s'est détourné df^ 
qioi ? C'est à tqi de prendre ma place , toi mieux 
doué de Piçu, et qui lui es plus agréablç. 

? Yoilà déjà huit jours que je n'écris pas, que 
j^ ne prie pas , que je u'étudie pas , soit tentation» 
de la chair, soit aut^s ennuis qui me tourmen-^ 
tent. Si les chos^es ne Tont pas mieux , j'entrerai 
publiquement à Ërfurth: tu m'y verras ou je t'y 
Terrai; car je consulterai le^ médecins ou les chi- 
rurgiens. * Il était malade alors , et souffirait cru- 
ellenient; il décrit son mal dans des termes trop 
qaî&y et on peut dire trop grossiers, pour que 
nous puissions 1^ traduire. Mais ses souffrances 
^irituelles étaient plus vives encore et plus pro^ 
fondes. ( IS juillet. ) 

« Lorsque je partis de Worms, en 1531 , que je* 
fias pris près d'Ëisenach, et que j'habitai mon 
pathmos, le château de Wartbourg, j'étais loin 
du monde dans un chambre , et personne ne pou- 
vait venir à moi que deux jeunes garçons nobles 
qui m'apportaient à manger et à boire deux fois 
le jour. Ils m'avaient acheté un sac de noisettes 
que j'avais mis dans une caisse. Le soir, lorsque 
je fus passé dans l'autre chambre , que j'eusse 
éteint la lumière , et que je me fusse couché , il 



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02 viHOIEBS 

me iembla que les noisettes se mettaient en mou-^ 
▼ement, se heurtaient bien fort Tune contre l'au- 
tre, et venaient cliqueter contre mon lit. Je ne 
m'en inquiétai point. Plus tard, je me réTeillai; 
il se faisait sur l'escalier un grand bruit comme 
si l'on eût jeté du haut en bas une centaine de 
tonneaux. Je savais bien cependant que l'escalier 
était fermé avec des chaînes et une porte de fer, 
de sorte que personne ne pouvait monter. Je me 
levai pour voir ce que c'était, et je dis: Est-ce 
toi?... £h bien! soit... Et je me recommandai aa 
Seigneur Christ dont il est écrit, Omnia êubje- 
oiaifedihuê ejus, connne dit le YIII psaume^ et 
je me remis au lit. — Alors vint à Eisenach la 
femme de Jean de Berblibs. Elle avait soupçonné 
que j'étais au château, et elle aurait voulu me 
voir; maisla chose était impossible. Us mennrent 
alors dans une autre partie du château, et pla-* 
cèr^it la dame de Berblibs dans la chambre que 
j'occupais, et elle entendit la nuit tant de va- 
carme , qu'elle crut qu'il y avait^ mille diables.» 
Luther trouvait peu délivres à Wartbourg. H 
se mit avec ardeur à l'étude du greo et de Vhé^ 
breu: il s'occupa de répondre au livre à» Lato-* 
mus , si prolixe , dit-Il , et si mal écrit. U traduisit 
en allemand l'apologie de Hélanchtoii contre les' 



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thMa^teBi4eParii, ea y.àjontaiit un oommen- 
ime{tuam moBmôtpariHênêeê êfolo^m eumil- 
l9fum inêoniâ Hatui vernmculè dar» adjeciU anno- 
ia^imUkus.) (là juillet.) Il déployait atdlv une 
actiTité extraordinaire, et du haut de sa monta- 
nte inondait rAllemagne d'éctits: « J'ai publié 
un petitlivre contre celui de Gatharinus sur TAn- ' 
ticlurist, un traité en Allemand sur la confession, 
le psaume LXYII expliqué en allemand , le can- 
tique de Marie expliqué en allemand ^ le psaume ' 
XXXYII de même, et une consolation à Téglise 
de VnitteiDberg. 

» J'ai sous presse un commentAireenallemand 
desépîtres et évangiles de Vannée; j'ai également 
terminé une réprùnande publique au cardinal 
de Mayence sur Tidole des indulgences qu'il vient 
de relever à Halle, et une explication de l'évan* 
gile des dix lépreux ; le tout en allemand. Je suis 
né pour mes Allemands, et je veux les servir. J'a- 
vais commencé en chaire , à Wittemberg, une 
amplification populaire sur les deux Testamens, 
et j'étais parvenu, dans la Genèse, au XXXII* 
chapitre, et dansFËvsmgile, à saint Jean-Bap-i 
tîste. Je me suis arrêté là. » (!*' novembre.) 

« Je suis dans le tremblement, et ma conscience 
me trouble, parce qu'à Wonns, cédant à ton 



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94 MiHOlESfl 

conseil et à celui de tes amis, j'ai laissé faiblir 
l'esprit en moi , au lieu de montrer un Élie h ce# 
idoles. Ik en entendraient bien d'autres, si je me 
trouvais encore une fois devant eux. » (9 septem-^ 
bre.) 

L'afbire de l'archevêque de Mayence, à Ia« 
quelle il est fait allusÎQn dans la lettre que nous 
venons de citer, mérite que nous y insistions. Il 
est curieux de voir l'énergie qu'y déploie Luther, 
et comme il y traite en maître les puissances, le 
cardinal archeyéquct, et l'Électeur lui-même. Spa-' 
latin lui avait écrit pour l'engager à supprimer 
sa répfWHinde publique à l'archevêque. Luther 
l^i répond *. « Je ne sais si jamais lettre m'a été 
plus désagréable que ta dernière; nonnseulement 
j'ai différé ma réponse , mais j'avais résolu de 
n'en pas &ive. D'abopd se ne supporterai pas ce 
que tu me dis, que le Prince ne êouffrvra foini 
qu'on écrive contre le Mayençaif, et qu'on trouble 
/# paùp publique ; je vous anéantirais plutôt (per^* 
dam) toi et l'archevêque et toute créature. Tu dis 
fortbiei^ qu'il ne £aut pas troubler la paix publia 
que; et tu souffriras qu'on trouble la paix éter- 
nelle de Bien par ces œuvres impies et sacrilèges 
de perdition ? Non pas , Spalatin , non pas, Prince; 
je résisterai de toutes mes forces pour les brebis 



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DE : 

&u Christ à ce lodp dé 

aux autres. Je fenyoîc 

qui était déjà prêt qua: 

ne m'y à pas fait chang 

foîsie soumettre à Féxa 

ton); c'étatit à lui d'y c 

propos. Garde^toi de n 

lippe, ou de chercher 

décidée, on ne t'écoi 

hre.) Quelques jours 

loî-méme : 

«... Cette première 
j'ayais Êdte à votre Gri 
valu de sa part que rai 
ai écrit une seconde 
ses instructions et ses ( 
ponse de votre Grâce 
digne d'un évêque et c 
» Or» q[uoique mes 
à rien, jef ne me laistse 
mément à l'Érangile , j 
tre Grâce un troisième 
de rétabUr à Halle l'i 
hons et simplet ch^étic 
et vous atet publicJUi 
tout ce qu'avait feit Te 
cert avec l'archevêque 

izedby Google 



96 uÉMoiRia 

> Ce même Dieu vit encore, n'en doutes pa» ; 
il sait encore l'art de résister à un cardinal de 
Mayence, celui'^ci eÂt«il quatre empereurs de son 
côté. C'est son plaisir de briser les cèdres, et d'a- 
baisser les Pharaons superbes et endurcis. Je prie 
votre Grâce de ne point tenter ce Dieu. 

» Penseriez'vous que Luther fût mort ? Ne le 
croyez pas. Il est sous la protection de ce Bien 
qui déjà a humilié le pape , et tout prêt à com- 
mencer arec l'archeTéque de Mayence un jeu 
dont peu de gens se douteront.... Donné en mon 
désert, le dimanche, après Saint-Catherine (25 
novembre 15âl). Votre bi^iveillant et soumis , 
Martin Luthek; 

Le cardinal répondit humblement , et de sa 
propre main : 

« Cher docteur , j'ai reçu votre lettre datée du 
dimanche d'après la Sainte-Catherine , et je l'ai 
lue avec toute bienveillance et amitié. Cependant 
je m'étonne de son contenu , car on a remédié 
depuis long-temps à la chose qui vous a bit 
écrire. 

» Je me conduirai dorénavant, Dieu aidant, 
de telle sorte qu'il convient à un prince pieux 
chrétien çl ecclésiastique. Je reconnais que J'ai 
besoin de la grâce de Dieu, et que je suis un 



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BB LVTHXE. 97 

pauvre homme, pécheur et faillible, qui pèche 
et se trompe tous les jours. Je sais qu'il u'est rien 
de bon en moi sans la grâce de Dieu , et que je 
ne suis par moi-même qu'un vil fumier. 

» Voilà ce que je voulais répondre à votre 
bienveillante exhortation , car je suis aussi dis- 
posé qu il est possible à vous faire toute sorte de 
grâce et de bien. Je soufire volontiers une répri- 
mande fraternelle et chrétienne, et j'espère que 
le Dieu miséricordieux m'accordera sa grâce et 
sa force y pour vivre selon sa volonté en ceci 
comme dans les autres choses. Donné à Halle , le 
jour de Saint-Thomas (âl décembre 15S1). 
AiBEMus manu propriâ, > 

Le prédicateur et conseiller de l'archevêque , 
Fabricius Capiton, dans une réponse à la lettre 
de Luther , avait blâmé son âpreté , et dit qu'il 
fallait garder des ménagemens avec les puissant, 
les excuser, quelquefois même fermer les yeux 
sur leurs actes, etc... Luther réplique : ... « Vous 
demandez de la douceur et des ménagemens , je 
vous entends. Mais y a-t-il quelque communauté 
entre le chrétien et l'hypocrite ? La foi chétienne 
est une foi publique et sincère; elle voit les 
choses, Me les proclame telles qu'elles sont. Mon 
opinion est qu'on doit démasquer tout, ne rien , 
TOMB 1 4 

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98 nÉMoi&st 

ménager, n'excuser rien , ne fermer les yeux sv^ 
'^ rien , de sorte que la vérité reste pure et à décou- 
vert, et comme placée sur un champ libre... 
Jérémie , i8 : Maudii êoH c^lui qui e$t tiède duns 
t œuvre jdu Seigneur! Autre chose est, moa cher 
Fabricios , de louer le vice ou Tamoindrir , auti^e 
chose de le guérir avec bonté et doujceur. Avant 
tout, il faut déclarer hautemenjt ce qui est juste 
et injuste, et ensuite, quand l'auditeur s'est j^ 
nétré ^e notre enseignement,' il faut l'accueillir 
et l'aider malgré les imp^i|i9ctv>ns dans lesquelles 
il pourra encore retomber. Ne repoussez pue e^fui 
qui ê9t ft^ible dflnf h fifi, dit saint Pa]«}... J'e^ère 
qu'on ne pourra me reprocher 4'avoir , pour ma 
part , manqué de charité et de patience enrers 
les faibles... Si votre cardinal avait éorU sa lettre 
dans la sincérité de son cœur, ô moi^ Bien, avec 
quelle joie , quelle humilité je tomberais à ses l 
fueds! comme je m'estimerais indigne d'en baiser j 
]a poussière I car moi-même suis-je autre chose 
que poussière et ordure ? Qu'il accepte la parole 
de Dieu, et nous serons à lui comme des servi- 
teurs fidèles et soumis... A l'figard de eei|]| qi^ 
persécutent et condamnent cette parole, la cha- 
rité suprême consiste précisément à résistera leurs 
fureurssacrilégef de toutes manières. 



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DB LUTBBR. 99 

» Croyez-vouf trouver en Lutlier un homnio 
fpà eonseitie k fermer les yeux , pourvu qu'on 

Famose par cpielques cajoleHes? Cher Fabri- 

eiuÉv je deyrass voutrépoiidre plus durement que 
jfiBo&is...,^ raoii: amow est prêt à mourir pour 
viHi«;»ma» c^ui touche à la fri, toVlche k la pru« 
aeâe de BOire œiL Raillez ou honorez Vamour 
eômiQe vous le voudrez; mais la foi^ la parole, 
to\i8 devez Tadorer et la regarder comme le saint 
des saints: c'est oe qde nous etigeon» de vous. At- 
teadei tout de notre amour, mais craignez, re- 
<ioutez notre foi 

» Je ni& réponds point au cardinal même, ne 
«cl«bat comment lui écrire, siûais approuver ou? 
reprendre sa sincérité ou' son hypocrisie. C'est- 
par VOU9 ((ull saura la pensée de Luther..... 0e 
BftMi désert', le jour de Sainte Antoine (17 janvier 
1522).. 

Citon» encore la préfaice qu^il mit en tête de son 
explication de Févangile des' Lépreux, et* qu'il 
adressa- à plusieurs de ses amis : 

«Pauvre frère que je suis! voilà que jfai «i- 
«ore allumé ùii grand feu ;. j'mde nouveau mordu 
va bon trou dans la poche des papistes, j'ai atta*^ 
V^é la confession ! Que vais-je devenir désormais ? 
^ trouveroBt-ila assez de soufre , de bitumé , de 



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100 VtaOIBES 

fer et de bois, pour mettre en cendres cet héré- 
tique empoisonné ? Il £siudra pour le mmns enle- 
ver les fenêtres des églises, de peur que l'espace 
ne manque aux prédications des saints prêtre» 
sur rÉvangile, id est, à leurs injures et à leurs *^ 
Tociférations furibondes contre Luther. Quelle 
autre chose prêcheraient-ils au pauvre peuple ? 
Il faut que chacun prêche ce qu'il peut e€ ce qu'il 
sait. 

«... Tuez, tuez, s'écrient-ils, tuez cet hérésiar- 
■ 'que qui veut renverser tout l'état ecclésiasti- 
» que , qui veut soulever la chrétienté entière ! » 
J'espère que, si j'en suis digne, ils en viendront 
là , et qu'ils combleront en moi la mesure de leurs 
pères. Hais il n'est pas encore temps, mon heure 
n'est pas venue; il faut qu'auparavent je rende 
encore plus furieuse cette race de vipères , et que 
je mérite loyalement de mourir par eux....» 

Du fond de sa rétraite , ne pouvant plus se jeter 
dans la mêlée , il exorte Mélanchton : 

« Lors même que j è périrais , rien ne serait perdu 
pour l'Évangile, car tu m'y surpasses aujour- 
d'hui ; tu es l'ÉIysée qui succède à Élie, enveloppé' 
d'un double esprit. 

' » Ne vous laissez pas abattre, mais chantez la; 
nuit le cantique du Seigneurque je vousaidonné : 



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DB I.VTHEB. 101 

je le chanterai aussi , moi , n'ayant de souci que 
pour la parole. Que celui qui ignore, ignore : que 
celui qui périt, périsse, pounru qu'ils ne puis- 
sent pas se plaindre que notre office leur ait man- 
qué. » (26 mai 1521.) 

. On. le pressait alors de donner la solution d'une 
question qu'il avait soulevée, et dont la décision 
ne pouvait sortir des controverses théologiques, 
la question des vœux monastiques; les moines de- 
mandaient de toutes parts à sortir , et Mélanchton 
n'osait rien prendre sur lui. Luther lui-même n'a- 
borde ce sujet. qu'avec hésitation. 

. « Vous ne m'avez pas encore convaincu qu'on 
doive penser de même du vœu des prêtres et de 
celui des moines. Ce qui me touche beaucoup, 
c'est que l'ordre sacerdotal, institué de Dieu, est 
libre, mais non pas celui des moines,. qui ont 
choisi leur état, et se sont offerts à Dieu de leur- 
plein gré. Je déciderais.pourtant volontiers que. 
ceux qui n'ont, pas atteint l'âge du mariage, ou 
qui y sont encore, et qui sont entrés» dans ces 
coupe-gorges, en peuvent sortir sans scrupule; 
mais je n'ose me prononcer pour ceux qui sont 
déjà, vieux , et qui ont vécu long-temps dans 
oetétat 

, * Ihi reste , comme Paul donne , au sujet des 

4. 

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lOS nékOiREi» 

préires, tttie dëcisioh très large, en disant qiie 00 
sont les démons qui leur ont interdit le mariage , 
et que la> voix de Paul est la voix de la majesté^ 
divine , je iie doute point qu'il ne feille la confea^ 
ser hautement ; ainsi, lors même qu'au tedips de 
leur prtïfession , iU se seraient liés par cettte pro- 
hibition dû' diable, maintenait qu'ils sbVek&t-à^ 
quoi iU se^ont'liés; ils peuvent se d^ie^ eit^tblite* 
cotfflattce'f 1** aOûtî)*Pottr moi, j'ai souveritatif** 
nutë^sans sicrupule dfes- Vœux* fiiits avaait Fage de* 
vingt ans, et je lesanliulerâis0n(*ore, parce qt^I* 
n'est personne qui rie voie qu'iP il'y a eu là nl- 
délibértition ni' connaissaiâce. Hais j'ai fait cela 
pour ceux qui'n'âvaiehtpfas encore changé d^étât' 
ni d'habit^, quant a ceux qui auraient déjà exercé* 
dans'les monastères lesfônctions dû sacrifice , je 
n'éi lieti^oàé encore. Je ne sais de quel 'nuage- 
m'offusquent et me tourmentent -c^tèWâiité et' 
cette opinion' fatimaine..»' (6 acoûi It^l;) ' 
Quelquefois' il se rassure , et'^iarle tlettèmenit':' 
« Qiiiant'aux vtEfUX des^reMgieUjK:^6t'dei*][^rétr6s) 
nous avons fait , Philippe et lâtoi , urie vîgtlSûlreùse' 
couipiration pour les 'détruire et' les* ihèttre' à' 
néaiït...4 Gènkalheureux cflibat'd^ jeeeuèé ^^àÊà* 
et des jeunes filles me révèle tous les jours' tatfl' 
de monstruositéif, que rien ne -sdnne plus nlial à 



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DB bUTBia. 103 

dM§oreiUeft'qiie le nom de nonne» de moine> de 
prêtre : et le mariage' me semble un- paradis, 
même avec la: dernière pauvreté. > ( l*^ no- 
reoibre:)' 

Préface de Luther à soii livre Bé ' V0H9 monm^ 
tieù , écrite soofi forme de lettre à son père, (âl 
not; IBftl.) « .... Ce n'est pas volontairement que 
je me suis fait' moilicf.' Dans la^tèrreur d'uiie ap- 
pÉKrftion slbtidaiiieS^aitouré'dé'là mort et me 
orôyaht ai^fleiépar le ciel, je fis un vœu irréflé- 
chi et forcé. Quand je te dis cela dans notre eti- 
trevue -, tu me répondis : « Dieu veuille que ce ne 
s(»t pas utt prèëtige et -un fantôme diab<^ique1 ' > 
Celte parole, ccfinme 1^ Dieu r-e^ât prommoéepAr 
tâbéudhe, nlie pénétra Maitôt ptofondéfnettt; 
m^jè fermai' niion cœur , tant qtiè jepus^, contre ' 
tèi'él^'l^t^è.' De m^ne, lorsque ensuite je lé 
iB{^dè^téatèn ressentiment , tu meâs une réponse 
qjfà^ lÈie frappa'- c<nmsie aiicune ' (iarble ne ^ nî^a 
frappa ; éteïÙs eut %ètLJours'rèstéeaii fond de moi! ' 
cœur. Tu me db : « N Wtti pa» entendu aussi- 
i|pAm<dtiM<>b&rà^s€ié*parens? »' Maié j'étaié cn- 
^kfHlÂ^ dàmh^iM^détdtim] et j!ébci^taifl^ë^tie tu 
disalà cbdMè^^Mireiââit que^d^unlMAîlùè. Cepeftt^ 
^ai^i^âim^lëiëiké^àé niM améijëhM jaihAi9)p^' 

mépriser ces paroles. ...» 



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104 MÉllOIABâ . 

^-T- « Il me'souvient que lorsque j'eus prononcé : 
mes vœux , le père de ma chair, d'abord très ir- 
rité , s'écria , lorsqu'il fut apaisé : Plaise au ciel 
que ce ne soit pas un tour de Satan! Parole qui 
ajeté dansmon cœur de si profondes racines, que 
je n'ai jamais rien entendu de sa bouche dontj'aie- 
gardé une plus ferme mémoire. Il me semble que 
Dieu a parlé par sa bouche. » (9 septembre.) Il 
recommande à Wenceslas Link qu'on ;laisse aux. 
moines la liberté de sortir des couvens sans jamais 
contraindre personne. « Je suis sûr que tu ne fe^' 
ras, que tu ne laisseras rien faire de contraire à. 
l'Étangile , lors même qu'il faudrait perdre tous . 
les monastères. Je n'aime point cette sortie tur- » 
bulente dont j'ai, ouï parler... Mais je ne vois pas 
qu'il soit bon et conyenable de les rappeler,, 
quoiqu'ils n'aient pas bien et convenablement { 
agi. Il faudrait qu'à l'exemple de Cyrus dans Hé-> 
rodote, tu donnasses la liberté à ceux qui veulent, 
sortir , mais sans mettre personne dehors , ni re- • 

. tenir personne par force... » 

Ilavaitmontrélamême tolérance lorsque» cenx. 
d'Ërfurth s'étaient portés à des actes de violence, 
envers les prêtres catholiques. Garlostad, à Wit- 
temberg , eut bientôt rempli et dépassé les instruo* > 

tions de Luther. 



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DB LUTHUl. 105 

c Bon Dieu! s'écrie celui-ci dans une lettre à 
Spalatin, nos gens de WiUemberg marieront-ils 
jusqu'aux moines! Quant à moi , ils ne me feront 
pas prendre femme. — Prends bien garde de ne 
pas prendre femme, afin de ne pas tomber dans 
la tribulation de la chair. > (6 août. ) 

Cette hésitation et ces ménagements montrent 
assez que Luther suivait plus qu'il ne devançait 
le mouvement qui entraînait tous les esprits hors 
des routes anciennes. 

« Origène, écrit-il à Spalatin, avait un ensei- 
gnement à part pour les femmes; pourquoi Mé- 
lanchton n'essaierait^il pas quelque chose de pa- 
reil? Il le peut et le doit, car le peuple a faim et 
foif. > 

« Je désirerais fort que Hélanchton prêchât 
aussi quelque part en public, dans la ville, aux 
jours de fêtes , dans l'après-dinée , pour tenir le 
lieu de la boisson etdu jeu: on s'habituerait ainsi à 
ramener la liberté , et à la façonner sur le modèle 
de l'Église antique. 

> Car si nous avons rompu avec toutes les lois 
humaines, et secoué le joug , nous arrêterons-nous 
à ce que Mélanchton n'est pas oint et rasé, à ce 
qu'il est marié ? Il est véritablement prêtre, et il 
remplit les fonctions du prêtre, à moins que l'of- 



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tOB iiinoiREt 

ftce du pfêtre ne soU pai remeignemeiit de fo par 
rôle. Autretûent le Christ non plud ne dëi^à pasT 
pi^étre, puisqu'il enseighe tantôt dans les synago- 
giieé, tantôt sur la barque, tantôt suï' le tîrâjfe, 
tantôt sur la montagne. Tout fôle eu tout lîéU, à 
toute heure, il Ta rempli sani^ cesser d'être lui- 
même. 

t ïï faudrait que Mélanchton lut au peuple l'É- 
tangile en allemsiiid , comme il a^ commencé à le 
lire en latin , afin de deYeni¥ ainsi peu-à-peû lin 
êvêque allemand', comme il' est devenu évéque la- 
tin. » ( 9 septembre.) 

Cependant FEmpereui^ étant occupé de la 
guerre contre le toi de France , l'Électeur se rasH 
8urâ et il fit donner à Luther un peu plus dé li- 
berté, é J^e suis allé deux jours à la chasse pour 
Voir un peu ce plaisir yAtf»vVfxp«r (doux-amer)' 
des héros : nous primes deux lièvres et quelques' 
pauvres misérables perdreaux; digne occupation 
d*oisifs. Jéthéologisais pourtant au milieu des filets 
et des chiens; autant ce spectacle m'a catiâé de 
plaisir , autant c'a été pour moi un'my^ère dfe pi- 
tié èf de douleur. Qu^est-ce que cela nous' repré- 
senta; sinon le diable avecses dbcteursimpies poUf 
chiiAar, c'est-à-dire les évéques et les théotogienr 
qui chassent ces* innocentes bestioles. Je sentais 



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Df LUTBBIl. 107 

pfQ£o«4éine9Dil ce trôte n^y^tère sur }es animaux 
simples et fidèles. 

> £n Toici un autre plus ^Iroce. Nous arions 
sftuyé un petit lièvre vivimt, je l'avais enveloppé 
dànf la manche d^ ma ro})e^ pendant que j'étais 
éloi|^é ;un instant, lies chiens trouvèrent le pau- 
vre lièvre» .et t à travers la robe, lui cassèrent la 
janibe droite» ei l'étranglèrent. Ainsi sévissent la 
pape .et Satw pour perdre mêin^ Jes Âmes sau-»- 

Vié,€SS. 

• Enfin» j'ion ai assez A& la chasse > j'ftimerais 
mieux , j^ peose^ celle où Von peree de traits e\ 
ans fljBT'bes ovrs, loups» sangliers» renards» et toute 
h gent4es docteurs impies.., i& t'écris cette plai- 
f^^rie» afip qw tn saches que yo»s autre» cpprr 
Iis9^, mangeurs de hétps^ vous serez })étes à votr^^ 
jûiir dwâle paradijs, q» «aurîi liim yçuit prendre 
^fous içncager, Christ» le gfigsid ch»WWr. C'est 
Toqs qui étesi en jeu , tandis que vpi}^ vpus jouçz 
à la ch3sse. 9 (15 apùt.) ^- Su reste, Luther iie se 
déplaisait pas à Warthourg; il y avait trouvé un 
accueil libéral» où il reconnaissait la main de Vt,^ 
lecteur, f Le maître de p<9 Ueu me traite heaucoup 
mieqx que je |ie le mérite. » (10 juin.) « Je ne vour 
itm être à charge à persopne. Mai» je s^i^ per- 
suadé c)^e je vis ici aux dépens 4e «Qtre prince^ 



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108 vAmoiubs 

autrement je n'y resterais pas une heure. On sait 
que s'il faut dépenser l'argent de quelqu'un , c'est 
celui des princes. » (IS août.) 

A la fin du mois de novembre 1521 , le désir de 
revoir et d'encourager ses disciples lui fit faire 
une courte excursion à Wittemberg; mais il eut 
soin que l'Électeur n*en sût rien. « Je lui cache, 
dit-il à Spalatin, et mon voyage et mon retour. 
Pour quel motif ?c'est ce que tu comprends assez. » 

Le motif, c'était le caractère alarmant que pre- 
nait la Réforme entre les mains de Garlostad , des 
théologiens démagogues, des briseurs d'images, 
anabaptistes et autres, qui commençaient à se pro- 
duire. « Nous avons vu le prince de ces prophètes, 
Claus-Stork, qui marche avec l'air et le costume 
de ces soldats que nous appelons lanzknecht; il 
y en avait encore un autre en longue robe, et le 
docteur Gérard de Cologne. Ce Stork me semble 
porté par un esprit de légèreté , qui ne lui per- 
met pas de faire grand cas de ses propres opinions. 
Hais Satan se joue dans ces hommes. > (4 septem- 
bre 1822.) 

Luther n'attachait pas encore à ce mouvement 
une grande importance. « Je ne sors pas de ma 
«retraite, écrit-il; je ne bouge pas pour ces pro- 
phètes, car ils ne m'émeuvent guère. > (17 jan- 



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DE LUTHEB. 109 

fier IKSS.)!! chargea Mélanchton de les éprouver, 
et c'est alors qu'il lui adressa cette belle lettre 
(IS janvier 1822) : « Si tu veut éprouver leur 
inspiration , demande s'ils ont ressenti ces angois- 
ses spirituelles et ces naissances divines , ces morts 
et ces enfers... Si tu n'entends que choses douces 
et paisibles et dévotes (comme ils disent) , quand 
même ils se diraient ravis au troisième ciel , tu 
n'approuveras rien de cela. Il y manque le signe 
du Fils de l'homme, le /8«0-«v0;( pierre de touche), 
l'unique épreuve des chrétiens , la règle qui dis- 
cerne les eiiprits. Yeux-tu savoir le lieu , le temps 
et la manière des entretiens divins ? écoute : // a 
brisé comme le lion tous mes os^ etc. Jai été f9* 
foussé de ta face et de tes regards, etc. Mon âme 
été remplie de maux, et ma vie a approché de l'en* 
fer. La majesté divine ne parle pas comme ils le pré- 
tendent , immédiatement , et de manière que 
l'homme la voie; non, L'homme ne me verra point, 
et il vivra. C'est pourquoi elle parle par la bouche 
des hommes, parce que nous ne pouvons tous sup- 
porter sa parole. La vierge même s'est troublée à 
la vue de l'ange. Écoutez aussi la plainte de Da- 
niel et de Jérémie : Prenez-moi dans votre juge- 
ment , et ne soyez pas un sujet d'épouvante, > 
(17 janvier 1822. ) « Aie soin que notre prince 

5 

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110 nivoiBEs 

ne teigne pas 9es mains du sang de ces ilovreiiai 
prophètes, 

» C'est par la parole seule qu'il faut combaltpe^ 
par la parole qu'il &ut vaincre, par la parole 
qu'il faut détruire ce qu'ils ont éleyé par la force 
et la violence* 

» .«. Je ne condamne que par la parole ; que 
celui qui croit, croie et suive; que celui qui ne 
croit pas, ne croie pas, et qu'on le laisse aller. 
Il ne £BL«t contraindre aucune personne à la fol ni 
aux difcoses de la fin; il faut l'y traîner par la pa* 
rol^. Je condamne les images, mais par la parole, 
non» pour qu'on les brûle, mais pour qu'on n'y 
mette pas sa eonfianoe. » 

Xais il se passait à Wittemberg même des cbo* 
ses qui ne pouvaient permettre à Luther de res- 
ter plus long-temps dans son donjcm. Il partît 
sans demander l'agrément de l'Électeur. 

On trouve , dans un des historien^ de La Ré« 
forme, un curieux récit de ce voyagç, 

« Jean Kessler, jeune théologien de Saint->^Gall ^ 
se r^idant avec un ami a TVittemberg pour 
y achever ses études, rencontra le soir, dans une 
auberge située à la porte d'Iéna, Lutber babillé 
en cavalier. Ils ne le connurent point. Le ca« 
valier avait devant lui un petit livre ^ qui était f 



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DB LUTHER. 1 1 I 

emnme ils le Tirent phis tard , le psautier en 
hâtreu. Il les salua poliment, il les invita à s'as* 
woir à sa table. Bans la eoityersatîon , il leur de* 
manda aussi ce que l'on pensait de Luther en 
Suisse. Kessler loi répondit que les une ne sa- 
vaient comment le eélébrer^et remerciaient Dieu 
del'aToir envoyé sur la terre pour y relever la 
vérité, tandis que d'autres^ et notamment les 
prêtres, le condamnaient eomme un hériiique 
^'on ne pouvait épar^er. D'après cpelques 
mots que l'hôtelier dit aux jeunes voyageurs, ils 
k prirent pour Ulrich de Hutten. Lesmarchands 
arrivèrent; Tun d'eux tira de sa poche et mit à 
côté de lui un livre de Luther nouvellement im^ 
primé, et qui n'était pas encore reKé. Il demanda 
aies autres l'avaient déjà vu. Lnthef parla du peu 
ée bonne volonté pour les choses sérieuses , qui 
le manilestait dans les princeii assemblés alors à 
la diète à Nuremberg. Il exprima aussi l'espoir 
« que lavéritéévangéliqueporterait plusdefruils 
> dans ceux qui viendraient et qui n*auraient pas 
» encore été empoisonnés par Terreur papale. » 
L'un des marchands dit : « Je ne suis pas savant 
en ce» questions; mais, à mon sens, Luther doit 
être ou un ange du ciel , ou un démon de Vev^ 
fer; auisi, je vais employer les derniers dix flo^ 



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lis aiÉHQIRES 

rins que je me suis ménagés à aller à confeae 
chez lui. » Cette conversation eut lieu pendant 
le souper. Luther s'était arrangé d'avance avec 
l'hôtelier pour payer l'écot de toute la table. Au 
moment de se retirer, Luther donna la main aux 
deux Suisses (les marchands étaient allés à leurs 
affaires), les priant de saluer de sa part, quand 
ils seraient arrivés à Wittemberg , le docteur Jé- 
rôme Schurff, leur compatriote. Ils lui demandè- 
rent comment ils le déviaient nommer auprès de 
celui-ci. < Dites*lui seulement, leur répond-il , 
que celui qui doit venir le salue; il ne manquera 
pas de comprendre ces paroles. » 

« Les marchands, quand ils apprirent, en re- 
venant dans la chambre, que c'était à Luther 
qu'ils avaient parlé, furent inconsolables de ne 
pas l'avoir su plus tôt, de ne pas lui avoir montré 
plus de respect , et d'avoir dit en sa présence des 
choses peu sensées. Le lendemain, ils se levèrent 
exprès de grand matin, pour le trouver encore 
avant son départ, et lui faire leurs très humbles 
excuses. Luther ne convint qu'implicitementque 
c'était lui. » 

Gomme il était en chemin pour se rendre à 
Wittemberg, il écrivit à l'Électeur qui lui avait 
défendu de quitter Wartbourg : ...... Ce n'est 



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DB LUTBIS. 113 

pas des hommes que je tiens l'Évangile, mais du 
ciel, de notre Seignear Jésns-Girist, et j'aurais 
bien pu , comme je veux faire dorénarant, m'ap» 
peler son serviteur, et prendre le titre d'évangé» 
liste. Si j'ai demandé à être interrogé, ce n'était 
pas que je doutasse de la bonté de ma cause, mais 
uniquement par déférence et hujnilité. Or, comme 
je vois que cet excès d'humilité ne &it qu'abais- 
ser rÉvan^lci et que le diable, si je cède un 
pouce de terrain, veut occuper toute la place « 
ma conscience me force d'agir autrement. C'est 
assez que, pour plaire à votre Grâce électorale , 
j'aie passé une année dans la retraite. Le diable 
sait bien que ce n'était pas crainte ; il a vu mom 
eœur quand je suis entré dans Worms. La ville 
eût*elle été pleine de diables , je m'y serais jeté 
avec joie. 

» Or^ le duc Georges ne peut pas même passer 
pour un diable ; et votre Grâce électorale se dira 
elle-même si ce ne serait pas outrager indigne^ 
mientle Père de toute miséricorde, qui nous com« 
mande d'avoir confiance en lui, que de craindra 
la colère de ce duc. Si Dieu m'appelait à Leip* 
sick, sa capitale, comme il m'appelle à Wittem^ 
l>erg , j'y entrerais quand même (pardonneiHow» 
«ette folie) quand même il pleuvrait des ducs 

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U4 MimotRES 

Georges mvâjonm ditrant , et ehaottn d'eux neuf 
fo» plus furieux. Il preud done Jâka94])lu*îst pour 
ua lioninw de paflkr. Le seigneur peuA hie» teiÀ* 
rer cela qmlcfue t^oafgf itmis nom pas teitjoun. 
Je ne cftcbemi pas^ non plus à votre Grâtce ékù»* 
teiraie que /«i phi9 d'une foi» piié et {^euré ponr 
que Dîeii vouflt éclairer le duc ^ j e le ferai eneora 
uncu foisi atee ardcm , mais ee sens la denȏre. 
fe' tfttpplie aussi velr« Grâce de prier die-mêinfs 
et de &ite< pfier' , pou» que noiîB détoumtoB» ém 
haàf s'il pfa^ à IKeis, le terrièle ^ugemisiEi qni> 
ch«q«Ë0 j^ovnr , hélas \ le menaeor de- plus piièn. 

i« JPéetis ceei pour rom» faire savoir q«e je Tais 
à Willeittberg sous^ une prOle«tkm plua haai» 
que ce&e de FÉldeteur; aussi mVi^jie paaFiiitenh* 
tion de demander appui à votre Giâee^ le eri» 
même que je la protégerai plus que je ne setaà 
pvolétépar elle : si je savait qufdile eût me> pro- 
léger , je ae^ viendrai» pas^ Uépée ne peut rkn 
enf eed; il Ikut qa« Diem agîBsev sanaque fea 
hmKmes^ s'en m^ent^ Celui ^ a le plua do isér 
protégera le ph» effîcaccanenl^ et ooaome Je sem 
qpoe vo^re. Grâce est encore taès jEaible* èaa» la 
M^ je ne puis nullem^it voir ciÉéUeeciui ^paà 
èmt me puatégér et rase saorrer. 

it Votre GrActe éieebcneate me dèmaode ee 



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M tVTBBB. 115 

^'elle doit fsire en ces circOBftaiicei, estimaal 
«v<Hr lait peu jmKfBi'ici. Je réponéi, ea toute 
floamisBÎoa^ que voAre Grâce ni'ft &it que trop, et 
qu'elle ae éevrait tieo faire. Dieu ne veut pa* 
de tontes ce» inquiétudes , de tout ce mouye* 
mieoâ^f quand il t^mpt de «a oawsef il veut quW 
s'en reinette à lui seul. Si votre Crrâee a .eette, 
txàt elle trouver)a paix et sécurité ; naon, moi du 
neaàs, je eroitai; et je serai «bligé de laisser à 
v«tre Gtace l«s tourmeis par lesquels Dieu 
puKÎt les incrédules. Pins doue que je ne veux 
pas suivre les eizhortationt de voire Gtaee^ ^c 
sera justifiée devant Dieu , si je suis pria on tué. 
Devant les kcnime», je désire qu'elle agisse eomme 
ilsitit : qu'elle oMisse à l'auioiit^ en ben éiec- 
teur, qu'elle laisse régneor la Majesté knpémle 
en sea états conlorrmément anx véglemeas de 
l'Enpîre, et qu'elle a& garde d'opposer quelque 
tésistanee à lai pt^Mtnce qvà voudra me pr^sodre 
ou me tuer ; car personne ne doit briser la 'puî»* 
«tnee ai lui résitfiel'^ faarana celui qui Fa insti- 
tuée ^snttremeni,. e^es^ révlille^ c'est contre Dieu, 
l'espère seuIeatentqa'ikanrontaHPrafide sens po«r 
veeeumitre qoa votre Gràcse éleetorale est de 
irof iMuâlieapoursB&râeettèHaéBieineafc ^eôlîen 
Si eUb laisse les porte» ouvertes, et qv'eUe 

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116 VlâMOlAES 

fasse observer le sauf-conduit , au cas où ils vien-^ 
firont me prendre , elle aura satiâfait à l'obéî»- 
sance. Si, au contraire, ils sont assez déraisoiuia-* 
blés pour ordoilner à votre Grâce de mettre 
elle-même la main sur moi ,je ferai en sorte qu'elle 
n'éprouve pour moi nul préjudice de corps , de 
biens, ni d'âme. 

9 Je m'expliquerai plus au long une autre 
fois , s'il en est besoin. J'ai dépéché le présent 
écrit, de peur que votre Grâce ne fût affligée de 
la nouvelle de mon arrivée; car , pour être chré- 
tien , je dois consoler tout le monde et n'être pré* 
judiciable à personne. 

» Si votre Grâce croyait, elle verrait la ma- 
gnificence de Dieu ; mais comme elle ne croit pas 
encore, elle n'a encore rien vu* Aimons et glori^ 
fions Dieu dans l'éternité. Amen. Écrit à Borna ^ à 
côté de mon guide , le mercredi des Gendres lSâ2« 
(5 mars).iDe votre Grâce électorale le très soiamîs 
serviteur. Martin Lutheb. » 

( 7 mars). L'Électeur avait feit prier Luther de 
lui exposer les motifs de son retour à Wittemberg 
dans une lettre qui put être montrée à l'Empe* 
reur. Dans cette lettre , Luther donne trois mo^ 
tifs : l'église de Wittemberg Fa instamment prié 
de revenir; deuxièmement, le désordre s'est mis 

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Bfi LUTHBB. 117 

dans son troupeau; enfin il a voulu empêcher, 
autant qu'il serait en lui , Finsurrection qu'il re- 
garde comme imminente. 

«... Le second motif de mon retour, dit-il, 
c'est qu'à Wittemberg, pendant mon absence, 
Satan a pénétré dans ma bergerie, et y a fait des 
rayages que je ne puis réparer que par ma pré-* 
lence et par ma parole vivante; une lettre n'y 
aurait rien fait. Ma conscience ne me permettait 
plus de tarder; je devais négliger non-seulement 
la grâce ou disgrâce de votre Altesse, mais la co- 
lère du monde entier. C'est mon troupeau, le 
troupeau que Dieu m'a confié , ce sont mes en-* 
&0S en Jésus-Christ : je n'ai pu hésiter un ma* 
ment. Je dois souffrir la mort pour eux , et je le 
ferais volontiers avec la grâce de Dieu, comme 
Jésus-Christ le demande ( saint Jean, X, 12). S'il 
eut suffi de ma plume pour remédier à ce mal f 
pourquoi serais-je venu? Pourquoi, si ma pré- 
sence n'y était pas nécessaire , ne me résoudrais-je 
à quitter Wittemberg pour toujours ? • . . » 

Luther à son ami Hartmuth de Kronberg , au 
mois de mars (peu après son retour à Wittem- 
berg) : « . . . . Satan , qui toujours se mêle parmi 
les en fans de Dieu , comme dit Job (1,6), vient dé 
nous faire ( et à moi en particulier) un mal cruel 



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1 18 IlillOlEE» 

à Wittemberg. Tous mes ennemis, quelque près 
qu'ils fussent souVent de moi « ne m'ont jamais 
porté un coup comme œlui que j'ai reçu des 
mien». Je miîs obUgé d'aTOuer quo e^te fumée 
me Usât bien mal aux yeux et au oœur^ « C'est par 
» là , s'est dit Satan , qu0 je veux abattre lecourage 
» de Luther y et vaincre cet esprit si roide. Cette 
» fois, il ne s'en tirera pas. » 

«... Peut-être Dieu me veut-il punir par ce 
coup, d'avoir, à Worms, comprimé mon esprit, 
et parlé avec trop peu de véhémence devant les 
tyrans. Les païens, il est vrai, m'ont depuis ac- 
cusé d'orgueil. Ils ne savent pas ce que c'est que 
la foi. 

» Je cédais aux instances de mes bons amis qui 
ne voulaient point que je parusse trop sauvage: 
mais je me suis souvebt repenti de cette déférence 
et de cette humilité. 

» ... Hoi-méme je ne connais point Luther, et 
neveux point le connaître. Ce que je proche ne 
vient pas de lui , mais de Jésus-Christ. Que le dia-* 
ble emporte Luther, s'il peut ^ je ne m'en soucie 
pas, pourvu qufil laisse Jésus-Christ régner dans 
les cœurs... » 

Vers le milieu delaméme année, Luther éclata 
avec la plus grande tiolence contre les princes. 



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DB LCTHBft. 119 

Gn grand nombre de princes et d'évéques (entre 
autres le duc Georges) , Tenaient de prohiber Ui 
traduction qu'il donnait alors de la Bible; on en 
rendait le prix à ceux qui l'ayaient achetée. Lu^ 
iher accepte audacîensement le combat : < Noua 
a?ons eu les prémicei de la yictoire et triomi^é 
de la tyrannie papale qui avait pesé sur les rois 
et les princes; combien nesera-t-il pas plus facile 
de Tenir à bout des princes eux-mêmes?... J'ai 
gi^d'peur que s'ils continuent d'écouter cette 
flotte cerrelle du duc Georges, il n'y ait des trou*- 
bies qui mènent i leur perte , dans toute l'Aile* 
i^gne, les princes et les magistrats, et qui en* 
v^loppent en même temps le clergé tout entier; 
c'est ainsi que Je vois les choses. Le peuple s'agite 
de tous côtés, et il a les yeux ouverts; il ne Teut 
pl^, il ne peut plus se laisser opprimer. C'est le 
°^igneur qui mène tout cela et qui ferme les yeux 
^68 princes sur ces symptômes menaçans, c'est 
mi qui consommera tout par leur aTcuglement 
et leur Tiolence ; il me semble Toir l'Allemagne 
^gerdanslesang. 

* Qu'ils sachent bien que le glaive de la guerre 
<!mle est suspendu sur leurs tètes, lis font tout 
P^T perdre Luther, et Luther (ait tout pour les 



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120 HÉMOIEES 

sauver. Ce n'est pas pour Lutber, mais pour eux 
qu'approche la perdition \ ils Tavancent eux- 
mêmes , au lieu de s'en garder. Je crois que l'es* 
prit parle ici en moi. Que si le décret de la colère 
est arrêté dans le ciel, et que la prière ni la sagesse 
n'y puissent rien , nous obtiendrons que notre Jo- 
sias s'endorme dans la paix, et que le monde soit 
laissé à lui-même dans sa Babylone. — Quoique 
exposé à toute heure à la mort , au milieu de mes 
ennemis, sans aucun secours humain , je n'ai ce- 
pendant jamais rien tant méprisé en ma vie que 
ces stupides menaces du prince Georges et de ses 
pareils. L'esprit , n'en doute pas , se rendra maitra 
du duc Georges et de ses égaux en sottise. Je t'é- 
cris tout ceci à jeun et de grand matin, le cœur 
rempli d'une pieuse confiance. Mon Christ vit et 
règne, et moi je vivrai et régnerai. » (19 mars.) 

Au milieu de l'année parut le livre qu'Henri 
VIII avait fait faire par son chapelain Ëdvirard 
Lee, et dans lequel il se portait pour Champion 
de l'Église. 

« Il y a bien dans ce livre une ignorance royale, 
mais il y a aussi une virulence et une fausseté qui 
n'appartiennent qu'à Lee. » (22 juillet.) — Laré* 
ponse de Luther parut l'année suivante, sa vio- 
lence surpasse tout ce que ses écrits contre le pape 



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BX LUTHKA. 121 

aTaieutpa feire attendre. Jamais ayant cette épo» 
qae un homme privé n'avait adressé à nn roi des 
paroles si méprisantes et si audacieuses. 

• Moi, aux paroles des pères , des hommes, des 
anges y des démons, j'oppose ^ non pas l'antique 
usage ni la multitude des hommes, mais la seule 
parole de Téternelle Majesté, l'Évangile qu'eux- 
mêmes sont forcés de reconnaître. Là , je me tiens, 
je m'assieds, je m'arrête; là est ma gloire, mon 
triomphe; de là, j'insulte aux papes, aux thomis- 
tes, aux henricistes, aux sophistes et à toutes les 
portes de l'enfer. Je m'inquiète peu des paroles 
des hommes , quelle qu'ait été leur sainteté; pas 
davantage de la tradition , de la coutume trom- 
peuse. La parole de Dieu est au-dessus de tout. Si 
j'ai pour moi la divine Majesté, que m'importe le 
reste, quand même mille Augustins, mille Cy- 
prions, mille églises de Henri, se lèveraient con- 
tre moi? Dieu ne peut errer ni tromper; Augus- 
tin etCyprien , comme tous les élus , peuvent errer 
et ont erré. 

» La messe vaincue , nous avons , je crois, vaincu 
la papauté. La messe était comme la roche, où 
la papauté se fondait, avec ses monastères, ses 
épiscopats, ses collèges, ses autels, ses ministres 
et ses doctrines; enfin avec tout son ventre. Tout 



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l2â ttBBtOIRES 

cela croulera ayec l'abominatioii de leur messe sa* 
mlége. 

• Pour la cause de Christ , j'ai foui* aux pieda 
l'idole de rabominatiou romaine, qui s'était mise 
à ta }^ace de Dieu et s'était établie maitrease des 
rois et du monde. Quel est donc cet Henri , ce 
noureau thomiste , ce disciple du monstre, pour 
que je respecte ses blasphèmes et sa violence? 
Il est le défenseur de l'Église^ oui, de son Église 
à lui qu'il porte si haut , de cette prostituée qui 
vit dans la pourpre , ivre de débauches , de cette 
mèi'e de fornications. Moi , mon chef est Christ , 
je frapperai du même coup cette Église et sondé-* 
fenseur qui ne font qu'un; je les briserai... 

> J'en suis sûr, mes doctrines viennent du 
ciel. Je les ai fait triompher contre celui qui » 
dans son petit ongle , a plus de force et d'astuce 
que tous les papes, tous les rois, tous les doc-* 
teurs... Mes dogmes resteront, et le pape tom*-^ 
bera, malgré toutes les portes de l'enfer, toutes 
les puissances de l'air, de la terre et de la mer. 
Ils m'ont provoqué à la guerre, eh bien! ils l'au- 
ront la guerre. Ils ont méprisé la paix que je leur 
offrais, ils n'auront plus la paix. Dieu verra qui 
des deux le premier en aura assez , du pape ou 
de Luther. Trois fois j'ai paru devant eux. Je suis 



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BS LUTHU. 123 

entré dans WormA, sachant bien que César de* 
Tait violer à mon égard la foi publique. Luther, 
ce fugitif, ce trembleur , est venu se jeter sous 
I^ dents de Behemoth... Hais eux , ces terribles 
géans , dans ces trois années» s'en est«il présenté 
an seul à Witteraberg ? Et cependant ils y seraient 
Tenus en toute sûreté sous la garantie de l'Empe^ 
reur. Les lâches , ils os&ki espérer encore le trions 
phe ! Us pensaient se relever , par ma fuite, de 
leur honteuse ignominie. On la connaît aujour^ 
dliui par tout le monde; on sait qu'ils n'ont point 
eu le courage de se hasarder en face du a^ul 
Luther. > (15âS.) 

Il fut plus violent encore dans le traité qu'il 
publia, en allemand, sur la Puissance séculière. 
• Les princes sont du monde , et le monde est 
ennemi de Dieu ; aussi vivent-ils selon le monde 
et contre la loi de Bien. Ne vous étonnez donc 
pas de leurs furieuses violences contre l'Évangile, 
car ils ne peuvent manquer à leur propre nature. 
Vous devez savoir que depuis le commencement 
du monde, c'est chose bien rare qu'un prince 
prudent, plus rare encore un prince probe et 
honnête. Ce sont communément de grands sots , 
ou de maudits vauriens {masimè fatui j peuimi 
nebulone9 super terram). Aussi, faut«-il toujours 



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124 BiuOIRES 

attendre d'eux le pis , presque jamais le bieo; 
surtout lorsqu'il s'agit du salut des âmes. Ils ser- 
vent à Dieu de licteurs et de bourreaux , quand 
il yeut punir les méchans. Notre Dieu est un puis- 
sant roi, il lui faut de nobles, d'illustres, de ri- 
ches bourreaux et licteurs comme ceux-ci; il reut 
qu'ils aient en abondance des richesses , des honr 
neurs'y qu'ils soient redoutés de tous. Il plaît à sa 
divine volonté que nous appelions ses bourreaux, 
de démens seigneurs, que nous nous proster- 
nions à leurs pieds , que nous soyons leurs très 
humbles sujets. Mais ces bourreaux ne poussent 
point eux-mêmes l'artifice jusqu'à vouloir deve- 
nir de bons pasteurs. Qu'un prince soit prudent, 
probe, chrétien , c'est là un grand miracle, un 
précieux signe de la faveur divine ; car d'ordinaire, 
il en arrive comme pour les juifis dont Dieu disait : 
« Je leur donnerai un roi dans ma colère, je Vo- 
terai dans mon indignation. Dabo tihi regem in 
fitrore meo, et auferam in indignatione tneâ. » 

» Les voilà , nos princes chrétiens qui protè- 
gent la foi et dévorent le Turc... Bons compa- 
gnons! fiez-vous-y. Ils vont faire quelque chose 
dans leur belle sagesse : ils vont se casser le cou, 
et pousser les nations dans les désastres et les mi- 
sères... Pour moi , j'ouvrirai les yeux aux aveugles 



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DB LUTHER. 125 

pour qu'ils comprennent ces quatre mots du 
psaoïneCyi : EffundUconiempium êuperprmc^es. 
Je TOUS le jure par Dieu même, si tous attendez 
qu'on Tienne tous crier en face ces quatre mots, 
tous êtes perdus, quand même chacun de tous 
serait auaiû puissant que le Turc; et alors il ne 
vousserrîra de rien de tous enfler et de grincer 
des dents... Il y a déjà bien peu de princes qui ne 
soient traités de sots et de fripons; c'est qu'ils se 
montrent tels , et que le peuple commence à com- 
prendre... Bons maitres et seigneurs , gouTcrnez 
arec modération et justice, car tos peuples ne 
rapporteront pas long-temps TOtre tyrannie; ils 
ne le peuTcnt ni ne le Tculent. Ce monde n'est 
plus le monde d'autrefois , où tous alliez à la 
chasse des hommes comme à celle des bêtes &u- 
Tes.» 

Obserration de Luther , sur deux mandemens 
séTères de l'Empereur contre lui. • ... J'exhorte 
tout bon chrétienà prier aTCc nous pour cesprin- 
ces aTCugles, que Dieu nous a sans doute euToyés 
dans sa colère, et à ne pas les suiTre contre les 
Turcs. Le Turc est dix fois plus habile et plus reli- 
gieux que nos princes. Comment pourraient*ils 
réussir contre lui, ces fous qui tentent et blasphè- 
jQe&t Dieu^d'une manière horrible ?€ettepauTre et 

6- 

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126 1IÉBIOIRB9 

inkéimMe eréalure, qui n'est pM «fi inslant sè^re 
desarîe, notre Empereur, ne se glorifie-t-îl pas 
impudemment d'être le mrst et aouveraîn défen* 
senr de la foi chrétienne f 

» L'Écriture sainte dit que la foi ebrétienne 
est un rodier contre lequel échoueront et le dia— 
h!e et la mort, et toute puissanee; que c^est une 
force diTÎnc; et cette ferce divine se ferait proté- 
ger par un enfant de la mOrt que la moàidre 
chose jettera bas? Keu! que le monde est in- 
sensé 1^ Ycnlà le roi d'Angleterre qui s'intitule à 
son tour , défenseur de la foi ! Les ffongrois mê* 
mes se Tantent d'être les protecteurs de Bien, et 
tts chantent dans leurs Ktaniea : Wi n&ê êefenêores 
tuo8 exaudire dfgneri$.„ Pourquoi n^y a-t4l pas 
nussi des prince» pour protéger Jésu8-€hrist, et 
d'autres pour défendre le Saint-Esprit? Alors, je 
penfl<», la sainte Tnnité et la foi seraient enfin 
«cwrenableraent gardées!... » (15â3.) 

Jte tdks hardiesses effirayaient PÊleeteur. Lny 
ther aTaîtpciiie à le raanirer. « Jm me souTÎeiis^ 
mon cher Sps^tin, de ce que j'ai écrit deBem 
à l'Électeur, et plût à Bieuqu& ihki& eussiez foi, 
avertis par les signea si éridens du» la main è» 
Keu, Nevoilà^t-il paadeux ans que jevia eneert 
contre tout attente. L'Électeur noDHieiilwieiiteBit 



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DS LUTIISB. 127 

à Tabri, mais depa» un an il voit la fureur des 
princea apaisée? Il n'est pas diificiie au Cliriside 
protéger le Christ dans cette mienne cause , où 
rÉIeeieur est entré par le conseil de Dieu. Si je 
savais on moyen de le tirmr de cette cause sans 
houle pourrÉvangilcje n'y plaindrais pas même 
ma Ti& Moi , j'avais bien compté ip'ayant un an 
on Bse traitterait au dernier suf^lice; c'était là 
mott expédient pour sa délivrance. Kaintenant^ 
puisque nous nesommes pas capables deeompren«> 
dreotdepé&étrersondes8ein,nouaserons toujours 
parCûtement en sûreté en disant : Qum I» vohnté 
ëoUfmiel £t je ne doute pas que le prince nosoit 
à l'abri de toute attaque, tant qu'il ne donnera 
pas un assentiment et une approbation publique 
à notre cause. Pourquoi est-il forcé de partager 
notre opprobre? Dieu le sait, quoiqu'il soit bien 
certain qu'il n'y a là pour lui ni dommage» ni 
péril, et, au contraire, un grand avantage pour 
son salut. » (là octobre 15213. ) 

Ce qui faisait la sécurité de Luther, c'estqu'un 
bouleversement général semblait imminent. La 
tourbe populaire grondait. La petite noblesse, plus 
impatiente , prenait le devant. Les riches princi- 
pautés ecclésiastiques étaient là comme une proie , 
dont le pillage semblait devoir commencer la 

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128 MÉMOIEES 

guerre ciTile. Les catholiques eux-mêmes récla- 
maient par les moyens légaux, contre les abus 
que Luther avait signalés dans TÉglise. En mars 
1523, la diète de Nuremberg suspendit l'exécution 
de redit impérial contre Luther, et dressa contre 
le clergé centum gravamina. Déjà le plus ardent 
des nobles du Rhin, Franz de Sickingen, avait 
ouvert la lutte des petits seigneurs contre lesprin-* 
ces, en attaquant le Palatin. «Voilà, dit Luther, 
une chose très fâcheuse. Des présages certains 
nous annoncent un bouleversement des états. Je 
ne doute pas que F Allemagne ne soit menacée, ou 
de laplus cruelle guerre,ou de son dernier jour.» 
(16 janvier 15230 



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DS lOTHBH. 129 



CHAPITRE II. 



de l*]église luthérienne.— E«s«is 
d'organisation , etc. 



Les temps qui suiyent le retour de Luther à 
Wittemberg forment la période de sa yie la 
pins actiye , la plus laborieuse. Il lui fallait con« 
tinner la Kéforme , entrer chaque jour plus ayant 
dans la voie qu'il ayait ouyerte » renyerser de 
nouyeaux obstacles» et cependant de temps à 
autre s'arrêter dans cette œuyre de destruction 
pour réédifier et rebâtir tellement quellement. Sa 
yie n'a plus alors l'unité qu'elle présentait a 
Worms et au château de Wartbourg. Descendu 
de sa poétique solitude, plongé dans lesplus mes- 
quines réalités, jeté en proie au monde, c'est à 
lui que s'adresseront tous les ennemis de Rome. 



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130 HilIOIlISS 

Tous affluent chez lui et assiègent sa porte, prîx%^ 
ces , docteurs ou bourgeois. Il faut qu'il réponde 
aux Bohémiens, aux Italiens, aux Suisses, à touCe 
l'Europe. Les fugitifs arrivent de tous côtés. 3[>o 
ceux"<ci les plus embarrassans, sans contredit, oe 
sont les religieuses échappées de leurs couveriâ , 
repoussées de leurs familles, et qui Tiennent chex*— 
cher un asile auprès de Luther. Cet homme die 
trente^ixans est obligé de recevoir ces femmes et 
ces filles , de leur servir de père. Pauvre moine , 
dans sa situation nécessiteuse (voyez le chapitre lY^ » 
il arrache à peine quelques secours pour elles 
au parcimonieux Électeur qui le laisse lui-même 
mourir de faim. Tomber dans ces misères après le 
triomphe de Worms, c'était de quoi calmer Texaf- 
tatioq du réformateur. 

Les réponses qu'il donne à oette foule qui vient 
le consulter sont empreintes d'une libéralité d'es-^ 
prit dont nous le verrons quelquefois s'écarter 
plus tard, lorsque devenu chef d'une église éta- 
blie, il éprouvera luî-^même le besoin d'arrêter 
le moutemQnt qu'il avait imprimé à la pensée re- 
ligieuse. 

D'abord c'estle pasteur de Zwickau , Hansmann, 
qui interpelle Luther pour fixer les limites de la 
liberté évangélique. Il répond : « Nous donnons 



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BB LDTBCl. tSt 

likerté entière sur Tuiie et Faiitre espèt^e; mais 
à ceux qui s'en approchent dignement et avec 
eraînte. Laissons tout le reste selon le rite accou^ 
tumé) et que chacun suive son propre esprit, que 
chacun écoute sa conscience pour répondre à l'É^ 
vangile. » Ensuite Tiennent les frères Morares, leê 
Yaudois de la Morarie. (26 mars 1622) : « Le sa- 
crement lui'-méme, leur écrit Luther, n'est pas 
tellement nécessaire , qu'il rende superflues la foi 
et la charité. C'est une folie que de s'escrimer pour 
ces misères j en négligeant les choses précieuses et 
salutaires. Là où se trouvent la foi et la charité, 
il ne peut y avoir de péché , ni parce qu'on adore» 
ni partee qu'on n'adore pas. Au contraire» là où 
il n'y a pas charité et foi , il ne peut y avoir qu'é* 
temel péché. Si ces ergoteurs ne veulent pas dire 
concomitance » qu'ils disent autrement et cessent 
de disputer, puisqu'on s'accorde sur le fond. La 
foi, la charité n'adore pas (il s'agit du culte des 
saints) , parce qu'elle sait qu'il n'est pas commandé 
d'adorer, et qu'on ne pèche pas pour ne peint 
aborer. Ainsi elle passe en liberté au milieu de 
ces gens, et les accorde tous en laissant chacun 
abonder dans son propre sens. Elle défend de dis» 
pater et de se condamner les uns les autres; car 
elle hait les sectes et les schismes. Je résoudrais la 



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132 wbioiAn 

question de l'adoration de Dieu dans les sainto» 

en disant que c'est une choselibre et indifiérente. » 

Il s'exprime sur ce dernier sujet avec une hauteur 

singulière. 

« Le monde entier m'interroge tellement (ce 
que j'admire) sur le culte des saints, que je suis 
forcé de mettre au jour mon jugement. Je tou^ 
drais qu'on laissât dormir cette question , pour ce 
seul motif, qu'elle n'est pas nécessaire. > (29 mai 
15ââ.) « Quant à l'exposition des reliques, je croîs 
qu'on les a déjà montrées et remontrées par toute 
la terre. Pour le purgatoire, je pense que c^est 
chose fort incertaine. Il est vraisemblable qu'à 
l'exception d'un petit nombre, tous les morts dor- 
ment insensibles. Je ne crois pas que le purga- 
toire soit un lieu déterminé, comme l'imaginent 
les sophistes. A les en croire, tous ceux qui ne 
sont ni dans le ciel ni dans l'enfer sont dans le 
purgatoire. Qui oserait Fassurer? les âmes des 
morts peuvent dormir entre le ciel , la terre, l'en- 
fer, le purgatoire et toutes choses, comme il ar- 
rive aux vivans, dans un profond sommeil... Je 
pense que c'est cette peine qu'on appelle l'avant- 
goût de l'enfer, et dont le Christ, Moïse, Abra- 
ham, David, Jacob, Job, Ézéchias et beaucoup 
d'autres ont tant soufiEsrt. Gomme elle est sembla- 



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SX LUTHBR. 18S 

ble à Tenfer, et cependant temporaire ^ qu'elle 
ait lieu dans le corps ou hors du corps ^ c'est pour 
moi le purgatoire. » (là janvier 15^2.) 

La confession perd , entre les mains de Luther, 
le caractère que lui avait donné l'Église. Ce n'est 
plus ce redoutable tribunal qui ouvre et ferme 
le ciel. Le prêtre ne fait plus que mettre sa sa- 
gesse et son expérience au service du pénitent; 
de sacrement qu'elle était, la confession devient ^ 
pour le prêtre , un ministère de consolation et de 
bon conseil. 

« Dans lia confession , il n'est point nécessaire 
que l'on raconte tous ses péchés; mais les gens 
peuvent dire ce qu'ils veulent; nous ne les lapi'- 
dons point pour cela ; s'ils avouent du fond du 
cœur qu'ils sont de pauvres péchenrs^ nous nous 
en contentons. 

> Si un meurtrier disait devant lès tribunavMt 
que je l'ai absous, je dirais : je ne sais point s'il 
est absous; ce n'est pas moi qui confesse et absous, 
c'est le Christ. A Venise^ une femme avait tué ^ et 
jeté à l'eau j un jeune compagnon qui avait cou- 
ché a.vec elle. Un moine lui donna l'absolution et 
la dénonça. La femme s'excusa en montrant l'ab 
solution du moine. Le sénat décida que le moine 
serait brûlé et la femme bannie de la ville. C'é- 
TdMB 1 5 



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1 SA «BMCiaES 

tait an jugement bien sage. Mais si je donnais un 
billet , ûgné de ma main , à une conscience effrayée, 
et que le juge eût ce billet, je pourrais justement 
le réclamer j comme j'ai fait avec le duc Georges. 
Car celui qui a en main les lettres des autres, sans 
un bon titre ^ celui-là est un voleur. » 

Quant à la messe, il la traite dès 1519 comme 
une chose indifférente pour s^ formes extérieur' 
res. Il écrivait alors à Spalatin . « Tu me demandes 
un modèle de commémorations pour la messe. 
Je te supplie de ne pas te tourmenter de ces mi-^ 
nuties; prie pour ceux pour lesquels Dieu t'in^ 
spirera , et aie la conscience libre sur ce sujet. 
€e n'est pas une chose si importante , qu'il faille 
enchaîner encore par des décrets et des tradi- 
tions l'esprit de liberté: il suffit, et au-delà, de 
la masse déjà excessive des traditions régnantes.» 
Vers la fin de sa vie, en 1542, il disait encore au 
même Spalatin ( 10 novembre ): «Fais pour i'élé-' 
vation du sacrement, ce qu'il te plaira de faire. 
Je ne veux pas que dans les choses indifférentes , 
on impose aucune chaîne. C'est ainsi que j'écris, 
que j'écrivis, que j'écrirai toujours, à tous ceux 
qui me £sitiguent de cette question. » 

Il comprenait pourtant la nécessité d'un culte 
extérieur. « Bien que les cérémonies ne soient 



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Dl LDTHIR. 135 

pas nécessaires au salut, cependant elles font im- 
preadon sur les esprits grossiers. Je parle prin» 
dpalement des cérémonies de la messe, que tous 
pouvez conserver, comme nous ayons fût ici, à 
Wittemberg.» (11 janvier lK81.)«Je ne con« 
damne aucune cérémonie, si ce n'est celles qui 
sont contraires à l'Évangile. Nous avons conservé 
le baptistère et le baptême, bien que nous l'ad- 
ministrions en nous servant de la langue vul- 
gaire. Je permets les images dans le temple ; la 
messe est célébrée avec les rites et les costumes 
accoutumés, seulement on y chante quelques 
hymnes en langue vulgaire , et les paroles de la 
consécration sont en allemand. Enfin je n'aurais 
point aboli la messe latine, pour y substituer la 
mease en langue vulgaire , si je n'y avais étéforcé. » 
(U mars 15218.) 

« Tu vas organiser l'église de Kœnigsberg; 
je t'en prie , au nom du Christ, change le moins 
de choses possible. Il y a près de là des villes épis- 
copules, il ne faut pas que les cérémonies de la 
nouvelle Église difierent beaucoup des anciens 
rites. Si la messe en latin n'est pas abolie, ne 
l'abolis pas; seulement méles-y quelques chants 
en allemand. Si elle est abolie, conserve Tordre 
et les costumes anciens. > ( 16 juillet 1528. ) ^ 



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136 H1ÈH0IAE8 

La changement le plus grave que Luther fit 
sahic à la messe, fut de la traduire en langue vul- 
gaire. « La messe sera dite en allemand pour les 
laïques, mais l'office de chaque jour se fera en 
latin, BU y joignant toutefois quelques hymnes al- 
lemands. « (28 octohre 1525.) - " ^ 

« Je suis bien aise de voir qu'en Allemagne *là 
messe soit à présent célébrée en allemand. Mais 
que Garlostad fasse de cela une nécessité, voilà 
qui est encore de trop. C'est un esprit incorri-^ 
gible. Toujours, toujours des lois, des nécessités, 
des péchés! Il ne saurait faire autrement... Je dir 
rai volontiers la messe en allemand, etjem'ed 
occupe aussi ; mais je voudrais qu'elle eut un vé- 
ritable air allemand. Traduire simplement lé 
texte latin , en conservant le ton et le chant usi- 
tés, cela peut aller à la rigueur, mais ne sonne 
pas bien et ne me satis&it pas. Il faut que tout en- 
semble, texte et notes, accent et gestes, viennent 
de notre langue et de notre voix natales; au- 
trement ce ne sera qu'incitation et singerie... » 

« Je désire, plutôt que je ne promets, de vous 
donner une messe en allemand; car je ne me 
sens pas capable de ce travail, où il faut à la fois 
la musique et l'esprit. > ( 12 novembre 1524.) 

« Je te renvoie la messe ; je tolérerai qu'on la 



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DB LUTHBft. 137 

chante ainsi , mais il ne me plait pas qu'on garde 
la musique latine sur les paroles allemandes. Je 
voudrais qu'on adoptât le chant allemand. « 
(26 mars 15â5. ) 

« Je suis d'avis qu'il serait bon, à l'exemple des 
prophètes et des anciens pères de l'Église, de 
bire des psaumes en allemand pour le peuple. 
Ilou3 cherchons des poètes de tous côtés; mais 
pipsqu'il t'a été donné beaucoup de faconde et 
d'éloquence dans la langue allemande, et que tu 
aé cultivé ces dons, je te prie de m'aider dans 
-mon travail , et d'essayer de traduire quelque 
psaume sur le modèle de ce que j'ai déjà fait. Je 
voudrais exclure les mots nouveaux et les termes 
de pour : il faudrait, pour être compris du peu^ 
pie , le langage le plus simple et le plus ordinaire, 
quoique, cependant, pur et juste; il faudrait que 
la phrase fut claire et le plus près du texte qu'il 
sera possible. > ( 1524.) 

Ce n'était pas chose facile que d'organiser la 
nouvelle Église. L'ancienne hiérarchie était bri^ 
-fiée. Le principe de la Réforme étant de ramener 
tonte chose au texte de l'Évangile, pour être con<- 
léquent, il fallait rendre à l'Église la forme déi- 
mofitatique qu'elle avait aux premiers siècles. Lu- 
ther y semblait d'abord disposé. 

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138 HivoiBss 

De ministris Bcelesiœ iniiiiuendiM, adressé aux 
Bohémiens. « YoUàune belle invention des papis- 
tes, que le prêtre est revêtu d'un caractère in-' 
délébile , et qu'aucune feiute ne peut le lui faire 
perdre... Le prêtre doit être choisi, élu par les 
suffrages du peuple» et ensuite confirmé par l'é» 
véque (c'est<^-dire qif après l'élection, le pre- 
mier, le plus vénérable d'entre les électeurs im-* 
pose les mains à l'élu). Est-ce que Christ, le pre- 
mier prêtre du nouveau Testament, a eu besoin 
de la tonsure et de toutes ces momeries de l'ordi- 
nation épiscopale. Est-ce que ses apôtres, ses di»^ 
ciples en ont eu besoin ?... Tous les chrétiens sont 
prêtres , tous peuvent enseigner la parole de IHeu, 
administrer le baptêipe , consacrer le pain et le 
yin, car Christ a dit: Faites cela en mémoire de 
moi. Nous tous qui sommes chrétiens, nons avons 
le pouvoir des clés. Christ a dit aux apôtres qui 
représentaient auprès de lui l'humanité tout en*» 
tière : Je vous le dis en vérité, ce que vous aurez 
délié sur la terre , sera délié dans le ciel. Mais lier 
et délier n'est autre chose que prêcher et appl»» 
quer l'Évangile. Délier, c'est annoncer que Dieu 
a remis les Êiutes du pécheur. Lier , c'est ôter rÉ<? 
Tangile et annoncer que les péchés sont retenus. 

w Les noms que doivent porter les prêtres sont 



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BS LUTHKR. 139 

ceux de ministres, diacres, éydqaes(suryeillans), 
dispensateurs. Si le miiûstre cesse d'être fidèle, 
il doit être déposé; ses frères peuvent l'excommu- 
nier et mettre quelqu'autre ministre à sa place. 
Le premier office dans l'Église est celui de la pré- 
dication. Jésus-Christ et Paul prêchaient, mais ne 
baptisaient point. > (1523.) 

Il ne voulait point , nous l'avons déjà vu, qu'on 
astreignit toutes les églises à une règle uniforme, 
« Ce n'est point mon avis qu'on doive imposera 
toute l'Allemagne nos réglemens de Wittemberg. « 
Et encore : « Il ne me parait point sûr de réunir 
les nôtres en concile , pour établir l'unité des cé- 
rémonies; c'est une chose de mauvais exemple, 
à quelque bonne intention qu'on l'entreprenne, 
ainsi que le prouvent tous les conciles de l'Église, 
depuis le commencement. Ainsi dans le concile 
des apôtres on a traité des œuvres et des traditions 
plus que de la foi; dans ceux qui ont suivi , on n'a 
jamais parlé de la foi, mais toujours d'opinions 
et de questions , en sorte que le nom de concile 
m'est aussi suspect et aussi odieux que le nom de 
libre arbitre. Si une église ne veut pas imiter l'au- 
tre en ces choses extérieures, qu'est-il besoin de 
te contraindre par des décrets de conciles , qui se 
changent bientôt en lois et en filets pour les âmes ?n 
( lî novembre 1 524. ) 

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140 MÉHOIEES 

Cependant il sentit que cette liberté poavaii 
aller trop loin , et faire tomber la Réforme dans 
une foule d'abus. « J'ai lu ton ordination , mon 
cher Hausmann , mais je pense qu'il ne faut pas la 
publier. J'en suis depuis long-temps à me repea-r 
tir de ce que j'ai fait; depub qu'à mon exemple 
tous ont proposé leurs réformes, la variété et la 
multitude des cérémonies a cru à l'infini y si bien 
qu'avant peu nous aurons surpassé l'océan des 
cérémonies papales. > (21 mars ISS-f.) 

Pour mettre quelque unité dans les cérémonies 
de la nouvelle Église on institua des visites an- 
nuelles , qui se firent dans toute la Saxe. Les visi- 
teurs devaient s'informer de la vie et des doctri- 
nes des pasteurs, redresser la foi de ceux qui er- 
raient, et dépouiller «du sacerdoce ceux dont les 
mœurs n'étaient point exemplaires. Ces visiteurs 
étaient nommés par l'électeur , d'après les ayis 
de Luther qui , résidant toujours à Wittemberg , 
formait, avec Jpnas,Mélanchton, et quelques au- 
tres théologiens, une sorte de comité central 
pour la direction de toutes les affiiires ecclésias- 
tiques. 

« Ceux de Winsheim ont demandé à notre ilr 
lustre prince de te permettre de venir gouverner 
leur église; d'apr^ès notre délibération, il a rejeté 



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DB LUTHBR. 141 

ciettJB demande. Il t'accorde de retourner dans ta 
patrie f si nous te jugeons digne de ce ministère. 
( novembre 1581 ). Signé Lcther , Jokas , Mé* 

UNCiTON. 

On trouve dans les lettres de Luther un grand 
nombre de consultations de ce «genre , signées 
<le lui et de plusieurs autres théologiens protes- 
tais. 

Bien que Luther n'eût aucun titre qui le plaçât 
au-dessus des autres pasteurs ; il exerçait cepen- 
dant une sorte de suprématie et de contrôle. 
«Voici, écrit-il à Amsdorf, de nouYclles plaintes 
nir toi et Frezhans, parce que vous avei excom^ 
munie un barbier ; je ne veux point décider en-» 
core entre tous , mais réponds , je t'en supplie , 
pourquoi cette excommunication ? » ( juillet 

«Nous ne pouvons que refuser la communion \ 
^ter de donner à l'excommunication religieuse 
tons les effets de l'excommunication politique , 
ce fierait nous rendre ridicules en essayant dé 
faire ce qui n'est plus de ce siècle, et ce qui est 
an-dessus de nos forces... Le magistrat civil doit 
J^ter en dehors de toutes ces choses. > ( 26 juin 
l^SS). Cependant l'excommunication lui semblait 
parfois une arme bonne à employer. Un bpur» 



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143 viHoiaBS 

geois de Wittamberg avait acheté une maison 
trente florins, et, après quelques réparations, il 
youlut la Tendre quatre cents. « S'il le fait , dit 
Luther, je l'excommunie. Nous devrions relever 
l'excommunication. » — Comme on parlait de ré- 
tablir les consistoires , le jurisconsulte GhristiaA 
Bruck dit à Luther. «Les nobles et les bourgreois 
craignent que vous ne commenciez par les pay- 
sans pour en Tenir ensuite à eux. — Juriste , ré- 
pondit Luther , tenez-vous-en à votre droit et à 
ce qui touche l'ordre extérieur. » — En 1538, ap» 
prenant qu'un homme de Wittemberg mépri» 
sait Dieu » sa parole et ses serviteurs , il le &it 
menacer par deux chapelains. — Plus tard, il dé» 
fend d'admettre au sacrement un noble qui était 
usurier. 

Une des choses qui tourmentèrent le plus le 
réformateur, fut l'abolition des vœux monasti- 
ques. Dès le milieu de 15ââ, il publia une exhor- 
tation aux quatre ordres mendians. Les Augus- 
tins au mois de mars, les Chartreux au mois 
d'août se déclarèrent hautement pour lui. 

■ Aux lieutenans de la Majesté impériale à Nu* 
remberg :... Dieu ne peut demander des vœux, 
qui sont au-dessus de la nature humaine... Chers 
seigneurs, laissez-vous fléchir. Vous ne savez pas 

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DB LUtflBft. 143 

quelles horribles et infâmes malices le diable 
exerce dans les couTens. Ne tous en rendez pas 
complices; n'en chargez pas YOtrci conscience. 
Si mes ennemis les plus acharnés savaient ce que 
j'apprends chaque jour de tous les pays, ah! ils 
m'aideraient demain à renverser les couvens. 
Vous me forcez à crier plus haut que je ne vou* 
drais. Cédez, je vous en supplie, avant que les 
scandales n'éclatent trop honteusement. » ( Août 
162â). 

« Le décret général des Chartreux sur la li' 
berté qu'auront les moines de sortir et de quitter 
iUbit, me plait fort, et je le publierai. L'exenn 
pie d'un ordre si considérable aidera nos affidres 
et appuiera nos décisions. » (^ août 1S22) — Go* 
pendant il voulait que les choses se fissent sans 
bruit ni scandale. Il écrit à Jean Lange : « Ta 
sortie du monastère n'a pas, je pense, été sans 
motif, mais j'aurais mieux aimé que ta te misses 
au-dessus de tous les motifs; non que je con« 
damne la liberté de sortir, mais je voudrais voir 
enlever à nos adversaires toute occasion de ca-* 
iomnie. » 

Il avait beau recommander qu'on évitât toute 
violence; la Réforme lui échappait en s'étendant 
chaque jour au dehors. A Erfurth , en 1531 « oa 



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l44 . HiH0IB£9 

ayait forcé les maisons de plusieurs prêtres , et il 
s'en était plaint ; on alla encore plus loin , en 
1522, dans les Pays-Bas. « Tu sais ^ je pense , ce 
qui s'est passé à Anvers, et comment les fenmie9 
ont délivré par force Henri de Zutphen. Les frè- 
res sont chassés du couvent , les una prisonniera 
en divers endroits , les autres relâchés après 
avoir renié fe Christ ; d'autres encore ont per- 
sisté ; ceux qui sont fils de la cité ont été jetés 
dans la maison des Béghards; tout le mobilier du 
courent est vendu « et l'église fermée ainsi que 
le couvent ; on va la démolir. Le saint Sacrement 
a été transporté en pompe dans l'église de la sainte 
Vierge, comme si on le tirait d'un lieu hérétique; 
des bourgeois , des femmes, ont été torturés et 
punis. Henri lui-même revient à nous par Brème; 
il s'y est arrêté et y enseigne la parole, à la prière 
du peuple, sur l'ordre du conseil , en dépit de 
l'évêque. Le peuple est animé d'un désir et d'une 
ardeur admirables; enfin > quelques personnes 
ont établi près de nous un colporteur , qui leur 
porte des livres de Wittemberg. Henri lui-même 
voulait avoir de toi des lettres d'obédience; mais 
nous ne pouvions t'atteindre si promptemdnt. 
Nous en avons donc donné en ton nom , sous le 
sceau de notre prieur.» (19 décembre 1522). 



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Tous les Augùstins de Wittemberg aivîtient Pun 
après l'autre abandonné le couvent, le prieur en 
résigna la propriété entre leâ mains de l'Électeur, 
et Luther jeta le froc: Le 9 octobre 1524, il pa-< 
rut en public avec une robe semblable à celle que 
les prédicateurs portent encore aujourd'hui en 
Allemagne; c'était l'Électeur qui lui enayait donné 
le drap. 

Son exemple encouragea moines et religieuses! 
à rentrer dans le siècle. Ces femmes, jetées tout-» 
â-coup hors du cloître et fort embarrassées dans 
un monde qu'elles ne connaissaient pas, accou- 
raient près de celui doiit la parole leur avait fait 
quitter la solitude du monastère. 

« J'ai reçu hier lieuf religieuses sortant de cap-» 
tivité , du monastère de Nimpschen , et parmi elles 
Stàupitza et deux autres de la famille de Zeschau. » 
(8 avril 1523.) 

* J'ai grand'pitié d'elles, et surtout des autres 
qui meui'ent en foulé dé cette maudite et inces- 
tueuse chasteté. Ce sexe si iÉeiible, est uni au mâle 
parla nature, par Dieu même; si on l'en sépare, 
il périt. tyrans, ô parens cruels d'Allemagne!... 
Tu demandes ce que je ferai à leur égard ? D'abord 
je signifierai aux parens qu'ils les recueillent} 
ûrton i j'aurai soin qu'on les reçoive ailleursi 

6 

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146 MÉMOIKES 

Yoici leurs noms : Magdeleine Staupitz, Eisa de 
Canitz , Ato Grossin , Ave Schonfeld et sa sœur 
Sarguerite Schonfeld , Laneta de Golis , Margue- 
rite Zeschau et Catherine de Bora. Elles se soqt 
éradées d'une manière étonnante... Mendie-moi 
auprès de tes riches courtisans quelque argent, 
dont je puisse les nourrir pendant une huitaine 
ou une quinzaine de jours » jusqu'à ce que je lea 
rende à leurs parens ou à ceux qui m'ont donné 
promesse. » (10 avril 153S,) 

• Mon maître Spalatin , je m'étonne que tous 
m'ayez renvoyé cette femme, puisque vous con- 
naissez bien ma main , çt que vou» ne donnez 
d'autre raison , sinon que la lettre n'était pas si- 
gnée... Prie l'Électeur qu'il donne quelques dix 
florins et ime robe neuve ou vieille ou autre 
chose, enfin qu'il donne pour ces pauvres vier- 
ges malgré elles, n (22 avril 15âS.) 

Le 10 avril 15S2, Luther écrit à Léonard Koppe,. 
bourgeois considérable de Torgau, qui avait aidé 
neuf religieuses à se retirer de leur couvent. Il 
l'approuve et l'exhorte à ue pas se laisser efiFrayer 
par les cris qui s'élèveront contre lui. « Yous avet 
&it une bonne œuvre , et plût à Dieu que nou» 
pussions délivrer de même tant d'autres con- 
sciences qui sont encore prisonnières.., La parole 



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DB tVTHBH. 147 

de Dittti eni maiiiteiiant dans le monde el non 
dans le» couvens... » 

Le 18 jnih 1S23, il écrit nne lettre de conso*- 
iation à Itois demoiselles que le duc Henri , fils 
du duo Georg;es, avait chassées de sa cour pour 
avoir lu les livres de Luther. « Bénisset ceux qui 
vous outragent , etc... Vous n'êtes malheureuse- 
ment que trop vengées de leur injustice. Il fkut 
avoir pitié de ces furieux , de ces insensés qui ne 
voient pas qu'ils perdent misérablement leur âme 
ffn pensant vous foire du mal... v 

« Voici bien du nouveau , que tu sais déjà , 
isns doute , c'est que la duchesse de Montsberg 
i^est échappée par grand miracle du couvent de 
Freyberg; elle est dans ma maison avec deux 
jeunes filles , l'une Marguerite Yolckmarin , fille 
d'un bourgeois de Leipsick, l'autre, Dorothée, 
^le d'un bourgeois deFreyberg,» (SO octobre 

im.) 

« Cette malheureuse Elisabeth de Reinsberg» 
chassée de l'école des filles d' Altenbourg et n'ayant 
plus de quoi vivre , s'est adressée à moi aprèi 
•'être plainte au Prince , qui Fa renvoyée à cent 
lu sont chargés du séquestre; elle ma prié d6 
^'écrire pour que tu l'appuies près d'eux » etc. m 
(Mars 1531) 



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N 



)48 xiaiQiRBt 

« Cette Jjeime fille d'Altenbourg.. do&tie TieiâL 
père et la mère ont été pris dans leur maison , 
ji'est adressée à moi pour me supplier de 
^ui donner pecours et conseil. Ce que je.fe- 
xai dans c^tte affaire, Dieu le sait. » (14 juil^ 
letl5S3.) 

. Quelques mots de Lutber donnent .lieu de 
croire, que ces femmes qui affluaient autour 
de lui, abusèrent souvent de sa facilité, qujB 
plusieurs même prétendaient faussement s^étra 
échappées du cloître. — « Que de religieuses 
n*ai-je pas , soutenues à grands frais!. Que de 
fois n'ai-Je pas été troifipé par de prétendues 
npnnes , de vraies coureuses , quelle que fût 
leur noblesse ( generosas meretrices ). » ( 1535 , 
24 août. ) 

Ces tristes méprises modifièrent de bonne heure 
Jes idées de Luther, sur l'opportunité do la supr 
pression des couvons. Dans une préface adressée 
à la commune de Leisnick(15âS), il conseille de ne 
pas les supprimer violemment; mais de les laisser 
^'éteindreen n'y recevant plus de novices. Coram^ 
il ne faut contraindre personne dans les choses 
de la foi , contiuue-t-ril , on ne doit pas expulser 
|ii maltraiter ceux qui voudront rester dans les 
jcouvens, soit à cause de leur grand âge, soit par 



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M LUTHER. 140 

amour de Foisiveté et de la bonne chère, soit par 
ïnotif de conscience. Il fant les laisser jusqu'à 
leur fin comme ils ont été auparavant, car l'Éyan^ 
gi)e nous enseigne de faire du bien , même aux 
indignes ; et il faut conâdérer ici que ces personr 
nés sont entrées dans leur état, aveuglées par 
Terreur commune , et qu'elles n'ont point appris 
de métier qui puisse les nourrir.... Les biens de 
ces couvens doivent être employés comme il suit : 
d'abord , je viens de le dire , à l'entretien des re- 
ligieux qui y restent. Ensuitç il faut donner une 
certaine somme à ceux qui en sortent ( quand 
même ils n'auraient rien apporté) ; pour qu'ils 
puissent commencer un autre état ; car ils quit- 
tent leur asile pour toujours, et ils auraient pu , 
pendant qu'ils étaient au couvent, apprendre 
quelque chose. Quant à ceux qui avaient apporté 
du bien, il est juste qu'on leur en restitue la plus 
grande partie, sinon le tout. Ce qui reste sera 
mis en caisse commune pour en être prêté et 
donné [aux pauvres du pays. On remplira ainsi 
la volonté des fondateurs; car, quoiqu'ils se soient 
laissés séduire à donner leur bien aux couvens» 
leur intention a pourtant été de le conserver à 
l'honneur et au culte de Bien. Or, il n'est pas de 
"plus b^u culte que la charité chrétienne qui 

6, 

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150 .MiMOI&Bt 

vient au Mcoun de Findigent, comme lésua- 
Chn0t rattette Im-mème au jugement dçmier 
(saint Hathieu, XXV)... Cependant, si parmi 
lea héritiers des fondateurs il s'en trouyait qui 
fussent dans le besoin , il tarait éqtdiable et c<m-< 
forme à la cbarité de leur délivrer une partie de 
la fondation, même le tout, s'il était nécessaire , 
layoloiftté de leurs pères n'ayant pu être » ou é», 
moins n'ayant pas du être , d^èter le pain à leurs 
enfans et kéritiets pour le donner à des étran- 
gers... Vous m'objecterex que je fais le trou trop 
large y et que de cette manière il restera peu de 
chose à la caisse commune ; chacun, dites-vous , 
viendra prétendre qu'il lui iaut tant et tant , etc. 
Mais j'ai déjà dit que ce doit être une œuvre d'é- 
quité et de charité. Que chacun examine > «a sa 
conscience, combien il lui faudra pour ses be- 
soins et combien il pourra laisser à la cakse ^ 
qu'ensuite la commune pèse les circonstaneaa à 
son tour, et tout ira bieq. Quand même la cupi- 
dité de quelques particuliers trouveraieiit son 
profit à cet accommodement , cela vaudïail tou««. 
joursmieui: que les pillages et les désordres qu'oitl 
a vus en Bohème... * 

• Je ne voudrais pas conseiller, à des vieillaxda 
de quitter le monastère, d'abord parce que, ] 



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Bl UTHIE. 151 

^uanumonde, ibderieiidndeiit peul-éCFeàdiRrge 
aux autres, et trouyeraieiit diffioilattMiit^ dam 
ce refroidisBameAt de la charité , les soins dont ils 
«mt dignefli. Dam rintérieur du moiiaftlète^ ils 
ne sercmt à ohaff^e à personne , ni obligés de re» 
oourir à là sollicitude deâ étrangers; ils pourront 
&ire beaucoup pour le salut de leur ptocbain, 
^ qid, dans le monde, leur serait difficile, je 
dis mémo impossible. » Luther finit pai" encou- 
>^ger un moineà fester dans son monastève. « J'y 
ai moi-tnéme Téou quelques années; j'y aurais 
vécu plus long^temps, et j'y serais encore au* 
jourdlidi 1 si mes frères et l'état du monastère me 
l'ayaient permis, i (28 février 15S8.) 

Quelques nonnes des Pays-Bas éoriT^reot au 
docteur Hartîn Luther, et se recommandèrent à 
>« prières» C'étaient de pieuses yierges cndgnant 
IKeu, qui se nourrissaient du travail de leurs 
iBains, et vivaient dans l'union. Le docteur en 
Attt grande compassion, et il dit : «On doit lais- 
*^ de pauvres nonnes comme celles-cîvivretou* 
V^n à leur manière. Il en est de même des feld* 
Uoster / qui ont été fondé» par les princes pouf 
<^t de Ift noblesse. Mais les ordres mendiaitf... . 
C^ssId^dtoîtreB commeceux dont je parlais tout«à* 
l'heure , que l'on peut tirer des gens habiles pMf 



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152 xiMOIBBS 

• i^ charges de TÉgUse pour le gouvern^neBt 
iciril çt pour Téconomie. ». 

Guette époque de la vie de Lutber (1521-1528 ) 
lût, prodigieusement affairée ^t mie»érablemeii^ 
laborieuse. Il n'était plus soutenu, comme dans 
la précédente, par la chaleur de la lutte, et Tin- 
térêt du péril. A Spahtin, % Je t'en conjure « 
délivre-moi ; je suis tellement écrasé des afiaires 
des autres, que la vie m'en devient à charges... 
^— Martin Luther , courtisan hors de la cour , et 
))ien inalgré lui. {Aulicus extra aulafn , et tnvituB, ) 
( 1523. ) Je suis très occupé /visiteur, lecteur , pré- 
dicateur, auteur, auditeur, acteur,coureur, lut- 
teur, et que sais-je?» (29 octobre lKSi8.) 

La réforme des pareilles à poursuivre, Puni- 
formité des cérémonies à établir, la rédaction 
4u grand -Catéchisme , les réponses aux nouveaux 
pasteurs, les lettres h l'Électeur dont il fallait 
pbtenir Tagrément pour chaque innovation ; c'é- 
tait bien du travçiil et bien de l'ennui. Cependant 
les adversaires de Luther ne le laissaient pas rer 
poser. Érasme publiait contre lui son formidable 
livre De libero arhitrio, auquel Luther ne se dé^ 
çîda à répondre qu'en 1525. La Réforme elle^ 
même semblait se tourner contre le réforpiateur;i 
Sqh ancien ami Garlpstad avait couru d^us )^ 



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T(rfeoù marchait Luther. C'était même ponr l'ar- 
rêter dans ses rapides et yjolentes innoTations , 
que Luther avait quitté précipitamment le châ-> 
teandeWartbourgf. Il ne s'agiasait plus seulement 
de l'autorité religieuse; l'autorité cirile elle-même 
allait être mise en question. Derrière Garlostad , on 
entrevoyait Mûnzer; derrière les sacramentaires 
elles iconoclastes , apparaissait dans le lointain la 
révolte des paysans, une jacquerie , une guerre 
lervile plusraisonnée, plus niveleuse et non moins 
•anglante ^e celles de l'antiquité, 



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16i niaouis 



GHAPITRB III. 
1S1S~181B. 

Garlottad. -- MitMer» Guerrt Au pajMM, 

c Priei pour moi; et aidez-moi à fouler aux 
pieds ce Satan qui s'est élevé à Wittemberg con- 
tre rÉyangile, au nom de FÉyangile : nous avons 
maintenant à combattre un ange devenu , comme 
il croit, ange de lumière. Il sera difficile de foire 
céder Garlostadt par persuasion: mais Christ le 
contraindra , s'il ne cède de lui-même. Car nous 
sommes maîtres de la vie tt delà mort, nous qui 
croyons au maître de la vie et de la mort. » ( 12 
mars 1(28. ) 

« J'ai résolu de lui interdire la chaire où il est 
monté témérairement sans aucune vocation , mal- 
gré Dieu et les hommes. 1(19 mars. ) 

« J'ai fâché Carlostad , parce que j'ai cassé ses 
ordinations, quoique je n'i^e pas condamné sa 



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DB LI7TRB&. 155 

doctrine ; il me déplaît cependant qu'il ne s'oc* 
eupe que de cérémonies et de choses extérieures , 
négligeant la Traie doctrine chrétienne; c'est-à- 
dire la foi et la charité.... Par sa sotte manière 
d'enseigner, il conduisait le peuple à se croire 
chrétien pour des misères , pour communier sous 
les deux espèces , pour ne pas se confesser, pour 
briser des images... Il voulait s'ériger en nouveau 
docteur et élever ses ordonnances dans le peuple, 
tar la ruine de mon autorité (prend meà auûto* 
fUate). > (SOmars. ) 

t Aujourd'hui même , j'ai pris à part Garlostad, 
pour le supplier de ne rien publier contre moi ; 
qu'autrement, nous serions forcés déjouer de la 
corne l'un contre l'autre. Notre homme a juré 
par tout ce qu'il y a de plus sacré , de ne rien 
ferire contre moi. » (21 avril. ) 

■.,. Il faut instruire les faibles avec douceur 
et patience... Yeux- tu , après avoir sucé le lait, 
couper les mamelles et empêcher les autres de 
«nourrir comme toi? Si les mères jetaient par 
^e et abandonnaient les enfans qui ne savent 
PM, en naissant, manger comme les hommes, que 
tonds-tu devenu P Cher ami, si tu as sucé et grandi 
tfliez, laisse donc les autres sucer et grandir à 
\tna tour.... » 



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156 MiMOIRES ' 

Garlostad abandonna ses fonctions de prefes» ~ 
seur et d'archidiacre a Wittemberg , mais sans 
abandonner le traitement» il s'en alla à Orla- 
munde , puis à léna. « Garlostad a érigé une im- 
primerie à léna... Mais l'Électeur et notre acadé- 
mie ont promis , conformément à l'édit impérial # 
de ne permettre aucune publication qui n'ait été 
soumise à l'examen des commissaires. On ne peut 
souffrir que Garlostad et les siens s'affranchissent 
seub de la soumission aux princes. » ( 7 janvier 
1524.) « Garlostad est infatigable comme d'habi- 
tude; avec ses nouvelles presses qu'il a érigées à 
léna, il a publié et publiera f m'a-t-on dit, dix-> 
huit ouvrages. » ( 14 janvier 1524. ) 

« Laissons la tristesse avec l'inquiétude à l'es* 
prit de Garlostad. Pour nous, soutenons le com- 
bat sans trop nous en préoccuper; c'est la cause; 
de Dieu, c'est l'affaire de Dieu^ ce sera l'œuvre 
de Dieu< la victoire de Dieu ; il saura , sans nous ; 
combattre et vaincre ; que s'il nous juge dignesde 
nous prendre pour cette guerre , nous serons 
prêts et dévoués. J'écris ceci pour t'exhorler, toi 
et les autres par ton intermédiaire , à ne pas avoÎT* 
peur de Satan ^ à ne pas laisser votre cœur se 
troubler. Si nous sommes injustes , ne &ut-il pas 
que nous soyons accablés ? Si nous sommes justes^ 



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DB LVTHBB. 157 

il y a un Dieu juste qui fera voir notre justice 
comme le plein midi. Périsse ce qui périt, survive 
ce qui survit i ce n'est pas notre afEàire. » (Sa oc- 
td)relgâ4.) 

« Nous rappellerons Garlostad au nom de l'u- 
niversité à l'office de la parole, qu'il doit à Wit-» 
ts^mberg, nous le rappellerons du lieu ou il n'a 
pas été appelé; enfin , s'il ne vient pas» nous l'ac-' 
cuserons auprès du prince. » ( 14 mars 15â4). 

Luther crut devoir se transporter lui-même à 
léna. Garlostad se croyant blessé par nn sermon 
de Luther, lui fit demander une entrevue. Elle 
eut lieu dans la chambre de Luther, en présence 
dW grand nombre de témoins. Après de longues 
récriminations de part et d'autre , Garlostad dit : 
«Allons, docteur, prêchez toujours contre moi, 
je saurai ce que j'ai à faire de mon côté. Luther ^ 
Si vous avez quelque chose sur le cqeur, écrivez- 
le hardiment. Carlost. Aussi ferai-je> et je ne 
craindrai personne. XuiA. Oui, écrivez contre 
moi publiquement, Carlost, Si c'est là votre en- 
vie, j'ai de quoi vous satisfaire. Luth. Faites, je 
vous donnerai un florin pour gage de bataille. 
Carlost. Un florin ? Luth. Que je sois un menteur 
4îe ne le &is. Carlost. Eh bien! j'accepte. » A ce 

mo^ , le docteur Luther tira de sa poche un flo-« 

7 

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168 ttteoiKBS 

rin d'or qu'il présenta à Garlostàd eii disant : 
« Prenex et attaquez -moi, hardiment; allons, 
sus. » Carlostad prit le florin , le montra à tous les 
assistans, et dit : « Chers frères, Toilà des arrhes , 
e'est le signe du droit que j'ai d'écrire contro le 
docteur Luther. Soyez-en tous témoins. > Ensuite 
il le mit dans sa bourstf et donna la main à Ln^ 
ther. Celui-ci but un coup à sa santé. Carlostad 
lui fit raison en ajoutant : t Cher docteur, je vowi 
prie de ne pas m'empécher d'imprimer ce que je 
voudrai et de ne me persécuter en aucune iaçon. 
Je pense me nourrir de ma charrue, et tous serez 
à même d'éprouver ce que produit la charrue. ^ 
Luth. « Gomment youdrais^je vous empêcher 
d'écrire contre moi ? Je vous prie de le faire et je 
vous donne ce florin tout justement pour que 
vous ne m'épargniez point. Plus vous m'attaquerez 
violemment , plus j'en serai aise. » Ils se donnè- 
rent encore une fois la main et se séparèrent. 

Cependant comme là ville d'Orlamuifde ^h 
trait trop vivement dans les opinions dé Carlos^ 
tad , et avait même chassé soli pasteur ^ Luther 
obtint un ordre de l'Électeur pour l'en faire sor^ 
tir. Carlostad lut solennellement une lettre d'à-' 
dieu , aux hommes d'abord, et ensuite aut fem* 
mes; on les avait appelés au son de ta ekvdbe, et 



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DB L17TH1&. ISO 

pendant la lecture tous pleuraient : « Carlostad a 
écrit à ceux d'Orlamunde, ayec cette suBcription, 
André fiodenstein, ekassé, sans ftpoir étéeniendu 
ni convaincu, far Martin Luther. Tu vois que moi 
({ui ai Cadlli être martyr, j'en suis venu à ce point 
de Caire dea martyrs à mon tour. Egranus iait le 
martyr aussi, et écrit qu'il a été chassé parles 
papistes et par les luthériens. Tu ne saurais croire 
combien s'est répandu ce dogme de Carlostad sur 
le sacrement.^^^ est venu à résipiscence et de^ 
mande pardon ; on l'aTait aussi forcé de quitter 
le pays ; j'ai écrit pour lui , et ne sais si j'obtien* 
drai. Martin d'Iéna , qui avait également reçu 
l'ordre de partir, a fait en chaire ses adieux, tout 
en larmes ç^ implorant son pardon : il a reçu 
pour toute réponse cinq florins, puis en faisant 
me^dipr par la ville, il a eu encore vingt-cinq 
gros. Tout cela tournera, je pense au bien des 
prédicateurs; ce sera une épreuve pour leur vo- 
cation > qui leur apprendra en mémtf temps à 
prêcher et à se conduire avec crainte. » (â7 oct<K< 
bre 1524). 

Carlostad tourna alors vers Strasbourg, et de 
là vers Baie. Ses doctrines se rapprochaient beau-» 
coup de celles des Suisses, d'QEcolampade, de 
Zwingli,etc. 



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160 iriiBioiaBS 

« Je difière d'écrire sur l'eucharistie , jusqu'à 
ce que Garlostad ait répandu les poisons qu'il 
doit répandre, comme il me l'a promis aprèsavoir 
même reçu de moi, une pièce d'or. — Zwingli 
et Léon le juif, dans la Suisse, tiennent les mêmes 
opinions que Carlostad; ainsi se propage ce fléau; 
mais le Christ règne, s*il ne comhat point. » 
(12 novembre 1524.) 

Toutefois il crut devoir répondrç aux plaintes , 
que faisait Garlostad d'avoir été chassé par lui ' 
de la Saxe. < D'abord je puis dire que je n'ai ja- 
mais fait mention de Garlostad devant l'électeur 
de Saxe; car je n'ai , de toute ma vie, dit un mot 
à ce prince: je ne l'ai pas non plus entendu par- 
ler, je n'ai pas même vu sa figure, si ce n'est une 
fois à Worms, en présence de l'Empereur, quand 
je fus interrogé pour la seconde fois. Mais il est 
vrai que je lui ai souvent écrit par Spalatin, sur- 
fout pour l'engagera résister à l'esprit d'Alstet(]). 
Hais mes paroles restèrent sans effet , au point 
que je me fâchais contre l'Électeur. Garlostad de- 
yait donc épargner à un tel prince les outrages 



(i) C'était la résidence de Mûnzer^ chef de la réyolte 
des paysaps , dont nous parlerons plus bas. 



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M LVTHEE. 161 

tpi'S lui a prodigués... Quant au duc Jean Frédé- 
ric, j'avoue queje lui ai souvent parlé de cesaffiù- 
res; jeloiai signalé les attentats et l'ambition perr 
verse de Carlostad... » 

«.... Il n'y a pas à plaisanter avec Monaeigneuf 
tout le monde (herr omne8)\ c'est pourquoi Dieu 
«constitué des autorités; car il veut qu'il y ait de 
l'ordre ici-bas. » 

(Enfin Carlostad éclata. < J'ai reçu hier une let- 
tre de mes amis de Strasbourg ausujet de Carlos*- 
tad: en voyageant de ce côté, il est allé à Baie, 
etil a enfin vomi cinq livres, qui seront suivis de 
deux autres. J^ suis traite de double papiste , d^al- 
Ké de l'Antichrist, que sais-je ? (14 décembre.) 
Kes amis m'écrivent de Baie , que les amis de Car- 
lostad y ont été punis de la prison , et que peu 
s'en est fallu qu'on ne brûlât ses livres. Il y a été 
aussi lui*méme', mais en cachette. OEcolampade 
et Pellican écrivent pour donner leur assentiment 
^8on opinion. » (1^ janvier ltl25.) 

• Carlostad avait résolu d'aller nicher à 
Schweindorf ; mais le comte d'Henneberg le lui a 
interdit par lettres expresses au conseil de. ville. 
Jevoudraisbienqu'on en fitautant pour Strauss...» 
(10 avril 1525.) 

Luther parut charmé de voir Carlostad se àè^ 
\ 7. 

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162 MiBIOlABS 

clarer: « Le diable s'est tu, écriiail, joaqu^'à ce 
que je l'eusse gagué avec un floria qui, grâce à 
Dieu y a été bien placé , et je ne m'en repenA pai» ? 
Il écrivit alors divers pamphlets d'une verve ad- 
mirable Conire hêprophètes eéleêies, < On ne craint 
rien, comme si le diable dormait; tandis qu'il 
tourne autour, comme un lion cruel. Dfais j'e»r 
père que, moi vivant, il n'y aura point de péril. 
Xant que je vivrai, je combattrai , serve ce que 
pourra. » Chacun ne cherche que ce qui plait è^ 
la raison. Ainsi les Ariens, les Pélagiens... Ainaî 
$ous la papauté, c'était une proposition bien soan 
nante que le libre arbitre pût quelque chose 
pour la grâce, l^a doctrine de la foi et delà bonne 
ponscience importe plus que celle des bonnes 
œuvres^ car, si les œuvres mancpent, la foi res- 
tant, il y a encorç espoir dç sjpcours. On doit em- 
ployer les moyens, sipirituels pour engager les vrais 
chrétiens à reconnaître leurs péchés. « Mais pour 
les hommes grossiers , pour Monsieur toui U 
tftonde (Herr omnes), on doit le pousser corporel- 
lement et grossièrement à travailler et &dre st 
besogne, de sorte que bon gré mal gré, il soit 
pieux extérieurement sous la loi et sous le glaîvoi 
comme on tient les.bétessauyaçes eocc^geset tmn 
phaînéea. 



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DB.&UTHSa. 163 

9 L'esprit des nouveaux prophètes veut être le 
plus haut esprit, un esprit qui aurait mangé le 
Saint-Esprit avec les plumes et avec tout le reste... 
Sihle, disent-ils, oui, bibel, bubel, babel.,, £h ! 
bien! puisque le mauvais esprit est si ohstiné dans 
son sens, je ne yeux pas lui céder plus que je ne 
l'ai fait aupars^vant. Je parlerai des images, d'à- 
bord selon la loi de Moïse, et je dirai que Moïse 
ne défend que les images de Pieu... Contentoi^ 
QOUB donc de prier les princes de supprimer les 
images, et ôtons-'les de nos cœurs. » 

Plus loin Luther s'étonne ironiquement de o«i 
que les modernes iconoclastes ne poussent pas 
leur zèle pieux jusqu'à se défaire aussi de leur 
«rgent et de tout objet précieux qui porte des 
^npreintes d'images. « Pour aider la faiblesse 
de ces saintes gens et les délivrer de oe qui les 
souille , il faudrait des gaillarda qui n'eussent 
pas grand'chose dans le gousset. La voix eéhête, 
à ce qu'il paraît, n'est pas assez forte pour lesen^ 
gager à tout jeter d'eux«-méme8. Il faudrait un 
peu de violenee. » 

« ,«. Lorsqu'à Orlamunde je traitai des images 
avec les disciples de Carlostad, et que j'eus mon^. 
tré par le texte, que dans tous les pasoages de 
Hôte c|u'ik me citaient il n'était parlé que des 



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164 BfilMOlABS 

idoles des païens, il en sortit un d'entre eux , qui 
se croyait sans doute le plu» habile, et qui me 
dit: « Écoute! Je puis bien te tutoyer, si tu es 
chrétien. » Je lui répondis : « Âppelle^moi tou- 
jours comme tu voudras. » Mais je remarquai 
qu'il m'aurait plus volontiers encore frappé; îl 
était si plein de l'esprit de Carlostad, que les 
autres ne pouvaient le faire taire. < Si tu ne veux 
pas suivre Moïse , continua-t-11 , il &ut au moins 
que tu souffres l'Évangile; mais tu as jeté l'Ëvan- 
gile sous la table, et il faut qu'il soit tiré dé là-; 
non , il n'y peut pas rester. » — « Que dit donc 
l'Évangile?» lui répliquai-je. — « Jésus dit dans 
l'Évangile (ce fut sa réponse ), je ne sais pas où 
€^la se trouve , mais mes frères le savent bien» 
que la fiancée doit ôter sa chemise dans la nuit 
des noces. Donc il faut ôter et briser toutes les 
images, afin de devenir purs et Ubres delà créa* 
ture. » Hœc Ule. 

« Que devais-je faire, me trouvant parmi de 
telles gens? Ge fut du moins pour moi l'occasion 
d'apprendre que briser les images c'était, d'apirès 
l'Évangile , ôter la chemise à la fiancée dans la 
nuit des noces. Ces parole» et ce mot de l'Évan- 
gile jeté sous la table , il les. avait entendus de 
wn maître; «lans doute Garlostad m'avait aecusé 



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DB LUTHB&. 165 

àe jeter l'Évan^le , pour dire qu'il était venu le 
relever. Cet orgueil est cause de tous ses mal- 
heurs ; voilà ce qui l'a poussé de la lumière dans 
les ténèbres... » 

«... Nous sommes alègres et pleins de courage, 
et nous combattons contre des esprits mélanco- 
liques , timides, abattus, qui ont peur du bruit 
d'une feuille sans avoir peur de Dieu; c'est l'or- 
dinaire des impies (psaume XXY). Leur passion, 
c'est de régenter Dieu , et sa parole et tes œuvres. 
Ds ne seraient pas si bardis si Dieu n'était invi- 
sible , intangible. Si c'était un bomme visible et 
présent , il les ferait fuir avec un brin de paille. 

< Celui que Dieu pousse à parler , le fait libre- 
ment et publiquement sans s'înqpiiéter s'il est seul, 
et si quelqu'un se met de son parti. Ainsi fit Jeré- 
mie, et je puis me vanter d'avoir moi-même &it 
ainsi (1). C'est donc sans aucun doute le diable , 



(i) « L'esprit de ces prophètes s'est toujours chevale- 
resquement enfai, et voilà qu'il se glorifie comme un 
esprit magnanime et chevaleresque. Mais moi , j'ai paru 
k Leipsio pour y disputer devant le peuple le- plus dan- 
gereux. Je me suis présenté à Augsbourg, sans sauf-con- 
dttity devant mes plus grands ennemis ; à Worms , devant 



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106 Miaioi&E$ 

oet esprit détourné et homicide , qui se glisse par 
derrière, et qui s'excuse ensuite , disant que d'a- 
bord il n'avait pas été assez fort dans la foi. Non, 
Fesprit de Dieu ne s'excuse point ainsi. Je te 
connais bien , mon diable... 

«... Si tu leur demandes (aux partisans de Car- 
lostad) comment on arrive à cet esprit sublime, 
ils ne te renvoient point à l'Évangile , mais à 
leurs rêves, aux espaces imaginaires. « Pose-toi 
dans l'ennui , disent-ils , comme moi je m'y suis 
posé: et tu l'apprendras de même; la voix céleste 
se fera entendre, et Dieu te parlera en personne.» 
Si ensuite tu insistes et den^indes ce que c'est que 
cet ennui , ils en savent autant que le docteur 
Carlostad sait le grec et l'hébreu... Nerecoquais-tu 
pas ici le diable, l'ennemi de l'ordre divin? Le 
vois-tu comme il ouvre un large bouche, criant : 
Esprit , esprit , esprit; et tout en criant cela il dé* 
truit ponts, chemins, échelles; en un mot, toute 
voie par laquelle l'esprit peut pénétrer en toi : àsa^ 
voir l'ordre extérieur établi de Dieu dans le saint 
baptême, dans les signes et dans sa propre parole? 

César et tout l'£ini»re, quoique je susse bien que le 
sauf-oonduit était brisé. Mon esprit est resté libre corame 
une fleur des champs-*. *»(i5a4,) 



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m tVTÈBR. Iffi 

t!s tealenl que tu apprennes à monter les nues, 
cherauclier le T€mt,eti!s ne te disent ni comment^ 
ni quand , ni où, ni quoi; tu dois, comme eux^ 
l'apprendre par toi-même. » 

«Kartin Luther, indigne ecclésiaste etévan** 
géliste à Wittemberg, àtous le chrétiens de Stras-' 
boui^ , les tout aimables amis de Dieu : Je sup-< 
porterais volontiers les emportemens de Garlostad 
dans l'affiiire des images. Moirmême j'ai fait par 
mes écrits, plus de mal aux images qu'il ne fex'a 
jamais par toutes ses violences et ses fureurs. 
Kais ce qui est intolér^blij , c'est que l'on pousse 
les gens à tout cela , comme si c'était obligatoire* 
et qu'à moins de briser les images, on ne pût 
être chrétien. Sans doute , les œuvres ne font 
pas le chrétien; ces choses ^térieures telles que 
les images et le sabbat , sont laissées libres dans 
le Nouveau Testament, de même que toute!^ les 
antres cérémonies de la loi. Saint Paul dit: « NcfUS 
savons que les idoles ne sont rien dani^le monde, i 
Si ell«8 ne sont rien i pourquoi donc y à ce 
sujet , enchainer et torturer la c<^science des 
chrétiens ? Si elles ne sont rien, qu'elles tombent 
ou qu'elles soient debout^ il n'importe. » 

Il passe à un sujet plus élevé, à la question de 
la présence réelle, question supérieure du sym-" 



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)68 K&MaiRCS 

bolisme chrétien dont celle de» imagesestle côté 
inférieur. C'est principalement en ce point que 
Luther se trouvait opposé à la réforme suisse , et 
que Carlostad s'y rattachait , quelque éloigné 
qu'il en fût par la hardiesse de ses opinions po- 
litiques. 

« J'avoue que si Carlostad ou quelque autr« 
eût pu me montrer, il y a cinq ans , que dans le 
saint sacrement il n'y a que du pain et du vin, il 
m'aurait rendu un grand service. J'ai eu des ten- 
tations bien fortes alors, je me suis tordu, j'ai 
lutté ; j'aurais été bien heureux de me tirer de là- 
Je voyais bien que je pouvais ainsi porter au pa- 
pisme le coup le plus terrible... Il y en a bien eu 
deux encore qui m'ont écrit sur ce points et de 
plus habiles gens que le docteur Carlostad, et 
qui ne torturaient pas comme lui les parole» d a- 
près leur caprice. Mais je suis enchainé, je ne 
puis en sortir, le texte est trop puissant, rien ne 
peut l'arracher de mon esprit. 

» Aujourd'hui même, s'il arrivait que quel- 
qu'un pût me prouver, par des raisons solides^ 
qu'il n'y a là que du pain et du vin, on n^aurait 
pas besoin de m'attaquer si furieusement. Je ne 
suis malheureusement que trop porté à cette, in- 
terprétation toutes les fois que je sens en moi mon 



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DB LUTHEB. 169 

AdaiD. Mais ce que le docteur Garlostad imagine 
el débite sur ce sujet me touche si peii, qu'au 
contraire j'«n suis plutôt confirmé dan^ moii opi- 
nion; et si je ne Pavais déjà pensé, de telles bille-^ 
vesées prises hors dé FÉcriture, et comme en 
l'air, suffiraient pOur me fSaiire croire que «Ton opi- 
nion n'eât pas la bonne. » 

n avait écrit déjà dans le pamphlet Contre leê 
ffopkètes célestes. « Garlostad dit ne pouvoir txii^ 
fonnabletnent concevoir que le corps de Jésus- 
Christ se réduise dans un si petit espace. Mais, si 
on consulte la raison , on ne croira plus aucun 
mystère... » Luther ajoute à la page suivante 
cette bouffonnerie incroyablement audacieuse : 
« Tu penses apparemment que l'ivrogne Christ 
ayant trop bu à souper^ a étourdi ses disciples de 
paroles superflues^. > 

Cette violente polémique de Luther contre Gar- 
lostad était chaque jour aigrie par les symp- 
tômes efffayanià de bouleversement général qui 
menaçait FAliemagne. Les doctrines du harcli 
théologien répondaient aux vœux, aux pensées 
dont les masses populaires étaient préoccupées , 
enSouabe, enThuringe, en Alsace, dans tout 
rocçtdent de l'Empire. Le bas peuple , les pay- 
sans , endormis depuis si long-temps sous le 
TOMB l 6 

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]J0 «ÉMOIRÏS 

poids de l'oppression féodale, entendirent les 
sa vans et les princes parler de liberté , d'afiFran** 
chissement, et s'appliquèrent ce qu'on ne disait 
pas pour eux (1). La réclamation des pauvres pay- 
sans de la Souabe , dans sa barbarie naïve , restera 
connue un monument de modération courageuse. 
Peu-à-peu l'éternelle haine du pauvre contre Iq. 
riche se réveilla , moins aveugle toutefois q^e 
dans la jacquerie , mais cherchant déjà une forme 



(i) Les paysans n^avaient pas attendu la Réforme poi^r . 
s'insurger; des réyoltes avaient e« lieu dès i^gi ^ dès 
i5o2. Les villes libres avaient imité cet exemple : £rfurth 
en i5o9, Spire en|i5i2, et Worms en i5i3. Les trou- 
bles avaient recommencé en 15^4; mais, cette fois, par 
les nobles. Franz de Sickingen , leur chef, crut le mo- 
ment venu de se jeter sur les biens des princes ecdésia»* 
tiques; il osa mettre le siège devant Trêves, fl était, 
dit-on, dirigé par les célèbres réformateurs OEcol^mpade 
et Bucer , et par Hutten , alors au service de Tarchevê^ 
que de Mayence. Le duc de Bavière, le palatin , le land- 
grave de Hesse, vinrent délivrer Trêves; ils voulaient 
attaquer Mayence, en punition de la connivence pré- 
sumée de Tarchevêque avec Sickingen. Celui-ci périt;' 
Hutten fut proscrit , et dès lors sans asile , mais tonjoufs 
écrivant , toujours violent et oolérique ; il mourut peo 
après de misère. 



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DB tDTHER. 171 

systématique, qu'elle ne devait atteindre qu'au 
temps des niveleurs anglais. Elle se compliqua de 
tous les germes de démocratie religieuse qu'on 
avait cru étouffés au moyen-âge. Des Lollardistes, 
des Bégliards , une foule de visionnaires apoca- 
lyptiques se remuèrent. Le mot de ralliement 
devint plus tard la nécessité d'un second bap*^ 
tème ; dès le principe , le but fut une guerre ter- 
rible contre l'ordre établi, contre toute espèce 
d'ordre; guerre contre la propriété, c'était un 
vol fiiit au pauvre ; guerre contre la science , elle 
rompait l'égalité naturelle , elle tentait Dieu qui 
révélait tout à ses saints; les livres, les tableaux 
étaient des inventions du diable. 
Les paysans se soulevèrent d'abord dans la 
, Forêt-Noire, puis autour d'Heilbronn , de Franc- 
fort, dans le pays de Bade et Spire. De là, l'in* 
cendie gagna l'Alsace, et nulle part il n'eut un 
caractère plus terrible. Nous le retrouvons en- 
core dans le Palatinat , la Hesse , la Bavière. En 
Souabe, le chef principal des insurgés était un 
des petits nobles de la vallée du Necker , le célè- 
bre Goetz de Berlichîngen , Goetz à la main de 
fer, c[ui assurait n'être devenu leur général que 
tdalgré lui et par force. 

< Boléance et demande amiable de toute la 



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réunion de^ paysans, avec leurs prières chrér 
tiennes. Le tout exposé très brièvement en douzç 
articles principaux. Au lecteur chrétien , paix et 
gr|ice divine par le Christ ! 

> Il y a aujourd'hui beaucoup d'anti-chrétiens 
qui prennent occasion de la réunion des paysans 
pour blasphémer TÉvangile , disant : que ce sont 
là les frui^ d^ nouvel Évangile, que personne 
n'obéisse plus , que chacup se soulève et se cabre^ 
qu'on s'assemble et s'attroupe avec grande vio- 
lence; qu'on veuille réformer, chasser les auto- 
rités ecclésiastiques et séculières, peut-être même 
les égorger. A ces jugemens pervers et impies , 
répondent les articles suivans. 

» D'abord ils détournent l'opprobre dont on 
veutcouyrir la parole de Dieu; ensuite ils discul. 
peut chrétiennement les paysans du reproche de 
désobéissance et de révolte. 

» L'Évangile n'est pas une cause de soulève^ 
ment ou de trouble; c'est une parole qui annonce 
le Ghriat , le Messie qui nous était promis ; cette 
parole et la vie qu'elle enseigne nesontqu!amour, 
paix , patience et union. Sachez aussi que tous 
ceux qui croient en ce Christ seront unis dans 
l'amour, la paix et la patience. Puis donc que le^ 
articles des paysans^ comme on le verra plus <^ai* 



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I 



BB LVTKIA. 178 

remeut ensuite, ne sont pas diriges à une autre 
iatention que d'entendre l'Évangile , et de vivre 
en s'y conformant, comment les anti-chrétiens 
peuvent-ils nommer l'Évangile une cause de trou- 
ble et de désobéissance. Si les ant^-chrétiens et les 
ennemis de TÉvangile se dressent contre de telles 
demandée» ce n'est pas l'Évangile qui en est la 
cause, c'est le diable, le mortel ennemi de l'É* 
vangile, lequel , par l'incrédulité, a éveillé dans 
les siens l'espoir d'opprimer et d'efiacer la parole 
de Dieu qui n'est que paix , amour et union. 

9 II résulte clairement de là que les paysans 
qui, dans leurs articles , demandent un tel Évan- 
gile pour leur doctrine et pour leur vie, ne peu- 
vent être appelés désobéissans ni révoltés. Si Dieu 
nous appelle et nous, presse de vivre selon sa pa<- 
role, s'il veut nous écouter,, qui blâmera la vo- 
lonté de Dieu, qui pourra s'attaquer à son juge- 
ment, et lutter contre ce qu'il lui plaît de faire ? 
Jl a bien entendu les enfans d'Israël qui criaient 
à lui , il les a délivrés de la main de Pharaon. Ne 
p«at-il pas encore aujourd'hui sauver les siens ? 
Oui, il les sauvera , et bientôt ! Lis donc les ar- 
ticles suivans, lecteur chrétien ; lis-les avecsoio, 
et juge. » 
• Suivent les articles : 

6- 

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174 MÉMOIAW 

« I. £n premier iiea , c'est noire hiHnble de- 
mande et prière à nous tous, c'est notre volonté 
unanime, que désormais nous ayons le pouToir 
et le droit d'élire et choisir nous-mêmes un pas- 
teur; que nous ayons aussi le pouvoir de le dé<- 
poser s'il se conduit comme il ne convient point. 
Le même pasteur choi» par iioiis , doit noi» prè> 
cher clairement le saint Évangile, dans sa p«i«- 
reté , sans aucune addition de précepte ou de 
commandement humain. Car en nous annonçait 
toujours la véritable foi « on nous donné occasion 
de prier Dieu , de lui demander sa f^âce f de for- 
mer en nous cette même véritable foi et de l'y 
affermir. Si la grâce divine ne se forme point en 
nous , nous restons toujours chair et sang, et alors 
nous ne sommes rien de bon. On veut clairem^it 
dans l'Écriture qua nous ne pouvons amver à 
Dieu que par la véritable foi, et parvenir à la 
béatitude que par sa miséricorde. Il nous £int 
donc nécessairement un tel guide et pasteur , 
ainsi qu'il est institué dans l'Écriture. 

» II. Puisque la dîme légitime est établie dans 
l'Anci^i Testament (que le Nouveau a confirmé 
en tout), nous voulons payer la dime légitime du 
grain, toutefois delà manière convenable.. «Nous 
sommes désormais dans la volonté que les prad'- 



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BB LUTHBâ. 175 

hommes établis par une commune reçoivent et 
ressemblent cette dîme; qu'ils fournissent au pas- 
teur élu par toute un6 commune de quoi Pentre^ 
tenir lui et les siens suffisamment et convenable- 
ment, après que la ccfmmune en aura connu, et 
ce qui rester», on doit en user pour soulager les 
pairrres qui se trouvent dans le même village. S'il 
restait encore quelque chose, on doit le> réserver 
pour les frais de guerre , d'escorte et autres choses 
semblables) afin de délivrer les pauvres gens de 
rknpôt établi jusqu'ici pour le paiement de ces 
fran* S'il est arrivé , d'un autre côté, qu'un ou 
plusieurs villages aient, dans le besoin, vendu 
leur dîme, ceux qui l'ont achetée n'auront rien 
à redouter de nous ; nous nous arrangerons avec 
eux selon les circcmstances, afin de les indemni- 
•er au fur et à mesure que nous pourrons. Mais 
quant à ceux qui, au lieu d'avoir acquis la dîme 
d'uH village par acliat, se la sont appropriée de 
leur propre chef, eux ou leurs ancêtres, nous ne 
leur devons rien et nous ne leur donnerons rien. 
Cette dime sera employée comme il est dit ei-des- 
«os. Pour ce qui est de la petite dime et de la 
dime du sang (du bétail), nous ne l'acquitterons 
en aucune façon, car Dieu le Seigneur a créé les 
animaux pour être librement à l'usage de l'homme. 



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176 iiiiioi&£$ 

Nous e^timonscette dime une aime iUégiiime , in-r 
Tentée par les hommes; c'est pourquoi nous ces- 
serons de la payer. * 

Dans leur III« article, les paysans déclarent nç 
plus vouloir être traités comme la propriété de 
leurs seigneurs; « car Jésus-Christ, par son sang 
précieux , les a rachetés tous sans exception , le 
pâtre à Tégal de FEmpereur. * Ils veulent être li- 
bres, mais seulement selon l'Écriture, c'est-à-dire 
sans licence aucune et en reconnaissant l'autorité, 
car rÉvangile leur enseigne à être humbles et à 
obéir aux puissances « en toute$ choses convenar, 
blés et chrétiennes. » 

« IV. Il est contraire à la justice et à. la charité, 
disent-rils , que les pauvres gens n'aient aucun droit 
au gibier, aux oiseaux et aux poissons des eaux 
courantes ; de même : qu'ils soient obligés de souf- 
frir, sans rien dire, l'énorme dommage que font 
à leurs champs les bêtes des forêts; car, lorsque 
Dieu créa l'homme, il lui donna pouvoir sur tous 
les animaux indistinctement. » — Ils ajoutent qu'ils 
auront, conformément à l'Évangile, des. égards 
pour ceux d'entre les seigneurs qui pourront prou^ 
ver, par des titres, qu'ils ont acheté leur droit de 
pêche, mais que pour ]çs autres ce droit cessera 
sans indemnitç. 



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Bl LUTUB. 177 

¥. Les boÎ9 et foréU anciennement communaux , 
qui auront passé en les mains de tiers, autrement 
que par suite d'une yente équitable, doivent re-r 
venir à leur propriétaire originaire, qui est Ja 
commune. Chaque habitant doit avoir le droit d'y 
prendre le bois qui lui sera nécessaire, au juge- 
ment des prud'homme^. 

YI. Ils demandent un allégement dans les serr 
vices qui leur sont imposés, et qui deviennent de 
jour en jour plus accablans. Ils veulent servir 
« cQmme leurs pères, selon la parole de Dieu. » 

« YII. Que le seigneur ne demande pas au pay-. 
flan de faire gratuitement plus de services qu'il 
n'est dit dans leur pacte mutuel (vereinigung). 

» VIIL Beaucoup de terres sont grevées d'un 
cens trop élevé. Que les seigneurs acceptent l'ar^ 
bitrage d'hommes irréprochables , et qu'ils dimi- 
nuent le cens selon l'équité , « afin que le paysan 
ne travaille pas en vain , car tout ouvrier a droit 
à son salaire. > 

« IX. La justice se rend avec partialité. On éta- 
blit sans cesse de nouvelles dispositions sur les 
peines. Qu'on ne favorise personne et qu'on s'en 
tienne aux anciens réglemens. 

> X. Que les champs et prairiesdistraits des biens 
^e la commune , autrement que par une vente équi- 
table , retournent à la commune. 

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178 MiaioiABâ 

,» XL Les droits de décès sont révoltans et ou^ 
Yertement opposés à la volonté de Dieu, « car 
c'est une spoliation des vetfves et des orphelins. » 
Qu'ils soient entièrement et à jamais abolis. 

> XII S'il se trouvait qu'un ou plusieurs d^ 

articles qui précèdent , fût en opposition avec l'É- 
criture (ce que nous ne pensons pas) , nous y re- 
nonçons d'avance. Si , au contraire , l'Écriture nous 
en indiquait encore d'autres sur l'oppression du 
prochain, nous les réservons et y adhérons égale- 
ment dès à présent. Que la paix de Jésus-Chrïst 
soit avec tous. Amen. * 

Luther ne pouvait garder le silence dans cette 
grande crise. Les seigneurs l'accusaient d'être le 
premier auteur des troubles. Les paysans se re- 
commandaient de son nom , et l'invoquaient pour 
arbitre. Il ne refusa pas ce rôle dangereux. Dans 
sa réponse à leurs douze articles, il se porte pour 
juge entre le prince et le peuple. Nulle part peut- 
être il ne s'est élevé plus haut. 

Exhortation à la pavp, en réponse aux douie 
articles des paysans de la Souabe , et aussi contre 
Ve^pritde meurtre et de brigandage des autres pa$f- 
sans ameutés, — « Les paysans actuellement ras- 
semblés dans la Souabe , viennent de dresser et 
de Ëiire répandre, par la voie de l'impression, 



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D^ LUTHS«. 179 

4(mze articles qui reaferment leurs griefreontse 
Tautorité. Ce que j'approuve le plus dans cet écrit, 
c'est qu'au douzième article ils se déclarent prêts 
à accepter toute instruction évangélique meilleure 
que la leur au sujet de leur»doléances. 

» £n effet, si ce sont là leurs véritables inten- 
tions ( et comme ils ont (ait leur déclaration à la 
iace des hommes, sans craindre la lumière , il ne 
me convient pas de l'interpréter autrement), il 
y a encore à espérer une bonne fin à toutes ces 
agitations. 

« £t moi qui suis aussi du nombre de ceux qui 
font de l'Écriture sainte leur étude sur cette 
terre , moi auquel ils s'adressent nommément (s'en 
iiapportant à moi dans un de leurs imprimés ) , je 
me sens singulièrement enhardi par cette décla- 
lîation de leur part à produire ausn mon senti- 
ment au grand jour sur la matière en question , 
conformément aux préceptes de la charité, qui 
doit unir tous les hommes. En quoi &îsant, je 
m'affranchirai et devant Dieu et devant les hom- 
mes du reproche d'avoir contribigé au mal par 
mon silence, au cas oii ceci finirait d'une manière 



> Peut-être aussi n'ont-ils fait cette déclaration 
que pour ^n imposer, et sans doute il y en aparmi 



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180 MéHOI&ES 

eux d'as8ez méchans pour delà , car il est imposa 
sible qu'en une telle multitude , tous soient bons 
chrétiens; il est plutôt vraisemblable que beau- 
coup d'entre eux font servir la bonne volonté des 
autres aux desseins pervers qui leur sont propres. 
£h bien! s'il y a imposture dans cette déclaration , 
j'annonce aux imposteurs qu'ils ne réussiront pas; 
et que, s'ils réussissaient, ce serait à leur dam , à 
leur perte éternelle. 

» L'ajQEaiire dans laquelle nous sommes engagée 
est grande et périlleuse; elle touche et le royaume 
de Dieu et celui de ce monde. £n effet , s'il 
arrivait que cette révolté se propageât et prît le 
dessus , l'un et l'autre y périraient, et le gouver- 
nement séculier et la parole de Dieu, et il s'ensui- 
vrait une éternelle dévastation de toute la terre 
allemande. Il est donc urgent, dans de si graves 
circonstances, que nous donnions sur toutes cho^ 
ses notre avis librement, et sans égfard aux per- 
sonnes. £n même temps il n'est pas moins néces- 
saire que nous devenions enfin attentifs et obéi»^ 
sans , que nous cessions de boucher nos oreilles 
et nos cœurs , ce qui , jusqu'ici , a laissé prendre 
à la colère de Dieu son plein mouvement, son 
branle le plus terrible ( seinen toUen gang und 
80hwang). Tant de signes efirayans qui , dans ces 



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DB LUTHBRé 181 

derniers temps , ont apparu au ciel et sur la terre* 
annoncent de grandes calamités et des change^ 
mens inouis à l'Allemagne. Nous nous en in* 
({uiétons peu , pour notre malheur ; mais Dieu 
n'en poursuirra pas moins le cours d^ ses châ^ 
timens , jusqu'à ce qu'il ait enfin &it mollir nos 
têtes de fer. 

€ Première Partis. — Aux princes et seignêurt, 
— D'abord nous ne pouvons remercier personne 
sur la terre de tout ce désordre et de ce sou^- 
lèTement, si ce n'est vous, princes et seigneurs, 
TOUS surtout aveugles évéques , prêtres et moines 
insensés , qui , aujourd'hui encore , endurcis dans 
votre perversité , ne cessez de crier contre le saint 
Éyangile, quoique vous sachiez qu'il est juste et 
bon et que vous ne pouvez rien dire contre. 
£n même temps, comme autorités séculières, 
TOUS êtes les bourreaux et les sangsues des pau- 
vres gens, vous immolez tout à votre luxe et à 
Totre orgueil effrénés, jusqu'à ce que le peuple 
ne veuiUe ni ne puisse vous endurer davantage. 
Vous avez déjà le glaive à la gorge « et vous vous 
croyez encore si fermes en selle qu'on ne puisse 
vous renverser. Vous vous casserez le col avec 
cette sécurité impie. Je vous avais exhorté main^- 
tes fois à vous garder de ce verset (psaume GIY): 

7 

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182 ■ivof&Ks 

Efvmdft eontempium êuper prmoipes : il Tener 
4e méprii sur les princes. Vous faites tons vos 
efforts pour que ces paroles s'accomplissent sar 
¥0U8, vous voulez que la massue déjà levée 
tombe et vous écrase; les avis, lesoonseils se^ 
raîemt superflus. 

» Les signes de la colère de Dieu qm apparais- 
sent siïr la terre et au ciel, s'adressent à vou» 
•pourtant. C'est vous , ce sont vos crimes que Aie» 
veut punir. Si ces paysans qui vous attaqu€»t 
maintenant ne sont pas les ministres de sa vo- 
lonté, d'mctres le «eront. Vous les Iwttriet , «fue 
vous n'en seriei pas moins vaincus. Dieu en sus- 
citett'ftit d'autres; il veut vous frapper et il vdus 
frappera. 

» Vous comblez la mesure de vos iniquités en 
imputant «ette calamHé à l'iÈvangileet à ma doc^ 
trine. Calomniez toujours. Vous ne voulez pas 
savoir ee que j'«i -enseigné et ce qu'est l'Évai»' 
gile; il ^i eeft un autre à la porte qui va rtn» 
l'appTCfndre, si vous ne vous amendez. Ile me 
auis^je pas employé dç tout temps avec «èle et 
ardeur à recommander au peuple l'obéissance à 
l'autorité, à la vôtre même, si tyranmque, si in* 
tolérable qu'elle fut? qui plus que moi il oom' 
battu la sédition ? Aussi le» prophètes de meurtre 



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M £UTHBal 183 

me luteent-ib autant que vous. Vous penécu^ 
tiei mon ÉvangOe par tous les moyens qui étaient 
ea TO«s , pendant que cet Évangile feisait prier 
le peuple pour vous et qu'il aidait à soutenir 
▼otfe autorité chancelante. 

9 £n vérité, si je v^ikis me venger, ja n'au* 
sais maintenant qu'à rire dans ma barbe et regar* 
éer les paysans à l'œuvre; je pourrais même iaire 
CMse commune avec eux et envenimer la plaie« 
Bliea me préserve de pareilles pensées! C'est 
pourquoi, cbers seigneurs, amis ou ennemis, 
ae méprisez pas mon loyal secours, quoique je 
ne sois qu'un pauvre bomme; ne méprisez pas 
Bon plus cette sédition, je vous supplie : non 
pas que je veuille dire par là qu'ils soient trop 
farts contre vous ; ce n'est pas eux que je vou^ 
draîs vous faire craindre, c'est Dieu, c'est le 
seigneur irrité. Si Celui-là veut vous punir (vous 
ne l'avez que trop mérité ) , il vous punira ; 
et flfil n'y avait pas assez de paysans, il cbange-< 
nut les pierres en paysans; un seul des leurs en 
égorgerait cent des vôtres : tous tant que vous 
êtes, ni vos cuirasses ni votre force ne vous sau- 
veraient. 

• S'il est encore un consul à vous donner , 
ebers seigneurs, au nom de Dieu, reculez un peu 



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184 IléHOIRBS 

devant la colère que tous voyei déchaînée. On 
craint et on évite Thomme ivre. Mettez un terme 
à vos exactions , faites trêve à cette âpre tyrannie ; 
traitez les paysans coipme l'homme sensé traite 
les gens ivres ou en démence. N'engagez pas de 
lutte avec eux /vous ne pouvez savoir comment 
cela finira. Employez d'abord la douceur, de 
peur qu'une faible étincelle, gagnant tout au- 
tour, n'aille allumer, par toute l' Allemagne, 
un incendie que rien n'éteindrait. Vous ne per-r 
drez rien par la douceur, et quand même vous 
y perdriez quelque peu, la paix vous en dédom-r 
magerait au centuple. Dans la guerre , vous pou- 
vez vous engloutir et vous perdre, corps et biens. 
Les paysans ont dressé douze articles dont quel* 
ques-uns contiennent des demandes si équitables, 
qu'elles vous déshonorent devant Dieu, et les 
hommes, et qu'elles réalisent le psaume GYIII, 
car elles couvrent les princes de mépris. 

» Moi, j'aurais bien d'autres articles et de plus 
importans peutrétre à dresser contre vous, sur le 
gouvernement de l'Allemagne, ainsi que je l'ai 
£Bdt dans mon livre A la noblesse allemande. Mais 
mes paroles ont été pour vous comme le vent en 
l'air, et c'est pour cela qu'il vous faut maintenant 
essuyer toutes ces réclamations d'intérêts partir 
culiers. 

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DB LUTHER. 185 

» Quant aux premiers articles, tous ne pouvez 
leur reftiser la libre élection de leurs pasteurs. Ils 
veulent qu'on leur prêche l'Évangile. L'autorité 
ne peut ni ne doit y mettre d'empêchement, elle 
doit même permettre à chacun d'enseigner et de 
croire ce que bon lui semblera, que ce soit Évan« 
gile ou mensonge. C'est assez qu'elle défende de 
prêcher le trouble et la révolte. 

> Les autres articles, qui touchent l'état ma- 
tériel des paysans, droits de décès, augmentation 
des services, etc., sont également justes. Car Tau-* 
torité n'est point instituée pour son propre inté-r 
rêt ni pour faire servir les sujets à l'assouvisse- 
ment de ses caprices et de ses mauvaises passions, 
mais bien pour l'intérêt du peuple. Or, on ne 
peut supporter si long-temps vos criantes exac-^ 
lions. A quoi servirait-il au paysan de voir son 
champ rapporter autant de florins que d'herbes 
et de grains de blé , si son seigneur le dépouil- 
lait dans la même mesure, et dissipait, comme 
paille , l'argent qu'il en aurait tiré , l'employant 
en habits, châteaux et bombances? Ce qu'il fau- 
drait faire avant tout , ce serait de couper court 
à tout ce luxe et de boucher les trous par où l'ar- 
gent s'en va , de façon qu'il en restât quelcpe peq 
dans la poche du paysan. 

7. 

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186 »bE<H&BS 

»I)K9xiftss Partis. — Aua; Pa^ffon^.-^ Jusqu'ici, 
chers amis, vous n'avez tu qu'une chose: j'ai* 
reconnu que les princes et seigneurs qui dé* 
fendent de prêcher rÉvangile, et qui chargent 
les peuples de iardeaux intolérables, ont làeo^ 
ménié que Dieu les précipitât du siège , ear îh 
pèchent contre Bieu et les hounnes, ils sont san» 
excuse. Néanmoins c'est à tous de conduire Totve 
entreprise avec conscience et justice. Si TOuaaTex 
de la conscience , Dieu tous assistera : quaofcd 
même tous succomberiez pour le momenjt, toiia 
triompheriez à la fin; ceux de tous qui périraîeni 
dans le combat, seraient aauTés. Hais » tous avex 
la justice et la conscience contre tous, toussuo* 
comberez, et quanti même tous ne succomberiez 
pas, quand même tous tueriez tous les princes, 
Totre corps et Totre ame n'en seraient pas moûm% 
éternellemeQt perdus* Il n'y a donc pas à plaisan- 
ter id. Il y va de TOtre corps et de TOtre Tie à ja- 
mais. Ce qu'il TOUS faut considérer» ce n'est p9ia 
TOtre force et le tort de tos adTcrsaires , il fiiut 
Toir surtout si ce que tous feitcs est selon la ju«K 
tice et la conscience. 

» N'en croyez donc pas, je tous prie, les paro^ 
phètes de meurtre que Satan a suscités parmi. 
TOUS , et qui Tiennent de lui , quoiqu'ils inToquan^ 



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im I.17WW. 187 

lesaiBt nom de VÈytàa^l». Ik me halvoatà eauae 
du conseil que je tous donne» il» m'«ppeUevoni 
hypocrite , mma eela ne me touche point. Ce qn^ 
je déaire» c'est de sauver de la colère de Dieu 
la iKMones et bonoéteB gens qui sont parmi tous; 
je ne craindrai paales autres, qu'ils me méprisent 
on non. J'en connais Un qui est plus fort qu'eux 
tons, et Celui-là n'enseigne par le psaume III de 
faire ce que je fiôa. Les cent mille ne me font pas 
peur.... 

» Voua iBToques le nom de Bieu et tous pré«- 
teadex agir d'aprèa sa parole; n'ouldiei donc pas 
ETant tout que lUeu punit celui qui invoque son 
nom en vain. Craignez sa colère. Qu'étes-vous» 
et qu'est-ce que le monde ? Qubliez-vous qu'il est 
le nieu tout-puissant et terrible » le Dieu du dé* 
IttgOy celui qui a foudroyé Sodome? Or , il est 
&cile de voir que vous ne Eûtes pas homneur à 
•on nom. Dieu ne dit-il pas : Qui prend Fépée 
pMra par Fépée? Et saint Paul : Que toute âme 
leit soumise à l'autorité en tout respect et hou* 
nsur? Comment pouvei-vous» aprèacesenseigne* 
mens, prétendre encore que tous agisseï d'après 
fÉjirangile? Prenez-y garde» un jugement terri* 
Ue TOUS attend. 

I Maia» dite^vous, l'autorité est mauvaise» iur 



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188 m&MOiaES 

tolérable , elle ne yeut pas nous laisser rÉvangile , 
elle nous accable de charges hors de toute me- 
sure, elle nous perd de corps et d'âme. A cela 
je réponds que la méchanceté et l'injustice de 
Tautorité n'excosent pas la révolte, car il ne con- 
vient pas à tout homme de punir les méchans; En 
outre le droit naturel dit que nul ne doit être 
juge de sa propre cause, ni se venger lui-même, 
car le proverbe dit vrai : Frapper qui frappe , ne 
vaut. Le droit divin nous enseigne même chose , 
La Tengeance m'appartient, dit le Seigneur, c'est 
moi qui veux juger. Votre entreprise est donc 
contraire non«i$eulement au droit, selon la Bible 
et rÉvangile , mais aussi au droit naturel et à la 
simple équité. Vous ne pouvez y persister à moins 
de prouver que vous y êtes appelés par un nou- 
veau commandement de Dieu, tout particulier 
et confirmé par des miracles. 

» Vous voyez la paille dans Tœil de l'autorité, 
mais vous ne voyez pas la poutre qui est dans le 
vôtre. L'autorité est injuste en ce qu'elle interr. 
dit l'Évangile et qu'elle vous accable de charges; 
mais combien êtes-vous plus injustes, vous qui, non 
contons d'interdire la parole de Dieu, la foulez aux; 
pieds, vous qui vous arrogez le pouvoir réservé, 
à Dieu seul ? D'un autre côté , qui est le plusj^ 



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DB LUTHBB. 189 

grand voleur (je tous en fais juge) de celui qui 
prend une partie ou de celui qui prend le tout ? 
Or l'autorité tous prend injustement votre bien , 
mais TOUS lui prenez à elle non-seulement le bien, 
mais aussi le corps et la Tie. Vous assurez bien , 
il est Trai , que tous lui laisserez quelque chose; 
qoi TOUS en croira ? Yous lui aTcz pris le pou- 
Toir ; qui prend le tout ne craint pas de prendre 
aussi la partie; quand le loup mange la brebis, 
il en mange bien aussi les oreilles. 

» Et conmiént ne Toyez-Tous donc pas , mes 
amis, que si TOtre doctrine était Traie, il n'y au- 
rait plus sur la terre ni autorité, ni ordre, ni 
justice d'aucune espèce? Chacun serait son juge 
à soi; l'on ne Terrait que meurtre, désolation et 
brigandage. 

» Que feriez-TOus, si, dans Totre troupe, cha- 
cun Toulait égaleftient être indépendant, se faire 
lostice , se Tenger lui-même ? Le souffririez-TOus ? 
Ne diriez-TOus pas que c'est aux supérieurs de 
juger? 

» Telle est la loi que doiTent obserrer même 
les païens , les Turcs et les juifs, s'il doit y aToir 
ordre et paix sur la terre. Loin d'être chrétiens , 
TOUS êtes donc pires que les païens et les Turcs. 
Que dira Jésus-Christ en Toyant son nom ainsi 
profané par tqus? 

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100 1IEMOIEX8 

» Chen amis , je oraina fort que 8aAaa n'ail en- 
voyé parmi tous des prophètes de meurtre qui 
convoitent l'empire de ce monde et qm pensent 
y arriver par vous, sans s'inquiéter des péril& et 
temporels et spirituels dans lesquek ils voua 
précipitent. 

. 9 Mais passons maintenant au drcHt évangéUque. 
Ceh^rpi ne lie pas les païens cQmme le droit denl 
nous venons de parler. Jésus-Christ, d<mi voua 
tirez le nom de chrétiens, ne dit-il pas (saint 
HaUiieu, Y) : Ne résistez pas à celui qui voua 
fait du mal ; si quelqu'un te frappe à la j^Mke 
droite , présente aiiAsi l'autre... L'entendez«voua, 
chrétiens rassemblés ? Gomment faitefr-vous rimer 
votre conduite avec ce précepte ? Si vous ne ask- 
vez pas souffrir, comme le demande notre Sei- 
gp^eur, dépouillez vite son nom , vous n'eu êtes pas. 
dUgnes; ou il va tout-^-l'beure vous l'arracher 
lui-même. 

» (Suivent d'autres versets de l'Évangile sur la 
douceur chrétienne). Souffrir, soufirir, la crrâL^ 
la croix, voilà la loi qu'enseigne le Christ, il n'y 
en a pmnt d'autres... 

» £h ! mes amis, si vous fiaiîtes de teUes choses „ 
quand donc en viendrez-voua à cet autre pré^ * 
cepte qui vous commande d'aimer vos ennemis et 



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m LUTmsa. 191 

de lear &ire du bien ?... Oh! plût à Biea que la 
plopart d'entre nous fussent avant tout de bons 
et .pieux païens qui observassent la loi naturelle! 

• Pour TOUS montrer jusqu'où vos prophëftes 
V06S ont égarés , je n'ai qu'à tous rappeler quel-* 
qucs exemples qui mettent en lumière la loi de 
l'Évangile. Regarde! Jésus-Christ et saint Pierre 
dams le jardin de Gézémaneh. Saint Pierre ne 
eroyalt-il pas £ftire une bonne action en défen- 
dant son maître et seigneur, contre oeux qui 
votaient pour le livrer aux bourreaux ? £t cepen- 
dant vous savez que Jésus-Christ le réprimanda 
oonune un meurtrier pour avoir résisté l'épéeà 
la main. 

« Autre exemfde : Jésus-Christ lui-même atta** 
ché à la croix , que fait-il? Ne prie-t-il pas pour 
les persécuteurs; ne dit-il pas : mon père\ 
pafrdonnez-leur > car ils ne savent ce qu'ils font! 
£t Jésus-Christ ne fut-il pas cependant glorifié 
après avoir sottffert, son royaume n'a-t-^ilpaspré- 
talu et triomphé? Be même Bien vous aiderait « 
li vous saviez souffrir comme il le demande. 

> Pour prendre un exemple dans le temps même 
oiiimas rivons, comment s'est-il fait que ni l'Em'^ 
Çereur ni le pape n'aient pu rien contre moi ? . 
plus ils ont fiiit d^efforts pour arrêter et dé* 



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102 HistOlRBS 

truire TÉvangile , plus celui-ci a gagné et pm 
force ? Je n'ai point tiré Fépée , je n'ai point fait 
de révolte; j'ai toujours prêché l'obéissance à 
l'autorité , même à celle qui me persécutait; je 
m'en reposais toujours sur Dieu, je remettais tout 
entre ses mains. C'est pour cela, qu'en dépit du 
pape et des tyrans, il m'a non-seulement conserré 
la vie, ce qui déjà était un miracle, mais il a aussi 
de plus en plus avancé et répandu, mon Évangile. 
Et voilà que maintenant ^ pensant servir l'Éran- 
gilcj vous vous jetez en travers. En vérité, vous 
lui portez le cpup le plus terrible dans l'esprit des 
hommes , vous l'écrasez pour ainsi dire par vos 
perverses et folles entreprises. 

» Je vous dis tout ceci, chérs amis, pour vous 
montrer combien vous profanez le nom du Christ 
et de sa sainte loi. Quelque justes que puissent 
être vos demandes, il ne convient au chrétien de 
combattre ni d'employer là violence : nous de- 
vons'soufFrir l'injustice , telle est notre loi (I. Co- 
rinth. YI). Je vous le répète donc, agissez en cette 
occurrence comme vous voudrez, maislaissez là le 
nom de Christ, et n'en faites pas honteusement le 
prétexte et le manteau de votre conduite impie. 
Je ne le permettrai pas, je ne ne le tolérerai pas, 
j6 vous arracherai ce nom par tous les efforts dont 



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BE LUTHBE. 198 

je suis capable Jusqu'à la dernière goutte de mon 
sang... 

» Non que je veuille par là justifier l'autorité : 
ses torts son immenses, je l'avoue; mais ce que 
je veux, c'est que, s'il faut malheureusement (Dieu 
veuille nous l'épargner ! ), s'il faut, dis-je, que vous 
en veniez aux mains, on n'appelle chrétiens ni 
l'im ni l'autre parti. Ce sera une guerre de païens 
et point autre, car les chrétiens ne combattent pas 
avec lesépées ni les arquebuses, mais avec la croix 
et la patience* de même que le général Jésus^ 
Christ ne manie pas l'épée, mais se laisse attacher 
à la croix. Leur triomphe ne consiste pas dans la 
domination et le pouvoir , mais dans la soumis- 
âon et l'humilité. Les armes de notre chevalerie 
n'ont pas d'efficacité corporelle , leur force est 
dans le Très-Haut. 

» Intitulez-vous donc : gens qui veulent suivre 
la nature et ne pas supporter le mal; voilà le nom 
qui vous convient; si vous ne le prenez pas, mais 
que vous persistiez à garder et prononcer sans 
cesse celui du Christ, je ne pourrai que vous re- 
garder comme mes ennemis et comme ceux de 
l'Évangile, à l'égal du pape et de l'Empereur. Or, 
sachez que dans ce cas, je suis décidé à m'en re- 
matlre entièrement à Dieu, et à l'implorer pour 

8 

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194 MÉMOIRES 

qu'il TOUB éclaife, qu'il soit contre tous et voua 
(àsBe échouer. 

» J'y risquerai ma tête, comme j'ai fait contre 
le pape et l'Empereur, car je vois clairement que 
le diable n'ayant pu venir à bout de moi par eux, 
veut m'exterminer et me dévorer par les prophè- 
tes de meurtre qui sont parmi vous. £h bien, qu'il 
me dévore : un tel morceau ne sera pas de facile 
digestion. 

■ Toutefois, chers amis, je vous supplie hum- 
blement et comme un ami qui veut votre bien, 
d'y bien penser avant d'aller plus loin , et de me 
dispenser de combattre et de prier contre vous, 
quoique je ne sois moi-même qu'un pauvre pé- 
cheur; je sais pourtant que dans ce cas j'aurais 
tellement raison, que Dieu écouterait immanqua- 
blement mes prières. Il nous a enseigné lui-même^ 
dans le saint Pater noster, à demander que son nom 
80ft sanctifié sur la terre comme au ciel. Il est im- 
possible que vous ayez , de votre c6té, la même 
confiance en Dieu; car l'Écriture et votre con- 
science vous condamnent et vous disent que vous 
agissez en païens, en ennemis del'Éyangile. Si vous 
étiez chrétiens , vous n'agiriez pas du poing et de 
l'épée; vous diriez. Délivrez-nous du mal, et, j 
Que ta volonté soit faite (suivent de» verset! qui j 

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DB LVTHE&, 185 

expriioent cette pensée). Mais tous voulei être 
Tous-mémes votre Dieu et votre Sauveur ; le vrai 
Dieu, le vrai Sauveur vous abandonne donc. Les 
demandes que vous avez dressées ne sont pascon-> 
trairesau droit naturel et à l'équité, par leur te^ 
neurmême, mais par la violence avec laquelle 
vous les voulez arracher à l'autorité. Aussi celui 
qui l^s a dressées n'est pas homme pieux et sin- 
cère ; il a cité grand nombre de chapitres de l'É-* 
criture , sans écrire les versets mêmes, afin de ren- 
dre votre entreprise spécieuse, de séduire et de 
TOUS jeter dans les pérUs. Quand on lit les chapi- 
tres quil a désignés, on n'y voit pas grand'chose 
fior votre entreprise, on y trouve plutôt le con- 
traire, à savoir, que l'on doit vivre et agir chrétien- 
nement. Ce sera , je pense , un prophète séditieux 
qui aura voulu attaquer l'Évangile par vous; Dieu 
veuille lui résister et vous garder de lui. 

« En premier lieu, vous vous glorifiei, dans vo- 
tre préfoce, de ne demander qu'à vivre selon l'É- 
vangile. Vais n'avouez**vous pas vous-mêmes que 
vous êtes en révolte ? Et comment , je vous le de- 
mande , avez-vous l'audace de colorer une pareille 
conduite du saint nom de l'Évangile ? 

» Vous citez en exemple les enfems d'Israël. Voua 
dites que Dieu entendit les cris qu'ils poussaient 



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196 HilHOIRES 

vers lui , et qu'il les délivra. Pourquoi donc nesui* 
vez-vous pas cet exemple dont vous vousglorifiez? 
Invoquez Dieu, comme ils ont fait, et attendez 
qu'il vous envoie aussi un Moïse qui prouve sa mis- 
sion par des miracles. Les enfans d'Israël ne s'a- 
meutèrent point contre Pharaon ; ils ne s'aidèrent 
point eux-mêmes comme vous avez dessein de 
ftiîre. Cet exemple vous est donc directement con- 
traire , et vous damne au lieu de vous sauver. 

» Il n'est pas vrai non plus que vos articles, 
comme vous l'annoncez dans votre préface , en- 
seignent l'Évangile et lui soient conformes. Y en 
a-t-il un seul sur les douze , qui renferme quelque 
point de doctrine évangélique ? N'ont-ils pas tous 
uniqiiement pour objet d'affranchir vos personnes 
et vos biens? Ne traitent-ils pas tous de choses 
temporelles? Vous, vous convoitez le pouvoir et 
les biens de la terre, vous ne voulez souffrir au- 
cun tort; l'Évangile, au contraire, n'a nul souci 
de ces choses , et place la vie extérieure dans la 
souffrance, l'injustice, la croix, la patience et le 
mépris de la vie , comme de toute affaire de ce 
monde. 

• Il faut donc ou que vous abandonniez votre 
entreprise, et que vous consentiez à soufifrîr les 
torts, si vous voulez porter le nom de chrétiens; 



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DB LUTHBR. 197 

on bien , si tous persistez dans vos résolutions, il 
fkut que vous dépouilliez ce nom et que vous en 
preniez un autre. Ghoississez , point de milieu. 

» Vous dites que l'on empêche FÉvangile de par- 
venir jusqu'à vous : je vous réponds qu'il n'y a 
aucune puissance ni sur la terre ni au ciel qui 
puisse faire cela. Une doctrine publique marche 
libre sous le ciel, elle n'est liée à aucun endroit, 
aussi peu que l'étoile qui, traversant les airs, an* 
nonçait aux sages de l'Orient la naissance de Jé^ 
tus-Christ... Si l'on interdit l'Évangile dans la ville 
ou le village où vous êtes, suivez-le ailleurs où 
onle prêche. . . Jésus-Christ a dit (saint Matthieu, X) : 
■ S'ils vous chassent d'une ville , fuyez dans une 
autre. » Une dit point : « S'ils veulent vous chas- 
ser d'une ville , restezry , attroupez-vous contre le& 
seigneurs, au nom de l'Évangile, et rendez-voua 
maitTes.de la. ville. » Qu'est-ce donc que ces chré-» 
tiens qui, au nom de l'Évangile, se font brigands, 
Toleursi? Osentrils bien se dire évangéliques? 

» Réponse au 1®' article.-r-Si l'autorité ne veut 
pas de bon gré entretenir le pasteur qui convient 
à la commune , il faut , dit Luther, que celle-ci le 
liasse à ses propres frais. Si l'autorité ne veut, paa 
tolérer ce pasteur, que les fidèles le suivent dana 
«ne autre commune., 

8. 

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^H 



198 MXMOIXiBS 

f Réponse à Farticle II. — Vous voulei disposer 
d'une dîme qui n'est pas à vous : ce serait une 
spoliation, un brigandagpe. Si tous voulez faire 
du bien , fiiites^le du vôtre et non de ce qui est à 
autrui. Dieu dit par Iiaie : « Je déteste l'offirande 
qui vient du Tol. 

» Réponse à l'article III. — Vous voulez appli- 
quer à la chair la liberté chrétienne enseignée 
par l'Évangile. Abraham et les autres patriu^ 
cbes , ainn que les prophètes , n'ont-ils pas aussi 
eu des serfs ? Lisez saint Paul , l'empire de ce 
. monde ne peut subsbter dans l'inégalité des per- 
sonnes. 

» Aux huit derniers articles. -^ Quant à vos 
articles sur le gibier , le bois , les services , les 
cens , etc. , je les renvoie aux hommes de loi ; il ne 
me convient pas d'en juger » mais je vous répète 
que le chrétien est un martyr, et qu'il n'a nul 
souci de toutes ces choses; cessex donc de parler 
du droit chrétien , et dites plutôt que c'est le 
droit humain, le droit naturel que vousrev^idir 
quez, car le droit chrétien vous commande de 
souffrir en ces choses, et de ne vous plaindre 
qu'à Dieu. 

• Chers amis, voilà l'instruction que j'ai à to«s 
donner en réponse à la demande que vous m'a^^ 



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DB LUTHER. 109' 

Tel Seàie, JHen Teuille que vous soyez fidèles à 
votre promesse , de vous laisser guider selon 
l'Écriture. Ne criez pas trop d'abord : Luther est 
un flatteur des princes, il parle contre TÉvangile. 
Hw lisez auparavant, et voyez si tout ce que je 
dis n'est pas fondé sur la parole de Dieu. 

» Eûfhoriaiion aux deux partis. — Puis doue , 
mes amis , que ui les uns ni les autres, vous ne 
défendez une chose chrétienne, mais que les deux 
partis agissent également contre Bteu^ renon* 
cez, je vous supplie, à la violence. Autrement 
vous couvrirez toute FAllemagne d'un carnage 
horrible , et cela n'aura pas de fin. Car conuaae 
vous êtes également dans l'injustice, vous vous 
perdrez mutuellement^ et Dieu frappera un mé-' 
chant par l'autre. 

» Vous, seigneurs , vous avez contre vous l'É^ 
criture et l'histoire , qui vous enseignent que la 
tyrannie a toujours été punie. Vous êtes vous- 
mêmes des tyrans et das bourreaux , vous inter- 
disez l'Évangile. Vous n'avez donc nul espoir 
d'échapper au sort qui jusqu'ici a frappé vos pa-» 
reils. Voyez tous ces empires des Assyriens , des 
Perses, des Grecs, des Romains, ils ont tous péri 
parle glaive, après avoir commencé par le glaive. 
Dieu voulait prouver que c'est lui qui est juge de 

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I j|H»ll . ^H^.r^ -r^tm^ 



200 niMOiRBS 

la terre , et que nulle injustice ne reste impunie, 

» Vous, paysans, vous avez de même contre 
vous rÉcriture et Fexpérience. Jamais la révolte 
n'a eu une bonne fin , et Dieu a sévèrement pourvu 
à ce que cette parole ne fût pas trompeuse : Qui 
prend l'épée périra par l'épée. Quand même 
vous vaincriez tous les nobles , vainqueurs des 
nobles, vous vous déchireriez entre vous comme 
les bétes féroces. L'esprit ne régnant pas sur 
vous, mais seulement la chair et le sang, Dieu 
ne tarderait pas à envoyer un mauvais esprit,, un 
esprit destructeur, comme il fit à Sichem et à son 
roi.... 

» Ce qui me pénètre de douleur et de pitié (et 
plût au ciel que la chose pût être rachetée de ma 
vie! ) ce sont deux malheurs irréparables qui vont 
fondre sur l'un et l'autre parti. D'abord , comme 
vous combattez tous pour l'injustice, il çst im- 
manquable que ceux qui périront dans la lutte 
seront éternellement perdus corps et âme; car 
ib mourront dans leurs péchés, sans repentir, 
sans secours de la grâce. L'autre malheur, c'est 
que l'Allemagne sera dévastée; un tel carnage 
une fois commencé , il ne cessera pas avant que 
tout soit détruit. Le combat s'engage aisément ^ 
Oifiis il n'est pas en notre pouvoir de l's^rrêter. In% 

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DE LUTHER. 20 fl 

sensés, que tous ont-ils donc fait, ces enfans, ees 
femmes y ces vieillards, que vous entraînez dans 
votre perte, pour que vous remplissiez le pays de 
sang, de brigandage, pour que vous fassiez tant 
de veuves et d'orphelins ? 

» Oh! Satan se réjouit! Dieu est dans son cour- 
roux le plus terrible, et il menace de le lâcher 
contre nous. Prenez-y garde , chers amis , il y 
va des uns comme des autres. A quoi vous ser- 
TÎra*t-il de vous damner éternellement et de gaité 
de cœur, et de laisser après vous un pays ensan- 
glanté et désert ? 

» C'est pourquoi mon conseil serait dé choisir 
quelques comtes et seigneurs parmi la noblesse, 
de choisir également quelques conseillent dans 
les villes, et de les laisser accorder les affaires à 
l'amiable. Vous, seigneurs, si vous m'écoutez, 
TOUS renoncerez à cet orgueil outrageant qu'il 
vous faudrait bien dépouiller à la fin: vous adou- 
cirez votre tyrannie, de sorte que le pauvre 
liomme puisse avoir aussi un peu d'aise. Vous, 
paysans, vous céderez de votre côté, et vous 
abandonnerez quelques-uns de vos articles qui 
Tont trop loin. De cette manière, les affaires 
n'auront pas été traitées selon l'Évangile , mais 
du moins accordées conformément au droit hu« 
main. 

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203 KÉVOIHE8 

» 81 voiu ne toiTiez pas un lemblable conseil 
(oequ'à Dieu ne plaise) , je ne pourrai tous empé» 
cher d'en venir aux mains. Mais je serai innocent 
de la perte de vos âmes, de votre sang, de votre 
bien. C'est sur vous que pèseront vos péchés. Je 
vous Fai déjà dit, ce n'est pas un combat de 
chrétiens contre chrétiens , mais de tyrans, d'op- 
presseurs, contre des brigands, des pro£uiateurs 
du nom de l'Évangile. Ceux qui périront se-* 
ront éternellement damnés. Pour moi, je prie* 
rai Dieu avec les miens , afin qu'il vous réconci- 
lie et vous empêche d'en venir où vous voulez. 
Néanmoins je ne puis vous cacher que les signes 
terribles qui se sont fait voir dans ces derniers 
temps, attristent mon âme et me font craindre que 
la colère de Dieu ne soit trop allumée , et qu'il ne 
dise comme dans Jérémie: Quand même Noé, 
Job et Daniel se placeraient devant ce peuple, 
je n'aurais pas d'entrailles pour lui. Dieu veuille 
que vous craigniez sa colère et que vous vous 
amendiez, afin que la calamité soit au moins 
différée! Tels sont les conseils que je vous donne 
en chrétien et en frère , ma conscience m'en est 
témoin , Dieu fasse qu'ils portent fruit. Amen. » 

Le caractère biographique de cet ouvrage et 
les proportion!! dans lescjuelles nous devons leres» 



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IVB LDTHB&. 203 

jlerrer, ne nous permettent pas d'entrer dans 
l'histoire de cette Jacquerie allemande ( voyei 
toutefois nos Additions et Éclaircissemens ). Noos 
noas contenterons ici de rapporter la sanguinair 
proclamation du docteur Thomas Mûnzer ^ chef 
des paysans de Thuringe; elle forme un singu*» 
lier contraste arec le ton de modération et de 
douceur qu'on a pu remarquer dans les Douze 
articles que nous arons donnés plus haut . 

« La vraie crainte de Dieu avant tout. 

» Chers frères, jusqu'à quand dormirez* vous ? 
Désobéirez- vous toujours à la volonté de Dieu» 
parce que , bornés comme vous êtes \ vous vous 
Croyez abandonnés ? Que de fois vous ai-je répété 
mes enseignera eus ! Dieu ne peut se révélei* plus 
long-temps. Il faut que vous teniez ferme. Sinon , 
le sacrifice, les douleurs , tout aura été en vain. 
Vous recommencerez alors à souffrir, je vous le 
prédis. 11 faut ou souffrir pour la cause de Dieu , 
ou devenir le martyr du Diable. 

» Tenez donc ferme , résistez à la peur et à la 
paresse , cessez de flatter les rêveurs dévoyés du 
chemin , et les scélérats impies. Levez-vous , et 
combattez le combat du Seigneur. Le temps 
presse. Faites respecter à vos frères le témoignage 



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204 viitoiRBS 

de Dieu; autrement , tous périront. L'Allemagne, 
la France j l'Italie sont tout entières soulevées; le 
Maître veut jouer son jeu , l'heure des méchans 

est venue. 

w AFulde quatre églises de révêché ont été sac- 
cagées, la semaine sainte; les paysans deKlégen 
en flégau, et ceux de la Forêt-Noire , se sont le- 
vés au nombre de trois cent mille. Leur masse 
grossit chaque jour. Toute ma crainte , c'est que 
ces insensés ne donnent dans un pacte trompeur , 
dont ils ne prévoient pas les suites désastreuses. 
Vous ne seriez que trois, mais confians en Dieu , 
cherchant son honneur et sa gloire, que cent 
mille ennemis ne vous feraient pas peur, 

» Sus, sus, sus! {dratij dratii dran !) il est temps , 
les méchans tremblent. Soyez sans pitié, quand 
même Esaù vous donnerait de belles paroles (Gre* 
nèse, XXXIII); n'écoutez pas les gémissemens des 
impies; ils nous supplieront bien tendrement , ik 
pleureront comme les enfans; n'en soyez pas tou- 
chés; Dieu défendit àMoïse de l'être (Dent. VII),etil 
nous a révélé la même défense. Soulevez les villes et 
les villages, surtout les mineurs des montagnes . . . 

» Sus, sus, sus! (dran, dran, dran!) pendant que 
le feu chauffe; que le glaive tiède de sang n'ait 
pas le temps de refroidir. Forgez Nemrod sur 



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DB LUTHBH. 205 

Penclume, pinh panh, tuez tout dans la tour; 
tant que ceux-là vivront, vous ne serez jamais dé- 
livrés de la crainte des hommes. On ne peut vous 
parler de Dieu, tant qu'ils régnent sur vous. 

«Sus, sus, sus! {dran , dran, dran!) pendant 
qu'il fiiït jour , Dieu vous précède; suivez. Toute 
cette histoire est décrite et expliquée dans saint 
Mathieu , chapitre XXIV. N'ayez donc peur. Dieu 
est avec vous, comme il est dit , chapitre II , pa- 
ragraphe 2. Dieu vous dît de ne rien craindre. 
N'ayez peur du nomhre. Ce n'est pas votre com- 
bat , c'est celui du Seigneur , ce n'est pas vous 
qui combattez. Soyez hardis, et vous éprouverez 
la puissance du secours d'en haut. Amen. Donné 
à Hûlhausen, en 1525. Thomas Munzeb, serviteur 
de Dieu contre les impies. » 

Dans une lettre à l'électeur Frédéric et au duc 
Jean , Luther se compare à Mûnzer... « Moi , je 
ne suis qu'un pauvre homme; j'ai commencé mon 
entreprise avec crainte et tremblement; ainsi fit 
aainl Paul ( il l'avoue lui-même. Cor. ï , 8 - 6 ) , 
lui qui , cependant pouvait se glorifier d'enten- 
dre une voix céleste. Moi je n'entends pas de telles 
voix , et je ne suis pas soutenu de l'Esprit. Avec 
quels humbles ménagemens n'ai-je pas attaqué le 
pape! quels n'ont pas été mes combats contre 
TOMB 1 9 

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fl 



• - --.=2U.*.-* 












». 












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DB LUTHER. 207 

m le lien , ni le mode , ni la mesure de l*atta- 
qtie ; j'ai dû me tenir prêt à répondre à toat le 
monde, comme l'enseigne l'apôtre (saint Pierre, 
Ep. 1,8-15). 

» Et cet esprit qui es! élevé au-dessus de nous 
autant que le soleil l'est au-dessus de la terre , 
cet esprit qui nous regarde à peine comme des 
insectes et des vermisseaux , il lui fiiut une assem- 
blée toute composée de gens £aivorables et sûrs 
desquels il n'ait rien à craindre, et il refuse de 
répondre à deux ou trois tenans qui l'interro* 
géraient à part... Cest que nous n'avons de force 
que celle que Jésus-Christ nous donne; s'il 
nous livre à nous-mêmes , le bruit d'une feuille 
peut nous faire trembler; s'il nous soutient, 
notre esprit sent bien en soi la puissance et la 
gloire du Seigneur... Je suis forcé de me vanter 
moi-même, quelque folie qu'il y ait en cela; 
saint Paul y fut bien contraint aussi ( Cor. II , 
11-16); je m'en abstiendrais volontiers, si je le 
pouvais en présence de ces esprits de mensonge. • 
Immédiatement après la défaite des paysans , 
Mélanchton publia une petite histoire de Mûn- 
zer. n est inutile de dire cjue ce récit est singu- 
lièrement défavorable aux vaincus. L'auteur as- 
sure que Mûnzer, réfugié à Frankenhausen , se 



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20S HÉV01RB8 

Gneha dans un lit , et fit le malade , mais ua oâ- 
valier le trouva, et son portefeuille le fit recon- 
naître... 

« Quand on lui serra les menottes , il poussa des 
cris; à cette occasion le duc Georges s'ayisa. de 
lui dire : « Tu souffires , Thomas, mais ils ont souf- 
fert davantaipe aujourd'hui, les pauvres gens 
qu'on a tués, et c'est toi qui les avais poussés là. • 
« Ils ne l'ont pas voulu autrement, » répondit 
Thomas, en éclatant de rire , comme s'il eût été 
possédé du diable... » 

Mùuzer avoua dans son interrogatoire qu'il 
songeait depuis long-temps à réformer la chré- 
tienté , et que le soulèvement des paysans de la 
Souabe lui avait paru une occasion favorable. 

« Il se montra très pusillanime au dernier mo- 
ment. Il était tellement égaré, qu'il ne put re- 
citer seul le Credo. Le duc Henri de Brunswick 
le lui dit et il le répéta. — Il avoua aussi publique- 
ment qu'il avait eu tort ; quant aux princes, il les 
exhorta à être moins durs envers les pauvres gens, 
et à lire les livres des Rois, disant que s'ils sui- 
vaient ses conseils ils n'auraient plus de sembla- 
bles dangers à craindre. Après ce discours il fut 
décapité. Sa tête fut attachée à une pique , et resta 
^posée pour l'exemple. » 



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DB I.UTHSft. 209 

Il écriTit avant de mourir aux habitans de Mùl- 
haïuen, pour leur recommander sa femme et les 
prier de ne point se venger sur elle. « Avant de 
quitter la terre, disaitHil, il croyait devoir les ei- 
borter iattarament à renoncer à la révolte et à évi- 
ter loute nouvelle eflution de sang. » 

9e quelques atroces violences que se soient 
aouiiiés Hûnzer et les paysans, on s'étonne de 
la dureté av«c laquelle Luther parle de leur dé- 
bite. Il ne leur pardonne pas d'avoir compromis 
le nom de la Réforme... « O misérables esprits 
de troubles y où sont maintenant ces paroles par 
lesquelles vous excitiez et ameutiez les pauvres 
gens ? Quand vous disiez qu'ils étaient le peuple 
de Dieu , que Dieu t^mbattait pour eux , qu'un 
seul d*entre eux abattrait cent ennemis, qu'avec 
un diapeau ils en tueraient cinq de chaque coup, 
et que les pierres des arquebuses , au lieu de frap- 
per devant , tourneraient contre ceux qui les au- 
raient tirées? Oh est maintenant Mûnzer avec 
I cette manche dans laquelle il se faisait fort d'ar- 
rêter tout ce qu'on lancerait «entre son peuple ? 
ÏQuel est maintenant ce Dieu qui pendant près 
I d'une année a prophétisé par la bouche de 

lunzer ? » 
« Je crois que tous les paysans doivent périr 

9. 

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210 MiHOIBSS 

plutôt que les princes et les magistrats, parce que 
les paysans prennent Fépée sans autorité diyiBe... 
Nulle miséricorde, nulle tolérance n'est due aux 
paysans , mais l'indignation de Dieu et des 
hommes. > (80 mai 1525.) — t Les paysans, dk-il 
ailleurs , sont dans le ban de Dieu et de l'Ëmpe* 
reur. On peut les traiter comme des chiens enra- 
gés, » — Dans une lettre du 21 juin, il énumère 
les horribles massacres qu'en ont faàta les nobles , 
sans donner le moindre signe d'intérêt ou de pitié. 
Luther montra plus de générosité à l'égard de 
son ennemi Garlostad. Celui-ci courait alors le 
plus grand danger. Il aYait peine à se justifier d'a- 
voir enseigné des doctrines, analogues à celles de 
Mûnzer. Il revint à Wittemberg, s'humilia aupr 
de Luther. Celui-ci intercéda en sa Caveur et .ok 
tint de l'Électeur que Carlostad pût, selon i 
désir, s'établir comme laboureur à Kemberg. 
« Le pauvre homme me fait beaucoup depe 
et votre Grâce sait qu'on doit être clément envei 
les malheureux, surtout quand ilssontinno 
(12 septembre 1525.) 

Le 22 novembre 1526, il écrit encore : «... 
docteur Carlostad m'a vivement prié d'inte 
auprès de votre Grâce pour qu'il lui fût ac 
• d'habiter la ville de Kemberg; la malice des] 

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AB LVTH8H. 211 

sans lui rend pénible le séjour d'un village. Or, 
comme il s'est tenu tranquille jusqu'à présent, et 
que d'ailleurs le prévôt de Kemberg le pourrait 
bien surveiller , je prie humblement votre Grâce 
électorale de lui accorder sa demande, quoique 
votre Grâce ait déjà fait beaucoup pour lui et 
qu'elle se soit même attiré à son sujet des soup- 
ç<m8 et des calomnies. Mais Dieu vous le rendra 
d'autant plus abondamment. C'est à lui de songer 
au salut de son âme, cela le regarde: pour ce qui est 
du corps et de la subsistance, nous devons le bien 
traiter • 

« A tous les chers chrétiens qui le présent écrit 
verront, grâce et paix de Dieu notre p^re et de 
notre Seigneur Jésus-Christ. Le docteur Martin 
-LvTHBB. Le docteur Andréas Carlostad vient de 
m'envoyerun petit livre par lequel il se disculpe 
d'avoir été l'un des che£» des rebelles, et il me 
prie instamment de faire imprimer cet écrit pour 
sauver l'honneur de son nom et peut-être même 
-sa vie qui se trouve en péril , par suite de la pré- 
cipitation avec laquelle on jugerait les accusés. 
En effet le bruit court que l'on va procéder rapi- 
- dément contre beaucoup de pauvres gens, et par 
pure colère exécuter les innocens avec les coupa- 
bles, sans les avoir entendus ni convaincus; et je 



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212 MÉHOUB» 

cT9im Idien q«elei lâehes tyrans, qui, anparaTimt 
tf emUateni aa bruit d'une feuille, ue s'eukardia- 
sent maiirtenant à assouvir leur maurais vouloir , 
jutqu'à ce que, au jour marqué, Dieu les jette 
bas, à leur tour. 

9 Or, quoique le docteur Carlostad seit luou 
plus^rand ennemi daiss des questions de doctrine, 
et qu'il n'y ait pas de réconciliation à espéner Mi- 
Are aous sur ces poiuts,la confianoeavec laquelle 
il s'adresse à moi dans ses alarmes., plutôt qu'à 
ses (Sjociens amis qui ranimaient autrefois contre 
moi , cette confiance ne sera point trompée, et je 
lui nsodrai volontiers ce service, ainsi que d'au- 
bes s'il y a lieu * 

JLuther exprime l'espoir, que, par la grâee de 
Bien » tout pourra encore bien tourner pour Car- 
lostad , et qull finira par renoncer à ses erreurs 
touchant le sacrement. En même temps il se dé- 
£and contre ceux qui croiraient qu'en faisant 
cette démarche, il cèide en quoi que ce soit sur 
les points de doctrine. Quant à ceux qui l'accuse- 
raient d'un excès de crédulité, il leur 'répond : 
«Qu'il na lui convient ni à lui ni à personne de 
juger le cœur d'autrui. La charité n'est pasaoup- 
^noeuse, dit saint Paul , et ailleurs : La charité 
«rpit et confie tout. » 



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DK ICTHBR. SIS 

« Voici donc mon opinion: tant que le docteur 
' Carlostad f'offre à se faire juger selon le droit , et 
à 80uffirir ce qui est juste au cas où i] serait con«- 
vaincu d'avoir pris part à la rébellion , je dois 
ajouter foi à son livre et à son dire , quoique moi- 
même auparavant je fusse disposé à le croire 
animé , loi et les siens, d'un esprit séditieux. Mais 
à présent je dois aidera ce qu'il obtienne Ven- 
qaéte qu'il désire. » 

Bans ce qui suit , Luther attribue , en grande 
partie, ce qui est arrivé à la violence avec laquelle 
» les princes et les évéques se sont opposés à Tin- 
troduction religieuse. « De là parmi le peuple 
cette fureur qui naturellement ne cessera point 
avant que les tyrans ne soient dans la boue; car 
les choses ne peuvent durer quand un maître ne 
lait qu'inspirer la crainte, au lieu de se &ire 
aimer. 

> Hon, laissons plutôt notre prétraiUe et nos 
hobereaux , fermer Toreille aux avertissemens ; 
qu'ils aillent, qu'ils aillent, qu'ils continuent 
d'accuser l'Évaii^ile du mal qu'ils ont mérité , 
qu'ib disent toujours: Je m'en moque. Tout-à- 
l'heure ilNm viendra un Autre qui leur ?répon- 
dra : « Je veux que dans quelque temps il ne 
jeste sous le ciel ni prince ni évéque. > Laissez-les 



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214 HÉnoiKES 

donc faire; ils ne tarderont pas à trouver ce qa'ils 
cherchent depuis si long-temps ; la chose est en 
train. Dieu yeuille encore qu'ils se conTortissent à 
temps ! Amen. 

» Je prie en conséquence les nobles et les éré- 
ques et tout le monde , de laisser se défendre le 
docteur Carlostad qui assure si solennellement 
pouvoir se justifier de toute rébellion, de peur 
que Dieu ne soit tenté davantage , et que la co- 
lère du peuple ne devienne plus violente et plus 
juste.... Il n'a jamais menti celui qui a promis 
d'entendre les cris des opprimés , et ce n'est non 
plus la puissance qui lui manque pour punir. Que 
Dieu nous accorde sa grâce. Amen.» (1525). 

« L'Allemagne est perdue, j'en ai peur. Il &ut 
bien qu'elle périsse puisque les princes ne veu- 
lent employer que Tépée^ Ah ! ils croient qu'on 
peut ainsi arracher , poil à poil , la barbe du boa 
'Dieu ; il le leur rendra sur la £aice. » (1526). 

«L'esprit de ces tyrans est impuissant, lâche, 
étranger à toute pensée honnête. Ils sont dignes 
d'être les esclaves du peuple. Mais par la grâce 
"de Christ , je suis assez vengé par le mépris que 
"j'ai pour eux et pour Satan , leur dieu.'» ( Fin de 
décembre 1525). 



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DB I.CTBBK. 215 



CHAPITRE IV. 



1B24— 1827. 



Attaques du rationalistes contre Luther — Zwingli , 
Bncer , etc. — Erasme. 



Pendant cette terrible tragédie de la guerre 
des paysans, la guerre théologique continuait 
contre Luther. Les réformateurs de la Suisse et 
du Rhin , Zwingli , Bucer , OËcolampade , parta- 
geaient les principes théologiques de Garlostad ; 
ils n'en différaient guère que par leur soumission 
à Pautorité civile. Aucun d'eux ne voulait rester 
dans les bornes que Luther prétendait imposer à 
h Réforme. Durs et froids logiciens, ilaefiiaiçaient 



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216 HÉHOIHBS 

chaque jour ce qu'il essayait de sauter , de la 
vieille poésie chrétienne. Moins hardi , et plus 
dangereux encore , le roi des gens de lettres , le 
froid et ingénieux Érasme lui portait des coups 
plus terribles. 

Pendant long-temps, Zwingli et Bucer (1), esprits 
politiques, essayèrent de sauver à tout prix l'ap- 
parente unité du protestantisme. Bucer, le grand 
architecte des subtilités (Bossuet) dissimula quel- 
que temps ses opinions aux yeux de Luther et se 
fît même le traducteur de ses ouvrages allemands. 
« Personne, dit Luther, personne n'a traduit en 
latin mes ouvrages avec plus d'habileté et d'exac- 
titude que maître Bucer. Il n'y mêle rien de ses 
folies relativement au sacrement. Si je voulais 
montrer mon cœur et ma pensée avec des mots, 
je ne pourrais pas mieux faire. » 



(i) Les érudits du seizième siècle tradaisaient ordinai- 
rement en grec leur nom propre. Ainsi Kuhhorn (comede 
vache) avait changé son nom en celui de Bucer, Haus- 
cbein (lumière domestique) se fit appeler OEcolampade, 
Didier (de desiderium^ désir) Erasme, Schwarz-Erde 
(terre noire) Melanchton , etc. Luther et Zwingli, les 
deux réformateurs populaires, gardent seuls le nom qu*ils 
*nt ceçu, dans k langue vulgaire. 



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DX LUTHSa. 217 

Ailleurs il semble s'être aperçu de Tinfidélité 
de la traduction. Le 1% septembre 15217, il écrit 
à un imprimeur, que Bucer &a traduisant ses ou- 
vrages en latin, avait altéré eertains passages de 
manière à lui faire dire ce qu'il ne pensait pas, 
« C'est ainn que nous avons rendu les Pères hé-» 
rétiques. » Et il le prie , s'il réimprime le volume 
ou se trouvent les changemens de Bucer , de faire 
lui-niéme une préface pour avertir le lecteur. 
En 1527, Luther écrivit contre Zwingli et 0£co^ 
lampade un livre où il les appelait nouveaux 
wiclefistes et déclarait leurs opinions dangereu- 
ses et sacrilèges. 

Enfin, en 1528^ il disait : « Je connais aaseï 
et plus qu'assez l'iniquité de Bucer , pour ne pas 
m'élonner qu'il tourne contre moi ce que j'ai 
écrit pour le sacrement... Que le Christ te garde, 
toi qui vis au milieu de ces bêtes féroces, de ces 
vipères, de ces lionnes, de ces panthères, avec 
presque plus de danger que Daniel dans la fosse 
aux lions.» 

« Je crois Zwingli bien digne d'une sainte 
haine , pour sa téméraire et criminel] e manière 
de traiter la parole de Bieu. » (27 octobre 1527.) 
< — « Quel homme que ce Zwingli, si ignorant 
dans la grammaire et la dialectique pour ne rien 

10 

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218 hAmoires 

dire des autres sciences! » (28 noTembre 1527. ) 

Dans un second ouvrage qu^il publia contre 
eux en 1528, il dit : < Je rejette et condamne 
comme pure erreur toute doctrine qui parle du 
libre arbitre. » C'était là sa grande querelle avec 
Érasme. Elle avait commencé dès l'année 1525» 
où Erasme publia son livre De liheroarWrio; jus- 
qu'alors ils avaient été en relations amicales. 
Érasme avait plusieurs fois pris la défense de Lu- 
tber^ et celui-ci en retour consentait à respecter 
la neutralité d'Érasme. La lettre suivante montre 
que Luther croyait en 1524 avoir besoin de gar« 
der encore quelques ménagemens. 

« Voilà assez long-temps que je me tais, cher 
Érasme; et quoique j'attendisse que toi, le pre- 
mier et le plus grand des deux , tu rompisses le si- 
lence , j 'ai cr u qu e la charité même m'ordonnait d e 
commencer. D'abord je ne te reproche pas d'être 
resté éloigné de nous , de crainte d'embarrasser 
la cause que tu soutenais contre nos ennemis , les 
papistes. Enfin, je ne me suis pas autrement fâché 
de ce que, dans les livres que tu as publiés en 
plusieurs endroits pour capter leur faveur ou 
adoucir leur furie, tu nous as harcelés de quel- 
ques morsures et piqûres assez vives. Nous voyons 
que le Seigneur ne t'a pas donné encore l'éner- 



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BB LUTHBa. 2.19 

gie ou le sens qu'il faudrait, pour attaquer ces 
monstres libremeut et courageusement , et nous 
ne sommes pas gens à exiger de toi ce qui est au- 
dessas de tes forces. Nous ayons respecté en toi 
ta faiblesse et la mesure du don de Dieu. Le monde 
entier ne peut nier que tu n'aies fait fleurir les 
lettres y par où l'on arrive à la véritable intelli* 
gence des Écritures^ et que ce don de Dieu ne 
soit en toi magnifique et admirable; c'est de quoi 
il faut rendre grâce. Aussi, n'ai-je jamais désiré 
de te voir sortir de la mesure où tu te tiens pour 
entrer dans notre camp ; tu y rendrais de grands 
services sans doute par ton talent et ton éloquence ; 
mais, puisque le cœur fait défaut, mieux vaut 
servir dans ce que Dieu t'a donné. On craignait 
seulement que tu ne te laissasses entraîner par 
nos adversaires à attaquer nos dogmes dans des 
livres, et alors j'aurais été contraint de te résister 
en face. Nous avons apaisé quelques-uns des nô- 
tres qui avaient préparé des livres pour te traîner 
dans l'arène. C'est pour cette raison que je n'au- 
rais pas voulu voir publier VExpostulatio d'Hut- 
ten, et encore moins ton Éponge d'Huiten, Tu as 
pu, dans cette dernière circonstance, sentir par 
toi-même combien il est aisé d'écrire sur la mo- 
dération , et d'accuser l'emportement de Luther, 



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!220 n^HoiRES 

mais diiBcile , impossible de pratiquer ces leçons, 
sinon par un don singulier de l'esprit. Croisse 
donc, ou ne le crois pas, le Christ m'est témoin 
que je te plains du fond de l'âme, à voir tant de 
haines et de passions irritées contre toi , desquel- 
les je ne puis croire (ta vertu est humaine et trop 
faible pour des tels orages) que tu ne ressentes 
aucune émotion. Cependant peut-être les nôtres 
sont poussés par un zèle légitime; il leur semble 
que tu les as indignement provoqués... Pour moi, 
quoique irritable et souvent entraîné par la colère 
à écrire avec amertume , je ne l'ai jamais fait qu*à 
l'égard des opiniâtres. Cette clémence et cette 
douceur envers les pécheurs et les impies , quel- 
que insensés et iniques qu'ils puissent être , ma 
conscience m'en rend témoignage, et je puis en 
appeler à l'expérience de bien des gens. De même 
j'ai retenu ma plume, malgré tes piqûres, j'ai 
promis de la retenir, jusqu'à ce que tu te fusses 
ouvertement déclaré. Car , quels que soient nos 
dissentimens, avec quelque impiété ou quelque 
dissimulation que tu exprimes ta désapprobation 
ou tes doutes sur les points les plus importans de 
la religion, je ne puis ni ne veux t'accùser d'en- 
têtement. Mais que faire maintenant ? Des deux 
côtés les choses sont très envenimées. Moi , je vou- 



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DS LUTHBB. 221 

drais, si je pouvais servir de médiateur, qn'ib 
cessassent de t'attaquer avec tant de furie, et lais- 
sassent ta vieillesse s'endormir en paix dans le 
Seigneur. Ils le feraient , je pense, s'ils considé- 
raient ta &iblesse, et s'ils appréciaient la grandeur 
de cette cause qui a depuis long-temps dépassé 
ta petite mesure. Les choses en sont venues à ce 
point qu'il n'y a guère de péril à craindre pour 
notre cause , lors même qu'Érasme réunirait con*- 
tre nous toutes ses forces... Toutefois il y a bien 
quelque raisod, pour que les nôtres supportent 
mal tes attaques; c'est que la £ublesse humaine 
s'inquiète et s'effraie de l'autorité et du nom d'É- 
rasme; être mordu d'Érasme une seule fois, c'est 
tout autre chose que d'être en butte aux attaques 
de tous les papistes conjurés. Je voulais te dire 
tout cela, cher Érasme, en preuve de ma can- 
deur , et parce que je désire que le Seigneur t'en- 
voie un esprit digne de ton nom. Si cela tarde , 
je demande de toi, que du moins, tu restes spec- 
tateur de notre tragédie. Ne joins pas tes forces à 
nos adversaires; ne publie pas de livres contre moi, 
et je n'en publierai pascontretoi.Quantàceuxqui 
se plaignent d'être attaqués au nom de Luther, 
souviens-toi que ce sont des hommes semblables 
.à toi et à moi , auxquels il laui accorder indul- 

10. . 

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222 vimoiKES 

genceet pardon, et que, comme dit saint Paul, 
il nous faut porter le fardeau les uns des autres. 
C'est assez de se mordre , il faut songer à ne pas 
nous dévorer les uns les autres...» (Avril 152-4.) 

A Borner, « Érasme en sait moins sur la prédes- 
tination , que n'en avaient jamais su les sophistes 
de rÉcole. Érasme n'est pas redoutable sur cette 
matière , non plus que dans toutes les choses chré- 
tiennes. 

9 Je ne provoquerai pas Érasme, et même, sHl 
me provoque une fois, deux fois, je ne riposterai 
pas. Il n'est pas sage à lui de préparer contre moi 
]es forces de son éloquence... Je me présenterai 
avec confiance devant le très éloquent Érasme , 
tout bégayant que je suis en comparaison de lui; 
je ne me soucie point de son crédit, de son nom, 
de sa réputatioji. Je ne me fâche pas contre Mosel- 
lanus de ce qu'il s'attache à Érasme plutôt qu'à 
moi. Dis-lui même qu'il soit érasmien de toute sa 
force.. (28 mai 1522.) 

Ces ménagemens ne pouvaient durer. La pu- 
blication du De libéra arbitrio , fut une déclara- 
tion de guerre. Luther reconnut que la véritable 
question venait d'être enfin posée. < Ce que j'es- 
time , ce que je loue en toi , c'est que seul tu as 
touché le fond de l'afl&ire, et ce qui est letout des 



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DB IiUTHEB. 223 

choses; je veux dire : le libre arbitre. Toi, tu ne 
me fatigues pas de querelles étrangères, de pa- 
pauté, de purgatoire , d'indulgences et autres fa- 
daises, pour lesquelles ilsm^ont relancé. Seul, tu 
as saisi le nœud, tu as frappé à la gorge. Merci, 
Érasme !... » 

« Il est irréligieux, dis-tu, il estsuperflu, de pure 
curiosité, de savoir si Dieu est doué de prescience, 
si notre Tolonté agit dans ce qui touche le salut 
éternel, ou seulement souffre l'action de la grâce; 
si ce que nous faisons de bien ou de mal , nous le 
faisons ou lesoutfrons!... Grand Dieu, qu'yaura- 
t-il donc de religieux, de grave , d'utile ? Érasme, 
Érasme , il est difficile d'alléguer ici l'ignorance. 
Un homme de ton âge, qui vit au milieu du peu- 
ple chrétien, et qui a long-temps médité l'Écri- 
ture ! il n'y a pas moyen de t'excuser , ni de bien 
penser de toi... Eh quoi! vous , théologien, vous, 
docteur des chrétiens, vous ne restez pas même 
dans votre scepticisme ordinaire, vous décidez que 
ces choses n'ont rien de nécessaire, sans lesquelles 
il n'y a plus ni Dieu, ni Christ, ni Évangile, nifoi, 
rien qui subsiste, je ne dis pas du christianisme, 
mais du judaïsme ! » 

Mais Luther a beau être fort, éloquent, il ne 
peut briser les liens qui l'enserrent. « Pourquoi , 



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224 nivoiBss 

dit Éromie, Dieu ne change-t-il pas le vice de no- 
tre volonté, puisqu'elle n'est pas en notre pou- 
voir; ou pourquoi nous Fimpute-t-il , puisque ce 
vice de la volonté est inhérent à l'homme ?.. Le 
vase dit au potier : Pourquoi m'avei-vous fait 
pour le feu éternel?... Si l'homme n'est pas Hbre» 
que BÎgmûeni précepte, action, récompense, enfin 
toute la langue? Pourquoi ces mots : Convertissez- 
vous , etc. » 

Luther est fort embarrassé de répondre à tout 
cela : « Dieu vous parle ainsi ^ dit il, seulement 
pour nous convaincre que nous sommes impuis- 
sans si nous n'implorons le secours de Dieu. Satan 
dit : Tu peux agir. Moïse dit: Agis; pour nous con- 
vaincre contre Satan que nous ne pouvons agir.» 
Réponse, ce semble , ridicule et cruelle ; c'est lier 
les gens pour leur dire, marchez, et les frapper 
chaque fois qu'ils tombent. Reculant devant les 
conséquences qu'Érasme tire ou laisse entrevoir, 
Luther rejette tout système d'interprétation de 
l'Écriture, et lui-même se trouve forcé d'y recou- 
rir pour échapper aux conclusions de son adver- 
saire. C'est ainsi , par exemple , qu'il explique le 
Indurabo cor Pkaraonis : « En nous , c'est-à-dire 
par nous, Dieu feit mal, non par sa faute, mai» 
par suite de nos vices; car nous sommes pécheuns. 



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DB LVTHBR. 225 

par nature , tandis que Bieu ne peut fiaiire que le 
bien. £n vertu de sa toute-puiasance, il nous en- 
traîne dans son action , mais il ne peut faire, quoi- 
qu'il soit le bien même , qu'un mauvais instrument 
ne produise pas le mal. » 

Ce dut être une grande joie pour Érasme, de 
voir l'ennemi triomphant de la papauté s'agiter 
douloureusement sous les coups qu'il lui portait, 
et saisir pour le combattre une arme si dangereuse 
à celui qui la tient. Plus Luther se débat , plus il 
prend avantage , plus il s'enfonce dans sa victoire, 
et plus il plonge dans l'immoralité et le fatalisme , 
au point d'être contraint d'admettre que Judas 
devait nécessairement trahir le Christ. Aussi Lu- 
ther garda un long souvenir de cette querelle. Il 
ne se fit point illusion sur son triomphe; la so- 
lution du terrible problème ne se trouvait point , 
il le sentait, dans son De serve arbUrio, et jus- 
qu'à son dernier jour le nom de celui qui l'avait 
poussé jusqu'aux plus immorales conséquences 
de la doctrine de la grâce , se mêle dans ses écrits 
et dans ses discours aux malédictions contre les 
blasphémateurs du Christ. 

Il s'indignait surtout de l'apparente modéra- 
tion d'Érasme, qui n'osant attaquer à sa base 
l'édifice du christianisme , semblait vouloir le dé- 



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226 MEMOIRES 

truire lentement, pierre à pierre. Ces détours, 
cette conduite équivoque, n'allaient point à 
l'énergie de Luther. « Érasme, dit-il, ce roi 
amphibole qui siège tranquille sur le trône de 
l'amphibologie , nous abuse par ses paroles am- 
biguës , et bat des mains quand il nous voit enla- 
cés dans ses insidieuses figures , comme une proie 
tombée dans ses rets. Trouvant alors une occa- 
sion pour sa rhétorique, il tombe sur nous à 
grands cris, déchirant, flagellant, crucifiant, nous 
jetant tout l'enfer à la tète, parce qu'on a com- 
pris, dît-il, d'une manière calomnieuse, infâme 
et satanique , des paroles qu'il voulait cependant 
que Ton comprit ainsi... Voyez-le s'avancer en 
rampant comme une vipère pour tenter les âmes 
«impies, comme le serpent qui sollicita Eve au 
doute et lui rendit suspects les préceptes de 
Dieu. » Cette querelle causa à Luther, quoi qu'il 
en dise, tant d'embarras et de tourmens, qu'il 
finit par refuser le combajt, et qu'il empêcha ses 
amis de répondre pour lui. « Quand je me bats 
contre de la boue, vainqueur ou vaincu, je Sjais 
.toujours sali (1). ■ 

(i) Hoc.scio procerto, quod, ticum stercore certo, 
Vinco vel vincor, semper ego maculor. 



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D£ LUTHBR. 227 

« Je ne voudrais pas , écrit-il à son fils Jean , 
recevoir dix mille florins, et me trouver devant 
notre Seigneur , dans le péril où sera Jérôme , en- 
core moins dans celui d'Érasme. 

» Si je reprends de la santé et de la force , je 
veux pleinement et librement confesser mon 
Dieu contre Érasme. Je ne veux pas vendre 
mon cher petit Jésus. J'avance tous les jours 
vers le tombeau ; c'est pourquoi je veux aupa- 
ravant confesser mon Dieu à pleine bouche et 
sans mettre une feuille devant. — Jusqu'ici j'ai 
hésité, je me disais : Si tu le tues, qu'arrivera- 
t-il ? J'ai tué Mûnzer dont la mort me pèse sur le 
col. Mais je l'ai tué, parce qu'il voulait tuer mon 
Christ. » 

Au jour de la Trinité, le docteur Martin Lu- 
ther dit : « Je vous prie, vous tous, pour qui 
l'honneur de Christ et l'Évangile est .une chose 
sérieuse , que vous veuillez être ennemis d'É- 
rasme... » 

Un jour le docteur Luther dit au docteur Jo- 
nas et au docteur Pomeranus , avec un grand et 
sérieux zèle de cœur : « Je vous recolbraande 
comme ma dernière volonté d'être terrible pour 
ce serpent.... Dès que je reviendrai en santé, je 
veux avec l'aide de Dieu, écrire contre lui, et le 



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228 niMoiREt 

taer. Nous avons souffert quHl se moquât de nous 
et nous prit à la gorge, mais aujourd'hui quil 
en Teut faire autant au Christ, nous roulons 
nous mettre contre lui*.. Il est vrai qu'écraser 
Érasme , c'est écraser une punaise , mais mon 
Christ dont il se moque m'importe plus que le 
péril d'Érasme. 

» Si je vis, je veux avec l'aide de Dieu, purger 
l'Église de son ordure. C*est lui qui a semé et fait 
naitre Crotus , Egranus , Witzeln , OËcolampade , 
Campanufi et d'autres visionnaires ou épicuriens. 
Je ne veux plus le reconnaître dans l'Église, qu'on 
le sache bien. » 

Luther dit un jour en voyant le portrait d'É- 
rasme. < Érasme , comme sa figure le montre , est 
un homme plein de ruse et de malice, qui s'est 
moqué de Dieu et de la religion. Il emploie 
de belles paroles: < le cher Seigneur Christ, la 
parole de salut, les saints sacremens, » mais il 
tient la vérité pour une très froide chose. S'il 
prêche , cela sonne faux , comme un vase fêlé. Il 
a attaqué la papauté, et maintenant il tire sa tète 
dtt lac. » 



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bl LUTHBK. 



CHAPITRE V. 



1826—1639. 



Mariage de Luther. Pauvreté. Déeoaragement. AbandoB. 
Maladie* Croyance à la fin du monde. 



L'âme la plus .ferme aurait eu peine à résis- 
ter à tant de secousses; celle de Luther faiblit 
visiblement après la crise de l'année 15)5. Son 
rèle avait changé, et de la manière la plus triste. 
L'opposition d'Érasme signalait l'éloignement 
des gens de lettres qui, d'abord, avaient servi si 
puissamment la cause de Luther. Il avait laissé 
sans réponse sérieuse le livre De libero arbiirioXe 
grand novateur , le chef du peuple contre Rome, 
•'ét|it va dépassé par le peuple, maudit du peu- 

11 



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230 UÉUOIAES 

pie, dans la guerre des paysans. Il ne faut pas 
s'étonner du découragement qui s'empara de lui 
à cette époque. Dans cet affaiblissement de l'es- 
prit , la chair redevint forte; il se maria. Les deux 
ou trois ans qui suivent , sont une sorte d'éclipsé 
pour Luther; nous le voyons généralement pré- 
occupé de soins matériels, qui ne peuvent rem- 
plir le vide qu'il. éprouve. Enfin il succombe; 
une grande crise physique marque la fin de cette 
période d'atonie. Il est réveillé de sa léthargie 
parle danger de l'Allemagne envahie par Soliman 
(1529), et menacée par Charlee-Quint dans sa li- 
berté et sa foi à la diète d'Augsbourg (1530). 

« Puisque Dieu a créé la femme telle qu'elle 
doit nécessairement être auprès de l'homme, 
n'en demandons pas davantage , Dieu est de nôtre 
côté. Honorons donc le mariage comme chose 
honorable et divine. 
» Ce genre de vie est 'le premier qui ait plu à 
Dieu, c'est celui qu'il a perpétuellement main- 
tenu, c'est le dernier qu'il glorifiera sur tout 
autre. Où étaient les royaumes et les empires, 
lorsque Adam et les patriarches vivaient dans 
le mariage? — De quel autre genre de vie dérive 
l'empire sur toutes choses? Quoique par la ma- 
lice des hommes les [magistrats aient été obligés 



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DB LUTHBR. 231 

de l'uaurper en grande partie , et qae le mariage 
soit deyenu un empire de guerre , tandis que 
le mariage, dans sa pureté et sa simplicité est 
Tempire de la paix. > (17 janvier 1525.) 

« Tu m'écris, mon cher Spalatin, que tu veux 
abandonner la cour et ton office... Mon avis est 
que tu restes, à moins que tu ne partes pour te 
marier... Pour moi, je suis dans la main de Dieu, 
comme une créature dont il peut changer et re- 
changer le cœur , qu'il peut tuer ou vivifier , à 
tout instant et à toute heure. Cependant dans 
l'état où a toujours été et où est encore mon 
cœur, je ne prendrai point de femme, non que 
je ne sente ma chair et mon sexe, je ne suis ni 
de bois ni de pierre , mais mon esprit n'est pas 
tourné au mariage, lorsque j'attends chaque jour 
Ja mort et le supplice des hérétiques. » (SO no» 
vembre 1524. ) 

« Ne t'étonne pas que je ne me marie point , 
qui sic famosus sum amator. Il faut plutôt s'éton* 
ner que moi , qui écris tant sur le mariage , 
et qui suis sans cesse mêlé aux femmes, je ne 
sois pas devenu femme depuis long-temps , sans 
parler de ce que je n'en aie épousé aucune. Ce- 
pendant, si tu veux te régler sur mon exemple, en 
Torci un bien puissant. J'ai eu jusqu'à trois épou- 



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232 H^HOIUBS 

tes en même temps, et je lésai aimées si fort que j'en 
ai perdu deax qui vont prendre d'antres époux. 
Pour la troisième, je la retiens à peine de la main 
gauche, et elle va s'échapper. » (16 arril 15S5.) 

A Amsdorf. « J'espère vivre encore quelque 
temps , et je n'ai point voulu refuser de donn^ 
à mon père l'espoir d'une postérité. Je veux d'ail^ 
leurs faire moi-même ce que j'ai enseigné, puis- 
que tant d'autres se sont montrés pusillanimes 
pour pratiquer ce qui est si clairement dit dans 
l'Évangile. C'est la volonté de Dieu que je suis; je 
n'ai point pour ma femme un amour hrûlant , dé- 
sordonné, mais seulement de l'affection. » (âl juin 
1525.) 

Celle qu'il épousa était une jeune fille noble , 
échappée du couvent, âgée de vingt-quatre ans 
et remarquablement belle ; elle se nommait Ca- 
therine de Bora; il parait qu'elle avait aimé d'a- 
bord Jérôme Baumgartner , jeune savant de Nu- 
remberg. Luther écrivait à celui-ci, le 12 octobre 
1524 : « Si tu veux obtenir ta Catherine de Bora, 
hâte-toi , avant qu'on ne la donne à un autre , qui 
l'a sous la main. Cependant elle n'a pas encore 
triomphé de son amour pour toi. Moi, je me ré- 
jouirais fort de vous voir unis. » 

Il écrit à Stiefel, un an après le mariage (12 



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r 



DS LUTHKA, 283 

août 15â6). «Catherine, ma chère eôte^ te salue; 
elle se porte fort bien, grâce à Bien; douce pour 
moi, obëissante et facile en toutes choses, scu-délà 
démon espérance. Je ne voudrais pas changer ma 
pauvreté pour les richesse de Grésus. » 

Luther, en effet, était très pauvre alors. Préoc- 
cupé des soins de son ménage et de la famille dont 
il devait bientôt se trouver chargé , il cherchait 
à se £iire un métier ; il travaillait de Ses mains : 
«Si le monde ne veut plus nous nourrir pour la 
parole, apprenons à vivre de nos mains. » Il eût 
choisi sans doute, s'il avait pu choisir, quelqu'un 
de ces arts qu'il aimait , Fart d'Albert Durer et de 
son ami Lucas Granach, ou la musique, qu'il ap- 
pelait la première science après la théologie; 
mais il n'avait point de maître. Il se fit tourneur, 
i Puisque parmi nousautres barbares il n'y a point 
d'art ni d'esprit cultivé, moi et Wolfgang, mon 
serviteur , nous nous sommes mis à tourner. » Il 
chargea Wenceslas Link de lui acheter «des in»- 
tmmens à Nuremberg. Il se mit aussi à jardiner 
et à bâtir : < J'ai planté un jardin, écrit-il à Spa- 
latin, j'ai construit une fontaine, et à Fun comme 
à l'autre j'ai assez bien réussi. Viens et tu seras 
couronné de lis et de roses. * (décembre 1^29). 
Au mois d'avril 18^7 , un abbé de Nuremberg lui 

11. 

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234 HCHOIABS 

fit présent d'une horloge . « II faut , lui répou- 
dit*il f que je me fasse disciple des mathémati* 
ciens pour comprendre tout ce mécanisme; car 
je n'ai jamais rien TU de pareil. » Et un mois après : 
« J'ai reçu les instrumens pour tourner, et le ca* 
dran ayec le; cylindre et l'horloge de hois. Mais tu 
as oublié de me dire combien il me restait à payer. 
J'ai pour le moment assez d'outils , à moins que tu 
n'en aies de nouvelle espèce qui puissent tourne» 
d'eux-mêmes pendant que mon serviteur ronfle 
ou lève le nez en l'air. Je suis déjà maître passé 
en horlogerie. Cela m'est précieux pour marquer 
l'heure à mes ivrognes de Saxons, qui font plus 
attention à leurs verres qu'à l'heure , et ne s'in- 
quiètent pas beaucoup si le soleil , l'horloge ou 
celui qui la règle, se trompent. > (19 mai 1537.) 
« Mes melons ainsi que mes courges et mes ci- 
trouilles croissent à vue d'œil. Tu vois que j'ai su 
bien faire venir les graines que vous m'avez en- 
voyées.» (â juillet). 

Le jardinage n'était pas une grande ressource. 
Luther se trouvait dans une situation affligeante 
et bizarre. Cet homme qui régentait les rois, se 
voyait , pour les besoins de la subsistance jour- 
nalière, dans la dépendance de l'Électeur. La nou- 
Telle église ne s'était affranchie de la papauté qu'en 



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Dl LUTHSR. 235 

•'assujétissant à rautorité civile; elle se voyait , 
dès sa naissance, négligée, afiamée par celle-ci. 

£n 15âS, Luther avait écrit à Spalatin qu'il 
voulait résigner son revenu de couvent entre les 
mains de l'Électeur, «... Puisque nous ne lisons 
plus, ni ne braillons , ni ne messons , ni ne £3ii- 
sons aucune chose de ce qu'a institué la fon- 
dation, nous ne pouvons plus vivre de cet 
argent; on a droit de le réclamer. » (novem- 
bre 13^.) 

« Staupitzne paie encore rien de nos revenus... 
Tous les jours les dettes nous enveloppent davan- 
tage, et je ne sais s'il faut demander encore à l'É- 
lecteur, ou laisser aller les choses, et que ce qui 
périsse , périsse jusqu'à ce qu'enfin la misère me 
force de quitter Wittemberg , et de faire satisfac- 
tion aux gens du pape et de l'Empereur. » (novem- 
bre 1523.) «Sommes-nous ici pour payer à tout le 
monde , et que personne ne nous paie ? Gela est 
vraiment étrange. » (!•' février 1524.) «Je suis de 
jour en jour plus accablé de dettes. Il me faudra 
chercher l'aumône de quelque autre manière. » 
(24 avril 1524.) « Cette vie ne peut durer. Com- 
ment ces lenteurs du prince n'exciteraient-elles 
pas de justes soupçons! Pour moi, j'atirais depuis 
long-temps abandonné le couvent pour me loger 



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236 MEMOIRES 

ailleurs, en vivant de mon travail (quoiqu'icije 
ne vive pas sans travail non plus), si je n'avais 
craint un scandale pour l'Évangile et même pour 
le prince. » (fin de décembre l^U.) 

cTu me demandes huit florins, mais où les 
prendrai-je ? Gomme tu le sais, il £iiut que je vire 
avec la plus stricte économie, et mon imprudence 
m'a £ait contracter cette année une dette de plus 
de cent florins que je dois à l'un et à Fautre. «Pai 
été obligé de laisser trois gobelets pour gage de 
cinquante florins. Il est vrai que mon Seigneur, 
qui avait ainsi puni mon imprudence , m'a enfin 
libéré... Ajoute que Lucas et Christian ne veulent 
plus m'accepter pour répondant , ayant éprouvé 
que de cette manière ils perdent tout, ou épui- 
sent jusqu'au fond de ma bourse. > (â février 15S7.) 

« Bis à Nicolas Ëndrissus qu'il me demande 
quelques exemplaires de mes ouvrages. Quoique 
je sois très pauvre , cependant je me suis réfenré 
certains droits avec mes imprimeurs; je ne leor 
demande rien pour tout mon travail , n ce n'est de ' 
pouvoir prendre parfois un exemplaire de mes 
livres. Ce n'est pas trop, je pense, puisque d'au- 
tres écrivains, même des traducteurs reçoireftt un 
ducat par cahier. » (5 juillet 15â7.) 

« Qu'ost-il arrivé, mon cher Spalatin, pour que 



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DS LVTUBB.. 267 

ta m'écrires avec tant de menaces et d'un t(m si 
impérieux ? Jonas nVt-il pas assez essayé tes mé- 
pris et ceox de ton prince , pour que vous tous 
acharniez encore sur cet homme etcellent ? Je 
connais le caractère du prince , je sais comme il 
traite légèrement les hommes?... C'est donc ainsi 
que nous honorons VÉrangile, en refusant à ses 
ministres une petite prébende pour vivre... N'est- 
ce pas une iniquité et une odieuse perfidie que de 
lui ordonner de partir , et toutefois de faire en 
sorte qu'on n'ait pas l'air de lui en avoir donné 
l'ordre ? Et vous croyez que le Christ ne s'aper* 
çoit pas de cette ruse?... Je ne pense pas cepen*- 
dant qiie nous ayons été pour le prince une cause 
de dommage... Il en est venu dans sa bourse pas^ 
lablement des biens de ce monde , et il en vient 
chaque jour davantage. — Dieu saura bien nous 
repaître, si vous nous refusez l'aumône et quelque 
maudite monnaie. — ... Cher Spalatin, traite-nous, 
je te prie , nous les pauvres et les exilés de'Christ, 
livecplus de douceur, ou explique-toi nettement, 
afin que nous sachions où nous allons, que nous 
ne soyons plus forcés de nous perdre noufi-mémes 
en suivant un ordre à double sens, qui, tout en 
nous contraignant de partir, ne nous permet pas 
de nommer ceux qui nous y forcent. » (27 novem- 
bre 1524.) 

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238 HÉaioiaBS 

< Nous avons reça avec plaisir, mon cher 
Gérard Lampadarius , et la lettre et le drap , 
que tu nous as envoyés avec tant de candeur 
d'âme et de bienveillance de cœur... Nous nous 
servons constamment, et chaque nuit, de tes 
lampes, ma Catherine et moi, et nous nous 
plaignons ensemble de ne t'avoir pas fait de ca* 
deau et de n'avoir rien à t'envoyer qui entretint 
auprès de toi notre souvenir. J'ai grande honte de 
ne t'a voir pas même fait un présent de papier, 
lorsque cela m'était facile... Je ne laisserai pas de 
t'envoyer au moins quelque liasse de livres. Je 
t'aurais dès maintenant envoyé un Isaïe allemand 
qui vient de naître, mais on m'a arraché tous les 
exemplaires , et je n'en ai plus un seul. » ( 14 oc-- 
lobre 1528.) 

A Martin Gorlitz , qui lui avait fait un présent 
de bière. « Ta Cérès de Torgau a été heureu- 
sement et glorieusement consommée. On l'avait 
réservée pour moi et pour les visiteurs, qui ne 
pouvaient se lasser de la vanter par-dessus tout 
ce qu'ils avaient jamais goûté. £t moi , en vrai 
rustre, je ne t'en ai pas remercié encore, toi et 
ton Émilia. Je suis un olxûhTvdrtiç si négligent de 
mes attires, que j'avais oublié, et que j'ignorais 
entièrement , que je l'eusse dans ma cave ; c'est 



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DB LUTHXR* 239 

mon serviteur qui me Ta rappelé. Salue pour moi. 
tons nos frères , et surtout ton Émilia et son fil»^ 
la biche gracieuse et le jeune faon. Que le Sei- 
gneur te bénisse et te fasse multiplier à milliers « 
selon l'esprit comme selon la chair. > ( 15 janvier 
1529.) 

Luther écrit à Amsdorf qu^l va donner Thos- 
pitalité à une nouvelle mariée. « Si ma Gathe» 
rine accouchait en même temps, et que tout cela 
Tint à coïncider, tu en deviendrais plus pauvre. 
Geins'toi donc , non pas du fer et du glaive , mais 
d'or et d'argent et d'un bon sac, à tout événement, 
car je ne te lâcherai pas sans un présent. » (29 
mars 1329.) 

A Jouas, ij'en étais à la dixième ligne de ta 
lettre quand on vint m'annoncer que ma Ketha 
m'avait'donné une fille. Gloria et îausPatri in cœ- 
lis. Mon petit Jean est sauvé, la femme d'Augustin 
va bien ; enfin Marguerite Mochinn a échappé 
contre toute attente. £n compensation, nous 
avons perdu cinq porcs.., Puisse la peste se con- 
tenter de cette contribution. Ego sum , qui sum 
hacteniM , scilicet ut apostolus , quasi mortuus , 
et ecce vivo.* 

La peste régnait alors à Wittenberg. La femme 
de Luther était enceinte, son fils malade den 



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240 uilHOIRBB 

dents; deux femmes, Hanna et Marguerite Mo- 
ehinn, avaient été atteintes delà peste. Il écrit à 
Amsdorf: « Ma maison est devenue un hôpital.» 
(1" novembre 1S27.) 

« La femme de Georges, le chapelain, est morte 
d'une fausse couche et de la peste... Tout le mon- 
de était frappé de terreur. J'ai recueilli le curé 
avec Aa £aLmille.»(4 novembre 1527.) « Ton petit 
Jean ne te salue pas, parce qu'il est malade mais 
il te demande tes prières. Voici douze jours qu'il 
n'a rien mangé . C'est une chose admirable com- 
bien cet enfant a la volonté d'être gai et alègre 
comme de coutume, mais l'excès de sa fai- 
blesse ne le lui permet pas. On a ouvert hier l'a- 
postème de Marguerite Mochinn; elle comnience 
à se rétablir; je l'ai renfermée dans notre cham- 
bre d'hiver, et nous, nous nous tenons dans la 
grande salle de devant , Hànschen dans ma cham- 
bre à poêle, et la femme d'Augustin dans la 
sienne: nous commençons à espérer la fin de la 
peste. Adieu, embrasse ta fille et sa mère, et sou- 
venez-vous de nous dans vos prières.» (10 novem- 
bre 1527.) 

« Mon pauvre fils était mort , mais il est ressus- 
cité ; depuis douze jours il ne mangeait plus. 
L^ Seigneur a augmenté ma famille d'une petite 



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DK LUTHBR. 241 

fiUe. Nous naufl portons tous bien , à l'exception 
deLntber lui-même qui , sain de corps, isolé du 
monde entier souffre à Tintérieur , des atteintes 
du diable et de tous ses anges. J'écris pour la se- 
conde et la dernière fois contre les [sacramen- 
taires et leurs vaines paroles, etc. » (âl décembre 
1527.) 

» Ma petite fille Elisabeth est morte ; je m'é- 
tonne comme elle m'a laissé le cœur malade, un 
cœur de femme, tant je suis ému. Je n'aurais 
jamais cru que l'àme d'un père fût si tendre pour 
son enfant. » (3 août 1528.) < Je pourrais t'ap- 
prendre ce que c'est qu'être père, prœsertim 
Bexûs, qui ultra filiorunt casum etiam habet tnise- 
ricordiam valdè moventem,* (5 juin 15S0.) 

Vers la fin de l'année 1527^ Luther lui-même 
fut plusieurs fois très malade de corps et d'esprit. 
Le 27 octobre il termine ainsi une lettre à Mélanch- 
toQ. « Je n'ai, pas encore lu le nouvel ouvrage 
d'Érasme, et que lirais-je, moi serviteur malade 
de Jésus-Christ, moi qui suis à peine vivant? que 
foire? qu'écrire? Dieu veut-il ainsi m'abimer 
de tous les flots à la fois ? Et ceux qui devraient 
avoir compassion de moi, viennent, après tant 
de souffrances, me donner le coup de grâce! 
Puiflso Dieu les éclairer et les convertir! Amen. » 
ToMi 1 12 



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242 uibioiRBS 

Deux amis intimes de Luther, les docteurs 
Jean Bugenhagen et Jonasnous ont laissé la no^e 
suivante sur une défaillance qui surprit Luthi , 
vers la fin de 1527. < Le samedi de la Visitation de 
Notre-Dame (1537), dans Taprès-midi, le docteur 
Luther se plaignait de douleurs de tête et de 
hourdonnemens d'oreilles d'une violence inex- 
primahle. Il croyait y succomber. Bans la matinée 
il fit appeler le docteur Bugenhagen pour se con- 
fesser à lui. Il lui parla avec effroi des tentations 
qu'il venait d'éprouver, le supplia de le soutenir, 
de prier Dieu pour lui , et il termina en disant : 
« Parce que j'ai quelquefois l'air gai et joyeux , 
beaucoup de gens se figurent que je ne marche 
que sur des roses; Bieu sait ce qu'il en est dans 
mon cœur. Je me suis souvent proposé, dans l'in- 
térêt du monde , de prendre un extérieur plus 
austère et plus saint (je ne sais trop comment 
dire), mais Bieu ne m'a pas donné de faire comme 
je voulais. > 

» L'après-midi du même jour, il tomba 
sans connaissance, devint froid, et ne donna 
plus signe de vie. Quand il fut rappelé à lui- 
même, par les secours qu'on lui prodiguait, il 
se mit à prier avec grande ferveur : « Tu sais, 
6 mon Bieu, disait-il, que j'eusse volontiers 



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Dfi LUTHBA. 243 

verȑ mon sang pour ta parole, mais tuas touIu 
qu'il eu fût autrement. Que ta rolonté soit faite! 
Sans doute je n'en étais pas digne. La mort serait 
mon bonheur; cependant, ô mon Dieu, si tu le 
Youlais, je vivrais volontiers encore pour répan* 
dre ta sainte parole et consoler ceux des tiens 
ijpii £ûblissent. Si mon heure est venue, néan- 
moins, que ta volonté soit faite! Tu es le maître 
de la vie et de la mort. 

» mon Seigneur Jésus-Christ, je te remercie 
de m'avoir fait la grâce de connaître ton saint 
nom. Tu sais que je crois en toi , au Père et au 
Saint-Esprit; tu es mon divin médiateur et sau- 
veur .. Tu sais, ô mon Seigneur, que Satan m'a 
dressé maints pièges, pour tuer mon corps par 
les tyrans et mon âme par ses flèches ardentes , 
par ses tentations infernales. Jusquici tu m'as 
protégé miraculeusement contre toutes ses fu- 
reurs. Protége-moi encore, ô mon Seigneur fi- 
dèle , si telle est ta volonté. » 

> Ensuite il se tourna vers nous deux (Bugen- 
hagen et Jonas) , et nous dit : « Le monde aime 
le mensonge, et il y en aura baucoup qui diront 
que je me suis rétracté avant de mourir. Je vous 
demande donc instamment de recevoir ma pro- 
fession de foi : je déclare, en conscience, avoir 



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244 MÉMOIBES 

enseigné la vraie parole de Bien , comme le Sei- 
gneur me Ta imposé et m'y a contraint. Oui , 
je le déclare , ce que j'ai prêché sur la foi , la 
charité, la croix, le saint sacrement, et autres 
articles de la doctrine chrétienne, est juste, bon 
et salutaire, 

» Beaucoup m'accusent d'avoir été trop vio- 
lent et trop dur. Je l'avoué, j'ai quelquefois été 
violent et dur envers mes ennemis. Cependant 
je n'ai jamais recherché le préjudice de qui que 
ce soit, bien moins encore la perdition d'aucune 
âme. Je m'étais proposé d'écrire sur le baptême 
et contre Zwingli, mais, à ce qu'il semble. Dieu 
en a décidé autrement. » 

> Ensuite il parla des sectes qui viendront per^ 
vertirla parole de Dieu et qui n'épargneront pas, 
disait-il , le troupeau que le Seigneur a racheté 
de son sang. Il pleurait en parlant ainsi. « Jus- 
qu'ici , disait-il encore , Dieu m'a permis de lut- 
ter avec vous contre ees esprits de désordre, 
et je le ferais volontiers encore ; mais seuls , vous 
serez trop faibles contre eux tous. Jésus-Christ 
me rassure pourtant; car il est plus fort que Satan 
et toutes ses armes : il est le Seigneur de Satan.» 

» Quelque temps après, quand on l'eut un peu 
réchauffé par des frictions et l'application de cousr 



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DE LUTHER. 245 

itns bien chauds , il demanda à sa femme : « Où 
donc est mon petit cœur , mon bien-aimé petit 
Jean ? » Quand l'enfant fut apporté, il sourit à 
•on père qui se mit à dire les larmes aux yeux : 
« cher pauvre petit enfant, je te recom- 
mande bien à Dieu, toi et ta bonne mère, ma 
chère Catherine. Vous n'avez rien. Mais Dieu 
aura soin de tous. Il est le père des orphelins ^t 
des veuves. Gonserve-les, ô mon Dieu , instruis- 
les, comme tu m'as conservé et instruit jusqu'à 
ce jour. » Ensuite il dit quelques mots à sa fenmie 
au sujet de quelques gobelets d'argent. Tu sais ^ 
ajouta-t-il , que nous n'avona rien que cela. » 

» Un sommeil profond lui rendit des forces , et 
le lendemain il se trouva beaucoup mieux. Il dit 
alors au docteur Jonas : « Je n'oublierai jamais 
la journée d'hier. Le Seigneur conduit l'homme 
dans l'enfer et l'en retire. La tempête qui fondit 
hier matin sur mon âme, a été bien plus terrible 
que celle que mon corps a essuyée vers le soir, 
Dieu tue et vivifie. Il est le maître de la vie et de 
la mort. > 

» — Pendant près de trois mois, j'ai langui non 
de corps mais d'esprit; au point que c'est à peine 
si j'ai pu écrire quelques lignes. Ce sont là les 
persécutions de Satan. > (& octobre 152^7.) 

12. 

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246 MÉicoiaE» 

« Je voudrait répondre aux sacraraentaires^' 
mais si mon âme ne se fortifie , je ne suis capable 
de rien. > (1*' novembre 1537.) « Je n'ai pas en** 
core lu Érasme ni les sacramentaireSi si ce n'est 
environ trois cahiers de Zv^îngli. C'est bien fkit à 
eux de me fouler aux pieds misérablement, afin 
que je puisse dire avec Jésus^Ghrist : Il a pené^ 
cuié le faible y le pauvre, celui^doni la moriifiea- 
tion avait hfiêé le cœur, » Seul je porte le poids 
de la colère de Bien, parce que j'ai péché envers 
lui; le pape et César, les princes, les évèques, le 
monde entier me hait et m'assaille : mais ce n'est 
pas assez encore, si mes frères mêmes ne viennent 
me tourmenter; mes péchés, la mort, Satan et 
ses anges, sévissent sans interruption contre moi. 
Et qu'est-ce qui me garderait, qui me consolerait, 
si Christ lui-même m'abandonnait, lui pour qui 
j'ai encouru leur haine ? Mais il n'abandonnera 
pas, à la fin dernière, le malheureux pécheur, 
car je pense bien que je serai le dernier de Unm 
les hommes. Ohl plaise, plaise au ciel, qu'Éraisme 
et les sacramentaires éprouvent, unquart-d'henrv 
seulement, les misères de mon cœur!» (10 no- 
vembre 1537.) 

« Satan m^ fait endurer de mervesUeuse» ten«- 
tations, mais les prières des saints ne m'abandon^ 



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I» IVTBBH. 247 

nraii paa, quoique les blessures de mon cœur ne 
loient pas faciles à guérir. Ma consolation^ c'est 
qu*il en est bien d'autres qui ont à livrer les mêmes 
combats. Sans doute il n'y a point de maux que 
mes pécbés n'aient mérités. Mais ma vie, ma force, 
c'est que j'ai la conscience d'avoir enseigné pour 
le salut de beaucoup la vraie et pure parole du 
Christ; c'est lace qui brûle Satan; il voudrait me 
voir , moi avec le Verbe, noyé et perdu. Aussi je 
n'ai rien à souffrir des tyrans de ce monde, tan« 
disque d'autres sont tués, brûlés, et meurent 
pour le Cbrist; mais je n'en ai que plus à douf- ' 
frir spirituellement du prince de ce monde. » 
(21aoûtl5S7.) 

< Quand je veux travailler , ma tête est comme 
remplie de tintemens, de tonnerres, et si je ne 
cessais à l'instant , je tomberais en syncope. Voici 
le treisièiae jour que je n'ai pu même regarder 
une lettre. Ma tête devient un petit chapitre , que 
cela continue, et elle ne sera bientôt plus qu'un 
paragraphe, qu'une phrase {capui meum fûoium 
ê9t capHulum, perget vêfo fietque paragraphuê , 
tandem perioduê).,. Le jour où tes lettres m'arri- 
vèrent de Nuremberg , j'eus une visite de Satan ; 
j'étais seul; Vitus et Gyriacus étai^it éloignés. 
Cette fois il fut le plus fort , me chassa de mon 



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248 xAmoi&bs 

lit, me força d*al1er chercher des visages d'hom^ 

mes.» (lâmail^SO.) 

« Quoique bien portant, je suis toujours ma- 
lade des persécutions de Satan; cela m'empêche 
d'écrire et de rien faire. — Le dernier jour, je 
le crois bien, n'est pas. loin de nous. Adieu, ne 
cesse de prier pour le pauvre Luther. » (28 fé- 
vrier 1529.) — « On peut éteindre les tentations 
de la chair , mais qu'il est difficile de lutter contre 
la tentation du blasphème et du désespoir! Nous 
ne comprenons point le péché, ni ne savons où 
est le remède. » — Après une semaine de souf- 
frances continuelles,, il écrivait: c Ayant perdu 
presque mon Christ, j'étais battu des flots et des 
tempêtes du désespoir et du blasphème. > (2 août 
1527.) 

Au milieu de ces troubles intérieurs, Luther, 
loin d'être soutenu et consolé par ses amis, les. 
voyait les uns tièdes et timidement sceptiques ;. 
les autres,, lancés dans la route du mysticisme que 
lui*même leur avait ouverte, et s'éloignant de lui 
chaque jour. Le premier qui se déclara fut Agri-> 
cola, le chef des Antinomiens (ennemis de la Loi). 
Nous verrons au dernier livre combien cette po- 
lémique, contre un ami si cher, troubla Luther 
dans ses derniers jours. 



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DB Ll^THEE. 249 

< Quelqu'un in*a fait un conte à ton sujet , 
mon cher Agricola , et il a insisté, jusqu'à ce que 
je ]ui eusse promis de t'en écrire et de m'en as- 
surer. Ce conte , c'est que tu commencerais à met- 
tre en ayant que l'on peut avoir la foi sans les 
CBuvres, et que tu défendrais cette nouveauté en- 
vers et contre tous , à grand renfort de mots grecs 
et d'artifices de rhétorique... Je t'avertis de te dé- 
fier des pièges de Satan... A quoi me suis-je jamais 
moins attendu qu'à la chute d'OËcolampade et 
de Regius? £t que n'ai-je pas à craindre mainte- 
nant pour ces hommes qui ont été mes intimes? 
Il n'est pas étonnant que je tremhle aussi pour toi 
que , pour rien au monde , je ne voudrais voir sé- 
paré d'opinion. » (11 septembre 1528.) 

« Pourquoi m'irriterais-je contre les papistes? 
Tout ce qu'ils me font est dé bonne guerre. Nous 
sommes ennemis déclarés. Mais ceux qui me font 
le plus de mal , ce sont mes plus chers en£ans. 
Fraterculi mei, aurei amiculi met, eux qui , si 
Luther n'aviait point écrit , ne sauraient rien de 
Christ et de l'Évangile , et n'auraient pas secoué 
la tyrannie papale; du moins, s'ils en eussent eu 
le pouvoir, le courage leur aurait manqué. Je 
croyais avoir jusqu'à présent souffert et épuisé 
toutes les adversités, mais mon Absalon^ l'en&nt 



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250 iiittoiRBs 

de mon cœur» n'avait pas encore délaissé son 
père ; il n'avait point versé l'ignominie sur David. 
Mon Judas, la terreur des disciples de Christ, le 
traître qui livra son maître, ne m'avait point en^ 
core vendu, et voici maintenant que tout cela a 
été fait. 

> — Il y a maintenant contre nous une persé- 
cution clandestine , mais bien dangereuse. Notre 
ministère est méprisé. Nou»*mémes nous sommes 
haïs, persécutés, on nous laisse périr de faim. 
Voilà quel est aujourd'hui le sort de la parole de 
Dieu; lorsqu'elle vient à ceux qui en ont besoin, ils 
ne veulent pas la recevoir. Christ n'aurait point 
été crucifié s'il était sorti de Jérusalem. Mais le 
prophète ne veut point mourir hors de Jérusalem^ 
et cependant ce n'est que dans sa patrie que le 
prophète est sans honneur. C'est ainsi qu'il en est 
de nous. . . Il arrivera bientôt que tous l es grands de 
ce duché l'auront rendu vide de ministres de la pa- 
role; ceux-ci seront chassés par la faim, pour ne 
rien dire des autres injures. » (18 octobre 1531.) 

« Il n'y a rien de très certain sur les apparitions 
dont on fait tant de bruit en Bohême; beaucoup 
nient le fait. Quant au gouffre qui s'est formé ici, 
sous mes propres yeux , le dimanche après l'Epi- 
phanie , à huit heures du soir, c'est une chose cer* 



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DB LUTHBR. 251 

taine, et qui s'est Yue en plusieurs endroits jusqu'à 
la mer. Be plus, en décembre, on a tu le ciel en feu 
au-dessus de l'église de Breslaw , à ce que m'éorit 
le docteur Hess; un autre jour, ajoute-t-il, on a vu 
deux charpentes embrasées, et, au milieu, une 
tourelle de feu. C'est le dernier jour , si je ne me 
trompe, qu'annoncent ces signes. L'Empire tombe, 
les rois tombent, les prêtres tombent, et le monde 
entier chancelle , comme une grande maison qui 
va crouler, annonce sa ruine par des petites lézar. 
des. Gela ne tardera point à moins que le Turc , 
ainsi qu'Éiéchiel leprophétise de Gog et de Magog, 
ne se perde dans sa victoire et son orgueil, avec 
le pape son allié. » (7 mars 1529.) 

« Grâce et paix en notre Seigneur Jésus-Christ. 
Le monde court à sa fin, il me vient souvent cette 
pensée que le jour du Jugement paurraitbien ar- 
river avant que nous eussions achevé notre tra- 
duction de la sainte Écriture, Toutes les choses 
temporelles qui y sont prédites se trouvent accom- 
plies. L'Empire romain penche vers sa ruine, le 
Turc est arrivé aucomble de sa puissance, la splen- 
deur papale s'éclipse , le monde craque en tous 
les coins comme s'il allait crouler. L'Empire , si 
l'on veut, s'est relevé un peu sous notre empe- 
reur Charles, mais c'est peut-être pour la dernière 



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252 mAhoires 

fois ; ne serait-ce pas comme la lumière qui , au 
moment de s'éteindre pour toujours, jette une 
vive et dernière flamme ?... » 

« Le Turc va fondre sur nous ; ce sera , je le 
crois bien, le réformateur envoyé par la colère 
de Bien. » (15 mars.) 

« J'ai chez moi un homme arrivé à Venise, 
qui affirme que le fils du doge est à la cour du 
Turc : ain^i nous combattons jusqu'à présent 
contre celui-ci, en attendant que le pape, les 
Vénitiens, les Français, se soient ouvertement et 
impudemment faits Turcs. Le même homme rap- 
porte encore qu'il y avait dans l'armée du Fran- 
çais, à Pavie, huit cents Turcs, dont trois cents 
sont retournés sains et saufe dans leur pays , par 
ennui de la guerre. Gomme tu ne m'écris pas ces 
monstruosités, j'ai pensé que tu les ignorais; 
pour moi elles m'ont été racontées et par écrit 
et de vive voix , avec des détails qui ne me per- 
mettent pas d'en douter. L'heure de minuit ap- 
proche où l'on entendra ce cri : Uépoux arrive , 
êortez au-devant de lui. » (6 mai 1529.) 



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BB LUTHX&. 253 



ADDITIONS 



vt 



feCLAIRCISSEMENS. 



Pagt I , ligne 8. — Naissance.. 



Gochlœus prétend que Luther fut engendré 
par un incube. Lorsqu'il était moine , ajoute-t-il , 
il fut soupçonné d'avoir commerce avec le dia- 
ble. Un jour, à l'évangile, à l'endroit où il est 
parlé d'un diable sourd et muet, forcé de quit- 
ter le corps d'un possédé, Luther tomba en 
criant : Non sum^ non sum, — Dans un sermon 
au peuple , il dit que lui et le diable se connais- 

n 



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254 MEMOIRES 

saient de longue date , qu'ils étaient en relations 
habituelles, et que lui, Luther, avait mangé 
plus d'un grain de sel avec Satan. — Goehlœus , 
Vie de Luther, préface et pages 1 et 2; — Voir le 
chapitre du diable dans notre second volume. 

Des Espagnols, qui se trouvaient à la diète 
d'Augsbourg (1330) croyaient sérieusement que 
Luther avec sa femme devaient engendrer PAnti- 
Christ. Luth. Werke, t. 1, p. 415. 

Jules-César Vanini , Cardan et François Jane- 
tinus, trouvèrent dans les constellations qui 
avaient accompagné la naissance de Luther, 
qu'il devait être un archi-hérétique et un archi- 
scélérat. Tycho-Brahé et Nicolas Prûcker, au 
contraire , déclarèrent qu'il était né sous un très 
heureux signe. 

Plusieurs de ses ennemis le disaient sérieuse- 
ment fils et disciple du diable. D'autres préten- 
daient qu'il était né en Bohême, parmi les Hus- 
sites. Il s'exprime ainsi dans une de ses lettres, 
au sujet de cette dernière assertion : « Il est un 
noble et célèbre comté, du nom de Mansfeld, 
situé dans Févêché de Halberstadt et la princi- 
pauté de Saxe. Presque tous mes seigneurs me 
connaissent personnellement, ainsi que mon 
père. — Je suis né à Eisleben^ j'ai été élevé à 



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DB LUTHER. 255 

Mansfeldy instruit à Magdebourg et à Ëisenach, 
lait Maure et moine augustin à Erfurt, docteur 
à Vittemberg, et dans toute ma vie je n'ai pas 
approché de la Bohème plus près que Dresde. > 
(Ukert, Biogr. de L,, t. Il, p. 66.) 

Page 3 , ligne 27. — Martin Luther... 

Lotharius, lut-her, leute-herr? chef des hommes, 
chef du peuple? 

Page 9 , ligne 19. — Tentations.... 

< Quand j'étais jeune , il arriva qu'à Eisleben, 
à la Fête-Dieu, j'allais avec la procession en habit 
de prêtre. Tout-à-coup la vue du Saint-Sacrement, 
que portait le docteur Staupitz , m'effraya telle- 
ment, que je suai de tout mon corps, et crus mou- 
rir de terreur. La procession finie, je me confessai 

, au docteur Staupitz, et lui racontai ce qui m'était 
arrivé. lime répondit : « Tes pensées ne sont pas 

' selon le Christ, Christ n'effraie point; il console.» 
Cette parole me remplit de joie et me fut d'une 
grande consolation. > (Tischreden , p. 133, verso). 

I « Le docteur Martin Luther racontait que, lors- 

qu'il était au cloître à Erfurt , il avait dit une fois 
au docteur Staupitz : « Ah! cher seigneur docteur, 



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256 ui:MpiftES 

notre Seigneur-Dieu agit d'une manière li terrible 
avec les gens? Qui peut le servir, s'il frappe ainsi 
autour de soi? » A quoi il me répondit : « Mon 
cher , apprenez à mieux juger de Dieu; s'il n'agps- 
sait pas ainsi, comment pourrait-il dompter les têtes 
dures ? il doit prendre garde aux grands arbres 
de crainte qu'ils ne montent jusqu'au ciel. » 
(Tiscbreden , page 150, verso.) j 

Dans sa jeunesse, lorsqu'il étudiait encore à 
Erfurt, Luther fut atteint d'une très grave ma- 
ladie ; il croyait qu'il en mourrait. Un vieux curé 
lui dit alors , au rapport de Matthésius : « Prenez 
courage , mon cher bachelier , vous ne mourrez 
point cette fois; Dieu fera encore de vousun grand 
homme qui consolera beaucoup de gens. » (Ukert» 
t.I,p.âl8.) I 

Luther avait difficilement supporté les obliga- 
tions qu'imposait la vie monastique. Il raconte 
comment , au commencement de la Réforme , il 
tâchait encore de lire régulièrement ses Heures* 
sans y parvenir. « Quand je n'aurais fait autre chose 
que délivrer les hommes de cette tyrannie , on 
me devrait de la reconnaissance. » (Tiscbreden » 
page lôO.) 

Cette répétition constante et à heure fixe dei 
mêmes méditations, cette matérialisation de la 



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DB LUTHER. 257 

prière y qui pesait tant au çenie impatient deLu- 
tlier, Ignace de Loyola, contemporain duréfor- 
msiteur allemand, la mettait alors plus que ja- 
mais en honneur dans ses singuliers Exercices re- 
ligieux. 

< A Erfurt, Luther lut la plupart des écrits qui 
nous restent des ancien» latins , Cicéron , Virgile, 
Tite-Live... A l'âge de vingt ans décoré du titre 
de maitre-ès-arts, et, d'après l'avis de ses parens, 
il commençaà s'appliquera la jurisprudence... Au 
couvent d'Ërfurt , il excitait l'admiration dans 
les exercices puhlics , par la facilité avec laquelle 
il se tirait des labyrinthes de la dialectique... Il 
lisait avidement les prophètes et les apôtres, puis 
les livres de saint Augustin, son Explication des 
psautnes et son livre De l'esprit et de la lettre : il 
apprit presque par cœur les Traités de Gabriel 
Biel et de Pierre d'Ailly , évêque de Cambray; il 
lut assidûment les écrits d'Occam , dont il préfé- 
rait la logique à celle de Thomas et de Scot. Il lut 
beaucoup aussi les écrits de Gerson, et par-dessus 
tout ceux de saint Augustin. > (Vie de Luther, par 
Melanchton. ) 

page ai, ligne lO. — Trente cardinaux enune/bis-... 

^ C'est trente et un cardinaux qui furent créés 

n. 

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258 UEMÔIRES 

le 18 juin 1517. Le mêmejour,un orage renversa 
Fange qui est au haut du château Saint- Ange , 
frappa un enfant Jésus dans une église et fit tom- 
ber les clés de la statue de saint Pierre. (Rucbat, 
1 , 86; d'après Hotting., 19) 

Page ai, ligne iS.'-TetzeL,. 

Il enseignait dans ses prédications que si quel- 
qu'un avait violé la sainte Vierge , son péché lui 
serait pardonné en vertu des indulgences; que la 
croix rouge qu'il plantait dans les églises, avait 
autant de vertu que celle de Jésus-Christ; qu'il 
avait plus converti de gens par ses indulgences, 
que saint Pierre par ses sermons ; que les Saxons 
n'avaient qu'à donner de l'argent , et que leurs 
montagnes deviendraient des mines d'argent, etc. 
{Luther adv. Brunsvic. Seckendorf. hist. Luthe- 
ranismi, livre I, S 1^ » etc.) 

Gomme concession indirecte, les catholiques 
abandonnèrent Tetzel. Miltitz écrivit à Pfeffinger, 
un des ministres de l'Électeur : « Les mensonges 
et les fraudes de Tetzel me sont assez connus; je 
lui en ai fait de vifs reproches, je les lui ai prou- 
vés en présence de témoins. J'écrirai tout au pon- 
tife , et j'attendrai sa sentence. D'après une lettre 



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DB LUTBB&. 259 

d'un facteur de la banque des Fugger, chargé de 
tenir compte de l'argent des indulgences, je l'ai 
conTaincu d'avoir reçu par mob quatre-vingts 
florins pour lui-même et dix pour son serviteur, 
outre ce qu'on lui payait pour se défrayer lui et 
les siens, et pour la nourriture de trois chevaux. 
Je ne compte pas là-dedans ce qu'il a volé ou dé- 
pensé inutilement. Vous voyez comment le misé- 
rable a servi la sainte Église romaine et l'archevê- 
que de Mayence , mon très clément seigneur. > 
(Seckendorf , livre I, p. 6â,) 

Page aa, ligne i5. — Il fut saisi d'indignation,., 

« Lorsque j'entrepris d'écrire contre la gros- 
sière erreur des indulgences, le docteur Jérôme 
Schurf m'arrêta et me dit : « Voulez-vous donc 
écrire contre le pape ? Que voulez- vous faire ? on 
ne le souflFrira pas. — Eh quoi! répondis-je; s'il 
fallait qu'on le souflfrit ? » (Tischreden, 384 verso.) 

Page a3, ligne %, — S'adressa à Vévéque de 
Brandebourg,» . 

Sa lettre à l'évêque de Brandebourg est assez 
méticuleuse; ses paroles, pleines de soumission, 
sont loin d'annoncer les violences qui vont bien- 



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260 lliMOIRES 

tôt éclater. Il lui envoie ses propositions, ou 
plutôt ses doutes; car il ne veut rien dire ni 
dans un sens ni dans l'autre, jusqu'à ce que 
rÉglise ait prononcé. Il blâme les adversaires 
du saint-siége. « Que ne disputent-ils aussi de la 
puissance , de la sagesse et de la bonté de celui 
qui a donné ce pouvoir à l'Église?» Il loue la dou- 
ceur et rbumilité de l'évêque ; il l'engage à pren- 
dre la plume et à efifocer ce qu'il lui plaira , ou à 
brûler le tout. (Luth. Werke, IX; p. 64.) 

Page a8, ligne a6. — Sermon sur l'indulgence 
et la grâce**. 

Dans les cinq premiers paragraphes, dans le 
sixième surtout, qui est très mystique, il expose 
très clairement la doctrine de saint Thomas; il 
prouve ensuite , par l'Écriture , contre cette doc- 
trine, que le repentir et la conversion du pé- 
cheur peuvent seuls lui assurer le pardon de ses 
péchés. — PX. « Quand même l'Églbe déclarerait 
aujourd'hui que l'indulgence efiace les péché» 
mieux que les œuvres de satisfaction, il vau- 
drait mille fois mieux, pour un chrétien, ne 
point acheter l'indulgence, mais plutôt faire 
les œuvres et souffrir les peines; car Tindu)- 
gence n'est et ne peut être qu'une dispense 



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DE LUTHER. 2C1 

de bonnes œuyres et de peines sulutaîres. ■ — 
JXV. « Il est meilleur et plus sûr de donner pour 
la construction de saint Pierre que d'acheter 
Piudulgence préchée à ce sujet. Vous devez avant 
tout donner à votre pauvre prochain, et s'il n'y 
a plus personne dans votre ville qui ait besoin 
de votre secours , alors vous devez donner pour 
les églises de votre ville... Mon désir, ma prière 
et mon conseil sont que personne n'achète 
l'indulgence. Laissez les mauvais chrétiens l'a- 
cheter; que chacun marche pour soi. » — 
î XVIII. «Si les âmes peuvent être tirées du pur* 
gatoire par l'efficacité de l'indulgence , je n'en sais 
rien, je ne le crois même pas; le plus sûr est de 
recourir à la prière... Laissez les docteurs scolas- 
tiques rester scol astiques ; ils ne sont pas assez, 
tous ensemble, pour autoriser une prédication. » 
Ce morceau, très court, semble moins un 
sermon que des notes sur lesquelles Luther de- 
vait parler. (Luth. Werke, VII, p. i.) 

•^ Pige 3o, ligne la.— Zco/î X.. 

« Autrefois, le pape était extrêmement or- 
gueilleux , et méprisait tout le monde. Le cardi- 
nal-légat Gaietano me dit à Augabourg . « Quoi ! 



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262 MÉMOIRES 

tu crois que le pape se soucie de l'Allemagne ? 
Le petit doigt du pape est plus puissant que tous 
vos princes. » — « Quand on présenta au pape 
mes premières propositions sur les indulgences, 
il dit c C'est d'un Allemand iyre, laissez-le se 
dégriser, et il parlera autrement » C'est avec ce 
ton de raillerie qu'il méprisait tout le monde. » 

Luther ne fut point en reste avec les Italiens; 
il leur rendit énergiquement leur mépris « Si ce 
Sylvestre ne cesse de me provoquer par ses niai- 
series, je mettrai fin au jeu , et lâchant la bride à 
mon esprit et à ma plume, je lui montrerai qu'il 
y en a , en Allemagne , qui comprennent ises ruses 
et celles de Rome; et Dieu veuille que cela vienne 
bientôt! Depuis trop long-temps, les Romains, 
avec leurs jongleries, leurs tours et leurs détours , 
s'amusent de nous comme de niaisetdebouffons.» 
(1" septembre 1518.) 

« Je suis charmé que Philippe (Mélanchton) 
ait éprouvé par lui-même le génie des Italiens. 
Cette philosophie ne veut croire qu'après expé- 
rience. Pour moi , je ne pourrais plus me fier à 
aucun Italien, pas même au confesseur de l'Em- 
pereur. Mon Caietano m'aimait d'une telle amitié, 
qu'il aurait voulu verser pour moi tout le sang 
qui coule dans mes veines. Cesont des drôles. 



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OB LUTHBB. 263 

L'Italien , quand il est bon , est très bon ; mais c'est 
un prodige qui ressemble beaucoup à celui du 
cygne noir.. (21 juillet 1530.) 

« Je souhaite à Sadolet de croire que Dieu est 
le père des hommes, même hors de l'Italie; mais 
les Italiens ne peuvent se mettre cela dans l'es- 
prit. . (U octobre 15â9.) 

« Les Italiens , dit Hutten , qui nous accusaient 
d'être impuissans à produire ce qui demande du 
génie, sont forcés d'admirer aujourd'hui notre 
Albert Durer, si bien que , pour mieux vendre 
leurs ouvrages, ils les marquent de son nom. 
(Hutten, m, 76.) 

Page 3o, ligne i4* — Ff'a Luther est un beau génie... 

Bien avant 152S, le seigneur Conrad Hofmann 
engageait l'archevêque de Mayence à pourvoir aux 
affaires de la religion , de crainte qu'il ne s'éle- 
vât un grand incendie. Il répondit : « C'est 
une affaire de moines, ils l'arrangeront bien eux- 
mêmes. » 

Page 33, ligoe »3.-^ Ce prince, soit par intérêt pour sa nouvelle 
uni'versité..,. 

L'université de Wittemberg écrivit à l'Élec- 
tear, lui demandant sa protection pour le plus 



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264 uiaxoiaES 

illustre de ses membres, (p. 53. Seckendorf. ) La 
célébrité croissante de Luther amenait à Wittem- 
berg un concours immense d'étudians. Luther dît 
lui-même : Studium nostrum more formicarum fer^ 
vet. Un auteur presque contemporain écrit : 
«J*ai appris de nos précepteurs que des étudians 
de toutes nations venaient à Wittemberg pour en- 
tendre Luther et Mélanchion; sitôt qu'ils aperce- 
vaient la ville , ils rendaient grâcels à Dieu , les 
mains jointes; car de Wittemberg, comme autre- 
fois de Jérusalem , est sortie la lumière de la vé- 
rité évangélique , pour se répandre de là jus- 
qu'aux terres les plus lointaines. (Scultetus in 
annalibus, an 1517 , p. 16, 17. Cité par Secken- 
dorf, p. 59.) 

Toutefois, la protection de l'Électeur n'était 
point très généreuse, « Ce que je t'ai déjà dit, mon 
cher Spalatin, je te le dis et le répète encore : 
cherche bien à savoir si c'est l'intention du prince 
que cette académie s'écroule et périsse. J'aimerais 
fort à le savoir , pour ne pas retenir inutilement 
ceux que chaque jour on appelle ailleurs. Ce bruit 
s'est déjà tellement accrédité , que ceux de Nu- 
remberg sollicitent pour faire venir Mélanchton, 
tant ils sont persuadés que cette école est déser- 
tée. Tu sais cependant qu'on ne peut ni ne doit 



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DB LUTHER. 365 

contraindre le prince. »(1" novembre 15^4.) 
Après la mort de l'Électeur, Luther envoya 
à Spalatin un plan pour l'organisation de l'uni- 
versité. (20 mai 1S2S.) 

Page 33| ligoe a5. — L'avtUt toujours protégé. 

L'Électeur écrit lui-même à Spalatin, l'afiaire 
de notre Martin va bien . Pfeffînger a bonne es- 
pérance. (Seckendorf , p. 5â.) 

Il fit dire à Luther qu'il avait obtenu du légat 
Gaietano que celui-ci écrirait à Rome pour que 
l'on remit à de certains juges le soin de décider 
l'affiaiire; que jusque là il patientât, et que peut- 
être les censures ne viendraient point. (Secken- 
dorf, p. 44.) 

Pige 34, ligne i8. — La sainte Ecriture parie at^ec une telle 
majesté qu'elle n'a pas besoin.... 

Schenk avait été chargé d'acheter des reliques 
pour l'église collégiale de Wittemberg; mais, en 
1520, la commission fut révoquée , et les reliques 
renvoyées en Italie pour y être vendues à quel- 
que prix que ce fût. « Car ici , écrit Spalatin , le 
bas peuple les méprise, dans la ferme et très lé- 
gitime persuasion qu'il suffit d'apprendre de l'É- 

14 



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266 MÉMOIRES 

criture à aToir foi et confiance en Dieu, et à aimer 
son prochain. » (Maccrée, p. â7, d'après la vie de 
Spalatin par Schlegel,p. b9. Seckendorf.I. p, 22S.) 

Page 38, ligne ii.— £0 légat Caietano... 

Extrait d'une relation des conférences du car-- 
dinal Caietano avec Luther. 

Luther ayant déclaré que le pape n'avait de 
pouvoir que «a/rd 5njp^tfrâ, le cardinal se moqua 
de ces paroles , et lui dit : « Ne sais-tu pas que le 
pape est au-dessus des conciles? N'a- 1- il pas 
tout récemment condamné et puni le concile de 
Bàle ? » Luther : « Mais l'université de Paris en 
a appelé. » Le Cardinal : » Ceux de Paris seront 
punis également. » Plus tard , Luther ayant cité 
Gerson , le cardinal lui répliqua : « Que m'im- 
portent les Gersonistes ? ■ Sur quoi Luther lui de- 
manda qui donc étaient les Gersonistes ? < Eh! 
laissons cela , » dit le cardinal , et il se mit à par- 
ler d'autre chose. 

Le cardinal envoya au pape la réponse de 
Luther par un courrier extraordinaire. Il fit aussi 
dire à Luther, parle docteur Wenceslas, que 
pourvu qu'il voulut révoquer ce qu'il avait avancé 
sur les indulgences, l'afi^ire aérait tout arrangée. 



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DE LUTHER. 267 

« Car , ajouta- 1- il , l'article sur la foi nécessaire 
pour le saint sacrement pourrait bien se laisser 
interpréter et tourner. » 

Pendant que Luther était à Augsbourg , il fut 
souyent prié de prêcher dans cette ville , mais il 
refusa constamment, avec civilité; il craignait 
que le légat ne crût qu'il le ferait pour railler 
et le braver. 

Luther dit en s'en retournant d'Augsbourg: 
« Que s'ils avait quatre cents têtes , il voudrait 
plutôt les perdre toutes que de révoquer son 
article touchant la foi. » — « Personne en Alle- 
magne, dit Hutten, ne méprise plus la mort que 
Luther. » 

Dans la Protestation qu'il rédigea après ses 
conférences avec Gaietano , il offrit à celui-ci 
d'exposer ses opinions dans un mémoire , et de les 
soumettre au jugement des trois universités de 
Bâle, de Fribourg (en Brisgaw) et de Louvain; 
même, si on le demandait, au jugement de l'u- 
niversité de Paris , « estimée de tout temps la plus 
chrétienne et la plus savante. » 

Lettre de Luther à l'électeur de Saxe pour se 
défendre contre les accusation du cardinal Gaie- 
tano. ( 19 novembre 1518.) « Une chose m'afflige , 
vivement , c'est que le seigneur légat parle ma- 



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268 MÉSIOIIIEI 

licieusement de votre Grâce électorale comme m 
je me fondais sur elle en entreprenant toutes cet 
choses. Il y a de même des menteurs parmi nous 
qui avancent que c'est d'après l'exhortation et 
le conseil de votre Grâce que j'ai commencé à 
discuter la question des indulgences; et cepen- 
dant il n'est personne , parmi mes plus chers amis , 
qui ait été instruit d'avance de mon dessein ex- 
cepté messeigneurs l'archevêque de Magdebourg 
et Pévêque de Brandebourg...» 

Page 4^ ♦ l»gne 1 1 . — Examiner l'affaire par des juges 
non suspects-" 

Les légats se réduisaient à demander qu'on 
brûlât les livres de Luhter. «Le pape , disaient-ils , 
ne veut pas souiller ses mains du sang de Luther,» 
(Luth, opéra , IL) 

^ge 48, ligne i5—Miltits changea de ton..' 

En 1520, les adversaires de Luther s'étaient divi- 
sés en deux partis, réprésentés par Eck et Miltitz. 
Le premier , qui a disputé publiquement contre 
Luther , croit son honneur et sa réputation de 
théologien engagés à obtenir une rétractation 



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DE LCTHER. 269 

ftrmelle de Luther ou sa condamnation par le 
pape comme hérétique. £ck pousse aux mesures 
violentes. Miltitz, au contraire, qui est l'agent 
direct du saint-siége, voudrait concilier les choses, 
n accorde tout à Luther , parle comme lui , mê- 
me de la papauté, et ne lui demande que le si- 
lence. 

Le 20 octobre 1520 , il écrit que, si Luther s*en 
tient à ses promesses, il le délivrera de la bulle , 
qui ne doit avoir son effet que dans quatre mois. 
Le même jour il écrit à l'Électeur pour lui deman- 
der de Vargent afin qu'il ait de quoi envoyer à 
Rome pour se faire , près du pape , des patrons 
pour combattre les malicieuses délations et les 
honteux mensonges d'Eck contre Luther. H l'in- 
vite à écrire lui-même au pontife, et à envoyer 
aux jeunes cardinaux , parens du pape , deux ou 
trois pièces d'or à son effigie et autant en argent 
afin de se les concilier. Enfin il le supplie de lui 
continuer sa pension et de lui donner à lui-même 
quelque chose; car ce qu'il avait reçu , on le lui 
a volé. 

Le 1-4 octobre, il écrit que Luther consent à 
se taire si ses adversaires veulent garder le si- 
lence. Il promet que les choses n'iront pas comme 
l'espèrent Eck et sa faction, il engage encore 

14. 

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270 KÉHOIBES 

l'Électeur à envoyer quarante ou cinquante flo- 
rins au cardinal quatuor Sandorum (Seckendorf^ 
1. 1,p. 99.) 

Ce Btiltitz était un assez bon compagnon. Dans 
une lettre à rÉlecteur, où il réclame le paiement 
de sa pension , il raconte qu'étant à Stolpa , 
avec l'évéque de Misnie, ils buvaient joyeusement ' 
ensemble lorsque sur le soir on apporta un petit 
livre de Luther, contre Foffîcial de Stolpa; l'é- 
véque s'indigna , l'official jura; mais lui , il ne fit 
qu'en rire, comme fit plus tard le duc George 
qui s'en amusa beaucoup. (1530.) (Seçkendorf, 
l.I.p. 98.) 

Le docteur Wolfifgang Reissenbach raconte 
que Luther et Miltitz, l'un avec trente chevaux, 
l'autre accompagné de quatre seulement, vin- 
rent le 11 octobre, à Lichtenberg; qu'ils y vé- 
curent joyeusement, son économe leur fournis- 
sant en abondance tout ce qui était nécessaire. Il 
ajoute qu'il avait mieux aimé se trouver absent^ 
parce qu'il n'aime pas Miltitz qui lui a fait perdre 
six cents florins. (Seckendorf, 1. I, p. 99.) 

Miltitz finit dignement : on dit qu'un jour 
après de copieuses libations, il tomba dans le 
Rhin près de Mayence et s'y noya. Il avait alors 
sur lui cinq cents pièces d'or. (Seckendorf, L I, 
p. 117.) 

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DE LUTHER. 271 



Page 48 « ligne iS.^Lui avoua qu'il avait enlevé le monde 
a soi*.» 



Les livres de Luther avaient en effet déjà une 
grande voçue. Jean Froben , célèbre imprimeur 
de Bâle, lui écrivit le 14 février 1519 que ses li- 
vres sont lus et approuvés, à Paris même, et jus- 
que dans la Sorbonne ; qu'il ne lui reste plus un 
seul exemplaire de tous ceux qu'il avait réimpri- 
més à Bâle; qu'ils sont dispersés en Italie, en Espa- 
gne et ailleurs, partout approuvés des docteurs. 
(Seckendorf, LI,p. 68.) 



Pffge 5o» ligne *8. — Non content d'aller se défendre 
â Leipsig". 



Voyage de Luther àLeipsig: «Hj avait d'abord 
Carlostad seul sur un chariot , et précédant tous 
les autres; mais une roue s'étant brisée près de 
l'église Saint Paul, il tomba, et cette chute fut con- 
sidérée comme un mauvais présage pour lui. Pub 
venait le chariot de Barnim , prince de Poméra- 
nie, qui alors étudiait à Wittemberg et portait le 
titre de recteur honoraire. A ses côtés étaient Lu- 
ther et Hélanchton; un grand nombre d'étudians 



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272 HÉUOIEES 

de Wittemberg accompagnaient en armes la voi- 
ture. » (19 juin 1519.) (Seckendorf, 1. I, p. 92.) 
Eck raconte son entrevue avec Luther (qu'il 
appelle Lotter^ en allemand un vagabond, un 
pendard). • Luther vint en grande pompe à 
Leipsig, avec deux cents étudians de Wittem- 
berg^ quatre docteurs, trois licenciés, plusieurs 
maîtres et un grand nombre de ses partisans; le 
docteur Lang d'£rfurth, Egranus, un prédica- 
teur de Gorlitz , un bourgeois d'Anneberg , des 
«chismatiques de Prague et des picards (hussites), 
qui vantent Martin comme un grand docteur de 
vérité , comme l'égal de leur Jean Hussinetz. La 
dispute fut arrêtée pour le 20 juin; j'accordai 
que ceux de Leipsig ne seraient pas juges, quoi- 
qu'ils fussent bien disposés pour moi. Par toute 
la ville il n'était bruit que de ma défaite , et per- 
sonne n'osait me fisdre société. Moi, comme un 
vieux docteur, j'étais là pour faire tête à tous. 
Cependant le prince m'envoya un bon cerf et 
donna une biche à Garlostad , contre lequel je 
devais aussi disputer. La citadelle fut magnifi- 
quement préparée pour nous servir de champ de 
bataille. Le lieu était gardé par soixante-seize sol- 
dats pour nous défendre en cas de besoin , contre 
les insultes de ceux de Wittemberg et des Bohé- 



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Di LVxnuE. 273 

miens... Quand Luther entra, je vis bien qu'il 
ne voulait pas disputer... Il refusa de reconnaître 
aucune espèce de juges. Je lui proposai les com- 
missaires du prince (le duc George ) , FuniTersité 
de Leipsig, ou toute autre université qu'il vou- 
drait choisir en Allemagne , ou si l'Allemagne lui 
semblait trop petite, en Italie, en France, en 
Espagne. Il refusa tout. Seulement à la fin il con- 
sentit à convenir dW juge avec moi, et à dis- 
puter , pourvu qu'il lui fût permis de publier en 
allemand les actes de la conférence. Je ne pouvais 
accorder cela. Je ne sais maintenant quand nous 

commencerons Le sénat qui craint que ceux 

deWittemberg n'exécutent leurs menaces, a, 
la nuit dernière, garni de soldats les maisons 
voisines. » (Seckendorf , 1. p. 83-8.) 

Mosellanus, professeur de langue grecque à 
Leipsig et qui fut chargé d'ouvrir les conféren- 
ces par un discours au nom du prince , rapporte 
dans une lettre à Pirkheimer, qu'on avait enfin 
choisi pour juges des docteurs d'Ërfurth et de 
Paris. Mosellanus est favorable à Luther, a £ck , 
dit-il , par ses cris , sa figure de soldat, ses regards 
de travers, ses gestes d'histrion , semblait un petit 
furieux... se vantant sans cesse, affirmant des 
choses fausses, niant impudemment des choses 
vraies... » (Seckendorf, 1. 1, d. 90. ^ 

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274 MÉMOIRES 



Pafe 5o, ligne «i> — De prince qui te^urotègeait.^., 

'■i 

Luther ne dut plus douter de la protection de 
l'Électeur, lorsque Spalatm, le confident de ce 
prince , traduisit en allemafl(id et publia son Uvre 
intitulé : Consolation à tous les chrétiens, (fé- 
vrier 1520.) 

Page'50t Hgna i^.-^Pour qu'ils vinssent disputer auec lui^.^ 

A cette époque, Luther, encore peu arrêté dans 
ses idées de réforme , cherchait à s'éclairer sur 
ses doutes par la discussion ; il demandait , il sol- 
licitait les conférences publiques. Le 15 janvier 
1520, il écrivit à l'Empereur : 

« Voici bientôt trois ans que je souffre des co- 
lères sans fin, et d'outrageantes injures, que je 
suis exposé à mille périls et à tout ce que mes 
adversaires peuvent inventer de mal contre moi. 
En vain j'ai demandé pardon pour mes paroles, 
en vain j'ai offert de garder le silence, en vain 
j'ai proposé des conditions de paix , en vain j'ai 
prié que l'on voulût bien m'éclairer si j'étais dans 
l'erreur. L'on n'a rien écouté; l'on n'a fait qu'une 
chose , préparer ma ruine et celle de l'Évangile. 



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DB LUTHER. 275 

Puisque j'ai Tainement tout tenté jusqu'à pré- 
sent, je veux, à l'exemple de saint Athanase, in- 
Toquer la majesté impériale ; j'implore donc hum- 
blement votre Majesté, Charles, prince des rois 
de la terre , pour qu'elle ait pitié , non pas de 
moi, mais de la cause de la vérité, pour laquelle 
seule il vous a été donné de porter le glaive. 
Qu'on me laisse prouver ma doctrine; je vain- 
crai, ou je serai vaincu; et si je suis trouvé im- 
pie ou hérétique, je ne veux point de protection 
ni de miséricorde. » (Opéra latina Lutheri. Wit- 
temb., 11,42.) 

Le 4 février , il écrit encore à l'archevêque de 
Mayence et à l'évêque de Mersebourg des lettres 
pleines de soumission et de respect, où il les sup- 
plie de ne pas croire les calomnies que l'on ré- 
pand sur son compte ; il ne demande qu'à s^in- 
struire, qu'à éclaircir ses doutes. (Luth, opéra, 
II, W.) 

Page 53, ligne a5 — Lorsque la bulle... 

Les cicéroniens de la cour pontificale, les Sa- 
dolets, etc., avaient déployé toute leur science, 
toute leur littérature pour écrire la bulle de 
Léon X. Leur belle invocation à tous les saints 



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276 MiMOIBBS 

coatre Luther rappelle évidemment la fameuse 
péroraison du discours de Cicéron, De Signis, 
dan» laquelle il adjure tous les dieux de venir 
témoigner contre Verres qui a outragé leurs au- 
tels. Par malheur, les secrétaires du pape, plus 
préoccupés des formes oratoires de l'antiquité 
que de Phistoire de l'Église, ne s'étaient point « 
aperçus qu'ils évoquaient contre Luther celui 
même sur lequel s'appuyait Luther : « Exsurge , 
tu quoque , quœsumus, Paule , qui Ecclesiam tuâ 
doctrinâ illustrasti. Surgit novus Porphyrius,,, — 
( Lutheri opéra , II , 52. ) 

Léon X , en condamnant dans cette bulle les 
livres de Luther , lui offrait de nouveau un sauf- 
conduit pour se rendre à Rome , et promettait 
de lui payer ses frais de voyage. 

Les universités de Louvain et de Cologne ap- 
prouvèrent la bulle du pape, et s'attirèrent ainsi 
les attaques de Luther. Il les accusa d'avoir in- 
justement condamné Occam, Pic de la Miran- 
dole , Laurent Valla , Jean Reuchlin. Pour affai- 
blir, dit Gochlœus, l'autorité de ces universités, 
il les attaquait sans cesse dans ses livres , mettant 
en marge, lorsqu'il rencontrait un barbarisme 
ou quelque chose de mal dit : comme à Louvain, 
comme à Cologne y lovanialiter, colonialiter, etc. 
(Gochlseus, p. 22.) 



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DB LUTHER. 277 

A Cologne, à Mayence, et dan» tous les états 
héréditaires de Charles V, on brûla, dès 1520, 
les liTres de Luther. (Cochlaeus, p. 25.) 



Page 55, ligne i5. — Aucun d^euxplut éloquemment, 
que lui". 



Il écrivait le 29 novembre 1521 aux Augustins, 
de Wittemberg : « Je sens chaque jour combien 
il est difficile de déposer les scrupules que l'on a 
conservés long-temps. Oh ! qu'il m'en a coûté dç 
peine, quoique j'eusse l'Écriture de mon côté 
pour me justifier par-devant moi-même de ce que 
seul j'osai m'élever contre le pape et le tenir pour 
l'Antichrist! Quelles n'ont pas été les tribulations 
de mon cœur! que de fois ne me suis-je pas op- 
posé avec amertume à cet argument des papistes : 
« Es-tu seul sage ? Tous les autres se tromperaîent- 
ils, se seraient-ils trompés depuis si long-temps? 
que sera-ce si tu te trompes et que tu entraînes 
dans ton erreur tant d'âmes qui seront éternelle- 
ment damnées ? Ainsi je me débattais avec moi- 
même, jusqu'à ce que Jésus-Christ , par sa propre 
et infaillible parole , me fortifiât et dressât mon 
cœur contre cef argument , comme un rivage de 
ToMB 1 15 

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278 mAhoirks 

•rochers , dressé contre les flots , se rit de toutes 

leurs fureurs... » (Luth. Brîefe, t. II, p. 107.) 

Page 59, ligne ^S^^—Il se Jbndait alors sur saint Jean.,, 

«Il fkut procéder dans TÉTangile de saint 
Jean , diaprés un tout autre point de vue que 
dans les autres évangélistes. L'idée de cet évan- 
gile , c'est que Thomme ne peut rien , n'a rien de 
soi-même, qu'il ne tient rien que de la miséricorde 
devine... Je le répète , et le répéterai : Celui qui 
veut s'élever à une pensée , à une spéculation 
salutaire sur Dieu , doit tout subordonner à l'hu- 
manité du Christ. Qu'il se la représente sans cesse 
dans son action ou dans sa passion, jusqu'à ce que 
son cœur s'amollisse. Alors qu'il ne s'arrête pa^ 
là, qu'il pénètre et pousse plus loin la pensée: 
ce n'est pas par sa volonté, mais parcelle de Dieu 
le Père , que Jésus fait ceci et cela. C'est là qi^'il 
con^nencera à goûter la douceur infinie de la 
volonté du père , révélée dans l'humanité dvi 
Christ. » 

Page 63, ligne 7. — On s'arrachait ses pamphlets». 

I^e célèbre peintre Lucas Cranach faisait des 
gravures pour les opuscules de Luther* (Seqken- 
dorf , p. 1480 



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I>S LI3THS1L. 279 



Pag« 64 • llfne 6* -~ Si quelqu» imprimeur mpportait du soin 
auT ouvrages des papistes , on le tourmentait,.. 



De même à Augsboarg. La confession d'Augs* 
bourg fut imprimée et répandue dans toute FAl- 
i«magne avant la fin même de la diète ; la réfuta- 
tion descathoIiquesdontrEmpereur avait ordonné 
Firapression, fut remise aux imprimeurs, maîs^ 
ne parut pas. Aussi Luther, reprochant aux ca- 
tholiques de ne pas oser la publier, appelle cette^ 
réfutation, un oiseau de nuit, un hibou, une chauve- 
êouris {nociua et vespetiUto) (Cochlœus,20â.) 

P«gé 64 «'îgn* '*• — Luther avaif/bit appel à la noblesse. . 

« A sa Majesté impériale et à la noblesse chré- 
tienne de la nation allemande, le docteur Martin 
Lutber. (1520.) 

» Grâce et force de notre Seigneur Jésus... Les 
Romanistes ont habilement élevé autour d'eux 
trois murs au moyen desquels ils se sont jusqu'ici 
protégés contre toute réforme, au grand préjudice 
de toute la chrétienté. D'abord ils prétendent que 
le pouvoir spirituel est au-^dessus du pouvoir tem- 
porel ; ensuite, qu'au pape seul il appartient d'in» 



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280 viMoi&Bs 

terpréter la Bible ; troisièmement , que le pape 

seul a droit de convoquer un concile. 

» Sur ce, puisse Dieu nous être en aide et nous 
donner une de ces trompettes qui renversèrent 
jadis les murs de Jéricho , pour souffler bas ces 
murs de paille et de papier, mettre en lumière 
les ruses et les mensonges du diable , et recou-^ 
yrer par pénitence et amendement la grâce de 
Dieu. Commençons par le premier mur; 

» Premier mur».» Tous les chrétiens sont de con- 
dition spirituelle, et il n'çst entre eux d'autre 
difierence que celle qui résulte de la différence 
de leurs fonctions, selon la parole de l'apôtre 
( I. Cor. xu) , qui dit « que nous sommes tous un 
même corps, mais que chaque membre a un of- 
fice particulier, par lequel il est utile aux au- 
tres. P 

9 Nous avons tous le même baptême , le même 
Evangile, la même foi, et nous sommes tous égaux 

comme chrétiens Il devrait en être du curé 

comme du bailli, que pendant ses fonctions il soit 
au-dessus des autres ; déposé , qu'il redevienne ce 
qu'il a été , simple bourgeois. Les caractères m- 
délébihs ne sont qu'une chimère... Le pouvoir sé- 
culier étant institué de Dieu , afin de punir les 
méchans et de protéger les bons, son ministère 



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hu LmÉMtL. 281 

devrait s'étendre sur toute la chrétienté, sans con- 
sidération de personne, pape, éTeque, moine-, 
religieuse au autre , n'importe... Un prêtre a-4-il 
été tué : tout le pays est frappé d'interdit. Pour- 
quoi n'en . est-il pas de même après le meurtre 
d'un paysan ? D'où \ient une telle différence entre 
des chrétiens que Jésus-Christ appelle égaux? Uni- 
quement des lois et des inventions humaines... 

» Deuxième mur.,. Nous sommes tous prêtres. 
L'apôtre ne dit-il pas (I. Cor. ii) : « Un homme 
spirituel juge toutes choses et n'est jugé par per- 
sonne ? » Nous avons tous un même esprit dans la 
foi, dit encore l'Évangile; pourquoi ne sentirions* 
nous pas , aussi hien que les papes qui sont sou- 
vent des mécréans, ce qui est conforme ou con- 
traire à la foi ? 

» Troisième mur... Les premiers conciles ne 
furent pas convoqués par les papes. Celui de Ni- 
cée lui-même fut convoqué par l'empereur Con*- 

stantin Si les ennemis surprenaient une ville, 

l'honneur serait à celui qui, le premier, crierait 
aux anneslqu^il fût bourgmestre ou non. Pourquoi 
n'en serai tdl pa^ de même de celui qui ferait senti- 
nelle contre nos ennemis de l'enfer, et, les voyant 
s'avancer , rassemblerait le premier les chrétiens 
contre eux ? Faut-il pour cela qu'il soit pape?... » 

15. 

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282 MivOIRBS 

Yaici en résumé les réformes que propose 
Luther : Que le pape diminue le luxe àimt il est 
entouré, et qu'il se rapproche de la pauvreté de 
Jésus-Christ. Sa cour absorbe des sommes im- 
menses. On a calculé que plus de trois cent mille 
florins allaient tous les ans d'Allemagne à Rome. 
Douze cardinaux suffiraient, et ce serait au pape 
à les nourrir. Pourquoi les Allemands se laisse- 
raient-4b dépouiller par les cardinaux qui enra- 
hissent toutes les riches fondations , et qui ^a 
dépensent les revenus à Rome ? Les FraU^çais ne 
le souffrent pas, — Que l'on ne donne plus rien 
au pape pour être employé contre les Turcs; ce 
n'est qu'un leurre, un misérable prétexte, pour 
tirer de nous de l'argent. — Qu'on cesse de lui 
reconnaître le droit d'investiture. Rome attire 
tout à soi par les pratiques les plus impudentes. 
Il est en cette ville un simple courtisan qui pos- 
sède vingt-deux cures, sept prieurés et quarante- 
quatre prébendes, etc. 

Que l'autorité séculière n'envoie plus à Rome 
abonnâtes f comme on fait depuis cent ans.--* 
Qu'il suffise , pour l'installation des évéques , 
qu'ik soient confirmés par les deux évèques ks 
plus voisins, ou par leur archevêque, confensé- 
ment au concile de Nicée. — < Je veux seule- 



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DB LUTHER. 283 

ment, en écriTant ceci, fkire réfléchir ceux qui 
sont disposés à aider la nation allemande à rede* 
venir chrétienne et libre après le déplorable 
gouvemement du pape, ce gouvernement anti- 
chrétien. » 

Moins de pèlerinages en Italie. — Laissons s'é- 
teindre les ordres mendians. Ils ont dégénéré et 
ne remplissent pas le but de leurs fondateurs. — 
Permettre le mariage des prêtres. — Supprimer 
un grand nombre de fêtes, ou les faire coïncider 
avec les dimanches. Abolir les fêtes de patronage, 
si préjudiciables aux bonnes mœurs. — Suppri- 
mer des jeûnes. « Beaucoup de choses qui ont été 
bonnes autrefois ne le sont plus à présent. • — 
Éteindre la mendicité. Que chaque commune soit 
tenue d'avoir soin de ses pauvres. — Défendre de 
fonder des messes privées. — Examiner la doc- 
trine des Bohèmes mieux qu'on n'a fait, et se join- 
dre à eux pour résister à la cour de Rome. — ^Abo- 
lir les décrétales. — Supprimer les maisons de 
prostitution. 

« Je sais encore une autre chanson sur Rome 
et les Romanistes; si l'oreille leur démange , je la 
leur chanterai aussi , et je monterai jusqu'aux der- 
niers octaves. Me comprenda-tu > Rome ? » ( Luth, 
Verke, VI, 544-568.) 



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284 KÉMOIBB« 



Page 66. llg. 4« *" «^* »* voudrais pas qu'on ft servir à la cause^ 
de l'Èuangile ta violence et le meurtre^.. 



Il voulait que rAUemagne se séparai paisible- 
ment du saint-siëge : c'est en ce sens qu'il écrivit 
en 1520 à Gharles-Quint et aux nobles allemands 
pour les engager à renoncer à l'obédience de 
Roqie. «L'Empereur, disait-il, a égal pouvoir 
sur les clercs et sur les laïques; le dîiférence en- 
tre cescdeux états n'est qu'une fiction, puisque, 
par le baptême, nous devenons tous prêtres. » 
(Lutheri opéra, H, p. 20.) 

Cependant, si l'on en croit l'autorité assez sus- 
pecte, il est vrai, de Gochlœus, il aurait, dès 
cette époque même, prêcbé la guerre contre 
Rome. — « Que l'Empereur, les rois, les princes 
ceignent le glaive et frappent cette peste du 
monde. Il feiut en finir par l'épée , il n'y a point 
d'autre remède. Que veulent dire ces hommes per- 
dus , privés de sens commun : que c^est là ce que 
doit faire l' Antichrist. 5i nous avons des potences 
pour les voleurs , des haches pour les brigands, 
des bûchers pour les hérétiques , pourquoi n'au- 
rions*nous pas des armes pour ces maîtres de 
perdition , ces cardinaux , ces papes, toute cette 



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DB LVTBBR. 285 

tourbe de la Sodome romaine qui corrompt l'É- 
glise de Diea? pourquoi ne laverions-nous pas 
nos mains dans leur sang?» Je ne sais de quel 
ouvrage de Luther Cochlœus a tiré ces paroles, 
(page 22.) 

P«g« 66, ligne 25. — Hutten... pour former une ligue entre 
les 'villes et les nobles du Rhin.,, 

Dès l'ouverture de la diète, il s'était enquis au- 
près de Spalatin de la conduite que l'Électeur 
tiendrait en cas de guerre. On avait lieu de croire 
qu'il soutiendrait son théologien , la gloire de son 
université. « Qui ignore, lui écrit Luther, que 
le prince Frédéric est devenu, pour la pro- 
pagation de la littérature, Texeraple de tous 
les princes? Votre Wittemberg hébraïse et hel- 
lénise avec bonheur. Les préceptes de Minerve 
y- gouvernent les arts mieux que jamais, la vraie 
théologie du Christ y triomphe. » Il écrit à Spa- 
latin (S octobre 1520 :) «Plusieurs ont pensé 
que je devais demander à notre bon prince de 
m'obtenir un édit de l'Empereur, pour que per- 
sonne ne pût me condamner sans que j'eusse été 
convaincu d'erreur par l'Écriture. Examine si 
cela est à propos. » On voit par ce qui suit que 



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286 MAttoiAss 

Luther croyait aussi pouToir compter sur la sym- 
pathie des peuples de l'Italie. < Au lieu de livres, 
j'aimerais mieux qu'on pût multiplier les livres 
vivans, c'est-à-dire les prédicateurs. Je t'envoie 
ce qu'on m'a écrit d'Italie sur ce sujet. Si notre 
prince le voulait, je ne crois pas qu'il pût entre- 
prendre d'œuvre plus digne de lui. Le petit peu- 
ple d'Italie y prenant part, notre cause en rece- 
vrait une grande force. Qui sait, Dieu peut-être 
les suscitera. Il nous garde notre prince, afin de 
bàre agir la parole divine par son intermédiaire. 
Vois donc ce que tu pourrai faire de ce côté pour 
la cause du Christ. > 

Luther n'avait pas négligé de s'attirer l'af- 
fection des villes : nous le voyons à la fin de 
l'an 1520 solliciter de l'Électeur une diminution 
d'impôts pour celle de Kemberg. « Ce peuple , 
écrit-il , est misérablement épuisé par cette détes- 
table usure Ce sont les prêtrises, les offices du 

culte, et même quelques confréries, qu'on nour- 
rit de ces impôts sacrilèges et de ces rapine» im- 
pies. » 

Page 67, ligae 18. — Buntschuh, — Soulier d'alliance... 

Le sabot servait déjà de .signe distinctif au 
douEième siècle. Sahatati était un nom des Yau- 



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BB LUTRBR. 287 

dois. ( Voy. Dufresiie, Gloasar. au mot Sabatatl) 

P«g« 68, ligne 9. — Pour le décider à prendre les 
armes.., 

« L'audace des romanistas augmente, écrit-il à 
Hutten; car, comme ils disent, tu aboies, mais 
tu ne mord$ point. » (Opéra Hutten, IV, â06.) 

Un autre littérateur , Helius Eobanus Hessus , le 
presse de s'armer pour Luther. « Franz y sera 
pour nous soutenir, et tous deux, je le prédis, 
TOUS serez la foudre qui écrasera le monstre de 
Rome. » (Hutten op. IV, 809.) 

Page 66, ligne a6. — Sauf-conduit ^,y 

«Charles, par la grâce de Dieu, etc. Révérend^ 
cher et pieux docteur ! Nous et les Ët^ts du saint- 
Empire , ici rassemblés , ayant résolu de nous in- 
former de ta doctrine et des livre quQ tu as 
publiés depuis un certain temps , nous t'avons 
donné et t'envoyons ci -joints la garantie et le 
sauf- conduit de l'Empire pour venir ici et re- 
tourner ensuite en lieu de sûreté; c'est notre vo- 
lonté très précise que tu te rendes auprès de nous 
dans les vingt et un jours que porte ledit sauf- 



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288 uimoiEES 

conduit, sans craindre violence ni dommage au- 
cun... Donné en notre ville libre de Worms, le 
sixième jour du mois de mars 1321 , dans la se- 
conde année de notre règne. Signé de la maifi 
de Varchichancelier, » (Luth. Werke, IX , p. 106.) 

Page 7a, ligne 55. — J'avais tiré un grand éclat 
de tout cela,.* 

Spalatin raconte dans ses annales (p. 50) que 
le second jour où Luther avait comparu, Télec- 
teur de Saxe , revenant de la maison de la ville , 
fit appeler Spalatin dans sa chambre et lui ex- 
prima dans quelle surprise il était : « Le docteur 
Martin a bien parlé devant TEmpereur et les prin- 
ces et états de TEmpire , seulement il a été trop 
hardi. » (Marheinecke , histoire de la Réfor- 
me, 1,264.) 

« Cependant Luther recevait continuellement 
la visite d'un grand nombre de princes , de com- 
tes et autres personnes de distinction. Lemercredî 
suivant (huit jours après sa première comparu- 
tion) il fut invité par Tarchevêque de Trêves à 
se rendre chez lui. Il y vint avec plusieurs de ses 
amis et y trouva, outre l'arfîhevêque , le mar- 
grave de Brandebourg, le duc George de Saxe, 



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BB LUTHER. 280 

le grand-maître de Tordre Teutonique, et un 
grand nombre d'ecclésiastiques. Le chancelier du 
margrave de Bade prit la parole , et l'engagea, 
avecbeaucoup d'éloquence, à entrer dans de meil- 
leures voies; il défendit l'autorité des conciles et 
essaya d'alarmer Luther sur l'influence que son 
livre de la Liberté chrétienne allait avoir sur le 
peuple, déjà si disposé à la sédition. « Il faut au- 
jourd'hui des lois et des établissemei^ humains , 
dit-il ; nous ne sommes plus au temps où tous les 
fidèles n'étaient qu'un cœur et un esprit. » Il 
finit par menacer Luther de la colère de l'Empe- 
reur qui allait infailliblement l'accabler. — Lu- 
ther , dans sa réponse , remercia les assistans de 
l'intérêt qu'ils prenaient à lui et des conseils 
qu'ils lui faisaient donner. Il dit qu'il était loin 
de blâmer tous les conciles, mais que celui de 
Constance avait condamné formellement un ar- 
ticle de la foi chétienne; qu'il ferait tout plutôt 
que de rétracter la parole de Dieu, qu'il prêchait 
sans cesse au peuple la soumission à l'autorité, 
mais qu'en matière de foi il fallait obéir à Dieu 
plutôt qu'aux hommes. Gela dit, il se retira et les 
princes délibérèrent. Quand il fut rappelé , le 
chancelier de Bade répéta une partie de ce qu'il 
avait déjà dit et l'exhorta finalement à soumettre 

16 



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290 Mèmoi&BS 

se» livres au jugement de Sa Majesté et de l'Em- 
pire. Luther répondit, avec modestie, qu'il ne lui 
convenait point de se soustraire au jugement de 
l'Empereur, des Électeurs et des États qu'il ré- 
vérait; il voulait s'y soumettre, mais à la condition 
que l'examen se ferait selon le texte de l'Écriture 
sainte : « Car, ajouta-t-il, ce texte est si clair pour 
moi que je ne puis céder, à moins qu'on ne prouve, 
par l'Écriture même , l'erreur de mon interpré- 
tation. » Alors les princes se retirèrent pour se 
rendre à la maison de viHe, et l'archevêque resta 
avec son officiai et Gochlseus pour renouveler ses 
tentatives auprès de Luther, qui avait de soin 
côté le docteur SchurfF et Nicolas Amsdorf. Tout 
échoua. 

Néanmoins l'Empereur, à la prière de l'arche- 
vêque , prolongea de deux jours le sauf-conduit 
de Luther pour donner, le temps d'entamer de 
nouvelles conférences. Il y en eut encore quatre , 
mais elles n'eurent pas plus de succès. » (Luth. 
Werke,IX, 110.) 

Page 8a, ligne 9* — Dans la dernière eo/^renee:, 

Luther termina cette conférence en disant: 
« En ce qui touche la parole de Dieu et la foi. 



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DB IiUTHBB. 291 

tout chrétien est joge lui-même, atusi bien que 
le pape, car il |aut que chacun rive et meure 
selon cette foi. La parole de Dieu est une pro- 
priété de la commune entière. Chacun de ses 
membres peut l'expliquer. « Je citai à l'appui , 
continue Luther, le passage de saint Paul, I. 
Cor. xiT» oùil est dit : Rcvelatum atsidenii êi fuerU, 
prior taceat. Ce texte prouve clairement que le 
maître doit suivre le disciple, si celui-ci entend 
mieux la parole de Dieu. Ils ne pur^it réfuteir 
ce témoignage, et nous nous séparâmes. » (Luth. 
Werke. IX,p.ll7.) 

f âge 9» , ligne j3 . — // trouva peu de livrée â Warthourg, 
Use mit à l'étude du grec etdeVhibreu,%» 

C'est là qu'il commença sa traduction de la 
Bible. Plusieurs versions allemandes en avaient 
été déjà publiées à Nuremberg, en 1477, 148S, 
1490, et à Augsbourg en 1518; mais elles n'é- 
taient point faites pour le peuple. (Nec legi per- 
mittebantur , ne» ob styli et typorum horridita- 
tem satisfacere poterant. Seckendorf, lib. I, 204.) 
. Avant la fin du quinzième siècle, TAllemagne 
possédait au moins douze éditions de la Bible en 
langue vulgaire, tandis que l'Italie n'en avait 



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292 MÊMOIRSS 

encore que deux, et la France une seule. (Jung, 
hist, de la Réforme à Strasbourg.) 

Les adversaires de la Réforme contribuaient 
eux-mêmes à augmenter le nombre des Bibles en 
langue vulgaire. Ainsi Jérôme Ëmser publia une 
traduction de l'Écriture pour l'opposer à celle de 
Luther. (Gochlseus, 50.) Celle de Luther ne pa- 
rut complète qu'en 15â4. 

Le seul institut de Canstein à Halle, imprima , 
dans l'espace de cent ans, deux millions de Bibles , 
un million de Nouveaux Testamens et autant de 
Psautiers. (Ukert, t. ii, p. 3S9.) 

« J'avais vingt ans, dit Luther lui-même, que 
je n'avais pas encore vu de Bible. Je croyais qu.'il 
n'existait d'autres évangiles ni épîtres que celles 
des sermonaires. Enfin , je trouvai une Bible dans 
la bibliothèque d'Erfurt, et j'en fis souvent lec- 
ture au docteur Staupitz avec grand étonne- 
ment...» (Tischreden, p. 255.) 

« Sous la papauté, la Bible était inconnue aux 
gens. Garlostad commença à la lire lorsqu'il était 
déjà docteur depuis huit ans.» (Tischreden, p. 6, 
verso. ) 

« A la diète d'Augsbourg(15S0), l'évêque de 
Mayence jeta un jour les yeux sur une Bible. 
Survint par hasard un de ses conseillers qui lui' 



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DB LVTHEA. 393 

dit : « Gracieux seigneur, que fait de ce livre vo- 
tre Grâce électorale?» A quoi il répondit: «Je 
ne sais quel livre c'est ; seulement tout ce que j'y 
trouve est contre nous. « — Le docteur Usingen, 
moine aujgustin , qui fut mon précepteur au cou- 
vent d'Erfurt, me disait , quand il me voyait lire 
la Bible avec tant d'ardeur ; « Ah! frère Martin, 
qu'est-ce que la Bible ? On doit lire les anciens 
docteurs qui en ont sucé le miel de la vérité. La 
Bible est la cause de tous les troubles. « ( Tis- 
chred., p. 7.) 

Selneccer, contemporain de Luther, rapporte 
que les moines, voyant Luther très assidu à la lec- 
ture des livres saints, en murmurèrent et luidirent 
que ce n'était pas en étudiant de la sorte, mais 
enquêtant et ramassant du pain, de la viande, du 
poisson , des œufe et de l'argent , qu'on se rendait 
utile à la communauté. — Son noviciat fut très 
dur; on le chargea, dans l'intérieur de la mai- 
son, des travaux les plus pénibles et les plus vils, 
et en dehors, de la quête avec la besace. (Alma- 
nach des protestans pour 1810, p. -43.) 

« Naguère le temps n'était pas bon pour étu- 
dier ; on tenait en tel honneur le païen Aristote , 
que celui qui eût parlé contre , eût été condamne 
à Cologne comme le plus grand hérétique. Encore 

16. 

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294 hIhoiaes 

ne Fentendaient-ils pas. Les sophistes Favaieiii 
tant obscurci! Un moine, en prêchant la Pas- 
sion, agita pendant deux heures cette question : 
Vtràm qualité realiter distineta êU à substaniiâ. 
Et il disait, pour donner un exemple : Ma ié4e 
pourrait bien passer par ce trou, mais la gros-- 
seur de ma tête n'y peut passer. » (Tischred. » 
p. 1^, verso.) 

< Les moines méprisaient ceux d'entre eux qui 
étaient sayans. Ainsi mes frères au couyent m'en 
voulaient d'étudier. Ils disaient : Sic tihi, sic 
mihi, sackum per nackum (le sac sur le cou). Ils 
ne faisaient aucune distinction. )» (Tischred. , 
p. 272.) 

< Autrefois les premiers docteurs n'auraient 
pu, je ne dis pas composer, mais bien lire une 
oraison latine. Ils mêlaient à leur latin des mot& 
qui n'étaient pas même allemands, mais wendes. » 
^ischred. , p. 15.) 

Cette ignorance du clergé était général^ en 
Europe. En l^SO, un moine français disait en 
chaire : « On a trouvé une nouvelle langue que 
l'on appelle grecque; il faut s'en garantir avec 
soin. Cette langue enfante toutes les hérésies : 
Je vois dans les mains d'un grand nombre de per-« 
sonnes un livre écrit en cette langue; on le nommQ 



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M LI7THBA. 205 

Nouveau Testament : c'est un livre plein de ron- 
ces et de vipères. Quant à la langue hébraïque, 
tous ceux qui l'apprennent deviennent jui& aui- 
sitôt. y> (Sismondi , Hist. de Fr. , XYI , p4S6 .) 

P>8«93f ligne i6. — Le cardinal de Majrence,.. Il Vm^i^^ùi 
le p«p« de MajMice. 

Durant la révolte des paysans, il lui écrivit 
pour l'engager à se marier et à séculariser ses 
deux archevêchés. Ce serait, lui disait-il entre 
autres raisons, un puissant moyen de faire cesser 
les troubles dans son électorat. (7 juin 1525.) 

P«ge 94« ligne 4^ — Us en entendraient bien d'autres, «/••• 

Après Worms, il comprit que les conférances 
et discussions publiques, que jusque là il avait 
demandées, seraient à l'avenir inutiles, et dès-lors 
il s'y refusa toujours. ^ Je ne reconnaîtrai plus, 
dit-il, dans son livre Contra statum eccleiiastùmm, 
je ne reconnaîtrai plus désormais de juges, ni 
parmi vous, ni parmi les anges. J'ai montré déjà 
à Worms assez d'humilité; je serai, comme dit 
saint Pa.ul, votre juge et celui des anges, et qni« 
conque n'acceptera pas ma doctrine, ne pourra 
être sauvé, car ce n'est point la mienne, mais 



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206 MÉHOI&Ei 

celle de Dieu, c'est pourquoi mon jugement sera 
celui de Dieu même. » Je cite d'après le très sus- 
pect Gochiaeus (p. 48) , n'ayant pas en ce moment 
le texte sous les yeux. 



P âge lo8 , ligne li.—- Le motif ds son départ de "ff^artboiirg , 
c'était le caractère alarmant que prenait la Bè/hrme... 

Avant de quitter sa retraite , il chercha plu- 
sieurs fois, par ses lettres, à empêcher les sien» 
cl'aller irop loin. — Aux habitans de Wittem- 
berg. c . . . Tous attaquez les messes , les images 
et autres misères, tandis que vous abandonnez la 
foi et la charité dont vous avez tant besoin. Vous 
avez affligé, par vos scandales, beaucoup d'âmes 
pieuses , peut-être meilleures que vous. Vous avez 
oublié ce que Ton doit aux faibles. Si le fort court 
de toute sa vitesse , ne faut-il pas que le faible , 
laissé en arrière , succombe ? 

« Dieu vous a fait une grande grâce et vous 
a donné la Parole dans toute sa pureté. Cepen- 
dant je ne vois nulle charité en vous. Vous ne 
•upportez point ceux qui n'ont jamais entendu 
la Parole. Vous n'avez nul souci de nos frères et 
de nos sœurs de Leipzig, de Meissen et de tant 
d'autres pays que nous devons sauver avec nous... 



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DB LUTHIR. 297 

Vous vous êtes précipités dans cette af&ire, tête 
baissée et sans regarder ni à droite ni à gauche. 
Ne comptez donc pas sur moi ; je vous renierai. 
Vous avez commencé sans moi, il vous faudra 
bien finir de même. . . ■ (Décembre 1 52 1 . ) 

Page 117, ligne 5. — Ze désordre s'est mis dans son 
troupeau... 

De retour à Wittemberg , il prêcha huit jours 
de suite. Ces sermons suffirent pour remettre Tor- 
dre dans la ville, • 

Page 118 , ligne ao. — Je ne connais point Luther,.. 

« Exhortation charitable du docteur Martin 
Luther à tous les chrétiens , pour qu'ils se gar- 
dent de Tesprit de trouble et de révolte. (1524.) 

» ... En premier lieu, je vous prie de vouloir 
laisser de côté mon nom , et de ne pas vous appe- 
ler luthériens, mais chrétiens. Qu'est-ce que Lu- 
ther ? Ma doctrine ne vient pas de moi. Moi , je 
n'ai été crucifié pour personne, Saint Paul (L Co- 
rinth. m) ne voulait point que l'on s'appelât pau- 
liens, ni pétriens, mais chrétiens. Comment donc 
me conviendrait-il, à moi, misérable sac à ver- 
mine et à ordure , de donner mon nom aux en- 



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298 «iMOx&Bs 

fans du Christ? C«s6|bz, chers amis, de prendre 
ces noms de parti, détruisoiunles et appeloa8-iioix& 
chrétiens, d'après le nom de celui de qui yîent 
notre doctrine. 

9 II est juste que les papistes portent un nom 
de parti , parce qu'ils ne se contentent pas de la 
doctrine et du nom de Jésus Christ; ils veulent 
être en outre papistes. Eh bien! qu'ils appartien- 
nent au pape qui est leur maître. Moi, je ne suis 
ni ne veux être le maître de personne. Je tiens 
avec les miens pour la seule et commune doctrine 
du Christ qui est notre unique maître. » (Luth. 
WerkeII,p.4.) 

Pa^ Iti, ligne s« — Jtanitis , at^ant cette époque, un homme 
privé n (lirait adressé â un roi des paroles si méprisantes^, 

£n même temps qu'il traitait si rudement Henri 
VIII et les princes, il passait toutes les bornes 
dans ses attaques contre le saint-siége. Dans sa 
^réponse aux brefs du pape Adrien , il dit en finis- 
sant : < Je suis £àché d'être obligé de donner de 
si bon allemand contre ce pitoyable latin de cui- 
«ine. Mais Dieu veut confondre l' Antichrist en 
toutes choses, il ne lui laisse plus rien, ni art, 
ni langue; on dirait qu'il est fou, qu'il est tombé 



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Bt LUT&BR. 299 

en enfance. C'est une honte d'écrire aux Aile* 
mands en pareil latin , de présenter à des gens 
raisonnables une interprétation aussi maladroile 
et aussi absurde de l'Écriture. > ( 15S3.) 

Préface mise par Luther en tête de deux bulles 
par lesquelles le pape Clément II annonçait la 
célébration du jubilé pour 1S25 : 

c ... Le pape dit dans sa bulle qu'il veut ou- 
vrir la porte d'or. Nous avons depuis longtemps 
ouvert toutes les portes en Allemagne, mais len 
escrocs italiens ne nous rapportent pas un liard 
de ce qu'ils nous ont volé par leurs indulgetUiœ , 
dispensationes et autres inventions diaboliques. 
Cher pape Clément , tpute ta clémence et toutes 
les* douceurs ne te serviront de rien ici. Nous 
n'achèterons plus d'indulgences. Chère porte 
d'or, chères bulles, retournez d'où vous venez; 
laites - vous payer par les Italiens. Qui vous con- 
naît, ne vous achète plus. Nous savons, Dieu 
merci, que ceux qui entendent et qui croient le 
saint Évangile, ont à toute heure un jubilé... Bon 
pape , qu'avons-nous à faire de tes bulles ? Épar* 
gne le plomb et le parchemin; cela est désor- 
mais d'un mauvais rapport. > (Luth. Werke, 
lX,p.a04.) 
. « Je ferais un même paquet du pape et de» 



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300 uéuoiREs ' 

cardinaux , pour les jeter tous ensemble dans ce 
petit fossé de la mer de Toscane. Ce bain les 
guérirait; j'y engage ma parole et je donne Jé- 
sus-Christ pour caution. » 

€ Mon petit Paul , mon petit pape , mon petit 
ânon, allei doucement, il fait glacé: vous vous 
rompriez une jambe; vous vous gâteriez, et on 
dirait : Que diable est ceci ? comme le petit pape- 
lin s'est gâté?» (1542, traduction de Bossue t, 
Variations, I, 45-6.) 

Interprétation du monachovitule et de deux 
horribles monstres papalins trouvés dans le Ti- 
bre, à Rome, Van 1496; publié à Friberg en 
Misnie, Van 1528, par Ph, Melanchton et Mar- 
tin Luther. — « Dans tous les temps Dieu a mon- 
tré par des signes évidens sa colère ou sa miséri- 
corde. C'est ainsi que son prophète Daniel a prédit 
l'arrivée de l' Antichrist, afin que tous les fidèles 
avertis se gardassent de ses blasphèmes et de son 
idolâtrie. 

» Durant cette domination tyrannique , Dieu a 
donné beaucoup de signes, et dernièrement en- 
core , cet horrible monstre papalin , trouvé mort 
dans le Tibre l'an 1496... D'abord la tête d'âne 
désigne le pape ; car l'Église est un corps spiri- 
tuel qui ne doit ni ne peut avoir de této visible^ 



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DB LUTHER. 301 

Christ seul est le seigneur et le chef de l'Église. 
Le pape s'est voulu faire contre Dieu la tête vi- 
sible de l'Église; cette tête d'âne attachée à un 
corps humain, le désigne donc évidemment. £a 
effet , une tête d'âne convient-elle mieux au corps 
de l'homme que le pape à l'Église? Autant le 
cerveau de l'âne diffère de la raison et de l'in- 
telligence humaine, autant la doctrine papale 
s'éloigne des dogmes du Christ. Dans le royaume 
du pape , les traditions humaines font la loi : il 
s'est étendu, il s'est élevé par elle. S'il entendait 
la parole du Christ, il croulerait aussitôt. 

■ Ce n'est pas seulement pour les saintes Écri- 
tures qu'il a une cervelle d'âne, mais pour ce 
qui regarde même le droit naturel, pour les 
choses que doit décider la raison humaine. Les 
juristes impériaux disent en effet qu'un véritable 
canoniste est véritablement un âne. 

» La main droite du monstre, semblable au 
pied de l'éléphant, montre qu'il écrase les crain- 
tif et les faibles. Il blesse en effet et perd les 
âmes par tous ses décrets qui , sans cause ni né- 
cessité, chargent les consciences de la terreur 
de mille péchés qu'ils inventent et dont on ne 
sait pas même les noms. 

» La main gauche désigne le puissance tem- 

17 

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302 MÉMOIRES 

porelle du pape. Contre la parole de Christ , il 
est devenu le seigneur des rois et des princes. 
Aucun d'eux n'a soulevé, fait et conduit tant de 
guerres , aucun n*a versé autant de sang. Occupé 
de choses mondaines, il néglige la doctrine et 
ahandonne l'Église. 

» Le pied droit , semblahle au sabot d'unbœuf, 
désigne les ministres de l'autorité spirituelle, qui, 
pour l'oppression des âmes, soutiennent et défen- 
dent ce pouvoir ; c'est à savoir les docteurs pon- 
tificaux , les parleurs , les confesseurs , ces nuées 
de moines et de religieuses; mais surtout les 
théologiens scolastiques, qui tous s'en vont répan- 
dant ces intolérables lois du pontife , et tiennent 
ainsi les consciences captives sous le pied de l'é- 
léphant. 

» Le pied gauche , qui se termine par des on- 
gles de griffon, signifie les ministres de la puissance 
civile. De même que les ongles du griffon ne lâ- 
chent point facilement ce qu'ils ont une fois pris, 
de même les satellites du pape ont pris aux hame- 
çons des canons les biens de toute l'Europe, et les 
retiennent opiniâtrement sans qu'on les leur puisse 
arracher. 

» Le ventre et les seins de femme désignent le 
corps du pape, c'est-à-dire les cardinaux » évé- 



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r •• 



D9 LUTHB&. 303 

quai y prêtres, moines, tous les sacrosaints mar- 
tyrs , tous ces porcs bien engraissés du troupeau 
d'Épicure, qui n'ont d'autre soin que de boire, 
manger et jouir de voluptés de tout genre , de 
tout sexe, le toutes liberté, et même avec garan* 
tie de privilèges... 

» Les yeux pleins d'adultère, le cœur d'avarice, 
ces fils de la malédiction ont abondonné le droit 
cbemin poursuivre Balaam qui allait cbercher le 
prix de l'iniquité. « 

Page ia3 , ligne i3. •— {Fin de l'extrait du U%fre / 

contre Henri FUI,) 

Cette réponse violente scandilisa , comme Lu« 
tber le dit lui-même, un grand nombre de ses par- 
tisans. Le roi Cbristiern l'engagea même à écrire 
à Henri VIII, qui, disait-il, allait établir la réforme 
en Angleterre. La lettre de Luther est trèS bum« 
ble : il s'excuse en disant que des témoins dignes de 
foi l'ont assuré que le livre qu'il avait attaqué 
n'avait pas été composé par le roi d'Angleterre : 
il lui offre de chanter la palinodie {palinodiam 
eaniare). — (!•' septembre 1525.) 

Cette lettre ne produisit aucun effet. Henri VIH 
avait été trop vivement blessé pour revenir. Luther 



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304 MÉMOIRBS 

en fut pour ses avances. Aussi , disait-il quelques 
mois après : « Ces tyrans, au cœur de femme, n'ont 
qu'un esprit impuissant et sordide; ils sont dignes 
d'être les esclaves du peuple. Mais , par la grâce 
de Christ, je suis assez vengé par le mépris que 
j'ai pour eux et pour Satau leur dieu. » ( fin de 
décembre 1525.) 

Thomas Morus, sous le nom de Guillaume Ros- 
sens, prit, contre Luther, la défense de Henri 
VIII. Il attaqua surtout le langage sale et igno- 
ble de Luther. (Cochlœus, p. 60.) 

Page Ia3, ligne 17. — Les princes sont du monde..,, 

« Rien d'étonnant si les princes ne cherchent 
queleur compte dans l'Évangile, et s'ils nesontque 
de nouveaux ravisseurs à la chasse des anciens. Une 
lumière s'est levée qui nous fait voir ce que c'est 
que le monde; c'est le règne de Satan. (1524.) 

JPage 137, ligne la.— Nous serons toujours en sûreté en disant 
quêta volonté soit faite... 

Le découragement commence déjà parfois à 
percer dans les écrits de Luther. Cette même an- 
née 1523, au mois d'août, il écrivait aux lieute- 



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DB LUTHER. 305 

nans impériaux, présens à la diète de Nurem- 
berg.» ... Il me semble aussi qu'aux termes du 
inandement impérial , rendu au mois de mars , 
je devrais être affranchi du ban et de Fexcom- 
nmnication jusqu'au futur concile : autrement 
je ne saurais comprendre ce que veut la remise 
dont il est parlé dans ce mandement; car je con- 
sens à observer les conditions sur lesquelles elle 
est fondée... Au reste, il n'importe. Ma vie est peu 
de chose. Le monde a assez de moi, et moi de lui: 
que je sois sous le ban ou non, cela est indiffé- 
rent. Mais du moins, ayez pitié du pauvre peuple , 
chers seigneurs. C'est en son nom que je vou/s 
supplie de m'écouter... » Il demande qu'on n'exé- 
cute pas sévèrement l&4gandement impérial re- 
latif à la punition des memî'Tes du clergé qui se; 
marieraient ou sortiraient de leur ordre. 

Pageiag* ligne 8. — Essais d'organisation... 

Lorsque Luther sentit la nécessité de mettre 
un peu d'ordre et de régularité dans l'Église nou^ 
velle, l'orsqu'il se vit appelé chaque jour à juger 
des causes matrimoniales , à décider sur tous les^ 
rapports de l'Église avec les laïques , il se mit s^ 
étudier le droit canon. 

17. 

'■"^ Digitized by VjOOQ IC 



306 MÉMOIRES 

« Dans cette affaire de mariage qui m^étaît 
déférée , j'ai jugé d'après les décret» mêmes du 
pape. Je commence à lire les réglemens des pa^ 
pistes et je vois qu'ils ne les suivent même pas. r 
(SO mars 1529.) 

« Je donnerais ma main gauche pour que lea 
papistes fussent obligés d'observer leurs canons. 
Ils crieraient plus fort contre eux que contre 
Luther. > 

« Les décrétales ressemblent au monitre : 
jeune fille par la tête, le corps est un lion dévo-^ 
rant; la queue est celle du serpent; ce n'est que 
mensonges et tromperie. Voilà, au reste, Timage 
de toute la papauté, a (Tischreden , p. 277 , fo-« 
lio et verso.) 

Page t3o« ligne iS.'miLes réponses qu*U donné.,* 

(11 octobre 15S3.) A îii commune éTEsslitf- 
gen„. < Il est vrai que j'ai dit que la confession 
était une bonne chose. De même je ne défends à 
personne déjeuner, de chômer, d'aller en pèle- 
rinage, etc. , mais je veux que ces choses se fas- 
sent librement, h la volonté de chacun, et non 
comme si c*^était péché mortel d'y manquer. 
Hous devons avoir la conscience libre en toutes 



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DS L17THXA* 807 

ehoses qm ne touchent pas la foi, ni l'amour 
du prochain... Mais, comme il y a beaucoup de 
consciences captives dans les lois du pape , tu fais, 
bien de ne pas manger de yiande en présence de 
ces hommes encore faibles dans la foi. Cette ab- 
8ti]9.enc6 de ta part devient une œuvre de charité , 
par cela qu'elle ménage la conscience de ton 
prochain. Du reste, ces œuvres ne sont pas 
commandées, les prescriptions du pape ne sont 
rien... « 

(16 octobre 1523.) A Michel Vander Strassen ^ 
péager à Borna. (Au sujet d'un prédicateur 
^'Oeloitz qui exagérait les principes de Luther) . 
« Vous avez vu mon opinion par le livre ti^ la 
confession et de la messe : j'y établis que la con- 
fession est bonne quand elle est libre et sans 
contrainte, et que la messe, sans être un sacri* 
fice ni une bonne œuvre, est pourtant un témoi- 
gnage de la religion et un bienfait de Dieu, etc. 
Le tort de votre prédicateur, c'est qu'il vole trop 
haut et qu'il jette les vieux souliers avant d'en 
avoir de neufc. Il devrait commencer par bien 
instruire le peuple sur la foi et là charité. Dans 
un an , lorsque la commune aura bien compris 
Jésuft-Christ, il sera assez temps de toucher les 
points sur lesquels il prêche maintenant. A quoi 



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308 MÉlffOIRBd 

bon cette précipitation avec le peuple ignorant?. 
J'ai prêché près de trois ans à Wittemberg avant 
d'en venir à ces questions; et ceux-ci veu- 
lent tout finir en une heure! ces hommes si 
pressés nous font beaucoup de mal. Je vous 
prie de dire au percepteur d'Oelnitz qu'il en- 
joigne à son prédicateur d'agir désormais avec 
plus de mesure, et de commencer avant tout 
par bien enseigner Jésus-Christ : sinon, qu'il 
laisse là ses folles prédications et qujil s'éloigne. 
Que surtout il cesse de défendre et de punir la 
confession. C'est un esprit pétulant et immodéré 
qui a vu de la fumée ^ mais qui ne sait pas où est 
la flamme... » 

Page 134» ligne S- — La messe... 

« S'il plait à Dieu ^j'abolirai ces messes ou je 
tenterai autre chose. Je ne puis supporter plus 
long-temps les ruses et les machinations de ces 
trois demi-chanoines contre l'unité de notre 
église. » (27 novembre 15214.) 

« J'ai enfin poussé nos chanoines à consentir 
à l'abrogation des messes. » (2 décembre 1524.) 

« Ces deux mots messe et sacrement sont aussi 
éloignés l'un de l'autre que ténèbres et lumières , 



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r ^ 






DB LUTHEK. 809 

diable et Dieu... Puisse Dieu donner à tous les 
chrétiens un tel cœur, qu'ils aient horreur de ce 
mot , la messe , et qu'en l'entendant ils se signent 
comme ils feraient contre une abomination du 
diable. » 

On l'interroge souvent sur le baptême des en- 
fans nondûm ex utero egresaorum « J'ai empêché 
nos bonnes femmes de baptiser l'enfant avant sa 
naissance; elles avaient coutume de baptiser 
le fœtus sitôt que la tête paraissait. Pourquoi ne 
pas le baptiser par-dessus le ventre de sa mère , 
ou mieux encore, baptiser le ventre même? » 
(IS mars 1531.) 

P«ge 1 38, ligne i. — J>e mînistris instituendis..» 

Instruction au ministre de Wittemberg : 

Renvoyer les prêtres indignes; 

Abroger toutes messes et vigiles payées; 

Le matin, au lieu de messe, Te Deum, lecture 
et exhortation; 

' Le soir lecture et explication; — complies 
après le souper ; 

WPe célébrer qu'une messe aux dimanches et 
fêtes. . (Briefe, 19 août 1S23.) 



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V. 



310 HÉMOIUB 

Eu 1520, il publia un catéchisme. Hais dix ans 
plus tard, il en fit un autre où il ne conserva que 
le baptême et la communion. Plus de confession. 
Seulement il engage à recourir souvent à l'expé- 
rience du pasteur. 

Pour soustraire les ministres à la dépendance 
de l'autorité civile, il voulait conserver les dîmes, 
c 11 me semble que les décimes sont la chose la 
plus juste du monde. £t plût à Dieu que toutes 
taxes abolies, il ne subsistât que des dîmes, on 
même des neuvièmes et des huitièmes. Que dis-je? 
les Égyptiens donnaient le cinquième, et ils vi- 
vaient pourtant. Nous, nous ne pouvons vivre aveo 
ladime , il y a d'autres charges qui nous écrasent, t 
(15 juin 1524.) 

P«g« i38, ligne 4* — Carvctère indélébile.., 

« On doit déposer et emprisonner les pasteurs 
et prédicateurs qui font scandale. L'Électeur a ré- 
solu de foire construire une prison à cet effet » 

« Le docteur parla ensuite de Jean Sturm qu'il 
avait souvent visité dans le château de Wittem- 
berg, et qui s'était toujours obstiné à croire que 
Christ n'était mort que pour l'exemple. Il fut eo 



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DB LUTHER. 311 

conséqnence conduit à Schwriniti , et y mourut 
dans la tour. » (Tischred., p. 196.) 

Luther disait que l'on ne devait punir de mort 
les anabaptistes qu'autant qu'ils étaient séditieux. » 
(Tischred., p. 298.) 

Pagei4o« ligne i3. — F'isttes annuelles*., 

La commission que l'Électeur , sur les exhorta* 
tiens de Luther, nomma en 1528 pour inspecter les 
écoles , se composait de Jérôme Schnrff, docteur 
en droit , du seigneur Jean de Plaunitx ^ d'Asme 
de Hauhitz et de^BIélanchton. 

Bans l'instruction que ces inspercteurs adres- 
sèrent ensuite aux pasteurs de l'électorat aiyec 
l'approbation de Luther, on peut remarquer le 
passage suivant : « 11 y en a qui disent que Ton 
ne doit pas défendre la foi par l'épée , mais que 
l'on doit souflfrir comme ont fait Jésus-Christ et 
ses apôtres. A cela il faut répondre qu'à la vérité 
ceux qui ne régnent pas doivent souffrir comme 
individus et n'ont pas droit de se défendre ; mais 
que l'autorité est chargée de protéger ses sujets 
contre toute violence et injustice , que cette vio- 
lence ait une cause religieuse ou une autre* » 
(Luth. Werke, t. IX, p. 268, vefso.) 



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312 HinOIRBS ^- 

En 1S27, le prince envoie à Luther les rap- 
ports de la visite des églises en lui demandant 
s'il fallait les imprimer. (19 août 1527.) 



Page i4i f ligne lO. — Luther exerçait une sorte 
de suprématie»,» 



Il décide que les chanoines sont obligés de 
•partager avec les bourgeois les charges publiques. 
{Lettre au conseil de Stettin^ l*^ janvier 1523.) 
C-est à lui que souvent on s'adressait pour obte- 
nir une place de ministre. 

c Ne sois pas inquiet d'avoir une paroisse; il 
y a partout grande pénurie de fidèles pasteurs ; si 
bien que nous sommes forcés d'ordonner et d'in- 
stituer des ministres avec un rite particulier, 
sans tonsure, sans onction, sans mitre, sans 
bâton, sans gants ni encensoir^ enfin sans évê- 
ques. » (16 décembre 1530.) 

Les habitans de Riga et le prince Albert de 
Prusse demandent à Luther de leur envoyer des 
ministres. (1531.) 

Le roi de Suède , Gustave I*" , lui demande de 
même un précepteur pour son fils, (avril 1539.) 



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DB lUTHSa. 813 

P«gc i4t « ligne l'j.—Excommhnication... 

« Le prince a répondu à Puniversité qu'il vou- 
lait hâter la visite des paroisses, afin que cela 
fait et les églises constituées, on puisse se ser- 
vir de rexcommunication quand besoin sera. » 
(10 janvier 1527.) 

ïagr i^^^W^nex^.— Abolition des vatux monastiques... 

c Dans son traité vUandà kominum doctrine 
il dit des évêques et des grands de l'Église : 
« Qu'ils sachent ces effrontés et impudiques qui 
ont sans cesse à la bouche < le christianisme, Je 
christianisme , » qu'ils 'sachent que ce n'est point 
pour eux que j'ai écrit qu'il fallait se nourrir de 
viande , s'abstenir de la confession et briser les 
images; eux, ne sont-ils pas comme ce» impurs 
qui souillaient le camp d'Israël ? Si j'ai écrit ces 
choses, c'est pour délivrer la conscience cap- 
tive de ces malheureux moines, qui voudraient 
rompre leurs vœux , et qui doutent s'ils peuvent 
le faire sans pécher. » (Seckendorf, lib. I, sect. 50, 
p. 202.) 

Page r45 • ligne 16 — J'ai reçu hier neuf religieuse s •ml 

« Neuf religieuses avaient été enlevée» de 
Tonl. 18 



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314 viMOJRES 

leur couyent et amenées à Wittemberg. « Ils 
m'appellent ravisseur , dit Luther , oui , et bien- 
heureux ravisseur comme Christ, qui fut aussi 
ravisseur en ce monde , quand par sa mort il ar- 
racha au prince de la terre ses armes et ses riches- 
ses , et qu'il l'emmena cfaplif. » (Cochlœus , p. 73.) 

Pag. 145 « ligne 20. — J'ai pitié d'elles..» qui meurent enjbule 
de cette maudite et incestueuse chasteté».. 

« Anne Craswytzinne échappée de ses liens , 
à Leusselitz, est venue habiter avec nous. Elle 
a épousé Jean Scheydewind, et me charge de te 
saluer doucement en son nom , et avec elle trois 
autres, Barbe Rockenberg, Catherine Tauben- 
heim> Marguerite Hirstorf. » (11 janvier 1525.) 

A Spalatin, « Si tu ne le sais pas encore , tous 
les prêtres d'ici ne se contentent pas de mener 
une conduite sacrilège ; ce sont des cœurs endur- 
cis, des contempteurs de Dieu et des hommes, 
qui passent presque toutes les nuits avec des 
prostituées... J'ai dit hautement que, si dans leur 
impiété, nous devons les tolérer, il est du devoir 
dumagistrat de s'opposer à leurs débauches ou de 
les contraindre au mariage... Tu craignais derniè- 
rement qu'on ne pût accuser l'Électeur de favo- 
riser ouvertement les prêtres mariés. » (2 jan- 
vier 1523.) 

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D« LUTHXa. 815 

(â7 mars 152&) A Wolfgan^ Reissenhach, 
précepteur à Lichtenberg. c ... Mon cher,, ne 
Tolom pas plus haut, et ne prétendons pas mieux 
&ire qu'Abraham, David, Isaïe, saint Pierre^ 
saint Paul, et tous les patriarches, prophètes et 
apôtres, ainsi que tant de saints martyrs et 
ëvéques qui tous ont reconnu sans honte qu'ils 
étaient des hommes créés par Dieu, et qui, 
fidèles à sa parole, ne sant pas restés seuls. Qui a 
honte du mariage , a honte d'être homme. Nous 
ne pouYons nous faire autres que Dieu n'a voulu 
que nous soyons. £nians d'Adam, nous devons 
à notre tour laisser des enfans. — folie ! nous 
voyons tous les jours quelle peine il en coûte 
pour rester chaste dans le mariage même, et 
nous rejetons encore le mariage l Nous tentons 
Dieu outre mesure, par nos vœux insensés, et 
nous préparons la voie à Satan ...» 

Page iSa, ligne 4. — Cette époque de la vie de Luther ( i5ai-l5A8) 
/lit prodigieusement affairée».. 

A Frédéric de Nuremberg.- < Si j'ai tant diflFéré 
à te féliciter sur ton mariage, tu peux croire que 
j'en ai eu juste raison, avec les distractions d'une 
santé si variable, tant de livres à publier, de 



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318 HéHOIRKS 

péchés. Cette erreur, Dieu merci, a été décou* 
verte par l'Évangile, et l'on sait à présent que 
ce ne sont pas des âmes d'hommes, mais rien 
antre que des diables malicieux qui trompaient 
les gens par de fausses réponses. Ce sont eux qui 
ont mis dans le monde tant d'idolâtrie. 

» Le diable voyant que ce genre de vacarme 
ne peut continuer, il lui faut du nouveau; il se 
met à faire rage dans ses membres, je veux dire 
dans les impies; , à travers lesquels il se foit jour par 
toute sorte de vanités chimériqiies et de doctrines, 
extravagantes. Celui-ci ne veut plus de baptême, 
celui-là nie la vertu de l'eucharistie, un troi- 
sième met encore un monde entre celui-ci et le 
jugement derpier; d'autres enseignent que Jésus- 
Christ n'est pas Dieu; les uns disent ceci, les 
autres cela , et il y a presque autant de sectes et 
de croyances que de têtes. 

» Il faut que j'en cite un pour exemple, car 
j'ai bien à faire avec ces sortes d'esprits. Il n'est 
personne qui ne prétende être plus savant que 
Luther; c'est contre moi qu'ils veulent tous ga- 
gner leurs éperons; Et plût au ciel qu'ils fussent 
ce qu'ils pensent être, et que moi je ne fusse 
rien ! Celui-là donc m'assurait entre -autres cho- 
ses qu'il était envoyé vers moi par le Dieu qui a 



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DB LUTHER. SlO 

créé le ciel et la terre , il en disait des choses, 
magnifiques, mais. le manant perçait toujours. 

9 Enfin il m'ordonna de lui lire les livres de 
Moïse. Je lui demandai un signe qui confirmât 
cet ordre. C'est , dit-il , écrit dans l'Évangile de 
saint' Jean. Alors j'en eus asse2 et je lui dis de 
revenir une autre fois , que nous n'aurions pas le 
temps délire pour cette fois les livres de Moïse... 

» Il m'en faut bien entendre dans une année 
de ces pauvres gens. Le diable ne peut pas m'ap- 
procher de plus près. Jusqu'ici le monde avait 
été plein de ces esprits bruyans sans corps, qui se 
donnaient pour de âmes d'hommes ; maintenant 
ils ont des corps et se donnent tous pour des an- 
gQS vivans... 

» Quand le pape régnait, on n'entendait point 
parler de troubles; le Fort (le diable) était en 
paix dans sa forteresse; mais à présent qu'un plus 
fort est venu qui prévaut contre lui et qui le 
chasse, comme dit l'Évangile, il tempête et sort 
avec fureur et fracas. 

9 Ghers amis , il est venu aussi parmi vous un 
de ces esprit de vacarme qui ont chair et sang. Il 
veut vous égarer dans les inventions de son or- 
gueil ; gardez-vous de lui. 

» D'abord il dit que tout homme a le Saint-»^ 



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320 HinoiABs 

Esprit. Secondement, que le Saint-Esprit n'est 
autre chose que notre raison et notre intelli* 
gence. Troisièmement, que tout homme a la foi. 
Quatrièmement, qu'il n'y a pas d'enfer; que du 
moins la chair seule sera damnée. Cinquième- 
ment, que toute âme aura la vie éternelle. Sixiè- 
mement, que la simple nature nous enseigne de 
faire au prochain ce que nous voulons qu'on nous 
fasse; c'est là, disent-ils, la foi. Septièmement, 
que la loi n'est pas violée par la concupiscence, 
tant que nous ne consentons pas au plaisir. Huitiè- 
mement, que celui qui n'a pas le Saint-Esprit, 
est aussi sans péché, car il n'a pas de raison. 

» Tout cela ce sont des propositions audacieu- 
ses, de vains jeux de la fantaisie :sî l'on excepte 
la septième, les autres ne méritent pas de ré^ 
ponse...... 

» Il nous suffit de savoir que Dieu ne veut pas 
que nous péchions. Pour la manière dont il per- 
met, on veut qu'il y ait du péché, nous ne devons 
pas toucher cette question. Le serviteur ne doit 
point savoir le secret du maitre, mais seulement 
ce qu'il ordonne. Combien moins une pauvre 
créature doit-elle vouloir scruter et approfondir 
la majesté et le mystère de son Dieu?... 

» Nous avons assez à faire pendant toute notre 



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DB tUTHBB. 321 

▼ie , de connaître la loi de Dieu et d'apprendre 
sonfils Jésufl-Ghrist... « 1525. (Luth. Werke, tome II, 
p. 61 , sqq.) 

Page i57, ligne ii. -—Ltither crut devoir se transporter 
à lèna,»,, 

€arlostad , dans une dispute , cita Luther au 
jugement dernier. — « Gomme nous étions à 
rhôtellerie, et que nous parlions de cesafiieiires, 
après s'être engagé à défendre sa doctrine à fond, 
soudain il se détourna, fit claquer ses doigts, et 
dit : « Je me moque de vous. • Or, s'il ne m'es- 
time pas davantage, qui d'entre nous estimera- 
t-il ? ou pourquoi perdrai-je mon temps à le 
prêcher ? Je pense toujours qu'il me regarde 
comme l'un des plus sa vans de Wittemberg; et 
cependant , il me dit au nez : « Je me moque de 
vous. » Gomment, après cela, peut-on croire en- 
core à sa sincérité , lorsqu'il prétend vouloir se 
laisser instruire ? » 

Garlostad avait abandonné ses fonctions de pro- 
fesseur et d'archidiacre à Wittemberg (tout en 
gardant son traitement) pour aller à Orlamûnde, 
sans autorisation ni de l'Électeur ni de l'Univer- 
sité. Ge fut une des causes du mécontentement qui 



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322 HillOlRBS 

éclata contre lui. L'Université lui ayant écrit pour 
le rappeler dans son sein, il lui fit répondre par 
ses partisans d'une manière insolente, 

Luther fut envoyé par FÉlecteur et l'Université 
à Orlaniûnde pour y prêcher contre les doctrines 
de Garlostad et tout ramener à Tordre ; mais il fut 
très mal reçu par le peuple. 

Garlostad s'habillait à Qrlamûnde plus simple- 
ment que les autres pasteurs. Il ne souffrait pas 
qu'on l'appelât docteur; il se faisait appeler /?^re 
André, voisin André. Il se soumettait à la juridic- 
tion du juge de la petite ville, pour être entière- 
ment comme les autres bourgeois. (Luth. Werke , 
t. II, p. 18-22.) 

y âge i58 f ligne a3. —'Luther obtint un ordre pour 
Içjaire sortir... 

« Quant au reproche que Garlostad me fait de 
l'avoir chassé, je ne me chagrinerais pas trop si 
ce reproche était fondé; mais, Dieu aidant, je 
crois bien que je puis m'en justifier. Dans tous les 
cas , je suis fort aise qu'il ne soit plus dans notre 
pays, et je voudrais bien qu'il ne fût pas non plus 
chez vous... 

» Se fondant sur l'un de ses écrits, il m'aurait 



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DB LUTHSa. 323 

presque persuadé de ne pas confondre Tesprit qui 
ranime avec Fesprit séditieux et homicide d*Alt- 
stet (résidence de itftlw^fer); mais lorsque, sur Tor- 
dre de mon prince , je me rendis à Orlamûn de 
parmi les bons chrétiens de Carlostad, je n'éprou- 
Tai que trop bien quelle semence il avait semée. 
Je remerciai Dieu de ne pas être lapidé ni couvert 
de boue , car il y en avait qui me disaient , par 
forme de bénédiction : < Va-t'en , au nom de mille 
diables , et casse-toi le cou avant que tu ne sois 
sorti de la ville. » Malgré cela, ils se sont arrangés 
et parés bien proprement dans le petit livre qu'ils 
ont publié. Si Tàne avait des cornes, c'est-à-dire 
si j'étais prince de Saxe, Carlostad ne serait pas 
chassé , à moins que Ton ne m'en priât bien fort. 
— Je lui conseillerais de ne pas dédaigner la 
bonté des princes. » (Lettre aux Strasqourgeois. 
Luther, Werke, t. II, p. 58. ) 

Carlostad , au dire de plusieurs témoins, avait 
à son service un chapelain qui faisait le rôle de 
Fesprit dans les apparitions et révélations fcurna- 
turelles par lesquelles son maître en imposait au 
peuple. (Luth.briefe, édit. 1826, 11% vol., p. 625. ) 
« Carlostad était fort téméraire ; il a osé dispu- 
ter même à Rome dans le principal collège , in 
domo Sapieniiœ, Il est revenu en Allemagne tout 



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324 WÊ1II01RE8 

magnifique et avec de beanx habits.G'est par pure 
jalousie qu'il s'est fait ensuite paysan : il allait tête 
nueetneTOulaitpasqu'on l'appelât docteur, làaAs 
voisin,., 

• Garlostad condamnait les grades et promo- 
tions dans les universités. Il dit un jour : < Je 
sais que je fais mal en élevant ces deux hommes 
au grade de docteur, seulement à cause des deux 
florins; mais je jure bien de n'en plus (aire d'au- 
tre. » Il dit ces paroles dans l'église du château 
à Wittemberg, et je l'en repris fortement. (Tis- 
chreden, p. 416.) 

» Dans la dispute de Leipzig, Garlostad in- 
sista pour parler avant moi. Il me laissa à com- 
battre les propositions d'£ck sur la primauté du 
pape et sur Jean Huss... G'est un pauvre dispu- 
teur ; il a une tète dure et opiniâtre. ... Il avait 
pourtant une très joyeuse Marie. 

» Ges troubles scandaleux font bien du tort à 
l'Évangile. Un espion français me disait expres- 
sément que son roi était informé de tout cela , 
qu'il avait appris que nous ne respections plus ni 
la religion ni l'autorité politique , pas même le 
mariage, et qu'il en allait chez nous comme chez 
lesbétes. (Tischreden, p. 417-422.) 

Mort de Carlostad. — « Je voudrais savoir si 



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Dl LUTHER. 325 

Carlostad est mort repentant. Un ami , qui m'écrit 
de Bâle pour m'annoncer sa mort , ajoute une 
histoire singulière : il assure qu'un spectre erre 
autour de son tombeau et dars sa maison même , 
où il cause un grand trouble en jetant des pierres 
et des gravois. Mais la loi athénienne défend de 
inédire des morts; c'est pourquoi je n'ajouterai 
rien.» (16 février 1542.) 

« Carlostad est mort tué par le diable. On m'é- 
crit que, pendant qu'il prêchait, il lui apparut, 
à lui et à beaucoup d'autres, un homme d'une 
haute stature qui entra dans le temple , et se mit 
à une place vide auprès d'un bourgeois , puis sor* 
lit et alla à la maison de Carlostad; que là il prit 
son fils, qu'il trouva seul , et l'enleva comme pour 
le briser contre terre , mais le laissa sans lui faire 
de mal , et lui ordonna de dire à son père qu'il 
reviendrait dans trois jours pour l'emporter. Car- 
lostad serait mort le troisième jour. On ajoute 
qu'après le sermon il alla trouver le bourgeois, 
et lui demanda quel était cet homme ? Le bour- 
geois répondit qu'il n'avait rien vu. Je crois qu'il 
aura été ainsi saisi de terreurs soudaines , et que 
nulle autre peste ne l'aura tué que la peur de la 
«lort ; car il avait toujours eu pour la mort une 
horreur misérable. » ( 7 avril 1542. ) 

19. 

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326 HBHOIBES 



Pegv 171 , ligne 16. — Les paysans se souleuèreni 
d'abord'.^. 



Une circonstance importante de la guerre des 
paysans, c'est qu'elle éclata pendant que le« 
troupes de FEnipire étaient en Italie. Autrement 
les soulèyemens eussent été plus vite comprimés. 
Les paysans du comte Sigisraond de Lupffen, 
en Hégovie (15â4), commencèrent la réyolte 
à cause des charges qui pesaient sur eux; ils le 
déclarèrent à Guillaume de Furstemberg, en- 
voyé pour les réduire; ils ne s'étaient point 
soulevés pour la cause du luthéranisme. Les 
premiers à les imiter furent les paysans de Kerap» 
ten, qui prirent pour prétexte la sévérité de 
leur abbé; ils pénétrèrent dans les villes et châ- 
teaux de l'abbé, brisant toutes les images , tous 
les orneraens des temples. L'abbé pris par eux 
fut conduit à Kempten, où il fut contraint à 
vendre pour trente-deux mille écus d'or tous ses 
anciens droits. D'autres vinrent se joindre à 
eux, et ils se trouvèrent, près d'Ulm, au nombre 
de quatorze mille. Ceux de Leipheim et Gonti* 
ber g étaient pour eux, ainsi que les paysans des en- 
virons d'Augsbourg. Ces deux petites villes, assié- 



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DE LUTHER. 227 

gées par la ligue deSouabe, se rendirent; Funefut 
abandonnée pour le pillage aux fantassins, l'autre 
aux cavaliers. Les paysans vaincus se relevèrent, 
et cette fois ne dévastèrent plus seulement les mo- 
nastères, mais les maisons des nobles. Un comte 
de Montfort s'interposa avec les députés de ÏW- 
vensperg et d'Uberlingen. Un grand nombre de 
paysans n'en furent pas moins mis en croix , dé- 
capitée , etc. 

Ce premier soulèvement semblait assoupi, 
lorsque Mûnzer fit révolter les paysans de Tbu- 
rînge. 

Le pieux, l'érudit, le pacifique Mélanchton 
montra combien les demandes des paysans s'ac- 
cordaient avec la parole de Dieu et la justice; il 
exhorta les princes à la clémence. Luther frappa 
sur l'un et l'autre. (Voir le texte.) 

Les paysans de la Thurînge, du Palatînat, 
des diocèses de Mayence, d'Halberstadt, et ceux 
de rOdenwald, se réunirent dans la Forêt- 
Noire, sous la conduite de l'aubergiste Metzler, 
de Ballenberg. Ils s'emparèrent de Mergen- 
theim,et forcèrent plusieurs comtes, barons et 
chevaliers, de se réunir à eux. Les sujets des 
eomtes de Hohenlohe, déjà révoltés, vinrent les 
joindre. Les comtes de Hohenlohe ayant reçu dea 



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328 névoiuBS 

paysans des lettres de sûreté, scellées avec une 
pièce d'argent à Feffigie du comte Palatin, une 
conférence eut lieu, et les comtes promirent 
pour cent et un ans d'observer les douze orft- 
cle9. En signe de joie les paysans tirèrent deux, 
mille coups de fusil. Plu^eurs nobles se joigni- 
rent volontairement aux paysans; d'autres y îa-. 
rent contraints par la force. La ville de Landau 
entra dans leur ligue. En même temps les pay- 
sans des environs d'Heilbronn se soulevèrent , et 
après quelques courses^ se joignirent à la pre- 
mière troupe. Plusieurs villes les appelèrent et 
leur ouvrirent les portes. 

Le traité fait par les paysans avec le vicaire de 
l'électeur deMayence, fut signé deGoetz deBerli- 
chingen et de George Metzler, de Ballenberg. Les 
paysans envoyèrent huit de leurs chefs prendre le. 
serment de tous les habitans du diocèse de Mayence. 
Le clergé de ce diocèse dut leur payer en qua- 
torze jours quinze mille florins d'or. Les paysan» 
du Rhingaw, opprimés pas l'abbé d'Erbach, se sou- 
levèrent vers la même époque. Le vicaire de l'é- 
lecteur de Mayence ayant souilcrit à leurs deman- 
des, ce tumulte s'apaisa. 

Voici en substance les demandes des paysans du 
Rhingaw. — Les ministres seront élus. Ils vivront. 



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SB LVTHsa. 329 

de la trentième partie du vin et du blé que la com- 
munauté lèvera sur chacun ; s'il en reste quelque 
chose , on le gardera pour les pauvres et pour les 
dépensesdela communauté — Égalité des charges 
pour tous, à moins que Ton ne prouve, par des 
actes authentiques, les privilèges et exemptions 
auxquels on prétend. — Point d'impôt pour celui 
qui vendra le vin de sa vigne : le revendeur seul 
paiera. — Point d'excommunication dans les cau- 
ses séculières. — La servitude sera abolie. — On 
refusera logement aux jui& à cause de leurs indi- 
gnes usures ; le juge ne fera aucune exécution à 
raison d'usures, nmis recherchera quel était le ca- 
pital. 

Que le commerce de bois de construction soit 
libre comme il Fa toujours été, et que ceux de 
Mayence n'y mettent point obstacle. — Personne 
ne sera plus reçu dans les monastères; tous auront 
permission d'en sortir. — Le seigneur ne pourra 
plus intervenir , même indirectement , dans les 
procès. — Le magbtrat du lieu veillera sur tous 
les besoins des veuves, des orphelins et des pupil- 
les.— Les pâturages, les rivières seront libres, ainsi 
que la chasse , en respectant toutefois les privilè- 
ges du magistrat et du prince. — Le juge sera 
soumis aux mêmes charges que les autres citoyens 

19. 

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330 HiMOIEM 

nobles ou non nobles. — On ne jugera point selon 
le droit canonique dans les causes séculières, mais 
selon la coutume du lieu. — Que personne ne re- 
rendique la propriété des forêts. — Si la commu- 
nauté du Rkingaw arrête quelques autres articles, 
ils deyront être acceptés de ceux d'Ërbach. (Gno* 
dalius, apud Schardt, rerum germanîc. scrip. 
vol.II,p.U2-3.) 

L'insurrection avait fait de grands progrès en 
Alsace; le duc Antoine de Lorraine, défenseur 
ardent de l'Église, rassembla un corps detroupes, 
formé principalement des débris de la bataille de 
Pavîe, et tomba sur les paysans le 18 mai 1525, 
près de Lupfenstein. Il les défit, brûla le bourg de 
Lupfenstein avec tousses babitans, prit Saverne, 
où un geand nombre de paysans s'étaient retirés, 
et battit, quelques jours après, un troisième corps 
d'insurgés près de Scberweiler. Plusieurs histo* 
riens portent au-delà de trente mille le nombre 
des paysans qui périrent en trois rencontres. Trois 
cents prisonniers furent décapités. (D. Galmet, 
histoire de la Lorraine ,1, p. -495 et suiv.; Hottin- 
ger , hist. de la Suisse, p. 28, II; Sleidan, p. 115.) 
' Le général George de Frundsberg, qui s'était 
distingué à la bataille de Pavie et que l'archiduo 
Ferdinand rappela en Allemagne pour terminer 

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DB LVTHBR. 931 

la gnerre, n'imita point les cruautés des autres 
chefs. Les paysans étaient retranchés près de 
Kempten. Sûr de les accabler par la supériorité 
de ses forces, il évita Teffusion du sang^. Il con- 
tint l'impatience de son collègue George de Wald- 
bourg, et fit secrètement exhorter les paysans à 
se disperser dans les forêts et les montagnes. Ils le 
crurent, et ce fut leur salut. (Wachsmuth, p. 137.) 
Une chanson franconienne faite après la guerre 
des paysans, avait pour devise: 

< Gare à to! , paysan • mon dieval te renrerse.» 

C'était la contre-partie du chant de guerre des 
Dithmarsen , après qu'ils eurent défait la garde 
noire: 

m Gare & toi , cavalier^ voiU le paysan. » 

Les paysans soulevés avaient en général adopté 
pour signe une croix blanches. Certaines corps 
avaient des bannières sur lesquelles était repré- 
sentée la roue de la fortune (1). D'autres avaient 
des sceaux sur lesquelles on voyait un soc de 

(i) Des témoignages précis font voir que ce n'étaient 
pas des roues de charrue comme symboles de Tagricul* 
turc. 

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332 sAiioiaES 

charrue avec unfléau, un râteau ou une fourche, 
et un sahot placés en croix. (Gropp, chronique 
de Wurtïbourg , I, 97, WachBmuth,p. 86.) 

Il parut en 1525 un YÎolent pamphlet ano- 
nyme intitulé: « A rassemblée de tous les pay- 
sans.» Ce pamphlet, publié dans TAllemagne 
méridionale, porte sur le titre une roue de la 
fortune, avec cette inscription en ver» alle- 
mands : 



« Le moment est veau par la roue de fortune , 
» Dieu sait d'avance qui gardera le haut. » 



(c r aysans , i « 

« Bons clirétiens. » | » 



I Romaniste , 
) Sophistes. » 



Plus bas : 



<i Qui nous fatt tant suer ? 
» L'ayarice des seigneurs. » 

ËtàlaBn: 

« Tourne , tourne , tourne, 

» Bon gré, mal gré , tu dois tourner. » 

(Strobel, Mémoires sur la littérature du seizième 
siècle, II, p. M. — Wachsmuth, p. 55.) 

Les paysans s'étaient vantés que leur conseil 
général durerait cent et un ans. — Après la prise 



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Bl LVTQSE. 833 

de Weînsberg , ils décidèrent dans ce conseil de 
ne plus accorder la yie à aucun prince, comte, 
baron, noble, chevalier, prêtre, ou moine, « en 
un mot à aucun des hommes qui vivent dans 
l'oisiveté. • En effet , ils massacrèrent tous les no- 
bles faits prisonniers, pour venger, disaient-ils, 
la mort de leurs frères de Souabe... Parmi ces 
nobles, tués par les paysans, se trouvait le mari 
d'une fille naturelle de Tempereur Maximilien ; 
ils la conduisirent elle-même à Heilbronn dans 
un tombereau à fumier. Ils détruisirent un grand 
nombre de couvens; dans la seule Franconie deux 
cent quatre-vingt-treize monastères ou châteaux 
furent dévastés. 

Lorsqu'ils pillaient un château ou un monas- 
tère, ils ne manquaient jamais de courir d'abord 
au cellier pour y boire le vin , puis ils se parta- 
geaient entre eux les ornemens d'église et les ba- 
bils pontificaux. (Haarer [Petrus Grinitus] , apud 
Freher, 111,2-^2-6.)— Au monastère d'Erbach , 
dans le Rhingaw , il y avait une immense cuve 
contenant quatre-vingt-quatre grands muids de 
vin. Elle était pleine quand les paysans arrivèrent; 
ils n'en laissèrent pas un tiers. (Gochlaeus, p. 108.) 

Ils forçaient les seigneurs de leur envoyer leurs 
-paysans. Le conseil-commun , leur écrivaient-ils^ 



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334 HÉMOIBKS 

a décidé que vous réuniriez votre peuple et que 
vous nous enverriez les hommes , après les avoir 
armés. Si vous ne le faites, tenez pour certain que 
vous serez très incertain de votre vie et de vos 
biens. — (Haarer, apud Freher, t. III, p. 247.) 

Les femmes prirent part à la guerre des pay- 
sans. Du côté de Heilbronn, elles marchaient réu- 
nies sous une bannière. (Jœger , Histoire de Heil- 
bronn, II, p. 34.) 

« Quand les paysans menèrent le comte de 
Lœwenstéin par Weinsberg, il fat respectueuse^ 
ment salué d*un passant. Un vieux paysan qui le 
vit , s'avança aussitôt avec sa hallebarde , et dit au 
passant : « Pourquoi t'inclines-tu ? Je vaux autant 
que lui. » (Jœger> Histoire de Heilbronn, II, p. 32.) 
— Les paysans s'amusaient à faire ôter les cha- 
peaux aux nobles devant eux. 

Les paysans de Févêché de Wurzbourg , con- 
duits par un homme de tête , nommé Jacques 
.Kohi , demandèrent que les châteaux fussent dé- 
molis et qu'aucun noble ne pût avoir de cheval 
de guerre. Ils voulaient que les nobles n'eussent 
d'autre droit que le droit commun. (Stumpf, 
Faits mémorables de l'histoire de la Franconie, 
t. II , 44. Wachsmuth , p. 68 , 72. ) 

« Lorsque Mûnzer était à Zwickau , il vint irou- 



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Dft LtTHEM. 335 

Ter une belle fille , et lui dit qu'il était etiToyé 
vers elle par une voix divine pour dormir avec 
elle; sans cela il ne pouvait enseigner la parole 
de Dieu. La fille Favoua en confession sur son lit 
de mort. (Tischred., p. 292. ) 

» Mûnzer établissait des degrés dans l'état du 
chrétien, 1 ° le dégrossissen]ent(entgrobung) pour 
celui qui se dégageait des péchés les plus gros- 
siers, la gourmandise, Tivrognerie, Tamour des 
femmes; 2° Tétat d'étude, lorsqu'on pensait à 
une autre vie et qu'on travaillait à s'améliorer ; 
â° la contemplation , c'est-à-dire les méditations sur 
les péchés et sur la grâce; 4° Fennui, c'est-à-dire 
Fétat où la crainte de la loi nous rend ennemis de 
nous-mêmes et nous inspire le regret d'avoir 
péché; 5° Suspensionem gratiœ, le profond 
abandon, la profonde incrédulité, et le désespoir 
tel que celui de Judas; ou au contraire, l'aban- 
don de la foi en Dieu , lorsque l'on se met à sa 

disposition , et qu'on le laisse faire Il m'écrivit 

une fois à moi et à Mélanchton : « J'aime assez 
que vous autres de Wittemberg', vous attaquiez 
ainsi le pape , mais vos prostitutions que vous ap- 
pelez mariages, ne me plaisent guère. ■ Il ensei- 
gnait qu'un homme ne doit point coucher avec 
sa femme à moins d'être préalablement assuré par 



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336 i|ÉMoim£8 

une révélation divine quHl engendrera un en&nt 
saint; sans cela, c'était commettre un adultère 
avec sa femme. (Tischreden, p. 219^3.) 

Mûnzer était très instruit dans les lettres sa- 
crées. — Il avait reçu sa doctrine , disait-il , par 
des révélations divines, et il n'enseignait rien au 
peuple , il n'ordonnait rien qui ne vînt de Dieu 
même. Il avait été chassé de Prague et de plu- 
sieurs autres villes. Fixé à Alstœdt en Saxe, il dé- 
clama contre le pape , et ce qui était plus dan- 
gereux, contre Luther même. — L'Écriture, 
disait-il , promet que Dieu accordera ce qui lui 
est demandé; or, il ne peut refuser un signe à 
celui qui cherche la vraie connaissance. Cette re- 
cherche est agréable à Dieu, et nul doute qu'il 
ne déclare sa volonté par quelque signe certain. 
Il ajoutait que Dieu lui ferait entendre à lui- 
même sa parole , ainsi qu'il avait fait pour Abra- 
ham, et que si Dieu refusait de communiquer 
avec lui comme il avait communiqué avec les 
patriarches, il lancerait des traits contre lui (?), 
te la in se ipsum conjecturum. Il disait que Dieu 
manifestait sa volonté par les songes. (Gnodalius, 
ap. rer. germ. scrip. Il, p. 181.) 

Pendant que Mûnier exhortait les paysans, 
avant le combat de Frankenhausen , un arc-en- 



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D8 LUTHBa. 337 

ciel parut au-dessus d'eux. Comme les paysans 
ayaient cet emblème sur leur bannière, ils se 
crurent dès-lors assurés de la victoire. (Hist. de 
Mûnzer par Mélancbton, Lutb. Werke, t, II, 
p. 405.) 



Page 178 , ligne 14. — Luther ne pouvait garder 
le silence,-^ 



Dès Tannée 1524, il avait exborté Félecteur 
Frédéric et le duc Jean à prendre des mesures 
vigoureuses contre les paysans en révolte. 

« ... Jésus-Christ et ses apôtres n'ont point 
renversé les temples ni brisé les images. Ils ont 
gagné les esprits par la parole de Dieu, et les 
images, les temples sont tombés d'eux-mêmes. 
Imitons leur exemple. Songeons à détacher les 
esprits des couvens et de la superstition. Qu'en- 
suite les autorités, fassent des couvens et des 
images délaisses ce que bon leur semblera. Que 
nous importe que les bois et les pierres subsis- 
tent , si les esprits sont affranchis ?.. Ces violences 
peuvent être bonnes pour des ambitieux qui 
veulent se faire un nom, jamais pour ceux qui 
recherchent le salut des âmes... » (21 août 1524.) 

20 



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338 ninoiass 



Fag« 1781 ligne la.— ExhorUtion â la puiae,», 

< Exhortation sincère du docteur M. Luther à 
tous les chrétiens pour qu'ils se gardent de l'esprit 
de rébellion. 1524. — L'homme, du peuple, tenté 
hors de toute mesure , et écrasé de charges intolé- 
rables, ne veut ni ne peut plus supporter cela, et 
il a de bonnes raisons pour frapper du fléau et de 
la massue, comme Jean de la pioche menace de 
faire... Je suis charmé de voir que les tyrans 
craignent. Quant moi, menace ou craigne qui 
voudra, etc. 

» C'est l'autorité séculière et les nobles qui 
devraient mettre la main à l'œuvre (à l'œuvre de 
réforme) ; ce qui se fait par le» puissances régu- 
lières ne peut être pris pour sédition. » 

Après avoir dit qu'il fallait une insurrection spi- 
rituelle et non temporelle : « Eh bien! répands, 
aide à répandre le saint Évangile; enseigne, écris, 
prêche que tout établissement humain n'est rien; 
dissuade tout le monde de se faire prêtre papiste, 
moine, religieuse ; à tous ceux qui sont là-dedans, 
conseille-leur d'en sortir ; cesse de donner de 
l'argent pour les bulles, les cierges, les cloches. 



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M LUTHBB. 889 

les tableaux , les églises; dis^leur que la yie chré- 
tienne consiste dans la foi et la charité. Continuons 
deux ans de la sorte, et tu verras ce que seront 
deyeîius pape, évéques, cardinaux, prétraille, 
moines , religieuses , cloches , tours d'églises , 
messes, vigiles, soutanes, chapes, tonsures, rè- 
gles , statuts , et toute cette vermine , tout ce bour- 
donnement du règne papal. Tout aura disparu 
comme fumée. » 

Après avoir recommandé la douceur et la pa- 
tience envers les faibles d'esprit qu'on veut éclai- 
rer , Luther continue : « Si ton frère avait le cou 
cruellement serré d'une corde, et que, venant à 
son secours, tu tirasses la corde avec violence ou 
que tu y portasses précipitamment ton couteau, 
n'étranglerais-tu pas , ne blesserais-tu pas ton 
frère ? Tu lui ferais plus de mal que la corde et 
l'ennemi qui l'aurait lié. Si tu veux le secourir , 
attaque l'ennemi ; la corde , tu la toucheras avec 
précaution jusqu'à ce qu'elle soit ôtée. C'est ainsi 
qu'il faut t'y prendre. Ne ménage pas les fourbe3 
et les tyrans endurcis , porte^leur des coups terri- 
bles, puisqu'ils ne veulent point écouter; mais 
les simples qu'ils ont cruellement garrottés des 
liens de leur fausse doctrine, tu les traiteras 
tout autrement, tu les délieras peu-à-peu, tu leur 



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340 KiHOl&BS 

diras la raison et la cause de tout, et ta les affran-^ 
chiras ainsi avec le temps... Tu ne peux être assez 
dur enyers les loups , assez doux envers les feildes 
brebis, b 



. Fage a09« ligna 8. —On s'êlonne de la dureté avec laqueUé 
Luther parle de leur défaite... 



A Jean Rûhel, beau-frère de: Luther. — « C'est 
chose lamentable qu'on en finisse ainsi avec ces 
pauvres gens (les paysans). Mais comment faire ? 
Dieu veut qu'il se répande une terreur dans le 
peuple. Autrement , Satan ferait pis que ne font 
maintenant les princes. Il faut bien préférer le 
moindre mal au plus grand... » (23 mai 1525.) 

«... Ce qui me porte surtout à écrire si vio- 
lemment contre les paysj^ns , c'est que je suis ré- 
volté de les voir entraîner les timides de force , 
et précipiter ainsi des innocens dans les châti- 
mens de Dieu. ( 30 mai 1525.) 

iPage aïOf ligne 17. — Luther intercéda.:, et obtint.*, qu'il pût 
rétablir à Kemberg-.,. 

Carlostad, après avoir obtenu la permission de 
restera Kemberg, ne s'y tint pas tranquille, comme 
il l'avait promis. Il fit imprimer et répandre clan- 



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UB LUTHBH. 34t 

destmement, sans nom d'auteur, différens écrits 
contre Luther, et s'adressa en m^e temps au 
chancelier Brûck pour se plaindre des torts que 
son ancien adversaire aurait eus envers lui. Lu- 
ther, en ayant été instruit, écrivit au chancelier 
pour lui exposer ce qui s'était passé entre lui et 
Garlostad, et ce qu'il pensait de ce dernier (24 
sept. 1528.) «... En vérité, dit-il , je ne sais que ré- 
pondre à de pareils griefs. Au moindre mal , au 
moindre désagrément qui lui arrive , il faut que 

Luther en soit la cause Par compassion, j'avais 

hien voulu qu'il vînt m'exposer ses scrupules, et 
j'avais tâché d'y répondre à son contentement: il 
m'en faisait des remercimens, et cependant j'ai 
vu depuis, par une de ses lettres à Schwenkfeld , 
qu'il se raillait de ma bonne volonté et de ma 
compassion. Depuis ce temps mon cœur s*est dé- 
tourné de lui... 

9 Si on ne le surveille de plus près , pour l'em- 
pêcher de faire imprimer ces écrits anonymes 
(qu'on sait bien être de lui), qui croira à la lon- 
gue que ce soit sans le consentement de notre gra- 
cieux seigneur, et à notre insu, que Garlostad sé- 
journe parmi nous? D'un autre côté, s'il sortait 
del'électorat, il exciterait probablement des trou- 
bles , et l'on ne manquerait pas d'en rendre res- 

20. 

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242 nÉHOiaKs 

ponsable notreseigneurqui aurait pu lea prévenir 
en retenant sous sa main cet homme dangereux^ 
Le souvenir de Mûnzer me fait peur... Mon avis 
serait donc qu'on lui fit strictement observer le 
silence qu'il a juré de garder, et qu'on ne le laissât 
point sortir du pays jusqu'à nouvelle décision. 
Des paroles sévères suffiront, j'en suis sâr^ car il 
est facile de lui imposer par un ton ferme et décidée 
Quant à moi , je me trouve bien puni de l'avoir 
feit revenir parmi nous , et d'avoir si imprudem-. 
ment convié Satan 9 vob. table* > 



Fa^ aia , ftgne i6. ^ Luther exprime que Vespoir tout pourr» 
encore bien tourner pour Carlostad.,, 

« Hier, nous avons baptisé un fils de Garlostad,. 
ou plutôt nous avons rebaptisé le baptême. Qui 
aurait cru , Tannée dernière, que ceUx qui appe- 
laient le baptême un bain de chien, le demande- 
raient aujourd'hui à leurs anciens ennemis ? ■ (fé- 
vrier 1526). Mais son retour n'était point sincère. 
« Il vit avec nous, nous espérions le ramener dans 
I9 bonne voie, mais le misérable s'endurcit de 
jour en jour. Toutefois la crainte lui ferme la 
bouche. » (28 novembre 1527.) Quelques mois 
plus tard il écrit à un de ses amis : « Cette vipère 



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ra LUTHn. 843 

de Garlostad, que je tiens dans mon sein, remue 
et s'agite, mais n'ose sortir. Plût à Dieu que tes 
fanatiques Teussent parmi eux et que j'en fusse 
déliTré!» (28 juillet 1528.) 

« Garlostad est absent depuis quelques semai- 
nes, on pense qu'il est allé retrouver les siens et 
chercher son nid. Qu'il aille , puisqu'il n'est point 
de bons procédés qui puissent le ramener. » (27 
octobre 1527.) Garlostad ne put supporter long- 
temps la protection hautaine et menaçante de Lu- 
ther ; il s'enfuit aux Pays-Bas. 

■Garlostad s'est arrêté en Frise joyeux et triom- 
phant. Il a appelé sa femme à lui par une let- 
tre de gloriole et de félicitations. » (6 mai 1529.) 
.. Luther pria le chancelier de l'Électeur , Qiri4- 
tian Bayer , de faire accorder à Garlostad un sauf- 
conduit : « La femme de Garlostad m'a prié in- 
stamment de m'employer auprès de mon gracieux 
seigneur pour obtenir un sauf-conduit à son mari 
qui désirerait revenir parmi nous. Quoique j'aie 
peu de confiance dans le succès de cette demande, 
je n'ai pu cependant lui refuser mon appui. » 
(18 juillet 1529.) 

Luther intitula l'un de ses écrits contre Gar- 
lostad : < Se la noble et gracieuse dame, dite 
l'habile intelligence du docteur Garlostad sur 



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844 kAhoires 

le point de FEacharistie. » (Luth. Werke, t. II, 

p. 46.) 

Page ai 3, ligne 27. — Contre les princes,,,. 

■ Bens princes et seigneurs , vous êtes trop pres- 
sés de me yoir mourir, moi qui ne suis qu^un 
pauyre homme; vous croyez qu'après cela vous 
aurez vaincu. Mais si vous aviez des oreilleti pour 
entendre , je vous dirais d'étranges choses : c*est 
que si Luther ne vivait , aucun de vous ne serait 
sûr de sa vie et de ses hiens. Sa mort serait pour 
vous tous une calamité. €ontinuez toutefois 
joyeusement; tuez, brûlez ; pour moi, je ne céde- 
rai point, si Dieu le permet. Voilà qui je suis; ce- 
pendant, je vous en supplie, soyez assez bons, 
quand vous m'aurez tué , pour ne pas me ressus- 
citer et me tuer une seconde fois... Je n'ai pas af- 
faire, je le vois , à des hommes raisonnables; totï* 
tes les bétes de FÂUemagne sont lâchées contre 
moi, comme des loups ou des porcs qui me doi- 
vent mettre en lambeaux.... J'ai voulu vous aver- 
tir, mais cet avis vous sera certainement inutile ; 
Dieu vous a frappés d'aveuglement. » (Passage de 
Luther, cité par GochlsBus, p. 87. ) 



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Di LûTHia. 845 



Page ai6, ligne 7. — Bucer-, dissimula quelque temps ses 
opinions aux preux de Luther».. 

Le 25 mai 1524, Luther écrivait à Capiton : 
«Il y a des gens qui s'obstinent à affirmer que je 
condamne votre manière d'agir , à toi et à Bucer... 
Sans doute ces vains bruits sont nés de cette let- 
tre qne je t'adressai, que l'on a depuis tant de 
fois imprimée, et qu'on vient même de traduire 
en allemand. C'est ce qui me détourne presque 
d'écrire des lettres, quand je vois qu'on me les 
enlève ainsi malgré moi pour la presse , tandis 
qu'il y a beaucoup de choses qu'on peut et qu'on 
doit s'écrire entre amis, mais que l'on ne veut 
pas voir répandre dans le public. » 

Le U octobre 15â9, il écrit à Bucer : « Tu sa- 
lueras respectueusement pour moi J. Sturm et 
J. Calvin, dont j'ai lu les livres avec un singulier 
plaisir. » 

Page «17, ligne rit*- Z^ing^H^ OEcolampade*.. 

« OËcolampade et Zwingli ont dit : «Nous res- 
tons en paix avec Luther , p^irce qu'il est le pre- 
mier par qui Dieu ait donné l'Évangile » mais 



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346 nfaioiRBi 

après sa mort, nous ferons valoir de nouveau nos 
opinions. » Ils ne savaient pas qu'ils dureraient 
moins que Luther* i 

« Luther disait qu'on devait se contenter de 
mépriser ce misérable Gampanus et ne point 
écrire contre lui. Alors Mélanchton se mit à dire 
que son avis était qu'on devait le pendre , et qu'il 
en avait écrit à son maître l'Électeur. 

« Gampanus croit savoir plus de grec que Lu-^ 
ther et que Pomer. Le chrétien est , selon lui , un 
homme par&it et infaillible; il fait de l'homme une 
bûche , comme les atoïciens. Si nous ne sentions 
aucun combat en nous, je ne voudrais pas don-* 
ner un liard de toutes les prédications et des sa-^ 
çremens. « (Tischreden , p. 288.) 

Zwingli ose, dire : « Nous voulons dans trois ans 
avoir dans notre parti la France, l'Espagne et l'An- 
gleterre. — *** introduit ses livres sôus notre 
nom de Suisse en France, de sorte que plusieurs 
villes en sont infectées... J'ai plus d'espérance dans 
ceux de Strasbourg. » 

c OËGolampade était d'aboi^dun brave honune; 
mais il a pris ensuite de l'amertume et de Fai- 
greur. Zwingli a été un homme gai et aimable, 
et pourtant il est devenu triste et sombre. » (lia* 
chreden, p. âSS.) 



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DB LUTHEa. 847 

« Après avoir entendu Zwîngli à la conférence 
de Marbourg, je l'ai jugé un homme excellent; 
ainsi qu'OËcolampade... J'ai été très affligé de te 
▼oîr publier le livre de Zwingli au roi très chrétien, 
avec force louanges pour ce livre, tandis que tu 
savais qu'il contenait beaucoup des choses qui ne 
me déplaisent pas seulement à moi , mais à tous 
les gens pieux. Non que j'envie l'honneur qu'on 
rend à Zwingli, dont la mort m'a causé tant de 
douleur, mais parce qu'aucune considération ne 
doit porter préjudice à la pureté de la doctrine.» 
{ U mai 15â8) 



'Page 217, ligne i5. — Ji? connais assez V iniquité 
de Bucer.** 

■ Maître Bucer se croyait autrefois bien savant; 
il ne l'a jamais été, car il écrit dans un livre que 
tousles peuples ont une seule religion et sont ainsi 
sauvés. Certes, cela s'appelle ex travaguer. » (Tis- 
chreden, p. 184.) 

« On apporta au docteur Luther un grand li- 
vre qu'avait écrit un Français nommé Guillaume 
Postellus, sur V Unité dans le Monde, Il s'y don- 
nait beaucoup de peine pour prouver les articles 
de la foi par la raison et le nature, afin de pou- 



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S^ MiMOIRES 

voir coayertir les Turcs et leè jui& et amener tous 
les hommes à une même foi. Le docteur dit à ce 
sujet : « C'est prendre trop pour un morceau. On 
a déjà écrit de pareils livres sur la théologie na- 
turelle. Il en est advenu à cet auteur selon le 
proverbe : Les Français ont peu de cervelle- Il 
viendra encore des visionnaires qui entrepren- 
dront d'accorder tous les genres d'idolâtrie avec 
une apparence de foi et de l'excuser ainsi. » (Tis- 
ehreden , 68 , verso. ) 

Bucer assaya plusieurs fois de se rapprocher 
de Luther. « Je puis bien pour ce qui me regarde 
user de patience avec vous, lui écrivit Luther, 
et croire que vous ne pouvez revenir si brusque- 
ment; mais j^ai dans le pays de grandes multitu- 
des d'hommes (comme vous l'avez vu à Smal- 
kalde) que je ne tiens pas tous dans la main. Nous 
ne pouvons souffrir, en aucune manière, que 
vous prétendiez n'avoir point erré, ou que vous 
disiez que nous ne nous sommes point entendus. 
Le meilleur pour vous serait ou d'avouer fran- 
chement, ou de garder le silence en enseignant 
désormais la bonne doctrine. Il y en a de notre 
côté qui ne peuvent souffrir vos détours, comme 
Amsdorf, Osiander, et encore d'autres. » (15Sâ.) 

Il y eut après la révolte des anabaptistes, 1530, 



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DB LUTHÎER. 349 

de noaTelles tentatives pour réunir les églises 
réformées de Suisse, d'Alsace et de Saxe dans 
une même confession. Luther écrit à Capiton 
(KoBpstein), ami de Bucer et ministre de Stras- 
bourg : « Ma Catherine te remercie de Tanneau 
d'or que tu lui as envoyé. Je ne Fai jamais vue 
plus fâchée que quand elle s'est aperçue qu'on 
le lui avait volé , ou qu'elle l'avait perdu par né- 
gligence , ce que je ne puis croire , quoiqu'elle 
le répète sans cesse. Je lui avais persuadé que 
ce don lui était envoyé comme un heureux 
gage de la concorde future de votre église avec 
la nôtre : la pauvre femme est tout affligée. » 
(9 juillet 1587.) 

Page aao « ligne %5* — Je ne puis t' accuser, \ 
d'entéiemenU*. 

« J'ai quelque chose qui défendra ma cause, 
lors même que le monde entier extravaguerait 
contre moi : c'est ce qu'Érasme appelle mon 
entêtement à affirmer {pervicacia asserendt). > 
(!•' octobre 1628.) 

]^age sas «ligne s3. '— Dtf libero arbitrions,» 

« Tu dis moins , mais tu accordes plus au 
ToMB i SI 



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350 MiwOfKK» 

libre arbitre que tous les autres; car tu ne défi- 
nis point le libre arbitre, et pourtant tu lui 
donnes tout. J'accepterais plus volontiers ce 
que nous disent sur ce point les sophistes et 
leur maître Pierre Lombard , pour qui le libre 
arbitre n'est que la faculté de discerner et de 
choisir le bien, si l'on est soutenu par la grâce , 
le mal , si la grâce nous manque. Pierre Lom- 
bard croit avec Augustin que le libre arbi- 
tre, s'il n'a rien qui le dirige, ne peut que con- 
duire l'homme à sa chute , qu'il n'a de force que 
pour le péché. Aussi Augustin, dans son second 
livre contre Julien, l'appelle le serf arbitre, 
plutôt que le libre arbitre, (De servo arbitrio, 
p. 477, verso.) 

Page asa, ligne a4» — // reconnut que la véritable question 
venait d'être posée,,- Il hésita quelqum temps à répondre,,» 

« On ne saurait croire combien j'ai de dégoût 
pour ce traité du Libre arbitre; je n'en ai en- 
core lu que quelques pages... C'est un grand 
ennui que de répondre à un si savant livre d'un 
•i savant personnage. > (1^' novembre 15S4.) 

Cependant il ne pouvait laisser passer ce livre 
tans réponse. < J*ai tué, dit-il quelque part, par 



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DB LUTHXa. 85 1 

mon silence, £ek, £mser , Gochlœus. > Mais avec 
Érasme , il n'en pourait être ainsi : son immense 
réputation rendait une réfutation nécessaire. 
Luther se mit bientôt à l'œuyre : « Je suis tout 
entier dans Érasme et le libre arbitre, et je ferai 
en sorte de ne pas lui laisser un seul mot de juste, 
comme il est yrai qu'il n'en a pas dit un seul. » 
( â8 septembre 1325.) 

Pag9 sal, Ugne ad, — // n'y 9, plus ni Dieu ni Christ.^* 

■ Si Dieu a la prescience , si Satan est le prince 
du monde, si le péché originel nous a perdus, 
si les j ui& , cherchant la justice , sont tombés dans 
l'injustice , tandis que les Gentils , cherchant 
l'injustice, ont trouvé la justice (gfra^w et inspe- 
rato)j si le Christ nous a rachetés par son sang, 
il n'y a point de libre arbitre ni pour l'homme , 
ni pour l'ange. Autrement le Christ est superflu, 
ou bien il faut admettre qu'il n'a racheté que la 
partie la plus vile de l'homme. (Pe servo arhi- 
trio, p. S25 , verso.) 

Pag* aa5 «ligne ii. — Plus Luther se âibat... 

Poussé par la contradiction, Luther arrive à 



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353 jiiMOUiBs 

soutenir le« propositions suivantes : La grâce 
est donnée gratuitement aux plus indignes, aux 
moins' méritans; on ne peut l'obtenir par des 
études, des œuvres, des efforts petits ou grands; 
elle n'est pas même accordée au zèle ardent du 
meilleur, du plus vertueux des hommes, qui 
cherche et suit la justice. ( De servo arbiirio ^ 
p. 520. ) 

Pagt »a5 , bgn* %t» ^^ Jusqu'où son dernier four , le nom 
d^Erasmct. etc»., 

« Ce que tu m'écris d'Érasme, qu'il écume 
contre moi, je lésais, et je l'ai bien vu par ses 
lettres... C'est un homme très léger, qui se rit de 
toutes le& religions, comme son Lucien, et qui 
n'écrit rien de sérieux, si ce n'est par vengeance 
et pour nuire. » (28 mai 1529.) 

« Érasme se montre digne de lui-même, en 
poursuivant ainsi le nom luthérien, qui fait sa 
sûreté. Que ne s'en va-Wl chez ses Hollandais , 
ses Français, ses Italiens, ses Anglais, etc.?.^.. Il 
veut par ces flatteries se préparer un logement, 
mais il n'en trouvera pas et tombera à terre entre 
deux selles. Si les luthériens l'avaient haï comme 
les siens le haïssent , ce ne serait qu'au péril de 



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BB LITTHIE. 853 

ses jours qu'il vivrait à Baie. Mail que le Christ 
juge cet athée, ce Lucien, cetÉpicure. » (7 mars 
1529.) 

Cette lettre se rapporte probahlement à la pu- 
blication suivante : Contra quosdam qui se fahà 
jaciani Evangelicos, epùtola Desid. Erasmi Roi. 
jàm recens édita et scholiis illustrata. Ad Vultu- 
rium Neocomum dot, Frib. 15S9. in-d**. 

Page 296 « ligne '• — Ces détours, et la conduite équivoque 
d^Jirasme , n' allaient point â l'énergie de Luther. 

« Je te vois, mon cher Érasme, te plaindre 
dans tes écrits , de ce tumulte , et regretter la paix, 
la concorde que nous avons perdues. Cesse de te 
plaindre , de chercher des remèdes. Ce tumulte , 
c'est par la volonté de Dieu qu'il s'est élevé et 
qu'il dure encore: il ne cessera pas avant que tous 
les adversaires de la parole de Bien soient deve- 
nus comme la boue de nos carrefours. * {De serva 
arbitrio, p. 465.) 

f âge aa9(.« tignt 4* *— Mariage de Luther... 

Luther, en prêchant le mariage des prêtres , ne 
songeait qu'à mettre fin au honteux démenti 
qu'ils donnaient chaque jour à leur vœu de chas- 

21. 

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364 KÉMOIRBS 

teté; il ne t'aTisait point alors qu'un prêtre marié 
pût préférer sa famille selon la chair à celle que 
Dieu et l'Église lui ont donnée. Mais lui - même 
ne put toujours se soustraire à cessentimens égoïs- 
tes du père de famille ; il lui échappe parfois des 
pacoles qui forment un fâcheux contraste avec la 
charité et le dévouement, tels que les prêtres 
catholiques les ont compris et souvent pratiqués. 
« Il suffit , dit-il , dans une instruction à un pasteur , 
que le peuple communie trois ou quatre fois par 
an, et publiquement. La communion donnée sépa- 
rément aux particuliers deviendrait un poids trop 
lourd pour les ministres, surtout en temps de 
peste. Il ne faut point d'ailleurs rendre ainsi l'É- 
glise, avec ses sacremens, l'esclave de chacun, sur^ 
tout de ceux qui la méprisent et veulent cepen^ 
dant qu'à tout évévement l'Église soit prête pour 
eux , eux qui ne font jamais rien pour elle. » 
(26 novembre lSâ9.) 

Cependant il se conduisait lui-même (J'après 
d'autres maximes. Il montra dans les circonstan- 
ces graves une charité héroïque. 

« Ma maison devient un hôpital. Tous étant 
frappés d'effroi* j'ai reçu chez moi le pasteur 
(dont la femme venait de mourir) et toute sa fa- 
mille. » (-4 novembre 1527.) 



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BB LUTHKA. 855 

« Le docteur Luther parlait de la mort du doc- 
teur Sébald et de sa femme, qu'il avait visités et 
touchés dans leur maladie. « Ils sont mopt», di- 
sait-il , de chagrin et d'inquiétude plutôt que de 
la peste. » Il retira leurs enfans dans sa maison ; 
et comme on lui faisant entendre qu'il ten- 
tait Dieu : « Ah ! dit-il, j'ai eu de bons maîtres 
qui m'ont appris ce que c'était que tenter Dieu. » 
, La peste étant dans deux maisons, on voulait 
séquestrer un diacre qui y était entré. Luther ne 
le voulut pas, par confiance en Dieu et de crainte 
d'efirayer. (décembre 15B8. Tischreden^ p. 356.) 

Page ao3«. ligne 8.. — Préoccupé de soins matériels,.. 

A Spaldtin. « Tout pauvre que je suis, je t'au- 
rais renvoyé cette belle orange d'or que tu avaii 
donnée à ma femme, si je n'avais craint de t'of- 
fenser. 

» Saluta tuam conjugem suavissîmè ; verùm et 
id tum facias cùm in thoro suavissimis amplexi- 
bus et osculis Gatharinam tenueris, ac sic cogi- 
ta veris : En hune hominem , optimam creaturu- 
lam Dei mei, donavit mihi Ghristus meus; sit illi 
laus et gloria! » (6 dédembre 1525.) 

« Salutabis tuum Bictative multis basiis^ vice 

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356 HÉHOIBBS 

inea et Johannelli mei , qui hodie didicit flexis 
poplitibus solus in omnem angfulum cacare, imo 
cacavit yerè in omnem angulum miro negotio. — 
Salutat te mea Ketha et orarepro se rogat, puer- 
pera propediem futura ; Christus assit.B ( 19 octo- 
bre 1527.) — « Filiolam aliam habeo in utero. » (8 
avril 1528.) — « Mon petit Jean est gai et fort; c'est 
un petit homme vorace et Jbifcacc.» (mai 1527.) — 
« Salue pour moi ce gros mari de Melchior, à qui 
je souhaite une femme soumise, qui , le jour , le 
mène sept fois par les cheveux autour de la place 
publique, et la nuit, l'étourdisse trois fois de pa- 
roles conjugales, comme il le mérite. » (10 fé- 
vrier 1525.) 

« Nous buvons d'excellent vin de la cave du 
prince, et nous deviendrions de parfaits évangé- 
]iques, si l'Évangile nous engraissait de même. » 
(8marsl52S.) 

Lettre à J, Agricola (dont la femme allait accou-t 
cher). — «Tu donneras une pièce d'or au nouveau- 
né, et une autre à l'accouchée , pour qu'elle boive 
du vin et qu'elle ait du lait. Si j'avais été pré- 
sent, j'eusse servi de compère. De la région des 
oiseaux, 1521. » 

Les lettres de cette époque se terminent d'or- 
dinaire par quelques-uns de ces mots: Mea costa. 



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BB LVTHEB. 857 

dominus meu», imperatrix mea Ketha te salutat. 
Ma chère côte, mon maitre» mon impératrice, 
Ketha te salue. 

« Ketha, mon seigneur, était dans son nouveau 
royaume, à Zeilsdorf (petit bien que possédait Lu- 
ther ) , quand tes lettres sont arrivées. » 

Il écrit à Spalatin : « Mon Eve demande tespriè- 
ras pour que Dieu lui conserve ses deux enfans , 
et lui accorde d'en concevoir et d'en enfanter 
heureusement un troisième. » (15 mai 1528. ) 

Gochlaeus appelle la femme de Luther: dignum 
ollœ operculum (page 7âL) 

Luther prie Nicolas Amsdorf d'être parrain de 
sa fille Magdalena[5 mai 1529) : « Digne seigneur î 
le Père de toute grâce nous a accordé, à moi et à 
ma bonne Catherine, une chère petite enfant. Dans 
cette circonstance , qui nous rend si joyeux, nous 
vous prions de remplir un office chrétien, et d'être 
le père spirituel.de notre pauvre petite païenne, 
pour la faire entrer dans la sainte commuuauté 
des chrétiens, parle divin sacrement du baptême. 
Que Dieu soit avec vous! » 

Luther eut trois fils, Jean, Martin, Paul, et 
trois filles , Elisabeth , Madeleine. Marguerite. Les 
deux premières de ses filles moururent jeunes,. 
Tune à l'âge de huit mois, l'autre à treizo ans. On 



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358 MÉMOIRES 

lisait sur le tombeau de la première : Hic dormit 
Elisabetha, filiola Lutheri. 

La descendance mâle de Luther s'éteignit en 
1759.(Ukert,I, p. 92.) 

Il y a dans Téglis^ de Kieritzsch (village saxon), 
un portrait de la femme de Luther en plâtre, por- 
tant l'inscription suivante : Catarina Lutheri ge~ 
bohme von Bohrau, 1540 : Ce portrait avait appar-. 
tenu à Luther. (Okert, I, 864.) 

Page a3o , ligne lo. — Cette période d'atonie.^ 

Il s'indigne à son tour contre les prédicateurs 
trop véhéraens « Si N*** , écrit-il à Hausmann, ne 
peut se modérer , je le ferai chasser par le prince. 

» Je vous avais déjà prié , dit-il au même pré-, 
dicateur, de prêcher paisiblement la parole de 
Dieu f en vous abstenant de personnalités et de 
tout ce qui peut troubler le peuple sans aucun 
fruit... Vous parlez trop froidement du sacrement 
et restez trop long-temps sans communier. » (lOfé-. 
vrier 1528.) 

« Il nous est arrivé de Kœnigsberg un prédi- 
cateur qui veut faire je ne sais quelles lois sur 
les cloches, les cierges , et autres choses sembla- 
bles... Il n'est pais bon de prêcher trop souvent; 



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DIS LUTHEA. 359 

j'apprends que chaque dimanche on fait trois ser- 
mons à Kœnigsberg. Qu'est-il besoin ? deux suffi- 
raient; et pour toute la semaine, ce serait assez 
de deux ou trois. Lorsqu'on prêche, chaque jour, 
on monte en chaire sans avoir médité son sujet , 
et l'on dit tout ce qui vient à la bouche ; s'il ne 
Tient rien de bon, on dît des platitudes et des in- 
jures. — Plaise à Dieu de modérer les langues et 
le» esprits de nos prédicateurs. Ce prédicateur de 
Kœnigsberg est trop véhément, il a toujours des 
paroles sombres, tragiques , et des plaintes amè- 
res pour les moindres choses. > (16 juillet 1S28.) 
« Si je voulais devenir riche, je n'aurais qu'à 
ne plus prêcher , je n'aurais qu'à me faire bate- 
leur; je trouverais plus de gens qui voudraient me 
voir pour de l'argent, que je n'ai d'auditeurs au- 
jourd'hui. » (Tischr., p. 186.) 

Page aSo ligne i8« — Honorons le mariage... 

Le 25 mai 1524 , il écrivait déjà à Capiton et 
Bucer : « J'aime fort ces mariages que vous Mtes 
de prêtres , de moines et de nonnes; j'aime cet ap- 
pel des maris contre l'évêque de Satan , j'aime les 
choix qu'on a faits pour les paroisses. Que dirai- 
je, je n'ai rien appris de vous dont je n'aie une 



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360 mAmoirbs 

joie'^xtrême. Poarsuiyez seulement et avancez en 
prospérité... Je dirai pins: on a , dans ces derniè- 
res années , fait assez de concessions aux Êdbles. 
D'ailleurs, puisqu'ils s'endurcissent de jour en 
jour, il faut agir et parler en toute liberté. Je 
vais enfin songer moi-même à rejeter le froc, 
que j'ai gardé jusqu'à présent pour le soutien 
des faibles et en dérision du pape. » ( 25 mai 
1S24.) 

P*go a3a« ligne 7 — Je n'ai point voulu r^userde donnera 
mon père l'espoir d'une postérité^., 

« L'affiiire des paysans a rendu courage aux pa- 
pistes et fait tort à la cause de l'Évangile; il nous 
£Biut, nous aussi, porter plus haut la tête. C'est 
dans ce but que pour ne plus attester l'Évan* 
gile de paroles seulement, mais par mes actions, je 
viens d'épouser une nonne. Mes ennemis triom- 
phaient , ils criaient : lo ! io ! J'ai voulu leur 
prouver que je n'étais pas encore disposé à faire 
retraite , quoique vieux et faible. Et je ferai 
d'autres chose* encore , je l'espère , qui trouble- 
ront leur joie et appuieront mes paroles. » 
(16 août 1528.) 

Le docteur Eck publia un recueil intitulé : 
EpUhalamia festiva in Lutherum , Hesêum (Urha- 



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BB IiITTHEB. 361 

num RegiumJ et in genus nuptiatorum. On y trouve 
entre autres pièces une hymne de dix-neuf stro- 
phes , intitulée ! Hymnus parttnymphorum , et 
commençant par ces mots: lolio! io ! io ! gaudea- 
mus cum juhUo , etc; une Additio dithyram- 
biûaadepitkalamiun Mort, LtUheri , dansle même 
mètre; un Epithalamium Mari, Lutheri, en hexa- 
mètres commençant ainsi : Die mihi, musa , no- 
rum, etc.liasemherg fit ffur le même sujet une sa- 
tire intitulée : Ludus ludentem Luderwm ludens, 

Luther y répondit par différentes pièces dont 
le recueil fut imprimé sous le titre : La fable du 
lion et de l'âne, 

Luther était à peine marié, que ses ennemis 
répandirent le hruit que sa femme venait d'ac- 
coucher. Érasme accueillit ce bruit avec empres- 
sement et se hâta d'en faire part à ses correspon- 
dans; mais il sévit obligé plus tard de le démentir. 
(Ukert. 1,189^192.) 

ÎPage 235 4 ligne i3. — Tous les jours les dettes nous enoeloppent 
davantage.,» 

En 1527 , il fut obligé de mettre en gage trois 
gobelets pour cinquante florins et d'en vendre 
un pour douze florins. Son revenu ordinaire ne 

22 



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362 visoiRBi 

s'éleva jamais au-dessus de deux cents florins de 
Misnie par an. — Les libraires lui avaient offert 
une somme annuelle de quatre cents florins» mais 
il ne put se résoudre à les accepter. — Malgré le 
peu d'aisance dont il jouissait, sa libéralité était 
extrême. Il donnait aux pauvres les présens de 
baptême destinés à ses enfans. Un pauvre étudiant 
lui demandant un jour quelque peu d'argent, il 
pria sa femme de lui en donner ; mais celle-ci ré- 
pondit qu'il n'y en avait plus dans la maison. Lu- 
ther prit alors un vase d'argent et le remit à l'é- 
tudiant pour qu'il le vendit à un orfèvre. (Dkert. 
Il, p. 7.) 

« Je lui aurais volontiers donné de quoi faire 
sa route , si je n'étais accablé par la multitude des 
pauvres, qui, outre ceux de notre ville, accou- 
rent ici comme en un lieu célèbre. » (avril I5S9. ) 

« Je t'en supplie, moucher Justus, par grâce, 
arrache du trésorier cet argent qu'il -est si difficile 
d'avoir et que le prince a promis à G. Scharf...Tu 
donneras, s'il le faut, une quittance en mon nom.» 
(llmailS^O.) 

« Luther se promenant un jour avec le docteur 
Jonas et quelques autres amis , fit l'aumône à des 
pauvres qui passaient. Le docteur Jonas l'imita, 
en disant : « Qui sait si Dieu me le rendra ? » Lu- 



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DB LOTHBA. 363 

tfaer loi répondit : « Vous oubliez que Dieu tous l'a 
donné.» Le mot de Jonasindique fortement l'inu- 
tilité des œuvres qui résultait de la doctrine de 
Luther. (Tischr. 144, verso.) 

« Le docteur Pommer apporta un jour au doc- 
teur Luther cent florins dont un seigneur lui foi- 
sait présent , mais il ne voulut point les accepter; 
il en donna la moitié à Philippe et Toulut rendre 
Tautre au docteur Pommer qui n'en voulut pas, » 
(Tischr., p. sa) 

c Je n'ai jamais demandé un liard à mon gra^ 
cieux seigneur. » (Tischr., p. 53-60.) 

y âge 936, ligne ai. -»- «/*« ne leur demande rien pour mon 
travail... 

« Un commerce légitime est béni de Dieu, 
comme lorsque Ton tire un liard de vingt, mais 
un gain impie sera maudit. Ainsi l'imprimeur *** 
a gagné beaucoup sur les livres que je lui ai fait 
imprimer; avec un liard il en gagnait deux. . . . 
L'imprimeur Jean Grunenberger me disait con- 
sciencieusement : Seigneur docteur, cela rapporte 
beaucoup trop ; je ne puis avoir assez d'exem-^ 
plaires. C'était un homme craignant Dieu , aussi 
a-t-il été béni de notre Seigneur. » (Tischr., p. 62 » 
Terso.) 



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304 «ÉMOIRSS 

• Ta 0ftÎ8, mon cher Amsdorf, que je ne puis 
sufi^re à nos presses, et voilà qne tout le monde 
me demande de cette pâture; il y a ici près de 
six cents imprimeurs. » (11 ayril 1525.) 



'•g« 949* 1*K°* l7. «-' Pourquoi nCirHterai-je contre las 
papistes ? tout c» qu'ils me font est de bonne guerre... 

Us cherchaient cependant, à ce qu'il semble, 
à se défaire de lui par le poison. 

(Janvier et février 1525.) Luther parle dans 
deux lettres différentes, de juifs polonais , qui 
auraient été envoyés à Wittemberg pour T^npoi- 
sonner (Judsei qui mihi venenum paravere), 
moyennant le prix de âOOO ducats. Gomme ils ne 
dénoncèrent personne dans leur interrogatoire, 
on allait les mettre à la torture , mab Luther ne 
le souffrit point , et il s'employa même à les faire 
mettre en liberté, quoiqu'il n'eût aucun doute 
sur le nom de l'instigateur. 

« lis ont promis de l'or à ceux qui me tueraient; 
ç est ainsi qu'aujourd'hui combat, règne et triom- 
phe le saint-siége apostolique , le régulateur de 
la foi, la mère des églises. » (Gochlœus, p« 25.) 

Un Italien de Sienne mangea avec le docteur 



/ 



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OB tUTHBB. 866 

Martin Luther, cnusa beaucoup avec lui , et resta 
à Wittemberg quelque^ semaines, peut-être pour 
savoir comment les choses s'y passaient. ( Tischr, 
p. 416.) 

Des tentatives d'un autre genre eurent aussi 
lieu. 

< Mathieu Lang, évéque de Salzbourg, m'a re- 
cherché d'une manière si singulière, que sans 
l'assistance particulière de notre Seigneur , j'eusse 
été pris. £n 1535, il m'envoya par un docteur 
vingt florins d'or, et les fit donner à ma Cathe- 
rine , mais je n'en voulus rien prendre. C'est avec 
l'argent que cet évéque a pris tous les juristes, 
de sorte qu'ils disent ensuite : ^h! c'est un sei- 
gneur qui pense bien. Lui, cependant , se tient tran- 
quille et rit en tapinois. Une fois il envoya à un 
curé qui prêchait l'Évangile, une pièce de Damas , 
pour qu'il se rétractât, et il dit ensuite : Est-il 
possible que ces luthériens soient de si grands 
fripons, qu'ils fassent tout pour de l'argent?» 
(Tischreden, p. 274, verso) 

Mélanchton, qui ne rompit jamais avec les le^ 
très de la cour pontificale, fut pendant quelque 
temps soupçonné d'avoir reçu des offres. 

Un jour, on apporta une lettre de Sadolet à 
Sturmius, dans laquelle il flattait Mélanchton 

TA. 

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366 MÉMOIEBS 

Luther disait : ■ Si Philippe roulait s'arranger 
avec eux; il deviendrait aisément cardinal, et 
n'en garderait pas moins sa femme et ses enfans. 
« Sadolet , qui a été quinze ans au service du 
pape , est un homme plein d'esprit et de science 4 
il a écrit à maître Philippe Mélanchton le plut 
amicalement du monde , à la manière de ces Ita- 
liens, peut-être dans l'espoir de l'attirer à, eux, 
au moyen d'un cardinalat. Il Ta fait sans doute 
par l'ordre du pape, car ces messieurs sont in- 
quiets; ils ne savent comment s'y prendre. — 
Le même Sadolet n'a aucune intelligence de l'É- 
criture, comme on le voit dans son commentaire 
sur le psaume 51. Les papistes n'y entendent 
plus rien, ils ne sont plus capables de gouver- 
ner une seule église; ils se tiennent fiers et raides 
dans le gouvernement et crient : Les décisions des 
Pères ne comportent point de doute. > 

Page i5o , ligne 8. — Persécution. > • 



« Aux chrétiens de la Hollande , du Brabant 
et de la Flandre (à l'occasion du supplice de deux 
moines augustins, qui avaient été brûlés à 
Bruxelles.) 



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DB LUTHKE. 367 

«... Oh! que ces daux hommes ont péri mi- 
sérablement! Mais de quelle gloire ils jouiront au** 
près du Seigneur! c'est peu de chose d'être outragé 
et tué par le monde pour ceux qui savent que 
leur sang est précieux , et que leur mort est chère 
à Dieu, comme disent les psaumes (116, 15). 
Qu'est-ce que le monde comparé à Dieu?... Quelle 
joie, quelles délices les- anges auront-ils ressen- 
ties, en voyant ces deux âmes! Dieu soit loué et 
béni dans l'éternité, de nous avoir permis, à 
nous aussi, de voir et entendre de vrais saints , de 
vrais martyrs, nous qui jusqu'ici avons adoré 
tant de faux saints! Vos frères d'Allemagne n'ont 
pas encore été dignes de consommer un si glo- 
rieux sacrifice, quoique beaucoup d'entre eux 
n'aient pas été sans persécutions. C'est pour- 
quoi, chers amis, soyez alègres et joyeux dans 
le Christ, et tous, rendons-lui grâce des signes 
et miracles qu'il a commencé d'opérer parmi 
nous. Il vient de relever notre courage par de 
nouveaux exemples d'une vie digne de lui. Il est 
temps que le royaume de Dieu s'établisse, non 
plus seulement en paroles, mais en actions et 
en réalité... . (juillet 1523.) 

«La noble dame Arguîa de Stâufen soutient sur 
cette terre un grand combat ; elle est pleine de 



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368 HÉMOIRES 

Tesprit , de la parole et de la science du Christ. 
Elle a envahi de ses écrits l'académie d'Ingolstad, 
parce qu'on y avait forcé un jeune homme, nommé 
Arsacius, à une honteuse révocation. Son mari, 
qui est lui-même un tyran, et qui a maintenant 
perdu une charge à cause d'elle, hésite sur ce 
qu'il doit faire. Elle, elle est au milieu de tous. 
ces périls avec une foi forte, mais , ainsi qu'elle 
me l'écrit elle-même , non pas sans que son cœur 
s'effraie. Elle est l'instrument précieux du Christ; 
je te la recommande, afin que le Christ confonde 
par ce vase infirme lespui ssans et ceux qui se glo- 
rifient dans leur sagesse. » (1524.) 

A Spalatin, < Je t'envoie les lettres de notre 
chère Argula,afiji que tu voies ce que cette femme 
pieuse endure de travaux et de soufiOrances. > (Il 
novembre 15S8. 

La traduction de la Bible par Luther donna 
à tous envie de disputer ; on vitjusqu'à des femmes 
provoquer les théologiens, et déclarer que tou& 
les docteurs n'étaient que des ignorans. Il y en 
eut qui voulurent monter en chaire, et enseigner 
dans les églises. Luther n'avait-il pas déclaré que 
par le baptême tous devenaient prêtres, évêques> 
papes, etc. ? (Cochlœus ,*p. SI. ) 



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Dl IrUTKBA. 809 



Pag* a5o, llgDo II. — - On nous laisse périr de/aim,.. 

Un jour qu'il était question, à la table de Lu- 
ther , du peu de générosité que l'on montrait à 
l'égard des prédicateurs, il dit : « Le monde n'est 
pas digne de leur rien donner de bon cœur; il 
veut avoir des gueux et des criards impudens, tel 
que le frère Mathieu. Ce frère , à force de men- 
dier, avait obtenu de l'électeur la promesse qu'on 
lui achèterait une fourrure. Comme le trésorier 
du prince n'en itaisait rien , le prédicateur dit en 
plein sermon , devant l'électeur : « Où est donc 
ma fourrure ? » L'ordre fut renouvelé au tréso- 
rier, mais celui-ci différant encore de l'exécuter, 
Je prédicateur parla de nouveai:^ de sa fourrure , 
dans un autre sermon où l'électeur était présent. 
« Je n'ai pas encore vu ma fourrure , m dit-il , et 
c'est ainsi qu'il obtint à la fin ce qu'il désirait. » 
(Tischreden, p. 189 , verso.) 

Du reste , Luther se plaint lui-même du misé- 
rable état dans lequel se trouvent les ministres : 
« On refuse de les payer, dit-il, et ceux qui jadis 
prodiguaient des milliers de florins à chacun des 
fourbes sans nombre qui. les abusaient, ne ▼eu- 



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370 ' HÉMOI&BS 

lent pas aujourd'hui en donner cent pour un prê- 
tre. » (1" mars 1531.) 

« On a commencé à établir ici (à Wittemberg), 
un consistoire pour les causes matrimoniales, et 
pour forcer les paysans à observer quelque dis- 
cipline et à payer les rentes aux pasteurs , chose 
qu'il faudra peut-être faire aussi à Tégard de quel- 
ques-uns de la noblesse et de la magistrature. » 
(12 janvier IS41.) 

Page aSo, ligne a 3 — Apparitions -«i^ 

« Joachim m'écrit qu'il est né à Bamberg un 
enfant à tête de lion , qui est mort promptement : 
qu'il a aussi apparu des croix au-dessus de la ville, 
mais que le bruit qui s'en répandait a été étouffé 
par les prêtres. » (22 janvier 1525.) 

1525. « Les princes meurent en grand nom- 
bre cette année; c'est là peut-être ce qu'annon- 
çaient tant de signes. > (6 septembre 1525.) 



FUI DU TOKB PRBHIER. 



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371 



RENVOIS 



DU PREMIER VOLUME. 



Tous les passages tirés des lettres ont été, comme on l'a pu voir, 
exactement datés dans le texte. La date rend tout renvoi superflu. On 
retrouvera facilement ces passages dans Texcellente édition de De 
Welte , Berlin , i835. (Voyez la note de la préface.) 



Page 2, ligne ii. ^m«.— Tischreden, page 240. 

8, 3. Purgatoire. — Tischreden, 281-2. 

8, 25. S'use elle-même, — Tischreden , 23o. 

8 26. Lorsque fêtais moine, —Tout ce qui 

regarde les tentations de Luther est 
tiré de Tischreden, 102 , 23a, 240 his^ 
231,228, 229. 



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372 MÉM0I&I8 

12, aS. Vim/mtation, — Luth, oper.lat. lenae, 

i6ia , 1. 1 , praef . — Die v martii i545. 
i5, a5. Fentes, -« Tischreden , 44^ ^^* 

i6 , 6. Du peuple. — Tischreden , 44<>'' • 

'7> '?• ItendssaesU — Tischreden, 44'» 

i8, 7. Je ne voudrais pas, — Tischreden, 44'* 

a4 , aa. Les thèses, — Luth. oper., Witt, i545, 

1. 1,50-98. 
vj y a5. Les thèses dogmatiques, — Witt. oper. 

lat. t. n, 56. 
33, i5. Le denier. — Seckendorf,2>e££<lAera- 

nismo^ 44- 
35, 17. Facere, — Seckendorf, 79. 

38, a4. Lorsque, — Tischreden , 377-80. 

58 , 4* Q"^ 7* ^^ veuille ou non. — Luth 

oper. "Witt. t. IX, 63. 
57, la. Effroyable, — Dédicace à Télectear 

de Saxe ( 37 mars i5i9 ) Luther^s 
briefe, t. I,a4i. 
60, a3. Chrétien. — De libertate christiand 

Luth. oper. Witt. i58a , f» t. II. Se- 
lon Gochlœus , ce livre fut composé 
ayant i5ai. 
6a > a8. Comme vous Jaites, — Erasmi Epist. 

t. III, 445. 
64 9 9* Esclave des prêtres, — Cochlœus, 54. 

16, i4' Tumulte, — Hutten. oper. t. IV, 392. 

66, a5. Terreur, — ibid, 295. 

67. 14* Jellma^e. ^ Jbid, 376. 



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ta LUTHB&. 373 

67 , 19. Bunischuch, — Jhid, 276. 

67 , a3. Pape, — Jbid. 276. 

68, 1^, Se retire, — 5o6. 

'6^, 3. Sermon, — Gochlœas, 29. 

70, 3. Outrageante, — Ukert. 1. 1 , iSg. 

7a, a§. Deux cent six personnes, — Liitib.oper. 

Witt« t. IX, 104 et 199. 
77, 34. I^et abandonnera pas, -^Markeinecke, 

1. 1,^56. 
77 , 26. yoyage, — ïbid, a53. 

83, IX. Même sens. — Ii«th. Werke, t. IX, 

107-15. 
9a , aa. Mille diables, — Tischreden , a©8. 

96, la. Se douteront, — Luth. Werke. Witt. 

t. IX , 129. 

97, i3. j4utre chose, — Ibid, iSo. 
99, fj. De Luther, — Tbid^ iSa. 

100, 19. Mourir pour ^lle. * — Ibid, ia3-t9 

lia, a4. (Tétait lui. — Marfaeînecke, t..I. 

lao, a6. De Luther, — Oper. Luth. Witt. t. II, 

333-5 1. Livre de Luther eontre 

Henri VIII. 
ia3, i3. Du seid Luther.-- Ihid, 33i. ihid, 

124, ^l,\Indignatione med, — Luth. pp«r. De 

seculari potêstate. Cochlœus y 58. 
li5, 17. Bêtes fauves, — Ihid. CochktMt 59, 

ia8, 7. >Centum grapamina • — Seck«iidorf. 

t. I, a5i. 
i33, i3. Dans la confession, — Tisdireden , 

i6a. 

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374 MiMOI&BS 

i33 , 19. Si un meurtrier. — Ibid, i63. 

i36 , S, Je suis bien aise, — Luth. Werke, t. II 

189, 8. Ne baptisaient point. — - Luth. opcr. 

Witt. t. 11,364-74. 
140 9 a3. Affaires ecclésiastiques, SecLendoif y 

t. II, 100. 
i4i, 27' Un bourgeois, — Tisçhredea y 176. 

142, 6. Comme on parlait, — Ibid, 177. 

148, !ào. Dans une préface, — • Luth. Werke, 

t. IX, 536. 
i5i, 16. Quelques nonnes. — Tischreden. 271. 

167 , 12. Carlostad se croyant, —Luth. Werkc, 

t. IX, 211 ^15. 

162, 6. Prophètes célestes, — J&û/. 1.11,10-56. 

160, II. C/iossédelaSaxe. — /ïû/. t. II, 17-22. 

i63, i4« Iconoclastes, — Ibid. t. II, i3. 

168, a. L'affaire des images. — Ibid, t. II, 58, 
173, 27. Suivent les articles, — Luth, Werke, 

1. 11,64. 
2o3, 6. Proclamation de Muntzer. — Ibid. 

t. 11,9'- 
178, 23. Exhortation àla paix. — Ibid.t.ïlfiô, 

ao7, 23. Immédiatement après, — Ibid, t. II, 

406. 
211, ,17. Le docteur Andréas, — J6ù/. t. II, 

11149 16. L Allemagne est perdue, — Cochla 

149. 
ai6, i3. Personne rCa traduit, — Ti* 

425. 



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m LVTHBa. 876 

32^, 6. Si je reprends. — Tischreden, 299-308. 

241 , 18. Fers lajin, — Luth. Werke, t. IX, 238. 

249, 17. Pourquoi inirriterai-je. — jCochlœus, 

146. 
25 1 9 16. Grâce et paix, — Luth. Werke, t. IX,, 

543. 



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TABLE 



DU TOME PREMIER. 



' IiTiB l«r. ^ i^e3.i5aj I 

Chap. i«r. i483-i5i7. Naissance, éduca- 
tion de Luther; son ordination; ses 
tentations ; son voyage à Rome. . . 
Chap. II. x5i7-i53t. Luther attaque les 
indulgences. Il brûle la bulle du pape, 
t — Érasme^ Hutten, Franz de Sickin- 

^ gen. — Luther comparait à la diète de 
^ Worms. — Son enlèvement. ... 19 

— i52i-i528 86 

Chap. i**. i5ai-i5a4* Séjour de Luther 
au château de Wartbourg. — Il revient 
à Wittemberg sans rautori9ationde l'É- 



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378 TABLB DB8 HATIÂBES. 

lecteur.— Ses écrits contre le roi d'An- 
gleterre et contre les princes en général. 86 

Chip. II. Commencemens.de Téglise lu- 
thérienne. — -Essais d'organisation, etc. ug 

Ghàp. III. z5si3-i5a5. Carlostad. — Mun- 
zer. — Guerre des paysans i54 

Gha.p. IV. 1 524-1 537. Attaques des ra- • 
iionnali&tes contre Luther. — Zwingli, 
Bucer, etc. — Érasme. ... « . ai S 

Chip. V. 1 526-1529. Mariage de Luther. 
Pauvreté. Découragement. Abandon. 
Maladie. Croyance à la fin du monde. 229 

Additions et Édâircissemens. • » • . 253 

Renvois, . . • . . 373 



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