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Full text of "Annales du Museum National d'Histoire Naturelle /par les professeurs de cet etablissement."

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ANNALES' 
DU MUSÉUM 
DHISTOIRE NATURELLE. 


PAR 


LES PROFESSEURS DE CET ÉTABLISSEMENT. 


OUVRAGE ORNÉ DE GRAVURES. 


* 


TOME ONZIÈME. . . ^ 


A PARIS, 


caez TOURNEISEN FILS, LIBRAIRE, RUE DE SEINE, 


FAUBOURG SAINT-GERMAIN; N.° 12. 


. 1808. 


"NOMS DES PROFESSEURS 


Messieurs , 
HaUY . . ... . . Minéralogie. 
Favujas-SamNT-FoND . Géologie, ou Histoire naturelle du sloke.. 
FOURCROY. . . . . Chimie générale. 
VAUQUELIN . . . . Chimie des Arts. 
DESFONTAINES . . . Botanique au Muséum. 
A. T. Just. Botanique à la campagne. 
A. THOUIN . . . . Cultureet naturalisation des végétaux. 
GEOFFROY.-ST.-HILAIRE. Mammifères et oiseaux . . cs 
LACÉPÈDE. . jw . Reptiles et poissons. . . . . . .\ Zoologie. 
LAMABOK. . TE. Insectes, coquilles, madrépores, etc. . 
TORIL . x Anatomie de l'homme, 
CUVIER . . . . . Anatomie des animaux. 
VANSPAENDONCK . . Iconographie, ou l'art de dessiner et de peindre les 

productions de la nature. 


iA. EQUI Secrétaire de la Société des Annales. 


ANNALES 


DU MUSÉUM D'HISTOIRE NATURELLE. 


SIXIÈME | 
NOTICE HISTORIQUE 
LE MUSEUM 


PAR M À L DE essit 


— T s. as: Depuis 1760 jusqu'en 1588. i 
Biror, en 1760, dirigeoit degitis vingt-un ans l'établissement 
du Jardin des Plantes. Les deux grandes allées qu'il avoit 
plantées , présentoient déjà un ombrage agréable. Il voulut 
encore imiter son prédécesseur, qui avoit bâti deux serres ; 
et. reconnoissant la nécessité d'augmenter l'étendue des lo- 
caux destinés à préserver les plantes délicates des rigueurs 
de l'hiver, il jeta les fondemens d'une nouvelle orangerie 
faisant suite à l'ancienne qui subsiste encore. Cette construc- 
tion, commencée en 1754, avoit la méme longueur que la 


11. 5 I 


2 ANNALES DU MUSEUM 

grande serre occidentale de Dufay ; et placée au-dessous, elle 
devoit en former la terrasse en-avant-corps. l'architecte qui 
dirigeoit ce travail, moins occupé de sa destination que du 
désir de faire un monument solide et d'une belle ordonnance, 
y avoit multiplié les colonnes et les masses de pierres. L'on 
ne tarda pas à reconnoitre qu'il pourroit difficilement devenir 
une bonne orangerie, et que les plantes, cachées derrière des 
massifs , y seroient privées du soleil dont elles ont un premier 
besoin, Ce bátiment , pour lequel d'ailleurs le gouvernement, 

détourné par des dépenses de guerre, ne ponsoH alors 
fournir les fonds promis, fut interrompu en 1757, et bientôt 
entièrement abandonné, quoiqu'il fut déjà voüté et élevé à la 
hauteur de la terrásse de la serre. 

Buffon fut plus heureux dans une autre entreprise : ses 
ouvrages, enricl des descriptions de Daubenton, avoient ré- 
pandu dans l'Éur ope, et surtout dans toute la France, le 
goüt de l'histoire naturelle. Chacun, dans son canton, étu- 
dioit les corps dont il étoit environné, et parmi ces amis de 
la science, plusieurs sempresserent de transmettre à l'his- 
torien de la nature les objets qui leur parurent les plus dignes 
de son attention (1);1l les placoit dans les deux salles du ca- 
binet, qui bientót farent insuffisantes pour contenir ces nom- 
breuses additions. Une augmentation de local devint indis- 


(a) Le roi «pate à peu près dans. ce temps, moyennant une rente viagére , la 
collection d'histoire naturelle faite au Sé 
aprés, le Cabinet fut encore enrichi de toutes les productions recueillies par Com- 
merson, quiaccompagnoit M. de Bougainville, en 1766. et 1767, dans son voyage 
autour du monde, et qui mourut en 31773 à PIle-de-France , aprés un séjour de . 
six aus, pendant lesquels il avoit fait des excursions dans les iles de Bourbon et de 


Madagascar. = À ; pe oc 


D'HISTOIRE NATURELEE. K-8 
pensable. Buffon, qui avoit déjà une première fois cédé une 
portion de son logement , crut devoir sacrifier au cabinet les 
pièces qui lui restoient. Il transporta son domicile hors de Péta- 
blissement (1), et fit distribuer, en 1566 , le nouveau local tel 
qu'on le voit maintenant au premier étage. L/escalier situé au 
milieu du bátiment fut supprimé ; l'on en pratiqua un nouveau 
dans l'ancienne chapelle (3), qui étoit voisine de la porte 
d'entrée da jardin, et l'espace qüe le premier oecupoit 
servit à agrandir une des anciennes salles. Deüx autres , 
l'une tres-grande et l'autré beaucoup plus petite, furent dis- 
posées à la suite des précédentes. On réserva les deux pre- 
mières pour la collection des animaux! la troisième fut cón- 
sacrée aux minéraux, et la dernière aux donc m Elle furent 
ouvertes au publie iróis jours de la semaine, et!les élèves 
eurent aussi des heures réservées poui: T l'étude. Daubenton ; 
présent à toutes les séances, étoit r— de répondre aux 
diverses questions et de donner tous les éclaireissemens: qui 
lui étoient demandés; il joignoit ainsi lés fonctions de démons- 
irateur à celles de garde: Ses occupations fürent: augimentées 
en 'taison de l'étendue de la collection, du tenip$ éxigé pour 
$a disposition dans un ordre Kdotieénibhés et de l'obligation 
uns aux guvertüres publiques beaucoup de séances pour 

és roi ge —— I b nadie dis rre r: 


4st € "E 1 
PT Au bas de la rue des Weite N dans une grande maison main- 
tenant sous le n.-13. 
KO Le jardin à eu fond tepe une AR PURE par un ee en titre. On la 
isit au tiers pour former l'éscaliet en question. Quelque ms aprés, ee local; 
trop rétréci et jugé insuffisant pour sa première destination, fut changé en chauf- 
foir et lieu de retraite pour les gardes du cabinet pendant les heures d'ouverture 
publique. Plus ce el on der een tibus e rs good èt lui mére 
une double entrée. - usa Ja siio am] CT 
1 * 


- ANNALES DU MUSÉUM 

des sociétés particuliéres, surtout pour des étrangers attirés 
par le désir de voir des objets nouveaux et de s'instruire en 
conversant avec le démonstrateur. 

On reconnut bientót la nécessité de lui donner un adjoint 
qui, sous le titre de garde et sous-démonstrateur , le secon- 
deroit dans tous ses travaux. Buffon obtint du ministre, en 
1767, la création de cette nouvelle place qu'il fit donner à 
Daubenton le jeune (1), cousin-germain et beau-frére du pre- 
mier titulaire , avec un appointement de 2400 fr., et un loge- 
ment au-dessus des salles du cabinet. Cette liaison de parenté 
contribua à entretenir un parfait accord entre les deux gardes, 
dont l'un conservoit la direction principale pour la distribu- 
tion méthodique des objets. | 

Pendant que | le cabinet s'accroissoit rapidement par leurs 
et ajoutoit. un nouveau lustre à cet établis- 


soins réunis, 
sement, les cours annuels continuoient à rassembler dans 
ce lieu de nombreux élèves. Ferrein, déjà plus que sexagé- 
naire, mais conservant le méme zèle pour propager les con- 
noissances anatomiques, donnoit chaque année des leçons très- 
suivies, et Mertrud faisoit sous lui les démonstrations sur le 
corps humain. Celui-ci étoit l'éleve de son prédécesseur Du- 
vernay, dont il avoit été le prosecteur, et il ne lui avoit 
succédé qu'après s'être fait connoître avantageusement par 
plusieurs cours particuliers. Démonstrateur depuis 1749 
ayant exercé ses fonctions avec Winslow et Ferrein , il sentit, 
en 1765, le besoin du repos, et obtint à cette époque que son 
neveu Jean-Claude Martel @)k lui fût adjoint pour les dé- 


IC J adari POR x à Montbard, en 17 32. ; 
(2) L'un et l’autre, nés à Langres , étoient membres de l'Académie de PS se E 1 


D'HISTOIRE NATURELLE. 5 


monstrations. Il mourut en 1769, avec la — de bon 
anatomiste et de chirurgien habile. | | 

Ferrein ne survécut pas à ce démonstrateur : son áge et 
ses infirmités l'avoient forcé d'interrompre , en 1768, le cours 
d'anatomie, dont les leçons furent faites par M. Portal, mé- 
decin de la faculté de Montpellier; déjà connu par quel- 
ques ouvrages estimés et par des cours particuliers très-suivis. 
Il mourut l'année suivante (1769), âgé de soixante-dix-sept ans, 
après avoir formé des élèves que la Faculté de Paris a comptés 
parmi ses membres les plus distingués, et qui n'ont cessé de 
rendre hommage à la mémoire de leur premier guide dans 
l'étude de l'anatomie et de la médecine. Ferrein eut pour suc- 
cesseur Antoine Petit, membre de la méme Faculté et de 
l'Académie des " , jouissant d'une grande célébrité 
comme anatomiste, comme médecin, et surtout comme » 
fesseur dans ces "e parties. 

L'établissement perdit encore, en 1770 , un savant Fre ceti 
et la chimie eut à regretter un de ses principaux soutiehs. 
Rouelle, chargé de divers travaux par le gouvernement, avoit 
examiné par ses ordres une nouvelle manière de rafiner le 
salpétre. Dans ce travail, qui nécessita plusieurs expériences 
pour démontrer le défaut et l'insuffisance du moyen proposé, 
il éprouva un agacement dans le genre nerveux , qui ne fit que 
Saccroitre avec le temps. Il étoit perpétuellement dans une 
agitation convulsive, méme en faisant ses lecons publiques ou 
particulières Cette maladie fit de tels progrès qu'il fut obligé, 
en 1768, de renoncer aux démonstrations , et de demander 


et ont inséré quelques Mémoires dans le -— , [2 par cette compagnie 


savante, 


6 ANNALES DU MUSEUM 


que son frère Hilaire-Marin Rouelle, très-versé dans la méme 
partie, élevé par lui dans les mêmes principes, füt chargé de 
le remplacer. L'espoir d'améliorer sa santé en abandonnant 
la ville pour aller respirer Fair plus pur de la campagne, le 
détermina à prendre un domicile dans le village de Passy; 
mais il n'y trouva pas le soulagement qu'il cherchoit, et il y 
mourut le 3 aoüt 1770 (1) au milieu des plus vives douleurs. 

Son frère, qui l'avoit suppléé pendant sa maladie, obtint 
aprés lui le titre de démonstrateur. Il n'avoit pas au méme 
degré le génie et l'enthousiasme chimique; son caractère étoit 
pius froid; mais il possédoit à fond et d'une maniére pra- 
tique la science cultivée par son prédécesseur. Il passoit sa 
vie dans le laboratoire; personne n'entendoit mieux l'art des 
manipulations, et les opérations dirigées p% lui réussissoient 
constamment, Dans les leçons, sa diction n'étoit pas toujours 
pure, parce que l'étude des belles-lettres n'avoit point fait 
partie de sa première éducation; mais elle étoit expressive 
etsénergique. Ses démonstrations, toujours fondées sur des 
faits et accompagnées d'expériences nombreuses , étoient très- 
suivies et trós-instructives. Il les avoit faites pendant deux ans 
sousle professeur Bourdelin ; mais celui-ci , déjà ágé, détourné 
d'ailleurs par l'exercice de la médecine dans la capitale et par 


PRES ENTRE 


DE 


- (1) TI laissa un fils qui, voyageant en Italie, mourut à Naples de la petite vérole, 
ét une fille mariée à Darcet, chimiste célébre, docteur de la Faculté de médecine, 
membre de l'Académie des sciences, professeur de chimie au college de France, 
essayeur de la Monnoie , admis dans l’Institut et dans le Sénat à l'époque de leur 
création , et mort en l'an ix (1801). De ses deux files vivantes, l'une a épousé 
étuel de la quatrième classe de l'Institut; l'autre est 
le l’Institut, ci-devant. ambassadeur de France. en 


M. Lebretom, secrétaire 
veuve de Grouvelle, associé 
Danemarck. 


D'HISTOIRE NATURELLE. 7 
la place de médecin de Mesdames filles de Louis XV, obtint 
de Buffon, en 1770, l'agrément de se faire remplacer par 
Macquer , son confrére dans la Faculté de médecine et dans 
l'Académie des sciences, déjà célèbre par des cours parti- 
culiers de chimie , et par les premiers livres élémentaires bien 
faits sur cette science. à 

La méme année 1770 produisit un changement dans les 
démonstrations de botanique. Elle étoit toujours dirigée par 
Bernard de Jussieu et Lemonnier. Celui-ci, qui joignoit aux 
fonctions de professeur celles de premier médecin ordinaire 
du roi, en survivance de Quesnay, étoit obligé, en cette qua- 
lité, de résider à Versailles pour y faire un service habi- 
tuel, parce que le titulaire lui avoit délégué l'exercice de la 
place. Une de ses attributions étoit de suppléer le premier 
médecin, quand, par maladie ou toute autre cause, il 
étoit forcé d'interrompre ses fonctions. Senac, alors premier 
médecin de Louis XV, tomba malade en | 1769, et fut hors 
d'état de continuer son service. Lemonnier, aimé et estimé 
du roi, auquel de son côté il étoit tres-attaché, ne s’éloigna 
plus de sa personne, et dés-lors il fut obligé de renoncer aux 
fonctions de professeur dans le jardin. ll se fit remplacer, 
en 1770, par Antoine-Laurent de Jussieu , neveu de son col- 
lègue , alors bachelier de la Faculté de médecine, dans laquelle 
à suivoit sa licence. Ce jeune professeur , formé à l'école d'un 
grand maitre, put transmettre aux éléves les documens qu'il 
recevoit de lui, et faire ainsi le cours entier , qu'il continua les 
années suivantes, parce que Lemonier , détourné de plus en 
plus par d'autres devoirs, ne put à cette époque reprendre 
ses fonctions d'enseignement. s 

Bernard de Jussieu continuoit à diriger les travaux inté- 


8 ANNALES DU MUSÉUM 

rieurs du jardin et à disposer les plantes dans l'école de bo- 
tanique. I avoit perdu, en 1763, son aide principal le jar- 
dinier Thouin , qui, formé par lui , avoitacquisles j ^ 
nécessaires daus sa place,et la remplissoit avec intelligence 
et exactitude. Ce jardinier laissa en mourant une veuve chargée 
de six enfans en bas âge, dont l'ainé, André Thouin, âgé de 
dix-sept ans, s'étoit instruit de bonne heure dans la méme 
partie. Malgré sa grande jeunesse, Bernard de Jussieu, con- 
noissant son aptitude et. affectionnant cette famille, fit agréer 
à Buffon qu'il succédät à son père; il promit de le diriger, 
en ajoutant qu'un premier garcon trés-ancien dans le jar- 
din pouvoit le seconder pour les travaux manuels de cul- 
ture, Ainsi fut conservée dans l'établissement.une famille es- 
timable dont plusieurs membres y remplissent encore main- 
tenant des emplois importans. Par les soins du démonstrateur 
et du jeune jardinier, qui se chargeoit spécialement de la ré- 
colte des graines et des semis, le jardin conserva une collec- 
tion assez nombreuse de plantes vivantes , quoique l'intendant, 
alors plus occupé de l'agrandissement du cabinet d'histoire 
naturelle, donnät moins d'attention aux autres parties de 
l'établissement. 

D'ailleurs, Buffon éprouva, en 1771,une maladie assez grave 
pour donner sur sa vie des craintes à ses amis et à ceux qui 
cultivoient l'histoire naturelle, sur laquelle il avoit présenté d 
grandes vues , et dont il propageoit le goût dans toute L 
France. A cette époque, M. d'Angiviller (1), déjà pourvu de 


(1) M.de Flahaut de la Billarderie , comte d'Angiviller, ancien officier des Gardes- 
du-corps, admis à l'Académie des sciences en 1772 , avec le titre de pensionnaire 
vétéran , directeur général des bàtimens du roi en 1774, en cette qualité chef des 


D'HISTOIRE NATURELLE, 9 
la survivance d'intendant du jardin, et qui tenoit cette nomina- 
tion secrete par égard pour Buffon, crut devoir faire con- 
firmer ce titre par le ministre, et le laisser connoitre au 
public, probablement pour écarter toute concurrence et pré- 
venir des démarches opposées à ses intérêts. Buffon, dans sa 
convalescence, fut instruit de cet événement qui pouvoit con- 
irarier ses vues , et il en parut vivement affecté; mais les mé- 
nagemens délicats de son survivancier parvinrent à lui rendre 
ce désagrément moins sensible : il fut d'ailleurs, dansle méme 
temps, dédommagé par deux distinctions honorables. Le roi 
érigea ,en 1771, sa terre de Buffon en comté, et fit faire, par 
Pajou, célèbre sculpteur , sa statue en marbre ; elle fut placée, 
en 1776, dans l'escalier conduisant aux salles d'histoire na- 
turelle. Quoique cet honneur ne füt accordé qu'aux hommes 
célébres déjà morts, on dévanca, en sa faveur, le jugement 
de la postérité, qu'il étoit facile de deviner. Cet hommage, 
rendu à un grand homme que le public désignoit par le nom 


Académies d'architecture , de peinture et de sculpture. Ami des sciences et des arts, 
il encouragea surtout ces derniers, et obtint l'autorisation du roi pour faire exécuter 
tousles deux ans ee dier tableaux d'histoire , et quatre statues en marbre repré- 
sentant d e la France. On a dit dansle temps qu'il devoit cette place, 
ainsi que + survivance d'iatendadé du Jardin des Plantes, à la faveur spéciale du dau- 
phin fils de Louis XV, prés duquelil avoit passé sa premiére jeunesse, et qui en mou- 
rant avoit demandé au roi pr lui ces deux places. Mais il paroit plus certain qu'il 
dut la survivance de Buffon à la protection du ministre Lavrillére, et la direc- 
tion des bátimeus à l'affection de Turgot, premier contrôleur général des finances 
lorsque Louis XVI monta sur le trône. M. d'Angiviller, forcé de s'expatrier à 

l'époque de la révolution , habite maintenant Kiel dans le Holstein, où il a emporté 
les regrets des artistes qu'il estimoit, et des Sem 6c que son caractère obli» 
geant et ses formes aimables lui avoit procurés, E 


11. 


2 


10 ANNALES DU MUSEUM 
de Pline françois, fut approuvé par tous ceux qui avoient lu 
et admiré ses ouvrages. 

Buffon ayant recouvré la santé en 1772, s'occupa de nou- 
veau de l'amélioration de l'établissement confié à ses soins. 
Pour en être plus rapproché, il fit acquérir par le gouver- 
nement deux maisons, voisines du bâtiment principal, qui 
furent réunies au jardin, et dont on forma, au moyen de 
quelques réparations, le logement de l'intendant , dans lequel 
il transporta son domicile. Les étages supérieurs furent ré- 
servés pour le dépót des objets non encore placés dans les 
salles d'histoire naturelle. On abattit au fond de la cour du 
jardin un vieux bâtiment qui la paroi de la nouvelle ac- 
quisition. 

La présence de Buffon dans l'établissement fat? nd un 
changement avantageux pour la botanique. Cette science, 
négligée depuis long-temps dans le jardin, ne s'y soutenoit 
que par les efforts de ceux qui étoient chargés de sa direc- 
tion. L/école étoit la méme qui avoit été plantée par Tour- 
nefort. Quoiqu'elle fùt entourée-de terrains vagues, on n'avoit 
pu, faute de fondset de moyens de culture, augmenter son 
étendue, Le sol, dénué d'engrais, étoit épuisé : les plantes y 
languissoient ; on ne pouvoit transplanter celles de pleine terre 
sans risquer de les faire périr. Lorsqu'on vouloit ajouter aux 
démonstrations quelque genre nouveau, on étoit forcé de le 
placer dans les parties de platebandes qui offroient des places 
vides , sans aucun égard à ses rapports naturels ou systéma- 
tiques. L'impossibilité de trouver un nombre suffisant de ces 
espaces libres, avoit déterminé le professeur à démontrer dans 
une autre partie du jardin les plantes de serre chaude. De 
plus, l'école des arbres étoit toujours séparée de la premiére, 


D'HISTOIRE NATURELLE. i1 
et adi de l'autre côté du parterre, le long d'une des grandes 
allées. Au moment de la démonstration, les arbres d'oran- 
gerie, conservés dans des pots ou des caisses, étoient inter- 
calés entre ceux de pleine terre et retirés peu aprés, parce 
que ce lieu , resserré entre une grande allée et un mur tres- 
élevé, étoit trop ombragé. 

M. 2d Jussieu le neveu, remplissant les fonctions du profes- 
seur Lemonnier , fit, pendant quatre années, les démonsira- 
tions suivant cette disposition irrégulière ; mais désirant vive- 
ment renouveler l'école et y ranger les plantes dans un meilleur 
ordre, il sollicita fortement auprès de Buffon la restaura- 
tion de cette partie du jardin, et il réussit à le convaincre 
de la nécessité de ce changement. Buffon obtint, en 1773; 
du ministre Lavrillière les fonds nécessaires ( 36000 liv.) 
pour la disposition de la nouvelle école et les dépenses 
accessoires. Les plantes vivaces de l'ancienne furent levées 
dans l'automne avec précaution et mises à part. On détruisit 
le pavillon situé à l'extrémité du jardin. Le terrain , devenu 
libre, fut défoncé et nettoyé dans toute son étendue. On 
traça de nouvelles platebandes dans lesquelles les mêmes 
plantes furent replacéessur la fin de l'hiver suivant. M. de Jus- 
sieu en profita pour les disposer suivant une méthode nouvelle 
qu'il fonda sur les caracteres les plus essentiels, et qui avoit 
sur toutes les précédentes l'avantage de conserver dans leur 
intégrité la plupart des familles établies, quinze ans aupara- 
e: par son oncle dans lejar de Trianon (1). A la nomen- 


à) C— de Jussieu, invité, en 1759, par Louis XV à ranger l'école de bota- 
nique que. prince vouloit former dans son jardin de Trianon:, y disposa les plantes 
| qu’elles sont rapportées à la suite de l'introduction de l'ouvrage 


publié par son neveu. ; 


> * 


12 ANNALES DU MUSEUM 

clature de Tournefort , seule admise jusqu'alors dans le jardin , 
il substitua celle de Linnaeus, plus abrégée, plus commode , 
et généralement adoptée dans toute l'Europe: ce qui mit en 
ce point le jardin de Paris en harmonie avec les autres jardins 
de botanique étrangers. En 1774, les démonstrations furent 
faites suivant ce nouveau plan. Buffon fit placer autour de 
l'école et du terrain del'orangerie les grilles de fer qui subsistent 
encore maintenant. Le bâtiment neuf fut démoli, et l'on n'en 
conserva que les caves ,et la portion nécessaire pour soutenir la 
terrasse de la serre supérieure, sous laquelle on pratiqua des 
serres peu profondes, trés-avantageuses pour la conservation 
des petites plantes d'orangerie. Avec les débris de ce bâtiment 
et les mauvaises terres retirées de l'école, on forma la pente 
douce qui conduit des allées du jardin aux buttes, en passant 
entre les deux serres de Dufay. 

Les couches destinées aux semis des graines, auparavant 
placées daus un des deux carrés bas entourés d'ifs qui ter- 
minoient le parterre, furent transportées sur une terrasse située 
au-dessus de lécole à la suite des serres, et garantie du nord 
par la petite butte. Dans l'emplacement de ces carrés on 
forma la pépiniere qui existe encore, et qui fut également en- 
tourée d'une grille de fer. 

Bernard de Jussieu, qui avoit désiré long-temps de voir 
l'école mieux disposée, approuva tous ces changemens, et vit 
avec plaisir le nouvel ordre établi dansles démonstrations; mais 
affoibli par âge, contrarié par une vue extrêmement basse, 
qui ne lui permettoit de voir que confusément les objets, se 
croyant d'ailleurs moins nécessaire dans le jardin, il ne S'y 
rendit plus avec la même assiduité, comme il faisoit aupara- 
vant chaque matin dans la belle saison, et il ne présida plus à 


D'HISTOIRE NATURELLE. 13 


l'arrangement des plantes dans l'école. Les herborisations qui 
commencoient à le fatiguer furent aussi abrégées, et se bor- 
nèrent, en 1775, à quelques promenades trés-courtes , au mi- 
lieu des élèves attirés à sa suite par une curiosité respectueuse ; 
son neveu le suppléa pour les autres herborisations. Dans 
les années suivantes, il renonça entierement à cet exercice 
trop pénible, et ne parut presque plus au jardin, quoiqu'il 
conservàt pour ce lieu une affection particulière. En 1777, 
il ne sortit de chez lui que pour remplir les devoirs reli- 
gieux et ceux d'académicien. Cette vie, très-sédentaire , put 
augmenter en lui une disposition à l'apoplexie , dont il ressentit 
une première atteinte vers la fin de septembre de la même 
année. Les prompts secours le soulagérent d'abord ; mais il 
eut une rechüte trois semaines aprés, et malgré les soins qui 
lui furent prodigués , il mourut le 6 novembre, âgé de soixante- 
‘dix-huit ans, dont cinquante-cinq avoient été consacrés à 
la botanique: dans les fonctions de démonstrateur (1). C'est 


(1) Bernard de Jussieu a peu écrit: mais il avoit beaucoup vu et beihetomi lu sans 
rien oublier. Il iquoit facil isultat deses observations et de ses lectures 


aux personnes qui br: le consulter, et quien profitoient dans leurs ouvrages , 
quelquefois sans le citer. On a de lui, dans le Recueil de l'Académie, des mé- 
moires sur le lemma et la pilulaire, dans lesquels il présente des faits, alors nou- 
veaux, sur les poussières des étamines. Dans un autre, il a le premier, avec Peys- 
sonel, rapporté au régne animal la classe nombreuse des zoophytes, auparavant 

rangée parmi les végétaux. C'est à lui que l'on doit la découverte de l'efficacité ce 
- aleali volatil pour la guérison de la morsure de vipére, sur laquelle il a donné 
une observation consignée dans le méme recueil. L'établissement de ses familles de 
plantes à Trianon est le dernier de ses ouvrages, et le plus solide monument de sa 
gloire. Haller et Linnæus terminèrent leur carriére dans les deux mois qui suivirent 
sa mort; et la botanique perdit ainsi à la méme époque les trois savans que l'opi- 
nion publique désignoit comme les premiers dans cette partie. Son éloge, tracé 


o. pu ANNALES DU MUSEUM 

un des savans dont la mémoire est la plus chère dans le jardin 
qu'il dirigea si long-temps , et qui lui doit une partie de sa 
prospérité. Il y soutint la botanique dans un temps où elle étoit 
négligée par les autorités supérieures. Il la fit aimer aux nom- 
breux élèves qui suivoient ses herborisations ou venoient s'ins- 
iruire en conversant avec lui. Sa complaisance égaloit son 
savoir : sa société étoit douce et agréable, et personne ne pos- 
séda mieux la vraie philosophie qui consiste dans l'amour et 
la pratique des devoirs imposés par la religion, par la morale 
et par la loi. La ne de démonstrateur de botanique fut 
donnée à son du qui en exercoit déjà les fonctions, et 
qui continua à A réunir à à celles de m 


ILS po 


SRE et inséré dans les Mémoires de l'Académie , 1777, page 94, fut lu 
devant Voltaire dans la séance publique de Pâques 1778, à laquelle assista cet 
homme célèbre, qui mourut aussi peu de temps aprés. Dans l'automne suivant, les 
lettres perdirent encore Jean-Jacques Rousseau; ce qui fit nommer cette année 
scolaire l'année de la mort des grands hommes. J. J. Rousseau aimoit la botanique, 
sur laquelle il avoit écrit quelques lettres qu'on lit avec plaisir, et visitoit quelque- 
fois le is _ ass Pendant cinq des dernieres années de sa vie, il- assista régu- 


4*3 P " 1*1 


que M. de Jussieu le neveu faisoit toutes les 
semaines, dans l'été, avec M. Thouin et un petit nombre d'amis ou éléves choisis. 

(1) M. Antoine-Laurent de Jussieu, né à Lyon en 1748, docteur de la Faculté de 
médecine en 1772 ,del'Académie des sciences en 1775, de la Société royale de méde- 
cineen 1776, de l’Institut de France à l'époque de sa création , de la légion d'honneur, 
professeur actuel au Muséum d'histoire naturelle et à l'Ecole de médecine. Le recueil 
de l'Académie contient deux de ses Mémoires, l'un sur la famille des renoncules, 
dans lequel il cherche à fixer les principes pour la formation des familles; l'autre 
sur la inéthode employée par lui pour la classification la plus naturelle. Cette mé- 
thode, adoptée dans les démonstrations du jardin, a servi-de base à son Genera 
plantarum , ouvrage dans lequel les familles et leurs genres sont caractérisés. Il a 
donné à la Société de médecine un Mémoire sur les rapports des caractéres et des 
vertus des plantes. Dans les Annales du Muséum, il a passé en reyue les familles 
des Amiarautacées , des Nyctaginées , des. Onagraires , des Passiflorées 
bénacées ; il a tracé la nronographie des genres cantua , grewia, paulli 


D'HISTOIRE. NATURELLE. 15 

Ce fut dans la méme année 1777, au mois de septembre, 
que mourut Bourdelin, professeur. titulaire de chimie , qui; 
depuis 1770; avoit cessé d'exercer sa place, Macquer (1) joignit 
alors le titre aux fonctions qu'il remplissoit depuis. le méme 
temps conjointement avec Rouelle le jeune. Celui-ci fit. encore 
pendant deux. ans les démonstrations : une -maladie aiguë 
l'emporta en 1779, et la science perdit. en lui un manipule- 
teur habile,.un des hommes qui possédoient dans la mémoire 


Miis loasa, tacsonia ; il a décrit hote genres nouveaux et alcun espèces 
ajoutées T aux genres anciens. Les observations de Gærtnersur les fruits et Ies: graines 
ont été l'objet de son examen dans plusieurs Mémoires, auxquels il doit donner une 
suite, en employant ces observations pour le complément des caractéres de familles. 
Enfin, en qualité de l'un des plus anciens professeurs existans, il a été chargé d'in- 
sérer dans les Annales l'histoire du Jardin des Plantes, qu'il a divisée en plusieurs 
époques. Lorsqu "1l y parle des divers savans qui. ont professé dans ce licu, ou 
qui l'ont administré, il’ présente l'état de leurs travaux dans des notes placées à 
l'année de leur admission ou de leur mort. Pour suivre le méme plan, il devra 
offrir, à lépoque de leur nomination et jusqu'au moment actuel, la méme notice sur 
les auteurs vivans, mais en laissant à l'opinion publique le soin de porter les 
jugemens et de distribuer les éloges. 

(1) Pierre- Joseph Macquer , né à Paris en 1718, docteur de. la Faculté int 
decine en 1742, de l'Académie des sciences en 1745, de la Société royale de mé- 
decine en 1776, chargé par le gouveruement de la direction des travaux chimiques 
de la manufacture de porcelaine de Sévres, et de l'examen des objets de commerce 
qui sont du ressort de la chimie, Ses ouvrages principaüx sont des élémens de chi- 
mie théorique et pratique; l'art de la teinture des étoffes de soie, faisant partie de 
ceux publiés par l'Académie , , un dictionnaire de chimie trés-estimé, qui a eu deux 
éditions. Il a donné à l'Académie des Mémoires sur le sel arsénical, la dissolvabi- 
lité des huiles dans l'esprit-de-vin , surle platine, les argiles réfractaires , la chaux et 
le plâtre, la gomme élastique , dont il a le premier reconnu l'éther pour dissolvant: 

Société de médecine lui doit des analyses d'eaux minérales, un mémoire sur 
les savons, acides et leur emploi en médecine, un autre sur la nature de la ma- 
gnésie et du sel d'epsom. Il s'est encore occupé d' sur les matiéres d'or et 
d'argent pour les travaux dela monnoie , et du perfectionnement du flint-glass. 


16 ANNALES DU MUSÉUM 
un plus grand nombre de faits chimiques , résultant d'expé- 
riences suivies et d'observations journalières. Il eut pour suc- 
cesseur Brongniart, pharmacien de Paris, qui avoit fait des 
cours de chimie dans l'école de pharmacie et publié un essai 
sur la chimie appliquée aux arts (1). 
Pendant que l'enseignement de la botanique et de la chimie 
étoit ainsi renouvelé dans le Jardin royal, l'anatomie , aupa- 
ravant trés-suivie, l'étoit alors encore davantage sous Amoi 
Petit (2) , et Pamphithéâtre étoit toujours trop resserré pour 
je nombre des élèves qui venoient assister à ses leçons Il savoit 


(1) Antoine-Louis Brongniart, né à Paris en 1742, reçu au Collége de pharmacie 
en 1761, et pourvu, en 1779, de l'une des places de premier apothicaire du 


(2) Antoine Petit, né en 1722 à Orléans, docteur de la Faculté de médecine de 
Paris en 1746, de l'Académie des sciences en 1760. La réputation acquise par len- 
seignement fut le principal titre pour son admission dans cette compagnie, dont le 
recueil ne contient que deux Mémoires de lui, sur un anevrisme et sur deux liga- 
mens de la matrice. On connoit son édition des Œuvres de Palfin , son Diseours sur 
la chirurgie, ses Consultations légales, et ses Mémoires sur les naissances tardives» 
en opposition à ceux de Bouvard. Il avoit un tact sûr pour la connoissance des 
maladies organiques, sur lesquelles il étoit fréquemment consulté. Plusieurs fois il 
pratiqua lui-méme des grandes opérations de chirurgie. Regardant les connoissances 
dans cette partie, comme trés-nécessaires au médecin, et convaincu pareillement 
que l'anatomie est indispensable pour former le grand praticien, il fonda, dans la 
Faculté, deux chaires dont les professeurs, membres du méme corps, devoient faire 
l'enseignement pendant dix années, au beut desquelles ils seroient remplacés par 
d'autres. Sur son invitation , celle d'anatomie fut donnée à Leclere , jeune médecin 
alors d'une grande espérance qu'il n’a point démentie; nommé depuis professeur à 
YÉcole de médecine, et dont ses collégues regrettent la perte récente. Celle de 
chirurgie fut confiée à M. Corvisart, maintenant professeur dans la méme école» 
que.son mérite a porté à la place de premier médecin de S. M. l'Empereur, 
Petit voulut aussi donner à Orléans, sa patrie, des témoignages solides de son 
souvenir, par une fondation i quie paris Ls médecins, pour soigner les pe nd 
indigens de la ville, et d jours é des conseils à ceux de la ca can pa 


D'HISTOIRE NATURELLE. 17 
répandre de l'intérêt sur les sujets les plus secs et les plus arides, 
et joindre à une instruction solide les charmes d’une élocution 
facile et enjouée. Cependant , ennemi de la gêne imposée par des 
démonstrations à heure fixe, et détourné d'ailleurs par une 
pratique qui devenoit de jour en jour plus étendue, il se fit 
quelquefois suppléer , en 1776 et 1777 , par Vicq-d'Azyr (1), 


dans une salle construite à ses frais. Une pratique étendue forca Petit de renoncer à 
lenseignement. Bientót il se dispensa aussi de visiter les malades, et se contenta 
de donner chez lui des consultations, Pour être plus libre , il se retira à Fontenai- 
aux-Roses, où les malades venoient encore le consulter; c'est de là qu'il alloit à 
Meudon pour visiter le petit dauphin fils ainé de Louis XVI, que l'on avoit 
placé dans ce lieu pour qu'il fût plus rapproché de son médecin. Dans le cours de 
la révolution, Petit voulut s'éloigner de Paris, et alla séjourner à Orléans. Il moy- 
rut au mois d'octobre 1794, à Olivet , village voisin de cette ville, où il avoit 
établi sa résidence. Un de ses derniers actes de bienfaisance fut le don d'une maison 
à la commune de Fontenai-aux-Roses , pour le logement d’un officier de santé, avec 
des appointemens annuels. 

(1) Félix Vieq-d'Azyr, né en 1748 à Valognes dans le Cotentin , département 
dela Manche, docteur de la Faculté de médecine en 1774, associé la méme année 
à l’Académie des sciences, instruite de ses succès dans l'enseignement et juge de ses 
recherches dans l'anatomie humaine et comparée. Cette académie, invitée en 1775, 
par le ministre Turgot, à envoyer un de ses membres dans le Midi pour arréter 
les progrès d'une épizootie meurtrière, donna cette mission à Vieq-d'Azyr qui par- 
vint à faire cesser la maladie. Le ministre voulant prévenir les suites funestes de 
pareilles contagions , forma prés de lui un bureau composé de six médecins chargés, 
avec Vicq-d'Azyr , de s'occuper des épizooties sous la direction du premier médecin. 
Ce bureau à peine formé se changea , en 1776, en société de médecine , dont les 
recherches s'étendirent à toutes les parties de l'art de guérir. Elle s'associa des mé- 
decins anciens et expérimentés; plusieurs autres désirérent partager ses travaux. 
Cette société fut confirmée, en 1778, par des lettres-patentes, malgré les oppo- 
sitions de la faculté; et l'ancien projet de Chirac fut ainsi réalisé. Elle s'éleva au 
milieu des obstacles par l'activité de Vicq-d'Azyr, qui, nommé son secrétaire perpé- 
tuel » développa dans cette place un grand talent pour la composition des éloges aca- 
démiques. Ce genre d'occupation, une correspondance étendue pour la société et 
la direction de toute la partie médicale dans l'Encyclopédie méthodique, le dé- 
tournérent un pei de Pentone} j ille fut aussi par son admission à l'Académie 

3 


11 


15 ANNALES DU MUSÉUM 
son élève , jeune médecin de la Faculté de Paris, très-versé 
dans l'anatomie, dont il donnoit des cours particuliers , et auteur 
de plusieurs excellens Mémoires qui lui avoient ouvert les 
portes de l'Académie des sciences. Ses lecons instructives atti- 
roient également la foule des élèves ; il parloit avec facilité 
et souvent avec éloquence , et l'on pressentoit des-lors que s'il 
n'étoit arrêté par aucun obstacle dans sa carrière, il devien- 
droit l'un des premiers anatomistes de son siècle. 

Petit, décidé à renoncer à l'enseignement , auroit désiré 
l'avoir pour survivancier; mais Buffon crut que la justice l'obli- 
geoit d'appeler à ces fonctions M. Portal (1), qui, plus ancien 


françoise en 1788, et la place de premier médecin de la reine, qu'il obtint en 1789. 
Cependant il commença sur le cerveau un grand ouvrage qui fait regretter l'inter- 
ruption fréquente de ses travaux anatomiques. On lui doit encore plusieurs re- 
cherches d'anatomie comparée, eten 1795 les professeurs du jardin, qui le re- 
gardoient comme leur collégue, l'invitèrent à faire avec Mertrud l'anatomie 
du rhinocéros. Sa place à la cour devint pendant la révolution un sujet de 
crainte perpétuelle pour son existence souvent menacée. Le désir d'adoucir les 
hommes exaltés qui l'entouroient, le força d'assister à une fête patriotique où la 
chaleur , la fatigue et la contrariété lui occasionerent une fluxion de poitrine, à la- 
quelle il succomba malgré tous les secours, le 20 juin 1794, regretté de tous ses 
amis, au nombre desquels est le rédacteur de cette Notice. Ceux qui voudront 
mieux connoitre un homme célébre enlevé trop tótaux sciences, liront avec intérét 
son éloge historique par M. Moreau, éditeur de ses œuvres. . 

(1) M. Antoine Portal, né en 1742 , à Gaillac en Languedoc, département du Tarn, 
docteur dela Faculté de médecine de Montpellier, en 1765, professeur d'anatomie au 
collége de France en 1768 , membre de l'Académie des sciences en 1769, de l’Institut 
de France à l'époque de sa création , ci-devant chevalier del'ordre de Saint-Michel, 
maintenant de la légion d'honneur, et l’un desprofesseurs du Muséum d'histoire natu- 
relie. Ses ouvrages principaux sont un Précis de chirurgie pratique, l'Histoire de Pana- 
tomie et de la chirurgie, un Cours de physiologie expérimentale , l'Anatomie médicale , 
une nouvelle édition du Traité du cœur , de Senac , et de l' Historia anatomico-medica 
de Lieutand, la publication des Essais anatomiques de ce dernier, . avec des re- 


D'HISTOIRE NATURELLE, 19 
dans la méme partie, avoit déjà fait des leçons pour Ferrein 
en 1768, et auquel des travaux postérieurs avoient donné de 
nouveaux titres pour obtenir cette place. Il eut, en 1778, la 
survivance de Petit, et fut dés-lors chargé seul de donner les 
leçons d'anatomie. Mertrud le neveu (1) continuoit de faire les 


marques et des observations. Il a écrit sur le traitement de la rage, de la petite 
vérole , dela phthisie pulmonaire, sur celui des empoisonnés , des noyés, des asphixiés; 
et plusieurs de ces dissertations , surtout les dernières, ont été réimprimées et ré- 
pandues par ordre du Gouvernement, qui, d’après ses indications, a fait en France 
des établissemens pour le traitement des noyés et des asphixiés. Dans divers recueils 
périodiques, et particuliérement dans ceux de l'Académie des sciences et de l'Ins- 
titut, il a publié des Mémoires sur plusieurs parties de la médecine. Ses dissertations 
anatomiques ou physiologiques traitent de l'usage de l'ouraque dans l'homme, de 
la situation des viscéres du bas-ventre dans les enfans, de la différente action des 
deux bronches du poumon, des organes sexuels de la femme, de la situation du 
foie dans l'état naturel, des voies de communication du poumon avec les bras, du 
mouvement qu'on peut observer dans la moëlle épinière, de la structure du canal 
thorachique et du réservoir du chyle, du nerf grand sympathique. Il a donné en chi- 
rurgie des vues sur l'abus des machines dans le traitement des luxations , et une nou- 
velle méthode de pratiquer l'amputation des extrémités. Les sujets de ses travaux en 
médecine sont le spina bifida, l'apoplexie,l'épilepsie , la phthisie de naissance, la 
maladie noire , les maladies de l'épiploon , celles du foie attribuées à d'autres organes, 
«quelques maladies de la voix, les rapports de la pleurésie avec la péripneumonie " 
les morts subites occasionées par la rupture du ventricule gauche du cour, les dé- 
rangemens de la taille dans un âge avancé, la structure et altération des glandes 
du poumon, la nature et le traitement des fièvres qui ont régné dans la Vendée, 
quelques maladies héréditaires, diverses. destructions qui se font dans le corps 
humain et particuliérement celle du cristallin, les excroissances fongueuses dans 
le canal intestinal et dans d'autres parties internes, les concrétions membraneuses 
par état de maladie. 

(1) Buffon , qui aimoit et estimoit Mertrud, a parlé de lui avec éloge dans son 
immortel ouvrage, Son attachement à sa patrie lui a fait refuser des postes brillans 
offerts par des puissances étrangéres, et entrautres celui de premier chirurgien 
du roi de Naples, qui lui futiproposé en 1770, et celui de premier chirurgien du roi 
d'Espagne , auquel il a réellement été nommé en 1772 Il est l'inventeur de plusieurs 

A e. 


20 ANNALES DU MUSEUM 

démonstrations, et travailloiten méme temps, avec Daubenton, 
à la dissection de la plupart des quadrupédes décrits par celui- 
ci dans la grande histoire naturelle. 

L'établissement perdit, en 1780, Magdelame Basseporte, 
ágée de quatre-vingts ans, qui avoit succédé à Aubriet, en 
1743, dans les fonctions de peintre et dessinateur du jardin, et 
dont les nombreux dessins ornent la belle collection des vélins 
déposés au Muséum. Elle remplissoit encore ses fonctions dans 
l'année qui précéda sa mort; et quoique affoiblie par l’âge, 
elle conservoit toujours la méme activité. Sa place fut occupée 
par M. Vanspaendonck (1), qui en avoit obtenu la survi- 
vance en 1774, et qui dès-lors étoit regardé comme l'un des 
premiers peintres de fleurs. 

Ce fut deux ans aprés, en 1782, que le jardin éprouva nn 
agrandissement considérable. Buffon, qui avoit toujours de 
grandes idées, entreprit de le prolonger jusqu'à la Seine, et 
de doubler ainsi son étendue, en lui réunissant tous les ter- 
rains qui le séparoient de ce fleuve. Les uns plus bas étoient 
cultivés en productions potagères; sur les autres plus élevés 
et plus voisins du quai , on avoit établi de vastes chantiers pour 
les divers approvisionnemens de la capitale. Ce grand espace 
appartenoit presque en totalité aux religieux de l'abbaye de 
Saint-Victor, auxquels des lois positives, communes à tous 
les corps religieux et bénéficiers ecclésiastiques, défendoient 


procédés ingénieux relatifs aux préparations anatomiques. ( Note de M. Cuvier, dans la 
préface de de ses Leçons d'anatomie comparée, vol. 1, p. 2. 

(1) M. Gérard Vanspaendonck , né en 1746, à Titbourg, dans le Brabant hollans 
dois, membre de l'Académie de peinture et sculpture en 1782, maintenant de la 
légion d'honneur, de l'Institut à l'époque de sa création , et professeur ere 
au Muséum d'histoire naturelle. 


D'HISTOIRE NATURELLE. 21 


de vendre leurs biens existans, ou d’en acquérir de nouveaux. 
Ce premier obstacle, qui eût arrêté tout autre , ne fit qu'aug- 
menter chez Buffon le désir de le surmonter. De plus, il exis- 
ioit anciennement sur le méme terrain un cours (1), planté 
de quatre rangs d'arbres , qui commencoit prés de l'angle du 
jardin, et se terminoit en demi-lune sur le quai. Depuis la 
formation du nouveau boulevard, tracé sur un autre aligne- 
ment , ce cours avoit été abattu et transformé en chantiers , 
que la ville louoit à des marchands de bois de construction. 
Les administrateurs municipaux, sollicités par Buffon, con- 
sentirent à lui céder ce terrain, dont le nouvel emploi devoit 
procurer un embellissement pour cette partie de la capitale. 

Il vouloit encore donner au jardin une extension du cóté 
du midi, en faisant disparoitre des bátimens et des murs 
élevés trés-rapprochés de la grande allée méridionale, qui 
rendoient cette partie sombre , humide et peu propre à diverses 
cultures. Derrière l'Intendance existoient des vacheries et 
plusieurs maisons basses occupées par les cultivateurs des 
marais voisins. Une ruelle intérieure, pratiquée le long de ces 
habitations, conduisoit à un pavillon assez agréable , situé au 
milieu d'un jardin particulier (2). 


(1) On trouve ce cours tracé sur la carte de Paris par l'abbé Lagrive, en 1725. 
Il est indiqué, dans la cession, comme contenant environ cinq arpens et un tiers. 

(2) Ce jardin se prolongeoit jusqu'au café précédemment adossé contre son mur 
de clóture, et maintenant isolé. A l'angle de cette clóture , étoit une tour ancienne , 
élevée de plusieurs étages, qui formoit un effet pittoresque, et que l'on a peut-étre 
eu tort d'abattre. Le pavillon faisant partie de la méme propriété, a été habité 
successivement par deux membres de l'Académie des sciences, MM. Adanson et 
Sage. Ce dernier avoit obtenu de Buffon une porte d'entrée dans le jardin public. 
Aprés l'acquisition de ce local et sa réunion à l'établissement, on avoit d'abord 
conservé ce pavillon, qui servit quelque temps de dépôt; mais Buffon ne tarda 
pas à le faire détruire, 


22 ANNALES DU MUSEUM 

L'espace compris au-delà jasqu’au boulevard et à la rue 
Poliveau , étoit en cultures potagéres, au milieu desquelles 
couloit la petite rivière de Bièvre, qui fournissoit à ses rive- 
rains l'eau nécessaire pour leurs arrosemens. Ces maisons et 
ces terrains dépendoient d'une méme propriété formant un 
domaine que l'on nommoit le clos Patouillet(1). Buffon acheta 
ce domaine de ses propres deniers, et proposa ensuite aux 
chanoines de Saint-Victor d'échanger leurs terrains contre 
d'autres de valeur égale, pris dans cette acquisition. Après 
s'être assuré de leur consentement, il sollicita et obtint du 
gouvernement les autorisations nécessaires pour cet échange(2), 
et devint ainsi propriétaire de l'espace compris entre le jardin 
et la riviere. Il conserva, sur le domaine acquis, une lisière 
de terrain assez large pour agrandir le jardin à la droite 
de sa grande allée méridionale, et pour tracer, hors de 
sa clôture, une rue parallèle, qui devoit de ce côté séparer 
le jardin de toute propriété particulière. Les habitans du 
quartier lui donnèrent, comme de concert, le nom de rue 
de Buffon, qui lui est resté. On éleva d'abord, dans sa lon- 
gueur, un mur de maconnerie auquel fut bientót substituée 
une grille de fer qui permet à la vue des'étendre sur les cul- 
tures voisines, 


(1) Il appartenoit à Louis Dubois et son épouse, qui le cédérentà Buffon pour la 
somme de 142,000 liv., par contrats passés chez Aubert, notaire, les 29 et 30 oc- 
tobre 1779. 

(2) Les lettres patentes qui autorisent cet échange sont du mois d'avril 1782, enre- 
gistrées au parlement le 28 juin suivant, En conséquence, les chanoines de Saint- 
Victor, par acte du 3o août 1782, chez M. Aubert, notaire, ont cédé à M. de 
Buffon 12004 toises carrées ou 15 Pons un tiers 4 toises de terrain , et ont. regu 
en échange 12404 toises de terrain faisant partie du clos Patouillet, 


D'HISTOIRE NATURELLE. 23 


Lorsque Buffon fut propriétaire de tout l'espace qu'il vou- 
loit réunir au jardin, il en fit la cession au roi, moyennant 
d'autres objets qui lui furent donnés en échange; et aprés avoir 
indemnisé les locataires, il commença les travaux en 1782. 
On prolongea, jusqu'à la rivière, les deux allées principales 
qui furent continuées en tilleuls comme la partie qui subsis- 
ioit déjà, et on en forma deux autres paralleles le long des 
clótures. Celle du midi, qui borde la rue de Buffon, resta 
sans plantation, pour que les cultures voisines ne fussent pas 
irop ombragées. L'allée correspondante, dirigée du bas de la 
petite butte au quai, fut plantée en maroniers d'Inde. Il 
fallut élever le terrain des marais au niveau de l'ancien 
jardin. Le mur de terrasse qui le bornoit au levant dans 
une direction oblique (1), fut abattu; en faisant quelques 
additions à l'école et à la pépiniére qui se terminoient sur 
cette terrasse, on redressa leur extrémité en équerre. Entre les 
deux premieres allées, un grand bassin carré, creusé jus- 
qu'au niveau de la riviére, qui devoit lui fournir des eaux par 
infiltration, fut destiné à la culture des plantes aquatiques, et 


sur ses pentes on devoit placer les arbrisseaux qui exigent dif- 


férens sols et diverses expositions. Un vaste parterre, con- 
sacré à la conservation et propagation des herbes vivaces de 
pleine terre, occupa tout le terrain situé entre ce bassin et 
la rivière, et devint un dépôt utile pour celles qui sont 
usiiées en médecine , et dont on fait habituellement des distri- 
butions gratuites. 

À chacun des deux côtés du jardin, le long des mêmes allées, 


(1) On retrouve les traces de cette obliquité, eh examinant dans les deux grandes 
allées la hauteur différente des arbres anciens et des nouvelles plantations. 


24 ANNALES DU MUSEUM 
on pratiqua, surlenouveau terrain, quatre grands carrés fermés 
de treillages, séparés par autant d'allées transversales. Ceux 
, qui avoisinent la rue de Buffon furent plantés en quinconces 
d'arbres des quatre saisons, que l'on se proposoit de laisser 
croitre librement et dans toute leur hauteur, soit pour en 
faire, dans cet état, des objets d'étude, soit pour en obtenir 
des graines bonnes à semer. Les carrés tracés à la gauche 
et faisant suite à l'école, furent destinés pour diverses cul- 
iures. Dans le premier, on se proposa de former une école 
d'arbres fruitiers (1) qui réuniroit toutes les espèces et va- 
riétés de ce genre de productions. Le second, plus grand, 
étoit réservé pour le semis des graines de plantes écono- 
miques (2) , propres pour les arts, la médecine et la nourri- 
ture de l'homme et des animaux. Les deux derniers furent 
disposés, pour le moment, en supplément de pépinière. 
Les allées transversales qui séparent ces carrés, furent plan- 
tées d'autant d'arbres différens. L'on forma ainsi celles de tali- 
piers, de mélèses, d'érables rouges, d’ailantas, à droite; de peu- 
pliers du Canada, de platanes , de catalpas, d'arbres de Judée, à 
gauche; et chacune retint le nom de l'arbre qui lui étoit propre. 
Tous ces travaux, exigeant beaucoup d'activité et d'in- 
telligence dans la personne chargée de les inspecter, furent 
confiés par Buffon à la surveillance de M. Thouin, qui di- 
rigea l'emploi des terres extraites des marais, ou apportées 
par les tombereaux de la ville. Il fit placer les mauvaises dans 


(1) Cette école existe et renferme une des collections les plus nombreuses d'arbres 
fruitiers. M. Thouin en rend compte dans un Mémoire spécial, vol. [ des Annales, 
page 135. $ 

(2) On trouve encore dans les nnales, vol. IT, page 142, un Mémoire de M. 
Thouin sur cette culture des plantes économiques, 


D'HISTOIRE NATURELLE. 25 
les allées, réserva les bonnes pour les carrés de cultures , et 
présida au nivellement du sol, ainsi qu'à toutes les plantations; 
que l'on fit avec le plus grand soin (1). Ces diverses. opé- 
rations furent achevées en 1784 , avec les murs formant l'en- 
ceinte du jardin terminé par une terrasse et une entrée sur 
le quai. L'auteur du projet de cet agrandissement eut alors la 
satisfaction dele voir exécuté dans toutes ses parties. 

Cependant une circonstance particulière lui fournit encore 
le moyen d'ajouter, en 1785, au jardin une nouvelle porüon 
de terrain utile pour ses cultures, et il sut en profiter. Des 
financiers , réunis en société, avoient spéculé sur les voitures de 
places que l'on nomme fiacres, et se proposoient d'en former 
des dépóts dans divers quartiers de la capitale. Déjà cette com- 
pagnieen avoit construit un tres-vaste dans le faubourg Saint- 
Denis. Elle voulut placer le second dans celui de Saint-Victor, 
et acheta, dans la rue de Seine „un grand terrain dont le fond 
se prolongeoit devant la petite butte du jardin , jusqu'à la ter- 
rasse nouvelle qui formoit la clóture latérale de cet établisse- 
ment du côté du nord. L'intention des auteurs de cette 
entreprise, étoit de couvrir toute cette surface de bátimens 
propres à leur exploitation; mais Buffon en ayant été instruit, 
leur signifia qu'il ne permettroit pas d'élever devant cette 
. butte un édifice qui masqueroit sa vue, Après quelques ten- 
tatives inutiles pour éluder cette opposition, ils furent con- 


m 


(1) Pour satisfaire l'impatience de Buffon, pressé de jouir de son ouvrage, et ne pas 
perdre la saison favorable pour les plantations , avant que les allées fussent élevées 
à la hauteur requise, il fit disposer en alignement, dans leur longueur, à distances 
et hauteurs égales, des cónes de bonne terre, sur le sommet desquels les arbres 
furent plantés, On put alors attendre patiemment et sans crainte deretard, les dé- 
combres de la ville, pour combler les espaces intermédiaires. 

11, 


26 ANNALES DU MUSÉUM 


traints de borner leurs constructions (1) à alignement du 
mur de clôture du jardin, qui régnoit le long de la même 
butte, et la séparoit de l'hótel de Magny (2). Cette propriété 
particulière, ayant son entrée dàns la rue de Seine , étoit située 
entre leur acquisition et une ruelle (3) dépendante du jardin, 
par laquelle lui arrivoient les divers approvisionnemens de 
ses serres. Le terraim,que ces entrepreneurs laissoient sans 
bàtiment leur devint alors inutile, et ils acquiescèrent à la 
proposition que leur fit Duffon de le céder au roi pour étre 
réuni au jardin. Comme ce local, bordé de terrasses de deux 
côtés, étoit bas, et de plus abrité en partie du nord par le 
nouveau bâtiment de la régie des fiacres, on y transporta les 
couches destinées aux semis (4) , les plantes de pleine terre qui 
veulent plus de chaleur, et celles dont la culture doit étre 
plus soignée. Un passage, ménagé sous l'allée qui sépare ce 
lieu de l'école, facilite la communication de l'un à l'autre, 
et sans embarrasser la promenade publique, on peut reporter 
chaque plante levée sur couches, àla place qu'elle doit rem- 
plir dans l'ordre méthodique adopté pour l'étude. 


dix Ces constructions ont été plus récemment réunies au Jardin des TE le 
grand bâtiment, transformé depuis en orangerie, en faisoit partie. 
(2) Il avoit appartenu auparavant à M. de Vauvray , trés-lié avec Duverney le 
fameux anatomiste, et dont madame de Staal parle dans ses Mémoires, vol. I, 

page 129. 

(3) A l'entrée de cette rodie. dans l'intérieur du jardin, existoit un petit 
bâtiment, en forme de loge, dans lequel Buffon avoit placé les instrumens qui lui 
servoient pour ses expériences des miroirs ardens. Il servit dans la suite de loge- 
ment pour un employé inférieur, et fut abattu à l'époque de la suppression de la - 
ruelle et du mur de clóture contre de il étoit adossé. 

(4) On peut voir encore dans les Annales, vol. IV, page 365, un Mémoire de 
M. Thouin sur l'emploi de cette parüe du jardin. 


D'HISTOIRE NATURELLE. 27 

La terrasse sur laquelle on avoit établi les couches depuis 
1774, devenue libre, fut destinée à l'emplacement d'une grande 
serre chaude, tracée dans l'alignement de celle de Dufay, et 
dont la construction fut faite deux ans après. 

On doit encore à Duffon une acquisition utile, qui pro- 
cura plus d'étendue au terrain des buttes, et donna la faci- 
lité de faire quelques améliorations nouvelles dans le jardin. 
L'amphithéátre ancien, situé entre la grande cour et une 
rue irès-passagère (1), étoit trop resserré pour le nombre des 
élèves qui venoient assister aux divers cours, et souvent les 
lecons étoient interrompues par le bruit dés voitures. On dé- 
siroit depuis long-temps qu'il fùt plus vaste, et placé dans un 
lieu plus tranquille. Dun autre côté, la collection d'histoire 
naturelle prenoit chaque jour de l'accroissement, et paroissoit 
exiger une addition de locaux ; ce qui ne pouvoit se faire 
qu'en déplacant les gardes du cabinet logés dans l'étage su- 
périeur, et en disposant cet étage pour y recevoir les collections 
nouvelles. Buffon pensa que lhótel de Magny, mentionné 
précédemment , pourroit offrir aux gardes des logemens com- 
modes et agréables, et que dans le jardin de cette maison 
il seroit facile de construire un vaste amphithéâtre avec toutes 
ses dépendances, dans lequel les élèves se rendroient par la 
rue de Seine, sans étre obligés de traverser le grand jardin. 
D'aprés ces motifs, il détermina, en 1787, le gouvernement 
à en faire l'acquisition (2). Le mur de clôture fut abattu; Pam- 


"m 


(1) TI étoit dans le bâtiment qui existe entre la porte d'entrée et la terrasse de 
la grande butte. On y a pratiqué depuis le logement de M. Faujas, l'un des pro- 
fesseurs actuels. : 

(2) L'acte passé devant M. Doursier, notaire; est du 18 juin 1787. 

x 


28 ANNALES DU MUSEUM 
phithéâtre, bâti au fond de ce terrain, en face de la petite 
butte, prit la forme d'un bâtiment carré, dont le portique 
fut orné de colonnes, et le toit couronné par une grande lan- 
terne vitrée qui éclairoit l'intérieur. On y placa les fourneaux 
avec tous les instrumens d'un laboratoire de chimie, et un 
local fut aussi disposé pour les dissections anatomiques. Aux 
deux côtés , dans les angles du terrain , deux maisons uniformes 
furent disposées: l'une, pour le cadem de l'architecte Ver- 
niquet, chargé des constructions du jardin; l'autre, pour pro- 
curer, à chacun des professeurs et démonstrateurs , une chambre 
dans laquelle il püt se retirer avant ou apres sa lecon. 

Daubenton abandonna, vers la fin de 1787, son logement 
sur le cabinet, pour habiter la partie inférieure de la maison 
Magny. On commenca sur-le-champ à former, dans le local 
abandonné, de grandes salles, au moyen de la suppression de 
tous les compartimens intérieurs, et l'on éleva le toit pour 
supprimer les mansardes existantes et leur substituer des fe- 
nêtres régulières. Buffon ne sen tint pas là:toujours actif, 
toujours occupé de l'agrandissement de ce cabinet qu'il affec- 
tionnoit comme son ouvrage, il obtint encore du ministre les 
moyens de substituer à d'anciennes constructions irrégulières, 
qui faisoient suite aux salles d'histoire naturelle, un bâtiment 
neuf, dont chacun des deux étages contiendroit une grande 
salle de cinq croisées de face, de plein-pied avec celles du 
bâtiment principal, et l'on commença sur-le-champ ce nouvel 
édifice. 

A l'époque de ces diverses améliorations, l'établissement 
1 


éprouva quelques par mi ses professeurs ou démons- 
irateurs. Macquer mour arut au mois de février 1794, d'une ma- 


D'HISTOIRE NATURELLE. 29 
ladie organique du cœur; c'étoit un savaut (r) distingué et 
modeste , d'un caractère doux et d'une société aimable, possé- 
dant trés-bien la science qu'il professoit , habile surtout à pré- 
senter , dans un ordre méthodique , les connoissances acquises 
en chimie. Il étoit froid dans ses leçons, mais sage et clair 
dans ses écrits. Élève distingué de Rouelle, il avoit adopté les 
principes de Stahl qui prévaloient alors. Cependant il ne re- 
poussa point la nouvelle théorie présentée par Lavoisier, et 
admise parles chimistes modernes. Son assentiment étoit rod 
d'un savant modéré, pi sm à accueillir les nouvelles explica- 
tions des faits chimiques, à les examiner ss prévention, et 
à ne point rejeter avec opiniâtreté ce qui paroit s'éloigner des 
idées reçues. 

La place de professeur qu'il laissoit vacante, fut donnée 
à M. Fourcroy (2), médecin de la Faculté de Paris, qui des- 


fac. 


(1) 11 laissa deux filles sans autre héritier de son nom. Son éloge, par Condorcet, 
se trouve dans les Mémoires de l'Académie, 1784, p. 20; il existe aussi dans les 
Mémoires de la Société de médecine, 1783, p. 69, fait par Vicq-d'Azyr. 

(2) M. Antoine-François Fourcroy , né à Paris en 1755, Docteur de la Faculté de 
médecine de. Paris en 1780, de l'Académie des sciences en 1785, de la Société 
royale de médecine en 1779, de l'Institut de France à l'époque de sa création, 
professeur à l'École de médecine, à l'École polytechnique et au Muséum d'histoire 
naturelle, Commandant de la Légion d'honneur, Conseiller d'État à vie, et Direc- 

teur général de l'instruction publique. 

Les ouvrages qu'il a publiés sont des Élémens de chimie et d'histoire naturelle, 
"qui ont eu cinq éditions ; un volume de Mémoires — de hi pe les Prin- 


auia eutrois 


-cipes de chimie, à l'usage de l'école vétérinaire ; la ‚q 
éditions et a été iter i en six — vivantes; les Tableaux jiii de chimie ; 


le Système d imi , en dix volumes; un Traité sur les eaux sulfu- 
reuses iesu aen - — de la — des pen de Paris. Il a coopéré à 
la réd chi 1e, et aux notes surl'essai du phlo- 


diligis; de Kirwan. La science médicale lui doit l'Art de connoitre et employer les 


30 ANNALES DU MUSÉUM 
lors professoit là chimie avec distinetion. ll étoit le propa- 
gateur le plus actif de la nouvelle théorie quil développa le 


médicamens, la Médecine éclairée par les sciences physiques. On a encore de lui 

quelques travaux étrangers à la chimie, la traduction de Ramazzini sur les maladies 

des artisans, l'Entomologia. Parisiensis, des Mémoires pour servir à l'histoire anato- 

mique des tendons et de leurs capsules muqueuses. Outre ces ouvrdges , ila publié des 

Mémoires insérés dans les reçueils de l’Académie des scienceset de l'Institut, dans le 

Journal de la Société de médecine, les Annales de chimie, etles Annales du Muséum. 
Beaucoup de ces Mémoires ont été composés en société avec M. Vauquelin. Parmiles 

reoherches chimiques qu'il a faites sur les substances minérales, on citera celles sur 

l'huile de vitriol fumante de Northausen, le vin lithargiré,la combustion de plu- 

sieurs corps dans le gaz acide muriatique oxigéné ; sur les propriétés médicinales du 

muriate de chaux, les différens états du sulfate de mercure, l'action réciproque des 
oxides métalliques ct de l'ammoniaque, sur la combustion du gaz hydrogéne dans 

les vaisseaux clos, la précipitation du sulfate de magnésie par les carbonates al- 
calis, la purification du métal des cloches, l'essai du salpêtre. brut, la congélation 

“de divers liquides par un froid artificiel; sur le platine brut, les propriétés com- 
posées de la baryte et de la stronliane, etc. L'examen chimique des matiéres végétales 

l'a beaucoup occupé: à cette partie de ses fravaux doivent étre rapportés les mé- 

moires qui ont pour objet l'albumine végétale, l'arome des plantes, l'identité des 

acides pyromuqueux et pyroligneux, la nature de l'acide pyrotartareux, les ana- 

lyses du quinquina de Saint-Domingue, du pollen du dattier, du suc de bananier, 
de l'oignon; ceux sur la culture du geroflier, la germination et fermentation des 

graines céréales, la coloration des substances végétales par l'air vital. Les travaux 

sur ies matiéres animales offrent une série de faits beaucoup plus compléte que les 

s. Les uns présentent les analyses des calculs biliaires, des pierres de la 

vessie, des calculs intestinaux, des bezoards, des concrétions arthritiques, des 
-corps changés en gras dans les cimetières, de l'humeur des larmes, du mucus nasal , 
de la matière du cerveau, des urines de l'homme et de plusieurs animaux, de : 

Yivoire frais et fossile, de l'émail des dents, de la laite des poissons, des fourmis, 
-de lengrais nommé: guano par les Péruviens. Les autres rendent compte des dé- 
couvertes de lurée, du phosphate de magnésie. dans les.os des animaux , d'une ` 

 matiére détonante formée par l'action de l'acide nitrique sur l'indigo et la chair 
musculaire, du phosphore: contenu dans la laitance des carpes. D'autres enfin traitent 

des altérations.des humeurs animales par l'effet des maladies et l'action des remèdes , 
-de'la nature de la fibre musculaire, de l'existence du gaz azote dans les vessies des 
-carpes, de: l'application de la chimie pneumatique à l'art de guérir, ete | 


e d 


D'HISTOIRE NATURELLE. 31 


premier dans ses leçons publiques et particulières, et dontal 
sut faire goüter les principes aux élèves, par sa manière de 
les présenter. Cette nomination fut bientót suivie de son asso- 
ciation à l'Académie. Ce fut trois ans après que, dans lam- 
phithéátre du jardin, il expliqua, pour la première fois, avec 
le méme succès , la nomenclature chimique qui, liée à cette 
théorie, changeoit tout le langage de la science , et dont il étoit 
un des principaux auteurs. 

Sur la fin de la méme année 1784, Daubenton le jeune (1), 
 gardeet sous-démonstrateur du cabinet, dongiasan té étoitalté- 
rée, sentit le besoin de cesser des fonctions qui le fatiguoient. Il 
demanda et obtint sa retraite avec la conservation de partie de 
ses appointemens, et alla fixer son domicile dans une campagne 
à Saint-Aubin , prés Fontainebleau, où il mourut dans les pre- 
miers mois de l’année suivante. M. de Lacépède (2) obtint 


(1) I s'occupa beaucoup de l'arrangement du cabinet, et prit aussi part aux tra- 
vaux de Buffon, et deses continuateurs, sur les oiseaux, en se chargeant de les faire 
dessiner et d'en diriger la gravure et l'enluminure. Son épouse, qui ne lui a point 
donné d'enfans, étoit sœur de celle de Vicq-d'Azyr , également morte sans postérité, 

(2) M. Bernard-Germain-Étienne de Lacépède, né à Agen en 1756, de l’Institut 
à l'époque desa création , ancien législateur , maintenant l'un des professeurs du Mu- 
séum d'histoire naturelle , membre rd Sénat , et grand chancelier de la Légion 
d'honneur. e 

ILavoit donné, avant 1986, un essai sur l'électricité , et un ouvrage sur la physique 
générale et particulière. Attaché au cabinet d'histoire naturelle, il a dirigé particuliè- 
rement sestravaux sur quelques parties du règne animal, et a publié, pour faire 
suite à l'ouvrage de Buffon, et le terminer, une Histoire des quadrupédes ovipares 
et serpens, une autre des poissons, une autre des cétacées, ainsi que des tableaux 
méthodiques des mammiféres et des oiseaux. La Société philomatique a recueilli ses 
Mémoires sur le polyodon, sur l'organe de la vuc du poisson appelé cobite, sur les 
fourmiliers, sur un nouyeau genre de serpens, Sur deux espéces nouvelles de 
quadrupedes ovipares. Dans des discours imprimés, prononcés à l'ouverture de ses 


: |— ANNALES DU MUSEUM 

sa place, et entra en fonctions au commencement de 1785; il 
y avoit acquis quelques droits par des écrits dans lesquels le 
mérite du sujet étoit- relevé par les grâces du style. Ce nou- 
veau titre, en le rapprochant des objets de son goùt (1), lui 
donna les moyens de se livrer entierement aux recherches 
d'histoire naturelle. 

- Les leçons de botanique avoient été faites jusqu'en 1785 par 
M. de Jussieu , suppléant toujours Lemonnier dans cette partie. 
li avoit, — ses éléves, un ami, M. Desfontaines, jeune 
iiódicin , qu'un goût décidé entrainoit vers: la botanique, et 
auquel il ouvrit sa bibliothèque et ses herbiers. Désirant beau- 
coup l'avoir pour collégue dans le jardin, il le fit connoitre à 
Lemonnier, qui prit bientôt pour lui les mêmes sentimens. 
Celui-ci, pour parvenir plus sûrement à lui transmettre une 

ace briguée par des compétiteurs en crédit, lui laissa le 
temps d'acquérir des titres propres à mieux assurer sa nomi- 
nation. Il rédigea des Mémoires qui lui procurérent,en 1783, 


cours au Muséum, il a parlé des diverses classes d'animaux vertébrés; il a traité 
spécialement de la vie et des ouvrages de Daubenton. L'ouvrage commencé sur 
la ménagerie du Muséum , lui doit quelques descriptions. Dans les Annales, il a décrit 
plusieurs animaux de la classe des reptiles, et d'autres de la Nouvelle-Hollaude, ainsi 
qu'un poisson fossile trouvé dans les carrières de Montmartre. Il a présenté des vues 
sur la meilleure disposition des ménageries, les hauteurs et positions correspon- 
dantes des principales montagnes , et leur influence sur l'habitation des animaux, les 
principes naturels de la distribuon des peuples sur le globe. Sa plume s'est encore - 
exercée sur l'enseignement public, sur la poétique dela musique, surla mort du prince 
de Brunswick submergé dans lOder. Nommé deux fois secrétaire annuel de la pre- 
miére classe de l'Institut, il a rendu plusieurs fois compte des travaux de ce corps, 
et a prononcé l'éloge de Vandermonde et Dolomieu, deux de ses membres» Il a 
|» publié plusieurs Mémoires parini ceux de l'Institut. 
(1) Il eut d'abord le logement de son prédécesseur, au-dessus-du ahis et passa ` 

ensuite, avec Daubenton, à l'hótel de Magny. : 


| D'HISTOIRE NATURELLE. 33 

l'association à l'Académie des sciences. Dans là même année ; 
cette compagnie lui facilita les moyens d'aller sur les éôtes de 
Barbarie , faire des recherches de botanique. Ce voyage, dans 
lequel il pénétra jusqu'au mont Atlas, au pay$ des Lotophages. 
et des peuples du désert de la Sahara, qui ne vivent. que de, 
daites, lui procura hne aniple moisson de -plantes nouvelles, 
publiées depuis dans sa Flore atlantique. Il put alors, à son 
retour , se présenter avec confiance pour remplir une place au 
jardin. Sa modestie lui aüroit fait préférer celle de démonstra- 
teur ; mais M. de Jussieu aima mieux conserver des fonctions 
long-temps exercées par l'oncle célebre auquelil avoit succédé. 
Lemonnier fit passer , en 1786. son titre à M. Desfontaines (1), 


a) M. René-Louiche Défontsines, P» en i rob. ^ A Tregibley e en | Bretagne, dé- 
partement d'llle-et- Vilaine A docteur de la Faculté de médecine de Paris en 178 
de TÁcadémie des sciences en 1783; de l’Institut de France à l'épéqué ‘de’ sa 
éréation , ‘de la légion d'honneur, et professeur actuel ar Muséum d'histoire natu- 
relle. Ses divers Mémoires sont presque tous relatifs à la botanique , et répandus 
dans les recueils de l'Académie des sciences, de l'Institut, de la Société d'histoire 
naturelle , de laDéeade philosophique. Il y passe en revue l le jalap ; le rheum ribes, le 
thé, quelques érables ; les genres royena, convallaria et spandoncea ou éadia ; d'autres 
genres nouveaux. établis par lui, et particulièrement . l'ailantus , le lithonia ,. le; bal- 
samita; plusieurs espèces nouvelles , et surtout, celles qui ont fleuri dans le jardin ; A 
les plantes non décrites. du Corollaire . des Instituts de Tournefort, dont l'impression 
et la gravure se: continuent. „Dans, un Mémoire, important. sur les plantes z monoco- 
tylédónes, il fait connoitre, leur organisation interne f différente de celle, des dico- 
te. Ses observations sur l'irritabilité des organes. sexuels des plantes, se Te- 
l'Encyclopédie méthodique. Son voyage à la côte de Barbarie, Jui a 
procuré les statériaux ies ses. Mémoires sur quelques nouvelles espèces d'oiseaux de 
ces côtes, sur le Jotus des anciens, le chéne doux de l'Atlas, la culture et les usages 
du palmier-dattier. Nous.lui: devons surtout sa Flore atlantique, grand ouvrage 
accompagné de deux. cent soixante-deux redi exécutées, dans laquelle 

il décrit avec isoin -plusieurs genres nouveaux et oup d'espèces o ou incertaines 
ou jusqu'alors :incohnuesf, Il.a aussi donné, pour l'utilité de l'étude. et dnd corres" 


11, 


dans 


34 ANNALES DU MUSÉUM 
de l'agrément de Buffon, et conserva seulement celui de pro- 
fesseur honoraire. 

Buffon n'avoit projeté l'addition de nouvelles salles au cabinet 
d'histoire naturelle , qué pour y placer les objets et collections 
qui lui arrivoient de toutes parts. Récemment encore il avoit 
recu celle que le naturaliste Dombey (1), envoyé au Pérou 
par Turgot, avoit rapportée de son voyage, après huit années 
d'absence, et qui étoit trés-considérable, surtout en minéraux 
et en végétanx. Cet aceroissement de richesses ne pouvoit avoir 
lieu qu'au moyen d'une correspondance étendue et active, rou- 
lant presqueentiérement sur la science, et qui n'étoit pas du res~ 
sort d'un simple secrétaire. ll avoit besoin d'étre secondé dans 
ce travail par un savant initié dans les mémes parties Il prévit 
en méme temps que l'augmentation de la collection générale, 
et la nécessité de la disposer dans les nouvelles salles, exige- 
roient le secours d’une personne instruite en histoire m 
pour seconder les gardes dans ce travail. M. Faujas(2), déjà 


pondance avec les étrangers, le tableau Ó— de l'école P" bte du 
Muséum. 

(1) M. Deleuze a inséré, dans les Annales , vol. 4, p. 136, une Notice trés-intéres- 
sante sur ce voyageur naturaliste, qui, aprés un séjour de huit ans dans le Pérou, 
aprés avoir essuyé les horreurs du siége de Lyon attaqué par ses concitoyens, vous 
lant, pour fuir une révolution qui troubloit sa vie, passer aux États-Unis: d' Ainés 
rique, fut arrété par les Ahglois dans sa I€— et conduit à és de Mont: 
ferrat, où il mourut en l'an 2 (1794). 

(2) M. Barthélemi Faujas de Saint-Fond, né en 1742, à Montélimurt, départe- 
ment de la Drôme, de la légion d'honneur , professeur au Muséum d'histoire natu- 
relle. Ses ouvrages, presque tous relatifs à la géologie et à la minéralogie, sont des 
Mémoires sur uri bois de cerf fossile trouvé prés de Montélimart, et sur la terre 
d'ombre ou terre brune de C e; des Recherches sur la pouzzolane , sue les volcans 
éteints du Vivarais et du velat; des Essais de géologie, et d’autres sur le goudron du 
charbon de terre ; unë édition des Œuvres de Bernard de Palissy avec des notes; 


D'HISTOIRE NATURELLE. 35 
connu du public par des ouvrages sur la géologie et la miné- 
ralogie, lui parut plus propre que tout autre à remplir:cette 
double fonction, et il fut attaché , en 1787, à l'établissement, 
sous le titre d'adjoint à la garde du cabinet, et chargé de la 
correspondance. Le choix ne pouvoit être plus convenable, 
parce que ce nousel adjoint avoit lui-même établi dans ses 
voyages des relations nombreuses, et correspondoit person- 
nellement avec plusieurs savans de l'Europe. " 

Dans la méme année, Buffon, qui ne négligeoit aucun moyen 
d'amélioration pour le cabinet, crut devoir y attacher défini- 
tivement deux artistes, dont l'emploi, depuis quelque temps, 
consistoit à faire, dans ce lieu, toutes les opérations manuelles, 


VHistoire naturelle de la province du Dauphiné, de la montagne de Saint-Pierre 
près Maëstricht, des roches du trapp; la Minéralogie des volcans; le Voyage en 
Angleterre, en Écosse, aux iles Hébrides et à la grotte de Fingal; la Description 
des expériences de la machine aérostatique de Mongolfier, et de celles auxquelles 
cette découverte a donné lieu, Les Annales du Muséum renferment divers Mémoires 
dans lesquels il décrit le tuffa volcanique de Pleyth prés d'Andernach, la carriére 
souterraine et volcanique du méme pays, d’où l'on tire des laves poreuses propres 
à fare d'excellentes meules de moulin ,la mine de tuffa des environs de Bruhl et 
Liblar, connue sous le nom de mine de terre d'ombre , le caoutchou en bitume élas- 
tique fossile du Derbyshire, la montagne della Grandia dans la Ligurie, laterre verte 
de Vérone, les bréches osseuses et coquillières des environs de Nice et deMontalban. 
Il fait connoître une grosse dent de requin et une écaille fossile de tortue, et un 
poisson fossile trouvé dans des earriéres aux environs de Paris , les coquilles fossiles 
de Mayence, une défense fossile d'éléphant, déterrée dans le département de l'Ar- 
dêche, des impressions de plantes,dans, les couches d'un schiste marneux, recou- 
vert par des laves, à Rochesauve dans le méme département le gisement des 
poissons fossiles; et les empreintes de plantes dans une carrière à plâtre voisine 
Al'Aix en Provence. Il donne la: classification des produits volcaniques, et trois rela- 
tions de ses voyages géologiques de Mayence : à Oberstein , aux environs de cette 
-derviére ville, etau volcan éteint de Beaulieu „dans le département des Bouches- 


Au-Rhone. 
5 ES 


36 ANNALES DU MUSEUM 
et surtout à préparer les auimaux qui font partie de la col- 
lection (1). Le secours de ces artistes étoit indispensable pour 
la conservation de:ces. objets; on a même été dans l'obligauon, 
quelques années après, d'en augmenter lé nombre. 

La qualité de trésorier de l'Académie des sciences donnoit 
à Buffon une inspection sur les employés de cette compagnie. 
Il distingua parmi eux Francois Lucas, homme exact et intel- 
ligent , qui, sous le titre d'huissier, soignoit parfaitement la 
salle d'assemblée et ses dépendances , et sur lequel il pouvoit 
se décharger de beauconp de détails relatifs an maintien du 
service. Il lui donna le méme emploi, mais sans titre, dans 
le cabinet d'histoire naturelle, et le conserva, aprés sa mort, 
arrivée en 1757 , à M. Jean-François Lucas son fils, né dans 
l'établissement, qui exerca, de la méme maniere, les Tonctións 
de son pere à l'Académie, et obtint, dans l'une et l'autre place, 
l'estimé et la confiance de ses supérieurs. Buffon, pour récom- 
penser son zèle, lui fit donner, en 1787 , le titre d'huissier 
du cabinet d'histoire naturelle. 

La régularité du service se tronvoit ainsi établie dans le ca- 
binet; elle l'étoit également dans les diverses partes de culture 
confiées à M. Thouin (2), qui avoit su donner à sa place de jar- 


(1) Fattori et Fiquet ont été les deux premiers employés à ce genre de travaux. 

(2) M: André Thouin , né au Jardin des Plantes de Paris en 1747, de l'Académie 
des Sciences en 1786, de l'Institut de France à l'époque de sa création ; dela légion 
“d'honneur , professeur au Muséum d'histoire naturelle. Ses divers travaux sont géné- 
ralement relatifs à la culture. Une partie est imprimée dans les Mémoires de 
l'Académie des sciences et dela Société d'agriculture , dans les Annales du Mu- 
 séum, dans là nouvelle édition du Cours d'agriculture de Rozier: Il y traite de la 
culture de la rhubarbe, du thé, du lin de Sibérie, de celui de la Nouvelle 
Zélande, du chanvre de la Cline, de l'arbre teck, des plantes alpines, des diverse 
espéces de dahlia, du genre nombreux des bruyéres, des patates et pommes-de 


D'HISTOIRE NATÜRELLE. | 37 
dinier en chef une considération particulière , et que de bons 
Mémoires sur la culture avoient porté récemment à l Académie 
des sciences. Les moyens de maintenir l'ordre et la tranquillité 
dans tous les lieux de l'établissement où le public étoit admis, 
ne furent point négligés. Depuis long-temps, Guillotte, ins- 
pecteur de police, étoit chargé de cette surveillance. Il avoit 
sous ses ordres des factionnaires, choisis par lui, qui parcou- 
roient habituellement le jardin, et se trouvoient dans l'amphi- 
théâtre et l'école aux heures des leçons, dans le cabinet aux 


terre, du pêcher d'Ispahan, nouvelle espéce; d'un jamrosude qui a fleuri i les 
serres du jardin, de plusieurs espèces d'astragales considérés comme fourrages. 
Des Mémoires plus généraux sont consacrés à l'examen des avantages de la culture 
ai certains arbres étrangers , pour employer des terrains abandonnés. comme stériles; 
à l'usage du terreau de bruyère pour la culture des arbrisseaux de l'Amérique- 
Septentrionale ; à la maniére de tirer partie des végétaux grimpans propres à servir 
de fourrages, en leur donnant des tuteurs choisis parmi d'autres fourrages à tige 
droite et de même durée; à l'examen des ustensiles qui peuvent être employés 
pour la culture des plantes dans les jardins de botanique. Dans d'autres Mémoires, 
il décrit successivement les écoles des arbres fruitiers, des plantes économiques , 
d'agriculture pratique, établies dans le Jardin des Plantes , ainsi que l'emploi du ter- 
rain rt aux semis et à la eulture des plantes qui exigent plus de soin. Il a cons- 
ie circulaire faite à un arbre, des gelées précoces de l'automne de 


lan xiv , des "a causés dans le jardin par un ouragan , et des moyens employés 
pour y remédier. Il a rendu compte des divers envois de graines et plantes faits 
au Muséum, et de ceux, plus nombreux encore, qui ont été expédiés du Muséum, 
dans d'autres lieux.. On a imprimé plusieurs instructions données par lui aux jar- 
diniers attachés à des expéditions lointaines pour des recherches. Il est un des 
auteurs de la partie d'agriculture, dans l'Encyclopédie méthodique, et dans le 
Dictionnaire d'histoire naturelle imprimé par Déterville. Le plan de ses léçons 
d'agriculture est tracé dans son Essai sur l'exposition et la division méthodique de 
l'économie rurale, et sur la maniere de l'étudier par principes, essai accompagné 
de tableaux relatifs. et inséré dans le Cours d'agriculture de Rozier. Enfin, con: 
sulté par diverses. autorités supérieures sur quelques objets de culture, dead a "a 
des réponses dont plusieurs oùt été punte 

t 


38 ANNALES DU-MUSÉUM 

jours d'ouverture. Deux de ses fils lui succédèrent dans cet 
emploi. L'ainé l'exercoit en l'année 1788 , qui formeune époque 
mémorable dans l'histoire de l'établissement. | 

Ce fut celle où Buffon, qui avoit ressenti précédemment, 
à divers intervalles, des douleurs de vessie ,signes précurseurs 
d'une maladie fâcheuse , en éprouva de nouvelles, mais beau- 
coup plus vives, qui annoncoient évidemment la présence de 
la pierre-dans cet organe. Les douleurs augmentérent par 
degrés, et furent accompagnées des autres symptômes fàcheux 
propres à ce genre de maladie. Enfin , aprés avoir enduré ses 
maux avec patience et courage, sans interrompre ses travaux 
habituels , si ce n'est les trois derniers jours, il mourut le 16 
avril 1788 (1), à l'âge de quatre-vingt-un ans. — 

Sa mort fut un deuil pour les sciences et les lettres, qu'il 
cultiva avec un égal succès. Il fut sincèrement regretté de 
toutes les personnes attachées à l'établissement, surtout des 
professeurs et démonstrateurs, qui tous y avoient été placés 
par lui. Administrateur de ce jardin pendant. quarante- 
neuf ans, il Soccupa successivement des moyens de faire 
prospérer chaque partie, et de faciliter l'étude des sciences 
qu'on y eultive. On doit à son activité et à son crédit auprès 
des princes et des ministres , la création du cabinet d'his- 
toire naturelle et l'augmentation successive des salles qui 


(1) On l'ouvrit aprés sa mort, et on trouva dans les reins et la vessie une quan- 
tité considérable de petites pierres ou gros graviers de forme anguleuse. Son corps 
fut accompagné à Saint-Médard , sa paroisse , par plus de deux mille citoyens de. 
tous les rangs et des diverses académies, et l'affluence étoit si grande qu’une partie 
ne put pénétrer dans l'église. Il fut ensuite transporté à sa terre de Montbart , où 
son fils lui fit ériger un monument. Marié en 1752, il n'avoit eu que ce fils, le 
comte de Buffon, né en 1762, qui suivit la carriére militaire, et mourut sans pos- 
térité en l'an 3 (1795), victime du tribunal révolutionnaire. — or MEE 


D'HISTOIRE NATURELLE. 39 
lui sont consacrées, la construction d’un vaste amphithéátre , 
la restauration de l'école de botanique, l'agrandissement du 
jardin dans sa partie régulière, les belles allées qui le dé- 
corent, sa pépinière, ses couches, son nouveau parterre et 
les lene carrés destinés à PE cultures. Il ne put 
voir achever les divers travaux commencés sous ses aus- 
pices, et qui, terminés après lui, ont procuré de nouveaux 
emplacemens pour la conservation des nombreux objets ajoutés 
aux collections d'histoire naturelle et de plantes cultivées dans 
les serres. Ne considérant ici que l'admini trateur dont l'éta- 
blissement ne perdra jamais le souvenir, nous nous dispen- 
serons de juger le savant et le littérateur qui, dans sa Théorie 
de la terre, dans ses Époques de la nature, dans son Histoire 
de l'homme, sut allier à lagrandeur des idées la majesté du style. 
Des orateurs éloquens lui ont décerné unjuste tribut d'éloges(1); 
et la France, regardant comme sa propriété l'Histoire naturelle 
de Buffon, se glorifiera toujours d’avoir donné naissance à celui 
que l'oÿfhion publique place, depuis long-temps, sur la pre- 
mière ligne des grands hommes qui ont illustré le dix-huitième 
siècle. 


(1) Voyez son éloge par Condorcet, dans l'Histoire de l'Académie des sciences, 
1788, p. 5o, et le discours de réception de Vicq-d' , qui fut son successeur 
à l'Académie Françoise, 


do ANNALES DU MUSÉUM 


EXPLICATION DE LA PLANCHE PREMIÈRE. 


a 


1. Ligne ponctuée distinguant l'ancien jardin de ses nouvelles additons, j 
2. Galeries d'histoire naturelle, bordées par la rue du Jardin des Plantes. 


CS Ancienne chapelle à côté de la iet d'entrée — ouverte sur la 


méme rue. 


- 4s Bâtiment apod r Buffon, et achevé depuis. | 
. 5. Intendance. 


6. Ancien amphithéâtre. 
7. Orangerik € anciénne, avec le térrain qui en dépend. 


38e * Emplacement: d'une orangerie neuve qui n’a P: été piii. SERI E. 


9. Serres chaudes anciennes. À 


: 30. Serres de Dufay, séparées par la pente conduisant du jardin a aux buttes, ; 
11. Sérre neuve commencée par Buffon. gl 13 


291151 À 


"032 Grande butte avec son "— et son belvédére. FA 55 
- 13. Petite butte. : 


14. Ruelle donnant une entrée au jardin par ld rue de Seine. 
15. Hótel de Magny, ayant son entrée sur la méme rue. 

16. Jardin de cet hôtel. 

317. Nouvel amphithéátre bâti au fond de ce jardin. 


18 Deux bâtimens aux côtés de l'amphithéàtre. 


"19. Alignement de la clôture qui genis ce jan de la petite butte. => <) 


pS 


120. Couches pour les semis: 1} o 31 35 1 Gh gi-dé nd a ut 

21. Grande école des plantes. ME egeo ur 

22. Ancien parterre. A 

23. Pépiniére. i 

24. Plantations irréguliéres d'arbres, ou petit bois dont partie sur l'ancienne école 
des arbres, partie sur les terrains ajoutés, au milieu duquel est un café. 

25. Les deux allées principales plantées en tilleuls. 

26. Allée des maroniers d'Inde. 

27. Allée qui borde la rue de Buffon. 

28. Bassin creusé jusqu'au niveau de la riviére. ` 

29. Nouveau parterre. 


née mis iod Ü Fr 


So. Carré des arbres fruitiers, prin ni itiyement employé. comme, pépinière, pour. 
i les arbres verts. T Mere dé ieri 
31. Carré des plantes —À— qur ed eco été une ue. n pour les 
arbres estivaux. ] A 
32. Deux carrés, auparayant CHIB) de SA ARR dont le plus grand est 
mantenant une école e dg culture; de « phe. petit et planté, d Pres prin- 
taniers. | : J 
33. Quatre carrés lai en quinconces d'arbres des quatres saisons, Le pre- 
` mier a été de plus employé en semis de graines d'arbres. 
34. Allée des peupliers de Canada. 
$5. —-— des platemegdOtient , 2.041141 M AA 
36. —— des catalpas de Virginie. 
37... des: arbres de Judée ER i | 
38. —— des tulipiers de Virginie, E c CR yr 
$9. —— des mélézes d'Europe. uw onn ) $1 IN r 
40. des érables d'Amérique. 
41. —— des ailantes ou faux. vernis du cien 
42. Grille sur le boulevard de là Sal lagi i RTS Ls 
. 43. Terrasse.et porte sur le quai:dela.Seine.5 p 559,000 t0 0s F 


hh, E xis depuis: en, ménagerie, pour es anian Módot: igon 4 


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42 OANNALES- DU MUSEUM 


NOTICE 
COMMUNIQUÉE A M VAUQUELIN, | 
Sur la Sarcoixre de Montechio- Maggiore et de Castel, 


PAR M. FAUJAS-SAINT-FOND. 


V ovs eütes la complaisance, mon cher confrère, de faire, il 
y à quelque temps, l'analyse de l'analcime et de la subs- 
tance pierreuse, d'un rouge pâle, que j'avois trouvée.dans 
les laves amygdaloides de. Montechio -Maggiore dans le 
Vicentin ;- substance qui ressembloit béaucoup à celle que 
Thompson avoit reconnue auparavant dans une ancienne lave 
du Vésuve, et à laquelle il avoit donné, à cause de sa couleur 
d'un rouge päle, le nom impropre de sarcolite ( pierre de 
chair ). 

La pierre que j'appelerai provisoirement sarcolite de 
Montechio, se trouve dans les mêmes laves où est Panal- 
cime; cette dernière adhère méme à l'autre dans quelques 
échantillons : ce rapprochement. cette espèce d'union de deux 
substances qui ne different à l'œil que par la couleur, et 
qui pourroient très-bien ne former qu’une seule espèce, me 
déterminèrent à vous prier d'en faire l'analyse comparative ; 
avec d'autant plus de raison que nous n'avions point encore 
d'analyse de l'analcime. 

Vous eütes la bonté de vous occuper de ce double travail 


D'HISTOIRE NATURELLE. 43 
avec l'intelligence et l'exactitude qui caractérisent vos opéra- 
tions chimiques, et vous obtintes les résultats suivans, qui 
furent publiés dans les Annales du Muséum d'histoire natu- 
relle , page 241 du rir. cahier de la collection, et que je remets 
sous vos yeux pour vous éviter la peine dy recourir. 


_Sarcolite de Montechio : Silice D Sonde 43— Chaux 4 3— Alumine 20—Eau 21. 
Analcime : . , « . Silice 58—Soude 83— Chaux 2 —Alumine 18—Eau 84. 


Il nya mes que l'alumine em les P dans c ces 
deux pierres, se.rapprochent. ^: . 

Vous en tirátes la conclusion suivante HG résultdes nous 
» fournissent une nouvelle preuve que les propriétés phy- 
» siques et chimiques des substances minérales, aussi bien 
» que les matières organiques, ne dépendent pas seulement 
» de la nature des principes qui entrent dans leur coniposi- 
» tion, mais aussi de leurs proportions. . 

» Ilfaudra donc, dansles systèmes de miné vélos admettre 
» la sarcolite comme une espèce de pierre particulière , et 
» la placer dans la section des piérres alcalinifères ; à côté de 
» l'analeime. Cependant M. Haüy a trouvé entre la sarcolite et 
» l'analcime une identité parfaite de forme cristalline, quoique 
» d'autres pierres, bien moins difféventes par les proportions 
» de leurs principes, n'aient point du tout les mémes formes : 
» ce qui doit donner matière à de nouvelles — sur 


» Ja cristallisation. » 

1M. Tonnelier , dans une notice sur — des prin- 
v onem volcaniques envoyées ån Conseil des mines 
par M. Marzzari Pencati de Vicence, insérée dans le Journal 
des Mines ,aoüt 1807, pag. 148, fait mention de la subs- 


tance globuleuse rouge-päle qui se trouve dans une de ces 
6 * 


+ 


# 


‘44 ANNALES DU ‘MUSÉUM | 


laves, et lui donne le:nom d'analcime rouge-de-chair, sar- 


colite de Thompson. M. Tonnelier discüte fort au long les 


motifs qui le déterminent à ne point admettre comme espèce 
la subsiance dont il s'agit. 

Tel étoit l'état de laquestion, lorsque M. Léman ,naturaliste 
instruit , Chargé de mettre en ordre les collections de Dolomieu, 
ips appartiennent à M. de Drée, són beau-frère, prit la peine de 
m'apporter une lave amy gdaloïde renfermant des globules 
d’un rouge påle, analogues à ceux de /Montechio- Maggiore, 
et quelques autres absolument semblables, qui. venoient de 
Castel ,à peu dé distance de Montechio. M. Léman, qui avoit 
lu vos Analyses dans les Annales, et la Notice de M. Ton- 
nelier dans le Journal des Mines, brisa plusieurs des glo- 
bules rouge-de-chair , qu'il tira des laves dont il. "— dans 


l'intention d'y découvrir des. formes cristallines. : 


Il réussit en effet, et obtint deux petits cristaux: dise etsé- 
parés qui paroissent être absolument de li:méme substance que 
la sarcolite , dont la forme est un prisme hexaédre, terminé par 
deux pyramides à six faces, beaucoup plus surbaissées que celles 
du quartz; mais ces cristaux sontsi petits qu'il seroit trés-difficile 
de pouvoir.en déterminer les, angles avec: une exacte précision. 
La substance des globules qui ont fourni les deux cristaux , ainsi 
queles autres globules de: Montechio et de Castel, recueillis 
autrefois par Dolomieu, ont absolument le même aspect. que 
ceux que je possède dans mes collections , et dont vous avez fait 
l'analyse; mais ils présentent. une petite: différence. physique 
qui ne tient peut-être qu'à un commencement: d'altération 
ou à une dose plus considérable d’eau dans les parties consti- 
tuantes : elle consiste en ce que toutes les fois qu'on essaie cette 
pierre au chalumeau pour reconnoitre sa fusibilité „le:premier 


LI 


*. 


D'HISTOIRE NATURELLE. "45 
: coup de few la réduiten une sorte de poussière blanche et fari- 
neuse qui se détache à mesure qu'on soutient la chaleur; de ma- 
nière: que tout disparoit quelques précautions que l'on prenne. 
Il y a cependant quelques-uns de ces globules qui ont beau- 
coüp:plus de dureté et (qui pourroient résister. Mais comme 
nous n'avóns pas voulu prodigüer. cette substance; j'ai invité 
“M. Léman à nous mettre en réserve assez de ces globules 
pour les soumettre à l'analyse, et nous assurer s'ils différent 
par leurs caractères chimiques de ceux que. vous avez ana- 
lysés en méme-temps que Fanaleime, ou s'ils sont absolument 
Jes mêmes. Leur analyse me paroît d'autant | plus -essentielle 
à ;connoitre, qu'elle. peut jeter : quelque nouveau-jour. sur 
un sujet qui a fait naitre des doutes et qui n'est pas sans 
difficulté: mais le concours respectif des lumiéres. des chi- 
mistes, et celles que, M. Hairy a répandues avec tant de fruit 
sur sa belle méthode minéralogique,, conduiront tôt ou tard 
au but que tous se proposent, la recherche de la vérité; et 
afin qu'il nous reste peu à désirer sur cette matière, j'ai écrit 
à Naples pour obtenir de la sarcolite semblable à celle que 
feu Thompson découvrit et nomma le premier, et aussitót 
qu’elle me sera parvenue, je me háterai de vous la remettre 
afin de compléter vos analyses. En attendant , recevez la sar- 
colite de Montechio, de Castel et celle de la collection de 
Dolomieu, que nous tenons de la main de M. de Drée et de 
M. Léman, et faites-nous connoître si elle a des rapports ou 
des différences caractéristiques avec celle de Montechio, que 
j eus l'honneur de vous remettre dans le temps, mais qui ne 
nous avoit point présenté de formes cristallines déterminées, 
Vous trouverez ci-joint les échantillons de sarcolites que nia 
remis M Léman pour vousles faire parvenir. J'ai cru de- 


46 + ANNALES DU MUSEUM 
voir les accompagner de-cette Notice, afin de vous. éviter des 
-recherches qui auroient. pu ‘prendre sur:un temps que vous 
employez si utilement pour lavancement de la chimie et 
-pour les pete des arts utiles. 
Au surplus; j'ai déterminé M; de Drée à sacrifier un des deux 
cristaux trouvés dans les globules de sarcolite de Montechio- 
Maggiore-'et de Castel, afin de s'assurer sil est quartzeux ou 
sil. est: parfaitement analogue, au contraire, à la substance 
dans laquelle il a été trouvé; M. de Drée, en véritable ami de 
la minéralogie, y à consenti avec plaisir, et a bien voulu me 
promettre de:vous porter incessamment. les deux cristaux, 
afin de: cpraparon leur identité de forme et de couleur, et vous 
inviter à choisir celui qui vous: etre le mieux — le 
— Án | | um 
Recevez, môn chér confrère , les assurances de mor’ sin- 
eis e Am à attachement: si n 


£5 


F Uras. 


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Liz +; £sEIi37 T4427. LE = e 4 15» ii 


SE dee daily cay tes ouch eaten nakog choc ip” 


D'HISTOIRE NATDUREWLE. 43 


ANALYSE 


De la PAS remise par M. Finis; sous s 
nom de SarCoLrre, et qui a été recueillie par 
_ feu. M. Dolomieu dans les laves- de Monte: 
chio Maggiore et de Castel dans le Vicentin. 


125» 


PAR M VAUQUELIN. 


€ substance, d'un blanc jaunátre, est. Sous forme de 
petites masses plus ou moins arrondies , présentant dans leur 
cassure une cristallisation en lames divergentes : quelques-unes 
de ces lames ont assez peu de. consistance, pour, pouvoir 
s’écraser sous les doigts; mais quelques autres sont trés- dures 
et.ont une autre texture intérieure, | | 
Réduite en poudre et chauffée (OE cette pierre a 
perdu 21 pour cent: elle a pris pendant cette opération une 
légère ‘teinte rosée, et ses parties ‘5e sont Pélotonnées, sans. 
cependant avoir acquis de dureté + j 
N'ayant que peu de cette matière à ma disposition, j'en ai 
fait une analyse préliminaire sur tin gramme et demi seu- 
lement, afin de pouvoir me guider avec plus de certitude | 
dans l'analyse quantitative" que je désirois eh'faire. ` | 


48 “AINNNALES DU MUSEUM 
è À — —HÀ 
__ Traitement de-la pierre par l'acide sulfurique. 


J'ai commencé par faire bouillir ce fossile, réduit en poudre 
impalpable, avec de Tacide sulfurique. brendu de deux parties 
d'eau. J'ai remarqué quelques instans aprés que le mélange 
à. été fait , qu'il s'est développé de la chaleur 5e: qui;anbonce 
une ‘combinaison : ‘une portion de la matiére.a pary se dis- 
$oudre, une 'àutre est restée au fond de la liqueur, sous forme 
de ipetits grains: deini-transparens. Pour AT AN la décompo- 
sitron, de: la pierre, plus popa pletàn j'ai fait évaporer le mé- 
Puce : jusqu’à siccité; puis j'ai redissous dans l'eau et lavé le 
résidu. ; 

Apres l'avoir pulvérisé de nouveau. ; de fat fait bouillir pour 
la deuxieme fois avec de l'acide sulfurique. La pierre, ainsi 
traitée par l'acide sulfurique, lavée et calcinée, ne pesoit plus 
que 75 centigrammes, ou moitié de la matière employée. 
Quoiqu'il fùt vraisemblable que ce résidu n'étoit plus que de: 
là silice; ; j'ai voulu m’en assurer en le fondant avec le nitrate, 
de: aite 'et eir suivant ensuite les procédés connus; mais je. 
n'y ài trouvé que ‘des traces presque imperceptibles. d'alu- 
ming et Bee ün ätôme d'alcali ni de chaux. js "t 


Evaporation de la oue provenant du traitement de, Ja 
11914 étre dt l'acide sulfurique. see 


Jai ait évaporer. les dilsicetioc liani Naito TÉ 
traitemens de la pierre par l'acide sulfurique, d'abord. jus-^ 
qu'à siccité , pour en vaporiser l'excés d'acide; ensuite je 
l'ai redissonte dans l'eau bouillante, et lai, fait. évaporer: de: 
nouveau, en laissant cette fois une, petite quantité de: m jl 


PEES T | 


En refroidissant,,. cette. liqueur . ma fourni. „des «cristaux .en 


D'HISTOIRE NATURELLE. ‘49 
lames blanches et nacrées, que j'ai facilement reconnus, par 
leur saveur et autres propriétés, pour du sulfate d'alumine. 

Soupconnant que ce sel contenoit du sulfate de chaux, 
parce que j'avois vu quelques petits cristaux flotter sur la li- 
 queur pendant l'évaporation, j'ai dissous le sulfate d'alumine 
avec un peu d'eau trés-froide, et j'y ai repassé une seconde 
fois de cette méme eau, pour les débarrasser entiérement 
du sulfate d’alumine. Ce sulfate de en ainsi lavé et cal- 
ciné, eum 16 —€——— 


(PCT HUC de l'alumine. par I ammoniaque. 


J'ai décomposé la dissolution de sulfate d'alumine par l'am- 
moniaque; j'ai lavé le précipité et je l'ai ensuite calciné: il 
pesoit 31 centièmes dé gramme; il avoit une légere couleur 


rose qu'il devoit à quelques atómes de fer, dont jai négligé 


d'estimer la quantité. 

Ayant ainsi déterminé la "— Sins , J'ai fait éva- 
porer les eaux dont je l'avois séparée , afin de savoir si elles 
ne contenoient pas quelques autres substances appartenantes à 
la pierre. Je fis calciner , dans un creuset de platine, le résidu 
de lévaporation de ces liqueurs, pour volatiliser le sulfate 
d'ammoniaque ; il resta une matiére grisátre que je fis dissoudre 
dans de l'eau bouillante, Je fis ensuite évaporer la solution, 
et j'obtins, par le refroidissement, des cristaux que je reconnus 
pour du sulfate de soude, et qui étoient seulement mélés de 
quelques parties de sulfate de chaux; il y avoit peut-être un 
ou deux centigrammes de ce dernier. 

Par cette analyse préliminaire et en quelque sorte explo- 
rative, l'on voit que le minéral qui en a été le sujet est com- 
posé de silice, alumine , de chaux, de soude et d'eau. Mais 

11. 7 


N ` 


50 ANNALES DU MUSEUM 
comme en opérant sur une aussi petite quantité je ne pouvois 
pas être parfaitement sùr des quantités de chacune de ces subs- 
tances, jai recommencé ce travail sur 4 grammes 7 dixièmes. 
J'ai suivi exactement les mémes procédés dans cette se- 
conde analyse que pour la premiére; ainsije me dispenserai 
d'entrer dans aucun détailà cet égard : je me bornerai à donner 
les résultats que j'ai obtenus. 
Ainsi, j'ai trouvé dans 4 grammes 7 dixièmes de la pierre, 
savoir : 


le MORE ns mue sais vs: on 5o pour cent. 
ATi... 1. 4 os 9,940 ou 20 

5. De char lu S18 s II. X dM 4,25 

40 D'eau es a © + « + + + 0,980 où 30 


ee 0-43 S 0,200 où 4,25 


4,670 ou 98,50 

Fel 1 ESOS gx. LES 1,50 
Ces résultats s'accordent autant qu'il étoit permis de Pes- 
pérer avec ceux de la première analyse; les infiniment petites 
différences qui existent entre eux ne méritent aucune consi- 
dération. Ces analyses prouvent en méme temps que la pierre 
dont il s’agit ne ressemble pas seulement par ses propriétés 
extérieures à la sarcolite de Thompson, mais encore que sa 
composition chimique est la méme absolument. 

Cette pierre, qu'on a trouvée cristallisée dans le cabinet 
de M. de Drée, ayant une forme différente de l'analcime $ 
et étant de la méme nature que la sarcolite de M. Thompson, 
javois raison de la regarder comme devant former une es- 
pèce particuliére, qu'il ne falloit pas confondre avec lanal- 
cime; et M. Tonnelier s'est peut-étre trop pressé de me faire 
des reproches à cet égard.(Voyez Journal des Mines , N^ 128). 


D'HISTOIRE NATURELLE. 5t. 


SUITE DES PLANTES 


DU COROLLAIRE DE TOURNEFORT, 


p 


PAR M. DESFONTAINES. 


LINARIA GRANDIFLORA (Linaire à grandes fleurs). PL 2. 


L. foliis sparsis, semiamplexicaulibus , ovato-lanceolatis, 
acutis ; bracteis deflexis, ovatis , pedicello longioribus ; cal- 


care recto; corolle rictu villoso. — Linaria orientalis, 
flore luteo maximo. Tourner. Cor. Inst. 9. — Vélins du 
Muséum. 


Gette belle espèce de Linaire, indigène à l'Arménie, a été 
regardée, par plusieurs botanistes, comme l' Antirrhinum dal- 
maticum Lin., et il est possible en effet qu'ils aient eu raison. 
Le Linaria maxima folio lauri Buxbaum, Cent. 1, p. 15, tab. 
24, cité par Linnæus comme synonyme de l Antirrhinum 
dalmaticum , est évidemment la plante de Tournefort; mais 
le Linaria latifolia dalmatica magno flore de C. Bauhin, que 
Linnæus rapporte également à son 4. dalmaticum , et dont 
il y a des rameaux bien conservés dans les herbiers de Tour- 
nelort et de Vaillant, est une espèce difíérente. Celle-ci a des 


a 


52 ANNALES DU MUSEUM 
tiges rameuses, des feuilles plus étroites, en proportion de 
leur longueur; des grappes beaucoup plus gréles , et ses fleurs 
sont d'un tiers au moins plus petites. C'est ce qui m'a déter- 
miné à désigner la plante de Tournefort par un nom parti- 
culier, et à laisser le nom d' 4. dalmaticum à lespéce in- 
. diquée par C. Bauhin. : 

Tige droite, cylindrique, simple ou peu rameuse, haute 
d'un à deux pieds. 

Feuilles glauques, alternes, éparses, nombreuses, entières, 
rapprochées , ovales-lancéolées, trés-aigués , rétrécies aux deux 
extrémités, sessiles et embrassant à moitié la tige. 

Fleurs disposées en une grappe terminale, portées chacune 
sur un pédicelle trés-court. Bractées ovales, aiguës, abaissées , 
plus longues que le pédicelle. 

Calice persistant, à cinq divisions profondes, ovales , aigués. 

Corolle jaune, trés-grande. Éperon droit, aigu,abaissé per- - 
pendiculairement, un peu plus court que la corolle. Lévre 

supérieure bilobée ; lobes obtus relevés, ainsi que les deux 
bords latéraux ; l'inférieure à trois lobes arrondis; bord de 
l'ouverture garni de petites soies. 

.. Quatre étamines didynames , renfermées dans l'intérieur de 
la corolle. | 

Un style courbé.au sommet. Un stigmate obtus. Ss 


Le fruit m'est inconnu. 


D'HISTOIRE NATURELLE. 53 


Linaria corroLIa ( Linaire à feuilles de coris ). PL 3. 


` L. erecta; foliis. confertis , angusto-linearibus. Corollæ 
labio superiore bipartito; laciniis angustis , acutis; calcare 
recto , tubo breviore. — L. orientalis coris folio, flore leu- 
cophæo. Tourner. Cor. Ins. 9. — Vélins du Muséum. 


Toute la plante est glabre. Racine rameuse , longue de quatre 
à six pouces. De son collet sortent plusieurs tiges gréles, cy- 
lindriques ; les unes tombantes , plus petites ; les autres droites, 
simples, longues d'un pied à un pied et demi. 

Feuilles entiéres, nombreuses, alternes , éparses, trés-étroites, 
en forme d’alène; les inférieures écartées de la tige ; les supé- 
rieures rapprochées. 

Fleurs de la grandeur de celles de la Linaire pourpre, Li- 
naria purpurea , Lin. , disposées en une grappe simple, droite, 
terminale, longue de deux à trois pouces, portées chacune 
sur un pédicelle trés-court, grêle, accompagné ies petite 
bractée en alène. 

Calice petit, persistant, à cinq divisions aiguës. 

Corolle d'un violet-päle. Lèvre supérieure bifide, verticale, 
Divisions étroites, aiguës, allongées; les trois lobes inférieurs 
courts et ovales. 

Éperon droit , gréle , pointu, plus court que le tube de la 
corolle. 


Cette Linaire croit dans l'Asie-Mineure; elle a beaucoup 
d'affinité avec la Linaria repens. Elle en diffère par ses feuilles 
plus gréles et plus courtes, par sa corolle qui n'est point veinée, 


54 ANNALES DU MUSÉUM 


et dont les deux divisions supérieures sont aigués, beaucoup 
plus longues et plus étroites. 


Vergascum BETONICÆFOLIUM.( Molène à feuille de Bétoine). PL 4. 


V. villosum ; caule simplici; foliis cordato-obonpis, 
crenatis ; racemo conferto; staminibus duobus inferioribus 
declinatis, iÀmberbibus.— ' erbascum orientale betonica folio, 
fiore maximo. Tourxer. Cor. Inst. 8.— Vélins du Muséum, 


Toute la plante est velue. Tige simple, cylindrique, haute 
d'un à deux pieds , terminée par une grappe de fleurs serrées, 
longue de trois à quatre pouces. 

Feuilles alternes; les inférieures, en cœur allongé, obtuses, 
d'un vert foncé, longues de deux à trois pouces sur quinze 
lignes de largeur, légérement sinuées et crénelées dans le 
contour; celles des tiges beaucoup plus petites. 

Fleurs presque sessiles, «hp d'une petite bractée 
lancéolée. 

Calice persistant , à cinq divisions profondes, ovales, aigués, 
lancéolées. 

Corolle en roue, jaune, large de sept à huit lignes, à cinq 
divisions arrondies ; les deux supérieures plus petites, comme 
dans les autres espéces du méme genre. 

Cinq étamines , dont trois courtes et barbues; les deux in- 
férieures plus longues, glabres, abaissées et recourbées en haut, 

Un style gréle , abaissé. Un stigmate. Ovaire supére. 

Capsule ronde, velue, bivalve, de la grosseur d'un pois. 


Elle croit en Arménie. 


D'HISTOIRE NATURELLE. 55 


PayTEumMa LANCEOLATA ( Phyteuma lancéolé ). PI. 5. 


P. foliis angusto-lanceolatis, cæspitosis, remote dentatis. 
Caule ramoso , corollarum laciniis linearibus , revolutis. 
Wiin, Spec. x , p. 924. — Rapunculus orientalis, foliis an- - 
gustis, dentatis, Touaxer. Cor. Inst. 4. — Vélins du Muséum. à 


Racine blanche, pivotante, de la grosseur d'une plume à 
écrire, longue de trois à quatre pouces, garnie de petites 
fibres. 

Feuilles touffues, alternes, glabres, étroites, lancéolées, 
pétiolées, d'un à deux pouces de long, sur quatre à cinq 
lignes de largeur, bordées de dents courtes et écartées. 

Tiges gréles, rameuses, hautes de cinq à six pouces, ra- 
meaux filiformes. 

Fleurs latérales portées sur des pédicelles courts accom- 
pagnés d'une petite bractée en alène. 

Calice évasé, persistant, à cinq dents aiguës, faisant corps 
avec l'ovaire. 

Corolle rose-pále , marcessente, M au collet du calice. 
Cinq divisions edu i écartées, linéaires, aigués et 
réfléchies. 

Cinq étamines. Filets gréles, élargis et UPS mod base. 
Un style. Trois petits stigmates. 


- Cette plante croit en Arménie. 


6. 7: ANNALES DU MUSÉUM 
š 


CAMPANULA PTARMICÆFOLIA ( Campanule à feuilles de Ptar- 


mica ). PL. 6. 
C. caule simplici; folus lineari-lanceolatis, serrulato- 
ciliatis ; floribus sessilibus , laxé spicatis, erectis. — C. fo- 


liis omnibus linearibus, margine denticulatis; caulibus 

— simplicissimis ; floribus erectis, sessilibus. Lamanck. Dict. 
1 , p. 579. — C. foliis linearibus, margine ciliato-serratis ; 
floribus sessilibus , erectis. Wild Spec. 1, p. 902. — C. 
orientalis PATRICIO folio oblongo. Tourner. Cor. Inst. 4. — 
Vélins du Muséum. 


q 


Tige simple, droite , gabet cylindrique, haute de dix à 
douze pouces. 

Feuilles agit Med M aes étroites , finement dentées en 
scie, et comme ciliées sur les bords; les radicales réunies en 

touffe; celles des tiges alternes, i, plus courtes, un peu 
écar tées. 

Fleurs axillaires , sessiles , redressées, solitaires, distinctes , 
disposées en un épi interrompu le long de la partie supé- 
rieure de la tige. 

. Calice court, petit, persistant, à cinq divisions ovales. 
= Corolle violette, oblongue, sensiblement évasée de la base 
au sommet , longue de sept à huit lignes sur quatre de lar- 
geur. Lodel àcinq divisions ovales, peu profondes, u un peu 
ouvertes. 

Cinq étamines. Filets blancs, gréles, élargis, rapprochés à 
la base. Anthéres jaunes, petites, 

Style un peu plus court que la lle surmonté de trois 
petits stigmates recourbés en bas, ovaire infère. 


Cette jolie campanule croit en Arménie. 


i 


D'HISTOIRE: NATURELLE. & 55 


CAMPANULA PAUCIFLORA. Pl 7. 


C. Caule ramoso, debili; foliis- ovatis , denticulatis. Ramis 
unifloris ; floribus sursum. spectantibus ; laciniis calicinis 
subulatis. — C. cretica, folio  subrotundo. flore. parvo. 
Toner. Cor. Inst. 3.— Vélins du Muséum. 


Cette plante, indigène à l'ile de Candie, croit sur les mon- 
tagnes , au milieu des buissons. Elle est décrite avec exactitude 
dans le manuscrit de Tournefort. 

Tige gréle, foible, longue d'un pied à un pied et demi, cy- 
lindrique, épaisse d'une demi-ligne, divisée en quatre ou cinq 
rameaux , garnis de trois ou quatre petites feuilles, et terminés 
par une VER fleur. verticale, 

Feuilles glabres , alternes légérement dentées ; les inférieures 
ovales-arrondies, longues d'environ un pouce sur huit à neuf. 
lignes de largeur, un peu prolongées vers le pétiole qui est 
écdle et allongé; celles des tiges sont ovales, plus petites, 
écartées, soutenues sur un pétiole trés-court. 

Calice persistant , à cinq divisions profondes , étroites , en 
forme d'aléne, beaucoup plus courtes que la corolle. PE 


non réfléchis. " 


Corolle verticale , campaniforme, d'un bleu-violet , large 
de huit à dix lignes. Limbe à cinq divisions ovales, aiguës, 
ouvertes, 

Cinq étamines blanches, filets courts , élargis et rapprochés 
à la base, Anthères jaunes, gréles, allongées. 

Ovaire infére, Un stylé surmonté de cinq stigmates. Capsule 


* 


polysperme à cinq loges, - 
1I]. - 


8 


"M 


25 + ANNALES DU MUSÉUM 


SUR LA RÉUNION 


DE LA PYCNITE AVEC LA. TOPAZE (1). 


PAR M. .MHAUX- 


Er auquel j'ai donné le nom de pycnite n’a été en- 
core trouvé quà Altenberg en Saxe, sous la forme de longs 
cristaux prismatiques, déformés par des stries longitudinales, 
et réunis parallèlement les uns aux autres. Leur couleur varie 
du blanc-jaunátre au rouge-violet. La roche qui leur sert de 
Support est composée de quartz et de mica. Ce minéral est 
connu depuis long-temps. Romé de l'Isle l'a cité sous le nom de 
schorl blanc prismatique. M. Reuss et d'autres minéralogistes 
étrangers en font une espèce à part qu'ils appellent stangen- 
stein; mais M. Werner le regarde comme une variété de 
Yémeraude de Sibérie, qu'il sépare de celle du Pérou en lui 
conservant le nom de béril, et il donne à la pycnite celui de 
schorlartiger beril (2). 


(1) Voyez planche 7. 
(2) On a cité, sous ce dernier nom, des cristaux en prismes hexaédres régu- 
lers, modifiés par des facettes obliques, que l'on trouve à Swisel en Baviére, et 
que j'ai décrits, dans mes derniers cours, parmi les variétés de l'émeraude, 


comine 
ayant la méme forme de molécule et les mêmes caräctères physiques. 


D'HISTOIRE NATURELLE. + 59 

À l'époque où j'ai publié mon Traité de minéralogie, la 
pycnite avoit été analysée par M. Klaproth et par mon collègue 
Vauquelin. Le premier n'en avoit retiré que de la silice et de 
l'alumine en égales quantités. Le résultat de mon collègue 
donnoit beaucoup plus d'alumine que de silice, et indiquoit 
en outre 0,033 de chaux, et 0.015 d'eau, avec une perte de 
0,058. D'une autre part, les cristaux de pycifite sont si peu ^ 
prononcés et tellement serrés.les uns contre les autres, que 
mes observations ne m'avoient rien ofiert de positif relative- 
ment à leur forme primitive. J'avois adopté celle du prisme 
hexaédre régulier, en avertissant que ce n'étoit qu'une con- 
jecture (1), et l'on verra bientót que la différence entre cette 
forme et la véritable ne peut étre saisie que par des mesures 
précises. J'étois encore plus éloigné de pouvoir déterminer les 
dimensions de la molécule, et j'avois exprimé le désir d'ob- 
server par moi-même une variété citée par M. Emmerling, 
ayant la forme d'un prisme hexaèdre régulier, avec des fa- 
cettes obliques, situées au contour de la base, et dont les 
positions devoient conduire à une comparaison exacte entre 
la structure de la pycnite et celle du béril. J'ajoutois que la 
différence que pourroient offrir les dimensions de l'une et 
l'autre molécule , serviroient à faire mieux ressortir celle qu'in- 
diquoient entre les deux substances les résultats de l'analyse 
et les caractères physiques. Ainsi dans l'état où se trouvoient 
alors nos connoissances sur la pycnite, je ne voyois d'autre 
parti à prendre que de me conformer à l'opinion de ceux qui 
faisoient de ce minéral une espèce séparée, 


m" 


(1) Traité de minér. t. III, p. 237. 


60 + ANNALES DU MUSÉUM 

e Ou annonça; il y a quelques années, une nouvelle analyse 
del pycnite, entreprise par M. Bucholz , et qui avoit offert une 
quantité sensible d'acide fluorique. L'époque de cette analyse 
paroit avoir été trés-voisine de la découverte que M. Klaproth 
a faite du méme acide dans la topaze, et qui a été confirmée 
par les expériences de M. Vauquelin. Ce dernier savant a aussi 
répété l'analys&'de la pycnite, et l'on voit, par le résultat qu'en 
a cité M. Brongniart, dans son beau Traité de minéralogie (1), 
que la perte qui avoit eu lieu dans la premiere opération; 
provenoit, en grande partie, d'un dégagement d'acide fluorique: 

Si l'on compare les analyses de la topaze , publiées par MM. 
Klaproth et Vauquelin, on trouve qu'elles different tres-sen- 
siblement par le rapport des principes, surtout de l'acide 
fluorique, dont la quantité n'est que de 5 à 7 pour 100, dans 
les deux. résultats du chimiste de Berlin, tandis qu'elle est de 
18.à 20 dans celui de mon collègue. D'une autre part, l'ana- 
lyse de la pycnite, par M. Nascondi se rapproche beaucoup 
de celle de la topaze de Saxe, par M. Klaproth, et le résultat 
que M.: Bucholz a obtenu, en opérant sur la. pycnite,. differe 
peu de celui que la topaze du Brésil a offert à mon collègue(2); 
ensorte que jusqu'à présent l'ensemble des deux substances, 
considéré sous le point de vue de la chimie, forme. deux 


+ 


* Gi} Tom. I , pag. 419. 
(2) Voici les résultats de ces diverses analyses, 


Topaze de Saxe. — Klaproth. 


Sit. 95.4 434... 35 
Alumine > e roa moc 99 
Acide fluorique + . « s., o 5 
FRE Vos s s +: sole © TR 


100 


D'HISTOIRE NATURELLE. " à 
sous-divisions trés-distinguées l'une de l'autre, dont chacune 
renferme des topazes et des pycnites. Mais on est fondé à 
croire que cette divergence n'est qu'apparente , et tient à la 
difficulté d'évaluer exactement la quantité d'acide — qui 
se dégage durant l'opération. 

- Cependant les minéralogistes ont continué, les uns de réunir | 
la pycnite avec le béril , les autres, de la paaa à part. Elle a 7 
effectivement des rapports avec certains bérils blanchátres, et 
au contraire son aspect s'oppose tellement à l'idée de la réunir 
avec la topaze, que pour adopter ce rapprochement on a 
besoin de toute la confiance que doivent inspirer les lois de 
la structure et les caracteres physiques. 

Mais avant d'exposer les observations qui me paroissent 
décisives en faveur de ce rapprochement, je dois faire con- 


Topaze du Brésil — déni di E 

| e 
Klaproth Vauquelin. | 

Silice ST wr. 6 Te od 44,5 


* . . LI * » . . LI 


Alamineo oso quib HAOR 540 » aos tii cb 
asd Acide fluprique .. 4... . MO. + + + nt VES 18 à 20 
- SHOE oxdó. «9 6 aveo 9B Ses ri io t 
aia as, a OA OS Die STD OLD EAT 

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j | ze © Pyenite. 
777 Buchon. Vauquelin. 

Silice i005 SISATI e PEBRA S 0 OVI UE Vi Bo) 
: Alumine .. —Á lis re A b Vide CON d 

Acide fluorique.::. . + .:12 a t e PEP À 

FerstanasEanése + ..e 1, Chau . 9 6, 5 2 

CEE SAT den #5 24 da ar OU RE Eau $2. 1 

dans rs rs se Perte . . CT 
109 


4 


Ga a ANNALES DU- MUSEUM 
noitre un nouveau résultat, auquel j'ai été conduit, sur la 
division mécanique de la topaze. On sait que les cristaux de 
ce minéral se divisent dans un sens perpendiculaire à l'axe , 
en lames dont les faces ont un poli égal et: un éclat très-vif. 
Cette division est la seule que j'aie aperçue pendant long-temps, 
ensorte que j'avois adopté, pour forme primitive de la topaze, 
un prisme rhomboidal, dont les bases étoient dans le sens de 
ce joint perpendiculaire à l'axe, et les pans qui n'étoient qu'hy- 
pothétiques , coincidoient avec ceux des prismes de topaze; 
qui font entre eux un angle de 124 d..22'. J'avois ainsi subs- 
titué une forme secondaire à la véritable forme primitive, qui 
est un octaèdre, comme on le verra dans un instant. Mais 
jai prouvé, dans la partie géométrique de mon Traité (1), 
qu'a. l'aide d'une pareille substitution, oh obtient. toutes les 
formes secondaires, par des lois de décroissement dépendantes 
du noyau hypothétique, avec la méme précision que si l'on 
étoit parti du véritable noyau; ensorte que quand on a ensuite 
découvert la forme, de ce, dernier, il est facile d'y ramener 
les expressions des décreissemens qui. avoient donné les 
formes ibédiduirés. On aeta méme , en se NU du mam 
à rit: itable, qu'ane substance es une espèce à P ou doit 
tre réunieà une espèce déjà classée: car le rapport qui existe 
nécessairement entre les dimensions de la molécule supposée 
et celles. de.la véritable, permet de prendre indifféremment 
l'une ou l'autre pour type, lorsqu’ on ne veut que circonscrire 
les espèces dans leurs limites. Je puis citer ici, comme exemple, 
la topane elle-même, posque la forme Cue t dont j'ai 


(1) Tome H, p. 15 et suiv, 


D'HISTOIRE NATURELLE. . 63 
parlé, m'a.servi, il y a environ vingt-cinq ans , à rapprocher 
les topazes du Brésil de celles de Saxe, dont Romé de l'Isie les 
avoit séparées, d’après les diversités de forme que lui avoient 
offertes les cristaux de ces deux substances (1). 

Des observations récentes m'ont fait apercevoir, dans les 
iopazes, des joints obliques qui sont surtout sensibles, à l'aide 
d'une vive lumière, et qui donnent, pour la véritable forme 
primitive, un octaèdre rectangulaire (fig. 1 ), divisible paral- 
lélement à la base commune des deux pyramides dont il est 
l'assemblage (2). Cette dernière division, qui est trés-nette , 
est celle dont j'ai parlé, et qui n'a échappé à personne. 

Pour revenir maintenant à la pycnite, ayant fait depuis peu 
l'acquisition d'un morceau de ce minéral, je vis un cristal plus 
gros que les autres, qui avoit trois facettes obliques , dont l'une 
étoit située à l’un des angles de la base , et les deux autres rem- 
placoient les bords adjacens à cet angle. Ayant détaché le 
cristal, je trouvai que ceux de ses pans , sur lesquels naissoient 
les deux dernières faces, faisoient entre eux un angle d'en- 
viron 124d., plus fort de 4d. que celui du prisme hesaédre 
régulier. En faisant mouvoir la partie fracturée du méme 
cristal à la lumière d'une bougie, j'apercus un joint d'un éclat. 
ires-vif, parallèle à à la base du prisme, et quatre autres joint: 
beaucoup moins apparens qui conduisoient à un octaëdre rec- 
tangulaire, et dont les inclinaisons étoient sensiblement les 
mêmes que dans les topazes (3). La figure 2 représente la 


(1) Essai d'une théorie sur la structure des cristaux, p. 488 et suiv. 

(2) L'incidence de M sur M' est de 122 d. 42°, et celle de P sur P” est de 88 d. 27. 

(3) Ce cristal ne ma offert aucuns joints parallèles à l'axe. Ceux qu'on croit 
apercevoir dans les cristaux ordinaires, proviennent de ce que les groupes dont ils 
font partie se sous-divisent, pour ainsi dire , indéfiniment en aiguilles toujours plus 


64 ANNALES DU MUSEUM 

moitié supérieure du cristal dont il s'agit, en la supposant 
complète. Ayant mesuré les incidences des faces obliques sur 
"les pans adjacens, je les trouvai sensiblement égales à plu- 
sieurs de cellés qui-ont lieu dans une variété de topaze du 
Brésil, dont je n'ai observé jusqu'ici qu'un seul individu, que 
jai décrit dans le cinquième cahier des Aunales du Muséum, 
page 352. Quant au prisme qui est hexaedre, les deux pans 
désignés par r sont le résultat d'un décroissement dont je 
n'avois encore trouvé aucun exemple, quoiqu'il soit trés-simple: 
mais M. Weiss, tres- habile cristallographe , a observé ce résultat 
dans une topaze de Sibérie, qui avoit dix-buit pans. La forme 
du prisme hexaèdre , dont je viens de parler, étant en général 
celle des cristaux de pycnite, on l'a considérée comme ayant 
tous ses angles de 120d., au lieu qu'elle en a deux d'environ 
pag d. et les quatre autres de 118d, 

+ Le signe représentatif du cristal de pycnite, rapporté au 


noyau, fig. I, est C'E CR C M. 
r £ k Mos 
Je joius ici les valeurs des principaux angles. Incidence de 
f sur i „124d. 22/; der sur t, 117d. 49'; de k sur t, 154 d. 
| 13; de k sur z, — 47; de M sur z, 118 d, 39. 
| J'essayai ensuite les caracteres poen et je comparai 
d'a Le les deux substances relativement à leur dureté. On a 
obs vé que les cristaux de pyenite étoient tres-fragiles dans 
le sens transversal, ce qui n'a pas lieu pour la topaze. Mais 
ce n'est ici qu'une différence accidentelle qui se retrouve dans 


minces, d’où résulte une fausse apparence de clivage € à date j 
été moi-même trompé dans les premiers temps. 


D'HISTOIRE NATURELLE. 65 
certaines émeraudes blanchâtres, comparées à celles du Pérou 
et de Sibérie. À mesure que la pycnite approche davantage 
d’avoir un tissu vitreux, elle est moins fragile , et ses — 
passés avec frottement sur le quartz, ge rayent à peu prés 
aussi sensiblement que le font les fragmens de topaze. A l'égard 
de la pesanteur spécifique de la pycnite, elle avoit déjà été dé- "i 
terminée par M. Klaproth, qui avoit trouvée de 3,5, c'est- 
à-dire égale à celle de la topaze. J'ai répété l'expérience sur 
des cristaux de pycnite, formant ensemble un pos de 36 
décigrammes, environ 68 grains, et j'ai obtenu le méme ré- 
sultat. 

Un dernier trait de ressemblance entre les deux substances, 
est celui que fournit l'électricité acquise par la chaleur. J'avois 
cherché autrefois inutilement dans la pycnite cette propriété 
dont jouissent la plupart des topazes; mais ayant choisi cette 
fois des cristaux dont le tissu étoit plus vitreux que celui des 
pycnites ordinaires, j'ai obtenu, à l'aide de la chaleur, des 
effets électriques non équivoques. 

Ces diverses observations ne me paroissent laisser aucun lieu 
de douter que la pycnite ne doive étre réunie à la fopaze. Elles 
achévent de prouver que les analyses relatives à ces deux 
substances s'accorderont parfaitement, lorsqu'on y aura mis 
assez de précision pour que leurs résultats offrent pow 
sion fidèle du rapport entre les principes compos ns 
corps soumis à l'expérience. 


66 ANNALES DU MUSEUM 


DESCRIPTION 


- De plusieurs nouvelles variétés de CHaux 
CARBONATÉE (1). 


PAR M. HAUY. 


Les problèmes dont le but est de déterminer les variétés de 
cristallisation qui ont un rhomboide pour forme primitive, 
sont susceptibles de deux solutions, qui conduisent à une même 
forme par des lois différentes de décroissement. La division 
mécanique, en faisant connoitre la position des faces du noyau 
relativement aux faces du cristal secondaire, indique celle des 
eux lois d’où dépend la forme de ce cristal. Pendant long- 
temps je n'ai rencontré que trés-rarement les deux solutions 

à la fois dans un méme systéme de cristallisation ; mais les 
exemples de ce genre se sont multipliés au milieu 2 obser- 
vations récentes que j'ai faites sur les variétés de la chaux 
carbonatée , dont le nombre se trouve maintenant porté à 93, 
dans ma collection. Je vais faire connoitre quelques-unes de 


(1) Voyez planche 7. 


D'HISTOIRE NATURELLE. 67 
celles qui réalisent la possibilité de ce double emploi d’une 
méme formé, avec deux structures différentes. 


1. Chaux carbonatée trihexaëdre, ePe (fig. 4 ) (1). 
e P. 


Cette variété , dont j'ai recu un échantillon de M. Héricart 
Thury, ingénieur des mines, se présente sous la forme d'un - 
prismélibexaeédre régulier c, c', terminé par deux pyramides 
droites hexaëdres P, *; trois faces P de chaque pyramide, prises 
alternativement, sont paralléles à celles du noyau; les trois 
autres, désignées par :, qui proviennent d'un décroissement - 
par deux rangées en hauteur sur les angles inférieurs du noyau , 
sont inclinées sur les pans adjacens de la méme quantité que 
les précédentes , c'est-à-dire, de 135 d. ; ensorte que le rhom- 
 boide secondaire que produiroit l'ensemble des six faces, si 
elles existoient seules, seroit semblable au noyau. 

Ce résultat , que j'ai démontré dans la partie géométrique de 
mon Traité (2) , peut étre regardé comme la limite de tous ceux 
eaque conduisent les doubles solutions dont j'ai parlé, parce 
que c'est celui où l'une des deux quantités qui expriment les 
décroissemens devenant zéro, le solide qui répond à ce Wine : 
est le noyau lui-même, . | E * d 


2. Chaux carbonatée ambigué, e( $ a PH Tiig, 5) 


Le dodécaédre 5, », qui dans cette variété se combine avec 
le rhomboide inverse f, f, et avec les pans c, c' du prisme 


(1) La figure 5 représente la forme primitive. 
(2) Tome I, page 355. 


68 ANNALES DU MUSEUM 

hexaëdre régulier , est semblable au dodécaèdre métastatique, 
vulgairement dent de cochon; mais il dépend d'une autre loi 
de décroissement , du genre de celles que j'ai appelées zntermé- 
diaires. Ce résultat éxige un certain développement pour être 
bien saisi. 

Dans le dodécaèdre métastatique ordinaire (fig. 6), les arêtes 
les moins saillantes regardent les faces du noyau, tandis que 
les plus saillantes sont tournées vers ses bords. J’avoistéerché, 
lorsque je rédigeois la partie géométrique de mon Traité, 
s'il n'y avoit pas une loi de décroissement susceptible de pro- 
duire un cristal secondaire semblable au métastatique, de 
manière que les arêtes tournées vers les faces du noyau, 
fussent au contraire les plus saillantes , et j'avois trouvé que ce 
résultat auroit lieu en vertu du déetoissotient intermédiaire 
Cet D) (1): 

D'une autre part, le rhomboide inverse ordinaire a ses faces 
tournées vers les bords supérieurs du noyau. Or, j'avois aussi 
cherché la loi qui donneroit le méme rhomboide, avec la 
condition que ses faces répondissent à celles du noyau, et le 

5 


calcul m'avoit conduit au résultat exprimé par e (2). 
Supposons "e N que le rhomboide inverse ordinaire 
se tombine dans une méme forme avec le dodécaédre métas- 
tatique ordinaire. Il est évident que ses faces répondront aux 
arétesles plus saillantes de ce dodécaédre: mais dans la variété 
dont il s'agit elles regardent au contraire les arétes les moins 
saillantes. Or cela peut avoir lieu dans deux cas différens ; l'un 


(1) Tome I1, page 35. 
(2) Ibid. page 20. 


D'HISTOIRE NATURELLE. 69 


est celui où le métastatique résulteroit de la loi D, et le 


5 
rhomboide inverse de la loi e. L'autre cas est celui où le mé 


tastatique seroit donné par le décroissement intermédiaire, et 
l'inverse, par le décroissement £' '£. La division mécanique 
fait disparoître cette ambiguité, en prouvant que c'est le se- 
cond cas qui a lieu. Les faces des deux solides se combinent, 
comme je l'ai dit, avec les pans du prisme hexaedre, dont on 
ne peut tirer aucune indication en faveur de l'une ou de l’autre 
structure. | | 
r m .* 
3. Chaux carbonatée sténonome, e D e B B(fig.7) (1). 
d 
8 104 t 
Cette variété diffère de celle que j'ai décrite dans mon 
Traité (2) , sous le nom de soustractive , par l'addition des fa- 
cettes : et 7. Les premières fournissent un nouvelexemple de la 
loi de décroissement qui tend à produire un rhomboide sem- 
blable au noyau. Les faces +, +, offrent un cas particulier, 
dont j'avois de méme prouvé la possibilité (3), savoir celui 
où le décroissementsur B ( fig. 3), ayant lieu par deux rangées, 
produiroit un dodécaèdre, dont tous les triangles au lieu d’être 


scalènes, comme dans les autres cas, deviendroient isocèles;. 


c'est- cis que le dodécaèdre seroit composé de deux pyra- 
mides me réunies base à base. On aura effectivement un 


(1) Je désigne par l'épithéte sténonome, qui signifie lois resserrées, les variétés 
dont la forme composée d'un nombre considérable de faces, comme ici de qua- 


rante-huit , est due à des décroissemens qui varient entre des limites étroites. Dans 


le «as présent, il y a quatre décroissemens par deux rangées, et un par trois. 
—. (2) Tome IT, page 153. . ; 
(3) Tome I, page 314. À 


De 


70 ANNALES DU MUSEUM: 
dodécaëdre de ce genre, en prolongeantles faces dont il s'agit, 
jusquà ce que toutes les autres aient. disparu. 
— Dangle de 151 d. 2’ 4»" qui mesure l'incidence respective 
des faces de ce dodécaédre , est exactement le double de la 
+ plus petite incidence 75d. 31' »1" des faces du noyau. Ces 
|. rapports entre les angles de la forme primitive et ceux des 
cristaux secondaires ne sont pas rares dans les variétés qui ap- 
partiennent à la chaux carbonatée. 

On voit, par ces exemples, que des résultats que je n'avois 
donnés que pour hypothétiques, offroient comme des descrip- 
tions anticipées d'autant de produits de la cristallisation , qui 
existoient encore à notre insu dans le sein dela terre, —— 


D'HISTOIRE NA TURELLE. yr 


^ 
s 


BEAUHARNOISIAG). 


GENUS NOVUM FLORÆ PERUVIANÆ INEDITUM, 
POLYAND. TETRAGYN. LINNEL 


Guttiferis affine. Jussieu Gen. plantar. (Tab. 9). 


CHARACTER GENERICUS. 


Caux : Perianthium diphyllum , inferum, adulto germine de- 
ciduum : foliolis ovatis, concavis, deflexis. 

Corolla : Petala quatuor, ovata, duo exteriora opposita, 
duobus interioribus duplo latiora. 

Stamina : Filamenta nulla. Antherz plurimze, lineares, apice 
ovato, poris duobus lateralibus pollen effundentes, receptaculo 
insertæ, basi in annulum brevissimum connatæ, biloculares , 
sero decidentes. 

Pistillum : Germen superum, che. uH quatuor , basi 
coadunati , inde divergentes. Stigmata simplicia, obtusa. 

Pericarpium : Pomum turbinatum, exsu cum, quadrilo- 
culare, tetraspermum. Dissepimentum quadrialatum, mem- 
branà à cortice exteriori pomi sublibera circumdatum. 

Semina solitaria, obovata, hinc convexa, inde angulata, 
basi acuminata , subalata , receptaculo centrali per medium in- 


serta, 


(1) Nous nous empressons de publier ce nouveau genre dont la description et 14 
figure nous ont été envoyées de Madrid par MM. Ruiz et Pavon. 


72 ANNALES DU MUSÉUM 

Observatio : Pomi loculament. Sapia 1; aliquando 2; ra- 
rius 3; abortientia. 

Novum hoc plante genus in Pernviæ Andibus detectum , 
Regni illius Expeditionis Bôfanicæ professores obsequii et 
observantiæ ergo nEAvBARNOISIAM nuncuparunt : et Exm.° D. 
FRANCISCO BEAUHARNOIS, venerabundiultro consecra- 
runt ; Galliæ Imperatoris Oratori, et Italiæ Regis apud regem 
catholicum Legato extraordinario et plenipotentiario, magno 
Ordinis ferri corone Dignitario, Legionis Honoris, dum 
Cortonensis et Florentinæ Academiarum Socio etc. etc. suarum 
in Artibus et Scientiis cognitionum pignus, suique erga sapien- 
tes viros studii et patrocinii monumentum, 


Character differentialis. 


Calix diphyllus. Gorolla tetrapetala. Antherz sessiles. Po- 
mum tetraspermum., 
Definitio specifica. 


"io nanNoisia. fructipendula, foliis lanceolato ellipticis, flo- 
ribus uni-ternis doe 


Fi 


= Descriptio speciei. - 


Frutex quadriorgyalis, glaberrimus; 

Truncus erectus, teres, superne ramosus; cortice fusco-ci- 
nereo, intus rubescente; sapore parum stiptico. : 
- Rami brachiati, teretes, trunco consimiles; teneri helvoli 
coloris, leviter compressi, foliosi, 

Folia opposita , petiolata , lanceolato-eiliptica lanceolataque, 
inlegerrima , utrinque nitida, supra avenia, membranacea, ut 


D'HISTOIRE NATURELLE ` 73 
plurimum sesquipollicaria, latitudine semipollicari, subtus 
venosa, venis subpatentibus. 

Petioli 2-3-linearés, canaliculati, marginibus conduplicatis. 
Pedunculi terminales, solitarii, 2-3-nique, paralleli, ultra 


basim bracteolis duabus ovato-lanceolatis subcarinatis, deci- 


duis, erectis , in fructu dependentes , infra medium articulati. 

Calix viridi-lutescens, diphyllus ; foliolis deflexis. 

Corolla tetrapetala, lutescens; petala patentia; ue lora in- 
terioribus duplo latiora. 

Antheræ lutescentes, persistentes. 

Pomum turbinatum , pendulum, cortice comiaceo. Disse- 
pimentum membranaceum, rosaceum. 

Semina croceo-fulvescentia. 

Habitat in Peruviæ Andium nemoribus ad : Chicoplay a. 

Floret Januario et Februario. 

Observatio x.* Fructus si transversim amputes luteum et 
viscido-resinosum succum exsudant, qui etiam in calicibus et 
antheris observatur. : 

pui: 2. Incolæ corticibus ad lintea colore roseo pur- 
pureo tingenda utuntur; sed eximiis etiam viribus medicis 
exploratu dignis, uti cæteræ plante tinctorize præditam esse, 
dubitari nequit. 
Explicatio iconis. 

1. Flos integer. 2. Calix. 3. Petala. 4. Staminum annulus. 
5. Anthera. 6. Anthera aucta. 7. Stamina et Pistillum. 8. Pis- 
tillum. 9. Pomum sectum. 10. Semen, 1 :. Receptaculum. 


ANNALES DU MUSEUM 


VE 
LÀ 


NOTE 
è Sur quelques genres de la Flore de Cochin- 
; chine de LourErRo, qui ont de l'affinité avec 
d autres genres connus. 
PAR M. A. L DE JUSSIEU. 


+ 


L. est difficile que, parmi le grand nombre de genres de 
plantes publiés depuis quelques années, il ne s'en trouve plu- 
sieurs qui doivent étre rapportés à des genres déjà connus. 
Les voyageurs naturalistes, auxquels la science doit beaucoup, 
parce qu'ils vont au loin chercher des objets nouveaux, ne 
peuvent pas toujours les comparer avec ceux que l'on possede 
déjà, et dont on a des descriptions quelquefois insuílisantes 
pour les faire bien reconnoitre, Is se hâtent de former de 
nouveaux genres, qui, soumis ensuite à un examen plus sé- 
vere, se rapportent aux anciens. Parmi ces voyageurs , nous 
citerons avec éloge Loureiro, qui est allé dans la Cochinchine 
faire une ample moisson, et a donné une Flore étendue de 
ce pays. Elle contient cent quatre-vingt-six genres nouveaux, 
dont le plus grand nombre sera probablement conservé; 
plusieurs appartiennent à des genres établis antérieurement. 
Déjà, dans des ouvrages récens, on a fait le rapprochement 
de quelques-uns. Nous indiquerons ici les aflinités de plusieurs 


| D'HISTOIRE NATURELLF. 75 
autres, qui nous ont paru ou certaines ou très-probables, et 
dans cette énumération nous ne suivrons aucun ordre mé- 
thodique. 


L'aubletia de Loureiro, p. 547 , est indiqué comme ayant un calice à cinq divisions 
sans corolle, dix étamines dont cinq plus courtes, un ovaire surmonté de trois stige - 


mates, une baie orbiculaire à trois loges monospermes, convexe en dessous, tron- 
quée et aplatie à son sommet. En examinant ces caractéres, en observant de plus 
que c'est un petit arbrisseau rameux et épineux, à feuilles alternes marquées de 
irois nervures, et à fleurs axillaires, on reconnoit évidemment que cette plante est 
un vrai paliurus , et que son auteur a pris les cinq pétales trés-petits pour des éta- 
mines. Il reste à savoir s'il est distinct de l'espéce ordinaire à laquelle il ressemble 
par son feuillage et ses épines, mais dont il diffère par son fruit indiqué comune 
charnu. 

Rumph, dans son Herb. Amb. vol. 5, p. 28, t. 18, f 1, désigné, sous le nom 
de camunium sinense , un arbrisseau de l'Inde, que Loureiro rapporteà son aglaia, 
p. 215, et qu'il est facile de reconnoitre pour la méme plante que le viter pinnata, 
de Burmann, Flor. Ind. p. 158,t. 453, f. 2, dont la figure ressemble parfaitement à 
celle du camunium. Ce vitex, trouvé parmi les plantes de l'Ile-de-France, recueillies 
par Commerson , nous a présenté un calice à cinq divisions, cinq pétales attachés 
sous l'ovaire et légérement réunis par le bas, autant d'étamines dont les filets sont 
réunis en un tube évasé à cing dents, sous lesquelles sont placées intérieurement 
les anthéres ; l'ovaire trés-petit et libre est surmonté d'un style court et d'un seul 
stigmate ; nous n'avons pu voir le fruit mür. L'aglaia a, suivant Loureiro, la même 
disposition de pétales et d'étamines ; mais son ovaire, dénué de style, est surmonté 
de deux stigmates, € et l'auteur ajoute que le fruit est a ovale monosperme. 
Rumph et Burmann ne donnent aucun détail sur Ja fleur et le fruit de leur plante, 
mais il est évident que cet arbrisseau, qui d'ailleurs a les feuilles alternes etpinnées, 
et les fleurs en grappes axillaires trés-làches, ne peut être un vifex ni méme appar- 
tenir à la famille des Verbenacées, et qu'il doit plutót étre rangé. parmi les Mé- 
liacées. La différence dans le nombre des stigmates, et l'incertitude sur la structure 
du fruit du camunium , ne permet pas d'affirmer qu'il soit la méme plante que l'aglaia. 
On doit conserver au genre de Rumph le nom de camunium , d'ailleurs plus ancien, 
en indiquant avec doute l'identité présumée de l'aglaia. M. Vandelli , dans sa Flore 
du Brésil , a publié un autre genre sous le nom de leuradia, à feuilles simples, sem- 
blable par la fleur au camunium et à l'aglaia, mais dont le fruit est une capsule à 
une seule loge, s'ouyrant en trois valves, et remplie de plusieurs graines : ce qui 
augmente les doutes sur la nature du fruit du camunium. 1l en résulte seulement que 


e 


76 ANNALES DU MUSÉUM 
les trois genres doivent pour le moment être au moins rapprochés et placés dans la 
méme famille. 

Depuis long-temps Adanson ei Scopoli avoient détaché du genre dolichos le D. urens, 
nommé en françois grand pois pouilleux, pour en former un genre sous le nom de 
mucuna qu'il porte au Brésil. Browne le distinguoitaussi sous celui de zoophtalmum ; 
c’est encore le hornera de Necker, le negretia de MM. Ruiz et Pavon. Loureiro, 
auquel les dénominations de ces divers auteurs étoient probablement inconnues, a 
fait de la méme plante son genre citta, p. 557. Ce concours de divers auteurs pour 
séparer cette plante du dolichos, prouve qu'elle doit véritablement constituer un 
genre. Le caractére de ses graines orbiculaires, dont l'ombilic se prolonge par une 
ligne circulaire sur presque tout leur contour, suffit en effet pour le distinguer des 
autres dolichos , dontles graines, en forme de rein, sont marquées d'un trés-petit 
ombilic latéral. Le nom de mucuna , plus ancien, peut lui être conservé, puisqu'il 
est d'une prononciation facile. 

Le knema de Loureiro est indiqué comme genre dioique, dont la fleur mâle, dé- 
nuée de calice, a une corolle épaisse à trois divisions, et dix ou douze anthères 
portées sur un pivot central. La fleur femelle , munie d'une corolle pareille , a de 
pius un rebord inférieur tronqué et persistant que l'auteur nomme calice ; son ovaire 
velu est surmonté d'un stigmate droit et lacinié ; il devient une baie ovoide succu- 
lente, contenant une seule graine recouverte d'un arille. Si l'on compare ce genre, 
qui est un arbre à feuilles alternes et entières, au muscadier , myristiea, on trouvera 
entre eux une grande affinité. La corolle du premier n'est qu'un ealice, comme 
dans le second. La disposition etle nombre des étamines sont les mêmes. Le rebord 
observé à la base extérieure de la fleur femelle du knema , et dont on ne fait pas 
mention dans le myristica , ne mérite point le nom de calice. On voit dans l'un et 
dans l'autre une graine arillée, recouverte d'un brou charnu. La seule différence con- 
siste dans le stigmate du knema, que l'on dit lacinié, et qui est indiqué comme 
double dans le myristica. Ce caractére mérite d'étre mieux examiné; mais il n'em- 
péche pas de rapprocher ces deux genres, comme nous l'avons déjà fait dans le 
septième volume de ces Annales, p. 480, sans entrer dans aucun détail, et de 
présumer qu'ils devront être réunis dans le méme. 

Nous continuerons, dans d'autres Notes, la discussion de ceux Le genres de cet 
auteur, qui ont de l'affinité avec des genres anciens. 


D'HISTOIRE NATURELLE, 77 


SUR L'ANALOGIE 


DU DIOPSIDE AVEC LE PYROXENE. 


PAR M. HAUY. 


£ 


Dani les divers minéraux que M. de Bonvoisin a recueillis 
en parcourant avec un zèle aussi actif qu'éclairé les vallées de 
Lans, situées dans le département du P6, il en est deux sur- 
tout qu'il considere comme de nouvelles espèces, dans la des- 
cription intéressante qu'il a publiée de son voyage (1). Il 
donne à l'une le nom de mussite, et à l'autre, celui d’alalite. 
La premiére offre des groupes. de cristaux quadrangulaires, 
à bases obliques, d'une forme ordinairement peu prononcée. 
On la trouve aussi en prismes trés-comprimés, réunis paral- 
lelement à leur axe, et en masses compactes. Les cristaux 
d'alalite sont remarquables par leur volume, par leur trans- 
parence et par leur régularité. Ils affectent plusieurs variétés 
de formes, dont quelques-unes ont jusqu'à quarante faces. 
L'envoi que M. de Bonvoisin a fait à mon célebre collègue 
de Fourcroy , d'une partie de sa collection, m'ayant mis à 
portée d'observer les deux substances dont il s'agit, je trouvai 


(1) Journal de Phys. mai 1806, p. 409 et suiv. 
11 II 


78 ANNALES DU MUSÉUM 
que l'une et l'autre se divisoient en prismes qui paroissoient 
rectangulaires, et dont les bases étoient inclinées sur une des 
arêtes longitudinales, d'une. quantité que j'estimois d'environ 
107 d. Ces prismes admettoient des soudivisions dans le sens 
des deux diagonales de leurs bases. La dureté et Ja pesanteur 
» spécifique étoient aussi à-peu-prés les mêmes de part et d'autre. 
De plus, en comparant différens échantillons de mussite, je 
voyois ce minéral passer de l'opacité à la demi-transparence , 
et se rapprocher par degrés de l'alalite, par un aspect qui an- 
noncoit une pâte plus homogène, et. pour ainsi dire plus fine. 
Cette conformité de caracteres me détermina à réunir les deux 
substances en une méme espèce, à laquelle je donnai lé nora 
de diopside (1). 

La forme primitive à laquelle j avois été conduit par les ob- 
servations dont j je viens de parler , étoit très-voisine de celle 
du pyroxene. La plus grande différence consistoit en ce que 
dans cette derniere les pans font entre eux un angle de 9» d. 
d'une part et de 88d. de l'autre, au lieu que le prisme du 
diopside me paroissoit avoir tous ses angles de god. Je re- 
marquerai à ce sujet que les cristaux de diopside ont commu- 
nément huit pans , dont quatre, beaucoup plus étroits, sont pa- 
rallèles à ceux de la forme primiüve, ét les quatre autres 
parallèles aux diagonales des bases. Dans l'hypothèse vers la- 
quelle je penchois , toutes les incidences respectives des pans 
devoient être de 135 d., au lieu que sur le prisme octogone 
du pyroxene, elles sont alternativement de 134 et de 136 d., 
et -comime jl étoit plus facile de mesurer, sur les cristaux de 


: 
yeg 


(1) Voyez la note publiée par le savant M. Tonnellier, Journal des Mines, 1806, 


n." 115, p. 65 et suiv. , et qui renferme le pre des résultats sur lesquels j je fondois 
mon dose 


D'HISTOIRE NATURELLE. 19 
diopside, l'angle que faisoit chaque pan avec celui qui lui étoit 
contigu, que d'opérer sur deux pans étroits, séparés par un 
intermédiaire, on voit que la différence qu'il s'agissoit d'es- 
ümer se réduisoit à un degré. J'avoue qu'étant préoccupé de 
Fidée que deux substances qui contrastoient si fortement par . 
leurs caractères extérieurs et par leur manière d’être dans la 
nature, devoient être distinguées par leur forme, j adoptai , 
avec une sorte d'empressement , cette différence que me parois- 
Soit indiquer une observation qui auroit eu besoin d'étre 
vérifiée sur des cristaux plus susceptibles de: se prêter à des 
mesures précises. ! 

J'essayai ensuite d'appliquer les lois de la structure à un 
cristal de diopside, qui présentoit plusieurs ordres de facettes 
différemment inclinées (1); mais ce cristal étant engagé en 
partie dans sa gangue, on ne pouvoit mesurer les incidences 
de la plupart de ses faces, que sur une. seule des faces adja- 
centes, et encore cette mesure n'étoit-elle qu'approximative , 
à cause de la petite8se des faces : ces inconvéniens, joints à 
d'autres dont le détail seroit superflu , dürent nécessairement 
influer sur la. détermination à laquelle je parvins, et dont j'ai 
reconnu depuis le peu d'exactitude. o 0 ^... 51651 
- Le voyage que M. Jurine fit à Paris, il y a quelques mois, 
nr'offrit l'occasion de revenir sur un travail qui ne pouvoit 
étre regardé que comme un essai. Ce savant célèbre, qui; 
au Milieu des soins qu'exigentses fonctions et de ses recherches: 
importantes sur la zoologie , trouve encore des momens pour 
cultiver avec succès l'étude dela minéralogie, me confia des 
variétés de diverses substances dont i| désiroit avoir la dé- 


Q) Ce cristal est cité sous le nom de diopside didodéeaédre, dans la note. pu- 
bliée par M. Tonnellier, p. 68. 
P 


DH 
Es 


8o ANNALES DU MUSEUM 

termination , et parmi lesquelles se trouvoient trois cristaux 
isolés de dorades dont la plupart des angles: pouvoient être 
mesurés avec toute l'exactitude que comporte.ce genre d'opé- 
ration. Mais avant de parler des nouveaux résultats que m'ont 
offerts mes observations sur ces cristaux, il ne sera pas inutile 


de rappeler ce que j'ai dit ailleurs au sujet des. moyens -que 


j'emploie en général pour déterminer les formes des molécules 
intégrantes (1). 

Lorsque les divisions qu'admettent les cristaux d'un minéral 
sont également nettes dans tous les sens , et que les cótés des 
divers plans qu'eiles mettent à découvert, forment entre eux 
des angles du méme nombre de degrés, comme cela a lieu 
pour la chaux carbonatée, j'en conclus que les faces de mo- 
lécules, dont les positions respectives se trouvent indiquées 
par ces divisions, sont égales et semblables, c'est-à-dire, que 
datis le cas présent la molécule estun rhomboide;:car l'égalité 
des divisions relativement à leur netteté et à la facilité. de les 
obtenir, prouve que les points de contdct sont en nombre 
égal entre les faces adjacentes des molécules, d’où il suit que 
ces faces elles-mémes ont des étendues égales. Les dimensions 
de la molécule sont donc données à priori dans ces sortes 
de cas. J'ajoute que si l'on supposoit une des dimensions du 
rhombe plus longue que l'autre, on auroit des lois de décrois- 
sement différentes, relativement à des faces placées symétri- 
quement sur les cristaux secondaires, ce qui est contradictoire. 

Mais il existe des cristaux dans lesquels les coupes données 
par la division mécanique présentent des diversités sensibles, 
soit par rapport à la figure des plans qu'elles mettent à dé- 


- (à) Traité de minéralogie, t. 1I, p. 7 et suiv: 


D'HISTOIRE NATURELLE. 81 
couvert , soit relativement à leur netteté et à la facilité de les 
obtenir, ce qui annonce une différence détendue entre les 
faces de la molécule. Or, l'observation ne pouvant faire con- 
noitre, dans ce cas, le rapport entre les dimensions de cette 
molécule, on parvient à le déterminer, en supposant que les 
lois de décroissement d’où naissent les cristaux secondaires , 
soient en général les plus simples possible, et en cherchant 
la relation qui doit exister entre. les côtés du triangle que 
jappelle mensurateur (1), pour qu'il en résulte des faces in- 
clinées d'une quantité égale à celle que l'on trouve par l'ob- 
servation. Si l'on.concevoit d'autres lois de décroissement , par 
exemple, si au lieu d'une rangée soustraite en largeur , on en 
supposoit deux ; on auroit pour la molécule une hauteur qui, 
à égalité de côté, ne seroit que la moitié de celle qui auroit 
servi de donnée dans la première hypothèse; mais on par- 
viendroit toujours à des résultats qui serdient d'accord. avec 
l'observation. Ainsi, tout ce qu'il y a de démontré dans les cas 
de ce genre, c'est que le rapport entre les dimensions de la 
molécule; s'il n'est. pas celui dont on-est parti , est au moins 
commensurable avec ie ce gui suffit 2 à la: Mise pour a at- 
teindre son but. : | A. in [9 

Je reviens aux cristaux cs diopside te m'avoit confiés 
M. Jurine. Ayant essayé d’en soumettre les formes au calcul ; 
en employant , relativement à la molécule, les mémes tt 
sions que pour le cristal «cité précédemment, je /m'apercus 
d'abord que j'avois donné beaucoup trop de hauteur, à la 
molécule; en sorte que pour avoir des lois simples de décrois- 
sement, il falloit admettre une donnée qui a lieu en général 


) 


.. (3) Voyez la notion de ce triangle, Traité de Minéralogie, t. I, p. 285. 


82 ANNALES. DU MUSEUM 

pout les formés primitives, qui sont des prismes obliques à 
báses rhombes. Elle consiste en ce que si de l'extrémité su- 
périeure © (fig. 1) de l'aréte Æ qui aboutit à l'angle infé- 
rieur de la base, on hene une ligne droite à l'extrémité infé- 
rieure de l'aréte opposée, c'est-à-dire de celle; qui aboutit en 
4, cette ligne est perpehdiculaire sar les deux arétes.» 

Fm pärlant de cette dormée, et en conservant tout le reste 
comme dans ma premiére détermination, je ramenai les lois 
de décroissément à leur 'simylicité órdmaire; mais les Valeurs 
dés angles trouvés parle olde comparées: avec célles que 
donnoit l'observation ; offrorent des différences d'un degré , et 
méme quelquefois de denx degrés, et la perfection des cris- 
tàux ne permettoit pas de douter que ces différences ne ne. 

réelles. cherché à les faire disparoitre , en modifiant u 
peu les angles et led diménsions dela molécule; je eod 
que je me rapprochois de:plus en plus de la forme élémen- 
taire du pyroxéne. Enfin je substituai celle-ci à la premiere, 
el je trouvai que les ángles calculés s'accordoient parfaitement 
avec les angles mesurés. Ayant choisi ensuite un des cristaux 
dont la. forine étoit la plis: composée, je déterminai son signe 
représentatif, et je vis que les lois indiquées par cesigne:, à 
l'e&ception d'une seule; se trouvoient eed dans différentes 
váriétés de pyroxène, = 
- La figure 2 représéntelle; fekta din il s'agit, de As à la 
variété qui s'y rapporte le nom d'odtueigésiniale. 1: 
si Sos eius MUI GOEE EPEA Gj)' 4) 

| Lane uot dub sore : EDS n5 (dit 


-— 


JA 


(1) Les facés k, qui sónt d'illeurs les seules que je n'aie point encore observées 
` daas Tes pyroxenes, étoieat un peu bouihées sur les cristaux que j'ai eus entre les 
mains, €nsórte qué je né doudeiti qué par &oirecturé te bi dont ellés dépendent. 


Plusieurs cristaux ont d'autres facettes, dont les unes sont situées entre o et M et 


D'HISTOYRE NATURELLE 83 
Voici les mesures de ses angles. Incidence de M sur M, 
87d. 4»'; de M sur r, 133d. 51; de M sur 1, 136d. 9'; de 
o sur 0, 95 d. 28'; de o sur Z, 132 d. 16'; de o surr, 118d. 
59 ; de o sur M, 145 d. 9'; de P surr, 106 d: 6'; de 5 sur P, 
150d.; de s sur l, 120 d.; de u sur u, 131d. $'; deu sur Z, 
114 d. 26; de u sur r, 126d. 36; de o sur la face u qui lui est 
adjacente derrière le cristal, 112d.; de k sur /, 109d. 28'; de 
k sur r, 146d. 195 det sur r, 106 d. 6. 
On voit ( fig. 3 ) une autre variété que j'appelle pyroxéne 
équivalent , et dont j'ai un cristal dans ma collection. Son 
signe .est ne ns uT ai p. Les faces f, f, particulières à 


celte variété , et qui la distinguent du pyroxène périoctaèdre 
(fig. 4) , sont inclinées sur M de 152 d. 59', et sur r de 160d. 
5»'. Je joins aux figures précédentes celle du pyroxène octo- 
duodécimal (fig. 5 ), et celle d'une nouvelle variété que j'ap- 
pelle pyroxéne trioctonal ( fig. 6) , dans Faquens les faces z 
résultent de la loi £*, et les faces z de la loi À. Elle m'a été 
envoyée par M. Bruce, qui professe avec distinction la minéra- 
logie à New-Yorck. | : 

Le cristal de diopside T S (fig. 2), comparé avec les 
cristaux. de pyroxène ( fig. 5 et 6), offre un exemple remar- 
quable de ces jeux de cristallisation , qui ont lieu à l'égard des 
différens individus d'une méme variété , lorsque certaines faces 
sont plus ou moins éloignées du centre dans les uns que dans 
les autres. La diversité qui en résulte dans les étendues de 
ces faces et dans le nombre de leurs côtés, fait varier aspect 
et pour ainsi dire la physionomie des cristaux, au point que 
ce n'est qu'en y regardant de près qu'on y reconnoit le méme 


les autres remplacent les.angles solides s; mais la petitesse de ces facettes ne m'a 
pas permis de les déterminer. 


84 ANNALES DU MUSÉUM 
type. Il a fallu que les lois de la structure vinssent ici m'avertir 
de cheraber une analogie de forme , si peu apparente en elle- 
méme, et à laquelle j'étois d'ailleurs si éloigné de m'attendre. 
La division mécanique du diopside avoit d'abord paru offrir, 
avec celle du pyroxène , une différence que de nouvelles obser- 
vations ont fait également disparoitre. Je n'avois indiqué, 
dans mon Traité de Minéralogie, qu'une seule soudivision 
du prisme qui représente la molécule, savoir celle qui a lieu dans 
le sens de la grande diagonale de la base; mais j'ai reconnu ré- 
cemment, dans des cristaux du Vésuve et d Arendal, la seconde 
soudivision parallèle à la petite diagonale, que l'on observe de 
niéme dans les cristaux de diopside. Il y a aussi des diversités 
dans la netteté des coupes parallèles aux. bases, et dans la fa- 
cilité de les obtenir. Les joints qu'elles pe PE sont beau- 
coup plus sensibles dans la mussite que dans l'alalite, et dans 
certains pyroxènes d'Arendal, que dans ceux re Vésuve., 
Mais on rencontre partout 2 exemples de ces diversités, 
qui paroissent étre dues à des causes accidentelles, dont l'effet 
est de rendre le tissu tantôt plus lâche, et tantôt plus serré. 
Je puis dire que je n'ai rien négligé pour m'assurer de l'iden- 
tité des formes cristallines relatives aux deux substances. J'ai 
fait part de mes résultats à M. Weiss, qui a bien voulu me 
permettre de profiter , pour leur Vérificatión > de ses connois- 
sances trés-étendues en cristallographie, et de sa grande ha- 
bileté à mesurer les angles des cristaux. Il s'est procuré des 
échantillons qui ne le cédoient pas à ceux de M. Jurine, pour 
la perfection des formes. Après avoir pris en particulier les 
incidences respectives de leurs faces, il venoit me les commu- 
piquer, et toujours elles s'accordoient, de la manière la plus 
sausfaisante, avec celles que m'avoit données le caleul.- 


D'HISTOIRE NATURELLE. 85 

Les caractéres physiques viennent à l'appui du rapproche- 
ment déjà indiqué par la cristallographie. La dureté est à- 
peu-prés la méme de part et d'autre; seulement le diopside 
raie un peu plus foiblement le verre que certains pyroxénes. 
A l'égard. de la pesanteur spécifique, j'avois adopté, pour le 
pyroxène, celle qu'a trouvée M. Brisson, et qui étoit de 
3,2265. Mais ayant pesé récemment un gros cristal de pyroxène 
du Vésuve, dont le poids absolu est de 22 grammes 44 cen- 
tigrammes (environ 422 grains), j'ai obtenu pour résultat 
3,3578. D'une autre part, j'avois trouvé 3,2374 pour la pesan- 
teur spécifique de la mussite, et 5,31 pour celle de l'alalite. 
Outre que la différence n'est pas plus grande que celle qu'on 
observe communément entre des individus qui appartiennent 
évidemment à une méme espèce, les pesanteurs spécifiques 
de la mussite et de l'alalite ont cela de remarquable, qu'elles 
sont comprises entre les limites de celles du pyroxéne; et ainsi, 
le caractère tiré de cette propriété n'offre rien que de favo- 
rable à la réunion des deux substances en une seule espéce. 
Si quelque chose pouvoit paroitre balancer des indications 
d'un aussi grand poids, ce seroit la différence qui existe entre 
les situations géologiques des deux substances dans la nature; 
ce seroit encore la diversité qu'offrent ces substances, relati- 
vement à leur tissu, à leur transparence et à tout ce qui com- 
pose le facies. On sait, à la vérité, que les caractères qui se 
déduisent de ces qualités sont trés-variables dans les miné- 
raux; mais leur variation est portée ici à un si haut degré, elle 
fait ressortir, par des traits si fortement prononcés, les corps 
qu'elle affecte, que l'esprit a besoin d'étre aidé par des con- 
sidérations accessoires, pour se familiariser avec une réunion 
contre laquelle tout ce qui parle aux yeux semble d'abord 

1t. 12 


86 ANNALES DU MUSÉUM 


réclamer. Or, sans chercher des exemples analogues dans des 
espèces étrangères, telles que la tourmaline, l'émeraude , l'épi- 
dote, etc., nous en trouvons un dans l'espèce méme du 
pyroxène, en la bornant à l'étendue qu'on lui a donnée jus- 
qu'ici. Les premiers cristaux de ce minéral qui aient été connus, 
sont ceux que l'on trouve dans les basaltes et dans des laves 
plus ou moins altérées, On en a découvert, depuis quelques 
années, une grande quantité dans les mines de fer dela Nor- 
wége près d'Arendal, où le terrain, loin d'offrir aucun indice 
de l'action du feu, porte tous les caractères d'un terrain pri- 
mitif, comme celui qui a donné naissance au diopside. J'ai de 
ces cristaux qui sont engagés dans le feld-spath; ainsi voilà 
des pyroxènes reconnus par tous les naturalistes , qui ont des 
manières d'être tres-différentes dans la nature. A l'égard des 
caractères qu'on appelle extérieurs, on trouve au Vésuve de 
petits pyroxènes transparens, d’une couleur verte, qui est 
seulement plus intense que dans le diopside. Plusieurs des 
cristaux que lon tire du même endroit, ont le tissu très- 
vitreux et trés-éclataht; d'autres l'ont simplement lamelleux , 
mais avec une apparence bien différente de celle qu'offrent 
certains. pyroxenes d'Arendal, qui, étant brisés, paroissent 
composés de lames de mica brun ; on peut dire que, sous ces 
rapports, le pyroxène diffère quelquefois plus sensiblement 
de lui-méme que da diopside. ! 

Maisil y a mieux , et les extensions qu'a recues, depuis en- 
viron deux ans, l'espèce du pyroxène , peuvent servir à mieux 
motiver celle que je propose de lui donner encore. J'ai réuni 
à cette espéce, sous le nom de pyroxéne granuleux, la coc- 
colithe des Danois, que j'avois laissée parmi les substances 
dont la classification étoit douteuse, à l'époque oà mon Traité 


D'HISTOIRE NATURELLE - 87 
à paru. Cetté réunion a été consignée , par M. Lucas fils, 
dans l'intéressant ouvrage qu'il a publié sousletitre de Tableau 
méthodique des espèces minérales , eic. (1) , et elle est main- 
lenant adoptée par une grande partie des minéralogistes. J'ai 
de plus annoncé dans mes derniers cours, comme extréme- 
ment probable, la réunion de la malacolithe ou sahlite avec 
le pyroxène. Or, à ne considérer que le tissu et les autres 
caractères qui s'offrent à nos sens, on voit la coccolithe passer 
d'un cóté au pyroxene, et de l'autre, à la sahlite; et j'ai des 
échantillons de cette derniére substance, qui se rapprochent 
beaucoup du diopside, surtout de la variété que M. de Bon- 
voisin a nommée mussite. Ainsi, les deux minéraux dont je 
viens.de parler servent à lier, par une série de nuances in- 
termédiaires , deux extrêmes, savoir, l'ancien pyroxène et le 
diopside, qui, placés en regard, semblent être étrangers l'un 
à l'autre. Lorsqu'on les compare immédiatement, on est 
surpris qu'ils puissent appartenir à une méme espèce; et l'on 
auroit sujet de l'être qu'il en fùt autrement, lorsqu'on a sous 
les yeux l'ensemble dont ils font partie. 

Je n'ajouterai plus qu'une réflexion. On sait qu aly a des 
substances très-distinguées par leur nature, dont les molé- 
cules intégrantes ont la méme forme; mais-ordinairement cette 
forme est une de celles qui, ayant un caractére particulier de 
régularité, peuvent étre regardées comme des limites : tels 
sont le cube et le tétraedre régulier ; et en supposant que la 
molécule, commune à deux substances ne soit pas une li- 
mite (2), il y aura, dans les caractères physiques, des diffé- 


(1) Page 272. 
(2) Rien n'annonce l'impossibilité de ce dernier cas. La seule chose que je croie 
bien prouvée, c'est qu'une méme substance ne peut avoir des molécules inté- 
12 


88 ANNALES DU MUSÉUM 

rences qu'il suffira d'associer à celui qui se tir& de la forme, 
pour que les espèces auxquelles appartiennent ces substances 
soient déterminées sans équivoque. Au contraire, dans le 
diopside et le pyroxène, les propriétés physiques tendent à 
conlirmer le rapprochement indiqué par l'unité de molé- 
cule et par la ressemblance des formes secondaires. Si la chimie 
parvient à démontrer une différence essentielle entre les | 
principes coniposans de ces deux substances, il en résultera 
une exception d'autant plus singulière, à la méthode de clas- 
sification que j'ai adoptée, qu'il sera impossible de les dis- 
tinguer nettement par aucun des caractères qui tiennent de 
plus prés à la nature intime des corps. : 


m 


grantes de deux formes. La soude boratée paroit offrir, relativement au cas dont 
je viens de parler, un exemple que je me permettrai d'autant moins de passer ici 
sous silence, que c'est avec le pyroxéne lui-méme que cette substance saline a 
de l'analogie par sa cristallisation; mais sa solubilité et sa saveur sufliroient 
seules pour empêcher de la confondre avec lui. : 


D'HISTOIRE NATURELLE. 89 


ANALYSE 


DE LA DATHOLITHE OU CHAUX BORATÉE-SILICEUSE 


de M. Haüy. 


PAR M VAUQUELIN. 


Aiao de ce minéral, qui ma servi pour cette ana- 
lyse , m'a été donné par M. Neergaard, minéralogiste danois ; 
il avoit une couleur blanche, une transparence légèrement 
laiteuse , une dureté assez grande pour rayer le verre ordi- 
naire , une cassure vitreuse et lisse , à-peu-pres comme celle 
. du quartz. Sa pesanteur est de 

Soumise au feu du chalumeau, cette substance devient 
d'abord opaque , se fond ensuite en boursouflant, et donne enfin 
un verre parfaitement clair et transparant. 

Elle est facilement attaquée par les acides, méme étendus 
d'eau, et par suite de cette action , elle est convertie en une 
masse gélatineuse transparente. 


Premier essai par l'acide muriatique. 


Aprés avoir fait bouillir dans de l'acide muriatique cinq 
grammes de cette pierre réduite en poudre subtile, j'ai fiit ré 


- 


ġo “ANNALES DU MUSEUM 


la liqueur. La partie non dissoute, lavée à Peau bouillante et 


séchée à l'air, avoit une couleur blanche-matte; ses parties 
étoient agglutinées , comme si elles eussent contenu de lalu- 
mine :en l'écrasant entre les doigts, on entendoit un bruit 
semblable à celui de l'alumine séchée à l'air. Soupconnant que 
l'opacité de cette matière provenoit d'une portion du minéral 
échappée à l'action de l'acide muriatique, je l'ai pulvérisée de 
nouveau et mise avec de l'acide muriatique un peu concentré : 
elle est aussitót devenue transparente, et a paru diminuer 
de volume. Cependant aprés avoir fait. bouillir ce mélange, 
l'addition de l'eau a donné à la liqueur un aspect laiteux, et 
il s'est formé un dépôt blanc opaque, à-peu-prés comme de 
l'oxide d'étain. | : | 

- J'ai filtré la liqueur et lavé le résidu avec de l'eau bouillante : 
son poids étoit d'un. gramme neuf dixièmes; il étoit un peu 
plus mobile et pulvérulent que la première fois. Quoique les 


apparences extérieures de cette substance m'y eussent fait 


soupçonner la présence de quelque corps étranger à la silice, 
cependant l'examen le plus scrupuleux n'a pu m'y rien faire 
découvrir : ainsi je le regarde comme de la silice pure. 


Evaporation de la liqueur du premier traitement de la pierre. 


J'ai ensuite fait évaporer la première liqueur à une chaleur 
trés-douce , et lorsqu'elle a été réduite en consistance de syrop 
clair, elle a cristallisé sous la forme de feuillets blancs et 
demi-transparens. Cette liqueur étant trop épaisse pour pou- | 
voir filtrer facilement, j'y ai ajouté une petite quantité d'eau 
froide , afin de laver les cristaux et les débarrasser de l'eau 
mère, sansen dissoudre une quantité sensible. J'ai obtenu; par 


D'HISTOIRE NATURELLE. OT 


ce moyen, un gramme et un dixième de ces cristaux séchés 
à l'air, lesquels avoient toutes les propriétés de acide bora- 
cique. 

Ayant fait dissoudre cet acide dans une petite quantité d'eau 
bouillante, il s'en est séparé quelques Tégers flocons de silice, 
et il a cristalisé de nouveau par le refroidissement de la 
liqueur. 

J'ai faitévaporeraussi à une chaleur très-douce l'acide muria- 
tique du second traitement; mais cette liqueür n'a point fourni 
de cristaux comme la première : alors je les ai réunies, et j'y ai 
mélé de l'oxalate d'ammoniaque. Il s'est formé, par le mélange 
de ces liqueurs, un précipité blanc trés-abondant qui, lavé, 
séché et calciné, pesoit un gramme quatre-vingts centièmes : 

c'étoit de la chaux contenant encore quelques atomes A acida 
carbonique. 

`- Aprés avoir reconnu, par les expériences que je viens de 
rapporter, les substances qui constituent la pierre nommée 
datholithe, j'ai recommencé l'analyse, pour en vérifier les pro- 
portions ou les rectifier sil y avoit lieu. 

Cette fois, jai opéré sur six grammes de matiére, et j'ai 
employé l'acide muriatique plus étendu d'eau, parce que je 
m'étois aperçu , dans l'expérience précédente , que la matière 
sétoit prise subitement en gelée épaisse, entre laquelle il 
restoit de petites masses opaques, et qui paroissoient, à cause 
de cela, n'avoir pas été parfaitement. attaquées. ; 

Par cette dernière manière opérer, la datholithe s'est 
presque complètement dissoute, il n’est resté que quelques 
flocons blancs et très-divisés qui ne faisoient assurément p 
la centième partie de la masse employée. 


92 i ANNALES DU MUSEUM 
En procédant, comme je l'ai dit plus haut, j'ai obtenu les 
élémens de la pierre dans les proportions suivantes: 


Savoir: 1.' De silice > . . . 2,259 surioo parties 37,66 
2.' D'acide boracique . 1,300  . . . . 21,66 
4 Deéctlaux. 0 s Ba ee, ns 06 
5,719 Ei GIN? 
Perte .: . 281 Perte . . 4,68- 3 
6,000 


L'on voit, par ces résultats, que les Drob tions obtenues 
entre les principes de la pierre dans les deux analyses que je 
viens de rapporter, ne diffèrent pas sensiblement; ce qui me 
permet de croire que je ne dois pas nrétre écarié beaucoup 
des vraies quantités. 

J'observe cependant que la chaux, quoique assez fortement 
calcinée, retenoit encore quelques atomes d'acide carbonique, 
ce qu'a démontré la légere effervescence qu'elle a produite en 
se dissolvant dans lacide muriatique. La perte de quatre 
centièmes deux tiers, que jai éprouvée dans mes résultats, 
étant un peu plus forte qu'elle ne devoit l'étre dans une ana- 
lyse de cette espèce, j'ai voulu m'assurer si le minéral ne conte- 
noit pas del’eau; en conséquence, j'en ai fait chauffer cent parties 
dans un creuset de platine; et, en effet, elle a perdu trois et 
demi de son poids. En ajoutant donc ces trois. et demi à la 
somme des autres produiis , nous n'avons pins qu'un et quel- 
que chose de per te. Il est probable qu'il y a même un peu plus 
d'ean que je n'en compte ici, et par conséquent un peu moins 
de chaux; car cette sube déjà calcinée, comme je viens 
de le dis, se boursoufle beaucoup, et produit un grand 


D'HISTOIRE NATURELLE. 93 
nombre de bulles par la fusion. Ainsi, je crois qu'on ne com- 
mettroit pas une erreur bien sensible en diminuant la quau- 
tité de chaux de deux dixièmes de gramme sur les six grammes 
de datholithe employés, et les remplaçant par autant d'eau, ce 
qui feroit alors cinq et demi, et réduiroit la chaux à trente- 


quatre. 
Les proportions seroient alors ainsi: 

Silice Me 57,66 
Acide boracique. . . . 21,67 

Chant i o V4 4... 34 
BÉ 35-473 5,50 
98,83 
Pu. Ts s 1,17 


100,00 


L'analyse dela datholithe ayant déjà été faite par M. Klap- 

roth , je n'aurois pas pris la peine de la répéter, si jusqu'ici 
elle n'étoit pas la seule de son genre, et si M. Haüy, qu'elle in- 
téresse , ne m'y eütpas engagé. On croira sans doute volontiers 
que je n'ai pas eu la pensée, en recommençant ce travail, 
de trouver quelque chose à reprendre aux résultats de M. 
Klaproth. 
— Voici quels sont les proportions que ce savant y a trouvées: 
Silice 36,5—Chaux 35,5 — Acide boracique 24 —et Eau 4. Mes 
proportions ressemblent beaucoup, comme on voit , à celles de 
M. Klaproth, et cependant je ne me suis point modelé sur ce 
savant, car je ne connois pas la maniére dont il a opéré, et 
c'est M. Haüy qui m'a remis lui-même ses résultats depuis que 
mon analyse est faite. 


13 


04 ANNALES DU MUSEUM 


DESCRIPTION 
DE L'ÉCOLE D'AGRICULTURE PRATIQUE 


DU MUSEUM D'HISTOIRE NATURELLE. 


PAR A, THOUIN. 


IV* MÉMOIRE 


CLASSE TROISIÈME. 


Des moyens de multiplier les végétaux. 


Les végétaux se multiplient de trois manières; par mar- 
cottes , par boutures et par greffes. 

On voit qu'il n'est pas question ici de faire naitre des vé- 
gétaux, propriété qui m'appartient qu'aux graines; mais bien 
de multiplier ceux qui existent, d'augmenter le nombre de 
leurs individus, de prolonger la durée de l'existence des va- 
riétés, sous-variétés et races dues à un concours de circons- 
tances fortuites qui se rencontrent rarement dans la nature (1); 


(1) Une bonne théorie de la formation des variétés , appuyée sur un grand nombre 


D'HISTOIRE NATURELLE. d 
de propager/les variétés qui ne se perpétuent pas de semences 
avec les mémes propriétés; de multiplier les races qui ne 
produisent point de graines; d'accélérer et de perfectionner 
souvent les produits agréables ou utiles de plusieurs variétés; 
et enfin d'amener à l’état de domesticité plusieurs d'entre elles; 
de les y assujétir si bien, qu'elles ne puissent s'en passer, et 
qu'abandonnées à elles-mêmes, elles rentreroient dans leur 
espèce primitive, ou disparoitroient de la surface de la 
terre. | 

Mais en général les individus d'arbres obtenus par ces 
trois voies de multiplication, et toujours propagés par ces 
mêmes moyens, perdent , après un espace de temps plus ou 
moins long, la faculté de donner des graines fertiles; et les 
êtres qu'ils produisent ne sont ni d’un aussi beau port, ni 
d'une aussi haute taille , ni d'une aussi longue durée, que ceux 
qui sont.nés de semences (1). 


GENRE PREMIER. 
Du marcottage (>), de ses opérations , et des appareils (3) 
utiles. à la réussite de plusieurs espèces de marcottes. 


Bene: ra auteurs latins, l'action de marcotter ou x pro- 


de faits, d'observations et d'expériences, est encore à établir. Elle seroit cepen- 
dant d'une pe utilité pour les p de la physique velis et de la 
culture. 

- (1) Quelques anomalies qui forment exception, ne détruisent pas ce principe 
pivisinht recu. 

(2) Marcottage est le nom collectif de la chose; marcotter est l'action de l'opérer, 
et màrcotte est le nom du résultat de l'opération. 

(9) Onne sauroit croire combien les appareils servent à la réussite des opérations. 

t3” 


66 ANNALES DU MUSEUM 

vigner est exprimé par le mot propagare , et le produit de 
cette opération par celui de mergus. Faire des marcottes ou 
des provins, c’est déterminer, au moyen de procédés , d'opé- 
rations et d'une culture particulière, des bourgeons (1), des 
rameaux et des branchés qui tiennent à leur souche, à pousser 
des racines, pour qu'ils puissent former de nouveaux pieds 
lorsqu'ils sont séparés de leurs mères. 

Cette voie de multiplication, indépendamment des pro- 
priétés qui lui sont communes avec les autres, a l'avantage de 
donner des jouissances plus promptes que celles des semences, 
et souvent méme que celles des greffes, et de concourir avec 
elles à la propagation plus rapide des végétaux. 

Sa théorie est fondée sur l'observation de beaucoup de 
faits qui prouvent que les tiges d'un très-grand nombre de 


Les physiciens qui en connoissent le prix, les décrivent avec exactitude; Nous sui- 
vrons leur exemple et par la méme raison. 

(1) Les physiciens et les botanistes donnent le nom de bourgeons, d'yeux, de 
boutons ou de gemma, à des corps non développés ou renfermés sous leurs écailles, 
et à des rameaux qui ont quelquefois 6 pieds de long, parce que ces derniéres 
productions ne sont que le résultat de l'extension des premières. Par la méme 
raison, ils ne devroient pas distinguer l'arbre de sa graine, parce qu'il n'en estque 
le développement, et qu'il existe en entier dans l'embryon de sa semence , comme 
le rameau existe complet dans son bouton ou gemma. Mais comme les cultivateurs 
ont un grand intérét à ne pas confondre ces parties, quoiqu'elles ne soient que 
des développemens d'un méme germe, parce quls en font des usages très-diffé- 
rens, nous prévenons que nous distinguons ces deux modes du. même être, et 
que nous ne donnons le nom de bourgeons qu'à des rameaux développés, pris 
dans tous les états de leur croissance progressive, et jusqu'à ce qu'elle soit arrêtée; 
ce qui arrive à la fin de chaque séve. Alors le bourgeon prend successivement, à 
mesure qu'il vieillit et en raison des positions qu'il eccupe, les noms de rameaux, 
de branches du quatrième , troisième , deuxième ou premier ordre, de tige et de 
tronc. Le nom de boutons et d'yeux sera réservé aux gemma non encore dé- 
veloppés ou couverts de leurs écailles et autres enveloppes extérieures, 


D'HISTOIRE NATURELLE. 97 
végétaux renferment les germes de racines qui. n'attendent que 
le concours de circonstances qui leur soient favorables, pour 
se développer et s'étendre; comme les racines dde. 
renferment des corculum qui deviennent des bourgeons, lors- 
qu'elles sont déterrées dans certaines parties, ainsi que le dé- 
montre: la réussite de ces deux sortes de boutures (1). 

Mais comme les végétaux offrent plus ou moins de facilité 
à pousser des racines et à reprendre de marcottes, c'est ce 
qui a obligé les cultivateurs à employer divers moyens et 
différens procédés pour les faire réussir. 

En raison de cette plus ou moins grande facilité des mar- 
cottes à s'enraciner, nous les diviserohs en deux sections, sous 
les titres de marcottage simple et de marcottage compliqué. 


(1) Des germes de nouveaux étres sont done répandus dans toutes les parties 

des végétaux ou du plus grand nombre de leurs espéces, indépendamment de la 
vie générale et commune à chacun des individus en particulier. Cela est si vrai, 
que si l'on fait croître des bourgeons à une place où il ne se trouve aucun signe 
extérieur de leur rudiment, ce qui est aisé, et qu'on fasse des boutures de ces 
bourgeons , on.aura de nouveaux pieds vivans de leurs propres moyens, et sans 
avoir diminué la vie de leur mere. 

Un physicien célébre, Duhamel du Md a comparé = pi . ou gd 
yeux à des graines dont les bourgeons sont les développemens, et il considére 
chaque bourgeon comme un petit arbre enté sur un plus grand. Mais indépendam- 
ment de ces gemma visibles et qui sont distribués régulièrement sur les arbres, 
suivant leur nature, il s’en trouve un bien plus grand nombre de cachés qui som- 
meillent jusqu’à l'époque où il se trouve des circonstances favorables à leur 
développement. Dans le cas contraire, ils s'éteignent et s'annullent. La nature n'a 
pas été moins libérale de germes réproductifs envers les végétaux, ww l'a; été 
pour les polypes, les poissons et beaucoup d'antres anjait. 


93 ANNALES DU MUSEUM 


SECTION. PREMIERE. 


Marcottages sim ples. 


Toutes les espèces de marcottes comprises dans cette sec- 
iion , se font naturellement ou n'ont besoin que d'étre enterrées 
et séparées de leurs mères, lorsqu'elles sont suflisamment 
pourvues de racines, pour vivre de leurs propres nay sn) et 
former de nouveaux pieds. 


EXEMPLE L" — /Marcottage- par stolones (1). 


Il s'effectue en enterrant dans de petites fossettes de o m. 05 c. de profondeur en- 
viron , les œilletons produits par les stolones , fouets ou coulans qui poussent du 
collet de la racine des plantes stolonifères, dans la circonférence des pieds adultes. 
Les fraisiers , des. potentilles., des saxifrages sont les: gen stoloniferes pármi les- 
quelles on a, choisi ger modeles desee- sU € 


gati 


E51... M tte par turion (2). 


Beaucoup de plantes vivaces herbacées (3) ner du collet de leurs racines 
plusieurs bourgeons qui s'étendent horizontalement à à quelques centimétres sous 
"terre, se relévent ensuite, et forment des tiges annuelles à quelque distance de 
leur touffe-mére. Ces plantes se rencontrent dans la famille des asperges, des apo- 
“cinées, des corymbiféres , des léguinineuses, etc. Ce sont des marcottes naturelles 
qui n'ont besoin que d'étre caes de leur touffe, en temps convenable pour 
Mni de nouveaux Roen 


, üt PeT 
NV * 


— 
181 ET EP TNT ET Y 


t(s} E AT occupent reps r Me e de long n— 3, ‘sur : 2 mètres en 
Biei, de terrain disposé eñ” planche. "" ^ - 

(2) Thurio en latin. 

(5) Nommées par M. Derxtioile, Polycarpiques de la section des Rhizocarpiques, 
( Principes élémentaires de botanique mis en tête de la troisième édition de la Flore 
françoise, tom, L" pag. 222, n." 294). 


D'HISTOIRE NATURELLE. 


© 


Ex. ni. — Marcottage par drapeons. 


,. Plusieurs arbustes et arbrisseaux, tels que diverses espèces de rosiers ; de spi- 
_ræa, de millepertuis , de lilas, ete. poussent , à quelque distance au- dessus du collet 
de leurs racines, de longs fouets qui s'étendent horizontalement, sous terré, en 
. sortent ensuite, et produisent des “bourgeons ligneux. Le-moyen d'accélérer dans 
ces fouets la pousse des racines ou d'en faire croitre, est de pincer l'extrémité 
des bourgeons entre les deux séves d'été; et au printemps suivant, de séparer ces 
fouets du collet de leurs racines-méres. S'ils ne sont pas suffisamment pourvus de 
bonnes racines, on les laisse en place le re de l'année, et on ne les lève que 
l'année suivante. fi l ; 


EX. 1v. — Marcottage par œilletons. 


Il est un grand nombre de plantes vivaces herbacées qui poussent au-dessous du 
collet deleurs racines, des œilletons charnus et garnis à leur base d'une touffe de 
chevelu, lesquels sont destinés à remplacer les souches qmi leùr ont donné naissance, 
Les artichauts, les rhubarbes les sylphium en fournissent des exemples ; mais les re- 
jetons qu'ils produisent sont ordinairement en grand nombre, et se trouvent ^an 
semblés dans un espace trés-circonserit. S'ils restoient à là même place, ils nui- 
roient bientôt à la touffe principale: pour empêcher qu'ils ne la fassent périr , ou 
¿au moins qu'ils ne l'appauvrissent , on les œilletonne, € et c'est le moyen dont on 
„S€ sert pour multiplier ces plantes. " 

Le procédé consiste. à séparer avec les mains ou à couper tout prés de leur 
souche, ayec un couteau de Bois dur ou. d'ivoire pour les plantes dont le suc 
propre oxide le fer, les œilletons” suffisamment pourvus de racines. Cette opéra- 
tion s'effectue a avec plus de succès sept à huit jours To shai les pré sont en- 
m en sève , e dans i tout per cp uid 


Bx Yo > Marcotiage par. éclats, 

"Trois. individus de iis sont dasini b fournir cet exemple, de sollic 
tion. Le premier est une plante vivace à racine pivotante, semi-ligneuse , propre à 
étre fendue en. plusieurs parties dans sa longueur, à l'effet de faire produire des 
racines et du chevelu à chacune de ces parties éclatées , et de pouvoir ensuite , lors- 
qu'elles en sont pourvues, les séparer de leur mére. Le second est une souche d'ar- 
buste peu pourvue de racines, dont toutes les tiges ont été coupées à rez-terre 


100 ANNALES" DU MUSEUM 


pendant l'hiver, pour lui faire pousser plusieurs bourgeons des différens points de 
sa circonférence, lesquels, à la sève descendante, se muniront de racines en suf- 
fisante quantité pour les nourrir à la fin de l’année suivante, et permettre de les 
séparer. Le troisième est un arbre dont la tige de om. 11 c. de diamètre près de 
terre, et coupée à o m. 16 c. de haut, doit pousser un grand nombre de racines de 
sa circonférenee, en méme temps que beaucoup de bourgeons de sa partie hors de 
terre. Lorsqu'il sera suffisamment pourvu des unes et des autres, ce pied sera fendu 
en quatre-parties égales dans toute sa longueur, et laissé en place jusqu'à l'année 
suivante , pour lui donner le temps de se rétablir de cette blessure, et ensuite chaque 
quartier sera levé pour en faire des pieds séparés. 

Ce mode de multiplication se pratique, à la sève montante, sur des ombelli- 
féres, des lonicéres, des capriers, des orangers, des sophora, etc., dans plusieurs 
jardins de botanique de l'Europe. 


EX. VI. — bd d par racines. 


Cette sorte de multiplication offre trois principaux modes différens, lesquels sont 

représentés par trois individus d'arbres et arbustes d'espéces diverses. 
Le premier présente l'exemple de racines levées hors de terre d'environ o m. o5 c. 
par leur petit bout, à l'effet de leur faire pousser des bourgeons de la partie dé- 
terrée, et de pouvoir, par ce moyen, en coupant les racines prés de la souche, 
obtenir de nouveaux pieds. Plusieurs espéces de pelargonia et Ie volkameria du Japon 
se propagent de cette manière. 

Le second individu est un jeune arbre dont les racines supérieures ont été 
blessées à leur surface avec la bêche à la sève montante. Chaque plaie offre des 
nodosités qui ont poussé de leur partie supérieure des bourgeons, et des racines de 
leur partie inférieure, comme cela arrive communément aux racines d'ormes des 
grands chemins, déchirées parla charrue, aux vernis du Japon dans les jardins, 
et à beaucoup d'autres arbres. 

Le troisiéme exemple est fourni par un arbre dont plusieurs racines ont été 
coupées tout prés de la souche, laissées en place, mais relevées par le gros bout : 
de om. o4c. hors de terre, et couvertes d'une poignée de terreau, pour qu'à la 
séve montante elles puissent pousser des bourgeons vigoureux, susceptibles d'étre 
levés à l'automne suivant, munis d'une suffisante quantité de bonnes racines qui 
assurent leur reprise. Ce moyen s'emploie fréquemment pour les arbres de la fa- 
mille des légumineuses, des thérébinthes et de beaucoup d'autres, 


D'HISTOIRE NATURELLE X01 


Ex. vit. — Marcottage par. bute. 


Trois touffes d'arbustes, de sous-arbrisseaux et d'arbrisseaux sont consacrées à 
cette démonstration. 

La premiére offre un individu dont toutes les tiges trop St de dre de 
trois ans, ont été supprimées au niveau de la souche, à laquelle on n’a laissé sub- 
sister que des bourgeons bien sains de l'avant-derniére et de la dernière année. 
Ces bourgeons ont été butés avec une terre argileuse et forte, dans. une càr- 
conférence. d'un métre, sur o m. 4oc. d'élévation , disposée ea forme conique 
tronquée et creusée en godet par le haut. Cette bute a été gazonnée dans toute 
sa cireonférence pour en maintenir la forme et y entretenir l'humidité. 

La seconde touffe sera butée l’année prochaine, de la méme manière que la 
premiére, laquelle alors sera démolie pour en séparer les marcottes enracinées. 

La troisième touffe remplacera l'exemple. de la seconde, lorsqu'on la déehargera 
de ses marcottes, tandis que la premiére se reposera une année pour former de 
nouveaux bourgeons propres à être butés l’année suivante. 

Ce marcottage est pratiqué dans les pépinières de Paris et des environs pour la 
multiplication d'arbustes à écorce conte et à bois mou , tels que les ketmies en 
— plusieurs vitex, etc. 


x EX. vin, — Marcottage di iris B 


© On donne le nom de vem Un de DANSE en anse isy pe ie ou en arc, à 
ce moyen de propagation. 

n consiste à faire choix, dans une touffe dubii ? de APE d'un à 
deux ans, vigoureux et longs de om. 65e. à 1 mètre; à les courber dans de 
petites fossettes pratiquées dans la circonférence dela touffe; à laisser sortir hors 
de terre l'extrémité des bourgeons d'environ om. 14c., et à remplir les fossettes 

vec de la terre riche en humus. Ces marcottes poussent assez de racines pour 
NS étre séparées dans l'espace d'un à trois ans. 
^ Deux autres arbustes d'espéces differeetes, sont destinés à deben cet exemple 
dans les années suivantes. 

Ce marcottage est pratiqué dans les sa chez les jardiniers fleuristes et 
dans les jardins de toutes les parties de l'Europe, pour la multiplication des vé- 
gétaux ligneux , dont l'écorce est plus mince et le bois moins mou que ceux de la 
série précédente. 


102 ANNALES DU MUSÉUM 


Ex. 1x. — JMarcottage en provins. 


On donne le nom de provignage ou de couchage à cette manière de marcotter , 
et celui de provins, aux marcottes enracinées qui en résultent. 

Ce marcottage se fait en choisissant dans un cep de vigne, ou sur une cépée, 
des sarmens ou des bourgeons de plusieurs mètres de long, jeunes, sains et vigou- 
reux, que l'on couche horizontalement dans des rigoles de ọ m. 14€. à om. 22 c. 
de large sur autant de profondeur, et une longueur déterminée par celle des ra- 
meaux , dont on relève l'extrémité supérieure d'environ quatre doigts hors de terre. 
Ces bourgeons étant suffisamment enracinés, sont, séparés de leur souche, et le 
plus ordinairement laissés en place. 

Ce moyen de propagation est employé pour regarnir et même renouveler les 
vignes dans certains pays; pour repeupler les clairiéres des bois taillis dans beau- 
coup d'autres; dans les jardins, pour donner plus de vigueur aux treilles de 
vignes, et chez les pépiniéristes, pour multiplier egre d'espéces d'arbres et ar- 
bustes tant ip pe 


Ex. x. — Marcoltage en serpentaux. 


Des sarmens de 3 à 5. mètres, et plus de long, trés-flexibles et fournis par un 
pied vigoureux, sont couchés de om. 65c. en om. 65c. et fixés dans des fos- 
settes en anse de panier, de manière qu'il se trouve autant de longueur de sarment 
enterré, qu'il y en a hors de terre à chaque place et dans toute l'étendue du ra- 
meau, dont l'extrémité doit sortir de 5 à 10 centimètres au-dessus du sol. L’es- 
sentiel de cette opération est qu'il se trouve sur chaque portion de cercle que 
décrit le sarment hors de terre, plusieurs bons yeux propres à fournir de nouveaux 
bourgeons.. 

Les vignerons, les pépiniéristes et les ndis emploient ce marcottage pour 
tirer d’un même sarment six ou huit marcottes, suivant sa longueur, dont ils 
font autant d'individus séparés. Les vignes, les chévrefeuilles, le jasmin officinal , 
les viormes, les periploca, les glycinés grimpans et autres arbrisseaux de cette 
vature se multiplient abondamment par ce procédé. - 


D'HISTOIRE NATURELLE. 103 


Ex. xi. — Marcottage en berceau. 


Pour effectuer cette sorte de mareottage, on courbe en demi-cercle de longs 
bourgeons de la derniére et de l'avant-dernière pousse, et l'on enterre leur ex- 
trémité supérieure dans des fossettes de om. 16 c. à om. 22€. de profondeur, et 
cela dans le plein de la sève. Bientôt ces rameaux s'emracinent par la partie en- 
terrée , et donnent naissance à de jeunes bourgeons qui s'élèvent verticalement, 
et forment üné touffe qui vit de ses propres moyens. 

Ce mode de multiplication est employé avec succés pour toutes les éspéces de 
ronces, pour les vignes et autres arbrisseaux sarmenteux. Il est encore peu répandu 
parmi les cultivateurs de Paris et des environs; on le pratique depuis long-temps 
au Muséum. 


SEC T ION IL 
Marcottages compliqués. 


Indépendamment des soins que demandent les marcottages 
de la première section, lesquels se réduisent, ainsi qu'on l'a 
vu, à enterrer les parties de végétaux qu'on veut marcotter, 
et à séparer les marcottes lorsqu'elles sont pourvues de ra- 
cines, ceux-ci exigent de plus des opérations préparatoires, 
et souvent des appareils plus ou moins compliqués. 

Les marcottages de cette section ont plus particulièrement 
pour objet des végétaux étrangers de consistance boiseuse , 
dure et sèche, et ceux du pays qui réussissent rarement par 
le marcotiage simple. 

On les pratique dans les pépinières et les jardins affecté 
à la multiplication et à la culture des végétaux étrangers. 


EXEMPLE PREMIER. — Marcottage par torsion. 


Celui-ci est un des plus anciennement pratiqués. 1] est décrit par Palladius, ancien 
auteur latin; son procédé consiste à tordre une branche, un bourgeon ou un sar- 
i4 


104 ANNALES DU'MUSÉUM 


ment, de manière à déplacer ou disjoindre foiblement les fibres ligneuses dans la 
longueur d'environ 8 centimétres; à enterrer cette partie tordue de 16 centimétres 
environ de profondeur, dans une terre substantielle susceptible de garder long- 
temps l'humidité, età tenir dans une direction verticale la partie de la branche qui 
sort de terre d'environ 22 centimètres. 

Ce marcottage, rarement employé à présent, peut être ee à sur des bois. 
durs qui restent plusieurs années en terre sans pousser de racines; comme diverses 
espéces de chénes, de châtaigniers , de charmes , etc. , qu'on désire multiplier, ou 
dont on veut se servir pour regarnir de petites clairières qui se trouvent dans des 
bois taillis. 

Ex. 11. — Marcottage par étranglement. 


Ces étranglemens se pratiquent sur des bourgeons ou rameaux qui, couchés en 
terre simplement, ne produiroient pas de racines, et surtout sur ceux qu'on est 
obligé de laisser dans leur position verticale, comme beaucoup d'arbustes cultivés 
dans des vases et qu'on rentre l'hiver dans les serres. On pratique ces étrangle- 
mens avec des ligatures pour NOE la formation des bourrelets desquels il 
puisse naitre des mamelons propres à devenir des racines. 

Le choix de ces ligatures n'est point indifférent pour la réussite de l'opération: 
il faut les” approprier à la nature des bourgeons, rameaux où branches auxquels 
elles sont propres, à l'espace de temps qu'ils emploient à s'enraciner, et à la diffi- 
culté qu'ils ont à reprendre. On-emploie à cet usage le jonc, le. sparte; l'osier ; ; 
les fils de chanvre, de soie, de fer, de laiton, et la ficelle cirée. Les unes s'éta- 
blissent sur les branches dans la largeur de 2 millimètres, et les autres occupent 
graduellement, suivant les espèces, jusqu'à 5 centimètres d'étendue: quelques-unes 
se font en. spirale, de maniére que les tours de la ligature sont : écartés les uns 
s „autres de. 2 “millimètres ou plus pour, multiplier les bourrelets, et par ce 
en , les chances de la réussite; dans d'autres, les Sredi sont trés-rapprochés e et 
ne laissent entre eux aucun intervalle. - uerus 

Toutes ces sortes deligatures sont pratiquées sur les bourgeons, rameaux ou 
branches de trois arbrisseaux qui fournissent des exemples tant de la maniére. dont 
ces ligatures doivent étre faites qe, des sp, qu'elles progvisent sur les 
ra qui les Re KA 


*x pr — Marcottage par plaies annuaires. 


' On donne le nom de plaie ou de section annulaire et d'anneau cortical à des 
solutions de continuité formées par l'enlévement, depuis l'épiderme j jusqu'à l'obier 
exclusivement, d'une lanière d'écorce dans toute la circonférence. d'un. bourgeon, 


à 


e 


D'HISTOIRE :NATURELLE. 105 


d'un rameau, d'une branche, d'une tige et même d'un trone d'arbre: Elle a pour 
objet, soit de diminuer la vigueur d'une branche gourmande, d'arrêter, la sève 
dans les parties supérieures, et de les forcer à donner des fruits, soit de les dé- 
terminer à former des bourrelets propres à produire des racines pour faire des 
marcottes. On donne à ces anneaux différentes largeurs, ‘en raison de la nature 
des branches, de celle des espèces de végétaux et des vues qu'on se propose. Elles 
ont en général depuis 2 millimètres de large, jusqu'à 5 centimètres. On les pra- 
tique depuis un an jusqu'à cinq ans, sur des bois durs qui doivent étre marcottés 
verticalement. 

Cette opération est employée dans les pépiniéres pour la multiplication d'arbres 
fruitiers qu'on veut avoir franes de pieds, et, dans les jardins, pour celle des 
végétaux étrangers. 

Deux arbrisseaux présentent plusieurs modèles de la plaie annulaire, et de ses 
résultats à différens degrés. 


EX. 1V. — Marcótlage par incision. 


x 


On nomme aussi cette sorte d'opération marcottage à œillets. Elle consiste en 


deux incisions, l'une horizontale qui coupe le quart, le tiers ou la moitié du dia- 
métre de la branche, et l'autre, qui est perpendiculaire à celle-ci, fend cette 
méme branche en remontant, dans la longueur de 3 à 5 centimètres, suivant la 
hauteur du rameau, la nature de son bois et celle de l'individu. Cette plaie doit 
être faite à l'opposé de la tige de l'arbuste , etun peu au-dessous d'un nœud formé, 
soit par une feuille, soit par un bourgeon. On l'ouvre de maniére qu'elle forme 
la figure d'un i grec X renversé, et pour empécher le Pre s des pter 
et la soudure de la plaie on y place un corps étranger. : 

Cette sorte de marcottage est fort employée par les fleurimanes pour m multi- 
plication des belles variétés d’œillets de théàtre, et chez les fleuristes pour celles = 
des arbres et arbustes étrangers. Trois touffes d'arbustes et d'arbrisseaux sont des- 
tinées à présenter ce mode Lp de MER 


EX. V, — Marcottage par double i incision. 


Cette sorte de marcottage se distingue de la précédente , avec laquifie elle a 
beaucoup de rapports, en ce que sa languette ou la partie qui est séparée de 
la tige est fendue en deux parties égales dans toute sa longueur, et en ce que les 
deux parties sont maintenues écartées par.un corps étranger placé entre elles. Quel- 
quefois on se sert de deux petits morceaux de vieilles éponges de mer pour main- 
tenir l'écartement de la languette ayec.sa branche, et pour séparer les deux parties 


106 ANNALES DU MUSEUM 


de la languette. Cette double incision a l'avantage de multiplier l'étendue des 
bourrelets, et les éponges, celui d'entretenir une humidité utile, et de favoriser 
la formation des mamelons qui doivent fourair les racines. 

On emploie ce marcottage pour la multiplication des arbres à bois dur qui sont 
plusieurs années à s'enraciner par d'autres moyens, tels que les sophora du Japon, 
des robiniers, des micocouliers, des podocarpus, etc. Lorsqu'il est pratiqué entre 
deux séves, les marcottes poussent assez de racines pour pouvoir étre sevrées de 
leur mére dix-huit mois aprés l'opération. 

C'est à M. Varin , jardinier en chef du jardin de botanique de Rouen , que nous 
devons ce perfectionnement encore peu répandu, et dont, pour cette raison , nous 
croyons utile de donner une figure. 


ER WE Marcottage en l'air. 


Ce marcottage est affecté spécialement à des individus d'arbres et arbustes dé- 
pourvus de rameaux, à la base de leur tige, qui puissent être couchés en terre, 
et à tous les végétaux étrangers des climats chauds, qu'on est obligé de rentrer 
l'hiver dans les serres, et que,pour cette raison, on cultive dans des vases. 

Les appareils pour effectuer cette espèce de marcottage sont très-variés, et 
l'école d'agriculture pratique en offre les exemples suivans qui peuvent servir à 
tous les besoins. 


EXEMPLE dela variété 1.7? — Marcottage en paniers. 


Cet appareil est le plus anciennement connu; Palladius l'indique comme un 
S haoi employé de son temps pour multiplier a volonté et trés-sürement les 
tes espèces de vignes, et se procurer des raisins beaucoup plutôt que par 
les moyens usités alors. Il consiste à faire passer å travers une corbeille de 32 centi- 
mètres de diamètre sur autant de profondeur, un sarment de vigne de l'âge de 
deux à quatre ans, et susceptible de donner des fruits. Il recommande de le tordre 
dans la partie qui doit se trouver au milieu de l'intérieur du panier (une ligature, 
une plaie annulaire ou une incision produisent le même effet ); de remplir la cor- 
beille de bonne terre, et ensuite de l'attacher au support qui soutient le cep. Dans 
l'espace d'un an, le sarment est assez pourvu de racines pour être séparé : on lé 
coupe sous la corbeille, et on le plante avec elle à sa destination. 
Deux arbrisseaux présentent des modéles de cet appareil le plus simple et le 
plus aneiennement mis en usage. Leurs rameaux, aprés avoir été tordus, ligaturés 
ou incisés , ont été placés dans des paniers et mannequins de différentes 


D'HISTOIRE NATURELLE. 107 


Ex. de la variété 11. — Marcottage en sac. 


On a pris un morceau de toile de 49 centimètres de large sur 1 mètre de long, 
dont on a formé un cylindre de 27 centimètres de diamètre dans les deux tiers de 
sa hauteur , lequel est fermé par le bas et ouvert par le haut. On a fait passer un 
bourgeon ligaturé en fil de laiton, à travers ce cylindre, qui ensuite a été rempli 
de terre franche ( ou à blé), mêlée avec ua quart de terreau de couche pour main- 
— tenir l'humidité plus long-temps autour du rameau, et fournir à ses premières ra- 
cines l'humus nécessaire à leur extension. Tel est l'exemple de cet appareil présenté 
par un arbrisseau. 

Ce marcottage, imaginé par Fusée-Aublet, voyageur aussi infatigable que bota- 
niste instruit, et dont il fit usage à Cayenne pour multiplier les deux seuls pieds 
de manguiers qui existoient dans cette colonie, remplit eomplétement son attente, 
11 obtint de ses deux arbrisseaux, dans l’espace de neuf mois, vingt-quatre indi- 
vidus de 5 mètres de haut, suffisamment enracinés pour étre sevrés de leurs 
méres et composer une allée qui occasiona la surprise des colons. Mais il faut 
ajouter que ce marcottage s'effectua pendant la saisom des pluies qui durent prés 
de trois mois sous la zone torride, et que, lorsqu'elle fut passée, un nègre étoit 
chargé d'arroser ces. marcottes toute la journée, et à mesure que la terre des sacs 
se desséchoit : aussi leurs. racines. traversérent-elles ces saes de toutes parts dés le 
sixième mois, et ils furent mis en terre avec elles. Il n'est pas douteux qu'on ne 
puisse multiplier beaucoup d'arbres à bois mou par ce moyen dans le méme pays, 
et surtout l'arbre à pain des iles de la mer du Sud. 


ex. de la variété au. — Marcottage en pot ordinaire. 


Trois bourgeons ou ramcaux d'un an à trois ans ayant été ligaturés avec des 
feuilles de sparte, o ont été placés dans des pots à basilics et à œillets, sciés en deux 
parties égales dans leur longueur. Les partics rapprochées aprés l'introduction des 
branches dans l'intérieur de ces pots, ont été maintenues dans leur premiére posi- 
tion par des liens de fil de fer. Ces vases ensuite ont été remplis de terre franche, 
laquelle a été recouverte de 2 à 3 centimètres d'épaisseur, de mousse longue qu'on 
entretient humide pendant les temps secs. 

Ce marcottage s'emploie fréquemment par les jardiniers , dans toutes les parties 
de l'Europe, pour la multiplication des arbustes d'orangerie. 


108 ANNALES DU MUSÉUM 


rx. de la variété 1v. — Marcottage en pots troués. 


Trois pots faits exprés pour cette opération, percés à leur fond d'un trou de 5 
cenlimétres de diamétre, et dont les bords font un bourrelet saillant dans l'inté- 
rieur de 1 centimétre de haut, contiennent trois rameaux d'arbustes ligaturés avec 
du jonc dans la largeur de 2 millimétres jusqu'à 9. La terre dont on s'est servi 
pour remplir ces. vases est du terreau de feuilles d'arbres estivaux , mêlé avec partie _ 
égale de terre franche, et couverte, comme les vases précédens et les suivans, de 
l'épaisseur d'environ 5 centimétres de mousse longue pour maintenir la fraicheur de. 
la terre, chose qui, avec la chaleur et la,lumiére, est essentiellement nécessaire à 
la réussite des marcottes. : 

Ce marcottage offre plus de solidité que les précédens; il est employé dans 
plusieurs jardins de Paris. à; 


xx dela variété v. — 7Marcottage en pots fendus. 


- Ces pots fabriqués en terre cuite, comme les précédens, offrent une fente de 16 
millimètres de large , dans le quart de leur hauteur d'un côté ; et jusqu'au milieu 
du diamètre de leur fond. C'est par cette ouverture qu'on fait passer les rameaux 
qu'on veut marcotter. Trois de ceux de l'arbrisseau destiné à fournir cet exemple 
d'appareil; ost été ligaturés avec de la brindille d'osier, et introduits dans ces 
vases; ils ont depuis 13 centimètres de large jusqu'à 19, sur une hauteur de 16 
centimètres à 24 : on les a remplis d'un mélange, à parties égales, de terre franche, 
de terreau de feuilles, d'humus pris dans le tronc des saules, et ils ont été recou- 
verts de mousse, comme dans les exemples précédens. 

* Ce procédé, en vsage dans quelques jardins de botanique, est plus Spécialement 
. employé pour la multiplication des arbrisseaux des tropiques. 


Ex. de la variété VI. — Marcottage. en pots à oreilles. 


Ces pots fabriqués de la méme matiére que les précédens, ayant, comme eux " 

= soit un trou, soit une fente, n'en différent que parce qu'ils dut deux ou quatre 
oreilles placées a l'extérieur et à l'opposé les unes des autres. Lorsqu'on veut mar- 
éotter des rameaux d'arbres foibles qui ne pourroient pas supporter le poids. des 
vases à marcottes, on se sert de ces sortes de pots qui sont soutenus en l'air par 
des piquets plantés en terre et maintenus par leur extrémité supérieure daus les 
oreilles des vases. 


D'HISTOIRE NATURELLE. . 109 


L'école d'agriculture pratique présente trois de ces pots qui renferment un égal 
nombre de bourgeons, lesquels ont été ligaturés avec de gros fil ciré et de la soie. 
La terre qui les entoure est composée par tiers, de terre franche, de terreau de 
fumier et de sable de bruyére. 

Ce procédé convient à la réussite des marcottes d'arbustes à écorce mince et à 
bois dur, et particulierement à ceux du Cap de Bonne-Espérance. 


Ex. de la variété vir. — Marcottage en terrines percées. 


Ces terrines en terre cuite, ont la méme forme extérieure que celles destinées 
aux semis de graines d'arbres étrangers délicats, c'est-à-dire qu'elles ont 33 à 41 
centimètres de diamètre , sur 18 de hauteur; mais au lieu d'avoir des trous à leur 
fond, elles ont cinq fentes placées à égales distances dans la circonférence, les- 
quelles ont 5 centimètres de long, dont la moitié se trouve à la base de la ter- 
rine, et l'autre moitié dans la largeur du fond. Le milieu de cette partie offre une 
ouverture ronde de 11 centimétres de diamétre, garnie d'un rebord de 17 cen- 
timetres de haut dans toute sa circonférence, et formant un léger bourrelet à 
son bord supérieur, quise trouve étre de 1 centimétre moins élevé que celui de la 
terrine. 

C'est par cette ouverture, formant un tuyau, qu'on fait passer la téte de l'ar- 
buste dont on veut marcotter la plupart des rameaux. La terrine étant assujétie soli- 
dement sur des piquets à la hauteur convenable, aprés avoir rempli au tiers de sa 
hauteur la partie qui se trouve entre le tuyau dù milieu et le bord extérieur du 
vase , avec de la terre franche, on ligature les rameaux à marcotter , ou on les in- 
cise suivant le besoin; on les fixe à leur place au moyen d'un crochet, et on les 
entoure de l'espece de terre qui convient à leur réussite. Cette terre ayant été af- 
fermie , est couverte d'une couche de mousse longue pour maintenir l'humidité. 

Cet appareil, de medetur invention, n'est pas encore employé dans beaucoup 
de jardins de Paris:il peut servir à la multiplication d'arbustes rares dont les 
marcottes sont plusieurs années à s'enraciner, et qu'on est obligé de changer de 
place dans différentes saisons. | 


- rx. de la variété vu. — Marcottage en entonnoir. 


Les entonnoirs sont de petits vases qui ont la figure d'un cône renversé, et dont 
les dimensions sont depuis 15 centimètres de long sur 8 de large, à la partie la 
plus évasée du cóne, jusqu'à 24 centimètres de long sur 16 de large. 

11. 15 


110 ANNALES DU MUSEUM 


Ils sont plus particulièrement affectés à la multiplication des végétaux rares et 
fluets qu’on cultive dans dés vases pour être rentrés l'hiver dans les serres chaudes 
et sous des baches. 

On construit les entonnoirs en plomb, en fer-blanc et en verre de diverses sortes. 
Ayant des propriétés et des usages différens en raison de la matiere dont ils sont 
formés, de sa densité, de son opacité et-de sa diaphanéité, on a cru devoir en pré- 
senter des modèles. Ils forment lesexemples des sous-variétés d'appareils indiqués 
ei-après. 


ere 


EXEMPLE de la sous-variété 1."* — /Marcottage en entonnoir 
de plomb. 


Une piéce de plomb laminé, d'un millimétre d'épaisseur environ, est coupée en 
triangle, de manière que lorsque les deux petits côtés sont rapprochés et se re- 
couvrent l'un l'autre d'un centimètre , elle preune la figure d'un cornet dans 
lequel le rameau qu'on veut marcotter se trouve serré à sa base et placé au milieu 
de la circonférence du vase dans sa partie supérieure. Ce cornet est supporté par 
une baguette qui le fixe solidement à la place qu'il doit occuper. Quand il a été 
fermé sur le cóté, au moyen de deux attaches de fil de fer, on le remplit de terre 
propre à la réussite de la branche opérée, soit par ligature , soit par incision, soit 
par la section annulaire, et on le couvre de mousse. Il ne s'agit plus alors que 
d'arroser la terre du vase toutes les fois qu'elle se dessèche. Il en est de méme 
de toutes les autres sous-variétés de ce genre de marcottage. 


Be la sous-variété 1. — Marcottage en entonnoir de 
ER o s deno C0 


R. vase se distingue du premier par sa matiére, et parce qu’il est à double char- 
nière, ce qui permet de l'ouvrir dans sa longueur en deux parties égales, et de le 
fermer exactement au moyen d'une clàvette en fer qui passe dans des agrafes placées 
sur les deux bords latéraux de la partie ouvrante. Une petite douille soudée à 
l'opposé sert à fixer l'entonnoir au support qui doitle maintenir à sa place. 

Ce vase , quoiqu'un peu plus cher que le précédent , doit lui être -préféré pour 
la facilité et la sûreté de la réussite de Popération. 


D'HISTOIRE NATURELLE. .- PF 


zx. de la sous-variété ru. — Marcottage en entonnoir deverre. 


Les entonnoirs de verre blanc qui sont employés dans les laboratoires de chi- 
mie et qui ont depuis 15 jusqu'à 22 centimètres d'ouverture par le haut, sont trés- 
propres à cet usage; seulement on en casse le PA à l'endroit où ilse rétrécit 
eu delà de 2 centimétres. 

Pour s'en servir, on commence par opérer fe rameau qu'on veut marcotter ; on 

en introduit le sommet par le goulot du vase que l'on fixe à un soutien qui main- 
tient horizontalement son bord supérieur. Ensuite on fait couler dans le fond du 
goulot de menus graviers pour fermer à-peu-prés l'espace qui se trouve entre le 
goulot et le rameau, et l'on finit par remplir de terre le vase, de manière que le 
rameau se trouve au milieu de son diamètre, et sa partie opérée aux deux tiers 
supérieurs de sa hauteur. 

Cet appareil est trés-propre à la multiplication des arbustes délicats de la zone 
brülante qu'on cultive dans les tannées des serres chaudes et sous des baches. La 
couleur blanche du verre réflétant les rayons du soleil, les empéche de dessécher 
la terre trop promptement, et y laisse séjourner une humidité favorable å la réussite 
des marcottes. 


Ex. de la sous-variété 1v. — Marcottage en bouteille. 


D'une bouteille, il est aisé de former un entonnoir en coupant avec un diamant 
de vitrier ou en cassant son fond à un centimétre de sa base, choisissant celles 
dont le goulot est le plus court et le verre le plus noir et le plus épais. 

On emploie, pour se servir de ce vase, les mémes moyens etles mémes procédés 
que ceux indiqués à l'article précédent; mais sa nature exige que les arrosemens 
soient plus multipliés, pour assurer la réussite de la marcotte qu'il renferme. E 

Les bouteilles de verre noir absorbant les rayons du soleil , la terre qu'elles ren- 
ferment s'en imbibe, conserve la chaleur pendant long-temps, échauffe l'eau qu'elle 
contient, et la dispose à étre plus aisément absorbée par les organes des végétaux. 

On peut s'en servir avec succès pour le marcottage des arbrisseaux de pleine 
terre des zones tempérées, dont les rameaux peuvent s'enraciner dans l'espace de 
temps. compris entre la fin d'un hiver et le commencement de l'autre. Ce vase se 
trouvant assez communément partout, peut tenir lieu des autres entonnoirs et les 
remplacer avantageusement dans beaucoup de circonstances, pourvu qu'on sur- 
veille avec attention les arrosages pendant la présence du soleil. 


Fini 


Ei, 


112 ANNALES DU MUSÉUM 


xx. de la sous-variété v. — Marcottage en lanterne. 


Cette sorte d'entonnoir au lieu d’être rond est carré et de figure pyramidale ren- 
versée. Il est formé de quatre pièces de verre blanc ajustées sur un bâtis de fil de 
fer avec des lames de plomb laminé. Un de ses cótés s'ouvre et se ferme à volonté 
au moyen d'une charniére et d'une agrafe. 

Ce vase, qui peut étre employé aux mémes usages que les précédenm et avec les 
mémes procédés, offre de plus la facilité de voir les progrés que font les racines; 
de s'assurer plus exactement du moment où elles se trouvent en assez grand nombre 
pour séparer les marcottes et ne pas compromettre leur existence en les sevrant 
trop tót. Cet avantage important fait le mérite essentiel des entonnoirs de verre, et 
celui-ci le posséde à un degré plus éminent que les autres, parce qu'on peut voir 
et toucher les racines. 

Mais tous ces marcottages en l'air, dans des vases de toutes les espèces, ne con- 
tenant que de petites quantités de terre, dont le soleil dissipe bientôt l'humidité ou 
que l'air absorbe promptement, réussissent mal s'ils ne sont arrosés souvent, et même 
plusieurs fois par jour, dans la chaleur de l'été et pendant les hâles desséchans, 
Comme le défaut d'arrosement pendant une seule journée peut faire périr les mar- 
cottes, enlever le fruit d'un long travail et l'espérance d'une jouissance à laquelle 
on attache du prix, on a imaginé un moyen qui, en dispensant d'une surveillance 
continuelle , reinédie à cét inconvénient grave , et assure la réussite des marcottes : 
c'est une espéce de syphon que l'on établit de la maniére suivante. On prend un 
vase à cou trés-rétréci, mais dont la capacité puisse contenir plusieurs pintes d’eau, 
et on l'attache solidement un peu au-dessus du vase ou des vases oü sont renfermées 
les marcottes. Le rétrécissement du cou de ce vase est nécessaire. pour empécher 
la trop grande évaporation de l'eau ; si le vase est diaphane, il n'en sera que meilleur , 

qu'on verra plus aisément la diminution du fluide, et qu'on pourra toujours 
le remplir à temps. On introduit dans ce.vase des fils de laine, des lanières d'étoffes 
que l'on fait descendre au fond de l'eau par le moyen de petits cailloux qui sont . 
attachés à l'extrémité ; l'autre bout reste hors du vase , dans une longueur assez con- 
sidérable pour venir, sous la couche de mousse qui couyre la terre, faire plusieurs 
tours peu serrés autour de la branche marcottée. Si les fils de laine ont été bien im- 
bibés d’eau, le syphon est établi, et ces fils. tirent toute l'eau du vase pour la répandre 
sur la terre jusqu 'à ce qu'il n'en reste plus. dans le vase: ilw ya qu’ un hâle considérable 
qui desséchant à son passage dans l'air le fil de laine, puisse interrompre la com- 
munication de l’eau avec la terre de la marcotte; dans ce cas, il convient de ré- 
tablir la communication en imbibant d'eau le fil desséché et le remettant à sa place. 
— S'il se trouve plusieurs vases à marcottes dans l'espace de 52 à 64 centimètres, le 
i 


D'HISTOIRE NATURELLE. 113 
méme syphon peut servir à les arroser ; il ne s’agit que d'y placer autant de fils de 
laine qu'il se trouve de pots dans son voisinage. : 

Il est bon de proportionner la grosseur des fils à la quantité d'eau dont les mar- 
cottes ont besoin; il est utile méme dans les temps humides , par la pluie, et sur- 
tout pendant l'hiver, de retirer les fils qui entourent le pied des marcottes , pour 
les préserver d'une humidité surabondante et dangereuse. 

A défaut de ce moyen qui est sûr, mais .peut-être un peu compliqué, on peut 
en employer un plus simple et qui en approche beaucoup; c'est de prendre un 
sabot de bois ordinaire , que l'on perce à l'extrémité avec une petite vrille; on bouche 
le trou avec quelques brins de paille solidement arrétés, et l'on remplit d'eau ce 
sabot que l'on suspend à environ 8 centimètres au-dessus du bord du vase à mar- 
cottes. L'eau tombe goutte à goutte dans ce vase, et y entretient ane humidité perma- 
nente convenable. 11 n'y a d'autre précaution à prendre que celle de remplir le sabot 
toutes les fois qu'il en est besoin; mais s'il est un peu grand, il contiendra assez 
d'eau pour fournir à l'arrosement continu de deux jours d'été. Cet appareil , d'une 
grande simplicité, est employé dans plusieurs jardins des environs de Bonn sur les 
bords du Rhin. 

L'école d'agriculture pratique offre des modéles de tous ces marcottages en l'air, 
de leurs variétés, sous-variétés et des divers appareils indiqués ci-dessus. . 


zx. vit. — Marcottage d'arbres at ds verts. 


Celui-ci n'a d'autre objet que de faire voir que les arbres de cette série peuvent 
se multiplier par cette voie, comme les végétaux qui perdent leurs feuilles l'hiver; 
qu'on peut employer les mémes moyens, les mémes opérations etles mémes appareils, 
suivant la nature de leur écorce et celle de leur "t et qu'ils reprennent aussi 
facilement que les autres. 

Cet exemple est fourni par trois espéces d'arbrisseaux toujours verts, dont d 
branches sont marcottées en pleine terre dans toute la circonférence de leurs m 
et opérées de différentes manières. 


ex. vi. — Marcottage d'arbres résineux. 


Les arbres résineux toujours verts, particulièrement ceux qui appartiennent à la 
telle famille des coniféres, ont été regardés pendant long-temps comme peu propres 
à se propager par cette voie de muitiplication. Des expériences répétées un grand 
nombre de fois et dans beaucoup de lieux différens, ne laissent aucun doute que 
‘la plupart d'entre eux reprennent par ce moyen ainsi que par ceux des boutures et 
“dés greffes, comme on pourra s'en convaincre par divers exemples. Mais en même 


114 ANNALES DU MUSEÉUM 


temps il est constaté que les individus obtenus par ces moyens n'ont ni un aussi 
beau port, mi une aussi grande élévation, et ne sont d'une aussi longue vie que 
les individus obtenus de semence , et cela est plus sensible dans les végétaux de cette 
série que dans ceux de la plupart des ees; comme nous l'avons annoncé au 
commencement de cet article. 


Trois espéces de genres différens, choisis parmi les arbres de cette famille, four- 
nissent les exemples de ce marcottage, suivant divers modes appropriés à leur 


nature. 

Ici finit la description des exemples de marcottage exposés 
daus l'école pratique du Muséum. Nous terniinerons cet ar- 
ticle par quelques observations générales sur l'art de mar- 
cotter, 

La réussite des marcottes dépend de cinq choses princi- 
pales; savoir : 1.° de l'état dans lequel se trouvent les sujets, 
les rameaux ou bourgeons sur lesquels on opère le mar- 
cottage; 2." de la saison et de l'état de ta tuDdsphere peudant 
lesquels on l'effectue; 3.” des procédés qu'on emploie pour 
l'opérer; 4^ des circonstances extérieures ou atmosphériques 
qui suivent l'opération; 5.° et enfin de la culture habituelle 
et journalière qu'on leur administre, 

Un sujet jeune, sain et vigoureux offre des chances beau- 

coup plus nombreuses pour la réussite de ses branches mar- 
—cotiées, qu'un individu vieux, malade et qui pousse foible- 
ment. Il en est de méme des branches d'un même pied; les 
plus vives, les plus vigonreuses sont celles qui reprennent 
plus aisément et plus promptement, 

En général, le premier printemps (1) doit étre préféré 


(1) Le printemps dont il est ici question, et que nous divisons en trois parties, se 
compte du moment que les plantes commencent à se mettre en mouvement, Cette di- 
vision est bien connue des cultivateurs par les effets que produit chacune d'elles. 
La première est celle pendant la durée de laquelle pousse le chevelu des racines 


D'HISTOIRE NATURELLE. 119 
pour le marcottage des végétaux ligneux des zones glaciales 
et froides; le commencement du second printemps, pour ceux 
des zones tempérées; le milieu du troisième, pour ceux des 
zones chaudes , et le commencement de l'été, pour le mar- 
cottage des plantes des zones brülantes, c'est-à-dire que le 
marcottage doit toujours précéder de quelques jours l'ascen- 
sion de la séve dans les tiges des végétaux, principalement 
pour ceux dont on opére les marcottes au moyen des liga- 
tures , des incisions et des plaies de diverses sortes. Cette at- 
tention , fondée sur les lois de la physique végétale, assure et 
accélère la réussite des marcottes , en ce qu'elle fournit dans 
le courant de l'année quatre chances qui sont également propres 
à produire le développement des racines et de leurs ra- 
meaux. Ces quatre chances sont les deux séves montantes et 
les deux sèves descendantes, qui ont lieu dans un trés-grand 
nombre de végétaux , surtout parmi ceux à boutons écailleux. 


d'un. grand nombre de végétaux; ce premier printemps est le précurseur de 
l'ascension de la sève, et le moment où elle commence à se mettre en mouve- 
ment dans les parties souterraines des plantes. Il arrive pour le plus grand 
nombre d'espéces, sous les zones tempérées , depuis la fin de janvier jusqu'à la 
mi-février. Le second printemps est celui dans lequel la sève commence à monter 
dans le tronc, dans les branches du premier ordre et les rameaux et ramilles de 
‘ces mêmes branches, dont elle fait gonfler les boutons ou gemma, et distendre 
les écailles qui les couvrent. Quelquefois sur entent de la sève se fait voir à 
l'extrémité des grands arbres, lorsque la couche d'air dans laquelle elle se trouve 
est plus échauffée que celle où sont les premiéres branches des arbres. Cette se- 
conde division commence sous notre zone à l'époque où finit la premiére, et se 
continue, année commune , jusqu'à la fin d'avril, temps oü la terre entre en fer- 
mentation ou en amour, suivant l'expression. des jardiniers, et annonce l'arrivée 
du troisième et dernier printemps. Pendant celui-ci se développent les germes des 
semences des plantes des zones chaudes. Sans cette exactitude dans la division du 
temps le plus précieux à la culture, il est difficile de s'entendre, d'être compris 
des cultivateurs, et d'avancer les progrès de l'agriculture. 


116 ANNALES DU MUSEUM 
Les deux premières, qui passent par l'étui médullaire ou par 
les couches ligneuses, se portent, par les irradiations mé- 
dullaires, du centre à la circonférence des tiges sur les plaies, 
pour les cicatriser et y former des bourrelets qui se garnissent 
bientôt de mamelons. Les secondes , ou les séves descendantes, 
font grossir ces mamelons qui, par leur prolongement, de- 
viennent des racines. Cela est si évident, que si l'on observe 
les marcottes par incision, munies de leurs racines, et qu'on 
nomme vulgairement marcottes à ceillets, on voit que les ra- 
cines partent des bords de la plaie, et qu'elles sont en bien plus 
grande quantité sur la partie de cette méme plaie qui a été 
détachée de la branche, parce qu'elle fait une espèce de 
bourse dans laquelle les sèves descendantes s'étant introduites, 
wont pu en sortir, et ont été obligées de former des racines. 
Ce seul fait sufliroit pour constater l'existence de la sève des- 
cendante destinée à nourrir les racines, si elle n'étoit déjà dé- 
montrée, aux yeux des praticiens, par beaucoup d'autres 
observations. 
Lorsqu'on opère des marcottes pendant le repos de la sève, 
il arrive souvent que les plaies n'étant pas abreuvées par le 
cambium qui suinte par les prolongemens médullaires, et 
qui forme une espèce de vernis à leur surface, lequel les pré- 
serve de l'humidité putridé de la terre, se chanchissent, se 
pourrissent , et portent de proche en proche la maladie et la 
mort, non-seulement dans les branches mmarcottées , Mais 
quelquefois dans tout l'individu. La méme chose arrive, 
mais par une autre cause, lorsqu'on marcotie par incision 
un trop grand nombre de rameaux sur un individu fluet et 
délicat. Tous les sucs propres de la plante qui se portent 
vers ces différentes plaies, comme cela arrive pour celles des 


) 


D'HISTOIRE NATURELLE. 117 
animaux , sont absorbés par elles; il n'en reste plus pour l'en- 
tretien de l'organisation végétale, et les plantes périssent 
d'étisie. Le plus ordinairement, deux ou trois marcottes suf- 
fisent pour un pied garni de six à huit branches, à moins 
que ce ne soit un arbuste à larges feuilles, qui peut alors en 
nourrir un plus grand nombre sans s'appauvrir. Ces sortes 
d'arbustes ont des organes plus étendus qui , développés dans 
l'atmosphère, viennent au secours des racines pour sustenter 
leurs individus. 

Quant au choix des procédés pour effectuer le marcottage, 
ce qu'on peut dire, en général, est que les bourgeons en état 
de croissance n'ont besoin que d'étre couchés et enterrés 
pour fournir des marcottes bien enracinées; il en est de 
méme de la plupart des rameaux plus âgés dont l'écorce est 
épaisse, garnie de beaucoup de pores corticaux, et qui ont 
le bois tendre et spongieux; que ceux qui restent dans une 
position verticale ont besoin d'étre ligaturés ; que pour ceux 
dont l'àge des branches produites par les trois ou quatre 
précédentes sèves, est de dix-huit mois à deux aus, et qu'on 
ne peut marcotter que verticalement , il convient de leur faire 
une section annulaire proportionnée en largeur, au diamètre 
de leur grosseur. Un millimètre de large suflit pour les branches 
qui n'ont que la grosseur d'une plume à écrire; et il en faut 
quatre ou six pour celles qui ont 3 centimètres de diamètre. 
Enfin le rameau de l’âge de deux à trois ans, dont l'écorce 
mince, sèche, dénuée de pores corticaux, ou sur laquelle ils 
ne sont pas sensibles, et qui ont le bois dur, doivent étre couchés 
en anse de panier, incisés à la manière des œillets, avec une 
double incision dont l'étendue soit proportionnée à l'àge et à 
la grosseur des rameaux, depuis 3 centimètres jusqu'à 8. Sur 

595 10 


118 ANNALES DU MUSEUM 

la plupart des individus de cette série , lorsqu'ils sont en pleine 
terre depuis plusieurs années, et qu'ils sont trés-vigoureux , 
il est utile de ne laisser aucunes branches ascendantes, parce 
que, attirant à elles seules toute la séve des branches de la 
cépée, elles feroient périr celles qui sont marcotiées, ou au 
moins retarderoient leur reprise. 

Ces données sur les "pac de marcottage et sur leur 
usage particulier , ne sont qu 'approximatives , et il est im- 
possible de les préciser davantage: chacune. d'elles a son 
mérite et ses inconvéniens. ll est diflicile de déterminer la 
prééminence des unes sur les autres, et encore plus de les 
affecter plus particulierement à une série d'arbres qu'à une 
autre: c'est au cultivateur à les connoitre toutes, à suivre 
les résultats qu'elles donnent, à les mettre en pratique seule 
à seule, ou combinées plusieurs ensemble, suivant la nature 
des végétaux qu'il veut multiplier, leur état de vigueur, l’âge 
de leurs rameaux, la consistance de leur bois, les localités et. 
le pays d’où ils sont originaires. - 

Les circonstances atmosphériques qui suivent l'opération 
du marcottage sont favorables, indifférentes ou nuisibles aux 
marcottes, à différens degrés. Eis froids qui font tomber la 
seve, les háles et les grandes chaleurs qui l'absorbent avec 
rapidité, sont très-nuisibles à la réussite des marcottes, Les 
temps chauds et couverts pendant lesquels il se tronve pour 
l'ordinaire une grande quantité d'eau en suspension ou en dis- 
solution dans l'am, et le voisinage des corps organiques en 
fermentation qui répandent dans l'atmosphére des plantes du 
gaz acide carbonique, sont les circonstances favorables à la 
réussite des marcottes. La chaleur humide active la végétation 
qui cicatrise les plaies; l’eau nourrit la marcotte, et les gaz 


` ` D'HISTOIRE NATURELLE. 119 
lui fournissent les élémens de sa charpente ligneuse, lesquels 
lui donnent de la consistance et de la durée. 

Aussi, pour diminuer les effets des chances contraires et 
augmenter ceux des chances favorables, on a la précaution 
de n'opérer le marcottage, surtout celui qui se fait par inci- 
sion ou par sections annulaires , que lorsque les grands froids 
sont passés; de couvrir la terre dans laquelle les marcottes 
sont plantées, avec de vieux fumiers , des terreaux de couches, 
des feuilles d'arbres en décomposition, ou avec dela mousse; 
et de les arroser en raison du hále et de la chaleur de la 
saison. Les plantes des zones chaudes et brülantes sont placées 
sur des couches tièdes, sous des chássis ou dans des baches, 
lieux dans lesquels on entretient une atmosphère chaude, va- 
poreuse et riche en gaz fertilisant. 7 

Enfin une dernière observation est de ne pas trop se presser 
de séparer les marcottes de leur mère; d'attendre qu'elles 
soient bien enracinées, pour ne pas compromettre leur exis- 
tence. Il est méme des circonstances où il est utile de faire 
cette séparation à plusieurs reprises; d'abord en coupant la 
branche marcottée pres la souche-mére, dans un tiers de son 
épaisseur; trois mois aprés, on approfondit l'entaille d'un autre 
tiers; et si la marcotte n'a point été fatiguée des premieres 
amputations, quinze jours aprés, on coupe l'autre tiers, et on 
live la marcotte que l'on cultive comme l'individu qui lui a 
donné naissance , mais un peu plus délicatement pendant les 
premiéres années de son existence. L4 

En général, la saison la plus favorable à la séparation des 
marcottes des plantes-méres, tant pour les unes que pour 
les autres, est l'instant où elles entrent dans leur premiere 


16 ” 


120 - ANNALES DU MUSÉUM 
séve, ce qui arrive au premier printemps pour la plupart 
des végétaux qui passent l'hiver en pleine terre dans le climat 
de Paris. Le second printemps doit étre préféré pour les 
plantes délicates qui sont sensibles aux froids de 3 à 4 degrés; 
et celles des végétaux des climats chauds et brülans ne peuvent 
être sevrées avec sùreté qu'au commencement de l'été. 

Il nous reste actuellement à donner la description des 
exemples fournis par la voie de multiplication au moyen des 
boutures. Ce sera la matière du Mémoire suivant. | 


D'HISTOIRE NATURELLE. 121 


MEMOIRE 


Sur la JaxrHIiNE et sur la PHASsIANELLE de 


M. Lamarck. 


PAR G. CUVIER. 


J ’A1 terminé mon histoire anatomique des gastéropodes pul- 
monés, par les genres du limnée et du planorbe, démembrés 
avec juste raison des helix de Linnzus, parce qu'ils ont une 
autre manière de vivre , et que leurs formes, méme extérieures, 
offrent des caractères suflisans pour les distinguer. 

Je commencerai celle des gastéropodes à branchies pec- 
tinées, qui embrasse le plus grand nombre des coquilles uni- 
valves, par deux autres genres qui ont aussi été démembrés 
des helix, et avec plus de raison encore. ; 

En effet, si les Zimnées et les planorbes vivent dans l'eau, 
c'est toujours l'air en nature qu’ils respirent; mais les Janthines, 
les phasianelles , ainsi que l'helix vivipara, et en général tous 
les gastéropodes dont les branchies, quoique cachées comme 
le poumon des helix dans une cavité dorsale recouverte par 
la coquille, ont la forme d'un peigne ou d'une plume, tous 
ces genres à branchies pectinées, dis-je, respirent àla ma- 


122 ANNALES DU MIUSÉUM 

nière des poissons, par l'interméde de l'eau, et n'ont pas un 
besoin absolu de venir à la surface ouvrir leur cavité respi- 
ratoire : aussi n'y ont-ils pas, comme les Jimnées et les pla- 
norbes, un petit orifice qui se ferme par un sphincter, 
mais elle est ouverte de toute sa largeur pour recevoir leau 
qui y pénètre, et qui porte sur les branchies l'air qu'elle con- 
tient, comme elle le fait dans les poissons. > 

Voilà pourquoi, dans les expériences de Spallanzani, les 

hélices vivipares ne sont point mortes quand on les a re- 
tenues au fond de l'eau, tandis que les /imnées et les planorbes 
n'ont pu supporter la privation de l'air. Aussi toute lana- 
tomie des deux genres dont nous allons parler se rapproche- 
t-elle de ce que nous verrons plus exactement dans les buccins, 
les murex et autres grandes turbinées aquatiques , et ne res- 
semble-t-elle point à ce que l'Aélzx et les autres pulmonés ont 
de particulier; tant il est vrai que l'anatomie est le plus sür 
indice de la nature et des rapports réels des animaux. 


La santue ( Helix janthina, L.) 


Ce petit mollusque a dà se faire remarquer de bonne heure 
par la singularité de sa forme, par la jolie couleur de sa co- 
quille, parle suc abondant et d'un pourpre-foncé qu'il répand, 
enfin par L'organe extraordinaire, au wo = il reste 
suspendu à la surface des flots. 

Je ne crois pas cependant que personne e en ait parlé avant 
1616, que Fabius Columna en publia une bonne figure et une 
description extérieure assez exacte, dans son petit traité de 
Purpura, p. 13, fig. 2. | 

Bregnius en donna d'autres, sans se souvenir de ce qu'en 


D'HISTOIRE NATURELLE. 123 
avoit dit Columna , Trans. phil. pour 1705, n° 3or, pl. 2, 
fig. 5. La figure est petite et mauvaise, Une troisième descrip- 
tion , faite sur l'animal, est celle de Forskahl, Anim. Arab., 
p- 127; et une quatrième, celle de M. Bosc, Coquilles, IV, 71. 

Sependan aucune de ces descriptions n’a pu être complète, 
parce qu'aucune n'a été accompagnée d'une dissection, et que 
la véritable nature des organes apparens n'a pu étre déter- 
minée. 

On en savoit néanmoins déjà assez pour juger que l'animal 
de la janthine étoit fort différent des colimacons , et le genre 
parüculier qu'en a fait M. de Lamarck, et qui est justifié 
d'ailleurs par la forme de la'coquille, a dà étre et a été en 
effet adopté par ceux qui ont écrit depuis lui sur les mol- 
lusques. Voyez Bosc, loc. cit. et Roissy, Moll. V. p. 394. 

L'avantage que j'ai aujourd'hui de donner sur ce joli mol- 
lusque et sur son anatomie des notions plus complétes que 
celles qu'on en avoit jusqu'à présent, je le dois à la complai- 
sance presque simultanée de trois zélés naturalistes. Feu M. 
Homberg me donna le premier une Janthine de la Manche; 
peu de temps aprés, M. Savigny , à son retour d'Égypte, m'en 
fit présent d'une seconde, recueillie dans la Méditerranée, avec 
plusieurs autres testacés , dont la description doit encore orner 
ce recueil; enfin, M. Péron m'en apporta plusieurs grandes et 
belles de diverses parties de l'Océan Atlantique. 

Ces individus, pris dans des parages si éloignés, ne m'ont 
offert aucunes différences spécifiques. 

Leurs coquilles justifioient toutes le nom générique de jan- 
thine ou violette, car elles étoient toutes comme lavées d'une 
teinte lilas plus ou moins vive. 

Cette sorte de coquille, fig. 1 , est assez semblable, pour la 


124 ANNALES DE MUSEUM 

forme arrondie de sa spire, à nos escargots de jardin; mais 
son ouverture est différente, parce que la columelle se pro- 
longe davantage, et que le bord externe, au lieu de s'arrondir 
à sa partie inférieure, y forme avec la columelle un angle 
d'environ soixante degrés, qui peut étre considéré comme un 
premier vestige de canal, et qui rapproche par conséquent 
la coquille de la janthine ao celle des buccins et des murex. 

L'animal ne s'en rapproche pas moins, malgré les.singu- 
larités que les premiers observateurs ont voulu y voir. Cette 
partie, à laquelle ils ont trouvé la forme d'un pénis ( fig. 1 , 
2 et 3, a), n'est qu'une trompe, organisée à-peu-près comme 
celle de ces genres; ces lèvres ciliées b, b, qui la terminent, 
et où l'imagination a cherché encore une autre ressemblance, 
ne sont que des replis de la membrane linguale. Les tenta- 
cules c,c, sont au nombre de deux, et non de quatre, comme on 
la cru; mais ils sont plus profondément fourchus que ceux 
des murex. 

Le seul organe réellement propre à la Janthine est donc 
son appendice vésiculeux d, d; mais il ne tient pas lieu de pied, 
comme on l'a dit, au contraire il est attaché à la partie pos- 
térieure du pied, à-peu-prés au-dessous de l'endroit où setrouve 
l'opercule des autressgenres. Je penserois mémé assez volon- 
tiers que c'est un vestige d'opercule qui éprouve dans sa forme 
et dans son tissu des changemens pareils à ceux que la nature 
nous fait observer dans tant d'autres de ses productions. 

L'expression de Fabius Columna pour désigner cet organe 
vésiculaire ( spuma cartilaginea ), est excellente. Ce sont des 
vésicules transparentes comme celles de l'écume, mais leurs 
parois sont quelquefois comme de cartilage, assez duró méme 
vers la racine et la partie postérieure; plus molles, plus mem- 


D'HISTOIRE NATURELLE. 125 
braneuses en avant et à l'extrémité. Dans d'autres individus, + 
je les ai trouvées plus étendues et entièrement membraneuses. 
Leur enveloppe générale y étoit teinte en noirâtre. 

L'organe n'a point de communication directe avec l'inté- 
rieur du corps; c'est un simple appendice des tégumens, et 
il ne paroit pas que l'animal puisse à son gré le vider ou le 
remplir d'air: il peut seulement le comprimer en le faisant 
rentrer dans sa coquille, ou l'abandonner à son élasticité na- 
turelle, en l'en laissant sortir. 

C'est du moins là ce que me suggère son inspection ana- 
tomique, et ce qu'une partie des observateurs ne paroit pas 
contredire. « Je ne ‘me suis point aperçu ( dit M. Bory- 
» Saint-Vincent, Voy. I, p. 141 ), que l'animal eût la fa- 
culté dele vider ou dele remplir à volonté et avec promp- 
titude. » 

Fabius Columna, Breynius et Forskahl ne disent rien 
de positif. M. Bosc seul annonce que l'animal absorbe l'air de 
ses vésicules ( Coquilles IV, p.74) , et qu'il les enfle à volonté 
(Ib. p. 72). Mais comme je n'ai pu trouver aucune commu- 
nication, ni aucun réservoir intérieur où cet air se puisse 
rendre, j'imagine que cette assertion de M. Bosc n'est qu'une 
supposition et non un fait constaté par des expériences directes. 

Tous les individus n'ont pas cet organe: j'en ai trois qui 
n'en montrent aucun vestige, et j'en représente un, figure 4. 
M. Bory dit aussi ( Loc. cit.) , quil en a vu dans lesquels 
l'organe avoit été écrasé ou emporté aux trois quarts , sans 

wils parussent avoir beaucoup souffert. Sa nature est en ^ 
effet telle, que les janthines qu'on en priveroit de force, 
n'éprouveroient probablement d'autre géne que celle qui 
33. 17 


126 ANNALES DU MUSEUM 
- résulteroit de la difficulté de se rendre à la surface de 
l'eau. 

. Mais j'ai lieu de croire qu'il y en a aussi qui en sont privées 
naturellement, soit qu'il ne se développe qu'à un certain áge 
ou dans une certaine saison; et mon motif est que je n'ai pu 
apercevoir aucune cicatrice , aucun reste de cette partie dans 
les individus qui en manquent et que je possède. 

Le pied e,e, sous lequel cet organe est attaché, est court 
et large, mais ds méme structure que dans les autres gasté- 
ropodes; il doit très-bien servir à ramper, quand l'organe ne 
l'embarrasse pas. A chacune de ses parties latérales, un peu 
au-dessus de son bord, est une petite membrane longitudinale, 
f, f, qui tient sans doute lieu de nageoire. 

Quand la trompe est retirée en dedans, comme dans Pin- 
dividu de la figure 4, la téte a simplement la forme d'un 
cercle enfoncé dans son milieu. C'est de cet enfoncement que 
la trompe sort; quand elle ne l'est pas encore entierement, 
la peau forme à sa base quelques rides circulaires qui dispa- 
roissent quand elle est tout-à-fait développée. 

Cette trompe est grosse, cylindrique, et quelquefois renflée; 
Tanimal vivant l'allonge un peu plus que nous ne l'avons re- 
présentée figure 2 et 3; elle se termine par deux lèvres car- 
tilagineuses, verticales, presque tranchantes, entre lesquelles 
‘en sont deux autres, grosses, et toutes hérissées de petites 
épines recourbées en dedans, où il en E = semblable 
sur toutes les parois de la pohe C'est appliquant ces 
deux lèvres aux corps, et en leur imprimant un petit mou- 
vement péristaltique, que la janthine parvient à les entamer ; 
elle pone méme des coquilles, comme tous les autres gasté- 


D'HISTOIRE NATURELLE. 127 
ropodes à trompe, en s'aidant sans doute d'une liqueur par- = 
ticuliere dont nous ferons connoitre les sources. 

Les tentacules c, c , adhérent à la base de la trompe; par 
conséquent , lorsque celle-ci est rentrée, ils se trouvent aux 
bords de la téte, un peu plus bas que le milieu. Chacun d'eux 
est divisé en dein portions coniques, dont l'inférieure est plus 
petite. 

Le limbe ou collier g,g, est entièrement ouvert, Mise, 
comme dans les autres turbinées vraiment aquatiques, une 
libre entrée dans la cavité des branchies. L'angle inférieur 
dela coquille n'est pas assez prolongé pour que le limbe 
fasse un siphon marqué. 

Pour donner une idée de l'anatomie de la Janthine, nous 
avons d'abord. fait la préparation de la figure 5. 

Le plafond de la cavité branchiale A a été fendu par son 

côté gauche, et rejeté sur le côté droit , avec les branchies 
et le rectum À. 

Le péricarde a été ouvert et montre le cœur 7 et son oreillette 
m; celle-ci reçoit, comme à l'ordinaire, le sang des branchies, 
et lé cœur transmet ce sang par tout. 

- L'organe de la viscosité est aussi ouvert en n. 

Enfin lon a fendu longitudinalement le plancher de la 
cavité branchiale qui se continue avec la peau de la téte et 
de la trompe, on la fendu, dis-je, jusqu'à l'extrémité de 
celle-ci. | cd 
De cette manière, on a mis à nu la masse charnue de la 
trompe o0, et ses muscles extrinsèques ; les glandes salivaires 
Pi Py Tæsophage g, les estomacs r ets, l'un des deux princi- 
paux ganglions du système cérébral t£, enfin les muscles qui 
attachoient l'animal à sa coquille u, w’, 


17 * 


128 ANNALES DU MUSEUM 


— - Dans la figure 6, après avoir enlevé les estomacs , on a dé- 


E 


veloppé et représenté par leur face peer les mêmes 
parties de l'intérieur de la tête et du pied, qu'on voyoit par 
leur côté gauche dans la figure précédente. 

Quand on fend longitudinalement la trompe (‘comme en 
figure 7), on voit les deux petites parois verticales hérissées 
de crochets, dont les bords antérieurs forment ces lèvres ci- 
liées dont nous avons parlé. 

La trompe elle-même n'a d'autre objet que de porter. ces 
lèvres en avant ou de les faire rentrer. Pour cet elfet, elle a 
d'abord ses fibres propres; ensuite ses muscles extrinseques. 
Parmi ces derniers, il y en a qui la portent en avant; on les. 
voit marqués v, v: Ceu la font rentrer;ils sont marqués 
W, W. Une espèce de sphincter en es l'orifice y, y. Au 
reste, ce mécanismesera beaucoup plus sensible dansles figures 
que nous donnerons de la trompe d'un buccin. ) 

Au fond de la bouche, entre les deux parois hérissées, est 
une très-petite langue a, PRAN 7, et l'œsophage b commence 
immédiatement, 

Arrivé sous le cœur, il pénètre obliquement par une fönti» 
étroite dans un premier estomac r, que nous représentons 
ouvert, en figure 8. Il est purement membraneux, et donne 
dans un second s, représenté également ouvert, fi igure 8; enfin 
le canal intestinal ou le rectum, car il est si court qu on ne 
peut y faire de division, se dirige subitement _ pour ouvrit 
son: anus: sous le SES de la cavité breed r mee des 
branchies. : i$ 

Ce deuxième estomac et le rectum sont ana épais que le. 
premier, et leur membrane interne est jen en yere a. 


t3 


de rides Re cet qa | OiiUpas £9 à SANM 104125332 


LI 


i 


D'HISTOIRE NATURELLE. 129 

Les branchies ï, sont. deux rangées de feuillets triangulaires 
et dentelés, attachés comme à l'ordinaire au plafond de la 
cavité qui les conuent. & . 

Entre le rectum et le corps, du cóté droit, je trouve dans 
quelques individus une petite verge z, comme dans les buccins 
måles. Cette verge manque à d'autres; ce qui me fait croire 
que la janthine a les sexes séparés comme tous les gasiéro- 
podes à branchies pectinées que je connois; mais je E s 
distinguer assez les organes intérieurs de la génération, pour 
donner le dernier séeau à ma présomption. 

Le reste de la spire contient, avec ces organes, le foie dont 
la masse n'est point divisée par les circonvolutions de ce 
court intestin. 

Comme dans tous les gastéropodes turbinés, deux muscles 
principaux s'attachent à la coquille; l'un d'eux u, pénètre dans 
le pied, l'autre u', sinsére à la masse charnue de la trompe. 

Il y a quatre glandes salivaires , toutes tres-longues, tres- 
menues, et terminées par un canal excréteur très-grêle. Deux 
insèrent -le leur au bord antérieur de la trompe; deux.autres 
auprès de la naissance de l'æsoj-hage. Il est probable que les 
premieres au moins fournissent quelque liqueur propre à 
dissoudre les corps durs que l'animal entasse. 

Le système nerveux présente deux gros ganglions placés 
aux côtés de l'œsophage, et le recouvrangg.d une bride ner- 
veuse; et. deux autres plus petits ; situés sous la naissance méme 
de ce canal, * ye Eun 

La distribution. des nerfs n'a rien de remarquable. 

La liqueur pourpre de la janthine se sécrète, comme, celle de 
tous les autres mollusques qui en produisent, dans l'épaisseur du 
limbe et du plafond. de la.cavité branchiale. Nous avons fait 


FREE 


-13o ANNALES DU MUSÉUM 


connoitre l'organe destiné à sa production, dans l'aplysia, 
Celui-ci lui est analogue, sauf les différences de figures qu'en- 
trainoient celles de l'animal. s» 
La PuasrANELLE. 


Les charmantes coquilles qui composent ce genre étoient 
encore rares et peu connues il y a quelques années; à peine 
quelques naturalistes en avoient-ils indiqué une. 

Mais le dernier voyage aux Terres Australes, commandé par 
le capitaine Baudin, les a rendues communes, et non-seule- 
ment les habiles naturalistes embarqués dans l'expédition, et 
surtout M. Péron, mais jusqu'aux. simples matelots, alléchés 
par la cherté de ces coquilles, en ont rapporté un assez pom 
nombre pour en faire baisser subitement le prix. 7 

On peut voir, dans les Annales du Muséum ,tome IV, p. 295; 
les motifs qui ont engagé M. de Lamarck à séparer les pha- 
sianelles du genre limnée, où elles seroient entrées d'apres 
la circonscription reçue jusques-là. . 

Ils sont tirés de la coquille, ét surtout d'un: certain apla- 
tissement de la columelle, qui n'est point dans les limnées; 
ainsi que de lopercule permanent accordé aux phasianelles 
comme aux turbo, mais refusé aux limnées comme à tous les 
gastéropodes pulmonés connus jusqu'ici. 

Cet opercule, 4i m'annoncant un animal à branchies pec- 
tiniformes , confirma parfaitement à mes yeux la distinction 
établie par M. de Lamarck , et ne me laissa pas douter de la 
place que l'anatomie assigneroit à la poems mais un bel 
individu, rapporté par M. Péron, m'en assura plus positive- 
ment encore, 

C'est en effet un gastéropode Vectra complétement 


D'HISTOIRE NATUNETLE | 131 
aquatique, et tout-à-fait analogue aux turbo et aux genres 
voisins : tant il est vrai que la forme de l'ouverture de la co- 
quille est un indice fort équivoque de laffinité des espèces 
parmi les gastéropodes, 

Notre figure 9 montre l'animal détaché de sa coquille, 
mais la tête et le pied encore renfermés dans la cavité du 
manteau, et cachés par l'opercule. - 

a est cet opercule attaché, comme à l'ordinaire, sur le 
derrière du pied, et qui se repliera contre la columelle quand 
l'animal voudra marcher. 

b, b est la face par laquelle le grand muscle de — 
l'attachoit à la columelle. 

C, C, € est une partie du premier tour de l'animal. On 
voit au travers de la peau des traces de la cavité branchiale, 
des branchies et du rectum. 

La figure 10 montre le méme animal sorti de sa coquille 
par-devant. Lorsqu'il voudra s'étendre, sa téte retirée actuelle- 
ment dans la cavité branchiale s'avancera par dessous le bord 
antérieur du manteau d, d , en méme temps que eis a, 
figure 9, se repliera contre le bord postérieur. 

Dans la figure 11, le même animal est presque dans la 
méme position; mais on a coupé la paroi supérieure dela cavité 
pulmonaire, et rejeté sur le cóté une portion a de cette paroi. 
De cette manière, on voit non-seulement ce qui s'y étoit retiré 
momentanément, mais encore une partie de ce qu'elle con- 
ient constamment. 

b est le bord antérieur du pied; c, sa face bufiliinze toute 
froncée parla coniraction, et vue en raccourci, à cause de 
la position de l'animal Sa partie postérieure, qui supporte 
lopercule, ne peut se voir. s 


132 ANNALES DU MUSÈUM 

d est la tête. On peut y remarquer, 1° les doubles lèvres 
frangées e, e et f, f, qui forment une espèce de voile recou- 
vrant la bouche. 

2, g, les deux petits re. cylindriques qui paroissent 


porter des yeux. 


h, h, les deux longs tentacules coniques, placés à la base 
wo des premiers. 
n remarque encore des deux cótés du corps une toco di 
i, i,frangée comme le voile des lèvres, et qui, quand lani- 
mal rampe, est étendue autour de lui, en débordant de toute 
part le pied. ét la coquille. Nous venons d'en voir un vestige 
dansla janthine , et les gastéropodes pectinés nous en offriront 
encore beaucoup d'autres. Ce voile frangé porte en arriere 


. trois tentacules de chaque côté k, k, qui servent à l'animal 


pour apercevoir tout ce qui se passe autour de lui, comme les 
longs de sa tête, pour ce quise passe en avant: Nous les re- 
trouverons dans quelques trochus et dans d'autres genres. 
Toutes ces parties se montrent au dehors; il nous reste à 
parler de celles que la coquille cache toujours, et d'abord de 
celles que contient la cavité branchiale, et où l'eau pénètre 


par le large intervalle qui se trouve entre la tête et le bord 
m de la paroi supérieure de cette cavité. 


Il faut remarquer premièrement une cloison membraneuse 
n,n, qui partage la cavité en deux parties. Les deux peignes 
honda sont attachés aux deux faces F3 cette cloison, et 
dépassent son bord antérieur. n 

Le peigne supérieur se voit en o , figure 11, où la cloison 
est restée en place et entière. L'inférieur se voit en p, figure 
12, où elle est détachée et rejetée sur le côté droit. Toutes les 
leitres de cette figure 12 ont d’ailleurs la même signification. 


D'HISTOIRE NATURELLE. 133 


Ces deux peignes sont composés d'une multitude de barbes 
ou filamens paralléles, tous perpendiculaires à leur base com- 
mune. Il n'est pas douteux que chacun d'eux contient une 
artère et une veine. Je n'ai pas bien suivi sur l'individu unique 
qui m'a servi*de sujet, les veines qui rapportent le sang du 
corps dans l'artére branchiale; mais la veine branchiale qui 
porte dans le cœur le sang qui a respiré, étoit tres-visible , 
comme je l'ai dessinée en g, q, et je l'ai Suivie très-facilement 
jusque dans le cœur r, placé comme dans tous les univalves 
turbinés , derrière le fond dela cavité branchiale. La figure 11 
le montre encore enfermé dans son péricarde; et dans la fi- 
gure 12, on a ouvert cette enveloppe. La lettre r y est gravée 
sur l'oreillette; le ventricule s'apercoit en arriere. 

Deux choses se font encore remarquer dans cette chambre 
inférieure de la cavité branchiale, le rectum et l'ouverture de 
l'organe de. la viscosité. 

Le rectum s'apercoit dès l'extérieur du rok au travers de 
la peau, en $, $, figure 11 ; mais ilest à découvert en 5, s,figure 
12, où l'on voit aussi, en £, tun prolongement de l'estomac 
qui le précède, et qui s'y joint à peu prés sous le cœur. 

L'anus u est un petit tube ouvert sous le bord antérieur et 
au côté droit de la cloison qui sépare les deux chambres de 
la cavité branchiale. L'organe de la viscosité est placé der- 
rière et sous le fond de cette cavité et du péricarde. Ilremplit 
lui-même une cavité particulière, que l'on a ouverte, figure 
12, en v, v, et dont l'orifice x, donne dans la cavité bran- 
chiale sous le rectum, L'organe méme est glanduleux, et se 
compose d'une foule de petits feuillets parenchymateux , qui 
recoivent beaucoup de sang par des artères nombreuses, et 


1I. 18 


EX ANNALES DU MUSÉUM 
qui, dans l'état de vie, produisoient sans doute une mucosité 
plus ou moins abondante. 

Tout le reste de la spire est rempli par le foie, par l'esto- 
mac et par les organes dela génération. 

Si nóus voulons maintenant revenir du cóté de la téte, il 
faut fendre longitudinalement le plancher de la cavité bran- 
chiale jusqu'au bout du museau. 

On obtient alors la préparation représentée , figure 13, où 
l'on a de plus enlevé une partie du foie, pour découvrir l'es- 
tomac, que l'on a ouvert; enfin l'on y a ramené le rectum 
sur le cóté gauche, et enlevé tout le reste de la cavité bran- 
chiale. b, e, fh, s, t, u, vetr, représentent les mêmes choses 
ue das les Egis R 
—* A est la masse charnue de la bouche, organisée à peu près 

comme dans le limacon et l'aplysia. Deux petites plaques 
cornées, plus verticales, plus épaisses et plus dures à leur 
bord externe, forment toute la garniture de la bouche, et 
tiennent heu de máchoites. 

Il ne paroit pas quela bouche puisse s'allonger assez pour 
former üne vraie trompe. La langue est une membrane hé- 
rissée de petits crochets disposés régulierement, comme dans 
presque tous les mollusques pourvus d'une téte. Elle se pro- 
longe en arrière dans un long tuyau membraneux, marqué B, : 
qui se termine par plusieurs tours de spiraleque l'on apercoit au 
travers dela peau ‘en y, figure 10. J'ai déjà parlé plusieurs fois 
de la nature et des fonctions de cette sorte singulière de langue, 
et j'aurai encore occasion d'y revenir. 

L'eesophage D part, comme à l'ordinaire, du dessus de la 
bouche; arrivé dans le foie, il se renfle en un estomac très- 
considérable E, divisé dans son intérieur en plusieurs poches 
par des espèces de brides ou de demi-cloisons, et dont quel- 


D'HISTOIRE NATURELLE. 135. 
ques parties des parois ont plusieurs plis susceptibles de 
s'étendre; ce qui suppose que la phasianelle est trés-vorace, 
et mange beaucoup à la fois. Cet estomac se prolonge en une 
portion cylindrique t', qui part du côté droit du cardia, pour 
revenir en avant, et se recourbe ensuite en arrière pour gagner 
le pylore t. Ici esl intérieurement un étranglement marqué, 
que l'on peut regarder comme l'origine de l'intestin. Il y a 
aussi un repli qui ramène en avant le reste du canal, en le 
faisant passer, comme uoüs l'avons dit, sous ! la cloison mi- 
toyenne de la cavité branchiale, en 5, 5, jusqu'a l'anus u; de 
sorte qu'il n'y a vraiment d'autre intestin que le rectum. 

Le cerveau se compose, comme dans la plupart des pec- 
tinibranches, de deux ganglions a, a, figure 13, fort écartés 
l'un de l'autre, et réunis par un filet transversal qui passe sur 
lesophage, et par un autre "qui passe dessous; c'est d'eux 
que partent les principaux nerfs, dont deux vont former, 
sous la naissance de l'eesophage; un petit ganglion double qui 
fournit , comme à l'ordinaire, les nerfs particuliers, au moins 
à la partie antérieure du canal intestinal. | 

La partie plus blanche de l'extrémité de la spire est occupée 
par l'organe de la génération , et envoie un canal qui descend 
à gauche entre le rectum et le corps; mais je ne le: décrirai 
point en détail, par les mémes raisons qui m'en ont empéché 
à l'égard de la janthine. — 

Il résulte toujours fort clairement de ce Mémoire que les 
deux genres dont nous avons parlé , doivent étre placés dans 
Pordre naturel, assez loin des hélix et des autres gastéropodes 
pulmonés à coquille, quoique leur coquille les ait fait jusqu'à 
présent confondre avec eux, ou au moins les en ait fait beau- 
‘coup trop rapprocher. E pps i 

1 


136 ANNALES DU MUSEUM 


SUITE DES PLANTES 


. DU COROLLAIRE DE TOURNEFORT, 


PAR .M. DESFONTAINES. 


CAnPANULA. CALAMENTHIFOLIA ( Campanule à à feuilles de Cala- 
: ment ). Tab. 12. 


C. pubescens ; caule. ramoso, decumbente ; foliis caulinis 
ovato-subrotundis , crenulatis, subpetiolatis , rameis exiguis 
acutis ; corollis externe pubescentibus. LixwAnck. Dict. 1, p. 
585.—C. saxatilis, foliis inferioribus Bellidis , ceteris Num- 
mulariæ , subhirsutis, crenatis ac veluti. rugosis. Tourner. 
Cor. Inst. 3. — Vélins du Muséum. | 


Toute la pes est pubescente i d'une Pre un peu 
cendrée. 
Du collet de la racine sortent plusieurs 


"tiges tombantes , 
longues de six à huit pouces, divisées dans la longueur en un 
grand mombre de petits rameaux gréles, axillaires , ramifiés 
garnis de fleurs, et peu écartés. eris 

Feuilles dites , petites, légèrement dentées, ressemblantes 


D'HISTOIRE NATURELLE, ,137 
à celles du Calament; les radicales obtuses, en forme de 
spatule, étalées en rosette , décurrentes sur le pétiole. Celles 
des tiges sont ovales, avec des pétioles très-courts. Enfin celles 
des petits rameaux sont linéaires-lancéolées et entières. 

Fleurs axillaires et terminales, solitaires, alternes, soute- 
nues sur des pédicelles gréles. 

Calice à cinq divisions droites, lancéolées, aiguës, appli- 
quées contre la corolle, roulées extérieurement sur les bords. 
Sinus un peu réfléchis. 

Corolle d'un rose-pâle. Tube cylindrique, long de cinq à 
six lignes. Limbe évasé. Cinq divisions ovales, obtuses, ou- 
vertes. 

Cinq étamines. Filets gréles, élargis à la base. Une capsule 
à trois loges. Un style. Trois stigmates. se 


Cette espèce croit dans l'ile de Naxos. 


CAMPANULA STRICTA ( Campanule à fleurs serrées). Tab. 13. 


C. capsulis obtectis ; foliis strictis, caulinis lanceolatis , 
serratis ; floribus sessilibus. Law. Spec. p. 338.— C. orientalis, 
folio longo , rigido, aspero flore sursum spectante. ovnwxr. 
Cor. Inst. 3. — Vélins du Muséum. 


Tige droite, hérissée de poils, longue d'un à deux pieds, 
simple ou divisée inférieurement en trois ou quatre rameaux 
effilés. : WIRE UL EIE 
+ Feuilles alternes, lancéolées , aigués , dentées en scie, par- 
semées de poils rudes, longues d'un à deux pouces, sur quatre 
à six lignes de largeur, presque sessiles , redressées et rappro- 
chées de la tige. 


138: ANNALES DU MUSEUM 


Fleurs solitaires, sessiles, droites, axillaires, alternes, serrées 
contre la tige, disposées en épis simples à la partie supérieure 
des rameaux. - i 

Calice hémisphérique, velu, persistant, à sinus réfléchis 
sur les côtés de l'ovaire. Cinqdivisions courtes et ovales. | 

Corolle bleue, longue de huit à dix lignes. Tube cylindrique.: 
Limbe un peu évasé, large d'environ cinq lignes. Cinq divi- 
sions ovales, obtuses, ouvertes, peu profondes. 

Cinq étamines. Filets élargis à la base. 

Un style surmonté de trois petits stigmates réfléchis. 

Capsule presque ronde, recouverte par les sinus du calice, 
partagée en trois loges polyspermes. 


+ Cette espèce est indigène à l'Arménie. 


CAMPANULA PARVIFLORA ( Campanule à petitesfleurs ). Tab. 14. 


C. caule superne ramoso ; foliis radicalibus longe petiola- 
tis , obovatis , crenatis, caulinis ovato-lanceolatis, basi atte- 
nuatis et incisis; floribus paniculatis. Yamancx. Dict. T: P- 
588. — C. orientalis, foliis incisis, flore minimo et multi- 
plici. Tourner. Cor. Inst. 4. — Vélins du Muséum. 


Cette espèce se distingue aisément par ses rameaux gréles 
et étalés, par ses fleurs trés-petites, très-nombreuses, un peu 
inclinées , portées sur des pédicelles gréles, et disposées en une 
large panicule. Elle est originaire d'Ibérie. 

Tige verticale, haute de deux pieds, parsemée de poils 
courts, divisée en un grand nombre de rameaux gréles, étalés, 
striés, qui se ramifient eux-mêmes, et forment une pr 
étalée. 


“D'HISTOIRE NATURELLE. ‘+ 189 

Feuilles alternes, inégalement dentées, un. peu rudes, 
glábres ou trés-peu velues ; les radicales ovales-allongées, ob- 
tuses, inégalement incisées à la base, et. décurrentes sur le 
pétiole; celles des tiges presque siii j MEOE, 
beaucoup plus petites et écartées de la tige. 

Fleurs petites, nombreuses , axillaires et terminales itilipe 
inclinées, solitaires, portées sur des pédicelles filiformes, peu 
allongés. 

Calice persistant; hérissé de poils, à cinq dise ovales, 
aiguës , droites. Sinus refléchis sur les parois du calice. 

Corolle bleue, longue de cinq à six lignes. Tube cylindrique. 


-Limbe évasé, à cinq divisions ovales , obtuses, un peu ouvertes. 


Cinq étamines, Filets grêles. écartés, élargis, rapprochés à 
Ja base. Un style droit, en colonne, surmonté de trois stig- 
mates réfléchis. reve à trois loges. 


CawPANULA corymBosa( Campanule corymbifere ). . Tab. 15. 


- € erecta, villosa; foliis ovatis, serratis; floribus corym- 
Dosis; calice tecto, lacinüs lanceolato- subulatis, ciliatis; 
sinubus reflexis. — C. cretica, foliis longioribus. incisis , 
flore magno. Tourner. Cor. Inst. 3. —Vélins du Muséum. 


.. Cette belle Campanule n'a été mentionnée que dans le Co- 
rollaire de Tournefort. Elle ne se trouve point dans son her- 
bier; mais il yen a une bonne description dans ses manuscrits, 
qui a servi à rectifier celle que je publie. 

Tige droite, rameuse , un peu velue, rougeátre, haute d'un 
à deux pieds, sur une ligne et demie d'épaisseur. 

Feuilles ovales, inégalement dentées en scie, d'un vert-päle, 


140 ANNALES DU MUSÉUM 


parsemées de petites soies; les inférieures, un peu ressem- 
blantes à celles de la Bétoine, longues de deux à trois pouces, 
sur un ou deux de largeur, portées sur un long pétiole creusé 
en gouttière; celles des tiges plus petites; les supérieures 
presques sessiles. 

Fleurs en corymbe à l'extrémité des rameaux, accompagnées 
à leur base d'une foliole ovale, aiguë. 

Calice persistant à cinq divisions profondes, droites, lan- 
céolées , étroites, trés-aigués, ciliées , à bords repliés en dehors 
et à sinus réfléchis sur l'ovaire. 

Corolle cylindrique, légèrement velue, pus e d'un pouce 
et demi, sur douze à quinze lignes de large à son ouver- 

d Limbe à cinq divisions ovales, ouvertes. 

Cinq étamines. Filets blancs, gréles, abaissés , rapprochés 
à la base. Anthères jaunes, longues. 

Ovaire infere. Un style en colonne, surmonté de cinq 
sugmates, ce qui fait présumer que la capsule est à cinq loges. 


Cette campanule croit dans l'ile de Candie. Elle a quelques 
rapports avec le C. Medium , Lin.; mais elle se distingue ai- 
sément par sa racine fusiforme, par ses feuilles ovales, par 
ses fleurs en corymbe, par les divisions du calice beaucoup 
plus étroites et plus aigués, par les sinus qui sont peu pro- 
longés, enfin par le tube es la corolle qui est moins gros et 
moins renflé. 3 


D'HISTOIRE NATURELLE. BT 
CAMPANULA PELVIFORMIS ( Campanule évasée ). Tab. 16. 


C. hirsuta; caule basi procumbente, ramis unifloris ; fo- 
liis ovatis,serratis; capsulis obtectis ; flore maximo pelvi- 
formi. — C. capsulis obtectis ; foliis inferioribus ovatis , ser- 
ratis , petiolatis ; caulinis subsessilibus ; flore maximo pelvi- 
formi. Lamarck. Dict. 1,p. 586. — C. cretica, caulibus su- 
pinis , flore maximo. pelviformi. Tourner. Cor. Inst. 3. — 
Vélins du Muséum. . | 

Cette belle campanule, indigene à l'ile de Candie, est dé- 
“crite avec exactitude dans le manuscrit de Tournefort. 

Racine blanche, pivotante, de la grosseur du petit doigt, 
longue d'un pied, divisée en grosses fibres et souvent bifur- 
quée. De son collet sortent plusieurs tiges velues, cylindriques, 
de deux à trois lignes d'épaisseur , longues d'environ un pied, 
tombantes à la base, redressées dans le reste de leur longueur, 
simples: ou divisées en un petit nombre de rameaux terminés 
par une fleur. D | 

Feuilles ovales, obtuses ou aiguës, velues, inégalement 
- dentées en scie; les inférieures portées sur un pétiole creusé 
en gouttière, ressemblantes à celles du Lamium blanc, La- 
mium album, Lin.; les supérieures beaucoup plus petites, 
presque sessiles et pareillement ovales. 

Calice velu, persistant, à cinq divisions droites, ovales, ter- 
miuées par une: longue pointe; Sinus réfléchis inférieurement 
sur les cótés de lovaire. 

Corolle très-grande, renflée , d'un bleu tirant sur le gris-de- 
lin. Limbe évasé, large d'un pouce et demi à deux pouces. 
Cinq divisions ovales, ouvertes, ciliées. | 

Cinq étamines. Filets gréles , blancs, contournés, tombans, 

11; 19 


142 ANNALES:DU: MUSEUM 
élargis et rapprochés à la base. Anthères jaunes, longues, 
gréles. | 
Un style droit, en colonne, surmonté de cinq stigmates 
recourbés.  — se 5 
. Capsule polysperme à cinq loges. 

CAMPANULA TUBULOSA ( Campanule tubulée ). Tab. 17. 


C. pubescens ; calicibus obtectis ; caule decumbente; fo- 
liis serratis , radicalibus ovatis , petiolatis , caulinis lanceo- 
latis; pedunculis unijioris ; corolla elongata. — C. capsulis 
obiectis ; foliis radicalibus petiolatis , opatis, inæqualiter 
dentatis , basi incisis , caulinis. oblongis, serratis , sessilibus; 
flore oblongo. Lamarck. Dict. 1, p. 586.— C. cretica, cau- 
dibus supinis, foliis incisis, flore ARE Tovnszr. Cor. Ánst. 
3. — Vélins du Muséum. | 

Toute la plante est pubescente. 

Racine fusiforme, blanche, souvent bifurquée, garnie de 
fibres tortueuses. De son collet sortent plusieurs tiges d’une 
couleur rougeâtre , les unes redressées, les autres tombantes ou 
méme couchées, peu ramenuses , longues de six à dix pouces, 
sur une ligue d'épaisseur. 

"Feuilles dentées en scie : les radicales ainsi que celles de la 
base des tiges, ovales, pétiolées, inégalement dentées en scie, 
un peu aiguës ,' 'décurrentes sur le Bétlüle, souvent incisées à ls 
base , larges de douzeà quinze lignes’, sur une longueur double; 
celles de la partie supérieure d tiges sont beaucoup plus pe- 
tiles, étalées, presque sessiles, et crépues sur les bords. 

Pédoncules axillaires, longs d'un à deux ‘pouces, garnis de 
deux ou trois folioles, et terminés ainsi SEN la EURO par une 
seule Bear. 


D'HISTOIRE NATURELLE. 143 

Calice à cinq divisions profondes, droites , ovales, très-aigués. 
Sinus un peu réfléchis sur les parois de l'ovaire. 

Corolle d'un bleu-clair, pubescente. Tube cylindrique, 
long d'un pouce. Limbe évasé , large de cinq à six lignes. Cinq 
divisions ovales, un peu ouvertes. Cinq étamines. Filets blancs, 
gréles, élargis à la base. Anthères jaunes, allongées.. 

Un style en colonne, surmonté de trois sugniates recourbés. ; 


Cette Caupanuje croit dans P ile de Crète. Tournefort en a 
donné une description dans son manuscrit. Elle a quelque rap- 
port avec le €. dichotoma. Lin. Elle en diffère par ses tiges qui 
ne sont pas dichotomes. - | PRAE 


CAMPANULA PENTAGONIA ( Campanule de Thrace). Tab. 18. 


C. ramosa , diffusa; foliis inferioribus oblongis , obtusis , 
superioribus. lanceolatis; ; floribus solitariis ; corollis calice 
longioribus. — C. caule subdiviso , ramosissimo ; ; foliis linea- 
ribus , acuminatis. Lax. Spec. 239 Le pentagonta , lor" am- 
plissiia tracica. Tounxer. Inst. 112. — C. cretica arvensis , 
flore máximo. Tourxer. Cor. Inst. 3. — Vélins du Muséum. 


Cette campanule ne me paroit qu une variété du €. hybrida 
Lin., à fleurs beaucoup plus grandes. Il est hors de doute que 
c'est la méme plante que Tournefort a désignée par les:deux 
phrases que j'ai citées, et dont l'une est :des Instituts, iet l'autre 
du Corollaire, comme je m'en suis convaincu d'après l'examen 
des échantillons conservés dansson herbier. C'est ce qui m'a dé- 
terminé à publier la gravure dela plante en question, alin de la 
faire connoitre aux botanistes, et qu'ils évitent de la "mos 
comme une espèce distincte. 

y 


19 


144 ANNALES DU MUSEUM 


NOTICE 


Sur une espèce d CHARBON FOSSILE nouvelle- 
ment découverte dans le territoire de Naples. 


PAR M FAUJASSAINT-FOND. 


M. T RIBAUD, trésorier de la maison du roi de Naples, vient 
de m'envoyer un très-bel échantillon de charbon bitumineux, 
du poids de cinq livres environ , qui a fixé son attention, sous 
uu double rapport, celui de l'utilité publique dans un pays 
presque entièrement dépourvu de bois; en second lieu , rela- 
tivement à un accident particulier que présente ce bel chan. 
tillon de charbon, accident sur lequel M. Thibaud, trés-ins- 
truit en histoire: naturelle, m'a prié de lui faire connoitre mon 
sentiment. 

Je n'ai encore vu en effet rien de semblable i aucun 
charbon fossile, quoique je me sois spécialement occupé dans 
un temps des mines de charbon dont j'avois l'inspection géné- 
rale, et que j'aie visité presque toutes celles de France, d'An- 
gleterre, d Écosse et d’ Allemagne, et qu'en 1785, j'aie publié, 
par ordre de l'ancien gouvernement, un ouvrage'à ce sujet: 


D'HISTOIRE NATURELLE. 145 
Ce charbon est de l'espéce que j'ai désignée dans ce livre 
sous le nom de charbon jaiet. 

Il est d'un noir-foncé pur, a l'aspect luisant; la fibre li- 
gneuse sy découvre encore dans quelques parties, mais elle 
est masquée dans d'autres par le bitume; il ne noircit point 
les doigts en le touchant. 

Il s'allume facilement au feu, brüle avec une flamme vive, 
allongée, brillante; mais son odeur n'est point agréable, de 
méme que celle de tous les charbons de cette espéce. Il produit 
une cendre légère, d'un blanc-jaunátre ; les morceaux en brû- 
lant ne s'aglutinent point les uns aux autres, comme dans le 
charbon maréchal, le smith coal des Anglois; mais en lui 
enlevant son bitume dans les fourneaux d'épurement, à la ma- 
nière du lord Dundonald, ou peut le convertir en coaks et 
en retirer en méme temps un excellent goudron minéral ; ce 
qui devient d'une grande importance pour la marine, sur- 
tout en temps de guerre. D'ailleurs le coak ne répandant point 
d'odeur en brülant, et donnant beaucoup de chaleur et sur- 
tout une chaleur égale, ce combustible est exirémement utile 
dans une. multitude d'arts; au point qu'il mérite, dans plu- 
sieurs cas , la préférence sur les charbons de bois ordinaire. 

Il me reste à présent à parler de l'accident qui rend ce 
morceau remarquable sous le point de vue de sa formation et 
de son passage à l'état de charbon bitumineux fossile. 

J'avoue de bonne foi qu'il est difficile d'en donner une idée’ 
bien nette, par une simple description, à ceux qui n'ont pas été 
à portée de voir le morceau ; ce qui prouve de plus en plus 
combien la représentation des objets et les bonnes figures sont 
nécessaires dans les sciences naturelles. | |... 

Cet échantillon a huit pouces trois lignes de longueur, 


146 ANNALES DU MUSEUM 
quatre pouces de largeur moyenne, et deux pouces d'épais- 
seur ; ses deux grandes surfaces sont planes, en général, avec 
quelques ondulations qui tiennent à la cassure conchoide de 
cette espèce de charbon. | 

Quoique celui-ci soit très-bitumineux, la fibre ligneuse du 
bois qui a servi à former ce charbon, se laisse encore aper- 
cevoir comme à travers un vernis noir. Elle se dirige dans 
le sens de la longueur du morceau, et a l'aspect d'un bois 
résineux | | 

C'est sur les faces planes de l'échantillon, qui sont, je le ré- 
pete, d'un noir de jaiet; c'est dans l'épaisseur méme du morceau, 
qu'on voit des corps solides blanchátres, oblongs, comprimés, 
d'un pouce et demi de longueur, cinq ligues de largeur, 
et deux lignes d'épaisseur. Quelques -uns sont plus longs, 
mais plus étroits, dispersés cà et là, et tous placés dans 
le sens et la direction des fibres longitudinales du bois bitu- 
mmisé. | 

L'on croiroit au premier aspect que des farets ont percé 
ce bois avant qu'il passát à l'état de charbon, et qu'une subs- 
tance terreuse, qui a acquis ensuite beaucoup de dureté, a 
rempli les vides formés par ces vers marins. iis 

Mais l'on revient bientôt de cette erreur, en portant un œil 
plus attentif sur ce singulier accident; car ces corps pierreux, 
examinés à laloupe et méme à l'œil nu , ont conservé extérieure- 
ment l'aspect de bois et méme de bois d'apparence résineuse. 
Cependant si ont les attaque avec le canif, et qu'on détruise 
cé caractère extérieur, on n'apercoit plus qu'une substance 
pierreuse, à grain très-fin , mais qui laisse cependant voir en- 
core quelques foibles restes d'organisation végétale masqués 


D'HISTOIRE NATURELLE. 147 
par le grain et la couleur de la substance grisâtre de la pierre. 
En faisant cette observation , je me rappelai d'avoir vu dans 
les Alpes des pins abattus par les vents et cassés dans le tronc, 
qui avoient des parties malades, dépourvues de résine, chan- 
scies, privés de la vie, et ne conservant que leur squelette fi- 
breux, avec des formes oblongues analogues et dans la méme 
direction que les corps pierreux dont il s'agit. On en voit aussi 
de la méme nature dans les bois de rebut des ports de mers: 
cest ce qu'on appelle des bois échauffés , des bois passés, 
et c'est toujours par place que cette relaie des bois ré- 
sineux se manifeste. 

Une expérience très-simple que je fis me prouva que je ne 
m'étois point trompé dans ma conjecture. 

Les corps pierreux gris-blanc, dont il est question , étant cal- 
caires, j'en détachai quelques-uns pour les soumettre à des 
essais. J'en plongeai un fragment de huit lignes de longueur, 
sur deux de largeur, dans de l'acide nitrique affoibli d’eau, 
pour m'assurer si tout se dissoudroit ou s'il resteroit des mo- 
lécules siliceuses inattaquables. Le corps se précipita au fond 
;du verre. 

Le dégagement d'acide carbonique fut prompt et soutenu 
pendant six minutes, le morceau devenant beaucoup plus 
léger par la perte de la chaux et de l'acide carbonique, sur- 
magea , la couleur devint brune, des fibres ligneuses très-fines 
et irés-déliées commencèrent à se montrer. L/acide nitrique 
«continua à dégager des bulles gazeuses, et trois minutes après 
effervescence cessa. Alors uu faisceau de filamens ligneux, 
d'un brun-rougeâtre-foncé , se it voir à nu; il occupoit plus 
de volume que la pierre méme que j'avois soumise à l'expé- 
rience ; mais il étoit quatre fois plus léger at moins. Cette 


148 ANNALES DU MUSEUM 
houpe fibreuse et chevelue étoit très-fine; la disposition soyeuse 
des fibres étoit longitudinale : elle étoit privée de toute espèce 
de bitume , et il ne s'en dégagea pas un atome. Après avoir lavé 
Je bois dans plusieurs eaux, et l'avoir bien fait sécher, il 
s'allamaau feu et brüla comme de l'amadou, laissant une 
cendre très-blanche. J'ai répété cette expérience en présence 
.de MM. Fourcroy , Vauquelin, Desfontaines, Haüy et Thouin, 
et l'expérience a été constamment la méme. 

Il résulte de ce fait. que le bois de l'échantillon de charbon 
fossile du territoire de Naples, est un bois résineux, non- 
seulement parce qu'il est riche en bitume, mais par son aspect 
semblable à celui de tous les bois résineux; que ce bois, avant 
d'étre carbonisé, avoit quelques-unes de ses parties attaquées 
-de la maladie particulière qui se manifeste dans quelques bois 
de cette espèce; que la sève ne circuloit plus dans les parties 
affectées. dépourvues pour lors de résine et des autres prin- 
cipes de la végétation, mais que le squelette de la fibre li- 
gneuse n'étoit point détruit; qu'alors ce bois ayant passé à 
l'état: charboneux avec les autres bois qui constituent la mine 
d’où ce morceau a été tiré, le fluide qui avoit transporté et 
réuni en grandes couches ces corps ligneux, déposa dans 
l'interstice des fibres, dépouillées de bitume par la maladie, 
des molécules calcaires qui les enveloppérent étroitement et 
les dérobèrent entièrement à l'œil. On peut déduire de ce fait 
une preuve de plus, si elle étoit nécessaire, pour démontrer 
que les charbons doivent leur origine à des bois et à des bois 
naturellement bitumineux, lorsque le bitume sy manifeste par 
la combustion ou par la distillation ; car ceux qui en étoient dé- 
pourvus n'ont formé que des bois simplement fossiles et sans 
bitume. Je cfois qu'on peut encore conclure de l'état de ce 


D'HISTOIRE INATÜRELUE. ^349 
morceau, ce qui se trouve déjà confirmé par d'autres faits 
plus multipliés et plus démonstratifs encore, que c’est si bien 
la résine inhérente à ces bois qui les constitue charbons bi- 
tumineux, que s'il en étoit autrement , et que les ois se fassent 
imprégnés de bitume en flottant dull des lacs bitumineux, 
.provenus de matières animales , ou dont l'origine nous seroit 
cachée, ainsi que quelques personnes ont pu le troiré, on de- 
vroit trouver du bitume au lieu de chaux dans les ouver- 
tures occasionées par la maladie du bois, dans l'échantillon 
que je viens de faire connoitre, | et cependant il n'en existe pas 
un atome. Cesouvertures au contraire sont remplies de molé- 
cules calcaires qui ont enveloppé et masqué la fibre ligneuse, 
qui ne présente pas dans cette partie le plus léger — de 
bitume. 
` En nous mettant à portée de faire cette observation qui pré- 
sente un beau fait de plus sur l'origine et la théorie des 
charbons de terre, M. Thibaud nous a donné une nouvelle 
preuve de ses connoissances et de son amour pour les sciences 
naturelles. | Mere id 

Heureux les gouvernemens qui savent employer dans toutes 
les parties administratives des hommes qui ne dédaignent ni 
les lettres ni les sciences! Ces choix heureux les honorent et 
iournent toujours à l'avantage et à la gloire dela chose publique. 


150 -ANNALES.DU MUSEUM 


-SUITE DES OBSERVATIONS 


iSüs gaeliua genres de la Flore de Cochin- 


chine de LOUREIRO. 


PAR M. A. L. DE: JUSSIEU. 


2 i &- à 4 T 1 Fi 
k . i 


D ente de Loureiro, le tetradium nP aiy et le gomis , p- cH sont dis 


grappes terminales. lls ont l'un et l'autre un ‘calice à à quatre vidns profondes, 
autant de pétales et d'étamines , un ovaire libre à quatre lobes, couronné de quatre 
stigmates, et devenant un fruit composé de quatre, capsules monospermes dans le 
premier, de quatre baies également monospermes dans le second. De plus, les fleurs 
du Letradium soni toutes hermaphrodites, portées sur de grandes panicules; le 
gonus a des grappes courtes, chargées de fleurs hermiaphrodites, et d'autres beau- 
coup plus longues à fleurs mâles, portées sùr le méme pied ou sur un pied diffé- 
rent. Cet avortement du pistil dans quelques fleurs, qui dans le systéme sexuel a 
une yaleur assez grande pour séparer ces deux genres dans deux classes éloignées, 
n'est compté pour rien dans l'ordre náturel, qui rapproche absolument les: deux 
plantes et les réuniroit dans le même genre, s'il n'existoit entre eux la distinction 
des fruits eapsulaires et des fruits charnus; et peut-étre une observation ultérieure 
de ces fruits sur des individus vivans , fera disparoitre cette différence, surtout si 
bon trouvoit des fleurs máles dans le tetradium. Parmi les genres déjà connus, il 
en existe un prés duquel ceux-ci doivent étre placés dans la famille des Térébin- 
tbacées. C'est le brucea, semblable dans le port et le feuillage ainsi que dans la 
disposition des fleurs et le noinbre de leurs parties, mais qui est indiqué comme 
dioique. Nous possédons dans les jardins d'Europe l'individu mâle, et le femelle ne 
nous est connu que par les descriptions. Ne peut-on pas croire que c.lui-ci, au- 


= 


D'HISTOIRE NATURELLE. 15r 


quel on attribue des filets d'étamines stériles, est plutôt hermaphrodite? Dans 
cette supposition , il auroit une grande affinité avec le gonus ; mais ses fruits capsu- 
laires le rapprochent aussi du fetradium. En comparant ces trois arbrisseaux, en 
observant que les capsules du brucea ont été décrites sur le sec, on sera disposé à 
croire qu'un nouvel examen sur des individus vivans déterminera leur réunion 
en un seul genre. 

Forster , dans sa Flore Australe, décrit , sous le nom .d'epibaterium un genre de 
la famille des Menispermées, qui est un arbrisseau grimpant, à fleurs monoiques., 
munies chacunes d'un double calice dont l'extérieur est composé de six feuilles et 
Yintérieur de trois. Leur corolle est à six pétales plus petits que le calice intérieur 
Dans les mâles, on compte six étamines opposées aux pétales, dont les anthéres 
sont arrondies. Les femelles ont trois ovaires surmontés d'autant de styles et de 
stigmates, et devenant des brous comprimés, presque tphéritmes ; remplis d'une 
noix monosperme conformée en rein. Si l'on compare à ceíte description celle du 
limacia de Loureiro, p. 761, on y retrouve beaucoup de caractères communs. C’es 
de méme un arbrisseau grimpant, à feuilles alternes et à fleurs unisexuelles. es 
calice est à six feuilles; trois autres plus intérieures sont nemmées pétales par 
-Loureiro. Il indique sous le nom de nectaire six écailles plus intérieures et plus 
petites qui répondent aux pétales de l'epibaterium , et sur lesquelles reposent dans 
les fleurs máles, six étamines à anthéres arrondies. Cette situation des étamines est 
la méme que leur opposition aux pétales, dessinée dans la n 259: du genre de 
Forster. Les fleurs femelles présentent quelques différences : 1. ^. elles sont Er 
sur un pied différent; 2. leurs pétales, répondant au calice intérieur de l'e 
terium, sont au nombre de six au lieu de trois; 3." elles n'ont qu'un ovaire sur- 
monté de trois stigmates, qui devient un brou charnu conformé en rein, et rempli 
d'une noix monosperme marquée d'un sillon spiral. Dans l'ordre naturel, il est évi- 
dent que ces deux genres sont trés-voisins, et que l'on ne peut méme tirer de leurs 
différences que des caractéres spécifiques. On fera peu de cas de la distinction des 
fleurs monoiques ou dioiques. On reconnoitra encore que l'unité d'ovaire dans le 
limacia dépend d'un avortement, et que dans l'origine sa fleur devoit avoir trois 
ovaires, puisqu'elle a trois stigmates qui sont probablement portés sur le cóté de 
l'ovaire subsistant, quoique l'auteur n'en fasse pas mention. La différence la plus 
forte consiste dans les six pétales de la fleur femelle qui, comparés au caractére 
correspondant de l'epibaterium , ne présentent qu'une considération seeondaire de 
moindre importance. Nous sommes donc fondés à croire que le limacia n'est qu'une 
espéce d'epibaterium. Si l'on avoit sous les yeux ces deux plantes en fleur, on déter- 
mineroit mieux la nature des enveloppes florales disposées sur trois rangs, et l'on 
s'assureroit si les plus intérieures sont des pétales ou de simples écailles servant 


152 ANNALES DU MUSÉUM 


d'appendices aux étamines, et s'il faut réserver aux plus extérieures le noin de 
calice ou de bractées. 

L'identité reconnue de ces genres donne lieu de rappeler que deux autres genres 
publiés par des auteurs différens, doivent encore étre rapportées à l'epibaterium. 
Dans lun et l'autre, on n'a eu occasion d'observer que les fleurs mâles : ce qui 
prouve d'abord que ce sont des plantes dioiques. Le premier est le chondrodendron 
dela Flore du Pérou qui présente le même nombre d’étamines, la même forme des 
anthères, mais dont les enveloppes florales, conformes dans le nombre, différent 
dans la dénomination. Elles sont composées d’un calice à trois feuilles, de six pé- 
tales, dont trois plus intérieurs, et d’un nectaire divisé en six écailles. On voit ici 
que les enveloppes intermédiaires, nommées pétales , sont disposées sur deux rangs; 
ce qui fait présumer qu’il en est de même dans les deux genres précédemment dé- 
crits, et ce qui explique en méme temps les variations dans la manière de carac- 
tériser ces enveloppes. Nous avions déjà fait depuis long-temps ce rapprochement 
du chondodendron; mais M. Persoon l'a publié le premier dans son Synopsis, vol. 2, 

. 561, en nommant cette plante epibaterium tomentosum. Le second genre, qui doit 
Reni être réuni aux précédens, est le baumgartia , cité par M. Moench dans son 
Hortus marburgensis , dont le calice et la corolle , composés de trois parties, en- 
tourrent six écailles que l'auteur nomme pérapétala, et six étamines à anthéres 
droites marquées de quatre sillons. L'on voit ici les enveloppes composées seulement 
de douze parties. Dans le limacia, elless'élévent à dix-huit; dans l'epibaterium et 
le chondrodendron, le nombre est de quinze. Nous répéterons que ces différences 
sont insuffisantes pour séparer des espéces dont l'ordre naturel indique le rappro- 
chement, 


D'HISTOIRE NATURELLE. 153 


ANALYSE 
DU DIOPSIDE. 


PAR A. LAUGIER. 


Dass la plaine de Mussa , élevée au-dessus et à l'extrémité 
de cette partie de la vallée de Lans qu'on nomme vallée 
d'Ala, en Piémont, on rencontre une substance dont on doit 
la découverte à M. le docteur Bonvoisin , professeur à l'Uni- 
versité de Turin. Ses cristaux sont implantés sur une roche 
de serpentine noire, et y sont accompagnés de chaux carbo- 
natée saccharoide et de fer oligiste. M. le docteur Bonvoisin 
avoit appelé cette substance mussite, nom tiré de l'endroit où 
il l'a trouvée, et il avoit donné celui d'a/alite à une autre subs- 
tance qui se trouve dans le méme pays , en cristaux trés-transpa- ` 
rens et d'une forme très-régulière. M. Haüy avoit réuni d'abord 
l'une et l'autre sous le nom commun de diopside ; mais de nou- 
velles recherches lui ont démcntré qu'il y a une ressemblance 
parfaite entre la forme des cristaux dont nous venons de parler 
et celle du pyroxène. Cette observation intéressante , déjà con- 
firmée par l'accord des caractères physiques, lui a fait dé- Í 
11. 21 


154 ANNALES DU MUSEUM 

sirer de connoître la nature intime du diopside. M. Haüy a 
bien voulu me donner quelques fragmens de la variété appelée 
mussile, que je me suis empressé de soumettre aux expé- 
riences ci-après décrites, - 


EXPÉRIENCES PRÉLIMINAIRES. 


La variété du diopside que j'examine est formée de prismes 
réunis en faisceaux ; sa couleur est grise, un peu verdátre; 
sa dureté est assez considérable; sa pesanteur spécifique, sui- 
vant M. Haüy , est de 3,274. La poussière de ses cristaux est 
blanche; elle est mélée de carbonate de chaux. Les deux ex- 
périences suivantes manifestent la présence de ce sel calcaire. 

1." La poussière du diopside perd des quantités variables de 
son poids, selon la chaleur à laquelle on l'expose : on concoit 
que plusla chaleur est forte, et plus est grande la quantité 
du carbonate de chaux que l'on décompose et vice versá. 

2. La poussière du diopside fait une vive effervescence avec 
l'acide nitrique , qui, apres son action, précipite abondamment 
par loxalate d'ammoniaque. Il n'y a pas de doute que ce 
carbonate de chaux n'y soit mélé accidentellement, et il est 
vraisemblable qu'il provient de la roche calcaire dans laquelle 
le diopside est implanté. Pour vérifier ce fait, j'ai pris deux 
quantités égales de poudre du diopside; j'ai traité l'une à froid 
par l'acide nitrique que j'en ai séparé dés que l'effervescence 
a cessé; jai fait digérer l'autre pendant douze jours dans le 
méme acide. Au bout de ce temps, la seconde portion n'avoit 
pas éprouvé une perte plus considérable que la première n'avoit 
faite au bout d'un quart d'heure et sans le secours de la cha- 
leur. Il est certain que le carbonate de chaux, mélé au diop- 


D'HISTOIRE NATURELLE. 155 
side, est la matière qui sert à lier ensemble les cristaux de 
cette substance. Si l'on isole exactement un cristal de diop- 
side, et que l'on verse sur ce cristal, réduit en poudre, de 
acide nitrique , on n'observe aucune effervescence; mais ce 
phénomène est trés-sensible si l'on fait agir l'acide sur la pous- 
sière de plusieurs cristaux réunis. On connoit une variété du 
diopside, qu'on pourront désigner sous le nom de rubanée, 
dans laquelle on apercoit de distance en distance des bandes 
ou rubans d'une matiére blanche: cette matiere est du car- 
bonate de chaux, comme celui qui réunit les prismes de la 
variété fasciculée. 


EXAMEN CHIMIQUE DU DIOPSIDE. 
Expérience L” 


J'ai pris cent parties de cette pierre, entierement privées 
du carbonate de chaux qui y est mélé, et je les ai soumises 
à l'action de trois cent parties de potasse caustique. Cet al- 
cali les a complètement attaquées. Au bout d'un quart d'heure, 
le mélange étoit parfaitement liquide. En se figeant par le. 
refroidissement, il a pris une couleur verte, surtout à la por- 
tion adhérente aux parois du creuset. La masse délayée dans 
une suffisante quantité d'eau distillée, a été entièrement dis- 
soute par l'acide muriatique. 

— L'évaporation à siccité de cette dissolution m'a donné 57 

parties et demie de silice tres- blanche, trés-fine , très-mobile 

et soluble en totalité dans la potasse caustique liquide. 
3a 7 


156 ANNALES DU MUSÉUM 


Expérience II. 


. J'ai évaporé aux deux tiers de son volume la dissolution - 
de laquelle j'avois séparé la silice , et je l'ai sursaturée de car- 
bonate de soude ; il s'y est formé sur-le-champ un abondant 
précipité de couleur rougeátre. Ce précipité, lavé avec soin 
et séparé du filtre dans l'état gélatineux, n'a rien perdu de 
son volume, et n'a point changé de couleur par l'action de 
la potasse liquide aidée de la chaleur. Cette observation m'a 
fait présumer que le précipité ne contenoit pas d'alumine; et 
en effet la solution alcaline que j'en ai séparée ne m'a point 
donné de traces sensibles de cette terre par l'addition du 
muriate d'ammoniaque. | 


Expérience III. 


La couleur rougeátre du précipité, sur lequel la potasse caus- 
tique n'avoit eu aucune action, décéloit la présence d'une 
petite quantité de fer. Je l'ai dissous dans l'acide muriatique, 
et jen. ai retiré par l'ammoniaque quatre parties d'oxide de 
fer mélé liede de Haas. 


Expérience IF. 


J'ai sursaturé par l'acide sulfurique la dissolution ammonia- 
cale de l'expérience précédente, et jel'ai évaporée à siccité. 
J'ai introduit le résidu de l'évaporation dans un creuset de 
platine, et je l'ai calciné assez fortement pour chasser l'acide 


D'HISTOIRE NATURELLE, 197 
sulfurique en excès et pour décomposer le sulfate d'ammo- 
niaque. Le résidu de la calcination a été délayé avec une 
petite quantité d'eau froide, dans l'intention de dissoudre le 
sulfate de magnésie, sans toucher sensiblement au sulfate de 
chaux. La portion qui a refusé de se dissoudre m'a présenté 
tous les caractères du sulfate de chaux; sa dissolution dans 
l'eau bouillante précipitoit également le nitrate de baryte et 
l'oxalate d'ammoniaque. Le poids de ce ‘sel représentoit 16 
parties et demie de chaux pure. La portion du résidu qui 
s'est dissoute dans l'eau lui avoit communiqué une saveur trés- 
amére. La dissolution étant légerement colorée, je l'ai éva- 
porée de nouveau à siccité, et j'en ai séparé par ce moyen 
deux parties d'un mélange d'oxide de fer et de manganèse. 
La dissolution , rapprochée convenablement, a fourni des 
prismes allongés à quatre pans comprimés, brillans et trans- 
lucides, d'une saveur fade, puis amère, trés-reconnoissables 
pour du sulfate de maguésie. Ce sel, entièrement privé par 
la calcination de son eau de cristallisation, équivaloit par son 
poids à 18 parties un quart de magnésie. 

J'ai fait ensuite quelques essais dans l'intention de m'as- 
surer si cette pierre contient de la potasse, mais je n'ai aperçu 
aucune trace de cet alcali. 

D'aprés les expériences que je viens de rapporter, cent 
parties du diopside sont composées ainsi qu'il suit : 


Seb... 9. "+ 076 
Chaux . + + + + + + + + + 16—5 
Magnésie . ets ss vis 120035 
Oxides de fer et de manganèse. 6 


98—25 


153 ANNALES DU MUSÉUM 


CONCLUSIONS. 


Cette analyse indique que le diopside contient les mêmes 
principes que le pyroxène : on peut en juger par les résultats 
que la variété de l'Ethna et celle d'Arandal, qui portoit le 
nom de coccolithe avant que M. Haüy l'eüt réunie au pyroxène, 
ont donné à M. Vauquelin. En les comparant entre eux, on 
voit qu'il n'y a d'autre différence que celle de la présence de 
l'alumine dans le pyroxéne, tandis que le diopside n'en ren- 
fernie que des traces inappréciables; mais la proportion de 
l'alumine dans les pyroxènes est si peu considérable ( elle ne 
s'élève qu'à un et demi, et au plus à trois pour cent ), qu'on 
. n'en peut rien conclure contre le rapprochement que la con- 
cordance des autres principes semble autoriser. 

Il paroitroit moins convenable encore d'admettre comme 
une différence essentielle celle qui existe entre la proportion 
des élémens du diopside et celle des élémens du pyroxène: 
cette différence consiste en ce que le diopside renferine un 
peu plus de silice et de fer; mais elle a peu d'importance, 
lorsqu'on considère que les variétés du pyroxène en pré- 
sentent de plus considérables. Le pyroxène d'Arandal ne 
contient que 0,17 d'oxide de fer, qui s'élève à 10 centièmes 
dans celui de l'Ethna. 

En ajoutant à cette conformité de cuan oet indiquée 
par l'analyse chimique, une considération importante, celle 
de la ressemblance parfaite reconnue entre la forme des 
cristaux du diopside et du pyroxène, il semble qu'il ne peut 
rester de doutes sur l'identité déjà établie par M. Haüy entre 


D'HISTOIRE NATURELLE. 159 


ces deux pierres, et sur la nécessité de les réunir en une seule 
et même espèce. 


TABLEAU comparatif des Analyses citées. 


Mussite ou Diopside. Pyroxéne ou Coccolithe d' 4randal. | Pyroxéne de l'Ethna, 


LAUGIER. M. VaAUQUELIN. M. Vauquezrx. 


Slice... nac Omm x uu 95 visi. ib x a tL M IT RH 
Ch 4:5. .10—B — 54. cu ro 
Magnésie ......18—35.. 


. | + 10 
Fer oxidé etmanganèse. 6 v4 VIS CAT 107: 2... 44 
Alumine ,. 4 e. .o8 & 5 9» 9 è ù $23 Pr s 4... 


160 ANNALES DU MUSÉUM 


SUITE DES PLANTES 


DU COROLLAIRE DE TOURNEFORT, 


PAR M. DESFONTAINES. 


* 
Lacruca crerica ( Laitue de Crète). Tab. 19. 


L. foliis pinnatifidis, dentatis; superis squamiformibus , 
integerrimis , acutis , caulem ambientibus ; racemo terminali, 
floribus breviter pedicellatis.—Lactuca cretica , Sonchi folio; 
flore pulchro. Tourner. Cor. Inst. 35. — Vélins du Muséum. 


Cette plante me paroit une espèce différente du Sonchus 
tuberosus , Lin. fil. , qui est indigène à la Tartarie, et je crois 
quil ne faut pas les réunir, comme l'a fait M. Willdenow. 
Linnæus dit que le Sonchus tuberosus a les fleurs d'un bleu 
pàle, et que le pivot de l'aigrette qui couronne la graine est 
tges-court. Le Lactuca cretica a les fleurs jaunes, et les ai- 
greties sont portées sur un pivot de sept à huit lignes. Ces 
différences me paroissent suffisantes’ pour les séparer. 

Tige simple, cylindrique, violette, haute d'un à deux 
pieds. 3 ; 


p'SisrornE NATURELLE. 161 


Feuilles alternes, pinnatifides, glábres, longues de trois à 
quatre pouces, sur un pouce de largeur; découpures aigués, 
inégalement dentées , les supérieures en forme d'écailles, en- 
tières, ovales, pointues, concaves et embrassantes. 

Fleurs portées chacune sur un pédicelle court , accom- 
pagné d'une. petite bractée, disposées en: une grape simple et 
un peu lâche à la partie supérieure de la tige. 

Calice allongé, imbriqué. Ecailles extérieures ovales, poin- 
tues ; les intérieures lancéolées , beaucoup plus longues. 
Corolle semi-flosculeuse, jaune, d’un pouce de diamètre. 
Demi-fleurons linéaires, aplatis , tronqués et dentés au sommet. 

Cinq étamines. Anthéres violettes, réunies en un petit cy- 
lindre. ! 

Un style grêle. Deux stigmates recourbés. 

Graines nues, oblongues, brunes, surmontées d'une aigrette 
blanche, soyeuse , portée: sur un pivot filiforme , long de sept 
à huit lignes. 
Réceptacle nu. 


Cnicus CYNAROIDES. Tab. 20. 


. €. folüs sessilibus, pinnatifidis, supra glabris, subtus 
tomentosis, laciniis bilobis divaricatis, spinosis; calicibus 
ovatis , arachnoideo-pubescentibus ; squamis. lanceolatis ri- 
gidis , spinosis, patentissimis, Wir». Spec. 3, p. 1670. — 
Carduus cynaroides. LAmanck. Dict. 1, p.702. Carduus cre- 
ticus, foliis lanceolatis , splendentibus , subtus incanis, flore 
purpurascente. Tourxer. Cor. Inst. 31. — Vélins du Muséum. 


Tigerameuse, droite, striée , cotonneuse, haute d'un ou deux 


pieds. 
ft. 22 


162 ANNALES DU MUSEUM 

Feuilles embrassantes , lancéolées, longues de quatre à six 
pouces, sur huit à dix lignes de largeur; vertes, luisantes en 
dessus, blanches et cotonneuses en dessous , pinnatifides ; dé- 
coupures distinctes, quelquefois un peu arrondies, bordées de 
deux , trois: ou quatre dents inégales ‚aiguës, surmontées d'une 
épine: jaune; celle du sommet est la plus grande. 

Rameaux terminés par une seule fleur de la grandeur de 
celle du Chardon lancéolé, Carduus lanceolatus; Lin. < 

Calice ovale, laineux , imbriqué. Écailles élargies à la base ; 
terminées par une longue pointe lâche, en forme d'aléne, sur- 
montée d'une épine forte et très-piquante ; ; les inférieures 
souvent recourbées en bas. 

Fleurs flosculeuses , toutes hermaphrodites. Fleurons violets, 
infundibuliformes, réas depuis la partie moyenne jusqu'au 
sommet. Limbe à einq divisions étroites, aiguës. 

Cinq étamines. Anthères réunies en un pen icem qui 
déborde un peu la corolle. 

Un style filiforme, plus long que les étamines. Un skul 
stigmate. 

Graine oblongüe, couronnée d'uné aigrette blanche dont 
les soies sont fines et plumeuses. 

Réceptacle garni de soies. 


Cette plante croit dans l'ile de Candie. 


D'HISTOIRE NATURELLE. 163 


Tanacerum incanum ( Tanaisie blanche ). Tab: 21. 


T. foliis bipinnatis , tomentosis ; corymbo ovato , composito: 
Lan. Spec. 1183.— T. foliis incanis , pinnatis; pinnis digitato- 
partitis , confertis; corymbis coarctatis , subpaniculatis.W yuD. 
Spec. 3. p. 1811. — Absinthium orientale incanum, tenuifo- 
lium , floribus luteis in capitulum congestis et sursum spec- 
tantibus: 3 OURNEF. con mie 34. — Vélins du Muséum. 


Cette TRE a de per le feuillage et t les leita d'une Ar- 
moise, et elle appartient plutôt à ce genre qu'à celui. de la 
Tanaisié; mais comme les caractères qui les distinguent sont 
peu. tranchés, j'ai préféré, pour ne pas introduire un nouveau 
nom; de la laisser à la place. pb. Same Hn. :Willdenow 
et autres lui avoient assignée. iTi po sa 

Racine ligneuse, pivotante, — de six à pe pouces, de 
la grosseur du doigt , divisée inférieurement en plusieurs ra- 
meaux. De son sommet sortent des tiges gréles, simples, 
droites , hautes d'environ un besides couvertes de petites soies 


blanches. à 

Feuilles petites, moe éparses, soyeuses et argentées , 
deux fois pennées, D ti linéaires , un 1 peu gd souvent 
réunies trois à trois. " — 

Fleurs nombreuses, de la — de celle de t Ade | 
cominune , Artemisia vulgaris, Lin. ; ; rapprochées én petites 
têtes portées sur des oc geo axillares, et Il écartées 

à l'estrémité de la tige. 

Calice cylindrique, imbriqué. Écailles UE serrées, 


obtuses; imbriquées, un peu plus courtes que les fleurons. 
3” 


164 ANNALES DU MUSÉUM 

Fleurons hermaphrodites à cinq dents. Anthères rappro- 
chées , mais non réunies. Fleurons femelles, très-gréles à la 
circonférence. 

Un style. Deux stigmates courts. 

Graines nues, trés-petites, ovales, renversées. 

Réceptacle nu. 


Elle est originaire d'Arménie. 


. ANACYCLUS cRETICUS ( Anacyclus de Crète ). Tab. 22. 


A. foliis decompositis, linearibus; laciniis divisis, planis, 
Lin. Spec. 5 , p. 1258.— 4. foliis bipinnatis, foliolis oblongis; 
caule procumbente. W ix». Spec. 3 , p. 2171. — Cotula cre- 
tica minima, chamæmeli folio , capitulo inflexo. Tourner. 
Cor. Inst. 37. — Vélins du Muséum. 


Racine tortueuse, épaisse de deux à trois lignes, garnie de 
fibres latérales. De son collet sortent plusieurs tiges rameuses, 
touffues, cylindriques, étalées, tombantes, ou méme. quel- 
quefois couchées, longues de trois à six pouces. 

Feuilles pétiolées, velues, longues d'un pouce à un pouce 
et demi, sur quatre ou cinq lignes de largeur, pennées avec 
une impaire; folioles inégalement découpées, quelquefois 
simples; celle du sommet souvent trifurquée.. Découp 
courtes, petites : les unes obtuses, les autres un peu aiguës, 
Pétiole creusé en gouttière, plus court que la feuille. 

Pédoncules striés, nus, d’inégale longueur, sensiblement 
renflés dela base au sommet, droits et quelquefois inclinés, 
terminés par une fleur large de trois ou quatre lignes. 


Co 


D'HISTOIRE NATURELLE. 165 

Calice évasé, velu. Écailles oblongues , obtuses, égales, sur 
deux rangs, serrées conire la fleur. 

Fleurs flosculeuses , toutes hermaphrodites. Fleurons jaunes, 
plus longs que le calice. Tube cylindrique. Limbe à cinq di- 
visions ovales , aigués. 

Étamines de la longueur de la corolle. Anthéres réunies. 

Un style. Deux stigmates épais. Ovaire infere. 

Graines allongées; striées longitudinalement, couronnées 
d'un petit rebord saillant, unilatéral. : 

Réceptacle étroit, garni de rasage concaves m entourent 
un côté de la graine. 


Cette plante est indigène à l'ile de Candie. 


Irora CONYZOIDES ( Aunée i à feuilles de Conizé ). Tab. 53. 


z das Vid coni fusiformibus ; foliis denticulatis , radi- 
calibus Eont ititi, inferne angustatis , caulinis red 
latis amplecicaulibus; floribus laxe corymbosis.— Aster cre- 
ticus conyzoides , flore magno, Asphodeli radice. Tourner. 
Cor. Inst. 36.— Vélins du Muséum. 


Cette espèce d'Aunée, indigène à l'ile de Candie, a de l'af- 
finité avec la Linula salicina , Lin. , dont elle diffère néanmoins 
par sa racine garnie de radicules charnues et fusiformes, par 
ses feuilles radicales beaucoup plus grandes et qui ressemblent 
à celles du Conyza squarrosa , Lin. Ses fleurs sont aussi plus 
larges et moins nombreuses. Tournefórt l'a décrite dans son 
manuscrit; mais elle ne se trouve ni dans son herbier ni dans 
celui de Vaillant. 


166 ANNALES «DU MUSÉUM 
Racine brune, horizontale, de la grosseur du petit doigt. 
De sa surface inférieure sortent. plusieurs radicules perpendi- 
culaires , charnues , cassantes , longues de deux à trois pouces , 
inégales, fusiformes et ressemblantes à de petits navets. 

Tige droite, ferme, cylindrique, velue , souvent rougeâtre, 
rameuse à sa “partie supévieute, haute d'un. pied à un pied 
et demi. 

Feuilles alternes, pubescentes; d'un 3 yert pôle, "Mgbuestent 
dentées sur les bords; les radicales rétrécies à la base, élargies 
vers le sommet, ressemblantesà celles.du Conyza squarrosa, 
Lin.,longues de cinq à six pouces, sur deux outrois de largeur; 
portées sur un pétiole court, creusé en gouttiére; celles des 
tiges sont sessiles, enhtastaitéss; Jancéolées, aiguës : ou jun 
peu obtuses et arrondies à la base de chaque côté. edo ug 

Quatre. à cinq pédencules axillaires;, garnis,, de, "quelques 
folioles, longs de trois ou quatre pouces, disposés en un co- 
rymbe lâche, à la partie supérieure de latige, p chaeun 
par une fleur ed jugos brain Noris AM sigues 
lignes. - T 3 
Calice épi idees on a "mum noma 
breuses , étroites , en alène, imbriquées, láches.au sommet. : 

Deni fleurons. très-nombreux , linéaires , larges d'une demi- 
ligne, disposés sur deuto ou trois: iii Mibi m et ; dentés au 


$ 
È axstt:h io ; "m 1 3954 Hi 


sommet. 

Disque convexe. ines x cinq déntgiirr:eg SRE sen 
1 Graines’ — couronnées Ter qun Soyeuse, 
blanche. .. 


DHISTORRE ANATURELLE. - 165 


LES à 
ve 
i 142 


Scabi0sÀ ARGENTEA ( Scabieuse argentée ). Tab. 24. 


S. corollulis quinquefidis ; folüs pinnatis ; laciniis lanceo- 
latis ; pedunculis nudis , levibus , unifloris Lan. Spec. 145.— 
S. orientalis argentea , foliis inferioribus incisis. Tourner. 
Cor. Inst. 34. — Asterocephalus perennis , argenteus , laci- 
niatus ; caule tenui eburneo. Vat. Acap. 1722, p. 181. 

A. S. orientalis hirsuta ; tenuissime laciniata ; flore parvo 

purpureo. Tourner. Cor. Inst. 34. — Fr. Ars. 1,p. 122. — 
Vélins du Muséum. 


Toute la plante est velue. 

-Tige rude, verticale, Ana pa parai paai Viana 
a deux neit "90 N21t CMOS ai 

Feuilles. opposées ; Les: radicales . en spatule, arf ob- 
tuses, dentées, décurrentes sur le pétiole; celles des tiges’, 
pennées avec une impaire. Découpures linéaires, distinctes , 
entières et recourbées: l'impaire est la plus grande. - 

Rameaux gréles et étalés. Pédoncules filiformes ; allongés, 
sans feuillés, terminés par, une fleur. 

Calice commun, persistant , velu , dela longueur des fleurs, 
et quelquefois plus long; découpé profondément en plüsieurs 
folioles linéaires, inégales, » HER ensuite abaissées lors- 
ee le fruit est mûr. 

Corolles ‘irrégulières , soyeuses , rayonnantes, d'un rose- 
pâle, quelquefois bleues ou blanches, à cinq divisions; celles 
de la circonférence beaucoup plus grandes. 

Cinq étamines. Un style. 

Graines réunies en une petite tête sphérique. 


168 ANNALES DU MUSÉUM 

Calice partiel; double l'extérieur membraneux, denté, 
strié, évasé; formant un peu la cloche; l'intérieur trés-petit, 
à cinq rayons aigus, terminés chaeun par une soie rousse, 
plus. longue que le: calice extérieur. 

Graine cylindrique, velue inférieurement , creusée de huit 
à neuf petites fossettes. 


Ya gravure que je publie représente la variété Æ, qui ne 
diffère que. par la couleur rose de ses fleurs. 


M 


SCABIOSA MICRANTHA ( Scabieuse à 


petites fleurs ). Tab. 25. 


S. corollis non radiantibus; foliis radicalibus lanceolatis, 
serratis; caulinis impari-pinnatis ; pedunculis elongatis ; ca- 
licibus flore longioribus; fructu oblongo.— S. orientalis vil- 
losa, flore suave rubente, fructu pulchro , oblongo. Tourner. 
Cor... Inst. 35.— Vélins du Muséum. Y 


Cette espèce ressemble beaucoup au Sc. argentea, Lin.; 
mais elle s’en distingue facilement par,ses corolles qui ne sont 
pasrayonnantes, et par ses fruits disposés en une téte hlohgue, 
beaucoup plus grande. > 

Tige droite, cylindrique, un peu velue, haute de din 
pieds, partagée en rameaux un peu etalés. 

Feuilles opposées, les radicales ainsi.que.les inférieures 
dela tige lancéolées, décurrentes sur les pétioles, bordées de 
dents aigués et écartées; les supérieures pennées avec une im- 
paire, un peu recourbées. Folioles opposées, linéaires, lan- 
céolées, aiguës, entières, croissantes de la base au sommet 
du pétiole; celle qui le termine est la plus grande. 


D'HISTOIRE NATURELLE. 169 

Pédoncules longs, gréles sans feuilles , terminés par une tête 
de fleurs. 

Calice commun, soyeux, persistant, plus long que les 
corolles, divisé trés-profondément en six à neuf folioles li- 
néaires, aiguës , inégales , redressées , ensuite abaissées à l’époque 
de la maturité du fruit. 

Corolles petites, en tube, d'une couleur rose. Fleurons à- 
peu-prés égaux , à cinq débits. Ceux de la circonférence un peu 
irréguliers. 

Cinq étamines. Un style. Un stigmate. 

Fruits réunis en une téte oblongue et obtuse. 

Calice partiel, double; l'extérieur membraneux, évasé , cam- 
paniforme, denté, garni de soies à la base, marqué de ner- 
vures longitudinales, rayonnantes ; dé den petit, étoilé, à 
cinq rayons aigus, surmontés chacun d'une soie rousse, plus 
longue quele calice externe. Réceptacle allongé, garni de 
paillettes étroites, velues. 

Elle est originaire d'Arménie, 


FE, 23 


170 ANNALES DU MUSEUM 


MEMOIRE 


Sur la VIVIPARE D'EAU DOUCE ( CYCLOSLOMA 
vivrarum Draparn. Hex vivipara Lun. ); 
sur quelques espèces voisines, et idée générale 
sur la tribu des gastéropodes pectinés à co- 
quille entière 


PAR M CUYIER. 


Lı vivipare d'eau douce est un des coquillages les plus in- 
téressans de notre pays, par la réunion extraordinaire de 
singularités qu'elle présente. Lister en a publié, en 1695 ( Exerc. 
anat. alt. p. 49), la première description anatomique, très- 
bonne pour le temps, et accompagnée d'excellentes obser- 
vations sur l'état successif des ceufs et des petits dans l'utérus 
aux diverses époques de l'année, ainsi que sur la distinction 
des sexes et les caractères du måle; mais ses figures sont 
grossières. 

Swammerdam qui ne connoissoit pas letravail de Lister, en 
laissa un autre ( Bibl. nat. Y, p. 168) où se trouvent deux 
faits de plus, celui des particules calcaires semées dans toute 


© 


D'HISTOIRE NATURELLE. 171 
la peau de l'animal, et celui des poils coniques ét cristallins 
qui hérissent sa coquille pendant le premier áge; mais son 
anatomie n'est qu'ébauchée, et il paroit méme avoir ignoré 
la séparation des sexes. 

Spallanzani a fait aussi des observations précieuses sur cet 
animal ( Traité sur la respiration, trad. fr. p. 263 )5il a re- 
marqué qu'il n'a pas besoin, comme les Jimnées , de l'air en 
nature, et qu'en conséquence il est beaucoup plus difficile à 
asphyxier ; néanmoins il consomme l'oxygène, comme les pois- 
sons dont la respiration est semblable à la sienne. 

Le méme naturaliste a cru découvrir que cette espéce est 
parfaitement hermaphrodite et capable de se féconder elle- 
méme , parce que des individus enlevés du ventre de la mère 
et tenus dans l'isolément en ont cependant produit d'autres ; 
mais comme le måle de la viezpare est bien connu et qu'on 
l'a vu s'accoupler, les expériences de Spallanzani, en les sup- 
posant exactes, prouveroient tout au plus qu'un seul accou- 
plement féconde plusieurs générations, comme dans les pu- 
cerons, 

 Draparnaud enfin ( Moll. terr. et fluv. p. 35) a prétendu 
rectifier quelque chose à l'assertion de Lister, trop facilement 
adoptée selon lui par Geoffroy, sur la position de l'organe 
mále dans le tentacule droit; mais il s'est trompé, et cet or- 
gane est placé, ainsi que nous le verrons bientót, comme 
Lister l'avoit dit. 

Les autres naturalistes n'ont parlé de la vivipare Mm no- 
 menclateurs, encore n'ont-ils pas été tous heureux dans le choix 
de la place qu'ils lui ont assignée. 

Linnœus en fait un heliz, et cependant louverture de la 

a3* 


172 "ANNALES DU MUSÉUM 
coquille n'est pas en croissant ; elle est ronde dans presque tout 
son contour , excepté vers le haut où elle fait un angle. 

Geoffroy ( Coq. des env. de Paris) et Muller ( Verm. terr. 
et fluv. IT, 182) se réglant sur la position des yeux et la pré- 
sence de l'opercule, la réunissent, avec d'autres especes de la 
méme famille, au genre des nerites. 

Poiret ( Coq. fluv. et terr. du dép. de I Aine, p. 60) la met 
avec les bulimes démembrés des helix par Bruguières, mais 
où celui-ci ne l'avoit pas comprise. 

Draparnaud ( Loc. cit. et tabl. des Moll. de la Fr. p. 4o), 
et M. de Férussac( Essais dune méth. Conch. p. 66) d’après 
l'indication de M. de Lamarck, la rangent parmi les cyclos- 
tomes , où ils font entrer toutes les coquilles à bouche à-peu- 
prés ronde et à bords continus qui ne sont ni turriculées, ni 
garnies de côtes, ni dentées à l'ouverture. Rien n'empéche 
sans doute qu'on ne prenne le vivipare pour type du genre 
cyclostome; mais il est probable qu'alors on sera obligé d'en 
exclure plusieurs des espèces qu'on y a laissées jusqu'ici , et 
notamment tous les terrestres. 

Les observations que nous allons exposer aideront à trouver 
les bases de ces déterminations. | 

L'animal de la vivipare a deux tentacules coniques plus ou 
moins allongeables, mais non rétractiles, et qui portent les 
yeux vers leur base extérieure. A 

Le tentacule droit du måle est plus gros que l'autre, et 
percé vers son extrémité et un peu en dehors d'un trou par 
lequel sort la verge. Le trou n'est pas difficile à remarquer 
sans dissection , et l'anatomie montre promptement son usage, 
Ainsi j'ai dela peine à comprendre comment Draparnaud a 
pu sy tromper. 


D'HISTOIRE NATURELLE. 173 

Entre les tentacules est une trompe courte et ronde. 

Il n'y a point de trachée tubiforme, quoique Draparnaud 
Pait dit; mais la membrane latérale du côté droit du corps 
S'avance jusque sous le tentacule du méme côté, où elle se re- 
courbe en un demi-canal qui se continue jusque fort avant 
dans la cavité des branchies, aa moyen d'un repli élevé du 
plancher de cette cavité. 

Il est probable que c'est, comme le syphon des buccins et 
des murex, un moyen de faire entrer l'eau vers les branchies 
quand l'animal est rentré dans sa coquille. Du reste, la ca- 
vité branchiale est ouverte sous tout le bord antérieur du 
manteau, et son entrée est aussi large que dans aucun pecti- 
ni-branche. 

Les deux petites membranes latérales sont simples et sans 
franges, dentelures ni tentacules. Le bord antérieur du pied 
est muni d'une double lévre; cet organe, comme dans tous 
les genres operculés, se replie en deux pour rentrer dans la 
coquille; et l'opercule, attaché sur le dos de sa partie pos- 
iérieure, bouche alors l'entrée sans y laisser de vide. 

En ajoutant à ce que nous venons de dire que l'on apercoit 
sous le bord antérieur du manteau, et par conséquent à l'en- 
wée de la cavité des branchies, quelques houpes de celles-ci, 
lorilice de la matrice et celui de lanus, ón aura une idée 
complète de ce que l'animal montre sans dissection. 

Pour en voir davantage, il faut, comme à l'ordinaire, couper 
la membrane qui sert de voûte à la cavité branchiale, au côté 
gauche, suivant la ligne de sa jonction au corps. 

En la rejetant sur le côté droit, lon voit qu'elle porte les 
branchies, le rectum, le canal de la viscosite, et, dans les 
femelles, la matrice. 


174 ANNALES DU MUSÉUM 


Cette derniére partie est celle qui frappe le plus, surtout 
au printemps lorsqu'elle est toute remplie de petits animaux 
dans leurs coquilles, déjà préts à marcher. 

Il y en a ainsi, non-seulement dans la partie de la matrice 
attachée à la voûte de la cavité branchiale, mais encore beau- 
coup plus haut et dans toute la longueur du premier tour 
de spire. 

C'est dans cet état que nous .représentons cet organe en 
figure 2. 

A mesure que l'on remonte vers son fond, l'on trouve des 
coquilles plus petites et enveloppées d'une matière glaireuse 
plus abondante. | 

Vers le fond il n'y a plus que des globules de cette ma- 
tiere, dans le centre desquels on voit à la loupe le trés-petit 
animal avec une coquille d'un demi-tour, et qui est loin en- 
core de pouvoir le renfermer. 

Cette substance des ceufs se durcit dans l'esprit-de-vin, et 
se comporte en tout comme de l'albumine. | 

Cet animal est donc proprement ovo-vivipare , comme les 
vipères. 

A côté de la portion de matrice qui est au-delà de la ca- 
vité branchiale, se trouve un organe glanduleux blanchâtre 
qui pourroit bien être l'ovaire primitif, ou au moins servir 
à sécréter l'enveloppe glaireuse des œufs. 

La matrice se termine vers le bas par un tubercule charnu 
percé d'un trou qui se dilate au moment du part. 

Les branchies se composent de trois rangées de filamens 
coniques, disposés très-régulièrement. 

Entre elles et la matrice sont le rectum et le canal de la 


D'HISTOIRE NATURELLE, 179 
viscosité. Le premier s'ouvre un peu plus bas que l'autre, et 
par un orifice un peu plus grand. 

Dans les deux sexes il y a une ligne saillante et charnue 
qui part de dessous la corne droite et se continue sur le 
plancher et jusque dans le fond de la cavité branchiale; elle 
forme nécessairement, avec le bord droit de la voûte de cette 
cavité, une espèce de demi-canal qui se continue, avec le petit 
syphon , dont j'ai déjà parlé, sous la corne droite. 

L'autre extrémité de ce demi-canal est aveugle, et je ne 
peux, comme je l'ai dit, lui apercevoir d'autre usage que de 
. faire entrer et sortir l'eau pour la respiration. 

L'organe sécréteur de la viscosité, le péricarde et le cœur 
occupent , comme à l'ordinaire, la région située derriere le 
fond de la cavité des branchies, et n'ont rien que nous n'ayons 
déjà vu dans les autres gastéropodes turbinés. Le reste de la 
spire est encore rempli, comme de coutume, par l'estomac, 
l'intestin et le foie. | 

L'esophage est d'une minceur et d'une longuéer remar- 
quables; il fait un repli avant d'avoir quitté le dessus du 
pied, et il en fait un second dans la spire avant d'entrer dans 
l'estomac. 

Celui-ci est un sac assez vaste et divisé intérieurement par 
différens replis. Il. s'amincit et revient en avant pour former 
le pylore; la première partie de l'intestin se porte en arrière, 
se collant au bord droit de l'estomac; la deuxième revient en 
avant, en longeant tout le bord gauche de la matrice, et 
s'ouvre à l'anus sans avoir éprouvé de renflement remarquable. 

La bouche est une petite masse charnue et cylindrique qui 
ne peut former de trompe considérable. 


156 ANNALES DU MUSÉUM 


La langue n'est qu'un petit tubercule hérissé qui fait une 
légère saillie sur le plancher de la bouche. 

It n'y a que deux glandes salivaires peu considérables. 

. Le cerveau est divisé en deux lobes écartés l'un de l'autre 
par un filet mince. Le seul nerf un peu particulier part du 
lobe droit, croise sur l'eesophage, et va donner des branches 
aux muscles qui attachent l'animal à sa coquille. Geux de la 
bouche, des yeux, des tentacules sont comme à l'ordinaire. 

Dans le måle, la verge occupe la plus grande partie ‘de 
l'espace situé au-dessus du pied qui se trouve par là bien pius 
gros que dans la femelle; mais comme il n'y a point de 
matrice attachée à la voùte de læ cavité branchiale, ienphco 
de celle-ci n'est pas plus rempli. à 

Cette verge est cylindrique , trés-grosse, entourée de fibres 
annülaires et charnues trés-vigoureuses. Elle doit pouvoir se 
retourner comme celle des limaces, et alors elle sort, ainsi 
que nous l'avons dit, par le trou du tentacule droit. Le tes- 
ticule occwfpe dans la spire l'espace que la matrice et l'ovaire 
tiennent dans la femelle. Il communique avec la verge par 
un canal court et un peu tortueux. 

Tout ce que nous venons de dire prouve que la. vivipare 
est déjà plus voisine de la janthine et de la phasianelle , décrits 
dans le Mémoire précédent, que des ‘helix , des planorbes 
et des Zmnées, dont on auroit pu étre tenté de la rapprocher, 
d’après sa coquille et d’après legenre où l'avoit placée Linnæus. 

Ces trois premiers coquillages commenceront donc pour 
nous une grande famille qui est celle des gastéropodes à bran- 
chies pecunées et à bouche entière, et qui comprend toutes 
les espèces aquatiques des anciens genres : turbo, ime m et 
nerita de Linnaus. 


D'HISTOIRE NATURELLE, 177 
Les genres à branchies pectinées et à syphon, ou au moins 
à échancrure, savoir buccinum, strombus , murex, voluta, 
et tous leurs démembremens, ne different essentiellement des 
premiers que par le petit prolongement du manteau qui 
passe par, le syphon ou par l'échancrure de la coquille. 
Entre eux, ces divers animaux varient d'une manière faci- 
lement appréciable. 

^ Par la longueur de la trompe; 

? Par les. découpures et les productions des deux mem- 
| ES qui garnissent les côtés du pied, et de celle qui couvre 
plus on moins le devant de la tête; 

3? Par le nombre et la position des peignes de leurs 
branchies; 

4° Par la position intérieure ou extérieure de la verge dans 
l'état de repos; 

5." Par la longueur de K baie hérissée la langue ; ; 

G.° Par un jabot plus ou moins marqué en avant del'estomac. 

Mais ils ont tous en commun, outre ce qui appartient en 
général à tous les gastéropodes , deux tentacules pointus por- 
tant les yeux tantôt sur le cóté de leur base, tantôt sur un 
petit cylindre particulier qui pourroit trés-bien passer pour 
un autre tentacule;une trompe charnue contenant une langue 
hérissée de crochets; mais sans autres máchoires; un estomac 
membraneux situé à la base du foie, et donnant dans un in- 
testin de longueur variable ; enfin des sexes séparés. = 

-On ne peut pas s Laien que dans une telle rüculibhsee 
nous nous attachions à décrire les différences minutieuses qui 
pourroient se rencontrer dans les nombreux genres établis 
récemment dans cette famille, d'apres de res nuances 
dens la forme de la coquille. 


i. 24 


178 ANNALES DU MUSEUM 

Nous choisirons seulement les sujets de nos dissections à 
des distances convenables, pour donner des idées suffisantes 
de toute la série ; et pour commencer, nous allons joindre à 
l'anatomie de la vivipare , celle d'un iik turbo. marin quì 
a beaucoup de ressemblance avec elle; la veuve ou le turbo 
pica de Linnœus. 


` 


Ce que l'étude des gastéropodes à coquille spirale offre 
peut-être de plus embarrassant, c’est de se bien représenter 
comment des parties aussi développées que celles que l'animal 
montre au-dehors quand il rampe, peuvent se replier sur 
elles-mémes, et se concentrer dans la cavité étroite de la co- 
quille. p 5 

C'est ce que nous dierthone à à éclaircir par nos biles 5 
et 6 qui représentent l'animal dela veuve, enlevé à sa coquille, 
mais dans ses deux états:la premiere le montrant retiré ; l'autre 
rampant. | | 

Tout dépend de la rétraction de la tête et du repliement 
de la partie antérieure du pied contre la partie postérieure. 

- Cette dernière circonstance, qui a lieu plus fortement encore 
dans les nérites et les volutes où le pied est beaucoup plus 
grand, est surtout essentielle. L'opercule, qui est toujours at- 
taché sur le dos de la partie postérieure du pied, se trouve 
ramené par là vis-à-vis l'ouverture de la coquille, qu'il bouche, 
en y pénétrant d'autant plus que —— s d'avan- 
tage son muscle. 

Le muscle est marqué a dans les deux figures, à ca 
par où il étoit attaché à la columelle. 

La figure 7 en montre la coupe, et comment la plus pak 


D'HISTOIRE NATURELLE. 179 


partie de ses fibres se rend vers l'opercule, tandis qu'une 
autre se perd dans la masse charnue du pied, et qu'il en va 
quelques-unes jusque vers la trompe et les tentacules. 

On peut sy faire une idée de la manière dont le muscle 
tirant fortement l'opercule, pousse tout le reste du pied, de 
la tête et des parties adjacentes en dedans, et finit par les 
mettre dans l’état de contraction qu'exprime la figure 5. 

Cependant aucun gastéropode aquatique ne retournant ses 
cornes ni sa téte au-dedans de son corps, comme le font les 
limaces et limaçons terrestres, il est plus facile de juger, d'apres 
l'animal contracté, de la forme qu'il doit prendre quand il est 
étendu. 

Il n'y a qu'à se représenter toutes les parties du pied, de 
la téte et des deux membranes latérales dilatées en tout sens, 
et surtout en longueur; la tête s'avançant sous le bord externe 
de la coquille; la queue, sous le bord opposé, c’est-à-dire sous 
la columelle; et l'opercule se réfléchissant contre celle-ci, 
comme une porne contre un Es quand elle est tout-à- fait 
ouverte. 

On peut ainsi retrouver "s figure d'un gastéropode, méme 
quand il seroit venu des pays les plus éloignés, enfermé dans 

sa coquille et contracté par sa pepa action et par celle de 
r l'eeotitcddwit 

Il est certain qu'il vaut - PAPE mieux l FEES vivant, où 
au moins lorsqu'avant de le mettre dans l'esprit-de-vin on l'a 
retiré de sa coquille et laissé mourir dans l'eau; mais comme 
les voyageurs sont rarement à même d'observer exactement 
sur les lieux un animal vivant, ni de prendre les précautions 
nécessaires pour le conserver parfaitement, il est toujours 
bon d'avoir ce nioyen subsidiaire. 


as 


180 ANNALES DU MUSEUM 

Nous l'avons employé avec avantage pour un grand nombre 
des gastéropodes à coquille dont il nous reste à parler. 

Tel est-ce turbo pica dont nous traitons maintenant. 

Notre figure 6 le montre étendu artificiellement. Ses tenta- 
cules sont gréles, sétacés; l'œil est porté par un petit tenta- 
cule cylindrique et latéral. Il n’y a point du tout de mem- 
brane ou de voile sur le devant de la tête, ni aucun syphon 
au manteau. La membrane latérale du côté droit est dé- 
coupéé en: plusieurs filets un peu rameux; le bord antérieur 
du: pied'est divisé en deux lèvres; la queue n'a ni crêtes ni 
franges : elle porte un opercuie circulaire, mince, corné, un 
brun-foncé, marqué d'une spirale à contours trés-nombreux. 

La figuré 7 montre le plafond de la cavité branchiale 
détaché à gauche et rejeté sur la droite, et la grande cavité 
ouverte et privée de ses tégumens du côté gauche, pour 
montrer ce qu’elle contient par ce côté, depuis la bouche jus- 
que derrière l'estomac. | ; 

On a vu que les tentacules et autres appendices extérieurs 
de cet animal ont les plus grands rapports avec ceux de la 
phasianelle: on va voir que ses viscères n'en ont pas moins. 

lla aussi deux peignes de branchies formés d'une multi- 
tude de feuillets triangulaires; mais ils ne sont séparés que 
vers le fond dela cavité branchiale par un vestige dé cloison, 
plutôt que par une cloison véritable; car elle n'occupe pas le 
quart de leur longueur. Le cœur, l'oreillette, le péricarde, 
Yorgane de la :viseosité n’ont rien de particulier. 

L'œsophage après avoir parcouru un assez long trajet, mais 
sans sétre replié, donne dans l'estomac, qui est énornie et 
divisé par des replis de sa membrane interne en plusieurs sinus 
et poches différentes. il se rétrécit ensuite en un boyau qui 


D'HISTOIRE. NATURELLE. 181 
revient en avant, absolument comme dans la phasianelle , jus- 
que vers la masse charnue de la bouche, puis se recourbe en 
arrière, va passer derrière le: cceur., et se réfléchit encore en 
avant pour former le rectum, qui; est'gréle etse termine par 
une petite pointe. ll y à une valvule au Ws du — situé 
derrière le cœur. 

La masse charnue de la LE est one, et son or- 
poti assez compliquée. 24: | 

' La langue ainsi que dans: la: house et. diia hisp 
stipendi , ést urrscartilage excessivement long et garni de 
petites épinés ; enveloppée dans un tube: membráneux , elle 
s'étend depuis le point du plancher de: la bouche qui répond 
immédiatement au-dessous de l'ouverture de l'aesophage, jus- 
que trés-haut dans la spire et fort en arrière de l'estomac, 
ou elle se roule encore qnum où six fois en d sur. elle- 
méme: : 2 q 

 lin'y a que l'ekirénité, antérieure bee ce ong aa duis serve 
à viaa tout le reste n’a d'autre objet, à ce quil me 
semble, que de remplacer cette extrémité antérieure àme- 
sure qu'elle s’use. Il en est de cet organe comme des dents 
des quadrupedes herbivores et de celles des oursins. Ces der- 
nières surtout offrent une ressemblance frappante: très-dures 
à l'endroit qui máche, elles se ramollissent en arrière et fi- 
nisseüt par un long rubah- flexible. qui avance: et;duréit à 
mesure que la partie triturante se détruits, 5 vgs giis b 

Cette langue du turbo pica est garnie de dcs: trans- 
versales de lames triingulaires et trauchantes; chaque rangée 
comprend huit ou dix lames implantées sur une petite bande 
transversale qui joue sur une bande.semblable. placée .der- 
rière cle, et sur une. autre placée devant. La lange entière 


182 ANNALES DU MUSEUM 


doit avoir plusieurs centaines de ces bandes transversales, 
et par conséquent des milliers de petites lames: tranchantes: 
' La masse chárnue de la bouche a pour objet. de ‘donner à 
lextrémité antérieure de cette bande linguale une-sorte de 
mouvement péristaltique propre à entasser, à limer et à bus 
par degrésles corps qu'elle attaque. 
Elle contient deux cartilages parallèles Ta l'extrémité anté- 
rieure soutient la partie correspondante de la bande linguale; 
et en S'écariant; s'avançant, se rapprochant, se retirant, la 
soulève et l'abaisse, en fait jouer les parties les unes sur: les 
autres, et fait "Ms ainsi les petites lames Mápcbanges sur la 
parie qu'elles doivent. entamer. l 
Les glandes salivaires sont pew sisi et dits 
m'a rien de bien particulier, non plus que le systeme nerveux. 
-o Pindividu: que nous représentons est femelle. On voit la 
partie inférieure de son oviductus en o, fig. 7. Elle a son ori- 
fice tout prés de celui de l'organe de la viscosité. Je ne puis 
savoir: si cette espèce est vivipare, ne: l'ayant point observée 
dans un état voisin du moment où mm: met bas. ` | 


- Ces deux anatomies nous fournissent deux, types différens 
d'animaux à pe suns entières et à - branchies me et 
c semp ons nidi: 

“La "vieipare d'eau inm sera chef de file pour toutes» les 
espèces à tentacules simples; et le turbo pica.ainsi que la 
phásianelle pour toutes celles à tentacules doubles : car il est 
difficile de ne pas considérer comme'un tentacule particulier 


D'HISTOIRE NATURELLE. | 183 
le petit cylindre charnu qui porte l'œil, ici surtout où il est 
distinct jusqu’à sa base du grand tentacule sétacé. 

La règle que l'on à voulu établir sur le nombre des tenta- 
cules, quaternaire, disoit-on dans les gastéropodes terrestres, 
biüsiro seulement dans les aquatiques, n'est donc rien moins 
qu'exacte. En effet, nous savons déjà que l'aplysia en a quatre, 
que la bullée ex toutes les acéres wen ont aucuns, et nous 
verrons bien d'autres exceptions par la Suite. 

Pour revenir à nos deux types, il y à des espèces de l'un 
et de l'autre, et qui ne sont pas distfibuées, comme on aüroit 
pu le croire, en jugeant sur les coquilles. = 

Adanson, qui a très-bien conna cette différeiice] à a établi 
sur elle sa distinction de la toupie et du sabot, et celle de 
la natice et de la nérite; mais il est obligé, du moins dahs les 
deux premiers, de séparer des coquilles trés-semiblables. 

Dans le premier type; celui de la wivipere, jai disséqué 
aussi le vignot de nos côtes de la Manche ( turbo littoreus de 
Linnaeus, alie-kruik de Swammerdam; Bibl. nat: t. IX, 
fig.. 14-18). Son ouverture et son opercule ont un angle vers 
le haut, et ses tentacules sont simples, portant les yeux sur 
uné légère proéminence de leur. base externe; On sait déjà 
par Adanson ( Sénég. p.70); qu'il a les sexes séparés, et je 
lai effectivement vérifié; mais je n'ai pu savoir sil produit 
des petits vivans. À l'intérieur, sa principale différence ést la 
longueur du ruban lingual, par laquelle il se rapproche des 
espèces du deuxième type. Nous Mes cel: animal 
retiré de sa coquille, fig. 10. 

- Le marnat d'Adapson , ( Sénég: pue yg. VE, fe x: T ap- 
partient également/à ce premier type. 17°: 

Le deuxième type est beaucoup plus Beim il PRIM 


ai ANNALES, DU. MUSÉUM 
non-seulement la; phasianelle et le turbo pica, mais encore 
tous les turbo à ,goquille arrondie et à bouche tout-à-fait ronde, 
et tous les trochus à aequale conique, dont j'ai pu voir les 
animaux. 

Il y a toujours alors le petit pédicule de l'œil ; et les diffé: 
rences spécifiques portent sur les lobes en avant ds la téte, et 
sur les ornemens des membranes latérales. 

Ainsi le turbo piva est pour la tête un des plus igi 
n'ayant que deux très-petits lobes ou vestiges de voile; mais 
ses membranes latérales sont assez compliquées, Son opereule 
est mince el corné. 

Le turbo chry sostomus a les choisie un peu plus grands; 
mais ses membranes latérales. sont simples et sans filets. Son 
' opercule. est. pierreux, trés-convexe et. granulé à sa face ex- 
terne, plat et marqué d'une spirale régulière à linierne. Nous 
le. donnons; ainsi que.son .opercule en figure 11. 

. Un turbo nouveau, rapporté par M. Péron, de Ja forme 
du pica , mais d'un brun-marron, à bouche nacrée-verdätre, 
à ombilic.simple, aides lohes et des membranes crénelées , et 
celles-ci. terminées en arrière chacune par un filet. Son oper- 
cale est. également pierreux, mais à surface externe bosselée, 

- Le grand £rochus mauritianus-a les deux lobes du voile 
assez larges pour se toucher ; les goecibrbnes latérales: simples 
l'opercule mince et corné... <o- 

Un autre. £rochus noie mais is oatbdiqué ( (oosiheni; 
pl. 6o, lig..C),-se. distingue par une crête élevée et frisée qui 
borde sa queue de chaque cóté,.et dont la partie supérieure 
se loge dans l'ombilic quand l'animal rentre*dans sa coquille. 
Il a de plus trois tentacules cylindriques et obtus de M 
côté, sous la membrane latérale. .F'oyez notre figure r2. 


D'HISTOIRE NATURELLE. 185 

Le trochus pharaonius a trois filets attachés de chaque côté, 
comme dans la phasianelle, aux bords de la membrane laté- 
rale, et toutes ses membranes et leurs filets sont ciliés. 7^. eyes 
finm 13. 

On peut juger, par Adanson ( Sénég. tab. 12, fig. 1 F que 
Yosilin de cet auteur (trochus tesselatus, es ), est habité 
par un animal fort voisin de celui-ci. |. 

- Nous en avons un autre sur nos côtes (trochus cinerarius , L.) 
qui. a tous ces filets, et dans lequel il sont de plus colorés par 
anneaux noirs et blancs. Müller en donne quatre figures mé- 
diocres ( Zool. dan. pl. 102 ). 

Il y a des trochus à deux et. d'autres à un seul filet latéral. 

Dans ious, l'opercule est rond , mince, corné. 

Les sexes sont séparés dans tous. ces animaux. 

Je n'ai point de notion particulière à donner. sur les ani- 
maux des genres démembrés, par M. de Lamarck , des turbo 
et des frochus , tels quelles scalaïres ,les maillots , les cadrans, 
les monodontes ; les turritelles et les pyramidelles; et quoique 
je n'aie aucun: doute que pour l'essentiel ilsne se rapprochent 
des autres, je ne puis dire quelles particularités spécifiques 
les distinguent, r'en Se pr encore examiner aucun par moi- 
méme 

Cependant nous roi ar TM dips. iain ( Gikk min. 
nat. pl V, fig. 7 et 8.) , une scalaire ( turbo clathrus ; Lin. ), 
qui se rapporte à notre premier type, et qui montre une 
longue verge sortie. 

L'ancien genre nerita, divisé aujourd'hui en nérites et en 
nalices , complète avec les précédens la tribu des coquilles 
aquatiques à bouche entière. Outre la forme exactement demi- 

11, 25 


186 ANNALES DU MUSÉUM 

circulaire de leur ouverture, ces deux genres se font remar- 
quer aussi par la grandeur relative de cette ouverture, et en 
général de tout le dernier tour. C'est , comme dans les volutes 
et autres coquilles dans ce cas, un signe du grand volume du 
pied qui doit se loger dans cette partie de la coquille, 

Les animaux qui l'habitent répondent aux deux types que 
nous avons déterminés plus haut pour les turbo et les trochus, 
et c'est d’après la position de leurs yeux qu Adanson les a sé- 
parés. M. de Lamarck, en adoptant ce caractère pour les ani- 
maux, y joint celui de la coquille , ombiliquée dans les natzces, 
et non dans les nérites. Effectivement, dans les espèces dont 
nous connoissons l'animal, ces formes des tentacules et des 
coquilles se correspondent; mais l'exemple des turbo, où des 
coquilles de méme forme générale contiennent des animaux si 
différens , doit nous mettre en garde , et nous faire attendre xm 
cdi vil plus nombreuses. 

Nous donnons, figure 14, l'animal d'une natice ( nerita can- 
rena , Lin.) , et figure 15, celui d'une nérite (nerita exuvia; Li). 
On peut juger à quel point le pied du premier est. étendu ; 
ce léger sillon qui divise en deux lèvres le bord antérieur 
de celui de quelques turbo, est ici une fissure profonde qui 
établit deux larges lobes, l'un au-dessus de lautre, b, e, 
dont le supérieur c est échancré dans son milieu. La méme 
chose a lieu en arrière où l'opercule, au lieu d'être simple- 
ment collé sur le dos de la queue, se trouve attaché sur un 
lobe charnu particulier d, qui contribue probablement à for- 
mer l'ombilic de la coquille, ou du moins qui s'y lado e en 
partie quand lanimal rentre. 

La verge de cet individu est sortie; on la voit pendre en a: 


D'HISTOIRE NATURELLE, 187 
Adanson, qui donne à son fossar, l'une de ses natices, la 
méme téte qu'à notre canréne, représente son pied tout dif- 
féremment. Je ne saissi c'est une faute du dessinateur , ou si en 
effet toutes les espèces de natices n'ont pas le pied semblable. 
La nérite, figure 15, n'a pas à beaucoup prés cette am- 
pleur de parties extérieures; elle rentre dans les formes les 
plus communes aux frochus et aux turbo à quatre tentacules, 
et n'a point d'ornemens à ses membranes latérales ; seulement 
sa lèvre supérieure est trés-large, bilobée et dentelée. 
Son opercule est pierreux et légèrement granulé. Celui de 
la natice est corné; mais tout celà peut n'étre que spécifique. 


..EXPLICATION DES FIGURES. 


Freunr I. La vivipare femelle enlevée à sa coquille. a. Son pied encore à demi- 
ployé en deux: b. L'opercule attaché sur sa partie postérieure. c. La tête avec les 
tentacules et la trompe. d. Le petit syphon qui se prolonge sous la corne droite. 
e. La membrane latérale du côté gauche. f. Le bord du manteau. g. Petite portion 
des branchies qui se montre dessous. h. L'orifice de la matrice et l'anus. 

Frc. II. La méme dont la cavité branchiale a été ouverte. Les lettres a— f ont 
la méme signification que dans la figure précédente. g. Les branchies. h. La ma- 
trice gonflée par les fœtus qui la remplissent. h'. Son orifice, h^. Sa partie située 
dans la spire. i. L'anus. i Le canal de la viscosité. m. La ligue saillante formant 
un demi-canal qui se termine au syphon d. », Le cœur et son. oreillette. o. Parties 
du foie et de l'intestin. 

Frc. III. La méme dont on a uan la partie antérieure et développé ». poté- 
rieure. Les lettres a—n sont placées aux mêmes endroits que dans les deux précé- 
dentes. p. La masse charnue de la bouche. q. L'æsophage. q’. Son repli avant le 
cardia. r. L'estomac. s. Le premier repli de l'intestin. s'. Le second. s”. L'endroit 
où il pénètre dans la cavité branchiale. t. Le rectum. u u. Les deux lobes du cerveau 
et les nerfs qui en partent pour les tentacules, les yeux et la bouche. vv. Les deux 
glandes salivaires. r. Le nerf principal des muscles. E. 

2 


188 ANNALES DU MUSEUM 


Fre. IV. Vivipare mâle, préparée pour montrer la verge, et sa sortie par la 
corne droite. L'ossophage q est rompu à l'endroit où il pénétroit dans la spire. Les 
lettres jusqu'à x ont les mêmes significations. y. Le corps charnu de la verge. z. d 
canal déférent. &. Une partie du testicule. 

Frc. V. Le turbo pica enlevé de sa coquille et dans l'état de contraction. 

Fic. VI. Le méme, développé. a. Le muscle qui unit l'animal à sa coquille. 
a/. Le pied. b. L'opercule. c. La trompe. dd. Les tentacules. ee. Les tubercules qui 
portent les yeux. f. L'extrémité des branchies. g. La membrane latérale du cóté 
gauche, frangée. 

Fic. VIL. Le méme animal dont on a ouvert la cavité branchiale, rejeté son 
plafond sur le cóté.droit; enlevé la paroi gauche de la téte et du tronc, et fendu 
verticalement la masse charnue du pied, pour mettre à nu l'ensemble des viscéres. 
a. Le muscle qui unit l'animal à la coquille; la direction de ses fibres à l'opercule 
et à la masse charnue du pied. a”. Cette masse. b. L'opercule. c. La trompe. d. Le 
tentacule. e. Le tubercule qui porte l'œil. f. Le cerveau. g. Les glandes salivaires. 
hh. L'esophage. i. La-masse charnue de la bouche et de la langue. i'i'. La gaine 
membraneuse du cartilage de la langue. k. L'estomac ouvert. l. Son prolongement 
cylindrique. l’. L'endroit où est une valvule qui représente le pylore. mm. Le rec- 
tum. n. L'anus. o. L'extrémité de l'oviductus. p. L'organe de la viscosité ouvert, 
q. Son orifice. rr. Les veines qui portent le sang du corps aux branchies. ss. Les 
artéres qui distribuent ce sang dans les branchies. É La veine qui le ramène au 
cœur. u. L'oreillette. v. Le cœur. 

Fre. VIII. La^masse charnue de la bouche servant à mouvoir la langue. a. L'ex- 
‘trémité antérieure de la langue. bb. Les glandes salivaires. c. La gaine membra- 
neuse du cartilage lingual, etc ce cartilage lui-même tronqué. dd. Les divers 
muscles qui agissent sur les deux cartilages latéraux: dont l'extrémité NV Lg 
de la langue. 

Fic. IX. Portion du cartilage lingual, vue au microscope, pour montrer ses 
lames transverses, et les petites lames tranchantes qu'elles supportent. 

Frc. X. L'animal du turbo littoreus , sorti de sa — avec son opercule. 

Fic. XI: Celui du turbo chrysostomus. 

Fic. XII. Celui du trochus, Gualt. tab. 60 T c. 

"Fic. XIII. Celui du’ trochus pharaonius. 

- Fre. XIV. Celui de nerita canrena. 

Fic. XV. Celui de neriia exuvia. 


D'HISTOIRE NATURELLE. 189 


VOYAGE GÉOLOGIQUE: 
De Nice à Menton, à Vintimille, Port-Mau- 


rice; Noli, Savonne, Voltri. et Génes, par 
la route de la Corniche. | 


PAR M. FAUJAS-SAINT-FOND. 


J ar fait connoitre, dans les Annales du Muséum d'histoire 
naturelle, la constitution géologique des montagnes de Pen 
de Montalban, de Cimies et de Villefranche. 

Je vais reprendre le méme travail et suivre une route que 
peu de voyageurs, amis de la minéralogie, ont faite jusqu’à 
présent (1), par les défilés étroits et difficiles qui règnent sur 


sr 0 


(1) MM. de Saussure et Pictet firent ensemble ce voyage, le 10 octobre 1780 ,en 
partant de Génes oh ils s'étoient rendus par le Mont-Cenis, Turin, Milan, Pavie, 
Novi et le col se la iet ocu mais ils furent souvent contrariés par des pluies 
fréquentes : cep voyage qui estimprimé dans le tom. 1v, p- 156 dela collection 


‘4 "PES le l'édition in-4.^, présente de bonnes óbservations et des détails 


ucotu 


fort exacts dont j'aurai occasion de faire mention , en rendant toute justice à ce célebre 
observateur. En 1796 , mon excellent ami Amoreti s'étant rendu par la montagne du 
Piémont à Oueille, parcourut la côte jusqu'à Noli et Savonne où il fit quelques 


recherches intéressantes. 


100 ANNALES DU MUSÉUM 
les escarpemens de cette partie des Alpes de la Ligurie, 
contre lesquels la mer vient briser avec fracas. — 

La position de ce singulier et hardi défilé, suspendu en 
quelqde sorte 'en plusienrs  ehdroits ice d’une suite 
d'abime, lui a valu la dénomination de Chemin de la Cor- 
niche, comme pour désigner un passage qu'om auroit établi 
au-dessus de la Írise d'un édifice. 

La politique de l'ancienne république de Génes crôyoit | 
devoir, pour sa sûreté, opposer un tel obstacle à des armées 
ennemies, et elle ne FE méme subsister ce périlleux che- 
min que pores. wil devenoit indispensable pour les commu- 
nications dè Villages à à villages. 

Je partis de Nice le 29 du mois de septembre 1805, dans 
une saison encore favorable, avec un compagnon de voyage 
instruit, M. Marzzari de Vicence, mon estimable ami, qui 
venoit de parcourir les volcans du Vivarais. Nous avions fait 
embarquer la veille nos voitures sur une fé/ouque génoise, qui 
devoit arriver avant nous, si le vent la favorisoit. 

Notre projet étoit de faire cette routé à pied; mais comme 
nous avions des valises, des instrumens, des cartes et quel- 
ques livres à faire porter , nous fümes obligés de louer ce qu'on 
appelle des mulets de postes ; c'est un établissement qui a été 
formé depuis la réunion de la Ligurie à la France, et qui 
est tres-utile pour les communications, lorsque la mer n'est 
pas navigable: mais nous nous proposions de mettre souvent 
pied à terre, car rien ne nous pressoit pour le temps. On se 
rend de Nice à Villefranche dans une heure, en escaladant 
une montagne, plutót qu'en suivant une route tracée. Cette 
montagne est aride, nue et d'un calcaire compacte, analogue 
à celui du rocher de Nice, n'offrant ni bancs, ni couches 


D'HISTOIRE NATURELLE. EN. 
répalières, mais de grandes disruptions qui se manifestent de 
toute part et dans tous les sens, et dont les fissures ont été 
remplies de spath calcaire blanc, les unes à larges, les autres à 
petites bandes réunissant étroitement les masses qui constituent 
cette montagne, et paroissent avoir éprouvé antérieurement 
de grandes commotions qui en ont dérangé l'assiette pre- 
mière. Je dois ajouter qu'ici comme à Nice on voit diverses 
 éoupures où fentes irrégulières remplies d'une brèche calcaire 
à ciment rouge, semblable à celle de Nice, de Montalban et 
de Cimies , dans laquelle je ne doute pas qu'on ne treuvät des 
coquilles et des fragmens d'ossemens d'animaux ,'si l'on y ou- 
vroit des carrières; car cette breche, liée par un ciment spa- 
thique calcaire dur, a une grande consistance, et forme une 
excellente pierre pour les construetións. 

La rade de Villefranche est vaste et pourroit x récévoir un 
grand nombre de vaisseaux ; mais elle m'est pas à l'abri de 
tous les vents. Les blocs de pierre qui ont servi à la cons- 
truction des jetées qui sont au pied du hióle, sont criblés de 
trous formés par les dattes de mer, mytilus litophagus: de 
Litm., qui! y sont trés-abondantes et excellentes à manger. 

Det heure aprés avoir dépassé Villefranche, ón décotivre 
le village d Aiza; perché sur un rócher : l'on y arrive en peu 
de temps par un chemin détestable ; mais: quelques cultures 
d'oliviers et pe LE de la’ mér e est au bas eer ee 
pet agreste. :: FE iam di 

' Un assez jolie petite "— est -— dà village: notre pos- 
tillon y faisoit rafraichir sés mulets, et nous étions occupés 
à casser des pierres, lorsqu'un — s'approcha de 
nous , et nous dit d'une manière fort honnéte : Pursque ous 
étes curieux, messieurs, je puis wous faire Wr, SL pons 


192 ANNALES. DU; MUSEUM 

le désirez, à peu de distance d'ici, une chose assez remar- 
quable. qui mériteroit bien d'être connue, et dont personne 
cependant n'a encore, fait mention, qnoiqu'il.y ait prés de 
trois ans que le fait .a eu lieu. Nous acceptàmes avec recon- 
noissance. l'offre obligeante de cet excellent. homme, qui est 
chanoine à Nice, mais qui a sa famille à Æiza où il étoit venu 
passer quelques jours; nous le suivimes. 

Chemin: faisant, il. nous annonça que dans moins din 
quart d'heure nous ärriverions sur les lieux qu'il désiroit 
nous faire. voir ce qui ne nous détourneroit pour ainsi dire 
pas de la route; qu'il sagissoit d'un éboulement de terre qui 
avoit entrainé dans la mer la presque totalité de la vallée de 
Saint-Laurent, couverte. des plus riches plantations d'oliviers; 
et quà la place qu 'occupoient ces champs fertiles. et dune 
grande richesse , nous ne verrions plus qu'une ruine effrayante 
et le tableau d’une affreuse destruction. 

Nous arrivámes en effet peu de temps aprés sur le lieu de 
la scène, c'est-à-dire sur le bord d'un escarpement, profond 
qui.se prolonge plus.ou moins rapidement dans la longueur 
d'une demi-lieue j pana la mer. et qui. a trois cent toises en- 
viron de largeur. . 

Perchés sur le bord de. cet RTE , nous n apii 
que. ruines, que, décombres et; dévastation ; notre. œil me- 
suroit. .d'énormes: masses : ide pierres ‘errantes, : de grands 
déchiremens dans des masses de terres marneuses, humides 
et glissantes, et ce désordre qui règne jusqu'à la mer, offre 
un contraste d'autant plus frappant, que la bordüre de cet 
affreux tableau est garnie dans sa longueur d'une ligne de 
grands. oliviers. qui. ont échappé au. désastre et dont les ra- 
cines , mises en partie à découvert, pendent en festons sur le 
bord de cet épouvantable précipice. 


D'HISTOIRE NATURELLE. 193 
Cette avalanche de terre occasiona une si grande perte 
aux propriétaires de la vallée de Saint-Laurent, entiérement 
couverte des plus beaux oliviers, qu'elle fut évaluée à mille 
rubs annuels d'huile, le rub étant de vingt-cinq livres. 
L'éboulement commenca à se manifester à quatre-vingts 
pieds au-dessus des plantations , dans la partie stérile et inculte 
de la montagne , coupée presque à pic. Toute cette masse se 
mit en mouvement, savanca d'abord assez lentement, mais 
partit bientót avec accélération, et aprés s'étre arrétée pen- 
dant quelques secondes à la téte des plantations dont elle avoit 
ébranlé le sol, lui communiqua son impulsion et son mou- 
vement. Une source de la grosseur d'un homme parut tout- 
à-coup* dans la partie du terrain emporté, et l'eau qui 
en découla avec abondance, facilita: l'éboulement en ren- 
dant les terres plus glissantes. Les champs plantés d'oliviers 
descendirent par grandes masses au milieu des terres mobiles ; 
mais forcées par des rochers solides de décrire une sinuosité , 
le mouvement s'accéléra par la pesanteur et le choc, ettout 
descendit avec fracas et confusion jusqu'à la mer, où il se forma 
une presqu'ile qui s'étendit à une assez grande distance. 
Cela devoit être ainsi, malgré la grande profondeur dela mer 
vers cette partie de la côte, si l'on considère que l'épaisseur 
moyenne de la masse emportée, qu’il est facile d'apprécier par 
l'excavation, a au moins cent pieds de hauteur moyenne, trois 
cents toises de largeur,en l'évaluantau plus bas, et mille cinq cents 
toises delongueur; lasourcetarit quarante-huith pres. 
L'ecclésiastique qui nous donnoit ces instructions sur les 
lieux mêmes, nous dit que la langue de terre qui s'étoit for- 
mée en avant de la mer s'affaissa peu à peu, pris de l'assiette et 
11. 26 


194 ANNALES DU MUSEUM 

de la consistance, et s'enfonca en grande partie de quelques 
pieds au-dessous de l'eau, mais que jamais on ne vit surnager 
un seul arbre; de manière que cette quantité de grands et su- 
perbes oliviers qui ont été engloutis, resteront pour toujours 
ensevelis sous les masses et les dépóts qui les recouvrent. 

C'est ainsi que dans quelques circonstances particulières il 
s'est formé de- semblables dépóts accidentels de bois ense- 
velis dans la terre, mais m ne doivent étre considérés : en 

l rte que des épisodes partiels dans l’histoire des 
vésalulodb: ab gibis différant essentiellement de ces im- 
menses dépôts de matières ligneuses disposées en couches , qui 
tiennent à des causeset à des événemens d'un plus grand ordre 
qui ont. donné naissánce aux mines de charbons fossiles. 

Comme il n'a rien été écrit sur cet événement, j'ai cru 
qu'il pouvoit étre utile de constater le fait d'aprés ce que j'ai vu, 
et ce que m'a dit sur les lieux le bon ecclésiastique d Aiza, 
qui paroissoit désirer vivement qu'on en fit mention. Je m'ac- 
quitte par là de la manière obligeante avec laquelle il. nous 
accueillit et des instructions qu'il nous donna. 

Dela vallée de Saint-Laurent, nous nous rendimes à 
la Turbie dans une heure et demie, par une route exiré- 
mement mauvaise, et presque toujours sur des rochers à nu. 
La Turbie est la partie la plus élevée de cette chaine de 
montagnes, et c'est sur un plateau, où l'on voit un petit vil- 
lage.du méme nom, que le sénat, au nom du peuple romain, 
érigea autrefois à Auguste un des plus grands et des plus su- 
perbes monumens pour la conquéte de la Gaule. Il fut con- 
sacré sous le nom de Trophea Augusti. Pline le naturaliste 
nous a conservé en entier la belle inscription qui fait con- 


D'HISTOIRE NATURELLE. 195 
noitre les noms des provinces gauloises conquises par les 
cohortes romaines (1), aprés une longue et grande résistance. 
Mais lorsqu'à son tour l'empire romain fut anéanti, des mains 
barbares détruisirent ce chef-d'œuvre d'art et de grandeur ; et 
comme ce lieu servoit de limite àla Gaule on abattit une partie 
du monument pour construire au-dessus de mauvaises tours go- 
thiques et une enceinte bátie en partie avec les beaux marbres 
sur lesquels on peut lire encore quelques fragmens dela méme 
inscription rapportée par Pline, écrite en grandes lettres du 
plus beau style. | | 

On découvre du haut de la Turbie, lorsque le ciel est serein, 
d'une part, la mer de Nice, les Alpes du Piémont, celle dela Haute- 
Provence ; del'autre, Monaco, Roquebrune, Menton, Vinti- 
mille, la iner dela Ligurie, et les iles de Corse et de Sardaigne. 

Monaco est une jolie petite ville construite sur une falaise, 
au bord de la mer , abritée du vent du nord par la montagne 
de la Turbie. Elle a un petit port connu des Komains sous 
le nom de Herculis Monæci portus, dont Strabon (2), 
Pline (3) et Ptolémée ont fait mention. Le premier nous ap- 
prend que ce port étoit accompagné d'un temple dédié à 
Hercule: Le petit rocher calcaire sur lequel la ville est bâtie, 
est entièrement-couvert, dans la partie escarpée qui fait face 
à la mer, de cactus opontia qui y croissent naturellement; 
il seroit à désirer que quelqu'un cherchát à les remplacer par 
le cactus cochenilifére , qui est d'une toute autre espèce, et 
sur lequel on pourroit placer la cochenille silvestre. On auroit 


(1) Plinii secundi historie naturalis, lib. 111, p. 206, dc l'édit. de Poinsinet de 


Sivry. 
* (2) Strabo, lib. rv, pag. 202. 


(3) Plin. lib. 111, cap. 6. 
- 26 * 


196 ANNALES DU MUSEUM 


de grandes facilités pour se procurer la plante et l'insecte au 
Jardin des Plantes de Paris, où l'on s'est empressé de tout 
temps de propager les objets utiles. 

Il ne faut point oublier qu'aussitót qu'on quitte le plateau 
le plus élevé de la montagne de la Turbie, sur lequel sont les 
restes du monument érigé à Auguste, et qu'on arrive à l'entrée 
de la route escarpée qui domine sur la mer et sur Monaco, 
on aperçoit vers le côté gauche de cette route sinueuse , tracée 
sur.la roche calcaire nue, un banc de breche verdátre, com- 
posée de divers fragmens de pierre calcaire, de sable quart- 
zeux, et d'une multitude de grains verdâtres d'hématite, de 
la forme et de la grosseur de grains de mil, très-rapprochés 
les uns des autres, et dont l'oxidation donne à la pierre une 
teinte d'un vert semblable à celui de la terre de Véronne, 
mais d'un ton plus pâle et moins égal. Cette brèche diffère 
de celle des environs de Nice, non-seulement par la couleur, 
mais encore en ce qu'on n'y trouve point d'ossemens, et que 
je n'y ai vu d'autres coquilles que quelques cornes d'ammon 
entierement pétrifiées et étrangères à la montagne calcaire, 
au-dessus de laquelle cette brèche est. superposée. 

Le calcaire compacte qui constitue la montagne de la 
Turbie est en évidence dans toutes ses masses vers la partie 
qui fait face à la mer, et qui défend la ville de Monaco, ainsi 
que son petit territoire, de impétuosité des vents du nord. Ce 
calcaire est dur, de spun grise passant quelquefois au gris- 
blanchâtre; et comme il est à nu sur le revers de cette haute 
montagne qui en est entierement formée, on peut en observer 
facilement la disposition, Les bancs sur la partie supérieure 
sont quelquefois si épais, si intimément attachés les uns aux 
autres, qu'il faut avoir l'eil trés-exercé pour distinguer les 


D'HISTOIRE NATURELLE. ES. 
joints qui ont été interrompus ou cachés quelquefois par des 
causes accidentelles; cependant il est hors de doute que cette 
accumulation immense de calcaire compacte n'ait été déposée 
par stratifications successives à l'époque de sa formation dans 
le sein dela mer: de grandes perturbations qui paroissent 
tenir à des causes violentes, ont ici, comme ailleurs, dérangé 
l'assiette première des bancs; mais ils n'ont point entièrement 
effacé le type de leur formation. 

Pour s'en assurer ici, il faut se transporter au pied de la 
carrière que les Romains avoient ouverte à mi-cóte de la 
montagne pour en extraire les matériaux destinés à la cóns- 
truction du vaste monument que le sénat fit ériger au nom du 
peuple à son empereur, sur la partie la plus élevée de cette 
montagne. 

Cette antique carrière est trés-remarquable par sa conser- 
vation , apres un laps de temps aussi considérable, ce qui peut 
tenir au climat, à la bonne qualité de la pierre, à la position 
de la carrière éloignée des villes, à son étendue et aux grands 
travaux qu'on y avoit pratiqués. Des blocs à peine ébauchés , 
des chapitaux esquissés, des troncons de colonnes du plus 
grand calibre, des colonnes entières et d'un seul jet, presque 
entierement terminées, gisent encore depuis plus de dix-huit 
cents ans au pied des excavations.d'oü ces masses colossales 
ont été tirées; il falloit nécessairement qu'on eüt formé à cette 
époque une route pour transporter ces pierres sur le haut de 
la montagne; mais il n'en existe plus aucune trace. 

‘La montagne de la Turbie, depuis la partie la plus élevée 
jusqu'au niveau de la mer, quoiqu'elle. paroisse tres-élevée, 
n'a que deux cent cinquante toises d'apres mes observations 
barométriques. 


199 ANNALES DU MUSÉUM 

Roquebrune est un village: construit en 'amphithéátre à 
quatre-vingts toises environ de hauteur; sur une montagne qui 
forme un des anneaux de la chaine qui s'attache par le pro- 
longement de sa base à la montagne de la Turbie. Ce village 
est situé entre Monaco et la petite ville de Menton, maisà trois 
quarts de lieue de distance de l'une et de l’autre de ces deux 
communes, en se détournant un peu sur la gauche. 

On arrive à Roquebrune par un chemin étroit, rapide et 
tortueux; des murs construits en pierre sèche forment divers 
shithéäèrés destinés à soutenir de petits terrains pierreux 
sur*lesquels croissent les plus superbes oliviers, et des carou- 
biers d'une si belle venue et tellement gros, que j'en ai me- 
suré quelques-uns qui avoient trois pieds de diamètre, et 
des rameaux proportionnés à leur grosseur ; particulièrement 
plusieurs de ceux qui appartiennent à M. Moutoni de Roque- 
brune, qui m'assura que lorsque le temps étoit favorable à 
l'époque de la floraison, il avoit des caroubiers qui produi- 
soient annuellément huit et même neuf cents livres pesant de 
siliques , dont la substance pulpeuse , succulente et sucrée , est 
une nourriture aussi excellente que profitable pour les mulets 
et pour les ánes dont on $e sert pour tous les transports dans 
le pays, et qui n'ont pas d'autre nourriture pendant une grande 
partie de l'année; cette production d'un arbre qui est indigène 
au pays, forme méme un objet de commerce. Les habitans 
des montagnes du Piémont viennent acheter des caroubes à 
Roquebrune et à Menton , pour les donner à leurs mulets, 
en remplacement de l'avoine, et ils les préfèrent à ce grain. 
On en transporte aussià Marseille. Les caroubes se vendent 
ordimairement de 4 liv. 10 sous à 5 fr. le cent pesant. - 

Les oliviers prosperent d'une maniére aussi étonnante, au 


D'HISTOIRE NATURELLE. 109 
milieu de -ce sol pierreux; et comine l'hiver ne les fait jamais 
périr, il y en a d'extrément gros et de trés-anciens , car cet 
arbre vit trés-long-temps. L'on cultive de préférence en fait d'o- 
liviers l'espéce ou plutôt la variété connue dans le pays sous le 
nom de pignore , parce qu'elle produit plus abondamment et 
plus constamment du fruit, et que l'huile qui en provient est 
en général trés-douce; elle seroit méme aussi parfaite que celle 
d'Aix de première qualité, si'elle étoit faite avec autant de soin. 

` (Un peu avant d'arriver à Roquebrune, on trouve de 
grandes couches de cailloux roulés, adossées contre le calcaire 
compacte qui leur sert de base. Ces pierres de transports, 
arrondies par lefrottement , et qui sont les témoins irrécusables 
d'une révolution désastreuse postérieure à la formation de la 
montagne sur laquelle elles reposent en grandes stratifications, 
sont étrangères à ces mêmes montagnes. Elles sont composées 
de pierres quartzeuses: communes, blanches et rougeátres; de 
quelques jaspes, de pierres calcaires de la nature du marbre, 
de schistes argileux noirs, de fragmens de stéatite mélés à du 
sable quartzeux et s'élèvent au-dessus du ‘village. 

Lorsqu’ onest arrivé à Roquebrune, o on ala mer en face et l'on 
voit à ses pieds la plaine étroite , mais longue, qui regne depuis 
Monaco jusqu'à Nice. Celle-ci est entierement couverte d'oli- 
viers , de caroubiers, decitroniers , de grenadiers, de figuiers , 
de mirthes, et des plus belles plantes des climats chauds : rien 
n'égale au printemps ou. en automne la richesse, la beauté, la 
variété et le charme de celieu , qui formela plus frappante et la 
plus heureuse opposition avec les hautes montagnes escarpées, 
arides et désertes, dont les sommets déchirés se perdent dans 
les nues, et dont les bases servent de borne et de rampart à 


200 ANNALES DU MUSEUM 
ce magnifique jardin, que l'aspect et le voisinage de la mer 
rendent plus pittoresque et plus brillant encore. 

Je ne conduisle voyageur géologue à Roquebrune que pour 
lengager à monter encore à une hauteur de cent quarante 
toises environ, au-dessus de ce lieu, par un sentier étroit et 
escarpé, qui sert de route aux pasteurs pour conduire leurs 
chèvres sur le plus haut de la montagne, dans le temps des 
chaleurs de l'été. C'est par là qu'on se rend à Monte-d Auro, 
nom donné à cette montagne, parce que le calcaire compacte 
dont elle est formée,.renferme quelques pyrites jaunes et 
brillantes qui ont une fausse apparence d'or ; mais ce sulfate 
de fer ne contient pas un atome de ce métal précieux. Ce 
n'est pas là ce qui doit y attirer l'attention du minéralogiste 
et du géologue , mais plusieurs filons de charbon fossile, de vé- 
ritable houille compacte, gisant au milieu des bancs calcaires, 
entre des couches argilleuses, qui forment le sommet es- 
carpé de cette montagne; il y a de ces filons qui pénètrent 
fort avant dans la montagne, jusque sur le plateau le plus 
élevé, où l'on en voit plusieurs affleuremens. 

J'avois autrefois visité cette mine à l'époque où M. le prince 
de Monaco avoit le projet de la faire exploiter. Le gouvernement 
français m'avoit chargé de l'examiner : je la fis attagger ; et l'on 
en retira, dans moins de huit jours, au moins quatre mille 
livres pesant de charbon dont on fit divers essais qui réus- 
. Sirent parfaitement. On peut le tirer en gros morceaux de 
vingt à quarante livres. Il brüle bien, et peut étre employé 
à faire bouillir des chaudiéres, à calciner la pierre à chaux, 
et à d'autres usages économiques; mais il est de espèce non 
colante, comme sont tous les charbons des pays calcaires, 
ce qui l'empéche de servir à l'usage des serruriers et des ma- 


D'HISTOIRE NATURELLE. 201 
réchaux. Mais malgré cet inconvénient et celui de son odeur, 
qui n'est point agréable, le charbon provenu de cette mine 
deviendroit une véritable richesse pour le pays dépourvu de 
bois à brüler, et tourneroit à l'avantage des villes et des villages 
qui bordent cette côte de la mer Ligurienne sifertileen oliviers , 
où, faute de combustible, on ne sauroit établir des y eap 
de savon pour: da consommation des huiles. 

On peut descendre de Roquebrune au cap Martin en se 
rendant d'abord sur la route publique de Menton, qu'il faut 
traverser pour se diriger vers la mer du. côté. äi Carnolet , 
ancien château du prince de Monaco. Le cap. Martin, qui 
forme un avancement dans la mer, appartenoit au méme 
prince qui soccupoit peu de l'embellissement de ce beau lieu 

où il venoit rarement. On peut. faire le -trajet de 2 ve 
brune au cap Martin dans une-henre environ. | 

Ce lieu mérite d'autant plus d'être visité par les his: 
qu'on peut y observer facilement un fait géologique qui wan- 
roit certainement pas échappé à Saussure, si, au lieu de 
suivre la route de Menton à Monaco ,le temps lui eût permis 
de se détourner pour visiter le cap Martin; et moi-même je 
n'aurois pas fait le premier l'observation intéressante, dont je 
parlerai bientôt, si, pendant un séjour de deux semaines que 
je is à Roquebrune, en 1784, je ne m'étois pas occupé à 
parcourir les environs de Monaco, de Menton , jusqu'au bord 
de la mer, ainsi que tout le cap Martin. 

C'est vers la partie méridionale de ce cap, qui limite la 
mer, qu'on doit se rendre pour observer l'organisation et la 
structure de cette pointe; celle-ci oppose dans cette partie une 
si grande résistance aux flots qui la frappent continuellement 

11. ' 27 


202 ANNALES DU MUSEUM 
depuis tant de siècles, qu'il faut nécessairement que cette base 
soit inébranlable. 

On se douteroit d'autant moins que ce cap, qui forme un 
avancement, dans la mer, et dont les contours sont d'environ 
rois quarts de lieue ; portátsur une base aussi solide, que son sol 
fertile est- couvert de bois de myrtes, de pins maritimes et 
autres arbres et arbustes de la plus belle venue; ce qui sup- 
pose une terre profonde, une terre d'alluvion peu susceptible 
de résistance: mais lorsqu'on est parvenu vers la partie mé- 
ridionale du: cap} au bord de l'escarpement contre lequel là 
mer: brise'au moindre vent, Ton reconnoit que le cap entier 
est assis sur des bancs inébranlables d'un véritable marbre 
blanc, qui doivent dad ap; et se Pope forc avant sous 
toute cette langue de terre: 

C’est ce marbre blanc, ce sont ses diverses assises qu'on voit 
à nu dans cette partie escarpée , qui permettent au géologue de 
distinguer et de reconnoitre l'organisation particulière et lori- 
‘gine curieuse de ce genre de pierre calcaire, dont le système 
de. formation diffère ici des stratifications calcaires ordinaires 
dues aux sédimens tenus en dissolution, ou — dans 
les eaux de la mer à une époque ancienne. 

En effet, en observant pour la p fois la digni 
des couches de niarbre du cap Martin , j'en apercevois quel- 
ques-unes dont le marbre salin me paroissoit si beau, que je 
crus qu'on pourroit en tirer parti.pour les arts; ce fut dans 
€ette intention que j'en fis casser , et que j'en cassai moi-même 
d'assez gros morceaux pour les faire polir, lorsque je re- 
connus. bape: pire de ces couches offroient des restes d'or- 


g de madrépores que je n'avois point i ene au pre- 


D'HISTOIRE NATURELLE. 203 
mier abord, parce que ce marbre étant à grains salins brillans, 
son éclat, la demi-transparence et l'uniformité de sa couleur 
effaçoient en partie les rayons cellulaires des astroites et des 
autres masses madréporiques. qui avoient donné naissance 
à cette pierre. Il est bien important, de considérer que .ce 
ne sont point.ici des niadrépores qui ont été saisis par. des 
sédimens calcaires, à la manière de certaines coquilles, à 
l'époque de la formation des bancs, mais des madrépores que 
les polypes ont construits: danses «mêmes places où on les 
voit. à présent, à une époque. où tout le continent étoit sous 
les eaux de la mer, et sous une latitude. assez ‘chaude, pour 
permettre à ces polypes d'y vivre et de s'y propager avec la 
méme activité. et la, méme puissance.productive, que ceux qui 
font à présent notre. étonnement et notre. admiration,dans les 


mets de la zone Torride; car aucuns.des.madrépores pétrifiés 
du cap Martin n'appartiennent à la met: Méditerranée, |... 


Ceux. qui , comme Forster, Labillardiere et Péron; ont 
fait dans leurs voyages de long cours des observations suivies 
sur l'étonnante fécondité et.sur les travaux plus étonnans en- 
core de-ces animalcules qui encombrent le: fond de certaines 
mers de leurs productions pierreuses, sayent qu'ils y mettent 
non-seulement une. grande régularité, mais qu'ils y procèdent 
en quelque sorte sur.;un plan ,uniforme, et. sur des espaces 
d'une grande étendue. ao edlduab dérodissrior. CS 

M. Péron nous a fait copnoitre surtout. un, fait aussi re- 
marquable. qu'instructif , quil a été à portée de suivre : et 
d'étudier: pendant son séjour à lile de Timor. Je voudrois 
pouvoir rapporter ce. qu'il. a écrit à ce sujet, si les bornes 
de ce Mémoire le permettoient; je me contenterai. donc. d'en 
citer ici quelques passages. « La, grandeile de Timor présente 

3 


5:401) ^ « 


204 SANNALES DU MUSEUM 
» un champ vaste et imposant aux observations sur les 2002 
5 phites. C'est là que tout atteste et leur pouvoir et les révo- 
ÿ lations opérées dans la nature, sur le sommet des mon- 
» tagnes les las élevées des environs de Coupang; on les 
» rétrouve, on les récontioit aisément dans les cavernes les 
» plus profondes, dans les crevasses les plus larges: ils offrent 
» encore un tissu et des caracteres qu'on ne sauroit mécon- 
» noitre.;. Or óbserve la même composition à Oba , Lassiana , 
š Menicki, Noëbaki, Oébello, Olinama...... Ce large platea 
# jui: dormie toute éette ‘portion ‘de Bonn: est; entiérenient 
» composé lüi-même de matières madréporiques. » 
L'identité de ces madrépores et des coquilles qu'on y trouve 
renfermées à plus de quinze et de dix-huit cents pieds au-dessus 
du niveau dë lat mér qui baigne le pied de Timor, , est la 
mêri que’ celle des espèces qu'on trouve à ineat dans 
cette nier; aussi M. Péron ajoute : 
e Ce n'est Pas seulement dans cet état de mort ou dore 
» que les zoophites à Timor doivent exciter l'admiration et 
» l'intéréts vivans, ils y encombrent le fond dé la mer ; ils 
» élevent dini da baie de Babao les récifs et: les iles : auia 
5 aux tórtues (Kéapoutoù); celle aux oiseaux (Bonrou poulou); 
» celle aux singes ( Côdé pouloü), sont. exclusivement leur 
i oüsràge. "De longues trainees de récifs parties-de Ia pointe 
» de Simaó  rétrécissent de plus en plas l'ouverture de la 
» Baié sür cé pointi ees récifs rendéit inabórdables les côtés de 
+ Futoumd dë Soulumd ils pressent lés attérissemens sur 
# tous lés points. Déjà, dà côté d' Osapa , lon peut; à her 
# basse, $ 'aVandér à plus de'trois quarts de lieue sur le ri- 
» vage: eh dé abandonné par les flots. C'est là qu'avec un 
». ‘étoniémenit télé d'admiration, l'ón peut jouir à son aise da 


D'HISTOIRE NATURELLE. 205 
» spectacle merveilleux de ces milliers d'animalcules eones 
» sans cesse de la formation des rochers sur lesquels on s'avante. 
» Tous les genres à la fois sont réunis aux pieds de l'obser- 
» vateur : ils se pressent autour de lui; leurs formes bizarres 
» et singulières , les modifications diverses de leurs couleurs, 
» celles de leur organisation, de leur structure appellent tour- 
» à-tour ses regards et ses méditations; et lorsqu'armé d'une 
» forte loupe, il vient à contempler ces êtres si foibles, z/ 2 peine 
» à concevoir comment, par des moyens aussi petits en 
» apparence , la nature a pu élever du fond des mers ces 
vastes plateaux de montagnes qui se prolongent sur la 
surface de lile, et qui paroissent former sa substance 
» presque entière (1). » 

En étudiant le cap Martin sur ses divers points et dans les 
contours des escarpemens mis à nu par la mer à différentes 
“hauteurs, on ne peut se dispenser d'admettre qu'il n'ait eu 
une origine analogue à celle des montagnes madréporiques 
de Timor; ón peut y suivre toutes les nuances de transitions 
-que les madrépóres, dont le cap est formé, ont éprouvé par 
l'action de l'air, de la chaleur, du froid , par l'action dissol- 
vante des eaux atmosphériques, ou par la réunion de ces 
diverses causes agissant lentement , mais constamment, pen- 
dant des suites nombreuses de siècles : de manière qu'on voit 
encore de ces madréporcs dans un état complet de pétrifi- 
"cation, dont on peut trés-bien distinguer les genres et lés 
-espèces , tandis que d’autres ne conservent plus que de foibles 


* 


€ 


(1) Mémoire lu, le 5o vendémiaire an x11, à la classe des sciences physiques et 
mathématiques de l'Institut, par M. Péron, naturaliste de l'expédition des dernières 
décovvertes faites aux Terres Aust 


206 ANNALES DU MUSÉUM 

ébanches de leur organisation, et qu'on voit celle-ci s'effacer 
graduellement et par place; en sorte qu'on arrive insensi- 
blement au point où l'on ne voit plus que des masses homo- 
genes de la nature du marbre. J'ai dans ma collection. de 
belles suites de ces transitions qui démontrent jusqu'àl'évidence 
ce passage, ou plutôt cette modification dans la disposition 
des molécules calcaires tenues en dissolution par le fluide 
aqueux, et réunies à la longue, par le rapprochement et par 
une adhésion plus intime, sous la forme de marbre spathique 
salin. 

Ce fait, digue de fixer l'attention des minéralogistes géo- 
logues , et dontl'i importance fera.excuser la longueur de cetar- 
ticle, pourra, lorsqu'on l'aura observé et bien étudié en place , 
et surtout lorsqu'il sera appuyé d'un grand nombre d'exemples, 
jeter un nouveau jour sur. quelques-uns de ces vastes dépôts 
de marbres salins, tels que ceux de Cararre et de diverses 
parties de la Grèce et des iles adjacentes, où l'arrangement et 
la disposition des masses présentent des différences sensibles 
avec les stratifications diverses et successives des bancs calc 
caires ordinaires. | 

Ce calcaire d'origine madréporique cesseroit se d'induire 
en erreur des minéralogues sédentaires qui , n'ayant point été à 
portée d'observer la nature en place, ont plus d'une fois qualifié du 
nom de calcaire primitif quelques-uns de ces marbres salins qui 
portent encore , dans certaines parties, les caractères les moins 
équivoques de leur origine moderne, surtout si on les com- 
pare aux marbres cypolins et autres de ce genre, qui gisent 
dans les montagnes granitiques, et qui datent d'une époque 
mille fois plus ancienne, mais dont la formation, malgré 
cela, n'en est pas plus primitive que celle des marbres dont 


D'HISTOIRE NATURELLE. 207 
je viens de faire mention, puisque nous ne les voyons que dans 
un état de cristallisation au milieu des roches composées, 
qui ne sont elles-mêmes que le résultat d’une cause dissol- 
vante et cristallisante qui a dù effacer toutes les formes pri- 
mordiales de ces mêmes corps (1). - 

On arrive du cap Martin à Menton par une route déli- 
cieuse, au milieu des oliviers et surtout des plus belles plan- 
tations de citroniers, qui forment le principal produit de l'in- 
dustrie territoriale des habitans. Ils préfèrent cette culture à 
celle des orangers et des cédrats, dont ils n'ont qu'une petite 
quantité. On fait usage de puits à roues, trés-multipliés, pour 
obtenir leau nécessaire pour les arrosages qui sont dirigés 
avec beaucoup d'art. Comme l'eau est indispensable pour cette 
culture, elle est recherchée avec une attention dont on ne 
sauroit se former une idée qu'en voyant les travaux et les 
fouilles considérables qu'on est obligé de faire pour s'en pro- 
curer, etl'attention avec laquelle on s'attache à recueillir dans 
des citernes celle qui tonibe de l'atmosphére, ou qu'on retient 
par des digues au pied des montagnes Me QM qui bordent 
cette plaine étroite. 

On distingue plusieurs variétés de citrons; mais la silere; 
la plus recherchée, et à laquelle on donne la préférence, est 
celle qui porte sur les lieux le nom de beignzet : sa couleur 
est d'un jaune brillant, son enveloppe est ine; son suc est 
abondant, et le fruit se conserve long-temps. 

La première récolte des citrons commence ordinairement 


(1) Je renvoie, pour ce que j'ai dit à ce sujet, à la page 8 et suivantes d. tome 
II des Essais de géologie, où j'ai développé les raisons -qui mont déterminé à ne 
pas considérer ce calcaire comme primitif, quoiqu'il se trouve au milieu des granits, 
que je ne regarde pas comme primitifs eux-mêmes. 


208 ANNALES DU MUSEUM 
vers le 21 du mois de novembre, et dure jusqu'au 21 du mois 
de mars; car tous ne mürissent pas en méme temps. Cette 
premiere cueillette porte le nom de prima fiore, citrons de 
première fleur : ce sont les plus parfaits et qui supportent le 
mieux le riso RE i 
Ceux qu'on récolte depuis le 21 du mois de mars jusqu'au 
21 du mois de-juin s'appellent secunda fiore, fruits de se- 
conde fleur; ils sont considérés comme bons, mais un peu in- 
férieurs pour la qualité aux premiers. j 
Enfin il s'en recueille encore depuis le 21 du mois de juin 
jusqu'au 21 du mois de septembre, qui portent le nom de 
verdame 
Un magistrat choisi à Monaco, un second à Roquebrune; 
et un troisième à Menton, se réunissent au commencement 
de chaque récolte pour fixer le prix général des citrons, en 
raison de leur plus ou moins grande abondance et de leur 
qualité. On ne les vend que par milliers, et pour qu'un citron 
soit marchand, il faut qu'il ait deux pouces de diamétre dans 
son milieu; pour s'en assurer, les particuliers ont tous un 
anneau de fer fixé à un manche du méme métal. Cette jauge 
ne fait foi qu'autant qu'elle a été vériliée et approuvée par 
les maguet. Tous les citrons de moindre grosseur sont des- 
tinés à être capes; le suc est renfermé dans des tonneaux 
qu’on envoie à Lyon pour être employé à revivifier la belle 
couleur rose tirée du safranum. Les écorces de ces citrons, 
dont on exprime le suc, servent à que de l'huile essen- 
uelle, qui se vend à Paris, à Nice et à Grace pour la par- 
fumerie. 
L'auberge où nous tipos dans ce dernier voyage fait 
avec M. Marzzari, porte le nom dela Galére ; ce nom lui con- 


D'HISTOIRE NATURELLE. 209 
vient sous tous les rapports: mauvaise nourriture, malpro- 
preté , cherté, logement horrible, tout est à l'avenant dans ce 
mauvais gite où les muléts ne sont pas mieux. que les maîtres. 

En quittant Menton pour se rendre à Vintimille, qui est à 
une distance de deux lieues qu'on ne sauroit parcourir en 
moins de quatre heures, on se trouve tout-à-coup arrêté par 
des montagnes élevées qui se prolongent jusqu'au bord de 
la mer, barrent le passage, et ne laissent apercevoir aucune 
issue pour en sortir. Il ne reste d'autre ressource pour com- 
muniquer par la ligne la moins détournée que d'escalader, par 
un sentier étroit et rapide qui porte dans le pays le nom 
de chemin,la montagne élevée qui domine au-dessus de 
la mer. | 

Lorsqu'on est arrivé vers les deux tiers de la hauteur de 
cette montagne , ou plutót de cette chaine élevée, on marche 
sur les saillies qui sont au-dessus de la mer, et on les suit 
tantôt en lignes droites, tantôt par des .sinuosités; mais tou- 
jours au bord d'un abime d'autant. plus redoutable, que la 
route est très-étroite , que la mer brise et mugit au bas de ces 
horribles profondeurs, vers la droite, et que la partie gauche 
du sentier est non moins dangereuse par les plans inclinés 
et rapides qui la resserrent et supportent des masses énormes 
de pierres descendues du haut. Ces masses mobiles portent 
sur des bases si glissantes et si peu assurées, qu'il est dange- 
reux d'y étre surpris par des orages. Telle est l'image exacte 
d'une route qui, depuis Menton jusqu'à peu de distance de 
Génes, se présente presque continuellement sous le méme 
aspect, à quelques modifications près. 

Il ne faut donc point étre surpris qu'elle ait porté de tous 
les temps le nom de chemin de la Corniche. 

11. : 28 


210 ANNALES DU MUSEUM 

Toutes les montagnes présentent ici, pendant trois quarts 
de liene, le même caractère de déplacement, de destruction 
et de désordre, qui s'observe dans Fles de Nice, de Ville- 
france et de Roquebrune. Les bancs calcaires sont dans un 
état de disruption; de vastes trainées de bréches et de pou- 
dingues, dort la plupart des pierres sont étrangères à celles 
de ces montagnes, gisent tantót sur les sommets, tantót sont 
adossées contre les bases; des marnes schisteuses, des bancs 
dé grès quartzeux leur succèdent pour faire place ensuite à de 
nouveaux amas de pierres roulées. 

On quitte cesol bouleversé, et l'on arrive en descendant au 
pied d'un vaste rocher de pierre calcaire, coupé à pic, où le 
chemin n'est plus élevé que de deux cents pieds énviron au- 
dessus de la mer , et va en s'abaissant à mesurequ'on avance. Ce 
rocher calcaire, qui esttrès-élevé et dressé comme un mur , est 
d'un gris-blanchátre , à cassure un peu écailleuse, dure ,trans- 
lucidesur les bords ,et susceptible de recevoir le poli. Sa surface 
extérieure est rougie dans quelques places par de loxide de 
fé, qui paroit provenir de la décomposition des pyrites que 
cette pierre renferme plus ou moins abondamment dans quel- 
ques parties. ` : 

Il est bon de s'arréter en face de ce rocher pour vérifier 
un fait annoncé par Saussure , qui serviroit à constater l'abais- 
sement des eaux de cetté mer d'environ deux cents pieds, si 

les conséquences qu'il tire de ses observations étoient ap- 
payées sur des bases incontestables. 

« Je désirois depuis long-temps, dit ce célèbre naturaliste, 
» de trouver au bord de la mer quelque rocher de ce genre 
» sur lequel l'impression des flots eüt pu se conserver, au 
» cas qu'anciennement ils l'eussent battu à une hauteur su- 


- 


D'HISTOIRE NATURELLE. 214 
» périeure à celle du niveau actuel; je. l'observai avec toute 
» l'attention dont je suis capable (1 y, n 
En suivant le pied de ce rocher, M. de Saussure vit (cete 
cavernes ouvertes , les unes à la hauteur de soixante-dix pieds, 
d'autres moins élevées, et d'autres enfin qui étoient à plus de 
deux cents pieds de hauteur au-dessus du niveau de la mer. 
Il en mesura une qui a ving-cinq pieds de bauteur , sur vingt- 
deux de largeur , dont la profondeur est d'environ cent pieds, 
et dont les parois intérieures sont partout arrondies; une 
seconde, dont le diametre, mesuré dans la partie qui lui 
correspond au bas, est d'environ cent pieds, et dont le haut, 
dit M. de Saussure, a [a forme d'une voúte où l'on croit 
voir encore les traces des ondes qui paroissent lavoir 
formée. 
...« Plus loin encore, on rencontre une troisième cayerne plus 
» large, mais non moins profonde que les deux premieres, 
» et. parsemée comme elles d'excavations arrondies. Ensuite 
» une quatrième fort évasée et peu profonde; puis une cin- 
» quième d'environ cinquante pieds de profondeur , sur trente- 
» cinq à amarante: d'ouverture. je; me lassai de les com- 
» pter; mais j'en vis d'autres tes semblables aux pre- 
» miéres, et méme jusqu'au haut da rocher, à une élévation 
» de plus de deux cents pieds. 
» Comme toutes ces excavations ont par le haut la forme 
» de voûtes solides, qu'elles sont dépourvues de toute ouver- 
» ture intérieure, et creusées sur la face verticale, et même 
» surplombante d'un roc sain aussi dur que le marbre, elles 
» ne sauroient être l'ouvrage des eaux pluviales. J'examinai 


(1) Voyage dans les Alpes, par Horace Bénédict de Saussure , t. III , p. 185 etsuiv. 
28 * 


212 ANNALES DU MUSEUM 


» avec le plus grand soin la surface intérieure de toutes celles 
» qui étoient accessibles; pour voir si je ne trouverois point 
» quelqu'indice qui prouvát que la substance du rocher se füt 
» trouvée plus molle, plus destructible par place, et eüt ainsi 
» donné lieu à la formation spontanée de ces cavités; je la 
» sondai en divers endroits avec le marteau, mais je trouvai 
» partout le rocher également dur et homogène. Je brisai 
» méme plusieurs pieces de ce méme rocher, sans pouvoir y 
» découvrir aucun mélange d'une matière plus tendre.» . 

M. de Saussure nous a dit qu'il se lassa de compter ces 
cavernes; comme j'étois moins pressé que lui par. le temps , et 
surtout que je n'étois pas inquiété par la pluie, comme il le fut 
dans cette dure traversée, j'eus la patience de les compter , et je 
trouvai que dans l'espace de quinze cents toises environ qu'oc- 
cupe la roche calcaire, compacte et escarpée qui borde la 
route, il en existe dix-sept à des hauteurs différentes et à des 
distances inégales. 

Tout ce que le célèbre naturaliste de Genève a dit de la 
grandeur, de la forme extérieure et intérieure des cavérnes 
dont il a fait mention, est certainement : trés-exact; mais les. 
conséquences qu'il en tire de abaissement des eaux ; depuis. 
les: places qu'elles occupent jusqu'au niveau actuel de la mer ; 
ne me paroissent pas, j'ose le dire, apparis sur ka résultats 
assez démonstratifs. 

Ce n’est pas que piaia me- poet ces la-dimi- 
nution insensible des eaux de la mer, quoiqu'elle soit à peine - 
sensible dans le laps de plusieurs siècles, la multitude innom- 
brabie d'étres animés de tous genres et de toutes especes qui 
vivent dans son sein, jouissent trop évidemment, ainsi que 
les plantes, de la faculté de décomposer ses principes cons- 


D'HISTOIRE NATURELLE. 213 
titutifs, pour que cette seule cause passée et présente ait pu 
suffire à elle seule pour opérer à la longue cette diminution. 
D'autres agens physiques y concourent encore: les vapeurs 
aqueuses élevées de ces mers, et portées sous forme de nuages 
à de grandes distances , reprises ensuite par les végétaux ter- 
restres , éprouvent le méme changement; les météores, les 
orages et autres résultats de l'électricité peuvent donner lieu 

à la séparation de l'oxigene et de l'hydrogène qui forment les 
principes élémentaires de l'eau. 

Je ne revoque donc point en doute que dans l'état actuel 
des choses, le volume des eaux ne diminue et n'ait considé- 
rablement diminué relativement à l'antiquité de ce méme état ; 
mais après avoir examiné avec soin ces cavernes, leur position, 
leur nombre, l'intérieur de celles qui sont accessibles, je ne 
crois pas qu'elles puissent étre considérées comme des témoins 
irrécusables de la diminution des eaux de la Méditerranée, 
et qu'elles aient été creusées par cette mer à l'époque où son 
niveau s'élevoit à cette hauteur. En voici les raisons. 

e. Pourquoi cesexcavations ne se voient-elles que pär places? 
M. de Saussure s'est fait à la vérité cette objection ; mais il ime 
semble qu'il n'a. pas répondu d'une manière bien satisfaisante, 
en disant que quelques inégalités accidentelles suffisent pour 
déterminer le commencement d'une érosion. 

2." Mais si cela étoit ainsi, pourquoi les rochers lenitas 
qui. bordent la même côte à une certaine distance de là, et 
qui ont une pâte et une dureté analogues à ceux-ci, n'ont- 
ils aucunes cavernes? pourquoi ceux de Monaco, Aiza , de 
Villefranche,.etc., n'ont-ils pas‘ les mêmes excavations ? 

3.° Pourquoi la dernière de ces cavernes, lorsqu'on va de 
Menton à Vintimille, et formant la première, lorsqu'on vient 


214 ANNALES DU MUSÉUM 

de Vintimille à Menton, est-elle plutót une vaste et profonde fis- 
süre qu'une caverne? car elle décrit une ligne inclinée du 
haut en bas,trés-étroite comparativement à sa longueur ; elle 
ne devroit pas avoir une forme semblable, si elle étoit le ré- 
sultat d'une excavation opérée par Faction uniforme des 
vagues. 

4.* Les bancs considérables de cailloux rosé qui consti- 
tuent les poudingues qu'on trouve depuis Cimies, Nice, la 
Turbie , Roquebrune , qu'on perd et qu'on retrouve en- 
suite à différentes hauteurs sur la Corniche, jusqu'à Génes et 
bien au-delà, ne sont-ils pas des témoignages mulupliés et 
caractéristiques d'une grande catastrophe du globe, qui a 
donné lieu à l'élévation et aux déplacemens subits du grand 
Océan qui a brisé ses barriéres vers le détroit de Gibraltar; 
et a donné naissance, par son envahissement dans les terres, 

à la mer Méditerranée ? 

- 8? D'après cela, n'est-il pas plus naturel de lier le fait relatif 
aux cavernes à cette cause désastrueuse, qu'à une opération 
lente, graduelle, que de longues accumulations de siècles 
laissent à peine apercevoir, et qui nécessiteroit un- éloigne- 
ment si reculé, que la dent rongeuse du temps auroit en- 
tièrement effacé jusqu'aux. dernières traces de ces cavernes. 

La révolution dont il s'agit porte des caractères beaucoup 
moins anciens : les bréches osseuses et coquilleres, les longues 
trainées de poudingues et de cailloux roulés, la disruption et 
le déplacement de la plupart des bancs qui constituent. cette 
chaine, attestent suffisamment ce que j'avance ici. 

Les Alpes de cette partie de la Ligarie, appuyées contre 
les hautes Alpes qui leur servent de soutien , ont résisté à cette 
terrible catastrophe; mais tous les premiers plans, je dirois 


D'HISTOIRE NATURELLE. 215 
presque les avant-postes , et les secondes lignes , ont été cul- 
butées et détruites. La grande excavation qui a formé le 
vaste golfe de la mer Ligurienne, dont le point central est 
vers le port de Génes, caractérise l'empiéternent de la mer 
qui a enlevé et détruit tout ce qui manque à cette chaine, et 
a séparé peut-étre la Corse et la Sardaigne du continent dont 
ces iles paroissent avoir fait partie. 

D'aprés cela, les cavernes qui ont donné lieu à l'examen 
attentif de Saussure, à ses méditations et aux conséquences 
qu’il en a tirées , ne seroient à mes yeux que le résultat des cou- 
pures et des grands déchiremens qui eurent lieu dans des 
montagnes calcaires qui, semblables à celles que nous con- 
noissons, ont dans leur sein des cavernes qui leur sont con- 
tenons ; et ce sont les restes de ces excavations qui ont 
été mises à découvert ici. 

Les montagnes d'eau qui ont és —— peuvent 
bien s'étre engouffrées dans ces vides et y avoir produit quel- 
ques érosions passagères ; mais les restes de ces cavernes cen- 
trales n'ont point été formées contre les escarpemens mémes 
où on les voit, par une mer stationnaire dont les vagues les 
auroient sillonnées, etje ne saurois les considérer comme 
des témoins fidèles qui attestent la diminution et l'abaissement 
lent de la mer, depuis la hauteur où elles sont placées ^t 
qu'à son niveau actuel. 

Ce n'est certainement ni par esprit de critique, ni pour éla= 
bliruneopinion contraire à celle de Saussure, que je suis entré 
dans cette discussion ; j personne , dans tous ies temps, n'a rendu 
plus de justice que moi aux profonde connoissances de ce sa- 
vant et infatigable géologne; mais j'ai eu P de temps à ma 
disposition pour observer les lieux : je n'ai été ni avare de 


Pd 


216 ANNALES DU MUSEUM 
mes pas, ni je n'ai été rebuté par les peines qu'il a fallu 
prendre pour étudier avec soin la structure et l'organisation 
de cette longue chaine de montagnes escarpées , puisque j'avois 
pris cette route dans cette intention, particulièrement pour 
vérifier l'observation de Saussure, qui m'avoit singulierement 
frappée à la première lecture de son voyage. Les conclusions 
que jai tirées de l'exameu des cavernes dont il s'agit, si je 
ne me. suis pas trompé , quoique contraires à celles de cet il- 
lustre naturaliste, ne.le sont pas sur tous les points, puisque 
jattribue. à un déplacement. dévastateur et subit de la mer le 
déchirement de ces montagnes, et que je rentre par là dans 
les vues qu'il a si souvent énoncées, d'un déplacement analogue 
auquel il a constamment donné le nom de Grande débacle. 
. Après avoir quitté les escarpemens calcaires où sont les 
dernieres cavernés, la nature des pierres change; la Corniche 
est assise sur des grés quartzeux, tendres, mélangés quelque- 
fois d'un. peu d'argile et de calcaires, ce qui rend la route 
peu solide et sujette à de fréquentes avaries. Cette route, qui 
se trouve au bord d’un abime effrayant, est tout-à-coup in- 
terceptée par des couches plus solides qui forment un avant- 
corps qu'on est obligé de tourner dans un passage si étroit, 
qu'on a été dans le cas d'y établir un mauvais échafaudage qui 
forme une sorte de petit pont en l'air, qui tremble sous les 
pieds des mulets. Rien n’est aussi sauvage qne cette route qui 
porte le nom de Baussi-Rossi, 

Lorsqu'on a franchi ce mauvais pas, la.roche cades de 
couleur et de nature: c'est un calcaire coquillier, mélangé de 
madrépores de diverses espèces. Ce calcaire est irés-dur; sa 
couleur est d'un gris-foncé , un peu verdâtre. Les corps marins 
pétrifiés qu'il renferme, sont de couleur blanche, bien tran- 


D'HISTOIRE NATURELLE. 217 


chante sur le fond de la pierre, qui pourroit étre employée 
comme un marbre /umachelle. Saussure n'a point fait men- 
tion de ce calcaire coquillier qui borde le chemin dans cette 
partie de la Corniche; mais il ne faut pas en être étonné: la 
route où il passa avoit été emportée, et elle cachoit le banc 
qu'ón attaquoit-en faisant jouer la mine pour établir une 
voie plus solide et qui ne fùt plus sujette aux éboulemens. 

Quant aux corps marins renfermés dans cette pierre cal- 

caire dure, ils y sont si fortement attachés qu'on ne sauroit 
les séparer sans les rompre. D'ailleurs, la pétrification a. effacé 
presque tous leurs caractères ; ce qui ne sauroit permettre d'en 
déterminer avec certitude les espèces. On y reconnoit en 
général quelques cardites, des pectinites, des mitulites , des 
tubulites et des madrépores fongites de diverses espèces. 
. Ce banc coquillier n'est en évidence ici que dans une étendue 
de cinquante pieds de largeur environ, sur une épaisseur de 
huit, du moins dans ce qui est apparent. La pierre calcaire 
blanchátre ordinaire, si commune sur la Corniche, lui suc- 
cède sans transition, et celle-ci est dépourvue de corps ma- 
rins. On est irès-peu éloigné alors d'44/essano, hameau 
composé de quelques maisons. 

On arrive ensuite sur une corniche élevée, d'autant plus 
effrayante , qu'on est sur un terrain marneux peu solide, et 
au bord d'un escarpement affreux. Ce passage n'est pas sans 
danger ; car on me fit voir l'endroit où le mulet qui portoit le 
courier d'Espagne se précipita un an auparavant. Le mulet 
resta sur le coup: l’on voyoit encore son squelette brisé dans 
un creux de rocher, à plus de deux cent cinquante pieds de 
profondeur, au bord de la mer. Le malheureux courier, qui 
w’étoit pas mort , fut retiré avec des peines extrêmes de cet 

Ii 29 


218 ANNALES DU MUSÉUM 

abime; on le transporta à Menton où il succomba au bout 
de trois jours. On me fit voir, à quelques distances de-là, les 
restes d'un cheval appartenant au maitre de poste de Nice, 
qui avoit péri de la méme manière; mais celui qui le montoit 
avoit heureusement pour lui mis pied à terre un quart d'heure 
avant d'arriver à Vintimille. La route étroite de la Corniche 
est à côté des bancs épais d'un poudingue trés-dur , dont les 
pierres roulées sont étrangères à celles des montagnes voisines, 
Ce poudingue, disposé en plusieurs bancs horizontaux, ren- 
ferme des pierres calcaires dures, d'un gris foncé noirátre, 
des quartz et des silex arrondis: j'y vis un morceau de granit 
roulé, de la grosseur du poing. C'est ainsi qu'on arrive à 
Vintimille, ville ancienne, située sur une élévation, et entourée 
de murailles et de vieilles tours : l'on peut voir en descendant 
jusqu'à la mer, que les poudingues ont pour base un sable 
mélé d'argile, formant des falaises que la mer a vd en 
partie. 

L'auberge du Cerf à Vintimille est aussi malpropre et aussi 
mauvaise que celle dela Ga/ére à Menton; nous la quittámes 
au point du jour pour prendre la route de la Bordighera. 

On descend de Vintimille jusqu'au bord de lariviere de la 
Roya, qui est au bas de la ville, par un chemin au milieu 
des rochers escarpés, composés de sable quartzeux peu adhé- 
rent, mélangé de calcaire et d'un peu d'argile dont les bancs 
alternent avec des bréches et des poudingues. On traverse la 
Roya sur un mauvais pont, et l'on entre dans la riche plaine 
de JVerei di ponente, plantée des plus nombreux et des plus 
superbes oliviers, et arrosée par les eaux de la Roya. Rien 
n'est aussi riche , aussi fertile et aussi bien abrité que ce beau 
pays. Je n'oublierai point d'y avoir vu, à peu de distance 


D'HISTOIRE NATURELLE. 219 
de la Bordighera, un champ d’oliviers de la plus grande élé- 
vation et de la plus belle venue, sous lesquels étoit une plan- 
tation de citroniers chargés de fruits, arrosée par un petit 
ruisseau qui répandoit une si douce fraicheur, et donnoit une 
si forte vie à la végétation, que ces arbres, loin de se nuire, 
sembloient se disputer de force et de vigueur sous le brillant 
soleil qui les animoit. Je doute qu'on puisse citer beaucoup 
d'exemples en ce genre. 

Ce beau site est terminé par une élévation dont la pente 
arrive brusquement jusqu’au bord de la mer ; cette éminence 
est couverte d'habitations qui s'élèvent au milieu des palmiers. 
On est au pied de la petite ville dela Bordighera; mais l'on 
se croit presque en Afrique, car ces arbres sont si robustes, 
si óléndqun et si nombreux, qu'ils prospérent ici comme dans 
matale. C'est l'espèce qui porte les dattes : mais on 
| ve pas pour les fruits. Les belles palmes qu'on ob- 
tient sont- déstinées pour étre envoyées à Rome et dans 
d'autres villes d'Italie pour les cérémonies de la fête des 
Rameaux. Les Juifs.s'en approvisionnent aussi pour le méme 
but. Cette culture forme un objet de commerce avantageux 
pour les habitans de la Bordighera. On ne livre ces palmes 
au commerce qu'apres les avoir blanchies ; et voici en quoi 

consiste ce procédé. Lorsque les feuilles des palmiers ont 
acquis leur plus grand. accroissement, on ne les coupe point 
encore , mais on les redresse les unes contre les autres , et l'on 
en firme une touffe pyramidale qu'on lie vers la pointeavec des 
osiers flexibles afia de les priver de l'action de l'air et de la 
lumière; on les laisse en cet état pendant quelque temps, et 
lorsque celles qui sont en dedans ont perdu leur couleur , on 

39* 


220 ANNALES DU MUSÉU M 
les coupe, et l'arbre est remis en liberté pour pousser de 
nouvelles feuilles. 

A ces belles cultures de palmiers, on voit succéder des 
plantations. d'oliviers, de caroubiers et de citroniers qui 
couvrent la plupart des coteaux jusqu'à Ospitaletti. Après avoir 
quitté ce dernier village, il faut traverser par de mauvais 
chemins une montagne formée tantôt de bancs calcaires, 
tantôt de couches de grès, quelquefois de brèches calcaires, 
et l’on arrive d'Ospitaletti à Saint-Remo dans une heure. 

On compte de .Saint- Remo à Oneille quinze milles ou 

cinq lieues et demie. Les environs de Saint-Remo sont aussi 
agréables que productifs. C'est une suite de jardins où l'on voit 
encore des palmiers, mais surtout un grand nombre d'orangers 
et de citroniers. On y distille beaucoup d'eau de fleur fringe 
et de l'essence de citron; mais ce tableau riant disparoit | 

tôt : des grèves tristes et arides lui succèdent. On monté? 
sur des montagnes calcaires, en partie détruites, pour rentrer 
sur une corniche étroite, mal affermie et déserte. Nous la 
parcourions tristement à pied, sans y voir le moindre objet 


qui püt nous intéresser , lorsqu'arrivé à quelque distance d'un 
oratoire qui porte le nom de Madona della Rea, un quart 
d'heure apres Saint-Stefano , japercus des bancs épais d'une 
pierre marneuse , dure , d'un gris foncé, qui bordent la partie 
gauche de la route. En les examinant de près, je reconnus 
qu'ils étoient recouverts d'empreintes de diverses espèces de 
fucus: j'en détachai plusieurs échantillons à coups de marteau; 
et quoique les couches parussent fort solides, la percussion 
les faisoit partir en plaques d'un pouce d'épaisseur environ, 
tantót plus, tantót moins. Le plus souvent les fucus se trou- 


y 


D'HISTOIRE NATURELLE. 221 
voient dans les joints horizontaux, et étoient très-adhérentes 
à la pierre qui est assez dure pour recevoir le poli ; mais elle 
ne se dissout qu'en partie dans l'acide nitrique. Ces empreintes 
de plantes marines sont aussi dans la masse de la pierre. Parmi 
plusieurs de ces fucus dont on ne sauroit déterminer avec 
certitude les espèces, il y en a deux qui ont le: plus grand 
rapport avec le fucus plumejus, Turner, et le fucus co- 
ranoides du même auteur. Etant à Gênes , je fis voir ces fucus 
au professeur Viviani, célèbre botaniste, et trés-instruit en 
méme temps dans la connoissance des productions marines, 
et il fut d'avis que ces fucus fossiles étoient les mémes que 
les deux espèces ci-dessus désignées, qu'on trouve dans la mer 
Ligurienne. Il voulut bien joindre à ses observations les deux 
individus analogues, en écrivant au bas quil les considéroit 
absolument comme les mémes. Saussure n'a piis fait mention 
de ces fucus. 

Avant d'arriver à Oneille, on passe à Port-Mautice qui en 
est peu éloigné; l'une et l'autre de ces deux petites villes 
servent d'entrepót pour le commerce des huiles d'olive. 

Comme les détails d'un itinéraire, où la route presque cons- 
tamment mauvaise et ressemblant en général à celle que nous 
venons de parcourir , présenteroient peu d'intérét et fatigue- 
roient le lecteur, je vais les abréger, en désignant simplement 
les lieux avec une courte notice minéralogique. 


D'Oneille jusqu'à la vallée d Andora, trois lieues. Montagnes 
calcaires , rapides , argileuses, qui s'exfolient en glo- 
bules comprimés, calcaires , mélangés de grains quart- 
zeux. Belle vallée arrosée par le ruisseau d Andora. 

-- Lauriers-roses abondans sur ses rives. 


222 ANNALES DU MUSEUM 

D'Andora à Cap-delle- Melle, une demi-lieue. Montagne 
rapide, calcaire, mélangée d'argile. 

De Cap-delle-Melle à Allassio, une lieue et un quart. Cal- 
caire noirâtre; argilleux, coupé par des veines de 
spath calcaire blanc, et par des veines de quartz de 
la méme couleur. Couches inclinées et relevées vers 
le nord. 

D'Allassio à Albenga une leue trois quarts. Montagnes cal- 
caires en couches sinueuses et en zig-zag, redressées 
dans quelques parties; gres quartzeux , micacés, 
durs et brillans. Lauriers-roses sauvages dans le fond 
de la petite vallée. 

D' Albenga à Loano, deux lieues. Plaine fertile en oliviers et 
en caroubiers; chemin en corniche au-dessus de la 
mer. Lieu désert et sauvage. Colines calcaires. 

De Loano à Finale, deux lieues un quart. Montagne de pierres 
calcaires, d'un gris-bleuàtre, dont les bancs supé- 
rieurs sont recouverts d'une brèche calcaire. Plaine 
au bord de la mer. | : 

De Finale à JVoli, deux lieues. Grande montée ; descente ra- 
pide. Calcaire mêlé d'argile. Schistes micacés. 

De Noli à Savone, trois lieues. Montagnes rapides, roches 
micacées avec de petits nœuds de quartz, Pins mari- 
times qui recouvrent quelques-unes de ces montagnes. 
On descend au bord de la mer où l'on trouve un beau 
chemin qui dure plus d'une lieve et conduit à Savone, 
jolie ville bien peuplée, entourée de collines fertiles 
et pittoresques. On trouve à Savone une hôtellerie 
passable. 


De Savone à Arenzano, quatre lieues un quart. Roches micacées, 


D'HISTOIRE NATURELLE. 223 
dures, mélées quelquefois d'un peu de calcaire, quel- 
quefois non effervescentes. Les couches se redressent 
de temps en temps et sont presque verticales. Che- 
min en corniche sur le sommet de ces roches. Quel- 
ques veines de quartz légèrement bleuátres les tra- 
versent. | 
D'Arenzano à Voltri, deux lieues. Brèches formées de frag- 
mens de pierresmagnésiennes ; montagnes schisteuses, 
en couches verticales, composées de poussiere de 

^ 505 mica, mélangées de terre quartzeuse et de molécules 
de feld-spath , dont la réunion forme une pierre fis- 
cille dure. Roches micacées, non effervescentes, 
tandis que d'autres, qui sont adhérentes, sont mé- 
langées d'un peu de calcaire, et font effervescence 
avecles acides. Des pi calcaires tres , souillées 
dun peu d ia Talcs feuilletés. Schistes argileux 
et ferrugineux ; serpentines spa traversées par 
des filons de quartz blanc. 

De Voltri à Génes;, environ trois lieues. Jusqu'à Voltri la 
route n'est absolument praticable que pour les mulets 
et les gens de pied; une fois arrivés dans cette jolie 
petite ville, on respire à l'aise : on n'a plus à craindre 
la route étroite et dangereuse qu'on vient de parcourir 
avec tant de peines. On n'a plus à descendre et à re- 
monter sans cesse ces montagnes déchirées de toutes 
parts qu'on traverse sur des corniches interminables , 
où l'on ne rencontre qu’abimes, et où l'on entend 
sous ses pieds le bruit continuel des vagues furi- 
bondes. On se repose enfin à Voltri: on y mange 


224 ANNALES DU MUSEUM 
proprement; on y trouve des voitures et une route 
fréquentée. On: n’est plus qu'à dix milles de Gênes; 
set on éprouve des jouissances d'autant: plus vives, 
qu'on a été privé de tout paian trois asi et sur- 
| tout de la propreté. 555p 5006s um 


- une distance:d'un mille environ de Foltri, en sécartant ` 
de la route sur la montagne, on trouve une colline qui a deux 
cents. pieds. environ de hauteur, et porte le nom de: Collecti 
( petite colline ), formée d'une roche stéatitique. On y voit des 
blocs isolés, dont quelques-uns pèsent plus de deux mille 
livres, d'une roche feld-spathique blanche, dure, lardée de 
toute part d'une belle Diallage d'un vert d'herbe, pur et. 
brillant. La méme colline ‘renferme de la stéatite tendre et 
de. l'asheste. Ces: objets intéressans sont dans une. des pro- 
priétés de M. le comte Hippolyte Durazzo, que j'ai l'avantage 
de connoitre depuis long-temps, et qui cultive avec un grand 
succès les sciences naturelles, particulièrement la botanique. 
Je ferai mention de ses beaux jardins au ere si je pu 
blie: mon itinéraire de Gênes à Plaisance. 

La pierre feld-spathique de Collecti est supérieure , tant 
par le fond blanc de sa pâte, que par la belle couleur verte 
de la diallage; à cellé qu'on trouve près d'Orezza en Corse, 
connue dans le commerce $ous le nom de verde di corcica , 
et que Saussure avoit appelée smargdite. Comme on en trouve 
à Collecti des blocs assez volumineux, lart en tireroit un 
grand parti pour divers meubles de luxe, d'autant plus que 
la pierre est €— M et recoit "un beau 


poli. 


D'HISTOIRE NATURELLE. . 225 

Lorsqu'on est arrivé au beau village de Sestri, on peut, 
en détournant à gauche, aller visiter la montagne della 
Guardia , et l'exploitation de la mine de sulfate de magnésie 
au Monte-Ramazzo, sur lequel on trouve Ja variolite en 
place (1). 

De Sestri à Gênes, la route est couverte de charmans vil- 
lages et de superbes palais. Celui de Cornigliano, appartenant 
à M. Durazzo ainé, renferme une riche et nombreuse col- 
lection d'histoire naturelle qui occupe plusieurs pièces, et où 
tout est en bon ordre et d'un bon choix. Je ferai mention 
des autres collections qui sont à Génes, et des choses remar- 
quables que renferme cette belle ville, dans un autre Mé- 
moire. 


(1) Voyez la description que j'ai donnée de cette montagne, Annales du Muséum, 
t. VIII, p. 315. 


226 ANNALES DU MUSÉUM 


~. EXTRAIT D'UN MÉMOIRE 


Lu le 7 mars 1808, à la première classe de 
l'Institut, el ayant pour titre : NoUFELLES 


EXPÉRIENCES SUR L URÉE , 


PAR MM. FOURCROY ET VAUQUELIN. 


1. Ex continuant depuis plusieurs années nos recherches 
sur l'urée, nous nous sommes confirmés dans l'opinion que 
l'étude de cette matière est du plus grand intérêt pour les 
progres de la physiologie et de la médecine. 

2. Un des premiers résultats de la suite de nos recherches 
consiste dans les moyens d'obtenir l'urée plus pure que nous 
ne l'avions eue jusqu'à présent. Voici le procédé décrit dans 
le Mémoire dont nous offrons ici l'extrait. 

A delurine humaine, évaporée en consistance de syrop 
clair , nous ajoutons son volume d'un acide nitrique à 24 degrés 
de l'aréomètre ; nous agitons pour opérer uniformément dans 
tout le mélange la formation des cristaux qui sy précipitent; 
nous placons le vase dans un sceau plein de glace pilée, et 
nous l'y laissons plusieurs heures pour avoir des cristaux durs , 


D'HISTOIRE NATURELLE. 255 
transparens et plus prononcés que ceux qui se forment dans 
le simple mélange non refroidi. On décante la liqueur qui 
les surnage, on lave les cristaux avec un peu d'eau à o; on les 
jette sur un filtre de papier gris , on les laisse égoutter quelque 
temps, et on les presse dans des papiers brouillards jusqu'à 
ce que ceux-ci cessent de se mouiller. Nous faisons alors dis- 
soudre ces cristaux lavés et desséchés; il se produit un re- 
froidissement de quelques degrés; nous y ajoutons un peu de 
carbonate de potasse en liqueur pour saturer l'acide nitrique; 
nous faisons évaporer à siccité et par une trés-douce chaleur 
la dissolution d'urée et de nitrate de potasse ; nous traitons la 
matière par alcool à 4o degrés que nous renouvelons jusqu'à 
ce qu'il ne dissolve plus rien : il sépare ainsi l'urée du sel, et 
en évaporant le dissolvant à un feu paapa nous obtenons l'urée 
en cristaux blancs très-purs. 

3. L'urée ainsi préparée est en lames carrées , ou en mise 
quadrilatères allongés, dont l'épaisseur varie d un à deux ou 
trois millimètres. Elle a quelquefois la forme d'un prisme 
carré. Elleest transparente et dure, d'une saveur fraiche, un peu 
piquante, rappelant avec celle de Purée celle des noix fraiches. 

4. Mis sur les charbons ardens, les eristaux d'urée pure 
se fondent en se boursoufflant, exhalent une forte odeur dam- 
moniaque , et se dissipent sans laisser aucun résidu. Chauffés 
dans un creuset de platine, ils se hquéhent , se réduisent en 
vapeur , et ne donnent qu'un charbon léger MS. sans trace 
de cendres aprés son incandescence. 

5. La distillation de l'urée ofire des phénomènes remar- 
quables. Exposée dans une cornue de verre à un feu bien 
ménagé, elle se fond , bout et donne d'abord des vapeurs qui 
se condensent en car bosais d'ammoniaque cristallisé vers la 

30 * 


228 ANNALES DU MUSEUM 

partie la plus éloignée de l'appareil;.ensuite elle se dessèche 
en une masse opaque qui s'éléve toute entière par l'augmen- 
tation de la chaleur, et s'attache à la voüte de la cornue en 
une croûte blanche, avec quelques points jaunes. . . 

6. Ce secoud sublimé en croüte, fourni par l'urée distillée, 
est sans saveur , insoluble dans l'eau froide, trés-peu soluble 
dans l'eau chaude, assez cependant pour lui donner la pro- 
priété de rougir le tournesol et de déposer de petits grains 
opaques et cristallins par le refroidissement ; enfin il est faci- 
lement dissoluble dans la potasse et la soude caustiques, et 
s'en précipite par les acides dont la surabondance le redissout. 
À ces caractères , on reconnoit qu'il ressemble singulièrement 

à l'acide urique. 

.7. Si l'on rapproche de ce fait celui de la décomposition 
du véritable acide urique calculeux par la distillation , qui en 
donnant du carbonate d'ammoniaque donne aussi un sublimé 
fort analogue à l'urée par sa forme, sa couleur jaunátre, sa 
saveur fraiche, sa solubilité dans l'eau, et sa précipitation de 
celle-ci par l'acide nitrique, on en concluera quel'uréeet l'acide 
urique sont susceptibles de se convertir l'une dans l'autre et 
róciproqsiment par l'action décomposante du calorique, en 
méme temps qu'ils donnent l’une et l'autreune gants notable 
de carbonate d’ammoniaque. 

8. On ne doutera pas davantage, desde ces. faits et les 
considérations qui en décoülent, que la matiere la plus fré- 
quente des concrétions calculeuses des voies urinaires de 
l'homme, l'acide urique, provient originairement de l'urée 
et de Paltération qu’elle éprouve par la décomposition facile 
qui en fait le principal caractère ; et que ces deux corps si 
voisins Pun de l'autre par leur nature, doivent la propriété 


D'HISTOIRE NATURELLE. 329 
de se changer l'un en l'autre à 
si rapprochée. 

9. Dans tous les cas de décomposition de l'urée dus à l'action 
de la chaleur, méme dans la vessie ou l'urine, son dissolvant 
naturel séjourne plus ou moins long-temps;et à plus forte rai- 
son à l'action d'une température violente, ce composé sur-azoté 
de l'économie animale, outre l'ammoniaque, l'acide carbonique 
et l'acide urique qu'il produit , donne constamment naissance 
à une huile brune d'autant plus abondante que la décomposi- 
tion est plus avancée. Cette huile àcre qui se forme daus la 
vessie par le séjour qu'y fait l'urine, colore ce liquide, et 
va quelquefois jusqu'à étre sensible comme corps huileux bien 
distinct et facile à obtenir à part dans l'analyse de ce liquide. 
Ila été aperçu et assez bien décrit par Bellini et Boerrhaave. 
ll y a des maladies où cette huile est fort abondante. 

10: On voit, d’après ces: phénomènes , quil se forme une 
portion d'huile plus ou moins abondante par la décomposition 
de l'urée pendant l'évaporation de Purine; c'est ce qui fait 
qu'en chauffant trop fort et trop brusquement ce liquide, 
‘Sa couleur se fonce et va bientôt j jusqu’ au brun-foncé, et 
presque geo au noir. =>- 

La méme formation d'huile Hire a T dans l'urine gardée 
à l'air, et c'est ce qui produit vers le haut de la liqueur cette 
coloration en brun qu'on y observe lorsqu'on étudie soigneu- 
sement sa décomposition spontanée. 

11. ll est maintenant presque superflu d'insister sur les 
conclusions que ces faits permeitent de tirer par rapport à la 
physiologie et à la médecine; de faire remarquer combien d'ap- 
plications utiles cette connoissance exacte de Purée, de sa 
nature intime , de sa singulière aliérabihté spontanée, et de 


leur composition. an 


230 ANNALES DU MUSÉUM 

sa conversion en acide urique ,'en ammioniaque ;en huile brune; 
pourra fournir à l'histoire des maladies, et quelle. précision , 
si désirable dans tout ce qui touche à la physique des Mon, 
pourra résulter de ces applications. 

12. Mais il ne faut pas sele dissimuler, ce ne sera pas 
dans la pratique commune de la médecine, dans des visites 
presque toujours sirapides et si courtes faites aux lits des 
malades, que ces connoissances pourront donner des fruits 
utiles à la pathologie. Un hôpital ipea: nombreux, muni: de 
toutes les ressources et de:tous les instrumens nécessaires pour 
interroger par des expériences chimiques les humeurs des 
malades; une assiduité presque continuelle auprés d'eux ; des 
essais long-temps continués; des tentatives expérimentales 
répétées sans relâche; en un mot, des soins tout autres que 
ceux qu'on donne communément à la pratique médicale, 
voilà ce qui pourra faire découvrir l'influence heureuse que - 
doivent avoir tôt ou tard sur l'art de guérir les idées exposées 
dans le Mémoire dont il est question , ainsi que celles que nous 
avons déjà eu occasion d'exposer ailleurs sur la dissolution 
des calculs dans la vessie et sur la: matière déposée soit sur la 
peau à la suite de chaque accés de goutte, soit dans les — 
latious et une mr e suite acts de cette maladie. - 


} 4 ^ t 4 ti E.G P o 


D'HISTOIRE NATURELLE. 531 


: SUITE DES OBSERVATIONS. 
Sur quelques genres de. la, Flore de. Cochin- 
chine de Loureiro’, avec quelques réflexions 
sur lezxocarrus et les genres qui doivent 


sen rapprocher dans l'ordre naturel. 


PAR M. A. L DE JUSSIEU. 


” . 
Ex genre Adenodus de Loureiro , p. 560, paroit avoir été peu examiné par les 
botanistes, qui ont négligé de le citer dans leurs ouvrages. Il est indiqué comme 
ayant un calice à cinq feuilles, cinq pétales égaux au calice et découpés jusqu'à 
moitié en beaucoup de laniéres filiformes, un nectaire composé de cinq glandes, 
quinze étamines insérées sur le réceptacle, des anthéres allongées, un ovaire libre 
surmonté d'un style et d'un stigmate simple, et devenant un brou oval allongé, 
petit, lisse, rempli d'une noix monosperme, raboteuse à sa surface. C'est un 
petit arbre, à feuilles alternes, ovales, dentelées, à fleurs disposées en épis ter- 
minaux. Ce caractère ressemble beaucoup à celui de l'elæocarpus de Burmann 
( Fl. Zeyl. p. 93, t. 40), qui a le même feuillage et la même disposition de fleurs, 
et que l’auteur nomme ainsi à cause de son fruit semblable pour la forme à une 
olive. Il parle également de la noix raboteuse monosperme, contenue dans ce 
fruit, et des pétales frangés. Leur nombre, ainsi que celui des divisions du calice, 
varie de quatre à cinq; celui des étamines dans la méme proportion est de seize à 
vingt; en quoi eette description diffère de celle de Loureiro qui-ne parle que de 


232 ANNALES- DU MUSÉUM 


quinze étamines avec cing pétales. Cette légėre différence ne peut empêcher la 
réunion des genres, puisque dans d’autres espèces ajoutées plus récemment à l’elæo- 
carpus , le nombre des étamines s'élève quelquefois à trente et plus. 

Linnæus adoptant le genre de Burmann, lui assigne également cinq pétales et 
vingt étamines, en observant que, ce nombre est- quelquefois diminué d'un cin- 
quiéme$ mais il s'écarte du; caractère de l'ele&ocarpus , lorsqu'il lui donne un brou 
sphérique rempli d'une noix de méme forme. Il a été probablement déterminé par 
l'inspection du fruit sphérique du ganitrus de Rumph. ( Herb. Amboin. v. 5, p. 160» 
t; 191), que, dans la seconde édition de ses Species, il cite comme synonyme de 
1 'elæocarpus , serrata, le seul alors connu. Cette erreur , adoptée sans examen 
par tous les botänistes qui ont suivi, a élé rectifiée par Gærtner qui a examiné le 
fruit de l'ekeocarpus de, Burmann,et celui du ganitrus. Tous deux ont à.la vérité 
une noix raboteuse recouverte d' un brou : mais dans l'eleocarpus le fruit est ovoide 
et la noix n'a qu'une lóge monosperme ; le fruit du ganitrus est sphérique, etsanoix, 
contenant einq loges monospermes , est de plus percée dans son axe d'un trou ou 
conduit qui la traverse presque entiérement. Ces différences lui ont paru suffisantes? 
non-seulement pour distinguer le ganitrus de l'elæocarpus serrata , mais encore pour 
en faire un genre séparé. Il fortifie cette distinction en lui attribuant un calice , non 
à cinq feuilles, mais à cinq divisions profondes, et un disque glanduleux sous 
l'ovaire. Nous observons à ce sujet que ces deux caractéres existent aussi réellement 
dans les vrais elæocarpus , que nous les avons vérifiés dans l'elæocarpus integrifolia ; 
et que le nectaire indiqué dans l'adenodus n'est qu'un disque plus apparent. Nous 
ajouterons encore que ees deux genres distingués par Gartner, ayant beaucoup de 
caractères communs, doivent rester voisins dans l'ordre naturel. Cette affinité est 
confirmée par une structure conforme des graines qui dans l'un et dans l'autre ont 
un grand périsperme charnu autour d'un embryon à lobes minces et élargis , à ra- 
dicule descendante, et sont attachées au fond de leur loge. On peut présumer que 
les mêmes caractères existent dans l'adenodus, quoique Loureiro n'en fasse aucune 
mention. L'existence d'un. périsperme éloigne ces genres de la famille des Guttiféres , 
à la suite desquels on les avoit placés avec doute. Elle. les rapproche. davantage 
des Tiliacées, dont ils different cependant par le brou et la noix qui constituent le 
fruit, et peut-étre plus encore par les anthéres allongées et bifurquées à leur sommet; 
Ce dernier earactère et celui des pétales frangés se retrouvent dans le Vateria de 
Linnæus, que MM. Retz, Vahl et Willdenow ont réuni à l'eleocarpus , et qni duit 
en être distingué soit par son fruit capsulaire, s'ouvrant en trois valves épaisses 
ou cori;ces qui recouvrent une seule graine non reufermée dans une noix, soit 
par cette graine dans laquelle M. Gærtner fils, p.53, t. 189, a vu un embryon 
sans périsperme, à deux lobes considérables et inégaux, et à radicule dirigée su~ 
périeurement. La bifurcation est encore plus marquée dans les anthéres du dicera 


D'HISTOIRE NATURELLE, 233 


de Forster, qui sont méme terminées par deux filets; mais leurs pétales sont sim- 
plement découpés en trois lobes et non frangés,'et le fruit est capsulaire, à deux 
loges polyspermes dans une espèce , à quatre loges dispermes ‘dans l’autre, dans 
laquelle l'auteur indique quatre styles et des feuilles opposées : d’où ‘il faut con? 
elureque Linnæus fils, et ceux qui l'ont suivi, rapportent encore mal à propos ce 
genre à l’elæocarpus , et que peut-être la seconde espèce pure être ne de la 
première dont elle doit s'éloigner par son port. > 

- Il faut donc réduire le nombre des espèces de celui-ci à un plus petit nombre. 
Celles qui paroissent lui appartenir véritablement: sont 1." la plante de Burmann, 
sous le nom d'elæocarpus serrata; 2° le Perin-kara de l'Hort. Malab. 4, p. 51, 
t. 24, qui est le même que le précédent, selon :Linnæus, mais dans lequel on 
trouve des feuilles plus dentelées, et une noix qui paroît n'être pas raboteuse ; 5." 
l'adenodus de Loureiro , semblable en beaucoup de points, selon sa description, à 
la première espèce; 4." l'eleocarpus integrifolia, Lamarck , Encycl. méth. »,p. 604, 
différente par ses feuilles entières , ses étamines plus nombreuses, portées’ jusqu'à 
trente et plus; 5° le ganitrum oblongum ou catulampa de Rumph, Herb. Amb. 
25p.163; t 182, que M. Lamarck fapporte avec doute au précédent; 6.* On y join- 
dra, aussi avec doute, l'elaocarpus monocera, Cavan. Icones , 6, p. 1 jt. 501, qui paroit 
s'éloigner du genre, “soit par son fruit indiqué comme biloculaire, soit par une 
des divisions du sommet des anthéres qui se prolonge en une longue arête.: Cette 
plante, mieux na see ae deviendra —€— un Car rats T mais i eu cad 
voisin. à 

- Si Vobservation : ied à croire que la forme Jai étamines peut offrir un carac- 
tère suffisant pour séparer l'elæocarpus des vraies Tiliacées; soit dans une setiión: 
dela méme famille, soit dans une famille nouvelle et voisine, on sera peut-être 
disposé à y rapporter non-seulement les genres à anthéres allongées et bifurquées, 
tels que le ganitrus , le dicera et le vateria qui, selon Vahl, est la méme plante que 
l'elæocarpus copallinus de Retz, mais encore ceux dont les anthéres, au lieu d’être 
arrondies et courtes comme: dans les Tiliacées, sont longues et ouvertes à leur 
sommet en deux pores ou trdus arrondis. Tels sont 1." le vallea de Mutis,.qui a, 
comine le dicera, un disque glanduleux, des pétales à trois lobes, des étamines 
nombreuses (39-40 ),et se distingue par un fruit capsulaire à quatre ou cinq loges 
SRE s'ouvrant en autant de valves qui portent une cloison dans leur milieu. 
2,° Le tricuspidaria de la Flore du Pérou, Prodr. p, 64, t. 56, également muni d'un, 
disque et de pétales trilobés , entourant seulement quinze étamines „et dont le fruit 
capsulaire , formé par trois valves pareillement munies d'une cloison moyenne, se 
divise intérieurement en trois loges polyspermes. Ce genre est encore remarquable 
parce que ses feuilles sont opposées, non alternes comme dans les autres précé- 
demment énoncés, à l'exception du dioere serrata qui présente laméme T 
34. 


234 ANNALES DU MUSÉUM 


De plus les fleurs du tricuspidaria, au lieu d'être disposées en grappes ou épis láches, 
sont portées sur des pédoncules uniflores et axillaires; et si l’on -n'avoit pas égard à 
l'insertion hypogyne des étamines et des pétales, on seroit tenté de rapporter ce genre 
dans les Rhamuées prés du celastrus dont le fruit est pareil, et du myginda dont il a 
tout le port. 5." On devra placer à la suite l'elæocarpus peduncularis que M. La- 
billardiére décrit et figure dans sa Flore de la Nouvelle-Hollande, vol. 2, p. 15, 
t. 155. Il ade méme les feuilles ordinairement opposées, plus rarement alternes 
ou verticillées trois à trois, les pédoncules axillaires et uniflores, les pétales à trois 
lobes, et le disque glanduleux autour duquel sont rangées les étamines ; mais le 
nombre de ces parties est réduit d'un cinquiéme; les anthéres quoique allongées , 
sont plus petites, plus aiguës , et néanmoins ouvertes par le haut. Son fruit, beaucoup 
plus petit, observé dans l'herbier , paroít être une - — — du — par 
un support trés-court,ne s'ouvrant point, 
divisée intérieurement en deux ou quatre — dispermes dont les indo ont un 
embryon , à radicule montante, renfermé dans un périsperme charnu. Cette plante 
paroit avoir plus d'affinité avec le tricuspidaria qu'avec l’elæocarpus ; mais différente 
par son fruit, elle constituera probablement uu genre distinct qu'il ne faudra cepen- 
dant établir qu'aprés avoir réuni et discuté tous ceux qui doivent se grouper autour 
de l'elæocarpus. 4.° C'est peut être dans cette série qu'il faudra: ranger le vatica de 
Linnæus, dont M. Smith donne une bonne figure dans ses Icon. ined. t. 56, distinct 
du vateria et du vallea par ses pétales entiers et ses étamines plus courtes; le sloanea 
de Plumier, qui n'a point de corolle et dont les anthéres sont longues, terminées 
par un feuillet; l'apeiba d'Aublet, qui a des étamines pareilles entourées d'une 
corolle à pétales entiers; l'oncoba de Forskal, dont le fruit est une noix à plusieurs 
loges polyspermes , recouverte par un brou; l'heptaca de Loureiro, qui a quelques 
rapports avec le précédent. On a déjà vérifié dans plusieurs l'existence du périsperme 
qui paroît être un caractère essentiel; ce qui donne des doutes sur l'autenticité du 
fruit du vateria, décrit par M. Gartner fils, fruit qui ne peut étre celui d'un genre 
voisin de l'elvocarpus, et qui obligeroit d'en éloigner ce genre, sil lui appartient 
véritablement. 


Loureiro a décrit sous le nom de gemella , P. 796; un arbrisseau à feuilles ternées - 
et à fleurs en épis longs et axi'laires, màles et hermaphrodites sur le méme épi. Ces 
dernières ont un calice à quatre feuilles, quatre pétales garnis de poils, un nectaire 
intérieur à quatre lobes, huit étamines insérées sur le réceptacle, un ovaire com- 
posé de deux globules entre lesquels s'éléve un style divisé par le haut en deux 
stigmates. Le fruit est composé de deux petites baies rondes et monospermes. Les 
fleurs mâles ne se distinguent que par l'avortement du pistil. Si l'on compare ce 


x 


D'HISTOIRE NATURELLE. 235 


‘caractère à celui de l’aporetica de Forster, dans on Gen. plant. Austr. ni: 66, on 
reconnoit qu'ils sont en tout conformes, et un échantillon de la plante de Forster, 
existant dans l'herbier du Muséum, présente également les feuilles ternées avec les 
épis axillaires. Cette réunion de ces deux genres ne peut éprouver aucune diffi- 
culté; mais il s'en élève une relativement à l'aporetica lui-même. Dans le Ge- 
mera plantarum , nous l'avions rapporté au Sapindácées prés du schmidelia et de 
“J'ornitrophe, en insinuant qu'il pourroit bien se confondré avec eux. Il paroissoit 
en différer seulement par les quatre écailles où appendices intérieures que Forster 
nomme nectaires. Cependant si l’on observe que dans toute cette famille il existe 
un disque glanduleux placé sous l'ovaire, ét que ce disque renflé peut s'élever da- 
vantage dans quelques parties de son contour, l'existence de ces appendices n'offre 
plus un caractère aussi tranché, surtout quaud on retrouve les mêmes renflemens, 
mais moins forts, dans l'ornitrophe et le schmidelia ; quand on y voit aussi des épis 
en grappes axillaires, des feuilles ternées, des fleurs máles mélées avec des her- 
maphrodites, et un nombre égal de toutes les parties de la fructification : ces quatre 
genres doivent donc n'en faire qu'un. Quoique le noin de schmidelia soit plus an- 
cien et rappelle celui d'un botaniste célèbre, nous laissons néanmoins subsister 
celui d'ornitrophe établi par Commerson , et adopté par MM. Vahl, Willdenow et 
Roxburg. On y rapportera encore l'allophyllus de Lianæus, différent à la vérité par 
ses feuilles simples , mais semblables par sa fructification , tellement que M. Swartz 
adoptant ce nom générique dans son prodromus, y rapportoit plusieurs espèces réunies 
maintenant à l'ornitrophe. Plus récemment, dans son Flora occidentalis , il a substitué 
le nom de schmidelia à celui d'allophyllus en lui conservant le méme caractère et 
les mémes espéces, et en reconnoissant aiusi l'identité des deux genres, identité 
que M. Willdenow ne paroît pas rejeter entièrement, quoiqu'il laisse encore 
comme genre séparé, sous le nom d'allophyllus , la seule espéce publiée par Lin- 
naeus. 

Le rapport de l'aporetica avec les genres indiqués avoit échappé à Forster, lors- 
qu'il établit son genre, et il ne l'a pas mieux apercu lorsque plus récemment il l'a 
réuni à son pometia , n. 55. Celui-ci, d’après sa description, a un calice à sixfeuilles, 
autant de pétales et d’étamines ; des deux parties de son ovaire, une seule subsiste 
et devient une baie sphérique monosperme ; ses fleurs sont dioiques, disposées en 
panicule terminale, ses feuilles pinnées sans impaire. On aperçoit sur-le-champ la 
différence soit dans le port, soit dans le nombre des parties de la fructification, et 
l'on reconnoit que le pometia, comme nous lavions indiqué dans le genera, se 
rapproche beaucoup plus de l'euphoria de Commerson ( seytalia de Gærtner, di- 
mocarpus de Loureiro et de Willdenow ), qui a également les feuilles pinnées sans 
impaire, des panicules terminales de fleurs, dont beaucoup avortent, c’est-à-dire, 


dt" 


236 = ANNALES DÜ'^MUSÉUM 
sont máles ; dés pétales et portions de calice: au nombre de cinq, les huit étamines 
réduites quelquefois à six, et le fruit toujours composé d'une: baie monosperme au 
bas de laquelle subsiste le rudiment d'une autre moitié avortée. 
Ainsi l'aporética et le gemella doivent rester unis à l'ornitrophe, .et le pometia 
à 'euphoria, que l'on ne peut confondre avec le sapindus, comme l'ont fait. quel- 
ee — re big. a e PS au e de. cun: ou pas autant d'ap- 
tonr is l'euphoria x 
ei surtout un fruit el non de deux onion, mais b dotes souvent une 
seule parvient à maturité. Nous ajouterons que, par les mêmes motifs, il faudra 
réunir, non au sapindus, mais à leuphoria, le genre que Linnæus nommoït ne- 


phelium , et qui a, comme lui, un ovaire double et deux fruits accolés. | =. : 
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D'HISTOIRE NATURELLE. : 237 


MOUVEMENT DE LA MÉNAGERIE 


NOTE 


Sur l'accouplement d'un zèbre et- d'un. cheval. 


PAR M. FRÉDÉRIC CUVIER, 


GARDE DE LA MÉNAGERIE DU MUSÉUM D'HISTOIRE NATURELLE, 


i zèbre femelle dont sa Majesté Impératrice avoit fait don à notre ménagerie, 

_entroit fréquemment en chaleur et à des époques réglées, comme nous l'avons A 
rapporté dans notre Mémoire sur le rut(1). 

Cette disposition et la docilité de l'animal faisoient sentir qu'on parviendroit trés- 
facilement à multiplier cette belle espèce dans nos climats ; mais comme il étoit 
impossible de se procurer un individu måle, et que quelques tentatives heureuses 

avoient déjà été faites sur l'accouplement duzébre avec låne, on eut l'idée de ré- 
péter du moins cette dernière expérience, sur laquelle il restoit encore plusieurs 
observations à faire. En conséquence, apres avoir obtenu l'assentiment de M. Geoffroy, 
professeur de zoologie, je me procurai un bel étalon, et je m'occupai de tout ce 
qui pouvoit nous conduire sans accident à notre but, 

L'àne étoit originaire d'Espague , sa taille étoit des plus élevées et son pélage en- 
üérement noir. Il n'avoit que trois ans, et appartenoit à M. Lenormand de Marsilly. 

Ces animaux passèrent d'abord à-peu-prés deux mois dans la même écurie à cóté 
Pun de l'autre; puis, sur la fin de février, lorsque le rut de la femelle fut arrivé 
à son plus haut degré, on lui présenta le mâle avec précaution ; mais à notre grande 


(3) Annales du Muséum d'histoire naturelle , t. IX, p. 118. 


238 ANNALES DU MUSEUM 


surprise , l'accouplement eut lieu sans la moindre difficulté ni de part ni d'autre. 
Cette expérience fut faite les 28 février et 2 mars 1805(1). La conception avoit 
suivi l'accouplement, et le 13 mars 1806, le zèbre mis bas un mulet femelle fort 
bien constitué dont M. Geoffroy a donné une description (2\. 

Il arrive fréquemment aux animaux sauvages qui produisent en servitude de n’en- 
visager leurs petits que comme la cause de la douleur qu'ils éprouvent en les 
mettant au monde, et alors au lieu de les soigner et de les nourrir , ils les prennent 
en aversion , et les tuent ou les dévorent à mesure qu'ils naissent. 

J'eus un instant la crainte que cet accident n'arrivàt à notre petit mulet; dès qu'il 
fut né et débarrassé de ses enveloppes que la mére ne mangea pas, il voulut s'ap- 
procher d'elle; mais elle s'obstinoit à l'écarter par des ruades, et elle auroit pu le 
blesser, si l'on n'eüt été présent, et si l'on ne se fût mis au-devant des coups. À 
force de caresses , on l'engagea à souffrir son petit prés de sa tette; d'abord elle le 
flaira long-temps avec, une sorte d'effroi, puis elle le lécha, et aprés une heure 
environ l'adoption fut consommée, le petit téta. Dés ce moment elle eu eut les plus 
grands soins; mais à l'affection et à la sollicitude qu'elle prit pour son nourrisson , 
se joignit tant d'inquiétude et de défiance, qu'elle ne permettoit plus, méme à 
son gardien, de l'approcher, et l’on ne parvint à lui rendre sa première familiarité 
que long-temps après. 

Le petit mulet fut allaité jusqu'au moment où sa mère montra de nouveau des 
signes de rut, c'est-à-dire pendant un an environ. Ce jeune animal est aujourd'hui 
plus élevé de deux pouces que le zébre , et ses formes se rapprochent toujours de 
plus en plus de celles de son pére : il en a la tête, les oreilles et la croupe. Le 
pélage est gris, couvert de bandes transversales, trés-marquées sur les jambes, au 
garot et sur la tête, mais bien plus étroites et moins tranchées sur le reste du corps. 
Une autre bande règne le long de l'épine du dos.Son naturel jusqu'à présent est n 
indoeile. 

L'accouplement de l'àne et duzébre, le temps de la gestation et le produit qui'e en 
résulte étant bien connus, il étoit intéressant de répéter la méme expérience sur 
le cheval. La facilité avec laquelle nous avions obtenu notre premier succés, nous 
faisant présumer que toute précaution étoit inutile vis-à-vis du zébre, le 5 août 1807» 
je lui fis présenter immédiatement l'étalon dont nous étions bien maitres, et il le 
souffrit comme il en avoit été de l'àine. Le cheval qui servit à cette expérience 
étoit d'une taille moyenne, bai -brun , d'une race à poil frisé et àgé de sept à huit 
ans. IL n'a pas plus montré de répugnance que le zébre à s'unir à une espéce diffé- 
rente de la sienne, et à cet égard, il a eu au moins la docilité de l'âne. Aprés quel- 


(1) Annales du Muséum , t. VIL, p. 245. 
(2) Anzales du Muséum, t. IX , p. 235. 


D'HISTOIRE NATURELLE. 239 


ques mois, aucun signe de rut ne se manifestant, on eut la certitude que la con- 
ception avoit eut lieu, et l'état de l'animal annongoit la gestation la plus heureuse. 

Dés son entrée à notre ménagerie , ce zèbre n'avoit éprouvé aucune indisposition , 
et sa santé sembloit être inaltérable. La douceur de son caractère, son attachement 
pour l'homme chargé de le servir, permettoient de lui donner tous les soins qu'il 
pouvoit exiger: il étoit étrillé etlavé chaque jour, et il sembloit y trouver du plaisir, 
En été il habitoit un parc où il jouissoit de sa liberté; il étoit en hiver dans une 
écurie dont la température se tenoit toujours de 12 à 15 degrés au dessus de zéro : 
cette chaleur ayant paru nécessaire pour un animal sauvage qui venoit directe- 
ment d'entre les Tropiques : tout enfin nous faisoit espérer de conserver long- 
temps encore cet intéressant animal etde pouvoir continuer sur lui des expériences 
auxquelles sa douceur le portoit à se prêter , lorsque le 6 avril de cette année 1808, 
au huitiéme mois de sa gestation , il fut tout-à-coup saisi, et sans cause connue, 
d'un mal violent qui l'emporta au bout d'une heure et avant méme qu'on ait pu 
lui préparer les secours que son état indiquoit. 

L'ouverture du cadavre a fait voir un avortement commencé qui paroît avoir 
eu pour cause la mort du fœtus. Celui-ci étoit un jeune mále:il n'avoit point en- 
core de poils; mais aux bandes blanches et noires qu'on observoit sur sa tête, on 
juge que cette partie du moins auroit été zébrée. Toute sa peau montroit déjà un 
commencement de destruction, l'épiderme étoit corrodé, et le canal intestinal dans 
une décomposition compléte ; ce qui porte à penser que ce Jeune animal avoit cessé 
de vivre plusieurs jours avant la mort de sa mére. 

Ce fœtus paroissoit tenir des formes de son père, du moins à en juger par les 
proportions de sa téte et de ses oreilles. 

C'est, je crois, la premiére fois que le hasard a donné les moyens de faire pro- 
-duire à un seul individu deux mulets d'espèces différentes. 

Il est malheureux sans doute qu'un animal aussi intéressant , sous tant de rapports, 
ait péri au moment où il alloit nous mettre dans le cas de multiplier un genre d'ex- 
périences sur lequel l'histoire naturelle est encore si pauvre. 

Il auroit peut-étre été de quelque utilité pour la science de tenter l'accouplement 


de ces deux mulets qui auroient donné naissance à une race doublement batarde. 
Cependant il est assez probable, non-seulement que les produits de deux espéces 
différentes sont naturellement inféconds; mais que ceux des différentes races le sont 
également lorsque celles-ci sont trés-marquées. 

Les soins de l’homme, les circonstances qu'il est maître de varier à son gré, et 
dont il sait augmenter pour ainsi dire la force comme il veut, peuvent amener sans 
doute quelques exceptions à cette règle, et elles existent en effet; mais tout porte 
à croire qu'abandonnée à la nature, la génération de ces produits monstrueux ne 
pourroit subsister, puisque ce n'est qu'avec les plus grands soins qu'on parvient à 


240 ANNALES DU MUSÉU!M 


conserver pendant quelque temps ces races batardes , et que celles des animaux qui, 
comme les chiens, sont les plus Ges de leur état naturel, ont sans cesse besoin 
d'étre renouvelées. 

M. Cuvier a donné de notre zébre une description et une histoire auxquelles il 
n'y a presque rien à ajouter(1). Cet animal a toujours consérvé la même douceur; 
mais comme on n'a pas continué de le monter, il à perdu l'habitude du cavalier, 
et au bout d'une année il ne vouloit plus le recevoir. Lorsqu'il étoit dans son parc, 
il paroissoit trouver beaucoup de plaisir à se rouler dans la terre huinide qu'il 
fouilloit préalablement du pied. C'est au reste une habitude qu'il partage avec beau- 
coup d'autres animaux des pays chauds. Il aimait à jouer : alors il mordoit; mais il ne 
cherchoit à faire du mal qu'aux personnes qui lui déplaisoient. I! ne recevoit pas indiffé- 
remment les caresses de tout lemonde , et à cet égard , il étoit comme la plupart des 
— animaux "- se iine sem sans raison apparente contre certaines personnes , 


+ 


affection sans motifs plus és: H faisoit rarement en- 


Tamaie on T 14] Roe 


hennissemens ne > sürpassoit pas celui de tróis ou quatre. Act s ‘année de pe 
ration d'avec son petit, cet animal ne le reconnut plus, et lorsqu'il le revit pour la 
première fois, il chercha à 


LI "PET TT | 


de "Pe et à le frapper du pied; mais aprés quel- 


ques jours, cet éloignement, il s'y € et ils s ert 
réciproquement des qu ’on les yloigueit l'un de l'autre. 
On lenourrissoit comme un cheval, etce régime paroissoit lui fort bien convenir, 


à ea juger par sa gaîté, par son embonpoint et par le lustre de son pélage. 


(1) Ménagerie du Muséum d'histoire naturelle, où Description et Histoires des auimaux qui 
y nts avec figures. 


D'HISTOIRE NATURELLE. 24r 


SUR LEARRAGONITE. 


PAR M. HAUY. 


Le minéral auquel M. Werner a donné le nom d'arragonite, 
et que ce savant minéralogiste a séparéle premier de la chaux 
carbonatée à laquelle on l'avoit réuni jusqu'alors, est devenu 
depuis quelques années un sujet de recherches faites par les 
plus habiles chimistes de l'Europe, pour déterminer sa véri- 
table composition. Aprés avoir épuisé toutes les ressources 
que l'on a droit d'attendre de la perfection à laquelle l'ana- 
lyse a été portée de nos jours, ils y ont trouvé les mémes 
quantités relatives de chaux et d'acide carbonique que celles 
qui existent dans la chaux carbonatée ordinaire, et n'ont pu 
y reconnoitre la présence d'aucun autre principe (1). Ce ré- 


(1) Les analyses publiées par mes célèbres collègues de Fourcroy et Vauquelin , 


donnent, 

Pour la chaux carbonatée. Pour l'arragonite. 
Chats . 1523914 . 4A MA o oo 0 dre ne a DS 
Acide carbonique . . . , . U COMER aE Ye Det Ayo 


100 100,0 
( Annales du Muséum d'hist. nat. 24. cahier , p. 405 et suiv, ) 
II. 32 


PA 


242 ANNALES DU MUSEUM. 

sultat sembloit ne pas permettre de douter que l'arragonite ne 
dût ètre placé dans une méme espèce avec la chaux carbo- 
natée ; c'est effectivement la conclusion qu'en a tirée M. Ber- 
tholet, dans l'important ouvrage qui a pour ttre: Statique 
chimique (1) , et M. Brongniart s'est conformé à l'opinion de 
ce savant chimiste, dans le Traité dont il vient d'enrichir la 
minéralogie (2). 

Plus récemment, MM. Biot et Thenard ont comparé les 
deux substances par une suite d'expériences trés-ingénieuses 
dans lesquelles ils ont combiné les lois de la réfraction avec 
les moyens chimiques, et leurs résultats n’offrent aucune dif- 
férencesensible avec ceux qui avoient été obtenus jusqu'alors(3). 

Pendant le cours des recherches dont je' viens de parler, 
jai entrepris de soumettre l'arragonite à un travail qui ajoute 
de nouveaux caractères distinctifs à ceux que j'avois déja ob- 
servés entre ce minéral:et la chaux carbonatée; et ce sera 
peut-être un exemple unique dans l'histoire des sciences, que 
celui qu'offrent ici la chimie et la minéralogie qui , faites pour 
s'aider mutuellement , et jusque-là toujours d'accord , divergent 
d'autant plusl'une de l'autre, qu'elles font de plus grands efforts 
Ms se — Mon but, dans ce Mémoire, esi g cipe 

LIE 29, 91 i 


idi. 


Q) ME d 
— (2) Tome t3 pág m — MÀ 
, (8). Ces résultat. sont: 


Pour la chaux carbonatée. ; Eds Pour l'arragonite. 
Chaux été rs ‘à T UNS 4 56,551 Sr" + ve ee B.» . 56,327 
Acide carbonique - . . + + 42,919 Feso + i : « + + 43,045 
Eau $ "o. RR. vet es $ —-" w 0,730 RER c e Ro cM. «cw o4 0,628 

prn 100,000 100,060 


: (Nouveau Bulletin des sciences de la Société-philomathique , t. I, p. 32 et suiv.) 


D'HISTOIRE NATURELLE. 243 
les résultats du travail que je viens d'annoncer, et d'examiner 
ensuite si, dans l'état actuel de nos connoissances sur l'àrra- 
gonite, on est fondé à en faire une never ride de la 
chaux carbonatée. -i 

On savoit déjà que Yáknégonité a une diré: qui iiite 
sensiblement sur celle de: la chaux carbonatée. Je suis parvenu 
quelquefois à rayer légèrement le verre blanc,.en y passant 
avec frottement la pointe d'un cristal d'arragonite. On avoit 
trouvé aussi une différence entre les pesanteurs spécifiques des 
deux minéraux, Suivant les observations de M. Biot, celle de 
la chaux carbonatée est de 2,6964 ;et celle de l'arragonite est 
de 2,9267. De plus, il n'est personne qui, en voyant la frac- 
tare transversale d'un prisme d'arragonite, n'ait remarqué ce 
tissu inégal qu'on peut assimiler à celui de certains morceaux 
de quartz , tandis qu'aucun minéral n'a une texture plus lamel- 
leuse que la chaux carbonatée. Illy a encore dans l'éclat une 
diversité que saisit facilement un «eil exercé. Celui de l'arra- 
gonite est plus vif, et approche de ce que les minéralogistes 
allemands désignent par le nom: d'éc/at de diamant. La chaux 
carbonatée, surtout celle qui est blanche, tend plutôt vers 
l'espèce d'éclat que l'on appelle nacré. 

Mais de tous les caractères distinctifs de l'arragonite, le 
plus tranché étoit celui qué présentoit sa cristallisation, J'avois 
observé un groupe-de cristaux de cette substance, composé de 
quatre octaèdres cunéiformes , dont un est représenté figure 1. 
J'ai décrit dans mon Traité, t. IV, p. 340, l'assortiment de 
ces quatre octaedres, dont deux sont accolés par une de leurs 
faces analogues à M, et le deux autres semblent se pénétrer 
en partie. La division mécanique ne m'avoit offert encore, 
d'une maniére bien sensible, que les joiuts naturels situés pa- 

-bad 


244 ANNALES DU MUSÉUM 
rallelement à ces faces M, M, avec un autre qui passoit 
par laréte z, et par son opposée. L'angle formé par les pre- 
miers joints étoit d'environ 116 degrés. Ces indices de struc- 
iure, réunis à la forme octaédre des cristaux , m'avoient paru 
suffire seuls pour annoncer une différence notable entre la 
molécule intégrante de l'arragonite et celle dela chaux car- 
bonatée, qui est un rhomboide dont les faces, prises autour 
d'un méme sommet, sont inclinées entre elles d'environ 104 
degrés et demi, c'est-à-dire d'une quantité moindre de près de 
12 degrés que l'inclinaison respective des pans de l'arragonite. 
Voyons d'abord ce que les nouvelles recherches faites sur 
l'arragonite ont ajouté à ce dernier résultat offert par la di- 
vision mécanique. Les joints naturels dont j'ai parlé, et qui 
sont très-nets dans la plupart des cristaux, n'indiquoient qu'une 
partie des plans nécessaires pour circonscrire un espace. de 
tous les cótés, ensorte que la forme primitive de l'arragonite 
n'étoit donnée que d'une manière incomplète, A la vérité, 
javois entrevu d'autres joints obliques à l'axe, en faisant mou- 
voir à une vive lumière des prismes fracturés d'arragonite; 
mais pour ne parler ici que des premiers , c'est-à-dire des seuls 
dont les positions fussent bien connues, on pouvoit présumer 
qu'ils étoient du nombre de ces joints surnuméraires que l'on 
aperçoit dans certains cristaux, où ils soudivisent la forme 
primitive parallélement à ses côtés ou. à ses diagonales. La 
chaux carbonatée en particulier fournit des exemples de ces 
soudivisions (1). J'avois méme entendu citer une observation 


* 
(1)1l me seroit facile de prouver, si je ne craignois de m'écarter de mon sujet, que 
ces divisions que j'appelle surnuméraires s'expliquent d'une maniére satisfaisante, 
sans que lon ait besoin de supposer qu'elles traversent les molécules intégrantes , en 


D'HISTOIRE NATURELLE. 245 
publiée en Allemagne, qui sembloit favoriser la conjecture dont 
il s’agit, Voici en quoi elle consiste. On connoit depuis long- 
temps des cristaux d'arragonite eu prismes droits hexaédres, 
dont les pans font entre eux quatre angles d'environ 116 d., 
et deux de 128. J'ai décrit ces cristaux dans mon Traité (1), 
et j'ai fait voir qu'ils étoient un assortiment de quatre prismes 
rhomboidaux, semblables à celui qu'on obtiendroit en coupant 
le cristal représenté ( fig. 1) par deux plans perpendiculaires 
à l'axe, et qui intercepteroient les sommets dièdres o, o. On 
voit { fig. 2 ) la coupe tracsversale d'un de ces groupes, dans 
laquelle la distinction des quatres prismes composans O, U,H, T, 
est sensible à l'œil, Le rhombe qui reste au milieu a été rempli 
par la cristallisation ,de manière que chacun des mêmes prismes 
est censé avoir recu.une extension qui équivaut à l'effet d'une 
loi de décroissement. J'ai dans ma collection un groupe sur 
lequel la distinction des prismes composans s'annonce par des 
angles rentrans situés à leur jonction. 

Maintenant, soit Æ , a ( fig. 3 ) le rhomboide primitif de la 
chaux carbonatée, et soit g mn r(íig. 4) une coupe de ce 
rhomboide , prise par un plan perpendiculaire aux arêtes D, B 
(6g. 3) et en même temps aux faces P,auquel cas l'angle g m n 
( fig. 4) sera de 104. d. 28 4o". Si l'on prend sur les côtés 
mg, mn, des parties égales mo, ml, et si par les pointsoZ, 
on mene o£, ls- parallèles à la diagonale mr, ces lignes 
seront aussi parallèles à des faces qui résulteroient d'un dé~ 


a 
sorte que la forme de ces rites qui est indiquée par le clivage principal, con- 
serve toute sa simplicité. Ce sera la matière d'un article queje me propose d'a ajoutes 
aux généralités de la théorie relative à la structure ‘des cristaux. 

(1) Tome IV, Page 338. : 


346 ANNALESA DU MUSÉE U M 
éroissemient par uie rangée sur les’ arêtes D, D' ( fig. 3); et 

une autre part les lignes mo; mL (fig: 4) sont dans le sens 
des faces naturelles du rliomiboide primitifs Of, chacun des 
angles moli, im ls ést de ‘127 d. :45' 46" c'est-à-dire. sensi- 
blément égal àl'anele irr, 6n ips (fig. »)\que forment entre 
eux deux pans adjacens, pris de deux côtés opposés sur le 
prisme d'arragonite. lien résulte entre la forme de ce mi- 
néral et celle de la chaux carbonatée une analogie séduisante 
aú) premier abord ,^et qui semble étre: un trait de lumière à 
la faveur duquel on pourra-ensuite apéreevoir tous les autres | 
ràpports qui avoient échappé jusqu'alors dans la cristallisation 
des deux. substances. Mais je: prouverai bientót que cette ana- 
logie n’est ioiappusint eta a contre: uu les lois de la struc- 
ture et tout cé qu'il y a de mieux dé : dans la — 
des evistagxii uoi595h92-s ensb int 

^: Les observations: qui m'ont: mibi à une diérninatipn 
Meroe de la forme primiuve de larragonite, m'ont été 
suggérées par des morceaux. de cette substance que j'ai reçus 
de M. de Paraga , qui professe:avec beaucoup de succes larmi- 
héralogie à Madrid. Parmi les objets qui composoient son 
envoi, se trouvoient deux cristaux 'd'arragonite, auxquels il 
avoit fait lui-même des fractures qui rendoient sensibles les 
joints obliques. à l'axe dont.j Jai. parlé meon p "M cris- 
taux. diroieut des facettes naturell tà 
ees joints, En réutissant ces diver miindlicdidimsoij! jen ai conclu 
que la forme primitive de l'arragonite est un octaedre rectan- 
gulaire (fig. 5), dans lequel l'incidence de M sur M est de 
115 d. 36; celle de Psur P, de 109 d. 38", et celle de P sur 


Tiyo 


M, de 107 d. Loti) JL Jactaedre représenté. (le par en est 


(1) Si du centre de loctatdre on mène une perpendiculaire sur l'aréte «i, une 


D'HISTOIRE NATURELLE, 247 


3 
une variété qui à pour signe La us L'incidence de o sur o est 


de. 70.d. 32°. 
J'ai observé n un à DELL cr istal pta irit qui. ated la ; 


forme d'un prisme hexaédre à sommets dièdres ( fig. 6). et 
dont le signe est M E: P. L’incidence de M sur A est. de 


122 d: 3h Ce cristal tiit Fr dun pone j t'a bes e 
tingué, et qui venoit de la mine de fer de Sint: Marcel idm. 
tement de la Doire. Je donne àla variété qu'il présente le nom 
d'arragonite unitaire. 
"Vola maintenant les conséquences. qui se déduisent ehe ré- 
sultats dont je viens dé parler. Pour qu'il y eût: une analogie 
de structure entre l'arragonite et la chaux carbonatée , il fau- 
droit qu'il. existát Gan aat d'un rhomboide primitif de 
cette der nièré substanc les joints naturels imperceptiblés pour 
nos sens; mais sé té dans Phypôthèse o où ils p: 
être saisis, de donner un octaédre t bl 
celui de Parragünite. Tl arriveróit done filter mdi ehoiédue 
dans certains minéraux dont la division mécanique ‘conduit à 
des solides de deux formes; tel: est l'âmphigène qui se divise 
à là fois paralléleniént à aux" faces Wum cube ev celis d'un 
octaedre rhomboidal; c'est-à-diré que l'on pourróit ; ^en sabss 
ütuant une dés deux formes à l'autre, par exertiple To üetaédre 
de l'arragonite au rhomboide de la chaux: carbonatée; obtenir 
par des lois de décroissement relatives à cet octaedre, toutes 


E5913 


iip T xS d PTP LS: f "FT A "TE 
ie 


je d 


seconde sur aréte C, et une autre ligne € qii aboutisse à Pañglé E, ces trois lignes 


seront entre elles dans le rapport des nombres ; V8 V 23, et V 46 6, 


248 ANNALES DU MUSEUM 
les variétés que présente la cristallisation de l'autre substance. 
Or la théorie démontre l'impossibilité de cette substitution , 
quels que soient méme les angles de l'octaédre et ceux du 
rhomboide; car tous les décroissemens relatifs au rhomboide 
qui donnent des faces inclinées à l'axe, se font simultanément 
sur les bords supérieurs B (fig. 3), situés trois à trois autour 
des sommets; ou sur les six angles Æ, compris entre ces bords; 
ou sur les bords inférieurs D, dont le nombre est encore de 
six; ou sur les angles latéraux Æ , qui sont en pareil nombre; 
ou enfin sur les angles inférieurs e, tournés trois à trois vers 
chaque sommet. Au contraire, dans un octaédre rectangu- 
laire (fig. 7 ) (1), les bords supérieurs B,qui subissent tou- 
jours des décroissemens simultanés, sont au nombre de quatre 
vers chaque sommet. Parmi les angles supérieurs A, dont le 
nombre est le méme, il peut y en avoir deux qui restent in- 
tacts, tandis que les lois de décroissement agiront sur les deux 
autres, ou bien tous les quatre leur seront soumis à la fois; un 
décroissement qui.n'agiroit que sur trois est exclus par la sy- 
métrie de la cristallisation. Il en est de méme des quatre bords 
latéraux C, G, qui n'admettent, point d'intermédiaire entre 
deux et quatre décroissemens. Enfin , il suffira qu'un décrois- 
sement agisse sur un des quatre. angles latéraux E, pour qu'il 
se répete sur les trois autres. 

Il suit de là que la cristallisation de la chaux carbonatée 
a pour. échelle la, série 6; 12, 24, etc., dont. tous les termes 


" 7 


(1) L'octaèdre de la figure 5 est représenté dans une position- analogue à celle 
des formes secondaires de l'arragonite. On a donné à l'octaédre ( fig. 7 ) une posi- 
tion sous laquelle son axe est dirigé verticalement, pour faciliter cer de sa 
comparaison avec le rhomboide ; fig. 3 


D'HISTOIRE (NATURELLE. 249 
sont des multiples de trois, et celle de: l'arragonite, la: série 
4,8; 16, etc. , dont aucun terme n'est multiple de trois; d'où 
il faut écachiFe "wa les deux systèmes de ‘cristallisation | sont 
incompatibles. Les nombres de:chaque série, comparés à ceux 
de l'autre peuvent étre assimilés, danses cas,auxincommen- 
surables de la géométrie. ordinaire (1). j 

J'ai promis de faire voir que l'angle m oh ( fig. 4) Fa 28d, 
qu on obtient par la soudivision du rhomboide calcaire parallé- 
lement à ses bords inférieurs, et qui se trouve naturellement 
dans Varragonite prismatique , n'offre qu'une fausse indication 
du rapprochement des deux substances. Pour le. prouver. 1 
j observe que dans le groupe. représenté ( lig. 2), cet angle r ré- 
sulte de la réunion de deux mers de 64 d. qui appartiennent 
à deux prismes . accolés lun à à l'autre, d’où il suit que cet angle 
est divisé en deux également par. le plan de jonction des 
prismes dont. il sagit. Donc, si l'on. partage angle moh 
(fig. 4) en deux moitiés, par | la droite 0 z,etsi. l'on mène m. 


parallèle à o z , il fandra qu ly ; ait un  décroissement. susceptible 
de donner une fage située comme m y; on PP EE gonegyelr du 


P : 1 
FAS r, "ET r SEFA ; ssr "IT ue ZEAR4 b! 1 f 311 T* 


- (1) On peut transformer un rhomboide' queléonque (fig. 5) en i eiae; par des 
sections faites sur les disganaleshépendiales » prises trois à trois vers chaque sommet, 
Ces sections mettront à à découvert deux triangles équilatéraux, qui, combinés avec 
les six triangles Salis résidus des faces du rhomboide, composeront là surface 
d'un octaeédre; mais jamais cet octaèdre ne sera rectangulaire. n ya seilléintit) "um 
cas où: l'on aura un octaédre régulier pour résultat, savoir lorsque le rhomboide 
générateur étant aigu, l'angle plan au sommet sera de 60 d. On peut encore extraire 
un octaédre d'un enBoide par des sections faites sur les inm angles solides. , Cet 
octaédre aura aussi deux triangles équilatéraux, tandis que les six autres seront is iso- 
cèles, à moins que le solidè générateur ne soit un cube; auquel! cas l'óctaddre sera 
régulier, Il ne faut qu'un prit icéteneón pour apéreeyoir que ces passages. duhom» 
boide à l'octaédre sont étrangers à la question présente, 


ii 33 


250 ANNALES DU MUSEUM 
côté opposé une autre face située dans le sens de rp, parallèle 
à my, etsi l'on prolonge mg jusqu'à la rencontre de rp, 
et rn jusqu'à la rencontre de my ,on aura un rhombe mpry 
de 116 d. et 64 d. comme dans l'arragonite. 

Or, en premier lieu, si on laisse subsister sans aucune al- 
tération le rapport V3 à V2, qui est celui des diagonales du 
rhomboide calcaire, on trouve qu'il n'y a aucune loi de dé- 
croissemenl qui satisfasse à la question proposée, parce que 
les quantités qui représentent lesnombres de rangées soustraites 
en largeur et en hauteur sont incommensurables. Si l'on se 
permet d'altérer le rapport des diagonales, de manière à ob- 
tenir à trés-peu- prés l'angle de 64 d., par une loi ordinaire 
de décroissement, cette altération produit dans la valeur des 
angles du "rhoniboide calcaire une différence trop sensible pour 
étre tolérée. Enfin on pourroit modifier les angles dont il s'agit 
d'une quantité assez légère pour être négligée dans la pratique; 
mais alors les lois de décroissement auxquelles on parviendroit 
seroient d'une" complication ‘qui les rendroit iadmissibles. 
D'ailleurs, dans l'hypothèse dont il sagit, deux des pans du 
prisme d'arragonite, originaire du rhomboide de la chaux car- 
bonatée, Savoir ceux qui répondent à mg et à nr, seroient 
dans le sens des joints naturels ordinaires, tandis que les deux 
autres, ou ceux qui a dieci àm ig et pr, seroient le ré- 
sultat d une loi de déc quée. Les pans de Par- 
ragonite se trouveroient donc dans des cas différens , relati- 
vement à la structure, et il devroit en résulter une diversité 
dans le poli, dans la netteté des joints parallèles à ces pans, 
et dans la facilité de les obtenir. Gependant ils se ressemblent 
parfaitement à tous égards; la cristallisation ne les distingue 


D'HISTOIRE NATURELLE, 251 
pas dans la manière dont elle les emploie; et cette identité 
d'aspect , de tissu et de fonctions prouve qu'ils occupent aussi 
le méme rang dans l'ordre de la structure, et ont des positions . 
— sur la forme primitive. 

Mais quand méme on trouveroit une loi admissible de dé- 
croissement pour l'angle de 128 d. , on n'auroit résolu qu'une 
partie du probléme, et il faudroit encore une loi susceptible 
de donner le sommet dièdre, auquel appartiennent les faces 
P, P (fig. 5). Or tous ceux qui sont tant soit peu versés dang 
la théorie de la structure des cristaux , verront facilement que 
l'on ne pourroit satisfaire à cette seconde condition (et encore 
ne seroit-ce que d'une manière approximative ), sans renverser 
la symétrie ordinaire avec laquelle agissent les lois de décrois- 
sement ; nouvelle preuve. que l'angle de 128 d. n'offre qu'une 
analogie de rencontre, 

J'ajouterai ici la deerigi. de de nouveaux nod de 
groupement que présentent les arragonites qui m'ont été enyoyés 
par M. de Paraga. Le premier est composé de quatre oc- 
taèdres primitifs, allongés dans le sens d'un axe parallèle aux 
faces M, M (fig. 5 ) , en sorte qu'on peut les considérer comme 
des prismes rhomboidaux à sommets dièdres, On voit (fig.8 ) 
une coupe transversale de cet assortiment, dans lequel les 
octaèdres composans sont désignés par 4, B, D, F. Si Yon 
divise l'espace intermédiaire p?syoz en deis — par 
une droite to, on pourra considérer chaque trapèze, tel que 
ptoz, soit comme une extension de l'un quelconque des trois 
prismes , 4, B, F,soit comme produit par le concours de 
ces prismes , dont chacun se prolongeroit dans la partie qui 
lui est adjacente, jusqu'à un certain plan qui limiteroit cette . 
partie. On peut faire encore d’autres hypothèses, et pour 

33 * 


252: ANNALES DU MUSÉUM 

connoître-celle iqui a été réalisée par la cristallisation, il fau- 
droit avoir déterminé la position des plans de jonction situés 
dans la partie pts y oz, ce qui seroit extrêmement difficile. 
Mais comme il y a des lois de décroïssement qui satisfont 
égalemeht à toutes les hypotheses; j'ai choisi la plus simple de 
celles-ci, qui consiste à regarder le trapèze p toz; comme une 
extension du. rhombe Ap z g, et le irapèze s to y ; comme une 
extension du. rhombe rs y m. Si l'on désigne les fáces qui ré- 
pondentaux lignes ptsot,st,; par ces mêmes lettfes, on'àura 


pour: le premier trapeze SA G^ et ponn le second, dis AER 
ot 


“Dantre groupe est composé de cinq prismes UR E à 
ceux du précédent , et désignés par A, B, D, G,F, dans la 
figure 9, qui représente la coupe iransvérsale db ce group 'e. “Le 
prisme D ne peut être de niveau. par un de ses côtés fy avec 
le côté adjacent fg du prisme G, sans que son autre cóté ya 
ne fasse un angle réntrant avec le côté ux du prisme B. Si 
parmi i les différentes hypothèses que Yon peut faire pour ex pli- 
quer Ta formation de la partie intermédiaire entre les | prismes; 
ñoûs la soudivisons en quatre triangles ksn,zxn,cdn,fdn, 
on pourra concevoir les deux premiers réagi comme étant 
une eMénsion dés | prismes ‘A, D, dont l'effet est lé même que 


čèlui wd décroissemens * E F5, eiles deux ere triangles, 
jai: )D fre f THRE F esa 
comme nhe a mn neg prismes Cr. ui par une effet analogue 


à celui, des. Ep jd insshisnos aIia a ATIO 


i LT à 105 511 o£ 


"Les arragonites Re l'ai décrits j jusqu ici Sont de ceux que 
lon trouve en Espagne. On en a découvert depuis quel- 
ques années à , Vertaison, ‘dans le département du Puy-de- 
Dôme. Ce sont encore des groupes composés d de: PA A cris- 


La 
t£ À 
ON 


D'HISTOIRE NATURELLE. 253 
taux semblables à celui de la figure 1, et dont l’assortiment 
est le même que figure 2. Les sommets dièdres des quatre 
prismes se réunissent et se pénètrent en partie, de manière 
à rester toujours distincts par leurs faces extérieures, qui 
forment entre elles des tiges rentrans. 

Je crois devoir rapporter à l'arragonite T cristaux aux- 
quels M. de Bournon a donné le nom de chaux carbonatée 
dure, et que ce célebre minéralogiste semble étre tenté de 
considérer comme une espèce à part. On trouve de ces cris- 
taux en Carinthie, en Transylvanie, dans le département du 
Puy-de-Dôme, et ailleurs. Ils ont ordinairement pour gangue 
une argile ferrugineuse. Ils forment des groupes d'aiguilles 
parmi lesquelles on reconnoit des prismes hexaédres qui s'amin- 
cissent en pyramides quelquefois terminées par un aréte per- 
pendiculaire à l'axe, et dans certains cristaux, par des facettes 
additionnelles. M. di Bournon, en divisant mécaniquement 
ceite substance, a obtenu des prismes rhomboidaux de 128 d. 
et. 64 d., en sorte qu il regarde ceux-ci comme offrant la 
forme primitive de la chaux carbonatée dure, tandis qu il 
adopte. pour l'arragonite le résultat « que j'ai énoncé dans mon 
Traité, et qui doune des Jomiy inclinés entre eux de 116 d. 
et 64 d. (Journal des mines, n° 103, p. 68 ) ; mais je suis par- 
venu à diviser aussi la chaux UPS dure dans le sens de 
la diagonale du prisme de 128 d., ce qui fait rentrer la di- 
vision mécanique de cette shit dans celle de l'arragonite, 
et prouve que l'angle dont il s'agit, résulte encore ici de la réu- 
nion de deux angles primitifs de 64 d. 

Parmi les formes cristallines qu'affecte la méme substance, 
je n’en ai encore trouvé qu'une qui füt déterminable. C’est 


celle dun dodécaedre composé de deux pyramides droites 


254 ANNALES DU MUSÉUM 

trés-aigués (fig. r1 ). La base commune de ces pyramides est 
semblable à l'hexagone représenté (fig. 2), en sorte que le 
cristal est un assemblage de quatre octaédres primitifs ( fig. 5), 
modifiés par la loi A qui magit que sur celles des faces M situées 


à l'extérieur (1). Lupi de r sur 7", ou de toute autre 
face de chaque pyramide sur celle qui est adjacente à sa base, 
est de 159 d. 44; celle de la méme face sur celle qui lui est 
opposée derriere le cristal, est de 20 d. 355 celle de r sur r ou 
de r sur r',est de 120 d. 265 et celle de 7' sur la face de re- 
tour,est de 129d. 2’. J'appelle cette variété arragonite apotome. 
Quant aux caracteres physiques, leur diversité dans les deux 
substances ne m'ont pas paru assez marquées pour s'opposer 
à la réunion de celles-ci dans une même espèce. 
. On voit, par ce qui précède, que la cristallisation de l'ar- 
ragonite a une forte tendance pour faire naitre des groupes 
qui ont cela de remarquable, qu'ils offrent un tout dont les 
parties sont tellement coordonnées, qu'on le prendroit sou- 
vent pour un prisme qui auroit été produit à la maniere des 
cristaux simples; et lors méme que le groupement sannonce 
par les saillies que forment les sommets des cristaux compo- 
sans, les faces primitives M, M ( fig. 5 ) restent toujours pa- 
rallèles à un axe commun; en sorte que la surface latérale du 
groupe conserve l'empreinte dela forme prismatique. La double 
pyramide hexaëdre (fig. 11 ) que j'ai décrite plus haut, pré- 
sente un assortiment analogue. On diroit que larragonite 
n'échappe que par accident à cette Oe vers le grou- 


aii 


(1) Le groupement absorbe, pour ainsi dire, les autres faces qui naítroient "mé 
triquement aux précédentes sur des cristaux solitaires. 


D'HISTOIRE NATURELLE. 255 
pement, puisque jusqu'ici le département de la Doire est le 
seul endroit qui ait offert ce minéral sous des formes pures, 
On sait que rien n’est si familier à la cristallisation que les 
groupemeas. On en trouve de nombre ples dans presque 
toutes les espèces, et en particulier dans celle de la chaux car- 
bonatée ; mais cet effet provient de la formation simultanée 
de plusieurs cristaux dans un même espace, où ils se sont en- 
suite réunis en vertu de leur accroissement ; au lieu que chaque 
cristal d'arragonite est un assemblage symétrique de cristaux 
particuliers liés étroitement les uns aux autres. Cette com- 
plication de pièces de rapport, que la cristallisation substitue 
ici à la simplicité ordinaire de la structure, est une nouvelle 
singularité ajoutée à celle que présente ce minéral, lorsqu'on 
le compare à la chaux carbonatée sous le double rapport de 
la chimie et de la minéralogie. 

Les expériences que j'ai faites sur la réfraction des deux 
substances tendent à indiquer entre elles une nouvelle diffé- 
rence de nature. On sait que les rhomboides de chaux car- 
bonatée doublent les images des objets vus à travers deux de 
leurs faces prises parmi celles qui sont parallèles; et pour 
qui cet effet ait lieu, il suffit que l'objet , tel qu'une épingle ou 
une ligne tracée sur un papier, soit en contact avec la face 
opposée à celle qui est tournée vers l'oeil. J'ai pris un fragment 
transparent d'un prisme hexaèdre d'arragonite du départe- 
ment du Puy-de-Dôme, ayant la structure représentée fig. 2, 
et j'ai regardé à travers deux de ses pans parallèles, tels que 
mnto, æphk (fig. 10), un fil délié de métal que je faisois 
mouvoir près du pan opposé à celui par lequel entroit le 
rayon visuel. Quelle que direction que je donnasse à ce fil, 
limage paroissoit simple; la distance entre les deux pans 


256 ANNALES DU MUSÉUM 
étoit. d'environ. 8 millimètres ou.3 lignes :et-demie: Je placai 
ensuite le méme fil sous un rbomboiïde de chaux carbonatée 
dont l'épaisseur n'étoit. que la moitié de celle du prisme ar- 
ragonite, et. l'image fut doublée d'une. manière sensible. : 
Dans cette expérience , les deux pans ‘du ‘prisme d'arrago- 
nite à travers lesquels. je: regardois le fil, étoient parallèles à 
l'une des faces M, M (fig. 5) de "pese primitif; d’où il 
suit qu'elles étoient inclinées à l'axe de cet octaèdre qui passe 
par les angles Æ, £'. Ainsi le corps réfringent se trouwoit 
dans un cas analogue à celui où les images sont doublées , 
lorsqu'on emploie la chaux carbonatée. De plus, le prisme 
étoit: divisible, dans toute son épaisseur, parallèlement aux 
,mémes pans, en sorte que le groupement ne €—— pas 
devoir influer ici sur la marche des rayons. © : 
Un autre prisme a été taillé de manière que son épaisseur 
se trouvät diminuée de moitié, d’où il suit qu'un des deux 
prismes composans , tels que U, T'( fig. 2.) compris dans la 
première épaisseur, avoit été supprimé. L'image a conservé 
sa simplicité, tandis qu'âvec un rhomboide dé chaux eart 
bonatée qui étoit moins épais; l'effet de la double réfraction 
avoit encore lieu. ; 
. Avant d'aller plus loin, je dois prévenir que la à apart ds 
cristaux d'arragonite ont dans leur intéri 
des glaces où autres défauts accidentels qui muisent. dla nen 
teté de la vision, quand on s'en sert pour: regarder de loin la 
flamme d'une bougie, en sorte. qu'on voit souvent plusieurs 
images de cette flamme gronpées confusément; et dont il seroit 
difficile ique le nombre ( s On. pare à cet inconvémient 


+ à 


0) DA met un fil en contact avec le prisme d’arragonite, comme dans les 


D'HISTOIRE NATURELLE. 25%: 
en appliquant sur la face opposée à celle qui est du côté de 
l'œil, une carte percée d'un trou d'épingle, qui faisant l'office 
de diaphragme, supprime une grande partie des rayons dont 
les aberrations produiroient de fausses images (1). J'ai em- 
ployé aussi un morceau d’arragonite détaché d'un prisme 
analogue à la figure 2, et taillé de manière que les deux faces 
réfringentes fussent parallèles aux bases de ce prisme. Un fil 
vu à travers ce morceau paroissoit simple, ce qui au reste 
ne prouveroit rien, parce qu'alors les deux faces réfringentes 
étoient situées parallelement àl'axe Æ E' (fig. 5 ) del'octaedre 
primitif (2). 

J'ai regardé ensuite à travers le même prisme Visage de la 
flamme d'une bougie placée à la distance de plusieurs mètres. 
M. Biot, en se servant d'un arragonite taillé de la méme ma- 
niére , a vu trois images de la flamme, dont chacune se sou- 
divisoit en trois autres (3). Voici ce que l'observation m'a 
offert à l'aide du cristal dont jai parlé. Lorsque je n'em- 
leurs point le diaphragme, je voyois une multitude d'images 
qui, à mesure que je faisois tourner le prisme autour d'un 
axe horizontal , ou que je l'inclinois soit vers la droite, soit 


expériences précédentes, on a soin de choisir les parties diaphanes et exemptes de 
tout ce qui pourroit offusquer les images. 

— (1) L'inconvénient dont il s'agit, a également lieu avec d'autres substances , telles 
que la cbaux fluatée dont la réfraction est kines La même précaution le fait dis- 
paroître. 

(2) Les prismes hexaedres réguliers de chaux akama. qui sont diaphanes , 
ne doublent pas les images des objets vus à travers deux de leurs pans opposés, 
c'est-à-dire à travers deux faces réfringentes, situées parallèlement à l'axe du rhom- 
boide primitif , Cest une seconde limite à laquelle parvient ici la réfraction, indépen- 
damment de celle qui donne les images simples à travers deux faces perpendiculaires 
à l'axe. D 

(3) Nouveau Bulletin des sciences de la Société philom., t. I, p. 54. 

27 


258 ANNALES DU MUSEUM 

vers la gauche, avoient des mouvemens très-diversifiés. Ces 
images paroissoient composer plusieurs systèmes, en sorte 
que celles qui appartenoient à un méme système, marchoient 
dans un méme sens, et que celles qui étoient relatives à dif- 
férens systèmes se croisoient par des mouvemens contraires. 
Elles n'étoient pas simples, et la plupart se soudivisorent en 
trois ou. quatre qui se touchoient. Pour débrouiller cette com- 
plication, j'appliquai le diaphragme sur la face réfringente 
tournée vers la lumière , et alors les mages devmrent simples 
ét beaucoup moins ndkobréascé assez souvent je n'en voyois 
que trois dont les deux extrémes tournoient autour de celle 
du milieu, jusqu'à un certain terme, pendant la rotation du 
prisme; et disparoissoient ensuite pour faire place à d'autres. 
En variant la position du trou d’épingle’, je parvins à ne plus 
apercevoir que l’image du milieu, en sorte que pour faire 
reparoitre les deux autres, il falloit donner au prisme un mou- 
vement d'inclinaison plus ou moins considérable. Or si l'arra- 
gonite avoit par sd nature la’ propriété de faire subir neuf 
réfractions à à la lumière, cette propriété devrait subsister dans 
le rayon qui pe parle trou d'épingle, quel qué füt Te pomt 
qui i répondit à cette ouverture, et il en seroit ici de l'arrago- 
nite comme des sers qui, ayant par. elles-mémes la 
double réfraction; en. manifestent constamment. les. effets dans 
les expéri blables à-celle dont je viens de parler. On 
a donc tout lieu de croire que les images qui semblent se jouer 
dans un cristal d'arragonite autour de l'image principale, dé- 
pendent du. groupement ou de le réflexion sur-les pentinn in- 
térieures du cristal (1): Mp sued 


(1) La chaux carbonatée- présente un phénomène à-peu-près di méine'genre que 


D'HISTOIRE NATURELLE. 259 
J'ai soumis à l'expérience deux autres portions de cristal, 
taillées de manière que l'une des faces réfringentes étant tou- 
jours parallèle à la base du cristal dont elles avoient été 
détachées, l'autre faisoit avec elle un angle de 10 à 15 degrés. 
L'un des prismesprovenoit d'un arragonite d'Auvergne, ap- 
partenant à la variété représentée figure 2, et l'autre d'an ar- 
ragonite d'Espagne, ayant la structure indiquée par la figure 
9. Avec l'arragonite d'Auvergne, muni de son diaphragme, 
je voyois assez constamment quatre images de la flamme, dont 
les deux du milieu étoient sans iris, et les deux extrêmes 
étoient teintes de couleurs prismatiques. Lorsque j'employois 
un fil métallique, comme objet de la vision, ces dernieres 
images étoient foibles et semblables à des ombres. L’arragonite 
d'Espagne n'offroit que deux images, en sorte que ses effets 
se réduisoient à la double réfraction occasionée par l'incli- 
naison respective des faces réfringentes. M. Malus, officier du 
génie; que le beau travail" qu'il prépare sur l'optique a mis 
dans le ‘cas de s'exercer aux ‘expériences les plus délicates 
en ce genre, a bien voulu vériliér lui-même la plupart de 
celles que je viens de citer ; et les résultats dé ses observations 
se sont trouvés d'accord avec ceux que j'avois obtenus. 
"Les e&périences dans lesquelles j'ai émployé une portion 
daccedoniol prismatique coupé transversalement, ont ‘offert 
des runs si variables , qu'on ne peut méconnoitre, ainsi 
que je l'ai déjà remarqué, l'influence du groupement et de la 


celui dont.il s'agit ici. Lorsqu'on regarde une lumière à travers un rhomboide de 

cette substance, on voit, pups damment des deux i images données par la réfraetion " 

d'autres images qui, dans ce cas, proviennent évidemment des rayons réfléchis re 

les parois intérieures, et qui repassent dans’ l'air en se ditigeant Vers Poil, ^ "7 
ap" 


260 . ANNALES DU MUSÉUM 
réflexion dans ce que ces phénomènes ont d'extraordinaire. 
La seule expérienee qui mérite d'étre comptée dans la dis- 
cussion relative à la question présente, est celle qui donne 
des images simples à travers deux faces primitives situées pa- 
rallèlement sur un cristal d'arragonite. Le earactére distinctif 
qui en résulte est d'autant plus remarquable , que la propriété 
opposée, celle d'offrir des images doubles dans le méme cas, 
appartient presque exclusivement à la chaux carbonatée, le 
soufre étant jusqu'ici le seul minéral qui la partage avec elle. 
Une autre différence que je ne dois pas omettre, quoi- 
qu'elle n'ait pas à beaucoup prés la méme importance que les 
précédentes, est celle qui se tire de la manière d'agir de la 
chaleur. J'ai détaché de petits fragmens d'un morceau d'ar- 
ragonite transparent , et d'autres d'un morceau de chaux car- 
bonatée dite spat d Islande. Je les ai présentés successivement 
à la flamme d’une bougie, sans employer le chalumeau. Ceux 
qui provenoient de larragonite. se. convertissolent presque 
aussitôt en une poussière blanche dont les grains étoient lancés 
autour de la flamine par une espèce de petite explosion. Les 
fragmens de chaux carbonatée restoient intacts,et conservoient 
méme long-temps leur transparence; à moins qu’ils ne fussent 
extrémement petits. Lorsque les deux substances ne sont plus 
dans leur état de perfection , la différence entre les effets est 
moins marquée : ainsi les morceaux .d’arragonite, fibreux et 
presque opaques blanchissent seulement et deviennent friables 
par l'action de la chaleur. La chaux carbonatée blanchâtre, 
et qui n'est que translucide, décrépite souvent et se disperse 
en éclats; maissi l'on a soin de chauffer le fragment | par degrés; 
en l'approchant doucement de la flamme, de maniere à pré- 
venir l'effet de la décrépitation, il ne se divise plus. Il en 


D'HISTOIRE NATURELLE. 261 
résulte que plus les deux substances approchent de la trans- 
parence, plus aussi l'une devient altérable par un degré de 
chaleur auquel l'autre résiste; en sorte que dans la circons- 
tance où elles se prêtent le mieux à une comparaison exacte, 
c'est-à-dire dans celle où elles ont atteint cet état de perfection 
qui est comme la limite de leurs différentes modifications, 
leurs effets sont opposés. 

En résumant tous les coraetàmia énoncés "m ce Mémoire, 
on trouve que l'arragonite différe dela chaux carbonatée par 
une dureté beaucoup plus considérable, par une pesanteur 
spécifique plus grande , mais seulement dans le rapport d'en- 
viron 29 à 27, par un éclat plus vif, par une forme cristal- 
line incompatible avec celle de l'autre substance, par une 
réfraction simple dans les mêmes cas où celle dela chaux car- 
bonatée: est double, enfin pest üne résistance ai foible à 
l'action de la chaleur. ! - 

D'après cet ensemble de caractères , on digue do toujours 
facilement l'arragonite de la chaux carbonatée, tant que ses 
cristaux se préteront à l'observation des mêmes caractères ; 
mais cette substance subit, comme une multitude d'autres, 
des modifications qui Féeries dé sa: état de perfection. Elle 
forme des faisceaux d'aiguilles plus ou moins déliées, 
et passe par degrés du Ajis Gbreix: à à l'aspect d’une masse 
compacte où tous les indices de cristallisation ont ‘disparu. 
Elle se rapproche alors des variétés analogues que présente 
la chaux carbonatée, en sorte qu'il est difficile de les distinguer 
l'une de l'autre. Il reste cependant des indices qui peuvent 
aider à éviter la méprise. Les aiguilles de chaux carbonatée, 
lorsqu'ou les brise, offrent des faces brillantes , inclinées trois 
à trois autour d'un méme sommet; au lieu. que celles d'arra- 


263 ANNALES DU MIUSÉ UM! 

gonite n'ont de joints naturels bien sensibles que parallèlement 
à leur axe : de plus, elles conservent une différence d'éclat 
avec celles de l’autre substance. Les relations de position que 
les variétés de forme — ont. "—- celles qui sont 
cristallisées > — un nou y itre ce qui 
appartient au de: eus bst Dans le départe- 
ment du Puy-de-Dôme, on suit de l'ceil tous. les: passages qui 
lent avec l'arragonite cristallisé régulièrement, les variétés en 
masses! fibreuses et compactes: Il existe à Montmartre: des 
concrétions mame]onées , dontile tissu est fibreux , du genre 
de celles qu'on appelle a/bátre, et qui sont plus dures qué la 
ehaux carbonatée ordinaire; en sorte que leur nature pourroit 
paroitre douteuse, si on les considéroit isolément : mais on 
observe souvent; "a surface - mamelons que produit cette 
substance, des: pyramides triangulaires qui iudiquert une ten- 
dance vers la forme dela variété du chaux carbonatée que j'ai 
nommée spiculaire,et qui abonde sur des concrétions stra- 
tiformes que l'on trouve dans le méme endroit; d'où l'on doit 
conclure que les premières appartiennent à la chaux:carbo- 
natée: Ilen est de méme de celles que j'ai appelées fistulaires; 
et qui ont ordinairenient, à l'endroit de leur axe, un tube 
évidemment composé de chaux carbonatée ; ; ensorte cobalt 
il est isolé, on ‘peut le diviser mé t dans des sens 
paralleles aux faces du rhomboide m——: Onmé peut douter 
que toutes les couches opaques et quelquefois :fibreuses qui 
enveloppent ce tube ne soient de la méme mature; d'autant 
plus qu'assez souvent les molécules finissent par se déposer à 
la surface, sous la forme de pyramides analogues à celles des 
cristaux caleaires. Mais je partage l'opinion. de M! Cordier; 
ingénieur des mines, au sujet des concrétions appelées /fos 


D'HISTOIRE NATURELLE. $068 
ferri, que ce savant minéralogiste regarde comme une va- 
riété d'arragonite (1). M. de Bournon de son côté, les.rap- 
porte à la substance qu'il nomme chaux carbonatée duré; 2); 
et dont j'ai prouvé plus haut l'analogie avec lárragonite. A 
l'égard des masses composées dé fibres parallèles. ayant... un 
tissu soyeux, telles qu'on en trouve en Angleterre , leur peu 
de dureté, jointe à lenr- résistance à l'action: dé là flamime 
d'une jeu me porte à croire vergens edt Pi ipie dà 
chaux carbonatée. x 

. On voit, par ce disini cg ne inh n Voie ini des 
ressemblances entre ces variétés de chaux carbonate- etar- 
ragonite, que lon: peut regarder cómme leurs dernières mon 
difications, que lune de ces substances passe à l'autre; Gemot 
de passage, ique. l'on a: MUN pisisiewes fois par rapport à 


+ les nng adis: ngr brac: non 


des minéraux qui differen 3 des : 3 
leur antaiia n'eseitidui hus l'embarras de: les distinguer. 
lorsqu'ils sont. dans certains états où leurs. res les plus 


$aillansont disparu: pour faire place à une ressemblánce tróm- 
ponina: Adibi bedient fibreuse et l'amphibole fibreux se 
"fois, au: kein e: l'œil: seroit. tenté de 

kawsani: HASIS uir h 
: Mais il suffit lebe midi nne fibre de. onetati ét. de. la 
faire chauffer ; pour :qu'elle: donne: des: ‘signes d'électricité vi 
trée d’un cóté; et résineuse de l'autre. Or, comme la position 
des: pôles électriques est en. relation ‘avec la- forme, il en 
résulte que la: cristallisation pau: à imprimer aux: fibres 


de. la tourmaline le caractère géométrique qui-disingne cette 


^ 
 TIIIIIoNS LINE Harriet rasta fu Eye atris 
$ $ 


so rase du qu 273 i — 
H1 - CIDE: af Tr el 


- (1) Jóurnal des imfáes , n. siboyo hoic 42895 
aqa) Transactions’ philosop. 1803, p. 325: et suiv. mus d daenp CPI 


364 ANNALES DU MUSÉUM 
substance, quoiqu'ilsoit alors imperceptible pour nos sens. La 
même chose doit avoir lieu par rapport à l'amphibole; chacune 
des deux substances continue d’être ce qu'elle est, jusque dans 
les modifications qui nous paroissent les plus insignifiantes, 
et cet exemple nous apprend ce qu'on doit penser de ces pas- 
sages que l'on a imaginés entre certains minéraux , à l'endroit 
où leurs limites , toujours invariables en elles-mêmes, semblent 
échapper à l'imperfection de nos moyens. 

Le défaut d'accord qui existe entre les résultats de la chimie 
et ceux de la minéralogie, relativement à l'arragonite et à la 
chaux carbonatée, est un fait unique jusqu'ici, et dont l'ex- 
plication dépendra probablement d'une nouvelle observation 
amenée par le progrès des sciences, et auprès de laquelle ces 
résultats , en apparence incompatibles, viendront se rallier ; 
mais on peut demander si, dans l'état actuel de nos connois- 
sances, le minéralogiste est fondé à faire de l'arragonite une 
espèce distinguée de la chaux carbonatée. Or la différence entre 
lesdimensionset les angles de la molécule intégrante me paroit 
suffire seule pour établir l'affirmative. On conçoit bien qu'une 
méme forme de molécule puisse appartenir à deux substances 
différentes, parce quela formeen général n'étant autre chose que 
l'assemblage des plans qui limitent un espace, il est possible que 
tel espace , parexemple celui qui répond àun cube , soit occupé 
tantôt par lesmolécules de tel acide et de telle base, tantôt par 
celles d'un autreacide et d'une autre base. Ces diverses molécules 
élémentaires seront comme des piéces de rapport dont les 
figures et l'assortiment pourront varier, de manière que les 
plans extrémes conservent toujours les mémes positions res- 
pectives. Mais on ne conçoit pas que des élémens qui seroient 
les mêmes quant à leurs qualités, à leurs quantités respectives - 


D'HISTOIRE NATURELLE. 265 
et à leur mode d'aggrégation, pussent donner riaissance à des 
molécules intégrantes de deux formes différentes, surtout si les 
dimensions de ces molécules n’ont aucune mesure commune, 
ainsi que dans le cas présent. Cette diversité ne peut être que 
l'effet d'une cause qui a influé d'une manière quelconque sur 
la composition, et l'on est forcé de séparer les substances qui 
présentent les deux formes. 

Les caractères physiques se réunissent à celui que fournit 
la géométrie des cristaux , pour indiqter la même séparation. 
J'ajoute que le minéralogiste, en l'admettant, ne fait que se 
conformer à un principe émis par le célèbre auteur de la 
statique chimique (1), et qui a méme ici d'autant. plus de 
force, qu'il suppose tacitement que l'arragonite, considéré 
sous le rapport de la chimie, ne differe en aucune maniere 
de la chaux carbonatée. « Une méme composition dans les 
minéraux, dit ce savant, peut donner naissance à des qualités 
physiques assez différentes, pour qu'il soit nécessaire de les 
séparer. Ainsil'on ne devra pas confondre le cristal de roche 
avec le silex, quoiqu'ils aient une méme composition. » Or, 
on peut dire que l'arragonite diffère beaucoup plus de la 
chaux carbonatée par ses caractères physiques, que le silex 
ne differe du cristal de roche. Ces deux dernieres subs- 
tances ont presque la méme dureté et la méme pesanteur 
spécifique, et il y a des morceaux de silex qui passent presque 
immédiatement à l'état de quartz cristallisé, Ainsi la miné- 
ralogie a des données plus que suflisantes pour faire de 
larragonite une espèce distinguée de la chaux carbonatée , 


PE 


(1) Tome I, page 456. 
11. 


35 


266 ANNALES DU MUSÉUM 

en la plaçant toutefois à côté d'elle dans un méme genre. Mais 
l'adoption que j'ai faite d'une nomenclature puisée dans le 
langage de la chimie française, ne permet pas encore de 
changer lenom d'arragonite, quoique vicieux (1), pour y en 
substituer un qui ait , comme tous les autres , l'avantage pré- 
cieux d'exprimer la nature des principes composans, autre- 
ment on auroit deux noms identiques pour des espèces diffé- 
rentes. Le véritable nom sera suggéré par l'observation ou 
par la découverte qui donnera la solution du probléme, en 
remontant jusqu'à la cause, quelle qu'elle soit, des diversités 
que présentent les propriétés de larragonite, comparées à 
celle de la chaux carbonatée. 


— 


(1) Ce nom est tiré de celui du royaume d'Arragon, dans lequel on a d'abord 
trouvé l'arragonite. Les principes d'une bonne nomenclature me paroissent exiger 
que les noms de pays ne soient employés que pour désigner des individus, comme 
les noms empruntés des couleurs , ne doivent servir qu'à désigner des variétés. 


D'HISTOIRE NATURELLE. 267 


- ANALYSE 
DE L’'APLOME 


PAR A. LAUGIER. 


Histoire naturelle; propriétés physiques. 


M, Haury a nommé aplóme une substance pierreuse qui se 
trouve en Sibérie, sur les bords du fleuve Léna. On doit la 
connoissance de sa localité à M. Weiss qui a cédé au Gou- 
vernement la belle collection que l'on voit dans les galeries du 
Muséum d'histoire naturelle. L'aplóme a quelques rapports 
avec le grenat et avec l'idocrase; mais il diffère du premier par 
sa pesanteur spécifique, et de la seconde par sa forme pri- 
mitive. La forme des cristaux de l’aplôme semble indiquer 
qu'ils sont le résultat d'un décroissement par une seule rangée 
sur tous les bords d'un cube. « Ce décroissement est si simple 
» et si élémentaire, dit M. Haüy dans son Traité de minéra- 
» logie, que je l'avois choisi pour le premier de tous, en ex- 
» posant ma théorie relative à la structure des cristaux. » Cette 
disposition , qui est particulière à l'aplóme, puisque M. Haüy 
ne la observée dans aucune autre substance, a déterminé ce 
do" 


268 ANNALES DU MUSÉUM 


savant à ranger cette pierre parmi les substances douteuses , 
et à lui donner la dénomination d’aplôme qui veut dire sim- 
plicité. 

Cette particularité dans la cristallisation de l'aplóme étoit 
un motif d'en rechercher la composition, et je me suis occupé 
de lexamen chimique de cette pierre, d'autant plus volon- 
tiers qu'aucun chimiste, à ma connoissance, n'en a encore 
fait. l'analyse. 

L'échantillon qu'a bien voulu me donner M. Haüy, et sur 
lequel j'ai opéré, est bien cristallisé. Ses cristaux ont à-peu- 
près le poli et la couleur de l'axinite violátre. L'aplóme est 
très-dur, et ne se réduit en poudre qu'avec difficulté; il se 
divise d'abord en petites molécules cristallines, brillantes, 
qui résistent à l'action du pilon. 

Sa pesanteur spécifique, selon M. Haüy, est de 3,444. 

Une quantité donnée d'aplóme perd par une forte calcina- 
tion deux centièmes de son poids. 


Examen chimique de l'aplóme. 


A. J'ai chauffé dans un creuset d'argent cent parties de 
cette pierre réduite en poudre fine, avec quatre cent parties 
de potasse caustique. Une chaleur rouge, soutenue pendant 
une demi-heure, n'a opéré qu'une fusion páteuse; la masse 
refroidie avoit une couleur vert-bouteille foncée ; l'eau dis- 
ullée a pris la méme couleur, que l'acide muriatique a fait 
passer au rose : un excès de cet acide a complètement dissous 
le mélange. L'évaporation à siccité a donné une poudre jaune 
qui s'est dissoute en grande partie dans l'eau. Il est resté sur 
le filtre une matière blanche que j'ai calcinée au rouge. Elle 


D'HISTOIRE NATURELLE. 269 
étoit trés-fine, rude à la langue, insoluble dans les acides, et 
soluble en entier et à froid dans la potaje caustique. On sait 
que ces propriétés n'appartiennent qu'à la silice. Die poids 
étoit de 4o centièmes. 

B. La dissolution muriatique , privée de la silice, contenoit 
un excés d'acide. L'ammoniaque, ajoutée en excés, en a pré- 
cipité une matiére rougeátre, floconneuse, que j'ai recueillie 
sur un filtre, et que j'en ai séparée encore humide pour la 
faire bouillir avec une dissolution: de potasse caustique. La 
matiere a perdu sur-le-champ une grande partie de son vo- 
lume, et ce qui a refusé de se dissoudre a pris une couleur 
rouge plus intense. ; 

C. J'ai jeté le mélange sur un filtre que jai lavé jusqu'à 
ce que l'eau en sortit insipide, et apès avoir sursaturé la so- 
lution alcaline par l'acide muriatique, j'y ai versé de l'ammo- 
niaque en excès qui en a précipité une matière blanche flo- 
conneuse. L'acide sulfurique, versé sur ce précipité humide, 
la dissous en totalité, et l'addition de quelques gouttes de 
sulfate de potasse liquide a déterminé la formation d'un grand 
nombre de cristaux octaédriques, ayant une saveur acide, as- 
tringente , dont le poids représentoit 20 centièmes d'alumine. 

D. La portion rouge, insoluble dans la potasse caustique, 
a pris par la dessication à l'air la couleur noire, l'aspect 
vitreux que donne ordinairement à l'oxide de fer la présence 
d'une certaine quantité d'oxide de manganése. Ce mélange 
calciné au rouge, pesoit 16 centiémes et demi. Pour opérer 
la séparation des deux oxides, j'ai employé l'acide muria- 
tique étendu de douze parties d'eau. Il me semble que 
ce moyen pourroit étre substitué avec avantage à l'acide 
acétique et au succinate d'ammoniaque dont on se sert plus 


270 ANNALES DU MUSEUM 
habituellément. Mais pour qu'il réussisse complétement, il 
faut avoir la précaution d'amener d'abord les deux métaux 
aù maximum de leur oxidation en les faisant bouillir à plu- 
sieurs reprises avec de l'acide nitrique concentré. Parvenus à 
cet état d'oxidation, les deux métaux se comportent diffé- 
remment avec l'acide muriatique étendu d'eau et froid ; l'oxide 
dé fer s'y dissout , et l'oxide de manganèse reste au fond du 
vase sous la forme d'une poudre brune-foncée. On est assuré 
que la séparation est exacte lorsque la dissolution qui contient 
le fer donne un précipité d'un bleu trés-pur par le prussiate 
de potasse, au lieu que le précipité est bleu-verdátre pour 
peu que le fer soit mélangé de manganése. L'oxide de fer pe- 
soit 14 centièmes et demi; il ne restoit donc que deux cen- 
tiemes pour le poids de l'oxide de manganèse. 

E. On a vu que les élémens de laplóme fondu avec la 
potasse avoient été dissous en totalité par l'acide muriatique, 
que l'évaporation à siccité en avoit séparé la silice, que l'am- 
moniaque en avoit précipité l'alumine et les oxides de fer et 
de manganèse. Tous ces produits réunis ne représentoient 
pas la quantité de la pierre soumise à l'expérience : il falloit 
donc rechercher dans la dissolution mise à part les autres 
principes qui devoient compléter l'analyse. L'addition d'une 
suffisante quantité de carbonate de soude a opéré la précipi- 
tation d'une matière blanche, floconneuse, dont j'ai accéléré 
la séparation par une chaleur convenable. Jai lavé cette subs- 
tance et je l'ai traitée pe l'acide sulfurique’, qui ne m'a pas 
paru la dissoudre; et j'ai chauffé fortement le mélange pour 
en dégager l'excès d'acide. L'eau froide avec laquelle j'ai lavé 
le résidu n'a retenu aucune trace de sel cristallisable et sa- 
pide; d’où j'ai cru pouvoir conclure que cette matière étoit de 


D'HISTOIRE NATURELLE. 271 
la chaux pure sans mélange de magnésie. En effet, le résidu 
insoluble dans l’eau froide, se dissolvoit en petite. quantité 
dans l’eau chaude, et sa dissolution, comme celle du sulfate 
calcaire, précipitoit abondamment par les dissolutions d'oxa- 
late d'ammoniaque et de nitrate de baryte. La chaux, con- 
tenue dans cent parties d’aplôme , donne par sa combinaison 
avec l'acide sulfurique 36 parties de sulfate qui représentent 
14 centièmes et demi de cette terre. 

F. L'expérience prouve journellement que les eaux-méres, 
qui contenoient d'abord tous les principes des pierres, re- 
tiennent avec opiniátreté une petite quantité de ces principes, 
quels que soient les réactifs dont on ait fait usage pour en 
opérer la précipitation; aussi est-il indispensable d'évaporer 
ces eaux-meéres. et de calciner le résidu salin qu’elles four- 
issent. La calcination du résidu de l'eau-mére de l'aplóme 
m'a donné 2 centièmes, d'un mélange de silice et d'oxide de 
Sagas | 

.. En additionnant la somme de tous les produits que l'ana- 
lyse de l'aplóme m'a fournis, jai obtenu de cent parties de 
cette pierre les résultats ci-après indiqués; 

Sillém: 55 SOMMES 40 

Alumine . « wps + + + + « 20 


Chaux -- MOMENT DT 6 «6! à 14—5 
Oxide de fer. TE 6 o4 low à 14—85 
Oxide de manganèse. . . . .2 


Mélange de silice et de fer. . . 2 
Perte par la calcination . . . .2 


Remarques sur lanalyse de l'aplóme. 


La perte de 5 centièmes que l'on observe dans cette ana- 


na ANNALES DU MUSEUM 


lyse m'ayant donné lieu de présumer que la pierre qui en 
est le sujet pouvoit contenir des principes solubles, tels 
que des alealis, j'ai cru devoir traiter cent autres parties 
d'aplóme par l'acide sulfurique; mais je n’ai aperçu par ce 
moyen aucune trace de potasse ni de soude. J'ignore donc 
absolument quelle peut étre la cause de cette perte qui toute- 
fois est bien légère, puisque dans toute analyse exacte, on 
admet comme déficit inévitable une quantité de 3 centièmes, 
ce qui réduit à 2 centièmes seulement la perte réelle que j'ai 
éprouvée. 

L'analyse de ce minéral prouve qu'il ne peut étre rap- 
porté ni au grenat de Bohéme, ni à celui de Syrie , que l'on 
nomme grenats orientaux, puisque ceux-ci ne donnent que 
tres-peu ou point de chaux,et que la quantité de fer y est 
beaucoup plus considérable; d'ailleurs le grenat de Bohême » 
analysé par M. Klaproth, a fourni 10 de magnésie. 

Les autres substances avec lesquelles l'aplóme a du rapport 
sont l'axinite et l'épidote ; mais ces deux espèces ont des ca- 
ractères qui tendent à en faire séparer l'aplóme. 

Le grenat jaune de Corse, dont l'analyse se rapproche en 
quelque maniere de celle de l'aplóme, fournit une quantité si 
considérable de chaux; qu'il n'est nullement prdbahle que celui- 
ci n'en soit qu'une variété. 

Dans cet état de choses, il me semble que lorsque les résultats 
de l'analyse nesont pas assez tranchans pour décider la ques- 
tion , il est indispensable de combiner avec ces résultats les pro- 
priétés géométriques. et physiques, et en suivant ici cette 
marche, sans doute admissible, on seroit porté à croire quele 
minéral dont il s'agit forme une espèce particulière. 


D'HISTOIRE NATURELLE. 273 


SUITE DES PLANTES 
DU COROLLAIRE DE TOURNEFORT, 


PAR M. DESFONTAINES. 


VALERIANA SISYMBRUFOLIA (Valériane à feuilles de Cresson ). 
Tab. »8.. 
ve foliis omnibus  pinnatis ;. foliolis ovato-subrotundis , 


integerrimis. Wanu. Spec. à, p. 7.— F': orientalis , Sisym- 
brii Matthioli folio. Toury: Cor. Inst. 6.— Vélins du Muséu m.ar 


Ehte belle espèce de ane, originaire Mike a: 
quelques rapports avec le #7. FRE Lin. 

Racine charnue, pivotatite , de là longueur et de la gros- 
seur du petit doigt , garnie de ton gus libres desceñdantes qui 
sortent de sa surface, 

Tige droite, simple, lisse, longue d'un ou débx pieds. 

Feuilles opposées, pennées avec une impaire Trois paires 
de folioles, alternes , ovales ou arrondies, obtuses, glabres, en- 
tières‘, portées chacune sur un pétiole court; elles vont en 


11. 36 


294. ANNALES DU- MUSEUM 
croissant de la base du pétiole jusqu'au sommet. Celle qui le 
termine est la plus grande. 

Fleurs d'un rose-pále, trés-rapprochées, disposées en co- 
rymbe au pomper de le tige; pcoompagnées de petites bractées 
linéaires. 

Corolle en entonnoir. Tube comprimé, ayant à sa base une 
petite-bosse latérale. Limbe ouvert, à cinq divisions obtuses, 
un peu inégales. 

Trois étamines plus longues que | le tube. Filets gréles. An- 
thères petites, obtuses, mobiles , à deux loges. 

Un style surmonté de trois stigmates. 

Je n'ai point vu le fruit. 

Les feuilles pennées avec une impaire; les folioles ovales, 
obtuses ou arr — sont les caractères qui dislinguent cette 
espèce... j 


Cacnrys cnETICA ( Cachrys de Crète). Tab. 29. 


€. folüs: bipinnatis ; foliolis.lanceolatis; serratis; semini- 
bus.suleatis; asperis. Lamxncs. Dict; 1, p; 250. iux crée 
tica, Angelicæ: folio , Asplodeli radice. Toerx: Cor: Inst. 
23. — Libanotis Apii fa, semine rés C. B. Pix. De — 
Vélins du: Muséum, v.. | 


Tournefort a laissé La ses manuscrits une, description. 
abrégée de cette plante. qu il découvrit, en 1700, dans l'ile. 
dé Candie. Il dit que la fleur étoit passée lorsqu'il lobservas, 
et en elfet, les individus conservés dans son. herbier et dans 
celui de Vaillant n'ont.que des fruits... 

De la base de la tige sortent plusieurs racines fusiformes ; : 
divergentes , charnues, de la grosseur, du.. doigt, .longues- de, 


D'HISTOIRE NATURELLE. 275 
trois pouces, terminées par une radicule gréle. Tournefort 
dit que leur surface est couverte d'une enveloppe brune, 
“qu’elles sont blanches intérieurement et d'un goût aromatique. 

Tige droite , ferme, cannelée, peu rameuse, haute d'un pied 
et demi, sur trois ou quatre lignes d'épaisseur. 

Feuilles ressemblantes à celles de l'Angélique sauvage , À. 
sylvestris, Lin.; deux fois pennées avec une impaire. Folioles 
ovales-lancéolées, aiguës, glabres , inégalement dentées en scie, 
d'un vert luisant, sessiles et opposées deux à deux. Pétiole con- 
cave , élargi à la base et embrassant latige. | 

Involucre et involucelle nuls. 

Ombelle aplatie, composée de six à dix rayons inégaux. 

Deux grosses graines accolées, convexes, ovales, aiguës, 
brunes , fongeuses, marquées chacune de cinq sillons ,hérissées 
de petites pointes rudes recourbées en crochet. 

Deux styles courts, persistans. 


‘Bunium rzRvLEFOLIUM. (Bunium à feuilles de Férule). Tab. 3o. 


B. foliis multifariam trifidis; foliolis omnibus uniformi- 
bus, linearibus ; involucro polyphyllo, subulato; seminibus 
sentiteretibus , stratis , obtusis.— Bulbocastanum creticum , 
Ferulæ folio , semine oblongo. Tourner. Cor. Inst. 21,— 
Vélins du Muséum. v. 


Racine tubéreuse, irrégulière, de la grosseur d'une noix, 
roussátre en dehors , blanche intérieurement , garnie de quel- 
ques radicules capillaires. 

Tige gréle, striée, un peu tortueuse , haute d'un pied à un 
pied et demi, partagée en plusieurs rameaux étalés. 

36 * 


276 ., ANNALES DU.MUSÉUM 

Feuil'es glabres , plusieurs fois trifurquées. Folioles étroites , 
linéaires, aiguës, toutes uniformes , marquées d'un sillon lon- 
gitudinal. Pétiole commun étroit, élargi, sirié ; concave! à la 
base et embrassant la tige. 

Pédoncules longs, nus ou garnis de quelques feuilles. In- 
volucre court, composé de cinq. à six folioles aiguës et très- 
étroites. Involucelle plus petit semblable à l'involucre. 

Ombelle plane , penchée avantla floraison. Six à dix rayons 
gréles , inégaux. Cinq pétales blancs, terminés par une pointe 
recourbée en dedans, ce qui les fait paroitre échancrés. 

Cinq étamines sur l'ovaire. Anthéres. blanches, rondes, 
petites.. ; | | 

Deux styles. Deux graines accolées; . gréles i demirin- 
driques, allongées , tronquées et obtuses, | 

Cette plante, originaire de l'ile de Candie, et. dont. Tourne- 
fort a laissé une bonne description dans ses manuscrits, a 
beaucoup d’aflinité avec le Bunium Bulbocastanum » Lin., qui 
croit dans nos campagnes; mais elle en diffère surtout par les 
folioles des feuilles radicales qui sont linéaires et semblables 
à celles des tiges. Celles du B. Bulbocastanum , sont larges, 
un peu ressemblantes aux feuilles du Persil, et très-diffé- 
rentes de celles de la tige. Les graines de ce dernier sont 3 
cannelées moms profondément. 

Le Bunium ferulæfolium ne sauroit être par AE con- 
fondu avec le Bunium denudatum de M. Decandolle ou Bu- 
nium majus de M. Willdenow, qui n'a point d'involucre, et 
dont les graines , terminées chacune par un style persistant, 
sont amincies vers le sommet : sa tige d’ailleurs est nue infé- 
rieurement, moins torlueuse, et ses feuilles. sont beaucoup 


plus découpées, que celle du B. ferulæfolium. 


tés NATURELLE. 277 


4 


à grande fleur ). 


Tusexetuus GRANDIFLORUS ( Renoncule 
DUET Tab. ii 
+ s 1 €! "1" 

R. villosus ; gens unie erecto; $ foliis DEER s 
profunde. vilebisudlaius incqualiter laciniatis ; calice reflexo. 
— RÈ. caule erecto, bifolio ; foliis multifidis , caulinis. alternis, 
sessilibus , Lan. Spec. 781. —4 orientalis, Aconiti folio, flore 
luteo maximo, Tourner. Cor. Inst. 20. — Vélins du Muséum. 


icit: as dddttiniiétotet Hose wil 

Cette espèce de Renoncule, quoique mentionnée depuis 
long-temps dans divers ouvrages de botanique, est cependant 
irés-peu connue, parce qu'elle est rare dans les herbiers, et 
qu'il n’en existe.aucune .bonne description. C'est: ce. qui m'a 
déterminé à la publier. de nouveau avec une Gne: oü elle 
est: fidèlement, représentée. 

+ Racine composée d'un. grand ond in Gbera edens réu- 
Aes en un faisceau. , c 

Tige cylindrique, velue LE, te divisée irm narii 
supérieure en un petit nombre de rameaux ou pédoncules ter- 
minés par une fleur, nue où seulement garnie d'une ou deux 
feuilles linéaires’et ‘entières; quelquefois: partagée en deux ou 
trois lanières; allongées” et aigués. Les radicales ressemblent 
assez bien à celles: du Napel, Æconitum Napellus ; Lin. ; elles 
sont velues, divisées très-profondément en trois lobes élargis 
en éventail de Ja base au sommet, et inégalement laciniés. Pé- 
tiole cylindrique creusé en FR d'une gouttière login 
pas élargir ev formant une: gaine: inférieurement. «7 
+ Calice:velu; réfléchi: Cinq feuilles :ovales, un -peu aiguës. 
Corolle, d'environ un pouce de diamètre: Cinq. pétales 


278 S ANNALES. DU MUSÉU M: 
jaunes , veinés dans leur longueur, arrondis, légèrement échan- 
crés.au sommet , ayant à la base une petite lame: ou-dupli- 
cature, comme dans les autres espéces du méme genre. 

Étamines indéfinies , jaunes. Anthères oblongues, attachées 
le long des deux bords du filet. | i 

Plusieurs ovaires réunis en une téte shakiqüeg surmontés 
chacun d'un stigmate. 

Je.n'ai point vu le fruit à maturité. 


Elle croit netuisheient en Cagipadoce, 


Hztrxsonus ORIENTALIS is (Ellébore TOME: Tab. 32. 


. H. Caule mors (foliis pedatis , subtus hirsutis. Wir». 
Spec.2 , 'p. 1337. — H. Caule superne diviso, folioso, foliis 
duplo altiore; foliis amplis, pedato-digitatis , subtus pubes- 
centibus. Lamanck. Dict. 3, p. 96. — H. niger orientalis, 
amplissimo folio, caule præalto , flore purpurascente. 
Tourner. Cor. Inst. 20. — Vélins du Muséum. v. 


. « La racine de cette espèce d'Ellébore, que les Turcs ap- 
» pellent Zoptéme, est, dit Tournefort, Voyage du Levant, 
» tome 2 , p. 474 , un troncon gros: comme le pouce, couché 
» en travers, long de trois on quatre pouces, dur, ligneux, 
» diviséen quelques racines plus menues et tortues. Toutes ces 
» parties poussent des jets de deux ou trois pouces de long, 
» terminés paf des ceilletons ou bourgeons :rougeátres, mais 
» le troncon et ses subdivisions sont noirátres en déhors et 
» blanchátres en dedans. Les fibres qui les accompagnent sont 
» touffues, longues.de huit ou dix pouces, grosses depuis une 


D'HISTOIRE NATURELLE; 279 
»- ligne jusqu'à deux , peuou point du tout chevelues; Les plus 
» vieilles sont noirátres en: dedans, d'autres sont: brunes: les: 
» nouvelles sont blanches; les unes et. les autres ont la: e 
»! cassante, saris âeretéini AE 

Feuilles radicales ed lia , composées de sept: 
folioles lancéolées, quelquefois elliptiques; inégalement dentées: 
en scie, longues de six à huit pouces,.sur un ou deux de large, 
disposées en pédale, lisses, glabres: en dessus, parsemées en 
dessous de nervures saillantes, pubescentes: et er réseau. Les’ 
deux folioles latérales externes souvent: bifurquées  profondé- 
ment. Pétiole cylindrique, droit, vertical, strié, pubescent, 
plus long que la feuille. 

Tige lisse, haute d’un pied à ‘un pied et demi, simple in- 
férieurement, rameuse à ‘sa partie supérieur, garnie de 
feuilles alternes, sessiles ot presque sessiles; placées à'la-base 
des rameaux et des pédoncules. Celles qui accompagnent les” 
raieaux! sont en pédale comme lés radicales, mais leurs 
folioles sont beaucoup plus étroites. Celles des pédoncules sont: 
partagées em trois ou: "uid — constamment lancéolés et 
dentés en scie. ` 

Fleurs penchées, Lea i pouce et. dci à à deux pouces, 
soutenues sur des'pédoneules d'inégale longueur et ter a 
une panicule à l'extrémité: de la tige. 

Calice nul. 

“Corolle — Cinq pétales elliptiques , obtus , entiers, 
véinés, d'une couleur blanche nuancée de rose, 

Je wai point observé les étamines et les: nectaires : ils ne 
sont point exprimés dans lé’ dessein d'Aubriet ; et tous les 
rameaux conservés dans les herbiers de Tournefort et' de 
Väillänt en sont dépourvus. 


280: ANNALES OKU :MUS ÉU M 
. Cinq ovairés supères , rapprochés au centre de la fleur , sur- 
montés chacun d'un style gréle et recourbé en bas. ' 

Troisà cinq capsules à une loge, coui primées latéralement , 
et parsemées de petites lignes transversales; elles s'ouvrent: 
du.-cóté interne. en. deux valves. comme celles des autres es- 
peces du méme genre, et sont terminées par le style qui E 
siste. et croit avec le fruit. 

Graines noires, oblongues, ridées, attachées au bord deii 
valves le long. de la suture, 

L/Ellébore d'Orienta quelque ressemblance avec 1 Ellébore' 
vert de nos Alpes, H. viridis ; Lin. Il en differe par ses feuilles 
radicales plus dures, plus épaisses, beaucoup. plus grandes , : 
et dont les nervuresinférieures sont pubescentes; par sés fleurs 
nuancées de rose, et au moins une fois plus larges. 

.. AL croit. sur le mont Olympe, : à Anticyre, et sur les bords 
de la mer Noire. , 

Lesanciens connoissoient deux. sortes d'Ellébore , lun blanc, : 
et l'autre noir, distinction fondée principalement sur la cou-1 
leur de la racine. Nous ignorons.ce que. c'est que. l'Ellébore : 
blanc. Théophraste dit qu'il ne croissoit que dans un: canton}, 
du mont OEta qu'il nomme Pyra set que l'Ellébore noir au- 
contraire étoit trés-commun, niger ubique provenit. ! 

Il paroit assez bien prouvé que la splante que je viens de: 
décrire est le véritable Ellébore noir que les médecins grecs 
et. romains employoient autrefois avec un grand succés pour 
guérir la manie, le mal caduc, l'hydropisie et autres maladies, ; 
L/Ellébore noir croissoit spontanément dansles iles d'Anticyre, 
dans la Bæotie , dans l'Eubée ‚suri le mont Hélicon et autres 
lieux circonvoisins, où on lerecueilloit pour l'usage de la méde- 
cine. Voyez Théophraste , liv. ro, ch. 1 1, et Pline, liv. 25, ch.5., 


D'HISTOIRE NATURELLE. 281 


Tournefort, en visitant ces mêmes contrées, n'y trouva que 
l'espece d'Ellébore dont il est ici mention , et il en conclut, 
avec assez de fondement, que c'est l'Ellébore noir des anciens. 
Si les descriptions qu'ils en ont laissées sont trés-vagues, du 
moins elles ne contredisent point l'assertion de Tournefort qui 
me paroit très-plausible. Pline dit queles feuilles de l'Ellébore 
noir ressemblent à celles du Platane, mais qu'elles sont d'un 
vert plus foncé et plus découpées. Folia nigri Ellebori Platani 
similia, sed minora nigrioraque et pluribus divisuris scissa. 
Dioscoride en parle à-peu-prés dans les mêmes termes, et il 
ajoute que ses fleurs sont d'un blanc nuancé de pourpre, Folia 
wiridia Platani similia, sed minora , foliis Sphondilit proxima, 
pluribus divisuris scissa , nigriora et subasperata. Flores can- 
didi, purpirästeñtensi29014 B Hubs i on | 

Tournefort essaya l'usage de l'Ellébore; mais les effets ne 
répondirent point à son attente. Il dit que l'extrait en est brun, 
résineux et trés-amer ; qu'en ayant donné à trois Arméniens 
depuis vingt grains jusqu'à un demi-gros, les malades se plai- 
gnirent d'avoir été fatigués par des nausées et par des tiraille- 
mens d'entrailles, qu'ils ressentirent une impression de feu et 
d'àcreté dans l'eesophage et l'estomac, accompagnée de mou- 
vemens convulsifs et d'élancemens dans la téte , qui se renou- 
velèrent pendant quelques jours; qu'un médecin habile, qui 
avoit pratiqué long-temps la médecine à Coustantinople, à 
Cutaye et à Pruse, lui assura qu'il avoit abandonné l'usage de 
cette plante à cause des mauvais effets qu'elle produisoit, et 
que les Turcs lui atribuoient néanmoins de grandes vertus. 

Les anciens médecins regardoient l Ellébore comme un re- 
mède violent; mais, pour en adoucir l'action, ils lui faisoient 


37 


11, 


282 ANNALES DU MUSÉUM 

subir , avant de l'employer , différentes préparations qui nous 
sont inconnues. Ils avoient soin aussi de disposer les malades 
par une diète de plusieurs jours, par des médicamens .pré- 
paratoires, et ils ne le donnoient ni aux vieillards, ni aux en- 
fans, ni aux femmes délicates, ni à ceux qui étoient sujets à 
des hémorragies internes. Ils regardoient ce remède comme 
irés-puissant et très-utile, lorsqu'il étoit prescrit à propos, 
et Pline rapporte que Drusus, tribun du peuple, fut guéri à 
Anticyre du mal caduc, par l'usage de l'Ellébore, 

Il seroit utile que des médecins habiles l'essayassent de nou- 
veau, afin d'en bien déterminer l'action, et qu'ils l'employassent 
de différentes manières, à différentes doses et dans des cas dif- 
rens; peut-étre parv vndetienk ola] à obtenir des résultats utiles 
d'un remède dont l'antiquité a proclamé les vertus. 


D'HISTOIRE NATURELLE. 283 


OBSERVATIONS. 
Sur quelques espèces dé G OÉLANDS. 


PAR M. FRÉDÉRIC CUVIER, 


GARDE DE LA MÉXAGEAIR DU MUSÉUM D'HISTOIRE NATUARELLRE, 


EE 


L'heure des oiseaux offre des difficultés qui ne se rencontrent 
que rarement dans celle des mammifères. Outre que ceux-ci 
échappent moins à l'observateur que les premiers , il est assez 
facile de distinguer chez eux les jeunes individus des adultes ; 
les sexes ont d’ailleurs sur les oiseaux une influence beaucoup 
plus étendue que sur les mammifères, et il en est de même 
des saisons. 

C'est à l'impossibilité où l'on a été d'étudier chaque espèce d'oi- 
seaux dans ces différentes circonstances, que l'on doit attribuer 
l'obscurité qui régne encore sur certains points de l'ornitho- 
logie. Les caracteres distinctifs de ces espèces changeant sou- 
vent, elles ont dà être multipliées en raison de toutes les causes 
de ces changemens. i 

Aussi, lorsqu'on voit que ces diverses considérations ont été 
négligées, que les sexes et les âges ne sont pas distingués, et 

33 * 


284 ANNALES DU MUSEUM 

que tout ce qu'on connoit se réduit à la simple descrip'ion 
d'un individu, on est presque toujours certain d'arriver à des 
résultats nouveaux , en étudiantles oiseaux dans les différentes 
époques de leur vie. i | 

Il est néanmoins certains gentes qui, sous ce rapport, 
offrent plus à l'observation que d’autres. Mais pourroit-on , 
sans le secours des ménageries, s'occuper, avec quelque espoir 
de succés, de ces sortes de likat Comment au milieu 
des pays déserts s'y livrer;journellement et, pendant quelques 
années, et comment surtout suivre les oiseaux dans leurs mi- 
grations ? | | 

Ces établissemens sont donc les seules ressources qui restent 
à la science pour étudier la nature dans ces divers cas, comme 
dans beaucoup d’autres; et il n’est pas douteux que, fondés sur 
des plans assez vastes et dirigés d’après des vues assez élevées , on 
ne parvienne à en faire les sources de vérités très-importantes: 

On sait que dans les jeunes oiseaux les sexes ne sont dis- 
tingués par; aucun caractere extérieur; mais il paroit de plus qu'à 
cette premiere époque de leur vie, ils ressemblent à leur mère, 
lorsqu'il y a des différences entre la couleur des mäles et celle 
des femelles adultes; ét ce n'est peut-être aussi que lorsque 
le père et la mère se ressemblent par les couleurs, - que les 
jeunes different de l'un et de l'autre par les leurs. 

Le genre qui va nous occuper est dans ce dernier cas; les 
femelles ressemblent aux máles en toute saison , et les jeunes 
ont un plumage qui leur est propre. 

Toutes nos observalions n'ont. pu être faites sur un seul 
individu pour chaque espèce; elles ont eu lieu sur un assez 
grand nombre d'entre eux; car, non-seuleinent nos ressources 
actuelles sont trop foibles pour faire vivre un oiseau sauvage en 


D'HISTOIRE NATURELLE. 285 
servitudé pendant plusieurs années; mais il paroit que cet état 
retarde; són développement, et que telle espèce qui devient 
adulte en liberté apres la deuxiènie ou la troisième année, peut 
mettre en. ésclavage, pour arriver au même point, une ou 
deux années de, plus. . ' 

C'est à M. Baillon fils, d Abbeville, que notre mo 
redevable des oiseaux qui ont servi à nos observations, On ne 
peut douter, à ses lumières et à son zèle, qu'il ne marche ho- 
norablement sur les traces de feu son père, auquel lornitho- 
logie :doit unisi grand. nombre d'observations fines et. de re- 
cherches assidues. Nous ne saurions trop lui témoigner de 
reconnoissance pour les.soins qu'il met à nous, procurer les 
diverses espèces d'oiseaux qui viennent en certaines saisons 
sur nos côtes , et. à.nous communiquer les remarques que sa 
situation le iet à portée de faire. Nous.nous feronsun. devoir 
de le- citer : dans toutes les occasions possibles. aine ique 
son opinion servira de garaut aux nôtres, >o . tii 
+ Les: goélands dont nous avons à parler. sont. nl que 
Buffon distingue par lés noms de goélands à: mänteau. noir, 
de goélands cendrés ou à manteau gris, de grisard , de mouette 
rieuse, de mouette tachetée,'et.de petite moüette cendrée. , 
- -Ces animaux qu'on. a nommés à si juste titre les vautours 
de la mer , ont d'ailleurs tant de rapports, extérieurs avec ces 
oiseaux, . qu'on devoit étré tenté de leur en supposer de 
beaucoup plus intimes encore. On pouvoit croire en effet que 
la forme du bec et la nature des alimens détermineroient la 
forme du canal intestinal, et donneroient aux goélands des 
organes digestifs semblables à ceux des oiseaux de proie; 
mais il paroit que la palmature des doigts a eu chez eux 
plus d'influence que les organes de la mastication : leurs in- 


286 ANNALES ‘D U MUSEUM 

testins ressemblent absolument à ceux dés canards; aussi, 
malgré leur voracité, les habitue-t-on sans He à vivre de 
graines comme les gällinacés. 

La facilité avec laquelle les goélands. endet leurs dliéiems 
est singulière ; une frayeur légère suffit pour qu'ils s’en débar- 
rassent aussitôt, et ce voinissement qui, chez la plupart des 
autres animaux, annoncé ùn état de souffrance , ne paroit pas 
occasioner le plus léger dérangement à leur estomac; car 
si leur frayeur se dissipé promptement, on les voit ressaisir 
au vol ces mêmes alimens qu'ils venoient de rejeter. C'est pro- 
bablement à ce vomissement , comme l'a fort bien observé 
M. Baillon, qu'il faut attribuer la singulière opinion de Martens 
qui, ayant vu des goélands en chasser d'autres, et manger ce 
que ceux-ci rejetoient , s'est imaginé que la peur faisoit rendre 
aux uns des excrémens dont les autres étoient avides. Ce ne 
sont pas au reste les seuls oiseaux qui offrent cette observa- 
tion. Le pélican qui vomit ses alimens avec la méme facilité 
que les goélands, se conduit comme eux vis-à-vis des oiseaux 
qui osent l'attaquer. Bien différens des véritables oiseaux de 
proie pour le courage, les goélands leur ressemblent cepen- 
dant pour la facilité du vol et poür son étendue; ils parcourent 
avec facilité les plus hautes mers, et on les voit se jouer quel- 
quefois au milieu des tempétes:c'est que leurs ailes ont la 
méme conformation que celles des faucons; elles dépasseut 
de beaucoup la queue, et les premiéres pennes sont les plus 
longues. 


D'HISTOIRE NATURELLE. 284 
Du goéland à manteau noir. 


Immédiatement avant de pensat à son état wines cet oiseau, 
qui a déjà toute sa taille, n'a encore de noir ra que le 
dos; toutes les ailes sont convertes de plumes jaunátres qui 
donnent un cil brun-fauve à la partie du manteau qu'elles 
forment. Le blanc du cou, de la téte et de la poitrine est en 
outre surchargé de taches brunes, petites et étroites. Les pennes 
des ailes sont noires avec le bout blanc; celles de la queue 
sont couvertes dans leur largeur de lignes noires, étroites et 
ondulées. Le bec, blanc à sa base et noir à son extrémité, a 
une teinte jaune-pále à l'angle saillant du bout de la man- 
dibule inférieure. Les paupières sont couleur de chair ainsi 
que les pattes; le cercle de liris est brun avec de nombreuses 
petites taches noires. 

Dans son état aies. ce e godland a les ailes ardoisées c comme 
je dos, excepté le bout des pennes qui reste blanc. Le cou, 
la tête, la poitrine , le ventre et la queue sont du blanc le plos 
pur. Le blanc du bec se change en un jaune vif: le noir du 
bout s'efface presque entièrement , et la partie que nous avons 
yue se teindre en jaune, se colore du plus bel orangé. Les 
pattes conservent leur couleur; mais les paupières deviennent 
rouges, et le brun du cercle de l'iris, tout en conservant ses pe- 
tites taches noires, devient d'un gris jaunâtre. Quelques auteurs 
ont cru que cette esp èce étoit entièrement grise dans son jeune 
âge, ce qui seroit bien intéressant de vérifier pour établir le Ca- 
ractère qui ia distingue à cette époque de lespèce suivante (1 1). 


(1) H y a une autre espèce de goélands à manteau noir qui a été rapportée de la 
Nouvelle-Hollande par M. Péron, et qui diffère de celle-ci par les pennes des ailes 
toutes noires et sans tache blanche au bout. 


288 CANNALES bu MÜSEUM 
M pee et koe goo à manteau pe 


pui peer un trés-grand abii de ces oiseaux ; je les 
ai suivis dans la: plupart de leurs dévelopÿpemens, et jai tenu 
des notes fort exactes de! tous les changemens | M dist ont 
éprouvés. 

Ces deux en sont de même taille. Le grisard est fog 
bien représenté’ par Buffon dans sa planche enluminée 266. 
Les couleurs de son plumage sont le blanc et le brun répandus 
égalenient par taches petites et irrégulières sur tout son corps. 
Les pennes des ailes sont noires à leur extrémité et variées 
de blanc sur le reste de leur étendue; ilen est de: même de 
celles de la queue. Le bec est entiétémeut noir; les pattes: sont 
couleur de chair , et le cer cle de l'iris brie os i 

A mesure qu'il s'avance eh áge, "on voit des plumes dime 
couleur cendrée se mêler à' celles du dos; le brun du cou, de 
la tête et de toutes les parties inférieures cède gräduellement 
au blanc; le bec blanchit à à sa base, et le cercle de l'iris devient 
plus cli: e: voit en outre dogtquis: taches blanches se mêler, 
au noir des p peunes de la queue. Avec le temps, le grisdu dos 
continue à s'étendre , ainsi que ‘le blanc du cou, de la tête, 
de la poitrine et du: TM Les pérnes dé la queue se couvrent 
de taches vermicellées : les ailes conservent. leur brun , le noir 
du bec pàlit toujours de plus en plus, dne téinte jaunitre se 
fait apercevoir au bout de la mandibule inférieure, le cercle 
de l'iris est perlé , les paupières sont sans couleur , et les pores 
-Qun rouge trés-pále. 

Aussitôt que le gris commence à teindre les ailes, on. croit 
reconnoitre le bourgmestre des Hollandois, le Sédland.d à man- 


D'HISTOIRE NATURELLE, 289 
teau gris-brun de Buffon. Toutes les taches du cou, de la tête 
et des parties inférieures se réduisent à de petites traces nom- 
breuses, mais trés-légéres. Les pennes du milieu de la queue 
n'ont déjà plus de noir. La tache jaune du bec s'avive, et le 
noir continue à s'effacer. Le cercle de l'iris est d'un jaune- 
clair ainsi que les paupières. Enfin tout le manteau est devenu 
d'un beau gris-argentin, excepté la partie qui se forme des 
pennes de l'aile, celles-ci étant blanches avec une tache noire 
au bout, suivie d'une autre tache blanche. Tout le reste du 
plumage est de la blancheur la plus éclatante. Le bec s'est 
teint d’un beau jaune, et la tache du bout d'un bel orangé, 
Le cercle de l'iris et les paupiéres ont acquis un jaune-citron 
tres-pur. C'est le goéland à manteau gris, figuré par Buffon, 
phache enluminée 253. 


De la mouette tachetée ; de la petite mouette ecd e et 
de la mouette rieuse. 


- Le premier de ces goélands, figuré par Buffon’, planche 
enluminée 387, me paroit n'étre autre chose que la mouette 
rieuse, passant de son jeune âge à son âge adulte. D'abord 
ces figures représentent un oiseau qui n'a point encore 
pris ses dernières couleurs ; l'irrégularité des taches qui 
couvrent ses ailes en est une preuve incontestable. De plus, 
jai possédé un individu semblable dont le manteau est devenu 
entièrement gris et la tête noire. Le dos avoit déjà le gris des 
adultes; mais les ailes étoient encore variées de blanc et de 
brun. Les quatre premières pennes étoient blanches, bordées 
de noir par un liseret qui s'étendoit à mesure qu'il se rappro- 
choit de l'extrémité de chaque penne, et qui finissoit par la 
38 


11. 


290 ANNALES DU.MUSÉUM 

couvrir entièrement en cetendroit. Les trois pennes suivantes, 
ayec ce noir, avoient une petite tache blanche au bout; le reste 
de leur couleur étoit du gris du dos. Les pennes de la queue 
étoient blanches avec le bout noir, et le bec ainsi que les 
pattes jaune-souci. Le premier ayoit beaucoup de noir à l'ex- 
wémité. 

L'àge efface petit à petit les taches du manteau qui devient 
d'un beau gris uniforme; excepté sur les pennes des ailes qui 
conservent leurs couleurs : celles de la queue perdent tout ce 
qu'elles ont de noir. Le reste du corps se couvre d'un blanc 
bien pur; les pattes et le bec s'avivent, et leur jaune-souci se 
transforme en un rouge-sanguin. La paupière est rouge, et 
le cercle de liris braun. à 

Lorsque la mouette cendrée tachetée est arrivéeà ce point , 
on possede la petite mouette cendrée, représentée par Buffon 
dans sa planche enluminée 969; mais aussitôt que le printemps 
s'approche, on voit, au premier comme au second âge de cette 
mouette, une petite tache noire et ronde, paroitre de chaque 
côté de sa tête, et trancher sur le beau blanc qui colore cette 
partie. Ce nouveau caractére fait de la mouette cendrée ta- 
chetée , quand il ne lui reste plus de son jeune plumage que le 
bout noir de la queue, le larus cinereus piscator de Klein (1) ; 
et dela petite mouette cendrée , dont la queue est toute blanche, 
la mouette cendrée de Bélon, ou sa grande mouette blanche (2). 
Enfin, au mois de mai , toute la téte est devenue noire, et la 
mouette rieuse est caractérisée (3). Elle reste ainsi jusqu'à la 


(1) Ordo avium. 
(2) L'Histoire de la nature is i oiseaux , etc. liv. 5. 
(3) Aldrevande disoit déjà en parlant de sen Larus cinereus rostro et pedibus 


D'HISTOIRE NATURELLK*. 201 
mue de septembre, où le noir s'efface pour ne reparoitre qu'au 
printemps suivant ; de sorte que, dans nos climats du moins, 
il n'y a plus en hiver que des mouettes cendrées, et que des 
mouettes rieuses en été; et c'est en effet ce que ni'a confirmé 
M. Baillon en répondant aux diverses questions que je lui ai 
faites sur ce sujet (1). 

Je ne chercherai point à éclaircir plus que je ne l'ai fait, 
la synonymie des auteurs systématiques; ce travail me paroit 
impossible à exécuter d’une manière satisfaisante. Aux deux 
exemples que nous venons de donner, on doit juger jusqu’à 
quel point les espèces ont pu se multiplier. On le voit mieux 
encore lorsqu'on consulte les ouvrages d'ornithologie. Les 
naturalistes ne sont d'accord ni sur le nombre des espèces 
qui doivent être admises, ni sur les caractères qui doivent 
les distinguer entre elles. Depuis long-temps on a senti ces 
difficultés, et les goélands dont nous venons de parler ont 
occupé plusieurs auteurs avant nous. Latham déjà faisoit, 
par exemple, de la petite mouette cendrée de Buffon, une 
variété, ou peut-étre un individu incomplet de la mouette 
rieuse; et de la mouette cendrée tachetée, une variété du 
goéland cendré du même auteur. Il faisoit aussi du grisard 


rubris: « Comachio mihi aliquando amicus quidam meus seripsit, martio mense pennas 
a in capite nigrescere : cum antea condicent , eamque; nigridinem trimestri spatio; quo 
« soboli incumbunt, perdurare, reliquis novem mensibus candidas esse. ? Mais il ne 
paroit pas que les ornithologistes jusqu'à présent aient tenu compte de ce passage. 
(1) Il nesera pas inutile d'observer qu'il existe une autre espèce de mouette à tête 
noire qui est de la taille de celle dont nous venons de parler, mais qui en diffère 
par les pennes des ailes, le bec et les pattes entièrement noirs. Cette espèce se trouve 
dans les Mers Australes. ; 


38 * 


292 ANNALES DU MUSÉUM 

un jeune Âge du manteau noir , et de la grande mouette cen- 
drée, le. méme animal RUM mais tous n'ont fait que des 
suppositions plus ou moins. diisi de la vérité. - 

Il semble pourtant. résulter. de cette. diversité boss 
qu'un assez grand nombre d’espèces de goélands cominericent 
par étre des grisards, et qu'ils deviennent ensuite variés. C'est 
ce qui expliqueroit la différence de taille rapportée par des 
auteurs à des oiseaux qui ne different point essentiellement 
pour les couleurs, et qu'on a été tenté pour cela de confondre 
en une seule espèce. 

Nous avons fait connoitre, avec plus d'isécutóde qu 'elles 
ne l'étoient jusqu'à présent, deux espèces de goélands qui 
en avoient toujours donné cinq ou six dans les catalogues 
systématiques; mais nous sentons combien ce travail est de. 
peu d'importance, en songeant à tout ce qu'il faudra faire 
pour dissiper lobscurité qui reste sur les dix-huit ou vingt 
autres especes de goélands dont parlent encore les natura- 
listes... 7: | e r 


D'HISTOIRE NATURELLE. 2032 


ESSAI 
SUR LA GÉOGRAPHIE MINÉRALOGIQUE 
DES ENVIRONS DE PARIS. ie 


PAR MM. G. CUVIER ET ÁLEX. BRONGNIART. 


3E! fi 


|n contrée in Men cette capitale est située est à Dies 
l'une des plus remarquables qui aient encore été observées, 
par la succession des divers terrains qui la composent, et par 
les restes extraordinaires d'orgauisations. anciennes qu'elle 
récèle ;. des milliers de coquillages marins avec lesquels al- 
iernent régulièrement des coquillages d’eau douce, en font 
la masse principale; des ossemens d'animaux terrestres en- 
tierement inconnus, méme par leurs genres ,.en remplissent 
certaines. parties; d'autres ossemens d'espèces considérables 
par leur grandeur , et dont nous ne trouvons quelques. congé- 
néres que dans des pays fort éloignés, sont. épars.dans les 
couches les plus superficielles ; un caractere trés-marqué d'une 
grande irruption venuedu sud-est, est empreint dans les formes 
des caps et les directions des vallées ; en -un . mot, il n'est 
point de canton plus capable de nous, instruire sur les der- 


| 


204" ANNALES DU MUSEUM ` 
nieres révolutions cui ont, terminé la formation de nos con- 
Ünems: c our 

Ce pays a cependant été fort peu étudié sous ce point de 
vue ; et quoique depuis si long-temps il soit habité par tant 
d'hommes instruits , ce que l'on en a écrit se réduit à quelques 
essais fragmentairés, et presque tous où purement minéralo- 
giques, sans aucun égard aux fossiles organisés, ou purement 
zoologiques, et sans égard à la positión de ces fossiles. 

Un Mémoire de Lamanon sur les gypses et leurs ossemens 
fait peut-étre seul exception à cette. classification; et cepen- 
dant nous devons reconnoitre que l'excellente description de 
Montmartre, par M. Desmarets; les renseignemens donnés par 
le méme savant sur le bassin de la Seine, dans l'Encyclopédie 
méthodique; l'essai minéralogique sur le département de Paris, 
par M. Gillet- Laumont ; les grandes et belles recherches sur les 
coquilles. fossiles de ses environs , par M. de Lamarck; et la 
description géologique de la méme contrée, par M. Coupé, 
ont été consultés par nous avec: fruit, et nous ont plusieurs 
fois dirigés dans nos voyages. 

"Nous: pensons cependant que le travail dont nous avons 
hate de présenter aujourd’hui la première ébauche à la 
classe, ne sera point sans La. aprés tous ceux que nous 
venons de citer. 

Commencé depuis: duni ans, continué avec beaucoup de 
peine en faisant de nombreux voyages , en recueillant de toute 
part des renseignemens et des échantillons , nous sommes loin 
dele croire encore terminé, et surtout nous prions de ne pas 
confondre l'abrégé que nous allons en lire avec la rédaction 
détaillée que nous en publierons bientôt. Quelques circons- 
tances nous obligent de présenter aujourd'hui cet abrégé, et 


D'HISTOIRE NATURELLE. 295 
de prendré date pour des recherches aussi longues et aussi 
laborieuses, avant le moment heureux où nous croirons les 
avoir amenées à leur terme. 

Par la nature de leur objet, nos courses devoieui étre! fii- 
mitées selon l’espèce du terrain, et non pas d’après les dis- 
tances arbitrairess 

Nous avons donc dù d’abord déterminer les bornes phy- 
siques du canton que nous voulious étudier. | 

Le bassin de la Seine est séparé, pendant un assez grand 
espace, de celui de la Loire, par une grande plaine élevée , 
dont la plus grande partie porte vulgairement le nom de 
Beauce , et dont la portion moyenne et la plus sèche s'étend 
du ns AS au sud-est, sur uu espace de plus de quatre 
lieues, depuis Courville jusquà Montargis. 

Cette plaine s'appuie vers le. nord-ouest à jun. pays plis 
élevé qu'elle, et surtout beaucoup plus coupé, dont les rivières 
d'Eure, d'Aure, d'Ilon, de Rille, d'Orne, de Mayenne, de 
Sarte, d'Huine et de Loir tirent leurs sources; pays dont la 
partie la plus élevée, est entre Seez et Mortagues, qui formoit 
autrefois la province du Perche et une partie de la Basse-Nor- 
mandie, et qui appartient aujourd'hui au département de 
l'Orne. 

La ligne de séparation de la is et du Perche passe à- 
peu-près par les villes de Bonnevalle, Alluye, Iliers, Cour- 
ville, Pontgonin et Verneuil. 

De tous les autres côtés, la pinine de Beauce ste ce 
qui l'entoure. lus 

Sa chüte du cóté é de la Loire ne nous intéresse pas pour 
notre objet. 

Celle du cóté de la Seine se fait par deux ds, dont 


296 ANNALES DU MUSEUM 
Tune à l'occident ned l'Eure, et l'autre à l'orient regarde 
la Seine. 

La première va de Dreux vers Mantes. 

L'autre part d'auprés de Mantes ; passe par Marly, Meudon » 
Puataiseau , Marcoussy, la Ferié-Alais, Fontainebleau, Ne- 
mours, elc. - 

Mais il ne faut pas se représenter ces Ships [25 comme 
droites ou uniformes : elles sont au contraire sans cesse iné- 
geles, décliivées; de manière que. si cette vaste plaine: étoit 
entourée d'eau , ses b#ds offriroient des golfes, des caps, des 
détroits, et seroient partout envirounés d'iles et d'ilots. : 

Ainsi dans nos environs la longue mo:tagne où:sont les bois 
de Saint-Cloud, de Ville-l'Avray „de Marly et des Aluets , et 
qui s'éteud depuis -Saint-Cloud jusqu'au continent de la rivière 
de Maulde dans là Seine. feroit une ile séparée du reste par 
le détroit où est aujourd'hui Versailles, ‘la petite vallée de 
RE ERES grande vallée du parc de. Versailles. 

- L'autre montagne en: forme de feuille de figuier , qui porte 
cslicvie, Meudon, les bois de Verrière, ceux de Chaville 
formeroit une seconde ile séparée du continent perd la velie 
de Biévre et celle des coteaux de Jouy. 

Mais epsuije depuis Saint-Cyr j jusqu’ à oci il nya eom 


sai Min CE 


quoique les rivières de Bievre,d'Ivette, 
d Orge, d'Eibropes] d Essonne et de Loing entament profondé- 
ment le continent du côté de l'est, ceiles de. entes de Voise 
et d'Eure du cóté de l'ouest. | 

La partie de la côte la plus déchirée, SAR qui eaii 

le plus: d'écueils et d'ilots, est celle qui porte vulgairement 
le nom de Gåtinois francois, et surtout sa inertes pin 
la forêt de Fontainebleau. — - j 


D'HISTOIRE NATURELLE. 207 

Les pentes de cet immense plateau sont en général assez 
rapides, et tous les escarpemens qu'on y voit, ainsi que ceux 
des vallées, ét les puits que l'on creuse dans le haut pays, 
montrent que sa nature physique est la méme partout, et 
qu'elle est formée d'une masse prodigieuse de sable fin qui 
recouvre toute cette surface, passant sur tous les autres ter- 
rains ou pen inférieurs sur lesquels cette grande plaine 
domine. “ 

Sa cóte qui regarde la Seine depuis la Mauldre jusqu'à Ne- 
mours, formera donc la limite naturelle du bassin que nous 
avons à examiner. 

De dessous ses deux extrémités , c'est-à-dire vers la Mauldre 
et un peu au-delà de Nemours, sortent immédiatement deux 
portions d'un plateau de craie qui s'étend en tout sens et à 
une grande distance pour former toute la npe Mida 
la Picardie et la Chanipagne. 
~ Les bords intérieurs de cette grande ceinture, lesquels 
passent du côté de l'est par Montereau, Sézanne, Éper; de 
celui de louest, par Montfort , Mantes, Gisirs, Chaumont , 
pour se rapprocher de Compiègne , *et qui font au nord-est 
un angle rentrant considérable qui embrasse tout le Laonnois, 
completent, avec la cóte sableuse que nous venons de aste 
la limite naturelle de notre bassin. 

Mais il y a cette grande différence, que le plateau sableux 
qui vient de la Beauce est supérieur à tous les autres, et par- 
conséquent le plus moderne, et qu'il finit entierement le long 
de la cóte que nous avons marquée; tandis qu'au contraire 
le plateau de craie est naturellement plus ancien et inférieur 
à tous les autres ; qu'il ne fait que cesser de paroitre au dehors 
Je long de la ligue circulaire que nous venons d'indiquer, mais 

LL. 


298 ANNALES DE MUSEUM 

que Join d'y fnir, il sy enfonce visiblement sous tous les 
autres; qu'on le retrouve partout où l’on creuse ces derniers 
assez profondément , et que méme il s'y relève dans quelques 
endroits, et s'y reproduit pour ainsi dire en les perçant. 

On peut donc se représenter que les matériaux qui com- 
posent le bassin de Paris, dans le sens où nous le limitons , 
ont été déposés dans un vaste espace creux, dans une espèce 
de vaste golfe dont les cótes étoient de craie. 

Ce. golfe faisoit peut-être un cerele entier, une brace p 
grand lac; mais nous ne pouvons pas le savoir, attendu que 
ses bords du côté sud-ouest ont été recouverts, amsi que. les 
matériaux qu'ils contenoient, par le grand plateau sihleux 
dont nous avons parlé d'abord. = = 

Au reste ce grand plateau sableux n'est pas le seul. pes ait 
reconvert la craie. 

Il y en a plusieurs en Chopa et en Fr ds 
quoique plus petits, sont de méme nature, et peuvent avoir 
été formés en même temps. Ils sont placés comme lui immé- 
diatement sur la craie, dans les endroits où celle-ci étoit 
assez haute. pour ne point se laisser recouvrir par les maté- 
riaux du bassin de Paris. 

Nous décrirons d'abord la erare la plus ancienne ade ma- 
tières que nous ayons dans nos environs. 

Nous terminerons par le plateau sableux, de pna nouveau 
de nos produits géologiques. 

-Nous traiterons enire ces deux extrêmes re és moins 
(o fep mais plus variées, qui avoient rempli la grande ca- 
vité de la craie, avant que.le. tm de sable se esse sur 
les unes comme: sur l'autre, ~ Pa 

Ces matières peuvent se diviser en in igual à 


D'HISTOIRE NATURELLE. 299 

Le premier, qui couvre la craie partout où elle n'étoit pas 
assez élevée, et qui a rempli tout le fond du golfe, se sub- 
divise lui-même en deux parties égales en niveau, et placées 
non pas l’une sur l’autre, mais bout.à bout; savoir: 

Le plateau de calcaire siliceux non coquillier ; 

Le plateau de calcaire grossier coquillier. 

Nous connoissons assez les limites. de cet étage du cóté de 
la craie, parce que celle-ci ne le recouvre point; mais ces 
mémes limites sont masquées en plusieurs eudroits par le 
second étage, et par le grand plateau sableux qui forme- le 
troisiéme , et qui recouvre une grande partie des deux autres. 

Le second étage se nommera gypso-marneux. 

Il n'est pas répandu généralement, mais seulement d'espace 
en espace et comme par taches; encore ces taches sont-elles 
très-différentes les unes des autres par leur — et par les 
détails de leur composition. 

Ces deux étages intermédiaires, aussi bien que les deux étages | 
extrêmes, sont recouveris , et tous les vides qu'ils ont laissés sont 
en partie remplis par une cinquième sorte de terrain, mélangé 
aussi de marne et de silice, et que nous appelons terrain d'eau 
douce, parce qu'il fourmille de coquille d'eau douce seulement. 

Nous avons l'honneur de présenter à la Classe un premier 
essai de cartes minéralogiques dans lesquelles chaque sorte 
de terrain est enluminée d'une couleur particulière. 

Le sable , en fauve; le gypse, en bleu; le calcaire coquillier, 
en jaune; le calcaire siliceux , en violet; la craie, en rose; le 
terrain d'eau douce, en vert rayé de blanc. On y a marqué 
en vert plein, les sables roulés ou d'alluvion qui n'ont point 
été déposés tranquillement, mais amenés d'ailleurs par les ri- 


Jo * 


300 “ANNALES DU MUSÉUM 
vières, et en brun-foncé, les terrains tourbeux formés le long 
des ruisseaux et autour des étangs. 
Cette carte, l'un des principaux résultats dei nos voyages, 
est parfaitement exacte dans tout ce qui est coloré, et nous y 
avons laissé en blanc ce que nous ne connoissons Ls sufti- 
samment encore. | 
Telles sontles grandes masses dont notre canton se compose 
et qui en forment les différens étages. Mais en subdivisant 
chaque étage, on peut arriver encore à plus de précision, et 
l'on obtient des déterminations minéralogiques: plus rigou- 
reuses, qui donnent jusqu'à dix genres distincts de couches, 
dont nous allons présenter d'abord une énumération rapide. 


* » £ ` 
ARTICLE PREMIER. — Fi ormation de la craie. 


= 


4 
La craie forme aux environs de Paris ,.comme rus pitiq 
tous ces lieux où on l’a observée, une masse dans laquelle les 
assisses sont souvent si peu distinctes, qu'on douteroit presque 
qu'elle ait été formée par lits, si l'on n'y voyoit ces bancs inter- 
rompus de silex qui, par leur position parfaitement horizon- . 
tale, leur parallélisme, leurs continuités et leur. fréquence , 
indiquent des dépóts successifs et presque périodiques: 
Leur distance respective varie suivant les lieux : à Meudon 
ils sont à environ deux mètres l'un de l'autre, et l'espace com- 
pris entre ces deux lits de silex ne renferme ‘aucun mor- 
ceau isolé de cette pierre. A Bougival , les bancs sont pus 
et les silex beaucoup moins nombreux: . : 
La craie qui les renferme n'est pas de la chaux dakai 
pure; elle contient, suivant M. Bouillon-la- Grange, environ 


D'HISTOIRE NATURELLE. 301 
0,11 de magnésie, et 0,19 de silice, dont la plus grande partie 
est à l'état de sable qu'on peut séparer par le lavage. 

Les fossiles quon y trouve sont peu nombreux en compa- 
raison de ceux qu'on observe.dans les couches de calcaire 
grossier qui recouvrent la craie presque immédiatement; mais 
ils sont entiérement différens de ces fossiles, so also 
par les espèces, mais méme par les genres. 

En réunissant ceux que nous avons observés par nous- 
mêmes avec ceux qui ont été recueillis par M. Defrance, 
nous porterons à cinquante le nombre des espèces de fossiles 
que nous connoissons dans la craie des terrains ed sont l'objet 
de notre étude. 

Les espéces de ces fossiles n'ont pas été encore toutes déter- 
minées;et nous en donnerons dans nos Mémoires détaillés l'énu- 
mération et la détermination exacte: nous nous contenterons 
de dire ici qu'on y trouve, ; 

- Deux lituolites; - 
- Trois vermicutaires; 

Des belemnites qui, suivant M. Dali sont différentes 
de celle qui accompagne les aminonites du calcaire compacte; 

Des fragmens: de coquille qui; par leur forme tubulaire 
et leur structure fibreuse, ne peuvent être rapportés qu'au 
genre pinna; mais si on déduit de l'épaisseur de ces fragmens. 
la grandeur des individus auxquels ils devoient appartenir, on 
conclura que ces testacés devoient être monstrueux: Nous 
avons mesuré des mor&éliux quiavoient 12 millimétres d'é épais- 
seur , tandis que l'épaisseur des plus grandes — pinna 
connues n'est que de 2 p $ zi 

Une moule; =’ s 

Deux huitres; 


309 ANNALES: DU: MUSEUM 

Une espèce du genre peigne; 

Une cranie ; 

Trois térébratules; : | 

Un spirorbis; : . . 

Des ananchites dont "à imd €rüstacée est restée cal- 
caire et a pris la texture spathique, tandis que le milieu seul 
est changé en silex; 

Des porpytes; 

Cinq à six polypiers différens: un d'entre eux paroit appar: 
tenir au genre caryophyllæa ; un autre au genre mullepora. 
Ce dernier est ordinairement brun et à l'état de fer osidé j 
résultant de la décomposition des pyrites. t 

- Enfin des dents de squales. . | 

- Nous ferons observer avec M. Paimo qu on n'a encore 
trouvé dans la craie aucune coquille univalve à spire simple 
et régulière. Ce fait est d'autant plus remarquable, que nous 
allons rencontrer ces coquilles en grande abondance, quel- 
ques métres au-dessus de la craie, dans des couches égale- 
ment calcaires, mais d'une structure différente. 

Parmi les carriéres et montagnes de craie que nous àvons 
visitées, nous citerons Meudon. La craie n'y est point à nu; 
elle est recouverte om Nu plastique et din le calemire 
grossier. 

La partie eam e^ cette masse m— dieta et 
présente une espèce de brèche dont les Íragmens sont de 
craie et les intervalles d'argile. - 

© La partie la plus élevée de la mes craie nous a paru étre 
au-dessus de la Verrerie de Sèvres. Elle est à 15 mètres aus 
dessus de la Seine. Cette disposition relève toutes les couches 
de terrain qui la surmontent , et ea en méme temps en 


D'HISTOIRE NATURELLE. 303 

diminuer l'épaisseur. La masse de pierre s'incline sensible- 
ment du côté de la rivière. 
À Bougival, pres Marly, la craie est presque à nu dans 
quelques points, n'étant recouverte que par des. fierres. cal- 
caires d'un grain assez fin, mais en fragwens plus ou moins 
gros et disséminés dans un sable uiarneux , qui est presque 
pur vers le sonunet. 

Au milieu de ces fragmeus,on trouve des a odes d'un calcaire 
blanc-jaunètre, . «compacte, à grain fin, avec des lames spa- 
thiques et de petites cavités tapissées de trés-petits cr islaux 
de chaux carbonatée. La pâte de ces géodés renferme une 
multitude de petites coquilles univalves à spire , ce qui paroît 
prouver que ce calcaire Appt pas à la formation pe 
craies. tod 

“Parmi ces géodes ; nous eu avons trouvé une qui présentoit 
une vaste cavilé tapissée de cristaux limpides , allongés et dti 
ayant plus de deux centimètres de longueur. 

c La division. mécanique seule nous a appris que ces Re 
appartenoient à l'espèce de la strontiane.sulfatée, et utiexamen 
plus attentif de leur forme nods ‘a fait conpoitre qu'ils consti- 
tuoient une variété nouvelle. M. Haüy, auquel nous Pavons 
communiquée, l'a: nommée strontiane sulfatée apotome. 1 

Ces cristaux offrent des prismes: rhomboidaux à quatre 
pans, dont les anglessont les mémes que ceux du prisme des 
variétés unitaire, émoussée, etc., c'est-à-dire 77 d. »' et 103 
58. Ils sont terminés par des pyramides à quatre faces et très- 
aigues. l'angle d'incidénce des faces de cette pyramide sur 
les pans adjacens est de 161 d. 16". Les faces sont produites 
par un décroissement par deux rangées à gauche et à dioite 
de l'angle E dela molécule soustractive. C'est une loi qui 


304 ANNALES DU MUSÉUM 
n'avoit pas encore été reconnue dans les variétés de strontiane 
1 

sulfatée étudiées jusqu'à ce jour. Son signe sera E £^ *£. 
Les cristaux de strontiane observés jusqu’à présent aux en- 

virons de Paris, sont extrémement petits, et tapissent les 

parois de quelques-unes des géodes de strontiane qu'on trouve 

dans les marnes veries de la formation gypseuse; mais on 

n'en avoit point encore vu d'aussi volumineux et d'aussi nets. 


Arrt. n— F aiii de l'argile plastique. 


Presque toute la surface de la masse de craie est recou- 
verte d'une couche d'argile plastique qui a des caractères com- 
muns. fort remarquables, quoiqu'elle présente dans divers 
points des différences sensibles. 

Cette argile est onctueuse, tenace, renferme de la silice , 
mais trés-peu de chaux; ensorte qu'elle ue fait aucune effer- 
vescence avec les acides. Elle est même absolument infusible 
au feu de porcelaine, lorsqu'elle ne contient point une ep 
grande quantité de fer. 

Elle varie beaucoup de couleur; il y en a de très- Da 
(à Moret, dans la forêt de Dreux ); de grise (à Montereau, à 
Houdan, à Condé); de jaune (à Houdan : abondant en la forét de 
Dreux ); de gris-ardoisé pur, de gris-ardoisé mélé de rouge, et 
de ronga presque pur (res tout le sud de Paris eue Gentilly 
jusqu'à Meudon ). 

Cette argile plastique est , elm ses diverses qualités, em- 
ployéeà faire ou de la beste fine, ou des gres, ou des creusets 
et des étuis à porcelaine, ou. bien enfin de la poterie rouge 
qui a la dureté du grès lorsqu'on peut la cuire convenable- 
ment. Elle n'est jamais ni effervescente ni fusible. Sa couleur 


D'HISTOIRE :NATURELLE. ^ 
rouge, les grains pyriteux, les portions de silex, les. petits 
fragmens de craie et les cristaux de sélénite qu'elle renferme 
quelquefois, sont les seuls défauts qu'on y trouve; : 

Cette couche varie beaucoup d'épaisseur : dans cilii 
parties, elle a jusqu'à 16 mètres et plus; dans d’autres, 'elle 
ne forme qu'un lit mince d'un ou deux décimétres. 

Il paroit presque sûr qu'on ne trouve aucun fossile ni mariu, 
niterrestre dans cette argile, du moins n'en avons nous vu 
aucun ni dans les différentes couches que nous avons observées 
en place, ni dans les amas considérables que nous avons exa- 
minés à plusieurs reprises dans les nombreuses manufactures 
qui en font usage; enfin les ouvriers qui exploitent cette ar- 
gile au sud de Paris, nous ont assuré by ayoir jamais ren- 
contré ni coquilles, ni ossémens, ni bois, ni végétaux. ` 

‘Dolomieu qui a reconnu ce méme banc d'argile entre la 
craie et le calcaire grossier , dans l'anse que forme la Seine en 
face de Rolleboise (1), dit, à la vérité, qu'on y a trouvé des 

ins de bois bitumineux, et qu'on les avoit méme pris 
pour de la houille; mais il fait observer que ces petites por- 
tions de lignite ont été trouvées ‘dans des parties éboulées du 
banc qui avoient pu les envelopperà une époque postérieure 
au dépôt primitif de cette argile. 
Les lieux que nous avons cités plus haut prouvent que ce 
banc d'argile a une trés-grande étendue, et qu'il conserve 
dans toute cette étendue ses principaux caracteres de forma- 
tion et de position. 

- Si nous comparons les descriptions que nous venons de 
donner des couches de craie et des couches d'argile plastique, 


"-— ae f à i 
= T ——Ó 


ho 


(1) J. d. M. n? 9, p. 45. 
Ii, 


306 ANNALES DU MUSÉUM 
nous remarquerons; 1. que non-seulement on ne trouve dans 
l'argile aucun des fossiles qu'on rencontre dans la craie ; mais 
qu'on n'y trouve mme aucun fossile; 2,* qu'il n'y a point de 
passage insensible entre la craie:et l'argile, puisque les pariies 
de la couche d'argile les plus voisines de là craie ne renferment 
pas plus de chaux que les autres partes. | 

Il nous semble qu'on peut conclure de ces observations, 
premièrement, que le liquide qui a déposé la couche d'argile 
plastique étoit'très-différent de celui-qui a déposé la: craie, 
puisqu'il ne contenoit point sensiblement de chaux carbonatée, 
et qu'il n'y vivoit aucun des animaux qui habitoient dans les 
eaux qui ont déposé la craie; ets do ip 
-"Secondement , qu'il y a-eu nécessairement une séparation 
tranchée;'et peut-être méme un long espace de temps „entre 
.lé dépôt de la €raie et celui de l'argile, puisqu'il n'y.a aucüne 
transition entre ces deux sortes de terrain. L'espèce de brèche 
à fragment de’craie et pâte d'argile que nous avons remarquée 
à Meudon, semble méme prouver que: la -craie étoit déjà 
solide, lorsque l'argile s’est déposée. Cette térre s'est 1hsmuée 
entre les fragmens de craie produits à: la: surface du terrain 
crayeux par le mouvement dés eaux ou par toute autre 
cause. ! Shier 9115» sh ir 364055 05 

Les deux sortes de terrain. que nous venons de. décrire. ont 
donc :été produites dans des circonstances: tout-à-fait: diffé- 
rentes et /méuie bien tranchées. Elles:sont le résultat des for- 
mations les plus distinctes et les plus caractérisées: qu'on 
puisse trouver dans la :géognosie, püisqu'elles. different par 
la mature chimique, par le genre. de straufication, et, surtout 
par celui des fossiles quon y rencontre.  — 


1 


D'EI Sorre? NATURELLE. 307 


UY 
d enit : [ T2 pi ? $11 


ART. It. — LA ormátion e — et x calcaire — 


""Le calcaire grossier ne recouvre’ pas: — án- 
médiatement ; il en est souvent séparé par! une : ‘couche de 
sable plus ou moins épaisse. Nous ne pouvons dire si ce sable 
de à la formation ‘du cálcaire où à celle de l'argile. 
Nous n'y avons pas trouvé de coquilles dans les endroits peu 
nombreux où nous l'avons observé, ce qui lé rattacheroit à la 
formation 'argileuse; mais la couche calcaire la plus mférieüre 
étant ordinairement sablónneuse et toujours remplie de co- 
qüilles , nous ne savons pas encore si ce sable est différent du 
premier, ou si c'est le même dépôt. Ce qui nous feroit soup- 
conner qu'il est différent; c'est que le sable des argiles que 
nous avons vues, est généralement assez pur; quoique coloré 
en róuge ou en gris bleuátre. Il est réfractaire et souvent à 

très-gros grains. 

= La formation calcaire prise m ce sable est composée do 
couches alternatives, de calcaire grossier plüs ou moins dur; 
de marne argiléüse et méme: “d'argile feuilletée en aouéhe 
très mince, et de marne calcaire ; mais il ne faut pas’ croire 
que ces divers bancs y soient placés au hasard et sans regles: 
ils suivent toujours le mére ordre de superposition: dans 
l'étendue considérable de terrain que fous avons parcourue; 
Il y en a quelquefois plusieurs qui manquent ou qui sont 
trés-minces; mais celui qui étoit inférieur dans un canton, ne 
desi ent jamais: supérieur dans un autre. 139 

! Cette constance dans l’ordre de papéehéeisicnt "in ien 
ja plus minces; et sur” une étendue de 12 myriameires au 
inoins, est sélon nous, un des faits les plus — que 

4o * 


308 ANNALES: DU:MUSÉUM : 

nous ayons constatés dans la suite de nos recherches. Il doit 
en résulter. pour les arts et pour la géologie des conséquences 
d'autant plus intéressantes, qu'elles sont plus sûres. . 

Le inoyén. que nous. avons. employé. pour. reconnoitre:au 
iln d'un si grand nombre, de. lits ,calcaires , un lit déjà 
observé dans un. canton trés-éloigné , est pris de la nature des 
fossiles renfermés dans chaque couche, ces fossiles sont tou- 
jours généralement les mêmes dans les couches correspon< 
darites, et: présentent. des différences d'espèces. assez notables 
d'un système de couche à un autre système. C’est un signe 
de reconnoissance qui jusqu'à présent ne nous a pas trompés. 
. Il ne faut pas croire cependant que la différence d'une 
couche à lauwe soit aussi tranchée que celle de la craie 
au calcaire, S'il en étoit ainsi, on auroit autant de forma- 
tions -particuliéres ; mais | Jes., fossiles. “caractéristiques d'une 
couche deviennent moins nombreux dans la couche supé- 
rieure, et disparoissent tout-à-fait dans les autres, op. sont 
rémplacés.peu à peu. pena de nouveaux, R fission pvi n'avoient 
point encore;paru; . 

Nous allons indiquer; en. here cetie re is sitas 
paux systèmes de. couche qu'on peut observer dans le cal. 
eaire grossier. On. trouvera dans le Mémoire détaillé la 
deséription complètes lit par dit, des. mombreuses carrières 
que nous. avons observées. pour. ref, ii riktas "n nous 
moie eujourd'hui. :: 2, 

“Les couches les plus salbia: de: de aep. ejeki 
sont les plus caractérisées : ellessont irès-sablonneuses et sou- 
verit méme/plus sablonneuses que cälcaires. Quand -elles.sont 
solides , elles se. décomposent à l'œil, et tombent en poussière : 
aussi- cette pierre n'est-elle point susceptible d’être employée. 


D'HISTOIRE NATURELLE. 

Le calcaire coquillier qui la compose et même le sable qui 
la remplace queiquefois,renferment presquetoujours de la terre 
verile en poudre ou en grain. Cette terre, d'aprés.les essais 
que nous en avons faits, est analogue par. sa, composition à 
la chlorite baldogée ou terre de Vérone. Elle doit sa couleur 
au fer; elle ne se trouve que dans les couches inférieures: 
on n'en voit ni dans la craie, ni dans l'argile, ui dans les 
couches calcaires moyennes ou supérieures, et on. peut re- 
garder sa présence comme l'indice sûr du voisinage de l'ara 
gile plastique, et par conséquent de la craie. Mais ce qui 
caractérise encore plus particulièrement ce systeme de couche , 
c'est la quantité prodigieuse. de coquilles fossiles qu'il ren- 
ferme.: Pour donner une idée du nombre d'espèces que ces 
couches contiennent, il suffira de dire que M. Defrance y a 
irouvé plus de six cents pint, qui ont été toutes décrites 
par. M. de Lamarck. 

. Nous ferons remarquer que la net: de ces litio 
ipis beaucoup plus des espéces vivantes actuellement; 
que celles des couches. supérieures. Nous citerons, parmi les 
fossiles particuliers à ces couches inférieures, des pétoncles, 
des solens, des huitres, des uoules,.de pinnes; des calyp- 
irées, des pyrules, de grandes tellines allongées à côtes, des 
térébelles, des porpytes, des madrépores , et notamment " 
nummulites et des fungues. 

Telles sont les coquilles les plus ae de a win 
shi Nous devons faire remarquer que ce n'est point dans 
le dépôt particulier de Grignon que. nous avons pris les 
exemples que nous venons de citer; çes exemples n'eussent 
point caractérisé le. système de couches que nous voulons 
faire reconnoitre: nous les avons. choisis dans les. carrières de 


816 JA'NNALES DU MUSEUM 

Sèvres, de Meudon, d'Issy, de Vaugirard , de Gentilly; dans 
les couches de Guespelle , dans celles de Lallery près Chau- 
mont , etc. 

C'ést dans cette mnéce-couche qu'on trouve lés camérines. 
Elles y sont ou seules ou mêlées avec les: madrépores et les 
coquilles précédentes. Elles sont toujours les plus inférieures; 
et par conséquent les premières quise soient déposées sur la 
formation de craie; mais il n'y en a pas partout. Nous en 
avons trouvé prés Villers-Cotteret, dans le vallon de Vau- 
cienne; à Chantilly, à la descente de la montagne. Elles y sont 
mélées avec des coquilles très-bien conservées et avec de gros 
grains de quartz qui forment de cette pierre une sorte de pou- 
dingue ; au mont Ganelon qe Sas aedi ou. mont ape 
près de Gisors, ete. : 

Un autre ined aan aux éóquillés de cette couche; 
c'est qu'elles sont la plupart bien entières et bién: cünsdévéest 
qu'elles se détachent facilement de leur roche, et qu'enfin 
beaucoup d'entre elles ont conservé leur état nacré, C’est 
dans tous les lieux précédens et dans d'autres moins remar- 
quables que nous avons reconnu que les couches calcaires 
sablonneuses qui renferment ces coquilles , suivent immédiate- 
ment l'argile plastique qui recouvre la craie ; et c'est par ces 
observations multipliées que nous avons — de x osi | 
de la règle que nous venons d'établir. | 

Les autres systèmes de couches sont moins ^iiisridéts et 
nous n'avons pu encore terminer le dépouillenient des nom- 
breuses observations que nóus avons faites pour établir avec 
précision la succession des: différens fossiles qui doivent "m 
caractériser , et nous pouvons cependant: annoncer que d'ápr 
l'inspection des carrières du midi et de l'ouest dé Paris; del 


D'HISTOIRE NATURELLE, 3f 
puis Gentilly jusqu'à à Villepreux et Saint-Germain ; les couches 
supérieures à celles que nous. venons de décrire se ancnèdent 
dans l'ordre suivant. : 
; 1. Un banc tendre ayant souvent une teinte, dt cim ce 
qui m fait nommer banc vert par les ouvriers. l| présente 
fréquemment à sa partie inférieure des empreintes. brunes de 
feuilles et de tiges de végétaux. 


? Des bancs: gris ‘ou jaunátres tantôt joila; "e bats 
pie T y RS De E EK t-d di des 
urs. el. A X433 352 mant: 4 es vénus arron es; : > 


ampuliaires. et mem des cérites tuberculées qui y sont 
quelque'ois en quantité prodigieuse. La partie supérieure et 
moyenne de ce: banc , souvent fort dure , est employée comme 
trés- bonne. pierre. à bâtir, et connue sous le nom de roche. 

3^ Enfin et vers le haut règne, un banc peu épais; mais 
dur, qui. est remarquable par la. „quantité prodigieusé de pe- 
tites, tellines allongées: et. striées qu'il présente dans ses fis- 
sures horizontales. Ces tellines y. sont couchées à plat.et ser- 
rées les unes contre les autres. Elles sont. génér alement blanches. 

i Au-dessus de,ces dernieres; couches. de calcaire grossier; 
viennent: les: marnes, calcaires dures , se divisant par fragmeris 
dont les faces sont ordinairement couvertes d'un enduit jaune 
el de dendrites noires. Ces marnes sont séparées par des 
marnes calcaires tendres, par des marnes argileuses et par 
du sable calcaire; quiest quelquefois agglatiné, et qui renferme 
des silex cornés à zones horizontales. Nous rapportons à ce 
système la^ couche des carrières de Neuilly, dans laquelle on 
trouve des cristaux de ‘quartz et des D sig teen 


de chaux- carbonatée Wiversb;noo cb tor y sy nO .notisia 
^ Mais cé" qui caractérise plus par tieuliórement ce dernier. 


système de couche de la formation calcaire; c'est l'absence 
de toute coquille et de tout autre fossile. 


312 ANNALES DU MUSÉU M! 


Il résulte des observations que nous venous de rapporter, 

° que les fossiles du calcaire grossier ont été déposés lente- 
ment et dans une mer tranquille, puisque ces fossiles y sont 
déposés par couches régulieres et distinctes; qu'ils ne sont 
point mêlés indistinctement, et que la plupart y sont dans 
un état de conservation parfait, quelque délicates que soient 
ces coquilles ; que les heme méme des coquilles épineuses sont 
très-souvent entières; 2.° que ces fossiles sont entièrement dif- 
férens de ceux de la craie; 3.° qu'à mesure que les couches 
de cette formation se déposoient , le nombre des espèces de 
coquilles alloit toujours eu diminuant, jusqu'au moment où 
l'on n’en trouve plus. Les eaux qui formoient ces couches , ou 
n'en ont plus spas ou ont — la muet de les 
conserver. 

Certainement les finis se passoient div ces mers bic 
autrement qu'elles ne se passent dans nos mers actuelles: dans 
celles-ci, il ne se forme plus de couches; les espéces de co- 
quilles y sont toujours les mémes, dans les mémes parages. 
On ne voitpas, par exemple , que depuis le temps où l'on pêche 
des huitres sur la cóte de Cancale, ces coquilles aient "a 
E être — par d'autres espèces. 


ART. av. — F ormation &ypseuse. 


Le terrain dont nous allons tracer l'histoire est un des 
exemples les plus clairs de ce que l'on doit entendre par for- 
mation. On va y voir des couches trés-différentes. les: unes 
des autres pedem nature linn mais fide camen pe- 
mées ensemble, 


Le terrain que nous nommons gypseux n'est pas LA 


D'HISTOIRE NATURELLE. 313 
composé de gypse, il consiste en couches alternatives de 
gypse et de marne argileuse et calcaire. Ces couches ont 
suivi un ordre de superposition qui a été toujours le même 
dans la grande bande gypseuse que nous avons étudiée, et 
qui s'étend depuis Meaux jusqu'à Triel et Grisy. Quelques 
couches manquent dans certains cantons; mais celles qui 
restent sont toujours dans la méme position respective. 

Le gypse est placé immédiatement au-dessus du calcaire; 
et il n'est pas possible de douter de cette superposition. La 
position. des carrières de gypse de Clamart , de Meudon, de 
Ville-dAvray, au-dessus du calcaire grossier qu'on exploite 
aux mêmes lieux; celle des carrières de la montagne de Triel, 
dont la superposition est encore plus évidente; enfin un puits 
creusé dans le jardin de M. Lopès, à Fontenay-aux-Roses , et 
qui a traversé d’abord le gypse et ensuite le calcaire, sont 
des preuves plus que suflisantes de la position du gypse sur 
le calcaire. 

Les collines et rere gypseuses ont un aspect particulier 
qui les fait reconnoitre de loin; comme elles sont toujours 
placées sur le calcaire, elles forment sur les collines les plus 
hautes , comme une seconde colline allongée ou conique, mais 
1oujours distincte, 

Nous ferons connoître les détails de cette formation, en 
prenant pour exemple les montagnes qui présentent l'ensemble 
« de couches le plus complet; et quoique Montmartre ait été 
pec bien visité, c'est encore l'exemple le meiileur et le plus- 
intéressant que nous pnissiona choisir. 

On reconnoit tant à Montmartre que dans les collines qui 
semblent en faire la suite, trois masses- de gypse. La plus 
inférieure est composée de couches alternatives et peu épaisses 

13. 41 


314 ANNALES DU MUSÉUM 
de gypse souvent. séléniteux, de marnes calcaires solides et 
de marnes argileuses trés-feuilletées. C'est dans les premieres 
que se voient principalement les gros cristaux de gypse jau- 
nâtre lenticulaire, et c'est dans les dernières que se trouve 
le silex ménilite. Nous ne connoissons aucun fosssile dans 
cette masse qui est la troisième masse des carrières. 

La seconde masse ou la masse intermédiaire ne diffère de 
la précédente que parce que les bancs gypseux sont plus épais, 
que les couches marneuses y sont moins malupliées. On doit 


remarquer parmi ces marnes celle qui est argileuse, com- 
pacte, gris-marbrée, et qui sert de pierre à détacher. C'est 
principalement dans cette masse qu'on a trouvé les poissons 
fossiles. On n'y connoit point d'ailleurs d'autres fossiles. Mais 
on commence à y trouver la strontiane sulfatée; elle est en 
rognons épars à la partie inférieure de la marne marbrée. 

La masse superficielle que les ouvriers nomment la pre- 
miére, est, à tous égards, la plus remarquable et la plus im- 
portante. Elle est d'ailleurs beaucoup plus puissante que les 
autres, puisqu'elle a dans quelques endroits jusqu'à 25 mètres 
d'épaisseur; elle n'est altérée que par un petit nombre de 
couches gürnenses ; et, dans quelques endroits, comme à 
Dammartin , à Montmorency, elle est située presque immé- 
diatement au-dessous de la terre végétale. 

Les bancs de gypse les plus inférieurs de celte première 
masse renferment des silex qui semblent se fondre dans la æ 
matière gypseuse et en être pénétrés. Les bancs intermédiaires 
se divisent naturellement en gros prismes à plusieurs pans 
M. Desmarest les a fort bien décrits et figurés. On les nomme 
les hauts piliers; eníi les bancs les plus supérieurs sont 
pénétrés de marne; ils sont peu puissans, et alternent avec 


D'HISTOIRE NATURELLE. 315 


des couches de marne. Il y en a ordinairement cinq qui se 
continuent à de grandes distances. 

Mais ces faits déjà connus ne sont pas les plus importans ; 
nous n'en parlons que pour les rappeler et mettre de l'en- 
semble dans notre travail. Les fossiles que renferme cette 
masse et ceux que contient la marne qui la recouvre, dani 
sentent des observations d'un tout autre intérêt. 

C'est dans cette premiére masse qu'on trouve —( 
: les squelettes d'oiseaux et de quadrupèdes inconnus; que l'un 
de nous (1) a décrits en détail dans d'autres Mémoires. Au 
nord de. Paris, ils sont dans la masse gypseuse méme, ils y 
ont conservé de la solidité, et ne sont entourés que d'une 
couche trées-mince de marne calcaire; mais dans les carrières 
du midi,ils sont souvent dans la marne qui sépare les bancs 
gypseux: ils ont alors une grande friabilité. Nous ne revien- 
drons pas sur la maniére dont ils sont situés dans la masse, 
sur leur état de conservation, sur leurs espèces, etc; ces 
objets ont été suffisamment développés dans les Mémoires que 
nous venons de rappeler. On a aussi trouvé dans cette masse 
des os de tortue et des squelettes de poisson. 

Mais ce qui est bien plus remarquable et beaucoup pig 
important par les conséquences qui en résultent, c'est qu'on 
y trouve, quoique très-rarement , des coquilles d'eau douce. 
Au reste une seule suffit pour démontrer la vérité de l'opinion 
de Lamanon et de quelques autres naturalistes qui pensent 
que les gypses de Montmartre et des autres collines du bassin 
de Paris, se sont cristallisés dans des lacs d'eau douce. Nous 


Li 
(1) M. Cuvier, Annales du Muséum d'hist. nat., t. 


ji 


316 ANNALES DU MUSEUM 
allons rapporter dans l'instant de nouveaux faits confirmatifs 
de celui-ci. ! | ; 

Enfin cette masse supérieure est essentiellement caractérisée 
par la présence des squelettes de mammifères. Ces ossemens 
fossiles servent à la faire reconnoitre lorsqu'elle est isolée; 
car nous n'avons jamais pu en trouver, ni constater qu'on en 
ait trouvé dans les masses inférieures. 

Au-dessus du gypse sont placés de puissans bancs de marne 
tantôt calcaire, tantôt argileuse. 

C'est dans les lits inférieurs et dans une marne calcaire 
blanche et friable qu'on a rencontré à diverses reprises des 
ironcs de palmier pétrifies en silex. Ils étoient couchés et d'un 
volume considérable. C'est dans ce méme système de couche 
qu'on a trouvé , mais seulement à Romain ville , des coquilles du 
genre des lymnées et des planorbes qui ne paroissent différer 
en rien des espèces qui vivent dans nos marres. L'un de nous 
a déjà communiqué à la classe ce fait intéressant. Il prouve 
que ces marnes sont de formation d'eau douce, commes les 
gypses qu'elles recouvrent. 

Au-dessus de ces marnes blanches se voient encore dés 
bancs trés-nombreux et souvent puissans de marnes argileuses 
ou calcaires. On n'y a encore découvert aucun fossile. 

On trouve ensuite un petit banc de 6 décimetres diépais- 
seur d'une marne jaunâtre feuilletée qui renferme vers sa 
partie inférieure des rognons de strontiane sulfatée terreuse , 
et un peu au-dessus, un lit mince de petites tellines allongées 
qui sont couchées et serrées les unes contre les autres. Ce 
lit qui semble avoir bien peu d'importance, est remarquable, 
premièrement par sa grande étendue; nous l'avens observé sur 


un espace de plus de dix lieues de lois sur plus de quatre 


^ D'HISTOIRE NATURELLE. 31% 
de large, toujours dans la même place et de la même épais- 
seur. Il est si mince, qu'il faut savoir exactement où on doit 
le chercher pour le trouver. Secondement, parce qu'il sert 
de limite à la formation d'eau douce , et qu'il indique le com- 
mencement subit. d'une nouvelie formation marine. 

En effet, toutes les coquilles qu'on rencontre au-dessus de 
ce lit de ya sont marines comme. elles. 

On trouve d'abord et immédiatement après, un banc puis- 
sant et constant de marne argileuse verdätre qui, par son 
épaisseur, sa couleur et sa continuité , se fait reconnoitré de 
loin. Il sert de guide pour arriver aux tellines , puisque c'est 
au- dessous de lui qu'on les trouve. Il ne renferme d'ailleurs 
aucun fossile , mais seulement des géodes argilo-calcaires et des 
rognons de strontiane sulfatée. Cette marne est sn dans 
la fabrication de la faiance grossière. 

Les quatre ou cing bancs de marne qui suivent jai marnes 
vertes Sont peu épais, et ne paroissent pas non plus contenir 
de fossiles; mais ces lits sont immédiatement recouverts d'une 
couche de marne argileuse jaune qui est -pétrie de débris de 
coquillages marins, dont les espèces appartieunent aux genres 
cérites , trochus, mactres, vénus, cardium, etc. On y ren- 
contre aussi des fragmens de palais d'une raie qui devoit étre 
analogue à l'aigle. 

Les couches de marne qui suivent celle-ci PRET 
presque toutes des coquilles fossiles marines, mais seulement 
des bivalves; et les dernières couches, celles qui sont immé- 
diatement au-dessous du sable argileux, renferment deux 
banc d'huitres assez distincts. Le premier. et le plus inférieur 
est. composé de grandes huîtres trés-épaisses: quelques-unes 
ont plus d'un décimetre de longueur. Vient ensuite une couche 


318 ANNALES DU MUSÉUM * 

de marne blanchâtre sans coquilles, puis un second bane 
ü'huitres trés-puissant, mais subdivisé en plusieurs lits. Ces 
huitres sont brunes, beaucoup plus petites et beaucoup plus 
minces que les précédentes. Ces derniers bancs d'huitres sont 
d'une grande constance, et nous ne les avons peut-étre pas vu 
manquer deux: fois dans les nombreuses collines de gypse 
que nous avons examinées. La formation gypseuse est sou- 
vent terminée par une masse plus ou moins épaisse de sable 
argileux qui ne renferme aucune coquille. 

Telles sont les couches qui composent généralement la for- 
mation gypseuse. Nous étions tentés de la diviser en deux, et 
de séparer l'histoire des marnes marines du sommet de celles 
du gypse et des marnes d'eau douce du fond; mais les couches 
sont téllement semblables les unes aux autres, elles s'aceom- 
paguent si constamment, que nous avons cru devoir nous 
contenter d'indiquér cette division , sans la faire réellement. 

Il nous reste à dire quelques mfots sur les ppnópstes dif- 
férences qu'offrent les collines qui appartiennent à cette for- - 
mation. Les collines gypseuses fornrent comme une espèce 
delongue et large bande qui se dirige du sud-ouest au nord-est, 
sur une largeur de six lieues environ. Il paroit que dans cette 
zone il n'y a que les collines du centre qui'présentent dis- 
tinclement les trois masses de gypse. Celles des bords, telles 
que les plàtrieres de Clamart, Bagneux, Antoni, le Mont- 
Valérien , Grisy, etc., et celles des extrémités, telles que les 
plàtrieres de Chelles et de Triel ne — qu'une masse. 
Cette masse -nous paroit être analogue à celle que les car- 
riers nomment la première, c'est-à-dire la plus superficielle, 
puisqu'on y trouve les fossiles des mammifères qui la carac- 
térisent , et qu'on ne rencontre pas dans leurs marnes ces gros 


pr D'HISTOIRE NATURELLE. 319 
et nombreux cristaux de gypse lenticulaire qu'on observe dans 
les marnes de la seconde et de la troisième masse. 

Quelquefois les marnes du dessus manquent presque en- 
tierement ; quelquefois c’est le gypse lui-même qui manque 
totalement ou qui est réduit à un lit mince. Dans le premier 
cas, la formation est représentée par les marnes vertes accom- 
pagnées de strontiane. Les formations gypseuses du parc de 
Versailles , prés de Saint-Cyr, celles de Viroflay , sont dans le 
premier cas; celles de Meudon, de Ville-d'Avray, sont dans 
le second cas. 

Nous devons rappeler ici ce que l'un de vidis ital eir 
Čest que le terrain gypseux des environs de Paris ne peut se 
rapporter exactement à aucune des formations décrites par 
M. Wernet ou. par ses disciples. Nous en avons alors déduit 
les raisons he est inutile de répéter. , 


Anr. v. — Formation du sable et du grès marin. 


Ce terrain est peu étendu et puc faire suite à Ih formation 
des marnes du gypse. Nous l'y eussions méme réuni, s'il les 
accompagnoit aussi constamment que celles-ci accompagnent 
le gypse, et s'il n'en étoit souvent séparé par une masse con- 
sidérable de sable argileux dénué de tout fossile, et très-dif- 
férent par sa nature de celui qui va nous occuper. — 

Ce que nous venons de dire fait voir que cette formation 
recouvre généralement la formation gypseuse. Elle consiste en 
bancs de sable siliceux souvent très-pur et souvent agglutiné 
en grès, qui renferme des coquilles marines très-variées , et 


(1) Brongniart, Traité élém. de Min., t. 1 , p. 177- - 


320 S ANNALES DU MUSEUM i 

toutes :de méme espèce que celles de Grignon. Nous y avons 
reconnu les mêmes huîtres , les mêmes calyptrées, les mêmes 
tellines, les mêmes cérites. Tantôt ces coquilles-existent en- 
core et sont à l'état calcaire; tantôt il n'en reste que les em- 
preintes ou moules extérieurs. 

. On trouve ces gres et sables marins au sommet de Mont- 
martre, à Romainville, à Saint-Prix, prés de Montmorency, 
à Longjumeau, etc. On remarque dans ces derniers des ba- 
lanus fossiles. 

On ne peut s'empêcher de réfléchir, en observant ces grès 
remplis des mêmes coquilles que celles de Grignon, aux sin- 
gulières circonstances qui ont dà présider à la formation des 
couches que nous venons d'examiner. En reprenant les couches 
depuis la craie, on. se représente d'abord une mer qui dépose 
sur son fond une masse immense de craie et les mollusques 
d'une espèce particulière. Cette. précipitation de craie et des 
coquilles qui accompagnent cesse- tout-à-coup. Des couches 
d'une toute autre nature lui succèdent , et il ne se dépose plus ` 
que de l'argile et du sable sans aucun corps organisé. Une 
autre mer revient : celle-ci nourrit une prodigieuse quantité de 
mollusques testacés , tous différens de ceux de la craie. Elle 
forme sur son fond des bancs puissans, composés en grande 
partie des enveloppes testacées de ces mollusques ; mais peu 
à peu cette production de coquilles diminue et cesse aussi tout- 
à-fait. Alors le sol se couvre d'eau douce; il se forme des 

couches alternatives de gypse et de marne qui enveloppent 
et les débris des animaux que nourrissoient ces lacs, et les 
ossemens de ceux qui vivoient sur leurs bords. 

La mer revient une troisième fois et produit ee es- 
pèces de coquilles bivalves et turbinées ; mais bientôt cette mer 


& D'HISTOIRE NATURELLE. 321 
ne donne plus naissance qu'à des huîtres. Enfin les productions 
de la seconde mer inférieure reparoissent, et on retrouve au 
sommet de Montmartre les mêmes coquilles qu'on a trouvées 
à Grignon et dans le fond. des carrièrés de Gentilly et de 
Meudon. | 


Arr. vi. — Formation du calcaire siliceux. 


- La formation dont: nous allons parler a.une situation géo- 
logique parallele, pour ainsi dire, à celle du calcaire marin. 
Elle n'est située ni au-dessous d'elle, m au-dessus, mais à côté, 
et semble en tenir ła place dans l'immense étendue de terrain 
qu'elle recouvre à l'ouest et au sud-ouest de Paris. 

Ce terrain est: placé immédiatement au-dessus des argiles 
plastiques. Il est formé d'assises distinctes., de :calcaire tantôt 
tendre et blanc ; tantôt gris et compact, et à grain très-fin, pé- 
nétré de silex qui s'y est infiltré dans touslessenset dans tous les 
points. Comme il est souvent caverneux , ce silex, en s'nfil- 
irant dans ces cavités, en a. tapissé les.parois de stalactites 
mamelonées , diversement colorées, ou de cristaux de quartz 
très-courts et presque sans prisme , mais nets et limpides. Cette 
disposition est irés-remarquable à Champigny. Ce. calcaire 
compacte , ainsi pénétré de silex, donne, par la cuisson, une 
chaux d'une trés-bonne. qualité. l voti 
… Mais le caractere distinctif de cette formation 'singuliere , 
de-cette formation que. personne n'avoit remarquée. ayant 
nous, quoiqu'elle couvre une étendue de terrain considérable, 
c'est de ne renfermer aucun fossile ni marin, ni fluviatile; du 
moins nous n'avons pu en découvrir aucun dans le grand 
nombre de places où nous l'avons examiné avec la plus scru- 
puleuse attention. =u = pa T 
; FE | 42 


352 ANNALES DU MUSEUM w 

—QCest dans ce terrain que se trouvent les pierres connues 
sous le nom de meulières. Ces pierres, dont l'origine, la for- 
mation, et la situation étoient obscures pour la plupart. des 
minéralogistes, semblent être la carcasse siliceuse du calcaire 
siliceux. Le silex dépouillé de sa partie calcaire par une cause 
inconnue, a dù laisser et laisse en effet des masses poreuses, 
mais dures, dont les cavités renferment encore de la marne 
argileuse et qui ne présentent aucune trace de stratification ; 
nous avons fait de véritables meulieres artificielles en jetant du 
calcaire silicenx dans de l'acide nitrique. Nous ferons connoitre 
dans la seconde partie les divers cantons qui sont formés de ce 
calcaire. Nous terminerons son histoire générale en disant qu'il 
est souvent à nu à la surface du sol, mais que souvent aussi 
il est recouvert de marnes argileuses, de grès sans coquilles, et 
enfin de terrain d'eau douce. Telle est la structure du sol de la 
forét de Fontainebleau. 


Arr. vir. — Formation du grès sans coquille. 


Le grès sans coquille, dans quelque lieu qu'on le trouve, 
est toujours la dernière où avant-dernière formation. ll re- 
couvre constamment les autres, et n’est jamais recouvert que 
par la formation du terrain d’eau douce. Ses bancs :sont sou 
vent trés-épais et entremélés de bancs de sable de méme 
nature que lui. Le sable qui supporte les bancs supérieurs, a 
été quelquefois entrainé par les eaux; les bancs se sont alors 
rompaset ont roulé sur les flancs des salit qu'ils formoient : 
tels sont les grès de la forét de Fontainebleau, ceux de Pa- 
laiseau, ete. l mi 

Non-seulement ce grès et ce asis ne contiennent poin: de 


* D'HISTOIRE NATURELLE. 323 
fossiles, mais 'ils sont souvent très-purs et donnent les sables 
estimés dans les arts, et qu'on va recueillir à Etampes, à 
Fontainebleau , à la butte d Aumont, etc: 

Ils sont cependant quelquefois ou altérés par un. mélange 
d'argile, ou colorés par des oxides defer , ou. impregnés de 
chaux carbonatée qui. les a pénétrés par infiltration. lorsqu'ils 
sont recouverts du terrain calcaire d'eau douce ; tel est encore 
lecas des sgr és de dieat —— de; la forêt ae F óntainebleau: | 

T | 


ART. vil — Formation du terrain d'eau PEA 


Cette rna recouvre constamment toutes les autres, 
Laroche qui en est résultée ressemble , à quelques égards, pour 
la structure et les.autres: propriétés extérieures, au calcaire 
siliceux , c'est-à-dire qu'elle est ta pa te jmt blanche 
et. tendre, mais presque toujours pénétrée d'infiltration sili- 
ceuse. Le silex méme tantôt opaque et jaunâtre, tantôt brun 
et translucide comme le silex pyromaque, remplace quelque- 
fois complétement le calcaire; enfin :cette. formation donne, 
comme: la sixième , des pises meulières dont l'origine a une 
méme cause. i d 

. Ce qui caractérise nie bu quita cette FM c'est 
d’une part la présence de coquilles évidemment d'eau. douce, 
et semblables en tout à celles que nous. trouvons. dans nos 
marais. Ces coquilles.sont des lymnées de trois espèces et des 
planorbes. On trouve aussi dans cette formation des petits 
corps ronds et.canelés, que M. de Lamarck a nommé gyro- 
gonite. Ou n'en connoit. plus l'analogue vivant; mais leur po- 
sition nous apprend que le corps organisé dont ils faisoient 
partie vivoit dans l'eau. douce, 


ia * 


324 ANNALES DU MUSÉUM : 

Le second caractère de cette formation c'est la facilité qu'a 
le calcaire qui la compose de se délayer dans l'eau, quelque 
dur qu'il paroisse au moment où on le retire de la carrière. 
De là l'emploi considérable qu’on en fait comme marne d'en- 
graisà Trappe prés. Versailles, dansla plaine de Gonesse, etc. 

Nous rapportons à cette formation, mais avec un peu d'in- 

certitude les sables des hauteurs qui renferment des bois et 
des parties de végétaux changées en silex. Nous avons été 
portés à faire cette réunion par l'observation des bois et des 
végétaux silicifiés qu'on trouve vers le sommet des collines de 
Lonjumeau. Le méme sable qui renferme ces végétaux, ren- 
ferme aussi des silex remplis de gros lymnées et des planorbes. 

Le terrain d’eau donce, quoique toujours superficiel, se 
trouve dans toutes les situations, mais cependant plutôt vers 
le sommet des collines et sur les grands plateaux, que dans 
le fond des vallées. S'il existe dans ces derniers lieux,il a été 
recouvert pár le sol, qui constitue la neuvième et dernière 
formation. D'ailleurs il est extrêmement commun partout 
aux environs de Paris, et probablement à des distances beau- 
coup plus. grandes que celles oà nous avons été. Il nous paroit 
étonnant > d'aprés cela, que si peu de naturalistes y aient fait 
attentión : nous ne connoissons que M. Der De en ait mz 
mention! 4 

La présence de ce terrain suppose dans les eaux douces 
qui existoient alors des propriétés que nous ne retrouvons 
plus dans celles que nous connoissons actuellement. Les eaux 
de nos marais, de nos étangs, de nos-lacs ne déposent que 
du limon friable. On n'a remarqué dans aucune d'elles là pro- 
priété que possédoient les eaux douces de l'ancien monde de 
former des dépôts épais de calcaire jaunâtre et dur, de 


— D'HISTOIRE NATURELLE. 325 


marnes blanches et de silex souvent trés-homogéne, enve- 
loppant tous les débris des corps organisés qui vivoient dans 
ces eaux , et les ramenant méme à la nature siliceuse et cal- 
caire de leur enveloppe. 


- 


ART. ix. — Formation du limon d'atterrissement. 


Ne sachant comment désigner cette formation, nous lui 
avons donné le nom de limon, qui indique un mélange de ma- 
tière déposée par les eaux douces. En effet, le limon d'atter- 
rissement est composé de sable de toutes les couleurs, de 
marne, d'argile, ou méme du mélange de ces trois matieres im- 
prégné de carbone, ce qui lui donne un aspect brun et méme 
noir. Il contient des cailloux roulés; mais ce qui le caracte- 
rise plus particulièrement , ce sont les débris des grands corps 
organisés qu'on. y observe. C'est dans cette formation qu'on 
trouve de gros troncs d'arbres, des ossemeus d'éléphans, de 
bœufs, d'antilopes et d'autres grands mammifères. 

C'est aussi à cette fprmation qu'appartiennent les dépóts 
de cailloux roulés du fond des vallées, et probablement aussi 
ceux de quelques plateaux, tels que le Bois de Boulogne , la 
plaine de Nanterre à Chatou, certaines parties de la forét de 
Saint- Germain, eic. 

Le limon d’atterrissement ne se trouve pas seulement dans 
le fond des vallées actuellement existantes, il a couvert des 
vallées ou des excavations qui depuis ont été remplies. On 
peut observer cette disposition Ld la tranchée profonde 
qu'on a faite prés de Séran pour y faire passer le canal de 
l'Ourque. Cette tranchée a fait voir la coupe d'une ancienne 
cavité remplie des matières qui composent le limon d'auterris- 


320 ANNALES DU: MUSÉU M 
sement; et c'est dans cette espèce de fond de marais qu'on 
a trouvé des os d'éléphans et de gros troncs d'arbres. 

C'est à l'existence de ces débris de corps organisés qui ne 
sont pas encore entierement décomposés , qu'on doit attribuer 
les émanations "dangereuses et souvent pestilentielies qui se 
dégagent de ces terrés lorsqu'on Jes remue peur-la première 
fois aprés cette longue suite de siècles qui s'est éconlé de- 
puis leurs dépôts; car il en est de cette formation 4 qui paroit 
si moderne, comme de toutes celles que nous venons d'exz- 
miner. Quoique trós- moderne en comparaison des; autres | 
elle est encore antérieure aux temps historiques, et on peut 
. dire que le limon de l'ancien monde ne ressemble en rien 
à celui du monde actuel, puisque les bois et les animaux 
qu'on y trouve sont entierement différens,' non-seulement 
des animaux des contrées où on les trouve: déposés; mais 
encore de tous ceux qu'on connoit jusqu’à présent. 


D'HISTOIRE NATURELLE. 327 


SUITE DES OBSERVATIONS 
Sur quelques genres de la Flore de la Cochin. 


chine. de Loureiro. 
PAR M. A. L. DE JUSSIEU. 


Ls moringa de Burmann, Thes. Zeyl.p. 162,1, 75 , et le morunga de Ruinph 
Herb. Amb. 1, p. 184, t. 74, 75, ou muringu de Rhéede, Hort. Malab. 6, p. 19, 
t. 11, sont deux plantes ligneuses, originaires de l'Inde, que Linneus réunissoit 
comme une même espèce dans son guilandiná. ie ds "m à me pd 
des Légumineuses , dans la première de ses d 

tout par une corolle polypétale régulière, des Etainbi sd nb tes end distinctes, 


des feuilles presque toujours pinnées ou bipinnées sans impaire, et des graines à 
radicule droite sur les lobes, dont l'enveloppe intérieure trés-épaisse prend la 
-forme d'un: périsperme. La plupart des botanistes qui ont suivi ou précédé Linnæus, 
-confondoient également ces deux plantes; mais ils ont varié dans leur rapproche- 
ment générique. Elles se distinguent de toutes les Légumineuses dé la première di- 
vision, et conséquemment du guilandina , par des feuilles vi asd avec impaire, 
une gousse à trois valves au lieu de deux, des graines à trois angles ailés, et dé- 
pourvues de la membrane intérieure épaissie ou faux périsperme. Quelques-uns de 
“ces caracteres, surtout celui de la gousse et des graines ailées, ont suffi pour dé- 
terminer Adanson à rétablir le moringa de Burmann, comme genre trés-distinct 
du guilandina. M. Lamarck. l'adopte dans l'Encyclopédie méthodique. On le trouve 
distingué sous le même nom dans notre Genera, dans lequel il est dit que; par la 
structure de ses feuilles et de ses gousses, il diffère de toutes les légumineuses 
-qui ne présentent jamais de feuilles bipinnées avec impaire, et encore moins des 
feuilles tripinnées. Gartner, partageant la même opinion et suivant là méme no- 
menclature , enchérit encore sur cette distinction, en remarquant l'absence du faux 
périsperme, et faisaut connoitre l'attache des graines sur le milieu des valves, et 
non sur un de leurs bords, cómme dans le reste de la famille. 
Forskal, dans son Flora egy ptiaco-arabica , p. 67, décrit y sous le nom générique 
hyperanthera, un grand arbre à feuilles bipinnéés avec impaire dont les caractères 
de la fructification sont à-peu-prés les mêmes que ceux-du moringa; et l'on peut 
croire que l'annonce de six crêtes sur la gousse indique l'existence des trois valves 
dont il ne fait pas mention. Cette affinité générique avec le moringa est encore con- 
firmée par le témoignage de Vahl, possesscur de l'herbier de Forskal qui, dáns 


338 ANNALES DU MUSEUM 


‘ses Symbole, 1, p. 30, conservant le nom hyperanthera , ramène le moringa à Ce 
genre, sous le nom de Hyp.. moringa , auquel il n’attribue „pareillement que des 
feuilles bipinnées avec impaire. Il lui joint encore, comme troisième espèce, le 
guilandina dioica de Linnæus , sans tenir compte de ses feuilles bipinnées sans im- 
paire, et de sa gousse à deux valves dont les graines sont attachées à une des su- 
tures comme dans les vraies Légumineuses. M. Lamarck avoit trouvé dans ce gui- 
landina des caractéres suffisans pour en former son. genre Gymnocladus que nous 
avons adopté et qui diffère beaucoup du moringa; mais il ne paroît pas qu'il ait 
eu raison de lui associer l'hyperanthera de  Forskal comme seconde espèce, sous le 
nom de G. arabica , puisque celui-ci diffère évidemment par ses feuilles et son fruit. 

Loureiro, frappé comme ses prédécesseurs du caractère du moringa et surtout 
de son fruit à trois valves, ignorant d'ailleurs que ce genre étoit déja établi par 
d'autres , en a fait un sous le nom d'anoma auquel il rapporte comme deux espèces 
distinctes le moringa de Burmann et le morunga de Rumph, tous deux indiqués par 
lui avec des feuilles simplement bipinnées, telles qu'elles existent peut-étre au som- 
met des tiges, et que les dépeint Pott Mais dans les herbiers et -dans les figures 


de Rumph , elles sont évid e qui peut fai é que Lou- 
reiro se sera trompé en assignant à Eme apie. des Rubis appeséésS parce qu'il 
atra pris les p pposées de la feuille tripinnée pour des feuilles com- 


ème espéce, sous le nom de À. Cochinchi- 
nensis, à laquelle il attribue aussi des feuilles opposées et bipinnées avec impaire , 


plètes et bipiniées. Il ajoute une troisi 


mais dont la gousse est comprimée, à deux valves, à graines arrondies non 
ailées. Ces derniers, ctères semblent prouver que cette plante n'appartient 
pas au moringa. WE M. Willdenow, dans son édition des Species de Lin- 
naus, adoptant l'hyperanthera de Forskal et de Vahl, lui réunit les trois anoma de 

iro, comme aulant d'espéces distinctes ; mais il se garde d'y joindre le tte 
eladus dioii qu’ il laisse avec M. Lamarck comme genre distinct. 

En rappelant ce qui vient d'être dit, on reconnoit que le moringa est un genre 
trés-naturel , différent en plusieurs points des vraies Légumineuses ; caractérisé par 
ses feuilles ordinairement tripinnées avec impaire, sa fleur, son fruit en gousse 
divisé en trois valves, ses graines ailées insérées sur le milieu des valves, son em- 
bryon à radicule droite et montante, dépourvu de périsperme ou de la membrane 
épaisse qui en tient lieu. L'hyperanthera de Forskal appartient probablement au 
méme genre, mais son nom, plus récent que celui. de moringa, doit être sup- 
primé. En réunissant au moringa les deux premieres espèces d'anoma de Loureiro qui 
lui appartiennent certainement, et qui peut-étre rne sont que la méme, on suspendra 
son JUPE sur la. troïsiéme , p pourra retenir le nom d'anoma jusqu' a ce qu'elle 
soit mieux connue et peut-être hée de quelque genre ancien. Le gymnocladus, 
iis diuini iu moringa et de r bei thera, est une véritable Légumineuse , un genre 
raturce! qui doit éire conservé, 


à 


D'HISTOIRE NATURELLE. 329 


RAPPORT 


FAIT 


A HEENNETELT 
Sur un Mémoire de MM. les VES LATE GALL 


et Sp URZHEIM. 


PAR G. CUVIER. 


L Classe a chargé MM. Tenon , PorraL, SABBaTIER , PINEL et 
Cuvier de lui rendrecompte dus Meisie intitulé: Recherches 
sur le système nerveux en général , et sur le cerveau en par- 
ticulier, par MM. Garr et Spurzaem, docteurs en médecine. 

Vos commissaires ne doivent point vous dissimuler qu'ils ont 
hésité un instant à se charger de cet examen. 

Dans tous les temps la classe s'est fait la loi indi de 
ne point émettre d'avis sur les ouvrages déjà soumis au grand 
tribunal du public par la voie de l'impression, et l'on pouvoit 
croire que la doctrine anatomique de M. Gall a recu par l'en- 
seignement oral que ce professeur en a fait dans les principales 
villes de l'Europe, et par les nombreux extraits que ses dis- 
ciples en ont répandus, une publicité à-peu-près équivalente 
à celle d'une impression authentique. 


11. 43 


330 ANNALES DU MUSÉUM 

Cette exposition anatomique du système nerveux passe 
d’ailleurs dans le monde pour être intimément liée, et son 
auteur la lie en effet, jusqu'à un certain point, à la doctrine 
physiologique qu'il enseigne sur les fonctions spéciales des di- 
verses parties de l'organe cérébral, doctrine qui ne peut 
être en aucune façon du ressort de la classe, puisqu'elle dépend 
en derniere analyse d'observations relatives aux dispositions 
morales et intellectuelles des individus , lesquelles n'entrent as- 
surément dans les attributions d'aucune académie des «ciences. 

Tels sont les motifs qui nousont d'abord retenus; mais bientót 
il s'en est présenté d'autres qui les ont contrebalancés. 

De tout ce que l'on a écrit d’après les cours de M. Gall, 
ses opinions sur l'anatomie du cerveau sont ce qui a été an- 
noncé avec le plus d'assurance, et cependant exposé avec le 
moins d'etendue et de clarté. Il n'avoue d'ailleurs en entier 
aucune de ces publications faites par ses élèves, et par consé- 
quent aucune d'elles ne met le public en état de juger ses 
idées, et ne dispense de recourir au Mémoire qu'il vous a 
soumis; enfin il a eu le plus grand soin d'écarter entièrement de 
ce Mémoire les assertions qui ont rendu son nom populaire, 
en: devenant le sujet des discussions passionnées de gens de 
tous les ordres, et il s'en est tenu étroitement à ses observa- 
tions anatomiques. Quel que soit donc votre jugement , on n'en 
pourra rien conclure touchant une doctrine qui n'a € un "Hu 
port assez éloigné avec l'anatomie. 

La considération de l'importance des ictibus dh système 
nerveux, et de l'ignorance où l'on est encore sur plusieurs 
points de sa structure, malgré les travaux nombreux dont 
elle a été l'objet, sest jointe à ces motifs, et. a achevé de nous 
déterminer. Quiconque se flatte:de pouvoir jeter quélque 


D'HISTOIRE NATURELLE, 331 
lumière sur une matière à-la-fois si intéressante et si obscure, 
a en effet le droit d'étre écouté avec attention par un Corps 
tel que le nôtre, et nous manquerions à notre premier devoir, 
si nous ne mettions dans un pareil examen l'assiduité la plus 
entière et l'impartialité la plus absolue. 

Oubliant donc entierement tout ce qui a été dit ou écrit 
pour et contre le docteur Gall, soit dans le monde, soit dans 
les papiers publics, soit dans les brochures, ne nous en tenant 
pas méme uniquement à son Mémoire, qui ne nous a point 
paru rédigé avec tout l'ordre et la clarté désirables, nous 
l'avons invité, ainsi que M. Spurzheim , à nos conférences : ils 
ont bien voulu disséquer le cerveau devant nous; nous l'avons 
disséqué devant eux ; nous avons ensuite répété seuls les.obser- 
vations qu'ils nous ont communiquées; nous avons cherché enfin 
à nous approprier momentanément leur manière de voir, ef à 
en faire une exposition claire et précise, que nous leur avons 
soumise, afin qu'ils reconnussent si nous avions bien saisi 
leurs idées. 

C'est aprés avoir pris toutes ces Wu. que nous 
avons cherché à former notre jugement sur ce que ces idées 
peuvent avoir de neuf, sur ce qu'elles ont de vrai, et sur la 
justesse des conséquences que les auteurs du Mémoire en tirent. 

Nous allons vous présenter successivement, dans le cours 
de ce rapport, l'exposition que nous avons fte; et pa — 
meut que nous avons porté. 


L'expérience a montré de bonne heure que le cerveau est 
l'instrume;t matériel de notre esprit et l'organe essentiel de 
la vie animale; elle a fait voir promptement aussi que le 
système nerveux tout entier prend une part fort active aux 


43 * 


332 ANNALES DU MUSEUM 

fonctions de la vie organique; il n’est donc point étonnant que 
les médecins, les anatomistes et les philosophes se soient oc- 
cupés dans tous les siècles, avec une ardeur égale, d’un vis- 
cère de cette importance; c’est par son étude que l’histoire de 
l'anatomie commence et finit. Démocrite , Anaxagoras dis- 
séquoient déjà le cerveau, il y a près de trois mille ans; 
Haller, F'iq-d' Azyr et vingt anatomistes vivans l'ont disséqué 
de nos jours; mais, chose admirable, il n'en est aucun qui 
n'ait laissé encore des découvertes à faire à ses successeurs. 

Sans doute on ne devoit pas s'attendre à trouver une ex- 
plication physiologique de l'action du cerveau dans la vie ani- 
male, comparable à celle de l'action des autres viscères: 
dans ces derniers, les causes et les effets sont de méme nature; 
quand le cœur fait circuler le sang , c'est un mouvement qui 
produit un autre mouvement; quand l'estomac réduit les ali- 
mens en chyle, c'est le calorique, c'est l'humidité, c'est le 
suc gastrique , c'est la compression lente du tissu musculaire 
de ses parois qui réunissent leur action pour opérer à-la-fois 
une dissolution et une trituration plus ou moins fortes, selon 
l'espece de l'animal et la nature de ses alimens. 

Les fonctions du cerveau sont d'un ordre tout différent. 
Elles consistent à recevoir , par le moyen des nerfs , et à trans- 
mettre immédiatement à l'esprit les i impressions des sens, à 
conserver les traces de ces impressions, et à les nés 
avec plus ou moins de promptitude de netteté et d'abondance, 
. quand l'esprit en a besoin pour ses opérations, ou quand les lois 
de l'association des idées les ramènent; enfin , à transmettre aux 
muscles, toujours par le moyen des país; les ordres de la 
volonté. 

Or ces trois eds supposent l'influence ie à 


D'HISTOIRE NATURELLE  — 333 
jamais incompréhensible de la matière divisible et du moi 
indivisible; hiatus infranchissable dans le système de nos idées, 
et pierre éternelle d'achoppement de toutes les philosophies, 
Elles se trouvent méme avoir encore une difficulté qui ne tient 
pas nécessairement à la première; non-seulenient nous ne 
comprenons ni ne comprendrons jamais comment des traces 
quelconques, imprimées dans notre cerveau, peuvent être 
perçues de notre esprit et y produire des images ; mais quel- 
que délicates que soient nos recherches, ces traces ne se 
montrent en aucune facon à nos yeux, et nous ignorons en- 
tierement quelle est leur nature , quoique les effets de l'âge et 
des maladies sur la mémoire ne nous laissent douter ni de 
leur existence, ni de leur siége. 

Il sembloit du moins que l'action du système nerveux sur la 
vie organique seroit plus facile à expliquer, puisqu'elle ést 
purement physique, et l'on devoit espérer, à force de re- 
cherches, de découvrir clairement dans ce systeme quelque 
tissu, quelques entrelacemens ou directions de parties qui 
le rendissent plus ou moins analogue aux organes vasculaires 
ou sécrétoires. ! 

Il n'y avoit surtout aucune raison de douter qu'on ne püt 
en développer les diverses portions, assigner leurs connexions, 
leurs rapports, leurs terminaisons respectives, aussi aisément 
que dans les autres systèmes. | 

C'est ce qui n'est point arrivé. Le tissu du cerveau, de la 
moelle épinière et des nerfs est si fin, si mou, que tout ce que 
l'on a pu en dire jusqu'ici est mélé de conjectures et d'hy- 
pothéses; et les diverses masses qui composent le cerveau sont 
si épaisses et si peu consistantes, qu'il faut la plus grande 


334 ANNALES DU MUSÉUM 
dextérité pour rendre manifestes tous les détails de leur 
structure. 

En un mot, aucun de ceux qui ont travaillé sur le cerveau 
n'est parvenu à établir rationellement une relation positive 
entre la structure de ce viscère et ses fonctions, méme les 
plus évidemment physiques. Les déconvertes annoncées jus- 
qu'ici sur son anatomie, se bornent à quelques circonstances 
dans les formes, les connexions ou le tissu de ses parties 
qui avoient échappé à des anatomistes plus anciens, et toutes 
les fois qu'on a cru aller au-delà, l'on n'a fait autre chose qu'in- 
tercaler entre la structure découverte et les effets counus, quel- 
que hypothèse à peine capable de satisfaire un instant les 
esprits peu difficiles. 

Méthodes nouvelles de daii du cerveau , connexions et 


directions nouvelles aperçues entre ses pess masses et les 


élémens organiques qui les composent , particularités nouvelles 
remarquées dans quelques-unes de ses parties, voilà donc à 
quoi se réduisent jusqu'à présent toutes les découvertes réelles 
que l'on a pu faire. 

Nous sommes loin cependant de mépriser ces résultats ; ils 
nous frayent la seule route qui puisse un jour nous mener 
plus loin; et quoique nous ne connoissions pas encore toute 
l'étendue de cette route , nous sommes assurés du moins que 
chaque pas qu'on y fait nous rapproche du terme d'une frac- 
tion quelconque de sa longueur. 

Nous allons donc exposer et examiner , sous ces trois rap- 
ports de méthode, de connexion et de particularités, les dé- 
couvertes annoncées par MM. Gall et Spurzheim. 

Les anatomistes savent qu'il y a trois méthodes principales 
pour démontrer le cerveau. 


D'HISTOIRE NATURELLE. 335 

La plus répandue dans les écoles et dans les ouvrages im- 
primés, est celle de Vésale, qui consiste à enlever successi- 
vement des tranches de cet organe, et à faire remarquer ce 
qui se présente à chaque coupe. C'est la plus facile dans la 
pratique pour la démonstration ; mais c'est la plus pénible 
pour l'imagination. Les vrais rapports de ces partes que l'on 
voit toujours coupées, échappent non-seulement à l'élève, 
mais au maitre; c'est à-peu-prés comme si l'on divisoit le 
tronc en tranches successives, pour faire connoitre la position 
et la figure des poumons, du cœur, de l'estomac, etc. Cepen- 
dant cette méthode est encore à-peu-pres la seule qui régne 
dans l'ouvrage le plus magnifique, et l'un des plus estimables 
qui aient paru sur le cerveau, celui de Ficq-d Azyr. 

Une secoide méthode qui altere beaucoup moins l'organe 
qu'elle veut faire connoitre, est celle de ##illis, laquelle , au- 
tant qu'on en peut juger parla description obsenure de Galien, 
ressemble à plusieurs égards à celle qu'employoient les an- 
ciens, Après avoir enlevé la pie-mére, on soulève les lobes 
postérieurs du cerveau : on pénètre entre les tubercules qua- 
dri-jumeaux et la voüte; on coupe le pilier antérieur de celle- 
ci; débridant les parties latérales des hémisphéres, on rejette 
leur masse en avant : de cette maniere , on voit bien le dessous 
de la voûte, du corps calleux, et l'on conserve dans leur inté- 
grité les grands et petits tubercu'es de l'intérieur; inais l'épais- 
seur des hémisphères en rend la pratique plus embarrassante 
dans l'homme que dans les autres animaux, 

La troisième méthode est celle dont Karole avoit trés-ancien- 
nemert donné une ébauche et que Vieussens a employée avec 
plus de suiteet de détails. On y attaque le cerveau pardessous , 
on suit la moelle allongée au travers du pont de Varole, des 


336 ANNALES DU MUSEUM 

couches optiques , des corps cannelés; on voit ses fibres s'épa- 
nouir pour former les hémisphères ; on peut méme au besoin 
étendre les hémisphéres en débridant leurs attaches latérales 
aux jambes du cerveau, fendre longitudinalement la moelle 
et le cervelet, et alors on voit chaque moitié de la première 
former une sorte de pédicule qui s'implante dans l'hémisphere 
de son côté comme la tige d'un champignon dans son chapeau. 

Cette méthode a le trés-grand avantage de donner plus de 
facilité pour suivre la direction des fibres médullaires, seule 
circonstance qui puissenous fournir quelqueidée surla marche 
des fonctions cérébrales, et il est probable qu'elle auroit eu 
plus de vogue, si Varole ne lavoit exprimée par une figure 
extrêmement grossière, et si l'ouvrage de Vieussens n'étoit 
toujours resté, on ne sait pourquoi, dans une sorte de dis- 
crédit qu'il ne méritoit point du tout. 

C'est à-peu-prés cette méthode de J'arole que suivent 
MM. Gall et Spurzheim, et qu'une partie de leur Mémoire est 
consacrée à défendre: peine assurément très-inutile; car un 
organe aussi compliqué que le cerveau doit étre examiné par 
toutes ses faces ; il faut y pénétrer dans tous les sens, et chaque 
fois que l'on trouve un procédé qui fait reconnoitre quelque 
nouvelle circonstance, on mérite bien de l'anatomie. 

C'est donc par leurs résultats que nous jugerons leur mé- 
thode, et pour cet eífet nous allons commencer par les 
exposer et parles comparer avec ceux qu'on avoit obtenus 
avant eux. 

On sait que l'opinion la plus généralement recue touchant 
Torganisauon intime du cerveau, c'est que la substance cor- 
ticale des hémisphéres et du cervelet, de nature presque en- 
tièrement vasculaire, est une sorte d'organe sécrétoire ; que la 


D'HISTOIRE NATURELLE. 333. 
substance médullaire, presque partout d'apparence fibreuse ; 
est. un amas de vaisseaux excréteurs ou au moins de filamens 
conducteurs; que tous les nerfs sont des émanations de cette 
substance des faisceaux de’ces vaisseaux; que la moelle al- 
longée et épinière est elle-même ua faisceau plus grand que 
les autres, dont les différentes paires de nerfs spinaux se dé- 
tachent successivement; que les nerfs appelés cérébraux, en- 
fin, sont ceux qui se détachent les premiers de la grande masse 
médullaire de l'encéphale. En conséquence on fait descendre 
du cerveau et le long des nerfs toutes les influences du sys- 
téme nerveüx sur la vie organique , ainsi que toutes les im- 
pulsions de la volonté; et l’on fait remonter par le même 
chemin les impressions reçues des sens extérieurs: mais par 
une contradiction singulière, en méme temps qu'on fait tenir 
originairement la substance médullaire , et par conséquent les 
nerfs, à toute l'étendue de la substance corticale, plusieurs 
se croient obligés de chercher quelque endroit circonscrit 
duquel tous les nerfs partent, ou, ce qui revient au méme, 
auquel tous les nerfs aboutissent, c'est-à-dire : ce que l'on 
appelle en anatomie le siége de l'ame. 

On ne peut guère disconvenir que ée n'ait été là, pendant 
bien. long - temps, l'opinion la plus répandue , et qu'elle 
ne le soit encore beaucoup aujourd'hui , quoique les ésprits 
sages ne l'aient jamais présentée que comme une NM 
trés-légeremnnt appuyée sur les faits. 

Plusieurs de ses partisans se laissoient cependant aller à 
des doutes et à des contradictions. Haller, par exemple, dit 
dans un endroit , qu'il répugne de croire qu'il naisse des 
fibrilles médullaires- ailleurs que dans le cerveau (1); dans 


xw 


(1) Phys. IV, p. 385. 
: LE: ` 


44 


338. ANNALES DU MUSÉUM 

un autre, que tout nerf vient définitivement de la moelle du 
cerveau ou du cervelet (1);tandis que dans un troisième (2), il 
suppose que la matière grise de la moelle de l'épine peut en 
produire comme celle du cerveau. 

En effet, cette distribution de matière cendrée en diffé- 
rens endroits du système nerveux, étoit un fort argument 
contre cette importance exclusive accordée à l'encéphale, et 
il s'y en joignoit encore beaucoup d'autres. 

On pouvoit remarquer à chaque instant que l'action. ner- 
veuse sur la vie organique continue pendant quelque temps, 
quand le cerveau n'y contribue plus. Des expériences très- 
connues sur les reptiles , sur les vers, prouvoient que si 
dans l'homme et les autres animaux oü le cerveau est trés- 
grand, ce viscere est nécessaire aux fonctions de la vie ani- 
male , il ne l'est pas toujours dans les espèces où son volume 
est moindre, et que, dans quelques-unes de ceélles-ci, l'on 
peut méme produire à l'instant, par la section, deux centres 
de volonté et de sensations. | 

L'on savoit aussi depuis trés-long-temps que la moelle de 
lépine ne diminue pas en raison des nerfs qui en sortent, 
comme elle le devroit si elle n’étoit qu'un faisceau de ces nerfs 
envoyé parle cerveau; qu'au contraire elle se reüfle à certains 
endroits où il en sort de plus gros nerfs. Tout récemment, 
M: Semmerring a rappelé que la grosseur de la moelle al- 
longée n'est point, dans les animaüx, eh raison de celle du 
cerveau , comme elle devroit l'étre, si cette moelle étoit un 
faisceau des conduits excréteurs dé ce viscére; mais qu'au 
contraire elle est souvent en raison inverse: les recherclies 


(1) Ibid. p. 393. 
(2) Ibi. p. 584. 
* 


D'HISTOIRE NATURELLE. 339 
successives de Monro, de Prochaska, de Reil, ont donné 
enfin, de la structure des nerfs, des idées toutes différentes 
de celles qu'on devroit s'en faire pour les dériver tous de la 
substance médullaire de l'encéphale, et par elle de la substance 
corticale. Beaucoup de physiologistes en sont donc revenus, . 
dans ce derniers temps, à considérer le systéme nerveux 
comme un réseau dont toutes les portions participent, jus- 
qu'à un certain point, et surtout selon leur volume, à l'orga- 
nisation et aux fonctions de l'ensemble; et non pas comme 
un arbre qui , n'ayant qu'une souche unique, se distribueroit 
en branches et en rameaux, à la manière du système arté- 
riel, par exemple. 

MM. Gall et Spurzheim, en adoptant cette opinion, n'en 
donnent point de preuves nouvelles, mais se bornent à rap- 
peler celles que nous venons d'exposer et qui avoient été 
présentées bien des années avant eux, 

Il paroit qu'on leur a fait, en Allemagne et ailleurs, di- 
verses objections auxquelles ils ont pris la peine de répondre, 
mais que nous ne leur aurions pas faites. 

Lorsqu'ils représentoient, par exemple, que dans les fœtus 
acéphales, le systéme nerveux remplit les fonctious de la vie 
organique sans le .concours du cerveau, on leur opposoit 
l'idée que les acéphales ne sont que des fœtus où le cerveau 
a été détruit par suite d'une hydropisie. Cette objection, vraie 
pour certains acéphales, ne porte certainement point sur 
tous, et il n'est pas rare d'en voir qui sont arrivés à tout 
leur développement, quoiquils ne donnent pas la moindre 
marque d'avoir jamais eu ni tête ni aucune des parties supé- 
rieurs du tronc. . 

Nous serons donc facilement d'accord avec MM. Gall et 


44 * 


340 ANNALES DU MUSEUM 
Spurzhéim sur l'idée générale qu'ils se font, avec un cns 
nombre d'anatomistes, du système nerveux. 

Mais tout en le regardant avec tant: d’autres comme un. 
réseau, ils ont quelques idées particulières sur les mailles et 
les nœuds dont ce réseau se compose; et c'est ici que copt- 
mence ce qu'il y a de propre dans leur doctrine. ^ ^ ^ 

Autant que nous avons pu la saisir, elle nous a paru se ré: 
duire aux dix articles on propositions suivantes : 

1. La matière cendrée est la matrice des filets médullaires ; . 
partou où elle existe il naît de ces filets, elle-existe partout 
où il en nait. Chaque fois qu'un faisceau médullaire traverse . 
de la matière grise, il Le par les filets ar Jai” donne! 
et -n de ces fais gro: ‘concours de cette - 

natiére, soit qu'elle foris un venfefuede sensible où quelle 
se SA à suivre et à accompagner le faisceaui^ ^o ? ^7: 

^ La moelle de l'épine n'est point un faisceau de nerfs 
descendans du cerveau. Les nerfs spinaux naissent par des 
filets dont les uns montent et dont les autres descendent ; celà 
se voit surtout dans les animaux. La matière grise de Pinté- 
rieur de la moelle est la matrice de ces filets; la moelle se : 
renfle pour chaque paire de nerfs qu’elle produit, et d'autarit 
plus que ces nerfs doivent être plus considérables; ^^ ^^^ 

Ainsi la moelle épinière! des grands. ‘animaux ebria celle 
des insectes et des vers à sang FOR m'est qu'une: série de 
renflemens qui donnent naissance à des! pun "mais tous ces 
renflemens communiquent — #1 Mp ' F9} 

3° bes: nerfs nommés communément cérébraux, et qum 
sortent de dessous l encéphale et pec ape de la 1noelle 
allongée, ne viennent, pas plus.du cerveau ‘quiet lés autres 
au contraire, lorsque lon suit séparément les" racines. de 


D'HISTOIRE NATURELLE. 341 
chacun d'eux dans l'épaisseur de la moelle dllongée „ón voit 
qu'ils remontent de la moelle vers le point où ils se móntrent 
au-dehors, et qu'ils ne open oce eis cerveau wr 
traverser Lao moelle: j € 

"4^ Le cerveau’ et le posées ne sont ee que de 
Mrelopbemelis de faisceaux qui sont venus de la: moelle al- 
— de la méme facon que les nerfs en viennent. iol 

Le cerveau en particulier’ vient principalement des (aio. 
ceaux appelés éminences pyramidales , lesquels s'entre-croisent 
en sortant de la moelle allongée, allant chacun vers le côté 
opposé à celui d'oà il part, se renflent une premiere fois en 
traversant le pont de Varole, une deuxieme en traversant les 
‘tubercules appelés couches optiques ; une troisième dans ceux 
-qur'on nomme corps: cannelés, toujours par des filets médul- 
-Jaires que la matière ‘grise contenue dans ces trois: parties 
— à ceux qu'ils avoient primitivement. ozs io 0597 

“Le cervelet vient des faisceaux nommés processus: iblerebelli 
ds medullam , ou reno Corps. nksifommos] eem se 
‘rénforcent , mais une fois, nar des filets: que leur fournit 
Ha ioiii ce que; l'on nomme le corps:ciliaire. v 
. 52: Ces deux paires de faisceaux , après s'être ainsi renforcées 
ret élargies , aprés avoir: pris par conséquent une direction di- 
"vergente , finissent par s'épanouir chacune 'en :deux grades - 
"expansions recouvertes partout en:dehors de matiere: quibm 
“mérite seulement ici le nom: de corticale,: et ces.ex 
plissées de diverses manières» forment :cé que lon nopne les 
— a ;les lobes et le / 5 scd in 
du cervelet.: - ETOD JD jei i 

2:6 Il nait: de toute. l'étendue: sig ces expansions . d'a ires 
fileis médullaires qui des deux côtés du cerveau et du cervelet 


78 € ++ W TU * E e ah 1 P TM [ 


342 ANNALES DU MUSÉUM 

convergent vers la ligne moyenne où les filets d'un côté s'u- 
nissent à ceux de l'autre, et forment ce que l'on nomme les 
commissures. | | 

. Le corps calleux, la voûte et ses appartenances forment la 
plus grande des commissures du cerveau; ce que l'on nomme 
commissure antérieure est particulièrement celle qui joint les 
lobes moyens. La commissure du cervelet se compose des 
couches transversales du pont de Varole. 

7.° Quand on a enlevé ou déchiré les fibres convergentes qui 
se rendent au corps calleux et qui tiennent lieu de plafond 
aux ventricules latéraux , il ne reste sous la substance grise 
qu'une partie médullaire qui la double en suivant tous ses 
replis; et loin qu'elle forme une masse solide , comme on l'a 
cru jusqu'à présent, il y a toujours au milieu de chaque cir- 
convolution du cerveau et du cervelet une solution de con- 
ünuité, et avec du soin l'on peut déplisser cette portion de 
la moelle comme on déplisseroit la substance grise si elle étoit 
seule. En un mot chaque circonvolution est une espèce de 
petite bourse ou. de eakal, fermée en dehors par une double 
couche de matière cendrée et de matière médullaire, et, du 
«côté du xentricule, par les fibres médullaires convergentes, 

9^ Comme les paires de faisceaux qui forment le cerveau 
et le cervelet ont leurs commissures, celles qui forment les 
nerfs ont souvent les leurs aussi, tres-faciles à démontrer pour 
la deuxième , la quatrième la cinquieme.et la septième paires, 
æt très-probables pour les autres. 

9 Les ganglions répandus dans tons le corps sont de 
petites masses de matière grise que certains nerfs traversent, 
et où ils se renforcent , comme les pédoncules du cerveau se 
renforcent dans les couches optiques et les corps cannelés. 


: D'HISTOIRE NATURELLE: 343 
Ces deux paires de tubercules sont donc de vrais ganglions 
pour ces pédo :cu'es. La matière grise de l'écorce du cervean: 
et du cervelet à son tour peut être regardée: comme ganglion 
des commissures ou fibres convergentes. Celle de l'intérieur 
de la moelle épinière forme de la méme facon les premiers 
ganglions des nerfs spinaux. Les nerfs cérébraux eux-mémes 
en Ont probablement chacuñ un particulier, et il est facile 
d'en reconnoitre à plusieurs. On peut enfin comparer à la: 
matière grise, et par conséquett aux ganglions, l'expansion 
muqueuse qui revêt toutes les extrémités des nerfs de la 
peau, des intestins, et même la pulpe du labyrinthe et l'es- 
péce de vernis muqueux qui couvre la rétine, 

10. De ces neuf articles, tous purement anatomiques, tous 
plus ou moins susceptibles d'être vérifiés par Pintüitron, en ré- 
sulte un dixième, qui fait le complément et le caractère esini 
de la doctrine anatomique de MM. Gall et Spurzheim; c'est 
que chaque paire de nerfs forme un système particulier; que 
tous ces systèmes communiquent ensemble et se réunissent 
dans le grand cordon de la moelle allongée et épiniére, et, 
enfin, que le cerveau et le cervelet, loin d'être l'origine, la 
source de ce cordon, en sont au contraire un appendice, 
une espèce de diverticulum réservé pour certaines fonctions, 
mais qui éprouve une influence de toutesies parties du cordon ,' 
et qui en exerce une sur elles par lears communications, ' 

Nous ne pensons pas qu'aucun anatomiste trouve encore 
de l'obscurité: dans cette nouvelle exposition des dix princi- 
paux articles mis en avant par les auteurs du mémoire que 
nous examinons; ils les ont d’ailleurs reconnus pcenas 
pour la véritable expression de leur sentiment. 

Il ne nous reste donc plus qu'à dire jusqu'à quel point ils 


344 ANNALES DU MUSÉUM `a 
nous paroissent vrais et! nouveaux: c'est; cé que nous allons 
faire séparément pour chacun d'eux, et.avec d'autant plus 
d'intérét qu'il. résultera. de notre-examen une éspèce-.de tráité 
où la. structure du cerveau se trouvera considérée sous divers 
aspects. plus ou moins nportis et. Copa en conséquences 
étendues. | 

Mais avant d'y sites. l'équité bh qué nous. Tapo 
pelliónis la déclaration faite; par. MM: Gall. et. Spurzheinij 
qu'ils, ne prétendent pas. avoir découvert beaucoup. de faits 
nouveaux, mais. que le principal mérite qu'ils. s'attribuent y 
consiste dans la liaison qu'ils croient avoir établie: les-premiers 
entre les faits connus , et dans les iacu générales - ils 
en. ont déduites. "t EHOT 45 és 88 o(I 0 

- Le PREMIER MN pui Aie pour fonction. nés 
tance grise de donner. naissance aux filets médullaires, où, 
comme disent les auteurs du mémoire, d’être la matrice des 
nerfs, n'est, au. fond qu'une autre expression de l'opinion gé- 
néralement reçue. On a disputé sur le tissu de cette substance; 
Malpighi la croyoit formée de petites follicules; Ruisch;'peut- 
être.avec plus de raison, n'y admettoit qu'un réseau vascu- 
laire; d'autres veulent qu'il y: ait encore, outre les, vaisseaux; 
un parenchyme particulier; mais ón s’est. presque ‘toujours 
accordé à là regarder comme un organe sécrétoire , et les fibres 
de la substance médullaire, comme. des-organes excréteurs de 
la substance qu'elle sépare ; il falloit donc bien. que ces fibres 
y naquissent.. Les physiologistes, qui ne croient pas les nerfs 
creux ,:mais leur. supposent! la faculté de conduire un fluide; 
à la manière. dont les métaux éonduisent l'électricité, ne nient 
pas: pour cela que les nerfs de prennent leur: fluide dans 
la substance grise: ils pensent donc aussi qu'ils en sortent. 


D'HISTOIRE NATURELLE. 345 
Ceux, enfin, qui établissent dans toutes les portions de ma- 
tiere. pan a une faculté sécrétoire , ne songent pas à nier 
ce que l'œil démontre : l'adhésion intime de la matière médul- 
laire à la matière grise de l'écorce des hémisphères, et la pro- 
digieuse quantité de filets qui sortent, comme autant de radi- 
cules, des portions grises des corps cannelés et des couches 
optiques, etc: 

Nos auteurs n'ont donc rien de parüculier dans la fonction 
qu'ils attribuent à la matière cendrée. Même en généralisant 
cette fonction à toutes les portions de cette matière, ils ne 
font qu'énoncer plus positivement ce que nous avons vu plus 
haut qu'Haller s soupconnoit par rapport à la portion grise 
de la moelle épinière. 

Puisque celle opinion est adii) par tant d'anatomistes, il 
faut bien qu'elle ait des motifs puissans; en effet, outre ce 
que l'ceil enseigne sur la liaison intime des deux substances, 
la quantité d’artères qui se rendent dans la matière grise, et 
qui semblent la former presque en entier, ne peuvent guères 
ayoir d'objet qu'une sécrétion abondante. 

Peut-être cette quantité de matière grise dispersée dans 
toutes les parties du système nerveux, et sur laquelle les _ 
auteurs du mémoire ont le mérite de rappeler l'attention, 
expliqueroit-elle suffisamment les fonctions que les parties de 
ce systeme exercent sans le concours du cerveau, et dispen- 
seroit-elle d'avoir recours à une force propre de sécrétion dans 
la matiere médullaire, ou méme dans l'enveloppe du nerf, 
comme Reil l'y suppose. 

L'anxictE DEUXIÈME établit un parallele entre la moelle épi- 
niere des animaux supérieurs et celle des insectes et des vers 
articulés ou à sang rouge. 

E 45 


346 ANNALES DU MUSEUM 

On sait que dans ces deux dernières classes le cerveau n'est 
guère plus considérable que les renflemens ou nœuds de la 
moelle, de chacun desquels sortent les paires de nerfs; que 
c'est par la grosseur de ces renflemens et par leur séparation, 
ainsi que par la petitesse du cerveau, que l'on cherche à ex- 
pliquer la divisibilité du moi, qui se marque dans toutes ces 
espéces, au moins pendant quelques instans, et qui va dans 
quelques-unes, telles que les vers de terre et les naides, au 
point de faire deux individus durables avec un seul par le 
moyen de la section. 

L'on n'avoit rien apercu de semblables dans l'homme, dont 
la moelle épinière n'a point d'étranglement sensible et ne se 
renfle qu'aux endroits où elle fournit des nerfs aux bras et 
aux cuisses; mais MM. Gall et Spurzheim nous ont fait voir 
une moelle épinière de veau préparée, et où l'on remarque 
une sorte de renflement léger entre chaque paire de nerfs. Il 
seroit curieux de savoir avec précision dans quels animaux 
cette structure se retrouve, et si elle a quelque rapport avec 
la faculté d'exécuter certains actes volontaires sans cerveau; 
si les tortues par exemple, qui vivent et marchent plusieurs 
mois de suite sans ce viscère, ont la moelle plus noueuse que 
les autres animaux à sang rouge, etc. 

L'un de nous a commencé des recherches donne cette 
vue, qui ne luiont point donné de résultats suflisans pour étre 
mis sous les yeux de la classe, mais il s'est déjà assuré qu'il 
nya point de nceuds ne dans des quadrupèdes même 
assez voisins du veau. 

L'arricce Troisième se subdivise pour l'examen en autant 
de propositions qu'il y a de paires de nerfs. 

Le résultat général que les auteurs se proposent de dé- 


D'HISTOIRE NATURELLE. 343 
montrer c'est que tous les nerfs viennent de la moelle allongée 
ou épinière, et non pas du cerveau. 

Il n'y a pas de difficulté pour les nerfs spinaux, qu'on ne 
fait venir du cerveau que par conjecture, mais dont aucun 
œil humain ne peut certainement suivre les racines jusque- 
là, ni méme leur apercevoir une tendance pour s'y rendre. 

Il n'y en a pas davantage pour les dernières paires de l'en- 
céphale, à compter du nerf vague et au-dessous; car elles 
naissent par des filets transverses, comme les nerfs spinaux , 
quoiqu'elles n'en aient pas deux faisceaux, et aucun anatomiste 
n'a vu ces filets se recourber versle cerveau aprés qu'ils ont 
pénétré dans la moelle. 

Encore moins y en a-t-il pour l'accessoire de Willis, qui 
remonte évidemment. 

Nous n'avons donc à nous ‘occuper que des huit premières 
paires, en comptant le nerf facial pour une paire séparée. 

La septième paire de Willis est en effet généralement re- 
connue aujourd hui comme en faisant deux , distinctes par leur 
origine aussi bien que par leur cours. 

La portion molle ou le nerf acoustique nait transversale- 
ment sur le corps restiforme , appelé autrement processus 
cerebelli ad medullam. Ona cru long-temps ce nerf formé par 
les petits filets blancs tracés sur le plancher du quatrième ven- 
tricule, et c'est encore l'opinion de Haller(1), deVicq-d’Azir(2) 
et de S ring (3). Cependant comme ces filets varient 
en nombre et méme en direction; comme on en voit quelque- 


(1) Phys. t. IV, p. 228. 
(2) Explication des planches, p. 95. 
(3) De fabrica corp. hum. t. IV, p. 256. 


348 ANNALES DU MUSÉUM 

fois une partie remonter vers le corps restiforme , ou le percer 
pour se rendre au pont de Varole (1); comme il n'est pas 
absolument rare de ne les point trouver du tout, ona com- 
mencé à douter de leur continuation dans le nerf acoustique. 
Prochaska (2) , les frères Wenzel (3) , etc., se sont formelle- 
ment déclarés contre elle. Ces derniers (4) et M. Gall ont 
de plus remarqué que ces stries manquent généralement dans 
les animaux. 

Les frères Wenzel (5) observérent en 1 791 , pour la pre- 
mière fois, un petit ruban gris un peu saillant, placé aussi 
en travers sur le corps restiforme , et qui couvre constam- 
ment une partie de la base du nerf ses e qu'il unit avec 
le quatrième ventricule. Prochaska est jusqu'ici le seul où nous 
l'ayons trouvé représenté (6). On l'observe également dans les 
animaux; et M. Gall qui adopte à à son égard l'opinion de MM. 
Wozy fait remarquer qu'il est d'autant plus renflé dans 
chaque espèce que les oreilles y sont vn grandes et l'ouie 
plus fine. | 

Dans le cheval, dans le cerf ; dans le mouton, c'est un tu- 
bercule presque aussi gros que l'éminence testis. 

Nous avons vérifié cette circonstance. Te nii 

Il est d'ailleurs clair que l’origine ‘anciennement ses 
füt-elle la vraie, le nerf acoustique nen naîtroit pas moins 


(1) Nous avons eu un exemple trés-marqué de cette derniére structure dans le 
cours des recherches que ce rapport a nécessitées. 

(2) Oper. min. t. I, p. 388. 

(3) Prodr. p. 22. 

(4) Ibid. 

(5) Ibid. 

(6) Oper. min. t. I, tab. III, fig. 1. 


- 


D'HISTOIRE NATURELLE. 349 
transversalement sur la moelle allongée , et que ses racines 
visibles viendroient toujours plutót de bas en haut, q de 
haut en bas. 

Le nerf facial ou portion dure de la septième IEA a et 
l'abducteur ou nerf de la sixième paire, sont donc les premiers 
qui puissent laisser en doute s'ils viennent de la moelle ou du 
cerveau, d'arriére ou d'avant. 

Dans l'homme, ils sortent tous deux du corps de la moelle 
immédiatement. derriere le bord postérieur du pont de Va- 
role, et si prés, que plusieurs anatomistes leur font tirer du 
pont une partie de leurs filets. 

Le facial en particulier sort à quelques lignes plus en déhors 
que l'autre, dans l'angle fait par le pont de Varole et le corps 
restiforme, à une ligne environ du point où l'acoustique se 
détache de ce dernier qu'il avoit comme embrassé. 

L'abducteur semble sortir du sillon qui sépare le pont des 
éminences pyramidales , et il y a des anatomistes qui dérivent 
toutes ses racines du pont; d'autres des pyramides; d'autres 
de l'une et de l'autre partie. H en est'ením cu ne s ues 
point à cet égard. 

D’après l'idée iere reçue que les nerfs P descend 
. du cerveau, M. Sæmmerring suppose (1), que l'abducteur a 
ses racines Pese les pédoncules, et qu'elles s'en séparent en se 
recourbant apres que ceux-ci ont traversé le pont pour former 
les pyramides. C'est à-peu-prés ce que dit aussi Vieussens (2) ; 
mais on voit que c'est là un résultat de raisonnériens hypo- 
thétiques et non d'observations effectives. - 

Pour connoître la vraie direction des-racines de ces deux 


| (1) De bas. enceph. p. 140. | 
t (a) Neerogr.: untv. p. 126. ^ 


350 ANNALES DU MUSEUM 

nerfs, il faut avoir recours aux animaux herbivores, dans les- 
quels le pont de Varole ne les recouvre pas, attendu qu'il y 
est beaucoup moins large que dans l'homme. 

C'est ce que: MM. Gall et Spurzheim ont fait, et ils ont 
trouvé d'abord, que l'abducteur y sort à quelque distance en 
arriere du pont, et paroit la continuation d'un petit faisceau 
qui remonte entre l'éminence pyramidale et l'olivaire. Les 
filets qui lui donnent naissance sont plus longs en arriere et 
plus courts en avant, ensorte qu'ils ont en petit la méme 
disposition que ceux de l'accessoire de Willis. 

Il n'y a donc aucune raison pour croire qu'il descend du 
cerveau. | 

Cette observation termine la discussion si le nerf tire ou 
non quelques filets du pont; puisque c'est seulement à cause 
de la largeur du pont de l'homme qu'il s'approche. de son 
bord postérieur. 

Nous n'avons point trouvé de trace positive de cette re- 
marque dans les auteurs que nous avons consultés , mais nous 
nous sommes assurés qu'elle est vraie pour les animaux her- 
bivores; et l'un de nous l'avoit méme faite il y a long-temps 
dans le cheval. Dans les carnivores et les singes, le pont et 
la sixième paire ressemblent davantage à ce qui se voit dans 
l'homme. cent 

Quant au nerf facial, on voit dans les mêmes herbivores , 
derrière le pont de Varole, une bande médullaire transversale 
qui commence précisément au bord externe de l’abducteur, 
et passe sur la racine du trijumeau, où elle se continue avec 
le nerf acoustique. Le nerf facial a l'air de percer oblique- 
ment- cette bande d’arrière en avant. Ainsi il naitroit au-des- 
sous de la moelle, presque comme l'acoustique nait au-dessus, 


D'HISTOIRE NATURELLE. 351 
eb ils formeroient deux paires de nerf dont l'origine est réelle- 
ment distante de toute l'épaisseur de la moelle allongée, quoi- 
qu'elles se rapprochent ensuite au point de,se toucher. 

Nous n'avons pas remarqué non plus qu'aucun auteur ait 
fait connoitre ce fait avant M. Gall, mais nous sommes cer- 
lains de son exactitude, et l'un de nous l'avoit vu et dessiné 
depuis. long-temps. dads le cerf, le cheval, le, mouton et le 
lapin. 

Les animaux PME de méme beaucoup plus déicérent 
que l'homme lorigine des nerfs trijumeaux ou de la ciu- 
quième paire. 

On la fait d'ordinaire simplement sortir des parties laté- 
rales du pont de Varole, ou de l'extrémité des pédoncules du 
cervelet. C'est encore à quoi se bornent Vicq-d'Azyr (1) et 
Meckel (2). Haller compte cette paire au nombre des nerfs 
qui peuvent venir à la fois du cerveau et du cervelet (3). H 
est cependant certain qu'elle ne vient ni de l'un ni de l'autre 
et qu'on peut la suivre profondément dans la moelle png, 
à prés dun pouce plus en arrière que sa sortie. 

Santorini annonce déjà (4) en avoir conduit les racines 
jusqu'au - dessus des éminences olivaires, et dit qu'il n'est 
pas plus étonnant de voir remonter ce nerf d'en bas, que 
l'accessoire de JV illis ; mais il fait ensuite la supposition 
qu'une partie des fibres des pédoncules n'entrant pas dans les 
éminences pyramidales, qui sont en eífet beaucoup trop pe- 


(1) Explication des planches, p. 52. 
(2) N° 46 et 47. 

(3) Phys. t. IV, p. 387. 

(4) Observat. anatom. p. 64 et 65. 


352 ANNALES DU MUSEUM 

tites pour les contenir toutes, se porte plus loin, d'oà se 
recouürbent entre autres celles qui donnent ce nerf; mppe- 
sition assurément psc nhe et i sid rien de sensible à l'ceil 
ne peut justifier. 

M. Scemmerring semble n'avoir pas bien Conon Santorini, 
quand il écrivit son traité : De basi encephali (à). 

Mais il rapporte , que (2} le hasard lui a fait suivre ensuite 
lorigine de ce nerf dans la profondeur de la moelle jusque 
vers le plancher du quatrième ventricule, et d’après son hy- 
pothése favorite sur le siége de l'ame, il en fait baigner les 
premiéres racines par l'eau de ce ventricule. 

M. Gall poursuit d'une manière constante et sûre, cette 
origine profonde et basse des nerfs trijumeaux jusque entre 
les éminences olivaires et les corps restiformes. Il montre 
de plus, que la largeur et la grossenr du pont de Varole 
daus l'homme ont seules empéché de la reconnoitre plutót. 
En effet, dans les animaux herbivores, dont le pont est beau- 
coup plüs étroit, on-suit aisément les racines des nerfs triju- 
meaux sous une partie du pont, et sous la bande transverse 
placée derrière, et que nous avons vu être en partie l'origine 
du nerf facial, jusqu'à un faisceau longitudinal, qui marche 
le long du cóté externe des éminences olivaires. 

Nous avons vérifié ces deux observations, et en répétant 
la seconde sur plusieurs espèces, nous nous sommes assuré 
qu'elle n'a lieu ni dans les singes, ni dans plusieurs carni- 
vores où la sortie des nerfs se fait comme dans l'homme; 
mais toujours parce que le pont e Varole y est aussi large. 


(1) Page 155. 
(2) De fabric. corp. hum. p. 212, n° 7. 


D'HISTOIRE NATURELLE. 353 

Quant à la‘ première, elle nous a parusi certaine; que nous: 
ne pouvons nous empêcher de: dire que Vicq-d’Azyr s'est 
trompé, en dérivant le$ racines de la  éinquième-paire des 
pédoncules du cervelet (1). Opérant toujours: do» des gai. 
il les aura tranchées et perdues trop tôt deivne:* vob 7, 

Tout le monde sait que le nerf pathétique, ou tet qua- 
triéme paire, nait transversalement sur la valvule de Vieussens, 
derrière les testes. Il n'y: à rien: là qui puisse le faire dériver 
de la ‘grande masse médullaire des hémisphères. | 

Le nerf oculomoteur , ou de la:troisiéme paire, sort du 
pédoncule du cerveau, vers son ‘bord interne, où il. touche 
l'espace cendré perforé, mtercepté entre les deux pédoncules 
et les deux tubercules mammillaires, et en reçoit quelques 
filets. Dans l'homme; ses racines sont rangées sur une ligne 
qui suit presque la direction des pédoncules, et les postérieures 
sont les plus longues, à juger même à l'extérieur; elles viennent 
donc plutôt de l'arrière que de l'avant; mais si l'on entame 
un peu. la substance du pédoncule, lė fait devient bien plus 
clair encore. On peut suivre la plus grande partie! de ces ra- 
cines jusque: sous le pont de Varole. Il s'en perd, ou plutôt il 
en nait.une partie, autour de l'endroit noir des pédoncules. 
Cette disposition est fort bien pe par Most Azyr, 
pl XXXI, fig. 2p Es 

- Les animaux ont des racines plus "——Ü et ids per- 
iilii : Cest du moins ainsi que nous les avons ob- 
servées dans le cheval et dans le mouton. 
. Le nerf optique est assez généralement regardé comme ve- 
nant des couches du méme nom, parce que ses racines s'épa- 


(1) Mém. de V Acad. des sciences, 1781, p. 565, 


ih 46 


354. ANNALES DU MUSEUM 

nouissent sur elles en une expansion membraneuse mince qui 
les recouvre presque entièrement. Il n'a cependant pas manqué 
d'anatomistes qui ont cru pantei conduireau moins une bonne 
partie de ces racines jusqu'aux tubercules nates. Morgagni; 
Winslow, Zinn sont de ce nombre. Santorini décrit (1) cette 
origine avec soin , et en ajoute une autre qu'il fait venir des 
testes: son disciple et éditeur Girardi la confirme (2). Vicq- 
d'Azyr, qui a trées-bien connu aussi ces connexions des nerfs 
optiques avec les tubercules quadrijumeaux , prétend cepen- 
dant qu'ils ont encore d'autres racines dans l'épaisseur des 
couches, lesquelles, en forme d'innombrables filets, se joignent 
au nerf dans une grande partie du trajet qu'il fait en embras- 
sant la jambe du cerveau, et il sapplaudit de cette décou- 
verte (3). Mais il nous paroit que c'est une illusion où peut 
lavoir conduit sa méthode des coupes parallèles. Il est très- 
vrai qu'il nait une infinité de filets blancs dans l'épaisseur de 
la substance grise des couches ; mais ce n'est pas au nerf op- 
tique qu'ils nous semblent se rendre. Ils vont au contraire 
renforcer le faisceau qui vient. des éminences pyramidales, 
comme nous le dirons bientôt. MM: Gall et Spurzheim ont 
imaginé une coupe qui le démontre ewe et dont nous 
reparlerons. 

Ils croient donc qu'on peut, au moins ind "ere ani- 
maux , enlever de dessus les couches, sans les intéresser, l'ex- 
pansion médullaire des racines des nerfs optiques, et conduire 
celles-ci jusque dans l'intérieur des nates, oir elles se conti- 


(1) Observat. anatom. p. 63. 
(2) Septem tab. p. 54. 
(3) Acad.de sc. 1783, p. 529. 


D'HISTOIRE NATURELLE. 355 
nuent en une lame blanche qui occupe le milieu de ces tu- 
bercules. 

Ce dernier point est certain ; quant au premier, comme il 
ne peut s'exécuter qu'à l'aide du manche du scalpel, il est 
sujet au même doute que toutes les opérations semblables que 
l'on peut tenter sur le cerveau. 

Nos anatomistes font de plus remarquer que dans les indi- 
vidus où le nerf optique d'un côté est affoibli et plus grêle, 
le tabercule correspondant est aussi plus mince ; et que dans 
les espéces qui ont les nerfs optiques gros, les nates sont plus 
volumineux , mais que sonvent les couches y sont plus petites. 

Ce tractus médullaire qui vient des nates, rencontre dans 
sa route le tubercule appelé corpus geniculatum: externum. 

Celui qui vient des zestes, coupe le premier au corpus 
geniculatum internum, et a Vair de se glisser dessous pour 
le croiser et se porter en avant ; aussi MM. Gall et Spurzheim 
ne croient-ils pas qu'il appartienne au nerf optique; ils ont 
méme pensé long-temps qu’il donne naissance à la racine 
externe de l'o/factif , laquelle en effet est à-peu-près dans sa 
. direction; mais ils n'ont jamais pu en voir la continuité. 

L'un de nous a fait plusieurs recherches sur cette partie 
du cerveau, qui ne paroit avoir été bien connue que de San- 
torini et de Vicq-d'Azyr, mais qui n'a jamais été bien re- 
présentée. 

Il est certain que dans tous les quadrupedes, le faisceau 
principal du nerf optique vient des nates au corpus genicu- 
latum externum. 

Il est certain aussi qu'il vient des testes un autre faisceau 
qui fait un angle avec le premier, et qui, aprés s'étre renflé 
pour former le corpus geniculatum internum ,a l'air de passer 

6 * 


356 (ANNALES DU MUSÉUM 
sous le premier faisceau, et de se rendre plus loin, mais q 
échappe bientôt à l'œil et au scalpel. 

Il'est certain: enfin: que, tant le testis que le corpus geni- 
culatum internum , sont beaucoup plus gros dans les carnas- 
siers que dans les autres animaux; ce qui:seroit assez favo- 
rable à l'idée qu'ils concourent à produire le nerf olfactif, 
si développé dans cette classe. 

Mais-nous avons cru voir dans les singes que le corpus ge- 
Aniculatum internum reçoit un faisceau des nates comme des 
testes , et donne par leur réunion ,'une racine du nerf qui ne 
se joint que fort bas à celle qui vient, comme à l'ordinaire; 
des nates par-dessus la goiche Lie es MM. Gall et Spur- 
zheim ont d'ailleurs remarqué eux sce.que l'un de nous 
a fait connoitre depuis long-temps; que: des diirplóns et nrar- 
souins, qui manquent absolument de nerf olfacuf., on copong 
dant des testes considérables. | 

Ces mêmes animaux ont aussi des shape rise comme 
li autres, ce:qui Ôle à ces Corps. la fonction: " 'on deum attri 
buoit de produire le nerf'olfactif. «|. (019129 

La premiere paire sera donc la seule dont on ne peut point 
encore conduire les racines vers la moelle allongée; et qui ne 
s'accorde pas encore clairement avec la ce établie dens le 
mémoiré que nous.exàminons;::.. 5 Y ob -49-ini:03 

M. Gall explique, esar à i doin mentionnée em 
son premier article,ile grossissement des: nerfs optiques au- 
dessous de leur conjonction, par des filets: nombreux que leur 
envoie la lame cendrée interposée en avant de cette-conjonc= 
tion , filets qui ont. été bien décrits et Seena dessinés 
par Vieqal'Azjr (1). ta ,19itt9 sl S5v5 : MES tin 

(1) Mém de Acad, 1785, p. 548; et pl. XII, fig. 1 et 2, et dans son grand ou: 
vrage, pl. XX14, 4 à. toutes les figures. 


D'HISTOIRE NATURELLE, 355 

On faisoit à l'origine que nos anatomistes attribuent au 
nerf optique, une forte objection, tirée de la structure des 
oiseaux, qui manquent, disoit-on, de nates, quoique leur œil 
et leur nerf optique soient énormes; mais leur réponse est 
victorieuse, Ce que Willis , Collins, Haller, et les autres ana- 
iomisies après eux, ont nommé. couches optiques dans les 
oiseaux, n'est autré chose que les nates eux-mêmes. Les vraies 
couches optiques sont en avant ayec leur troisième veniricnle, 
leurs pédicules: de la glande ; pinéale ; les deux commissures 
à la place ordinaire; en un mot, semblables en tout à celles 
des quadrupedes à la grandeur relative prés; les prétendues 
couches de Haller sont au contraire entre la commissure pos- 
térieure et la valvule de Vieussens; l'aquéduc de Sylvius passe 
entre elles; c'est avec lui que communiquent les venyeicules 
qui leur sont propres dans cette classe. 

Nous avons vérifié cette remarque importante; gm ne Varr 
pasde réplique. Il est d'autant plus du devoir du rapporteur 
de le reconnoitre , qu'il avoit adopté l'erreur commune dana 
ses ouvrages. | - 

Or , comme les actes en guestion praag évidemment 
naissance aux nerfs optiques dans les oiseaux, ils confirment 
l'origine qu'on donne à ces nerfs dans les mammifères et dans 
l'homme , au lieu de linfirimer. 

On peut rappeler ici la jolie remarque faite par Vieq-d Azyn 
que ces tubercules ont un ventricule dans les oiseaux où le 
sens de la vue est le plus exalté, comme les nerfs olfactifs 
dans les mammifères où c'est le sens de l'odorat qui l'emporte 
sur les autres. 

Passons à l’arricze IV où nos auteurs développent la rela- 
tion de la moelle allongée avec le cérveau, et le cervelet. 


358 ANNALES DU MUSEUM 

La continuité des fibres médullaires des pyramides au tra- 
vers du pont de Varole avec les jambes du cerveau, et de 
celles-ci au travers des couches optiques et des corps cannelés, 
jusque dans la masse médullaire des hémisphères, a été bien 
connue de Vieussens, qui avoit aussi donné aux couches op- 
tiques la dénomination trés-juste de corps cannelés postérieurs; 
mais les figures (1) où il représente cet objet capital de l'ana- 
tomie du cerveau sont fort grossières; elles ne montrent que 
des filamens simples qui iroient en grossissant et en s'écartant, 
etla chose est loin d'étre ainsi. 

Ce point de vue intéressant fut ensuite presque entièrement 
négligé, parce qu'on s'en tenoit aux coupes faites à la partie 
supérieure du cerveau. Monro (2) et Vicq-d'Azyr (3)le repro- 
duisirent; ce dernier surtout présenta cette continuité dans 
deux planches fort belles, quoique peut-étre encore un peu 
moins exactes qu'il ne faudroit, parce quele préparateur n'avoit 
pas eu le soin de faire fléchir sa coupe suivant la direction-des 
filamens. 

À ces coupes horizontales déjà données par les trois auteurs 
que nous venons de citer, MM. Gall et Spurzheim en ajoutent 
une verticale qui a le mérite d'expliquer , d’après leur ma- 
nière de voir, comment ces faisceaux médullaires grossissent, 
et de faire connoitre la vraie terminaison des filets de la couche 
optique que Vicq-d’Azyr croyoit avoir conduits dans le nerf 
du même nom. 


Cette coupe passe par le milieu de l'éminence pyramidale 


(1).Nevrogr. univ. p. 88 et 89. 
(2) Nervous Syst. t. VII, fig. 1, 
(5) Grand ouvrage sur le cerveau, pl. XXII et XXIII. 


D'HISTOIRE NATURELLE. 359 
de la jambe, de la conche et du corps cannelé d’un côté, en 
allant obliquement en avant et en dehors. 

On y voit distinctement les faisceaux des pyramides s'entre- 
lacer avec ceux du pont de Varole et avec la substance grise 
qui s’y mêle et qui leur fournit des augmentations ; passant 
de là dans la jambe, ils reçoivent de nouveaux filets du pro- 
cessus cerebelli ad testes. Une fois sous la couche optique, 
ils se. rassemblent en une masse blanche à laquelle les filets 
innombrables de l'intérieur. de la couche viennent se joindre 
par des angles aigus en avant. Cette dernière circonstance est 
essentielle à remarquer ; elle prouve que les couches envoient 
leurs filets en avant, et non en arrière, comme Vieussens 
lavoit supposé; elle fait voir aussi que ce n'est pas dans le 
nerf optique que ces filets se rendent, comme lavoit cru 
Vicq-d'Azyr. 

La masse blanche devient alors plus forte et se partage en 
un grand nombre de colonnes divergentes qui constituent le 
grillage blanc du milieu des corps cannelés ; la matière grise 
de la. face supérieure de ces corps donne encore une infinité 
de petits filets, comme les couches en avoient donné; enfin 
toutes ces fibres se dispersent dans la masse médullaire des 
hémisphères, où nous les retrouverons bientôt. 

Les deux arcs transversaux blanchâtres que l'on voit dans 
la coupe horizontale, et dont Vicq-d'Azyr a exprimé une partie 
dans sa planche, sont les endroits où il arrive le plus de 
filets des régions supérieures des couches et des corps cannelés. 

Telle est la description fidèle de ce que l'œil aperçoit; l'un 
de nous a dessiné tout cet appareil dans l'homme, les qua- 
drupedes et les oiseaux, où l'essentiel reste à-peu-près le 
méme. 


360 ANNALES DU MUSÉUM' 

Nous savons bien qu'il n'y a pas de motif pour dire plutót 
que les grands faisceaux fibreux vont des pyramides aux hé- 
misphéres, que des hémisphères aux pyramides; puisque la 
marche de l'influence nerveuse se fait dans ces deux sens. 

Mais on peut et on doit se demander dans quel sens vont 
les petites fibres des couches et des corps cannelés. Sont-elles 
fournies par ces tubercules pour grossir le grand faisceau 
médullaire , ou bien se détachent-elles du faisceau médullaire 
pour se perdre dans ces tubercules? Cette dérniére opinion 
n'auroit certainement aucune vraisemblance, et personne ne 
trouvera mauvais que MM. Gall et Spurzheim Er Popi- 
nion opposée. 

Ils auroient donc raison dans ce sens, quand ils disent que 
les faisceaux médullaires vont toujours en mises à eic 
les pyramides jusqu'aux bérisphères. 

Mais d’où viennent, ou bien, où se rendent les extrémités 
inférieures des — c nee i les éminences gare 
dales elles-mêmes ? 

Elles s’éntrecroisent à environ dés travers de doigt der- 
rière le pont de Varole, et disparoissent immédiatement der- 
riére ce point, en se perdant de part et d'autre dans les 
deux cordons Td EU Pied la face inférieure se la moelle 
épinière. 

C'est ici un ‘des faits les plus intéressans pour la psc! 
logie et la pathologie. 

Tout le monde sait combien il id e iroqiedi de voir une 
paralysie d'un cóté occasionée par une lésion quelconque 
du cóté opposé du cerveau : les médecins de tous les siécles 
ont chérché à expliquer ce fait par un entrecroisement qu'ils 


D'HISTOIRE NATURELLE. 361 
Supposoient vaguement dans les fibres du cerveau, ou dans 
les plus profondes racines des nerfs (1). 

On ne voit cependant presque partout que des fibres trans- 
verses , des commissures, et non pas des fibres croisées. 

Il n'y a qu'un seul endroit, à l'extrémité postérieure de la 
moelle allongée, qui offre une vraie décussation, et c'est Do- 
minique Mistichelli qui l'a découvert, et-fort bien décrit en 
1709 (2); Francois Pourfour du Petit (3) le décrivit de son 
cóté l'année suivante , et fut le premier quile fit connoitre en 
France. 

Comment s'est-il fait qu'une circonstance de strutture aussi 
évidente, adoptée par Winslow (4), par Lieutaud (5) , par 
M. Portal, explicitement décrite (6) et nettement dessinée (7) 
par Santorini, ait pu étre mise en doute par le grand Haller(8) 
niée récemment par des hommes très-habiles, et confondue 
par d'autres, dans lesquels on peut compter Vicq-d'Azyr lui- 
méme, avec celle des fibres transverses qui réunissent dans 
toute leur longueur les parties latérales de la moelle allongée ? 
. C'est probablement faute d'une description encore assez 
claire; et peut-être aussi parce que l'endroit de la décussation 
doit souvent être coupé quand on détache la tête du tronc. 


(1) Arétée , De caus. et sign. morb. lib. T, cap. 7, p. 34, B. edit. Lugd. Brit. 1751. 
Nervi ab initio enati protinus ad oppositos transeunt , se inwicem perinutantes in fis 
guram littere X. 

(2) Trattato dell apoplessia, Roma, 1709 , in-4°. 

. (8) Lettre d'un médecin des “hôpitaux du roi, p. 12, Namur, 1710 , in-4*. 
. (4) Traité de la téte, n.* 110. 

(5) Anatomie historique et pratique, t. I, p. 594. 

(6) Santor. Observ. anatom. p. 61, $. XII. 

(7) Ibid. tab. XVII et tab. II. 

(8) Phys. t. IV, p. 000, 


LE, 47 


E 


362 ANNAUES DU MUSÉUM 

Il sera. impossible de s'y tromper d’après les démonstrations 
de MM. Gall et Spurzheim. Quand on écarte l'un de l'autre 
les déux cordons inférieurs de la moelle allongée et épinière, 
on voit qu'ils sont séparés par un sillon assez profond dont 
le fond est occupé par des filets médullaires transverses. Ce 
sillon n'est interrompu qu'à un seul endroit qui est celui qui 
nous occupe, et qui n'a que deux ou trois ligne de long. Les 
fibres de l'éminence pyramidale d'un côté, y forment trois où 
quatre filets qui se croisent par dessus le sillon avec les filets 
opposés, comme feroient les brins d'une natte, et quise con- 
fondent bite avec le reste du cordon médullaire dans ee 
ils entrent ains? obliquement. 

|. Cette décussation saute aux yeux quand on écarte douce- 
ment les bords du sillon longitudinal de la moelle, parce que 
c'est le seul endroit où l'on ne puisse pas Ta le fond 
de ce sillon. 

Il ya certainement quelque mérite d’avoir Fidi à Pensei- 
gnement général un point de doctrine important que les doutes 
et les dénégations d'habiles gens avoient fait tomber dans oubli. 

—M.- Gall ayant établi, à ce qu'il paroit, d’après cette pro- 
gression des faisceaux médullaires du cerveau au travers du 
pont des couches et des corps cannelés, sa loi de l'aceroisse- 
ment des fibres médullaires par la substance. garas, a voulu en 
faire l'application au cervelet. 

Il a recours ici à ce corpuscule cendré, d'une figure si bi- 
zarre , que l'on trouve dans l'épaisseur des jambes du cervelet, 
et que l'on a nommé corps ciliaire ou corps frangé ; le bie: 
ceau nommé processus Cerebelli ad medullam , donneroit nais- 
sance au cervelet aprés avoir été renforcé par le corps frangé, 
comme les pédoncules du cerveau le sont par lescouches op- 


D'HISTOIRE" NATURELLE. 363 
tiques et la partie grise des corps cannelés. Mais peut-être 
l'analogie n'est-elle pas complète. Le corps frangé est enve- 
loppé et comme noyé dans la matière médullaire, au lieu de 
lui donner passage, et l'on ne voit point. qu'il * oder. 
de filets. 

Quelqu'un ajoutera peut-étre, d'aprés Vieq-d'Azjx (à y que 
les animaux n'ónt point de corps frangé, mais la vérité est 
qu'ils l'ont seulement plus petit , et comme leur cervelet l'est 
anssi beaucoup plus, le ap seroit pea dem ps contre Ime 
de nos ahatomistes, 

Les anrieces 546 et "eli étre examinés ae ils 
forment à eux trois ce que la doctrine de MM. Gall et Spurz- 
heim a de plus particulier ; l'article septième surtout, relatif à 
la possibilité de déplisser le cerveau comme une membrane, 
est celui qu'a fait le plus de bruit dansle monde; mais comme 
il est trop ordinaire, presque aucun de ceux qui en ont parlé 
n'avoient bien compris nos auteurs, et ceux qui ont cru avoir 
retrouvé le fait dans des anatomistes plus anciens, avoient 
encore moins compris et la chose en close et ge peus 
où ils croyoient en voir l'expression. oH 

Les termes dans lesquels nous avons | fenda" les idées de 
MM. Gall et Spurzheim, vous feront déjà sentir qu'il ne s'agit 
pas de déplisser tout lé cerveau; ils ont reconnu expressément, 
dans les conférences que noüs avons eues avec eux, que les 
parois des ventricules so ttellesc qu'elles paroïssent et ne cachent 
aucuns replis, excepté en arrière vers la bandelette dentelée, 
où leurs plis étoient depuis long-temps connus et dessinés par 
Vicq-d'Azyr; seulement, disent nos anatomistes , ces parois 


i 


(1) Acad. des sciences, 1783, p. 471. 


A7* 


364 ANNALES DU MUSÉUM 
épaisses, formées par les fibres convergentes, sont les seuls liens 
qui retiennent les plis de la substance extérieure; celle-ci y est 
attachée comme des plis de falbala , par.exemple , sont attachés 
sur l'étoffe d'une robe; enlevez l'étoffe principale, les. plis 
S'étendront et formeront à leur tour une pièce d'étoffe plane. 
Vos commissaires ont examiné, avec toute l'attention dont 
ils sont capables, les hémisphères du cerveau, afin de juger 
ce quil y a de vrai dans une doctrine aussi nouvelle. 

. Ils pensent que l'on peut en effet distinguer deux ordres de 
fibres dans la matière médullaire; mais ils trouvent qu'il faut 
encore réduire de beaucoup l'idée que Jon pourroit se faire 
du déplissement d'après: les pz presene que:nous venons de 
-— Hide ia i | 

Nousallons développe i nt ces deux propositions. 

EMI on suit avec ER pui les fibres venues des jambes 
du. cerveau au travers des couches optiques et des corps can- 
nelés , on voit qu’elles croisent par des angles plus ou moins 
ouverts celles qui se rendent vers la ligne moyenne et qui for- 
ment le corps calleux et la voüte; il est méme assez facile de 
démontrer leur décussation dansla corne inférieure des ven- 
iricules latéraux , et bien réellement les fibres divergentes qui 
viennent des corps cannelés semblent faire une couche exté- 
rieure aux fibres convergentes qui composent le corps calleux. 

Mais cette couche extérieure suit-elle tous les replis de la 
couche plus extérieure encore de matière grise que l'on appelle 
corticale, et se déplisse-t-elle comme on déplisseroit , cette 
dernière si elle étoit seule et vidée de toute la matière blanche 
qui la remplit ? à 

C'est comme on voit une Pme entiérement indépendante 
de l'autre, et que le témoignage des sens peut seul décider. 


D'HISTOIRE NATURELLE. 365 


Prenant d'abord la chose dans lacception rigoureuse où 
elle sembloit annoncée , nous avons fait tous nos efforts pour 


nous mettre en état soit de l'adopter, soit de la rejeter avec : 


` 


quelque certitude, et nous aurions peine à faire entendre à 
ceux qui ne l'ont pas essayé, combien cela nous à été difficile. 
La matiére médullaire qui remplit les circonvolutions du cer- 
veau est si molle qu'elle s'affaisse par son propre poids; pour 
peu qu'on soutienne du doigt la convexité ou le dos d'une de 
ces circonvolutions, ses deux côtés s’écartent horizontalement 
et emportent chacun une partie de la matière blanche qui 
occupoit leur intervalle. Les vaisseaux ne se rompent point, 
parce qu’ils sont pour la plupart placés dans le sens méme 
où se fait la rupture, et que d'ailleurs ils traversent cette ma- 
tiere médullaire, à cause de sa mollesse , comme des fils tra~ 
verseroient. de la gelée et de la pommade. Il nous sembloit 
donc impossible de prouver qu'il y eut une solution réelle de 
continuité; au contraire, soit à l'ceil, soit à la loupe, les deux 
lames de matière blanche paroissoient hérissées de petits points 
saillans, de petits filamens qui avoient toute l'apparence d'au- 
tant de déchirures. Nous avons méme essayé de faire com- 
mencer la déchirure, de manière à laisser une lame plus épaisse 
de matiere blanchi un côté que de lautre; et la séparation 
nous a paru se faire. pese aussi aisément que dans le mi- 
]ieu. 

-L'argument que les auteurs du mémoire tirent de l'exemple 
Les hydrocéphales ne nous paroissoit pas beaucoup plus con- 
cluant. Une accumulation de liquide dans les ventricules du 
cerveau peut étendre lentement les parois de ces cavités, ef- 
facer la saillie des circonvolutions et amincir la matière mé- 
dullaire qui les enveloppe; sans que celle-ci ait besoin de se 


j 


g* 


366 ANNALES DU MUSEUM 


Lo 


déplisser ; l'hydropisie du rein étend et amincit la substance 
de cet organe au point de la faire ressembler à une mem- 
brane, sans que personne ait été tenté de croire qu'elle se 
déplissoit. Le phénomeme d'hydrocéphales qui ont conservé 
long-temps leurs facultés intellectuelles ne prouve rien de 
ples; car ne sachant point à quelle partie de l'encéphale, ni 

à quelle circonstance de son organisation. ces facultés sont 
attachées, nous n'en pouvons rien conclure relativement à ia 
Structure Gadell du cerveau. 

Au surplus nous avóns examiné nous-mêmes des hydrocé- 
phales; les parois des ventricules , quoique étendues, avoient 
la même apparence qu'à l'ordinaire, et les circonvolutions , 
quoique amincies et en partie effacées , n'en Gohseryüient pas 
moins leur solidité intérieure. - 

Telles étoient les idées qu'avoit fait naître en nous w pre 
iier mémoire de MM. Gall et Spurzheim , comparé avec les 
objets mêmes ; mais ces anatomistes nous ont remis depuis 
une note additionnelle oü ils exposent de nouveaux moyens de 
s'assurer des faits, et où ils expriment avec plus de presn 
leur manière de voir. 

M. Spurzheim a répété devant nous ces nouvelles expé- 
riences; des tranches verticales de circonvolutions, macérées 
dans de: l'acide nitrique étendu d'alcool rectifié , se sont durcies 
et divisées plus aisément dans la ligne médiane; il en a été de 
méme quand on les a fait bouillir pendant douze ou quinze 
minutes dans de l'huile; lorsqu'on souffle sur une pareille 
tranche, ou que lon y dirige un petit jet d'eau avec une se- 
ringue, la séparation se fait irès-aisément dans le milieu, et 
presque pomt sar les côtés. Dans le dernier cas surtout les 
deux faces qui se séparent restent lisses, et les vaisseaux qui 


D'HISTOIRE NATURELLE. 367 
les parcourent intacts, sans laisser voir de traces de fibres qui 
seroient allées d’un côté à l’autre. 

Ces faits sont exacts; mais peut-être prouvent-ils seulement 
qu'il y a moins de cohésion dans le milieu d’une circonvolu- 
tion que dans le reste de sa capacité, et non pas qu’elle est 
formée de deux lames simplement adossées et non adhérentes. 

En d'autres termes , on peut admettre, selon nous , que la 
portion blanche ou intermédiaire de chaque circonvolution ; 
est formée de deux parties qui adhérent entre elles plus foi- 
blement que les molécules de chacune en particulier, ou dont 
l'union peut étre comparée , par exemple, à celles des deux 
lame de la dure-mére, mais non pas, comme on le croyoit , à 
celle des deux côtés d'un intestin affaissé; excepté toutefois 
que le moyen d'union n'est pas de la cellulosité comme dans 
la dure-mère, mais la substance médullaire méme un peu 
ramollie 

Au reste, comme c'est ici un p de fait ebtiardenent du 
ressort des sens, nous ne prétendons pas donner à notre opi- 
nion plus d'autorité qu'elle ne doit en avoir; cette question ne 
peut tarder à être examinée par tous les anatomistes , et trou- 
vera autant de juges. que d'observateurs; elle ne peut donc 
manquer d'étre bientót définitivement fixée. 

Il n'est pas si aisé, à beaucoup prés, de démontrer deux 
ordres de fibres dansle cervelet que dans le cerveau, et c'est 
par analogie plutót que par une intuition effective que MM. 
Gall et Spürzheim les y admettent. # 

Quant à ce qu'ils disent sur les cornmissures du cerveau 
et du cervelet, leurs idées n'ont rien de nouveau , ni qui n'ait 
déjà été avancé par un assez grand nombre d'anatomistes ; nous 
pouvons méme ajouter qu 'elles n'ont rien que d'assez tirebable 


" 


368 ANNALES DU MUSEUM 


Nous trouvons la méme probabilité aux commissures que 
l'anricLE HUITIÈME attribue à chaque paire de nerfs. Elles sont 
presque certaines pour tous les nerfs spinaux qui les trouvent 

-dans les filets transverses de la moelle épinière. On peut sup- 

poser que la petite bande qui unit les deux faciaux et les deux 
acoustiques dans les animaux, est cachée dans l'homme par 
le pont de Varole; les deux pathétiques se touchent sur la 
valvule de Vieussens; les deux optiques, comme chacun sait; 
paroissent presque se confondre au-devant de la tige pituitaire; 
d'ailleurs leurs racines doivent s'unir en méme temps que les 
nates et les testes sur l'aqueduc de Sylvius. Il ne resteroit donc 
que les abducteurs, les oculo-moteurs et les olfactifs qui n'au- 
roient point de commissures visibles. Encore la commissure 
antérieure du cerveau s'unit-elle évidémiment aux olfactifs dans 
les animaux. 

Il semble que cette généralité des commissures aide à - | 
quer l'unité d'action des organes doubles. 

L'ARTICLE NEUVIÈME est un de ceux qui ont été le eed com- 
battus par les anatomistes d'Allemagne, et qui sont en effet 
le plus susceptibles de létre. Il établit d'abord la généralité 
des tubercules de matiére grise pour chaque paire de nerfs ; 
ensuite l'analogie de ces tubercules avec ceux qu'on nomme 
ganglions ; enfin l'analogie de ces deux sortes d'organes, soit 
avec la matière corticale du cerveau , soit avec les pes 
muqueuses des organes des sens. 

. Que chaque paire de nerfs tienne originairement à quelque 
tubercüle, ou au moins à quelque portion de matière grise 
d'une forme quelconque, c'est ce qui peut assez bien se sou- 
tenir pour les nerfs spinaux, et en remontant jusqu'au nerf 
vague, puisqu'il y a de cette matiére dans toute la longueur 


D'HISTOIRE NATURELLE. 369 

de la moelle, quoiqu'il ne soit pas possible de suivre jusques 
là les racines des nerfs; cela est méme certain pour le nerf 
acoustique, qui sort de la petite bande grise de l'homnie; ou 
du tubercule beaucoup plus marqué qui la remplace dans la 
plupart des animaux , et pour l'optique qui a au moins deux 
de ces tubercules, le natis et le corpus geniculatum externum, 
et peut-être encore deux autres le testis et le corpus geniculatum 
internum ; l'olfacüf en a au moins un à l'endroit où il. repose 
sur la lame criblée de l'ethmoide , mais l'œil n'apercoit rien 
de pareil aux autres nerfs cérébraux de l'homme, des mam- 
miferes et des oiseaux , quoique le trijumeau ait un tubercule 
à lui dans les poissons. 
- L’analogie des ganglions spinaux et de ceux qui sont épars 
dans le système nerveux de la vie organique, avec les portions 
de matière grise affectées aux origines primitives des diverses 
paires de nerfs, est tout autrement difficile à rendre vrai- 
semblable. 

..^ Sans doute il y a bien long-temps que des anatomistes, entre 
lesquels il suffit de nommer Winslow, ont regardé les ganglions 
comme de petits cerveaux, comme des sources d'action ner- 
veuse, indépendantes du grand encéphale; d'autres comme 
Willis et Vieussens, les ont au moins pris pour des réservoirs 
des esprits animaux, ou, comme Lancisi, pour des organes 
comparables à des cœurs; et propres à imprimer à ces esprits 
un mouvement plus rapide. | ank 

. Scarpa, dans ces derniers temps, n'a voulu y voir, ainsi 
que Meckel et Zinn avant lui , que des subdivisions, des réu- 
nions et des recompositions de nerfs, enveloppées et affermies 
par du tissu cellulaire, abreuvé d'un fluide rougeátre , et quel- 
quefois pénétré de graisse © ©: 

it. E 48 


350 ANNALES DU MUSÉUM 

L'existence de cette cellulosité, la graisse qui sy dépose 
quelquefois ont été reconnues par les plus grands anatonustes 
de notre temps. Ce sont des caractères très-distinctifs qui ne 
permettent pas de confondre la substance des ganglions avec 
la matière grise du cerveau. Gependant cette substance a aussi 
quelque chose de propre qui ne doit pas la laisser confondre 
avec la cellulosité ordinaire; mais quelle est l'essence de ses 
propriétés? On l'ignore assurément. 

L'idée que les ganglions épars entre les différentes bride 
des nerfs sympathiques, ont pour effet de soustraire les filets 
de nerís réservés pour la vie organique à l'empire de la vie. 
animale a dù venir et est venue en effet de bonne heure aux 
physiologistes ; mais pourquoi les ganglions spinaux , qui res- 
semblent tant aux autres, n'ont-ils pas cet effet? C'est encore 
là ce qu'on ignore. Tout n'est ici que ténébres ou que nuages. 
Donner quelque opinion nouvelle, reproduire quelque opinion 
ancienne saus avoir plus de preuves pour lune que pour 
l'autre, ce n'est point servir la science. Il. vaut inieux avouer 
franchement son ignorance et séparer nettement. les choses. 
connues et celles qui ne le sont pas. L'esprit humain, dit-on , 
supporte le doute avec peine ; mais c'est précisément pour cela. 
qu'apprendre à le supporter doit étre une des. principales 
études des vrais savans. Les ouvrages de. quelques physiolo- 
gistes modernes nous ont engagés dans cette courte digression. 

L'analogie de l'écorce grise du cerveau et du cervelet avec 
les tubercules de son intérieur , tels que les. corps cannelés , 
les couches optiques, les nates, etc. est infiniment mieux éta-: 
blie que celle des ganglions: Tout le monde y reconnoit..à-- 
peu-près identité de substance, on y admetiroit donc aisément 
identité de fonction. Mais que dire de sa comparaison: avec le 


D'HISTOIRE NATURELLE. 371: 
corps muqueux qui enduit la peau et tous ses prolongemens 
intérieurs? Il ne enr y avoir ici, quant à la structure, au 
tissu, en un mot,à la #ature physique , qu'une réssembias ce 
purement hypothétique. A défaut d'observations intuitives, 
il faudroit donc, pour justifier cette comparaison , quelque 
ressemblance dans les fonctions, dans les usages, dans la ma- 
nière d’être pendant la vie, et où la trouver ? 

Nous avouerons aussi que noüs ne saisissons pas le rapport 
entre ces amas de matière grise où les faisceaux médullaires 
se renforcent en les traversant, et les anneaux qui entourent 
la base des nouvelles praata des arbres, Dans un arbre , 
les branches sortent successivement les unes des autres; maïs 
dans le système nerveux tout est formé à la fois: il est impos- 
sible de trouver làautre chose qu'une ressemblance aecidentelle. 

Tel est, Messieurs, le rapport que jnóus avons cru devoir 
vous faire. | 

¿Les observations A MM. Gall et Spurheim ont toutes été 
rópécise par nous; nous avons méme soumis à un nouvel exa” 
men une partie de. celles qui appartenoient à des auteurs plus 
anciens et qui se lioient aux leurs; enfin nous avons indiqué le 
c-— de justesse que nous avons trouvé tant aux anciennes 
x aux nouvelles. 

:: Nous croyons donc avoir rempli , autant qu'il étoit en Aes 
€ commission. dont la classe nous a honorés. D 
i: On voit maintenant que nous sommes loin d dapi: toutes 
les vues et toutes les observations exposées datis lé mémoire 
de ces napa" mais MT nous sommes loin aussi de les 
rejeter toutes. : i 

Il nous. "— en — "que MM. Call et 

58 


372 ANNALES DU MUSEUM 

Spurzheim ont le mérite d'avoir non pas découvert, mais rap- 
pelé à l'attention des physiologistes la continuité des fibres qui 
s'étendent de la moelle allongée dansdes hémisphéres et dans 
le cervelet, que Vieussens a le premier exposée avec détail, 
et la décussation des filets des pyramides décrite par Misti- 
chelli , par Francois Petit et par Santorini, mais sur laquelle 
il étoit resté du doute. 

2." Qu'ils ont les premiers distingué les deux ordres de 
fibres dont la matiére médullaire des hémisphéres paroit se 
composer , et dont les unes divergent en venant des pédoncules, 
tandis que les autres convergent en se rendant vers les com- 
missures. 

3." Qu'en réunissant leurs pivoni avec celles de leurs 
prédécesseurs , ils ont rendu assez vraisemblable que les nerfs 
dits cérébraux remontent de la moelle et ne descendent pas 
du cerveau; et qu'en général ils ont fort affoibli , pour ne pas 
dire renversé le systeme Mat fait venir A tous les 
nerfs du cerveau. 

Mais il nous paroit aussi 1.° qu'ils ont généralisé d’une ma- 
nière un peu hasardée la ressemblance de structure et de 
fonctions des diverses masses grises ou grisátres qui se ren- 
contrent dans les différens endroits du système nerveux. 

2. Que lidée qu'ils se font d'une solution de continuité 
dans le milieu de la matière médullaire de chaque circonvo- 
lution, laquelle permettroit de déplisser celle-ci comme un 
tuyau ou comme une bourse, a besoin d'étre exprimée dans 
des termes plus rigoureux qu'ils ne l'ont fait jusqu'ici , et tels 
qu'on voie bien qu'il n'y a pas de preuve complète d'unesolution: 
absolue, mais seulement d'une cohésion plus foible. = 11 


D'HISTOIRE NATURELLE. 373 

Nous devons remarquer cependant que ces deux articles 
n'affectent pas leur résultat général , relatif à l'espèce de sépa- 
ration et dé réserve dans laquelle ils mettent le cerveau, et 
nous devons en même temps laisser à juger aux physiologistes 
et aux pathologistes jusqu'à quel point cette sorte d'écartement 
ou de miseà part, que l'anatomie semble indiquer, est justifiée 
par les faits, et peut favoriser l'explication des nombreux et 
étonnans phénoménes de la vie organique et dela vie animale, 
et surtout de ceux dans lesquels ces deux: vies semblent tantôt 
dépendantes , tantôt isolées l'une de l'autre. 

Ce seroit nous engager dans des discussions il et étran- 
geres à notre commission "has d'entrer dans toutes ces nn 
tions. t 

«i Nous ne Dio pigs pas non i à la oil dos se p 
noncer. sar la conclusion tirée par nos anatomistes , qu'il n'y 
a point dans l'encéphale-d'endroit circonscrit où toutes les 
sensations se rendent, et d’où partent tous les mouvemens vo- 
lontaires; mais que l'une et l'autre fonction peuvent#exercer 
dansi une étendue: diei ou moins: de es iet appt 
nebveux. gros} pai T 1391 112 

. Sans doüite:cette opinion est i» ii Haller ; de Bie; du 
"es grand nombre des physiologistes; sans: doute c'est pour 
axoir-confondu - la simplicité: métaphysique ‘de lame avec la 
simpliciié physique attribuéeaux atomes, qu'onia voulu placer 
le, siége de: l'ame dans. um atome; :et.la liaison: delame et du 
corps étant par sa nature insaisissable: pour notre esprit, les 
bornes plus: ou moins. étroites quie: l'on voudroit: donner. au 
sensorium , n'ajideroient en rien à la concevoir. 

. Mais toutes ces: matières sont encore trop épi aux 


374 ANNALES DU; MUSÉUM 

attributions de la classe , elles tiennent aux faits sensibles d'une 
-mamière trop lâche, elles prétent à trop de discussions vagues, 
pour qu'un. corps tel que le nôtre doive s'en océuper. 

Nous nous croyons cependant obligés de terminer notre tra- 
vail, en faisant observer que, méme si l’on adoptoit la plupart 
des idées de MM. Gall et Spurzheim , l'on. seroit loin encore 
de connoitre les rapports, les usages et les connexions de 
toutes les parties du cerveau. 

 Tantqüeél'on n'aura pas méme desoupcon fondé sur les fiais 
tions de la glande pituitaire, de l'infundibulum ; des éminences 
manmmillaires, des tractus qui se rendent de ces éminences 
dans l'épaisseur des couches, de la glande pinéale et de ses 
pédoncules , il faudra craindre qu'un système quelconque sur 
les fonctionsd v t bien inec , puisqu'il wem- 
brassera peint ces parties si nombreuses; si .con&idérablesoet. 
si intimement liées à l'ensemble de ce male viscère, | © 
o C'est. presque finir avec autant de doute, autant d'incerti- 
tude que: mous avons commencé ; mais On ne peut exiger sur 
chaque sujet, que le degré de probabilité qu'il comporte, et 
le physicien remplit toujours assez bien sa tâche quand il 
m'ezagère bi ne diminué cétte probabilité, et qu' al. en fixe la 
mesure avec précision. < 

| l'est essentiel de répéten:encore, ne füt-ce que qaii 
truction du. public , que les: questions anatomiqués dunt mous 
nous sommes occupés dans ce rapport ,'n'ont point; de liaison 
immédiate et nécessaire avec la doctrine physiologique en- 
seignée par M. Gall, sur les fonctions. et sur Pinfluence du 
volume relatif desdiverses' JAM dodi cerveau, " qe tout:ce 


amer Sos Qi dsl ii à Éd Lt. FUR dS D 


c jv quameme Ja structur 


D'HISTOIRE. NATURELLE. 855 
pourroit également étre vrai ou faux sans qu'il y eütla moindre 
chose à en conclure pour ou contre cette doctrine, laquelle 
ne peut être jugée que par des moyens tout différens. 

Fait à l'Institut, le: 15-avril. 1808; 


Signé 'Tevow PorTaL, SABaTIER, Pinez , Cuvier. 


La classe approuve le rapport et en adopte les conclu- 
sions. 


Pour extrait conforme : 
Le secrétaire perpétuel, 


Signé Cuvier. 


376 ANNALES DU: MUSÉUM 


SUITE DES PLANTES 


DU COROLLAIRE DE TOURNEFORT, 


PAR M. DESFONTAINES. 


m 
PaPAVER FLORIBUNDUM (Pavot à fleurs nombreuses ). Tab. 33. 


P. foliis imis pinnatis, superis pinnatifidis, villosis in- 
cisis ; ramis floriferis axillaribus et terminalibus ; pedunculis 
unifloris ; capsulis glabris, oblongis. — P. orientale , tenuiter 
incisum , ad caulem floridum. Tourner. Cor. Inst. 17. — Vé- 
lins du Muséum. 


Ce beau Pavot est originaire d'Arménie où il fut découvert 
par Tournefort. Il a quelque ressemblance avec le Pavot des 
Alpes, P. alpinum , Lin. ; mais il en differe par ses tiges plus 
élevées, plus garnies de fleurs, et par ses capsules lisses et 
oblongues. Toutes ses parties, à l'exception des pétales et des 
capsules, sont garnies de longues soies jaunes. | 

Tige droite, haute d'un à deux pieds, divisée en rameaux 
étalés. 


D'HISTOIRE NATURELLE. 377 

Feuilles alternes; les inférieures pennées, portées sur un 
pétiole creusé en gouttière. Folioles opposées, inégalement 
découpées. Découpures aiguës, terminées par une soie. Les 
feuilles du reste de la tige sont pinnatifides, sessiles, et leurs 
divisions ressemblent à celles des inférieures. 

Fleurs penchées avant leur épanouissement. Elles naissent 
sur les rameaux latéraux et au sommet de la tige , soutenues 
sur des pédoncules gréles, allongés et. dégarnis de feuilles. 

Calice ovale, velu, à deux feuilles caduques. 

Corolle de la grandeur de celle du Pavot Argémoné, P. 4r- 
gemone , Lin. Quatre pétales ouverts, rouges, arrondis au 
sommet. 

Étamines indéfinies. | 

Style nul. Un petit stigmate à cinq ou six rayons. 

Capsule lisse, oblongue, polysperme , s'ouvrant comme 
celle des autres Pavots par des pores placés sous le stigmate. 
Graines nombreuses , très-petites. 


Hesperis PixwATiFIDA (Julienne à feuilles pennées.) T. ab. 34. 


H. foliis impart-pinnatifidis ; ramis filiformibus; siliquis 
torulosis , subulatis. —  Leucoium. maritimum minimum 
hispanicum vernum, folüs Erucæ. Tourner. Inst. 22. Ex 
herbario. — An cheiranthus dridohus Jem P Véling.da ee 


séum. 


Cette jolie espéce de Julienne vient en Espagne et dans 
l'Orient. J'ai cru devoir en publier ici la gravure, quoiqu'elle 
ne soit pas mentionnée dans le Corollaire des Instituts. Elle se 

plait dans les terreins sablonneux et arides. 


rt 49 


378 ANNALES DU MUSÉUM 

Du collet de sa racine sortent plusieurs tiges grêles, cy- 
lindriques, rameuses, longues de six à huit pouces, les unes 
droites, les autres niet: les rameaux sont filiformes et 
étalés. 

Feuilles gene d’une couleur cendrée, parsemées ainsi 
que les tiges d'un grand nombre de petits poils étoilés, vi- 
sibles à la loupe; les radicales entières, étroites , obtuses ; celles 
des tiges pinnatifides , quelquefois découpées en lyre. Décou- 
pures obtuses. Le lobe du sommet plus grand que les laté- 
raux qui sont communément au nombre de quatre et un peu 
écartés les uns des autres. 

Les fleurs naissent sur des pédicelles courts et filiformes à 
la sommité des rameaux. 

Calice gréle , allongé. Quatre feuilles linéaires serrées contre 
les onglets. 

Quatre pétales roses, blancs à la base, ovales-renversés, 
tronqués et quelquefois échancrés au sommet. Onglets grêles, 
un peu plus longs que le calice. 

Six étamines , dont deux plus courtes. 

Un style aigu , persistant. 

- Silique filiforme , tuberculeuse, pubescente, longue d'un 
pouce. Graines Dipen: ‘rousses , oblonguės. 

Cette plante a une très-grande affinité avec P Hesperis ra- 
mosissima de la Flore Atlantique, dont elle n'est méme 
peut-étre qu'une variété. Elle s'en distingue par ses feuilles 
pinnatifides. Elles sont simplement dentées dans l Hesperis 
ramosissima , dont les fleurs sont aussi plus petites. 


D'HISTOIRE NATURELLE. 379 


ArxssuM DENSIFLORUM ( Alysson à fleurs serrées). Tab. 35. 


A. foliis angusto-lanceolatis ; floribus racemosis, dense 
congestis ; siliculis orbiculatis , monospermis. — 4. orientale 
Serpy lli folio , capitulis in spicam longissimam dense digestis. 
Tourner. Cor. Inst. 15. — Vélins du Muséum. 


La plante dont je publie ici la gravure d’après le dessin 
original d'Aubriet, est trés-certainement celle du Corollaire 
des Instituts dont j'ai cité la phrase, et les individus conservés 
dans l'herbier de Tournefort, sous la méme dénomination , 
en font également foi. 

M. Willdenow a rapporté la méme phrase à une espéce 
qu'il nomme 4/ysson strictum, et que je soupçonne être une 
plante différente de celle de Tournefort. M. Willdenow dit 
que les silicules de son Æ. strictum sont ovales et cotonneuses ; 
celles de I Alysson densiflorum sont orbiculaires et seulement 
garnies de petits poils étoilés, qui ne sont guére visibles qu'à 
la loupe. Ces différences m'ont fait douter de l'identité de ces 
deux plantes, c'est ce qui m'a déterminé à ne pas adopter la 
dénomination de M, Willdenow. 

Tige rameuse, gréle, cylindrique, haute de huit à dix 
pouces, couverte, ainsi que les feuilles et les silicules, de petits 
poils étoilés visibles à la loupe. Rameaux un peu étalés. 

Feuilles entières, lancéolées , alternes , d'une couleur cendrée, 
larges de deux ou trois lignes, sur cinq à huit de longueur. 

Fleurs petites, trés-nombreuses et très-serrées, disposées en 
un grappe simple, cylindrique, longue de trois à quatre pouces 
à l'extrémité de chaque rameau. Pédicelles gréles et courts. 


49* 


380 ANNALES DU MUSÉUM 

Calice trés-petit, à quatre feuilles oblongues. 

Corolle large de deux lignes. Quatre pétales blancs, ar- 
rondis, disposés en croix, plus longs que le calice. 

Un style court. Silicules nombreuses , redressées, rappro- 
chées de la tige, de la grandeur et de la forme de celles de 
I Alyssum calycinum, Lin. 


Elle est originaire d'Arménie. 
ALYSsum SAMOLIFOLTUM(Alysson à feuilles de Samolus ). Tab. 36. 


A. glabrum; foliis ovatis, obtusis, integerrimis ; petalis 
emarginatis. — Thlaspi orientale glabrum Samoli folüs. 
Tounxzr. Cor. Inst, 15. — Vélins du Muséum. 


Cette plante est toute glabre. 

Tige cylindrique, haute d'un pied à un pied et demi, par- 
tagée inférieurement en un petit nombre de rameaux simples. 

Feuilles alternes, evales, obtuses , non dentées , décurrentes 
sur un pétiole court qui embrasse la tige à moitié, longues 
de huit à dix-huit lignes, sur cinq à dix de large, ressem- 
blantés à celles du Samolus valerandi, Lin. 

Fleurs rapprochées, de la grandeur de celles del 4/yssum 
incanum Lin. disposées en une grappe simple au sommet des 
rameaux, portées chacune sur un pédicelle grêle. 

Calice à quatre feuilles elliptiques, obtuses. 

Corolle blanche. Quatre pétales, échancrés au sommet. 

Six étamines, dont deux plus courtes. Anthères blanches, 

Un sue grêle. Un stigmate. 

Je n'ai point vu la silicule. 


Cette espèce est originaire d'Arménie. 


D'HISTOIRE NATURELLE. 381 


AzLyssum pAnicuLATUM ( Alysson paniculé ). Tab. 33. 


A. suffruticosum ; foliis orbiculatis , sparsis , petiolatis, 
integerrimis ; caulibus floriferis superné nudis, paniculatis ; 
siliculis ovatis , inflatis.—.A. grecum frutescens Serpylli fo- 
lio amplissimo. Tourner. Cor. Inst. 15. — Vélins du Muséum. 


Je ne puis donner qu'unenotice trés-succinte et méme très- 
incomplete de cette espéce qui ne se trouve point dans l'her- 
bier de Tournefort, et dont il n'a laissé aucune description. 

Du collet de la racine sortent plusieurs tiges gréles, ra- 
meuses , dures , un peu ligneuses , longues de six à huit pouces, 
les unes droites, les autres étalées. Celles qui portent les 
fleurs sont plus élevées que les autres et dégarnies de feuilles 
à leur partie supérieure. 

Feuilles alternes, éparses, rapprochées , orbiculaires, en- 
tières, d'une couleur cendrée, larges de trois lignes, portées 


sur un pétiole court. 
Silicules ovales, renflées, pédicellées, disposées en panicule. 


Elle croit dans l'ile de Candie. 
Draga roxricA ( Draba de Pont). Tab. 38. 
D. ramosa, villosa ; foliis ovatis , remote serratis; sessilibus; 
floribus racemosis luteis , minimis.— Alysson ponticum Tur- 


ritidis folio, flore luteo minimo. Tounxer. Cor. Inst. 15. — 
Vélins du Muséum. ©. 


Les feuilles et les tiges de cette plante sont parsemées de 


soies tres-courtes. - 


382 ANNALES DU MUSÉUM 

Tige droite, cylindrique, haute de quatre à six pouces, 
divisée en rameaux un peu étalés. 

Feuilles ovales , obtuses , sessiles, ressemblantes à celles de 
l Arabis alpina, bordées de petites dents aiguës et écartées. 

Fleurs trés-petites, disposées en une grappe simple à l'ex- 
trémité de la tige et des rameaux, soutenues chacune sur 
un pédicelle gréle. 

Calice composé de quatre folioles ovoïdes , obtuses. 

Corolle jaune, plus longue que le calice. Quatre pétales 
elliptiques , obtus, disposés en croix. 

Six étamines, dont deux plus courtes. 

Style nul. Un stigmate. 

Silicules longues de trois lignes, sur une ligne de largeur, 
glabres, polyspermes, écartées de la tige. 

Graines trés-petites. 


Cette espéce croit naturellement en Arménie. 


Tarasp conpATUM ( Thlaspi à feuilles en cœur x 


T'ab. 39. . 


T. Caule fruticoso; folis cordatis, glabris, confertis , 
sessilibus , integerrimis , perennantibus. — T. orientale fruti- 
cosum , Scammonnii monspeliensis folio. Tourner. Cor. 
Inst. 15. — Vélins du Muséum. . 


Arbrisseau rameux, glabre et toujours vert, d'environ 
un pied de hauteur. 

Tige ligneuse, cylindrique, d'une ou deux lignes d'épaisseur. 
Rameaux étalés. Écorce brune sur les vieux troncs qui sont 
dégarnis de feuilles. 


D'HISTOIRE NATURELLE. 383 

Feuilles en cœur , obtuses, glabres, glauques, un peu épaisses, 
lisses, persistantes entières , alternes , sessiles et embrassantes, 
rapprochées , longues de quatre ou cinq lignes, sur une lar- 
geur presque égale. 

Fleurs disposées en une grappe simple et droite à l'extré- 
mité de chaque rameau. Pédicelles gréles, longs de trois à 
quatre lignes. 

Calice composé de quatre petites feuilles linéaires, obtuses. 

Corolle. Quatre pétales blancs, ouverts , disposés en croix, 
ovales-renversés, obtus, entiers, rétrécis vers la base, ter- 
minés par un petit onglet plus long que le calice. 

Six étamines, dont deux plus courtes. Filets blancs, trés- 
gréles. Anthéres petites, globuleuses. 

Ovaire ovale-renversé. Un style filiforme , persistant. 

Silicule polysperme, orbiculaire, convexe dans le milieu, 
un peu échancrée au sommet , entourée d'un rebord mem- 
braneux , légèrement denté. 


Cette belle espéce de Thlaspi croit naturellement en Ar- 
ménie et en Syrie. Elle se distingue des autres espéces du 
méme genre par ses tiges ligneuses , par ses feuilles en cœur, 
sessiles, embrassantes, entières, un peu épaisses et très-rap- 
prochées. 


384 ANNALES DU MUSEUM 


MEMOIRE 


Sur un nouveau genre de coquille bivalve. 


PAR M. FAUJAS-SAINT-FOND. 


/ 


La coquille fossile bivalve qui donne lieu à la formation de ce 
nouveau genre , est remarquable sous un double rapport. Le 
premier , par le lieu où elle a été trouvée dans un bel état 
de conservation ; le second, parce qu’elle n’étoit point en- 
core connue des conchiliologues, et que ne pouvant être 
placée dans aucun des genres décrits par Linné, Bruguière, 
Lamarck et autres naturalistes qui ont traité systématique- 
ment des coquilles, on ne sauroit se dispenser d'en former 
un nouveau genre. 

Ce fut un heureux hasard et une circonstance particulière 


qui donnèrent lieu à la découverte des coquilles dont nous 
allons nous occuper. 


zx 


Les habitans de la commune de Cliou, canton de Loriol, 
département de la Drôme , sont presque tous occupés, depuis 
des temps très-anciens, à fabriquer des poteries, des tuiles, des 
briques, des carreaux et de la chaux qu'ils exportent. 


D'HISTOIRE NATURELLE 385 

Cette chaux, qui est forte et vive, est d’une qualité si par- 
faite, qu'elle a la propriété de prendre corps dans l'eau sans 
ciment, et sans autre addition que deux portions de sable 
quartzeux ordinaire. On la transporte au loin, et l'on en fait 
un grand usage pour les travaux hydrauliques du Rhône, de 
la Drôme et de l'Isére; on la descend méme quelquefois par 
le Rhône jusqu'à Avignon. 

La pierre que l'on calcine pour cet objet avec du bois ou 
du charbon deterre, est d'un blanc un. peu terne, compacte, 
à grain fin, mais vif , dur, susceptible de recevoir le poli. Il 
y en qui ont quelques taches superficielles jaunâtres, produites 
par de l'oxide de fer, et quelques taches noirátres dues au 
manganese oxidé. On trouve méme quelquefois dans les joints 
des bancs, ou dans certaines fissures particulières, des noyaux 
dé manganese noir isolés; mais en général la pierre est le 
plus souvent blanche et pure. On y trouve quelques cornes 
d'ammon et quelques grands nautiles pétrifiés; mais le test 
a disparu, et il n'est resté que les noyaux. 

Les bancs calcaires dont il s’agit sont en général parallèles, 
ou n'ont qu'une foible inclinaison du nord au sud. Leur épais- 
seur ordinaire est de deux pieds : les plus forts n'en ont pas 
trois. Ils se prolongent fort au loin, s'élèvent en espèce d'am- 
phithéátre, et vont de proche en proche sattacher aux Alpes 
de l'ancien Dauphiné. La pierre la plus recherchée pour la 
chaux de premiere qualité est celle qui provient de gros blocs 
isolés dont les angles sont abattus; ces masses de pierres er- 
rantes semblent avoir été dispersées par Leffet de quelque 
révolution : on les trouve le plus souvent dans les ravines 
ou au pied des escarpemens qui forment le premier rang des 
montagnes d'un calcaire analogue à celui des blocs, mais qui 

LL | č 50 


386 ` ANNALES DU MUSEUM 

en diffère en ce que les masses isolées dont il s'agit sont percées 
dans tous les sens d'une multitude de trous plus ou moins 
grands, plus ou moins profonds, oblongs, usés et presque 
polis en dedans. Il y a de ces trous qui ont depuis huit lignes 
jusqu'à trois pouces de profondeur, sur trois lignes jusqu'à 
huit de diamètre. En brisant la pierre à coups de marteau, 
on découvre de nouveaux trous dans l'intérieur des masses 
les plus dures. 

Quoiqu'il soit évident que ces ouvertures ont été formées 
anciennement par des coquilles douées de la faculté de corroder 
les pierres calcaires pour y établir leurs habitations, comme 
il y a plusieurs mollusques testacés qui ont cette propriété 
tels que le mytilus lithophagus , Lin., la venus. lapicida de 
Chemnitz, Conch. 10, pag. 356, t. 172 , fig. 1664, les pétricoles 
et les cardites de Lamarck , on ne pourroit point déterminer 
quelle est l'espèce de corps marin qui a donné naissance à 
ces trous, qui sont constamment vides, si une circonstance 
particulière ne m'avoit mis à portée de le découvrir, et de 
reconnoitre en méme temps une autre coquille bivalve qui 
forme le nouveau genre dont il va étre question. 

— Jai dit que jamais on n'avoit trouvé dans les trous des 
blocs dont il s'agit, aucune des coquilles qui les avoient formés: 
javois beau recommander aux ouyriers qui brisoient les pierres 
pour les réduire en chaux , d'y apporter de l'attention; j'avois - 
beau leur promettre de bien payer les coquilles qu'ils y trou- 
veroient, l'action de l'air, le temps,le déplacement de ces 
masses, l'effort des courans de mer qui les avoient roulés, 
avoient entierement détruit le test fragile de ces corps marins. 

Cependant mes recommandations ne furent pas entièrement 

vaines;et , dans le mois d'octobre 1805, une circonstance heu- 
* 


D'HISTOIRE NATURELLE. 387 
reuse fit rencentrer, à une grande profondeur dans la terre, 
un de ces blocs lardé de toute part de coquilles dans l’état fossile, 
de la plus belle conservation. Voici ce qui donna lieu à cette 
découverte. 

Un des potiers de terre, stentif à à m'apporter ce qu'il 
trouvoit , avoit fait une ral excavation dans un banc d’ar- 
gile trés-voisin des carrières à chaux, et partituliérement des 
blocs isolés percés de trous, qui étoient au pied de ces car- 
rières, sur la pente de la montagne. 

L'argile marneuse qu'il tiroit renferme quelques natices, 
plusieurs cérites bien conservées et dans l'état fossile: c'est 
là que je trouvai un joli scalaria clathrus, Lamarck, et un 
natica albumen du méme auteur , dont j'ai fait mention dans 
la liste des coquilles ayant encore leurs analogues, tome I, 
page 64, n? 26 et 27 des Essais de géologie, ou Mémoire 
pour servir à l'histoire naturelle du globe (1). 

Les ouvriers qui exploitoient cette argile étant arrivés à 
soixante pieds de profondeur environ dans la masse du dépót 
argileux, furent arrétés par un bloc de pierre calcaire duré 
percé de trous, et de la méme espèce que ceux qui existoient 
beaucoup plus haut, au pied des bancs calcaires. 

La terre qui environnoit ce bloc, et qui bouchoit l'entrée 
des trous dont il étoit criblé, avoit garanti les coquilles qui 
s'y trouvoient, de l'action de l'air et de la destruction, et à 
mesure qu'on brisa le bloc dans la mine pour le retirer avec 
moins de peine, chaque éclat plus ou moins gros qu'on en dé- 
tachoit, étoit rempli de ces coquilles bien conservées, in- 


(1) Paris, Tourneisen fils, rue de Seine, faubourg Saint-Germain n.* 12, ancien 
hôtel de la Rochefoucault. - dé 
e 59 


388 ANNALES DU MUSÉUM 

tactes et dans l'état fossile, n'ayant perdu que-leur couleur; 
car elles étoient toutes blanches. Comme je voyageois alors 
en Italie, on les porta, pendant mon absence, à un de mes 
amis, ancien membre de l'assemblée constituante , M. Blan- 
care, résident à Loriol, qui joint le goùt de l’histoire na- 
turelle à beaucoup de .connoissances en agriculture, et forme 
un cabinet des productions du pays; mais à mon retour il 
eut la bonté de partager avec moi les morceaux les mieux 
conservés qui étoient en son pouvoir. 

C'est alors que je reconnus que ces coquilles , bien différentes 
de celles qui percent les pierres dans le port de Toulon, dans 
celui de Villefranche, et sur plusieurs parties de la côte de la 
mer Ligurienne, c'est-à-dire le mytilus lithophagus, Lin., 
vulgairement la datte de mer, qui forme un mets très- 
recherché , appartiennent à un mollusque testacé d'un genre 
diflérent au chama coralliophaga du méme auteur , qui est 
un cardite de Lamarck, Système des animaux Sans ver- 
tébres , genre CXI, page 118. + 
: La contio fossile est l'espèce absolument: semblable à la 
vivante, et la méme qu'on trouve figurée dans Chemnitz, 
vol. X, pag. 359, tab. 172, fig. 1673 et 1674, que cet auteur 
dit exister au milieu de certains coraux qui en sont percés ; les 
mémes donton fait de la chaux aux Antilles ( ce sont des ma- 
drépores ). M. de Lamarck possede la méme coquille naturelle 
dans sa riche collection, et en la comparant attentivement 
avec la fossile que je lui ai fait voir , il n'a pu y reconnoitre la 
plus légère différence, à part la couleur dont la fossile est 
dépourvue, étant devenue blanche, ainsi que la plupart des 
coquilles qui sont dans l’état ibieile; telles que celles de Gri- 
gnon, de uc d de la Toon: etc. Ainsi voilà un 


D'HISTOIRE NATURELLE. 329 
fossile de plus avec son analogue à ajouter au grand nombre de 
ceux que j'ai publiés, et qui ont déjà plus que doublé depuis 
que, grace à l'amitié de M. Cortesi de Plaisance, j'ai réuni 
dans mon cabinet tous ceux trouvés par ce savant naturaliste 
au Monte-Pulgnasco, à quatre milles de Castellarcuato, 
dans le Plaisantin, au milieu des dépouilles d'élépbans, de 
rhinocéros, de baleines et de dauphins. Mais le fait le plus 
extraordinaire, et en méme temps le plus curieux , c'est qu'en 
ouvrant un grand nombre de ces cardites, tirées de la pierre, 
d'oà on pouvoit les extraire facilement en la faisant partir 
en éclats , on trouvoit dans presque toutes ces coquilles, quoi- 
que les deux valves fussent bien jointes et souvent entourées 
de la méme argile dans laquelle le bloc fut découvert, une 
seconde coquille bivalve d'un genre entièrement différent, 
mais d'une aussi belle conservation. Cette coquille, renfermée 
dans la premiére, a une ressemblance extérieure avec une 
venus, particulièrement avec la venus cedo-nulli. Elle occu- 
poit quelquefois la capacité entière du cardite dans lequel elle 
étoit renfermée; d'autres: fois, onn trouvoit d'autres dont 
l'accroissement étoit moins avancé, et sur trente cardites de 
toutes grandeurs que je tirai de la pierre, j'en reconnus vingt 
qui renferinoient une des coquilles en question; trois qui en 
avoient deux chacune, mais moins grosses. Je trouvai dans 
deux autres une lime de l'espèce ordinaire. Tor 

Ces coquilles, trouvées intérienrement dans des cardites 
qui percoient et habitoient, des pierres, n'avoient pu y être 
introduites que dans un état d'embryon par l'eau de la mer 
qui y avoit déposé ces semences de coquilles; celles-ci deve- 
noient en grossissant une sorte de corps parasite qui finis- 
soit nécessairement par géner l'ancien mollusque , au point de 


` 


390 ANNALES DU MUSÉUM 


le priver dela vie. En examinant attentivement cette coquille 
emprisonnée qui avoit un si grand rapport avec une verus , je 
reconnus, aprés l'avoir ouverte , qu'elle en différoit entierement 
par la charnière selle n'est pas bien éloignée, dans l'ordre des 
rapports, des corbules ; mais elle en diffère en ce que les deux 
valves sont égales. 

Je l'ai soumise à l'examen de M. de Lamarck qui a reconnu 
en effet qu'elle devoit former un genre nouveau. Comme cette 
coquille, lorsqu'elle est une fois introduite dans celle du 
cardite lithofage, vit et croit aux dépens du mollusque de 
cette dernière, et finit par lui occasioner la mort, je lui donne 
le nom d'une des parques, et jen établis le genre Clotho. 

| ici MAap st: 
+ s 
Description de la coquille, genre Clotho. 

Coquille bivalve , équivalve, presque équilatérale , striée 
transversalement ; charnière à une dent bifide, un peu com- 
primée, recourbée en crochet sur chaque valve, une dent 
plus large que l'autre; deix impressions musculaires ; ligament 
intérieur. \ 

Testa bivalyis, æquivalvis , subæquilateralis , striata ; dens 
unicus, bifidus, recurvatus , teste opposite insertus ; 
impressiones musculares duce laterales; ligamentum 
internum, C 


Conclusions géologiques résultantes des faits ci-dessus. 


1. Les bancs qui constituent les montagnes calcaires dont 
jai fait mention , et qui renferment des ammonites et des 
nautilites , ont été formés dans le sein des mers. 


M 


D'HISTOIRE NATURELLE. 391 
2.° La mer les a abandonnés. 

3^ Une révolution violente a déchiré leurs flancs, y a creusé 
des vallées, a arraché des masses qu’elle a transportées 
au loin et qu'elle a arrondies en blocs. 

4.* Ces blocs isolés sont restés long-temps stationnaires sous les 
eaux de la mer; des coquilles dont les analogues existent 
dansles mers Indiennes (les cardites ci-dessus décrites) les ont 
percés de toute part, et y ont fixé leurs demeures. D'autres 
coquilles, dont une inconnue et formant un nouveau genre, 
se sont introduites dans les premiéres. 

5. De vastes dépôts d'argile marneuse se sont formés dans le 
fond de ces mers. On y trouve des cérites, des nérites , des 
scalaires et autres coquilles marines. Un des blocs , percé 
dans tous les sens par les cardites dont il s'agit, a été en- 
seveli à une grande profondeur dans cette marne argileuse 
qui devoit être alors dans un état de vase liquide. - 

6? La mer a disparu de nouveau : les bancs calcaires ont été 
mis à nu. Les blocs, percés par les cardites, exposés à 
l'air et à l’action des météores , n'ont pu conserver tes co- 
quilles: elles ont été détruites; mais celles qui se sont trouvées 
ensevelies dans la masse argileuse, ont été parfaitement 
conservées, et elles nous ont mis sur la voie de reconnoitre 
à quelle espéce elles appartiennent, et d'y découvrir un 
nouveau genre. 

Je n'expose ici que des faits: je ne leur ai méme pas donné 
toute la latitude qu’ils comportent. Au lieu d'allonger le temps, 
je l'ai peut-étre trop raccourci : telles sont les seules réflexions 
que je me permets. 


392. ANNALES DU MUSÉUM 


= 


EXPLICATION DE LA PLANCHE. 


Frc. 1. Est un morceau dessiné trés-exactement , tel qu'il se présente lorsqu'on l'a 
détaché du bloc, avec les différentes grandeurs des trous formés par 
les cardites; chacune de ces ouvertures renfermoit une iic. 


2. Cardite ayant ses deux EU ouvertes , afin qu'on pulse voir la charniére 
et les impressions musculaires. + 


5. La méme coquille fermée, laissant voirla forme et les caractéres exté- 
rieurs. 


4. La coquille du nouveau genre étant fermée. 
5. La méme, ayant ses deux valves ouvertes. 


6. Id. grossie afin de mieux voir la forme de la charniére. 


D'HISTOIRE NATURELLE. 393 


NOTICE BIOGRAPHIQUE 


Sur JEAN CRAÉTIEN Farrrcrus, conseiller d'état 
du roi de Dannemarck, professeur d'his- 
toire naturelle et d'économie rurale à Kiell, 


et. membre d'un grand nombre d'acadénues. 


PAR M. LATREILLE, Correspondant de l’Institut. 


Piosisvss journaux ont annoncé dernièrement la mort du 
naturaliste Jean Chrétien Fabricius, mais sans aucuns détails 
sur sa vie et ses travaux littéraires. Ma vénération pour la 
ménioire de ce savant me fait un devoir d'y suppléer. Ho- 
noré de son amitié, formé en quelque sorte à son. école, 
pourrois-je captiver mes sentimens , et me refuser à l'acquit 
de cette dette que m'impose la reconnoissance ?.:.... Si les 
hommes célèbres ont droit, quelle que soit leur patrie, au 
témoignage public de notre souvenir , Fabricius, par son atta- 
chement à la France, en est plus digne que tout autre. 

- Il naquit, en 1742, à Tundern, dans le duché de Sleswick ; 
se trouvant ainsi peu éloigné de la Suede, il lui fut plus 
facile de suivre les lecons de Linnzus. De tous les disciples 
de ce grand hommme, il n'en est peut-étre aucun qui ait 

11, 5t 


394 ANNALES DU MUSEUM 

joui d'une réputation plus brillante et plus universelle ; ja- 
mais aussi disciple ne conserva pour son maitre un respect 
et un attachement si tendres et. si inaltérables.. Nous avons 
‘tous été témoins de la vive impression qu'excitoit dans l'ame 
de Fabricius le nom de ce naturaliste. Mon bon Linné ! s'é- 
crioit-il, toutes'les fois qu'on parloit de lui en sa présence: 
expression touchante qui honore et le maitre et l'éléve, 

Fabricius se livra d'abord à la médecine, et des l'àge de 

vingt-cinq ans, il avoit, par son admission au doctorat, ter- 
miné la carrière des études classiques qu'exige cette profession; 
mais ses goüts l'entrainoient vers la contemplation de la na- 
lure: et. pouvoit-il, en écoutant un de ses plus fideles et plus 
sublimes interprètes, résister à ce puissant attrait ? 

De toutes les branches de l'histoire naturelle, celle qui traite 

des insectes étoit alors la moins avancée, quoique la plus 
considérable. Linnæus, dont le vaste génie embrassoit toutes 
les productions qui enrichissent notre globe, n’avoit pu qu'es- 
quisser à grands traits une méthode entomologique. Quelques 
naturalistes aprés lui, notamment le célèbre historien des 
insectes des environs de Paris, que seconda ensuite M. Four- 
croy, avoient fait d'heureux iat pour perfectionner cette 
première ébauche. Fabricius, que Linnzus avoit déjà rempli 
d'émulation en le citant ded son Systema nature , résolut 
bientôt de faire une étude spéciale de l'entomologie : science 
neuve et qui lui promettoit de grands succès. 

La classification des insectes se réduisoit essentiellement à 
deux méthodes: celle de Swammerdam , prise de la considé- 
ration des. métamorphoses yet celle de Linnaeus , indiquée par 
les aneiens, et qui est fondée sur les organes du mouvement. 
Fabriciusjugea qu'il pouyoitcréer un nouveau système , en pro- 


D'HISTOIRE NATURELLE. 305 


fitant del'étonnante variété que nous offrent ces instrumens dont 
les insectes sont munis pour saisir et préparer les matières qui 
leur servent de nourriture. Ces moyens avoient été appliqués 
aux classes supérieures de la zoologie, et Réaumur même, 
à la sagacité duquel rien n'échappoit, nous avoit mis sur cette 
voie, par rapport aux insectes. Scopoli, Entomologia car- 
niolica, avoit aussi employé ces organes pour signaler. les 
genres des hyménoptéres et des diptéres; mais il falloit, s'il 
étoit possible, coordonner ces principes à une classification 
générale, et c'est ce que Fabricius se proposa d'exécuter dans 
son Système d'Entomologie , publié en 1775. N'ayant présenté 
d'abord que les caractères essentiels des ordres et des genres, 
il voulut développer ces caractères, et tel fut l'objet de l'ou- 
vrage qu'il mit au jour deux ans aprés, sous le titre de Ge- 
nera insecto rum. 

Alin de prévenir l'arbitraire qui pouvoit se glisser dans 
la botanique , Linnzus avoit donné des règles fondamen- - 
tales, une espéce de code, en un mot, la philosophie de 
cette science. Ses préceptes, à quelques modifications pres, 
convenant à toutes les classes de l'histoire naturelle , Fabricius 
S'en servit avantageusement dans la rédaction de sa Philosophie 
entomologique qui parut en 1778. Depuis cette époque jus- 
qu'à sa mort,ou durant l'espace de trente années, il s'est 
occupé sans relâche à étendre son système, d'abord en le re- 
produisant sous le méme point de vue général, avec les aug- 
mentations et les changemens qu'il croyoit nécessaires ( Spe- 
cies insectorum, Mantissa insectorum, Entomologia syste- 
matica , Supplementum entom. sy stem. ); puis en retravaillant 
d'une manière isolée les ordres ou coupes principales ( Sys- 
tema eleutheratorum , S. rhyngotorum , S. piezatorum, S. 
` “De * 


396 ANNALES DU MUSEUM 

antliatorum ). La mort la surpris au milieu de ses recherches 
sur les glossates ou les lépidoptères de Linnæus; et nous at- 
tendons de son respectable ami M, Illiger, la publication de 
ce qu'il a composé à cet égard. 

Aucun savant ne poursuivit jamais ses études avec plus de 
zèle et plus d'activité que Fabricius. Possédant à fond plusieurs 
langues mortes et vivantes, il parcourut les états du nord et 
du. milieu de l'Europe , recueillant à chaque pas de nouveaux 
matériaux, fréquentant les musées d'histoire naturelle, décri- 
vant les insectes inédits , et formant des liaisons avec les 
hommes instruits qu'il avoit occasion de connoitre. 

Nous avons de lui un voyage en Norwège, traduit en bius 
cois par M. Millin; un autre à Pétersbourg , ayant pour objet 
l'examen des eaux de la Néva, dont on croyoit l'usage nuisible 
aux étrangers. Il nous a encore donné un voyageen Angleterre; 
pays qu'il avoit d'autant mieux observé , qu'il y étoitallé sept fois. 
M. Banks , aussi distingué , comme on le sait, par l'étendue de ses 
lumières que par son zèle à les favoriser , lui communiqua les in- 
sectes qu'il avoit reçus de la Nouvelle-Hollande. MM. Hunter; 
Drury, Francillon, Lewin , etc. facilitérent également les tra- 
vaux de Fabricius. Les devoirs de ce naturaliste envers son sou- 
verain, Son amitié pour le célèbre botaniste Wahl, les belles 

collect logiques de MM. Lund et Sehested l'attiroient 
souvent à Co pehare Les voyages qu'il y faisoit, ses relations 
avec les hommes éclairés du Dannemarck, et ses lectures l'a- 
voient mis en état de bien connoitre ce royaume. Les reasei- 
gnemens qu'il a fournis sur ce sujet à M. Pinkerton, et que 
celui-ci a insérés dans la dernière édition de-sa géographie, 
sont dignes d’une entière confiance: 

La France, à dater du premier voyage que bee y'fit, 


D'HISTOIRE NATURELLE. 397 
étoit de toutes les parties de l'Europe, celle qu'il affectionnoit 
davantage, et une seconde patrie où il vouloit terminer sa 
carrière. Son épouse, son second fils, plein d'un tendre atta- - 
chement pour les auteurs de ses jours, et d'ardeur pour son 
instruction , avoient fixé depuis plusieurs années leur séjour 
à Paris. Le désir de revoir des objets si chers et des amis 
aussi recommandables que nombreux, rappeloit Fabricius 
tous les ans dans cetie ville. Les cabinets d'histoire naturelle 
nationaux et particuliers lui étoient ouverts. Le professeur 
Desfontaines lui ebandonnoit la publication des insectes inté- 
ressans qu'il avoit rapportés de Barbarie. M. Bosc lui permet- 
toit de décrire toutes les espèces inédites de sa belle collection, 
fruit de ses recherches et de ses voyages en France et dans 
la Caroline. MM. Olivier, Labillardiere, Brongniart, Du- 
méril, etc. témoignoient à Fabricius la méme complaisance. 
On ne doit pas être étonné qu'avec tant de secours ce natu- 
raliste ait décrit cinq ou six fois plus d'insectes que Linnzus, 
dont le catalogue ne s'élève guère au-delà de trois mille 
especes. : | | | 

L'opinion des naturalistes sur le, système de Fabricius est 
formée depuis long-temps; l'usage habituel de cette distribu- 
tion méthodique, le jugement qu'en ont porté plusieurs savans 
qui l'ont approfondie, en ont fait sentir les avantages et les 
inconvéniens. M, Olivier , auquel l'entomologie est si redevable, 
développa et discuta ce système avec autant de clarté que 
d'impartialité , dans un mémoire qui fait partie du Journal 
de physique, et qu'il a ensuite reproduit dans l'Encyclopédie 
méthodique , Hist. nat. tom. 5 , pag. 111 et suiv. M. Cuvier, 
qui.étudia long-temps les insectes, et avec ce soin et cette 
sagacité qui distinguent toutes ses recherches , éclaira de nou- 


398 ANNALES DU MUSÉUM 

veau le système de Fabricius, en le considérant surtout dans 
ses rapports avec l’ordre naturel. M. Kirby a traité encore 
le méme sujet, Monographia apum Anglie, tom. 1 , pag. 
23 et suiv. Il est donc inutile de reprendre une discussion , 
dont je ne pourrois m'occuper sans paroitre aux yeux de 
quelques personnes manquer à l'amitié que je dois à Fabri- 
cius. Lorsque je répands des fleurs sur sa tombe , et que j'ex- 
prime les tristes accens de ma sensibilité, pourrois - faire 
entendre la critique? Chef des entomologistes! reposez en 
paix. Bien loin de chercher à troubler vos cendres, je veux 
plutót défendre votre mémoire, et repousser ou affoiblir du 
moins les traits que la censure dirigea contre vous. 

Il est des fautes ou des erreurs qui méritent moins de re- 
proches que d'indulgence, et telles'sont celles de Fabricius. 
Comme presque tous les créateurs de systèmes, il a été trop 
loin; il a tracé une route nouvelle, hérissée d'obstacles, et a 
laissé à d'autres le soin de l'aplanir et de la rendre facile. 
Le grand Linnzus méme pourroit-il supporter un examen 
sévère? Embrassant l'entomologie dans toute son étendue, Fa- 
bricius a pu négliger quelques détails dont l'omission sembloit 
légère dans le principe. L'art de bien observer des organes aussi 
petits, aussi compliqués que ceux de la mandycation des in- 
sectes , ne sacequiert que par un long exercice; souvent méme 
les résultats des meilleurs naturalistes varient à cet égard. 

Fabricius «n'ayant peut-être pas l'expérience nécessaire, 
employant d'ailleurs pour cet examen des verres microsco- 
piques qui n'avoient pas assez de force amplificative, a pu 
tomber dans quelques écueils , et s'éloigner de la vérité; mais 
en découvrant ces inadvertances , ne niürmurons point contre 
lui. Quel est le naturaliste dont les premières observations, 


D'HISTOIRE NATURELLE. 309 
disons même les dernières , soient exemptes d'imperfections ? 
Si plusieurs. des caractéres génériques et spécifiques de 
l'entomologiste de Kiell sont équivoques ou incomplets , ou 
bien s'ils n'ont qu'une valeur apparente, produite par un 
oubli de la série naturelle, ce défaut vient moins de lui que 
de cette marche trop systématique et vicieuse "qui régnoit 
de son temps. Cet esprit d'analyse et de comparaison, qui 
donne aujourd'hui tant de supériorité aux méthodes, ne di- 
rigeoit pas encore les: naturalistes. N'oubliogs pas ‘qu'ils 
n'avoient que foiblement. essayé de classer les objets suivant 
les rapports d'affinité: des divisions arbitraires écartoient les 
uns des autres les animaux qui appartenoient à la même fa- 
mille, et l'opposition des caracteres n'étoit qu'une suite de cette 
bizarre confusion. Fabricius décrivant les insectes dans diffé- 
rens cabinets, n'a pu éviter quelques donbles emplois. Ayant 
peu observé sur le vivant, si ce: n'est dans sa jeunesse, il 
n'avoit pas apprisà distinguer nettement les anomalies sexuelles 
des insectes; de-là aussi quelques erreurs bien: excusables ; 
puisqu'il. en gitidhpel de semblables aux plus exacts patura 
listes. Fabricius , trop exclusif, a donné à sa base systéma- 
tique une puissance exagérée : mais ses moyens sont bons ; et 
employés avec sagesse, combinés avec ceux de Linnæus, fis 
tifiés par les observation de: Swammerdam , ils nous ont ass 
Suré,du nioins quant aux divisions générales , une distribu- 
tion entomologique naturelle. Nous nous glorifions maintenant 
et à juste-titre des méthodes de MM. Cuvier et Lamarck. 
En fixaní nos regards sur. des organes qui jouent le plus grand 
rôle dans l'économie:des insectes , dont la considération nons 
indique d'avance quelle éstleur mawière de se nourrir , Fa- 
bricius a présenté l'entomologie sous une face nouvelle, et 


4o00 ANNALES DU MUSÉUM 

nous a procuré l'avantage: d'asseoir solidement: les coupes 
qu'exige la méthode ; car les caractères des ordres, des familles 
et. des genres ne seront jamais naturels, tant qu'ils ne repo- 
seront pas sur la considération de tous les organes importans 
de linsecte. On pourra composer des distributions plus fa- 
ciles que celle de ce naturaliste; mais si, pour former. les 
grouppes, on n'observe point la conformité générale de l'or- 
ganisation,. ces méthodes seront toujours artificielles et im- 
parfaites. Tàghons, autant qu'il est possible, de nous mettre 
à la portée des commençans, en excluant des caractères es- 
sentielsles parties de l’animal dont l'examen seroit trop délicat; 
mais que: ces signalemens extérieurs ne soient point. en con- 
iradicüon avec ceux que lon Sede déduire des ondes 
nioins apparens, tels que ceux de la bouche. 

Les adversaires de Fabricius ne peuvent donc DAT 
de reconnoitre qu'il a imprimé à l'étade des msectes un mou- 
vement rapide , général ei soutenu, et que ses écrits ont formé 
d'excellens auteurs. Une portion de la gloire des Olivier, 
des Paykull, des Hellwig, des Illiger, des Kirby et de tant 
d'autres, réjaillira toujours sur lui. 

. Fabricius n'étoit point jaloux des succès de ceux qui cou- 
roient la méme carrière que lui; au contraire , il les voyoit 
avec plaisir. Charmé du. beau travail de M. Walckenaer: sur 
les aranéides , il Sempressa, sans y étre invité, de lui porter 
de Kiell toutes les tepiess de cette famille qu il avoit dans sa 
collection. : 

Presque sur le odi dá aie. il nt le BS de 
M. Clairville et celui de M. Maximilien Spinola, qui débutent 
l'un et l'autre par des ouvrages 'emomologiquos , ; dignes des 
grands maitres. 


D'HISTOIRE NATURELLE, ` Aot 


Fabricius n'étoit pas étranger aux autres branches de lhis- 
toiré naturelle: son séjour à Freyberg l'avoit familiarisé avec 
la minéralogie. Il fit une étude spéciale de la botanique. On 
le voyoit, à l'exemple des Jussieu, parcourir, accompagné 
de ses disciples,les environs de Kiell, se charger de richesses 
végétales, et oublier ses fatigues en examinant avec ceux qui 
les avoient partagées ces précieuses récoltes. Ses connoissances 
en botanique nous ont valu des ouvrages relatifs à cette 
science et à l'agriculture, qu'il a publiés en allemand. Il pro- 
diguoit à ses éléves, surtout à M. Weber fils, dont les talens 
percoient déjà, les soins et la tendresse d'un pére, et il leur 
dédia un abrégé de ses lecons d'histoire naturelle. 

Jusqu'ici nous avons considéré Fabricius seulement comme 
naturaliste. Ses autres connoissances, ses qualités morales 
nous inspireront pour lui un nouvel intérét. Véritable philan- 
trope, il s'attendrissoit vivement sur le sort de ces enfans in- 
fortunés qu'on abandonnoit à la commisération publique; 
c'est en leur faveur et pour la classe indigente qu’il composa 
ses Traités des hospices et de la police civile et médicale , ou- 
vrages couronnés d'un plein succés en Allemagne, et qui 
devroient passer dans notre langue; mais la plume de la plu- 
part de nos traducteurs s'exerce trop exclusivement sur les 
productions étrangères dont la lecture produit les maux que 
Fabricius vouloit guérir ou diminuer. 

Il avoit consacré presque tout son bien à des voyages scien- 
tifiques, à la formation d'un beau cabinet d'histoire naturelle 
très-précieux en insectes, coquilles, minéraux, et fort inté- 
ressant encore par l'herbier de Forskal que ce botaniste lui 
avoit légué; néanmoins Fabricius ne sollicite de son gouver- 
nement aucun bienfait, aucune faveur personnelle. Ce n'est 
52 


11, 


402 ANNALES DU MUSEUM 

pas la seule preuve que nous puissions alléguer de son désin- 
téressement. Le colonel anglais Cathcarth lui propose de l'ac- 
compagner dans son voyage à la Chine, et lui offre, à cette 
condition, au nom de la compagnie des Indes, 5000 livres 
sterlings et 200 livres de pension pour un de ses enfans. Fa- 
bricius dédaigne ces avances dela fortune : il n'a d'autre am- 
bition que celle d’être utile à ses concitoyens. 

N'ayant, dans ses travaux, d'autre but que la félicité pu- 
blique , il exposoit dans un ouvrage ad hoc les principes qu'il 
jugeoit favorables à l'accroissement et à la population des états. 
Ailleurs, il provoquoit un changement total dans les académies 
du Dannemarck et de l'Allemagne. Le prince royal de Danne- 
marck l'aimoit , et il méritoit cet honneur par son dévouement 
sincère.: Fabricius avoit été nommé, n'étant âgé que de vingt- 
trois ans, professeur d'histoire naturelle et d'économie rurale 
à Kiell. Le noble désir d'exprimer sa gratitude et tous les 
 sentimens. dont il étoit pénétré, le détermina à composer la 
biographie d'un. des plus grands rois du Dannemarck , Fré- 
déric IV. | | 

Fabricius avoit dans ses manières une simplicité. et une 
bonté patriarcales; ce. n'est pas un éloge de style, mais un. 
fait que chacun de nous peut garantir, Le professeur Wahl ,. 
si modeste lui-même, lui reprochoit son. excès de modestie , 
comme pouvant nuire à son avancement. Fabricius portoit 
dans la société l'oubli de soi-même, et ne cherchoït à plaire 
que par son urbanité et son. enjouement. | 

Toujours seront présents à mon. souvenir les instans heu-: 
reux , mais trop rapides, que j'ai passés avec cet illustre na- 
turaliste. Si la religion attache un profond respect aux objets. 
qui ont eu quelques rapports avec l'homme honoré d'un culte. 


D'HISTOIRE NATURELLE. 403 
lamour de la science m'inspire aussi de la vénération pour 
tout ce qui me rapprocha de ce disciple de Linnaeus. Je 
relirai souvent, et toujours avec un nouveau plaisir ses lettres 
aussi savantes qu'affectueuses. Tu ne reverras plus cet homme 
si célèbre, me dis-je chaque jour; mais tu auras perpétuelle- 
ment sous tes yeux ce bureau où, placé à côté de toi, il éta- 
dioit la nature, et l'animioit par son exemple. Tu conserveras, 
comme un précieux héritage, ces livres que son cœur t'offrit, 
et oü il tracoit ces paroles si tendres : Fabricius amicissimo 
suo Latreille. O mânes de mon illüstre ami! pardonnez, je 
vous en supplie, si je l'ai quelquefois offensé par les traits de 
ma critique! 

Tel est le caractère des belles ames, d’être moins Eni: 
de leurs propres malheurs que de ceux d'autrui. Fabricius; 
jusqu'à ce jour, avoit supporté avec un courage pepe 
les pone; et de bien grandes, qui lui étoient per 
mais il n'a pu envisager du méme ceil le déluge de calidis 
qui est venu fondre sur sa patrie. « /Vos revers ont fait périr 
mon époux », me disoit sa veuve dont les renseignemens 
m'ont servi à rédiger cette notice. La constitution vigoureuse 
de Fabricius sembloit en effet lui promettre une longue et 
heureuse vieillesse; ses amis s'étoient néanmoins apercu que 
la situation déplorable du Dannemarck l'affectoit douloureu- 
sement. Sa physionomie expressive, autrefois si sereine et si 
gaie, décéloit un fonds de tristesse et les ravages de cette mé- 
lancolie qui le consumoit intérieurement. 

La juste admiration de Fabricius pour les Francais, admi 
ration qu'il ne pouvoit s'empêcher de répandre au-dehors , 
lui avoit, au témoignage de son épouse, suscité parmi ses 
compatriotes des ennemis puissans ; il ne craignoit cependant 


hoh ANNALES DU MUSÉUM 


pas leurs attaques auprès du prince sage qui tenoit les rênes 
du gouvernement, et qui apprécioit son mérite , Son civisme 
éclairé et la pureté de ses vues. , 

Cet homme célèbre est mort d’une hydropisie formée tout- 
à-coup , âgé de soixante-cinq ans, et vivement regretté de ceux 
qui eurent des liaisons avec lui, et particuliérement des savans 
francais. Il étoit membre ou associé d'un grand nombre d'aca- 
démies : celle de Munich lui donnoit un témoignage flatteur 
de son estime, au moment méme où il nous a été ravi. 

Daigne le souverain du Dannemarck, se rappelant les ser- 
vices que Fabricius a rendus aux sciences et à sa patrie, 
consoler sa veuve et ses deux fils de la perte irréparable qu ils 
viennent d'éprouver! Puissent ceux-ci payer à sa mémoire le 
tribut de leur tendresse et de leur reconnoissance, en publiant 
sa propre biographie, qu'il écrivit dans sa langue maternelle. 


D'HISTOIRE NATURELLE. 405 


MEMOIRE 


Sur un nouveau genre de liquéfaction 19n6e 
qui explique la formation des laves lithoides. 


Lu à la classe des sciences mathématiques et physiques de l'Institut, le 28 
mars 1808. 


PAR M. DE DRÉE. 


Les empreintes visibles de l'action du feu ont été long-temps 
les seuls caractères auxquels on distinguoit les produits vol- 
caniques. Aussi ces produits se réduisoient-ils alors aux obsti- 
diennes, aux scories, aux ponces. C'est aux naturalistes cé- 
lébres de nos jours que nous devons la connoissance des prin- 
cipales productions modifiées par les feux souterrains. M. Des- 
marest fut un des premiersà ranger les basaltes dé l'Auvergne 
parmi les produits des volcans; M. Faujas, dans son intéres- 
sant ouvrage sur:les volcans éteints du Vivarais, a énoncé 
la méme opinion ; et Dolomieu reconnut que ces torrens de 
matieres enflammées qui débordent les cratéres, ou débouchent 
par les flancs des montagnes volcaniques , se consolidoient en 
pierres trés-ressemblantes aux roches attribuées à la voie hu- 
mide. C'est surtout à M. Faujas età Dolomieu, à ces deux géo- 
logues, que nous devons la détermination précise de ces produits 


1s. 53 


406 ANNALES DU MUSEUM 

que Dolomieua désignés par laves compactes, et qui depuis ont 
été nommés laves lithoides par un des membres de cette 
assemblée , dont le nom n'est pas moins attaché aux grands 
progres des sciences naturelles. Jusques-là ces produits qui 
occupent la partie inférieure des courans avoient paru ap- 
partenir au corps de la montagne, et non à ces torrens en- 
flammés. Leur situation, autant que leur ressemblance avec 
les roches ont loog-temps contribué à voiler leur véritable ori- 
gine; et il falloit les yeux d'un observateur habile et sans 
prévention, peur réunir ces laves ; qui n'ont aucun signe de 
fusion , aux autres éjections volcaniques que le préjugé ne dis- 
tinguoit qu'aux empreintes remarquables du feu. 

Dans un siècle aussi éclairé , la découverte de ce genre de 
laves ne pouvoit étre perdio comme une simple addition 
aux catalogues des produits des feux souterrains. Non-seulement 
on sétonnoit de voir ces torrens de feu se consolider en pre- 
nant là constitution pierreuse ; mais l'examen de ces laves sur- 
prenoit plus encore, puisque aprés avoir subi une opération 
considérée jusqu'alors comme désorganisante, on y retrouvoit 
au même état et dans les mêmes dispositions des substances 
semblables à celles qui s'observent dans les roches. 

Une partieularité aussi remarquable devoit étre, et fut en 
effet lindication d'une opération toute nouvelle pour nous. 
Aussi ces laves sont-elles devenues, dés le moment que leur 
origine fut constatée, un grand sujet d'observation et de mé- 
ditation pour les tories 

Quelle opération .a pu liquéfier les matières servant de 
bases aux laves et leur conserver en même temps la cons- 

tilution pierreuse ? Quelle est l'époque où se sont formés les 
cristaux inclus dans les laves porphyritiques ? Voilà deux 


D'HISTOIRE NATURELLE. 407 
des questions les plus importantes que cette découverte a fait 
naitre. (ion 

Les célèbres naturalistes Saussure et Dolomieu, jaloux de les 
résoudre , essayèrent de trouver un genre de fusion qui ne 
réduisit pas la matière à l’état de verre ou de scoriez mais 
leurs tentatives furent sans succès alors, ainsi que celles en- 
ireprises depuis par Spallanzani. Cependant Dolomieu qui avoit 
toujours en vue de surprendre ce secret à la nature, ne cessoit 
de recueillir toutes les observations qui pouvoient l'éclairer, 
et il avoit rassemblé tant de données à cet égard, qu'il avoit 
fini par être convaincu que les matières traitées dans les pro- 
fondes cavités dela terre, étoient amenées, par une application 
particulière du calorique , à une liquéfaction telle que les parties 
composantes n'étoient que désagrégées et point dénaturées. 

Il pensoit aussi que la plupart des cristaux qu'on trouve 
dans les laves lithoides existoient dans ces laves avant la li- 
quéfaction, 

Telle étoit sur ces deux questions importantes l'opinion que 
nous a laissé ce célèbre géologue. Gette opinion n'éloit ce- 
pendant pas celle de tous les naturalistes ; la préexistence des 
cristaux surtout n'avoit que peu de partisans; mais comme de 
part ni d'autre on n'apportoit aucune preuve évidente, ces 
questions étoient restées indécises. 

En me chargeant de publier les œuvres de Dolomieu, en 
mettant en ordre la collection de laves dont madame de Drée 
sa sceur et moi avons fait hommage au conseil des mines, je 
me trouvois à méme de connoitre les observations, les faits 
et les raisons sur lesquels ce naturaliste fondoit son opinion, 
et javoue que malgré le défaut de preuves certaines, cette 
opinion me e sembloit tell t coincider avec les faits constatés, 

a9 


408 ANNALES DU MUSEUM 

quil me paroissoit impossible d'admettre aucun autre senti- 
ment. Cependant une hypothèse ne me suflisoit point pour 
établir solidement la classification des produits volcaniques; 
je désirois des ses et j'avois cs des essais pour 
en obtenir. 

: Mon plan étoit de renfermer des roches en morceaux dans 
des creusets, de remplir tous les vides avec de la poudre de 
la méme roche, de recouvrir le tout d'une forte couche de 
matière infusible telle que le quartz en poudre, de fermer 
ainsi le plus hermétiquement possible la matière, et de sou- 
mettre ces creusets exactement clos à une chaleur moyenne, 
long-temps prolongée; par ce procédé, javois en vue de 
m'opposer au mouvement intestin de la matière, d'empêcher 
l'accès de: toute: substance qui pourroit être agent de la dé- 
composition, et méme d'éviter tout contact entre la matière 
et le feu. Il me sembloit que ces procédés étoient les plus 
convenables pour placer mes roches dans une disposition rap- 
prochée de celle où l'on peut présumer les matières dans les 
profonds laboratoires des volcans; laboratoires dans lesquels 
la chaleur , résultat des actions chimiques, n'est point combu- 
rante, et dans lesquels les matières par leur masse sont à 
l'abri de tout contact étranger. 

J'avois commencé ce travail, lorsqu’en 1804 la Bibliothèque 
britannique n. 216 ; nous donna connoissance des expériences 
de M. Hall, sur les effets de la chaleur. modifiée par la 
compression. En lisant ces expériences, je reconnus dans la 
compression le moyen de remplacer artificiellement l'effet 
des grandes masses dans les opérations de la nature. Je sentis 
qu'en ajoutant ce moyen à mes autres procédés, je parvien- 
drois à m'opposer au dégagement, et par: coriséquent à la dé- 


D'HISTOIRE NATURELLE. 409. 
composition des substances expansibles. Alors, me disois-je, 
toute chose restant au méme état, et le calorique n'opérant 
que le ramollissement des parties, il doit en résulter une 
liquéfaction sans décombinaison ni dissolution des substances, 
et par conséquent un produit tout différent du verre. Dés ce 
moment je résolus de combiner la compression employée si 
avantageusement par M. Hall sur le carbonate de chaux, avec 
les procédés dont je viens de parler, pour essayer de faire 
arriver les roches à un état de EREA semblable à celui 
des laves lithoides. 

Cependant l'opinion opposée, qiattribuoit les laves lithoïdes 
aux effets de la dévitrification, prenoit de jour en jour plus de 
consistance. Le méme M. Hall avoit publié, en 1798, un 
mémoire sur la fusion des laves et des whinsthones (1), qui ten- 
doit à prouver que les laves étoient le résultat de la dévitri- 
fication , et plusieurs naturalistes partageoient ce sentiment. 
D'un autre côté, les expériences de M. Dartigues sur les effets 
de la dévitrification (2), sans s'étendre aux laves, contri- 
buérent néanmoins à donner du poid à cette opinion; et M. 
Fleuriau de Bellevue, en s'étayant de ses propres observa- 
tions, embrassa et soutint ce système dans un mémoire très- 
intéressant (3) qui éclaira beaucoup sur les efleis de la dévitri- 
fication; mais dont lapplication aux laves a été combattue 


par M. Deluc (4 ). Enfin M. Gregory Watt (5) soumit des laves. 


- (1) Transactions de la Société royale d'Édimbourg, vol. 2. 
(2) Mémoire sur la dévitrification du verre, inséré Journal de physique ( floréal 
an 12 ). 
(5) Mémoire sur l'action des feux des volcans, inséré Journal de physique( prai- 
rial an 13). 
- (4) Bibliothèque britannique. 
(5) Observation sur le basalte, Bibliot. biegen n. 256. 


410 ANNALES DU MUSEUM 
basaltiques à la dévitrification, et crut devoir en conclure 
que ces laves étoient dues à cette opération. 

Par ce système de dévitrification, on fait passer toutes les 
laves par la fusion vitreuse, et la formation des laves lithoides 
seroit due à un refroidissement qui auroit dévitrifié la lave 
vitreuse ( obsidienne) ; d’où il suit que ce système se trouve 
tout-à-fait en opposition avec les idées de Dolomieu, lequel a 
toujours prétendu que la lave vitreuse n'étoit que la lave 
lithoide qui, arrivée dans les cratères et en contact avec 
l'air atmosphérique , entroit en déflagration et se vitrifioit. 

Des conclusions si différentes ne pouvoit qu' augmenter mon 
empressement à continuer les essais que j'avois commencés. 
En effet, je les ai repris il a environ quinze mois, et j'avois 
déjà obtenu des résultats en faveur de la liquéfaction non 
vitreuse, lorsque le mémoire et les produits obtenus par M. 
Hall sont arrivés et nous ont éclairés sur ces précieux résultats, 
ainsi que sur ces procédés ; et je dois dire que j'ai puisé dans 
le développement des travaux de ce savant , de nouveaux motifs 
pour me faire espérer du succès. 

Apres avoir établi les divers points de vue sous lesquels on 
à apercu ces intéressantes questions, il me semble qu'on peut 
réduire la premiére à ces termes. 

Les laves sont-elles le produit d'une liquéfaction ignée 
particuliére, et différente de la fusion vitreuse, ou sont-elles 
le résultat de la dévitrification ? | 

Quant à la seconde, son expression est toujours la méme: 
Les cristaux inclus dans les laves sont-ils préexistans à la 
fusion , ou sont-ils de formation postérieure à cet acte. 

Je vais maintenant rendre compte des diverses expériences ^ 
que j'ai faites pour résoudre ces deux questions, des procédés 


D'HISTOIRE NATURELLE. ht 
que j'ai suivis, et mettre sous vos yeux les résultats qe jai 
obtenus. 

Je n’apercevois qu'un seul moyen d'arriver à la solution du 
premier probléme; c'étoit de rechercher si, par une applica- 
tion non immédiate, mais communiquée de la chaleur; si en 
empéchant la dyes d'aucun principe élémentaire et l'in- 
troduction d'aucun agent de per DOR on pourroit par- 
venir à faire passer dés roches à un état de liquéfaction qui 
leur permit de reprendre la constitution pierreuse en se con- 
solidant , et c'est le plan que j'ai suivi. 

J'ai choisi pour mettre en essai des roches qui me parois- 
soient devoir être la matière première de certaines laves, et je 
me suis principalement attaché à deux roches porphyritiques, 
l'une à pâte de trapp, l'autre à pâte de pétrosilex. 

Je mets sous vos yeux les échantillons de chacune des roches 
que j'ai employées, ainsi que ceux de leurs produits. 

Mes procédés ont été la fermeture de la matière dans des 
vaisseaux bien clos, et quelquefois la compression, ainsi qu'on 
va le voir par l'exposé des dispositions générales que je place 
ici afin d'éviter des répétitious; par la suite je me conten- 
terai d'indiquer les modifications que j'aurai pu y introduire, 

J'ai placé dans des étuis de porcelaine ou des creusets de 
Hesse le morceau le plus gros possible de la roche, et pour 
ne laisser aucun vide, j'ai rempli les interstices avec cette 
méme roche mise en poudre impalpable pressée le plus for- 
tement possible. J'ai recouvert ensuite la matière par une 
lame de mica (1), afin d'empécher le mélange avec la poudre 


(1) J'ai reconnu que cette substance convenoit parfaitement à cet emploi tant 
par son élasticité que par sa difficulté à fondre lorsqu'elle est en grande lame. 


* 


41a ANNALES. DU MUSEUM 

de quartz dont j'ai mis une couche épaisse et très-tassée. J'ai 
fermé après cela les étuis de porcelaine avec des bouchons luttés 
à l'aide d'une matière facilement vitr iBahie, et je les ai disposés 
ainsi dans l'appareil de compression: à l'égard. des creusets, 
je les ai renfermés dans d'autres creusets, aussi avec de la 
poudre de quartz, et aprés avoir clos le tout par un couvercle. 
lutté avec de l'argile, jeles ai ficelés avec du fil de fer. 

Les pyromètres , à l'exception de la première expérience, 
ont été placés dans l'intérieur des étuis ou creusets à cóté de 
la matière. 

Quant aux appareils de compression , je les ai changés plu- 
sieurs fois ; les premiers avoient pour objet non-seulement de 
.Sopposer à la plus forte expansion des gaz, mais encore de 
garantir des accidens. Em reconnoissant que les substances 
gazeuses n'étoient pas trés-abondantes dans ces matières , j'ai 
simplifié mes appareils. L'énonciation des premiers devien- 
droit donc inutile, surtout ne devant faire valoir ici aucun 
des produits que j'ai obtenu par la compression. Je me suis 


* 


servi d'un fourneau à courant d'air recouvert par un dóme. 


I" Expérience. 


J'ai placé dans un étui cylindrique de porcelaine un mor- 
ceau de porphyre de Giromani , fond vert, avec cristaux de 
feld-spath blanc verdátre,, coté m. 

J'ai placé dans un ER étui pareil un morceau de por- 
phyre des Pyrénées à. pâte pétrosiliceuse grise et à cristaux 
informes de feld-spath blanc et à grains de quartz gris, coté b. 

J'y ai disposé ces matières de la manière indiquée ci-dessus, 
avec cette différence que la poudre n'étoit pas impalpable et 


D'HISTOIRE NATURELLE. 413 
tamisée , comme dans les expériences suivantes, et qu'il n'y 
avoit point de poudre de ean intermédiaire entre la subs- 
tance et le bouchon. 

Ces deux cylindres, logés dans l'appareil de compression et 
placés dans un fourneau recouvert d'une coupole, et construits 
de maniére à concentrer fortement la chaleur, ont éprouvé, 
pendant quarante-deux heures , un feu continu, le pyrometre 
de Wegdwood n'annoncant que quatorze degrés; mais comme 
il n'étoit point placé dans le centre du foyer , on peut estimer, 
d'aprés les expériences suivantes, que la chaleur s'est élevée à 
vingt-cinq degrés. 

Le premier des cylindres a été retiré aussitót le feu éteint, 
et le second, aprés un lent refroidissement. Tous deux étoient 
intacts ; mais lelutte dont je m'étois servi ne paroissoit pas avoir 
été fermé hermétiquement : les résultats qu'ils m'ont donnés, 
sont: É 

Le n.° 1.* qui est le produit du porphyre de Giromani m. 
La poudre a passé à l'état de scorie noire et le morceau ne 
s'est point liquéfié. 

Le n° 2, qui est le porphyre des Pyrénées b. La pure 
à été: Gusidesns agglutinée, tandis que le morceau n'a 
éprouvé que trés-peu d'altération. 


& 4L" Expérience. 


Dans cette expérience, le feu a duré dix-huit heures, et 
les pyromètres placés avec la matière dans les creusets , ainsi 
que je l'ai pratiqué pour les expériencessuivantes , ont marqué 
de 43 à 46 degrés. J'ai obtenu les quatre résultats suivans. 

Le n? 3, formé du porphyre serpentin a. 

Le n° 4, formé du porphyre des Pyrénées b, 


i : 5 


41% ANNALES DU MUSÉUM 

Ces deux porphyres avoient été placés , morceaux et poudre 
impalpable, dans les mêmes étuis de porcelaine, de la manière 
ci-dessus, et recouverts avec une couche de poudre fine de 
quartz séparée du porphyre par une lame mince de platine; 
le tout a été ensuite fermé par le bouchon lutté et placé dans 
l'appareil de compression. x 

Les cylindres, après le refroidissement, se sont trouvés 
cassés, et la matière étoit fondue en verre, à l'exception des 
cristaux inclus de feld-spath et de quartz. Cette matière s'est 
épanchée à moitié hors du cylindre, disposé horizontalement. 

Le n^ 5, formé par le porphyre serpentin a. 

Le n.° 6, formé par une variété du méme porphyre éti- 
queté c. 

Ces deux porphyres avoient étéplacés, poudre et morceaux, 
dans deux petits creuzets de Hesse, sans autre compression 
qu'un bouchon de même matière, lutté par de l'argile et mam- 
temu par de forts liens de fil de fer. Chacun de ces creusets 
étant en outre renfermé dans d'autres creusets plus grands, où 
ils étoient entourés de sable fin quartzeux. 

Ces petits ereusets ont été retirés intacts ; len." 5 a fondu 
en verre noir, à l'exception des cristaux i feld-spath, qui 
sont A et n’ont point changé de forme. 

Le n? 6 est un véritable exemple de la liquéfaction ignée. 
À l'examen, on ne peut douter que le mófceau comme la 
poudre paient été liquéfiés. 


THEM". diese: 


Le feu a duré vingt-trois heures, et les pyromètres ont 
marqué 4o à 42 degrés. 
Le n^ 8, formé du porphyre serpentin a , étoit placé, 


D'HISTOIRE NATURELLE. 415 
poudre et morceaux , dans un étui cylindrique de porcelaine, 
fermé hermétiquement comme dans les premières expériences; 
mais cet étui étoit disposé dans un autre appareil de compres- 
sion , et a été retiré intact après le refroidissement : la poudre 
s’est liquéfiée et a formé une espèce de scorie non vitreuse. 
Le morceau s'est ramolli sans se liquéfier, et a pris l'aspect 
que donne la demi-vitrification à la porcelaine. 

Le n^ 9, formé du porphyre 5, étoit placé, morceau et 
poudre, avec laquelle on avoit mélangé 11 grains de muriate 
de soude et 69 de soufre dans un creuset de Hesse , comme 
les n.” 5 et 6; il a été retiré avant le refroidissement. On y 
voit la poudre liquéfiée reparoitre. sous l'aspect d'une lave 
porcelanite , tandis que le morceau n'a éprouvé que le ra- 
mollissement. 

Le n.° 11, formé du porphyre vert c, réduit en poudre, 
a été mis dans un creuset, qui a été retiré brusquement du 
feu; la poudre, devenue rouge de brique, étoit à peine ag- 
glutinée, excepté vers le fond oü elle avoit pris la couleur 
noire. - 

Le n,” 12, formé seulement de 3 onces 4 gros de poudre 
impalpable de porphyre serpentin c, mélé avec trois graius 
de muriate de soude, a été retiré aprés le refroidissement. 
Ce produit a acquis la liquéfaction désirée. Il est à l'état de 
pierre parfaitement ressemblant à une lave, comme le n." 6. 


IF." Expérience. 


Dans celle-ci, le feu a duré trente-six heures, et la chaleur 
sest élevée à 5o degrés, d’après les pyromètres. 
Les creusets dont je me suis servi, à défaut de cylindres 


416 ANNALES DU MUSÉUM 

de porcelaine, ont tous été cassés, quoiqu'ils fussent emboités 
dans d'autres creusets. Aussi les produits ont-ils été peu inté- 
ressans : Je n'en citerai qu'un seul. 

Le n° 14, formé du porphyre d, variété du serpentin a, 
contenant des noyaux de quartz entourés de pyrite. Un gros 
morceau de ce porphyre avec sa poudre a été placé dans un 
creuset ordinaire, et étoit de plus recouvert d'une couche de 
poudre de quartz séparée par une lame mince de mica; le tout 
aété fortement comprimé ensuite dans un double creuset. Le 
creuset a été retiré fendu; la poudre s'est trouvée liquéfiée , 
ainsi que le morceau vers la partie ent: où la poudre 
a passé à l’état de scorie. 


F^ Expérience. 


Elle a été faite à un feu de forge quia duré six heures et 
demie; les pyromètres marquant 112 à 133 degrés. 

Parmi les produits que j'ai obtenus, je distingue les cinq 
suivans. . 

Le n.° 17, formé du porphyre d, gros morceau et poudre 
placés ds un creuset fermé par du quartz et du mica, comme 
le n? 14. Le creuset a été retiré fendu avant le refroidisse- 
ment. Un peu de matière avoit transsudé; mais le gros mor- 
ceau s’est entierement liquéfié et a formé une vraie pierre 
où les cristaux de feld-spath se sont conservés à l'état la- 
melleux. 

Le n? 19, formé d'un granit de Chamouny e ( morceaux 
et poudre placés dans un creuset fermé avec mica et quartz, 
comme le n.^ 14). Le creuset a été retiré cassé aprés le re- 
froidissement ; partie de la matière s'est épanchée en verre 
boursouflé ; les morceaux de granit ont passé à l'état vitreux, 


D'HISTOIRE NATURELLE, 417 
mais sans que le feld-spath et le mica dela roche aient quitté 
leur pp granitique. 

Le n^ 2r, formé du porphyre serpentin d, étoit placé 
dans un creuset carré de porcelaine simplement dégourdie 
afin de resserrer la matière par le retrait du creuset; le tout 
étoit fermé et lutté comme dans les expériences précédentes. 
Le creuset a été retiré, après le refroidissement, ouvert et 
fendu de toutes parts, et la matière fondue en verre s'étoit 
en partie échappée au-dehors. 

Le n° 23, formé du porphyre c, a été placé, morceau et 
poudre, dans un creuset, comme le n.° 15 , hors la matière 
qui étoit en bien moindre quantité. Le creuset retiré avant le 
refroidissement étoit fendu , et la matière fondue en verre avoit 
en partie coulé au-dehors en se boursouflant. Ce morceau 
est remarquable en ce que le feld-spath n'a pas résisté à la 
haute chaleur , et s'est fondu comme la pâte. 

Le n.° 24, formé du porphyre b , étoit placé dans un creuset 
de porcelaine carré et disposé comme il est dit au n° 21; il 
s'est trouvé aussi au méme état, quoiqu'il ait été retiré 
avant le TOR Die 6” 


EIS Expérience, 


M. Brongniart, directeur de la manufacture ‘re porcelaine 
de Sèvres, a eu la complaisance de disposer cette expérience 
dans ses fourneaux, à un feu d’à-peu-près six heures, et dans 
une position où la chaleur étoit d'environ 8o degrés. Wegdw. 

Parmiles produits je ne citerai que les deux suivans. 

Le n." 25, formé du porphyre serpentin d, placé, un mor- 
ceau avec poudre séchée au rouge, pour éviter son retrait, 
dans un grand creuset cylindrique de porcelaine simplement 


418 ANNALES DU MUSEUM 

dégourdie et fermé avec quartz et mica , ainsi que je l'ai dit. 
Le creuset a été retiré intact : la poudre s'est liquéfiée et con- 
solidée à l'état lithoide; maisle morceau a seulement été ra- 
molli sous l'aspect porcelanite. 

Le n° 26, formé de deux roches hornblendiques f et g, 
placées en morceaux dans un creuset, et entouré de poudre 
de quartz impalpable séchée au rouge, le creuset retiré s'est 
trouvé cassé, et les deux morceaux ont été liquéfiés; mais une 
partie de la matière s'est épanchée au-dehors; ce qui reste 
dans le creuset est à l'état lithoïde dans les parties épaisses , 
mais se rapproche des scories dans les parties minces, 


VII” Expérience. 

Cette septiéme expérience a été faite dans les fourneaux de 
Sèvres. J'avois soumis plusieurs matières dans de doubles 
creusets bien clos, mais sans compression , et malgré un lent 
refroidissement, je n'ai obtenu que des produits vitreux , ce 
qui n'est pas étonnant, les pyrométres ayant indiqué 110 de- 
grés. Je ne citerai qu'un de ces produits. 

Le n° 33, formé du porphyre b des Pyrénées, placé dans 
un creuset.de porcelaine, a donné un verre obsidienne par- 
fait, sans fusion des cristaux de quartz. 


F. TII. " Expérience. 


Étant toujours s contrarié par la brisure des creusets, et dé- 
sirant d'ailleurs opérer sur des masses plus considérables, je 
me suis servi de ereusets plus grands, et je les ai placés dans 
d'autres creusets cylindriques de fonte faits exprès. L'inter- 


D'HISTOIRE NATURELLE. 419 
valle a été rempli par dela poudre de quartz fortement préssée 
qui dominoit de beaucoup le creuset intérieur, et j'ai placé 
sur ce sable un bouchon mobile de fonte, surmonté d'un 
boulet dont le poids étoit de 18 livres. 

Le feu a duré soixante-neuf heures, et la chaleur, par ap- 
proximation avec mes autres aui dci sest élevée de 45 à 
5o degrés. 

Les trois produits que j'ai oium sont le n^ 37, formé 
d'une roche porphyritique fissile avec mica A. 

Le n. 38, formé d'une amygdaloide à noyaux calcaires du 
Drac i. : 

Et le n^ 39, formé d'un granit amphibolique K. 

Ces morceaux étoient bien entourés et pressés avec leur 
poudre rendue impalpable , bien tamisée , et que j'avois fait 
rougir fortement afin de lui enlever toute son humidité, 

Les creuseis ont été retirés intacts; mais les matières ont 
éprouvé différens effets. J'attacherai surtout les regards sur le 
n. 38, dont la pondre a non-seulement éprouvé la liquéfac- 
tion ignée parfaite, mais méme la cristallisation comme dans 
le n.? 6; cristallisation qui Sapercoit au chatoiement, et qui 
ne peut étre douteuse en se rappelant que la poudre étoit 


impalpable. 


Lorsque j'ai commencé ces expérienées, je ne ponvois avoir 
aucune donnée sur le degré de chaleur propre à liquéfier ces 
diverses matières , sur la meilleur manière de leur appliquer 
la chaleur,sur la quantité de substances gazeuses qu'elles ren- 
fermoient, sur l'espansion que pourroient prendre la roche 
et la poudre dans telles ou telles circonstances, et sur le re- 
irait qu'elles pourroient subir dans d'autres. Je ne pouvois . 


420 ANNALES DU MUSÉUM 

d'ailleurs que fort peu m'éclairer de l'expérience acquise par 
M. Hall, puisque la chaux carbonatée sur laquelle il a tra- 
vaillé, n'a'aucun rapport avec les roches simplement ter- 
reuses que j'ai traitées, et que ses appareils ne pouvoient 
convenir au volume des morceaux sur lesquels j'opérois. 

Il ne paroitra donc pas étonnant que dans ces premuers 
essaisje n'aie marché qu'en tátonnant, et que les produits de 
chacune de mes expériences se trouvent si différens entre eux. 
Des substances de diverses natures, des masses plus ou moins 
fortes, des appareils différens, la fracture de beaucoup de 
creusets sont autant de causes qui ont donné à chacun des 
essais. des résultats particuliers. 

Aussi pour éviter la confusion où sont ces produits dans 
l'exposé des expériences , et les présenter de manière à rendre 
sensibles les résultats qui peuvent nous instruire, je vais les 
réunir en séries où seront rassemblés les produits similaires. 

La premiere série est formée des n." 6, 12, 17, 38, 39. 
On y remarque que la poudre de porphyre s'est ramolli sans 
changer de nature, et s'est ensuite consolidé en une pierre qui 
a une parfaite ice avec les laves lithoides PARE EE ho- 
mogene. 

Dans cette série, on uices les n.” 6, 17 danslesquels le 
morceau de porphyre a été liquéfié Ee c ud. sans avoir 
éprouvé de changemens notables dans sa composition et méme 
dans sa constitution. Cette liquéfaction est démontrée tant par 
l'affaissement qu'ont éprouvé les morceaux , que par leur mé- 
lange intime avec la poudre, et par l'uniformité de la páte. 
Je donnerois méme comme une preuve irrévocable le fait 
que voici. En plaçant le morcéau de porphyre dans le creuset 
n. 6, je suis certain que ce morceau touchoit au fond du 


D'HISTOIRE NATURELLE. lox 
creuset, et cependant on voit dans le produit tous les cristaux 
réunis dans la partie supérieure, preuve que la liquéfaction a 
été assez compléte pour permettre — des cristaux de 
feld-spath (1). 

On doit observer que dans ces deux produits les cristaux 
de feld-spath du porphyre n'ont éprouvé aucun changement 
ni dans leur forme, ni dans leurs caractères essentiels (2). 

Les n.” 6 et 38 sont aussi remarquables; car indépendemiheut 
de laliquéfaction dela poudre et deson retour à l'état pierreux , 
on y voit de petites lames chatoyantes qui annoncent les ru- 
dimens de la cristallisation de quelques parties feld-spathiques. 
Cette cristallisation ne peut étre douteuse; car la poudre de 
ces porphyres étoit tamisée au tamis le plus fin. Les laves 
nous fournissent des exemples de cette cristallisation. ( Voyez 
la lave du Puy-de-Dôme, étiquetée B ). 

Les produits de cette série sont nouveaux comme résultats 
de nos opérations, et ils méritent d'autant plus notre attention, 
qu'en les comparant avec les laves lithoides d'apparence ho- 
mogene ou pod iis offrent la plus grande analogie 
avec elles. 

Pour le démontrer , j'ai placé Sous les lettres majuscules 


(1) La différence qu'il y a entre le degré de chaleur qu'ont éprouvé cés deux. 
produits, est trop remarquable pour ne pas attirer l'attention, puisque les pyro- 
mètres annonçoient de 45 à 46 pour le n.° 6, et que pour le n." 17 ils s'élevoient 
de 112 à 155. Mais je dois observer, à l'égard du dernier, que les pyrométres 
n'étoient pas dans le creuset, et.que ce creuset se trouvant à l'écart hors de l'ac- 
tion du soufflet, a dû éprouver un moindre degré de chaleur que celui marqué 
par les pyromètres. 

(2) Une expérience faite depuis la lecture de ce Mémoire à l’Institut, m’a fourni 
deux nouveaux produits à joindre à cette série, dont l’un doit s'unir aux n." 6 et17, 
le morceau de porpyhre s'y trouvant complètement liquéfié. 


EF 55 


422. ANNALES DU MUSÉUM 

A,B, C, D, E, plusieurs laves. En les comparant avec mes 
produits, on retrouvera dans ceux-ci la méme contexture, le 
méme grain, le méme aspect, les mêmes teintes, la méme 
dureté , les mémes résultats. Une pesanteur moindre que celle 
de la roche dont ils sont formés dansla proportion de2, 5 à 
2,7, propriété semblable à celle qu'on observe entre certaines 
laves et les roches qu'on suppose leur avoir servi de base. 

Les effets magnétiques s'y présentent aussi avec les mémes 
variations que dans les laves. 

Enfin tout paroit en analogie entre ces produits artificiels 
et ceux des volcans, à l'exception d'un peu plus de sécheresse 
dans le grain de mes produits, et de la compacité que ces 
derniers n'ont pas complètement atteint; mais ces différences 
ne seront d'aucune valeur contre l'analogie de ces produits, si ` 
on veut en étudier les causes. Que l'on compare la force im- 
mense de compression à laquelle sont soumises les parties in- 
férieures des masses de lave, avec la foible pression qui a agi 
sur mes produits, lesquels n'ayant point été comprimés arti- 
ficiellement , n'ont cédé qu'à la pression de leur petite masse, 
et l'on ne s'étonnera pas alors que la compacité y soit moins 
complète que dans les laves ; d'ailleurs il est bien reconnu que 
malgré l'énorme poids qui pèse sur la partie inférieure des 
laves, il en est très-peu qui soit entièrement compacte. Le 
plus de sécheresse. dans le grain de mes produits s'explique 
tout aussi facilement , si l'on fait attention que sans appareil 
de compression, le fluide aqueux n'a pu se conserver dans 
mes essais comme dans l'intérieur des masses de laves, et c'est 
à la privation de cette eau de cristallisation, ou eau combinée 
avec les substances, qu'est due l’âpreté ou sécheresse du grain 
des matiéres attaquées par le feu. Ces deux légères différences 


D'HISTOIRE NATURELLE. 423 
ne peuvent donc, je le répète, servir d'argument solide contre 
la similitude entre ces produits artificiels et les laves lithoïdes, 

Mais peut-être m'objectera-t-on que mes produits, au lieu 
d’être le résultat d'une liquéfaction particulière , ont subi dans 
les fourneaux la fusion vitreuse, et que c'est à la dévitrifica- 
tion (1), c'est-à-dire à l'effet d’un long refroidissement qui a 
permis la recombinaison des substances dissoutes en verre, 
et méme leur recristallisation, qu'est dù le retour de ce verre 
à l'état de pierre. 

En envisageant la chose du cóté des principes, je répondrai 
qu'il est reconnu que lorsque des matières pierreuses sont 
portées à la fusion vitreuse, quelques-unes des substances se 
dissipent , tandis que les autres se décomposent, se dissolvent et 
passent à une nouvelle combinaison homogène qui est le verre: 
ainsi le passage à la vitrification est marqué par un triple 
changement qui s'opére dans la matière, savoir la dissipation 
de quelques substances , la décomposition totale des autres et 
la combinaison sous un état tout-à-fait étranger au premier. 
Maintenant supposons qu'un lent refroidissement, permette 
dans cette matière vitreuse la combinaison de certaines subs- 
tances et leur aggrégation, et je demande, sil est possible 
de croire que ces nouvelles substances sont les mêmes que 
celles de la pierre soumise à la vitrification. Comment cela 
pourroit-il arriver, puisque plusieurs des élémens n'existent 
plus, et que cette nouvelle production s'opère dans des cir- 
constances si différentes de celles qui ont accompagné la for- 
mation de la pierre. 

D'ailleurs ce que le raisonnement nous indique à cet égard 


(1) Voyez Fleuriau de Bellevue , mémoire précité. 
92" 


451 | ANNALES DU MUSÉUM 

est justifié par le fait. J'ai examiné tous les produits de la 
dévitrification ; j'ai surtout étudié la collection des cristalites 
produits de la fusion vitreuse (1) que M. Fleuriau a eu la 
complaisance de m'adresser, et j'y ai observé, j'en conviens, 
des substances cristallisées depuis la fusion ; mais ces substances 
ne sont nullement semblables aux substances composantes dé 
la matière première, il suffit de les examiner pour être per- 
suadé qu'elles en different essentiellement, et pour y recon- 
noftre des combinaisons nouvelles. Je dirai plus, c'est que l'as- 
pect de ces nouvelles substances est beaucoup plus — 
de celui de l'émail que de celui de la pierre. 

D'après ces données, il est évident que la dévitrification 
n'est pas le retour d'une masse de verre à une constitution 
pareille à celle de la pierre qui avoit été fondue ; ni même à 
celle de ces substances composantes, mais Misión une comè 
binaison nouvelle de substances qui, flottant dans un fluide, 
peuvent obéir aux lois d'attraction et prendre des formes crista- 
lines. S'il en est ainsi, cette opération n'a aucun rapport avec 
celle qui m'a donné les produits de cette série , et surtout les 

n. 6et 17 , puisque dans ceux-ci on reconnoit toutes les subs- 

tances composantes des roches mises en essai. D'ailleurs il 
suffit de totparet ces deux espèces de produits am se con- 
vaincre qu'il n'y a point d'analogie entre eux. 

"Enfin Maece ‘tout-à-fait cette objection en rapportant 


(1) Je dis produits de la fusion vitreuse, parce que M. Fleuriau a joint à à ses 
cristalites des masses de pierres trouvées dans des fours-à chaux, que je nepuis re- 
garder comme des produits de la dévitrification , ayant eu occasion d'observer:d'autres 
productions de de fours à à chaux qui, vitrifiées à à la surface comme celles de M. Fleuriau u, 
avoient éprouvé un ramollissement dans l'intérieur, sans ane. les substances fussent 
dénaturées. 


D'HISTOIRE NATURELLE. 425 
ce qui s'est passé dans le cours. de mes expériences. Comme 
javois toujours en vue d'étudier méme les effets de la dévi- - 
trification, j'ai eu le soin de retirer partie de mes creuseis, 
aussitôt le ralentissement du feu, pour les livrer à un refroi- 
dissement subit, et de laisser les autres à unechaleur lente- 
ment décroissante pendant plus de quarante-huit heures. Cette 
différence n'a cependant rien produit; car dans la méme ex- 
périence les matières refroidies :subitement .se trouvoient au 
méme état que celles refroidies lentement. J'ai aussi remarqué 
que dans des opérations où toutes mes substances ont. passé 

à la fusion vitreuse, aucune n'a éprouvé de dévitrification, 
malgré le long refroidissement (1), et je puis même assurer 
que dans tous mes essais je n'ai aperçu aucune chose qui püt 
faire attribuer la forsan. t deis mes produit à l'acte de la dé- 
vitrification. DE: oqu:02 g2 9558950059381 ` 

Je crois seulement déioii les rudimiens dé là ets d 
qui se inontrent dans la páté des n ^ 6 et 38, soit à la pro- 
longation de l'état de fluidité ignéé”après la fetis pu 
duite, soit au lent décroissement dq d3cialetr 00 HOUSE 

-il Axis ; quoiqué les produits « de cette série ne Soient pas aussi 
nombreux que je l'eüsse- désiré; quoique ‘deux Seulement , les 
5." Get 17 nous offrent là liquéfaction parfaite du porphyré 
en masse; quoique aücun de ces produits ne soit le résultat 
de la compression, máis- seulement celui d'une férmeture 
exacte au sie" de substances infusibles et est à de doubles 


(1) 11 ne faut pas s'étonner si je n'ai pas obtenu de diviteifiátioh dal es produits ; 
la-nature et la quantité des substances -qui entrent- T Dr nes verres 
et leur différente pesanteur spécifique ; influent tellemen ilité dela dévitri 
fication et sür le temps qu'elle me ge. sis "^ est tout nitur - Bop mes 


vitrifications au nombre de celles qui q 


426 ANNALES DU MUSEUM 
creusets, leurs caractéres me paroissent assez prononcés pour 
démontrer ce nouveau genre de liquéfaction. 

J'ajouterai encore que je ne suis ni du sentiment de Do- 
lomieu, qui présumoit que le soufre pouvoit étre un des 
agens de ce genre de liquéfaction, ni de celui de Breislac (1) 
qui l'atiribuoit à de leau chargée de soude muriatée. Mes 
expériences. me donnent lieu de croire que le calorique, 
sans aucun aide, peut produire la liquéfaction ignée qu'ont 
éprouvé mes produits et les laves lithoides; et on seroit, je 
crois , plus fondé à considérer l'acide muriatique, ainsi que 
certaines substances combinées avec les matiéres, comme les 
agens, qui par leur décomposition, produisent la chaleur qui 
attaque la matière dansles profonds laboratoires des volcans(2). 


La seconde série se compose des n. 1,8 102143999037, 
On y remarque que toute la partie en re s'est Peer et 
reconsolidée à létat de certaine lave appelée porcelanite, à : 
cause de leur aspect qui annonce un commencement de vitri- 
fication. Pour les morceaux de porphyre, ils ont été assez 
ramollis vers les surfaces pour faire corps avec la poudre li- 
quéfiée; mais ils ne lont pas été assez dans l'intérieur pour 
que la masse s'affaissát et püt couler : j'en excepte cependant 
le n° 26, dont le morceau s'est. entièrement liquéfié et recon- 
solidé en une pâte qui, comme je viens de l'expliquer, est 
intermédiaire entre l’état pierreux et l'état vitreux, et qui se 
rapproche d'autant plus de ce dernier état, que la matiére 
offre moins d'épaisseur. 


(1) Voyage physique m la Campanie, vol. I, p. 292. 
(2) On pourroit méme indiquer parmi ces agens de la chaleur ls métaux nouvelle- 
ment découverts dans la soude et la potasse, ainsi que me l'a observé M. Bertholet, 


D'HISTOIRE NATURELLE. 427 
Cette série, qui ne présente que des constitutions intermé- 
diaires prises dans le passage de l’état de pierre à celui de la liqué- 
faction ou à celui de la vitrification , n’a rien de remarquable 
quela similitude de quelques-uns de ses produits avec certaines 
laves porcelanites. ( Voyez une de ces laves sous la lettre H ). 
Leur examen fait cependant naitre une question, celle de 
savoir si une chaleur plus forte ou plus prolongée les eût fait 
passer de l'état où ils sont à celui de la liquéfaction ou à celui 
de la fusion vitreuse; mais j'avoue que je n'ai pas acquis de 
données assez exactes pour pouvoir prononcer à cet égard: 
jobserverai seulement que l'air qui s'est introduit à travers 
quelques-unes de ces matières, soit par le retrait, soit par 
exhalaison, auroit pu déterminer plusieurs de ces essais vers 
la vitrification. Au surplus, ce sera un sujet d'observation 
pour la suite que je me propose de donner à mes expériences, 
et je ne présente pour le moment ces produits que comme 
objets de comparaison. 


Je passe à la troisième série qui renferme les n." 3,4, 5, 
19 , 21, tous produits de la fusion vitreuse ; mais ils n'en sont 
pas moins intéressans, puisqu'on y observe que la poudre et 
les morceaux ont éprouvé la vitrification , tandis que les cris- 
taux inclus ont résisté à cette fusion en conservant méme leur 
structure lamelleuse. On remarque que ces cristaux ont les 
mémes caracteres que ceux des laves porphyritiques ; ils se 
sont décolorés et ont généralement blanchi, hors dans quelques 
cas particuliers dont on peut voir un exemple dans les Es 
14, 17 des séries précédentes, oà la noirceur qu'ont pris les 
cristaux de feld-spath semble due à la décomposition des py- 
rites que contient ie porphyre dont ils sont formés. 

Le n.? 19 se distingue dans cette série en ce qu'il est formé 


4358 ANNALES DU MUSEUM 

d'un granit, et que les substances composantes , quoique fon- 
dues en verre et tourmentées par le boursouflement, ne se sont 
point mélangées. - 

A Yexamen des produits de cette série dans lesquels on 
voit la pâte des porphyres s'être fondue en verre, sans que 
les cristaux de feld-spath aient été altérés sensiblement; à la 
comparaison de ces produits avec les laves obsidiennes por- 
phyriques d'Ischia et de "Ténériffe, mises sous vos yeux et 
étiquetés Z^, G, on ne peut douter que les cristaux inclus dans 
les laves Sr SEVRES lithoides et vitreuses n'existassent dans 
la matière avant sa fusion. Ce probléme me paroit irrévoca- 
blement résolu par mes essais en faveur de cette préexistence 
que- Dolomieu avoit continuellement soutenue, et je me dis- 
peni ai de lappüyer par aucun raisonnement. 

En décidant cette question , je n’entends cependant pas sos 
qu'il ne puisse pas se former de cristallisation aprés] la liquéfac- 
tion ; car lorsque j'ai fait remarquer les n." 6 et 8, j'ai annoncé 
cette cristallisation postérieure dont ils sont des exemples: 
mais ces cristaux pré éexistans et Ces cristaux nouveaux peuvent 
se distinguer à l'examen scrupuleux :la formation récente des 
uns et les atteintes de la chaleur qu'ont éprouvé les autres, 
leur — à chacun des caractères assez distinctifs. 


Ma quatrième série , bee ji ufa a3 et. iiis a pour 
objet de démontrer qu une tres-haute aera peut vaincre 
la résistance des cristaux de feld-spath , puisque dans ces trois 
produits ces cristaux ont disparu entièrement, et que les 
grains blancs qu'on voit dose les n° 21 et 24 sont des grabs 
de quartz. 

On peut aussi, par une conséquence tirée du n° 23, dans 
lequel toutes les matières ont cédé à la fusion vitreuse, avancer 


D'HISTOIRE NATURELLE. 429 
qu'il seroit possible que quelques laves vitreuses homogènes, 
dites obsidiennes, soient formées par un porphyre. - 


Enfin je place en cinquième série les n." 2 et 1r, pour 
faire connoitre dans quel état se trouvent les matières dans le 
moment qui précède la.liquéfaction. Le n? 2, qui a été soumis 
au méme feu et placé dans les mêmes dispositions que le n? 1, 
série 2, servira, en le comparant à ce dernier, à faire voir 
quels. effets différens la méme chaleur a poia sur ces deux 
espèces de porphyre. 

Si, comme on vient de le voir, mes premières expériences 
m'ont donné la satisfaction d'alinóncer une nouvelle liquéfac- 
tion ignée des matières pierreuses, je. dois avouer que sous 
d'autres rapports elles me laissent beaucoup à désirer, puisque 
malgré ce succès, je n'ai pu y puiser la théorie complète du 
traitement et des conditions nécessaires pour faire passer avec 
certitude les roches à cet état de liquéfaction. Il y avoit 
tant de recherches à faire, tant de précautions à prendre, 
qu'on se persuadera facilement que les premiéres expériences 
ne pouvoient être que des tentatives, surtout si on considère 
_que les creusets de toutes espèces dont je ine suis servi, ont , 
malgré tous mes soins, rarement résisté, soit à la haute tem- 
pérature de la chaleur, soit à la longue durée des expériences. 

Aussi n'entroit-il point dans mes projets de donner jour à 
mes premiers résultats, avant d'avoir obtenu, par de nouveaux 
travaux, la connoissance des moyens propres à produire sans 
incertitude cette liquéfaction; et si je mets au jour ces pre- 
miers essais, c'est que quelques personnes m'ont représenté 
que plusieurs savais s'occupant essentiellement des produits 
volcaniques, il étoit important de publier des travaux qui dé- 

11. “00 


430 ANNALES DU MUSÉUM 


cidoient les deux questions principales de la théorie des volcans, 
et de faire connoitre des résultats qui doivent servir de base 
à la distribution des matiéres volcaniques faisant partie des 
ouvrages de Dolomieu, que je suis à la veille de publier. 

J'espère qu'à l'aide des appareils que je me propose Qem- 
ployer pour rendre mes produits moins incertains , je pourrois 
dans quelque temps donner des notions précises sur ce nou- 
veau mode de liquéfaction ; mais dans ce moment je m'en 
tiendrat à poser quelques idées générales puisées dans la com- 
binaison des données que m'a fourni l'ensemble de mes ex- 
périences. Je les énoncerai brièvement dans mes conclusions, 
me réservant d'en donner la partie rationelle lorsque je dé- 
velopperai la théorie complete de cette liquéfaction. 

 .Résumant donc les idées que je viens d'énoncer et les -— 
cipes généraux qui découlent des résultats de mes expériences 
en général, je peux établir les conclusions suivantes. 

1- Les roches ou pierres, par une application particulière 
de la chaleur et dans certaines circonstances, peuvent étre 
conduites à un état de liquéfaction ignée tel, qu'elles peuvent 
couler , sans iine pour cela elles perdent presque aucun de 
leurs princip tit ;sans que les substances composantes 
se dissolvent; comme pata fusion vitreuse ; et sans qu'il y 
ait même aucun changement notable dans la constitution de la 
roche, à tel point que cette matière liquéfiée donne, en se recon- 
solidant , une pierre où l'on retrouve dans le même état et 
dans les mémes dispositions les substances composantes de 
la roche,et une pierre qui aune caecum ressemblance avec les 
laves lithoides. 

2.*. Le principe général peur parvenir à cette liqaéfaction 
ignée est de s'opposer au dégagement des substances expan- 


D'HISTOIRE NATURELLE. 431 
sits ; empêcher l'accès d'aucune substance étrangère, et 
‘écarter la matière de toute ápplication immédiate du feu. 

Dans cette opération , l'action du calorique opère seulement 
le ramollissement de la matière en détrüisant pour le moment 
la cohésion fixe des molécules; mais elle n'entraine pas la dé- 
sorganisation des substances, comme dans là fusion vitreuse; 

Je nomme ce genre de fluidité Zquéfaction ignée pour le 
distinguer dela fusion vitreuse qui conduit les matières mi- 
nérales pierreuses à l'état de verre, et je désigne cette der- 
nière fusion par l'épithéte,vitreuse pour qu'on ne la confonde 
point avec la fusion métallique, qui a un résultat tout différent; 

3^ Les diverses espéces de roches ou pierres ne demandent 
pas le méme degré de chaleur pour passer à cette liquéfaction. 
Dans ce moment je ne puis assigner au juste, ni le terme le 
plus bas, ni le terme le plus élevé; cependant ce dernief me 
paroit devoir étre aux environs de 5o degrés du pyrométre 
de Wedywood, tandis que le degré le plus bas est au-dessus 
de la.température d'un four à chaux : car ayant placé deux 
fois plusienrs essais dans un de ces fours à un feu de soixante- 
douze à quatre-vingts: heures, j je n'ai obtenu aucun putes 
ment dans la matière. 

Une température au-dessus du terme convenable porte le 
irouble dans la matière, et la détermine vers la MR vi- 
ireuse (1). 


(G) Dans ces expériences, on ne sauroit mettre trop de soin à élever lentement 
la température , le calorique s'insinuant beaucoup plus facilement dans la poudre 
que dans la roche en masse; cette poudre étant la premiére à recevoir l'action de 
la chaleur, et ayant aussi plus de tendance que la masse pour passer à la fusion 
vitreuse, il est. toujours à craindre que quelques particules ne se vitrifient; car 
une fois la dissolution vitreuse opérée dans un point, elle entraine de proche en 
proche celle de toute la masse. 

56 * 


\ 


435 ANNALES DU. MUSÉUM 

4° Il ne suffit pas d'arriver au degré convenable de cha- 
leur, il faut encore soutenir long-temps cette température 
et surtout la prolonger en raison dela grosseur des morceaux 
qu'on veut liquéfier, la pénétration des grosses masses doit 
s'opérer par l'effet du temps et non par l'augmentation d'in- 
tensité dela chaleur. L'on sait que cette pénétration du calo- 
rique dans les pierres est extrémement lente. 

5°. La compression n'est pas nécessaire pour les roches 
qui sont composées d'élémers terreux, et qui contiennent peu 
de substances expansives ; une ferméture exacte, sans aucun 
vide, et la matiére en assez forte masse pour qu'une portion 
soit comprimée par l'autre, suffisent dans ce cas. 

6° La compression est au contraire nécessaire sur les roches 
ou pierres qui ont pee élémens constituans des SNE 
que la chaleur met à l'état aériforme. «= 

.. 3? L'observation m'a démontré que la en dib Folies 
que j'employois n'étant pas sèche, éprouvoit dans les creusets 
un retrait, et que. ce retrait formant des vides, donnoit 
accès à des substances aériformes qui disposoient souvent la 
poudre à la fusion vitreuse. Pour éviter cet inconvénient, 
jai fait sécher au rouge la poudre de quelques porphyres, et 
par ce procédé la liquéfaction ignée n'a été que plus assurée; 
mais il faut remarquer que lon ne peut l'employer que sur 
des matiéres qui n'ont pas pour élémens des substances ga- 
zeuses, et que —— pureroira à tous — inconvéniens 
de ce genre. | 

8. L'addition d'une substance étrangère n'est point néces- 
saire. J'ai fait es essais en ajoutant du muriate de soude 
et du soufre; je n'ai pas remarqué € cela dût changer au- 
cune des conditions requises. 


— 


D'HISTOIRE NATURELLE. 433 

9.° Le rapprochement des molécules similaires peut avoir 

lieu dans certaine matière liquéfiée, et produire des rudimens 

de cristallisation lexique le prolongement de cette fluidité lai 
laisse de temps de s opérer. 

10." La liquéfaction ignée et la fusion vitreuse sont dede 
opérations bien distinctes. Dans la liquéfaction ignée, le calo- 
rique détruit momentanément la cohésion fixe des substances, 
sans changer leur nature. Dans la fusion vitreuse au contraire 
toutes les substances composantes s sont dissoutes pour former 
le verre, matière homogène qui n'a plus de rapport avec la 
matière première. 

La cristallisation , suite de la liquéfaction 1 ignes. citée dde 
sus, article 9 , et la dévitrification, suite de la fusion vitreuse 
annoncée par MM. Hall, d'Artigues et Fleuriau, sont aussi 
deux opérations différentes , quoique l'une et l'autre le résultat 
de la prolongation de la fluidité ignée. En effet la cristallisa- 
tion est un simple rapprochement des molécules similaires 
qui n'ont. cessé d'exister dans la matière liquéfiée; au lieu que 
la dévitrification est une nouvelle formation de substances qui 
s'opère dans le fluide vitreux où toutes les parties sont dis- 
'soutes , et ces substances ne sont jamais entièrement semblables 
à Me qui composoient la matière avant la fusion. | 

° De ce qui précède, on ne peut sempécher de conclure 
e ER que les laves lithoides sont le produit de la li- 
quéfaction ignée. La chaleur obscure , résultat des actions chi- 
miques, qui se communique sans combustion aux matières dans 
les profondes cavités de la terre , et la compression A 
vent leurs énormes masses, sont lis mémes conditions qu' enge 
la liquéfaction artificielle que j'ai obtenue. 

Par là, je n'écarte. point. cette grande pensée sur la fluidité 


/ 


434 ANNALES DU MUSEUM 

páteuse de l'intérieur du globe, mise au jour par Dolomieu. 
Cette hypothèse , si favorable à l'explication de beaucoup de 
phénomènes géologiques , ne pourroit que confirmer et rendre 
plus facile cette liquéfaction ignée des laves lithoides. 

12. Les cristaux de feld-spath , inclus dans les porphyres, 
ne perdent à la liquéfaction ignée ni leur forme, ni leurs 
caracteres essentiels. 

Ces mémes cristaux résistent à l'action sito lors 
méme que la pâte du porphyre a passé à la fusion vitreuse, 
et cependant cette páte contient aussi la substance feld-spa- 
thique. Cela confirme ce principe , qu'une. substance en mé- 
lange avec d'autres est plus fusible qua qe elle forme une 
masse homogène. 

Il faut une trés-haute majice pour que les cristaux i: 
feld-spath se dissoivent dans la pâte vitreuse. 

132 Enfin, desprincipesétablis dans ce dernier article, on doit 
encore conclure que les cristaux de feld-spath inclus dans les 
laves porphyriques soit lithoïdes, soit vitreuses, ainsi que les 
cristaux d'autres espèces qu'on y trouve, tels que les amphi- 
gènes , les angites ( pyroxene ), etc., existoient dans la matière 
avant qu'elle devint fluide. 

Il est cependant une exception à cette règle génápale pour 
certaines laves lithoides ; car il est de ces laves dont les petits 
cristaux ont été formés peridant la fluidité ignée, ainsi que 
cela est expliqué, article 9. Quelques caractères particuliers 
à cette nouvelle formation , peuvent servir à les faire recon- 
noitre. Cependant la distinction entre ces deux sortes de cris- 
taux n'est pas toujours facile. : 


Je bornerai les conséqnences qu'on peut tirer des résultats 


D'HISTOIRE NATURELLE. 435 
de ces premiers essais aux deux applications que je viens 
d'en faire sur la liquéfaction ignée , particulière aus& laves 
lithoides , et sur la préexistence des cristaux. A la vérité, 
la liquéfaction ignée donne naissance à des laves, et ces laves 
sont des pierres qui ont beaucoup de ressemblance avec nos 
roches: et, sous ce point de vue, on pourroit donc étendre les 
rapports de mes produits jusqu’à ces substances primordiales; 
mais il faut tout observer. Les laves, comme mes produits, 
ont aussi certains caracteres qui les éloignent tout-à-fait de 
nos roches lorsqu'on les considére dans leur formation. D'un 
autre côté, la formation des laves lithoides et les phénomènes 
volcaniques, quoique de tous les áges, sont néanmoins parti- 
culiers à quelques circonstances locales, et ne peuvent avoir 
que des rapports indirects avec les phénomenes qui ont opéré 
la consolidation générale. Ce seroit donc bien se hasarder 
que de vouloir appliquer un procédé qui jusqu'à présent 
ne m'a fourni que des laves artificielles, à la théorie de la 
formation de la terre. 

M. Hall, qui est parti du traitement de la chaux carbo- 
natée par la compression , à fait servir ses expériences au 
soutient du systéme de Hutton, en s'attachant à des suppo- 
sitions qui, d'aprés ses combinaisons et ses calculs, pour- 
roient peut-être se trouver dans l'ordre possible. Je ne dis- 
cuterai pas ici sur la justesse de l'application de ses pro- 
cédés à l'explication de plusieurs opérations de la nature; 
mais je m'étonne que ce savant , en étendant fort au loin les 
conséquences de ses résultats , n'ait pas commencé par nous 
instruire sil croyoit les devoir à une Ziquéfaction ignée de 
la craie, ou s'il les regardoit comme le produit de la dépi- 


436 ANNALES DU MUSEUM 

trification , et dans ce doute, si l'on juge de son opinion d’après 
son Mémoire sur la fusion des whinstones et des laves, im- 
primé dans les Transactions de la Société royale d Edin- 
burgh, année 1798 , on est fondé à croire qu'il attribuoit ces 
produits à la dévitrification. : 

Quant à moi je pense au contraire que l'opération qui a 
conduit la craie pulvérisée à la contexture du marbre salin, 
dans les appareils de M. Hall, est une liquéfaction pareille 
à celle que j'indique (1) : cette substance n'a point passé par 
l'état vitreux pour se dévitrifier ensuite et devenir marbre ; et si 
M. Hall n'a point reconnu l'opération qui avoit lieu dans ses 
expériences , c'est que , fortement pénétré de l'idée que les laves 
lithoides avoient passé par l’état vitreux , et que toute pierre 
soumise à l'action du feu ne pouvoit revenir à l'état pierreux 
que par une reconstitution nouvelle ou la dévitrification , il 
s'est trouvé satisfait par des résultats conformes à ses idées , 
et n'a pas imaginé que ces résultats étant tels qu'il les cher- 
choit, il dàt les attribuer à d'autres principes qu'à ceux qu'il 
avoit concus. | 5. 

i Ainsi en rendant hommage aux grandes lumières de M. 
Hall, et en admirant ces précieux produits, je dois dire que 
la liquéfaction ignée dont je viens de déduire les principes et 
qui lui a fourni ces résultats , ne lui étoit point connue, puis- 
qu'il existe cette différence entre nous qu'il pense que la ma- 
tière a été complètement fondue pour revenir à l'état pier- 


(1) Le grain salin ou pour mieux dire cristallisé qui distingue quelques-uns des 
produits de M. Hall, est dà à l'opération décrite ci-dessus, conclusion 9, et se 
retrouve dans mes produits, n." 6 et 38. ; 


D'HISTOIRE NATURELLE. 437 
reux, et que j'annonce au contraire que dans la liquéfaction 
les substances sont seulement ramollies par l'interposition du 
calorique, sans qu'il en résulte changement d'état. Les n.” 6 
et 14 sont, je crois, des preuves évidentes de ce que j'avance. 

Je finis par observer que si la nature de mes produits res- 
ireint l'application de cette liquéfaction ignée à la théorie des 
volcans, j'ai cependant trouvé dans les premiers essais quel- 
ques raisons pour espérer qu'en perfectionnant les appareils 
de compression et modifiant de diverses manières cette nou- 
velle liquéfaction , elle ne seroit point inutile à la solution 
de quelques-uns des grands problémes de la géologie. 

Cet espoir seul peut me faire surmonter tous les obstacles 
qu'offrent des expériences aussi délicates, soit par la difficulté 
de trouver des appareils convenables , et la certitude de leur 
destruction à chacune des opérations qui, par leur durée, 
attaquent toutes les substances, soit par la longueur et l'assi- 
duité des soins que demandent ces dispositions. 


"era 
kc ad 


^j 


438 ANNALES DÜ MUSEUM 


SUITE DES PLANTES 


DU COROLLAIRE DE TOURNEFORT, 


PAR M. DESFONTAINES, 


Hirpermicow cierarum ( Millepertuis cilié ). Tab. 41. 


H. floribus trigynis ; calicibus serrato-glandulosis ; caule 
ancipiti, herbaceo , erecto; foliis amplexicaulibus ovatis, 
pellucido punctatis. Wu». Spec. 3 , p. 1462.— Dzsnovsskavx , 
Encycl. 4, p.171. — Androsæmum Sambac perfoliato folio. 
Bocc. Mus. t. 127.—H. perfoliato folio. Tourner. Inst. 255. 
—H. creticum amplissimo folio nitido. Tourner. Cor. Inst 
18. — Vélins du Muséum, v. 


La racine, suivant Tournefort , est dure, roussátre , longue 
d'un pied , garnie de fibres chevelues. 

Tige droite, cylindrique, lisse, rougeátre, simple ou ra- 
meuse , haute d'un ou deux pieds, marquée de deux petites 
lignes saillantes , opposées, qui alternent d'un nœud à l'autre, 
et naissent de la nervure moyenne de la feuille. 


D'HISTOIRE NATURELLE. 439 

Feuilles glabres, ovales, un peu obtuses, opposées, sessiles, 
embrassantes, entières, vertes , lisses en dessus, d’une couleur 
pâle en dessous, parsemées de petites vésicules transparentes 
comme celles du Millepertuis commun, H. perforatum, Lin., 
longues d'un pouce à un pouce et demi, sür huit à douze 
lignes de largeur. Les supérieures plus écartées que les infé- 
rieures , qui sont un peu plus longues que les entrenceuds. 

Pédoncules une ou plusieurs fois bifurqués, disposés en 
corymbe à l'estrémité de la tige; une seule fleur dans chaque bi- 
furcation: les autres naissent solitaires le long du bord interne 
desrameaux, soutenues chacune sur un pédicelle court, accom- 
pagné à sa base d'une petite bractée aiguë; elles sont d'abord 
très-rapprochées , puis les pédicelles s'allongent, et alors elles 
forment des grappes unilatérales. 

"Calice persistant, à cinq divisions profondes, ovales, obtuses, 
ciliées , tachetées de points noirátres. 

Corolle jaune, large d'environ six lignes, deux fois plus 
longue que le calice. Cinq pétales ouverts, elliptiques, obtus, 
parsemés latéralement de petites taches brunes. 

Étamines nombreuses, jaunes , polyadelphes , plus courtes 
que la corolle. Anthéres petites. 

Ovaire supere, ovale, glabre , surmonté de trois styles gréles, 
divergens , de la longueur des étamines, terminés par un pt 
stigmate globuleux. 

Capsule ovale , obtuse , rousse, un peu plus longue que le 
calice , parsemée de petits tubercules glanduleux , à trois valves, 
à trois loges polyspermes. Graines petites, oblongues. 


Tournefort a trouvé cette plante dans l'ile de Crète, elle > 
est décrite dans $es manuscrits. 


6E 


- 


440 * ANNALES DU MUSEUM 


B 


Rura panvircora, ( Rue à petites fleurs ). Tab. 43. 


R. caule ramoso , pubescente; foliis lanceolatis , integer-- 
rimis ; filamentis capsulisque hirsutis, mucronatis. — R, orien- 
talis Linarie folio , flore parvo. Tourner. Cor. Inst. 19.— Vé- 
lins du Muséum. i 


Cette espèce-ressemble beaucoup au Ruta linifolia , Lin., 
avec laquelle je l'avois confondue dans la Flore Atlantique, 
ct M. Poiret les avoit également réunies dans le Dictionnaire 
encyclopédique ; mais un examen plus attentif m'a fait trouver 
des caractères particuliers qui distinguent ces deux plantes. 
Toutes les parties du R. linifolia ; à l'exception des filets des 
étamines, sont glabres. Les feuilles, les tiges et les calices du 
R. parviflora sont au contraire pubescens; ses capsules sont 
hérissées de poils, et chaque lobe est surmonté d'une petite 
pointe; enfin ses fleurs sont plus petites ‘et ses~ pétales plus 
étroits, 6 

Le dessin d'Aubriet, dont j'offre la gravure, ne rend pas 
avec exactitude tous les caractères du R. parviflora. Les poils 
des étamines et de la capsule, ainsi que les pointes qui en 
terminent les lobes, n’y sont pas fidèlement représentés, c’est 
ce qui m'a déterminé à y ajouter une fleur et un fruit dessinés 
d'après-nature.és 3 4954 (ar cocao e 

Tige droite, rameuse, cylindrique, haute d'un pied, cou- 
verte d'un duvet court et serré. 

Feuilles alternes , simples, lancéolées, entières, pubescentes, 
x un peu charnues, d'un vert pâle, prolongées latéralement 
. sur le pétiole, ressemblantes à celles du R. Linifolia, Lin. 


D'HISTOIRE NATURELLE. . 44i 

Fleurs petites, en corymbes. Les pédonicules latéraux pu- 
bescens, plus longs que celui du centre. 

Calice velu , très-petit. Quatre ou cing disons profondes, 
ovoïdes , iis avec les pétales. 

Cérolle : à quatre où cinq pétales distincts, jaunes, élliptiques, 
obtus, ouverts, larges d’une’ ligne, sur trois ou quatre de 
Taten, 

Huit ou dix étamines. Filets velus, dlargis et aplatis infé- 
rieurement, Anthères globuleuses , mobiles. 

Un style. Un stigmate en tête. 

Une petite capsule à quatre ou cinq lobes convexes en 
dehors, velus, obtus , terminés par une pointe, parsemés de 
petites éminences glanduleuses, ouvrant intérieurement en 
deux valves, et pren panim dics réniformes et 
chagrinées. : 


Elle est Du T 


CucUBALUS SPERGULIFOLIUS. ( Gucuybale.: à deg d AMO). 
fs Lab. 43. Fe | NE 2 : 


C. pubescens , caulibus Tibeni, diffusis ; Folii 
subulatis ; calicibus inflatis , sulcatis , villoso viscidis ; flo- 
ribus pedunculatis ; aggregatis ; ; petalis bifidis. — C. petalis 
bifidis ; calicibus inflatis , striatis , glanduloso-scübris ; pa- 
nicula secunda ; foliis linearibus, verticillatis. Vit. Spec. 2, 
p. 6go. — Lychnis orientalis -Caryophylli holostei n 
Tourner. Cor. Inst. 24. —Vélins du Muséum. v. - — 


Du collet de la racine sortent. plusieurs tiges .gréles, cylin- 
driques, pubescentes, rameuses; étalées ; tonibantes ;: entré: 
coupées de nœuds saillans peu écartés les uns des autres. 


Nas À 


442 ANNALES DU MUSÉUM 

Feuilles. étroites, linéaires, aigués, ciliées, un peu plus 
longues que les entrenceuds. Dans leurs aisselles se irou- 
vent communément de petits faisceaux d'autres feuilles qui 
les font paroitre verticillées. 

Fleurs rapprochées, de la grandeur de celles du Behen 
blanc (C. Behen ,Lin.), placées aux sommités des tiges , et.quel- 
quefois dans une partie de leur longueur, réunies en petits 
paquets sur des pédoncules courts et axillaires. 

Calice renflé, sillonné longitudinalement , rétréci au sommet 
et à la base, garni de soies visqueuses très-courtes, terminé 
par cinq petites dents ovales. 

Corolle composée de cinq pétales blancs en dessus, d'un 
jaune sale en dessous, ouveris et quelquefois renversés, lies; ; 
découpures ne obtuses. 

. Dix étamines. Filets blancs, gréles. Anthères petites. 

< Ovaire supère, surmonté i trois styles blancs ere, 
aigus. 

Je n'ai point vu le frait. 


Cette plante est indigène à l Arménie. 


zc VARIEGATA. ( Lychnis moucheté ). Tab. 44. 


T. glabra, folis. und. CArROSIS ; abc basi con- 
natis ; floribus terminalibus ; nl emarginalis, varlegalis. 
— L. cretica montis Idæ, folio Subrotundo cæsio. Tourner. 


Cor. Inst. 24.— Vélins du Muséum. v. 


Ce Lychnis, mbetumbh surtout par ses jolies fleurs veinées 
de petites bandes violettes sur un fond roux ou grisátre, croit 


D'HISTOIRE NATURELLE. 443 
sur les sommets du Mont Ida, dans des terrains pierreux , 
où Tournefort le découvrit en 1700, dans le courant de 
juillet. On en trouve une description exacte dans ses ma- 
nuscrits. 

Racine brune extérieurement, blanche à l'intérieur, par- 
tagée en plusieurs grosses fibres , longue de sept à huit pouces, 
sur quatre ou cinq lignes d'épaisseur. Deson collet sortent 
des tiges cylindriques, glabres, droites, simples ou seule- 
ment rameuses à la base, et qui ont deux à quatre pouces de 
hauteur. 

Feuilles opposées, épaisses, grasses , glabres, arrondies , 
larges de huit à dix lignes, trés-entières , couvertes d'une 
poussière bleuátre , soutenues sur un pétiole creusé en gout- 
tière , élargi à la base et embrassant la tige. 

Fleurs terminales , au nombre de trois ou quatre , verticales, 

es chacune sur un court pédicelle. 

Calice persistant , cylindrique, un peu renflé, d'une couleur 
violette, long de six lignes, couronué de cinq dés ovales. 

Corolle à cing pétales ouverts en étoile, échancrés profon- 
dément, veinés de petites lignes violettes ridi sidus sur un 
fond gris ou roussátre, ayant chacune à leur base deux ap- 
pendices obtus, verdátres , qui, par leur rapprochement , for- 
ment une petite couronne au centre de la corolle. 

Onglets blancs, de la longueur du calice. 

Dix étamines , dont cinq opposées aux pétales , adhérent à 
la base des onglets. Filets blancs, gréles, cinq plus — que 
les autres. Anthères jaunes, petites. 

Ovaire supere. Cinq unes pen, sed aigus, recourhés 
entre les pétales. 


444 ANNALES DU MUSEUM 


Je wai point vu la capsule, et Tournefort n'en fait pas 
mention. 


COTYLEDON PARVIFLORA. ( Cotyledon à petites fleurs ). Tab. 45. 


| è 

C. Foliis carnosis, subrepandis , orbiculatis , cucullatis ; 
floribus dense confertis , racemosis ; corolla rotato-campa- 
nulata. — C. creiica, tuberosa radice, flore luteo parvo. 
Tourner. Cor. Inst. 2. — Vélins du Muséum. 


Racine. charnue, rousse, irréguliórement arrondie, de la 
grosseur d'une Rosen garnie de fibres rameuses et iné- 
gales. 

Tige droite , violette, rope ad S glabre, ferme, 
simple ou peu rameuse , épaisse denyiron trois lignes, haute 
de huit à douze: pouces. 

Feuilles charnues , molles, glabres, alternes , orbiculaires, 
creusées en capuchon, légérement sinuées sur les bords, res- 
semblantes à celles du Cotyledon umbilicus, Lin. Les ck 
rieures portées sur un pétiole cylindrique; les A he + 
sessiles. €t plus. petites. i 

Fleurs petites „ jaunes, iac disposées en grappes 
cylindriques, d'un à deux pouces de longueur; celle du som- 
met plus longue que les latérales. Pédicelles très-courts. 

Calice fort petit, à cinq divisions profondes, oblongues, 
obtuses. 


Corolle à cinq divisions p cupri ms, aiguës, ouvertes. 
Largeur du limbe d'environ trois lignes. 


* 
ME À 


= 


D'HISTOIRE NATURELLE. 445 
Cinq étamines. Filets blanchâtres , terminés par: une petite 
anthère jaune, plus courts que la corolle. 
Tournefort dit dans son manuscrit que les ovaires sont au 
nombre de trois ou quatre. | 
. Je n'ai point vu le fruit. 


Cette. belle plante croit dans l'ile de Candie. Elle est décrite 
dans le manuscrit de Tournefort. 


CRASSULA cRENATA. ( Crassule crénelée ). Tab. 46. 


C. herbacea , caulibus ascendentibus , inferne repentibus ; 
foliis oppositis, obovato-rotundatis, crenatis ; floribus cy- 
mosis , secundis. — Anacampseros orientalis , folio subro- 
jado. minori, eleganter crengto. Tourner. Cor. Inst. 19. — 

Vélins du Muséum. 


Cette jolie espèce de Crassule, originaire d'Arménie , res- 
semble tellement au Sedum hybridum, Lin., qu'on pour- 
roit les confondre, si l'on n'y faisoit pas une attention par- 
ticulière ; mais outre qu'elles n'appartiennent pas au méme 
genre, la position des feuilles sur les tiges offre un très-bon 
caractère pour les distinguer. Celles du Sedum hybridum 
sont alternes , tandis qu'elles sont opposées dans le Crassula 
crenata. 

Du sommet dela racine, qui est rameuse et garnie de 
beaucoup de fibres , sortent des tiges herbacées , cylindriques, 
simples ou peu rameuses, longues de quatre à six pouces, 
rampantes à la base, couchées, montantes ou quelquefois 

TA 


446 ANNALES DU MUSEUM 
droites, nues inférieurement et parsemées de petites aspérités 
formées par l'impression des feuilles. | 
Feuilles glabres, charnues, opposées, glauques , ovales- 
renversées, crénelées , arrondies au sommet, rétrécies vers 
la base, décurrentes sur un pétiole court, plus longues que 
les entrenceuds, larges de cinq lignes, sur une longueur presque 
double, en y comprenant le pétiole. : 
Fleurs terminales en corymbe, presque sessiles, disposées 
d'un seul cóté le long de chaque rameau. 
Calice à cinq divisions trés-profondes, étroites, aiguës. 
Corolle blanche; à cinq divisions (ou pétales ? )'ovales-lan- 
céolées, trés-aigués, blanches, ouvertes en étoile, plus longues 
que le calice. Diamètre de la fleur d'environ cinq lignes. 
Cinq étamines un peu plus courtes que la corolle. Filets 
blancs , aigus, élargis vers la base , alternes avec les divisions 
de la corolle. Anthéres petites, mobiles, couleur de safran. 
. Cinq ovaires aigus, disposés circulairement, 
Le fruit m'est inconnu. : 


D'HISTOIRE NATURELLE. 447 


MEMOIRE 


Sur le grand Buccrx de nos côtes ( Buccinum 
undatum, Lin.), et sur son anatomie. 


PAR €. CUYVIEÉR 


Muss , en décrivant son tritonium undatum’, qui est notre 
buccin ( Zool. dan. IT, p. 13), se plaint qu'aucun auteur 
n'ait songé à faire connoître un animal aussi commun. Il ou- 
blie la description de Lister ( Exerc. anat. IT, p. 68) qui 
est beaucoup plus exacte que celle de Müller lui-même , 
non-seulement parce qu'elle est anatomique , mais encore parce 
que Lister y parle en détail de deux parties extérieures dont 
Müller ne fait aucune mention , la verge et la trompe. 
Cependant Lister n’a point donné encore des détails suffi- 
sans, ni des figures assez claires; et les autres naturalistes 
qui ont fait représenter des animaux de buccins, se sont 
bornés à l'extérieur : tels sont Fabius Columna ( de purpura, 
p. 16), copié dans Lister, tab. anat. 8, fig. 7 , pour le buc- 
cinum arcularia ; Réaumur ( Mém. de l'acad. 1710 et 1711) 
07 


448 ANNALES DU MUSÉUM 

pour le buccinum reticulatum; Adanson ( Sénég. pl. IF, 
fig. 1) pour le buccinum miran, Brug. ; et ( pL X, fig.1) 
pour le buccinum oculatum, ejusd. ;.enfin , Plancus ( Conch. 
min. not. pl. 4I, fig. 3 ), Bone le buccinum neriteum. 

Ils ne nous laissent pas méme tous juger si la partie al- 
longée » et qu "ils représentent comme un troisième tentacule s 
est la verge ou le syphon, et très-peu annoncent avoir re- 
marqué une trompe. 

J'ai eu sur les côtes de la Manche l'occasion d'observer un 
assez grand nombre de buccinum undatum vivans , et d'en 
faire une anatomie assez détaillée, que j'ai perfectionnée en- 
suite par le moyen d'individus conservés dans la liqueur. 

Je ne donnerai point la figure de l'animal vivant dans son 
état de repos; Müller l'a fort bien rendu : il ne diffère d'ail- 
leurs alors dẹ celui qu'on vient d'arracher à sa coquille que 
par la plus grande extension de ses tentacules et de son sy- 
phon. Quant aux différentes positions que la trompe et la 
verge du mále peuvent prendre, mes figures anatomiques en 
donneront une idée suffisante. | 

Sa peau est blanchátre, irréguliérement tachetée et piquetée 
de noir. 

Sa téte n'a point de voile ni de frange; et quand la trompe 
est rentrée, elle ne laisse apercevoir que les deux longs tenta- 
cules coniques, à la base externe desquels sont les yeux. Le 
corps n'a point de membranes latérales, et est par consé- 
quent dépourvu des filets et autres ornemens qu'on y voit 
dans certains zrochus et turbo , et que nous retrouverons en 
bien plus grand nombre dans les halyotides. L'opercule est 
médiocre , corné , demi-elliptique et attaché sur l'extrémité 


D'HISTOIRE NATURELLE. 449 
de la queue. La longue trompe et l'énorme verge sont les 
caractères les plus frappans de cet animal. On a surtout peine | 
à concevoir le volume de celle-ci, qui égale le pied en lon- 
gueur, et qui est deux ou trois fois plus large que la trompe. 
- Notre figure 1, réduite à moitié comme toutes les autres, 
montre ce buccin par le cóté gauche, la trompe rentrée et 
la verge a réfléchie et cachée dans la cavité branchiale; car 
elle ne rentre pas dans l'intérieur du corps, et ne peut se 
retourner. Elle ne paroit pas non plus susceptible de se 
renfler beaucoup par l'érection, tant ses tégumens sont épais 
ét peu flexibles. 

Notre figure 2 représente la trompe b et la verge a éten- 
Mp» Elle exprime trés-bien la forme comprimée et élargie 

à l'extérieur de celle-ci; on y voit les rides transverses qui 
en sillonnent la surface et la petite pointe a', où est percé 
son orifice. 

Enfin la troisième et la sixième font encore voir cette partie 
dans d'autres positions et avec d'autres renflemens. 

La trompe b est cylindrique et susceptible de s'allonger 
beaucoup ou de se cacher entièrement dans l'intérieur du 
corps. Son extrémité est fendue verticalement, et présente 
deux lèvres hérissées d'épines recourbées en dedans et atta- 
‘chées sur. la langue. Ce sont les seules dents du buccin, 
comme des autres gastéropodes à trompe. 

Enfin le syphon c est un prolongement du bord (REA du 
manteau , plié selon sa longueur , et logé dans le AEN de 
la coquille , pouvant la dépasser plus ou moins , ou s'y retirer 
et s'y cacher entièrement, au gré de l'animal, 

Ce n'est autre chose qu'un demi-canal qui conduit. l'eau 


450 ANNALES DU MUSEUM 
dans la cavité des branchies, et dont l'usage est de favoriser 
la respiration. 

Celle-ci s'exécute, comme à RTAS par linterméde de 
l'eau et au moyen d» branchies pectinées qui forment deux 
rangées de lames tr iangulaire es , dont une grande et une 
petite. 

On entrevoit déjà leur position dans notre figure 1 , où elles 
paroissent au travers du manteau en d, d, da côté gauche 
du plafond de la cavité ; on y voit aussi la position du cœur e, 
au même côté gauche, entre elles et le foie; et celle des lames 
muqueuses, f, situées à leur côté droit. "y 

La ligure 4 montre une de ces rangées branchiales d, dont 
les vaisseaux sont injectés d'air, ainsi que la grande veine qui 
en rassemble le sang et le porte dans le cœur. 

Le manteau et le péricarde y sont ouverts pour join pa- 
roitrele cœur e, et son oreillette g, que l'on a aussi gonflés 
par le souffle. 

L’oreillette est d'une cem iei et a des parois assez 
minces ; le cœur au contraire est rond, trés-épais et muni 
de fortes colonnes charnues à l'intérieur ; il a, comme toujours, 
deux valvules , dirigées de manière à laisser entrer le sang de 
l'oreillette. - 

L'intérieur du cœur est représenté, figure 13, et celui. s 
l'oreillette , figure 14. Parmi les branches artérielles qui sortent 
du cceur, nous avons représenté celle qui se rend dans l'or- 
gane de la viscosité et dans les feuillets muqueux. ( Voyez fi- 
gure 6,9, q, q),et celle qui pénètre dans le thorax sous l'eeso- 
phage, et se distribue à la masse charnue du pied et à la 
trompe. ( Foyez figure 7, r,r,r). 


2 D'HISTOIRE NATURELLE. A51 

Dans la figure 3, on a détaché le plafond de la cavité 
branchiale du côté gauche, et laissé le péricarde et le cœur 
comme dans la figure 4. On voit les objets attachés à ce pla- 
fond; savoir , en allant de gauche à droite, la petite rangée 
de branchies d', la veine branchiale d", la grande rangée d, 
les feuillets muqueux f , le recium h, et l'anus 7, enfin une 
partie du canal déférent A. Ces feuillets, dont je n'ai point 
encore parlé, parce que je ne les ai poipt observés dans les 
pectinés sans syphon, et que j'en ai seulement vu des ves- 
tiges dans la jantine, sont des parties dont les fonctions me 
paroissent fort obscures. 

Il ne faut pas les confondre avec lorgane que jai appelé 
de la viscosité, et qui est toujours près du cœur , d'un tissi 
tout différent , et muni d'un canal excréteur. Cet organe existe 
indépendamment des feuillets, et on le voit aussi dans notre 
buccin en situation, figures 1 , 3 et 5, et ouvert , figure 6, en 
L; mais les feuillets sont toujours attáchás au plafond de la 
cavité branchiale. 

Ils sont moins nombreux, soirs élevés, et surtout beau- 
eoup moins délicats que ceux des branchies. Leur tissu est 
d'apparence glanduleuse, et leur intervalle est rempli d'une 
quantité prodigieuse de mucosité qu'ils paroissent sécréter. 

Je soüpconne que ce sont eux qui produisent et faconnent 
les capsules plus ow moins compliquées , dans lesquelles les 
œufs et les petits de plusieurs gastéropodes à ge sont 
logés pendant quelque temps. 

Cependant les mâles ont de tels feuillets aussi bien que les 
femelles, mais plus petits. En seroit-il comme des mamelles 
des quadrupédes , queles máles ont aussi, quoiqu'elles ne leur 
servent point à donner du lait? ; 


452 ANNALES DU. MUSÉUM 

Tout le fond de la spire est partagé longitudinalement et à- 
peu-prés en portions égales , par le foie et par le testicule que 
l'ovaire remplace dans la femelle. On distingue aisément les 
deux premiers l'un de l'autre, à la couleur et au tissu. Le foie 
est brun et grenu; le testicule blanc et lisse. Il nait de celui-ci 
un trés-petit cordon déférent, replié mille fois sur lui-même . 
avant de grossir ei de se séparer de la masse, pour suivre le 
côté droit du corps, pénétrer dans la verge, y faire de nom- 
breux zig-zacs, et se terminer enfin à la petite pointe de son 
extrémité. 

La figure 5 représente cette partie. On voit en m, m, les 
nombreux replis qu'on pourroit appeler épididyme. La verge 
à , ouverte sur toute sa longueur, montre à la fois les fibres 
qui remplissent sa substance, et le canal tortueux qui occupe 
son axe. Il est probable que quand la verge est en érection, 
ce canal se trouve redressé. 

Dans cette figure, ainsi que dans la sixième, n,n est le 
testicule , o, o le foie. : 

Avant de parler du canal intestinal, il est bon de décrire 
la trompe qui entraine l'eesophage dans ses divers dévelop- 
pemens. Organisée avec un merveilleux artifice , elle n'est pas 
simplement pourvue, comme celle de l'éléphant, des mou- 
vemens de flexion , joints à un allongement et à une rétraction 
bornés; mais elle peut rentrer dans le corps en se repliant 
au dedans d'elle-méme, de maniére que sa moitié de la base 
contienne et renferme sa moitié de la pointe, et elle peut en 
sortir en se développant , comme un doigt de gant , ou comme 
les cornes d'un colimacon terrestre: seulement elle n'est ja- 
mais complètement déroulée en dedans; mais elle y est tou- 
jours doublée sur elle-méme. | | 


* 


D'HISTOIRE NATURELLE. 453 

On peut se la représenter comme formée de deux cylindres 
flexibles qui s'enveloppent, et dont les bords supérieurs sont 
unis, de maniére qu'en tirant en dehors le cylindre intérieur, 
on l'allonge aux dépens de l'autre, et qu'en le repoussant, 
on le raccourcit , et on allonge l'extérieur; mais on l'allonge 
du cóté supérieur, parce que ce cylindre extérieur. est fixé 
aux parois de la téte par son bord inférieur. 

Qu'on se représente maintenant une multitude de muscles 
longitudinaux , tous trés-divisés par leurs deux extrémités. 
Les lanières de leurs extrémités internes ou supérieures se 
fixent aux parois du corps; les autres aux parois internes du 
sylindze intérieur. de la trompe dans toute sa longueur et i 
qu'à son extrémité. 

On concoit que leur action doit faire rentrer ce cylindre et. 
toute la trompe en dedans. 

: Lorsqu'elle y est, une grande partie de la ioo interne 
du cylindre intérieur vient à faire partie de l'externe du cy- 
lindre extérieur, et c'est le. contraire lorsque la trompe est 
allongée et sortie. Les insertions des muscles varient en con- 
séquence. 

L'allongement im cylindre in intérieur par de déroulement de 
l'extérieur, ou, ce qui est la méme chose, le développement 
de la trompe, est produit par les muscles intrinséques et 
annulaires de celle-ci. Ils entourent toute sa longueur, et 
c'est en se contractant successivement qu'ils la chassent en 
dehors. Il y en a surtout un , prés de l'endroit où le cylindre 
extérieur s'attache aux parois de la téte, qui est plus robuste 
que tous les autres. 

Lorsque la trompe est allongée, ses muscles rétracteurs, en 
m'agissant pas tous à la fois, servent à la fléchir de cóté et 

11. 59 


ar. 
£x 


454 ANNALES DU MUSÉUM 

d'autre, et, Pis ses différens points, se tenant réciproque- 
ment lieu d'antagonistes pour cet office. 

` Les figures 8, 9 et 10 expliquent à l'œil ce mécanisme in- 
téressant. En figure 8 , la trompe est à demi-retirée en dedans. 
Le cylindre externe a enveloppe la moitié de l'interne b, dont 
le bout c est le bout de la trompe. 

Les muscles qui l'ont retiré en dedans, d, d , sont dans l'état 
de contraction. En e, se voit le grand jose annulaire qui 
sert à pousser le cylindre interne en avant, et à " allonger la 
trompe. 

En figure 9, ce muscle et toutes les fibres annulaires ont 
exercé une grande partie de leur action. La trompe est fort 
allongée, et ses muscles rétracteurs d, d sont étendus et à 
découvert:le cylindre extérieur a est fort court , et l'intérieur 
b fort long. 

- En figure 10, on a fendu les mud cylindres sur toute lor 
longueur , peur montrer ce que l'interne contient , et de quelle 
manière les muscles rétracteurs se distribuent sur ses parois 
internes. 

Le corps y est un peu im entr'ouvert , afin dr montrer 
les attaches que ces mêmes muscles y prennent. 

Dans le cylindre intérieur sont renfermés la langue avec 
tout son appareil e, e, les canaux salivaires f; f/, et la plus 
grande partie de l'eesophage g; g ; le but principal de l'allon- 
gement de la trompe est de porter lextrémité de la langue 
sur les corps que le buccin veut entamer et sucer. 

La langue est comme à l'ordinaire une membrane carti- 
lagigense armée d'épines trés-crochues et trés-aigués ; mais 
elle n'a pas ici, comme dans les turbo et dans d’autres gas- 
téropodes, une grande longueur. Elle est tendue sur deux 


D'HISTOIRE NATURELLE. E V 
cartilages allongés qui peuvent écarter ou rapprocher succes- 
sivement leurs deux extrémités, et se mouvoir eux-mêmes 
dans leur totalité , en avant ou en arrière. 

Cette langue, ces cartilages et leurs muscles occupent la 
moitié de la longueur de la trompe, comme on les voit en 
e, e , figure 10. 

Nous les représentons, figure 11, où le bout actif de la 
langue, tendu sur les deux pointes de ses cartilages , est mar- 
qué a; les muscles qui tirent les cartilages en arriere 5; ceux 
qui y retirent la membrane linguale c, c; ceux qui la ramenent 
en ayant, et qui en méme temps rapprochent l'une de l’autre 
les extrémités antérieures des cartilagesd , d ; ceux qui pro+ 
duisent deux effets précisément contraires e , e; l'eesophage 
g,g; les canaux salivaires f, f. 

Ainsi quand les cartilages se resserrent en avant , la langue 
étale ou abaisse ses épines en se portant en avant, et quand 
ils s’écartent, elle redresse ces mêmes épines en se recu- 
lant. C'est la répétition de ce mouvement , aidée peut-étre 
de la vertu corrosive de la salive, qui entame les coquilles 
les plus dures. 

Les canaux salivaires s'ouvrent aux des côtés de ces épines 
antérieures de la langue, et l'aesophage commence au-dessus. 
Comme les glandes salivaires sont dans le tronc de l'animal, 
leurs canaux sont aussi longs que la trompe. L’æsophage suit 
l'axe de la trompe; par conséquent, logsque celle-ci est dans 
une grande extension , l'eesophage est à-peu-prés droit; quand 
elle se retire en arrière, lœsophage est plié en deux, une 
portion dans la trompe, et lautre qui se fléchit sous elle, 
pour retourner en avant vers la tête où ce canal est retenu 
par la bride que forme sur lui le cerveau. Il se replie alors 

+ 


Fe 


456 ANNALES DU MUSEUM ; 
une secónde fois, et va en arrière déboucher dans l'estomac 
qui se trouve immédiatement derrière le cœur. On le voit 
de profil dans cette position, en figure 7. 

Un peu en avant de l'estomac est un trés-petit jabot ou 
espèce de ccecum A, figures 6, 7 et 16 ; l'estomac lui-même t, 
figures 6 et 16, est médiocre, à-peu-près rond; sa membrane 
interne est ridée irréguliérement. L’intestin A , figures 6 et 16, 
est fort court et se termine promptement dans un gros rectum 
h , figure 3, et p, figure 6 et 16, qui a dans son intérieur 
des côtes longitudinales fort saillantes, et qui occupe, comme 
à l'ordinaire et comme nous l'avons dit; le bord droit de la 
voüte de la cavité branchiale, n'ayant plus à droite dans le 
mâle que le seul canal déférent K, figure 3. Les parois du rec- 
tum sont épaissies par une substance blanchâtre, grasse et un peu 
grenue, que j'ai retrouvée dans divers autres animaux de cette 
famille, sans en connoitre l'usage. Dans la femelle la: place du 
canaldéférent est occupée par l'utérus, qui y faitune saillie mar- 
quée, à cause de son épaisseur ; ses parois sont en effet for- 
mées de deux substances glanduleuses, une oic et une 
autre blanchátre, et ne laissent entre elles qu'un intervalle 
comprimé qu'il faut que les ceufs traversent. 

L'ovaire partage avec le foie, comme le testicule dinis lè 
måle , la plus grande partie des tours de la spire. 

` Le cerveau est placé sous sa trompe et sur la partie anté- 
rieure du pied: c'est a position ordinaire; mais dans cette 
espèce, la grandeur de la trompe et de son appareil muscu: 
laire le fait paroitre plus éloigné de ce que l'on nomme com- 
munément la téte dans les mollusques gastér dpodes. Nous 
Pavons marqué 5, figure 7. Il enveloppe, comme à l'ordi- 
nàire , Paota g, dun cordon nerveux dans lequel passe 


D'HISTOIRE NATURELLE. 453 
aussi l'artére de la tête et de la trompe r, r, et envoie des 
nerfs partout le corps, tels que u, qui se rend dans la spire 
et aux viscères; v, v, v , qui vont à la trompe et à ses muscles; 
u ,au tentacule; x, £, x, dans l'épaisseur de la masse charnue 
du pied. 

` Cette figure 7 a en général l'avantage d'assez bien expliquer 
les rapports des parties situées dans le thorax ou dans toute 
cette portion du corps placée sous la cavité branchiale. On 
y a fendu la peau suivant la ligne 55 , et on l'a rejetée sur le 
côté droit. 

Le disque du pied 1, 1, et sa masse charnue ont été coupés 
suivant un plan vertical, pour montrer de quelle manière 
le muscle 2 , qui fixe l'animal à la spire de sa coquille, se 
distribue en divergeant 2', »", dansla masse charnue; 3 est le 
rebord postérieur du manteau; 4, l'opercule. 

La tête a été ouverte pour faire voir , par son côté interne, 
le trou qui laisse sortir la partie antérieure de,la trompe 5; 
les muscles du côté droit, qui attachoient la trompe aux côtés 
du corps 6, 6 , ont été détachés , et le corps de la trompe lui- 
méme rejeté sur le côté droit pour laisser à découvert l'eeso- 
phage et son replig, g; le cerveau 5; ses nerfs vv, u, w, 
x x x; les glandes salivaires z, z; le Final excréteur de céll 
du côté gauche y, y; l'artère isiticigula de la téte et de la 
trompe r r; enfin les muscles rétracteurs de la trompe du cóté 
droit encore attachés aux parois du corps. 

En 10, 10, se voient les restes des attaches de ceux du côté 
gauche 66. | 

N. B. Cette figure a été mal placée dans la planche:le pied 


1,1, dévroit être horizontal, au lieu d’être dirigé verticalement. 


458 ANNALES DU MUSÉUM 


OBSERVATIONS 
Sur le chien des habitans de Íà Nouvelle-H # À 


lande , précédées de quelques réflexions sur 
les facultés morales des animaux. 


PAR M. FRÉDÉRIC CUVIER, 


GARDE DE LA MÉNAGERIE DU MUSÉUM D'HISTOIRE NATURELLE. 


Os sait depuis long-temps que les causes extérieures ont une 
trés-grande influence sur le physique des animaux. On a fait 
aussi quelques recherches sur les modifications dont leurs fa- 
cultés morales sont susceptibles par les mémes causes; mais 
on est encore loin d'avoir répondu aux différentes questions 
qui naissent de ces deux sujets, et surtout du dernier. 

Le plus grand obstacle qui nous paroisse s'être opposé 
jusqu'à présent aux progrès denos connoissances. sur le moral 
des animaux, consiste en ce que l'on s'est beaucoup plus oc- 
cupé de rechercher ce qu'il devoit être, que ce qu'il étoit en 
effet. | 

C'est en suivant un autre principe, en observant soigueu- 
sement les faits, que quelques auteurs se sont un peu rap- 


D'HISTOIRE NATURELLE. 459 
prochés de la vérité, et c’est en nous soumettant aux mêmes 
règles, que nous nous efforcerons de faire quelques pas vers 
le même but. 

Il seroit sans doute inutile de remettre en question si les 
animaux ont de l'intelligence ou non. Il est généralement ad- 
mis qu'au moins ceux qui se rapprochent le plus de l'homme, 


sentent, jugent et se déterminent, et ces animaux sont les 


seuls dont nous entendons parler. 

Si dans l'état actuel de nos connoissances sur la constitution 
denotre globe, antérieure àsa constitution présente, il étoit pos- 
sible de supposer que chaque espèce d'animal , au premier mo~ 
ment de son existence, s'est trouvée dans un concours de circons- 
tances tellement simples, qu'elle ait pu satisfaire , par le seul 
secours de ses sens, à toutes les conditions de sa vie, on envisa- 
geroit indistinctement les qualités morales que nous lui voyons 
aujourd’hui, comme les effets du raisonnement et de l'expé- 
rience; mais comme cette supposition a généralement paru im- 
possible, on a été obligé d’admettre chez ces animaux des dis- 
positions originaires, des qualités antérieures à toute influence 
étrangère , et en rapport avec le rôle que chacun d'eux avoit 
à remplir dans l'économie générale de la nature. Ce sont ces 
qualités qui constituent le merveilleux sentiment qu'on nomme 
instinct : elle sont d'autant plus développées, d'autant plus nom- 
breuses, que les relations des animaux avec ce qui les entourre, 
sont moins étendues, que leur organisation est plus impar- 
faite: chacun sait qu'il n'y a point de comparaison à faire 
entre lindustrie des insectes et l'industrie des mammiferes, 
tant celle des premiers surpasse celle des autres. 


Quoiqu'il en soit, on s'est encore fort peu occupé d'établir. — 


avec précision la véritable nature de l'instinct pour chaque 


e 


5 


460 ANNALES DU MUSEUM 


animal, et de distinguer exactement les qualités naturelles de 
celles qui ne sont qu'acquises. Jusqu'à présent on s'est borné 
à rapporter presque arbitrairement, soit à l'instinct, soit à 
l'expérience, les phénoménes moraux des étres sentans. 

Il nous semble cependant diíficile de faire des progrès dans 
la connoissance des animaux, tant qu'on n'aura pas fixé les 
justes bornes de leurs qualités originelles, et que le point du- 
quel part leur intelligence n'aura pas été marqué. 

Mais si l'organisation a quelque influence sur l'étendue de 
l'instinct, comme le-fait présumer la différence qui existe entre | 
l'industrie des diverses classes d'animaux, il est naturel de 
penser que le singe, le carnassier , le rongeur, le ruminant 
doivent étre poussés par des sentimens différens, comme ils 
le sont par des goüts divers. Malheureusement nous ne pou- 
vons pas mieux établir les liens qui existent entre les qualités 
morales originelles et les organes , qu'entre elles et l'intelli- 
gence. | 

Quelle que soit l'attention avec laquelle on consulte les au- 
teurs, on ne reconnoit pas trés-clairement les qualités qu'ils ra p- 
portent à l'instinct chez les mammifères. Ils semblent cepen- 
dant convenir unanimement que c'est par l'impulsion de ce 
sentiment que la plupart des animaux nagent, que c'est par 
la méme raison que quelques-uns d'entre eux font des ter- 
riers comme les lapins, que d'autres élèvent des édifices pour 
se loger, comme le castor, ou ramassent des provisions pour 


l'hiver comme le hamster. 

Lorsqu'on examine attentivement quelques-unes de ces qua- 
lités, lorsqu'on les étudie avec soin ; On croit s'apercevoir 
qu'elles n'ont rien d'invariable, qu'elles se modifient , quel'es- 
pèce d'intelligence qu'elles constituent est accessible à l'action 


D'HISTOIRE NATURELLE. A6t 
des causes extérieures , qu'elles sont, en un mot, soumises à 
l'empire des sens, comme les- qualités qui naissent des sens 
mémes. Chacun sait que les lapins, chassés habituellement 
par les furets, ne terrent plus et vivent conime les lièvres , et 
que , lorsqu'une longue domesticité leur a rendu ce travail long- 
temps inutile , ils finissent. quelquefois par en perdre presque 
entièrement la faculté. Les voyageurs s'accordent également 
à rapporter que le castor ne construit ses digues et ses huttes 
qu'en société , et que; dans l'isolement , adoptant un gerire de 
vie puijdiciondés à ses forces individuelles, il se borne à se 
creuser au bord des eaux une simple tannière. 

Si nous portons actuellement la méme attention sur les qua- 
lités qui résultent de l'éducation, des phénomènes analogues 
à ceux que nous venons d'observer se présenteront à nos 
yeux. Nous venons de voir les qualités qu'on rapporte à Fins- 
tinct soumises aux mémes lois que celles qui naissent par 
linterméde des sens; nous verrons maintenant ces dernières 
qualités prendre tous les caractères ox S d nous Step 
dons comme originelles. | 

Chacun peut trouver des preuves à cette assertion et les 
multiplier à son gré. En effet, les animaux domestiques na- 
voient point óriginairement les qualités morales que nous 
leur voyons aujourd'hui: ce sont pour ainsi dire les différences 
qui existent entre elles qui caractérisent leurs différentes 
races. Le chien-canard n'a besoin d'aucune éducation pour 
se jeter à l'eau et pour s'y. plaire, tandis que ce n'est qu'avec 
peine qu'on y habitue le chien-loup. Le chien- courant et 
toutes ses variétés chassent de race, comme on le dit pro- 
verbialement. Le dogue conserve une audace et un sentiment - 
de ses forces qui sont entièrement effacées dans la plupart des 

11. 60 


462 ANNALES DU MUSÉUM 

autres chiens: les uns et les autres enfin ont plus besoin ac- 
tuellement de la er de l'homme que de la liberté elle- 
méme. 

Si nous descendions aux autres classes d'auimaux , nous pour- 
rions ehcore ajouter beaucoup de faits à ceux que nons venons 
de rapporter, parce que les phénomènes de l'instinct sont 
beaucoup mieux caractérisés chez les oiseaux, par exemple , 
que chez les mammifères: mais comme notre but en ce mo- 
ment west que d'établir" quelques principes desquels nous 
puissions partir pour nous avancer dans l'etade des animaux, 
et surtout des mammifères, relativement à leurs facultés in- 
tellectuelles , nous ne pousserons pas plus loin ces observa- 
tions générales; nous croyons qu'elles suffisent pour faire au 
moins Reese comme une vérité que Sa GER des 
qualités qu'on regarde comme appartenant à l'instinct chez 
les mammifères , sont soumises aux mêmes lois que celles qui 
dépendent de l'édacatíon ; et que celles-ci deviennent finale- 
ment instinctives où héréc itaires des qu'elles ont été exercées 
par une suite de générations suffisantes ; et qu’elles s'obli- 
terent et s'effacent plus ou moins , suivant que —— cesse 
de les fortifier ou de les soutenir. 

Cette vérité au reste avoit déjà été, sinon établie, du moins 
indiquée pat Charles Leroy, , dont on connoit la longue expé- 
rience et la profonde sagacité. « Il est vraisemblable, dit-il (1); 
» que nous devons une partie de l'extràne docilité du chien 
» et la disposition que nous lui voyons à l'assujétissement à une 
» sorte de dégénération trés-ancienne. Du moins est-il sür par 


(1) Lettres phil A phi e RENT - eris TEE À 3 iii Oo. 6. 


D'HISTOIRE. NATURELLE 465 
» le fait que plusieurs qualités acquises -se transmettent par 
» la naissance. » 

Le même auteur nous conduit à penser. que ^h nouvelles 
observations fourniront de nouvelles preuves à cette vérité 
dans les animaux sauvages. "ous 

« Il est certain , continue-t-il indo un autre endroit ó 1), 
» qu'avant d'avoir pu s'instruire par I expérience personnelle, 
» les jeunes renards, en sortant du terrier. pour la première 
» fois, sont plus défians et plus précautionés dans les lieux où 
» on leur fait beaucoup la guerre , que les vieux ne le sont 
» dans ceux où l'on ne leur tend point de piéges. Cette obser- 
» vation qui est incontestable , etc., etc. » | 

Siles observations précédentes étoient applicables à toutes les 
classes du règne animal , ils seroit facile d'expliquer Ja cause des 
principaleshypothèses qui ont partagé les esprits sur les facultés 
intellectuelles des brutes. Les uns voyant l'intelligence des ani- 
maux s'exercer dans toutes les occasions, ont attribué au rai- 
sonnement toutes les opérations morales dont ces étres sont 
‘susceptibles ; tandis que les autres, au contraire , observant 
partout les traces d'une impulsion qu'aucun raisonnement 
n'avoit pu précéder, attribuoient tout à l'instinct. 

Comme l'animal qui fait le sujet de ce Mémoire est de race 
domestique, nous pensons que pour établir plus de liaison 
entre nos réflexions sur l'instinct et les observations que nous 
allons rapporter ; il ne sera pas inutile de dire encore un mot, 
et de faire l'application d'une des principales causes des mo- 
difications dont les facultés intellectuelles des-animaux sont 


- (1) Même otlvrage que ci-dessus , lettre 5. > 
69 * 


464 ANNALES DU MUSÉUM 
susceptibles ; je veux parler de l'état de société , qui peut être 
considéré chez les animaux entre eux, et chez les animaux 
avec l'homme. De plus, en comparant au chien de la Nou- 
velle-Hollande nos races de chiens domestiques qui s'en rap- 
prochent le plus, onssentira mieux la place que nos observations 
doivent tenir dans l'histoire de leur espéce commune. 
L/association que forment librement certains animaux, n'a 
jamais lieu qu'entre des individus d'une méme espèce. En les con- 
sidérant dans cette situation , on voit que la société n'a qu'une in- 
fluence assez légère sur eux : le motif qui les réunit est toujours 
simple; il consiste dans le besoin évident de se nourrir ou de se 
défendre, et aucune complication d'intérét n'empéche que ce qui 
est bon’ pour l'un, ne le soit immédiatement pour l'autre; d’où 
il résulte que la liberté de chaque individu n'est presque obligée 
à aucun sacrifice envers les autres membres de l'association ; 
et que sa volonté conserve à-peu-prés toute son énergie. 

Mais si la force de la volonté est d'autant plus grande que 
la liberté morale l'est elle-même, ce n'est que dans la dépen- 
dance que les facultés intellectuelles peuvent recevoir tous les 
développemens dont la nature les a rendus suceptibles. 

En admettant noś vues sur l'intelligence des mammifères, 
il est. évident que chez ces animaux non-seulement les indivi- 
dus, mais méme les espèces sont susceptibles de se perfec- 
tionner. Cependant quelle que soit la durée de leur association, 
ils ne manifestent jamais cet accroissement de civilisation qui 
caractérise lespéce humaine; non pas qu'ils soient bornés 
aux sentimens des besoins présens, on sait qu'ils ont la cons- 
cience des besoins futurs, qu'ils sont prévoyans, et que sou- 
vent ils se conduisent à cet égard avec beaucoup de prudence; 
mais, comme on l'a déjà dit, à cause de l'intelligence supé- 


D'HISTOIRE NATURELLE 465 
rieure de l'homme, de la multiplicité de rapports qu'une 
riche organisation lui donne ; d’où nait la difficulté de l'habi- 
tude; du peu de moyens de communication des animaux entre 
eux , et de l'im possibiiné où ils sont de maîtriser les circons- 
tances, de les varier à leur gré, de se faire enfin une éduca- 
tion artificielle 

Aussi voyons-nous ces animaux , dès l'instant où ils sont ea 
association avec l'homme, partager sa propre éducation ; s'ap- 
proprier pour ainsi dire une partie de son langage comme une 
partie de ses sentimens, et faire, comme l'homme lui-méme ; 
le sacrifice. de leurs penchans otia nili en faveur de ceux 
qu'ils recoivent de la société. « Les brutes, dit Hartley, qui 
» ont quelques familiarités avec les hommes, comme les chiens, 
» les chevaux, en apprenant l'usage des mots et des symboles 
» d'autres espèces, acquièrent plus de sagacité qu’ils n’en au- 
» roient naturellement; et si on prend un soin particulier de 
» les instruire, leur docilité et leur sagacité, par le moyen 
» des symboles , montent d à un er — 
» nant(1).» Eve d 

Mais tous les animaux ne sont pas Sees de la 
méme éducation; et ils ne s'apprivoisent pas par les mêmes 
moyens ; l'art de les dompter et de les réduire à l'état domes- 
tique , sil étoit établi, seroit soumis à des règles très-variées 
et propres à chaque ordre, à chaque genre , à chaque espèce 
et méme à chaque individu. 

En général il paroit que ce sont ceux qui vivent en société 
dans leur état naturel, dont les races se réduisent le plus 


(1) Explication physique des sens , des idées et des mouyemens , etc. trad. . françoise 
de Jurain, à Reims, 1755, t, II, p. 252. 


466 ANNALES DU MUSEUM 
facilement en esclavage, et que ce sont ceux dont l'organisa- 
uon estla plus délicate, qui recoivent l'éducation la plus 
paríaite, sans avoir besoin pour cela d'une soumission plus 
servile. En effet, de tous les animaux que nous nous sommes 
associés, celui qui réunit l'éducation la plus étendue à la sou- 
mission la plus entière , c'est le chien qui vit en société dans 
son état de nature, et qui, comme tous les mammifères car- 
nassiers, a-une délicatesse d'organisation qu'on ne retrouve 
SE dans aucun autre genre de cet ordre. | 
Un des premiers sentimens que le développement de l'in- 
telligence fait naître chez l'animal, est celui de ses propres 
forces. On sent que sa eonservation dépend de la juste idée 
quil a de ses moyens ; mais celle qu'il en acquiert est entiè- 
rement subordonné aux circonstances dañs lesquelles il se 
trouve. Le lion qui habite les contrées où l'homme domine 
en maitre, est bien éloigné d'avoir l'audace de celui qui vit 
au milieu des régions désertes. Néanmoins ce sentiment, 
exerçant l'influence la plus étendue sur la volonté, c'est par le 
renfermer dans des bornes convenables que l'on doi coms 
mencer l'éducation de tous les animaux. | 
La force employée avec prudence, et surtout avec douceur, 
est le seul moyen qui puisse disposer un animal à la soumis- 
sion et à la confiance: sentimens sans lesquels on tenteroit en 
vain de le dompter, et à l'aide desquels on est presque tou- 
jours sùr d'y parvenir. Il est donc nécessaire d'entretenir en 
lui la persuasion de sa dépendance et de sa foiblesse vis-à-vis 
de l'homme ; mais ce n'est que sur ce point seulement que 
l'emploi de la violence pe être — comme wm gé- 
nérale. jS um 


Dés que le fin ge! carnassier connoit son np il lui 


D'HISTOIRE NATURELLE. — 465 
obéit ; les progrès de sa familiarisation sont assez rapides , ses 
rapports avec lui s'établissent assez intimement, pour que sa 
postérité, aprés quelques générations de servitude, perde jus- 
qu'à la dernière trace des sentimens qu’elle"devoit à une grande 
indépendance, et pour qu'elle soit docile aux bons traitemens. 
Il n'en est pas de méme de l'herbivore, qu'on ne maintient à 
l'état domestique que par une continuelle violence: le taureau 
est toujours prét à tuer ponasa, et le chien à se faire 
tuer pour le sien. 

-Ainsi que nous adn observé précédemment, les facultés 
d'un animal se développent d'autant moins , sa liberté morale, 
sa volonté a d'autant plus d'empire, que les circonstances dans 
lesquelles il se trouve sont plus simples, que les penchans qui 
Yexcitent sont plus facilement satisfaits. C'est le cas où nous 
voyons tout animal dans ce que nous appelons son état de 
nature, et par conséquent oü nous verrions le chien sauvage, 
s'il nous étoit connu; car les naturalistes ne sont pas d'accord 
sur l'espèce du genre chien, à laquelle il faut rapporter nos 
races de chiens domestiques, et le chien sauvage, nommé 
communément chien-maron , provient de ces mêmes chiens 
apprivoisés et soumis qui ne S'étant soustraits à la domi- 
nation de l'homme que depuis deux ou trois siècles seulement, 
n'ont pu effacer dans un temps si court de-liberté , les impres- 
sions que trois ou quatre mille ans de servitude avoient dù 
graver sur eux. La plas forte raison qui nous fait adopter 
cette pus c'est la facilité avec laquelle les chiens sauvages 
redeviennent tiques ; ils semblent , des leur première gé- 
nération , s'être déjà fait une nécessité itdtehlo de la pro- 
tection de l’homme, et n'avoir jamais quitté l'état d'obéissance 


et de soumission. 


468 ANNALES DU MUSÉUM 

- Quoiqu'il en soit, ces chiens-marons ont déjà repris des 
caractères d'indépendance remarquables ; tous leurs sens sont 
très-délicats ; leur museau, qui n'est pas allongé comme celui 
du lévrier , ni raccourci comme celui du dogue, mais assez 
semblable au museau du mátin, leur procure ume grande 
force d'odorat; leurs oreilles toujours droites , mobiles, dont 
l'ouverture est dirigée en avant, donnent à leur ouie beaucoup 
de finesse ; leur vue est perçante ; et excepté lorsqu'ils chassent 
en troupe, ils font rarement entendre leur voix. Ils vivent, 
comme on sait, quelquefois en famille de deux cents indivi- 
dus,chassent de concert, et ne souffrent point le mélange 
d'une famille étrangère. Ainsi réunis, ces chiens ne craignent 
pas d'attaquer les animaux les plus vigoureux et de se dé- 
fendre contre les carnassiers les plus forts. Le repos chez eux 
succede immédiatement aux fatigues ; des que leurs besoins 
sont satisfaits , ils s'y livrent, comme tous les autres animaux 
sauvages, avec d'autant plus de sécurité , queles dangers qui 
les entourent sont plus foibles. C'est à-peu-prés tout ce qui 
nous est connu sur les habitudes du chien-maron. Il est få- 
'cheux que les voyageurs n'aient pas pu s'étendre plus qu'ils 
ne lont fait généralement sur les mœurs des animaux qu'ils | 


décrivoient.et sur les circonstances au milieu desquelles la vie 
de ces étres LITE ISP . 


- 

La. recherche des alimens- et.-de--la sécurité qui faisoit la 
condition principale de l'existence du chien sauvage, n'est plus, 
pour ainsi dire, qu'une condition secondaire de l'existence 
du chien domestique; ce n'est plus en poursuivant une proie 
qu'il obtient sa subsistance; ce n'est plus en fuyant le danger 
ou en le bravant, qu'il peut s'y soustraire; mais c'est en se 
consacrant au service de l'homme. Ce service est devenu la 


dy 
D'HISTOIRE NATURELLE. _ 469 
première condition de sa vie, et ce sont les. différentes em- 
preintes qu'il en recoit, qui caractérisent sés différentes races; 
de sorte qu'on pourroit, jusqu'à un certain point, juger de 
la civilisation. d'un peuple ou d'une. de. ses gems peo les 
mœurs des animaux qui lui sont associés... ` 
Le chien-loup et le chien de berger vivant communément 
au milieu des champs, en société avec des hommes simples 
et grossiers, sont ceux de nos chiens domestiques qui $e rap- 
prochent le plus du chien-maron. Ils lui ressemblent beaucoup 
par les formes générales et par la délicatesse des sens ; mais 
le besoin dela société de l'homme est déjà trés-marqué en eux: 
c'est lui qui fait actuellement leur famille, et tousles individus 
de leur propre espéce auxquels ils ne sont pas habitués, sont 
traités en étrangers dés qu'ils se présentent. Cependant ils ne 
portent d'affection qu'aux seules personnes qui les protégent ; 
ils s'attachent exclusivement à celles qui les nourrissent et 
qui les commandent ; toutes les autres ne leur sont rien : leur 
dépendance ne va pas jusqu'à les soumettre aux hommes en 
général comme quelques autres races: Aussi leur fidélité est- 
elle sans bornes, quoiqu'ils soient très-peu caressans. Ils ne 
supportent les corrections que jusqu'à un certain point , au- 
delà duquel ils fuient ou se défendent. Tous les objets qui 
font la propriété de leur maître, et sa personne surtout, sont 
-défendus avec un dévouement sans exemple, et ils savent de 
plus respecter les objets de méme nature, quelque soient 
ceux à qui ils appartiennent. La faim ne suffit plus pour les 
déterminer à s'emparer d'une proie; il en est de méme du 
danger; il ne les fait plus fuir: on les voit, forts de la force 
de leur maître , attaquer des animaux dont l'odeur seule les 
eût fait trembler, et défendre avec succès les troupeaux contre 


IF, Gr 


ġo. ANNALES DU MUSÉUM 
les animaux les plus féroces. Ces chiens ont trés-peu de voix 
comparativement à d'autres races, et leur activité est extréme. 
Chargés d'une surveillance continuelle, leur repos est rare 
et léger , et quelle que soit l'abondance de leur nourriture, ils 
conservent l'habitude de cacher les restes de leurs repas en 
les enfouissant , ce qui feroit supposer que ce penchant 
doit étre tres-développé chez le chien sauvage, et peut être 
véritablement instinctif, car on le retrouve encore , quoique 
trés-affoibli, dans les races les plus apprivoisées. 
Il est probable que tous les chiens domestiques qui existent 
naturellement chezles peuples peu civilisés, se rapprochent plus 
ou moins de nos chiens de berger; tels sont les chiens des Patagons, 
de la Nouvelle-Zélande, de la Sibérie; ceux des Lapons , des 
Islandois , etc., etc.; mais on ne les connoit guères que par leurs 
formes extérieures. Ils doivent avoir cependant des caractères 
particuliers dans leurs mœurs; et toutes ces races bien étudiées, 
en nous offrant le développement successif de l'intelligence 
de leur espéce, en nous donnant les moyens de faire leur psy- 
cologie comparée, pourroient nous conduire à des résultats 
précieux , méme pour la psycologie de l'homme. « S'il n'exis- 
» toit point d'animaux, dit Buffon , la nature de l'homme se- - 
» roit encore plus PSP » : 
Le chien. qui fait le sujet. de ce travail a été ramené des 
côtes orientales de la Nouvelle-Hollande , par MM. les natu- 
ralistes du voyage des découvertes aux Terres Australes, et 
M. Péron, qui a si puissamment coopéré au succes de cet in- 
téressant voyage, et qui le rédige en ce moment, nous fera 
sans doute connoitre quelques particularités sur l'état de cet 
animal, relativement au singulier pays qu'il habite, et au 
peuple fes singuher encore qui se l'est associé. 


D'HISTOIRE NATURELLE. i AE à 

Presque tous les voyageurs qui ont pénétré dans la Nou- 
velle-Hollande parlent des chiens naturels à ce pays : Dampierre 
en fait soupçonner l'existence. (1)5. Cook (2). en parle, mais 
sans rien dire ni sur leur mœurs, ni sur leurs formes. : !. 

- Le rédacteur du voyage du kommodgre Phillip en AB 
une figure passable et une description exacte avec des détails 
intéressans sur ses mœurs (3). H en est de méme de John 
With (4) que Schaw a. copié; de Watkin-Tinch (5).et de Bar- 
rington (6) : seulement celui-ci ajoute; qu'il y a une grande et 
une petite espèce, et:ce fait. m'a été confirmé par un autre - 
pra mais il paroit "e" la race de plus. forte taille ne 


(1) Suite du voyage de Dampierre autour du monde, 8.° dista 1701, f. H, 
p- 140.4 Le 4 janvier 1688, nous arri! dr aux terres de la Nouvelle-Hollande , 
« nous ne vimes aucune sorte d'animaux ni aucuné tracé dé bétes, si ce n'est une 
« seule fois, et nous crümes que c'étoit la piste dat madia, » 

(2) Premier voyage , août 1770. 

(5) The voyage of governor Phillip to Botany-Bay , in-4. ? , London, 1789 , P. 274 

(4). Journal ofa voyage new south Wales, London, 1790, page 280. 

` (8) Relation d'une expédition à la. Baye Botanique ; traduit de l'anglais par C. P.; 
Paris, 1789, p. 76. « Le chien est le seul animal domestique qu'ils possèdent (les 
« habitans dela Nouvelle-Hollande:). Ils le nomment Dingo, et il ressemble assez 
« au chien-renard d'Angleterre. Ces animaux sont forts fideles à leurs maîtres, et 

« séloignent aussi de nous. Le gouverneur en a uu actuellement qui paroît lui être 
« assez attaché. Commeles Indiens voient l'aversion que leurs chiens ont pour nous, 
« ils ont quelquefois la méchanceté de les envoyer contre une personne seule qu'ils 
« rencontrent dans les bois, ? . 

(6) Voyage à Botany-Bay , etc. , Paris,an VI, p. 95. « Le chien natif télé 
4 beaucoup au chien de Poméranie. Il porte les oreilles droites, a lair fort sau- 
a vage, et peut être comparé au loup pour la taille et la €ouleur. Il est difficile de 
« Vapprivoiser tout-à-fait, et quelques soins que vous donniez à son éducation, 
« vous ne l'empécherez pas de se jeter sur vos moutons, vos cochons ou votre doi 

« laille. Cette mu saec d'aduncir celéroce instinct n ne le rend utile vr la n 


« du kanguroos: > 
rr 


472 | ANNALES DU MUSEUM 
diffère de l'autre, ni par les formes, ni par les couleurs, ni 
par la nature des poils. ! 
L’'individu que. nous possédons est de la méme race que 
celui qui ést figuré dans les voyages de Phillip-et de With. 
Sa taille est à-peu-pres celle du chien de berger. Son pelage 
est extraordinairement fourni, et sa queue tres-touffue. Ses 
poils, comme ceux de tous les animaux dont les espéces sont 
exposées aux intempéries des climats froids, sont de deux 
sortes: les uns courts, fins, laineux et de couleur grise, ré- 
. Coùvrent ——— la peau ; les autres, plus longs, plus 
grossiers et lisses, colorent l'animal. La partie supérieure de 
la téte, du cou, du dos et de la queue est d'un fauve un peu 
foncé ; les côtés , le dessous du cou et la poitrine sont plus 
pálés; toute la partie inférieure du corps, la face interne des 
cuisses et des jambes et le museau | sont blanchâtres, m 
Les mouvemens de cet animal sont trés-agiles., et son. acti- 
vité, lorsqu'il est libre, est fort grande; mais , ce cas excepté, 
il dort Eienaar: Sa force musculaire surpasse de beau- 
coup celle de nos chiens domestiques, de. même taille. Dans 
ses mouvemens, il tient sa queue relevée ou étendue horizon- 
talemént , et lorsqu'il. est attentif, il la tient basse. Il court la 
tile haute, 4 et ses oreilles droites et tonjours dirigées en avant, 
t bien son audace. Ses sens: paroissent être d'une. 
finesse extrême; mais ce ks étonnera peut-être, c'est qu'il ne. 
sait pas nager, et que , jeté à l'eau , il se débat machinalement 
et ne fait aucun des mouvemens convenables gant se soutenir, - 
— "iE soit parfaitement bien constitué. ' 
Ce chien qui est une femelle, avoit environ dix-huit mois "e 
qu "il arriva à notre ménagerie. HE vivoit en liberté sur. le bâti- 
ment qui l'amena en Europe, et malgré les nombrenses cor- 


á 

D'HISTOIRE NATURELLE, «43 
rections qu'on lui infligeoit, ainsi qu'à un jeune mále mort des 
suites d'un châtiment trop rude,ils n'ont cessé tous deux de 
dérober à bord ce qui convenoit à leur appétit. 

L'humeur de celui qui restoit, peu sociable pour les incon- 
nus, forca, des que sa liberté ne fut plus circonscrite dans 
l'étendue d'un vaisseau , à le tenir enfermé et à ne lui accorder 
de liberté qu'après avoir pris les précautions convenables pour 
écarter les dangers des autres et de lui- méme. 

L'expérience n'ayant pu lui donner le sentiment de ses forces, 
par rapport à ce qui l'environne, il sexposeroit chaque jour à 
perdre la vie s'il pouvoit se livrer à son aveugle courage. Non- 
seulement il attaque sans la moindre hésitation les chiens de 
la plus forte taille ; mais je l'ai vu plusieurs fois, dans les pre- 
miers temps. de son séjour à notre ménagerie, se jeter en 
grondant sur les grilles au travers desquelles il apercevoit une 
panthère, un ja&uar ou un ours, lorsque ceux-ci avoient l'air 
dele menacer. Cette témérité paroitroit ne pastenir entièrement 
àl'inexpérience de notre individu , mais étre peut-étre une des 
qualités de sa race. Le rédacteur du voyage de Phillip rap- 
porte qu'un de ces chiens, qui étoit en Angleterre, se jetoit 
sur tous les animaux, et qu'un jour il attaqua un àne qu'il 
auroit tué si l'on n'étoit venu à son secours. 

. La présence de l'homme ne l'intimide point, il se jette sur 
la.personne qui lui déplait et sur les enfans surtout, sans au- 
cun motif apparent; ce qui semble coulirmer ce que dit Wat- 
kin-Tinch de la haine de ces chiens pour les Anglois, lorsque 
ceux-ci arrivèrent au port Jackson. Si cet animal se laisse 
conduire par le gardien qui le nourrit et le soigne, ce n'est 
qu en. laisse: il ne lui obéit point, est entierement sourd à la 
voix, et le châtiment l'étonne et le révolte. Il affectionne par- 


A74 ANNALES DU MUSÉUM 

ticulièrement celui qui le fait jouir le plus souvent de sa li- 
berté; il le distingue de loin, témoigne son espérance ou sa 
joie par des sauts;l'appelle en poussant un petit cri assez 
semblable à celui des autres chiens dans la méme situation , 
et aussitôt que la porte de sa cage est ouverte, il sélance, fait 
rapidement cinq à six fois le tour de l'enclos où il pourra 
Sébattre, et revient à son maitre lui donner quelques marques 
d'attachement qui consistent à sauter vivement à ses côtés , et 
à lui lécher la peau. Ce penchant à une affection particulière 
ressemble à celui du chien de berger, et s'accorde avec ce 
que les voyageurs assurent de la fidélité exclusive du chien de 
la Nouvelle-Hollande pour ses maitres. Mais si cet animal 
donne quelques caresses, ce n'est que pour des services réels, 
et non point pour obtenir d'autres caresses: il souffre volontiers 
celles qu'on lui fait, et ne les recherche point. Ses jeux sont 
sans aucune gaité; il marque sa colère par *trois ou quatre 
aboiemens rapides et confus; mais , excepté ce cas, semblable 
au chien sauvage dont la voix ne feroit qu'éveiller la proie ou 
appeler le danger, il est très-silencieux. Bien différent de nos 
chiens domestiques, celui-ci n'a aucune idée de la propriété de 
l'homme, et il ne respecte rien de ce dont il lui convient de 
faire la sienne. Il se jette avec fureur sur la volaille,et semble 
ne s'étre jamais reposé que sur lui-même du soin de se nourrir, 
comme on auroit déjà pu le conclure d’après le passage de 
Barington, que nous avons rapporté plus haut. 

Jl appartenoit sans doute au peuple le plus pauvre et le 
moins industrieux de la terre, de posséder le chien le plus en- 
clin à la rapine qui soit connu, et le plus incorrigible à cet 
égard. Cependant les sauvages de la Nouvelle-Hollande se’ font 
accompagner par ce chien à la chasse, ce qui feroit supposer 


D'HISTOIRE NATURELLE. 475 
quelque sentiment de propriété chez ces animaux; mais ne 
nous offrent-ils pas alors le tableau où Buffon peint l'homme 
et le chien sauvage s'entr'aidant pour la première fois, pour- 
suivant de concert la proie qui doit les nourrir, et la parta- 
geant ensemble aprés l'avoir atteinte. 

Ce qu'il mange le plus volontiers c'est la viande crue et 
fraiche; le poisson ne paroit jamais avoir fait sa nourriture; 
car la faim elle-méme ne le décide pas à le manger: il ne re- 
fuse pas le pain, et paroit goüter avec plaisir les matiéres 
sucrées, 

Son rut jusqu'à présent ne s'est montré que toutes les an- 
nées une fois , et en été, ce qui correspond , pour la Nouvelle- 
Hollande, à l'hiver de notre hémisphère , et fait rentrer le rut 
de ces animaux dans la règle à laquelle nous avons cru aper- 
cevoir qu'il étoit soumis chez les mammifères carnassiers en 
général. Chaque fois que cet état s'est manifesté, on a cherché 
à faire produire cette chienne avec un chien de méme forme, 
de même, couleur , mais non point de même race qu'elle; l'ac- 
couplement a eu lieu , mais non pas la prés sig ce qui con- 
firme la difficulté qu'on a généralement à faire produire deux 
races lorsqu'elles sont très-différentes. 

La maniére dont ce chien a toujours vécu, nelui a, pour 
ainsi dire, permis d'acquérir aucune expérience; les chátimens 
lauroient rendu plus docile, le germe de ses qualités se se- 
roit développé, il se seroit fait une éducation plus étendue dans 
d'autres circonstances , comme il arrive à tous les individus 
de sarace qui vivent en liberté au port Jackson et avec les 
habitans de la Nouvelle-Hollande; mais son ignorance pourra 
ne pas étre sans utilité, si cet animal ne nous a point montré 
tout ce dont il est susceptible, il s'est peut-être fait voir à rous 


476 ANNALES DU MUSEUM. 

plus près de la nature et avec les seuls caractères de sa race. 
Le degré de développement que ses facultés intellectuelles 
peuvent acquérir par l'éducation , donnera lieu à de nou- 
velles expériencees et à de nouvelles observations, si les cir- 
constances le permettent. | 

On sent que ce n'est qu'aprés avoir recueilli un. grand 

nombre de faits qu'on est autorisé à tirer quelques conclu- 
sions sur le sujet auquel se rapportent les observations précé- 
"dentes , il nous suffit pour le moment d'avoir établi les prin- 
cipes qui nous ont guidés dans ce travail et d'en avoir es- 
sayé l'application : ce sont eux qui nous conduiront dans nos 
-recherches ultérieures, sur le moral des animaux, et peut-être 
'avec du zéle arrive nous à quelques-unes de ces vérités 
générales qui font l'objet principal des sciences et le but de 
‘nos iravaux. 


TXHLE a. 
DES MÉMOIRES ET NOTICES 


Contenus dans ce onzième volume. — 


NT 
Sy 


Sur la réunion de la pycnite avec la topaze. Page Ec 
Description de plusieurs nouvelles variétés de chaux car- 


bonatée. .. 66—70 
Sur l'analogie du diopside avec le pyroxène. ix. n= BO 
Sur l'arragonite. -241—266 


M. FAUJASSAINT-FOND. 


Notice ON MTY MEA sur la Särcoite de 


í Montechio- Maggiore et de Castel. RE a-46 
Notice sur une espèce de charbon fossile nouvellement dé- 
couverte dans le territoire de Naples. 141—149 


y oyage géologique de Nice, à Menton, à V intimille , Port- 
Maurice, Noli, Savonne, Voltri et. Gênes, par la 
route de la Corniche. 2 jm 225 

Mémoire sur un nouveau genre de coquille bivalve. 381—392 


MM. FOURCROY ET VAUQUELIN. 


Extrait dun mémoire lu le 7 mars 1808, à la première 
po 11. 62 


458 TABLE DES MÉMOIRES 
classe de l'Institut, et ayant pour titre : Nouvelles ex- 
périences sur l'urde: EF 226—230 


" M. YAUQUELIN. 
Analyse de la substance remise par M.F aujas , sous le 


nom de Sarcolite, et qui a été recueillie par feu M. Do- 
lomieu dans les laves de Montechio Maggiore et de 


Castel dans le Vicentin. 47—950: 
Analyse de la datholithe où chaux boratée-siliceuse de M. 
Haüy, .. ai. gcc 


X DESFONTAINES. 


Suite des plantes du corollaire de T'ournefort. 51—57: 136— 
FRERE LE 160—169: ' 273—282: 35 76—383: 438—446 


M. DE JUSSIEU. 


Sixième notice historique sur le Muséum d'histoire natu- 
.. relle.* ae ict 

: Notes sur quelques genres de la Flore de Dod de 
Loureiro , qui ont. de l'a(finité avec d'autres genres 
connus. 724—376: 150—152 

Suite des observations sur quelques g senres de.la Flore de 
Cochinchine de Loureiro , avec quelques réflexions sur 
l'e'&&ocarpus et les genres qui doivent s'en rapprocher 

dans l'ordre naturel. 7. 231—236: 327—328 


M. THOUIN. 
Description de l'école d'agriculture pratique du Muséum 


HET. NOTECES m h79 
diste naturelle. ( ce s 095—120 


M GH TIPR 


Mémoire sur la EEA et la phasianelle de M. Lamarck. 
121-635 

Mémoire sur la vivipare fcx douce ( ue. viviparum 
Draparn. Helix vivipara Lin.); sur quelques espéces 
voisines, et idée générale sur la tribu des gastéropode s 


pectinés à coquille entiére. 170—188 
Rapport fait à l'Institut sur un mémoire de MM. les Boc. 
teurs Gall et Spurzheim. ^ "m 329—375 


Mémoire sur le grand buccin de nos cótes ( buccinum un- 
datum , Lin.) ainsi que surles buccins, les murex, les 
. strombes;et en général sur les gastéropodes pectinés 


a 


à syphon. 447—4557 
MM. CUVIER ET -BRONGNIART. 
Essai sur la géographie uiv Togique des environs de 


Paris. 293—326 
M. LAUGIER. 


‘Analyse du diopside. io, as e mm 
Analyse de l'aplóme NO ofa 


M. FRÉDÉRIC CUVIER. 


Note sur T gue eom d'un zebre et d'un o MIC 4o 
Observations sur quelques espèces de goélands. : 383—292 
Observations sur le chien de la Nouvelle- Hollande, précé- 


62 * 


480- TABLE DES MÉMOIRES ET NOTICES. 


dées de quelques réflexions -sur les facultés morales 
des animaux. 458—476 


M. LATREILLE. 


Notice boevaphique à mr Cr ABRICIUS, GU ue d'his- 
toire naturelle et d'économie rurale à Kiell. 393—404 


LM DE DRÉE.: 


Mémoire sur un nouveau genre de liquéfaction ignée qui 
saplique la facem des laves lithoides. AD 


CORRESPONDA NCE 


Beauhäracisa genus novum Floræ TOME 71—73 


INDICATION DES E GRAVURES DU XI* VOLUME. 


Planche I. Plan du Jardin des Plantes ayec ses additions 


en 1788. qc Page 1 

II. Linaria grandiflora. t 51 
III. Linaria corifolia. |^... 53 
IV. Verbascum betonicafoliam. z 54 

ofe Vu Phyteuma lanceolata:. \ossn an 41009 
VI. Campanula ptarmicæfolia, . | gos Go 


. VIE Campanula pauciflora. |afOoderor097 


INDICATION DES GRAYURES. 481 
Planche VIII. Cristaux de topaze de pycnite et de plusieurs 
58 


variétés de chaux carbonatée. 


IX. Beauharnoisia fructipendula : 71 
X. Cristaux de diopside et de pyroxéne. 77 
XL Anatomie de la janthine et de la phasianelle. 

121 
XIL Campanula calamenthifolia. 136 
XIII Campanula stricta. 137 
XIV. Campanula parviflora. | 138 
XV. Campanula corymbosa. . 139 
XVI. Campanula pelviformis. | 141 
XVII. Campanula tubulosa. 142 
XVIIL Campanula pentagonià. 143 
XIX. Eactüca cretica: < T3 160 
XX. Cnicus cynaroides. _ 161 
XXI. Tanacetum incanum., 163 
XXII. Anacyclus creticus. 104 
XXIII. Inula conysoides. . 165 
XXIV. Scabiosa argentea. T 167 
XXV. Scabiosa micrantha. 168 


XXVI. Anatomie de la vivipare d'eau douce. 187 
XXVII. Cristaux d'arragonite et de chaux carbo- 


natée. 241 
XXVIII. Valeriana sisymbrifolia. | 273 
XXIX. Cachrys cretica. 274 
XXX. Bunium ferulæfolium. 275 
XXXI. Ranunculus grandiflorus. S47 
XXXI! Helleborus orientalis. 278 


XXXII. Papaver floribundum, 336 


48» INDICATION DES GRAVURE S. 


Pianche XXXIV. Hesperis pinnatifida. 377. 
XXXV. Alyssum densiflorum. 379 
XXXVI. Alyssum samolifolium. | 380 
XXXVII. Alyssum paniculatum. 381 
XXXVIIL Draba pontica. Idem. . 
XXXIX. Thlaspi cordatum. 382 
XL. Cardite et clotho fossiles. 384 
XLI. Hypericum ciliatum. | 438 
XLII. Ruta parviflora. g 44o 
XLHI. Cucubalus spergulifolius. AA 
XLIV. Lychnis variegata. 442 
XLV. Cotyledon parviflora. - 444 
XLVI. Crassula: crenata. ^ — 445 


XLVII. Anatomie du dard birok de nos côtes. 
A47 


TABLE ALPHABÉTIQUE 


DES ARTICLES 


Contenus dans ce onzième volume. 


A. 


p Pres de Loureiro. Doit être 


réuni à l'Eleocarpus, 231 et suiv- 


Quels autres genres en sont 
voisins, et quelle est leur place 

. dans l'ordre naturel, 232 et suiv. 
Voyez Elæocarpus. 

Aglaia de Loureiro. Observations sur 
ce genre de plantes. Son aftinité 
avec le Camunium de Rumphetle 
Leuradia de Vandelli, 7 

Agriculture. Description de l'école d'agii- 
culture pratique du Muséum, 
IV. mémoire sur les moyens de 
propager les végétaux , 94 et suiv. 
Voyez Marcottage. 

Alalite. Voy. Diopside. 

Allophyllus. Doit être réuni à l'Orni- 
trophe , 255 

Alyssum. Description et figure de trois 
espéces d'Alyssum du Levant, 

379 et suiv. 

‘Anacyelus creticus. Description et figure 

de cette plante , 164 


Analcime, Se trouve avec la sarcolite, 
Ces deux substances , qui ont la 
même cristallisation , diffèrent par 
les proportions de leurs principes, 
42 et suiv. Voyez Sarcolite. 

Analyse chimique de la sarcolite de 
Montechio-Maggiore , 47 et suiv. 
— de la datholithe, 89 et suiv.— 

- du diopside , 153 et suiv. — de 
l’urée, 226 etsuiv. — del'aplóme, 
267 et suiv. 

Anatomie du cerveau et recherches sur 
le système nerveux. Voyez Cer- 
veau. 

Anatomie comparée. Voy. Gastéropodes. 
Voyez aussi dans la table précé- 
dente le titre des mémoires de 
M. Cuvier. : 

Angivillers M.lecomted”). Nommé à la 
survivance de la place d'intendant 
du jardin, occupée par M. de 
Buffon , 8 

Animaux perdus. Voy. Géologie. 

Anoma. Deux espéces de ce genre éta- 


484 


bli par Loureiro, doivent étre 


réuniesau Moringa, 327 etsuiv. 


Voyez Moringa. 

IRT Propriétés physiques et analyse 
chimique de ce minéral, 267 et 
suiv. Il paroît former une espèce 
particulière, 272 

Aporetica Forst. Doit être réuni à l'Orni- 
trophe. Voyez ce mot. 

Arbres verts. Peuvent se multiplier de 
marcottes; mais les individus ob- 
tenus de cette maniére sont moins 
beaux, 113 

Argile plastique des environs de Paris. Sa 

nature, ses caractéres, son gise- 

ment et sa formats 306. Voy. 

Géologie, 

Arragonite ( mémoire sur NT » , et sur les 

„caractères distinctifs qui existent 
entre ce minéral et la chaux car- 
bonatée, 241 et suiv.. Compa- 
raison des caractères physiques , 


etde ceux que présente la cris: ` 


tallisation de ces deux substan- 

cês, 243 et s. Observations nou- 

i velles sur la forme primitive de 
ex oe „cristaux, ib. Il n'existe au- 
cune analogie de structure entre 

ceux de l'arragonite et ceux de la 


i chaux carbonatée > et leurs formes 


sont incompatibles, 247 et suiv. 
Description de plusieurs. modes 
nouveaux de groupement que 


présentent les arragonites, 251 et 


| suiv. La chaux carbonatée dure de 
" M. de Bournon paroit étre une 
arragonite, 255. Comparaison de 
Ja réfraction de l'arragonite avec 


a À 


TADOE-ALEXASExTIITE 


celle de la chaux carbonatée, 
255. Les images, vues à travers 
deux faces paralléles d'un cristal 
d'arragonite , sont simples; elles 
sont toujours doubles à travers 
un cristal de chaux carbonatée, 
259. L'action de la chaleur est 
différente sur ces deux substances, 
260. Caractères qui distinguent 
ces deux substances lorsqu'elles 
sont en masse compacte , sans au- 
cun indice de cristallisation , 261. 
Le flos ferri est une variété d'ar- 
ragonite , 262. Réflexions sur le 
défaut d'accord qui existe entre 
.les. résultats de la chimie et ceux 
de la minéralogie , 264. TIC 
gonite doit former une espéce dis- 
tincte de la chaux per , et 


pourquoi , 265 
Aubletia de Loureiro. Doit être réunie 
au Paliurus, cT || 

B. 


Basseporte (Magdeléne). Peintre du jar- 
din. Sa mort , 10 

Baumgartia. Voyez Ejibaleritni:: 

Beauharnoisia. Description et figure de 
ce nouveau genre de plantes, 71 

Bourgeons. On doit les distinguer des 

| Boutons,ou Gemma,ou eur, 66, 

Voyez Gemma. 

Boutons. Voyez Gemma. 

Brucea: Voy. Gonus, |. 

Buccin ( buecinum undatum LA: Anatomie 
de ce mollusque, 447 et suiv» 


D ESA A E FHCL:E S. 


Observations sür l'organisation de 

sa trompe, 452 et suiv. 
Mee Cède son logement pour l'agran 
dissement- du cabinet, qui dės- 
lors est ouvert au public, 2. Le 
roi érige sa terre en' comté, et 
fait faire sa statue, 9, ILobtient la 
réunion de plusieurs bâtimens 
au jardin, 10. Il fait construire la 
nouvelle école de botanique où 


les plantes sont disposées mé- 
thodiqueméhit par M. de Jussieu, 
11. Il agrandit beaucoup le jardin 
en 1782, 20. La rue qui alors 
borna le jardin, fut nommée la 
rue de Buffon, 22. Autres acqui- 
sitions et changemens qu'il fit 
pour l'embellissement du jardin, 
23 et suiv. Mort de Buffon ; no- 
tice surles services qu'il a rendus 
à l'établissement , 38 et suiv. 
Bunium ferulæfolium. Description et fi- 
gure de cette plante, 275 


C. 


Cabinet d'histoire naturelle du Muséum. 
Agrandipar Buffon et ouvert aux 
étudians et au public en 1766, 
2.et suiv. Daubenton, nommé 

~ démonstrateur, et son neveu qui 
lui- fut adjoint, assistoient aux 
séances et répondoient aux ques- 


tions des étudians, 3 etsuiv. 
Cachrys eretica. Description et figure 
de cette plante, ` 274 


485 
Caleazre ( Sable et Pierre ) des environs 
de Paris. Voy: Géologie. 
Calorique. Voy. Chaleur, Feu, Laves li- 
thoides. 
Campanule. Description et figure de neuf 
'espéces de Campanules du Levant, 
56 , 57°, 156'et suiv. 
Camunium sinense Rumph. Observations 
+ ' sur cette plante, 75. V. Aglaia. 
Cardites fossiles dans lesquelles on trouve 
d'autres coquilles. Voy. Clotho. 
Cerveau (anatomie'du ). Rapport sur un 
ire de MM. Gall et Spur- 
"e me pour titre : Recher- 
ches sur le sysième nerveux en 
général et sur lé cerveau en par- 
iculier. Ce rapport contient l'ex- 
position de la théorie anatomique 
de ces savans, l'examen tant des 
faits nouveaux qu'ils ont décou- 
verts, que de la liaison qu'ils ont . 
établie entre les faits connus, et 
des propositions qu'ils en ont dé- 
duites; enfin le jugement que les 
cohpmiotires de l'Institut ont 
de leurs travaux , 329 et s. 
Chaleur. Observations relatives aux con- 
séquences que M. Hall a tirées de 
ses expériences sur les effets de 
la chaleur modifiée par la com- 
préssion, 408 et suiv. 335 et s. 
Voy. Laves lithoides, 


PL L "y de s 42 a 1 14 


découverte dans le royaume de 
Naples, 144 et suiv. L'échantillon 
dont il est ici question étoit trés- 
, bitumineux; mais il contenoit plu- 


63 


486 


sieurs petits morceaux de bois 

convertis en substance pierreuse , 

et dont on dégageoit la fibre en 

faisant dissoudre dans de l'acide 

nitrique affoibli le carbonate cal- 

caire dont ils étoient imprégnés, 

146 et suiv. Explication de ce 

phénoméene , 149. Les charbons 

bitumineux doivent leur origine 

à des bois bitumineux, 148 et s, 
Chauz boratée siliceuse. V. Datholithe. 

Chaux carbonatée. (Description de plu- 

iétés de), 66 

dela chaux 


sieurs nouvelles 
et suiv. Comparai 
carbonatée et de l'arr;zonite, 241 
et suiv. Voy. Arragonite. 

Chaux carbonatée dure. Fs une variété 
d'arragonite, 253 

Chien de la Nouvelle-Hollande. Descrip- 
tion de cet animal, et observa- 


fons sur ses habitudes,470 etsuiv. |. 


Chiens, Observations sur le caractére et 
les habitudes des diverses races 

. de chiens tant sauvages que do- 
mestiques , 467 et suiv. 

Chondrodendron. Voy. Epibaterium. 

Citta. Voy. Dolichos. 

Clotho. Description de ce nouveau genre 
de coquilles fossiles qui se trou- 
vent dans des Cardites, renfer- 
méeselles-mémes dans des pierres, 
384 et suiv. Conséquences géo- 
logiques qu’on peut tirer du gi- 
sement de ces coquilles, 390 

Cnicus cyranoides, Description et figure 


de cette plante, 161 
Coccolithe ou Pyroxéne d'Arandal. Voy. 
Diopside. 


TABLE ALPHABETIQ UE. 


Coquilles fossiles. Voy. Cardites , Clotho , 
Géologie. 

Coquilles fossiles, marines et fluviatiles 
des environs de Paris. Dans quels 
terrains elles se trouvent, et à 
quels'zenres elles appartiennent. 
Moyez Géologie. 

Coquillages. Voy. Gastéropodes. 
Corollaire des Instituts de Tournefort. 
Voyez Plantes du Levant. 
Cotyledon parviflora Description et fi- 

gure de cette plante, 444 

Craie. Voy. Géologie. 

Crassula crenata. Description et figure dé 

cette plante, A45 

Cristallisation. Plusieurs problémes re- 
latifs à la cristallisation des mi- 
néraux sont susceptibles de deux 
solutions, 66. Rapport entre la 
forme primitive et les formes se- 
condaires des cristaux, et com- 
ment la première peut être subs- 
"ituce aux autres pour la déter- 
mination des especes, 62 et 70. 
Moyens qu'ilconvient d'employer 
pour déterminer les formes des 
molécules intégrantes, 80. Dans 
quel cas des moléculesintégrautes 
de méme forme peuvent appar- 
tenir à des substances d'une na- 
ture différente , 87. Cristallisation 
de la chaux.earbonatée incompa- 
tible avec celle de l'arragonite. 
Voy. Arragonite. 

Ditame Voy. Cristallisation. 

Cristauz (les) igclus dans les laves li- 
thoides préexistoient à la forma- 


DE A RITS € Lb EIS. 


tion de ces layes. Voyez Laves 
-. lithoides. 

Cristaux de pycnite , de topaze , de 
chaux carbonatée , 58 et suiv.; de 
diopside et de pyroxéne, 77. V. 
Cristallisation. 

Cucubalus spergulifolius. Description et 
figure de cette plante, 441 

Culture. Voy. Marcottage. 

Cyclostoma viviparum. Voyez Vivipare 
d'eau douce. 


D. 


Datholithe ou Chaux boratée siliceuse 
Analyse chimique de ce minéral, 
$9 etsuiv 

Daubenton , garde et démonstrateur du 
cabinet, y dispose les collections; 
et les jours d'ouverture , il assiste 
aux séances pour répondre aux 
questions des étudians, 3 et suiv. 

Daubenton le jeune, cousin germain eg 

beau-frére du précédent, lui est 

adjoint dans la place de démons- 

trateur et de garde du cabinet , 

4.Samort, 31. Yoy: Cabinet d'hiss 

| toire naturelle. 
Desfontaines | M. ) succède à Lemonnier 
dans la place de professeur de ho- 
tanique au jardiu , 32. Notiee sur 
ses-travaux, ` 
Dévitrification. Les laves lithoides mont 
point été formées par dévitrifi- 

cation, mais par un genre parti- 
culier de liquéfaction ignée. V. 
Laves lithoides. 


LU 


487 
Diopside. Espèce formée de la réunion 
des deux minéraux nommés Ala-- 

lite et Mussite ; par M. Beauvoisin. 

Son analogie avec le pyroxéne; 

forme des cristaux de ces deux 
derniéres substances, 77 et suiv. 

T Analyse chimique du diopside, 
153. Comparaison de cette ana- 

lyse à celle du pyroxéne ou coc- 
colithe d'Arandat, par laquelle la 

. réunion de ces trois substances 

en une même espèce se trouve 
confirmée , AMOR 158 
Dolichos urens. Plusieurs auteurs en ont 
fait avec raison un genre à part. 
Loureiro l'a nommé Citta; Adan- 

son et Scopoli: l'avoient désigné 

sous le nom de Mucuna. Ce der- 

nier nom doit être conservé, 76 
Dolomieu pensoit que les laves compactes 
ou lithoïdes étoient dues à un 

genre de liquéfaction ignée qui 

avoit désaggrégé et non dénaturé 

leurs parties composantes , etque 

les cristaux que ces laves ren- 
ferment, existoient dansles roches 

. dont elles ont été formées, 406 et 

suiv. Voy. Laves lithoides. 

Draba pontica. Description et figure de 
cette plante, 381 


E. 


Éboulement de terre qui a entraîné dans 
la mer, prés de Villefranche, un 
champ d'oliviers, et laissé à la 
place une excavation d'une demi- 


488 


lieue de longueur et.de 300:toises: 
de largeur; 192 
Éducation. des animaux. Comment elle 
doit étre dirigée, et: quelle est 
son influence ; 465 et suiv. Voy- 
Chien. 
École: d* agriculture pratique du Muséum. 
Voyez Agriculture. 
Ecole de botanique (plantation de la nou- 
velle ) en 1775; 7T ii etsuiv 
Ellébore d'Orient. Description et figure 
de cette plante , 278. C’est proba- 
blement l'ellébore noir des an- 
ciens, 280: Observations sur ses 
propriétés, surce que lés anciens 
en ont dit, et sur les essais que 
des médecins tn ont fit dans le 
Levant, 281 
Elæocarpus. On doit réunir à ce genre 
lAdenodus de Loureiro, lé Ga- 
nitrum oblongum de Rumph, le 
Perin-kara de Hort. Málab. Ce 
AN et ceux qui en sont voi- 
sins comme le Ganitrus de Gært- 
ner, le Vallea de Mutis , le Tri- 
cuspidäria de la Flore du Pé- 
. rouete., doivent être éloignés des 
guttiféres, et former soit une fa- 
| mille nouvelle voisine des tili 
soit une SL QE NanllTe, 
251 et suiv. Circonscription du 
genre Elæocarpus, 253 et suiv. 
L'Eleocarpus peduncularis de La- 
billardière paroît devoir farmer 
un genre å, part, 254 
Fntomologie. Voy, Fabricius, — : 
Epibaterium. Forst.. Il. paroit qu'on doit 


TABLE ALPHABÉTIQUE 


réunir à cegenre la Limacia de 
Loureiro, le Chondrodendron de 
la Flore du Pérou, et le Baumgar- 
tia de Moench, - 152 


Fabricius. Notice sur la vie et les travaux, 
de ce naturaliste, avec quelques 
réflexions sur son système d’en- 
tomologie , 393 et suiv. 

Faujas de Saint-Fond ( M.) est attaché à 
l'établissement sous le titre d'ad- 
joint à la garde du cabinet, ef 
chargé de la correspondance. No- 
tice sur ses travaux, 

Ferrein , professur d'anatomie au jardin 
Sa mort , : 

Feu, Combien les résultats de son action 
sont différens, selon que cette 
action est modifiée par la com- 
pression, selon qu'elle est lente 
ou subite, etc. Voyez Laves li- 
thoides. 

Flos ferri (le) est une variété d’ 
ragonite , | 

Fossiles des environs. de. Paris. 

. Géologie.. 

Foureroy ( M. ) suceéde à Pac dans 
la.plaee de professeur : de chimie 
au jardin , et explique le premier 
la nouvelle nomenclature dans 
l'amphithéátre. de. cet. établisse- 
ment, 29 et suiv. Notice sur ses 
travaux, ib. ! 


Fusion vitreuse et sidisiqua., différente 


DES AEDECL EL: 489 
de la simple liquéfaction ignée. Gemma ou Boutons, On doit les distin- 
Voy. Laves lithoides. guer des bourgeons qui sont des 

boutons déjà développés, 66. Ils 
| G. sont répandus sur, toutes les par- 


Gall et Spurzheim ( MM. ) Leurs re- ties du tronc et des branches des 


* cherches sur le systéme nerveux Gé Friiti -i E 97 
et le cerveau. Voy. Cerveau. Ces eographie minéralogique des environs 


savans ont les premiers distingué 
les deux ordres de fibres dont la 
matière médullaire paroît se com- 
poser, 372 


Ganitrus. Observations sur ce genre de 


plantes , et sur sa place dans l'or- 
dre naturel, 232 et suiv. 


* 
Gastéropodes à branchies pectinées et à 


coquille entière. Idée générale sur 
cette tribu de mollusques, et ana- 
tomie de quelques-uns des genres 
qui la composent, 376 et suiv, 
Différence de ceux à bouche en- 
tiére et de ceux à syphon, 176. 
Quels caractéres distinguent les 
| genres, et quels leur sont com- 


mollusques peuvent se concentrer 
dans la coquille, 178. Différens 
types de ces gastéropodes, et ob- 
servations anatomiques sur les 
principaux genres. V. Janthine, 
Phasianelle , Vivipare d'eau douce , 
Turbo, Trochus , Nerite, Natice, 
Buccin. 


Gastéropodes pectinés à syphon, Voyez 


Buccin. 


Gemella. Ce genre de Loureiro doit être 


réuni à l'Ornitrophe , 254 


de Paris. Voyez Géologie. 


Géologie. Essai sur la géographie miné- 


ralogique des environs de Paris , 
293 et suiv. Cette contrée est 
trés-remarquable par la succes- 
sion des divers terrains, par le 
grand nombre de fossiles orga- 
nisés, et par la direction des caps 
et des vallées, 293. Description 
du bassin de la Seine, 295. Gi- 


sement et formation de la craie ; 


elle est disposée par assises in- 
terrompues par des lits de silex 
qui indiquent qu'elle s'est formée 
par dépôts successifs, 300 et suiv. 
Nature de cette craie, ib. Fossiles 
qu'on y trouve, 301 et suiv. Au 
dessus de cette craie se trouvent 
des géodes calcaires, des géodes 
de strontiane et des cristaux d'une 
nouvelle variété destrontiane sul- 
fatée , 505. Formation , gise- 
ment et caractère de l'argile plas- 
tique, 304 et suiv. Elle est au- 
dessus de la craie ; elle ne ren- 
ferme point de fossiles, ne con- 
tient point de chaux, et paroít 
avoir été produite dans des cir- 
constances trés-différentes , ib, 
Gisement et formation du sable 
et du calcaire grossier, 507. Ce 
o3 


490 


TABLE ALPHABÉTIQUE 


calcaire, placé au-dessus de l'ar- 
gile, est composé de couches al- 
ternatives de différente nature , et 
qui sont toujours disposées dans 
le méme ordre; chacune de ces 
couches est caractérisée par la 
nature des fossiles qu'elle contient, 
ib. Exposition des divers systémes 
de couches et des coquilles qu'elles 
renferment, 508 et suiv. Au-des- 
sus du calcaire grossier sont des 
marnes dans lesquelles on ne 
trouve point de coquilles, 311. 
Résultat des observations précé- 
dentes, 311. Gisement et forma- 
tion du gypse, 312 et suiv. Ce 
terrain gypseux consiste en cou- 
ches alternatives de marne et 


-de gypse. On y trouve des sque- 


lettes de quadrupédes et d'oiseaux 
inconnus, des poissons, des co- 
quilles marines , des coquilles 
d'eau douce, des troncs de pal- 
mier, etc. Ces couches superpo- 
sées dans le méme ordre, dif- 
ferent par leur nature, par leur 
épaisseur et par la nature des 
fossiles qu’elles renferment , 
ceux d'une couche n'étant ja- 
mais ceux d'une autre, 515 et 
suiv. Description particuliére des 
collines de Montmartre, ib. For- 
mation et gisement du sable et 
du grès marin qui est au-dessus 
du gypse, 319 etsuiv. Est rempli 
de coquilles marines, ib. Consi- 
dérations sur les circonstances 
qui ont formé ces diverses cou- 


Äi A 


ches , 320. Formation et gisement 
du siliceux, 321. Il ne renferme 
aucun fossile, ib. C’est là qwon 
trouve les pierres meulières ; 
conjectures sur l’origine de ces 
pierres, 322. Formation, gise- 
ment et nature du gres sans co- 
quilles, 322. Formation du ter- 
rain d'eau douce, 323 et suiv. 
Cette formation recouvre les au- 
tres, etsa nature suppose dans les 
eaux dans lesquelles il s'est for- 
mé des propriétés qui n’existent 
plus dans celles que nous con- 
noissons , 523 et suiv. Formation 
du limon d'aterrisscment, 325° 
Cette formation, quoique posté- 
rieure aux autres, est pourtant 
antérieureaux temps historiques, 
et les bois ainsi que les grands 
mammifères dont on y trouveles 


. débris, sont différens de ceux 


qu'on connoît aujourd'hui, ib. 


Géologie. Voyage géologique de Nice à 


Génes, par la route de la Cor- 
niche, contenant la description 
des divers sites, des montagnes, 
des carriéres, des minéraux et 
des fossiles qui se trouvent aux 
environs de cette route, 189 et 
suiv. Réflexions sur les anciennes 
réyolutions du globe, 215 et suiv. 

590 et suiv. 


Géologie. Voy. Laves lithoides. 


Goélands. Mémoire sur quelques espéces 


de goélands, 284 et suiv. Re- 
marques sur les difficultés qu'offre 


& 


D ES 


l'étude des oiseaux, et causes de 
l'imperfection de quelques parties 
de l'ornithologie, 284. Observa- 
.tions générales sur les goélands , 
285. Du goéland à manteau noir, 
287. Du grisard et du goéland à 
manteau gris , 286. De la mouette 
- tachetée, de la petite mouette cen- 
drée et de la mouette rieuse , 289. 
Les différences que les goélands 


2 


d’une même espèce présentent 
dans les diverses saisons et selon 
l’âge et lesexe, en ont fait beaucoup 
multiplier les espèces, 287 et s. 
Examen de ces différences et des 
caractères qui distinguent les es- 
pèces , ib. 

Gonus (le )et le Tetradium de Loureiro 
sont très-voisins du Brucea, et 
tous trois sont peut-être du méme 

. genre, 150 

Grisard. Voyez Goélands. 


Guilandina. Est un genre différent du 
Gymnocladus et du Moringa , 
827 et suiv. 


Guillotte père et fils, chargés de la police. 
36 


du jardin, 
Gymnocladus. Genre très-différent du 
: Moringa, 327 


Gypse. Gisement et formation du gypse 
dans les. environs de Paris, 312 
et suiv. Il est disposé par couches 
qui alternent avec des couches de 
marne. On y trouve des ossemens 
de quadrupédes et d'oiseaux in- 
connus , et quelques coquilles 


À B TX €L-E,6. 


491 
d'eau douce , 315 et suiv. Voyez 
Géologie. 


H. 


Helix. Voy. Janthine et Phasianelle. 
Helix vivipara, L. Voy. Vivipare d'eau - 
douce. 

Helleborus orientalis. Voyez Ellébore 
d'Orient. — 

Hesperis pinnatifida. Description et fi- 
gure de cette plante , 977 

Hyperanthera. Voy. Moringa.' 

Hypericum ciliatum. Description et fi- 
gure decette plante, 458 


J. 


Janthine ( Mémoire sur la ) et la Phasia- 
nelle, deux genres de mollusques 
démembrés des Hélir, 121 et s. Ces 
deux mollusques, ainsi quela vivi- 
pare d'eau douce, et tous les gasté- 
ropodes à branchies pectinées, res- 
pirent à la maniére des poissons 
par linterméde de l'eau, et leur 
anatomie est différente de celle de 
l'hélix et des autres pulmonés, ib. 
Histoire naturclle et anatomie de 
la janthine, 122 et suiy. 

Jussieu (M. Antoine-Laurent de ) rem- 
place Lemonnier pour les lecons 
de botanique , 7. Dispose les 
plantes à l'école, d'aprés la mé- 
thode naturelle , 11. Notice sur 
ses travaux, 14 

Jussieu( Bernard de ) démonstrateur de 


492 
botanique au jardin. Affoiblisse- 
ment de sa santé, sa mort, 12 et 
suiv. Note sur ses travaux et son 
caractére, ib. 

Instinct. Réflexions sur l'instinct et sur 
les facultés morales des animaux, 

458 et suiv. Les qualités qu'on 
rapporte à l'instinct se modifient 
par des causes extérieures et celles 
qui dépendent de l'éducation de- 
viennent héréditaires et instine- 
tives dans certaines races, telle- 
ment que les espéces sont suscep- 
tibles de se perfectionner, Ago: et 
suiv. Voyez Chien. 

Inula conyzoides. Description et figure 
de cette pot: 


K. 
Knema de Loureiro. Paroît devoir être 
réuni au Myristica, 76 

Es 


e ap (M. de) nommé adjoint i à Dau- 
; ' benton dans la place de démons- 
trateur et de garde du cabinet, 
351. Notice sur ses travaux, ib. 
Laitue de Crite. DRE et figure de 
cette plante, : 160 
Laves compactes. Voy. Laves lithoïdes. 
Laves lithoides. Mémoire sur uh nouveau 
genre de liquéfaction ignée qui 
explique leur formation, 405 et 
suiv. Ces laves ont été liquéfiées 
par la chaleur , mais n'ont été ni 
vitrifiées, ni dénaturées , et les 


T L'AILE: 4 LP R À B'ÉT I QU E 


cristaux qu’elles contiennent 
préexistoient à leur formation , ib. 
Cette vérité avoit été annoncée 
par Dolomieu et par quelques- 
autres géologues qui cependant 
ne lavoient pas prouvée, 407 et 
suiv. M. Hall avoit attribué la 
formation de ces laves à la dévi- 
trification : réfutation de cette 
opinion , 409 etsuiv. , 425 etsuiv. 
455 et suiv. Expériences qui dé- 
montrent que ces lavés sont le 
produit d'une liquéfaction ignée 
différente de la fusion. vitreuse , 
A11 et suiv. Quelles ditéahiices 
-——— à leur formation, 
et comment on peut imiter le 
procédé de la nature , ib. Compa» 
raison des laves lithoides artifi- 
ficielles avec les roches dont elles 
sont formées, 418 et suiv. Con- 
clusion de ce mémoire, 530 et s, 
Comparaison des produits de la dé- 
vitrification avec ceux de la sim- 
ple liquéfaction, 423 et-s. Carac- 
téres qui distinguent essentielle- 
ment la liquéfaction ignée de la 
fusion vitreuse dans leur action 
et dans leurs produits , 333. La 
connoissance de la liquéfaction 
ignée, quoique restreinte à la 
théorie des volcans, peut con- 
duire à la' solution de plusieurs 
problémes de géologie, 437 
Laves porphyritiques. Voy. Laves lithoïdes. 
Lemonnier, professeur de botanique au 
jardin, se fait remplacer par An- 
toine-Laurent de Jussieu, 7 


DES ARTICLES. 


Leuradia. Voyez Aglaia. 

Limacia (le) de Loureiro. Paroît étre 
du méme genre que l'Epibaterium. 
de Forster, 

Limon d'attérissement. Voy. Géologie. 

Linaire. Description et figure de deux 
espéces de linaire du Levant, 

51 et suiv. 

Liquéfaction ignée, différente de la fu- 
sion vitreuse et de la fusion mé- 
tallique. Voy. Laves lithoides. 

Lucas ( M.), attaché au cabinet d'histoire 
naturelle, . 

Lychnis variegata. Description et figure 
de cette plante , 442 


M. 


Macquer , professeur de chimie au jardin. 
Notice sur ses travaux, 15. Sa 

mort, 29 

* Madrépores qui se trouvent dans le mar- 
bre aux environs de Monaco; 

leur origine, 202 et suiv- 
Marcottage. Des dés et des ap- 
pareils utiles à la réussite des 
marcottes, 95 et suiv. Définition 

et théorie générale du marcottage, 

ib. Exemples de marcottages sim- 

ples par stolones, 98 ; par turions, 

ib. ; par drageons , 99; par œille- 

tons, ib. ; par éclats, ib.; par ra- 

cines, 100; par butte, 101; en 
archet, ib.; en provins, 102; en 
serpentaux , ib.; en berceau, 103: 


11, 


h93 

Exemples de marcottagés com- 

pliqués : par torsion , 103; par 

étranglement, 104; par plaies an- 

nulaires, ib.; par incision ou à 

œillets, 105 ; par double incision , 

ib.; en l'air, 106; en paniers, ib.; 

en Sac, 107; en pot ordinaire, 

ib.; en pots troués, fendus et à 

oreilles, 108; enterrinespercées, 

109; en entonnoirs de plomb, 

de fer-blanc ou de verre, 109 et 

suiv.; en bouteille, 111; enlan- 

terne, 112. Marcottage d'arbres 

foujours verts et d'arbres rési- 

neux, 115. Observations générales 

sur l'art de marcotter, 114 e£suiv. 
Marcotte, Voyez Marcottage. 


Ménageries ( utilité des ) pourd’étude des 


oiseaux, 284 
Mertrud, démonstrateur d'anatomie au 
Jardin, 


Mertrud , neveu du précédent, lui est 
adjoint, 4. Note sur sa vie et ses 
travaux, 19 

Millepertuis. Voy. Hyperieum. 

Minéraur. Ceux de différente nature ne 

passent point l'un àl'autre, 263 

Molécules intégrüntes. V. Cristallisation, 

Molène. Voy. Verbascum. 

Mollusques gastéropodes. Voy. Janthine, 
Phasianelle , Vivipare d'eau douce 
et Buccin. 

Moringa (1e) est un genre naturel 

: trés-différent des autres légu- 
 mineuses , auquel il. faut réu- 
nir ROSES de Forskal et 


0 


694 
- deux espèces d’Anoma de Lou- 
reiro, $27 et suiy. 

Mouettes, Voy. Goélands. 

Montmartre, Description géologique des 
diverses couches de terrain qui 
composent les collines de Mont- 
martre et des fossiles qu'on y 
trouve, 315 et suiv. V. Géologie. 

Mucuna. Voyez Dolichos. 

Muséum d'histoire naturelle (Sixiéme no- 
tice historique sur le) depuis 1760 
jusqu'à 1788, 1 et suiv. 

Mussite. Voy. Diopside. 


N. 


Natice. Observations anatomiques sur ce 


genre de gastéropodes , 185 
Nephelium. Ce genre doit étre réuni à 
l'Euphoria , 236 


mum Recherches sur le système ner- 
veux et sur le cerveau. V.Cerveau, 
Nérites. Observations anatomiques sur ce 
genre de gastéropodes, 185 


o a 


CEil. Voyez Gemma. 

Æilletons. Ce que c'est, 99. Multiplica- 
tion par cilletons. Voyez Mar- 
cottage. 

Oiseaux. Difficultés que présente la dis. 

^ tinction des espèces, et pourquoi 
les naturalistes les ont multipliées, 
284 et suiv. Voyez Goélands. 


TABLE ALPHABÉTIQUE. 


Ornithologie. Difficultés de cette science; 
obscurité qui régne encore sur 
quelques-unes de ses parties, 205 
et suiv. Les naturalistes ont sou- 
vent regardé comme des espèces 
les variétés produites par le sexe 
ou par l’âge, ib. Utilité des ména- 
geries pour l'étude des oiseaux, 
284. Voy. Goélands. 

Ornitrophe. On doit réunir à ce genre le 
Gemella de Loureiro , l’Apore- 
tica de Forster, le Schimdelia et 

. " Allophyllus g 234 


P: T 


Papaver floribundum. Description et fi- 

376 

Paris ( Description géologique des envi- 
rons de). Voy. Géologie. 


gure de cette plante, 


Périn-kara. Voy. Elæocarpus. ` 
Petit ( Antoine ), professeur d'anatomie 
au jardin. Note sur sa vie et ses 


travaux, 16° 


Plantes du Levant( suite du choix des) , 
indiquées dans le Corollaire de 
Tournefort, publiées d’après son 
herbier , et gravées sur les dessins 

` d'Aubriet, qui font partie de la 
collection du Muséum, 51 et s. 
136 etsuiv. 160 et suiv. 273 ets. 
376 et suiv. 438 et suive. 

Phasianelle ( Mémoire sur la ) et la Jan- 
thine, deux genres de mollusques 
à branchies pectinées qu'on avoit 
mal-à-propos réunis à l'Hélir, 
121 et suiv. Histoire naturelle et 


Dress à ROT ECL E:s. 


- anatomie de la Phasianelle, 130 
et suiv, Voyez Janthine. 

Phyleuma lanceolata. Description et fi- 
gure de cette plante, 55 

Pierre à plâtre. Voy. Gypse. 

Pierre meulière des environs de Paris. 
Son gisement et sa formation, 
322. Voy. Géologie. 

Pometia Forst. Ce genre doit être réuni 
à l'Euphoria de Commerson , ou 
Dimocarpus de Loureiro, 235 

Portal ( M.) , nommé professeur d'anato- 
mie au Jardin. Notice sur ses tra- 

|? vaux, 18 

Printemps. 11 se divise en trois époques 
relativement à l’agriculture, 114 

- Provins. Voy. Marcotte et Marcottage. 

Pyenite. Doit être réubie à la topaze, 
d'aprés la forme de ses cristaux. 
Comparaison des caractéres chi- 
miques et minéralogiques de ces 
deux subsfances, 58 etsuiv. 

Pyroxène, Analogie de ce minéral avec 
le diopside , 77 et suiv. Forme 
de ses cristaux comparée à celle 
des: cristaux de diopside, Bo et 

` suiv. Indication de plusieurs subs- 
tances minérales qui doivent étre 
réunies au pyroxene , 86 et suiv. 


Ecc 
Ranunculus grandiflorus. Description et 
figure de cette plante, 277 


Révolutions du globe. Voy. Géologie. 
Rouelle, démonstrateur de chimie au 


495 
jardin, est remplacé à sa mort 
par son frére. Caractére de ces 
deux savans, 5et6 

Rousseau ( J.-J.) assista aux herborisa- 
tions de M. de Jussieu, pendant 
les cinq dernières années de sa 


vie, 14 
Ruta parviflera. Description et figure de 
cette plante, 440 

S. 


* 


Sarcolite de Montechio-Maggiore et de 
Castel. Notice sur le gisement et 
les caractéres de ce minéral qtti 
se trouve dans les mêmes laves 
où est l’analcime, et sur les ca- 
ractéres chimiques qui le séparent 
dé cette dernière substance, 42 
etsuiv. Analysechimique de cette 


LJ 


sarcolite , et sa comparaison avec 
d’autres, 47 etsuiv. 

Scabiosa. Description et gure de deux 
espèces de Scabieuses du Levant, 

167 et suiv. 

Seine (Description géographique et géo- 
logique du bassin de la), 295 et 
suiv. Voy. Géologie. 

Spurzheim et Gall ( MM. ). Leurs Recher- 
ches sur le cerveau. V, Cerveau. 

Stolones et végétaux stolonifères, 98: 
Multiplication par sfolones, ib. 
Voy. Marcottage. 

Strontiane sulfatée (Géodes et cristaux de) 
qu'on trouve aux environs de Pa- 
ris, et parmi lesquels il y a une 


496 
nouvelle variété, 303. Leur gise- 
ment et leur caractère, ib. 


T. 


Tanacetum incanum. Description et fi- 
gure de cette plante, 163 
Tetradium. Voyez Gonus. 
Thiaspi cordatum. Description et figure 
de cette plante, 362 
Thouin ( M. André), aujourd'hui profes- 
seur de culture au Muséum , suc- 
cede à son pere dans la place de 
jardinier en chef, 8. Notice sur 
ses travaux, 
; Topi. Comparaison de ce minéral avec 
la pycnite, qui doit lui être réunie» 
58 et suiv. Voy. Pycnite, 
Tournefort. Voy. Plantes du Levant. 
Tricuspidaria de la Flore du Pérou. Ob. 
servations sur ce genre et sur sa 
place dans l’ordre naturel, 233 
s et suiv, 
Trochus. Observations anatomiques sur 
ce genre de gastéropodes, 184 
Tarbes, Observation anatomiques sur ce 
genre de gastéropodes , 183 
Turions. Ce que c'est, 98. Propagation 
par Turions. Voy. Marcottage. 


U. 


Urée (Nouvelles expériences a ). 226. 
Comment on l'obtient pure, ib. 


Ses caractères, 227. Phénomènes 


que présente sa distillation, ib. 


TABLE ALPHABÉTIQUE 


Elle provient de l'acide urique, 
et ces deux corps se changent l'un 
en l'autre , 228. Altération que 
Purée épreuve dans la vessie ? 
229. La connoissance de l'urée 
peutfournir beaucoup d'applica- 
tions utiles à la médecine, 229 


V. 


Valeriana sisymbrüfolia. Description et 
figure de cette plante, 393 
Vanspaendonck ( M. ), nommé peintre du 
jardin , 10 
Vateria.Sile fruit que M. Gærtner fils a 
décrit sous ce nom lui appartient 
réellement, ce genre doit étre 
éloigné de l'eleocarpus , 234 
Variétés dans les végétaux. Une bonne 
théorie de.la formation des va- 
riétés est encore à établir et seroit 
tres-utile, 96. Moyen de propager 
les variétés. Voyez Mareottage. 
Végétaux (propagation des). Les arbres 
obtenus de bouture , de greffe ou 
de marcotte, et toujours multi- 
pliés de cette manière , finissent 
ordinairement parne plus donner 
de graines fertiles, 95. Ils sont 
aussi moins beaux que ceux venus 
de semence, ib. el 114. Moyens 
de propager les variétés. Voyez 
Marcottage. ls 
Végétaux. Des moyens de les multiplier, 
94 et suiv. Voy. Agriculture. 
Verbascum betonicæfolium. Description 
et figure de cette plante, 54 


DES ARTICLES 497 


Vicq-d' Azyr suppléa M. Petit pour les Volcans ( Produits des ). Voy. Laves lie 
leçons d'anatomie , 17. Note sur thoides. (Y A4 
sa vie et ses travaux , ib. 
Vivipare d’eau douce ( Cyclostoma vivipa- Y. 
rum, Drap.) Histoire naturelle et 
anatomie de ce mollusque qui 
appartient à la tribu des gastéro- 
podes pectinés, et doit être sé- Z. 
paré des Hélir, 170 et suiv. Il 
est ovo-vivipare comme les vi- Zèbre. Note sur le zèbre mort à la ména- 


` Yeux des végetaur. Voyez Gemma. 


pères, et la matrice des femelles gerie du Muséum, le 8 avril de 
contient au printemps des petits cette année ;. sur ses habitudes , 
revêtus de leur coquille et prêts sur son accouplement avec un 
à marcher , d'autres moins formés, âne , sur le mulet qui en est né; 
et des œufs, 174 ` et enfin sur son accouplement 

avec un cheval, 237 et suiv. 


Voyage géologique. Voy. Géologie, 


* 


Ernara pour le Mémoire de MM. Cuvier et Brogniart. 


Pag. 300, lig. 21, leurs continuité; mettez leur continuité, 

— 303 , lig. 21, tubulaire ; mettez tabulaire. 

— — 304, lig. 20 , abondant en ta forêt ; mettez à Abondans dans Ja forêt, 
308, lig. 29 ; à l’æil; mettez à l'air. 
— — 510, lig. 18, état; mettez éclat. 

—— 311, lig. 28, diverse; mettez inverse, 

—— 514, lig. 6, carrières; mettez carriers. 

== 526, lig, 8, leurs dépôts ; mettez leur dépót, 


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Cuvier del. 


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Lambert sculp. 


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Aubriet del. 


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ALYSSUM Densiflorum 


Aubriet del. 


ALYSSUM JSamohfalm.- 


Lambert sculp 


Lambert sculp: 


ALYSSUM Pariculatum 


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DRABA Pontica. 


Aubriet del PC 


Lambert soulp.. 


FHELGSPI Cordier 


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HYPERICUM Cliatum. 


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CUCOBALUS dperguisfolus. 


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LYCHNIS Fariegata ; 
^ Lambert scup. 


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CRASSULA Crenata’. 


Lambert sculp ; 


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