ANNALES'
DU MUSÉUM
DHISTOIRE NATURELLE.
PAR
LES PROFESSEURS DE CET ÉTABLISSEMENT.
OUVRAGE ORNÉ DE GRAVURES.
*
TOME ONZIÈME. . . ^
A PARIS,
caez TOURNEISEN FILS, LIBRAIRE, RUE DE SEINE,
FAUBOURG SAINT-GERMAIN; N.° 12.
. 1808.
"NOMS DES PROFESSEURS
Messieurs ,
HaUY . . ... . . Minéralogie.
Favujas-SamNT-FoND . Géologie, ou Histoire naturelle du sloke..
FOURCROY. . . . . Chimie générale.
VAUQUELIN . . . . Chimie des Arts.
DESFONTAINES . . . Botanique au Muséum.
A. T. Just. Botanique à la campagne.
A. THOUIN . . . . Cultureet naturalisation des végétaux.
GEOFFROY.-ST.-HILAIRE. Mammifères et oiseaux . . cs
LACÉPÈDE. . jw . Reptiles et poissons. . . . . . .\ Zoologie.
LAMABOK. . TE. Insectes, coquilles, madrépores, etc. .
TORIL . x Anatomie de l'homme,
CUVIER . . . . . Anatomie des animaux.
VANSPAENDONCK . . Iconographie, ou l'art de dessiner et de peindre les
productions de la nature.
iA. EQUI Secrétaire de la Société des Annales.
ANNALES
DU MUSÉUM D'HISTOIRE NATURELLE.
SIXIÈME |
NOTICE HISTORIQUE
LE MUSEUM
PAR M À L DE essit
— T s. as: Depuis 1760 jusqu'en 1588. i
Biror, en 1760, dirigeoit degitis vingt-un ans l'établissement
du Jardin des Plantes. Les deux grandes allées qu'il avoit
plantées , présentoient déjà un ombrage agréable. Il voulut
encore imiter son prédécesseur, qui avoit bâti deux serres ;
et. reconnoissant la nécessité d'augmenter l'étendue des lo-
caux destinés à préserver les plantes délicates des rigueurs
de l'hiver, il jeta les fondemens d'une nouvelle orangerie
faisant suite à l'ancienne qui subsiste encore. Cette construc-
tion, commencée en 1754, avoit la méme longueur que la
11. 5 I
2 ANNALES DU MUSEUM
grande serre occidentale de Dufay ; et placée au-dessous, elle
devoit en former la terrasse en-avant-corps. l'architecte qui
dirigeoit ce travail, moins occupé de sa destination que du
désir de faire un monument solide et d'une belle ordonnance,
y avoit multiplié les colonnes et les masses de pierres. L'on
ne tarda pas à reconnoitre qu'il pourroit difficilement devenir
une bonne orangerie, et que les plantes, cachées derrière des
massifs , y seroient privées du soleil dont elles ont un premier
besoin, Ce bátiment , pour lequel d'ailleurs le gouvernement,
détourné par des dépenses de guerre, ne ponsoH alors
fournir les fonds promis, fut interrompu en 1757, et bientôt
entièrement abandonné, quoiqu'il fut déjà voüté et élevé à la
hauteur de la terrásse de la serre.
Buffon fut plus heureux dans une autre entreprise : ses
ouvrages, enricl des descriptions de Daubenton, avoient ré-
pandu dans l'Éur ope, et surtout dans toute la France, le
goüt de l'histoire naturelle. Chacun, dans son canton, étu-
dioit les corps dont il étoit environné, et parmi ces amis de
la science, plusieurs sempresserent de transmettre à l'his-
torien de la nature les objets qui leur parurent les plus dignes
de son attention (1);1l les placoit dans les deux salles du ca-
binet, qui bientót farent insuffisantes pour contenir ces nom-
breuses additions. Une augmentation de local devint indis-
(a) Le roi «pate à peu près dans. ce temps, moyennant une rente viagére , la
collection d'histoire naturelle faite au Sé
aprés, le Cabinet fut encore enrichi de toutes les productions recueillies par Com-
merson, quiaccompagnoit M. de Bougainville, en 1766. et 1767, dans son voyage
autour du monde, et qui mourut en 31773 à PIle-de-France , aprés un séjour de .
six aus, pendant lesquels il avoit fait des excursions dans les iles de Bourbon et de
Madagascar. = À ; pe oc
D'HISTOIRE NATURELEE. K-8
pensable. Buffon, qui avoit déjà une première fois cédé une
portion de son logement , crut devoir sacrifier au cabinet les
pièces qui lui restoient. Il transporta son domicile hors de Péta-
blissement (1), et fit distribuer, en 1566 , le nouveau local tel
qu'on le voit maintenant au premier étage. L/escalier situé au
milieu du bátiment fut supprimé ; l'on en pratiqua un nouveau
dans l'ancienne chapelle (3), qui étoit voisine de la porte
d'entrée da jardin, et l'espace qüe le premier oecupoit
servit à agrandir une des anciennes salles. Deüx autres ,
l'une tres-grande et l'autré beaucoup plus petite, furent dis-
posées à la suite des précédentes. On réserva les deux pre-
mières pour la collection des animaux! la troisième fut cón-
sacrée aux minéraux, et la dernière aux donc m Elle furent
ouvertes au publie iróis jours de la semaine, et!les élèves
eurent aussi des heures réservées poui: T l'étude. Daubenton ;
présent à toutes les séances, étoit r— de répondre aux
diverses questions et de donner tous les éclaireissemens: qui
lui étoient demandés; il joignoit ainsi lés fonctions de démons-
irateur à celles de garde: Ses occupations fürent: augimentées
en 'taison de l'étendue de la collection, du tenip$ éxigé pour
$a disposition dans un ordre Kdotieénibhés et de l'obligation
uns aux guvertüres publiques beaucoup de séances pour
és roi ge —— I b nadie dis rre r:
4st € "E 1
PT Au bas de la rue des Weite N dans une grande maison main-
tenant sous le n.-13.
KO Le jardin à eu fond tepe une AR PURE par un ee en titre. On la
isit au tiers pour former l'éscaliet en question. Quelque ms aprés, ee local;
trop rétréci et jugé insuffisant pour sa première destination, fut changé en chauf-
foir et lieu de retraite pour les gardes du cabinet pendant les heures d'ouverture
publique. Plus ce el on der een tibus e rs good èt lui mére
une double entrée. - usa Ja siio am] CT
1 *
- ANNALES DU MUSÉUM
des sociétés particuliéres, surtout pour des étrangers attirés
par le désir de voir des objets nouveaux et de s'instruire en
conversant avec le démonstrateur.
On reconnut bientót la nécessité de lui donner un adjoint
qui, sous le titre de garde et sous-démonstrateur , le secon-
deroit dans tous ses travaux. Buffon obtint du ministre, en
1767, la création de cette nouvelle place qu'il fit donner à
Daubenton le jeune (1), cousin-germain et beau-frére du pre-
mier titulaire , avec un appointement de 2400 fr., et un loge-
ment au-dessus des salles du cabinet. Cette liaison de parenté
contribua à entretenir un parfait accord entre les deux gardes,
dont l'un conservoit la direction principale pour la distribu-
tion méthodique des objets. |
Pendant que | le cabinet s'accroissoit rapidement par leurs
et ajoutoit. un nouveau lustre à cet établis-
soins réunis,
sement, les cours annuels continuoient à rassembler dans
ce lieu de nombreux élèves. Ferrein, déjà plus que sexagé-
naire, mais conservant le méme zèle pour propager les con-
noissances anatomiques, donnoit chaque année des leçons très-
suivies, et Mertrud faisoit sous lui les démonstrations sur le
corps humain. Celui-ci étoit l'éleve de son prédécesseur Du-
vernay, dont il avoit été le prosecteur, et il ne lui avoit
succédé qu'après s'être fait connoître avantageusement par
plusieurs cours particuliers. Démonstrateur depuis 1749
ayant exercé ses fonctions avec Winslow et Ferrein , il sentit,
en 1765, le besoin du repos, et obtint à cette époque que son
neveu Jean-Claude Martel @)k lui fût adjoint pour les dé-
IC J adari POR x à Montbard, en 17 32. ;
(2) L'un et l’autre, nés à Langres , étoient membres de l'Académie de PS se E 1
D'HISTOIRE NATURELLE. 5
monstrations. Il mourut en 1769, avec la — de bon
anatomiste et de chirurgien habile. | |
Ferrein ne survécut pas à ce démonstrateur : son áge et
ses infirmités l'avoient forcé d'interrompre , en 1768, le cours
d'anatomie, dont les leçons furent faites par M. Portal, mé-
decin de la faculté de Montpellier; déjà connu par quel-
ques ouvrages estimés et par des cours particuliers très-suivis.
Il mourut l'année suivante (1769), âgé de soixante-dix-sept ans,
après avoir formé des élèves que la Faculté de Paris a comptés
parmi ses membres les plus distingués, et qui n'ont cessé de
rendre hommage à la mémoire de leur premier guide dans
l'étude de l'anatomie et de la médecine. Ferrein eut pour suc-
cesseur Antoine Petit, membre de la méme Faculté et de
l'Académie des " , jouissant d'une grande célébrité
comme anatomiste, comme médecin, et surtout comme »
fesseur dans ces "e parties.
L'établissement perdit encore, en 1770 , un savant Fre ceti
et la chimie eut à regretter un de ses principaux soutiehs.
Rouelle, chargé de divers travaux par le gouvernement, avoit
examiné par ses ordres une nouvelle manière de rafiner le
salpétre. Dans ce travail, qui nécessita plusieurs expériences
pour démontrer le défaut et l'insuffisance du moyen proposé,
il éprouva un agacement dans le genre nerveux , qui ne fit que
Saccroitre avec le temps. Il étoit perpétuellement dans une
agitation convulsive, méme en faisant ses lecons publiques ou
particulières Cette maladie fit de tels progrès qu'il fut obligé,
en 1768, de renoncer aux démonstrations , et de demander
et ont inséré quelques Mémoires dans le -— , [2 par cette compagnie
savante,
6 ANNALES DU MUSEUM
que son frère Hilaire-Marin Rouelle, très-versé dans la méme
partie, élevé par lui dans les mêmes principes, füt chargé de
le remplacer. L'espoir d'améliorer sa santé en abandonnant
la ville pour aller respirer Fair plus pur de la campagne, le
détermina à prendre un domicile dans le village de Passy;
mais il n'y trouva pas le soulagement qu'il cherchoit, et il y
mourut le 3 aoüt 1770 (1) au milieu des plus vives douleurs.
Son frère, qui l'avoit suppléé pendant sa maladie, obtint
aprés lui le titre de démonstrateur. Il n'avoit pas au méme
degré le génie et l'enthousiasme chimique; son caractère étoit
pius froid; mais il possédoit à fond et d'une maniére pra-
tique la science cultivée par son prédécesseur. Il passoit sa
vie dans le laboratoire; personne n'entendoit mieux l'art des
manipulations, et les opérations dirigées p% lui réussissoient
constamment, Dans les leçons, sa diction n'étoit pas toujours
pure, parce que l'étude des belles-lettres n'avoit point fait
partie de sa première éducation; mais elle étoit expressive
etsénergique. Ses démonstrations, toujours fondées sur des
faits et accompagnées d'expériences nombreuses , étoient très-
suivies et trós-instructives. Il les avoit faites pendant deux ans
sousle professeur Bourdelin ; mais celui-ci , déjà ágé, détourné
d'ailleurs par l'exercice de la médecine dans la capitale et par
PRES ENTRE
DE
- (1) TI laissa un fils qui, voyageant en Italie, mourut à Naples de la petite vérole,
ét une fille mariée à Darcet, chimiste célébre, docteur de la Faculté de médecine,
membre de l'Académie des sciences, professeur de chimie au college de France,
essayeur de la Monnoie , admis dans l’Institut et dans le Sénat à l'époque de leur
création , et mort en l'an ix (1801). De ses deux files vivantes, l'une a épousé
étuel de la quatrième classe de l'Institut; l'autre est
le l’Institut, ci-devant. ambassadeur de France. en
M. Lebretom, secrétaire
veuve de Grouvelle, associé
Danemarck.
D'HISTOIRE NATURELLE. 7
la place de médecin de Mesdames filles de Louis XV, obtint
de Buffon, en 1770, l'agrément de se faire remplacer par
Macquer , son confrére dans la Faculté de médecine et dans
l'Académie des sciences, déjà célèbre par des cours parti-
culiers de chimie , et par les premiers livres élémentaires bien
faits sur cette science. à
La méme année 1770 produisit un changement dans les
démonstrations de botanique. Elle étoit toujours dirigée par
Bernard de Jussieu et Lemonnier. Celui-ci, qui joignoit aux
fonctions de professeur celles de premier médecin ordinaire
du roi, en survivance de Quesnay, étoit obligé, en cette qua-
lité, de résider à Versailles pour y faire un service habi-
tuel, parce que le titulaire lui avoit délégué l'exercice de la
place. Une de ses attributions étoit de suppléer le premier
médecin, quand, par maladie ou toute autre cause, il
étoit forcé d'interrompre ses fonctions. Senac, alors premier
médecin de Louis XV, tomba malade en | 1769, et fut hors
d'état de continuer son service. Lemonnier, aimé et estimé
du roi, auquel de son côté il étoit tres-attaché, ne s’éloigna
plus de sa personne, et dés-lors il fut obligé de renoncer aux
fonctions de professeur dans le jardin. ll se fit remplacer,
en 1770, par Antoine-Laurent de Jussieu , neveu de son col-
lègue , alors bachelier de la Faculté de médecine, dans laquelle
à suivoit sa licence. Ce jeune professeur , formé à l'école d'un
grand maitre, put transmettre aux éléves les documens qu'il
recevoit de lui, et faire ainsi le cours entier , qu'il continua les
années suivantes, parce que Lemonier , détourné de plus en
plus par d'autres devoirs, ne put à cette époque reprendre
ses fonctions d'enseignement. s
Bernard de Jussieu continuoit à diriger les travaux inté-
8 ANNALES DU MUSÉUM
rieurs du jardin et à disposer les plantes dans l'école de bo-
tanique. I avoit perdu, en 1763, son aide principal le jar-
dinier Thouin , qui, formé par lui , avoitacquisles j ^
nécessaires daus sa place,et la remplissoit avec intelligence
et exactitude. Ce jardinier laissa en mourant une veuve chargée
de six enfans en bas âge, dont l'ainé, André Thouin, âgé de
dix-sept ans, s'étoit instruit de bonne heure dans la méme
partie. Malgré sa grande jeunesse, Bernard de Jussieu, con-
noissant son aptitude et. affectionnant cette famille, fit agréer
à Buffon qu'il succédät à son père; il promit de le diriger,
en ajoutant qu'un premier garcon trés-ancien dans le jar-
din pouvoit le seconder pour les travaux manuels de cul-
ture, Ainsi fut conservée dans l'établissement.une famille es-
timable dont plusieurs membres y remplissent encore main-
tenant des emplois importans. Par les soins du démonstrateur
et du jeune jardinier, qui se chargeoit spécialement de la ré-
colte des graines et des semis, le jardin conserva une collec-
tion assez nombreuse de plantes vivantes , quoique l'intendant,
alors plus occupé de l'agrandissement du cabinet d'histoire
naturelle, donnät moins d'attention aux autres parties de
l'établissement.
D'ailleurs, Buffon éprouva, en 1771,une maladie assez grave
pour donner sur sa vie des craintes à ses amis et à ceux qui
cultivoient l'histoire naturelle, sur laquelle il avoit présenté d
grandes vues , et dont il propageoit le goût dans toute L
France. A cette époque, M. d'Angiviller (1), déjà pourvu de
(1) M.de Flahaut de la Billarderie , comte d'Angiviller, ancien officier des Gardes-
du-corps, admis à l'Académie des sciences en 1772 , avec le titre de pensionnaire
vétéran , directeur général des bàtimens du roi en 1774, en cette qualité chef des
D'HISTOIRE NATURELLE, 9
la survivance d'intendant du jardin, et qui tenoit cette nomina-
tion secrete par égard pour Buffon, crut devoir faire con-
firmer ce titre par le ministre, et le laisser connoitre au
public, probablement pour écarter toute concurrence et pré-
venir des démarches opposées à ses intérêts. Buffon, dans sa
convalescence, fut instruit de cet événement qui pouvoit con-
irarier ses vues , et il en parut vivement affecté; mais les mé-
nagemens délicats de son survivancier parvinrent à lui rendre
ce désagrément moins sensible : il fut d'ailleurs, dansle méme
temps, dédommagé par deux distinctions honorables. Le roi
érigea ,en 1771, sa terre de Buffon en comté, et fit faire, par
Pajou, célèbre sculpteur , sa statue en marbre ; elle fut placée,
en 1776, dans l'escalier conduisant aux salles d'histoire na-
turelle. Quoique cet honneur ne füt accordé qu'aux hommes
célébres déjà morts, on dévanca, en sa faveur, le jugement
de la postérité, qu'il étoit facile de deviner. Cet hommage,
rendu à un grand homme que le public désignoit par le nom
Académies d'architecture , de peinture et de sculpture. Ami des sciences et des arts,
il encouragea surtout ces derniers, et obtint l'autorisation du roi pour faire exécuter
tousles deux ans ee dier tableaux d'histoire , et quatre statues en marbre repré-
sentant d e la France. On a dit dansle temps qu'il devoit cette place,
ainsi que + survivance d'iatendadé du Jardin des Plantes, à la faveur spéciale du dau-
phin fils de Louis XV, prés duquelil avoit passé sa premiére jeunesse, et qui en mou-
rant avoit demandé au roi pr lui ces deux places. Mais il paroit plus certain qu'il
dut la survivance de Buffon à la protection du ministre Lavrillére, et la direc-
tion des bátimeus à l'affection de Turgot, premier contrôleur général des finances
lorsque Louis XVI monta sur le trône. M. d'Angiviller, forcé de s'expatrier à
l'époque de la révolution , habite maintenant Kiel dans le Holstein, où il a emporté
les regrets des artistes qu'il estimoit, et des Sem 6c que son caractère obli»
geant et ses formes aimables lui avoit procurés, E
11.
2
10 ANNALES DU MUSEUM
de Pline françois, fut approuvé par tous ceux qui avoient lu
et admiré ses ouvrages.
Buffon ayant recouvré la santé en 1772, s'occupa de nou-
veau de l'amélioration de l'établissement confié à ses soins.
Pour en être plus rapproché, il fit acquérir par le gouver-
nement deux maisons, voisines du bâtiment principal, qui
furent réunies au jardin, et dont on forma, au moyen de
quelques réparations, le logement de l'intendant , dans lequel
il transporta son domicile. Les étages supérieurs furent ré-
servés pour le dépót des objets non encore placés dans les
salles d'histoire naturelle. On abattit au fond de la cour du
jardin un vieux bâtiment qui la paroi de la nouvelle ac-
quisition.
La présence de Buffon dans l'établissement fat? nd un
changement avantageux pour la botanique. Cette science,
négligée depuis long-temps dans le jardin, ne s'y soutenoit
que par les efforts de ceux qui étoient chargés de sa direc-
tion. L/école étoit la méme qui avoit été plantée par Tour-
nefort. Quoiqu'elle fùt entourée-de terrains vagues, on n'avoit
pu, faute de fondset de moyens de culture, augmenter son
étendue, Le sol, dénué d'engrais, étoit épuisé : les plantes y
languissoient ; on ne pouvoit transplanter celles de pleine terre
sans risquer de les faire périr. Lorsqu'on vouloit ajouter aux
démonstrations quelque genre nouveau, on étoit forcé de le
placer dans les parties de platebandes qui offroient des places
vides , sans aucun égard à ses rapports naturels ou systéma-
tiques. L'impossibilité de trouver un nombre suffisant de ces
espaces libres, avoit déterminé le professeur à démontrer dans
une autre partie du jardin les plantes de serre chaude. De
plus, l'école des arbres étoit toujours séparée de la premiére,
D'HISTOIRE NATURELLE. i1
et adi de l'autre côté du parterre, le long d'une des grandes
allées. Au moment de la démonstration, les arbres d'oran-
gerie, conservés dans des pots ou des caisses, étoient inter-
calés entre ceux de pleine terre et retirés peu aprés, parce
que ce lieu , resserré entre une grande allée et un mur tres-
élevé, étoit trop ombragé.
M. 2d Jussieu le neveu, remplissant les fonctions du profes-
seur Lemonnier , fit, pendant quatre années, les démonsira-
tions suivant cette disposition irrégulière ; mais désirant vive-
ment renouveler l'école et y ranger les plantes dans un meilleur
ordre, il sollicita fortement auprès de Buffon la restaura-
tion de cette partie du jardin, et il réussit à le convaincre
de la nécessité de ce changement. Buffon obtint, en 1773;
du ministre Lavrillière les fonds nécessaires ( 36000 liv.)
pour la disposition de la nouvelle école et les dépenses
accessoires. Les plantes vivaces de l'ancienne furent levées
dans l'automne avec précaution et mises à part. On détruisit
le pavillon situé à l'extrémité du jardin. Le terrain , devenu
libre, fut défoncé et nettoyé dans toute son étendue. On
traça de nouvelles platebandes dans lesquelles les mêmes
plantes furent replacéessur la fin de l'hiver suivant. M. de Jus-
sieu en profita pour les disposer suivant une méthode nouvelle
qu'il fonda sur les caracteres les plus essentiels, et qui avoit
sur toutes les précédentes l'avantage de conserver dans leur
intégrité la plupart des familles établies, quinze ans aupara-
e: par son oncle dans lejar de Trianon (1). A la nomen-
à) C— de Jussieu, invité, en 1759, par Louis XV à ranger l'école de bota-
nique que. prince vouloit former dans son jardin de Trianon:, y disposa les plantes
| qu’elles sont rapportées à la suite de l'introduction de l'ouvrage
publié par son neveu. ;
> *
12 ANNALES DU MUSEUM
clature de Tournefort , seule admise jusqu'alors dans le jardin ,
il substitua celle de Linnaeus, plus abrégée, plus commode ,
et généralement adoptée dans toute l'Europe: ce qui mit en
ce point le jardin de Paris en harmonie avec les autres jardins
de botanique étrangers. En 1774, les démonstrations furent
faites suivant ce nouveau plan. Buffon fit placer autour de
l'école et du terrain del'orangerie les grilles de fer qui subsistent
encore maintenant. Le bâtiment neuf fut démoli, et l'on n'en
conserva que les caves ,et la portion nécessaire pour soutenir la
terrasse de la serre supérieure, sous laquelle on pratiqua des
serres peu profondes, trés-avantageuses pour la conservation
des petites plantes d'orangerie. Avec les débris de ce bâtiment
et les mauvaises terres retirées de l'école, on forma la pente
douce qui conduit des allées du jardin aux buttes, en passant
entre les deux serres de Dufay.
Les couches destinées aux semis des graines, auparavant
placées daus un des deux carrés bas entourés d'ifs qui ter-
minoient le parterre, furent transportées sur une terrasse située
au-dessus de lécole à la suite des serres, et garantie du nord
par la petite butte. Dans l'emplacement de ces carrés on
forma la pépiniere qui existe encore, et qui fut également en-
tourée d'une grille de fer.
Bernard de Jussieu, qui avoit désiré long-temps de voir
l'école mieux disposée, approuva tous ces changemens, et vit
avec plaisir le nouvel ordre établi dansles démonstrations; mais
affoibli par âge, contrarié par une vue extrêmement basse,
qui ne lui permettoit de voir que confusément les objets, se
croyant d'ailleurs moins nécessaire dans le jardin, il ne S'y
rendit plus avec la même assiduité, comme il faisoit aupara-
vant chaque matin dans la belle saison, et il ne présida plus à
D'HISTOIRE NATURELLE. 13
l'arrangement des plantes dans l'école. Les herborisations qui
commencoient à le fatiguer furent aussi abrégées, et se bor-
nèrent, en 1775, à quelques promenades trés-courtes , au mi-
lieu des élèves attirés à sa suite par une curiosité respectueuse ;
son neveu le suppléa pour les autres herborisations. Dans
les années suivantes, il renonça entierement à cet exercice
trop pénible, et ne parut presque plus au jardin, quoiqu'il
conservàt pour ce lieu une affection particulière. En 1777,
il ne sortit de chez lui que pour remplir les devoirs reli-
gieux et ceux d'académicien. Cette vie, très-sédentaire , put
augmenter en lui une disposition à l'apoplexie , dont il ressentit
une première atteinte vers la fin de septembre de la même
année. Les prompts secours le soulagérent d'abord ; mais il
eut une rechüte trois semaines aprés, et malgré les soins qui
lui furent prodigués , il mourut le 6 novembre, âgé de soixante-
‘dix-huit ans, dont cinquante-cinq avoient été consacrés à
la botanique: dans les fonctions de démonstrateur (1). C'est
(1) Bernard de Jussieu a peu écrit: mais il avoit beaucoup vu et beihetomi lu sans
rien oublier. Il iquoit facil isultat deses observations et de ses lectures
aux personnes qui br: le consulter, et quien profitoient dans leurs ouvrages ,
quelquefois sans le citer. On a de lui, dans le Recueil de l'Académie, des mé-
moires sur le lemma et la pilulaire, dans lesquels il présente des faits, alors nou-
veaux, sur les poussières des étamines. Dans un autre, il a le premier, avec Peys-
sonel, rapporté au régne animal la classe nombreuse des zoophytes, auparavant
rangée parmi les végétaux. C'est à lui que l'on doit la découverte de l'efficacité ce
- aleali volatil pour la guérison de la morsure de vipére, sur laquelle il a donné
une observation consignée dans le méme recueil. L'établissement de ses familles de
plantes à Trianon est le dernier de ses ouvrages, et le plus solide monument de sa
gloire. Haller et Linnæus terminèrent leur carriére dans les deux mois qui suivirent
sa mort; et la botanique perdit ainsi à la méme époque les trois savans que l'opi-
nion publique désignoit comme les premiers dans cette partie. Son éloge, tracé
o. pu ANNALES DU MUSEUM
un des savans dont la mémoire est la plus chère dans le jardin
qu'il dirigea si long-temps , et qui lui doit une partie de sa
prospérité. Il y soutint la botanique dans un temps où elle étoit
négligée par les autorités supérieures. Il la fit aimer aux nom-
breux élèves qui suivoient ses herborisations ou venoient s'ins-
iruire en conversant avec lui. Sa complaisance égaloit son
savoir : sa société étoit douce et agréable, et personne ne pos-
séda mieux la vraie philosophie qui consiste dans l'amour et
la pratique des devoirs imposés par la religion, par la morale
et par la loi. La ne de démonstrateur de botanique fut
donnée à son du qui en exercoit déjà les fonctions, et
qui continua à A réunir à à celles de m
ILS po
SRE et inséré dans les Mémoires de l'Académie , 1777, page 94, fut lu
devant Voltaire dans la séance publique de Pâques 1778, à laquelle assista cet
homme célèbre, qui mourut aussi peu de temps aprés. Dans l'automne suivant, les
lettres perdirent encore Jean-Jacques Rousseau; ce qui fit nommer cette année
scolaire l'année de la mort des grands hommes. J. J. Rousseau aimoit la botanique,
sur laquelle il avoit écrit quelques lettres qu'on lit avec plaisir, et visitoit quelque-
fois le is _ ass Pendant cinq des dernieres années de sa vie, il- assista régu-
4*3 P " 1*1
que M. de Jussieu le neveu faisoit toutes les
semaines, dans l'été, avec M. Thouin et un petit nombre d'amis ou éléves choisis.
(1) M. Antoine-Laurent de Jussieu, né à Lyon en 1748, docteur de la Faculté de
médecine en 1772 ,del'Académie des sciences en 1775, de la Société royale de méde-
cineen 1776, de l’Institut de France à l'époque de sa création , de la légion d'honneur,
professeur actuel au Muséum d'histoire naturelle et à l'Ecole de médecine. Le recueil
de l'Académie contient deux de ses Mémoires, l'un sur la famille des renoncules,
dans lequel il cherche à fixer les principes pour la formation des familles; l'autre
sur la inéthode employée par lui pour la classification la plus naturelle. Cette mé-
thode, adoptée dans les démonstrations du jardin, a servi-de base à son Genera
plantarum , ouvrage dans lequel les familles et leurs genres sont caractérisés. Il a
donné à la Société de médecine un Mémoire sur les rapports des caractéres et des
vertus des plantes. Dans les Annales du Muséum, il a passé en reyue les familles
des Amiarautacées , des Nyctaginées , des. Onagraires , des Passiflorées
bénacées ; il a tracé la nronographie des genres cantua , grewia, paulli
D'HISTOIRE. NATURELLE. 15
Ce fut dans la méme année 1777, au mois de septembre,
que mourut Bourdelin, professeur. titulaire de chimie , qui;
depuis 1770; avoit cessé d'exercer sa place, Macquer (1) joignit
alors le titre aux fonctions qu'il remplissoit depuis. le méme
temps conjointement avec Rouelle le jeune. Celui-ci fit. encore
pendant deux. ans les démonstrations : une -maladie aiguë
l'emporta en 1779, et la science perdit. en lui un manipule-
teur habile,.un des hommes qui possédoient dans la mémoire
Miis loasa, tacsonia ; il a décrit hote genres nouveaux et alcun espèces
ajoutées T aux genres anciens. Les observations de Gærtnersur les fruits et Ies: graines
ont été l'objet de son examen dans plusieurs Mémoires, auxquels il doit donner une
suite, en employant ces observations pour le complément des caractéres de familles.
Enfin, en qualité de l'un des plus anciens professeurs existans, il a été chargé d'in-
sérer dans les Annales l'histoire du Jardin des Plantes, qu'il a divisée en plusieurs
époques. Lorsqu "1l y parle des divers savans qui. ont professé dans ce licu, ou
qui l'ont administré, il’ présente l'état de leurs travaux dans des notes placées à
l'année de leur admission ou de leur mort. Pour suivre le méme plan, il devra
offrir, à lépoque de leur nomination et jusqu'au moment actuel, la méme notice sur
les auteurs vivans, mais en laissant à l'opinion publique le soin de porter les
jugemens et de distribuer les éloges.
(1) Pierre- Joseph Macquer , né à Paris en 1718, docteur de. la Faculté int
decine en 1742, de l'Académie des sciences en 1745, de la Société royale de mé-
decine en 1776, chargé par le gouveruement de la direction des travaux chimiques
de la manufacture de porcelaine de Sévres, et de l'examen des objets de commerce
qui sont du ressort de la chimie, Ses ouvrages principaüx sont des élémens de chi-
mie théorique et pratique; l'art de la teinture des étoffes de soie, faisant partie de
ceux publiés par l'Académie , , un dictionnaire de chimie trés-estimé, qui a eu deux
éditions. Il a donné à l'Académie des Mémoires sur le sel arsénical, la dissolvabi-
lité des huiles dans l'esprit-de-vin , surle platine, les argiles réfractaires , la chaux et
le plâtre, la gomme élastique , dont il a le premier reconnu l'éther pour dissolvant:
Société de médecine lui doit des analyses d'eaux minérales, un mémoire sur
les savons, acides et leur emploi en médecine, un autre sur la nature de la ma-
gnésie et du sel d'epsom. Il s'est encore occupé d' sur les matiéres d'or et
d'argent pour les travaux dela monnoie , et du perfectionnement du flint-glass.
16 ANNALES DU MUSÉUM
un plus grand nombre de faits chimiques , résultant d'expé-
riences suivies et d'observations journalières. Il eut pour suc-
cesseur Brongniart, pharmacien de Paris, qui avoit fait des
cours de chimie dans l'école de pharmacie et publié un essai
sur la chimie appliquée aux arts (1).
Pendant que l'enseignement de la botanique et de la chimie
étoit ainsi renouvelé dans le Jardin royal, l'anatomie , aupa-
ravant trés-suivie, l'étoit alors encore davantage sous Amoi
Petit (2) , et Pamphithéâtre étoit toujours trop resserré pour
je nombre des élèves qui venoient assister à ses leçons Il savoit
(1) Antoine-Louis Brongniart, né à Paris en 1742, reçu au Collége de pharmacie
en 1761, et pourvu, en 1779, de l'une des places de premier apothicaire du
(2) Antoine Petit, né en 1722 à Orléans, docteur de la Faculté de médecine de
Paris en 1746, de l'Académie des sciences en 1760. La réputation acquise par len-
seignement fut le principal titre pour son admission dans cette compagnie, dont le
recueil ne contient que deux Mémoires de lui, sur un anevrisme et sur deux liga-
mens de la matrice. On connoit son édition des Œuvres de Palfin , son Diseours sur
la chirurgie, ses Consultations légales, et ses Mémoires sur les naissances tardives»
en opposition à ceux de Bouvard. Il avoit un tact sûr pour la connoissance des
maladies organiques, sur lesquelles il étoit fréquemment consulté. Plusieurs fois il
pratiqua lui-méme des grandes opérations de chirurgie. Regardant les connoissances
dans cette partie, comme trés-nécessaires au médecin, et convaincu pareillement
que l'anatomie est indispensable pour former le grand praticien, il fonda, dans la
Faculté, deux chaires dont les professeurs, membres du méme corps, devoient faire
l'enseignement pendant dix années, au beut desquelles ils seroient remplacés par
d'autres. Sur son invitation , celle d'anatomie fut donnée à Leclere , jeune médecin
alors d'une grande espérance qu'il n’a point démentie; nommé depuis professeur à
YÉcole de médecine, et dont ses collégues regrettent la perte récente. Celle de
chirurgie fut confiée à M. Corvisart, maintenant professeur dans la méme école»
que.son mérite a porté à la place de premier médecin de S. M. l'Empereur,
Petit voulut aussi donner à Orléans, sa patrie, des témoignages solides de son
souvenir, par une fondation i quie paris Ls médecins, pour soigner les pe nd
indigens de la ville, et d jours é des conseils à ceux de la ca can pa
D'HISTOIRE NATURELLE. 17
répandre de l'intérêt sur les sujets les plus secs et les plus arides,
et joindre à une instruction solide les charmes d’une élocution
facile et enjouée. Cependant , ennemi de la gêne imposée par des
démonstrations à heure fixe, et détourné d'ailleurs par une
pratique qui devenoit de jour en jour plus étendue, il se fit
quelquefois suppléer , en 1776 et 1777 , par Vicq-d'Azyr (1),
dans une salle construite à ses frais. Une pratique étendue forca Petit de renoncer à
lenseignement. Bientót il se dispensa aussi de visiter les malades, et se contenta
de donner chez lui des consultations, Pour être plus libre , il se retira à Fontenai-
aux-Roses, où les malades venoient encore le consulter; c'est de là qu'il alloit à
Meudon pour visiter le petit dauphin fils ainé de Louis XVI, que l'on avoit
placé dans ce lieu pour qu'il fût plus rapproché de son médecin. Dans le cours de
la révolution, Petit voulut s'éloigner de Paris, et alla séjourner à Orléans. Il moy-
rut au mois d'octobre 1794, à Olivet , village voisin de cette ville, où il avoit
établi sa résidence. Un de ses derniers actes de bienfaisance fut le don d'une maison
à la commune de Fontenai-aux-Roses , pour le logement d’un officier de santé, avec
des appointemens annuels.
(1) Félix Vieq-d'Azyr, né en 1748 à Valognes dans le Cotentin , département
dela Manche, docteur de la Faculté de médecine en 1774, associé la méme année
à l’Académie des sciences, instruite de ses succès dans l'enseignement et juge de ses
recherches dans l'anatomie humaine et comparée. Cette académie, invitée en 1775,
par le ministre Turgot, à envoyer un de ses membres dans le Midi pour arréter
les progrès d'une épizootie meurtrière, donna cette mission à Vieq-d'Azyr qui par-
vint à faire cesser la maladie. Le ministre voulant prévenir les suites funestes de
pareilles contagions , forma prés de lui un bureau composé de six médecins chargés,
avec Vicq-d'Azyr , de s'occuper des épizooties sous la direction du premier médecin.
Ce bureau à peine formé se changea , en 1776, en société de médecine , dont les
recherches s'étendirent à toutes les parties de l'art de guérir. Elle s'associa des mé-
decins anciens et expérimentés; plusieurs autres désirérent partager ses travaux.
Cette société fut confirmée, en 1778, par des lettres-patentes, malgré les oppo-
sitions de la faculté; et l'ancien projet de Chirac fut ainsi réalisé. Elle s'éleva au
milieu des obstacles par l'activité de Vicq-d'Azyr, qui, nommé son secrétaire perpé-
tuel » développa dans cette place un grand talent pour la composition des éloges aca-
démiques. Ce genre d'occupation, une correspondance étendue pour la société et
la direction de toute la partie médicale dans l'Encyclopédie méthodique, le dé-
tournérent un pei de Pentone} j ille fut aussi par son admission à l'Académie
3
11
15 ANNALES DU MUSÉUM
son élève , jeune médecin de la Faculté de Paris, très-versé
dans l'anatomie, dont il donnoit des cours particuliers , et auteur
de plusieurs excellens Mémoires qui lui avoient ouvert les
portes de l'Académie des sciences. Ses lecons instructives atti-
roient également la foule des élèves ; il parloit avec facilité
et souvent avec éloquence , et l'on pressentoit des-lors que s'il
n'étoit arrêté par aucun obstacle dans sa carrière, il devien-
droit l'un des premiers anatomistes de son siècle.
Petit, décidé à renoncer à l'enseignement , auroit désiré
l'avoir pour survivancier; mais Buffon crut que la justice l'obli-
geoit d'appeler à ces fonctions M. Portal (1), qui, plus ancien
françoise en 1788, et la place de premier médecin de la reine, qu'il obtint en 1789.
Cependant il commença sur le cerveau un grand ouvrage qui fait regretter l'inter-
ruption fréquente de ses travaux anatomiques. On lui doit encore plusieurs re-
cherches d'anatomie comparée, eten 1795 les professeurs du jardin, qui le re-
gardoient comme leur collégue, l'invitèrent à faire avec Mertrud l'anatomie
du rhinocéros. Sa place à la cour devint pendant la révolution un sujet de
crainte perpétuelle pour son existence souvent menacée. Le désir d'adoucir les
hommes exaltés qui l'entouroient, le força d'assister à une fête patriotique où la
chaleur , la fatigue et la contrariété lui occasionerent une fluxion de poitrine, à la-
quelle il succomba malgré tous les secours, le 20 juin 1794, regretté de tous ses
amis, au nombre desquels est le rédacteur de cette Notice. Ceux qui voudront
mieux connoitre un homme célébre enlevé trop tótaux sciences, liront avec intérét
son éloge historique par M. Moreau, éditeur de ses œuvres. .
(1) M. Antoine Portal, né en 1742 , à Gaillac en Languedoc, département du Tarn,
docteur dela Faculté de médecine de Montpellier, en 1765, professeur d'anatomie au
collége de France en 1768 , membre de l'Académie des sciences en 1769, de l’Institut
de France à l'époque de sa création , ci-devant chevalier del'ordre de Saint-Michel,
maintenant de la légion d'honneur, et l’un desprofesseurs du Muséum d'histoire natu-
relie. Ses ouvrages principaux sont un Précis de chirurgie pratique, l'Histoire de Pana-
tomie et de la chirurgie, un Cours de physiologie expérimentale , l'Anatomie médicale ,
une nouvelle édition du Traité du cœur , de Senac , et de l' Historia anatomico-medica
de Lieutand, la publication des Essais anatomiques de ce dernier, . avec des re-
D'HISTOIRE NATURELLE, 19
dans la méme partie, avoit déjà fait des leçons pour Ferrein
en 1768, et auquel des travaux postérieurs avoient donné de
nouveaux titres pour obtenir cette place. Il eut, en 1778, la
survivance de Petit, et fut dés-lors chargé seul de donner les
leçons d'anatomie. Mertrud le neveu (1) continuoit de faire les
marques et des observations. Il a écrit sur le traitement de la rage, de la petite
vérole , dela phthisie pulmonaire, sur celui des empoisonnés , des noyés, des asphixiés;
et plusieurs de ces dissertations , surtout les dernières, ont été réimprimées et ré-
pandues par ordre du Gouvernement, qui, d’après ses indications, a fait en France
des établissemens pour le traitement des noyés et des asphixiés. Dans divers recueils
périodiques, et particuliérement dans ceux de l'Académie des sciences et de l'Ins-
titut, il a publié des Mémoires sur plusieurs parties de la médecine. Ses dissertations
anatomiques ou physiologiques traitent de l'usage de l'ouraque dans l'homme, de
la situation des viscéres du bas-ventre dans les enfans, de la différente action des
deux bronches du poumon, des organes sexuels de la femme, de la situation du
foie dans l'état naturel, des voies de communication du poumon avec les bras, du
mouvement qu'on peut observer dans la moëlle épinière, de la structure du canal
thorachique et du réservoir du chyle, du nerf grand sympathique. Il a donné en chi-
rurgie des vues sur l'abus des machines dans le traitement des luxations , et une nou-
velle méthode de pratiquer l'amputation des extrémités. Les sujets de ses travaux en
médecine sont le spina bifida, l'apoplexie,l'épilepsie , la phthisie de naissance, la
maladie noire , les maladies de l'épiploon , celles du foie attribuées à d'autres organes,
«quelques maladies de la voix, les rapports de la pleurésie avec la péripneumonie "
les morts subites occasionées par la rupture du ventricule gauche du cour, les dé-
rangemens de la taille dans un âge avancé, la structure et altération des glandes
du poumon, la nature et le traitement des fièvres qui ont régné dans la Vendée,
quelques maladies héréditaires, diverses. destructions qui se font dans le corps
humain et particuliérement celle du cristallin, les excroissances fongueuses dans
le canal intestinal et dans d'autres parties internes, les concrétions membraneuses
par état de maladie.
(1) Buffon , qui aimoit et estimoit Mertrud, a parlé de lui avec éloge dans son
immortel ouvrage, Son attachement à sa patrie lui a fait refuser des postes brillans
offerts par des puissances étrangéres, et entrautres celui de premier chirurgien
du roi de Naples, qui lui futiproposé en 1770, et celui de premier chirurgien du roi
d'Espagne , auquel il a réellement été nommé en 1772 Il est l'inventeur de plusieurs
A e.
20 ANNALES DU MUSEUM
démonstrations, et travailloiten méme temps, avec Daubenton,
à la dissection de la plupart des quadrupédes décrits par celui-
ci dans la grande histoire naturelle.
L'établissement perdit, en 1780, Magdelame Basseporte,
ágée de quatre-vingts ans, qui avoit succédé à Aubriet, en
1743, dans les fonctions de peintre et dessinateur du jardin, et
dont les nombreux dessins ornent la belle collection des vélins
déposés au Muséum. Elle remplissoit encore ses fonctions dans
l'année qui précéda sa mort; et quoique affoiblie par l’âge,
elle conservoit toujours la méme activité. Sa place fut occupée
par M. Vanspaendonck (1), qui en avoit obtenu la survi-
vance en 1774, et qui dès-lors étoit regardé comme l'un des
premiers peintres de fleurs.
Ce fut deux ans aprés, en 1782, que le jardin éprouva nn
agrandissement considérable. Buffon, qui avoit toujours de
grandes idées, entreprit de le prolonger jusqu'à la Seine, et
de doubler ainsi son étendue, en lui réunissant tous les ter-
rains qui le séparoient de ce fleuve. Les uns plus bas étoient
cultivés en productions potagères; sur les autres plus élevés
et plus voisins du quai , on avoit établi de vastes chantiers pour
les divers approvisionnemens de la capitale. Ce grand espace
appartenoit presque en totalité aux religieux de l'abbaye de
Saint-Victor, auxquels des lois positives, communes à tous
les corps religieux et bénéficiers ecclésiastiques, défendoient
procédés ingénieux relatifs aux préparations anatomiques. ( Note de M. Cuvier, dans la
préface de de ses Leçons d'anatomie comparée, vol. 1, p. 2.
(1) M. Gérard Vanspaendonck , né en 1746, à Titbourg, dans le Brabant hollans
dois, membre de l'Académie de peinture et sculpture en 1782, maintenant de la
légion d'honneur, de l'Institut à l'époque de sa création , et professeur ere
au Muséum d'histoire naturelle.
D'HISTOIRE NATURELLE. 21
de vendre leurs biens existans, ou d’en acquérir de nouveaux.
Ce premier obstacle, qui eût arrêté tout autre , ne fit qu'aug-
menter chez Buffon le désir de le surmonter. De plus, il exis-
ioit anciennement sur le méme terrain un cours (1), planté
de quatre rangs d'arbres , qui commencoit prés de l'angle du
jardin, et se terminoit en demi-lune sur le quai. Depuis la
formation du nouveau boulevard, tracé sur un autre aligne-
ment , ce cours avoit été abattu et transformé en chantiers ,
que la ville louoit à des marchands de bois de construction.
Les administrateurs municipaux, sollicités par Buffon, con-
sentirent à lui céder ce terrain, dont le nouvel emploi devoit
procurer un embellissement pour cette partie de la capitale.
Il vouloit encore donner au jardin une extension du cóté
du midi, en faisant disparoitre des bátimens et des murs
élevés trés-rapprochés de la grande allée méridionale, qui
rendoient cette partie sombre , humide et peu propre à diverses
cultures. Derrière l'Intendance existoient des vacheries et
plusieurs maisons basses occupées par les cultivateurs des
marais voisins. Une ruelle intérieure, pratiquée le long de ces
habitations, conduisoit à un pavillon assez agréable , situé au
milieu d'un jardin particulier (2).
(1) On trouve ce cours tracé sur la carte de Paris par l'abbé Lagrive, en 1725.
Il est indiqué, dans la cession, comme contenant environ cinq arpens et un tiers.
(2) Ce jardin se prolongeoit jusqu'au café précédemment adossé contre son mur
de clóture, et maintenant isolé. A l'angle de cette clóture , étoit une tour ancienne ,
élevée de plusieurs étages, qui formoit un effet pittoresque, et que l'on a peut-étre
eu tort d'abattre. Le pavillon faisant partie de la méme propriété, a été habité
successivement par deux membres de l'Académie des sciences, MM. Adanson et
Sage. Ce dernier avoit obtenu de Buffon une porte d'entrée dans le jardin public.
Aprés l'acquisition de ce local et sa réunion à l'établissement, on avoit d'abord
conservé ce pavillon, qui servit quelque temps de dépôt; mais Buffon ne tarda
pas à le faire détruire,
22 ANNALES DU MUSEUM
L'espace compris au-delà jasqu’au boulevard et à la rue
Poliveau , étoit en cultures potagéres, au milieu desquelles
couloit la petite rivière de Bièvre, qui fournissoit à ses rive-
rains l'eau nécessaire pour leurs arrosemens. Ces maisons et
ces terrains dépendoient d'une méme propriété formant un
domaine que l'on nommoit le clos Patouillet(1). Buffon acheta
ce domaine de ses propres deniers, et proposa ensuite aux
chanoines de Saint-Victor d'échanger leurs terrains contre
d'autres de valeur égale, pris dans cette acquisition. Après
s'être assuré de leur consentement, il sollicita et obtint du
gouvernement les autorisations nécessaires pour cet échange(2),
et devint ainsi propriétaire de l'espace compris entre le jardin
et la riviere. Il conserva, sur le domaine acquis, une lisière
de terrain assez large pour agrandir le jardin à la droite
de sa grande allée méridionale, et pour tracer, hors de
sa clôture, une rue parallèle, qui devoit de ce côté séparer
le jardin de toute propriété particulière. Les habitans du
quartier lui donnèrent, comme de concert, le nom de rue
de Buffon, qui lui est resté. On éleva d'abord, dans sa lon-
gueur, un mur de maconnerie auquel fut bientót substituée
une grille de fer qui permet à la vue des'étendre sur les cul-
tures voisines,
(1) Il appartenoit à Louis Dubois et son épouse, qui le cédérentà Buffon pour la
somme de 142,000 liv., par contrats passés chez Aubert, notaire, les 29 et 30 oc-
tobre 1779.
(2) Les lettres patentes qui autorisent cet échange sont du mois d'avril 1782, enre-
gistrées au parlement le 28 juin suivant, En conséquence, les chanoines de Saint-
Victor, par acte du 3o août 1782, chez M. Aubert, notaire, ont cédé à M. de
Buffon 12004 toises carrées ou 15 Pons un tiers 4 toises de terrain , et ont. regu
en échange 12404 toises de terrain faisant partie du clos Patouillet,
D'HISTOIRE NATURELLE. 23
Lorsque Buffon fut propriétaire de tout l'espace qu'il vou-
loit réunir au jardin, il en fit la cession au roi, moyennant
d'autres objets qui lui furent donnés en échange; et aprés avoir
indemnisé les locataires, il commença les travaux en 1782.
On prolongea, jusqu'à la rivière, les deux allées principales
qui furent continuées en tilleuls comme la partie qui subsis-
ioit déjà, et on en forma deux autres paralleles le long des
clótures. Celle du midi, qui borde la rue de Buffon, resta
sans plantation, pour que les cultures voisines ne fussent pas
irop ombragées. L'allée correspondante, dirigée du bas de la
petite butte au quai, fut plantée en maroniers d'Inde. Il
fallut élever le terrain des marais au niveau de l'ancien
jardin. Le mur de terrasse qui le bornoit au levant dans
une direction oblique (1), fut abattu; en faisant quelques
additions à l'école et à la pépiniére qui se terminoient sur
cette terrasse, on redressa leur extrémité en équerre. Entre les
deux premieres allées, un grand bassin carré, creusé jus-
qu'au niveau de la riviére, qui devoit lui fournir des eaux par
infiltration, fut destiné à la culture des plantes aquatiques, et
sur ses pentes on devoit placer les arbrisseaux qui exigent dif-
férens sols et diverses expositions. Un vaste parterre, con-
sacré à la conservation et propagation des herbes vivaces de
pleine terre, occupa tout le terrain situé entre ce bassin et
la rivière, et devint un dépôt utile pour celles qui sont
usiiées en médecine , et dont on fait habituellement des distri-
butions gratuites.
À chacun des deux côtés du jardin, le long des mêmes allées,
(1) On retrouve les traces de cette obliquité, eh examinant dans les deux grandes
allées la hauteur différente des arbres anciens et des nouvelles plantations.
24 ANNALES DU MUSEUM
on pratiqua, surlenouveau terrain, quatre grands carrés fermés
de treillages, séparés par autant d'allées transversales. Ceux
, qui avoisinent la rue de Buffon furent plantés en quinconces
d'arbres des quatre saisons, que l'on se proposoit de laisser
croitre librement et dans toute leur hauteur, soit pour en
faire, dans cet état, des objets d'étude, soit pour en obtenir
des graines bonnes à semer. Les carrés tracés à la gauche
et faisant suite à l'école, furent destinés pour diverses cul-
iures. Dans le premier, on se proposa de former une école
d'arbres fruitiers (1) qui réuniroit toutes les espèces et va-
riétés de ce genre de productions. Le second, plus grand,
étoit réservé pour le semis des graines de plantes écono-
miques (2) , propres pour les arts, la médecine et la nourri-
ture de l'homme et des animaux. Les deux derniers furent
disposés, pour le moment, en supplément de pépinière.
Les allées transversales qui séparent ces carrés, furent plan-
tées d'autant d'arbres différens. L'on forma ainsi celles de tali-
piers, de mélèses, d'érables rouges, d’ailantas, à droite; de peu-
pliers du Canada, de platanes , de catalpas, d'arbres de Judée, à
gauche; et chacune retint le nom de l'arbre qui lui étoit propre.
Tous ces travaux, exigeant beaucoup d'activité et d'in-
telligence dans la personne chargée de les inspecter, furent
confiés par Buffon à la surveillance de M. Thouin, qui di-
rigea l'emploi des terres extraites des marais, ou apportées
par les tombereaux de la ville. Il fit placer les mauvaises dans
(1) Cette école existe et renferme une des collections les plus nombreuses d'arbres
fruitiers. M. Thouin en rend compte dans un Mémoire spécial, vol. [ des Annales,
page 135. $
(2) On trouve encore dans les nnales, vol. IT, page 142, un Mémoire de M.
Thouin sur cette culture des plantes économiques,
D'HISTOIRE NATURELLE. 25
les allées, réserva les bonnes pour les carrés de cultures , et
présida au nivellement du sol, ainsi qu'à toutes les plantations;
que l'on fit avec le plus grand soin (1). Ces diverses. opé-
rations furent achevées en 1784 , avec les murs formant l'en-
ceinte du jardin terminé par une terrasse et une entrée sur
le quai. L'auteur du projet de cet agrandissement eut alors la
satisfaction dele voir exécuté dans toutes ses parties.
Cependant une circonstance particulière lui fournit encore
le moyen d'ajouter, en 1785, au jardin une nouvelle porüon
de terrain utile pour ses cultures, et il sut en profiter. Des
financiers , réunis en société, avoient spéculé sur les voitures de
places que l'on nomme fiacres, et se proposoient d'en former
des dépóts dans divers quartiers de la capitale. Déjà cette com-
pagnieen avoit construit un tres-vaste dans le faubourg Saint-
Denis. Elle voulut placer le second dans celui de Saint-Victor,
et acheta, dans la rue de Seine „un grand terrain dont le fond
se prolongeoit devant la petite butte du jardin , jusqu'à la ter-
rasse nouvelle qui formoit la clóture latérale de cet établisse-
ment du côté du nord. L'intention des auteurs de cette
entreprise, étoit de couvrir toute cette surface de bátimens
propres à leur exploitation; mais Buffon en ayant été instruit,
leur signifia qu'il ne permettroit pas d'élever devant cette
. butte un édifice qui masqueroit sa vue, Après quelques ten-
tatives inutiles pour éluder cette opposition, ils furent con-
m
(1) Pour satisfaire l'impatience de Buffon, pressé de jouir de son ouvrage, et ne pas
perdre la saison favorable pour les plantations , avant que les allées fussent élevées
à la hauteur requise, il fit disposer en alignement, dans leur longueur, à distances
et hauteurs égales, des cónes de bonne terre, sur le sommet desquels les arbres
furent plantés, On put alors attendre patiemment et sans crainte deretard, les dé-
combres de la ville, pour combler les espaces intermédiaires.
11,
26 ANNALES DU MUSÉUM
traints de borner leurs constructions (1) à alignement du
mur de clôture du jardin, qui régnoit le long de la même
butte, et la séparoit de l'hótel de Magny (2). Cette propriété
particulière, ayant son entrée dàns la rue de Seine , étoit située
entre leur acquisition et une ruelle (3) dépendante du jardin,
par laquelle lui arrivoient les divers approvisionnemens de
ses serres. Le terraim,que ces entrepreneurs laissoient sans
bàtiment leur devint alors inutile, et ils acquiescèrent à la
proposition que leur fit Duffon de le céder au roi pour étre
réuni au jardin. Comme ce local, bordé de terrasses de deux
côtés, étoit bas, et de plus abrité en partie du nord par le
nouveau bâtiment de la régie des fiacres, on y transporta les
couches destinées aux semis (4) , les plantes de pleine terre qui
veulent plus de chaleur, et celles dont la culture doit étre
plus soignée. Un passage, ménagé sous l'allée qui sépare ce
lieu de l'école, facilite la communication de l'un à l'autre,
et sans embarrasser la promenade publique, on peut reporter
chaque plante levée sur couches, àla place qu'elle doit rem-
plir dans l'ordre méthodique adopté pour l'étude.
dix Ces constructions ont été plus récemment réunies au Jardin des TE le
grand bâtiment, transformé depuis en orangerie, en faisoit partie.
(2) Il avoit appartenu auparavant à M. de Vauvray , trés-lié avec Duverney le
fameux anatomiste, et dont madame de Staal parle dans ses Mémoires, vol. I,
page 129.
(3) A l'entrée de cette rodie. dans l'intérieur du jardin, existoit un petit
bâtiment, en forme de loge, dans lequel Buffon avoit placé les instrumens qui lui
servoient pour ses expériences des miroirs ardens. Il servit dans la suite de loge-
ment pour un employé inférieur, et fut abattu à l'époque de la suppression de la -
ruelle et du mur de clóture contre de il étoit adossé.
(4) On peut voir encore dans les Annales, vol. IV, page 365, un Mémoire de
M. Thouin sur l'emploi de cette parüe du jardin.
D'HISTOIRE NATURELLE. 27
La terrasse sur laquelle on avoit établi les couches depuis
1774, devenue libre, fut destinée à l'emplacement d'une grande
serre chaude, tracée dans l'alignement de celle de Dufay, et
dont la construction fut faite deux ans après.
On doit encore à Duffon une acquisition utile, qui pro-
cura plus d'étendue au terrain des buttes, et donna la faci-
lité de faire quelques améliorations nouvelles dans le jardin.
L'amphithéátre ancien, situé entre la grande cour et une
rue irès-passagère (1), étoit trop resserré pour le nombre des
élèves qui venoient assister aux divers cours, et souvent les
lecons étoient interrompues par le bruit dés voitures. On dé-
siroit depuis long-temps qu'il fùt plus vaste, et placé dans un
lieu plus tranquille. Dun autre côté, la collection d'histoire
naturelle prenoit chaque jour de l'accroissement, et paroissoit
exiger une addition de locaux ; ce qui ne pouvoit se faire
qu'en déplacant les gardes du cabinet logés dans l'étage su-
périeur, et en disposant cet étage pour y recevoir les collections
nouvelles. Buffon pensa que lhótel de Magny, mentionné
précédemment , pourroit offrir aux gardes des logemens com-
modes et agréables, et que dans le jardin de cette maison
il seroit facile de construire un vaste amphithéâtre avec toutes
ses dépendances, dans lequel les élèves se rendroient par la
rue de Seine, sans étre obligés de traverser le grand jardin.
D'aprés ces motifs, il détermina, en 1787, le gouvernement
à en faire l'acquisition (2). Le mur de clôture fut abattu; Pam-
"m
(1) TI étoit dans le bâtiment qui existe entre la porte d'entrée et la terrasse de
la grande butte. On y a pratiqué depuis le logement de M. Faujas, l'un des pro-
fesseurs actuels. :
(2) L'acte passé devant M. Doursier, notaire; est du 18 juin 1787.
x
28 ANNALES DU MUSEUM
phithéâtre, bâti au fond de ce terrain, en face de la petite
butte, prit la forme d'un bâtiment carré, dont le portique
fut orné de colonnes, et le toit couronné par une grande lan-
terne vitrée qui éclairoit l'intérieur. On y placa les fourneaux
avec tous les instrumens d'un laboratoire de chimie, et un
local fut aussi disposé pour les dissections anatomiques. Aux
deux côtés , dans les angles du terrain , deux maisons uniformes
furent disposées: l'une, pour le cadem de l'architecte Ver-
niquet, chargé des constructions du jardin; l'autre, pour pro-
curer, à chacun des professeurs et démonstrateurs , une chambre
dans laquelle il püt se retirer avant ou apres sa lecon.
Daubenton abandonna, vers la fin de 1787, son logement
sur le cabinet, pour habiter la partie inférieure de la maison
Magny. On commenca sur-le-champ à former, dans le local
abandonné, de grandes salles, au moyen de la suppression de
tous les compartimens intérieurs, et l'on éleva le toit pour
supprimer les mansardes existantes et leur substituer des fe-
nêtres régulières. Buffon ne sen tint pas là:toujours actif,
toujours occupé de l'agrandissement de ce cabinet qu'il affec-
tionnoit comme son ouvrage, il obtint encore du ministre les
moyens de substituer à d'anciennes constructions irrégulières,
qui faisoient suite aux salles d'histoire naturelle, un bâtiment
neuf, dont chacun des deux étages contiendroit une grande
salle de cinq croisées de face, de plein-pied avec celles du
bâtiment principal, et l'on commença sur-le-champ ce nouvel
édifice.
A l'époque de ces diverses améliorations, l'établissement
1
éprouva quelques par mi ses professeurs ou démons-
irateurs. Macquer mour arut au mois de février 1794, d'une ma-
D'HISTOIRE NATURELLE. 29
ladie organique du cœur; c'étoit un savaut (r) distingué et
modeste , d'un caractère doux et d'une société aimable, possé-
dant trés-bien la science qu'il professoit , habile surtout à pré-
senter , dans un ordre méthodique , les connoissances acquises
en chimie. Il étoit froid dans ses leçons, mais sage et clair
dans ses écrits. Élève distingué de Rouelle, il avoit adopté les
principes de Stahl qui prévaloient alors. Cependant il ne re-
poussa point la nouvelle théorie présentée par Lavoisier, et
admise parles chimistes modernes. Son assentiment étoit rod
d'un savant modéré, pi sm à accueillir les nouvelles explica-
tions des faits chimiques, à les examiner ss prévention, et
à ne point rejeter avec opiniâtreté ce qui paroit s'éloigner des
idées reçues.
La place de professeur qu'il laissoit vacante, fut donnée
à M. Fourcroy (2), médecin de la Faculté de Paris, qui des-
fac.
(1) 11 laissa deux filles sans autre héritier de son nom. Son éloge, par Condorcet,
se trouve dans les Mémoires de l'Académie, 1784, p. 20; il existe aussi dans les
Mémoires de la Société de médecine, 1783, p. 69, fait par Vicq-d'Azyr.
(2) M. Antoine-François Fourcroy , né à Paris en 1755, Docteur de la Faculté de
médecine de. Paris en 1780, de l'Académie des sciences en 1785, de la Société
royale de médecine en 1779, de l'Institut de France à l'époque de sa création,
professeur à l'École de médecine, à l'École polytechnique et au Muséum d'histoire
naturelle, Commandant de la Légion d'honneur, Conseiller d'État à vie, et Direc-
teur général de l'instruction publique.
Les ouvrages qu'il a publiés sont des Élémens de chimie et d'histoire naturelle,
"qui ont eu cinq éditions ; un volume de Mémoires — de hi pe les Prin-
auia eutrois
-cipes de chimie, à l'usage de l'école vétérinaire ; la ‚q
éditions et a été iter i en six — vivantes; les Tableaux jiii de chimie ;
le Système d imi , en dix volumes; un Traité sur les eaux sulfu-
reuses iesu aen - — de la — des pen de Paris. Il a coopéré à
la réd chi 1e, et aux notes surl'essai du phlo-
diligis; de Kirwan. La science médicale lui doit l'Art de connoitre et employer les
30 ANNALES DU MUSÉUM
lors professoit là chimie avec distinetion. ll étoit le propa-
gateur le plus actif de la nouvelle théorie quil développa le
médicamens, la Médecine éclairée par les sciences physiques. On a encore de lui
quelques travaux étrangers à la chimie, la traduction de Ramazzini sur les maladies
des artisans, l'Entomologia. Parisiensis, des Mémoires pour servir à l'histoire anato-
mique des tendons et de leurs capsules muqueuses. Outre ces ouvrdges , ila publié des
Mémoires insérés dans les reçueils de l’Académie des scienceset de l'Institut, dans le
Journal de la Société de médecine, les Annales de chimie, etles Annales du Muséum.
Beaucoup de ces Mémoires ont été composés en société avec M. Vauquelin. Parmiles
reoherches chimiques qu'il a faites sur les substances minérales, on citera celles sur
l'huile de vitriol fumante de Northausen, le vin lithargiré,la combustion de plu-
sieurs corps dans le gaz acide muriatique oxigéné ; sur les propriétés médicinales du
muriate de chaux, les différens états du sulfate de mercure, l'action réciproque des
oxides métalliques ct de l'ammoniaque, sur la combustion du gaz hydrogéne dans
les vaisseaux clos, la précipitation du sulfate de magnésie par les carbonates al-
calis, la purification du métal des cloches, l'essai du salpêtre. brut, la congélation
“de divers liquides par un froid artificiel; sur le platine brut, les propriétés com-
posées de la baryte et de la stronliane, etc. L'examen chimique des matiéres végétales
l'a beaucoup occupé: à cette partie de ses fravaux doivent étre rapportés les mé-
moires qui ont pour objet l'albumine végétale, l'arome des plantes, l'identité des
acides pyromuqueux et pyroligneux, la nature de l'acide pyrotartareux, les ana-
lyses du quinquina de Saint-Domingue, du pollen du dattier, du suc de bananier,
de l'oignon; ceux sur la culture du geroflier, la germination et fermentation des
graines céréales, la coloration des substances végétales par l'air vital. Les travaux
sur ies matiéres animales offrent une série de faits beaucoup plus compléte que les
s. Les uns présentent les analyses des calculs biliaires, des pierres de la
vessie, des calculs intestinaux, des bezoards, des concrétions arthritiques, des
-corps changés en gras dans les cimetières, de l'humeur des larmes, du mucus nasal ,
de la matière du cerveau, des urines de l'homme et de plusieurs animaux, de :
Yivoire frais et fossile, de l'émail des dents, de la laite des poissons, des fourmis,
-de lengrais nommé: guano par les Péruviens. Les autres rendent compte des dé-
couvertes de lurée, du phosphate de magnésie. dans les.os des animaux , d'une `
matiére détonante formée par l'action de l'acide nitrique sur l'indigo et la chair
musculaire, du phosphore: contenu dans la laitance des carpes. D'autres enfin traitent
des altérations.des humeurs animales par l'effet des maladies et l'action des remèdes ,
-de'la nature de la fibre musculaire, de l'existence du gaz azote dans les vessies des
-carpes, de: l'application de la chimie pneumatique à l'art de guérir, ete |
e d
D'HISTOIRE NATURELLE. 31
premier dans ses leçons publiques et particulières, et dontal
sut faire goüter les principes aux élèves, par sa manière de
les présenter. Cette nomination fut bientót suivie de son asso-
ciation à l'Académie. Ce fut trois ans après que, dans lam-
phithéátre du jardin, il expliqua, pour la première fois, avec
le méme succès , la nomenclature chimique qui, liée à cette
théorie, changeoit tout le langage de la science , et dont il étoit
un des principaux auteurs.
Sur la fin de la méme année 1784, Daubenton le jeune (1),
gardeet sous-démonstrateur du cabinet, dongiasan té étoitalté-
rée, sentit le besoin de cesser des fonctions qui le fatiguoient. Il
demanda et obtint sa retraite avec la conservation de partie de
ses appointemens, et alla fixer son domicile dans une campagne
à Saint-Aubin , prés Fontainebleau, où il mourut dans les pre-
miers mois de l’année suivante. M. de Lacépède (2) obtint
(1) I s'occupa beaucoup de l'arrangement du cabinet, et prit aussi part aux tra-
vaux de Buffon, et deses continuateurs, sur les oiseaux, en se chargeant de les faire
dessiner et d'en diriger la gravure et l'enluminure. Son épouse, qui ne lui a point
donné d'enfans, étoit sœur de celle de Vicq-d'Azyr , également morte sans postérité,
(2) M. Bernard-Germain-Étienne de Lacépède, né à Agen en 1756, de l’Institut
à l'époque desa création , ancien législateur , maintenant l'un des professeurs du Mu-
séum d'histoire naturelle , membre rd Sénat , et grand chancelier de la Légion
d'honneur. e
ILavoit donné, avant 1986, un essai sur l'électricité , et un ouvrage sur la physique
générale et particulière. Attaché au cabinet d'histoire naturelle, il a dirigé particuliè-
rement sestravaux sur quelques parties du règne animal, et a publié, pour faire
suite à l'ouvrage de Buffon, et le terminer, une Histoire des quadrupédes ovipares
et serpens, une autre des poissons, une autre des cétacées, ainsi que des tableaux
méthodiques des mammiféres et des oiseaux. La Société philomatique a recueilli ses
Mémoires sur le polyodon, sur l'organe de la vuc du poisson appelé cobite, sur les
fourmiliers, sur un nouyeau genre de serpens, Sur deux espéces nouvelles de
quadrupedes ovipares. Dans des discours imprimés, prononcés à l'ouverture de ses
: |— ANNALES DU MUSEUM
sa place, et entra en fonctions au commencement de 1785; il
y avoit acquis quelques droits par des écrits dans lesquels le
mérite du sujet étoit- relevé par les grâces du style. Ce nou-
veau titre, en le rapprochant des objets de son goùt (1), lui
donna les moyens de se livrer entierement aux recherches
d'histoire naturelle.
- Les leçons de botanique avoient été faites jusqu'en 1785 par
M. de Jussieu , suppléant toujours Lemonnier dans cette partie.
li avoit, — ses éléves, un ami, M. Desfontaines, jeune
iiódicin , qu'un goût décidé entrainoit vers: la botanique, et
auquel il ouvrit sa bibliothèque et ses herbiers. Désirant beau-
coup l'avoir pour collégue dans le jardin, il le fit connoitre à
Lemonnier, qui prit bientôt pour lui les mêmes sentimens.
Celui-ci, pour parvenir plus sûrement à lui transmettre une
ace briguée par des compétiteurs en crédit, lui laissa le
temps d'acquérir des titres propres à mieux assurer sa nomi-
nation. Il rédigea des Mémoires qui lui procurérent,en 1783,
cours au Muséum, il a parlé des diverses classes d'animaux vertébrés; il a traité
spécialement de la vie et des ouvrages de Daubenton. L'ouvrage commencé sur
la ménagerie du Muséum , lui doit quelques descriptions. Dans les Annales, il a décrit
plusieurs animaux de la classe des reptiles, et d'autres de la Nouvelle-Hollaude, ainsi
qu'un poisson fossile trouvé dans les carrières de Montmartre. Il a présenté des vues
sur la meilleure disposition des ménageries, les hauteurs et positions correspon-
dantes des principales montagnes , et leur influence sur l'habitation des animaux, les
principes naturels de la distribuon des peuples sur le globe. Sa plume s'est encore -
exercée sur l'enseignement public, sur la poétique dela musique, surla mort du prince
de Brunswick submergé dans lOder. Nommé deux fois secrétaire annuel de la pre-
miére classe de l'Institut, il a rendu plusieurs fois compte des travaux de ce corps,
et a prononcé l'éloge de Vandermonde et Dolomieu, deux de ses membres» Il a
|» publié plusieurs Mémoires parini ceux de l'Institut.
(1) Il eut d'abord le logement de son prédécesseur, au-dessus-du ahis et passa `
ensuite, avec Daubenton, à l'hótel de Magny. :
| D'HISTOIRE NATURELLE. 33
l'association à l'Académie des sciences. Dans là même année ;
cette compagnie lui facilita les moyens d'aller sur les éôtes de
Barbarie , faire des recherches de botanique. Ce voyage, dans
lequel il pénétra jusqu'au mont Atlas, au pay$ des Lotophages.
et des peuples du désert de la Sahara, qui ne vivent. que de,
daites, lui procura hne aniple moisson de -plantes nouvelles,
publiées depuis dans sa Flore atlantique. Il put alors, à son
retour , se présenter avec confiance pour remplir une place au
jardin. Sa modestie lui aüroit fait préférer celle de démonstra-
teur ; mais M. de Jussieu aima mieux conserver des fonctions
long-temps exercées par l'oncle célebre auquelil avoit succédé.
Lemonnier fit passer , en 1786. son titre à M. Desfontaines (1),
a) M. René-Louiche Défontsines, P» en i rob. ^ A Tregibley e en | Bretagne, dé-
partement d'llle-et- Vilaine A docteur de la Faculté de médecine de Paris en 178
de TÁcadémie des sciences en 1783; de l’Institut de France à l'épéqué ‘de’ sa
éréation , ‘de la légion d'honneur, et professeur actuel ar Muséum d'histoire natu-
relle. Ses divers Mémoires sont presque tous relatifs à la botanique , et répandus
dans les recueils de l'Académie des sciences, de l'Institut, de la Société d'histoire
naturelle , de laDéeade philosophique. Il y passe en revue l le jalap ; le rheum ribes, le
thé, quelques érables ; les genres royena, convallaria et spandoncea ou éadia ; d'autres
genres nouveaux. établis par lui, et particulièrement . l'ailantus , le lithonia ,. le; bal-
samita; plusieurs espèces nouvelles , et surtout, celles qui ont fleuri dans le jardin ; A
les plantes non décrites. du Corollaire . des Instituts de Tournefort, dont l'impression
et la gravure se: continuent. „Dans, un Mémoire, important. sur les plantes z monoco-
tylédónes, il fait connoitre, leur organisation interne f différente de celle, des dico-
te. Ses observations sur l'irritabilité des organes. sexuels des plantes, se Te-
l'Encyclopédie méthodique. Son voyage à la côte de Barbarie, Jui a
procuré les statériaux ies ses. Mémoires sur quelques nouvelles espèces d'oiseaux de
ces côtes, sur le Jotus des anciens, le chéne doux de l'Atlas, la culture et les usages
du palmier-dattier. Nous.lui: devons surtout sa Flore atlantique, grand ouvrage
accompagné de deux. cent soixante-deux redi exécutées, dans laquelle
il décrit avec isoin -plusieurs genres nouveaux et oup d'espèces o ou incertaines
ou jusqu'alors :incohnuesf, Il.a aussi donné, pour l'utilité de l'étude. et dnd corres"
11,
dans
34 ANNALES DU MUSÉUM
de l'agrément de Buffon, et conserva seulement celui de pro-
fesseur honoraire.
Buffon n'avoit projeté l'addition de nouvelles salles au cabinet
d'histoire naturelle , qué pour y placer les objets et collections
qui lui arrivoient de toutes parts. Récemment encore il avoit
recu celle que le naturaliste Dombey (1), envoyé au Pérou
par Turgot, avoit rapportée de son voyage, après huit années
d'absence, et qui étoit trés-considérable, surtout en minéraux
et en végétanx. Cet aceroissement de richesses ne pouvoit avoir
lieu qu'au moyen d'une correspondance étendue et active, rou-
lant presqueentiérement sur la science, et qui n'étoit pas du res~
sort d'un simple secrétaire. ll avoit besoin d'étre secondé dans
ce travail par un savant initié dans les mémes parties Il prévit
en méme temps que l'augmentation de la collection générale,
et la nécessité de la disposer dans les nouvelles salles, exige-
roient le secours d’une personne instruite en histoire m
pour seconder les gardes dans ce travail. M. Faujas(2), déjà
pondance avec les étrangers, le tableau Ó— de l'école P" bte du
Muséum.
(1) M. Deleuze a inséré, dans les Annales , vol. 4, p. 136, une Notice trés-intéres-
sante sur ce voyageur naturaliste, qui, aprés un séjour de huit ans dans le Pérou,
aprés avoir essuyé les horreurs du siége de Lyon attaqué par ses concitoyens, vous
lant, pour fuir une révolution qui troubloit sa vie, passer aux États-Unis: d' Ainés
rique, fut arrété par les Ahglois dans sa I€— et conduit à és de Mont:
ferrat, où il mourut en l'an 2 (1794).
(2) M. Barthélemi Faujas de Saint-Fond, né en 1742, à Montélimurt, départe-
ment de la Drôme, de la légion d'honneur , professeur au Muséum d'histoire natu-
relle. Ses ouvrages, presque tous relatifs à la géologie et à la minéralogie, sont des
Mémoires sur uri bois de cerf fossile trouvé prés de Montélimart, et sur la terre
d'ombre ou terre brune de C e; des Recherches sur la pouzzolane , sue les volcans
éteints du Vivarais et du velat; des Essais de géologie, et d’autres sur le goudron du
charbon de terre ; unë édition des Œuvres de Bernard de Palissy avec des notes;
D'HISTOIRE NATURELLE. 35
connu du public par des ouvrages sur la géologie et la miné-
ralogie, lui parut plus propre que tout autre à remplir:cette
double fonction, et il fut attaché , en 1787, à l'établissement,
sous le titre d'adjoint à la garde du cabinet, et chargé de la
correspondance. Le choix ne pouvoit être plus convenable,
parce que ce nousel adjoint avoit lui-même établi dans ses
voyages des relations nombreuses, et correspondoit person-
nellement avec plusieurs savans de l'Europe. "
Dans la méme année, Buffon, qui ne négligeoit aucun moyen
d'amélioration pour le cabinet, crut devoir y attacher défini-
tivement deux artistes, dont l'emploi, depuis quelque temps,
consistoit à faire, dans ce lieu, toutes les opérations manuelles,
VHistoire naturelle de la province du Dauphiné, de la montagne de Saint-Pierre
près Maëstricht, des roches du trapp; la Minéralogie des volcans; le Voyage en
Angleterre, en Écosse, aux iles Hébrides et à la grotte de Fingal; la Description
des expériences de la machine aérostatique de Mongolfier, et de celles auxquelles
cette découverte a donné lieu, Les Annales du Muséum renferment divers Mémoires
dans lesquels il décrit le tuffa volcanique de Pleyth prés d'Andernach, la carriére
souterraine et volcanique du méme pays, d’où l'on tire des laves poreuses propres
à fare d'excellentes meules de moulin ,la mine de tuffa des environs de Bruhl et
Liblar, connue sous le nom de mine de terre d'ombre , le caoutchou en bitume élas-
tique fossile du Derbyshire, la montagne della Grandia dans la Ligurie, laterre verte
de Vérone, les bréches osseuses et coquillières des environs de Nice et deMontalban.
Il fait connoître une grosse dent de requin et une écaille fossile de tortue, et un
poisson fossile trouvé dans des earriéres aux environs de Paris , les coquilles fossiles
de Mayence, une défense fossile d'éléphant, déterrée dans le département de l'Ar-
dêche, des impressions de plantes,dans, les couches d'un schiste marneux, recou-
vert par des laves, à Rochesauve dans le méme département le gisement des
poissons fossiles; et les empreintes de plantes dans une carrière à plâtre voisine
Al'Aix en Provence. Il donne la: classification des produits volcaniques, et trois rela-
tions de ses voyages géologiques de Mayence : à Oberstein , aux environs de cette
-derviére ville, etau volcan éteint de Beaulieu „dans le département des Bouches-
Au-Rhone.
5 ES
36 ANNALES DU MUSEUM
et surtout à préparer les auimaux qui font partie de la col-
lection (1). Le secours de ces artistes étoit indispensable pour
la conservation de:ces. objets; on a même été dans l'obligauon,
quelques années après, d'en augmenter lé nombre.
La qualité de trésorier de l'Académie des sciences donnoit
à Buffon une inspection sur les employés de cette compagnie.
Il distingua parmi eux Francois Lucas, homme exact et intel-
ligent , qui, sous le titre d'huissier, soignoit parfaitement la
salle d'assemblée et ses dépendances , et sur lequel il pouvoit
se décharger de beauconp de détails relatifs an maintien du
service. Il lui donna le méme emploi, mais sans titre, dans
le cabinet d'histoire naturelle, et le conserva, aprés sa mort,
arrivée en 1757 , à M. Jean-François Lucas son fils, né dans
l'établissement, qui exerca, de la méme maniere, les Tonctións
de son pere à l'Académie, et obtint, dans l'une et l'autre place,
l'estimé et la confiance de ses supérieurs. Buffon, pour récom-
penser son zèle, lui fit donner, en 1787 , le titre d'huissier
du cabinet d'histoire naturelle.
La régularité du service se tronvoit ainsi établie dans le ca-
binet; elle l'étoit également dans les diverses partes de culture
confiées à M. Thouin (2), qui avoit su donner à sa place de jar-
(1) Fattori et Fiquet ont été les deux premiers employés à ce genre de travaux.
(2) M: André Thouin , né au Jardin des Plantes de Paris en 1747, de l'Académie
des Sciences en 1786, de l'Institut de France à l'époque de sa création ; dela légion
“d'honneur , professeur au Muséum d'histoire naturelle. Ses divers travaux sont géné-
ralement relatifs à la culture. Une partie est imprimée dans les Mémoires de
l'Académie des sciences et dela Société d'agriculture , dans les Annales du Mu-
séum, dans là nouvelle édition du Cours d'agriculture de Rozier: Il y traite de la
culture de la rhubarbe, du thé, du lin de Sibérie, de celui de la Nouvelle
Zélande, du chanvre de la Cline, de l'arbre teck, des plantes alpines, des diverse
espéces de dahlia, du genre nombreux des bruyéres, des patates et pommes-de
D'HISTOIRE NATÜRELLE. | 37
dinier en chef une considération particulière , et que de bons
Mémoires sur la culture avoient porté récemment à l Académie
des sciences. Les moyens de maintenir l'ordre et la tranquillité
dans tous les lieux de l'établissement où le public étoit admis,
ne furent point négligés. Depuis long-temps, Guillotte, ins-
pecteur de police, étoit chargé de cette surveillance. Il avoit
sous ses ordres des factionnaires, choisis par lui, qui parcou-
roient habituellement le jardin, et se trouvoient dans l'amphi-
théâtre et l'école aux heures des leçons, dans le cabinet aux
terre, du pêcher d'Ispahan, nouvelle espéce; d'un jamrosude qui a fleuri i les
serres du jardin, de plusieurs espèces d'astragales considérés comme fourrages.
Des Mémoires plus généraux sont consacrés à l'examen des avantages de la culture
ai certains arbres étrangers , pour employer des terrains abandonnés. comme stériles;
à l'usage du terreau de bruyère pour la culture des arbrisseaux de l'Amérique-
Septentrionale ; à la maniére de tirer partie des végétaux grimpans propres à servir
de fourrages, en leur donnant des tuteurs choisis parmi d'autres fourrages à tige
droite et de même durée; à l'examen des ustensiles qui peuvent être employés
pour la culture des plantes dans les jardins de botanique. Dans d'autres Mémoires,
il décrit successivement les écoles des arbres fruitiers, des plantes économiques ,
d'agriculture pratique, établies dans le Jardin des Plantes , ainsi que l'emploi du ter-
rain rt aux semis et à la eulture des plantes qui exigent plus de soin. Il a cons-
ie circulaire faite à un arbre, des gelées précoces de l'automne de
lan xiv , des "a causés dans le jardin par un ouragan , et des moyens employés
pour y remédier. Il a rendu compte des divers envois de graines et plantes faits
au Muséum, et de ceux, plus nombreux encore, qui ont été expédiés du Muséum,
dans d'autres lieux.. On a imprimé plusieurs instructions données par lui aux jar-
diniers attachés à des expéditions lointaines pour des recherches. Il est un des
auteurs de la partie d'agriculture, dans l'Encyclopédie méthodique, et dans le
Dictionnaire d'histoire naturelle imprimé par Déterville. Le plan de ses léçons
d'agriculture est tracé dans son Essai sur l'exposition et la division méthodique de
l'économie rurale, et sur la maniere de l'étudier par principes, essai accompagné
de tableaux relatifs. et inséré dans le Cours d'agriculture de Rozier. Enfin, con:
sulté par diverses. autorités supérieures sur quelques objets de culture, dead a "a
des réponses dont plusieurs oùt été punte
t
38 ANNALES DU-MUSÉUM
jours d'ouverture. Deux de ses fils lui succédèrent dans cet
emploi. L'ainé l'exercoit en l'année 1788 , qui formeune époque
mémorable dans l'histoire de l'établissement. |
Ce fut celle où Buffon, qui avoit ressenti précédemment,
à divers intervalles, des douleurs de vessie ,signes précurseurs
d'une maladie fâcheuse , en éprouva de nouvelles, mais beau-
coup plus vives, qui annoncoient évidemment la présence de
la pierre-dans cet organe. Les douleurs augmentérent par
degrés, et furent accompagnées des autres symptômes fàcheux
propres à ce genre de maladie. Enfin , aprés avoir enduré ses
maux avec patience et courage, sans interrompre ses travaux
habituels , si ce n'est les trois derniers jours, il mourut le 16
avril 1788 (1), à l'âge de quatre-vingt-un ans. —
Sa mort fut un deuil pour les sciences et les lettres, qu'il
cultiva avec un égal succès. Il fut sincèrement regretté de
toutes les personnes attachées à l'établissement, surtout des
professeurs et démonstrateurs, qui tous y avoient été placés
par lui. Administrateur de ce jardin pendant. quarante-
neuf ans, il Soccupa successivement des moyens de faire
prospérer chaque partie, et de faciliter l'étude des sciences
qu'on y eultive. On doit à son activité et à son crédit auprès
des princes et des ministres , la création du cabinet d'his-
toire naturelle et l'augmentation successive des salles qui
(1) On l'ouvrit aprés sa mort, et on trouva dans les reins et la vessie une quan-
tité considérable de petites pierres ou gros graviers de forme anguleuse. Son corps
fut accompagné à Saint-Médard , sa paroisse , par plus de deux mille citoyens de.
tous les rangs et des diverses académies, et l'affluence étoit si grande qu’une partie
ne put pénétrer dans l'église. Il fut ensuite transporté à sa terre de Montbart , où
son fils lui fit ériger un monument. Marié en 1752, il n'avoit eu que ce fils, le
comte de Buffon, né en 1762, qui suivit la carriére militaire, et mourut sans pos-
térité en l'an 3 (1795), victime du tribunal révolutionnaire. — or MEE
D'HISTOIRE NATURELLE. 39
lui sont consacrées, la construction d’un vaste amphithéátre ,
la restauration de l'école de botanique, l'agrandissement du
jardin dans sa partie régulière, les belles allées qui le dé-
corent, sa pépinière, ses couches, son nouveau parterre et
les lene carrés destinés à PE cultures. Il ne put
voir achever les divers travaux commencés sous ses aus-
pices, et qui, terminés après lui, ont procuré de nouveaux
emplacemens pour la conservation des nombreux objets ajoutés
aux collections d'histoire naturelle et de plantes cultivées dans
les serres. Ne considérant ici que l'admini trateur dont l'éta-
blissement ne perdra jamais le souvenir, nous nous dispen-
serons de juger le savant et le littérateur qui, dans sa Théorie
de la terre, dans ses Époques de la nature, dans son Histoire
de l'homme, sut allier à lagrandeur des idées la majesté du style.
Des orateurs éloquens lui ont décerné unjuste tribut d'éloges(1);
et la France, regardant comme sa propriété l'Histoire naturelle
de Buffon, se glorifiera toujours d’avoir donné naissance à celui
que l'oÿfhion publique place, depuis long-temps, sur la pre-
mière ligne des grands hommes qui ont illustré le dix-huitième
siècle.
(1) Voyez son éloge par Condorcet, dans l'Histoire de l'Académie des sciences,
1788, p. 5o, et le discours de réception de Vicq-d' , qui fut son successeur
à l'Académie Françoise,
do ANNALES DU MUSÉUM
EXPLICATION DE LA PLANCHE PREMIÈRE.
a
1. Ligne ponctuée distinguant l'ancien jardin de ses nouvelles additons, j
2. Galeries d'histoire naturelle, bordées par la rue du Jardin des Plantes.
CS Ancienne chapelle à côté de la iet d'entrée — ouverte sur la
méme rue.
- 4s Bâtiment apod r Buffon, et achevé depuis. |
. 5. Intendance.
6. Ancien amphithéâtre.
7. Orangerik € anciénne, avec le térrain qui en dépend.
38e * Emplacement: d'une orangerie neuve qui n’a P: été piii. SERI E.
9. Serres chaudes anciennes. À
: 30. Serres de Dufay, séparées par la pente conduisant du jardin a aux buttes, ;
11. Sérre neuve commencée par Buffon. gl 13
291151 À
"032 Grande butte avec son "— et son belvédére. FA 55
- 13. Petite butte. :
14. Ruelle donnant une entrée au jardin par ld rue de Seine.
15. Hótel de Magny, ayant son entrée sur la méme rue.
16. Jardin de cet hôtel.
317. Nouvel amphithéátre bâti au fond de ce jardin.
18 Deux bâtimens aux côtés de l'amphithéàtre.
"19. Alignement de la clôture qui genis ce jan de la petite butte. => <)
pS
120. Couches pour les semis: 1} o 31 35 1 Gh gi-dé nd a ut
21. Grande école des plantes. ME egeo ur
22. Ancien parterre. A
23. Pépiniére. i
24. Plantations irréguliéres d'arbres, ou petit bois dont partie sur l'ancienne école
des arbres, partie sur les terrains ajoutés, au milieu duquel est un café.
25. Les deux allées principales plantées en tilleuls.
26. Allée des maroniers d'Inde.
27. Allée qui borde la rue de Buffon.
28. Bassin creusé jusqu'au niveau de la riviére. `
29. Nouveau parterre.
née mis iod Ü Fr
So. Carré des arbres fruitiers, prin ni itiyement employé. comme, pépinière, pour.
i les arbres verts. T Mere dé ieri
31. Carré des plantes —À— qur ed eco été une ue. n pour les
arbres estivaux. ] A
32. Deux carrés, auparayant CHIB) de SA ARR dont le plus grand est
mantenant une école e dg culture; de « phe. petit et planté, d Pres prin-
taniers. | : J
33. Quatre carrés lai en quinconces d'arbres des quatres saisons, Le pre-
` mier a été de plus employé en semis de graines d'arbres.
34. Allée des peupliers de Canada.
$5. —-— des platemegdOtient , 2.041141 M AA
36. —— des catalpas de Virginie.
37... des: arbres de Judée ER i |
38. —— des tulipiers de Virginie, E c CR yr
$9. —— des mélézes d'Europe. uw onn ) $1 IN r
40. des érables d'Amérique.
41. —— des ailantes ou faux. vernis du cien
42. Grille sur le boulevard de là Sal lagi i RTS Ls
. 43. Terrasse.et porte sur le quai:dela.Seine.5 p 559,000 t0 0s F
hh, E xis depuis: en, ménagerie, pour es anian Módot: igon 4
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42 OANNALES- DU MUSEUM
NOTICE
COMMUNIQUÉE A M VAUQUELIN, |
Sur la Sarcoixre de Montechio- Maggiore et de Castel,
PAR M. FAUJAS-SAINT-FOND.
V ovs eütes la complaisance, mon cher confrère, de faire, il
y à quelque temps, l'analyse de l'analcime et de la subs-
tance pierreuse, d'un rouge pâle, que j'avois trouvée.dans
les laves amygdaloides de. Montechio -Maggiore dans le
Vicentin ;- substance qui ressembloit béaucoup à celle que
Thompson avoit reconnue auparavant dans une ancienne lave
du Vésuve, et à laquelle il avoit donné, à cause de sa couleur
d'un rouge päle, le nom impropre de sarcolite ( pierre de
chair ).
La pierre que j'appelerai provisoirement sarcolite de
Montechio, se trouve dans les mêmes laves où est Panal-
cime; cette dernière adhère méme à l'autre dans quelques
échantillons : ce rapprochement. cette espèce d'union de deux
substances qui ne different à l'œil que par la couleur, et
qui pourroient très-bien ne former qu’une seule espèce, me
déterminèrent à vous prier d'en faire l'analyse comparative ;
avec d'autant plus de raison que nous n'avions point encore
d'analyse de l'analcime.
Vous eütes la bonté de vous occuper de ce double travail
D'HISTOIRE NATURELLE. 43
avec l'intelligence et l'exactitude qui caractérisent vos opéra-
tions chimiques, et vous obtintes les résultats suivans, qui
furent publiés dans les Annales du Muséum d'histoire natu-
relle , page 241 du rir. cahier de la collection, et que je remets
sous vos yeux pour vous éviter la peine dy recourir.
_Sarcolite de Montechio : Silice D Sonde 43— Chaux 4 3— Alumine 20—Eau 21.
Analcime : . , « . Silice 58—Soude 83— Chaux 2 —Alumine 18—Eau 84.
Il nya mes que l'alumine em les P dans c ces
deux pierres, se.rapprochent. ^: .
Vous en tirátes la conclusion suivante HG résultdes nous
» fournissent une nouvelle preuve que les propriétés phy-
» siques et chimiques des substances minérales, aussi bien
» que les matières organiques, ne dépendent pas seulement
» de la nature des principes qui entrent dans leur coniposi-
» tion, mais aussi de leurs proportions. .
» Ilfaudra donc, dansles systèmes de miné vélos admettre
» la sarcolite comme une espèce de pierre particulière , et
» la placer dans la section des piérres alcalinifères ; à côté de
» l'analeime. Cependant M. Haüy a trouvé entre la sarcolite et
» l'analcime une identité parfaite de forme cristalline, quoique
» d'autres pierres, bien moins difféventes par les proportions
» de leurs principes, n'aient point du tout les mémes formes :
» ce qui doit donner matière à de nouvelles — sur
» Ja cristallisation. »
1M. Tonnelier , dans une notice sur — des prin-
v onem volcaniques envoyées ån Conseil des mines
par M. Marzzari Pencati de Vicence, insérée dans le Journal
des Mines ,aoüt 1807, pag. 148, fait mention de la subs-
tance globuleuse rouge-päle qui se trouve dans une de ces
6 *
+
#
‘44 ANNALES DU ‘MUSÉUM |
laves, et lui donne le:nom d'analcime rouge-de-chair, sar-
colite de Thompson. M. Tonnelier discüte fort au long les
motifs qui le déterminent à ne point admettre comme espèce
la subsiance dont il s'agit.
Tel étoit l'état de laquestion, lorsque M. Léman ,naturaliste
instruit , Chargé de mettre en ordre les collections de Dolomieu,
ips appartiennent à M. de Drée, són beau-frère, prit la peine de
m'apporter une lave amy gdaloïde renfermant des globules
d’un rouge påle, analogues à ceux de /Montechio- Maggiore,
et quelques autres absolument semblables, qui. venoient de
Castel ,à peu dé distance de Montechio. M. Léman, qui avoit
lu vos Analyses dans les Annales, et la Notice de M. Ton-
nelier dans le Journal des Mines, brisa plusieurs des glo-
bules rouge-de-chair , qu'il tira des laves dont il. "— dans
l'intention d'y découvrir des. formes cristallines. :
Il réussit en effet, et obtint deux petits cristaux: dise etsé-
parés qui paroissent être absolument de li:méme substance que
la sarcolite , dont la forme est un prisme hexaédre, terminé par
deux pyramides à six faces, beaucoup plus surbaissées que celles
du quartz; mais ces cristaux sontsi petits qu'il seroit trés-difficile
de pouvoir.en déterminer les, angles avec: une exacte précision.
La substance des globules qui ont fourni les deux cristaux , ainsi
queles autres globules de: Montechio et de Castel, recueillis
autrefois par Dolomieu, ont absolument le même aspect. que
ceux que je possède dans mes collections , et dont vous avez fait
l'analyse; mais ils présentent. une petite: différence. physique
qui ne tient peut-être qu'à un commencement: d'altération
ou à une dose plus considérable d’eau dans les parties consti-
tuantes : elle consiste en ce que toutes les fois qu'on essaie cette
pierre au chalumeau pour reconnoitre sa fusibilité „le:premier
LI
*.
D'HISTOIRE NATURELLE. "45
: coup de few la réduiten une sorte de poussière blanche et fari-
neuse qui se détache à mesure qu'on soutient la chaleur; de ma-
nière: que tout disparoit quelques précautions que l'on prenne.
Il y a cependant quelques-uns de ces globules qui ont beau-
coüp:plus de dureté et (qui pourroient résister. Mais comme
nous n'avóns pas voulu prodigüer. cette substance; j'ai invité
“M. Léman à nous mettre en réserve assez de ces globules
pour les soumettre à l'analyse, et nous assurer s'ils différent
par leurs caractères chimiques de ceux que. vous avez ana-
lysés en méme-temps que Fanaleime, ou s'ils sont absolument
Jes mêmes. Leur analyse me paroît d'autant | plus -essentielle
à ;connoitre, qu'elle. peut jeter : quelque nouveau-jour. sur
un sujet qui a fait naitre des doutes et qui n'est pas sans
difficulté: mais le concours respectif des lumiéres. des chi-
mistes, et celles que, M. Hairy a répandues avec tant de fruit
sur sa belle méthode minéralogique,, conduiront tôt ou tard
au but que tous se proposent, la recherche de la vérité; et
afin qu'il nous reste peu à désirer sur cette matière, j'ai écrit
à Naples pour obtenir de la sarcolite semblable à celle que
feu Thompson découvrit et nomma le premier, et aussitót
qu’elle me sera parvenue, je me háterai de vous la remettre
afin de compléter vos analyses. En attendant , recevez la sar-
colite de Montechio, de Castel et celle de la collection de
Dolomieu, que nous tenons de la main de M. de Drée et de
M. Léman, et faites-nous connoître si elle a des rapports ou
des différences caractéristiques avec celle de Montechio, que
j eus l'honneur de vous remettre dans le temps, mais qui ne
nous avoit point présenté de formes cristallines déterminées,
Vous trouverez ci-joint les échantillons de sarcolites que nia
remis M Léman pour vousles faire parvenir. J'ai cru de-
46 + ANNALES DU MUSEUM
voir les accompagner de-cette Notice, afin de vous. éviter des
-recherches qui auroient. pu ‘prendre sur:un temps que vous
employez si utilement pour lavancement de la chimie et
-pour les pete des arts utiles.
Au surplus; j'ai déterminé M; de Drée à sacrifier un des deux
cristaux trouvés dans les globules de sarcolite de Montechio-
Maggiore-'et de Castel, afin de s'assurer sil est quartzeux ou
sil. est: parfaitement analogue, au contraire, à la substance
dans laquelle il a été trouvé; M. de Drée, en véritable ami de
la minéralogie, y à consenti avec plaisir, et a bien voulu me
promettre de:vous porter incessamment. les deux cristaux,
afin de: cpraparon leur identité de forme et de couleur, et vous
inviter à choisir celui qui vous: etre le mieux — le
— Án | | um
Recevez, môn chér confrère , les assurances de mor’ sin-
eis e Am à attachement: si n
£5
F Uras.
res TF Cl er
Liz +; £sEIi37 T4427. LE = e 4 15» ii
SE dee daily cay tes ouch eaten nakog choc ip”
D'HISTOIRE NATDUREWLE. 43
ANALYSE
De la PAS remise par M. Finis; sous s
nom de SarCoLrre, et qui a été recueillie par
_ feu. M. Dolomieu dans les laves- de Monte:
chio Maggiore et de Castel dans le Vicentin.
125»
PAR M VAUQUELIN.
€ substance, d'un blanc jaunátre, est. Sous forme de
petites masses plus ou moins arrondies , présentant dans leur
cassure une cristallisation en lames divergentes : quelques-unes
de ces lames ont assez peu de. consistance, pour, pouvoir
s’écraser sous les doigts; mais quelques autres sont trés- dures
et.ont une autre texture intérieure, | |
Réduite en poudre et chauffée (OE cette pierre a
perdu 21 pour cent: elle a pris pendant cette opération une
légère ‘teinte rosée, et ses parties ‘5e sont Pélotonnées, sans.
cependant avoir acquis de dureté + j
N'ayant que peu de cette matière à ma disposition, j'en ai
fait une analyse préliminaire sur tin gramme et demi seu-
lement, afin de pouvoir me guider avec plus de certitude |
dans l'analyse quantitative" que je désirois eh'faire. ` |
48 “AINNNALES DU MUSEUM
è À — —HÀ
__ Traitement de-la pierre par l'acide sulfurique.
J'ai commencé par faire bouillir ce fossile, réduit en poudre
impalpable, avec de Tacide sulfurique. brendu de deux parties
d'eau. J'ai remarqué quelques instans aprés que le mélange
à. été fait , qu'il s'est développé de la chaleur 5e: qui;anbonce
une ‘combinaison : ‘une portion de la matiére.a pary se dis-
$oudre, une 'àutre est restée au fond de la liqueur, sous forme
de ipetits grains: deini-transparens. Pour AT AN la décompo-
sitron, de: la pierre, plus popa pletàn j'ai fait évaporer le mé-
Puce : jusqu’à siccité; puis j'ai redissous dans l'eau et lavé le
résidu. ;
Apres l'avoir pulvérisé de nouveau. ; de fat fait bouillir pour
la deuxieme fois avec de l'acide sulfurique. La pierre, ainsi
traitée par l'acide sulfurique, lavée et calcinée, ne pesoit plus
que 75 centigrammes, ou moitié de la matière employée.
Quoiqu'il fùt vraisemblable que ce résidu n'étoit plus que de:
là silice; ; j'ai voulu m’en assurer en le fondant avec le nitrate,
de: aite 'et eir suivant ensuite les procédés connus; mais je.
n'y ài trouvé que ‘des traces presque imperceptibles. d'alu-
ming et Bee ün ätôme d'alcali ni de chaux. js "t
Evaporation de la oue provenant du traitement de, Ja
11914 étre dt l'acide sulfurique. see
Jai ait évaporer. les dilsicetioc liani Naito TÉ
traitemens de la pierre par l'acide sulfurique, d'abord. jus-^
qu'à siccité , pour en vaporiser l'excés d'acide; ensuite je
l'ai redissonte dans l'eau bouillante, et lai, fait. évaporer: de:
nouveau, en laissant cette fois une, petite quantité de: m jl
PEES T |
En refroidissant,,. cette. liqueur . ma fourni. „des «cristaux .en
D'HISTOIRE NATURELLE. ‘49
lames blanches et nacrées, que j'ai facilement reconnus, par
leur saveur et autres propriétés, pour du sulfate d'alumine.
Soupconnant que ce sel contenoit du sulfate de chaux,
parce que j'avois vu quelques petits cristaux flotter sur la li-
queur pendant l'évaporation, j'ai dissous le sulfate d'alumine
avec un peu d'eau trés-froide, et j'y ai repassé une seconde
fois de cette méme eau, pour les débarrasser entiérement
du sulfate d’alumine. Ce sulfate de en ainsi lavé et cal-
ciné, eum 16 —€———
(PCT HUC de l'alumine. par I ammoniaque.
J'ai décomposé la dissolution de sulfate d'alumine par l'am-
moniaque; j'ai lavé le précipité et je l'ai ensuite calciné: il
pesoit 31 centièmes dé gramme; il avoit une légere couleur
rose qu'il devoit à quelques atómes de fer, dont jai négligé
d'estimer la quantité.
Ayant ainsi déterminé la "— Sins , J'ai fait éva-
porer les eaux dont je l'avois séparée , afin de savoir si elles
ne contenoient pas quelques autres substances appartenantes à
la pierre. Je fis calciner , dans un creuset de platine, le résidu
de lévaporation de ces liqueurs, pour volatiliser le sulfate
d'ammoniaque ; il resta une matiére grisátre que je fis dissoudre
dans de l'eau bouillante, Je fis ensuite évaporer la solution,
et j'obtins, par le refroidissement, des cristaux que je reconnus
pour du sulfate de soude, et qui étoient seulement mélés de
quelques parties de sulfate de chaux; il y avoit peut-être un
ou deux centigrammes de ce dernier.
Par cette analyse préliminaire et en quelque sorte explo-
rative, l'on voit que le minéral qui en a été le sujet est com-
posé de silice, alumine , de chaux, de soude et d'eau. Mais
11. 7
N `
50 ANNALES DU MUSEUM
comme en opérant sur une aussi petite quantité je ne pouvois
pas être parfaitement sùr des quantités de chacune de ces subs-
tances, jai recommencé ce travail sur 4 grammes 7 dixièmes.
J'ai suivi exactement les mémes procédés dans cette se-
conde analyse que pour la premiére; ainsije me dispenserai
d'entrer dans aucun détailà cet égard : je me bornerai à donner
les résultats que j'ai obtenus.
Ainsi, j'ai trouvé dans 4 grammes 7 dixièmes de la pierre,
savoir :
le MORE ns mue sais vs: on 5o pour cent.
ATi... 1. 4 os 9,940 ou 20
5. De char lu S18 s II. X dM 4,25
40 D'eau es a © + « + + + 0,980 où 30
ee 0-43 S 0,200 où 4,25
4,670 ou 98,50
Fel 1 ESOS gx. LES 1,50
Ces résultats s'accordent autant qu'il étoit permis de Pes-
pérer avec ceux de la première analyse; les infiniment petites
différences qui existent entre eux ne méritent aucune consi-
dération. Ces analyses prouvent en méme temps que la pierre
dont il s’agit ne ressemble pas seulement par ses propriétés
extérieures à la sarcolite de Thompson, mais encore que sa
composition chimique est la méme absolument.
Cette pierre, qu'on a trouvée cristallisée dans le cabinet
de M. de Drée, ayant une forme différente de l'analcime $
et étant de la méme nature que la sarcolite de M. Thompson,
javois raison de la regarder comme devant former une es-
pèce particuliére, qu'il ne falloit pas confondre avec lanal-
cime; et M. Tonnelier s'est peut-étre trop pressé de me faire
des reproches à cet égard.(Voyez Journal des Mines , N^ 128).
D'HISTOIRE NATURELLE. 5t.
SUITE DES PLANTES
DU COROLLAIRE DE TOURNEFORT,
p
PAR M. DESFONTAINES.
LINARIA GRANDIFLORA (Linaire à grandes fleurs). PL 2.
L. foliis sparsis, semiamplexicaulibus , ovato-lanceolatis,
acutis ; bracteis deflexis, ovatis , pedicello longioribus ; cal-
care recto; corolle rictu villoso. — Linaria orientalis,
flore luteo maximo. Tourner. Cor. Inst. 9. — Vélins du
Muséum.
Gette belle espèce de Linaire, indigène à l'Arménie, a été
regardée, par plusieurs botanistes, comme l' Antirrhinum dal-
maticum Lin., et il est possible en effet qu'ils aient eu raison.
Le Linaria maxima folio lauri Buxbaum, Cent. 1, p. 15, tab.
24, cité par Linnæus comme synonyme de l Antirrhinum
dalmaticum , est évidemment la plante de Tournefort; mais
le Linaria latifolia dalmatica magno flore de C. Bauhin, que
Linnæus rapporte également à son 4. dalmaticum , et dont
il y a des rameaux bien conservés dans les herbiers de Tour-
nelort et de Vaillant, est une espèce difíérente. Celle-ci a des
a
52 ANNALES DU MUSEUM
tiges rameuses, des feuilles plus étroites, en proportion de
leur longueur; des grappes beaucoup plus gréles , et ses fleurs
sont d'un tiers au moins plus petites. C'est ce qui m'a déter-
miné à désigner la plante de Tournefort par un nom parti-
culier, et à laisser le nom d' 4. dalmaticum à lespéce in-
. diquée par C. Bauhin. :
Tige droite, cylindrique, simple ou peu rameuse, haute
d'un à deux pieds.
Feuilles glauques, alternes, éparses, nombreuses, entières,
rapprochées , ovales-lancéolées, trés-aigués , rétrécies aux deux
extrémités, sessiles et embrassant à moitié la tige.
Fleurs disposées en une grappe terminale, portées chacune
sur un pédicelle trés-court. Bractées ovales, aiguës, abaissées ,
plus longues que le pédicelle.
Calice persistant, à cinq divisions profondes, ovales , aigués.
Corolle jaune, trés-grande. Éperon droit, aigu,abaissé per- -
pendiculairement, un peu plus court que la corolle. Lévre
supérieure bilobée ; lobes obtus relevés, ainsi que les deux
bords latéraux ; l'inférieure à trois lobes arrondis; bord de
l'ouverture garni de petites soies.
.. Quatre étamines didynames , renfermées dans l'intérieur de
la corolle. |
Un style courbé.au sommet. Un stigmate obtus. Ss
Le fruit m'est inconnu.
D'HISTOIRE NATURELLE. 53
Linaria corroLIa ( Linaire à feuilles de coris ). PL 3.
` L. erecta; foliis. confertis , angusto-linearibus. Corollæ
labio superiore bipartito; laciniis angustis , acutis; calcare
recto , tubo breviore. — L. orientalis coris folio, flore leu-
cophæo. Tourner. Cor. Ins. 9. — Vélins du Muséum.
Toute la plante est glabre. Racine rameuse , longue de quatre
à six pouces. De son collet sortent plusieurs tiges gréles, cy-
lindriques ; les unes tombantes , plus petites ; les autres droites,
simples, longues d'un pied à un pied et demi.
Feuilles entiéres, nombreuses, alternes , éparses, trés-étroites,
en forme d’alène; les inférieures écartées de la tige ; les supé-
rieures rapprochées.
Fleurs de la grandeur de celles de la Linaire pourpre, Li-
naria purpurea , Lin. , disposées en une grappe simple, droite,
terminale, longue de deux à trois pouces, portées chacune
sur un pédicelle trés-court, grêle, accompagné ies petite
bractée en alène.
Calice petit, persistant, à cinq divisions aiguës.
Corolle d'un violet-päle. Lèvre supérieure bifide, verticale,
Divisions étroites, aiguës, allongées; les trois lobes inférieurs
courts et ovales.
Éperon droit , gréle , pointu, plus court que le tube de la
corolle.
Cette Linaire croit dans l'Asie-Mineure; elle a beaucoup
d'affinité avec la Linaria repens. Elle en diffère par ses feuilles
plus gréles et plus courtes, par sa corolle qui n'est point veinée,
54 ANNALES DU MUSÉUM
et dont les deux divisions supérieures sont aigués, beaucoup
plus longues et plus étroites.
Vergascum BETONICÆFOLIUM.( Molène à feuille de Bétoine). PL 4.
V. villosum ; caule simplici; foliis cordato-obonpis,
crenatis ; racemo conferto; staminibus duobus inferioribus
declinatis, iÀmberbibus.— ' erbascum orientale betonica folio,
fiore maximo. Tourxer. Cor. Inst. 8.— Vélins du Muséum,
Toute la plante est velue. Tige simple, cylindrique, haute
d'un à deux pieds , terminée par une grappe de fleurs serrées,
longue de trois à quatre pouces.
Feuilles alternes; les inférieures, en cœur allongé, obtuses,
d'un vert foncé, longues de deux à trois pouces sur quinze
lignes de largeur, légérement sinuées et crénelées dans le
contour; celles des tiges beaucoup plus petites.
Fleurs presque sessiles, «hp d'une petite bractée
lancéolée.
Calice persistant , à cinq divisions profondes, ovales, aigués,
lancéolées.
Corolle en roue, jaune, large de sept à huit lignes, à cinq
divisions arrondies ; les deux supérieures plus petites, comme
dans les autres espéces du méme genre.
Cinq étamines , dont trois courtes et barbues; les deux in-
férieures plus longues, glabres, abaissées et recourbées en haut,
Un style gréle , abaissé. Un stigmate. Ovaire supére.
Capsule ronde, velue, bivalve, de la grosseur d'un pois.
Elle croit en Arménie.
D'HISTOIRE NATURELLE. 55
PayTEumMa LANCEOLATA ( Phyteuma lancéolé ). PI. 5.
P. foliis angusto-lanceolatis, cæspitosis, remote dentatis.
Caule ramoso , corollarum laciniis linearibus , revolutis.
Wiin, Spec. x , p. 924. — Rapunculus orientalis, foliis an- -
gustis, dentatis, Touaxer. Cor. Inst. 4. — Vélins du Muséum. à
Racine blanche, pivotante, de la grosseur d'une plume à
écrire, longue de trois à quatre pouces, garnie de petites
fibres.
Feuilles touffues, alternes, glabres, étroites, lancéolées,
pétiolées, d'un à deux pouces de long, sur quatre à cinq
lignes de largeur, bordées de dents courtes et écartées.
Tiges gréles, rameuses, hautes de cinq à six pouces, ra-
meaux filiformes.
Fleurs latérales portées sur des pédicelles courts accom-
pagnés d'une petite bractée en alène.
Calice évasé, persistant, à cinq dents aiguës, faisant corps
avec l'ovaire.
Corolle rose-pále , marcessente, M au collet du calice.
Cinq divisions edu i écartées, linéaires, aigués et
réfléchies.
Cinq étamines. Filets gréles, élargis et UPS mod base.
Un style. Trois petits stigmates.
- Cette plante croit en Arménie.
6. 7: ANNALES DU MUSÉUM
š
CAMPANULA PTARMICÆFOLIA ( Campanule à feuilles de Ptar-
mica ). PL. 6.
C. caule simplici; folus lineari-lanceolatis, serrulato-
ciliatis ; floribus sessilibus , laxé spicatis, erectis. — C. fo-
liis omnibus linearibus, margine denticulatis; caulibus
— simplicissimis ; floribus erectis, sessilibus. Lamanck. Dict.
1 , p. 579. — C. foliis linearibus, margine ciliato-serratis ;
floribus sessilibus , erectis. Wild Spec. 1, p. 902. — C.
orientalis PATRICIO folio oblongo. Tourner. Cor. Inst. 4. —
Vélins du Muséum.
q
Tige simple, droite , gabet cylindrique, haute de dix à
douze pouces.
Feuilles agit Med M aes étroites , finement dentées en
scie, et comme ciliées sur les bords; les radicales réunies en
touffe; celles des tiges alternes, i, plus courtes, un peu
écar tées.
Fleurs axillaires , sessiles , redressées, solitaires, distinctes ,
disposées en un épi interrompu le long de la partie supé-
rieure de la tige.
. Calice court, petit, persistant, à cinq divisions ovales.
= Corolle violette, oblongue, sensiblement évasée de la base
au sommet , longue de sept à huit lignes sur quatre de lar-
geur. Lodel àcinq divisions ovales, peu profondes, u un peu
ouvertes.
Cinq étamines. Filets blancs, gréles, élargis, rapprochés à
la base. Anthéres jaunes, petites,
Style un peu plus court que la lle surmonté de trois
petits stigmates recourbés en bas, ovaire infère.
Cette jolie campanule croit en Arménie.
i
D'HISTOIRE: NATURELLE. & 55
CAMPANULA PAUCIFLORA. Pl 7.
C. Caule ramoso, debili; foliis- ovatis , denticulatis. Ramis
unifloris ; floribus sursum. spectantibus ; laciniis calicinis
subulatis. — C. cretica, folio subrotundo. flore. parvo.
Toner. Cor. Inst. 3.— Vélins du Muséum.
Cette plante, indigène à l'ile de Candie, croit sur les mon-
tagnes , au milieu des buissons. Elle est décrite avec exactitude
dans le manuscrit de Tournefort.
Tige gréle, foible, longue d'un pied à un pied et demi, cy-
lindrique, épaisse d'une demi-ligne, divisée en quatre ou cinq
rameaux , garnis de trois ou quatre petites feuilles, et terminés
par une VER fleur. verticale,
Feuilles glabres , alternes légérement dentées ; les inférieures
ovales-arrondies, longues d'environ un pouce sur huit à neuf.
lignes de largeur, un peu prolongées vers le pétiole qui est
écdle et allongé; celles des tiges sont ovales, plus petites,
écartées, soutenues sur un pétiole trés-court.
Calice persistant , à cinq divisions profondes , étroites , en
forme d'aléne, beaucoup plus courtes que la corolle. PE
non réfléchis. "
Corolle verticale , campaniforme, d'un bleu-violet , large
de huit à dix lignes. Limbe à cinq divisions ovales, aiguës,
ouvertes,
Cinq étamines blanches, filets courts , élargis et rapprochés
à la base, Anthères jaunes, gréles, allongées.
Ovaire infére, Un stylé surmonté de cinq stigmates. Capsule
*
polysperme à cinq loges, -
1I]. -
8
"M
25 + ANNALES DU MUSÉUM
SUR LA RÉUNION
DE LA PYCNITE AVEC LA. TOPAZE (1).
PAR M. .MHAUX-
Er auquel j'ai donné le nom de pycnite n’a été en-
core trouvé quà Altenberg en Saxe, sous la forme de longs
cristaux prismatiques, déformés par des stries longitudinales,
et réunis parallèlement les uns aux autres. Leur couleur varie
du blanc-jaunátre au rouge-violet. La roche qui leur sert de
Support est composée de quartz et de mica. Ce minéral est
connu depuis long-temps. Romé de l'Isle l'a cité sous le nom de
schorl blanc prismatique. M. Reuss et d'autres minéralogistes
étrangers en font une espèce à part qu'ils appellent stangen-
stein; mais M. Werner le regarde comme une variété de
Yémeraude de Sibérie, qu'il sépare de celle du Pérou en lui
conservant le nom de béril, et il donne à la pycnite celui de
schorlartiger beril (2).
(1) Voyez planche 7.
(2) On a cité, sous ce dernier nom, des cristaux en prismes hexaédres régu-
lers, modifiés par des facettes obliques, que l'on trouve à Swisel en Baviére, et
que j'ai décrits, dans mes derniers cours, parmi les variétés de l'émeraude,
comine
ayant la méme forme de molécule et les mêmes caräctères physiques.
D'HISTOIRE NATURELLE. + 59
À l'époque où j'ai publié mon Traité de minéralogie, la
pycnite avoit été analysée par M. Klaproth et par mon collègue
Vauquelin. Le premier n'en avoit retiré que de la silice et de
l'alumine en égales quantités. Le résultat de mon collègue
donnoit beaucoup plus d'alumine que de silice, et indiquoit
en outre 0,033 de chaux, et 0.015 d'eau, avec une perte de
0,058. D'une autre part, les cristaux de pycifite sont si peu ^
prononcés et tellement serrés.les uns contre les autres, que
mes observations ne m'avoient rien ofiert de positif relative-
ment à leur forme primitive. J'avois adopté celle du prisme
hexaédre régulier, en avertissant que ce n'étoit qu'une con-
jecture (1), et l'on verra bientót que la différence entre cette
forme et la véritable ne peut étre saisie que par des mesures
précises. J'étois encore plus éloigné de pouvoir déterminer les
dimensions de la molécule, et j'avois exprimé le désir d'ob-
server par moi-même une variété citée par M. Emmerling,
ayant la forme d'un prisme hexaèdre régulier, avec des fa-
cettes obliques, situées au contour de la base, et dont les
positions devoient conduire à une comparaison exacte entre
la structure de la pycnite et celle du béril. J'ajoutois que la
différence que pourroient offrir les dimensions de l'une et
l'autre molécule , serviroient à faire mieux ressortir celle qu'in-
diquoient entre les deux substances les résultats de l'analyse
et les caractères physiques. Ainsi dans l'état où se trouvoient
alors nos connoissances sur la pycnite, je ne voyois d'autre
parti à prendre que de me conformer à l'opinion de ceux qui
faisoient de ce minéral une espèce séparée,
m"
(1) Traité de minér. t. III, p. 237.
60 + ANNALES DU MUSÉUM
e Ou annonça; il y a quelques années, une nouvelle analyse
del pycnite, entreprise par M. Bucholz , et qui avoit offert une
quantité sensible d'acide fluorique. L'époque de cette analyse
paroit avoir été trés-voisine de la découverte que M. Klaproth
a faite du méme acide dans la topaze, et qui a été confirmée
par les expériences de M. Vauquelin. Ce dernier savant a aussi
répété l'analys&'de la pycnite, et l'on voit, par le résultat qu'en
a cité M. Brongniart, dans son beau Traité de minéralogie (1),
que la perte qui avoit eu lieu dans la premiere opération;
provenoit, en grande partie, d'un dégagement d'acide fluorique:
Si l'on compare les analyses de la topaze , publiées par MM.
Klaproth et Vauquelin, on trouve qu'elles different tres-sen-
siblement par le rapport des principes, surtout de l'acide
fluorique, dont la quantité n'est que de 5 à 7 pour 100, dans
les deux. résultats du chimiste de Berlin, tandis qu'elle est de
18.à 20 dans celui de mon collègue. D'une autre part, l'ana-
lyse de la pycnite, par M. Nascondi se rapproche beaucoup
de celle de la topaze de Saxe, par M. Klaproth, et le résultat
que M.: Bucholz a obtenu, en opérant sur la. pycnite,. differe
peu de celui que la topaze du Brésil a offert à mon collègue(2);
ensorte que jusqu'à présent l'ensemble des deux substances,
considéré sous le point de vue de la chimie, forme. deux
+
* Gi} Tom. I , pag. 419.
(2) Voici les résultats de ces diverses analyses,
Topaze de Saxe. — Klaproth.
Sit. 95.4 434... 35
Alumine > e roa moc 99
Acide fluorique + . « s., o 5
FRE Vos s s +: sole © TR
100
D'HISTOIRE NATURELLE. " à
sous-divisions trés-distinguées l'une de l'autre, dont chacune
renferme des topazes et des pycnites. Mais on est fondé à
croire que cette divergence n'est qu'apparente , et tient à la
difficulté d'évaluer exactement la quantité d'acide — qui
se dégage durant l'opération.
- Cependant les minéralogistes ont continué, les uns de réunir |
la pycnite avec le béril , les autres, de la paaa à part. Elle a 7
effectivement des rapports avec certains bérils blanchátres, et
au contraire son aspect s'oppose tellement à l'idée de la réunir
avec la topaze, que pour adopter ce rapprochement on a
besoin de toute la confiance que doivent inspirer les lois de
la structure et les caracteres physiques.
Mais avant d'exposer les observations qui me paroissent
décisives en faveur de ce rapprochement, je dois faire con-
Topaze du Brésil — déni di E
| e
Klaproth Vauquelin. |
Silice ST wr. 6 Te od 44,5
* . . LI * » . . LI
Alamineo oso quib HAOR 540 » aos tii cb
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- SHOE oxdó. «9 6 aveo 9B Ses ri io t
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j | ze © Pyenite.
777 Buchon. Vauquelin.
Silice i005 SISATI e PEBRA S 0 OVI UE Vi Bo)
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Acide fluorique.::. . + .:12 a t e PEP À
FerstanasEanése + ..e 1, Chau . 9 6, 5 2
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dans rs rs se Perte . . CT
109
4
Ga a ANNALES DU- MUSEUM
noitre un nouveau résultat, auquel j'ai été conduit, sur la
division mécanique de la topaze. On sait que les cristaux de
ce minéral se divisent dans un sens perpendiculaire à l'axe ,
en lames dont les faces ont un poli égal et: un éclat très-vif.
Cette division est la seule que j'aie aperçue pendant long-temps,
ensorte que j'avois adopté, pour forme primitive de la topaze,
un prisme rhomboidal, dont les bases étoient dans le sens de
ce joint perpendiculaire à l'axe, et les pans qui n'étoient qu'hy-
pothétiques , coincidoient avec ceux des prismes de topaze;
qui font entre eux un angle de 124 d..22'. J'avois ainsi subs-
titué une forme secondaire à la véritable forme primitive, qui
est un octaèdre, comme on le verra dans un instant. Mais
jai prouvé, dans la partie géométrique de mon Traité (1),
qu'a. l'aide d'une pareille substitution, oh obtient. toutes les
formes secondaires, par des lois de décroissement dépendantes
du noyau hypothétique, avec la méme précision que si l'on
étoit parti du véritable noyau; ensorte que quand on a ensuite
découvert la forme, de ce, dernier, il est facile d'y ramener
les expressions des décreissemens qui. avoient donné les
formes ibédiduirés. On aeta méme , en se NU du mam
à rit: itable, qu'ane substance es une espèce à P ou doit
tre réunieà une espèce déjà classée: car le rapport qui existe
nécessairement entre les dimensions de la molécule supposée
et celles. de.la véritable, permet de prendre indifféremment
l'une ou l'autre pour type, lorsqu’ on ne veut que circonscrire
les espèces dans leurs limites. Je puis citer ici, comme exemple,
la topane elle-même, posque la forme Cue t dont j'ai
(1) Tome H, p. 15 et suiv,
D'HISTOIRE NATURELLE. . 63
parlé, m'a.servi, il y a environ vingt-cinq ans , à rapprocher
les topazes du Brésil de celles de Saxe, dont Romé de l'Isie les
avoit séparées, d’après les diversités de forme que lui avoient
offertes les cristaux de ces deux substances (1).
Des observations récentes m'ont fait apercevoir, dans les
iopazes, des joints obliques qui sont surtout sensibles, à l'aide
d'une vive lumière, et qui donnent, pour la véritable forme
primitive, un octaèdre rectangulaire (fig. 1 ), divisible paral-
lélement à la base commune des deux pyramides dont il est
l'assemblage (2). Cette dernière division, qui est trés-nette ,
est celle dont j'ai parlé, et qui n'a échappé à personne.
Pour revenir maintenant à la pycnite, ayant fait depuis peu
l'acquisition d'un morceau de ce minéral, je vis un cristal plus
gros que les autres, qui avoit trois facettes obliques , dont l'une
étoit située à l’un des angles de la base , et les deux autres rem-
placoient les bords adjacens à cet angle. Ayant détaché le
cristal, je trouvai que ceux de ses pans , sur lesquels naissoient
les deux dernières faces, faisoient entre eux un angle d'en-
viron 124d., plus fort de 4d. que celui du prisme hesaédre
régulier. En faisant mouvoir la partie fracturée du méme
cristal à la lumière d'une bougie, j'apercus un joint d'un éclat.
ires-vif, parallèle à à la base du prisme, et quatre autres joint:
beaucoup moins apparens qui conduisoient à un octaëdre rec-
tangulaire, et dont les inclinaisons étoient sensiblement les
mêmes que dans les topazes (3). La figure 2 représente la
(1) Essai d'une théorie sur la structure des cristaux, p. 488 et suiv.
(2) L'incidence de M sur M' est de 122 d. 42°, et celle de P sur P” est de 88 d. 27.
(3) Ce cristal ne ma offert aucuns joints parallèles à l'axe. Ceux qu'on croit
apercevoir dans les cristaux ordinaires, proviennent de ce que les groupes dont ils
font partie se sous-divisent, pour ainsi dire , indéfiniment en aiguilles toujours plus
64 ANNALES DU MUSEUM
moitié supérieure du cristal dont il s'agit, en la supposant
complète. Ayant mesuré les incidences des faces obliques sur
"les pans adjacens, je les trouvai sensiblement égales à plu-
sieurs de cellés qui-ont lieu dans une variété de topaze du
Brésil, dont je n'ai observé jusqu'ici qu'un seul individu, que
jai décrit dans le cinquième cahier des Aunales du Muséum,
page 352. Quant au prisme qui est hexaedre, les deux pans
désignés par r sont le résultat d'un décroissement dont je
n'avois encore trouvé aucun exemple, quoiqu'il soit trés-simple:
mais M. Weiss, tres- habile cristallographe , a observé ce résultat
dans une topaze de Sibérie, qui avoit dix-buit pans. La forme
du prisme hexaèdre , dont je viens de parler, étant en général
celle des cristaux de pycnite, on l'a considérée comme ayant
tous ses angles de 120d., au lieu qu'elle en a deux d'environ
pag d. et les quatre autres de 118d,
+ Le signe représentatif du cristal de pycnite, rapporté au
noyau, fig. I, est C'E CR C M.
r £ k Mos
Je joius ici les valeurs des principaux angles. Incidence de
f sur i „124d. 22/; der sur t, 117d. 49'; de k sur t, 154 d.
| 13; de k sur z, — 47; de M sur z, 118 d, 39.
| J'essayai ensuite les caracteres poen et je comparai
d'a Le les deux substances relativement à leur dureté. On a
obs vé que les cristaux de pyenite étoient tres-fragiles dans
le sens transversal, ce qui n'a pas lieu pour la topaze. Mais
ce n'est ici qu'une différence accidentelle qui se retrouve dans
minces, d’où résulte une fausse apparence de clivage € à date j
été moi-même trompé dans les premiers temps.
D'HISTOIRE NATURELLE. 65
certaines émeraudes blanchâtres, comparées à celles du Pérou
et de Sibérie. À mesure que la pycnite approche davantage
d’avoir un tissu vitreux, elle est moins fragile , et ses —
passés avec frottement sur le quartz, ge rayent à peu prés
aussi sensiblement que le font les fragmens de topaze. A l'égard
de la pesanteur spécifique de la pycnite, elle avoit déjà été dé- "i
terminée par M. Klaproth, qui avoit trouvée de 3,5, c'est-
à-dire égale à celle de la topaze. J'ai répété l'expérience sur
des cristaux de pycnite, formant ensemble un pos de 36
décigrammes, environ 68 grains, et j'ai obtenu le méme ré-
sultat.
Un dernier trait de ressemblance entre les deux substances,
est celui que fournit l'électricité acquise par la chaleur. J'avois
cherché autrefois inutilement dans la pycnite cette propriété
dont jouissent la plupart des topazes; mais ayant choisi cette
fois des cristaux dont le tissu étoit plus vitreux que celui des
pycnites ordinaires, j'ai obtenu, à l'aide de la chaleur, des
effets électriques non équivoques.
Ces diverses observations ne me paroissent laisser aucun lieu
de douter que la pycnite ne doive étre réunie à la fopaze. Elles
achévent de prouver que les analyses relatives à ces deux
substances s'accorderont parfaitement, lorsqu'on y aura mis
assez de précision pour que leurs résultats offrent pow
sion fidèle du rapport entre les principes compos ns
corps soumis à l'expérience.
66 ANNALES DU MUSEUM
DESCRIPTION
- De plusieurs nouvelles variétés de CHaux
CARBONATÉE (1).
PAR M. HAUY.
Les problèmes dont le but est de déterminer les variétés de
cristallisation qui ont un rhomboide pour forme primitive,
sont susceptibles de deux solutions, qui conduisent à une même
forme par des lois différentes de décroissement. La division
mécanique, en faisant connoitre la position des faces du noyau
relativement aux faces du cristal secondaire, indique celle des
eux lois d’où dépend la forme de ce cristal. Pendant long-
temps je n'ai rencontré que trés-rarement les deux solutions
à la fois dans un méme systéme de cristallisation ; mais les
exemples de ce genre se sont multipliés au milieu 2 obser-
vations récentes que j'ai faites sur les variétés de la chaux
carbonatée , dont le nombre se trouve maintenant porté à 93,
dans ma collection. Je vais faire connoitre quelques-unes de
(1) Voyez planche 7.
D'HISTOIRE NATURELLE. 67
celles qui réalisent la possibilité de ce double emploi d’une
méme formé, avec deux structures différentes.
1. Chaux carbonatée trihexaëdre, ePe (fig. 4 ) (1).
e P.
Cette variété , dont j'ai recu un échantillon de M. Héricart
Thury, ingénieur des mines, se présente sous la forme d'un -
prismélibexaeédre régulier c, c', terminé par deux pyramides
droites hexaëdres P, *; trois faces P de chaque pyramide, prises
alternativement, sont paralléles à celles du noyau; les trois
autres, désignées par :, qui proviennent d'un décroissement -
par deux rangées en hauteur sur les angles inférieurs du noyau ,
sont inclinées sur les pans adjacens de la méme quantité que
les précédentes , c'est-à-dire, de 135 d. ; ensorte que le rhom-
boide secondaire que produiroit l'ensemble des six faces, si
elles existoient seules, seroit semblable au noyau.
Ce résultat , que j'ai démontré dans la partie géométrique de
mon Traité (2) , peut étre regardé comme la limite de tous ceux
eaque conduisent les doubles solutions dont j'ai parlé, parce
que c'est celui où l'une des deux quantités qui expriment les
décroissemens devenant zéro, le solide qui répond à ce Wine :
est le noyau lui-même, . | E * d
2. Chaux carbonatée ambigué, e( $ a PH Tiig, 5)
Le dodécaédre 5, », qui dans cette variété se combine avec
le rhomboide inverse f, f, et avec les pans c, c' du prisme
(1) La figure 5 représente la forme primitive.
(2) Tome I, page 355.
68 ANNALES DU MUSEUM
hexaëdre régulier , est semblable au dodécaèdre métastatique,
vulgairement dent de cochon; mais il dépend d'une autre loi
de décroissement , du genre de celles que j'ai appelées zntermé-
diaires. Ce résultat éxige un certain développement pour être
bien saisi.
Dans le dodécaèdre métastatique ordinaire (fig. 6), les arêtes
les moins saillantes regardent les faces du noyau, tandis que
les plus saillantes sont tournées vers ses bords. J’avoistéerché,
lorsque je rédigeois la partie géométrique de mon Traité,
s'il n'y avoit pas une loi de décroissement susceptible de pro-
duire un cristal secondaire semblable au métastatique, de
manière que les arêtes tournées vers les faces du noyau,
fussent au contraire les plus saillantes , et j'avois trouvé que ce
résultat auroit lieu en vertu du déetoissotient intermédiaire
Cet D) (1):
D'une autre part, le rhomboide inverse ordinaire a ses faces
tournées vers les bords supérieurs du noyau. Or, j'avois aussi
cherché la loi qui donneroit le méme rhomboide, avec la
condition que ses faces répondissent à celles du noyau, et le
5
calcul m'avoit conduit au résultat exprimé par e (2).
Supposons "e N que le rhomboide inverse ordinaire
se tombine dans une méme forme avec le dodécaédre métas-
tatique ordinaire. Il est évident que ses faces répondront aux
arétesles plus saillantes de ce dodécaédre: mais dans la variété
dont il s'agit elles regardent au contraire les arétes les moins
saillantes. Or cela peut avoir lieu dans deux cas différens ; l'un
(1) Tome I1, page 35.
(2) Ibid. page 20.
D'HISTOIRE NATURELLE. 69
est celui où le métastatique résulteroit de la loi D, et le
5
rhomboide inverse de la loi e. L'autre cas est celui où le mé
tastatique seroit donné par le décroissement intermédiaire, et
l'inverse, par le décroissement £' '£. La division mécanique
fait disparoître cette ambiguité, en prouvant que c'est le se-
cond cas qui a lieu. Les faces des deux solides se combinent,
comme je l'ai dit, avec les pans du prisme hexaedre, dont on
ne peut tirer aucune indication en faveur de l'une ou de l’autre
structure. | |
r m .*
3. Chaux carbonatée sténonome, e D e B B(fig.7) (1).
d
8 104 t
Cette variété diffère de celle que j'ai décrite dans mon
Traité (2) , sous le nom de soustractive , par l'addition des fa-
cettes : et 7. Les premières fournissent un nouvelexemple de la
loi de décroissement qui tend à produire un rhomboide sem-
blable au noyau. Les faces +, +, offrent un cas particulier,
dont j'avois de méme prouvé la possibilité (3), savoir celui
où le décroissementsur B ( fig. 3), ayant lieu par deux rangées,
produiroit un dodécaèdre, dont tous les triangles au lieu d’être
scalènes, comme dans les autres cas, deviendroient isocèles;.
c'est- cis que le dodécaèdre seroit composé de deux pyra-
mides me réunies base à base. On aura effectivement un
(1) Je désigne par l'épithéte sténonome, qui signifie lois resserrées, les variétés
dont la forme composée d'un nombre considérable de faces, comme ici de qua-
rante-huit , est due à des décroissemens qui varient entre des limites étroites. Dans
le «as présent, il y a quatre décroissemens par deux rangées, et un par trois.
—. (2) Tome IT, page 153. . ;
(3) Tome I, page 314. À
De
70 ANNALES DU MUSEUM:
dodécaëdre de ce genre, en prolongeantles faces dont il s'agit,
jusquà ce que toutes les autres aient. disparu.
— Dangle de 151 d. 2’ 4»" qui mesure l'incidence respective
des faces de ce dodécaédre , est exactement le double de la
+ plus petite incidence 75d. 31' »1" des faces du noyau. Ces
|. rapports entre les angles de la forme primitive et ceux des
cristaux secondaires ne sont pas rares dans les variétés qui ap-
partiennent à la chaux carbonatée.
On voit, par ces exemples, que des résultats que je n'avois
donnés que pour hypothétiques, offroient comme des descrip-
tions anticipées d'autant de produits de la cristallisation , qui
existoient encore à notre insu dans le sein dela terre, ——
D'HISTOIRE NA TURELLE. yr
^
s
BEAUHARNOISIAG).
GENUS NOVUM FLORÆ PERUVIANÆ INEDITUM,
POLYAND. TETRAGYN. LINNEL
Guttiferis affine. Jussieu Gen. plantar. (Tab. 9).
CHARACTER GENERICUS.
Caux : Perianthium diphyllum , inferum, adulto germine de-
ciduum : foliolis ovatis, concavis, deflexis.
Corolla : Petala quatuor, ovata, duo exteriora opposita,
duobus interioribus duplo latiora.
Stamina : Filamenta nulla. Antherz plurimze, lineares, apice
ovato, poris duobus lateralibus pollen effundentes, receptaculo
insertæ, basi in annulum brevissimum connatæ, biloculares ,
sero decidentes.
Pistillum : Germen superum, che. uH quatuor , basi
coadunati , inde divergentes. Stigmata simplicia, obtusa.
Pericarpium : Pomum turbinatum, exsu cum, quadrilo-
culare, tetraspermum. Dissepimentum quadrialatum, mem-
branà à cortice exteriori pomi sublibera circumdatum.
Semina solitaria, obovata, hinc convexa, inde angulata,
basi acuminata , subalata , receptaculo centrali per medium in-
serta,
(1) Nous nous empressons de publier ce nouveau genre dont la description et 14
figure nous ont été envoyées de Madrid par MM. Ruiz et Pavon.
72 ANNALES DU MUSÉUM
Observatio : Pomi loculament. Sapia 1; aliquando 2; ra-
rius 3; abortientia.
Novum hoc plante genus in Pernviæ Andibus detectum ,
Regni illius Expeditionis Bôfanicæ professores obsequii et
observantiæ ergo nEAvBARNOISIAM nuncuparunt : et Exm.° D.
FRANCISCO BEAUHARNOIS, venerabundiultro consecra-
runt ; Galliæ Imperatoris Oratori, et Italiæ Regis apud regem
catholicum Legato extraordinario et plenipotentiario, magno
Ordinis ferri corone Dignitario, Legionis Honoris, dum
Cortonensis et Florentinæ Academiarum Socio etc. etc. suarum
in Artibus et Scientiis cognitionum pignus, suique erga sapien-
tes viros studii et patrocinii monumentum,
Character differentialis.
Calix diphyllus. Gorolla tetrapetala. Antherz sessiles. Po-
mum tetraspermum.,
Definitio specifica.
"io nanNoisia. fructipendula, foliis lanceolato ellipticis, flo-
ribus uni-ternis doe
Fi
= Descriptio speciei. -
Frutex quadriorgyalis, glaberrimus;
Truncus erectus, teres, superne ramosus; cortice fusco-ci-
nereo, intus rubescente; sapore parum stiptico. :
- Rami brachiati, teretes, trunco consimiles; teneri helvoli
coloris, leviter compressi, foliosi,
Folia opposita , petiolata , lanceolato-eiliptica lanceolataque,
inlegerrima , utrinque nitida, supra avenia, membranacea, ut
D'HISTOIRE NATURELLE ` 73
plurimum sesquipollicaria, latitudine semipollicari, subtus
venosa, venis subpatentibus.
Petioli 2-3-linearés, canaliculati, marginibus conduplicatis.
Pedunculi terminales, solitarii, 2-3-nique, paralleli, ultra
basim bracteolis duabus ovato-lanceolatis subcarinatis, deci-
duis, erectis , in fructu dependentes , infra medium articulati.
Calix viridi-lutescens, diphyllus ; foliolis deflexis.
Corolla tetrapetala, lutescens; petala patentia; ue lora in-
terioribus duplo latiora.
Antheræ lutescentes, persistentes.
Pomum turbinatum , pendulum, cortice comiaceo. Disse-
pimentum membranaceum, rosaceum.
Semina croceo-fulvescentia.
Habitat in Peruviæ Andium nemoribus ad : Chicoplay a.
Floret Januario et Februario.
Observatio x.* Fructus si transversim amputes luteum et
viscido-resinosum succum exsudant, qui etiam in calicibus et
antheris observatur. :
pui: 2. Incolæ corticibus ad lintea colore roseo pur-
pureo tingenda utuntur; sed eximiis etiam viribus medicis
exploratu dignis, uti cæteræ plante tinctorize præditam esse,
dubitari nequit.
Explicatio iconis.
1. Flos integer. 2. Calix. 3. Petala. 4. Staminum annulus.
5. Anthera. 6. Anthera aucta. 7. Stamina et Pistillum. 8. Pis-
tillum. 9. Pomum sectum. 10. Semen, 1 :. Receptaculum.
ANNALES DU MUSEUM
VE
LÀ
NOTE
è Sur quelques genres de la Flore de Cochin-
; chine de LourErRo, qui ont de l'affinité avec
d autres genres connus.
PAR M. A. L DE JUSSIEU.
+
L. est difficile que, parmi le grand nombre de genres de
plantes publiés depuis quelques années, il ne s'en trouve plu-
sieurs qui doivent étre rapportés à des genres déjà connus.
Les voyageurs naturalistes, auxquels la science doit beaucoup,
parce qu'ils vont au loin chercher des objets nouveaux, ne
peuvent pas toujours les comparer avec ceux que l'on possede
déjà, et dont on a des descriptions quelquefois insuílisantes
pour les faire bien reconnoitre, Is se hâtent de former de
nouveaux genres, qui, soumis ensuite à un examen plus sé-
vere, se rapportent aux anciens. Parmi ces voyageurs , nous
citerons avec éloge Loureiro, qui est allé dans la Cochinchine
faire une ample moisson, et a donné une Flore étendue de
ce pays. Elle contient cent quatre-vingt-six genres nouveaux,
dont le plus grand nombre sera probablement conservé;
plusieurs appartiennent à des genres établis antérieurement.
Déjà, dans des ouvrages récens, on a fait le rapprochement
de quelques-uns. Nous indiquerons ici les aflinités de plusieurs
| D'HISTOIRE NATURELLF. 75
autres, qui nous ont paru ou certaines ou très-probables, et
dans cette énumération nous ne suivrons aucun ordre mé-
thodique.
L'aubletia de Loureiro, p. 547 , est indiqué comme ayant un calice à cinq divisions
sans corolle, dix étamines dont cinq plus courtes, un ovaire surmonté de trois stige -
mates, une baie orbiculaire à trois loges monospermes, convexe en dessous, tron-
quée et aplatie à son sommet. En examinant ces caractéres, en observant de plus
que c'est un petit arbrisseau rameux et épineux, à feuilles alternes marquées de
irois nervures, et à fleurs axillaires, on reconnoit évidemment que cette plante est
un vrai paliurus , et que son auteur a pris les cinq pétales trés-petits pour des éta-
mines. Il reste à savoir s'il est distinct de l'espéce ordinaire à laquelle il ressemble
par son feuillage et ses épines, mais dont il diffère par son fruit indiqué comune
charnu.
Rumph, dans son Herb. Amb. vol. 5, p. 28, t. 18, f 1, désigné, sous le nom
de camunium sinense , un arbrisseau de l'Inde, que Loureiro rapporteà son aglaia,
p. 215, et qu'il est facile de reconnoitre pour la méme plante que le viter pinnata,
de Burmann, Flor. Ind. p. 158,t. 453, f. 2, dont la figure ressemble parfaitement à
celle du camunium. Ce vitex, trouvé parmi les plantes de l'Ile-de-France, recueillies
par Commerson , nous a présenté un calice à cinq divisions, cinq pétales attachés
sous l'ovaire et légérement réunis par le bas, autant d'étamines dont les filets sont
réunis en un tube évasé à cing dents, sous lesquelles sont placées intérieurement
les anthéres ; l'ovaire trés-petit et libre est surmonté d'un style court et d'un seul
stigmate ; nous n'avons pu voir le fruit mür. L'aglaia a, suivant Loureiro, la même
disposition de pétales et d'étamines ; mais son ovaire, dénué de style, est surmonté
de deux stigmates, € et l'auteur ajoute que le fruit est a ovale monosperme.
Rumph et Burmann ne donnent aucun détail sur Ja fleur et le fruit de leur plante,
mais il est évident que cet arbrisseau, qui d'ailleurs a les feuilles alternes etpinnées,
et les fleurs en grappes axillaires trés-làches, ne peut être un vifex ni méme appar-
tenir à la famille des Verbenacées, et qu'il doit plutót étre rangé. parmi les Mé-
liacées. La différence dans le nombre des stigmates, et l'incertitude sur la structure
du fruit du camunium , ne permet pas d'affirmer qu'il soit la méme plante que l'aglaia.
On doit conserver au genre de Rumph le nom de camunium , d'ailleurs plus ancien,
en indiquant avec doute l'identité présumée de l'aglaia. M. Vandelli , dans sa Flore
du Brésil , a publié un autre genre sous le nom de leuradia, à feuilles simples, sem-
blable par la fleur au camunium et à l'aglaia, mais dont le fruit est une capsule à
une seule loge, s'ouyrant en trois valves, et remplie de plusieurs graines : ce qui
augmente les doutes sur la nature du fruit du camunium. 1l en résulte seulement que
e
76 ANNALES DU MUSÉUM
les trois genres doivent pour le moment être au moins rapprochés et placés dans la
méme famille.
Depuis long-temps Adanson ei Scopoli avoient détaché du genre dolichos le D. urens,
nommé en françois grand pois pouilleux, pour en former un genre sous le nom de
mucuna qu'il porte au Brésil. Browne le distinguoitaussi sous celui de zoophtalmum ;
c’est encore le hornera de Necker, le negretia de MM. Ruiz et Pavon. Loureiro,
auquel les dénominations de ces divers auteurs étoient probablement inconnues, a
fait de la méme plante son genre citta, p. 557. Ce concours de divers auteurs pour
séparer cette plante du dolichos, prouve qu'elle doit véritablement constituer un
genre. Le caractére de ses graines orbiculaires, dont l'ombilic se prolonge par une
ligne circulaire sur presque tout leur contour, suffit en effet pour le distinguer des
autres dolichos , dontles graines, en forme de rein, sont marquées d'un trés-petit
ombilic latéral. Le nom de mucuna , plus ancien, peut lui être conservé, puisqu'il
est d'une prononciation facile.
Le knema de Loureiro est indiqué comme genre dioique, dont la fleur mâle, dé-
nuée de calice, a une corolle épaisse à trois divisions, et dix ou douze anthères
portées sur un pivot central. La fleur femelle , munie d'une corolle pareille , a de
pius un rebord inférieur tronqué et persistant que l'auteur nomme calice ; son ovaire
velu est surmonté d'un stigmate droit et lacinié ; il devient une baie ovoide succu-
lente, contenant une seule graine recouverte d'un arille. Si l'on compare ce genre,
qui est un arbre à feuilles alternes et entières, au muscadier , myristiea, on trouvera
entre eux une grande affinité. La corolle du premier n'est qu'un ealice, comme
dans le second. La disposition etle nombre des étamines sont les mêmes. Le rebord
observé à la base extérieure de la fleur femelle du knema , et dont on ne fait pas
mention dans le myristica , ne mérite point le nom de calice. On voit dans l'un et
dans l'autre une graine arillée, recouverte d'un brou charnu. La seule différence con-
siste dans le stigmate du knema, que l'on dit lacinié, et qui est indiqué comme
double dans le myristica. Ce caractére mérite d'étre mieux examiné; mais il n'em-
péche pas de rapprocher ces deux genres, comme nous l'avons déjà fait dans le
septième volume de ces Annales, p. 480, sans entrer dans aucun détail, et de
présumer qu'ils devront être réunis dans le méme.
Nous continuerons, dans d'autres Notes, la discussion de ceux Le genres de cet
auteur, qui ont de l'affinité avec des genres anciens.
D'HISTOIRE NATURELLE, 77
SUR L'ANALOGIE
DU DIOPSIDE AVEC LE PYROXENE.
PAR M. HAUY.
£
Dani les divers minéraux que M. de Bonvoisin a recueillis
en parcourant avec un zèle aussi actif qu'éclairé les vallées de
Lans, situées dans le département du P6, il en est deux sur-
tout qu'il considere comme de nouvelles espèces, dans la des-
cription intéressante qu'il a publiée de son voyage (1). Il
donne à l'une le nom de mussite, et à l'autre, celui d’alalite.
La premiére offre des groupes. de cristaux quadrangulaires,
à bases obliques, d'une forme ordinairement peu prononcée.
On la trouve aussi en prismes trés-comprimés, réunis paral-
lelement à leur axe, et en masses compactes. Les cristaux
d'alalite sont remarquables par leur volume, par leur trans-
parence et par leur régularité. Ils affectent plusieurs variétés
de formes, dont quelques-unes ont jusqu'à quarante faces.
L'envoi que M. de Bonvoisin a fait à mon célebre collègue
de Fourcroy , d'une partie de sa collection, m'ayant mis à
portée d'observer les deux substances dont il s'agit, je trouvai
(1) Journal de Phys. mai 1806, p. 409 et suiv.
11 II
78 ANNALES DU MUSÉUM
que l'une et l'autre se divisoient en prismes qui paroissoient
rectangulaires, et dont les bases étoient inclinées sur une des
arêtes longitudinales, d'une. quantité que j'estimois d'environ
107 d. Ces prismes admettoient des soudivisions dans le sens
des deux diagonales de leurs bases. La dureté et Ja pesanteur
» spécifique étoient aussi à-peu-prés les mêmes de part et d'autre.
De plus, en comparant différens échantillons de mussite, je
voyois ce minéral passer de l'opacité à la demi-transparence ,
et se rapprocher par degrés de l'alalite, par un aspect qui an-
noncoit une pâte plus homogène, et. pour ainsi dire plus fine.
Cette conformité de caracteres me détermina à réunir les deux
substances en une méme espèce, à laquelle je donnai lé nora
de diopside (1).
La forme primitive à laquelle j avois été conduit par les ob-
servations dont j je viens de parler , étoit très-voisine de celle
du pyroxene. La plus grande différence consistoit en ce que
dans cette derniere les pans font entre eux un angle de 9» d.
d'une part et de 88d. de l'autre, au lieu que le prisme du
diopside me paroissoit avoir tous ses angles de god. Je re-
marquerai à ce sujet que les cristaux de diopside ont commu-
nément huit pans , dont quatre, beaucoup plus étroits, sont pa-
rallèles à ceux de la forme primiüve, ét les quatre autres
parallèles aux diagonales des bases. Dans l'hypothèse vers la-
quelle je penchois , toutes les incidences respectives des pans
devoient être de 135 d., au lieu que sur le prisme octogone
du pyroxene, elles sont alternativement de 134 et de 136 d.,
et -comime jl étoit plus facile de mesurer, sur les cristaux de
:
yeg
(1) Voyez la note publiée par le savant M. Tonnellier, Journal des Mines, 1806,
n." 115, p. 65 et suiv. , et qui renferme le pre des résultats sur lesquels j je fondois
mon dose
D'HISTOIRE NATURELLE. 19
diopside, l'angle que faisoit chaque pan avec celui qui lui étoit
contigu, que d'opérer sur deux pans étroits, séparés par un
intermédiaire, on voit que la différence qu'il s'agissoit d'es-
ümer se réduisoit à un degré. J'avoue qu'étant préoccupé de
Fidée que deux substances qui contrastoient si fortement par .
leurs caractères extérieurs et par leur manière d’être dans la
nature, devoient être distinguées par leur forme, j adoptai ,
avec une sorte d'empressement , cette différence que me parois-
Soit indiquer une observation qui auroit eu besoin d'étre
vérifiée sur des cristaux plus susceptibles de: se prêter à des
mesures précises. !
J'essayai ensuite d'appliquer les lois de la structure à un
cristal de diopside, qui présentoit plusieurs ordres de facettes
différemment inclinées (1); mais ce cristal étant engagé en
partie dans sa gangue, on ne pouvoit mesurer les incidences
de la plupart de ses faces, que sur une. seule des faces adja-
centes, et encore cette mesure n'étoit-elle qu'approximative ,
à cause de la petite8se des faces : ces inconvéniens, joints à
d'autres dont le détail seroit superflu , dürent nécessairement
influer sur la. détermination à laquelle je parvins, et dont j'ai
reconnu depuis le peu d'exactitude. o 0 ^... 51651
- Le voyage que M. Jurine fit à Paris, il y a quelques mois,
nr'offrit l'occasion de revenir sur un travail qui ne pouvoit
étre regardé que comme un essai. Ce savant célèbre, qui;
au Milieu des soins qu'exigentses fonctions et de ses recherches:
importantes sur la zoologie , trouve encore des momens pour
cultiver avec succès l'étude dela minéralogie, me confia des
variétés de diverses substances dont i| désiroit avoir la dé-
Q) Ce cristal est cité sous le nom de diopside didodéeaédre, dans la note. pu-
bliée par M. Tonnellier, p. 68.
P
DH
Es
8o ANNALES DU MUSEUM
termination , et parmi lesquelles se trouvoient trois cristaux
isolés de dorades dont la plupart des angles: pouvoient être
mesurés avec toute l'exactitude que comporte.ce genre d'opé-
ration. Mais avant de parler des nouveaux résultats que m'ont
offerts mes observations sur ces cristaux, il ne sera pas inutile
de rappeler ce que j'ai dit ailleurs au sujet des. moyens -que
j'emploie en général pour déterminer les formes des molécules
intégrantes (1).
Lorsque les divisions qu'admettent les cristaux d'un minéral
sont également nettes dans tous les sens , et que les cótés des
divers plans qu'eiles mettent à découvert, forment entre eux
des angles du méme nombre de degrés, comme cela a lieu
pour la chaux carbonatée, j'en conclus que les faces de mo-
lécules, dont les positions respectives se trouvent indiquées
par ces divisions, sont égales et semblables, c'est-à-dire, que
datis le cas présent la molécule estun rhomboide;:car l'égalité
des divisions relativement à leur netteté et à la facilité. de les
obtenir, prouve que les points de contdct sont en nombre
égal entre les faces adjacentes des molécules, d’où il suit que
ces faces elles-mémes ont des étendues égales. Les dimensions
de la molécule sont donc données à priori dans ces sortes
de cas. J'ajoute que si l'on supposoit une des dimensions du
rhombe plus longue que l'autre, on auroit des lois de décrois-
sement différentes, relativement à des faces placées symétri-
quement sur les cristaux secondaires, ce qui est contradictoire.
Mais il existe des cristaux dans lesquels les coupes données
par la division mécanique présentent des diversités sensibles,
soit par rapport à la figure des plans qu'elles mettent à dé-
- (à) Traité de minéralogie, t. 1I, p. 7 et suiv:
D'HISTOIRE NATURELLE. 81
couvert , soit relativement à leur netteté et à la facilité de les
obtenir, ce qui annonce une différence détendue entre les
faces de la molécule. Or, l'observation ne pouvant faire con-
noitre, dans ce cas, le rapport entre les dimensions de cette
molécule, on parvient à le déterminer, en supposant que les
lois de décroissement d’où naissent les cristaux secondaires ,
soient en général les plus simples possible, et en cherchant
la relation qui doit exister entre. les côtés du triangle que
jappelle mensurateur (1), pour qu'il en résulte des faces in-
clinées d'une quantité égale à celle que l'on trouve par l'ob-
servation. Si l'on.concevoit d'autres lois de décroissement , par
exemple, si au lieu d'une rangée soustraite en largeur , on en
supposoit deux ; on auroit pour la molécule une hauteur qui,
à égalité de côté, ne seroit que la moitié de celle qui auroit
servi de donnée dans la première hypothèse; mais on par-
viendroit toujours à des résultats qui serdient d'accord. avec
l'observation. Ainsi, tout ce qu'il y a de démontré dans les cas
de ce genre, c'est que le rapport entre les dimensions de la
molécule; s'il n'est. pas celui dont on-est parti , est au moins
commensurable avec ie ce gui suffit 2 à la: Mise pour a at-
teindre son but. : | A. in [9
Je reviens aux cristaux cs diopside te m'avoit confiés
M. Jurine. Ayant essayé d’en soumettre les formes au calcul ;
en employant , relativement à la molécule, les mémes tt
sions que pour le cristal «cité précédemment, je /m'apercus
d'abord que j'avois donné beaucoup trop de hauteur, à la
molécule; en sorte que pour avoir des lois simples de décrois-
sement, il falloit admettre une donnée qui a lieu en général
)
.. (3) Voyez la notion de ce triangle, Traité de Minéralogie, t. I, p. 285.
82 ANNALES. DU MUSEUM
pout les formés primitives, qui sont des prismes obliques à
báses rhombes. Elle consiste en ce que si de l'extrémité su-
périeure © (fig. 1) de l'aréte Æ qui aboutit à l'angle infé-
rieur de la base, on hene une ligne droite à l'extrémité infé-
rieure de l'aréte opposée, c'est-à-dire de celle; qui aboutit en
4, cette ligne est perpehdiculaire sar les deux arétes.»
Fm pärlant de cette dormée, et en conservant tout le reste
comme dans ma premiére détermination, je ramenai les lois
de décroissément à leur 'simylicité órdmaire; mais les Valeurs
dés angles trouvés parle olde comparées: avec célles que
donnoit l'observation ; offrorent des différences d'un degré , et
méme quelquefois de denx degrés, et la perfection des cris-
tàux ne permettoit pas de douter que ces différences ne ne.
réelles. cherché à les faire disparoitre , en modifiant u
peu les angles et led diménsions dela molécule; je eod
que je me rapprochois de:plus en plus de la forme élémen-
taire du pyroxéne. Enfin je substituai celle-ci à la premiere,
el je trouvai que les ángles calculés s'accordoient parfaitement
avec les angles mesurés. Ayant choisi ensuite un des cristaux
dont la. forine étoit la plis: composée, je déterminai son signe
représentatif, et je vis que les lois indiquées par cesigne:, à
l'e&ception d'une seule; se trouvoient eed dans différentes
váriétés de pyroxène, =
- La figure 2 représéntelle; fekta din il s'agit, de As à la
variété qui s'y rapporte le nom d'odtueigésiniale. 1:
si Sos eius MUI GOEE EPEA Gj)' 4)
| Lane uot dub sore : EDS n5 (dit
-—
JA
(1) Les facés k, qui sónt d'illeurs les seules que je n'aie point encore observées
` daas Tes pyroxenes, étoieat un peu bouihées sur les cristaux que j'ai eus entre les
mains, €nsórte qué je né doudeiti qué par &oirecturé te bi dont ellés dépendent.
Plusieurs cristaux ont d'autres facettes, dont les unes sont situées entre o et M et
D'HISTOYRE NATURELLE 83
Voici les mesures de ses angles. Incidence de M sur M,
87d. 4»'; de M sur r, 133d. 51; de M sur 1, 136d. 9'; de
o sur 0, 95 d. 28'; de o sur Z, 132 d. 16'; de o surr, 118d.
59 ; de o sur M, 145 d. 9'; de P surr, 106 d: 6'; de 5 sur P,
150d.; de s sur l, 120 d.; de u sur u, 131d. $'; deu sur Z,
114 d. 26; de u sur r, 126d. 36; de o sur la face u qui lui est
adjacente derrière le cristal, 112d.; de k sur /, 109d. 28'; de
k sur r, 146d. 195 det sur r, 106 d. 6.
On voit ( fig. 3 ) une autre variété que j'appelle pyroxéne
équivalent , et dont j'ai un cristal dans ma collection. Son
signe .est ne ns uT ai p. Les faces f, f, particulières à
celte variété , et qui la distinguent du pyroxène périoctaèdre
(fig. 4) , sont inclinées sur M de 152 d. 59', et sur r de 160d.
5»'. Je joins aux figures précédentes celle du pyroxène octo-
duodécimal (fig. 5 ), et celle d'une nouvelle variété que j'ap-
pelle pyroxéne trioctonal ( fig. 6) , dans Faquens les faces z
résultent de la loi £*, et les faces z de la loi À. Elle m'a été
envoyée par M. Bruce, qui professe avec distinction la minéra-
logie à New-Yorck. | :
Le cristal de diopside T S (fig. 2), comparé avec les
cristaux. de pyroxène ( fig. 5 et 6), offre un exemple remar-
quable de ces jeux de cristallisation , qui ont lieu à l'égard des
différens individus d'une méme variété , lorsque certaines faces
sont plus ou moins éloignées du centre dans les uns que dans
les autres. La diversité qui en résulte dans les étendues de
ces faces et dans le nombre de leurs côtés, fait varier aspect
et pour ainsi dire la physionomie des cristaux, au point que
ce n'est qu'en y regardant de près qu'on y reconnoit le méme
les autres remplacent les.angles solides s; mais la petitesse de ces facettes ne m'a
pas permis de les déterminer.
84 ANNALES DU MUSÉUM
type. Il a fallu que les lois de la structure vinssent ici m'avertir
de cheraber une analogie de forme , si peu apparente en elle-
méme, et à laquelle j'étois d'ailleurs si éloigné de m'attendre.
La division mécanique du diopside avoit d'abord paru offrir,
avec celle du pyroxène , une différence que de nouvelles obser-
vations ont fait également disparoitre. Je n'avois indiqué,
dans mon Traité de Minéralogie, qu'une seule soudivision
du prisme qui représente la molécule, savoir celle qui a lieu dans
le sens de la grande diagonale de la base; mais j'ai reconnu ré-
cemment, dans des cristaux du Vésuve et d Arendal, la seconde
soudivision parallèle à la petite diagonale, que l'on observe de
niéme dans les cristaux de diopside. Il y a aussi des diversités
dans la netteté des coupes parallèles aux. bases, et dans la fa-
cilité de les obtenir. Les joints qu'elles pe PE sont beau-
coup plus sensibles dans la mussite que dans l'alalite, et dans
certains pyroxènes d'Arendal, que dans ceux re Vésuve.,
Mais on rencontre partout 2 exemples de ces diversités,
qui paroissent étre dues à des causes accidentelles, dont l'effet
est de rendre le tissu tantôt plus lâche, et tantôt plus serré.
Je puis dire que je n'ai rien négligé pour m'assurer de l'iden-
tité des formes cristallines relatives aux deux substances. J'ai
fait part de mes résultats à M. Weiss, qui a bien voulu me
permettre de profiter , pour leur Vérificatión > de ses connois-
sances trés-étendues en cristallographie, et de sa grande ha-
bileté à mesurer les angles des cristaux. Il s'est procuré des
échantillons qui ne le cédoient pas à ceux de M. Jurine, pour
la perfection des formes. Après avoir pris en particulier les
incidences respectives de leurs faces, il venoit me les commu-
piquer, et toujours elles s'accordoient, de la manière la plus
sausfaisante, avec celles que m'avoit données le caleul.-
D'HISTOIRE NATURELLE. 85
Les caractéres physiques viennent à l'appui du rapproche-
ment déjà indiqué par la cristallographie. La dureté est à-
peu-prés la méme de part et d'autre; seulement le diopside
raie un peu plus foiblement le verre que certains pyroxénes.
A l'égard. de la pesanteur spécifique, j'avois adopté, pour le
pyroxène, celle qu'a trouvée M. Brisson, et qui étoit de
3,2265. Mais ayant pesé récemment un gros cristal de pyroxène
du Vésuve, dont le poids absolu est de 22 grammes 44 cen-
tigrammes (environ 422 grains), j'ai obtenu pour résultat
3,3578. D'une autre part, j'avois trouvé 3,2374 pour la pesan-
teur spécifique de la mussite, et 5,31 pour celle de l'alalite.
Outre que la différence n'est pas plus grande que celle qu'on
observe communément entre des individus qui appartiennent
évidemment à une méme espèce, les pesanteurs spécifiques
de la mussite et de l'alalite ont cela de remarquable, qu'elles
sont comprises entre les limites de celles du pyroxéne; et ainsi,
le caractère tiré de cette propriété n'offre rien que de favo-
rable à la réunion des deux substances en une seule espéce.
Si quelque chose pouvoit paroitre balancer des indications
d'un aussi grand poids, ce seroit la différence qui existe entre
les situations géologiques des deux substances dans la nature;
ce seroit encore la diversité qu'offrent ces substances, relati-
vement à leur tissu, à leur transparence et à tout ce qui com-
pose le facies. On sait, à la vérité, que les caractères qui se
déduisent de ces qualités sont trés-variables dans les miné-
raux; mais leur variation est portée ici à un si haut degré, elle
fait ressortir, par des traits si fortement prononcés, les corps
qu'elle affecte, que l'esprit a besoin d'étre aidé par des con-
sidérations accessoires, pour se familiariser avec une réunion
contre laquelle tout ce qui parle aux yeux semble d'abord
1t. 12
86 ANNALES DU MUSÉUM
réclamer. Or, sans chercher des exemples analogues dans des
espèces étrangères, telles que la tourmaline, l'émeraude , l'épi-
dote, etc., nous en trouvons un dans l'espèce méme du
pyroxène, en la bornant à l'étendue qu'on lui a donnée jus-
qu'ici. Les premiers cristaux de ce minéral qui aient été connus,
sont ceux que l'on trouve dans les basaltes et dans des laves
plus ou moins altérées, On en a découvert, depuis quelques
années, une grande quantité dans les mines de fer dela Nor-
wége près d'Arendal, où le terrain, loin d'offrir aucun indice
de l'action du feu, porte tous les caractères d'un terrain pri-
mitif, comme celui qui a donné naissance au diopside. J'ai de
ces cristaux qui sont engagés dans le feld-spath; ainsi voilà
des pyroxènes reconnus par tous les naturalistes , qui ont des
manières d'être tres-différentes dans la nature. A l'égard des
caractères qu'on appelle extérieurs, on trouve au Vésuve de
petits pyroxènes transparens, d’une couleur verte, qui est
seulement plus intense que dans le diopside. Plusieurs des
cristaux que lon tire du même endroit, ont le tissu très-
vitreux et trés-éclataht; d'autres l'ont simplement lamelleux ,
mais avec une apparence bien différente de celle qu'offrent
certains. pyroxenes d'Arendal, qui, étant brisés, paroissent
composés de lames de mica brun ; on peut dire que, sous ces
rapports, le pyroxène diffère quelquefois plus sensiblement
de lui-méme que da diopside. !
Maisil y a mieux , et les extensions qu'a recues, depuis en-
viron deux ans, l'espèce du pyroxène , peuvent servir à mieux
motiver celle que je propose de lui donner encore. J'ai réuni
à cette espéce, sous le nom de pyroxéne granuleux, la coc-
colithe des Danois, que j'avois laissée parmi les substances
dont la classification étoit douteuse, à l'époque oà mon Traité
D'HISTOIRE NATURELLE - 87
à paru. Cetté réunion a été consignée , par M. Lucas fils,
dans l'intéressant ouvrage qu'il a publié sousletitre de Tableau
méthodique des espèces minérales , eic. (1) , et elle est main-
lenant adoptée par une grande partie des minéralogistes. J'ai
de plus annoncé dans mes derniers cours, comme extréme-
ment probable, la réunion de la malacolithe ou sahlite avec
le pyroxène. Or, à ne considérer que le tissu et les autres
caractères qui s'offrent à nos sens, on voit la coccolithe passer
d'un cóté au pyroxene, et de l'autre, à la sahlite; et j'ai des
échantillons de cette derniére substance, qui se rapprochent
beaucoup du diopside, surtout de la variété que M. de Bon-
voisin a nommée mussite. Ainsi, les deux minéraux dont je
viens.de parler servent à lier, par une série de nuances in-
termédiaires , deux extrêmes, savoir, l'ancien pyroxène et le
diopside, qui, placés en regard, semblent être étrangers l'un
à l'autre. Lorsqu'on les compare immédiatement, on est
surpris qu'ils puissent appartenir à une méme espèce; et l'on
auroit sujet de l'être qu'il en fùt autrement, lorsqu'on a sous
les yeux l'ensemble dont ils font partie.
Je n'ajouterai plus qu'une réflexion. On sait qu aly a des
substances très-distinguées par leur nature, dont les molé-
cules intégrantes ont la méme forme; mais-ordinairement cette
forme est une de celles qui, ayant un caractére particulier de
régularité, peuvent étre regardées comme des limites : tels
sont le cube et le tétraedre régulier ; et en supposant que la
molécule, commune à deux substances ne soit pas une li-
mite (2), il y aura, dans les caractères physiques, des diffé-
(1) Page 272.
(2) Rien n'annonce l'impossibilité de ce dernier cas. La seule chose que je croie
bien prouvée, c'est qu'une méme substance ne peut avoir des molécules inté-
12
88 ANNALES DU MUSÉUM
rences qu'il suffira d'associer à celui qui se tir& de la forme,
pour que les espèces auxquelles appartiennent ces substances
soient déterminées sans équivoque. Au contraire, dans le
diopside et le pyroxène, les propriétés physiques tendent à
conlirmer le rapprochement indiqué par l'unité de molé-
cule et par la ressemblance des formes secondaires. Si la chimie
parvient à démontrer une différence essentielle entre les |
principes coniposans de ces deux substances, il en résultera
une exception d'autant plus singulière, à la méthode de clas-
sification que j'ai adoptée, qu'il sera impossible de les dis-
tinguer nettement par aucun des caractères qui tiennent de
plus prés à la nature intime des corps. :
m
grantes de deux formes. La soude boratée paroit offrir, relativement au cas dont
je viens de parler, un exemple que je me permettrai d'autant moins de passer ici
sous silence, que c'est avec le pyroxéne lui-méme que cette substance saline a
de l'analogie par sa cristallisation; mais sa solubilité et sa saveur sufliroient
seules pour empêcher de la confondre avec lui. :
D'HISTOIRE NATURELLE. 89
ANALYSE
DE LA DATHOLITHE OU CHAUX BORATÉE-SILICEUSE
de M. Haüy.
PAR M VAUQUELIN.
Aiao de ce minéral, qui ma servi pour cette ana-
lyse , m'a été donné par M. Neergaard, minéralogiste danois ;
il avoit une couleur blanche, une transparence légèrement
laiteuse , une dureté assez grande pour rayer le verre ordi-
naire , une cassure vitreuse et lisse , à-peu-pres comme celle
. du quartz. Sa pesanteur est de
Soumise au feu du chalumeau, cette substance devient
d'abord opaque , se fond ensuite en boursouflant, et donne enfin
un verre parfaitement clair et transparant.
Elle est facilement attaquée par les acides, méme étendus
d'eau, et par suite de cette action , elle est convertie en une
masse gélatineuse transparente.
Premier essai par l'acide muriatique.
Aprés avoir fait bouillir dans de l'acide muriatique cinq
grammes de cette pierre réduite en poudre subtile, j'ai fiit ré
-
ġo “ANNALES DU MUSEUM
la liqueur. La partie non dissoute, lavée à Peau bouillante et
séchée à l'air, avoit une couleur blanche-matte; ses parties
étoient agglutinées , comme si elles eussent contenu de lalu-
mine :en l'écrasant entre les doigts, on entendoit un bruit
semblable à celui de l'alumine séchée à l'air. Soupconnant que
l'opacité de cette matière provenoit d'une portion du minéral
échappée à l'action de l'acide muriatique, je l'ai pulvérisée de
nouveau et mise avec de l'acide muriatique un peu concentré :
elle est aussitót devenue transparente, et a paru diminuer
de volume. Cependant aprés avoir fait. bouillir ce mélange,
l'addition de l'eau a donné à la liqueur un aspect laiteux, et
il s'est formé un dépôt blanc opaque, à-peu-prés comme de
l'oxide d'étain. | : |
- J'ai filtré la liqueur et lavé le résidu avec de l'eau bouillante :
son poids étoit d'un. gramme neuf dixièmes; il étoit un peu
plus mobile et pulvérulent que la première fois. Quoique les
apparences extérieures de cette substance m'y eussent fait
soupçonner la présence de quelque corps étranger à la silice,
cependant l'examen le plus scrupuleux n'a pu m'y rien faire
découvrir : ainsi je le regarde comme de la silice pure.
Evaporation de la liqueur du premier traitement de la pierre.
J'ai ensuite fait évaporer la première liqueur à une chaleur
trés-douce , et lorsqu'elle a été réduite en consistance de syrop
clair, elle a cristallisé sous la forme de feuillets blancs et
demi-transparens. Cette liqueur étant trop épaisse pour pou- |
voir filtrer facilement, j'y ai ajouté une petite quantité d'eau
froide , afin de laver les cristaux et les débarrasser de l'eau
mère, sansen dissoudre une quantité sensible. J'ai obtenu; par
D'HISTOIRE NATURELLE. OT
ce moyen, un gramme et un dixième de ces cristaux séchés
à l'air, lesquels avoient toutes les propriétés de acide bora-
cique.
Ayant fait dissoudre cet acide dans une petite quantité d'eau
bouillante, il s'en est séparé quelques Tégers flocons de silice,
et il a cristalisé de nouveau par le refroidissement de la
liqueur.
J'ai faitévaporeraussi à une chaleur très-douce l'acide muria-
tique du second traitement; mais cette liqueür n'a point fourni
de cristaux comme la première : alors je les ai réunies, et j'y ai
mélé de l'oxalate d'ammoniaque. Il s'est formé, par le mélange
de ces liqueurs, un précipité blanc trés-abondant qui, lavé,
séché et calciné, pesoit un gramme quatre-vingts centièmes :
c'étoit de la chaux contenant encore quelques atomes A acida
carbonique.
`- Aprés avoir reconnu, par les expériences que je viens de
rapporter, les substances qui constituent la pierre nommée
datholithe, j'ai recommencé l'analyse, pour en vérifier les pro-
portions ou les rectifier sil y avoit lieu.
Cette fois, jai opéré sur six grammes de matiére, et j'ai
employé l'acide muriatique plus étendu d'eau, parce que je
m'étois aperçu , dans l'expérience précédente , que la matière
sétoit prise subitement en gelée épaisse, entre laquelle il
restoit de petites masses opaques, et qui paroissoient, à cause
de cela, n'avoir pas été parfaitement. attaquées. ;
Par cette dernière manière opérer, la datholithe s'est
presque complètement dissoute, il n’est resté que quelques
flocons blancs et très-divisés qui ne faisoient assurément p
la centième partie de la masse employée.
92 i ANNALES DU MUSEUM
En procédant, comme je l'ai dit plus haut, j'ai obtenu les
élémens de la pierre dans les proportions suivantes:
Savoir: 1.' De silice > . . . 2,259 surioo parties 37,66
2.' D'acide boracique . 1,300 . . . . 21,66
4 Deéctlaux. 0 s Ba ee, ns 06
5,719 Ei GIN?
Perte .: . 281 Perte . . 4,68- 3
6,000
L'on voit, par ces résultats, que les Drob tions obtenues
entre les principes de la pierre dans les deux analyses que je
viens de rapporter, ne diffèrent pas sensiblement; ce qui me
permet de croire que je ne dois pas nrétre écarié beaucoup
des vraies quantités.
J'observe cependant que la chaux, quoique assez fortement
calcinée, retenoit encore quelques atomes d'acide carbonique,
ce qu'a démontré la légere effervescence qu'elle a produite en
se dissolvant dans lacide muriatique. La perte de quatre
centièmes deux tiers, que jai éprouvée dans mes résultats,
étant un peu plus forte qu'elle ne devoit l'étre dans une ana-
lyse de cette espèce, j'ai voulu m'assurer si le minéral ne conte-
noit pas del’eau; en conséquence, j'en ai fait chauffer cent parties
dans un creuset de platine; et, en effet, elle a perdu trois et
demi de son poids. En ajoutant donc ces trois. et demi à la
somme des autres produiis , nous n'avons pins qu'un et quel-
que chose de per te. Il est probable qu'il y a même un peu plus
d'ean que je n'en compte ici, et par conséquent un peu moins
de chaux; car cette sube déjà calcinée, comme je viens
de le dis, se boursoufle beaucoup, et produit un grand
D'HISTOIRE NATURELLE. 93
nombre de bulles par la fusion. Ainsi, je crois qu'on ne com-
mettroit pas une erreur bien sensible en diminuant la quau-
tité de chaux de deux dixièmes de gramme sur les six grammes
de datholithe employés, et les remplaçant par autant d'eau, ce
qui feroit alors cinq et demi, et réduiroit la chaux à trente-
quatre.
Les proportions seroient alors ainsi:
Silice Me 57,66
Acide boracique. . . . 21,67
Chant i o V4 4... 34
BÉ 35-473 5,50
98,83
Pu. Ts s 1,17
100,00
L'analyse dela datholithe ayant déjà été faite par M. Klap-
roth , je n'aurois pas pris la peine de la répéter, si jusqu'ici
elle n'étoit pas la seule de son genre, et si M. Haüy, qu'elle in-
téresse , ne m'y eütpas engagé. On croira sans doute volontiers
que je n'ai pas eu la pensée, en recommençant ce travail,
de trouver quelque chose à reprendre aux résultats de M.
Klaproth.
— Voici quels sont les proportions que ce savant y a trouvées:
Silice 36,5—Chaux 35,5 — Acide boracique 24 —et Eau 4. Mes
proportions ressemblent beaucoup, comme on voit , à celles de
M. Klaproth, et cependant je ne me suis point modelé sur ce
savant, car je ne connois pas la maniére dont il a opéré, et
c'est M. Haüy qui m'a remis lui-même ses résultats depuis que
mon analyse est faite.
13
04 ANNALES DU MUSEUM
DESCRIPTION
DE L'ÉCOLE D'AGRICULTURE PRATIQUE
DU MUSEUM D'HISTOIRE NATURELLE.
PAR A, THOUIN.
IV* MÉMOIRE
CLASSE TROISIÈME.
Des moyens de multiplier les végétaux.
Les végétaux se multiplient de trois manières; par mar-
cottes , par boutures et par greffes.
On voit qu'il n'est pas question ici de faire naitre des vé-
gétaux, propriété qui m'appartient qu'aux graines; mais bien
de multiplier ceux qui existent, d'augmenter le nombre de
leurs individus, de prolonger la durée de l'existence des va-
riétés, sous-variétés et races dues à un concours de circons-
tances fortuites qui se rencontrent rarement dans la nature (1);
(1) Une bonne théorie de la formation des variétés , appuyée sur un grand nombre
D'HISTOIRE NATURELLE. d
de propager/les variétés qui ne se perpétuent pas de semences
avec les mémes propriétés; de multiplier les races qui ne
produisent point de graines; d'accélérer et de perfectionner
souvent les produits agréables ou utiles de plusieurs variétés;
et enfin d'amener à l’état de domesticité plusieurs d'entre elles;
de les y assujétir si bien, qu'elles ne puissent s'en passer, et
qu'abandonnées à elles-mêmes, elles rentreroient dans leur
espèce primitive, ou disparoitroient de la surface de la
terre. |
Mais en général les individus d'arbres obtenus par ces
trois voies de multiplication, et toujours propagés par ces
mêmes moyens, perdent , après un espace de temps plus ou
moins long, la faculté de donner des graines fertiles; et les
êtres qu'ils produisent ne sont ni d’un aussi beau port, ni
d'une aussi haute taille , ni d'une aussi longue durée, que ceux
qui sont.nés de semences (1).
GENRE PREMIER.
Du marcottage (>), de ses opérations , et des appareils (3)
utiles. à la réussite de plusieurs espèces de marcottes.
Bene: ra auteurs latins, l'action de marcotter ou x pro-
de faits, d'observations et d'expériences, est encore à établir. Elle seroit cepen-
dant d'une pe utilité pour les p de la physique velis et de la
culture.
- (1) Quelques anomalies qui forment exception, ne détruisent pas ce principe
pivisinht recu.
(2) Marcottage est le nom collectif de la chose; marcotter est l'action de l'opérer,
et màrcotte est le nom du résultat de l'opération.
(9) Onne sauroit croire combien les appareils servent à la réussite des opérations.
t3”
66 ANNALES DU MUSEUM
vigner est exprimé par le mot propagare , et le produit de
cette opération par celui de mergus. Faire des marcottes ou
des provins, c’est déterminer, au moyen de procédés , d'opé-
rations et d'une culture particulière, des bourgeons (1), des
rameaux et des branchés qui tiennent à leur souche, à pousser
des racines, pour qu'ils puissent former de nouveaux pieds
lorsqu'ils sont séparés de leurs mères.
Cette voie de multiplication, indépendamment des pro-
priétés qui lui sont communes avec les autres, a l'avantage de
donner des jouissances plus promptes que celles des semences,
et souvent méme que celles des greffes, et de concourir avec
elles à la propagation plus rapide des végétaux.
Sa théorie est fondée sur l'observation de beaucoup de
faits qui prouvent que les tiges d'un très-grand nombre de
Les physiciens qui en connoissent le prix, les décrivent avec exactitude; Nous sui-
vrons leur exemple et par la méme raison.
(1) Les physiciens et les botanistes donnent le nom de bourgeons, d'yeux, de
boutons ou de gemma, à des corps non développés ou renfermés sous leurs écailles,
et à des rameaux qui ont quelquefois 6 pieds de long, parce que ces derniéres
productions ne sont que le résultat de l'extension des premières. Par la méme
raison, ils ne devroient pas distinguer l'arbre de sa graine, parce qu'il n'en estque
le développement, et qu'il existe en entier dans l'embryon de sa semence , comme
le rameau existe complet dans son bouton ou gemma. Mais comme les cultivateurs
ont un grand intérét à ne pas confondre ces parties, quoiqu'elles ne soient que
des développemens d'un méme germe, parce quls en font des usages très-diffé-
rens, nous prévenons que nous distinguons ces deux modes du. même être, et
que nous ne donnons le nom de bourgeons qu'à des rameaux développés, pris
dans tous les états de leur croissance progressive, et jusqu'à ce qu'elle soit arrêtée;
ce qui arrive à la fin de chaque séve. Alors le bourgeon prend successivement, à
mesure qu'il vieillit et en raison des positions qu'il eccupe, les noms de rameaux,
de branches du quatrième , troisième , deuxième ou premier ordre, de tige et de
tronc. Le nom de boutons et d'yeux sera réservé aux gemma non encore dé-
veloppés ou couverts de leurs écailles et autres enveloppes extérieures,
D'HISTOIRE NATURELLE. 97
végétaux renferment les germes de racines qui. n'attendent que
le concours de circonstances qui leur soient favorables, pour
se développer et s'étendre; comme les racines dde.
renferment des corculum qui deviennent des bourgeons, lors-
qu'elles sont déterrées dans certaines parties, ainsi que le dé-
montre: la réussite de ces deux sortes de boutures (1).
Mais comme les végétaux offrent plus ou moins de facilité
à pousser des racines et à reprendre de marcottes, c'est ce
qui a obligé les cultivateurs à employer divers moyens et
différens procédés pour les faire réussir.
En raison de cette plus ou moins grande facilité des mar-
cottes à s'enraciner, nous les diviserohs en deux sections, sous
les titres de marcottage simple et de marcottage compliqué.
(1) Des germes de nouveaux étres sont done répandus dans toutes les parties
des végétaux ou du plus grand nombre de leurs espéces, indépendamment de la
vie générale et commune à chacun des individus en particulier. Cela est si vrai,
que si l'on fait croître des bourgeons à une place où il ne se trouve aucun signe
extérieur de leur rudiment, ce qui est aisé, et qu'on fasse des boutures de ces
bourgeons , on.aura de nouveaux pieds vivans de leurs propres moyens, et sans
avoir diminué la vie de leur mere.
Un physicien célébre, Duhamel du Md a comparé = pi . ou gd
yeux à des graines dont les bourgeons sont les développemens, et il considére
chaque bourgeon comme un petit arbre enté sur un plus grand. Mais indépendam-
ment de ces gemma visibles et qui sont distribués régulièrement sur les arbres,
suivant leur nature, il s’en trouve un bien plus grand nombre de cachés qui som-
meillent jusqu’à l'époque où il se trouve des circonstances favorables à leur
développement. Dans le cas contraire, ils s'éteignent et s'annullent. La nature n'a
pas été moins libérale de germes réproductifs envers les végétaux, ww l'a; été
pour les polypes, les poissons et beaucoup d'antres anjait.
93 ANNALES DU MUSEUM
SECTION. PREMIERE.
Marcottages sim ples.
Toutes les espèces de marcottes comprises dans cette sec-
iion , se font naturellement ou n'ont besoin que d'étre enterrées
et séparées de leurs mères, lorsqu'elles sont suflisamment
pourvues de racines, pour vivre de leurs propres nay sn) et
former de nouveaux pieds.
EXEMPLE L" — /Marcottage- par stolones (1).
Il s'effectue en enterrant dans de petites fossettes de o m. 05 c. de profondeur en-
viron , les œilletons produits par les stolones , fouets ou coulans qui poussent du
collet de la racine des plantes stolonifères, dans la circonférence des pieds adultes.
Les fraisiers , des. potentilles., des saxifrages sont les: gen stoloniferes pármi les-
quelles on a, choisi ger modeles desee- sU €
gati
E51... M tte par turion (2).
Beaucoup de plantes vivaces herbacées (3) ner du collet de leurs racines
plusieurs bourgeons qui s'étendent horizontalement à à quelques centimétres sous
"terre, se relévent ensuite, et forment des tiges annuelles à quelque distance de
leur touffe-mére. Ces plantes se rencontrent dans la famille des asperges, des apo-
“cinées, des corymbiféres , des léguinineuses, etc. Ce sont des marcottes naturelles
qui n'ont besoin que d'étre caes de leur touffe, en temps convenable pour
Mni de nouveaux Roen
, üt PeT
NV *
—
181 ET EP TNT ET Y
t(s} E AT occupent reps r Me e de long n— 3, ‘sur : 2 mètres en
Biei, de terrain disposé eñ” planche. "" ^ -
(2) Thurio en latin.
(5) Nommées par M. Derxtioile, Polycarpiques de la section des Rhizocarpiques,
( Principes élémentaires de botanique mis en tête de la troisième édition de la Flore
françoise, tom, L" pag. 222, n." 294).
D'HISTOIRE NATURELLE.
©
Ex. ni. — Marcottage par drapeons.
,. Plusieurs arbustes et arbrisseaux, tels que diverses espèces de rosiers ; de spi-
_ræa, de millepertuis , de lilas, ete. poussent , à quelque distance au- dessus du collet
de leurs racines, de longs fouets qui s'étendent horizontalement, sous terré, en
. sortent ensuite, et produisent des “bourgeons ligneux. Le-moyen d'accélérer dans
ces fouets la pousse des racines ou d'en faire croitre, est de pincer l'extrémité
des bourgeons entre les deux séves d'été; et au printemps suivant, de séparer ces
fouets du collet de leurs racines-méres. S'ils ne sont pas suffisamment pourvus de
bonnes racines, on les laisse en place le re de l'année, et on ne les lève que
l'année suivante. fi l ;
EX. 1v. — Marcottage par œilletons.
Il est un grand nombre de plantes vivaces herbacées qui poussent au-dessous du
collet deleurs racines, des œilletons charnus et garnis à leur base d'une touffe de
chevelu, lesquels sont destinés à remplacer les souches qmi leùr ont donné naissance,
Les artichauts, les rhubarbes les sylphium en fournissent des exemples ; mais les re-
jetons qu'ils produisent sont ordinairement en grand nombre, et se trouvent ^an
semblés dans un espace trés-circonserit. S'ils restoient à là même place, ils nui-
roient bientôt à la touffe principale: pour empêcher qu'ils ne la fassent périr , ou
¿au moins qu'ils ne l'appauvrissent , on les œilletonne, € et c'est le moyen dont on
„S€ sert pour multiplier ces plantes. "
Le procédé consiste. à séparer avec les mains ou à couper tout prés de leur
souche, ayec un couteau de Bois dur ou. d'ivoire pour les plantes dont le suc
propre oxide le fer, les œilletons” suffisamment pourvus de racines. Cette opéra-
tion s'effectue a avec plus de succès sept à huit jours To shai les pré sont en-
m en sève , e dans i tout per cp uid
Bx Yo > Marcotiage par. éclats,
"Trois. individus de iis sont dasini b fournir cet exemple, de sollic
tion. Le premier est une plante vivace à racine pivotante, semi-ligneuse , propre à
étre fendue en. plusieurs parties dans sa longueur, à l'effet de faire produire des
racines et du chevelu à chacune de ces parties éclatées , et de pouvoir ensuite , lors-
qu'elles en sont pourvues, les séparer de leur mére. Le second est une souche d'ar-
buste peu pourvue de racines, dont toutes les tiges ont été coupées à rez-terre
100 ANNALES" DU MUSEUM
pendant l'hiver, pour lui faire pousser plusieurs bourgeons des différens points de
sa circonférence, lesquels, à la sève descendante, se muniront de racines en suf-
fisante quantité pour les nourrir à la fin de l’année suivante, et permettre de les
séparer. Le troisième est un arbre dont la tige de om. 11 c. de diamètre près de
terre, et coupée à o m. 16 c. de haut, doit pousser un grand nombre de racines de
sa circonférenee, en méme temps que beaucoup de bourgeons de sa partie hors de
terre. Lorsqu'il sera suffisamment pourvu des unes et des autres, ce pied sera fendu
en quatre-parties égales dans toute sa longueur, et laissé en place jusqu'à l'année
suivante , pour lui donner le temps de se rétablir de cette blessure, et ensuite chaque
quartier sera levé pour en faire des pieds séparés.
Ce mode de multiplication se pratique, à la sève montante, sur des ombelli-
féres, des lonicéres, des capriers, des orangers, des sophora, etc., dans plusieurs
jardins de botanique de l'Europe.
EX. VI. — bd d par racines.
Cette sorte de multiplication offre trois principaux modes différens, lesquels sont
représentés par trois individus d'arbres et arbustes d'espéces diverses.
Le premier présente l'exemple de racines levées hors de terre d'environ o m. o5 c.
par leur petit bout, à l'effet de leur faire pousser des bourgeons de la partie dé-
terrée, et de pouvoir, par ce moyen, en coupant les racines prés de la souche,
obtenir de nouveaux pieds. Plusieurs espéces de pelargonia et Ie volkameria du Japon
se propagent de cette manière.
Le second individu est un jeune arbre dont les racines supérieures ont été
blessées à leur surface avec la bêche à la sève montante. Chaque plaie offre des
nodosités qui ont poussé de leur partie supérieure des bourgeons, et des racines de
leur partie inférieure, comme cela arrive communément aux racines d'ormes des
grands chemins, déchirées parla charrue, aux vernis du Japon dans les jardins,
et à beaucoup d'autres arbres.
Le troisiéme exemple est fourni par un arbre dont plusieurs racines ont été
coupées tout prés de la souche, laissées en place, mais relevées par le gros bout :
de om. o4c. hors de terre, et couvertes d'une poignée de terreau, pour qu'à la
séve montante elles puissent pousser des bourgeons vigoureux, susceptibles d'étre
levés à l'automne suivant, munis d'une suffisante quantité de bonnes racines qui
assurent leur reprise. Ce moyen s'emploie fréquemment pour les arbres de la fa-
mille des légumineuses, des thérébinthes et de beaucoup d'autres,
D'HISTOIRE NATURELLE X01
Ex. vit. — Marcottage par. bute.
Trois touffes d'arbustes, de sous-arbrisseaux et d'arbrisseaux sont consacrées à
cette démonstration.
La premiére offre un individu dont toutes les tiges trop St de dre de
trois ans, ont été supprimées au niveau de la souche, à laquelle on n’a laissé sub-
sister que des bourgeons bien sains de l'avant-derniére et de la dernière année.
Ces bourgeons ont été butés avec une terre argileuse et forte, dans. une càr-
conférence. d'un métre, sur o m. 4oc. d'élévation , disposée ea forme conique
tronquée et creusée en godet par le haut. Cette bute a été gazonnée dans toute
sa cireonférence pour en maintenir la forme et y entretenir l'humidité.
La seconde touffe sera butée l’année prochaine, de la méme manière que la
premiére, laquelle alors sera démolie pour en séparer les marcottes enracinées.
La troisième touffe remplacera l'exemple. de la seconde, lorsqu'on la déehargera
de ses marcottes, tandis que la premiére se reposera une année pour former de
nouveaux bourgeons propres à être butés l’année suivante.
Ce marcottage est pratiqué dans les pépinières de Paris et des environs pour la
multiplication d'arbustes à écorce conte et à bois mou , tels que les ketmies en
— plusieurs vitex, etc.
x EX. vin, — Marcottage di iris B
© On donne le nom de vem Un de DANSE en anse isy pe ie ou en arc, à
ce moyen de propagation.
n consiste à faire choix, dans une touffe dubii ? de APE d'un à
deux ans, vigoureux et longs de om. 65e. à 1 mètre; à les courber dans de
petites fossettes pratiquées dans la circonférence dela touffe; à laisser sortir hors
de terre l'extrémité des bourgeons d'environ om. 14c., et à remplir les fossettes
vec de la terre riche en humus. Ces marcottes poussent assez de racines pour
NS étre séparées dans l'espace d'un à trois ans.
^ Deux autres arbustes d'espéces differeetes, sont destinés à deben cet exemple
dans les années suivantes.
Ce marcottage est pratiqué dans les sa chez les jardiniers fleuristes et
dans les jardins de toutes les parties de l'Europe, pour la multiplication des vé-
gétaux ligneux , dont l'écorce est plus mince et le bois moins mou que ceux de la
série précédente.
102 ANNALES DU MUSÉUM
Ex. 1x. — JMarcottage en provins.
On donne le nom de provignage ou de couchage à cette manière de marcotter ,
et celui de provins, aux marcottes enracinées qui en résultent.
Ce marcottage se fait en choisissant dans un cep de vigne, ou sur une cépée,
des sarmens ou des bourgeons de plusieurs mètres de long, jeunes, sains et vigou-
reux, que l'on couche horizontalement dans des rigoles de ọ m. 14€. à om. 22 c.
de large sur autant de profondeur, et une longueur déterminée par celle des ra-
meaux , dont on relève l'extrémité supérieure d'environ quatre doigts hors de terre.
Ces bourgeons étant suffisamment enracinés, sont, séparés de leur souche, et le
plus ordinairement laissés en place.
Ce moyen de propagation est employé pour regarnir et même renouveler les
vignes dans certains pays; pour repeupler les clairiéres des bois taillis dans beau-
coup d'autres; dans les jardins, pour donner plus de vigueur aux treilles de
vignes, et chez les pépiniéristes, pour multiplier egre d'espéces d'arbres et ar-
bustes tant ip pe
Ex. x. — Marcoltage en serpentaux.
Des sarmens de 3 à 5. mètres, et plus de long, trés-flexibles et fournis par un
pied vigoureux, sont couchés de om. 65c. en om. 65c. et fixés dans des fos-
settes en anse de panier, de manière qu'il se trouve autant de longueur de sarment
enterré, qu'il y en a hors de terre à chaque place et dans toute l'étendue du ra-
meau, dont l'extrémité doit sortir de 5 à 10 centimètres au-dessus du sol. L’es-
sentiel de cette opération est qu'il se trouve sur chaque portion de cercle que
décrit le sarment hors de terre, plusieurs bons yeux propres à fournir de nouveaux
bourgeons..
Les vignerons, les pépiniéristes et les ndis emploient ce marcottage pour
tirer d’un même sarment six ou huit marcottes, suivant sa longueur, dont ils
font autant d'individus séparés. Les vignes, les chévrefeuilles, le jasmin officinal ,
les viormes, les periploca, les glycinés grimpans et autres arbrisseaux de cette
vature se multiplient abondamment par ce procédé. -
D'HISTOIRE NATURELLE. 103
Ex. xi. — Marcottage en berceau.
Pour effectuer cette sorte de mareottage, on courbe en demi-cercle de longs
bourgeons de la derniére et de l'avant-dernière pousse, et l'on enterre leur ex-
trémité supérieure dans des fossettes de om. 16 c. à om. 22€. de profondeur, et
cela dans le plein de la sève. Bientôt ces rameaux s'emracinent par la partie en-
terrée , et donnent naissance à de jeunes bourgeons qui s'élèvent verticalement,
et forment üné touffe qui vit de ses propres moyens.
Ce mode de multiplication est employé avec succés pour toutes les éspéces de
ronces, pour les vignes et autres arbrisseaux sarmenteux. Il est encore peu répandu
parmi les cultivateurs de Paris et des environs; on le pratique depuis long-temps
au Muséum.
SEC T ION IL
Marcottages compliqués.
Indépendamment des soins que demandent les marcottages
de la première section, lesquels se réduisent, ainsi qu'on l'a
vu, à enterrer les parties de végétaux qu'on veut marcotter,
et à séparer les marcottes lorsqu'elles sont pourvues de ra-
cines, ceux-ci exigent de plus des opérations préparatoires,
et souvent des appareils plus ou moins compliqués.
Les marcottages de cette section ont plus particulièrement
pour objet des végétaux étrangers de consistance boiseuse ,
dure et sèche, et ceux du pays qui réussissent rarement par
le marcotiage simple.
On les pratique dans les pépinières et les jardins affecté
à la multiplication et à la culture des végétaux étrangers.
EXEMPLE PREMIER. — Marcottage par torsion.
Celui-ci est un des plus anciennement pratiqués. 1] est décrit par Palladius, ancien
auteur latin; son procédé consiste à tordre une branche, un bourgeon ou un sar-
i4
104 ANNALES DU'MUSÉUM
ment, de manière à déplacer ou disjoindre foiblement les fibres ligneuses dans la
longueur d'environ 8 centimétres; à enterrer cette partie tordue de 16 centimétres
environ de profondeur, dans une terre substantielle susceptible de garder long-
temps l'humidité, età tenir dans une direction verticale la partie de la branche qui
sort de terre d'environ 22 centimètres.
Ce marcottage, rarement employé à présent, peut être ee à sur des bois.
durs qui restent plusieurs années en terre sans pousser de racines; comme diverses
espéces de chénes, de châtaigniers , de charmes , etc. , qu'on désire multiplier, ou
dont on veut se servir pour regarnir de petites clairières qui se trouvent dans des
bois taillis.
Ex. 11. — Marcottage par étranglement.
Ces étranglemens se pratiquent sur des bourgeons ou rameaux qui, couchés en
terre simplement, ne produiroient pas de racines, et surtout sur ceux qu'on est
obligé de laisser dans leur position verticale, comme beaucoup d'arbustes cultivés
dans des vases et qu'on rentre l'hiver dans les serres. On pratique ces étrangle-
mens avec des ligatures pour NOE la formation des bourrelets desquels il
puisse naitre des mamelons propres à devenir des racines.
Le choix de ces ligatures n'est point indifférent pour la réussite de l'opération:
il faut les” approprier à la nature des bourgeons, rameaux où branches auxquels
elles sont propres, à l'espace de temps qu'ils emploient à s'enraciner, et à la diffi-
culté qu'ils ont à reprendre. On-emploie à cet usage le jonc, le. sparte; l'osier ; ;
les fils de chanvre, de soie, de fer, de laiton, et la ficelle cirée. Les unes s'éta-
blissent sur les branches dans la largeur de 2 millimètres, et les autres occupent
graduellement, suivant les espèces, jusqu'à 5 centimètres d'étendue: quelques-unes
se font en. spirale, de maniére que les tours de la ligature sont : écartés les uns
s „autres de. 2 “millimètres ou plus pour, multiplier les bourrelets, et par ce
en , les chances de la réussite; dans d'autres, les Sredi sont trés-rapprochés e et
ne laissent entre eux aucun intervalle. - uerus
Toutes ces sortes deligatures sont pratiquées sur les bourgeons, rameaux ou
branches de trois arbrisseaux qui fournissent des exemples tant de la maniére. dont
ces ligatures doivent étre faites qe, des sp, qu'elles progvisent sur les
ra qui les Re KA
*x pr — Marcottage par plaies annuaires.
' On donne le nom de plaie ou de section annulaire et d'anneau cortical à des
solutions de continuité formées par l'enlévement, depuis l'épiderme j jusqu'à l'obier
exclusivement, d'une lanière d'écorce dans toute la circonférence. d'un. bourgeon,
à
e
D'HISTOIRE :NATURELLE. 105
d'un rameau, d'une branche, d'une tige et même d'un trone d'arbre: Elle a pour
objet, soit de diminuer la vigueur d'une branche gourmande, d'arrêter, la sève
dans les parties supérieures, et de les forcer à donner des fruits, soit de les dé-
terminer à former des bourrelets propres à produire des racines pour faire des
marcottes. On donne à ces anneaux différentes largeurs, ‘en raison de la nature
des branches, de celle des espèces de végétaux et des vues qu'on se propose. Elles
ont en général depuis 2 millimètres de large, jusqu'à 5 centimètres. On les pra-
tique depuis un an jusqu'à cinq ans, sur des bois durs qui doivent étre marcottés
verticalement.
Cette opération est employée dans les pépiniéres pour la multiplication d'arbres
fruitiers qu'on veut avoir franes de pieds, et, dans les jardins, pour celle des
végétaux étrangers.
Deux arbrisseaux présentent plusieurs modèles de la plaie annulaire, et de ses
résultats à différens degrés.
EX. 1V. — Marcótlage par incision.
x
On nomme aussi cette sorte d'opération marcottage à œillets. Elle consiste en
deux incisions, l'une horizontale qui coupe le quart, le tiers ou la moitié du dia-
métre de la branche, et l'autre, qui est perpendiculaire à celle-ci, fend cette
méme branche en remontant, dans la longueur de 3 à 5 centimètres, suivant la
hauteur du rameau, la nature de son bois et celle de l'individu. Cette plaie doit
être faite à l'opposé de la tige de l'arbuste , etun peu au-dessous d'un nœud formé,
soit par une feuille, soit par un bourgeon. On l'ouvre de maniére qu'elle forme
la figure d'un i grec X renversé, et pour empécher le Pre s des pter
et la soudure de la plaie on y place un corps étranger. :
Cette sorte de marcottage est fort employée par les fleurimanes pour m multi-
plication des belles variétés d’œillets de théàtre, et chez les fleuristes pour celles =
des arbres et arbustes étrangers. Trois touffes d'arbustes et d'arbrisseaux sont des-
tinées à présenter ce mode Lp de MER
EX. V, — Marcottage par double i incision.
Cette sorte de marcottage se distingue de la précédente , avec laquifie elle a
beaucoup de rapports, en ce que sa languette ou la partie qui est séparée de
la tige est fendue en deux parties égales dans toute sa longueur, et en ce que les
deux parties sont maintenues écartées par.un corps étranger placé entre elles. Quel-
quefois on se sert de deux petits morceaux de vieilles éponges de mer pour main-
tenir l'écartement de la languette ayec.sa branche, et pour séparer les deux parties
106 ANNALES DU MUSEUM
de la languette. Cette double incision a l'avantage de multiplier l'étendue des
bourrelets, et les éponges, celui d'entretenir une humidité utile, et de favoriser
la formation des mamelons qui doivent fourair les racines.
On emploie ce marcottage pour la multiplication des arbres à bois dur qui sont
plusieurs années à s'enraciner par d'autres moyens, tels que les sophora du Japon,
des robiniers, des micocouliers, des podocarpus, etc. Lorsqu'il est pratiqué entre
deux séves, les marcottes poussent assez de racines pour pouvoir étre sevrées de
leur mére dix-huit mois aprés l'opération.
C'est à M. Varin , jardinier en chef du jardin de botanique de Rouen , que nous
devons ce perfectionnement encore peu répandu, et dont, pour cette raison , nous
croyons utile de donner une figure.
ER WE Marcottage en l'air.
Ce marcottage est affecté spécialement à des individus d'arbres et arbustes dé-
pourvus de rameaux, à la base de leur tige, qui puissent être couchés en terre,
et à tous les végétaux étrangers des climats chauds, qu'on est obligé de rentrer
l'hiver dans les serres, et que,pour cette raison, on cultive dans des vases.
Les appareils pour effectuer cette espèce de marcottage sont très-variés, et
l'école d'agriculture pratique en offre les exemples suivans qui peuvent servir à
tous les besoins.
EXEMPLE dela variété 1.7? — Marcottage en paniers.
Cet appareil est le plus anciennement connu; Palladius l'indique comme un
S haoi employé de son temps pour multiplier a volonté et trés-sürement les
tes espèces de vignes, et se procurer des raisins beaucoup plutôt que par
les moyens usités alors. Il consiste à faire passer å travers une corbeille de 32 centi-
mètres de diamètre sur autant de profondeur, un sarment de vigne de l'âge de
deux à quatre ans, et susceptible de donner des fruits. Il recommande de le tordre
dans la partie qui doit se trouver au milieu de l'intérieur du panier (une ligature,
une plaie annulaire ou une incision produisent le même effet ); de remplir la cor-
beille de bonne terre, et ensuite de l'attacher au support qui soutient le cep. Dans
l'espace d'un an, le sarment est assez pourvu de racines pour être séparé : on lé
coupe sous la corbeille, et on le plante avec elle à sa destination.
Deux arbrisseaux présentent des modéles de cet appareil le plus simple et le
plus aneiennement mis en usage. Leurs rameaux, aprés avoir été tordus, ligaturés
ou incisés , ont été placés dans des paniers et mannequins de différentes
D'HISTOIRE NATURELLE. 107
Ex. de la variété 11. — Marcottage en sac.
On a pris un morceau de toile de 49 centimètres de large sur 1 mètre de long,
dont on a formé un cylindre de 27 centimètres de diamètre dans les deux tiers de
sa hauteur , lequel est fermé par le bas et ouvert par le haut. On a fait passer un
bourgeon ligaturé en fil de laiton, à travers ce cylindre, qui ensuite a été rempli
de terre franche ( ou à blé), mêlée avec ua quart de terreau de couche pour main-
— tenir l'humidité plus long-temps autour du rameau, et fournir à ses premières ra-
cines l'humus nécessaire à leur extension. Tel est l'exemple de cet appareil présenté
par un arbrisseau.
Ce marcottage, imaginé par Fusée-Aublet, voyageur aussi infatigable que bota-
niste instruit, et dont il fit usage à Cayenne pour multiplier les deux seuls pieds
de manguiers qui existoient dans cette colonie, remplit eomplétement son attente,
11 obtint de ses deux arbrisseaux, dans l’espace de neuf mois, vingt-quatre indi-
vidus de 5 mètres de haut, suffisamment enracinés pour étre sevrés de leurs
méres et composer une allée qui occasiona la surprise des colons. Mais il faut
ajouter que ce marcottage s'effectua pendant la saisom des pluies qui durent prés
de trois mois sous la zone torride, et que, lorsqu'elle fut passée, un nègre étoit
chargé d'arroser ces. marcottes toute la journée, et à mesure que la terre des sacs
se desséchoit : aussi leurs. racines. traversérent-elles ces saes de toutes parts dés le
sixième mois, et ils furent mis en terre avec elles. Il n'est pas douteux qu'on ne
puisse multiplier beaucoup d'arbres à bois mou par ce moyen dans le méme pays,
et surtout l'arbre à pain des iles de la mer du Sud.
ex. de la variété au. — Marcottage en pot ordinaire.
Trois bourgeons ou ramcaux d'un an à trois ans ayant été ligaturés avec des
feuilles de sparte, o ont été placés dans des pots à basilics et à œillets, sciés en deux
parties égales dans leur longueur. Les partics rapprochées aprés l'introduction des
branches dans l'intérieur de ces pots, ont été maintenues dans leur premiére posi-
tion par des liens de fil de fer. Ces vases ensuite ont été remplis de terre franche,
laquelle a été recouverte de 2 à 3 centimètres d'épaisseur, de mousse longue qu'on
entretient humide pendant les temps secs.
Ce marcottage s'emploie fréquemment par les jardiniers , dans toutes les parties
de l'Europe, pour la multiplication des arbustes d'orangerie.
108 ANNALES DU MUSÉUM
rx. de la variété 1v. — Marcottage en pots troués.
Trois pots faits exprés pour cette opération, percés à leur fond d'un trou de 5
cenlimétres de diamétre, et dont les bords font un bourrelet saillant dans l'inté-
rieur de 1 centimétre de haut, contiennent trois rameaux d'arbustes ligaturés avec
du jonc dans la largeur de 2 millimétres jusqu'à 9. La terre dont on s'est servi
pour remplir ces. vases est du terreau de feuilles d'arbres estivaux , mêlé avec partie _
égale de terre franche, et couverte, comme les vases précédens et les suivans, de
l'épaisseur d'environ 5 centimétres de mousse longue pour maintenir la fraicheur de.
la terre, chose qui, avec la chaleur et la,lumiére, est essentiellement nécessaire à
la réussite des marcottes. :
Ce marcottage offre plus de solidité que les précédens; il est employé dans
plusieurs jardins de Paris. à;
xx dela variété v. — 7Marcottage en pots fendus.
- Ces pots fabriqués en terre cuite, comme les précédens, offrent une fente de 16
millimètres de large , dans le quart de leur hauteur d'un côté ; et jusqu'au milieu
du diamètre de leur fond. C'est par cette ouverture qu'on fait passer les rameaux
qu'on veut marcotter. Trois de ceux de l'arbrisseau destiné à fournir cet exemple
d'appareil; ost été ligaturés avec de la brindille d'osier, et introduits dans ces
vases; ils ont depuis 13 centimètres de large jusqu'à 19, sur une hauteur de 16
centimètres à 24 : on les a remplis d'un mélange, à parties égales, de terre franche,
de terreau de feuilles, d'humus pris dans le tronc des saules, et ils ont été recou-
verts de mousse, comme dans les exemples précédens.
* Ce procédé, en vsage dans quelques jardins de botanique, est plus Spécialement
. employé pour la multiplication des arbrisseaux des tropiques.
Ex. de la variété VI. — Marcottage. en pots à oreilles.
Ces pots fabriqués de la méme matiére que les précédens, ayant, comme eux "
= soit un trou, soit une fente, n'en différent que parce qu'ils dut deux ou quatre
oreilles placées a l'extérieur et à l'opposé les unes des autres. Lorsqu'on veut mar-
éotter des rameaux d'arbres foibles qui ne pourroient pas supporter le poids. des
vases à marcottes, on se sert de ces sortes de pots qui sont soutenus en l'air par
des piquets plantés en terre et maintenus par leur extrémité supérieure daus les
oreilles des vases.
D'HISTOIRE NATURELLE. . 109
L'école d'agriculture pratique présente trois de ces pots qui renferment un égal
nombre de bourgeons, lesquels ont été ligaturés avec de gros fil ciré et de la soie.
La terre qui les entoure est composée par tiers, de terre franche, de terreau de
fumier et de sable de bruyére.
Ce procédé convient à la réussite des marcottes d'arbustes à écorce mince et à
bois dur, et particulierement à ceux du Cap de Bonne-Espérance.
Ex. de la variété vir. — Marcottage en terrines percées.
Ces terrines en terre cuite, ont la méme forme extérieure que celles destinées
aux semis de graines d'arbres étrangers délicats, c'est-à-dire qu'elles ont 33 à 41
centimètres de diamètre , sur 18 de hauteur; mais au lieu d'avoir des trous à leur
fond, elles ont cinq fentes placées à égales distances dans la circonférence, les-
quelles ont 5 centimètres de long, dont la moitié se trouve à la base de la ter-
rine, et l'autre moitié dans la largeur du fond. Le milieu de cette partie offre une
ouverture ronde de 11 centimétres de diamétre, garnie d'un rebord de 17 cen-
timetres de haut dans toute sa circonférence, et formant un léger bourrelet à
son bord supérieur, quise trouve étre de 1 centimétre moins élevé que celui de la
terrine.
C'est par cette ouverture, formant un tuyau, qu'on fait passer la téte de l'ar-
buste dont on veut marcotter la plupart des rameaux. La terrine étant assujétie soli-
dement sur des piquets à la hauteur convenable, aprés avoir rempli au tiers de sa
hauteur la partie qui se trouve entre le tuyau dù milieu et le bord extérieur du
vase , avec de la terre franche, on ligature les rameaux à marcotter , ou on les in-
cise suivant le besoin; on les fixe à leur place au moyen d'un crochet, et on les
entoure de l'espece de terre qui convient à leur réussite. Cette terre ayant été af-
fermie , est couverte d'une couche de mousse longue pour maintenir l'humidité.
Cet appareil, de medetur invention, n'est pas encore employé dans beaucoup
de jardins de Paris:il peut servir à la multiplication d'arbustes rares dont les
marcottes sont plusieurs années à s'enraciner, et qu'on est obligé de changer de
place dans différentes saisons. |
- rx. de la variété vu. — Marcottage en entonnoir.
Les entonnoirs sont de petits vases qui ont la figure d'un cône renversé, et dont
les dimensions sont depuis 15 centimètres de long sur 8 de large, à la partie la
plus évasée du cóne, jusqu'à 24 centimètres de long sur 16 de large.
11. 15
110 ANNALES DU MUSEUM
Ils sont plus particulièrement affectés à la multiplication des végétaux rares et
fluets qu’on cultive dans dés vases pour être rentrés l'hiver dans les serres chaudes
et sous des baches.
On construit les entonnoirs en plomb, en fer-blanc et en verre de diverses sortes.
Ayant des propriétés et des usages différens en raison de la matiere dont ils sont
formés, de sa densité, de son opacité et-de sa diaphanéité, on a cru devoir en pré-
senter des modèles. Ils forment lesexemples des sous-variétés d'appareils indiqués
ei-après.
ere
EXEMPLE de la sous-variété 1."* — /Marcottage en entonnoir
de plomb.
Une piéce de plomb laminé, d'un millimétre d'épaisseur environ, est coupée en
triangle, de manière que lorsque les deux petits côtés sont rapprochés et se re-
couvrent l'un l'autre d'un centimètre , elle preune la figure d'un cornet dans
lequel le rameau qu'on veut marcotter se trouve serré à sa base et placé au milieu
de la circonférence du vase dans sa partie supérieure. Ce cornet est supporté par
une baguette qui le fixe solidement à la place qu'il doit occuper. Quand il a été
fermé sur le cóté, au moyen de deux attaches de fil de fer, on le remplit de terre
propre à la réussite de la branche opérée, soit par ligature , soit par incision, soit
par la section annulaire, et on le couvre de mousse. Il ne s'agit plus alors que
d'arroser la terre du vase toutes les fois qu'elle se dessèche. Il en est de méme
de toutes les autres sous-variétés de ce genre de marcottage.
Be la sous-variété 1. — Marcottage en entonnoir de
ER o s deno C0
R. vase se distingue du premier par sa matiére, et parce qu’il est à double char-
nière, ce qui permet de l'ouvrir dans sa longueur en deux parties égales, et de le
fermer exactement au moyen d'une clàvette en fer qui passe dans des agrafes placées
sur les deux bords latéraux de la partie ouvrante. Une petite douille soudée à
l'opposé sert à fixer l'entonnoir au support qui doitle maintenir à sa place.
Ce vase , quoiqu'un peu plus cher que le précédent , doit lui être -préféré pour
la facilité et la sûreté de la réussite de Popération.
D'HISTOIRE NATURELLE. .- PF
zx. de la sous-variété ru. — Marcottage en entonnoir deverre.
Les entonnoirs de verre blanc qui sont employés dans les laboratoires de chi-
mie et qui ont depuis 15 jusqu'à 22 centimètres d'ouverture par le haut, sont trés-
propres à cet usage; seulement on en casse le PA à l'endroit où ilse rétrécit
eu delà de 2 centimétres.
Pour s'en servir, on commence par opérer fe rameau qu'on veut marcotter ; on
en introduit le sommet par le goulot du vase que l'on fixe à un soutien qui main-
tient horizontalement son bord supérieur. Ensuite on fait couler dans le fond du
goulot de menus graviers pour fermer à-peu-prés l'espace qui se trouve entre le
goulot et le rameau, et l'on finit par remplir de terre le vase, de manière que le
rameau se trouve au milieu de son diamètre, et sa partie opérée aux deux tiers
supérieurs de sa hauteur.
Cet appareil est trés-propre à la multiplication des arbustes délicats de la zone
brülante qu'on cultive dans les tannées des serres chaudes et sous des baches. La
couleur blanche du verre réflétant les rayons du soleil, les empéche de dessécher
la terre trop promptement, et y laisse séjourner une humidité favorable å la réussite
des marcottes.
Ex. de la sous-variété 1v. — Marcottage en bouteille.
D'une bouteille, il est aisé de former un entonnoir en coupant avec un diamant
de vitrier ou en cassant son fond à un centimétre de sa base, choisissant celles
dont le goulot est le plus court et le verre le plus noir et le plus épais.
On emploie, pour se servir de ce vase, les mémes moyens etles mémes procédés
que ceux indiqués à l'article précédent; mais sa nature exige que les arrosemens
soient plus multipliés, pour assurer la réussite de la marcotte qu'il renferme. E
Les bouteilles de verre noir absorbant les rayons du soleil , la terre qu'elles ren-
ferment s'en imbibe, conserve la chaleur pendant long-temps, échauffe l'eau qu'elle
contient, et la dispose à étre plus aisément absorbée par les organes des végétaux.
On peut s'en servir avec succès pour le marcottage des arbrisseaux de pleine
terre des zones tempérées, dont les rameaux peuvent s'enraciner dans l'espace de
temps. compris entre la fin d'un hiver et le commencement de l'autre. Ce vase se
trouvant assez communément partout, peut tenir lieu des autres entonnoirs et les
remplacer avantageusement dans beaucoup de circonstances, pourvu qu'on sur-
veille avec attention les arrosages pendant la présence du soleil.
Fini
Ei,
112 ANNALES DU MUSÉUM
xx. de la sous-variété v. — Marcottage en lanterne.
Cette sorte d'entonnoir au lieu d’être rond est carré et de figure pyramidale ren-
versée. Il est formé de quatre pièces de verre blanc ajustées sur un bâtis de fil de
fer avec des lames de plomb laminé. Un de ses cótés s'ouvre et se ferme à volonté
au moyen d'une charniére et d'une agrafe.
Ce vase, qui peut étre employé aux mémes usages que les précédenm et avec les
mémes procédés, offre de plus la facilité de voir les progrés que font les racines;
de s'assurer plus exactement du moment où elles se trouvent en assez grand nombre
pour séparer les marcottes et ne pas compromettre leur existence en les sevrant
trop tót. Cet avantage important fait le mérite essentiel des entonnoirs de verre, et
celui-ci le posséde à un degré plus éminent que les autres, parce qu'on peut voir
et toucher les racines.
Mais tous ces marcottages en l'air, dans des vases de toutes les espèces, ne con-
tenant que de petites quantités de terre, dont le soleil dissipe bientôt l'humidité ou
que l'air absorbe promptement, réussissent mal s'ils ne sont arrosés souvent, et même
plusieurs fois par jour, dans la chaleur de l'été et pendant les hâles desséchans,
Comme le défaut d'arrosement pendant une seule journée peut faire périr les mar-
cottes, enlever le fruit d'un long travail et l'espérance d'une jouissance à laquelle
on attache du prix, on a imaginé un moyen qui, en dispensant d'une surveillance
continuelle , reinédie à cét inconvénient grave , et assure la réussite des marcottes :
c'est une espéce de syphon que l'on établit de la maniére suivante. On prend un
vase à cou trés-rétréci, mais dont la capacité puisse contenir plusieurs pintes d’eau,
et on l'attache solidement un peu au-dessus du vase ou des vases oü sont renfermées
les marcottes. Le rétrécissement du cou de ce vase est nécessaire. pour empécher
la trop grande évaporation de l'eau ; si le vase est diaphane, il n'en sera que meilleur ,
qu'on verra plus aisément la diminution du fluide, et qu'on pourra toujours
le remplir à temps. On introduit dans ce.vase des fils de laine, des lanières d'étoffes
que l'on fait descendre au fond de l'eau par le moyen de petits cailloux qui sont .
attachés à l'extrémité ; l'autre bout reste hors du vase , dans une longueur assez con-
sidérable pour venir, sous la couche de mousse qui couyre la terre, faire plusieurs
tours peu serrés autour de la branche marcottée. Si les fils de laine ont été bien im-
bibés d’eau, le syphon est établi, et ces fils. tirent toute l'eau du vase pour la répandre
sur la terre jusqu 'à ce qu'il n'en reste plus. dans le vase: ilw ya qu’ un hâle considérable
qui desséchant à son passage dans l'air le fil de laine, puisse interrompre la com-
munication de l’eau avec la terre de la marcotte; dans ce cas, il convient de ré-
tablir la communication en imbibant d'eau le fil desséché et le remettant à sa place.
— S'il se trouve plusieurs vases à marcottes dans l'espace de 52 à 64 centimètres, le
i
D'HISTOIRE NATURELLE. 113
méme syphon peut servir à les arroser ; il ne s’agit que d'y placer autant de fils de
laine qu'il se trouve de pots dans son voisinage. :
Il est bon de proportionner la grosseur des fils à la quantité d'eau dont les mar-
cottes ont besoin; il est utile méme dans les temps humides , par la pluie, et sur-
tout pendant l'hiver, de retirer les fils qui entourent le pied des marcottes , pour
les préserver d'une humidité surabondante et dangereuse.
A défaut de ce moyen qui est sûr, mais .peut-être un peu compliqué, on peut
en employer un plus simple et qui en approche beaucoup; c'est de prendre un
sabot de bois ordinaire , que l'on perce à l'extrémité avec une petite vrille; on bouche
le trou avec quelques brins de paille solidement arrétés, et l'on remplit d'eau ce
sabot que l'on suspend à environ 8 centimètres au-dessus du bord du vase à mar-
cottes. L'eau tombe goutte à goutte dans ce vase, et y entretient ane humidité perma-
nente convenable. 11 n'y a d'autre précaution à prendre que celle de remplir le sabot
toutes les fois qu'il en est besoin; mais s'il est un peu grand, il contiendra assez
d'eau pour fournir à l'arrosement continu de deux jours d'été. Cet appareil , d'une
grande simplicité, est employé dans plusieurs jardins des environs de Bonn sur les
bords du Rhin.
L'école d'agriculture pratique offre des modéles de tous ces marcottages en l'air,
de leurs variétés, sous-variétés et des divers appareils indiqués ci-dessus. .
zx. vit. — Marcottage d'arbres at ds verts.
Celui-ci n'a d'autre objet que de faire voir que les arbres de cette série peuvent
se multiplier par cette voie, comme les végétaux qui perdent leurs feuilles l'hiver;
qu'on peut employer les mémes moyens, les mémes opérations etles mémes appareils,
suivant la nature de leur écorce et celle de leur "t et qu'ils reprennent aussi
facilement que les autres.
Cet exemple est fourni par trois espéces d'arbrisseaux toujours verts, dont d
branches sont marcottées en pleine terre dans toute la circonférence de leurs m
et opérées de différentes manières.
ex. vi. — Marcottage d'arbres résineux.
Les arbres résineux toujours verts, particulièrement ceux qui appartiennent à la
telle famille des coniféres, ont été regardés pendant long-temps comme peu propres
à se propager par cette voie de muitiplication. Des expériences répétées un grand
nombre de fois et dans beaucoup de lieux différens, ne laissent aucun doute que
‘la plupart d'entre eux reprennent par ce moyen ainsi que par ceux des boutures et
“dés greffes, comme on pourra s'en convaincre par divers exemples. Mais en même
114 ANNALES DU MUSEÉUM
temps il est constaté que les individus obtenus par ces moyens n'ont ni un aussi
beau port, mi une aussi grande élévation, et ne sont d'une aussi longue vie que
les individus obtenus de semence , et cela est plus sensible dans les végétaux de cette
série que dans ceux de la plupart des ees; comme nous l'avons annoncé au
commencement de cet article.
Trois espéces de genres différens, choisis parmi les arbres de cette famille, four-
nissent les exemples de ce marcottage, suivant divers modes appropriés à leur
nature.
Ici finit la description des exemples de marcottage exposés
daus l'école pratique du Muséum. Nous terniinerons cet ar-
ticle par quelques observations générales sur l'art de mar-
cotter,
La réussite des marcottes dépend de cinq choses princi-
pales; savoir : 1.° de l'état dans lequel se trouvent les sujets,
les rameaux ou bourgeons sur lesquels on opère le mar-
cottage; 2." de la saison et de l'état de ta tuDdsphere peudant
lesquels on l'effectue; 3.” des procédés qu'on emploie pour
l'opérer; 4^ des circonstances extérieures ou atmosphériques
qui suivent l'opération; 5.° et enfin de la culture habituelle
et journalière qu'on leur administre,
Un sujet jeune, sain et vigoureux offre des chances beau-
coup plus nombreuses pour la réussite de ses branches mar-
—cotiées, qu'un individu vieux, malade et qui pousse foible-
ment. Il en est de méme des branches d'un même pied; les
plus vives, les plus vigonreuses sont celles qui reprennent
plus aisément et plus promptement,
En général, le premier printemps (1) doit étre préféré
(1) Le printemps dont il est ici question, et que nous divisons en trois parties, se
compte du moment que les plantes commencent à se mettre en mouvement, Cette di-
vision est bien connue des cultivateurs par les effets que produit chacune d'elles.
La première est celle pendant la durée de laquelle pousse le chevelu des racines
D'HISTOIRE NATURELLE. 119
pour le marcottage des végétaux ligneux des zones glaciales
et froides; le commencement du second printemps, pour ceux
des zones tempérées; le milieu du troisième, pour ceux des
zones chaudes , et le commencement de l'été, pour le mar-
cottage des plantes des zones brülantes, c'est-à-dire que le
marcottage doit toujours précéder de quelques jours l'ascen-
sion de la séve dans les tiges des végétaux, principalement
pour ceux dont on opére les marcottes au moyen des liga-
tures , des incisions et des plaies de diverses sortes. Cette at-
tention , fondée sur les lois de la physique végétale, assure et
accélère la réussite des marcottes , en ce qu'elle fournit dans
le courant de l'année quatre chances qui sont également propres
à produire le développement des racines et de leurs ra-
meaux. Ces quatre chances sont les deux séves montantes et
les deux sèves descendantes, qui ont lieu dans un trés-grand
nombre de végétaux , surtout parmi ceux à boutons écailleux.
d'un. grand nombre de végétaux; ce premier printemps est le précurseur de
l'ascension de la sève, et le moment où elle commence à se mettre en mouve-
ment dans les parties souterraines des plantes. Il arrive pour le plus grand
nombre d'espéces, sous les zones tempérées , depuis la fin de janvier jusqu'à la
mi-février. Le second printemps est celui dans lequel la sève commence à monter
dans le tronc, dans les branches du premier ordre et les rameaux et ramilles de
‘ces mêmes branches, dont elle fait gonfler les boutons ou gemma, et distendre
les écailles qui les couvrent. Quelquefois sur entent de la sève se fait voir à
l'extrémité des grands arbres, lorsque la couche d'air dans laquelle elle se trouve
est plus échauffée que celle où sont les premiéres branches des arbres. Cette se-
conde division commence sous notre zone à l'époque où finit la premiére, et se
continue, année commune , jusqu'à la fin d'avril, temps oü la terre entre en fer-
mentation ou en amour, suivant l'expression. des jardiniers, et annonce l'arrivée
du troisième et dernier printemps. Pendant celui-ci se développent les germes des
semences des plantes des zones chaudes. Sans cette exactitude dans la division du
temps le plus précieux à la culture, il est difficile de s'entendre, d'être compris
des cultivateurs, et d'avancer les progrès de l'agriculture.
116 ANNALES DU MUSEUM
Les deux premières, qui passent par l'étui médullaire ou par
les couches ligneuses, se portent, par les irradiations mé-
dullaires, du centre à la circonférence des tiges sur les plaies,
pour les cicatriser et y former des bourrelets qui se garnissent
bientôt de mamelons. Les secondes , ou les séves descendantes,
font grossir ces mamelons qui, par leur prolongement, de-
viennent des racines. Cela est si évident, que si l'on observe
les marcottes par incision, munies de leurs racines, et qu'on
nomme vulgairement marcottes à ceillets, on voit que les ra-
cines partent des bords de la plaie, et qu'elles sont en bien plus
grande quantité sur la partie de cette méme plaie qui a été
détachée de la branche, parce qu'elle fait une espèce de
bourse dans laquelle les sèves descendantes s'étant introduites,
wont pu en sortir, et ont été obligées de former des racines.
Ce seul fait sufliroit pour constater l'existence de la sève des-
cendante destinée à nourrir les racines, si elle n'étoit déjà dé-
montrée, aux yeux des praticiens, par beaucoup d'autres
observations.
Lorsqu'on opère des marcottes pendant le repos de la sève,
il arrive souvent que les plaies n'étant pas abreuvées par le
cambium qui suinte par les prolongemens médullaires, et
qui forme une espèce de vernis à leur surface, lequel les pré-
serve de l'humidité putridé de la terre, se chanchissent, se
pourrissent , et portent de proche en proche la maladie et la
mort, non-seulement dans les branches mmarcottées , Mais
quelquefois dans tout l'individu. La méme chose arrive,
mais par une autre cause, lorsqu'on marcotie par incision
un trop grand nombre de rameaux sur un individu fluet et
délicat. Tous les sucs propres de la plante qui se portent
vers ces différentes plaies, comme cela arrive pour celles des
)
D'HISTOIRE NATURELLE. 117
animaux , sont absorbés par elles; il n'en reste plus pour l'en-
tretien de l'organisation végétale, et les plantes périssent
d'étisie. Le plus ordinairement, deux ou trois marcottes suf-
fisent pour un pied garni de six à huit branches, à moins
que ce ne soit un arbuste à larges feuilles, qui peut alors en
nourrir un plus grand nombre sans s'appauvrir. Ces sortes
d'arbustes ont des organes plus étendus qui , développés dans
l'atmosphère, viennent au secours des racines pour sustenter
leurs individus.
Quant au choix des procédés pour effectuer le marcottage,
ce qu'on peut dire, en général, est que les bourgeons en état
de croissance n'ont besoin que d'étre couchés et enterrés
pour fournir des marcottes bien enracinées; il en est de
méme de la plupart des rameaux plus âgés dont l'écorce est
épaisse, garnie de beaucoup de pores corticaux, et qui ont
le bois tendre et spongieux; que ceux qui restent dans une
position verticale ont besoin d'étre ligaturés ; que pour ceux
dont l'àge des branches produites par les trois ou quatre
précédentes sèves, est de dix-huit mois à deux aus, et qu'on
ne peut marcotter que verticalement , il convient de leur faire
une section annulaire proportionnée en largeur, au diamètre
de leur grosseur. Un millimètre de large suflit pour les branches
qui n'ont que la grosseur d'une plume à écrire; et il en faut
quatre ou six pour celles qui ont 3 centimètres de diamètre.
Enfin le rameau de l’âge de deux à trois ans, dont l'écorce
mince, sèche, dénuée de pores corticaux, ou sur laquelle ils
ne sont pas sensibles, et qui ont le bois dur, doivent étre couchés
en anse de panier, incisés à la manière des œillets, avec une
double incision dont l'étendue soit proportionnée à l'àge et à
la grosseur des rameaux, depuis 3 centimètres jusqu'à 8. Sur
595 10
118 ANNALES DU MUSEUM
la plupart des individus de cette série , lorsqu'ils sont en pleine
terre depuis plusieurs années, et qu'ils sont trés-vigoureux ,
il est utile de ne laisser aucunes branches ascendantes, parce
que, attirant à elles seules toute la séve des branches de la
cépée, elles feroient périr celles qui sont marcotiées, ou au
moins retarderoient leur reprise.
Ces données sur les "pac de marcottage et sur leur
usage particulier , ne sont qu 'approximatives , et il est im-
possible de les préciser davantage: chacune. d'elles a son
mérite et ses inconvéniens. ll est diflicile de déterminer la
prééminence des unes sur les autres, et encore plus de les
affecter plus particulierement à une série d'arbres qu'à une
autre: c'est au cultivateur à les connoitre toutes, à suivre
les résultats qu'elles donnent, à les mettre en pratique seule
à seule, ou combinées plusieurs ensemble, suivant la nature
des végétaux qu'il veut multiplier, leur état de vigueur, l’âge
de leurs rameaux, la consistance de leur bois, les localités et.
le pays d’où ils sont originaires. -
Les circonstances atmosphériques qui suivent l'opération
du marcottage sont favorables, indifférentes ou nuisibles aux
marcottes, à différens degrés. Eis froids qui font tomber la
seve, les háles et les grandes chaleurs qui l'absorbent avec
rapidité, sont très-nuisibles à la réussite des marcottes, Les
temps chauds et couverts pendant lesquels il se tronve pour
l'ordinaire une grande quantité d'eau en suspension ou en dis-
solution dans l'am, et le voisinage des corps organiques en
fermentation qui répandent dans l'atmosphére des plantes du
gaz acide carbonique, sont les circonstances favorables à la
réussite des marcottes. La chaleur humide active la végétation
qui cicatrise les plaies; l’eau nourrit la marcotte, et les gaz
` ` D'HISTOIRE NATURELLE. 119
lui fournissent les élémens de sa charpente ligneuse, lesquels
lui donnent de la consistance et de la durée.
Aussi, pour diminuer les effets des chances contraires et
augmenter ceux des chances favorables, on a la précaution
de n'opérer le marcottage, surtout celui qui se fait par inci-
sion ou par sections annulaires , que lorsque les grands froids
sont passés; de couvrir la terre dans laquelle les marcottes
sont plantées, avec de vieux fumiers , des terreaux de couches,
des feuilles d'arbres en décomposition, ou avec dela mousse;
et de les arroser en raison du hále et de la chaleur de la
saison. Les plantes des zones chaudes et brülantes sont placées
sur des couches tièdes, sous des chássis ou dans des baches,
lieux dans lesquels on entretient une atmosphère chaude, va-
poreuse et riche en gaz fertilisant. 7
Enfin une dernière observation est de ne pas trop se presser
de séparer les marcottes de leur mère; d'attendre qu'elles
soient bien enracinées, pour ne pas compromettre leur exis-
tence. Il est méme des circonstances où il est utile de faire
cette séparation à plusieurs reprises; d'abord en coupant la
branche marcottée pres la souche-mére, dans un tiers de son
épaisseur; trois mois aprés, on approfondit l'entaille d'un autre
tiers; et si la marcotte n'a point été fatiguée des premieres
amputations, quinze jours aprés, on coupe l'autre tiers, et on
live la marcotte que l'on cultive comme l'individu qui lui a
donné naissance , mais un peu plus délicatement pendant les
premiéres années de son existence. L4
En général, la saison la plus favorable à la séparation des
marcottes des plantes-méres, tant pour les unes que pour
les autres, est l'instant où elles entrent dans leur premiere
16 ”
120 - ANNALES DU MUSÉUM
séve, ce qui arrive au premier printemps pour la plupart
des végétaux qui passent l'hiver en pleine terre dans le climat
de Paris. Le second printemps doit étre préféré pour les
plantes délicates qui sont sensibles aux froids de 3 à 4 degrés;
et celles des végétaux des climats chauds et brülans ne peuvent
être sevrées avec sùreté qu'au commencement de l'été.
Il nous reste actuellement à donner la description des
exemples fournis par la voie de multiplication au moyen des
boutures. Ce sera la matière du Mémoire suivant. |
D'HISTOIRE NATURELLE. 121
MEMOIRE
Sur la JaxrHIiNE et sur la PHASsIANELLE de
M. Lamarck.
PAR G. CUVIER.
J ’A1 terminé mon histoire anatomique des gastéropodes pul-
monés, par les genres du limnée et du planorbe, démembrés
avec juste raison des helix de Linnzus, parce qu'ils ont une
autre manière de vivre , et que leurs formes, méme extérieures,
offrent des caractères suflisans pour les distinguer.
Je commencerai celle des gastéropodes à branchies pec-
tinées, qui embrasse le plus grand nombre des coquilles uni-
valves, par deux autres genres qui ont aussi été démembrés
des helix, et avec plus de raison encore. ;
En effet, si les Zimnées et les planorbes vivent dans l'eau,
c'est toujours l'air en nature qu’ils respirent; mais les Janthines,
les phasianelles , ainsi que l'helix vivipara, et en général tous
les gastéropodes dont les branchies, quoique cachées comme
le poumon des helix dans une cavité dorsale recouverte par
la coquille, ont la forme d'un peigne ou d'une plume, tous
ces genres à branchies pectinées, dis-je, respirent àla ma-
122 ANNALES DU MIUSÉUM
nière des poissons, par l'interméde de l'eau, et n'ont pas un
besoin absolu de venir à la surface ouvrir leur cavité respi-
ratoire : aussi n'y ont-ils pas, comme les Jimnées et les pla-
norbes, un petit orifice qui se ferme par un sphincter,
mais elle est ouverte de toute sa largeur pour recevoir leau
qui y pénètre, et qui porte sur les branchies l'air qu'elle con-
tient, comme elle le fait dans les poissons. >
Voilà pourquoi, dans les expériences de Spallanzani, les
hélices vivipares ne sont point mortes quand on les a re-
tenues au fond de l'eau, tandis que les /imnées et les planorbes
n'ont pu supporter la privation de l'air. Aussi toute lana-
tomie des deux genres dont nous allons parler se rapproche-
t-elle de ce que nous verrons plus exactement dans les buccins,
les murex et autres grandes turbinées aquatiques , et ne res-
semble-t-elle point à ce que l'Aélzx et les autres pulmonés ont
de particulier; tant il est vrai que l'anatomie est le plus sür
indice de la nature et des rapports réels des animaux.
La santue ( Helix janthina, L.)
Ce petit mollusque a dà se faire remarquer de bonne heure
par la singularité de sa forme, par la jolie couleur de sa co-
quille, parle suc abondant et d'un pourpre-foncé qu'il répand,
enfin par L'organe extraordinaire, au wo = il reste
suspendu à la surface des flots.
Je ne crois pas cependant que personne e en ait parlé avant
1616, que Fabius Columna en publia une bonne figure et une
description extérieure assez exacte, dans son petit traité de
Purpura, p. 13, fig. 2. |
Bregnius en donna d'autres, sans se souvenir de ce qu'en
D'HISTOIRE NATURELLE. 123
avoit dit Columna , Trans. phil. pour 1705, n° 3or, pl. 2,
fig. 5. La figure est petite et mauvaise, Une troisième descrip-
tion , faite sur l'animal, est celle de Forskahl, Anim. Arab.,
p- 127; et une quatrième, celle de M. Bosc, Coquilles, IV, 71.
Sependan aucune de ces descriptions n’a pu être complète,
parce qu'aucune n'a été accompagnée d'une dissection, et que
la véritable nature des organes apparens n'a pu étre déter-
minée.
On en savoit néanmoins déjà assez pour juger que l'animal
de la janthine étoit fort différent des colimacons , et le genre
parüculier qu'en a fait M. de Lamarck, et qui est justifié
d'ailleurs par la forme de la'coquille, a dà étre et a été en
effet adopté par ceux qui ont écrit depuis lui sur les mol-
lusques. Voyez Bosc, loc. cit. et Roissy, Moll. V. p. 394.
L'avantage que j'ai aujourd'hui de donner sur ce joli mol-
lusque et sur son anatomie des notions plus complétes que
celles qu'on en avoit jusqu'à présent, je le dois à la complai-
sance presque simultanée de trois zélés naturalistes. Feu M.
Homberg me donna le premier une Janthine de la Manche;
peu de temps aprés, M. Savigny , à son retour d'Égypte, m'en
fit présent d'une seconde, recueillie dans la Méditerranée, avec
plusieurs autres testacés , dont la description doit encore orner
ce recueil; enfin, M. Péron m'en apporta plusieurs grandes et
belles de diverses parties de l'Océan Atlantique.
Ces individus, pris dans des parages si éloignés, ne m'ont
offert aucunes différences spécifiques.
Leurs coquilles justifioient toutes le nom générique de jan-
thine ou violette, car elles étoient toutes comme lavées d'une
teinte lilas plus ou moins vive.
Cette sorte de coquille, fig. 1 , est assez semblable, pour la
124 ANNALES DE MUSEUM
forme arrondie de sa spire, à nos escargots de jardin; mais
son ouverture est différente, parce que la columelle se pro-
longe davantage, et que le bord externe, au lieu de s'arrondir
à sa partie inférieure, y forme avec la columelle un angle
d'environ soixante degrés, qui peut étre considéré comme un
premier vestige de canal, et qui rapproche par conséquent
la coquille de la janthine ao celle des buccins et des murex.
L'animal ne s'en rapproche pas moins, malgré les.singu-
larités que les premiers observateurs ont voulu y voir. Cette
partie, à laquelle ils ont trouvé la forme d'un pénis ( fig. 1 ,
2 et 3, a), n'est qu'une trompe, organisée à-peu-près comme
celle de ces genres; ces lèvres ciliées b, b, qui la terminent,
et où l'imagination a cherché encore une autre ressemblance,
ne sont que des replis de la membrane linguale. Les tenta-
cules c,c, sont au nombre de deux, et non de quatre, comme on
la cru; mais ils sont plus profondément fourchus que ceux
des murex.
Le seul organe réellement propre à la Janthine est donc
son appendice vésiculeux d, d; mais il ne tient pas lieu de pied,
comme on l'a dit, au contraire il est attaché à la partie pos-
térieure du pied, à-peu-prés au-dessous de l'endroit où setrouve
l'opercule des autressgenres. Je penserois mémé assez volon-
tiers que c'est un vestige d'opercule qui éprouve dans sa forme
et dans son tissu des changemens pareils à ceux que la nature
nous fait observer dans tant d'autres de ses productions.
L'expression de Fabius Columna pour désigner cet organe
vésiculaire ( spuma cartilaginea ), est excellente. Ce sont des
vésicules transparentes comme celles de l'écume, mais leurs
parois sont quelquefois comme de cartilage, assez duró méme
vers la racine et la partie postérieure; plus molles, plus mem-
D'HISTOIRE NATURELLE. 125
braneuses en avant et à l'extrémité. Dans d'autres individus, +
je les ai trouvées plus étendues et entièrement membraneuses.
Leur enveloppe générale y étoit teinte en noirâtre.
L'organe n'a point de communication directe avec l'inté-
rieur du corps; c'est un simple appendice des tégumens, et
il ne paroit pas que l'animal puisse à son gré le vider ou le
remplir d'air: il peut seulement le comprimer en le faisant
rentrer dans sa coquille, ou l'abandonner à son élasticité na-
turelle, en l'en laissant sortir.
C'est du moins là ce que me suggère son inspection ana-
tomique, et ce qu'une partie des observateurs ne paroit pas
contredire. « Je ne ‘me suis point aperçu ( dit M. Bory-
» Saint-Vincent, Voy. I, p. 141 ), que l'animal eût la fa-
culté dele vider ou dele remplir à volonté et avec promp-
titude. »
Fabius Columna, Breynius et Forskahl ne disent rien
de positif. M. Bosc seul annonce que l'animal absorbe l'air de
ses vésicules ( Coquilles IV, p.74) , et qu'il les enfle à volonté
(Ib. p. 72). Mais comme je n'ai pu trouver aucune commu-
nication, ni aucun réservoir intérieur où cet air se puisse
rendre, j'imagine que cette assertion de M. Bosc n'est qu'une
supposition et non un fait constaté par des expériences directes.
Tous les individus n'ont pas cet organe: j'en ai trois qui
n'en montrent aucun vestige, et j'en représente un, figure 4.
M. Bory dit aussi ( Loc. cit.) , quil en a vu dans lesquels
l'organe avoit été écrasé ou emporté aux trois quarts , sans
wils parussent avoir beaucoup souffert. Sa nature est en ^
effet telle, que les janthines qu'on en priveroit de force,
n'éprouveroient probablement d'autre géne que celle qui
33. 17
126 ANNALES DU MUSEUM
- résulteroit de la difficulté de se rendre à la surface de
l'eau.
. Mais j'ai lieu de croire qu'il y en a aussi qui en sont privées
naturellement, soit qu'il ne se développe qu'à un certain áge
ou dans une certaine saison; et mon motif est que je n'ai pu
apercevoir aucune cicatrice , aucun reste de cette partie dans
les individus qui en manquent et que je possède.
Le pied e,e, sous lequel cet organe est attaché, est court
et large, mais ds méme structure que dans les autres gasté-
ropodes; il doit très-bien servir à ramper, quand l'organe ne
l'embarrasse pas. A chacune de ses parties latérales, un peu
au-dessus de son bord, est une petite membrane longitudinale,
f, f, qui tient sans doute lieu de nageoire.
Quand la trompe est retirée en dedans, comme dans Pin-
dividu de la figure 4, la téte a simplement la forme d'un
cercle enfoncé dans son milieu. C'est de cet enfoncement que
la trompe sort; quand elle ne l'est pas encore entierement,
la peau forme à sa base quelques rides circulaires qui dispa-
roissent quand elle est tout-à-fait développée.
Cette trompe est grosse, cylindrique, et quelquefois renflée;
Tanimal vivant l'allonge un peu plus que nous ne l'avons re-
présentée figure 2 et 3; elle se termine par deux lèvres car-
tilagineuses, verticales, presque tranchantes, entre lesquelles
‘en sont deux autres, grosses, et toutes hérissées de petites
épines recourbées en dedans, où il en E = semblable
sur toutes les parois de la pohe C'est appliquant ces
deux lèvres aux corps, et en leur imprimant un petit mou-
vement péristaltique, que la janthine parvient à les entamer ;
elle pone méme des coquilles, comme tous les autres gasté-
D'HISTOIRE NATURELLE. 127
ropodes à trompe, en s'aidant sans doute d'une liqueur par- =
ticuliere dont nous ferons connoitre les sources.
Les tentacules c, c , adhérent à la base de la trompe; par
conséquent , lorsque celle-ci est rentrée, ils se trouvent aux
bords de la téte, un peu plus bas que le milieu. Chacun d'eux
est divisé en dein portions coniques, dont l'inférieure est plus
petite.
Le limbe ou collier g,g, est entièrement ouvert, Mise,
comme dans les autres turbinées vraiment aquatiques, une
libre entrée dans la cavité des branchies. L'angle inférieur
dela coquille n'est pas assez prolongé pour que le limbe
fasse un siphon marqué.
Pour donner une idée de l'anatomie de la Janthine, nous
avons d'abord. fait la préparation de la figure 5.
Le plafond de la cavité branchiale A a été fendu par son
côté gauche, et rejeté sur le côté droit , avec les branchies
et le rectum À.
Le péricarde a été ouvert et montre le cœur 7 et son oreillette
m; celle-ci reçoit, comme à l'ordinaire, le sang des branchies,
et lé cœur transmet ce sang par tout.
- L'organe de la viscosité est aussi ouvert en n.
Enfin lon a fendu longitudinalement le plancher de la
cavité branchiale qui se continue avec la peau de la téte et
de la trompe, on la fendu, dis-je, jusqu'à l'extrémité de
celle-ci. | cd
De cette manière, on a mis à nu la masse charnue de la
trompe o0, et ses muscles extrinsèques ; les glandes salivaires
Pi Py Tæsophage g, les estomacs r ets, l'un des deux princi-
paux ganglions du système cérébral t£, enfin les muscles qui
attachoient l'animal à sa coquille u, w’,
17 *
128 ANNALES DU MUSEUM
— - Dans la figure 6, après avoir enlevé les estomacs , on a dé-
E
veloppé et représenté par leur face peer les mêmes
parties de l'intérieur de la tête et du pied, qu'on voyoit par
leur côté gauche dans la figure précédente.
Quand on fend longitudinalement la trompe (‘comme en
figure 7), on voit les deux petites parois verticales hérissées
de crochets, dont les bords antérieurs forment ces lèvres ci-
liées dont nous avons parlé.
La trompe elle-même n'a d'autre objet que de porter. ces
lèvres en avant ou de les faire rentrer. Pour cet elfet, elle a
d'abord ses fibres propres; ensuite ses muscles extrinseques.
Parmi ces derniers, il y en a qui la portent en avant; on les.
voit marqués v, v: Ceu la font rentrer;ils sont marqués
W, W. Une espèce de sphincter en es l'orifice y, y. Au
reste, ce mécanismesera beaucoup plus sensible dansles figures
que nous donnerons de la trompe d'un buccin. )
Au fond de la bouche, entre les deux parois hérissées, est
une très-petite langue a, PRAN 7, et l'œsophage b commence
immédiatement,
Arrivé sous le cœur, il pénètre obliquement par une fönti»
étroite dans un premier estomac r, que nous représentons
ouvert, en figure 8. Il est purement membraneux, et donne
dans un second s, représenté également ouvert, fi igure 8; enfin
le canal intestinal ou le rectum, car il est si court qu on ne
peut y faire de division, se dirige subitement _ pour ouvrit
son: anus: sous le SES de la cavité breed r mee des
branchies. : i$
Ce deuxième estomac et le rectum sont ana épais que le.
premier, et leur membrane interne est jen en yere a.
t3
de rides Re cet qa | OiiUpas £9 à SANM 104125332
LI
i
D'HISTOIRE NATURELLE. 129
Les branchies ï, sont. deux rangées de feuillets triangulaires
et dentelés, attachés comme à l'ordinaire au plafond de la
cavité qui les conuent. & .
Entre le rectum et le corps, du cóté droit, je trouve dans
quelques individus une petite verge z, comme dans les buccins
måles. Cette verge manque à d'autres; ce qui me fait croire
que la janthine a les sexes séparés comme tous les gasiéro-
podes à branchies pectinées que je connois; mais je E s
distinguer assez les organes intérieurs de la génération, pour
donner le dernier séeau à ma présomption.
Le reste de la spire contient, avec ces organes, le foie dont
la masse n'est point divisée par les circonvolutions de ce
court intestin.
Comme dans tous les gastéropodes turbinés, deux muscles
principaux s'attachent à la coquille; l'un d'eux u, pénètre dans
le pied, l'autre u', sinsére à la masse charnue de la trompe.
Il y a quatre glandes salivaires , toutes tres-longues, tres-
menues, et terminées par un canal excréteur très-grêle. Deux
insèrent -le leur au bord antérieur de la trompe; deux.autres
auprès de la naissance de l'æsoj-hage. Il est probable que les
premieres au moins fournissent quelque liqueur propre à
dissoudre les corps durs que l'animal entasse.
Le système nerveux présente deux gros ganglions placés
aux côtés de l'œsophage, et le recouvrangg.d une bride ner-
veuse; et. deux autres plus petits ; situés sous la naissance méme
de ce canal, * ye Eun
La distribution. des nerfs n'a rien de remarquable.
La liqueur pourpre de la janthine se sécrète, comme, celle de
tous les autres mollusques qui en produisent, dans l'épaisseur du
limbe et du plafond. de la.cavité branchiale. Nous avons fait
FREE
-13o ANNALES DU MUSÉUM
connoitre l'organe destiné à sa production, dans l'aplysia,
Celui-ci lui est analogue, sauf les différences de figures qu'en-
trainoient celles de l'animal. s»
La PuasrANELLE.
Les charmantes coquilles qui composent ce genre étoient
encore rares et peu connues il y a quelques années; à peine
quelques naturalistes en avoient-ils indiqué une.
Mais le dernier voyage aux Terres Australes, commandé par
le capitaine Baudin, les a rendues communes, et non-seule-
ment les habiles naturalistes embarqués dans l'expédition, et
surtout M. Péron, mais jusqu'aux. simples matelots, alléchés
par la cherté de ces coquilles, en ont rapporté un assez pom
nombre pour en faire baisser subitement le prix. 7
On peut voir, dans les Annales du Muséum ,tome IV, p. 295;
les motifs qui ont engagé M. de Lamarck à séparer les pha-
sianelles du genre limnée, où elles seroient entrées d'apres
la circonscription reçue jusques-là. .
Ils sont tirés de la coquille, ét surtout d'un: certain apla-
tissement de la columelle, qui n'est point dans les limnées;
ainsi que de lopercule permanent accordé aux phasianelles
comme aux turbo, mais refusé aux limnées comme à tous les
gastéropodes pulmonés connus jusqu'ici.
Cet opercule, 4i m'annoncant un animal à branchies pec-
tiniformes , confirma parfaitement à mes yeux la distinction
établie par M. de Lamarck , et ne me laissa pas douter de la
place que l'anatomie assigneroit à la poems mais un bel
individu, rapporté par M. Péron, m'en assura plus positive-
ment encore,
C'est en effet un gastéropode Vectra complétement
D'HISTOIRE NATUNETLE | 131
aquatique, et tout-à-fait analogue aux turbo et aux genres
voisins : tant il est vrai que la forme de l'ouverture de la co-
quille est un indice fort équivoque de laffinité des espèces
parmi les gastéropodes,
Notre figure 9 montre l'animal détaché de sa coquille,
mais la tête et le pied encore renfermés dans la cavité du
manteau, et cachés par l'opercule. -
a est cet opercule attaché, comme à l'ordinaire, sur le
derrière du pied, et qui se repliera contre la columelle quand
l'animal voudra marcher.
b, b est la face par laquelle le grand muscle de —
l'attachoit à la columelle.
C, C, € est une partie du premier tour de l'animal. On
voit au travers de la peau des traces de la cavité branchiale,
des branchies et du rectum.
La figure 10 montre le méme animal sorti de sa coquille
par-devant. Lorsqu'il voudra s'étendre, sa téte retirée actuelle-
ment dans la cavité branchiale s'avancera par dessous le bord
antérieur du manteau d, d , en méme temps que eis a,
figure 9, se repliera contre le bord postérieur.
Dans la figure 11, le même animal est presque dans la
méme position; mais on a coupé la paroi supérieure dela cavité
pulmonaire, et rejeté sur le cóté une portion a de cette paroi.
De cette manière, on voit non-seulement ce qui s'y étoit retiré
momentanément, mais encore une partie de ce qu'elle con-
ient constamment.
b est le bord antérieur du pied; c, sa face bufiliinze toute
froncée parla coniraction, et vue en raccourci, à cause de
la position de l'animal Sa partie postérieure, qui supporte
lopercule, ne peut se voir. s
132 ANNALES DU MUSÈUM
d est la tête. On peut y remarquer, 1° les doubles lèvres
frangées e, e et f, f, qui forment une espèce de voile recou-
vrant la bouche.
2, g, les deux petits re. cylindriques qui paroissent
porter des yeux.
h, h, les deux longs tentacules coniques, placés à la base
wo des premiers.
n remarque encore des deux cótés du corps une toco di
i, i,frangée comme le voile des lèvres, et qui, quand lani-
mal rampe, est étendue autour de lui, en débordant de toute
part le pied. ét la coquille. Nous venons d'en voir un vestige
dansla janthine , et les gastéropodes pectinés nous en offriront
encore beaucoup d'autres. Ce voile frangé porte en arriere
. trois tentacules de chaque côté k, k, qui servent à l'animal
pour apercevoir tout ce qui se passe autour de lui, comme les
longs de sa tête, pour ce quise passe en avant: Nous les re-
trouverons dans quelques trochus et dans d'autres genres.
Toutes ces parties se montrent au dehors; il nous reste à
parler de celles que la coquille cache toujours, et d'abord de
celles que contient la cavité branchiale, et où l'eau pénètre
par le large intervalle qui se trouve entre la tête et le bord
m de la paroi supérieure de cette cavité.
Il faut remarquer premièrement une cloison membraneuse
n,n, qui partage la cavité en deux parties. Les deux peignes
honda sont attachés aux deux faces F3 cette cloison, et
dépassent son bord antérieur. n
Le peigne supérieur se voit en o , figure 11, où la cloison
est restée en place et entière. L'inférieur se voit en p, figure
12, où elle est détachée et rejetée sur le côté droit. Toutes les
leitres de cette figure 12 ont d’ailleurs la même signification.
D'HISTOIRE NATURELLE. 133
Ces deux peignes sont composés d'une multitude de barbes
ou filamens paralléles, tous perpendiculaires à leur base com-
mune. Il n'est pas douteux que chacun d'eux contient une
artère et une veine. Je n'ai pas bien suivi sur l'individu unique
qui m'a servi*de sujet, les veines qui rapportent le sang du
corps dans l'artére branchiale; mais la veine branchiale qui
porte dans le cœur le sang qui a respiré, étoit tres-visible ,
comme je l'ai dessinée en g, q, et je l'ai Suivie très-facilement
jusque dans le cœur r, placé comme dans tous les univalves
turbinés , derrière le fond dela cavité branchiale. La figure 11
le montre encore enfermé dans son péricarde; et dans la fi-
gure 12, on a ouvert cette enveloppe. La lettre r y est gravée
sur l'oreillette; le ventricule s'apercoit en arriere.
Deux choses se font encore remarquer dans cette chambre
inférieure de la cavité branchiale, le rectum et l'ouverture de
l'organe de. la viscosité.
Le rectum s'apercoit dès l'extérieur du rok au travers de
la peau, en $, $, figure 11 ; mais ilest à découvert en 5, s,figure
12, où l'on voit aussi, en £, tun prolongement de l'estomac
qui le précède, et qui s'y joint à peu prés sous le cœur.
L'anus u est un petit tube ouvert sous le bord antérieur et
au côté droit de la cloison qui sépare les deux chambres de
la cavité branchiale. L'organe de la viscosité est placé der-
rière et sous le fond de cette cavité et du péricarde. Ilremplit
lui-même une cavité particulière, que l'on a ouverte, figure
12, en v, v, et dont l'orifice x, donne dans la cavité bran-
chiale sous le rectum, L'organe méme est glanduleux, et se
compose d'une foule de petits feuillets parenchymateux , qui
recoivent beaucoup de sang par des artères nombreuses, et
1I. 18
EX ANNALES DU MUSÉUM
qui, dans l'état de vie, produisoient sans doute une mucosité
plus ou moins abondante.
Tout le reste de la spire est rempli par le foie, par l'esto-
mac et par les organes dela génération.
Si nóus voulons maintenant revenir du cóté de la téte, il
faut fendre longitudinalement le plancher de la cavité bran-
chiale jusqu'au bout du museau.
On obtient alors la préparation représentée , figure 13, où
l'on a de plus enlevé une partie du foie, pour découvrir l'es-
tomac, que l'on a ouvert; enfin l'on y a ramené le rectum
sur le cóté gauche, et enlevé tout le reste de la cavité bran-
chiale. b, e, fh, s, t, u, vetr, représentent les mêmes choses
ue das les Egis R
—* A est la masse charnue de la bouche, organisée à peu près
comme dans le limacon et l'aplysia. Deux petites plaques
cornées, plus verticales, plus épaisses et plus dures à leur
bord externe, forment toute la garniture de la bouche, et
tiennent heu de máchoites.
Il ne paroit pas quela bouche puisse s'allonger assez pour
former üne vraie trompe. La langue est une membrane hé-
rissée de petits crochets disposés régulierement, comme dans
presque tous les mollusques pourvus d'une téte. Elle se pro-
longe en arrière dans un long tuyau membraneux, marqué B, :
qui se termine par plusieurs tours de spiraleque l'on apercoit au
travers dela peau ‘en y, figure 10. J'ai déjà parlé plusieurs fois
de la nature et des fonctions de cette sorte singulière de langue,
et j'aurai encore occasion d'y revenir.
L'eesophage D part, comme à l'ordinaire, du dessus de la
bouche; arrivé dans le foie, il se renfle en un estomac très-
considérable E, divisé dans son intérieur en plusieurs poches
par des espèces de brides ou de demi-cloisons, et dont quel-
D'HISTOIRE NATURELLE. 135.
ques parties des parois ont plusieurs plis susceptibles de
s'étendre; ce qui suppose que la phasianelle est trés-vorace,
et mange beaucoup à la fois. Cet estomac se prolonge en une
portion cylindrique t', qui part du côté droit du cardia, pour
revenir en avant, et se recourbe ensuite en arrière pour gagner
le pylore t. Ici esl intérieurement un étranglement marqué,
que l'on peut regarder comme l'origine de l'intestin. Il y a
aussi un repli qui ramène en avant le reste du canal, en le
faisant passer, comme uoüs l'avons dit, sous ! la cloison mi-
toyenne de la cavité branchiale, en 5, 5, jusqu'a l'anus u; de
sorte qu'il n'y a vraiment d'autre intestin que le rectum.
Le cerveau se compose, comme dans la plupart des pec-
tinibranches, de deux ganglions a, a, figure 13, fort écartés
l'un de l'autre, et réunis par un filet transversal qui passe sur
lesophage, et par un autre "qui passe dessous; c'est d'eux
que partent les principaux nerfs, dont deux vont former,
sous la naissance de l'eesophage; un petit ganglion double qui
fournit , comme à l'ordinaire, les nerfs particuliers, au moins
à la partie antérieure du canal intestinal. |
La partie plus blanche de l'extrémité de la spire est occupée
par l'organe de la génération , et envoie un canal qui descend
à gauche entre le rectum et le corps; mais je ne le: décrirai
point en détail, par les mémes raisons qui m'en ont empéché
à l'égard de la janthine. —
Il résulte toujours fort clairement de ce Mémoire que les
deux genres dont nous avons parlé , doivent étre placés dans
Pordre naturel, assez loin des hélix et des autres gastéropodes
pulmonés à coquille, quoique leur coquille les ait fait jusqu'à
présent confondre avec eux, ou au moins les en ait fait beau-
‘coup trop rapprocher. E pps i
1
136 ANNALES DU MUSEUM
SUITE DES PLANTES
. DU COROLLAIRE DE TOURNEFORT,
PAR .M. DESFONTAINES.
CAnPANULA. CALAMENTHIFOLIA ( Campanule à à feuilles de Cala-
: ment ). Tab. 12.
C. pubescens ; caule. ramoso, decumbente ; foliis caulinis
ovato-subrotundis , crenulatis, subpetiolatis , rameis exiguis
acutis ; corollis externe pubescentibus. LixwAnck. Dict. 1, p.
585.—C. saxatilis, foliis inferioribus Bellidis , ceteris Num-
mulariæ , subhirsutis, crenatis ac veluti. rugosis. Tourner.
Cor. Inst. 3. — Vélins du Muséum. |
Toute la pes est pubescente i d'une Pre un peu
cendrée.
Du collet de la racine sortent plusieurs
"tiges tombantes ,
longues de six à huit pouces, divisées dans la longueur en un
grand mombre de petits rameaux gréles, axillaires , ramifiés
garnis de fleurs, et peu écartés. eris
Feuilles dites , petites, légèrement dentées, ressemblantes
D'HISTOIRE NATURELLE, ,137
à celles du Calament; les radicales obtuses, en forme de
spatule, étalées en rosette , décurrentes sur le pétiole. Celles
des tiges sont ovales, avec des pétioles très-courts. Enfin celles
des petits rameaux sont linéaires-lancéolées et entières.
Fleurs axillaires et terminales, solitaires, alternes, soute-
nues sur des pédicelles gréles.
Calice à cinq divisions droites, lancéolées, aiguës, appli-
quées contre la corolle, roulées extérieurement sur les bords.
Sinus un peu réfléchis.
Corolle d'un rose-pâle. Tube cylindrique, long de cinq à
six lignes. Limbe évasé. Cinq divisions ovales, obtuses, ou-
vertes.
Cinq étamines. Filets gréles, élargis à la base. Une capsule
à trois loges. Un style. Trois stigmates. se
Cette espèce croit dans l'ile de Naxos.
CAMPANULA STRICTA ( Campanule à fleurs serrées). Tab. 13.
C. capsulis obtectis ; foliis strictis, caulinis lanceolatis ,
serratis ; floribus sessilibus. Law. Spec. p. 338.— C. orientalis,
folio longo , rigido, aspero flore sursum spectante. ovnwxr.
Cor. Inst. 3. — Vélins du Muséum.
Tige droite, hérissée de poils, longue d'un à deux pieds,
simple ou divisée inférieurement en trois ou quatre rameaux
effilés. : WIRE UL EIE
+ Feuilles alternes, lancéolées , aigués , dentées en scie, par-
semées de poils rudes, longues d'un à deux pouces, sur quatre
à six lignes de largeur, presque sessiles , redressées et rappro-
chées de la tige.
138: ANNALES DU MUSEUM
Fleurs solitaires, sessiles, droites, axillaires, alternes, serrées
contre la tige, disposées en épis simples à la partie supérieure
des rameaux. - i
Calice hémisphérique, velu, persistant, à sinus réfléchis
sur les côtés de l'ovaire. Cinqdivisions courtes et ovales. |
Corolle bleue, longue de huit à dix lignes. Tube cylindrique.:
Limbe un peu évasé, large d'environ cinq lignes. Cinq divi-
sions ovales, obtuses, ouvertes, peu profondes.
Cinq étamines. Filets élargis à la base.
Un style surmonté de trois petits stigmates réfléchis.
Capsule presque ronde, recouverte par les sinus du calice,
partagée en trois loges polyspermes.
+ Cette espèce est indigène à l'Arménie.
CAMPANULA PARVIFLORA ( Campanule à petitesfleurs ). Tab. 14.
C. caule superne ramoso ; foliis radicalibus longe petiola-
tis , obovatis , crenatis, caulinis ovato-lanceolatis, basi atte-
nuatis et incisis; floribus paniculatis. Yamancx. Dict. T: P-
588. — C. orientalis, foliis incisis, flore minimo et multi-
plici. Tourner. Cor. Inst. 4. — Vélins du Muséum.
Cette espèce se distingue aisément par ses rameaux gréles
et étalés, par ses fleurs trés-petites, très-nombreuses, un peu
inclinées , portées sur des pédicelles gréles, et disposées en une
large panicule. Elle est originaire d'Ibérie.
Tige verticale, haute de deux pieds, parsemée de poils
courts, divisée en un grand nombre de rameaux gréles, étalés,
striés, qui se ramifient eux-mêmes, et forment une pr
étalée.
“D'HISTOIRE NATURELLE. ‘+ 189
Feuilles alternes, inégalement dentées, un. peu rudes,
glábres ou trés-peu velues ; les radicales ovales-allongées, ob-
tuses, inégalement incisées à la base, et. décurrentes sur le
pétiole; celles des tiges presque siii j MEOE,
beaucoup plus petites et écartées de la tige.
Fleurs petites, nombreuses , axillaires et terminales itilipe
inclinées, solitaires, portées sur des pédicelles filiformes, peu
allongés.
Calice persistant; hérissé de poils, à cinq dise ovales,
aiguës , droites. Sinus refléchis sur les parois du calice.
Corolle bleue, longue de cinq à six lignes. Tube cylindrique.
-Limbe évasé, à cinq divisions ovales , obtuses, un peu ouvertes.
Cinq étamines, Filets grêles. écartés, élargis, rapprochés à
Ja base. Un style droit, en colonne, surmonté de trois stig-
mates réfléchis. reve à trois loges.
CawPANULA corymBosa( Campanule corymbifere ). . Tab. 15.
- € erecta, villosa; foliis ovatis, serratis; floribus corym-
Dosis; calice tecto, lacinüs lanceolato- subulatis, ciliatis;
sinubus reflexis. — C. cretica, foliis longioribus. incisis ,
flore magno. Tourner. Cor. Inst. 3. —Vélins du Muséum.
.. Cette belle Campanule n'a été mentionnée que dans le Co-
rollaire de Tournefort. Elle ne se trouve point dans son her-
bier; mais il yen a une bonne description dans ses manuscrits,
qui a servi à rectifier celle que je publie.
Tige droite, rameuse , un peu velue, rougeátre, haute d'un
à deux pieds, sur une ligne et demie d'épaisseur.
Feuilles ovales, inégalement dentées en scie, d'un vert-päle,
140 ANNALES DU MUSÉUM
parsemées de petites soies; les inférieures, un peu ressem-
blantes à celles de la Bétoine, longues de deux à trois pouces,
sur un ou deux de largeur, portées sur un long pétiole creusé
en gouttière; celles des tiges plus petites; les supérieures
presques sessiles.
Fleurs en corymbe à l'extrémité des rameaux, accompagnées
à leur base d'une foliole ovale, aiguë.
Calice persistant à cinq divisions profondes, droites, lan-
céolées , étroites, trés-aigués, ciliées , à bords repliés en dehors
et à sinus réfléchis sur l'ovaire.
Corolle cylindrique, légèrement velue, pus e d'un pouce
et demi, sur douze à quinze lignes de large à son ouver-
d Limbe à cinq divisions ovales, ouvertes.
Cinq étamines. Filets blancs, gréles, abaissés , rapprochés
à la base. Anthères jaunes, longues.
Ovaire infere. Un style en colonne, surmonté de cinq
sugmates, ce qui fait présumer que la capsule est à cinq loges.
Cette campanule croit dans l'ile de Candie. Elle a quelques
rapports avec le C. Medium , Lin.; mais elle se distingue ai-
sément par sa racine fusiforme, par ses feuilles ovales, par
ses fleurs en corymbe, par les divisions du calice beaucoup
plus étroites et plus aigués, par les sinus qui sont peu pro-
longés, enfin par le tube es la corolle qui est moins gros et
moins renflé. 3
D'HISTOIRE NATURELLE. BT
CAMPANULA PELVIFORMIS ( Campanule évasée ). Tab. 16.
C. hirsuta; caule basi procumbente, ramis unifloris ; fo-
liis ovatis,serratis; capsulis obtectis ; flore maximo pelvi-
formi. — C. capsulis obtectis ; foliis inferioribus ovatis , ser-
ratis , petiolatis ; caulinis subsessilibus ; flore maximo pelvi-
formi. Lamarck. Dict. 1,p. 586. — C. cretica, caulibus su-
pinis , flore maximo. pelviformi. Tourner. Cor. Inst. 3. —
Vélins du Muséum. . |
Cette belle campanule, indigene à l'ile de Candie, est dé-
“crite avec exactitude dans le manuscrit de Tournefort.
Racine blanche, pivotante, de la grosseur du petit doigt,
longue d'un pied, divisée en grosses fibres et souvent bifur-
quée. De son collet sortent plusieurs tiges velues, cylindriques,
de deux à trois lignes d'épaisseur , longues d'environ un pied,
tombantes à la base, redressées dans le reste de leur longueur,
simples: ou divisées en un petit nombre de rameaux terminés
par une fleur. D |
Feuilles ovales, obtuses ou aiguës, velues, inégalement
- dentées en scie; les inférieures portées sur un pétiole creusé
en gouttière, ressemblantes à celles du Lamium blanc, La-
mium album, Lin.; les supérieures beaucoup plus petites,
presque sessiles et pareillement ovales.
Calice velu, persistant, à cinq divisions droites, ovales, ter-
miuées par une: longue pointe; Sinus réfléchis inférieurement
sur les cótés de lovaire.
Corolle très-grande, renflée , d'un bleu tirant sur le gris-de-
lin. Limbe évasé, large d'un pouce et demi à deux pouces.
Cinq divisions ovales, ouvertes, ciliées. |
Cinq étamines. Filets gréles , blancs, contournés, tombans,
11; 19
142 ANNALES:DU: MUSEUM
élargis et rapprochés à la base. Anthères jaunes, longues,
gréles. |
Un style droit, en colonne, surmonté de cinq stigmates
recourbés. — se 5
. Capsule polysperme à cinq loges.
CAMPANULA TUBULOSA ( Campanule tubulée ). Tab. 17.
C. pubescens ; calicibus obtectis ; caule decumbente; fo-
liis serratis , radicalibus ovatis , petiolatis , caulinis lanceo-
latis; pedunculis unijioris ; corolla elongata. — C. capsulis
obiectis ; foliis radicalibus petiolatis , opatis, inæqualiter
dentatis , basi incisis , caulinis. oblongis, serratis , sessilibus;
flore oblongo. Lamarck. Dict. 1, p. 586.— C. cretica, cau-
dibus supinis, foliis incisis, flore ARE Tovnszr. Cor. Ánst.
3. — Vélins du Muséum. |
Toute la plante est pubescente.
Racine fusiforme, blanche, souvent bifurquée, garnie de
fibres tortueuses. De son collet sortent plusieurs tiges d’une
couleur rougeâtre , les unes redressées, les autres tombantes ou
méme couchées, peu ramenuses , longues de six à dix pouces,
sur une ligue d'épaisseur.
"Feuilles dentées en scie : les radicales ainsi que celles de la
base des tiges, ovales, pétiolées, inégalement dentées en scie,
un peu aiguës ,' 'décurrentes sur le Bétlüle, souvent incisées à ls
base , larges de douzeà quinze lignes’, sur une longueur double;
celles de la partie supérieure d tiges sont beaucoup plus pe-
tiles, étalées, presque sessiles, et crépues sur les bords.
Pédoncules axillaires, longs d'un à deux ‘pouces, garnis de
deux ou trois folioles, et terminés ainsi SEN la EURO par une
seule Bear.
D'HISTOIRE NATURELLE. 143
Calice à cinq divisions profondes, droites , ovales, très-aigués.
Sinus un peu réfléchis sur les parois de l'ovaire.
Corolle d'un bleu-clair, pubescente. Tube cylindrique,
long d'un pouce. Limbe évasé , large de cinq à six lignes. Cinq
divisions ovales, un peu ouvertes. Cinq étamines. Filets blancs,
gréles, élargis à la base. Anthères jaunes, allongées..
Un style en colonne, surmonté de trois sugniates recourbés. ;
Cette Caupanuje croit dans P ile de Crète. Tournefort en a
donné une description dans son manuscrit. Elle a quelque rap-
port avec le €. dichotoma. Lin. Elle en diffère par ses tiges qui
ne sont pas dichotomes. - | PRAE
CAMPANULA PENTAGONIA ( Campanule de Thrace). Tab. 18.
C. ramosa , diffusa; foliis inferioribus oblongis , obtusis ,
superioribus. lanceolatis; ; floribus solitariis ; corollis calice
longioribus. — C. caule subdiviso , ramosissimo ; ; foliis linea-
ribus , acuminatis. Lax. Spec. 239 Le pentagonta , lor" am-
plissiia tracica. Tounxer. Inst. 112. — C. cretica arvensis ,
flore máximo. Tourxer. Cor. Inst. 3. — Vélins du Muséum.
Cette campanule ne me paroit qu une variété du €. hybrida
Lin., à fleurs beaucoup plus grandes. Il est hors de doute que
c'est la méme plante que Tournefort a désignée par les:deux
phrases que j'ai citées, et dont l'une est :des Instituts, iet l'autre
du Corollaire, comme je m'en suis convaincu d'après l'examen
des échantillons conservés dansson herbier. C'est ce qui m'a dé-
terminé à publier la gravure dela plante en question, alin de la
faire connoitre aux botanistes, et qu'ils évitent de la "mos
comme une espèce distincte.
y
19
144 ANNALES DU MUSEUM
NOTICE
Sur une espèce d CHARBON FOSSILE nouvelle-
ment découverte dans le territoire de Naples.
PAR M FAUJASSAINT-FOND.
M. T RIBAUD, trésorier de la maison du roi de Naples, vient
de m'envoyer un très-bel échantillon de charbon bitumineux,
du poids de cinq livres environ , qui a fixé son attention, sous
uu double rapport, celui de l'utilité publique dans un pays
presque entièrement dépourvu de bois; en second lieu , rela-
tivement à un accident particulier que présente ce bel chan.
tillon de charbon, accident sur lequel M. Thibaud, trés-ins-
truit en histoire: naturelle, m'a prié de lui faire connoitre mon
sentiment.
Je n'ai encore vu en effet rien de semblable i aucun
charbon fossile, quoique je me sois spécialement occupé dans
un temps des mines de charbon dont j'avois l'inspection géné-
rale, et que j'aie visité presque toutes celles de France, d'An-
gleterre, d Écosse et d’ Allemagne, et qu'en 1785, j'aie publié,
par ordre de l'ancien gouvernement, un ouvrage'à ce sujet:
D'HISTOIRE NATURELLE. 145
Ce charbon est de l'espéce que j'ai désignée dans ce livre
sous le nom de charbon jaiet.
Il est d'un noir-foncé pur, a l'aspect luisant; la fibre li-
gneuse sy découvre encore dans quelques parties, mais elle
est masquée dans d'autres par le bitume; il ne noircit point
les doigts en le touchant.
Il s'allume facilement au feu, brüle avec une flamme vive,
allongée, brillante; mais son odeur n'est point agréable, de
méme que celle de tous les charbons de cette espéce. Il produit
une cendre légère, d'un blanc-jaunátre ; les morceaux en brû-
lant ne s'aglutinent point les uns aux autres, comme dans le
charbon maréchal, le smith coal des Anglois; mais en lui
enlevant son bitume dans les fourneaux d'épurement, à la ma-
nière du lord Dundonald, ou peut le convertir en coaks et
en retirer en méme temps un excellent goudron minéral ; ce
qui devient d'une grande importance pour la marine, sur-
tout en temps de guerre. D'ailleurs le coak ne répandant point
d'odeur en brülant, et donnant beaucoup de chaleur et sur-
tout une chaleur égale, ce combustible est exirémement utile
dans une. multitude d'arts; au point qu'il mérite, dans plu-
sieurs cas , la préférence sur les charbons de bois ordinaire.
Il me reste à présent à parler de l'accident qui rend ce
morceau remarquable sous le point de vue de sa formation et
de son passage à l'état de charbon bitumineux fossile.
J'avoue de bonne foi qu'il est difficile d'en donner une idée’
bien nette, par une simple description, à ceux qui n'ont pas été
à portée de voir le morceau ; ce qui prouve de plus en plus
combien la représentation des objets et les bonnes figures sont
nécessaires dans les sciences naturelles. | |...
Cet échantillon a huit pouces trois lignes de longueur,
146 ANNALES DU MUSEUM
quatre pouces de largeur moyenne, et deux pouces d'épais-
seur ; ses deux grandes surfaces sont planes, en général, avec
quelques ondulations qui tiennent à la cassure conchoide de
cette espèce de charbon. |
Quoique celui-ci soit très-bitumineux, la fibre ligneuse du
bois qui a servi à former ce charbon, se laisse encore aper-
cevoir comme à travers un vernis noir. Elle se dirige dans
le sens de la longueur du morceau, et a l'aspect d'un bois
résineux | |
C'est sur les faces planes de l'échantillon, qui sont, je le ré-
pete, d'un noir de jaiet; c'est dans l'épaisseur méme du morceau,
qu'on voit des corps solides blanchátres, oblongs, comprimés,
d'un pouce et demi de longueur, cinq ligues de largeur,
et deux lignes d'épaisseur. Quelques -uns sont plus longs,
mais plus étroits, dispersés cà et là, et tous placés dans
le sens et la direction des fibres longitudinales du bois bitu-
mmisé. |
L'on croiroit au premier aspect que des farets ont percé
ce bois avant qu'il passát à l'état de charbon, et qu'une subs-
tance terreuse, qui a acquis ensuite beaucoup de dureté, a
rempli les vides formés par ces vers marins. iis
Mais l'on revient bientôt de cette erreur, en portant un œil
plus attentif sur ce singulier accident; car ces corps pierreux,
examinés à laloupe et méme à l'œil nu , ont conservé extérieure-
ment l'aspect de bois et méme de bois d'apparence résineuse.
Cependant si ont les attaque avec le canif, et qu'on détruise
cé caractère extérieur, on n'apercoit plus qu'une substance
pierreuse, à grain très-fin , mais qui laisse cependant voir en-
core quelques foibles restes d'organisation végétale masqués
D'HISTOIRE NATURELLE. 147
par le grain et la couleur de la substance grisâtre de la pierre.
En faisant cette observation , je me rappelai d'avoir vu dans
les Alpes des pins abattus par les vents et cassés dans le tronc,
qui avoient des parties malades, dépourvues de résine, chan-
scies, privés de la vie, et ne conservant que leur squelette fi-
breux, avec des formes oblongues analogues et dans la méme
direction que les corps pierreux dont il s'agit. On en voit aussi
de la méme nature dans les bois de rebut des ports de mers:
cest ce qu'on appelle des bois échauffés , des bois passés,
et c'est toujours par place que cette relaie des bois ré-
sineux se manifeste.
Une expérience très-simple que je fis me prouva que je ne
m'étois point trompé dans ma conjecture.
Les corps pierreux gris-blanc, dont il est question , étant cal-
caires, j'en détachai quelques-uns pour les soumettre à des
essais. J'en plongeai un fragment de huit lignes de longueur,
sur deux de largeur, dans de l'acide nitrique affoibli d’eau,
pour m'assurer si tout se dissoudroit ou s'il resteroit des mo-
lécules siliceuses inattaquables. Le corps se précipita au fond
;du verre.
Le dégagement d'acide carbonique fut prompt et soutenu
pendant six minutes, le morceau devenant beaucoup plus
léger par la perte de la chaux et de l'acide carbonique, sur-
magea , la couleur devint brune, des fibres ligneuses très-fines
et irés-déliées commencèrent à se montrer. L/acide nitrique
«continua à dégager des bulles gazeuses, et trois minutes après
effervescence cessa. Alors uu faisceau de filamens ligneux,
d'un brun-rougeâtre-foncé , se it voir à nu; il occupoit plus
de volume que la pierre méme que j'avois soumise à l'expé-
rience ; mais il étoit quatre fois plus léger at moins. Cette
148 ANNALES DU MUSEUM
houpe fibreuse et chevelue étoit très-fine; la disposition soyeuse
des fibres étoit longitudinale : elle étoit privée de toute espèce
de bitume , et il ne s'en dégagea pas un atome. Après avoir lavé
Je bois dans plusieurs eaux, et l'avoir bien fait sécher, il
s'allamaau feu et brüla comme de l'amadou, laissant une
cendre très-blanche. J'ai répété cette expérience en présence
.de MM. Fourcroy , Vauquelin, Desfontaines, Haüy et Thouin,
et l'expérience a été constamment la méme.
Il résulte de ce fait. que le bois de l'échantillon de charbon
fossile du territoire de Naples, est un bois résineux, non-
seulement parce qu'il est riche en bitume, mais par son aspect
semblable à celui de tous les bois résineux; que ce bois, avant
d'étre carbonisé, avoit quelques-unes de ses parties attaquées
-de la maladie particulière qui se manifeste dans quelques bois
de cette espèce; que la sève ne circuloit plus dans les parties
affectées. dépourvues pour lors de résine et des autres prin-
cipes de la végétation, mais que le squelette de la fibre li-
gneuse n'étoit point détruit; qu'alors ce bois ayant passé à
l'état: charboneux avec les autres bois qui constituent la mine
d’où ce morceau a été tiré, le fluide qui avoit transporté et
réuni en grandes couches ces corps ligneux, déposa dans
l'interstice des fibres, dépouillées de bitume par la maladie,
des molécules calcaires qui les enveloppérent étroitement et
les dérobèrent entièrement à l'œil. On peut déduire de ce fait
une preuve de plus, si elle étoit nécessaire, pour démontrer
que les charbons doivent leur origine à des bois et à des bois
naturellement bitumineux, lorsque le bitume sy manifeste par
la combustion ou par la distillation ; car ceux qui en étoient dé-
pourvus n'ont formé que des bois simplement fossiles et sans
bitume. Je cfois qu'on peut encore conclure de l'état de ce
D'HISTOIRE INATÜRELUE. ^349
morceau, ce qui se trouve déjà confirmé par d'autres faits
plus multipliés et plus démonstratifs encore, que c’est si bien
la résine inhérente à ces bois qui les constitue charbons bi-
tumineux, que s'il en étoit autrement , et que les ois se fassent
imprégnés de bitume en flottant dull des lacs bitumineux,
.provenus de matières animales , ou dont l'origine nous seroit
cachée, ainsi que quelques personnes ont pu le troiré, on de-
vroit trouver du bitume au lieu de chaux dans les ouver-
tures occasionées par la maladie du bois, dans l'échantillon
que je viens de faire connoitre, | et cependant il n'en existe pas
un atome. Cesouvertures au contraire sont remplies de molé-
cules calcaires qui ont enveloppé et masqué la fibre ligneuse,
qui ne présente pas dans cette partie le plus léger — de
bitume.
` En nous mettant à portée de faire cette observation qui pré-
sente un beau fait de plus sur l'origine et la théorie des
charbons de terre, M. Thibaud nous a donné une nouvelle
preuve de ses connoissances et de son amour pour les sciences
naturelles. | Mere id
Heureux les gouvernemens qui savent employer dans toutes
les parties administratives des hommes qui ne dédaignent ni
les lettres ni les sciences! Ces choix heureux les honorent et
iournent toujours à l'avantage et à la gloire dela chose publique.
150 -ANNALES.DU MUSEUM
-SUITE DES OBSERVATIONS
iSüs gaeliua genres de la Flore de Cochin-
chine de LOUREIRO.
PAR M. A. L. DE: JUSSIEU.
2 i &- à 4 T 1 Fi
k . i
D ente de Loureiro, le tetradium nP aiy et le gomis , p- cH sont dis
grappes terminales. lls ont l'un et l'autre un ‘calice à à quatre vidns profondes,
autant de pétales et d'étamines , un ovaire libre à quatre lobes, couronné de quatre
stigmates, et devenant un fruit composé de quatre, capsules monospermes dans le
premier, de quatre baies également monospermes dans le second. De plus, les fleurs
du Letradium soni toutes hermaphrodites, portées sur de grandes panicules; le
gonus a des grappes courtes, chargées de fleurs hermiaphrodites, et d'autres beau-
coup plus longues à fleurs mâles, portées sùr le méme pied ou sur un pied diffé-
rent. Cet avortement du pistil dans quelques fleurs, qui dans le systéme sexuel a
une yaleur assez grande pour séparer ces deux genres dans deux classes éloignées,
n'est compté pour rien dans l'ordre náturel, qui rapproche absolument les: deux
plantes et les réuniroit dans le même genre, s'il n'existoit entre eux la distinction
des fruits eapsulaires et des fruits charnus; et peut-étre une observation ultérieure
de ces fruits sur des individus vivans , fera disparoitre cette différence, surtout si
bon trouvoit des fleurs máles dans le tetradium. Parmi les genres déjà connus, il
en existe un prés duquel ceux-ci doivent étre placés dans la famille des Térébin-
tbacées. C'est le brucea, semblable dans le port et le feuillage ainsi que dans la
disposition des fleurs et le noinbre de leurs parties, mais qui est indiqué comme
dioique. Nous possédons dans les jardins d'Europe l'individu mâle, et le femelle ne
nous est connu que par les descriptions. Ne peut-on pas croire que c.lui-ci, au-
=
D'HISTOIRE NATURELLE. 15r
quel on attribue des filets d'étamines stériles, est plutôt hermaphrodite? Dans
cette supposition , il auroit une grande affinité avec le gonus ; mais ses fruits capsu-
laires le rapprochent aussi du fetradium. En comparant ces trois arbrisseaux, en
observant que les capsules du brucea ont été décrites sur le sec, on sera disposé à
croire qu'un nouvel examen sur des individus vivans déterminera leur réunion
en un seul genre.
Forster , dans sa Flore Australe, décrit , sous le nom .d'epibaterium un genre de
la famille des Menispermées, qui est un arbrisseau grimpant, à fleurs monoiques.,
munies chacunes d'un double calice dont l'extérieur est composé de six feuilles et
Yintérieur de trois. Leur corolle est à six pétales plus petits que le calice intérieur
Dans les mâles, on compte six étamines opposées aux pétales, dont les anthéres
sont arrondies. Les femelles ont trois ovaires surmontés d'autant de styles et de
stigmates, et devenant des brous comprimés, presque tphéritmes ; remplis d'une
noix monosperme conformée en rein. Si l'on compare à ceíte description celle du
limacia de Loureiro, p. 761, on y retrouve beaucoup de caractères communs. C’es
de méme un arbrisseau grimpant, à feuilles alternes et à fleurs unisexuelles. es
calice est à six feuilles; trois autres plus intérieures sont nemmées pétales par
-Loureiro. Il indique sous le nom de nectaire six écailles plus intérieures et plus
petites qui répondent aux pétales de l'epibaterium , et sur lesquelles reposent dans
les fleurs máles, six étamines à anthéres arrondies. Cette situation des étamines est
la méme que leur opposition aux pétales, dessinée dans la n 259: du genre de
Forster. Les fleurs femelles présentent quelques différences : 1. ^. elles sont Er
sur un pied différent; 2. leurs pétales, répondant au calice intérieur de l'e
terium, sont au nombre de six au lieu de trois; 3." elles n'ont qu'un ovaire sur-
monté de trois stigmates, qui devient un brou charnu conformé en rein, et rempli
d'une noix monosperme marquée d'un sillon spiral. Dans l'ordre naturel, il est évi-
dent que ces deux genres sont trés-voisins, et que l'on ne peut méme tirer de leurs
différences que des caractéres spécifiques. On fera peu de cas de la distinction des
fleurs monoiques ou dioiques. On reconnoitra encore que l'unité d'ovaire dans le
limacia dépend d'un avortement, et que dans l'origine sa fleur devoit avoir trois
ovaires, puisqu'elle a trois stigmates qui sont probablement portés sur le cóté de
l'ovaire subsistant, quoique l'auteur n'en fasse pas mention. La différence la plus
forte consiste dans les six pétales de la fleur femelle qui, comparés au caractére
correspondant de l'epibaterium , ne présentent qu'une considération seeondaire de
moindre importance. Nous sommes donc fondés à croire que le limacia n'est qu'une
espéce d'epibaterium. Si l'on avoit sous les yeux ces deux plantes en fleur, on déter-
mineroit mieux la nature des enveloppes florales disposées sur trois rangs, et l'on
s'assureroit si les plus intérieures sont des pétales ou de simples écailles servant
152 ANNALES DU MUSÉUM
d'appendices aux étamines, et s'il faut réserver aux plus extérieures le noin de
calice ou de bractées.
L'identité reconnue de ces genres donne lieu de rappeler que deux autres genres
publiés par des auteurs différens, doivent encore étre rapportées à l'epibaterium.
Dans lun et l'autre, on n'a eu occasion d'observer que les fleurs mâles : ce qui
prouve d'abord que ce sont des plantes dioiques. Le premier est le chondrodendron
dela Flore du Pérou qui présente le même nombre d’étamines, la même forme des
anthères, mais dont les enveloppes florales, conformes dans le nombre, différent
dans la dénomination. Elles sont composées d’un calice à trois feuilles, de six pé-
tales, dont trois plus intérieurs, et d’un nectaire divisé en six écailles. On voit ici
que les enveloppes intermédiaires, nommées pétales , sont disposées sur deux rangs;
ce qui fait présumer qu’il en est de même dans les deux genres précédemment dé-
crits, et ce qui explique en méme temps les variations dans la manière de carac-
tériser ces enveloppes. Nous avions déjà fait depuis long-temps ce rapprochement
du chondodendron; mais M. Persoon l'a publié le premier dans son Synopsis, vol. 2,
. 561, en nommant cette plante epibaterium tomentosum. Le second genre, qui doit
Reni être réuni aux précédens, est le baumgartia , cité par M. Moench dans son
Hortus marburgensis , dont le calice et la corolle , composés de trois parties, en-
tourrent six écailles que l'auteur nomme pérapétala, et six étamines à anthéres
droites marquées de quatre sillons. L'on voit ici les enveloppes composées seulement
de douze parties. Dans le limacia, elless'élévent à dix-huit; dans l'epibaterium et
le chondrodendron, le nombre est de quinze. Nous répéterons que ces différences
sont insuffisantes pour séparer des espéces dont l'ordre naturel indique le rappro-
chement,
D'HISTOIRE NATURELLE. 153
ANALYSE
DU DIOPSIDE.
PAR A. LAUGIER.
Dass la plaine de Mussa , élevée au-dessus et à l'extrémité
de cette partie de la vallée de Lans qu'on nomme vallée
d'Ala, en Piémont, on rencontre une substance dont on doit
la découverte à M. le docteur Bonvoisin , professeur à l'Uni-
versité de Turin. Ses cristaux sont implantés sur une roche
de serpentine noire, et y sont accompagnés de chaux carbo-
natée saccharoide et de fer oligiste. M. le docteur Bonvoisin
avoit appelé cette substance mussite, nom tiré de l'endroit où
il l'a trouvée, et il avoit donné celui d'a/alite à une autre subs-
tance qui se trouve dans le méme pays , en cristaux trés-transpa- `
rens et d'une forme très-régulière. M. Haüy avoit réuni d'abord
l'une et l'autre sous le nom commun de diopside ; mais de nou-
velles recherches lui ont démcntré qu'il y a une ressemblance
parfaite entre la forme des cristaux dont nous venons de parler
et celle du pyroxène. Cette observation intéressante , déjà con-
firmée par l'accord des caractères physiques, lui a fait dé- Í
11. 21
154 ANNALES DU MUSEUM
sirer de connoître la nature intime du diopside. M. Haüy a
bien voulu me donner quelques fragmens de la variété appelée
mussile, que je me suis empressé de soumettre aux expé-
riences ci-après décrites, -
EXPÉRIENCES PRÉLIMINAIRES.
La variété du diopside que j'examine est formée de prismes
réunis en faisceaux ; sa couleur est grise, un peu verdátre;
sa dureté est assez considérable; sa pesanteur spécifique, sui-
vant M. Haüy , est de 3,274. La poussière de ses cristaux est
blanche; elle est mélée de carbonate de chaux. Les deux ex-
périences suivantes manifestent la présence de ce sel calcaire.
1." La poussière du diopside perd des quantités variables de
son poids, selon la chaleur à laquelle on l'expose : on concoit
que plusla chaleur est forte, et plus est grande la quantité
du carbonate de chaux que l'on décompose et vice versá.
2. La poussière du diopside fait une vive effervescence avec
l'acide nitrique , qui, apres son action, précipite abondamment
par loxalate d'ammoniaque. Il n'y a pas de doute que ce
carbonate de chaux n'y soit mélé accidentellement, et il est
vraisemblable qu'il provient de la roche calcaire dans laquelle
le diopside est implanté. Pour vérifier ce fait, j'ai pris deux
quantités égales de poudre du diopside; j'ai traité l'une à froid
par l'acide nitrique que j'en ai séparé dés que l'effervescence
a cessé; jai fait digérer l'autre pendant douze jours dans le
méme acide. Au bout de ce temps, la seconde portion n'avoit
pas éprouvé une perte plus considérable que la première n'avoit
faite au bout d'un quart d'heure et sans le secours de la cha-
leur. Il est certain que le carbonate de chaux, mélé au diop-
D'HISTOIRE NATURELLE. 155
side, est la matière qui sert à lier ensemble les cristaux de
cette substance. Si l'on isole exactement un cristal de diop-
side, et que l'on verse sur ce cristal, réduit en poudre, de
acide nitrique , on n'observe aucune effervescence; mais ce
phénomène est trés-sensible si l'on fait agir l'acide sur la pous-
sière de plusieurs cristaux réunis. On connoit une variété du
diopside, qu'on pourront désigner sous le nom de rubanée,
dans laquelle on apercoit de distance en distance des bandes
ou rubans d'une matiére blanche: cette matiere est du car-
bonate de chaux, comme celui qui réunit les prismes de la
variété fasciculée.
EXAMEN CHIMIQUE DU DIOPSIDE.
Expérience L”
J'ai pris cent parties de cette pierre, entierement privées
du carbonate de chaux qui y est mélé, et je les ai soumises
à l'action de trois cent parties de potasse caustique. Cet al-
cali les a complètement attaquées. Au bout d'un quart d'heure,
le mélange étoit parfaitement liquide. En se figeant par le.
refroidissement, il a pris une couleur verte, surtout à la por-
tion adhérente aux parois du creuset. La masse délayée dans
une suffisante quantité d'eau distillée, a été entièrement dis-
soute par l'acide muriatique.
— L'évaporation à siccité de cette dissolution m'a donné 57
parties et demie de silice tres- blanche, trés-fine , très-mobile
et soluble en totalité dans la potasse caustique liquide.
3a 7
156 ANNALES DU MUSÉUM
Expérience II.
. J'ai évaporé aux deux tiers de son volume la dissolution -
de laquelle j'avois séparé la silice , et je l'ai sursaturée de car-
bonate de soude ; il s'y est formé sur-le-champ un abondant
précipité de couleur rougeátre. Ce précipité, lavé avec soin
et séparé du filtre dans l'état gélatineux, n'a rien perdu de
son volume, et n'a point changé de couleur par l'action de
la potasse liquide aidée de la chaleur. Cette observation m'a
fait présumer que le précipité ne contenoit pas d'alumine; et
en effet la solution alcaline que j'en ai séparée ne m'a point
donné de traces sensibles de cette terre par l'addition du
muriate d'ammoniaque. |
Expérience III.
La couleur rougeátre du précipité, sur lequel la potasse caus-
tique n'avoit eu aucune action, décéloit la présence d'une
petite quantité de fer. Je l'ai dissous dans l'acide muriatique,
et jen. ai retiré par l'ammoniaque quatre parties d'oxide de
fer mélé liede de Haas.
Expérience IF.
J'ai sursaturé par l'acide sulfurique la dissolution ammonia-
cale de l'expérience précédente, et jel'ai évaporée à siccité.
J'ai introduit le résidu de l'évaporation dans un creuset de
platine, et je l'ai calciné assez fortement pour chasser l'acide
D'HISTOIRE NATURELLE, 197
sulfurique en excès et pour décomposer le sulfate d'ammo-
niaque. Le résidu de la calcination a été délayé avec une
petite quantité d'eau froide, dans l'intention de dissoudre le
sulfate de magnésie, sans toucher sensiblement au sulfate de
chaux. La portion qui a refusé de se dissoudre m'a présenté
tous les caractères du sulfate de chaux; sa dissolution dans
l'eau bouillante précipitoit également le nitrate de baryte et
l'oxalate d'ammoniaque. Le poids de ce ‘sel représentoit 16
parties et demie de chaux pure. La portion du résidu qui
s'est dissoute dans l'eau lui avoit communiqué une saveur trés-
amére. La dissolution étant légerement colorée, je l'ai éva-
porée de nouveau à siccité, et j'en ai séparé par ce moyen
deux parties d'un mélange d'oxide de fer et de manganèse.
La dissolution , rapprochée convenablement, a fourni des
prismes allongés à quatre pans comprimés, brillans et trans-
lucides, d'une saveur fade, puis amère, trés-reconnoissables
pour du sulfate de maguésie. Ce sel, entièrement privé par
la calcination de son eau de cristallisation, équivaloit par son
poids à 18 parties un quart de magnésie.
J'ai fait ensuite quelques essais dans l'intention de m'as-
surer si cette pierre contient de la potasse, mais je n'ai aperçu
aucune trace de cet alcali.
D'aprés les expériences que je viens de rapporter, cent
parties du diopside sont composées ainsi qu'il suit :
Seb... 9. "+ 076
Chaux . + + + + + + + + + 16—5
Magnésie . ets ss vis 120035
Oxides de fer et de manganèse. 6
98—25
153 ANNALES DU MUSÉUM
CONCLUSIONS.
Cette analyse indique que le diopside contient les mêmes
principes que le pyroxène : on peut en juger par les résultats
que la variété de l'Ethna et celle d'Arandal, qui portoit le
nom de coccolithe avant que M. Haüy l'eüt réunie au pyroxène,
ont donné à M. Vauquelin. En les comparant entre eux, on
voit qu'il n'y a d'autre différence que celle de la présence de
l'alumine dans le pyroxéne, tandis que le diopside n'en ren-
fernie que des traces inappréciables; mais la proportion de
l'alumine dans les pyroxènes est si peu considérable ( elle ne
s'élève qu'à un et demi, et au plus à trois pour cent ), qu'on
. n'en peut rien conclure contre le rapprochement que la con-
cordance des autres principes semble autoriser.
Il paroitroit moins convenable encore d'admettre comme
une différence essentielle celle qui existe entre la proportion
des élémens du diopside et celle des élémens du pyroxène:
cette différence consiste en ce que le diopside renferine un
peu plus de silice et de fer; mais elle a peu d'importance,
lorsqu'on considère que les variétés du pyroxène en pré-
sentent de plus considérables. Le pyroxène d'Arandal ne
contient que 0,17 d'oxide de fer, qui s'élève à 10 centièmes
dans celui de l'Ethna.
En ajoutant à cette conformité de cuan oet indiquée
par l'analyse chimique, une considération importante, celle
de la ressemblance parfaite reconnue entre la forme des
cristaux du diopside et du pyroxène, il semble qu'il ne peut
rester de doutes sur l'identité déjà établie par M. Haüy entre
D'HISTOIRE NATURELLE. 159
ces deux pierres, et sur la nécessité de les réunir en une seule
et même espèce.
TABLEAU comparatif des Analyses citées.
Mussite ou Diopside. Pyroxéne ou Coccolithe d' 4randal. | Pyroxéne de l'Ethna,
LAUGIER. M. VaAUQUELIN. M. Vauquezrx.
Slice... nac Omm x uu 95 visi. ib x a tL M IT RH
Ch 4:5. .10—B — 54. cu ro
Magnésie ......18—35..
. | + 10
Fer oxidé etmanganèse. 6 v4 VIS CAT 107: 2... 44
Alumine ,. 4 e. .o8 & 5 9» 9 è ù $23 Pr s 4...
160 ANNALES DU MUSÉUM
SUITE DES PLANTES
DU COROLLAIRE DE TOURNEFORT,
PAR M. DESFONTAINES.
*
Lacruca crerica ( Laitue de Crète). Tab. 19.
L. foliis pinnatifidis, dentatis; superis squamiformibus ,
integerrimis , acutis , caulem ambientibus ; racemo terminali,
floribus breviter pedicellatis.—Lactuca cretica , Sonchi folio;
flore pulchro. Tourner. Cor. Inst. 35. — Vélins du Muséum.
Cette plante me paroit une espèce différente du Sonchus
tuberosus , Lin. fil. , qui est indigène à la Tartarie, et je crois
quil ne faut pas les réunir, comme l'a fait M. Willdenow.
Linnæus dit que le Sonchus tuberosus a les fleurs d'un bleu
pàle, et que le pivot de l'aigrette qui couronne la graine est
tges-court. Le Lactuca cretica a les fleurs jaunes, et les ai-
greties sont portées sur un pivot de sept à huit lignes. Ces
différences me paroissent suffisantes’ pour les séparer.
Tige simple, cylindrique, violette, haute d'un à deux
pieds. 3 ;
p'SisrornE NATURELLE. 161
Feuilles alternes, pinnatifides, glábres, longues de trois à
quatre pouces, sur un pouce de largeur; découpures aigués,
inégalement dentées , les supérieures en forme d'écailles, en-
tières, ovales, pointues, concaves et embrassantes.
Fleurs portées chacune sur un pédicelle court , accom-
pagné d'une. petite bractée, disposées en: une grape simple et
un peu lâche à la partie supérieure de la tige.
Calice allongé, imbriqué. Ecailles extérieures ovales, poin-
tues ; les intérieures lancéolées , beaucoup plus longues.
Corolle semi-flosculeuse, jaune, d’un pouce de diamètre.
Demi-fleurons linéaires, aplatis , tronqués et dentés au sommet.
Cinq étamines. Anthéres violettes, réunies en un petit cy-
lindre. !
Un style grêle. Deux stigmates recourbés.
Graines nues, oblongues, brunes, surmontées d'une aigrette
blanche, soyeuse , portée: sur un pivot filiforme , long de sept
à huit lignes.
Réceptacle nu.
Cnicus CYNAROIDES. Tab. 20.
. €. folüs sessilibus, pinnatifidis, supra glabris, subtus
tomentosis, laciniis bilobis divaricatis, spinosis; calicibus
ovatis , arachnoideo-pubescentibus ; squamis. lanceolatis ri-
gidis , spinosis, patentissimis, Wir». Spec. 3, p. 1670. —
Carduus cynaroides. LAmanck. Dict. 1, p.702. Carduus cre-
ticus, foliis lanceolatis , splendentibus , subtus incanis, flore
purpurascente. Tourxer. Cor. Inst. 31. — Vélins du Muséum.
Tigerameuse, droite, striée , cotonneuse, haute d'un ou deux
pieds.
ft. 22
162 ANNALES DU MUSEUM
Feuilles embrassantes , lancéolées, longues de quatre à six
pouces, sur huit à dix lignes de largeur; vertes, luisantes en
dessus, blanches et cotonneuses en dessous , pinnatifides ; dé-
coupures distinctes, quelquefois un peu arrondies, bordées de
deux , trois: ou quatre dents inégales ‚aiguës, surmontées d'une
épine: jaune; celle du sommet est la plus grande.
Rameaux terminés par une seule fleur de la grandeur de
celle du Chardon lancéolé, Carduus lanceolatus; Lin. <
Calice ovale, laineux , imbriqué. Écailles élargies à la base ;
terminées par une longue pointe lâche, en forme d'aléne, sur-
montée d'une épine forte et très-piquante ; ; les inférieures
souvent recourbées en bas.
Fleurs flosculeuses , toutes hermaphrodites. Fleurons violets,
infundibuliformes, réas depuis la partie moyenne jusqu'au
sommet. Limbe à einq divisions étroites, aiguës.
Cinq étamines. Anthères réunies en un pen icem qui
déborde un peu la corolle.
Un style filiforme, plus long que les étamines. Un skul
stigmate.
Graine oblongüe, couronnée d'uné aigrette blanche dont
les soies sont fines et plumeuses.
Réceptacle garni de soies.
Cette plante croit dans l'ile de Candie.
D'HISTOIRE NATURELLE. 163
Tanacerum incanum ( Tanaisie blanche ). Tab: 21.
T. foliis bipinnatis , tomentosis ; corymbo ovato , composito:
Lan. Spec. 1183.— T. foliis incanis , pinnatis; pinnis digitato-
partitis , confertis; corymbis coarctatis , subpaniculatis.W yuD.
Spec. 3. p. 1811. — Absinthium orientale incanum, tenuifo-
lium , floribus luteis in capitulum congestis et sursum spec-
tantibus: 3 OURNEF. con mie 34. — Vélins du Muséum.
Cette TRE a de per le feuillage et t les leita d'une Ar-
moise, et elle appartient plutôt à ce genre qu'à celui. de la
Tanaisié; mais comme les caractères qui les distinguent sont
peu. tranchés, j'ai préféré, pour ne pas introduire un nouveau
nom; de la laisser à la place. pb. Same Hn. :Willdenow
et autres lui avoient assignée. iTi po sa
Racine ligneuse, pivotante, — de six à pe pouces, de
la grosseur du doigt , divisée inférieurement en plusieurs ra-
meaux. De son sommet sortent des tiges gréles, simples,
droites , hautes d'environ un besides couvertes de petites soies
blanches. à
Feuilles petites, moe éparses, soyeuses et argentées ,
deux fois pennées, D ti linéaires , un 1 peu gd souvent
réunies trois à trois. " —
Fleurs nombreuses, de la — de celle de t Ade |
cominune , Artemisia vulgaris, Lin. ; ; rapprochées én petites
têtes portées sur des oc geo axillares, et Il écartées
à l'estrémité de la tige.
Calice cylindrique, imbriqué. Écailles UE serrées,
obtuses; imbriquées, un peu plus courtes que les fleurons.
3”
164 ANNALES DU MUSÉUM
Fleurons hermaphrodites à cinq dents. Anthères rappro-
chées , mais non réunies. Fleurons femelles, très-gréles à la
circonférence.
Un style. Deux stigmates courts.
Graines nues, trés-petites, ovales, renversées.
Réceptacle nu.
Elle est originaire d'Arménie.
. ANACYCLUS cRETICUS ( Anacyclus de Crète ). Tab. 22.
A. foliis decompositis, linearibus; laciniis divisis, planis,
Lin. Spec. 5 , p. 1258.— 4. foliis bipinnatis, foliolis oblongis;
caule procumbente. W ix». Spec. 3 , p. 2171. — Cotula cre-
tica minima, chamæmeli folio , capitulo inflexo. Tourner.
Cor. Inst. 37. — Vélins du Muséum.
Racine tortueuse, épaisse de deux à trois lignes, garnie de
fibres latérales. De son collet sortent plusieurs tiges rameuses,
touffues, cylindriques, étalées, tombantes, ou méme. quel-
quefois couchées, longues de trois à six pouces.
Feuilles pétiolées, velues, longues d'un pouce à un pouce
et demi, sur quatre ou cinq lignes de largeur, pennées avec
une impaire; folioles inégalement découpées, quelquefois
simples; celle du sommet souvent trifurquée.. Découp
courtes, petites : les unes obtuses, les autres un peu aiguës,
Pétiole creusé en gouttière, plus court que la feuille.
Pédoncules striés, nus, d’inégale longueur, sensiblement
renflés dela base au sommet, droits et quelquefois inclinés,
terminés par une fleur large de trois ou quatre lignes.
Co
D'HISTOIRE NATURELLE. 165
Calice évasé, velu. Écailles oblongues , obtuses, égales, sur
deux rangs, serrées conire la fleur.
Fleurs flosculeuses , toutes hermaphrodites. Fleurons jaunes,
plus longs que le calice. Tube cylindrique. Limbe à cinq di-
visions ovales , aigués.
Étamines de la longueur de la corolle. Anthéres réunies.
Un style. Deux stigmates épais. Ovaire infere.
Graines allongées; striées longitudinalement, couronnées
d'un petit rebord saillant, unilatéral. :
Réceptacle étroit, garni de rasage concaves m entourent
un côté de la graine.
Cette plante est indigène à l'ile de Candie.
Irora CONYZOIDES ( Aunée i à feuilles de Conizé ). Tab. 53.
z das Vid coni fusiformibus ; foliis denticulatis , radi-
calibus Eont ititi, inferne angustatis , caulinis red
latis amplecicaulibus; floribus laxe corymbosis.— Aster cre-
ticus conyzoides , flore magno, Asphodeli radice. Tourner.
Cor. Inst. 36.— Vélins du Muséum.
Cette espèce d'Aunée, indigène à l'ile de Candie, a de l'af-
finité avec la Linula salicina , Lin. , dont elle diffère néanmoins
par sa racine garnie de radicules charnues et fusiformes, par
ses feuilles radicales beaucoup plus grandes et qui ressemblent
à celles du Conyza squarrosa , Lin. Ses fleurs sont aussi plus
larges et moins nombreuses. Tournefórt l'a décrite dans son
manuscrit; mais elle ne se trouve ni dans son herbier ni dans
celui de Vaillant.
166 ANNALES «DU MUSÉUM
Racine brune, horizontale, de la grosseur du petit doigt.
De sa surface inférieure sortent. plusieurs radicules perpendi-
culaires , charnues , cassantes , longues de deux à trois pouces ,
inégales, fusiformes et ressemblantes à de petits navets.
Tige droite, ferme, cylindrique, velue , souvent rougeâtre,
rameuse à sa “partie supévieute, haute d'un. pied à un pied
et demi.
Feuilles alternes, pubescentes; d'un 3 yert pôle, "Mgbuestent
dentées sur les bords; les radicales rétrécies à la base, élargies
vers le sommet, ressemblantesà celles.du Conyza squarrosa,
Lin.,longues de cinq à six pouces, sur deux outrois de largeur;
portées sur un pétiole court, creusé en gouttiére; celles des
tiges sont sessiles, enhtastaitéss; Jancéolées, aiguës : ou jun
peu obtuses et arrondies à la base de chaque côté. edo ug
Quatre. à cinq pédencules axillaires;, garnis,, de, "quelques
folioles, longs de trois ou quatre pouces, disposés en un co-
rymbe lâche, à la partie supérieure de latige, p chaeun
par une fleur ed jugos brain Noris AM sigues
lignes. - T 3
Calice épi idees on a "mum noma
breuses , étroites , en alène, imbriquées, láches.au sommet. :
Deni fleurons. très-nombreux , linéaires , larges d'une demi-
ligne, disposés sur deuto ou trois: iii Mibi m et ; dentés au
$
È axstt:h io ; "m 1 3954 Hi
sommet.
Disque convexe. ines x cinq déntgiirr:eg SRE sen
1 Graines’ — couronnées Ter qun Soyeuse,
blanche. ..
DHISTORRE ANATURELLE. - 165
LES à
ve
i 142
Scabi0sÀ ARGENTEA ( Scabieuse argentée ). Tab. 24.
S. corollulis quinquefidis ; folüs pinnatis ; laciniis lanceo-
latis ; pedunculis nudis , levibus , unifloris Lan. Spec. 145.—
S. orientalis argentea , foliis inferioribus incisis. Tourner.
Cor. Inst. 34. — Asterocephalus perennis , argenteus , laci-
niatus ; caule tenui eburneo. Vat. Acap. 1722, p. 181.
A. S. orientalis hirsuta ; tenuissime laciniata ; flore parvo
purpureo. Tourner. Cor. Inst. 34. — Fr. Ars. 1,p. 122. —
Vélins du Muséum.
Toute la plante est velue.
-Tige rude, verticale, Ana pa parai paai Viana
a deux neit "90 N21t CMOS ai
Feuilles. opposées ; Les: radicales . en spatule, arf ob-
tuses, dentées, décurrentes sur le pétiole; celles des tiges’,
pennées avec une impaire. Découpures linéaires, distinctes ,
entières et recourbées: l'impaire est la plus grande. -
Rameaux gréles et étalés. Pédoncules filiformes ; allongés,
sans feuillés, terminés par, une fleur.
Calice commun, persistant , velu , dela longueur des fleurs,
et quelquefois plus long; découpé profondément en plüsieurs
folioles linéaires, inégales, » HER ensuite abaissées lors-
ee le fruit est mûr.
Corolles ‘irrégulières , soyeuses , rayonnantes, d'un rose-
pâle, quelquefois bleues ou blanches, à cinq divisions; celles
de la circonférence beaucoup plus grandes.
Cinq étamines. Un style.
Graines réunies en une petite tête sphérique.
168 ANNALES DU MUSÉUM
Calice partiel; double l'extérieur membraneux, denté,
strié, évasé; formant un peu la cloche; l'intérieur trés-petit,
à cinq rayons aigus, terminés chaeun par une soie rousse,
plus. longue que le: calice extérieur.
Graine cylindrique, velue inférieurement , creusée de huit
à neuf petites fossettes.
Ya gravure que je publie représente la variété Æ, qui ne
diffère que. par la couleur rose de ses fleurs.
M
SCABIOSA MICRANTHA ( Scabieuse à
petites fleurs ). Tab. 25.
S. corollis non radiantibus; foliis radicalibus lanceolatis,
serratis; caulinis impari-pinnatis ; pedunculis elongatis ; ca-
licibus flore longioribus; fructu oblongo.— S. orientalis vil-
losa, flore suave rubente, fructu pulchro , oblongo. Tourner.
Cor... Inst. 35.— Vélins du Muséum. Y
Cette espèce ressemble beaucoup au Sc. argentea, Lin.;
mais elle s’en distingue facilement par,ses corolles qui ne sont
pasrayonnantes, et par ses fruits disposés en une téte hlohgue,
beaucoup plus grande. >
Tige droite, cylindrique, un peu velue, haute de din
pieds, partagée en rameaux un peu etalés.
Feuilles opposées, les radicales ainsi.que.les inférieures
dela tige lancéolées, décurrentes sur les pétioles, bordées de
dents aigués et écartées; les supérieures pennées avec une im-
paire, un peu recourbées. Folioles opposées, linéaires, lan-
céolées, aiguës, entières, croissantes de la base au sommet
du pétiole; celle qui le termine est la plus grande.
D'HISTOIRE NATURELLE. 169
Pédoncules longs, gréles sans feuilles , terminés par une tête
de fleurs.
Calice commun, soyeux, persistant, plus long que les
corolles, divisé trés-profondément en six à neuf folioles li-
néaires, aiguës , inégales , redressées , ensuite abaissées à l’époque
de la maturité du fruit.
Corolles petites, en tube, d'une couleur rose. Fleurons à-
peu-prés égaux , à cinq débits. Ceux de la circonférence un peu
irréguliers.
Cinq étamines. Un style. Un stigmate.
Fruits réunis en une téte oblongue et obtuse.
Calice partiel, double; l'extérieur membraneux, évasé , cam-
paniforme, denté, garni de soies à la base, marqué de ner-
vures longitudinales, rayonnantes ; dé den petit, étoilé, à
cinq rayons aigus, surmontés chacun d'une soie rousse, plus
longue quele calice externe. Réceptacle allongé, garni de
paillettes étroites, velues.
Elle est originaire d'Arménie,
FE, 23
170 ANNALES DU MUSEUM
MEMOIRE
Sur la VIVIPARE D'EAU DOUCE ( CYCLOSLOMA
vivrarum Draparn. Hex vivipara Lun. );
sur quelques espèces voisines, et idée générale
sur la tribu des gastéropodes pectinés à co-
quille entière
PAR M CUYIER.
Lı vivipare d'eau douce est un des coquillages les plus in-
téressans de notre pays, par la réunion extraordinaire de
singularités qu'elle présente. Lister en a publié, en 1695 ( Exerc.
anat. alt. p. 49), la première description anatomique, très-
bonne pour le temps, et accompagnée d'excellentes obser-
vations sur l'état successif des ceufs et des petits dans l'utérus
aux diverses époques de l'année, ainsi que sur la distinction
des sexes et les caractères du måle; mais ses figures sont
grossières.
Swammerdam qui ne connoissoit pas letravail de Lister, en
laissa un autre ( Bibl. nat. Y, p. 168) où se trouvent deux
faits de plus, celui des particules calcaires semées dans toute
©
D'HISTOIRE NATURELLE. 171
la peau de l'animal, et celui des poils coniques ét cristallins
qui hérissent sa coquille pendant le premier áge; mais son
anatomie n'est qu'ébauchée, et il paroit méme avoir ignoré
la séparation des sexes.
Spallanzani a fait aussi des observations précieuses sur cet
animal ( Traité sur la respiration, trad. fr. p. 263 )5il a re-
marqué qu'il n'a pas besoin, comme les Jimnées , de l'air en
nature, et qu'en conséquence il est beaucoup plus difficile à
asphyxier ; néanmoins il consomme l'oxygène, comme les pois-
sons dont la respiration est semblable à la sienne.
Le méme naturaliste a cru découvrir que cette espéce est
parfaitement hermaphrodite et capable de se féconder elle-
méme , parce que des individus enlevés du ventre de la mère
et tenus dans l'isolément en ont cependant produit d'autres ;
mais comme le måle de la viezpare est bien connu et qu'on
l'a vu s'accoupler, les expériences de Spallanzani, en les sup-
posant exactes, prouveroient tout au plus qu'un seul accou-
plement féconde plusieurs générations, comme dans les pu-
cerons,
Draparnaud enfin ( Moll. terr. et fluv. p. 35) a prétendu
rectifier quelque chose à l'assertion de Lister, trop facilement
adoptée selon lui par Geoffroy, sur la position de l'organe
mále dans le tentacule droit; mais il s'est trompé, et cet or-
gane est placé, ainsi que nous le verrons bientót, comme
Lister l'avoit dit.
Les autres naturalistes n'ont parlé de la vivipare Mm no-
menclateurs, encore n'ont-ils pas été tous heureux dans le choix
de la place qu'ils lui ont assignée.
Linnœus en fait un heliz, et cependant louverture de la
a3*
172 "ANNALES DU MUSÉUM
coquille n'est pas en croissant ; elle est ronde dans presque tout
son contour , excepté vers le haut où elle fait un angle.
Geoffroy ( Coq. des env. de Paris) et Muller ( Verm. terr.
et fluv. IT, 182) se réglant sur la position des yeux et la pré-
sence de l'opercule, la réunissent, avec d'autres especes de la
méme famille, au genre des nerites.
Poiret ( Coq. fluv. et terr. du dép. de I Aine, p. 60) la met
avec les bulimes démembrés des helix par Bruguières, mais
où celui-ci ne l'avoit pas comprise.
Draparnaud ( Loc. cit. et tabl. des Moll. de la Fr. p. 4o),
et M. de Férussac( Essais dune méth. Conch. p. 66) d’après
l'indication de M. de Lamarck, la rangent parmi les cyclos-
tomes , où ils font entrer toutes les coquilles à bouche à-peu-
prés ronde et à bords continus qui ne sont ni turriculées, ni
garnies de côtes, ni dentées à l'ouverture. Rien n'empéche
sans doute qu'on ne prenne le vivipare pour type du genre
cyclostome; mais il est probable qu'alors on sera obligé d'en
exclure plusieurs des espèces qu'on y a laissées jusqu'ici , et
notamment tous les terrestres.
Les observations que nous allons exposer aideront à trouver
les bases de ces déterminations. |
L'animal de la vivipare a deux tentacules coniques plus ou
moins allongeables, mais non rétractiles, et qui portent les
yeux vers leur base extérieure. A
Le tentacule droit du måle est plus gros que l'autre, et
percé vers son extrémité et un peu en dehors d'un trou par
lequel sort la verge. Le trou n'est pas difficile à remarquer
sans dissection , et l'anatomie montre promptement son usage,
Ainsi j'ai dela peine à comprendre comment Draparnaud a
pu sy tromper.
D'HISTOIRE NATURELLE. 173
Entre les tentacules est une trompe courte et ronde.
Il n'y a point de trachée tubiforme, quoique Draparnaud
Pait dit; mais la membrane latérale du côté droit du corps
S'avance jusque sous le tentacule du méme côté, où elle se re-
courbe en un demi-canal qui se continue jusque fort avant
dans la cavité des branchies, aa moyen d'un repli élevé du
plancher de cette cavité.
Il est probable que c'est, comme le syphon des buccins et
des murex, un moyen de faire entrer l'eau vers les branchies
quand l'animal est rentré dans sa coquille. Du reste, la ca-
vité branchiale est ouverte sous tout le bord antérieur du
manteau, et son entrée est aussi large que dans aucun pecti-
ni-branche.
Les deux petites membranes latérales sont simples et sans
franges, dentelures ni tentacules. Le bord antérieur du pied
est muni d'une double lévre; cet organe, comme dans tous
les genres operculés, se replie en deux pour rentrer dans la
coquille; et l'opercule, attaché sur le dos de sa partie pos-
iérieure, bouche alors l'entrée sans y laisser de vide.
En ajoutant à ce que nous venons de dire que l'on apercoit
sous le bord antérieur du manteau, et par conséquent à l'en-
wée de la cavité des branchies, quelques houpes de celles-ci,
lorilice de la matrice et celui de lanus, ón aura une idée
complète de ce que l'animal montre sans dissection.
Pour en voir davantage, il faut, comme à l'ordinaire, couper
la membrane qui sert de voûte à la cavité branchiale, au côté
gauche, suivant la ligne de sa jonction au corps.
En la rejetant sur le côté droit, lon voit qu'elle porte les
branchies, le rectum, le canal de la viscosite, et, dans les
femelles, la matrice.
174 ANNALES DU MUSÉUM
Cette derniére partie est celle qui frappe le plus, surtout
au printemps lorsqu'elle est toute remplie de petits animaux
dans leurs coquilles, déjà préts à marcher.
Il y en a ainsi, non-seulement dans la partie de la matrice
attachée à la voûte de la cavité branchiale, mais encore beau-
coup plus haut et dans toute la longueur du premier tour
de spire.
C'est dans cet état que nous .représentons cet organe en
figure 2.
A mesure que l'on remonte vers son fond, l'on trouve des
coquilles plus petites et enveloppées d'une matière glaireuse
plus abondante. |
Vers le fond il n'y a plus que des globules de cette ma-
tiere, dans le centre desquels on voit à la loupe le trés-petit
animal avec une coquille d'un demi-tour, et qui est loin en-
core de pouvoir le renfermer.
Cette substance des ceufs se durcit dans l'esprit-de-vin, et
se comporte en tout comme de l'albumine. |
Cet animal est donc proprement ovo-vivipare , comme les
vipères.
A côté de la portion de matrice qui est au-delà de la ca-
vité branchiale, se trouve un organe glanduleux blanchâtre
qui pourroit bien être l'ovaire primitif, ou au moins servir
à sécréter l'enveloppe glaireuse des œufs.
La matrice se termine vers le bas par un tubercule charnu
percé d'un trou qui se dilate au moment du part.
Les branchies se composent de trois rangées de filamens
coniques, disposés très-régulièrement.
Entre elles et la matrice sont le rectum et le canal de la
D'HISTOIRE NATURELLE, 179
viscosité. Le premier s'ouvre un peu plus bas que l'autre, et
par un orifice un peu plus grand.
Dans les deux sexes il y a une ligne saillante et charnue
qui part de dessous la corne droite et se continue sur le
plancher et jusque dans le fond de la cavité branchiale; elle
forme nécessairement, avec le bord droit de la voûte de cette
cavité, une espèce de demi-canal qui se continue, avec le petit
syphon , dont j'ai déjà parlé, sous la corne droite.
L'autre extrémité de ce demi-canal est aveugle, et je ne
peux, comme je l'ai dit, lui apercevoir d'autre usage que de
. faire entrer et sortir l'eau pour la respiration.
L'organe sécréteur de la viscosité, le péricarde et le cœur
occupent , comme à l'ordinaire, la région située derriere le
fond de la cavité des branchies, et n'ont rien que nous n'ayons
déjà vu dans les autres gastéropodes turbinés. Le reste de la
spire est encore rempli, comme de coutume, par l'estomac,
l'intestin et le foie. |
L'esophage est d'une minceur et d'une longuéer remar-
quables; il fait un repli avant d'avoir quitté le dessus du
pied, et il en fait un second dans la spire avant d'entrer dans
l'estomac.
Celui-ci est un sac assez vaste et divisé intérieurement par
différens replis. Il. s'amincit et revient en avant pour former
le pylore; la première partie de l'intestin se porte en arrière,
se collant au bord droit de l'estomac; la deuxième revient en
avant, en longeant tout le bord gauche de la matrice, et
s'ouvre à l'anus sans avoir éprouvé de renflement remarquable.
La bouche est une petite masse charnue et cylindrique qui
ne peut former de trompe considérable.
156 ANNALES DU MUSÉUM
La langue n'est qu'un petit tubercule hérissé qui fait une
légère saillie sur le plancher de la bouche.
It n'y a que deux glandes salivaires peu considérables.
. Le cerveau est divisé en deux lobes écartés l'un de l'autre
par un filet mince. Le seul nerf un peu particulier part du
lobe droit, croise sur l'eesophage, et va donner des branches
aux muscles qui attachent l'animal à sa coquille. Geux de la
bouche, des yeux, des tentacules sont comme à l'ordinaire.
Dans le måle, la verge occupe la plus grande partie ‘de
l'espace situé au-dessus du pied qui se trouve par là bien pius
gros que dans la femelle; mais comme il n'y a point de
matrice attachée à la voùte de læ cavité branchiale, ienphco
de celle-ci n'est pas plus rempli. à
Cette verge est cylindrique , trés-grosse, entourée de fibres
annülaires et charnues trés-vigoureuses. Elle doit pouvoir se
retourner comme celle des limaces, et alors elle sort, ainsi
que nous l'avons dit, par le trou du tentacule droit. Le tes-
ticule occwfpe dans la spire l'espace que la matrice et l'ovaire
tiennent dans la femelle. Il communique avec la verge par
un canal court et un peu tortueux.
Tout ce que nous venons de dire prouve que la. vivipare
est déjà plus voisine de la janthine et de la phasianelle , décrits
dans le Mémoire précédent, que des ‘helix , des planorbes
et des Zmnées, dont on auroit pu étre tenté de la rapprocher,
d’après sa coquille et d’après legenre où l'avoit placée Linnæus.
Ces trois premiers coquillages commenceront donc pour
nous une grande famille qui est celle des gastéropodes à bran-
chies pecunées et à bouche entière, et qui comprend toutes
les espèces aquatiques des anciens genres : turbo, ime m et
nerita de Linnaus.
D'HISTOIRE NATURELLE, 177
Les genres à branchies pectinées et à syphon, ou au moins
à échancrure, savoir buccinum, strombus , murex, voluta,
et tous leurs démembremens, ne different essentiellement des
premiers que par le petit prolongement du manteau qui
passe par, le syphon ou par l'échancrure de la coquille.
Entre eux, ces divers animaux varient d'une manière faci-
lement appréciable.
^ Par la longueur de la trompe;
? Par les. découpures et les productions des deux mem-
| ES qui garnissent les côtés du pied, et de celle qui couvre
plus on moins le devant de la tête;
3? Par le nombre et la position des peignes de leurs
branchies;
4° Par la position intérieure ou extérieure de la verge dans
l'état de repos;
5." Par la longueur de K baie hérissée la langue ; ;
G.° Par un jabot plus ou moins marqué en avant del'estomac.
Mais ils ont tous en commun, outre ce qui appartient en
général à tous les gastéropodes , deux tentacules pointus por-
tant les yeux tantôt sur le cóté de leur base, tantôt sur un
petit cylindre particulier qui pourroit trés-bien passer pour
un autre tentacule;une trompe charnue contenant une langue
hérissée de crochets; mais sans autres máchoires; un estomac
membraneux situé à la base du foie, et donnant dans un in-
testin de longueur variable ; enfin des sexes séparés. =
-On ne peut pas s Laien que dans une telle rüculibhsee
nous nous attachions à décrire les différences minutieuses qui
pourroient se rencontrer dans les nombreux genres établis
récemment dans cette famille, d'apres de res nuances
dens la forme de la coquille.
i. 24
178 ANNALES DU MUSEUM
Nous choisirons seulement les sujets de nos dissections à
des distances convenables, pour donner des idées suffisantes
de toute la série ; et pour commencer, nous allons joindre à
l'anatomie de la vivipare , celle d'un iik turbo. marin quì
a beaucoup de ressemblance avec elle; la veuve ou le turbo
pica de Linnœus.
`
Ce que l'étude des gastéropodes à coquille spirale offre
peut-être de plus embarrassant, c’est de se bien représenter
comment des parties aussi développées que celles que l'animal
montre au-dehors quand il rampe, peuvent se replier sur
elles-mémes, et se concentrer dans la cavité étroite de la co-
quille. p 5
C'est ce que nous dierthone à à éclaircir par nos biles 5
et 6 qui représentent l'animal dela veuve, enlevé à sa coquille,
mais dans ses deux états:la premiere le montrant retiré ; l'autre
rampant. | |
Tout dépend de la rétraction de la tête et du repliement
de la partie antérieure du pied contre la partie postérieure.
- Cette dernière circonstance, qui a lieu plus fortement encore
dans les nérites et les volutes où le pied est beaucoup plus
grand, est surtout essentielle. L'opercule, qui est toujours at-
taché sur le dos de la partie postérieure du pied, se trouve
ramené par là vis-à-vis l'ouverture de la coquille, qu'il bouche,
en y pénétrant d'autant plus que —— s d'avan-
tage son muscle.
Le muscle est marqué a dans les deux figures, à ca
par où il étoit attaché à la columelle.
La figure 7 en montre la coupe, et comment la plus pak
D'HISTOIRE NATURELLE. 179
partie de ses fibres se rend vers l'opercule, tandis qu'une
autre se perd dans la masse charnue du pied, et qu'il en va
quelques-unes jusque vers la trompe et les tentacules.
On peut sy faire une idée de la manière dont le muscle
tirant fortement l'opercule, pousse tout le reste du pied, de
la tête et des parties adjacentes en dedans, et finit par les
mettre dans l’état de contraction qu'exprime la figure 5.
Cependant aucun gastéropode aquatique ne retournant ses
cornes ni sa téte au-dedans de son corps, comme le font les
limaces et limaçons terrestres, il est plus facile de juger, d'apres
l'animal contracté, de la forme qu'il doit prendre quand il est
étendu.
Il n'y a qu'à se représenter toutes les parties du pied, de
la téte et des deux membranes latérales dilatées en tout sens,
et surtout en longueur; la tête s'avançant sous le bord externe
de la coquille; la queue, sous le bord opposé, c’est-à-dire sous
la columelle; et l'opercule se réfléchissant contre celle-ci,
comme une porne contre un Es quand elle est tout-à- fait
ouverte.
On peut ainsi retrouver "s figure d'un gastéropode, méme
quand il seroit venu des pays les plus éloignés, enfermé dans
sa coquille et contracté par sa pepa action et par celle de
r l'eeotitcddwit
Il est certain qu'il vaut - PAPE mieux l FEES vivant, où
au moins lorsqu'avant de le mettre dans l'esprit-de-vin on l'a
retiré de sa coquille et laissé mourir dans l'eau; mais comme
les voyageurs sont rarement à même d'observer exactement
sur les lieux un animal vivant, ni de prendre les précautions
nécessaires pour le conserver parfaitement, il est toujours
bon d'avoir ce nioyen subsidiaire.
as
180 ANNALES DU MUSEUM
Nous l'avons employé avec avantage pour un grand nombre
des gastéropodes à coquille dont il nous reste à parler.
Tel est-ce turbo pica dont nous traitons maintenant.
Notre figure 6 le montre étendu artificiellement. Ses tenta-
cules sont gréles, sétacés; l'œil est porté par un petit tenta-
cule cylindrique et latéral. Il n’y a point du tout de mem-
brane ou de voile sur le devant de la tête, ni aucun syphon
au manteau. La membrane latérale du côté droit est dé-
coupéé en: plusieurs filets un peu rameux; le bord antérieur
du: pied'est divisé en deux lèvres; la queue n'a ni crêtes ni
franges : elle porte un opercuie circulaire, mince, corné, un
brun-foncé, marqué d'une spirale à contours trés-nombreux.
La figuré 7 montre le plafond de la cavité branchiale
détaché à gauche et rejeté sur la droite, et la grande cavité
ouverte et privée de ses tégumens du côté gauche, pour
montrer ce qu’elle contient par ce côté, depuis la bouche jus-
que derrière l'estomac. | ;
On a vu que les tentacules et autres appendices extérieurs
de cet animal ont les plus grands rapports avec ceux de la
phasianelle: on va voir que ses viscères n'en ont pas moins.
lla aussi deux peignes de branchies formés d'une multi-
tude de feuillets triangulaires; mais ils ne sont séparés que
vers le fond dela cavité branchiale par un vestige dé cloison,
plutôt que par une cloison véritable; car elle n'occupe pas le
quart de leur longueur. Le cœur, l'oreillette, le péricarde,
Yorgane de la :viseosité n’ont rien de particulier.
L'œsophage après avoir parcouru un assez long trajet, mais
sans sétre replié, donne dans l'estomac, qui est énornie et
divisé par des replis de sa membrane interne en plusieurs sinus
et poches différentes. il se rétrécit ensuite en un boyau qui
D'HISTOIRE. NATURELLE. 181
revient en avant, absolument comme dans la phasianelle , jus-
que vers la masse charnue de la bouche, puis se recourbe en
arrière, va passer derrière le: cceur., et se réfléchit encore en
avant pour former le rectum, qui; est'gréle etse termine par
une petite pointe. ll y à une valvule au Ws du — situé
derrière le cœur.
La masse charnue de la LE est one, et son or-
poti assez compliquée. 24: |
' La langue ainsi que dans: la: house et. diia hisp
stipendi , ést urrscartilage excessivement long et garni de
petites épinés ; enveloppée dans un tube: membráneux , elle
s'étend depuis le point du plancher de: la bouche qui répond
immédiatement au-dessous de l'ouverture de l'aesophage, jus-
que trés-haut dans la spire et fort en arrière de l'estomac,
ou elle se roule encore qnum où six fois en d sur. elle-
méme: : 2 q
lin'y a que l'ekirénité, antérieure bee ce ong aa duis serve
à viaa tout le reste n’a d'autre objet, à ce quil me
semble, que de remplacer cette extrémité antérieure àme-
sure qu'elle s’use. Il en est de cet organe comme des dents
des quadrupedes herbivores et de celles des oursins. Ces der-
nières surtout offrent une ressemblance frappante: très-dures
à l'endroit qui máche, elles se ramollissent en arrière et fi-
nisseüt par un long rubah- flexible. qui avance: et;duréit à
mesure que la partie triturante se détruits, 5 vgs giis b
Cette langue du turbo pica est garnie de dcs: trans-
versales de lames triingulaires et trauchantes; chaque rangée
comprend huit ou dix lames implantées sur une petite bande
transversale qui joue sur une bande.semblable. placée .der-
rière cle, et sur une. autre placée devant. La lange entière
182 ANNALES DU MUSEUM
doit avoir plusieurs centaines de ces bandes transversales,
et par conséquent des milliers de petites lames: tranchantes:
' La masse chárnue de la bouche a pour objet. de ‘donner à
lextrémité antérieure de cette bande linguale une-sorte de
mouvement péristaltique propre à entasser, à limer et à bus
par degrésles corps qu'elle attaque.
Elle contient deux cartilages parallèles Ta l'extrémité anté-
rieure soutient la partie correspondante de la bande linguale;
et en S'écariant; s'avançant, se rapprochant, se retirant, la
soulève et l'abaisse, en fait jouer les parties les unes sur: les
autres, et fait "Ms ainsi les petites lames Mápcbanges sur la
parie qu'elles doivent. entamer. l
Les glandes salivaires sont pew sisi et dits
m'a rien de bien particulier, non plus que le systeme nerveux.
-o Pindividu: que nous représentons est femelle. On voit la
partie inférieure de son oviductus en o, fig. 7. Elle a son ori-
fice tout prés de celui de l'organe de la viscosité. Je ne puis
savoir: si cette espèce est vivipare, ne: l'ayant point observée
dans un état voisin du moment où mm: met bas. ` |
- Ces deux anatomies nous fournissent deux, types différens
d'animaux à pe suns entières et à - branchies me et
c semp ons nidi:
“La "vieipare d'eau inm sera chef de file pour toutes» les
espèces à tentacules simples; et le turbo pica.ainsi que la
phásianelle pour toutes celles à tentacules doubles : car il est
difficile de ne pas considérer comme'un tentacule particulier
D'HISTOIRE NATURELLE. | 183
le petit cylindre charnu qui porte l'œil, ici surtout où il est
distinct jusqu’à sa base du grand tentacule sétacé.
La règle que l'on à voulu établir sur le nombre des tenta-
cules, quaternaire, disoit-on dans les gastéropodes terrestres,
biüsiro seulement dans les aquatiques, n'est donc rien moins
qu'exacte. En effet, nous savons déjà que l'aplysia en a quatre,
que la bullée ex toutes les acéres wen ont aucuns, et nous
verrons bien d'autres exceptions par la Suite.
Pour revenir à nos deux types, il y à des espèces de l'un
et de l'autre, et qui ne sont pas distfibuées, comme on aüroit
pu le croire, en jugeant sur les coquilles. =
Adanson, qui a très-bien conna cette différeiice] à a établi
sur elle sa distinction de la toupie et du sabot, et celle de
la natice et de la nérite; mais il est obligé, du moins dahs les
deux premiers, de séparer des coquilles trés-semiblables.
Dans le premier type; celui de la wivipere, jai disséqué
aussi le vignot de nos côtes de la Manche ( turbo littoreus de
Linnaeus, alie-kruik de Swammerdam; Bibl. nat: t. IX,
fig.. 14-18). Son ouverture et son opercule ont un angle vers
le haut, et ses tentacules sont simples, portant les yeux sur
uné légère proéminence de leur. base externe; On sait déjà
par Adanson ( Sénég. p.70); qu'il a les sexes séparés, et je
lai effectivement vérifié; mais je n'ai pu savoir sil produit
des petits vivans. À l'intérieur, sa principale différence ést la
longueur du ruban lingual, par laquelle il se rapproche des
espèces du deuxième type. Nous Mes cel: animal
retiré de sa coquille, fig. 10.
- Le marnat d'Adapson , ( Sénég: pue yg. VE, fe x: T ap-
partient également/à ce premier type. 17°:
Le deuxième type est beaucoup plus Beim il PRIM
ai ANNALES, DU. MUSÉUM
non-seulement la; phasianelle et le turbo pica, mais encore
tous les turbo à ,goquille arrondie et à bouche tout-à-fait ronde,
et tous les trochus à aequale conique, dont j'ai pu voir les
animaux.
Il y a toujours alors le petit pédicule de l'œil ; et les diffé:
rences spécifiques portent sur les lobes en avant ds la téte, et
sur les ornemens des membranes latérales.
Ainsi le turbo piva est pour la tête un des plus igi
n'ayant que deux très-petits lobes ou vestiges de voile; mais
ses membranes latérales sont assez compliquées, Son opereule
est mince el corné.
Le turbo chry sostomus a les choisie un peu plus grands;
mais ses membranes latérales. sont simples et sans filets. Son
' opercule. est. pierreux, trés-convexe et. granulé à sa face ex-
terne, plat et marqué d'une spirale régulière à linierne. Nous
le. donnons; ainsi que.son .opercule en figure 11.
. Un turbo nouveau, rapporté par M. Péron, de Ja forme
du pica , mais d'un brun-marron, à bouche nacrée-verdätre,
à ombilic.simple, aides lohes et des membranes crénelées , et
celles-ci. terminées en arrière chacune par un filet. Son oper-
cale est. également pierreux, mais à surface externe bosselée,
- Le grand £rochus mauritianus-a les deux lobes du voile
assez larges pour se toucher ; les goecibrbnes latérales: simples
l'opercule mince et corné... <o-
Un autre. £rochus noie mais is oatbdiqué ( (oosiheni;
pl. 6o, lig..C),-se. distingue par une crête élevée et frisée qui
borde sa queue de chaque cóté,.et dont la partie supérieure
se loge dans l'ombilic quand l'animal rentre*dans sa coquille.
Il a de plus trois tentacules cylindriques et obtus de M
côté, sous la membrane latérale. .F'oyez notre figure r2.
D'HISTOIRE NATURELLE. 185
Le trochus pharaonius a trois filets attachés de chaque côté,
comme dans la phasianelle, aux bords de la membrane laté-
rale, et toutes ses membranes et leurs filets sont ciliés. 7^. eyes
finm 13.
On peut juger, par Adanson ( Sénég. tab. 12, fig. 1 F que
Yosilin de cet auteur (trochus tesselatus, es ), est habité
par un animal fort voisin de celui-ci. |.
- Nous en avons un autre sur nos côtes (trochus cinerarius , L.)
qui. a tous ces filets, et dans lequel il sont de plus colorés par
anneaux noirs et blancs. Müller en donne quatre figures mé-
diocres ( Zool. dan. pl. 102 ).
Il y a des trochus à deux et. d'autres à un seul filet latéral.
Dans ious, l'opercule est rond , mince, corné.
Les sexes sont séparés dans tous. ces animaux.
Je n'ai point de notion particulière à donner. sur les ani-
maux des genres démembrés, par M. de Lamarck , des turbo
et des frochus , tels quelles scalaïres ,les maillots , les cadrans,
les monodontes ; les turritelles et les pyramidelles; et quoique
je n'aie aucun: doute que pour l'essentiel ilsne se rapprochent
des autres, je ne puis dire quelles particularités spécifiques
les distinguent, r'en Se pr encore examiner aucun par moi-
méme
Cependant nous roi ar TM dips. iain ( Gikk min.
nat. pl V, fig. 7 et 8.) , une scalaire ( turbo clathrus ; Lin. ),
qui se rapporte à notre premier type, et qui montre une
longue verge sortie.
L'ancien genre nerita, divisé aujourd'hui en nérites et en
nalices , complète avec les précédens la tribu des coquilles
aquatiques à bouche entière. Outre la forme exactement demi-
11, 25
186 ANNALES DU MUSÉUM
circulaire de leur ouverture, ces deux genres se font remar-
quer aussi par la grandeur relative de cette ouverture, et en
général de tout le dernier tour. C'est , comme dans les volutes
et autres coquilles dans ce cas, un signe du grand volume du
pied qui doit se loger dans cette partie de la coquille,
Les animaux qui l'habitent répondent aux deux types que
nous avons déterminés plus haut pour les turbo et les trochus,
et c'est d’après la position de leurs yeux qu Adanson les a sé-
parés. M. de Lamarck, en adoptant ce caractère pour les ani-
maux, y joint celui de la coquille , ombiliquée dans les natzces,
et non dans les nérites. Effectivement, dans les espèces dont
nous connoissons l'animal, ces formes des tentacules et des
coquilles se correspondent; mais l'exemple des turbo, où des
coquilles de méme forme générale contiennent des animaux si
différens , doit nous mettre en garde , et nous faire attendre xm
cdi vil plus nombreuses.
Nous donnons, figure 14, l'animal d'une natice ( nerita can-
rena , Lin.) , et figure 15, celui d'une nérite (nerita exuvia; Li).
On peut juger à quel point le pied du premier est. étendu ;
ce léger sillon qui divise en deux lèvres le bord antérieur
de celui de quelques turbo, est ici une fissure profonde qui
établit deux larges lobes, l'un au-dessus de lautre, b, e,
dont le supérieur c est échancré dans son milieu. La méme
chose a lieu en arrière où l'opercule, au lieu d'être simple-
ment collé sur le dos de la queue, se trouve attaché sur un
lobe charnu particulier d, qui contribue probablement à for-
mer l'ombilic de la coquille, ou du moins qui s'y lado e en
partie quand lanimal rentre.
La verge de cet individu est sortie; on la voit pendre en a:
D'HISTOIRE NATURELLE, 187
Adanson, qui donne à son fossar, l'une de ses natices, la
méme téte qu'à notre canréne, représente son pied tout dif-
féremment. Je ne saissi c'est une faute du dessinateur , ou si en
effet toutes les espèces de natices n'ont pas le pied semblable.
La nérite, figure 15, n'a pas à beaucoup prés cette am-
pleur de parties extérieures; elle rentre dans les formes les
plus communes aux frochus et aux turbo à quatre tentacules,
et n'a point d'ornemens à ses membranes latérales ; seulement
sa lèvre supérieure est trés-large, bilobée et dentelée.
Son opercule est pierreux et légèrement granulé. Celui de
la natice est corné; mais tout celà peut n'étre que spécifique.
..EXPLICATION DES FIGURES.
Freunr I. La vivipare femelle enlevée à sa coquille. a. Son pied encore à demi-
ployé en deux: b. L'opercule attaché sur sa partie postérieure. c. La tête avec les
tentacules et la trompe. d. Le petit syphon qui se prolonge sous la corne droite.
e. La membrane latérale du côté gauche. f. Le bord du manteau. g. Petite portion
des branchies qui se montre dessous. h. L'orifice de la matrice et l'anus.
Frc. II. La méme dont la cavité branchiale a été ouverte. Les lettres a— f ont
la méme signification que dans la figure précédente. g. Les branchies. h. La ma-
trice gonflée par les fœtus qui la remplissent. h'. Son orifice, h^. Sa partie située
dans la spire. i. L'anus. i Le canal de la viscosité. m. La ligue saillante formant
un demi-canal qui se termine au syphon d. », Le cœur et son. oreillette. o. Parties
du foie et de l'intestin.
Frc. III. La méme dont on a uan la partie antérieure et développé ». poté-
rieure. Les lettres a—n sont placées aux mêmes endroits que dans les deux précé-
dentes. p. La masse charnue de la bouche. q. L'æsophage. q’. Son repli avant le
cardia. r. L'estomac. s. Le premier repli de l'intestin. s'. Le second. s”. L'endroit
où il pénètre dans la cavité branchiale. t. Le rectum. u u. Les deux lobes du cerveau
et les nerfs qui en partent pour les tentacules, les yeux et la bouche. vv. Les deux
glandes salivaires. r. Le nerf principal des muscles. E.
2
188 ANNALES DU MUSEUM
Fre. IV. Vivipare mâle, préparée pour montrer la verge, et sa sortie par la
corne droite. L'ossophage q est rompu à l'endroit où il pénétroit dans la spire. Les
lettres jusqu'à x ont les mêmes significations. y. Le corps charnu de la verge. z. d
canal déférent. &. Une partie du testicule.
Frc. V. Le turbo pica enlevé de sa coquille et dans l'état de contraction.
Fic. VI. Le méme, développé. a. Le muscle qui unit l'animal à sa coquille.
a/. Le pied. b. L'opercule. c. La trompe. dd. Les tentacules. ee. Les tubercules qui
portent les yeux. f. L'extrémité des branchies. g. La membrane latérale du cóté
gauche, frangée.
Fic. VIL. Le méme animal dont on a ouvert la cavité branchiale, rejeté son
plafond sur le cóté.droit; enlevé la paroi gauche de la téte et du tronc, et fendu
verticalement la masse charnue du pied, pour mettre à nu l'ensemble des viscéres.
a. Le muscle qui unit l'animal à la coquille; la direction de ses fibres à l'opercule
et à la masse charnue du pied. a”. Cette masse. b. L'opercule. c. La trompe. d. Le
tentacule. e. Le tubercule qui porte l'œil. f. Le cerveau. g. Les glandes salivaires.
hh. L'esophage. i. La-masse charnue de la bouche et de la langue. i'i'. La gaine
membraneuse du cartilage de la langue. k. L'estomac ouvert. l. Son prolongement
cylindrique. l’. L'endroit où est une valvule qui représente le pylore. mm. Le rec-
tum. n. L'anus. o. L'extrémité de l'oviductus. p. L'organe de la viscosité ouvert,
q. Son orifice. rr. Les veines qui portent le sang du corps aux branchies. ss. Les
artéres qui distribuent ce sang dans les branchies. É La veine qui le ramène au
cœur. u. L'oreillette. v. Le cœur.
Fre. VIII. La^masse charnue de la bouche servant à mouvoir la langue. a. L'ex-
‘trémité antérieure de la langue. bb. Les glandes salivaires. c. La gaine membra-
neuse du cartilage lingual, etc ce cartilage lui-même tronqué. dd. Les divers
muscles qui agissent sur les deux cartilages latéraux: dont l'extrémité NV Lg
de la langue.
Fic. IX. Portion du cartilage lingual, vue au microscope, pour montrer ses
lames transverses, et les petites lames tranchantes qu'elles supportent.
Frc. X. L'animal du turbo littoreus , sorti de sa — avec son opercule.
Fic. XI: Celui du turbo chrysostomus.
Fic. XII. Celui du trochus, Gualt. tab. 60 T c.
"Fic. XIII. Celui du’ trochus pharaonius.
- Fre. XIV. Celui de nerita canrena.
Fic. XV. Celui de neriia exuvia.
D'HISTOIRE NATURELLE. 189
VOYAGE GÉOLOGIQUE:
De Nice à Menton, à Vintimille, Port-Mau-
rice; Noli, Savonne, Voltri. et Génes, par
la route de la Corniche. |
PAR M. FAUJAS-SAINT-FOND.
J ar fait connoitre, dans les Annales du Muséum d'histoire
naturelle, la constitution géologique des montagnes de Pen
de Montalban, de Cimies et de Villefranche.
Je vais reprendre le méme travail et suivre une route que
peu de voyageurs, amis de la minéralogie, ont faite jusqu’à
présent (1), par les défilés étroits et difficiles qui règnent sur
sr 0
(1) MM. de Saussure et Pictet firent ensemble ce voyage, le 10 octobre 1780 ,en
partant de Génes oh ils s'étoient rendus par le Mont-Cenis, Turin, Milan, Pavie,
Novi et le col se la iet ocu mais ils furent souvent contrariés par des pluies
fréquentes : cep voyage qui estimprimé dans le tom. 1v, p- 156 dela collection
‘4 "PES le l'édition in-4.^, présente de bonnes óbservations et des détails
ucotu
fort exacts dont j'aurai occasion de faire mention , en rendant toute justice à ce célebre
observateur. En 1796 , mon excellent ami Amoreti s'étant rendu par la montagne du
Piémont à Oueille, parcourut la côte jusqu'à Noli et Savonne où il fit quelques
recherches intéressantes.
100 ANNALES DU MUSÉUM
les escarpemens de cette partie des Alpes de la Ligurie,
contre lesquels la mer vient briser avec fracas. —
La position de ce singulier et hardi défilé, suspendu en
quelqde sorte 'en plusienrs ehdroits ice d’une suite
d'abime, lui a valu la dénomination de Chemin de la Cor-
niche, comme pour désigner un passage qu'om auroit établi
au-dessus de la Írise d'un édifice.
La politique de l'ancienne république de Génes crôyoit |
devoir, pour sa sûreté, opposer un tel obstacle à des armées
ennemies, et elle ne FE méme subsister ce périlleux che-
min que pores. wil devenoit indispensable pour les commu-
nications dè Villages à à villages.
Je partis de Nice le 29 du mois de septembre 1805, dans
une saison encore favorable, avec un compagnon de voyage
instruit, M. Marzzari de Vicence, mon estimable ami, qui
venoit de parcourir les volcans du Vivarais. Nous avions fait
embarquer la veille nos voitures sur une fé/ouque génoise, qui
devoit arriver avant nous, si le vent la favorisoit.
Notre projet étoit de faire cette routé à pied; mais comme
nous avions des valises, des instrumens, des cartes et quel-
ques livres à faire porter , nous fümes obligés de louer ce qu'on
appelle des mulets de postes ; c'est un établissement qui a été
formé depuis la réunion de la Ligurie à la France, et qui
est tres-utile pour les communications, lorsque la mer n'est
pas navigable: mais nous nous proposions de mettre souvent
pied à terre, car rien ne nous pressoit pour le temps. On se
rend de Nice à Villefranche dans une heure, en escaladant
une montagne, plutót qu'en suivant une route tracée. Cette
montagne est aride, nue et d'un calcaire compacte, analogue
à celui du rocher de Nice, n'offrant ni bancs, ni couches
D'HISTOIRE NATURELLE. EN.
répalières, mais de grandes disruptions qui se manifestent de
toute part et dans tous les sens, et dont les fissures ont été
remplies de spath calcaire blanc, les unes à larges, les autres à
petites bandes réunissant étroitement les masses qui constituent
cette montagne, et paroissent avoir éprouvé antérieurement
de grandes commotions qui en ont dérangé l'assiette pre-
mière. Je dois ajouter qu'ici comme à Nice on voit diverses
éoupures où fentes irrégulières remplies d'une brèche calcaire
à ciment rouge, semblable à celle de Nice, de Montalban et
de Cimies , dans laquelle je ne doute pas qu'on ne treuvät des
coquilles et des fragmens d'ossemens d'animaux ,'si l'on y ou-
vroit des carrières; car cette breche, liée par un ciment spa-
thique calcaire dur, a une grande consistance, et forme une
excellente pierre pour les construetións.
La rade de Villefranche est vaste et pourroit x récévoir un
grand nombre de vaisseaux ; mais elle m'est pas à l'abri de
tous les vents. Les blocs de pierre qui ont servi à la cons-
truction des jetées qui sont au pied du hióle, sont criblés de
trous formés par les dattes de mer, mytilus litophagus: de
Litm., qui! y sont trés-abondantes et excellentes à manger.
Det heure aprés avoir dépassé Villefranche, ón décotivre
le village d Aiza; perché sur un rócher : l'on y arrive en peu
de temps par un chemin détestable ; mais: quelques cultures
d'oliviers et pe LE de la’ mér e est au bas eer ee
pet agreste. :: FE iam di
' Un assez jolie petite "— est -— dà village: notre pos-
tillon y faisoit rafraichir sés mulets, et nous étions occupés
à casser des pierres, lorsqu'un — s'approcha de
nous , et nous dit d'une manière fort honnéte : Pursque ous
étes curieux, messieurs, je puis wous faire Wr, SL pons
192 ANNALES. DU; MUSEUM
le désirez, à peu de distance d'ici, une chose assez remar-
quable. qui mériteroit bien d'être connue, et dont personne
cependant n'a encore, fait mention, qnoiqu'il.y ait prés de
trois ans que le fait .a eu lieu. Nous acceptàmes avec recon-
noissance. l'offre obligeante de cet excellent. homme, qui est
chanoine à Nice, mais qui a sa famille à Æiza où il étoit venu
passer quelques jours; nous le suivimes.
Chemin: faisant, il. nous annonça que dans moins din
quart d'heure nous ärriverions sur les lieux qu'il désiroit
nous faire. voir ce qui ne nous détourneroit pour ainsi dire
pas de la route; qu'il sagissoit d'un éboulement de terre qui
avoit entrainé dans la mer la presque totalité de la vallée de
Saint-Laurent, couverte. des plus riches plantations d'oliviers;
et quà la place qu 'occupoient ces champs fertiles. et dune
grande richesse , nous ne verrions plus qu'une ruine effrayante
et le tableau d’une affreuse destruction.
Nous arrivámes en effet peu de temps aprés sur le lieu de
la scène, c'est-à-dire sur le bord d'un escarpement, profond
qui.se prolonge plus.ou moins rapidement dans la longueur
d'une demi-lieue j pana la mer. et qui. a trois cent toises en-
viron de largeur. .
Perchés sur le bord de. cet RTE , nous n apii
que. ruines, que, décombres et; dévastation ; notre. œil me-
suroit. .d'énormes: masses : ide pierres ‘errantes, : de grands
déchiremens dans des masses de terres marneuses, humides
et glissantes, et ce désordre qui règne jusqu'à la mer, offre
un contraste d'autant plus frappant, que la bordüre de cet
affreux tableau est garnie dans sa longueur d'une ligne de
grands. oliviers. qui. ont échappé au. désastre et dont les ra-
cines , mises en partie à découvert, pendent en festons sur le
bord de cet épouvantable précipice.
D'HISTOIRE NATURELLE. 193
Cette avalanche de terre occasiona une si grande perte
aux propriétaires de la vallée de Saint-Laurent, entiérement
couverte des plus beaux oliviers, qu'elle fut évaluée à mille
rubs annuels d'huile, le rub étant de vingt-cinq livres.
L'éboulement commenca à se manifester à quatre-vingts
pieds au-dessus des plantations , dans la partie stérile et inculte
de la montagne , coupée presque à pic. Toute cette masse se
mit en mouvement, savanca d'abord assez lentement, mais
partit bientót avec accélération, et aprés s'étre arrétée pen-
dant quelques secondes à la téte des plantations dont elle avoit
ébranlé le sol, lui communiqua son impulsion et son mou-
vement. Une source de la grosseur d'un homme parut tout-
à-coup* dans la partie du terrain emporté, et l'eau qui
en découla avec abondance, facilita: l'éboulement en ren-
dant les terres plus glissantes. Les champs plantés d'oliviers
descendirent par grandes masses au milieu des terres mobiles ;
mais forcées par des rochers solides de décrire une sinuosité ,
le mouvement s'accéléra par la pesanteur et le choc, ettout
descendit avec fracas et confusion jusqu'à la mer, où il se forma
une presqu'ile qui s'étendit à une assez grande distance.
Cela devoit être ainsi, malgré la grande profondeur dela mer
vers cette partie de la côte, si l'on considère que l'épaisseur
moyenne de la masse emportée, qu’il est facile d'apprécier par
l'excavation, a au moins cent pieds de hauteur moyenne, trois
cents toises de largeur,en l'évaluantau plus bas, et mille cinq cents
toises delongueur; lasourcetarit quarante-huith pres.
L'ecclésiastique qui nous donnoit ces instructions sur les
lieux mêmes, nous dit que la langue de terre qui s'étoit for-
mée en avant de la mer s'affaissa peu à peu, pris de l'assiette et
11. 26
194 ANNALES DU MUSEUM
de la consistance, et s'enfonca en grande partie de quelques
pieds au-dessous de l'eau, mais que jamais on ne vit surnager
un seul arbre; de manière que cette quantité de grands et su-
perbes oliviers qui ont été engloutis, resteront pour toujours
ensevelis sous les masses et les dépóts qui les recouvrent.
C'est ainsi que dans quelques circonstances particulières il
s'est formé de- semblables dépóts accidentels de bois ense-
velis dans la terre, mais m ne doivent étre considérés : en
l rte que des épisodes partiels dans l’histoire des
vésalulodb: ab gibis différant essentiellement de ces im-
menses dépôts de matières ligneuses disposées en couches , qui
tiennent à des causeset à des événemens d'un plus grand ordre
qui ont. donné naissánce aux mines de charbons fossiles.
Comme il n'a rien été écrit sur cet événement, j'ai cru
qu'il pouvoit étre utile de constater le fait d'aprés ce que j'ai vu,
et ce que m'a dit sur les lieux le bon ecclésiastique d Aiza,
qui paroissoit désirer vivement qu'on en fit mention. Je m'ac-
quitte par là de la manière obligeante avec laquelle il. nous
accueillit et des instructions qu'il nous donna.
Dela vallée de Saint-Laurent, nous nous rendimes à
la Turbie dans une heure et demie, par une route exiré-
mement mauvaise, et presque toujours sur des rochers à nu.
La Turbie est la partie la plus élevée de cette chaine de
montagnes, et c'est sur un plateau, où l'on voit un petit vil-
lage.du méme nom, que le sénat, au nom du peuple romain,
érigea autrefois à Auguste un des plus grands et des plus su-
perbes monumens pour la conquéte de la Gaule. Il fut con-
sacré sous le nom de Trophea Augusti. Pline le naturaliste
nous a conservé en entier la belle inscription qui fait con-
D'HISTOIRE NATURELLE. 195
noitre les noms des provinces gauloises conquises par les
cohortes romaines (1), aprés une longue et grande résistance.
Mais lorsqu'à son tour l'empire romain fut anéanti, des mains
barbares détruisirent ce chef-d'œuvre d'art et de grandeur ; et
comme ce lieu servoit de limite àla Gaule on abattit une partie
du monument pour construire au-dessus de mauvaises tours go-
thiques et une enceinte bátie en partie avec les beaux marbres
sur lesquels on peut lire encore quelques fragmens dela méme
inscription rapportée par Pline, écrite en grandes lettres du
plus beau style. | |
On découvre du haut de la Turbie, lorsque le ciel est serein,
d'une part, la mer de Nice, les Alpes du Piémont, celle dela Haute-
Provence ; del'autre, Monaco, Roquebrune, Menton, Vinti-
mille, la iner dela Ligurie, et les iles de Corse et de Sardaigne.
Monaco est une jolie petite ville construite sur une falaise,
au bord de la mer , abritée du vent du nord par la montagne
de la Turbie. Elle a un petit port connu des Komains sous
le nom de Herculis Monæci portus, dont Strabon (2),
Pline (3) et Ptolémée ont fait mention. Le premier nous ap-
prend que ce port étoit accompagné d'un temple dédié à
Hercule: Le petit rocher calcaire sur lequel la ville est bâtie,
est entièrement-couvert, dans la partie escarpée qui fait face
à la mer, de cactus opontia qui y croissent naturellement;
il seroit à désirer que quelqu'un cherchát à les remplacer par
le cactus cochenilifére , qui est d'une toute autre espèce, et
sur lequel on pourroit placer la cochenille silvestre. On auroit
(1) Plinii secundi historie naturalis, lib. 111, p. 206, dc l'édit. de Poinsinet de
Sivry.
* (2) Strabo, lib. rv, pag. 202.
(3) Plin. lib. 111, cap. 6.
- 26 *
196 ANNALES DU MUSEUM
de grandes facilités pour se procurer la plante et l'insecte au
Jardin des Plantes de Paris, où l'on s'est empressé de tout
temps de propager les objets utiles.
Il ne faut point oublier qu'aussitót qu'on quitte le plateau
le plus élevé de la montagne de la Turbie, sur lequel sont les
restes du monument érigé à Auguste, et qu'on arrive à l'entrée
de la route escarpée qui domine sur la mer et sur Monaco,
on aperçoit vers le côté gauche de cette route sinueuse , tracée
sur.la roche calcaire nue, un banc de breche verdátre, com-
posée de divers fragmens de pierre calcaire, de sable quart-
zeux, et d'une multitude de grains verdâtres d'hématite, de
la forme et de la grosseur de grains de mil, très-rapprochés
les uns des autres, et dont l'oxidation donne à la pierre une
teinte d'un vert semblable à celui de la terre de Véronne,
mais d'un ton plus pâle et moins égal. Cette brèche diffère
de celle des environs de Nice, non-seulement par la couleur,
mais encore en ce qu'on n'y trouve point d'ossemens, et que
je n'y ai vu d'autres coquilles que quelques cornes d'ammon
entierement pétrifiées et étrangères à la montagne calcaire,
au-dessus de laquelle cette brèche est. superposée.
Le calcaire compacte qui constitue la montagne de la
Turbie est en évidence dans toutes ses masses vers la partie
qui fait face à la mer, et qui défend la ville de Monaco, ainsi
que son petit territoire, de impétuosité des vents du nord. Ce
calcaire est dur, de spun grise passant quelquefois au gris-
blanchâtre; et comme il est à nu sur le revers de cette haute
montagne qui en est entierement formée, on peut en observer
facilement la disposition, Les bancs sur la partie supérieure
sont quelquefois si épais, si intimément attachés les uns aux
autres, qu'il faut avoir l'eil trés-exercé pour distinguer les
D'HISTOIRE NATURELLE. ES.
joints qui ont été interrompus ou cachés quelquefois par des
causes accidentelles; cependant il est hors de doute que cette
accumulation immense de calcaire compacte n'ait été déposée
par stratifications successives à l'époque de sa formation dans
le sein dela mer: de grandes perturbations qui paroissent
tenir à des causes violentes, ont ici, comme ailleurs, dérangé
l'assiette première des bancs; mais ils n'ont point entièrement
effacé le type de leur formation.
Pour s'en assurer ici, il faut se transporter au pied de la
carrière que les Romains avoient ouverte à mi-cóte de la
montagne pour en extraire les matériaux destinés à la cóns-
truction du vaste monument que le sénat fit ériger au nom du
peuple à son empereur, sur la partie la plus élevée de cette
montagne.
Cette antique carrière est trés-remarquable par sa conser-
vation , apres un laps de temps aussi considérable, ce qui peut
tenir au climat, à la bonne qualité de la pierre, à la position
de la carrière éloignée des villes, à son étendue et aux grands
travaux qu'on y avoit pratiqués. Des blocs à peine ébauchés ,
des chapitaux esquissés, des troncons de colonnes du plus
grand calibre, des colonnes entières et d'un seul jet, presque
entierement terminées, gisent encore depuis plus de dix-huit
cents ans au pied des excavations.d'oü ces masses colossales
ont été tirées; il falloit nécessairement qu'on eüt formé à cette
époque une route pour transporter ces pierres sur le haut de
la montagne; mais il n'en existe plus aucune trace.
‘La montagne de la Turbie, depuis la partie la plus élevée
jusqu'au niveau de la mer, quoiqu'elle. paroisse tres-élevée,
n'a que deux cent cinquante toises d'apres mes observations
barométriques.
199 ANNALES DU MUSÉUM
Roquebrune est un village: construit en 'amphithéátre à
quatre-vingts toises environ de hauteur; sur une montagne qui
forme un des anneaux de la chaine qui s'attache par le pro-
longement de sa base à la montagne de la Turbie. Ce village
est situé entre Monaco et la petite ville de Menton, maisà trois
quarts de lieue de distance de l'une et de l’autre de ces deux
communes, en se détournant un peu sur la gauche.
On arrive à Roquebrune par un chemin étroit, rapide et
tortueux; des murs construits en pierre sèche forment divers
shithéäèrés destinés à soutenir de petits terrains pierreux
sur*lesquels croissent les plus superbes oliviers, et des carou-
biers d'une si belle venue et tellement gros, que j'en ai me-
suré quelques-uns qui avoient trois pieds de diamètre, et
des rameaux proportionnés à leur grosseur ; particulièrement
plusieurs de ceux qui appartiennent à M. Moutoni de Roque-
brune, qui m'assura que lorsque le temps étoit favorable à
l'époque de la floraison, il avoit des caroubiers qui produi-
soient annuellément huit et même neuf cents livres pesant de
siliques , dont la substance pulpeuse , succulente et sucrée , est
une nourriture aussi excellente que profitable pour les mulets
et pour les ánes dont on $e sert pour tous les transports dans
le pays, et qui n'ont pas d'autre nourriture pendant une grande
partie de l'année; cette production d'un arbre qui est indigène
au pays, forme méme un objet de commerce. Les habitans
des montagnes du Piémont viennent acheter des caroubes à
Roquebrune et à Menton , pour les donner à leurs mulets,
en remplacement de l'avoine, et ils les préfèrent à ce grain.
On en transporte aussià Marseille. Les caroubes se vendent
ordimairement de 4 liv. 10 sous à 5 fr. le cent pesant. -
Les oliviers prosperent d'une maniére aussi étonnante, au
D'HISTOIRE NATURELLE. 109
milieu de -ce sol pierreux; et comine l'hiver ne les fait jamais
périr, il y en a d'extrément gros et de trés-anciens , car cet
arbre vit trés-long-temps. L'on cultive de préférence en fait d'o-
liviers l'espéce ou plutôt la variété connue dans le pays sous le
nom de pignore , parce qu'elle produit plus abondamment et
plus constamment du fruit, et que l'huile qui en provient est
en général trés-douce; elle seroit méme aussi parfaite que celle
d'Aix de première qualité, si'elle étoit faite avec autant de soin.
` (Un peu avant d'arriver à Roquebrune, on trouve de
grandes couches de cailloux roulés, adossées contre le calcaire
compacte qui leur sert de base. Ces pierres de transports,
arrondies par lefrottement , et qui sont les témoins irrécusables
d'une révolution désastreuse postérieure à la formation de la
montagne sur laquelle elles reposent en grandes stratifications,
sont étrangères à ces mêmes montagnes. Elles sont composées
de pierres quartzeuses: communes, blanches et rougeátres; de
quelques jaspes, de pierres calcaires de la nature du marbre,
de schistes argileux noirs, de fragmens de stéatite mélés à du
sable quartzeux et s'élèvent au-dessus du ‘village.
Lorsqu’ onest arrivé à Roquebrune, o on ala mer en face et l'on
voit à ses pieds la plaine étroite , mais longue, qui regne depuis
Monaco jusqu'à Nice. Celle-ci est entierement couverte d'oli-
viers , de caroubiers, decitroniers , de grenadiers, de figuiers ,
de mirthes, et des plus belles plantes des climats chauds : rien
n'égale au printemps ou. en automne la richesse, la beauté, la
variété et le charme de celieu , qui formela plus frappante et la
plus heureuse opposition avec les hautes montagnes escarpées,
arides et désertes, dont les sommets déchirés se perdent dans
les nues, et dont les bases servent de borne et de rampart à
200 ANNALES DU MUSEUM
ce magnifique jardin, que l'aspect et le voisinage de la mer
rendent plus pittoresque et plus brillant encore.
Je ne conduisle voyageur géologue à Roquebrune que pour
lengager à monter encore à une hauteur de cent quarante
toises environ, au-dessus de ce lieu, par un sentier étroit et
escarpé, qui sert de route aux pasteurs pour conduire leurs
chèvres sur le plus haut de la montagne, dans le temps des
chaleurs de l'été. C'est par là qu'on se rend à Monte-d Auro,
nom donné à cette montagne, parce que le calcaire compacte
dont elle est formée,.renferme quelques pyrites jaunes et
brillantes qui ont une fausse apparence d'or ; mais ce sulfate
de fer ne contient pas un atome de ce métal précieux. Ce
n'est pas là ce qui doit y attirer l'attention du minéralogiste
et du géologue , mais plusieurs filons de charbon fossile, de vé-
ritable houille compacte, gisant au milieu des bancs calcaires,
entre des couches argilleuses, qui forment le sommet es-
carpé de cette montagne; il y a de ces filons qui pénètrent
fort avant dans la montagne, jusque sur le plateau le plus
élevé, où l'on en voit plusieurs affleuremens.
J'avois autrefois visité cette mine à l'époque où M. le prince
de Monaco avoit le projet de la faire exploiter. Le gouvernement
français m'avoit chargé de l'examiner : je la fis attagger ; et l'on
en retira, dans moins de huit jours, au moins quatre mille
livres pesant de charbon dont on fit divers essais qui réus-
. Sirent parfaitement. On peut le tirer en gros morceaux de
vingt à quarante livres. Il brüle bien, et peut étre employé
à faire bouillir des chaudiéres, à calciner la pierre à chaux,
et à d'autres usages économiques; mais il est de espèce non
colante, comme sont tous les charbons des pays calcaires,
ce qui l'empéche de servir à l'usage des serruriers et des ma-
D'HISTOIRE NATURELLE. 201
réchaux. Mais malgré cet inconvénient et celui de son odeur,
qui n'est point agréable, le charbon provenu de cette mine
deviendroit une véritable richesse pour le pays dépourvu de
bois à brüler, et tourneroit à l'avantage des villes et des villages
qui bordent cette côte de la mer Ligurienne sifertileen oliviers ,
où, faute de combustible, on ne sauroit établir des y eap
de savon pour: da consommation des huiles.
On peut descendre de Roquebrune au cap Martin en se
rendant d'abord sur la route publique de Menton, qu'il faut
traverser pour se diriger vers la mer du. côté. äi Carnolet ,
ancien château du prince de Monaco. Le cap. Martin, qui
forme un avancement dans la mer, appartenoit au méme
prince qui soccupoit peu de l'embellissement de ce beau lieu
où il venoit rarement. On peut. faire le -trajet de 2 ve
brune au cap Martin dans une-henre environ. |
Ce lieu mérite d'autant plus d'être visité par les his:
qu'on peut y observer facilement un fait géologique qui wan-
roit certainement pas échappé à Saussure, si, au lieu de
suivre la route de Menton à Monaco ,le temps lui eût permis
de se détourner pour visiter le cap Martin; et moi-même je
n'aurois pas fait le premier l'observation intéressante, dont je
parlerai bientôt, si, pendant un séjour de deux semaines que
je is à Roquebrune, en 1784, je ne m'étois pas occupé à
parcourir les environs de Monaco, de Menton , jusqu'au bord
de la mer, ainsi que tout le cap Martin.
C'est vers la partie méridionale de ce cap, qui limite la
mer, qu'on doit se rendre pour observer l'organisation et la
structure de cette pointe; celle-ci oppose dans cette partie une
si grande résistance aux flots qui la frappent continuellement
11. ' 27
202 ANNALES DU MUSEUM
depuis tant de siècles, qu'il faut nécessairement que cette base
soit inébranlable.
On se douteroit d'autant moins que ce cap, qui forme un
avancement, dans la mer, et dont les contours sont d'environ
rois quarts de lieue ; portátsur une base aussi solide, que son sol
fertile est- couvert de bois de myrtes, de pins maritimes et
autres arbres et arbustes de la plus belle venue; ce qui sup-
pose une terre profonde, une terre d'alluvion peu susceptible
de résistance: mais lorsqu'on est parvenu vers la partie mé-
ridionale du: cap} au bord de l'escarpement contre lequel là
mer: brise'au moindre vent, Ton reconnoit que le cap entier
est assis sur des bancs inébranlables d'un véritable marbre
blanc, qui doivent dad ap; et se Pope forc avant sous
toute cette langue de terre:
C’est ce marbre blanc, ce sont ses diverses assises qu'on voit
à nu dans cette partie escarpée , qui permettent au géologue de
distinguer et de reconnoitre l'organisation particulière et lori-
‘gine curieuse de ce genre de pierre calcaire, dont le système
de. formation diffère ici des stratifications calcaires ordinaires
dues aux sédimens tenus en dissolution, ou — dans
les eaux de la mer à une époque ancienne.
En effet, en observant pour la p fois la digni
des couches de niarbre du cap Martin , j'en apercevois quel-
ques-unes dont le marbre salin me paroissoit si beau, que je
crus qu'on pourroit en tirer parti.pour les arts; ce fut dans
€ette intention que j'en fis casser , et que j'en cassai moi-même
d'assez gros morceaux pour les faire polir, lorsque je re-
connus. bape: pire de ces couches offroient des restes d'or-
g de madrépores que je n'avois point i ene au pre-
D'HISTOIRE NATURELLE. 203
mier abord, parce que ce marbre étant à grains salins brillans,
son éclat, la demi-transparence et l'uniformité de sa couleur
effaçoient en partie les rayons cellulaires des astroites et des
autres masses madréporiques. qui avoient donné naissance
à cette pierre. Il est bien important, de considérer que .ce
ne sont point.ici des niadrépores qui ont été saisis par. des
sédimens calcaires, à la manière de certaines coquilles, à
l'époque de la formation des bancs, mais des madrépores que
les polypes ont construits: danses «mêmes places où on les
voit. à présent, à une époque. où tout le continent étoit sous
les eaux de la mer, et sous une latitude. assez ‘chaude, pour
permettre à ces polypes d'y vivre et de s'y propager avec la
méme activité. et la, méme puissance.productive, que ceux qui
font à présent notre. étonnement et notre. admiration,dans les
mets de la zone Torride; car aucuns.des.madrépores pétrifiés
du cap Martin n'appartiennent à la met: Méditerranée, |...
Ceux. qui , comme Forster, Labillardiere et Péron; ont
fait dans leurs voyages de long cours des observations suivies
sur l'étonnante fécondité et.sur les travaux plus étonnans en-
core de-ces animalcules qui encombrent le: fond de certaines
mers de leurs productions pierreuses, sayent qu'ils y mettent
non-seulement une. grande régularité, mais qu'ils y procèdent
en quelque sorte sur.;un plan ,uniforme, et. sur des espaces
d'une grande étendue. ao edlduab dérodissrior. CS
M. Péron nous a fait copnoitre surtout. un, fait aussi re-
marquable. qu'instructif , quil a été à portée de suivre : et
d'étudier: pendant son séjour à lile de Timor. Je voudrois
pouvoir rapporter ce. qu'il. a écrit à ce sujet, si les bornes
de ce Mémoire le permettoient; je me contenterai. donc. d'en
citer ici quelques passages. « La, grandeile de Timor présente
3
5:401) ^ «
204 SANNALES DU MUSEUM
» un champ vaste et imposant aux observations sur les 2002
5 phites. C'est là que tout atteste et leur pouvoir et les révo-
ÿ lations opérées dans la nature, sur le sommet des mon-
» tagnes les las élevées des environs de Coupang; on les
» rétrouve, on les récontioit aisément dans les cavernes les
» plus profondes, dans les crevasses les plus larges: ils offrent
» encore un tissu et des caracteres qu'on ne sauroit mécon-
» noitre.;. Or óbserve la même composition à Oba , Lassiana ,
š Menicki, Noëbaki, Oébello, Olinama...... Ce large platea
# jui: dormie toute éette ‘portion ‘de Bonn: est; entiérenient
» composé lüi-même de matières madréporiques. »
L'identité de ces madrépores et des coquilles qu'on y trouve
renfermées à plus de quinze et de dix-huit cents pieds au-dessus
du niveau dë lat mér qui baigne le pied de Timor, , est la
mêri que’ celle des espèces qu'on trouve à ineat dans
cette nier; aussi M. Péron ajoute :
e Ce n'est Pas seulement dans cet état de mort ou dore
» que les zoophites à Timor doivent exciter l'admiration et
» l'intéréts vivans, ils y encombrent le fond dé la mer ; ils
» élevent dini da baie de Babao les récifs et: les iles : auia
5 aux tórtues (Kéapoutoù); celle aux oiseaux (Bonrou poulou);
» celle aux singes ( Côdé pouloü), sont. exclusivement leur
i oüsràge. "De longues trainees de récifs parties-de Ia pointe
» de Simaó rétrécissent de plus en plas l'ouverture de la
» Baié sür cé pointi ees récifs rendéit inabórdables les côtés de
+ Futoumd dë Soulumd ils pressent lés attérissemens sur
# tous lés points. Déjà, dà côté d' Osapa , lon peut; à her
# basse, $ 'aVandér à plus de'trois quarts de lieue sur le ri-
» vage: eh dé abandonné par les flots. C'est là qu'avec un
». ‘étoniémenit télé d'admiration, l'ón peut jouir à son aise da
D'HISTOIRE NATURELLE. 205
» spectacle merveilleux de ces milliers d'animalcules eones
» sans cesse de la formation des rochers sur lesquels on s'avante.
» Tous les genres à la fois sont réunis aux pieds de l'obser-
» vateur : ils se pressent autour de lui; leurs formes bizarres
» et singulières , les modifications diverses de leurs couleurs,
» celles de leur organisation, de leur structure appellent tour-
» à-tour ses regards et ses méditations; et lorsqu'armé d'une
» forte loupe, il vient à contempler ces êtres si foibles, z/ 2 peine
» à concevoir comment, par des moyens aussi petits en
» apparence , la nature a pu élever du fond des mers ces
vastes plateaux de montagnes qui se prolongent sur la
surface de lile, et qui paroissent former sa substance
» presque entière (1). »
En étudiant le cap Martin sur ses divers points et dans les
contours des escarpemens mis à nu par la mer à différentes
“hauteurs, on ne peut se dispenser d'admettre qu'il n'ait eu
une origine analogue à celle des montagnes madréporiques
de Timor; ón peut y suivre toutes les nuances de transitions
-que les madrépóres, dont le cap est formé, ont éprouvé par
l'action de l'air, de la chaleur, du froid , par l'action dissol-
vante des eaux atmosphériques, ou par la réunion de ces
diverses causes agissant lentement , mais constamment, pen-
dant des suites nombreuses de siècles : de manière qu'on voit
encore de ces madréporcs dans un état complet de pétrifi-
"cation, dont on peut trés-bien distinguer les genres et lés
-espèces , tandis que d’autres ne conservent plus que de foibles
*
€
(1) Mémoire lu, le 5o vendémiaire an x11, à la classe des sciences physiques et
mathématiques de l'Institut, par M. Péron, naturaliste de l'expédition des dernières
décovvertes faites aux Terres Aust
206 ANNALES DU MUSÉUM
ébanches de leur organisation, et qu'on voit celle-ci s'effacer
graduellement et par place; en sorte qu'on arrive insensi-
blement au point où l'on ne voit plus que des masses homo-
genes de la nature du marbre. J'ai dans ma collection. de
belles suites de ces transitions qui démontrent jusqu'àl'évidence
ce passage, ou plutôt cette modification dans la disposition
des molécules calcaires tenues en dissolution par le fluide
aqueux, et réunies à la longue, par le rapprochement et par
une adhésion plus intime, sous la forme de marbre spathique
salin.
Ce fait, digue de fixer l'attention des minéralogistes géo-
logues , et dontl'i importance fera.excuser la longueur de cetar-
ticle, pourra, lorsqu'on l'aura observé et bien étudié en place ,
et surtout lorsqu'il sera appuyé d'un grand nombre d'exemples,
jeter un nouveau jour sur. quelques-uns de ces vastes dépôts
de marbres salins, tels que ceux de Cararre et de diverses
parties de la Grèce et des iles adjacentes, où l'arrangement et
la disposition des masses présentent des différences sensibles
avec les stratifications diverses et successives des bancs calc
caires ordinaires. |
Ce calcaire d'origine madréporique cesseroit se d'induire
en erreur des minéralogues sédentaires qui , n'ayant point été à
portée d'observer la nature en place, ont plus d'une fois qualifié du
nom de calcaire primitif quelques-uns de ces marbres salins qui
portent encore , dans certaines parties, les caractères les moins
équivoques de leur origine moderne, surtout si on les com-
pare aux marbres cypolins et autres de ce genre, qui gisent
dans les montagnes granitiques, et qui datent d'une époque
mille fois plus ancienne, mais dont la formation, malgré
cela, n'en est pas plus primitive que celle des marbres dont
D'HISTOIRE NATURELLE. 207
je viens de faire mention, puisque nous ne les voyons que dans
un état de cristallisation au milieu des roches composées,
qui ne sont elles-mêmes que le résultat d’une cause dissol-
vante et cristallisante qui a dù effacer toutes les formes pri-
mordiales de ces mêmes corps (1). -
On arrive du cap Martin à Menton par une route déli-
cieuse, au milieu des oliviers et surtout des plus belles plan-
tations de citroniers, qui forment le principal produit de l'in-
dustrie territoriale des habitans. Ils préfèrent cette culture à
celle des orangers et des cédrats, dont ils n'ont qu'une petite
quantité. On fait usage de puits à roues, trés-multipliés, pour
obtenir leau nécessaire pour les arrosages qui sont dirigés
avec beaucoup d'art. Comme l'eau est indispensable pour cette
culture, elle est recherchée avec une attention dont on ne
sauroit se former une idée qu'en voyant les travaux et les
fouilles considérables qu'on est obligé de faire pour s'en pro-
curer, etl'attention avec laquelle on s'attache à recueillir dans
des citernes celle qui tonibe de l'atmosphére, ou qu'on retient
par des digues au pied des montagnes Me QM qui bordent
cette plaine étroite.
On distingue plusieurs variétés de citrons; mais la silere;
la plus recherchée, et à laquelle on donne la préférence, est
celle qui porte sur les lieux le nom de beignzet : sa couleur
est d'un jaune brillant, son enveloppe est ine; son suc est
abondant, et le fruit se conserve long-temps.
La première récolte des citrons commence ordinairement
(1) Je renvoie, pour ce que j'ai dit à ce sujet, à la page 8 et suivantes d. tome
II des Essais de géologie, où j'ai développé les raisons -qui mont déterminé à ne
pas considérer ce calcaire comme primitif, quoiqu'il se trouve au milieu des granits,
que je ne regarde pas comme primitifs eux-mêmes.
208 ANNALES DU MUSEUM
vers le 21 du mois de novembre, et dure jusqu'au 21 du mois
de mars; car tous ne mürissent pas en méme temps. Cette
premiere cueillette porte le nom de prima fiore, citrons de
première fleur : ce sont les plus parfaits et qui supportent le
mieux le riso RE i
Ceux qu'on récolte depuis le 21 du mois de mars jusqu'au
21 du mois de-juin s'appellent secunda fiore, fruits de se-
conde fleur; ils sont considérés comme bons, mais un peu in-
férieurs pour la qualité aux premiers. j
Enfin il s'en recueille encore depuis le 21 du mois de juin
jusqu'au 21 du mois de septembre, qui portent le nom de
verdame
Un magistrat choisi à Monaco, un second à Roquebrune;
et un troisième à Menton, se réunissent au commencement
de chaque récolte pour fixer le prix général des citrons, en
raison de leur plus ou moins grande abondance et de leur
qualité. On ne les vend que par milliers, et pour qu'un citron
soit marchand, il faut qu'il ait deux pouces de diamétre dans
son milieu; pour s'en assurer, les particuliers ont tous un
anneau de fer fixé à un manche du méme métal. Cette jauge
ne fait foi qu'autant qu'elle a été vériliée et approuvée par
les maguet. Tous les citrons de moindre grosseur sont des-
tinés à être capes; le suc est renfermé dans des tonneaux
qu’on envoie à Lyon pour être employé à revivifier la belle
couleur rose tirée du safranum. Les écorces de ces citrons,
dont on exprime le suc, servent à que de l'huile essen-
uelle, qui se vend à Paris, à Nice et à Grace pour la par-
fumerie.
L'auberge où nous tipos dans ce dernier voyage fait
avec M. Marzzari, porte le nom dela Galére ; ce nom lui con-
D'HISTOIRE NATURELLE. 209
vient sous tous les rapports: mauvaise nourriture, malpro-
preté , cherté, logement horrible, tout est à l'avenant dans ce
mauvais gite où les muléts ne sont pas mieux. que les maîtres.
En quittant Menton pour se rendre à Vintimille, qui est à
une distance de deux lieues qu'on ne sauroit parcourir en
moins de quatre heures, on se trouve tout-à-coup arrêté par
des montagnes élevées qui se prolongent jusqu'au bord de
la mer, barrent le passage, et ne laissent apercevoir aucune
issue pour en sortir. Il ne reste d'autre ressource pour com-
muniquer par la ligne la moins détournée que d'escalader, par
un sentier étroit et rapide qui porte dans le pays le nom
de chemin,la montagne élevée qui domine au-dessus de
la mer. |
Lorsqu'on est arrivé vers les deux tiers de la hauteur de
cette montagne , ou plutót de cette chaine élevée, on marche
sur les saillies qui sont au-dessus de la mer, et on les suit
tantôt en lignes droites, tantôt par des .sinuosités; mais tou-
jours au bord d'un abime d'autant. plus redoutable, que la
route est très-étroite , que la mer brise et mugit au bas de ces
horribles profondeurs, vers la droite, et que la partie gauche
du sentier est non moins dangereuse par les plans inclinés
et rapides qui la resserrent et supportent des masses énormes
de pierres descendues du haut. Ces masses mobiles portent
sur des bases si glissantes et si peu assurées, qu'il est dange-
reux d'y étre surpris par des orages. Telle est l'image exacte
d'une route qui, depuis Menton jusqu'à peu de distance de
Génes, se présente presque continuellement sous le méme
aspect, à quelques modifications près.
Il ne faut donc point étre surpris qu'elle ait porté de tous
les temps le nom de chemin de la Corniche.
11. : 28
210 ANNALES DU MUSEUM
Toutes les montagnes présentent ici, pendant trois quarts
de liene, le même caractère de déplacement, de destruction
et de désordre, qui s'observe dans Fles de Nice, de Ville-
france et de Roquebrune. Les bancs calcaires sont dans un
état de disruption; de vastes trainées de bréches et de pou-
dingues, dort la plupart des pierres sont étrangères à celles
de ces montagnes, gisent tantót sur les sommets, tantót sont
adossées contre les bases; des marnes schisteuses, des bancs
dé grès quartzeux leur succèdent pour faire place ensuite à de
nouveaux amas de pierres roulées.
On quitte cesol bouleversé, et l'on arrive en descendant au
pied d'un vaste rocher de pierre calcaire, coupé à pic, où le
chemin n'est plus élevé que de deux cents pieds énviron au-
dessus de la mer , et va en s'abaissant à mesurequ'on avance. Ce
rocher calcaire, qui esttrès-élevé et dressé comme un mur , est
d'un gris-blanchátre , à cassure un peu écailleuse, dure ,trans-
lucidesur les bords ,et susceptible de recevoir le poli. Sa surface
extérieure est rougie dans quelques places par de loxide de
fé, qui paroit provenir de la décomposition des pyrites que
cette pierre renferme plus ou moins abondamment dans quel-
ques parties. ` :
Il est bon de s'arréter en face de ce rocher pour vérifier
un fait annoncé par Saussure , qui serviroit à constater l'abais-
sement des eaux de cetté mer d'environ deux cents pieds, si
les conséquences qu'il tire de ses observations étoient ap-
payées sur des bases incontestables.
« Je désirois depuis long-temps, dit ce célèbre naturaliste,
» de trouver au bord de la mer quelque rocher de ce genre
» sur lequel l'impression des flots eüt pu se conserver, au
» cas qu'anciennement ils l'eussent battu à une hauteur su-
-
D'HISTOIRE NATURELLE. 214
» périeure à celle du niveau actuel; je. l'observai avec toute
» l'attention dont je suis capable (1 y, n
En suivant le pied de ce rocher, M. de Saussure vit (cete
cavernes ouvertes , les unes à la hauteur de soixante-dix pieds,
d'autres moins élevées, et d'autres enfin qui étoient à plus de
deux cents pieds de hauteur au-dessus du niveau de la mer.
Il en mesura une qui a ving-cinq pieds de bauteur , sur vingt-
deux de largeur , dont la profondeur est d'environ cent pieds,
et dont les parois intérieures sont partout arrondies; une
seconde, dont le diametre, mesuré dans la partie qui lui
correspond au bas, est d'environ cent pieds, et dont le haut,
dit M. de Saussure, a [a forme d'une voúte où l'on croit
voir encore les traces des ondes qui paroissent lavoir
formée.
...« Plus loin encore, on rencontre une troisième cayerne plus
» large, mais non moins profonde que les deux premieres,
» et. parsemée comme elles d'excavations arrondies. Ensuite
» une quatrième fort évasée et peu profonde; puis une cin-
» quième d'environ cinquante pieds de profondeur , sur trente-
» cinq à amarante: d'ouverture. je; me lassai de les com-
» pter; mais j'en vis d'autres tes semblables aux pre-
» miéres, et méme jusqu'au haut da rocher, à une élévation
» de plus de deux cents pieds.
» Comme toutes ces excavations ont par le haut la forme
» de voûtes solides, qu'elles sont dépourvues de toute ouver-
» ture intérieure, et creusées sur la face verticale, et même
» surplombante d'un roc sain aussi dur que le marbre, elles
» ne sauroient être l'ouvrage des eaux pluviales. J'examinai
(1) Voyage dans les Alpes, par Horace Bénédict de Saussure , t. III , p. 185 etsuiv.
28 *
212 ANNALES DU MUSEUM
» avec le plus grand soin la surface intérieure de toutes celles
» qui étoient accessibles; pour voir si je ne trouverois point
» quelqu'indice qui prouvát que la substance du rocher se füt
» trouvée plus molle, plus destructible par place, et eüt ainsi
» donné lieu à la formation spontanée de ces cavités; je la
» sondai en divers endroits avec le marteau, mais je trouvai
» partout le rocher également dur et homogène. Je brisai
» méme plusieurs pieces de ce méme rocher, sans pouvoir y
» découvrir aucun mélange d'une matière plus tendre.» .
M. de Saussure nous a dit qu'il se lassa de compter ces
cavernes; comme j'étois moins pressé que lui par. le temps , et
surtout que je n'étois pas inquiété par la pluie, comme il le fut
dans cette dure traversée, j'eus la patience de les compter , et je
trouvai que dans l'espace de quinze cents toises environ qu'oc-
cupe la roche calcaire, compacte et escarpée qui borde la
route, il en existe dix-sept à des hauteurs différentes et à des
distances inégales.
Tout ce que le célèbre naturaliste de Genève a dit de la
grandeur, de la forme extérieure et intérieure des cavérnes
dont il a fait mention, est certainement : trés-exact; mais les.
conséquences qu'il en tire de abaissement des eaux ; depuis.
les: places qu'elles occupent jusqu'au niveau actuel de la mer ;
ne me paroissent pas, j'ose le dire, apparis sur ka résultats
assez démonstratifs.
Ce n’est pas que piaia me- poet ces la-dimi-
nution insensible des eaux de la mer, quoiqu'elle soit à peine -
sensible dans le laps de plusieurs siècles, la multitude innom-
brabie d'étres animés de tous genres et de toutes especes qui
vivent dans son sein, jouissent trop évidemment, ainsi que
les plantes, de la faculté de décomposer ses principes cons-
D'HISTOIRE NATURELLE. 213
titutifs, pour que cette seule cause passée et présente ait pu
suffire à elle seule pour opérer à la longue cette diminution.
D'autres agens physiques y concourent encore: les vapeurs
aqueuses élevées de ces mers, et portées sous forme de nuages
à de grandes distances , reprises ensuite par les végétaux ter-
restres , éprouvent le méme changement; les météores, les
orages et autres résultats de l'électricité peuvent donner lieu
à la séparation de l'oxigene et de l'hydrogène qui forment les
principes élémentaires de l'eau.
Je ne revoque donc point en doute que dans l'état actuel
des choses, le volume des eaux ne diminue et n'ait considé-
rablement diminué relativement à l'antiquité de ce méme état ;
mais après avoir examiné avec soin ces cavernes, leur position,
leur nombre, l'intérieur de celles qui sont accessibles, je ne
crois pas qu'elles puissent étre considérées comme des témoins
irrécusables de la diminution des eaux de la Méditerranée,
et qu'elles aient été creusées par cette mer à l'époque où son
niveau s'élevoit à cette hauteur. En voici les raisons.
e. Pourquoi cesexcavations ne se voient-elles que pär places?
M. de Saussure s'est fait à la vérité cette objection ; mais il ime
semble qu'il n'a. pas répondu d'une manière bien satisfaisante,
en disant que quelques inégalités accidentelles suffisent pour
déterminer le commencement d'une érosion.
2." Mais si cela étoit ainsi, pourquoi les rochers lenitas
qui. bordent la même côte à une certaine distance de là, et
qui ont une pâte et une dureté analogues à ceux-ci, n'ont-
ils aucunes cavernes? pourquoi ceux de Monaco, Aiza , de
Villefranche,.etc., n'ont-ils pas‘ les mêmes excavations ?
3.° Pourquoi la dernière de ces cavernes, lorsqu'on va de
Menton à Vintimille, et formant la première, lorsqu'on vient
214 ANNALES DU MUSÉUM
de Vintimille à Menton, est-elle plutót une vaste et profonde fis-
süre qu'une caverne? car elle décrit une ligne inclinée du
haut en bas,trés-étroite comparativement à sa longueur ; elle
ne devroit pas avoir une forme semblable, si elle étoit le ré-
sultat d'une excavation opérée par Faction uniforme des
vagues.
4.* Les bancs considérables de cailloux rosé qui consti-
tuent les poudingues qu'on trouve depuis Cimies, Nice, la
Turbie , Roquebrune , qu'on perd et qu'on retrouve en-
suite à différentes hauteurs sur la Corniche, jusqu'à Génes et
bien au-delà, ne sont-ils pas des témoignages mulupliés et
caractéristiques d'une grande catastrophe du globe, qui a
donné lieu à l'élévation et aux déplacemens subits du grand
Océan qui a brisé ses barriéres vers le détroit de Gibraltar;
et a donné naissance, par son envahissement dans les terres,
à la mer Méditerranée ?
- 8? D'après cela, n'est-il pas plus naturel de lier le fait relatif
aux cavernes à cette cause désastrueuse, qu'à une opération
lente, graduelle, que de longues accumulations de siècles
laissent à peine apercevoir, et qui nécessiteroit un- éloigne-
ment si reculé, que la dent rongeuse du temps auroit en-
tièrement effacé jusqu'aux. dernières traces de ces cavernes.
La révolution dont il s'agit porte des caractères beaucoup
moins anciens : les bréches osseuses et coquilleres, les longues
trainées de poudingues et de cailloux roulés, la disruption et
le déplacement de la plupart des bancs qui constituent. cette
chaine, attestent suffisamment ce que j'avance ici.
Les Alpes de cette partie de la Ligarie, appuyées contre
les hautes Alpes qui leur servent de soutien , ont résisté à cette
terrible catastrophe; mais tous les premiers plans, je dirois
D'HISTOIRE NATURELLE. 215
presque les avant-postes , et les secondes lignes , ont été cul-
butées et détruites. La grande excavation qui a formé le
vaste golfe de la mer Ligurienne, dont le point central est
vers le port de Génes, caractérise l'empiéternent de la mer
qui a enlevé et détruit tout ce qui manque à cette chaine, et
a séparé peut-étre la Corse et la Sardaigne du continent dont
ces iles paroissent avoir fait partie.
D'aprés cela, les cavernes qui ont donné lieu à l'examen
attentif de Saussure, à ses méditations et aux conséquences
qu’il en a tirées , ne seroient à mes yeux que le résultat des cou-
pures et des grands déchiremens qui eurent lieu dans des
montagnes calcaires qui, semblables à celles que nous con-
noissons, ont dans leur sein des cavernes qui leur sont con-
tenons ; et ce sont les restes de ces excavations qui ont
été mises à découvert ici.
Les montagnes d'eau qui ont és —— peuvent
bien s'étre engouffrées dans ces vides et y avoir produit quel-
ques érosions passagères ; mais les restes de ces cavernes cen-
trales n'ont point été formées contre les escarpemens mémes
où on les voit, par une mer stationnaire dont les vagues les
auroient sillonnées, etje ne saurois les considérer comme
des témoins fidèles qui attestent la diminution et l'abaissement
lent de la mer, depuis la hauteur où elles sont placées ^t
qu'à son niveau actuel.
Ce n'est certainement ni par esprit de critique, ni pour éla=
bliruneopinion contraire à celle de Saussure, que je suis entré
dans cette discussion ; j personne , dans tous ies temps, n'a rendu
plus de justice que moi aux profonde connoissances de ce sa-
vant et infatigable géologne; mais j'ai eu P de temps à ma
disposition pour observer les lieux : je n'ai été ni avare de
Pd
216 ANNALES DU MUSEUM
mes pas, ni je n'ai été rebuté par les peines qu'il a fallu
prendre pour étudier avec soin la structure et l'organisation
de cette longue chaine de montagnes escarpées , puisque j'avois
pris cette route dans cette intention, particulièrement pour
vérifier l'observation de Saussure, qui m'avoit singulierement
frappée à la première lecture de son voyage. Les conclusions
que jai tirées de l'exameu des cavernes dont il s'agit, si je
ne me. suis pas trompé , quoique contraires à celles de cet il-
lustre naturaliste, ne.le sont pas sur tous les points, puisque
jattribue. à un déplacement. dévastateur et subit de la mer le
déchirement de ces montagnes, et que je rentre par là dans
les vues qu'il a si souvent énoncées, d'un déplacement analogue
auquel il a constamment donné le nom de Grande débacle.
. Après avoir quitté les escarpemens calcaires où sont les
dernieres cavernés, la nature des pierres change; la Corniche
est assise sur des grés quartzeux, tendres, mélangés quelque-
fois d'un. peu d'argile et de calcaires, ce qui rend la route
peu solide et sujette à de fréquentes avaries. Cette route, qui
se trouve au bord d’un abime effrayant, est tout-à-coup in-
terceptée par des couches plus solides qui forment un avant-
corps qu'on est obligé de tourner dans un passage si étroit,
qu'on a été dans le cas d'y établir un mauvais échafaudage qui
forme une sorte de petit pont en l'air, qui tremble sous les
pieds des mulets. Rien n’est aussi sauvage qne cette route qui
porte le nom de Baussi-Rossi,
Lorsqu'on a franchi ce mauvais pas, la.roche cades de
couleur et de nature: c'est un calcaire coquillier, mélangé de
madrépores de diverses espèces. Ce calcaire est irés-dur; sa
couleur est d'un gris-foncé , un peu verdâtre. Les corps marins
pétrifiés qu'il renferme, sont de couleur blanche, bien tran-
D'HISTOIRE NATURELLE. 217
chante sur le fond de la pierre, qui pourroit étre employée
comme un marbre /umachelle. Saussure n'a point fait men-
tion de ce calcaire coquillier qui borde le chemin dans cette
partie de la Corniche; mais il ne faut pas en être étonné: la
route où il passa avoit été emportée, et elle cachoit le banc
qu'ón attaquoit-en faisant jouer la mine pour établir une
voie plus solide et qui ne fùt plus sujette aux éboulemens.
Quant aux corps marins renfermés dans cette pierre cal-
caire dure, ils y sont si fortement attachés qu'on ne sauroit
les séparer sans les rompre. D'ailleurs, la pétrification a. effacé
presque tous leurs caractères ; ce qui ne sauroit permettre d'en
déterminer avec certitude les espèces. On y reconnoit en
général quelques cardites, des pectinites, des mitulites , des
tubulites et des madrépores fongites de diverses espèces.
. Ce banc coquillier n'est en évidence ici que dans une étendue
de cinquante pieds de largeur environ, sur une épaisseur de
huit, du moins dans ce qui est apparent. La pierre calcaire
blanchátre ordinaire, si commune sur la Corniche, lui suc-
cède sans transition, et celle-ci est dépourvue de corps ma-
rins. On est irès-peu éloigné alors d'44/essano, hameau
composé de quelques maisons.
On arrive ensuite sur une corniche élevée, d'autant plus
effrayante , qu'on est sur un terrain marneux peu solide, et
au bord d'un escarpement affreux. Ce passage n'est pas sans
danger ; car on me fit voir l'endroit où le mulet qui portoit le
courier d'Espagne se précipita un an auparavant. Le mulet
resta sur le coup: l’on voyoit encore son squelette brisé dans
un creux de rocher, à plus de deux cent cinquante pieds de
profondeur, au bord de la mer. Le malheureux courier, qui
w’étoit pas mort , fut retiré avec des peines extrêmes de cet
Ii 29
218 ANNALES DU MUSÉUM
abime; on le transporta à Menton où il succomba au bout
de trois jours. On me fit voir, à quelques distances de-là, les
restes d'un cheval appartenant au maitre de poste de Nice,
qui avoit péri de la méme manière; mais celui qui le montoit
avoit heureusement pour lui mis pied à terre un quart d'heure
avant d'arriver à Vintimille. La route étroite de la Corniche
est à côté des bancs épais d'un poudingue trés-dur , dont les
pierres roulées sont étrangères à celles des montagnes voisines,
Ce poudingue, disposé en plusieurs bancs horizontaux, ren-
ferme des pierres calcaires dures, d'un gris foncé noirátre,
des quartz et des silex arrondis: j'y vis un morceau de granit
roulé, de la grosseur du poing. C'est ainsi qu'on arrive à
Vintimille, ville ancienne, située sur une élévation, et entourée
de murailles et de vieilles tours : l'on peut voir en descendant
jusqu'à la mer, que les poudingues ont pour base un sable
mélé d'argile, formant des falaises que la mer a vd en
partie.
L'auberge du Cerf à Vintimille est aussi malpropre et aussi
mauvaise que celle dela Ga/ére à Menton; nous la quittámes
au point du jour pour prendre la route de la Bordighera.
On descend de Vintimille jusqu'au bord de lariviere de la
Roya, qui est au bas de la ville, par un chemin au milieu
des rochers escarpés, composés de sable quartzeux peu adhé-
rent, mélangé de calcaire et d'un peu d'argile dont les bancs
alternent avec des bréches et des poudingues. On traverse la
Roya sur un mauvais pont, et l'on entre dans la riche plaine
de JVerei di ponente, plantée des plus nombreux et des plus
superbes oliviers, et arrosée par les eaux de la Roya. Rien
n'est aussi riche , aussi fertile et aussi bien abrité que ce beau
pays. Je n'oublierai point d'y avoir vu, à peu de distance
D'HISTOIRE NATURELLE. 219
de la Bordighera, un champ d’oliviers de la plus grande élé-
vation et de la plus belle venue, sous lesquels étoit une plan-
tation de citroniers chargés de fruits, arrosée par un petit
ruisseau qui répandoit une si douce fraicheur, et donnoit une
si forte vie à la végétation, que ces arbres, loin de se nuire,
sembloient se disputer de force et de vigueur sous le brillant
soleil qui les animoit. Je doute qu'on puisse citer beaucoup
d'exemples en ce genre.
Ce beau site est terminé par une élévation dont la pente
arrive brusquement jusqu’au bord de la mer ; cette éminence
est couverte d'habitations qui s'élèvent au milieu des palmiers.
On est au pied de la petite ville dela Bordighera; mais l'on
se croit presque en Afrique, car ces arbres sont si robustes,
si óléndqun et si nombreux, qu'ils prospérent ici comme dans
matale. C'est l'espèce qui porte les dattes : mais on
| ve pas pour les fruits. Les belles palmes qu'on ob-
tient sont- déstinées pour étre envoyées à Rome et dans
d'autres villes d'Italie pour les cérémonies de la fête des
Rameaux. Les Juifs.s'en approvisionnent aussi pour le méme
but. Cette culture forme un objet de commerce avantageux
pour les habitans de la Bordighera. On ne livre ces palmes
au commerce qu'apres les avoir blanchies ; et voici en quoi
consiste ce procédé. Lorsque les feuilles des palmiers ont
acquis leur plus grand. accroissement, on ne les coupe point
encore , mais on les redresse les unes contre les autres , et l'on
en firme une touffe pyramidale qu'on lie vers la pointeavec des
osiers flexibles afia de les priver de l'action de l'air et de la
lumière; on les laisse en cet état pendant quelque temps, et
lorsque celles qui sont en dedans ont perdu leur couleur , on
39*
220 ANNALES DU MUSÉU M
les coupe, et l'arbre est remis en liberté pour pousser de
nouvelles feuilles.
A ces belles cultures de palmiers, on voit succéder des
plantations. d'oliviers, de caroubiers et de citroniers qui
couvrent la plupart des coteaux jusqu'à Ospitaletti. Après avoir
quitté ce dernier village, il faut traverser par de mauvais
chemins une montagne formée tantôt de bancs calcaires,
tantôt de couches de grès, quelquefois de brèches calcaires,
et l’on arrive d'Ospitaletti à Saint-Remo dans une heure.
On compte de .Saint- Remo à Oneille quinze milles ou
cinq lieues et demie. Les environs de Saint-Remo sont aussi
agréables que productifs. C'est une suite de jardins où l'on voit
encore des palmiers, mais surtout un grand nombre d'orangers
et de citroniers. On y distille beaucoup d'eau de fleur fringe
et de l'essence de citron; mais ce tableau riant disparoit |
tôt : des grèves tristes et arides lui succèdent. On monté?
sur des montagnes calcaires, en partie détruites, pour rentrer
sur une corniche étroite, mal affermie et déserte. Nous la
parcourions tristement à pied, sans y voir le moindre objet
qui püt nous intéresser , lorsqu'arrivé à quelque distance d'un
oratoire qui porte le nom de Madona della Rea, un quart
d'heure apres Saint-Stefano , japercus des bancs épais d'une
pierre marneuse , dure , d'un gris foncé, qui bordent la partie
gauche de la route. En les examinant de près, je reconnus
qu'ils étoient recouverts d'empreintes de diverses espèces de
fucus: j'en détachai plusieurs échantillons à coups de marteau;
et quoique les couches parussent fort solides, la percussion
les faisoit partir en plaques d'un pouce d'épaisseur environ,
tantót plus, tantót moins. Le plus souvent les fucus se trou-
y
D'HISTOIRE NATURELLE. 221
voient dans les joints horizontaux, et étoient très-adhérentes
à la pierre qui est assez dure pour recevoir le poli ; mais elle
ne se dissout qu'en partie dans l'acide nitrique. Ces empreintes
de plantes marines sont aussi dans la masse de la pierre. Parmi
plusieurs de ces fucus dont on ne sauroit déterminer avec
certitude les espèces, il y en a deux qui ont le: plus grand
rapport avec le fucus plumejus, Turner, et le fucus co-
ranoides du même auteur. Etant à Gênes , je fis voir ces fucus
au professeur Viviani, célèbre botaniste, et trés-instruit en
méme temps dans la connoissance des productions marines,
et il fut d'avis que ces fucus fossiles étoient les mémes que
les deux espèces ci-dessus désignées, qu'on trouve dans la mer
Ligurienne. Il voulut bien joindre à ses observations les deux
individus analogues, en écrivant au bas quil les considéroit
absolument comme les mémes. Saussure n'a piis fait mention
de ces fucus.
Avant d'arriver à Oneille, on passe à Port-Mautice qui en
est peu éloigné; l'une et l'autre de ces deux petites villes
servent d'entrepót pour le commerce des huiles d'olive.
Comme les détails d'un itinéraire, où la route presque cons-
tamment mauvaise et ressemblant en général à celle que nous
venons de parcourir , présenteroient peu d'intérét et fatigue-
roient le lecteur, je vais les abréger, en désignant simplement
les lieux avec une courte notice minéralogique.
D'Oneille jusqu'à la vallée d Andora, trois lieues. Montagnes
calcaires , rapides , argileuses, qui s'exfolient en glo-
bules comprimés, calcaires , mélangés de grains quart-
zeux. Belle vallée arrosée par le ruisseau d Andora.
-- Lauriers-roses abondans sur ses rives.
222 ANNALES DU MUSEUM
D'Andora à Cap-delle- Melle, une demi-lieue. Montagne
rapide, calcaire, mélangée d'argile.
De Cap-delle-Melle à Allassio, une lieue et un quart. Cal-
caire noirâtre; argilleux, coupé par des veines de
spath calcaire blanc, et par des veines de quartz de
la méme couleur. Couches inclinées et relevées vers
le nord.
D'Allassio à Albenga une leue trois quarts. Montagnes cal-
caires en couches sinueuses et en zig-zag, redressées
dans quelques parties; gres quartzeux , micacés,
durs et brillans. Lauriers-roses sauvages dans le fond
de la petite vallée.
D' Albenga à Loano, deux lieues. Plaine fertile en oliviers et
en caroubiers; chemin en corniche au-dessus de la
mer. Lieu désert et sauvage. Colines calcaires.
De Loano à Finale, deux lieues un quart. Montagne de pierres
calcaires, d'un gris-bleuàtre, dont les bancs supé-
rieurs sont recouverts d'une brèche calcaire. Plaine
au bord de la mer. | :
De Finale à JVoli, deux lieues. Grande montée ; descente ra-
pide. Calcaire mêlé d'argile. Schistes micacés.
De Noli à Savone, trois lieues. Montagnes rapides, roches
micacées avec de petits nœuds de quartz, Pins mari-
times qui recouvrent quelques-unes de ces montagnes.
On descend au bord de la mer où l'on trouve un beau
chemin qui dure plus d'une lieve et conduit à Savone,
jolie ville bien peuplée, entourée de collines fertiles
et pittoresques. On trouve à Savone une hôtellerie
passable.
De Savone à Arenzano, quatre lieues un quart. Roches micacées,
D'HISTOIRE NATURELLE. 223
dures, mélées quelquefois d'un peu de calcaire, quel-
quefois non effervescentes. Les couches se redressent
de temps en temps et sont presque verticales. Che-
min en corniche sur le sommet de ces roches. Quel-
ques veines de quartz légèrement bleuátres les tra-
versent. |
D'Arenzano à Voltri, deux lieues. Brèches formées de frag-
mens de pierresmagnésiennes ; montagnes schisteuses,
en couches verticales, composées de poussiere de
^ 505 mica, mélangées de terre quartzeuse et de molécules
de feld-spath , dont la réunion forme une pierre fis-
cille dure. Roches micacées, non effervescentes,
tandis que d'autres, qui sont adhérentes, sont mé-
langées d'un peu de calcaire, et font effervescence
avecles acides. Des pi calcaires tres , souillées
dun peu d ia Talcs feuilletés. Schistes argileux
et ferrugineux ; serpentines spa traversées par
des filons de quartz blanc.
De Voltri à Génes;, environ trois lieues. Jusqu'à Voltri la
route n'est absolument praticable que pour les mulets
et les gens de pied; une fois arrivés dans cette jolie
petite ville, on respire à l'aise : on n'a plus à craindre
la route étroite et dangereuse qu'on vient de parcourir
avec tant de peines. On n'a plus à descendre et à re-
monter sans cesse ces montagnes déchirées de toutes
parts qu'on traverse sur des corniches interminables ,
où l'on ne rencontre qu’abimes, et où l'on entend
sous ses pieds le bruit continuel des vagues furi-
bondes. On se repose enfin à Voltri: on y mange
224 ANNALES DU MUSEUM
proprement; on y trouve des voitures et une route
fréquentée. On: n’est plus qu'à dix milles de Gênes;
set on éprouve des jouissances d'autant: plus vives,
qu'on a été privé de tout paian trois asi et sur-
| tout de la propreté. 555p 5006s um
- une distance:d'un mille environ de Foltri, en sécartant `
de la route sur la montagne, on trouve une colline qui a deux
cents. pieds. environ de hauteur, et porte le nom de: Collecti
( petite colline ), formée d'une roche stéatitique. On y voit des
blocs isolés, dont quelques-uns pèsent plus de deux mille
livres, d'une roche feld-spathique blanche, dure, lardée de
toute part d'une belle Diallage d'un vert d'herbe, pur et.
brillant. La méme colline ‘renferme de la stéatite tendre et
de. l'asheste. Ces: objets intéressans sont dans une. des pro-
priétés de M. le comte Hippolyte Durazzo, que j'ai l'avantage
de connoitre depuis long-temps, et qui cultive avec un grand
succès les sciences naturelles, particulièrement la botanique.
Je ferai mention de ses beaux jardins au ere si je pu
blie: mon itinéraire de Gênes à Plaisance.
La pierre feld-spathique de Collecti est supérieure , tant
par le fond blanc de sa pâte, que par la belle couleur verte
de la diallage; à cellé qu'on trouve près d'Orezza en Corse,
connue dans le commerce $ous le nom de verde di corcica ,
et que Saussure avoit appelée smargdite. Comme on en trouve
à Collecti des blocs assez volumineux, lart en tireroit un
grand parti pour divers meubles de luxe, d'autant plus que
la pierre est €— M et recoit "un beau
poli.
D'HISTOIRE NATURELLE. . 225
Lorsqu'on est arrivé au beau village de Sestri, on peut,
en détournant à gauche, aller visiter la montagne della
Guardia , et l'exploitation de la mine de sulfate de magnésie
au Monte-Ramazzo, sur lequel on trouve Ja variolite en
place (1).
De Sestri à Gênes, la route est couverte de charmans vil-
lages et de superbes palais. Celui de Cornigliano, appartenant
à M. Durazzo ainé, renferme une riche et nombreuse col-
lection d'histoire naturelle qui occupe plusieurs pièces, et où
tout est en bon ordre et d'un bon choix. Je ferai mention
des autres collections qui sont à Génes, et des choses remar-
quables que renferme cette belle ville, dans un autre Mé-
moire.
(1) Voyez la description que j'ai donnée de cette montagne, Annales du Muséum,
t. VIII, p. 315.
226 ANNALES DU MUSÉUM
~. EXTRAIT D'UN MÉMOIRE
Lu le 7 mars 1808, à la première classe de
l'Institut, el ayant pour titre : NoUFELLES
EXPÉRIENCES SUR L URÉE ,
PAR MM. FOURCROY ET VAUQUELIN.
1. Ex continuant depuis plusieurs années nos recherches
sur l'urée, nous nous sommes confirmés dans l'opinion que
l'étude de cette matière est du plus grand intérêt pour les
progres de la physiologie et de la médecine.
2. Un des premiers résultats de la suite de nos recherches
consiste dans les moyens d'obtenir l'urée plus pure que nous
ne l'avions eue jusqu'à présent. Voici le procédé décrit dans
le Mémoire dont nous offrons ici l'extrait.
A delurine humaine, évaporée en consistance de syrop
clair , nous ajoutons son volume d'un acide nitrique à 24 degrés
de l'aréomètre ; nous agitons pour opérer uniformément dans
tout le mélange la formation des cristaux qui sy précipitent;
nous placons le vase dans un sceau plein de glace pilée, et
nous l'y laissons plusieurs heures pour avoir des cristaux durs ,
D'HISTOIRE NATURELLE. 255
transparens et plus prononcés que ceux qui se forment dans
le simple mélange non refroidi. On décante la liqueur qui
les surnage, on lave les cristaux avec un peu d'eau à o; on les
jette sur un filtre de papier gris , on les laisse égoutter quelque
temps, et on les presse dans des papiers brouillards jusqu'à
ce que ceux-ci cessent de se mouiller. Nous faisons alors dis-
soudre ces cristaux lavés et desséchés; il se produit un re-
froidissement de quelques degrés; nous y ajoutons un peu de
carbonate de potasse en liqueur pour saturer l'acide nitrique;
nous faisons évaporer à siccité et par une trés-douce chaleur
la dissolution d'urée et de nitrate de potasse ; nous traitons la
matière par alcool à 4o degrés que nous renouvelons jusqu'à
ce qu'il ne dissolve plus rien : il sépare ainsi l'urée du sel, et
en évaporant le dissolvant à un feu paapa nous obtenons l'urée
en cristaux blancs très-purs.
3. L'urée ainsi préparée est en lames carrées , ou en mise
quadrilatères allongés, dont l'épaisseur varie d un à deux ou
trois millimètres. Elle a quelquefois la forme d'un prisme
carré. Elleest transparente et dure, d'une saveur fraiche, un peu
piquante, rappelant avec celle de Purée celle des noix fraiches.
4. Mis sur les charbons ardens, les eristaux d'urée pure
se fondent en se boursoufflant, exhalent une forte odeur dam-
moniaque , et se dissipent sans laisser aucun résidu. Chauffés
dans un creuset de platine, ils se hquéhent , se réduisent en
vapeur , et ne donnent qu'un charbon léger MS. sans trace
de cendres aprés son incandescence.
5. La distillation de l'urée ofire des phénomènes remar-
quables. Exposée dans une cornue de verre à un feu bien
ménagé, elle se fond , bout et donne d'abord des vapeurs qui
se condensent en car bosais d'ammoniaque cristallisé vers la
30 *
228 ANNALES DU MUSEUM
partie la plus éloignée de l'appareil;.ensuite elle se dessèche
en une masse opaque qui s'éléve toute entière par l'augmen-
tation de la chaleur, et s'attache à la voüte de la cornue en
une croûte blanche, avec quelques points jaunes. . .
6. Ce secoud sublimé en croüte, fourni par l'urée distillée,
est sans saveur , insoluble dans l'eau froide, trés-peu soluble
dans l'eau chaude, assez cependant pour lui donner la pro-
priété de rougir le tournesol et de déposer de petits grains
opaques et cristallins par le refroidissement ; enfin il est faci-
lement dissoluble dans la potasse et la soude caustiques, et
s'en précipite par les acides dont la surabondance le redissout.
À ces caractères , on reconnoit qu'il ressemble singulièrement
à l'acide urique.
.7. Si l'on rapproche de ce fait celui de la décomposition
du véritable acide urique calculeux par la distillation , qui en
donnant du carbonate d'ammoniaque donne aussi un sublimé
fort analogue à l'urée par sa forme, sa couleur jaunátre, sa
saveur fraiche, sa solubilité dans l'eau, et sa précipitation de
celle-ci par l'acide nitrique, on en concluera quel'uréeet l'acide
urique sont susceptibles de se convertir l'une dans l'autre et
róciproqsiment par l'action décomposante du calorique, en
méme temps qu'ils donnent l’une et l'autreune gants notable
de carbonate d’ammoniaque.
8. On ne doutera pas davantage, desde ces. faits et les
considérations qui en décoülent, que la matiere la plus fré-
quente des concrétions calculeuses des voies urinaires de
l'homme, l'acide urique, provient originairement de l'urée
et de Paltération qu’elle éprouve par la décomposition facile
qui en fait le principal caractère ; et que ces deux corps si
voisins Pun de l'autre par leur nature, doivent la propriété
D'HISTOIRE NATURELLE. 329
de se changer l'un en l'autre à
si rapprochée.
9. Dans tous les cas de décomposition de l'urée dus à l'action
de la chaleur, méme dans la vessie ou l'urine, son dissolvant
naturel séjourne plus ou moins long-temps;et à plus forte rai-
son à l'action d'une température violente, ce composé sur-azoté
de l'économie animale, outre l'ammoniaque, l'acide carbonique
et l'acide urique qu'il produit , donne constamment naissance
à une huile brune d'autant plus abondante que la décomposi-
tion est plus avancée. Cette huile àcre qui se forme daus la
vessie par le séjour qu'y fait l'urine, colore ce liquide, et
va quelquefois jusqu'à étre sensible comme corps huileux bien
distinct et facile à obtenir à part dans l'analyse de ce liquide.
Ila été aperçu et assez bien décrit par Bellini et Boerrhaave.
ll y a des maladies où cette huile est fort abondante.
10: On voit, d’après ces: phénomènes , quil se forme une
portion d'huile plus ou moins abondante par la décomposition
de l'urée pendant l'évaporation de Purine; c'est ce qui fait
qu'en chauffant trop fort et trop brusquement ce liquide,
‘Sa couleur se fonce et va bientôt j jusqu’ au brun-foncé, et
presque geo au noir. =>-
La méme formation d'huile Hire a T dans l'urine gardée
à l'air, et c'est ce qui produit vers le haut de la liqueur cette
coloration en brun qu'on y observe lorsqu'on étudie soigneu-
sement sa décomposition spontanée.
11. ll est maintenant presque superflu d'insister sur les
conclusions que ces faits permeitent de tirer par rapport à la
physiologie et à la médecine; de faire remarquer combien d'ap-
plications utiles cette connoissance exacte de Purée, de sa
nature intime , de sa singulière aliérabihté spontanée, et de
leur composition. an
230 ANNALES DU MUSÉUM
sa conversion en acide urique ,'en ammioniaque ;en huile brune;
pourra fournir à l'histoire des maladies, et quelle. précision ,
si désirable dans tout ce qui touche à la physique des Mon,
pourra résulter de ces applications.
12. Mais il ne faut pas sele dissimuler, ce ne sera pas
dans la pratique commune de la médecine, dans des visites
presque toujours sirapides et si courtes faites aux lits des
malades, que ces connoissances pourront donner des fruits
utiles à la pathologie. Un hôpital ipea: nombreux, muni: de
toutes les ressources et de:tous les instrumens nécessaires pour
interroger par des expériences chimiques les humeurs des
malades; une assiduité presque continuelle auprés d'eux ; des
essais long-temps continués; des tentatives expérimentales
répétées sans relâche; en un mot, des soins tout autres que
ceux qu'on donne communément à la pratique médicale,
voilà ce qui pourra faire découvrir l'influence heureuse que -
doivent avoir tôt ou tard sur l'art de guérir les idées exposées
dans le Mémoire dont il est question , ainsi que celles que nous
avons déjà eu occasion d'exposer ailleurs sur la dissolution
des calculs dans la vessie et sur la: matière déposée soit sur la
peau à la suite de chaque accés de goutte, soit dans les —
latious et une mr e suite acts de cette maladie. -
} 4 ^ t 4 ti E.G P o
D'HISTOIRE NATURELLE. 531
: SUITE DES OBSERVATIONS.
Sur quelques genres de. la, Flore de. Cochin-
chine de Loureiro’, avec quelques réflexions
sur lezxocarrus et les genres qui doivent
sen rapprocher dans l'ordre naturel.
PAR M. A. L DE JUSSIEU.
” .
Ex genre Adenodus de Loureiro , p. 560, paroit avoir été peu examiné par les
botanistes, qui ont négligé de le citer dans leurs ouvrages. Il est indiqué comme
ayant un calice à cinq feuilles, cinq pétales égaux au calice et découpés jusqu'à
moitié en beaucoup de laniéres filiformes, un nectaire composé de cinq glandes,
quinze étamines insérées sur le réceptacle, des anthéres allongées, un ovaire libre
surmonté d'un style et d'un stigmate simple, et devenant un brou oval allongé,
petit, lisse, rempli d'une noix monosperme, raboteuse à sa surface. C'est un
petit arbre, à feuilles alternes, ovales, dentelées, à fleurs disposées en épis ter-
minaux. Ce caractère ressemble beaucoup à celui de l'elæocarpus de Burmann
( Fl. Zeyl. p. 93, t. 40), qui a le même feuillage et la même disposition de fleurs,
et que l’auteur nomme ainsi à cause de son fruit semblable pour la forme à une
olive. Il parle également de la noix raboteuse monosperme, contenue dans ce
fruit, et des pétales frangés. Leur nombre, ainsi que celui des divisions du calice,
varie de quatre à cinq; celui des étamines dans la méme proportion est de seize à
vingt; en quoi eette description diffère de celle de Loureiro qui-ne parle que de
232 ANNALES- DU MUSÉUM
quinze étamines avec cing pétales. Cette légėre différence ne peut empêcher la
réunion des genres, puisque dans d’autres espèces ajoutées plus récemment à l’elæo-
carpus , le nombre des étamines s'élève quelquefois à trente et plus.
Linnæus adoptant le genre de Burmann, lui assigne également cinq pétales et
vingt étamines, en observant que, ce nombre est- quelquefois diminué d'un cin-
quiéme$ mais il s'écarte du; caractère de l'ele&ocarpus , lorsqu'il lui donne un brou
sphérique rempli d'une noix de méme forme. Il a été probablement déterminé par
l'inspection du fruit sphérique du ganitrus de Rumph. ( Herb. Amboin. v. 5, p. 160»
t; 191), que, dans la seconde édition de ses Species, il cite comme synonyme de
1 'elæocarpus , serrata, le seul alors connu. Cette erreur , adoptée sans examen
par tous les botänistes qui ont suivi, a élé rectifiée par Gærtner qui a examiné le
fruit de l'ekeocarpus de, Burmann,et celui du ganitrus. Tous deux ont à.la vérité
une noix raboteuse recouverte d' un brou : mais dans l'eleocarpus le fruit est ovoide
et la noix n'a qu'une lóge monosperme ; le fruit du ganitrus est sphérique, etsanoix,
contenant einq loges monospermes , est de plus percée dans son axe d'un trou ou
conduit qui la traverse presque entiérement. Ces différences lui ont paru suffisantes?
non-seulement pour distinguer le ganitrus de l'elæocarpus serrata , mais encore pour
en faire un genre séparé. Il fortifie cette distinction en lui attribuant un calice , non
à cinq feuilles, mais à cinq divisions profondes, et un disque glanduleux sous
l'ovaire. Nous observons à ce sujet que ces deux caractéres existent aussi réellement
dans les vrais elæocarpus , que nous les avons vérifiés dans l'elæocarpus integrifolia ;
et que le nectaire indiqué dans l'adenodus n'est qu'un disque plus apparent. Nous
ajouterons encore que ees deux genres distingués par Gartner, ayant beaucoup de
caractères communs, doivent rester voisins dans l'ordre naturel. Cette affinité est
confirmée par une structure conforme des graines qui dans l'un et dans l'autre ont
un grand périsperme charnu autour d'un embryon à lobes minces et élargis , à ra-
dicule descendante, et sont attachées au fond de leur loge. On peut présumer que
les mêmes caractères existent dans l'adenodus, quoique Loureiro n'en fasse aucune
mention. L'existence d'un. périsperme éloigne ces genres de la famille des Guttiféres ,
à la suite desquels on les avoit placés avec doute. Elle. les rapproche. davantage
des Tiliacées, dont ils different cependant par le brou et la noix qui constituent le
fruit, et peut-étre plus encore par les anthéres allongées et bifurquées à leur sommet;
Ce dernier earactère et celui des pétales frangés se retrouvent dans le Vateria de
Linnæus, que MM. Retz, Vahl et Willdenow ont réuni à l'eleocarpus , et qni duit
en être distingué soit par son fruit capsulaire, s'ouvrant en trois valves épaisses
ou cori;ces qui recouvrent une seule graine non reufermée dans une noix, soit
par cette graine dans laquelle M. Gærtner fils, p.53, t. 189, a vu un embryon
sans périsperme, à deux lobes considérables et inégaux, et à radicule dirigée su~
périeurement. La bifurcation est encore plus marquée dans les anthéres du dicera
D'HISTOIRE NATURELLE, 233
de Forster, qui sont méme terminées par deux filets; mais leurs pétales sont sim-
plement découpés en trois lobes et non frangés,'et le fruit est capsulaire, à deux
loges polyspermes dans une espèce , à quatre loges dispermes ‘dans l’autre, dans
laquelle l'auteur indique quatre styles et des feuilles opposées : d’où ‘il faut con?
elureque Linnæus fils, et ceux qui l'ont suivi, rapportent encore mal à propos ce
genre à l’elæocarpus , et que peut-être la seconde espèce pure être ne de la
première dont elle doit s'éloigner par son port. >
- Il faut donc réduire le nombre des espèces de celui-ci à un plus petit nombre.
Celles qui paroissent lui appartenir véritablement: sont 1." la plante de Burmann,
sous le nom d'elæocarpus serrata; 2° le Perin-kara de l'Hort. Malab. 4, p. 51,
t. 24, qui est le même que le précédent, selon :Linnæus, mais dans lequel on
trouve des feuilles plus dentelées, et une noix qui paroît n'être pas raboteuse ; 5."
l'adenodus de Loureiro , semblable en beaucoup de points, selon sa description, à
la première espèce; 4." l'eleocarpus integrifolia, Lamarck , Encycl. méth. »,p. 604,
différente par ses feuilles entières , ses étamines plus nombreuses, portées’ jusqu'à
trente et plus; 5° le ganitrum oblongum ou catulampa de Rumph, Herb. Amb.
25p.163; t 182, que M. Lamarck fapporte avec doute au précédent; 6.* On y join-
dra, aussi avec doute, l'elaocarpus monocera, Cavan. Icones , 6, p. 1 jt. 501, qui paroit
s'éloigner du genre, “soit par son fruit indiqué comme biloculaire, soit par une
des divisions du sommet des anthéres qui se prolonge en une longue arête.: Cette
plante, mieux na see ae deviendra —€— un Car rats T mais i eu cad
voisin. à
- Si Vobservation : ied à croire que la forme Jai étamines peut offrir un carac-
tère suffisant pour séparer l'elæocarpus des vraies Tiliacées; soit dans une setiión:
dela méme famille, soit dans une famille nouvelle et voisine, on sera peut-être
disposé à y rapporter non-seulement les genres à anthéres allongées et bifurquées,
tels que le ganitrus , le dicera et le vateria qui, selon Vahl, est la méme plante que
l'elæocarpus copallinus de Retz, mais encore ceux dont les anthéres, au lieu d’être
arrondies et courtes comme: dans les Tiliacées, sont longues et ouvertes à leur
sommet en deux pores ou trdus arrondis. Tels sont 1." le vallea de Mutis,.qui a,
comine le dicera, un disque glanduleux, des pétales à trois lobes, des étamines
nombreuses (39-40 ),et se distingue par un fruit capsulaire à quatre ou cinq loges
SRE s'ouvrant en autant de valves qui portent une cloison dans leur milieu.
2,° Le tricuspidaria de la Flore du Pérou, Prodr. p, 64, t. 56, également muni d'un,
disque et de pétales trilobés , entourant seulement quinze étamines „et dont le fruit
capsulaire , formé par trois valves pareillement munies d'une cloison moyenne, se
divise intérieurement en trois loges polyspermes. Ce genre est encore remarquable
parce que ses feuilles sont opposées, non alternes comme dans les autres précé-
demment énoncés, à l'exception du dioere serrata qui présente laméme T
34.
234 ANNALES DU MUSÉUM
De plus les fleurs du tricuspidaria, au lieu d'être disposées en grappes ou épis láches,
sont portées sur des pédoncules uniflores et axillaires; et si l’on -n'avoit pas égard à
l'insertion hypogyne des étamines et des pétales, on seroit tenté de rapporter ce genre
dans les Rhamuées prés du celastrus dont le fruit est pareil, et du myginda dont il a
tout le port. 5." On devra placer à la suite l'elæocarpus peduncularis que M. La-
billardiére décrit et figure dans sa Flore de la Nouvelle-Hollande, vol. 2, p. 15,
t. 155. Il ade méme les feuilles ordinairement opposées, plus rarement alternes
ou verticillées trois à trois, les pédoncules axillaires et uniflores, les pétales à trois
lobes, et le disque glanduleux autour duquel sont rangées les étamines ; mais le
nombre de ces parties est réduit d'un cinquiéme; les anthéres quoique allongées ,
sont plus petites, plus aiguës , et néanmoins ouvertes par le haut. Son fruit, beaucoup
plus petit, observé dans l'herbier , paroít être une - — — du — par
un support trés-court,ne s'ouvrant point,
divisée intérieurement en deux ou quatre — dispermes dont les indo ont un
embryon , à radicule montante, renfermé dans un périsperme charnu. Cette plante
paroit avoir plus d'affinité avec le tricuspidaria qu'avec l’elæocarpus ; mais différente
par son fruit, elle constituera probablement uu genre distinct qu'il ne faudra cepen-
dant établir qu'aprés avoir réuni et discuté tous ceux qui doivent se grouper autour
de l'elæocarpus. 4.° C'est peut être dans cette série qu'il faudra: ranger le vatica de
Linnæus, dont M. Smith donne une bonne figure dans ses Icon. ined. t. 56, distinct
du vateria et du vallea par ses pétales entiers et ses étamines plus courtes; le sloanea
de Plumier, qui n'a point de corolle et dont les anthéres sont longues, terminées
par un feuillet; l'apeiba d'Aublet, qui a des étamines pareilles entourées d'une
corolle à pétales entiers; l'oncoba de Forskal, dont le fruit est une noix à plusieurs
loges polyspermes , recouverte par un brou; l'heptaca de Loureiro, qui a quelques
rapports avec le précédent. On a déjà vérifié dans plusieurs l'existence du périsperme
qui paroît être un caractère essentiel; ce qui donne des doutes sur l'autenticité du
fruit du vateria, décrit par M. Gartner fils, fruit qui ne peut étre celui d'un genre
voisin de l'elvocarpus, et qui obligeroit d'en éloigner ce genre, sil lui appartient
véritablement.
Loureiro a décrit sous le nom de gemella , P. 796; un arbrisseau à feuilles ternées -
et à fleurs en épis longs et axi'laires, màles et hermaphrodites sur le méme épi. Ces
dernières ont un calice à quatre feuilles, quatre pétales garnis de poils, un nectaire
intérieur à quatre lobes, huit étamines insérées sur le réceptacle, un ovaire com-
posé de deux globules entre lesquels s'éléve un style divisé par le haut en deux
stigmates. Le fruit est composé de deux petites baies rondes et monospermes. Les
fleurs mâles ne se distinguent que par l'avortement du pistil. Si l'on compare ce
x
D'HISTOIRE NATURELLE. 235
‘caractère à celui de l’aporetica de Forster, dans on Gen. plant. Austr. ni: 66, on
reconnoit qu'ils sont en tout conformes, et un échantillon de la plante de Forster,
existant dans l'herbier du Muséum, présente également les feuilles ternées avec les
épis axillaires. Cette réunion de ces deux genres ne peut éprouver aucune diffi-
culté; mais il s'en élève une relativement à l'aporetica lui-même. Dans le Ge-
mera plantarum , nous l'avions rapporté au Sapindácées prés du schmidelia et de
“J'ornitrophe, en insinuant qu'il pourroit bien se confondré avec eux. Il paroissoit
en différer seulement par les quatre écailles où appendices intérieures que Forster
nomme nectaires. Cependant si l’on observe que dans toute cette famille il existe
un disque glanduleux placé sous l'ovaire, ét que ce disque renflé peut s'élever da-
vantage dans quelques parties de son contour, l'existence de ces appendices n'offre
plus un caractère aussi tranché, surtout quaud on retrouve les mêmes renflemens,
mais moins forts, dans l'ornitrophe et le schmidelia ; quand on y voit aussi des épis
en grappes axillaires, des feuilles ternées, des fleurs máles mélées avec des her-
maphrodites, et un nombre égal de toutes les parties de la fructification : ces quatre
genres doivent donc n'en faire qu'un. Quoique le noin de schmidelia soit plus an-
cien et rappelle celui d'un botaniste célèbre, nous laissons néanmoins subsister
celui d'ornitrophe établi par Commerson , et adopté par MM. Vahl, Willdenow et
Roxburg. On y rapportera encore l'allophyllus de Lianæus, différent à la vérité par
ses feuilles simples , mais semblables par sa fructification , tellement que M. Swartz
adoptant ce nom générique dans son prodromus, y rapportoit plusieurs espèces réunies
maintenant à l'ornitrophe. Plus récemment, dans son Flora occidentalis , il a substitué
le nom de schmidelia à celui d'allophyllus en lui conservant le méme caractère et
les mémes espéces, et en reconnoissant aiusi l'identité des deux genres, identité
que M. Willdenow ne paroît pas rejeter entièrement, quoiqu'il laisse encore
comme genre séparé, sous le nom d'allophyllus , la seule espéce publiée par Lin-
naeus.
Le rapport de l'aporetica avec les genres indiqués avoit échappé à Forster, lors-
qu'il établit son genre, et il ne l'a pas mieux apercu lorsque plus récemment il l'a
réuni à son pometia , n. 55. Celui-ci, d’après sa description, a un calice à sixfeuilles,
autant de pétales et d’étamines ; des deux parties de son ovaire, une seule subsiste
et devient une baie sphérique monosperme ; ses fleurs sont dioiques, disposées en
panicule terminale, ses feuilles pinnées sans impaire. On aperçoit sur-le-champ la
différence soit dans le port, soit dans le nombre des parties de la fructification, et
l'on reconnoit que le pometia, comme nous lavions indiqué dans le genera, se
rapproche beaucoup plus de l'euphoria de Commerson ( seytalia de Gærtner, di-
mocarpus de Loureiro et de Willdenow ), qui a également les feuilles pinnées sans
impaire, des panicules terminales de fleurs, dont beaucoup avortent, c’est-à-dire,
dt"
236 = ANNALES DÜ'^MUSÉUM
sont máles ; dés pétales et portions de calice: au nombre de cinq, les huit étamines
réduites quelquefois à six, et le fruit toujours composé d'une: baie monosperme au
bas de laquelle subsiste le rudiment d'une autre moitié avortée.
Ainsi l'aporética et le gemella doivent rester unis à l'ornitrophe, .et le pometia
à 'euphoria, que l'on ne peut confondre avec le sapindus, comme l'ont fait. quel-
ee — re big. a e PS au e de. cun: ou pas autant d'ap-
tonr is l'euphoria x
ei surtout un fruit el non de deux onion, mais b dotes souvent une
seule parvient à maturité. Nous ajouterons que, par les mêmes motifs, il faudra
réunir, non au sapindus, mais à leuphoria, le genre que Linnæus nommoït ne-
phelium , et qui a, comme lui, un ovaire double et deux fruits accolés. | =. :
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D'HISTOIRE NATURELLE. : 237
MOUVEMENT DE LA MÉNAGERIE
NOTE
Sur l'accouplement d'un zèbre et- d'un. cheval.
PAR M. FRÉDÉRIC CUVIER,
GARDE DE LA MÉNAGERIE DU MUSÉUM D'HISTOIRE NATURELLE,
i zèbre femelle dont sa Majesté Impératrice avoit fait don à notre ménagerie,
_entroit fréquemment en chaleur et à des époques réglées, comme nous l'avons A
rapporté dans notre Mémoire sur le rut(1).
Cette disposition et la docilité de l'animal faisoient sentir qu'on parviendroit trés-
facilement à multiplier cette belle espèce dans nos climats ; mais comme il étoit
impossible de se procurer un individu måle, et que quelques tentatives heureuses
avoient déjà été faites sur l'accouplement duzébre avec låne, on eut l'idée de ré-
péter du moins cette dernière expérience, sur laquelle il restoit encore plusieurs
observations à faire. En conséquence, apres avoir obtenu l'assentiment de M. Geoffroy,
professeur de zoologie, je me procurai un bel étalon, et je m'occupai de tout ce
qui pouvoit nous conduire sans accident à notre but,
L'àne étoit originaire d'Espague , sa taille étoit des plus élevées et son pélage en-
üérement noir. Il n'avoit que trois ans, et appartenoit à M. Lenormand de Marsilly.
Ces animaux passèrent d'abord à-peu-prés deux mois dans la même écurie à cóté
Pun de l'autre; puis, sur la fin de février, lorsque le rut de la femelle fut arrivé
à son plus haut degré, on lui présenta le mâle avec précaution ; mais à notre grande
(3) Annales du Muséum d'histoire naturelle , t. IX, p. 118.
238 ANNALES DU MUSEUM
surprise , l'accouplement eut lieu sans la moindre difficulté ni de part ni d'autre.
Cette expérience fut faite les 28 février et 2 mars 1805(1). La conception avoit
suivi l'accouplement, et le 13 mars 1806, le zèbre mis bas un mulet femelle fort
bien constitué dont M. Geoffroy a donné une description (2\.
Il arrive fréquemment aux animaux sauvages qui produisent en servitude de n’en-
visager leurs petits que comme la cause de la douleur qu'ils éprouvent en les
mettant au monde, et alors au lieu de les soigner et de les nourrir , ils les prennent
en aversion , et les tuent ou les dévorent à mesure qu'ils naissent.
J'eus un instant la crainte que cet accident n'arrivàt à notre petit mulet; dès qu'il
fut né et débarrassé de ses enveloppes que la mére ne mangea pas, il voulut s'ap-
procher d'elle; mais elle s'obstinoit à l'écarter par des ruades, et elle auroit pu le
blesser, si l'on n'eüt été présent, et si l'on ne se fût mis au-devant des coups. À
force de caresses , on l'engagea à souffrir son petit prés de sa tette; d'abord elle le
flaira long-temps avec, une sorte d'effroi, puis elle le lécha, et aprés une heure
environ l'adoption fut consommée, le petit téta. Dés ce moment elle eu eut les plus
grands soins; mais à l'affection et à la sollicitude qu'elle prit pour son nourrisson ,
se joignit tant d'inquiétude et de défiance, qu'elle ne permettoit plus, méme à
son gardien, de l'approcher, et l’on ne parvint à lui rendre sa première familiarité
que long-temps après.
Le petit mulet fut allaité jusqu'au moment où sa mère montra de nouveau des
signes de rut, c'est-à-dire pendant un an environ. Ce jeune animal est aujourd'hui
plus élevé de deux pouces que le zébre , et ses formes se rapprochent toujours de
plus en plus de celles de son pére : il en a la tête, les oreilles et la croupe. Le
pélage est gris, couvert de bandes transversales, trés-marquées sur les jambes, au
garot et sur la tête, mais bien plus étroites et moins tranchées sur le reste du corps.
Une autre bande règne le long de l'épine du dos.Son naturel jusqu'à présent est n
indoeile.
L'accouplement de l'àne et duzébre, le temps de la gestation et le produit qui'e en
résulte étant bien connus, il étoit intéressant de répéter la méme expérience sur
le cheval. La facilité avec laquelle nous avions obtenu notre premier succés, nous
faisant présumer que toute précaution étoit inutile vis-à-vis du zébre, le 5 août 1807»
je lui fis présenter immédiatement l'étalon dont nous étions bien maitres, et il le
souffrit comme il en avoit été de l'àine. Le cheval qui servit à cette expérience
étoit d'une taille moyenne, bai -brun , d'une race à poil frisé et àgé de sept à huit
ans. IL n'a pas plus montré de répugnance que le zébre à s'unir à une espéce diffé-
rente de la sienne, et à cet égard, il a eu au moins la docilité de l'âne. Aprés quel-
(1) Annales du Muséum , t. VIL, p. 245.
(2) Anzales du Muséum, t. IX , p. 235.
D'HISTOIRE NATURELLE. 239
ques mois, aucun signe de rut ne se manifestant, on eut la certitude que la con-
ception avoit eut lieu, et l'état de l'animal annongoit la gestation la plus heureuse.
Dés son entrée à notre ménagerie , ce zèbre n'avoit éprouvé aucune indisposition ,
et sa santé sembloit être inaltérable. La douceur de son caractère, son attachement
pour l'homme chargé de le servir, permettoient de lui donner tous les soins qu'il
pouvoit exiger: il étoit étrillé etlavé chaque jour, et il sembloit y trouver du plaisir,
En été il habitoit un parc où il jouissoit de sa liberté; il étoit en hiver dans une
écurie dont la température se tenoit toujours de 12 à 15 degrés au dessus de zéro :
cette chaleur ayant paru nécessaire pour un animal sauvage qui venoit directe-
ment d'entre les Tropiques : tout enfin nous faisoit espérer de conserver long-
temps encore cet intéressant animal etde pouvoir continuer sur lui des expériences
auxquelles sa douceur le portoit à se prêter , lorsque le 6 avril de cette année 1808,
au huitiéme mois de sa gestation , il fut tout-à-coup saisi, et sans cause connue,
d'un mal violent qui l'emporta au bout d'une heure et avant méme qu'on ait pu
lui préparer les secours que son état indiquoit.
L'ouverture du cadavre a fait voir un avortement commencé qui paroît avoir
eu pour cause la mort du fœtus. Celui-ci étoit un jeune mále:il n'avoit point en-
core de poils; mais aux bandes blanches et noires qu'on observoit sur sa tête, on
juge que cette partie du moins auroit été zébrée. Toute sa peau montroit déjà un
commencement de destruction, l'épiderme étoit corrodé, et le canal intestinal dans
une décomposition compléte ; ce qui porte à penser que ce Jeune animal avoit cessé
de vivre plusieurs jours avant la mort de sa mére.
Ce fœtus paroissoit tenir des formes de son père, du moins à en juger par les
proportions de sa téte et de ses oreilles.
C'est, je crois, la premiére fois que le hasard a donné les moyens de faire pro-
-duire à un seul individu deux mulets d'espèces différentes.
Il est malheureux sans doute qu'un animal aussi intéressant , sous tant de rapports,
ait péri au moment où il alloit nous mettre dans le cas de multiplier un genre d'ex-
périences sur lequel l'histoire naturelle est encore si pauvre.
Il auroit peut-étre été de quelque utilité pour la science de tenter l'accouplement
de ces deux mulets qui auroient donné naissance à une race doublement batarde.
Cependant il est assez probable, non-seulement que les produits de deux espéces
différentes sont naturellement inféconds; mais que ceux des différentes races le sont
également lorsque celles-ci sont trés-marquées.
Les soins de l’homme, les circonstances qu'il est maître de varier à son gré, et
dont il sait augmenter pour ainsi dire la force comme il veut, peuvent amener sans
doute quelques exceptions à cette règle, et elles existent en effet; mais tout porte
à croire qu'abandonnée à la nature, la génération de ces produits monstrueux ne
pourroit subsister, puisque ce n'est qu'avec les plus grands soins qu'on parvient à
240 ANNALES DU MUSÉU!M
conserver pendant quelque temps ces races batardes , et que celles des animaux qui,
comme les chiens, sont les plus Ges de leur état naturel, ont sans cesse besoin
d'étre renouvelées.
M. Cuvier a donné de notre zébre une description et une histoire auxquelles il
n'y a presque rien à ajouter(1). Cet animal a toujours consérvé la même douceur;
mais comme on n'a pas continué de le monter, il à perdu l'habitude du cavalier,
et au bout d'une année il ne vouloit plus le recevoir. Lorsqu'il étoit dans son parc,
il paroissoit trouver beaucoup de plaisir à se rouler dans la terre huinide qu'il
fouilloit préalablement du pied. C'est au reste une habitude qu'il partage avec beau-
coup d'autres animaux des pays chauds. Il aimait à jouer : alors il mordoit; mais il ne
cherchoit à faire du mal qu'aux personnes qui lui déplaisoient. I! ne recevoit pas indiffé-
remment les caresses de tout lemonde , et à cet égard , il étoit comme la plupart des
— animaux "- se iine sem sans raison apparente contre certaines personnes ,
+
affection sans motifs plus és: H faisoit rarement en-
Tamaie on T 14] Roe
hennissemens ne > sürpassoit pas celui de tróis ou quatre. Act s ‘année de pe
ration d'avec son petit, cet animal ne le reconnut plus, et lorsqu'il le revit pour la
première fois, il chercha à
LI "PET TT |
de "Pe et à le frapper du pied; mais aprés quel-
ques jours, cet éloignement, il s'y € et ils s ert
réciproquement des qu ’on les yloigueit l'un de l'autre.
On lenourrissoit comme un cheval, etce régime paroissoit lui fort bien convenir,
à ea juger par sa gaîté, par son embonpoint et par le lustre de son pélage.
(1) Ménagerie du Muséum d'histoire naturelle, où Description et Histoires des auimaux qui
y nts avec figures.
D'HISTOIRE NATURELLE. 24r
SUR LEARRAGONITE.
PAR M. HAUY.
Le minéral auquel M. Werner a donné le nom d'arragonite,
et que ce savant minéralogiste a séparéle premier de la chaux
carbonatée à laquelle on l'avoit réuni jusqu'alors, est devenu
depuis quelques années un sujet de recherches faites par les
plus habiles chimistes de l'Europe, pour déterminer sa véri-
table composition. Aprés avoir épuisé toutes les ressources
que l'on a droit d'attendre de la perfection à laquelle l'ana-
lyse a été portée de nos jours, ils y ont trouvé les mémes
quantités relatives de chaux et d'acide carbonique que celles
qui existent dans la chaux carbonatée ordinaire, et n'ont pu
y reconnoitre la présence d'aucun autre principe (1). Ce ré-
(1) Les analyses publiées par mes célèbres collègues de Fourcroy et Vauquelin ,
donnent,
Pour la chaux carbonatée. Pour l'arragonite.
Chats . 1523914 . 4A MA o oo 0 dre ne a DS
Acide carbonique . . . , . U COMER aE Ye Det Ayo
100 100,0
( Annales du Muséum d'hist. nat. 24. cahier , p. 405 et suiv, )
II. 32
PA
242 ANNALES DU MUSEUM.
sultat sembloit ne pas permettre de douter que l'arragonite ne
dût ètre placé dans une méme espèce avec la chaux carbo-
natée ; c'est effectivement la conclusion qu'en a tirée M. Ber-
tholet, dans l'important ouvrage qui a pour ttre: Statique
chimique (1) , et M. Brongniart s'est conformé à l'opinion de
ce savant chimiste, dans le Traité dont il vient d'enrichir la
minéralogie (2).
Plus récemment, MM. Biot et Thenard ont comparé les
deux substances par une suite d'expériences trés-ingénieuses
dans lesquelles ils ont combiné les lois de la réfraction avec
les moyens chimiques, et leurs résultats n’offrent aucune dif-
férencesensible avec ceux qui avoient été obtenus jusqu'alors(3).
Pendant le cours des recherches dont je' viens de parler,
jai entrepris de soumettre l'arragonite à un travail qui ajoute
de nouveaux caractères distinctifs à ceux que j'avois déja ob-
servés entre ce minéral:et la chaux carbonatée; et ce sera
peut-être un exemple unique dans l'histoire des sciences, que
celui qu'offrent ici la chimie et la minéralogie qui , faites pour
s'aider mutuellement , et jusque-là toujours d'accord , divergent
d'autant plusl'une de l'autre, qu'elles font de plus grands efforts
Ms se — Mon but, dans ce Mémoire, esi g cipe
LIE 29, 91 i
idi.
Q) ME d
— (2) Tome t3 pág m — MÀ
, (8). Ces résultat. sont:
Pour la chaux carbonatée. ; Eds Pour l'arragonite.
Chaux été rs ‘à T UNS 4 56,551 Sr" + ve ee B.» . 56,327
Acide carbonique - . . + + 42,919 Feso + i : « + + 43,045
Eau $ "o. RR. vet es $ —-" w 0,730 RER c e Ro cM. «cw o4 0,628
prn 100,000 100,060
: (Nouveau Bulletin des sciences de la Société-philomathique , t. I, p. 32 et suiv.)
D'HISTOIRE NATURELLE. 243
les résultats du travail que je viens d'annoncer, et d'examiner
ensuite si, dans l'état actuel de nos connoissances sur l'àrra-
gonite, on est fondé à en faire une never ride de la
chaux carbonatée. -i
On savoit déjà que Yáknégonité a une diré: qui iiite
sensiblement sur celle de: la chaux carbonatée. Je suis parvenu
quelquefois à rayer légèrement le verre blanc,.en y passant
avec frottement la pointe d'un cristal d'arragonite. On avoit
trouvé aussi une différence entre les pesanteurs spécifiques des
deux minéraux, Suivant les observations de M. Biot, celle de
la chaux carbonatée est de 2,6964 ;et celle de l'arragonite est
de 2,9267. De plus, il n'est personne qui, en voyant la frac-
tare transversale d'un prisme d'arragonite, n'ait remarqué ce
tissu inégal qu'on peut assimiler à celui de certains morceaux
de quartz , tandis qu'aucun minéral n'a une texture plus lamel-
leuse que la chaux carbonatée. Illy a encore dans l'éclat une
diversité que saisit facilement un «eil exercé. Celui de l'arra-
gonite est plus vif, et approche de ce que les minéralogistes
allemands désignent par le nom: d'éc/at de diamant. La chaux
carbonatée, surtout celle qui est blanche, tend plutôt vers
l'espèce d'éclat que l'on appelle nacré.
Mais de tous les caractères distinctifs de l'arragonite, le
plus tranché étoit celui qué présentoit sa cristallisation, J'avois
observé un groupe-de cristaux de cette substance, composé de
quatre octaèdres cunéiformes , dont un est représenté figure 1.
J'ai décrit dans mon Traité, t. IV, p. 340, l'assortiment de
ces quatre octaedres, dont deux sont accolés par une de leurs
faces analogues à M, et le deux autres semblent se pénétrer
en partie. La division mécanique ne m'avoit offert encore,
d'une maniére bien sensible, que les joiuts naturels situés pa-
-bad
244 ANNALES DU MUSÉUM
rallelement à ces faces M, M, avec un autre qui passoit
par laréte z, et par son opposée. L'angle formé par les pre-
miers joints étoit d'environ 116 degrés. Ces indices de struc-
iure, réunis à la forme octaédre des cristaux , m'avoient paru
suffire seuls pour annoncer une différence notable entre la
molécule intégrante de l'arragonite et celle dela chaux car-
bonatée, qui est un rhomboide dont les faces, prises autour
d'un méme sommet, sont inclinées entre elles d'environ 104
degrés et demi, c'est-à-dire d'une quantité moindre de près de
12 degrés que l'inclinaison respective des pans de l'arragonite.
Voyons d'abord ce que les nouvelles recherches faites sur
l'arragonite ont ajouté à ce dernier résultat offert par la di-
vision mécanique. Les joints naturels dont j'ai parlé, et qui
sont très-nets dans la plupart des cristaux, n'indiquoient qu'une
partie des plans nécessaires pour circonscrire un espace. de
tous les cótés, ensorte que la forme primitive de l'arragonite
n'étoit donnée que d'une manière incomplète, A la vérité,
javois entrevu d'autres joints obliques à l'axe, en faisant mou-
voir à une vive lumière des prismes fracturés d'arragonite;
mais pour ne parler ici que des premiers , c'est-à-dire des seuls
dont les positions fussent bien connues, on pouvoit présumer
qu'ils étoient du nombre de ces joints surnuméraires que l'on
aperçoit dans certains cristaux, où ils soudivisent la forme
primitive parallélement à ses côtés ou. à ses diagonales. La
chaux carbonatée en particulier fournit des exemples de ces
soudivisions (1). J'avois méme entendu citer une observation
*
(1)1l me seroit facile de prouver, si je ne craignois de m'écarter de mon sujet, que
ces divisions que j'appelle surnuméraires s'expliquent d'une maniére satisfaisante,
sans que lon ait besoin de supposer qu'elles traversent les molécules intégrantes , en
D'HISTOIRE NATURELLE. 245
publiée en Allemagne, qui sembloit favoriser la conjecture dont
il s’agit, Voici en quoi elle consiste. On connoit depuis long-
temps des cristaux d'arragonite eu prismes droits hexaédres,
dont les pans font entre eux quatre angles d'environ 116 d.,
et deux de 128. J'ai décrit ces cristaux dans mon Traité (1),
et j'ai fait voir qu'ils étoient un assortiment de quatre prismes
rhomboidaux, semblables à celui qu'on obtiendroit en coupant
le cristal représenté ( fig. 1) par deux plans perpendiculaires
à l'axe, et qui intercepteroient les sommets dièdres o, o. On
voit { fig. 2 ) la coupe tracsversale d'un de ces groupes, dans
laquelle la distinction des quatres prismes composans O, U,H, T,
est sensible à l'œil, Le rhombe qui reste au milieu a été rempli
par la cristallisation ,de manière que chacun des mêmes prismes
est censé avoir recu.une extension qui équivaut à l'effet d'une
loi de décroissement. J'ai dans ma collection un groupe sur
lequel la distinction des prismes composans s'annonce par des
angles rentrans situés à leur jonction.
Maintenant, soit Æ , a ( fig. 3 ) le rhomboide primitif de la
chaux carbonatée, et soit g mn r(íig. 4) une coupe de ce
rhomboide , prise par un plan perpendiculaire aux arêtes D, B
(6g. 3) et en même temps aux faces P,auquel cas l'angle g m n
( fig. 4) sera de 104. d. 28 4o". Si l'on prend sur les côtés
mg, mn, des parties égales mo, ml, et si par les pointsoZ,
on mene o£, ls- parallèles à la diagonale mr, ces lignes
seront aussi parallèles à des faces qui résulteroient d'un dé~
a
sorte que la forme de ces rites qui est indiquée par le clivage principal, con-
serve toute sa simplicité. Ce sera la matière d'un article queje me propose d'a ajoutes
aux généralités de la théorie relative à la structure ‘des cristaux.
(1) Tome IV, Page 338. :
346 ANNALESA DU MUSÉE U M
éroissemient par uie rangée sur les’ arêtes D, D' ( fig. 3); et
une autre part les lignes mo; mL (fig: 4) sont dans le sens
des faces naturelles du rliomiboide primitifs Of, chacun des
angles moli, im ls ést de ‘127 d. :45' 46" c'est-à-dire. sensi-
blément égal àl'anele irr, 6n ips (fig. »)\que forment entre
eux deux pans adjacens, pris de deux côtés opposés sur le
prisme d'arragonite. lien résulte entre la forme de ce mi-
néral et celle de la chaux carbonatée une analogie séduisante
aú) premier abord ,^et qui semble étre: un trait de lumière à
la faveur duquel on pourra-ensuite apéreevoir tous les autres |
ràpports qui avoient échappé jusqu'alors dans la cristallisation
des deux. substances. Mais je: prouverai bientót que cette ana-
logie n’est ioiappusint eta a contre: uu les lois de la struc-
ture et tout cé qu'il y a de mieux dé : dans la —
des evistagxii uoi595h92-s ensb int
^: Les observations: qui m'ont: mibi à une diérninatipn
Meroe de la forme primiuve de larragonite, m'ont été
suggérées par des morceaux. de cette substance que j'ai reçus
de M. de Paraga , qui professe:avec beaucoup de succes larmi-
héralogie à Madrid. Parmi les objets qui composoient son
envoi, se trouvoient deux cristaux 'd'arragonite, auxquels il
avoit fait lui-même des fractures qui rendoient sensibles les
joints obliques. à l'axe dont.j Jai. parlé meon p "M cris-
taux. diroieut des facettes naturell tà
ees joints, En réutissant ces diver miindlicdidimsoij! jen ai conclu
que la forme primitive de l'arragonite est un octaedre rectan-
gulaire (fig. 5), dans lequel l'incidence de M sur M est de
115 d. 36; celle de Psur P, de 109 d. 38", et celle de P sur
Tiyo
M, de 107 d. Loti) JL Jactaedre représenté. (le par en est
(1) Si du centre de loctatdre on mène une perpendiculaire sur l'aréte «i, une
D'HISTOIRE NATURELLE, 247
3
une variété qui à pour signe La us L'incidence de o sur o est
de. 70.d. 32°.
J'ai observé n un à DELL cr istal pta irit qui. ated la ;
forme d'un prisme hexaédre à sommets dièdres ( fig. 6). et
dont le signe est M E: P. L’incidence de M sur A est. de
122 d: 3h Ce cristal tiit Fr dun pone j t'a bes e
tingué, et qui venoit de la mine de fer de Sint: Marcel idm.
tement de la Doire. Je donne àla variété qu'il présente le nom
d'arragonite unitaire.
"Vola maintenant les conséquences. qui se déduisent ehe ré-
sultats dont je viens dé parler. Pour qu'il y eût: une analogie
de structure entre l'arragonite et la chaux carbonatée , il fau-
droit qu'il. existát Gan aat d'un rhomboide primitif de
cette der nièré substanc les joints naturels imperceptiblés pour
nos sens; mais sé té dans Phypôthèse o où ils p:
être saisis, de donner un octaédre t bl
celui de Parragünite. Tl arriveróit done filter mdi ehoiédue
dans certains minéraux dont la division mécanique ‘conduit à
des solides de deux formes; tel: est l'âmphigène qui se divise
à là fois paralléleniént à aux" faces Wum cube ev celis d'un
octaedre rhomboidal; c'est-à-diré que l'on pourróit ; ^en sabss
ütuant une dés deux formes à l'autre, par exertiple To üetaédre
de l'arragonite au rhomboide de la chaux: carbonatée; obtenir
par des lois de décroissement relatives à cet octaedre, toutes
E5913
iip T xS d PTP LS: f "FT A "TE
ie
je d
seconde sur aréte C, et une autre ligne € qii aboutisse à Pañglé E, ces trois lignes
seront entre elles dans le rapport des nombres ; V8 V 23, et V 46 6,
248 ANNALES DU MUSEUM
les variétés que présente la cristallisation de l'autre substance.
Or la théorie démontre l'impossibilité de cette substitution ,
quels que soient méme les angles de l'octaédre et ceux du
rhomboide; car tous les décroissemens relatifs au rhomboide
qui donnent des faces inclinées à l'axe, se font simultanément
sur les bords supérieurs B (fig. 3), situés trois à trois autour
des sommets; ou sur les six angles Æ, compris entre ces bords;
ou sur les bords inférieurs D, dont le nombre est encore de
six; ou sur les angles latéraux Æ , qui sont en pareil nombre;
ou enfin sur les angles inférieurs e, tournés trois à trois vers
chaque sommet. Au contraire, dans un octaédre rectangu-
laire (fig. 7 ) (1), les bords supérieurs B,qui subissent tou-
jours des décroissemens simultanés, sont au nombre de quatre
vers chaque sommet. Parmi les angles supérieurs A, dont le
nombre est le méme, il peut y en avoir deux qui restent in-
tacts, tandis que les lois de décroissement agiront sur les deux
autres, ou bien tous les quatre leur seront soumis à la fois; un
décroissement qui.n'agiroit que sur trois est exclus par la sy-
métrie de la cristallisation. Il en est de méme des quatre bords
latéraux C, G, qui n'admettent, point d'intermédiaire entre
deux et quatre décroissemens. Enfin , il suffira qu'un décrois-
sement agisse sur un des quatre. angles latéraux E, pour qu'il
se répete sur les trois autres.
Il suit de là que la cristallisation de la chaux carbonatée
a pour. échelle la, série 6; 12, 24, etc., dont. tous les termes
" 7
(1) L'octaèdre de la figure 5 est représenté dans une position- analogue à celle
des formes secondaires de l'arragonite. On a donné à l'octaédre ( fig. 7 ) une posi-
tion sous laquelle son axe est dirigé verticalement, pour faciliter cer de sa
comparaison avec le rhomboide ; fig. 3
D'HISTOIRE (NATURELLE. 249
sont des multiples de trois, et celle de: l'arragonite, la: série
4,8; 16, etc. , dont aucun terme n'est multiple de trois; d'où
il faut écachiFe "wa les deux systèmes de ‘cristallisation | sont
incompatibles. Les nombres de:chaque série, comparés à ceux
de l'autre peuvent étre assimilés, danses cas,auxincommen-
surables de la géométrie. ordinaire (1). j
J'ai promis de faire voir que l'angle m oh ( fig. 4) Fa 28d,
qu on obtient par la soudivision du rhomboide calcaire parallé-
lement à ses bords inférieurs, et qui se trouve naturellement
dans Varragonite prismatique , n'offre qu'une fausse indication
du rapprochement des deux substances. Pour le. prouver. 1
j observe que dans le groupe. représenté ( lig. 2), cet angle r ré-
sulte de la réunion de deux mers de 64 d. qui appartiennent
à deux prismes . accolés lun à à l'autre, d’où il suit que cet angle
est divisé en deux également par. le plan de jonction des
prismes dont. il sagit. Donc, si l'on. partage angle moh
(fig. 4) en deux moitiés, par | la droite 0 z,etsi. l'on mène m.
parallèle à o z , il fandra qu ly ; ait un décroissement. susceptible
de donner une fage située comme m y; on PP EE gonegyelr du
P : 1
FAS r, "ET r SEFA ; ssr "IT ue ZEAR4 b! 1 f 311 T*
- (1) On peut transformer un rhomboide' queléonque (fig. 5) en i eiae; par des
sections faites sur les disganaleshépendiales » prises trois à trois vers chaque sommet,
Ces sections mettront à à découvert deux triangles équilatéraux, qui, combinés avec
les six triangles Salis résidus des faces du rhomboide, composeront là surface
d'un octaeédre; mais jamais cet octaèdre ne sera rectangulaire. n ya seilléintit) "um
cas où: l'on aura un octaédre régulier pour résultat, savoir lorsque le rhomboide
générateur étant aigu, l'angle plan au sommet sera de 60 d. On peut encore extraire
un octaédre d'un enBoide par des sections faites sur les inm angles solides. , Cet
octaédre aura aussi deux triangles équilatéraux, tandis que les six autres seront is iso-
cèles, à moins que le solidè générateur ne soit un cube; auquel! cas l'óctaddre sera
régulier, Il ne faut qu'un prit icéteneón pour apéreeyoir que ces passages. duhom»
boide à l'octaédre sont étrangers à la question présente,
ii 33
250 ANNALES DU MUSEUM
côté opposé une autre face située dans le sens de rp, parallèle
à my, etsi l'on prolonge mg jusqu'à la rencontre de rp,
et rn jusqu'à la rencontre de my ,on aura un rhombe mpry
de 116 d. et 64 d. comme dans l'arragonite.
Or, en premier lieu, si on laisse subsister sans aucune al-
tération le rapport V3 à V2, qui est celui des diagonales du
rhomboide calcaire, on trouve qu'il n'y a aucune loi de dé-
croissemenl qui satisfasse à la question proposée, parce que
les quantités qui représentent lesnombres de rangées soustraites
en largeur et en hauteur sont incommensurables. Si l'on se
permet d'altérer le rapport des diagonales, de manière à ob-
tenir à trés-peu- prés l'angle de 64 d., par une loi ordinaire
de décroissement, cette altération produit dans la valeur des
angles du "rhoniboide calcaire une différence trop sensible pour
étre tolérée. Enfin on pourroit modifier les angles dont il s'agit
d'une quantité assez légère pour être négligée dans la pratique;
mais alors les lois de décroissement auxquelles on parviendroit
seroient d'une" complication ‘qui les rendroit iadmissibles.
D'ailleurs, dans l'hypothèse dont il sagit, deux des pans du
prisme d'arragonite, originaire du rhomboide de la chaux car-
bonatée, Savoir ceux qui répondent à mg et à nr, seroient
dans le sens des joints naturels ordinaires, tandis que les deux
autres, ou ceux qui a dieci àm ig et pr, seroient le ré-
sultat d une loi de déc quée. Les pans de Par-
ragonite se trouveroient donc dans des cas différens , relati-
vement à la structure, et il devroit en résulter une diversité
dans le poli, dans la netteté des joints parallèles à ces pans,
et dans la facilité de les obtenir. Gependant ils se ressemblent
parfaitement à tous égards; la cristallisation ne les distingue
D'HISTOIRE NATURELLE, 251
pas dans la manière dont elle les emploie; et cette identité
d'aspect , de tissu et de fonctions prouve qu'ils occupent aussi
le méme rang dans l'ordre de la structure, et ont des positions .
— sur la forme primitive.
Mais quand méme on trouveroit une loi admissible de dé-
croissement pour l'angle de 128 d. , on n'auroit résolu qu'une
partie du probléme, et il faudroit encore une loi susceptible
de donner le sommet dièdre, auquel appartiennent les faces
P, P (fig. 5). Or tous ceux qui sont tant soit peu versés dang
la théorie de la structure des cristaux , verront facilement que
l'on ne pourroit satisfaire à cette seconde condition (et encore
ne seroit-ce que d'une manière approximative ), sans renverser
la symétrie ordinaire avec laquelle agissent les lois de décrois-
sement ; nouvelle preuve. que l'angle de 128 d. n'offre qu'une
analogie de rencontre,
J'ajouterai ici la deerigi. de de nouveaux nod de
groupement que présentent les arragonites qui m'ont été enyoyés
par M. de Paraga. Le premier est composé de quatre oc-
taèdres primitifs, allongés dans le sens d'un axe parallèle aux
faces M, M (fig. 5 ) , en sorte qu'on peut les considérer comme
des prismes rhomboidaux à sommets dièdres, On voit (fig.8 )
une coupe transversale de cet assortiment, dans lequel les
octaèdres composans sont désignés par 4, B, D, F. Si Yon
divise l'espace intermédiaire p?syoz en deis — par
une droite to, on pourra considérer chaque trapèze, tel que
ptoz, soit comme une extension de l'un quelconque des trois
prismes , 4, B, F,soit comme produit par le concours de
ces prismes , dont chacun se prolongeroit dans la partie qui
lui est adjacente, jusqu'à un certain plan qui limiteroit cette .
partie. On peut faire encore d’autres hypothèses, et pour
33 *
252: ANNALES DU MUSÉUM
connoître-celle iqui a été réalisée par la cristallisation, il fau-
droit avoir déterminé la position des plans de jonction situés
dans la partie pts y oz, ce qui seroit extrêmement difficile.
Mais comme il y a des lois de décroïssement qui satisfont
égalemeht à toutes les hypotheses; j'ai choisi la plus simple de
celles-ci, qui consiste à regarder le trapèze p toz; comme une
extension du. rhombe Ap z g, et le irapèze s to y ; comme une
extension du. rhombe rs y m. Si l'on désigne les fáces qui ré-
pondentaux lignes ptsot,st,; par ces mêmes lettfes, on'àura
pour: le premier trapeze SA G^ et ponn le second, dis AER
ot
“Dantre groupe est composé de cinq prismes UR E à
ceux du précédent , et désignés par A, B, D, G,F, dans la
figure 9, qui représente la coupe iransvérsale db ce group 'e. “Le
prisme D ne peut être de niveau. par un de ses côtés fy avec
le côté adjacent fg du prisme G, sans que son autre cóté ya
ne fasse un angle réntrant avec le côté ux du prisme B. Si
parmi i les différentes hypothèses que Yon peut faire pour ex pli-
quer Ta formation de la partie intermédiaire entre les | prismes;
ñoûs la soudivisons en quatre triangles ksn,zxn,cdn,fdn,
on pourra concevoir les deux premiers réagi comme étant
une eMénsion dés | prismes ‘A, D, dont l'effet est lé même que
čèlui wd décroissemens * E F5, eiles deux ere triangles,
jai: )D fre f THRE F esa
comme nhe a mn neg prismes Cr. ui par une effet analogue
à celui, des. Ep jd insshisnos aIia a ATIO
i LT à 105 511 o£
"Les arragonites Re l'ai décrits j jusqu ici Sont de ceux que
lon trouve en Espagne. On en a découvert depuis quel-
ques années à , Vertaison, ‘dans le département du Puy-de-
Dôme. Ce sont encore des groupes composés d de: PA A cris-
La
t£ À
ON
D'HISTOIRE NATURELLE. 253
taux semblables à celui de la figure 1, et dont l’assortiment
est le même que figure 2. Les sommets dièdres des quatre
prismes se réunissent et se pénètrent en partie, de manière
à rester toujours distincts par leurs faces extérieures, qui
forment entre elles des tiges rentrans.
Je crois devoir rapporter à l'arragonite T cristaux aux-
quels M. de Bournon a donné le nom de chaux carbonatée
dure, et que ce célebre minéralogiste semble étre tenté de
considérer comme une espèce à part. On trouve de ces cris-
taux en Carinthie, en Transylvanie, dans le département du
Puy-de-Dôme, et ailleurs. Ils ont ordinairement pour gangue
une argile ferrugineuse. Ils forment des groupes d'aiguilles
parmi lesquelles on reconnoit des prismes hexaédres qui s'amin-
cissent en pyramides quelquefois terminées par un aréte per-
pendiculaire à l'axe, et dans certains cristaux, par des facettes
additionnelles. M. di Bournon, en divisant mécaniquement
ceite substance, a obtenu des prismes rhomboidaux de 128 d.
et. 64 d., en sorte qu il regarde ceux-ci comme offrant la
forme primitive de la chaux carbonatée dure, tandis qu il
adopte. pour l'arragonite le résultat « que j'ai énoncé dans mon
Traité, et qui doune des Jomiy inclinés entre eux de 116 d.
et 64 d. (Journal des mines, n° 103, p. 68 ) ; mais je suis par-
venu à diviser aussi la chaux UPS dure dans le sens de
la diagonale du prisme de 128 d., ce qui fait rentrer la di-
vision mécanique de cette shit dans celle de l'arragonite,
et prouve que l'angle dont il s'agit, résulte encore ici de la réu-
nion de deux angles primitifs de 64 d.
Parmi les formes cristallines qu'affecte la méme substance,
je n’en ai encore trouvé qu'une qui füt déterminable. C’est
celle dun dodécaedre composé de deux pyramides droites
254 ANNALES DU MUSÉUM
trés-aigués (fig. r1 ). La base commune de ces pyramides est
semblable à l'hexagone représenté (fig. 2), en sorte que le
cristal est un assemblage de quatre octaédres primitifs ( fig. 5),
modifiés par la loi A qui magit que sur celles des faces M situées
à l'extérieur (1). Lupi de r sur 7", ou de toute autre
face de chaque pyramide sur celle qui est adjacente à sa base,
est de 159 d. 44; celle de la méme face sur celle qui lui est
opposée derriere le cristal, est de 20 d. 355 celle de r sur r ou
de r sur r',est de 120 d. 265 et celle de 7' sur la face de re-
tour,est de 129d. 2’. J'appelle cette variété arragonite apotome.
Quant aux caracteres physiques, leur diversité dans les deux
substances ne m'ont pas paru assez marquées pour s'opposer
à la réunion de celles-ci dans une même espèce.
. On voit, par ce qui précède, que la cristallisation de l'ar-
ragonite a une forte tendance pour faire naitre des groupes
qui ont cela de remarquable, qu'ils offrent un tout dont les
parties sont tellement coordonnées, qu'on le prendroit sou-
vent pour un prisme qui auroit été produit à la maniere des
cristaux simples; et lors méme que le groupement sannonce
par les saillies que forment les sommets des cristaux compo-
sans, les faces primitives M, M ( fig. 5 ) restent toujours pa-
rallèles à un axe commun; en sorte que la surface latérale du
groupe conserve l'empreinte dela forme prismatique. La double
pyramide hexaëdre (fig. 11 ) que j'ai décrite plus haut, pré-
sente un assortiment analogue. On diroit que larragonite
n'échappe que par accident à cette Oe vers le grou-
aii
(1) Le groupement absorbe, pour ainsi dire, les autres faces qui naítroient "mé
triquement aux précédentes sur des cristaux solitaires.
D'HISTOIRE NATURELLE. 255
pement, puisque jusqu'ici le département de la Doire est le
seul endroit qui ait offert ce minéral sous des formes pures,
On sait que rien n’est si familier à la cristallisation que les
groupemeas. On en trouve de nombre ples dans presque
toutes les espèces, et en particulier dans celle de la chaux car-
bonatée ; mais cet effet provient de la formation simultanée
de plusieurs cristaux dans un même espace, où ils se sont en-
suite réunis en vertu de leur accroissement ; au lieu que chaque
cristal d'arragonite est un assemblage symétrique de cristaux
particuliers liés étroitement les uns aux autres. Cette com-
plication de pièces de rapport, que la cristallisation substitue
ici à la simplicité ordinaire de la structure, est une nouvelle
singularité ajoutée à celle que présente ce minéral, lorsqu'on
le compare à la chaux carbonatée sous le double rapport de
la chimie et de la minéralogie.
Les expériences que j'ai faites sur la réfraction des deux
substances tendent à indiquer entre elles une nouvelle diffé-
rence de nature. On sait que les rhomboides de chaux car-
bonatée doublent les images des objets vus à travers deux de
leurs faces prises parmi celles qui sont parallèles; et pour
qui cet effet ait lieu, il suffit que l'objet , tel qu'une épingle ou
une ligne tracée sur un papier, soit en contact avec la face
opposée à celle qui est tournée vers l'oeil. J'ai pris un fragment
transparent d'un prisme hexaèdre d'arragonite du départe-
ment du Puy-de-Dôme, ayant la structure représentée fig. 2,
et j'ai regardé à travers deux de ses pans parallèles, tels que
mnto, æphk (fig. 10), un fil délié de métal que je faisois
mouvoir près du pan opposé à celui par lequel entroit le
rayon visuel. Quelle que direction que je donnasse à ce fil,
limage paroissoit simple; la distance entre les deux pans
256 ANNALES DU MUSÉUM
étoit. d'environ. 8 millimètres ou.3 lignes :et-demie: Je placai
ensuite le méme fil sous un rbomboiïde de chaux carbonatée
dont l'épaisseur n'étoit. que la moitié de celle du prisme ar-
ragonite, et. l'image fut doublée d'une. manière sensible. :
Dans cette expérience , les deux pans ‘du ‘prisme d'arrago-
nite à travers lesquels. je: regardois le fil, étoient parallèles à
l'une des faces M, M (fig. 5) de "pese primitif; d’où il
suit qu'elles étoient inclinées à l'axe de cet octaèdre qui passe
par les angles Æ, £'. Ainsi le corps réfringent se trouwoit
dans un cas analogue à celui où les images sont doublées ,
lorsqu'on emploie la chaux carbonatée. De plus, le prisme
étoit: divisible, dans toute son épaisseur, parallèlement aux
,mémes pans, en sorte que le groupement ne €—— pas
devoir influer ici sur la marche des rayons. © :
Un autre prisme a été taillé de manière que son épaisseur
se trouvät diminuée de moitié, d’où il suit qu'un des deux
prismes composans , tels que U, T'( fig. 2.) compris dans la
première épaisseur, avoit été supprimé. L'image a conservé
sa simplicité, tandis qu'âvec un rhomboide dé chaux eart
bonatée qui étoit moins épais; l'effet de la double réfraction
avoit encore lieu. ;
. Avant d'aller plus loin, je dois prévenir que la à apart ds
cristaux d'arragonite ont dans leur intéri
des glaces où autres défauts accidentels qui muisent. dla nen
teté de la vision, quand on s'en sert pour: regarder de loin la
flamme d'une bougie, en sorte. qu'on voit souvent plusieurs
images de cette flamme gronpées confusément; et dont il seroit
difficile ique le nombre ( s On. pare à cet inconvémient
+ à
0) DA met un fil en contact avec le prisme d’arragonite, comme dans les
D'HISTOIRE NATURELLE. 25%:
en appliquant sur la face opposée à celle qui est du côté de
l'œil, une carte percée d'un trou d'épingle, qui faisant l'office
de diaphragme, supprime une grande partie des rayons dont
les aberrations produiroient de fausses images (1). J'ai em-
ployé aussi un morceau d’arragonite détaché d'un prisme
analogue à la figure 2, et taillé de manière que les deux faces
réfringentes fussent parallèles aux bases de ce prisme. Un fil
vu à travers ce morceau paroissoit simple, ce qui au reste
ne prouveroit rien, parce qu'alors les deux faces réfringentes
étoient situées parallelement àl'axe Æ E' (fig. 5 ) del'octaedre
primitif (2).
J'ai regardé ensuite à travers le même prisme Visage de la
flamme d'une bougie placée à la distance de plusieurs mètres.
M. Biot, en se servant d'un arragonite taillé de la méme ma-
niére , a vu trois images de la flamme, dont chacune se sou-
divisoit en trois autres (3). Voici ce que l'observation m'a
offert à l'aide du cristal dont jai parlé. Lorsque je n'em-
leurs point le diaphragme, je voyois une multitude d'images
qui, à mesure que je faisois tourner le prisme autour d'un
axe horizontal , ou que je l'inclinois soit vers la droite, soit
expériences précédentes, on a soin de choisir les parties diaphanes et exemptes de
tout ce qui pourroit offusquer les images.
— (1) L'inconvénient dont il s'agit, a également lieu avec d'autres substances , telles
que la cbaux fluatée dont la réfraction est kines La même précaution le fait dis-
paroître.
(2) Les prismes hexaedres réguliers de chaux akama. qui sont diaphanes ,
ne doublent pas les images des objets vus à travers deux de leurs pans opposés,
c'est-à-dire à travers deux faces réfringentes, situées parallèlement à l'axe du rhom-
boide primitif , Cest une seconde limite à laquelle parvient ici la réfraction, indépen-
damment de celle qui donne les images simples à travers deux faces perpendiculaires
à l'axe. D
(3) Nouveau Bulletin des sciences de la Société philom., t. I, p. 54.
27
258 ANNALES DU MUSEUM
vers la gauche, avoient des mouvemens très-diversifiés. Ces
images paroissoient composer plusieurs systèmes, en sorte
que celles qui appartenoient à un méme système, marchoient
dans un méme sens, et que celles qui étoient relatives à dif-
férens systèmes se croisoient par des mouvemens contraires.
Elles n'étoient pas simples, et la plupart se soudivisorent en
trois ou. quatre qui se touchoient. Pour débrouiller cette com-
plication, j'appliquai le diaphragme sur la face réfringente
tournée vers la lumière , et alors les mages devmrent simples
ét beaucoup moins ndkobréascé assez souvent je n'en voyois
que trois dont les deux extrémes tournoient autour de celle
du milieu, jusqu'à un certain terme, pendant la rotation du
prisme; et disparoissoient ensuite pour faire place à d'autres.
En variant la position du trou d’épingle’, je parvins à ne plus
apercevoir que l’image du milieu, en sorte que pour faire
reparoitre les deux autres, il falloit donner au prisme un mou-
vement d'inclinaison plus ou moins considérable. Or si l'arra-
gonite avoit par sd nature la’ propriété de faire subir neuf
réfractions à à la lumière, cette propriété devrait subsister dans
le rayon qui pe parle trou d'épingle, quel qué füt Te pomt
qui i répondit à cette ouverture, et il en seroit ici de l'arrago-
nite comme des sers qui, ayant par. elles-mémes la
double réfraction; en. manifestent constamment. les. effets dans
les expéri blables à-celle dont je viens de parler. On
a donc tout lieu de croire que les images qui semblent se jouer
dans un cristal d'arragonite autour de l'image principale, dé-
pendent du. groupement ou de le réflexion sur-les pentinn in-
térieures du cristal (1): Mp sued
(1) La chaux carbonatée- présente un phénomène à-peu-près di méine'genre que
D'HISTOIRE NATURELLE. 259
J'ai soumis à l'expérience deux autres portions de cristal,
taillées de manière que l'une des faces réfringentes étant tou-
jours parallèle à la base du cristal dont elles avoient été
détachées, l'autre faisoit avec elle un angle de 10 à 15 degrés.
L'un des prismesprovenoit d'un arragonite d'Auvergne, ap-
partenant à la variété représentée figure 2, et l'autre d'an ar-
ragonite d'Espagne, ayant la structure indiquée par la figure
9. Avec l'arragonite d'Auvergne, muni de son diaphragme,
je voyois assez constamment quatre images de la flamme, dont
les deux du milieu étoient sans iris, et les deux extrêmes
étoient teintes de couleurs prismatiques. Lorsque j'employois
un fil métallique, comme objet de la vision, ces dernieres
images étoient foibles et semblables à des ombres. L’arragonite
d'Espagne n'offroit que deux images, en sorte que ses effets
se réduisoient à la double réfraction occasionée par l'incli-
naison respective des faces réfringentes. M. Malus, officier du
génie; que le beau travail" qu'il prépare sur l'optique a mis
dans le ‘cas de s'exercer aux ‘expériences les plus délicates
en ce genre, a bien voulu vériliér lui-même la plupart de
celles que je viens de citer ; et les résultats dé ses observations
se sont trouvés d'accord avec ceux que j'avois obtenus.
"Les e&périences dans lesquelles j'ai émployé une portion
daccedoniol prismatique coupé transversalement, ont ‘offert
des runs si variables , qu'on ne peut méconnoitre, ainsi
que je l'ai déjà remarqué, l'influence du groupement et de la
celui dont.il s'agit ici. Lorsqu'on regarde une lumière à travers un rhomboide de
cette substance, on voit, pups damment des deux i images données par la réfraetion "
d'autres images qui, dans ce cas, proviennent évidemment des rayons réfléchis re
les parois intérieures, et qui repassent dans’ l'air en se ditigeant Vers Poil, ^ "7
ap"
260 . ANNALES DU MUSÉUM
réflexion dans ce que ces phénomènes ont d'extraordinaire.
La seule expérienee qui mérite d'étre comptée dans la dis-
cussion relative à la question présente, est celle qui donne
des images simples à travers deux faces primitives situées pa-
rallèlement sur un cristal d'arragonite. Le earactére distinctif
qui en résulte est d'autant plus remarquable , que la propriété
opposée, celle d'offrir des images doubles dans le méme cas,
appartient presque exclusivement à la chaux carbonatée, le
soufre étant jusqu'ici le seul minéral qui la partage avec elle.
Une autre différence que je ne dois pas omettre, quoi-
qu'elle n'ait pas à beaucoup prés la méme importance que les
précédentes, est celle qui se tire de la manière d'agir de la
chaleur. J'ai détaché de petits fragmens d'un morceau d'ar-
ragonite transparent , et d'autres d'un morceau de chaux car-
bonatée dite spat d Islande. Je les ai présentés successivement
à la flamme d’une bougie, sans employer le chalumeau. Ceux
qui provenoient de larragonite. se. convertissolent presque
aussitôt en une poussière blanche dont les grains étoient lancés
autour de la flamine par une espèce de petite explosion. Les
fragmens de chaux carbonatée restoient intacts,et conservoient
méme long-temps leur transparence; à moins qu’ils ne fussent
extrémement petits. Lorsque les deux substances ne sont plus
dans leur état de perfection , la différence entre les effets est
moins marquée : ainsi les morceaux .d’arragonite, fibreux et
presque opaques blanchissent seulement et deviennent friables
par l'action de la chaleur. La chaux carbonatée blanchâtre,
et qui n'est que translucide, décrépite souvent et se disperse
en éclats; maissi l'on a soin de chauffer le fragment | par degrés;
en l'approchant doucement de la flamme, de maniere à pré-
venir l'effet de la décrépitation, il ne se divise plus. Il en
D'HISTOIRE NATURELLE. 261
résulte que plus les deux substances approchent de la trans-
parence, plus aussi l'une devient altérable par un degré de
chaleur auquel l'autre résiste; en sorte que dans la circons-
tance où elles se prêtent le mieux à une comparaison exacte,
c'est-à-dire dans celle où elles ont atteint cet état de perfection
qui est comme la limite de leurs différentes modifications,
leurs effets sont opposés.
En résumant tous les coraetàmia énoncés "m ce Mémoire,
on trouve que l'arragonite différe dela chaux carbonatée par
une dureté beaucoup plus considérable, par une pesanteur
spécifique plus grande , mais seulement dans le rapport d'en-
viron 29 à 27, par un éclat plus vif, par une forme cristal-
line incompatible avec celle de l'autre substance, par une
réfraction simple dans les mêmes cas où celle dela chaux car-
bonatée: est double, enfin pest üne résistance ai foible à
l'action de la chaleur. ! -
D'après cet ensemble de caractères , on digue do toujours
facilement l'arragonite de la chaux carbonatée, tant que ses
cristaux se préteront à l'observation des mêmes caractères ;
mais cette substance subit, comme une multitude d'autres,
des modifications qui Féeries dé sa: état de perfection. Elle
forme des faisceaux d'aiguilles plus ou moins déliées,
et passe par degrés du Ajis Gbreix: à à l'aspect d’une masse
compacte où tous les indices de cristallisation ont ‘disparu.
Elle se rapproche alors des variétés analogues que présente
la chaux carbonatée, en sorte qu'il est difficile de les distinguer
l'une de l'autre. Il reste cependant des indices qui peuvent
aider à éviter la méprise. Les aiguilles de chaux carbonatée,
lorsqu'ou les brise, offrent des faces brillantes , inclinées trois
à trois autour d'un méme sommet; au lieu. que celles d'arra-
263 ANNALES DU MIUSÉ UM!
gonite n'ont de joints naturels bien sensibles que parallèlement
à leur axe : de plus, elles conservent une différence d'éclat
avec celles de l’autre substance. Les relations de position que
les variétés de forme — ont. "—- celles qui sont
cristallisées > — un nou y itre ce qui
appartient au de: eus bst Dans le départe-
ment du Puy-de-Dôme, on suit de l'ceil tous. les: passages qui
lent avec l'arragonite cristallisé régulièrement, les variétés en
masses! fibreuses et compactes: Il existe à Montmartre: des
concrétions mame]onées , dontile tissu est fibreux , du genre
de celles qu'on appelle a/bátre, et qui sont plus dures qué la
ehaux carbonatée ordinaire; en sorte que leur nature pourroit
paroitre douteuse, si on les considéroit isolément : mais on
observe souvent; "a surface - mamelons que produit cette
substance, des: pyramides triangulaires qui iudiquert une ten-
dance vers la forme dela variété du chaux carbonatée que j'ai
nommée spiculaire,et qui abonde sur des concrétions stra-
tiformes que l'on trouve dans le méme endroit; d'où l'on doit
conclure que les premières appartiennent à la chaux:carbo-
natée: Ilen est de méme de celles que j'ai appelées fistulaires;
et qui ont ordinairenient, à l'endroit de leur axe, un tube
évidemment composé de chaux carbonatée ; ; ensorte cobalt
il est isolé, on ‘peut le diviser mé t dans des sens
paralleles aux faces du rhomboide m——: Onmé peut douter
que toutes les couches opaques et quelquefois :fibreuses qui
enveloppent ce tube ne soient de la méme mature; d'autant
plus qu'assez souvent les molécules finissent par se déposer à
la surface, sous la forme de pyramides analogues à celles des
cristaux caleaires. Mais je partage l'opinion. de M! Cordier;
ingénieur des mines, au sujet des concrétions appelées /fos
D'HISTOIRE NATURELLE. $068
ferri, que ce savant minéralogiste regarde comme une va-
riété d'arragonite (1). M. de Bournon de son côté, les.rap-
porte à la substance qu'il nomme chaux carbonatée duré; 2);
et dont j'ai prouvé plus haut l'analogie avec lárragonite. A
l'égard des masses composées dé fibres parallèles. ayant... un
tissu soyeux, telles qu'on en trouve en Angleterre , leur peu
de dureté, jointe à lenr- résistance à l'action: dé là flamime
d'une jeu me porte à croire vergens edt Pi ipie dà
chaux carbonatée. x
. On voit, par ce disini cg ne inh n Voie ini des
ressemblances entre ces variétés de chaux carbonate- etar-
ragonite, que lon: peut regarder cómme leurs dernières mon
difications, que lune de ces substances passe à l'autre; Gemot
de passage, ique. l'on a: MUN pisisiewes fois par rapport à
+ les nng adis: ngr brac: non
des minéraux qui differen 3 des : 3
leur antaiia n'eseitidui hus l'embarras de: les distinguer.
lorsqu'ils sont. dans certains états où leurs. res les plus
$aillansont disparu: pour faire place à une ressemblánce tróm-
ponina: Adibi bedient fibreuse et l'amphibole fibreux se
"fois, au: kein e: l'œil: seroit. tenté de
kawsani: HASIS uir h
: Mais il suffit lebe midi nne fibre de. onetati ét. de. la
faire chauffer ; pour :qu'elle: donne: des: ‘signes d'électricité vi
trée d’un cóté; et résineuse de l'autre. Or, comme la position
des: pôles électriques est en. relation ‘avec la- forme, il en
résulte que la: cristallisation pau: à imprimer aux: fibres
de. la tourmaline le caractère géométrique qui-disingne cette
^
TIIIIIoNS LINE Harriet rasta fu Eye atris
$ $
so rase du qu 273 i —
H1 - CIDE: af Tr el
- (1) Jóurnal des imfáes , n. siboyo hoic 42895
aqa) Transactions’ philosop. 1803, p. 325: et suiv. mus d daenp CPI
364 ANNALES DU MUSÉUM
substance, quoiqu'ilsoit alors imperceptible pour nos sens. La
même chose doit avoir lieu par rapport à l'amphibole; chacune
des deux substances continue d’être ce qu'elle est, jusque dans
les modifications qui nous paroissent les plus insignifiantes,
et cet exemple nous apprend ce qu'on doit penser de ces pas-
sages que l'on a imaginés entre certains minéraux , à l'endroit
où leurs limites , toujours invariables en elles-mêmes, semblent
échapper à l'imperfection de nos moyens.
Le défaut d'accord qui existe entre les résultats de la chimie
et ceux de la minéralogie, relativement à l'arragonite et à la
chaux carbonatée, est un fait unique jusqu'ici, et dont l'ex-
plication dépendra probablement d'une nouvelle observation
amenée par le progrès des sciences, et auprès de laquelle ces
résultats , en apparence incompatibles, viendront se rallier ;
mais on peut demander si, dans l'état actuel de nos connois-
sances, le minéralogiste est fondé à faire de l'arragonite une
espèce distinguée de la chaux carbonatée. Or la différence entre
lesdimensionset les angles de la molécule intégrante me paroit
suffire seule pour établir l'affirmative. On conçoit bien qu'une
méme forme de molécule puisse appartenir à deux substances
différentes, parce quela formeen général n'étant autre chose que
l'assemblage des plans qui limitent un espace, il est possible que
tel espace , parexemple celui qui répond àun cube , soit occupé
tantôt par lesmolécules de tel acide et de telle base, tantôt par
celles d'un autreacide et d'une autre base. Ces diverses molécules
élémentaires seront comme des piéces de rapport dont les
figures et l'assortiment pourront varier, de manière que les
plans extrémes conservent toujours les mémes positions res-
pectives. Mais on ne conçoit pas que des élémens qui seroient
les mêmes quant à leurs qualités, à leurs quantités respectives -
D'HISTOIRE NATURELLE. 265
et à leur mode d'aggrégation, pussent donner riaissance à des
molécules intégrantes de deux formes différentes, surtout si les
dimensions de ces molécules n’ont aucune mesure commune,
ainsi que dans le cas présent. Cette diversité ne peut être que
l'effet d'une cause qui a influé d'une manière quelconque sur
la composition, et l'on est forcé de séparer les substances qui
présentent les deux formes.
Les caractères physiques se réunissent à celui que fournit
la géométrie des cristaux , pour indiqter la même séparation.
J'ajoute que le minéralogiste, en l'admettant, ne fait que se
conformer à un principe émis par le célèbre auteur de la
statique chimique (1), et qui a méme ici d'autant. plus de
force, qu'il suppose tacitement que l'arragonite, considéré
sous le rapport de la chimie, ne differe en aucune maniere
de la chaux carbonatée. « Une méme composition dans les
minéraux, dit ce savant, peut donner naissance à des qualités
physiques assez différentes, pour qu'il soit nécessaire de les
séparer. Ainsil'on ne devra pas confondre le cristal de roche
avec le silex, quoiqu'ils aient une méme composition. » Or,
on peut dire que l'arragonite diffère beaucoup plus de la
chaux carbonatée par ses caractères physiques, que le silex
ne differe du cristal de roche. Ces deux dernieres subs-
tances ont presque la méme dureté et la méme pesanteur
spécifique, et il y a des morceaux de silex qui passent presque
immédiatement à l'état de quartz cristallisé, Ainsi la miné-
ralogie a des données plus que suflisantes pour faire de
larragonite une espèce distinguée de la chaux carbonatée ,
PE
(1) Tome I, page 456.
11.
35
266 ANNALES DU MUSÉUM
en la plaçant toutefois à côté d'elle dans un méme genre. Mais
l'adoption que j'ai faite d'une nomenclature puisée dans le
langage de la chimie française, ne permet pas encore de
changer lenom d'arragonite, quoique vicieux (1), pour y en
substituer un qui ait , comme tous les autres , l'avantage pré-
cieux d'exprimer la nature des principes composans, autre-
ment on auroit deux noms identiques pour des espèces diffé-
rentes. Le véritable nom sera suggéré par l'observation ou
par la découverte qui donnera la solution du probléme, en
remontant jusqu'à la cause, quelle qu'elle soit, des diversités
que présentent les propriétés de larragonite, comparées à
celle de la chaux carbonatée.
—
(1) Ce nom est tiré de celui du royaume d'Arragon, dans lequel on a d'abord
trouvé l'arragonite. Les principes d'une bonne nomenclature me paroissent exiger
que les noms de pays ne soient employés que pour désigner des individus, comme
les noms empruntés des couleurs , ne doivent servir qu'à désigner des variétés.
D'HISTOIRE NATURELLE. 267
- ANALYSE
DE L’'APLOME
PAR A. LAUGIER.
Histoire naturelle; propriétés physiques.
M, Haury a nommé aplóme une substance pierreuse qui se
trouve en Sibérie, sur les bords du fleuve Léna. On doit la
connoissance de sa localité à M. Weiss qui a cédé au Gou-
vernement la belle collection que l'on voit dans les galeries du
Muséum d'histoire naturelle. L'aplóme a quelques rapports
avec le grenat et avec l'idocrase; mais il diffère du premier par
sa pesanteur spécifique, et de la seconde par sa forme pri-
mitive. La forme des cristaux de l’aplôme semble indiquer
qu'ils sont le résultat d'un décroissement par une seule rangée
sur tous les bords d'un cube. « Ce décroissement est si simple
» et si élémentaire, dit M. Haüy dans son Traité de minéra-
» logie, que je l'avois choisi pour le premier de tous, en ex-
» posant ma théorie relative à la structure des cristaux. » Cette
disposition , qui est particulière à l'aplóme, puisque M. Haüy
ne la observée dans aucune autre substance, a déterminé ce
do"
268 ANNALES DU MUSÉUM
savant à ranger cette pierre parmi les substances douteuses ,
et à lui donner la dénomination d’aplôme qui veut dire sim-
plicité.
Cette particularité dans la cristallisation de l'aplóme étoit
un motif d'en rechercher la composition, et je me suis occupé
de lexamen chimique de cette pierre, d'autant plus volon-
tiers qu'aucun chimiste, à ma connoissance, n'en a encore
fait. l'analyse.
L'échantillon qu'a bien voulu me donner M. Haüy, et sur
lequel j'ai opéré, est bien cristallisé. Ses cristaux ont à-peu-
près le poli et la couleur de l'axinite violátre. L'aplóme est
très-dur, et ne se réduit en poudre qu'avec difficulté; il se
divise d'abord en petites molécules cristallines, brillantes,
qui résistent à l'action du pilon.
Sa pesanteur spécifique, selon M. Haüy, est de 3,444.
Une quantité donnée d'aplóme perd par une forte calcina-
tion deux centièmes de son poids.
Examen chimique de l'aplóme.
A. J'ai chauffé dans un creuset d'argent cent parties de
cette pierre réduite en poudre fine, avec quatre cent parties
de potasse caustique. Une chaleur rouge, soutenue pendant
une demi-heure, n'a opéré qu'une fusion páteuse; la masse
refroidie avoit une couleur vert-bouteille foncée ; l'eau dis-
ullée a pris la méme couleur, que l'acide muriatique a fait
passer au rose : un excès de cet acide a complètement dissous
le mélange. L'évaporation à siccité a donné une poudre jaune
qui s'est dissoute en grande partie dans l'eau. Il est resté sur
le filtre une matière blanche que j'ai calcinée au rouge. Elle
D'HISTOIRE NATURELLE. 269
étoit trés-fine, rude à la langue, insoluble dans les acides, et
soluble en entier et à froid dans la potaje caustique. On sait
que ces propriétés n'appartiennent qu'à la silice. Die poids
étoit de 4o centièmes.
B. La dissolution muriatique , privée de la silice, contenoit
un excés d'acide. L'ammoniaque, ajoutée en excés, en a pré-
cipité une matiére rougeátre, floconneuse, que j'ai recueillie
sur un filtre, et que j'en ai séparée encore humide pour la
faire bouillir avec une dissolution: de potasse caustique. La
matiere a perdu sur-le-champ une grande partie de son vo-
lume, et ce qui a refusé de se dissoudre a pris une couleur
rouge plus intense. ;
C. J'ai jeté le mélange sur un filtre que jai lavé jusqu'à
ce que l'eau en sortit insipide, et apès avoir sursaturé la so-
lution alcaline par l'acide muriatique, j'y ai versé de l'ammo-
niaque en excès qui en a précipité une matière blanche flo-
conneuse. L'acide sulfurique, versé sur ce précipité humide,
la dissous en totalité, et l'addition de quelques gouttes de
sulfate de potasse liquide a déterminé la formation d'un grand
nombre de cristaux octaédriques, ayant une saveur acide, as-
tringente , dont le poids représentoit 20 centièmes d'alumine.
D. La portion rouge, insoluble dans la potasse caustique,
a pris par la dessication à l'air la couleur noire, l'aspect
vitreux que donne ordinairement à l'oxide de fer la présence
d'une certaine quantité d'oxide de manganése. Ce mélange
calciné au rouge, pesoit 16 centiémes et demi. Pour opérer
la séparation des deux oxides, j'ai employé l'acide muria-
tique étendu de douze parties d'eau. Il me semble que
ce moyen pourroit étre substitué avec avantage à l'acide
acétique et au succinate d'ammoniaque dont on se sert plus
270 ANNALES DU MUSEUM
habituellément. Mais pour qu'il réussisse complétement, il
faut avoir la précaution d'amener d'abord les deux métaux
aù maximum de leur oxidation en les faisant bouillir à plu-
sieurs reprises avec de l'acide nitrique concentré. Parvenus à
cet état d'oxidation, les deux métaux se comportent diffé-
remment avec l'acide muriatique étendu d'eau et froid ; l'oxide
dé fer s'y dissout , et l'oxide de manganèse reste au fond du
vase sous la forme d'une poudre brune-foncée. On est assuré
que la séparation est exacte lorsque la dissolution qui contient
le fer donne un précipité d'un bleu trés-pur par le prussiate
de potasse, au lieu que le précipité est bleu-verdátre pour
peu que le fer soit mélangé de manganése. L'oxide de fer pe-
soit 14 centièmes et demi; il ne restoit donc que deux cen-
tiemes pour le poids de l'oxide de manganèse.
E. On a vu que les élémens de laplóme fondu avec la
potasse avoient été dissous en totalité par l'acide muriatique,
que l'évaporation à siccité en avoit séparé la silice, que l'am-
moniaque en avoit précipité l'alumine et les oxides de fer et
de manganèse. Tous ces produits réunis ne représentoient
pas la quantité de la pierre soumise à l'expérience : il falloit
donc rechercher dans la dissolution mise à part les autres
principes qui devoient compléter l'analyse. L'addition d'une
suffisante quantité de carbonate de soude a opéré la précipi-
tation d'une matière blanche, floconneuse, dont j'ai accéléré
la séparation par une chaleur convenable. Jai lavé cette subs-
tance et je l'ai traitée pe l'acide sulfurique’, qui ne m'a pas
paru la dissoudre; et j'ai chauffé fortement le mélange pour
en dégager l'excès d'acide. L'eau froide avec laquelle j'ai lavé
le résidu n'a retenu aucune trace de sel cristallisable et sa-
pide; d’où j'ai cru pouvoir conclure que cette matière étoit de
D'HISTOIRE NATURELLE. 271
la chaux pure sans mélange de magnésie. En effet, le résidu
insoluble dans l’eau froide, se dissolvoit en petite. quantité
dans l’eau chaude, et sa dissolution, comme celle du sulfate
calcaire, précipitoit abondamment par les dissolutions d'oxa-
late d'ammoniaque et de nitrate de baryte. La chaux, con-
tenue dans cent parties d’aplôme , donne par sa combinaison
avec l'acide sulfurique 36 parties de sulfate qui représentent
14 centièmes et demi de cette terre.
F. L'expérience prouve journellement que les eaux-méres,
qui contenoient d'abord tous les principes des pierres, re-
tiennent avec opiniátreté une petite quantité de ces principes,
quels que soient les réactifs dont on ait fait usage pour en
opérer la précipitation; aussi est-il indispensable d'évaporer
ces eaux-meéres. et de calciner le résidu salin qu’elles four-
issent. La calcination du résidu de l'eau-mére de l'aplóme
m'a donné 2 centièmes, d'un mélange de silice et d'oxide de
Sagas |
.. En additionnant la somme de tous les produits que l'ana-
lyse de l'aplóme m'a fournis, jai obtenu de cent parties de
cette pierre les résultats ci-après indiqués;
Sillém: 55 SOMMES 40
Alumine . « wps + + + + « 20
Chaux -- MOMENT DT 6 «6! à 14—5
Oxide de fer. TE 6 o4 low à 14—85
Oxide de manganèse. . . . .2
Mélange de silice et de fer. . . 2
Perte par la calcination . . . .2
Remarques sur lanalyse de l'aplóme.
La perte de 5 centièmes que l'on observe dans cette ana-
na ANNALES DU MUSEUM
lyse m'ayant donné lieu de présumer que la pierre qui en
est le sujet pouvoit contenir des principes solubles, tels
que des alealis, j'ai cru devoir traiter cent autres parties
d'aplóme par l'acide sulfurique; mais je n’ai aperçu par ce
moyen aucune trace de potasse ni de soude. J'ignore donc
absolument quelle peut étre la cause de cette perte qui toute-
fois est bien légère, puisque dans toute analyse exacte, on
admet comme déficit inévitable une quantité de 3 centièmes,
ce qui réduit à 2 centièmes seulement la perte réelle que j'ai
éprouvée.
L'analyse de ce minéral prouve qu'il ne peut étre rap-
porté ni au grenat de Bohéme, ni à celui de Syrie , que l'on
nomme grenats orientaux, puisque ceux-ci ne donnent que
tres-peu ou point de chaux,et que la quantité de fer y est
beaucoup plus considérable; d'ailleurs le grenat de Bohême »
analysé par M. Klaproth, a fourni 10 de magnésie.
Les autres substances avec lesquelles l'aplóme a du rapport
sont l'axinite et l'épidote ; mais ces deux espèces ont des ca-
ractères qui tendent à en faire séparer l'aplóme.
Le grenat jaune de Corse, dont l'analyse se rapproche en
quelque maniere de celle de l'aplóme, fournit une quantité si
considérable de chaux; qu'il n'est nullement prdbahle que celui-
ci n'en soit qu'une variété.
Dans cet état de choses, il me semble que lorsque les résultats
de l'analyse nesont pas assez tranchans pour décider la ques-
tion , il est indispensable de combiner avec ces résultats les pro-
priétés géométriques. et physiques, et en suivant ici cette
marche, sans doute admissible, on seroit porté à croire quele
minéral dont il s'agit forme une espèce particulière.
D'HISTOIRE NATURELLE. 273
SUITE DES PLANTES
DU COROLLAIRE DE TOURNEFORT,
PAR M. DESFONTAINES.
VALERIANA SISYMBRUFOLIA (Valériane à feuilles de Cresson ).
Tab. »8..
ve foliis omnibus pinnatis ;. foliolis ovato-subrotundis ,
integerrimis. Wanu. Spec. à, p. 7.— F': orientalis , Sisym-
brii Matthioli folio. Toury: Cor. Inst. 6.— Vélins du Muséu m.ar
Ehte belle espèce de ane, originaire Mike a:
quelques rapports avec le #7. FRE Lin.
Racine charnue, pivotatite , de là longueur et de la gros-
seur du petit doigt , garnie de ton gus libres desceñdantes qui
sortent de sa surface,
Tige droite, simple, lisse, longue d'un ou débx pieds.
Feuilles opposées, pennées avec une impaire Trois paires
de folioles, alternes , ovales ou arrondies, obtuses, glabres, en-
tières‘, portées chacune sur un pétiole court; elles vont en
11. 36
294. ANNALES DU- MUSEUM
croissant de la base du pétiole jusqu'au sommet. Celle qui le
termine est la plus grande.
Fleurs d'un rose-pále, trés-rapprochées, disposées en co-
rymbe au pomper de le tige; pcoompagnées de petites bractées
linéaires.
Corolle en entonnoir. Tube comprimé, ayant à sa base une
petite-bosse latérale. Limbe ouvert, à cinq divisions obtuses,
un peu inégales.
Trois étamines plus longues que | le tube. Filets gréles. An-
thères petites, obtuses, mobiles , à deux loges.
Un style surmonté de trois stigmates.
Je n'ai point vu le fruit.
Les feuilles pennées avec une impaire; les folioles ovales,
obtuses ou arr — sont les caractères qui dislinguent cette
espèce... j
Cacnrys cnETICA ( Cachrys de Crète). Tab. 29.
€. folüs: bipinnatis ; foliolis.lanceolatis; serratis; semini-
bus.suleatis; asperis. Lamxncs. Dict; 1, p; 250. iux crée
tica, Angelicæ: folio , Asplodeli radice. Toerx: Cor: Inst.
23. — Libanotis Apii fa, semine rés C. B. Pix. De —
Vélins du: Muséum, v.. |
Tournefort a laissé La ses manuscrits une, description.
abrégée de cette plante. qu il découvrit, en 1700, dans l'ile.
dé Candie. Il dit que la fleur étoit passée lorsqu'il lobservas,
et en elfet, les individus conservés dans son. herbier et dans
celui de Vaillant n'ont.que des fruits...
De la base de la tige sortent plusieurs racines fusiformes ; :
divergentes , charnues, de la grosseur, du.. doigt, .longues- de,
D'HISTOIRE NATURELLE. 275
trois pouces, terminées par une radicule gréle. Tournefort
dit que leur surface est couverte d'une enveloppe brune,
“qu’elles sont blanches intérieurement et d'un goût aromatique.
Tige droite , ferme, cannelée, peu rameuse, haute d'un pied
et demi, sur trois ou quatre lignes d'épaisseur.
Feuilles ressemblantes à celles de l'Angélique sauvage , À.
sylvestris, Lin.; deux fois pennées avec une impaire. Folioles
ovales-lancéolées, aiguës, glabres , inégalement dentées en scie,
d'un vert luisant, sessiles et opposées deux à deux. Pétiole con-
cave , élargi à la base et embrassant latige. |
Involucre et involucelle nuls.
Ombelle aplatie, composée de six à dix rayons inégaux.
Deux grosses graines accolées, convexes, ovales, aiguës,
brunes , fongeuses, marquées chacune de cinq sillons ,hérissées
de petites pointes rudes recourbées en crochet.
Deux styles courts, persistans.
‘Bunium rzRvLEFOLIUM. (Bunium à feuilles de Férule). Tab. 3o.
B. foliis multifariam trifidis; foliolis omnibus uniformi-
bus, linearibus ; involucro polyphyllo, subulato; seminibus
sentiteretibus , stratis , obtusis.— Bulbocastanum creticum ,
Ferulæ folio , semine oblongo. Tourner. Cor. Inst. 21,—
Vélins du Muséum. v.
Racine tubéreuse, irrégulière, de la grosseur d'une noix,
roussátre en dehors , blanche intérieurement , garnie de quel-
ques radicules capillaires.
Tige gréle, striée, un peu tortueuse , haute d'un pied à un
pied et demi, partagée en plusieurs rameaux étalés.
36 *
276 ., ANNALES DU.MUSÉUM
Feuil'es glabres , plusieurs fois trifurquées. Folioles étroites ,
linéaires, aiguës, toutes uniformes , marquées d'un sillon lon-
gitudinal. Pétiole commun étroit, élargi, sirié ; concave! à la
base et embrassant la tige.
Pédoncules longs, nus ou garnis de quelques feuilles. In-
volucre court, composé de cinq. à six folioles aiguës et très-
étroites. Involucelle plus petit semblable à l'involucre.
Ombelle plane , penchée avantla floraison. Six à dix rayons
gréles , inégaux. Cinq pétales blancs, terminés par une pointe
recourbée en dedans, ce qui les fait paroitre échancrés.
Cinq étamines sur l'ovaire. Anthéres. blanches, rondes,
petites.. ; | |
Deux styles. Deux graines accolées; . gréles i demirin-
driques, allongées , tronquées et obtuses, |
Cette plante, originaire de l'ile de Candie, et. dont. Tourne-
fort a laissé une bonne description dans ses manuscrits, a
beaucoup d’aflinité avec le Bunium Bulbocastanum » Lin., qui
croit dans nos campagnes; mais elle en diffère surtout par les
folioles des feuilles radicales qui sont linéaires et semblables
à celles des tiges. Celles du B. Bulbocastanum , sont larges,
un peu ressemblantes aux feuilles du Persil, et très-diffé-
rentes de celles de la tige. Les graines de ce dernier sont 3
cannelées moms profondément.
Le Bunium ferulæfolium ne sauroit être par AE con-
fondu avec le Bunium denudatum de M. Decandolle ou Bu-
nium majus de M. Willdenow, qui n'a point d'involucre, et
dont les graines , terminées chacune par un style persistant,
sont amincies vers le sommet : sa tige d’ailleurs est nue infé-
rieurement, moins torlueuse, et ses feuilles. sont beaucoup
plus découpées, que celle du B. ferulæfolium.
tés NATURELLE. 277
4
à grande fleur ).
Tusexetuus GRANDIFLORUS ( Renoncule
DUET Tab. ii
+ s 1 €! "1"
R. villosus ; gens unie erecto; $ foliis DEER s
profunde. vilebisudlaius incqualiter laciniatis ; calice reflexo.
— RÈ. caule erecto, bifolio ; foliis multifidis , caulinis. alternis,
sessilibus , Lan. Spec. 781. —4 orientalis, Aconiti folio, flore
luteo maximo, Tourner. Cor. Inst. 20. — Vélins du Muséum.
icit: as dddttiniiétotet Hose wil
Cette espèce de Renoncule, quoique mentionnée depuis
long-temps dans divers ouvrages de botanique, est cependant
irés-peu connue, parce qu'elle est rare dans les herbiers, et
qu'il n’en existe.aucune .bonne description. C'est: ce. qui m'a
déterminé à la publier. de nouveau avec une Gne: oü elle
est: fidèlement, représentée.
+ Racine composée d'un. grand ond in Gbera edens réu-
Aes en un faisceau. , c
Tige cylindrique, velue LE, te divisée irm narii
supérieure en un petit nombre de rameaux ou pédoncules ter-
minés par une fleur, nue où seulement garnie d'une ou deux
feuilles linéaires’et ‘entières; quelquefois: partagée en deux ou
trois lanières; allongées” et aigués. Les radicales ressemblent
assez bien à celles: du Napel, Æconitum Napellus ; Lin. ; elles
sont velues, divisées très-profondément en trois lobes élargis
en éventail de Ja base au sommet, et inégalement laciniés. Pé-
tiole cylindrique creusé en FR d'une gouttière login
pas élargir ev formant une: gaine: inférieurement. «7
+ Calice:velu; réfléchi: Cinq feuilles :ovales, un -peu aiguës.
Corolle, d'environ un pouce de diamètre: Cinq. pétales
278 S ANNALES. DU MUSÉU M:
jaunes , veinés dans leur longueur, arrondis, légèrement échan-
crés.au sommet , ayant à la base une petite lame: ou-dupli-
cature, comme dans les autres espéces du méme genre.
Étamines indéfinies , jaunes. Anthères oblongues, attachées
le long des deux bords du filet. | i
Plusieurs ovaires réunis en une téte shakiqüeg surmontés
chacun d'un stigmate.
Je.n'ai point vu le fruit à maturité.
Elle croit netuisheient en Cagipadoce,
Hztrxsonus ORIENTALIS is (Ellébore TOME: Tab. 32.
. H. Caule mors (foliis pedatis , subtus hirsutis. Wir».
Spec.2 , 'p. 1337. — H. Caule superne diviso, folioso, foliis
duplo altiore; foliis amplis, pedato-digitatis , subtus pubes-
centibus. Lamanck. Dict. 3, p. 96. — H. niger orientalis,
amplissimo folio, caule præalto , flore purpurascente.
Tourner. Cor. Inst. 20. — Vélins du Muséum. v.
. « La racine de cette espèce d'Ellébore, que les Turcs ap-
» pellent Zoptéme, est, dit Tournefort, Voyage du Levant,
» tome 2 , p. 474 , un troncon gros: comme le pouce, couché
» en travers, long de trois on quatre pouces, dur, ligneux,
» diviséen quelques racines plus menues et tortues. Toutes ces
» parties poussent des jets de deux ou trois pouces de long,
» terminés paf des ceilletons ou bourgeons :rougeátres, mais
» le troncon et ses subdivisions sont noirátres en déhors et
» blanchátres en dedans. Les fibres qui les accompagnent sont
» touffues, longues.de huit ou dix pouces, grosses depuis une
D'HISTOIRE NATURELLE; 279
»- ligne jusqu'à deux , peuou point du tout chevelues; Les plus
» vieilles sont noirátres en: dedans, d'autres sont: brunes: les:
» nouvelles sont blanches; les unes et. les autres ont la: e
»! cassante, saris âeretéini AE
Feuilles radicales ed lia , composées de sept:
folioles lancéolées, quelquefois elliptiques; inégalement dentées:
en scie, longues de six à huit pouces,.sur un ou deux de large,
disposées en pédale, lisses, glabres: en dessus, parsemées en
dessous de nervures saillantes, pubescentes: et er réseau. Les’
deux folioles latérales externes souvent: bifurquées profondé-
ment. Pétiole cylindrique, droit, vertical, strié, pubescent,
plus long que la feuille.
Tige lisse, haute d’un pied à ‘un pied et demi, simple in-
férieurement, rameuse à ‘sa partie supérieur, garnie de
feuilles alternes, sessiles ot presque sessiles; placées à'la-base
des rameaux et des pédoncules. Celles qui accompagnent les”
raieaux! sont en pédale comme lés radicales, mais leurs
folioles sont beaucoup plus étroites. Celles des pédoncules sont:
partagées em trois ou: "uid — constamment lancéolés et
dentés en scie. `
Fleurs penchées, Lea i pouce et. dci à à deux pouces,
soutenues sur des'pédoneules d'inégale longueur et ter a
une panicule à l'extrémité: de la tige.
Calice nul.
“Corolle — Cinq pétales elliptiques , obtus , entiers,
véinés, d'une couleur blanche nuancée de rose,
Je wai point observé les étamines et les: nectaires : ils ne
sont point exprimés dans lé’ dessein d'Aubriet ; et tous les
rameaux conservés dans les herbiers de Tournefort et' de
Väillänt en sont dépourvus.
280: ANNALES OKU :MUS ÉU M
. Cinq ovairés supères , rapprochés au centre de la fleur , sur-
montés chacun d'un style gréle et recourbé en bas. '
Troisà cinq capsules à une loge, coui primées latéralement ,
et parsemées de petites lignes transversales; elles s'ouvrent:
du.-cóté interne. en. deux valves. comme celles des autres es-
peces du méme genre, et sont terminées par le style qui E
siste. et croit avec le fruit.
Graines noires, oblongues, ridées, attachées au bord deii
valves le long. de la suture,
L/Ellébore d'Orienta quelque ressemblance avec 1 Ellébore'
vert de nos Alpes, H. viridis ; Lin. Il en differe par ses feuilles
radicales plus dures, plus épaisses, beaucoup. plus grandes , :
et dont les nervuresinférieures sont pubescentes; par sés fleurs
nuancées de rose, et au moins une fois plus larges.
.. AL croit. sur le mont Olympe, : à Anticyre, et sur les bords
de la mer Noire. ,
Lesanciens connoissoient deux. sortes d'Ellébore , lun blanc, :
et l'autre noir, distinction fondée principalement sur la cou-1
leur de la racine. Nous ignorons.ce que. c'est que. l'Ellébore :
blanc. Théophraste dit qu'il ne croissoit que dans un: canton},
du mont OEta qu'il nomme Pyra set que l'Ellébore noir au-
contraire étoit trés-commun, niger ubique provenit. !
Il paroit assez bien prouvé que la splante que je viens de:
décrire est le véritable Ellébore noir que les médecins grecs
et. romains employoient autrefois avec un grand succés pour
guérir la manie, le mal caduc, l'hydropisie et autres maladies, ;
L/Ellébore noir croissoit spontanément dansles iles d'Anticyre,
dans la Bæotie , dans l'Eubée ‚suri le mont Hélicon et autres
lieux circonvoisins, où on lerecueilloit pour l'usage de la méde-
cine. Voyez Théophraste , liv. ro, ch. 1 1, et Pline, liv. 25, ch.5.,
D'HISTOIRE NATURELLE. 281
Tournefort, en visitant ces mêmes contrées, n'y trouva que
l'espece d'Ellébore dont il est ici mention , et il en conclut,
avec assez de fondement, que c'est l'Ellébore noir des anciens.
Si les descriptions qu'ils en ont laissées sont trés-vagues, du
moins elles ne contredisent point l'assertion de Tournefort qui
me paroit très-plausible. Pline dit queles feuilles de l'Ellébore
noir ressemblent à celles du Platane, mais qu'elles sont d'un
vert plus foncé et plus découpées. Folia nigri Ellebori Platani
similia, sed minora nigrioraque et pluribus divisuris scissa.
Dioscoride en parle à-peu-prés dans les mêmes termes, et il
ajoute que ses fleurs sont d'un blanc nuancé de pourpre, Folia
wiridia Platani similia, sed minora , foliis Sphondilit proxima,
pluribus divisuris scissa , nigriora et subasperata. Flores can-
didi, purpirästeñtensi29014 B Hubs i on |
Tournefort essaya l'usage de l'Ellébore; mais les effets ne
répondirent point à son attente. Il dit que l'extrait en est brun,
résineux et trés-amer ; qu'en ayant donné à trois Arméniens
depuis vingt grains jusqu'à un demi-gros, les malades se plai-
gnirent d'avoir été fatigués par des nausées et par des tiraille-
mens d'entrailles, qu'ils ressentirent une impression de feu et
d'àcreté dans l'eesophage et l'estomac, accompagnée de mou-
vemens convulsifs et d'élancemens dans la téte , qui se renou-
velèrent pendant quelques jours; qu'un médecin habile, qui
avoit pratiqué long-temps la médecine à Coustantinople, à
Cutaye et à Pruse, lui assura qu'il avoit abandonné l'usage de
cette plante à cause des mauvais effets qu'elle produisoit, et
que les Turcs lui atribuoient néanmoins de grandes vertus.
Les anciens médecins regardoient l Ellébore comme un re-
mède violent; mais, pour en adoucir l'action, ils lui faisoient
37
11,
282 ANNALES DU MUSÉUM
subir , avant de l'employer , différentes préparations qui nous
sont inconnues. Ils avoient soin aussi de disposer les malades
par une diète de plusieurs jours, par des médicamens .pré-
paratoires, et ils ne le donnoient ni aux vieillards, ni aux en-
fans, ni aux femmes délicates, ni à ceux qui étoient sujets à
des hémorragies internes. Ils regardoient ce remède comme
irés-puissant et très-utile, lorsqu'il étoit prescrit à propos,
et Pline rapporte que Drusus, tribun du peuple, fut guéri à
Anticyre du mal caduc, par l'usage de l'Ellébore,
Il seroit utile que des médecins habiles l'essayassent de nou-
veau, afin d'en bien déterminer l'action, et qu'ils l'employassent
de différentes manières, à différentes doses et dans des cas dif-
rens; peut-étre parv vndetienk ola] à obtenir des résultats utiles
d'un remède dont l'antiquité a proclamé les vertus.
D'HISTOIRE NATURELLE. 283
OBSERVATIONS.
Sur quelques espèces dé G OÉLANDS.
PAR M. FRÉDÉRIC CUVIER,
GARDE DE LA MÉXAGEAIR DU MUSÉUM D'HISTOIRE NATUARELLRE,
EE
L'heure des oiseaux offre des difficultés qui ne se rencontrent
que rarement dans celle des mammifères. Outre que ceux-ci
échappent moins à l'observateur que les premiers , il est assez
facile de distinguer chez eux les jeunes individus des adultes ;
les sexes ont d’ailleurs sur les oiseaux une influence beaucoup
plus étendue que sur les mammifères, et il en est de même
des saisons.
C'est à l'impossibilité où l'on a été d'étudier chaque espèce d'oi-
seaux dans ces différentes circonstances, que l'on doit attribuer
l'obscurité qui régne encore sur certains points de l'ornitho-
logie. Les caracteres distinctifs de ces espèces changeant sou-
vent, elles ont dà être multipliées en raison de toutes les causes
de ces changemens. i
Aussi, lorsqu'on voit que ces diverses considérations ont été
négligées, que les sexes et les âges ne sont pas distingués, et
33 *
284 ANNALES DU MUSEUM
que tout ce qu'on connoit se réduit à la simple descrip'ion
d'un individu, on est presque toujours certain d'arriver à des
résultats nouveaux , en étudiantles oiseaux dans les différentes
époques de leur vie. i |
Il est néanmoins certains gentes qui, sous ce rapport,
offrent plus à l'observation que d’autres. Mais pourroit-on ,
sans le secours des ménageries, s'occuper, avec quelque espoir
de succés, de ces sortes de likat Comment au milieu
des pays déserts s'y livrer;journellement et, pendant quelques
années, et comment surtout suivre les oiseaux dans leurs mi-
grations ? | |
Ces établissemens sont donc les seules ressources qui restent
à la science pour étudier la nature dans ces divers cas, comme
dans beaucoup d’autres; et il n’est pas douteux que, fondés sur
des plans assez vastes et dirigés d’après des vues assez élevées , on
ne parvienne à en faire les sources de vérités très-importantes:
On sait que dans les jeunes oiseaux les sexes ne sont dis-
tingués par; aucun caractere extérieur; mais il paroit de plus qu'à
cette premiere époque de leur vie, ils ressemblent à leur mère,
lorsqu'il y a des différences entre la couleur des mäles et celle
des femelles adultes; ét ce n'est peut-être aussi que lorsque
le père et la mère se ressemblent par les couleurs, - que les
jeunes different de l'un et de l'autre par les leurs.
Le genre qui va nous occuper est dans ce dernier cas; les
femelles ressemblent aux máles en toute saison , et les jeunes
ont un plumage qui leur est propre.
Toutes nos observalions n'ont. pu être faites sur un seul
individu pour chaque espèce; elles ont eu lieu sur un assez
grand nombre d'entre eux; car, non-seuleinent nos ressources
actuelles sont trop foibles pour faire vivre un oiseau sauvage en
D'HISTOIRE NATURELLE. 285
servitudé pendant plusieurs années; mais il paroit que cet état
retarde; són développement, et que telle espèce qui devient
adulte en liberté apres la deuxiènie ou la troisième année, peut
mettre en. ésclavage, pour arriver au même point, une ou
deux années de, plus. . '
C'est à M. Baillon fils, d Abbeville, que notre mo
redevable des oiseaux qui ont servi à nos observations, On ne
peut douter, à ses lumières et à son zèle, qu'il ne marche ho-
norablement sur les traces de feu son père, auquel lornitho-
logie :doit unisi grand. nombre d'observations fines et. de re-
cherches assidues. Nous ne saurions trop lui témoigner de
reconnoissance pour les.soins qu'il met à nous, procurer les
diverses espèces d'oiseaux qui viennent en certaines saisons
sur nos côtes , et. à.nous communiquer les remarques que sa
situation le iet à portée de faire. Nous.nous feronsun. devoir
de le- citer : dans toutes les occasions possibles. aine ique
son opinion servira de garaut aux nôtres, >o . tii
+ Les: goélands dont nous avons à parler. sont. nl que
Buffon distingue par lés noms de goélands à: mänteau. noir,
de goélands cendrés ou à manteau gris, de grisard , de mouette
rieuse, de mouette tachetée,'et.de petite moüette cendrée. ,
- -Ces animaux qu'on. a nommés à si juste titre les vautours
de la mer , ont d'ailleurs tant de rapports, extérieurs avec ces
oiseaux, . qu'on devoit étré tenté de leur en supposer de
beaucoup plus intimes encore. On pouvoit croire en effet que
la forme du bec et la nature des alimens détermineroient la
forme du canal intestinal, et donneroient aux goélands des
organes digestifs semblables à ceux des oiseaux de proie;
mais il paroit que la palmature des doigts a eu chez eux
plus d'influence que les organes de la mastication : leurs in-
286 ANNALES ‘D U MUSEUM
testins ressemblent absolument à ceux dés canards; aussi,
malgré leur voracité, les habitue-t-on sans He à vivre de
graines comme les gällinacés.
La facilité avec laquelle les goélands. endet leurs dliéiems
est singulière ; une frayeur légère suffit pour qu'ils s’en débar-
rassent aussitôt, et ce voinissement qui, chez la plupart des
autres animaux, annoncé ùn état de souffrance , ne paroit pas
occasioner le plus léger dérangement à leur estomac; car
si leur frayeur se dissipé promptement, on les voit ressaisir
au vol ces mêmes alimens qu'ils venoient de rejeter. C'est pro-
bablement à ce vomissement , comme l'a fort bien observé
M. Baillon, qu'il faut attribuer la singulière opinion de Martens
qui, ayant vu des goélands en chasser d'autres, et manger ce
que ceux-ci rejetoient , s'est imaginé que la peur faisoit rendre
aux uns des excrémens dont les autres étoient avides. Ce ne
sont pas au reste les seuls oiseaux qui offrent cette observa-
tion. Le pélican qui vomit ses alimens avec la méme facilité
que les goélands, se conduit comme eux vis-à-vis des oiseaux
qui osent l'attaquer. Bien différens des véritables oiseaux de
proie pour le courage, les goélands leur ressemblent cepen-
dant pour la facilité du vol et poür son étendue; ils parcourent
avec facilité les plus hautes mers, et on les voit se jouer quel-
quefois au milieu des tempétes:c'est que leurs ailes ont la
méme conformation que celles des faucons; elles dépasseut
de beaucoup la queue, et les premiéres pennes sont les plus
longues.
D'HISTOIRE NATURELLE. 284
Du goéland à manteau noir.
Immédiatement avant de pensat à son état wines cet oiseau,
qui a déjà toute sa taille, n'a encore de noir ra que le
dos; toutes les ailes sont convertes de plumes jaunátres qui
donnent un cil brun-fauve à la partie du manteau qu'elles
forment. Le blanc du cou, de la téte et de la poitrine est en
outre surchargé de taches brunes, petites et étroites. Les pennes
des ailes sont noires avec le bout blanc; celles de la queue
sont couvertes dans leur largeur de lignes noires, étroites et
ondulées. Le bec, blanc à sa base et noir à son extrémité, a
une teinte jaune-pále à l'angle saillant du bout de la man-
dibule inférieure. Les paupières sont couleur de chair ainsi
que les pattes; le cercle de liris est brun avec de nombreuses
petites taches noires.
Dans son état aies. ce e godland a les ailes ardoisées c comme
je dos, excepté le bout des pennes qui reste blanc. Le cou,
la tête, la poitrine , le ventre et la queue sont du blanc le plos
pur. Le blanc du bec se change en un jaune vif: le noir du
bout s'efface presque entièrement , et la partie que nous avons
yue se teindre en jaune, se colore du plus bel orangé. Les
pattes conservent leur couleur; mais les paupières deviennent
rouges, et le brun du cercle de l'iris, tout en conservant ses pe-
tites taches noires, devient d'un gris jaunâtre. Quelques auteurs
ont cru que cette esp èce étoit entièrement grise dans son jeune
âge, ce qui seroit bien intéressant de vérifier pour établir le Ca-
ractère qui ia distingue à cette époque de lespèce suivante (1 1).
(1) H y a une autre espèce de goélands à manteau noir qui a été rapportée de la
Nouvelle-Hollande par M. Péron, et qui diffère de celle-ci par les pennes des ailes
toutes noires et sans tache blanche au bout.
288 CANNALES bu MÜSEUM
M pee et koe goo à manteau pe
pui peer un trés-grand abii de ces oiseaux ; je les
ai suivis dans la: plupart de leurs dévelopÿpemens, et jai tenu
des notes fort exactes de! tous les changemens | M dist ont
éprouvés.
Ces deux en sont de même taille. Le grisard est fog
bien représenté’ par Buffon dans sa planche enluminée 266.
Les couleurs de son plumage sont le blanc et le brun répandus
égalenient par taches petites et irrégulières sur tout son corps.
Les pennes des ailes sont noires à leur extrémité et variées
de blanc sur le reste de leur étendue; ilen est de: même de
celles de la queue. Le bec est entiétémeut noir; les pattes: sont
couleur de chair , et le cer cle de l'iris brie os i
A mesure qu'il s'avance eh áge, "on voit des plumes dime
couleur cendrée se mêler à' celles du dos; le brun du cou, de
la tête et de toutes les parties inférieures cède gräduellement
au blanc; le bec blanchit à à sa base, et le cercle de l'iris devient
plus cli: e: voit en outre dogtquis: taches blanches se mêler,
au noir des p peunes de la queue. Avec le temps, le grisdu dos
continue à s'étendre , ainsi que ‘le blanc du cou, de la tête,
de la poitrine et du: TM Les pérnes dé la queue se couvrent
de taches vermicellées : les ailes conservent. leur brun , le noir
du bec pàlit toujours de plus en plus, dne téinte jaunitre se
fait apercevoir au bout de la mandibule inférieure, le cercle
de l'iris est perlé , les paupières sont sans couleur , et les pores
-Qun rouge trés-pále.
Aussitôt que le gris commence à teindre les ailes, on. croit
reconnoitre le bourgmestre des Hollandois, le Sédland.d à man-
D'HISTOIRE NATURELLE, 289
teau gris-brun de Buffon. Toutes les taches du cou, de la tête
et des parties inférieures se réduisent à de petites traces nom-
breuses, mais trés-légéres. Les pennes du milieu de la queue
n'ont déjà plus de noir. La tache jaune du bec s'avive, et le
noir continue à s'effacer. Le cercle de l'iris est d'un jaune-
clair ainsi que les paupières. Enfin tout le manteau est devenu
d'un beau gris-argentin, excepté la partie qui se forme des
pennes de l'aile, celles-ci étant blanches avec une tache noire
au bout, suivie d'une autre tache blanche. Tout le reste du
plumage est de la blancheur la plus éclatante. Le bec s'est
teint d’un beau jaune, et la tache du bout d'un bel orangé,
Le cercle de l'iris et les paupiéres ont acquis un jaune-citron
tres-pur. C'est le goéland à manteau gris, figuré par Buffon,
phache enluminée 253.
De la mouette tachetée ; de la petite mouette ecd e et
de la mouette rieuse.
- Le premier de ces goélands, figuré par Buffon’, planche
enluminée 387, me paroit n'étre autre chose que la mouette
rieuse, passant de son jeune âge à son âge adulte. D'abord
ces figures représentent un oiseau qui n'a point encore
pris ses dernières couleurs ; l'irrégularité des taches qui
couvrent ses ailes en est une preuve incontestable. De plus,
jai possédé un individu semblable dont le manteau est devenu
entièrement gris et la tête noire. Le dos avoit déjà le gris des
adultes; mais les ailes étoient encore variées de blanc et de
brun. Les quatre premières pennes étoient blanches, bordées
de noir par un liseret qui s'étendoit à mesure qu'il se rappro-
choit de l'extrémité de chaque penne, et qui finissoit par la
38
11.
290 ANNALES DU.MUSÉUM
couvrir entièrement en cetendroit. Les trois pennes suivantes,
ayec ce noir, avoient une petite tache blanche au bout; le reste
de leur couleur étoit du gris du dos. Les pennes de la queue
étoient blanches avec le bout noir, et le bec ainsi que les
pattes jaune-souci. Le premier ayoit beaucoup de noir à l'ex-
wémité.
L'àge efface petit à petit les taches du manteau qui devient
d'un beau gris uniforme; excepté sur les pennes des ailes qui
conservent leurs couleurs : celles de la queue perdent tout ce
qu'elles ont de noir. Le reste du corps se couvre d'un blanc
bien pur; les pattes et le bec s'avivent, et leur jaune-souci se
transforme en un rouge-sanguin. La paupière est rouge, et
le cercle de liris braun. à
Lorsque la mouette cendrée tachetée est arrivéeà ce point ,
on possede la petite mouette cendrée, représentée par Buffon
dans sa planche enluminée 969; mais aussitôt que le printemps
s'approche, on voit, au premier comme au second âge de cette
mouette, une petite tache noire et ronde, paroitre de chaque
côté de sa tête, et trancher sur le beau blanc qui colore cette
partie. Ce nouveau caractére fait de la mouette cendrée ta-
chetée , quand il ne lui reste plus de son jeune plumage que le
bout noir de la queue, le larus cinereus piscator de Klein (1) ;
et dela petite mouette cendrée , dont la queue est toute blanche,
la mouette cendrée de Bélon, ou sa grande mouette blanche (2).
Enfin, au mois de mai , toute la téte est devenue noire, et la
mouette rieuse est caractérisée (3). Elle reste ainsi jusqu'à la
(1) Ordo avium.
(2) L'Histoire de la nature is i oiseaux , etc. liv. 5.
(3) Aldrevande disoit déjà en parlant de sen Larus cinereus rostro et pedibus
D'HISTOIRE NATURELLK*. 201
mue de septembre, où le noir s'efface pour ne reparoitre qu'au
printemps suivant ; de sorte que, dans nos climats du moins,
il n'y a plus en hiver que des mouettes cendrées, et que des
mouettes rieuses en été; et c'est en effet ce que ni'a confirmé
M. Baillon en répondant aux diverses questions que je lui ai
faites sur ce sujet (1).
Je ne chercherai point à éclaircir plus que je ne l'ai fait,
la synonymie des auteurs systématiques; ce travail me paroit
impossible à exécuter d’une manière satisfaisante. Aux deux
exemples que nous venons de donner, on doit juger jusqu’à
quel point les espèces ont pu se multiplier. On le voit mieux
encore lorsqu'on consulte les ouvrages d'ornithologie. Les
naturalistes ne sont d'accord ni sur le nombre des espèces
qui doivent être admises, ni sur les caractères qui doivent
les distinguer entre elles. Depuis long-temps on a senti ces
difficultés, et les goélands dont nous venons de parler ont
occupé plusieurs auteurs avant nous. Latham déjà faisoit,
par exemple, de la petite mouette cendrée de Buffon, une
variété, ou peut-étre un individu incomplet de la mouette
rieuse; et de la mouette cendrée tachetée, une variété du
goéland cendré du même auteur. Il faisoit aussi du grisard
rubris: « Comachio mihi aliquando amicus quidam meus seripsit, martio mense pennas
a in capite nigrescere : cum antea condicent , eamque; nigridinem trimestri spatio; quo
« soboli incumbunt, perdurare, reliquis novem mensibus candidas esse. ? Mais il ne
paroit pas que les ornithologistes jusqu'à présent aient tenu compte de ce passage.
(1) Il nesera pas inutile d'observer qu'il existe une autre espèce de mouette à tête
noire qui est de la taille de celle dont nous venons de parler, mais qui en diffère
par les pennes des ailes, le bec et les pattes entièrement noirs. Cette espèce se trouve
dans les Mers Australes. ;
38 *
292 ANNALES DU MUSÉUM
un jeune Âge du manteau noir , et de la grande mouette cen-
drée, le. méme animal RUM mais tous n'ont fait que des
suppositions plus ou moins. diisi de la vérité. -
Il semble pourtant. résulter. de cette. diversité boss
qu'un assez grand nombre d’espèces de goélands cominericent
par étre des grisards, et qu'ils deviennent ensuite variés. C'est
ce qui expliqueroit la différence de taille rapportée par des
auteurs à des oiseaux qui ne different point essentiellement
pour les couleurs, et qu'on a été tenté pour cela de confondre
en une seule espèce.
Nous avons fait connoitre, avec plus d'isécutóde qu 'elles
ne l'étoient jusqu'à présent, deux espèces de goélands qui
en avoient toujours donné cinq ou six dans les catalogues
systématiques; mais nous sentons combien ce travail est de.
peu d'importance, en songeant à tout ce qu'il faudra faire
pour dissiper lobscurité qui reste sur les dix-huit ou vingt
autres especes de goélands dont parlent encore les natura-
listes... 7: | e r
D'HISTOIRE NATURELLE. 2032
ESSAI
SUR LA GÉOGRAPHIE MINÉRALOGIQUE
DES ENVIRONS DE PARIS. ie
PAR MM. G. CUVIER ET ÁLEX. BRONGNIART.
3E! fi
|n contrée in Men cette capitale est située est à Dies
l'une des plus remarquables qui aient encore été observées,
par la succession des divers terrains qui la composent, et par
les restes extraordinaires d'orgauisations. anciennes qu'elle
récèle ;. des milliers de coquillages marins avec lesquels al-
iernent régulièrement des coquillages d’eau douce, en font
la masse principale; des ossemens d'animaux terrestres en-
tierement inconnus, méme par leurs genres ,.en remplissent
certaines. parties; d'autres ossemens d'espèces considérables
par leur grandeur , et dont nous ne trouvons quelques. congé-
néres que dans des pays fort éloignés, sont. épars.dans les
couches les plus superficielles ; un caractere trés-marqué d'une
grande irruption venuedu sud-est, est empreint dans les formes
des caps et les directions des vallées ; en -un . mot, il n'est
point de canton plus capable de nous, instruire sur les der-
|
204" ANNALES DU MUSEUM `
nieres révolutions cui ont, terminé la formation de nos con-
Ünems: c our
Ce pays a cependant été fort peu étudié sous ce point de
vue ; et quoique depuis si long-temps il soit habité par tant
d'hommes instruits , ce que l'on en a écrit se réduit à quelques
essais fragmentairés, et presque tous où purement minéralo-
giques, sans aucun égard aux fossiles organisés, ou purement
zoologiques, et sans égard à la positión de ces fossiles.
Un Mémoire de Lamanon sur les gypses et leurs ossemens
fait peut-étre seul exception à cette. classification; et cepen-
dant nous devons reconnoitre que l'excellente description de
Montmartre, par M. Desmarets; les renseignemens donnés par
le méme savant sur le bassin de la Seine, dans l'Encyclopédie
méthodique; l'essai minéralogique sur le département de Paris,
par M. Gillet- Laumont ; les grandes et belles recherches sur les
coquilles. fossiles de ses environs , par M. de Lamarck; et la
description géologique de la méme contrée, par M. Coupé,
ont été consultés par nous avec: fruit, et nous ont plusieurs
fois dirigés dans nos voyages.
"Nous: pensons cependant que le travail dont nous avons
hate de présenter aujourd’hui la première ébauche à la
classe, ne sera point sans La. aprés tous ceux que nous
venons de citer.
Commencé depuis: duni ans, continué avec beaucoup de
peine en faisant de nombreux voyages , en recueillant de toute
part des renseignemens et des échantillons , nous sommes loin
dele croire encore terminé, et surtout nous prions de ne pas
confondre l'abrégé que nous allons en lire avec la rédaction
détaillée que nous en publierons bientôt. Quelques circons-
tances nous obligent de présenter aujourd'hui cet abrégé, et
D'HISTOIRE NATURELLE. 295
de prendré date pour des recherches aussi longues et aussi
laborieuses, avant le moment heureux où nous croirons les
avoir amenées à leur terme.
Par la nature de leur objet, nos courses devoieui étre! fii-
mitées selon l’espèce du terrain, et non pas d’après les dis-
tances arbitrairess
Nous avons donc dù d’abord déterminer les bornes phy-
siques du canton que nous voulious étudier. |
Le bassin de la Seine est séparé, pendant un assez grand
espace, de celui de la Loire, par une grande plaine élevée ,
dont la plus grande partie porte vulgairement le nom de
Beauce , et dont la portion moyenne et la plus sèche s'étend
du ns AS au sud-est, sur uu espace de plus de quatre
lieues, depuis Courville jusquà Montargis.
Cette plaine s'appuie vers le. nord-ouest à jun. pays plis
élevé qu'elle, et surtout beaucoup plus coupé, dont les rivières
d'Eure, d'Aure, d'Ilon, de Rille, d'Orne, de Mayenne, de
Sarte, d'Huine et de Loir tirent leurs sources; pays dont la
partie la plus élevée, est entre Seez et Mortagues, qui formoit
autrefois la province du Perche et une partie de la Basse-Nor-
mandie, et qui appartient aujourd'hui au département de
l'Orne.
La ligne de séparation de la is et du Perche passe à-
peu-près par les villes de Bonnevalle, Alluye, Iliers, Cour-
ville, Pontgonin et Verneuil.
De tous les autres côtés, la pinine de Beauce ste ce
qui l'entoure. lus
Sa chüte du cóté é de la Loire ne nous intéresse pas pour
notre objet.
Celle du cóté de la Seine se fait par deux ds, dont
296 ANNALES DU MUSEUM
Tune à l'occident ned l'Eure, et l'autre à l'orient regarde
la Seine.
La première va de Dreux vers Mantes.
L'autre part d'auprés de Mantes ; passe par Marly, Meudon »
Puataiseau , Marcoussy, la Ferié-Alais, Fontainebleau, Ne-
mours, elc. -
Mais il ne faut pas se représenter ces Ships [25 comme
droites ou uniformes : elles sont au contraire sans cesse iné-
geles, décliivées; de manière que. si cette vaste plaine: étoit
entourée d'eau , ses b#ds offriroient des golfes, des caps, des
détroits, et seroient partout envirounés d'iles et d'ilots. :
Ainsi dans nos environs la longue mo:tagne où:sont les bois
de Saint-Cloud, de Ville-l'Avray „de Marly et des Aluets , et
qui s'éteud depuis -Saint-Cloud jusqu'au continent de la rivière
de Maulde dans là Seine. feroit une ile séparée du reste par
le détroit où est aujourd'hui Versailles, ‘la petite vallée de
RE ERES grande vallée du parc de. Versailles.
- L'autre montagne en: forme de feuille de figuier , qui porte
cslicvie, Meudon, les bois de Verrière, ceux de Chaville
formeroit une seconde ile séparée du continent perd la velie
de Biévre et celle des coteaux de Jouy.
Mais epsuije depuis Saint-Cyr j jusqu’ à oci il nya eom
sai Min CE
quoique les rivières de Bievre,d'Ivette,
d Orge, d'Eibropes] d Essonne et de Loing entament profondé-
ment le continent du côté de l'est, ceiles de. entes de Voise
et d'Eure du cóté de l'ouest. |
La partie de la côte la plus déchirée, SAR qui eaii
le plus: d'écueils et d'ilots, est celle qui porte vulgairement
le nom de Gåtinois francois, et surtout sa inertes pin
la forêt de Fontainebleau. — - j
D'HISTOIRE NATURELLE. 207
Les pentes de cet immense plateau sont en général assez
rapides, et tous les escarpemens qu'on y voit, ainsi que ceux
des vallées, ét les puits que l'on creuse dans le haut pays,
montrent que sa nature physique est la méme partout, et
qu'elle est formée d'une masse prodigieuse de sable fin qui
recouvre toute cette surface, passant sur tous les autres ter-
rains ou pen inférieurs sur lesquels cette grande plaine
domine. “
Sa cóte qui regarde la Seine depuis la Mauldre jusqu'à Ne-
mours, formera donc la limite naturelle du bassin que nous
avons à examiner.
De dessous ses deux extrémités , c'est-à-dire vers la Mauldre
et un peu au-delà de Nemours, sortent immédiatement deux
portions d'un plateau de craie qui s'étend en tout sens et à
une grande distance pour former toute la npe Mida
la Picardie et la Chanipagne.
~ Les bords intérieurs de cette grande ceinture, lesquels
passent du côté de l'est par Montereau, Sézanne, Éper; de
celui de louest, par Montfort , Mantes, Gisirs, Chaumont ,
pour se rapprocher de Compiègne , *et qui font au nord-est
un angle rentrant considérable qui embrasse tout le Laonnois,
completent, avec la cóte sableuse que nous venons de aste
la limite naturelle de notre bassin.
Mais il y a cette grande différence, que le plateau sableux
qui vient de la Beauce est supérieur à tous les autres, et par-
conséquent le plus moderne, et qu'il finit entierement le long
de la cóte que nous avons marquée; tandis qu'au contraire
le plateau de craie est naturellement plus ancien et inférieur
à tous les autres ; qu'il ne fait que cesser de paroitre au dehors
Je long de la ligue circulaire que nous venons d'indiquer, mais
LL.
298 ANNALES DE MUSEUM
que Join d'y fnir, il sy enfonce visiblement sous tous les
autres; qu'on le retrouve partout où l’on creuse ces derniers
assez profondément , et que méme il s'y relève dans quelques
endroits, et s'y reproduit pour ainsi dire en les perçant.
On peut donc se représenter que les matériaux qui com-
posent le bassin de Paris, dans le sens où nous le limitons ,
ont été déposés dans un vaste espace creux, dans une espèce
de vaste golfe dont les cótes étoient de craie.
Ce. golfe faisoit peut-être un cerele entier, une brace p
grand lac; mais nous ne pouvons pas le savoir, attendu que
ses bords du côté sud-ouest ont été recouverts, amsi que. les
matériaux qu'ils contenoient, par le grand plateau sihleux
dont nous avons parlé d'abord. = =
Au reste ce grand plateau sableux n'est pas le seul. pes ait
reconvert la craie.
Il y en a plusieurs en Chopa et en Fr ds
quoique plus petits, sont de méme nature, et peuvent avoir
été formés en même temps. Ils sont placés comme lui immé-
diatement sur la craie, dans les endroits où celle-ci étoit
assez haute. pour ne point se laisser recouvrir par les maté-
riaux du bassin de Paris.
Nous décrirons d'abord la erare la plus ancienne ade ma-
tières que nous ayons dans nos environs.
Nous terminerons par le plateau sableux, de pna nouveau
de nos produits géologiques.
-Nous traiterons enire ces deux extrêmes re és moins
(o fep mais plus variées, qui avoient rempli la grande ca-
vité de la craie, avant que.le. tm de sable se esse sur
les unes comme: sur l'autre, ~ Pa
Ces matières peuvent se diviser en in igual à
D'HISTOIRE NATURELLE. 299
Le premier, qui couvre la craie partout où elle n'étoit pas
assez élevée, et qui a rempli tout le fond du golfe, se sub-
divise lui-même en deux parties égales en niveau, et placées
non pas l’une sur l’autre, mais bout.à bout; savoir:
Le plateau de calcaire siliceux non coquillier ;
Le plateau de calcaire grossier coquillier.
Nous connoissons assez les limites. de cet étage du cóté de
la craie, parce que celle-ci ne le recouvre point; mais ces
mémes limites sont masquées en plusieurs eudroits par le
second étage, et par le grand plateau sableux qui forme- le
troisiéme , et qui recouvre une grande partie des deux autres.
Le second étage se nommera gypso-marneux.
Il n'est pas répandu généralement, mais seulement d'espace
en espace et comme par taches; encore ces taches sont-elles
très-différentes les unes des autres par leur — et par les
détails de leur composition.
Ces deux étages intermédiaires, aussi bien que les deux étages |
extrêmes, sont recouveris , et tous les vides qu'ils ont laissés sont
en partie remplis par une cinquième sorte de terrain, mélangé
aussi de marne et de silice, et que nous appelons terrain d'eau
douce, parce qu'il fourmille de coquille d'eau douce seulement.
Nous avons l'honneur de présenter à la Classe un premier
essai de cartes minéralogiques dans lesquelles chaque sorte
de terrain est enluminée d'une couleur particulière.
Le sable , en fauve; le gypse, en bleu; le calcaire coquillier,
en jaune; le calcaire siliceux , en violet; la craie, en rose; le
terrain d'eau douce, en vert rayé de blanc. On y a marqué
en vert plein, les sables roulés ou d'alluvion qui n'ont point
été déposés tranquillement, mais amenés d'ailleurs par les ri-
Jo *
300 “ANNALES DU MUSÉUM
vières, et en brun-foncé, les terrains tourbeux formés le long
des ruisseaux et autour des étangs.
Cette carte, l'un des principaux résultats dei nos voyages,
est parfaitement exacte dans tout ce qui est coloré, et nous y
avons laissé en blanc ce que nous ne connoissons Ls sufti-
samment encore. |
Telles sontles grandes masses dont notre canton se compose
et qui en forment les différens étages. Mais en subdivisant
chaque étage, on peut arriver encore à plus de précision, et
l'on obtient des déterminations minéralogiques: plus rigou-
reuses, qui donnent jusqu'à dix genres distincts de couches,
dont nous allons présenter d'abord une énumération rapide.
* » £ `
ARTICLE PREMIER. — Fi ormation de la craie.
=
4
La craie forme aux environs de Paris ,.comme rus pitiq
tous ces lieux où on l’a observée, une masse dans laquelle les
assisses sont souvent si peu distinctes, qu'on douteroit presque
qu'elle ait été formée par lits, si l'on n'y voyoit ces bancs inter-
rompus de silex qui, par leur position parfaitement horizon- .
tale, leur parallélisme, leurs continuités et leur. fréquence ,
indiquent des dépóts successifs et presque périodiques:
Leur distance respective varie suivant les lieux : à Meudon
ils sont à environ deux mètres l'un de l'autre, et l'espace com-
pris entre ces deux lits de silex ne renferme ‘aucun mor-
ceau isolé de cette pierre. A Bougival , les bancs sont pus
et les silex beaucoup moins nombreux: . :
La craie qui les renferme n'est pas de la chaux dakai
pure; elle contient, suivant M. Bouillon-la- Grange, environ
D'HISTOIRE NATURELLE. 301
0,11 de magnésie, et 0,19 de silice, dont la plus grande partie
est à l'état de sable qu'on peut séparer par le lavage.
Les fossiles quon y trouve sont peu nombreux en compa-
raison de ceux qu'on observe.dans les couches de calcaire
grossier qui recouvrent la craie presque immédiatement; mais
ils sont entiérement différens de ces fossiles, so also
par les espèces, mais méme par les genres.
En réunissant ceux que nous avons observés par nous-
mêmes avec ceux qui ont été recueillis par M. Defrance,
nous porterons à cinquante le nombre des espèces de fossiles
que nous connoissons dans la craie des terrains ed sont l'objet
de notre étude.
Les espéces de ces fossiles n'ont pas été encore toutes déter-
minées;et nous en donnerons dans nos Mémoires détaillés l'énu-
mération et la détermination exacte: nous nous contenterons
de dire ici qu'on y trouve, ;
- Deux lituolites; -
- Trois vermicutaires;
Des belemnites qui, suivant M. Dali sont différentes
de celle qui accompagne les aminonites du calcaire compacte;
Des fragmens: de coquille qui; par leur forme tubulaire
et leur structure fibreuse, ne peuvent être rapportés qu'au
genre pinna; mais si on déduit de l'épaisseur de ces fragmens.
la grandeur des individus auxquels ils devoient appartenir, on
conclura que ces testacés devoient être monstrueux: Nous
avons mesuré des mor&éliux quiavoient 12 millimétres d'é épais-
seur , tandis que l'épaisseur des plus grandes — pinna
connues n'est que de 2 p $ zi
Une moule; =’ s
Deux huitres;
309 ANNALES: DU: MUSEUM
Une espèce du genre peigne;
Une cranie ;
Trois térébratules; : |
Un spirorbis; : . .
Des ananchites dont "à imd €rüstacée est restée cal-
caire et a pris la texture spathique, tandis que le milieu seul
est changé en silex;
Des porpytes;
Cinq à six polypiers différens: un d'entre eux paroit appar:
tenir au genre caryophyllæa ; un autre au genre mullepora.
Ce dernier est ordinairement brun et à l'état de fer osidé j
résultant de la décomposition des pyrites. t
- Enfin des dents de squales. . |
- Nous ferons observer avec M. Paimo qu on n'a encore
trouvé dans la craie aucune coquille univalve à spire simple
et régulière. Ce fait est d'autant plus remarquable, que nous
allons rencontrer ces coquilles en grande abondance, quel-
ques métres au-dessus de la craie, dans des couches égale-
ment calcaires, mais d'une structure différente.
Parmi les carriéres et montagnes de craie que nous àvons
visitées, nous citerons Meudon. La craie n'y est point à nu;
elle est recouverte om Nu plastique et din le calemire
grossier.
La partie eam e^ cette masse m— dieta et
présente une espèce de brèche dont les Íragmens sont de
craie et les intervalles d'argile. -
© La partie la plus élevée de la mes craie nous a paru étre
au-dessus de la Verrerie de Sèvres. Elle est à 15 mètres aus
dessus de la Seine. Cette disposition relève toutes les couches
de terrain qui la surmontent , et ea en méme temps en
D'HISTOIRE NATURELLE. 303
diminuer l'épaisseur. La masse de pierre s'incline sensible-
ment du côté de la rivière.
À Bougival, pres Marly, la craie est presque à nu dans
quelques points, n'étant recouverte que par des. fierres. cal-
caires d'un grain assez fin, mais en fragwens plus ou moins
gros et disséminés dans un sable uiarneux , qui est presque
pur vers le sonunet.
Au milieu de ces fragmeus,on trouve des a odes d'un calcaire
blanc-jaunètre, . «compacte, à grain fin, avec des lames spa-
thiques et de petites cavités tapissées de trés-petits cr islaux
de chaux carbonatée. La pâte de ces géodés renferme une
multitude de petites coquilles univalves à spire , ce qui paroît
prouver que ce calcaire Appt pas à la formation pe
craies. tod
“Parmi ces géodes ; nous eu avons trouvé une qui présentoit
une vaste cavilé tapissée de cristaux limpides , allongés et dti
ayant plus de deux centimètres de longueur.
c La division. mécanique seule nous a appris que ces Re
appartenoient à l'espèce de la strontiane.sulfatée, et utiexamen
plus attentif de leur forme nods ‘a fait conpoitre qu'ils consti-
tuoient une variété nouvelle. M. Haüy, auquel nous Pavons
communiquée, l'a: nommée strontiane sulfatée apotome. 1
Ces cristaux offrent des prismes: rhomboidaux à quatre
pans, dont les anglessont les mémes que ceux du prisme des
variétés unitaire, émoussée, etc., c'est-à-dire 77 d. »' et 103
58. Ils sont terminés par des pyramides à quatre faces et très-
aigues. l'angle d'incidénce des faces de cette pyramide sur
les pans adjacens est de 161 d. 16". Les faces sont produites
par un décroissement par deux rangées à gauche et à dioite
de l'angle E dela molécule soustractive. C'est une loi qui
304 ANNALES DU MUSÉUM
n'avoit pas encore été reconnue dans les variétés de strontiane
1
sulfatée étudiées jusqu'à ce jour. Son signe sera E £^ *£.
Les cristaux de strontiane observés jusqu’à présent aux en-
virons de Paris, sont extrémement petits, et tapissent les
parois de quelques-unes des géodes de strontiane qu'on trouve
dans les marnes veries de la formation gypseuse; mais on
n'en avoit point encore vu d'aussi volumineux et d'aussi nets.
Arrt. n— F aiii de l'argile plastique.
Presque toute la surface de la masse de craie est recou-
verte d'une couche d'argile plastique qui a des caractères com-
muns. fort remarquables, quoiqu'elle présente dans divers
points des différences sensibles.
Cette argile est onctueuse, tenace, renferme de la silice ,
mais trés-peu de chaux; ensorte qu'elle ue fait aucune effer-
vescence avec les acides. Elle est même absolument infusible
au feu de porcelaine, lorsqu'elle ne contient point une ep
grande quantité de fer.
Elle varie beaucoup de couleur; il y en a de très- Da
(à Moret, dans la forêt de Dreux ); de grise (à Montereau, à
Houdan, à Condé); de jaune (à Houdan : abondant en la forét de
Dreux ); de gris-ardoisé pur, de gris-ardoisé mélé de rouge, et
de ronga presque pur (res tout le sud de Paris eue Gentilly
jusqu'à Meudon ).
Cette argile plastique est , elm ses diverses qualités, em-
ployéeà faire ou de la beste fine, ou des gres, ou des creusets
et des étuis à porcelaine, ou. bien enfin de la poterie rouge
qui a la dureté du grès lorsqu'on peut la cuire convenable-
ment. Elle n'est jamais ni effervescente ni fusible. Sa couleur
D'HISTOIRE :NATURELLE. ^
rouge, les grains pyriteux, les portions de silex, les. petits
fragmens de craie et les cristaux de sélénite qu'elle renferme
quelquefois, sont les seuls défauts qu'on y trouve; :
Cette couche varie beaucoup d'épaisseur : dans cilii
parties, elle a jusqu'à 16 mètres et plus; dans d’autres, 'elle
ne forme qu'un lit mince d'un ou deux décimétres.
Il paroit presque sûr qu'on ne trouve aucun fossile ni mariu,
niterrestre dans cette argile, du moins n'en avons nous vu
aucun ni dans les différentes couches que nous avons observées
en place, ni dans les amas considérables que nous avons exa-
minés à plusieurs reprises dans les nombreuses manufactures
qui en font usage; enfin les ouvriers qui exploitent cette ar-
gile au sud de Paris, nous ont assuré by ayoir jamais ren-
contré ni coquilles, ni ossémens, ni bois, ni végétaux. `
‘Dolomieu qui a reconnu ce méme banc d'argile entre la
craie et le calcaire grossier , dans l'anse que forme la Seine en
face de Rolleboise (1), dit, à la vérité, qu'on y a trouvé des
ins de bois bitumineux, et qu'on les avoit méme pris
pour de la houille; mais il fait observer que ces petites por-
tions de lignite ont été trouvées ‘dans des parties éboulées du
banc qui avoient pu les envelopperà une époque postérieure
au dépôt primitif de cette argile.
Les lieux que nous avons cités plus haut prouvent que ce
banc d'argile a une trés-grande étendue, et qu'il conserve
dans toute cette étendue ses principaux caracteres de forma-
tion et de position.
- Si nous comparons les descriptions que nous venons de
donner des couches de craie et des couches d'argile plastique,
"-— ae f à i
= T ——Ó
ho
(1) J. d. M. n? 9, p. 45.
Ii,
306 ANNALES DU MUSÉUM
nous remarquerons; 1. que non-seulement on ne trouve dans
l'argile aucun des fossiles qu'on rencontre dans la craie ; mais
qu'on n'y trouve mme aucun fossile; 2,* qu'il n'y a point de
passage insensible entre la craie:et l'argile, puisque les pariies
de la couche d'argile les plus voisines de là craie ne renferment
pas plus de chaux que les autres partes. |
Il nous semble qu'on peut conclure de ces observations,
premièrement, que le liquide qui a déposé la couche d'argile
plastique étoit'très-différent de celui-qui a déposé la: craie,
puisqu'il ne contenoit point sensiblement de chaux carbonatée,
et qu'il n'y vivoit aucun des animaux qui habitoient dans les
eaux qui ont déposé la craie; ets do ip
-"Secondement , qu'il y a-eu nécessairement une séparation
tranchée;'et peut-être méme un long espace de temps „entre
.lé dépôt de la €raie et celui de l'argile, puisqu'il n'y.a aucüne
transition entre ces deux sortes de terrain. L'espèce de brèche
à fragment de’craie et pâte d'argile que nous avons remarquée
à Meudon, semble méme prouver que: la -craie étoit déjà
solide, lorsque l'argile s’est déposée. Cette térre s'est 1hsmuée
entre les fragmens de craie produits à: la: surface du terrain
crayeux par le mouvement dés eaux ou par toute autre
cause. ! Shier 9115» sh ir 364055 05
Les deux sortes de terrain. que nous venons de. décrire. ont
donc :été produites dans des circonstances: tout-à-fait: diffé-
rentes et /méuie bien tranchées. Elles:sont le résultat des for-
mations les plus distinctes et les plus caractérisées: qu'on
puisse trouver dans la :géognosie, püisqu'elles. different par
la mature chimique, par le genre. de straufication, et, surtout
par celui des fossiles quon y rencontre. —
1
D'EI Sorre? NATURELLE. 307
UY
d enit : [ T2 pi ? $11
ART. It. — LA ormátion e — et x calcaire —
""Le calcaire grossier ne recouvre’ pas: — án-
médiatement ; il en est souvent séparé par! une : ‘couche de
sable plus ou moins épaisse. Nous ne pouvons dire si ce sable
de à la formation ‘du cálcaire où à celle de l'argile.
Nous n'y avons pas trouvé de coquilles dans les endroits peu
nombreux où nous l'avons observé, ce qui lé rattacheroit à la
formation 'argileuse; mais la couche calcaire la plus mférieüre
étant ordinairement sablónneuse et toujours remplie de co-
qüilles , nous ne savons pas encore si ce sable est différent du
premier, ou si c'est le même dépôt. Ce qui nous feroit soup-
conner qu'il est différent; c'est que le sable des argiles que
nous avons vues, est généralement assez pur; quoique coloré
en róuge ou en gris bleuátre. Il est réfractaire et souvent à
très-gros grains.
= La formation calcaire prise m ce sable est composée do
couches alternatives, de calcaire grossier plüs ou moins dur;
de marne argiléüse et méme: “d'argile feuilletée en aouéhe
très mince, et de marne calcaire ; mais il ne faut pas’ croire
que ces divers bancs y soient placés au hasard et sans regles:
ils suivent toujours le mére ordre de superposition: dans
l'étendue considérable de terrain que fous avons parcourue;
Il y en a quelquefois plusieurs qui manquent ou qui sont
trés-minces; mais celui qui étoit inférieur dans un canton, ne
desi ent jamais: supérieur dans un autre. 139
! Cette constance dans l’ordre de papéehéeisicnt "in ien
ja plus minces; et sur” une étendue de 12 myriameires au
inoins, est sélon nous, un des faits les plus — que
4o *
308 ANNALES: DU:MUSÉUM :
nous ayons constatés dans la suite de nos recherches. Il doit
en résulter. pour les arts et pour la géologie des conséquences
d'autant plus intéressantes, qu'elles sont plus sûres. .
Le inoyén. que nous. avons. employé. pour. reconnoitre:au
iln d'un si grand nombre, de. lits ,calcaires , un lit déjà
observé dans un. canton trés-éloigné , est pris de la nature des
fossiles renfermés dans chaque couche, ces fossiles sont tou-
jours généralement les mêmes dans les couches correspon<
darites, et: présentent. des différences d'espèces. assez notables
d'un système de couche à un autre système. C’est un signe
de reconnoissance qui jusqu'à présent ne nous a pas trompés.
. Il ne faut pas croire cependant que la différence d'une
couche à lauwe soit aussi tranchée que celle de la craie
au calcaire, S'il en étoit ainsi, on auroit autant de forma-
tions -particuliéres ; mais | Jes., fossiles. “caractéristiques d'une
couche deviennent moins nombreux dans la couche supé-
rieure, et disparoissent tout-à-fait dans les autres, op. sont
rémplacés.peu à peu. pena de nouveaux, R fission pvi n'avoient
point encore;paru; .
Nous allons indiquer; en. here cetie re is sitas
paux systèmes de. couche qu'on peut observer dans le cal.
eaire grossier. On. trouvera dans le Mémoire détaillé la
deséription complètes lit par dit, des. mombreuses carrières
que nous. avons observées. pour. ref, ii riktas "n nous
moie eujourd'hui. :: 2,
“Les couches les plus salbia: de: de aep. ejeki
sont les plus caractérisées : ellessont irès-sablonneuses et sou-
verit méme/plus sablonneuses que cälcaires. Quand -elles.sont
solides , elles se. décomposent à l'œil, et tombent en poussière :
aussi- cette pierre n'est-elle point susceptible d’être employée.
D'HISTOIRE NATURELLE.
Le calcaire coquillier qui la compose et même le sable qui
la remplace queiquefois,renferment presquetoujours de la terre
verile en poudre ou en grain. Cette terre, d'aprés.les essais
que nous en avons faits, est analogue par. sa, composition à
la chlorite baldogée ou terre de Vérone. Elle doit sa couleur
au fer; elle ne se trouve que dans les couches inférieures:
on n'en voit ni dans la craie, ni dans l'argile, ui dans les
couches calcaires moyennes ou supérieures, et on. peut re-
garder sa présence comme l'indice sûr du voisinage de l'ara
gile plastique, et par conséquent de la craie. Mais ce qui
caractérise encore plus particulièrement ce systeme de couche ,
c'est la quantité prodigieuse. de coquilles fossiles qu'il ren-
ferme.: Pour donner une idée du nombre d'espèces que ces
couches contiennent, il suffira de dire que M. Defrance y a
irouvé plus de six cents pint, qui ont été toutes décrites
par. M. de Lamarck.
. Nous ferons remarquer que la net: de ces litio
ipis beaucoup plus des espéces vivantes actuellement;
que celles des couches. supérieures. Nous citerons, parmi les
fossiles particuliers à ces couches inférieures, des pétoncles,
des solens, des huitres, des uoules,.de pinnes; des calyp-
irées, des pyrules, de grandes tellines allongées à côtes, des
térébelles, des porpytes, des madrépores , et notamment "
nummulites et des fungues.
Telles sont les coquilles les plus ae de a win
shi Nous devons faire remarquer que ce n'est point dans
le dépôt particulier de Grignon que. nous avons pris les
exemples que nous venons de citer; çes exemples n'eussent
point caractérisé le. système de couches que nous voulons
faire reconnoitre: nous les avons. choisis dans les. carrières de
816 JA'NNALES DU MUSEUM
Sèvres, de Meudon, d'Issy, de Vaugirard , de Gentilly; dans
les couches de Guespelle , dans celles de Lallery près Chau-
mont , etc.
C'ést dans cette mnéce-couche qu'on trouve lés camérines.
Elles y sont ou seules ou mêlées avec les: madrépores et les
coquilles précédentes. Elles sont toujours les plus inférieures;
et par conséquent les premières quise soient déposées sur la
formation de craie; mais il n'y en a pas partout. Nous en
avons trouvé prés Villers-Cotteret, dans le vallon de Vau-
cienne; à Chantilly, à la descente de la montagne. Elles y sont
mélées avec des coquilles très-bien conservées et avec de gros
grains de quartz qui forment de cette pierre une sorte de pou-
dingue ; au mont Ganelon qe Sas aedi ou. mont ape
près de Gisors, ete. :
Un autre ined aan aux éóquillés de cette couche;
c'est qu'elles sont la plupart bien entières et bién: cünsdévéest
qu'elles se détachent facilement de leur roche, et qu'enfin
beaucoup d'entre elles ont conservé leur état nacré, C’est
dans tous les lieux précédens et dans d'autres moins remar-
quables que nous avons reconnu que les couches calcaires
sablonneuses qui renferment ces coquilles , suivent immédiate-
ment l'argile plastique qui recouvre la craie ; et c'est par ces
observations multipliées que nous avons — de x osi |
de la règle que nous venons d'établir. |
Les autres systèmes de couches sont moins ^iiisridéts et
nous n'avons pu encore terminer le dépouillenient des nom-
breuses observations que nóus avons faites pour établir avec
précision la succession des: différens fossiles qui doivent "m
caractériser , et nous pouvons cependant: annoncer que d'ápr
l'inspection des carrières du midi et de l'ouest dé Paris; del
D'HISTOIRE NATURELLE, 3f
puis Gentilly jusqu'à à Villepreux et Saint-Germain ; les couches
supérieures à celles que nous. venons de décrire se ancnèdent
dans l'ordre suivant. :
; 1. Un banc tendre ayant souvent une teinte, dt cim ce
qui m fait nommer banc vert par les ouvriers. l| présente
fréquemment à sa partie inférieure des empreintes. brunes de
feuilles et de tiges de végétaux.
? Des bancs: gris ‘ou jaunátres tantôt joila; "e bats
pie T y RS De E EK t-d di des
urs. el. A X433 352 mant: 4 es vénus arron es; : >
ampuliaires. et mem des cérites tuberculées qui y sont
quelque'ois en quantité prodigieuse. La partie supérieure et
moyenne de ce: banc , souvent fort dure , est employée comme
trés- bonne. pierre. à bâtir, et connue sous le nom de roche.
3^ Enfin et vers le haut règne, un banc peu épais; mais
dur, qui. est remarquable par la. „quantité prodigieusé de pe-
tites, tellines allongées: et. striées qu'il présente dans ses fis-
sures horizontales. Ces tellines y. sont couchées à plat.et ser-
rées les unes contre les autres. Elles sont. génér alement blanches.
i Au-dessus de,ces dernieres; couches. de calcaire grossier;
viennent: les: marnes, calcaires dures , se divisant par fragmeris
dont les faces sont ordinairement couvertes d'un enduit jaune
el de dendrites noires. Ces marnes sont séparées par des
marnes calcaires tendres, par des marnes argileuses et par
du sable calcaire; quiest quelquefois agglatiné, et qui renferme
des silex cornés à zones horizontales. Nous rapportons à ce
système la^ couche des carrières de Neuilly, dans laquelle on
trouve des cristaux de ‘quartz et des D sig teen
de chaux- carbonatée Wiversb;noo cb tor y sy nO .notisia
^ Mais cé" qui caractérise plus par tieuliórement ce dernier.
système de couche de la formation calcaire; c'est l'absence
de toute coquille et de tout autre fossile.
312 ANNALES DU MUSÉU M!
Il résulte des observations que nous venous de rapporter,
° que les fossiles du calcaire grossier ont été déposés lente-
ment et dans une mer tranquille, puisque ces fossiles y sont
déposés par couches régulieres et distinctes; qu'ils ne sont
point mêlés indistinctement, et que la plupart y sont dans
un état de conservation parfait, quelque délicates que soient
ces coquilles ; que les heme méme des coquilles épineuses sont
très-souvent entières; 2.° que ces fossiles sont entièrement dif-
férens de ceux de la craie; 3.° qu'à mesure que les couches
de cette formation se déposoient , le nombre des espèces de
coquilles alloit toujours eu diminuant, jusqu'au moment où
l'on n’en trouve plus. Les eaux qui formoient ces couches , ou
n'en ont plus spas ou ont — la muet de les
conserver.
Certainement les finis se passoient div ces mers bic
autrement qu'elles ne se passent dans nos mers actuelles: dans
celles-ci, il ne se forme plus de couches; les espéces de co-
quilles y sont toujours les mémes, dans les mémes parages.
On ne voitpas, par exemple , que depuis le temps où l'on pêche
des huitres sur la cóte de Cancale, ces coquilles aient "a
E être — par d'autres espèces.
ART. av. — F ormation &ypseuse.
Le terrain dont nous allons tracer l'histoire est un des
exemples les plus clairs de ce que l'on doit entendre par for-
mation. On va y voir des couches trés-différentes. les: unes
des autres pedem nature linn mais fide camen pe-
mées ensemble,
Le terrain que nous nommons gypseux n'est pas LA
D'HISTOIRE NATURELLE. 313
composé de gypse, il consiste en couches alternatives de
gypse et de marne argileuse et calcaire. Ces couches ont
suivi un ordre de superposition qui a été toujours le même
dans la grande bande gypseuse que nous avons étudiée, et
qui s'étend depuis Meaux jusqu'à Triel et Grisy. Quelques
couches manquent dans certains cantons; mais celles qui
restent sont toujours dans la méme position respective.
Le gypse est placé immédiatement au-dessus du calcaire;
et il n'est pas possible de douter de cette superposition. La
position. des carrières de gypse de Clamart , de Meudon, de
Ville-dAvray, au-dessus du calcaire grossier qu'on exploite
aux mêmes lieux; celle des carrières de la montagne de Triel,
dont la superposition est encore plus évidente; enfin un puits
creusé dans le jardin de M. Lopès, à Fontenay-aux-Roses , et
qui a traversé d’abord le gypse et ensuite le calcaire, sont
des preuves plus que suflisantes de la position du gypse sur
le calcaire.
Les collines et rere gypseuses ont un aspect particulier
qui les fait reconnoitre de loin; comme elles sont toujours
placées sur le calcaire, elles forment sur les collines les plus
hautes , comme une seconde colline allongée ou conique, mais
1oujours distincte,
Nous ferons connoître les détails de cette formation, en
prenant pour exemple les montagnes qui présentent l'ensemble
« de couches le plus complet; et quoique Montmartre ait été
pec bien visité, c'est encore l'exemple le meiileur et le plus-
intéressant que nous pnissiona choisir.
On reconnoit tant à Montmartre que dans les collines qui
semblent en faire la suite, trois masses- de gypse. La plus
inférieure est composée de couches alternatives et peu épaisses
13. 41
314 ANNALES DU MUSÉUM
de gypse souvent. séléniteux, de marnes calcaires solides et
de marnes argileuses trés-feuilletées. C'est dans les premieres
que se voient principalement les gros cristaux de gypse jau-
nâtre lenticulaire, et c'est dans les dernières que se trouve
le silex ménilite. Nous ne connoissons aucun fosssile dans
cette masse qui est la troisième masse des carrières.
La seconde masse ou la masse intermédiaire ne diffère de
la précédente que parce que les bancs gypseux sont plus épais,
que les couches marneuses y sont moins malupliées. On doit
remarquer parmi ces marnes celle qui est argileuse, com-
pacte, gris-marbrée, et qui sert de pierre à détacher. C'est
principalement dans cette masse qu'on a trouvé les poissons
fossiles. On n'y connoit point d'ailleurs d'autres fossiles. Mais
on commence à y trouver la strontiane sulfatée; elle est en
rognons épars à la partie inférieure de la marne marbrée.
La masse superficielle que les ouvriers nomment la pre-
miére, est, à tous égards, la plus remarquable et la plus im-
portante. Elle est d'ailleurs beaucoup plus puissante que les
autres, puisqu'elle a dans quelques endroits jusqu'à 25 mètres
d'épaisseur; elle n'est altérée que par un petit nombre de
couches gürnenses ; et, dans quelques endroits, comme à
Dammartin , à Montmorency, elle est située presque immé-
diatement au-dessous de la terre végétale.
Les bancs de gypse les plus inférieurs de celte première
masse renferment des silex qui semblent se fondre dans la æ
matière gypseuse et en être pénétrés. Les bancs intermédiaires
se divisent naturellement en gros prismes à plusieurs pans
M. Desmarest les a fort bien décrits et figurés. On les nomme
les hauts piliers; eníi les bancs les plus supérieurs sont
pénétrés de marne; ils sont peu puissans, et alternent avec
D'HISTOIRE NATURELLE. 315
des couches de marne. Il y en a ordinairement cinq qui se
continuent à de grandes distances.
Mais ces faits déjà connus ne sont pas les plus importans ;
nous n'en parlons que pour les rappeler et mettre de l'en-
semble dans notre travail. Les fossiles que renferme cette
masse et ceux que contient la marne qui la recouvre, dani
sentent des observations d'un tout autre intérêt.
C'est dans cette premiére masse qu'on trouve —(
: les squelettes d'oiseaux et de quadrupèdes inconnus; que l'un
de nous (1) a décrits en détail dans d'autres Mémoires. Au
nord de. Paris, ils sont dans la masse gypseuse méme, ils y
ont conservé de la solidité, et ne sont entourés que d'une
couche trées-mince de marne calcaire; mais dans les carrières
du midi,ils sont souvent dans la marne qui sépare les bancs
gypseux: ils ont alors une grande friabilité. Nous ne revien-
drons pas sur la maniére dont ils sont situés dans la masse,
sur leur état de conservation, sur leurs espèces, etc; ces
objets ont été suffisamment développés dans les Mémoires que
nous venons de rappeler. On a aussi trouvé dans cette masse
des os de tortue et des squelettes de poisson.
Mais ce qui est bien plus remarquable et beaucoup pig
important par les conséquences qui en résultent, c'est qu'on
y trouve, quoique très-rarement , des coquilles d'eau douce.
Au reste une seule suffit pour démontrer la vérité de l'opinion
de Lamanon et de quelques autres naturalistes qui pensent
que les gypses de Montmartre et des autres collines du bassin
de Paris, se sont cristallisés dans des lacs d'eau douce. Nous
Li
(1) M. Cuvier, Annales du Muséum d'hist. nat., t.
ji
316 ANNALES DU MUSEUM
allons rapporter dans l'instant de nouveaux faits confirmatifs
de celui-ci. ! | ;
Enfin cette masse supérieure est essentiellement caractérisée
par la présence des squelettes de mammifères. Ces ossemens
fossiles servent à la faire reconnoitre lorsqu'elle est isolée;
car nous n'avons jamais pu en trouver, ni constater qu'on en
ait trouvé dans les masses inférieures.
Au-dessus du gypse sont placés de puissans bancs de marne
tantôt calcaire, tantôt argileuse.
C'est dans les lits inférieurs et dans une marne calcaire
blanche et friable qu'on a rencontré à diverses reprises des
ironcs de palmier pétrifies en silex. Ils étoient couchés et d'un
volume considérable. C'est dans ce méme système de couche
qu'on a trouvé , mais seulement à Romain ville , des coquilles du
genre des lymnées et des planorbes qui ne paroissent différer
en rien des espèces qui vivent dans nos marres. L'un de nous
a déjà communiqué à la classe ce fait intéressant. Il prouve
que ces marnes sont de formation d'eau douce, commes les
gypses qu'elles recouvrent.
Au-dessus de ces marnes blanches se voient encore dés
bancs trés-nombreux et souvent puissans de marnes argileuses
ou calcaires. On n'y a encore découvert aucun fossile.
On trouve ensuite un petit banc de 6 décimetres diépais-
seur d'une marne jaunâtre feuilletée qui renferme vers sa
partie inférieure des rognons de strontiane sulfatée terreuse ,
et un peu au-dessus, un lit mince de petites tellines allongées
qui sont couchées et serrées les unes contre les autres. Ce
lit qui semble avoir bien peu d'importance, est remarquable,
premièrement par sa grande étendue; nous l'avens observé sur
un espace de plus de dix lieues de lois sur plus de quatre
^ D'HISTOIRE NATURELLE. 31%
de large, toujours dans la même place et de la même épais-
seur. Il est si mince, qu'il faut savoir exactement où on doit
le chercher pour le trouver. Secondement, parce qu'il sert
de limite à la formation d'eau douce , et qu'il indique le com-
mencement subit. d'une nouvelie formation marine.
En effet, toutes les coquilles qu'on rencontre au-dessus de
ce lit de ya sont marines comme. elles.
On trouve d'abord et immédiatement après, un banc puis-
sant et constant de marne argileuse verdätre qui, par son
épaisseur, sa couleur et sa continuité , se fait reconnoitré de
loin. Il sert de guide pour arriver aux tellines , puisque c'est
au- dessous de lui qu'on les trouve. Il ne renferme d'ailleurs
aucun fossile , mais seulement des géodes argilo-calcaires et des
rognons de strontiane sulfatée. Cette marne est sn dans
la fabrication de la faiance grossière.
Les quatre ou cing bancs de marne qui suivent jai marnes
vertes Sont peu épais, et ne paroissent pas non plus contenir
de fossiles; mais ces lits sont immédiatement recouverts d'une
couche de marne argileuse jaune qui est -pétrie de débris de
coquillages marins, dont les espèces appartieunent aux genres
cérites , trochus, mactres, vénus, cardium, etc. On y ren-
contre aussi des fragmens de palais d'une raie qui devoit étre
analogue à l'aigle.
Les couches de marne qui suivent celle-ci PRET
presque toutes des coquilles fossiles marines, mais seulement
des bivalves; et les dernières couches, celles qui sont immé-
diatement au-dessous du sable argileux, renferment deux
banc d'huitres assez distincts. Le premier. et le plus inférieur
est. composé de grandes huîtres trés-épaisses: quelques-unes
ont plus d'un décimetre de longueur. Vient ensuite une couche
318 ANNALES DU MUSÉUM *
de marne blanchâtre sans coquilles, puis un second bane
ü'huitres trés-puissant, mais subdivisé en plusieurs lits. Ces
huitres sont brunes, beaucoup plus petites et beaucoup plus
minces que les précédentes. Ces derniers bancs d'huitres sont
d'une grande constance, et nous ne les avons peut-étre pas vu
manquer deux: fois dans les nombreuses collines de gypse
que nous avons examinées. La formation gypseuse est sou-
vent terminée par une masse plus ou moins épaisse de sable
argileux qui ne renferme aucune coquille.
Telles sont les couches qui composent généralement la for-
mation gypseuse. Nous étions tentés de la diviser en deux, et
de séparer l'histoire des marnes marines du sommet de celles
du gypse et des marnes d'eau douce du fond; mais les couches
sont téllement semblables les unes aux autres, elles s'aceom-
paguent si constamment, que nous avons cru devoir nous
contenter d'indiquér cette division , sans la faire réellement.
Il nous reste à dire quelques mfots sur les ppnópstes dif-
férences qu'offrent les collines qui appartiennent à cette for- -
mation. Les collines gypseuses fornrent comme une espèce
delongue et large bande qui se dirige du sud-ouest au nord-est,
sur une largeur de six lieues environ. Il paroit que dans cette
zone il n'y a que les collines du centre qui'présentent dis-
tinclement les trois masses de gypse. Celles des bords, telles
que les plàtrieres de Clamart, Bagneux, Antoni, le Mont-
Valérien , Grisy, etc., et celles des extrémités, telles que les
plàtrieres de Chelles et de Triel ne — qu'une masse.
Cette masse -nous paroit être analogue à celle que les car-
riers nomment la première, c'est-à-dire la plus superficielle,
puisqu'on y trouve les fossiles des mammifères qui la carac-
térisent , et qu'on ne rencontre pas dans leurs marnes ces gros
pr D'HISTOIRE NATURELLE. 319
et nombreux cristaux de gypse lenticulaire qu'on observe dans
les marnes de la seconde et de la troisième masse.
Quelquefois les marnes du dessus manquent presque en-
tierement ; quelquefois c’est le gypse lui-même qui manque
totalement ou qui est réduit à un lit mince. Dans le premier
cas, la formation est représentée par les marnes vertes accom-
pagnées de strontiane. Les formations gypseuses du parc de
Versailles , prés de Saint-Cyr, celles de Viroflay , sont dans le
premier cas; celles de Meudon, de Ville-d'Avray, sont dans
le second cas.
Nous devons rappeler ici ce que l'un de vidis ital eir
Čest que le terrain gypseux des environs de Paris ne peut se
rapporter exactement à aucune des formations décrites par
M. Wernet ou. par ses disciples. Nous en avons alors déduit
les raisons he est inutile de répéter. ,
Anr. v. — Formation du sable et du grès marin.
Ce terrain est peu étendu et puc faire suite à Ih formation
des marnes du gypse. Nous l'y eussions méme réuni, s'il les
accompagnoit aussi constamment que celles-ci accompagnent
le gypse, et s'il n'en étoit souvent séparé par une masse con-
sidérable de sable argileux dénué de tout fossile, et très-dif-
férent par sa nature de celui qui va nous occuper. —
Ce que nous venons de dire fait voir que cette formation
recouvre généralement la formation gypseuse. Elle consiste en
bancs de sable siliceux souvent très-pur et souvent agglutiné
en grès, qui renferme des coquilles marines très-variées , et
(1) Brongniart, Traité élém. de Min., t. 1 , p. 177- -
320 S ANNALES DU MUSEUM i
toutes :de méme espèce que celles de Grignon. Nous y avons
reconnu les mêmes huîtres , les mêmes calyptrées, les mêmes
tellines, les mêmes cérites. Tantôt ces coquilles-existent en-
core et sont à l'état calcaire; tantôt il n'en reste que les em-
preintes ou moules extérieurs.
. On trouve ces gres et sables marins au sommet de Mont-
martre, à Romainville, à Saint-Prix, prés de Montmorency,
à Longjumeau, etc. On remarque dans ces derniers des ba-
lanus fossiles.
On ne peut s'empêcher de réfléchir, en observant ces grès
remplis des mêmes coquilles que celles de Grignon, aux sin-
gulières circonstances qui ont dà présider à la formation des
couches que nous venons d'examiner. En reprenant les couches
depuis la craie, on. se représente d'abord une mer qui dépose
sur son fond une masse immense de craie et les mollusques
d'une espèce particulière. Cette. précipitation de craie et des
coquilles qui accompagnent cesse- tout-à-coup. Des couches
d'une toute autre nature lui succèdent , et il ne se dépose plus `
que de l'argile et du sable sans aucun corps organisé. Une
autre mer revient : celle-ci nourrit une prodigieuse quantité de
mollusques testacés , tous différens de ceux de la craie. Elle
forme sur son fond des bancs puissans, composés en grande
partie des enveloppes testacées de ces mollusques ; mais peu
à peu cette production de coquilles diminue et cesse aussi tout-
à-fait. Alors le sol se couvre d'eau douce; il se forme des
couches alternatives de gypse et de marne qui enveloppent
et les débris des animaux que nourrissoient ces lacs, et les
ossemens de ceux qui vivoient sur leurs bords.
La mer revient une troisième fois et produit ee es-
pèces de coquilles bivalves et turbinées ; mais bientôt cette mer
& D'HISTOIRE NATURELLE. 321
ne donne plus naissance qu'à des huîtres. Enfin les productions
de la seconde mer inférieure reparoissent, et on retrouve au
sommet de Montmartre les mêmes coquilles qu'on a trouvées
à Grignon et dans le fond. des carrièrés de Gentilly et de
Meudon. |
Arr. vi. — Formation du calcaire siliceux.
- La formation dont: nous allons parler a.une situation géo-
logique parallele, pour ainsi dire, à celle du calcaire marin.
Elle n'est située ni au-dessous d'elle, m au-dessus, mais à côté,
et semble en tenir ła place dans l'immense étendue de terrain
qu'elle recouvre à l'ouest et au sud-ouest de Paris.
Ce terrain est: placé immédiatement au-dessus des argiles
plastiques. Il est formé d'assises distinctes., de :calcaire tantôt
tendre et blanc ; tantôt gris et compact, et à grain très-fin, pé-
nétré de silex qui s'y est infiltré dans touslessenset dans tous les
points. Comme il est souvent caverneux , ce silex, en s'nfil-
irant dans ces cavités, en a. tapissé les.parois de stalactites
mamelonées , diversement colorées, ou de cristaux de quartz
très-courts et presque sans prisme , mais nets et limpides. Cette
disposition est irés-remarquable à Champigny. Ce. calcaire
compacte , ainsi pénétré de silex, donne, par la cuisson, une
chaux d'une trés-bonne. qualité. l voti
… Mais le caractere distinctif de cette formation 'singuliere ,
de-cette formation que. personne n'avoit remarquée. ayant
nous, quoiqu'elle couvre une étendue de terrain considérable,
c'est de ne renfermer aucun fossile ni marin, ni fluviatile; du
moins nous n'avons pu en découvrir aucun dans le grand
nombre de places où nous l'avons examiné avec la plus scru-
puleuse attention. =u = pa T
; FE | 42
352 ANNALES DU MUSEUM w
—QCest dans ce terrain que se trouvent les pierres connues
sous le nom de meulières. Ces pierres, dont l'origine, la for-
mation, et la situation étoient obscures pour la plupart. des
minéralogistes, semblent être la carcasse siliceuse du calcaire
siliceux. Le silex dépouillé de sa partie calcaire par une cause
inconnue, a dù laisser et laisse en effet des masses poreuses,
mais dures, dont les cavités renferment encore de la marne
argileuse et qui ne présentent aucune trace de stratification ;
nous avons fait de véritables meulieres artificielles en jetant du
calcaire silicenx dans de l'acide nitrique. Nous ferons connoitre
dans la seconde partie les divers cantons qui sont formés de ce
calcaire. Nous terminerons son histoire générale en disant qu'il
est souvent à nu à la surface du sol, mais que souvent aussi
il est recouvert de marnes argileuses, de grès sans coquilles, et
enfin de terrain d'eau douce. Telle est la structure du sol de la
forét de Fontainebleau.
Arr. vir. — Formation du grès sans coquille.
Le grès sans coquille, dans quelque lieu qu'on le trouve,
est toujours la dernière où avant-dernière formation. ll re-
couvre constamment les autres, et n’est jamais recouvert que
par la formation du terrain d’eau douce. Ses bancs :sont sou
vent trés-épais et entremélés de bancs de sable de méme
nature que lui. Le sable qui supporte les bancs supérieurs, a
été quelquefois entrainé par les eaux; les bancs se sont alors
rompaset ont roulé sur les flancs des salit qu'ils formoient :
tels sont les grès de la forét de Fontainebleau, ceux de Pa-
laiseau, ete. l mi
Non-seulement ce grès et ce asis ne contiennent poin: de
* D'HISTOIRE NATURELLE. 323
fossiles, mais 'ils sont souvent très-purs et donnent les sables
estimés dans les arts, et qu'on va recueillir à Etampes, à
Fontainebleau , à la butte d Aumont, etc:
Ils sont cependant quelquefois ou altérés par un. mélange
d'argile, ou colorés par des oxides defer , ou. impregnés de
chaux carbonatée qui. les a pénétrés par infiltration. lorsqu'ils
sont recouverts du terrain calcaire d'eau douce ; tel est encore
lecas des sgr és de dieat —— de; la forêt ae F óntainebleau: |
T |
ART. vil — Formation du terrain d'eau PEA
Cette rna recouvre constamment toutes les autres,
Laroche qui en est résultée ressemble , à quelques égards, pour
la structure et les.autres: propriétés extérieures, au calcaire
siliceux , c'est-à-dire qu'elle est ta pa te jmt blanche
et. tendre, mais presque toujours pénétrée d'infiltration sili-
ceuse. Le silex méme tantôt opaque et jaunâtre, tantôt brun
et translucide comme le silex pyromaque, remplace quelque-
fois complétement le calcaire; enfin :cette. formation donne,
comme: la sixième , des pises meulières dont l'origine a une
méme cause. i d
. Ce qui caractérise nie bu quita cette FM c'est
d’une part la présence de coquilles évidemment d'eau. douce,
et semblables en tout à celles que nous. trouvons. dans nos
marais. Ces coquilles.sont des lymnées de trois espèces et des
planorbes. On trouve aussi dans cette formation des petits
corps ronds et.canelés, que M. de Lamarck a nommé gyro-
gonite. Ou n'en connoit. plus l'analogue vivant; mais leur po-
sition nous apprend que le corps organisé dont ils faisoient
partie vivoit dans l'eau. douce,
ia *
324 ANNALES DU MUSÉUM :
Le second caractère de cette formation c'est la facilité qu'a
le calcaire qui la compose de se délayer dans l'eau, quelque
dur qu'il paroisse au moment où on le retire de la carrière.
De là l'emploi considérable qu’on en fait comme marne d'en-
graisà Trappe prés. Versailles, dansla plaine de Gonesse, etc.
Nous rapportons à cette formation, mais avec un peu d'in-
certitude les sables des hauteurs qui renferment des bois et
des parties de végétaux changées en silex. Nous avons été
portés à faire cette réunion par l'observation des bois et des
végétaux silicifiés qu'on trouve vers le sommet des collines de
Lonjumeau. Le méme sable qui renferme ces végétaux, ren-
ferme aussi des silex remplis de gros lymnées et des planorbes.
Le terrain d’eau donce, quoique toujours superficiel, se
trouve dans toutes les situations, mais cependant plutôt vers
le sommet des collines et sur les grands plateaux, que dans
le fond des vallées. S'il existe dans ces derniers lieux,il a été
recouvert pár le sol, qui constitue la neuvième et dernière
formation. D'ailleurs il est extrêmement commun partout
aux environs de Paris, et probablement à des distances beau-
coup plus. grandes que celles oà nous avons été. Il nous paroit
étonnant > d'aprés cela, que si peu de naturalistes y aient fait
attentión : nous ne connoissons que M. Der De en ait mz
mention! 4
La présence de ce terrain suppose dans les eaux douces
qui existoient alors des propriétés que nous ne retrouvons
plus dans celles que nous connoissons actuellement. Les eaux
de nos marais, de nos étangs, de nos-lacs ne déposent que
du limon friable. On n'a remarqué dans aucune d'elles là pro-
priété que possédoient les eaux douces de l'ancien monde de
former des dépôts épais de calcaire jaunâtre et dur, de
— D'HISTOIRE NATURELLE. 325
marnes blanches et de silex souvent trés-homogéne, enve-
loppant tous les débris des corps organisés qui vivoient dans
ces eaux , et les ramenant méme à la nature siliceuse et cal-
caire de leur enveloppe.
-
ART. ix. — Formation du limon d'atterrissement.
Ne sachant comment désigner cette formation, nous lui
avons donné le nom de limon, qui indique un mélange de ma-
tière déposée par les eaux douces. En effet, le limon d'atter-
rissement est composé de sable de toutes les couleurs, de
marne, d'argile, ou méme du mélange de ces trois matieres im-
prégné de carbone, ce qui lui donne un aspect brun et méme
noir. Il contient des cailloux roulés; mais ce qui le caracte-
rise plus particulièrement , ce sont les débris des grands corps
organisés qu'on. y observe. C'est dans cette formation qu'on
trouve de gros troncs d'arbres, des ossemeus d'éléphans, de
bœufs, d'antilopes et d'autres grands mammifères.
C'est aussi à cette fprmation qu'appartiennent les dépóts
de cailloux roulés du fond des vallées, et probablement aussi
ceux de quelques plateaux, tels que le Bois de Boulogne , la
plaine de Nanterre à Chatou, certaines parties de la forét de
Saint- Germain, eic.
Le limon d’atterrissement ne se trouve pas seulement dans
le fond des vallées actuellement existantes, il a couvert des
vallées ou des excavations qui depuis ont été remplies. On
peut observer cette disposition Ld la tranchée profonde
qu'on a faite prés de Séran pour y faire passer le canal de
l'Ourque. Cette tranchée a fait voir la coupe d'une ancienne
cavité remplie des matières qui composent le limon d'auterris-
320 ANNALES DU: MUSÉU M
sement; et c'est dans cette espèce de fond de marais qu'on
a trouvé des os d'éléphans et de gros troncs d'arbres.
C'est à l'existence de ces débris de corps organisés qui ne
sont pas encore entierement décomposés , qu'on doit attribuer
les émanations "dangereuses et souvent pestilentielies qui se
dégagent de ces terrés lorsqu'on Jes remue peur-la première
fois aprés cette longue suite de siècles qui s'est éconlé de-
puis leurs dépôts; car il en est de cette formation 4 qui paroit
si moderne, comme de toutes celles que nous venons d'exz-
miner. Quoique trós- moderne en comparaison des; autres |
elle est encore antérieure aux temps historiques, et on peut
. dire que le limon de l'ancien monde ne ressemble en rien
à celui du monde actuel, puisque les bois et les animaux
qu'on y trouve sont entierement différens,' non-seulement
des animaux des contrées où on les trouve: déposés; mais
encore de tous ceux qu'on connoit jusqu’à présent.
D'HISTOIRE NATURELLE. 327
SUITE DES OBSERVATIONS
Sur quelques genres de la Flore de la Cochin.
chine. de Loureiro.
PAR M. A. L. DE JUSSIEU.
Ls moringa de Burmann, Thes. Zeyl.p. 162,1, 75 , et le morunga de Ruinph
Herb. Amb. 1, p. 184, t. 74, 75, ou muringu de Rhéede, Hort. Malab. 6, p. 19,
t. 11, sont deux plantes ligneuses, originaires de l'Inde, que Linneus réunissoit
comme une même espèce dans son guilandiná. ie ds "m à me pd
des Légumineuses , dans la première de ses d
tout par une corolle polypétale régulière, des Etainbi sd nb tes end distinctes,
des feuilles presque toujours pinnées ou bipinnées sans impaire, et des graines à
radicule droite sur les lobes, dont l'enveloppe intérieure trés-épaisse prend la
-forme d'un: périsperme. La plupart des botanistes qui ont suivi ou précédé Linnæus,
-confondoient également ces deux plantes; mais ils ont varié dans leur rapproche-
ment générique. Elles se distinguent de toutes les Légumineuses dé la première di-
vision, et conséquemment du guilandina , par des feuilles vi asd avec impaire,
une gousse à trois valves au lieu de deux, des graines à trois angles ailés, et dé-
pourvues de la membrane intérieure épaissie ou faux périsperme. Quelques-uns de
“ces caracteres, surtout celui de la gousse et des graines ailées, ont suffi pour dé-
terminer Adanson à rétablir le moringa de Burmann, comme genre trés-distinct
du guilandina. M. Lamarck. l'adopte dans l'Encyclopédie méthodique. On le trouve
distingué sous le même nom dans notre Genera, dans lequel il est dit que; par la
structure de ses feuilles et de ses gousses, il diffère de toutes les légumineuses
-qui ne présentent jamais de feuilles bipinnées avec impaire, et encore moins des
feuilles tripinnées. Gartner, partageant la même opinion et suivant là méme no-
menclature , enchérit encore sur cette distinction, en remarquant l'absence du faux
périsperme, et faisaut connoitre l'attache des graines sur le milieu des valves, et
non sur un de leurs bords, cómme dans le reste de la famille.
Forskal, dans son Flora egy ptiaco-arabica , p. 67, décrit y sous le nom générique
hyperanthera, un grand arbre à feuilles bipinnéés avec impaire dont les caractères
de la fructification sont à-peu-prés les mêmes que ceux-du moringa; et l'on peut
croire que l'annonce de six crêtes sur la gousse indique l'existence des trois valves
dont il ne fait pas mention. Cette affinité générique avec le moringa est encore con-
firmée par le témoignage de Vahl, possesscur de l'herbier de Forskal qui, dáns
338 ANNALES DU MUSEUM
‘ses Symbole, 1, p. 30, conservant le nom hyperanthera , ramène le moringa à Ce
genre, sous le nom de Hyp.. moringa , auquel il n’attribue „pareillement que des
feuilles bipinnées avec impaire. Il lui joint encore, comme troisième espèce, le
guilandina dioica de Linnæus , sans tenir compte de ses feuilles bipinnées sans im-
paire, et de sa gousse à deux valves dont les graines sont attachées à une des su-
tures comme dans les vraies Légumineuses. M. Lamarck avoit trouvé dans ce gui-
landina des caractéres suffisans pour en former son. genre Gymnocladus que nous
avons adopté et qui diffère beaucoup du moringa; mais il ne paroît pas qu'il ait
eu raison de lui associer l'hyperanthera de Forskal comme seconde espèce, sous le
nom de G. arabica , puisque celui-ci diffère évidemment par ses feuilles et son fruit.
Loureiro, frappé comme ses prédécesseurs du caractère du moringa et surtout
de son fruit à trois valves, ignorant d'ailleurs que ce genre étoit déja établi par
d'autres , en a fait un sous le nom d'anoma auquel il rapporte comme deux espèces
distinctes le moringa de Burmann et le morunga de Rumph, tous deux indiqués par
lui avec des feuilles simplement bipinnées, telles qu'elles existent peut-étre au som-
met des tiges, et que les dépeint Pott Mais dans les herbiers et -dans les figures
de Rumph , elles sont évid e qui peut fai é que Lou-
reiro se sera trompé en assignant à Eme apie. des Rubis appeséésS parce qu'il
atra pris les p pposées de la feuille tripinnée pour des feuilles com-
ème espéce, sous le nom de À. Cochinchi-
nensis, à laquelle il attribue aussi des feuilles opposées et bipinnées avec impaire ,
plètes et bipiniées. Il ajoute une troisi
mais dont la gousse est comprimée, à deux valves, à graines arrondies non
ailées. Ces derniers, ctères semblent prouver que cette plante n'appartient
pas au moringa. WE M. Willdenow, dans son édition des Species de Lin-
naus, adoptant l'hyperanthera de Forskal et de Vahl, lui réunit les trois anoma de
iro, comme aulant d'espéces distinctes ; mais il se garde d'y joindre le tte
eladus dioii qu’ il laisse avec M. Lamarck comme genre distinct.
En rappelant ce qui vient d'être dit, on reconnoit que le moringa est un genre
trés-naturel , différent en plusieurs points des vraies Légumineuses ; caractérisé par
ses feuilles ordinairement tripinnées avec impaire, sa fleur, son fruit en gousse
divisé en trois valves, ses graines ailées insérées sur le milieu des valves, son em-
bryon à radicule droite et montante, dépourvu de périsperme ou de la membrane
épaisse qui en tient lieu. L'hyperanthera de Forskal appartient probablement au
méme genre, mais son nom, plus récent que celui. de moringa, doit être sup-
primé. En réunissant au moringa les deux premieres espèces d'anoma de Loureiro qui
lui appartiennent certainement, et qui peut-étre rne sont que la méme, on suspendra
son JUPE sur la. troïsiéme , p pourra retenir le nom d'anoma jusqu' a ce qu'elle
soit mieux connue et peut-être hée de quelque genre ancien. Le gymnocladus,
iis diuini iu moringa et de r bei thera, est une véritable Légumineuse , un genre
raturce! qui doit éire conservé,
à
D'HISTOIRE NATURELLE. 329
RAPPORT
FAIT
A HEENNETELT
Sur un Mémoire de MM. les VES LATE GALL
et Sp URZHEIM.
PAR G. CUVIER.
L Classe a chargé MM. Tenon , PorraL, SABBaTIER , PINEL et
Cuvier de lui rendrecompte dus Meisie intitulé: Recherches
sur le système nerveux en général , et sur le cerveau en par-
ticulier, par MM. Garr et Spurzaem, docteurs en médecine.
Vos commissaires ne doivent point vous dissimuler qu'ils ont
hésité un instant à se charger de cet examen.
Dans tous les temps la classe s'est fait la loi indi de
ne point émettre d'avis sur les ouvrages déjà soumis au grand
tribunal du public par la voie de l'impression, et l'on pouvoit
croire que la doctrine anatomique de M. Gall a recu par l'en-
seignement oral que ce professeur en a fait dans les principales
villes de l'Europe, et par les nombreux extraits que ses dis-
ciples en ont répandus, une publicité à-peu-près équivalente
à celle d'une impression authentique.
11. 43
330 ANNALES DU MUSÉUM
Cette exposition anatomique du système nerveux passe
d’ailleurs dans le monde pour être intimément liée, et son
auteur la lie en effet, jusqu'à un certain point, à la doctrine
physiologique qu'il enseigne sur les fonctions spéciales des di-
verses parties de l'organe cérébral, doctrine qui ne peut
être en aucune façon du ressort de la classe, puisqu'elle dépend
en derniere analyse d'observations relatives aux dispositions
morales et intellectuelles des individus , lesquelles n'entrent as-
surément dans les attributions d'aucune académie des «ciences.
Tels sont les motifs qui nousont d'abord retenus; mais bientót
il s'en est présenté d'autres qui les ont contrebalancés.
De tout ce que l'on a écrit d’après les cours de M. Gall,
ses opinions sur l'anatomie du cerveau sont ce qui a été an-
noncé avec le plus d'assurance, et cependant exposé avec le
moins d'etendue et de clarté. Il n'avoue d'ailleurs en entier
aucune de ces publications faites par ses élèves, et par consé-
quent aucune d'elles ne met le public en état de juger ses
idées, et ne dispense de recourir au Mémoire qu'il vous a
soumis; enfin il a eu le plus grand soin d'écarter entièrement de
ce Mémoire les assertions qui ont rendu son nom populaire,
en: devenant le sujet des discussions passionnées de gens de
tous les ordres, et il s'en est tenu étroitement à ses observa-
tions anatomiques. Quel que soit donc votre jugement , on n'en
pourra rien conclure touchant une doctrine qui n'a € un "Hu
port assez éloigné avec l'anatomie.
La considération de l'importance des ictibus dh système
nerveux, et de l'ignorance où l'on est encore sur plusieurs
points de sa structure, malgré les travaux nombreux dont
elle a été l'objet, sest jointe à ces motifs, et. a achevé de nous
déterminer. Quiconque se flatte:de pouvoir jeter quélque
D'HISTOIRE NATURELLE, 331
lumière sur une matière à-la-fois si intéressante et si obscure,
a en effet le droit d'étre écouté avec attention par un Corps
tel que le nôtre, et nous manquerions à notre premier devoir,
si nous ne mettions dans un pareil examen l'assiduité la plus
entière et l'impartialité la plus absolue.
Oubliant donc entierement tout ce qui a été dit ou écrit
pour et contre le docteur Gall, soit dans le monde, soit dans
les papiers publics, soit dans les brochures, ne nous en tenant
pas méme uniquement à son Mémoire, qui ne nous a point
paru rédigé avec tout l'ordre et la clarté désirables, nous
l'avons invité, ainsi que M. Spurzheim , à nos conférences : ils
ont bien voulu disséquer le cerveau devant nous; nous l'avons
disséqué devant eux ; nous avons ensuite répété seuls les.obser-
vations qu'ils nous ont communiquées; nous avons cherché enfin
à nous approprier momentanément leur manière de voir, ef à
en faire une exposition claire et précise, que nous leur avons
soumise, afin qu'ils reconnussent si nous avions bien saisi
leurs idées.
C'est aprés avoir pris toutes ces Wu. que nous
avons cherché à former notre jugement sur ce que ces idées
peuvent avoir de neuf, sur ce qu'elles ont de vrai, et sur la
justesse des conséquences que les auteurs du Mémoire en tirent.
Nous allons vous présenter successivement, dans le cours
de ce rapport, l'exposition que nous avons fte; et pa —
meut que nous avons porté.
L'expérience a montré de bonne heure que le cerveau est
l'instrume;t matériel de notre esprit et l'organe essentiel de
la vie animale; elle a fait voir promptement aussi que le
système nerveux tout entier prend une part fort active aux
43 *
332 ANNALES DU MUSEUM
fonctions de la vie organique; il n’est donc point étonnant que
les médecins, les anatomistes et les philosophes se soient oc-
cupés dans tous les siècles, avec une ardeur égale, d’un vis-
cère de cette importance; c’est par son étude que l’histoire de
l'anatomie commence et finit. Démocrite , Anaxagoras dis-
séquoient déjà le cerveau, il y a près de trois mille ans;
Haller, F'iq-d' Azyr et vingt anatomistes vivans l'ont disséqué
de nos jours; mais, chose admirable, il n'en est aucun qui
n'ait laissé encore des découvertes à faire à ses successeurs.
Sans doute on ne devoit pas s'attendre à trouver une ex-
plication physiologique de l'action du cerveau dans la vie ani-
male, comparable à celle de l'action des autres viscères:
dans ces derniers, les causes et les effets sont de méme nature;
quand le cœur fait circuler le sang , c'est un mouvement qui
produit un autre mouvement; quand l'estomac réduit les ali-
mens en chyle, c'est le calorique, c'est l'humidité, c'est le
suc gastrique , c'est la compression lente du tissu musculaire
de ses parois qui réunissent leur action pour opérer à-la-fois
une dissolution et une trituration plus ou moins fortes, selon
l'espece de l'animal et la nature de ses alimens.
Les fonctions du cerveau sont d'un ordre tout différent.
Elles consistent à recevoir , par le moyen des nerfs , et à trans-
mettre immédiatement à l'esprit les i impressions des sens, à
conserver les traces de ces impressions, et à les nés
avec plus ou moins de promptitude de netteté et d'abondance,
. quand l'esprit en a besoin pour ses opérations, ou quand les lois
de l'association des idées les ramènent; enfin , à transmettre aux
muscles, toujours par le moyen des país; les ordres de la
volonté.
Or ces trois eds supposent l'influence ie à
D'HISTOIRE NATURELLE — 333
jamais incompréhensible de la matière divisible et du moi
indivisible; hiatus infranchissable dans le système de nos idées,
et pierre éternelle d'achoppement de toutes les philosophies,
Elles se trouvent méme avoir encore une difficulté qui ne tient
pas nécessairement à la première; non-seulenient nous ne
comprenons ni ne comprendrons jamais comment des traces
quelconques, imprimées dans notre cerveau, peuvent être
perçues de notre esprit et y produire des images ; mais quel-
que délicates que soient nos recherches, ces traces ne se
montrent en aucune facon à nos yeux, et nous ignorons en-
tierement quelle est leur nature , quoique les effets de l'âge et
des maladies sur la mémoire ne nous laissent douter ni de
leur existence, ni de leur siége.
Il sembloit du moins que l'action du système nerveux sur la
vie organique seroit plus facile à expliquer, puisqu'elle ést
purement physique, et l'on devoit espérer, à force de re-
cherches, de découvrir clairement dans ce systeme quelque
tissu, quelques entrelacemens ou directions de parties qui
le rendissent plus ou moins analogue aux organes vasculaires
ou sécrétoires. !
Il n'y avoit surtout aucune raison de douter qu'on ne püt
en développer les diverses portions, assigner leurs connexions,
leurs rapports, leurs terminaisons respectives, aussi aisément
que dans les autres systèmes. |
C'est ce qui n'est point arrivé. Le tissu du cerveau, de la
moelle épinière et des nerfs est si fin, si mou, que tout ce que
l'on a pu en dire jusqu'ici est mélé de conjectures et d'hy-
pothéses; et les diverses masses qui composent le cerveau sont
si épaisses et si peu consistantes, qu'il faut la plus grande
334 ANNALES DU MUSÉUM
dextérité pour rendre manifestes tous les détails de leur
structure.
En un mot, aucun de ceux qui ont travaillé sur le cerveau
n'est parvenu à établir rationellement une relation positive
entre la structure de ce viscère et ses fonctions, méme les
plus évidemment physiques. Les déconvertes annoncées jus-
qu'ici sur son anatomie, se bornent à quelques circonstances
dans les formes, les connexions ou le tissu de ses parties
qui avoient échappé à des anatomistes plus anciens, et toutes
les fois qu'on a cru aller au-delà, l'on n'a fait autre chose qu'in-
tercaler entre la structure découverte et les effets counus, quel-
que hypothèse à peine capable de satisfaire un instant les
esprits peu difficiles.
Méthodes nouvelles de daii du cerveau , connexions et
directions nouvelles aperçues entre ses pess masses et les
élémens organiques qui les composent , particularités nouvelles
remarquées dans quelques-unes de ses parties, voilà donc à
quoi se réduisent jusqu'à présent toutes les découvertes réelles
que l'on a pu faire.
Nous sommes loin cependant de mépriser ces résultats ; ils
nous frayent la seule route qui puisse un jour nous mener
plus loin; et quoique nous ne connoissions pas encore toute
l'étendue de cette route , nous sommes assurés du moins que
chaque pas qu'on y fait nous rapproche du terme d'une frac-
tion quelconque de sa longueur.
Nous allons donc exposer et examiner , sous ces trois rap-
ports de méthode, de connexion et de particularités, les dé-
couvertes annoncées par MM. Gall et Spurzheim.
Les anatomistes savent qu'il y a trois méthodes principales
pour démontrer le cerveau.
D'HISTOIRE NATURELLE. 335
La plus répandue dans les écoles et dans les ouvrages im-
primés, est celle de Vésale, qui consiste à enlever successi-
vement des tranches de cet organe, et à faire remarquer ce
qui se présente à chaque coupe. C'est la plus facile dans la
pratique pour la démonstration ; mais c'est la plus pénible
pour l'imagination. Les vrais rapports de ces partes que l'on
voit toujours coupées, échappent non-seulement à l'élève,
mais au maitre; c'est à-peu-prés comme si l'on divisoit le
tronc en tranches successives, pour faire connoitre la position
et la figure des poumons, du cœur, de l'estomac, etc. Cepen-
dant cette méthode est encore à-peu-pres la seule qui régne
dans l'ouvrage le plus magnifique, et l'un des plus estimables
qui aient paru sur le cerveau, celui de Ficq-d Azyr.
Une secoide méthode qui altere beaucoup moins l'organe
qu'elle veut faire connoitre, est celle de ##illis, laquelle , au-
tant qu'on en peut juger parla description obsenure de Galien,
ressemble à plusieurs égards à celle qu'employoient les an-
ciens, Après avoir enlevé la pie-mére, on soulève les lobes
postérieurs du cerveau : on pénètre entre les tubercules qua-
dri-jumeaux et la voüte; on coupe le pilier antérieur de celle-
ci; débridant les parties latérales des hémisphéres, on rejette
leur masse en avant : de cette maniere , on voit bien le dessous
de la voûte, du corps calleux, et l'on conserve dans leur inté-
grité les grands et petits tubercu'es de l'intérieur; inais l'épais-
seur des hémisphères en rend la pratique plus embarrassante
dans l'homme que dans les autres animaux,
La troisième méthode est celle dont Karole avoit trés-ancien-
nemert donné une ébauche et que Vieussens a employée avec
plus de suiteet de détails. On y attaque le cerveau pardessous ,
on suit la moelle allongée au travers du pont de Varole, des
336 ANNALES DU MUSEUM
couches optiques , des corps cannelés; on voit ses fibres s'épa-
nouir pour former les hémisphères ; on peut méme au besoin
étendre les hémisphéres en débridant leurs attaches latérales
aux jambes du cerveau, fendre longitudinalement la moelle
et le cervelet, et alors on voit chaque moitié de la première
former une sorte de pédicule qui s'implante dans l'hémisphere
de son côté comme la tige d'un champignon dans son chapeau.
Cette méthode a le trés-grand avantage de donner plus de
facilité pour suivre la direction des fibres médullaires, seule
circonstance qui puissenous fournir quelqueidée surla marche
des fonctions cérébrales, et il est probable qu'elle auroit eu
plus de vogue, si Varole ne lavoit exprimée par une figure
extrêmement grossière, et si l'ouvrage de Vieussens n'étoit
toujours resté, on ne sait pourquoi, dans une sorte de dis-
crédit qu'il ne méritoit point du tout.
C'est à-peu-prés cette méthode de J'arole que suivent
MM. Gall et Spurzheim, et qu'une partie de leur Mémoire est
consacrée à défendre: peine assurément très-inutile; car un
organe aussi compliqué que le cerveau doit étre examiné par
toutes ses faces ; il faut y pénétrer dans tous les sens, et chaque
fois que l'on trouve un procédé qui fait reconnoitre quelque
nouvelle circonstance, on mérite bien de l'anatomie.
C'est donc par leurs résultats que nous jugerons leur mé-
thode, et pour cet eífet nous allons commencer par les
exposer et parles comparer avec ceux qu'on avoit obtenus
avant eux.
On sait que l'opinion la plus généralement recue touchant
Torganisauon intime du cerveau, c'est que la substance cor-
ticale des hémisphéres et du cervelet, de nature presque en-
tièrement vasculaire, est une sorte d'organe sécrétoire ; que la
D'HISTOIRE NATURELLE. 333.
substance médullaire, presque partout d'apparence fibreuse ;
est. un amas de vaisseaux excréteurs ou au moins de filamens
conducteurs; que tous les nerfs sont des émanations de cette
substance des faisceaux de’ces vaisseaux; que la moelle al-
longée et épinière est elle-même ua faisceau plus grand que
les autres, dont les différentes paires de nerfs spinaux se dé-
tachent successivement; que les nerfs appelés cérébraux, en-
fin, sont ceux qui se détachent les premiers de la grande masse
médullaire de l'encéphale. En conséquence on fait descendre
du cerveau et le long des nerfs toutes les influences du sys-
téme nerveüx sur la vie organique , ainsi que toutes les im-
pulsions de la volonté; et l’on fait remonter par le même
chemin les impressions reçues des sens extérieurs: mais par
une contradiction singulière, en méme temps qu'on fait tenir
originairement la substance médullaire , et par conséquent les
nerfs, à toute l'étendue de la substance corticale, plusieurs
se croient obligés de chercher quelque endroit circonscrit
duquel tous les nerfs partent, ou, ce qui revient au méme,
auquel tous les nerfs aboutissent, c'est-à-dire : ce que l'on
appelle en anatomie le siége de l'ame.
On ne peut guère disconvenir que ée n'ait été là, pendant
bien. long - temps, l'opinion la plus répandue , et qu'elle
ne le soit encore beaucoup aujourd'hui , quoique les ésprits
sages ne l'aient jamais présentée que comme une NM
trés-légeremnnt appuyée sur les faits.
Plusieurs de ses partisans se laissoient cependant aller à
des doutes et à des contradictions. Haller, par exemple, dit
dans un endroit , qu'il répugne de croire qu'il naisse des
fibrilles médullaires- ailleurs que dans le cerveau (1); dans
xw
(1) Phys. IV, p. 385.
: LE: `
44
338. ANNALES DU MUSÉUM
un autre, que tout nerf vient définitivement de la moelle du
cerveau ou du cervelet (1);tandis que dans un troisième (2), il
suppose que la matière grise de la moelle de l'épine peut en
produire comme celle du cerveau.
En effet, cette distribution de matière cendrée en diffé-
rens endroits du système nerveux, étoit un fort argument
contre cette importance exclusive accordée à l'encéphale, et
il s'y en joignoit encore beaucoup d'autres.
On pouvoit remarquer à chaque instant que l'action. ner-
veuse sur la vie organique continue pendant quelque temps,
quand le cerveau n'y contribue plus. Des expériences très-
connues sur les reptiles , sur les vers, prouvoient que si
dans l'homme et les autres animaux oü le cerveau est trés-
grand, ce viscere est nécessaire aux fonctions de la vie ani-
male , il ne l'est pas toujours dans les espèces où son volume
est moindre, et que, dans quelques-unes de ceélles-ci, l'on
peut méme produire à l'instant, par la section, deux centres
de volonté et de sensations. |
L'on savoit aussi depuis trés-long-temps que la moelle de
lépine ne diminue pas en raison des nerfs qui en sortent,
comme elle le devroit si elle n’étoit qu'un faisceau de ces nerfs
envoyé parle cerveau; qu'au contraire elle se reüfle à certains
endroits où il en sort de plus gros nerfs. Tout récemment,
M: Semmerring a rappelé que la grosseur de la moelle al-
longée n'est point, dans les animaüx, eh raison de celle du
cerveau , comme elle devroit l'étre, si cette moelle étoit un
faisceau des conduits excréteurs dé ce viscére; mais qu'au
contraire elle est souvent en raison inverse: les recherclies
(1) Ibid. p. 393.
(2) Ibi. p. 584.
*
D'HISTOIRE NATURELLE. 339
successives de Monro, de Prochaska, de Reil, ont donné
enfin, de la structure des nerfs, des idées toutes différentes
de celles qu'on devroit s'en faire pour les dériver tous de la
substance médullaire de l'encéphale, et par elle de la substance
corticale. Beaucoup de physiologistes en sont donc revenus, .
dans ce derniers temps, à considérer le systéme nerveux
comme un réseau dont toutes les portions participent, jus-
qu'à un certain point, et surtout selon leur volume, à l'orga-
nisation et aux fonctions de l'ensemble; et non pas comme
un arbre qui , n'ayant qu'une souche unique, se distribueroit
en branches et en rameaux, à la manière du système arté-
riel, par exemple.
MM. Gall et Spurzheim, en adoptant cette opinion, n'en
donnent point de preuves nouvelles, mais se bornent à rap-
peler celles que nous venons d'exposer et qui avoient été
présentées bien des années avant eux,
Il paroit qu'on leur a fait, en Allemagne et ailleurs, di-
verses objections auxquelles ils ont pris la peine de répondre,
mais que nous ne leur aurions pas faites.
Lorsqu'ils représentoient, par exemple, que dans les fœtus
acéphales, le systéme nerveux remplit les fonctious de la vie
organique sans le .concours du cerveau, on leur opposoit
l'idée que les acéphales ne sont que des fœtus où le cerveau
a été détruit par suite d'une hydropisie. Cette objection, vraie
pour certains acéphales, ne porte certainement point sur
tous, et il n'est pas rare d'en voir qui sont arrivés à tout
leur développement, quoiquils ne donnent pas la moindre
marque d'avoir jamais eu ni tête ni aucune des parties supé-
rieurs du tronc. .
Nous serons donc facilement d'accord avec MM. Gall et
44 *
340 ANNALES DU MUSEUM
Spurzhéim sur l'idée générale qu'ils se font, avec un cns
nombre d'anatomistes, du système nerveux.
Mais tout en le regardant avec tant: d’autres comme un.
réseau, ils ont quelques idées particulières sur les mailles et
les nœuds dont ce réseau se compose; et c'est ici que copt-
mence ce qu'il y a de propre dans leur doctrine. ^ ^ ^
Autant que nous avons pu la saisir, elle nous a paru se ré:
duire aux dix articles on propositions suivantes :
1. La matière cendrée est la matrice des filets médullaires ; .
partou où elle existe il naît de ces filets, elle-existe partout
où il en nait. Chaque fois qu'un faisceau médullaire traverse .
de la matière grise, il Le par les filets ar Jai” donne!
et -n de ces fais gro: ‘concours de cette -
natiére, soit qu'elle foris un venfefuede sensible où quelle
se SA à suivre et à accompagner le faisceaui^ ^o ? ^7:
^ La moelle de l'épine n'est point un faisceau de nerfs
descendans du cerveau. Les nerfs spinaux naissent par des
filets dont les uns montent et dont les autres descendent ; celà
se voit surtout dans les animaux. La matière grise de Pinté-
rieur de la moelle est la matrice de ces filets; la moelle se :
renfle pour chaque paire de nerfs qu’elle produit, et d'autarit
plus que ces nerfs doivent être plus considérables; ^^ ^^^
Ainsi la moelle épinière! des grands. ‘animaux ebria celle
des insectes et des vers à sang FOR m'est qu'une: série de
renflemens qui donnent naissance à des! pun "mais tous ces
renflemens communiquent — #1 Mp ' F9}
3° bes: nerfs nommés communément cérébraux, et qum
sortent de dessous l encéphale et pec ape de la 1noelle
allongée, ne viennent, pas plus.du cerveau ‘quiet lés autres
au contraire, lorsque lon suit séparément les" racines. de
D'HISTOIRE NATURELLE. 341
chacun d'eux dans l'épaisseur de la moelle dllongée „ón voit
qu'ils remontent de la moelle vers le point où ils se móntrent
au-dehors, et qu'ils ne open oce eis cerveau wr
traverser Lao moelle: j €
"4^ Le cerveau’ et le posées ne sont ee que de
Mrelopbemelis de faisceaux qui sont venus de la: moelle al-
— de la méme facon que les nerfs en viennent. iol
Le cerveau en particulier’ vient principalement des (aio.
ceaux appelés éminences pyramidales , lesquels s'entre-croisent
en sortant de la moelle allongée, allant chacun vers le côté
opposé à celui d'oà il part, se renflent une premiere fois en
traversant le pont de Varole, une deuxieme en traversant les
‘tubercules appelés couches optiques ; une troisième dans ceux
-qur'on nomme corps: cannelés, toujours par des filets médul-
-Jaires que la matière ‘grise contenue dans ces trois: parties
— à ceux qu'ils avoient primitivement. ozs io 0597
“Le cervelet vient des faisceaux nommés processus: iblerebelli
ds medullam , ou reno Corps. nksifommos] eem se
‘rénforcent , mais une fois, nar des filets: que leur fournit
Ha ioiii ce que; l'on nomme le corps:ciliaire. v
. 52: Ces deux paires de faisceaux , après s'être ainsi renforcées
ret élargies , aprés avoir: pris par conséquent une direction di-
"vergente , finissent par s'épanouir chacune 'en :deux grades -
"expansions recouvertes partout en:dehors de matiere: quibm
“mérite seulement ici le nom: de corticale,: et ces.ex
plissées de diverses manières» forment :cé que lon nopne les
— a ;les lobes et le / 5 scd in
du cervelet.: - ETOD JD jei i
2:6 Il nait: de toute. l'étendue: sig ces expansions . d'a ires
fileis médullaires qui des deux côtés du cerveau et du cervelet
78 € ++ W TU * E e ah 1 P TM [
342 ANNALES DU MUSÉUM
convergent vers la ligne moyenne où les filets d'un côté s'u-
nissent à ceux de l'autre, et forment ce que l'on nomme les
commissures. | |
. Le corps calleux, la voûte et ses appartenances forment la
plus grande des commissures du cerveau; ce que l'on nomme
commissure antérieure est particulièrement celle qui joint les
lobes moyens. La commissure du cervelet se compose des
couches transversales du pont de Varole.
7.° Quand on a enlevé ou déchiré les fibres convergentes qui
se rendent au corps calleux et qui tiennent lieu de plafond
aux ventricules latéraux , il ne reste sous la substance grise
qu'une partie médullaire qui la double en suivant tous ses
replis; et loin qu'elle forme une masse solide , comme on l'a
cru jusqu'à présent, il y a toujours au milieu de chaque cir-
convolution du cerveau et du cervelet une solution de con-
ünuité, et avec du soin l'on peut déplisser cette portion de
la moelle comme on déplisseroit la substance grise si elle étoit
seule. En un mot chaque circonvolution est une espèce de
petite bourse ou. de eakal, fermée en dehors par une double
couche de matière cendrée et de matière médullaire, et, du
«côté du xentricule, par les fibres médullaires convergentes,
9^ Comme les paires de faisceaux qui forment le cerveau
et le cervelet ont leurs commissures, celles qui forment les
nerfs ont souvent les leurs aussi, tres-faciles à démontrer pour
la deuxième , la quatrième la cinquieme.et la septième paires,
æt très-probables pour les autres.
9 Les ganglions répandus dans tons le corps sont de
petites masses de matière grise que certains nerfs traversent,
et où ils se renforcent , comme les pédoncules du cerveau se
renforcent dans les couches optiques et les corps cannelés.
: D'HISTOIRE NATURELLE: 343
Ces deux paires de tubercules sont donc de vrais ganglions
pour ces pédo :cu'es. La matière grise de l'écorce du cervean:
et du cervelet à son tour peut être regardée: comme ganglion
des commissures ou fibres convergentes. Celle de l'intérieur
de la moelle épinière forme de la méme facon les premiers
ganglions des nerfs spinaux. Les nerfs cérébraux eux-mémes
en Ont probablement chacuñ un particulier, et il est facile
d'en reconnoitre à plusieurs. On peut enfin comparer à la:
matière grise, et par conséquett aux ganglions, l'expansion
muqueuse qui revêt toutes les extrémités des nerfs de la
peau, des intestins, et même la pulpe du labyrinthe et l'es-
péce de vernis muqueux qui couvre la rétine,
10. De ces neuf articles, tous purement anatomiques, tous
plus ou moins susceptibles d'être vérifiés par Pintüitron, en ré-
sulte un dixième, qui fait le complément et le caractère esini
de la doctrine anatomique de MM. Gall et Spurzheim; c'est
que chaque paire de nerfs forme un système particulier; que
tous ces systèmes communiquent ensemble et se réunissent
dans le grand cordon de la moelle allongée et épiniére, et,
enfin, que le cerveau et le cervelet, loin d'être l'origine, la
source de ce cordon, en sont au contraire un appendice,
une espèce de diverticulum réservé pour certaines fonctions,
mais qui éprouve une influence de toutesies parties du cordon ,'
et qui en exerce une sur elles par lears communications, '
Nous ne pensons pas qu'aucun anatomiste trouve encore
de l'obscurité: dans cette nouvelle exposition des dix princi-
paux articles mis en avant par les auteurs du mémoire que
nous examinons; ils les ont d’ailleurs reconnus pcenas
pour la véritable expression de leur sentiment.
Il ne nous reste donc plus qu'à dire jusqu'à quel point ils
344 ANNALES DU MUSÉUM `a
nous paroissent vrais et! nouveaux: c'est; cé que nous allons
faire séparément pour chacun d'eux, et.avec d'autant plus
d'intérét qu'il. résultera. de notre-examen une éspèce-.de tráité
où la. structure du cerveau se trouvera considérée sous divers
aspects. plus ou moins nportis et. Copa en conséquences
étendues. |
Mais avant d'y sites. l'équité bh qué nous. Tapo
pelliónis la déclaration faite; par. MM: Gall. et. Spurzheinij
qu'ils, ne prétendent pas. avoir découvert beaucoup. de faits
nouveaux, mais. que le principal mérite qu'ils. s'attribuent y
consiste dans la liaison qu'ils croient avoir établie: les-premiers
entre les faits connus , et dans les iacu générales - ils
en. ont déduites. "t EHOT 45 és 88 o(I 0
- Le PREMIER MN pui Aie pour fonction. nés
tance grise de donner. naissance aux filets médullaires, où,
comme disent les auteurs du mémoire, d’être la matrice des
nerfs, n'est, au. fond qu'une autre expression de l'opinion gé-
néralement reçue. On a disputé sur le tissu de cette substance;
Malpighi la croyoit formée de petites follicules; Ruisch;'peut-
être.avec plus de raison, n'y admettoit qu'un réseau vascu-
laire; d'autres veulent qu'il y: ait encore, outre les, vaisseaux;
un parenchyme particulier; mais ón s’est. presque ‘toujours
accordé à là regarder comme un organe sécrétoire , et les fibres
de la substance médullaire, comme. des-organes excréteurs de
la substance qu'elle sépare ; il falloit donc bien. que ces fibres
y naquissent.. Les physiologistes, qui ne croient pas les nerfs
creux ,:mais leur. supposent! la faculté de conduire un fluide;
à la manière. dont les métaux éonduisent l'électricité, ne nient
pas: pour cela que les nerfs de prennent leur: fluide dans
la substance grise: ils pensent donc aussi qu'ils en sortent.
D'HISTOIRE NATURELLE. 345
Ceux, enfin, qui établissent dans toutes les portions de ma-
tiere. pan a une faculté sécrétoire , ne songent pas à nier
ce que l'œil démontre : l'adhésion intime de la matière médul-
laire à la matière grise de l'écorce des hémisphères, et la pro-
digieuse quantité de filets qui sortent, comme autant de radi-
cules, des portions grises des corps cannelés et des couches
optiques, etc:
Nos auteurs n'ont donc rien de parüculier dans la fonction
qu'ils attribuent à la matière cendrée. Même en généralisant
cette fonction à toutes les portions de cette matière, ils ne
font qu'énoncer plus positivement ce que nous avons vu plus
haut qu'Haller s soupconnoit par rapport à la portion grise
de la moelle épinière.
Puisque celle opinion est adii) par tant d'anatomistes, il
faut bien qu'elle ait des motifs puissans; en effet, outre ce
que l'ceil enseigne sur la liaison intime des deux substances,
la quantité d’artères qui se rendent dans la matière grise, et
qui semblent la former presque en entier, ne peuvent guères
ayoir d'objet qu'une sécrétion abondante.
Peut-être cette quantité de matière grise dispersée dans
toutes les parties du système nerveux, et sur laquelle les _
auteurs du mémoire ont le mérite de rappeler l'attention,
expliqueroit-elle suffisamment les fonctions que les parties de
ce systeme exercent sans le concours du cerveau, et dispen-
seroit-elle d'avoir recours à une force propre de sécrétion dans
la matiere médullaire, ou méme dans l'enveloppe du nerf,
comme Reil l'y suppose.
L'anxictE DEUXIÈME établit un parallele entre la moelle épi-
niere des animaux supérieurs et celle des insectes et des vers
articulés ou à sang rouge.
E 45
346 ANNALES DU MUSEUM
On sait que dans ces deux dernières classes le cerveau n'est
guère plus considérable que les renflemens ou nœuds de la
moelle, de chacun desquels sortent les paires de nerfs; que
c'est par la grosseur de ces renflemens et par leur séparation,
ainsi que par la petitesse du cerveau, que l'on cherche à ex-
pliquer la divisibilité du moi, qui se marque dans toutes ces
espéces, au moins pendant quelques instans, et qui va dans
quelques-unes, telles que les vers de terre et les naides, au
point de faire deux individus durables avec un seul par le
moyen de la section.
L'on n'avoit rien apercu de semblables dans l'homme, dont
la moelle épinière n'a point d'étranglement sensible et ne se
renfle qu'aux endroits où elle fournit des nerfs aux bras et
aux cuisses; mais MM. Gall et Spurzheim nous ont fait voir
une moelle épinière de veau préparée, et où l'on remarque
une sorte de renflement léger entre chaque paire de nerfs. Il
seroit curieux de savoir avec précision dans quels animaux
cette structure se retrouve, et si elle a quelque rapport avec
la faculté d'exécuter certains actes volontaires sans cerveau;
si les tortues par exemple, qui vivent et marchent plusieurs
mois de suite sans ce viscère, ont la moelle plus noueuse que
les autres animaux à sang rouge, etc.
L'un de nous a commencé des recherches donne cette
vue, qui ne luiont point donné de résultats suflisans pour étre
mis sous les yeux de la classe, mais il s'est déjà assuré qu'il
nya point de nceuds ne dans des quadrupèdes même
assez voisins du veau.
L'arricce Troisième se subdivise pour l'examen en autant
de propositions qu'il y a de paires de nerfs.
Le résultat général que les auteurs se proposent de dé-
D'HISTOIRE NATURELLE. 343
montrer c'est que tous les nerfs viennent de la moelle allongée
ou épinière, et non pas du cerveau.
Il n'y a pas de difficulté pour les nerfs spinaux, qu'on ne
fait venir du cerveau que par conjecture, mais dont aucun
œil humain ne peut certainement suivre les racines jusque-
là, ni méme leur apercevoir une tendance pour s'y rendre.
Il n'y en a pas davantage pour les dernières paires de l'en-
céphale, à compter du nerf vague et au-dessous; car elles
naissent par des filets transverses, comme les nerfs spinaux ,
quoiqu'elles n'en aient pas deux faisceaux, et aucun anatomiste
n'a vu ces filets se recourber versle cerveau aprés qu'ils ont
pénétré dans la moelle.
Encore moins y en a-t-il pour l'accessoire de Willis, qui
remonte évidemment.
Nous n'avons donc à nous ‘occuper que des huit premières
paires, en comptant le nerf facial pour une paire séparée.
La septième paire de Willis est en effet généralement re-
connue aujourd hui comme en faisant deux , distinctes par leur
origine aussi bien que par leur cours.
La portion molle ou le nerf acoustique nait transversale-
ment sur le corps restiforme , appelé autrement processus
cerebelli ad medullam. Ona cru long-temps ce nerf formé par
les petits filets blancs tracés sur le plancher du quatrième ven-
tricule, et c'est encore l'opinion de Haller(1), deVicq-d’Azir(2)
et de S ring (3). Cependant comme ces filets varient
en nombre et méme en direction; comme on en voit quelque-
(1) Phys. t. IV, p. 228.
(2) Explication des planches, p. 95.
(3) De fabrica corp. hum. t. IV, p. 256.
348 ANNALES DU MUSÉUM
fois une partie remonter vers le corps restiforme , ou le percer
pour se rendre au pont de Varole (1); comme il n'est pas
absolument rare de ne les point trouver du tout, ona com-
mencé à douter de leur continuation dans le nerf acoustique.
Prochaska (2) , les frères Wenzel (3) , etc., se sont formelle-
ment déclarés contre elle. Ces derniers (4) et M. Gall ont
de plus remarqué que ces stries manquent généralement dans
les animaux.
Les frères Wenzel (5) observérent en 1 791 , pour la pre-
mière fois, un petit ruban gris un peu saillant, placé aussi
en travers sur le corps restiforme , et qui couvre constam-
ment une partie de la base du nerf ses e qu'il unit avec
le quatrième ventricule. Prochaska est jusqu'ici le seul où nous
l'ayons trouvé représenté (6). On l'observe également dans les
animaux; et M. Gall qui adopte à à son égard l'opinion de MM.
Wozy fait remarquer qu'il est d'autant plus renflé dans
chaque espèce que les oreilles y sont vn grandes et l'ouie
plus fine. |
Dans le cheval, dans le cerf ; dans le mouton, c'est un tu-
bercule presque aussi gros que l'éminence testis.
Nous avons vérifié cette circonstance. Te nii
Il est d'ailleurs clair que l’origine ‘anciennement ses
füt-elle la vraie, le nerf acoustique nen naîtroit pas moins
(1) Nous avons eu un exemple trés-marqué de cette derniére structure dans le
cours des recherches que ce rapport a nécessitées.
(2) Oper. min. t. I, p. 388.
(3) Prodr. p. 22.
(4) Ibid.
(5) Ibid.
(6) Oper. min. t. I, tab. III, fig. 1.
-
D'HISTOIRE NATURELLE. 349
transversalement sur la moelle allongée , et que ses racines
visibles viendroient toujours plutót de bas en haut, q de
haut en bas.
Le nerf facial ou portion dure de la septième IEA a et
l'abducteur ou nerf de la sixième paire, sont donc les premiers
qui puissent laisser en doute s'ils viennent de la moelle ou du
cerveau, d'arriére ou d'avant.
Dans l'homme, ils sortent tous deux du corps de la moelle
immédiatement. derriere le bord postérieur du pont de Va-
role, et si prés, que plusieurs anatomistes leur font tirer du
pont une partie de leurs filets.
Le facial en particulier sort à quelques lignes plus en déhors
que l'autre, dans l'angle fait par le pont de Varole et le corps
restiforme, à une ligne environ du point où l'acoustique se
détache de ce dernier qu'il avoit comme embrassé.
L'abducteur semble sortir du sillon qui sépare le pont des
éminences pyramidales , et il y a des anatomistes qui dérivent
toutes ses racines du pont; d'autres des pyramides; d'autres
de l'une et de l'autre partie. H en est'ením cu ne s ues
point à cet égard.
D’après l'idée iere reçue que les nerfs P descend
. du cerveau, M. Sæmmerring suppose (1), que l'abducteur a
ses racines Pese les pédoncules, et qu'elles s'en séparent en se
recourbant apres que ceux-ci ont traversé le pont pour former
les pyramides. C'est à-peu-prés ce que dit aussi Vieussens (2) ;
mais on voit que c'est là un résultat de raisonnériens hypo-
thétiques et non d'observations effectives. -
Pour connoître la vraie direction des-racines de ces deux
| (1) De bas. enceph. p. 140. |
t (a) Neerogr.: untv. p. 126. ^
350 ANNALES DU MUSEUM
nerfs, il faut avoir recours aux animaux herbivores, dans les-
quels le pont de Varole ne les recouvre pas, attendu qu'il y
est beaucoup moins large que dans l'homme.
C'est ce que: MM. Gall et Spurzheim ont fait, et ils ont
trouvé d'abord, que l'abducteur y sort à quelque distance en
arriere du pont, et paroit la continuation d'un petit faisceau
qui remonte entre l'éminence pyramidale et l'olivaire. Les
filets qui lui donnent naissance sont plus longs en arriere et
plus courts en avant, ensorte qu'ils ont en petit la méme
disposition que ceux de l'accessoire de Willis.
Il n'y a donc aucune raison pour croire qu'il descend du
cerveau. |
Cette observation termine la discussion si le nerf tire ou
non quelques filets du pont; puisque c'est seulement à cause
de la largeur du pont de l'homme qu'il s'approche. de son
bord postérieur.
Nous n'avons point trouvé de trace positive de cette re-
marque dans les auteurs que nous avons consultés , mais nous
nous sommes assurés qu'elle est vraie pour les animaux her-
bivores; et l'un de nous l'avoit méme faite il y a long-temps
dans le cheval. Dans les carnivores et les singes, le pont et
la sixième paire ressemblent davantage à ce qui se voit dans
l'homme. cent
Quant au nerf facial, on voit dans les mêmes herbivores ,
derrière le pont de Varole, une bande médullaire transversale
qui commence précisément au bord externe de l’abducteur,
et passe sur la racine du trijumeau, où elle se continue avec
le nerf acoustique. Le nerf facial a l'air de percer oblique-
ment- cette bande d’arrière en avant. Ainsi il naitroit au-des-
sous de la moelle, presque comme l'acoustique nait au-dessus,
D'HISTOIRE NATURELLE. 351
eb ils formeroient deux paires de nerf dont l'origine est réelle-
ment distante de toute l'épaisseur de la moelle allongée, quoi-
qu'elles se rapprochent ensuite au point de,se toucher.
Nous n'avons pas remarqué non plus qu'aucun auteur ait
fait connoitre ce fait avant M. Gall, mais nous sommes cer-
lains de son exactitude, et l'un de nous l'avoit vu et dessiné
depuis. long-temps. dads le cerf, le cheval, le, mouton et le
lapin.
Les animaux PME de méme beaucoup plus déicérent
que l'homme lorigine des nerfs trijumeaux ou de la ciu-
quième paire.
On la fait d'ordinaire simplement sortir des parties laté-
rales du pont de Varole, ou de l'extrémité des pédoncules du
cervelet. C'est encore à quoi se bornent Vicq-d'Azyr (1) et
Meckel (2). Haller compte cette paire au nombre des nerfs
qui peuvent venir à la fois du cerveau et du cervelet (3). H
est cependant certain qu'elle ne vient ni de l'un ni de l'autre
et qu'on peut la suivre profondément dans la moelle png,
à prés dun pouce plus en arrière que sa sortie.
Santorini annonce déjà (4) en avoir conduit les racines
jusqu'au - dessus des éminences olivaires, et dit qu'il n'est
pas plus étonnant de voir remonter ce nerf d'en bas, que
l'accessoire de JV illis ; mais il fait ensuite la supposition
qu'une partie des fibres des pédoncules n'entrant pas dans les
éminences pyramidales, qui sont en eífet beaucoup trop pe-
(1) Explication des planches, p. 52.
(2) N° 46 et 47.
(3) Phys. t. IV, p. 387.
(4) Observat. anatom. p. 64 et 65.
352 ANNALES DU MUSEUM
tites pour les contenir toutes, se porte plus loin, d'oà se
recouürbent entre autres celles qui donnent ce nerf; mppe-
sition assurément psc nhe et i sid rien de sensible à l'ceil
ne peut justifier.
M. Scemmerring semble n'avoir pas bien Conon Santorini,
quand il écrivit son traité : De basi encephali (à).
Mais il rapporte , que (2} le hasard lui a fait suivre ensuite
lorigine de ce nerf dans la profondeur de la moelle jusque
vers le plancher du quatrième ventricule, et d’après son hy-
pothése favorite sur le siége de l'ame, il en fait baigner les
premiéres racines par l'eau de ce ventricule.
M. Gall poursuit d'une manière constante et sûre, cette
origine profonde et basse des nerfs trijumeaux jusque entre
les éminences olivaires et les corps restiformes. Il montre
de plus, que la largeur et la grossenr du pont de Varole
daus l'homme ont seules empéché de la reconnoitre plutót.
En effet, dans les animaux herbivores, dont le pont est beau-
coup plüs étroit, on-suit aisément les racines des nerfs triju-
meaux sous une partie du pont, et sous la bande transverse
placée derrière, et que nous avons vu être en partie l'origine
du nerf facial, jusqu'à un faisceau longitudinal, qui marche
le long du cóté externe des éminences olivaires.
Nous avons vérifié ces deux observations, et en répétant
la seconde sur plusieurs espèces, nous nous sommes assuré
qu'elle n'a lieu ni dans les singes, ni dans plusieurs carni-
vores où la sortie des nerfs se fait comme dans l'homme;
mais toujours parce que le pont e Varole y est aussi large.
(1) Page 155.
(2) De fabric. corp. hum. p. 212, n° 7.
D'HISTOIRE NATURELLE. 353
Quant à la‘ première, elle nous a parusi certaine; que nous:
ne pouvons nous empêcher de: dire que Vicq-d’Azyr s'est
trompé, en dérivant le$ racines de la éinquième-paire des
pédoncules du cervelet (1). Opérant toujours: do» des gai.
il les aura tranchées et perdues trop tôt deivne:* vob 7,
Tout le monde sait que le nerf pathétique, ou tet qua-
triéme paire, nait transversalement sur la valvule de Vieussens,
derrière les testes. Il n'y: à rien: là qui puisse le faire dériver
de la ‘grande masse médullaire des hémisphères. |
Le nerf oculomoteur , ou de la:troisiéme paire, sort du
pédoncule du cerveau, vers son ‘bord interne, où il. touche
l'espace cendré perforé, mtercepté entre les deux pédoncules
et les deux tubercules mammillaires, et en reçoit quelques
filets. Dans l'homme; ses racines sont rangées sur une ligne
qui suit presque la direction des pédoncules, et les postérieures
sont les plus longues, à juger même à l'extérieur; elles viennent
donc plutôt de l'arrière que de l'avant; mais si l'on entame
un peu. la substance du pédoncule, lė fait devient bien plus
clair encore. On peut suivre la plus grande partie! de ces ra-
cines jusque: sous le pont de Varole. Il s'en perd, ou plutôt il
en nait.une partie, autour de l'endroit noir des pédoncules.
Cette disposition est fort bien pe par Most Azyr,
pl XXXI, fig. 2p Es
- Les animaux ont des racines plus "——Ü et ids per-
iilii : Cest du moins ainsi que nous les avons ob-
servées dans le cheval et dans le mouton.
. Le nerf optique est assez généralement regardé comme ve-
nant des couches du méme nom, parce que ses racines s'épa-
(1) Mém. de V Acad. des sciences, 1781, p. 565,
ih 46
354. ANNALES DU MUSEUM
nouissent sur elles en une expansion membraneuse mince qui
les recouvre presque entièrement. Il n'a cependant pas manqué
d'anatomistes qui ont cru pantei conduireau moins une bonne
partie de ces racines jusqu'aux tubercules nates. Morgagni;
Winslow, Zinn sont de ce nombre. Santorini décrit (1) cette
origine avec soin , et en ajoute une autre qu'il fait venir des
testes: son disciple et éditeur Girardi la confirme (2). Vicq-
d'Azyr, qui a trées-bien connu aussi ces connexions des nerfs
optiques avec les tubercules quadrijumeaux , prétend cepen-
dant qu'ils ont encore d'autres racines dans l'épaisseur des
couches, lesquelles, en forme d'innombrables filets, se joignent
au nerf dans une grande partie du trajet qu'il fait en embras-
sant la jambe du cerveau, et il sapplaudit de cette décou-
verte (3). Mais il nous paroit que c'est une illusion où peut
lavoir conduit sa méthode des coupes parallèles. Il est très-
vrai qu'il nait une infinité de filets blancs dans l'épaisseur de
la substance grise des couches ; mais ce n'est pas au nerf op-
tique qu'ils nous semblent se rendre. Ils vont au contraire
renforcer le faisceau qui vient. des éminences pyramidales,
comme nous le dirons bientôt. MM: Gall et Spurzheim ont
imaginé une coupe qui le démontre ewe et dont nous
reparlerons.
Ils croient donc qu'on peut, au moins ind "ere ani-
maux , enlever de dessus les couches, sans les intéresser, l'ex-
pansion médullaire des racines des nerfs optiques, et conduire
celles-ci jusque dans l'intérieur des nates, oir elles se conti-
(1) Observat. anatom. p. 63.
(2) Septem tab. p. 54.
(3) Acad.de sc. 1783, p. 529.
D'HISTOIRE NATURELLE. 355
nuent en une lame blanche qui occupe le milieu de ces tu-
bercules.
Ce dernier point est certain ; quant au premier, comme il
ne peut s'exécuter qu'à l'aide du manche du scalpel, il est
sujet au même doute que toutes les opérations semblables que
l'on peut tenter sur le cerveau.
Nos anatomistes font de plus remarquer que dans les indi-
vidus où le nerf optique d'un côté est affoibli et plus grêle,
le tabercule correspondant est aussi plus mince ; et que dans
les espéces qui ont les nerfs optiques gros, les nates sont plus
volumineux , mais que sonvent les couches y sont plus petites.
Ce tractus médullaire qui vient des nates, rencontre dans
sa route le tubercule appelé corpus geniculatum: externum.
Celui qui vient des zestes, coupe le premier au corpus
geniculatum internum, et a Vair de se glisser dessous pour
le croiser et se porter en avant ; aussi MM. Gall et Spurzheim
ne croient-ils pas qu'il appartienne au nerf optique; ils ont
méme pensé long-temps qu’il donne naissance à la racine
externe de l'o/factif , laquelle en effet est à-peu-près dans sa
. direction; mais ils n'ont jamais pu en voir la continuité.
L'un de nous a fait plusieurs recherches sur cette partie
du cerveau, qui ne paroit avoir été bien connue que de San-
torini et de Vicq-d'Azyr, mais qui n'a jamais été bien re-
présentée.
Il est certain que dans tous les quadrupedes, le faisceau
principal du nerf optique vient des nates au corpus genicu-
latum externum.
Il est certain aussi qu'il vient des testes un autre faisceau
qui fait un angle avec le premier, et qui, aprés s'étre renflé
pour former le corpus geniculatum internum ,a l'air de passer
6 *
356 (ANNALES DU MUSÉUM
sous le premier faisceau, et de se rendre plus loin, mais q
échappe bientôt à l'œil et au scalpel.
Il'est certain: enfin: que, tant le testis que le corpus geni-
culatum internum , sont beaucoup plus gros dans les carnas-
siers que dans les autres animaux; ce qui:seroit assez favo-
rable à l'idée qu'ils concourent à produire le nerf olfactif,
si développé dans cette classe.
Mais-nous avons cru voir dans les singes que le corpus ge-
Aniculatum internum reçoit un faisceau des nates comme des
testes , et donne par leur réunion ,'une racine du nerf qui ne
se joint que fort bas à celle qui vient, comme à l'ordinaire;
des nates par-dessus la goiche Lie es MM. Gall et Spur-
zheim ont d'ailleurs remarqué eux sce.que l'un de nous
a fait connoitre depuis long-temps; que: des diirplóns et nrar-
souins, qui manquent absolument de nerf olfacuf., on copong
dant des testes considérables. |
Ces mêmes animaux ont aussi des shape rise comme
li autres, ce:qui Ôle à ces Corps. la fonction: " 'on deum attri
buoit de produire le nerf'olfactif. «|. (019129
La premiere paire sera donc la seule dont on ne peut point
encore conduire les racines vers la moelle allongée; et qui ne
s'accorde pas encore clairement avec la ce établie dens le
mémoiré que nous.exàminons;::.. 5 Y ob -49-ini:03
M. Gall explique, esar à i doin mentionnée em
son premier article,ile grossissement des: nerfs optiques au-
dessous de leur conjonction, par des filets: nombreux que leur
envoie la lame cendrée interposée en avant de cette-conjonc=
tion , filets qui ont. été bien décrits et Seena dessinés
par Vieqal'Azjr (1). ta ,19itt9 sl S5v5 : MES tin
(1) Mém de Acad, 1785, p. 548; et pl. XII, fig. 1 et 2, et dans son grand ou:
vrage, pl. XX14, 4 à. toutes les figures.
D'HISTOIRE NATURELLE, 355
On faisoit à l'origine que nos anatomistes attribuent au
nerf optique, une forte objection, tirée de la structure des
oiseaux, qui manquent, disoit-on, de nates, quoique leur œil
et leur nerf optique soient énormes; mais leur réponse est
victorieuse, Ce que Willis , Collins, Haller, et les autres ana-
iomisies après eux, ont nommé. couches optiques dans les
oiseaux, n'est autré chose que les nates eux-mêmes. Les vraies
couches optiques sont en avant ayec leur troisième veniricnle,
leurs pédicules: de la glande ; pinéale ; les deux commissures
à la place ordinaire; en un mot, semblables en tout à celles
des quadrupedes à la grandeur relative prés; les prétendues
couches de Haller sont au contraire entre la commissure pos-
térieure et la valvule de Vieussens; l'aquéduc de Sylvius passe
entre elles; c'est avec lui que communiquent les venyeicules
qui leur sont propres dans cette classe.
Nous avons vérifié cette remarque importante; gm ne Varr
pasde réplique. Il est d'autant plus du devoir du rapporteur
de le reconnoitre , qu'il avoit adopté l'erreur commune dana
ses ouvrages. | -
Or , comme les actes en guestion praag évidemment
naissance aux nerfs optiques dans les oiseaux, ils confirment
l'origine qu'on donne à ces nerfs dans les mammifères et dans
l'homme , au lieu de linfirimer.
On peut rappeler ici la jolie remarque faite par Vieq-d Azyn
que ces tubercules ont un ventricule dans les oiseaux où le
sens de la vue est le plus exalté, comme les nerfs olfactifs
dans les mammifères où c'est le sens de l'odorat qui l'emporte
sur les autres.
Passons à l’arricze IV où nos auteurs développent la rela-
tion de la moelle allongée avec le cérveau, et le cervelet.
358 ANNALES DU MUSEUM
La continuité des fibres médullaires des pyramides au tra-
vers du pont de Varole avec les jambes du cerveau, et de
celles-ci au travers des couches optiques et des corps cannelés,
jusque dans la masse médullaire des hémisphères, a été bien
connue de Vieussens, qui avoit aussi donné aux couches op-
tiques la dénomination trés-juste de corps cannelés postérieurs;
mais les figures (1) où il représente cet objet capital de l'ana-
tomie du cerveau sont fort grossières; elles ne montrent que
des filamens simples qui iroient en grossissant et en s'écartant,
etla chose est loin d'étre ainsi.
Ce point de vue intéressant fut ensuite presque entièrement
négligé, parce qu'on s'en tenoit aux coupes faites à la partie
supérieure du cerveau. Monro (2) et Vicq-d'Azyr (3)le repro-
duisirent; ce dernier surtout présenta cette continuité dans
deux planches fort belles, quoique peut-étre encore un peu
moins exactes qu'il ne faudroit, parce quele préparateur n'avoit
pas eu le soin de faire fléchir sa coupe suivant la direction-des
filamens.
À ces coupes horizontales déjà données par les trois auteurs
que nous venons de citer, MM. Gall et Spurzheim en ajoutent
une verticale qui a le mérite d'expliquer , d’après leur ma-
nière de voir, comment ces faisceaux médullaires grossissent,
et de faire connoitre la vraie terminaison des filets de la couche
optique que Vicq-d’Azyr croyoit avoir conduits dans le nerf
du même nom.
Cette coupe passe par le milieu de l'éminence pyramidale
(1).Nevrogr. univ. p. 88 et 89.
(2) Nervous Syst. t. VII, fig. 1,
(5) Grand ouvrage sur le cerveau, pl. XXII et XXIII.
D'HISTOIRE NATURELLE. 359
de la jambe, de la conche et du corps cannelé d’un côté, en
allant obliquement en avant et en dehors.
On y voit distinctement les faisceaux des pyramides s'entre-
lacer avec ceux du pont de Varole et avec la substance grise
qui s’y mêle et qui leur fournit des augmentations ; passant
de là dans la jambe, ils reçoivent de nouveaux filets du pro-
cessus cerebelli ad testes. Une fois sous la couche optique,
ils se. rassemblent en une masse blanche à laquelle les filets
innombrables de l'intérieur. de la couche viennent se joindre
par des angles aigus en avant. Cette dernière circonstance est
essentielle à remarquer ; elle prouve que les couches envoient
leurs filets en avant, et non en arrière, comme Vieussens
lavoit supposé; elle fait voir aussi que ce n'est pas dans le
nerf optique que ces filets se rendent, comme lavoit cru
Vicq-d'Azyr.
La masse blanche devient alors plus forte et se partage en
un grand nombre de colonnes divergentes qui constituent le
grillage blanc du milieu des corps cannelés ; la matière grise
de la. face supérieure de ces corps donne encore une infinité
de petits filets, comme les couches en avoient donné; enfin
toutes ces fibres se dispersent dans la masse médullaire des
hémisphères, où nous les retrouverons bientôt.
Les deux arcs transversaux blanchâtres que l'on voit dans
la coupe horizontale, et dont Vicq-d'Azyr a exprimé une partie
dans sa planche, sont les endroits où il arrive le plus de
filets des régions supérieures des couches et des corps cannelés.
Telle est la description fidèle de ce que l'œil aperçoit; l'un
de nous a dessiné tout cet appareil dans l'homme, les qua-
drupedes et les oiseaux, où l'essentiel reste à-peu-près le
méme.
360 ANNALES DU MUSÉUM'
Nous savons bien qu'il n'y a pas de motif pour dire plutót
que les grands faisceaux fibreux vont des pyramides aux hé-
misphéres, que des hémisphères aux pyramides; puisque la
marche de l'influence nerveuse se fait dans ces deux sens.
Mais on peut et on doit se demander dans quel sens vont
les petites fibres des couches et des corps cannelés. Sont-elles
fournies par ces tubercules pour grossir le grand faisceau
médullaire , ou bien se détachent-elles du faisceau médullaire
pour se perdre dans ces tubercules? Cette dérniére opinion
n'auroit certainement aucune vraisemblance, et personne ne
trouvera mauvais que MM. Gall et Spurzheim Er Popi-
nion opposée.
Ils auroient donc raison dans ce sens, quand ils disent que
les faisceaux médullaires vont toujours en mises à eic
les pyramides jusqu'aux bérisphères.
Mais d’où viennent, ou bien, où se rendent les extrémités
inférieures des — c nee i les éminences gare
dales elles-mêmes ?
Elles s’éntrecroisent à environ dés travers de doigt der-
rière le pont de Varole, et disparoissent immédiatement der-
riére ce point, en se perdant de part et d'autre dans les
deux cordons Td EU Pied la face inférieure se la moelle
épinière.
C'est ici un ‘des faits les plus intéressans pour la psc!
logie et la pathologie.
Tout le monde sait combien il id e iroqiedi de voir une
paralysie d'un cóté occasionée par une lésion quelconque
du cóté opposé du cerveau : les médecins de tous les siécles
ont chérché à expliquer ce fait par un entrecroisement qu'ils
D'HISTOIRE NATURELLE. 361
Supposoient vaguement dans les fibres du cerveau, ou dans
les plus profondes racines des nerfs (1).
On ne voit cependant presque partout que des fibres trans-
verses , des commissures, et non pas des fibres croisées.
Il n'y a qu'un seul endroit, à l'extrémité postérieure de la
moelle allongée, qui offre une vraie décussation, et c'est Do-
minique Mistichelli qui l'a découvert, et-fort bien décrit en
1709 (2); Francois Pourfour du Petit (3) le décrivit de son
cóté l'année suivante , et fut le premier quile fit connoitre en
France.
Comment s'est-il fait qu'une circonstance de strutture aussi
évidente, adoptée par Winslow (4), par Lieutaud (5) , par
M. Portal, explicitement décrite (6) et nettement dessinée (7)
par Santorini, ait pu étre mise en doute par le grand Haller(8)
niée récemment par des hommes très-habiles, et confondue
par d'autres, dans lesquels on peut compter Vicq-d'Azyr lui-
méme, avec celle des fibres transverses qui réunissent dans
toute leur longueur les parties latérales de la moelle allongée ?
. C'est probablement faute d'une description encore assez
claire; et peut-être aussi parce que l'endroit de la décussation
doit souvent être coupé quand on détache la tête du tronc.
(1) Arétée , De caus. et sign. morb. lib. T, cap. 7, p. 34, B. edit. Lugd. Brit. 1751.
Nervi ab initio enati protinus ad oppositos transeunt , se inwicem perinutantes in fis
guram littere X.
(2) Trattato dell apoplessia, Roma, 1709 , in-4°.
. (8) Lettre d'un médecin des “hôpitaux du roi, p. 12, Namur, 1710 , in-4*.
. (4) Traité de la téte, n.* 110.
(5) Anatomie historique et pratique, t. I, p. 594.
(6) Santor. Observ. anatom. p. 61, $. XII.
(7) Ibid. tab. XVII et tab. II.
(8) Phys. t. IV, p. 000,
LE, 47
E
362 ANNAUES DU MUSÉUM
Il sera. impossible de s'y tromper d’après les démonstrations
de MM. Gall et Spurzheim. Quand on écarte l'un de l'autre
les déux cordons inférieurs de la moelle allongée et épinière,
on voit qu'ils sont séparés par un sillon assez profond dont
le fond est occupé par des filets médullaires transverses. Ce
sillon n'est interrompu qu'à un seul endroit qui est celui qui
nous occupe, et qui n'a que deux ou trois ligne de long. Les
fibres de l'éminence pyramidale d'un côté, y forment trois où
quatre filets qui se croisent par dessus le sillon avec les filets
opposés, comme feroient les brins d'une natte, et quise con-
fondent bite avec le reste du cordon médullaire dans ee
ils entrent ains? obliquement.
|. Cette décussation saute aux yeux quand on écarte douce-
ment les bords du sillon longitudinal de la moelle, parce que
c'est le seul endroit où l'on ne puisse pas Ta le fond
de ce sillon.
Il ya certainement quelque mérite d’avoir Fidi à Pensei-
gnement général un point de doctrine important que les doutes
et les dénégations d'habiles gens avoient fait tomber dans oubli.
—M.- Gall ayant établi, à ce qu'il paroit, d’après cette pro-
gression des faisceaux médullaires du cerveau au travers du
pont des couches et des corps cannelés, sa loi de l'aceroisse-
ment des fibres médullaires par la substance. garas, a voulu en
faire l'application au cervelet.
Il a recours ici à ce corpuscule cendré, d'une figure si bi-
zarre , que l'on trouve dans l'épaisseur des jambes du cervelet,
et que l'on a nommé corps ciliaire ou corps frangé ; le bie:
ceau nommé processus Cerebelli ad medullam , donneroit nais-
sance au cervelet aprés avoir été renforcé par le corps frangé,
comme les pédoncules du cerveau le sont par lescouches op-
D'HISTOIRE" NATURELLE. 363
tiques et la partie grise des corps cannelés. Mais peut-être
l'analogie n'est-elle pas complète. Le corps frangé est enve-
loppé et comme noyé dans la matière médullaire, au lieu de
lui donner passage, et l'on ne voit point. qu'il * oder.
de filets.
Quelqu'un ajoutera peut-étre, d'aprés Vieq-d'Azjx (à y que
les animaux n'ónt point de corps frangé, mais la vérité est
qu'ils l'ont seulement plus petit , et comme leur cervelet l'est
anssi beaucoup plus, le ap seroit pea dem ps contre Ime
de nos ahatomistes,
Les anrieces 546 et "eli étre examinés ae ils
forment à eux trois ce que la doctrine de MM. Gall et Spurz-
heim a de plus particulier ; l'article septième surtout, relatif à
la possibilité de déplisser le cerveau comme une membrane,
est celui qu'a fait le plus de bruit dansle monde; mais comme
il est trop ordinaire, presque aucun de ceux qui en ont parlé
n'avoient bien compris nos auteurs, et ceux qui ont cru avoir
retrouvé le fait dans des anatomistes plus anciens, avoient
encore moins compris et la chose en close et ge peus
où ils croyoient en voir l'expression. oH
Les termes dans lesquels nous avons | fenda" les idées de
MM. Gall et Spurzheim, vous feront déjà sentir qu'il ne s'agit
pas de déplisser tout lé cerveau; ils ont reconnu expressément,
dans les conférences que noüs avons eues avec eux, que les
parois des ventricules so ttellesc qu'elles paroïssent et ne cachent
aucuns replis, excepté en arrière vers la bandelette dentelée,
où leurs plis étoient depuis long-temps connus et dessinés par
Vicq-d'Azyr; seulement, disent nos anatomistes , ces parois
i
(1) Acad. des sciences, 1783, p. 471.
A7*
364 ANNALES DU MUSÉUM
épaisses, formées par les fibres convergentes, sont les seuls liens
qui retiennent les plis de la substance extérieure; celle-ci y est
attachée comme des plis de falbala , par.exemple , sont attachés
sur l'étoffe d'une robe; enlevez l'étoffe principale, les. plis
S'étendront et formeront à leur tour une pièce d'étoffe plane.
Vos commissaires ont examiné, avec toute l'attention dont
ils sont capables, les hémisphères du cerveau, afin de juger
ce quil y a de vrai dans une doctrine aussi nouvelle.
. Ils pensent que l'on peut en effet distinguer deux ordres de
fibres dans la matière médullaire; mais ils trouvent qu'il faut
encore réduire de beaucoup l'idée que Jon pourroit se faire
du déplissement d'après: les pz presene que:nous venons de
-— Hide ia i |
Nousallons développe i nt ces deux propositions.
EMI on suit avec ER pui les fibres venues des jambes
du. cerveau au travers des couches optiques et des corps can-
nelés , on voit qu’elles croisent par des angles plus ou moins
ouverts celles qui se rendent vers la ligne moyenne et qui for-
ment le corps calleux et la voüte; il est méme assez facile de
démontrer leur décussation dansla corne inférieure des ven-
iricules latéraux , et bien réellement les fibres divergentes qui
viennent des corps cannelés semblent faire une couche exté-
rieure aux fibres convergentes qui composent le corps calleux.
Mais cette couche extérieure suit-elle tous les replis de la
couche plus extérieure encore de matière grise que l'on appelle
corticale, et se déplisse-t-elle comme on déplisseroit , cette
dernière si elle étoit seule et vidée de toute la matière blanche
qui la remplit ? à
C'est comme on voit une Pme entiérement indépendante
de l'autre, et que le témoignage des sens peut seul décider.
D'HISTOIRE NATURELLE. 365
Prenant d'abord la chose dans lacception rigoureuse où
elle sembloit annoncée , nous avons fait tous nos efforts pour
nous mettre en état soit de l'adopter, soit de la rejeter avec :
`
quelque certitude, et nous aurions peine à faire entendre à
ceux qui ne l'ont pas essayé, combien cela nous à été difficile.
La matiére médullaire qui remplit les circonvolutions du cer-
veau est si molle qu'elle s'affaisse par son propre poids; pour
peu qu'on soutienne du doigt la convexité ou le dos d'une de
ces circonvolutions, ses deux côtés s’écartent horizontalement
et emportent chacun une partie de la matière blanche qui
occupoit leur intervalle. Les vaisseaux ne se rompent point,
parce qu’ils sont pour la plupart placés dans le sens méme
où se fait la rupture, et que d'ailleurs ils traversent cette ma-
tiere médullaire, à cause de sa mollesse , comme des fils tra~
verseroient. de la gelée et de la pommade. Il nous sembloit
donc impossible de prouver qu'il y eut une solution réelle de
continuité; au contraire, soit à l'ceil, soit à la loupe, les deux
lames de matière blanche paroissoient hérissées de petits points
saillans, de petits filamens qui avoient toute l'apparence d'au-
tant de déchirures. Nous avons méme essayé de faire com-
mencer la déchirure, de manière à laisser une lame plus épaisse
de matiere blanchi un côté que de lautre; et la séparation
nous a paru se faire. pese aussi aisément que dans le mi-
]ieu.
-L'argument que les auteurs du mémoire tirent de l'exemple
Les hydrocéphales ne nous paroissoit pas beaucoup plus con-
cluant. Une accumulation de liquide dans les ventricules du
cerveau peut étendre lentement les parois de ces cavités, ef-
facer la saillie des circonvolutions et amincir la matière mé-
dullaire qui les enveloppe; sans que celle-ci ait besoin de se
j
g*
366 ANNALES DU MUSEUM
Lo
déplisser ; l'hydropisie du rein étend et amincit la substance
de cet organe au point de la faire ressembler à une mem-
brane, sans que personne ait été tenté de croire qu'elle se
déplissoit. Le phénomeme d'hydrocéphales qui ont conservé
long-temps leurs facultés intellectuelles ne prouve rien de
ples; car ne sachant point à quelle partie de l'encéphale, ni
à quelle circonstance de son organisation. ces facultés sont
attachées, nous n'en pouvons rien conclure relativement à ia
Structure Gadell du cerveau.
Au surplus nous avóns examiné nous-mêmes des hydrocé-
phales; les parois des ventricules , quoique étendues, avoient
la même apparence qu'à l'ordinaire, et les circonvolutions ,
quoique amincies et en partie effacées , n'en Gohseryüient pas
moins leur solidité intérieure. -
Telles étoient les idées qu'avoit fait naître en nous w pre
iier mémoire de MM. Gall et Spurzheim , comparé avec les
objets mêmes ; mais ces anatomistes nous ont remis depuis
une note additionnelle oü ils exposent de nouveaux moyens de
s'assurer des faits, et où ils expriment avec plus de presn
leur manière de voir.
M. Spurzheim a répété devant nous ces nouvelles expé-
riences; des tranches verticales de circonvolutions, macérées
dans de: l'acide nitrique étendu d'alcool rectifié , se sont durcies
et divisées plus aisément dans la ligne médiane; il en a été de
méme quand on les a fait bouillir pendant douze ou quinze
minutes dans de l'huile; lorsqu'on souffle sur une pareille
tranche, ou que lon y dirige un petit jet d'eau avec une se-
ringue, la séparation se fait irès-aisément dans le milieu, et
presque pomt sar les côtés. Dans le dernier cas surtout les
deux faces qui se séparent restent lisses, et les vaisseaux qui
D'HISTOIRE NATURELLE. 367
les parcourent intacts, sans laisser voir de traces de fibres qui
seroient allées d’un côté à l’autre.
Ces faits sont exacts; mais peut-être prouvent-ils seulement
qu'il y a moins de cohésion dans le milieu d’une circonvolu-
tion que dans le reste de sa capacité, et non pas qu’elle est
formée de deux lames simplement adossées et non adhérentes.
En d'autres termes , on peut admettre, selon nous , que la
portion blanche ou intermédiaire de chaque circonvolution ;
est formée de deux parties qui adhérent entre elles plus foi-
blement que les molécules de chacune en particulier, ou dont
l'union peut étre comparée , par exemple, à celles des deux
lame de la dure-mére, mais non pas, comme on le croyoit , à
celle des deux côtés d'un intestin affaissé; excepté toutefois
que le moyen d'union n'est pas de la cellulosité comme dans
la dure-mère, mais la substance médullaire méme un peu
ramollie
Au reste, comme c'est ici un p de fait ebtiardenent du
ressort des sens, nous ne prétendons pas donner à notre opi-
nion plus d'autorité qu'elle ne doit en avoir; cette question ne
peut tarder à être examinée par tous les anatomistes , et trou-
vera autant de juges. que d'observateurs; elle ne peut donc
manquer d'étre bientót définitivement fixée.
Il n'est pas si aisé, à beaucoup prés, de démontrer deux
ordres de fibres dansle cervelet que dans le cerveau, et c'est
par analogie plutót que par une intuition effective que MM.
Gall et Spürzheim les y admettent. #
Quant à ce qu'ils disent sur les cornmissures du cerveau
et du cervelet, leurs idées n'ont rien de nouveau , ni qui n'ait
déjà été avancé par un assez grand nombre d'anatomistes ; nous
pouvons méme ajouter qu 'elles n'ont rien que d'assez tirebable
"
368 ANNALES DU MUSEUM
Nous trouvons la méme probabilité aux commissures que
l'anricLE HUITIÈME attribue à chaque paire de nerfs. Elles sont
presque certaines pour tous les nerfs spinaux qui les trouvent
-dans les filets transverses de la moelle épinière. On peut sup-
poser que la petite bande qui unit les deux faciaux et les deux
acoustiques dans les animaux, est cachée dans l'homme par
le pont de Varole; les deux pathétiques se touchent sur la
valvule de Vieussens; les deux optiques, comme chacun sait;
paroissent presque se confondre au-devant de la tige pituitaire;
d'ailleurs leurs racines doivent s'unir en méme temps que les
nates et les testes sur l'aqueduc de Sylvius. Il ne resteroit donc
que les abducteurs, les oculo-moteurs et les olfactifs qui n'au-
roient point de commissures visibles. Encore la commissure
antérieure du cerveau s'unit-elle évidémiment aux olfactifs dans
les animaux.
Il semble que cette généralité des commissures aide à - |
quer l'unité d'action des organes doubles.
L'ARTICLE NEUVIÈME est un de ceux qui ont été le eed com-
battus par les anatomistes d'Allemagne, et qui sont en effet
le plus susceptibles de létre. Il établit d'abord la généralité
des tubercules de matiére grise pour chaque paire de nerfs ;
ensuite l'analogie de ces tubercules avec ceux qu'on nomme
ganglions ; enfin l'analogie de ces deux sortes d'organes, soit
avec la matière corticale du cerveau , soit avec les pes
muqueuses des organes des sens.
. Que chaque paire de nerfs tienne originairement à quelque
tubercüle, ou au moins à quelque portion de matière grise
d'une forme quelconque, c'est ce qui peut assez bien se sou-
tenir pour les nerfs spinaux, et en remontant jusqu'au nerf
vague, puisqu'il y a de cette matiére dans toute la longueur
D'HISTOIRE NATURELLE. 369
de la moelle, quoiqu'il ne soit pas possible de suivre jusques
là les racines des nerfs; cela est méme certain pour le nerf
acoustique, qui sort de la petite bande grise de l'homnie; ou
du tubercule beaucoup plus marqué qui la remplace dans la
plupart des animaux , et pour l'optique qui a au moins deux
de ces tubercules, le natis et le corpus geniculatum externum,
et peut-être encore deux autres le testis et le corpus geniculatum
internum ; l'olfacüf en a au moins un à l'endroit où il. repose
sur la lame criblée de l'ethmoide , mais l'œil n'apercoit rien
de pareil aux autres nerfs cérébraux de l'homme, des mam-
miferes et des oiseaux , quoique le trijumeau ait un tubercule
à lui dans les poissons.
- L’analogie des ganglions spinaux et de ceux qui sont épars
dans le système nerveux de la vie organique, avec les portions
de matière grise affectées aux origines primitives des diverses
paires de nerfs, est tout autrement difficile à rendre vrai-
semblable.
..^ Sans doute il y a bien long-temps que des anatomistes, entre
lesquels il suffit de nommer Winslow, ont regardé les ganglions
comme de petits cerveaux, comme des sources d'action ner-
veuse, indépendantes du grand encéphale; d'autres comme
Willis et Vieussens, les ont au moins pris pour des réservoirs
des esprits animaux, ou, comme Lancisi, pour des organes
comparables à des cœurs; et propres à imprimer à ces esprits
un mouvement plus rapide. | ank
. Scarpa, dans ces derniers temps, n'a voulu y voir, ainsi
que Meckel et Zinn avant lui , que des subdivisions, des réu-
nions et des recompositions de nerfs, enveloppées et affermies
par du tissu cellulaire, abreuvé d'un fluide rougeátre , et quel-
quefois pénétré de graisse © ©:
it. E 48
350 ANNALES DU MUSÉUM
L'existence de cette cellulosité, la graisse qui sy dépose
quelquefois ont été reconnues par les plus grands anatonustes
de notre temps. Ce sont des caractères très-distinctifs qui ne
permettent pas de confondre la substance des ganglions avec
la matière grise du cerveau. Gependant cette substance a aussi
quelque chose de propre qui ne doit pas la laisser confondre
avec la cellulosité ordinaire; mais quelle est l'essence de ses
propriétés? On l'ignore assurément.
L'idée que les ganglions épars entre les différentes bride
des nerfs sympathiques, ont pour effet de soustraire les filets
de nerís réservés pour la vie organique à l'empire de la vie.
animale a dù venir et est venue en effet de bonne heure aux
physiologistes ; mais pourquoi les ganglions spinaux , qui res-
semblent tant aux autres, n'ont-ils pas cet effet? C'est encore
là ce qu'on ignore. Tout n'est ici que ténébres ou que nuages.
Donner quelque opinion nouvelle, reproduire quelque opinion
ancienne saus avoir plus de preuves pour lune que pour
l'autre, ce n'est point servir la science. Il. vaut inieux avouer
franchement son ignorance et séparer nettement. les choses.
connues et celles qui ne le sont pas. L'esprit humain, dit-on ,
supporte le doute avec peine ; mais c'est précisément pour cela.
qu'apprendre à le supporter doit étre une des. principales
études des vrais savans. Les ouvrages de. quelques physiolo-
gistes modernes nous ont engagés dans cette courte digression.
L'analogie de l'écorce grise du cerveau et du cervelet avec
les tubercules de son intérieur , tels que les. corps cannelés ,
les couches optiques, les nates, etc. est infiniment mieux éta-:
blie que celle des ganglions: Tout le monde y reconnoit..à--
peu-près identité de substance, on y admetiroit donc aisément
identité de fonction. Mais que dire de sa comparaison: avec le
D'HISTOIRE NATURELLE. 371:
corps muqueux qui enduit la peau et tous ses prolongemens
intérieurs? Il ne enr y avoir ici, quant à la structure, au
tissu, en un mot,à la #ature physique , qu'une réssembias ce
purement hypothétique. A défaut d'observations intuitives,
il faudroit donc, pour justifier cette comparaison , quelque
ressemblance dans les fonctions, dans les usages, dans la ma-
nière d’être pendant la vie, et où la trouver ?
Nous avouerons aussi que noüs ne saisissons pas le rapport
entre ces amas de matière grise où les faisceaux médullaires
se renforcent en les traversant, et les anneaux qui entourent
la base des nouvelles praata des arbres, Dans un arbre ,
les branches sortent successivement les unes des autres; maïs
dans le système nerveux tout est formé à la fois: il est impos-
sible de trouver làautre chose qu'une ressemblance aecidentelle.
Tel est, Messieurs, le rapport que jnóus avons cru devoir
vous faire. |
¿Les observations A MM. Gall et Spurheim ont toutes été
rópécise par nous; nous avons méme soumis à un nouvel exa”
men une partie de. celles qui appartenoient à des auteurs plus
anciens et qui se lioient aux leurs; enfin nous avons indiqué le
c-— de justesse que nous avons trouvé tant aux anciennes
x aux nouvelles.
:: Nous croyons donc avoir rempli , autant qu'il étoit en Aes
€ commission. dont la classe nous a honorés. D
i: On voit maintenant que nous sommes loin d dapi: toutes
les vues et toutes les observations exposées datis lé mémoire
de ces napa" mais MT nous sommes loin aussi de les
rejeter toutes. : i
Il nous. "— en — "que MM. Call et
58
372 ANNALES DU MUSEUM
Spurzheim ont le mérite d'avoir non pas découvert, mais rap-
pelé à l'attention des physiologistes la continuité des fibres qui
s'étendent de la moelle allongée dansdes hémisphéres et dans
le cervelet, que Vieussens a le premier exposée avec détail,
et la décussation des filets des pyramides décrite par Misti-
chelli , par Francois Petit et par Santorini, mais sur laquelle
il étoit resté du doute.
2." Qu'ils ont les premiers distingué les deux ordres de
fibres dont la matiére médullaire des hémisphéres paroit se
composer , et dont les unes divergent en venant des pédoncules,
tandis que les autres convergent en se rendant vers les com-
missures.
3." Qu'en réunissant leurs pivoni avec celles de leurs
prédécesseurs , ils ont rendu assez vraisemblable que les nerfs
dits cérébraux remontent de la moelle et ne descendent pas
du cerveau; et qu'en général ils ont fort affoibli , pour ne pas
dire renversé le systeme Mat fait venir A tous les
nerfs du cerveau.
Mais il nous paroit aussi 1.° qu'ils ont généralisé d’une ma-
nière un peu hasardée la ressemblance de structure et de
fonctions des diverses masses grises ou grisátres qui se ren-
contrent dans les différens endroits du système nerveux.
2. Que lidée qu'ils se font d'une solution de continuité
dans le milieu de la matière médullaire de chaque circonvo-
lution, laquelle permettroit de déplisser celle-ci comme un
tuyau ou comme une bourse, a besoin d'étre exprimée dans
des termes plus rigoureux qu'ils ne l'ont fait jusqu'ici , et tels
qu'on voie bien qu'il n'y a pas de preuve complète d'unesolution:
absolue, mais seulement d'une cohésion plus foible. = 11
D'HISTOIRE NATURELLE. 373
Nous devons remarquer cependant que ces deux articles
n'affectent pas leur résultat général , relatif à l'espèce de sépa-
ration et dé réserve dans laquelle ils mettent le cerveau, et
nous devons en même temps laisser à juger aux physiologistes
et aux pathologistes jusqu'à quel point cette sorte d'écartement
ou de miseà part, que l'anatomie semble indiquer, est justifiée
par les faits, et peut favoriser l'explication des nombreux et
étonnans phénoménes de la vie organique et dela vie animale,
et surtout de ceux dans lesquels ces deux: vies semblent tantôt
dépendantes , tantôt isolées l'une de l'autre.
Ce seroit nous engager dans des discussions il et étran-
geres à notre commission "has d'entrer dans toutes ces nn
tions. t
«i Nous ne Dio pigs pas non i à la oil dos se p
noncer. sar la conclusion tirée par nos anatomistes , qu'il n'y
a point dans l'encéphale-d'endroit circonscrit où toutes les
sensations se rendent, et d’où partent tous les mouvemens vo-
lontaires; mais que l'une et l'autre fonction peuvent#exercer
dansi une étendue: diei ou moins: de es iet appt
nebveux. gros} pai T 1391 112
. Sans doüite:cette opinion est i» ii Haller ; de Bie; du
"es grand nombre des physiologistes; sans: doute c'est pour
axoir-confondu - la simplicité: métaphysique ‘de lame avec la
simpliciié physique attribuéeaux atomes, qu'onia voulu placer
le, siége de: l'ame dans. um atome; :et.la liaison: delame et du
corps étant par sa nature insaisissable: pour notre esprit, les
bornes plus: ou moins. étroites quie: l'on voudroit: donner. au
sensorium , n'ajideroient en rien à la concevoir.
. Mais toutes ces: matières sont encore trop épi aux
374 ANNALES DU; MUSÉUM
attributions de la classe , elles tiennent aux faits sensibles d'une
-mamière trop lâche, elles prétent à trop de discussions vagues,
pour qu'un. corps tel que le nôtre doive s'en océuper.
Nous nous croyons cependant obligés de terminer notre tra-
vail, en faisant observer que, méme si l’on adoptoit la plupart
des idées de MM. Gall et Spurzheim , l'on. seroit loin encore
de connoitre les rapports, les usages et les connexions de
toutes les parties du cerveau.
Tantqüeél'on n'aura pas méme desoupcon fondé sur les fiais
tions de la glande pituitaire, de l'infundibulum ; des éminences
manmmillaires, des tractus qui se rendent de ces éminences
dans l'épaisseur des couches, de la glande pinéale et de ses
pédoncules , il faudra craindre qu'un système quelconque sur
les fonctionsd v t bien inec , puisqu'il wem-
brassera peint ces parties si nombreuses; si .con&idérablesoet.
si intimement liées à l'ensemble de ce male viscère, | ©
o C'est. presque finir avec autant de doute, autant d'incerti-
tude que: mous avons commencé ; mais On ne peut exiger sur
chaque sujet, que le degré de probabilité qu'il comporte, et
le physicien remplit toujours assez bien sa tâche quand il
m'ezagère bi ne diminué cétte probabilité, et qu' al. en fixe la
mesure avec précision. <
| l'est essentiel de répéten:encore, ne füt-ce que qaii
truction du. public , que les: questions anatomiqués dunt mous
nous sommes occupés dans ce rapport ,'n'ont point; de liaison
immédiate et nécessaire avec la doctrine physiologique en-
seignée par M. Gall, sur les fonctions. et sur Pinfluence du
volume relatif desdiverses' JAM dodi cerveau, " qe tout:ce
amer Sos Qi dsl ii à Éd Lt. FUR dS D
c jv quameme Ja structur
D'HISTOIRE. NATURELLE. 855
pourroit également étre vrai ou faux sans qu'il y eütla moindre
chose à en conclure pour ou contre cette doctrine, laquelle
ne peut être jugée que par des moyens tout différens.
Fait à l'Institut, le: 15-avril. 1808;
Signé 'Tevow PorTaL, SABaTIER, Pinez , Cuvier.
La classe approuve le rapport et en adopte les conclu-
sions.
Pour extrait conforme :
Le secrétaire perpétuel,
Signé Cuvier.
376 ANNALES DU: MUSÉUM
SUITE DES PLANTES
DU COROLLAIRE DE TOURNEFORT,
PAR M. DESFONTAINES.
m
PaPAVER FLORIBUNDUM (Pavot à fleurs nombreuses ). Tab. 33.
P. foliis imis pinnatis, superis pinnatifidis, villosis in-
cisis ; ramis floriferis axillaribus et terminalibus ; pedunculis
unifloris ; capsulis glabris, oblongis. — P. orientale , tenuiter
incisum , ad caulem floridum. Tourner. Cor. Inst. 17. — Vé-
lins du Muséum.
Ce beau Pavot est originaire d'Arménie où il fut découvert
par Tournefort. Il a quelque ressemblance avec le Pavot des
Alpes, P. alpinum , Lin. ; mais il en differe par ses tiges plus
élevées, plus garnies de fleurs, et par ses capsules lisses et
oblongues. Toutes ses parties, à l'exception des pétales et des
capsules, sont garnies de longues soies jaunes. |
Tige droite, haute d'un à deux pieds, divisée en rameaux
étalés.
D'HISTOIRE NATURELLE. 377
Feuilles alternes; les inférieures pennées, portées sur un
pétiole creusé en gouttière. Folioles opposées, inégalement
découpées. Découpures aiguës, terminées par une soie. Les
feuilles du reste de la tige sont pinnatifides, sessiles, et leurs
divisions ressemblent à celles des inférieures.
Fleurs penchées avant leur épanouissement. Elles naissent
sur les rameaux latéraux et au sommet de la tige , soutenues
sur des pédoncules gréles, allongés et. dégarnis de feuilles.
Calice ovale, velu, à deux feuilles caduques.
Corolle de la grandeur de celle du Pavot Argémoné, P. 4r-
gemone , Lin. Quatre pétales ouverts, rouges, arrondis au
sommet.
Étamines indéfinies. |
Style nul. Un petit stigmate à cinq ou six rayons.
Capsule lisse, oblongue, polysperme , s'ouvrant comme
celle des autres Pavots par des pores placés sous le stigmate.
Graines nombreuses , très-petites.
Hesperis PixwATiFIDA (Julienne à feuilles pennées.) T. ab. 34.
H. foliis impart-pinnatifidis ; ramis filiformibus; siliquis
torulosis , subulatis. — Leucoium. maritimum minimum
hispanicum vernum, folüs Erucæ. Tourner. Inst. 22. Ex
herbario. — An cheiranthus dridohus Jem P Véling.da ee
séum.
Cette jolie espéce de Julienne vient en Espagne et dans
l'Orient. J'ai cru devoir en publier ici la gravure, quoiqu'elle
ne soit pas mentionnée dans le Corollaire des Instituts. Elle se
plait dans les terreins sablonneux et arides.
rt 49
378 ANNALES DU MUSÉUM
Du collet de sa racine sortent plusieurs tiges grêles, cy-
lindriques, rameuses, longues de six à huit pouces, les unes
droites, les autres niet: les rameaux sont filiformes et
étalés.
Feuilles gene d’une couleur cendrée, parsemées ainsi
que les tiges d'un grand nombre de petits poils étoilés, vi-
sibles à la loupe; les radicales entières, étroites , obtuses ; celles
des tiges pinnatifides , quelquefois découpées en lyre. Décou-
pures obtuses. Le lobe du sommet plus grand que les laté-
raux qui sont communément au nombre de quatre et un peu
écartés les uns des autres.
Les fleurs naissent sur des pédicelles courts et filiformes à
la sommité des rameaux.
Calice gréle , allongé. Quatre feuilles linéaires serrées contre
les onglets.
Quatre pétales roses, blancs à la base, ovales-renversés,
tronqués et quelquefois échancrés au sommet. Onglets grêles,
un peu plus longs que le calice.
Six étamines , dont deux plus courtes.
Un style aigu , persistant.
- Silique filiforme , tuberculeuse, pubescente, longue d'un
pouce. Graines Dipen: ‘rousses , oblonguės.
Cette plante a une très-grande affinité avec P Hesperis ra-
mosissima de la Flore Atlantique, dont elle n'est méme
peut-étre qu'une variété. Elle s'en distingue par ses feuilles
pinnatifides. Elles sont simplement dentées dans l Hesperis
ramosissima , dont les fleurs sont aussi plus petites.
D'HISTOIRE NATURELLE. 379
ArxssuM DENSIFLORUM ( Alysson à fleurs serrées). Tab. 35.
A. foliis angusto-lanceolatis ; floribus racemosis, dense
congestis ; siliculis orbiculatis , monospermis. — 4. orientale
Serpy lli folio , capitulis in spicam longissimam dense digestis.
Tourner. Cor. Inst. 15. — Vélins du Muséum.
La plante dont je publie ici la gravure d’après le dessin
original d'Aubriet, est trés-certainement celle du Corollaire
des Instituts dont j'ai cité la phrase, et les individus conservés
dans l'herbier de Tournefort, sous la méme dénomination ,
en font également foi.
M. Willdenow a rapporté la méme phrase à une espéce
qu'il nomme 4/ysson strictum, et que je soupçonne être une
plante différente de celle de Tournefort. M. Willdenow dit
que les silicules de son Æ. strictum sont ovales et cotonneuses ;
celles de I Alysson densiflorum sont orbiculaires et seulement
garnies de petits poils étoilés, qui ne sont guére visibles qu'à
la loupe. Ces différences m'ont fait douter de l'identité de ces
deux plantes, c'est ce qui m'a déterminé à ne pas adopter la
dénomination de M, Willdenow.
Tige rameuse, gréle, cylindrique, haute de huit à dix
pouces, couverte, ainsi que les feuilles et les silicules, de petits
poils étoilés visibles à la loupe. Rameaux un peu étalés.
Feuilles entières, lancéolées , alternes , d'une couleur cendrée,
larges de deux ou trois lignes, sur cinq à huit de longueur.
Fleurs petites, trés-nombreuses et très-serrées, disposées en
un grappe simple, cylindrique, longue de trois à quatre pouces
à l'extrémité de chaque rameau. Pédicelles gréles et courts.
49*
380 ANNALES DU MUSÉUM
Calice trés-petit, à quatre feuilles oblongues.
Corolle large de deux lignes. Quatre pétales blancs, ar-
rondis, disposés en croix, plus longs que le calice.
Un style court. Silicules nombreuses , redressées, rappro-
chées de la tige, de la grandeur et de la forme de celles de
I Alyssum calycinum, Lin.
Elle est originaire d'Arménie.
ALYSsum SAMOLIFOLTUM(Alysson à feuilles de Samolus ). Tab. 36.
A. glabrum; foliis ovatis, obtusis, integerrimis ; petalis
emarginatis. — Thlaspi orientale glabrum Samoli folüs.
Tounxzr. Cor. Inst, 15. — Vélins du Muséum.
Cette plante est toute glabre.
Tige cylindrique, haute d'un pied à un pied et demi, par-
tagée inférieurement en un petit nombre de rameaux simples.
Feuilles alternes, evales, obtuses , non dentées , décurrentes
sur un pétiole court qui embrasse la tige à moitié, longues
de huit à dix-huit lignes, sur cinq à dix de large, ressem-
blantés à celles du Samolus valerandi, Lin.
Fleurs rapprochées, de la grandeur de celles del 4/yssum
incanum Lin. disposées en une grappe simple au sommet des
rameaux, portées chacune sur un pédicelle grêle.
Calice à quatre feuilles elliptiques, obtuses.
Corolle blanche. Quatre pétales, échancrés au sommet.
Six étamines, dont deux plus courtes. Anthères blanches,
Un sue grêle. Un stigmate.
Je n'ai point vu la silicule.
Cette espèce est originaire d'Arménie.
D'HISTOIRE NATURELLE. 381
AzLyssum pAnicuLATUM ( Alysson paniculé ). Tab. 33.
A. suffruticosum ; foliis orbiculatis , sparsis , petiolatis,
integerrimis ; caulibus floriferis superné nudis, paniculatis ;
siliculis ovatis , inflatis.—.A. grecum frutescens Serpylli fo-
lio amplissimo. Tourner. Cor. Inst. 15. — Vélins du Muséum.
Je ne puis donner qu'unenotice trés-succinte et méme très-
incomplete de cette espéce qui ne se trouve point dans l'her-
bier de Tournefort, et dont il n'a laissé aucune description.
Du collet de la racine sortent plusieurs tiges gréles, ra-
meuses , dures , un peu ligneuses , longues de six à huit pouces,
les unes droites, les autres étalées. Celles qui portent les
fleurs sont plus élevées que les autres et dégarnies de feuilles
à leur partie supérieure.
Feuilles alternes, éparses, rapprochées , orbiculaires, en-
tières, d'une couleur cendrée, larges de trois lignes, portées
sur un pétiole court.
Silicules ovales, renflées, pédicellées, disposées en panicule.
Elle croit dans l'ile de Candie.
Draga roxricA ( Draba de Pont). Tab. 38.
D. ramosa, villosa ; foliis ovatis , remote serratis; sessilibus;
floribus racemosis luteis , minimis.— Alysson ponticum Tur-
ritidis folio, flore luteo minimo. Tounxer. Cor. Inst. 15. —
Vélins du Muséum. ©.
Les feuilles et les tiges de cette plante sont parsemées de
soies tres-courtes. -
382 ANNALES DU MUSÉUM
Tige droite, cylindrique, haute de quatre à six pouces,
divisée en rameaux un peu étalés.
Feuilles ovales , obtuses , sessiles, ressemblantes à celles de
l Arabis alpina, bordées de petites dents aiguës et écartées.
Fleurs trés-petites, disposées en une grappe simple à l'ex-
trémité de la tige et des rameaux, soutenues chacune sur
un pédicelle gréle.
Calice composé de quatre folioles ovoïdes , obtuses.
Corolle jaune, plus longue que le calice. Quatre pétales
elliptiques , obtus, disposés en croix.
Six étamines, dont deux plus courtes.
Style nul. Un stigmate.
Silicules longues de trois lignes, sur une ligne de largeur,
glabres, polyspermes, écartées de la tige.
Graines trés-petites.
Cette espéce croit naturellement en Arménie.
Tarasp conpATUM ( Thlaspi à feuilles en cœur x
T'ab. 39. .
T. Caule fruticoso; folis cordatis, glabris, confertis ,
sessilibus , integerrimis , perennantibus. — T. orientale fruti-
cosum , Scammonnii monspeliensis folio. Tourner. Cor.
Inst. 15. — Vélins du Muséum. .
Arbrisseau rameux, glabre et toujours vert, d'environ
un pied de hauteur.
Tige ligneuse, cylindrique, d'une ou deux lignes d'épaisseur.
Rameaux étalés. Écorce brune sur les vieux troncs qui sont
dégarnis de feuilles.
D'HISTOIRE NATURELLE. 383
Feuilles en cœur , obtuses, glabres, glauques, un peu épaisses,
lisses, persistantes entières , alternes , sessiles et embrassantes,
rapprochées , longues de quatre ou cinq lignes, sur une lar-
geur presque égale.
Fleurs disposées en une grappe simple et droite à l'extré-
mité de chaque rameau. Pédicelles gréles, longs de trois à
quatre lignes.
Calice composé de quatre petites feuilles linéaires, obtuses.
Corolle. Quatre pétales blancs, ouverts , disposés en croix,
ovales-renversés, obtus, entiers, rétrécis vers la base, ter-
minés par un petit onglet plus long que le calice.
Six étamines, dont deux plus courtes. Filets blancs, trés-
gréles. Anthéres petites, globuleuses.
Ovaire ovale-renversé. Un style filiforme , persistant.
Silicule polysperme, orbiculaire, convexe dans le milieu,
un peu échancrée au sommet , entourée d'un rebord mem-
braneux , légèrement denté.
Cette belle espéce de Thlaspi croit naturellement en Ar-
ménie et en Syrie. Elle se distingue des autres espéces du
méme genre par ses tiges ligneuses , par ses feuilles en cœur,
sessiles, embrassantes, entières, un peu épaisses et très-rap-
prochées.
384 ANNALES DU MUSEUM
MEMOIRE
Sur un nouveau genre de coquille bivalve.
PAR M. FAUJAS-SAINT-FOND.
/
La coquille fossile bivalve qui donne lieu à la formation de ce
nouveau genre , est remarquable sous un double rapport. Le
premier , par le lieu où elle a été trouvée dans un bel état
de conservation ; le second, parce qu’elle n’étoit point en-
core connue des conchiliologues, et que ne pouvant être
placée dans aucun des genres décrits par Linné, Bruguière,
Lamarck et autres naturalistes qui ont traité systématique-
ment des coquilles, on ne sauroit se dispenser d'en former
un nouveau genre.
Ce fut un heureux hasard et une circonstance particulière
qui donnèrent lieu à la découverte des coquilles dont nous
allons nous occuper.
zx
Les habitans de la commune de Cliou, canton de Loriol,
département de la Drôme , sont presque tous occupés, depuis
des temps très-anciens, à fabriquer des poteries, des tuiles, des
briques, des carreaux et de la chaux qu'ils exportent.
D'HISTOIRE NATURELLE 385
Cette chaux, qui est forte et vive, est d’une qualité si par-
faite, qu'elle a la propriété de prendre corps dans l'eau sans
ciment, et sans autre addition que deux portions de sable
quartzeux ordinaire. On la transporte au loin, et l'on en fait
un grand usage pour les travaux hydrauliques du Rhône, de
la Drôme et de l'Isére; on la descend méme quelquefois par
le Rhône jusqu'à Avignon.
La pierre que l'on calcine pour cet objet avec du bois ou
du charbon deterre, est d'un blanc un. peu terne, compacte,
à grain fin, mais vif , dur, susceptible de recevoir le poli. Il
y en qui ont quelques taches superficielles jaunâtres, produites
par de l'oxide de fer, et quelques taches noirátres dues au
manganese oxidé. On trouve méme quelquefois dans les joints
des bancs, ou dans certaines fissures particulières, des noyaux
dé manganese noir isolés; mais en général la pierre est le
plus souvent blanche et pure. On y trouve quelques cornes
d'ammon et quelques grands nautiles pétrifiés; mais le test
a disparu, et il n'est resté que les noyaux.
Les bancs calcaires dont il s’agit sont en général parallèles,
ou n'ont qu'une foible inclinaison du nord au sud. Leur épais-
seur ordinaire est de deux pieds : les plus forts n'en ont pas
trois. Ils se prolongent fort au loin, s'élèvent en espèce d'am-
phithéátre, et vont de proche en proche sattacher aux Alpes
de l'ancien Dauphiné. La pierre la plus recherchée pour la
chaux de premiere qualité est celle qui provient de gros blocs
isolés dont les angles sont abattus; ces masses de pierres er-
rantes semblent avoir été dispersées par Leffet de quelque
révolution : on les trouve le plus souvent dans les ravines
ou au pied des escarpemens qui forment le premier rang des
montagnes d'un calcaire analogue à celui des blocs, mais qui
LL | č 50
386 ` ANNALES DU MUSEUM
en diffère en ce que les masses isolées dont il s'agit sont percées
dans tous les sens d'une multitude de trous plus ou moins
grands, plus ou moins profonds, oblongs, usés et presque
polis en dedans. Il y a de ces trous qui ont depuis huit lignes
jusqu'à trois pouces de profondeur, sur trois lignes jusqu'à
huit de diamètre. En brisant la pierre à coups de marteau,
on découvre de nouveaux trous dans l'intérieur des masses
les plus dures.
Quoiqu'il soit évident que ces ouvertures ont été formées
anciennement par des coquilles douées de la faculté de corroder
les pierres calcaires pour y établir leurs habitations, comme
il y a plusieurs mollusques testacés qui ont cette propriété
tels que le mytilus lithophagus , Lin., la venus. lapicida de
Chemnitz, Conch. 10, pag. 356, t. 172 , fig. 1664, les pétricoles
et les cardites de Lamarck , on ne pourroit point déterminer
quelle est l'espèce de corps marin qui a donné naissance à
ces trous, qui sont constamment vides, si une circonstance
particulière ne m'avoit mis à portée de le découvrir, et de
reconnoitre en méme temps une autre coquille bivalve qui
forme le nouveau genre dont il va étre question.
— Jai dit que jamais on n'avoit trouvé dans les trous des
blocs dont il s'agit, aucune des coquilles qui les avoient formés:
javois beau recommander aux ouyriers qui brisoient les pierres
pour les réduire en chaux , d'y apporter de l'attention; j'avois -
beau leur promettre de bien payer les coquilles qu'ils y trou-
veroient, l'action de l'air, le temps,le déplacement de ces
masses, l'effort des courans de mer qui les avoient roulés,
avoient entierement détruit le test fragile de ces corps marins.
Cependant mes recommandations ne furent pas entièrement
vaines;et , dans le mois d'octobre 1805, une circonstance heu-
*
D'HISTOIRE NATURELLE. 387
reuse fit rencentrer, à une grande profondeur dans la terre,
un de ces blocs lardé de toute part de coquilles dans l’état fossile,
de la plus belle conservation. Voici ce qui donna lieu à cette
découverte.
Un des potiers de terre, stentif à à m'apporter ce qu'il
trouvoit , avoit fait une ral excavation dans un banc d’ar-
gile trés-voisin des carrières à chaux, et partituliérement des
blocs isolés percés de trous, qui étoient au pied de ces car-
rières, sur la pente de la montagne.
L'argile marneuse qu'il tiroit renferme quelques natices,
plusieurs cérites bien conservées et dans l'état fossile: c'est
là que je trouvai un joli scalaria clathrus, Lamarck, et un
natica albumen du méme auteur , dont j'ai fait mention dans
la liste des coquilles ayant encore leurs analogues, tome I,
page 64, n? 26 et 27 des Essais de géologie, ou Mémoire
pour servir à l'histoire naturelle du globe (1).
Les ouvriers qui exploitoient cette argile étant arrivés à
soixante pieds de profondeur environ dans la masse du dépót
argileux, furent arrétés par un bloc de pierre calcaire duré
percé de trous, et de la méme espèce que ceux qui existoient
beaucoup plus haut, au pied des bancs calcaires.
La terre qui environnoit ce bloc, et qui bouchoit l'entrée
des trous dont il étoit criblé, avoit garanti les coquilles qui
s'y trouvoient, de l'action de l'air et de la destruction, et à
mesure qu'on brisa le bloc dans la mine pour le retirer avec
moins de peine, chaque éclat plus ou moins gros qu'on en dé-
tachoit, étoit rempli de ces coquilles bien conservées, in-
(1) Paris, Tourneisen fils, rue de Seine, faubourg Saint-Germain n.* 12, ancien
hôtel de la Rochefoucault. - dé
e 59
388 ANNALES DU MUSÉUM
tactes et dans l'état fossile, n'ayant perdu que-leur couleur;
car elles étoient toutes blanches. Comme je voyageois alors
en Italie, on les porta, pendant mon absence, à un de mes
amis, ancien membre de l'assemblée constituante , M. Blan-
care, résident à Loriol, qui joint le goùt de l’histoire na-
turelle à beaucoup de .connoissances en agriculture, et forme
un cabinet des productions du pays; mais à mon retour il
eut la bonté de partager avec moi les morceaux les mieux
conservés qui étoient en son pouvoir.
C'est alors que je reconnus que ces coquilles , bien différentes
de celles qui percent les pierres dans le port de Toulon, dans
celui de Villefranche, et sur plusieurs parties de la côte de la
mer Ligurienne, c'est-à-dire le mytilus lithophagus, Lin.,
vulgairement la datte de mer, qui forme un mets très-
recherché , appartiennent à un mollusque testacé d'un genre
diflérent au chama coralliophaga du méme auteur , qui est
un cardite de Lamarck, Système des animaux Sans ver-
tébres , genre CXI, page 118. +
: La contio fossile est l'espèce absolument: semblable à la
vivante, et la méme qu'on trouve figurée dans Chemnitz,
vol. X, pag. 359, tab. 172, fig. 1673 et 1674, que cet auteur
dit exister au milieu de certains coraux qui en sont percés ; les
mémes donton fait de la chaux aux Antilles ( ce sont des ma-
drépores ). M. de Lamarck possede la méme coquille naturelle
dans sa riche collection, et en la comparant attentivement
avec la fossile que je lui ai fait voir , il n'a pu y reconnoitre la
plus légère différence, à part la couleur dont la fossile est
dépourvue, étant devenue blanche, ainsi que la plupart des
coquilles qui sont dans l’état ibieile; telles que celles de Gri-
gnon, de uc d de la Toon: etc. Ainsi voilà un
D'HISTOIRE NATURELLE. 329
fossile de plus avec son analogue à ajouter au grand nombre de
ceux que j'ai publiés, et qui ont déjà plus que doublé depuis
que, grace à l'amitié de M. Cortesi de Plaisance, j'ai réuni
dans mon cabinet tous ceux trouvés par ce savant naturaliste
au Monte-Pulgnasco, à quatre milles de Castellarcuato,
dans le Plaisantin, au milieu des dépouilles d'élépbans, de
rhinocéros, de baleines et de dauphins. Mais le fait le plus
extraordinaire, et en méme temps le plus curieux , c'est qu'en
ouvrant un grand nombre de ces cardites, tirées de la pierre,
d'oà on pouvoit les extraire facilement en la faisant partir
en éclats , on trouvoit dans presque toutes ces coquilles, quoi-
que les deux valves fussent bien jointes et souvent entourées
de la méme argile dans laquelle le bloc fut découvert, une
seconde coquille bivalve d'un genre entièrement différent,
mais d'une aussi belle conservation. Cette coquille, renfermée
dans la premiére, a une ressemblance extérieure avec une
venus, particulièrement avec la venus cedo-nulli. Elle occu-
poit quelquefois la capacité entière du cardite dans lequel elle
étoit renfermée; d'autres: fois, onn trouvoit d'autres dont
l'accroissement étoit moins avancé, et sur trente cardites de
toutes grandeurs que je tirai de la pierre, j'en reconnus vingt
qui renferinoient une des coquilles en question; trois qui en
avoient deux chacune, mais moins grosses. Je trouvai dans
deux autres une lime de l'espèce ordinaire. Tor
Ces coquilles, trouvées intérienrement dans des cardites
qui percoient et habitoient, des pierres, n'avoient pu y être
introduites que dans un état d'embryon par l'eau de la mer
qui y avoit déposé ces semences de coquilles; celles-ci deve-
noient en grossissant une sorte de corps parasite qui finis-
soit nécessairement par géner l'ancien mollusque , au point de
`
390 ANNALES DU MUSÉUM
le priver dela vie. En examinant attentivement cette coquille
emprisonnée qui avoit un si grand rapport avec une verus , je
reconnus, aprés l'avoir ouverte , qu'elle en différoit entierement
par la charnière selle n'est pas bien éloignée, dans l'ordre des
rapports, des corbules ; mais elle en diffère en ce que les deux
valves sont égales.
Je l'ai soumise à l'examen de M. de Lamarck qui a reconnu
en effet qu'elle devoit former un genre nouveau. Comme cette
coquille, lorsqu'elle est une fois introduite dans celle du
cardite lithofage, vit et croit aux dépens du mollusque de
cette dernière, et finit par lui occasioner la mort, je lui donne
le nom d'une des parques, et jen établis le genre Clotho.
| ici MAap st:
+ s
Description de la coquille, genre Clotho.
Coquille bivalve , équivalve, presque équilatérale , striée
transversalement ; charnière à une dent bifide, un peu com-
primée, recourbée en crochet sur chaque valve, une dent
plus large que l'autre; deix impressions musculaires ; ligament
intérieur. \
Testa bivalyis, æquivalvis , subæquilateralis , striata ; dens
unicus, bifidus, recurvatus , teste opposite insertus ;
impressiones musculares duce laterales; ligamentum
internum, C
Conclusions géologiques résultantes des faits ci-dessus.
1. Les bancs qui constituent les montagnes calcaires dont
jai fait mention , et qui renferment des ammonites et des
nautilites , ont été formés dans le sein des mers.
M
D'HISTOIRE NATURELLE. 391
2.° La mer les a abandonnés.
3^ Une révolution violente a déchiré leurs flancs, y a creusé
des vallées, a arraché des masses qu’elle a transportées
au loin et qu'elle a arrondies en blocs.
4.* Ces blocs isolés sont restés long-temps stationnaires sous les
eaux de la mer; des coquilles dont les analogues existent
dansles mers Indiennes (les cardites ci-dessus décrites) les ont
percés de toute part, et y ont fixé leurs demeures. D'autres
coquilles, dont une inconnue et formant un nouveau genre,
se sont introduites dans les premiéres.
5. De vastes dépôts d'argile marneuse se sont formés dans le
fond de ces mers. On y trouve des cérites, des nérites , des
scalaires et autres coquilles marines. Un des blocs , percé
dans tous les sens par les cardites dont il s'agit, a été en-
seveli à une grande profondeur dans cette marne argileuse
qui devoit être alors dans un état de vase liquide. -
6? La mer a disparu de nouveau : les bancs calcaires ont été
mis à nu. Les blocs, percés par les cardites, exposés à
l'air et à l’action des météores , n'ont pu conserver tes co-
quilles: elles ont été détruites; mais celles qui se sont trouvées
ensevelies dans la masse argileuse, ont été parfaitement
conservées, et elles nous ont mis sur la voie de reconnoitre
à quelle espéce elles appartiennent, et d'y découvrir un
nouveau genre.
Je n'expose ici que des faits: je ne leur ai méme pas donné
toute la latitude qu’ils comportent. Au lieu d'allonger le temps,
je l'ai peut-étre trop raccourci : telles sont les seules réflexions
que je me permets.
392. ANNALES DU MUSÉUM
=
EXPLICATION DE LA PLANCHE.
Frc. 1. Est un morceau dessiné trés-exactement , tel qu'il se présente lorsqu'on l'a
détaché du bloc, avec les différentes grandeurs des trous formés par
les cardites; chacune de ces ouvertures renfermoit une iic.
2. Cardite ayant ses deux EU ouvertes , afin qu'on pulse voir la charniére
et les impressions musculaires. +
5. La méme coquille fermée, laissant voirla forme et les caractéres exté-
rieurs.
4. La coquille du nouveau genre étant fermée.
5. La méme, ayant ses deux valves ouvertes.
6. Id. grossie afin de mieux voir la forme de la charniére.
D'HISTOIRE NATURELLE. 393
NOTICE BIOGRAPHIQUE
Sur JEAN CRAÉTIEN Farrrcrus, conseiller d'état
du roi de Dannemarck, professeur d'his-
toire naturelle et d'économie rurale à Kiell,
et. membre d'un grand nombre d'acadénues.
PAR M. LATREILLE, Correspondant de l’Institut.
Piosisvss journaux ont annoncé dernièrement la mort du
naturaliste Jean Chrétien Fabricius, mais sans aucuns détails
sur sa vie et ses travaux littéraires. Ma vénération pour la
ménioire de ce savant me fait un devoir d'y suppléer. Ho-
noré de son amitié, formé en quelque sorte à son. école,
pourrois-je captiver mes sentimens , et me refuser à l'acquit
de cette dette que m'impose la reconnoissance ?.:.... Si les
hommes célèbres ont droit, quelle que soit leur patrie, au
témoignage public de notre souvenir , Fabricius, par son atta-
chement à la France, en est plus digne que tout autre.
- Il naquit, en 1742, à Tundern, dans le duché de Sleswick ;
se trouvant ainsi peu éloigné de la Suede, il lui fut plus
facile de suivre les lecons de Linnzus. De tous les disciples
de ce grand hommme, il n'en est peut-étre aucun qui ait
11, 5t
394 ANNALES DU MUSEUM
joui d'une réputation plus brillante et plus universelle ; ja-
mais aussi disciple ne conserva pour son maitre un respect
et un attachement si tendres et. si inaltérables.. Nous avons
‘tous été témoins de la vive impression qu'excitoit dans l'ame
de Fabricius le nom de ce naturaliste. Mon bon Linné ! s'é-
crioit-il, toutes'les fois qu'on parloit de lui en sa présence:
expression touchante qui honore et le maitre et l'éléve,
Fabricius se livra d'abord à la médecine, et des l'àge de
vingt-cinq ans, il avoit, par son admission au doctorat, ter-
miné la carrière des études classiques qu'exige cette profession;
mais ses goüts l'entrainoient vers la contemplation de la na-
lure: et. pouvoit-il, en écoutant un de ses plus fideles et plus
sublimes interprètes, résister à ce puissant attrait ?
De toutes les branches de l'histoire naturelle, celle qui traite
des insectes étoit alors la moins avancée, quoique la plus
considérable. Linnæus, dont le vaste génie embrassoit toutes
les productions qui enrichissent notre globe, n’avoit pu qu'es-
quisser à grands traits une méthode entomologique. Quelques
naturalistes aprés lui, notamment le célèbre historien des
insectes des environs de Paris, que seconda ensuite M. Four-
croy, avoient fait d'heureux iat pour perfectionner cette
première ébauche. Fabricius, que Linnzus avoit déjà rempli
d'émulation en le citant ded son Systema nature , résolut
bientôt de faire une étude spéciale de l'entomologie : science
neuve et qui lui promettoit de grands succès.
La classification des insectes se réduisoit essentiellement à
deux méthodes: celle de Swammerdam , prise de la considé-
ration des. métamorphoses yet celle de Linnaeus , indiquée par
les aneiens, et qui est fondée sur les organes du mouvement.
Fabriciusjugea qu'il pouyoitcréer un nouveau système , en pro-
D'HISTOIRE NATURELLE. 305
fitant del'étonnante variété que nous offrent ces instrumens dont
les insectes sont munis pour saisir et préparer les matières qui
leur servent de nourriture. Ces moyens avoient été appliqués
aux classes supérieures de la zoologie, et Réaumur même,
à la sagacité duquel rien n'échappoit, nous avoit mis sur cette
voie, par rapport aux insectes. Scopoli, Entomologia car-
niolica, avoit aussi employé ces organes pour signaler. les
genres des hyménoptéres et des diptéres; mais il falloit, s'il
étoit possible, coordonner ces principes à une classification
générale, et c'est ce que Fabricius se proposa d'exécuter dans
son Système d'Entomologie , publié en 1775. N'ayant présenté
d'abord que les caractères essentiels des ordres et des genres,
il voulut développer ces caractères, et tel fut l'objet de l'ou-
vrage qu'il mit au jour deux ans aprés, sous le titre de Ge-
nera insecto rum.
Alin de prévenir l'arbitraire qui pouvoit se glisser dans
la botanique , Linnzus avoit donné des règles fondamen- -
tales, une espéce de code, en un mot, la philosophie de
cette science. Ses préceptes, à quelques modifications pres,
convenant à toutes les classes de l'histoire naturelle , Fabricius
S'en servit avantageusement dans la rédaction de sa Philosophie
entomologique qui parut en 1778. Depuis cette époque jus-
qu'à sa mort,ou durant l'espace de trente années, il s'est
occupé sans relâche à étendre son système, d'abord en le re-
produisant sous le méme point de vue général, avec les aug-
mentations et les changemens qu'il croyoit nécessaires ( Spe-
cies insectorum, Mantissa insectorum, Entomologia syste-
matica , Supplementum entom. sy stem. ); puis en retravaillant
d'une manière isolée les ordres ou coupes principales ( Sys-
tema eleutheratorum , S. rhyngotorum , S. piezatorum, S.
` “De *
396 ANNALES DU MUSEUM
antliatorum ). La mort la surpris au milieu de ses recherches
sur les glossates ou les lépidoptères de Linnæus; et nous at-
tendons de son respectable ami M, Illiger, la publication de
ce qu'il a composé à cet égard.
Aucun savant ne poursuivit jamais ses études avec plus de
zèle et plus d'activité que Fabricius. Possédant à fond plusieurs
langues mortes et vivantes, il parcourut les états du nord et
du. milieu de l'Europe , recueillant à chaque pas de nouveaux
matériaux, fréquentant les musées d'histoire naturelle, décri-
vant les insectes inédits , et formant des liaisons avec les
hommes instruits qu'il avoit occasion de connoitre.
Nous avons de lui un voyage en Norwège, traduit en bius
cois par M. Millin; un autre à Pétersbourg , ayant pour objet
l'examen des eaux de la Néva, dont on croyoit l'usage nuisible
aux étrangers. Il nous a encore donné un voyageen Angleterre;
pays qu'il avoit d'autant mieux observé , qu'il y étoitallé sept fois.
M. Banks , aussi distingué , comme on le sait, par l'étendue de ses
lumières que par son zèle à les favoriser , lui communiqua les in-
sectes qu'il avoit reçus de la Nouvelle-Hollande. MM. Hunter;
Drury, Francillon, Lewin , etc. facilitérent également les tra-
vaux de Fabricius. Les devoirs de ce naturaliste envers son sou-
verain, Son amitié pour le célèbre botaniste Wahl, les belles
collect logiques de MM. Lund et Sehested l'attiroient
souvent à Co pehare Les voyages qu'il y faisoit, ses relations
avec les hommes éclairés du Dannemarck, et ses lectures l'a-
voient mis en état de bien connoitre ce royaume. Les reasei-
gnemens qu'il a fournis sur ce sujet à M. Pinkerton, et que
celui-ci a insérés dans la dernière édition de-sa géographie,
sont dignes d’une entière confiance:
La France, à dater du premier voyage que bee y'fit,
D'HISTOIRE NATURELLE. 397
étoit de toutes les parties de l'Europe, celle qu'il affectionnoit
davantage, et une seconde patrie où il vouloit terminer sa
carrière. Son épouse, son second fils, plein d'un tendre atta- -
chement pour les auteurs de ses jours, et d'ardeur pour son
instruction , avoient fixé depuis plusieurs années leur séjour
à Paris. Le désir de revoir des objets si chers et des amis
aussi recommandables que nombreux, rappeloit Fabricius
tous les ans dans cetie ville. Les cabinets d'histoire naturelle
nationaux et particuliers lui étoient ouverts. Le professeur
Desfontaines lui ebandonnoit la publication des insectes inté-
ressans qu'il avoit rapportés de Barbarie. M. Bosc lui permet-
toit de décrire toutes les espèces inédites de sa belle collection,
fruit de ses recherches et de ses voyages en France et dans
la Caroline. MM. Olivier, Labillardiere, Brongniart, Du-
méril, etc. témoignoient à Fabricius la méme complaisance.
On ne doit pas être étonné qu'avec tant de secours ce natu-
raliste ait décrit cinq ou six fois plus d'insectes que Linnzus,
dont le catalogue ne s'élève guère au-delà de trois mille
especes. : | | |
L'opinion des naturalistes sur le, système de Fabricius est
formée depuis long-temps; l'usage habituel de cette distribu-
tion méthodique, le jugement qu'en ont porté plusieurs savans
qui l'ont approfondie, en ont fait sentir les avantages et les
inconvéniens. M, Olivier , auquel l'entomologie est si redevable,
développa et discuta ce système avec autant de clarté que
d'impartialité , dans un mémoire qui fait partie du Journal
de physique, et qu'il a ensuite reproduit dans l'Encyclopédie
méthodique , Hist. nat. tom. 5 , pag. 111 et suiv. M. Cuvier,
qui.étudia long-temps les insectes, et avec ce soin et cette
sagacité qui distinguent toutes ses recherches , éclaira de nou-
398 ANNALES DU MUSÉUM
veau le système de Fabricius, en le considérant surtout dans
ses rapports avec l’ordre naturel. M. Kirby a traité encore
le méme sujet, Monographia apum Anglie, tom. 1 , pag.
23 et suiv. Il est donc inutile de reprendre une discussion ,
dont je ne pourrois m'occuper sans paroitre aux yeux de
quelques personnes manquer à l'amitié que je dois à Fabri-
cius. Lorsque je répands des fleurs sur sa tombe , et que j'ex-
prime les tristes accens de ma sensibilité, pourrois - faire
entendre la critique? Chef des entomologistes! reposez en
paix. Bien loin de chercher à troubler vos cendres, je veux
plutót défendre votre mémoire, et repousser ou affoiblir du
moins les traits que la censure dirigea contre vous.
Il est des fautes ou des erreurs qui méritent moins de re-
proches que d'indulgence, et telles'sont celles de Fabricius.
Comme presque tous les créateurs de systèmes, il a été trop
loin; il a tracé une route nouvelle, hérissée d'obstacles, et a
laissé à d'autres le soin de l'aplanir et de la rendre facile.
Le grand Linnzus méme pourroit-il supporter un examen
sévère? Embrassant l'entomologie dans toute son étendue, Fa-
bricius a pu négliger quelques détails dont l'omission sembloit
légère dans le principe. L'art de bien observer des organes aussi
petits, aussi compliqués que ceux de la mandycation des in-
sectes , ne sacequiert que par un long exercice; souvent méme
les résultats des meilleurs naturalistes varient à cet égard.
Fabricius «n'ayant peut-être pas l'expérience nécessaire,
employant d'ailleurs pour cet examen des verres microsco-
piques qui n'avoient pas assez de force amplificative, a pu
tomber dans quelques écueils , et s'éloigner de la vérité; mais
en découvrant ces inadvertances , ne niürmurons point contre
lui. Quel est le naturaliste dont les premières observations,
D'HISTOIRE NATURELLE. 309
disons même les dernières , soient exemptes d'imperfections ?
Si plusieurs. des caractéres génériques et spécifiques de
l'entomologiste de Kiell sont équivoques ou incomplets , ou
bien s'ils n'ont qu'une valeur apparente, produite par un
oubli de la série naturelle, ce défaut vient moins de lui que
de cette marche trop systématique et vicieuse "qui régnoit
de son temps. Cet esprit d'analyse et de comparaison, qui
donne aujourd'hui tant de supériorité aux méthodes, ne di-
rigeoit pas encore les: naturalistes. N'oubliogs pas ‘qu'ils
n'avoient que foiblement. essayé de classer les objets suivant
les rapports d'affinité: des divisions arbitraires écartoient les
uns des autres les animaux qui appartenoient à la même fa-
mille, et l'opposition des caracteres n'étoit qu'une suite de cette
bizarre confusion. Fabricius décrivant les insectes dans diffé-
rens cabinets, n'a pu éviter quelques donbles emplois. Ayant
peu observé sur le vivant, si ce: n'est dans sa jeunesse, il
n'avoit pas apprisà distinguer nettement les anomalies sexuelles
des insectes; de-là aussi quelques erreurs bien: excusables ;
puisqu'il. en gitidhpel de semblables aux plus exacts patura
listes. Fabricius , trop exclusif, a donné à sa base systéma-
tique une puissance exagérée : mais ses moyens sont bons ; et
employés avec sagesse, combinés avec ceux de Linnæus, fis
tifiés par les observation de: Swammerdam , ils nous ont ass
Suré,du nioins quant aux divisions générales , une distribu-
tion entomologique naturelle. Nous nous glorifions maintenant
et à juste-titre des méthodes de MM. Cuvier et Lamarck.
En fixaní nos regards sur. des organes qui jouent le plus grand
rôle dans l'économie:des insectes , dont la considération nons
indique d'avance quelle éstleur mawière de se nourrir , Fa-
bricius a présenté l'entomologie sous une face nouvelle, et
4o00 ANNALES DU MUSÉUM
nous a procuré l'avantage: d'asseoir solidement: les coupes
qu'exige la méthode ; car les caractères des ordres, des familles
et. des genres ne seront jamais naturels, tant qu'ils ne repo-
seront pas sur la considération de tous les organes importans
de linsecte. On pourra composer des distributions plus fa-
ciles que celle de ce naturaliste; mais si, pour former. les
grouppes, on n'observe point la conformité générale de l'or-
ganisation,. ces méthodes seront toujours artificielles et im-
parfaites. Tàghons, autant qu'il est possible, de nous mettre
à la portée des commençans, en excluant des caractères es-
sentielsles parties de l’animal dont l'examen seroit trop délicat;
mais que: ces signalemens extérieurs ne soient point. en con-
iradicüon avec ceux que lon Sede déduire des ondes
nioins apparens, tels que ceux de la bouche.
Les adversaires de Fabricius ne peuvent donc DAT
de reconnoitre qu'il a imprimé à l'étade des msectes un mou-
vement rapide , général ei soutenu, et que ses écrits ont formé
d'excellens auteurs. Une portion de la gloire des Olivier,
des Paykull, des Hellwig, des Illiger, des Kirby et de tant
d'autres, réjaillira toujours sur lui.
. Fabricius n'étoit point jaloux des succès de ceux qui cou-
roient la méme carrière que lui; au contraire , il les voyoit
avec plaisir. Charmé du. beau travail de M. Walckenaer: sur
les aranéides , il Sempressa, sans y étre invité, de lui porter
de Kiell toutes les tepiess de cette famille qu il avoit dans sa
collection. :
Presque sur le odi dá aie. il nt le BS de
M. Clairville et celui de M. Maximilien Spinola, qui débutent
l'un et l'autre par des ouvrages 'emomologiquos , ; dignes des
grands maitres.
D'HISTOIRE NATURELLE, ` Aot
Fabricius n'étoit pas étranger aux autres branches de lhis-
toiré naturelle: son séjour à Freyberg l'avoit familiarisé avec
la minéralogie. Il fit une étude spéciale de la botanique. On
le voyoit, à l'exemple des Jussieu, parcourir, accompagné
de ses disciples,les environs de Kiell, se charger de richesses
végétales, et oublier ses fatigues en examinant avec ceux qui
les avoient partagées ces précieuses récoltes. Ses connoissances
en botanique nous ont valu des ouvrages relatifs à cette
science et à l'agriculture, qu'il a publiés en allemand. Il pro-
diguoit à ses éléves, surtout à M. Weber fils, dont les talens
percoient déjà, les soins et la tendresse d'un pére, et il leur
dédia un abrégé de ses lecons d'histoire naturelle.
Jusqu'ici nous avons considéré Fabricius seulement comme
naturaliste. Ses autres connoissances, ses qualités morales
nous inspireront pour lui un nouvel intérét. Véritable philan-
trope, il s'attendrissoit vivement sur le sort de ces enfans in-
fortunés qu'on abandonnoit à la commisération publique;
c'est en leur faveur et pour la classe indigente qu’il composa
ses Traités des hospices et de la police civile et médicale , ou-
vrages couronnés d'un plein succés en Allemagne, et qui
devroient passer dans notre langue; mais la plume de la plu-
part de nos traducteurs s'exerce trop exclusivement sur les
productions étrangères dont la lecture produit les maux que
Fabricius vouloit guérir ou diminuer.
Il avoit consacré presque tout son bien à des voyages scien-
tifiques, à la formation d'un beau cabinet d'histoire naturelle
très-précieux en insectes, coquilles, minéraux, et fort inté-
ressant encore par l'herbier de Forskal que ce botaniste lui
avoit légué; néanmoins Fabricius ne sollicite de son gouver-
nement aucun bienfait, aucune faveur personnelle. Ce n'est
52
11,
402 ANNALES DU MUSEUM
pas la seule preuve que nous puissions alléguer de son désin-
téressement. Le colonel anglais Cathcarth lui propose de l'ac-
compagner dans son voyage à la Chine, et lui offre, à cette
condition, au nom de la compagnie des Indes, 5000 livres
sterlings et 200 livres de pension pour un de ses enfans. Fa-
bricius dédaigne ces avances dela fortune : il n'a d'autre am-
bition que celle d’être utile à ses concitoyens.
N'ayant, dans ses travaux, d'autre but que la félicité pu-
blique , il exposoit dans un ouvrage ad hoc les principes qu'il
jugeoit favorables à l'accroissement et à la population des états.
Ailleurs, il provoquoit un changement total dans les académies
du Dannemarck et de l'Allemagne. Le prince royal de Danne-
marck l'aimoit , et il méritoit cet honneur par son dévouement
sincère.: Fabricius avoit été nommé, n'étant âgé que de vingt-
trois ans, professeur d'histoire naturelle et d'économie rurale
à Kiell. Le noble désir d'exprimer sa gratitude et tous les
sentimens. dont il étoit pénétré, le détermina à composer la
biographie d'un. des plus grands rois du Dannemarck , Fré-
déric IV. | |
Fabricius avoit dans ses manières une simplicité. et une
bonté patriarcales; ce. n'est pas un éloge de style, mais un.
fait que chacun de nous peut garantir, Le professeur Wahl ,.
si modeste lui-même, lui reprochoit son. excès de modestie ,
comme pouvant nuire à son avancement. Fabricius portoit
dans la société l'oubli de soi-même, et ne cherchoït à plaire
que par son urbanité et son. enjouement. |
Toujours seront présents à mon. souvenir les instans heu-:
reux , mais trop rapides, que j'ai passés avec cet illustre na-
turaliste. Si la religion attache un profond respect aux objets.
qui ont eu quelques rapports avec l'homme honoré d'un culte.
D'HISTOIRE NATURELLE. 403
lamour de la science m'inspire aussi de la vénération pour
tout ce qui me rapprocha de ce disciple de Linnaeus. Je
relirai souvent, et toujours avec un nouveau plaisir ses lettres
aussi savantes qu'affectueuses. Tu ne reverras plus cet homme
si célèbre, me dis-je chaque jour; mais tu auras perpétuelle-
ment sous tes yeux ce bureau où, placé à côté de toi, il éta-
dioit la nature, et l'animioit par son exemple. Tu conserveras,
comme un précieux héritage, ces livres que son cœur t'offrit,
et oü il tracoit ces paroles si tendres : Fabricius amicissimo
suo Latreille. O mânes de mon illüstre ami! pardonnez, je
vous en supplie, si je l'ai quelquefois offensé par les traits de
ma critique!
Tel est le caractère des belles ames, d’être moins Eni:
de leurs propres malheurs que de ceux d'autrui. Fabricius;
jusqu'à ce jour, avoit supporté avec un courage pepe
les pone; et de bien grandes, qui lui étoient per
mais il n'a pu envisager du méme ceil le déluge de calidis
qui est venu fondre sur sa patrie. « /Vos revers ont fait périr
mon époux », me disoit sa veuve dont les renseignemens
m'ont servi à rédiger cette notice. La constitution vigoureuse
de Fabricius sembloit en effet lui promettre une longue et
heureuse vieillesse; ses amis s'étoient néanmoins apercu que
la situation déplorable du Dannemarck l'affectoit douloureu-
sement. Sa physionomie expressive, autrefois si sereine et si
gaie, décéloit un fonds de tristesse et les ravages de cette mé-
lancolie qui le consumoit intérieurement.
La juste admiration de Fabricius pour les Francais, admi
ration qu'il ne pouvoit s'empêcher de répandre au-dehors ,
lui avoit, au témoignage de son épouse, suscité parmi ses
compatriotes des ennemis puissans ; il ne craignoit cependant
hoh ANNALES DU MUSÉUM
pas leurs attaques auprès du prince sage qui tenoit les rênes
du gouvernement, et qui apprécioit son mérite , Son civisme
éclairé et la pureté de ses vues. ,
Cet homme célèbre est mort d’une hydropisie formée tout-
à-coup , âgé de soixante-cinq ans, et vivement regretté de ceux
qui eurent des liaisons avec lui, et particuliérement des savans
francais. Il étoit membre ou associé d'un grand nombre d'aca-
démies : celle de Munich lui donnoit un témoignage flatteur
de son estime, au moment méme où il nous a été ravi.
Daigne le souverain du Dannemarck, se rappelant les ser-
vices que Fabricius a rendus aux sciences et à sa patrie,
consoler sa veuve et ses deux fils de la perte irréparable qu ils
viennent d'éprouver! Puissent ceux-ci payer à sa mémoire le
tribut de leur tendresse et de leur reconnoissance, en publiant
sa propre biographie, qu'il écrivit dans sa langue maternelle.
D'HISTOIRE NATURELLE. 405
MEMOIRE
Sur un nouveau genre de liquéfaction 19n6e
qui explique la formation des laves lithoides.
Lu à la classe des sciences mathématiques et physiques de l'Institut, le 28
mars 1808.
PAR M. DE DRÉE.
Les empreintes visibles de l'action du feu ont été long-temps
les seuls caractères auxquels on distinguoit les produits vol-
caniques. Aussi ces produits se réduisoient-ils alors aux obsti-
diennes, aux scories, aux ponces. C'est aux naturalistes cé-
lébres de nos jours que nous devons la connoissance des prin-
cipales productions modifiées par les feux souterrains. M. Des-
marest fut un des premiersà ranger les basaltes dé l'Auvergne
parmi les produits des volcans; M. Faujas, dans son intéres-
sant ouvrage sur:les volcans éteints du Vivarais, a énoncé
la méme opinion ; et Dolomieu reconnut que ces torrens de
matieres enflammées qui débordent les cratéres, ou débouchent
par les flancs des montagnes volcaniques , se consolidoient en
pierres trés-ressemblantes aux roches attribuées à la voie hu-
mide. C'est surtout à M. Faujas età Dolomieu, à ces deux géo-
logues, que nous devons la détermination précise de ces produits
1s. 53
406 ANNALES DU MUSEUM
que Dolomieua désignés par laves compactes, et qui depuis ont
été nommés laves lithoides par un des membres de cette
assemblée , dont le nom n'est pas moins attaché aux grands
progres des sciences naturelles. Jusques-là ces produits qui
occupent la partie inférieure des courans avoient paru ap-
partenir au corps de la montagne, et non à ces torrens en-
flammés. Leur situation, autant que leur ressemblance avec
les roches ont loog-temps contribué à voiler leur véritable ori-
gine; et il falloit les yeux d'un observateur habile et sans
prévention, peur réunir ces laves ; qui n'ont aucun signe de
fusion , aux autres éjections volcaniques que le préjugé ne dis-
tinguoit qu'aux empreintes remarquables du feu.
Dans un siècle aussi éclairé , la découverte de ce genre de
laves ne pouvoit étre perdio comme une simple addition
aux catalogues des produits des feux souterrains. Non-seulement
on sétonnoit de voir ces torrens de feu se consolider en pre-
nant là constitution pierreuse ; mais l'examen de ces laves sur-
prenoit plus encore, puisque aprés avoir subi une opération
considérée jusqu'alors comme désorganisante, on y retrouvoit
au même état et dans les mêmes dispositions des substances
semblables à celles qui s'observent dans les roches.
Une partieularité aussi remarquable devoit étre, et fut en
effet lindication d'une opération toute nouvelle pour nous.
Aussi ces laves sont-elles devenues, dés le moment que leur
origine fut constatée, un grand sujet d'observation et de mé-
ditation pour les tories
Quelle opération .a pu liquéfier les matières servant de
bases aux laves et leur conserver en même temps la cons-
tilution pierreuse ? Quelle est l'époque où se sont formés les
cristaux inclus dans les laves porphyritiques ? Voilà deux
D'HISTOIRE NATURELLE. 407
des questions les plus importantes que cette découverte a fait
naitre. (ion
Les célèbres naturalistes Saussure et Dolomieu, jaloux de les
résoudre , essayèrent de trouver un genre de fusion qui ne
réduisit pas la matière à l’état de verre ou de scoriez mais
leurs tentatives furent sans succès alors, ainsi que celles en-
ireprises depuis par Spallanzani. Cependant Dolomieu qui avoit
toujours en vue de surprendre ce secret à la nature, ne cessoit
de recueillir toutes les observations qui pouvoient l'éclairer,
et il avoit rassemblé tant de données à cet égard, qu'il avoit
fini par être convaincu que les matières traitées dans les pro-
fondes cavités dela terre, étoient amenées, par une application
particulière du calorique , à une liquéfaction telle que les parties
composantes n'étoient que désagrégées et point dénaturées.
Il pensoit aussi que la plupart des cristaux qu'on trouve
dans les laves lithoides existoient dans ces laves avant la li-
quéfaction,
Telle étoit sur ces deux questions importantes l'opinion que
nous a laissé ce célèbre géologue. Gette opinion n'éloit ce-
pendant pas celle de tous les naturalistes ; la préexistence des
cristaux surtout n'avoit que peu de partisans; mais comme de
part ni d'autre on n'apportoit aucune preuve évidente, ces
questions étoient restées indécises.
En me chargeant de publier les œuvres de Dolomieu, en
mettant en ordre la collection de laves dont madame de Drée
sa sceur et moi avons fait hommage au conseil des mines, je
me trouvois à méme de connoitre les observations, les faits
et les raisons sur lesquels ce naturaliste fondoit son opinion,
et javoue que malgré le défaut de preuves certaines, cette
opinion me e sembloit tell t coincider avec les faits constatés,
a9
408 ANNALES DU MUSEUM
quil me paroissoit impossible d'admettre aucun autre senti-
ment. Cependant une hypothèse ne me suflisoit point pour
établir solidement la classification des produits volcaniques;
je désirois des ses et j'avois cs des essais pour
en obtenir.
: Mon plan étoit de renfermer des roches en morceaux dans
des creusets, de remplir tous les vides avec de la poudre de
la méme roche, de recouvrir le tout d'une forte couche de
matière infusible telle que le quartz en poudre, de fermer
ainsi le plus hermétiquement possible la matière, et de sou-
mettre ces creusets exactement clos à une chaleur moyenne,
long-temps prolongée; par ce procédé, javois en vue de
m'opposer au mouvement intestin de la matière, d'empêcher
l'accès de: toute: substance qui pourroit être agent de la dé-
composition, et méme d'éviter tout contact entre la matière
et le feu. Il me sembloit que ces procédés étoient les plus
convenables pour placer mes roches dans une disposition rap-
prochée de celle où l'on peut présumer les matières dans les
profonds laboratoires des volcans; laboratoires dans lesquels
la chaleur , résultat des actions chimiques, n'est point combu-
rante, et dans lesquels les matières par leur masse sont à
l'abri de tout contact étranger.
J'avois commencé ce travail, lorsqu’en 1804 la Bibliothèque
britannique n. 216 ; nous donna connoissance des expériences
de M. Hall, sur les effets de la chaleur. modifiée par la
compression. En lisant ces expériences, je reconnus dans la
compression le moyen de remplacer artificiellement l'effet
des grandes masses dans les opérations de la nature. Je sentis
qu'en ajoutant ce moyen à mes autres procédés, je parvien-
drois à m'opposer au dégagement, et par: coriséquent à la dé-
D'HISTOIRE NATURELLE. 409.
composition des substances expansibles. Alors, me disois-je,
toute chose restant au méme état, et le calorique n'opérant
que le ramollissement des parties, il doit en résulter une
liquéfaction sans décombinaison ni dissolution des substances,
et par conséquent un produit tout différent du verre. Dés ce
moment je résolus de combiner la compression employée si
avantageusement par M. Hall sur le carbonate de chaux, avec
les procédés dont je viens de parler, pour essayer de faire
arriver les roches à un état de EREA semblable à celui
des laves lithoides.
Cependant l'opinion opposée, qiattribuoit les laves lithoïdes
aux effets de la dévitrification, prenoit de jour en jour plus de
consistance. Le méme M. Hall avoit publié, en 1798, un
mémoire sur la fusion des laves et des whinsthones (1), qui ten-
doit à prouver que les laves étoient le résultat de la dévitri-
fication , et plusieurs naturalistes partageoient ce sentiment.
D'un autre côté, les expériences de M. Dartigues sur les effets
de la dévitrification (2), sans s'étendre aux laves, contri-
buérent néanmoins à donner du poid à cette opinion; et M.
Fleuriau de Bellevue, en s'étayant de ses propres observa-
tions, embrassa et soutint ce système dans un mémoire très-
intéressant (3) qui éclaira beaucoup sur les efleis de la dévitri-
fication; mais dont lapplication aux laves a été combattue
par M. Deluc (4 ). Enfin M. Gregory Watt (5) soumit des laves.
- (1) Transactions de la Société royale d'Édimbourg, vol. 2.
(2) Mémoire sur la dévitrification du verre, inséré Journal de physique ( floréal
an 12 ).
(5) Mémoire sur l'action des feux des volcans, inséré Journal de physique( prai-
rial an 13).
- (4) Bibliothèque britannique.
(5) Observation sur le basalte, Bibliot. biegen n. 256.
410 ANNALES DU MUSEUM
basaltiques à la dévitrification, et crut devoir en conclure
que ces laves étoient dues à cette opération.
Par ce système de dévitrification, on fait passer toutes les
laves par la fusion vitreuse, et la formation des laves lithoides
seroit due à un refroidissement qui auroit dévitrifié la lave
vitreuse ( obsidienne) ; d’où il suit que ce système se trouve
tout-à-fait en opposition avec les idées de Dolomieu, lequel a
toujours prétendu que la lave vitreuse n'étoit que la lave
lithoide qui, arrivée dans les cratères et en contact avec
l'air atmosphérique , entroit en déflagration et se vitrifioit.
Des conclusions si différentes ne pouvoit qu' augmenter mon
empressement à continuer les essais que j'avois commencés.
En effet, je les ai repris il a environ quinze mois, et j'avois
déjà obtenu des résultats en faveur de la liquéfaction non
vitreuse, lorsque le mémoire et les produits obtenus par M.
Hall sont arrivés et nous ont éclairés sur ces précieux résultats,
ainsi que sur ces procédés ; et je dois dire que j'ai puisé dans
le développement des travaux de ce savant , de nouveaux motifs
pour me faire espérer du succès.
Apres avoir établi les divers points de vue sous lesquels on
à apercu ces intéressantes questions, il me semble qu'on peut
réduire la premiére à ces termes.
Les laves sont-elles le produit d'une liquéfaction ignée
particuliére, et différente de la fusion vitreuse, ou sont-elles
le résultat de la dévitrification ? |
Quant à la seconde, son expression est toujours la méme:
Les cristaux inclus dans les laves sont-ils préexistans à la
fusion , ou sont-ils de formation postérieure à cet acte.
Je vais maintenant rendre compte des diverses expériences ^
que j'ai faites pour résoudre ces deux questions, des procédés
D'HISTOIRE NATURELLE. ht
que j'ai suivis, et mettre sous vos yeux les résultats qe jai
obtenus.
Je n’apercevois qu'un seul moyen d'arriver à la solution du
premier probléme; c'étoit de rechercher si, par une applica-
tion non immédiate, mais communiquée de la chaleur; si en
empéchant la dyes d'aucun principe élémentaire et l'in-
troduction d'aucun agent de per DOR on pourroit par-
venir à faire passer dés roches à un état de liquéfaction qui
leur permit de reprendre la constitution pierreuse en se con-
solidant , et c'est le plan que j'ai suivi.
J'ai choisi pour mettre en essai des roches qui me parois-
soient devoir être la matière première de certaines laves, et je
me suis principalement attaché à deux roches porphyritiques,
l'une à pâte de trapp, l'autre à pâte de pétrosilex.
Je mets sous vos yeux les échantillons de chacune des roches
que j'ai employées, ainsi que ceux de leurs produits.
Mes procédés ont été la fermeture de la matière dans des
vaisseaux bien clos, et quelquefois la compression, ainsi qu'on
va le voir par l'exposé des dispositions générales que je place
ici afin d'éviter des répétitious; par la suite je me conten-
terai d'indiquer les modifications que j'aurai pu y introduire,
J'ai placé dans des étuis de porcelaine ou des creusets de
Hesse le morceau le plus gros possible de la roche, et pour
ne laisser aucun vide, j'ai rempli les interstices avec cette
méme roche mise en poudre impalpable pressée le plus for-
tement possible. J'ai recouvert ensuite la matière par une
lame de mica (1), afin d'empécher le mélange avec la poudre
(1) J'ai reconnu que cette substance convenoit parfaitement à cet emploi tant
par son élasticité que par sa difficulté à fondre lorsqu'elle est en grande lame.
*
41a ANNALES. DU MUSEUM
de quartz dont j'ai mis une couche épaisse et très-tassée. J'ai
fermé après cela les étuis de porcelaine avec des bouchons luttés
à l'aide d'une matière facilement vitr iBahie, et je les ai disposés
ainsi dans l'appareil de compression: à l'égard. des creusets,
je les ai renfermés dans d'autres creusets, aussi avec de la
poudre de quartz, et aprés avoir clos le tout par un couvercle.
lutté avec de l'argile, jeles ai ficelés avec du fil de fer.
Les pyromètres , à l'exception de la première expérience,
ont été placés dans l'intérieur des étuis ou creusets à cóté de
la matière.
Quant aux appareils de compression , je les ai changés plu-
sieurs fois ; les premiers avoient pour objet non-seulement de
.Sopposer à la plus forte expansion des gaz, mais encore de
garantir des accidens. Em reconnoissant que les substances
gazeuses n'étoient pas trés-abondantes dans ces matières , j'ai
simplifié mes appareils. L'énonciation des premiers devien-
droit donc inutile, surtout ne devant faire valoir ici aucun
des produits que j'ai obtenu par la compression. Je me suis
*
servi d'un fourneau à courant d'air recouvert par un dóme.
I" Expérience.
J'ai placé dans un étui cylindrique de porcelaine un mor-
ceau de porphyre de Giromani , fond vert, avec cristaux de
feld-spath blanc verdátre,, coté m.
J'ai placé dans un ER étui pareil un morceau de por-
phyre des Pyrénées à. pâte pétrosiliceuse grise et à cristaux
informes de feld-spath blanc et à grains de quartz gris, coté b.
J'y ai disposé ces matières de la manière indiquée ci-dessus,
avec cette différence que la poudre n'étoit pas impalpable et
D'HISTOIRE NATURELLE. 413
tamisée , comme dans les expériences suivantes, et qu'il n'y
avoit point de poudre de ean intermédiaire entre la subs-
tance et le bouchon.
Ces deux cylindres, logés dans l'appareil de compression et
placés dans un fourneau recouvert d'une coupole, et construits
de maniére à concentrer fortement la chaleur, ont éprouvé,
pendant quarante-deux heures , un feu continu, le pyrometre
de Wegdwood n'annoncant que quatorze degrés; mais comme
il n'étoit point placé dans le centre du foyer , on peut estimer,
d'aprés les expériences suivantes, que la chaleur s'est élevée à
vingt-cinq degrés.
Le premier des cylindres a été retiré aussitót le feu éteint,
et le second, aprés un lent refroidissement. Tous deux étoient
intacts ; mais lelutte dont je m'étois servi ne paroissoit pas avoir
été fermé hermétiquement : les résultats qu'ils m'ont donnés,
sont: É
Le n.° 1.* qui est le produit du porphyre de Giromani m.
La poudre a passé à l'état de scorie noire et le morceau ne
s'est point liquéfié.
Le n° 2, qui est le porphyre des Pyrénées b. La pure
à été: Gusidesns agglutinée, tandis que le morceau n'a
éprouvé que trés-peu d'altération.
& 4L" Expérience.
Dans cette expérience, le feu a duré dix-huit heures, et
les pyromètres placés avec la matière dans les creusets , ainsi
que je l'ai pratiqué pour les expériencessuivantes , ont marqué
de 43 à 46 degrés. J'ai obtenu les quatre résultats suivans.
Le n? 3, formé du porphyre serpentin a.
Le n° 4, formé du porphyre des Pyrénées b,
i : 5
41% ANNALES DU MUSÉUM
Ces deux porphyres avoient été placés , morceaux et poudre
impalpable, dans les mêmes étuis de porcelaine, de la manière
ci-dessus, et recouverts avec une couche de poudre fine de
quartz séparée du porphyre par une lame mince de platine;
le tout a été ensuite fermé par le bouchon lutté et placé dans
l'appareil de compression. x
Les cylindres, après le refroidissement, se sont trouvés
cassés, et la matière étoit fondue en verre, à l'exception des
cristaux inclus de feld-spath et de quartz. Cette matière s'est
épanchée à moitié hors du cylindre, disposé horizontalement.
Le n^ 5, formé par le porphyre serpentin a.
Le n.° 6, formé par une variété du méme porphyre éti-
queté c.
Ces deux porphyres avoient étéplacés, poudre et morceaux,
dans deux petits creuzets de Hesse, sans autre compression
qu'un bouchon de même matière, lutté par de l'argile et mam-
temu par de forts liens de fil de fer. Chacun de ces creusets
étant en outre renfermé dans d'autres creusets plus grands, où
ils étoient entourés de sable fin quartzeux.
Ces petits ereusets ont été retirés intacts ; len." 5 a fondu
en verre noir, à l'exception des cristaux i feld-spath, qui
sont A et n’ont point changé de forme.
Le n? 6 est un véritable exemple de la liquéfaction ignée.
À l'examen, on ne peut douter que le mófceau comme la
poudre paient été liquéfiés.
THEM". diese:
Le feu a duré vingt-trois heures, et les pyromètres ont
marqué 4o à 42 degrés.
Le n^ 8, formé du porphyre serpentin a , étoit placé,
D'HISTOIRE NATURELLE. 415
poudre et morceaux , dans un étui cylindrique de porcelaine,
fermé hermétiquement comme dans les premières expériences;
mais cet étui étoit disposé dans un autre appareil de compres-
sion , et a été retiré intact après le refroidissement : la poudre
s’est liquéfiée et a formé une espèce de scorie non vitreuse.
Le morceau s'est ramolli sans se liquéfier, et a pris l'aspect
que donne la demi-vitrification à la porcelaine.
Le n^ 9, formé du porphyre 5, étoit placé, morceau et
poudre, avec laquelle on avoit mélangé 11 grains de muriate
de soude et 69 de soufre dans un creuset de Hesse , comme
les n.” 5 et 6; il a été retiré avant le refroidissement. On y
voit la poudre liquéfiée reparoitre. sous l'aspect d'une lave
porcelanite , tandis que le morceau n'a éprouvé que le ra-
mollissement.
Le n.° 11, formé du porphyre vert c, réduit en poudre,
a été mis dans un creuset, qui a été retiré brusquement du
feu; la poudre, devenue rouge de brique, étoit à peine ag-
glutinée, excepté vers le fond oü elle avoit pris la couleur
noire. -
Le n,” 12, formé seulement de 3 onces 4 gros de poudre
impalpable de porphyre serpentin c, mélé avec trois graius
de muriate de soude, a été retiré aprés le refroidissement.
Ce produit a acquis la liquéfaction désirée. Il est à l'état de
pierre parfaitement ressemblant à une lave, comme le n." 6.
IF." Expérience.
Dans celle-ci, le feu a duré trente-six heures, et la chaleur
sest élevée à 5o degrés, d’après les pyromètres.
Les creusets dont je me suis servi, à défaut de cylindres
416 ANNALES DU MUSÉUM
de porcelaine, ont tous été cassés, quoiqu'ils fussent emboités
dans d'autres creusets. Aussi les produits ont-ils été peu inté-
ressans : Je n'en citerai qu'un seul.
Le n° 14, formé du porphyre d, variété du serpentin a,
contenant des noyaux de quartz entourés de pyrite. Un gros
morceau de ce porphyre avec sa poudre a été placé dans un
creuset ordinaire, et étoit de plus recouvert d'une couche de
poudre de quartz séparée par une lame mince de mica; le tout
aété fortement comprimé ensuite dans un double creuset. Le
creuset a été retiré fendu; la poudre s'est trouvée liquéfiée ,
ainsi que le morceau vers la partie ent: où la poudre
a passé à l’état de scorie.
F^ Expérience.
Elle a été faite à un feu de forge quia duré six heures et
demie; les pyromètres marquant 112 à 133 degrés.
Parmi les produits que j'ai obtenus, je distingue les cinq
suivans. .
Le n.° 17, formé du porphyre d, gros morceau et poudre
placés ds un creuset fermé par du quartz et du mica, comme
le n? 14. Le creuset a été retiré fendu avant le refroidisse-
ment. Un peu de matière avoit transsudé; mais le gros mor-
ceau s’est entierement liquéfié et a formé une vraie pierre
où les cristaux de feld-spath se sont conservés à l'état la-
melleux.
Le n? 19, formé d'un granit de Chamouny e ( morceaux
et poudre placés dans un creuset fermé avec mica et quartz,
comme le n.^ 14). Le creuset a été retiré cassé aprés le re-
froidissement ; partie de la matière s'est épanchée en verre
boursouflé ; les morceaux de granit ont passé à l'état vitreux,
D'HISTOIRE NATURELLE, 417
mais sans que le feld-spath et le mica dela roche aient quitté
leur pp granitique.
Le n^ 2r, formé du porphyre serpentin d, étoit placé
dans un creuset carré de porcelaine simplement dégourdie
afin de resserrer la matière par le retrait du creuset; le tout
étoit fermé et lutté comme dans les expériences précédentes.
Le creuset a été retiré, après le refroidissement, ouvert et
fendu de toutes parts, et la matière fondue en verre s'étoit
en partie échappée au-dehors.
Le n° 23, formé du porphyre c, a été placé, morceau et
poudre, dans un creuset, comme le n.° 15 , hors la matière
qui étoit en bien moindre quantité. Le creuset retiré avant le
refroidissement étoit fendu , et la matière fondue en verre avoit
en partie coulé au-dehors en se boursouflant. Ce morceau
est remarquable en ce que le feld-spath n'a pas résisté à la
haute chaleur , et s'est fondu comme la pâte.
Le n.° 24, formé du porphyre b , étoit placé dans un creuset
de porcelaine carré et disposé comme il est dit au n° 21; il
s'est trouvé aussi au méme état, quoiqu'il ait été retiré
avant le TOR Die 6”
EIS Expérience,
M. Brongniart, directeur de la manufacture ‘re porcelaine
de Sèvres, a eu la complaisance de disposer cette expérience
dans ses fourneaux, à un feu d’à-peu-près six heures, et dans
une position où la chaleur étoit d'environ 8o degrés. Wegdw.
Parmiles produits je ne citerai que les deux suivans.
Le n." 25, formé du porphyre serpentin d, placé, un mor-
ceau avec poudre séchée au rouge, pour éviter son retrait,
dans un grand creuset cylindrique de porcelaine simplement
418 ANNALES DU MUSEUM
dégourdie et fermé avec quartz et mica , ainsi que je l'ai dit.
Le creuset a été retiré intact : la poudre s'est liquéfiée et con-
solidée à l'état lithoide; maisle morceau a seulement été ra-
molli sous l'aspect porcelanite.
Le n° 26, formé de deux roches hornblendiques f et g,
placées en morceaux dans un creuset, et entouré de poudre
de quartz impalpable séchée au rouge, le creuset retiré s'est
trouvé cassé, et les deux morceaux ont été liquéfiés; mais une
partie de la matière s'est épanchée au-dehors; ce qui reste
dans le creuset est à l'état lithoïde dans les parties épaisses ,
mais se rapproche des scories dans les parties minces,
VII” Expérience.
Cette septiéme expérience a été faite dans les fourneaux de
Sèvres. J'avois soumis plusieurs matières dans de doubles
creusets bien clos, mais sans compression , et malgré un lent
refroidissement, je n'ai obtenu que des produits vitreux , ce
qui n'est pas étonnant, les pyrométres ayant indiqué 110 de-
grés. Je ne citerai qu'un de ces produits.
Le n° 33, formé du porphyre b des Pyrénées, placé dans
un creuset.de porcelaine, a donné un verre obsidienne par-
fait, sans fusion des cristaux de quartz.
F. TII. " Expérience.
Étant toujours s contrarié par la brisure des creusets, et dé-
sirant d'ailleurs opérer sur des masses plus considérables, je
me suis servi de ereusets plus grands, et je les ai placés dans
d'autres creusets cylindriques de fonte faits exprès. L'inter-
D'HISTOIRE NATURELLE. 419
valle a été rempli par dela poudre de quartz fortement préssée
qui dominoit de beaucoup le creuset intérieur, et j'ai placé
sur ce sable un bouchon mobile de fonte, surmonté d'un
boulet dont le poids étoit de 18 livres.
Le feu a duré soixante-neuf heures, et la chaleur, par ap-
proximation avec mes autres aui dci sest élevée de 45 à
5o degrés.
Les trois produits que j'ai oium sont le n^ 37, formé
d'une roche porphyritique fissile avec mica A.
Le n. 38, formé d'une amygdaloide à noyaux calcaires du
Drac i. :
Et le n^ 39, formé d'un granit amphibolique K.
Ces morceaux étoient bien entourés et pressés avec leur
poudre rendue impalpable , bien tamisée , et que j'avois fait
rougir fortement afin de lui enlever toute son humidité,
Les creuseis ont été retirés intacts; mais les matières ont
éprouvé différens effets. J'attacherai surtout les regards sur le
n. 38, dont la pondre a non-seulement éprouvé la liquéfac-
tion ignée parfaite, mais méme la cristallisation comme dans
le n.? 6; cristallisation qui Sapercoit au chatoiement, et qui
ne peut étre douteuse en se rappelant que la poudre étoit
impalpable.
Lorsque j'ai commencé ces expérienées, je ne ponvois avoir
aucune donnée sur le degré de chaleur propre à liquéfier ces
diverses matières , sur la meilleur manière de leur appliquer
la chaleur,sur la quantité de substances gazeuses qu'elles ren-
fermoient, sur l'espansion que pourroient prendre la roche
et la poudre dans telles ou telles circonstances, et sur le re-
irait qu'elles pourroient subir dans d'autres. Je ne pouvois .
420 ANNALES DU MUSÉUM
d'ailleurs que fort peu m'éclairer de l'expérience acquise par
M. Hall, puisque la chaux carbonatée sur laquelle il a tra-
vaillé, n'a'aucun rapport avec les roches simplement ter-
reuses que j'ai traitées, et que ses appareils ne pouvoient
convenir au volume des morceaux sur lesquels j'opérois.
Il ne paroitra donc pas étonnant que dans ces premuers
essaisje n'aie marché qu'en tátonnant, et que les produits de
chacune de mes expériences se trouvent si différens entre eux.
Des substances de diverses natures, des masses plus ou moins
fortes, des appareils différens, la fracture de beaucoup de
creusets sont autant de causes qui ont donné à chacun des
essais. des résultats particuliers.
Aussi pour éviter la confusion où sont ces produits dans
l'exposé des expériences , et les présenter de manière à rendre
sensibles les résultats qui peuvent nous instruire, je vais les
réunir en séries où seront rassemblés les produits similaires.
La premiere série est formée des n." 6, 12, 17, 38, 39.
On y remarque que la poudre de porphyre s'est ramolli sans
changer de nature, et s'est ensuite consolidé en une pierre qui
a une parfaite ice avec les laves lithoides PARE EE ho-
mogene.
Dans cette série, on uices les n.” 6, 17 danslesquels le
morceau de porphyre a été liquéfié Ee c ud. sans avoir
éprouvé de changemens notables dans sa composition et méme
dans sa constitution. Cette liquéfaction est démontrée tant par
l'affaissement qu'ont éprouvé les morceaux , que par leur mé-
lange intime avec la poudre, et par l'uniformité de la páte.
Je donnerois méme comme une preuve irrévocable le fait
que voici. En plaçant le morcéau de porphyre dans le creuset
n. 6, je suis certain que ce morceau touchoit au fond du
D'HISTOIRE NATURELLE. lox
creuset, et cependant on voit dans le produit tous les cristaux
réunis dans la partie supérieure, preuve que la liquéfaction a
été assez compléte pour permettre — des cristaux de
feld-spath (1).
On doit observer que dans ces deux produits les cristaux
de feld-spath du porphyre n'ont éprouvé aucun changement
ni dans leur forme, ni dans leurs caractères essentiels (2).
Les n.” 6 et 38 sont aussi remarquables; car indépendemiheut
de laliquéfaction dela poudre et deson retour à l'état pierreux ,
on y voit de petites lames chatoyantes qui annoncent les ru-
dimens de la cristallisation de quelques parties feld-spathiques.
Cette cristallisation ne peut étre douteuse; car la poudre de
ces porphyres étoit tamisée au tamis le plus fin. Les laves
nous fournissent des exemples de cette cristallisation. ( Voyez
la lave du Puy-de-Dôme, étiquetée B ).
Les produits de cette série sont nouveaux comme résultats
de nos opérations, et ils méritent d'autant plus notre attention,
qu'en les comparant avec les laves lithoides d'apparence ho-
mogene ou pod iis offrent la plus grande analogie
avec elles.
Pour le démontrer , j'ai placé Sous les lettres majuscules
(1) La différence qu'il y a entre le degré de chaleur qu'ont éprouvé cés deux.
produits, est trop remarquable pour ne pas attirer l'attention, puisque les pyro-
mètres annonçoient de 45 à 46 pour le n.° 6, et que pour le n." 17 ils s'élevoient
de 112 à 155. Mais je dois observer, à l'égard du dernier, que les pyrométres
n'étoient pas dans le creuset, et.que ce creuset se trouvant à l'écart hors de l'ac-
tion du soufflet, a dû éprouver un moindre degré de chaleur que celui marqué
par les pyromètres.
(2) Une expérience faite depuis la lecture de ce Mémoire à l’Institut, m’a fourni
deux nouveaux produits à joindre à cette série, dont l’un doit s'unir aux n." 6 et17,
le morceau de porpyhre s'y trouvant complètement liquéfié.
EF 55
422. ANNALES DU MUSÉUM
A,B, C, D, E, plusieurs laves. En les comparant avec mes
produits, on retrouvera dans ceux-ci la méme contexture, le
méme grain, le méme aspect, les mêmes teintes, la méme
dureté , les mémes résultats. Une pesanteur moindre que celle
de la roche dont ils sont formés dansla proportion de2, 5 à
2,7, propriété semblable à celle qu'on observe entre certaines
laves et les roches qu'on suppose leur avoir servi de base.
Les effets magnétiques s'y présentent aussi avec les mémes
variations que dans les laves.
Enfin tout paroit en analogie entre ces produits artificiels
et ceux des volcans, à l'exception d'un peu plus de sécheresse
dans le grain de mes produits, et de la compacité que ces
derniers n'ont pas complètement atteint; mais ces différences
ne seront d'aucune valeur contre l'analogie de ces produits, si `
on veut en étudier les causes. Que l'on compare la force im-
mense de compression à laquelle sont soumises les parties in-
férieures des masses de lave, avec la foible pression qui a agi
sur mes produits, lesquels n'ayant point été comprimés arti-
ficiellement , n'ont cédé qu'à la pression de leur petite masse,
et l'on ne s'étonnera pas alors que la compacité y soit moins
complète que dans les laves ; d'ailleurs il est bien reconnu que
malgré l'énorme poids qui pèse sur la partie inférieure des
laves, il en est très-peu qui soit entièrement compacte. Le
plus de sécheresse. dans le grain de mes produits s'explique
tout aussi facilement , si l'on fait attention que sans appareil
de compression, le fluide aqueux n'a pu se conserver dans
mes essais comme dans l'intérieur des masses de laves, et c'est
à la privation de cette eau de cristallisation, ou eau combinée
avec les substances, qu'est due l’âpreté ou sécheresse du grain
des matiéres attaquées par le feu. Ces deux légères différences
D'HISTOIRE NATURELLE. 423
ne peuvent donc, je le répète, servir d'argument solide contre
la similitude entre ces produits artificiels et les laves lithoïdes,
Mais peut-être m'objectera-t-on que mes produits, au lieu
d’être le résultat d'une liquéfaction particulière , ont subi dans
les fourneaux la fusion vitreuse, et que c'est à la dévitrifica-
tion (1), c'est-à-dire à l'effet d’un long refroidissement qui a
permis la recombinaison des substances dissoutes en verre,
et méme leur recristallisation, qu'est dù le retour de ce verre
à l'état de pierre.
En envisageant la chose du cóté des principes, je répondrai
qu'il est reconnu que lorsque des matières pierreuses sont
portées à la fusion vitreuse, quelques-unes des substances se
dissipent , tandis que les autres se décomposent, se dissolvent et
passent à une nouvelle combinaison homogène qui est le verre:
ainsi le passage à la vitrification est marqué par un triple
changement qui s'opére dans la matière, savoir la dissipation
de quelques substances , la décomposition totale des autres et
la combinaison sous un état tout-à-fait étranger au premier.
Maintenant supposons qu'un lent refroidissement, permette
dans cette matière vitreuse la combinaison de certaines subs-
tances et leur aggrégation, et je demande, sil est possible
de croire que ces nouvelles substances sont les mêmes que
celles de la pierre soumise à la vitrification. Comment cela
pourroit-il arriver, puisque plusieurs des élémens n'existent
plus, et que cette nouvelle production s'opère dans des cir-
constances si différentes de celles qui ont accompagné la for-
mation de la pierre.
D'ailleurs ce que le raisonnement nous indique à cet égard
(1) Voyez Fleuriau de Bellevue , mémoire précité.
92"
451 | ANNALES DU MUSÉUM
est justifié par le fait. J'ai examiné tous les produits de la
dévitrification ; j'ai surtout étudié la collection des cristalites
produits de la fusion vitreuse (1) que M. Fleuriau a eu la
complaisance de m'adresser, et j'y ai observé, j'en conviens,
des substances cristallisées depuis la fusion ; mais ces substances
ne sont nullement semblables aux substances composantes dé
la matière première, il suffit de les examiner pour être per-
suadé qu'elles en different essentiellement, et pour y recon-
noftre des combinaisons nouvelles. Je dirai plus, c'est que l'as-
pect de ces nouvelles substances est beaucoup plus —
de celui de l'émail que de celui de la pierre.
D'après ces données, il est évident que la dévitrification
n'est pas le retour d'une masse de verre à une constitution
pareille à celle de la pierre qui avoit été fondue ; ni même à
celle de ces substances composantes, mais Misión une comè
binaison nouvelle de substances qui, flottant dans un fluide,
peuvent obéir aux lois d'attraction et prendre des formes crista-
lines. S'il en est ainsi, cette opération n'a aucun rapport avec
celle qui m'a donné les produits de cette série , et surtout les
n. 6et 17 , puisque dans ceux-ci on reconnoit toutes les subs-
tances composantes des roches mises en essai. D'ailleurs il
suffit de totparet ces deux espèces de produits am se con-
vaincre qu'il n'y a point d'analogie entre eux.
"Enfin Maece ‘tout-à-fait cette objection en rapportant
(1) Je dis produits de la fusion vitreuse, parce que M. Fleuriau a joint à à ses
cristalites des masses de pierres trouvées dans des fours-à chaux, que je nepuis re-
garder comme des produits de la dévitrification , ayant eu occasion d'observer:d'autres
productions de de fours à à chaux qui, vitrifiées à à la surface comme celles de M. Fleuriau u,
avoient éprouvé un ramollissement dans l'intérieur, sans ane. les substances fussent
dénaturées.
D'HISTOIRE NATURELLE. 425
ce qui s'est passé dans le cours. de mes expériences. Comme
javois toujours en vue d'étudier méme les effets de la dévi- -
trification, j'ai eu le soin de retirer partie de mes creuseis,
aussitôt le ralentissement du feu, pour les livrer à un refroi-
dissement subit, et de laisser les autres à unechaleur lente-
ment décroissante pendant plus de quarante-huit heures. Cette
différence n'a cependant rien produit; car dans la méme ex-
périence les matières refroidies :subitement .se trouvoient au
méme état que celles refroidies lentement. J'ai aussi remarqué
que dans des opérations où toutes mes substances ont. passé
à la fusion vitreuse, aucune n'a éprouvé de dévitrification,
malgré le long refroidissement (1), et je puis même assurer
que dans tous mes essais je n'ai aperçu aucune chose qui püt
faire attribuer la forsan. t deis mes produit à l'acte de la dé-
vitrification. DE: oqu:02 g2 9558950059381 `
Je crois seulement déioii les rudimiens dé là ets d
qui se inontrent dans la páté des n ^ 6 et 38, soit à la pro-
longation de l'état de fluidité ignéé”après la fetis pu
duite, soit au lent décroissement dq d3cialetr 00 HOUSE
-il Axis ; quoiqué les produits « de cette série ne Soient pas aussi
nombreux que je l'eüsse- désiré; quoique ‘deux Seulement , les
5." Get 17 nous offrent là liquéfaction parfaite du porphyré
en masse; quoique aücun de ces produits ne soit le résultat
de la compression, máis- seulement celui d'une férmeture
exacte au sie" de substances infusibles et est à de doubles
(1) 11 ne faut pas s'étonner si je n'ai pas obtenu de diviteifiátioh dal es produits ;
la-nature et la quantité des substances -qui entrent- T Dr nes verres
et leur différente pesanteur spécifique ; influent tellemen ilité dela dévitri
fication et sür le temps qu'elle me ge. sis "^ est tout nitur - Bop mes
vitrifications au nombre de celles qui q
426 ANNALES DU MUSEUM
creusets, leurs caractéres me paroissent assez prononcés pour
démontrer ce nouveau genre de liquéfaction.
J'ajouterai encore que je ne suis ni du sentiment de Do-
lomieu, qui présumoit que le soufre pouvoit étre un des
agens de ce genre de liquéfaction, ni de celui de Breislac (1)
qui l'atiribuoit à de leau chargée de soude muriatée. Mes
expériences. me donnent lieu de croire que le calorique,
sans aucun aide, peut produire la liquéfaction ignée qu'ont
éprouvé mes produits et les laves lithoides; et on seroit, je
crois , plus fondé à considérer l'acide muriatique, ainsi que
certaines substances combinées avec les matiéres, comme les
agens, qui par leur décomposition, produisent la chaleur qui
attaque la matière dansles profonds laboratoires des volcans(2).
La seconde série se compose des n. 1,8 102143999037,
On y remarque que toute la partie en re s'est Peer et
reconsolidée à létat de certaine lave appelée porcelanite, à :
cause de leur aspect qui annonce un commencement de vitri-
fication. Pour les morceaux de porphyre, ils ont été assez
ramollis vers les surfaces pour faire corps avec la poudre li-
quéfiée; mais ils ne lont pas été assez dans l'intérieur pour
que la masse s'affaissát et püt couler : j'en excepte cependant
le n° 26, dont le morceau s'est. entièrement liquéfié et recon-
solidé en une pâte qui, comme je viens de l'expliquer, est
intermédiaire entre l’état pierreux et l'état vitreux, et qui se
rapproche d'autant plus de ce dernier état, que la matiére
offre moins d'épaisseur.
(1) Voyage physique m la Campanie, vol. I, p. 292.
(2) On pourroit méme indiquer parmi ces agens de la chaleur ls métaux nouvelle-
ment découverts dans la soude et la potasse, ainsi que me l'a observé M. Bertholet,
D'HISTOIRE NATURELLE. 427
Cette série, qui ne présente que des constitutions intermé-
diaires prises dans le passage de l’état de pierre à celui de la liqué-
faction ou à celui de la vitrification , n’a rien de remarquable
quela similitude de quelques-uns de ses produits avec certaines
laves porcelanites. ( Voyez une de ces laves sous la lettre H ).
Leur examen fait cependant naitre une question, celle de
savoir si une chaleur plus forte ou plus prolongée les eût fait
passer de l'état où ils sont à celui de la liquéfaction ou à celui
de la fusion vitreuse; mais j'avoue que je n'ai pas acquis de
données assez exactes pour pouvoir prononcer à cet égard:
jobserverai seulement que l'air qui s'est introduit à travers
quelques-unes de ces matières, soit par le retrait, soit par
exhalaison, auroit pu déterminer plusieurs de ces essais vers
la vitrification. Au surplus, ce sera un sujet d'observation
pour la suite que je me propose de donner à mes expériences,
et je ne présente pour le moment ces produits que comme
objets de comparaison.
Je passe à la troisième série qui renferme les n." 3,4, 5,
19 , 21, tous produits de la fusion vitreuse ; mais ils n'en sont
pas moins intéressans, puisqu'on y observe que la poudre et
les morceaux ont éprouvé la vitrification , tandis que les cris-
taux inclus ont résisté à cette fusion en conservant méme leur
structure lamelleuse. On remarque que ces cristaux ont les
mémes caracteres que ceux des laves porphyritiques ; ils se
sont décolorés et ont généralement blanchi, hors dans quelques
cas particuliers dont on peut voir un exemple dans les Es
14, 17 des séries précédentes, oà la noirceur qu'ont pris les
cristaux de feld-spath semble due à la décomposition des py-
rites que contient ie porphyre dont ils sont formés.
Le n.? 19 se distingue dans cette série en ce qu'il est formé
4358 ANNALES DU MUSEUM
d'un granit, et que les substances composantes , quoique fon-
dues en verre et tourmentées par le boursouflement, ne se sont
point mélangées. -
A Yexamen des produits de cette série dans lesquels on
voit la pâte des porphyres s'être fondue en verre, sans que
les cristaux de feld-spath aient été altérés sensiblement; à la
comparaison de ces produits avec les laves obsidiennes por-
phyriques d'Ischia et de "Ténériffe, mises sous vos yeux et
étiquetés Z^, G, on ne peut douter que les cristaux inclus dans
les laves Sr SEVRES lithoides et vitreuses n'existassent dans
la matière avant sa fusion. Ce probléme me paroit irrévoca-
blement résolu par mes essais en faveur de cette préexistence
que- Dolomieu avoit continuellement soutenue, et je me dis-
peni ai de lappüyer par aucun raisonnement.
En décidant cette question , je n’entends cependant pas sos
qu'il ne puisse pas se former de cristallisation aprés] la liquéfac-
tion ; car lorsque j'ai fait remarquer les n." 6 et 8, j'ai annoncé
cette cristallisation postérieure dont ils sont des exemples:
mais ces cristaux pré éexistans et Ces cristaux nouveaux peuvent
se distinguer à l'examen scrupuleux :la formation récente des
uns et les atteintes de la chaleur qu'ont éprouvé les autres,
leur — à chacun des caractères assez distinctifs.
Ma quatrième série , bee ji ufa a3 et. iiis a pour
objet de démontrer qu une tres-haute aera peut vaincre
la résistance des cristaux de feld-spath , puisque dans ces trois
produits ces cristaux ont disparu entièrement, et que les
grains blancs qu'on voit dose les n° 21 et 24 sont des grabs
de quartz.
On peut aussi, par une conséquence tirée du n° 23, dans
lequel toutes les matières ont cédé à la fusion vitreuse, avancer
D'HISTOIRE NATURELLE. 429
qu'il seroit possible que quelques laves vitreuses homogènes,
dites obsidiennes, soient formées par un porphyre. -
Enfin je place en cinquième série les n." 2 et 1r, pour
faire connoitre dans quel état se trouvent les matières dans le
moment qui précède la.liquéfaction. Le n? 2, qui a été soumis
au méme feu et placé dans les mêmes dispositions que le n? 1,
série 2, servira, en le comparant à ce dernier, à faire voir
quels. effets différens la méme chaleur a poia sur ces deux
espèces de porphyre.
Si, comme on vient de le voir, mes premières expériences
m'ont donné la satisfaction d'alinóncer une nouvelle liquéfac-
tion ignée des matières pierreuses, je. dois avouer que sous
d'autres rapports elles me laissent beaucoup à désirer, puisque
malgré ce succès, je n'ai pu y puiser la théorie complète du
traitement et des conditions nécessaires pour faire passer avec
certitude les roches à cet état de liquéfaction. Il y avoit
tant de recherches à faire, tant de précautions à prendre,
qu'on se persuadera facilement que les premiéres expériences
ne pouvoient être que des tentatives, surtout si on considère
_que les creusets de toutes espèces dont je ine suis servi, ont ,
malgré tous mes soins, rarement résisté, soit à la haute tem-
pérature de la chaleur, soit à la longue durée des expériences.
Aussi n'entroit-il point dans mes projets de donner jour à
mes premiers résultats, avant d'avoir obtenu, par de nouveaux
travaux, la connoissance des moyens propres à produire sans
incertitude cette liquéfaction; et si je mets au jour ces pre-
miers essais, c'est que quelques personnes m'ont représenté
que plusieurs savais s'occupant essentiellement des produits
volcaniques, il étoit important de publier des travaux qui dé-
11. “00
430 ANNALES DU MUSÉUM
cidoient les deux questions principales de la théorie des volcans,
et de faire connoitre des résultats qui doivent servir de base
à la distribution des matiéres volcaniques faisant partie des
ouvrages de Dolomieu, que je suis à la veille de publier.
J'espère qu'à l'aide des appareils que je me propose Qem-
ployer pour rendre mes produits moins incertains , je pourrois
dans quelque temps donner des notions précises sur ce nou-
veau mode de liquéfaction ; mais dans ce moment je m'en
tiendrat à poser quelques idées générales puisées dans la com-
binaison des données que m'a fourni l'ensemble de mes ex-
périences. Je les énoncerai brièvement dans mes conclusions,
me réservant d'en donner la partie rationelle lorsque je dé-
velopperai la théorie complete de cette liquéfaction.
.Résumant donc les idées que je viens d'énoncer et les -—
cipes généraux qui découlent des résultats de mes expériences
en général, je peux établir les conclusions suivantes.
1- Les roches ou pierres, par une application particulière
de la chaleur et dans certaines circonstances, peuvent étre
conduites à un état de liquéfaction ignée tel, qu'elles peuvent
couler , sans iine pour cela elles perdent presque aucun de
leurs princip tit ;sans que les substances composantes
se dissolvent; comme pata fusion vitreuse ; et sans qu'il y
ait même aucun changement notable dans la constitution de la
roche, à tel point que cette matière liquéfiée donne, en se recon-
solidant , une pierre où l'on retrouve dans le même état et
dans les mémes dispositions les substances composantes de
la roche,et une pierre qui aune caecum ressemblance avec les
laves lithoides.
2.*. Le principe général peur parvenir à cette liqaéfaction
ignée est de s'opposer au dégagement des substances expan-
D'HISTOIRE NATURELLE. 431
sits ; empêcher l'accès d'aucune substance étrangère, et
‘écarter la matière de toute ápplication immédiate du feu.
Dans cette opération , l'action du calorique opère seulement
le ramollissement de la matière en détrüisant pour le moment
la cohésion fixe des molécules; mais elle n'entraine pas la dé-
sorganisation des substances, comme dans là fusion vitreuse;
Je nomme ce genre de fluidité Zquéfaction ignée pour le
distinguer dela fusion vitreuse qui conduit les matières mi-
nérales pierreuses à l'état de verre, et je désigne cette der-
nière fusion par l'épithéte,vitreuse pour qu'on ne la confonde
point avec la fusion métallique, qui a un résultat tout différent;
3^ Les diverses espéces de roches ou pierres ne demandent
pas le méme degré de chaleur pour passer à cette liquéfaction.
Dans ce moment je ne puis assigner au juste, ni le terme le
plus bas, ni le terme le plus élevé; cependant ce dernief me
paroit devoir étre aux environs de 5o degrés du pyrométre
de Wedywood, tandis que le degré le plus bas est au-dessus
de la.température d'un four à chaux : car ayant placé deux
fois plusienrs essais dans un de ces fours à un feu de soixante-
douze à quatre-vingts: heures, j je n'ai obtenu aucun putes
ment dans la matière.
Une température au-dessus du terme convenable porte le
irouble dans la matière, et la détermine vers la MR vi-
ireuse (1).
(G) Dans ces expériences, on ne sauroit mettre trop de soin à élever lentement
la température , le calorique s'insinuant beaucoup plus facilement dans la poudre
que dans la roche en masse; cette poudre étant la premiére à recevoir l'action de
la chaleur, et ayant aussi plus de tendance que la masse pour passer à la fusion
vitreuse, il est. toujours à craindre que quelques particules ne se vitrifient; car
une fois la dissolution vitreuse opérée dans un point, elle entraine de proche en
proche celle de toute la masse.
56 *
\
435 ANNALES DU. MUSÉUM
4° Il ne suffit pas d'arriver au degré convenable de cha-
leur, il faut encore soutenir long-temps cette température
et surtout la prolonger en raison dela grosseur des morceaux
qu'on veut liquéfier, la pénétration des grosses masses doit
s'opérer par l'effet du temps et non par l'augmentation d'in-
tensité dela chaleur. L'on sait que cette pénétration du calo-
rique dans les pierres est extrémement lente.
5°. La compression n'est pas nécessaire pour les roches
qui sont composées d'élémers terreux, et qui contiennent peu
de substances expansives ; une ferméture exacte, sans aucun
vide, et la matiére en assez forte masse pour qu'une portion
soit comprimée par l'autre, suffisent dans ce cas.
6° La compression est au contraire nécessaire sur les roches
ou pierres qui ont pee élémens constituans des SNE
que la chaleur met à l'état aériforme. «=
.. 3? L'observation m'a démontré que la en dib Folies
que j'employois n'étant pas sèche, éprouvoit dans les creusets
un retrait, et que. ce retrait formant des vides, donnoit
accès à des substances aériformes qui disposoient souvent la
poudre à la fusion vitreuse. Pour éviter cet inconvénient,
jai fait sécher au rouge la poudre de quelques porphyres, et
par ce procédé la liquéfaction ignée n'a été que plus assurée;
mais il faut remarquer que lon ne peut l'employer que sur
des matiéres qui n'ont pas pour élémens des substances ga-
zeuses, et que —— pureroira à tous — inconvéniens
de ce genre. |
8. L'addition d'une substance étrangère n'est point néces-
saire. J'ai fait es essais en ajoutant du muriate de soude
et du soufre; je n'ai pas remarqué € cela dût changer au-
cune des conditions requises.
—
D'HISTOIRE NATURELLE. 433
9.° Le rapprochement des molécules similaires peut avoir
lieu dans certaine matière liquéfiée, et produire des rudimens
de cristallisation lexique le prolongement de cette fluidité lai
laisse de temps de s opérer.
10." La liquéfaction ignée et la fusion vitreuse sont dede
opérations bien distinctes. Dans la liquéfaction ignée, le calo-
rique détruit momentanément la cohésion fixe des substances,
sans changer leur nature. Dans la fusion vitreuse au contraire
toutes les substances composantes s sont dissoutes pour former
le verre, matière homogène qui n'a plus de rapport avec la
matière première.
La cristallisation , suite de la liquéfaction 1 ignes. citée dde
sus, article 9 , et la dévitrification, suite de la fusion vitreuse
annoncée par MM. Hall, d'Artigues et Fleuriau, sont aussi
deux opérations différentes , quoique l'une et l'autre le résultat
de la prolongation de la fluidité ignée. En effet la cristallisa-
tion est un simple rapprochement des molécules similaires
qui n'ont. cessé d'exister dans la matière liquéfiée; au lieu que
la dévitrification est une nouvelle formation de substances qui
s'opère dans le fluide vitreux où toutes les parties sont dis-
'soutes , et ces substances ne sont jamais entièrement semblables
à Me qui composoient la matière avant la fusion. |
° De ce qui précède, on ne peut sempécher de conclure
e ER que les laves lithoides sont le produit de la li-
quéfaction ignée. La chaleur obscure , résultat des actions chi-
miques, qui se communique sans combustion aux matières dans
les profondes cavités de la terre , et la compression A
vent leurs énormes masses, sont lis mémes conditions qu' enge
la liquéfaction artificielle que j'ai obtenue.
Par là, je n'écarte. point. cette grande pensée sur la fluidité
/
434 ANNALES DU MUSEUM
páteuse de l'intérieur du globe, mise au jour par Dolomieu.
Cette hypothèse , si favorable à l'explication de beaucoup de
phénomènes géologiques , ne pourroit que confirmer et rendre
plus facile cette liquéfaction ignée des laves lithoides.
12. Les cristaux de feld-spath , inclus dans les porphyres,
ne perdent à la liquéfaction ignée ni leur forme, ni leurs
caracteres essentiels.
Ces mémes cristaux résistent à l'action sito lors
méme que la pâte du porphyre a passé à la fusion vitreuse,
et cependant cette páte contient aussi la substance feld-spa-
thique. Cela confirme ce principe , qu'une. substance en mé-
lange avec d'autres est plus fusible qua qe elle forme une
masse homogène.
Il faut une trés-haute majice pour que les cristaux i:
feld-spath se dissoivent dans la pâte vitreuse.
132 Enfin, desprincipesétablis dans ce dernier article, on doit
encore conclure que les cristaux de feld-spath inclus dans les
laves porphyriques soit lithoïdes, soit vitreuses, ainsi que les
cristaux d'autres espèces qu'on y trouve, tels que les amphi-
gènes , les angites ( pyroxene ), etc., existoient dans la matière
avant qu'elle devint fluide.
Il est cependant une exception à cette règle génápale pour
certaines laves lithoides ; car il est de ces laves dont les petits
cristaux ont été formés peridant la fluidité ignée, ainsi que
cela est expliqué, article 9. Quelques caractères particuliers
à cette nouvelle formation , peuvent servir à les faire recon-
noitre. Cependant la distinction entre ces deux sortes de cris-
taux n'est pas toujours facile. :
Je bornerai les conséqnences qu'on peut tirer des résultats
D'HISTOIRE NATURELLE. 435
de ces premiers essais aux deux applications que je viens
d'en faire sur la liquéfaction ignée , particulière aus& laves
lithoides , et sur la préexistence des cristaux. A la vérité,
la liquéfaction ignée donne naissance à des laves, et ces laves
sont des pierres qui ont beaucoup de ressemblance avec nos
roches: et, sous ce point de vue, on pourroit donc étendre les
rapports de mes produits jusqu’à ces substances primordiales;
mais il faut tout observer. Les laves, comme mes produits,
ont aussi certains caracteres qui les éloignent tout-à-fait de
nos roches lorsqu'on les considére dans leur formation. D'un
autre côté, la formation des laves lithoides et les phénomènes
volcaniques, quoique de tous les áges, sont néanmoins parti-
culiers à quelques circonstances locales, et ne peuvent avoir
que des rapports indirects avec les phénomenes qui ont opéré
la consolidation générale. Ce seroit donc bien se hasarder
que de vouloir appliquer un procédé qui jusqu'à présent
ne m'a fourni que des laves artificielles, à la théorie de la
formation de la terre.
M. Hall, qui est parti du traitement de la chaux carbo-
natée par la compression , à fait servir ses expériences au
soutient du systéme de Hutton, en s'attachant à des suppo-
sitions qui, d'aprés ses combinaisons et ses calculs, pour-
roient peut-être se trouver dans l'ordre possible. Je ne dis-
cuterai pas ici sur la justesse de l'application de ses pro-
cédés à l'explication de plusieurs opérations de la nature;
mais je m'étonne que ce savant , en étendant fort au loin les
conséquences de ses résultats , n'ait pas commencé par nous
instruire sil croyoit les devoir à une Ziquéfaction ignée de
la craie, ou s'il les regardoit comme le produit de la dépi-
436 ANNALES DU MUSEUM
trification , et dans ce doute, si l'on juge de son opinion d’après
son Mémoire sur la fusion des whinstones et des laves, im-
primé dans les Transactions de la Société royale d Edin-
burgh, année 1798 , on est fondé à croire qu'il attribuoit ces
produits à la dévitrification. :
Quant à moi je pense au contraire que l'opération qui a
conduit la craie pulvérisée à la contexture du marbre salin,
dans les appareils de M. Hall, est une liquéfaction pareille
à celle que j'indique (1) : cette substance n'a point passé par
l'état vitreux pour se dévitrifier ensuite et devenir marbre ; et si
M. Hall n'a point reconnu l'opération qui avoit lieu dans ses
expériences , c'est que , fortement pénétré de l'idée que les laves
lithoides avoient passé par l’état vitreux , et que toute pierre
soumise à l'action du feu ne pouvoit revenir à l'état pierreux
que par une reconstitution nouvelle ou la dévitrification , il
s'est trouvé satisfait par des résultats conformes à ses idées ,
et n'a pas imaginé que ces résultats étant tels qu'il les cher-
choit, il dàt les attribuer à d'autres principes qu'à ceux qu'il
avoit concus. | 5.
i Ainsi en rendant hommage aux grandes lumières de M.
Hall, et en admirant ces précieux produits, je dois dire que
la liquéfaction ignée dont je viens de déduire les principes et
qui lui a fourni ces résultats , ne lui étoit point connue, puis-
qu'il existe cette différence entre nous qu'il pense que la ma-
tière a été complètement fondue pour revenir à l'état pier-
(1) Le grain salin ou pour mieux dire cristallisé qui distingue quelques-uns des
produits de M. Hall, est dà à l'opération décrite ci-dessus, conclusion 9, et se
retrouve dans mes produits, n." 6 et 38. ;
D'HISTOIRE NATURELLE. 437
reux, et que j'annonce au contraire que dans la liquéfaction
les substances sont seulement ramollies par l'interposition du
calorique, sans qu'il en résulte changement d'état. Les n.” 6
et 14 sont, je crois, des preuves évidentes de ce que j'avance.
Je finis par observer que si la nature de mes produits res-
ireint l'application de cette liquéfaction ignée à la théorie des
volcans, j'ai cependant trouvé dans les premiers essais quel-
ques raisons pour espérer qu'en perfectionnant les appareils
de compression et modifiant de diverses manières cette nou-
velle liquéfaction , elle ne seroit point inutile à la solution
de quelques-uns des grands problémes de la géologie.
Cet espoir seul peut me faire surmonter tous les obstacles
qu'offrent des expériences aussi délicates, soit par la difficulté
de trouver des appareils convenables , et la certitude de leur
destruction à chacune des opérations qui, par leur durée,
attaquent toutes les substances, soit par la longueur et l'assi-
duité des soins que demandent ces dispositions.
"era
kc ad
^j
438 ANNALES DÜ MUSEUM
SUITE DES PLANTES
DU COROLLAIRE DE TOURNEFORT,
PAR M. DESFONTAINES,
Hirpermicow cierarum ( Millepertuis cilié ). Tab. 41.
H. floribus trigynis ; calicibus serrato-glandulosis ; caule
ancipiti, herbaceo , erecto; foliis amplexicaulibus ovatis,
pellucido punctatis. Wu». Spec. 3 , p. 1462.— Dzsnovsskavx ,
Encycl. 4, p.171. — Androsæmum Sambac perfoliato folio.
Bocc. Mus. t. 127.—H. perfoliato folio. Tourner. Inst. 255.
—H. creticum amplissimo folio nitido. Tourner. Cor. Inst
18. — Vélins du Muséum, v.
La racine, suivant Tournefort , est dure, roussátre , longue
d'un pied , garnie de fibres chevelues.
Tige droite, cylindrique, lisse, rougeátre, simple ou ra-
meuse , haute d'un ou deux pieds, marquée de deux petites
lignes saillantes , opposées, qui alternent d'un nœud à l'autre,
et naissent de la nervure moyenne de la feuille.
D'HISTOIRE NATURELLE. 439
Feuilles glabres, ovales, un peu obtuses, opposées, sessiles,
embrassantes, entières, vertes , lisses en dessus, d’une couleur
pâle en dessous, parsemées de petites vésicules transparentes
comme celles du Millepertuis commun, H. perforatum, Lin.,
longues d'un pouce à un pouce et demi, sür huit à douze
lignes de largeur. Les supérieures plus écartées que les infé-
rieures , qui sont un peu plus longues que les entrenceuds.
Pédoncules une ou plusieurs fois bifurqués, disposés en
corymbe à l'estrémité de la tige; une seule fleur dans chaque bi-
furcation: les autres naissent solitaires le long du bord interne
desrameaux, soutenues chacune sur un pédicelle court, accom-
pagné à sa base d'une petite bractée aiguë; elles sont d'abord
très-rapprochées , puis les pédicelles s'allongent, et alors elles
forment des grappes unilatérales.
"Calice persistant, à cinq divisions profondes, ovales, obtuses,
ciliées , tachetées de points noirátres.
Corolle jaune, large d'environ six lignes, deux fois plus
longue que le calice. Cinq pétales ouverts, elliptiques, obtus,
parsemés latéralement de petites taches brunes.
Étamines nombreuses, jaunes , polyadelphes , plus courtes
que la corolle. Anthéres petites.
Ovaire supere, ovale, glabre , surmonté de trois styles gréles,
divergens , de la longueur des étamines, terminés par un pt
stigmate globuleux.
Capsule ovale , obtuse , rousse, un peu plus longue que le
calice , parsemée de petits tubercules glanduleux , à trois valves,
à trois loges polyspermes. Graines petites, oblongues.
Tournefort a trouvé cette plante dans l'ile de Crète, elle >
est décrite dans $es manuscrits.
6E
-
440 * ANNALES DU MUSEUM
B
Rura panvircora, ( Rue à petites fleurs ). Tab. 43.
R. caule ramoso , pubescente; foliis lanceolatis , integer--
rimis ; filamentis capsulisque hirsutis, mucronatis. — R, orien-
talis Linarie folio , flore parvo. Tourner. Cor. Inst. 19.— Vé-
lins du Muséum. i
Cette espèce-ressemble beaucoup au Ruta linifolia , Lin.,
avec laquelle je l'avois confondue dans la Flore Atlantique,
ct M. Poiret les avoit également réunies dans le Dictionnaire
encyclopédique ; mais un examen plus attentif m'a fait trouver
des caractères particuliers qui distinguent ces deux plantes.
Toutes les parties du R. linifolia ; à l'exception des filets des
étamines, sont glabres. Les feuilles, les tiges et les calices du
R. parviflora sont au contraire pubescens; ses capsules sont
hérissées de poils, et chaque lobe est surmonté d'une petite
pointe; enfin ses fleurs sont plus petites ‘et ses~ pétales plus
étroits, 6
Le dessin d'Aubriet, dont j'offre la gravure, ne rend pas
avec exactitude tous les caractères du R. parviflora. Les poils
des étamines et de la capsule, ainsi que les pointes qui en
terminent les lobes, n’y sont pas fidèlement représentés, c’est
ce qui m'a déterminé à y ajouter une fleur et un fruit dessinés
d'après-nature.és 3 4954 (ar cocao e
Tige droite, rameuse, cylindrique, haute d'un pied, cou-
verte d'un duvet court et serré.
Feuilles alternes , simples, lancéolées, entières, pubescentes,
x un peu charnues, d'un vert pâle, prolongées latéralement
. sur le pétiole, ressemblantes à celles du R. Linifolia, Lin.
D'HISTOIRE NATURELLE. . 44i
Fleurs petites, en corymbes. Les pédonicules latéraux pu-
bescens, plus longs que celui du centre.
Calice velu , très-petit. Quatre ou cing disons profondes,
ovoïdes , iis avec les pétales.
Cérolle : à quatre où cinq pétales distincts, jaunes, élliptiques,
obtus, ouverts, larges d’une’ ligne, sur trois ou quatre de
Taten,
Huit ou dix étamines. Filets velus, dlargis et aplatis infé-
rieurement, Anthères globuleuses , mobiles.
Un style. Un stigmate en tête.
Une petite capsule à quatre ou cinq lobes convexes en
dehors, velus, obtus , terminés par une pointe, parsemés de
petites éminences glanduleuses, ouvrant intérieurement en
deux valves, et pren panim dics réniformes et
chagrinées. :
Elle est Du T
CucUBALUS SPERGULIFOLIUS. ( Gucuybale.: à deg d AMO).
fs Lab. 43. Fe | NE 2 :
C. pubescens , caulibus Tibeni, diffusis ; Folii
subulatis ; calicibus inflatis , sulcatis , villoso viscidis ; flo-
ribus pedunculatis ; aggregatis ; ; petalis bifidis. — C. petalis
bifidis ; calicibus inflatis , striatis , glanduloso-scübris ; pa-
nicula secunda ; foliis linearibus, verticillatis. Vit. Spec. 2,
p. 6go. — Lychnis orientalis -Caryophylli holostei n
Tourner. Cor. Inst. 24. —Vélins du Muséum. v. - —
Du collet de la racine sortent. plusieurs tiges .gréles, cylin-
driques, pubescentes, rameuses; étalées ; tonibantes ;: entré:
coupées de nœuds saillans peu écartés les uns des autres.
Nas À
442 ANNALES DU MUSÉUM
Feuilles. étroites, linéaires, aigués, ciliées, un peu plus
longues que les entrenceuds. Dans leurs aisselles se irou-
vent communément de petits faisceaux d'autres feuilles qui
les font paroitre verticillées.
Fleurs rapprochées, de la grandeur de celles du Behen
blanc (C. Behen ,Lin.), placées aux sommités des tiges , et.quel-
quefois dans une partie de leur longueur, réunies en petits
paquets sur des pédoncules courts et axillaires.
Calice renflé, sillonné longitudinalement , rétréci au sommet
et à la base, garni de soies visqueuses très-courtes, terminé
par cinq petites dents ovales.
Corolle composée de cinq pétales blancs en dessus, d'un
jaune sale en dessous, ouveris et quelquefois renversés, lies; ;
découpures ne obtuses.
. Dix étamines. Filets blancs, gréles. Anthères petites.
< Ovaire supère, surmonté i trois styles blancs ere,
aigus.
Je n'ai point vu le frait.
Cette plante est indigène à l Arménie.
zc VARIEGATA. ( Lychnis moucheté ). Tab. 44.
T. glabra, folis. und. CArROSIS ; abc basi con-
natis ; floribus terminalibus ; nl emarginalis, varlegalis.
— L. cretica montis Idæ, folio Subrotundo cæsio. Tourner.
Cor. Inst. 24.— Vélins du Muséum. v.
Ce Lychnis, mbetumbh surtout par ses jolies fleurs veinées
de petites bandes violettes sur un fond roux ou grisátre, croit
D'HISTOIRE NATURELLE. 443
sur les sommets du Mont Ida, dans des terrains pierreux ,
où Tournefort le découvrit en 1700, dans le courant de
juillet. On en trouve une description exacte dans ses ma-
nuscrits.
Racine brune extérieurement, blanche à l'intérieur, par-
tagée en plusieurs grosses fibres , longue de sept à huit pouces,
sur quatre ou cinq lignes d'épaisseur. Deson collet sortent
des tiges cylindriques, glabres, droites, simples ou seule-
ment rameuses à la base, et qui ont deux à quatre pouces de
hauteur.
Feuilles opposées, épaisses, grasses , glabres, arrondies ,
larges de huit à dix lignes, trés-entières , couvertes d'une
poussière bleuátre , soutenues sur un pétiole creusé en gout-
tière , élargi à la base et embrassant la tige.
Fleurs terminales , au nombre de trois ou quatre , verticales,
es chacune sur un court pédicelle.
Calice persistant , cylindrique, un peu renflé, d'une couleur
violette, long de six lignes, couronué de cinq dés ovales.
Corolle à cing pétales ouverts en étoile, échancrés profon-
dément, veinés de petites lignes violettes ridi sidus sur un
fond gris ou roussátre, ayant chacune à leur base deux ap-
pendices obtus, verdátres , qui, par leur rapprochement , for-
ment une petite couronne au centre de la corolle.
Onglets blancs, de la longueur du calice.
Dix étamines , dont cinq opposées aux pétales , adhérent à
la base des onglets. Filets blancs, gréles, cinq plus — que
les autres. Anthères jaunes, petites.
Ovaire supere. Cinq unes pen, sed aigus, recourhés
entre les pétales.
444 ANNALES DU MUSEUM
Je wai point vu la capsule, et Tournefort n'en fait pas
mention.
COTYLEDON PARVIFLORA. ( Cotyledon à petites fleurs ). Tab. 45.
| è
C. Foliis carnosis, subrepandis , orbiculatis , cucullatis ;
floribus dense confertis , racemosis ; corolla rotato-campa-
nulata. — C. creiica, tuberosa radice, flore luteo parvo.
Tourner. Cor. Inst. 2. — Vélins du Muséum.
Racine. charnue, rousse, irréguliórement arrondie, de la
grosseur d'une Rosen garnie de fibres rameuses et iné-
gales.
Tige droite , violette, rope ad S glabre, ferme,
simple ou peu rameuse , épaisse denyiron trois lignes, haute
de huit à douze: pouces.
Feuilles charnues , molles, glabres, alternes , orbiculaires,
creusées en capuchon, légérement sinuées sur les bords, res-
semblantes à celles du Cotyledon umbilicus, Lin. Les ck
rieures portées sur un pétiole cylindrique; les A he +
sessiles. €t plus. petites. i
Fleurs petites „ jaunes, iac disposées en grappes
cylindriques, d'un à deux pouces de longueur; celle du som-
met plus longue que les latérales. Pédicelles très-courts.
Calice fort petit, à cinq divisions profondes, oblongues,
obtuses.
Corolle à cinq divisions p cupri ms, aiguës, ouvertes.
Largeur du limbe d'environ trois lignes.
*
ME À
=
D'HISTOIRE NATURELLE. 445
Cinq étamines. Filets blanchâtres , terminés par: une petite
anthère jaune, plus courts que la corolle.
Tournefort dit dans son manuscrit que les ovaires sont au
nombre de trois ou quatre. |
. Je n'ai point vu le fruit.
Cette. belle plante croit dans l'ile de Candie. Elle est décrite
dans le manuscrit de Tournefort.
CRASSULA cRENATA. ( Crassule crénelée ). Tab. 46.
C. herbacea , caulibus ascendentibus , inferne repentibus ;
foliis oppositis, obovato-rotundatis, crenatis ; floribus cy-
mosis , secundis. — Anacampseros orientalis , folio subro-
jado. minori, eleganter crengto. Tourner. Cor. Inst. 19. —
Vélins du Muséum.
Cette jolie espèce de Crassule, originaire d'Arménie , res-
semble tellement au Sedum hybridum, Lin., qu'on pour-
roit les confondre, si l'on n'y faisoit pas une attention par-
ticulière ; mais outre qu'elles n'appartiennent pas au méme
genre, la position des feuilles sur les tiges offre un très-bon
caractère pour les distinguer. Celles du Sedum hybridum
sont alternes , tandis qu'elles sont opposées dans le Crassula
crenata.
Du sommet dela racine, qui est rameuse et garnie de
beaucoup de fibres , sortent des tiges herbacées , cylindriques,
simples ou peu rameuses, longues de quatre à six pouces,
rampantes à la base, couchées, montantes ou quelquefois
TA
446 ANNALES DU MUSEUM
droites, nues inférieurement et parsemées de petites aspérités
formées par l'impression des feuilles. |
Feuilles glabres, charnues, opposées, glauques , ovales-
renversées, crénelées , arrondies au sommet, rétrécies vers
la base, décurrentes sur un pétiole court, plus longues que
les entrenceuds, larges de cinq lignes, sur une longueur presque
double, en y comprenant le pétiole. :
Fleurs terminales en corymbe, presque sessiles, disposées
d'un seul cóté le long de chaque rameau.
Calice à cinq divisions trés-profondes, étroites, aiguës.
Corolle blanche; à cinq divisions (ou pétales ? )'ovales-lan-
céolées, trés-aigués, blanches, ouvertes en étoile, plus longues
que le calice. Diamètre de la fleur d'environ cinq lignes.
Cinq étamines un peu plus courtes que la corolle. Filets
blancs , aigus, élargis vers la base , alternes avec les divisions
de la corolle. Anthéres petites, mobiles, couleur de safran.
. Cinq ovaires aigus, disposés circulairement,
Le fruit m'est inconnu. :
D'HISTOIRE NATURELLE. 447
MEMOIRE
Sur le grand Buccrx de nos côtes ( Buccinum
undatum, Lin.), et sur son anatomie.
PAR €. CUYVIEÉR
Muss , en décrivant son tritonium undatum’, qui est notre
buccin ( Zool. dan. IT, p. 13), se plaint qu'aucun auteur
n'ait songé à faire connoître un animal aussi commun. Il ou-
blie la description de Lister ( Exerc. anat. IT, p. 68) qui
est beaucoup plus exacte que celle de Müller lui-même ,
non-seulement parce qu'elle est anatomique , mais encore parce
que Lister y parle en détail de deux parties extérieures dont
Müller ne fait aucune mention , la verge et la trompe.
Cependant Lister n’a point donné encore des détails suffi-
sans, ni des figures assez claires; et les autres naturalistes
qui ont fait représenter des animaux de buccins, se sont
bornés à l'extérieur : tels sont Fabius Columna ( de purpura,
p. 16), copié dans Lister, tab. anat. 8, fig. 7 , pour le buc-
cinum arcularia ; Réaumur ( Mém. de l'acad. 1710 et 1711)
07
448 ANNALES DU MUSÉUM
pour le buccinum reticulatum; Adanson ( Sénég. pl. IF,
fig. 1) pour le buccinum miran, Brug. ; et ( pL X, fig.1)
pour le buccinum oculatum, ejusd. ;.enfin , Plancus ( Conch.
min. not. pl. 4I, fig. 3 ), Bone le buccinum neriteum.
Ils ne nous laissent pas méme tous juger si la partie al-
longée » et qu "ils représentent comme un troisième tentacule s
est la verge ou le syphon, et très-peu annoncent avoir re-
marqué une trompe.
J'ai eu sur les côtes de la Manche l'occasion d'observer un
assez grand nombre de buccinum undatum vivans , et d'en
faire une anatomie assez détaillée, que j'ai perfectionnée en-
suite par le moyen d'individus conservés dans la liqueur.
Je ne donnerai point la figure de l'animal vivant dans son
état de repos; Müller l'a fort bien rendu : il ne diffère d'ail-
leurs alors dẹ celui qu'on vient d'arracher à sa coquille que
par la plus grande extension de ses tentacules et de son sy-
phon. Quant aux différentes positions que la trompe et la
verge du mále peuvent prendre, mes figures anatomiques en
donneront une idée suffisante. |
Sa peau est blanchátre, irréguliérement tachetée et piquetée
de noir.
Sa téte n'a point de voile ni de frange; et quand la trompe
est rentrée, elle ne laisse apercevoir que les deux longs tenta-
cules coniques, à la base externe desquels sont les yeux. Le
corps n'a point de membranes latérales, et est par consé-
quent dépourvu des filets et autres ornemens qu'on y voit
dans certains zrochus et turbo , et que nous retrouverons en
bien plus grand nombre dans les halyotides. L'opercule est
médiocre , corné , demi-elliptique et attaché sur l'extrémité
D'HISTOIRE NATURELLE. 449
de la queue. La longue trompe et l'énorme verge sont les
caractères les plus frappans de cet animal. On a surtout peine |
à concevoir le volume de celle-ci, qui égale le pied en lon-
gueur, et qui est deux ou trois fois plus large que la trompe.
- Notre figure 1, réduite à moitié comme toutes les autres,
montre ce buccin par le cóté gauche, la trompe rentrée et
la verge a réfléchie et cachée dans la cavité branchiale; car
elle ne rentre pas dans l'intérieur du corps, et ne peut se
retourner. Elle ne paroit pas non plus susceptible de se
renfler beaucoup par l'érection, tant ses tégumens sont épais
ét peu flexibles.
Notre figure 2 représente la trompe b et la verge a éten-
Mp» Elle exprime trés-bien la forme comprimée et élargie
à l'extérieur de celle-ci; on y voit les rides transverses qui
en sillonnent la surface et la petite pointe a', où est percé
son orifice.
Enfin la troisième et la sixième font encore voir cette partie
dans d'autres positions et avec d'autres renflemens.
La trompe b est cylindrique et susceptible de s'allonger
beaucoup ou de se cacher entièrement dans l'intérieur du
corps. Son extrémité est fendue verticalement, et présente
deux lèvres hérissées d'épines recourbées en dedans et atta-
‘chées sur. la langue. Ce sont les seules dents du buccin,
comme des autres gastéropodes à trompe.
Enfin le syphon c est un prolongement du bord (REA du
manteau , plié selon sa longueur , et logé dans le AEN de
la coquille , pouvant la dépasser plus ou moins , ou s'y retirer
et s'y cacher entièrement, au gré de l'animal,
Ce n'est autre chose qu'un demi-canal qui conduit. l'eau
450 ANNALES DU MUSEUM
dans la cavité des branchies, et dont l'usage est de favoriser
la respiration.
Celle-ci s'exécute, comme à RTAS par linterméde de
l'eau et au moyen d» branchies pectinées qui forment deux
rangées de lames tr iangulaire es , dont une grande et une
petite.
On entrevoit déjà leur position dans notre figure 1 , où elles
paroissent au travers du manteau en d, d, da côté gauche
du plafond de la cavité ; on y voit aussi la position du cœur e,
au même côté gauche, entre elles et le foie; et celle des lames
muqueuses, f, situées à leur côté droit. "y
La ligure 4 montre une de ces rangées branchiales d, dont
les vaisseaux sont injectés d'air, ainsi que la grande veine qui
en rassemble le sang et le porte dans le cœur.
Le manteau et le péricarde y sont ouverts pour join pa-
roitrele cœur e, et son oreillette g, que l'on a aussi gonflés
par le souffle.
L’oreillette est d'une cem iei et a des parois assez
minces ; le cœur au contraire est rond, trés-épais et muni
de fortes colonnes charnues à l'intérieur ; il a, comme toujours,
deux valvules , dirigées de manière à laisser entrer le sang de
l'oreillette. -
L'intérieur du cœur est représenté, figure 13, et celui. s
l'oreillette , figure 14. Parmi les branches artérielles qui sortent
du cceur, nous avons représenté celle qui se rend dans l'or-
gane de la viscosité et dans les feuillets muqueux. ( Voyez fi-
gure 6,9, q, q),et celle qui pénètre dans le thorax sous l'eeso-
phage, et se distribue à la masse charnue du pied et à la
trompe. ( Foyez figure 7, r,r,r).
2 D'HISTOIRE NATURELLE. A51
Dans la figure 3, on a détaché le plafond de la cavité
branchiale du côté gauche, et laissé le péricarde et le cœur
comme dans la figure 4. On voit les objets attachés à ce pla-
fond; savoir , en allant de gauche à droite, la petite rangée
de branchies d', la veine branchiale d", la grande rangée d,
les feuillets muqueux f , le recium h, et l'anus 7, enfin une
partie du canal déférent A. Ces feuillets, dont je n'ai point
encore parlé, parce que je ne les ai poipt observés dans les
pectinés sans syphon, et que j'en ai seulement vu des ves-
tiges dans la jantine, sont des parties dont les fonctions me
paroissent fort obscures.
Il ne faut pas les confondre avec lorgane que jai appelé
de la viscosité, et qui est toujours près du cœur , d'un tissi
tout différent , et muni d'un canal excréteur. Cet organe existe
indépendamment des feuillets, et on le voit aussi dans notre
buccin en situation, figures 1 , 3 et 5, et ouvert , figure 6, en
L; mais les feuillets sont toujours attáchás au plafond de la
cavité branchiale.
Ils sont moins nombreux, soirs élevés, et surtout beau-
eoup moins délicats que ceux des branchies. Leur tissu est
d'apparence glanduleuse, et leur intervalle est rempli d'une
quantité prodigieuse de mucosité qu'ils paroissent sécréter.
Je soüpconne que ce sont eux qui produisent et faconnent
les capsules plus ow moins compliquées , dans lesquelles les
œufs et les petits de plusieurs gastéropodes à ge sont
logés pendant quelque temps.
Cependant les mâles ont de tels feuillets aussi bien que les
femelles, mais plus petits. En seroit-il comme des mamelles
des quadrupédes , queles máles ont aussi, quoiqu'elles ne leur
servent point à donner du lait? ;
452 ANNALES DU. MUSÉUM
Tout le fond de la spire est partagé longitudinalement et à-
peu-prés en portions égales , par le foie et par le testicule que
l'ovaire remplace dans la femelle. On distingue aisément les
deux premiers l'un de l'autre, à la couleur et au tissu. Le foie
est brun et grenu; le testicule blanc et lisse. Il nait de celui-ci
un trés-petit cordon déférent, replié mille fois sur lui-même .
avant de grossir ei de se séparer de la masse, pour suivre le
côté droit du corps, pénétrer dans la verge, y faire de nom-
breux zig-zacs, et se terminer enfin à la petite pointe de son
extrémité.
La figure 5 représente cette partie. On voit en m, m, les
nombreux replis qu'on pourroit appeler épididyme. La verge
à , ouverte sur toute sa longueur, montre à la fois les fibres
qui remplissent sa substance, et le canal tortueux qui occupe
son axe. Il est probable que quand la verge est en érection,
ce canal se trouve redressé.
Dans cette figure, ainsi que dans la sixième, n,n est le
testicule , o, o le foie. :
Avant de parler du canal intestinal, il est bon de décrire
la trompe qui entraine l'eesophage dans ses divers dévelop-
pemens. Organisée avec un merveilleux artifice , elle n'est pas
simplement pourvue, comme celle de l'éléphant, des mou-
vemens de flexion , joints à un allongement et à une rétraction
bornés; mais elle peut rentrer dans le corps en se repliant
au dedans d'elle-méme, de maniére que sa moitié de la base
contienne et renferme sa moitié de la pointe, et elle peut en
sortir en se développant , comme un doigt de gant , ou comme
les cornes d'un colimacon terrestre: seulement elle n'est ja-
mais complètement déroulée en dedans; mais elle y est tou-
jours doublée sur elle-méme. | |
*
D'HISTOIRE NATURELLE. 453
On peut se la représenter comme formée de deux cylindres
flexibles qui s'enveloppent, et dont les bords supérieurs sont
unis, de maniére qu'en tirant en dehors le cylindre intérieur,
on l'allonge aux dépens de l'autre, et qu'en le repoussant,
on le raccourcit , et on allonge l'extérieur; mais on l'allonge
du cóté supérieur, parce que ce cylindre extérieur. est fixé
aux parois de la téte par son bord inférieur.
Qu'on se représente maintenant une multitude de muscles
longitudinaux , tous trés-divisés par leurs deux extrémités.
Les lanières de leurs extrémités internes ou supérieures se
fixent aux parois du corps; les autres aux parois internes du
sylindze intérieur. de la trompe dans toute sa longueur et i
qu'à son extrémité.
On concoit que leur action doit faire rentrer ce cylindre et.
toute la trompe en dedans.
: Lorsqu'elle y est, une grande partie de la ioo interne
du cylindre intérieur vient à faire partie de l'externe du cy-
lindre extérieur, et c'est le. contraire lorsque la trompe est
allongée et sortie. Les insertions des muscles varient en con-
séquence.
L'allongement im cylindre in intérieur par de déroulement de
l'extérieur, ou, ce qui est la méme chose, le développement
de la trompe, est produit par les muscles intrinséques et
annulaires de celle-ci. Ils entourent toute sa longueur, et
c'est en se contractant successivement qu'ils la chassent en
dehors. Il y en a surtout un , prés de l'endroit où le cylindre
extérieur s'attache aux parois de la téte, qui est plus robuste
que tous les autres.
Lorsque la trompe est allongée, ses muscles rétracteurs, en
m'agissant pas tous à la fois, servent à la fléchir de cóté et
11. 59
ar.
£x
454 ANNALES DU MUSÉUM
d'autre, et, Pis ses différens points, se tenant réciproque-
ment lieu d'antagonistes pour cet office.
` Les figures 8, 9 et 10 expliquent à l'œil ce mécanisme in-
téressant. En figure 8 , la trompe est à demi-retirée en dedans.
Le cylindre externe a enveloppe la moitié de l'interne b, dont
le bout c est le bout de la trompe.
Les muscles qui l'ont retiré en dedans, d, d , sont dans l'état
de contraction. En e, se voit le grand jose annulaire qui
sert à pousser le cylindre interne en avant, et à " allonger la
trompe.
En figure 9, ce muscle et toutes les fibres annulaires ont
exercé une grande partie de leur action. La trompe est fort
allongée, et ses muscles rétracteurs d, d sont étendus et à
découvert:le cylindre extérieur a est fort court , et l'intérieur
b fort long.
- En figure 10, on a fendu les mud cylindres sur toute lor
longueur , peur montrer ce que l'interne contient , et de quelle
manière les muscles rétracteurs se distribuent sur ses parois
internes.
Le corps y est un peu im entr'ouvert , afin dr montrer
les attaches que ces mêmes muscles y prennent.
Dans le cylindre intérieur sont renfermés la langue avec
tout son appareil e, e, les canaux salivaires f; f/, et la plus
grande partie de l'eesophage g; g ; le but principal de l'allon-
gement de la trompe est de porter lextrémité de la langue
sur les corps que le buccin veut entamer et sucer.
La langue est comme à l'ordinaire une membrane carti-
lagigense armée d'épines trés-crochues et trés-aigués ; mais
elle n'a pas ici, comme dans les turbo et dans d’autres gas-
téropodes, une grande longueur. Elle est tendue sur deux
D'HISTOIRE NATURELLE. E V
cartilages allongés qui peuvent écarter ou rapprocher succes-
sivement leurs deux extrémités, et se mouvoir eux-mêmes
dans leur totalité , en avant ou en arrière.
Cette langue, ces cartilages et leurs muscles occupent la
moitié de la longueur de la trompe, comme on les voit en
e, e , figure 10.
Nous les représentons, figure 11, où le bout actif de la
langue, tendu sur les deux pointes de ses cartilages , est mar-
qué a; les muscles qui tirent les cartilages en arriere 5; ceux
qui y retirent la membrane linguale c, c; ceux qui la ramenent
en ayant, et qui en méme temps rapprochent l'une de l’autre
les extrémités antérieures des cartilagesd , d ; ceux qui pro+
duisent deux effets précisément contraires e , e; l'eesophage
g,g; les canaux salivaires f, f.
Ainsi quand les cartilages se resserrent en avant , la langue
étale ou abaisse ses épines en se portant en avant, et quand
ils s’écartent, elle redresse ces mêmes épines en se recu-
lant. C'est la répétition de ce mouvement , aidée peut-étre
de la vertu corrosive de la salive, qui entame les coquilles
les plus dures.
Les canaux salivaires s'ouvrent aux des côtés de ces épines
antérieures de la langue, et l'aesophage commence au-dessus.
Comme les glandes salivaires sont dans le tronc de l'animal,
leurs canaux sont aussi longs que la trompe. L’æsophage suit
l'axe de la trompe; par conséquent, logsque celle-ci est dans
une grande extension , l'eesophage est à-peu-prés droit; quand
elle se retire en arrière, lœsophage est plié en deux, une
portion dans la trompe, et lautre qui se fléchit sous elle,
pour retourner en avant vers la tête où ce canal est retenu
par la bride que forme sur lui le cerveau. Il se replie alors
+
Fe
456 ANNALES DU MUSEUM ;
une secónde fois, et va en arrière déboucher dans l'estomac
qui se trouve immédiatement derrière le cœur. On le voit
de profil dans cette position, en figure 7.
Un peu en avant de l'estomac est un trés-petit jabot ou
espèce de ccecum A, figures 6, 7 et 16 ; l'estomac lui-même t,
figures 6 et 16, est médiocre, à-peu-près rond; sa membrane
interne est ridée irréguliérement. L’intestin A , figures 6 et 16,
est fort court et se termine promptement dans un gros rectum
h , figure 3, et p, figure 6 et 16, qui a dans son intérieur
des côtes longitudinales fort saillantes, et qui occupe, comme
à l'ordinaire et comme nous l'avons dit; le bord droit de la
voüte de la cavité branchiale, n'ayant plus à droite dans le
mâle que le seul canal déférent K, figure 3. Les parois du rec-
tum sont épaissies par une substance blanchâtre, grasse et un peu
grenue, que j'ai retrouvée dans divers autres animaux de cette
famille, sans en connoitre l'usage. Dans la femelle la: place du
canaldéférent est occupée par l'utérus, qui y faitune saillie mar-
quée, à cause de son épaisseur ; ses parois sont en effet for-
mées de deux substances glanduleuses, une oic et une
autre blanchátre, et ne laissent entre elles qu'un intervalle
comprimé qu'il faut que les ceufs traversent.
L'ovaire partage avec le foie, comme le testicule dinis lè
måle , la plus grande partie des tours de la spire.
` Le cerveau est placé sous sa trompe et sur la partie anté-
rieure du pied: c'est a position ordinaire; mais dans cette
espèce, la grandeur de la trompe et de son appareil muscu:
laire le fait paroitre plus éloigné de ce que l'on nomme com-
munément la téte dans les mollusques gastér dpodes. Nous
Pavons marqué 5, figure 7. Il enveloppe, comme à l'ordi-
nàire , Paota g, dun cordon nerveux dans lequel passe
D'HISTOIRE NATURELLE. 453
aussi l'artére de la tête et de la trompe r, r, et envoie des
nerfs partout le corps, tels que u, qui se rend dans la spire
et aux viscères; v, v, v , qui vont à la trompe et à ses muscles;
u ,au tentacule; x, £, x, dans l'épaisseur de la masse charnue
du pied.
` Cette figure 7 a en général l'avantage d'assez bien expliquer
les rapports des parties situées dans le thorax ou dans toute
cette portion du corps placée sous la cavité branchiale. On
y a fendu la peau suivant la ligne 55 , et on l'a rejetée sur le
côté droit.
Le disque du pied 1, 1, et sa masse charnue ont été coupés
suivant un plan vertical, pour montrer de quelle manière
le muscle 2 , qui fixe l'animal à la spire de sa coquille, se
distribue en divergeant 2', »", dansla masse charnue; 3 est le
rebord postérieur du manteau; 4, l'opercule.
La tête a été ouverte pour faire voir , par son côté interne,
le trou qui laisse sortir la partie antérieure de,la trompe 5;
les muscles du côté droit, qui attachoient la trompe aux côtés
du corps 6, 6 , ont été détachés , et le corps de la trompe lui-
méme rejeté sur le côté droit pour laisser à découvert l'eeso-
phage et son replig, g; le cerveau 5; ses nerfs vv, u, w,
x x x; les glandes salivaires z, z; le Final excréteur de céll
du côté gauche y, y; l'artère isiticigula de la téte et de la
trompe r r; enfin les muscles rétracteurs de la trompe du cóté
droit encore attachés aux parois du corps.
En 10, 10, se voient les restes des attaches de ceux du côté
gauche 66. |
N. B. Cette figure a été mal placée dans la planche:le pied
1,1, dévroit être horizontal, au lieu d’être dirigé verticalement.
458 ANNALES DU MUSÉUM
OBSERVATIONS
Sur le chien des habitans de Íà Nouvelle-H # À
lande , précédées de quelques réflexions sur
les facultés morales des animaux.
PAR M. FRÉDÉRIC CUVIER,
GARDE DE LA MÉNAGERIE DU MUSÉUM D'HISTOIRE NATURELLE.
Os sait depuis long-temps que les causes extérieures ont une
trés-grande influence sur le physique des animaux. On a fait
aussi quelques recherches sur les modifications dont leurs fa-
cultés morales sont susceptibles par les mémes causes; mais
on est encore loin d'avoir répondu aux différentes questions
qui naissent de ces deux sujets, et surtout du dernier.
Le plus grand obstacle qui nous paroisse s'être opposé
jusqu'à présent aux progrès denos connoissances. sur le moral
des animaux, consiste en ce que l'on s'est beaucoup plus oc-
cupé de rechercher ce qu'il devoit être, que ce qu'il étoit en
effet. |
C'est en suivant un autre principe, en observant soigueu-
sement les faits, que quelques auteurs se sont un peu rap-
D'HISTOIRE NATURELLE. 459
prochés de la vérité, et c’est en nous soumettant aux mêmes
règles, que nous nous efforcerons de faire quelques pas vers
le même but.
Il seroit sans doute inutile de remettre en question si les
animaux ont de l'intelligence ou non. Il est généralement ad-
mis qu'au moins ceux qui se rapprochent le plus de l'homme,
sentent, jugent et se déterminent, et ces animaux sont les
seuls dont nous entendons parler.
Si dans l'état actuel de nos connoissances sur la constitution
denotre globe, antérieure àsa constitution présente, il étoit pos-
sible de supposer que chaque espèce d'animal , au premier mo~
ment de son existence, s'est trouvée dans un concours de circons-
tances tellement simples, qu'elle ait pu satisfaire , par le seul
secours de ses sens, à toutes les conditions de sa vie, on envisa-
geroit indistinctement les qualités morales que nous lui voyons
aujourd’hui, comme les effets du raisonnement et de l'expé-
rience; mais comme cette supposition a généralement paru im-
possible, on a été obligé d’admettre chez ces animaux des dis-
positions originaires, des qualités antérieures à toute influence
étrangère , et en rapport avec le rôle que chacun d'eux avoit
à remplir dans l'économie générale de la nature. Ce sont ces
qualités qui constituent le merveilleux sentiment qu'on nomme
instinct : elle sont d'autant plus développées, d'autant plus nom-
breuses, que les relations des animaux avec ce qui les entourre,
sont moins étendues, que leur organisation est plus impar-
faite: chacun sait qu'il n'y a point de comparaison à faire
entre lindustrie des insectes et l'industrie des mammiferes,
tant celle des premiers surpasse celle des autres.
Quoiqu'il en soit, on s'est encore fort peu occupé d'établir. —
avec précision la véritable nature de l'instinct pour chaque
e
5
460 ANNALES DU MUSEUM
animal, et de distinguer exactement les qualités naturelles de
celles qui ne sont qu'acquises. Jusqu'à présent on s'est borné
à rapporter presque arbitrairement, soit à l'instinct, soit à
l'expérience, les phénoménes moraux des étres sentans.
Il nous semble cependant diíficile de faire des progrès dans
la connoissance des animaux, tant qu'on n'aura pas fixé les
justes bornes de leurs qualités originelles, et que le point du-
quel part leur intelligence n'aura pas été marqué.
Mais si l'organisation a quelque influence sur l'étendue de
l'instinct, comme le-fait présumer la différence qui existe entre |
l'industrie des diverses classes d'animaux, il est naturel de
penser que le singe, le carnassier , le rongeur, le ruminant
doivent étre poussés par des sentimens différens, comme ils
le sont par des goüts divers. Malheureusement nous ne pou-
vons pas mieux établir les liens qui existent entre les qualités
morales originelles et les organes , qu'entre elles et l'intelli-
gence. |
Quelle que soit l'attention avec laquelle on consulte les au-
teurs, on ne reconnoit pas trés-clairement les qualités qu'ils ra p-
portent à l'instinct chez les mammifères. Ils semblent cepen-
dant convenir unanimement que c'est par l'impulsion de ce
sentiment que la plupart des animaux nagent, que c'est par
la méme raison que quelques-uns d'entre eux font des ter-
riers comme les lapins, que d'autres élèvent des édifices pour
se loger, comme le castor, ou ramassent des provisions pour
l'hiver comme le hamster.
Lorsqu'on examine attentivement quelques-unes de ces qua-
lités, lorsqu'on les étudie avec soin ; On croit s'apercevoir
qu'elles n'ont rien d'invariable, qu'elles se modifient , quel'es-
pèce d'intelligence qu'elles constituent est accessible à l'action
D'HISTOIRE NATURELLE. A6t
des causes extérieures , qu'elles sont, en un mot, soumises à
l'empire des sens, comme les- qualités qui naissent des sens
mémes. Chacun sait que les lapins, chassés habituellement
par les furets, ne terrent plus et vivent conime les lièvres , et
que , lorsqu'une longue domesticité leur a rendu ce travail long-
temps inutile , ils finissent. quelquefois par en perdre presque
entièrement la faculté. Les voyageurs s'accordent également
à rapporter que le castor ne construit ses digues et ses huttes
qu'en société , et que; dans l'isolement , adoptant un gerire de
vie puijdiciondés à ses forces individuelles, il se borne à se
creuser au bord des eaux une simple tannière.
Si nous portons actuellement la méme attention sur les qua-
lités qui résultent de l'éducation, des phénomènes analogues
à ceux que nous venons d'observer se présenteront à nos
yeux. Nous venons de voir les qualités qu'on rapporte à Fins-
tinct soumises aux mémes lois que celles qui naissent par
linterméde des sens; nous verrons maintenant ces dernières
qualités prendre tous les caractères ox S d nous Step
dons comme originelles. |
Chacun peut trouver des preuves à cette assertion et les
multiplier à son gré. En effet, les animaux domestiques na-
voient point óriginairement les qualités morales que nous
leur voyons aujourd'hui: ce sont pour ainsi dire les différences
qui existent entre elles qui caractérisent leurs différentes
races. Le chien-canard n'a besoin d'aucune éducation pour
se jeter à l'eau et pour s'y. plaire, tandis que ce n'est qu'avec
peine qu'on y habitue le chien-loup. Le chien- courant et
toutes ses variétés chassent de race, comme on le dit pro-
verbialement. Le dogue conserve une audace et un sentiment -
de ses forces qui sont entièrement effacées dans la plupart des
11. 60
462 ANNALES DU MUSÉUM
autres chiens: les uns et les autres enfin ont plus besoin ac-
tuellement de la er de l'homme que de la liberté elle-
méme.
Si nous descendions aux autres classes d'auimaux , nous pour-
rions ehcore ajouter beaucoup de faits à ceux que nons venons
de rapporter, parce que les phénomènes de l'instinct sont
beaucoup mieux caractérisés chez les oiseaux, par exemple ,
que chez les mammifères: mais comme notre but en ce mo-
ment west que d'établir" quelques principes desquels nous
puissions partir pour nous avancer dans l'etade des animaux,
et surtout des mammifères, relativement à leurs facultés in-
tellectuelles , nous ne pousserons pas plus loin ces observa-
tions générales; nous croyons qu'elles suffisent pour faire au
moins Reese comme une vérité que Sa GER des
qualités qu'on regarde comme appartenant à l'instinct chez
les mammifères , sont soumises aux mêmes lois que celles qui
dépendent de l'édacatíon ; et que celles-ci deviennent finale-
ment instinctives où héréc itaires des qu'elles ont été exercées
par une suite de générations suffisantes ; et qu’elles s'obli-
terent et s'effacent plus ou moins , suivant que —— cesse
de les fortifier ou de les soutenir.
Cette vérité au reste avoit déjà été, sinon établie, du moins
indiquée pat Charles Leroy, , dont on connoit la longue expé-
rience et la profonde sagacité. « Il est vraisemblable, dit-il (1);
» que nous devons une partie de l'extràne docilité du chien
» et la disposition que nous lui voyons à l'assujétissement à une
» sorte de dégénération trés-ancienne. Du moins est-il sür par
(1) Lettres phil A phi e RENT - eris TEE À 3 iii Oo. 6.
D'HISTOIRE. NATURELLE 465
» le fait que plusieurs qualités acquises -se transmettent par
» la naissance. »
Le même auteur nous conduit à penser. que ^h nouvelles
observations fourniront de nouvelles preuves à cette vérité
dans les animaux sauvages. "ous
« Il est certain , continue-t-il indo un autre endroit ó 1),
» qu'avant d'avoir pu s'instruire par I expérience personnelle,
» les jeunes renards, en sortant du terrier. pour la première
» fois, sont plus défians et plus précautionés dans les lieux où
» on leur fait beaucoup la guerre , que les vieux ne le sont
» dans ceux où l'on ne leur tend point de piéges. Cette obser-
» vation qui est incontestable , etc., etc. » |
Siles observations précédentes étoient applicables à toutes les
classes du règne animal , ils seroit facile d'expliquer Ja cause des
principaleshypothèses qui ont partagé les esprits sur les facultés
intellectuelles des brutes. Les uns voyant l'intelligence des ani-
maux s'exercer dans toutes les occasions, ont attribué au rai-
sonnement toutes les opérations morales dont ces étres sont
‘susceptibles ; tandis que les autres, au contraire , observant
partout les traces d'une impulsion qu'aucun raisonnement
n'avoit pu précéder, attribuoient tout à l'instinct.
Comme l'animal qui fait le sujet de ce Mémoire est de race
domestique, nous pensons que pour établir plus de liaison
entre nos réflexions sur l'instinct et les observations que nous
allons rapporter ; il ne sera pas inutile de dire encore un mot,
et de faire l'application d'une des principales causes des mo-
difications dont les facultés intellectuelles des-animaux sont
- (1) Même otlvrage que ci-dessus , lettre 5. >
69 *
464 ANNALES DU MUSÉUM
susceptibles ; je veux parler de l'état de société , qui peut être
considéré chez les animaux entre eux, et chez les animaux
avec l'homme. De plus, en comparant au chien de la Nou-
velle-Hollande nos races de chiens domestiques qui s'en rap-
prochent le plus, onssentira mieux la place que nos observations
doivent tenir dans l'histoire de leur espéce commune.
L/association que forment librement certains animaux, n'a
jamais lieu qu'entre des individus d'une méme espèce. En les con-
sidérant dans cette situation , on voit que la société n'a qu'une in-
fluence assez légère sur eux : le motif qui les réunit est toujours
simple; il consiste dans le besoin évident de se nourrir ou de se
défendre, et aucune complication d'intérét n'empéche que ce qui
est bon’ pour l'un, ne le soit immédiatement pour l'autre; d’où
il résulte que la liberté de chaque individu n'est presque obligée
à aucun sacrifice envers les autres membres de l'association ;
et que sa volonté conserve à-peu-prés toute son énergie.
Mais si la force de la volonté est d'autant plus grande que
la liberté morale l'est elle-même, ce n'est que dans la dépen-
dance que les facultés intellectuelles peuvent recevoir tous les
développemens dont la nature les a rendus suceptibles.
En admettant noś vues sur l'intelligence des mammifères,
il est. évident que chez ces animaux non-seulement les indivi-
dus, mais méme les espèces sont susceptibles de se perfec-
tionner. Cependant quelle que soit la durée de leur association,
ils ne manifestent jamais cet accroissement de civilisation qui
caractérise lespéce humaine; non pas qu'ils soient bornés
aux sentimens des besoins présens, on sait qu'ils ont la cons-
cience des besoins futurs, qu'ils sont prévoyans, et que sou-
vent ils se conduisent à cet égard avec beaucoup de prudence;
mais, comme on l'a déjà dit, à cause de l'intelligence supé-
D'HISTOIRE NATURELLE 465
rieure de l'homme, de la multiplicité de rapports qu'une
riche organisation lui donne ; d’où nait la difficulté de l'habi-
tude; du peu de moyens de communication des animaux entre
eux , et de l'im possibiiné où ils sont de maîtriser les circons-
tances, de les varier à leur gré, de se faire enfin une éduca-
tion artificielle
Aussi voyons-nous ces animaux , dès l'instant où ils sont ea
association avec l'homme, partager sa propre éducation ; s'ap-
proprier pour ainsi dire une partie de son langage comme une
partie de ses sentimens, et faire, comme l'homme lui-méme ;
le sacrifice. de leurs penchans otia nili en faveur de ceux
qu'ils recoivent de la société. « Les brutes, dit Hartley, qui
» ont quelques familiarités avec les hommes, comme les chiens,
» les chevaux, en apprenant l'usage des mots et des symboles
» d'autres espèces, acquièrent plus de sagacité qu’ils n’en au-
» roient naturellement; et si on prend un soin particulier de
» les instruire, leur docilité et leur sagacité, par le moyen
» des symboles , montent d à un er —
» nant(1).» Eve d
Mais tous les animaux ne sont pas Sees de la
méme éducation; et ils ne s'apprivoisent pas par les mêmes
moyens ; l'art de les dompter et de les réduire à l'état domes-
tique , sil étoit établi, seroit soumis à des règles très-variées
et propres à chaque ordre, à chaque genre , à chaque espèce
et méme à chaque individu.
En général il paroit que ce sont ceux qui vivent en société
dans leur état naturel, dont les races se réduisent le plus
(1) Explication physique des sens , des idées et des mouyemens , etc. trad. . françoise
de Jurain, à Reims, 1755, t, II, p. 252.
466 ANNALES DU MUSEUM
facilement en esclavage, et que ce sont ceux dont l'organisa-
uon estla plus délicate, qui recoivent l'éducation la plus
paríaite, sans avoir besoin pour cela d'une soumission plus
servile. En effet, de tous les animaux que nous nous sommes
associés, celui qui réunit l'éducation la plus étendue à la sou-
mission la plus entière , c'est le chien qui vit en société dans
son état de nature, et qui, comme tous les mammifères car-
nassiers, a-une délicatesse d'organisation qu'on ne retrouve
SE dans aucun autre genre de cet ordre. |
Un des premiers sentimens que le développement de l'in-
telligence fait naître chez l'animal, est celui de ses propres
forces. On sent que sa eonservation dépend de la juste idée
quil a de ses moyens ; mais celle qu'il en acquiert est entiè-
rement subordonné aux circonstances dañs lesquelles il se
trouve. Le lion qui habite les contrées où l'homme domine
en maitre, est bien éloigné d'avoir l'audace de celui qui vit
au milieu des régions désertes. Néanmoins ce sentiment,
exerçant l'influence la plus étendue sur la volonté, c'est par le
renfermer dans des bornes convenables que l'on doi coms
mencer l'éducation de tous les animaux. |
La force employée avec prudence, et surtout avec douceur,
est le seul moyen qui puisse disposer un animal à la soumis-
sion et à la confiance: sentimens sans lesquels on tenteroit en
vain de le dompter, et à l'aide desquels on est presque tou-
jours sùr d'y parvenir. Il est donc nécessaire d'entretenir en
lui la persuasion de sa dépendance et de sa foiblesse vis-à-vis
de l'homme ; mais ce n'est que sur ce point seulement que
l'emploi de la violence pe être — comme wm gé-
nérale. jS um
Dés que le fin ge! carnassier connoit son np il lui
D'HISTOIRE NATURELLE. — 465
obéit ; les progrès de sa familiarisation sont assez rapides , ses
rapports avec lui s'établissent assez intimement, pour que sa
postérité, aprés quelques générations de servitude, perde jus-
qu'à la dernière trace des sentimens qu’elle"devoit à une grande
indépendance, et pour qu'elle soit docile aux bons traitemens.
Il n'en est pas de méme de l'herbivore, qu'on ne maintient à
l'état domestique que par une continuelle violence: le taureau
est toujours prét à tuer ponasa, et le chien à se faire
tuer pour le sien.
-Ainsi que nous adn observé précédemment, les facultés
d'un animal se développent d'autant moins , sa liberté morale,
sa volonté a d'autant plus d'empire, que les circonstances dans
lesquelles il se trouve sont plus simples, que les penchans qui
Yexcitent sont plus facilement satisfaits. C'est le cas où nous
voyons tout animal dans ce que nous appelons son état de
nature, et par conséquent oü nous verrions le chien sauvage,
s'il nous étoit connu; car les naturalistes ne sont pas d'accord
sur l'espèce du genre chien, à laquelle il faut rapporter nos
races de chiens domestiques, et le chien sauvage, nommé
communément chien-maron , provient de ces mêmes chiens
apprivoisés et soumis qui ne S'étant soustraits à la domi-
nation de l'homme que depuis deux ou trois siècles seulement,
n'ont pu effacer dans un temps si court de-liberté , les impres-
sions que trois ou quatre mille ans de servitude avoient dù
graver sur eux. La plas forte raison qui nous fait adopter
cette pus c'est la facilité avec laquelle les chiens sauvages
redeviennent tiques ; ils semblent , des leur première gé-
nération , s'être déjà fait une nécessité itdtehlo de la pro-
tection de l’homme, et n'avoir jamais quitté l'état d'obéissance
et de soumission.
468 ANNALES DU MUSÉUM
- Quoiqu'il en soit, ces chiens-marons ont déjà repris des
caractères d'indépendance remarquables ; tous leurs sens sont
très-délicats ; leur museau, qui n'est pas allongé comme celui
du lévrier , ni raccourci comme celui du dogue, mais assez
semblable au museau du mátin, leur procure ume grande
force d'odorat; leurs oreilles toujours droites , mobiles, dont
l'ouverture est dirigée en avant, donnent à leur ouie beaucoup
de finesse ; leur vue est perçante ; et excepté lorsqu'ils chassent
en troupe, ils font rarement entendre leur voix. Ils vivent,
comme on sait, quelquefois en famille de deux cents indivi-
dus,chassent de concert, et ne souffrent point le mélange
d'une famille étrangère. Ainsi réunis, ces chiens ne craignent
pas d'attaquer les animaux les plus vigoureux et de se dé-
fendre contre les carnassiers les plus forts. Le repos chez eux
succede immédiatement aux fatigues ; des que leurs besoins
sont satisfaits , ils s'y livrent, comme tous les autres animaux
sauvages, avec d'autant plus de sécurité , queles dangers qui
les entourent sont plus foibles. C'est à-peu-prés tout ce qui
nous est connu sur les habitudes du chien-maron. Il est få-
'cheux que les voyageurs n'aient pas pu s'étendre plus qu'ils
ne lont fait généralement sur les mœurs des animaux qu'ils |
décrivoient.et sur les circonstances au milieu desquelles la vie
de ces étres LITE ISP .
-
La. recherche des alimens- et.-de--la sécurité qui faisoit la
condition principale de l'existence du chien sauvage, n'est plus,
pour ainsi dire, qu'une condition secondaire de l'existence
du chien domestique; ce n'est plus en poursuivant une proie
qu'il obtient sa subsistance; ce n'est plus en fuyant le danger
ou en le bravant, qu'il peut s'y soustraire; mais c'est en se
consacrant au service de l'homme. Ce service est devenu la
dy
D'HISTOIRE NATURELLE. _ 469
première condition de sa vie, et ce sont les. différentes em-
preintes qu'il en recoit, qui caractérisent sés différentes races;
de sorte qu'on pourroit, jusqu'à un certain point, juger de
la civilisation. d'un peuple ou d'une. de. ses gems peo les
mœurs des animaux qui lui sont associés... `
Le chien-loup et le chien de berger vivant communément
au milieu des champs, en société avec des hommes simples
et grossiers, sont ceux de nos chiens domestiques qui $e rap-
prochent le plus du chien-maron. Ils lui ressemblent beaucoup
par les formes générales et par la délicatesse des sens ; mais
le besoin dela société de l'homme est déjà trés-marqué en eux:
c'est lui qui fait actuellement leur famille, et tousles individus
de leur propre espéce auxquels ils ne sont pas habitués, sont
traités en étrangers dés qu'ils se présentent. Cependant ils ne
portent d'affection qu'aux seules personnes qui les protégent ;
ils s'attachent exclusivement à celles qui les nourrissent et
qui les commandent ; toutes les autres ne leur sont rien : leur
dépendance ne va pas jusqu'à les soumettre aux hommes en
général comme quelques autres races: Aussi leur fidélité est-
elle sans bornes, quoiqu'ils soient très-peu caressans. Ils ne
supportent les corrections que jusqu'à un certain point , au-
delà duquel ils fuient ou se défendent. Tous les objets qui
font la propriété de leur maître, et sa personne surtout, sont
-défendus avec un dévouement sans exemple, et ils savent de
plus respecter les objets de méme nature, quelque soient
ceux à qui ils appartiennent. La faim ne suffit plus pour les
déterminer à s'emparer d'une proie; il en est de méme du
danger; il ne les fait plus fuir: on les voit, forts de la force
de leur maître , attaquer des animaux dont l'odeur seule les
eût fait trembler, et défendre avec succès les troupeaux contre
IF, Gr
ġo. ANNALES DU MUSÉUM
les animaux les plus féroces. Ces chiens ont trés-peu de voix
comparativement à d'autres races, et leur activité est extréme.
Chargés d'une surveillance continuelle, leur repos est rare
et léger , et quelle que soit l'abondance de leur nourriture, ils
conservent l'habitude de cacher les restes de leurs repas en
les enfouissant , ce qui feroit supposer que ce penchant
doit étre tres-développé chez le chien sauvage, et peut être
véritablement instinctif, car on le retrouve encore , quoique
trés-affoibli, dans les races les plus apprivoisées.
Il est probable que tous les chiens domestiques qui existent
naturellement chezles peuples peu civilisés, se rapprochent plus
ou moins de nos chiens de berger; tels sont les chiens des Patagons,
de la Nouvelle-Zélande, de la Sibérie; ceux des Lapons , des
Islandois , etc., etc.; mais on ne les connoit guères que par leurs
formes extérieures. Ils doivent avoir cependant des caractères
particuliers dans leurs mœurs; et toutes ces races bien étudiées,
en nous offrant le développement successif de l'intelligence
de leur espéce, en nous donnant les moyens de faire leur psy-
cologie comparée, pourroient nous conduire à des résultats
précieux , méme pour la psycologie de l'homme. « S'il n'exis-
» toit point d'animaux, dit Buffon , la nature de l'homme se- -
» roit encore plus PSP » :
Le chien. qui fait le sujet. de ce travail a été ramené des
côtes orientales de la Nouvelle-Hollande , par MM. les natu-
ralistes du voyage des découvertes aux Terres Australes, et
M. Péron, qui a si puissamment coopéré au succes de cet in-
téressant voyage, et qui le rédige en ce moment, nous fera
sans doute connoitre quelques particularités sur l'état de cet
animal, relativement au singulier pays qu'il habite, et au
peuple fes singuher encore qui se l'est associé.
D'HISTOIRE NATURELLE. i AE à
Presque tous les voyageurs qui ont pénétré dans la Nou-
velle-Hollande parlent des chiens naturels à ce pays : Dampierre
en fait soupçonner l'existence. (1)5. Cook (2). en parle, mais
sans rien dire ni sur leur mœurs, ni sur leurs formes. : !.
- Le rédacteur du voyage du kommodgre Phillip en AB
une figure passable et une description exacte avec des détails
intéressans sur ses mœurs (3). H en est de méme de John
With (4) que Schaw a. copié; de Watkin-Tinch (5).et de Bar-
rington (6) : seulement celui-ci ajoute; qu'il y a une grande et
une petite espèce, et:ce fait. m'a été confirmé par un autre -
pra mais il paroit "e" la race de plus. forte taille ne
(1) Suite du voyage de Dampierre autour du monde, 8.° dista 1701, f. H,
p- 140.4 Le 4 janvier 1688, nous arri! dr aux terres de la Nouvelle-Hollande ,
« nous ne vimes aucune sorte d'animaux ni aucuné tracé dé bétes, si ce n'est une
« seule fois, et nous crümes que c'étoit la piste dat madia, »
(2) Premier voyage , août 1770.
(5) The voyage of governor Phillip to Botany-Bay , in-4. ? , London, 1789 , P. 274
(4). Journal ofa voyage new south Wales, London, 1790, page 280.
` (8) Relation d'une expédition à la. Baye Botanique ; traduit de l'anglais par C. P.;
Paris, 1789, p. 76. « Le chien est le seul animal domestique qu'ils possèdent (les
« habitans dela Nouvelle-Hollande:). Ils le nomment Dingo, et il ressemble assez
« au chien-renard d'Angleterre. Ces animaux sont forts fideles à leurs maîtres, et
« séloignent aussi de nous. Le gouverneur en a uu actuellement qui paroît lui être
« assez attaché. Commeles Indiens voient l'aversion que leurs chiens ont pour nous,
« ils ont quelquefois la méchanceté de les envoyer contre une personne seule qu'ils
« rencontrent dans les bois, ? .
(6) Voyage à Botany-Bay , etc. , Paris,an VI, p. 95. « Le chien natif télé
4 beaucoup au chien de Poméranie. Il porte les oreilles droites, a lair fort sau-
a vage, et peut être comparé au loup pour la taille et la €ouleur. Il est difficile de
« Vapprivoiser tout-à-fait, et quelques soins que vous donniez à son éducation,
« vous ne l'empécherez pas de se jeter sur vos moutons, vos cochons ou votre doi
« laille. Cette mu saec d'aduncir celéroce instinct n ne le rend utile vr la n
« du kanguroos: >
rr
472 | ANNALES DU MUSEUM
diffère de l'autre, ni par les formes, ni par les couleurs, ni
par la nature des poils. !
L’'individu que. nous possédons est de la méme race que
celui qui ést figuré dans les voyages de Phillip-et de With.
Sa taille est à-peu-pres celle du chien de berger. Son pelage
est extraordinairement fourni, et sa queue tres-touffue. Ses
poils, comme ceux de tous les animaux dont les espéces sont
exposées aux intempéries des climats froids, sont de deux
sortes: les uns courts, fins, laineux et de couleur grise, ré-
. Coùvrent ——— la peau ; les autres, plus longs, plus
grossiers et lisses, colorent l'animal. La partie supérieure de
la téte, du cou, du dos et de la queue est d'un fauve un peu
foncé ; les côtés , le dessous du cou et la poitrine sont plus
pálés; toute la partie inférieure du corps, la face interne des
cuisses et des jambes et le museau | sont blanchâtres, m
Les mouvemens de cet animal sont trés-agiles., et son. acti-
vité, lorsqu'il est libre, est fort grande; mais , ce cas excepté,
il dort Eienaar: Sa force musculaire surpasse de beau-
coup celle de nos chiens domestiques, de. même taille. Dans
ses mouvemens, il tient sa queue relevée ou étendue horizon-
talemént , et lorsqu'il. est attentif, il la tient basse. Il court la
tile haute, 4 et ses oreilles droites et tonjours dirigées en avant,
t bien son audace. Ses sens: paroissent être d'une.
finesse extrême; mais ce ks étonnera peut-être, c'est qu'il ne.
sait pas nager, et que , jeté à l'eau , il se débat machinalement
et ne fait aucun des mouvemens convenables gant se soutenir, -
— "iE soit parfaitement bien constitué. '
Ce chien qui est une femelle, avoit environ dix-huit mois "e
qu "il arriva à notre ménagerie. HE vivoit en liberté sur. le bâti-
ment qui l'amena en Europe, et malgré les nombrenses cor-
á
D'HISTOIRE NATURELLE, «43
rections qu'on lui infligeoit, ainsi qu'à un jeune mále mort des
suites d'un châtiment trop rude,ils n'ont cessé tous deux de
dérober à bord ce qui convenoit à leur appétit.
L'humeur de celui qui restoit, peu sociable pour les incon-
nus, forca, des que sa liberté ne fut plus circonscrite dans
l'étendue d'un vaisseau , à le tenir enfermé et à ne lui accorder
de liberté qu'après avoir pris les précautions convenables pour
écarter les dangers des autres et de lui- méme.
L'expérience n'ayant pu lui donner le sentiment de ses forces,
par rapport à ce qui l'environne, il sexposeroit chaque jour à
perdre la vie s'il pouvoit se livrer à son aveugle courage. Non-
seulement il attaque sans la moindre hésitation les chiens de
la plus forte taille ; mais je l'ai vu plusieurs fois, dans les pre-
miers temps. de son séjour à notre ménagerie, se jeter en
grondant sur les grilles au travers desquelles il apercevoit une
panthère, un ja&uar ou un ours, lorsque ceux-ci avoient l'air
dele menacer. Cette témérité paroitroit ne pastenir entièrement
àl'inexpérience de notre individu , mais étre peut-étre une des
qualités de sa race. Le rédacteur du voyage de Phillip rap-
porte qu'un de ces chiens, qui étoit en Angleterre, se jetoit
sur tous les animaux, et qu'un jour il attaqua un àne qu'il
auroit tué si l'on n'étoit venu à son secours.
. La présence de l'homme ne l'intimide point, il se jette sur
la.personne qui lui déplait et sur les enfans surtout, sans au-
cun motif apparent; ce qui semble coulirmer ce que dit Wat-
kin-Tinch de la haine de ces chiens pour les Anglois, lorsque
ceux-ci arrivèrent au port Jackson. Si cet animal se laisse
conduire par le gardien qui le nourrit et le soigne, ce n'est
qu en. laisse: il ne lui obéit point, est entierement sourd à la
voix, et le châtiment l'étonne et le révolte. Il affectionne par-
A74 ANNALES DU MUSÉUM
ticulièrement celui qui le fait jouir le plus souvent de sa li-
berté; il le distingue de loin, témoigne son espérance ou sa
joie par des sauts;l'appelle en poussant un petit cri assez
semblable à celui des autres chiens dans la méme situation ,
et aussitôt que la porte de sa cage est ouverte, il sélance, fait
rapidement cinq à six fois le tour de l'enclos où il pourra
Sébattre, et revient à son maitre lui donner quelques marques
d'attachement qui consistent à sauter vivement à ses côtés , et
à lui lécher la peau. Ce penchant à une affection particulière
ressemble à celui du chien de berger, et s'accorde avec ce
que les voyageurs assurent de la fidélité exclusive du chien de
la Nouvelle-Hollande pour ses maitres. Mais si cet animal
donne quelques caresses, ce n'est que pour des services réels,
et non point pour obtenir d'autres caresses: il souffre volontiers
celles qu'on lui fait, et ne les recherche point. Ses jeux sont
sans aucune gaité; il marque sa colère par *trois ou quatre
aboiemens rapides et confus; mais , excepté ce cas, semblable
au chien sauvage dont la voix ne feroit qu'éveiller la proie ou
appeler le danger, il est très-silencieux. Bien différent de nos
chiens domestiques, celui-ci n'a aucune idée de la propriété de
l'homme, et il ne respecte rien de ce dont il lui convient de
faire la sienne. Il se jette avec fureur sur la volaille,et semble
ne s'étre jamais reposé que sur lui-même du soin de se nourrir,
comme on auroit déjà pu le conclure d’après le passage de
Barington, que nous avons rapporté plus haut.
Jl appartenoit sans doute au peuple le plus pauvre et le
moins industrieux de la terre, de posséder le chien le plus en-
clin à la rapine qui soit connu, et le plus incorrigible à cet
égard. Cependant les sauvages de la Nouvelle-Hollande se’ font
accompagner par ce chien à la chasse, ce qui feroit supposer
D'HISTOIRE NATURELLE. 475
quelque sentiment de propriété chez ces animaux; mais ne
nous offrent-ils pas alors le tableau où Buffon peint l'homme
et le chien sauvage s'entr'aidant pour la première fois, pour-
suivant de concert la proie qui doit les nourrir, et la parta-
geant ensemble aprés l'avoir atteinte.
Ce qu'il mange le plus volontiers c'est la viande crue et
fraiche; le poisson ne paroit jamais avoir fait sa nourriture;
car la faim elle-méme ne le décide pas à le manger: il ne re-
fuse pas le pain, et paroit goüter avec plaisir les matiéres
sucrées,
Son rut jusqu'à présent ne s'est montré que toutes les an-
nées une fois , et en été, ce qui correspond , pour la Nouvelle-
Hollande, à l'hiver de notre hémisphère , et fait rentrer le rut
de ces animaux dans la règle à laquelle nous avons cru aper-
cevoir qu'il étoit soumis chez les mammifères carnassiers en
général. Chaque fois que cet état s'est manifesté, on a cherché
à faire produire cette chienne avec un chien de méme forme,
de même, couleur , mais non point de même race qu'elle; l'ac-
couplement a eu lieu , mais non pas la prés sig ce qui con-
firme la difficulté qu'on a généralement à faire produire deux
races lorsqu'elles sont très-différentes.
La maniére dont ce chien a toujours vécu, nelui a, pour
ainsi dire, permis d'acquérir aucune expérience; les chátimens
lauroient rendu plus docile, le germe de ses qualités se se-
roit développé, il se seroit fait une éducation plus étendue dans
d'autres circonstances , comme il arrive à tous les individus
de sarace qui vivent en liberté au port Jackson et avec les
habitans de la Nouvelle-Hollande; mais son ignorance pourra
ne pas étre sans utilité, si cet animal ne nous a point montré
tout ce dont il est susceptible, il s'est peut-être fait voir à rous
476 ANNALES DU MUSEUM.
plus près de la nature et avec les seuls caractères de sa race.
Le degré de développement que ses facultés intellectuelles
peuvent acquérir par l'éducation , donnera lieu à de nou-
velles expériencees et à de nouvelles observations, si les cir-
constances le permettent. |
On sent que ce n'est qu'aprés avoir recueilli un. grand
nombre de faits qu'on est autorisé à tirer quelques conclu-
sions sur le sujet auquel se rapportent les observations précé-
"dentes , il nous suffit pour le moment d'avoir établi les prin-
cipes qui nous ont guidés dans ce travail et d'en avoir es-
sayé l'application : ce sont eux qui nous conduiront dans nos
-recherches ultérieures, sur le moral des animaux, et peut-être
'avec du zéle arrive nous à quelques-unes de ces vérités
générales qui font l'objet principal des sciences et le but de
‘nos iravaux.
TXHLE a.
DES MÉMOIRES ET NOTICES
Contenus dans ce onzième volume. —
NT
Sy
Sur la réunion de la pycnite avec la topaze. Page Ec
Description de plusieurs nouvelles variétés de chaux car-
bonatée. .. 66—70
Sur l'analogie du diopside avec le pyroxène. ix. n= BO
Sur l'arragonite. -241—266
M. FAUJASSAINT-FOND.
Notice ON MTY MEA sur la Särcoite de
í Montechio- Maggiore et de Castel. RE a-46
Notice sur une espèce de charbon fossile nouvellement dé-
couverte dans le territoire de Naples. 141—149
y oyage géologique de Nice, à Menton, à V intimille , Port-
Maurice, Noli, Savonne, Voltri et. Gênes, par la
route de la Corniche. 2 jm 225
Mémoire sur un nouveau genre de coquille bivalve. 381—392
MM. FOURCROY ET VAUQUELIN.
Extrait dun mémoire lu le 7 mars 1808, à la première
po 11. 62
458 TABLE DES MÉMOIRES
classe de l'Institut, et ayant pour titre : Nouvelles ex-
périences sur l'urde: EF 226—230
" M. YAUQUELIN.
Analyse de la substance remise par M.F aujas , sous le
nom de Sarcolite, et qui a été recueillie par feu M. Do-
lomieu dans les laves de Montechio Maggiore et de
Castel dans le Vicentin. 47—950:
Analyse de la datholithe où chaux boratée-siliceuse de M.
Haüy, .. ai. gcc
X DESFONTAINES.
Suite des plantes du corollaire de T'ournefort. 51—57: 136—
FRERE LE 160—169: ' 273—282: 35 76—383: 438—446
M. DE JUSSIEU.
Sixième notice historique sur le Muséum d'histoire natu-
.. relle.* ae ict
: Notes sur quelques genres de la Flore de Dod de
Loureiro , qui ont. de l'a(finité avec d'autres genres
connus. 724—376: 150—152
Suite des observations sur quelques g senres de.la Flore de
Cochinchine de Loureiro , avec quelques réflexions sur
l'e'&&ocarpus et les genres qui doivent s'en rapprocher
dans l'ordre naturel. 7. 231—236: 327—328
M. THOUIN.
Description de l'école d'agriculture pratique du Muséum
HET. NOTECES m h79
diste naturelle. ( ce s 095—120
M GH TIPR
Mémoire sur la EEA et la phasianelle de M. Lamarck.
121-635
Mémoire sur la vivipare fcx douce ( ue. viviparum
Draparn. Helix vivipara Lin.); sur quelques espéces
voisines, et idée générale sur la tribu des gastéropode s
pectinés à coquille entiére. 170—188
Rapport fait à l'Institut sur un mémoire de MM. les Boc.
teurs Gall et Spurzheim. ^ "m 329—375
Mémoire sur le grand buccin de nos cótes ( buccinum un-
datum , Lin.) ainsi que surles buccins, les murex, les
. strombes;et en général sur les gastéropodes pectinés
a
à syphon. 447—4557
MM. CUVIER ET -BRONGNIART.
Essai sur la géographie uiv Togique des environs de
Paris. 293—326
M. LAUGIER.
‘Analyse du diopside. io, as e mm
Analyse de l'aplóme NO ofa
M. FRÉDÉRIC CUVIER.
Note sur T gue eom d'un zebre et d'un o MIC 4o
Observations sur quelques espèces de goélands. : 383—292
Observations sur le chien de la Nouvelle- Hollande, précé-
62 *
480- TABLE DES MÉMOIRES ET NOTICES.
dées de quelques réflexions -sur les facultés morales
des animaux. 458—476
M. LATREILLE.
Notice boevaphique à mr Cr ABRICIUS, GU ue d'his-
toire naturelle et d'économie rurale à Kiell. 393—404
LM DE DRÉE.:
Mémoire sur un nouveau genre de liquéfaction ignée qui
saplique la facem des laves lithoides. AD
CORRESPONDA NCE
Beauhäracisa genus novum Floræ TOME 71—73
INDICATION DES E GRAVURES DU XI* VOLUME.
Planche I. Plan du Jardin des Plantes ayec ses additions
en 1788. qc Page 1
II. Linaria grandiflora. t 51
III. Linaria corifolia. |^... 53
IV. Verbascum betonicafoliam. z 54
ofe Vu Phyteuma lanceolata:. \ossn an 41009
VI. Campanula ptarmicæfolia, . | gos Go
. VIE Campanula pauciflora. |afOoderor097
INDICATION DES GRAYURES. 481
Planche VIII. Cristaux de topaze de pycnite et de plusieurs
58
variétés de chaux carbonatée.
IX. Beauharnoisia fructipendula : 71
X. Cristaux de diopside et de pyroxéne. 77
XL Anatomie de la janthine et de la phasianelle.
121
XIL Campanula calamenthifolia. 136
XIII Campanula stricta. 137
XIV. Campanula parviflora. | 138
XV. Campanula corymbosa. . 139
XVI. Campanula pelviformis. | 141
XVII. Campanula tubulosa. 142
XVIIL Campanula pentagonià. 143
XIX. Eactüca cretica: < T3 160
XX. Cnicus cynaroides. _ 161
XXI. Tanacetum incanum., 163
XXII. Anacyclus creticus. 104
XXIII. Inula conysoides. . 165
XXIV. Scabiosa argentea. T 167
XXV. Scabiosa micrantha. 168
XXVI. Anatomie de la vivipare d'eau douce. 187
XXVII. Cristaux d'arragonite et de chaux carbo-
natée. 241
XXVIII. Valeriana sisymbrifolia. | 273
XXIX. Cachrys cretica. 274
XXX. Bunium ferulæfolium. 275
XXXI. Ranunculus grandiflorus. S47
XXXI! Helleborus orientalis. 278
XXXII. Papaver floribundum, 336
48» INDICATION DES GRAVURE S.
Pianche XXXIV. Hesperis pinnatifida. 377.
XXXV. Alyssum densiflorum. 379
XXXVI. Alyssum samolifolium. | 380
XXXVII. Alyssum paniculatum. 381
XXXVIIL Draba pontica. Idem. .
XXXIX. Thlaspi cordatum. 382
XL. Cardite et clotho fossiles. 384
XLI. Hypericum ciliatum. | 438
XLII. Ruta parviflora. g 44o
XLHI. Cucubalus spergulifolius. AA
XLIV. Lychnis variegata. 442
XLV. Cotyledon parviflora. - 444
XLVI. Crassula: crenata. ^ — 445
XLVII. Anatomie du dard birok de nos côtes.
A47
TABLE ALPHABÉTIQUE
DES ARTICLES
Contenus dans ce onzième volume.
A.
p Pres de Loureiro. Doit être
réuni à l'Eleocarpus, 231 et suiv-
Quels autres genres en sont
voisins, et quelle est leur place
. dans l'ordre naturel, 232 et suiv.
Voyez Elæocarpus.
Aglaia de Loureiro. Observations sur
ce genre de plantes. Son aftinité
avec le Camunium de Rumphetle
Leuradia de Vandelli, 7
Agriculture. Description de l'école d'agii-
culture pratique du Muséum,
IV. mémoire sur les moyens de
propager les végétaux , 94 et suiv.
Voyez Marcottage.
Alalite. Voy. Diopside.
Allophyllus. Doit être réuni à l'Orni-
trophe , 255
Alyssum. Description et figure de trois
espéces d'Alyssum du Levant,
379 et suiv.
‘Anacyelus creticus. Description et figure
de cette plante , 164
Analcime, Se trouve avec la sarcolite,
Ces deux substances , qui ont la
même cristallisation , diffèrent par
les proportions de leurs principes,
42 et suiv. Voyez Sarcolite.
Analyse chimique de la sarcolite de
Montechio-Maggiore , 47 et suiv.
— de la datholithe, 89 et suiv.—
- du diopside , 153 et suiv. — de
l’urée, 226 etsuiv. — del'aplóme,
267 et suiv.
Anatomie du cerveau et recherches sur
le système nerveux. Voyez Cer-
veau.
Anatomie comparée. Voy. Gastéropodes.
Voyez aussi dans la table précé-
dente le titre des mémoires de
M. Cuvier. :
Angivillers M.lecomted”). Nommé à la
survivance de la place d'intendant
du jardin, occupée par M. de
Buffon , 8
Animaux perdus. Voy. Géologie.
Anoma. Deux espéces de ce genre éta-
484
bli par Loureiro, doivent étre
réuniesau Moringa, 327 etsuiv.
Voyez Moringa.
IRT Propriétés physiques et analyse
chimique de ce minéral, 267 et
suiv. Il paroît former une espèce
particulière, 272
Aporetica Forst. Doit être réuni à l'Orni-
trophe. Voyez ce mot.
Arbres verts. Peuvent se multiplier de
marcottes; mais les individus ob-
tenus de cette maniére sont moins
beaux, 113
Argile plastique des environs de Paris. Sa
nature, ses caractéres, son gise-
ment et sa formats 306. Voy.
Géologie,
Arragonite ( mémoire sur NT » , et sur les
„caractères distinctifs qui existent
entre ce minéral et la chaux car-
bonatée, 241 et suiv.. Compa-
raison des caractères physiques ,
etde ceux que présente la cris: `
tallisation de ces deux substan-
cês, 243 et s. Observations nou-
i velles sur la forme primitive de
ex oe „cristaux, ib. Il n'existe au-
cune analogie de structure entre
ceux de l'arragonite et ceux de la
i chaux carbonatée > et leurs formes
sont incompatibles, 247 et suiv.
Description de plusieurs. modes
nouveaux de groupement que
présentent les arragonites, 251 et
| suiv. La chaux carbonatée dure de
" M. de Bournon paroit étre une
arragonite, 255. Comparaison de
Ja réfraction de l'arragonite avec
a À
TADOE-ALEXASExTIITE
celle de la chaux carbonatée,
255. Les images, vues à travers
deux faces paralléles d'un cristal
d'arragonite , sont simples; elles
sont toujours doubles à travers
un cristal de chaux carbonatée,
259. L'action de la chaleur est
différente sur ces deux substances,
260. Caractères qui distinguent
ces deux substances lorsqu'elles
sont en masse compacte , sans au-
cun indice de cristallisation , 261.
Le flos ferri est une variété d'ar-
ragonite , 262. Réflexions sur le
défaut d'accord qui existe entre
.les. résultats de la chimie et ceux
de la minéralogie , 264. TIC
gonite doit former une espéce dis-
tincte de la chaux per , et
pourquoi , 265
Aubletia de Loureiro. Doit être réunie
au Paliurus, cT ||
B.
Basseporte (Magdeléne). Peintre du jar-
din. Sa mort , 10
Baumgartia. Voyez Ejibaleritni::
Beauharnoisia. Description et figure de
ce nouveau genre de plantes, 71
Bourgeons. On doit les distinguer des
| Boutons,ou Gemma,ou eur, 66,
Voyez Gemma.
Boutons. Voyez Gemma.
Brucea: Voy. Gonus, |.
Buccin ( buecinum undatum LA: Anatomie
de ce mollusque, 447 et suiv»
D ESA A E FHCL:E S.
Observations sür l'organisation de
sa trompe, 452 et suiv.
Mee Cède son logement pour l'agran
dissement- du cabinet, qui dės-
lors est ouvert au public, 2. Le
roi érige sa terre en' comté, et
fait faire sa statue, 9, ILobtient la
réunion de plusieurs bâtimens
au jardin, 10. Il fait construire la
nouvelle école de botanique où
les plantes sont disposées mé-
thodiqueméhit par M. de Jussieu,
11. Il agrandit beaucoup le jardin
en 1782, 20. La rue qui alors
borna le jardin, fut nommée la
rue de Buffon, 22. Autres acqui-
sitions et changemens qu'il fit
pour l'embellissement du jardin,
23 et suiv. Mort de Buffon ; no-
tice surles services qu'il a rendus
à l'établissement , 38 et suiv.
Bunium ferulæfolium. Description et fi-
gure de cette plante, 275
C.
Cabinet d'histoire naturelle du Muséum.
Agrandipar Buffon et ouvert aux
étudians et au public en 1766,
2.et suiv. Daubenton, nommé
~ démonstrateur, et son neveu qui
lui- fut adjoint, assistoient aux
séances et répondoient aux ques-
tions des étudians, 3 etsuiv.
Cachrys eretica. Description et figure
de cette plante, ` 274
485
Caleazre ( Sable et Pierre ) des environs
de Paris. Voy: Géologie.
Calorique. Voy. Chaleur, Feu, Laves li-
thoides.
Campanule. Description et figure de neuf
'espéces de Campanules du Levant,
56 , 57°, 156'et suiv.
Camunium sinense Rumph. Observations
+ ' sur cette plante, 75. V. Aglaia.
Cardites fossiles dans lesquelles on trouve
d'autres coquilles. Voy. Clotho.
Cerveau (anatomie'du ). Rapport sur un
ire de MM. Gall et Spur-
"e me pour titre : Recher-
ches sur le sysième nerveux en
général et sur lé cerveau en par-
iculier. Ce rapport contient l'ex-
position de la théorie anatomique
de ces savans, l'examen tant des
faits nouveaux qu'ils ont décou-
verts, que de la liaison qu'ils ont .
établie entre les faits connus, et
des propositions qu'ils en ont dé-
duites; enfin le jugement que les
cohpmiotires de l'Institut ont
de leurs travaux , 329 et s.
Chaleur. Observations relatives aux con-
séquences que M. Hall a tirées de
ses expériences sur les effets de
la chaleur modifiée par la com-
préssion, 408 et suiv. 335 et s.
Voy. Laves lithoides,
PL L "y de s 42 a 1 14
découverte dans le royaume de
Naples, 144 et suiv. L'échantillon
dont il est ici question étoit trés-
, bitumineux; mais il contenoit plu-
63
486
sieurs petits morceaux de bois
convertis en substance pierreuse ,
et dont on dégageoit la fibre en
faisant dissoudre dans de l'acide
nitrique affoibli le carbonate cal-
caire dont ils étoient imprégnés,
146 et suiv. Explication de ce
phénoméene , 149. Les charbons
bitumineux doivent leur origine
à des bois bitumineux, 148 et s,
Chauz boratée siliceuse. V. Datholithe.
Chaux carbonatée. (Description de plu-
iétés de), 66
dela chaux
sieurs nouvelles
et suiv. Comparai
carbonatée et de l'arr;zonite, 241
et suiv. Voy. Arragonite.
Chaux carbonatée dure. Fs une variété
d'arragonite, 253
Chien de la Nouvelle-Hollande. Descrip-
tion de cet animal, et observa-
fons sur ses habitudes,470 etsuiv. |.
Chiens, Observations sur le caractére et
les habitudes des diverses races
. de chiens tant sauvages que do-
mestiques , 467 et suiv.
Chondrodendron. Voy. Epibaterium.
Citta. Voy. Dolichos.
Clotho. Description de ce nouveau genre
de coquilles fossiles qui se trou-
vent dans des Cardites, renfer-
méeselles-mémes dans des pierres,
384 et suiv. Conséquences géo-
logiques qu’on peut tirer du gi-
sement de ces coquilles, 390
Cnicus cyranoides, Description et figure
de cette plante, 161
Coccolithe ou Pyroxéne d'Arandal. Voy.
Diopside.
TABLE ALPHABETIQ UE.
Coquilles fossiles. Voy. Cardites , Clotho ,
Géologie.
Coquilles fossiles, marines et fluviatiles
des environs de Paris. Dans quels
terrains elles se trouvent, et à
quels'zenres elles appartiennent.
Moyez Géologie.
Coquillages. Voy. Gastéropodes.
Corollaire des Instituts de Tournefort.
Voyez Plantes du Levant.
Cotyledon parviflora Description et fi-
gure de cette plante, 444
Craie. Voy. Géologie.
Crassula crenata. Description et figure dé
cette plante, A45
Cristallisation. Plusieurs problémes re-
latifs à la cristallisation des mi-
néraux sont susceptibles de deux
solutions, 66. Rapport entre la
forme primitive et les formes se-
condaires des cristaux, et com-
ment la première peut être subs-
"ituce aux autres pour la déter-
mination des especes, 62 et 70.
Moyens qu'ilconvient d'employer
pour déterminer les formes des
molécules intégrantes, 80. Dans
quel cas des moléculesintégrautes
de méme forme peuvent appar-
tenir à des substances d'une na-
ture différente , 87. Cristallisation
de la chaux.earbonatée incompa-
tible avec celle de l'arragonite.
Voy. Arragonite.
Ditame Voy. Cristallisation.
Cristauz (les) igclus dans les laves li-
thoides préexistoient à la forma-
DE A RITS € Lb EIS.
tion de ces layes. Voyez Laves
-. lithoides.
Cristaux de pycnite , de topaze , de
chaux carbonatée , 58 et suiv.; de
diopside et de pyroxéne, 77. V.
Cristallisation.
Cucubalus spergulifolius. Description et
figure de cette plante, 441
Culture. Voy. Marcottage.
Cyclostoma viviparum. Voyez Vivipare
d'eau douce.
D.
Datholithe ou Chaux boratée siliceuse
Analyse chimique de ce minéral,
$9 etsuiv
Daubenton , garde et démonstrateur du
cabinet, y dispose les collections;
et les jours d'ouverture , il assiste
aux séances pour répondre aux
questions des étudians, 3 et suiv.
Daubenton le jeune, cousin germain eg
beau-frére du précédent, lui est
adjoint dans la place de démons-
trateur et de garde du cabinet ,
4.Samort, 31. Yoy: Cabinet d'hiss
| toire naturelle.
Desfontaines | M. ) succède à Lemonnier
dans la place de professeur de ho-
tanique au jardiu , 32. Notiee sur
ses-travaux, `
Dévitrification. Les laves lithoides mont
point été formées par dévitrifi-
cation, mais par un genre parti-
culier de liquéfaction ignée. V.
Laves lithoides.
LU
487
Diopside. Espèce formée de la réunion
des deux minéraux nommés Ala--
lite et Mussite ; par M. Beauvoisin.
Son analogie avec le pyroxéne;
forme des cristaux de ces deux
derniéres substances, 77 et suiv.
T Analyse chimique du diopside,
153. Comparaison de cette ana-
lyse à celle du pyroxéne ou coc-
colithe d'Arandat, par laquelle la
. réunion de ces trois substances
en une même espèce se trouve
confirmée , AMOR 158
Dolichos urens. Plusieurs auteurs en ont
fait avec raison un genre à part.
Loureiro l'a nommé Citta; Adan-
son et Scopoli: l'avoient désigné
sous le nom de Mucuna. Ce der-
nier nom doit être conservé, 76
Dolomieu pensoit que les laves compactes
ou lithoïdes étoient dues à un
genre de liquéfaction ignée qui
avoit désaggrégé et non dénaturé
leurs parties composantes , etque
les cristaux que ces laves ren-
ferment, existoient dansles roches
. dont elles ont été formées, 406 et
suiv. Voy. Laves lithoides.
Draba pontica. Description et figure de
cette plante, 381
E.
Éboulement de terre qui a entraîné dans
la mer, prés de Villefranche, un
champ d'oliviers, et laissé à la
place une excavation d'une demi-
488
lieue de longueur et.de 300:toises:
de largeur; 192
Éducation. des animaux. Comment elle
doit étre dirigée, et: quelle est
son influence ; 465 et suiv. Voy-
Chien.
École: d* agriculture pratique du Muséum.
Voyez Agriculture.
Ecole de botanique (plantation de la nou-
velle ) en 1775; 7T ii etsuiv
Ellébore d'Orient. Description et figure
de cette plante , 278. C’est proba-
blement l'ellébore noir des an-
ciens, 280: Observations sur ses
propriétés, surce que lés anciens
en ont dit, et sur les essais que
des médecins tn ont fit dans le
Levant, 281
Elæocarpus. On doit réunir à ce genre
lAdenodus de Loureiro, lé Ga-
nitrum oblongum de Rumph, le
Perin-kara de Hort. Málab. Ce
AN et ceux qui en sont voi-
sins comme le Ganitrus de Gært-
ner, le Vallea de Mutis , le Tri-
cuspidäria de la Flore du Pé-
. rouete., doivent être éloignés des
guttiféres, et former soit une fa-
| mille nouvelle voisine des tili
soit une SL QE NanllTe,
251 et suiv. Circonscription du
genre Elæocarpus, 253 et suiv.
L'Eleocarpus peduncularis de La-
billardière paroît devoir farmer
un genre å, part, 254
Fntomologie. Voy, Fabricius, — :
Epibaterium. Forst.. Il. paroit qu'on doit
TABLE ALPHABÉTIQUE
réunir à cegenre la Limacia de
Loureiro, le Chondrodendron de
la Flore du Pérou, et le Baumgar-
tia de Moench, - 152
Fabricius. Notice sur la vie et les travaux,
de ce naturaliste, avec quelques
réflexions sur son système d’en-
tomologie , 393 et suiv.
Faujas de Saint-Fond ( M.) est attaché à
l'établissement sous le titre d'ad-
joint à la garde du cabinet, ef
chargé de la correspondance. No-
tice sur ses travaux,
Ferrein , professur d'anatomie au jardin
Sa mort , :
Feu, Combien les résultats de son action
sont différens, selon que cette
action est modifiée par la com-
pression, selon qu'elle est lente
ou subite, etc. Voyez Laves li-
thoides.
Flos ferri (le) est une variété d’
ragonite , |
Fossiles des environs. de. Paris.
. Géologie..
Foureroy ( M. ) suceéde à Pac dans
la.plaee de professeur : de chimie
au jardin , et explique le premier
la nouvelle nomenclature dans
l'amphithéátre. de. cet. établisse-
ment, 29 et suiv. Notice sur ses
travaux, ib. !
Fusion vitreuse et sidisiqua., différente
DES AEDECL EL: 489
de la simple liquéfaction ignée. Gemma ou Boutons, On doit les distin-
Voy. Laves lithoides. guer des bourgeons qui sont des
boutons déjà développés, 66. Ils
| G. sont répandus sur, toutes les par-
Gall et Spurzheim ( MM. ) Leurs re- ties du tronc et des branches des
* cherches sur le systéme nerveux Gé Friiti -i E 97
et le cerveau. Voy. Cerveau. Ces eographie minéralogique des environs
savans ont les premiers distingué
les deux ordres de fibres dont la
matière médullaire paroît se com-
poser, 372
Ganitrus. Observations sur ce genre de
plantes , et sur sa place dans l'or-
dre naturel, 232 et suiv.
*
Gastéropodes à branchies pectinées et à
coquille entière. Idée générale sur
cette tribu de mollusques, et ana-
tomie de quelques-uns des genres
qui la composent, 376 et suiv,
Différence de ceux à bouche en-
tiére et de ceux à syphon, 176.
Quels caractéres distinguent les
| genres, et quels leur sont com-
mollusques peuvent se concentrer
dans la coquille, 178. Différens
types de ces gastéropodes, et ob-
servations anatomiques sur les
principaux genres. V. Janthine,
Phasianelle , Vivipare d'eau douce ,
Turbo, Trochus , Nerite, Natice,
Buccin.
Gastéropodes pectinés à syphon, Voyez
Buccin.
Gemella. Ce genre de Loureiro doit être
réuni à l'Ornitrophe , 254
de Paris. Voyez Géologie.
Géologie. Essai sur la géographie miné-
ralogique des environs de Paris ,
293 et suiv. Cette contrée est
trés-remarquable par la succes-
sion des divers terrains, par le
grand nombre de fossiles orga-
nisés, et par la direction des caps
et des vallées, 293. Description
du bassin de la Seine, 295. Gi-
sement et formation de la craie ;
elle est disposée par assises in-
terrompues par des lits de silex
qui indiquent qu'elle s'est formée
par dépôts successifs, 300 et suiv.
Nature de cette craie, ib. Fossiles
qu'on y trouve, 301 et suiv. Au
dessus de cette craie se trouvent
des géodes calcaires, des géodes
de strontiane et des cristaux d'une
nouvelle variété destrontiane sul-
fatée , 505. Formation , gise-
ment et caractère de l'argile plas-
tique, 304 et suiv. Elle est au-
dessus de la craie ; elle ne ren-
ferme point de fossiles, ne con-
tient point de chaux, et paroít
avoir été produite dans des cir-
constances trés-différentes , ib,
Gisement et formation du sable
et du calcaire grossier, 507. Ce
o3
490
TABLE ALPHABÉTIQUE
calcaire, placé au-dessus de l'ar-
gile, est composé de couches al-
ternatives de différente nature , et
qui sont toujours disposées dans
le méme ordre; chacune de ces
couches est caractérisée par la
nature des fossiles qu'elle contient,
ib. Exposition des divers systémes
de couches et des coquilles qu'elles
renferment, 508 et suiv. Au-des-
sus du calcaire grossier sont des
marnes dans lesquelles on ne
trouve point de coquilles, 311.
Résultat des observations précé-
dentes, 311. Gisement et forma-
tion du gypse, 312 et suiv. Ce
terrain gypseux consiste en cou-
ches alternatives de marne et
-de gypse. On y trouve des sque-
lettes de quadrupédes et d'oiseaux
inconnus, des poissons, des co-
quilles marines , des coquilles
d'eau douce, des troncs de pal-
mier, etc. Ces couches superpo-
sées dans le méme ordre, dif-
ferent par leur nature, par leur
épaisseur et par la nature des
fossiles qu’elles renferment ,
ceux d'une couche n'étant ja-
mais ceux d'une autre, 515 et
suiv. Description particuliére des
collines de Montmartre, ib. For-
mation et gisement du sable et
du grès marin qui est au-dessus
du gypse, 319 etsuiv. Est rempli
de coquilles marines, ib. Consi-
dérations sur les circonstances
qui ont formé ces diverses cou-
Äi A
ches , 320. Formation et gisement
du siliceux, 321. Il ne renferme
aucun fossile, ib. C’est là qwon
trouve les pierres meulières ;
conjectures sur l’origine de ces
pierres, 322. Formation, gise-
ment et nature du gres sans co-
quilles, 322. Formation du ter-
rain d'eau douce, 323 et suiv.
Cette formation recouvre les au-
tres, etsa nature suppose dans les
eaux dans lesquelles il s'est for-
mé des propriétés qui n’existent
plus dans celles que nous con-
noissons , 523 et suiv. Formation
du limon d'aterrisscment, 325°
Cette formation, quoique posté-
rieure aux autres, est pourtant
antérieureaux temps historiques,
et les bois ainsi que les grands
mammifères dont on y trouveles
. débris, sont différens de ceux
qu'on connoît aujourd'hui, ib.
Géologie. Voyage géologique de Nice à
Génes, par la route de la Cor-
niche, contenant la description
des divers sites, des montagnes,
des carriéres, des minéraux et
des fossiles qui se trouvent aux
environs de cette route, 189 et
suiv. Réflexions sur les anciennes
réyolutions du globe, 215 et suiv.
590 et suiv.
Géologie. Voy. Laves lithoides.
Goélands. Mémoire sur quelques espéces
de goélands, 284 et suiv. Re-
marques sur les difficultés qu'offre
&
D ES
l'étude des oiseaux, et causes de
l'imperfection de quelques parties
de l'ornithologie, 284. Observa-
.tions générales sur les goélands ,
285. Du goéland à manteau noir,
287. Du grisard et du goéland à
manteau gris , 286. De la mouette
- tachetée, de la petite mouette cen-
drée et de la mouette rieuse , 289.
Les différences que les goélands
2
d’une même espèce présentent
dans les diverses saisons et selon
l’âge et lesexe, en ont fait beaucoup
multiplier les espèces, 287 et s.
Examen de ces différences et des
caractères qui distinguent les es-
pèces , ib.
Gonus (le )et le Tetradium de Loureiro
sont très-voisins du Brucea, et
tous trois sont peut-être du méme
. genre, 150
Grisard. Voyez Goélands.
Guilandina. Est un genre différent du
Gymnocladus et du Moringa ,
827 et suiv.
Guillotte père et fils, chargés de la police.
36
du jardin,
Gymnocladus. Genre très-différent du
: Moringa, 327
Gypse. Gisement et formation du gypse
dans les. environs de Paris, 312
et suiv. Il est disposé par couches
qui alternent avec des couches de
marne. On y trouve des ossemens
de quadrupédes et d'oiseaux in-
connus , et quelques coquilles
À B TX €L-E,6.
491
d'eau douce , 315 et suiv. Voyez
Géologie.
H.
Helix. Voy. Janthine et Phasianelle.
Helix vivipara, L. Voy. Vivipare d'eau -
douce.
Helleborus orientalis. Voyez Ellébore
d'Orient. —
Hesperis pinnatifida. Description et fi-
gure de cette plante , 977
Hyperanthera. Voy. Moringa.'
Hypericum ciliatum. Description et fi-
gure decette plante, 458
J.
Janthine ( Mémoire sur la ) et la Phasia-
nelle, deux genres de mollusques
démembrés des Hélir, 121 et s. Ces
deux mollusques, ainsi quela vivi-
pare d'eau douce, et tous les gasté-
ropodes à branchies pectinées, res-
pirent à la maniére des poissons
par linterméde de l'eau, et leur
anatomie est différente de celle de
l'hélix et des autres pulmonés, ib.
Histoire naturclle et anatomie de
la janthine, 122 et suiy.
Jussieu (M. Antoine-Laurent de ) rem-
place Lemonnier pour les lecons
de botanique , 7. Dispose les
plantes à l'école, d'aprés la mé-
thode naturelle , 11. Notice sur
ses travaux, 14
Jussieu( Bernard de ) démonstrateur de
492
botanique au jardin. Affoiblisse-
ment de sa santé, sa mort, 12 et
suiv. Note sur ses travaux et son
caractére, ib.
Instinct. Réflexions sur l'instinct et sur
les facultés morales des animaux,
458 et suiv. Les qualités qu'on
rapporte à l'instinct se modifient
par des causes extérieures et celles
qui dépendent de l'éducation de-
viennent héréditaires et instine-
tives dans certaines races, telle-
ment que les espéces sont suscep-
tibles de se perfectionner, Ago: et
suiv. Voyez Chien.
Inula conyzoides. Description et figure
de cette pot:
K.
Knema de Loureiro. Paroît devoir être
réuni au Myristica, 76
Es
e ap (M. de) nommé adjoint i à Dau-
; ' benton dans la place de démons-
trateur et de garde du cabinet,
351. Notice sur ses travaux, ib.
Laitue de Crite. DRE et figure de
cette plante, : 160
Laves compactes. Voy. Laves lithoïdes.
Laves lithoides. Mémoire sur uh nouveau
genre de liquéfaction ignée qui
explique leur formation, 405 et
suiv. Ces laves ont été liquéfiées
par la chaleur , mais n'ont été ni
vitrifiées, ni dénaturées , et les
T L'AILE: 4 LP R À B'ÉT I QU E
cristaux qu’elles contiennent
préexistoient à leur formation , ib.
Cette vérité avoit été annoncée
par Dolomieu et par quelques-
autres géologues qui cependant
ne lavoient pas prouvée, 407 et
suiv. M. Hall avoit attribué la
formation de ces laves à la dévi-
trification : réfutation de cette
opinion , 409 etsuiv. , 425 etsuiv.
455 et suiv. Expériences qui dé-
montrent que ces lavés sont le
produit d'une liquéfaction ignée
différente de la fusion. vitreuse ,
A11 et suiv. Quelles ditéahiices
-——— à leur formation,
et comment on peut imiter le
procédé de la nature , ib. Compa»
raison des laves lithoides artifi-
ficielles avec les roches dont elles
sont formées, 418 et suiv. Con-
clusion de ce mémoire, 530 et s,
Comparaison des produits de la dé-
vitrification avec ceux de la sim-
ple liquéfaction, 423 et-s. Carac-
téres qui distinguent essentielle-
ment la liquéfaction ignée de la
fusion vitreuse dans leur action
et dans leurs produits , 333. La
connoissance de la liquéfaction
ignée, quoique restreinte à la
théorie des volcans, peut con-
duire à la' solution de plusieurs
problémes de géologie, 437
Laves porphyritiques. Voy. Laves lithoïdes.
Lemonnier, professeur de botanique au
jardin, se fait remplacer par An-
toine-Laurent de Jussieu, 7
DES ARTICLES.
Leuradia. Voyez Aglaia.
Limacia (le) de Loureiro. Paroît étre
du méme genre que l'Epibaterium.
de Forster,
Limon d'attérissement. Voy. Géologie.
Linaire. Description et figure de deux
espéces de linaire du Levant,
51 et suiv.
Liquéfaction ignée, différente de la fu-
sion vitreuse et de la fusion mé-
tallique. Voy. Laves lithoides.
Lucas ( M.), attaché au cabinet d'histoire
naturelle, .
Lychnis variegata. Description et figure
de cette plante , 442
M.
Macquer , professeur de chimie au jardin.
Notice sur ses travaux, 15. Sa
mort, 29
* Madrépores qui se trouvent dans le mar-
bre aux environs de Monaco;
leur origine, 202 et suiv-
Marcottage. Des dés et des ap-
pareils utiles à la réussite des
marcottes, 95 et suiv. Définition
et théorie générale du marcottage,
ib. Exemples de marcottages sim-
ples par stolones, 98 ; par turions,
ib. ; par drageons , 99; par œille-
tons, ib. ; par éclats, ib.; par ra-
cines, 100; par butte, 101; en
archet, ib.; en provins, 102; en
serpentaux , ib.; en berceau, 103:
11,
h93
Exemples de marcottagés com-
pliqués : par torsion , 103; par
étranglement, 104; par plaies an-
nulaires, ib.; par incision ou à
œillets, 105 ; par double incision ,
ib.; en l'air, 106; en paniers, ib.;
en Sac, 107; en pot ordinaire,
ib.; en pots troués, fendus et à
oreilles, 108; enterrinespercées,
109; en entonnoirs de plomb,
de fer-blanc ou de verre, 109 et
suiv.; en bouteille, 111; enlan-
terne, 112. Marcottage d'arbres
foujours verts et d'arbres rési-
neux, 115. Observations générales
sur l'art de marcotter, 114 e£suiv.
Marcotte, Voyez Marcottage.
Ménageries ( utilité des ) pourd’étude des
oiseaux, 284
Mertrud, démonstrateur d'anatomie au
Jardin,
Mertrud , neveu du précédent, lui est
adjoint, 4. Note sur sa vie et ses
travaux, 19
Millepertuis. Voy. Hyperieum.
Minéraur. Ceux de différente nature ne
passent point l'un àl'autre, 263
Molécules intégrüntes. V. Cristallisation,
Molène. Voy. Verbascum.
Mollusques gastéropodes. Voy. Janthine,
Phasianelle , Vivipare d'eau douce
et Buccin.
Moringa (1e) est un genre naturel
: trés-différent des autres légu-
mineuses , auquel il. faut réu-
nir ROSES de Forskal et
0
694
- deux espèces d’Anoma de Lou-
reiro, $27 et suiy.
Mouettes, Voy. Goélands.
Montmartre, Description géologique des
diverses couches de terrain qui
composent les collines de Mont-
martre et des fossiles qu'on y
trouve, 315 et suiv. V. Géologie.
Mucuna. Voyez Dolichos.
Muséum d'histoire naturelle (Sixiéme no-
tice historique sur le) depuis 1760
jusqu'à 1788, 1 et suiv.
Mussite. Voy. Diopside.
N.
Natice. Observations anatomiques sur ce
genre de gastéropodes , 185
Nephelium. Ce genre doit étre réuni à
l'Euphoria , 236
mum Recherches sur le système ner-
veux et sur le cerveau. V.Cerveau,
Nérites. Observations anatomiques sur ce
genre de gastéropodes, 185
o a
CEil. Voyez Gemma.
Æilletons. Ce que c'est, 99. Multiplica-
tion par cilletons. Voyez Mar-
cottage.
Oiseaux. Difficultés que présente la dis.
^ tinction des espèces, et pourquoi
les naturalistes les ont multipliées,
284 et suiv. Voyez Goélands.
TABLE ALPHABÉTIQUE.
Ornithologie. Difficultés de cette science;
obscurité qui régne encore sur
quelques-unes de ses parties, 205
et suiv. Les naturalistes ont sou-
vent regardé comme des espèces
les variétés produites par le sexe
ou par l’âge, ib. Utilité des ména-
geries pour l'étude des oiseaux,
284. Voy. Goélands.
Ornitrophe. On doit réunir à ce genre le
Gemella de Loureiro , l’Apore-
tica de Forster, le Schimdelia et
. " Allophyllus g 234
P: T
Papaver floribundum. Description et fi-
376
Paris ( Description géologique des envi-
rons de). Voy. Géologie.
gure de cette plante,
Périn-kara. Voy. Elæocarpus. `
Petit ( Antoine ), professeur d'anatomie
au jardin. Note sur sa vie et ses
travaux, 16°
Plantes du Levant( suite du choix des) ,
indiquées dans le Corollaire de
Tournefort, publiées d’après son
herbier , et gravées sur les dessins
` d'Aubriet, qui font partie de la
collection du Muséum, 51 et s.
136 etsuiv. 160 et suiv. 273 ets.
376 et suiv. 438 et suive.
Phasianelle ( Mémoire sur la ) et la Jan-
thine, deux genres de mollusques
à branchies pectinées qu'on avoit
mal-à-propos réunis à l'Hélir,
121 et suiv. Histoire naturelle et
Dress à ROT ECL E:s.
- anatomie de la Phasianelle, 130
et suiv, Voyez Janthine.
Phyleuma lanceolata. Description et fi-
gure de cette plante, 55
Pierre à plâtre. Voy. Gypse.
Pierre meulière des environs de Paris.
Son gisement et sa formation,
322. Voy. Géologie.
Pometia Forst. Ce genre doit être réuni
à l'Euphoria de Commerson , ou
Dimocarpus de Loureiro, 235
Portal ( M.) , nommé professeur d'anato-
mie au Jardin. Notice sur ses tra-
|? vaux, 18
Printemps. 11 se divise en trois époques
relativement à l’agriculture, 114
- Provins. Voy. Marcotte et Marcottage.
Pyenite. Doit être réubie à la topaze,
d'aprés la forme de ses cristaux.
Comparaison des caractéres chi-
miques et minéralogiques de ces
deux subsfances, 58 etsuiv.
Pyroxène, Analogie de ce minéral avec
le diopside , 77 et suiv. Forme
de ses cristaux comparée à celle
des: cristaux de diopside, Bo et
` suiv. Indication de plusieurs subs-
tances minérales qui doivent étre
réunies au pyroxene , 86 et suiv.
Ecc
Ranunculus grandiflorus. Description et
figure de cette plante, 277
Révolutions du globe. Voy. Géologie.
Rouelle, démonstrateur de chimie au
495
jardin, est remplacé à sa mort
par son frére. Caractére de ces
deux savans, 5et6
Rousseau ( J.-J.) assista aux herborisa-
tions de M. de Jussieu, pendant
les cinq dernières années de sa
vie, 14
Ruta parviflera. Description et figure de
cette plante, 440
S.
*
Sarcolite de Montechio-Maggiore et de
Castel. Notice sur le gisement et
les caractéres de ce minéral qtti
se trouve dans les mêmes laves
où est l’analcime, et sur les ca-
ractéres chimiques qui le séparent
dé cette dernière substance, 42
etsuiv. Analysechimique de cette
LJ
sarcolite , et sa comparaison avec
d’autres, 47 etsuiv.
Scabiosa. Description et gure de deux
espèces de Scabieuses du Levant,
167 et suiv.
Seine (Description géographique et géo-
logique du bassin de la), 295 et
suiv. Voy. Géologie.
Spurzheim et Gall ( MM. ). Leurs Recher-
ches sur le cerveau. V, Cerveau.
Stolones et végétaux stolonifères, 98:
Multiplication par sfolones, ib.
Voy. Marcottage.
Strontiane sulfatée (Géodes et cristaux de)
qu'on trouve aux environs de Pa-
ris, et parmi lesquels il y a une
496
nouvelle variété, 303. Leur gise-
ment et leur caractère, ib.
T.
Tanacetum incanum. Description et fi-
gure de cette plante, 163
Tetradium. Voyez Gonus.
Thiaspi cordatum. Description et figure
de cette plante, 362
Thouin ( M. André), aujourd'hui profes-
seur de culture au Muséum , suc-
cede à son pere dans la place de
jardinier en chef, 8. Notice sur
ses travaux,
; Topi. Comparaison de ce minéral avec
la pycnite, qui doit lui être réunie»
58 et suiv. Voy. Pycnite,
Tournefort. Voy. Plantes du Levant.
Tricuspidaria de la Flore du Pérou. Ob.
servations sur ce genre et sur sa
place dans l’ordre naturel, 233
s et suiv,
Trochus. Observations anatomiques sur
ce genre de gastéropodes, 184
Tarbes, Observation anatomiques sur ce
genre de gastéropodes , 183
Turions. Ce que c'est, 98. Propagation
par Turions. Voy. Marcottage.
U.
Urée (Nouvelles expériences a ). 226.
Comment on l'obtient pure, ib.
Ses caractères, 227. Phénomènes
que présente sa distillation, ib.
TABLE ALPHABÉTIQUE
Elle provient de l'acide urique,
et ces deux corps se changent l'un
en l'autre , 228. Altération que
Purée épreuve dans la vessie ?
229. La connoissance de l'urée
peutfournir beaucoup d'applica-
tions utiles à la médecine, 229
V.
Valeriana sisymbrüfolia. Description et
figure de cette plante, 393
Vanspaendonck ( M. ), nommé peintre du
jardin , 10
Vateria.Sile fruit que M. Gærtner fils a
décrit sous ce nom lui appartient
réellement, ce genre doit étre
éloigné de l'eleocarpus , 234
Variétés dans les végétaux. Une bonne
théorie de.la formation des va-
riétés est encore à établir et seroit
tres-utile, 96. Moyen de propager
les variétés. Voyez Mareottage.
Végétaux (propagation des). Les arbres
obtenus de bouture , de greffe ou
de marcotte, et toujours multi-
pliés de cette manière , finissent
ordinairement parne plus donner
de graines fertiles, 95. Ils sont
aussi moins beaux que ceux venus
de semence, ib. el 114. Moyens
de propager les variétés. Voyez
Marcottage. ls
Végétaux. Des moyens de les multiplier,
94 et suiv. Voy. Agriculture.
Verbascum betonicæfolium. Description
et figure de cette plante, 54
DES ARTICLES 497
Vicq-d' Azyr suppléa M. Petit pour les Volcans ( Produits des ). Voy. Laves lie
leçons d'anatomie , 17. Note sur thoides. (Y A4
sa vie et ses travaux , ib.
Vivipare d’eau douce ( Cyclostoma vivipa- Y.
rum, Drap.) Histoire naturelle et
anatomie de ce mollusque qui
appartient à la tribu des gastéro-
podes pectinés, et doit être sé- Z.
paré des Hélir, 170 et suiv. Il
est ovo-vivipare comme les vi- Zèbre. Note sur le zèbre mort à la ména-
` Yeux des végetaur. Voyez Gemma.
pères, et la matrice des femelles gerie du Muséum, le 8 avril de
contient au printemps des petits cette année ;. sur ses habitudes ,
revêtus de leur coquille et prêts sur son accouplement avec un
à marcher , d'autres moins formés, âne , sur le mulet qui en est né;
et des œufs, 174 ` et enfin sur son accouplement
avec un cheval, 237 et suiv.
Voyage géologique. Voy. Géologie,
*
Ernara pour le Mémoire de MM. Cuvier et Brogniart.
Pag. 300, lig. 21, leurs continuité; mettez leur continuité,
— 303 , lig. 21, tubulaire ; mettez tabulaire.
— — 304, lig. 20 , abondant en ta forêt ; mettez à Abondans dans Ja forêt,
308, lig. 29 ; à l’æil; mettez à l'air.
— — 510, lig. 18, état; mettez éclat.
—— 311, lig. 28, diverse; mettez inverse,
—— 514, lig. 6, carrières; mettez carriers.
== 526, lig, 8, leurs dépôts ; mettez leur dépót,
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CAMPANULA Ptarmicæfôlia .
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