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Full text of "Actes de la Socie?te? linne?enne de Bordeaux."

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ENCORE 


DE 


LA SOCIÉTÉ LINNÉENNE 


DE BORDEAUX. 


AUS 


DE 


LA SOCIÉTÉ LINNÉENNE 


DE BOLDELAUTES. 


TOME XVIII. 


Deuxième Série : MOME VEE, 


A ARS, À BORDEAUX, 


CHEZ J.-B. BAILLIÈRE, | CHEZ TH. LAFARGUE, 
_… Rue de l’École de Médecine, 17; 


LIBRAIRE , 
LONDRES Jmprimeur de La Société Linn., 
MÈME MAISON, 219, Regent-Street. Rue Puits de Bagne-Cap, 8. 


1852. 


Mo. Bot. Garden, 
1827. 


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4 Sheet 


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ACTES 


DE 


LA SOCIÉTÉ LINNÉENNE 


DE BORDEAUX. 


PS Pa 2 Te 
OP QE 


HISTOIRE NATURELLE GÉNÉRALE. 


1. Du perfectionnement graduel des étres organisés ; 
par M. Marcel pe SERRES , professeur à la Faculté 
des Sciences de Montpellier , correspondant. {Suite). 


Les oiseaux se distinguent donc par la finesse de leur 
ouïe et l'excellence de leur vue ; ils n’ont cependant qu’un 
limaçon rudimentaire. Il arrive au tiers de celui de l’homme 
chez les gallinacés, et se montre plus allongé chez les oi- 
seaux chanteurs que chez les espèces silencieuses. Il est 
donc plus perfectionné que chez les reptiles: 

L'appareil de l'absorption alimentaire a reçu quelques 
perfectionnements chez cet ordre d'animaux. On y voit ap- 
paraitre pour la première fois un pancréas assez volumineux. 
Le foie y est composé de deux lobes réunis en un isthme 
souvent fort étroit. Une vésicule biliaire y reçoit la bile sé- 
crétée par cette glande. 

Cet appareil est précédé par une bouche armée d’un bee, 
dans laquelle on aperçoit chez le perroquet, par exemple, 
des bulbes sécréteurs et une substance cornée qui rappellent 
les dents des mammifères. Des glandes salivaires volumi- 

Toue XVIII. 


neuses versent dans l'intérieur de la bouche , ou sur la lan- 
gue plus ou moins charnue, une humeur propre à favoriser 
la digestion des aliments. L'œsophage très-dilatable y est 
suivi de plusieurs estomacs, connus sous les noms de jabot, 
de ventricule succenturié et de gésier. Ce dernier est d’au- 
tant plus musculeux , que l'oiseau se nourrit plus exclusi- 
vement de substances végétales. L’étendue du tube intesti- 
nal est ici, comme ailleurs, en rapport avec le genre de 
nourriture. Il est plus long chez les granivores que chez les 
espèces qui se nourrissent de proie vivante. 

Il se compose d’un intestin grêle plusieurs fois replié sur 
lui-mème et d’un gros intestin généralement court, qui vient 
aboutir à chaque cloaque. Deux cœcums très-longs mar- 
quent constamment la limite des deux sections intestinales. 
Un mésentère qui n’a rien de particulier, maintient les in- 
testins dans leur position naturelle. 

Des animaux destinés à fendre l'air devaient être bien or- 
ganisés sous le rapport de leurs appareils respiratoires. 
Aussi les oiseaux sont relativement aux animaux vertébrés, 
ce que les insectes sont aux invertébrés. Ils respirent par 
toutes les parties de leurs corps ; la grande quantité d’air 
qui s’y répand, outre qu'il diminue leur densité, a aussi 
l'avantage d'augmenter leur chaleur et leur force motrice. 

Leur appareil respiratoire se compose d'un double larynx, 
d’une trachée artère, et de deux poumons. Le larynx supé- 
rieur presque osseux, est muni à sa partie antérieure, 
d’une grande plaque de la même nature, qui paraît analo- 
gue au cartilage thyroïde des mammifères. L’inférieur est 
… bronchial, situé à l'extrémité antérieure de la trachée artère, 
et constitue l'organe de la voix. Cette trachée est propor- 
tionnellement plus longue que chez les autres vertébrés. 
Ses anneaux ossifiés forment des cercles complets à l’ex- 

ception des deux supérieurs. 


(7) | 

Les poumons des oiseaux adhèrent à la partie osseuse 
correspondante. Formés par deux masses aplaties, spon- 
gieuses, d'un rouge foncé, ils ne se montrent point enve- 
loppés par une plèvre. On les voit percés en différents en- 
droits, d'orifices qui permettent à l'air de se répandre 
dans toutes les parties du corps, même jusque dans les os. 
Ils sont donc peérforés , dans toute leur substance, par des 
troncs destinés essentiellement à l'introduction de l’air dans 
leur intérieur. 

L'appareil de la circulation a suivi dans les oiseaux les 
progrès de l'organe respiratoire , et s’est mis en rapport 
avec lui. Il se compose d’un cœur pulmonaire et d’un 
cœur aortique, réunis en un seul organe , enveloppé d’un 
péricarde non adhérent. On y remarque deux oréillettes et 
deux ventricules. Son volume est plus considérable que chez 
les autres animaux, sans même en excepter les mammifè- 
res, quoique la distribution des veines et des artères soit la 
même chez les uns et chez les autres. Ce n'est pas à la 
grandeur proportionnelle de leur cœur , que les oiseaux doi- 
vent leur activité et la violence de leurs passions, mais à sa 
puissance musculaire et à l'énergie de ses contractions. 

Ce n’est pas uniquement parce qué le cœur des poissons 
et des reptiles est plus petit que celui des mammifères, 
qu'ils ont leurs mouvements plus lents et en général peu 
d'activité, mais à toutes les circonstances qui donnent au 
moteur du sang une moindre influence dans le système 
général de leur organisme. Ces circonstances ne font pas 
que le cœur des poissons et des reptiles ne soit, comme 
celui des autres vertébrés, le régulateur si non unique, du 
moins principal de la circulation générale. 

Le sang des oiseaux est plus riche en globules que celui 
des mammifères. Ces globules, au lieu d’être circulaires, 
sont encore ici elliptiques. Cette circonstance , jointe à leur 


(8) 

nombre , contribue peut-être à la facilité de la circulation. 
On ne peut pas du moins en trouver la cause dans la forme 
et la structure de leur cœur, dont la position aussi bien que 
les enveloppes, sont les mêmes que chez les mammifères. 
Les oiseaux ont une circulation complète et une respira- 
tion aérienne double, respirant par d’autres organes que 
par leurs poumons , l'air pénétrant ainsi par tout le corps. 
Ces conditions expliquent la haute température dont ils 
jouissent, l'énergie de leur force motrice , la vivacité de 
leurs mouvements, comme l'énergie et la violence de leurs 
passions. 

Considérés sous le rapport des organes de la reproduc- 
tion, les oiseaux sont plus avancés que les poissons et les 
reptiles ; ils ont de commun avec eux d’avoir des sexes dis- 
tincts , séparés , et des organes générateurs complets. Leurs 
organes mâles consistent en deux testicules ; le gauche plus 
gros que le droit. Situés sur les côtés de l'aorte au-dessus 
des reins , et formés per un parenchyme assez épais, il en 
part des vaisseaux séminifères qui se réunissent pour for- 
mer les canaux déférents. Ces canaux se terminent dans le 
cloaque ; ils vont aboutir à une élévation papilliforme qui 
rappelle Je double membre fécondateur des reptiles Sauriens. 

Les organes femelles diffèrent de ceux des autres verté- 
brés ; ils se composent d’un seul ovaire placé sur la ligne 
médiane du corps et situé au-dessous du foie. On n'y remar- 
que qu'un seul oviducte où s'arrêtent les œufs , pour se re- 
vêtir d’une membrane adventive, dont la plus extérieure est 
une coque dure et calcaire. Cet oviducte se termine dans 
le cloaque, comme les canaux déférents des mâles. 


4.9 DE L'ORGANISATION DES MAMMIFÈRES. 


On à enfin séparé des mammifères un ordre entier d’ani- 
maux auxquels on a donné le nom de Monotrèmes , à raison 


st ciné TU | anne canons Done sl 
' , 


(9) 

de ce qu'ils n'ont qu'une ouverture extérieure pour la se- 
mence, l'urine et les autres excréments. Cette classe fait 
en quelque sorte le passage des mammifères aux oiseaux ; 
elle offre du moins des caractères communs des uns aux 
autres. Extrêmement restreinte dans son habitation, on 
n'en a encore rencontré des exemples que dans le seul conti- 
nentde la Nouvelle-Hollande. Toutes les recherches ont été 
vaines jusqu’à présent pour découvrir des débris de mono- 
trèmes parmi les espèces de l’ancien monde. 

Ces animaux diffèrent essentiellement des carnassiers par 
les anomalies de leurs organes de génération. En effet, 
quoiqu'ils n'aient point de poche sous le ventre , analogue 
à celle des marsupiaux , ils ont comme ces derniers , les 
mêmes os surnuméraires sur leur pubis. Leurs canaux 
déférents se rendent dans l’urêtre qui s’ouvre dans le cloa- 
que ; quant à la verge, elle se retire dans un fourreau. La 
matrice y est bornée à deux canaux ou trompes qui s’ouvrent 
séparément, chacun par un double orifice, dans l’urêtre. Les 
monotrèmes ont des mamelles et paraissent pondre des œufs 
comme les oiseaux. À la vérité, il règne encore de grandes 
incertitudes sur ce dernier fait, quoique les habitants de la 
Nouvelle-Hollande prétendent qu’il est constant. En adop- 
tant leur opinion, MM. Everard Home et Owen ont consi- 
déré les monotrèmes comme ovo-vivipares. 

Cette classe des monotrèmes présente des particularités 
non moins grandes dans l’ensemble de leur squelette. La 
disposition des os de l'épaule est plus semblable à ce qui 
existe chez les oiseaux et les lézards, qu'avec les mammi- 
fères. Un os en forme d’Y s'appuie sur l'extrémité anté- 
rieure du sternum, et ses deux branches reposent sur les 
omoplates , de la même manière que chez les oiseaux. Les 
deux pièces situées en-dessous de cette cavité furculaire, 
représentent l'os coracoïde des oiseaux et des lézards. 


(10) 

L'omoplate elle-même , au lieu de se terminer par la fossette 
destinée à loger la tête de lhumérus, se prolonge au delà 
et vient s'unir directement au sternum. 

Les monotrèmes n’ont point de conque auditive, et les 
Ornithorhynques qui ont seuls des dents . offrent ces parties 
d’une structure très-différente de celle des dents ordinaires. 
En effet, ces pièces dures ne sont pas enchâssées dans les 
mâchoires, mais plutôt appliquées à leur surface. Elles 
ressemblent assez bien à de la corne qui serait encroutée 
d’une petite quantité de phosphate calcaire. 

Les pieds de ces animaux ont tous cinq doigts ; il en est 
du moins ainsi chez les deux seuls genres que nous connais- 
sons, les Échidnés et les Ornithorhynques. Les premiers 
sont moins anormaux que les derniers, dont la bouche se 
prolonge en une espèce de bec corné très-large, aplati et 
sur les bords de petites lamelles transversales, analogues à 
celles que l’on voit sur le bec des oiseaux. 

Les mammifères considérés d’une manière générale , sont 
des animaux à sang chaud , à respiration simple et aérien- 
ne, à circulation double et complète, à cœur à quatre loges. 
Vivipares, ils ont tous des mamelles ainsi que l’indique leur 
nom. 

Ils constituent deux grandes tribus; la plus simple a paru 
la première sur la scène de l’ancien monde. Celle-ci com- 
prend les mammifères pisciformes ou marins, nommés 
aussi cétacés. Les mammifères pisciformes n’ont qu’une 
seule paire de membres; les postérieurs sont remplacés 
par une nageoire horizontale , disposée à extrémité de la 
queue. La peau qui recouvre le corps de ces animaux est à 
peu près nue. 

La seconde tribu des mammifères , ou les espèces terres- 
tres, se distinguent de la première, en ce que les animaux 
qui en font partie , ont constamment deux sortes de mem 


[1 


(11) 
bres, et jamais une nageoire à l'extrémité de leur queue. 
Cette disposition n’existe même pas chez les races qui vivent 
habituellement dans l’eau; seulement , leur queue devient 
pour lors fort élargie, comme les castors nous en offrent 
un exemple. 

La peau n’est jamais complètement nue chez cet ordre 
d'animaux , même chez le plus parfait, l'homme. Le plus 
souvent couverte de poils, elle est aussi revêtue d'’écailles 
ou de squames osseuses, ou de piquants durs et aigus, 
sorte de développement qu'acquiert parfois l'appareil pili- 
forme. 

Les mammifères terrestres se sous-divisent en deux ordres 
principaux , d’après la disposition de leurs organes du mou- 
vement. 

1.0 Les ongulés, dont les extrémités des doigts sont enve- 
loppés par l’ongle ou le sabot qui les recouvre presqu’en- 
tièrement. Les pachydermes et les ruminants qui en font 
partie, ne peuvent se servir de leurs doigts pour palper ou 
saisir les objets. | 

2.0 Les onguiculés ont des ongles qui ne recouvrent 
jamais en entier la totalité des doigts : ils ne constituent 
donc pas de véritables sabots. La partie des doigts qui touche 
à terre n’étant point enveloppée par les ongles, peut leur 
servir d'organes du tact, dont la perfection dépend du nom- 
bre et du développement des papilles nerveuses qui s’y 
épanouissent. Les doigts plus ou moins flexibles, peuvent 
ainsi se ployer autour des objets que ces animaux veulent 
saisir. 

Les mammifères les plus perfectionnés se art à 
cet ordre. Ils comprennent des familles qui, en procédant 
à peu près du simple au composé sont : 4.° les marsupiaux ; 
2.0 les édentés ; 3.° les rongeurs ; 4.° les carnassiers; | 
5.° les quadrumanes ; 6.0 les bimanes. 


(12) 

Les mammifères terrestres ont élé divisés d’une tout 
autre manière , considérés sous le rapport de leurs organes 
de reproduction. Les plus simples ou les didelphes ont paru 
les premiers sur la scène de l’ancien monde. Outre les 
caractères principaux tirés de la forme de l'utérus , de l'exis- 
tence des os marsupiaux et de l’étroitesse du bassin, ils se 
distinguent par un crâne plus étroit et moins développé 
que cet organe ne l’est chez les monodelphes , et les petits 
de ces animaux naissent à une époque peu avancée de leur 
développement ; ils le prennent dans une poche située sous 
le ventre de leur mère, poche dans laquelle se trouvent les 
mamelles.  . 

Les mammifères didelphes comprennent l’ordre entier 
des marsupiaux, parmi lesquels se trouvent les Kanguroos, 
les Sarigues et plusieurs autres genres. 

Les mammifères monodelphes ‘réunissent la plupart des 
mammifères terrestres. Ils renferment , du moins, tous ceux 
de ces animaux qui, au moment de leur naissance, n’ont 
besoin que de leur mère et d’être allaités par elle. Aussi 
cet ordre , le plus compliqué des mammifères , en raison de 
cette circonstance , a apparu uniquement lors de la période 
tertiaire. Les familles dont nous avons déjà parlé, à l’excep- 
tion des marsupiaux qui appartiennent aux mammifères 
didelphes, sout comprises dans cet ordre. 

Les cétacés où mammifères marins , sont sous le rapport 
de leur encéphale, au-dessous des mammifères terrestres , 
du moins des monodelphes. Leur système nerveux est par 
cela même fort imparfait, excepté chez quelques Dauphins, 
Aussi, ces animaux n'ont pas des organes, des sens bien 
délicats et particulièrement celui du goût. L'odorat existe à 
la vérité chez les Baleines , mais il paraît manquer chez les 
Dauphins, les Narvals et les Cachalots. Leurs formes exté- 
rieures les rapprochent des poissons. Leur tronc est en 


(13) 

apparence confondu avec la tête. Ce tronc se continue sans 
interruption et se termine par une queue épaisse, dont 
l'extrémité forme une nageoire, non verticale comme chez 
les poissons, mais horizontale. Néanmoins , comme leur 
squelette est très-développé, ces animaux atteignent les 
dimensions les plus considérables et comprennent les plus 
grandes espèces, surtout les cétacés à grosse tête. 

Le squelette des mammifères est plus perfectionné et plus 
complètement osseux que chez les autres vertébrés. La boîte 
crânienne , composée de plusieurs os réunis entre eux par 
des sutures qui s’engrènent les unes dans les autres, est 
d'une solidité d'autant plus grande, que le cerveau qu'elle 
renferme a plus d'importance. Elle se montre percée à sa 
partie postérieure par un trou destiné à livrer passage à la 
moëlle allongée. Ce trou est d'autant plus éloigné de la 
partie centrale ou basilaire du cràne, que l'espèce occupe 
un rang moins élevé dans la chaîne des êtres. 

Cette boîte crânienne est suivie d’une série de vertèbres 
variables pour le nombre et la figure. Elles forment par 
leur réunion, un canal dans lequel est logée la moëlle épi- 
nière. Cette colonne vertébrale se divise en cinq régions 
principales : 1.° la région cervicale ; 2.° la région thoraci- 
que ou pectorale; 3.° la région lombaire; 4.° la région 
sacrée ; 5.0 la région caudale. 

Des os solides, servant de points d'appui à des muscles 
nombreux , sont articulés à la colonne vertébrale. Ils forment 
les membres antérieurs ou supérieurs , ainsi que les posté- 
rieurs ou inférieurs. Les membres des mammifères sont en 
général au nombre de quatre, à l’exception des célacés , 
où ils sont réduits à deux. Ils servent à la progression ; 
quelquefois les antérieurs n’ont d'autre usage que celui de 
la préhension, ou de former en quelque sorte des ailes, 


(44} 
qui soutiennent plus ou moins longtemps dans les airs, les 
mammifères qui en sont pourvus. 

Telles sont les chauve-souris ; qnoïque privées de plumes, 
que l’on ne rencontre que chez les oiseaux , elles n’en volent 
pas moins à l’aide de leurs membranes étendues, soutenues 
par les membres antérieurs. La nage n’est habituelle que 
chez les mammifères marins, où les membres postérieurs 
ont été remplacé par une nageoire horizontale. Cependant 
quelques espèces ont leurs pieds palmés, circonstance à 
l’aide de laquelle elles peuvent nager avec facilité, ainsi 
que les amphibies , les Castors et les Loutres nous en four- 
nissent des exemples. 

Les membres postérieurs prennent un grand développe- 
ment relativement aux antérieurs, chez les espèces qui se 
livrent au saut ou à la course; alors ces membres offrent 
des dispositions particulières, toutes favorables au but qu’ils 
doivent remplir. 

La plupart des mammifères terrestres se livrent à la 
marche ; leur organisation leur en donne les moyens, mais 
dans des degrés divers. Quelques-uns ne le font qu'avec 
peine ; ils se traînent plutôt qu'ils ne marchent ; d’autres 
sont réduits à une sorte de reptation. 

Si chez un grand nombre de ces animaux, les pattes 
servent à fuir, il en est où elles servent à bâtir ou à nager, 
ou enfin à tout autre but. Ces organes éprouvent sous le 
rapport de leurs fonctions et de leurs usages, les plus 
grandes variations. Ils n'arrivent , toutefois, à leur summum 
de perfection comme organes de préhension , que chez les 
quadrumanes et surtout chez les bimanes. 

_ On peut, enfin , considérer comme un organe de préhen- 
sion le prolongement des narines, qui chez quelques pachy- 
dermes se développent au point de former une trompe sou- 
vent fort étendue , comme chez les Éléphants , trompe dont 


Re dd 


(15) 
ces animaux se servent comme de mains. On sait avec quelle 
adresse les éléphants font usage de cet organe, qui n’est 
très-développé que chez les espèces de ce genre. Les temps 
géologiques nous en ont cffert un autre exemple dans les 
mastodontes. 

Le système nerveux, cause du perfectionnement que les 
mammifères ont éprouvé dans leur organisation, présente 
aussi une prédominance marquée sur le cervelet et la moëlle 
épinière. Cette prédominance indique à la fois sa perfection 
et l'influence qu’elle a exercée sur l'organisme. 

Le cerveau composé de deux hémisphères réunis par une 
lame médullaire, renferme deux ventricules qui servent 
d'enveloppe à quatre paires de tubercules appelés corps 
cannelés, couches optiques, nates et testes. Les hémisphè- 
res présentent généralement des circonvolutions plus nom- 
breuses et des sillons plus profonds que chez les autres 
vertébrés. Ces dispositions importantes pour la perfection 
de l’encéphale, sont surtout manifestes chez l’homme bien 
supérieur par son intelligence aux animaux. 

Un troisième ventricule communique avec le quatrième 
situé sous le cervelet. Celui-ci se distingue chez les mammi- 
fères, en ce que les hémisphères cérébraux ne le recouvrent 
pas en entier comme chez l’homme, signe de leur infé- 
riorité sous le rapport de leur organisme. On observe ce- 
pendant chez les mammifères, ainsi que chez l'espèce 
humaine , une proéminence transverse et annulaire , sorte 
de commissure des hémisphères cérébraux, située à leur 
partie postérieure et nommée pont de Varolles. Les corps 
olivaires manquent chez la plupart des mammifères ; du 
moins ils n’offrent pas les arborisations de substance grise 
ou blanche , qu’on aperçoit chez l'homme. 

Les nerfs volumineux des organes des sens partent des 
différents points du cerveau pour se rendre aux appareils 


( 16 ) 

auxquels ils donnent la sensibilité. De la moëlle épinière, 
naissent des faisceaux de nerfs plus ou moins nombreux 
qui impriment le mouvement et l’activité aux organes loco- 
moteurs. Le système du grand sympathique acquiert son 
plus haut degré de perfection chez cet ordre d'animaux. Il 
distribue de nombreux filets nerveux aux organes intérieurs 
et à ceux affectés à la vie végétative 

Les organes des sens ont suivi chez ces animaux le per- 
fectionnement du système nerveux. Généralement, ils se 
montrent plus compliqués que chez les ordres qui les pré- 
cèdent dans la série animale , sauf les exceptions que nous 
avons signalées en parlant des oiseaux et celles qui déri- 
vent de la conformation de plusieurs d’entr'eux. Le toucher 
ne peut être parfait chez les cétacés, les pachydermes , les 
solipèdes et les ruminants. Il en est de même des ongui- 
culés couverts d’écailles ou enveloppés dans ane boîte dure, 
solide , analogue à la carapace des tortues. 

Ce sens réside principalement dans les lèvres , la trompe, 
la langue et les doigts ; aussi n'est-il perfectionné que chez 
les rongeurs , les marsupiaux , les carnassiers, et chez les 
pachydermes qui, comme les éléphants, sont munis d’une 
trompe mobile et allongée , dont ils se servent comme d’une 
main. Le sens du tact devient de plus en plus excellent à 
mesure que des cheiroptères ou des chauve-souris, on 
s'élève jusqu'aux quadrumanes , enfin jusqu’à l'homme , où 
cet organe acquiert le maximum de sa perfection. 

Ces observations s'appliquent an sens du goût : il ne peut 
acquérir une certaine délicatesse chez les espèces où la 
langue est immobile, ni chez celles où elle est garnie de 
substance cornée plus ou moins dure. Les mammifères 
dont la langue est mobile et charnue et où viennent s'épa- 
nouir de nombreuses ramifications ou fibrilles nerveuses , 
ont en général ce sens perfectionné. Ces diverses circons- 


| Rent 


RS RU? ee) à re 


(17) 
tances se présentent chez l'homme ; aussi avons-nous été 
plus favorisés sous ce rapport que relativement aux organes 
de l'odorat, de l’ouie et de la vue. 

L'espèce humaine le cède, sous le rapport de l’odorat, à 
plusieurs mammifères, particulièrement aux carnassiers , 
chez lesquels ce sens a une si haute importance. L’organe 
qui en est le siége présente des modifications remarquables 
chez les divers ordres des animaux pourvus de mamelles, 

Ainsi le nez de l'Ornithorhynque a beaucoup d’analogie 
avec celui des oiseaux et même avec celui des reptiles. Il 
se compose de deux narines fermées par de petites ouver- 
tures simples , arrondies, auxquelles correspondent deux 
orifices percés dans l'organe olfactif. 

Cet organe se compose chez la plupart des mammifères 
de deux narines, quelquefois mobiles , séparées par une 
lame osseuse nommée vomer. Il y existe une membrane 
pituitaire , à la surface de laquelle viennent s'épanouir des 
filets nerveux roulés autour de plusieurs cornets contournés 
sur eux-mêmes. Cette membrane peut être considérée 
comme le siége principal de ce sens. 

Les sinus frontaux et maxillaires simples, et les cellules 
ethmoïdales multipliées, augmentent singulièrement la fi- 
nesse de l’odorat. Ces particularités et d’autres encore, se 
remarquent particulièrement chez les carnassiers, animaux 
distingués par la délicatesse et la perfection de l'odorat. 

L'ouïe paraît plus perfectionnée chez les mammifères que 
chez les oiseaux. On peut distinguer trois parties principales 
dans l'organe qui en est le siége. 

1.0 L’oreille externe qui manque chez quelques mammi- 
fères est formée, lorsqu'elle existe, par une conque dont 
les dimensions sont variables et me mobilité plus ou moins 


grande. 
2,0 L'oreille moyenne se compose d'un conduit plus ou 


(18) 

moins long, appelé conduit externe, et d'une membrane 
nommée tympan, qui recouvre la caisse du tympan. On y 
observe également une chaine d’osselets , destinés à trans- 
mettre l'impression reçue par le tympan à l'oreille interne. 

Un autre conduit nommé auditif interne ou trompe d'Eus: 
tache, établit une communication directe entre cette caisse 
et l’intérieur de la bouche. 

3.0 L'oreille interne est formée par les canaux semi- 
circulaires toujours au nombre de trois, ainsi que du laby- 
rinthe et du limaçon. 

Cet organe offre , de même que celui de la vue , de nom- 
breuses variations dans les divers ordres de cet embranche- 
ment. Ces variations sont, du reste, constamment en har- 
monie avec les mœurs et les habitudes des espèces. 

L'appareil de la vision se compose d’un globe oculaire 
plus ou moins sphérique ; il présente deux membranes dis- 
tinctes servant d’enveloppe aux autres parties de l’œil. La 
sclérotique, la cornée opaque et la cornée transparente, sont 
percées dans leur partie antérieure par un trou circulaire, 
La première de ces membranes est tapissée dans son inté- 
rieur par la choroïde; celle-ci, garnie d’un pigment noir 
chez l’homme , est colorée en partie, chez les autres 
mammifères, en bleu ou en jaune. Sur la choroïde , s’appli- 
que une troisième membrane produite par l'expansion du 
nerf optique ; elle a reçu le nom de rétine. 

Entre la cornée transparente et la rétine, on observe 
plusieurs parties intermédiaires ou liquides, destinées à 
modifier la marche des rayons lumineux. C’est l'humeur 
aqueuse placée entre la cornée transparente et un repli 
adhérent de la choroïde nommée ris. Ce repli est percé 
d'un trou ou pupille, derrière lequel se trouve placée une 
lentille transparente appelée cristallin. 

Le reste du globe oculaire est rempli par un liquide trans- 


ne trs dati dl déétie + dti 


ge (19) 
parent et de consistance gélatineuse ; c’est l'humeur witrée. 
Des paupières garnies de cils sont destinées à protéger les 
yeux. Une glande lacrymale plus ou moins considérable 
sécrète en abondance les larmes qui doivent lubréfier l’or- 
gane de la vision. Enfin, des muscles particuliers se dirigent 
dans tous les sens au gré de la volonté et des besoins. Telle 
est la conformation de l'appareil visuel chez les mammifères 
terrestres, sauf quelques autres modifications. 

Les mammifères offrent une paupière interne ou cligno- 
tante et une sclérotique plus épaisse, plus ferme et en 
même temps plus ou moins élargie. Leur globe oculaire 
moins profond, est muni d'appareils de réfraction appropriés 
aux effete de convergence. On y voit également un tapis 
ruyschien. L'insertion du nerf optique et le centre visuel 
encore plus en dehors, produisent un strabisme divergent 
qu’on peut appeler normal. Telles sont les différences qui 
existent entre l'organe de la vue des mammifères, des sin- 
ges et de l'homme. 7 

Les espèces nocturnes, comme les chauves-souris chez 
lesquelles l’ouïe et le toucher suppléent à l’imperfection de 
la vue, ont l'organe qui en remplit les fonctions à peu près 
analogue aux yeux des oiseaux qui ont les mêmes habitudes. 
D'un autre côté, quelques mammifères marins ou céta- 


-cés manquent souvent de paupières et de glandes lacryma- 


les. Leur globe oculaire est plat en avant, comme celui des 

poissons, par suite de l’aplatissement de leur cornée. Leur 

cristallin est plus sphérique que chez les espèces aériennes, 
disposition qui diminue le pouvoir réfringent de l'œil. 

Enfin, chez quelques mammifères terrestres, les yeux 
ont de petites dimensions comparativement au volume du 
corps. Cette disposition est surtout manifeste chez les pachy- 
dermes, particulièrement chez les éléphants. L’œil est par- 
fois caché sous la peau, à tel point, qu’on l'aperçoit à 


(20 ) 
peine , chez les espèces qui passent leur vie sous terre, 
comme les Taupes, les Chrysoclores et les Zemnis. 

L'appareil de l'absorption alimentaire est plus rigoureu- 
sement localisé chez les mammifères que chez les autres 
vertébrés. Il y est plus complet sous le rapport glanduleux. 
Il en est ainsi des vaisseaux lymphatiques , dont le dévelop- 
pement est plus grand chez ces animaux que chez ceux des 
autres classes. 

Cet appareil se compose de trois sections d'une longueur 
variable. La mastication ne s’y opère plus que dans la bou- 
che , presque toujours munie de dents Les aliments, après 
avoir été broyés par ces corps d'apparence osseuse, sont 
ensuite introduits dans un canal nommé œsophage, dont 
l'extrémité inférieure aboutit dans un estomac généralement 
membraneux. Ils passent de là dans les intestins plus ou 
moins longs, plus ou moins repliés sur eux-mêmes, suivant 
le régime de l'animal. 

Ce canal unique a reçu différents noms, suivant les por- 
tions qu’on en considère. À partir de l'estomac, on trouve 
le duodénum, puis l'intestin grêle ; ils composent à eux 
deux la plus grande longueur du tube digestif. Le colon et 
le gros intestin viennent ensuite, après lesquels on trouve 
le rectum qui se termine à l’anus. 

Le système glanduleux, lié chez les mammifères à l’appa- 
reil digestif, y est plus développé que chez les autres verté- 
brés. Il se compose; 1.0 de glandes salivaires ; 2.° du foie; 
3.° du pancréas ; 4.0 de la rate ; 5.° des reins, organes des- 
tinés à sécreter divers liquides nécessaires au maintien de 
l’économie vivante. 

Les vaisseaux lymphatiques, en grand nombre chez les 
mammifères, s'y montrent plus développés que chez les 
classes inférieures. Ceux d’entre eux qui portent spéciale 
ment le. nom de chylifères , se réunissent en un seul tronc 


(21) 
assez considérable se ne dans la veine sous-clavière 
gauche. 

La respiration des mammifères n’est pas aussi active que 
celle des oiseaux, quoique leur circulation soit double et 
complète. C’est une suite des habitudes de ces animaux qui 
vivent essentiellement sur la terre ferme et qui ne s'élèvent 
pas comme les premiers dans les plaines de l'air, Ces deux 
systèmes, celui de la respiration et de la circulation , ont 
acquis tous les perfectionnements qui leur étaient nécessai- 
res eu égard à la manière de vivre des mammifères. L’ap- 
pareil de la reproduction a reçu, chez ces animaux , une 
supériorité marquée , relativement aux autres classes. Cette 
supériorité est une conséquence de leur viviparité. 

Ce progrès a lieu non-seulement dans la manière dont 
s'exécute cette fonction, mais dans les organes au moyen 
desquels elle s’accomplit. La complication des organes fe- 
melles est arrivée au point, que l'oviducte ne se termine 
plus chez les mammifères par un cloaque, comme cela a 
lieu non-seulement chez les reptiles, mais encore chez les 
oiseaux. La mère nourrit dans son sein le petit qu’elle doit 
mettre au monde , jusqu’à ce que les organes de ce dernier 
soient assez développés pour lui permettre une nourriture 
en harmonie avec sa faiblesse. Avant cette époque , les petits 
éclos reçoivent leur alimentation par des glandes particu- 
lières nommées mamelles, et dont on n'observe pas de tra- 
ces chez les autres animaux. 

Tels sont les progrès que l’organisation des animaux a 

subis depuis les plus simples jusqu'aux plus composés. Les 
détails précédents suffisent pour faire saisir, si les êtres 
organisés se sont succédé en raison de la complication de 
leur organisation ou du simple au composé. 

La revue des divers embranchements prouve que chacun 
d’entr'eux présente à un degré éminent, le développement 

VI 2 


22 ) 

de quelques-unes des fonctions essentielles à la vie. On re- 
connaît par un examen comparatif , que depuis l’être le plus 
simple jusqu’au plus perfectionné , il y a une tendance cons- 
tante vers une organisation supérieure : ce que démontrent 
les nombreux changements qui hent les plus simples aux 
plus composés. Cette tendance vers un développement pro- 
gressif, est non-seulement prononcé d’une classe à une au- 
tre, mais souvent entre différentes espèces d’un même 
genre naturel. 

Sans doute, le progrès est moins manifeste et ne porte 
pas d’une manière aussi essentielle sur l’ensemble de l’orga- 
nisation , chez les différentes espèces d’un même genre que 
d’un genre à un autre, et encore plus entre les diverses 
classes des embranchements. C’est surtout d’une classe à 
une autre que le perfectionnement de l’organisation se mon- 
tre sensible ; car il n'a jamais eu lieu dans une même es- 
pèce, et rarement entre les espèces du même genre. 

En considérant dans son ensemble le règne animal , on 
reconnait que les vertébrés l'emportent sous le rapport de 
leur perfectionnement, sur les invertébrés. La plus grande 
complication des premiers tient au développement du sys- 
tème nerveux, dont l'influence est si grande sur l’organis- 
me , indépendamment de celle qu’il exerce sur les organes 
des sens. Ses progrès ont nécessairement entraîné tous les 
autres, lorsqu'ils sont parvenus à leur summum de compli- 
cation. Il en a été surtout ainsi des appareils qui sont essen- 
tiels à la vie. 

Sous ce point de vue, les vertébrés différent des inverté- 
brés, chez lesquels le perfectionnement porte en: général 
non pas sur tout le système de l'organisme , mais sur un 
seul de ces systèmes, 


En examinant l’organisation des diverses classes du der- 


nier de ces embranchements, on voit que les espèces les 


+ 


ER ee  T  ees 1 5 2 nn ES Sd Del ie | d 


D he ed LE bé 27, nd SG dd Sd 


(25) 
plus simples, telles que les monadés , les rayonnés et rnême 
les-elminthés se distinguent par leur système de nutrition : 
les premiers ne sont en quelque sorte que des êtres digé- 
rants, cette fonction étant à peuprès la seule qu’ils peu- 
vent exercer à l’aide de simples cellufes dont ils sont com- 
posés. D'un autre côté, les insectes se font remarquer 
par la complication et le nombre de leurs organes respira- : 
toires ; les crustacés, par leurs appareils de circulation 
et les mollusques par la variété de leurs organes de repro- 
duction, le plus souvent doubles dans le même individu. : 

De même , chaque classe des animaux vertébrés emprunte 
un caractère particulier à quelques-uns des éléments de 
l'économie animale. Cet élément prédominant est l'appari- 
tion du squelette intérieur chez les poissons, comme le 
perfectionnement qu'acquiert, pour la première fois , l’appa- 
reil musculaire chez les reptiles: On peut encore signaler 
l'activité. et l'énergie de la force motrice des oiseaux, : la 
perfection des sens et la-sensibilité d 
les mammifères , qui reproduisent les txractètes distinetife 
des vertébrés dont ils sont le type, et l'homme le modèle. 

Chacune des classes de ce degré supérieur de lanimalité 
est représentée, avec des conditions essentielles et particu- 
lières, dans le groupe des mammifères. Ceux-ci forment plu- 
sieurs séries. distinguées par des caractères nombreux et 
tranchés, Le premier de ces ordres chez lequel la vraie ca- 
nine manque le plus souvent, où n’est jamais développée, 
se compose des pachydermes, des ruminants, des rongeurs, 
des édentés et des marsupiaux herbivores. Ils ont nr 
les analogies.les plus manifestes. : 

. La présence de cette dent comme instrament ide nutri= 
tion et non pas seulement comme défense; quites un au- 
tre groupe ; il comprend 1 res , les car- 


nhelinmuenfe lon cmt. 


(24) 

Les mammifères marins composeraient un ordre diffé- 
rent , et de l’autre côté , il en serait de même de l’homme. 

En adoptant ce mode de groupement et comparant entre 
elles les classes des verbébrés, on pourrait en quelque 
sorte rapprocher : 

4.0 Les cétacés des SE 

2.0 Les pachydermes , les ruminants et les rongeurs des 
reptiles ; 

3.° Les monotrèmes , les édentés et les marsupiaux her- 
bivores, des oiseaux qui ont les mêmes habitudes, tout 
comme les marsupiaux carnivores et les carnasssiers , des 
oiseaux de proie. 

Le principe de la classification à l’aide duquel nous ve- 
nons d'établir l'ordre et la succession des différentes familles 
chez les mammifères, est non-seulement utile pour montrer 
les relations qui les unissent , comme les différences qui les 
distinguent, mais il a encore un avantage; il peut jeter 
quelque jour sur l'ordre et la succession des débris fossiles 
et humatiles des vertébrés dans les couches stratifiées , les 
dépôts diluviens et les limons meubles ( Lehm ou lœss ). 

Les premiers vertébrés que l’on rencontre dans les cou- 
ches stratifiées du globe sont les poissons, comme parmi 
les mammifères les marsupiaux, et après eux les espèces 
marines et aquatiques , les cétacés et les pachydermes, aux- 
quels succèdent les mammifères des terres sèches et décou- 
vertes , c’est-à-dire le plus grand nombre des monodelphes. 

Après les poissons, paraissent les reptiles, puis les di- 
delphes, les mammifères marins et les pachydermes. Ces 
derniers animaux ont été précédés par les oiseaux, comme 
parmi les races terrestres , les édentés, les rongeurs, les 
ruminants ont apparu sur la scène de l'ancien monde avant 
la plupart des carnassiers. 

Les oiseaux, comme les mammifères terrestres, ne se 


LS Men ie 6 À 


(925) 

montrent donc que longtemps après les reptiles et les pois- 
sons. Les derniers deviennent d'autant plus variés, que des 
terrains secondaires on s’élève vers les dépôts tertiaires. 
Lorsque le nombre des races carnassières s’est considéra- 
blement accru, l’homme a apparu. Ses dépouilles ne se 
trouvent en effet que dans les dépôts quaternaires les plus 
récents , les dépôts diluviens. 

Les mêmes considérations d’analogie se montrent égale- 
ment entre la manière dont apparaissent les divers groupes 
des vertébrés et la complication de l’organisation. Les pois- 
sons, les plus anciens des animaux à colonne vertébrale, 
sont aussi les plus simples ; après eux, viennent dans l'ordre 
du perfectionnement de l’organisation , d’abord les reptiles , 
puis les oiseaux, les mammifères didelphes , les cétacés et 
les mammifères monodelphes , à le tête desquels l’homme 
est placé. Il a aussi apparu le dernier, et par ces deux cir- 
constances remarquables , il est devenu le point culminant 
de la création. 

Les anciennes générations, considérées sous le double rap- 
port de la manière dont elles ont apparu sur la terre , et de 
la complication de leur organisation , amènent toujours à la 
même série, soit qu'on l’établisse en partant du premier 
point de vue, soit qu'on suive pas à pas les progrès de 
l'organisme , pour arriver au summum de complication 
représenté par l’homme, l'être le plus perfectionné au phy- 
sique comme au moral. 


C. Des animaux de l’ancien monde. 
$ Le. — DES DIVERSES PÉRIODES ANIMALES . 


La terre n’a donc pas été constamment animée par des 
êtres vivants. Elle en a été longtemps privée, en raison de 
l'élévation de la température ou parce que les milieux am- 


(26 ) 
biants n'en permettaient pas encore l'existence. On peut 
montrer dans le sein du globe, le point où la vie a com- 
mencé et le distinguer de celui où il n’en existait pas de 
trace, Mais ce que l’on n'aurait pas deviné, si l'observation 
n’était venue nous l’apprendre, c’est que les êtres de l’ancien 
monde diflèrent pour la plupart de ceux-ci du monde actuel. 

La création des êtres vivants n’a pas eu lieu d’un seul jet 
et par explosion. Produits graduellement par intervalles iné- 
gaux , ces êtres ont apparu , en général, en raison directe de 
la complication de l'organisation. En effet, les classes les 
plus simples ont précédé les plus compliquées. La loi du 
progrès ne s'est pourtant jamais manifestée dans la même 
espèce , et rarement dans les espèces d'un mème genre.Elle 
s'est seulement exercée d’une famille à l’autre, et surtout 
d’une classe à une autre classe. 

Le perfectionnement dans l'organisme, quoique la loi la 
plus constante et la plus générale des anciennes générations, 
n’a été sensible que chez les végétaux et les animaux les 
plus compliqués. Ainsi les espèces végétales de la classe des 
œthéogames ont tout d’abord apparu avec une organisation 
aussi avancée que les plantes actuelles de la mêmé classe. 
De même, les céphalopodes , sorte de mollusques placés à 
la tête des invertébrés , ont néanmoins brillé dès les plus 
anciens âges, avec toute leur complication et même le per- 
fectionnement qui caractérise leurs genres vivants les plus 
avancés en organisation. 

Ces exceptions ne sont pas les seules que les anciennes 
générations présentent; elles sont seulement les plus re- 
marquables et les plus importantes. Elles annoncent que 
l'organisalion supérieure a eu beaucoup plus de peine à 
s'établir, que celle des organismes peu avancés. Ceux- “ci 
sont arrivés de suite sur la scène de l’ancien monde , avec 
les détails les plus avancés de l'organisation et une entière 


a nine à dr é dit à RS de 


GR da dd à SD AS Sd 


(7) 
perfection dans les divers systèmes qui en font partie. Les 
végétaux et les animaux les plus compliqués n’en ont acquis 
de pareils qu'après des temps d'autant plus longs, qu'ils 
appartenaient aux ordres les plus avancés dans la série. 

Nous ferons connaître ces diverses exceptions , à mesure 
qu'elles se présenteront , lorsque nous étudierons les flores 
el les faunes qui ont brillé aux diverses phases de la terre. 
Nous verrons que si, pour certaines familles des cryptoga- 
mes, ou des invertébrés il n'y a pas eu de progrès, il n’en 
est pas ainsi des vertébrés , et des diverses classes des végé- 
taux phanérogames, chez lesquels ce progrès a été aussi 
manifeste que lent à s'établir. 

Malgré ces exceptions , l’ensemble des anciennes généra- 
tions ne s’est pas moins succédé en se perfectionnant de 
plus en plus, et en se maintenant constamment en harmo- 
nie avec les conditions nouvelles et les changements qui 
s’opéraient graduellement à la surface de la terre. 

La succession des êtres vivants, qui a eu lieu dans Fan- 
cien ‘monde en raison directe de la complication de lorga- 
nisation , du moins chez les êtres les plus compliqués , est 
non-seulement intéressante à étudier en elle-même, mais 
elle a une utilité directe, puisqu'elle marque en quelque 
sorte les divers progrès de l'organisme, et par suite les âges 
divers où ces progrès ont eu lieu. 

Ce dernier fait donne une grande importance à l'étude 
des végétaux et des animaux des temps géologiques, puis- 
que leurs débris servent à déterminer l'âge des couches ter- 
restres. En effet , il existe une relation évidente entre leur 
nature , l'époque à laquelle elles ont été précipitées et les 
classes , les familles , les genres et les espèces dont les res- 
tes se trouvent neue ‘au ps x leurs masses. ‘On 
peut arriver à l'âge des d de sédiment qui 
chtitonttidons isuréti lie eopétes fosailes : par l’obser- 


(28) 
vation de leurs races, tout comme on peut le faire par leur 
position dans l'intérieur de la terre Ceci est une suite des 
relations qui existent entre la nature des couches et les es- 
pèces qu’elles ont saisies au moment de leur dépôt. 

Cette observation avait été sentie à une époque où la pa- 
léontologie était à peine connue et lorsqu'elle ne possédait 
encore aucune observation précise et certaine. Elle avait été 
pressentie par Saussure qui disait, dans ses 7’oyages dans 
les Alpes ( chap. XVII ), « qu'il fallait constater s’il y avait 
» des coquillages fossiles dans les montagnes les plus an- 
» ciennes, et non dans celles d’une formation plus récente, 
» et classer ainsi, s’il était possible , les âges relatifs et les 
» époques de l'apparition des différentes espèces ». Ainsi 
Saussure avait compris qu’on pourrait arriver un jour à des 
lois génerales de la distribution des débris organiques, par 
époques distincles, et que la connaissance de ces lois servi- 
rait de base à l’histoire des terrains de sédiment , les seuls 
où il en’existe et qui constituent l'écorce la plus superficielle 
du globe. 

C'est à la détermination des divers âges que présentent 
les couches terrestres , et à la reconnaissance de ces épo- 
ques au moyen des débris fossiles qu’elles contiennent, que 
nous allons consacrer les observations suivantes. Nous étu- 
dierons en même temps les progrès que peut avoir fait l’or- 
ganisation à ces différentes époques , afin de nous assurer 
s’ils ont été constants dans toutes classes, dans toutes les 
familles des végétaux et des animaux, ou si au contraire, 
elles n’ont pas été particulières à certaines d’entr’elles, et 
non générales à toutes. 

Cet examen nous amènera à reconnaître si réellement il 
y à eu un perfectionnement graduel dans l'apparition des 
êtres organisés qui se sont succédé tour à tour à la sur- 
face du globe. A son aide, nous pourrons reconnaître si les 


(29 ) 
espèces de l’ancien monde ne différent pas d'autant plus des 
races actuelles, qu'ils appartiennent à des temps plus éloi- 
gnés de nous. Les espèces animales ont, sous ce rapport, 
une importance plus grande que les végétales, parce que 
la corrélation de leurs formes est soumise à des lois fixes 
et invariables, ce qui donne à leur détermination un carac- 


tère de certitude que l’on ne peut pas obtenir avec les végé- 


taux qui se font remarquer, au contraire, par la re dre 
et l'homogénéité de leurs tissus. 


$ IL. — DES ANIMAUX DE LA PREMIÈRE PÉRIODE. 

Les dépôts de cette période ont été précipités avant la sé- 
paration des mers intérieures d'avec l'Océan 

La période la plus ancienne où l’on découvre des restes 
de la vie, embrasse la totalité des terrains de sédiment, 
désignés sous les noms des formations de transition et houil- 
lères. La plus ancienne se rapporte aux dépôts de transi- 
tion , et la plus récente comprend le calcaire carbonifère et 
le terrain houiller. ; 

Ce sont là les plus vieilles couches de sédiment où l’on 
découvre des débris de végétaux et d'animaux. Du moins, 
jusqu’à présent, on n’a pas rencontré la moindre trace de 
ces corps organisés au-dessous des terrains intermédiaires , 
malgré les recherches dont ces terrains ont été l'objet. 

La simplicité de la première période n’est pas moins re- 
marquable, relativement aux animaux , qu'elle l’est par rap- 
port aux végétaux dont elle recèle les restes ; seulement, 
cette simplicité ne porte point dans les deux règnes sur des 
espèces des mêmes stations. 

Cette période a vu à peine quelques animaux terrestres 
à respiration aérienne animer la scène de la vie, tandis que 
les plantes qui vivent sur les terres sèches et découvertes, 
déjà assez nombreuses , ont déployé une vigueur égale si ce 


(34) 
n’est supérieure à celle de la plus brillante végétation des 
temps historiques. D’un autre côté, les plantes maritimes 
réduites pour lors à une seule famille et à un petit nombre 
de genres, ont été accompagnées par des animaux extrême- 
ment variés dans leurs formes et leurs espèces, et nombreux 
sous le rapport des individus qai en faisaient partie. 

Par suite de la loi de complication , les végétaux terres- 
tres et les animaux marins des terrains de transition et 
houillers, ne se rapportent qu’à un petit nombre de classes 
et aux plus simples. Les végétaux appartiennent pour la 
plupart aux eryptogames semi-vasculaires ; c’est uniquement 
d’une manière fugitive, qu’on y distingue quelques mono- 
cotylédons et gymnospermes. Toutefois, ces derniers pour- 
raient bien avoir composé une partie essentielle de la végé- 
tation de cette époque. Les œthéogames, les plus perfection- 
nés des cryptogames , l'ont certainement formée en grande 
partie. 

Ce que l’on observe relativement aux végétaux est appli- 
cable aux animaux. Ces derniers se rapportent à la vérité 
aux invertébrés et aux vertébrés. Mais tandis que les pre- 
miers y sont représentés par les espèces les plus compli- 
pliquées ou les mollusques céphalopodes , les seconds l'ont 
été par les poissons, êtres placés au degré inférieur des ver- 
tébrés. 

Si les principaux types des terrains de transition et houil- 
lers ont été assez variés, d’abord pour les plantes terrestres, 
et en second lieu pour les animaux marins, les espèces 
qu'ils comprennent ont été d'autant moins nombreuses, 
qu’elles se rapportaient à des êtres plus compliqués. L'ob- 
ser>ation prouve encore que Îles végétaux et les animaux 
des classes les plus avancées n’ont point apparu pendant 
cette période, la plus ‘ancienne parmi celles qui ont vu 
arriver sur la scène du monde, des êtres organisés. 


RL sn HesinbrtiteNtenner 


a R 


(31) 
‘L'époque de transition , la plus ancienne de celles où des 
êtres vivants ont apparu ;'a été remarquable par cette cir- 
constance , qu'un certain nombre des genres qui en ont fait 
partie, sè trouvent maïntenant parmi ceux de la création 
actuelle. Ces genres communs aux deux créations, se rap- 
portent aussi bien aux végétaux qu'aux animaux. Mais avec 
ces genres identiques, une foule d’autres semblent n’avoir 
plus de représentants et être tout-à-fait perdus ; on n’en 
découvre du moins aucune trace parmi les genres actuels. 

Il est donc parmi les formes des anciennes créations, des 
genres qui ont constamment persisté sur la scène de la vie. 
Ce fait est d'autant plus remarquable , qu’au milieu de la 
simplicité des formes génériques des vieilles générations , il 
s’est peu présenté. C'est en quelque sorte un phénomène 
particulier parmi les formes des types génériques al temps 
géologiques. 

On peut signaler, parmi les genres communs aux deux 
créations, d’abord parmi ceux qui appartiennent aux végé- 
taux, plusieurs genres de la famille des fougères, des équi- 
sétacées et des algues. Nous citerons parmi ceux fournis 
par les animaux, les Astrea, les Caryophyllia, les' Mean- 
drina , les Serpula, les Ongulina, les Terebratula et les 
Serpula, genres auxquels il nous serait facile d'ajouter un 
certain nombre d’autres non moins remarquables. Ces for- 
mes identiques ne se représentent que parmi les animaux 
invertébrés ; car pour celles des vertébrés , elles n’ont rien 
d’analogue aux types qui caractérisent les races actuelles. 
Non-seulement elles n'ont aucune sorte d’affinité avec ces 
dernières , mais elles en diffèrent de la manière la plus 
essentielle par l'ensémble de leurs en ne per 
originalité de leur organisation. * jé 

Tels sont les poissons des anciens réger Tels ont été en- 
core les premiers reptiles qui ont paru sur la scène de l'an- 


32 ) 
cien monde. Les uns et les autres n’ont rien de commun 
avec nos races vivantes, si ce n’est les caractères géné- 
raux propres aux poissons et aux reptiles. 

Toutefois, les premiers vertébrés ou les poissons ont des 
formes tellement paradoxales , qu’elles présentent souvent 
dans la même espèce, des caractères particuliers aux deux 
classes les plus simples de ce grand embranchement. Aussi, 
loin que les poissons et les reptiles des anciens âges rap- 
pellent nos races vivantes, les traits qui les distinguent 
sont si anormaux, que ce n’est qu'après le plus sérieux 
examen que l’on peut leur assigner leur véritable place dans 
la chaine des êtres. Les uns sont en quelque sorte des pois- 
sons sauriens , comme les autres des reptiles poissons : les 
uns et les autres réunissant dans la même espèce, des ca- 
ractères propres à ces deux classes. 

Dès-lors, puisqu'on a de la peine à circonscrire dans 
leur véritable rang les poissons et les reptiles des anciens 
âges, ce n’est pas chez eux que l’on peut espérer de ren- 
contrer des races analogues à celles qui vivent encore. Com- 
parées entr’elles, les deux créations des vertébrés sont aux 
extrêmes des différences, lorsqu'on les examine aux plus 
anciens âges de la terre, et en même temps dans l’époque 
actuelle. 1 en est tout autrement des invertébrés, puisqu'ils 
sont arrivés à la surface du globe avec le summum de la 
perfection de leur organisation. 


1.0 DES ANIMAUX DE LA PREMIÈRE ÉPOQUE DE LA PREMIÈRE PÉRIODE. 
( Animaux des terrains de transition ). 


Les terrains de transition comprennent trois groupes , 
ou si l'on veut, trois étages : le premier , le plus ancien, 
ou groupe cambrien; le groupe moyen ou silurien ; le groupe 
supérieur ou dévonien. 

Cette époque, la plus ancienne de la première période , 


RÉ Se Sd a 


(33) 

embrasse les terrains fossilifères inférieurs au groupe houil- 
ler. Les systèmes cambrien, silurien et dévonien en font 
partie. 

Les animaux de cette époque se rapportent aux deux em- 
branchements de la série animale. Les vertébrés y sont re- 
présentés par les poissons. Ils ont appartenu à des espèces 
dont il n'existe plus de représentants sur la terre, et à des 
genres tout-à-fait inconnus dans a nature vivante. 

Il n’en est pas de même des invertébrés ; ceux-ci diffèrent 
bien des espèces vivantes ; mais un grand nombre des gen- 
res auxquels ils se rapportent, se sont perpétués depuis la 
première apparition des êtres organisés jusqu'à nos jours. 
Chose remarquable, pendant cette longue série de siècles, 
où tant de générations ont été anéanties , les types princi- 
paux des formes n'ont pas été altérées, ni même modifiées 
d’une manière sensible. Ils sont restés les mêmes, malgré 
la diversité que les milieux intérieurs, ont éprouvée dans un 
aussi long intervalle, et dont l'influence a dû être manifeste 
sur leur organisation. 

La presque totalité des animaux dont les terrains de tran- 
sition nous ont révélé l'existence , se rapportent à des habi- 
tants des eaux, et la plupart à des espèces qui devaient 
vivre dans les eaux salées. Il en a été ainsi des vertébrés et 
des invertébrés. Du moins, aucun caractère appréciable ne 
rapproche les poissons de cetta époque, des espèces qui 
vivent aujourd'hui dans les eaux douces. 

Des animaux à respiration aérienne auraient existé à ces 
anciennes époques , si l'on pouvait ajouter foi aux observa- 
tions des naturalistes qui nous les ont fait connaitre. Ceux 
à qui elles sont dues, ne se doutaient pas le moins du 
monde qu’il y eût quelques rapports entre l'époque du dé- 
pôt des terrains où pouvaient se rencontrer des êtres or- 
ganisés, et leur degré de complication. Aussi règne-t-il les 


(34) 
plus grandes incertitudes sur la présence de ces animaux 
aux premières époques où la vie a apparu à la surface du 
globe. Il ne paraît pas qu'elle soit antérieure au dépôt des 
terrains houillers,. 

Ces terrains ont offert deux genres de coléoptères. que 
nous retrouvons dans notre monde. : les Curculio et. les 
Brachycères.. L'ordre des névroptères y est également re- 
présenté ; une seule aile a permis de reconnaitre un insecte 
de cette classe et dont le genre paraîtrait se rapprocher des 
genres Hémérobe , Semblis et. surtout des Corysdales. 

Ces insectes y sont. accompagnés. par un articulé de la 
famille des scorpionides qui respire aussi l'air en nature. 
L'on observe également au milieu des terrains de transition; 
d’autres familles d’articulés; celles-ci vivent dans le sein 
des eaux. ‘Telles sont les annélides.et les crustacés. Cette 
dernière est composée d’un ordre inconnu dans la nature 
actuelle et de genres complètement perdus. Les annélides, 
au contraire, des terrains de transition et. houillers , ne 
comprennent qu'un seul genre dont les: formes. se. sont 
perpétuées jusqu'à nos jours. 

La présence de ces insectes et de ces arachnides apnonce 
que déjà, à ces anciens âges , des terres avaient surgi au- 
dessus des eaux et pouvaient nourrir des animaux respirant 
l'air en nature. On pourrait supposer que les cifconstances 
atmosphériques ne devaient pas’ être très-différentes. de 
celles des temps actuels, si l’état de la primitive végétation 
ne semblait prouver le contraire. Ne trouvant pas assez de 
terreau pour son développement, elle a dû rencontrer 
ailleurs les matériaux de son accroissement. Elle les puisait 
dans l'atmosphère , plus chargée d'acide carbonique. main- 
tenant Cette hypothèse explique les masses de charbon 
que ces végétaux ont déposées comme un ee tro: 
cusable de leur nombre et de leur grandeur. 


ua hdd te ME 


(35) 

Quoiqu'il en soit, les lois de l'organisation des espèces: 
de l'ancien monde étaient analogues à celles du monde ac- 
tuel. La conformité des êtres de l’une et de l’autre création 
est si grande, que certaines espèces semblent seules s’y 
être soustraites, en prenant des caractères propres à plu- 
sieurs classes. 

Si l’on porte son attention sur les organes exhalants des 
végétaux des terrains de transition et houillers , on n’y dé- 
couvre aucune différence appréciable avec ceux de la flore 
actuelle. De même , lés yeux des premiers animaux à res= 
piration aérienne, qui ont paru à la surface du globe , pa- 
raissent semblables à ceux des insectes qui volent dans nos 
champs. Il en est du moins ainsi des organes de la vision 
des trilubites, quoique rien ne rappelle les formes étranges 
de ces crustacés parmi les espèces si variées de notre monde. 
Les yeux des trilobites enfoncés dans les vieilles couches du 
globe, sont analogues aux organes visuels de nos crustacés. 
Les uns et les autres ont subi l'influence de la même lumière, 
et ont été également disposés àen recevoir l'impression. 

Seulement , la lumière pouvait être à cette époque, plus 
intense comme la température était plus élevée, sans que 
pour cela il fût nécessaire que les êtres qui en éprouvaient 
les effets, eussent une constitution différente. Si Fon:com= 
pare la structure et l'organisme des espèces des régions po- 
laires et des contrées équatoriales, on y voit la même 
analogie ,\quoique les conditions sous die elles vivent, 
soient loin d’être semblables. 

La conformité de l’organisation prouve seulement que les 
relations des appareils nécessaires à la vie des êtres organi- 
sés, ont été les mêmes avec les milieux alors ambiants qu'ac- 
tuellement. Ainsi, à l'époque où me tp furent placés 
au fond des mers, les relati de la lumière avec 
l'œil et de l'œil avee la lumière, étaient les mêmes qu'au- 


( 56 ) 
jourd’hui. Il paraît, d’après la structure des yeux des tri- 
lobites, que pour qu'ils aient pu servir à ces animaux, le 
liquide au fond duquel ils étaient plongés, devait être assez 
transparent pour. permettre aux rayons lumineux d’arriver 
jusqu’à leur organe de vision, dont l’état de conservation 
parfaite a révélé la nature. 

Parmi les restes organiques les plus anciens, nous trou- 
vons un instrument d'optique d’une construction merveil- 
leuse, adapté de manière à produire une vision distincte 
et complète. Une des grandes classes des animaux articu- 
lés en a ressenti les avantages. Cependant ces animaux, qui 
avaient des appareils de vision si perfectionnés , étaient im- 
parfaits sous le rappport de l’ensemble de leur organisation. 
Du moins, ils ont duré peu de temps et n’ont pu se perpé- 
tuer à travers les modifications des différents âges. Ayant 
commencé lors des plus anciennes époques où la vie s’est 
manifestée sur la terre, ils n’ont plus reparu après les ter- 
rains houillers. 

Les trilobites sont les plus anciens animaux articulés dont 
on trouve les traces dans les couches terrestres. Mais ce 
qui est non moins particulier, cette famille a été détruite 
peu après son apparition, et ne s’est pas étendue au-delà 
des terrains houillers. 

On ne retrouve dans les terrains où fourmillent les tri- 
lobites, aucun autre débris de crustacés. Ces animaux ont 
_ été, pendant toute cette période , les seuls représentants de 
cette classe qui compose de nos jours tant de genres et 
d'espèces différentes. 

On a cité longtemps , comme une de leurs particularités 
les plus singulières , l'absence de tout organe de locomo- 
tion. Îl est vrai que les échantillons connus n’offrent que 
des portions de la surface supérieure du test. Mais comme 
quelques crustacés vivants et par exemple les Branchipus, 


(37) 

les trilobites n'avaient peut-être que des pattes molles 
servant en même temps d'organes respiratoires. Ces pattes 
qui n'ont pu se conserver, se sont décomposées au point 
qu'il n’en reste plus de traces. Plusieurs espèces du genre 
Serolis de Lamarck ont quelques ressemblances , par leur 
conformation extérieure , avec les trilobites. Elles en diffè- 
rent, en ce qu'elles ont toutes des pièces crustacées en 
même temps que des pattes branchiales. 

( La suite au prochain numéro ). 


É—— 


IL. Lerrre de M. le docteur Léon Durour , correspon- 
dant , à M. le Président de la Société Linnéenne de 
Bordeaux, relativement à la maladie des Rat- 
sins (i). 


MONSIEUR ET HONORÉ COLLÈGUE , 


Vous m'avez envoyé vers la mi-Février dernier , un flacon 
hermétiquement cacheté, renfermant des raisins atteints 
de la maladie spéciale pris, d’après l’étiquette, sur une 
treille infestée , près d'Orléans, dans les premiers jours de 
Novembre 1851, et plus ou moins couverts de cette moisis- 
sure à laquelle on a donné le nôm de Oidium Tuckeri. 

La Société Linnéenne , par votre organe, fait l'honneur 
à son correspondant de Saint-Sever de le consulter sur des 
larves qui auraient été remarquées vivantes dans ces grep: 
pes de raisins. 


(1) Attendu l'importance et l'actualité des études relatives à cette 
grande question , le Conseil d’administration de la Société a donné à 


cette communication de son célèbre correspondant , le pas sur 
travaux scientifiques qui attendent ge tour de publication dans les 
es, et en a voté le tirage à part à mplaires , 


voir l’adresser aux Autorités et aux Sociétés agricoles. 
Tome XVIII. 3 


( 38 ) 

Comme à la réception du flacon ces larves étaient mortes 
dès longtemps , je ne me suis point empressé de répondre 
à ce témoignage de haute confiance ; j'ai attendu un éclairei 
dans mes occupations et je le saisis à l'instant. 

La maladie du raisin aura sans doute le sort de celle de 
la pomme de terre et du hideux choléra. On a enfanté, on 
enfantera des volumes sans arriver à une véritable solution. 
On s’est égaré en prenant les conséquences pour le prin- 
cipe, les effets pour la cause, la soif de célébrité pour la 
prétention de découvrir la vérité. De là, les faits incohé- 
rents, les déraisonnements, les absurdités. 

Parle-t-on sérieusement, quand on avance qu’on n’a pas 
osé déboucher le susdit flacon, de crainte d’infester les 
vignobles du Bordelais des propagules du terrible Oidium ? 
Je suis très-convaincu que des myriades, des nuées de 
semblables propagules et autres analogues circulent pres- 
qu'habituellement dans l'air, que nous les respirons , que 
nous en avalons à chaque instant, qu'ils se posent partout ; 
mais ils demeurent inertes et inaperçus tant qu’ils ne 
trouvent pas des conditions opportunes pour leur germina- 
tion ‘et leur développement. Or, ces conditions sont la 
maladie ou la mort. 

C'est done aux causes de la maladie du végétal qu'il faut 
remonter , et ces causes sont ou dans la constitution météo- 
rologique ou dans le sol, quelquefois dans les deux. Le 
divin Hippocrate consulté sur les causes d’une épidémie 
meurtrière , se borna pour toute réponse à lever les yeux 
au ciel, comme pour indiquer que le mal venait d’en haut. 

La vigne, dans sa turgescence végétative, peut être frappée 
par un élément morbide qui en trouble les fonctions inté- 
rieures, sans que cette atteinte initiale se révèle en aucune 
manière aux yeux du vigneron le plus intelligent , le plus 
clairvoyant. Plus tard , la circulation de la sève languit, la 


(39) 

coloration s'altère, les tissus se dénaturent, la maladie 
gagne , la mort s'infiltre partiellement , les parties tendres 
ou pulpeuses subissent les décompositions chimiques. Le 
propriétaire s’alarme, il voit, il pense , il réfléchit, il se 
plaint, et pendant ce temps les propagules atmosphériques 
de l'Oidium s'arrêtent sur les raisins en voie de pourriture ; 
ils y trouvent les conditions les plus favorables pour germer 
et se multiplier à l'infini. Des insectes de divers ordres, 
obéissant à la mission providentielle de diminuer, en s’en 
repaissant, les éléments putrescibles, accourent de toutes 
parts pour confier à ces foyers de mort les germes de vie 
de leur progéniture. C’est dans cet état de maladie incura- 
ble, de gangrène envahissante , que le savant armé de sa 
loupe, et, qu’on me passe l'expression triviale mais juste, 
ne voyant pas plus loin que son nez, vient proclamer haute- 
ment comme auteurs du désastre, et l’Oidium inoffensif et 
les larves innocentes , et les Acarus à divers noms, simples 
visiteurs qui ramassent quelques miettes ou cherchent à 
importuner les larves. Est-ce là, je le demande , une accu- 
sation fondée ? 

Et quand vous trouvez gissant dans un fossé un cadavre 
de quadrupède, recélant dans ses entrailles, dans ses chairs, 
une immense population de vers , faut-il en conclure que les 
Sarcophaga, Silpha, Necrophorus, Staphylinus, Dermes- 
tes qui ont engendré ces vers ou larves sont la cause de la 
mort du quadrupède ? Non certes. Vous seriez au contraire 
dans le vrai, si vous assuriez que ces insectes, en consom- 
ment ces foyers d'infection, diminuent , dans l'intérêt de 
l’homme , les éléments délétères qui tendent à vicier l'air. 

Et les sommités chlorosées de ce bel arbre, l'honneur de 
votre avenue, né viennent-elles pas, au milieu du luxe 
de la végétation environnante , se traduire, dans votre es- 
prit préoccupé, par l’idée d’une perturbation de la sève, 


( 40) 

d’une langueur, d'une maladie ? L'année suivante, äl ne 
fournit plus de feuillage , il est mort, on l’abat. Allez-vous 
donc aussi crier au meurtre, parce que l'heureux entomolo- 
giste va découvrir dans ce cadavre végétal, une Californie 
d'insectes si calomniés dans ces derniers temps, tels que 
Bostrichus, Scolytus, Callidium, Cerambyx , Buprestis, 
Elater, Pyrochroa, Colydium, Lyctus, Platypus, La- 
phria et mille autres encore , qui dans l’écurce, qui dans le 
liber, ceux-ci entre les deux, ceux-là dans la profondeur 
du bois, les uns n’attaquant que le tronc, les autres pré- 
férant les branches , ici de véritables lignivores , là des pa- 
rasites de ces derniers ? Non encore : ce serait prendre l'effet 
pour la cause , et imiter les empressés du j jour qui embou- 
chent la trompette pour y souffler leur nom... 

Mais je m'aperçois un peu tard que ma plume engagée 
dans un sujet entrainant , s’est égarée. Je la ramène au but 
restreint de la consultation. Il s’agit de fixer notre Société 
Linnéenne sur le poste de classification des larves renfer- 
mées dans le flacon envoyé en communication, et sur le rôle 
qu’on pourrait leur supposer dans la maladie des raisins. 

Quoique mortes, ces larves n'étaient pourtant ni mé- 
connaissables , ni même défigurées. Il y a, sans doute, dans 
leur fibre, dans leur texture organique, peut-être dans des 
conditions de mort que je ne saurais préciser, quelque chose 
qui les a converties en momies indurées et assez raides. 
J'ai donc pu, avec l'assistance de mon savant ami Edouard 
Perris dent j'ai exploité la visite, déterminer sinon l'espèce, 
du moins la famille et même le genre dans le cadre ento- 
mologique. 

Ces petites larves , dont j'ai pu recueillir huit ou dix, ne 
sont.que des individus d'un seul et même type. Elles n'ont 

‘que trois millimètres de longueur. Elles sont hexapodes , à 
pattes articulées à tête bien distincte, à extrémité posté- 


(à) 
rieure terminée par deux pointes cornées à peine courbées, 
à corps blanchâtre bien segmenté, hérissé de poils isolés. 
Il faut les rapporter au genre Cryptophaqus, coléoptère 
compris autrefois par Linné et Fabricius dans les Dermestes. 
Tant à l’état de larve qu’à celui d’insecte parfait, le Cryp- 
tophagus est parfaitement innocent de la maladie du raisin. 
C’est exclusivement à la moisissure, à l’Oidium qu'il s’est 
attaqué. La Providence l’a investi de la mission de modérer 
la propagation de cette mucédinée en la dévorant. Ainsi, 
respect et protection au Cryptophagues ! 
Saint-Sever ( Landes }, 18 Avril 4852. 
Leon Durour, D.-M. 
PAT RE 
II. Essar d’une division de la France en ne natu— 
relles et botaniques ; par V.° Rav 


Préliminaires. 

Sur le sphéroïde terrestre, les terres forment seulement 
1/4 de sa surface, tandis que les mers en occupent les 3/4. 
Les mers et les terres sont très-inégalement distribuées dans 
les deux hémisphères polaires ; les mers forment les 5/8 de 
l'hémisphère boréal et les 7/8 de l'hémisphère austral. 

Les terres sont ordinairement divisées en ancien et nou- 
veau continents , dont on fait cinq parties : l'Europe, l'Asie, 
l'Afrique , l'Amérique et l'Océanie. Cette division n'a rien 
de naturel , les terres , abstraction faite des îles grandes et 
petites, étant séparées PE les mers en sept massifs comme 
il suit : 

. L'Europe et l’Asie , entre lesquelles il my a aucune ; 

ANCIEN sr 


3 4 r de Suez. 
ASIE, 2.0 L'Afrique , qui tient à l’Asie par Pisthme 


3.° L'Australie , reliée à l'Asie par la chaîne interrompue 
des îles Asiatiques. 
Toue XVII. 4 


(42) 
À.o L'Amérique du Nord 
5.0 L'Amérique du Sud, liée à la précédente par l’isthme 
.de Panama. 
6.0 Les terres boréales, dont la principales et le Groën- 
Sin elles vas Me ba les glaces polaires. 
par une calotte 


CONTINENT, 


Enfin, 


de glace. 
chacun des cinq premiers massifs a une forme triangulaire; 
les contours des massifs polaires sont à peine connus sur 
quelques points. 

_ Les terres forment dans l'hémisphère boréal deux grands 
massifs, l'Amérique du Nord d'une part, et l'Europe et 
l'Asie de l’autre. Le premier de ces massifs a un appendice 
dans l'hémisphère austral , c’est l'Amérique du Sud ; le se- 
cond en a deux, l'Afrique et l'Australie. 

En traçant sur la terre un grand cercle qui passe par le 
50ve degré de latitude Nord, aux îles Aléoutes , et par le 
50° degré de latitude Sud, à l'ile Bouvet au S. du cap 
de Bonne-Espérance, l’un des hémisphères qui en résultent, 
renferme presque toutes les terres et a son pôle dans la 
Méditerranée , à Palma. L’hémisphère opposé ne contient 
que l'Australie, les îles Asiatiques et l'extrémité méridio- 
nale de l'Amérique du Sud. 

La surface des terres découvertes se partage en trois 
sortes de régions : les montagnes, les plateaux et les plaines. 

Les montagnes sont des surfaces extrêmement acciden- 
tées , à pentes en général rapides ; elles s'élèvent au-dessus 
des mers, des plaines et des plateaux qui les environnent, 
et dominent jusqu’à d’assez grandes distances, les contrées 
où elles sont situées , par les hauteurs en général fort con- 
sidérables qu'elles atteignent. Elles se divisent en deux ca- 
tégories qui ont des natures et des origines fort différentes : 
les montagnes solitaires ou monts et les chaînes de monta- 
gnes — Les monts sont des masses en général circulaires 


(45) 

dont la forme approche de celle d’un cône très-surbaissé ; 
ils sont situés à la surface des plaines et des plateaux. Le 
Vésuve, l'Etna sont des monts situés dans les plaines de 
Naples ou de la Sicile; le Mont-Dore , le Cantal, sont des 
monts situés sur le plateau du centre de la France. — Les 
chaînes de montagnes sont des masses elliptiques, fort al- 
longées suivant une direction, présentant une créle plus ou 
moins ondulée , formée de pics séparés par des cols, et de 
chaque côté de laquelle se trouvent les versants. Tantôt la 
chaîne est simple, comme dans la partie occidentale des 
Pyrénées ; tantôt la chaîne est multiple et formée de chaf- 
nons parallèles, comme dans le Jura, et la portion des 
Alpes située entre la Suisse et le Piémont. 

La chaîne de montagnes la plus élevée du globe est celle 
de l'Himalaya qui atteint 8588 mètres au Kunchinga. 

Les plateaux sont des surfaces horizontales ou à peu 
près, qui dominent les plaines qui les entourent ou bien les 
mers, et dont la hauteur est assez grande. Le plateau de 
l'intérieur de la France à une hauteur moyenne de 600 à 
1000 mètres; celui de l’Ardenne a de 400 à 600 mètres ; 
celui de la Guiane atteint de 500 à 600 mètres. — C'est 
abusivement que l’on donne habituellement le nom de pla- 
teaux à de grandes plaines situées à des hauteurs considé-. 
rables dans l’intérieur des continents. Ainsi la plaine du 
lac de Titicaca élevée de 4000 mètres porte le nom de pla- 
teau Bolivien. Les plaines élevées de l’intérieur de l’Asie 
portent le nom de plateau central de l'Asie, 

Les plaines sont des surfaces horizontales ou à peu près, 
entourées ou limitées sur plusieurs de leurs côtés par des 
surfaces plus élevées. Les plaines qui communiquent direc- 
tement avec la mer, sont peu élevées au dessus de son ni- 
veau; telles sont en France celle du Sud - Ouest dont la 
hauteur varie de 20 à 400 mètres et celle du Nord qui at- 


( 44 ) 

teint de 100 à 300". Les plaines situées dans l'intérieur des 
continents sont à des hauteurs différentes ; tantôt elles sont 
inférieures au niveau de la mer, comme celles de la mer 
Morte et de la mer Caspienne , tantôt elles sont un peu au- 
dessus, comme le Sahara ; tantôt elles le sont beaucoup , 
comme la plaine de la Suisse qui atteint de 400 à 500", 
ôu bien celles dont nous avons parlé précédemment. 

Les montagnes, les plateaux et les plaines sont les gran- 
des divisions du sol terrestre, mais dans le langage habi- 
tuel on détourne beaucoup ces mots de leur sens réel; 
l'homme, accoutumé à tout proportionner à sa petitesse, les 
applique à de très-petites parcelles de la surface terrestre. 
Ainsi on appelle plaines de la Garonne , de la Dordogne, ce 
qui n’est que le fond d’une vallée; on appelle plateau l'En- 
tre-deux-Mers , qui n’est qu'une petite fraction de la plaine 
du Sud-Ouest de la France ; enfin on décore des noms de 
monts et de montagnes de petites éminences isolées ou de 
petites crêtes, qui sont au voisinage de ces prétendus pla- 
teaux et plaines. 

Par suite de la disposition relative des montagnes , des 
plateaux et des plaines, la surface de la terre se trouve 
partagée en un certain nombre de dépressions, tantôt ou- 
vertes à la mer, tantôt intérieures , limitées en totalité ou 
en partie par des surfaces plus élevées, et dont les lignes 
de séparation sont les crêtes des chaînes de montagnes. 
Une plaine et les versants des montagnes environnantes 
forme un ensemble auquel on donne le nom de bassin oro- 
graphique. Le Sud-Ouest de la France constitue un de ces 
bassins ouvert à la mer. La Hongrie constitue un bassin in- 
térieur fermé. 

Les montagnes, les plateaux et les plaines sont sillonnés, 
soit séparément , soit plusieurs ensemble , par des dépres- 
sions du sol que l’on désigne sous le nom de vallées, et qui 


(45) 

le plus souvent sont parcourues dans leur longueur par des 
cours d'eau. Leur fond possède généralement une pente 
continue , rapide dans les parties supérieures et qui devient 
plus faible à mesure qu’on s'approche davantage de la ter- 
minaison de la vallée, soit à la mer , soit à une plaine fer- 
mée intérieure. Quelques vallées présentent des irrégularités 
dans la pente de leur fond; çà et là il y a des dépressions 
qui occasionnent les lacs qui se trouvent sur le trajet des 
cours d’eau; tantôt de semblables dépressions existent au 
point où une vallée abandonne une région montagneuse 
pour entrer dans des plaines ; c’est ce que présente la chaîne 
des Alpes tant en Suisse qu’en Lombardie où les lacs sont 
nombreux et surtout profonds ; tantôt, au contraire, ces 
dépressions existent à la surface des plateaux ou des plai- 
nes, comme pour les grands lacs de l'Amérique du Nord. 

Les vallées affectent ordinairement toutes sortes de di- 
rections dans les plaines et les plateaux. Dans les monts 
les vallées, qui sillonnent leur surface, partent le plus sou- 
vent de la partie centrale culminante, et vont en divergeant 
sous forme de rayons, aboutir à la circonférence ; il en est 
ainsi à l'Etna, au Cantal, au Mont-Dore et au Vésuve. Dans 
les chaines de montagnes, le plus souvent les vallées des- 
cendent de la crête, perpendiculairement à sa direction, dans 
le sens de la plus grande pente des versants ; elles sont 
dites transversales. Dans les chaînes multiples, les vallées 
sont au moins pendant une partie de leur longueur , paral- 
lèles à la chaine et séparent ainsi les divers chaînons ; elles 
sont alors dites longitudinales. Le Valais est dans ce der- 
nier cas ainsi qu'un grand nombre de vallées du Jura. 

Si on remonte une vallée à partir de sa terminaison infé- 
rieure , on la voit se subdiviser en une multitude d’autres 
plus petites. Ainsi celle de Ja Gironde et de la Garonne à 
partir de Royan présente successivement sur la rive septen- 


( 46 ) 

trionale celles de la Dordogne, du Lot , du Tarn et de Y'A- 
riège ; sur sa rive méridionale se trouvent celles de la Baïse, 
du Gers, de la Gimone et de la Save. Chacune de ces val- 
lées secondaires se subdivise elle-même en plusieurs autres 
qui se ramifient encore et se terminent enfin par des vallons 
et des ravins.— La surface ainsi découpée par les ravins, 
vallons et vallées qui aboutissent à une même grande vallée 
contenant une rivière et aboutissant soit à la mer, soit à 
un bassin intérieur, forme ce qu’on appelle le bassin hydro- 
graphique d’un fleuve, Les limites de ces bassins sont loin 
de coincider toujours avec celles des bassins orographiques. 
—Les anciens géographes attachaient une importance très- 
grande à la délimitation des différents bassins hydrographi- 
ques et croyaient que ceux-ci étaient toujours séparés par 
des arêtes bien déterminées ; lorsqu'ils ne trouvaient pas ces 
dernières , ils ne les figuraient pas moins sur leurs cartes. 
Des observations précises commencées par M. de Humboldt 
sont venues montrer tout ce qu’il y avait d’erroné dans cette 
supposition gratuite. 


Coup-d'œil sur l’orographie de l'Europe. 


L'Europe et l'Asie constituent, comme nous l'avons dit, 
un massif unique , de forme triangulaire, qu’il est d’usage 
pour la description de séparer en deux parties par une ligne 
de pure convention qui a souvent varié de position ; formée 
aujourd’hui par la chaîne de l’Oural, la mer Caspienne et 
la chaîne du Caucase, la limite est assez naturelle, Nous 
nous conformerons ici d'autant plus facilement à HEAR, 
que nous ne voulons rien dire de l'Asie. 

L'Europe considérée isolément a aussi la forme. à un 
triangle dont les angles sont au détroit de, Waigatch, au 
cap de Bakou et au cap Saint-Vincent. Le côté oriental est 


DR RER ET RE RSR RCE SET RE RE PE SC | 


dé 


(47) 

formé par l’Oural et la mer Caspienne ; sur le côté N.-0. 
se trouvent la presqu'île Scandinave et les îles Britanniques. 
Au $S., deux prolongements sont formés par les péninsules 
Slavo-grecque et Italienne. 

L'Europe est la partie de la terre dont les côtes sont le 
plus sinueuses, et c’est aussi celle où tout est taillé sur le 
plus petit modèle: L’orographie et l'hydrographie y sont 
plus diversifiées que dans aucune autre partie ; et il n’est 
pas jusqu’à sa constitution géologique qui ne soit aussi plus 
variée qu'ailleurs. Les bassins géologiques y sont nombreux 
et la nature des matériaux qui les remplissent varie extrê- 
mement, tandis que le contraire a lieu dans les autres par- 
ties de la terre. C’est encore en Europe que la civilisation 
a acquis son plus grand développement. Entre ces différents 
ordres de faits il y a un véritable rapport, et il semble qu'on 
puisse poser en principe que dans une partie de la terre, la 
configuration , la constitution intérieure du sol et la civili- 
sation sont d'autant plus compliquées et avancées , que les 
contours des côtes sont plus sinueux. 

La meilleure carte d'Europe qui ait été publiée jusqu'à 
présent est l’Esquisse orographique de l'Europe, dressée 
par Olsen à -* et publiée à Copenhague en 1830. Si 
on y jette un regard d'ensemble, on trouve à cette partie de 
la terre la constitution orographique suivante : 

Le point culminant de l'Europe est le Mont-Blanc qui 
s'élève à 4810 ; il fait partie d’un massif montagneux fort 
élevé, la chaine des Alpes, dirigé à peu près de l'E.-N.-E. 
à l'O.-S.-0 et qui commande tout ce qui l'entoure. Ce 
massif est situé au N. et assez près de la Méditerranée , 
cette mer intérieure qui est le grand: — de communie- | 
tion de l’Europe avec l’Asie et l'Afrique. 

Si des Alpes on regarde vers la Méditerranée , on voit 
au S.-E. s’en détacher le grand pâté montagneux de la 


( 48 
péninsule Slavo - grecque ; vers le S.-0., en pendant, se 
trouve un autre groupe montagneux formé d’abord par 
le plateau du centre de la France , puis par les Pyrénées et 
toute la péninsule Hispanique. Entre les deux, se projette 
au milieu de la mer, la montagneuse Italie, flanquée de 
trois îles vers l'O. é 

Si laissant derrière soi l’arc montagneux que nous venons 
d'indiquer , et qui limite au N. la Méditerranée, de Cons- 
tantinople à Gibraltar, on jette ses regards sur le revers 
opposé, non-seulement des Alpes, mais de tout l'arc mon- 
tagneux, on voit des plaines et des plateaux partir de leur 
pied et s'étendre assez loin ; ce sont à partir de l'Atlantique, 
la plaine du Sud-Ouest de la France et celle du Nord, le 
plateau de la Bourgogne , les plaines de la Suisse et de la 
Bavière, celle de la Moravie, puis la Hongrie , et enfin, la 
Valachie qui va se perdre sous la mer Noire. 

Au-delà, se trouve une zône de régions plus élevées ,: 
souvent montagneuses , formée par la Bretagne , l’Ardenne, 
le Hartz, la Bohème et les Carpathes. Vers l'Est, et entiè- 
rement isolés, se trouvent la chaîne côtière de la Crimée, 
et le Caucase qui marque de ce côté la limite de l'Europe 
et de l'Asie. : 

Plus loin, vers le Nord, derrière ces régions élevées, 
se trouvent de nouvelles plaines exondées ou immergées , 
bien plus vastes que celles qui sont au pied des Alpes : ce 
sont celles du Sud-Est de l'Angleterre avec la Manche , de 
la Hollande et du Danemarck avec la mer du Nord, de la 
Prusse et de la Pologne avec la mer Baltique, et enfin, la 
Russie d'Europe toute entière. 

Plus loin encore, ces plaines sont bornées çà et là, aux 
confins septentrionaux de l’Europe par des régions souvent 
montagneuses, telles que les iles Britanniques, à l'exception 
du Sud-Est de l'Angleterre , les montagnes de.la Norwège, 


( 49 
lé plateau de la Finlande, et enfin, la chaine de l'Oural 
qui va de la mer Glaciale à la mer Caspienne en limitant | 
l'Europe à l'E. 

Enfin , vient la vaste plaine occupée par la mer Glaciale, 
du milieu de laquelle ne surgissent plus que les trois grands 
massifs insulaires de l'Islande , du Spitzherg et de la Nou- 
velle-Zemble. 

Un fait à remarquer, c’est que ces zones de montagnes 
et de plaines vont généralement en décroissant de hauteur, 
à mesure qu'on s'éloigne du Mont-Blanc qui en occupe le 
centre. 


Division de la France en régions naturelles. 


La France a la forme d'un pentagone assez régulier; 
le côté méridional , le plus irrégulier de tous, considéré 
comme base, a ses deux extrémités à Nice et à Bayonne, 
à peu près sous le même parallèle. Les deux. côtés latéraux 
situés à l'E, à et l'O., présentent chacun une courbure 
rentrante, dont les points les plus rapprochés, à Genève et 
à La Rochelle, se trouvent à la mème latitude ; il en est de 
même pour les extrémités septentrionales situées à Stras- 
bourg et à Brest. Les deux côtés septentrionaux regardent 
le N.-E. et le N.-0. et se réunissent à Dunkerque qui forme 
ainsi le sommet du pentagone, et qui par suite de la ré- 
gularité de celui-ci, se trouve à peu près sur le même 
méridien que Perpignan qui est au milieu de la longueur de 
la base. 

La surface de la France se divise en plusieurs — 
dont les unes appartiennent à de grands bassins 
ques, et dont d’autres constituent de petits bassins orogra- 
phiques particuliers. — Dans le Nord, les plaines de Paris 
sont limitées par les Vosges, la Côte-d'Or, la chaine de 


Mo. Bot. Garden, 
1827. 


(50) 
Tarare, le Mézenc , le Cantal , les monts de Blon au Nord- 
Ouest de Limoges, le bouquet de Pouzauges en Vendée, 
et les chaînons de la Bretagne jusqu’à l'ile d’Ouessant. 
Une partie basse recouverte d’eau, la Manche , sépare cette 
portion de bassin des plaines du Sud-Est de l'Angleterre ; 
limitées au N.-E. par le Devonshire, le pays de Galles 
et les montagnes de l’Ecosse; cet ensemble forme l'extré- 
mité occidentale du grand bassin orographique du Nord de 
l'Europe qui en s’épanouissant dans l'Est forme la Pologne 
et toute la Russie cis-ouralienne.— Dans le Sud-Ouest, se 
trouvent les plaines de Bordeaux et de Toulouse qui ont 
au N.-E. limite commune avec les précédentes, de l’île 
d’Ouessant au Mezènc, et qui de ce point sont limitées à 
l'E. par les Cévennes et la Montagne-Noire, et au S. par 
la chaîne des Pyrénées ; à l'Ouest, elles s’enfoncent sous 
l'Atlantique dont la limite occidentale n'est autre que la 
chaîne des Alleghanys, aux États-Unis. — Dans l’'E., se 
trouve une série de petits bassins communiquant les uns 
avec les autres ; Alsace limitée par les Vosges en France, 
etparle Schwartzwald en Allemagne ; elle communique par 
Vesoul avec la Bresse située entre la Côte-d'Or et la chaîne 
de Tarare, le Jura et les Alpes ; celle-ci se rattache par 
Montélimar à une bordure qui , de Nice à Port-Vendres, fait 
partie du bassin de la Méditerranée rs limité par 
F Apennin, la Sicile, l'Atlas et 1 if E Espagnol 
La surface de la France, considérée d’une manière très- 
générale. , est répartie entre quatre grands bassins hydrogra- 
phiques, dont chacun pourtant possède plusieurs annexes 
d'étendue moins considérable. Ce sont : au N., celui de la 
Seine qui a pour annexes ceux dé la Somme et de l'Orne; au 
centre, celui de la Loire dont le seul annexe est celui de la 
Vilaine ; au S.-0., celui de la Gironde qui a pour annexes 
ceux de la Sèvre-Niortaise, de la Charente et de l'Adour ; à 


(51) 
V'E., celui du Rhône dont les annexes sont ceux de l'Hérault 
et de l'Aude. Dans l'angle N.-E., enfin, la France prend 
une petite portion du bassin du Rhin et de deux de ses 
affluents occidentaux , la Moselle et la Meuse. 


Le tableau suivant présente ces divers bassins avec leurs 


annexes de premier ordre d’abord , et de second ordre en- 
suite : 
UT Dark io | Canche , Authie, 
y Somme. 4 
PSE . | Bresle , Béthune. 
SEINE. Seine. 
54e .. | Tocques, Dive. 
Orne. 
see otre rie LIVire, Gouesnon., Ranse. 
nee us mo . | Aulne, Blavet. 
LOIRE... Vilaine. 
| Lay. 
Sèvre-Niortaise 
_ Charente 
RS ee 0 | Seudre. 
GIRONDE. .… | Gironde. 
en | Leyre 
Adour 
PSS ii ere 2 | Bidassoa. 
UD trade" sets | Tèt 
Aude. 
Es DE mir ect | Orb. 
RHÔNE... Hérault. 
RL ....., | Argens, Var. 
Rhin 
jee CRE | Sarre. 
REIN. Moselle Ce k 
Meuse. PE 
FT AR | Sambre , Escaut , Lys. 
Be : 


(25) 

La France se divise en un certain nombre de régions 
naturelles qui se distinguent les unes des autres par des 
caractères extérieurs bien tranchés, et qui sont constituées 
chacune par un terrain particulier, ou par un grand groupe 
de terrains. Leurs limites ne coincident pas du tout avec 
celles des grands bassins orographiques ou hydrographiques. 
Ces régions, ainsi qu’on peut le voir sur la carte, se grou- 
pent autour de l’une d'elles qui appartient à la fois aux trois 
bassins orographiques et aux quatre bassins hydrographi- 
ques précités, et qui est connue sous le nom de Plateau 
central. : 

La France se divise, en outre, en régions montagneuses , 
en régions à plateaux ou montueuses, et en régions de 
plaines. Les régions naturelles précédentes se répartissent 
dans ces trois catégories de la manière suivante , à peu près 
comme nous l'avions déjà indiqué dans Patria, en 1844. 


A. granitiques 1. Alpes. 
! et 2. Pyrénées. 
montagneuses. schisteuses.| 3, Vosges. 
B. Calcaire.....} 4. Jura. 


C.-Granitiques | ©. Plateau central. 
Bretagne. 


schisteuses. . Ardenne. 
à plateaux. 
RÉGIONS - 8. Lorraine et Bour- 
gogne. 


D. Calcaires../ 9- Provence. 
40. 


| de plaines... | HAS dv 14. Limagne. 
45. e. 


= rendre Varisnpiane the trees 


(55) 

Ces régions . eu égard aux parties de la France qui les 
renferment , se groupent comme le montre le tableau sui- 
vant auquel nous avons ajouté leur étendue respective, d’une 
manière approximative, en centièmes de la superficie de la 
France d’une part, et en hectares de l’autre : 


bect. 
: Alsace 0,01. 440,000. 
Vosges 0,01 … 740,000. 
aient, es : Lorraine et Bourg.gre 0,09 …  4,350,000 
rg. .… 4,550,000. 
Septent les 7 Ardenne... ER 0.00 3 
entrales. |-42 Neustrie..….............. 0,28 … 14,100,000. 
oxides) 6 Bretagne 0,10 … 3,830,000. 
z. 0,02 … 1,330,000. 
E on ee 13 Bresse 0,03 …  1,600,000. 
ñ PT SR er 0,04 … 1,970,000 
9 Provence 0,04 4,970,000 
de mages 5 0,01 … 650,000. 
Mérid.les (centrales. - Fée central. 0,14 … 7,100,000. 
0,01 720,000 
| « en Are En 0,02 .… 950,080. 
2. CE 13 Aquitaine. 0,16 … 7,950,000. 
” ( 2 Pyrénées. - 0,04. …  2,170,000. 


7 1,00 52,000,000. 


Chacune de ces régions renferme les départements ou 
portions des départements suivants : 
A.— RÉGIONS MONTAGNEUSES GRANITIQUES ET SGHISTEUSES. 
4.0 Alpes : Isère (S.), Drôme, Hautes-Alpes, Basses- 
Alpes (E. ). 
2.0 Pyrénées : : Aude (S.), Pyrénées-Orientales , Ariège (S.), 
Haute-Garonne (S.), Hautes-Pyrénées (S.), Basses- 
3.0 Vosges : SE ), Haut-Rhin (0.), Vosges (E.). 
B.— RÉGION MONTAGNEUSE CALCAIRE. 
4.0 Jura : Doubs, Jura, Ain (E.). 


L 


(54) 
C.— RÉGIONS A PLATEAUX GRANITIQUES ET SCHISTEUSES. 


5.0 Plateau central : Nièvre (E), Saône-et-Loire (0.), 
Rhône , Loire, Ardèche, Gard (0.), Allier (0.), Puy- 
de-Dôme (E. et O.), Haute-Loire, Lozère (N.), Creuse, 
Haute-Vienne, Corrèze, Cantal, Aveyron (N.), 
Tarn (E.). k 

6. Bretagne : Orne (0.), Mayenne, Maine-et-Loire (O0), 
Deux-Sèvres (N.), Manche, He-et-Vilaine, Loire- 
Inférieure, Vendée, (Côtes-du-Nord, Morbihan, 
Finistère. 

7.° Ardenne : Ardennes (N.)._ 

D.— RÉGIONS À PLATEAUX CALCAIRES. 

8.0 Lorraine et Bourgogne : Moselle, Meurthe, Vosges (0), 
Meuse, Haute-Saône, Haute-Marne , Côte-d'Or (0.), 
Yonne (S.), Nièvre (0). 

9.e Provence : Basses-Alpes (0.), Var, Vaucluse, Bouches- 
du-Rhône. 

10.0 Languedoc : Gard (E.), Hérault. 

11.0 Causses : Lozère (S.), Aveyron (S.). 


.. ÆE.— RÉGIONS DE PLAINES. 

42.0 Neustrie : Nord, Ardennes (S.), Aisne, Marne , Seine- 
_et-Marne, Aube, Yonne (N.), Pas-de-Calais, Somme, 
Oise, Seine-et-Oise , Seine, Loiret, Cher, Seine- 
Inférieure, Eure, Eure-et-Loir, Loir-et-Cher, 
Indre , Calvados , Orne (E.), Sarthe, Indre-et-Loire, 
Vienne , Maine-et-Loire (E.). 

45. Aquitaine : Tarn (0), Aude (N.}, Lot, Tarn-et- 
Garonne, Haute-Garonne (N.), Ariége (N.), Charente, 
Dordogne, Lot-et-Garonne, Gers, Hautes-Pyrénées 
(N.), Deux-Sèvres (S.), Charente-Inférieure, Gironde, 
Landes, Basses-Pyrénées. (N.-E.). : 


Rae DE TS UT EE CRT M AT tr BR à At 


sé nil :; 0 à à osé ben. 


x code, àti-bue dé miles Ode SSSR 


(55) 

14.0 Limagne : Allier (0.), Puy-de-Dôme ({ centre ). 

15.0 Bresse : Côte-d'Or (S.), Saône-et-Loire (E.), Ain (0.), 
Isère (N.). 

16.0 Alsace : Bas-Rhin (E.), Haut-Rhin (E.). 


À. Régions montagneuses granitiques et schisteuses. 


1° Les Alpes du Dauphiné forment un massif arrondi, 
atteignant 4105" à la montagne de l'Oursine, à l'O. de 
Briançon ; à partir de ce point culminant, le massif s’abaisse 
dans toutes les directions. Le Mont-Viso au S.-E. atteint 
3845. Au N.-0., les Grandes-Rousses sont à 2930», et la 
Grande-Chartreuse au N.-N.-E. de Grenoble, ne s’élève plus 
qu'à 2030. À l'O., les montagnes qui sont au N.-E. de 
Die n'ont plus que 2346», et au-dessus de Valence, à l’E., 
1309% seulement. Au S.-0. , le Mont-Burré, au N.-0. de 
Gap, a 2712» ; le Mont-Ventoux, au N.-E. de Carpentras, 
ne s'élève plus qu’à 1911w. Au S.-S.-E., le Mont-Pelat , au 
S. de Barcelonnette, n’atteint que 3151, et les montagnes 
au N. de Grasse, seulement 1778». Ce massif est découpé 
par une multitude de grandes vallées dont la profondeur 
moyenne dépasse quelquefois 1500 ; les crêtes présentent 
dans la partie centrale toutes les directions ; les montagnes 
de la partie occidentale courent assez généralement du N. 
un peu E. au S. un peu O.; celles de la partie méridionale 
présentent, au contraire, des directions de l'E. un peu N. 
à l'O. un peu S. Les vallées sont à pentes rapides, souvent 
escarpées avec nombreux précipices ; elles sont fréquem- 
ment arrosées par des cours d'eau. Les Alpes sont consti- 
tuées par des schistes cristallins et quelques granites , et 
par des schistes et calcaires noirs jurassiques , crétacés et 
même tertiaires inférieurs. ; 

2.0 Les Pyrénées, dont le versant septentrional seul est 
français, sont une grande chaîne de montagnes composée 


( 56 } 

de deux chaînons ayant des directions parallèles , placés à 
peu près dans le prolongement l’un de l’autre, de telle 
manière cependant que le chainon occidental est un peu 
plus au S. que l’oriental. Leur direction est de l'E.-S.-E. 
à l'O.-N.-0. De ces deux chainons, l’occidental est le plus 
élevé. Le chaïnon oriental offre, au S. de Prades, le 
Canigou de 2785w, le pic de Serrère aux deux tiers de la 
longueur, au S. de Foix, de 2914; et, au S. de St-Girons, 
le pic de Montvalier de 2840". Le chainon occidental pré- 
sente à son extrémité orientale, près de Bagnères de Luchon, 
le pic de Néthou ou la Maladetta , point culminant des Py- 
rénées qui s'élève à 3404 ; le Mont-Perdu au tiers, au S. 
d’Argelez, atteint 3351® ; un peu après le Vignemale a 
3298, et le pic de Baletons 3146; au milieu, au S. de 
Pau, le pic du Midi a 2885, puis le pic d’Anie, an S. d’Olo- 
ron, 2504%. Au N. de Saint-Jean-Pied-de-Port, la chaine 
s’abaisse beaucoup, car le Lissératéca n'atteint plus que 
1409. Les Pyrénées présentent un grand nombre de vallées 
longitudinales et transversales à flancs rapides et escarpés , 
ayant une profondeur qui dépasse souvent 1500”; elles sont 
arrosées par de nombreux cours d’eau. Les Pyrénées sont 
en grande partie formées par des schistes cristallins et de 
transition, au milieu desquels se trouvent des granites ; 
dans la partie occidentale, il y a des grès et poudingues 
triasiques ; puis, dans toute la longueur de la chaîne, des 
schistes et des calcaires jurassiques , crétacés et même ter- 
tiaires sur quelques points. L’extrémité orientale présente 
au N. un appendice, connu sous le nom de Corbières, 
d’une hauteur moyenne d'environ 900® et formé de schistes 
de transition et crétacés ; les vallées y sont assez nombreu- 
ses et leur profondeur est d'environ 400%. 

3.0 Les Vosges forment une chaîne de montagnes dirigée 
du N. un peu E. au S. un peu O., parallèlement au cours 


( 57 ) 

du Rhin ét dont l'arête culminante s’abaisse du S. au N. Le 
point le plus élevé, situé près de l'extrémité méridionale, 
atteint 1426" au ballon de Soultz ou de Guebwiller; le 
plateau du Champ-du-Feu , situé dans la partie moyenne, 
s'élève seulement à 1095, et le Donon ou ballon d'Alsace 
à 1010. L’extrémité septentrionale à Weissembourg , n’est 
plus qu'à 549. Ces montagnes présentent des contours 
arrondis dûs à la friabilité du grès Vosgien en couches 
horizontales qui les constitue en grande partie, ce qui a 
fait donner aux sommités le nom de ballons. Les vallées 
sont grandes, à flancs rapides et ont des profondeurs qui, 
dans la partie méridionale surtout, où il y a de nombreuses 
forêts de pins, vont à plus de 900”, tandis que dans la 
partie septentrionale, elles ne vont au plus qu'à 300%. La 
partie méridionale seulement , formée de schistes cristallins 
et de roches granitiques , a ses vallons arrosés par de nom- 
breux ruisseaux. La pente, douce à l'O., est très-rapide 
sur le flanc oriental où elle est interrompue par des vallons 
profonds à flancs très-rapides. 


B. Régions montagneuses calcaires. 


4.0 Le Jura est formé par un ensemble de chainons 
parallèles, séparés par des vallées longitudinales, dirigés 
dans la partie septentrionale du N.-E. au S.-0. et dans la 
partie méridionale à peu près du N.au S. La partie septen- 
trionale présente ordinairement trois ou quatre de ces chai- 
nons parallèles , et la partie méridionale sept ou huit. Dans 
les deux parties, leur hauteur est de moins en moins consi- 
dérable à mesure qu'ils deviennent plus occidentaux ; ainsi 
le Chasseron, à l'E. de Pontarlier atteint 1610®, le Crêt-de- 
la-Neige, au dessus de Gex, a 4724”, le Colombier, au 
bord du Rhône, a 1446®; les chaînons moyens à l'O. de 
Saint-Claude n’atteignent plus que 964%, et les chainons 

Tome XVII 5 - 


( 58 ) 
occidentaux , à Besancon et à Bourg, 614 et 623%, Les 
grandes vallées longitudinales sont désignées sous les noms 
de val lorsque leurs flancs sont calcaires, et de combe lors- 
qu'ils sont argileux (les parties calcaires élevées qui les 
séparent sont le plus souvent rocheuses et désignées sous le 
nom de crét); leur profondeur qui est dans la partie orien- 
tale de plus de 1000, va en diminuant vers l'O., de ma- 
nière à n'être plus guère que de 200 à 300" sur le bord 
de la partie occidentale. Indépendamment des vallées longi- 
tudinales, il y a des vallées transversales qui ne sont que 
des coupures étroites et profondes, à pentes très-escar- 
pées ; elles se divisent en petites ou ruz qui ne traversent 
qu'un crêt et qui donnent issue aux ruisseaux ‘qui 
prennent naissance dans les combes, et en grandes ou cluse 
qui traversent à la fois perpendiculairement les crêts et les 
combes et livrent passage aux grands cours d’eau. Le Jura 
est presqu'entièrement formé par le terrain jurassique argilo- 
calcaire qui lui doit son nom; dans quelques vallées longi- 
tudinales , il y a de petits dépôts crétacés et tertiaires. 

C. Régions à plateaux graniliques et schisteuses. 

5.° Le Plateau central forme un vaste trapèze un peu 
irrégulier, dont le grand axe est dirigé à peu. près du 
N.-N.-E. au S.-S.-0. C'est une surface bombée qui va en 
s’abaissant dans toutes les directions à partir du plateau de 
Millevaches , situé au N.-E. de Tulle, et dont l'altitude est 
d'environ 1200 ; en effet, sur les bords , les altitudes sont 
réduites à 9275 à l'O. de Lyon, à 804% au S. d’Avallon, 
à 697» au N. de Limoges, à 597" au S. de cette même 
ville, à 827% au $S. d'Aurillac, et à 564" au S.-E. d'Albi. 
Cette région est découpée par une multitude de vallées 
étroites escarpées, ayant en moyenne 3-400® de profon- 
deur , dans lesquelles se trouvent un grand nombre de 


2 er nt 4 MES EN | 


( 59 ) 

sources et dé cours d'eau ; elle est formée par les terrains 
primitifs stratifiés, renfermant çà et là de grands enclaves 
granitiques et porphyriques. À la surface se trouvent deux 
sortes de protubérances : des chaines montagneuses de 
même nature dans la partie orientale, et des monts coni- 
ques circulaires, de nature ‘différente , Surtout dans Ja 
partie occidentale. Les chaînons sont celui du Forèz à l'O. 
de Montbrison à 1632», celui des Bitous à l'O. du Puy à 
1117®, celui de la Margeride au N. de Mende à 1565®, tous 
trois dirigés du N -N.-0. au S.-S-E.; la Lozère au S.-E. 
de Mende, à 1676, est allongée de l'E.-S.-E. à l'O.-N.-0 : 
les Cévennes au N. de Montpellier à 1564® et la montagne 
de Levesou au S -E. de Rodèz, à 1124® , le sont du N.-E. 
au S.-0.; la Montagne-Noire à 1256 et les monts-Saint- 
Félix à 4210® au N.-E. de Carcassonne, le sont de l'E.-N.-E. 
à l'O.-S.-0.; ces chainons sont formés par les gneiss et les 
granites où les porphyres. Les monts coniques circulaires , 
découpés par des vallées rayonnantes , sont au nombre de 
deux : le Cantal au N.-E. d’Aurillac qui attéint 18587, et le 
Mont-Dore au S:-0. de Clermont qui s'élève à 1886" ; au 
N. de ce dernier il y'a de nombreuses collines coniques 
dont la plus élevée , le Puy-de-Dôme, s'élève à 1465®; ces 
massifs sont formés de roches volcaniques acenmulées 
sur le plateau à une époque relativement très-récente. Il ÿ 
a en outre deux massifs de forme intermédiaire , celui du 
Mézenc au N.-0. de Privas qui est allongé da N.-0. au S.-E. 
et dont le point culminant atteint 1774®; et les monts d’Au- 
brac au N.-E. de Rodèz , en arc de cerele, de l'E. à l'O. 
qui n’atteignent guère que 1400" ; tous deux sont égale- 
ment d’origine volcanique. LL 

6.0 La Bretagne forme un grand cibatoié érinuet une 
dépression longitudinale qui-va de la rade de Brest aux li- 
mités du bassin hydrographique de la Vilaine; sa hauteur 


( 60 ) 
moyenne est de 100 à 150%, dans la parte située au Nord 
de la Loire. Celle-ci est découpée par une multitude de pe- 
tites vallées étroites et à flancs escarpés dont la profon- 
deur moyenne varie de 70 à 100® et dans lesquelles il y a 
beaucoup de sources et de ruisseaux, À la surface s’élè- 
vent plusieurs petits chaîinons montueux qui affectent deux 
directions différentes bien tranchées : les premiers dirigés 
de l'E.-S.-E. à l'O.-N.-0. sont les deux collines du Bocage 
Normand, de Falaise à Coutances, et d'Alençon à Avranches, 
qui atteignent l’une 359 et l’autre 413" ; dans le prolon- 
gement de la dernière, se trouve à l'E., le massif isolé de 
la forêt de Perseigne qui atteint 341" ; viennent encore les 
montagnes du Menèz au S. de Saint-Brieuc, qui atteignent 
339" et les montagnes d’Argot et de Run, au S. de la rade 
de Brest dont le point culminant cst à 331". Les seconds 
dirigés de l'E,-N.-E. à l'O.-S.-0. sont les montagnes d’Ar- 
rée, à l'E. de la rade de Brest, qui ont 384%, et les Mon- 
tagnes-Noires au $. de ces dernières qui sont moins éle- 
vées. La Bretagne dans sa partie orientale, présente au N. 
et au S. deux appendices connus sous le nom de Cotentin 
et de Vendée. Le dernier situé au S. de la Loire possède 
les mêmes caractères physiques ; c’est un plateau élevé de 
100 à 150® traversé par une crête saillante, dirigée du 
S. E. au N.-0., dont le point culhninant, le Bouquet de 
Pouzauges, près des Herbiers , atteint 285". La Bretagne 
et le Cotentin sont formés par les terrains primitifs et de 
transition ; la Vendée est presqu'entièrement primitive. 

1°. L’Ardenne française est un plateau allongé de l'E. à 
l'O , couvert de forêts, élevé de 504® dans la partie orien- 
tale sur les bords de la Meuse, et de 200" seulement dans 
l'O., sur les bords de la Sambre, par suite d’une pente 
uniforme dans cette direction. Elle est découpée par des 
vallées à flancs escarpés qui atteignent jusqu’à 350® de pro- 


Si Si ST 


NE male pee So Ea 


61 ) 
fondeur sur la Meuse et 70" seulement sur la Sambre , et 
qui renferment nombre de sources et de ruisseaux. Les 
schistes de transition constituent presque entièrement l'Ar- 
denne. 


D. Régions à plateaux calcaires. 


8°. La Lorraine et la Bourgogne sont formées par la réu- 
nion de plusieurs petits plateaux et plaines qui sur leur bor- 
dure orientale , atteignent 400 à 500" en Lorraine et 608 
au N.-0. de Dijon. Delà par une pente douce vers l'O. et le 
N.-0, cette région va atteindre 250 et 300% sur la bordure 
occidentale dans la première et 350" dans la seconde. La.par- 
tie orientale de la Lorraine est un pays onduleux , argilo- 
sableux, humide, formé par le trias, dans lequel les vallées 
sont à pentes douces. La partie occidentale assez sèche est 
formée ainsi que la Bourgogne par les calcaires et argiles 
Jurassiques. Les vallées , à flancs rapides, sont assez nom- 
breuses , ont 150 à 200 de profondeur et courent pour la 
plupart au N.-N.-0. dans la Lorraine et au N.-0., suivant la 
pente générale du sol, dans la Bourgogne. Les sources y 
sont assez fréquentes et il y a d’assez grands cours d’eau. 

90. La Provence est un grand plateau atteignant 700% sur 
la bordure septentrionale, et s’inclinant légèrement au S., de 
manière à ne plus s'élever qu'à 400® dans la partie méri- 
dionale. À sa surface s'élèvent de nombreux chaînons pa- 
rallèles ‘qui courent de l'E.-N.-E. à l'O.-S.-0.; les princi- 
paux sont le Leberon à 1125®, la Sainte-Victoire à 970%, 
l'Etoile à 751%, la Sainte-Beaume à 916%, etc. La Pro- 
vence est un pays sec, formé de calcaires crétacés et ter 
tiaires, et sillonné de vallées peu profondes. La partie occi- 
dentale est en partie occupée par la vaste plaine diluvienne 
de la Crau qui s'étend d’Arlés à l'embouchure du Rhône. 
— Nous n’en séparons plus maintenant les Maures et V’Es- 


(62 ) 
Lerel qui sont un petit massif de terrain primitif et triasi- 
que allongé du N.-E. au S.-0., d'Antibes à Toulon, qui a 
une hauteur moyenne de 400 à 500" et dont le point cul- 
minant, la Sauvette, atteint 780%. Les vallons y sont nom- 
breux, à flancs escarpés , d’une profondeur de 200 à 300 
et à nombreux cours d'eau. 

40.2 Le Languedoc est un plateau allongé du N.Æ. au 
S.-0., dont l'altitude d'environ 700% au N.-E. au bord du 
Plateau central se réduit à 200" dans le voisinage de la 
Méditerranée. Les vallées assez profondes dans la première 
partie, le sont moins dans la seconde; les cours d’eau n'y 
sont pas très-fréquents. Le sol est formé aa des pus 
crétacés et tertiaires. 

11°. Les Causses sont un plateau sec et horizontal de cal- 
caire jurassique occupant une dépression située à la partie 
méridionale du Plateau central. Elles s'élèvent à 900%, et 
présentent quelques vallées à flanes très-escarpés de 300 à 
400* de profondeur donnant issue aux cours d’eau qui 
descendent des montagnes environnantes. : 


E. Régions de Plaines. 


12° La Neustrie, appelée aussi bassin de Paris, est une 
immense plaine dont la hauteur varie de 100 à 3007, et qui 
en raison de sa grande étendue, présente quelques différen- 
ces dans ses caractères physiques. La partie située au NE, 
de la Seine constitue une sorte de bas plateau, qui dépasse 
assez souvent 150 à 200" et qui est découpé par un bon 
nombre de vallées à flancs rapides, d’une profondeur 
moyenne de 100 à 150%, avec sources et cours d’eau. La 
partie centrale est une plaine unie, sans vallées nicours d’eau, 
élevée de 120 à. 150; au S.-E. et au N.-0. sont des parties 
vis élevées qui atteignent 200 à 300® et même 452" et 

sont découpées. par des vallées à pentes rapides de 100 à 


LA EE UE) D cr 2 1 SES AR Se Été Ce De ET dE ne dd SE mn a AE 


SERRE CAGE EE RE E S ER EE CES UP ES BE ES FRA RES PR RE RER om CRE RE RE EE SC PEN ER CE PT 


(63) 

150% de profondeur avec des cours d’eau. Au S.-0. est une 
plaine assez unie de 100 à 150% présentant des vallées à 
pentes un peu rapides, de 50® de profondeur moyenne, 
avec des cours d’eau et quelques sources. La Neustrie est 
formée par des argiles sableuses en général peu épaisses 
reposant le plus souvent sur la craie pure ou sableuse , ou 
bien sur des sables et des calcaires tertiaires. Nous y réu- 
nissons maintenant la Champagne, située à V'E., qui est une 
plaine de craie, sèche, onduleuse , atteignant 200" à l'E, 
et seulement 400® à l'O. par suite d’un léger abaissement 
du sol. Les vallées assez nombreuses mais à pentes très- 
douces , sont traversées par les cours d’eau qui prennent 
naissance en Lorraine et en Bourgogne; les sources et les 
ruisseaux y sont rares. À la Neustrie se rattache la portion 
de la Flandre qui forme le département du Nord; c’est une 
plaine basse unie, dont la hauteur varie de 10 à 60" ; elle 
est assez humide, entrecoupée de rivières et de canaux 
et formée par des sables limoneux. Nous y ajoutons aussi 
un fragment du Haut-Poitou dont la plus grande partie est 
rapportée à la région suivante. 

153.0 L’Aquitaine ou bassin de Bordeaux est une immense 
plaine dont la hauteur, de 400® dans la partie orientale et 
de 800% au pied des Pyrénées vers le milieu de la longueur 
de cette chaîne , va en s’abaissant jusqu’à 20" à l'O. le long 
de la côte de l’Atlantique; elle est séparée de cette der- 
nière par un cordon de dunes, élevé de 40 à 80" le plus 
souvent. Cette région en général argilo-sableuse tertiaire 
est découpée par une multitude de vallées et de vallons à 
pentes un peu rapides, de 50 à 100 de profondeur avec 
de nombreux ruisseaux. Il y a aussi plusieurs grandes vale 
lées fort larges et un peu plus profondes. Un espace trian- 
gulaire qui borde la côte, de l'embouchure de la Gironde à 
celle de F'Adour est connue sous le nom de Landes; c'est 


64 

une grande plaine sableuse, sèche, élevée de 200" à Agen 
et de 20" seulement au bord de la mer; elle présente à 
peine quelques légers vallons dans lesquels serpentent 
des filets d’eau. Nous comprenons aujourd'hui dans 
l’Aquitaine : le Quercy, plateau sec de calcaire jurassique , 
élevé de 400", coupé de vallées qui ont environ 200% de 
profondeur et qui donnent issue à des cours d’eau qui des- 
cendent du Plateau central; et aussi la plus grande partie 
du Haut-Poitou, plateau de calcaire jurassique, élevé de 
220 au N.-E., et dont la surface s’abaisse au Sud à 90; 
il est sillonné par quelques vallées à flancs un peu rapides 
de 50 à 100% de profondeur avec sources et cours d’eau. 

14.0 La Limagne est formée par deux hautes plaines en- 
caissées entre des ramifications de la partie septentrionale 
du Plateau central, sur les rives de l'Allier et de la Loire. 
Sa hauteur de 220% au N. atteint 450 au S. Les vallons 
sont en général peu profonds et à pentes douces ; on peut 
considérer comme un accessoire de la Limagne, la plaine 
de Montbrison , située à 400® et entourée de toutes parts 
de plateaux primitifs plus élevés. Le sol tertiaire de la Li- 
magne est argilo-sableux et humide. 

15.0 La Bresse est une grande plaine située à l'E. de la 
Saône et du Rhône. La partie située au N, du Rhône est 
basse, humide, couverte d’étangs dans la partie méridio- 
nale, et sillonnée de ruisseaux ; la partie située au $, est 
plus accidentée ei découpée par un bon nombre de vallées 
souvent très-larges, dont la profondeur dépasse souvent 
200 à 300w; les étangs sont plus rares et le sol moins hu- 
mide. La Bresse est formée par un dépôt argilo-sableux 
tertiaire qui atteint 200% au N. et 800 au S. 


16.° L’A/sace française est une plaine unie argilo-sableuse, 
diluvienne qui longe le Rhin; elle est élevée de 150 à 


PR RIRE DUR STEP NN NE UE 


( 65 ) 
250® à l'E., et atteint 300 à 400 à l'O, où elle présente 
quelques vallées à pentes douces dont la profondeur ne dé- 
passe guère 100». 


Importance des divisions précédentes. 


Les diverses régions naturelles de la France ont des ca- 
ractères physiques bien différents. « Elles ne cesseront donc 
jamais, disent MM. de Beaumont et Dufrénoy (Expl. de la 
carte géol. de la France, T. 1, n. 7), d'avoir des noms 
spéciaux, el on comprendra de mieux en mieux que la con- 
naissance des noms de ce genre et de tout ce qu'ils expri- 
ment est, à la fois, la base de la géographie ordinaire et 
de la géographie minéralogique. C'est là leur point de 
contact et leur point de départ commun. Les limites de ces 
régions naturelles restent invariables au milieu des révolu- 
tions politiques, et elles pourraient même survivre à une 
révolution du globe qui déplacerait les limites de l'Océan et 
changerait le cours des rivières ; car elles sont profondé- 
ment inhérentes à la structure du sol, tandis que les lignes 
hydrographiques dépendent d’un état d'équilibre qui pour- 
rait être dérangé de bien des manières. Pour faire com- 
prendre l’ensemble des formes d’une contrée, il est sans 
doute indispensable de tracer d’abord le contour des côtes, 
le cours des rivières, et même les lignes de faîte suivant 
lesquelles les eaux se partagent; mais, pour donner une 
idée approfondie de sa structure , il faut tracer les contours 
des masses minérales qui la composent. Ces contours sont 
les joints principaux de l'édifice terrestre. En les décou- 
vrant, on découvre sa structure intime. En les dessinant, 
on dessine le plan de sa construction. Elles y sont, pour 
ainsi dire, incrustées de manière à durer autant que lui. 
La main destructive du temps au lieu de tendre à les effa- 
cer, tend, au contraire, à les mettre de plus en plus en 


66 } 
évidence , comme elle tend à rendre de plus en plus appa- 
rents les joints des pierres d’un vieux mur. 

» Les lignes géologiques, qui déterminent les contours 
des masses minérales, dessinent, en quelque sorte, le sque- 
lette d’une contrée , tandis que les lignes hydrographiques 
pe représentent que ces traïts purement extérieurs qui, sur 
un même visage, varient avec les années ».. 

L'influence des caractères physiques de ces régions se 
fait sentir aussi d’une manière tranchée sur les populations 
qui les habitent. Nous rappellerons à ce sujet le passage 
suivant de Cuvier ( Eloge de Werner): « Dans les pays où 
les lois, le langage sont les mêmes, un voyageur exercé 
devine par les habitudes du peuple ; par les apparences de 
ses demeures, de ses vêtements , la constitution du sol de 
chaque canton, comme, d’après cette constitution, le miné- 
ralogiste philosophe devine les mœurs et le degré d’aisance 
et d'instruction. Nos départements granitiques produisent, 
sur tous les usages de la vie humaine , d’autres effets que 
les calcaires; on ne se logera , on ne se nourrira , le peuz 
ple, on peut le dire, ne pensera jamais en Limousin ou en 
Basse-Bretagne, comme en Champagne ou en Normandie. 
Il n’est pas jusqu'aux résultats de la conscription qui n'aient 
été différents, et différents d’une manière fixe, sur les dif- 
férents sols ». + 

Les terrains qui entrent dans la composition du sol de 
la France présentent une disposition très-remarquable, sur- 
tout par rapport au massif primitif du Plateau central et à 
la plaine tertiaire de la Neustrie où bassin de Paris. Ces 
deux régions sont entourées chacune d’une ceinture juras= 
sique à peu près continue , qui a la forme d’un 8 ouvert par 
en haut. Cette disposition du terrain jurassique , toutefois 
n'est qu'apparente ; car, disent MM. Dufrénoy et de Beau- 
mont (Expl. T, I, p. 22), » Si les deux boucles supérieure 


RÉ nait 
RSR RnR nd TS ne 


RME S ONE Zee TETE, 


ET 


(67) 

et inférieure que présente la figure analogue à celle d'um8, 

qu elles dessinent sur la surface , ont entr’elles une sorte de 
correspondance , elles présentent en même temps une op- 
position complète dans la manière dont les couches jurassi- 
ques y sont disposées relativement aux masses qui oceu- 
pent les deux espaces qu’elles entourent vers le N. et vers 
le S,; en effet, la boucle inférieure où méridionale , circons- 
crit un massif proéminent, formé principalement de terrains 
granitiques. C’est le massif montagneux de la France cen- 
trale ,; couronné par les roches volcaniques du Cantal, du 
Mont-Dore et du Mézenc. 

» Cette boucle méridionale est ainsi moins élevée que 
l'espace qu'elle entoure, tandis que la boucle supérieure 
ou septentrionale, qui forme le contour d’un bassin dont 
Paris occupe le centre, est, en grande partie, plus élevée 
que le remplissage central de ce bassin. 

» L'intérieur de ce bassin est occupé par une succession 
d'assises à peu près concentriques , comparable à une série 
de vases semblables entr'eux, qu'on fait entrer lun dans 
l’autre pour occuper moins d'espace. 

» Les deux parties principales du sol de la France; le 
dôme de l'Auvergne ( Plateau central) et le bassin de Paris 
(Neustrie), quoique circulaires l’un et l’autre, présentent, 
comme on vient de le voir, des structures diamétralement 
contraires. Dans chacune d'elles, les parties sont coordon- 
nées à un centre, mais ce centre joue dans l'un et = 
l'autre un rôle complètement différent. 

- » Ces deux: péles de notre sol, s’ils ne sont pas situés 
aux deux ‘extrémités d’un même og rer8 tierce en TB 
vanche , autour d'eux, des infl 

l'un est en creux et attractif; l'autre, en relief, est pépulsif. 

» Le pole en creux vers lequel tout converge , c’est Paris, 
centre de population et de civilisation. Le Cantal, place vers 


(68) 

le centre de la partie méridionale , représente assez bien le 
pôle saillant et répulsif. Tout semble fuir en divergeant de 
ce centre élevé, qui ne reçoit du ciel qui le surmonte que 
la neige qui le couvre pendant plusieurs mois de l'année. Il 
domine tout ce qui l'entoure, et ses vallées divergentes ver- 
sent les eaux dans toutes les directions. Les routes s’en 
échappent en rayonnant comme les rivières qui y prennent 
leur source. 11 repousse jusqu’à ses habitants qui, pendant 
une partie de l’année, émigrent vers des climats moins sé- 
vères. c 

» L'un de nos deux pôles est devenu la capitale de la 
France et du monde civilisé ; l’autre est resté un pays pau- 
vre et presque désert. Comme Athènes et Sparte dans la 
Grèce , l’un réunit autour de lui les richesses de la nature, 
de l’industrie et de la pensée ; l'autre, fier et sauvage, au mi- 
lieu de son âpre cortège, est resté le centre des vertus sim- 
ples et antiques , et, fécond malgré sa pauvreté, il renou- 
velle sans cesse la population des plaines par des essaims 
vigoureux et fortement empreints de notre ancien caractère 
national. , 

» La France, malgré la variété que présente son sol, ou 
plutôt à cause de la manière dont sont disposés les éléments 
de cette variété, est un des pays de la terre dont la popu- 
lation est le plus naturellement homogène ou, du moins, le 
mieux reliée dans toutes ses parties. 

» La disposition du terrain, dont ce qui précède donne 
déjà un aperçu , y atténue , autant que possible, la diversité 
des climats ; et, si la France doit à la forme de son terri- 
toire certains désavantages, elle lui doit, d'un autre côté, 
des avantages marqués. 

» L'unité de la France est due, en grande partie, à ce 
que le noyau montagneux du Midi, à cause de son éléva- 
tion , est beaucoup plus froid, proportionnellement à sa la- 


slibecn cr: 0 2e és 


eh éidnar né nice plu) uque God ne dt és + SSSR 


(69 ) 
titude, que le bassin du Nord; d’où il résulte qu'abstrac- 
tion faite de la Gascogne et du littoral de Ja Méditerranée , le 
sol de la France présente, jusqu’à un certain point, dans 
tous les départements, la même température moyenne. 

» Si les relations de hauteurs dont nous venons de par- 
ler étaient renversées ; si les terrés basses du Nord de la 
France étaient portées au centre et que les terres élevées 
du centre fussent portées au Nord, la France serait parta- 
gée entre deux nations presque distinctes, comme la Grande- 
Bretagne entre les Anglais et les Ecossais ». 


Division de la France en régions botaniques. 


Si les régions naturelles précédentes peuvent être assez 
bien définies et limitées au point de vue géographique et 
géologique, et si malgré les grandes différences qu’elles pré- 
sentent dans l'étendue de leur surface , chacune a bien une 
existence à part et doit être l’objet d’une description parti- 
culière , il ne nous paraît pas en être tout-à-fait de même 
au point de vue botanique. D'un côté, plusieurs ont des di- 
mensions inférieures à celles d’un département et se trou- 
vent placées dans des circonstances climatologiques sembla- 
bles à celles des régions avoisinantes et ne doivent présenter 
d’autres différences dans leur végétation, que celles qui résul- 
tent de l’altitude et de la nature du sol: deux éléments qui 
présentent les mêmes variations dans une même région. D'un 
autre côté, il y a de ces régions dont la longueur est très- 
considérable du N. auS., qui font partie de plusieurs bassins 
hydrographiques et qui, par suite, se trouvant placées dans 
des circonstances climatologiques variées, doivent être 
partagées en plusieurs sections. 

Ainsi l'Alsace , la chaîne des Vosges et les Lorraine et 
Bourgogne se trouvent placées à des latitudes semblables et 


(70 ) 
il n'y a certainement pas de botaniste qui ne veuille les réu- 
nir, puisqu'il ne s'en trouverait pas un qui voudrait faire 
trois flores distinctes pour la Limagne, le Mont-Dore et 
le Limousin qui est à l'Ouest. 

La Neustrie, par exemple, cette grande plaine du N. de 
là France , qui s'étend de Dunkerque au-delà de Poitiers 
et de Moulins , appartient à deux grands bassins hydrogra- 
phiques, séparés par une ligne tirée de l'O.-N.-0. à l'E.-S.E. 
et située un peu au Sud de celle qui passerait par Caen et 
Auxerre , le bassin de la Seine au Nord et celui de la Loire 
au Sud. Les différences qui existent entre la flore du pays 
situé au N. de Paris et celle du pays situé à l'E. de Tours, 
sont assez grandes pour démontrer la nécessité de deux 
flores pour la Neustrie , l'une septentrionale ou parisienne, 
et l’autre méridionale ou ligérienne. 

Certainement , à ne considérer la France que d’une ma- 
nière fort générale on pourrait, comme le pense M. Ch. 
Des Moulins, n’établir que quelques grandes flores partielles 
pour la France ; on pourrait par exemple avoir : 

4.° La flore des pays de plaines et de bas plateaux du N. 
ou la flore septentrionale ap la Neustrie et la Bre- 
tagne. 

2.0 La flore de la daisie plaine du S.-0. ou la flore de 
l'Aquitaine. 

3° La flore des régions montueuses du centre de la 
France ou la flore du Plateau central. 

4.0 La flore des plaines et des régions montagneuses de 
l'E. ou flore orientale comprenant lArdenne, les Lorraine 
et Bourgogne , les Vosges, l’Alsace , la Bresse et le Jura. 

5.0 La flore des montagnes qui comprendrait les Alpes et 
les Pyrénées. 

6:° Et la flore méditerranéenne CHARS le Languedoc 
et la Provence. 


PRÉ I PAS 


GDS de Ki de pe jus me à, 


Xl Es ri 


() 

Mais ces six flores ne nous paraissent pas répondre aux 
véritables besoins de la géographie botanique. La Bretagne, 
par exemple, en raison de sa constitution péninsulaire me 
doit pas être comprise dans la même flore que la Neustrié 
méridionale , région toute méditerranée (nous ne disons pas 
Méditerranéenne ). La différence des latitudes qui existe 
entre les Alpes françaises et les Pyrénées, et cette circons- 
tance que les premières sont allongées du N. au $S. tandis 
que les secondes le sont de l'E. à l'O. nous semblent bien 
assez importantes pour que l'on dresse des flores distinctes 
pour ces deux chaînes de montagnes. 

Il nous semble donc que quand on voudra songer à faire, 
à l’aide des flores et des catalogues départementaux, des 
flores régionnaires d'une beaucoup plus grande valeur scien- 
üfique , les seules véritablement nécessaires , il ne sera pas 
utile d'en faire un nombre égal à celui des régions naturel- 
les de la France, c’est-à-dire 16. Si une de ces régions de- 
vra être partagée, d'autres pourront être réunies ; le nom - 
bre des flores pourra ainsi être moins considérable. 

Dans l’état actuel de la botanique descriptive de la France, 
il n’y a que bien peu de flores qui satisfassent plus ou moins 
complètement à ce point de vue. Parmi les flores modernes 
deux seulement s’en rapprochent assez, c’est d’une part la 
flore des environs de Paris de MM. Cosson et Germain , et 
d'autre part, la flore de Lorreine de M. Godron. Parmi les 
flores plus anciennes , il y en a deux qui répondent parfaite- 
ment à notre point de vue : la flore du Dauphiné de Villars 
et celle des Pyrénées de Lapeyrouse. 

Parmi les flores modernes , la flore du centre de la France 
par M. Boreau séduit par son titre le botaniste-géolo 
gue, Celui-ci peut croire en effet qu'il va pouvoir étudier la 
flore du plateau central de la France , de cette région mon- 
tueuse , granitique et schisteuse , si intéressante. Mais à 


72 ) 

l'ouverture du livre, l'espérance dont il s'était bercé s'é- 
vanouit ; il ne s’agit que du bassin hydrographique de la 
Loire, c’est-à-dire d’une bande transverse qui s'étend de 
Lyon à Nantes, comprenant des portions du Plateau central, 
la Limagne , des portions de la Neustrie et de la Bretagne 
et même une petite portion de la Bresse et du Jura, dépen- 
dant du bassin du Rhône , puisque le département de Saône- 
et-Loire y a été englobé tout entier, I aurait été difficile 
de réunir dans une flore partielle de la France plus d’élé- 
ments hétérogènes. ù 

Les régions botaniques qu'il nous semble convenable 
d'établir en France, sont au nombre de dix ainsi composées : 

4.0 Parisienne : partie septentrionale de la Neustrie. 

2.0 DR : partie méridionale de la Neustrie. 

3.° Bretonne : gne. 

4.0 Orientale : Ardenne , Lorraine et Bourgogne , Vosges, Alsace. 

5.0 J ienne : Jura, Bresse. 
6.0 Durs Plateau Lee , Limagne, Causses. 
7.9 Aquilaine : Aquita 
8.0 panne gd Provence. 


1.0 La partie septentrionale de la Neustrie, vaste plaine 
limitée au S. par une ligne située un peu au S. de celle 
qui joindrait Caen à Auxerre et qui est le point de départ 
des eaux qui se rendent à la Seine ou à la Loire. Les points 
culminants sont à 280" au N.-0. de Chàlons , et à 321" au 
N.-E. d'Alençon. Elle est formée par des argiles sableuses, 
en général peu épaisses, reposant le plus souvent sur la 
craie pure ou bien sur des sables et des argiles tertiaires ; 
la partie orientale exclusivement crayeuse porte le nom de 

Champagne. Paris se trouve dans la partie centro-méri- 


2. La partie méridionale de la Neustrie, vaste plaine 


13 ) 
limitée.au N. par la précédente, Sa hauteur moyenne: 
atteint au plus 150%; mais sur sa bordure méridionale, sur- 


tout, dans la partie orientale , il y a des points dont la hau- 


teur. va jusqu à 452* comme au N.-E. de Bourges. Elle 
est formée par des argiles sableuses en général peu épais- 
ses, reposant en partie sur des sables et calcaires tertiaires , 
et le plus souvent sur la craie pure ou sableuse ou bien sur 
les calcaires jurassiques. La Loire occupe la partie médiane 
excepté entre Nevers et Blois où elle se PPS de la 
limite septentrionale. 

3.° La Bretagne , y compris la Vendée au S. de la Loire, 
est un bas plateau présentant quelques chaînons montueux 
dont le plus élevé atteint seulement 413% au N.-0 d’Alen- 
çon. Elle est formée par les terrains primitifs et de transi- 
tion, granitique et schisteux. Le calcaire y est très-rare. 

4.0 L’ LA Le les dancaine et Bourgogne, les Vosges et 
l'Alsac t tituent l Est de la France. 
Les Lorraine pe Roca ç sb un plateau de calcaires 
et d’argiles jurassiques dans la partie occidentale ; de sables 
et d'argiles triasiques dans la partie orientale, lequel de 
250% ou environ dans l'O., va atteindre de 5 à G00m 
dans l'E. près d’Épinal, et an S. de Dijon. L'Ardenne est 
un petit plateau schisteux qui atteint 504" au N.-E. de 
Mézières. Les Vosges sont une chaîne formée par les sables 
et grès Vosgiens et dans la partie méridionale, où elle atteint 
1426, par les terrains primitifs, granitiques et schisteux. 
L'Alsace est une plaine unie argilo-sableuse ares dont 
la hauteur moyenne est de 200” be 

5.0 Le Jura et la Bresse forment à l'E, un PRE | 
chainons parallèles, de plus en plus élevés à mesure qu’on 


avance vers l'E., où ils atteignent 4724" au Crèt-de-la- 


Neige, composés par les calcaires et les argiles du terrain 
jurassique. A l'O., c'est une grande plaine argilo-sableuse 
Toue XVIIL 6 


74 
tertiaire qui atteint 325* au N. de Lyon et seulement 200 
au S. de Dijon. 

6.o Le Plateau central, la Limagne et les Causses for- 
ment un vaste trapèze dont la hauteur moyenne de 500" 
dans la partie occidentale en atteint 1000 dans la partie 
orientale. Il est formé par les terrains primitifs, granitiques 
et schisteux. À sa surface se trouvent des chainons monta- 
gneux, assez élevés, de même nature que le plateau, le 
Forez à 1632", la Margeride à 1365", le Mont-Lozère à 
1676", les Cévennes à 1564", puis des massifs élevés, 
coniques, arrondis, d'origine volcanique , tels que le Mont- 
Dore à 1886", le Cantal à 1858", le Mézenc à 1774" et 
les Monts-d’Aubrac à 1400" environ. Le Puy-de-Dôme qui 
atteint 1465* est un simple pic isolé. Le calcaire est très- 
rare dans tout le Plateau central. La Limagne est une plaine 
marno-sablonneuse tertiaire , d’une hauteur moyenne de 
550" ; elle s'ouvre largement à la Neustrie méridionale, 
ainsi que la plaine de Roanne. La plaine de Montbrison est 
entièrement enclavée dans le plateau; elle est également 
tertiaire et sa bauteur est de 400". Les Causses sont un 


plateau de calcaire jurassique , encaissé dans une vaste dé- 


pression située à la partie méridionale du Plateau central ; 
elles atteignent 900." 

7.0 L'Aquitaine est une immense plaine dont la hauteur 
de plus de 400" à l'E., va en s’abaissant à l'O. jusqu’à 20”. 
Dans le voisinage de la Vendée et du Plateau central, de 
La Rochelle à Albi, elle est formée par des calcaires et 
des argiles des terrains jurassiques et crélacés recouverts 
çà et là par des sables tertiaires. Un espace triangulaire 
compris au S. de la Garonne, jusqu’à une ligne tirée d’Agen 
à Bayonne , est formé par des sables très-purs tertiaires , et 
désigné sous le nom de Landes. Le reste est formé par des 
argiles sableuses et des calcaires tertiaires. 


(35) 
8.%Le Languedoc et la Provence sont bordés par la Médi- 
terranée el caractérisés par la présence des oliviers. Le 
Languedoc est un plateau , formé par les calcaires crétacés 
et tertiaires, dont l'altitude d'environ 709" au N.-E. se 
réduit à 200" au S.-0.; l'extrémité méridionale est même 
formée par la plaine très-basse de la Crau. La Provence 
est un grand plateau atteignant 700" sur sa bordure sep- 
tentrionale , et 400" dans sa partie méridionale , et présen- 
tant de nombreux chaînons montueux qui atteignent jusqu’à 
1125 au Leberon. La Provence est formée par les calcai- 
res crétacés el tertiaires à l'exception de la portion située 
au S. de Draguignan qui est granitique et schisteuse et 
porte le nom de Maures, et du delta diluvien du Rhône 
qui est très-bas et sablonneux. 

9.0 Les Pyrénées sont une grande chaine qui atteint jus- 
jusqu'à 3404" à la Maladetta , dans sa partie médiane. Elles 
sont en grande partie formées de roches schisteuses , primi- 
tives, de transition, jurassiques et crétacées. Sur un assez 
grand nombre de points, il y a des roches granitiques et 
calcaires. L’extrémité orientale présente au N. un appen- 
dice formé de schistes de transition et crétacés, appelé Cor- 
bières, dont la hauteur moyenne est d'environ 900% ; par 
sa végétation , il appartient à la région méditerranéenne 
ainsi que la partie basse orientale de la chaine qui est dési- 
gnée sous le nom d’Atbéres. 

10. Les Alpes françaises forment un massif arrondi 
atteignant 4105" à la montagne de l'Oursine près Brian- 
çon et allant ensuite en s’abaissant dans toutes les direc- 
tions. Les Alpes sont constituées par des schistes et des 
calcaires jurassiques et crétacés . mais hr T a aussi des parties 
granitiques. 

Voici d’une manière approximative l'étendue de chacune 


(76 ) 
de ces régions botaniques , en centièmes de la superficie de 
la France, et en hectares : 


4.0 Parisienne... … 0,17 9,000,000 
5.0 Ligérienne..…..… 0,10 5,100,000 
5.0 Bretonne... ... 0,11 5,850,000 

40 Orientale... 0,11 5,680,000 
ns | | ° Jurassienne.. 0,06 2,950,000 
6.0 Centrale... .... 0,16 .… 8,470,000. 
7.9 Aquitaine... 0,15 7,950,000 
8.0 Méditerranéenne 0,06 2,920,000 
9.0 Pyrénéenne..:.… 0,04 :...  2,170,000. 

(| 40.0 Aiplpres ré 0,04 ..  1,970,000. 
52,000,000. 


Nous n b'onitélèns pas l’épithète d’alpines parce qu’elle a 
une autre excellente acception en botanique. 

La végétation d’une grande contrée comme la France se 
compose de plusieurs catégories d'espèces. 1.° Celles qui 
se trouvent partout, à peu près en égale abondance ; 2.° 
celles qui sont abondantes dans les quatre régions septen- 
trionales ; 3.° celles qui sont abondantes dans les six régions 
méridionales ; 4.° celles qui sont principalement abondantes 
dans une région; 5.° enfin, celles qui sont particulières à 
une région. Si, ne prenant en considération que Ja Flore 
de la France seulement, on désignait la première catégorie 
sous le nom de plantes françaises, on pourrait donner à la 
deuxième le nom de septentrionales, à la troisième le nom 
de méridionales, et aux deux autres une dénomination qui 
rappellerait le nom ou le trait caractéristique de la région 
à laquelle eiles appartiennent. Parmi les crucifères, par 
exemple, le Raphanus Raphanistrum serail une plante 
française. Le Sinapis Cheiranthus une plante septen- 
trionale, le Lepidium Draba une plante méridionale , et 
on ani Je diverses pannes régionnaires dans les espèces 
suivantes 


x sé 


(77) 


49 Parisiennes Sysimbrium Sophia. 

2.0 Ligériennes......  Pellaria alliacea. 

3.° Bretonnes.......… Raphanus marilimus. 
4.0 Orientales Sysimbrium pannonicum. 
9.0 Jurassiennes, .….… Cardamine trifolia. 

6.0 Centrales... Arabis cebennensis. 

7.0 Aquitaines .…  Bunias Erucago. 

8,0 Méditerraiéennes: Malcolmia africana. 

9.0. Pyrénéennes..…... Cardamine latifolia. 
10,0 : Alpiques. +. Thlaspi alpinum. 


Nous n'avons rien dit de la Corse parce qu’elle ne fait pas 
partie du territoire continental de la France. Cette île, qui 
constitue une région montagneuse dont le point culminant 
est au Monte-Rotondo à 2764", est essentiellement grani- 
tique et schisteuse ; il n’y a que fort peu de roches calcai- 
res ; son étendue est de 875,000 hect. ou environ 0,02 de 
la surface de la France. Elle formerait une 11 .”° région qui 
devrait aussi avoir sa flore particulière et dans laquelle il y 
aurait aussi des plantes Corses ; ex. Alyssum Robertianum. 

Sous le point de vue de l'altitude, les espèces végé- 
tales de la France appartiennent à cinq zônes particulières 
qui occasionnent cinq catégories d'espèces. 

Les plantes littorales sont celles qui ont besoin de la 
présence du sel marin dans le sol ou de ce qu’on appelle 
l'air de la mer, pour être dans leurs conditions normales 
d'existence; elles se retrouvent sur quelques points de 
l'intérieur des terres , là où il y a des sources salées. — 
On pourrait peut-être rattacher à cette catégorie, dans cer- 
taines localités, quelques espèces des plaines et plateaux 
qui par suite de la température assez uniforme qui règne 
sur les côtes , peuvent se trouver dans des régions soit plus 
septentrionales, soit plus méridionales que leur véritable pa- 
trie, et occasionner ainsi un assemblage d'espèces qu’on ne 
retrouverait pas dans les régions intérieures. Qui n’a été 


(7%) 

frappé de l'existence simultanée , sur le littoral du golfe de 
Gascogne, de l’Arbutus Unedo et du Quercus lex médi- 
terranéens, des Erica mediterranea et lusitanica du Portu- 
gal et de la Lobelia Dortmanna de la Belgique et du Nord 
de l'Allemagne. 

Les pays de plaines au point de vue botanique compren- 
nent les diverses régions dans lesquelles la vigne peut vé- 
géter jusque sur les points culminants. Cette limite en 
France varie du N. au S. entre 300 et 550.” environ. 

La zône montueuse atteint de 12 à 1300" en France ; elle 
comprend la plus grande partie du Plateau central, les par- 
ties hautes du Languedoc et de, la Provence , et les basses 
pentes des régions montagneuses. 

La zône subalpine qui atteint 18 à 1900 comprend les 
sommets des chaînons et monts du Plateau central, les 
sommets des Vosges et du Jura, et la partie moyenne des 
pentes des Pyrénées et des Alpes. 

La zône alpine enfin comprend toutes les parties du sol 
qui sont plus élevées ; les plantes qui la caractérisent ne 
peuvent donc exister en France que dans les Alpes et les 
Pyrénées. 

Comme exemple de plantes de la famille des Crucifères 
appartenant à chacune de ces zônes , les suivantes peuvent 
être citées : 


Alpines. Draba aizoides. 
Subalpines Cardamine latifolia. 
Des plateaux montueux.....…. Diplotaxis Erucastrum. 
Des plines. naine. Diplotaxis tenuifolia. 
Littorales Cakile maritima. 


Pour mieux faire compreridre notre pensée , nous avons 
tracé sur la petite carte orographique de la France, que nous 
avons publiée us Patria, les limites de chacune des 16 
elles ; nous userit, au centre de chacune 


+ régions 


(79) 

d'elles, son nom , et au centre de chacune des portions d’une 
région, ou d'un groupe de régions le nom, en caractères 
différents, de chacune de nos 10 flores régionales. Le 
coloriage représente les différentes zônes végétales de la 
France. Nous avons adopté une série de couleurs dont cha- 
cune est intermédiaire aux deux voisines ou renferme l’un 
de leurs éléments lorsque celles-ci sont composées, afin de 
faire mieux saisir qu’il n’y a pas de ligne de démarcation 
tranchée entre ces différentes zônes. Ainsi le rose repré- 
sente la zône littorale, le jaune la zône des plaines; la ré- 
gion méditerranéenne, qui n’est que la zône des plaines mo- 
difiée d’une manière si remarquable par l'influence de la mer 
Méditerranée , est distinguée par une teinte orangée. Par le 
vert qui représente la zône montueuse on passe au bleu qui 
indique la zône subalpine. La zône alpine enfin est coloriée 
en violet. 

A l’aide de cette carte on peut voir facilement que cha- 
cune des régions botaniques, entre lesquelles nous pensons 
utile de partager le sol de la France continentale , possède 
les zônes végétales suivantes : 

4.0 Région parisienne. Zône littorale, de la frontière de 
Belgique à Bayeux , et zône des plaines. 

2.° Région ligérienne. Zône des plaines seulement. 

3.° Région bretonne. Zône littorale, de Bayeux aux Sables- 
d'Olonne, et zône des plaines. 

4.0 Région orientale. Zône des plaines, zône montueuse 
et zône subalpine , dans la partie méridionale des Vosges. 

5.0 Région jurassienne. Zône des plaines, dans la Bresse, 
zône montueuse et zône subalpine, dans les chaînons orien- 
taux du Jura. 

6.0 Région centrale. Zône des plaines , dans la Limagne 
et les plaines de Roanne et de Montbrison, zône mon- 
tüeuse et zône subalpine , dans le Forèz, la Margeride , la 


( 80) 
Lozère et les Cévennes ; puis au Puy-de-Dôme, au Mont- 
Dore , au Cantal, aux monts d’Aubrac et au Mézenc. 

7. Région aquitaine. Zône littorale, des Sables-d'Olonne 
à la frontière d'Espagne , zône des plaines et zône montueu- 
se, au-devant de la partie médiane des Pyrénées, dans les 
environs de Lannemezan. 

S.° Région méditerranéenne. Zône littorale, de la frontière 
sarde à celle d'Espagne; zône des plaines et zône mon- 
tueuse, dans les différents chainons de la Provence et sur 
toute la bordure septentrionale de la région. 

9.0 Région pyrénéenne. Zône montueuse , zône Sbalrivé 
et zône alpine , cette dernière de l'Orhi au Canigou. 

10.0 Région alpique. Zône des plaines, dans la vallée du 
Rhône, de Lyon à Montélimar, zône montueuse, zône 
_subalpine et zône alpine, 

Enfin la Région corse possède les zônes littorales, des 
plaines, montueuse, subalpine et alpine. 


Vo RACLIN. 


IV. OBSERVATIONS ORNITHOLOGIQUES faites en 1851, 
dans les Pyrénées; par M. Locme, Capitaine de 
Grenadiers au 45° de Ligne, correspondant. 


Peu de temps après mon arrivée dans les Basses-Pyré- 
nées, M. de Cambacérès, préfet du département, voulut 
bien m'autoriser , dans l'intérêt de l'histoire naturelle, à 
chasser eu temps prohibé. Cette preuve d’une confiance si 
honorable pour moi, me De de grandes facilités. Néan- 


MAINS. ae US J h 


moins, mes minuti xploration: 8 de la partie du litto- 


7 RE è 284 : Ë à 

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REGIONS NATURELLE S 


ls FLORES RÉGIONALES | 
| DE LA 


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| FRANCE 


| par V® Raul. 


 LONESBOTANIQUES. 


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Echelle Goëdooo | 
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Si Éd Ma yccem 


I Pr 
Grue jar (À Am tie les. Losyr ti 2D 


81 ) ‘à 
ral et des localités que j'habitai successivement, même un 
séjour. de deux mois, en Juillet et Août 1850, dans les 
Hautes-Pyrénées, ne me procurèrent que des sujets déjà 

signalés, notamment par notre savant collègue M. Darracq: 
J'augmentai bien ma collection de magnifiques espèces , 
telles que Vultur fulvus, Vultur cinereus, Neophron perc- 
noplerus, Gypaëtus barbatus, Pandion haliætus, Pernis 
apivorus, Milvus niger, Circus cyaneus , Astur major, 
Striæ aluco, Picus major , Picus minor, Pyrrhula serinus; 
Emberiza Cia, Parus ater, Pyrrhocorax alpinus, Coracia 
graculus, Cinclus aquaticus, Petrocincla saxatilis, Petro- 
cincla cyanea, Saæicola stapazina, Erithacus Tithys, Syt- 
via orphea, Phyllopneuste trochilus, Phyllopneuste rufa;, 
Hippolais icterina, Locustella nævia, Tetrao urogallus, 
Totanus stagnatilis, Tringa minuta, Rallus pusillus, Ral- 
lus Bailloni, Stercorarius pomarinus, Pufinus major, 
Aloa torda, ete., etc., que je ne possédais pas encore. 
J'avais pu aussi en renouveler d’autres ; qui ne m’ayant été 
cédées qu’à prix d'argent ou par échanges , laissaient gran- 
dement à désirer, tant sous le rapport de l’âge que sous 
celui de la préparation, notamment les Falco subbuteo, 
Falco vespertinus, Strix otus, Fringilla nivalis, Regulus 
ignicapillus, Anthus campestris, Sylvia provincialis, Cettia 
Cetti, Calamodyta phragmitis, , Calamodyta aquatiea, 
Tichodroma muraria, Columba livia , Columba œnas, La- 
gopus alpinus, Totanus glareola, Phalaropus fulicarius , 
Procellaria glacialis, Urias troile, Fratercula arctica et 
quelques autres. | 

La plupart de ces oiseaux, tués à l’époque des amours , 
sont d’une grande beauté ; mais malgré cela, je n ’étais pas 
complètement satisfait des résultats que j'avais obtenus. 
Que faire donc ? Après les explorations de tant d'illustres et 
savants devanciers, pouvait-il rester quelque chose à faire ? 
Tome XVIII. 


(8) 

Tenter d'ajouter à leurs riches moissons, quelques épis 
laborieusement glanés était, je ne me le dissimulais point, 
une bien présomptueuse ambition, qu'il fallait pourtant, 
me disais-jé, au moins essayer de réaliser , dussé-je n’y pas 
réussir. Craignant d’être obligé de quitter les Pyrénées 
avant que la saison semblät plus favorable aux courses que 
je projetais , je me décidai à ne les point différer ; et, dès 
les premiers jours de Février 1851 , encouragé par un temps 
magnifique, je me remis en route. Grâce au dévouement et 
à la parfaite connaissance qu'avait de ces localités où il est 
né, un sergent de ma compagnie, qui avec un de ses pa- 
rents voulut m'accompagner , je pus dès cette époque, et 
même sans trop de périls, explorer à diverses reprises la 
plus grande partie des vallées de Campan, d’Aure et des 
montagnes y confinant, puis la vallée d'Ossau et les envi- 
rons d'Urdos. Les fruits que j'ai recueillis de ces courses, 
ont cette fois dépassé toutes mes espérances. Enfin, comme 
un bonheur n'arrive jamais seul, de nouveaux séjours à 
Pau, à Bayonne, à Béhobie, ete. , n’ont point non plus été 
infructueux. C’est donc le résultat de ces diverses explo- 
rations et observations, que je viens soumettre à la Société 
Linnéenne. 

Afin de pouvoir capturer de grands rapaces ( dont la dé- 
fiance est excessive ), et reconnaissant , après nombre d’es- 
sais infructueux, qu’il m'était indispensable d’être complète- 
ment dérobé à leurs regards , je faisais creuser sur la mon- 
tagne , en ayant le soin au fur et à mesure d'enlever la terre 
des fouilles , une cachette souterraine , près dé laquelle on 
amenait un animal que je faisais abattre. 


Et là , caché pendant de longues journées, je gneltais et 


observais ces prodigieux animaux; témoin invisible, j'ai 
ainsi assisté à de “se curieuses scènes , où % sontbre % 


Loi cs ll ‘ee 


| 
| 
| 


ah <  mhtnctés tante dune à 


{ 


(85) : 

Il m'est arrivé, en raison de la difficulté du terrain et du 
peu de bonne volonté de la bête que je destinais à attirer 
les Rapaces, de n'’arriver à ma cachette que la nuit; ils 
étaient partis ! Nous enfouissions alors la victime (immolée) 
et la recouvrions avec le plus grand soin; mais, si matin que 
j'y revinsse, un grand nombre de Vautours m'ayaient de- 
vancé et planaient au-dessus de l'objet de. leur convoitise, 
que le sens de l'odorat pouvait seul leur indiquer; ce qui 


contredit l’assertion de quelques auteurs, qui prétendent 


que chez ces oiseaux ce sens est peu développé. 

Lorsque des Vultur fulvus s'étaient abattus sur un cada- 
vre, s’il survenait un Gypaëte , ils lui cédaient la place ; 
sans conteste et à la hâte, ils s’éloignaient de quelques 
pas, et là, immobiles, attendaient que le départ de ce 
puissant rival leur rendit la liberté de continuer leur festin. 
Les Milans et les Corbeaux montrent, il est vrai, aux 
Vautours autant de respectueuse déférence , que ces der- 
niers en témoignent aux Gypaëêtes. 

Ces oiseaux qui, dit-on, éprouvent une grande difficulté 
pour prendre leur essor, m'ont au contraire paru s'envoler 
avec une grande facilité, malgré leur énorme volume ; ce 
n’est que lorsqu'ils sont repus d’une manière excessive, que 
cette difficulté subsiste , et encore en triomphent-ils promp- 
tement. ; 

Quant au Vultur cinereus, je n'en ai pu jusqu'ici voir et 
tuer que deux seuls individus ; l’un le 2 Juin, et l'autre le 
10 Juillet 1851 , près d’Urdos. Le dernier était déjà en mue, 
et dépouillé d’une partie de ses plumes. Ni l’un ni l’autre 


ne se trouvaient en compagnie d'individus de leur espèce, 


ni d’autres Rapaces , lorsque je les capturai. | 

Les Rapaces nichent de bonne heure, et bien avant que 
le printemps ait fait sentir ses premières influences, J'ai 
pris au nid, le 9 Mars 1850 , sur la montagne des Trois 


* 


(84) 

Couronnes, en Espagne , un jeune sujet du Gypaëtus bar- 
batus , qui avait déjà revêtu toutes ses plumes ; mais en le 
dénichant , ce qui n’était pas chose très-facile, nous tom- 
bâmes sur un rocher. Dans cette chute , il eut la mandibule 
infériéure cassée; j’essayai bien de Ja ligaturer, mais il 
arrivait toujours à détruire- mon ouvrage. ll guérit néan- 
moins, et même très-rapidement; mais , le callus formé, la 
mandibule inférieure resta déviée et un peu recroisée avec 
la supérieure. Cela ‘ne l'empêche point de se nourrir , quoi- 
que , vraisemblablement, ce soit avec moins de facilité. Il à 
été élevé en toute liberté et n'a jamais cherché à s’enfuir ; 
craindrait-il, en raison de Ia déviation de son bec, de ne 
pouvoir subvenir à ses besoins ? J'incline à le croire. Il se 
pose souvent sur les toits du château qui, à Bayonne, sert 
de caserne ; il se promèné sur les remparts, ou se pose gra- 
vement à l'endroit où se déposent les immondices du quar- 
tier et où pullulent des rats; puis, aussitôt qu'un de ces 
animaux, enhardi sans doute par sa complète rmmobilité , 
passe à sa portée, il le saisit prestement avec une de ses 
pattes, et s’aidant de celle restée libre et de ses ailes, il va 
le dévorer dans quelque coin où s’envolé avec sa proie sur 
le rempart. 

Si cette proie lui fait défaut, ou nat il éprouve le besoin 
d'une autre nourriture, il va se poser sur le seuil de la porte 


de la cantinière que j'ai chargée de le nourrir ; puis aussitôt 


que cette dernière a satisfait à sa mueétte réclamation , ül 
s'éloigne avec sa pâture. 

Dès qu'il aperçoit un chien, ses yeux deviennent san 
glants ,'et il s'élance vivement pour se jeter sur Ini. Lors- 
qu'on l’agace , il secoue et hérisse ses plurnes, puis pousse 
un sifflement très-aigu et parait très-disposé à se défendre. 
Il n’a jamais attaqué personne et ne cherche à blesser que 
ceux qui le frappent où qui lui arrachent quelques-unes de 


(85) 
ses grandes plumes. Il paraît connaître et voir avec plaisir 
ceux des soldats qui , au lieu de le maltraiter, lui donnent à 
manger. 

Ce même jour, 9 Mars 4850, je pris aussi au nid sur 
celle même montagne des Trois Couronnes, un jeune sujet 
du Vullur fuluus, mais qui n’était recouvert que de duvet 
blanc et épais ; à peine les plumes des ailes et de la queue 
commençaient-elles à poindre. Le 3 Juin suivant , sur la 
même montagne , j'en dénichai encore un ; mais ce dernjer 
avait toutes ses plumes, sans être cependant plus avancé 
que ne l'était le Gypaëte le 9 Mars précédent. C'était donc 
trois mois qu'il avait mis à revêtir toutes ses plumes : 
quelques jours de plus et il eût pu.s’envoler. 

Le Commandant de mon bataillon, M. Méry de Ja Canor- 
gue, m'ayant témoigné le desir de l'avoir, je le lui offris et 
il le garda:en cage pendant près d’une année. La captivité 
n’adoucit point la férocité-de ses instincts ; sa voracité était 
excessive ; on lui jetait souvent des-proies vivantes, de gros 
chats par exemple. Eh bien! malgré la résistance désespé- 
rée qu'ils opposaient, il se précipitait sur eux , les saisissait 
et les dévorait tout vivants. Il succomba à une maladie épi- 
leptique, dont depuis quelque temps il avait de fréquentes 
attaques. 

Le 2 Avril 1851 , près d'Oleron, je démontai un très- 
vieux mâle du Gypaëte barbu. Malgré toutes les précautions 
que nous primes pour nous en rendre maitres , il blessa 
assez grièvement plusieurs personnes. Pensant qu'il serait 
impossible d'adoucir sa férocité et ne pouvant le tenir en 
cage, je dus le tuer pour éviter quelque fâcheux accident. 

Les Fauzons nichent beaucoup plus tard que les  Vau- 
tours, car j'ai pris au nid, après avoir tué le père, un jeune 
sujet: du Falco peregrinus, à peine aussi couvert de duvet 
que l'était le. jeune Vautour griffon le 9 Mars précédent. 


(86) | 

J'avais découvert près de Campan , l'aire d’un Aquila ful- 
va ; mais elle était inaccessible et il me fat impossible d'y 
atteindre. La femelle étant venue se poser sur un cheval 
mort, près duquel j'étais embusqué, je lui tirai un coup 
de fusil qui la blessa. Elle se défendit si vigoureusement 
lorsque je voulus m'en emparer, qu'il me fallut, pour en 
finir, lui tirer un second coup de fusil qui l’acheva ; c'était 
le 15 Février dernier. À quelques jours de là, dans la forêt 
de Campan, je poursuivais deux sujets du Picus martius, 
mais ils étaient tellement farouches et si difficiles à tirer, 
qu'après y être revenu en vain plusieurs jours de suite, Je 
commençais à craindre d’être forcé de renoncer à une si dif- 
ficile capture , car maintes fois déjà j'avais en les poursui- 
vant, si bien enfoncé dans la neige, que sans les secours 
de mon sergent et de son cousin, j'aurais bien pu y rester. 
Enfin, je découvris l'arbre où ils avaient établi leur de- 
meure. C'était un grand sapin de la plus belle venue , creusé 
par eux de huit trous situés les uns au-dessous des autres, 
parfaitement alignés , à peine distants entr’eux de 40 cen- 
timètres , et dont le moins élevé était bien à dix mètres du 
sol. Au coucher du soleil , ils y venaient en faisant plusieurs 
fois le tour d'un air de défiance, puis finissaient par s’y 
enfoncer. Je m'embusquai à peu de distance, et lorsqu'ils 
venaient pour se coucher, je les tirais. Si je les manquais, 
ils s’enfuyaient au plus vite, mais ne tardaient point à re- 
venir essayer de gagner leur gîte. Quelques stations que je 
fis au déclin du jour près de cet arbre , ont fini par me ren- 
dre possesseur des deux couples qui l'habitaient. 

J'avais dans ce même genre fait une capture beaucoup 
plus importante , le Picus leuconotus, qui jusqu'ici n’a guère 
été signalé que dans le Nord de l’Europe. Non-seulement 
celte rare et belle espèce existe en France, dans nos Pyré- 
“nées, mais elle y niche et s’y reproduit , ainsi que j'ai été 


RL RE ENT A ADR nd te re A PS POS DU DRE IR En ARRETE RE M Ven RU Pa 65e ea LRO CORAN M EN DR PE PEER RER RC SES RE PA PE 


87 
à même de m'en nn. ce Li pour moi est une véri= 
table bonne fortune. 

À Urdos, le 10 Février 1851, j'ai tué un mâle et une fe- 
melle de cette espèce; ils étaient accouplés. Une autre femelle 
que je blessai, fut, malgré toutes mes recherches, perdue 
pour moi; mais, le 7 Juin suivant, je tuai le mâle qui, 
en Février, m'était échappé. Aucun. oiseau n’est. plus fa- 
rouche que ce Pie, et ne recherche des localités plus dé- 
sertes. Je n'ai trouvé dans l'estomac des trois individus.que 
je possède, que quelques larves perforeuses. 

J'avais tué, dans la forêt de Gélos près de Pau, en 1851, 
le Picus minor mâle. Son excessive petitesse le dérobe si 
facilement aux recherches, que c'était le seul que j'eusse 
pu me procurer, lorsque ces jours derniers je tuai une fe- 
melle sur, un arbre près de Bayonne. 

J'avais également, près de Pau, tué le 12 Janvier der- 
nier, un très-beau mâle du Passer petronia, seul individu 
de cette espèce que j'aie été à même de:tirer, pres re- 
cherches que j'aie faites. 

Dans la vallée d’Ossau, je n'ai pu capturer ue. quelques 
individus des genres Pyrrhocorax, Coracia, Turdus et 
Cinclus, et un magnifique sujet du Fringilla nivalis. 

Le Pipi Richard ( Anthus Richardi), précieuse espèce non 
encore signalée comme pyrénéenne , est tombée en mon pou- 
voir dans les environs de Bayonne , du 20 Septembre au 10 
Décembre de cette année (1851). A force de persévérance, 
j'ai réussi à en capturer quelques-uns. Ces oiseaux d'un na- 
turel excessivenent farouche, sont. seulement de passage 
dans ce pays, où je n'ai jamais rencontré ensemble plus de 
deux individus, Lorsque j'en poursuivais un, il allait se 
poser sur les sommités des maïs, ep poussant un cri qui à 
quelque analogie avec celui, de l'Anthus campestris, mais 
bien plus retentissant. J'ait trouvé, les quelques individus 


(88) 
que j'ai tués, dans de vastes prairies avoisinant des champs 
de maïs : tous étaient très-maigres , et je n’ai trouvé dans 
leur estomac que quelques débris de fourmis. 

L'Alauda alpestris, dont j'ai rencontré un seul individu 
le 8 Novembre dernier , et que je n’ai reconnue qu'après 
l'avoir tuée, était à une grande distance lorsque je la 
tirai, et je ne me rendais pas compte de ce que ce pouvait 
être, tant j'étais éloigné de la soupçonner si près de Bayon- 
ne. Encouragé par ma bonne fortune, j'ai exploré tous les 
environs, mais inutilement : je n’en ai pas revu d'autre. 

J'avais tué dans les environs de Bayonne, pendant Îles 
mois de Juin et Juillet derniers , les Motacilla Yarrelli et 
cinereocapilla ; cette dernière surtout, si je me trompe, n’a 
point encore été signalée comme ayant cet habitat. 

A Béhobie, à Pau et à Bayonne, j'avais été à même d’ob- 
server la Cettia Cetti, qui niche et se reproduit dans ces 
localités. Je n’ai pas connaissance que ce fait ait été signalé 
jusqu'ici. J'ai tué plusieurs mâles et femelles à l’époque de 
la nichée +et des jeunes au sortir du nid. J'ai été à même 
d'apprécier la parfaite exactitude de ce que dit M. Garbe, 
relativement aux habitudes erratiques de ce joli bec-fin. 

Plus rare et plus précieuse est la Cettia luscinoïdes qui 
en France, n’a été encore signalée qu’en Provence. Je suis 
parvenu à m'approprier une de ses dépouilles à Béhobie , et 
une autre près de Bayonne, le 40 Septembre dernier, dans 
un étang desséché. Deux autres, que je crois être certain 
d'avoir mortellement blessées , sont tombées dans de hautes 
berbes, et malgré tous les soins possibles pour les retrou- 
ver, je n'ai pu y parvenir. Cette espèce, dont le passage 
dans ce pays ne dure que quelques jours, s’y montre en 
très-petit nombre, et comme sans être très -farouthe , 
elle est toujours en mouvement , elle se dérobe facilement; 
sa petitesse la sauve également des recherches. 


ot él dau emma À LE og mb Le ere NÉS Éd |. LS 


(89) 

La Locustella nwvia, que j'ai rencontrée dans les mêmes 
localités, sans y être très-nombreuse , l’est néanmoins bien 
plus que la précédente espèce. 

J'ai tué à Urdos, dans son plumage d’amour qu’il garde 
si peu de temps, le Tichodroma muraria. J'en avais précé- 
demment tué quelques-uns à Campan en plumage d'hiver ; 
c’est près de cette dernière localité qu’en ayant aperçu un 
certain nombre, sous un énorme rocher, je m’engloutis 
dans la neige et fus dans l'impossibilité d'arriver jusqu’à leur 
refuge, bien que j'essayasse par divers moyens d'y parvenir. 
Mes efforts , les jours suivants, n’obtinrent pas un meilleur 
succès. Ils avaient bien choisi leur habitation ; elle était 
alors réellement inacessible ! Jamais ces oiseaux ne des- 
cendent en plaine, si ce n’est lorsqu'ils émigrent. 

C’est la permission qui m'a été accordée par M. le Préfet, 
qui m'a mis à même de capturer le Lagopus alpinus et le 
Tetrao urogallus, en robe de noces. En hiver et au com- 
mencement de l'été, je n'avais trouvé dans l'estomac du 
dernier que des sommités de pins et sapins ; à la fin de l'été 
et en automne, j'y trouvai quelques bourgeons, des fraises , 
des baies de genièvre et beaucoup de faînes. 


Malgré toutes mes recherches, je n’ai rencontré dans les 


Pyrénées, ni le Zetrao tetrix ni le Tetrao Bonasia, ni 


la Perdriæ Bartavelle, que quelques auteurs prétendent 
s’y trouver : les chasseurs et les pasteurs du pays que j'ai 
consultés, m'ont affirmé n’en avoir jamais vu. 

Malgré l'étendue du littoral, il est excessivement rare 
qu’on puisse se procurer , dans le département des Basses- 
Pyrénées, les Échassiers et les Palmipèdes en plumage de 
noces : l'absence de marais les obligeant, à l’époque de la 
reproduction, à aller vers des contrées plus favorables pour 
eux. L'émigration de ces oiseaux dans la saison où ils revê- 


90 ) 
tent leur plus brillante livrée , m'a fait doublement apprécier 
l'avantage que j'avais eu d'habiter Bordeaux, La Rochelle, 
Eynandes , etc., où j'ai capturé tant de bonnes espèces en 
robe d'amour, et Brouage où j'ai tué le Canard musqué, 
espèce si rare en Europe, que je n’ai pas eu depuis lors 


(1842) une seule occasion de le revoir, non plus que. 


l'Oie à cravate, dont j'avais tué un superbe sujet dans la 
même localité, 


Aux yeux des naturalistes, le département des Basses- 
Pyrénées n'a donc qu'un inconvénient ( inconvénient qui 
n’en est un que pour eux }, c’est de n’avoir point de marais 
où les échassiers et palmipèdes puissent se reproduire : 
mais pour être juste, je dois ajouter qu’en aucun autre en- 
droit il ne s'effectue un aussi prodigieux passage d'oiseaux 
de toute sorte. Les mauvais temps qui rendent si périlleuse 
la navigation du golfe de Gascogne, jettent à la côte un 
grand nombre d'oiseaux, C’est à la suite de violentes tem- 
pêtes, que j'ai ramassé sur les dunes, deux beaux indivi- 
dus du Procellaria glacialis. J'avais tué aussi à Subernoa 
et sur quelques autres parties de la plage, le Stercorarius 
pomarinus , les Pufinus major et fuliginosus,  Aloa torda, 


l'Urias troile, le Fratercula arctica et nombre de petits 


échassiers. 


Maintenant que j'ai acquis une connaissance plus exacte 


de ces localités, si j'étais assez heureux pour que mon 
séjour s’y prolongeât , je pourrais espérer quelques résultats 
assez importants pour mériter d’être exposés à la Compagnie. 


Bayonne, 23 Novembre 1851. 


Locne. 


JE NOM RS RAC GS CAD ER 6 ny — le pe di 


(9) 

V. FAUNE entomologique , où Histoire naturelle des 
Insectes qui se trouvent dans le département de la 
Gironde; par MM. 3. L. LaPpoRTE aîné et Ernest 
LaPoRTE fils. | Suite). 


DIX-NEUVIÈME FAMILLE. 
éé 
LES PLATISOMES. 
È Ces insectes habitent en général sous les écorces d’ar- 
bres. 
4.7 Genre.—- LES CUCUJES, CUCUJUS. 
1. CucusE BIMACULÉ, Cucujus bimaculatus. Latr. 

Cucujus monilis. Fab. 

Long. : 4 à 6 millim. 
2. CUCUIE UNIFASGIÉ, C: mers Latr. 
Long. : 3 millim. 
3. CUCUIE ATRE , C. ater. Latr. 
Long. : 
4, CUCUIE TESTACÉ , C. testaceus. eh 

C. ferrugineus. Creuts. 

Long. : 4 millim. 
9.=e Genre. — LES ULÉIOTES, ULEIOTA. 
1. ULÉIOTE FLAVIPÈDE , Uleiota flavipes. Latr. 

Brontes flavipes. Fab. 

Long. : 8 millim, — Sous les écorces, 
2, ULÉIOTE TESTACÉE, Ü. téstacea. Latr. 

Long. : 6 millim. 


(9) 
 VINGTIÈME FAMILLE: 


LES LONGICORNES. 
Première Section. 
4. Genre. — LES SPONDYLES , SPONDYLIS. 
1. SPONDYLE BUPRESTOÏDE, Spondylis buprestoides. Fab. 
Long. : 16 millim.— Dans les bois de pins. 
2. SPONDYLE ALLONGÉ; Sp. elongatus. Meg. 

Long. : 19 millim.— Dans les bois de pins. 

Cette seconde espèce paraît n’être qu’une variété de la pre- 
mière. Quoi qu'il en soit, l'une et l’autre sont communes dans 
notre département et se prennent en abondance dans les 
chasses à la lanterne, dans les défrichements de bois de pins. 

2.me Genre. — LES PRIONES, PRIONUS. 

Ils se tiennent sur les arbres et ne volent que le soir. 

1. PRIONE TANNEUR , Prionus coriarius. Latr. 

Long. : 55 millim.— Sur les ormeaux, etc. 

3.%e Genre.— LES ERGATES ,  ERGATUS. 
1. ERGATE ARTISAN, Ergatus faber. Déj. 
Prionus faber. Latr. 

Long. : 30 à 55 millim. — Dans les bois de pins et no= 

tamment à La Teste où il est très-commun. 
4.me Genre. — LES ÆGOSOMES, ÆGOSOMA Seny. 


1. ÆGosomE ROUILLÉ ; Ægosoma scabricorne: Serv. 
Prionus at Latr. 

Long. : 50 à 45 m 

Sur les saules et jés ecnntl — Sa larve vit dans 
le tronc de ces arbres. 

5." Genre. — LES CAPRICORNES ; CERAMBYX. 
1. CaPRICORNE HÉROS , Cerambyx heros. Lätr. 
Long. : 40 à 55 millim. 


(9% ) 
2, CAPRICORNE SOLDAT, C. miles. Déj. 

Long. : 50 à 50 millim.— Dans les grandes garennes. nl 
n'est pas commun. 

3. CAPRICORNE SAVETIER , C. cerdo. Fab. 

Long. : 30 à 35 milim.— Commun. 

En Juin 1850, T. IV, 5.”* Livraison des ACTES DE LA 
Société LiNNÉENNE, dans un premier mémoire sur là Dis- 
tribution géographique des Insectes, mous eùmes l’occasion 
de signaler le Cerambyx sulsatus, Oliv. Chlorida sulcata, 
Serville, qui est originaire des Antilles, comme s'étant 
naturalisé dans notre département, et déjà MM. Besson, 
Ch. Laterrade ainsi que nous, en avions pris plusieurs indi- 
vidus. Depuis cette époque nous avons continué à le trouver, 
mais rarement, dans les garennes aux environs de Bordeaux. 
Gue Genre.— LES PURPURICÈNES, PURPURICENUS. 
1. PURPURICÈNE DE MP Purpuricenus Kæhleri. 


Cerambyx HKühleri. Li: 

Long. : 15 à 20 millim. = Dans les marais, sur le om- 
bellifères et les saules. Cette espèce a plusieurs variétés et 
celles que nous si rnb le plus communément sont les 
P, Servillei et P. cin 

7." Genre.— LES AROMIES, AROMIJA. 
1. AROMIE MUSQUÉE ,  Aromia moschata. Scop. 
Callichroma moschata. Latr. 
Long. : 28 à 35 millim. — Sur les saules. Il répand une 
odeur de rose qui indique de loin sa présence. 
8." Genre. — ROPALOPES, ROPALOPUS. 
1: RoPALOPE CLAVIPÈDE, Ropalopus clavipes. Mübs. 
allidium clavipes. Latr. 24 
Long. : 16 à 20 millim. — Sur les sur 
Q,we Genre. — LES CALLIDIES , CALLIDIUM. 
1. CALLIDIE SANGUINE, Callidium sanguineum. Lair. 
Long. : 10 à 12 millim.— Dans les maisons. 


(94) 
2. CALLIDIE UNIFASCIÉE , C. umfasciatum. Ross. 
Lon ren 7 à 9 millim.— Dans les haies garnies de vignes 
sauvages 
40.me Genre. — LES PHYMATODES, PHYMATODES. 
£: PHYMATODE VARIABLE, Phymatodes variabilis. Muls. 
allidium variabile, Latr 
Long. ; 9 à 16 millim. 
2. PHYMATODE NIGRICOLLE , P. nigricollis. Muls. 
Callidium luridum. Latr. 
Long. : 10 à 16 millim. 
3. PHYMATODE TESTACÉ, P. testaceus. Muls. 
Callidium testaceum. 
Long. : 9 à 15 millim — Il a plusieurs variétés. 
4. PHYMATODE HUMÉRAL , P. humeralis. Muls. 
allidium humerale. Déj. 


Long. : 7 à 9 millim. 
41."° Genre. — LES HYLOTRUPES, AYLOTRUPES. 


1. HYLOTRUPE PORTE-FAIX , o. Hp UEN bajulus. Serv. 
Callidium bajulus. 
Long. 14 à 20 millim. — Fe trouvons également les 
deux variétés 
42.me Genre. — LES CRIOMORPHES , CRIOMORPHUS. 


L- due: nr LIVIDE , Gen luridus. Muls. 
dium luridum: 
Long. : 9 à à 18 millim, 


A3.we Genre.— LES ASÈMES , 47EMUM. 


É. ASÈME STRIÉ , Azemum striatum. Eschs. 
kde striatum. Latr. 
Long. 14 à 18 millim.— Sur les pins. 


A4.ve Genre. — LES HESPÉROPHANES, HESPERO- 
PHANES. | 
1. HESPEROPHANE SOYEUxX , Hesperophanus sericeus. 
Dé; j 


Callidium sericeum fatr. 
LR 20 à 27 millim. 


AN ET RCE Pt De 


(9%) 
2, HESPÉROPHANE NÉBULEUX , A. mixtus. Dé. 
Callidium nebulosum. Latr. 
Lonÿ. : 15 à 20 millim. — Sur les peupliers. 
3. HESPÉROPHANE PALE, H. pallidus. Muls. 
Callidium pallidum Latr. 
Long. 14 à 18 millim. 
15." Genre. — LES PLATYNOTES, PLATYNOTUS. 


1. PLATYNOTE USÉ , Platynotus detritus. Muls. 
Clytus detritus. Fab. 

Long. 14 à 18 mill.— Les côteaux boisés de la Garonne, 
et notamment à Sainte-Croix-du-Mont 
2. PLATYNOTE ARQUÉ, P. arcuatus. Muls. 

Clytus arcuatus. Latr. 

Long. : 12 à 15 millim. — Sur les bois coupés et dans 
les maisons où il est porté, comme le précédent, dans les 
souches de bois de chêne. 

16.*° Genre. — LES CLYTES , CLYTUS. 


1. CLYTE FLORAL, Clytus floralis. Fab. 
Leptura arcuata. Schr. 
Long. 10 à 14 millim.— Sur les ombellifères et sur les 
euphorbes. 
2, CLYTE TROPIQUE, C. tropicus. Fab. 
Long. : 11 à 16 millim. 
3. CLYTE ARVICOLE, C. arvicola. Latr. 
Callidium arvicola. Oliv. 
Long. : 8 à 12 millim.— Sur les tilleuls et Là ormes. 
4. CLYTE BÉLIER, €. arietis. Fab. 
Long. : 10 à 14 millim.— Sur les bois coupés. 
5. CLyrE GAZELLE, C: gazella. Fab. 
Long. : 7 à 9 millim. — Sur les ombellifères et les chi- 
. Cora cées. 


( 9% ) 
6. CLyTrE MARSEILLE, C. massiliensis. Schonh. 
Leptura massiliensis. Lin. pe 
Long. : 5 à 7 millim. — Sur les ombellifères, notam- 
ment sur le petit sureau. 
7. CLYTE PLÉBEÏEN , C. plebejus. Fab. 
Callidium plebejum. Oliv. 
Long. 10 à 14 millim.— Sur les ombellifères. 
8. CLYTE TRIFASCIÉ, C. trifasciatus. Fab. 
Long. : 9 à 11 millim.— Sur les ombellifères et les chi- 
coracées. 
9. CLYTE FERRUGINEUX , C. ferrugineus. Dufour. 

Variété locale du précédent. 

Long. : 9 à 10 millim.:— Sur les ombellifères. 

10. CLyTE oRNé, C. ornatus. Fab. 
Callidiun ornatum. Panz. 

Long. * 10 à 14 millim.— Sur les chardons et les ombel- 
lifères. 

11. CLYTE DE LA MOLÈNE, C. verbascr. Fab. 
| Callidium verbasci. Panz. 

Long. 10 à 14 millim.— Ce Clyte est assez rare. Le pre- 
mier que nous avons rencontré a été pris sur le Verbascum 
thlapsus, sur la lisière de la forêt de Bérganton : depuis 
nous en avons pris sur des ombellifères. 

12. CLYTE QUATRE POINTS, .C. quadripunctatus. Fab. 
_ Callidium quadripunctatum. Panz. 

Long. 10 à 15 millim.— Sur les haies. 

( La suite au prochain numéro }. 
5 Juin 1852. : 


RS ; É ue 
POS ERREUR CL ee EE et EU PR RITES À PPT TN D TMC EEE Mere NAS Peu OU CN 2 0 CR UN) Re CURE ET Pen) ET APE NU EE 


(97) 


V1. Du perfectionnement graduel des êtres organisés, 
par M. Marcel pe SERRES , professeur à la Faculté 


des Sciences de Montpellier , correspondant. |{ Suite). 


sat ho 


Quelques genres de cette singulière famille n’avaient au: 
cune trace d'antennes ; du moins on n’en voit pas le moin- 
dre vestige dans les individus les mieux conservés des Caly- 
mènés. Ils paraissent avoir eu, comme les Cloportes, une 
organisation qui leur permettait de se rouler en boule, 
à l'effet de protéger les parties molles renfermées dans leur 
abdomen. Lorsque ces animaux prenaiént cette position, la 
saillie da dessous de leur bouclier , s’introduisant dans une 
cavité de la partie inférieure de la queue , le test entier pre- 
nait alors une position fixe. On trouve surtout les individus 
du Calymene Bufo dans cette situation. 

Les yeux de ces crustacés n'ont pas passé par dan à 
travers une série de tâtonnements pour arriver des formes 
les plus simples aux formes les plus compliquées. Ces or- 
ganes furent disposés de manière à s’adapter aux fonctions 
que devait remplir l’ordre des crustacés, auquel cette es- 
pèce d'œil a toujours été et se trouve encore appropriée. Les 
yeux composés de ces animaux ont été formés par un grand 
nombre de lentilles microscopiques placées les unes à côté 
des autres, à l'extrémité d’un égal nombre de tubes ou petits 
cylindres. Malgré une aussi grande complication, ces len- 
tilles ne venaient peindre té seul site sur la rétine de 
ces animaux. 

Chaque œil de l’Ampleæus te de l'ordre des trilo- 
bites contient au moins quatre cents lentilles fixées par des 

Tome XVII. 


( 98 ) 

compartiments séparés sur la surface de la cornée. L'exté- 
térieur de chaque œil est comme un bastion circulaire, qui 
permettait à l'animal de commander les trois-quarts d'un 
cercle. Ainsi, là où la vision d’un des yeux venait à cesser, 
celle de l’autre commençait de manière à lui donner entre 
les deux une perception horizontale complète, sans qu'il y 
eut possibilité de mouvement dans cet organe. 

Les Serolis actuellement vivants offrent la même confor- 
mation. Cette curieuse ressemblance démontre que la na- 
ture physiologique des trilobites était analogne à celle des 
erustacés vivants, mais que la mer dans laquelle ils vivaient, 
devait avoir une nature et une température propre à ce que 
la vision pût s'effectuer avec des organes semblables aux 
yeux des articulés de nos jours. 

Ces yeux font même supposer une certaine intensité dans 
les milieux habités par ces crustacés, ce qui n’exelut pas 
la possibilité de certaines différences essentielles. 

Un pareil instrument d'optique, dont la perfection est des 
plus remarquables , a donc traversé tous les âges et à survécu 
à toutes les modifications que le globe a éprouvé à partir 
des trilobites, depuis si longtemps perdus. C’est à peu 
près uniquement dans les terrains de transition que l’on en 
découvre les traces ; mais elles disparaissent dès que l'on 
parvient aux terrains secondaires même anciens, et à plus 
forte raison lorsqu'on s'élève jusqu'aux terrains tertiaires. 
Cet appareil de vision est cependant arrivé jusqu’à nous, 
comme pour nous en démontrer la merveilleuse contruction 
qui est encore à peu près la même chez les crustacés actuels, 
et qui caractérise les yeux des armées innombrables d'in 
sectes qui peuplent nos champs.et nos bois. . 

Ces faits ne sont pas, comme on pourrait le supposer, 
uniquement importants pour la physiologie animale ; ils ont 
Mn set me hs intérêt. À leur aide , on peut juger de 


TRS PRET URLS LENS ERA 


( 99°) 
l'état de l'ancien Océan et de l’ancienne ‘atmosphère. Ils 
nous apprennent que ces crustacés étaient pourvus d’orga- 
nes de vision dans lesquels les applications les plus delicates 
des lois de l'optique étaient semblables à celles qui, chez 
les crustacés vivant au fond de nos mers, servent à trans- 
metire les impressions du fluide lumineux. 

Du moins, la forme sphérique des cristallins des anciens 
trilobites, analogue à celle du cristallin des poissons, an- 
nonce combien les organes de leur vision étaient appropriés 
au milieu dans lequel ils exerçaient leurs fonctions. Une 
pareille forme ne se reproduit pas chez les antres articulés 
qui, comme les insectes , devaient vivre dans l’air. Ces or- 
ganes de vision n’en ont pas moins été modifiés chez les 
divers genres de cette famille; mais partout ils se montrent 
en harmonie avec les habitudes des espèces qui en faisaient 
partie. 

Les premiers organes visuels dont les trilobites nous 
ont fourni un exemple, présentent la même construction et 
presque la même perfection que chez les crustacés vivants. 
Loin d'offrir desӎbauches qui devaient se perfectionner peu 
à peu, ils sont aussi bien appropriés à la perception com- 
plète de la lumière que les yeux des insectes et des crusta- 
cés actuels. Quoique les conditions des milieux des anciens 
temps géologiques , aient présenté quelques différences avec 
celles qui existent maintenant, on trouve une conformité 
remarquable entre l’organisation des vertébrés d'autrefois 
et ceux des temps actuels. Les têtes de ces animaux ont. été 
pourvues de cavités destinées à recevoir les yeux. Ces orga- 
nes offraient également des trous destinés au passage des 
nerfs optiques. Quelques individus fossiles avaient même 
certaines parties de l'œil assez bien conservées pour juger 
de leur analogie avec les mêmes parties des yeux des pois- 
sons et des reptiles. 


( 100 ) 

Les organes de la vision des monstrueux sauriens de 
l'époque jurassique , par exemple, ceux des Ichtyosaures 
sont assez entiers, pour reconnaître non-seulement la 
construction des principales parties de ces organes, mais 
l'ensemble de leur appareil visuel. Appareils admirables ! 
les yeux de ces reptiles avaient une construction tout aussi 
merveilleuse que ceux des animaux de haut vol. A l’aide d'un 
appareil particulier, ils leur permettaient d'apercevoir les 
objets à de grandes distances et devenaient alors semblables 
à des télescopes. D’un autre côté, à la volonté et d’après les 
besoins de ces reptiles, les mêmes appareils, analogues aux 
microscopes, leur faisaient distinguer les plus petits ani- 
maux qui pouvaient, par leur nombre, apaiser leur faim 
dévorante. 

Dès-lors, comment douter que les yeux de ces animaux 
n'aient été des instruments d'optique, et des instruments 
des plus parfaits ? Ils avaient été calculés comme ceux des 
espèces actuelles, pour recevoir les impressions de la lu- 
mière, peut-être distribuée avec plus d'intensité que celle 
qui vivifie maintenant la surface du globe. 

Admirable histoire d'un monde si différent de celui qui 
s'offre à nos yeux, au moyen des restes de la vie conservée 
dans les couches de la terre ! Nous pouvons connaître non- 
seulement les mœurs des êtres qui l’ont habitée les pre- 
miers; nous pouvons même savoir quelle était la nature 
des milieux et des circonstances extérieures sous l’influence 
desquelles ils ont vécu. 

Cette analogie entre les animaux des temps géologiques 
et ceux de l'époque actuelle, parait assez générale. On le 
suppose du moins , d'après l'observation des espèces des 
terrains de transition. Ainsi, le nombre des zoophytes ou 
des rayonnés , ou des radiaires y est considérable; mais les 
types des formes qui en caractérisent les différents genres , 


( 101 ) 
sont semblables à ceux particuliers aux races vivantes ; aussi 
la plupart de ces types se sont perpétués jusqu'à nos jours. 

On observe dans notre monde un certain nombre des 
genres de l’époque de transition. Les espèces qui les compo- 
saient n'ont pas dù éprouver d'assez grands effets des chan- 
gements qui s’opéraient dans la température, l'humidité 
et la nature des milieux ambiants , pour perdre les types de 
leurs formes génériques. Ces caractères ont changé pres- 
qu’en entier les espèces qui faisaient partie de ce groupe. 
Du moins , celles des anciens âges n’ont rien de commun 
avec les races actuelles, comme avec celles des autres épo- 
ques géologiques. Restreintes dans des espaces dé temps 
circonscrits , les races des terrains intermédiaires n’ont plus 
reparu, quoique quelques genres auxquels elles se rappor- 
tent, se soient perpétués jusqu'à nos jours. 

Plusieurs genres de zoophytes paraissent avoir été com- 
muns aux formations de transition et à l’époque historique. 
Tels sont ceux de l’ordre des coraux ; leur accumulation à 
formé des masses assez étendues pour faire supposer qu'il 
existait pour lors des bancs de polypiers formés par des 
Astrea, des Catenipora et des Porites. Ces genres ont été 
les principaux architectes des récifs des temps anciens, 
comme ils le sont de nos jours. 

A la vérité , il n’en est pas ainsi de tous les animaux des 
terrains de transition, et par exemple , des crustacés. Ceux- 
ci diffèrent des crustacés actuels, non-seulement par leurs 
espèces, mais encore par leurs genres, dont les formes 
étranges ont quelque chose de paradoxal. Les trilobites et 
certains brachiopodes du genre Lingule et les Orthocères , 
ont été les premiers ses: du globe jquele inerte 
el inanimé, 

Leurs débris s’y trouvent en si grand nombre, que les 
feuillets des schistes de diverses localités de l'Angleterre en 


(102) 

sont entièrement couverts. Les Asaphus Buchii et caudatus, 
si abondants dans le pays de Galles, ne le sont pas moins 
en Norwège et en Allemagne. Il en est de même des trilo- 
bites de Dudley ( Calymene Blumenbachii ). Ce crustacé se 
trouve non-seulement en Angleterre, mais encore en Alle- 
magne , en Suède et jusque dans l'Amérique Septentrionale. 
Les formes de cette famille sont plus variées qu'on ne serait 
tenté de le supposer , surtout lorsqu'on fait attention à leur 
peu de durée. Ces premières formes animales ont si peu 
persisté, qu’à l'exception des terrains de transition et houil- 
lers, on n’en découvre plus de traces dans les formations 
suivantes. 

Ces crustacés signalent aussi bien les groupes cambriens 
et siluriens que les ZLituites giganteus, les Productus de- 
pressus, les Pentamerus depressus et Knigthü, les Tere- 
bratula Wibsoni , ainsi qu'une foule d'autres mollusques. 
On peut encore citer comme caractéristique de ces vu” 
le Catenipora escharites. 

Le groupe dévonien est signalé par une grande quantité 
de polypiers plus ou moins analogues aux caryophyllées, 
ainsi que par des mollusques acéphales , tels que la Cal- 
ceola sandalina et la Terebratula perversa, enfin par des 
céphalopodes, telles que le Clymenia linearis. 

Ces faits prouvent l'habitation commune des mêmes es- 
pèces dans les climats les plus divers , comme l'Europe et 
l'Amérique. Îls annoncent que les lois de la distribution des 
animaux ne devaient pas être les mêmes dans l’ancien 
monde que dans le monde actuel. Maintenant, on voit peu 
de races identiques dans les deux continents. Chacun a sa 
création particulière et distincte, comme les formations de 
deux époques différentes. Cette communauté des anciennes 
espèces dans les deux continents , est pere aux Fr 
st aux animaux de l'ancien continent. 


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Se 


( 103 ) 

Le plus grand nombre des types génériques des mollus- 
ques des terrains de transition se retrouvent dans la nature 
vivante, quoique leurs espèces se maintiennen tdifférentes 
des races actuelles. Contrairement à la loi de complication, 
les céphalopodes, les plus perfectionnés des mollusques, n'y 
sont pas les moins abondants. Cette famille y est repré- 
sentée par les Nautiles, dont les races y sont assez nom- 
breuses, surtout les individus qui s’y rapportent. Cependant 
ce genre appartient aux mollusques les plus élevés et offre 
une organisation avancée parmi les animaux de cet ordre. 

‘Es appartiennent à la tribu des céphalopodes carnivores. 
Leur position dans des couches aussi vieilles que celles des 
terrains intermédiaires, semble une exception à la loi de 
la complication. Des motifs puissants ont, en quelque sorte, 
rendu nécessaire la présence des Nautiles à une époque 
aussi ancienne. Îls paraissent avoir été déterminés par la 
fécondité des trachélipodes herbivores, leurs contemporains. 
Sans ces derniers, les mollusques herbivores se seraient 
multipliés au point d’être réduits, pour la plupart, à mourir 
de faim. 

Pour établir une juste compensation entre la carnivorité 
des uns et la fécondité des autres , la nature avait pourvu 
d’un appareil particulier les trachélipodes marins des cou- 
ches de transition et secondaires. Il les protégeait contre la 
voracité des céphalopodes carnivores qui pullulaient à cette 
époque. On le suppose, puisque les mollusques herbivores 
des couches tertiaires sont pour la plupart ns de cet 
appendice. 

Un écrabislts bone était inutile pes derniers , puis- 
qu'après le dépôt de la craie, les Ammonites et le plus 
grand nombre des céphalopodes avaient disparu de la scène 
de l’ancien monde. Les Nautiles ont persisté pendant le dé- 
pôt des terrains tertiaires ; mais ils sont Join de s’y trouver 


( 104 ) 
dans les mêmes proportions que lors du dépôt des forma- 
tions intermédiaires et secondaires. 

L'organisation des anciens Nautiles ne diffère pas de celle 
qui caractérise les espèces vivantes. Ces mollusques n'é- 
taient pas les seuls genres dont l’organisation fut très-com- 
plexe. Les Ammonites, fondement d’un type générique 
perdu, et qui avaient avec les Nautiles les plus grandes 
analogies , s’y trouvaient également. A la vérité, leurs for- 
mes ne se sont pas perpétuées , comme celle du genre auquel 
nous venons de les comparer ; elles n’ont pas dépassé la 
craie. Ils étaient tous deux munis de coquilles destinées à 
protéger le corps des animaux qui les habitaient ; elles leur 
permettaient de s'élever et de descendre au fond des eaux, 
au moyen d’un mécanisme analogue à celui du liége dont 
le pêcheur garnit sa ligne, ou à celui de la cloche du plon- 
geur. 

Leurs habitants logés dans la chambre la plus extérieure 
de cette coquille; formaient derrière eux, à mesure qu’ils 
s’accroissaient, des espaces qui devenaient successivement 
autant de chambres à air, destinées à augmenter le pouvoir 
du flotteur. Celui-ci dont l'action était réglée par le siphon, 
composait un instrument hydraulique d’une certaine déli- 
catesse ; à son aide, ces animaux pouvaient monter à la 
surface des eaux, comme la plupart des espèces péla- 
giennes. 

De pareilles combinaisons en annoncent de non moins 
admirables dans les animaux dont elles sont l'ouvrage. Par 
conséquent leur organisation devait être très-avancée , quoi- 
qu'ils aient appartenu à la période la plus ancienne des ter- 
rains fossihfères. Cette exception à la loi de complication 
n'est pas la seule que présentent les terrains de transition. 

Une coquille parfaitement symétrique, nommée Ungulite, 


nous 
md jh nt Dons Put L $ "à 


( 105) 

en fournit une autre non moins remarquable. Rapprochée, 
par son bec, du genre Cranie, et par ses moyens d'attache, 
du genre actuel Onguline, sans appartenir ni à l'un ni à 
l'autre, cette espèce fait supposer que certains animaux de 
la période de transition formaient le passage entre les es- 
pèces perdues et les races actuelles. On dirait que la nature, 
avant d'établir des types , y est arrivée par des essais et en 
quelque sorte par des tâtonnements successifs. On peut en- 
tendre du moins de cette manière, les passages dont nous 
venons de parler ; car. on n'a jamais vu dans l'ancien mon- 
de, pas plus que dans les temps actuels, des transforma- 
tions des espèces les unes dans les autres. 

La coquille sur laquelle à été établi le genre Ungulite, a 
été observée dans le Nord de l’Europe, dans des terrains 
antérieurs à ceux où l'on découvre les trilobites. On en ob- 
serve de grandes quantités sur toute la côte de Finlande, 
depuis Revel jusqu'à Saint-Pétersbourg. Elle serait donc 
un des premiers représentants de la vie sur la terre, ainsi 
que plusieurs zoophytes ou articulés dont l’organisation est 
encore plus simple. 

On peut également citer comme une exception à la loi de 
complication , une autre espèce d’'Ungulite découverte dans 
le calcaire à trilobites de l'Esthonie. Celle-ci appartient 
comme la première à un genre qui, comme tant d’autres de 
la période intermédiaire, a vécu depuis l'apparition des êtres 
vivants jusqu’à nos jours. Sa structure est la même que 
l'espèce actuelle du genre Onguline; elle se rapporte, comme 
cette dernière, à l’ordre des mollusques brachiopodes et se 
rapproche jusqu'à un certain point, sous le rapport _. ses 
caractères spécifiques , pPhe are sg géologi 
du plus haut intérêt. | 

Les céphalopodes , les plus doiapiqués des is : 
dont le nombre est cependant si considérable dans les ter- 


{ 106 }) 

rains de transition, constituent une exception non moins re- 
marquable à la loi de complication. L'apparition de ces ani- 
maux à une époque si reculée de l'histoire de la terre , a 
peut-être été déterminée par la haute température dont la 
surface du globe était pour lors animée. Du moins les mol- 
lusques de cet ordre abondent maintenant dans les zônes 
les plus chaudes. {ls sont plus rares dans les zônes tempé- 
rées , et surtout dans les régions glaciales ou pôlaires. 

Les céphalopodes, considérés dans l'état actuel des choses 
sous le rapport de leur distribution , constituent trois ré- 
gions. La première , ou la plus chaude, réunit le plus grand 
nombre d'espèces , qui n’est pas moindre de 78 ; la moyenne 
ou la région tempérée n’en présente que 55, et la froide 7 
seulement. La complication de ces espèces est d'autant plus 
grande , que la chaleur est plus élevée , et d'autant moindre 
que cette température s’abaisse d’une manière sensible. Le 
nombre et la variété des céphalopodes suit la même loi que 
celle de la complication de leur organisation. 

De semblables rapports existent entre les genres de la 
famille des céphalopodes. En effet, sur les 32 qui la com- 
posent , 16 se rencontrent dans les régions chaudes, 10 dans 
les zônes tempérées et 6 dans les froides. Le dernier chiffre 
pourrait paraitre encore fort grand, s’il n’était constant, 
que le nombre des espèces d’un même genre diminue d’une 
manière sensible, dans les basses régions ou dans les 
contrées polaires. 

Du reste, les formes les plus compliquées sont presque 
toutes confinées dans les régions chaudes et brülantes. Peu 
se montrent dans les régions tempérées, et beaucoup moins 
s'avancent dans les régions dont la température se main- 
tient à quelques degrés au-dessus de zéro. Ainsi les cépha- 
laporiss acétabulifères sont d'autant plus perfectionnés dans 
leurs formes , qu'ils habitent les contrées équatoriales. 


DS né non ot haute editions + - 


( 107 ) 

Les conséquences de ces faits s'appliquent à l’ensemble 
des genres fossiles. Elles amènent à penser que ces genres 
ont vécu au milieu de mers chaudes, ou du moins sous 
l'influence d'une température plus élevée que celle des lieux 
où l’on découvre leurs débris. 

Lorsque les Orthocères et les annélides couvraient les 
mers de leurs innombrables tribus , il n’existait pas de cé- 
phalopodes acétabulifères , pas plus que pendant le dépôt du 
calcaire conchylien ( muschelkalk ). Leur première appari- 
tion a eu lieu lors des terrains jurassiques. Ils s’y sont 
montrés avec les myriades d'Ammonites , sous la forme de 
Bélemnites, de Sépioteuthes, de Kelœæno. La plupart de ces 
genres perdus, établis par M. D'Orbigny , ont été remplacés 
par des Bélemnites de formes différentes dans les terrains 
crétacés. Ce genre y représente à lui seul les céphalopodes 
acétabulifères des terrains jurassiques. 

Il n'existe pas de traces de Bélemnites dans les terrains 
tertiaires. L'ensemble de cette série animale y était réduite 
aux Seiches et aux Béloptères. 

Les céphalopodes ont donc existé dès la première époque 
où J'animalisalion s’est manifestée dans les terrains silu- 
riens et dévoniens. Mais lors de la période où les Orthocè- 
res, les Nautiles, les Goniatites couvraient les mers de leurs 
innombrables tribus , il n’y a pas eu de céphalopodes acé- 
tabulifères ; du moins leurs traces ont totalement disparu. 
On peut présumer qu’il en est de même pour le muschelkalk, 


où les genres que nous venons de citer ne sont représentés 


que par des Nautiles auxquels viennent se joindre pue 

Ammonites, mais aucune des espèces qui nous occupent. 
La première apparition de l'entière famille des « 

podes acétabulifères a donc eu lieu dans les terrains inst: 

ques , à l’époque où vivaient des myriades d'Ammonites si 

variées dans leurs formes. On en observe, en effet, un grand 


* 


| à 


( 108 ) 

nombre dans les étages inférieurs du lias, avec des Bélem- 
nites coniques et sans siphon et quelques Sépioteuthes. 

Les premières , d’après leurs formes allongées , devaient 
être des animaux pélagiens , tandis que Les autres habitaient 
probablement auprès des côtes. Le nombre des Bélemnites 
diminue d’une manière sensible vers les couches supérieu- 
res ( Oxford clay ) de ces formations. De coniques qu’elles 
étaient dans le lias, elies deviennent généralement lancéo- 
lées ou fusiformes. Les espèces des couches inférieures sont 
remplacées par d'autres tout-à-fait distinctes. Avec elles, 
paraissent et pour la première fois, dans les couches supé- 
rieures des terrains oolithiques, quatre ou cinq espèces 
de Seiches et quelques autres espèces inconnues dans la 
nature vivante, quoique plusieurs appartiennent à des 
genres actuellement existants. 


En résumé, les Bélemnites atteignent leur plus grand 


dévelopement numérique et spécifique, au milieu des cou- 
ches inférieures où l’on découvre seulement les Sépioteu- 
thes. Les Teudepsis et les Bélemnites se rencontrent dans 
les couches moyennes , tandis que dans les supérieures , on 
observe les genres Sepia, Ommastrephus, Evomphalus et 
Kelæno que l'on revoit encore plus tard. 

Les céphalopodes acétabulifères ne changent pas de forme 
dans les terrains crétacés, ainsi qu’on lobserve des ter- 
rains de transition aux formations oolithiques: En effet, 
dans les couches néocomiennes et dans le gault , on trouve 
encore des Bélemnites ; mais elles prennent pour la pre- 
mière fois, une forme comprimée propre à ces terrains. 
Dans lés dernières époques ou les plus récentes des forma- 
tions crétacées, les espèces comprimées ou lancéolées sont 
remplacées par des Bélemnites pourvues d’une gouttière, 
et distinctes par leurs formes de celles des terrains infé- 
rieurs. Les genres des époques antérieures , ne se trouvent 


“1 
j 
: 


{ 109 ) 
pas dans les formations moyennes, soient qu’elles n’aient 
pu se conserver, soit que leurs espèces n'aient réellement 
pas existé. 

Les céphalopodes deviennent plus rares dans les ter- 
rains tertiaires. On n'y voit plus le moindre représentant 
de ces myriades de Bélemnites des terrains inférieurs, pas 
plus que des céphalopodes à coquille cornée. Le seul genre 
Sepia s’y trouve pourtant, mais accompagné des Béloptères 
jusqu'alors inconnus. Leurs espèces propres aux couches 
inférieures de l’époque tertiaire, se rencontrent uniquement 
dans le bassin de Paris. Les couches supérieures, comme 
celles de la France méridionale et de l'Italie, dont les der-. 
nières sont si riches en poissons fossiles, n’ont montré jus- 
qu'ici aucune trace de ces céphalopodes , dont l’organisation 
est des plus avancée parmi les mollusques. 

La plupart des genres des terrains secondaires et tertiai- 
res sont ensevelis pour toujours dans les couches terrestres. 
Les Bélemnites, les Bélemnitelles, les Teudopsis, les Kelæno 
et les Béloptères ont disparu à jamais de la surface du globe, 
tandis que les Sépioteuthes, les Ommastrèphes, les Enopleu- 
teuthes et les Seiches, montrent encore aujourd'hui un grand 
nombre d'espèces vivant au sein des mers. 

Quelques formes génériques ont donc survécu aux di- 
verses révolutions du globe; elles n'ont pas éprouvé des 
modifications importantes dans les détails de leur structure, 
puisqu'elles sont arrivées jusqu’à nous avec les mêmes ca- 
ractères que celles propres aux genres vivants. Il n’en a pas 
été ainsi des types spécifiques ; plusieurs d’entre eux ont été 
si restreints dans leur distribution , que souvent ils ne 
passent pas d’une couche à une autre et sont remplac 
des types entièrement différents. Quelques-uns traversent 
bien plusieurs formations ; mais cette circonstance ne se 
reproduit que pour les espèces des époques récentes. 


( 110 ) 

Les céphalopodes, placés à la tête des mollusques, présen- 
tent une exception à la loi de complication. Cette loi n'est 
pas moins sensible chez les animaux vertébrés, où l'on 
aperçoit constamment une tendance vers un plus grand 
perfectionnement. Seulement cette tendance n’est plus sen- 
sible, lorsqu'on étudie un groupe naturel d'animaux inver- 
tébrés, puisqu'on y découvre souvent un état stationnaire 
et même rétrograde dans la complication de l'organisation. 

On pourrait supposer qu'avec des formes analogues à 
celles qui existent maintenant, les Sépioteuthes et les Eno- 
ploteuthes, on devrait découvrir des Bélemnites , dont les 
<aractères se compliquent de la réunion des parties créta- 
cées et cornées, et qui joignent à un osselet voisin de celui 
des Ommastrèphes , des loges empilées comme celles des 
Orthocères. Sous ces rapports, les céphalopodes acétabuli- 
fères devraïent être plus compliqués que ces espèces ; mais 
les Spirules et les Argonautes, formes inconnues à l’état fos- 
sile, sont là pour démontrer le contraire ; elles prouvent 
que la nature regagne d'un côté ce qu'elle perd de l’autre. 


Les invertébrés des terrains de transition ne sont pas les 


seuls qui offrent des exceptions à la loi de complication, 
malgré sa généralité. Les poissons, au lieu de commencer 
par les plus simples , tels que les cyclostomes ou les su- 
ceurs, qui offrent des rapports si nombrenx avec les mol- 
lusques, sont signalés en premier lieu par des espèces com- 
pliquées , dont les analogies avec les reptiles sont mani- 
festes. 

Ces poissons se rapportent aux placoïdes et aux ganoïdes. 


Le premier de ces ordres comprend les singuliers poissons 
nommés sauroides, à raison de leurs rapports avec les rep- 
tiles. Ce caractère mixte ne semble s’être perdu qu'après 


l'apparition d’un grand nombre de reptiles. Les Ichtyo- 
saures et les Plésiosaures de l’époque jurassique partici- 


( 111 
pent également , par leur ostéologie , aux cartilages des cé- 
tacés, et les grands sauriens terrestres à ceux des pachy- 
dermés qui n’ont apparu sur la scène de l’ancien monde 
que beaucoup plus tard. 

Les poissons sauroïdes sont assez compliqués pour se 
rapprocher des reptiles; aussi diffièrent-ils complètement 
des genres vivants, et forment pour ainsi dire des êtres À 
part. Leur similitude dans lenrs types est si grande, qu'il 
est souvent difficile de distinguer leurs écailles et leurs 
ossements d'avec leurs dents. 

Hs rappellent par leurs caractères ostéologiques le sque- 
lette des sauriens. Cette analogie est annoncée par les su- 
tures plus intimes des os de leur crâne, et leurs grandes 
dents coniques striées longitudinalement. Il en est de même 
de la manière dont les apophyses épineuses sont articulées 
avec le corps des vertèbres et les côtes, à l'extrémité des 
apophyses transverses. 

Les poissons de cètte première époque sont parfois si 
différents des espèces vivantes, que ce n’est qu'après des 
preuves positives , que l’on demeure convaincu de leur vé- 
ritable place dans la série animale. Ces espèces de l’ordre 
des lépidoïdes , qui offre un grand nombre de genres, ont 
été nommés Cephalapsis par M. Agassiz. Elles ressemblent 
tellement aux boucliers destrilobites, que généralement elles 
ont été considérées comme en faisant partie. On revient 
cependant de cette supposition, en observant la portion an- 
térieure de leur sonne: couverte d’écailles et munie da na- 
geoires. 

Genirsirersient: aux premières pitt; ces poissons Fr 
faisaient remarquer par leur simplicité. Leurs formes étaient 
si bizarres, que leur corps était proportionniellement moins 
gros que leur tête. Les os de cette partie étaient tous con- 
fondus ; leurs écailles se montrent réunies en bandes très- 


( 142.) 
élevées et les rayons des nageoires comme noyés dans les 
membranes qui les entourent. Ainsi, tandis que les premiers 
poissons rappelaient les formes des reptiles, ceux-ci offraient 
celles des trilobites. 

Cet exemple suffirait à lui seul, pour démontrer les lois 
constantes qui ont régi la succession des êtres et leur dé- 
veloppement progressif, si la classe tout entière des pois- 
sons n’en était pas une continuelle démonstration. 

Les céphalopodes ont été rencontrés dans le vieux grès 
rouge, qui appartient aux terrains dévoniens. Ce terrain 
renferme en outre une trentaine d’autres espèces. Ils sont 
donc plus jeunes que les poissons des terrains à trilobites 
et que ceux du système silurien. 

C’est en effet dans ces derniers, les terrains stratifiés les 
plus anciens , que l’on découvre les premiers poissons; les 
roches de Ludley qui appartiennent à cette époque, en ren- 
ferment un assez grand nombre. Les genres des Petadonrtus 
et les Hylæosaurus de la famille des placoïdes , et les formes 
particulières de celle des ganoïdes ; appartiennent aux épo- 
ques les plus anciennes qui ont vu apparaître cet ordre 
d'animaux. 

Les céphalopodes dont on connaît neuf on dix espèces , 
perpétuent la première apparition de la longue série d’ani- 
maux invertébrés, dont les espèces deviennent de plus en 
plus nombreuses et diversifiées tant dans leurs formes que 
dans leur organisation, à mesure que des terrains anciens , 
on s'élève vers les formations récentes. 

Les zoophytes, les articulés, les mollusques, les poissons 
sauroïdes ont donc paru simultanément aux plus anciennes 
époques où la vie s’est manifestée sur la terre. Ces animaux 
se montrent confondus dans les mêmes couches, et descen- 
dent tout au moins jusques dans la série inférieure de la 
Grauwake. 


(115) 

Les poissons de ces terrains se rapportent uniquement 
aux ordres des ganoïdes et des placoïdes. Ces ordres main- 
tenant peu nombreux; ont existé à peu près seuls durant 
la période qui s’est écoulée depuis la première apparition 
des êtres vivants jusqu’à l’époque du grès vert (green-sand ): 
Les poissons placés plus haut dans la classe des êtres que 
les zoophytes , les crustacés, et les mollusques, présentent 
par cela même, des particularités d'organisation plus nom- 
breuses et sujettes à des différenciations plus grandes que 
celles qu'offrent ces invertébrés. 

On remarque chez eux, dans des limites géographiques 
plus étroites, des différences plus grandes que chez les ani- 
maux inférieurs. On ne voit pas, dans cette classe, des 
genres et même des familles parcourir toute la série des 
formations avec des espèces souvent peu différentes, comme 
cela a lieu pour les zoophytes. Elle est , au contraire, repré- 
sentée d’une formation à l’autre par de nouveaux genres qui 
se rapportent à des familles dont les espèces ont peu per- 
sisté sur la scène de l’ancien monde. 

On dirait que l'appareil compliqué d'une organisation su- 
périeure ne peut pas se perpétuer longtemps sans modifi- 
cations intimes, et que la vie tend plutôt à se diversifier 
dans les ordres supérieurs que sur les échelons placés plus 
bas dans la chaîne des êtres. Il en est des poissons comme 
des mammifères et des reptiles ; leurs espèces peu étendues, 
en général, appartiennent, dans la série des terrains, 
même à peu de distance verticale, à des genres différents , 
sans passer insensiblement d'une formation à mb 
comme il en est d’un grand _— se RE rue 

Du reste, que sile qui se 
rencontre dans deux PRE ‘différentes avec les inèmes 
caractères spécifiques. Des espèces semblables ne se mon- 
trent jamais dans des couches déposées à des époques diffé- 

Towe XVIII, 9 


LA | » + 


( 114) 
rentes. Plusieurs de ces races se montrent cependant sur 
une étendue horizontale considérable dans la même forma- 
tion et dans des continents différents. 

La classe des poissons offre, sous le rapport de la géolo- 
gie zoologique , l'immense avantage de s'étendre à travers 
toutes les formations ; car depuis la première apparition des 
êtres vivants, cette classe n’a cessé de se perpétuer sur la 
scène du monde. Par cela même, ces animaux fournissent 
un point de comparaison pour les différences que peuvent 
présenter, dans le plus grand laps de temps connu, des 
animaux construits sur un même plan. 

Ce point de comparaison est d'autant plus important, 
que les poissons fossiles comptent déjà un grand nombre 
d'espèces. La plupart appartiennent à des types qui n’exis- 
tent plus et dont les affinités avec les espèces vivantes sont 
déjà éloignées. Ces affinités ne le sont pas moins que celles 
qui rattachent les crinoïdes aux échinodermes, les Nautiles, 
les Poulpes et les Seiches aux Bélemnites et aux Ammonites. 
Elles sont du même genre que celles qui lient les Ptérodac- 
tyles, les Ichthyosaures et les Plésiosaures aux sauriens , 
enfin les pachydermes vivants à ceux qui habitaient le bord 
des lacs des environs de Londres, de Paris et de Mont- 
pellier, ou les plaines de la Sibérie. 

Les poissons fossiles , comme les autres débris "es corps 
organisés, nous indiquent qu'il s’est opéré un développe- 
ment régulier dans l’ensemble des êtres. Ce développement 
a cela de particulier, d’être constamment en rapport avec 
les diverses conditions d'existence qui se sont réalisées à 
la surface du globe , à la suite des modifications qui y ont 
eu lieu. En effet, relativement aux poissons, on observe 
dans la série des formations géologiques, deux grandes 
divisions qui ont leurs limites aux grès verts. 

La première ou la plus ancienne ne comprend que des 


RS ni “':° Si 


(145 ) 

ganoïdes et des placoïdes. La seconde, plus intimément liée 
avec les poissons vivants, réunit des formes et des organisa- 
tions plus diversifiées. Ce sont surtout des cténoïdes et des 
cycloïdes , avec un petit nombre d’espèces des deux ordres 
précédents. Celles-ci disparaissent insensiblement,, et leurs 
analogues vivants ont été considérablement modifiés , eu 
égard aux espèces qui les ont précédés. 

Parmi les poissons fossiles du système dévonien , M 
Agassiz a signalé deux genres remarquables. Le premier, 
celui des Pterichthys, est caractérisé par des appendices en 
forme d'ailes. Le second , également nouveau , a ouvert à 
la paléontologie comparative un champ de recherches aussi 
fertile que la découverte du Plésiosaure et de l'Ichtyosaure 
l'a été relativement aux reptiles. 

Ils présentent des caractères si différents des poissons 
connus , qu’ils ont d'abord été classés parmi les chélo- 
niens , puis parmi les crustacés et même parmi les in- 
sectes coléoptères. Toutes les espèces des formations dévo- 
niennes y sont entièrement confinées ; elles ne s'étendent 
guère en haut dans la série silurienne. 

Les genres qui n'ont pas de représentant dans les autres 
formations , renferment le plus grand nombre d'espèces. Ils 
ont été désignés sous les noms de Pterichthys, de Dipterus, 
de Glyptolepis, de Platygnathus, de Dendrobus, de ati 
canthus, de Cheiracanthus, et de Cheirolepis. 

Les genres que l’on retrouve dans le terrain bhoibler: tels 
que les Onchus, les Ctenacanthus, les Ctenophychius, les 
Holoptychius ; les Acanthodes , les rs et les 


Ce résultat s'accorde peu avec celui que pptésentéit les 
formations supérieures dans lesquelles les poissons, les 
échinodermes supérieurs et les mollusques des formations 


( 116 ) 
séparées , ne s'étendent jamais d’un système ou même d'une 
sub-division des couches à une autre. 

Les poissons trouvés dans ces formations et même dans 
les roches plus anciennes , sont "quand on les compare aux 
espèces actuelles, d’une fort petite dimension et d’une gran- 
deur insignifiante. Cetie observation prouve que la stature 
colossale n’est pas particulière aux fossiles de toutes les 
époques géologiques, tant relativement aux poissons, 
qu'aux autres classes d'animaux, à l'exception toutefois 
d’un petit nombre de types particuliers. 

Ceci n'empêche pas que, plus tard, les sauriens aient 
pris des proportions gigantesques; mais alors il n'existait 
point de mammifères. Enfin, lors du dépôt des terrains 
tertiaires, les pachydermes, les édentés, les carnassiers 
et d’autres mammifères, ont acquis une grandeur démesu- 
rée et une stature presque colossale. 

Les poissons du vieux grès rouge ont généralement une 
petite taille ou tout au plus une taille moyenne ; ils ne dé- 
passent pas généralement 33 à 65 centimètres ( 1 à 2 pieds) 
en longueur. Quelques genres renferment pourtant des es- 
pèces qui avaient jusqu'à 1 mètre ou 1 mètre 30 centimé- 
tres (3 ou 4 pieds ); aucune n'avait les Smaysions de l'es- 
padon ou du requin. 

Les poissons de ces dépôts offraient de grandes variations 
dans leur type spécifique ; aussi leurs espèces appartenaient 
à une grande variété d'ordres et de familles. 

Les quatre genres Cienacanthus, Onchus, Ctenoptychius 
et Pythacanthus, de l'ordre des placoïdes pourvus de 
rayons épineux sur les dorsales, ressemblent jusqu’à un 
certain point aux grands Ichtyorulithes des formations 
houillères et oolithiques. 

. Dans l'ordre des ganoïdes, les genres Acanthodes, Dipla- 
canthus, Cheiracanthus et Cheirolepis, présentent un groupe 


ee 


( 117) 
séparé, car quoique les espèces qui s’y rapportent, soient 
couvertes d'écailles, elles sont si petites, qu’elles donnent 
à la peau l’apparence du chagrin. 

La manière dont les nageoires sont soutenues par les 
supports épineux , ou en l'absence de ces rayons, la position 
des à ont servi de caractères diffé- 
rentiels. 

Les genres Pterichthys, Coccosteus et Cephalapsis forment 


un second groupe. Les dimensions de leur tête, les grandes 


plaques qui enveloppent une grande partie de leur corps, et 
les appendices mobiles en forme d'ailes placées des deux 
côtés de la tête, leur donnent un aspect des plus extraordi- 
naires. Les grandes plaques osseuses granulées les -ont fait 
rapporter au genre Zrionyx. La tête en forme de croissant 
des Cephalapsis et leurs écailles qui ressemblent aux articu- 
lations transverses du corps, ont fait prendre ce poisson 
pour un crustacé de l’ordre des trilobites. 

Cette famille constitue du reste, un type aussi nette- 
ment prononcé dans la série des poissons que les Ichtyo- 
saures et les Pélsiosaures parmi les reptiles. Un autre point 
curieux de la structure de ces genres , c'est l'association de 
plaques osseuses extérieures avec une colonne vertébrale 
molle et cartilagineuse , ressemblant à celle des Esturgeons. 
Ce caractère, commun à la plus grande partie des espèces 
des couches anciennes , fait concevoir qu’au milieu de ces 
formes singulières , il serait fort difficile de les rapporter aux 
types actuels. En effet, les ressemblances ne peuvent être 
que partielles et er sn à quelques cb à de leur struc- 
ture. 

Les têtes armées des Ébinigéssi et les ris 4 qui 
protègent celles des Trigles, des Dactylopterus, etc., res- 
semblent un peu à celles des Cephalapsis et des C'occosteus. 
Les appendices du Pterichthys pourraient ètre comparés aux 


(118 ) 
sous-orbitaires mobiles des Acanthopsis ou à l'allongement 
du préopercule de certaines espèces de Trigles et des Cepha- 
lacanthus. 

On peut encore signaler l'analogie entre le développement 
imparfait de la colonne vertébrale et la position interne 
de la bouche dans ces genres , avec la forme du cordon 
dorsal et de la position de la bouche dans l'embryon de ces 
espèces. 

Un troisième groupe de la formation dévonnienne est ca- 
ractérisé par la structure des nageoires abdominales qui, 
dans les genres Dicterus, Osteolepsis, Diplopterus et Glyp- 
tolepis, sont doubles et ressemblent à une nagéoire caudale. 
Ces genres diffèrent d’ailleurs entre eux par la structure de 
leurs dents. 

Le quatrième groupe se distingue par ses grandes dents 
coniques , placées dans les parois de la bouche alternative- 
ment avec des dents plus petites. Cette structure se retrouve 
dans les genres Holoptychius, Platygnathus et le genre 
Dendrobus de M. Owen. Cette diversité originale du type 
dans les poissons d’une formation aussi ancienne , est consi- 
dérée par M. Agassiz, comme un puissant argument contre 
la théorie de la transformation successive des espèces et la 
filiation des êtres organisés , provenant d’un petit nombre 
de formes primitives. Cette filiation non interrompue est 
d'autant moins réelle, qu’à chaque formation on voit ap- 
paraître de nouvelles espèces qui n’ont rien de commun 
avec celles qui les ont précédées et celles qui les ont suivies. 

Quoique le petit nombre de poissons observés dans les 
terrains de transition, ne permette pas de leur assigner un 
caractère particulier , ils paraissent appartenir à des espèces 
qui, avec le même type, n'arrivent pas jusqu’au terrain 
houiller. 

M. Agassiz à qui nous devons la connaissance de ces dé- 


die 


Rare 


( 419) 

tails, est maintenant en mesure de décrire plus de 1800.es- 
pèces de poissons fossiles. Il estime à environ 3,000 , le 
nombre des espèces ensevelies dans les couches qui consti- 
tuent l’universalité du globe. Ce nombre lui paraît. cepen- 
dant au-dessous de la réalité, tant est grande la richesse 
du plan de la nature, que nous nous efforcons de recons- 
truire par nos recherches, et qui s'étend de plus en plus à 
mesure que la science fait des progrès. 

Si les terrains de transition ne recèlent aucune die 
semblable aux races actuelles, certaines formations ont con- 
servé les mêmes formes et les mêmes coupes génériques. Les 
animaux invertébrés prouvent que les coupes génériques sont 
un jeu de notre esprit et ne sont point fondées par la na- 
ture. En effet, elle n’a créé que des espèces ou pour 
mieux dire des individus. Cette remarque s'applique surtout 
aux animaux supérieurs, dont les genres se montrent pour 
la plupart analogues à ceux qui vivent dans les temps ac- 
tuels. Il en est de même des multiloculaires ou des cépha- 
lopodes, qui sont tout-à-fait perdus à l'exception des Nauti- 
les. Quant aux autres geures, tels que les Orthocératites, 
les Ammonites , les Cystocératites et les Lituites, nous n’en 
n'en connaissons pas de représentants dans le monde qui 
s'offre à nos regards. 

Les genres conservés ou. détruits offrent des bo 4 
anéanties, toutes différentes de celles qui vivent de nos jours. 
Malgré leurs diversités spécifiques avec les races actuelles, 
les unes et les autres ne sont pas moins comprises dans un 
même plan d'organisation et dans le même système d'appa- 
reils destinés à des fonctions semblables. Chacune d'elles 
peut être considérée comme un. anneau de la chaîne. cum- 
mune qui unit les races existantes à celles qui ont subi les 
conditions les plus anciennes de la vie à la surface du globe. 

Elles attestent toutes l'unité du plan qui a présidé à leur 


( 1420 } 

emploi, pour des fins identiques dans les nombreuses et 
différentes ‘espèces qui eomposent les générations actuelles 
“où qui ont fait partie des générations passées. Cette unité 
de plan a mis l’organisation de toutes ces espèces en har- 
monie avec la nature des milieux où les circonstances exté- 
rieures sous l'influence desquelles elles devaient vivre. Au 
milieu des changements que les appareils des êtres vivants 
ont éprouvés, pour être en rapport avec les nouvelles con- 
ditions d'existence qui survenaient successivement, par suite 
des modifications qui s’opéraient à la surface du globe, on 
reconnait toujours dans le même système général de l'or- 
ganisme, les mêmes lois et les mêmes vues d'ensemble. 

L'uniformité des espèces des terrains de transition, dans 
tous les lieux et dans toutes les classes, indique la plus 
grande égalité dans la température des milieux ambiants. Il 
devait en être ainsi, puisque les mêmes espèces végétales 
et animales se trouvaient alors dans les contrées les plus 
différentes. 

Cette similitude dans la distribution des êtres vivants, an- 
nonce qu'il ne devait y avoir à cette époque (les faits nous 
prouveront qu'il en a été de même longtemps encore) qu’une 
seule mer, et que les mers intérieures n'avaient pas été sé- 
parées de l'Océan. Lorsque les méditerranées se sont formées 
par l'effet du soulèvemeut du sol, des climats divers ont 
été le partage des différentes zônes terrestres, et la loi de la 
localisation a succédé à la répartition générale des mêmes 
espèces dans les lieux les plus éloignés. Cet effet a été pro- 
duit non d'une manière instantanée, ni par explosion, mais 
peu à peu et par degrés. Ainsi la terre, après avoir subi ces 
diverses phases, est arrivée à son état actuel, à l'époque de 
stabilité et de calme qui la caractérise maintenant. 

Les animaux des terrains de transition se rapportent aux 
‘mvertébrés et aux vertébrés. Les premiers, assez variés, 


( 421 ) 

comprennent trois classes : les zoophytes , les articulés et 
les mollusques. Les seconds, ou les vertébrés, y sont repré- 
sentés par une seule classe , la plus simple de cet embran- 
chement. Quoique les poissons soient les moins avancés des 
animaux de cette classe, ils sont néanmoins arrivés tout-à- 
coup à un degré d'organisation très-élevé pour des êtres 
de cet ordre. Il en a été de même des mollusques, dont les 
espèces les plus compliquées ont été les premières à appa- 
raître sur la scène de l’ancien monde. 

L'ordre inférieur des invertébrés, celui des zoophytes , 
comprend plusieurs familles composées de plus de soixante- 
dix genres et d’un grand nombre d'espèces. La seconde 
classe , celle des animaux articulés, se compose de plusieurs 
groupes, des annélides et des crustacés. Le premier offre 
deux genres , les Spirorbes et les Serpules, qui se sont per- 
pétués jusqu’à nos jours. 

Les crustacés ont tous appartenu à des genres éteints, et 
à un assez grand nombre d'espèces dont on n'observe au- 
cune trace sur le globe. Avec ces crustacés, ont vécu des 
mollusques aussi diversifiés que perfectionnés sous le rap- 
port de leur organisation. Ces mollusques appartiennent à 
un grand nombre de genres qui s'élèvent à environ quatre- 
vingt. 

Les poissons comprennent peu de geures, qui font partie 
de deux ordres. Les détails que nous donnerons plus tard 
Sur ces vertébrés nous 1e d’en dire davantage pour 
le moment. 

Tel est l'ensemble de la grtanièee population qui a em- 
belli la surface de la terre. Quoiqu’elle ait eu bien des pro- : 
grès à faire, pour arriver au summum de complication au- 
quel sont parvenues les espèces actuelles , les mollusques 
les plus perfectionnés y ont apparu tout d'abord , comme 
les poissons d’une organisation encore plus avancée. Ces 


(12) 
animaux signalent à eux seuls les vertébrés : les reptiles 
n'ayant point encore apparu à cette époque. 

Les invertébrés sont représentés, dans les terrains de 
transition, par un plus grand nombre de classes et par 
conséquent de familles. Il en est une bien particulière et de 
complètement perdue ; elle appartient aux mollusques et 
commence à se montrer dans ces terrains; nous voulons 
parler des Goniatiles l’un des genres des Ammonéens , que 
l'on apercoit non-seulement dans les grauwackes des cou- 
ches dévoniennes ; mais encore dans les dernières couches 
du système silurien. Les terrains dévoniens qui renferment 
ces Goniatites à formes inconnues dans la nature actuelle, 
offrent en mème temps les dépôts de combustible, les plus 
anciens de ceux que l’on découvre dans les couches ter- 
restres. F 

L'ensemble des terrains de transition renferme jusqu’à 
cinq ordres de mollusques , les céphalopodes, les ptéropo- 
des, les gastéropodes, les acéphalés et les brachiopodes. Ces 
invertébrés n’offrent qu’un assez petit nombre de genres et 
de familles éteintes, et en même temps plusieurs groupes 
génériques qui se trouvent dans tous les terrains et se ren- 
contrent jusque dans la nature actuelle. Tels sont les Nau- 
tiles et les Térébratules, ainsi que la plupart des ess 
des et des acéphales. 

Les genres de mollusques qui ne vivent plus aujourd'hui, 
ne s’y voient pas en grande majorité, comme on serait 
tenté de le supposer. La plupart d’entr’eux ont vécu pen- 
dant plusieurs époques géologiques, et quelques-uns se 
retrouvent encore maintenant. Toutefois , la faune jurassi- 
que des mollusques, et à plus forte raison la faune créta- 
cée, ont plus de genres communs avec ceux de la création 
actuelle , que de genres éteints. 

Les faunes les plus anciennes sont gb en espèces qui 


(125 ) 

appartiennent aux classes les plus compliquéés : en effet ; 
les terrains siluriens renferment une quantité considérable 
de céphalopodes. Ces mollusques, comme la plupart des 
invertébrés, prouvent que cet ordre d'animaux est arrivé 
tout-à-coup sur la scène de l’ancien monde avec leur sum- 
mum de complication, ce qui n’a pas eu lieu pour les ver- 
tébrés. 

Aussi, toutes les formes des animaux invertébrés de 
l’époque des terrains de transition ou primaires , ont une 
moyenne d'organisation au moins aussi élevée que celle du 
monde actuel. Dès-lors il semble assez naturel de conclure, 
d'après l'organisation des mollusques des âges passés, que 
les circonstances atmosphériques n’ont pas éprouvé d'aussi 
grands changements que l’on serait tenté de le supposer, 

Néanmoins , à l'époque des terrains dévoniens , comme à 
celle du dépôt des formations siluriennes, il ne devait pas y 
avoir une grande différence de température due à la lati- 
tude , puisque les mêmes êtres vivaient sous la zône Lorride 
aussi bien que dans les régions septentrionales, Une pa- 
reille uniformité dans la distribution des mêmes espèces et 
à la même époque, annonce que Ja chaleur centrale, alors 
très-grande à la surface de la terre, neutralisait toutes les 
influences extérieures. 

Ainsi, partout, les Productus caractérisaient les terrains 
dévoniens, bien plus que les Spirifer, les Orthis, les Terebra- 
tula, les Trigonia, les Pecten, les Solarium et les Natica. 
Les espèces américaines de ce genre, comparées à celles 
d'Europe, offrent non-seulement les analogies les plus 2 man 
festes, mais une similitude et une identité ms 


pu us une conte inéilé d'existence jpeerté 
4 


ki tar. à. un Lion ons 


Eec H 
LL 


ceux des tunati oh secthdeiss, ont.dû vivre dans des eaux 
peu différentes de celles d'aujourd'hui, du moins quant à 


(424 ) 
leur nature et à leur température. Comme ces animaux sont 
parmi les fossiles, les plus répandus et les plus abondants, 
ils jouent un des principaux rôles dans la détermination des 
terrains. 

Ainsi, pour ne pas sortir des formations de transition 
dont nous nous occupons , nous ferons observer qu'un seul 
genre des mollusques ptéropodes, les Conulaires de Miller, 
a déjà présenté quatorze espèces particulières. Il y a cepen- 
dant peu de temps que M. Sandberger l'a découvert. Cet 
observateur a recueilli ces espèces dans les terrains silu- 
riens du système du Rhin, ainsi que dans diverses forma- 
tions houillères, 

Si l'on compare ce genre avec les ptéropodes vivants, on 
voit que c’est du genre Cléodore de Péron qu'il se rappro- 
che le plus. Il a la même forme pyramidale que la Cleodora 
pyramidata de locéan américain. Seulement , les espèces de 
ce genre surpassaient en dimension les espèces actuelles ; 
elles étaient en effet cinq fois plus grandes. Les premières 
avaient 10 centimètres , tandis que la plupart des ptéropo- 
des actuels n’atteignent pas 2 centimètres. 

On les découvre depuis les formations de transition les 
plus anciennes jusque dans les couches carbonifères. Ils 
semblent manquer aux formations secondaires , pour appa- 
raitre de nouveau dans les terrains tertiaires où ils sont 
représentés par des genres analogues à ceux de nos mers. 

Ces anciens ptéropodes, dont M. le docteur Guido a fait 
un genre sous le nom de Coleoprion fort rapproché du 
genre Creseis de Rang, étaient fort répandus; on en a décou- 
vert en effet des restes dans les cinq parties du monde. 

Les mêmes terrains de transition, particulièrement les 
siluriens, ont offert un genre de mollusques cyclobranches 
ne des G Jan et qui; à raison de cette circonstance 
et de p , a reçu le nom d’ÆHelmin- 


(125) 
tochiton: Ce genre est non-seulement remarquable en ce 
qu'il n'avait pas été rencontré jusqu'ici au-dessous des ter- 
rains dévoniens , mais-en outre à cause de sa rareté. 


2.0 DES ANIMAUX DE LA SECONDE ÉPOQUE DE LA PREMIÈRE 
PÉRIODE, 


Animaux du groupe carbonifère ou des terrains houillers. 


Cette époque comprend l'entière série du groupe carbo- 
hifère, ou les terrains houillers proprement dits. Nous n’y 
réunissons pas le vieux grès rouge, qui appartient aux ter- 
rains dévoniens considérés comme l'étage supérieur ou Ja 
plus récente des formations de transition, étage caractérisé 
par la présence d’un grand nombre de mollusques bivalves 
connus sous le nom de Productus. Le terrain houiller peut 
être divisé naturellement en plusieurs sections. Ces divi- 
sions paraissent très-tranchées en Russie, où l’on en dis- 
tingue jusqu’à trois. PO 

La plus ancienne offre des roches de couleur foncée , Ca- 
ractérisées par la présence des Prodnctus giganteus et Wal- 
daïcus. 

La masse centrale ou le calcaire blanc de Moscou contient 
les Spirifer mosquensis , resupinatus et glaber. On y trouve 
des lits de calcaire magnésien jaune et compacte. 

La partie supérieure contient des myriades de Fusulina 
(fossile et par Fais comme Fcretemhlant à des grnne 

blé ) Ces mêmes f 


y 


Pr, Ur E 112 d & LL7 ET 4 


fères, reconnus dans.l 
été été décrits par le professeur Fischer sous sde nom de 
Fusulina cylindrica. Ils caractérisent, en Russie, la division 
supérieure des calcaires houillers, de la même manière qu’en 
Amérique. ls sont même dans l’une et dans l'autre de ces 


( 126 ) 
contrées, un des guides les plus certains pour la recon- 
naissance des terrains qu'ils signalent. 

Les Fusulina sont, dans l’ancien continent, tout-à-fait 
spéciaux à la Russie ; ils manquent dans les terrains houil- 
lers de l’Allémagne et de l'Angleterre. Il est toutefois re- 
marquable de les retrouver si loin du côté occidental (1). 

Les espèces fossiles du groupe houiller offrent les plus 
grands rapports avec celles des terrains de transition. Il en 
est ainsi de la végétation de ces deux époques. On y voit les 
mêmes classes des invertébrés et des vertébrés ; mais les 
animaux à respiration aérienne sont, à cette époqne, plus 
abondants qu’à celles qui l'avaient précédée, En effet, les 
terrains houillers ont été caractérisés par deux classes d’ani- 
maux invertébrés respirant l'air en nature, les insectes et 
les arachnides. Les vertébrés paraissent y avoir été repré- 
sentés par des reptiles dont la respiration était également 
aérienne. 

À la vérité, les reptiles n’ont été encore reconnus que 
par les empreintes de leurs pas, aperçues dans une carrière 
de grès qui plonge au-dessous d’une couche de charbon. 
I! existe donc des doutes à cet égard, quoique cette décou- 
verte soit due à M. Lyell dont l'habileté est bien connue. 
Si des reptiles ont réellement existé à l’époque houillère , 
ces animaux seraient arrivés plus tôt sur la scène du monde 
qu’on ne l'avait supposé. Ainsi au lieu de la classe la plus 
simple de l'embranchement des vertébrés, les terrains 
houillers en auraïent vu apparaître deux. 

Les observations du docteur Hibbert prouvent combien 
il faut se méfier de ces reconnaissances faites uniquement 
au moyen d'empreintes, puisque c'était à l’aide de dents 
que ce docteur avait prétendu que des reptiles sauriens 


|) American journal of scienc. Septenibré 186. 


(127) 
avaient vécu à l'époque du dépôt des terrains houillers 
d'Edimbourg. M. Agassiz, en examinant avec plus de soin 
ces dents, a reconnu qu'elles appartenaient à des poissons 
sauroïdes ; cet ordre, le plus élevé de cette classe sous le 
rapport de sa structure, a plus qué tous les autres de 


. grandes analogies avec les vrais sauriens par ses éaractères 


ostéologiques. De même que les céphalopodes , ils sont 

arrivés tout-à-coup sur la scène du monde avec toute la 

perfection de leur organisation. De même, les plus anciens 

poissons, qui appartiennent à un autre embranchement, ont 

apparu avéc un organisme égal, sinon supérieur à celui des 
poissons vivants. 

On avait également rapporté des écailles disséminées 
dans les schistes bitumineux des Orcades et de Caithness 
en Ecosse, à des tortues voisines du genre Trionyx. Cepen- 
dant ces écailles, examinées par M. Agassiz, lui ont paru 
appartenir non à des reptiles, mais à des poissons. Ces faits 
prouvent combien il faut sc prémunir contre de pareilles 
méprises , puisque celles-ci ont été faites par des hommes 
habiles et spéciaux. 

Il paraîtrait pourtant, d'après M. Goldfuss ainsi que d'a- 
près MM. Murchison et Dechen, que les reptiles auraient 
laissé des traces de leur ancienne existence dans les terrains 
houillers de l'Allemagne et de l'Angleterre. Le dernier de 
ces observateurs y a découvert un sphérosidérite renfermant 
une tête de reptile assez bien conservée , tête qué M. Gold- 
fuss a décrite. 

Elle paraît avoir appartenu à un saurien d'une longueur 
d'un mètre 95, dont les caractères étaient intermédiaires 
entre ceux des crocodiliens et des lézards. Les orbites sont 
dirigées en dessus ; la région occipitale est le double de ce 
qu'elle est chez les reptiles connus de la même taille. Les 
dents plus nombreuses et plus petites que chez les crocodi- 


( 128 ) 
liens, s'étendent sous les orbites et diminuent graduelle- 
ment jusqu'à ce qu'elles soient réduites, à leurs extrémités, 
en de très-petites pointes. M. Goldfuss a donné à ce genre 
perdu le nom d'Archegonus, et a désigné la seulè espèce 
connue sous le nom d’Archegonus Dechenii. 

Les mèmes terrains ont offert différentes espèces de pois- 
sons; parmi elles, M. Goldfuss à signalé le Palwoniscus 
Gilberti dont les écailles sont dentelées sur les bords. Cette 
disposition ne se représente pas chez les autres poissons du 
même genre des formations carbonifères ; en effet, toutes 
les espèces connues auparavant, avaient des écailles dont les 
bords étaient tout-à-fait lisses. 

même professeur y a également rencontré le Sauroce- 
phalus Hauesseri dont la tête paraît, au premier coup-d'œil, 
semblable à celle d’un reptile. Les os de cette espèce sont 
couverts de réticulations en relief, et les dents pointues, su- 
buliformes et rayées. Enfin, un squelette d’un placoïde 
presque entier, caractérisé par un rayon de nâgeoires ana- 
logues à ceux sur lesquels M. Agassiz a établi son genre 
Othocanthus, a été observé dans les mêmes terrains. 

Après ces détails , il est utile de s'assurer s’il y a eu ou 
non un perfectionnement graduel dans l'apparition des ani- 
maux à la surface de la terre, et de faire connaître les lois 
qu'ont suivies à cet égard les poissons, animaux vertébrés 
qui ont constamment persisté depuis les plus anciens âges 
jusqu’à nos jours. 

On évalue le nombre des poissons vivants à environ 3,000 
espèces; ceux des temps géologiques ne paraissent. pas 
s'élever au-delà de 1800 espèces , sur lesquelles il n'y en a 
que 1400 espèces assez bien connues pour être certain de 
leur détermination. Sur ce nombre de 1400, 1108 espèces 
appartiennent à 268 genres encore vivants, et 84 genres 
sont représentés par des espèces qui ont quelque analogie 
avec les races actuelles. 


( 129°) 

Nous disons quelque analogie; car aucun poisson fossile 
n'est semblable à une espèce de notré époque. Quelqué 
nombreuses que soient les populations des époques ancien- 
nes, on ne retrouve pas , dans les terrains: antérieurs à la 
craie, de genre identique à ceux de la création actuelle. I y 
a plus, tous les poissons anciens diffèrent de ceux d’aujour- 
d'hui, par des caractères plus importants que ne le sont 
de simples différences spécifiques. 


( La suite au prochain numéro ). 


VIT. Mémoire sur les Cavernes à ossements des envi- 
rons de Bagnères-de-Bigorre; par M. Pauvre, 


correspondant. 


De tous les côtés, on entend parler de la découverte de 
grottes à ossemenis ; en Allemagne, en. Hongrie, en An 
gleterre , en Westphalie , dans l’ancien comme dans le nôu- 
veau continent, à la Nouvelle-Hollande et dans diverses 
parties de la France. 

Bagnères-de-Bigorre, placé au pied de montagnes cal- 
caires, pourrait bien aussi avoir des grottes à ossements 
telle est la réflexion qui me frappa , tandis qu'après avoir 
exploré, au sommet du Bédat , une brèche calcaire renfer- 
mant des ossements , je rentrais en ville, chargé d'un riche 
butin. ‘ : 
Je visita donc. les. grotte du mont Bédat: lui-même, de 
après y p reprises . 
beaucoup dec peine à cause des difficulté 
pour écarter et l 
le sol est jonché , j'abandonmai cette localité, pr ; 'allai + visi- 
ter Ja grotte de l'Elysée-Cotin. 

Toue XVI, 10 


l6e 


( 430 ) 

Mais ici, les difficultés étaient moindres, les matériaux 
y sont d'une nature différente ; le sol de cette grotte est un 
limon argilo-calcaire , ferrugineux, d’une épaisseur consi- 
dérable ; il faut extraire toutes ces matières et les passer à 
travers un crible, afin d’en retirer tous les ossements qui y 
sont renfermés. 

A force de travailler, je parvins à découvrir quelques 
dents de hyène, une mâchoire inférieure de renard, et quel- 
ques demi-maxillaires de campagnol. 

Peu satisfait de mes recherches, je visitai la grotte de 
Baudéar. Cette grotte pourrait offrir beaucoup d'espèces 
d'animaux ; mais les dépenses à faire sont considérables et 
ma position ne me permet pas de satisfaire mon goût af 
les grandes explorations. 

Le sol de la grotte de Baudéan est couvert de débris de 
roches calcaires , solidifiés par la stalagmite. Ces débris de 
roches ont été entraînés par un courant qui les a déposés 
dans cet endroit, où l’on aperçoit par-ci par-là, se faisant 
jour à la surface du sol, des portions osseuses, liées par 
un ciment calcaire plus ou moins solide. 

Dans le fond de la grotte, se trouve une salle dont le sol 
est formé d’un limon argilo-caleaire, dans lequel je pré- 
sume qu'il existe beaucoup d’ossements curieux. 

On a trouvé dans ce gisement un humérus et des molai- 
res de Rhinocéros ; je possède une molaire d’un jeune in- 
dividu de ce genre , que j'ai ramassée presque à l'entrée de 
cette grotte. 

J'en sortis presque découragé de mon peu de succès. 
Cependant, en passant devant le four à chaux d’Aurensan, 
et en longeant la carrière exploitée pour l'alimentation de 
ce four , je jetai un coup-d'œil machinal sur quelques ou- 
vertures qu'on aperçoit du chemin. Je rentrai chez moi, 


triste mais non sans espoir. Je revins le lendemain à la 


I ET 


(131) 

carrière ; j'explorai les terres retirées de ces grottes et j'y 
reconnus des débris d'ossements. C’étaient de petits ron- 
geurs, une dent de cerf, une dent de porc-épic, une dent de 
cheval, plusieurs dents de bœuf, enfin une canine de lion. 
Ma joie fut alors si grande , que je me figurais posséder, 
sinon les trésors de la Californie, du moins tout. autre 
chose que ce que j'avais sous les yeux. Une canine de lion 
dans nos Pyrénées ! Etait-ce bien possible? Je la retour- 
nais sans cesse entre mes mains ; elle me semblait grandir 
et près d’égaler la taille d’une défense du plus beau des 
éléphants de l'Inde ! Je questionnai les ouvriers, qui me 
dirent qu'ils trouvaient souvent, dans les interstices et à 
l'ouverture des grottes, des os, des dents, et qui m'assu- 
rèrent avoir rencontré, il y a douze à quinze ans, un dé- 
pôt d’essements d'une grosseur et d’une longueur extraor- 
dinaires. 

Je fis quelques recherches, et je fus bientôt convaincu 
de la vérité du rapport des ouvriers. Cependant , comme je 
ne pouvais pas remuer ces masses de rochers et y faire 
jouer la mine, je fus obligé d'attendre et de suivre pas à 
pas, les mineurs qui les exploitaient pour les besoins du 
four. 

Le monticule exploité ( à un kilom. de Bagnères-de- 
Bigorre , sur la route de Campan) , est criblé d’excavations. 
Les ouvertures sont à sa partie supérieure , et leurs longs 
et étroits boyaux plongent du Sud au Nord en se ramifiant 
quelquefois. Les grottes de Gerde, de Penna blanca, de 
Lourdes, d’Agos, de Bernestos, présentent les mêmes faits 
géologiques , et toutes offrent les mêmes résultats à l'obser- 
vateur. Elles renferment, à peu de chose près, les mêmes 
animaux en plus ou moins grande abondance. Toutes ces 
grottes ont uniformément leur voûte et leurs parois usées 
et polies par l’action des eaux. Soit que les grottes plongent 


( 132 ) 

du Sud au Nord où du Nord au Sud, de 40 à 60 degrés, 
toutes sont remplies d’un limon argilo-caleaire , ferrugineux, Ê 
plus ou moins solide, dans lequel gisent sans ordre ni super- 
position, les ossements de cheval, de bœuf, de cerf, de 
rhinocéros , de sanglier, de bouquetin , de chamois. Sur ce 
limon s’étend une couche de terre très-légère, dans laquelle 
gisent les Helix hortensis, les campagnols, des osserñents 
d'oiseaux, de grenouilles et de crapauds de l’époque ac- 
tuelle. 

Il est peu d’os qui soient entiers ; ils sont pour la plupart 
brisés , et leurs ruptures aceusent un choc violent. 

Le fait le plus curieux, c’est que les articulations de tous 
ces os portent l'empreinte des dents de carnassiers qui ne 
peuvent être que des hyènes , car les hyènes sont plus nom- 
breuses dans ces grottes que les autres carnassiers. La dé- 
couverte d'éléphants, de rhinocéros, de bœufs, de chevaux 
et de cerfs, tous réunis , prouve une fois de plus que si ces 
animaux n'ont pu vivre dans le lieu qui renferme leurs 
restes, du moins leur habitation n'en était pas fort éloignée. 

On doit done supposer que la réunion de tant d'animaux 
de mœurs et d'habitudes si différentes , à dû être produite 
par l’action de courants plus ou moins violents. ; 


is és sseod 5 


Re 


ÉNUMÉRATION DES ESPÈCES. 
BIMANES, 


Homme, Homo sapiens Linn. 


À arrière-molaire d'un jeune individu ; 
id. plus usée, appartenant à un homme adulte: 
INSECTIVORES. 


Musaraigne , Sorex vulgaris Linn. 
2 fémurs ; 6 radius. 


(133) 
Lib T'alpa europæa Linn. 
4 demi-maxillaires inférieurs ; 5 humérus ; 1 fémur; 2 
omoplates. 


CARNASSIERS ( Plantigrades ). 


Ours, Ursus cultridens ? Cuvier. 
6 canines ; 5 ( comprimées } arrière-molaires supérieures ; 
1 fausse-molaire supérieure; 9 idem inférieure ; 
5 métacarpéens ; 2 phalanges (2.e) 
Blaireau, Ursus meles Storr. 
Une portion de cràne avec ses arrière - molaires et 3 inci- 
sives ; À fémur; 1 eubitus. 


CARNASSIERS ( Bigitigrades ). 


Marte, Mustela martes Linn. 

2 demi-maxillaires ; { fémur. 
Hermine, Mustela alba Linn. 

À demi-maxillaire ; 4 fémur ; 1 tibia. 
Belette, Mustela minor Linn. 

1 fémur ; 2 tibia. 
Loutre, Mustela lutra Linn. 

2 fragments de maxillaire inférieur, 
Loup, Canis lupus Lino. 

3 canines ; une tuberculeuse supérieure ; 2 carnassières in- 

* férieures ; 1 fragment de maxillaire. 

Renard, Canis vulpes Fr. Cuvier. 

À tête entière ét une moilié de tête ; 8 maxillaires inférieurs 
plus où moins complets. ‘{ La branche dentaire est 
plus élevée que dans le renard actuel ). 2 demi- 
maxillaires inférieurs dé jeune individu ; 1 fémur 
incomplet 3 bumérus complets ; 2 id. brisés ; 4 


(134 ) 
radius ; 4 cubitus; 4 métatarsiens ; 2 tibias com- 
plets ; 2 id. incomplets ; 3 demi-bassins. 

Le renard est commun dans toutes nos grottes. 

Hyène, Hyæna fossilis? Cuvier. 

4 moitié de maxillaire supérieur ; 2 demi-maxillaires infé- 
rieures et 1 demi-mâchoire inférieure ; 8 arrière- 
molaires ; 15 canines complètes ; 3 fausses molai- 
res ; 3 arrière-molaires inférieurs, dont une ren- 
fermée dans son alvéole; 7 3°, 7 2° et 3 1r°s 
fausses molaires; 2 incisives externes; 2 atlas ; 
2 tibias ; 1 radius ; 3 vertèbres dorsales ; 3 vertè- 
bres lombaires: 3 métacarpiens et 1 astragale ; 10 
pelottes d’Album græcum de diverses grosseurs. 

On trouve dans toutes nos grottes les débris de cette 
hyène. C'est de tous les carnassiers le plus nombreux jus- 
qu'à présent. Je n'ai pu constater la présence que d’une 
espèce. ” 

Lion, Felix Leo Linn. 

2 canines entières ; 2 id. brisées ; 2 carnassières ; 3 incisi- 
ves externes ; À jeune carnassière ; 2 carnassières 
avec une portion de maxillaire supérieur ; 4 radius 
entier et une moitié inférieure ; À tibia ; 1 première 
phalange ; 1 métacarpien; une portion de maxil- 
laire supérieur ; ({ la canine n'avait pas encore 
percé l'alvéole ). Cette pièce appartient à un jeune 
lion. 

Le lion est fort rare dans nos grottes ; je n’ai trouvé les 
traces que d’un seul individu dans les grottes du four à 
chaux d’Aurensan. 

Panthère de Laurillard, Felis Laurillardi Nob. 
1 demi-maxillaire de droite, dépourvu de sa canine, ( Ce 


( 135, ) 
maxillaire est cintré ). 3 carnassières inférieures ; 
2 deuxièmes molaires supérieures ; 4 canines infé- 
rieures; 5 canines supérieures, beaucoup plus 
Jongues que les inférieures et plus aiguës. 

Recueilli dans la grotte de l'Élysée-Cotin , presque à 
l'entrée, à un mètre sous le sol, 

Je suis très-heureux de pouvoir payer ma dette de re- 
connaissance à M. Laurillard , par ce faible hommage , pour 
la bonté et les soins qu'il a bien voulu apporter à la déter- 
mination de mes fossiles. 

Chat sauvage, Felis ferus Linn. 
1 crâne avec une seule molaire ; 4 carnassière ; 1 calcanéum. 

Grotte d'Aurensan , mais nulle autre part. 


RONGEURS ( Carnivores ). 


Loir, Myoxus glis Gmel. 
5 demi-maxillaires ; 2 fémgrs. 
Lérot, Mus avellanarius Linn. 
2 demi-maxillaires ; 4 fémurs ; 2 radius; 2 cubitus. 
Grotte de V'Élysée-C otin. 
Souris, Mus musculus Linn. 
4 fémur. — Grotte d'Aurensan. 
Porc-épic, Hystrix cristata? Lion. 
4 incisives. — Grotte d’Aurensan , à une grande profondeur. 
RONGEURS (Herbivores ). 
Rat d’eau, Arvicola amphibia Linn ; 

Les débris osseux de ce campagnol sont excessivement 
communs dans toutes les grottes de la vallée de Campan. 
Ces débris se trouvent dans la couche supérieure et jus- 
qu’au fond des plus petites excavations. 


156 ) 
Campagnol des montagnes, Arvicola monticola De 
Selys-Longchamps. 

Moins commun que le précédent. On retrouve ses débris 
osseux jusque dans la brèche calcaire d’Es- Taliens , et dans 
toutes les grottes des montagnes. 

Campagnol des champs, Arvicola agrestis De Selys. 

6 demi-maxillaires inférieurs ; 6 fémurs; 6 humérus; 4 
cubitus. — Grotte de Serris. 

Campagnol trompeur, Arvicola decipiens De Selys. 

6 demi-maxillaires ; 4 fémurs ; 6 radius ; 4 cubitus; 20 in- 
cisives supérieures et inférieures. 

Grotte de l'Éh ysée-Cotin ,; mais nulle autre part. 

Lièvre des Pyrénées, Lepus pyrenœus Nob. 

1 tête où il n ‘est resté que 2 molaires; 1 portion de maxil- 
Jaire supérieure avec trois molaires; 1 atlas ;  : 
fémurs; 2 tibias ; 2 hugérus ; 15 métacarpiens de 
grandeurs différentes ; 1 calcanéum ; 2 demi-bas- 
sins. 

Ce lièvre est plus grand que celui qui vit actuellement. 
Sa tête est plus forte, plus busquée ; les fémurs et les hu- 
mérus sont plus longs. Commun dans la grotte d’Auren- 
san, à de grandes profondeurs. 

Lapin, Lepus cuniculus Lion. 

2 fémurs ; 2 tibias ; 7 métacarpiens et métatarsiens. 

Même lien que le précédent, mais moins enfoncé dans le 
limon inférieur à la couche de terre végétale. Rare. 

Hérisson, Erinaceus europæus Linn. 

2 fémurs ; 2 humérus : 5 canines. : 

_ Grotte d’Aurensan. Très-enfoncé dans les argiles calca: 

rifères et au fond des grottes. — Très-rare. 


(437) 
PACHYDERMES ( Proboscidiens ). 
Éléphant, £ lephas primigenius Linn. 
1 arrière-molaire de jeune éléphant, trouvée parmi des 


dents de rhinocéros. 
Grotte d’Aurensan , à un mètre de profondeur. 


PACHYDERMES (Proprement dits), 


Sangliers, Sus scrofa Linn. 
6 canines supérieures , dont 2 brisées ; 6 inférieures ; 8 in- 
cisives ; 7 arrière-molaires ; 11 fausses - molaires ; 
1 fragment de maxillaire inférieur; 2 vertèbres 
dorsales et quelques phalanges. 

On trouve les restes de ces animaux dans plusieurs es 

tes, et toujours à de grandes profondeurs. 
Rhinocéros, Rhinoceros tichorhinus Cuvier. 

2 molaires supérieures d’un individu adulte; 5 molaires 

supérieures de remplacement ; 2 germes ; 5 mo- 

‘laires inférieures, dont la seconde présente ce 

caractère : La bifurcation du lobe médian au point 

- de rencontre des deux naissances (M: Lartet); 1 

col de fémur; 1 portion inférieure d'humérus ; 1 

astragale ; 1 métatarsien entier et une portion in- 
férieure ; 4 2° phalange. 

Ce pachyderme est commun dans la grotte de Baudéan, 
très-rare dans celle d’Aurensan. M. Lartet possède un fémur 
trouvé dans la grotte de Baudéan, et ce savant croit {as 

ce fémur appartient au, Rbinocéros du Cap. té 
Rhinocéros d'Afrique Rhinoceros teen Cuvier . 
Eh. 


1 molaire supérieure d'une. telle _—. an ‘on * emirait 
qu'elle vient d’ être extraite d’un Rhinoceros vivant. 


(138 ) 

Grotte d'Aurensan, où je ne l'ai découverte qu'au com- 
mencement de 1852. 

SOLIPÈDES. 
Cheval, Equus caballus Lino. 

40 molaires supérieures ; 36 molaires inférieures ; 8 incisi- 
ves; 1 fragment d’humérus; 4 astragales ; 3 mé- 
tatarsiens entiers ; plus de 20 parties inférieures 
de métatarsiens. J'ai trouvé, dans plusieurs de ces 
fragments, la partie médullaire remplie de molai- 
res de campagnols, tout en observant que ces dé- 
bris étaient recouverts de près de 2 mètres d'argile 
calcarifère ; 2 premières phalanges ; 3 2=°*; 6 3°. 
idem ; 2 vertèbres lombaires; 12 molaires de lait, 
et une vingtaine appartenant au jeune âge, portant 
5 fortes nervures longitudinales. 

Le cheval est commun dans toutes nos grottes, et même 
dans une brèche qui recouvre le sommet du prolongement 
du mont Bédat. 

Dans une grande partie des restes d’humérus et de mé- 
tatarsiens , aux articulations supérieures ou inférieures, on 
aperçoit des traces de dents d’un grand carnassier , ce qui 
ferait croire que ces animaux ont été la proïe des hyènes ou 
des ours. 

RUMINANTS ( à bois solides ). 
Cerf des Pyrénées, Cervus pyrenœus Nob. 

Les molaires supérieures sont encadrées , à leur base 
interne , d'une bordure saillante et frangée. Entre les deux 
cylindres , il y a un tubercule qui mesure 5 à 8 millimètres. 
La face externe a ses bords très-saillants et arrondis. Les 
molaires inférieures sont pourvues d’un très-petit tubercule 
interne. Les molaires de lait ont ce tubercule plus saillant 


( 139 ) 

que dans les molaires supérieures. Je n’ai rien trouvé d'a- 

nalogue dans l'ouvrage de M. Marcel de Serres, dont je 

remercie affectueusement le bon pasteur Frossard, de 
m'avoir procuré la lecture. 

20 molaires supérieures ; 25 molaires inférieures ; 1 maxil- 
laire inférieur de droite; 6 métatarsiens; 2 pre- 
mières phalanges ; 6 3°°*; 1 fémur; 8 astragales ; 
6 calcanéums ; plusieurs morceaux de bois, partie 
inférieure , munie de sa meule ou couronne. 

Ce cerf est très-commun dans les grottes de Baudéan, 
d'Aurensan et dans la brèche d'Es-Taliens. 

Cerf de Lartet, Cervus Lartetii Nob. 

Espèce plus petite que la précédente. Les molaires supé- 
rieures très-larges , dépourvues de cercle à la base interne, 
ou en ayant un, peu saillant, entre les deux cylindres. Ces 
molaires sont presque carrées et à couronne courte. Les 
molaires inférieures ont les bords externes peu saillants et 
celui du milieu très-évasé. 

4 demi-maxillaire inférieur de gauche ; une vingtaine de 
molaires supérieures ; très-peu d'inférieures ; 6 cal- 
canéums; 6 astragales; quelques portions supé- 
rieures et inférieures de métatarsiens. 

Je n’ai trouvé cette espèce que dans la grotte d’Auren- 
san. Très-rare. 

Je suis heureux de pouvoir, par ce faible hommage , re- 
mercier M. Lartet de toutes les bontés qu'il a eues pour 
moi. 

Élan, Cervus alces Linn. 

1 demi-maxillaire inférieur, done Fe ses incisives. 

Grotte d’Aurensan , où je ne l'ai découvert qu'au com- 
mencement de 1852. 


( 140 ) 
Renne, Cervus tarandus Linn. 
3 demi-maxillaires de gauche , 2 d'adultes et 1 d’un jeune ; 
1 fragment d’un très-jeune avec 2 molaires de lait ; 


< P 
molaires ; quelques molaires inférieures ; 4 méta- 
tarsiens ; 1 tibia, dont la partie supérieure man- 
que ; À radius. 

Le renne n’est pas rare dans nos grottes ; on le retrouve 
jusque dans la brèche calcaire d’Es-Taliens. Je possède un 
bois presqu'’entier , provenant de cette brèche. 

Chevreuil, Cervus capreolus Linn. 

3 demi-maxillaires inférieurs, plus ou moins complets ; 
quelques molaires inférieures et 4 fragments de 
bois. 

Même lieu que le précédent ; beaucoup plus rare. 

Antilope Chamois ( vulg.! Zara ), Antilope rupi- 
capra Linn. 

Une portion occipitale munie d’un reste osseux de corne; 
2 restes osseux , séparés, de corne ; À moitié infé- 

-_ rieure de maxillaire de droite; 4 vertèbre lombai- 
re ; 2 astragales ; À calcanéum. 

Cette Antilope, très-commune sur nos Pyrénées, est très- 
rare à l’état fossile, — Grotte d’ Aurensan. 

Bouquetin des Pyrénées, Jbex pyrenœus Nob. 

2 arrière-molaires inférieures de gauche ; 1 portion osseu- 
se , partie supérieure , d’une femelle. 

Même lieu que le précédent. 

Œgagre ( Chèvre sauvage ), Capra ægagrus Gmel. 

Une moitié inférieure de maxillaire de gauche. 

Les dents différent de celles de nos chèvres sed 

Même lieu que le précédent. Très-rare. 


( 141 ) 
RUMINANTS ( à cornes creuses ). 
Bœuf aurochs, Bos ferus Linn, 
( Bos urus Gmel. ) 

18 molaires supérieures ; 16 inférieures ; 2 portions osseu- 
ses supérieures de cornes ; 3 métatarsiens posté- : 
rieurs; 2 id. antérieurs; 4 3. phalanges ; 2 2° 
id. ; 10 astragales ; 5 calcanéums ; 4 scaphoïdes de 
tarse. 

L'aurochs n'est pas rare dans nos s arolte 

Ce bœuf se trouve jusque dans la brèche calcaire du 
Mont Bédat et d'Es-Taliens. 

Je possède un fragment de maxillaire inférieur d’un 
jeune individu ; la dernière molaire de lait n’a pas percé 
l'alvéole. J'ai trouvé ce morceau dans la grotte de Serris. 

Bœuf des Pyrénées , Bos pyrenœus Nob. 

Ce bœuf diffère de tous ceux des brèches de Nice et des 
cavernes de Lunel-Viel. Ses molaires supérieures sont 
presque carrées. Le cône entre les piliers est très-saillant 
et se termine brusquement au sommet. Dans les molaires 
inférieures de lait, le cône n'atteint que la moitié de la 
dent, et se trouve tout-à-fait libre dans les molaires de 
l'animal adulte. Ce cône suit toute la longueur des piliers, 
et se termine insensiblement, sans former de saillie entre 
ces piliers. 

25 molaires ; 16 arrière-molaires Re Eee 16 molaires 
inférieures; 4 incisives; 2 fragments osseux de 
cornes; 2 fragments de tibia, partie inférieure ; 

12 astragales; 3 calcanéums; 5 métatarsiens en- 
tiers; 2 premières phalanges ; 5 à sl 6 5; 
4 ee vertèbre cervicale. 


(142) 
Ce Bœuf est plus commun que le précédent. Partout, on 
reconnait sa présence par les nombreuses dents que l'on 
voit dans toutes nos grottes et dans la brèche calcaire. 


OISEAUX. 


Faucon, Falco tinnunculus Temminck. 

4 fémur ; À humérus ; 1 cubitus ; 2 radius; À portion infé- 

rieure de mandibule ; 1 tarse ; 1 fourchette. 

Aigle, Falco fulvus Linn. 

4 mandibule inférieure ; À carpe. 
Milan , Falco milous Linn. 

4 humérus; 1 carpe; 1 moitié supérieure de cubitus. 
Pie, Corvus pica Linn. 

À tarse. 
Chouette, Strix aluco Meyer. 

1 tarse. 
Grive, Turdus.. 

1 tarse ; 4 humérus ; 6 omoplates. 


4 moitié supérieure de mandibule ; 12 radius , appartenant 
à diverses espèces; 3 cubitus. 
Coucou, Cuculus. 
4 fémur ; 1 coracoïde. 
Coq de bruyère, Tetras auerhan. 
4 humérus ; 3 cubitus ; À radius ; 5 coracoïides, 
Caille, Perdix coturnir Linn. 
1 tarse. 
Chevalier, Totanus Bechst. 
2 portions inférieures de tibia. 


(143 ) 
Barge, Limosa Leisler. 
4 fémur ; 1 portion inférieure de tibia. 

Tous les ossements d'oiseaux appartiennent au terrain 
meuble superposé au terrain argilo-calcaire ferrugineux , 
dans lequel gisent les ossements de quadrupèdes. 

Ce terrain supérieur que je nomme meuble est une terre 
un peu sèche, composée de débris de bois, de mollusques 
et de très-petits graviers , le tout intimément mêlé et sans 
aucune solidité. Ce terrain remplit l'espace vide des grottes 
du monticule calcaire d’Aurensan. C’est aussi dans ce ter- 
rain que j'ai trouvé les espèces suivantes : 


REPTILES ( Batraciens). * 


Grenouille , Rana virginiana Cuvier , ( oss. foss. ). 
2 avant-bras ; 4 fémur. 
De plus, 6 fémurs appartenant à 3 espèces non-détermi- 
nées. 
Crapaud, Bufo agna , Daudin. 
( Rana marina Gmel. ). 


1 fémur de gauche ; 6 fémurs plus petits, à déterminer. 
MOLLUSQUES TERRESTRES. 


Helix hortensis Drap. 
Plus commun dans le terrain meuble que dans le terrain 
inférieur. Ce mollusque est excessivement commun dans 


toutes nos grottes. 


4” ai vu done lon sésame PRES SEC SEOMRS à 


Ke 
+ 1 RCE PAGE TS 


des débris agglutinés et tassés en si grande sbondetité das 
un couloir, que je ne peux m'expliquer la présence de ces 
débris que par un courant d’eau venant du haut de ce ma- 


{ 144 ) 
melon. Ce courant aurait entraîné ces mollusques au fond 
du couloir, et le poids de l’eau aurait brisé leur test, 


Cyclostoma elegans, Drap. 
Très-rare ; au même lieu. 
Bagnères-de-Bigorre, Octobre 1851. 


Prize , nat. 


VIH. MoxoGraPgiE des espèces du genre CERASTIUM 
qui font partie de la Flore de Toulouse; par M. E. 
T. ARRONDEAU , correspondant. 


“Les espèces de Cerastium, qui croissent aux environs de 
Toulouse, ne sont ni fort nombreuses , ni fort difficiles à 
distinguer. Mais il a régné long-temps, dans l'étude de ce 
genre, une telle confusion, qu’on me saura peut-être quel- 
que gré de rétablir ici la diagnose et la synonymie des espè- 
ces Toulousaines. Une étude scrupuleuse % la nature a 
d’ailleurs servi de base à ce travail rédigé, à une époque 
déjà assez éloignée , d’ après l'excellente monographie de 
M. Grenier, et complété depuis à l'aide des travaux les plus 
récents , à la tête desquels je place les savantes recherches 
publiées par M. Ch. Des Moulins, dans les Actes de la 
Société Linnéenne, années 1840 et 4846. 

… CERASTIUM (Linné ). Calice à 5 ou rarement 4 sépales ; 
pétales en nombre égal à celui des sépales, rarement en- 
tiers , ordinairement bifides ou bipartites ; 5 à 10 étamines : 
5 à 4 styles; dents de la capsule en nombre double de celui 
des styles. 

Plantes printannières , sauf le C. triviale qu fleurit toute 

‘année. : . 


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(145 ) 


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Towe XVIII. 


Secr. I. — 5 pétales bifides; 5 styles opposés aux sépales. 
A.— Racine vivace. 
4. C. Triviase Link. — Koch, Syn. — Bor. F1. cent. — 
Coss. et Germ. FI. Par. 
C. vulgatum Linn. sp. p. 627 ; Gren. mon. — Chaub. 
Arch. de bot. — Noul. FI. s.-pyr. p. 104. 
C. viscosum Smith. — DC. F1. fr. — Dub. bot. — 
Lapeyr. F1. pyr.— Benth. Cat. pyr. 
Vaill. bot. tab. XXX, fig. 1. — Germ. ill. Par. pl. IV, 
fig. 1. 

Cette espèce qui se rencontre partout et pendant presque 
toute l’année, se reconnaît facilement à ses feuilles oblon- 
ques lancéolées, à ses pédicelles plus longs que le calice, à 
ses sépales obtus membraneux au sommet, ainsi que les 
bractées supérieures. Ses pétales sont lancéolés, divisés 
en deux dents qui atteignent presque leur milieu. Les cap- 
sules sont doubles du calice, à dents lancéolées. Toute la 
plante est d'un vert foncé, velue mais rarement visqueuse. 
Ses tiges couchées à la base sont souvent radicantes. 

Le: C’est à tort que Bentham ( Cat., p. 69 ) et, après lui, M. 

(A s.-pyr., p. 104 }, rattachent comme variété au C. trt- 

viale, le C. L ub. — M. Chaubard dit expressément 

(Arch. bot., I, p. 46), que son C. obscurum diffère du vulgatum 

par sa taille moindre , ses poils constamment très-visqueux et ses 

fleurs presque toujours à 5 étamines. C’est le C. glutinosum, décrit 

ci-dessous sous le n. 5. 

: B.— Racine annuelle. 

2, C. eLomenaTum Thuil. FI. Par.— Koch. Syn.— Bor. F1. 
cent.— Coss. et Germ. FI. par, 

C. viscosum Linn. sp. p. 627.— Chaub. Arch. bot. et 

FI. Ag.— Noul. FL s.-pyr. p. 102.— Gren. mon. 

C. vulgatum Smith. — DC. FI. fr.— Ser. Prodr. — 
Dub. Bot.— Benth. Cat. p. 69. 


(147 ) 
C. semi- désandrum Noul. FI. s-pyr. p.103. 
Vaill. Bot. par. tab. XXX, fig. 3. — Germ. ill. Par. 
pl. IV, fig. 3. 

Plante d'un vert päle, presque toujours visqueuse. 
Feuilles ovales arrondies. Pédicelles ne dépassant jamais 
la longueur du calice. Bractées toutes herbacées. Sépales 
aigus, à peine membraneux sur les bords dépassés par les 
poils. Pétales linéaires divisés en deux dents qui n’attei- 
gnent que le tiers de leur longueur, ciliés vers l'onglet. 
Filets des étamines glabres. Capsule double du calice. 

Très-commun dans les lieux cultivés, le long des che- 
mins , elc. 

Obs. Malgré l'autorité de Smith suivi par De Candolle, Dubr, etc., 
les botanistes s'accordent aujourd’hui à rendre le n um 
à notre n.° 2 qui est ppesque toujours visqueux, et ET de vulga- 
tum au n.0 1 qui ne l’est presque jamais. La confusion qui a régné 
longtemps entre ces deux synonymes s’explique par une méprise de 
Vaillant, dans la désignation des fig. 1 et 3 de la planche XXX de 

son Botanicon Parisiense, méprise que Linné aurait relevée sciem- 
ment dans le Species, et qui, plus tard, par une prétendue rectifica- 
tion , aurait amené une transposition d'étiquettes dans son herbier. 
La lecture du Species ( ed. 3.2, p. 627 ) ne peut laisser aucun ddlie 
à cet égard. Linné donne positivement pour son C. vulgatum la 
fig. 1 de Vaillant, mais en citant la phrase « Myosolis arvensis hir- 
suta, parvo fiore albo ». Or, par une erreur évidente , la planche 
de Vaillant porte le n.° 3 pour la plante à laquelle s’appliquent ces 
mots. Je dis que la méprise est évidente : car, à la page 142 du 
texte du Botanicon, la phrase insignifiante qui précède est réunie à 
cette autre phrase de Morison : « Alsine hirsula allera viscosa, 
foliis longis saturatiüs virentibus » dont la dernière partie ne peut 
évidemment s'appliquer qu’au C. vulgatum du Species, figuré sous 
le n.° {. Cela posé , la fig. 3.de Vaillant ne peut plus appartenir qu’à 
son « Myosotis hirsuta altera eiiens: es 0t:d'odt. 08 CR denique 
Linné appelle viscosum. 

Quoiqu'il en soit, en présence du double emploi de ces deux sy- 
nonymes appliqués en sens inverse par un nombre à peu près égal de 


( 148 }) 

botanistes , il me semble plus clair d'admettre les noms de Link et de 
Thuïillier, à lexemple de Koch dans son Synopsis ; exemple suivi du 
reste par M. Boreau dans la Flore du Centre, et par MM; Cosson et 
Germain dans celle des environs de Paris. 
3. C. racuyperaLuM Desp. in Pers. syn. 520. — DC. FI. 

fr. — Gren. mon. — Koch, Syn., etc. 

C. semi-decandrum. Chaub., Fe bot, I, p. 48. — 

Benth. cat. p. 72; Lin 

Germ. ill. Par. pl. IV, fig. 6. 

Plante couverte de longs poils mous et grisâtres, haute 
de 1 à 2 décimètres, rarement un peu visqueuse au som- 
met. Feuilles ovales oblongues. Bractées toutes herba- 
cées. Pédicelles beaucoup plus longs que le calice. Calice 
cylindrique à sépales aïqus longuement dépassés par des 
poils soyeux. Pétales cunéiformes bifides , plus courts que le 
calice, ciliés à la base. 10 étamines à filets barbus à la base. 
Capsule surpassant le calice de moitié. 

A: R. Cette espèce est beaucoup moins commune que les 
deux précédentes. Je l’ai trouvée à Pech-David, sur le che- 
min qui conduit au bois de Larramet, et dans les Champs 

tour de la forêt de Bouconne , du côté de Pibrac. 

M. Chaubard dans la Flore Agenaise. et dans les Archives de 
Botanique (loc. cit: ), rapporte le brachypelalum au semi-decan- 
drum de Linné. Mais , il le reconnaît Iui-même;le brachypetalum a 
dix étamines fertiles. Comment Linné l’aurait-il nommé semi-decan- 
drum? D'ailleurs les mots « pelalis acutè emarginatis » par les- 
quels Linné distingue son espèce ( Spec. p. 628), ne peuvent en 
aucune façon s’appliquer au brachypetalum qui a les pétales divisés 
jusqu’au milieu en deux dents arrondies. 

L'auteur de l'excellente Flore du Bassin sous-pyrénéen, qui avait 
d’abord adopté l'opinion de M. Chaubard , a rétabli dans son supplé- 
ment (1846 } le C. brachypetalum , en excluant le synonyme de 
Smith. Malgré cette rectification, je crois pouvoir présenter cette es- 
pèce comme nouvelle pour la Flore de Toulouse. J'avais d’abord 
conçu quelques doutes en voyant que l’auteur ne donnait à sa plante 


( 149 ) 
ue 5 étamines, et qu’il ne ti it 

bus, circonstance qui certainement n »éût pas échappé à un observa- 
teur aussi exact. Mais tous mes doutes ont disparü à l'inspection des 
échantillons que j’ai reçus de l’obligeance de ce savant botaniste , et 
qui appartiennent indubitablément au C. gtomeratum. Ainsi je m’ex- 
plique comment l’auteur donne à ces deux plantes le même port, 
et comment il indique la première comme très-commune, tandis 
qu’elle est infiniment plus rare que la seconde. 


4 Fee 4 CET CN 4 


4. C. semi-pecanprus Linn. spec. p. 627.— DC. F1. fr.— 
Dub. bot. — Gren. mon. et FI. fr. 8 
: €. pellucidum Chaub. FI. ag. et Arch. bot. — Sering. 
in DC. Prodr.— Noul. FL. s.-pyr., p. 105 et suppl. 
p. 10. 
C. varians, B Coss. et Germ. F1. Par. 
Vaill. bot. Par. Tabl. XXX,, fig. — Germ. ill. Par. 
pl: V, fig. 7 
Feuilles petites ovales. Pédicelles plus longs que le calire, 
réfléchis après l'anthèse. Toutes les bractées bordées d'une 
membrane transparente, large, denticulée. Cinq étamines à 
filets glabres. Péfales lancéolés plus courts que le calice ou 
atteignant à peine sa longueur, échancrés au sommet et of- 
frant deux dents aiguës. Capsule double du calice. Graines 
tubereuleuses (à la loupe). 
A. C. Lieux secs, bords des champs. 
Obs. 1. Le savant botaniste de l’expédition de Morée , voulant que 
le C. brachypetalum Desp. soit le semi-decandrum. Linn. , aflirme 
(Arch. bot., t. 1, p. 47 ) que son pellucidum diffère de ce dernier. 


1 se fonde sur l'absence des 5 filets stériles indiqués par l’auteur du 
Gmneone 4 


Species et et sur la jongueur plos grande des pétales. Or, MM 


et Germain, d 


4 L re 


des nn mr. QG j Pre da à ue 
£ rh ten D dei de dd de 
pie ; P se 
quemment plus: courts que le cali “ t er ; je l'ai déj: , les 
2 > #4, +, De né. 


et ne peuvent s'appliquer qi Pa notre plante. D'un autre côté, l’auteur 


(150 ) 
de la Flore du-bassin sous-pyrénéen dit ( p. 105) que le pellucidum 
diffère du semi-decandrum par ses bractées largement membra- 
neuses : mais Linné n’a dit nulle part que son semi-decandrum n’eût 
pas les bractées membraneuses et, au contraire, il lui applique la 
fig. 2 de Vaillant qui les représente manifestement scarieuses à leur 
extrémité 

Obs. 2. ‘Ces observations étaient rédigées depuis longtemps lors- 
que j'ai lu dans l'excellente Flore de Tarn-et-Garonne, publiée par 
M. Lagrèze-Fossat, le passage suivant, extrait d’une lettre de M. 
Chaubard : « Cette plante (le C. pellucidum) ne peut être rapportée 
» au semi-decandrum de Linné, 1.° parce qu’elle n’a pas dix filets, 
» dont cinq à anthères fertiles et cinq à anthères avortées; 2.° parce 
» qu’on ne peut pas dire d’elle, colore incano nec viridi, comme le 
» dit Linné de son semi-decandrum en le comparant au pentandrum. 
» Cela posé , si l’on essaie de rapporter le brachypetalum de Des- 
» portes au semi-decandrum de Linné , rien de réel ne s’y oppose, 


» semi-decandruin , avait sous les yeux le brachypetalum de Des- 
portes, mais ses échantillons étaient anomaux , par l'avortement de 
» cinq anthères ». J'avoue que cette lecture ne m’a pas fait changer 
d'opinion. Si M. Chaubard, pour sauver son pellucidum , admet dans 
le brachypetalum mere biens re RE GE de cinq an- 
thères , il doit admettre d 5 filets sté- 
riles , avortement observé par les consciencieux auteurs de la Flore 
de Paris (loc. eit. } : ainsi tombe la première objection. « Rien de 
réel, poursuit l’auteur, ne s'oppose au rapprochement des brachy- 
pelalum et semi-decandrum ; excepté, répondrons-nous, les pétales 
émarginés et les bractées membraneuses du second, caractères plus 
importants, ce nous semble , qu’une nuance de couleur qui, après 
tout, a ’est que relative. 

En , il existe deux plantes bien distinctes, deux espèces 
admises par tous les botanistes : le C. brachypetalum de Desportes, 
et le C. pellucidum de M. Chaubard. Toute la question est de savoir 
à mare des deux s ame le nom linnéen , l’autre devant seule 

son nom moderne. Or, en présence des cinq élamines à 

etre fertiles, des séss émarginés que Linné donne à sa plante 
bractées scarieuses que représente la figure qu’il lui attribue, 

er rrrmetenaie part que le brachypetalum a dix étamines 


( 151 

fertiles, des pétales bifides à dents arrondies et les bractées toutes 
herba cées, le doute ne me semble pas possible : le C. brachypeta- 
lum doit subsister , et le pellucidum deit céder la place au semi- 
decandrum de Linné. 

5. C. eLurinosux Fries, — Koch, Syn. p. 133.— Gren. FI. 

fr. p. 268. 
alsinoïdes Gren. mon 
obscurum Chaub. F1. _. et Arch, bot.; non Benth. 


we se - 


Cat 
præcox Noul. FI. s.-pyr. p. 103 et mb. p. 10. 
varians a Coss. et Germ. F1. Par. p. 38. 

Germ. ill. Par. pl. Vfig. 1-6. . 

Plante très-visqueuse. Tige droite, quelquefois simple à 
la base : le plus souvent tige centrale dressée, es latérales 
ascendantes. Feuilles ovales un peu pointues. Pédicelles 
doubles du calice, courbés étalés après l’anthèse. Bractées 
supérieures bordées d'une membrane étroite et souvent à 
peine visible. Fleur ouverte, comme campanulée; sépales 
aigus ; pétales obcordés, se recouvrant sur les bords, bifides 
à dents arrondies écartées, dépassant presque toujours le 
calice. Etamines en nombre variable (de 5 à 10). Capsule 
environ double du calice. Graines un peu rugueuses (à la 
loupe), mais à aspérités moins prononcées et plus arrondies 
que celles du C. semi-decandrum. 

C. Pelouses sèches, champs sablonneux. Premier co- 
teau de Pech-David ; bords du canal du Midi; rive droite de 
la Garonne , au-dessous de l'embouchure du canal. 

Obs. Le C. præcox Ten. (Fi. neap. p. 27 ) serait caractérisé par 
la présence de 40 étamines fertiles et la longueur des pétales. Mais 
le nombre des étamines, PE dons le D: Are rend ce 


dictin on act de mme 


de la Jongueur des pétales , cu du gluten déasaut even 


Actes de la Société Linnéenne de Bordeaux ( Mars 1846 ) , M. Ch. 


152 ) 

Des Moulins nous apprend quelle confiance on doit avoir dans les 
Cerastium de Tenore. Ce savant a vu une étiquette autographe de 
Tenore portant C. præcox et qui accompagnait deux échantillons 
dont l’un appartenait au C. campanulatum Viv., l’autre au semi- 

Lion. D’un autre côté, MM. Cosson et Germain, dans 
leur Flore des environs de Paris, ouvrage remarquable à tant de 
titres , réunissent le C. præcox, comme sous-variété, au C. obscu- 
rum Chaub. et en font la variété &« de leur C. varians. (loc. cit. ). 
Admettant complètement ce rapprochement , nous ne pouvons ac- 
cueillir de mème la réunion en une seule espèce des C. semi- 


pétales courts, étroits, à dents aigues peu profondes dans le semi- 
deca tandis qu’ils sont larges , bifides à dents arrondies dans 
le etétnionsh : ; enfin , les graïînes beaucoup plus tuberculeuses chez 
le premier que chez le second, tels sont les caractères qui nous 
semblent maintenir surabondamment la distinction de ces deux espè- 
ces. 

Quant à ce qui concerne particulièrement les plantes que nous 
avons observées aux environs de Toulouse , nous devons ajouter que 
les échantillons du €. præcoæ (Noul. F1. et Suppl. } que nous avons 
cueillis au lieu indiqué par l’auteur (rive gauche du canal du Midi }, 
et celui même que nous tenons de l’obligeance de ce savant natura- 
liste , ne nous ont paru différer en rien du C. glutinosum que nous 
avons récolté en abondance , principalement sur le premier coteau 
de Pech-David. Nous en dirons autant du C, obscurum ( Serres, 
F1. Toul, p. 14 ) : les échantillons pris à la localité indiquée ( bords 
de la Garonne , au-dessous de l’embouchure } appartiennent à une 
forme précoce, grèle et ou simple du C. glutinosum. C’est la 
forme minus de M. Ch. Des Moulins ( loc. cit. p. 66). 

Nous avons déjà protesté contre le rapprochement des C. obscu- 
rum Chaub. et triviale Link. Outre la forme des sépales , obtus dans 
l’un, aigus dans l’autre; celle des pétales, larges, obcordés dans 
le premier, lancéolés, à dents rapprochées dans le second; le €. 
obscurum est annuel , tandis que le friviale a la racine pérennante. 
Le premier doit d’ailleurs à ses tiges dressées , à ses fleurs ouvertes, 
à sa surface toute Se apiss de ms visqueux, un sos mi le fait 
aisément distinguer 


lil mt AR di SH ÉÉÉÉ ÉRÉl Éd EEEEELELE ES - 


( 153 ) 
Secr. Il.— 4 pétales entiers; 4 styles opposés aux sépales. 


LA 


6. C: eRECTuM Coss. et Germ. F1. par. p. 39. 
C. glaucum , y quaternellum Gren. FI. fr. p. 267. 
Sagina erecta Linn.— DC. FI. fr.— Noul. F1. s.-pyr. 
Vaillant, Bot. par. tab. III, fig. 2. 

Plante glauque. Feuilles linéaires aiguës. Fleurs portées 
sur de longs pédicelles. Pétales plus courts que le calice. 
Capsule à 8 dents, plus courte que le calice. 

A. R Cette plante n'est pas très-commune dans nos 
environs. M. Noulet l'indique à Larramet; M. Serres au 
Polygone ; je l'ai cueillie sur les bords du Touch, au-des- 
sous de Saint-Martin. 


SECT. II. — 5 pétales bipartites; 5 styles alternes avec 
les sépales. 


7. C. aquaricuu Lion.—DC. Fr. fr.—Noul. FL es-pyr. p.106. 
Molachium FRERE Fries: — Gren. FI. fr. p: 273. 
Tiges nombreu tombantes. Feuilles cordiformes , 
ofaléé acuminées. prie pus: creed ae 
peu le calice. 
A. C. Lieux humides. Bords du Touch; de la Garonne 
à Blagnac et à Bauzelle. 


— La forme des pétales, étudiés sur les plantes vivantes , 
est ru caractéristique pour suffire seule à distinguer 
ment les diverses espèces, ainsi que le montre le tableau suivant :. 


emarginés , à ste digues nn EE. semi-decandrum. 
cunéiformes, bifides. brachypetalum. 
sp cés) ges bilobés.. . glomeratum. 
. 0 1 obes F4 FE M 


X ed 
‘ di “runs à. lobes + : ” 
mises Fo RE pin . 
Toulouse, Mars 25. 


ARRONDEAU. 


( 154 ) 


IX. Note sur la CLAVAIRE CRÉPUE des anciens 
auteurs; par M. L. DE BRONDEAU, correspondant. 


Cette cryptogame dont Fries a formé le genre Sparassis , 
croit assez fréquemment dans les bois de pins des environs 
de Bordeaux; cependant elle n’a pas été mentionnée par 
les botanistes qui ont eu l’occasion d’herboriser dans cette 
contrée. Elle ne se trouve pas décrite dans le Botanicon 
Gallicum; mais M. d'Orbigny l'indique dans les environs 
de Paris, sur les troncs de sapin ( voyez D'Orb., dict. univ. 
d’hist. nat. p. 741 }. Elle me paraît avoir été confondue 
par les botanistes du Sud-Ouest de la France avec la Cla- 
vaire foliacée ( Saint-Amans, Fl. Agen. p 541), plante 
bien différente, qui doit être rapportée aux Merisma 
( Merisma Amansii. Brond. crypt. Agen. pl. 12 ). 

La plante qui croît dans les environs de Bordeaux , est-elle 
différente de celle que M. Chantelat a trouvée dans les bois 
près de la Teste ( Actes de la Soc. Lin. T. XII, p. 258 )? 
C'est chose aisée à vérifier par la comparaison de la descrip- 
tion de Fries avec celle de la plante de Saint-Amans ( Re- 
ceptaculum carnosum, ramosissimum ; rami dilatati plani, 
lœviusculi, à membrand duplici ( Agaricorum instar lamel- 
larum ) connex4 compositi, utrinqué ascigeri }; la descrip- 
tion de la Flore Agenaise se trouvant incomplète, je place 
ici celle que j'ai faite sur la plante vivante après la publica- 
tion de cette Flore. 

Merisma. Magnum erectum , cespitoso -ramosissimum , 
coriaceum, Ramis compresso-foliaceis, imbricato-circinna- 
tis, sub-distinctis sulcatis, apice sinuosis involulis, gla- 
bris, albido-testaceis ( non malè olens ). 

Ce beau champignon, objet de l'admiration du célèbre 


(155 ) 
Fries (omnium quotquot vidi fungorum speciosissimus , Syst. 
myc. p. 465), m'a été communiqué par M. E. et M. D. 
Espèce comestible, très-recherchée, et qui se vend sur 
les marchés de Bordeaux. Couleur d'un blanc jaunâtre; 
celle des spores blanche. 


ERRATA du T. XVII ( Mémoire de M. de Brondeau, intitulé : 
Description de cinq espèces nouvelles de Cryptogames ). 
P. 299. ligne 13. Deux mots sont omis au commencement de la 
ligne : des figures. 
Ibid. ligne 28, au lieu de « Fries, myc. eur. ? », lisez : Fries, 
Syst myc. 
Reignac ( Lot-et-Garonne }, 19 Avril 1852, 


L. DE BRONDEAU. 


X. Note sur l'Érosion pu TÊT chez les coquilles flu- 
viatiles univalves ; par M. Pauz FiscmEerR, membre 
auditeur. 


me 


Une question physiologique assez curieuse a été soulevée 
en 1849 par M. Gassies (1), touchant la dégradation du 
têt chez plusieurs mollusques univalves. Dans la description 
de la Limnea Nouletiana G., il fait remarquer que cette 
espèce est toujours corrodée. 

« En cherchant l'explication de cette singularité, dit-il, 
» j'aperçus un petit myriapode aquatique caché dans un 
» sillon et qui rongeait l’encroutement et la coquille elle- 
» même. Je brossai le têt, et je vis des parties perforées 


(1) Mollusques de l'Agenais. 1849. 


(156) 

» que le mollusque n'avait pu réparer ,.et par où il parais: 
» sait à mu.— Je: mis l'insecte dans une fiole pleine d’eau 
» pour le conserver, mais il s'enfuit; et dès-lors je n'ai pu 
» m'en procurer d'autres » (1). 

Plus loin il ajoute : 

« Les femelles des Néritines déposent leurs œufs sur les 
» pierres , les cailloux, les coquilles d'Unio , d'Anodonte et 
» d’autres Néritines ; l’éclosion de l'embryon détermine une 
» excoriation à la place sur laquelle il était fixé et y laisse 
» souvent une trace indélébile » (2). 

M. de Saulcy (3) a ajouté une troisième cause de dégra- 
dations chez les coquilles univalves : 

« Un fait que j'ai pu constater, c'est que toutes les Am- 
» pullaires avaient la spire cariée et comme rongée, et 
» pourtant j'avais eu le soin de ne choisir que des individus 
» irréprochables pour l'intégrité du test.. 

» Je me suis demandé s’il n’était pas naturel d'attribuer 
» l'érosion de la spire , à une même cause , l'impossibilité 
» de se procurer le calcaire indispensable à la sécrétion de 
» la coquille. 

» Leurs aliments, le verre qui les contenait, l’eau ne 
» retenant point de calcaire, où ont-elles pu en prendre si 
» ce n'est sur la spire de leurs voisines ? Force leur était 
» donc de s'attacher les unes aux autres, et de puiser dans 
» de mortels embrassements l'élément indispensable à cha- 
» Cune pour réparer ou augmenter sa coquille » (4). 

Trois causes différentes sont donc assignées par ces deux 
auteurs. Deux me paraissent devoir être écartées. . Le 


TR LS à og 


(1) Loc. cit. , p. 167. 

(2) Loc. cit., p. 185. 

(3) Note sur l’AMPULLARIA EFFUSA. Bull. Lk., Soc. _— nat. de 
la Moselle, 1851. 

(4) Loc. cit. p. 146-47. 


{ 157 ) 
myriapode que M. Gassies à trouvé rongeant un têt dé 
L. Nouletiana, s'était probablement introduit dans un de 
ses sillons, comme il se serait caché dans une anfractuosité 
quelconque. 

Quant aux œufs de Néritines, leur action corrodante sur 
le têt est presque nulle. Ils laissent bien une trace de leur 
passage, mais ne produisent jamais ces dégradations si 
considérables qu’on observe tous les jours et qui, par leur 
aspect même, font rejeter cette supposition. Du reste , les 
œufs des Limnées et des Planorbes, ont une action pres 
que égale lorsqu'ils sont déposés sur d'autres coquilles. 

Reste l'hypothèse de M. de Saulcy. Je me suis livré à des 
expériences qui tendent à confirmer les observations de ce 
naturaliste. 

Cent cinquante ou deux cents Limnées (L. stagnatis Dr. 
et palustris Dr.), très-j -jeunes , vivaient dans un bocal rempli 
au tiers de lentilles d’eau. Quoiqu elles ne fussent pas dans 
les conditions voulues pour uñ prompt développement 
néanmoins elles étaient assez volumineuses. Voulanit m'as- 
surer quel changement apporterait chez elles la privation 
du calcaire indispensable à leur accroissement , je suppri- 
mai leur nourriture habituelle, du pain. — Elles s’attachè- 
rent alors aux plantes aquatiques et les dévorèrent en quel- 
ques jours. La rapide consommation des lentilles d’eau 
n’avait rien d'étonnant ; car, une Limnée mangeant à sa 
faim ( si l'on peut ainsi parler}, prend au moins une masse 

d'aliments égale à son volume. Il est facile de s’en convain- 
cre, non-seulement en leur donnant des aliments à part, 
mais encore en les voyant expulser toutes les cinq minutes un 
excrément long, arrondi el très-variable dans sa . (1 

Les Limnées, après avoir mangé leurs. lentilles. dr, 
n’en vécurent pas moins quelque temps aussi bien portan- 
tes. Je trouvais souvent, au fond dé l’eau, des coquilles 


(158) 
vidées, mais presque jamais l'habitant du têt, qui avait dû 
être dévoré (1), car les Limnées sont omnivores, et il n’est 
pas rare de les trouver ainsi que les Physes attachées aux 
cadavres des animaux qu'on jette dans les fossés. J'en ai 
vu qui mangeaient leur frai peu de temps après lavoir ex- 
pulsé. 

Il y avait un mois et demi environ que les aliments 
avaient été retirés, lorsque parurent les premières traces 
d’une érosion de l'épiderme qui partait du sommet de la 
coquille. Je remarquai d'espace en espace, de petits trous 
arrondis, à bords nettement taillés, qui se retrécissaient 
en cône lorsque la couche de calcaire intérieure avait été 
entamée. Leur diamètre variait entre 1 et 2 millimètres. Les 
jeunes individus de la Limnea palustris, dont le têt est d’un 
brillant métallique dans la jeunesse , perdirent leur éclat et 
devinrent d’un brun sale , dès l'apparition des érosions. 

Vingt jours après, cette excoriation avait augmenté 
considérablement. Les cupules étaient plus rapprochées et 
formaient des sillons irréguliers. 

Rien, à cette époque , ne me faisait soupçonner la cause 
de ces désordres, qu’une maladie de l'animal ou de la co- 
quille n'aurait jamais produits. Dans le premier cas, l’ani- 
mal ne pouvait pas modifier l'extérieur de sa coquille, et 
dans le second, il y aurait eu désorganisation de l'épiderme 
par lames. Je ne vis jamais d'animaux autres que les 
Limnées dans l’eau , et celles-ci étaient trop jeunes pour 
pondre. Le soir, elles se promenaient sur les parois de 


(1) En état de santé ou de maladie, les Limnées sont toujours 
très-peu adhérentes à leur coquille. Si elles viennent à mourir , il y 
a contraction extrème de l’animal , qui, n’étant plus attaché au têt, 
en sort au moindre mouvement de l’eau. La Limnea ovata Dr., par 
exemple, se vide en quelque sorte elle-même. 


( 159 }) 
leur bocal en les raclant par le mouvement continuel et bi- 
zarre de la bouche, que M. Ch. Des Moulins a nommé /éche- 
ment ; où bien faisant sortir la tête et le pied hors de leur 
coquille, elles restaient au milieu de l'eau, sans vouloir mon- 
ter à la surface, ou tomber au fond du vase. D’autres fois, 
elles quittaient leur bocal, rampaient sur le sol en y laissant 
une trace brillante semblable à celle des Hélices, et pen- 
dant 24 ou 48 heures se tenaient hors de leur élément 
sans périr. Ces divers mouvements, fréquents vers le com- 
mencement de la nuit, augmentaient encore dans toute la 
durée de celle-ci; ce qui me fait penser que, comme la 
plupart des mollusques terrestres et fluviatiles, les Limnées 
vont chercher leur nourriture le soir et fuient la lumière. 

Mais vers le jour, ces mollusques se réunissaient en 
groupes de cinq ou six, ce qui est assez étonnant, car dans 
les ruisseaux ils sont presque toujours isolés, et bien moins 
sociables que les Planorbes et les Physes. Dans cette posi- 
tion, ils ne laissaient passer qu’une partie du mufle et des 
tentacules applatis contre celui-ci, et restaient ainsi cinq ou 
six heures (1). 

Vers le milieu du troisième mois, je pus faire les remar- 
ques suivantes : 

Dans l’espace de deux mois et demi, ces individus n’a- 
vaient pas accru leur têt, en longueur et largeur. Bien 
au contraire, quelques-uns offraient un sommet tellement 
corrodé , que la coquille paraissait tronquée ; mais chez 
quelques autres, elle était d’une épaisseur remarquable. 
La marche ordinaire de la nature se trouvait interverlie 
dans ce cas, puisque des coquilles univalves s'étaient accrues 


(1) Ce n’est que dans l'eau que les mollusques fluviatiles peuvent 
tenir leurs tentacules levés; dès qu'ils sortent de cet élément, les 
tentacules s’affaissent. 


L 


( 160 ) 
par couches superposées, à la manière des bivalves. En effet, 
l'érosion souvent assez profonde du têt avait porté les mol- 
lusques à l’épaissir aux endroits où il était trop mince; 
de même que les Mulettes trouées par Linné produisaient 
de nouvelles couches nacrées ou des perles , ‘et que les 
Hélices fracturées réparent Jeurs contusions en secrétant 
du calcaire en abondance, au point de boursouffler leur co: 
” quille ou de la rendre pierreuse. 

Il est clair que le mollusqué employait à cet: épaississe- 
ment le peu de calcaire qui existait dans l’eau, ou celui 
qu'il prenait sur ses voisins, en suivant l'hypothèse de M. de 
Saulcy. Et comme il était retiré assez profondément dans 
sa coquille, le manteau s’approchant peu du bord labial, ne 
pouvait secréter de nouvelles couches. Pour m'en assurer, 
j'ai fait à ce bord des fractures irrégulières , qui, par leur 
persistance, m'ont prouvé que le mollusque ne les avait pas 
réparées. 

A la fin du troisième mois, les Limnées étaient. presque 
entièrement blanches, sans épiderme. Le manque d'agents 
nutritifs et calcaires avait produit cet état. Il me fut. facile 
de m'en convaincre. J'apportais des lentilles d'eau : cinq 
minutes après, les Limnées, presque toutes au fond du 
bocal , relevaient leurs tentacules , puis. faisant sortir leur 
corps de la coquille, le plus possible, montaient ayec ra- 
pidité à la surface de l'eau , se dirigeaient invariablement 
vers, les endroits où la nourriture abondait , et la dévoraient 
avec une voracité aiguisée par un si long jeûne. 

Un mois après, le développement du têt était consi- 
dérable ; la partie nouvelle se présentait mince, colorée 
fortement , sans aucune trace d'érosion , et contrastait avec 
l'épaisseur et l'aspect mat des premiers tours de spire. Une 
Limnée dont le sommet avait été tronqué, le ferma d’une 
légère cloison. 


Li 


ee 


Sd 


RATE 


(161) 

Ces expériences me semblent assez concluantes en ceci : 
que les mollusques dont la nourriture n’est pas suffisante, 
et dont le calcaire manque par conséquent, en prennent 
partout où ils en trouvent; ce qui confirme l'hypothèse de 
M. de Saulcy. 

Mais il faut ajouter que les excoriations que nous avons 
étudiées sont produites artificiellement , et doivent se ren- 
contrer rarement dans la nature. 

On a remarqué que les coquilles les plus détériorées 
provenaient de ruisseaux à fond de sable , tandis que celles 
des fossés vaseux sont presque toujours intactes et de 
grande taille. La cause de l'érosion est presque la même que 
celle que j'ai signalée ; les coquilles manquent de calcaire 
dans les ruisseaux siliceux et ferrugineux , aussi leur têt 
y est très-fragile, très-mince ; leur épiderme est bien vite en- 
levé par le courant, le gravier; si un seul point est attaqué. 

Quant aux coquilles des eaux dormantes et des fossés 
qui se dessèchent pendant l'été, les érosions ont une toute 
autre cause. Les cryptogames aquatiques des genres Chæ- 
tophora, Batrachospermum , etc., déposent sur le têt , leurs 
germes entourés d'un encroûtement calcaire , comme les 
étoiles de certains Chara, et qui doivent les reproduire. 
Dans le moindre fendillement de l’épiderme, amené par la 
chaleur, se glissent les germes de ces plantes qui, en sé 
développant, le font éclater et produisent des érosions irré- 
gulières souvent considérables (1). 


(1) Telle est l'opinion de MM. Cuigneau et Lespinasse, membres 
de la Société Linnéenne, * qut jai adm une Limnée et un 
Planorbe q 16 mir eeope leur a “fit 


Lonit + T zx: Le, +. À ae ne 


dosiebts de| Chetophora elegans Lyngb. { Batrachospermum in- 
tricatum Vaucher ), et de Batrachospermum helmintosum Sérr Qi 
J'avais déjà observé ce dernier, implanté près du pli columellaire de 


Tome XVIII. 12 


( 162 ) 

Enfin , il faut toujours tenir compte des circonstances 
locales, qui ont une si grande influence sur les mollusques, 
qui les font varier de taille, de couleur, de forme ; dans 
le genre Limnée surtout, dont les espèces s’accommodent 
de toutes sortes d'eaux, la cause des érosions doit être 
très-variable. 

Mars 1852. 
Pauz FiscHER. 


2600 —— 


EXPLICATION DE LA PLANCHE, 


Fi. 1. — Fr La Limnea stagnalis, ès 2 mois de privation 
de cal 

Fi. 2.— rt de a même. 

Fic. 3.— Eimnea slagnalis, après 3 mois 


Fic. 6, 7.— Limnea palustris ; formation d’une nouvelle partie du 
tèt, après 4 mois, 


XL FAUNE entomologique , ou Histoire naturelle des 
Insectes qui se trouvent dans le département de la 
Gironde ; par MM. J. L. Laporte aîné et Ernest 
LaPoRTE fils. ( Suite). 


17.%° Genre. — LES ANAGLYPTES, ANAGELYPTUS. 
À. ANAGLYPTE Bossu , Anaglyptus gibbosus. Muls. 
Clytus gibbosus. Latr. 
Long. 12 à 14 millim. — Sur les haïes. Il a une variété 
qui a trois bandes sur chaque élytre. | 


— ser de la Limnea stagnalis Dr.— Du reste, spas 
marquable ouvrage sur les conferves d’eau douce, a co 

TS rar longtemps le dépôt d’encroûtements calcaires, germes 

de certaines conferves , sur des coquilles fluviatiles. 


DD ER ET Ce | 


AR RER UE 


Frosions des Limnees 


4, PER ER EE 
Paul Fischer ad nat. del. 


Lith.H Faye Bord* 


née dont sbétolt dé dÉcGtRitÉ dut éd 


LU dd NÉS cité 


(163 ) 
_ 48.me Genre. — LES OBRIES, OBRIUM. 
1. OBRIE BRUN, Obrium brunneum. Déj. 
Saperda brunnea. Fab. 
Long. : 6 à 9 millim.— Dans les bois taillis. 
19.» Genre.— LES DEILES, DEILUS. 
1. DÉiLE FUGACE, Deilus fugax. Serv. 
Callidium fugax. Latr. 
Long. : 8 à 9 millim. — Les coteaux de la Garonne, sur 
les genêts. 
20.ve Genre. — LES GRACILIES, GRACILIA. 
1. GRACILIE PYGMÉE, Gracilia pygmæa. Déj. 
* Long. : 4 à 6 millim.— Sur les clôtures des jardins. 
21.=* Genre. — LES LEPTIDÉES, LEPTIDEA. 


1. LEPTIDÉE À AILES COURTES, Leptidea brevipennis. 
Muls. 
Gracilia brevipennis. Dé. 
Long. : 5 à 5 millim. — Sur les clôtures des jardins. 
22." Genre. — LES MOLORQUES, MOLORCHUS. 
1. MoLcorQuE MiNEUR, Molorchus minor. Latr. 
Molorchus dimidiatus. Fab. 
Long. : 7 à 41 millim.— Sur les haies. 
2. MOLORQUE DES OMBELLIFÈRES, A. umbellatorum. 
atr. 
Necydalis umbellatorum. Lin. 
Long. : 7 à 10 millim.— Sur les haies. 


(164) 

23,» Genre.— LES NÉCYDALES , NECYDALIS. 

1. NÉCYDALE MAJEUR, Necydalis major. Lin. 
Molorchus major. Latr. 

Long. : 25 à 35 millim.— Nous le prenons plus particu- 
lièrement dans les chasses à la lanterne. Il vit dans l’orme. 
2, NÉCyYDALE pu sAULE, AN. salicis. Dupont. 

Molorchus populi. Buttner. 

Long. : 22 à 35 millim.— En fauchant , dans les marais. 
94. Genre— LES STÉNOPTÈRES, STENOPTERUS. 
1. STÉNOPTÈRE FAUVE, Stenopterus rufus. Ilig. 

Necydalis rufa. Latr. 

Long. : 9 à 14 millim.— Sur les ombellifères. 

2, STÉNOPTÈRE BOUT BRULÉ, S. prœustus. Ilig. 
Necydalis prœusta. Boit. 

Long. : 7 à 10 millim.— Sur les chicoracées. 

25." Genre. — LES DORCADIONS, DORCADION. 
1. DORCADION FULIGINEUX , Dorcadion fuliginator. Se. 
Lamia fuliginator. Latr. 

Long. : 11 à 16 millim.— Dans les garennes. 

2. DORCADION MÉRIDIONAL , D. meridionale. Déj. 

Long. : 10 à 16 millim.— On le trouve, marchant dans 
les chemins , à Bègles , signalé par M. Souverbie. 

26. Genre.— LES MORIMES, MORIMUS. 
1. MoriME LUGUBRE, Morimus lugubris. Serv. 
Lamia lugubris. Fab. 
Long. : 19 à 28 millim.— A Bègles, ete. 


SR Sc 


coins, à de. 


(165 ) 
2. MoRIME TRISTE, M. tristis. Serv. 
Lamia tristis. Latr. 
Long. 25 à 29 millim.— Les abords de la Garonne, aux 
pieds des peupliers. 
27.me Genre. — LES LAMIES, LAMIA. 
1. LAMIE TExTOoR, Lamia textor. Latr. 
Cerambyx textor. Lin. 
Long. : 20 à 27 millim.— Dans les marais, sur le tronc 
des trembles, des saules, etc. 
28.me Genre.— LES MONOHAMMES, MONOHAMMUS. 
1. MONOHAMME CORDONNIER , Monohammus sutor. Dé]. 
Lamia sutor. Latr. 
Long. 18 à 24 millim.— Les lieux boisés. 


2. MONOHAMME PROVENÇAL, M. gallo-provincialis. 


Lamia gallo-provincialis. Latr. 
Long. : 18 à 25 millim.— Pessac et La Teste. 
29.me Genre. — LES ÆDILES, ÆDILIS. 
1. ÆDILE DE MONTAGNE, Ædilis montana. Sery. 
Lamia ædilis. Fab. 
Long. : 14 à 18 millim.— Sur les pins coupés. 
2, ÆDILE ATOMAIRE, Æ. atomaria. Sery. 
Lamia atomaria. Fab. 
Long. : 11 à 14 millim.— Les bois de pins. 
3. ÆDILE GRISE, Æ. grisea, Serv. . 
Lamia grisea. Schon. 
Long. : 9 à 11 millim. — Dans les bois de Pins. Elle est 
assez rare. 


(166 ) 
F1 Bouts Genre. — LES LEIOPES , LEIOPUS. 
1. LeloPE NÉBULEUX , Leiopus nebulosus. Serv. 
Lamia nebulosa. Boit. 


Long. 7 à 9 millim.— Dans les garennes. 


31." Genre. — LES EXOCENTRES , EXOCENTRUS. 


1. ExOCENTRE CEINT , Exocentrus balteatus. Déj. 
Lamia balteata Boïit. 
Long. : 5 à 7 millim.— Sur les tilleuls. 


32.%e Genre. — LES POGONOCHÈRES, POGONO- 
CHERUS. 


1. PoGonocnÈRE DE PERRoUD, Pogonocherus Perroudi. 
Muls. 


Long. : 8 à 10 millim 
2. PoGONOCHÈRE HuSPIDE , P. hispidus. Déj. 
Lamia hispida. Boit. 
Long. : 7 à 9 millim. 
3. POGONOCHÈRE PoILU, P. pilosa. Déj. 
Lamia pilosa. Boit. 
Long. : 5 à 7 millim.— Dans les garennes. 
4. POGONOCHÈRE OVALE, P. ovalis. Sery. 


Long. : 5 à 7 millim.— Dans les garennes. 


33.°* Genre.— STÉNOSOME, STENOSOMA. 


1. STÉNOSOME DE Faupras, Stenosoma Faudrasi. Muls. 


Long. : 9 millim. 
54.me Genre.— LES MÉSOSES, MESOSA. 
1. Mèsose curCULINOÏDE , Mesoa curculinoides. DE]. 
Lamia curculinoides. Latr. 


Long. : 41 à 16 millim.— Sur les les et dans les prés. 


AR DR D en à 


(167) 
35." Genre. — LES ANŒSTHÉTES , ANOESTHETIS. 
1. ANOESTHÈTE TESTACÉE, Anœæsthetis testacea. Déj. 
Saperda testacea. Fab. 
Long. : 8 à 10 millim.— Dans les tas de fagots de bois 
de chêne. 
36.me Genre. — LES AGAPANTHIES, AGAPANTHIA. 
1. AGAPANTHIE DE L'ASPHODÈLE , Agapanthia aspho- 
deli. Déj. 
Saperda asphodeli. latr. 
Long. : 16 à 20 millim.— Sur l’asphodèle. 
2. AGAPANTHIE DU CHARDON , À. cardui. Déj. 
Saperda cardui. Fab. 
Long. : 12 à 16 millim.— Sur les chardons. 
3. AGAPANTHIE SUTURALE , À. suturalis. Déj. 
Saperda suturalis. Fab. 
Long. : 9 à 11 millim.— Sur les chardons. 
37.m Genre.— LES COMPSIDIES, COMPSIDIA. 
1. COMPSIDIE DU PEUPLIER , Compsidia populnea. Muls. 
Saperda populnea. Fab. 
Long. : 10 à 14 millim. — Sur le Peuplier tremble. 
38."e Genre. — LES ANŒRÉES , ANOEREA. 
1. ANOERÉE CARCHARIAS, Anœærea carcharias, Muls. 
Saperda carcharias. Fab. 
Long. 25 à 27 millim. — Sur les trembles. 
39.me Genre. — LES SAPERDES, SAPERDA. 
1. SAPERDE DU TREMBLE, Saperda tremula, Fab. 
Cerambyx octopunctatus Schran. 
Long. 14 à 16 millim. — Sur les tilleuls et les tremhles. 


( 168 ) 
2. SAPERDE PONCTUÉE, S. punctata. Fab. 
Long. 11 à 18 millim. — Dans les garennes. 
3. SAPERDE PORTE-ÉCHELLE : S. scalaris. Payk. 
Cerambyx scalaris. Linn. 
Long. 14 à 18 millim. — Sur les PUR et les ceri- 
siers. 
40.*° Genre. — LES ANÆTIES , ANÆTIA. 
1. ANÆTIE BOUT-BRULÉ , Anœætia prœusta. Déj. 
Saperda prœusta. Fab. 
Long. 2 à 5 millim, — Sur les charmilles et sur les ar- 
bres fruitiers. 
41. Genre. — OBÉRÉES, OBEREA. 
1. OBÉRÉE OCULÉE , Oberea oculata. Déj 
Saperda oculata. : 
Long. 16 à 18 millim. — Dans les oseraies. 
2. OBÉRÉE LINÉAIRE, O. linearis. Déj. 
Saperda linearis. Fab. 
Long. 12 à 16 millim.—Sur le coudrier et dans les haies. 
42.*° Genre. —LES PHYTŒCIES, PAYTOECIA. 
1. PHYTOECIE LINÉOLÉE, Phytæcia lineola. 
Saperda lineola. Fab. 
Long. 7 à 9 mill. 
2. PuyTOECIE VERDATRE , P. virescens , Déj. 
Saperda virescens. Fab. 
Long. 9 à 14 millim.— Le long des murs dans les che- 
mins sablonneux. 
Deuxième Section. 
43.me Genre. — LES VESPÈRES, VESPERUS. 
1. VESPÈRE BRUYANT, Vesperus strepens, Déj. 
Leptura strepens. Latr. 
Long. 20 à 27 millim. 


* 
L2 


: ( 169 ) 
44. Genre. — LES RHAMNUSIES, RHAMNUSIUM. 
1. RHAMNUSIE pu SAULE, Rhamnusium salicis, Déi. 
Rhagium salicis. Latr. 
Long. 20 à 25 millim. — Sur les tilleuls, l'orme, les 
saules. 
45.ue Genre. — LES RHAGIES, RHAGIUM. 
1. RHAGIE BIFASCIÉE , R. bisfasciatum , Fab. 
Stenocorus bifasciatus. Oliv. 
Long. 12 à 20 millim.— Sur les ombellifères. Les co- 
teaux de la Garonne. 
2. RHAGIE MORDANTE , R. mordax, Fab. 
Stenocorus scrutator. Oliv. 
Long. 18 à 27 millim.— Sur les ombellifères. 
3. RHAGIE INQUISITEUR, R. inquisitor , Fab. 
Cerambyx inquisitor. Linn. 
Long. 16 à 20 millim. — Dans les bois de pins et sur les” 
ombellifères. 
4. RHAGIE CHERCHEUSE , R. indagator, Fab. 
Cerambix inquisitor. Linn. 
Long. 9 à 16 millim. — Sur les ombellifères. 
46.me Genre. — LES TOXOTES, TOXOTUS. 
1. ToxorE DE mini, Toxotus meridianus , Déj. 
Leptura meridiana. Latr. 
Long. 15 à 23 millim.— Sur le frêne. 
2. TOXOTE SOYEUx, T. sericeus, Muls. 
Leptura sericea. Latr. 
Long.  millim. — Sur le frêne. 


(470 ) 


47.ue Genre. — LES PACHYTES , PACHYTA. 


1. PACHYTE GRILLÉE , Pachyta clathrata, Déj. 
Long. 9 à 12 millim. — Sur les fleurs. 
2. PACHYTE À COLLIER , P. collaris, Déj. 
Leptura collaris. Latr. 
Long. 7 à 9 millim. — Sur les fleurs. 


48.ne Genre. — LES STRANGALIES, STRANGALIA. 


1. STRANGALIE DORÉE , Strangalia aurulenta. Serv. 


Leptura aurulenta. Latr. 
Long. 11 à 18 millim. — Sur les fleurs. 
2. STRANGALIE VILLAGEOISE , $. villhica. Serv. 
Leptura villiea. Latr. 
Long. 11 à 44 millim. — Sur les fleurs. 


3. STRANGALIE ÉPERONNÉE, $. calcarata , Boit. 


Leptura calcarata. Latr. 
Long. 14 à 16 millim.— Sur les fleurs. 
4. STRANGALIE ATTÉNUÉE , S. attenuata, Déj. 
Leptura attenuata. Latr. 
Long. : 11 à 14 millim. — Sur les fleurs. 
5. STRANGALIE NOIRE, S. nigra. Déj. 
Leptura nigra. Latr. 


Long. : 7 à 9 millim. — Dans les bois humides. 


6. STRANGALIE PORTE-CROIX , S, cruciata. Déj. 


Leptura cruciata. Latr. 


Long. : 7 à 11 millim. — Sur les ronces en fleurs. 


7. STRANGALIE MÉLANURE , $. melanura. Déj. 
Leptura melanura. Latr. 
Long. : 7 à 9 millim, — Sur les haies. 


(171) 
8. STRANGALIE QUADRIFASCIÉE, S. quadrifasciata. Serv. 

Long. : 14 à 16 millim. 

9. STRANGALIE LABIÉE , S. labiata. Boit. 
Stenura labiata. Déj. 

Long. : 14 à 18 millim. — On désigne aujourd'hui cette 

espèce comme une variété de la véllica, 
49.» Genre. — LES LEPTURES , LEPTURA. 
1. LEPTURE NOTÉE, Leptura notata. Latr. 
Long. : 42 à 14 mill. — Sur les fleurs. 
2. LEPTURE LiVIDE , L. livida. Latr. 
Leptura pastinace. Panz. 
Long. : 6 à 9 millim. — Sur les ombellifères. 
3. LEPTURE CEINTE, L. cincta. Gill. 

Long. : 11 à 14 millim. — Sur les ombellifères. 
4. LEPTURE ROUGE, L. rubro-testacea. Latr. 

Long. : 15 à 17 millim. — Dans les landes. 

5. LEPTURE DE FonTENAY , L. Fontenayi. Muls. 

Long. : 14 à 16 millim. — Sur les haies. Elle est rare. 
6. LEPTURE ASTÉE, L. astata. Latr. 

Long. : 14 à 16 millim — Sur les ombellifères. 

7. LEPTURE COTONNEUSE , L. tomentosa. Latr. 
Leptura fulva. De Geer: 

Long. : 41 à 14 millim. — Sur les fleurs. 

8. LEPTURE SANGUINOLENTE , L. sanguinolenta. Gyll. 
Leptura variabilis. De Geer. 

Long. : 9 à 11 millim. — {Les coteaux de la Gironde. 
50, Genre. — LES ANOPI ODÈRES, NOP DDER | 
1. ANOPLODÈRE PALE, \Adoÿloders rides Muis. 

Long. : 9 à 11 millim. 


174 ) 
3. CRIOCÈRE DE Si , C. asparagi. Latr. 
Lema asparagi. Fab. 
Long. 9 millim. — Sur les asperges. 
4. CriocÈRE BLEU, C. cyanella. Latr. 
Lema cyanella. Fab. 
Long. 5 à 7 millim. 
5. CRIOCÈRE MÉLANOPE, C. melanopa. Latr. 
Lema melanopa. Fab. 
Long. 8 millim. 
6. CRIOGÈRE PARACENTHÈSE , C. amene7rÉ Boit. 
Clythra paracenthesis. Latr. 
7. CRIOCÈRE COU JAUNE, C. flavicollis. Mars. 
C. melanocephala. Déj. Cat. 
Long. 6 millim. 


ee 


VINGT-DEUXIÈME FAMILLE. 


LES CYCLIQUES. 


Le plus ordinairement ces Coléoptères sont de petite 
taille et ornés de couleurs assez vives. Leur corps est tou- 
jours glabre, souvent très-luisant. Lorsqu'on cherche à les 
prendre ils contractent leurs pattes, contrefont le mort, se 
laissent tomber et se perdent dans le feuillage. Le meilleur 
moyen de leur faire la chasse, est de se sérvir du filet et 
de faucher sur les graminées , le long des fossés, des prai- . 
ries, etc. Leurs larves vivent sur les feuilles de difiérents | 


végétaux. 


(175 ) 


Première Section. 


M LÉ 
RER 


| 1.er Genre. — LES HISPES, ZISPA. 


1. Hispe TRÈS-NOIRE, Hispa atra, Latr. 

Long. 3 millim. 
2, HispE TESTACÉE , H. testacea, Latr. 

Long. 7 millim. — Sur le Cistus salvifolius où il se trouve 
en abondance à La Teste en Juillet. 


Ê 2.%° Genre. — LES CASSIDES , CASS/2D4. 


1. Cassie VERTE, Cassida viridis, Latr. 
Long. 10 millim. 


2, CASSIDE VIBEX, C. vibex, Fabr. 
Long. 5 à 7 millim. 


3. CASSIDE SANGUINOLENTE , C. on LEE Latr. 
Long. 7 millim. 
À. CASSIDE ÉQUESTRE , C. equéstris, Latr. 
5. CASSIDE NÉBULEUSE , C. nebulosa , Latr. 
6. CASSIDE OBSOLÈTE, C. obsoleta, Ilig. 
7. CASSIDE PANACHÉE, C. varia, Latr. 
Cassida murræa. Illig. 
Cassida variegata. Linn. 
Long. 10 millim. 
| CASSIDE FERRUGINEUSE , C. ferruginea, Latr. 
G- CASSIDE PERLÉE , C. ns Latr. RUE. 
Long. 6 millim. * 
10. CASSIDE NOBLE, 6: nobilis, “Fr 
Long. 8 millim. 


DEEP LEP EE 0 PO 
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TT OR NN PET tn 
dc 


( 176 ) 
Deuxième Section. 
3.ve Genre. — LES CLYTHRES, CLYTHRA. 


La plus grande partie des espèces de ce genre se trouvent 
dans les prairies sèches et les bordures des bois taillis de 
l'Entre-deux-Mers. 


4. CLYTHRE TRIDENTÉE, Clythra tridentata, Latr. 
Long. 10 à 12 millim. 
2. CLYTHRE LONGIPÈDE, C. longipes, Latr. 
Long. 10 à 15 millim. 
3. CLYTHRE LONGIMANE , C. longimana, Latr. 
Long. 10 millim. 
A. CLYTHRE À 6 TACHES, C. sexmaculata, Latr. 
Long. 15 millim. 
5. CLYTHRE 6 POINTS, C. sexpunctata, Latr. 
6. CLYTHRE QUADRIPONCTUÉE, C. quadripunetata. Latr. 
Long. 12 millim. 
7. CLYTHRE QUADRIMACULÉE, C. quadrimaculata, Latr. 
8. CLYTHRE SCOPOLINE, C. scopolina, Latr. | 
9. CLYTRRE iND1GO , C. cyanea. Latr. 
Long. 8 millim. 


4.m Genre.— LES GRIBOURIS , CRYPTOCEPHALUS. 


Mêmes observations que pour les C{ythres. . 


1. GriBourt sOYEUX , Cryptocephalus sericeus. Latr. 
Long. 7 millim. 
2. GRIBOURI UNICOLORE , C. unicolor. Latr. Û 


(177) 
3. GRIBOURI BIPONCTUÉ , €. bipunctatus. Latr, 
Long. 6 millim. 


de be à dé à 


4. GRIBOURI BRILLANT, C. nitens. Latr. 
5. GRiBouRtI RAYÉ, C. viltatus. Latr. 
Long. #4 à 6 millim. 


| 
| 
| 


6. Grisourt DE More, C. Morei. Latr. 

Long. 6 millim. ’ 
7. GRIBOURI BIPUSTULÉ , C. bipustulatus Latr. 
8. GRIBOURI MARGINELLE , C. marginellus. Latr. 
9. GrRIBOURI BLEU, C. cœruleus. Latr. 

10. GRiBouURI DU PIN, C. pini. Latr. 

11. GRIBOURI BUCEPHALE , C. bucephala. Fab. 

Cheilotoma Bucephala, Chevrolat. 

12. GRIBOURI JUMEAU , C. geminus. Megerl. 
Cryptocephalus labiatus, Oliv. 

. GRIBOURI MARQUÉ, C. signatus. Latr. 

14. GriBouRI VIOLET, C. violaceus. Fab: 

: 15. GRIBOURI RENFLÉ, C. crassus. Latr. 

16. GriBourt GENTIL, C. gracilis. Fab. 


te 
Co 


5.me Genre.— LES EUMOLPES, £EUMOLPUS. 

1. Eumorre oBscur , Eumolpus obscurus. Latr. 
2. EUMOLPE DE LA VIGNE, E. vitis. Latr. 

Long 6 millim.— Sur la vigne. 
3. EUMOLPE BRONZÉ , E. æruginosus. Latr. 
| 6.me Genre. — LES COLASPES, COLASPIS. 
1. CoLASPE ATRE, Colaspis atra. Latr. ; | 

Chrysomela atra, Oliv. 
Long. 4 millim. 
Tone XVI. 13 


(178) 
7.we Genre.— LES CHRYSOMÈLES, CHRYSOMELA. 
1. CHRYSOMÈLE TÉNÉBRION , Chrysomela tenebricosa. 
Latr. 


C. lœvigata, Duftsch. 

Long. 20 à 25 millim. 

2. CHRYSOMÈLE FÉMORALE, C. femoralis. Latr. 
Long. 8 millim. 

3. CHRYSOMÈLE RUGUEUSE , C. rugosa. Latr. 
Long. 7 à 10 millim. 

A. CHRYSOMÈLE DE BANKS ,-C. Banksu. Latr. 
Long. 10 millim. 

5. CHRYSOMÈLE DE LA CENTAURÉE, C. centaurii, Latr. 

6. CHRYSOMÈLE DE GOTTINGUE , C. Gœttingensis, Latr. 

7. CHRYSOMÈLE CUIVREUSE, C. cuprea, Latr. 

8. CHRYSOMÈLE DU GRAMEN , C. graminis, Latr. 
Long. 8 millim. 

9. CHRYSOMÈLE VIOLETTE, C. violacea, Latr. 

10. CHRYSOMÈLE DU PEUPLIER , C. populi, Latr. 
Long. 7 à 9 millim. 

11. CHRYSOMÈLE VIMINALE, C. viminalis, Latr. 
Long. 7 millim. 

12. CaRyYSOMÈLE LissE, C. polita, Latr. 
Long. 9 millim 

13. CHRYSOMÈLE DU TREMBLE , C. tremulæ , Latr. 
Long. 7 à 10 millim. 

14. CHRYSOMÈLE DU POLYGONUM, C. polygont, Latr. 
Long. 4 à 5 millim. 

15. CHRYSOMÈLE DE LA PATIENCE, C. rumicis, Latr. 


( #79 ) 
16. CHRYSOMÈLE CÉRÉALE, C. cerealis, Latr. 
Long. 7 à 10 millim. 
17. CHRYSOMÈLE SANGUINOLENTE , C. sanguinolenta. 
Latr. 


Long. 8 millim. 
18. CHRYSOMÈLE BORDÉE , C. limbata, Latr. 
Long. 8 millim. 
19. CHRYSOMÈLE AMÉRICAINE, C. americana , Latr. 
Long. 6 à 8 millim. 
20. CHRYSOMÈLE FASTUEUSE , C. fastuosa, Latr. 
Long. 6 millim. 
21. CHRYSOMÈLE BOURREAU, C. carnifex, Latr. 
Long. 8 millim. 
22. CHRYSOMÈLE TANNEUR, C. coriaria , Fab. 
* Long. 7 à 10 millim. 
23. CHRYSOMÈLE MARGINÉE , C. marginata, Latr. 
24. CurYSOMÈLE MARGINELLE , C. marginella, Latr. 
25. CHRYSOMÈLE DES SAULES, C. vitellinæ, Latr. 
Galeruca vitellinæ, Fab. 
26. CHRYSOMÈLE HOTTENTOTE, C. hottentota, Fab. 
Chrysomela hæmoptera ; Linn. 
Long. 6 à 8 millim. 
27. CHRYSOMÈLE PERLE, C. margarita, Latr. 
928. CHRYSOMÈLE DU BOULEAU, C. betulæ , Latr. 
Galeruca betulæ , Fab. 
20. CHRYSOMÈLE DU CRESSON, C. armoricæ, Latr. 
30. CHRYSOMÈLE PETITE LIGNE, C. litura, Latr. 
Long. 4 millim. — Sur le genêt. 
31. CHRYSOMÈLE GEMINÉE , C. geminata, Payk. 


{ 180 ) 
32, CHRYSOMÈLE ÉCUSSONNÉE, C. areata, Latr. 
33. CHRYSOMÈLE BRONZÉE , C. œnea, Latr. 
Long. 6 millim. 
34. CHRYSOMÈLE VERDELETTE, C. viridula, Latr. 
8.we Genre. — LES HÉLODES , HELODES. 
On trouve ces insectes dans les lieux aquatiques, sur les 
plantes, 
1. HÉLODE viocerTE, Helodes violacea, Fab. 
Long. 4 millim, — Sur les plantes aquatiques. 
2. HÉLODE DE LA PHELLANDRIE, H. phellandrü, Fab. 
Long. 6 millim. — Sur les plantes aquatiques. 
9. Genre.— LES LUPÈRES, LUPERUS. 
1. LUPÈRE FLAVIPÈDE, Luperus flavipes, Latr. 
Crioceris flavipes, Fab. 
Long. 4 millim. 
2. LUPÈRE JAUNE , L. flavus, Déij. 
Luperus flavipennis. Lucas. 
Long. 3 à 4 millim. 
3. LUPÈRE À PETITE SUTURE , L. suturella, Boit. 
Long. 4 millim. — Sur le genêt épineux. 
10.me Genre. —LES GALÉRUQUES, GALERUCA. 
Ces insectes se réunissent quelquefois en grand nombre 
sur les végétaux et en rongent les feuilles. 
1. GALÉRUQUE NIGRICORNE, Galeruca nigricornis, Latr. 
2. GALÉRUQUE RUSTIQUE, G. rustica, Fab. 
3. GALÉRUQUE DE LA TANAISIE, (r. tanaceti, Latr. 
Long. 8 millim. Rs. 


(181) 
À. GALÉRUQUE NIGRIPÈDE , G&. nigripes, Latr. , 
Cistela testacea , Fab. 
5. GALÉRUQUE SANGUINE , G. sanguinea, Latr. 
6. GALÉRUQUE DU NÉNUPHAR, G. nympheæ, Latr. 
7. GALÉRUQUE DE L'ORME , G&. ulmariensis, Latr. 
Long. 6 millim. — Sur l’orme. 
8. GALERUQUE DE L'AULNE, G. alni , Latr. 
Long. 8 millim.— Sur l’aulne. 
9. GALÉRUQUÉ Du SAULE , G. capræ, Latr. 
Long 6 millim. 
10. GALÉRUQUE À À TACHES, G. À maculata, Latr. 
Long. 6 millim. 
11. GALÉRUQUE LITTORALE , G. littoralis, Fab. 
G. gagatina. Megerl. 
11.me Genre. — LES ALTISES, ALTICA. 


Elles sont petites, ornées de couleurs brillantes , et font 
beaucoup de tort à nos jardins, en piquant les feuilles des 
plantes potagères. 

1. ALTISE POTAGÈRE, Altica oleracea , Latr. 
Long. 4 millim. 
9, ALTISE DES JARDINS ,; À. hortensis, Latr. 
3. ALTISE DU CHOU, À. brassicæ , Latr. 
Crioceris brassicæ, Fab. 
A. ALTISE DU CRESSON , “ nasturtii, Latr. 
Criocerisnasturtii , Fab. ou: 721001 . 
3. ALTISE STRIÉE, À. pt LA … 
Crioceris exoleta , Fab. : 
Long. 4 millim. 


(182) 

6. ALTISE PATTES FAUVES, À. fulvipes, Latr. 
crioceris fulvipes, Fab. 

7. ALTISE QUADRILLE, À. quatuor-pustulata, Latr. 
Crioceris quadripustulata, Fab. 

8. ALTISE NITIDULE, À. nitidula, Latr. 
Chrysomela nitidula, Fab. 

9. ALTISE DU NAVE®, À. napi, Latr. 
Chrysomela napi, Fabr. 

10. Azrise PLUTUS , À. plutus, Latr. 
Chrysomela helxines fulvicornis, Fab. 

Long. 3 millim. 

11. ALTISE DE LA JUSQUIAME, À. hyoscyami , Latr. 

Chrysomela hyoscyami, Fab. 


TT É  ——— — 


VINGT-TROISIÈME FAMILLE. 


LES CLAVIPALPES. 
Ces insectes se trouvent sous les vieilles écorces et dans 
les bolets qui naissent sur les troncs d'arbres. 
Première Section. 
1. Genre. — LES TRIPLAX, TRIPLAX, 
1. TrIPLAX BRONZÉE , Triplax œnea. Fab. 


2. TRIPLAX NIGRIPENNE, T. nigripennis. Fab. 
Triplax russica. Linné, Payk. 
Long. 4 à 6 millim.— Dans les agarics. 


den Die Le: he en. PO 7 te PR, 


( 185 ) 
3. TRIPLAX TÊTE NOIRE, T. nigriceps. Déj. Cat. 
T. melanocephala. Latr 
Long. 5 à 6 millim. — Dans les bolets, 
2," Genre.— LES TRITOMES, TRITOMA. 

1. TRITOME À 2 PUSTULES, Tritoma bipustulatum. Latr. 

Long. 4 millim.— Dans les agarics. 

Deuxième Secton. 

3. Genre. — LES PHALACRES , PHALACRUS. 

Ils se trouvent sous les fleurs et sous les vieilles écorces. 
1. PHALACRE BRONZÉ , Phalacrus œæneus. Latr. 

Sphæridium œæneum. Fab. 

Long. 2 milllim. 
2. PHALACRE TESTACÉ, Ph. testaceus. Latr. 

Long. 2 millim. 
3. PHALACRE BICOLORE, Ph. bicolor. Latr. 

Long. 2 millim 
4. PHALACRE CORTICAL, Ph. corticalis. Latr. 

Long. 2 millim. 

4. "*Genre.— LES AGATHIDIES, AGATHIDIUM. 
1. AGATHIDIE SEMI-LUNULÉ, Agathidium seminulum.llig . 

EE 


4.me Section.— LES TRIMÈRES. 


VINGT-QUATRIÈME FAMILLE. 


LES APHIDIPHAGES. sa, 
Genre unique. — LES COCCINELLES , COCCINELLA. 
Ces insectes, ordinairement variés ou ponctués de cou- 
leurs fort vives, habitent les plantes et les arbres de nos 


(184) 
jardins. On les rencontre aussi quelquefois dans nos mar- 
sons , où on les désigne sous le nom de Piboles, Lorsqu'on 
les saisit, ils font sortir de leurs cuisses une liqueur jaunà- 
tre d’une odeur très-désagréable. Ils se nourrissent de pu- 
cerons. 
" Petites; pubescentes ; hémisphériques ou ovales. 
1. COCCINELLE NOIRETTE, Coccinella nigrina. Latr. 
2. COCCINELLE FLAVIPÈDE, C. flavipes. Latr. 
3. COCCINELLE ATRE, C. atra. Latr. 
4. CocciNELLE PECTORALE, C. pectoralis. Latr. 
Chrysomela pectoralis. Fab. 
5. COCCINELLE PETITE RAIE, C. litura. Latr. 
Variétés 1. Nitidula litura. Fab. 
2. Anthribus livida. Oliv. 

6. COCCINELLE FRONTALE , C. frontalis. Latr. 

Nous avons trois variétés de cette espèce. 

* Oblongues, un peu aplaties; prothorax arrondi de chaque côté, 

plus étroit que les élytres. 

7. COCCINELLE 7 TACHES, C. septem-maculata. Latr. 

Deux variétés de cette espèce. 
8. COCCINELLE CHANGEANTE , C. mutabilis. Latr. 

Cette espèce compte plusieurs variétés. 
9. CocanEeLLE M. noir, C. M. nigrum. Latr. 

Nous avons trois variétés de cette espèce. 

"** Presque hémisphériques , glabres ou pubescentes; côtés du 
prothorax distingués du bord postérieur qui est transversal. 
10. CocciNELLE 2 Fois 7 MOUCHETÉE , C. bis seplem 

guttata. Eatr. 
Coccinella quindecim-guttata. Fab. 


PIEDS DR RÉ S  Ù NENNE 


LAS costs 


(185) 
11. COCCINELLE 2 Fors 6 MOUCHETÉE, C. bix-sex- 
quitata. Latr. 


72. COCCINELLE A 16 MOoucHeturREs, C. sexdecim 
quitata. Latr. 


13. CocciNELLE À 14 MOUCHETURES, C. quatuordecim 
guitata , Latr. 

44. CocciNELLE 7 ponts, C. septempunctata, Latr. 
Nous avons 3 variétés de cette espèce. 

15. CocciNELLE 5 POINTS, C. quinque punctata, Latr. 
Et une variété. 

16. CoccinELLE 11 points , C. undecimpunctata, Latr. 
Et deux variétés. 

17. COCCINELLE VARIABLE, C. variabilis, Latr. 
Cette espèce a un très-grand nombre de variétés. 

18. COCCINELLE DISPARATE, C. dispar , Latr. 
Cette espèce a un grand nombre de variétés, 

19. COCCINELLE SANS PUSTULE , C. impustulata, Latr. 


Cette espèce compte également un grand nombre de 
variétés. 


20. CoccrNELLE GLOBULEUSE , C. globosa, Latr. 
Cette espèce a beaucoup de variétés. 


**** Forme des Cassides. 


21. COCCINELLE PUSTULES EN REIN , C. Ps 
ñ Latr. g 54 


2, COCCINELLE BIPUSTULÉE, ©. but, Dr 


(186 ) 


VWINGT-CINQUIÈME FAMILLE. 


LES FUNGICOLES. 


On rencontre ces insectes dans les champignons et sous 
les écorces des arbres. 


1. Genre.— LES ENDOMYQUES, ENDOMYCHUS. 


1. ENDOMYQUE ÉCARLATE , Endomychus coccineus. Lat. 
Long. 5 millim. 

2, ENDOMYQUE DES LYCOPERDONS, E. bovistæ. Latr. 
Long. 5 millim. 


— #2 2— 
5.me Section — LES DIMÈRES. 


Ces Insectes sont très-petits, ont les élytres courtes , et 
vivent à terre, sous les détritus des végétaux et sous les 
pierres. 


VINGT=-SIXIÈME FAMILLE. 


LES PSÉLAPHIENS. 
1.“ Genre. — LES PSÉLAPHES, PSELAPHUS. 
1. PSÉLAPHE SANGUIN, Pselaphus sanguineus. Latr. 
Notoxus sanguineus. Fab. 


2. PSÉLAPHE NoIR, P. niger. Beich. 
Long. 7 millim. 


( 187 ) 


9,me Genre. — LES CLAVIGÈRES, CLAVIGER. 


1. CLAVIGÈRE TESTACÉE , Claviger testaceus. Illig. 
Long. 2 millim.— On la trouve dans le nid de la fourmi 

fauve. 

2. CLAVIGÈRE LONGICORNE, C. longicornis. Boit. 
Long. 3 millim.— Dans les mêmes lieux que la précé- 

dente. 


FIN DES COLÉOPTÈRES, 


J. L. Laporte aîné et Fizs. 


XII. NoTE sur le nom chinois de l'HippoPOTAME. 


Je trouve, dans une lettre de mon savant ami, M, le Ch.e de 
Paravey ( 11 Août 1851 ), de curieux détails sur la composition et 
la signification de ce nom : ils ne seront pas, je pense, sans intérêt 
pour nos lecteurs. (1). 

C8. Des MouLINs. 


.……s J'avais depuis longtemps, et non sans peine, re- 
connu le nom chinois de l'Hippopotame, Px-s1E, d’après 
ce qu’en dit Horapollon , qu’il était, en Égypte, l'emblème 
du vice et du mal, ou des choses allant de pis en pis. Mais 


(1) Ces notes renferment trop peu de caractères chinois pour qu'il 
soit possible de leur consacrer une planche des Actes. 


( 188 }) 
il me restait des doutes, quand enfin j'ai trouvé la variante 
Py sous la clef du porc et sous l’augment figuré s1anG qui 
cest le nom de l'Éléphant. On le définit, quadrupède qui 
hennit comme le cheval, et c’est là, disent tous les voya- 
geurs, le vrai cri de cet animal , d’ailleurs assez analogue, 
par sa taille, à l’Éléphant. 

Cuvier et Blainville le placent dans les pachydermes avec 
les Sus ou porcs, comme les Chinois anciens; et Prosper 
Alpin l’avait déjà nommé Chæropotame ou porc des rivières. 

C’est son cri, et non sa forme ou sa prétendue crinière , 
qui l’ont fait nommer cheval marin. Il est, d'après mes 
recherches , le Béhémoth de Job, comme le pensait l'illus- 
tre Bochart qui cite l’épée de ce Béhémoth, c’est-à-dire les 
dents droites et horizontales de la partie antérieure de sa 
gueule, dents qui sont comme des glaires à deux tran- 
chants. Or, son nom ste offre la clef ya des dents, et se 
prononce aussi xE, et donne le terme mo-yE, nom des 
glaives à deux tranchants comme ceux des Nubiens chez 
qui vit encore aujourd'hui l'Hippopotame. 

Pyx offre les idées de punir et de courbache ou fouet que 
les Nubiens fabriquent avec la peau très-dure de l'Hippopo- 
tame. Enfin, son nom éthiopien ou géez est Bicht, suivant 
Bochart, c'est-à-dire Py-sie, d’où notre mot, vice, pis, type 
du mal, et peut-être même le nom de l’Apyssinie. 

La démonstration est donc complète, et comme on n’a 
jamais vu d’Ilippopotame en Chine, et qu'on doute même 
qu'il en existe à Sumatra, comme le veut Marsden, il en 
résulte, comme de mille autres preuves, que le chinois a 
été composé en Egypte, en Ethiopie et en Arabie, car les 
deux caractères Py-sie y sont des plus antiques. 

Ainsi, sianc ( Eléphant }, sy ( Rhinocéros }, nommé en 
Nubie Arisi } et sre ( Hippopotame },.sont caractérisés par 


; (189) 
des signes réellement figuratifs, et non-seulement pour le 
corps (un trait horizontal, terminé aux deux bouts par deux 
traits obliques inégaux, l’un pour la tête, l’autre pour la 
queue ) et pour les quatre pieds | quatre points allongés ver- 
ticalemént }, mais encore pour les formes différentes de 
leurs têtes, à défenses longues pour l'Eléphant ( deux longs 
traits obliques et courbés), à deux cornes pour le Rhinocé- 
ros( deux éminences contiguës, courtes et obtuses), à md=- 
choires énormes pour l'Hippopotame) deux peignes à trois 
dents , opposés l’un à l’autre ). 

Cette dernière forme complète sie est équivalente à l’au- 
tre manière d'écrire le nom ste, où entre également le si- 
gne des dents ou de l’ivoire très-dur et très-blanc de l'Hip- 
popotame ». 


Cu.‘ DE PARAVEY. 


XHE. Notes sur quelques plantes nouvellement obser- 
vées ou déterminées dans le rayon de la Flore de la 


Gironde ; 


par divers Membres de la Société Linnéenne. 


QUATRIÈME ARTICLE. 


nr à 
ASE: 


N.o 44. — RAMALINA POLLINARIA, Fries, Lich. Europ. 
p. 31, n.° 16. — Duby, Bot. Gall. p. 615. n° 5. 
— Laterr. FL. Bord. 4.° édit. p. 495. 


( 190 ) 
Physcia squarrosa DC. FL. fr. n.o 1077. 
{ Forma parietina , sterilis. Nob. } 

Cette curieuse espèce , que Fries indique comme rare en 
Europe et d’une détermination peu facile quand elle est pri- 
vée d’apothécies, fructifie parfaitement à Alger, mais très- 
rarement dans la France continentale ( dans les landes pro- 
bablement ). De Candolle ne connaissait pas ses fructifica- 
tions et ne la citait, comme M. Laterrade, que sur les écor- 
ces. Fries l'indique de préférence sur les pierres, et M. 
Duby indifféremment dans l’une et l’autre station. 


Mais aucun de ces auteurs ne décrit spécialement une 
petite et jolie forme, constamment stérile et sorédifère, qui 
semble extrêmement répandue en France, si j'en juge par 
les localités fort éloignées les unes des autres, où je l'ai 
observée. 

Sa station, aussi remarquable que constante, est sur les 
parois verticales des murs de maisons, de châteaux, d’égli- 
ses, AU NORD et particulièrement dans les parties les plus 
exposées à la violence des vents et au rejaillissement des 
gouttes de pluie, occasionné par quelque saillie voisine. 

C’est ainsi que je l’ai observée pour la première fois en 
1844, sur un énorme obélisque romain en maçonnerie, 
nommé la Pyrelonge, près Saintes (Charente-Inférieure), 
et depuis lors sur les vieilles maisons du village de Piégut 
près Nontron ( Dordogne }, sur les tours et les murs des 
châteaux de Lanquais ( Dordogne }, de Moléans ( Eure-et- 
Loir ), et enfin, hier 6 Février 1852, dans le département 
de la Gironde, sur la sacristie accollée en 1672 contre 
le flanc Nord de l'église paroissiale de la Sauve. 

Cette variété, très-finement découpée et plutôt puivéru- 
lente que sorédifère, constitue , par rapport à son type, le 


CREER MN T2 7 UT 


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(19) | 
pendant exact de l'Usnea qu’on a nommée hirta par rapport 
à l’'U. barbata. Elle forme de petits buissons ou pulvinules 
assez compacts, adhérents par un seul point de leur base, 
et qui, récoltés avec précaution, amènent toujours avec eux 
un petit fragment de la pierre ou du mortier qui leur sert 
de support. Rarement ils dépassent un pouce de hauteur, 
et leur fragilité déjà bien grande lorsqu'ils sont humectés, 
devient extrême quand ils sont secs. Leur dessication est 
très-prompte. Leur base étant assez solidement adhérente , 
ils ne se détachent guère naturellement, mais ils noircissent 
souvent sur pied et semblent moisis. Je ne les ai jamais 
trouvés mélés à d’autres espèces de lichens frutescents ; et 
comme la station où ils croissent ne convient qu'à bien 
peu de mousses, ils forment presque à eux seuls, la végé- 
tation de ces parois nues et désolées par les intempéries. 

Ils ne croissent jamais près de terre , et on est fort heu- 
reux quand on peut, avec la main, atteindre leurs rangs 
inférieurs. Il est rare qu’ils garnissent toute la surface d’un 
mur : habituellement, on les trouve cantonnés sur un es- 
pace plus ou moins étendu , sans qu'on puisse comprendre 
pourquoi ils n’envahissent pas les stations voisines, sur le 
même mur et dans les mêmes conditions. 

En les examinant à la loupe, on aperçoit quelquefois des 
rudiments, toujours informes et avortés, d'apothécies. 


Bordeaux , 7 Février 1852. 
Cnarces Des Mouuns. 


a 


(192 ) 


N.o 45.— ARBRES REMARQUABLES du département de la 
Gironde. 


M. Laterrade, Directeur de la Société Linnéenne , a re- 
cueilli depuis longtemps un bon nombre d'observations in- 
téressantes sur quelques pieds d'arbres , remarquables par 
leur grosseur, qui existent dans le rayon de la Flore Bor- 
delaise. 

Voici une observation , provisoire car elle est sans détails, 
sur un arbre qui, par une autre cause, peut exciter aussi 
l'intérêt des botanistes et des physiologistes. 

Il existe, au bord du fossé qui longe , à gauche, la grande 
route de Bordeaux à Créon, entre le village des Bons- 
Enfants et Sallebœuf, un arbre à deux tiges soudées, et 
qui ne doit guère avoir moins de cent ans; la soudure, qui 
paraît très-inlime , s'élève jusqu’à une hauteur qui ne doit 
pas être moindre de 66 centimètres ( 2 pieds ). 

Ce qu'il y a de remarquable dans ce cas de greffe natu- 
relle , c’est que l’un des troncs appartient à un Chêne ordi- 
naire à feuilles caduques ( Quercus racemosa ou Q. sessili- 
flora probablement, car toutes les feuilles étaient déjà 
tombées hier 6 Février 1852, tandis qu’elles persistent plus 


longtemps sur le Tauzin, Q. toza). L'autre appartient à 


un Chêne à feuilles pérennantes, à un Chêne-Liége (.Q. 
suber ), dont l'écorce est exploitée jusqu’à la hauteur ha- 
bituelle, bien qu'il n’y ait pas de culture de Chênes-Liéges 
aux environs de cette localité. 


Ca. Des Mouus. 


10 Août 1852. 


Lui “simmdé éd dildiatsthtiiiltos: 55 ht Hé Li de 


mû sé ds “ta du Ch méme ici ins h ÉthééS nl) 


e 


(193) 


XIV. Du perfectionnement graduel des êtres organisés - 
par M. Marcel »E SERRES , professeur à la Faculté 
des Sciences de Montpellier , correspondant. (Suite). 


Le nombre des genres éteints est encore considérable 
dans les formations relativement récentes. La moitié des 
genres au moins de Monte-Bolca , dépôt intermédiaire entre 
la craie et les terrains tertiaires, ne vivent plus aujourd’hui. 
Aussi découvre-t-on plusieurs genres perdus dans les cou- 
ches tertiaires récentes. 

C'est de cette manière qu'ont eu lieu les divers perfec- 
tionnements qui se sont opérés dans la classe des poissons 
et même des reptiles, animaux dont les analogies, sous ce 
rapport, sont des plus grandes. Du moins les uns et les 
autres présentent les mêmes faits dans les terrains anciens. 
Il n’en est pas tout-à-fait ainsi des reptiles des formations 
tertiaires, comparés aux poissons de la même époque. Ces 
terrains ne renferment presque aucun genre perdu des pre- 
miers animaux, tandis qu'il en est autrement des seconds, 
dont certaines formes génériques n’ont plus de représen- 


tants dans le monde actuel. 


Aussi les poissons de cette époque diffèrent bien plus des 
races vivantes , que les mollusques qui en ont été les con- 
temporains. Toutefois, les espèces fossiles de cet ordre de 
vertébrés offrent un plus grand nombre de transitions aux 
races voisines que n’en présentent les races de nos jours. 
Ainsi , les poissons sauroïdes sont plus rapprochés des rep- 
tiles sauriens que d'aucune des familles actuelles. 

Tome XVIIL 14 


( 194 } 

Il ne faut pas cependant en conclure que l’organisation 
des poissons de l’ancien monde puisse s’accorder avec le 
passage des espèces les unes dans les autres. Ce passage 
est du reste tout-à-fait hypothétique, et n’est fondé sur au- 
cune observation précise. Ainsi, les cycloïdes et les cténoi- 
des qui ont apparu les derniers sur la scène de l’ancien 
monde, et dont on ne voit aucune trace avant l'époque cré- 
tacée, ont si peu de rapports avec les classes qui les ont 
précédés, qu'il fant qu'ils aient été produits par une création 
spéciale et distincte. Il est du.moins impossible de les faire. 
provenir des placoïdes et des ganoïdes, dont le plan général 
de l'organisation est si différent , ‘et dont les formes se sont 
toutefois étendues jusques dans la faune actuelle, où les 
cténoïdes et les cycloïdes dominent tellement qu'ils en re- 
présentent environ les quatre cinquièmes. 

Le reste des poissons de notre monde consiste principale 
ment en placoïdes auxquels se joint un nombre extrème- 
ment restreint de ganoïdes. 

Les poissons des temps géologiques ont donc différé d’une 
manière essentielle des espèces vivantes, non- -seulement 
sous les rapports spécifiques, mais sous le rapport des for- 
mes génériques. Les terrains anciens ne renferment pres- 
que que des ganoïdes aujourd'hui si rares, et. n'ont aucun 
représentant des deux ordres actuellement les plus abon- 
dants. Les ganoïdes restent nombreux jusqu'à l'époque ju- 
rassique, pendant laquelle les placoïdes deviennent plus 
fréquents. Ces derniers se continuent pendant la période 
crétacée où apparaissent les cycloïdes et les cténoïdes ; les 
ganoïdes diminuent pour lors rapidement. 

En général, les familles ont été peu nombreuses dans les 
époques anciennes ; elles ont eu même cela de particulier 
de se ressembler et d’être peu différentes les unes des au- 
tres. La nature a donc été moins variée aux époques an- 


émane did té (ei SE 


(135 ) 
ciennes que maintenant; elle n’est arrivée que peu à peu 
aux formes plus diverses de la création dont nous sommes 
les témoins. 

Ces faits prouvent, ainsi que nous le démontrerons plus 
tard, qu'il n’y a jamais eu de passage entre les éspèces ; 
car si de pareilles transitions avaient été dans les desseins 
de la nature, on ne verrait pas fréquemment des genres 
tout-à-fait spéciaux à une époque, y apparaître dès leur ori- 
gine , avec une multitude d'espèces. Le lien des faunes n’est 
donc pas matériel ; il réside tout entier dans la Rav du 
Créateur. 

Ce passage des espèces les unes dans les autres n’a été 
admis que sur des faits inexacts. Ainsi, on avait longtemps 
considéré comme fossile et comme appartenant aux ter- 
rains tertiaires, un poisson trouvé au Groënland , dans des 
géodes d'argile. M. Agassiz, en examinant avec soin cet 
échantillon, a reconnu qu'il appartenait non aux temps géo- 
logiques, mais à l'époque historique. 

Il y a plus, les espèces de cet ordre le plus simple des 
vertébrés paraissent toutes perdues, même celles des épo- 
ques les plus récentes. Du moins le seul poisson du dilu- 
vium déterminé d’une manière rigoureuse, est une race 
perdue nommée Esox otto. Ainsi il n’est pas une seule es- 
pèce de poisson commune aux terrains de l'ancien monde 
et à ceux du monde actuel , ce qui prouve qu'il n'y a pas eu 
. de transition entre les deux créations, Lames. ‘elles sont to- 
talement différentes. 

Si l’on suppose que le nombre des poissons vivants s'é- 
lève à 8000 et celui des espèces fossiles à 1800, les der- 
nières seraient un peu moins du quart des races actuelles. 
Si l'on admet au contraire que ce nombre ne s'élève pas 
pour les espèces de l’ancien monde à plus de 1,400 , il en 
résulterait que celles-ci ne composeraient qu'un peu plus 


” 


( 196 ) 
du sixième des espèces qui s'offrent maintenant à nos re 
rds. 

Ces animaux ont laissé des traces de leur ancienne exis- 
tence dans les terrains stratifiés, et sont en même temps les 
plus persistants des vertébrés. Ils ont constamment existé 
depuis la première apparition de la vie, jusqu’à nos jours. 

En se laissant conduire par la forme des éeailles, parties 
qui ont-traversé tous les âges et sont parfois d’une parfaite 
conservation, M. Agassiz a divisé les poissons en quatre 
grandes classes. Ces classes, assez naturellles, concordent 
très -bien par leur apparition avec les époques géologiques 
où elles ont vécu. L'une de ces classes, à peu près complète- 
ment méconnue jusqu’à lui, est formée de genres dont on 
ne trouve la plupart des espèces qui en font partie, que 
dans les couches anciennes de l'écorce du globe. 

Ces classes sont : les ganoïdes, les placoïdes, les eté- 
noïdes et les cycloïdes, 

1.0 Les ganoïdes comprennent plus de 50 genres. Il 
faut en rapprocher les Plectognathes, les Syngnathes et les 
Esturgeons ( Accipenser ). 

2.0 Les placoïdes réunissent les poissons cartilagineux de 
de Cuvier, moins les Esturgeons que M. Agassiz place dans 
les ganoïdes , ainsi que nous venons de le faire observer. 

Ces deux classes de poissons , qui ont persisté depuis la 
première création jusqu'à la fin de l’époque jurassique, ont 
été composées d'espèces munies de plaques épineuses ou 
d'écussons couverts d’émail. 

3.0 Les cténoïdes, les plus nombreux des poissons du 
système supérieur de la craie, embrassent les acanthopté- 
rygiens d'Artédi et de Cuvier, à l'exclusion cependant de 
ceux à écailles lisses et les pleuronectes en font également 
partie. 

4,0 Les TRS sont composés des méstepté tri et 


di Éd RÉ à dd à GE SE Lo + de Sn nié d + éd Si Éd ins d 


( 197 ) 
de toutes les familles des acanthoptérygiens de Cuvier. Il 
faut toutefois en exclure les Pleuronecta , qui doivent être 
placés parmi les cténoïdes. 

Pour saisir les rapports de ces classes avec celles de la 
population actuelle, il suffit de se rappeler que sur les huit 
mille espèces de poissons vivants, plus des trois quarts 
appartiennent à deux classes qui se trouvent peu dans les 
terrains antérieurs à la craie. Elles se rapportent aux cté- 
noïdes et aux cycloïdes, dont on ne découvre aucun ana- 
logue dans toute la série des terrains secondaires jusqu'aux 
grès verts ( green sand ). 

L'autre quart se rapporte aux ganoïdes et aux placoïdes ; 
peu nombreux maintenant, ils ont principalement existé 
durant l’époque écoulée depuis que la terre a commencé 
d'être habitée, jusqu’au moment où les animaux déposés 
dans les grès verts ont paru sur la scène de l’ancien monde. 

Cette singulière balance dans les classes qui composent 
la série la plus simple des vertébrés, est un fait d'autant 
plus remarquable, qu'on observe non-seulement en grand 
cette disposition régulière dans les groupes , maïs encore 
dans leurs subdivisions, Les genres reproduisent par leur 
affinité, les séries analogues dans chaque ordre, et même 
dans chaque famille. Les différences d'organisation devien- 
nent ainsi des caractères distinctifs pour les 
logiques, même relativement aux 7 que l’on verrait 


* pour la première fois. 


Ces différences organiques ont surtout trait à la nature 
des téguments et à la manière dont les poissons se montrent 
en rapport avec le monde extérieur qui les entoure, et 
principalement aux organes essentiels de la locomotion. 
Les types spécifiques de ces vertébrés à peu près tous 
perdus, n’ont rien d’analogue avec les races vivantes. Ceux 
qui appartiennent aux formations crayeuses , se rapprochent 


( 198 ) 
beaucoup plus des poissons de la série tertiaire, que des 
espèces antérieures à ces formations. Il n’y a jamais rien 
de commun entre les espèces des deux terrains, quoiqu'il 
arrive souvent que quelques genres se trouvent à la fois 
dans l’un et-dans l’autre, 

Les poissons des terrains crétacés diffèrent donc plus de 
ceux qui les ont précédés que de ceux qui les ont suivis. Ils 
n’ont cependant rien de commun avec les races actuelles et 
même avec les poissons des couches les plus anciennes des 
formations tertiaires, 

On a longtemps supposé qu'il n’en était pas ainsi des es- 
pèces nombreuses de Monte-Bolca, Du moins , plusieurs ob- 
servateurs avaient admis que l'on y trouvait des espèces qui 
vivent maintenant dans la Méditerranée. Elles en diffèrent 
cependant beaucoup, et même des autres espèces des temps 

historiques. Aussi, peut-on à peine en rapporter un tiers 
aux genres nombreux établis par Cuvier et encore moins 
dans les coupes admises par Artédi, Bloch et Lacépède. 
Tous les autres sont donc perdus et n’ont pes de repré- 
sentants parmi nos genres vivants. + 

Les poissons de Monte-Bolca, appartiennent donc plutôt 
aux formations crétacées qu'aux tertiaires. Quoiqu'il en 
soit, la différence des espèces de Monte-Bolca avec celles 
de l’époque actuelle est d'autant plus réelle, que celles de la 
craie et particulièrement de cette localité sont remarquables 
par la beauté de leur conservation. M. Mantell est parvenu 
à mettre en évidence les intestins d'un des poissons les plus 
particuliers de l'ordre des ganoïdes , le Macropoma. On a 
pu même se former une idée de sa manière de vivre; de 
gros coprolithes se trouvant aux extrémités du tube intes- 
tinal. ; 

- Le nombre des poissons , considéré en général , ainsi que 
celui de leurs groupes particuliers, ne paraît pas augmenter 


LL: : readers ii er Sénateur cEod déc: Se di LÉ ASS Cr Gé NS 


( 199 ) 
dans les différentes formations. La seconde période fournit 
cependant une exception remarquable à ces faits; car elle 
présente une augmentation de plus du double du nombre 
qui existait auparavant. 

Les poissons, les plus simples des vertébrés, semblent 
peu se prêter à l'idée d’un perfectionnement graduel: Ainsi 
les ganoïdes les plus anciens sont les plus voisins des rep- 
tiles, par leur dentition et quelquefois par leurs: formes. 
Les placoïdes qui ont aussi existé dans les terrains anciens, 
sont toutefois les plus inférieurs par leur squelette cartila- 
gineux et leur système nerveux. Ces poissons se retrouvent 
dans nos mers ; ceux-ci ont les plus grandes analogies sous 
le rapport de leur organisation considérée en général, avec 
les placoïdes des temps géologiques. 

- Le progrès, chez les poissons, tient à ce que ces os 
ont tendu constamment à se rapprocher des formes actuel- 
les. Ils n’y sont même arrivés qu’à l’époque crétacée, quoi- 
que les genres fossiles analogues aux genres actuels, des- 
cendent jusqu'aux terrains jurassiques. Le progrès , chez cet 
ordre de vertébrés, a dû se faire tout-à-coup, puisqu'ils ont 
été longtemps destinés à tenir lieu de toutes les classes de 
cet embranchement. Aussi existe-t-il de grandes analogies 
entre certaines espèces de poissons ganoïdes et les reptiles, 
du moins, d’ pi leur dentition et SRE par leurs. 
formes. 

Quoique les poissons des anciennes époques diffèrent par 
leurs formes de ceux de nos mers’ rien ne fait supposer 
que les conditions dé la vie sin “tk RER 25 
uns et pour les autres, mal ll 
extérieurs dont ils ont rebisioé l'influence Les poissons ont 
eu dans tous les temps une organisation. générale analogue 
à celle de notre monde, quelque grande qu'ait pu être la 
diversité de leur type spécifique. 


( 200 ) 

Enfin, les races des premiers âges annoncent que les 
eaux des mers dans lesquelles elles ont vécu , n'étaient pas 
aussi salées qu’auiourd’hui ; du moins, les différences entre 
les eaux douces et les eaux salées étaient alors peu sensi- 
bles. En effet, il n'existe aucune preuve qu’il y ait eu 
des eaux d’une nature différente , avant la fin de l’époque 
jurassique , époque où les terrains wealdiens ont été dépo- 
sés, Ces terrains semblent avoir été précipités dans des 
eaux saumâtres , renfermant des genres aujourd'hui marins, 
mêlés à d’autres genres qui vivent maintenant dans les 
eaux douces. 

De même , les sauriens de l'époque jurassique portent à 
croire que les eaux des mers étaient moins salées qu’au- 
jourd’'hui ; car âucun grand saurien ne vit maintenant dans 
les eaux marines, du moins d'une manière constante. C’est 
seulement à l’époque tertiaire, que l’on peut distinguer 
avec précision les dépôts des eaux douces de ceux des eaux 
salées. 

Malgré la diversité des influences dont les poissons et les 
reptiles des différents âges ont ressenti l’action, ces influen- 
ces n'ont pas été assez puissantes -pour changer les lois de 
leur organisation générale, puisqu'elles ont été les mêmes 
à toutes les époques. Seulement , certains détails de l'orga- 


nisme ont disparu, tandis que d’autres , particuliers et ac- 


commodés à ces circonstances nouvelles, ont apparu et ont 
été avec elles en parfaite harmonie. 

Quoique les distinctions entre les eaux douces et les eaux 
salées, ne soient guère possibles qu’à partir des terrains 
wealdiens, et surtout des formations tertiaires , On a cru 
avoir rencontré dans les calcaires houillers de l'Angleterre 
et de la Belgique, des coquilles bivalves qui ont quelques 
RS eu avec les penis ( con Ces spin accom=- 


pagnées par de petits , 


# 


{ 201 ) 
qu’à l’époque houillère, des affluents d’eau douce se rendaient 
à la mer, où se formaient leurs masses charbonneuses. 

La population du groupe houiller a les plus grands rap- 
ports avec celle des terrains de transition, Il en est de 
même de la végétation des deux époques. On y voit, à 
peu de chose près, les mêmes classes d’invertébrés et de 
vertébrés, avec toutefois cette différence, que les terrains 
houillers auraient offert de plus des reptiles, si les obser- 
vations que nous avons rapportées sont exactes. Îl y aurait. 
donc eu un véritable progrès d’une époque à une autre, 
progrès semblable à ceux qui ont eu lieu dans les époques 
suivantes. 

En effet, à ces âges reculés, les FES à respiration 
aérienne ont été fort rares. Ils ont été toutefois plus com- 
muns à l’époque houillère que lors des terrains de transi- 
tion, puisque la première a vu deux classes d'invertébrés, 
les insectes et les arachnides qui respirent l'air directement. 
Il en serait de même des vertébrés, si réellement les reptiles 
ont apparu à cette époque. 

Les insectes ont été du reste peu nombreux au milieu 
des couches houillères; on n’y a guère signalé que quelques 
coléoptères et des névroptères. Ainsi, M. Austice a reconnu 
dans les sables ferrugineux de la formation houillère de 
Coal-Brock-Cale en Angleterre, un charançon qui a quel- 
ques rapports avec uné espèce du même genre vivant actuel- 
lement en Amérique. Depuis lors, on a rencontré dans les 
mêmes formations, une espèce de la même famille qui appar* 
tient au genre Brachycère, D'un autre côté, Audouin a décrit 
une aile de névroptère , rapprochée des genres Hemerobius, 
Semblis, et surtout des Corysdales. Cette aile, examinée 
avec soin, lui a paru avoir des: analogies avec celles des. 
Mantispes, genre qui fait le passage des névroptères aux. 
orthoptères, tout aussi bien que le genre WMantis. Les 


(202) . 

caractères de cette aile indiquent un genre nouveau , tout- 
à-fait inconnu dans la nature vivante. 

‘époque houillère est la première, où l’on a reconnu 
des débris d'arachnides. Du reste, comme les arachnides 
se nourrissent d'insectes , il fallait que ceux-ci existassent 
pour qu'elles eussent de quoi s'alimenter. 

La seule espèce connue dans ces terrains appartient à un 
nouveau genre , si la forme des yeux peut être considérée 
-comme un caractère générique suffisant. M. Buckland s’est 
fondé pour établir le genre Cyclophthalmus, sur la forme 
sphérique de ses yeux. Ce scorpion, dont les analogies avec 
les scorpions actuels sont manifestes, a été rencontré dans 
les houillères de la Bohème par M. de Sternberg. 11 diffère 
peu, par ses formes, de certaines espèces étrangères à l'Eu- 
rope, quoiqu'il se rapproche beaucoup plus du Scorpio 
occilanus qui vit aujourd’hui dans le midi de la France. 

. Ces articulés sont les seuls invertébrés , respirant l’air en 
nature, observés jusqu’à présent dans les terrains houillers. 
Leur petit nombre ne peut avoir mis obstacle au dévelop- 
pement et à la vigueur de la végétation de cette époque. 

Si des animaux des mêmes familles n’ont pas vécu à 
l'époque de transition, l'apparition des articulés lors du 
dépôt des terrains houillers, serait un véritable progrès 
dans l'organisme ; car ces animaux appartenant aux aracbni- 
des pulmonaires, se rapportent à des espèces fort élevées 
dans la série des invertébrés. 

Les mollusques présenteraient un perfectionnement non 
moins manifeste, si les genres terrestres et des eaux dou- 
ces que l’on y a signalé, ont été les contemporains des for- 
mations houillères. Ces genres ont été assimilés aux Helix, 
aux Helicina , aux Unio, aux Melanopsis et aux Melania. 
H s’agit seulement de savoir si les formes de ces genres, 


Re US dd 


( 205 }) 
sont assez semblables à celles des genres actuels pour les 
assimiler : c’est ce qui n’est guère admissible. 

En supposant qu'il en fût ainsi, les espèces qui en fe- 
saient partie , auraient été en fort petit nombre, et surtout 
les individus qui les composaient. Aussi, ces mollusques 
n'ont pas pu avoir la moindre influence sur la végétation de 
l’époque à laquelle ils ont appartenu. ts: 

La disparition de certaines espèces , et l'apparition de 
formes nouvelles , n’est pas toujours la conséquence d'une 
destruction complète de celles qui s’évanouissent et de 
celles qui apparaissent. Les genres nouveaux qui ont brillé 
successivement aux diverses phases de la terre, y ont peut- 
être surgi en raison des conditions vitales différentes de 
celles qui maintenaient les espèces dans des limites fixes, 
et qui en s’établissant d’une manière rate ont dù les 
en faire sortir. 

En effet, des chaînes de montagnes se sont tout-à-coup 
élevées à la surface de la terre , des continents ont été pous- 
sés au-dessus du niveau des eaux, et d’autres ont été en- 
gloutis. Ces évènements n'ont pu se passer sans modifier la 
température du globe , ou la composition de l'atmosphère. 
Or, de pareilles circonstances ont pu entrainer des condi- 
tions variables dans la Ras qui en a été sensiblement 
altérée. 

Si D. au lieu de renfermer 20, 8 pour 100 
d’oxigène, n’en contenait plus que 8 ou 10, ce fait seul 
rendrait la vie de l’homme tout-à-fait impossible sur la terre. 
Les reptiles et quelques invertébrés pourraient se trouver 
parfaitement à l'aise avec une aussi faible proportion d'air 
respirable. Mais les espèces qui subiraient des conditions 
atmosphériques aussi différentes, ne pourraient pas être les 
mêmes ; tout en conservant les formes générales de l'orga- 


( 204 ) 
nisation, d’autres espèces apparaîtraient, si l'oxigène de 
l'air s’élevait de nouveau de 10 à 20, 8 pour cent. 

Aussi, MM. Agassiz et D'Orbigny présument que l’on ne 
rencontre jamais les mèmes formes dans des couches géo- 
logiques différentes, puisqu'il y a eu des créations nouvelles 
à chaque changement géologique un peu important. Une 
supposition aussi absolue est très-contestable, ainsi que 
nous ayons cherché à le démontrer avec MM. Forbes, 
Owen, Morris et de Buch. 

Ainsi, les Cératites paraissent au savant géologue de 
Berlin, un exemple remarquable d’une forme attribuée pres- 
que exclusivement à la formation du Muschelkalk, qui em- 
piète en réalité, quoique par de faibles débris dans les for- 
mations géologiques postérieures. 

Lorsqu'on compare les ammonites de la craie, dans la- 
quelle on voit s'évänouir peu à peu les dents au fond des 
lobes , et les Cératites et les Goniatites passer les unes aux 
autres, la différence entre ces espèces ne parait pas alors 
assez tranchée pour en former des familles distinctes. On 
doit tout au plus les considérer comme des subdivisions des 
ammonites. 

L'exemple des Cératites , invoqué pour prouver que les 
mêmes formes peuvent se rencontrer dans deux terrains 
différents , n’est donc pas bien concluant. En effet., les Go- 
niatites ont des caractères particuliers qui les rapprochent 
des nautiles, en sorte que si on voulait suivre rigoureuse 
ment ces caractères , il faudrait faire entrer dans les Céra- 
tites un grand nombre d'espèces attribuées jusqu’à présent 
au premier de ces genres. On ne peut donc pas se servir 
de formes génériques anssi incertaines , comme une preuve 
de leur passage d’une époque à une autre. 

Les mollusques ont été aussi nombreux que variés à 
l'époque de la transition; ils comprenaient pour lors, plu- 


Rd eo op « 


( 205 ) 

sieurs ordres particuliers , les céphalopodes, les ptéropodes, 
les gastéropodes, les acéphales et les brachiopodes. Au 
milieu des familles et des genres éteints de cette époque, 
d’autres sont parvenus jusqu'aux âges actuels, tels que les 
Nautiles, les Térébratules, les Psammobies , les Bucardes, 
les Tellines, les Turritelles, les Turbo, les Zrochus, les 
Nérites, les Natices, ainsi qu'une foule d’autres qui vivent 
encore aujourd'hui. 


Les mollusques ont une grande importance dans les an= 


ciennes créations , en raison de leur norabre et de leur dis- 


- persion. Aussi ces animaux jouent-ils le principal rôle dans 


la détermination des terrains, 

Les mollusques ont donc présenté dès les terrains silu- 
riens les classes principales qui les caractérisent aujour- 
d'hui, et ce qui est non moins remarquable, la classe la 


plus compliquée, les Céphalopodes, a été aussi avancée en 


organisation que les espèces qui en font maintenant partie. 


Néanmoins, les différences spécifiques entre les races an= . 


ciennes et nouvelles ont été nettement tranchées, et aucune 
d’elles n’a lié les deux créations , si ce n’est vers les derniers 
temps géologiques. 

Ces faits sans exception pour les invertébrés de la pre- 
mière période qui embrasse les terrains de transition et 
houillers, ne le sont pas moins pour les vertébrés, Les 
poissons différent tous des espèces actuelles ,. et souvent 
même d’un étage à l’autre ou d’une formation ancienne à 
celle qui la suit. Il y a plus : contrairement à ce qui est 
arrivé chez les invertébrés, aucun genre de cette époque 
n’est arrivé jusqu'à nous, et leurs faunes ont été rempla- 
cées tour à tour par des faunes tout-à-fait différentes. Cette 
classe , ainsi que celle des reptiles, a offert de nombreux 
genres et même plusieurs familles qui n’ont été créés que 
pour un temps et pour une époque restreinte et déterminée, 


* 


206 ) 

Les mollusques , dont la plupart des genres se retrouvent 
dans tous les terrains, n’ont que peu de genres et de familles 
éteintes. Les Nautiles et les Térébratules fournissent des 
exemples remarquables de genres persistants, ainsi que les 
Serpules parmi les annélides. On en chercherait en vain de 
semblables chez les animaux vertébrés, même chez ceux 
qui ont appartenu à des âges plus récents. 

Les genres des mollusques dont on ne voit plus de traces 
dans le monde dont nous sommes les témoins, sont en très- 
grande minorité en comparaison de Ceux qui y sont repré- 
sentés. L'étude des formes spécifiques des mollusques 
actuels nous montre, que les genres qui appartiennent uni- 
quement à l’époque géologique moderne, sont assez rares. 
. Leur nombre diminue mème sensiblement, à mesure que les 
recherches paléontologiques se RER et que les espèces 

vivantes sont mieux étudiées. 

En général , les genres des mollusques qui ont vécu pen- 
- dant plusieurs époques ou formations géologiques, sont 
essentiellement persistants; on les retrouve encore parmi 
ceux qui vivent äujourd’hui. Ainsi les faunes jurassiques, 
et à plus forte raison les faunes crétacées, ont plus de genres 
communs avec ceux de la création actuelle que de genres 
éteints. Mais la circonstance la plus particulière de l'histoire 
paléontologique des mollusques, c’est de présenter dès leur 
apparition les ordres les plus compliqués et doués d’une 
organisation tout aussi perfectionnée que celle qui carac- 
térise les genres actuels. 

Cette exception est sans doute aussi formelle à la loi de 
Ja complication que celle qu'offrent les végétaux acrogènes 
de la période primaire; mais il n’est pas moins certain 
qu'on n’en observe pas de pareilles chez un ordre quel- 
conque des êtres supérieurs , végétaux ou animaux. Cette 
circonstance a peut-être dépendu de ce que la nature, en 


. 


dental ses nv! à 


(207) 

opérant du simple au composé, a produit comme d’un seul 
jet les êtres les moins élevés dans la série, tandis qu’elle 
n'y est arrivée que graduellement pour ceux qui sont au 
summum de complication, comme les vertébrés pour les 
animaux et les dicotylédons pour les végétaux. 

L'enchaîinement progressif des quatre classes d'animaux 
vertébrés est un fait qui contrasté à tous égards avec le 
développement uniforme et parallèle des classes d’inverté- 


brés. La gradation des vertébrés est d'autant plus remarqua- 


ble qu’elle se rattache directement à la venue de l'homme, 
que l'on doit considérer non-seulement comme le terme, 
mais comme le but de tout développement. 

Les débris des mollusques sont les plus importants # 
étudier pour la connaissance des terrains , puisqu'ils sont 
les plus répandus et par cela même les plus caractéristiques. 
La variété de leurs genres et de leurs espèces ajoute un 
grand intérêt à leur histoire paléontologique , qui, vers les 
temps récents, se lie par une chaine non interrompue avec 
les espèces actuelles. Les faunes des mollusques sont peut- 
être plus qu'aucune autre , l'expression des lois de la distri- 
bution qu'ont présenté les corps organisés dans les terrains 
de sédiment, suivant leur ordre de superposition. 

Du reste, dans ces faunes successives qui se manifestent 
en raison directe de la complication de l'organisation, la 
puissance créatrice se manifeste aussi bien en faisant dispa- 
raître les anciennes races, que lorsqu'elle en crée de nou- 
velles. La destruction des unes en amène nécessairement 
d’autres sur la scène de la vie. s 

Les crustacés, qui appartiennent à la classe des articulés, 
se sont succédé sous des formes qui ont différé d’une épo- 
que à l’autre, en sorte que ‘certaines de celles qu'ils ont 
présentées aux anciens âges, ne se sont plus reproduites de- 
puis lors. Telles sont celles que les trilobites ont présentées 


( 208 
pendant la période primaire, après laquelle ces animaux 
ont été tout-à-fait anéantis, quoiqu’ils aient été accompa- 
gnés par quelques Cyproïdes et Limules, genres qui se sont 
perpétués jusques dans la nature actuelle. 

Aussi, les crustacés prouvent mieux qu'aucune autre 
classe d’invertébrés , que les êtres organisés se sont succédé 
en raison directe de la complication de l’organisation, et 
que chez certaines classes, le progrès qui s’y est opéré a 
été aussi lent que manifeste. En effet, les crustacés des 
anciens âges du globe ont été bornés à trois ordres , et ce 
petit nombre annonce déjà combien ils ont dû subir de 
perfectionnements pour arriver au nombre des ordres, ac- 
tuels. C'est uniquement à l'époyne secondaire que les formes 
de ces animaux deviennent assez semblables à celles des 
espèces vivantes. 

Les décapodes macroures apparaissent pour la première 
fois ; quoique abondants et variés, et rappelant par leurs 
dispositions générales ceux de nos mers, ils en différaient 
néanmoins par de nombreux détails, et à tel point, qu’ils 
appartiennent tous à des genres entièrement perdus. 

Mais le progrès ne pouvait pas s'arrêter là; car une 
famille entière des décapodes, manquait complètement dans 
les terrains triasiques et jurassiques. Les macroures for- 
maient la presque totalité de ces faunes avec quelques iso- 
podes nageurs, des petits Cyproïdes et quelques Limules. 

Quant aux crustacés brachyures , ils apparaissent pour 
la première fois au milieu de l’époque crétacée ; mais ils 
ne deviennent abondants que dans les terrains tertiaires, 
pour s'étendre et se multiplier encore plas dans le sein des 
mers actuelles. La faune de ces articulés s’est enrichie suc- 
cessivement de quelques anomoures , de stomapodes, d’am- 
phipodes et d’isopodes terrestres , ce qui est encore un pro- 
grès manifeste. 


{ 209 ) 

Les formes des crustacés des terrains tertiaires ressem- 
blent davantage et de plus en plus à celles des crustacés 
actuels ; aussi, les genres que l’on aperçoit au milieu de 
ces formations sont tous à peu près semblables à ceux de 
nos mers. 

Toutefois, des quatre ordres qui ont paru avec la période 
primaire , trois subsistent encore, mais âvec des espèces 
différentes. Deux se trouvent dans la plupart des terrains 
postérieurs à cette époque, les cyproïdes et les xiphosures. 
Quoique les Phyllopodes aient apparu avec les terrains car- 
bonifères, lis vivent encore et manquent cependant dans 
toute la période secendaire. Enfin, les trilobites sont tout- 
à-fait spéciaux aux formations primaires. 

Si l’on compare celte première faune des crustacés avec 
les familles actuelles , l’on voit que leur origine est beaucoup 
plus récente. Ainsi, les décapodes macroures cuirassés , 
inconnus lors de la première période, n’ont apparu qu’à 
l'époque jurassique. 

Plusieurs familles des brachyures qui sont venus pour la 
première fois sur la scène de l’ancien monde au milieu de 
l'époque rene, ne se sont jamais montrées à l’état fossile. 
Ce fait commun à une infinité de classes différentes, est la 
conséquence nécessaire du plus grand nombre d'espèces qui 
caractérisent la création actuelle. La variété est le cachet 
des générations de notre monde ; tandis que les races des 
temps géologiques, singulièrement réduites et restreintes 
dans d’étroites limites, n’ont pas élé répandues sur le 
sol qu’elles devaient animer, avec cette profusion que lon 
observe dans les productions de nos jours. 

Si les anciennes générations ont conservé longtemps u une 
grande uniformité et ont été peu variées , cette circonstance 
a dépendu de ce que les espèces qui succédaient à celles 
des âges antérieurs en étaient complètement différentes et 

Towe XVHIE. 15 


( 210 ) 
s’anéantissaient à leur tour. Ces faunes successives étaient 
presque constamment caractérisées par des espèces nou- 
velles. Les formes particulières et distinctes de ces espèces 
exigeaient le plus souvent la création de genres nouveaux, 
qui pour la plupart étaient composés par des espèces que 
l'on ne revoyait plus sur li scène de la vie. 

Ainsi les anciens crustacés, comme le plus érané nom 
bre des poissons fossiles qui leur étaient associés, tout en 
conservant leurs formes générales et la plupart de leurs 
caractères extérieurs , différaient néanmoins dans leur type 
spécifique d’une époque à l’autre. 

Ainsi, d’après ces faits , les crustacés les plus amples ont 
paru avant les plus perfectionnés ; mais rien ne prouye que 
les premiers soient les souches desquelles sont provenues 
les espèces les plus avancées en organisation et qu'il y ait 
eu transmission, ou si l’on veut passage des unes aux au- 
tres. Aucun fait n’annonce du moins que les décapodes 
dont manque la période primaire, soient dérivées par une 
suite de dégénérescences , des trilobites, des cyproïdes et 
des Limules , les premiers représentants d’une des classes 
des articulés qui n’a acquis son entier développement qu’à 
l'époque actuelle. C’est d'aujourd'hui seulement, que ses 
races peuplent de leurs nombreuses tribus , les eaux douces 
ou salées jadis privées de leurs myriades d'individus. 

Les poissons ont été, à l’époque houillère , les plus nom- 
breux des vertébrés, comme les zoophytes et les mollus- 
ques des invertébrés. On ne saurait discerner parmi eux les 
espèces qui vivaient dans les eaux salées, des races des eaux 
douces, peut-être parce que s’il existait à cette époque 
des différences , elles n'étaient pas discernables par aucun 
caractère tranché. 
= Les genres de cet ordre de vertébrés, propres aux ter- 
rains houillers, sont plus nombreux que lors du groupe de 


RSR ere 


(214) 
transition. C’est dans ce sens qu’il faut entendre le progrès 
opéré dans les anciennes créations. Ce progrès a eu lieu 
tout autant dans le nombre des espèces que dans l’organi- 
sation plus avancée des êtres qui arrivaient tour à tour sur 
la scène de l’ancien monde. 

Deux genres de poissons de l’ordre des ganoïdes, Palæo- 
niscus-et Pycopterus, ent été communs à l’époque de 
transition et à l’époque houillère. Les espèces qui en 
font partie se font assez généralement remarquer par leur 


conservation ; aussi bien celles que l’on découvre en Amé- 


rique , que dans nos régions. Toutefois , les espèces de ces 
deux genres, sont loin d’être identiques dans les deux for- 
mations , ainsi que M. Agassiz l’a observé. 

Le genre des Amblypterus comprend les poissons les plus 

extraordinaires des terrains houillers. Leur organisation est 
si singulière , qu’on a de la peine à se familiariser avec leurs 
traits distinctifs, et à les rapprocher des poissons connus, 
soit fossiles , soit vivants. Les Amblypterus, à en juger du 
moins par la bizarrerie de leurs formes, ont dû naître dans 
des circonstances différentes de celles qui régissent notre 
monde. 
. Ce genre paraît être circonscrit dans les terrains houillers 
et triasiques avec quelques espèces de Palæoniscus. Leurs 
caractères sont si étranges, qu’on est peu étonné de ne 
pas trouver une seule espèce vivante analogue aux Am- 
lypterus, par la forme et la structure de leurs nageoires. Au- 
cune de ces dernières ne présente le prolongement de leur 
queue formé par un lobe symétrique recouvert d” és sur 
toute sa longueur. 

Cette conformation ne se retrouve ai aucun genre vi- 
vant, même chez ceux qui s’en rapprochent le plus par 
l'ensemble de leurs caractères , tels que les Lepisosteus et 
les Polypterus. Ces types génériques , comme les Palæonis- 


( 212 ) 
eus et les Amblypterus, ont des rayons articulés dans leurs 
nageoires. Les ventrales postérieures aux pectorales sont 
insérées au milieu du ventre. 

L'ordre des ganoïdes offre, dans les formations antérieu- 
res au lias, des détails d'organisation et des formes toutes 
particulières, surtout relativement à la disposition de l'ex- 
trémité postérieure de leur corps. Leur colonne vertébrale 
est protégée à son extrémité par un lobe impair, qui atteint 
le bout de la nageoire-caudale. Les espèces du groupe ooli- 
tique se distinguent au contraire, en ce que leur nageoire 
caudale est constamment symétrique, 

Plusieurs espèces de cette époque ont été les premières 
dont les habitudes carnivores ont été manifestes, ce qu’in- 
dique leur système de dentition. Les mâchoires de ces pois- 
sons sont munies de grosses dents coniques et acérées, 
tandis que les espèces dont les dents sont arrondies ou en 
brosse ou en cônes obtus , paraissent avoir été omnivores. 
Il serait difficile qu'il en fût autrement, puisque des orga- 
nisations diverses donnent toujours lieu à des conditions 
vitales différentes. 

On pent d'autant moins douter du genre de nourriture 
dont usaient les poissons armés de dents coniques , que l’on 
reconnait dans leurs coprolithes , les écailles des espèces 
qu'ils avaient dévorées. Ces écailles sont si bien conservées 
qu'il est possible de reconnaître les races auxquelles elles 
avaient appartenu. Il y a plus : certains poissons des for- 
mations supérieures au groupe houiller, offrent des por- 
tions considérables de leurs intestins assez entières , ainsi 
que l'estomac avec ses diverses membranes qui se séparent 
en feuillets, pour juger de la nature de leurs aliments. Le 
genre Macropoma des terrains de craie, nous présente des 
exemples d'une aussi parfaite conservation , d'autant plus 
étonnante, que quoique ce genre appartienne à des dépôts 


( 215 ) 
secondaires d'un âge récent, ces dépôts ne sont pas moins 
antérieurs à l'ensemble des formations tertiaires ei quater- 
naires ( Pliocène et Pléistocène ). 

Ces faits prouvent l’analogie qui existe entre les animaux 
des deux grandes époques de la plus ancienne période géo- 
logique ; ils permettent en même temps d'apprécier le pro- 
grès qui s’est opéré des espèces de terrains de transition 
à celles des terrains houillers. Du reste, les exceptions à la 
loi de la complication, manifestées pendant la plus an- 
‘ cienne période, se sont maintenues à l’époque houillère , et 
dans les mêmes ordres d'animaux. 

Les espèces des deux classes les plus simples caractéri- 
sent donc la première période. Seulement, les invertébrés 
y étaient représentés par des animaux les plus compliqués, 
tandis que les vertébrés n’y étaient d’abord signalés que 
par une seule classe ; la seconde n'a apparu que lors du 
dépôt du groupe houiller. Les poissons y avaient pour repré- 
sentants, non des espèces peu avancées en organisation, mais 
des races qui, quoique très-différentes des nôtres, ne sont 
pas moins remarquables par la complication de leur organi- 
sation , fait dont nous chercherons à expliquer plus tard les 
causes déterminantes. 

La population du groupe houiller se composait de z00- 
phytes , d’articulés et de mollusques, et en second lieu des 
poissons et des reptiles. Les zoophytes ÿ comprennent deux 
ordres : les rayonnés et les radiaires, ordres qui réunissent 
une trentaine de genres. Les articulés ont offert à cette épo- 
que tous les ordres actuellement vivants, les annélides, les 
insectes , les arachnides et les crustacés. Cependant les es- 
pèces qui en faisaient partie étaient si peu nombreuses , 
qu’elles ne comprenaient pas plus d’une quinzaine de gen- 
res. Ceux-ci offraient peu d'espèces ; souvent un ordre n'en 


(214) | 
avait que deux ou trois au plus : comme par exemple, les 
insectes et les arachnides. 

Le nombre des formes génériques s’est singulièrement 
accru chez les mollusques, animaux dont les types supé- 
rieurs sont plus perfectionnés que les articulés sous certains 
rapports, et qui le sont moins sous d’autres. Ils se rap- 
portent à trois ordres principaux : aux acéphales, aux cé- 
phalés et aux céphalopodes, Ces genres, dont le nombre 
est d'environ soixante , comprennent un plus grand nombre 


d'espèces que ceux qui fesaient partie de la a: PApHAFOn des 


terrains de transition. 

Il y a donc eu progrès de cés terrains au groupe houiller, 
puisque le nombre et la variété dans les types génériques 
et spécifiques est un véritable progrès. ï 

Le même perfectionnement ne s’est point manifesté chez 
une classe d’ invertébrés qui, comme les mollusques du 
groupe houiller, a vécu dans le bassin des mers. Toutefois, 
les genres des zoophytes sont plus nombreux dans les ter- 
rains où la vie a apparu pour la première fois, que dans les 
formations houillères. En effet, on en compte dans les pre- 
miers jusqu ’à soixante-dix , tandis que l’on n’en voit guère 
plus de trente dans les seconds. 

Il ne faut pas croire pour cela qu’il n’y a pas eu progrès 
d'une formation à une autre , car cette différence dans les 
types génériques paraît dépendre des circonstances dans 
lesquelles ont été déposés les terrains de transition et houil- 
lers. Ceux-ci, en effet, ont été précipités dans de petits 
golfes ou dans des baies peu profondes , tandis que les pre- 
miers semblent s’être produits au milieu de Ja haute mer. 

Or, c’est précisément là qu’habitent les zoephytes de 
Vordre des radiaires, dont les genres s'élèvent dans. les 
formations primaires jusqu'au nombre de cinquante. Quant 


RD se es EX 


(215) 
à celui des radiaires particuliers à ces formations, ils ne 
s'élèvent pas au-delà de vingt. 

Un accroissement marqué a eu lieu dans les formes 
génériques et spécifiques des poissons , comparées à celles 
qui existaient dans les terrains de transition. En effet, on 
ne connaît guère plus d'une quinzaine de genres propres à 
ces terrains , tandis que les dépôts houillers en renferment 
plus de trente-cinq. Ces genres y étaient accompagnés par 
plusieurs espèces qui n'avaient pas encore paru et qui ont 
peu persisté sur la scène de l'ancien monde. Aussi n’ont- 
elles pas la moindre analogie avec les poissons actuels. 

Les poissons des terrains houillers se distinguent de ceux 
des formations intermédiaires par un certain nombre de 
genres assez compliqués de la famille des sélaciens. Au lieu 
du petit nombre qui a fait partie de la population de l'épo- 
que primaire , les dépôts houillers en offrent plus de quinze, 
aussi remarquables par la variété que par la singularité de 
leurs formes. Gette famille composait à peu près à elle seule, 
la plus grande partie des poissons de cette époque ; ainsi 
sur trente-cinq ou trente-six genres, elle en renfermait vingt- 
quatre, c'est-à-dire, les deux tiers de la totalité. Cette 
famille, comme quelques autres, présente cette particula- 
rité d’avoir constamment persisté à toutes les phases de la 
terre, et d’être arrivée jusqu'aux temps historiques. 

_ Cependant, les lépidoïdes présentent un moindre nom- 
bre de genres à l’époque houillère qu’à l’époque de transi- 
tion. Les lépidoïdes ont en effet tellement diminué, qu'ils 
y sont réduits à peu près à la moitié de ceux qu'ils offraient 
au moment de l'apparition de la vie. 

Ces diversités dans les rapports numériques des genres 
des diverses familles, permettent d'apprécier la tendance 
qui s’est manifestée dans la nature depuis que les êtres 
vivants ont apparu ici-bas , jusqu’à la création actuelle. 


( 216 ) 
Cette tendance, surtout sensible chez les vertébrés, a eu 
pour but un perfectionnement dans le nombre et la variété 
des espèces, ainsi que dans la complication de leur orga- 
nisation. Aussi, peut-on considérer chaque époque géologi- 
que, comme une sorte de chainon qui lie sans interruption 
les anciennes générations aux nouvelles. 

Cette manière d'envisager l'ensemble des recherches géo- 
logiques semble d'accord avec les faits observés ; elle re- 
pousse , par conséquent , les hypothèses hasardées , émises 
par quelques physiciens. Ainsi, suivant les uns, l’hémi- 
sphère Nord n'aurait été, à l’époque des formations houil- 
lères, qu'un grand archipel, où régnait par suite du voisi- 
nage de l'océan, une température uniforme et assez élevée 
pour favoriser le développement d’une végétation tropicale. 
Cette température se serait perpétuée pendant des temps 
assez longs : il paraïîtrait du moins, qu'il faudrait attribuer 
à ses effets la grandeur et les proportions colossales des 
monstrueux sauriens qui ont peuplé les rivages et les îles 
marécageuses de l'époque jurassique. 

Cet immense archipel aurait été ensuite transformé en 
continent par un soulèvement graduel et plus ou moins 
irrégulier du sol. Cette augmentation de terre et sa plus 
grande élévation au-dessus du niveau des mers, aurait pro- 
duit un abaissement continuel de température à la surface 
de notre planète, duquel serait résultée la destruction d'un 
certain nombre d'espèces vivantes. 

Cette hypothèse toute gratuite, avait cependant acquis 
une grande probabilité aux yeux de ceux qui l'avaient pro= 
posée, de ce qu'une fougère arborescente croît maintenant 
dans la Nouvelle-Zélande par le 46% degré de latitude Sud, 
le même que le centre de la France dans l'hémisphère 
septentrional ou boréal. A l’aide de ce fait, dontil est facile 

de donner une explication satisfaisante, sans avoir recours 


(FT ) 

à une hypothèse aussi peu probable que celle à laquelle on 
le rattache, on s’est cru en droit de conclure qu’il n'y 
avait pas eu dans la nature animée, une progression ascen- 
dante, procédant par créations successives, et se perfec- 
tionnant dans les classes les plus compliquées par ordres, 
par familles, quelquefois même par genres , mais jamais 
par espèces ; car le type spécifique a été constamment fixé 
et immuable. 

On a toutefois prétendu que les animaux supérieurs , tels 
que les oiseaux et les mammifères, avaient pu exister à 
l’époque des plus anciennes formations. Voici, comment 
l'on raisonne pour faire admettre un fait que rien ne dé- 
montre et qu'aucune observation ne confirme. 

On découvre au milieu des terrains houillers, comme 
peut-être dans ceux de transition , des poissons et des arti- 
culés qui respiraient l'air en nature. On rencontre même, 
à ce qu'il paraît, dans le groupe houiller, des reptiles qui 
avaient le même mode de respiration; mais on ne voit 
avec eux ni oiseaux, ni mammifères. Leur absence n’a rien 
d’extraordinaire ; car rien ne prouve que ces animaux n'aient 
pas vécu auprès des côtes et à peu de distance du bassin 
des mers, et qu'ils n’aient pas été dévorés par les habitants 
des eaux salées ; on peut le supposer avec d'autant plus de 
raison, que les plus carnassiers vivaient auprès du littoral 
dans des baies ou des criques peu profondes, Nécessaire- 
ment les débris de ces animaux ne peuvent être que fort 
rares ; aussi y a-t-il peu de chances pour les rencontrer dans 
les couches terrestres. 

D'un autre côté, les anciennes formations, tout comme 
les terrains secondaires, ont été déposées au-dessous du 
niveau de l'océan actuel, et au milieu de grandes masses 
d’eau, qui n'ont} ais aux espèces supérieures qu'elles 
auraient pu enfermer, de se conserver et Tatin : jusqu'à 
nous, 


: (218 ) a 

Cette partie de la supposition est la moins fondée , puis- 
que les débris des mammifères marsupiaux des terrains 
jurassiques , et des oiseaux des terrains crétacés, se sont 
conservés jusqu’à nous. Dès lors, on ne voit pas pourquoi, 
il n’en aurait pas été ainsi de ceux qui auraient pu vivre 
dans la première période , où a eu lieu le dépôt des forma- 
tions de transition et houillère.- 

Il aurait dû en être de même des restes des oiseaux et 
des mammifères des terrains tertiaires ; cependant , les cou- 
ches de ces terrains abondent en débris de ces animaux, sou- 
vent même dans un état de conservation assez parfaite. On 
a cru répondre à cette objection , en faisant observer qu'à 
l'époque des dépôts de cette nature, l'aspect physique du 
globe était changé dans notre hémisphère , que les mers 
intérieures avaient été séparées de l'océan, que des fleuves 

considérables avaient leur cours bien tracé, enfin que de 
vastes régions émergées avaient surgi au-dessus du niveau 
des mers. 

Ces faits ont nécessairement exercé une influence sur 
l'apparition de certaines races végétales et animales, ainsi 
que sur la disparition de plusieurs autres, mais on ne voit 
pas celle qu'ils auraient pu avoir sur la conservation des 
restes organiques des deux règnes. 

Ces objections ne sont donc pas sérieuses; mais 5 n’en 
est pas de mème de celle qui suppose que la période de tran- 
sition offrait les trois principales divisions du règne végé- 
tal, les plantes acotylédonées, monocotylédonées et dicoty- 
lédonées. On rapporterait, dans ces idées préconçues, les 
Sigillaria et les Stigmaria, qui ne sont, du reste, que des 
parties différentes d’une même — et les conifères à 
cette dernière classe. 

On n’a toutefois découvert jusqu'à présent dans la for- 
mation de transition et même dans les secondaires, que 


( 219 ) 

des phanérogames gymnospermes, et pas un seul échantillon 
de dicotylédones angiospermes Les derniers se découvrent 
pourtant dans les couches tertiaires bien plus perméables 
que les couches anciennes. Cette circonstance aurait dû 
préserver les végétaux phanérogames d'une destruction com- 
plète, quelque prompte qu’elle puisse être. Cependant on 
n’en voit pas la moindre trace dans les terrains qui auraient 
pu en empêcher la décomposition, mais seulement dans 
ceux qui l’auraient favorisée. 

N'est-il pas naturel d'en conclure que ces végétaux 
n'existaient pas lors des formations anciennes, tandis qu’un 
grand nombre a vécu à l'époque des dépôts tertiaires. Aussi 
leurs débris sont arrivés jusqu'à nous, malgré les causes 
qui ont tendu à en effacer les traces. 

On ne concevrait pas, si les végétaux angiospermes 
avaient paru aux époques anciennes, comment il ne s’en 
serait pas conservé le moindre vestige. De, même, si les 
mammifères avaient existé pour lors, il serait surprenant 
de ne pas en découvrir la plus légère trace. Si les produits 
des deux règnes ne s’y rencontrent pas, c’est qu’ils n’y ont 
point apparu. 

Quant aux Sigillaria et aux Stigmaria que l’on a tenté 
de rapprocher des dicotylédones, on peut tout au plus leur 
trouver quelques analogies avec les phanérogames gymnos- 
permes. Ces végétaux caractérisés par des tiges aplalies, 
cannelées dans toute leur longueur et non articulées, comme 
celles des Calamites , ont été désignés sous le nom de Si 
gillaria. Les autres portions végétales, connues sous la dé- 
nomination de RAmerie, Prasseps n'être que les racines 
de ces tiges. 

On peut citer comme BA FR des terrains houil- 
lers, les Sigillaria pachyderma et Stigmaria ficoides. 


( 220 }) 

La famille des conifères, l'une des plus compliquées 
des terrains houillers, a pu, par suite de la forme et de la 
disposition de ses bois, produire ces masses charbonneuses 
si abondantes dans les terrains déposés depuis cette époque 
jusqu’à celle des formations jurassiques. On peut en rap- 
procher les espèces du genre Araucaria et signaler parmi 
les plus abondamment répandues les types qui se rappor- 
tent au geure Walchia établi par M. de Sternberg et dont 
les principales espèces sont les Walchia Schlotheimiü et 
Hypnoides. 

IL nous reste maintenant à savoir si les circonstances qui 
ont fait périr tant d'espèces vivantes, eten ont fait appa- 
raître de nouvelles différentes des premières, ont été aussi 

dissemblables qu'on serait tenté de le supposer. 

_ Si l’on porte son attention sur la population des mers 
anciennes durant un laps de temps beaucoup plus considé- 
rable que celui pendant lequel se sont formés les dépôts 
secondaires , les espèces qui composaient cette population 
ont bien éprouvé de grands changements ; mais ces change- 
ments n'ont été ni brusques ni complets ; ils se sont opérés 
avec une sorte de gradation, lorsqu'ils étaient importants, 
en sorte que l’organisation des animaux des mers des an- 
ciens âges a eu toujours des caractères communs, d’une 
époque à une autre , quelquefois même à des époques assez 
éloignées. 

Ainsi la famille des reptiles énalio-sauriens dont on dé- 
couvre les premiers débris dans les terrains pénéens, quel- 
que paradoxale qu’elle soit, n’en a pas moins persisté jus- 
qu'à la fin des terrains jurassiques, et même jusqu’au 
système moyen des formations crétacées. Ce système com- 
prend comme on le sait , trois principaux groupes , l’albien, 
le turonien et le senonien. C’est seulement dans le premier 
ou le plus ancien , que l’on a découvert des restes d’énalio- 
sauriens. 


a“ 


(2) 

Cette famille a donc élé constamment représentée pen- 
dant le dépôt des terrains pénéens, des grès bigarrés, du 
calcaire conchylien, des marnes irrisées, du kemper, du 
lias et de l'entier système jurassique, jusqu'aux terrains al- 
biens. Elle ne s’est pas cependant étendue au-delà, mais 
son existence a été assez longue, ainsi que nous venons de 
le faire observer. L'une des organisations les plus étranges 
de l’ancien monde a, par cela même, persisté longtemps à 
la surface de notre planète qu’elle a animée sans l'embellir. 

Quoique les formes de ces singuliers sauriens soient dis- 
parates avec celles de nos reptiles, il n’est pas moins réel 
que les différents systèmes zoologiques de l’ancien monde 
se rallient et se tiennent les uns les autres, par un petit 
nombre d'espèces communes. Néanmoins, les changements 
et modifications qui s’opéraient dans l'organisme, ont été 
parfois si grands que la plupart des espèces et même des 
genres d’une époque, ont cessé d'exister à l’époque sui- 
vante et n'avaient pas paru à la précédente. 

Ces types génériques ont disparu à leur tour, tandis que 
certains d'entr'eux ont constamment persisté et se sont per- 
pétués jusqu'à l'époque actuelle. Ils se trouvent , en effet, 
dans nos mers, mais sous d’autres formes spécifiques, 
comme pour nous permettre de comparer avec plus d'exac- 
titude des types organiques qui ont appartenu aux deux 
créations. 

Or, si des genres ont pu résister aux changements qu'ont 
subis les plus anciennes périodes, pendant lesquelles la vie 
a déployé ses merveilles, il en a dù être ainsi de la troisième, 
la plus rapprochée des temps historiques. Cette dernière 
est la plus riche en types génériques des deux règnes, ana- 
logues à ceux qui vivent encore. - 

D'après les nombreux soulèvements auxquels la terre a 
été en proie , ét qui n’ont cessé qu'après le dépôt du dilu- 


| (22) | 
vium, on est peu étonné, qu'un si grand nombre de races 
ait disparu du globe, et que de nouvelles espèces leur 
aient succédé, lorsque ces terribles commotions s'étaient 
apaisées et avaient fait place à des époques de calme et de 
tranquillité. On supposerait même , si les faits ne démon- 
traient le contraire, que les végétaux et les animaux de ces 
deux périodes ne devaient avoir rien de commun, non- 
seulement sous le rapport de leur type spécifique, mais 
même sous celui de leur type générique. 

Pour se rendre raison d’un pareil phénomène , il ne faut 
pas perdre de vue qué le plan de la nature a constamment 
tendu vers l'unité et la simplicité ; or, dans la création suc- 
cessive des anciennes générations , elle les a rattachées les 
unes aux autres par un lien commun, et a été ainsi cons- 
tamment fidèle au plan d'organisation qu’elle avait adopté 
. à l’origine de la création des êtres vivants. » 

Un des faits les plus singuliers de la faune des premières 
créations, c’est l’uniformité que présentaient les animaux 
qui en faisaient partie, du moins quant à leurs espèces. 
Les races des premiers âges où la vie a brillé à la surface 
du globe étaient semblables dans les lieux les plus distants, 
aussi bien celles qui habitaient les terres sèches et décou- 
vertes que celles qui vivaient dans le bassin des mers. Une 
circonstance remarquable y concourait à la vérité, c’est 
qu'il n'existait encore qu’une seule mer ; les mers intérieu- 
res n'ayant pas été séparées de l'Océan. 

Cette similitude ne dépend pas, comme on l’a supposé, 
de l’imperfection de nos connaissances sur les êtres de l’an- 
cien monde. Il serait en effet étonnant qu’elle fût bornée 
aux nombreuses espèces que nous avons rencontrées dans 
les couches des premiers âges, et qu’elle n’existât pas 
parmi celles qui nous restent à découvrir. F 

Du reste, les espèces fossiles sont d'autant plus unifor- 


( 225 ) 
mes et diffèrent d'autant moins les unes des autres, quel- 
que grande que puisse être la distance horizontale qui les 
sépare, qu'elles appartiennent à des formations plus an-, 
ciennes. Ainsi, M. Léopold de Buch a signalé dans l’hémis- 
phère austral, des Exogyres et des Trigonies , et M. D’Or- 
bigny des Ammonites et des Gryphées aux pieds de l'Hima- 
laya et dans les plaines indiennes de Catels. Ces Ammonites 
sont exactement des mêmes espèces que celles de Fan- 
cienne mer jurassique qui couvrait la France et l'Allemagne, 

Quoique cette uniformité soit un des caractères les plus 
remarquables des anciennes générations ; cela ne fait pas 
cependant que certains genres, et par suite quelques espè- 
ces , n'aient vécu à des époques uniques et sur des espaces 
très-circonscrits. Ces genres constituent des faunes locales 
comparables à celles que l’on observe dans quelques dépôts 
récents , ainsi que dans la faune actuelle. Néanmoins , d’au- 
tres genres et d’autres espèces vivaient dans les mêmes 
localités et se montraient en même temps dans les points 
les plus éloignés de la terre et dans les latitudes les plus 
diverses. 

Le perfectionnement des races animales ayant eu lieu 
principalement par rapport à la variété de leurs espèces, 
ainsi que relativement à la complication de leurs familles 
les plus élevées dans la série , il est plusieurs de ces familles 
dont on n’y découvre que peu d'exemples. Tels sont, parmi 
celles des mollusques, les gastéropodes, les monomyaires , 
les dimyaires , tout comme parmi les articulés, les insectes, 
les arachnides et les annélides. On n’y voit pas non plus 
parmi les zoophytes un certain nombre des _. coupes 
qui y ont été établies. 

Ce nombre est plus grand encore lorsqu'on compare 
les animaux vertébrés des anciennes générations à ceux 
qui font partie des générations actuelles. Pour n’en citer 


( 224 ) 
qu’un seul exemple, nous rappellerons que le nombre des 
poissons vivants. n’est pas moindre de 8000, tandis que 
celui des espèces fossiles ne s’élève pas à plus de 1800. 

Malgré cette différence dans la proportion des espèces des 
deux créations , il est une foule de familles des anciennes 
générations, dont on ne découvre aucune trace parmi celles 
qui vivent encore. La vie, tout en se perpétuant sur la terre 
depuis son apparition, n’a donc pas cessé de se modifier 

dans ses-formes et ses dispositions. 
 Telles sont les lois les plus générales de la distribution 
des espèces fossiles dans le sens de l'étendue horizontale 
des terrains où l’on en découvre les débris ; étudions main- 
nant celles qu’elles ont suivies dans le sens de l'épaisseur 
des couches. 

On remarque à cet égard que le nombre total des espèces 
tend à s’acctoitre de bas en haut, par une progression 
différente dans chaque ordre ou dans chaque famille, et 
même dans chaque formation. Cette progression est sou- 
vent inverse dans les divers ordres d’une même classe ou 
dans les divers genres d’un même ordre. 

Ces lois ne sont donc pas les mêmes que celles qu’a sui- 
vies le développement des êtres organisés dans le sens ho- 
rizontal géographique. Dans ce dernier cas , les espèces qui 
se trouvent sur un grand nombre de points et dans des pays 
très-éloignés, sont presque toujours celles qui ont vécu 
pendant la formation de plusieurs systèmes successifs, ou 


qui ont le plus longtemps persisté. En même temps, les es- - 


pèces qui appartiennent à un seul système de couches, s’ob- 
servent rarement à de grandes distances, à moins qu’elles 
n'appartiennent aux plus anciens âges. Elles constituent 
alors de petites faunes particulières à chaque contrée et 
que l’on revoit peu ailleurs. Il résulte de cette circonstance, 
applicable d’une manière spéciale aux formations récentes, 


Be Es 


dns ei deb 


( 225 
que les espèces réellement caractéristiques d’un système de 
couches, sont d'autant moins nombreuses qu’on étudie ce 
système sur une plus vaste échelle. 

Chaque formation est à peu près caractérisée par un cer- 
tain nombre d'espèces qui y dominent et que l’on voit peu 
ailleurs. Ainsi, le calcaire carbonifère offre un assez grand 
nombre de débris organiques qui lui sont propres. Tels 
sont l’Orthoceras lateralis, le Productus Martini , le Spi- 
nifer glaber, le Goniatites evolutus, le Bellerophon costa- 
tus, l'Evomphalus pentangulatus. IL est en outre un 200- 
phyte, le Cyathocrinites planus, qui appartient à cette épo- 
que et caractérise également le même calcaire. 

Le docteur Hibbert a découvert dans les environs d'E- 
dimbourg , dans les couches rapprochées des grès houillers, 
plusieurs poissons sauroïdes, aussi remarquables par leurs 
dimensions que par la grosseur de leurs dents striées lon- 
gitudinalement. Ces dents, ainsi que leur système osseux, 
annoncent que ces poissons devaient avoir des habitudes 
aussi voraces que les grands sauriens de l’époque jurassi- 
que. 

Les principales espèces de ces poissons sauroïdes ont été 
consacrées au docteur Hibbert. La première paraît avoir eu 
des habitudes carnassières extrêmement prononcées. On l'a 
nommée Holopticus Hibberti, et la seconde Megalichtys 
Hibberti. 

Les couches où elles sont ensevelies, renferment égale- 
ment des concrétions de formes variables que l’on suppose 
être leurs excréments ; on les a nommées, en raison : 
cette circonstances , coprolithes. 

Les poissons sauroïdes semblent avoir “télé à cette 
époque les squales de nos mers, qui en sont en quelque 
sorte les tyrans. On ne saurait du moins en trouver les 
analogues dans les Cestracions dont les dents émoussées 

Toue XVIIL 16 


( 226 ) 
sont plutôt propres à broyer qu’à déchirer une proie vivante. 
On ne saurait non plus en voir dans les Hybodontes à dents 
conoïdes, non tranchantes et à émail plissé sur leurs deux 
surfaces. Ces types génériques appartiennent aux placoïdes 
et à l’ordre des sélaciens, comme les vrais squales, 

Cette famille n’a cependant commencé à se montrer qu'a- 
près la destruction des grands poissons sauroïdes des épo- 
ques anciennes, lors des dépôts crétacés. Ce genre n’a pas 
cessé depuis cette époque , d’être représenté à la surface du 
globe ; il compose maintenant une famille signalée par plu- 
sieurs types génériques. Ce n’est donc que pendant la pé- 
riode crétacée, qu'ont commencés à apparaître sur la terre 
les vrais squales à dents applaties et tranchantes sur les 
bords. Les plus anciennes de leurs espèces qui ont accom- 
pagné les poissons sauroïdes se rapportaient à la tribu des 
Cestracions caractérisés par des dents propres à broyer. 

Les débris des mollusques sont fort rares dans les grès 
qui accompagnent la formation houillère proprement dite. 
On a cependant rencontré plusicurs genres dans les calcai- 
res subordonnés à ces grès, en à Allemagne et en Belgique. 


$ IL. — DES ANIMAUX DE LA SECONDE PÉRIODE. 
. * 


Cette en comprend les derrsiés déposés depuis les 
formations houillères jusqu'à la craie blanche. Elle embrasse 
les terrains secondaires postérieurs au groupe houiller, qui 
commencent à l'époque pénéenne et se terminent aux for- 
mations crétacées inclusivement. : 

Elle se compose de quatre principales époques, savoir : 
des terrains pénéens, des formations du trias, du lias et 
des dépôts jurassiques ou oolithiques, enfin de l’entier 
groupe crétacé. 

Cette division des formations fossilifères est naturelle; 
car l'on peut y arriver aussi bien par les caractères de leurs 


(227) 
dépôts, que par l'espèce des corps organisés qu'ils renfer- 
ment. 

Nous avons suivi, jusqu’à présent, le perfectionnement 
qui s’est opéré dans l'apparition des végétaux et des ani- 
maux de la première période ; nous allons maintenant voir 
celui qui à ea lieu dans celle-ci, plus rapprochée de nous 
par le temps et plus variée par ses formations. Ce perfec- 
tionnement sera nécessairement ici plus sensible , puisqu'il 
s’est produit sous des conditions plus diverses et sur un play - 
grand nombre d’espèces. 

En effet, la seconde période embrasse un plus grand 
nombre de formations que la première ; ces formations sont 
composées de dépôts calcaires ou de roches arénacées qui 
ont acquis un développement marqué lors du nouveau grès 
rouge, ou des grès bigarrés. 

Aussi est-on obligé, pour circonscrire les nombreuses 
formations déposées pendant la seconde période , de la divi- 
ser en un plus grand nombre d’époques , que celles que 
nous avons admises dans la première. On pourrait facile 
ment augmenter encore le nombre des époques de la seconde 
période; mais tel qu'il est, il peut suffire pour en embrasser 
l'ensemble , et faire coïncider l'apparition des êtres orga- 
nisés qui les ont signalés, avec la diversité des dépôts dont 
on y voit les débris. 

Une des époques de cette période a vu apparaître les 
premiers exemples des mammifères que l’on ait rencontré 
dans les vieilles couches du globe. Ces mammifères unique- 
ment représentés par des didelphes, appartiennent à l'ordre 
le plus inférieur de ces animaux. Ils sont comme une ébau- 
che incomplète de la série animale la plus élevée ; les mar. 
supiaux se trouvent uniquement dans les couches des ter- 
rains jurassiques de cette période, 

Les oiseaux ont également apparu pendant cette période, 


( 228 }) 
mais uniquement dans les âges les plus récents. Leur appa- 
rition prouve qu’il y a eu perfectionnement dans les familles 
animales , perfectionnement toujours plus manifeste chez 
les vertébrés que chez les invertébrés. 11 a même eu lieu 
relativement à la quantité et à la variété des espèces du pre- 
mier de ces embranchements. Ainsi, le nombre des pois- 
sons en général, et même de leurs groupes particuliers , 
n’augmente pas dans les différentes formations. Il n’en est 
pas cependant ainsi dans la seconde période, où cette aug- 
mentation est de près du double. 

En effet, l’époque jurassique a été l’une des plus impor- 
tantes ponr le développement des vertébrés. Elle démontre 
peut-être plus qu'aucune autre , que les animaux supérieurs 
se sont succédé à la surface du globe en raison directe de 
la complication de leur organisation. 

La population de la seconde période est donc plus nom- 
breuse, plus variée et plus compliquée que celle de la pé- 
riode qui l’a précédée. Elle réunit parmi les invertébrés les 
monadés , les deux ordres des zoophytes et des vers intesti- 
maux, cinq ordres de mollasques , enfin les quatre classes 
des animaux articulés. 

Si les annélides n’y sont représentés que par un seul or- 
dre, il n'en est pas de même des insectes, qui compren- 
nent à cette époque sept ordres sur les huit qui forment 
cette classe dans les temps actuels. L’embranchement des 
invertébrés a donc offert à la seconde époque la presque to- 
talité des classes qui la composent aujourd’hui ; pour obte- 
nir son entier perfectionnement , cet embranchement n'avait 
qu'à acquérir plusieurs ordres qui lui manquaient et qui 
appartiennent aux temps historiques. 

Le progrès dans l'organisation n'a pas été moins marqué 
pour les vertébrés, puisque toutes les classes qui en font 
partie y ont apparu. À la vérité, les plus élevées dans la 


( 229 ) : 
série ont seulement animé la terre, lors des époques les 
plus récentes de cette période. Les seuls mammifères didel- 
phes n'avaient apparu que lors des terrains jurassiques et 
les oiseaux encore plus tard, c'est-à-dire, à l’époque des 
formations crétacées. Les mêmes formations recèlent les 
premiers poissons des ordres des cténoïdes et des cycloïdes, 
ordres maintenant les plus abondants dans les eaux douces 
et salées. 

C’est surtout chez les Feuilles que le progrès a été le plus 
manifeste , particulièrement chez les sauriens ; ces derniers 
ont pris, à l'époque jurassique , un développement qui n’a 
jamais été surpassé pour le nombre de leurs familles, ni pour 
celui des individus qui en faisaient partie. Ainsi, cet ordre 
de reptiles va en augmentant depuis les schistes cuivreux où 
il a pris un certain développement , et acquiert son maxi- 
mum de perfectionnement lors de l’époque jurassique. 

Toutefois , la seconde période n’a pas. offert la totalité des 
classes de reptiles. On n'y voit pas, en effet, des ophidiens, 
mais seulement les batraciens, les chéloniens et les sau- 
riens. La première de ces classes offre aujourd’hui un 
grand nombre de genres et d'espèces vivant principalement 
sur les terres sèches et découvertes, et plus rarement dans 
l'eau. Elle ne paraît pas avoir été abondante dans les temps 
géologiques ; elle y a été également bornée à de moindres 
dimensions qu’actuellement. 

Quoiqu'il en soit de l'absence des ophidiens avant la 
troisième période , le nombre des sauriens n'a pers "e 
supérieur à ce qu’il a été dans une partie de cette 4 
période. Peut-être leur développement a-til contribué, ainsi 
que la luxueuse végétation des premiers âges , à diminuer 
l'excès d'acide carbonique qui existait dans l'atmosphère de 
ces époques reculées. 

Sans doute, les végétaux et les animaux ont exercé quel- 


que influence sur cette disparition , mais la principale tient 
probablement à la quantité de carbonate calcaire qui s’est 
formé successivement pendant cette longue période. Cette 
cause serait en rapport avec la grandeur du phénomène, à 
en juger par l'épaisseur des couches de charbon laissées 
par la primitive végétation. 

Cette flore, luxuriante quoique peu variée, a donc carac- 
térisé la première période, comme les dimensions considé- 
rables des reptiles sauriens a été l’une des particularités les 
plus remarquables de la seconde, sur laquelle nous allons 
appeler l'attention. , 


4,0 DES ANIMAUX DE LA PREMIÈRE ÉPOQUE DE LA SECONDE PÉRIODE, 


( Animaux des terrains pénéens ou permiens ). 


Cette époque comprend l’ensemble des terrains pénéens, 
composés du nouveau grès rouge ( Roth liegende ou New red 
sandstone), et du calcaire alpin ou magnésien , (Zechstein). 

M. Murchison a nommé ces terrains permiens, et Huot 
les a désignés sous celui de psammérythiens , en raison de 
ce qu’ils sont composés de formations arénacées, Toutefois, 
aux yeux de plusieurs géologues , ces terrains doivent être 
considérés. comme un groupe particulier du trias, formé 
également par des dépôts arénacés. 

Envisagés dans leur ensemble, les terrains péabens com- 
posent trois groupes principaux. 

L'inférieur ou le plus ancien est composé par des dépôts 
arénacés et schisteux, connus sous le nom de nouveau grès 
rouge , ou de fond stérile rouge ( New-red-sandstone), en- 

fin parle Red conglomerate et les schistes cuivreux et bitu- 
_mineux de la Thuringe ( Kupfer schiefer ). 

L'étage moyen comprend le calcaire alpin ou magnésien 

( zechstein des géologues allemands ). 


( 251 } 

L'étage supérieur embrasse les grès vosgiens, dans les- 
quels on observe des couches régulières de calcaires magné- 
siens avec des rognons de la même roche. On peut enfin y 
faire entrer la partie inférieure du PBunter ri des 
Allemands. 

Ces terrains occupent en Russie un espace deux fois plus 
étendu que la France; ils y sont composés par des couches 
alternativés de gypses, de marnes calcaires , de grès rouges 
et de conglomérats. Ils sont particulièrement développés 
dans le royaume de Perm ; aussi ont-ils été nommés per- 
miens. 

Cette époque est caractérisée par une faune dans laquelle 
on remarque l’appauvrissement.ou même l'extinction d’une 
foule de genres et d'espèces qui avaient déjà paru ; elle pré- 
sente en même temps la création non plus incertaine, mais 
positive des sauriens , dont le développement date de cette 

‘époque. La présenee de ces reptiles annonce la fin de la 
longue période paléozoïque des terrains de transition et 
houillers, et le commencement d’un nouvel ordre de choses. 

Les deux plus grandes révolutions dans le monde organi- 
que des temps géologiques, ont séparé d’une manière assez 
tranchée la première époque paléozoïque , de l'époque se- 
condaire et celle-ci de l’époque tertiaire. Les dépôts qui 
terminent chacune de ces grandes périodes, et la partie 
supérieure du dépôt crétacé, occupent une place analogue 
dans Fhistoire des phénomènes dont notre globe a été le 
théâtre , et doivent par cela même exciter à u un haut Pos 
l'attention des physiciens. : ui : 

Le sde cidre ln tarrsi-péné Een El Sent ue 
sidérable en comparaison de celui des faunes houillères et 
de transition, dans chacune desquelles plus de mille espè- 
ces ont été observées. Cette faune n’est guère composée 
que de cent soixante-six espèces, dont cent quarante-huit 


(232 ) 
caractérisent exclusivement le système pénéen et les dix- 
huit autres se rencontrent dans les terrains inférieurs. 

Il n'y a donc pas eu progrès dans le nombre des espèces 
de ce groupe, comparativement à celles des formations an- 
térieures. Cette circonstance tient peut-être à ce que les 
dépôts pénéens sont des dépôts locaux, comme plusieurs 
de ceux qui leur ont succédé, tandis qu’il n’en est pas 
ainsi des terrains de transition et houillers. 

Ces derniers se rencontrent à peu près partout, même au 
milieu des formations tertiaires où ils ont été portés à un 
niveau supérieur à celui qu'ils occupaient à l’époque de 
leurs dépôts. Les houillères de Neffier près de Pezenas 
(Hérault), nous fournissent des exemples remarquables de 
ce phénomène. S'il n'y a pas eu progrès dans la variété des 
espèces des terrains pénéens comparativement à ceux qui les 
ont précédés, c’est que leurs formations, quoique parfois 
très-étendues, n’ont pas eu la même généralité dans leur 
dispersion. 

Quoiqu'il eu soit, les polypiers qui dans les terrains 
houillers s'élèvent à plus de cent espèces, sont réduits dans 
le système pénéen à quinze ; trois ou quatre seulement se 
présentent avec une certaine profusion. Aucune de ces es- 
pèces ne se rapporte à celles des époques précédentes, bien 


qu’elles offrent en général des caractères paléczoïques assez 


prononcés. 

Les crinoïdes sont extrêmement rares dans les formations 
pénéennes. Des soixante-dix ou soixante-quinze espèces qui 
habitaient les mers antérieures, une seule, le Cyathocrinites 
planus de Miller , paraît avoir vécu à l’époque permienne : 


cette espèce solitaire et peu commune, n’a pas encore été. 


observée en Russie. 
Les brachiopodes ont eu , parmi les mollusques pourvus 
de coquilles, une assez grande importance aux époques 


sp dans sudo * 
A 


Mi 


{ 233 ) 
pénéenne et houillère ; ces coquilles nous révèlent l'étr oite 
liaison qui existe entre les systèmes carbonifère et pé- 
néen; sur les trente que l’on découvre dans le groupe 
permien , dix sont communes aux deux systèmes. 

Les genres Productus et Spirifer si largement développés 
à l'époque dévonienne , se continuent à travers les dépôts 
pénéens. Le premier y comprend six espèces et le second 
en offre jusqu'à huit. 

Les Orthis ; l'une des premières formes sous lesquelles 
se sont montrés les brachiopodes caractéristiques des plus 
anciens dépôts de sédiment , décroissent en nombre après 
les zônes siluriennes et dévonniennes. En effet, il n’ont plus 
dans le système pénéen que trois représentants, l’un en 
Russie , et les deux autres en Allemagne. 

Le petit genre Chonetes de Fischer doit son importance 
à la grande étendue de l’une de ses espèces ; le Chonetes 
sarcinulata ( Leptæna lata de Buch) s'élève, en Europe, 
depuis le système silurien jusques dans les couches les plus 
récentes des formations de transition et même dans celles 
du groupe pénéen. Une espèce du même genre est si com- 
mune dans les couches siluriennes de Ludlow en Angle- 
terre, qu'elle est un des principaux types de cette forma- 
tion. 

Le genre Pentamerus, si abondant à l’époque silurienne, 
déjà rare dans les couches dévoniennes, n'a pas été ren- 
contré dans les systèmes houiller et permien. On ne connait 


dans ce dernier système, que neuf espèces de Térébrabules, L 


dont cinq se rencontrent dans les dépôts les plus anciens. 

Ainsi, des deux cents espèces qui peuplaient les mers an- 
térieures , dix seulement ont prolongé leur existence dans 
les couches pénéennes, tandis que vingt nouvelles espèces 
sont venues compléter le nombre total que les recherches 
les plus actives y ont fait découvrir jusqu'à présent. 


Ù ( 234 ) 

Les coquilles de l’ordre des dimyaires , au nombre de plus 
de deux cents espèces dans les terrains anciens , ont vu leur 
nombre réduit dans le système permien à vingt-six. De 
même, les monomyaires qui s’élèvaient à soixante et quinze 
à l'époque de transition, sont réduits à seize dans le sys- 
tème qui nous occupe, parmi lesquelles . seulement 
lui sont propres. 

Les gastéropodes ont également éprouvé une grande di- 
minution au commencement du système permien; ils ne 
doivent pas avoir trouvé pendant sa durée, des conditions 
favorables à leur développement ; "car leur nombre connu 
dans ces terrains en Europe, ne s'élève qu’à quinze espèces. 
On en découvre cependant deux cent vingt-cinq dans le sys- 
tème dévonien. Ces quinze espèces sont à peu près toutes 
nouvelles , à l'exception toutefois de trois qui avaient déjà 
paru. 

Les céphalopodes, dont les divers genres, tels que les 
Goniatites, les Nautiles et les Orthocératiles ont offert plus 
de cent espèces durant l’époque intermédiaire, ont été 
presque entièrement anéantis au commencement de l'épo- 
que permienne. 

Le décroissement téhnatestlé des bdopodis: à la fin 
de cette époque paléozoïque, n’est pas un fait sans analogue 
dans la série des périodes géologiques. En eflet, après l’é- 
poque où ces animaux se sont reproduits avec profusion et 
sous un grand nombre de formes nouvelles dans les terrains 
triasique , jurassique et crétacé, une pareille disposition 
d'un plus grand nombre de céphalopodes testacés se remar- 
que vers la fin de cette dernière époque. 

Les trilobites, ces crustacés si caractéristiques s Ja 
faune primaire , manquent complètement dans celle des 
terrains permiens. Leur disparition est un fait d'une assez 
_ haute importance , et prouve que le plus grand développe- 


( 235 ) 
ment de ces animaux a eu lieu pendant l'époque silurienne. 
On les voit décroître d'une manière sensible dans les cou- 
ches dévoniennes , et être réduits dans les dépôts posté- 
rieurs à quelques petites espèces ; dont M. Portlock a fait 
ses genres Griffithidea et Philipsia. | 

Ici se présente un de ces admirables liens par lesquels 
tout s’enchaîne dans la nature et dont les strates qui cons- 
tituent l’ossature dû globe, nous offrent des exemples si 
nombreux et si remarquables. Au moment où une famille 
destinée à ne plus reparaître , s’éteint pour toujours, elle 
est constamment remplacée par d'autres qui n'avaient pas 
encore brillé sur la scène de la vie. x 

Ainsi les Limules, qui se montrent pour la première fois 
dans les couches houillères, remplacent dans le système 
permien les Trilobites. Leg Limules ont survécu aux nom- 
breuses révolutions qui ont suivi leur création; il y a 
plus ; quelques-unes de leurs espèces, assez éloignées , il 
est vrai, des types primitifs, existent encore de nos jours. 

Si les circonstances ont été peu favorables en Europe, 
durant la période permienne , pour l'existence de certains 
invertébrés comme les Trilobites ; elles ne se sont pas op- 
posées à la propagation des vertébrés aquatiques. 

Les poissons qui, à partir des roches siluriennes infé- 
rièures, se développent de plus en plus dans les époques 
dévonienne et houillère, se maintiennent en proportion con- 
sidérable par rapport aux autres classes dans la faune per- 
mienne. Ils y sont représentés par seize genres renfermant 
quarante-deux espèces , toutes , à l'exception d'une seule, 
propres aux dépôts permiens. Cette unique exception nous 
est fournie par le Palæoniscus Frieslebeni d’Agassiz. 

La présence de cette espèce commune à deux terrains et 
trouvée dans un seul district, confirme la loi généralisée 

par les recherches de M. Agassiz. En effet, les poissons 


*.. 


( 236 ) 

servent à marquer avec une extrême précision l’âge des 
dépôts dans lesquels ils se trouvent ; ils offrent à peine quel- 
ques exemples d'espèces qui aient vécu au-delà de la durée 
des mers et des sédiments particuliers où elles avaient pris 
naissance. 

- L'époque permienne a vu apparaître la classe des sau- 
riens , appelée plus tard à jouer un rôle si important dans 
l’époque secondaire. Cette classe a été représentée dans les 
premiers temps de sa création par les sauriens thécodon- 
tes, tels que les Palæosaurus et les Protosaurus. 

Ce fait remarquable peut être placé en parallèle avec l'a- 
néantissement des Trilobites. Il indique l’action incessante 
de la loi d'amélioration et de la partielle modification qu’é- 
prouvait le règne animal dans son apparition graduelle. Les 
effets de ces modifications, loin d’être simultanés comme 
on pourrait le supposer, ont élé au contraire lents et suc- 
cessifs. Ils paraisssent parfois indépendants, particulière- 
ment en Russie, des grandes révolutions qui y ont affecté 
la surface de notre planète. 

Le progrès ne s’est pas opéré à l’époque permienne, dans 


le nombre et la variété des espèces , puisque celles qui ont 


vécu à cette époque, ont été considérablement moindres 
que lors du dépôt des terrains houillers et de transition. Ce 
progrès se manifeste dans les familles et les espèces nouvelles 
qui ont apparu lors de ces dépôts, et que l’on n'avait pas 
aperçues dans les âges antérieurs. C’est surtout chez les rep- 
tiles, les animaux les plus compliqués de ces âges anciens, 
que le progrès est le plus manifeste. Ces animaux n'y ont 
point apparu d’une manière incertaine comme à l’époque 
houillère. Outre les deux genres de la famille des théco- 
dontes que nous avons signalés, on y en observe une foule 
d'autres, parmi lesquels nous citerons le Thecodontosaurus 
antiquus, le Clavyodon Loydi, le Rhyncosaurus articeps 


(re si tte OM ; se. à ; CHOSES 


| . (237 ) 
et le Monitor de la Thuringe qui appartient au genre Pro- 
torosaurus dont il n'existe qu'une seule espèce. Le genre 
Palæosaurus en comprend deux, savoir le cylindrodon et 
le platyodon, distingués par le degré de compression des 
dents. 

Par suite de la loi du progrès, le développement des rep- 
tiles sauriens n’a fait que s’accroître jusqu’au delà des ter- 
rains jurassiques. Mais déjà le Thecodontosaurus, à l'époque 
de l'étage inférieur du nouveau grès rouge, ou suivant d’au- 
tres, à partir seulement des grès bigarrés , était déjà pourvu 
de dents implantées dans des alvéoles. 

Le perfectionnement qui s’est opéré dans cette classe, a 
porté également sur l'apparition d’une autre famille que 
celle des sauriens et dont les formes ont également persisté 
jusqu’à l’époque actuelle. Cette classe, celle des batraciens 
était composée par le genre Labyrinthodon qui comprenait 
sept espèces , les Labyrinthodon Jægeri, Meyeri, lepto- 
gnathus, pachygnatus, ventricosus, Andriani et scutu- 
latus. 

Quoique nous ayons adopté la place que M. Owen a at- 
tribué à ces reptiles qui se font également remarquer par 


- leurs grandes dents implantées dans des alvéoles, nous som- 
mes loin de nous dissimuler que cette place est loin d’être - 


certaine et qu’elle ne sera déterminée avec rigueur que 
lorsqu'on connaîtra tout le squelette des espèces de ce 
genre remarquable. 


Un de ces sauriens, le Monitor, avait déjà attiré l'atten- 


tion de Leibnitz, à une époque où l’on ne se doutait guère 
qu'il y eût eu une succession dans l'apparition des « S 
vivants en raison directe de la complication de l'organisa- 
tion, du moins pour les vertébrés. 

Quoique les reptiles sauriens aient incontestablement 
paru à cette époque ( et le Monitor en est la preuve), certains 


# 


ù ( 238 ) 

débris de vertébrés ont été rapportés sans motifs suffisants 
à cette classe. Telles sont, les écailles assimilées à tort à 
celle de tortues voisines du,genre Zrionyæ, qui ont été trou- 
vées dans les schistes bitumineux des Orcades et de Caith- 
ness en Ecosse. Ces écailles examinées par M. Agassiz, ont 
été reconnues par lui, appartenir non à des reptiles, mais 
à des poissons. 

Il en a été de même des dents découvertes par le doc- 
teur Hibbert dans les environs d'Edimbourg , et qu'il avait 
considérées comme provenant des sauriens. Ces dents exa- 
minées avec plus de soin, ont été rapportées à des poissons 
sauroïdes , ordre le plus élevé de ces vertébrés. Cet ordre, 
plus que tous les autres, a de nombreuses analogies avec 
les vrais sauriens par ses caractères ostéologiques (1). 

Les poissons des premiers âges tenaient la place des au- 
tres vertébrés qui n’existaient pas ou ne s’y trouvaient qu’en 
faible proportion; aussi avaient-ils les plus grandes analo- 
gies avec les derniers sous le rapport de leurs formes et de 
leur structure. Le Sclerocephalus Hauesseri des terrains 
houillers avait sa tête semblable, au premier coup-d’œil, à 
celle d’un reptile, avec des dents aussi pointues et aussi 
nombreuses que celles de ces animaux. D’un autre côté, les 
formes des reptiles étaient si peu déterminées , que la mé- 
me espèce avait parfois les mêmes caractères que les cro- 
codiliens et les lézards, et souvent des formes communes 
aux autres classes des vertébrés. Le progrès a été dans la 
disparition de ces caractères communs à plusieurs ordres 
ou à plusieurs classes, enfin dans la permanence de carac- 
tères propres et distinctifs. 


{1) Voyez détente ARTE second semestre , gl UT, 
part. it 144, pl. 


2.0 DES ANIMAUX DE LA SECONDE ÉPOQUE DE LA SECONDE PÉRIODE 


(Animaux des terrains du trias ou triasiques ). 


Cette époque comprend l'entière série des terrains tria- 
siques, composée des grès bigarrés ( Bunter sandstein ), du 
calcaire conchylien ( Muschelkalk ), des marnes irisées et 
du Keuper. à 

Considérée dans son ensemble, sa population était peu 
nombreuse quoique assez variée. Ainsi toutes les classes des 
animaux invertébrés y sont représentées, avec cette parti- 
cularité qu’elles ne comprennent pas la totalité des familles 
qui en font aujourd'hui partie ; les articulés de cette épo- 
que n’embrassent que deux familles au lieu des quatre qu’ils 
présentent maintenant. Leur faune y est en effet bornée aux 
anélides et aux crustacés. | 

Les vertébrés , encore plus restreints , ne réunissent que 
deux classes au lieu de quatre que ces animaux présen- 
tent à l’époque actuelle. Elles se rapportent uniquement 
aux poissons et aux reptiles les plus simples de cet em- 
branchement. On a bien rattaché à des oiseaux ou à des 
marsupiaux des empreintes étudiées dans les grès bigar- 
rés, mais ces empreintes observées avec soin par M. Pepe 
lui ont paru appartenir à d'énormes batraciens. 

Le même observateur a examiné avec la plus grande at- 
tention , les empreintes nommées Cheirotherium, que M. 
Kaup présumait avoir été produites par un didelphe gigan- 


tesque. Il a reconnu qu’elles se rapportaient au genre des . 


Labyrinthodon. Cette opinion n’est pas très-éloignée de 
celle de MM. Linck et de Munster qui les avaient considé- 
rées comme le résultat des pas opérés par des Salamandres 
gigantesques. 

Cette diversité d'opinions , relativement à des traces aussi 


: 4:30 ) 
incertaines que légères, de l'existence d'anciens animaux 
dont on ne connaît pas d’autres vestiges, prouve combien 
on doit être réservé pour prononcer sur les espèces dont 
elles peuvent provenir. Un progrès a sans doute eu lieu à 
celte époque, mais il n’a pas porté sur des animaux aussi 
avancés en organisation. 

Cette observation est d'autant plus fondée, que les mê- 
mes empreintes, examinées |par M. de Blainville, lui ont 
paru se rapporter, non à des pas d'oiseaux , mais à des vé- 
gétaux de l’ordre des Prêles arborescentes ou à des rhizo- 
mes de quelques Acorus ou à des tiges sarmenteuses plus 
ou moins anastomosées. 

D'un autre côté, si ces empreintes considérées comme 
des pas d'oiseaux d’une stature colossale, avaient été opé- 
rées par de pareils animaux , ellesprésenteraient certaine- 
ment quelques traces de la portion plantaire. Les marques 
de cetle partie de la peau largement sillonnée par des rides 
transversales ou dans une autre direction, devraient sub- 
sister en tout ou en partie. 

On n’en voit pas de traces sur ces empreintes, pas plus 
que des écailles qui recouvrent la partie supérieure ou 
convexe des doigts. Ces écailles plus ou moins saillantes, 
se terminent au fond de la face plantaire des orteils. Les 
différentes saillies des phalanges auraïent dû également lais- 
ser quelques traces du passage de ces oiseaux, d’autant plus 
que le sol a conservé des vestiges de corps qui n'avaient 
pas plus de dureté. 

Il en est de même des empreintes observées sur les grès 
rouges de Massassuchett , et rapportées par M. Hitchcock à 
des pas d'oiseaux, quoiqu'il y ait entr’elles et celles de 
ces animaux d'assez grandes différences. Aussi, tant que l’on 
n'aura pas trouvé des ossements des oiseaux qui les auraient 
produites, on ne pourra pas affirmer que ces traces sont 


CORRE VTT RS. NET A Ua, + D 


{ 241 ; 
les marques de leurs pas. D’après l'appréciation qui en a 
été faite par MM. de Blainville et Owen, ainsi que par plu- 
sieurs autres observateurs, ces empreintes ne sauraient 
être considérées comme faites par des oiseaux et encore 
moins par des mammifères. 

Des animaux d’un ordre aussi supérieur n’ont probable - 
ment pas été les contemporains des grès bigarrés. Leur 
apparition n’a pas eu lieu à un âge aussi reculé, qui n’a vu 
que les deux ordres les plus inférieurs des vertébrés , les 
poissons et les reptiles. Du moins, rien dans l'histoire de 
la terre ne dément la succession lente et graduée, qui s’est 
opérée dans la création des vertébrés des temps géologiques. 

Toutefois, le professeur Hitchcock a découvert dans les 
grès de la même époque , une substance fossile qui d’après 
sa composition appartiendrait aux coprolithes. Cette subs- 
tance était formée de 3 pour 100 d'azote, d'ammoniaque 
et de chaux. Mais ces excréments peuvent aussi bien appar- 
tenir à des reptiles qu’à des oiseaux. Les-premiers rendent 
des fèces chargées d'une quantité plus ou moins considéra- 
ble d’acide urique. Cet acide s’y trouve quelquefois sous la 
forme de pelote, ainsi que l'ont prouvé Schreibers pour les 
lézards, Prout, pour le Boa constrictor , enfin John Davy 
pour d’autres reptiles. L’alligator rend même l'acide urique 
mélangé d’une grande pe de és et de carbonate 
de chaux. 

‘Les excréments des oiseaux carnivores et sl 
consistent essentiellement en urate d’ mere avec ° 
un peu de phosphate de chaux. Dès-lors, si l'on - 
les résultats fournis par l'analyse du guano, où Yo a re- 
connu des sulfates et des phosphates alcalins et terreux, des 

urates, des matières organiques, des chlorures alcalins, 
on ne peut nés vote de reconnaître une certaine ana- 

Towe XVIII 17 


( 242) 
logie entre cette substance et les coprolithes analysés par 
M. Davy (1). 

Le guano, formé d’excréments d'oiseaux qui ont subi une 
décomposition partielle et un remaniement chimique des 
éléments dont ils se composent, a bien quelques analogies 
avec les coprolithes des grès bigarrés. Seulement, ces der- 
niers offrent, de plus, des silicates et du carbonate de chaux. 
Sous ce point de vue, ils se rapprochent beaucoup des co- 
prolithes de Lime-Regis en Angleterre , qui, d’après Buc- 
kland , appartiennent à l’Zchthyosaurus (2). 

Ces coprolithes renferment une assez grande quantité de 
sous-phosphate de chaux, de carbonate de la même base, 
de l’urate d'ammoniaque et de l’urate de chaux, de la si- 
lice , un peu d’oxalate calcaire et des sulfates alcalins. Les 
fèces de cette localité contiennent de plus des écailles de 
poissons non digérés, fait qui a servi à mettre sur la voie 
de leur véritable nature et de leur origine. Il paraît donc 
que les coprolithes de l'Amérique proviennent plutôt des 
reptiles que des oiseaux, d'autant qu’ils ne contiennent pas 
de l'acide oxalique, l’un des éléments essentiels du guano 
considéré comme des excréments d'oiseaux. 

On doit d'autant moins admettre l'existence des oiseaux 
et des mammifères à l’époque du dépôt des grès bigarrés , 
que les reptiles des terrains secondaires sont construits non 
pour dévorer des animaux terrestres, mais pour se nourrir 
d'espèces aquatiques et particulièrement de poissons. À 
ces reptiles ichthyophages ont succédé, plus tard, des ra- 


(1) Voyez l’Américan Journal of sciences, pour Janvier 1845. 

(2) Voyez le Philosophical Magazine ( Février 1845), où se trouve 
un mémoire du docteur Smith, sur la composition du gaano de l’Amé- 
rique du Sud , et la description de procédés particuliers pour éva- 
luer la proportion d'ammoniaque, et pour séparer la chaux et la ma- 
gnésie en combinaison avec l'acide phosphorique. 


RS M PR TE RME EEE SE RE 
ex _ 7 ja: 


Enr 


( 243 ) 
ces carnivores, mais alors les oiseaux et les mammifères 
avaient apparu. Sans les derniers, les reptiles carnassiers 
de l’ancien monde , qui rappellent les gavials actuels, au- 
raient été exposés à mourir de faim , faute de pouvoir sa- 
tisfaire la violence de leur appétit. 

Une pareille circonstance est trop contraire à la pré- 
voyance de la nature pour être admise; elle prouve donc 
avec d’autres faits non moins précis, que les oiseaux et les 
mammifères monodelphes n’ont apparu que lorsque les rep- 
tiles carnivores peuplaient les eaux de l’ancien monde. En 
effet, pour que des carnivores destinés à faire leur séjour 
dans des fleuves, pussent vivre aux dépens des animaux 
terrestres qui viennent s’y désaltérer , il était de toute né- 
cessité que ceux-ci fussent contemporains des premiers ; 
car siles uns manquaient, il devait en être de même des 
autres. | 

Un fait indépendant de ceux.que nous venons de rappe- . 
ler confirme cette conclusion. Les poissons de la famille des 
hétérocerques , ainsi que les espèces qui en dépendent , ont 
été uniquement découverts dans les terrains antérieurs au 
lias. Cette circonstance , dans le gisement de ces poissons, 
ne paraît pas accidentelle; elle semble liée avec quelques 
détails de leur organisation. On la voit du moins se repro- 
duire dans les mêmes limites et sur un grand nombre d’es- 
pèces de l'ordre des placoïdes , qui se montrent avec les 
premières dans les mêmes terrains. Ces poissons dont le 
gisement est le même, ont une structure semblable dans 
la conformation de la suese qui, chez eux, n’est jen ; 
symétrique. 

Quelque condition inconnue d'existence a donc agi + 
ces temps reculés sur le développement de la vie organique et 
déterminé une conformation aussi générale. On ne peut pas 
considérer un phénomène aussi constant, comme une sim— 


& 


( 244 ) 
ple exception; car la nature n’en admet nulle part dans ses 
productions, sur une échelle aussi étendue. Il faut donc 
envisager ces formes comme des antécédents de celles qui 
les ont suivies , et les traits qui les caractérisent et les dis- 
tinguent, comme des différences, suites du mouvement pro- 
gressif dont ces animaux étaient l'objet. 

Ces différences ont principalement consisté en une tran- 
sition d’une structure non symétrique , caractère des pois- 
sons des anciens âges , avec une structure d’une symétrie 
plus ou moins parfaite. Celle-ci a prévalu dans les époques 
subséquentes, où les formes irrégulières ont successivement 
disparu. 

Or, puisque dans les moindres détails, l’organisation se 
perfectionne , les êtres qui, comme les oiseaux et les mam- 
mifères, sont les plus avancés de la création, n’ont apparu 
que quand déjà bien des générations s'étaient succédé à- 
la surface du globe. 

Lorsqu'on jette un coup-d’œil sur l’ensemble des êtres 
contemporains des lépidoïdes hétérocerques, on voit que 
la plupart d’entr'eux étaient fixés au fond des mers ; ou dn 
moins ils y rampaient sans pouvoir s'élever librement et à 
leur gré vers la surface et se mouvoir au loin. A l'exception 
de quelques reptiles , dont l'apparition sur la terre est pos- 
térieure à celle des poissons , la plupart des animaux des 
anciennes époques étaient aquatiques. Le sol hors du sein 
des eaux ne nourrissait qu'un petit nombre d'animaux arti- 
culés ou des plantes analogues à celles des grands archipels 
et des plaines basses. 

Les poissons ont été les premières espèces auxquelles il 
a été donné de franchir spontanément l’espace entre deux 
eaux dans toutes sortes de directions. Les mouvements-des 
crustacés sont beaucoup plus irréguliers et peu soutenus. 
Parmi les mollusques , les céphalopodes les plus mobiles et 


( 245 ) 

les mieux organisés pour la progression , volent à la surface 
des eaux et restent le jouet des vents dans leurs ascensions 
aérostatiques. Sans doute, les ptéropodes nagent avec plus 
de liberté ; mais ils ne paraissent pas avoir vécu à une épo- 
que aussi reculée. Les gastéropodes, contemporains des 
céphalopodes , étaient bien plus liés au sol que ceux-ci, et 
les acéphales et les brachiopodes y sont fréquemment fixés. 
Quant aux polypes et aux crinoïdes qui appartiennent à des 
animaux plus simples, ils étaient attachés par leur base à 
différents corps solides. Ils ne pouvaient par cela même 
opérer que des mouvements partiels. 

Les habitants des premiers âges étaient donc peu favori- 
sés sous le rapport de la facilité et de l’étendue de leurs 
mouvements. Ainsi les poissons, avec leur caudale non 
symétrique, ne pouvaient exécuter des mouvements aussi 
précis que les poissons symétriques des périodes suivantes. 
Leur progression était vacillante et embarrassée. Ces ani- 
maux respirant par des branchies, ne pouvaient proférer 
ni faire entendre aucun cri. Ils vivaient dans le silence le 
plus absolu , ainsi que tous les animaux qui peuplaient une 
nature muette et presque inanimée. 

I y à donc loin de ces premiers âges , aux temps où la 
surface du globe a nourri des oiseaux et des mammifères, 
qui l’ont égayée de leurs cris et de leurs chants. Il y a plus 
loin encore, de ceux où l’homme a pu réfléchir sur les 
changements de la vie organique et méditer sur la succes- 
sion des êtres vivants, dont la création actuelle est en quel- 
que sorte le complément. 


Les terrains du trias sont composés di trois principaux 


systèmes ou formations. Le plus ancien est celui des grès 
bigarrés , le moyen comprend le calcaire conchylien ( Hus- 
chelkalk) , et le supérieur , les marnes irisées et le Keuper. 
Cès divers systèmes sont sans doute caractérisés par des 


k 


L] 


% 


(246) 
êtres organisés particuliers ; mais nous en considérons l’en- 
semble , afin de nous assurer si cette époque a été en pro- 
grès sur celle qui l'ont précédée. 

Nous suivrons en cela l’opinion de M. d’Alberti qui a 
considéré le grès bigarré ou Bunter-sandstein , le calcaire 
conchylien, les marnes irisées et le Keuper, comme diffé- 
rents étages d’une même formation, ce qui a porté M. Oma- 
lius d'Halloy à les réunir sous le nom commun de terrains 
triasiques. La plupart des débris organiques que renferment 
ces divers étages, confirment les idées émises par M. d'Al- 
berti. 

La population du trias se compose de zoophytes de l’or- 
dre des rayonnés et des radiaires. Le premier comprend 
neuf à dix genres , et le second moins nombreux, n’en à 
que six à sept. Les articulés y sont également représentés , 
mais par deux ordres seulement : les annélides et les crus- 
tacés. Le premier réunit deux familles, les cirrhopodes et 
les tubicolés et quatre genres, dont un seul, celui des Ba- 
lanus se rattache à la première de ces familles. Les crusta- 
cés offrent jusqu’à six genres. 

Le nombre des mollusques y est plus considérable en 
ordres, en familles et en genres Ces animaux comprennent 
en effet trois ordres principaux , les acéphales , es céphalés 
et les céphalopodes. Ge dernier , le plus compliqué mais le 
moins nombreux , a été très-restreint pendant l’époque dont 
nous nous occupons. Ces mollusques supérieurs n’y présen- 
tent que cinq genres , tandis que les acéphales ont offert à 
la même date trente-neuf genres, et les céphalés ou unival- 
ves une douzaine environ. 

Telles ont été les proportions des di classes des inver- 
tébrés à l’époque du dépôt du trias. Avant d’entrer dans les dé- 
tails de la création contemporaine de ces terrains, résumons 
l'ensemble de celle qui se rapporte aux animaux vertébrés. 


( 247 

On ne peut guère admettre qu’il existât, lors de ces for. 
mations arénacées ou calcaires parmi les vertébrés, d’autres 
classes que celles des poissons et des reptiles. Les premiers 
n'y étaient représentés que par deux ordres : les ganoïdes et 
les placoïdes qui comprennent plusieurs familles ainsi que 
divers genres. Les reptiles n’offrent également que deux 
ordres principaux, les sauriens et les batraciens qui avaient 
déjà paru à l’époque précédente (1). Le dernier de ces 
ordres , quoique le plus simple, a été toutefois moins nom- 


_breux en genres et en espèces que les sauriens proprement 


dits, dont le développement a été constamment progressif 
jusqu'aux terrains crétacés. 

Cet aperçu signale, comme un fait général des anciennes 
créations, la lenteur du perfectionnement qui s’est opéré 
chez les reptiles. Ces animaux n'ont vu leurs divers ordres 
apparaître que lors des derniers temps géologiques. Seule- 
ment, les sauriens ont été très-variés à une époque, parti 
culièrement lors du dépôt des terrains jurassiques, d’abord 
les chéloniens, puis les batraciens. Le perfectionnement ne 
s'est jamais opéré d'une manière complèle chez les ophi- 
diens qu’à l’époque actuelle. C'est, en effet, pendant les 
temps historiques que ces reptiles ont été le plus variés et 
le plus nombreux et qu'ils ont acquis les dimensions les 
plus considérables. Ces reptiles ont été du moins les plus 
rares aux anciennes comme aux plus récentes époques 
géologiques. Ils n’ont pris leur essor que de nos jours. 


(1) En considérant ici les batraciens comme un ordre des reptiles, 


maux ne conslituent pas une iculière et distincte 
les vertébrés, ainsi que l’admettent plusieurs zoologistes. T1 est cer- 
tain qué ces animaux plusieurs caractères d’une grande 


valeur et que l’on ne retrouve chez aucun autre ordre de reptiles. 


( 248 ) 

Si donc les sauriens ont eu la plus grande taille et les 
formes les plus colossales en même temps que les plus va- 
riées pendant certaines époques géologiques, les ophidiens 
qui sont loin d’être les plus perfectionnés de ces animaux, 
n'ont pris un véritable développement et n’ont acquis un 
grand nombre d'espèces remarquables par leur grandeur , 
la variété et l’élégance de leur coloration, que dans les 
temps actuels. Le progrès a eu lieu dans cette classe de 
vertébrés comme dans toutes celles qui font partie de ce 
grand embranchement; mais il s'est opéré à des époques 
très-diverses pour les différents ordres qui en font partie. 

Ce progrès date, pour les sauriens, des terrains pénéens, 
les plus anciens dépôts de la seconde période, tandis qu'il 
ne s’est mânifesté que plus tard pour les chéloniens et les 
batraciens, et seulement à l’époque historique pour les 
ophidiens. Le progrès à donc commencé, chez les reptiles, 
par l’ordre le plus perfectionné et peut-être le seul qui pût 
remplacer en quelque sorte les autres vertébrés, et s'ac- 
commoder des circonstances et des milieux extérieurs sous 
l'influence desquels ils devaient vivre. 

Les sauriens se rattachaient par l’ensemble de leur orga- 
nisation, aussi bien que par leur système dentaire, aux 
poissons sauroïdes qui les avaient précédés. Ils avaient des 
caractères communs avec ces animaux et vivaient comme 
eux au milieu des eaux salées. Les saüriens des premiers 
âges étaient des races aquatiques, et, comme il n'existait 
pas encore de distinction entre les diverses espèces d’eaux, 
ils ne pouvaient habiter que les eaux salées. On arrive du 
reste à la mêmé conclusion en considérant leurs dimensions 
et l’ensemble de leur conformation. 

Un seul genre de sauriens était organisé pour le vol, mais 
rien ne nous dit que les espèces qui en faisaient partie ne 
pussent pas fendre les eaux et nager ; car les Ptérodactyles 


( 249 ) 

avaient , comme le Satan de Milton, tous les attributs. Du 
moins, ces reptiles avaient des caractères communs aux 
oiseaux et quelques analogies avec les cheiroptères. Leur 
formes et leur genre de vie nous font comprendre quels 
devaient être les rapports et les relations de ces animaux 
dont les os étaient dépourvus de moëlle. Cette conformité 
des Ptérodactyles avec les oiseaux; sous le rapport de leur 
organisme et de leur structure , ne doit pas nous surpren- 
dre, puisqu'elle était une suite nécessaire de leurs condi- 
tions d'existence. 

Les sauriens terrestres ont apparu assez tard; contem- 
porains des Ptérodactyles, ils n’ont acquis un certain dé- 
veloppement que lorsque les continents avaient pris une 
assez grande étendue , et qu’ils pouvaient nourrir les races 
qui respirent l’air en néture. Ceux-ci n'avaient donc rien de 
commun par leurs mœurs et leurs habitudes avec les pois- 
sons ; aussi n’en rappelaient-ils plus les traits, par quelques 
particularités de leur structure et de leur organisation. 

Les chéloniens , dont il n'existe aucune trace pendant la 
première période, n'ont été représentés sur la scène de 
l’ancien monde que fort tard, lors du dépôt des terrains 
triasiques et jurassiques. Si les genres qui ont caractérisé 
ces dépôts, avaient les mêmes habitudes que leurs analo= 
gues actuels, les espèces qui en ont fait partie, auraient 
vécu dans les eaux salées , les lacs ou les fleuves. Le petit 
nombre de celles qui auraient peuplé les mers , fait pré- 
sumer avec d’autres faits , qu'il n’y avait point encore de 
distinction tranchée entre les diverses sortes d'eaux. - 

Cette distinction n’a été sensible que lors des terrains 
wealdiens ou à l'époque des dépôts portlandiens , où l’on 
découvre quelques espèces terrestres et fluviatiles et des 
dépôts analogues à ceux des eaux douces. Ainsi, soit que 
lés chéloniens vécussent dans le bassin des mers, soit que 


( 250 }) 
les fleuves et les lacs fussent leur demeure habituelle, ces 
reptiles avaient une organisation trop différente de celle des 
poissons, pour présenter avec eux quelques analogies, et 
offrir des caractères communs. Ils étaient en effet moins 
propres que les sauriens à réunir certaines particularités 
des deux classes les plus simples des vertébrés. 

Il en a été de même des batraciens; car il est douteux 
que ceux qui ont existé dans la seconde période aient subi 
des métamorphoses analogues à celles par lesquelles pas- 

_sent les batraciens actuels. Aussi a-t-on considéré les plus 
anciens reptiles de cette famille comme des sauriens ; ils 
n'ont été rangés parmi les batraciens que depuis les travaux 
de M. Owen. 

Les plus anciens batraciens, qui ne remontent pas au-delà 
du keuper, appartiennent non-seulement à des espèces per- 
dues, mais à des genres dont il n'existe aucune trace dans 
la nature actuelle. On ne peut donc savoir d’une manière 
positive, s'ils ont passé ou non sous différentes métamor- 
phoses analogues à celles que subissent nos grenouilles et 
nos crapauds. Seulement, on peut faire observer que les 
couches terrestres n’offrent aucune trace de ces métamor- 
phoses, parmi ces genres inconnus de batraciens, ce qui 
fait supposer qu'ils n’y ont pas été soumis. 

Elles sont tout au plus apparentes pour les batraciens de 
la troisième période, représentés par des genres identiques 
à ceux qui vivent de nos jours. Ces genres ou les Grenouil- 
les , les Rainettes, les Salamandres , comprennent des es- 
pèces complètement. éteintes, quoiqu'il n’en soit pas de 
même de leurs formes génériques. Mais ces reptiles se rap- 
portent à une époque où chaque classe, chaque ordre de 
vertébrés avait pris ses caractères particuliers et distinctifs, 
et où aucun d'eux n’offrait des caractères communs à plu- 
sieurs classes de cet embranchement. 


( 251 ) 

Sous dois ces points de vue, les sauriens devaient être 
les premiers représentants des reptiles sur la scène de l’an- 
cien monde, en raison de ce que leurs formes avaient plus 
de rapports avec celles des poissons, que n’en ont les ché- 
loniens , les ophidiens et les batraciens. Ce sont surtout les 
Serpents, les Couleuvres, enfin tous les animaux de cet or- 
dre, qui diffèrent le plus des poissons ; aussi les espèces de 
cette grande tribu ont-elles apparu fort tard dans les temps 
géologiques. On ne commence à en découvrir les débris 
que lors des plus anciens dépôts de la troisième période. 

Ainsi s’est opéré le progrès chez les reptiles de l’ancien 
monde , progrès des plus lents et qui a commencé par l’or- 
dre le plus perfectionné des temps géologiques. Cet ordre 
avait en effet plus d’affinité par sa conformation générale , 
avec les poissons que n’en a tout autre ordre de vertébrés. 
Ceci nous explique pourquoi il a été si développé à une épo- 
que où les reptiles qui la peuplaient , offraient des caractères 
communs à différentes classes, même à celles qui n'avaient 
point encore paru, et dont ils étaient pour ainsi dire les 
précurseurs. 

Si les Lathyrinthodons, nommés aussi sans motifs A/as- 
todon saurus, se rapportaient réellement aux batraciens , 
cet ordre aurait été représenté à l’époque du trias par un 
seul genre. Ce genre aurait été composé de trois espèces 
dont une aurait atteint des dimensions gigantesques pour 
cette famille. Elle serait arrivée en effet jusqu’à 23 ou 24 


mètres de longueur. 


Des espèces, mais de dimensions moins considérables , 
avaient précédé les Labyrinthodons du triàs ; quatre espèces 
ont été trouvées dans les grès rouges qui dépendent des 
terrains pénéens. 

Lorsqu'on examine avec quelques détails obisble de 
la population de l’époque du trias , on lui trouve des carac- 


” 


(252) 
tères particuliers, qui la différencient de celle des époques 
antérieures et postérieures. 

La faune des terrains triasiques ne présente pas encore 
de traces d’infusoires, quoique ces infiniment petits aient 
paru en grand nombre lors de la faune suivante, c’est-à- 
dire, à l’époque du lias. Les zoophytes y sont toutefois 
représentés par les deux ordres principaux de cette classe, 
les rayonnés et les radiaires. Les premiers comprennent 
un plus grand nombre de genres que les seconds , et parmi 
eux l’on en découvre deux actuellement : les principaux 
architectes des récifs de coraux dont les mers du Sud sont 
obstruées. Ces genres sont les Favosites et les Astrées ; 
mais ils ne paraissent pas avoir été accompagnés par les 
Méandrines. 


, 


Les formes génériques, même celles qui ont persisté 
jusques dans notre monde, ont été souvent interrompues à 
telle ou telle époque géologique ; néanmoins , elles ont re- 
paru à une toute autre époque , sans qu’il paraisse y avoir 
rien de changé dans leur structure et leur organisation. Ce 
fait se reproduit souvent pour une foule de genres , quoi- 
qu'il y en ait qui se soient continués constamment à toutes 
les époques, sans éprouver la moindre interruption. Tels 
sont les Serpules parmi les articulés, et les Térébratules 
parmi les mollusques. 

Ceci n'empêche pas cependant , qu'il y ait des genres et 
même des familles qui ne sont propres qu'à une époque 
restreinte et déterminée. Telle est celle des trilobites qui ne 
dépasse pas la première période, ainsi que les genres qui en 
font partie. Les Productus appartiennent, non comme les 
précédents aux crustacés, mais aux mollusques. C’est encore 
un exemple remarquable de genres dont la durée a été des 
plus courtes. 

Les Productus, qui apparaissent lors des terrains silu- 


FIAT EROTICA AD EE NE RE EE PRET SRE RES 


(253) 

riens supérieurs, ne s'élèvent pas au-dessus des he 
pénéennes ou permiennes , si toutefois il en existe dans ces 
formations. De même YAsaphus tyrannus est borné aux 
terrains siluriens tout comme l’Asterias Lockhü. L'Avicula 
socialis, l'Ammonites nodosus et la Posidonia minima ne se 
trouvent guère que dans l’une des formations triasiques, 
c'est-à-dire, le calcaire conchylien ( Muschelkalk ). On peut 
en dire autant de la Trigonia vulgaris et de l’Encrinites 
moniliformis qui n'appartient plus, comme les espèces que 
nous venons de citer , aux RoAMQUES; mais aux zoophytes 
de l’ordre des radiaires. 

Le type générique est donc plus persistant que le type 
spécifique qui passe rarement d’une formation à une autre, 
tandis que le premier , après avoir traversé parfois tous les 
âges , arrive jusqu'à l’époque actuelle sans que, dans ce 
long intervalle , il paraisse éprouver des changements nota- 
bles dans ses formes et son organisation. 

Les familles des ammonites et des bélémnites, les plus 
naturelles des céphalopodes en mème temps que les plus 
compliquées des mollusques, offrent également des exemples 
analogues. Chacune de ces familles se compose de plusieurs 
tribus qui sont des signes aussi certains que caractéristiques 
des formations où elles se rencontrent. Ces tribus ont donc 
peu duré ; elles n’ont pas résisté aux changements qui s’opé- 
raient dans les milieux extérieurs sous l'influence des- 


_ quels elles se trouvaient. 


Ainsi la division, des goniatites appartenait aux terrains 
de transition et ne se rencontrait guère au-delà des forma- | 
tion du trias, de même que les cératites étaient propres au 
calcaire conchylien (Muschelkak) , tout comme les arietes au 
lias, et les Crioceras aux terrains crétacés inférieurs. Ces di- 
verses tribus ont peu persisté, puisqu'aucune d'elles ne s’est 


( 254 ) 
étendue au-delà des formations qu’elles ont caractérisées. 

Il en est de même des familles des bélemnites dont la 
limite inférieure est au-dessous des terrains jurassiques , 
dans la formation du keuper, et la supérieure dans la craie 
blanche. + 

Peut-on voir dans les modifications que chacune des 
tribus d’une même famille éprouve, des progrès successifs ! 
c’est ce qu'il est bien difficile de constater. Tout ce qu'elles 
annoncent, c’est que les mêmes formes générales ont 
tendu dès leur création, par l'effet de diverses variations, 
à parvenir à leur point d'arrêt, qu'aucune d'elles n’a obtenu 
que dans l’époque historique. Une foule de genres n’ont pas 
pu y parvenir, mais un certain nombre y sont arrivés. Les 
seuls changements qu'ils aient éprouvés, ne se rapportent 
pas à leur type générique, mais uniquement à leur type 
spécifique. 

Sous ce dernier point de vue, il y a eu progrès ; car 
généralement les espèces ont été en s'étendant, et n'ont 
acquis le maximum de variations ou de différences que dans 
les temps dont nous sommes les témoins. Il y a eu sans 
doute des exceptions à ces faits généraux ; mais comme 
nous les avons fait connaître en comparant le nombre des 
Encrines et des Térébratules des âges passés, avec celui 
des temps actuels, nous n’insisterons pas davantage à cet 
égard. Le nombre des zoophytes rayonnés a été, à l’époque 
du trias , plus considérable que celui des radiaires, cir- 
constance qui s'était également présentée aux époques an- 
térieures. Une famille de cet ordre , celle des crinoïdes ; a 
été assez réduite sous le rapport du nombre des espèces 
qui en ont fait partie , ainsi que sous celui des individus. 

Le genre Ophiura de la tribu des échinodermes , a com- 
mencé avec le Muschelkalk ; i s’est ensuite étendu à travers 
les marnes irisées et le keuper, pour reparaître plus tard 


ER SR RTE ES ER PE DE RC ET D PR EE ER RS 


( 255 }) 
dans les terrains crétacés et parvenir jusqu’à l’époque ac- 
tuelle. Ce genre est toutefois moins persistant que les Asté- 
ries qui ont aussi animé plutôt la scène de l’ancien monde. 
On ne les trouve guère, en effet, que dans les deux terrains 
que nous venons de Césigner, le trias et les formations 
crayeuses. 

Les cirrhopodes qui appartiennent aux annélides, se pré- 
sentent de même à l’époqne du trias, particulièrement lors 
du dépôt du calcaire conchylien. L'un des genres qui en 
ont fait partie, celui des Serpules , en commençant avec les 
premiers vestiges de la vie, n’a presque jamais cessé d’exis- 
ter en s'étendant et en offrant, à l’époque historique , des 
espèces beaucoup plus nombreuses et variées. 

Au lieu des formes inconnues dans la nature vivante, qui 
ont caractérisé les crustacés de la première période et de 
la première époque de la seconde , ceux des terrains triasi= 
ques se rattachent aux crustacés de l'époque actuelle. Leurs 
genres s’y trouvent ainsi que leurs familles, tandis qu'il 
n'en est pas ainsi des Trilobites. 

Le genre Galathea de la famille des décapodes, dont 
les espèces fréquentent maintenant toutes les mers, remonte 
fort haut dans la scène de la vie, Ils sont avec les Gebia, 
les premiers exemples des crustacés décapodes qui ont pris 
un certain développement à l’époque des terrains jurassi- 
ques, crétacés et tertiaires, et n’ont atteint cependant le 
summum de leur perfectionnement que de nos jours. 

IL est difficile de ne pas voir dans cette succession une 
tendance vers le progrès, qui s’est opéré non dans les espèces, 
mais dans les familles, les ordres et les classes. Ainsi , rela- 
tivement aux crustacés du trias , il y a eu progrès des Tri- 
lobites aux Galathées et aux Gébies, qui évidemment sont 
plus perfectionnés que les premiers sous le rapport de 


es ( 256 ) 
leurs organes locomoteurs, et par suite, sous celui de Ja 
facilité et de l’agilité de leurs mouvements. 

Il y a eu également progrès dans l'apparition d’un cer- 
tain nombre de genres qui n’avaient pas encore brillé sur 
la scène du monde et dont les formes, plus analogues à 
celles des genres actuels, annoncent le perfectionnement 
qui s’opérait dans la nature. La présence de nouveaux 
genres lors du dépôt des terrains du trias s’est manifestée 
non-seulement par rapport aux zoophytes, aux articulés , 
mais aux mollusques. Fe nombre de ces derniers est resté 
bien inférieur à ce qu'il était aux époques précédentes et 
particulièrement à celle de transition. 

Nous avons fait observer que généralement les différentes 
tribus de la grande famille des ammonites caractérisaient des 
époques distinctes; nous ajouterons qu'elles se montrent 
néanmoins associées dans les mêmes terrains. Les forma- 
tions du trias nous en fournissent des exemples. Ainsi les 
goniatites de l’époque primaire y sont réunis avec les Cyrto- 
ceras et les Cératites qui sont spéciales à ces formations 
arénacées. Les unes et les autres appartiennent à la famille 
-des ammonites, dont le genre Ammonite proprement dit 
qui la constitue essentiellement , ne prend guère son déve- 
loppement que lors des terrains jurassiques. : 

Les genres des mollusques du trias , quoique moins nom- 
breux qu'aux époques précédentes , sont parfois les mêmes. 
que ceux de la période primaire. Il ne peut qu’en être ainsi 
de ceux dont les formes se sont continuées jusqu'aux temps 
actuels. Il est parmi ces genres quelques types dont les ana- 
logies avec ceux des terrains jurassiques sont manifestes. 

Ainsi parmi les acéphales, ordre nombreux dans les for- 
mations du trias, on voit apparaître sur la scène de la vie, 
plusieurs genres que l’on n’y avait pas jusqu'alors aperçus, 
tels que les Venus, les Panopées , les Trigonies , les Per- 


( 257 ) 
nes et les Huîtres. Les premières espèces de ce genre si 
répandu dans la nature actuelle, avaient des habitudes tout- 
à-fait différentes des dernières. Elles vivaient éparses et dis- 
persées au sein des mers, et ne se trouvaient pas réunies en 
bancs considérables comme celles des terrains tertiaires ou 
des temps historiques. | 
( La suite au prochain numéro ). 


TE — 


XV. Note sur le Pilobolus erystallinus, par 


M. Tu. Cuiexeau , D.-M., membre titulaire. 


Au commencement des Actes de la Société Linnéenne de 
Bordeaux , se trouvent deux courts mémoires, fort remar- 
quables , sur le Pilobolus crystallinus de Tode. L'un est 
signé Durieu de Maisonneuve (1 ), notre savant correspon- 
dant ; l’autre fut rédigé par feu Gachet (2), alors secré- 
taire de la Société Linnéenne et qui le premier avait signalé 
la présence de cette production dans la Gironde. 

Il y à trois semaines environ que, près d’une source si- 
tuée dans un des faubourgs de Bordeaux, ce singulier et 
trop fugace champignon tomba sous mes yeux pour la pre- 
mière fois. N'ayant pas à ma disposition d'instruments assez 
grossissants, j'eus recours à l'expérience mycographique 
de mon ami et collègue, M. G. Lespinasse. Après des recher- 
ches multipliées et très-minutieuses , nous reconnûmes avec 
toute la certitude possible le Pilobolus crystallinus. : 


(1) Durieu de Maisonneuve, Notice sur le Pilobolus crystallinus ; 
Act. Soc. Linn., Bord., T.1,p.57. nec 

(2) Gachet, Note sur le Pilobolus crystallinus; Act. Soc. Lin. 
Bo - H,p. 159. 


Towe XVIII. 18 


( 258 } 

À cette occasion , j'étudiai soigneusement les divers tra- 
vaux auxquels cette production a donné lieu , en particulier 
ceux de M. le D.r Léveillé (1 } et deux faits me frappèrent, 
comme d’ailleurs ils ont déjà fixé l’attention de tous les 
mycologistes. 

Tode (2), dans la description très-succincte qu'il donne 
du genre qu’il a créé , l'appelle Fungus EsacuLaTOoRIUS ; il 
attribue du reste cette épithète aux trois autres genres The- 
leobolus , Sphærobolus et Atractobolus, et il réunit tous les 
quatre sous la dénomination commune de Fungi carpo- 
gout (3). 

Plus précis dans son appréciation des phénomènes qui 
caractérisent l’évolution de ce champignon, Persoon (4) 
s'exprime ainsi : Receptaculum..…....… ELASTICE desiliens. 

Duby (5) est tout aussi explicite en disant : ....... Peri- 
diolo globoso , membranaceo, demüm ELASTICE exploso. 

Ad. Brongniart (6), dans sa classification des champi- 
gnons, caractérise ainsi le genre Pilobolus, de la grande 
famille des Mucédinées , tribu des Mucorées : Fésicule glo- 
buleuse, qui se détache et est LANCÉE avec ÉLASTICITÉ à la 
maturité. 

| Ilest assez réinéniéafle que MM. de Lamarck et de 
Candolle (7), Durieu de Maisonneuve ( 8) et Gachet (9), 


(1) Léveillé, art. Pilobolus ; Dict. d'hist. nat. de M. d'Orbigny, 
L X, n.136 se Mémoire sur les Sclerotium; Ann. sec, nat, 2. sér. 
se © COTE 

(3) Tode: Fungi Mecklemburg, etc. p. si. 


(6) Ad. Brongniart, ge Mycologie; Dict. d’hist. nat. (édit, Le- 
vrault ), T. XXXIII 

(7) Lamarck et De desire FL'RRLT ID. 

_ (8) Durieu de rm loc. cit. 

(9) Gachet; loc, ci 


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RTE ES Pr ROUE PET RTE RE Dre A 


de tee ee 


( 259 ) 
ces excellents observateurs, ne fassent pas mention de ce 
caractère, sur lequel M. Léveillé revient et s’appesantit 
avec juste raison (1) et que M. Payer (2) note ainsi dans 
sa phrase caractéristique du genre : Thecam …..…. demüm 
ELASTICÈ eæplosam. 

Chevallier (5), qui a donné une bonne figure, quoique 
grossière de ce champignon, ne se prononce pas , et il ren- 
voie à un examen postérieur, pour décider la question de 
savoir si la masse consistante et dure qui recouvre le Pi- 
lobolus à la manière d’un chapeau, est lancée avec élasticité 
comme le veut Tode, ou reste adhérente aux débris de la 
vésicule comme le pensait Bulliard et comme paraissait le 
croire en 1826, KI. Durieu. 

IL est assez difficile de voir cette projection, dit M. Lé- 
veillé (4) ; cela est vrai, et le hasard seul peut faire que 
ce phénomène s’accomplisse naturellement sous les yeux de 
l'observateur : Voici"comment j'ai pu EE le matéria- 
liser et le rendre parfaitement sensible. 

Les auteurs qui parlent en détail de la portion du cham- 
pignon qui nous occupe, entr'autres Léman (5), Cheval- 
lier, Léveillé, disent qu'après sa chute , elle se durcit et 
. Se conserve quelque temps, à tel point même que pour 
M. Durieu elle peut devenir le Selerotium stercorarium. 
Voulant vérifier ce point litigieux, j'avais mis sous un verre 
de montre fortement concave et collé hermétiquement sur 
une lame de verre, une certaine quantité de Pilobolus avec 
le support où ils s'étaient produits. 


(1) Léveillé ; Zocis suprà citatis.  . 

(2) Payer; Botanique cryptogamique , p. 83. 

(3) Chevallier ; Flore Parisienne, T. X, p.73. 

(4) In Dict. de M. d'Orbigny; loc. cit. 

(5) Ts art, Pilobolus: Dict. d'hist. nat. (édit. Levrault), 
T. XL,p 


— 


( 260 ) 

J'espérais en les privant de la lumière , en leur conser- 
vant une humidité convenable , en facilitant surtout la dis- 
sémination des spores, dans un milieu circerscrit, pro- 
longer la reproduction de ces végétaux si fugaces. Mon 
attente n’a pas été trompée. Pendant plus de huit jours, 
j'avais des champignons à tous les degrés de développe- 
ment. En outre , sur l’une des deux pièces que j'avais ainsi 
préparées, le verre étant comme je l'ai dit très-bombé et 
par conséquent ne s'appliquant pas sur l'extrémité supérieure 
ou la tête des champignons, j'ai vu au bout de deux jours 
la face inférieure du verre tapissée de petits points bruns, 
durs, consistants et qui n'étaient autre chose que les oper- 
cules lancés à une certaine distance. 

Ce premier fait est de toute exactitude et les auteurs ont 
eu raison d'appeler le Pilobole : Ejaculatorius, elasticus, 
etc. Seulement , tandis que Tode, Persoon , etc., croyaient 
que celte sorte de chapeau était le réceptacle , un examen 
plus approfondi a démontré que ce n’est que le couverele , 
l'opercule du sporange (1) et qu'il recouvre la vésicule 

_membraneuse , le Peridium ( Léveillé ), la Thèque ( Payer ) 
qui renferme les spores, 

Un second fait entièrement nouveau me paraît devoir , 
être spécialement signalé. 

Tous les auteurs, sans exception, disent que le Pilobo- 
lus crystallinus se montre au Printemps et en Automne sur 
des excréments d'animaux. 

Ainsi, Tode (2) : in Stercore animalium et humano ; 
Duby(3) : in Fimo equino ; vere et autumno ; Persoon (4): 


* (4) Cfr. Léveillé, Ann. des sc. nat. ; loc. cit. 
(2) Fung. Mecklemburg, p. 41. 
(3) Botan. Gail., p. 913. 
(4) Syrops Fung.; p. 117. 


L1 


MaE ) à 


L 


( 261 ) 
Autumno non infrequens ad fimeta equina , aut bubulina 
crescit ; Chevallier (1) : Ce singulier champignon se trouve 
toujours sur la fiente des animaux herbivores et particuliè- 
rement sur celle des daims et des chevreuils ; Lamarck et 
de Candolle (2) : En Automne, sur la fiente des chevaux , 
des daims, des chevreuils; Léman (3) : croît en Automne 
sur la fiente des vaches, des chevaux, des bétes fauves. 
M. Durieu de Maisonneuve ( 4) l'a vu par milliers sur les 
fientes de porcs dans les champs. M. Gachet (5) l’a observé 
à Bordeaux, au mois d'Octobre, sur des excréments de chat 
dans une cour humide. M. Léveillé (6 } dit que les trois es- . 
| pèces connues du genre Pilobolus se développent sur les 
excréments des animaux; et ailleurs, le même observateur 
ajoute (7) : il se développe en Septembre et en Octobre, 
sur les excréments de plusieurs animaux, et fructifie en 
Novembre. Enfin M. J. F. Laterrade (8 ) le signale comme 
automnal ,'sur la fiente des animaur. 
En un mot, personne à ma connaissance n’a indiqué le 
singulier habitat, où j'ai rencontré cette production le 10 
Juin (9). Je lai trouvée abondamment à plusieurs reprises, 


(1) FI, Lut.; T. I, p. = 

(2} F& Fr: TM p.92 

(3) Dict. d’hist. nat. Fe Lara), art. Pilobolus. 

(4) Act. Soc. Linn. Bord. , T. E, p. 5 

(5) Act. Soc. Linn., Bord., T. II, p. 4 

(6) Dict. d'hist, nat. de M, d'Orbigny, T. x ,; p. 187. 

(7) Ann. des sc. nat. 2.e sie T. XX, p. 234. 

(8) F1. Bord. (4.e édit. ) u x HE 

(9) Je tiens à appel er I logist la date pré 
cise de mes observations, qui doit s ‘ajouter aux s'iméntion- 
nées si explicitement par les savants observateurs déjà cités. 

Les deux préparations: dont il est question pont, tee d'ail- 


du to Juillet 1852 ) k 


( 262 ) 

après des pluies d'orage, sur des conferves récemment ex- 
traites de la source d’un lavoir à Bordeaux; ces conferves 
étaient entassées , exposées médiocrement au soleil, un peu 
humides encore , et les couches inférieures commençaient à 
se en 

On pourra donc, je crois, désormais, dans les descrip- 
tions caractéristiques de cette cryptogame , modifier ainsi 
ce qui concerne l'habitat et la saison : 

Hab. : IN STERCORE ANIMALIUM / omn. auct.) el HUMANO 
{ Tode }; ET AD CONFERYVAS COACERVATAS, HUMIDIUSCULAS ET 
. SEMI-PUTRESCENTES. ( Burdigald : ©. v.)— veRE ( Duby}, 
AUTUMNO {omn. aucl.), ÆSTATE { Burdigald : v. v.). 

Bordeaux , le 30 Juin 1852. 


D. Tu. CuicnEau. 


XVI. DESCRIPTION du genre Laterradæa- de la fa- 
mille des Pisocarpiacées de la méthode mycologique 
de Corda (1), dédié à M. LATERRADE , directeur de 

ociété Linnéenne de Bordeaux; par M. Louis 

DE BRONDEAU, correspondant. 


J'ai fondé ce genre sur une petite cryptogame fort re- 
marquable , laquelle croît hors de l'influence de la lumière, 
comme les champignons hypogés ; son hypothalle byssoïde 
a des rapports avec le mycelium de ces derniers champi- 
gnons. 

Cette cryptogame subit des modifications dont l’observa- 
tion demande un examen attentif; elle se développe mon- 
seulement à la surface de vieilles planches , ensevelies sous 


(4) Anleitung zum Studium der Micologie, p. 99. 


e 


L 


Actes de la Soc. Linn. de Bordeaux. T. XVIII. 


L 7 
L. de Brondeau, pinx min, imp. r. de Mäcon, 6, Paris P Lackerbauer, lith. 


1. Laterradæa es — 9. Laterradæa strobilina. 
Licea Laterradn. 


( 263 ) 

l'humus , mais encore dans les galeries qu'y ont creusées . 
les insectes , et où elle se trouve mêlée avec les coques de 
ces animaux ; alors elle présente un fait remarquable : son 
peridium a totalement disparu , ou bien il n’en reste que 
quelques vestiges adhérents à la paroi des trous creusés par 
les insectes ; leur cavité est remplie d’un nombre immense 
de sporanges, couverts de filaments byssoïdes, provenant 
de l'hypothalle. En cet état, on prendrait la plante pour 
un Sporotrichum , si Je microscope ne venait révéler la na- 
ture de ces sporanges : les Sporotrichum ont des sporules 
simples. 

Quant à l'hypothalle, il subit les modifications que pro- 
duit l'absence de la lumière dans les parties filamenteuses 
des champignons , en faisant varier leur forme et leurs di- 
mensions ; j'ai vu un caisson fermé, rempli en totalité par 
les ramifications nombreuses des filaments stériles d’un 
Helminthosporium. Une Conoplée croissant sur un rameau 
de chêne oublié dans une boite fermée , remplie de mousse 
humide, a poussé des filaments de plusieurs pouces de 
long ; leur couleur ordinairement d’un gris olivâtre a passé 
au blanc pur. L'hypothalle du Laterradæa varie donc sui- 
vant qu’il est plus ou moins caché sous l'humus humide, 


Cette cryptogame , qui semble au premier abord appar- 
tenir à la famillle des Physarei de Corda, s’en éloigne en 
ce qu'elle est pourvue de frais sporanges , remplis de spo- 
rules ; elle me parait devoir prendre place dans celle-des 
à. Pisocarpiacées du même auteur (/cones fungorum, IL, p.24), 
: à côté du génre Polyangiun Linck ; son peridium, comme 
L celui de ce dernier genre , est creux à l'intérieur ; cepen- 
dant ses sporanges vus au microscope ; présentent souvent 
dans leur contour quelque appendice membraneux, qui 
L semblerait indiquer qu'ils ont d’abord adhéré ensemble. 


( 264 ) 
LATERRADÆA. 


Car. GENER. Hypothallus floccoso-byssoideus vel sub- 
effiguratus, Peridium membranaceum, sessile, hemisphæ- 
ricum vel rolundum , dein apice irregulariter ruptum. Spo- 
rangia membranaceo-cellulosa, numerosa, minuta , sporis 
repleta. 

Oss. Hypothallus naldoisl abest. 


LATERRADÉE» 


Car. GÉNÉR. Hypothalle floconneux-byssoïde ou un peu 
figuré. Péridium membraneux, sessile, hémisphérique ou 
arrondi , s’ouvrant irrégulièrement au sommet. Sporanges 
membraneux-celluleux, nombreux, petits, remplis de 
sporules. 

Oss. L’hypothalle manque quelquefois, et n’est bien 
apparent que dans la jeunesse de la plante. 

Espèces. 
N.° 4. — LaTERRADÆA POPULNEA ( Nob.). Fig. 4. 

Cnar. spec. Peridium hemisphæricum , nigrum. Sporan- 
giis rotundatis, vel sub-cuneiformibus, nigris; sporis re- 
lundis. 

Has. /n assulis populneis cariosis, sub humo reconditis, : 
locis domesticis suffocatis humidis, per totum annum. 

Oss. Peridium sub lente spectatum areolatum vel punc= 
tato-rugosum. Hypothallus sub-effiguratus vel foccosq is 
soideus, albus. 


LATERRADÉE DU PEUPLIER ( Nob. ). Fig. +. 


Car. spéc. Péridium hémisphérique , noir ; sporanges ar- 
rondis ou sub-cunéiformes , noirs ; spores rondes. 
Hab. Sur les planches cariées de peuplier, recouvertes 


( 265 ) 
d'humus, dans les maisons, aux lieux: humides, privés 
d’air ; pendant toute l’année. 

‘Obs. Le péridium vu à la loupe , paraît aréolé, ou ridé- 
ponctué. Hypothalle un peu figuré, ou floconeux-byssoïde : 
blanc. 

N.0 IT. — LarTerranÆa sTRoBILiNa ( Nob. ). Fig. 2. 
Licea strobilina Albertini et Schweiniz, Consp. fung. 
in Lusac. super. cresc., pag. 109. n.0 303. tab. 
VL. fig. 3. — Ditmar = A Sturm. IIL. 2. pag. 41, 
tab. 20. 
Perichæna strobilina Fries, Syst. myc. HIT. pag. 190. 
Licea strobilina Duby. Bot. Gall. pag. 861. 

Char. spec. Densè aggregata , peridiis rotundis vel sub- 
oblongis, rufo-fuscescentibus ; sporangiis ovoideis , flavidis. 

Hab. In strobilis Abietis , ad paginam interiorem squa- 
marum putrescentium ; vere ac aulumno: 

LATERRADÉE DES STROBILES { Nob. ). Fig. 2. 


Car. spéc. Péridiums nombreux, aggrégés , arrondis ou 
un peu oblongs, roux passant au brun; sporanges ovôides, 
jaunâtres. 

Hab. Sur les cônes vieux et en décomposition des sa= 
pins, à la face interne des écailles , où la base persistante 
de ses péridiums läisse une empreinte qui ressemble à la 
superficie d’un guëpier à cellules très-petites. 


Cette espèce qui avait été placée parmi les Licea, ne =. 
peut rester dans ce genre, vu que son péridium renferme 
de vrais sporanges , pleins de spores, ainsi que l'ont ont déjà ne 
. observé les célèbres cryptogamistes Fries et Ditmar. 


On observe à la base de son péridium un hypothalle ana- 
logue à celui du Laterradæa populnea, mais moins déve- 


( 266 } 
Genre LICEA. 


N.o IIL. Licea Larerranu ( Nob. ). ; 
Char. spec. Peridiis globoso-hemisphæricis,  solitaris | 
_vel aggregatis , rufo-badiis, demüm fuseis, apice irregula- | 
riter aperlis; sporis rotundis, sulphureo-flavescentibus ; 
floccis nullis. 
Hab. /n bulbis putrescentibus Allii cepæ. 


Licée DE LarerRanE ( Nob. |. 


Car. spéc. Péridiums arrondis ou hémisphériques, soli- à 
. taires ou aggrégés, d'abord roux, puis bruns, s’ouvrant 
irrégulièrement au sommet; spores rondes, d'un jaune 
soufré ; point de capillitium. 
Hab. Sur les bulbes en putréfaction de l'oignon. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


Fig. 1. — Lalerradæa populnea. Nob., de grandeur naturelle. 
a. Péridium dessiné à une forte loupe, entouré de son hypothalle. ; 
d. Péridium ouvert et sporanges. 
; c.… Grossissement de deux cavités creusées par les a. et 
remplies par les coques de ces animaux et par les sporan- 
ges. 
d. Sporanges à divers états de grossissement. Un des sporanges 
est ouvert et laisse échapper ses sporules. 
Fig. 2. — Lalerradæa strobilina Nob., grossi à la sr 
e. Sporanges à divers degrés de grossissement. 
Fig. 3.— Licea Laterradiüi. Nob., de grandeur naturelle, sur un 
fragment de bulbe de l’Allium cepa. 
[. Péridium à divers degrés de développement. 
g- Péridium ouvert , avec ses sporules , vu au _—. 


Reignac, près Agen. Mai 1852. 
Louis DE BRONDEAU. 


( 267) 


XVII. Précis des Travaux de la Société, pendant l'an- 
née académique 1851-1852 ; par M. CAZENAVETTE, 


Secrétaire-général. 


Après une existence de trente-quatre années, la Société 
Linnéenne est appelée encore aujourd’hui à exposer devant 
un brillant et nombreux auditoire, les travaux dont elle 
s’est occupée depuis le 4 Novembre dernier. Ces travaux ne 
sont pas certainement de ceux qui jettent un grand éclat, 
ou qui font prôner partout les noms de leurs auteurs. Com- 
mencés dans les champs , müris dans le silence du cabinet, 
ils sont ensuite consignés dans des ouvrages spéciaux , dans 
des journaux scientifiques , lus seulement par des pass 
qu'anime l'amour de l'histoire naturelle. 

Gardez-vous toutefois, Messieurs, de croire que ces tra= - 
vaux conduisent à des résultats peu utiles. Ils sont la base 
de sciences qui, chaque jour, étendent leurs bienfaits sur 
l'humanité tout entière , laquelle doit la plus grande partie 
des avantages qu’elle possède , à des hommes dont toute la 
vie a été adonnée à l'étude de la nature et qui sont parve— 

nus peu à peu à lui arracher quelques-uns de ses secrets. 
Qui pourrait énumérer les services rendus par la Bota- 
nique, la Minéralogie , la Géologie et les autres. branches 
qui constituent l’ensemble de Fhistoire naturelle ? Tous es 
hommes , sans doute , ne pénètrent pas à la même p is 
deur dans les mystères dont la Providence a compo: 
morde ; mais chacun de ceux qui cherehent à les’ sonder y 
trouve de quoi apporter son tribut à la construction de l'é- 
difice scientifique. Plus tard , des génies comme les Linné , 


( 268 ) 
les Buffon, les Cuvier, s’approprient ces pièces éparses , 
pour en faire un tout uniforme dont ils lient les parties en- 
tre elles, de manière qu’on n’aperçoit plus de traces de leur 

jonction. 
La Société Linnéenne rassemble elle aussi depuis long- 
temps des matériaux pour ce palais si brillant des sciences 
naturelles. Elle a la satisfaction de constater qu’il lui en est 
tenu chez elle, et encore plus au dehors, un compte fidèle 


qui augmente son ardeur , stimule son zèle et la dédommage 


amplement des efforts journaliers qu’elle fait. Aussi voit- 
elle sans cesse ses relations s'étendre soit en France, soit 
ailleurs. De nouveaux correspondants, des membres rési- 
dants viennent chaque année étendre le tableau de ses mem- 
bres : ses archives s ‘augmentent des publications faites par 
les sociétés savantes, nationales et étrangères ; ses Actes lui 
sont demandés de bien loin, et chaque jour elle est consul- 
tée sur des questions qui intéressent l’agriculture comme 
les autres études auxquelles elle se livre. 

Aujourd'hui, Messieurs , votre passé garantit votre ave- 
nir, et si les années antérieures à celle-ci ont produit pour 
vous des fruits abondants, vous ne devez pas vous estimer 
moins heureux de ceux que vous ont offerts vos travaux 
dans le courant de l’année dont ce jour est la clôture obli- 
gée. Comme toujours, vous avez parcouru le chemin que 

vous vous éliez tracé; et, comme toujours , vous avez fait 

des découvertes qui étendent le domaine de la science ou 
qui contribuent à faire connaître plus particulièrement les 
productions naturelles du département que vous habitez. 

C'est ainsi que la Zoologie vous a permis d'inscrire dans 
vos catalogues une foule d'insectes dont la nomenclature et 
l'histoire feront des articles importants de vos publications. 
Vous ‘en êtes -redevables à un de vos compatriotes, M. le 
docteur Souverbie , dont le travail vous à paru digne d’une 


* 


( 269 ) 


- récompense que vous êtes heureux de lui décerner en ce 


jour. IL vous à donné la certitude de l'existence dans la 

Gironde, d'un grand nombre d'insectes qu’on croyait n’ha- 

biter que des climats bien differents du nôtre. Vous avez eu 

de plus le plaisir de voir que quelques-uns de ceux qu’il 

vous a communiqués, sont nouveaux pour la science, et 
l’auteur de ces travaux vous en promet d’autres qui, assu- 
rément ne seront pas inférieurs au mémoire si remarquable 

qu'il vous a déjà remis. Ce sont là, Messieurs , de précieux 

documents pour la géographie zoologique. 

Vous avez appris de votre honorable Directeur que la co- 
chenille, cet insecte autrefois si peu connu et qui fournis- 
sait une couleur d’un prix si élevé, s’est acclimaté dans le 
Jardin des Plantes de la ville, comme il l'avait fait à Paris, 
et peut-être ce nouveau fait portera-t-il quelques horticul- 
teurs à propager ce petit animal par la multiplication si fa- 
cile du cactus sur lequel il trouve sa nourriture. 

Les mollusques, ces animaux si intéressants, soît par 
leurs habitudes, soit par le test qui.les recouvre et qui est 
susceptible de tant d'ornements , de tant de modifications, 
les mollusques, dis-je, deviennent encore plus attrayants aux 
yeux des naturalistes, par leurs rapports avec les espèces 
fossiles sur lesquelles la géologie fonde ses plus sûrs dia= 
gnostics. Il vous en a été communiqué plusieurs espèces qui 
n'avaient pas encore été observées dans le département et 
ce nombre peut paraitre étrange après les recherches de 
notre honorable président et de plusieurs de nos collègues. 
Aussi avez-vous cru devoir accorder une médaille à _ (Cour 
dert fils, l’auteur de quelques-unes de ces découve 
ajoutons que M. Séubervie a également? trouvé mi» 
quatre ee qu on n'avait per encore rencontré chez 
nous. 

Je ne vous parlerai pas, Messieurs, des mémoires qui vous 


(270 ) 
ont été lus, sur des mollusques et des coquilles indigènes 
ou exotiques. Ces mémoires figureront plus tard dans les 
Annales que vous publiez et seront alors l’objet d’une men- 
tion plus spéciale. 


Une couleuvre très-rare dans nos contrées, vous a été. 


présentée par M. le D." H. Burguet , conservateur du Musée 
de la ville. Plusieurs d’entre vous se rappellent cet obligeant 
M. Rodrigues qui avait fondé à Tourny , un cabinet d'histoire 
naturelle qui a servi de point de départ à quelques sociétés 
savantes de notre ville. Il avait trouvé une seule fois ce 
reptile qui n’avait pas reparu depuis aux environs de Bor- 
deaux, et qui est l’un des plus curieux et des plus élégants 
que l’on puisse voir. Il l’avait communiqué à Daudin qui lui 
avait donné le nom de coluber personatus. Votre ancien cor- 
respondant, feu M. Lesson, de Rochefort, l'avait rencontrée 
dans la Charente-Inférieure, et, dans un mémoire que vos 
Actes renferment, il avait fait ressortir cette découverte 
comme une des plus intéressantes pour l’erpétologie du Sud- 
Ouest de Ja France. 

Relativement aux autres branches de la zoologie, vous avez 
inséré dans vos Actes un mémoire remarquable de M. le 
capitaine Loche , qui a observé avec un soin tout particulier 
les oiseaux des Pyrénées et qui a recueilli une foule de faits 
inconnus concernant les habitudes et les mœurs des oiseaux 
qu'il s’est procurés en grand nombre, et dont quelques-uns 
sont excessivement rares. 

Vous avez publié une note de M. Léon Dufour, sur les 
insectes qui attaquent les plantes et en particulier sur l'a- 
carus de la vigne dont on a fait tant de bruit depuis quelque 
temps. Dans ce petit écrit vous avez admiré de nouveau la 
science et la sagacité de l'homme qui occupe un rang si 
éminent parmi les entomologistes, et vous avez en même 
temps reconnu avec lui l'injustice des reproches dont les 


MIRE er 


(271 ) 
pauvres insectes sont en général l'objet. Vous avez vu qu’au 
lieu de causer la décomposition des végétaux et des animaux 
sur lesquels on les trouve , ils obéissent à une grande loi de 
la nature qui tend à maintenir l'équilibre dans le règne or- 
ganique. C’est seulement en effet lorsque la décomposition 
est déjà commencée, que les insectes viennent l’accélérer 
par leur présence et leur travail, afin de préserver de ses 
effets délétères les autres êtres organisés placés à proximité. 

-M. Laporte a terminé son catalogue des Coléoptères de la 
Gironde , et vous avez vu avec regret que les nombreux ma- 
tériaux sur toutes les branches de l'Histoire naturelle, qui 
attendent impatiemment leur tour de publication, n'aient 
pas permis à notre collègue de s'étendre autant qu’il l'aurait 
peut-être fallu, et qu’il le désirait lui-même, sur des détails 
relatifs à l'entomologie de notre département. 

Vous avez continué la publication du mémoire si remar- 
quable de notre savant correspondant, M. Marcel de Ser- 
res, sur le perfectionnement graduel des êtres organisés. 
Les lecteurs de vos Actes ont pu se faire une idée des res- 
sources immenses que le savoir fournit à l’homme intelli- 
gent qui s’approprie des faits nombreux et variés pour 
arriver à des règles générales, lesquelles peut-être ne seront 
pas toutes confirmées par des observations ultérieures, 
mais dont l'établissement actuel n’en est pas moins glorieux 
pour leur auteur. 

Vos conférences vous ont fourni l'occasion de constater 
des faits extrêmement curieux , tels que la puissance des- 


tructive de certaines chenilles qui, dans le mois de Décors. . - — 
bre dernier , exerçaient de grands ravages sur une propriété 


de Gradignan, malgré une température de 7° au-dessous 
de zéro ; la reproduction à Caudéran, sous l'influence de la 
chaleur factice d’une serre chaude, d'oiseaux habitant des 
pays les plus chauds ; fait qui pourra procurer à l’ornitho- 


( 272 ) 
logie de précieux documents, s’il est suivi par quelque ob- 
servateur intelligent et attentif. 

_ L'introduction des Mollusques perforants dans les pierres 
calcaires avait été attribuée jusqu'ici à la sécrétion d'un 
acide dont il était bien difficile d'expliquer la nature et le 
mode d'emploi. Le célèbre auteur du voyage à Méroë, M. 
Cailliaud, conservateur du Musée de Nantes, est parvenu à 
se procurer une grande quantité de Pholades logées dans 
des roches de gneiss contre lesquelles l'acide se trouve im- 
puissant, et il a vu ainsi se confirmer par les {faits une 
théorie qu’il avait admise le premier. Depuis longtemps , il 
avait déelaré que les coquilles perforantes , mais plus parti- 
culièrement les Pholades, agissaient mécaniquement sur 
les pierres , et lui- même était parvenu après un temps assez 
court à percer un trou profond dans une pierre fort dure 
en la frottant sous l’eau avec une valve de Pholade qui n’en 
avait été nullement altérée. Vous avez vu avec le plus grand 
plaisir quelques-uns de ces animaux logés encore dans le 
gneiss d’où il était impossible de les retirer autrement qu’en 
brisant la pierre, et il me paraît bien difficile aujourd’hui 
d'être d’une opinion contraire à celle de M. Cailliaud, mal- 
gré le mémoire que le savant M. Deshayes a publié dans le 
Journal de Chonchyliologie. 

A propos de calcaires, je vous rappellerai, Messieurs, 
les roches de cette nature que votre correspondant, M. le 
baron de Trenquelléon , a explorées sur les frontières de la 
Gironde. Il vous à dit y avoir trouvé quelques espèces de 
coquilles non encore connues et dont la description sera 
insérée par lui dans vos Actes. Je vous citerai aussi la dé- 
couverte de la craie, faite aux environs de Landiras, par 
notre savant collègue , M. Raulin, qui a rencontré égale- 
_ment dans les Landes ,.près de Gabarret et de St.-Justin, 
celte roche qui se perdait sous la terre depuis la rive droite 


TE Eyes TES OPERA ets 
TR 


PRET TN Te SA 1 


( 275 ) 
de la Gironde, à Royan, jusqu’au pied des Pyrénées, en 
faisant une seule et légère apparition aux environs de Villa- 
graiu dans le canton de La Brède. 

Je vous avais parlé l'an dernier, à pareil jour, de caver- 
nes à ossements fossiles, découvertes près de Bagnères-de- 
Bigorre par votre correspondant, M. Philippe. Plus de 48 
genres d'animaux ont laissé des débris dans ces cavernes si 
remarquables , ainsi qu’on peut le voir dans le mémoire que 
vous avez publié depuis. Il en est qui ne se retrouvent plus 
que dans des climats lointains et diamétralement opposés, 
comme les Éléphants, les Rhinocéros , les Lions, habitants 
aujourd'hui de la zône Torride. ou de ses environs, et les 
Elans, les Rennes, qui fréquentent les glaces du Nord ; ce 
sont là de nouvelles données pour la résolution de quelques 
problèmes géologiques. 

La botanique fournit constamment des observations nou- 
velles qui font le sujet des conférences auxquelles vous vous 
livrez dans vos séances générales, ou qui sont consignées 
dans des Mémoires que vos Actes portent à la connaissance 
du monde savant. Les Phanérogames, malgré des recher- 
ches faites si soigneusement depuis tant d'années , sont loi 
d’avoir dit leur dernier mot dans le Département, et tous 
les jours, pour ainsi dire, vous en avez quelqu’une à enre- 
gistrer pour la première fois. MM. Chantelat à Gujan, Des 
Moulins , Lespinasse , Cuigneau et d’autres collègues à Bor- 
deaux , enrichissent vos herbiers par les heureuses rencon- 
tres qu'ils font. Cette année encore , vous avez une récom- 
pense bien méritée à accorder à M. Comme fils, qui ne cesse 
de travailler avec succès à compléter la Flore de la Gironde. 


La cryptogamie, de son côté, est mieux connue dé jour en 


jour et les plantes de cette classe viennent incessamment 
s'inscrire en foule dans nos catalogues girondins. 
M. de Brondeau, votre correspondant dans le Lot-et- 
Tome XVII 


( 274 ) 
Garonne, continue sur ces végétaux aussi nombreux que 
difficiles à classer, des études à la suite desquelles il vous 
a adressé des Mémoires extrêmement curieux , relatifs à des 
espèces qu'il a le premier observées. Il a accompagné ces 
Mémoires de dessins qui ajoutent un nouveau prix à ses 
observations et qui vous ont paru si parfaits, si exacts que 
vôus n'avez pas reculé devant la dépense de leur reproduc- 
tion par la gravure pour ajouter au mérite de cette publica- 
tion. M. de Brondeau a d’ailleurs trouvé l’occasion de créer 
un-genre nouveau qui lui a déjà offert deux espèces, et 
qu'il a dédié à notre vénérable Directeur. Vous avez ap- 
plaudi à cet hommage adressé à l’homme qui a rendu le 
plus de services à la Botanique de la Gironde et dont la vie 


entière a été consacrée à cultiver celte science ou à lui 


former des adeptes. 
M. Raulin vous a fourni un mémoire ayant pour titre : 


Essai d'une division de la France en régions naturelles et 


botaniques. Pour comprendre tout le mérite de ce travail 
inséré dans vos Actes, et auquel est jointe une carte tracée 
et coloriée avec le plus grand soin , il suffit d'en connaître 
l'auteur. 

Vos correspondances si sahries les Botanistes qui 
sont dans votre Société, vous ont fourni des notes, des 
renseignements, des observations se rapportant à des vé- 
gétaux remarquables par leur taille, par leur forme, ou à 
des particularités de reproduction, de localité, de culture, 


de propagation. Tout le monde sans doute ne reconnait pas” 


l'importance de ces détails : ils peuvent même paraître in= 


signifiants aux yeux d'un grand nombre de personnes ; mais 


plus tard, ils procureront peut-être des jouissances , 

l'agrément , du bien-être même à ceux qui sont les moins 
propres à sentir combien sont précieuses et utiles les don- 
nées de la scienee qu’on n’est trop souvent porté à appré- 


à ee Me 
= 


( 275 ) 
cier qu’autant qu’elles se traduisent immédiatement en ré= 
sultats matériels et productifs. 

Les étranges variations hériinee- de cette année 
ont donné naissance à des phénomènes agricoles qui ont 
fixé votre attention; car vous êtes constitués en société 
d'agriculture autant qu'en société d'histoire naturelle, 
quoique vous n’entriez pas dans tous les détails pratiques 
de cette première science comme d’autres sociétés qui se 
sont proposé pour but unique ses propre et son n perfection 
nement. 

Parmi ces shédomines: le plus fâcheux de tous , sans 
doute , puisqu'il tendait à ruiner notre beau pays, a été 
l'apparition sur plusieurs points de ce funeste oidium qui a 
tant fait de-mal l’an dernier dans l'Orléanais et qui a causé | 


_ tant de préjudice cette année à plusieurs propriétaires dans 


quelques-uns de nos départements méridionaux. Votre Pré- 
sident, qui avait observé cette cruelle maladie sur les bords 
de la Loire, avait écrit déjà sur l'oidium un mémoire qu. 
est l’une des premières publications faites sur ce sujet. 
Vous vous en étiez sérieusement occupés dans vos confé- 
rences, et sitôt que le premier cri d'alarme s'est fait en- 


tendre sur les bords de la Garonne , vous avez nommé une 


Commission chargée de reconnaître, s’il était possible , les 
causes de la maladie, d’en constater la marche et les effets, 
afin de pouvoir plus tard y trouver un remède ; cette Com- 
mission a fonctionné avec le zèle que devait faire naître le 
grave sujet dont elle avait à s'occuper. Elle s’est adjoint des 
viticulteurs aussi intelligents qu’expérimentés, et les pro 
cès-verbaux des séances qu'elle a tenues vous sont trop 
connus pour que je cherche à faire ressortir les droits äla 
reconnaissance publique que selon nous elle a acquis. Espé- 
rons que ses efforts , ses travaux , ses expériences ne seront 
pas perdus , et que si le mal vient à se reproduire, notre 


_ 


4 


(276 ) 


Commission aura pu contribuer à en atténuer les désastreux 


effets. 

D’autres faits également fâcheux, quoique les résultats 
en soient moins redoutables , vous ont été signalés par quel- 
ques-uns de nos collègues, notamment par M. Télèphe 
Desmartis, et ils sont aussi sans doute la conséquence des 
perturbations qui ont agité l'atmosphère cette année. Ainsi 
plusieurs légumes de nos jardins ont été d’une stérilité com- 
plète et n’ont pu arriver à maturité, frappés qu'ils étaient 
par une maladie dont vous avez tâché de reconnaitre la 
nature et la cause ; vous y avez reconnu de l’analogie avec 
celle qui s'était appesantie sur les pommes de terre. Toutes 
ces études, ces observations avaient été précédées d’un Mé- 
moire que votre honorable collègue, M. Ch. Laterrade , 


vous avait adressé l’an dernier de Suisse ; dans ce Mémoire 


il vous faisait part des faits qu’il avait remarqués , relative- 
ment à la maladie de la vigne et de la pomme de terre; 
dans le pays où il se trouvait alors, il vous signalait les 
causes qu'il croyait avoir produit les effets déplorables dont 
il parlait, et, plus tard , il vous faisait, sur un ouvrage de 
M. Leroi Mabille traitant du même sujet, un rapport re- 
marquable que vous avez fait insérer dans l Ame des Champs 
tant il vous paraissait propre à éclaircir cette question si 
importante pour l’économie rurale et même pour l’alimen- 
tation publique. Vous avez donc recueilli des renseignemens 
précieux qui vous ont portés à supposer qu'il y a dans tous 
ces faits une seule et même origine. Aussi trouverez-vous, 
du moins vous l’espérez, les moyens de modifier ces mal- 
heureux résultats, si vos conjectures fondées sur des obser- 
vations soigneusement faites viennent à se confirmer. 
Dernièrement, vous avez été appelés à donner votre 
opinion sur le mérite d’un instrument d’agricalture inventé 
par un de nos compatriotes, M. Goëthals, le peintre dis- 


271 } 

üingué de marines recherchées par les amateurs , et qui se 
livre aujourd’hui avec beaucoup d'intelligence aux travaux 
de la campagne. La Commission que vous avez nommée 
s’est transportée sur les lieux, et après avoir vu fonetionner 
l'instrument dans des terrains de natures différentes , elle a 
exprimé par l'organe de son rapporteur, M. le docteur 
Lafargue , combien cet instrument, nommé le Multiple par 
son inventeur , offrait d'avantages, surtout pour Ja culture 
de la vigne. Malheureusement, tout en approuvant la juste 
appréciation de votre Commission, vous avez eu le regret 
de ne pouvoir accorder une récompense à un travail qui 
n'entre nullement dans le programme de vos prix, mais 
dont vous avez entendu dire avec plaisir que la Société 
d'Agriculture de la Gironde avait couronné l'auteur. 

Votre Compagnie, Messieurs, s’est augmentée de quel- 
ques membres résidants dont le concours contribuera à 
agrandir le cercle de vos travaux; chacun de ces Membres 
ayant adopté une spécialité d’études qui ne se trouvait pas 
représentée parmi vous, ou qui avait besoin d’être renfor- 
cée par suite de la disparition de quelques anciens membres. 

- Vous avez donc admis dans votre sein, comme membre 
auditeur, M. Fischer que vous aviez déjà couronné et qui 
vous a donné une note sur l'érosion du test chez les coquil- 
les fluviatiles. Vous avez conféré le titre de membre rési- 
dant à M. Desmartis père, qui, dans sa précieuse collection 
conchyliologique, citée avec éloge, a trouvé une coquille 
nouvelle dont il a fait le snjet d’un mémoire fort intéres- 
sant et qui constituera peut-être un genre nouveau dans la 
malocologie; à M. Gassies qui est yenu d’Agen se fixer à 
Bordeaux, et dont l'ouvrage qu'il a publié sur les Mollus- 
ques de l’Agenais, est déjà répandu et hautement apprécié 
partout où l’on s’occupe de cette étude . car nous l'avons va 
cité avec éloge dans des ouvrages qui nous sont venus et 


(278 ) 
du fond de l'Allemagne et du centre de l'Amérique; à M. 
Télèphe Desmartis qui se livre à l'étude de l’erpétologie avec 
un zèle qui vous fait espérer de voir compléter par ses tra- 
vaux cette partie si difficile de notre Faune, et qui vous à 
- remis plusieurs Mémoires sur l'application avantageuse 
qu’il a faite à l’art de guérir de certains produits naturels 
qu’on avait négligés depuis longtemps ou qu’on n'avait nul- 
lement expérimentés jusqu'ici. 
Enfin, Messieurs, vous avez accordé le titre de membre 
honoraire à l’un de vos collègues, M. Hallié, que des cir- 
constances particulières obligeaient à son grand regret de se 
séparer de vous. Vous lui avez prouvé ainsi, combien vous 
saviez apprécier les preuves d'affection et de dévouement 
qu’il avait données à votre Compagnie, et tout en lui accor- 
dant la liberté, vous vous l’êtes encore attaché par un lien 
qui lui permet de vous appartenir toujours, sans le détour- 
ner des occupations pour lesquelles il avait cru devoir re- 
noncer à être membre titulaire. 
Vos nouveaux correspondants on aux diverses 
sections de l'Histoire naturelle. Vous avez accordé des diplô- 
mes, à M. Jullien Crosnier, alors l’un des administrateurs, 
aujourd'hui conservateur du Jardin botanique d'Orléans ; 
à M. Marissal, directeur du Jardin des plantes de Tournay 
en Belgique ; à M. Schultz, le publicateur de l'Herbier et des 
archives de la Flore de France et d'Allemagne , l’auteur si 
savant des centuries de plantes ; à M. le Baron de Trenquel- 
léon, qui s'occupe avec tant de Succès et de zèle de la con- 
chyliologie soit vivante, soit fossile , et qui possède une si 
riche collection admirablement classée : à MM. Louis Léa, 
de Philadelphie, commissaire des affaires de l'Inde aux 
État-Unis , et Joseph Henri, secrétaire-général de l'Institut 
 Smithsouien , dont les publications qui vous sont adressées 
excitent chaque jour votre admiration ; enfin à M. Sacaze 


| de D 
Gaston, dit le berger des Eaux-Bonnes , dont les travaux si 
extraordinaires viennent de vous être exposés par votre ho- 
norable président. 

Ces acquisitions, toutes précieuses qu'elles sont pour 
vous, ne nous empêchent pas de sentir bien douloureuse- 
ment les vides que la mort a marqués cette année dans vos 
rangs. Vous avez donc dû payer un juste tribut de regrets 
à l’un de vos membres résidants, M. Lajard, qui avait tou- 
_ jours eu pour l'étude de l’histoire naturelle un goût bien 
prononcé, qu'il devait sans doute aux relations qu’il avait 
eu l’occasion d’entretenir avec divers savants, amis de son 
oncle , l'illustre Chaptal. 

Vous avez appris, au moment où vous vous attendiez à 
voir ce correspondant parmi vous , le décès de M. Labarrère, 
de Pau , qui s’était*imposé en quelque sorte depuis bien 
longtemps la loi qu'il trouvait si douce, disait-il, de venir 
tous les deux ans, célébrer avec nous notre fête d'été, et 
qui apportait pour nos herbiers , des plantes rares des Py- 
rénées, préparées avec un soin dont lui seul vous a. és 
capable jusqu'ici, 

Je ne vous parlerai pas, Messieuss , de vos Due avec 
les diverses autorités de la ville et du département. De leur 
part, ces relations sont toutes empreintes d’une bienveillan- 
ce qui augmente de plus en plus votre gratitude et qui vous 
inspire chaque jour deyantage le désir de les mériter par 
vos travaux. 

_ Je me garderai bien aussi de vous ne la listé. des 
nombreux ouvrages que vous avez reçus de toutes les par- 


ties du monde, et qui prouvent le prix que l'on attache à 


correspondre avec vous. Ce serait une énumération fasti- 
dieuse après une lecture déjà trop longue; mais qu'à mon 
grand regret par rapport à vous, l'importance des matières 
ne m'a pas permis d ’abréger. 


a 


& (280) 

XVIIT. OBsERVATIONS sur l’Accenteur, Accentor 
alpinus Meyer, Motacilla alpina Gem. Pegot, 
Fauvette des Aipes Buffon, planche enluminée 
668 , fig. 2. Vieillot, Galerie des oiseaux, planche 
156; fig. noire ; par M. TRÉMEAU DE ROCHEBRUNE, 
correspondant. 


L'Accenteur n'avait point été regardé jusqu’à ce jour 
comme migrateur, mais comme sédentaire « n’abandon- 
» nant le lieu de sa naissance et ne descendant tout au plus: 
» au pied des montagnes qu'il habite, que par un froid in- 
» tense et par des neiges abondantes (1) » 

Cependant cet oiseau arrive à Angoulême à la fin d’Octo- 
bre , et y séjourne jusqu'en Mars ; une apparition constante 
depuis plusieurs années ne doit plus être considérée comme 
fortuite et occasionnée comme on le croit assez généralement 
« par quelque coup de vent impétueux, rejetant loin de 
» son habitation cet oiseau craintif et timide, tellement 
» impressionné par les effets de la tempête, qu'il donne 
» dans tous les pièges et se laisse prendre facilement (2) » 

Comme les oiseaux du Nord , pressé par le besoin d’une 
température plus douce et d’une nourriture plus facile à se 
procurer, lAccenteur quitte pour quelque temps ses froides 
montagnes. C’est toujours par de belles journées et un ciel 
serein qu’on le voit arriver. Il prend alors possession de la 
plate-forme de la cathédrale que son élévation assez consi- 


(1) A7. ME: » LS HT PP # 1] 


in-8», Re 


, tome 25.me page bn 


d'Hist natur elle, t. ter P. 46, in-8o 1822. 
Galerie des Out, par Vieillot, t. 1er, p. 253, in-4o 1834. 
Dictionnaire universel d'Histoire naturelle, t. 1er, p. 81, gr., in-8° 


(2) Loco cit. 


. 


| (381) 
dérable et son exposition au couchant, lui fait choisir de 
préférence aux autres édifices. Pour trouver quelque nour- 
riture, il parcourt les joints dégradés des pierres de la façade 
et visite avec soin les herbes et les pieds d'Hyssope, Hysso- 
pus officinalis, qui y croissent., Après une courte station, 
il se répand dans l’intérieur de la ville et s'établit enfin au 
pied des remparts qu’il ne quittera que lorsque le printemps 
l'invitera à retourner dans sa patrie. Quoique habitant la 
région des neiges , il est néanmoins sensible au froid ; il lui 
faut un abri contre les vents glacés du Nord, un lieu où il 
reçoive les rayons du soleil. Il se nourrit de quelques larves 
d'insectes, de graines de plantes et particulièrement de celles 
de la mercuriale, Mercurialis annua , très-commune dans le 
lieu de son séjour. Il avale de petits cailloux pour faciliter 
la trituration de ses aliments, comme aussi pour lester son 
estomac dans les temps de disette. Il se tient toujours sur 
les rochers ou sur le parapet des remparts ; jamais il ne se 
perche sur les arbres de la promenade, et si on le fait envo- 
ler, il gagne la toiture des maisons voisines ; il s’accroche aux 
murailles et se glisse furtivement dans les giroflées , Chei- 
ranthus cheiri, qui les tapissent. En le poursuivant lente- 
ment , on lui fait répéter ce petit manège. Par un beau temps, 
il se disperse dans la campagne ; mais le soir il vient retrou- 
ver la touffe d'herbe qui le garantira des intempéries pendant 
la nuit. Il est peu craintif et redoute peu la présence de 
l’homme , car il se laisse approcher d'assez près. Ceux que 
j'ai observés étaient à peu de distance d’une route qui longe 


les remparts de la ville; ni les piétons , ni les orge ne : 


paraissaient les effrayer; ce n’était que lorsqu'on Fe 
ses pas vers eux qu’ils s’enfuyaient. On n’en voit que huit 
ou dix ensemble ; leur cri de rappel assez faible et souvent 
répété , ressemble à celui de la bergeronnette de printemps, 
Motacilla flava, ou à celui du Pipi spipolette, Anthus aqua- 


( 282 } 

ticus. L’Accenteur marche sans sautiller, et dans le repos, il 

a un léger balancement de la queue. Le mâle ne diffère de 

la femelle , que par des proportions un peu plus fortes ; chez 

l’un et l’autre le plumage est orné des mêmes couleurs 

{du moins pendant leur séjour dans ce pays-ci ) ; leur taille 

égale celle de la grosse alouette huppée, Alauda cristata. 
J'ai vainement cherché l’Accenteur au pied des rochers 

qui couronnent la partie Sud des vallons des environs 
d'Angoulême ; je ne l'ai jamais rencontré. : 
ne ce 20 Octobre 1852. 
A. TRÉMEAU DE ROGHEBRUNE. 
—r— 

XIX. OBSERVATIONS sur la Péricardäite d'une fe- 
melle de Pigeon Biset ou de colombier, Colüurmba 
Livia Lath. var. A.; par M. TRÉMEAU DE RocuE- 
BRUNE, correspondant. 


Dans un mémoire sur la péricardite des 0 oiseaux, après 
avoir rapporté un grand nombre de cas observés chez des 
oiseaux vivants en domesticité, le savant RE ve Le 
se résume ainsi (1). 

« Tous les oiseaux chez tes Jai rencontré jusqu’à ce 
» jour des maladies du cœur, étaient des individus mâles , 
» bien que pour toutes ces espèces j j'aie disséqué compara- 
» tivement un plus grand nombre de femelles ». 

» Tous ces oiseaux chez lesquels j'ai rencontré des.mala- 
» dies du cœur, vivaient à l’état de domesticité, et sont 
» remarquables par leur ardeur génératrice; c’est le coq 
» commun , le coq faisan, le pigeon a le canard 
» » musqué », 


(t) Comptes-Rentus des mémoires de l'Acudémie des Sciences, page 
à 632, Janvier et Juin 1848. 


je 


nn nn nnesenénnnnnees 


ne énnnntten pinensttn seen tes 


({ 285 ) 

» Ÿ aurait-il, soit chez les oiseaux , soit chez les mammi- 
» fères et chez l'homme en particulier, quelque relation 
» entre les fonctions génératrices et les maladies du cœur »? 

Sans décider pour l’affirmative et avant de rapporter un 
cas de péricardite, qui prouve qu’il y a chez les oiseaux des 
relations entre les fonctions génératrices et les maladies du 
cœur , je crois nécessaire d'entrer dans quelques considéra- 
tions relatives à la différence de constitution des oiseaux 
vivant à l’état libre, et des oiseaux vivant en domesticité 
ou en captivité, et de démontrer qu’elle produit chez ces 
derniers, des maladies inconnues à ceux qui. n’ont rien per- 
du de leur type originel. 

Les premiers ne subissant pas la domination de l'homme, 
jouissant d’une indépendance sans bornes , ont une consti- 
tution plus robuste et moins prédisposée aux maladies. Ils 
sont généralement monogames ; l’époque de leurs amours a 
une durée limitée, qui coïncide avec la saison qui leur pro- 
cure une nourriture nécessairé pour réparer leurs forces et 
pour élever leur jeune famille. Après avoir rempli le but de 
la nature , ils deviennent pendant huit mois aussi calmes et 
aussi indifférents qu'ils ont été ardents et passionnés. 

Les seconds, abâtardis par la domesticité ou la captivité, 
sont plus faibles et plus délicats ; la nourriture qu’on leur 
distribue largément chaque jour , les soins qu’on leur pro- 
digue , les logements qui les garantissent des intempéries et 
des rigueurs du froid, tendent à développer et à stimuler 
leurs organes ; les forces vitales deviennent surabondantes; 
le grand nombre de femelles dont ils-sont entourés, rend 
leurs appétits plus véhéments et nee ie °" 
sité vers l'acte de la reproduction. 

Par l'acte de la fécondation , tout le sisi nerveux for- 
tement ébranlé détermine une commotion violente, un sai- 
sissément spasmodique qui réagit sur le cœur et y fait 


( 284 ) 
affluer le sang avec impétuosité. Cette sensation trop souvent 
répétée et à des intervalles trop rapprochés , porte le trouble 
dans les organes essentiels à la vie, et devient la cause des 
maladies du cœur. 

Si les maladies du cœur n’ont pas encore été observées 
chez les femelles, c'est que leurs désirs aussi passionnés 
que ceux des mâles , ont des périodes de calme et sont tem- 
pérés par lincubation et le soin qu’elles donnent à leurs 
couvées. Cependant, il peut se présenter quelques cas, rares 
à la vérité, qui sont déterminés par des causes entièrement 
opposées. Si l’ardeur des mâles sans cesse satisfaite, amène 
la désorganisation animale , une continence absolue la dé- 
termine aussi chez la femelle et donne lieu aux plus graves 
accidents. Je ne citerai qu'un cas que j'ai observé pendant 
plusieurs années. 

En 1840 , on m'’apporta un jeune pigeon de colombier, 
Columba Livia, âgé de deux mois environ; son joli plumage 
blanc m'engagea à le garder"pour l’élever. Je le laissai libre 
de parcourir la maison et un immense jardin qui en dépen- 
dait ; mais j'eus soin de lui rogner les remiges afin qu'il ne 
s’envolât pas. Devenu adulte, il donna tous les signes qui ca- 
ractérisent le mâle ; il roucoulait sans cesse avec une frénésie 
qui annonçait le feu qui le dévorait. Craignant que la soli- 
tude ne le rendit malade ou ne le fit mourir, je formai le 
dessein de lui donner une compagne ; cependant je n’en fis 
rien et le malheureux pigeon vécut pendant dix années dans 
une continence des plus absolues , me laissant bien persuadé 
qu'il était un mâle. Les deux dernières années de sa vie, il 
eut de fréquents accès de lipothymie, que je faisais cesser.en 
le mettant près du feu. Il devint languissant et malgré tous 
mes soins, il mourut de consomption, ne pouvant prendre 


aucune nourriture ; voulant savoir quelle était la cause de 


sa maladie, j'en fis moi-même l’autopsie et je ne fus pas 


& 


5. 0n 


: Ra 


ES 


RES 


( 285 ) 
peu surpris de reconnaître une femelle pourvue de tous les 


organes générateurs de son sexe : la grappe de l'ovaire, très- 


distincte, était garnie d’une grande quantité de petits œufs 
de la grosseur d’un grain de millet. 

Le péricarde était rempli d’un liquide jaunâtre; le cœur, 
de consistance molle et comme atrophié , avait une couleur 
brune très-foncée ; le foie était livide et parsemé de grandes 
plaques blanches ; une violente inflammation du poumon 
parcourait la trachée artère et se communiquait à l’œsophage 
où elle déterminait une angine qui empêchait la déglutition 
des aliments ; une matière sanguinolente s’échappait par le 
bec. | 

On doit donc conclure du fait ci-dessus , qu’il y a des re- 
lations entre les organes générateurs et le cœur ; car quelle 
autre cause que la privation constante du mâle , peut avoir 
déterminé une péricardite chez un animal aussi ardent que 
ce pigeon qui se couchait et tombait en convulsion si par 
hasard on venait à le caresser ? Elle ne pouvait pas être pro- 
duite par l'impression du froid vivement ressentie, que 
plusieurs auteurs regardent comme la cause des maladies du 
cœur , puisqu'il n'avait jamais été exposé an froid et à 
l'humidité, L'été, il jourssait de la liberté dans un jardin bien 
exposé au soleil, et l'hiver , il habitait des appAraNnER où 
régnait une douce chaleur. 

J'ai observé cette année (Janvier 1852), chez un faisan 
mâle à collier, Phasianus torquatus, élevé en captivité, une 
péricardite où le péricarde était rempli d’une eau rousse 


assez limpide ; le foie était couvert de points jaunes de la . =. 
largeur d’une lentille , qu'on aurait pu prendre au pr de 


aspect pour des hydatides; les poumons étaient irès-rouges 
et très-enflammés , les reins d'un brun foncé et endurcis 
et le cœur plein d’un sang noir coagulé. Ce faisan avait un 
stéatome d’un pouce et demi de diamètre ( 4 centimètres ), 


| ( 286 ) 
sur deux pouces (5 centimètres ‘/,) de longueur qui occupait 
tous les muscles de la cuisse, et qui avait rendu la partie 
supérieure du fémur si fragile, que la tête de cet os se dé- 
tacha sans difficulté ; deux autres stéatomes d’un demi pouce 
de diamètre (4 centimètres ‘/,) chacun , étaient interposés 
dans les muscles de la jambe. 

Ce faisan qui me fut remis très peu de temps après sa 
mort, était en assez bon état, ce qui annonçait que l'inva- 
sion de la maladie avait été prompte et ses progrès rapides, 
pendant que le pigeon qui était d’une majgxeur excessive , 

montrait que la péricardite à laquell bé, l'avait 
miné lentement. Cette maladie peut donc avoir un cours 
différent selon les divers sujets , et, si elle s’observe rare- 
ment chez les femelles, sa période doit être plus longue etsa 
marche plus lente. 
_ L'oiseau atteint de  orile et soigné avec ménagement, 
peut vivre pendant quelque temps, mais finit par succomber. 
Celui que l’on inquiète et que l’on saisit brusquement tombe 
raide mort et comme frappé d’apoplexie ; c’est ce qui arriva 
au faisan à collier qui expira entre les mains de son gardien 
qui l'avait fatigué pour le prendre. 
Un faisan doré, mâle, Phasianus pictus, Vue j'eus au 
mois d’Août dernier (1852), expira entre les mains d’une 
personne qui lui examinait la langue, le croyant malade de la 
pépie. Il avait une péricardite , le péricarde distendu par un 
liquide limpide qu’il contenait, par le eœur dont les ventri- 
cules étaient gonflés d'énormes caillots de sang noir, avait 
un pouce de diamètre (3 centimètres), sur un pouce un 
quart de hauteur (3 centimètres ‘/, ); le cœur dégagé du sang 
dont il était rempli, n’avait pas le volume qu’il doit avoir à 
l'état normal , et était d’une consistance très-molle. 


Angoulême , ce 20 Octobre 1852. 


A. TREMEAU DE ROCHEBRUNE. 


(287) 


XX. STATION minéralogique du Châtañgnier. (Ex- 
trait d'une lettre adressée au Président de la Société 


Linnéenne, par M. J. Gay, correspondant). 


Fe 


Cette lettre vous sera remise par M. Henri Pache , 
fils d'un de mes anciens amis de collége.…Cet excellent père 
a un fils digne de lui , lequel , après de fortes études et de 
lointains voyages , est devenu un ingénieur des mines dis- 
tingué , ingénieur civil, parce qu’étranger ( Suisse }), il n’a- 
vait point de place dans le cadre administratif français. Trois 
fois déjà il est allé opérer en Espagne, comme ingénieur 
de compagnies françaises pour l'exploitation de mines de 
cuivre, et le voilà qui y retourne pour la quatrième fois, 
avec la double qualité d’intéressé et d'ingénieur, chargé de 
diriger en chef toute l'exploitation des mines de cuivre de 
Linarès, dans la province de Jaën (Andalousie)... 

M. Henri Pache, donc, très-bon géologue mais étranger 
à la botanique, ne savait pas le premier mot des recherches 
qui ont été faites dans ces derniers temps pour constater 
l'influence minéralogique du sol sur la végétation. Les pre- 
 mières paroles qu'il ait entendues au sujet de cette question, 
sont sorties de ma bouche. C'était au mois d'août dernier. . 
Îl allait, alors, remplir une mission d'ingénieur dans le dé- 
partement de l'Aveyron, pays que je savais riche en châtai- 
_gniers, cet arbre que personne encore, que je sache, n'a 
rencontré sur le sol calcaire, et à qui la condition d’un sol 
siliceux paraît absolument nécessaire, si ce n’est pour vivre 
au moins pour prospérer; et cette condition ne lui est 
commune qu'avec un très-petit nombre de végétaux, nom- 
bre que l'observation réduit encore chaque jour. Je racontai 


{ 288 ) 
donc à mon ami, Henri Pache, l'histoire du châtaignier, 
et le priai d'examiner , pendant sa tournée, si les faits qu'il 
‘pourrait observer étaient de nature, soit à confirmer , soit 
à infirmer les faits précédemment acquis. 

Comme c'était un ordre d'idées tout neuf pour lui , et 
suffisamment lié à la géologie pour l’intéresser personnelle- 
ment , il a porté mes questions dans l'Aveyron et s’est mis 
à rechercher , sur le terrain , tous les faits qui pouvaient les 
éclairer. Eh bien, là, comme ailleurs, le châtaignier vit 
toujours sur le terrain non calcaire , et de telle sorte, que 
sur la limite qui sépare un terrain de cette nature d’un ter- 
rain calcaire, la limite du châtaignier est également tranchée 
comme si la hache l'avait tracée! J'ai prié M, Henri Pache 
d'écrire ce qu’il avait si bien observé, et il l'a fait sous la 
forme d’une lettre à moi adressée, et que vous trouverez ci- 
jointe. 

Lettre de M. HENR1 PACHE à M. Gay. 
Monsieur , 

» Vous m'avez entretenu plusieurs fois de certaines ques- 
tions de géographie botanique qui m'ont vivement intéressé, 
el vous m'avez aussi parlé de l'influence que la composition 


chimique des roches ou de leur détritus paraît exercer 


(comme le fait aussi le mode d’agrégation physique) sur la 
végétation qui les recouvre. Il me semble me souvenir qu'il 
n'était pas question d’une influence générale et absolue, 


mais plutôt d'une prédilection bien reconnue de quelques 


végétaux pour certaines natures de terrains. 

Ayant été chargé dernièrement d’une mission d’explora- 
tion minéralogique dans le département de l’Ayeyron avec 
un but d’ailleurs tout industriel, j'ai dù parcourir à pied et 
fort en détail plusieurs districts de ce territoire, marchant 


(289 ) 
tour à tour sur du granite, sur du micaschiste, sur des ro- 
ches serpentineuses, sur du calcaire, sur des schistes ou sur 
des grès ; en outre, la disposition particulière et très-re- 
marquable de ces terrains me fournissait ici l’occasion assez 
rare de passer de l’un à Fautre, souvent plusieurs fois dans 
le courant d’une même journée. 

En me livrant à ces nombreuses excursions, 1l m'a été 
très-facile de bien constater les faits suivants, que je ne suis 
pas à même de commenter ou de discuter et que je me bor- 
nerai par conséquent à vous énoncer aussi simplement que 
possible, vous laissant tout-à-fait le soin d’en apprécier l’im- 
portance au point de vue Ce votre science favorite. 

Le terrain siliceux (1) (roches de granite, de micaschiste, 
de grès quartzeux ete., etc.), présente dans le département 
de l'Aveyron un relief généralement très-accidenté, et se trou- 
ve comme enchevêtré dans une lisière de terrain calcaire qui 
en forme la limite du côté de l'Ouest et en partie aussi du 
côté du Nord et du côté du Sud. Les collines peu élevées et 
les plateaux ondulés de ce terrain calcaire vont se perdre 
dans les plaines du Périgord et dans les plaines de la Gas- 
cogne; vers le Sud par contre, il forme une chaîne de mon- 
tagnes assez élevées, dont la crête établit la ligne du partage 
naturel entre les eaux qui s’écoulent dans la Méditerranée et 
celles que se dirigent vers l'Océan. 

Le châtaignier croît partout en abondance dans le fond des 
vallées , sur les flancs des ravins et sur la surface des pla- 
teaux du térrain siliceux ; les individus isolés et placés 


d’ailleurs dans de bonnes conditions ss camera mr Fe 


(4) Je memes À _. expression aucune idée de terminologie 
géologique; el 
et sa antegonisme à l'expression de rte dolentre smbierté pesé 


HT XVI. 7 


(1290 ) 

développement extraordinaire en diamètre et en élévation. 
Par contre ; je n’ai rencontré cet arbre nulle part sur le ter 
rain calcaire, et dans la plupart des cas, on pourrait tracer 
et déterminer très-exactement la limite des deux terrains, en 
se servant des châtaigniers épars sur la ligne de séparation, 
comme d'autant de jalons vivants et naturels. Je viens de 
dire ici dans la plupart des cas, et c’est à dessein , car s’il 
m'a été impossible de rencontrer un seul châtaignier sur le 
terrain calcaire, j'ai vu quelquefois des étendues assez con- 
sidérables de terrain siliceux s'en trouver LPS dé- 
pourvues. 

Comme ET d’une limite bien nette et bien dnichée 
de la végétation du châtaignier au contact dur terrain calcaire, 
je citerai le cours de l'Aveyron sur une distance de 35 kil. 
à peu près, du Nord au Sud, entre Villefranche de Rouergue 
et Saint-Martin de Laguépie. La rive gauche de cette rivière 
et les pentes abruptes qui la dominent, sont couvertes de 
belles châtaigneraies ; sur la rive droite, qui est beaucoup 
moins profondément encaissée, il n’y a que des'taillis de 
bois de chênes et d’autres essences diverses. 

Le terrain de da rive gauche est presque partout siliceux ; 
le terrain de la rive droite est presque partout calcaire. Cette 
ligne de démarcation est: très -frappante ; elle: peut être 
suivie aisément au Nord de Villefranche du côté-de Figeac , 
et toujours à la limite des deux terrains en remontant le 
cours de la Dangouze. ù 

On trouve un autre des de limite également bien 
tranchée en allant de Capdenac à Asprières par les bords du 
Lot, sur la rive gauche, — Ici, il suffit de franchir un es- 
pace de vingt-cinq pas pour passer du terrain calcaire sur 
le terrain siliceux primitif , et entrer immédiatement aussi 
sous l'ombrage de magnifiques châtaigniers. La même chose 
se présente sur la rive gauche du Tarn , aux environs de 


et à OS D NE. No 
. . 


(M ) 
Comprignac, lorsqu'on abandonne le terrain caleaire de 
l'oasis de Milhau et de Creissels pour entrer dans la région 
des grès ae c'est-à-dire dans Ja je: du terrain 
siliceux. . 

Il serait inutile de imite les ciations de localités : 
parmi de nombreux exemples, j'ai- Choisi ceux qui m'ont 
le plus frappé. Veuillez maintenant, Monsieur, me permettre 
d'ajouter une dernière observation, observation bien réelle, 
je vous assuré et que je vous prie instamment de ne pas 
considérer comme le résutlat d’une illusion d'optique ou 
d’un effort d'imagination. L'influence qu’exerce la nature 
des deux terrains calcaire et siliceux, ne se borne pas dans 
le département de l'Aveyron, exclusivement à la végétation 
du châtaignier ; mais cette inffuence se fai sentir d’une ma- 
nière plus ou moins directe encore sur d’autres productions 
du sol, ainsi que sur l'ethnologie générale des habitants de 
la contrée. Aussi ; les paysans de l'Aveyron, avec cet ins- 
tinct tout particulier aux gens de la campâgne, ont-ils établi 
depuis des siècles deux grandes divisions territoriales et ils 
n'en connaissent pas d’autres: le pays del Segallas et le 
pays del Cause. Le premier est le pays du terrain siliceux ; 
on y cultive du seigle, on y récolte des châtaignes et l’on y 
élève et engraisse ne multitude innombrable de porcs , in- 
dastrie très-respectable et qui produit entr'autres les fa- 
meux jambons de Najac. Le second, le pays del Causse , 
c'est le terrain calcaire , le pays de la sue du re 
du maïs et des fourrages. - : 

- Là, le berger presque toujours céédéé de sabots et cou- 
vert de haillons, a des pes à peu pes sauvages, la figure 
rude et anguleuse cc ête 
de quartz. Ici, le paysan cultivateur, d'u n naturel beaucoup 


_ plus civilisé et d’un extérieur moins repoussant, est couvert 


de bons vêtements et chaussé de souliers. 


(292 } 

Là, le mulet des Sierras d'Espagne, au harnais pomponné 
et à la clochette monotone dont le son argentin vient seul 
rompre de temps en temps le profond silence des châtai- 
gneraies. Ici, des bœufs, des chevaux, des charrettes. 

L'abonnement du maréchal-ferrant , dans les communes 
du terrain siliceux, se paye deux fois plus cher que dans les 
communes du terrain calcaire. On m'a assuré qu'il en était 
de même pour l'abonnement du médecin. 

Je ne veux pas abuser plus net de votre patience 
et je vous prie, Monsieur , etc. ». 


Paris, 4 Décembre 1852. 


Henri Pacue. 


Cette confirmation pleine et entière d’un fait connu, m'a 
paru curieuse, en raison du petit nombre d'observations qui, 
jusqu'ici , ont été faites à ce sujet, — en raison aussi des 
contrastes agronomiques, économiques et ethnologiques qui 
sur ce même terrain accompagnent le même phénomène et 
que mon jeune ami a parfaitement saisis. L'abonnement du 
maréchal-ferrant, même l'abonnement du médecin, coûtant 
dans le pays des châtaigniers deux fois plus cher que dans 
le pays calcaire ! Cela m’a beaucoup intéressé, et peut-être 
cela n’aurait-il pas un moindre intérêt pour quelques-uns 
des lecteurs des Actes. Joignez vos exhortations aux miennes 
pour que mon jeune voyageur continue, sur la terre d’Espa- 
gne, les observations qu’il a si bien commencées dans le 
département de l'Aveyron. 


Paris , 8 décembre 1852. 
J. Gay. 


( 293) 


XXI. Histoire d'une Ampuliaire; par M..B. 
CAZENAVETTE, Secrétaire-Général (1). 


M. Regnier , habitant de Bordeaux ( 2}, me céda , au mi- 
lieu du mois d'Octobre 1849, une Ampullaire vivante qu'il 
avait reçue avec quelques autres objets d'une de ses helles- 
sœurs qui réside à Montevideo. Le navire qui avait apporté 
tous ces objets était arrivé d’abord au Hâvre, et de” là il 
s'était rendu à Bordeaux; en sorte que l’Ampullaire, qui 
avait déjà dù être prise au moins au mois de Juin précé- 
dent, était déjà restée plus de quatre mois hors de l’eau avant 
d’être remise à M. Regnier. Elle avait passé tout ce temps 
renfermée dans une boîte et enveloppée de coton. M. Regnier 
soupçonnant qu'elle pourrait être vivante, la plaça dans l’eau 
où elle fit quelques mouvements, mais sans paraître tou- 
cher à des feuilles de laitue qu’on avait placées dans le 
vase où elle était. Ce fut quatre ou cinq jours après son 
arrivée que je demandai qu'on me la confiât pour l'exami- 
ner, et plus tard, M. Regnier m'en fit généreusement 
l'abandon. Je la mis moi-même dans un vase de verre; 
mais, soit que la saison fût trop avancée, soit pour toute 
autre cause, elle resta immobile et renfermée dans sa co- 


= 


(1) Cette notice fut lue à la Société Linnéenne , le 20 du mois 
d’Août 1851 ; mais l'impression en fut retardée par des circonstan— 
ces Due qui m'ont permis d’ajouter ce de est relatif à 
l'Ampullaria 


A sé 


2 ÿ d 4 Fe: Herbes, + 
lent serrurier , qui consacre le peu de loisirs que sa profession lui 
accorde, à réunir les objets curieux qui peuvent lui tomber sous la 
main , et les coquilles sont surtout l’objet de ses recherches. Hi en 
possède de fort jolies. 


( 294 ) 

quille depuis le lendemain du jour où je l'avais reçue. A la 
fin d'Octobre je la retirai de l'eau, et je la plaçai sur un 
meuble de mon salon, dans une boîte de carton entière- 
ment découverte : elle resta dans cette position , sans que 
je m'’en misse en peine, jusqu’au mois de Juin 1850, 
c'est-à-dire , pendant près de sept mois. Des occupations 
nombreuses, un peu de négligence, une maladie assez grave 
au mois de Mai, tout cela m'avait empêché de penser à mon 
Ampullaire. Alors, cependant, je voulus voir dans quel état 
elle était, disposé à mettre la coquille dans ma collection et 
pensant bien que tout était fini pour cette pauvre exilée. 

Je la trouvai couverte d’une couche assez épaisse de 
poussière qui encombrait même la bouche par dessus l'o- 
percule , lequel était assez. profondément enfoncé dans le 
premier tour de la spire , et était presque parvenu jusqu’ au 
milieu de la panse. 

L'animal semblait mort, car le pod en était fort léger. 
Je mis donc la coquille dans l’eau , plus pour la laver que 


dans l'espoir d'en voir sortir un être vivant. Au bout de . 


quelques minutes je vis J'Ampullaire marcher au fond du 
_ vase etje fus, j je l'avoue, surpris d’une manière aussi étrange 
qu’agréable. Dans mon ignorance , je la laissai trois ou 
quatre jours sans lui rien donner à manger, et ce fut seu- 
lément après ce temps que d’après les conseils de notre 
honorable Président, je me sépess de mettre dans le vase 
une feuille de laitne. 

Je désirais vivement d'assister au prémier repas de mon 
Ampullaire et je craignaïs que ce mets qui devait lui être 
complètement étranger, ne fût pas de son goût. Quelle ne 


fat pas ma joie quand je la vis avancer son mufle, le relever 


et enr appliquer la partie inférieure sur la laitue dont un assez 


bon. morceau fut entièrement absorbé. Elle renouvela le 


même exercice pendant un assez long espace de temps , et 


RÉ dE RS 


L. 


{ 295 } 

je suivais des yeux tous : mouvements qu'elle faisait. La 
manière dont elle mangeait fixa mon attention, d'autant 
plus que , quoique l'animal füt tout entier dans l’eau , j’en- 
tendais une espèce de crépitation assez singulière chaque 
fois qu'il détachait une parcelle de laitue pour l'avaler, Je 
ne pus m'empêcher d'attribuer ce bruit au frottement .des 
dents les unes contre les autres. Je les examinai attentive- 
ment avec la loupe et voici ce que j'aperçus. L'animal se 
rapprochant de la feuille de laitue avait la bouche fermée, 
et au moment où il allait la toucher, les lèvres s'écar- 
tant laissaient voir deux espèces de cylindres cannelés, d'un 
blanc légèrement coloré de rose, qui roulaieut l'un sur 
l'autre de manière à placer entre eux un bord de la feuille. 
Par un mouvement qui semblait l'inverse du premier et qui 
était assez rapide, il faisait tourner ces deux cylindres entre 
lesquels la feuille était comprimée comme dans un laminoir, 

et lorsqu'il y en avait assez dans la bouche, celle-ci se 
refermait et la rupture du morceau avait lieu. L'animal 
continuait toujours de la même manière, et ce premier re- 
pas que je suivis avec la plus scrupuleuse attention, me 
procura un bien agréable moment. Depuis j'ai vu plusieurs 
fois mon Ampullaire manger ; mais il ne , m'a plus été pos- 
sible d'entendre le léger bruit qui m'avait frappé le. pre- 
mier jour et que j'avais fait remarquer à une personne qui 


-se trouvait près de moi. 


Lorsque mes yeux se furent assez occupés du dois de 
manducation de mon mollusque , ils se fixèrent sur l'en 
semble de l'animal qui, sous l'influence du repas qu’ “il ve- 
nait de faire, sembla se développer, acquérir plus d'éten- 
due, en même temps que ses mouvements devenaient plus 
amples, ef que, par l'expansion de son pied , de ses tenta- 
cules et de toutes les parties de son corps , il semblait vou- 
loir entrer en pleine possession du vase qui le renfermait. 


( 296 ) 

Examinant ensuite le pied à travers les parois du verre 
sur lequel il se trouvait appliqué, je vis qu’il était d’un blanc 
sale et que sa forme était en fer de lance , élargi, tronqué 
brusquement sur le devant. Il glissait assez rapidement sur 
le vase, mais toujours l'animal avait la tête placée en de- 
hors de la ligne que suivait le milieu du pied , en sorte qu'il 
avait l'air de marcher obliquement. J'ai toujours vu ce 
mode de progression qui m'a paru assez singulier. Ce pied 
blanchâtre en dessous était par dessus d’une couleur grisà- 
tre , pointillée de noir clair. Le reste du corps avait à peu 
près la même teinte. Les tentacules étaient extrêmement 
longs et filiformes , marqués par des anneaux très-rappro- 
chés et dont les couleurs alternées sont les mêmes que cel- 
es du dessus du pied, Cette pauvre Ampullaire semblait 
heureuse de parcourir l’espace qui lui était livré et elle 
marcha fort longtemps le premier jour sans s'arrêter. La 
tête avec ses deux palpes formant un angle bien marqué 
se portait alors en avant, mais pas bien loin du pied : je 
remarquai ses deux yeux noirs portés par de petits tuber- 
cules placés à la base des tentacules , enfin je trouvai que 
le pied était fendu sur le devant où il forme un grand sillon 
dont les deux bords désunis se meuvent indépendamment 
l’un de l’autre, avec des ondulations singulières. 

Je croyais avoir vu à peu près tout ce qui méritait de 
fixer mon attention , lorsque mon mollusque fit sortir de 
dessous le côté gauche de sa coquille une espèce de corne 
qui alla en s’allongeant de plusieurs centimètres, et dont le 
bout vint effleurer la surface de l'eau. Ce bout s’élargit et 
forma un petit trou; dans ce moment j’entendis un léger 
bruit semblable à celui que produit une bulle d’air qui pénè- 
tre à travers le gouleau étroit d’une bouteille qu’on vide, 
et puis je vis l'animal, toujours fixé par le pied, faire ren- 
trer sa tête presque entièrement sous la coquille. Il se mit 


(297 ) 

alors à se balancer de l’avant à l’arrière en agitant tout son 
individu d’un mouvement qui me fit penser tout de suite à 
une pompe mise en jeu. Après quelques secousses, la 
corne se raccourcit peu à peu et finit par disparaître. Cet 
exercice se renouvela plusieurs fois dans la journée ; mais 
je n'ai pas vu comme M. de Sauley (1), que la coquille 
n'y participât pas et restât immobile. Je ne comprends 
même pas comment elle pourrait ne pas bouger, le corps 
étant si fortement agité. La coquille se meut en sens in- 
verse du corps; c'est-à-dire que, lorsque le corps se con- 
tracte ou rentre dans la coquille, celle-ci se penche en 
avant ; et lorsque le corps ressort , la coquillé s'incline en 
arrière. Ces mouvements sont très-réguliers. Lorsque dans 
la journée l'animal se repose , ce qu’il fait en ne montrant 
que le pied un peu ‘contracté et appliqué contre les parois 
du vase , tout le reste du corps est couvert par le test et 
ces mouvements d'aspiration de l'air n'ont pas lieu. Je dis 
mouvements d'aspiration de l'air, parce que je suppose que 
c'est pour introduire ce fluide dans son corps, que l’Am- 
pullaire fait sortir sa trompe et a l'air de pomper. Cet 
organe est fort contractile, car il acquiert une longueur très- 
grande lorsque l’animal est enfoncé dans l’eau et qu'il a plus 
de chemin à faire faire au ce pour que l'extrémité 
vienne à la surface. 

Je m'étais figuré, en la sine fonctionner , que cette 
trompe ou syphon était un canal continu , soudé dans toute 
sa longueur. Mais un jour que soignant l'Ampullaire , je la 
tenais dans la main , tandis que je mettais la laitue. dans 
Veau, je vis pr se mettre en ares 


a) fous sé i he go: Lies Ammon _. le 6. __. pe Bul- 
let sell 


€; 


avec een #39 ( 1851 ). 


( 298 } 
peu à peu de la coquille et enfin laisser apparaître le pied 
tout entier qui oscillait à droite et à gauche comme pour 
chercher un point d'appui. La tête s’appuyait sur le pied, et 
à la partie gauche je remarquai un enfoncement assez grand , 
terminé par une cloison membraneuse blanchätre, à l’un des 
des côtés de laquelle il se montra un trou rond qui s’ouvrait 


et se fermait alternativement: Je n’en connais pas la destina- 
tion ; mais quant à la trompe, je la vis fort courte, couchée 


sur la partie comprise entre le pied.et la coquille; et, ce qui 
me surprit fort, c'est qu'elle était ouverte et formait un canal 
à bords disjoints comme ceux d’une tuile. L'animal lors- 
qu'il allonge cet organe a donc la propriété d'en resserrer 


les bords l’un contre l’autre de manière à former un tuyau - 


complet, et il doit y avoir là un bien grand développement 
de force musculaire pour tenir ces bords rapprochés , de 
manière à amener l'air jusque dans l'intérieur de son corps, 
sans qu'il s'échappe par quelque point du tube qui se trou- 
verait mal ajusté. J'ai observé ce même fait sur: une autre 
espèce, mais avec uv modifications que j'indiquerai 
un peu plus loin. 

Après avoir examiné pendant niiitaes à jours ces phéno- 
mènes si nouveaux pour moi, et en avoir pris note, je 
laissai mon Ampullaire tranquille, en ayant soin toutefois 
de ne pas la laisser manquer de laitue fraiche et de renou- 


_veler assez souvent son eau qu’elle salissait promptement 


par ses excréments qui sont très-petits, très-nombreux et 
d'une forme elliptique. Je m'attendais à les trouver énor- 
mes en pensant à ceux des Helix aspersa , hortensis, ete. = 
mais il n’y a pas la moindre proportion entre ces deux es- 
pèces de sécrétions , celles de l’'Ampullaire étant, je le ré- 
pète, extrêmement petites. ; 

Un jour du mois d’Aoùût 1850, je n'avais pas de laitue à 


la maison et je pris quelques feuilles de chicorée que je 


( 299 ) 
plaçai dans le vase, pensant que l'Ampullaire ne ferait pas 
difficulté d'en manger et s’en trouverait tout aussi bien. 
Uomme J'étais fort occupé à cette époque , j'avais chargé 
quelqu'un de la maison de renouveler l’eau et la nourriture. 
Ce fut de la chicorée qu’on employa encore et comme on 
avait oublié de recouvrir le vase , je trouvai un beau matin 
mon Ampullaire sur le plancher et sans mouvement. Je la 
remis promptement dans l’eau et je rémarquai que quoiqu’on 
lui eût servi la chicorée depuis deux jours, elle n’y avait pas 
touché. De plus, cette plante était entièrement infiltrée et 
gâtée , chose que je n'avais pas vue dans la laitue qui se 
conservait saine beaucoup plus longtemps. J'en revins im- 
médiatement à ce dernier aliment; mais l’Ampullaire avait 
sans doute souffert dans sa chute, qui n'avait pourtant pas 
eu lieu de bien haut, puisque la capsule de verre était sur 
le plancher. Je ne la vis plus, en effet, manger comme aupa- 


ravant, et ses mouvenients n'avaient pas la même vivacité. 


Je remarquai un étranglement vers le tiers supérieur de 
l'un de ses tentacules, qui finit par se trouver beaucoup 
plus court que l’autre , la partie extrême ayant sans doute 
été atrophiée et s'étant détachée. Le bord de la coquille 


qui avait commencé à s mano avait aussi été fracturé : 


dans la chute. 

Je fus absent de Bordeaux pendant tout le mois de Sep- - 
tembre; mais j'avais fait avant de partir de telles reeom- 
mandations que mon Ampullaire à laquelle je tenais beau- 
coup, fut parfaitement soignée pendant mon absence. 


LA 


A mon retour, en Octobre, je la trouvai accompagnée de 


quatre autres que M. Regnier m'avait envoyées; car il en 
avait recu de Montevideo uue soixantaine dont le plus grand 
nombre étaient vivantes. J'en perdis deux de ces dernières. 
M. Regnier eut encore la complaisance de m'en donner trois 
pour compléter la demi-douzaine ; mais je ne pus en con- 


( 500 ) 
server que quatre : les plus petites moururent aussi, et vers 
la fin d'Octobre je retirai de l’eau celles qui restaient , et je 
les plaçai à sec dans une boîte découverte, où je les lais- 
sai jusqu’au mois de Mai dernier. A cette époque, je les 


remis dans l'eau avec de la laitue ; bientôt j' j'eus le plaisir de 


les voir sortir de leur coquille où elles s’étaient profondé- 
mênt enfoncées, et elles se mirent à manger du meilleur 
appétit L'une d'elles était assez jeune et ne vécut pas long- 
temps ; mais les trois autres déjà grandes, continuérent à se 
bien porter et aujourd'hui 15 Août , elles sont si fortes et 
si grosses, qu'elles ont de la peine à rentrer dans leur co- 
quille quand on les tire de l’eau pour les nettoyer. 

J'ai été obligé quelquefois de brosser la coquille pour en- 
lever une espèce de conferve dont les filaments assez étendus 
flottaient dans l’eau et formaient en quelque sorte un nuage 
autour de l'animal. Je serais assez porté à croire que c’est à 
cette végétation, qui doit être bien plus active et plus abon- 
dante dans les pays chauds, qu’on doit attribuer les érosions 
qu'on voit sur les coquilles de certaines ampullaires (1), 
car, d’après la manière dont je les ai vues manger , je ne 
saurais adopter ce que dit M. de Sauley, sur l'instinct qui 
porterait les ampullaires à s’enlever mutuellement la partie 


(1) Je possède une coquille d’Ampullaire , pareille à celles que jai 
vivantes ( Ampullaria à insularum, d'Orbigny ) et qui est rongée dans 
toute son étendue d’une manière très-remarquable. En l’examinant à 
la loupe , on aperçoit des traces de corps étrangers qui ont été fixés 
dessus, et qui ne permettent pas de croire que cette coquille ait été 
rongée par des vers. L'un des creux offre le dessin exact d’un trian- 
gle équilatéral , dont les côtés sont pointillés comme si on les avait 
piqués ayec une épingle. Dans d’autres concavités, et ce sont les plus 
nombreuses, on remarque une espèce de mamelon arrondi, au cen— 
tre duquel se voit un ombilic qui me paraît être le point où se trou- 
vait fixée la partie pivotante la plus forte du végétal qui détériore . 
coquille. 


( 301 ) 
caleaire de leur test pour se l’assimiler et grandir ainsi aux 
dépens les unes des autres. 

Pour qu'on pût admettre cette explication, présentée au 
reste par l’auteur, sous la forme dubitative, il faudrait sup. 
poser que le calcaire absorbé par les animaux à l’état pres- 
que solide, est digéré et parvient droit à sa destination sans 
aller ailleurs que sur les bords de la coquille pour l’accroi- 
tre. Il est plus que probable , qu’introduait ainsi dans l’es- 
tomac, il ne serait nullement absorbé et qu'il serait au con- 
traire rejeté en dehors avec les autres résidus de la diges- 
tion. 

Ce n’est pas de cette facon selon moi, que se forme le 
test des mollusques , et je crois qu’il est le résultat d’une 
combinaison chimique qui commence dans l'estomac, pour 
aller se terminer dans le manteau qui en dépose le résultat 
sur les bords de la coquille. Le carbone des plantes et des 
matières animales peut donner de l'acide carbonique au 
moyen de sucs propres aux mollusques, et l'oxide de cal- 
cium peut se former également par des réactions qui nous 
sont complètement inconnues , mais qui ne sont pas plus 
étranges que celles qui convertissent en phosphate ou en 
carbonate de chaux, ou bien en d’autres sels, les plantes 
dont se nourrissent les animaux herbivores. C’est encore 
un secret de la Providence que probablement nous ne lui 
enlèverons pas de sitôt. Je crois done que si les Ampullai- 
res en servitude se placent les unes à la suite des autres 
comme des grains de chapelet, cela dépend du peu d'espace 
qu’elles ont à parcourir, et dans ce cas, j'ai toujours observé 


que c’est le pied de l’une qui est placé sur la coquille de mi 


l’autre, la tête étant rentrée et placée entre le pied et la 
coquille ne s’appuyant nullement sur sa voisine. 

J'en étais là de mes observations sur mes trois Ampul- 
laires, qui toutes ont présenté les mêmes faits, lorsque notre 


( 502) , 
-excellentcollègue , M. Dumoulin , archiviste de notre So- 
ciété, reçut lui-même deux individus vivants d’une autre 
espèce, apportée en abondance de la Guadeloupe , par un 
jeune marin qui les avait pêchées lui-même. C'est l'Am- 
pullaria effusa , qui a été le sujet du mémoire de M. de 
Sauley. Je fis avec M. Dumoulin un échange, pour avoir 
deux espèces vivantes, et je me mis à examiner la der- 
nière que j'avais reçue. La description de l'animal a été 
exactement faite par M. de Sauley, je ne la répéterai pas ; 
seulement je remarquai dans l'aspect général les différences 
suivantes avec celles que je possédais. Le support du pied 
de l'effusa est beaucoup plus leng que. celui des miennes ; 
la coquille se trouve dans certains moments à une grande 
distance de ce pied, ce qui fait que l’opercule est bien dé- 
taché et bien apparent , tandis que dans mes anciennes, il 
est toujours resserré entre le pied et la coquille, ce qui le 
rend diffeile à observer. Le syphon me présenta deux ou- 
vertures l’une au-dessous de l’autre et chacune terminant 
un embranchement particulier. L’ aspiration de T air n'étant 
pas bien complète , peut-être à cause de ce double syphon 
qui est sans doute le résultat d’une monstruosité indivi- 
duelle : des bulles d’air s’échappaient tantôt par un bout, 
tantôt par l’autre, en sorte que l'animal était obligé de 
pomper bien plus longtemps que les autres qui sont pour 
tant beaucoup plus gros. 

La coquille était cassée sur les Lois: mais en moins de 
huit jours elle se trouva réparée et augmentée de plus d’ un 
centimètre. L'animal du reste était fort vif, de grand appé- 
tit, et, placé hors de l'eau, il sortait volontiers de sa coquille 

. et se mettait à marcher: mais avant d’être arrivé bien loin, 
il s’arrêtait et restait immobile , le plan sec sur lequel il 
s'était avancé ayant sans doute diminué la quantité de mu- 
cus dont il pouvait disposer , et finissant par présenter une 


 » À LÉ Pan ETS 


( 303 ) 
surface rugueuse peu propre au mouvement. Pour marcher, 
l'animal soulevait le pied du côté droit, lui imprimait un 
mouvement ondulatoire se dirigeant vers la gauche , et il se 
servait de la partie postérieure comme d'un point d'appui à 


l'aide duquel il se poussait lorsque l’endulation arrivée à 


l'extrémité gauche ; lui faisait reporter à terre le côté droit. 
Dans l’eau, les Ampullaires glissent sur leurs pieds à la ma- 


__ nière des hélices ; mais elles ont la faculté de lui donner 


diverses formes qui leur permettent d’en na PE un 
organe de préhension. 

Les deux autres que j'avais mises sur la table à côté de 
celle-là, firent aussi quelques mouvements, mais beaucoup 
moins prolongés : elles se sont toujours montrées fort timi- 
des , et le moindre mouvement , la plus légère secousse suf- 
fit pour les faire rentrer entièrement dans leur coquille, 
soit lorsqu'elles se trouvent collées sur les parois du vase 
et paraissent sommeiller , soit même lorsqu’elles'se trouvent 
le plus disposées à marcher et qu’elles ont le rhigés e 2 
amplement développé. 

Je regrette de ne pas 1éé avoir mises dos un-vase assez 
profond pour pouvoir observer le fait de l'ascension où de 
la descente rapide signalé par M. de Sauley; mais la per- 
sonne de qui M. Dumoulin tenait les siennes, m'a dit l'a- 
voir vu, et cela me paraît analogue à ce que j'ai vu faire 
aux lymnées, aux planorbes, aux physes que j'ai depuis 
longtemps dans nn énorme vase de verre. 

M. Dumoulin a eu occasion de remarquer la ponté de 
l'Ampullaria effusa, chez l'amateur qui lui avait donné ses 
deux individus, et voici ce qu'il m’en a rapporté. Cette 
ponte s’est faite hors de l’eau : l'animal avait enduit de la 
viscosité de son pied une petite surface de la paroi du vase, 
et le premier œuf qu'il avait pondu avait été déposé sur 


_ cette surface. Le second était venu se placer à côté du pre- 


( 304 ) 

mier et ils s'étaient ainsi collés les uns aux autres en nom- 
bre considérable , formant une masse assez semblable, pour 
la couleur et pour la forme , à la grosse chenille du Sphinx 
atropos. J'ai vu plus tard les petites Ampullaires que ces 
œufs avaient produites, mais toutes étaient mortes peu de 
temps après leur éclosion faute de soins peut-être, et sans 

doute aussi, faute d’une nourriture convenable. 
moulin m'a dit avoir été témoin de l’accouplement & 
de deux Fr ces Ampullaires, et, d’après lui, ces animaux sont 
unisexuels. J'ai bien vu moi-même des mouvements qui 
tendaient à rapprocher deux de ces mollusques et qui me 
portaient à croire qu'ils allaient s’accoupler, mais malheu- 
reusement la matinée était un peu fraiche, il était neuf 
heures , et d’après ce qui m'avait été dit, c’eût été plus tôt 
que j'aurais dû examiner le fait. D’après M. Dumoulin, l’une 
des Ampullaires , toujours appuyée sur son pied rejette la 
coquille en arrière et présente sur le côté droit une ouver- 
ture arrondie et assez large. Le mâle glisse sur la coquille 
de la femelle , s'incline sur le côté droit et introduit dans 
le trou une partie membraneuse assez mince ; après quoi 
les deux animaux restent assez longtemps unis, agités par 
des mouvements ondulatoires. La femelle se secoue ensuite 
avec force ; elle oblige ainsi le mâle à se détacher de dessus 
la coquille où il avait fixé son pied, et le précipite en quel- 
que sorte au fond du vase où il reste longtemps sans remuer. 
J'ai vu l’une des miennes, la dernière reçue de Monte- 
vidéo , se placer dans la même position que celle qu'avait 
observée M. Dumoulin , et appeler en quelque sorte le mys- 
tère de la fécondation. Elle a offert le même phénomène 
pendant toute une journée , mais son appel ne fut pas en- 
tendu , sa compagne était sans doute une femelle. Le len- 
demain elle me parut faible et le jour suivant elle était 
morte. Cependant elle avait bien mangé pendant deux mois 


ST ee NES 


( 305 ) 
et même sa coquille avait grandi de près d’un centimètre. - 
Je la vis se coller par le pied sur l’autre Ampullaire ; mais 
sa tête était intérieurement cachée, en sorte qu'il était im- 
possible qu’elle aspirât la moindre molécule du support sur 
lequel elle s’appuyait. 

Toutes les Ampullaires apportées de la Guadeloupe sont 
mortes très-peu de temps après leur arrivée à Bordeaux, 
tandis que je possède , encore vivante , la première que j'ai 
reçue de Montevidéo. Je l’ai retirée de l’eau le 20 Novem- 
bre dernier pour la placer , ainsi que les années précéden- 
tes, dans une boîte où j'espère qu’elle passera son qua- 
trième hiver comme les précédents, quoiqu’elle ait été moins 
vigoureuse dans le courant de l’été dernier : ce que } ’attri- 
bue au peu de chaleur que nous avons eu. 


16 Décembre 1852. 


XXII. Apprrion à la Note sur le Pilobolus crys- 
tallinus, par le docteur Ta. CuIGNEAU. 


( Voyez plus haut, page 257). 


Ayant eu dernièrement l’occasion d'examiner une quan- 
tité considérable de Pilobolus, sur un de ses habitats ordi- 
naires (ad stercora humana), j'ai étudié spécialement une 
des phases par lesquelles passe cette singulière production 
cryptogamique. Ainsi j'ai vu,que la projection des operc 
se fait en grande abondance pendant la nuit, si le champi- 
gnon est laissé à l'air libre ou sous une cloche transparente ; 
et qu’elle a lieu de jour comme de nuit, si la cloche est 
opaque. 

J'ai constaté aussi ! ! ! que l’opercule peut être lancé jus- 


( 306 ) 
qu’à une hauteur de GINQUANTE CENTIMÈTRES, C'est-à-dire , 
qu’elle égale environ quaTRE cents fois celle du champignon 
lui-même. 
D'où vient une force aussi considérable dans un corps 
dont l’organisation est si simple ? Doit-on la rattacher à ce 


mouvement que l’on observe , même avec le simple grossis-. 


sement d’une bonne loupe, dans les Pilobolus ayant déjà 
lancé leur opercule? Bien que j'incline vers cette opinion , 
je n’en puis néanmoins fournir aucune preuve (4). 


Docteur TH CuicNrau. 


14 Janvier 1853. 


4 
(1) Depuis mon observation, j'ai trouvé dans l’ouvrage du célèbre 
Rs suédois la phrase suivante : De singulari motu in guttulis 
vide Ehrenb.in Kunz et Schimdt. myc. Heft. 2, p. 67. (Fries. Syst 
myc. 3, p. 312). C’est donc à ce même mémoire, qne je n’ai pu con 
sulter, que je suis obligé de renvoyer les investigateurs, qui vou— 
draient rechercher la cause de ce phénomène. 


15 Janvier 1955. 


| 


SE SE Sn buis 


TT IS VIP OS 


COMPTE-RENDU 


DES 
TRAVAUX DE LA COMMISSION 
DE LA 


MALADIE DE LA VIGNE 


PENDANT L'ANNÉE 1852. 


AVIS. 


La Société Linnéenne croit devoir prévenir les lec- 
teurs de la présente brochure, qu'elle ne contient 
qu’une seule pièce (le Rapport et les Conclusions de 
la Commission) qui. soit réellement l'œuvre officielle 
et commune de cette Commission: Dans les mémoires 
dus à quelques-uns de ses membres, dans les docu- 
ments qu'elle a reçus de l'extérieur , dans les procès. 
verbaux de ses séances enfin, il peut et il doit se trou- 
ver des détails, des observations , des opinions même 
qui sont personnelles à ceux qui les ont exposés, et 
qui n'ayant pas été discutés et repris dans le Rapport 
général, ne sont insérés dans le Compte-rendu que 
_ comme pièces à l'appui, et ne font pas partie de l'œu- 
vre propre de la Commission agissant comme corps 
constitué par la Société. 


Le Président de la Société Liniéoune. 


Cuarres Des Mourins. 


(307) 


XXIIT. Rapport présenté à la Société Linnéenne de 
Bordeaux, dans son Assemblée générale du 5 Janvier 
1853, au nom de la Commission chargée d'étudier la 
Maladie de la Vigne; par M. Cu. LATERRADE, 


secrétai re-rapporteur. 


Messieurs , 


La maladie qui s'est manifestée depuis deux ans sur les 
vignobles bordelais , a fait naître au sein de nos populations 
des craintes dont l'attention publique s’est vivement pré- 
occupée. Comme tous les corps constitués de notre ville, 
votre Compagnie s’est émue de F pa et des ide pe de 
cette maladie. 

Quelques personnes ont pu s'étonner en voyant la Société 
Linnéenne saisie d’une question rentrant bien plütôt dans 
le domaine de l’agriculture que dans celui de l’histoire natu- 
relle; il n’est donc peut-être pas inutile de rappeler que 
vous étiez liés à cet Sn par vos antécédents et par vos ré- 
glements. 

Lorsque , il y a trente-cinq ans , la Société Linnéenne fut 
fondée , il n’y avait dans la Gironde aucune association qui 
s'occupât spécialement des intérêts de l'agriculture. L'Aca- 
démie des Sciences avait bien une section agricole, mais 
travaux de cette section étaient peu nombreux et ie 
ment théoriques ; aussi, à partir de cette époque, presque 
tout ce qui se fit en agriculture et en horticulture dans le 
département, fut-il dû à l'initiative de la Société Linnéenne. 

_. XVHIE. 21 


- 


( 308 ) 

La culture des landes, celle de la vigne , la synonymie de ce 
précieux végétal, l'éducation des vers-à-soie, celle des abeilles, 
la culture du mûrier furent d’abord excitées, encouragées, ré- 
compensées par la Société Linnéenne ; un marché aux Fleurs 
fut créé par ses soins. Deux publications , l'une mensuelle, 
L’Ami des Champs , l'autre annuelle, Le Guide du Cultiva- 
teur et du Fleuriste, enrégistrèrent, sous son patronage et 
sous sa direction, des mémoires et des observations ayant 
trait aux questions agronomiques et horticoles, et plus d’une 
fois , elle ouvrit les pages de ses Actes à des travaux moins 
pratiques, mais consacrés au même but. 

Plus tard , de nouvelles associations se formèrent qui pri- 
rent en main d’une manière plus exclusive et par conséquent 
plus efficace ces précieux intérêts. Un Comice agricole de- 
venu Société d'agriculture , des comices d'arrondissement , 
une Société d’horticulture, une chaire d'économie rurale, de 
nouveaux organes de publicité vinrent diminuer la charge que 

enr : Sd ñ 


le cadre de vos travaux. Toutefois , et sans vouloir le moins 
du monde empiéter sur les attributions des autres compa- 
gnies, la Société Linnéenne n’a jamais voulu rester totalement 
séparée d’un champ qu’elle avait exploré longtemps seule 
et peut-être avec quelque succès. D'ailleurs, la maladie de 
la vigne ne pouvait échapper à ses investigations puisqu'il 
s'agissait de déterminer avant tout les ravages d’une crypto- 
game ou d’un insecte. Aussi les premières publications faites 
à Bordeaux sur le grave sujet qui nous occupe, eurent-elles 
pour auteurs des membres de la Société Linnéenne (1); aussi 


{1) Rapport au Congrès scientifique d'Orléans, Septembre 1850, 
par M, Ch. Des Moulins ; Lettre sur la maladie de la vigne en Suisse, 
en 1851 , par M. Ch. Laterrade : Lettre sur la maladie du raisin, par 
M. Léon Dufour, etc 


( 309 ) 
dès le 14 Juillet dernier , après avoir constaté les ravages 
de l’Oïdium dans une localité voisine de Bordeaux, la Société 
Linnéenne désignait-elle, sur la proposition de l’un de ses 
membres une Commission (1) chargée de suivre les progrès 
du mal, d'en observer les caractères et d’en rechercher la 
cause, 

Mais en même temps qu’elle regardait comme une obli- 
gation pour elle de se livrer à cette sorte d'enquête, la 
Société Linnéenne considérait comme un devoir non moins 
impérieux de faire appel à toutes les lumières, d’inviter 
tous les naturalistes, tous les agronomes à prendre part à 
des travaux auxquels notre pays tout entier se trouvait si 
vivement intéressé. 

La Commission s’empressa donc d'admettre dans son sein 
ceux des membres de la Société qui voulurent bien se ren- 
dre à ses séances, et elle doit à plusieurs d’entre eux, à MM. 
Bouchereau , Petit-Lafitte et surtout à M. Ch. Des Moulins 
qui n’a. cessé de participer avec le plus grand zèle à toutes 
ses recherches , d'importantes communications (2). Votre 
Commission crut aussi devoir s’adjoindre quelques pro- 
priétaires de vignes étrangers à la Société Linnéenne , mais 
connus depuis longtemps par leur dévouement éclairé au 
progrès agricole ; c’est ainsi qu’elle a eu la satisfaction de 
compter au nombre de ses membres les plus actifs, MM. 
de Bonneval, de La Tresne, Gaschet, de Martillac, et de La . 
Vergne, de Macau. Enfin, la Commission n'ignorant pas 


(1) La Commission fut composée de MM. Laterrade père, prési- 
dent, Cuigneau, Desmartis fils, de Kercado, Ch. Laterrade et 
Lespinasse. 

(2) Le Secrétaire-Général de la Société, M. Cazenavette . a égale- 
ment assisté à la plupart des réunions de la Commission. 


* 


( 310 ) 

que la maladie avait sévi avec plus ou moins d'intensité sur 
les vignobles de plusieurs autres points de la France , ainsi 
que sur ceux d'Italie et de la Suisse, elle a étendu ses in- 
vestigalions jusques dans ces diverses contrées , et elle a 
pu y suivre la marche du fléau, pour ainsi dire, pas à pas, 
grâce aux renseignements qui lui ont été fournis par de zélés 
correspondants et notamment par MM. Jullien Crosnier 
d'Orléans, Bertini de Turin, Ed. Boissier, de Genève. 

Votre Commission s’est également mise en rapport avec 
le Conseil hygiénique du département et l’Académie des 


Sciences de Bordeaux; elle leur doit la connaissance de 


quelques faits intéressants; dans le but de mettre un terme 
aux craintes exagérées de quelques-uns et la quiétude non 
moins exagérée de quelques autres, elle a cru utile de pu- 
blier, dans les feuilles quotidiennes de la ville, des extraits 
des procès-verbaux de ses séances ; elle doit des remerci- 
ments à MM. les journalistes pour l’empressement qu ‘ils 
ont tous montré à accueillir ses communications. 

Tels sont, Messieurs , les principaux auxiliaires à l’aide 
desquels votre Commission a accompli de son mieux la tâche 
difficile et laborieuse qui lui avait été confiée. Je viens vous 
présenter aujourd’hui le résumé de ses travaux. 


$. Ier, — Aperçu historique (1). 


A l'aspect de la maladie qui est vente si inopinément 
répandre ses ravages sur presque toutes les parties de l’Eu- 
rope , on s’est demandé si cette affection était nouvelle, ou 
si déjà elle avait été observée ; l’histoire fait souvent men- 
tion des contrariétés éprouvées par la vigne, de la perte 


“#64 RE derons à notre .… collègue M. Petit-Lafitte, ee 
g ques qui vont suivre. 


311) 

partielle ou totale des produits de cette plante; mais les 
causes qu’elle assigne à ces fâcheuses irrégularités, sont tou- 
jours dues aux intempéries des saisons : c’est le froid, ce 
sont les gelées hâtives ou tardives, ce sont les longues 
pluies , les longues sécheresses, c’est la grèle, etc. , etc. 
Aussi, ces maladies sont-elles toujours partielles, locales , 
ne revêtent-elles jamais le caractère de généralité de la ma- 
ladie nouvelle. 

Il est vrai que tout récemment, un des viticulteurs les 
plus distingués du Midi de la France semblait avancer que 
l'Oidium s'était déjà montré , il y a environ 400 ans (1), 
mais cette assertion ne paraît reposer que sur de vagues 
traditions. On a parlé d’un passage de Pline dans lequel il est 
question d’une maladie de la vigne qui aurait quelque analogie 
avec celle qui nous occupe. Voici ce passage : Est etiamnum 
peculiare olivis et vitibus (araneum vocant) cum veluti telæ 


involvunt fructum et absumunt (2). « 11 y a encore une 


» maladie particulière aux oliviers et aux vignes (on l'ap- 
» pelle toile d’araignée ) ; c’est lorsque le fruit est enveloppé 
» et absorbé comme par une espèce de toile ». Gette affec- 
tion dont parle Pline était connue, à ce qu'il paraît, dès les 
temps les plus anciens. Voici, en effet, quelques lignes que 


j'extrais des œuvres de Théophraste, traduites en latin par 


Cratander : Oritur et alius morbus oleis qui Arachinium 
apellatur. Nascitur enim hoc et fructum absumit: Adurunt et 
@stus quidam et -olivas et uvas (3). « On voit s'élever 
» aussi sur les oliviers une autre maladie, qui est appelée 


» ararhinium ; ce mal se developpe et absorbe le fruit ; cer- 
» taines chaleurs dessèchent aussi les olives et les raisins »._ 


(1) Cazalis-Allut, Taille de la à etc. Montpellier, 1852, p. 21. 
(2) Pline ; Hist. nat., Gb. 18, cap. 2 
(3) Théophraste, De hist. plant., cs F , Cap. 17. 


(312) 

— On voit que le disciple d’Aristote se sert à peu près des 
expressions même que Pline devait employer plusieurs siècles 
après. Théophraste attribue l’arachinium à certaines espèces 

de vers ; il parle dans le même chapitre d’une maladie de 

langueur, de phthisie (tabes) et d’une autre affection, le 

charbon (uredo), qui attaquent aussi les arbres et les fruits ; 

il attribue ces deux dernières maladies à des influences at- 

. mosphériques et principalement à des vents qui brülent les 

fruits et leur font contracter cet état de dépérissement , de 

dessèchement qu’on a appelé uredo, du verbe uro, je brûle. 

Peut-être, n’y a-t-il pas bien loin de l’uredo de Théophraste 
à l'Oïdium des botanistes modernes. 

Il résulte des renseignements fournis à votre Commission 
par M. le D." Bertini, de Turin, que, dans un contrat no- 
tarié passé par la famille Cambrane,. en 1743, il est stipulé 
que dans le cas de pwlviglio (petite poussière) ou de rogna 
(gale et lèpre} qui viendrait à infecter les raisins , on ferait 
une réduction sur le prix. Les thèses de Joannès Tealdus , 
imprimées à Genève, chez Franchelli, en 1743, font aussi 
mention d'une maladie que l’auteur appelle Muscus seu sca- 
bies plantarum. 

H ne serait donc pas impossible que déjà la vigne se fût 
montrée sujette à des altérations plus ou moins graves ayant 
quelque analogie avec le mal observé de nos jours. Nous 
disons ayant quelque analogie , car ces passages de Théo- 
phraste et de Pline , si souvent cités depuis quelque temps, 
nous paraissent bien moins se rapporter à l'Oïdium qu’à la 
teigne de la vigne, décrite ainsi qu’il suit dans un excellent 
ouvrage déjà un peu ancien (1) : « La teigne de la grappe. 
» Sa larve est connue des vignerons sous le nom de ver de 


(4) Bosc , Nouveau Cours complet d'Agriculture, t. XIE, p. 507, 
Paris, 1809. 


(315 ) 

» la vigne. Dassieux l'a confondue avec celle du sphynx de 
» la vigne, quoiqu'’elle n’ait que 4 à 5 lignes de long et une 
» ligne au plus de diamètre. Elle est dans l’intérieur du grain 
» et va de l’un à l’autre en se filant une galerie de soie. Les 
» grains qu'elle attaque sont perdus pour le produit et por- 
» tent même, dans le vin, des principes de détérioration, 
» étant sans partie sucrée. Il est difficile de détruire cet in- 
» secte ». 

Dans tous les cas, rien, jusqu’à présent, ne nous prouve 
que ces altérations aient été autrefois remarquées {dans les 
vignobles bordelais ; les chroniques de Bordeaux et de l’an- 
cienne province de Guienne n'auraient pas manqué d’en 
faire mention ; or, elles se taisent complètement à ce sujet. 
Le précieux manuserit (1 ) légué à la bibliothèque de notre 
ville par M. Sarreau de Boysset, manuscrit qui renferme 
des détails circonstanciés el étendus sur la vigne, ne parle 
d'aucune affection semblable à celle d'aujourd'hui. 

Ainsi, pour nous et pour la France, cette affection paraît 
nouvelle. En 1845, un jardinier de Margate, petit bourg 
situé près de l'embouchure de la Tamise, remarqua d’abord 
dans ses serres, puis en plein air, que les vignes qu'il cul- 
tivait, se recouvraient d’une sorte de poussière blanchâtre 
qui s’étendait sur les feuilles et sur les grappes , contrariait 
le développement des grains du raisin , les conduisait à se 
rider , à s’entr'ouvrir, à montrer à vue leurs pepins , à se 
gâter et à se corrompre complètement. Étudiée par un bo- 


taniste de Bristol, M. Berkeley, cette maladie fut considérée _ 


comme la conséquence d’une mucédinée parasite , consti- 
tuant une nouvelle espèce qui fut are Tucheri, 


(4) es météorologiques et agricoles faites pendant 53 
ans, de 1718 à 177 


( 514 ) 
du nom du nom du jardinier Tucker qui l'avait d'abord 
observée. 

De 1841 à 1848, la maladie se propagea avec rapidité ; 
elle envahit toutes les serres et toutes les vignes en treilles 
de l'Angleterre , en causant de graves dommages ; elle tra- 
versa la Manche, passa en Belgique et arriva en France où 
elle fut constatée en 1848, dans les serres de M. Rotschild, 
à Suresne , près de Paris. En 1849, Versailles, Montrouge 
et tous les environs de Paris en furent atteints. Bientôt, en 
1850 et 1851 , les grands vignobles de la France et ceux 
des pays voisins cessèrent d’être épargnés : le Mâconnais, 
les environs de Lyon, l'Isère, le Doubs, le Languedoc et 
la Provence en furent plus ou moins affectés, en même 
temps que la Suisse, le Piémont , la Toscane, etc. 

-Ce fut en 1851 qu’elle apparut dans la Gironde, et no- 
tamment à Podensac, où les ravages furent constatés par 
une Commission du Conseil départemental de salubrité; 
mais craignant d’alarmer inutilement de nombreux intéres- 
sés , l'autorité préfectorale crut devoir garder le silence sur 
le rapport qui lui fut adressé. 

Cette année , la maladie a pris des proportions telles que 
le silence n'était plus possible; dès le mois de Juillet, 
l'oidium était constaté par vos soins dans un grand nombre 
de localités parmi lesquelles je citerai Arlac, Mérignac, 
Podensac, Cérons, Barsac, Villeneuve, Bordeaux, etc., 
et dans le Médoc, Macau , Margaux, Cissac, etc. 

Votre Commission a donc pu se procurer de nombreux 
échantillons qu’elle a soumis à l'examen le plus attentif; 
elle s'est transportée au milieu des vignobles atteints par la 
_ maladie, afin de se rendre compte, aussi exactement que 
_ possible, de la nature et de l’étendue du mal. Voici ce 
_ qu’elle a observé : L 


ne AA ve nn dé en 2 | rs ff 


les remplacer par d’autres, comme la branche se dépouille 


(315) 
$. IL. — Description de la maladie. 


Aspect général. — Quiconque aura jeté les yeux une seule 
fois dans sa vie sur un champ de vignes atteint par l’Oïdium, 
ne pourra jamais oublier le triste tableau qui aura frappé 
sa vue. — Rien ne ressemble à cela. — Des sarments cou- 
verts d’une sorte de lèpre noire, des grains comme sau- 
poudrés d’une poussière blanche , entr’ouverts , ridés, des- 
séchés , laissant échapper comme toute la plante une exha- 
laison fétide.— Voilà ce qui se présente d’abord aux regards 
de l'observateur. Rappelons maintenant les symptômes 
morbides particuliers à chacun des organes de la plante. 

Racines et souches. — Votre Commission , dans le cou- 
rant du mois d’Août, a examiné des racines et des souches 
provenant de pieds fortement atteints par la maladie ; elle 
n'y a constaté aucune altération ; plusieurs personnes ce- 
pendant ont cru a _. certaines racines prove- 
nant de pieds oïdiés d bides d’un caractère 
extrêmement grave ; r un de nos plus zélés collègues 
ayant fait arracher quelques pieds malades, nous a déclaré: 
que les racines de l’année, celles qui s'étaient nouvellement 
formées et qui devaient par conséquent être pleines de vie, 
étaient à moité pourries et en partie couvertes de moisissu- 
res ; les sarments qui, étendus, avaient formé des provins, 
étaient eux-mêmes lésés et pourris en certains endroits, les 
mêmes symptômes se reproduisaient sur le pied-mère. Ces 
faits, je le répète, sont extrêmement graves et doivent 
exciter l'attention la plus sérieuse des viticulteurs, Il ne 
faut pas oublier , toutefois, qu'il est de la uature des 
nes de se dépouiller , pour ainsi dire, de ses radicelles pour 


de ses feuilles pour faire place au bourgeon qui doit donner 
naissance à de nouvelles feuilles ; il ne faut donc pas être 


( 316 }) 

: surpris si la racine présente des ramifications desséchées et 
flétries ; ce phénomène peut être tout simplement le résul- 
tat normal de l’organisation des végétaux. 

Sarments. — Taches plus ou moins nombreuses, plus 
ou moins grandes, de formes diverses, mais généralement 
irrégulières et allongées , rarement cireulaires, de couleur 
brun foncé et quelquefois entièrement noires. L’épiderme 
seul paraît attaqué ; le tissu herbacé est intact; le bois et 
la moëlle ne présentent pas d’altération. 

Feuilles. — Elles présentent d’abord à leur partie supé- 
rieure des taches jaunâtres ; puis une végétation cryplôga- 
mique qui s'empare quelquefois de leurs deux faces, y 
forme des plaques irrégulières, quelquefois noirâtres , sou- 
vent brunes, la face supérieure surtout devient pulvéru- 
lente , le parenchyme se crispe et se dessèche. 

Pédoncules. — Les accidents sont analogues à ceux des 
sarments ; ils ont pour conséquence le ramollissement des 
fibres , leur flétrissure , leur envahissement par la crypto- 

game. 

Fleurs. —— Elles sont rarement atteintes ; la Commission 
a pu cependant constater la présence de l’Oïdium sur une 
fleur de vigne ; l'échantillon qui lui était soumis, venait 
d'Orléans. . 

Grains du raisin. — D'abord points noirs, tache fauve, 
noirâtre qui semble ne devoir atteindre que l’épiderme ; 
plus tard , la tache se rembrunit encore ; elle prend de la 
consistance , forme une sorte de callosité , de croûte assez 
dure au toucher et se creuse un chemin vers le centre de 
la baie ; alors le grain cesse d’être rond; il est irrégulier, 
tronqué, il semble avoir été endommagé, meurtri par la 
grêle ; bientôt le grain perd entièrement son éclat métalli- 
que ; il se couvre d’une végétation cryptogamique blanche, 
pulvérulente ; le grain s’entr’ouvre , le pepin semble se pré- 


( 317 ) 
cipiter en dehors du péricarpe ; la végétation s'arrête ; la 
maturité ne peut s'effectuer. 

Remarquons toutefois que ces caractères ne se présentent 
pas toujours de la même manière ; ainsi cette succession de 
symptômes a principalement lieu quand le raisin est envahi 
de bonne heure par la maladie, mais souvent de jeunes 
raisins sont couverts d'oïdium sans présenter la moindre 
déchirure et sans offrir cette tache noire dont nous venons 
de parler. 

Description de l'Oïdium. — Parmi tous les phénomènes 
que je viens de rappeler, celui qui est le plus général et qui 
a dû fixer d’une manière plus particulière l'attention de 
votre Commission, c’est cette espèce de végétation blan- 
che, pulvérulente, qui recouvre les feuilles et le fruit ; 
cette végétation , vous ne l’ignorez pas, c’est la mucédinée 
décrite pour la première fois par M. Berkeley (1), c'est 
l'oidium Tuckeri. Nous l'avons examinée à l’aide d’un ex- 
cellent microscope et nous y avons pu aisément en recon- 
naître tous les caractères tels qu’ils se trouvent consignés 
dans cette description que nous devons à l’un de nos plus 
savants cryptogamistes , M. Camille Montagne : « Comme 
» la plupart des mucédinées , disait M. Montagne , l'oidium 
» est constitué par deux sortes de filaments , les uns stéri- 
» les, les autres fertiles, Les premiers qui en forment 
» le système végétalif rampent sous l'épiderme entre les. 
» méats intercellulaires, quand la plante se développe 
» sous les feuilles et sur l’épicarpe lorsqu'elle se montre 
» sur le fruit. Les seconds ou les filaments fertiles sont 
» dressés, longs au plus de ‘/, ou ‘/, de millimètre , eloi= 


——— 


(1) Gardener's chronicle 1847, n.° 
(2) Bulletin des Séances de la pen sine et centrale d’Agri- 
culture de Paris, t. Y, p. 500. 


(518) | 

» sonnés de distance en distance et un peu renflés en mas- 
» suc au sommet. Sur les feuilles, on les voit sortir par 
» l'ouverture des stomates ; mais, sur les fruits, l’épicarpe 
» étant privé de ces organes , ils s'éèvent directement du 
» filament qui rampe à la surface de celui-ci. C'est le der- 
» nier article des filaments fertiles qui se transforme en 
. spore , et, comme cette métamorphose peut se répéter 
» un grand nombre de fois , le filament croissant incessam- 
» ment, on confoit l’immense quantité qui s’en doit pro- 
» duire et la prompte dissémination qui s’en doit faire pour 
» propager la maladie aux ceps voisins du premier infecté. 
» Ces spores ou séminules sont elliptiques et ont, à la ma- 
» turité, une longueur égale à 0,035 de millimètre sur un 
» diamètre de près de 0,002 de millimètre. Comme elles ne 
» tombent pas toujours au fur et à mesure de leur produc- 
» tion, on en trouve quelquefois trois ou quatre qui sui- 
» vent et forment le chapelet », 


$ ZII. — Direction et propagation de la maladie, 


Les viticulteurs se sont demandé si l'invasion de la mala- 
die n’obéissait pas constamment à une direction uniforme, 
invariable ;, venue d'Angleterre à Paris , la maladie s'était 
étendue aux vignobles de la Bourgogne et du Lyonnais ; elle 
avait gagné la Suisse , le Piémont, l'Italie ; il était assez 
naturel d’en conclure qu’elle se propageait de l'Ouest à 
l'Est; mais il n’en a point été ainsi dans la Gironde où elle 
a suivi au contraire une marche diamétralement opposée. 
De Podensac , en effet, nous l’avons vue envahir successi- 
vement Bordeaux, La Brède , Blanquefort, Pauillac , Saint- 
Laurent et Lesparre, se dirigeant comme on le voit de l'Est 
_ à l'Ouest. Remarquons aussi que la rive gauche de la 
Garonne a seule été gravement atteinte ; la rive droite a été 
presque entièrement épargnée. 


For } 

Bien qu'il soit difficile de ét comment s'effectue 
la propagation de la maladie , des faits nombreux nous por- 
tent à penser que cette affection est contagieuse , ou se pro- 
page du moins né proche en proche avec une grande faci- 
lité. En effet , à peine un raisin est-il attaqué, le cep en- 
tier est envahi, et peu après les pieds qui l’environnent 
présentent eux aussi, presque toujours les mêmes caractè- 
res. Du reste , la seule inspection des sporules de l’oidium, 
leur extrême ténuité, leur prodigieuse multiplicité, suffisent 
bien à expliquer la rapidité avec laquelle le mal s’étend et 
s'accroît aussitôt que l'invasion a commencé. Généralement 
l'oidium a exercé, d’ailleurs , des ravages considérables là 
où , l’année précédente , il avait fait une légère apparition. 

Si donc l'observateur rencontre quelques pieds encore 
sains au milieu d’un champ infesté d’oidium, ce sont là de 
ces exceptions qui attèstent sans doute la vigueur, le man- 
que de prédisposition des ceps qui sont préservés, mais qui 
sont loin de prouver que la maladie n’est pas contagieuse. 

C'est vers la fin du mois de Juillet que l’oidium s’est 
manifesté dans la Gironde ; depuis cette époque , bien des 
vignobles qui avaient échappé à ses atteintes, ont été envahis 
à leur tour; mais la Commission a constaté que le mal 


diminuait toujours de force en raison de la tardivité de l'in- 


vasion. Ainsi , dans les vignobles attaqués en Juillet, une 


_ partie notable de la récolte a été “perdue ; elle n’a été que 


faiblement diminuée ou simplement compromise dans les 
vignobles sur lesquels la maladie a sévi un mois ou six se 
maines plus tard. 


SIv.— an ie POÉSIE RES e 


Comme nons l'avons déjà fait remarquer, la maladie qui 


. A sévi celte année sur les vignobles bordelais , a surtout êté 


signalée par la présence et le développement de la crypto= 


_ (320) 
game dont nous venons de rappeler les principaux caractè- 
res; cependant, si toutes les vignes atteintes par l’oidium 
ont cruellement souffert, il ne serait pas exact d’en conclure 
que toutes les vignes qui ont souffert, ont été couvertes 
d'oidium. Votre Commission a été appelée, en effet, à 
constater les ravages considérables occasionnés par un mal 
dont les symptômes n'avaient que bien peu d’analogie avec 
ceux que nous avons énumérés plus haut. Dès le mois de 
Juillet , alors que l’oÿdium commencait à se montrer dans 
quelques localités voisines de Bordeaux , des vignobles en- 
tiers se trouvaient envahis par une maladie dont la forme 
était différente sans doute, mais dont les déplorables effets 
avaient aussi pour la récolte les mêmes conséquences. — 
Les raisins examinés par vos commissaires présentaient les 
caractères suivants : d’abord une tache brunâtre due à l'in- 
duration et au racornissement de l’épiderme qui s’amincit à 
mesure que la tache se développe en s’agrandissant en dia- 
mètre ; peu à peu le centre de la tache se déprime et s’é- 
claircit, tandis que les bords conservent la teinte foncée pri- 
mitive et sont relevés ; plus tard, l’épiderme est détruit mais 
la pulpe de verjus s’altère de la même façon , et enfin, le 
pepin qui a continué de se développer devient lui-même 
brunâtre et taché dans la portion qui est dépourvue d’enve- 
loppe ; les bords de cette sorte de plaie se racornissent et 
se replient sur eux-mêmes, de manière que le pepin fait 
saillie en dehors de la baie ; examinée au microscope sous 
différentes coupes , cette altération ne nous a offert qu'un 
amas de granulations amorphes sans ligne de démarcation : 
tranchée avec le reste du tissu normal. Les pieds atteints 
de cette affection, présentent d’abord sur les feuilles des 


= taches sèches, brun-clair ; bientôt la feuille se crispe, se 


déchire et flétrit. Telle est, Messieurs, l’altération que 
nous avons appelée maladie noire pour la distinguer de la 
première. 


( 321 ) 

Un de nos collègues nous a assuré que cette affection 
n'était pas nouvelle et n'offrait pour l'avenir aucun danger 
sérieux ; elle a surtout sévi dans les années où de fortes 
chaleurs avaient été suivies par un refroidissement subit de 
la température ; les vignes du Midi, les cépages qui nous 
viennent des contrées les plus méridionales, le merleau , le 
cavernet , le sauvignon , le malaga , etc., en sont plus sou- 
vent attaqués que les autres ; les cépages du sud de l’Espa- 
gne et de la Turquie implantés en France , présentent tous 
les ans cette altération à un degré plus ou moins fort. 

Ces assertions sont d’autant plus rassurantes , qu'elles 
émanent d’un homme dont le nom fait autorité dans la viti- 
culture (1). Nous ne pouvons cependant nous empêcher 
de signaler la maladie noire comme ayant sévi cette année 
dans plusieurs communes avec une intensité inconnue jus- 
qu'à présent dans ces localités. 

Justement préoccupés de l'invasion de la redoutable cryp- 
togame , les propriétaires de vignes se sont mis à parcourir 
leurs vignobles dans tous les sens , et des phénomènes qui 
se développent tous les ans sous leurs yeux sans être re- 
marqués ont été pour eux, cette année, la cause d’un véri- 
table effroi. Votre Commission a souvent eu l’occasion de 
calmer des craintes peu fondées. Tantôt on lui présentait 
des feuilles de vigne couvertes de larges taches d’abord 
blanches, puis prenant une teinte jaunâtre plus ou moins 
foncée, tantôt c'était des feuilles coloriées d’un rouge quel- 
quefois assez vif; dans le premier cas, c'était l’Erineum 
vitis, qui ne fait aucun mal même à la feuille sur laquelle 
il se développe ; dans le second cas , c'était le résultat d’une 
affection légère ; d’une sorte de brûlure connue par les 


(1) M. Bouchereau. 


( 322) 
vignerons sous le nom de rougeot ; dans l’un et l'autre cas, 
ce n'était rien que de très-ordinaire et de parfaitement 
innocent. 


$ V.— Des moyens curatifs. 


La maladie de la vigne étant connue, observée , décrite, 
ses funestes conséquences sur le raisin étant malheureuse- 
ment incontestables , on à dû se préoccuper et on s’est 
vivement préoccupé de toutes parts d'y apporter un remède. 
Quelques-uns ont vanté un procédé qu’on disait avoir été 
employé avec un grand succès de l’autre côté des Alpes ; il 
s'agissait d'une saignée faite à la racine. Mais les rensei- 
gnements qui nous ont été transmis du pays même où le 
procédé avait été mis d’abord en usage, ne permettent pas 
à votre Commission d'y attacher une grande importance. 
D'ailleurs, plusieurs faits viennent à l'encontre de toute 
pratique qui serait basée sur la nécessité d’esséver le cep 
malade ; je vous rappellerai celui-ci : le 16 Mai dernier, 
une pièce de vigne fut grêlée ; le lendemain 17, on procéda 
à la taille de cette vigne ; une seule manne avait été pré- 
servée de la grêle, on la respecta — et cependant , l'oidium 
l'a envahie. L'appauvrissement de la sève ne paraît donc 
pas être un moyen à préconiser pour empêcher la maladie. 

Des moyens curatifs externes ont été proposés en grand 
nombre ; les uns devant produire un effet simplement mé- 
canique , d'autres destinés à exercer sur l’organisation végé- 
tale une action plus directe en faisant pénétrer dans les 
tissus même altérés par la maladie , certains agents répara- 
teurs. Parmi tous ces moyens, le soufre et la cparas se 
retrouvent presque toujours. 

_ L'Institut agronomique de. Versailles avait mil et pu- 
blié la recette suivante : 
00 grammes chaux, 
» fleur de soufre ; 


(325) 
faire bouillir dans trois litres d’eau , laisser refroidir, dé- 
canter, mêler le résultat dans un hectolitre d’eau , arroser 
les fruits et la plante , soit à la pompe, soit à l’arrosoir à 
pomme suivant la position du cep. 

Un jardinier de Paris, M. Bergmann , ayant légèrement 
humecté les tuyaux qui traversent ses serres, les à saupou- 
drés avec de la fleur de soufre; il a ensuite chauffé le 
thermo-siphon ; il y a eu production et dégagement d'acide 
sulfureux. L’oidium a disparu et les raisins sains en ont été 
préservés. 

Mais s’il était possible d'employer le gaz acide iulfétéux 
dans un espace resserré, couvert, abrité, comme l’est une 
une serre , il était autrement difñcile d'appliquer ce pro- 
cédé à nos grandes cultures ; c’est pourtant ce qu'a essayé 
de faire l’un de vos Commissaires (1); après avoir couvert 
d’une sorte de manteau de toile cirée le cep qui est atteint 
d’oïdium, l'opérateur suspend à la partie inférieure du pied 
un petit godet contenant de la fleur de soufre et un mor- 
ceau de mèche soufrée auquel on met le feu. Le gaz acide 
sulfureux se développe aussitôt en grande quantité et se 
répand dans tout l'appareil. Deux minutes suffisent pour 
que l’action du remède soit produite. L'auteur de ce pro- 
cédé a établi devant une sous-commission désignée à cet 
effet, des calculs desquels il résulte que ce moyen serait peu 
onéreux, même s’il s’agissait d'opérer sur un vignoble d’une 
vaste étendue. — Des expériences qui ont été faites à Macau 
avec le plus grand soin mais malheureusement sur un petit 


nombre de ceps nait. ont dons en pésorais D eu se . 


Courageants pour l'app 
Ce n’est pas seulement à bre et à Bordeaux que . sou- 
fre a été employé avec succès pour combattre les effets de 


(1) M. De La Vergne. 
Towe XVII. 


22 


(324 ) 
l'oidium. Dès le mois d'Août 1851, M. Cantà, professeur “+ 
de chimie à l’Université royale de Sardaigne, prescrivait dans 
la Gazette piémontaise les fumigations avec le gaz acide 
sulfureux. 

Cependant, parmi les documents que l’Académie des 
Sciences de Bordeaux a bien voulu nous communiquer , se 
trouvent deux lettres de M. Lefebvre , de Paris, qui rejette 
l'emploi de la fleur de soufre et celui de l'hydrosulfate de 
chaux pour la cendre de bois et de charbon qui lui a com- 
plètement réussi. 

Votre Commission , Messieurs , a dù voir avec une vive 
satisfaction les efforts de plusieurs hommes éclairés se por- 
ter vers les moyens à employer pour combattre la maladie 
de la vigne ; elle ne saurait trop les encourager à persévérer 
dans leurs recherches et leurs expérimentations ; mais au— 
cune de ces tentatives honorables ne lui paraît encore de , 
nature à pouvoir être préconisée avec des chances sérieuses 
de succès pour nos grandes cultures. 

La principale difficulté, vous le comprenez, Messieurs, 
c’est d'appliquer un remède efficace à une maladie dont les 
symptômes commencent à nous être connus mais dont la 
cause réelle, échappe encore à toutes nos investigations. 
$ VI— Des causes diverses auxquelles la maladie de la vigne 

a été attribuée. 

Des opinions bien différentes ont été émises sur la cause 
de la maladie; chacune de ces opinions s'appuie sur des 
faits la plupart du temps irrécusables, mais de nouveaux faits 
viennent s'ajouter aux premiers et renverser des théories 
basées sur un dénombrement imparfait. — Au milieu de 
celte diversité d'opinions, commençons par reconnaître que 
_ tout le monde est à peu près d'accord pour déclarer que la 
maladie a sévi sur la vigne sans acception d'âge, de cé- 


{ 525 ) 
page , de sol et d'exposition. Les vignes vieilles comme les 
plus jeunes, les cépages les plus rustiques comme les plus 
délicats, le sol le plus léger comme la terre la plus forte, 
l'exposition da Nord comme celle du Midi, celle de l'Est 
comme celle de l'Ouest, tout à été Harent envahi ov 
respecté. 

L’Humidité. — On a invoqué l'humidité comme la prin- 
cipale cause du mal, mais dans certaines localités, les palus 
ont moins souffert que les terres hautes; dira-t-on que 
l'abondance des pluies aura occasionné une prédisposition à 
l'envahissement du mal; mais la pluie aurait étendu son 
action sur tous les vignobles d’une contrée et non sur quel- 
ques-uns ; mais d’ailleurs si notre printemps a été pluvieux, 
en a-til été de même dans le reste de la France, de même 
en Italie ? Il est vraisemblable que non. Et depuis quand 
l'humidité, l'abondance des plnies amèneraient-elles un sem- 
blable fléau. N’avons-nous pas eu des années bien autre- 
ment pluvieuses sans que les vignerons aient jamäis aperçu 
dans leurs vignes la moindre trace d'oïdium ? i 

La Fumure et la Taille. — Plusieurs agronomes ont 
pensé que les famures prodiguées avec trop d’abondance à 
la vigne, avaient pu occasionner à cette plante une certaine 


dégénérescence. Ils croient que c'est à tort qu’on active 


outre mesure Ja force végétative et productive; qu'il fau- . 
drait ne pas autant s'éloigner des lois de la nature, ne pas 
exiger d’un végétal qu'il produise partout et toujours et le 
plus possible, ces agronomes pensent que la taille et la 
fumure , choses excellentes en elles-mêmes, ont été et sont 
encore une source d'abus défavorables à la plante et nuisi- 
bles aux intérêts bien entendus du vigneron (4). Ces ‘idées 
ont été constamment accueillies avec une adhésion marquée 

‘(4) Ch. Laterrade, Aer l'Académie des Sciences de Bordeaux, ” 
13° année , 1851 , p. 7 


( 326 ) 

par votre Commission, mais pour déduire d'un excès de 
fumure ou de taille la maladie de la vigne, il faudrait avoir 
enrégistré une somme suffisante de faits positifs ; il reste- 
rait encore à expliquer pourquoi des vignes fumées avec 
soin ont échappé à l’oidium tandis que d’autres qui n'avaient 
reçu depuis longtemps aucun engrais ont été atteintes. 

Influence des rayons solaires. — Un honorable pharma- 
cien de Chambéry (Savoie } a écrit à l'Académie des Scien- 
ces de Bordeaux une lettre que l'Académie a bien voulu 
nous communiquer et qui porte la date du 29 Novembre 
1852. L'auteur de cette lettre, M. Carret attribue la mala- 
die de la vigne à l'influence pernicieuse que les rayons s0- 
laires exercent, dans certaines circonstances, sur les plan- 
tes gorgées d'humidité. M. Carret fait observer d’abord que 
l'affection dont il s’agit, n’a frappé que des exogènes , c’est. 
à-dire, des plantes dont l'accroissement s'opère de l’exté- 
rieur à l'intérieur ; et que parmi ces plantes, celles dont le 
tissu cellulaire s’est trouvé le plus dilaté et le moins réfrac- 
tif, ont été les premières atteintes et les plus mal traitées. 
D'après M. Carret, le mal aurait été d’autant plus intense et 
d'autant plus général, que les plantes plus dilatées par l'hu- 
midité se seraient trouvées exposées pendant ou immédiate- 
ment après une pluie , à des rayons plus ardents. 

L'Oidium. — L'oïdium est pour nous le symptôme le 
plus caractéristique , le plus général de l’affection dont la 
vigne est atteinte depuis quelques années. Non-seulement, 
nous l'avons observé sur les vignobles que nous avons 
visités dans le bordelais, mais nous avons pu constater son 
identité sur les échantillons qui nous sont arrivés de Paris 
et d'Orléans. Ce n’est pas tout, le Gouvernement ayant 
chargé M. Rendu de parcourir les pays que le mal avait en- 
_vahi, M. Rendu a vu l'oïdium aux environs de Bordeaux et 
dans le midi de la France, puis s’étant rendu à Turin il a, 


DER SS 


( 327 ) 
lui aussi , constaté la parfaite identité de notre oïdium avec 
celui qui infestait les vignes de la Sardaigne et du Piémont. 
D'ailleurs, une notice récente dont nous vous proposerons 
de publier la traduction , ne nous laisse aucun doute sur 
l'entière similitude, sur la concordance frappante qui exis- 
tent entre la maladie observée en Italie et celle que nous 
avons étudiée à Bordeaux. 

Cependant, nous sommes loin de considérer l’oïdium 
comme la cause d’un mal dont il ne peut être que l’un des 
effets. L'oidium est une moisissure ; comme toutes les moi- 
sissures il exige pour son développement la préexistence 
de certaines conditions indispensables à sa vie; ce n’est 
donc pas lui qui vient tout d’abord altérer le tissu végétal, 
il nous paraît évident que ses imperceptibles semences ré- 
pandues dans l'air attendent, pour germer, un concours de 
circonstances dont il profite mais qu'il ne produit pas. — 
Nous en dirons autant de l’acarus. 

Les Insectes. — Vous êtes peut-être surpris, Messieurs, 
de m'’entendre prononcer pour la première fois le mot aca- 
rus. La Commission n'ignore pas le rôle important que 
certains naturalistes ont fait jouer à l’acarus pour expliquer 
la maladie de la vigne. Aussi a-t-elle constamment recher- 
ché avec le plus grand soin dans toutes ses observations 
l’insecte dévastateur ; ses recherches ont été vaines ; l’acarus 
ne lui est jamais apparu; elle n'a observé sur les diverses 
parties de la vigne malade aucune espèce d’acarus. — Mais 
l'acarus se fùt-il montré à ses regards, qu’elle n'aurait 
certainement pas hésité à le considérer comme un des acci: 


dents de la maladie, Elle est heureuse de se trouver d'ac- A 

cord à cet égard avec l'opinion de l'un de vos collègues qui 

est en même temps l’un de nos entomologistes les plus dis- 

tingués. Vous n’avez pas oublié que M. Léon Dufour , con- 

sulté par vous au sujet de l’acarus, vous écrivait le 18 avril 
rnier : 


( 328 ) 

_« La vigne, dans sa turgescence végétative, peut être 
» frappée par un élément morbide qui en trouble les fonc- 
» tions intérieures , sans que cette atteinte initiale se révèle 
» en aucune manière aux yeux du vigneron le plus intelli- 
» gent, le plus clairvoyaut. Plus tard, la circulation de la 
» sève languit, la coloration s’altère , les tissus se dénatu- 
» rent, la maladie gagne , la mort s’infiltre partiellement , 
» les parties tendres ou pulpeuses subissent les décompo- 
» sitions chimiques. Le propriétaire s'alarme, il voit, il 
» pense, il réfléchit, il se plaint, et pendant ce temps , les 
» propagules atmosphériques de l'oïdium s'arrêtent sur les 
» raisins en voie de pourriture; ils y trouvent les conditions 
» les plus favorables pour germer et se multiplier à l'infini. 
» Des insectes de divers ordres , obeissant à la mission pro- 
» videntielle de diminuer , en s’en repaissant , les éléments 
» putrescibles, accourent de toutes parts pour confier à ces 
» foyers de mort les gérmes de vie de leur progéniture. 
» C’est dans cet état de maladie incurable, de gangrène- 
» envahissante , que le savant armé de sa loupe , et, qu'on 
» me passe l'expression triviale mais juste, ne voyant pas 
» plus loin que son nez, vient proclamer hautement comme 
» auteurs du désastre, ét l'oidium inoffensif et les larves 
» innocentes , et les acarus à divers noms, simples visi- 
» teurs qui ramassent quelques miettes ou cherchent à 
. » importuner les larves. Est-ce là, je le demande, une 
» accusation fondée ? » 

Cependant l’acarus observé l'an dernier à Orléans, à 
reparu, cette année , sur les vignes du Loiret. Deux agro= 
nomes de Lyon prétendent aussi l'avoir trouvé sur leurs 
vignes malades ; mais l’un, M. Fléchet (1), en donne une . 
description qui se rapporte complètement à l’acarus telarius 


_ (1) Maladie de la vigne ; ses causes, ses effets. Lyon, 1852. 


329 ) 
qui n'est pas celui d'Orléans, l’autre, M. Paulus Troccon (1), 
a vu un acarus tracassier , qui saute de branche en branche 
et qui a même la faculté de voler. 


$S VII, FA Conclusions. 


J'ai hâte, Messieurs, d'arriver au terme de ce rapport. 
La Commission aurait voulu pouvoir tirer de ses observa- 
tions une conclusion qui mit fin à toutes les. incertitudes 
dont je viens de vous entretenir, mais elle n’a pu, à son 
grand regret, sortir complètement du champ des conjec- 
tures. Je ne dois pas vous laisser ignorer que même au 
sein de ses délibérations , la Commission a vu s'élever des 
opinions opposées sur la cause de la maladie de la vigne. 
Plusieurs de ses membres , en effet, ont soutenu et persis- 
tent à penser que l'affection qui a sévi sur la vigne est 
purement accidentelle, essentiellement extérieure et par 
conséquent ne prend pas sa source dans une prédisposition 
organique du cep; ainsi pour eux, l’affection morbide de 
la vigne n'aurait point son origine dans la sève et ne pour- 
rait pas avoir sur la vitalité du cep de redoutables consé- 
quences. — Mais la majorité de votre Commission a pensé 
autrement et voici les conclusions qu'elle m'a chargé de 
poser en son nom. 

La vigne a été malade, avec plus ou moins d'in- 
tensité, dans un très-grand nombre de localités. Les 
caractères de cet état morbide n'ont pas été uniformes. 

Ici, l'Oidium seul. 

Là, l'Oïdium avec Acarus rouge, ou avec c‘indure= 
tion brune, ou avec larves d'insectes. ” 

Ici, la Maladie noire seule. 


(1) Note sur la maladie de la vigne. Lyon, 1852. 


( 350 ) 

Là, la Maladie noire avec induration brune, ou avec 
oidium consécutif. 

Ici, l’Acarus jaune sans oïdium, ou avec oïdium 
consécutif, ou avec larves d'insectes. 

Là, l'Induration brune , toute seule. 

Ici, le noircissement de l'écorce, sans ulcère du bois, 
sans maladie noire sur le raisin, sans oïdium, sans 
acarus. 

Là, les raisins malades d’une façon ou de l’autre, 
sans que le bois ou les feuilles fussent attaqués, etc. 

Si l’on considérait chacune de ces combinaisons, ou même 
seulement chacun de leurs groupes bien tranchés, comme 
une maladie produite par une cause différente, il serait 
absurde de penser qu'un si grand nombre de maladies dis- 
tinctes se fussent donné rendez-vous sur la vigne en géné- 
ral, à la même époque , dans des localités diverses, et avec 
des combinaisons aussi diverses que ces localités. 

Votre Commission pense donc que ces divers phénomènes 
sont purement symptômatiques, purement consécutifs à 
une prédisposition morbide de la vigne en général; — en 
d’autres termès, que la vigne est dans un état quelcon- 
que de souffrance qui la prédispose à subir, plus fortement 
que dans les années ordinaires, les altérations qui résul- 
_tent de ces phénomènes communs à d’autres plantes et à 
Ÿ autres époques. 

En un mot, nous pensons que c’est Ja vigne elle-même 
qui est malade, et que les traitements qu’on applique à 
chacun des phénomènes précités, ne peuvent être que des 
palliatifs. 

Pour combattre efficacement la maladie de la vigne con- 
sidérée comme intérieure, comme générale, il faudrait 


( 351 ) 

donc en connaître La cause, et c'est à quoi nous ne sommes 
pas encore parvenus. 

Des influences insaisissables, provenant de l'anosbite 

L'abus de la taille, 

L'abus des fumiers , 

L'affaiblissement séculaire produit par le bouturage et le 
provignage, sans renouvellement de l'espèce par la semence, 

Telles sont les principales causes d’ordre supérieur aux- 
quelles on a songé d'attribuer l’altération si inquiétante de 
la santé générale de la vigne. Espérons que de nouveaux 
faits, de nouvelles observations nous aideront à découvrir 
la cause réelle de cette déplorable altération. 

ci, Messieurs, se termine la tâche de votre Commission : 
sans doute on ne manquera pas de lui reprocher de n'avoir 
pas trouvé la cause du mal dont elle a fait l'objet de ses re- 
cherches. Ce reproche nous épouvante peu. Les hommes 
réfléchis comprendront aisément les difficultés de notre tra- 
vail ; ils savent que le rôle du naturaliste consiste surtout à 
observer , à décrire, mais que lorsqu'il s’agit de remonter 
aux causes, son esprit est souvent impuissant, Ïl nous eût 
été facile, à nous aussi , de poser une conclusion définitive 
à l’appui de laquelle nous aurions groupé , sans doute, un 
certain nombre de raisons et de faits. Mais, à la production 
d’une théorie qui n'eût servi qu'à la satisfaction d’un vain 
amour-propre, nous avons préféré le simple et modeste 
exposé des résultats de nos recherches et de nos observa- 
tions. Mus par le seul désir d’être utiles à nos concitoyens, 
notre unique but a été de jeter un peu de lumière sur une 
question toute pleine encore d'incertitude et d’obscurité. 


Toue XVII. 23 


(332) 


La Commission de la Vigne ayant décidé que es gpaigns 
émises par la minorité sur les causes de la m e la 
vigne seraient insérées à la suite de’ ce rapport , so st 
connaître d’abord celle de MM. Foire Dermbart tis fils 

et Re Elle est ainsi conçue 
.° La vigne n’est pas primilivement , essentiellement malade; 
à 0 La Frs + r Oïid us Tucker est le 's D le signe 
caractéri vigne ; 


° Les sem se = l'Oïdiu um t dans l’atmos- 
phère ne se RS qu’à la condition de trouver un bnhsbatuié 
convenable ; ertaines es extérieures de la vigne semblent 


favoriser ce développement actuel , cela tient à : qé la végétation 

D de ces es parties est AGCIDENTELLE odifiée par Le 
e de circonstances étrangères prets météoro 

giques , Meciques surtout) et indépendantes de la plante D. 

4.0 Nous regardons eomme ete inutiles les ts ns 

s et qui ne s'adressent fluides nutriciers de ne 

( Taille exagérée ou anticipée ; Meur: rption de substances ones 

umure ; Polutio ions ammonia cales, acides , AMEN etc.). 


Voici PTE celle de Le Petit-Lafte, professeur 
d'Agricultu 


La cause de £ mäladie de la vigne, ou mieux, de la maladie du 
i ordre 


tres, que nous Ad trop souv vent contrarier la vigne, 
eme! \ : 


ann 
s-à-vis de cette © cause , - vigne est dans un état absolument 
de 


Vi 
passif ét sans s snemtscr ucune ; rien , de sa part, ne légitime 


art 
le mal qui la frappe momentanément et; ce mal passé, aucune trace 
ne pourra Ra sn existen 
Ce rangé rw a catégorie des maladies, contagieuses 
ou énidémiques qui attaquent pen les hommes ou les 
évident e de l'indépendance complè 


n’est pas la onle à souffrir, et sévit.contre la betterave , 
tomate, , la garance ; etc. , etc., est é, 

séquence des mè causes. Or rrait D que.toutes 
ces De. se sont justement trouvées malades, 


L 
et par des causes nécessairement et complètement différentes. 


; L'opi inion de M. de La Vergne, n ‘ayant été formulée par son auteur qu après 
; la le des travaux de la Commission, n’a pu ni être présentée à cette com- 
ni par conséquent prendre place dans son Lee à 


4 


RE n EN CAAN EE DS EC ir Sp os à 


NES EE ESS BR RP EEE PE RAR A EE SRE TS SUR NE CPR EE ER EE 


nn... 


Vente 
Fi 
= 


( 333 ) 
PIÈCES A L’APPUI. 


Re 
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA COMMISSION 


chargée d'étudier la MALADIE DE LA VIGNE. 


_SÉANCE Du 20 Juucer 1852. 
Présidence de M. LATERRADE père , Pirecteur. 


éance est ouverte à 7 heures du . 
Sont ee nts : MM. Laterrade pue. Directeur, ch. Des Arr 


ischet jeun 

. Ch. Des Moulins ra rappelle à à l'assemblée qu'il a tons dans la 
séance générilé u e ce mois. une Commission chargée, sous la 
présidence de M. le Directeur, d'étudier tout ce qui peut avoir trait 
à la maladie de la vigne; cette Commission se compose de MM. Cui- 
gneau , Desmartis, de Kercado, Ch. Laterrade et Lespinasse. Depuis 
la nomination de cette re M. Si ident à reçu de 
M. pren An ne î 


- 
es 
À. re 
a 
QU 
- 
4: 
&$ 
55 
+ a 
i£ 
Sa 
à 
e 
cd 
HE 


dressé, en conséquence, une invitation . ar Gaschet a 
bién voulu répondre aujourd tal: ver sa prése 
En vertu de l’a Je 56 du règlement administratif de la Société, 
la Commission est appelée à nommer un se rapporteur. M. Ch. 
eh de est désigné p pour remplir ces nas | % l'unanimité moins 
voix 


. Des Moulins pense qu’il est utile et convenable de con 
nuer les rapports de la Société avec le Conseil d’h hygiène ps Pr ce 
du pe 


s'oppose point à ce que les documents qui sont ré Mage en la Fe 

session de la Commission soient communiqués au Conseil d'hygi 

mais il croit que de so n côté, le Conseil ngà En devrait aussi faire 
a Com 

à M. le Préfet de la Gironde. 


remercie r de l'impression de la 
gt . 


, (1) C'est par erreur pin ne mn mu los ie bi. Z pa à Cazenavette 
Co: 

“Dans ous Soc, Sendo ü l'est, de droit , comme le le Président, membre de 

tout t, j'en ai fait partie intégrante dès le premier 


r conséquen 
jour , ainsi que M. Cheval 2 Secrétaire- 
Président de la Socitré > Crances pus Mourams, 


394 |) 

M. l’abbé Blatairou envoie à la er pe article extrait du 
Moniteur du 18 Juillet, et indiquant un t ent de la vigne ma- 
lade au moyen d’un sulrhydrate dk de chaux liquide, “Dépôt aux archives. 
Remerciments à M. l'abbé B 

M. Ch. Late ms = + Éureau quatre flacons renfermant : 

4.0 ar antillons de l’oidium , recueillis en 1851 , par M. Decaisne, 
à Pari 


S; 
2.0 Grappes de verjus atteints enr me à Mérignac, 
chez M. Antoune, le 16 Julllet, par M. Des 
3.0 Grappes de ee atteints mises recueillis à Podensac, 
Le ge à 9 Juillet 


4.0 Grappes de he torrent atteints d’une maladie qui n _. 
pas PORRRE recueillis chez M. Gaschet , à Martillac , le 16 Juille 
e même membre dépose aussi sur le Bureau des bra nches et 8 


feuilles a res pres des mèmes localités et présentant des 
altérations se 
divers échantions Feu examinés séparément par LE rues des 
membres de = san forment le sujet d’une conférence de 
Jaquelle il sie : 54.0 . e oidium existe bien ent ni les 
raisins provenant Fi Mérignac et de Podensac , comme il existait sur 


s 
M. Antoune , à Mérignac. Le mal à sévi d’abord sur une treille for- 
mée à l’aide d’une Variété hybride; il s’est étendu ensuite aux tiges 
environnantes et s’est avancé de pied en pied, pour i dire , 
à pas. M. Desmartis a constaté sur les grain $, et en assez grande 
quantité, de RE ee s larves jaunûtres. 

. de Kercado ; me de la Commission , entre et prend séance. 

M. de Kercado , après avoir comparé les échantillons s déposés sur 

pra cr à avec _ qu'il a rapportés de Paris , constate leur parfaite 
Ll 

. Cuigneau a soumis au microscope l’épicarpe d’une baie de raisin 
atteinte d’oidium , sans exercer sur cette portion d’épicarpe la moin- 
dre compression , et gs l'avoir retirée du porte-objet, il a remar- 


qi sur se pee une masse considérable de pores impercep- 
tibles à l’œil n 
M. eva ES à la Commission quelques renseignemen 


les faits observés p = Se met domaine de pre ps 
ition sous-commission de trois membres 
est purs d'aller à} Martilléc éta étudier les caractères F cette pr 
de 


maladie. M. le ent désigne pour faire partie 
commission : MM. Cuigneau , Desmartis fils, et C e. 

. le Président in ission à fixe: ïe j ur de sa p 
réunion; sur la proposition de M. Ch. Laterrade, il est décidé que la 
Commission ne uée à jour fixe, mais 


que de nouveaux faits es sa Sam nécessaire. 
A 9 heures la séance est lev taire : CH. LATERRADE. 
Adopté en séance générale 4 la Ps le 51 Juillet 1852, 
Le Directeur de la Société, Président de la Commission, J, F, LATERRADE. 


A 


Pre 
STRESS 


(335) 
SÉANCE DU 31 JUILLET 1832. 
Présidence de M. LATERRADE père. 


Présents : MM. Laterrade père, Directeur ; Ch. Des Moulins, Prési- 
dent ; net, Secrétaire-Général de la So ciété ; Cuigneau , 


Gaschet, adjoint à la Commission ; De La Ve er À rc à 
Macau ; Petit-Laffitte, Lafargue, spé ds et Dumou 
Fa séance est ouverte à 8 heures 
e Se donne lecture du procis-verbal de la séance du 20 
Juillet dont la rédaction est adopt 
se Sur le os des échantillons de verjus 
atteints de l’oidium et recueillis 
1.0 A Bordeaux, route de sa 164. 
2.0 à Bordeaux, rue Fondaudège , 185 
3.0 à Bordeaux, rue Durand » si M. me V.e Merlet,; 
4.0 à Podensac, chez M. Perin 


Des Moulins propose à d To d’adjoindre aux 
u 
es a Tresne. | Cette double nie est mise aux voix et adoptée à 
’unanimité. 


Correspondance. 


1.0 Lettre de M. Ch. Levieux, secrétaire du Conseil central d’hy- 

pee publique; le Conseil d’hygi iène fera part à la Commission des 
AR se es de nature à l’intéresser. 

éringuey , de Podensac, annonce que l’oidium a envahi 

les communes de Podensac, Cérons, Barsac , Virelade, Arbanats, 


soit e es fumigations sulfureuses. M. RS joint à sa 
lite ds 'échantillons oïdiés portant les étiquettes st FL 
A. Terrain de grave. — Cépags ns Semillon ; 1.re période de 
mala 


B. Terrain de grave forte. ts dit Courbin- Gai ou Verdet; 
2.me période de maladie. 


C. Terrain de grave. — Sn dr Sauvignon ; 3.me PRE Pur 
aladie. 


D. Terrain de grave forte. — mme Chalosse ; 2 période 
de la maladie. : : 


ant à la nature des cépages, M. Péringuey fai le 
premier atteint a été le cépage dit Chalosse , rs fut are que 

ier par l'oïdium au moment de la maturité ; le le second atteint , 
fut le Cruchinet ; le troisième , le le Verdel; le quatrième , le Sauvi- 
gnon. 


Des remerciments sont votés à M. Périniguey | pour son intéressante 
communication. 


( 336 ) 

° M. Ch. Ag Moulins a écrit à M. G. de Collegno, à Paris, et à 

M. Le rtini r leur demander des HE sur 
l'invasion : je progrès de l’oidium dans la Sar 

4.0 M. le Secrétaire ayant Iu dans le ere +? ä Gironde un 

article ce lequel M. L. Ma see annonçait avoir observé, à La 

Bastide , re de la a vigne sur des raisins atteints de la maladie , 

a écrit teur de l’article pour lui demander des informations 

Dole à Fe sujet. M. Ch. Laterrade n’a encore reçu aucune 

réponse. 


Rapports. 


M. le docteur Cuigneau rend compte à l’assembl lée des observa- 
tions de la Commission qui s’est transportée à Marti le 22 Juillet 
La sous-commission a constaté d'immenses ravages occasionnés par 
une maladie dont voici les principaux caractères : Les-raisins présen- 
tént une tache brunâtre dont le diamètre s’accroit peu à peu, l’épi- 


carpe se fend , la pulpe saltère, le p couvre et se ta 
entour ; aussitôt que l'affection à paru sur. e, toutes les 
u es même pied en sont atteintes; cepend } 
paraît pas y avoir contagion; rarement plusieurs uccessifs sont 
attaqués ; souvent un pied altéré se réncontre a 
ieds sains ; tous eux qui sont atteints présentent d’abord 
sur les feuilles des taches sèches brun-clair ; bientôt ces feuilles se 
nt,.se déchirent et flétrissent. Les taches apparaissent sur la 
vi sans aucune distinction de sol ou de sous-sol, d'âge, cé 


con 
jusqu'ici dans appart et le développement de l’oïdium ; la sous- 
dar un trouvé sur les vignes attaquées ni d'oidium ni 
écht À it un ir sur pa ôbserva tions qu'il a été aa 

à : réelle à Podensac ; le mal est grand dans cette commune -e 
er elles qui pe a c’est : a rester os. Las 1 
ité que, d'évaluer à mille hectares l’étendue 4 

S 


lon fait également Eu ee ures de 5 4 es 
ur i rien ne 


(banc-veret), : + ° prunelat , 5.0 sémillon , sauvignon : etc. 


t attei ue les ceps 
vieux ou d’un âge moyen. Déjà, en Août 1851, la maladie avait été 
observée à Han èt les pie eds qui furent ns à cette époque 
. ont année 1 miers envahis. La marche de loidium 

west point régulière, tantôt il gagne de proche en proche , tantôt il 


(337) 


abandonne eee pieds Se age ressaisir plus tard ; tantôt enfi 
ilyasi 


attaqué. Où donc est le siège du mal? Ne serait-il pas au centre 
mème de “ed végétal ? La maladie qui nous occupe ne serait- 
elle pas organique ? 

Préoccupé à cette idée, M nt a fait Béoçeur plusieurs pieds 
atteints d’oidium; les racines de l’année, celles qui s'étaient nou- 
à 5 


mère. D: 0 
organique et non extéri t que par conséquent, il faut pour le 
co are st s'attaquer à je _ elle-même. Les palliatifs externes 
n'auraient aucun ecès. 
Une ere s'engage à la suite de la lecture de ce rapport. 


MM. Petit-Lafitte et Laterrade prétendent qu’on doit app la 
plus gra tion dans les conséquences à déduire de l’exa- 
men des racines ; ils rappellent la nature des fonctions que ces orga- 
nes doivent i sont 
passagères et La arrive un momen la g 

se a et meurent comme les f ; ces autres 


aériennes, pour céder la place aux bourgeons 
out el _ na ee a la naissance et dont pen gèneraient le deve- 
op 
M. res A Vergne ne vs ue 7. y ait aprem e égalité des 
phénomènes morbides s même pied. treille sé a 
observée, un gr raisin o Fe ; jusqu'ici attaqu “E 
Desm: servé, à”Saint-Loubès,: des vignes ataquées 


M. 
‘comme Mes: . Mare; cette affection a surtout envahi le cépag, 
erlot. 


connu sous le nom . 
Sur ur à proposon de M. h. Des Moutis, et pour répondre aux 
vœu manifesté par de nombreux api + Lee décidé les la 
Commission publiera das dans les journaux quot un résu 
e chacune de ses ee “: en ättendant impression nd 
compte-| A Rénéinl de ses tra 
A dix heures et demie la PR . ve. 


Le Dore D rh 2 Je Larsen 


Le Direcleur de la Société, (président de là Comeission, 
F4 LATERRADE. 


( 358 ) 
SÉANCE DU 11 AOÛT 1852. 
Présidence de M. LATERRADE, père. 


La rpete est ouverte à midi et Lys quart.— ne présents : MM. de 

Bonneval, Bouchereau , Cuignea rc > ; Ch. Des Moulins, 

Gaschet , de Kercado, Laterrade co re, C h. Late rrade, de La Vergne. 
à procbs=ve rbal de la séance du 51 Juillet est lu et adopté. 


0 «st de raisins oïdiés, recueillis à Mérignac, sur la pro- 
priété de M. Brian, 4 Août 1852. 


2,0 d.° d.o recueillis à Pauillac, chez M. D’Ar- 
: mai 
3.0 d.o d.o recueillis à Ambarès , ‘chez M. de 
La mothe , 5 Août 1852. 
4.0 do d.o recuei à Bordeaux , rue Saint- 
rles ( Un Ste-Croix }, le 
40 Août he 
5.0 Échantillons de raisins ( chasselas mériei t), provenant de 
G et présentant l’oidium (| De. siliceuse et légèrement 


ignan 
me per Pud Vi . Août 1852. 

llons de raisins muscat , présentant la maladie noire, 
Se ger à Floirac chez M. Laliman, 3 Août 1852. 

7.0 Échantillons de raisins , présentant la dass noire des graines 
seulement ( cépage l'aramon }, 8 Août 1852, domaine de Lamothe 
à Am sablonneux. Les flages, les feuilles et les ceps 
paraissent être encore parfaitement sains. ir maladie se montre 
ee sur les muscats de la mème propri 

.° Échan re À de raisins, présentant les sn caractères ( cé- 
pa, . appelé merlot }, sur la mème propriété, mais à une distance 
fort éloignée de l’aramon ( vignes pleines , plantées en ran 

uchereau dépose sur le bureau un échantillo al tree rss 
attaqué ro té de chez M. Faucon, jardin ier à Bor- 
eaux, chemin c. La feuille et le bois sont aussi très-forte- 
ment out L'insion a commencé par le cépage la Madeleine. 

M. ee D.r eau donne lecture d’une lettre qui lui kg adressée 
par M prop riétaire à gaux, M. . 1 donne sur 
la HR d'intéressants détails et envoie à la Commission huit 
rs tillons plus ou eh gravement atteints , Ébioetés pan il 


° Carmenet sauvignon , 8 ans. Margaux; terre argilo-siliceuse. 
Bas fond. vigne b 
2,0 Merlot, + ne Périssan ; terre noire , argileuse, forte , bas- 
fond; vigne 
3.0 Muscat , ‘8 ans. Soussans ; terre noire , argileuse , forte, bas- 
es treille 
° Ca rmenet 25 ans. Soussans; terre noire, argileuse , forte, 
rs fond vigne vigne dr . 
o° ans. Margaux. Terre bâtarde, pierrée , argileuse , 
forte, bas-fond : vigne haute. 


PR NET DA AL No En SI 


; 
4 


( 339 ) 


6.0 Verdot ( og . }, 25 ans. Een me Terre noire , argi- 
leuse, terrain fort, bas-fond; vigne hau 

7.0 Carmenet fu nm, 10 ans. “Margaux. Terre bâtarde, pier- 
rée , argileuse, bas-fond; vigne hau 

8.0 Malbec, 8 is Margaux. rate sablonneuse dessus , argileuse 
per le bas-fond ris 

. Ch. Des Mou s deposb ur le bureau des chasselas oïdiés, 

recueli _ les dois de son feniin à Lanquais ( Dordogne }, le 

er 852. 


Correspondance. 


° M. de Kercado devant . sorts très-prochainement aux Pyré- 
a 4 demande et obtient un congé. 
2. une i de Te ulouse, donne à 


rs 
3.0 M. So ulé, ___ du esse tiassprs. donnera com- 
munication à la Com ssion des ce Conseil , en ce qui 
concerne la pe rs _ Le vigne 
4.° M. Bouchereau signale la présence de la maladie à Carbon- 
nieux et à Léognan. 
= M. Rodrigue Doria , chargé d’affaires de Sardaigne , a demandé 
r la Commission , - souverne ement Sarde, des documents sur la 
arr _ le __ 
. M Collegno écrit de Wiesbaden, que lincision 
cep se raît avoir mn pratiquée avec succès e n Italie, mais qu’il 
ne pense pas ee. un tel procédé soit sans pr pour la 
u vin 
7.0 M. Ad. D'Armailhac , vs Pauillac, Je constatant l’existence 


l’oïdium , dans cette partie doc , remarque que pes à 
principalement développée d'abord es | les fonds bas et hum 
° M. B. Coudert rend co te d'expériences faites par lui | Done 


la ou de l’oidium; c rest avec succès qu’il a traité le cep par 
potasse, et le grain par l'acide nitrique. 
9.° M. de Lamothe, d’Ambarès, envoie à la Commission des 
Has PAR de la maladie noire déjà signalée dans plusieurs 
ocalit 


= 


Causes de la maladie. 


e D.r Cuigneau, ass 3 quelques-unes des propositions 


* par M. Gaschet, dans la dernière séance , ne partage pas 
l'opinion de l'honorable Re gs causes de la maladie 
rence de ve pourrait bien n’être pas trang 
au mal, en ce sens qu’elle eg à pro les circonstai 
au ne ment ’oidium. ee 
M y es aux i M. u plusieurs 
pere Le 16 Mai 1832, une ne de vigne fat grêlée; 
le lénémnain +, taille de cette vigne; une seule 
manne avait été préservée de la grêle, on la nt 


respecta ; cependa 
l'oïdium l'a envahie ; l'appauvrissement de la sève ne serait donc 
pas un moyen à employer pour empêcher la maladie. 


( 340 ) 
Une conférence s'engage sur les causes générales de la maladie 
des es et sur les effets qu’elle pourra produire sur le cep lui- 


M. A Les ayant interrogé M. Louis Leclerc sur cette dernière 
estion , il lui a été répondu par cet agronome mr amie la 
vigne atta aquée par l’oidium n'était point frappée le mort, © 
plusieurs le craignent, puisque d és Pan dernier, 
ont donné cette année de vigoureux rejetons. rs ste, ajoute 


, des s vighéiles appartenant au canton de Sau 
M. Ch. Des Moulins fait remarquer que la maladie, he orga— 

nique pers ’attaquer exclusivement que les parties annuelles de 
la Em e 

Ch. La terrade pense qu’on a trop souvent corne à lPatmos- 
_. la cause des maladies observées sur les êtres organisés ; toute- 
fois, en présence des altérations si no sou et si variées que 
présentent uis quelques temps surtout un aussi grand nombre de 


plant n d t-êt ger investigatio 
vers le domaine de la météorologie; il sera peut- util _ 
chercher Le durant 10 o es qui viennent de sm la 


notable, 
si le déboisement des mon tagn nes, par ex Sa # ; D’a pas eu pour 


résultat indirect, la production des phénomènes morbides qui appa- 
rt de tous côtés sur les vignes, sur les tubercules et les arbres 
ruits 
M. Ch. Des Moulins ne croit pas ru la moyenne d’eau tombée à 
la surface de la ee ait éprouvé de changements sensibles, de ma- 
nièr conditions climatériques de notre pays. 


Caractères de la maladie. 


M. Desmartis fils, communique à la Commission, la suite des 


tions, qui re à 20 jours environ, le m beaucoup aug- 
- martis croit qu’on po t établ de ien 
ts dans les progrès de la maladie : 1.er degré : taches violacées 
et oïdium ne feuilles et sur le grain ; 2.me degré : distension de 
l’épicarpe et issure ; en outre , taches noirâtres ou plntôt 
r les feuilles et sur le fruit; 3.me 

de Ten , Sortie du pepin , perte à 

membre entretient la Commission d’une variation de la 


Le même 
maladie pus : pres vée le 8 Août, chez M. Guérin, route de Tou- 
louse, 275, et le 10, à Saint-Loubès. Dans ces deux propriétés , 


ra 


RE PSE OR ESS IE TRE SOC ER 


PP PE RE TR A Re 1 ET EE Siren 


Sr UE à 


( 341 ) 
Moyens curatifs 


M. de Kercado me RP on faites avec succès, à Latour , à 
| Vide de la chaux 
M. Bouchereau re sur le bureau une note de M. Vézu, phar- 
macien , à Lyon, et membre de la Société d'Agriculture de cette 
ville. M Vézu conseille l'emploi du sulfate de protoxide de fer dans 
les RE pres de 250 grammes de sulfate pour th à 20 litres d’eau. 
sages r 


térés. 
M. C à He À 2 FE mi + £. 
serres, à Paris à Versailles, sur l'indication dei M. À. rgmann. Les 
tuyaux qui im les serres aya Fa légèrement humectés , on 
les a saupoudrés avec eur ufre; on a ensuite chauffé le 


pre pes , il y à eu production et dégagème ment d'acide sulfureux. 
is. 


Maladie noire. 


M. Bouchereau, interrogé sur la maladie noire du raisin , déclare 
que cette mala die existé de tout temps et qu’elle a surtout & évi 


gne et de la Turquie, RS en France, présentent cette affee- 
tion tous les ans. 


Publicité. 


de La Dre expose à » eme qu'il a tree de 
publier dans les journaux une e d'articles sur la mala de la 
vign i 


teur 

qu’il lui conviendrait d'employer ; il demande à la Com ni 

si es cs re as d’inconvénients à l'exécution de son projet de 
Ait assez longue discussion nécessitée par la näture d’une 

proposition que He des usages constamment suivis A 
Commissions scientifiques, dont le but et l'utilité ga à unir 
et à con e qu travaux person 

; ion décide qu'elle ne s’opposera 
des desirs de M. de La Ve , Mais Le du 


séance , communiqué journaux 
l'énoncé de la condition sous laquelle, seulement, il est permis à la 
Commission d'accorder st tement. 
Cette condition consiste à déclarer que la publication quelle qu’elle 
soit, ne de La Vergne , demeure totalement “érangère à Com- 
et à ses travaux, et que la Commission n'entend donner au- 


( 342 ) 
cune sorte ses: se d'improba tion à la manière dont pourra 
être traitée une question qu’elle n’a pas eu br ind d'étudier assez 
roro al pour faire — son opi 
is heuses et demie la séance est ras 


Le Secrétaire rapporteur : CH. LATERRADE. 
Adopté en séance, le 31 Août 1852, 


Le Directeur de la Société, Président de la Commission : 


J.-F. LATERRADE. 


SÉANCE DU 31 AOÛT 1852. 
Présidence de M. LATERRADE, père. 


La séance est ouverte à 2 heures et demie. — Sont 
MM. Laterrade père, Ch. . us mu Desmartis fils, 
me Ch. or de ergne , Lespin 

secrétaire donne e vd du prove de la séance 

du 11 . nat dont la rédaction y 

M. le secrétaire dépose sur le b ps échantillons de raisins 
re , provenant de pm localités , de Sauveterre, entre 
autre 


Correspondance. 


4.0 M. Star À Large de la pe d’horticulture d'Orléans , 
écrit à la Com n pour lui donner quelques renseignements sur 
la maladie de la … et le développement du cryptogame dévasta- 


teur. 

2.0 M. Jullien Crosnier, d'Orléans écrit le 11 quid os cette 
époque , l’acarus commen ce à paraître sur les 

5.0 M. Oct. La Montagne, de Casteluoron AlDret,. en de 
parcourir le Fronsadais et Saint-Émilion sans y avoir découvert 
d’oidium. M. La Montagne rappelle que pa Parlements défendaient 


sente 
l’ana logie ea "É croit exister entre la 

maladie des des ne at celle ee on s pese 

rtini , de Turin rendan ü congrès de ur “2 
remet op cette vie, au réient de la Société Linnéenne 
documents qu’il lui a promis. 

adri rigu ke “Doria, so e à la Commission deux brochures 
publiées à Turin, sur la maladie du ps, rs est un rapport pré= 
senté DU N le D” 


( 343) 
__— à eh En sa et Ch. Laterrade, qui sont chargés de faire 
Ron e qu’elles pourraient spots ir de plus important. 

0 2 “Ve ergne ar la Commission la série des pro- 
positions pe ‘il.4 es ntion de rare je les feuilles quoti- 
diennes de Bordea 

8e] éon Dufour , de eee à ee _ re ge rat 
les passages suivants : . m dem meur Ux , 
» l’effet d'un état pat pa : E” la em pes et St 4 ph D 
» par un trouble _. la vitalité de la tige et sans doute aussi de 
la i 


» appartie nne au Tuckeri; adhuc sub ais lis pri Quant à la 
» diffusion des seminules comme produisant la maladie, je ne saurais 
» y croire 
9.0 M. id: de Lesparre, signale l’existence de l’oidium dans 
cette PS 
; 10.0 M. Denisse sale aussi ses ravages dans le canton de Sauve- 
gs 
de Bryas , d’ ne, adresse à la Commission, es raisins 
d Fe is pédicelies attaqués, d esséchés à ae point de jonction avec 
le grain, produisent sur celui-ci une induration qui a quelque loue 
avec © rt pere t les raisins oïdiés. M. de Bryas joint à pur 
envoi des feuilles d'arbres forestiers et de divers sbastes qui 
aussi des altérations sensib 
12.9 M. Corne , de Libos (Lot-et-Garonne ), envoie à la Commis- 
Sion deux vers Ross sur un cep de vi 
43.0 M. le D.r de Lamothe RE que la la maladie noire a attaqué 
dans sa si pes presque tous les cépages par a du Midi; le 
erleau , surtout , présente les éraions les plus graves ; er ra 
vages ex loidium® sont à peu près 


Communications verbales. 
MOYENS CURATIFS. 


M. de Les Vergne a essayé de traiter les vignes atteintes d’oidium , 


Par des moyens qui ont jusqu’à présent, le sulfhydrate 
de chaux , le lait de chaux , la sciure de hule. etc. moyens n’ont 
eu pour résul qu'une disparition plus ou moins complète des phé- 
nomènes es t pas tardé il n’en a pas été 
ê vec le aci jà employ dans 


de ch ou Dlutéé de de RS : -dessous de Toile, par un 
un procédé très-simple , l'opérateur "fait dégager une certaine qua 


je 


red 2 

tité d'acide sulfureux. Deux après , la couverture 
est enlevée et l'effet de l'acide : mn en sors M. de La Vergne 
assure que ue procédé est, à très-peu de frais , applicable à la 

de € 

Sur la proposition de M. Cuigneau, une sous-commission, Ccompo- 
sée de MM. Cuigneau et Ch. Laterrade , est chargée de suivre les 
expériences de M. de La Vergne et d'en faire un rapport à la Com- 
mission. M. Petit-Lafitte est adjoint à la mn me 
. Gaschet i fai 


puis un mois, l’a contraint d’ajourner ses expérimentations. 
Rapports éerils et Mémoires. 


Desmartis fils, lit des notes dans pare À à s'efforce de dé- 


M. 
montrer la nécessité de s'occuper de la position de l'air et des 


par r M. ; dan e des sé écédentes , sur la simulta- 
néité ve mere morbides qu présentent ia vignes oïdiées. 
e mème membre termine ses observations par l'indication de 
quatre maladies Do d’après lui, “eauseraient cette année les ravages 
dont se plaignent les viticulteurs. 
Effets de l’oïidium sur le vin. 


Qulques personnes se sont j'aérshéé si la qualité des vins he 
Ch. 


up 
ment pour être convertis en vin. La Commission, reed partage 
l'avis de M. Ch. Des Moulins et adopte sa propositio 
A 5 heures la séance est levée. 
Le Secrétaire rapporteur : CH. LATERRADE. | 
Adopté en séance, le 28 Septembre 1832. 
Le Directeur de la Société, Président de la Commission : 
J.—F. LATERRADE. 


PPT et ET RE MI PRES PP ORNE E TE PEN A 


RSS DIR de ne En ceis ÉRr ec PUS NU dE Sen qe pe du 5 Le 


( 345 ) 
SÉANCE DU 28 SEPTEMBRE 1852. 
Présidence de M. LATERRADE, père. 


La Séance est ouverte à 3 re — Sont présents : MM. Lat 
rade , ets ; sel ses s fils, Gaschet, de La Verger; 


rrad 
Le RSR E be de séauré du 51 Août est adopté, 
Correspondance. 
M. Th. Régère , médecin-vétérinaire , envoie à la Commission une 
note sur Ja maladie de la vigne. M. Ré égère attribue la maladie à la 


le dessèchement du sol, à l’aide de fossés couverts, pratiqués de 
dix en dix mètres, et dont les sarments fourniraient les matériaux. 


Moyens curatifs. 


M. le D + ner pote , au nom de la sous-commission 
désignée ra la séan écédente , un PpDÉ sur le mo REee cura- 
tif, proposé par l’un ue. a res "de la sous-commission, M. di 
La Vergne. La sous-commission + opéré, 96 r Septembre , sur des 

a les symptômes 


u lieu 
le 15 et le 17 Septembre courant, Elle n’hésite pas à déclarer que 
les effets de l'acide sulfureux lui paru extrèmement satisfaisants. 
Elle à pu constater, en effet , que ’oidium avait été détruit sur les 


s té proc k 

tee sulfureux n Et pas été produit àvec assez de rapidité, les 

feuilles a | péri, sans cependaïit, que les jeunes bo 
souffert ior 


u ce on fication avait échappé à l’ex= 
EDS vs tri avait continué à exercer v: 
Sur cette ramificatio e e pied pr ae partout ailleurs 


nt sains. En conséquence, 
propose | 
1 7. voter des remerelments à M. de La Vergne Rare 
tante co ication. < 
2.0 See ca M. de La ere de 


àe r son procédé comme moyen d 
lou et prophylactique de la maladie 


De f: plie ee 2 aux viticulte paie en sé 
ts Taes hors 
heureusement les ie de l’oidium leur en fournissent Voccasion. 


( 546) 
Les conclusions ! . le + à ral _successivememt discutées et 
s Aux Voix, SO ptées à l’unanimité. 
‘ Les journaux pre ns ait cer au public le moyen employé 
ar M. La Vergne. — Voici à quoi se réduit ce procédé : Un 
elOp 


minute , deux travailleurs Fr ainsi encapuchonner un cep 
rs on suspend à la partie ihférieure du pied , aussi bas “pe | a 
ble, un petit godet contenant de la fer e soufre et un 


c 
dans tout l'appareil. Deux minutes suffisent pour que l’action du re- 
mède soit produite. On enlève 'aphireil et on le transporte 
autre pied talent infesté 


Emploi des raisins oïdiés. 


M. Gaschet regrette que la Commission se soit prononcée 
manière peut-être trop : AT , dans la dernière séance , en ce eq 
concerne l'emploi des raisins oidiés , dans la vendange e. Ce membre 
pense que les raisins tardivement envahis par le cryptogame peuvent 
être et seront indubitablement employés dans la fabrication du vin 

M. Ch. Ps terrade, à AE LS de l'opinion qui. vient re émise, 
cite les cantons de fa ù lan dernier on a fait du , dans 
Le pa éleinn ” ju assez grande | qésdtité PE isins 
oïdiés. : 


Marche de la maladie. 


des renseignements fournis par plusieurs membres, que 
apres de l’oidium sur le bois et la feuille, deviennent chaque 
fra, me sR ts. 
het signale certains cépages que l’oëdium semble lerait 


e 
muscadet , le sémillon, le blanc verdet , etc., tandis que l’enrajat, 
ntrai montrerait plus rétif à l'invasion de la maladie. 

A 5 heures la séance est levée, 
Le Secrétaire rapporteur : CH. LATERRADE, 
Adopté en séance, le 18 Novembre 1852. 
Le Directeur de la Société, Président de la Commission : 
J.-F, LATERRADE. 


(547) 


SÉANCE DU 18 NOVEMBRE 1852. 


Présidence de M. LATERRADE, père. 


La séance est png # n° men 


Membres présents : père, Ch. Des Moulins, de 
Bonneval, de Kercado, re sable Petit_Lafitte 


Le procès-verbal de la séance du 28 FAR est lu et adopté. 
Correspondance. 


M. Edm. Boissier écrit de Genève , en date du 26 Septembre, que 
l'oïdium a envahi les vignobles situés entre Lausanne _ dei à ; en 


Piémont , dans le comté de Nice, la eo ction est nsi dire 
complète , et rien de plus rare que de voir dans ces gérer une 
grappe de raisin bien conservée 


M. le Dr is cd fait remettre à la Commission, par l’intermé- 
diaire “ M. Ch. Moulins, la traduction de deux notes extraites 


de la 
Sr araîtrait avoir quelque rapport avec celle dont on s’ coupe ir 


Communications verbales. 


M. Ch. Des Moulins dépose sur le bureau une feuille de campanule . 
qu ’il croit ok pri au Campanu ula ea be 2. — ? 
ure de cette feuille, présente en assez gra mbre, 
us _ Fe e très- vif et By semblent pie ar à Fons 
observée l’an dernier, à Orléans, sur les vignes malades. 


mmission examinent, à la ss. à : au 
la forme est e elliptique et qui 
Pere on) 


tio M. la 
gr tout “a mal à un acarus dont les caractères seraient ceux 
elari 

M. Bor nneval dépose sur le Rriqu- ont branches de vignes 

pe. pue propriété située à Soussans. L’épiderme de ces 
nches est d’un noir foncé, et le marre a Santé a ue cette 

prono etre rome aussi sur beau coup de sujets à la | 
interne de l'écorce. - 


M. le Président dé la Société RS mo annonce à la sion 
que la Société est disposée à voter la somme qui sera nécessaire à la 
publication de ses travaux. 


Toue XVII. 24 


( 348 ) 
Nature de la maladie. 


h. Des Moulins, résumant les faits observés et les documents 
recueillis ar la Commission, croit pouvoir en conclure que, s’il est vrai 
t : m î 


il est incontestabl ssi, qu’e prés es 

phé nes divers suivant les diverses localités , tantôt offrant à 

l'observateur des acarus sans l’oidium, tantôt l’oid S acarus , 
tôt enfin, se couvrant d’une sorte de lèpre noire et n’offra 

ni acarus ni oidium. r lins , 1 Po a à 

de ce double fait, est cell e-ci : C’est qu <= yad . pi _ 


se t-Lafit 
Pr " croirait plutôt © à l'influence de certain ants atmos— 
phériques. Ce sont les vignes les plus belles, = éndsés dans les 
illeures condi intes. Ainsi 


à Macau, la vign t plus venir qu’à x fumure et de 
ins de tout genre, c’est à peine si l’oidium w’au 
centre du Médoc, à Cissac, où la vigne es F ben. le mal a 


. de Bonneval pense comme M. Des Moulins, qu’il y a dans la 
sine une cr rose a L maladie, un affaiblissement de la force 
mé La e du m us échappe jusqu’à pee mais cette 
e ne de sr d'effet dé Au des individus prédispos au déve- 
pr nt des bé omènes morbides qui ont été observ = 
A 4 heures ?/, la séance est levée. 
Le Secrétaire rapporteur : CH. LATERRADE. 
Adopté en séance, le 2 Décembre 1852. 
Le Directeur de la Société, Président de la Commission : 


J.-F. LATERRADE. 


SÉANCE DU 8 DÉCEMBRE 1852. 
Présidence de M. LATERRADE, père. 

Membres pré Ba Laterrade père , Ch. .Des Moulins , 
Gaschet , Dee de Kercado “os zenavette de Per Petit. 
Lafitte , Cu uigneau , uns pa fonctions de secr [étaire , en remplace- 
ment de Laterrade. 


Le procès-verbal de la séance du 18 Novembre est lu et adopté. 


( 349 ) 
È : Correspondance. 


MM. Ch. re et Bouchereau s’excusent de ne pouvoir 
assister à la séanc 


Rapports. 


M. Cuigneau lit un rapport tr sur Li Mémoires italiens 
transmis à la Commission, par M. Ch. Des Moul 

Ces deux Mémoires ont pour titre : 

1.0 Rapports sur la maladie des raisins; 

2.9 Instruction populaire sur la maladie de la vigne. 

Ces deux Mémoires sont du mêm ; # le Dr Bertola, 
membre de l’Académie royale d’ Jecniote gs Piém 


Après avoir analysé très-soigneusement ces deux print le 
rapporteur fait remarquer, avec juste raison, que l’o rait qu’ 
substituer aux noms des localités italiennes , ’celles sn département 
de la Gironde , pour avoir un tableau exact de la maladie parmi nous. 


Le er conclut à ce que , quand. la Commission aura com-— 
plété et publié ses travaux, son président écrive au nom de la Com- 


n CH 
à Commission au coura x personnels, soit de 
ux de la savante pr . laquelle à il fait partie. 


Ces conclusions sont adoptées à l’unanimité. 

M. Ch. Des Moulins propose 4 voter l'impression du rapport de 
M. le D.r Cuigneau, ainsi que celle de la traduction ru que ce 
membre a faite de l’Instruction populaire du D.r Bert 


Cette proposition est réservée et le ee KE es gore doit 
prendre sa place dans les travaux de la Com 


Oran En na À na à ru _ cl conclusions , 
e ns se 
so ul 
ainsi que M. Ch. Des Moulins avait proposé de le faire dans la der- 
nière séance. 


Celle de M. Ch. Des Moulins, est ainsi conçue : 
« La —. : _ malade, avec plus ou pr 
bre de localités ; les caractères de cet jé, dans morbide. 
n’ont pas été “unifo rmes. 
» Ici, l'oidium seul. Là, rar avec acarus rouge , ou avec 
indur uralion brune ou avec ec larves d ‘insectes. Ici, la ma 
seule. Là , la maladie noire avec induration brune, ou avec ga | 


(350) 


consécutif. Ici, l’acarus jaune { Telarius L. ) sans oidium , ou ave 
i ité par M. : 


oïdium consécutif ( Guérin Menneville , cit r M. Troccon ), ou 
larves d'insectes. Là, l'induration brune , toute seule. lei, le noir- 
ss. ’éc sans ulcère du bois, sans maladie noïre sur 


sa 
e raisin, Sans mm, sans acarus. Là , les raisins malades d’une 
façon ou ? de l’autre , sans que le bois ou les feuilles fussent attaqués. 
« Si l'on Sr pi Se de ces combinaisons , ou même seu— 

ü s 


ement chacun roupes bien tranchés, comme une maladie 
produite par vd pires “difére te, il se ab nser qu’un 
e de maladies distinctes se fussent do ez 


vign 
rien et avec des combinaisons aussi diverses que ces localités. 
» Je pense donc que ces divers phénomènes sont purement 


tent de ces phénomènes arrae à d’autres plantes et à d’autres 
époques 


» En un ee je crois _. c’est la vigne elle-mème qui est ot 4 
et que les traitements qu applique à chacun des phénomène. 
précités , ne ste tre pes des palliatifs. 

» Pour combattre Le la maladie de la vigne, © : 
comme Hieioute | comme générale, il faudrait donc en connaître {a 
cause, et C ’est à quoi iidas ne sommes pas encore Rs: 

» Des influences insaisissables , pa enant a qe = labus 
de la taille,  : des fumiers , l’affaiblissement séculaire produ uit 

le bout et le Farm à sans ri l'espèce 


par 
par la 
» Telles sont les principales causes d'ordre dE ne ge auxquelles 
ona songé d'attribuer l'altération si réner er de la santé générale 
de la vigne. ns que de nouveaux faits, de souviles observa- 


nn og __—— à découvrir la cause réelle de cette déplorable 


A cette opinion, adhèrent MM. Laterrade père, Cazenavette , ” 
me ges es mt ke Bonneval, Caicht, et, dans I a séan 
Bou 
mp “ ava rs on renvoie à la prochaine séance une commu- 
nication de M. Th. Desmartis. 
La prochaine séance est fixée au Jeudi, 9 Décembre, à 3 h. ‘/ 
La séance est levée à 4 heures 5/4. 
Pour le Secrétaire rapporteur : CUIGNEAU. 
Adopté en séance, le 9 Décembre 1852. 
Le Directeur de la Société, Président de la Commission : 
JF  LATERRADE. 


ture qui lui as contraire , <. ’tro posée à recevoir les 
infl adies. 


(351 ) 


SÉANCE DU 9 DÉCEMBRE 1852. 
Présidence de M. LATERRADE pis 


Sont présents : MM. Laterrade père, Ch. Des Moulins, Cazena- 
nn Gaschet , Petit-Lafitte , pris fils, de Bonneval , Bouche- 
de Ker cado , Cuigneau | Ch. Laterrade. 
La séance est ouverte à 3 heures. 
M. le Secrétaire lit le procès-verbal de la séance du 2 Décembre 
dont È rédaction est adoptée. 


. Correspondance. é 


M. Ch. Des Moulins communique à la Commission une lettre de 
M. Magonty ER pan ares ant une branche de sarment couverte 
de Cocc s. M. Magonty émet sur les causes de la mala = » Ja 
vigne , mes a de ion complètement cine à celle que M. 

Moulins a développée dans la dernière s 


Btémnoires et Rapports. 


M. Gaschet dépose sur le bureau deux raisins cueillis récemment 
des 


à Podensac, sur des ceps qui avaient été oïdiés; e , COM— 
plètement noirs et dessséchés sémblent carbonisés ; cependant, le 
pédoncule paraît sain. M. Gaschet donne d'intéreseants détails sur les 


art à la Commission de quelques observations auxquelles il s 
ivré touchant de la vi ses idées, 
M. Gaschet dépose sur le bureau : 1 rments complètemen 


morts et provenant 4 ceps ed 2,0 du vin fait avec des raisins 
oïdiés. Ce vin dégusté par MM. les membres de la Commission, est 
d’une qualité Jétéstahls. 


M. Bouchereau, qui n’assistait pas à la dernière séance , invité à 
+ gr 4 opinion sur les causes de la maladie, la formule en 


(a ne vigne, re en 1852, Fr : Gironde , par une er 
vait prédisposée à 

uences pernicieuses de plusi ae 

» Aussi, ra ail fait irruption pe nos mood s 2: — 
temps que d'au PR 

» Les remèdes Les contre l'oïdium n’ont été que des pallia- 
tifs , parce que pour guérir la vigne malade, Noeut Mi l'oeur 
de mien 4h die ee troutll Fintée : c'est-à-dire, réforme r les 
saisons. 


( 352 ) 

» Si des circonstances a es gets pre à celles aux 
déles es la vigne à été exposée en 1852, existent en 1853, tout doit 
faire sed que l'oidium ira Han  échoieant si ue il ne disparait 
entièrem 


» _ si _ aix circonstances de 1852 se és gp'e 
en il e ent que le mal serait immense et aurait des 
cel a trio pour le département. 

» Toute la de l’oidium se résout , à mes yeux, à une 
question ‘de airs ou de beau temps. Dieu veuille nous donner le 
beau temps 


aterrade , secrétaire , donne lecture de son Compte- 
nce, ommission s’ajourne au Samedi, u courant, à 7 
ures du soir, pour entendre la continuation de cette lecture. 
A 5 heures la séance est levée. 
Le Secrétaire rapporteur : CH. LATERRADE. 
Adopté en séance de la Commission , le 11 Décembre 1852. 
Le Directeur de la Société, Président de la Commission : 


J.-F. LATERRADE. 


SÉANCE DU 11 DÉCEMBRE 1852. 
: Présidence de M. LATERRADE , père. 


La séance est ouverte à 7 heures :/:. 


Sont présents : Serr Laterrade père , Ch. Des Moulins, Cazenavette, 
Cuigneau , Desmartis fils, de Kercado , Ch. Laterrade , Petit-Lafitte. 


Le secrétaire donne ne du ir de la séance du 9 
Décembre dont la rédaction est adoptée 


Mémoires et Rapports. 


M. Desmartis fils, donne lecture de plusieurs notes, 1.° sur la 
“or des champignons cette année. M Desmartis a RE 
e les grandes sara. ont été plus rares que de coutume , tan 
les moisissures ont été extrèmement abondantes ; 2.° sur le pré 
en empoisonnemen es i aurait été occasionné Pot 
5.0 surela per de I 'oidium qui dans un vignoble voisin de 


(353 ) 
n’a frappé qui le cépage Lo pars ( espèce de 


sauvi n ), 4. sur les maladies des ; 5.0 n procédé pour : 
la destruction des insectes, procédé dés Es a M Dorvault dans 
son Supplément à la Revue Pharmaceutique 


UE. Ch. ns ir la lecture du ends des Travaux 
de la Commissio 


A la suite de ce Ar une discussion s'engage sur la question 
0 


rocès-verbaux imprimés comme pièoes nr si annexées au 
rapport. M. Petit-Lafitte émet un avis 
La Commission s’ajourne à Jeudi Pro pour voter sur les 
con vitae : de rapporteur, € ds dresser la liste ss es matériaux dont 
l'impression sera proposée à la Société il 


A 9heures 3/, la séance est levée. 
Le Secrétaire rapporteur : CH. LATERRADE. 
Adopté en séance, le 16 Décembre 1852. 
Le Directeur de la Société , Président de la Commission , 
J.-F. LATERRADE. 


SÉANCE DU 16 DÉCEMBRE 1852. 
Présidence de M. LATERRADE, père. 


Le séance est ouverte à 3 heures. 
Membres présents : MM. Laterrade père , Ch. Des Moulins, Caze- 
navette , Bouchereau , Desmartis, de Bonneval , Ch. Laterrade. 
Le procès-verbal de la réunion du 11 Décembre est lu et adopté. - 
ne du jour appelle la discussion sur les conclusions du 
Les nn 


des Travaux, lu meme 
se Re = 


ns et us À de la nt. g range ae À cette ; dites 

La C décide ue les opinions de MM. les Membres de la 
min mme sie ; où ét textuellement insérées à la suile 
du Compte-Rendu, 


# 


. ( 354 ) 
t décidé, en outre, que la Commission proposera à la Société 

Re dieser des pièces suivantes : 

1.0 Compte-Rendu des Travaux. 
- 2.0 Procès-Verbaux des séances. 

3.° Rapport de M. Cuigneau sur l’ouvrage de M. Bertola. 

4.0 Traduction de l’Instruction populaire pure en Italie. 

5.0 Mémoire de M. Gaschet sur la maladie noir: 

6.0 Note du mème sur ie Le des dr oïdiés. 

7.0 Notes de M. D 

Le présent ne de à et adopté séance tenante. 


A 5 h.res1/, la séance est levée. 
Bordeaux, le 16 Décembre 1852. F 
Le Secrétaire rapporteur : CH. LATERRADE. 
Le Directeur de la Société, Président de la Commission : 


J.-F. LATERRADE. 


l 
[ 
j 


Rapport présenté à la Commission par M. À. GAsCHET, 
l'un de ses membres, sur quelques vignobles atteints 


de l’'Oïdium, dans la commune de Podensac. 


Messieurs , 


Lorsque j'acceptai la mission que vous crûtes devoir me 
confier, j'avais la pensée d’avoir à vous rendre compte de 
quelques treilles de chasselas entachées d’oidium : c’est du 
moins le but que j'avais donné à mon excursion , et c’est 
peut-être aussi ce que vous aviez tous compris. 

J'ai promptement été désabusé. Je n’ai pas eu , en effet, 
à étudier la maladie de la vigne sur quelques points isolés 
du canton de Podensac, mais à constater, en outre, .un 
affreux désastre. 

Durant les beures passées dans celte contrée , je me suis 
exclusivement occupé des questions qui m'’étaient soumises : 
J'avoue néanmoins que j’eusse désiré pouvoir rester encore 
une journée sur les lieux infestés. Il faut, en effet, de 
nombreuses observations identiques, et fe 
et des terrains dissemblables , avant de 
aussi délicats un jugement ayant un certain dois de certi- 
tude, Peut-être avant longtemps, me sera-t-il permis de. 
continuer des recherches que j'aurai l'honneur de vous 
communiquer. 

Towe XVIII. 25 


ites sur des vignes ee 
rter sur des faits 


(356) 

Quoiqu'il en soit, permettez-moi, Messieurs, de. vous 
dire dès-à-présent ce que j'ai vu par moi-même, et de vous 
rapporter les faits que j'ai pu recueillir de quelques habi- 
tants du pays, qui m'ont été d’un grand secours. 

Le premier terrain que j'ai dû examiner est un clos d’en- 
viron 5 hectares , situé au Nord-Est de Podensac. Le sol en 
est graveleux sur une profondeur d'environ quarante centi- 
mètres, et d'assez bonne nature. Le sous-sol, qui, vous le 
savez, est surtoût à considérer lorsqu'il s’agit de vigne, est 
de qualité très-inférieure : c’est un amas de sable, qui m'a 
semblé à-peu près inerte et brûlé. 

Les ceps de ce clos doivent, sous quelques exceptions, 
tenir le milieu entre l’assez-bien et le médiocre : la culture 
en est soignée. Il est pour moi constant que les quarante 
centimètres de terre végétale, gisant à la surface, et com- 
posés, comme je l'ai dit, d'un terrain léger et graveleux, - 
maintiennent exclusivement la modeste pOpEn de la 
plantation. 

Il est bien entendu néanmoins, que je mentionne les faits 
généraux et non les particularités : — dans ces cinq hectares 
on rencontre , en effet, des parcelles, ou infiniment plus 
riches , où infiniment plus ingrates. 

C’est là qu'en 1852, on reconnut d’abord la maladie qui 
nous occupe : c'est là aussi que furent pris les raisins qui 
déjà ont été soumis à vos investigations. 

_ Le fléau y fut constaté le 40 Juillet : le régisseur du do- 
maine l'y avait vu étendre ses ravages ; il me montrait de 
temps à autre un pied atteint, Mais un examen attentif me 
fit reconnaître que le mal s'était rapidement généralisé. 
Non-seulement des pieds épars portaient les traces de 
l'Oidium Tuckeri, mais j'oserais affirmer que dans cette 
vaste plantation , il n’est pas un dixième des ceps qui ne 
soit plus ou moins endommagé. Au surplus, les personnes 


(357) 
qui m'accompagnaient, aussitôt que je leur montrais les 
indices du mal, reconnaissaient leur erreur, et je pense 
qu'il ne leur reste plus aucun doute sur l'extension rapide 
et générale de l’oïdium. 

De là, j'ai cru devoir me transporter à deux kilomètres 
Sud-Ouest de Podensac, chez M. Bacque, à Boisson, c’est- 
à-dire au lieu d’où, selon les gens du pays , le mal avait 
semblé primitivement partir. 

Chemin faisant, j'ai traversé diverses propriétés plus ou 
moins étendues , et, dans cette course un peu rapide, j'ai 
reconnu que l'oidium y avait pris un plus haut degré d’in- 
tensité : dans certaines plantations, je n’ose affirmer avoir 
rencontré un seul cep en état parfait de santé. Telle était 
aussi la situation des vignes chez M. Bacque , sauf un cer- 
tain nombre de pieds, dont j'aurai plus ne à 
vons entretenir. 

Il m'a été, outre les circontances dont je ts plus 
tard, très-facile d'expliquer la plus haute gravité du mal 
dans cette contrée en rapprochant deux dates : c’est le 10 
Juillet que la présence de l’oïdium fut constatée dans le clos 
premièrement indiqué, et c'est quinze jours auparavant 
que M. Bacqué et ses voisins l’aperçoivent. 

Voilà ce que j'ai vu : permettez-moi de rappeler ce qui 
m'a été rapporté. J'aurai , au reste, plus d’une fois à vous - 
parler de M. Bacque ; et, afin que vous ajoutiez à ses paro- 
les la confiance qu’elles méritent , il est bon de noter que 
c'est un homme d’une intelligence et d’une pps ; 
rares ; il voit tout et voit bien. J'ai voulu fois le 
mettre à l'épreuve, mais vainement, Quant à moi, Mes- 
sieurs , les rapports que j'ai eu avec l’homme, m’autorisent 
à attacher une importance particulière à ce qu'il déclare 
avoir vu. 

Denc, d'après M. Bacque, et son dire se trouve confirmé 


{ 358 }) 
par d’autres habitants du pays , et souvent aussi par mes 
propres observations, la maladie de la vigne est manifeste : 
1° Entre la palus de Podensac et le clos dont je vous ai 
d'abord entretenus : terrain de grâve à la surface, sous- 
sol argilo-calcaire ; 

20 Dans la palus de Podensac; 

3° Dans toute la contrée qui s'étend de Boisson à Can- 
teau, commune d’Illats , et même jusqu'au centre d'Illats ; 

4° Enfin, l’oidium semble très-largement répandu à Cé- 
rons. 

Ainsi, Messieurs , d’après ce que j'ai vu et les renseigne- 
ments que j'ai pu me procurer , le fléau étend dès à présent 
ses ravages sur une vaste contrée, c’est-à-dire dans tout 
Podensac et au moins dans une notable portion d’Illats et 
de Cérons. Je suis peut-être au-dessous de la vérité en sup- 
posant de mille hectares le périmètre frappé. 

Je passe aux particularités de mes recherches. Vous avez 
déjà pu remarquer que la nature du sol, en considérant, 
soit les couches supérieures, soit les couches inférieures, 
n’influait en rien sur la maladie de la vigne. Ainsi, les ter- 
rains d’alluvion , les terres légères , graveleuses , à sous-sol 
sablonneux ou argileux , ou enfin argilo-calcaire ; les terres 
ingrates et réputées les dernières de la contrée, offrent 
toutes et indifféremment les nèmes rêsultats. 

Afärmons donc sans hésiter, que la composition naturelle 
du sol , ne peut conduire à aucune conclusion satisfaisante. 

Quant à la culture du pays, ce que j'en ai vu est mal- 
heureusement uniforme. Ce sont des plateaux de deux règes 
de vignes à bras, puis une joualle d'environ deux mètres, 
labourée à la charrue, mais rarement cultivée (1). 


(4) Jai aperçu l’oÿ lium , depuis la rédaction de ce mémoire, dans 
toutes tes conditions possibles de eulture ( Décembre 1852 }). 


( 359 } 

S'il m'était permis de porter un jugement sur le mode 
de culture adopté à Podensac, je dirais, que je le crois 
essentiellement défectueux et propre , sinon à occasionner , 
du moins à aggraver toutes les infirmités de la vigne. 

D'abord les ceps sont entassés les uns sur les autres : 
c'est à peine si d’un pied à l’autre on laisse soixante centi- 
mètres d'intervalle. Les racines doivent donc se confondre 
et s’enlever mutuellement leur subsistance. 

D'un côté, la planche cultivée à bras , oblige les racines 
à vivre tant bien que mal à la surface restreinte du plateau, 
et de l’autre , la charrue labourant la joualle, déchire celles 
qui chercheraient à s'étendre dans le terrain vacant. 

Le mode de fumure me semble aussi vicieux : on s’oc- 
cupe peu de diminuer la force de l’engrais en formant des 
terreaux. On fait une mince fosse au pied même de la vigne 
et on y applique un fumier actif. On obtient ainsi tout de 
suite une puissante végétation, mais c'est aux dépens d'a 
bord de sa durée et ensuite de la vigueur du cep lui-même 
qui, loin d'étendre ses racines, doit se complaire exclusi- 
vement dans la fosse qui lui est préparée et y végéter. 

Quoiqu'il en soit, et que mon raisonnement ait où non 
de la valeur , je dois néanmoins reconnaître que les vigno- 
bles de Podensac ont en général une belle apparence et sem- 
blent prospérer. Ce résultat doit particulièrement être attri 
bué à la nature du sol, qui parait créé pour cette culture , 
surtout dans les contrées où la surface est un mélange de 
terre légère et de grâve, et le sous-sol argilo-calcaire. 

La fumure elle-même est à mon sens, parfaitement inno- 
cente du fléau : pour peu qu'un domaine soit étendu, quel 
est le proprietaire qui mettra moins de quinze ou vingt ans 
d’une fumure à l’autre , surtout s’il emploie directement les 
engrais actifs de l’étable? où en trouvera-t-il les moyens ! 
D'ailleurs, j'ai vu des plantations gravement endommagées 


( 360 ) 
qui n'avaient point été secourues depuis plus de vingt ans, 
et d’autres même qui avaient toujours été abandonnées à 
leurs propres forces. 

Si donc on peut à la payeur, supposer que le genre de 
culture est propre à activer, à aggraver le mal, rien n’indi- 
que cependant qu'il en puisse être la cause. 

Le cépage parait aussi ne jouer aucun rôle dans la mala- 
die ; tous, blancs ou rouges , sont indistinctement atteints. 
Pourtant, si les observations de M. Bacque sont exactes, 
voici l’ordre dans lequel il placerait l’intrusion de l'oïdium 
1.0 Chalosse | cépage commun ); 2.° Blayais ; 3.0 Courbin, 
{Blanc-Verdet) ; 4. Prunelat; 5.° Sémilion, Sauvignon (1). 

Dans cette partie du Bordelais, le raisin rouge est pour 
une très-faible part; cependant chez certains cultivateurs, 

j'ai vu recouverts de l'oïdium le Martiquet, la Parde, le 
Cruchinet, le Mausat [ noir de Pressac ou balousat |. 

Le cépage n'offre donc encore nulle prise à l'observation. 

Relativement à l'exposition, je n'ai rien à dire : la vaste 
superficie infestée résout toute difficulté, La mème obser- 
vation s'applique à l’âge de la vigne. J'ai reconnu loïdium 
‘sur des plantes de deux ans, tout aussi bien que sur les 
ceps ou vieux ou d'un âge moyen. 

J'ai dû m'enquérir de l'époque précise où lon a pu se 
rendre compte de la première apparition de la maladie dans 
la contrée. Il est certain qu'en 1851 , elle fut constatée au 
canton de Boisson et voici le résumé de la version de M 
Bacque et les réponses qu'il fit à mes questions diverses. 


(1)-Je crois l'observation de M. Bacque parfaitement juste ; a mon 
sens, tous les cépages indistinctement, peuvent être entaché 
dium, mais tous ne le sont pas aussi facilement. Dans d’autres con- 
trées j'ai remarqué que les premiers atteints étaient le Muscadet, 
-Verdet , le Merleau. Le plus réfractaire semble être l'Enra- 
geat ( Décembre 1852 ) }. 


( 561 ) 

Il vd vers la fin de Juillet ou le commencement 
d'Aoùût 1851, que le raisin se détériorait et se couvrait 
d’une poussière grisâtre. Ce mal atteignit d’abord les pieds 
de Chalosse, puis de Blayais, puis, etc. 

La maladie étendit ses ravages jusqu’au mois de Septem- 
bre ; à cette époque les raisins infirmes continuèrent à em- 
pirer ; mais ceux qui jusque-là avaient été préservés, ac- 
quirent une saine maturité, 

Si cette dernière assertion est exacte, j'en déduirai bien- 
tôt de puissantes conséquences. 

M. Bacque recueille sur son domaine environ vingt-cinq 
tonneaux, année commune. En 1851, il récolta quatre bastes 
( demi barrique ) de raisins avariés qu’il versa sur la pi- 
quette-{ 1). 


(1) A voir au mois de Juillet 1852, la triste situation de ses. plan- 
tations , bien que la récolte pendante fut abondante , je ES 
qu’il ne recueillerait guère de raisin en état de faire du 
protégé par l'abondance des pluies , il a vu ses eaporances DRAP 
Il a obtenu trois tonneaux de vin 

Un de ses voisins , qui dans une rHaise étendue de terrain, at- 
teint d'habitude dix-huit tonneaux de vin, tant blanc que rouge, a 
fait en 1852, une barrique de blanc et demi barrique de rouge. Le 
même , dont le domaine entier est ce oe. ne de DOUAI 
tonneaux, a été réduit à sept. D’ 
été traités à peu près dans les mêmes rapports. 

Je me demande cependant si, pour la bonne part du moins, ilest 
permis d'accorder, aux cultivateurs que je viens de citer, l'honneur 
qu’ils réclament d’avoir fabriqué quelques futs de vin. Parce qu’elle 
est le produit du raisin, doit-on en effet appeler vin une liqueur 
sans nom , acide et nauséabonde? On a voulu extraire toute la partie 
aqueuse FA fruits avariés et l’on y est parvenu, mais uant à avoir 
obtenu ce qu’il est d'usage de nommer vin, je le nie UE ae majeure 
Partie. 

On doit cépendant affirmer que cette liqueur quelconque est 
fensive ; elle est la boisson journalière de M. Bacque,et de sa famille, 
etils n’en éprouvent aucune incommodité ( Décembre 1852). 


( 362 ) 

Les ceps qu'il devait suspecter, ceux qui lui avaient fait 
défaut l’an dernier, et qu'il surveillait avec l'œil dû maître 
et du cultivateur , ont été précisément les premiers atteints 
en 1852. Il m'a été facile de contrôler cette assertion , lors- 
que conduit sur les lieux, j'en ai vu les raisins beaucoup 
plus avariés que ceux qui les environnaient. M. Bacque, 
dès le 20 Juin apercevait l’oïdium chez lui. 

La marche du fléau n'offre aucune régularité : tantôt il 
gagne de proche en proche , tantôt il abandonne quelques 
pieds pour les ressaisir plus tard ; tantôt enfin, ses bonds 
sont très-espacés. Mais, si je ne me trompe, les ceps qu'il 
semble le plus respecter dans sa course , deviendront bien- 
- tôt sa victime, l'heure de l'atteinte est seulement reculée, 
rien de plus. Tel est du moins le résultat de mes propres 
observations et la déduction des faits que j'ai recueillis. 

La maladie étudiée à Martillac par quelques-uns de nos 
collégues et qui a reçu le nom de maladie noire, ne paraît 
avoir aucun trait d'union avec l’oïdium; j'en ai aperçu à 
peine quelques traces à Podensac , et les sujets sur lesquels 
ces traces se manifestaient, n'étaient ni plus ni moins la 
proie du cryptogame que les autres. 

J'ai perdu de longues heures à chercher l’acarus d’Or- 
léans et toujours vainement Je n’affirme cependant point 
sa non-existence, j'affirme seulement ne lavoir point vu. Des 
acaridies, les seules qu’il m’a été donné d’apercevoir , ap- 
partenaient au genre qui vous a été précédemment soumis 
et provenant de Martillac. 

A mon sens , l’'Oïdium Tuckeri atteint simultanément le 


raisin , la feuille et le sarment; il n’y a à cet égard aucune 


distinction à faire. J'ai suivi attentivement les ceps les plus 
gravement compromis , ceux qui l’étaient médiocrement, et 
ceux qui n’offraient que des traces de l'oidium. Eh bien, 
dans tous les cas, je l'ai constamment rencontré plus ou 


( 363 ) 
moins abondant sur le raisin , le sarment et la feuille. S'il 
y a une différence à établir, c’est que le bois et la feuille en 
étaient moins revêtus (1). 

Bien plus , et je vous invite, Messieurs, à vous rappeler 
cette observation dont les conséquences se retrouveront 
bientôt, lorsqu'un cep est vicié, il l’est complètement et 
également. Ainsi, existe-t-il une grappe de raisin fortement 
endommagée, vous pouvez affirmer que tous les autres rai- 
sins du même individu, sont en rapport avec celui-ci. Une 
grappe au contraire n'offre-t-elle qu'une atteinte légère, 
alors toutes celles qui appartiennent au même individu 
présentent des traces à peu près semblables. Jamais enfin 
on ne rencontrera une grappe gravement compromise à 
côté d’une autre en état de santé. Jamais non plus, une 
grappe saine à côté d’autres fortement oïdiées. En un mot, 
il y a simultanéité et égalité, dans l'invasion de la maladie, 
sur toute la surface du pied. 

D'un cep à un autre il y a une inéçalité frappante ; ici, 
un pied complètement couvert d’oïdium , là, un autre pied 
sain ou très-faiblement atteint. 

Les provins issus d'un même cep étendu en terre, sont 
aussi simultanément et uniformément atteints. Je n'ai pu 
Cécouvrir entre eux aucune différence appréciable (2). 


(1) Je crois que cette assertion exige un correctif. Il est vrai que 
l’oidium s'attache de préférence au raisin tant qne celui-ci est à l’état 
de verjus. Mais, lorsqu'il approche de la maturité, lorsqu'il est 
tourné, l'oidium semble dominer au contraire sur le sarment et la 
feuille, Sur ces dernières parties du cep, il a aussi beauco 
prise ; ainsi, une pluie abondante parvient quelquefois ; netéoyeren 
tout ou en partie les grappes qui la reçoive , tandis 
que le bois et feuilles. 11 
. abandonne __—. { sens 1852). 3 

\ de 1% dium , 


Es. Caniton de Pessac , le fait de la simultanéité et de F jy de Vac= 


364 ) 

Malgré l'attention que j'y ai porté, je n'ai point vu d'oi- 
dium aux dernières limites des flages. En échange, j'ai re- 
marqué fréquemment sur ces jeunes pousses de petites. 
rayures vert foncé en sens inverse au fil du bois; il m'a 
semblé que ces rayures n'étaient point naturelles. 

Outre l’oïdium , le bois déjà parvenu à une certaine ma- 
turité, manifestait lorsque le raisin était légèrement atteint, 
des points noirs en plus grande abondance que d'ordinaire 
et de fréquentes déchirures à l’épiderme. Le inal s’aggra- 
vant, le sarment offrait de larges taches brunâtres. 

Les feuilles, pour un observateur attentif, sont aussi 
perverties dans leur organisme. Sans doute , au premier 
abord elles sont saines, mais si on les compare à d'autres 
feuilles non suspectes , on y aperçoit des taches jaunâtres, 
surtout en les plaçant entre l’œil et la lumière. 

Si je ne me trompe, lorsque le sarment n’a pas atteint 
une certaine maturité, l’oïdium s’agglonère en plus notable 
quantité vers les nœuds que sur les portions lisses. Est-ce 
une illusion ? est-ce un phénomène inévitable pour l'œil de 
l'observateur et résultant de la jonction de deux surfaces 
_ présentant saillies et n'ayant néanmoins dans leur étendue 


tion de l’oÿdium sur le cep de vigne frappa aussi M. Desmartis. Mais 
un mois après, M. Desmartis et moi, nous reconnaissions que le mal 
avait pris des caractères tout différents. La raison en est simple et ne 
contrarie en rien ma première affirmation. Des pluies abondantes , 
constantes étaient tombées ; or, l’oîdium qui a beaucoup de prise sur 
A Eur Ile et le sarment en a infiniment moins sur: le raisin ; il s'y 

ache plus sipeéciemen Les Aeaypes fl fisini soumises a 
Pution Dre l'e 


la €. 11 


furent plus profondément oïdiées- 
Je pense donc, que si le fait qui s'était primitivement manifesié à 
M. Desmartis et à moi, a discontinué , l’effet n’en est pas dû à loi 
n lui-même , mais à des circonstances tout-à-fait étrangères. 
Je pense en un mot qu'en 1852, l'oidium a été contrarié dans sa mar- 
che naturelle ( Décembre 1852 ). 


( 365 } 
qu'une égale répartition d’oïdium ? serait-ce enfin le résul- 
tat réel d’une cause plus sérieuse ? 

Au reste , celui qui passerait à côté d’un plantier , même 
gravement compromis , ne se douterait jamais du fléau: 
tout y semble prospérer et vivre d’une noble existence. Même 
les ceps que M. Bacque suppose avoir été infestés l’an der- 
nier, paraissent encore pleins de vigueur. Deux sujets font 
exception à cette règle ; l’un est déjà mort, et l’autre, quoi- 
que d’une belle venue, dépérit, ses feuilles jaunissent. 
Mais faut-il attribuer ces faits épars à l’infirmité qui nous 
occupe ? faut-il au contraire les rejeter au nombre des acci- 
dents de la vie ? L'avenir nous donnera sa réponse. Pour 
moi , cette réponse , je la crois redoutable. 

J'ai encore essayé d’étudicr le raisin, qui d’ailleurs, à 
Podensac, est assez abondant pour l’année. J'ai reconnu que 
la pulpe était généralement atrophiée et le pepin hypertro- 
phié. Chez l'un l'aliment ou manquait ou était envahi ; chez 
l’autre , la nourriture était exubérante. C'est à ces causes 
que j'attribue en partie la division du grain. Ce ne peut être 
en effet seulement le temps d'arrêt que la peau du raisin 
éprouve dans son développement qui en occasionne la dé- 
chirure : elle contient si peu de pulpe, qu'elle suffirait tou- 
jours à maintenir le pepin s’il demeurait dans son état nor- 
mal. Mais le pepin grossissant outre mesure, il lui est 
impossible de se caser sous la pellicule devenue presque 
stationnaire et il la déchire. Cela est si vrai, que souvent il 
parvient à se créer une issue , il perfore la pellicule ; la plaie 
obstruée par le pepin, se cicatrise et alors le grain entier 


vit tant bien que mal, mais exempt de division. J'ai ren- 


contré beaucoup de pepins qui étaient ainsi parvenus à se 
faire jour (1 ). 


(!) Ces observations doivent s'entendre d’une manière générale, il 


Li 


( 566 ) 

Je ne nie,point d’ailleurs que l’oïidium ne vive aux dépens 
de la pulpe, ne l’absorbe en partie, ne vienne un jour en 
aide au pepin et ne le force , en le rétrécissant , à briser son 
étui. Mais le phénomène dont je parle, l'exagération du 
pepin et la pauvreté de la pulpe, préexiste quelquefois à 
l'oidium. Lorsque le grain ne souffre pas encore de la pré- 
sence du cryptogame, ou en souffre peu, il y a plus de 
souplesse et moins de sécheresse dans la peau ; aussi ne se 
fend-elle pas , et c’est alors que le pepin se creuse une issue 
moins désordonnée. Le fendillement de la peau n’est réel- 
lement dans toute sa force et sa laideur, qu’au jour où 
l'oïdium est très-intense. Ainsi, d’un côté la pulpe s’annihile, 
le pepin se gonfle et devient à l'étroit; de l’autre côté, et 
à ces effets organiques , l’oïdium s’adjoint, dévore la pulpe 
déjà restreinte , dessèche la peau, la rend cassante et force 
définitivement le pepin à briser son enveloppe. 

Une grave question me préoccupait, et j'avoue que là 
était principalement le but de mes recherches : je voulais , 
s’il était possible, découvrir le siège du mal, et indiquer 
par quels procédés on devait le ns 

Des pressentiments parvenus à une sorte de conviction, 
me disaient que l'oïidium ou l’acarus n'étaient que des 
effets, des accidents plus ou moins inévitables d’une lésion 
organique. J'en ai aujourd’hui, non pas la conviction, mais 
la certitude. 

Permettez-moi donc, Messieurs, de vous rappeler en 
peu de mots quelques-uns des faits déjà relatés, de les 
grouper , et d’en déduire une rigoureuse conséquence. 

Je vous ai dit que l’intrusion de l’oïdium était simultanée 
sur le même cép : que la maladie qui frappait ou une grappe, 


est des cépages , le sémilion rm où la pulpe est à l'état 
normal. Leur grain le fendra-t- 


RE ee VE. Le 7 2 SU SD 


PRONAES RER OR RUSSE Te PE PR TRS EE PNR El 


( 367 ) 

ou une flage, présentait constamment le même rapport 
de gravité dans les autres flages et les autres grappes du 
même individu, fût-il en contact avec un autre sujet plus 
ou moins avarié. Or, en dehors des phénomènes de l’orga- 
nisme de la vie, du transport de la sève sur tous les points 
de la plante, m’expliquerait-on îne longue série d’obser- 
vations si absolues dans leur uniformité ? M’expliquerait-on 
que l’oïdium, que les vents emportent continuellement et 
avec tant de rapidité d’un point à l’autre, s’attacherait tou- 
jours en degré uniforme sur toutes les grappes du même 
cep ? 

M'expliquerait-on surtout, que les provins issus de la 
même mère, soient aussi et toujours uniformément atteints ? 
Le virus étant organique, les enfants aspirant la sève de 
leur mère, vivant de la même vie, marcheront de front 
dans la prospérité ou la dégradation : si au contraire, le 
mal est superficiel , si les influences atmosphériques exter- 
nes , ou la présence de l’oïdium sont les causes uniques du 
mal, comment les provins offriraient-ils constamment le 
même aspect de santé ou de maladie , lorsque leurs voisins 
présentent des variations. 

J'ai cru encore remarquer sur les sarments, Je vous l'ai 
dit, une agglomération d’oïdium plus intense aux endroits 
où les nœuds se forment, que sur les surfaces lisses. Ne 
serait-ce point l'indication , que là où la sève doit être évi- 
demment contrariée, s'arrêter pour prendre un nouvel 
essor , le virus se concentre et donne plus fortement pré 
tière de vie à l’oïdium. Pourtant , je dois répéter de rechef, 
que mon observation n'est pas assez bien faite, assez ri- 
goureuse, pour y attacher une importance capitale. 

Ce n’est pas tout encore : interrogé par moi, que répond 
M. Bacque ?— Que l'oïdium se manifesta chez lui fin Juil!et 
Qu au commencement d’ Août 1851 ; qu'il étendit ses ravages 


( 368 ) 
jusqu ‘au mois de Septembre; qu'à celte époque, les raisins 
infirmes continuèrent à empirer , mais que ceux qui jusque- 
là avaient élé préservés, acquirent une saine maturilé. 

Vous le voyez, Messieurs, la coïncidence des sèves avec 
le jeu de la maladie est frappante : fin Juillet ou commen- 
cement d'Aoùt, c’est l'heure où la seconde sève a toute son 
action, et le mal s’accroit. Au mois de Septembre au con- 
traire, la sève diminue, elle s'arrête, et alors aussi une 
borne est posée à l'extension de l'infirmité (1). 

Me serait-il enfin défendu de constater la présence d’un 
vice profond, radical, dans le volume souvent insolite du 
pepin et la pauvreté de la pulpe ? La progression étonnante 
de l’oïdium, sa marche incohérente, ne sont-elles pas aussi 
des indices que la maladie couvait dans le sein de la terre 
et n’attendait qu'une certaine maturité pour se rendre sen- 
sible à nos yeux ? 

Tous ces faits, les uns constants, les autres probables, 
m'avaient déjà formé une conviction profonde. Il m'était 
déjà démontré que je trouverais des lésions plus ou moins 
graves dans les racines de la vigne malade. Ce fut donc 
avec une entière confiance dans mes premiers pressentiments 
que je fis arracher quelques ceps oïdiés. 

De ce moment, le doute ne me fut plus permis. Je m'é- 


(1) En 1852, les faits ont été en apparence absolument contrai- 
res : vers la fin de Septembre , après de longues pluies, le soleil est 
venu favoriser son développement et le mal a pris un nouveau degré 
d'intensité. Je crois pouvoir encore facilement expliquer cette con- 
tradiction. En 1851, en Mr les végétaux ont subi les lois natu- 
relles de leurs périodes de croissance et de maturité : en 1852, ces 
lois ont été pan Ainsi, il est constant que læ vigne a tou- 
jours été en sève. Cela est si vrai, que dans les derniers jours de 
Novembre, elle s’écoulait à la taille comme au mois de Mars. (Dé- 
eembre 1852). 


. 


( 369 ) 
tais attaqué à des provins de de fortement fumés et 
chargés de raisins. Les racines nouvelles, celles qui s'étaient 
récemment formées et qui devaient par conséquent être 
pleines de vie, étaient à moitié pourries et en partie cou- 
vertes de moisissure. Pourtant , leur extension indiquait 
qu’elles avaient dû jouir de quelques heures de prospérité. 

Le sarment qui, étendu , avait formé le provin, était lui- 
même lésé et pourri en certains endroits. Ces mêmes faits 
se reproduisaient sur le pied-mère Au reste, les personnes 
qui m'accompagnaient , reconnurent que ces racines étaient 
fortement endommagées et en dehors des conditions nor- 
males. 

de fis extraire différents ceps malades, et je trouvai à 
divers degrés les mêmes fâcheux indices. 

Je choisis enfin un cep sain en apparence, écarté des 
plus gravement atteints, mais toujours dans le clos infesté : 
les racines étaient un peu moins dégradées, mais cependant 
maladives. Aussi, je puis à coup sûr prédire , qu'avant huit 
jours , l’oidium couvrira ce pied si sain en appparence (1). 


(1) Revenu à Podensac dans les premiers jours de Décembre 1852, 
j'ai voulu examiner l’état actuel du sarment oïdié : voici le résumé 
succinct de mes observatio 

J'y ai reconnu une ou ho “essentielle et suivant la 
tags de l’oïdium : plus celui-ci est intense, plus l’altération 
est éten 

Le re ue infiniment plus caractérisé chez les sujets atteints en 
1851 et 1852, que dans les ceps oïdiés en 1852 seulement. 

Enfin, plus la vigne est jeune et vigoureuse, plus la ini 
du sarment semble favorisée. 

L’altération consiste en une dessication plus ou moins profonde 
du sarment ; la substance re de la flage est pervertie, détruite 
à partir de l'extrémité et le mal s'étend en descendant vers le tronc. 
L'épiderme , le bois et la me: sont viciés. 

La partie la plus saine, celle qui n’est point complètement dessé- 


(370) 

Ne vous semble-t-il pas, Messieurs, que la question est 
vidée ? Ne vous est-il pas démontré que le mal est organique 
et non extérieur ? Qu'il précède, et peut-être de beaucoup, 
la présence de l’oïdium ? Serait-il enfin possible que je me 
fisse illusion ? 

Si donc je suis dans le vrai, si je n’ai point commis 
d'étranges erreurs, ne doit-on pas cesser les essais de pal- 


liatifs externes , et s'occuper activement de mettre à contri- 


bution la sève elle-même ? c’est elle qui selon moi, donne 
la mort, c’est elle aussi qui seule pourra donner la vie. 


A. GAscHET. 
30 Juillet 1852. 


chée, c’est-à-dire, qui se rapproche du tronc et qui souvent n’a pas 

plus de 8 ou 10 centim. de longueur, m’a paru néanmoins détériorée, 

en ce sens qu’elle n'avait point l’aspect habituel du bois à l’époque 

de la taille ; qu’elle était plus sèche, plus cassante, en un mot , moins 
ve 


Parfois , le sarment est détruit en totalité : non-seulement les cas 
v’en sont point fréquens, mais encore il est à remarquer que lorsque 
le fait se manifeste, la flage a rarement atteint un grand développe- 
a 


3 L°1 OU UV PU, ,1 


ils ne suivent pas une lente progression’; ; On dirait plutôt, “qe les 
flages qui jusqu’à l’époque de la maturité s'étaient accrues d’une 
manière normale , ne recevaient pourtant point les substances pro- 
pres à leur perfection , et qu’elles se sont complètement dégradées , 
quand la vie éphémère que leur donnait la sève s’est éteinte avec 
cette sève elle-même. 

Je dois enfin ajouter que cette nouvelle physionomie de la maladie 
de la vigne n’est pas seulement propre au canton de Podensac : je la 
constate encore à Saint-Médard d'Eyrans, Martillac, Lamarque, et 
probablement partout où l’oïdium a précédemment été remarqué. 
(Décembre 1852). 


ROSE SE 


Observations diverses sur la maladie de la Vigne, 
présentées à la Commission; par M. le D. Télèphe 
P. DEsmarrTis, l’un de ses membres. 


Depuis que j'ai eu l'honneur d’être désigné pour faire 
partie de la Commission de la maladie de la vigne , j'ai ob- 
servé sur cette plante quatre états morbides différents : 

1.0 L'Oïdium Tuckeri. 

2.0 La Maladie noire. 

8.0 Une altération qui consiste dans l’épaississement par- 
tiel du péricarpe du raisin, lequel revêt la couleur rousse de 

l'oxide de fer et que je désignerai sous le nom de taches 
rouilleuses. - 

4.0 Un autre état morbide caractérisé par un oi: 
ment d’une partie du grain , avec couleur rouge. Ce dernier 
phénomène ne frappe presque jamais que peu de grains sur 
une même grappe. 

Le quinze Juillet 1852, je me rendis au village de La 
Forêt, commune de Mérignac, chez M. A....., dans le 
domaine duquel l'oïdium s'était manifesté depuis quelques 
jours. M. A....., me reçut avec beaucoup de bienveillance 
et nous examinâmes ensemble son vignoble. : 

Peu de jours auparavant il s’était aperçu qu'une treill 
adossée à sa maison était couverte d’une sorte de poussière 


blanchâtre ; ce fut là le point de départ de la maladie. Ce | . _ 


treillage a cela de particulier qu’il est hybride, c'est-à-diri 
que le pied fondamental est d’un cépage précoce , connu 
vulgairement sous le nom de raisin de la Madeleine, sur 
lequel a été greffé du Chasselas blanc. Ce treillage malade, 
se trouve faire face au Sud et à l'Est ; à l'Ouest de la Mai= 

Towe XVII. 26 


æ 


“ 


(372) 
son est une autre treille d’un cépage de Muscat, mais qui 
n’est nullement frappé de la maladie ; au Nord, il n’y a pas 
de vigne contre le mur. : 

La vigne hybride est ravagée par la maladie ; j”y ai cons- 
taté : 1.0 L’oidium en quantité sur les feuilles et sur les 
grains ; 2.° de très-nombreuses taches, d’une couleur vio- 
lacée ou vineuse et fort apparentes sur les tiges; 3.° de 
très-petites larves jaunâtres d’un quart à un tiers de centi- 
mètre de longueur qui se trouvent assez communément sur 
les grains. 

À plusieurs mètres de la treille et du côté de l'Est, il ya 
une vigne en plein champ dont les premières règes sont 
elles-mêmes couvertes d’oidium. Chaque jour de nouvelles 
règes sont attaquées , le mal marche pas à pas, d’une rège 
à l’autre ,-mais nullement par sauts ni par bonds. Avant 
l'apparition de la mucédinéé, on apercoit toujours les taches 
violacées sur les branches, en sorte qu’à l'endroit où j'ai 
constaté le point d'arrêt de l’oidium avec son cortège, j'ai 
vu aux règes les plus proches, des taches existant seulement 
sur les tiges et qui sont néanmoins le signe précurseur de 
la maladie qui va sévir sur les grappes et sur les feuilles. 

L'année dernière la même maladie avait frappé quelques 
localités de la commune de Mérignac, mais elle ne s'était 
pas montrée dans le village de La Forêt. . 

Le 28 Juillet, je suis encore allé à La Forêt , et j'ai cons- 
taté dans cette seconde excursion un accroissement considé- 
rable du mal qui maintenant va marchant en tous sens , mais 
toujours en gagnant de proche en proche. Les vignes à 
l'Ouest, qui avaient été épargnées sont complètement en- 
vahies. Les taches sur les pampres, l’oïdium sur les feuilles 
et sur les grains y existent abondamment comme ailleurs. 
De plus, il s’est formé tout récemment des taches noires et 


Li 


Ne 


( 373 
épaisses sur le grain qui s’est flétri et s’est fendu de manière 
à laisser échapper une partie de l’endocarpe, 

La rupture du grain me parait causée par une tension 
trop grande de l’épicarpe, et je suis porté à croire que ce 
phénomène est dû à un arrêt dans le développement de l’é- 
picarpe seul, tandis que l’endocarpe et les pepins conti-. 

 nuent à se développer. Je suis d'autant plus porté à l’ad- 
mettre , que j'ai observé qu'après avoir attemt une certaine 
grosseur, différente suivant les cépages, le grain-restait sta- 
tionnaire , devenait dur, se tendait outre mesure et lors de 
la rupture, les pepins ra en hypertrophiés et la pulpe 
très-abondante: 

J’ ajouterai que , dans une seconde excursion à La Forêt, 
les raisins m'ont paru tout d’abord moins couverts d’oïdium, 
ce qui dépend des pluies qui sont tombées pendant plusieurs , 
jours. Ces pluies ont produit un lavage et laissé une cer- 
taine humidité sous l'influence de laquelle la maladie est 
devenue moins apparente : les grains les moins lavés sont 
encore couverts d’une couche épaisse de la moïsissure mor- 
bifère. 

J'ai encore trouvé une assez grande quantité de larves 
jaunes et elles ne m'ont pas paru avoir grossi que. la der- 
nière fois. - , 

Sur les ceps, la maladie est d’autant Re intense, qu’elle 
est plus ancienne et je crois ( d’après ce que j'ai observé à 
La Forêt) qu'on peut admettre trois degrés dans le déve- 
loppement du mal. 4° degré, taches violacées sur les tiges, 
et oïdium sur les feuilles et sur le grain; 2»° degré, dis . 
tension de l'épicarpe ‘du raisin, et sorte de flétrissure ; 
outre , taches noirâtres ou plutôt croûtes fuligineuses sur 
les feuilles et sur le fruit ; 3° degré , éclat de l'épicarpe , 
sortie du pepin, perte du parenchyme. * 

Quant aux larves j jaunes , on les rencontre depuis le dé- 


( 374 ) 
but de la maladie jusqu’à la fin, mais je n'ai pu les trou- 
ver sur les raisins non oïdiés. 

Le 4 Août, je me suis rendu à Caudéran, auprès de 
M. S....., naturaliste et propriétaire qui m'a assuré que 
quelques pampres de ses vignes avaient été frappés d’oïdium, 
qu'il les avait fait couper et brûler immédiatement et que le 
mal n'avait pas reparu depuis. 

M. S....., m'a bien fait observer qu'il ne confondait point 
l'oïdium avec l'eryneum vitis. 

Dans l’une de nos séances, M. Gaschet, me demarida si 
j'avais remarqué que l'oïdium frappât simultanément un 
même cep de vigne, sur toutes ses tiges, ses feuilles et ses 
grappes. Je répondis que les taches violacées se manifes- 
tarent d’abord sur le bois, mais que bientôt après, le pied 
malade , paraissait généralement atteint dans tout son être. 

Dans la séance suivante, j'annonçai à la Commission, 
que la maladie de la vigne ne se montrait point toujours 
tout d’un coup sur un pied dans tout son ensemble; qu'à 
Caudéran, par exemple, chez M."° L....., il existait des 
treilles où l’oïdium avait flétri ou desséché certaines grap- 
pes, tandis que d’autres du même pied, étaient parfaitement 
saines et les grains qui étaient fort beaux, se trouvaient 
parvenus à une bonne maturité. 

A Saint-Médard-en-Jalle, sur des vignes en plein champ, 

j'ai constaté ce même fait. 

A Saint-Médard-en-Jalle, encore, où , la récolte du rai- 
sin est perdue dans certains vignobles , j'ai trouvé les qua- 
tre maladies de la vigne, souvent dans un même champ. 

Là, on m'a montré des pieds qui étaient oïdiés très-for- 
tement en 1851 et qui ne le sont nullement cette année; 
mais qui, au contraire, ont le raisin dans l’état le plus 
satisfaisant sous tous les rapports. Je me suis assuré enfin 


+ 


( 375 ) 
que, même sur les pieds les plus malades , le mal est tout: 
à-fait superficiel ; que les taches violatées des tiges enle- 
vées par un instrument tranchant laissent voir au-dessous 
d'elles , le bois d’une intégrité parfaite. Le tronc et même 
les racines que j'ai examinés avec soin, m'ont toujours paru 
très-sains. 

Au moment où je me livrais à ces explorations, il pleuvait 
beaucoup et si j’eusse été partisan de l'opinion qui admet 
partout des acarus comme cause du mal végétal, j'aurais 
été amplement satisfait en trouvant la face inférieure des 
feuilles, couvertes de petites chenilles, de larves et d’insectes 
de tous les ordres qui se mettaient ainsi à l'abri de la pluie. 
Néanmoins, comme je tiens à rapporter avec exactitude ce 
que j'ai observé attentivement, je répéterai que je n’ai pu 
trouver les petites larves jaunes que sur des raisins oïdiés. 

Au sujet de l’oidium, un de mes parents le D.r Martial 
P. Desmartis , m'écrivit quelque temps avant les vendan- 
ges, pour aller observer au Bouscat, près de chez lui, un 
phénomène assez curieux. 

Il me conduisit dans un vignoble où l’oidium avait frappé 
tous les pieds d’un cépage appelé dans la localité, Saduvi- 
gnasse ( espèce de sauvignon ), tandis qu'aucun autre pied 
n’était atteint. 

Les ceps de cette espèce de sauvignon étaient dispersés 
dans la pièce de vigne, soit seuls, soit par groupe et cepen- 
dant partout , eux seulemènt étaient oïdiés. Ce fait vient à 


l'appui de ceux qui assurent que l’oidium a de la prédilec- 


tion pour certains cépages. 4 
Maladie noire. — J'ai vu la maladie noire à Martillac , : 
Saint-Loubès, à Saint-Médard, etc. Cette maladie a de 
tout temps été observée et reconnue plus ou moins intense 
par les cultivaleurs qui la nomment d66u lequerdedjat, c'est- 
à-dire frappé par les éclairs ( los leguerdetchs ). Le leguer- 


#. 


( 576 ) 
dedjat , disent les agriculteurs , se montre après les temps 
orageux et il est très-commun dans les années où l’atmos- 
phère est fortement chargée d'électricité. . 

Taches rouilleuses. — Le 8 Août, j'ai constaté sur des 
vignes en plein champ dans la propriété de M. G....., route 
de Toulouse près la barrière , une altération qui n’a pas, 
je crois été observée jusqu'ici. Le surlendemain je l'ai aussi 
vue sur quelques pieds à Saint-Loubès, dans le domaine 
de MP....., c'était encore sur des vignes en plein champ ; 
le raisin seul , offre une apparence de maladie, car ceps, 
tiges, feuilles , racines, tont est très-vigoureux et n’an- 
nonce aucun mal; mais quant aux grains d’un même pied 
ou d’une même grappe, ils sont atteints à des degrés bien 
différents. 

Voici les caractères que j'ai remarqués : 

L'épicarpe se recouvre en certains endroits, d’une cou- 
leur fauve , rouilleuse ; ces taches tuberculeuses , ou plutôt 
ces points épais, envahissent, peu à peu tout le grain, qui 
se flétrit, se couvre de nombreuses fissures en ramuscules 
et bientôt se fend et se dessèche complètement. 

J'ai vu en certaines circonstances la couleur rouilleuse 
des taches passer graduellement au noir foncé, à mesure 
que la graine s’ulcérait : cet état de ramollissement a lieu 
surtout sous l'influence de l'humidité. 

Si l’on fend les grains on s pperçoi ee le mal gagne. ir- 
régulièrement l’intérieur. 

Ces taches out paru se plaire surtout sur les cépages apr 
pelés Négre-doux et rouméou. : 

Dans le domaine de M. P....., au nombre des pie at- 
teints cette année , se trouve celui qui était le seul malade 
l'an dernier. 


4.0 Aplatissement d'une partie du grain avec couleur 


(377 ) 
rouge. — Je suis parvenu, je crois, à me rendre compte 
de ce dernier phénomène morbide. 

Lorsque le grain mürit, ilse montre d’abord une toute 
petite tache qui est le point de départ de la maturité ; par- 
fois alors , il semble y avoir obstacle à la maturité de tout 
le reste du grain et, dans cette condition , la tache devient 
d'un rouge vif, s’affaisse en formant une surface plate, puis 
l'on voit à travers l’épicarpe, le pepin qui menace pendant 
un certain temps de faire saillie au dehors. Pendant ce 
temps, le grain ne mürissant pas, se flétrit et éclate. 

Il y a en général, peu de grains atteints de cette affection 
non contagieuse , et ils sont dispersés, soit sur un même 
pied , soit sur une même grappe. 

Causes générales. — Avant de parler des maladies du raisin 
ou de [a vigne, on devrait d’abord savoir comment existe 
cette plante à l'état sain. 

C’est ainsi que nous avons eu occasion de lire dans un 
journal un article où l’on signalait fort longuement, comme 
cause du mal, de tout petits points noirs, presque imper- 
ceptibles à l'œil nu. 

On aurait dû ne pas ignorer que l’état normal du grain, 
est d’être constamment ainsi pointillé d’une. infinité de ces 

 tubercules. 

Au sujet de l’étiologie, M. Ch. ie: a émis une opi- 
nion qui me paraît digne de fixer l'attention au plus haut 
degré ; c’est que les investigations devraient peut-être se 
diriger vers le‘domaine de la météorologie : c'est ample 
ment mon avis el j ’ajouterai que l’on devrait pe ve F4 : 
résultats obtenus, par l'analyse de l'air et des eaux plu 
les, faite il y a déjà quelques années, avec ceux qu'on 
pourrait obtenir aujourd’hui; que l’on devrait aussi faire 
cette comparaison entre les localités où sévit une épidémie 
sur les végétaux et les endroits où les plantes sont parfaite- 


( 378 } 

ment saines. De même, en effet, que la diminution ou l’ab- 
sence de l’iode dans l'air, cause le goître; que l'air chargé 
de miasmes paludéens produit des fièvres périodiques , que 
l'air contenant des principes délétères où trop humides 
suscite les serofules et les épidémies , de même aussi, les 
végétaux souffrent dans certaines conditions de constitution 
atmosphérique. 

Mais tâchons de remonter à la source primordiale de la 
maladie de la vigne. 

Le déboisement a assurément une grande influence non- 
seulement sur les courants des vents , les orages, les mani- 
festations du calorique, de l'électricité et du magnétisme 
terrestre, mais encore sur la composition intime de l'air. 
En effet, moins il y a d'arbres ou de plantes, moins il y a 
* d'absorption d'azote et d’acide carbonique et moins aussi 
de dégagement d'oxygène utilement et physiologiquement 
élaboré. 

Il se trouve donc un excès d’azote dans l'atmosphère, et 
je ne m'étonne nullement que , tout récemment , M. Arago 
ait assuré que l’air contenait une quantité notable d’acide 
azotique dans la pluie tombée à Paris. Ceci se comprend 
très-bien ; de l’azote en surabondance , de l’oxygène dans 
l'air, de l'électricité par les orages, voilà bien de quoi com- 
- poser de l'acide nitrique. 

Je serais bien désireux de savoir si la pluie tombée dans 
les endroits où la vigne est malade, contient partout de ce 
même acide. 

N'est-ce-pas par une perturbation analogue, que l'air 
qui vient d’être analysé par M. Frésénius, se trouve conte- 
nir un autre composé azoté, l’'ammoniaque ( azoture d’hy- 
drogène). Il en existe. même, dit ce chimiste, plus la nuit 
que le jour, puisque dans la journée , l’analyse lui a dé- 


( 379 } 
montré qu'il y avait 0,098 d'ammoniaque et après le cou- 
cher du soleil, 0,169, ce qui donne pour moyenne, 0,133. 

Toutes ces modifications dans la composition de l'air me 
semblent avoir de l'influence sur les végétaux. 

Relativement à ce qui produit la maladie de la vigne, 
rien jusqu'ici n'a été établi d’une manière solide. 

Aussi, ne doit-on pas trouver étrange , des suppositions 
parmi lesquelles se rencontrera peut-être la réalité ? 

Or, voici ce que j'ai remarqué en continuant les expé- 
riences auxquelles je me suis livré sur les propriétés toxi- 
ques des champignons. 

C'est que cette année, les agarics et les bolets ont été 
bien plus rares que les années précédentes ; ce qui le prouve, 
c'est leur cherté dans nos marchés, et les botanistes qui ont 
fait des excursions ont pu voir que, non-seulemeut dans les 
environs de Bordeaux , mais encore dans tout le départe- 
ment et ailleurs, ce défaut de reproduction a été observé. 
Cette rareté de champignons volumineux ne serait-elle pas 
la cause du développement exagéré de l'oidium, de ces 
taches rouilleuses et d’autres cryptogames qui ont altéré les 
plantes ? : 

La nature ne perd jamais ses droits; si elle perd d’un 
côté , toujours elle gagne de l’autre. C’est ce qui peut-être 
a eu lieu dans les phénomènes de la mycétologie. 

Les animaux en s’entre-dévorant ne se multiplient et ne se 
perpétuent-ils pas aux dépens les uns des autres ? L'homme 


lui-même , lorsqu'il vient à peupler un pays, ne voit-il pas es 


tous les animaux qui l’habitent disparaître , et l’homme en  . 


les immolant , ne fait qu’obéir à cette loi qui exige que si 
l'un gagne l'autre perde. 

Je pense donc que les éléments que la nature avait con- 
sacrés aux grandes cryptogames, s'étant trouvé peu en har- 


( 380 ) 

monie avec leurs lois germinatives habituelles, se sont por- 
tés dans une autre direction , et ont augmenté considérable- 
ment le nombre des petites espèces qui ont ainsi pullulé, 
comme nous l'avons vu ; cette idée est peut-être assez sin- 
gulière, mais il est des phénomènes qui paraissent étranges 
au premier abord et deviennent cependant plausibles pour 
peu qu'on y réfléchisse. 

Empoisonnement attribué à l'ingestion de raisins attaqués 
par l'Oidium Tuckeri. — Les journaux de médecine, de 
chimie, et grand nombre de journaux politiques , répètent 
depuis quelque temps qu’un cas d’empoisonnement semble 
avoir-été occasionné par des raisins oïdiés. Et cependant 
presque tous achèvent leur article en disant que c’est encore 
le seul cas observé et. que souvent, on a vu des personnes 
manger des raisins couverts d’oidium sans éprouver aucun 
accident. 


Ds ajoutent aussi que des animaux qui avaient avalé du 
raisin malade n'avaient paru ressentir aucune incommodité. 
Je puis affirmer pour ma part que j'ai fait des expériences 
à ce sujet et que jamais je n’ai vu la mucédinée en question 
être la cause du plus petit dérangement. A plusieurs repri- 
ses j'ai mangé et j'ai vu manger des raisins frappés d’oi- 
dium ou des autres maladies que j'ai signalées, et jamais ni 
les autres, ni moi-même, n'avons rien éprouvé de fâcheux. 
Seulement, le goût de champignon erû se fait fortement 
sentir dès qu'on les met dans la bouche. 

J ajouterai qu'à Mérignac, un propriétaire avait chti 
du raisin couvert d'oiïdium pour faire quelques essais et 
qu'un tout jeune enfant en ayant mangé une assez grande 
quantité, n’en eut pas le moindre dérangement. 

Maladie du vin. — On a parlé depuis longtemps des ma- 
ladies ou des altérations qui peuvent survenir naturellement 


( 381 ) 

au vin. Assurément si l’oidium avait été connu, on l’eût ac- 
cusé à hauts cris, etje suis à me demander si cette croyance 
une fois établie , 1l eût été possible de prouver que l’oidium 
n'était point le coupable. Je suis sûr que si aujourd’hui 
certains vins étaient altérés sans cause connue et que le 
raisin n’eût pas été malade, on imaginerait un oïdium 
latent. C’est pour empêcher qu’on ne puisse peut-être ainsi 
embrouiller encore plus la question de la maladie de la 
vigne , que je parle ici des maladies du vin. 

Comme on le sait , les maladies les plus communes, sont 
celles connues sous les noms de pousse par laquelle une 
fermentation tumultueuse dans le tonneau fait tourner le 
vin à l’amertume ; la graisse par laquelle le vin se charge 
d'une matière visco-oléagineuse ; l'acide ou développement 
spontané de l’acescence ; l’amer où le mot indique assez la 
saveur qui se développe; la fleur ou végétations cryptôgami- 
ques qui surnagent. La verdeur et le fût. 

L'oidium donnera-t-il une maladie nouvelle du vin , c’est 
ce que nous ne pouvons pas dire encore ; car si l’altération 
du raisin est profonde, il se trouve entièrement desséché et 
il est inutile de le mettre au pressoir ; dans le cas contraire, 
il donnera du vin dont les résultats ne seront bien connus 
que plus tard. 

En 1852, la vigne n’est pas la seule plante malade dans 
le département de la Gironde. À Eyzines , par exemple, les 
pommes de terre { solanum tuberosum ) ont été fortement 
altérées par le botrytis infestans ; à Saint-Médard-en-Jalle, 
les haricots ( phaseolus ), ont eu les gousses et les tiges cri 
blées d’urédinées , les grains avaient leurs vaisseaux hyper- 
trophiés et étaient entachés de mucédinées d’une odeur et 
d’une saveur désagréables ; au Bouscat , les melons ( cucu- 
mis melo) et d’autres cucurbitacées se sont sphacélées ; 


( 382 ) 

dans les faubourgs de Bordeaux , la plupart des tomates 
{ lycopersiceum esculentum ) ont revêtu. spontanément des 
taches rousses qui en se ramollissant s’ulcéraient, se ca- 
riaient et gagnaient irrégulièrement l’intérieur du fruit et 
amenaient bientôt un putrilage complet; les feuilles du 
charme ( carpinus betulus } ont offert ailleurs une espèce de 
pellicule ou tissu blanchâtre, extrêmement abondant; les 
groseilles ( ribes } ont eu à souffrir de l’erysiphe divaricata 
ou mal blanc: les betteraves ( beta vulgaris-maritima ) ont 
été gênées dans leur développement par l'engorgement du 
système vasculaire ; sur les feuilles du peuplier, il a paru 
une sorte d’exsudation noire et goudronnense; d’autres 
observations me montrent qu’on a vu en plus grande abon- 
dance qu’à l'ordinaire , le facon sur le safran, l’elyciphile 
sur le sucre, le palmella prodigiosa du D. C.Montagne 
({monas prodigiosa du D. Ehrenberg. — Zoogalactina 
imetropha du D." Sette ) sur certains aliments. 

Il y a donc eu cette année un développement extraordi- 
naire de cryptogames parasites. . 


ACER CS TE SORA URSS RS ST A ne Es et DT, 


{ 383 ) 
IV. 


Rapport sur les deux Mémoires suivants : 


#0 Relazione intorno alla Malattia delle Uve, dottore BER- 


TOLA , relatore. — (Torino , 10 Septembre 1851 ); 


20 Sulla Malattia delle Uve Istruzione popolare , del Dottore. 
BERTOLA. (Torino, 19 Luglio 1852); 


lu en séance de la Commission de la Maladie de la 
Vigne, le 2 Décembre 1852, par le D." Ta. CuiGNEAU, 


rapporteur. 


Messieurs F 


J'avais été chargé par vous de l'honorable et quelque peu 
difficile mission de vous rendre compte de deux Mémoires 
que la sollicitude éclairée et pleine de ressources de notre 
zélé Président de la Société Linnéenne (1) vous avait pro- 


curés. Ces deux Mémoires, dûs au même auteur, ont été 


publiés à dix mois de distance , l’un le 10 Septembre 1851, 
le second le 19 Juillet 1852. É 
Tous deux se recommandaient à vous par le nom de 
l'auteur, par la haute position de la Société, sous l’inspi- 
ration de laquelle ils ont été faits, c’est l’Académie Royale 
d'Agriculture de Turin ; tous deux enfin se recommandent , 


je puis bien le dire d’avance , par le soin extrême qui a été . : 


apporté à leur confection. 
Le premier est intitulé : Relation de la Malaihia. . 
raisins, lu dans la séance extraordinaire du 10 Septembre 


(4) M. Charles Des Moulins. 


( 384) 

1851 , par le D." Bertola, au nom d’une Commission com- 
posée de MM. Cantu , Abbene, Prof." Dalponte, D." Joseph 
Lessona , Bonaselli et Griseri, ces deux derniers chimistes. 

Le titre seul, Maladie des raisins. vous indique déjà le 
point de vue sous lequel après de minutieuses et longues 
discussions, le rapporteur est venu se ranger. A cette époque 
(Septembre 1851}, déjà la maladie sévissait pour la se- 
conde fois dans le Piémont , la sollicitude du Gouvernement 
avait été éveillée, et, de tous côtés, rapports et communi- 
cations aflluèrent vers la Commission spéciale saisie de la 
question, Les documents fournis par les diverses autorités 
(Intendants des Provinces) de toutes les parties du royaume, 
les commanications officieuses dues à quelques personnes 
zélées , les travaux de la Commission elle-même forment un 
ensemble considérable , qui, à lui seul, constitue, à peu 
de chose près, la première partie du Mémoire qui nous 
occupe. 

Je ne puis vous faire connaître en détail tous ces faits ; 
. mais ce qu'il y a de plus remärquable, c’est que si dans ce 
rapport, aux noms Italiens on substitue ceux des diverses 
communes de la Gironde, à ceux des observateurs cités, 
d’autres noms connus de vous tous, le rapport Italien 


traduit en français pourrait, au moyen de cette mutation, 


recevoir ce titre: Relation de la Maladie du Raisin 
dans la Gironde. Ainsi, apparition, marche et développe- 
ment de la maladie avec toutes ses variations, avec ses 
contradictions et ses aberrations apparentes ; opinions de 
tout genre émises à ce sujet, moyens curatifs employés, 
tout est semblable ; il y a plus, tout est identique, et cela, 
_ même dans des détails en apparence insignifiants. Pour ne 
vous en citer qu'un, je vous rappellerai que dans une de 
vos séances, on vous communiqua une feuille de Plantago, 
qu'on présumait à sa coloration blanche être recouverte 


| ( 385 ) 

| d'Oïdium Tuckeri ; le même fait, mot pour mot, s'était 

: “. présenté aux commissaires de Turin (1). 

| Je reprends l’analyse du rapport. 

* Après avoir raconté l'apparition de la maladie en Angle- 
terre (1845), où le jardinier Tucker la signale le premier, 
où le D.' Berkeley détermine spécifiquement l’oïdium nou- 
veau, son apparition en France (1850), où notre savant 
correspondant , le D." Montagne, la reconnait à Suresne, 
M. Bertola rend compte des travaux de la Commission dans 
les territoires de Rivoli, de Moncalieri et de Pianozza. Il 
passe en revue rapidement les moyens employés et termine 
par ces rapports officiels dont j'ai déjà parlé. 

Je me borne à faire deux remarques dans cette première 
partie. 

| 1° En ee de l’apparition de la maladie en Angleterre, 

| M. Bertola rapporte (2) (et ces paroles imprimées entre 

4 guillemets indiquent que l’auteur les a extraites d’un ou- 

4 vrage , je ne sais lequel) que M. Tucker, de Margate, re- 

' connut la maladie sur la vigne cultivée dans les serres et à 
l'air libre ( all’ aria libera). I] me semble qu’on a négligé 
bien souvent de tenir compte de ce fait, et peut-être à tort, 
car, souvent on s’est appuyé sur la première partie seule 

. de l'observation de M. Tucker ; témoin M. le D." Bouchar- 
dat, qui dit (3): C’est dans les cultures des vignes forcées 

que le mal a pris naissance pour se répandre au dehors. 

2.0 Parmi les moyens employés et signalés par M. Ber- 
tola , il en est un qui pour nous a acquis un certain degré 
d'intérêt, par suite de la communication que vous a faite 


(4) D.r Bertola ; Relazione int alla m 1 uve, p. 42 

(2) D.r Bertola; Loc. cit., p. 3. 

(3) Compte-Rendu des séances de l’Académie des Sciences ; 1851, 
2.+ semestre, cité par le D.r Bertola; Loc. cit., p. 


{ 386 ) 

un des viticulteurs (1) du département que vous avez ad- 
mis à vos réunions , je veux parler de la vapeur du soufre 
brûlant. Mentionné au commencement du rapport (2) en 
quelques lignes, cet agent reparaît plus loin (3), M. Cantu, 
président de la Commission de Turin l'ayant employé avec 
le plus grand succès : mais ajoute-t-il, 4? demande la plus 
grande précaution. 

Il est bon de remarquer toutefois à ce sujet, que M. 
Bertola signale dans cette application du soufre , un fait que 


votre sous-commission avait elle aussi reconnu : c’est le 


grand dommage qui en résulte pour les feuilles. 

Plus loin, M. Bertola blâme l’effeuillage immodéré de la 
vigne , comme moyen curatif. Or , l'inconvénient remarqué 
dans l’action de la vapeur sulfureuse, représentant un ef- 
feuillage d’une certaine espèce, peut-être doit-on attribuer 
à ce motif le silence que le savant rapporteur a gardé dans 


sa, discussion générale sur ce procédé, qui ne se trouve 


ainsi cité que pour mémoire. 

La seconde partie beaucoup plus importante que la pré- 
cédente est la discussion de tous les faits déjà indiqués. 

La description de la maladie , sa fréquence plus ou moins 
grande sur telles ou telles espèces ou dans telle ou telle 
exposition sont traitées en peu de mots et reproduites litté- 


ralement dans l’Instruction populaire dont je parlerai plus  . 


tard ; mais, tout d’abord , comme rapporteur , M. Bertola 
déclare que la maladie lui paraît extrinsèque, maladie du 
raisin et non de la vigne, due à la présence et au dévelop- 
pement d'une production cryptogamique. Cette opinion est 
du reste appuyée et défendue par les professeurs Savi de 
Florence , Gasparrini de Naples, Gaddi, de Modène. 


(4). M. de La Vergne , prop. du à Macau. 
(2) D. Bertola, loc. cit. pag 
(3) D:r r Bertola, doc. cit. ne NS 


* 


( 387 ) 

Non content de s'appuyer pour soutenir cette opinion sur 
les observations de la Commission et sur ces autorités illus- 
tres et certainement bien compétentes, notre auteur reprend 
une à une pour les réfuter toutes les opinions contraires. 

C’est ainsi qu’il passe en revue les prétendues causes 
suivantes : 

(a) L'action directe d’un principe miasmatique sur la 
peau du raisin (M. Roubaudi, de Nizza) ; 

b. La désorganisation de l’épiderme (M. Orlandi) ; 

c. Le défaut d'équilibre dans les fonctions vitales de la 
vigne , produit par quelques circonstances re er 
ou géologiques (Commission de Gênes) ; 

d. Les vicissitudes atmosphériques seules (M. Zumaglini) 
et les prétendues découvertes de ce même observateur, fe- 
sant de l’Oïdium Tuckeri, un Acrosporium micropus et an- 
nonçant un nouveau genre et une nouvelle espèce de cham- 
pignon sous le nom de Cacoxenus ampeloctonos ; 

e. Une altération primitive mais inconnue de la plante : = 
cette opinion contraire à celle qui est généralement répan- 
due en France, dit M. Bertola (1), appartient à M. le D. 
Leveillé, et cependant ce mème observateur, de même que 
M. Decaisne avoue n'avoir jamais observé que des lésions 
externes. 

Près de cette théorie, se rangent celle de MM. les doc- 
teurs Ronca et Beccari , qui regardent la maladie de la 
vigne comme analogue à la pellagre et celle de M. Panizzi, 


qui est conduit à nuire un affaiblissement de la vitalité ee 


de la plante. = 
f. Enfin, un ans, M. Righini r attribue à une pe 

tion chimique du sue acide du raisin sur la matière azotée. 
Notons encore que pour ce qui regarde l’Oïdium Tucheri 


(1) Loc. cit. page 38. 
Tome XVIII. 


388 ) 
lui-même, M. le P. Savi a admis son identité avec l’Oïdium 
Leuconium que notre savant cryptogamiste, M. Desmazières, 
a reconnu en France sur une foule de plantes. 

M. Bertola passe ensuite à l'examen de la facilité de re- 
production de la maladie et à ce snjet, permettez-moi, 
Messieurs de vous reproduire son opinion sur les spores : 

» Les semences de cette espèce (d’Oïdium) comme d'une 
» infinité d'autres végétaux microscopiques , connus ou in- 
» connus, ont toujours existé et existent en tous lieux, 
» suspendus dans l'atmosphère, se déposent sur tous les 
» corps, mais ne se développent que quand elles se trouvent 
» dans des conditions favorables (4) ». : 

Cette opinion n’est pas du reste nouvelle et le savant M. 
Dutrochet la formulait ainsi (2) : « Les moisissures, bys- 
» sus, etc., doivent leur apparition au développement de 
» germes invisibles répandus avec profusion dans la na- 
» ture et n’attendant que des conditions favorables pour se 
» développer » ; et plus lein : « Les moisissures ont des se- 
» mences dont la ténuité est excessive, et qui, répandues 
» dans l'air atmosphérique , contenues même peut-être dans 
» les liquides anjmaux et végétaux, se développent sous for- 
» me de thallus filamenteux , lorsqu'elles se trouvent envi- 
» ronnées de conditions nécessaires à leur développement ». 

Quant aux prétendues anomalies observées dans le déve- 
loppement de la maladie , sous le rapport de l'influence de 
l'humidité et de l'exposition, M. Bertola fait voir par un 
examen rigoureux que ces contradictions ne sont qu'ap- 
parentes et que toujours il y a une certaine humidité pour 
expliquer l'apparition de l’Oïdium. 

La maladie se présente-t-elle actuellement pour la pre 


(4) D.r Bertola, Loc, cit. pag. 43. 
(2) Dutrochet ; Sur Éric des moisissures, in Ann. Sc. nat. 2.° 
sie ” 1. 


( 389 ) 


mière fois ? En réponse à cette question, M. Bertola rap- 


porte avec doute d’après les docteurs Ronca et Beccari qu’elle 
aurait fait apparition dans le Montferrat en 1543 ; d’après 
M. Protati, en 1780 dans la Novarre. Une récente commu- 
nication, que nous devons encore aux relations si étendues 
de notre Président est venue jeter quelque lumière sur cette 
question (1). Toutefois notons que, dès 1851 , M. Bertoia 
s’exprimait ainsi (2) : - 

» Généralement, on admet que la maladie actuelle n’a 
» pas existé de mémoire d'homme. Je n’en trouve aucune 
» indication dans l'ouvrage classique d’agriculture de Rozier, 
» ni dans celui plus récent et intitulé Seul cours complet 
» d'agriculture, ni dans les autres-ouvrages moins impor- 
» tants que j'ai pu consulter dans le pew de temps que j'ai 
»* eu. Il me semble toutefois assez croyable que cette mala- 
» die a pu apparaitre d’autres fois, mais partielle et ME 
» fensive et n'ayant que peu ou point de suite ». 

Examinant avec détail et par la voie de l'expérience les 
effets des raisins malades sur l’homme et les animaux, soit 
comme aliment , soit comme boisson, M. Bertola conclut à 
leur innocuité. Quant au produit, l'opinion de la Commission 
est des plus formelles. « Quant au vin (3), la Commission 
» n'hésite pas à déclarer comme privée de fondement, la 
» crainte trop généralement répandue et favorisée par quel- 
» ques spéculateurs , que les qualités nuisibles du raisin en 
» passant dans le vin ne devinssent la cause de maladies 
» pestilentielles très-graves. 


» Quand l’époque des vendanges sera arrivée, des Me  . 


- (4) Soc. Linn, de Bord. — Commis. de la maladie de la vigne. — 
séiiis du 18 Novembre 1852 

(2) Bertola, Loc. cit., pag. ë8. 

(3 ) Bertola, loc. cit., page 51. 


o 


( 390 ) é 
» gravement atteints de la maladie seront tout-à-fait secs et 
» tomberont d'eux-mêmes , ou bien ils se détacheront faci- 
» lement pendant l'opération de la récolte ; au contraire, 
». ceux qui auront été plus tard atteints de la mucédinée, 
» seront presque guéris et la fermentation détruira le reste ». 

Du reste, parmi nous comme dans le Piémont, des 
craintes analogues s'étaient produites, et votre Commis- 
sion a fait insérer à ce sujet , dans les journaux de la ville, 
une note identique aux conclusions de la Commission de 
Turin (1). 

Quant aux animaux, l’innocuité de cette alimentation est 
encore la même ; elle est attestée par le rapport très-minu- 

tieux et très-circonstancié de M. Lessona, professeur à 
l'Etablissement royal de la Vénerie. On y trouve encore: 
mentionné le fait curieux suivant (2 ) : 

« Antoine Cambiano , du village appelé Madonna del Pi- 
» lone , a préparé du verjus avec les raisins les plus oïdiés 
» et y a fait macérer de petits pains d'épices... Son fils 
» aîné, atteiñt depuis une quinzaine de jours de fièvres 
» tierces, mangea de bon matin sept de ces petits pains, 
» but par-dessus une bonne dose de vin pur , et, dès ce 
» moment, la fièvre disparut ». 

Le savant rapporteur continue par l'examen des divers 
moyens curatifs employés : effeuillage, chaux, poudre de 

soufre appliqués par le procédé Gontier. Il expose en détail 
ce procédé, de même que celui de M. Duchartre déjà ap- 
pliqué par M. Kyle, agriculteur auglais, et qui consiste 
dans l'arrosage avec de l’eau tenant en suspension de la 
fleur de soufre. 


(1) Soc. Linn. de Bord. — Commission de la Maladie de la Vigne. 
— Séance du 
(2) Dot. Gius Lessona ; in Dre. Bertola , oc. cit. page 54. 


( 391 

Seulement, remarquons avec MM. Bouchardat et Bertola, 
qu’on a donné à certains moyens curatifs une importance 
qu'ils n'avaient pas. La guérison de la maladie par elle- 
même , si je puis m’exprimer ainsi, c’est-à-dire, la dispa- 
rition spontanée de l’oïdium est un fait avéré, et dès-lors , 
les moyens, pour être jugés, doivent être appliqués simul- 
tanément et dans les mêmes circonstances (1 ). 

Et, pour le dire en passant, cette guérison spontanée 
n'est-elle pas la meilleure preuve que la maladie n’appar- 
tient pas à la vigne elle-même ? 

Je ne fais que mentionner la poudre de plâtre moins 
efficace que la chaux, la lessive de cendres , l’eau de gou- 
dron , reconnue utile par le jardinier de M. Rotschild, à 
Suresne , et moins heureuse entre les mains de M. Cantu, 
le labourage renouvelé, la taille courte. 

M. Bertola conseille enfin la méthode de M. Pépin, cé- 
lèbre horticulteur français, qui consiste dans la taille au- 
tomnale , alors même que la vigne est couverte de feuilles 


et de fruits. C'était, du reste , la conclusion à laquelle était 


déjà arrivée la Commission de Gênes. 

Enfin, et c’est la considération importante par laquelle 
M. Bertola termine son rapport, la maladie est-elle conta- 
gieuse ? Notre Rapporteur est porté à croire qu’il n’y a 
Propagation , transmission de l’oïdium ou des semences de 
l'oidium que par la voie atmosphérique et qu’il n’y a de 
développement de ce même oidium qu’autant que les spores 


se trouvent dans des circonstances favorables ; car, ajoute- : 
til (2), en définitive, « si l’oidium peut exister sans lésion 


(4) « Cette _—. sd peut _. cg en ss — 
» qu’on applique un remède quelconque, a 
» attribue à tort F'antration rss ». D.r RE, PS pra par M. 
Bertola, Loc. cit, page 60. 
(2) D.r Bertola, ae eit., page 62. 


( 392 ) 
» de la substance du grain, on n'a pas vu de lésion existant 
» ou ayant existé sans oidium ». 

Tel est, Messieurs, le résumé succinct et fidèle, je le 
crois du moins , du premier Mémoire de M. le D." Bertola. 
Clarté d'exposition , méthode élégante de style, discussion 
minutieuse , soignée, et surtout impartiale : telles sont à 
mes yeux les qualités qui distinguent ce rapport éminem- 
ment remarquable et qui fait le plus grand honneur au 
Rapporteur savant et zélé qui l’a rédigé, et à la Société dont 
il a l'honneur de faire partie. 


Le second Mémoire est, comme son nom l'indique, une 
Instruction populaire, c’est-à-dire à la portée de tout le 
monde , rédigée par le même D.r Bertola , et approuvée par 
la Commission de l’Académie royale d'Agriculture du Pié- 
mont, dans sa séance du 19 Juillet 1852. 

Cette instruction, très-succincte , est pour ainsi dire un 
résumé du grand rapport de la Commission que j'ai analysé 
précédemment ; il y a tout ce qui peut intéresser un pro- 
priétaire , un viticulteur , touchant la maladie de la vigne ; 
rien de plus , rien de moins. : 

Seulement , tout en faisant des extraits textuels dans son 
premier Mémoire , pour ce qui regarde par exemple la ma- 
nière dont apparaît et se développe la maladie , M. Bertola 
y ajoute la description qù’en a donnée un homme, dont 
personne ne pourra décliner le savoir et la compétence, M. 
: Hugo Mohi. 

Cette description des phénomènes m'a paru tellement 
claire , que je ne puis m’empècher. de l’insérer dans mon 
rapport (1). 


(1) lei se trouvait un extrait qui a été supprimé à l'impression, la 
Commission ayant décidé que la traduction ss de l’Instruction 
populaire serait jointe au présent Ra 


7e EEE EN PR PR A EE ET SRE eve Et Pod 


LÉ 


(393) 

Vous le voyez, Messieurs, cette description est claire, 
précise, quoique minutieuse : c’est ce qu’a vu M. Bertola, 
ce que vous avez vu, ce que tout le monde a vu parmi 
nous. Ce qu'il y a de plus remarquable, c’est qu’à cet ex- 
posé pratique, en quelque sorte, M. Bertola a su joindre 
la description véritablemeut scientifique de cette production 
cryptogamique, afin que tout le monde pût bien savoir de 
quoi il s’agit, et pût distinguer au moyen de caractères 
Spéciaux, la maladie actuelle d’autres altérations de la vigne, 
telles que : 

1.0 Le développement extraordinaire de poils qui carac- 
térisent spécialement certaines variétés de la vigne ; 

2.0 D'autres cryptogames, comme l’Erineum vitis ; 

3.° D’autres altérations appelées en Italien marino , bru- 
sarola et qui correspondent aux effets que chez nous on 
attribue à l'influence des vents dits salés. 

Sans entrer dans la discussion approfondie des causes de 
la maladie actuelle , M. Bertola résume très-succinctement 
ce qu'il a déjà dit à ce sujet dans son premier Mémoire. 
Ainsi , il regarde comme causes de la maladie actuelle des 
variations atwosphériques tout exceptionnelles, qui ont 
produit le développement extraordinaire des champignons 
déjà indiqué. Quant à la supposition d’une maladie essen- 
tielle de la vigne, M. Bertola la rejette de toutes ses forces. 

Passant en revue la série des autres causes, M. Bertola 
en mentionne une qu'il n'avait pas examinée en 1851, c'est 


la présence d’un acarus, regardé par M. Robien 2 Fos. 


comme l’origine de la maladie, Cette assertion 

vous le savez, Messieurs, au Congrès scientifique d” Orléans. 
Il n’est pas besoin de dire que M. Bertola la repousse en 
s'appuyant sur les raisonnements exposés par M. Letellier. 


À ces réponses, vous pourrez joindre les réflexions si judi- 


( 394 ) 
cieuses et si élevées de votre savant ne rpondant de St- 
Séver , M. Léon Dufour (1 ). 

La maladie de la vigne n'est pas contagieuse, dit M. 
Bertola ; c'est la conséquence nécessaire du point de vue 
sous lequel il l'envisage. La dissémination des spores, d’une 
part, la vègétation plus luxuriante de l’autre : tels sont les 
deux phénomènes qui caractérisent le fléau. Donc, toutes 
les fois que des circonstances diverses viendront faciliter le 
développement de l’un et de l’autre, l'affection, c’est-à- 
dire , l’oïdium aura plus de chances de se développer. 

M. Bertola énumère enfin les moyens curatifs employés ; 
ainsi il reproduit la solution de sulfure de chaux, le lait de 
chaux, les lessives de cendres, les solutions alcalines (alun» 
bi-carbonate de potasse) , l’eau de goudron. Mais en dehors 
de ces agents, celui qu’il conseille comme le meilleur, c’est 
le soufre en suspension dans l’eau, administré par le pro- 
cédé Gontier. Comme prophylactique , il conseille à l’imita- 
tion de M. Duchartre et de la Commission gle Gênes, la 
taille automnale et l’enlèvement de la vieille écorce. 

Mais, encore une fois, répète M. Bertola (2), à la fin de 
son mémoire , la maladie régnante est une maladie du raisin 
et non de la vigne. 

Le meilleur éloge que l’on puisse faire de cette instruc- 
tion, Messieurs, c'est qu’elle remplit son titre : elle est 
complète, elle instruit, et elle est à la portée de tout le 
monde. 

Ne serait-il pas bon, ne serait-il peut-être pas utile; 
toutefois en l’accompagnant des notes nécessaires, de la ré- 
pandre et de la populariser ? 

Quoiqu'il en soit, il ne me reste plus comme rapporteur, 


marient 


(1) Act. dela Soc. Linn. de Bord., t. a pag. 
(2; Bertola, Istruz. popol. pag. 12. 


( 395 ) 
qu'à vous proposer, Messieurs, de vouloir bien fée la 
résolution suivante : 

« En raison de l'importance des travaux de la Commis- 
» sion de l’Académie royale d'agriculture de Turin , en par- 
» ticulier de ceux de M. le docteur Bertola , le Président de 
» la Commission formée au sein de la Société Linnéenne 
» de Bordeaux, est invité à écrire à M. Bertola, au nom 
» de la Commission ; à lui tèmoigner tout l'intérêt que nous 
» avons pris à ses belles et consciencieuses recherches ; à 
» lui faire part de nos travaux ; à le prier de vouloir bien à 
» l'avenir nous communiquer les résultats théoriques ou 
» pratiques que l'on aurait obtenus dans le Piémont et 
» les travaux auxquels la savante assemblée dont il fait 
» partie , se serait livrée sur le sujet qui nous occupe ». 

Telles sont mes conclusions, Messieurs , à l'égard de M. 
le docteur Bertola ; et si vous voulez bien les accueillir , il 
est bien entendu que ces relations ne pourront s'établir que 
quand notre Commission publiera le compte-rendu de ses 
travaux. 

Mais auparavant, Messieurs, je viens vous prier d’ac- 
complir ce que je regarde comme un heureux devoir : c’est 
de voter de chaleureux remerciements à notre zélé Prési- 
dent (1), qui nous a valu cette bonne fortune , auquel nous 
devons d’avoir été initiés aux travaux italiens d’une si 
grande portée et d’un intérêt si puissant ; en même temps, 
. je vous ferai remarquer que nous devons nous estimer d’au- 
tant plus heureux d’avoir eu ces communications, que M. . 
Bertola s'exprime ainsi à propos du grand rapport En . 
Commission (2) : 

« Cette relation, imprimée par ordre de 1 ee mais 


Sr42 TS nr 


(4) M. Ch. Des Moulins , président de la S 


LA 


(2) Istruz. popol. pag. 4. 


(3% ) 
» à un trop petit nombre d'exemplaires n'a pas pour ainsi 
» dire été livrée à la connaissance du public ». 

Plus heureux que la majeure partie des Piémontais, nous 
avons pu en avoir connaissance ; mais par cela même ne 
devons-nous pas être plus empressés à reconnaitre le zèle, 
et l’obligeance de celui à qui nous les devons ? 


D.r Tu. CuicneAU , rapporteur. 


La Commission de la maladie, dans sa séance générale du 2 Dé- 
cembre 1852, a adopté les conclusions de ce rapport. 


Le Secrétaire rapporteur de la Commission , 


Cn. LATERRADE, 


( 397 } 


SULLA MALATTIA DELLE UVE 
ISTRUZIONE POPOLARE, 
Dottore V. F. BERTOLA, 


approvala della Commissione della R. Accademia d’Agricoltura 
nella seduta del 49 Luglio 1852. 


INSTRUCTION POPULAIRE 
MALADIE DES RAISINS 
Par le docteur BERTOLA ; © 


traduit de l'Italien par te D.r Tu. CUIGNEAU, membre de la 
Société Linnéenne. 


Si la maladie des pommes de terre, devenue depuis quel- 
ques années générale en Europe, n’a pas épargné notre 
pays , celui-ci du moins ( plus heureux que bien d’autres, 
dont la principale subsistance consiste dans ce produit} n’en 
a pas éprouvé un. grand dommage ; il n’en est pas de même 
de la maladie des raisins, qui a envahi la presque totalité 
de nos vignobles dans la déplorable année 1851, et qui 
de nouveau vient aujourd’hui infester nos vignes. En effet, : 
on peut bien dire que le vin est un objet de première né- 
cessité pour le Piémont, mais il peut encore, sans aucun 
doute , devenir un objet de commerce très-lucratif avec l'é- 
tranger , pourvu que l’on emploie de bonnes méthodes de 
fabrication. 


( 598 ) 

Cette maladie, dont la première apparition en Europe 
date de 1845 , avait été pour moi l’objet d’une notice que 
j'avais insérée dans le Répertoire d'Agriculture de M. Ra- 
gazzoni ( cahier de Novembre 1850). J'avais recueilli et 
examiné les diverses notices qui étaient parvenues à ma 
connaissance et je gardais la salutaire confiance que la ma- 
ladie n'aurait pas franchi les Alpes , cette barrière imposée 
par la nature pour la défense de notre belle Italie. Mais ce 
funeste fléau est venu deux années consécutives donner, 
pour ainsi dire, un démenti à ma trop grande sécurité, en 
infestant tous nos vignobles et se propageant en quelques 
lieux avec une épouvantable rapidité, 

Dans une aussi grave occurrence , le Ministre de l’Agri- 
culture et du Commerce a invité l'Académie royale d’Agri- 
culture à étudier les caractères et la marche de la maladie, 
ainsi que les moyens jugés utiles pour la réprimer. A cet 
effet , l’Académie nomma de suite dans son sein une Com- 
mission dont les membres visitèrent avec sollicitude plusieurs 
vignobles , situés à peu de distance de cette capitale, dont 
les uns n'’offraient rien d’extraordinaire et les autres furent 
reconnus infectés de la maladie. 

Le même Ministre invita aussi les Intendants des provin- 
ces, tant de la Terre-Ferme que de la Sardaigne, à lui 
transmettre avec le plus grand soin les renseignements 
.qu'ils auraient acquis sur la maladie régnante. Les admi- 
nistrations publiques et aussi quelques particuliers animés 
de l'amour du bien public, répondirent à ces invitations. 
Ces documents étaient transmis par le Ministère à M. Cantu, 
et c’est de ce dernier que je les tenais; car, la Commission 
m'avait confié la charge honorable et pénible de les exami- 
ner tous et avec la série des observations faites par la Gom- 
mission d’en rédiger une relation complète. 

Pénétré de la haute importance et des difficultés de la 


{ 399 }) 
charge qui m'était confiée, je ne m’épargnai aucune peine 
pour que mon travail ressortit aussi complet que le permet- 
taient le peu de temps que j'avais à y consacrer, les vives 
instances du Ministre pour sa soigneuse exécution et l’épo- 
que déjà avancée de la saison. 

Cette relation, imprimée par ordre de l’Académie, mais 
à un trop petit nombre d'exemplaires, n’a pas, pour ainsi 
dire , été livrée à la connaissance du public. Il en est de 
même de l’Appendice à cette relation, que je fis insérer 
dans le No de Juin 1852 du même Répertoire. On connais- 
sait encore moins les diverses notices ayant trait à l’objet 
de cette discussion et qui furent postérieurement publiées 
dans divers journaux d'Agriculture et d’Horticulture de 
France. : 

Durant ce temps, la fatale maladie s'est répandue de 
nouveau dans un grand nombre de localités et semble devoir | 
prendre un accroissement notable , sans qu’on puisse avoir 
recours aux divers moyens curatifs dont on a constaté l’effi- 

-Cacité dans d’autres pays, mais dont nous n'avons ici qu’une 
idée vague et confuse. C’est ainsi que quelques individus 
ont eu recours au funeste expédient de couper les ceps sur 
lesquels les raisins étaient recouverts d’une poussière blan- 

che, regardée par eux comme l'effet de la maladie de la 
vigne elle-même. 

Il y a plus, et beaucoup avant la véritable et réelle appa- 
rition de la maladie avaient crié à une nouvelle invasion, 
fondée sur de fausses apparences. 


Pour tous ces motifs, j'ai conçu la pensée de faire con È : : 
naître en termes adaptés à l'intelligence la plus ordinaireet 


en laissant de côté toute discussion scientifique , les carac- 
tères de la maladie, et les moyens les plus avantageusement 
pratiqués pour la guérir ou l'empêcher. 

Dans le courant de l’année 14851, on ne connut que tard, 


( 400 ) 
par une heureuse inexpérience , l'invasion de la maladie, 
qui, dans quelques localités, semble s'être manifestée à la 
fin du mois de Juin, dans d’autres au commencement 
d’Août , et dans le plus grand nombre de lieux à la fin de la 
première quinzaine de Juillet. 


L'Académie d'Agriculture n’en eut connaissance officielle 
que vers le mois d’Août, c’est-à-dire, quand la maladie 
avait fait déjà d’effroyables progrès, de telle sorte que la 
Commission nommée à cet effet, n’a pu reconnaître les 
premiers signes du mal d’après des renseignements vagues 
_et insignifiants , les seuls que pouvaient donner des viticul- 
teurs dont l'attention ne s’était pas portée sur ce nouveau 
danger. Et comme, néanmoins, ce sont les premiers symp- 
tômes de la maladie qu’il importe de connaître, afin de 
pouvoir chercher le remède d’après la maxime : Principiis 
obsta, nous pensons devoir rapporter ici ce qu’en a écrit le 
célèbre botaniste allemand , M. Hugo Mohl. 

« Sur l'écorce verte des rameaux de l’année, on remarque 
» des points, où la production cryptogamique commence à 
» végéter et que l’on peut reconnaitre à une altération lé- 
» gère dans la couleur normale primitive. A cette époque, 
° le champignon consiste en un petit nombre de filaments, 
» excessivement ténus , visibles seulement avec le secours 
» d'une bonne lentille, et qui forment par leur réunion sur 
» la surface de l'écorce un réseau irrégulier semblable à une 
» toile d’araignée. Dans les places indiquées, qui ont le 
» plus souvent une ligne de diamètre , l’écorce présente une 
» teinte plus obscure. Plus tard, avec les progrès du mal, 
» ces taches s'étendent, deviennent confluentes et prennent 
» la couleur brune du chocolat. 

» La maladie insignifiante quand elle est limitée aux 
» jeunes rameaux, ne serait pas plus dangereuse quand les 


, ( 401 ) 
» feuilles seraient attaquées : mais il n’en est plus de même 
» quand les fruits viennent à en être atteints ». 

Voilà ce que dit M. Hugo Mohl : pour ce qui est de la . 
période dans laquelle les grains sont attaqués, je préfère la 
description contenue dans la relation citée plus haut et qui 
est plus circonstanciée. 

Il apparaît en commençant, sur les grains, une tache 
gris-brunâtre, presque ronde, velue : plus tard, tout le 
grain se recouvre d’une efflorescence excessivement fine, 
cendrée, visible à quelque distance et présentant l'aspect 
d'une poussière analogue à celle dont sont couvertes, en 
Été, les plantes situées le long des chemins et exhalant une 
odeur désagréable de moisissure ou, selon quelques-uns, 
de poisson corrompu. Cette efflorescence disparaît au bout 
de quelque temps et est remplacée par une petite tache 
colorée en brun, qui s'étend aux haies et à la tige de 
la grappe elle-même. 

Si le raisin est affecté de la maladie quand il commence 
à se former, il se dessèche et tombe, et quand la majeure 
partie des grains d’une grappe en est affectée, les mêmes 
effets arrivent au bois et aux pédicelles. 

Si les grains sont atteints de la mucédinée quand ils ont 
acquis environ la moitié de leur grosseur normale , ils per- 
sistent sans grossir davantage et éclatent suivant leur lon- 
gueur , attendu que l’épiderme ne peut obéir à la distension 
du parenchyme qui continue de croître ainsi que les pépins 
dont le volume fait des progrès jusqu’à un certain point et 


qui restent à nu. Peu à peu le grain se crispe, se dessèche, 


son épiderme prend une couleur olivâätre avec quelques 
petits points brunâtres , et il s’endurcit comme du parche- 
min. Quelques grains moins malades arrivent à maturité, 

mais déformés et plutôt charnus que succulents. Au con- 
traire, dans beaucoup de cas, les grains se dépouillent 


( 402 ) 
rapidement de cette efflorescence , leur couleur verte repa- 
raît nette et brillante et ils continuent de croître jusqu'à 
maturité. 

Si le raisin a été plus tardivement atteint de la maladie, 
c’est-à-dire, quand les grains ont acquis presque tout leur 
développement, l’action des cryptogames n’est plus assez 
puissante pour l'empêcher de màrir et d'acquérir sa gros- 
seur accoutumée , lors même que la grappe serait fortement 
endommagée. : 

Tous ces divers degrés de la maladie se sont présentés 
dans le courant de cette année, dans le même vignoble, 
dans la même rangée de pieds, quelquefois même sur la 
même grappe. Rarement tous les pieds d’une même rangée 
ont été affectés ; le plus souvent, le mal a procédé par sauts 
et à côté d'un pied dont tous les fruits étaient perdus, on 
en voyait un complètement sain. Les feuilles, surtout les 
plus jeunes, présentaient parfois sur leur surface supérieure, 
cette même toile, qui disparaissait facilement au moindre 
frottement. 

La mémoire des pertes éprouvées par nos agriculteurs les 
a rendus cette année prudents et même soupçonneux au 
point de croire à l’existence de la maladie alors même qu'il 
n'y en avait aucun vestige. À cet effet, j'ai fait insérer dans 
la Gazette officielle du royaume une courte note tendant à 
dissiper des craintes sans fondement et de pls jai examiné 
avec soin un grand nombre de rameaux envoyés par divers 
propriétaires de vignobles et porteurs de cette altération à 
trompeuse apparence. 

Dans quelques variétés de la vigne , on voit en effet sur 
les jeunes rameaux ou sur la face inférieure des feuilles une 
multitude de poils blancs, ce duvet est excessivement épais 
sur les feuilles les plus tendres il devient plus rare à me- 


D sr © 


( 403 ) 
sure que la feuille se déploie et à cet état, on l'a confondu 
avec le maudit champignon. | 

Sur la face inférieure des feuilles de vigne, on voit encore 
certaines taches très-épaisses, circonscrites, déprimées cor- 
respondant à une élévation de la face supérieare d’un blanc 
rosé , devenant roussâtre ou couleur de rouille en automne. 
Ces taches regardées par quelques-uns comme un principe de 
maladie sont dues à une espèce de cryptogame microscopi- 
que parasite différent de l'Oidium ; c’est l’Erineum vitis qui 
ne cause aucun dommage ni à la vigne , ni aux raisins, pas 
même aux feuilles si ce n’est aux points où il se développe. 

Quelle que soit la tache ou l’altération dont soient atteints 
les fleurs , les feuilles, les fruits ou telle autre partie de la 
plante que ce soit, et de laquelle ils ne peuvent se rendre 
raison, nos paysans lui appliquent la même dénomination 
de marino comme aussi ils nomment #=arino la maladie des 
vers-à-soie ; enfin cette même dénomination a été donnée 
par eux à la nouvelle maladie du raisin ne tenant en ceci 
nul compte de la production cryptogamique parasite ou bien 
assimilant cette efflorescence à la moisissure, qui naît sur 
les raissins pourris dans les années trop pluvieuses. 

La vigne comme tout autre produit peut être affectée de 
cette maladie qu’on nomme nebbia ou marino ou Brusarola 
et dans le courant de cette année , il m'est arrivé de voir de 
nombreuses vignes et même un vignoble entier complète- 
ment dévasté par ce fléau sans l'apparence d'aucun vestige 
de cryptogamc. 

Aussi, pour éviter de graves équivoques , je vais pas 
en termes les plus simples les plus faciles à 
une description du champignon parasite microscopique qui 
constitue la cause et le signe le plus apparent de la maladie. 

Tout le monde connaît les moisissures qui naissent sur 
les substances animales ou végétales abandonnées à elles- 

Toue XVIII. 28 


( 404 ) 

mêmes dans un lieu humide. Ces moisissures sont des cham- 
pignons microscopiques composés de filaments très-grêles, 
ordinairement très ténus (de telle sorte que le moindre 
frottement les détruit) parfois simples, le plus souvent 
rameux, distincts ou entrelacés et d’une couleur blanche ou 
roussâtre, jaunâtre ou noirâtre. Ces fils forment ce qu'on 
appelle le Mycelium, c’est-à-dire, le corps du même cham- 
pignon. « 

Les botanistes ont distribué ces plantes en divers genres 
dont chacun comprend un certain nombre d’espèces. Le 
mycelium de la mucédinée dont nous parlons consiste dans 
des filaments sub-articulés presque cylindriques , un peu 
ramifiés, d’une couleur blanc roussâtre, d’une odeur nau- 
séeuse , naissant sur la surface de la peau des raisins ou 
bien de l'épiderme des parties vertes de la vigne et pré- 
sente alors l’aspect d’une toile d’araignée. 

La fructification de cette espèce, rapportée par les Bo- 
tanistes au genre Oïdium et distinguée spécifiquement par 
l'épithète de Tuckeri, du nom de celui qui l'a signalée le 
premier, consiste dans des filaments issus du mycelium dont 
nous venons de parler, et longs de ‘/, ou ‘/, de millimètre. 
Ces filaments sont dressés , ascendants, renflés à leur ex- 
trémité en forme de clou, cloisonnés dans l'intervalle ; la 
dernière de ces cloisons forme l'organe appelé sporange qui 
est comme le fruit dans lequel sont renfermées les Spori- 
dies ou séminules. 

Ces sporidies de forme elliptique et d’une longueur qui 
ne dépasse pas 0,351 de millimètre, peuvent être transpor- 
tées par le vent à de très-grandes distances ; en tombant sur 
les parties les plus tendres de la vigne. ils deviennent l'ori- 
gine d'un nouveau mycelium et propagent ainsi la maladie. 
Le champignon s’alimente au moyen des sucs du raisin, 
jusqu’à ce que celui-ci desséché , crevé et devenu comme 


{ 405 ) 
ligneux ne puisse plus lui fournir de nourritnre, et finale- 
ment ce mycelium se trouve détruit. Le professeur Brignoli 
croit que la durée de la vie de ce champignon depuis sa 
première apparition jusqu’à sa disparition complète, ne dé- 
passe dix à douze jours. 

En faisant attention à cette description de la production 
cryptogamique , funeste cause de la maladie spécialé des 
raisins , on évitera de la confondre avec les autres affections 
morbides qui affectent la vigne. 

Les poils longs et gros qui recouvrent uniformément l’é- 
piderme de la face inférieure et non de la face supérieure 
des feuilles, se distinguent facilement de cette toile ténue et 
si fine qni se trouve principalement sur la face supérieure 
et qui s’enlève au moindre frottement. Plus facilement en- 
core on distinguera l'Erineum vitis, qui jamais ne vient 
sur les fruits. Enfin les raisins frappés de marino ou de 
Brusarole restent flétris , roussätres et secs, mais sans in- 


duration et surtout sans se recouvrir en aucun moment de 


cette efflorescence blanche douée d’une odeur sui generis. 
Les renseignements transmis au Ministère de l'Agricul- 
ture et du Commerce des diverses parties du royaume, 
sont d'accord pour attribuer la cause de la maladie qui a 
sévi cette année aux pluies extraordinaires des mois de Mai, 
Juin et Juillet, au froid des nuits succédant à la chaleur 
des jours, aux vents du midi, anx brouillards extraordi- 
naires. Ils s'accordent encore à reconnaître que si des rai- 
sins dont le parenchyme n'était pas encore gâté , ont fait 
des progrès soibles vers leur guérison, ces effets sont 
dûs à la cessation des pluies, et aux journées chaudes et 
sereines qui ont succédé à des jours nébuleux. ils 
s'accordent aussi à reconnaître unanimement l'existence de 
la production cryptogamique sur les raisins malades. Quel- 
ques-uns ont voulu que ce champignon et le dépérissement 


( 406 ) 
du raisin qui le suit, ne fussent que l'effet d’une maladie de 
la vigne elle-même ; mais dans cette hypothèse , il serait 
parfaitement inutile d'appliquer un remède sur les raisins 
malades. 

Il est vrai que en dtan honorables, pensant que 
la maladie a sa cause dans un état de langueur et de débi- 
lité de la plante , ont conseillé de lui donner une bonne fu- 
mure ; la fausseté de cette hypothèse est démontrée et par 
la relation déjà mentionnée et par l’appendice qui l’a suivie 
et surtout par l'observation du grand développement des 
branches de vignes et l'abondance extraordinaire des raisins 
que l’on a remarqué cette année. 

La supposition d'une infection de la vigne causée par la 
plante parasite ne subsiste pas non plus , puisque la cons- 
titution ligneuse du sarment ne peut être endommagée par 
la végétation toute superficielle de la mucédinée. La moëlle 
saine et blanche durant l’accroissement du bois, jaunit et 
se dessèche à mesure que celui-ci mürit, absolument com- 
me dans les temps ordinaires. Quant à la supposition d’une 
dégénérescence de la sève, la Commission de Lyon s’est 
assurée que ce liquide conserve son caractère normal d'aci- 
dité. Es 

M. Robineau-Desvoidy dans un mémoire adressé à l’Aca- 
démie des sciences de Paris a attribué l’origine de la mala- 
die de la vigne à un insecte du genre Acarus. M. Letellier 
a immédiatement combattu cette assertion en soutenant 
que l’Acarus coincide fortuitemént avec le champignon pa- 
rasite , mais qu'il peut exister sans la maladie de la vigne. 
D'ailleurs , l’époque de l'invasion de l'insecte serait d'après 
M. Robineau-Desvoidy aux mois d’Août et de Septembre , 
tandis que la maladie de la vigne commence à paraître bien 

La maladie de la vigne ne parait pas être contagieuse , 


er 


0 LI UN ie SES Re ee M SN CARE DA TR ed 5 Re DO 


+ 


( 407 ) 
car on a vu des raisins demeurer très-sains quoiqu’ils fus- 
sent en contact immédiat avec des raisins malades. La dif- 
fusion de la maladie dans un même vignoble dépend de 
l'influence générale de la cause productrice , c'est-à- — de 
la diffusion de l’Oidium. 

Cette année, l'invasion et l'extinction de la maladie pa- 
raissent plus promptes et plus rapides en raison des cir- 
constances atmosphériques éminemment favorables à la vé- 
gétation de la vigne. Je ne puis dire qu’une exposition plu- 
tôt qu'une autre , que les lieux bas plutôt que les places 
élevées , que les raisins couverts plutôt que. ceux qui sont 
exposés au soleil et aux vents en soient exempts ; je dirai 
seulement : la dispersion des cryptogames s’est faite au 
hasard. Les pluies violentes qui paraissaient propres à ar- 
rêter les progrès de la maladie, ont semblé au contraire 
parfois les favoriser. — Le champignon microscopique se 
nourrit des sucs du raisin, c’est pourquoi l'atmosphère sè- 
che ou humide n’a qu’une légère influence sur sa végéta- 
tion. — Sa diffusion semble dépendre uniquement de la di- 
rection des vents qui transportent çà et là les semences de 
l’'Oidium répandues dans l'atmosphère. Celles-ci germent 
de préférence sur les raisins à peau tendre , et c’est pour 
cela que les raisins à peine formés se désorganisent et tom- 
bent. Quelle sera la terminaison de ceux qui jusqu'ici sont 
restés intacts ? Tout porte à croire qu’au lieu de la richesse 
extraordinaire de nos vignes, nous ne retirerons qu une 
récolte presque nulle. 


La maladie des raisins sera-t-elle passagère ou _— rava- : 


gera-t-elle encor® longtemps nos vignobles ? Quels seront les 
moyens à pratiquer pour s'opposer à une nouvelle invasion 
ou à son influence permanente ? Il est assez difficile de don- 
ner à toutes ces questions une réponse satisfaisante. L’ave- 
nir est plein d'incertitudes pour les botanistes qui ont sé- 


( 408 ) 

rieusement étudié la maladie et observé ses épouvantables 
progrès. Divers moyens ont été employés et ce semble avec 
succès dans les serres et les espaliers où la maladie s'était 
montrée dans le principe et se développait plus fortement. 
Mais ils sont d’une application difficile dans les grands 
vignobles quand la maladie y a pris une extension considé- 
rable, 

À la première apparition de la maladie, on taille et on 
brüle les rameaux et les raisins infectés. Si malgré cela, la 
maladie fait des progrès, il ne reste plus qu’à laver et à 
asperger avec une des substances suivantes dont l'expérience 
a démontré l'efficacité. 

4.0 Solution aqueuse de sulfure de chaux, préparé de la 
manière suivante : 


Prenez : Chaux hydratée. . . . . . Une partie. 
Fleur de soufre. . . . . . Une partie. 
jets as 20 parties. 


On fait rs le + tout Jus un pot de terre ou de fer, et 
on passe après, au travers d’une toile, la solution ainsi 
faite de sulfure de chaux. 

2.0 Chaux récemment éteinte et dont on fait un lait avec 
vingt parties d’eau commune. : 

3.0 Cendres dissoutes dans dix parties d’eau. 

4.o Alun du commerce , ou sous-carbonate de potasse 
dissout dans seize parties d’eau. 

5.° Eau de goudron , préparée de la manière suivante : 
on place au fond d’un vase de 8 à 10 litres, une couche de 
goudron de 2 millimètres de hauteur. On remplit le vase 
d'eau, on agite de temps en temps et on le laisse reposer 
vingt-quatre heures. En renouvelant l'eau, le résidu du 
goudron peut servir pendant un mois. Les aspersions doi- 
vent être renouvelées tous les deux jours jusqu’à la dispari- 
tion complète des parasites. 


RÉ TS e. ébtusree ne. be de AE 4 4 jé Hui2 


( 409 ) 

Mais le remède le plus généralement efficace consiste dans 
l'aspersion de la fleur de soufre, opération faite de la ma- 
nière suivante : 

Un ouvrier commence , au moyen d’une seringue de jar- 
din, par baigner, avec de l’eau pure, les rameaux, les 
feuilles, les grappes infectées ; il doit tenir l'instrument 
obliquement de manière à baigner de bas en haut en allant 
de droite à gauche, puis de haut en bas en allant de gauche 
à droite. Un autre ouvrier exécute l'aspersion du soufre 
immédiatement après le passage du premier, au moyen 
d’un soufflet spécial ( dont il existe un modèle à l’Académie 
Royale d'Agriculture) et qu’il doit faire agir comme il a été 
dit pour l'aspersion de l’eau. La fleur de soufre pénètre 
sous forme de nuage dans tous les interstices et s'attache à 
toute la superficie baignée. En faisant l'opération de bon 
matin, alors que les pampres sont couverts d’une rosée 
abondante, on peut faire une bien moindre aspersion d’eau. 
L'ouvrier devra prendre les précautions nécessaires pour 
garantir ses yeux de la poudre qui pourrait lui occasionner 
une ophthalmie. 

Quand le soufre a produit son effet, les pluies ou les 
vents, suivant le temps , enlèvent à la fois le soufre et le 
champignon , de sorte que le raisin reste net et luisant, 
pourvu que l'opération n'ait pas été faite trop tard, c’est 
à-dire , dès que la peau du raisin a été tachée par le cham- 
pignon destructeur. 

De tous les moyens recommandés pour préserver la vigne 
d’une nouvelle invasion de la mucédinée, la taille automnale 
paraît être la plus efficace. 11 convient aussi d'enlever la 
vieille écorce sur laquelle pourraient se conserver les se— 
mences de l’oïdium, et aussi de transporter ailleurs les 
couches superficielles de la terre, qui supportent la plante. 
La peine sera largement récompensée quand on aura réussi 


( 410 ) 

à détruire les générations futures de ces parasites. Peut- 
être aussi serons-nous servis par un hiver rigoureux. Rap- 
pelons-nous seulement que la maladie régnante est une 
maladie du Raïsin et non de la Vigne, d’où il suit que 
couper les ceps de vigne, ne peut que faire tort et c’est 
pour cela aussi que la science ne peut donner son approba- 
tion aux ineisions pratiquées sur le tronc. 


NOTES. 


4.0 Le Professeur Savi a trouvé que l’Oidium Tuckeri est identi- 
que avec l’Oïdium Leuconium , qui de temps immémorial se montre 
sur diverses plantes en Italie et en _—_— comme l’a observé Des- 
mazières. 

2.0 Le sieur Gontier, inventeur de l'application du soufre, dont 
nous avons parlé, voulant reconnaître si l'effet de cet agent était 
promptement produit, a lavé, deux heures après l’aspersion, les 
parties malades et couvertes de soufre. L’eau a entraîné le soufre et 
avec lui les cryptogames, qui n’ont plus reparu _— 


3 Septembre 1852 : 


D.r Ta. CuiNnEau. 


(A) 
VI. 


DOCUMENTS RELATIFS À LA MALADIE DE LA VIGNE 
EN TOSCANE,. 


Un de nos compatriotes , qui est en même temps pro- 
priétaire de vignobles considérables dans la plaine de Pise, 
M. le comte Alexandre de Bony, a bien voulu me promet- 
tre de procurer à la Commission des détails circonstanciés 
sur la marche de la maladie en Toscane. Cette promesse 
fut accueillie avec reconnaissance , et, sur le point de ter- 
miner sa session de 1852 , la Commission m’autorisa , lors= 
que ces documents curieux et neufs pour la France, me 
parviendraient, à les présenter à la Société Linnéenne pour 
être joints à notre publication de cettte année. 

M. le comte de Bony vient d'accomplir \eppageneL 
qu'il avait pris avec tant d'obligeance. 

Il à mis à ma disposition deux lettres qu'il a reçues, en 
réponse aux questions catégoriques qu'il avait posées, 
l’une de Mgr. Della Fantaria, administrateur de l’archevè- 
ché de Pise , l’autre de M. Pardocchi. Notre collègue M. le 
docteur Th. Cuigneau , qui a déjà si bien traduit les docu- 
ments piémontais, a bien voulu se charger encore de la 
traduction de ces deux lettres. 

En outre, un travail d'ensemble sur la maladie de la 


vigne en Toscane, par M. le docteur Cuppari, et un dis- Re 


cours sur le même sujet, par M. le marquis C. Ridolfi, 
l'une des premières notabilités scientifiques de Italie, ont 
été adressés à M. le comte de Bony pour être offerts FA : 
cadémie des Sciences de Bordeaux. L'Académie, en me 
chargeant de lui présenter l'analyse de cette brochure pu- 
_bliée en 1851, m'a permis d'enrichir le Compte-rendu de 


( 412) 
la Commission, des faits importants qu’elle pourrait men- 
tionner. C’est encore M. le docteur Th, Cuigneau qui à 
bien voulu en rédiger l'extrait. 

Je dispose ces quatre pièces d’après l'ordre de leurs 
dates. 


Bordeaux , le 15 Février 1853. 


Le Président de la Société Linnéenne. 
CHares Des, Mouis. 


N.° I. — Rapport sur les recherches faites touchant 
la maladie du raisin, par le Professeur P. Cur- 
PARI (1). 

(AnaLyse par M. TH. CUIGNEAU, D. M.). 


Après avoir déclaré dans un court préambule que la 
maladie est actuellement (3 Août 1851 ) dans son plus grand 
degré de développement et que son histoire ne pourra être 
complète que quand la vigne aura accompli toutes les pha- 
ses de sa végétation, M. Cuppari divise son travail en 8 
paragraphes distincts dont je vais donner les titres et de 
courts extraits. 

$ Le « Provenance de la maladie ». 

Rappelant l'apparition du fléau en Angleterre , en Belgi- 
que et en France, l’auteur caractérise ainsi son apparition 
en Toscane : « Établir d’une manière certaine et rigoureuse 
» l'ordre chronologique suivant lequel les diverses parties 


A) Relazione delle Ricerche fin qui praticate interno la dominante 
dell'uva, del Prof. P. Cuppari. — Firenze; Tipografia Gali- 
flan: — 1851. 


RO OR 


ne on 5 ne le 


( 413 ) 
» de la Toscane ont été envahies, me paraît non-seulement 
» difficile, mais impossible; tout ce que je puis affirmer 
» avec quelque fondement, c’est que des nombreuses vallées 
» affluentes de l’Arno , les plus voisines de l'embouchure 
» de cette rivière , ont été attaquées les premières ( 1 } ». 


$ IL. « Cause prochaine de la maladie ». 


« La cause qui apparaît au premier abord comme pro- 
» ductrice de la maladie de nos vignobles, consiste dans un 
» champignon microscopiqne qui se développe assez abon- 
» damment sur les diverses parties de la vigne... Ce pa- 
» rasite ne s’attaque-t-il à la vigne que parce que celle-ci 
» est malade, ou bien l’envahit-il à l’état sain ? (2) » A 
cette question si importante , M. Cuppari répond que si les 
agriculteurs Français et Anglais ont admis la première hy- 
pothèse, pendant que la maladie se développait avec vio- 
lence dans les cultures forcées de Margate ou de Paris, par 
contre, son apparition et sa progression dans un climat pri- 
vilégié comme celui de la Toscane , le portent à croire 
« qu'un observateur logique ne pourra en aucune facon 
» supposer gratuitement un état morbide de la vigne préexis- 
» tant au développement du champignon (3) ». Au travail 
que j'analyse, le savant professeur Savi, a joint une note 
qui, pour lui, prouve l'identité de l’Oïdium Tuckeri ( Berk. }, 
avec l’Oiïdium leuconium (Desmaz.), et il modifie ainsi la 
description de cette espèce : « Sporanges caducs , s’ouvrant 
« par une fente longitudinale, disposés en couronne à 
» l'extrémité de rameaux articulés, dressés, purs Éd 


DRE À pags ; Relazione , etc. p. 4. 

(2) Id. loc. e. p. #4. 

(3) P. nou loc. cit., p. 5. — Comparez D.r Bertola ; Istruz- 
popol.— D.r Bertini ; Rapport au Congrès scientif. dé Toulouse ( Sep- 


( 414 ) 
» mycelium à filaments excessivement ténus, étendus sur 
» la euticule de plantes vasculaires vivantes (1) » 


$ IIL.— « Siège de la maladie ». 


Il résulte des observations de M. Cuppari que l’Oïdium 
attaque de préférence les organes les plus jeunes de la 
plante. « Le cryptogame préfère les grains de raisins , et 
» sur les feuilles il s'établit plus facilement sur la face 
» inférieure... J'ai observé que le champignon envahit 
» d’abord la grappe, puis le rameau, puis le drageon , les 
» plus petites des feuilles, et enfin les deux faces de ces 
» dernières (2)». 

S IV.— « Succession des phénomènes , et altérations organiques 

» produites par la maladie ». 

Cette série de faits observés par le professeur Toscan est 
malheureusement la même que celie que nous avons trouvée 
reproduite par tous les expérimentateurs , et pour les feuilles 
et pour les fruits. « Si l’on jette un coup-d’æil sur l'influence 
» que la présence du cryptogame exerce sur l'ensemble des 
» fonctions organiques de la vigne, il est impossible de ne 
» pas concevoir quelque crainte touchant les perturbations 
» que celte présence doit nécessairement amener dans l’éco- 
» nomie entière de ce premier végétal ; et cela non pas tant 
» par la soustraction des sues nourriciers qu’opère | Oïdium 
» que par la diminution dans les fonctions assimilatives des 
» parties vertes et principalement des feuilles affectées » (3). 


tembre 1852 ).— Lettres de Mgr. nezza FaxrenraA ( Décembre 1852 ), 
et de Mgr. PARDoCCHI ( AB 1853 }. 
(1) P. Cuppari ; loc. cit. p. 20.— Comparez avec re sean 
es Rév. Berkeley , et si du D.r C. Mont 
P. Cuppari , loc. cit. p. 7. 
pr P. Cuppari , loc. cit. p. 8. 


( 415 ) 


$ V.— « Circonstances qui semblent modifier la marche de la 
maladie ». 


« Comme ses congénères, le champignon qui nous occupe 
» a besoin, pour se développer, d’une chaleur modérée 
» accompagnée d'un peu d'humidité et d'air peu renou- 
» velé » (1). Cette observation a reçu en Toscane, comme 
en France et en particulier dans la Gironde, de nombreuses 
exceptions. Toutefois, « dans les terrains légers, les vignes 
» ont été beaucoup plus endommagées que dans les terres 
» compactes. Peut-être faut-il attribuer ce développement 
» de la maladie, à l'ombrage plus grand que les ceps reçoi- 
» vent dans le premier cas, et des pampres et du feuillage 
» des arbres où la vigne s’attache » (2). De cette façon, se 
trouveraient d’ailleurs réunies les trois conditions de végé- 
tation mentionnée plus haut. La même divergence s’est 
aussi présentée dans les divers cépages , bien qu’ « en géné- 
» ral, les blancs aient été plus maltraités (3) ». Quant aux 
vicissitudes atmosphériques , la chaleur sèche a paru contra- 
rier la multiplication du champignon, que semblait, par 
contre, favoriser la chaleur humide. Quant aux pluies, «il 
» est vrai », dit notre auteur, « qu'elles emportent les 
» sporanges des grappes qu’elles lavent ; mais elles respec- 
» tent le mycelium, qui sous l'influence de l'humidité plus 
» grande, qui succède aux pluies, donne lieu aussi à une 
» reproduction plus abondante (4) » 


$. VE — « Effets produils sur les animaux qui se nourrissent de 
pampres ou de raisins altérés par la maladie » 


L'Oiniux est-il vénéneux ? A cette question, M. Cuppari ” 


répond par la voie de l'expérience ; il a fait dE des 


(1) P. Cuppari; loc. cit. p. + — (2) P. Cuppari; loc. cit. p. 9. 
(3)(4) Id. loc. cit. p. 1 


(416 ) 

chiens du pain saupoudré de la poussière blanche de lOï- 
dium ; il leur a fait boire de l'eau qui avait servi à laver des 
vignes malades et n’a observé aucun fâcheux résultat (1). 
Une note placée à la fin du mémoire (2) indique que les 
mêmes expérimentations aussi favorables ont été faites par 
le D." Honoré Bacchetti, à Pise, et le professeur Pierre 
Puccetti, à Lucques. Enfin, M. Cuppari, lui-même, a 
mangé des raisins mürs et couverts d’Oidium et cela « sans 
» en être aucunement incommodé (3) ». 

Quant aux qualités nuisibles développées par les raisins 
oïdiés dans la vinification , l’auteur ne peut se prononcer. 
« Il se peut, que le vin ainsi fabriqué ait quelque odeur 
» spéciale, ne soit pas de facile conservation, etc. L’expé- 
» rience prononcera ; mais », avait-il dit précédemment , » 
» le fruit n’a rien de délétère (4) ». 


$. VIL.— « Remèdes à opposer au mal et destinés à obvier aux 
aliérations de la vinification ». 


M. Cuppari qui a mis en usage les divers moyens conseil- 
lés ( fleur de soufre , irrigation d’eau de chaux, cendre, 
plâtre, urine de vache }, ne peut émettre une opinion bien 
fondée sur la valeur comparative de ces agents. « Par la 
» fumigation avec l'acide sulfureux, on n’a pas obtenu 
» d'effets sensibles ». Pour lui, sauf vérification ultérieure, 
ajoute-t-il avec modestie, l’aspersion de la poudre de 
chaux ou de plâtre, faite le matin à la rosée , lui a paru plus 
efficace que l'emploi des solutions des mêmes substances. 

« Quant aux précautions à prendre dans la vinification, 
» il me paraît convenable de séparer les raisins sains ou 


(1) P. Cuppari, loc. cit. p. 41. 
(2) Id. loc. cit. p. 20. 
(3)(4) Id. loc. cit. p. 11. 


Ho ARS 


‘ 


( 417 ) 
» presque sains de ceux qui ne sont que médiocrement alté- 
» rés, et de ceux, surtout, qui sont tellement affectés qu'il 
» n'y à pas lieu d'en espérer aucune espèce de vin. Les 
» premiers seront traités à la méthode ordinaire ; les seconds 
» seront lavés et foulés aussi rapidement que possible ; le 
» moût sera séparé du marc avant la fermentation; quant 
» aux fruits de troisième qualité, le produit en pourra être 
» abandonné à la distillation ; enfin, il est clair que les 
» raisins totalement perdus ne devront servir qu’à augmen- 
» ter la masse des fumiers (1) ». 


$ VIIL— « Craintes el espérances pour l'avenir de l’industrie 
vinicole en Toscane ». 


Comparant les trois grandes cultures de la Toscane ( mü- 
rier, olivier, vigne) et remarquant l'importance de cette 
dernière, M. Cuppari ne se dissimule pas les fâcheux ré- 
sultats qui arriveraient pour son pays par l’annihilation de 
ce produit sous le triple rapport de l’agriculture , de la ri- 
chesse nationale et @e l'hygiène publique (2). Toutefois , les 
faits jusqu'alors observés , et la période dans laquelle on se 
trouvait , lui donnent à penser que même la récolte de cette 
année (1851 ) ne sera pas fortement compromise, pas plus 
que l'avenir de l'industrie vinicole (3). Malheureusement, 
les évènements n’ont pas confirmé les 2spérances de M. 
Cuppari. 

A la suite de ces huit paragraphes distincts, l'auteur a 
résumé presque aphoristiquement ce que je viens d’ me 
et c’est par là qu’il termine son FAR: 


(1) P. Cuppari ; loc. cit. p. 13 et 14. 
(2) Id, loc, ea bp. 15. 
(3) Id. loc. cit. p. 18. 


(418) 


N.° 2.— Discours sur la Maladie du raisin, par le 
marquis C. Ripozri (1). 


(ANALYSE , par M. TH. CUIGNEAU, D.-M. ). : 


À la clôture de la séance dans laquelle le professeur 
Cuppari avait lu le Mémoire précédent, M. le marquis C. 
Ridolfi , ancien ministre d'agriculture, membre étranger de 
l’Institut des Provinces de France , et président de l'Acadé- 
mie Royale des Géorgophiles de Florence , prononça un 
discours dans l'intention de rectifier, corroborer et complé- 
ter les observations précédemment publiées. 

Ainsi, toutes ses remarques et ses expériences lui don- 
nent « la certitude qu'un air humide et chaud , avec absence 
» de l’action directe des rayons solaires , favorise le déve- 
» loppement de l’oidium (2) ». 

Il s’en faut de beaucoup que le célèbre agronome partage 
la sécurité du professeur Cuppari sur le produit des récol- 
tes, soit tardivement, soit légèrement affectées. « Mais, 
ajoute--il, « puisque tout le monde s'accorde à reconnaitre 
» l'efficacité de la chaux caustique pour détruire l’oidium , 
» pourquoi ne persuaderait-on pas ‘aux cultivateurs de 
» s’en servir pour combattre ce fléau ? (3) » « ..…..... Il 
» ne faut pas perdre de temps et différer encore à em- 
» ployer ce moyen, non-seulement pour empêcher que le 
» champignon augmente ses ravages sur les grappes déjà 


(1) Parole dette del présidente march. €. Ridolf, alla Reale Acca- 
demia de Georgofili, etc.; nel!” adunanze del di 3 Agosto 1851. — 
( ce discours est imprimé à la suite du travail de M. le Professeur 
Cuppari }. — Ces deux Mémoires sont , du reste, extraits du recueil 
des Actes de la susdite société ( Extr. degli Atti, T. XXIX ). 

(2) C. Ridolf ; loc. cit. p. 22. 

(3) C. Ridolf ; loc, cit. p. 24. 


LE RL Eh 


( 419 ) 
» envahies, non-seulement pour les limiter là où il ne fait 
» qu'apparaître , mais surtout pour préserver les raisins 
#-encore épargfiés (mt RE. 9 ER 
Mer ii LE PT 8 se dis préserver, parce que je suis 
» convaincu que la chaux détruit les séminales du champi- 
_» gnon quand elle est en contact avec elles, comme il ré- 
» sulte des expériences que j'ai faites sur le porte-objet du 
» microscope. C’est ce qui me fait penser aussi que si la 
» surface du raisin était recouverte d’une poussière miné- 
» rale, les sporules qui viendraient à y tomber n'y feraient 
spas fortune. …. ..... C’est un même résultat que l'on 
» a obtenu dans les établissements de Londres, de Paris et 
» de Versailles en saupoudrant les grains de fleur de soufre ; 
» c'est ce qui est arrivé aussi chez nous pour les vignes si- 
» tuées le long des grandes routes : celles-ci furent, assure- 
» t-on, préservées jusqu'au moment des pluies, par la 
» poussière terreuse fournie par le piétinement des chevaux 
» et le roulement des charriots et des voitures. Si donc ces 
_» poudres , que j'appellerai indifférentes par elles-mêmes, 
» puisqu'elles n'ont aucune action chimique possible sur les 
» sporules , peuvent néanmoins être pnissamment utiles 
» par leur seule action mécanique, par leur seule interposi- 
» tion, bien plus utile sera la poudre de chaux , qui possède 
» par elle-même une alcalinité dont l'action chimique est 
» bien plus forte et que l'expérience a d’ailleurs démon- 
» trée (2). 

On peut employer cette poudre de chaux comme la pou- 
dre de soufre, mais ce qui vaut mieux, c'est « d’asperger 
» le raisin avec un lait de chaux suffisamment épais, l’ac- 

» tion chimique est plus vive et plus durable, et l’action 


(1) €. Ridolf; loc. cit. p. 24. 
(2) it. p. 25. 
Tome XVII. 29 


( 420 ) 

» mécanique est complète. . . . . . . D'autre part, la chaux 
» est une substance d’un prix modique, innocente par elle- 
» même, se transformant au bout de quelques jours en 
» carbonate, et d’ailleurs déjà employée à l'approche des 
» vendanges par les cultivateurs qui s’en servent pour pro- 
» téger les meilleurs cépages contre la rapacité des marau- 
» deurs (1) » 

M. le M.i* Ridolfi conseille aussi d’augmenter l’alcalinité 
du lait de chaux par l'addition d’un peu de sel marin ou de 
cendre. Quant aux solutions de savon , il n’y a que peu de 
confiance et pas du tout dans les acides étendus. En résu- 
mant , il ajouie : « Toute solution alcaline est avantageuse, 
» mais le lait plus encore que l’eau de chaux me paraît la 
» substance que l’on doive employer de préférence. . . . . . 
» ......... .... Certainement, rien ne serait plus 
» actif qu’une huile fine quelconque pour détruire la pro- 
» duction cryptogamique ; mais comment concilier cet em- 
» ploi avec la cherté ordinaire de ces substances, comment 
» ne pas redouter leur action sur les fonctions végétales, 
» comment enfin, ne pas craindre quelque altération dans 
» la qualité du vin produit (2) ». 


N.° 3. — Lettre de Mgr. DELA FANTERtA, adminis- 
trateur de l’Archevéché de Pise, adressée à M. le 
Comte ALEXANDRE DE Boy. 

1.7 Réponse : La maladie du raisin n’était pas connue en 
Toscane avant 1850 ; aucune vigne ne paraissait indiquer 
une détérioration dans la qualité du raisin ou du vin.— Au 
commencement de 1851 , le mal était sérieux et étendu.— 


‘(1 C. ns loc. cit, p. 26. 
(2) d. oc. cit. LT? 


{ 421 ) 

On ne trouve dans aucun ouvragé ( mémoire, histoire ou 
chronique } aucun indice de pareil accident, si ce n’est 
dans Pline et dans un écrivain gênois de 1743. C’est dans 
la plaine de Pise que l'affection s’est montrée d’abord et 
plus gravement, vers la fin du mois de Juin. 

2.me__ Les vallées de l’Arno, de l’Era, et du Perchia , le 
territoire de Pietra Santa et celui de Barga furent gravement 
attaqués par la maladie en 1851, et plus gravement et plus 
promptement encore en 1852. En général, la plaine fat plus 
frappée que les collines et les montagnes. Les progrès ne 
furent pas notables sous le rapport du nombre de lieux atta- 
qués, mais sensibles sous celui de l’intensité du mal. 

3.%e — La Maremme ne fut pas touchée par la maladie ; 
mais le Pietra Santino le fut, quoique, comme l’autre 
contrée , il soit situé dans le voisinage de la mer. 

A.me — La qualité des terrains et la diversité de culture 
qui s’y fait remarquer, n'ont pas apporté de différence 
notable dans la maladie : voici quelques phénomènes parti- 
culiers que je crois devoir citer : Une vigne plantée dans le 
jardin , situé dans la ville de Pise, de celui qui vous écrit, 
a produit cette année des grappes d’une saveur excellente 
et d’une parfaite maturité, des grappes moitié saines et 
moitié malades , et des grappes totalement détruites par la 
maladie. Le phénomène le plus important est que les vignes 
dont les grappes reposent sur la terre, ont donné générale- 
ment des raisins intacts, comme les vignes situées près des 
haies et qui étaient protégées contre l'action de l'air. : 

5.me — Les vignes qui croissent sans culture dans les 
bois ont souffert comme les autres de la maladie , moins 
celles qui _—— couchées sur r'le sol par la raison indiquée 
au N.° 4. 

6.me — En général , les raisins fins ont été ei maltrai- 
tés que ceux plus communs. Du reste, pas de différence 
notable 


(42) 

7.me — On discute beaucoup en Toscane , sur la nature 
et la cause de la maladie. On y est communément d'accord 
sur ce point que le germe en est répandu dans l'air et se 
développe plus ou moins en raison des dispositions qu’il 
trouve sur les plantes ou sur les grappes. 

8.me On a conseillé et tenté beaucoup de remèdes : l'in- 
cision pratiquée au pied de la plante , la chaux délayée, 
l'urine , les acides de toute espèce, mais sans qu'aucun ait 
produit de bons résultats. 

9.me — La maladie se présente sur les grappes et sur les 
feuilles sous l'aspect d’une toile d’araignée adhérente aux 
unes et aux autres, et sur les rameaux des vignes , sous 
l'aspect d’une légère couche (pellicule), d’une couleur 
noirâtre et opaque. Cette année, elle a commencé à parai- 
tre au commencement de Mai, et augmentant d'intensité 
par intervalles; car le mal s’est quelquefois arrêté et a 
permis au raisin de croître et de venir à maturité. Les pro- 
grès dans le nombre des localités affectées n’ont pas été 
réguliers , mais se faisaient comme per bonds. 

10.me — Le raisin malade est toujours couvert d’une 
poussière ou toile d’araignée blanche ; et quand il a été 
lavé par la pluie, il se recouvre très-promptement de la 
même poussière. Le même phénomène se retrouve sur les 
feuilles et très-rarement sur la souche des mêmes vignes. 

Al.me — Les plants de vigne qui avaient souffert de la 
maladie en 1851, ont développé une végétation qui sem- 
* blait promettre un produit magnifique pour l'année 1852. 
Quelques personnes redoutent la perte des plants, spécia- 
lement des plus vieux ; d’autres propriétaires ne partagent 
pas cette crainte. Les rameaux ont souffert et sont courts, 
mais ils ne sont pas gravement atteints. 
- 42m — Le raisin le plus attaqué est resté très-chétif, 
noir et dur; quelques personnes l'ont pilé dans un bassin 


( 425 ) 

de pierre et en y ajoutant de l’eau, ont obtenu une mauvaise 
boisson d’un goût tout particulier. Le raisin moins malade 
a produit du vin, mais mauvais à divers degrés. Le raisin 
qui est resté intact a fourni de bon vin comme les années 
précédentes. En général, le vinaigre à été meilleur que 
les années ordinaires. L'année passée , le vin, s’est conservé 
parfaitement ; mais pour cette année , il va à mal (il tourne }, 
ce qui peut dépendre d’une douceur inaccoutumée dans la 
température. 

43.u — Le vin fait avec des raisins malades ne cause 
aucun dommage à la santé publique, qüi est meilleure que 
d'ordinaire, et cette raison à rendu inutiles toutes pres- 
criptions de la part du Gouvernement. 

14.me — Pas de différence dans la distillation. 

15.me — Les études des agriculteurs et des savants n'ont 
amené aucun résultat, sur la grande question du remède à 
VE au fléau 

se, 29 Dinsiies 1852. 
L. DELLa FANTERIA. 


N.° 4.— Lettre de M. Parpoccui ( de Pise }, adressée 
à M. le C.t® ALEXANDRE DE BONY. 


TRÈS-CHER CoMTE, 


Je suis loin d’être en état de pouvoir répondre aux nom- 
breuses questions que vous m'adressez au sujet de la mala- 
die des raisins. Les journaux et en particulier ceux du Pié- 
mont ont traité cette matière avec assez de détails. Me 

Je vous dirai seulement que j'ai apporté une attention 
toute spéciale dans mes propriétés, situées à Monte-Carlo, 
colline du Valdi-Nievole et dans les dernières cultures des 
Apennins , aux confins du territoire de Modène. 

Dans le Valdi-Nievole ( colline bien exposée ), à peine 


= TIM ) 
en 1851, connut-on la maladie ; en 1852, nous avons perdu 
“un sixième de la récolte, Les raisins les plus délicats ont 
été atteints de préférence aux autres. En particulier, le 
muscat blanc a été entièrement perdu. 

Jé vous ferai remar quer { toute particulière. 

. Le 23 Septembre, le temps était beau, le soleil très- 
chaud. Les paysans s’apercevaient que le raisin changeait 
de couleur, et ils se hâtèrent de vendanger. Pour moi, je 
m'obstinais à attendre une maturité plus parfaite ; mais 
le 26 , le changement survenu dans les fruits était devenu 
tellement visible, que quelques jours de retard auraient 
amené la destruction totale de Ja récolte. Je remarquai et 
fis remarquer les jours suivants, le changement que l’on 
pourrait constater du matin au soir , et je fus ainsi contraint 
à faire un vin particulier avec ma dernière récolte, et la 
réussite n’en fut pas parfaite. 

Le raisin cueilli pour la table a conservé toute sa délica- 
tesse jusqu’à la fin de Décembre dernier. 

Les raisins , dits Colore, Canino, qui nous servent à co- 
lorer les vins un peu trop clairs et que nous faisons bouillir 
dans de grands chaudrons , n’ont donné , cette année, ni 
consistance ni force à la couleur du vin. 

Les vignes jeunes ( 3, 4, 5 ans ) sont restées intactes. 
Dans les plañts adultes et surtout chez les vieux, le mal a 
été violent. Toutefois , j'ai constaté que sur mes jeunes pro- 
vins ( {, 2 ans ), une petite quantité de fruits ont été atta- 
qués et complètement g gâtés avant la fin du mois d’Aoùût. 

Quelques vignes sauvages, nées sur les hauteurs, et qui 
eroissent naturellement près des buissons, non-seulement 
ont été attaquées en totalité, mais encore leurs fruits ont 
été entièrement détruits. 

Les lieux bas et humides , exposés à l'influence des brouil- 
lards ont été plus gravement endommagés. 

Le terrain de nos collines est calcaire ; et les fonds tenus 
en meilleur état de culture sont ceux qui ont donné le plus 
de fruits et ceux dont la maturité a été la plus parfaite. 


( 425 ) 

Il est très-essentiel de noter que les vignes auxquelles la 
taille n’avait laissé que des rejetons courts et peu nombreux 
(une maitresse branche ou deux au plus; trois ou quatre 
yeux), se sont mieux développées et ont donné des produits 
supérieurs et plus abondants. Une de mes vignes était pré- 
cédemment négligée; j'ai voulu la réparer en partie, en la 
traitant avec du fumier de chèvre et de mouton. La partie 
que j'ai fortifiée par ce bienfaisant secours , s’est améliorée 
et m'a donné du fruit et d'excellents rejetons pour provins. 

La maladie n’a pas porté également sur toutes les parties 
d'un même vignoble ni d’un même pied de vigne : nous 
avons vu, sur le même cep, une branche malade, l’autre 
saine : une branche malade près du tronc, restait saine à 
son extrémité, et vice versé ; une grappe était malade à son 
extrémité inférieure sans que son sommet fût atteint , et vice 
versé. Ces mêmes observations ont été faites sur les diver- 
ses qualités de raisins blancs et les plus délicats. 

Neus reconnaissons maintenant que les vignes vieilles et 
malades sont complètement perdues. 

Daus la Garsaguana, sur le flanc des Apennins, on n’a 
eu que peu de mal en 1851, et cela seulement dans les 
plantations exposées au midi; tandis que le long d’un cours 
d’eau , au pied du San Pellegrino, j'ai vu une vigne et quel- 
ques arbres servant de hautains, et qui sont exposés au 
Nord, porter et mener à bien une bonne récolte , tandis que 
tout ce qui était placé à l'exposition contraire fut perdu. 

En 1852, la récolte a été détruite avec une grande promp- 
titude et en totalité; mais sachez aussi que dans ces loca- 
lités, on laisse à un pied de vigne, quoique vieux, jusqu’à 
10, 12 et 15 maîtresses branches. 

Cette année, le vinaigre, même celui de la qualité la plus 
inférieure, a eu de la force, mais sans délicatesse. Je n'ai 
pu réussir à faire du vinaigre blanc, bien que j'y aie apporté 
toute la diligence et tout le soin possible. Le marc n’a pas 
pu passer à la fermentation acide et s’est moisi. 

Je me suis empressé de séparer les raisins bons des rai- 


( 426 ) 
sins imparfaits. Néanmoins, le vin est faible, si toutefois 
on en excepte celui fait avec les mieux choisis. 

En général , le vin se gâte; je n'ai pas vu jusqu'ici que 
le Gouvérnément ait pris aucune mesure ‘pour Va es ou 
surveiller la vente de ces produits. 

. H est inutile de vous dire que la maladie a suivi chez 
nous dans son développement les mêmes errements que 
dans les autres parties de la Toscane. 

On a essayé toutes sortes de moyens curatifs mais inuli- 
lement. 

Lorsque, au mois d'Avril ou de Mars, la vigne bour- 
geonne et se développe, nous sommes malheureusement 
obligés de pincer l'extrémité de chaque pousse pour empè- 
cher la destruction par les chenilles qui l’attaquent. 

Or, on a observé que les vignes que l’on avait omis, soit 
par incurie , soit par fausse économie des cultivateurs , de 
soumettre à ce traitement de précaution, ont été plus gra- 
vement endommagées. 

Les gens de la campagne , dans leur ignorance , attribuent 
à la vapeur et aux chemins de fer ce fléau , et soyez assuré 
que leur croyance à cette absurdité est telle, que tous les 
raisonnements sont inutiles. Chez moi, le premier qui en 
parlera sera renvoyé. 

C’est avec regret que je me vois privé de vous donner des 
notions plus précises, mieux coordonnées, plus détaillées ; 
je ne suis pas en état de le faire comme le demanderait 
l'importance de la matière. Mais votre sollicitude pourra 
peut-être recueillir, dans ma lettre, une idée quelconque 
de ce qui m'est arrivé, sans que pourtant je puisse me 
flatter d’avoir complètement répondu à vos désirs. 

Croyez-moï, avec estime et amitié, 

Votre très-affectionné , 
D. Parpoccur. 

Pise, le 5 Janvier 1852. 


—— 


10 Mars 1953. 


(497) 


XXIV. Du perfectionnement graduel des êtres organisés, 
par M. Marcel pe SERRES , professeur à la Faculté 
des Sciences de Montpellier , correspondant. (Site). 


» 


Les annélides sont également représentés à l’époque du 
trias par des genres qui s'étaient déjà montrés à l’époque 
de transition, particulièrement les Spirules, les Spirorbes 
et les Dentales. Ce genre comprenait même à l’époque pri- 
maire jusqu'à quatre espèces , et s’est perpétué à peu près 
constamment dans les formations postérieures , telles que 
les schistes de Saint-Cassian, qui paraissent se rattacher 
aux terrains du trias, dans le terrain conchylien { muschel- 
kalk), les terrains crétacés et tertiaires. Ces genres sont 
parvenus jusqu’à l’époque actuelle où ils ont pris leur plus 
grand développement. 

Les crustacés de cette époque se nn aux genres 
Pemphys et Halycines. Le premier appartient à la tribu des 
crustacés macroures , et le second à celle des xiphosures. 
Ces genres ont été seulement aperçus dans les terrains du 
trias et ne paraissent pas avoir de représentants à l epagee 
actuelle. 

Il est du reste douteux que les foraminifères aient brisé 
de leurs débris dans les terrains du trias, où les zoophytes 
sont généralement peu abondants. Le genre Encrinus paraît 
assez spécial à cet étage, quoique les crinoïdes y soient 
moins nombreux qu’à l’époque primaire. On est peu surpris | 
d’y observer des Astrées et des Favosites , puisque ces deux 
genres avaient déjà paru à l’époque primaire et que le pre- 
mier s’est perpélué jusqu'aux temps historiques. 
_ Si les schistes marneux de Saint-Cassian en Tyrol appar- 
Tome XVIIL. 30 


( 428 ) 
tiennent à ces terrains , ils nous offriraient un mélange re- 
marquable d'espèces propres aux terrains de transition, et 
d’autres à des formations plus récentes. Ces schistes offrent 
un mélange d’êtres organisés que l’on ne revoit dans aucun 
des terrains de la surface du globe. 


3.0 DES ANIMAUX DE LA TROISIÈME ÉPOQUE DE LA SECONDE PÉRIODE. 


( Animaux des terrains jurassiques ). 


Cette époque comprend l'entière série des terrains juras- 
siques, c’est-à-dire le lias, les systèmes des calcaires 
oolithiques , oxfordiens, coralliens, de l'argile kimmerid- 
gienne, enfin des groupes portlandien et wealdien. Elle 
est une des plus importantes dans les temps géologiques, 
en raison du nombre des dépôts qui en font partie et de la 
variété et des dimensions des reptiles qui y ont paru. 

Cette époque offre un intérêt particulier, et se montre 
évidemment en progrès relativement à celles qui l'ont pré- 
cédée. Elle a été du moins la seule parmi les terrains secon- 
daires , qui ait vu des mammifères animer la scène de Fan- 
cien monde. A la vérité , leurs espèces se rapportent à des 
marsupiaux ou aux mammifères les plus inférieurs et qui 
n’en sont que des ébauches imparfaites. 

Sans doute, chacun des groupes des terrains jurassiques 
a une faune spéciale, qui mériterait d’être décrite à part; 
mais il suffit d'en considérer l’ensemble pour faire saisir, 
combien elle est en progrès sur les époques antérieures, et 
combien il lui en restait à faire, pour atteindre ce LR a 
brillé à l'époque tertiaire. 

Nous examinerons la faune des terrains jurassiques , en 
commençant cette revue par les animaux inférieurs. La pre- 
mière classe, celle des zoophytes, est riche en genres et en 
espèces , surtout dans les étages jurassiques moyens et in- 


‘ 


| omppmerre- —<— mie SRE 


( 429 ) 

C'est dé ces étages que l’on a trouvé des elminthés 
qui, jusqu'à présent, n'avaient pas été observés parmi les 
fossiles. Cette découverte est due à M. de Quatrefages qui 
en aperçut des empreintes sur les calcaires de Sulenhoffen. 
Ces empreintes rappellent le Nemertes Cuvieri de l'ordre des 
vers intestinaux cavitaires. D’autres qui ont quelque analo- 
gie avec le genre Borlasia d'Ocken, et ressemblent assez 
au Borlasia anglicana. 

Il existerait donc sis espèces d’elminthés dans les 
calcaires de Solenhoffen , et l’une d’elles paraîtrait, en te- 
nant compte des contractions de l'animal, avoir eu environ 
dix mètres de longueur. Si ces empreintes ont appartenu 
aux animaux auxquels on les a rapportées, ce fait serait 
étrange dans l'histoire des phénomènes de la vie. Aussi 
peut-on se faire quelques doutes sur l’existence des elmin- 
thés dans des temps si reculés. Ces doutes sont d’autant 
plus sérieux , que cette existence n’a été du reste admise 
que sur de simpies empreintes (1). 

Les monadés ont laissé quelques débris dans ces terrains, 
ainsi que les foraminifères ; ces animaux sont toutefois plus 
abondants dans les terrains crétacés et tertiaires. Les 
polypiers sont fréquents au milieu de certains dépôts de 
l'étage jurassique , et par exemple, dans les couches coral- 
liennes qui en sont en grande partie formées. Leurs genres 
y sont aussi variés que nombreux, et parmi eux, l’on peut 
signaler les Astrées, les Méandrines et les Caryophyllies. 

Ces genres ont été accompagnés par d’autres familles des 
rayonnés et des radiaires. Toutefois les échinides , assez 
rares dans le lias, deviennent de plus en plus fréquentes 
dans les étages supérieurs, où il en existe un grand nom- 


. bre ainsi que des stellérides. 


(1) Société Philomatique de Paris , séance du 11 Avril 1846, — 
Institut n.° 646. 


( 430 ) 

Les crinoïdes nous offrent des exemples analogues ; peu 
nombreux dans le lias, ils n’y sont représentés que par un 
ou deux genres, et deviennent de plus en pius communs 
dans les étages supérieurs. Ils y sont composés par une 
grande quantité de genres dont plusieurs sont spéciaux à 
ces terrains. 

Les articulés singulièrement étendus à l’époque jurassi- 
que , ont été en progrès sur ceux des formations antérieures. 
Ils s’y montrent parfois dans un état de conservation remar- 
quable , en raison probablement des circonstances particu- 
lières dans lesquelles ils se sont trouvés. 

Les crustacés et les insectes sont, parmi les articulés, 
les plus communs et ceux qui sont parvenus jusqu’à nous 
dans l’état le plus parfait. Les premiers appartiennent à 
l'une des tribus la plus perfectionnée, aux crustacés ma- 
croures et à des lypes génériques inconnus dans la nature 
vivante et par conséquent à des espèces éteintes.. Tel est le 
Coleia antiqua qui caractérise assez bien le lias, le Æ/ytia 
ventricosa, VEryon Cuvieri, le Glyphæa Regleyana , le 
Brome ventrosa et plusieurs autres des mêmes terrains. 
Avec ces genres perdus, on en découvre plusieurs qui vi- 


vent encore de nos jours , et dont il existe des espèces très-. 


répandues. Parmi eux, on découvre le genre Crangon, qui 
appartient à la famille des salicoques ; celui des Astacus de 
la tribu des astaciens. u 

Il n’en est pas de même des espèces de ces terrains ; 
elles sont toutes différentes de celles de nos jours, ce qui 


prouve que le type générique est plus persistant qe le type : 


spécifique. 

Les genres des crustacés dns des terrains juras- 
siques sont loin d’être bornés à ceux que nous venons de 
mentionner ; on en compte au-delà de trente propres à 
des terrains. Les crustacés isopodes y sont représentés par 


{ 451 ) 
cinq genres tous perdus. Quoique les types génériques fossi- 
les de cet ordre soient éteints , il ne fait pas moins partie 
de ceux de la nature actuelle; car il est assez nombreux et 
est caractérisé par de petites espèces , tandis que les déca. 
podes renferment souvent des races d’une grande dimen- 
sion. 

Les crüstacés cyproïdes sont représentés dans les terrains 
jurassiques par un genre qui n'avait point encore paru sur 
la scène de l'ancien monde. On le retrouve dans les forma. 
tions tertiaires et les eaux douces de nos jours. Ce genre 
ou celui des Cypris de Muller, n'a été toutefois observé 
que dans les formations récentes ou les dépôts wealdiens. 

Les crustacés xiphosures se rencontrent non-seulement 
dès les terrains primaires et houillers, mais encore dans les 
formations du trias et jurassiques. Ces dernières n’en pos- 
sèdent qu'en seul genre , celui des Limules dont les mers 
actuelles nourrissent plusieurs grandes espèces. Celles qui 
jusqu'à présent ont été découvertes à l'état fossile ont été 
généralement de dimensions au-dessous des espèces vivan- 
tes. Ce genre, un de ceux qui ont le plus persisté, com- 
mence dés la période primaire ; il s’est perpétué dans plu- 
sieurs formations postérieures pour parvenir enfin à l'épo- 
que actuelle où il a pris un assez grand développement. 

Comme tous les ordres des articulés ont des représen- 
tants dans les terrains jurassiques, on est peu surpris d'y ob- 
server des arachnides de la tribu des phalangistes. L'espèce 
des calcaires secondaires de Solenhoffen a été décrite par le 
comte de Munster sous le nom de Phalangistes priscus. 
On y a également indiqué des araignées du genre Sa/paga. 

Les insectes ont commencé à prendre à cette époque un 
assez grand développement. La plupart des familles se trou- 
vent dans les terrains jurassiques supérieurs ; car le lias et 
l'oolithe n’en comprennent que trois : les coléoptères, les 


( 432 ) 

névroptères et les diptères. On découvre en outre dans les 
calcaires lithographiques de Solenhoffen, des orthoptères, 
des hyménoptères, des hémiptères et des lépidoptères. 
Enfin , les terrains wealdiens qui paraissent formés par une 
suite de dépôts des eaux douces et salées, renferment égale- 
ment des débris de EE , de névroptères , d’hémip- 
tères et de diptères. 

Le nombre de ces tribus fait assez présumer le dévelop- 
pement que les insectes avaient pris à l'époque jurassi- 
que. Ce développement n’a été surpassé qu'à l’époque ter- 
tiaire, l’une des plus récente des temps géologiques. Du 
reste, un progrès immense s’est opéré de nos jours dans 
cette classe, principalement dans le nombre , la variété et 
les dimensions des espèces qui en font partie. Les calculs 
les plus modérés portent le nombre total des insectes 
vivants maintenant à plus de 360,000, chiffre qui peut don- 
ner une idée de la différence de proportion que présentent 
les articulés des deux époques. 

Toutefois , le développement qu'a pris pour lors cet ordre 
prouve que l'air était déjà propre aux animaux qui le respi- 
raient en nature. D'un autre côté , il annonce que les cir- 
constances atmosphériques étaient en harmonie avec celles 
qu'exigeaient les espèces qui avaient un pareil mode de 
respiration. Comme parmi les insectes de cette époque, 
aussi bien que parmi les crustacés, il existait des espèces 
aquatiques, on peut en induire que la distinction s'était 
opérée entre les eaux douces et salées; ceci est d'autant plus 
probable, que plusieurs espèces de ces articulés vivaient 
dans le sein des lacs ou des eaux stagnantes. 

La nature des dépôts wealdiens confirme cette supposi- 
tion. On pourrait en dire autant des formations portlan- 
 diennes, qui par leurs boues présentent quelques analogies 
avec les dépôts des eaux douces. Le progrès qui s’est opéré 


( 433 ) 
à cet égard dans la constitution physique du globe , n’a pas 
pu être sans effet sur les êtres qui l’habitaient. Il a été aussi 
manifeste sur la faune des terrains jurassiques, plus per- 
fectionnée que celle des formations qui l'avaient précédée , 
comme elle est restée au-dessous de celui qui s’est opéré 
plus tard. 

Les annélides ont également laissé des traces de leur 
présence dans les terrains jurassiques. Parmi eux, on 
découvre des tubicolés qui y sont représentés par un genre 
constamment persistant (les Serpules } et qui est arrivé jus- 
ques dans la nature actuelle. 

Les mollusques sont de tous les invertébrés les plus abon- 
dants au milieu des terrains jurassiques. Ces animaux ont 
pris un grand développement à cette époque , et les espèces 
que l’on y découvre se rapportent à presque tous les ordres 
de cette classe, 

Cette classe offre toutefois deux ordres qui présentent 
cette particularité d’avoir un grand nombre des mêmes 
genres des époques antérieures, qui se reproduisent dans 
les temps plus récents. Aussi, trouve-t-on peu de genres 
spéciaux au milieu de ces terrains. 

Il n’en est pas cependant ainsi des autres ordres de cette 
classe, comme par exemple des céphalopodes. Ces mollus- 
ques caractérisent cette époque d’une manière toute spé- 
ciale, en raison du grand nombre des Ammonites et des 
Bélemnites qu’elle présente. Ces genres se trouvent bien 
dans la période crétacée où ils s’éteignent pour ne plus 
reparaître sur la scène de la vie, mais ils n’y sont plus 
composés des mêmes espèces. Il est un genre de céphalo- 
podes qui ne s’étend pas au-delà du lias; de même, parmi 
les brachiopodes , les Spirifer arrivent bien jusqu’au lias , 
mais ils ne franchissent pas cette époque. 

Les genres des mollusques des terrains jurassiques sont 


( 434 ) 

si variés que nous ne tenterons pas de les décrire. Nous 
dirons seulement que ces animaux sont en progrès sur les 
époques antérieures , quoiqu'’ils ne présentent pas beaucoup 
de formes spéciales. Il en est cependant plusieurs de si 
particuliers que nous en dirons quelques mots. 

Le mollusque auquel ont appartenu les deux valves dési- 
gnées sous le nom d’aptychus, n'est pas encore connu; 
nous sommes loin d'en comprendre l’organisation. Ces 


_ valves sont ordinairement baillantes, et le corps de l'animal 


dont elles paraissent l'ouvrage, se dirige en bas en forme 
d’entonnoir. Cette circonstance est fondée sur l'étude d'un 
échantillon trouvé dans les terrains salifères , et qui ressem- 
blait en quelque sorte à une tête d'oiseau pétrifié. Elle est 
du reste peu favorable à l'hypothèse admise par M. Schaf- 
thœutl, que le mollusque qui l’a formé avait quelque res- 
semblance avec les lepas, ressemblance fort éloignée (1). 

Les aptychus présentent deux formes principales dans le 
las, savoir les cornei qui se distinguent par leur coquille 
cornée, mince et lisse, les imbricati par leur test calcaire 
à gros plis représentant une sorte d’imbrication. La pre- 
mière de ces formes ne dépasse pas l’oolithe, tandis que la 
seconde existe dans tous les terrains jurassiques ; mais 
après les formations oolithiques apparait celle qui caracté- 
rise les terrains secondaires déposés depuis les formations 
oxfordiennes jusqu’à la craie, c’est-à-dire, les cellulosi. 
Ici, la lame cornée est recouverte d’une couche ‘celluleuse 
qui rappelle quelquefois certains madrépores. 

Parmi les mollusques qui commencent avec l’époque 
jurassique, on distingue les Calmars à encre ; ces mollus- 
ques préparaient cette matière colorante dans des réservoirs 
particuliers, analogues à ceux de certaines espèces actuelles. 


wi (4) Leonhard unds Bronn’s Neuer jarbuch ; 1846, p. 819. 


(435 ) 

Ces réservoirs sont assez bien conservés pour faire juger de 
leur disposition. On les trouve souvent distendus, comme 
ù s'ils faisaient partie de l’organisation d’un corps vivant. Ils 

conservent avec la plume cornée de l'animal, des rapports 

de position semblables à ceux que l’on observe entre la 

bourse du noir et la plume cornée des Calmars actuels. 
$ L'encre que ces réservoirs renferment , quoique considéra- 
blement durcie, n’a rien perdu de ses qualités. Broyée sous 
la meule, on peut l'appliquer aux mêmes usages que la 
sepia de nos peintres ; elle paraît même résister davantage 
à l'influence des agents extérieurs. 

La découverte de ces réservoirs à encre et l’état de dis- 
tension dans lequel ils se trouvent, démontrent que les ani- 
maux auxquels ils ont appartenu, ont été saisis par une 
mort soudaine , et qu’ils furent bientôt après ensevelis dans 
les sédiments où sont leurs dépouilles. La conservation de 
ces sacs et du liquide que les Calmars y répandaient dans 
les moments d'alarme, amène à la même conséquence. Il 
en à été probablement ainsi des sauriens , dont les squelettes 
se montrent souvent entiers et presque inlacts au milieu 
des roches calcaires où l’on découvre les débris des anciens 


+ 


Calmars. 

C'est encore à des mollusques 
nos Calmars que se repérés les siiyalieus corps nommés 
les uns Zisoa et les autres Bélemnites. Ces genres, dont rien 
dans le monde actuel ne rappelle les formes, sont aussi re- 
marquables par leur structure et leur organisation, que par le 
nombre de leurs individus. On découvre dans les mêmes | 
terrains un genre d’acéphales remarquable sous le même 
rapport. Il est, en effet, dans certaines formations liasiques 
un si grand nombre de Gryphées , qu’elles y sont presqu'aussi 
communes que des grains de blé dans un champ nouvelle- 
ment ensemencé. 


SE Un - 3 sit. + 


( 436 ) 


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L: r "#4 
les Tisoas, remplace en quelque sorte le sillon unique et 
externe des Bélemnites ; il établit du moins, entr'eux, ane 
différence tranchée , quoiqu'ils appartiennent à deux genres 
rapprochés sous certains rapports. Les Tisoas ne paraissent 
pas cependant avoir jamais offert des sacs à encre analogues 
à ceux des Bélemaites. 

Ces sacs, semblables à ceux qui existent chez les Calmars 
vivants , présentent souvent des dimensions considérables, 
dépassant 30 centimètres d’étendue ; les animaux qui les 
portaient devaient avoir une grandeur assez forte. Avant 
d'avoir découvert ces sacs et leurs rapports avec un étui 
corné mince , qui faisaient partie de ces animaux, on s'était 
formé des doutes sur la place que ces mollusques occupaient 
dans la série animale. 

Les trois principales parties des Bélemnites , la coquille 
conique , l’étui corné , l’alvéole, ayant été rencontrés non- 
seulement ensemble mais en relation, ont prouvé que les 
animaux auxquels ces différentes pièces avaient appartenu 
devaient être protégés par une coquille intérieure analogue 
aux Os ou aux pièces cornées des Calmars et des Seiches. 
Comme les céphalopodes présentent à aps près seuls une 
pareille organisation et des réservoirs à encre, les Bélem- 
nites se rapportaient à cet ordre de mollusques. 

Ces derniers ont offert dans la série jurassique plus de 
cent genres, parmi lesquels plusieurs avaient plus de cent 
espèces. Ce dernier chiffre ne s'applique pourtant qu'aux 
Bélemnites et aux Ammonites ; les Térébratules, caractérisées 
par une grande quantité d'espèces, ne s'élèvent pas cepen- 
dant aussi haut que les genres que nous venons de citer. 

Ceux de l’époque jurassique y sont distribués d’une ma- 
nière assez inégale relativement aux diverses familles des 

mollusques auxquelles ils se rapportent. Ainsi, la plus sim- 


LL 


( 437 ) 
ple ou les acéphales en composaient à peu près à eux seuls 
les deux tiers et s'élèvent jusqu’au nombre de soixante-dix. 
Les mollusques céphalés ou univalves ont à peine trente- 
quatre genres , tandis que les céphalopodes y sont réduits à 
douze, à environ au sixième de celui des acéphales. 

La proportion des genres dans les différentes familles des 
mollusques est d'autant plus considérable, qu’elles sont 
moins compliquées. Ce rapport est en harmonie avec la loi 
du progrès, puisque les êtres les plus avancés sous le rap- 
port de leur organisation se développent avec plus de len- 
teur que les plus simples, essentiellement dominants dans 
l'ancien monde. Les espèces, considérées d’une manière 
générale, ont suivi assez constamment dàns leur apparition 
successive cette marche ascendante. 

Les mollusques acéphales ou conchifères les jus nom 
breux sous le rapport de leurs genres, ne le sont pas moins 
sous celui de leurs individus. Nous avons déjà cité les Gry- 
phées et nous y ajouterons les Térébratules et les aptychus. 
Ce genre se trouve en effet, dans plusieurs localités en nom- 
bre immense ; tel est le calcaire jurassique de Kurowitz 
dans la Moravie, dans lequel on ne découvre pas d'autre 
espèce. 

Quoique Ja plupart des types RE de cet sé 
aient leurs représentants dans le monde actuel, iken est ce- 
pendant dont les formes paraissent tout-à-fait perdues. On 
peut en évaluer le nombre à environ le septième de la tota- 
lité. 

La snamt des genres des céphalés ont leurs représen- 
tants dans la nature actuelle, quoiqu'il n’en soit pas tou- 
jours ainsi dans les formations postérieures à ces terrains. 
On peut cependant signaler trois ou quatre genres de cette 
époque , complètement perdus. Tels sont les Pleurotoma= 
ria, les Nerinea, les Actæon et les Ditremaria. 


e 


: (438 ) 

La plupart des brachiopodes de cette époque appartien- 
nent à des genres vivants , comme les Cranies , les Orbicu- 
les, les Thécidées, les Térébratules et les Lingules. On dé- 
couvre cependant dans le lias, la formation la plus inférieure 
des terrains jurassiques , un genre, Spirifer, complètement 
perdu et que l’on ne retrouve plus à partir de cette couche. 

La faune jurassique des mollusques et surtout celle des 
terrains crétacés qui lui a succédé, présente un plus grand 
nombre de genres communs à la création actuelle, que de 
genres éteints. 

Les mollusques pourvus de tête et à coquilles univalves 
turbinées , étaient distingués à cette époque , comme aux 
antérieures, en herbivores et en carnivores. Les premiers se 
sont constamment perpétués depuis les terrains primaires 
jusqu'à nos jours. Ils conservent encore leur importance 
parmi les habitants des mers. 

Ce groupe s’est constamment maintenu pendant la série 
géologique , ainsi que plusieurs des genres qui en font par- 
tie. Les espèces herbivores de ce groupe, généralement 
abondantes à toutes les époques , ont reçu un opercule par- 
ticulier, destiné à les protéger contre la voracité des mollus- 
ques carnivores. Cette défense leur était d'autant plus né- 
cessaire, que les derniers ont vécu en grand nombre dans 
Ja profondeur des eaux des premiers âges. 

Aussi les races herbivores ont perdu peu à peu ce bou- 
clier protecteur, lorsque les races carnivores sont revenues 
de moins en moins nombreuses. Cette circonstance s’est 
présentée dans les temps géologiques, à partir des couches 
superposées à l'oolithe inférieure. En effet, les espèces car- 
nivores diminuent d’une manière sensible depuis les forma- 
tions oolithiques, pour ne plus reparaitre sur la scène de 
Vancien monde , que dans les couches supérieures à la craie 
ou les dépôts tertiaires. 


* 


( 439 ) 

Ïl est douteux qne des mollusques terrestres aient existé 
lors des terrains jurassiques , quoiqu'il y eût alors des ter 
res sèches et hors du sein des eaux. Ce fait est démontré 
par les insectes nombreux que l’on découvre à cette épo- 
que. Les fougères y ont prospéré et ont embelli les terrains 
découverts ; elles confirment également la même conclusion. 
Si les mollusques avaient réellement vécu à cette époque, on 
ne verrait pas pourquoi ‘ils ne se seraient pas conservés , 
puisque les couches jurassiques offrent des débris plus déli- 
cats, et par conséquent plus facilement destructibles. Tels 
sont les crustacés des eaux douces, particulièrement le 
genre Cypris, enfin les arachnides et les insectes si nom- 
breux lors des terrains jurassiques. 

C'est là un progrès qui ne s’est opéré’ que beaucoup plus 
tard ; il n’a eu lieu en effet sur une grande échelle , que lors 
du dépôt des terrains tertiaires. Cette époque remarquable 


par la quantité d'animaux terrestres, vertébrés ou inverté- 


brés qu’elle a vu apparaitre, ne l'est pas moïñs par le nom- 
bre à peu près égal des espèces des eaux douces, fluviatiles 
ou lacustres , qui y ont vécu. 

Les vertébrés en progrès à cette époque ont offert trois 
classes sur les quatre qui composent la faune actuelle, Les 
poissons s’y continuent et appartiennent à des ordres qui 
tendent à disparaître. Ils se rapportent tous et sans cer 
tion à des types spécifiques perdus, souvent même à des 
genres dont on ne voit plus de traces à la surface du globe. 
Les poissons de l’époque jurassique se rattachent du reste 
à des familles wombreuses et variées. . + 

Les re ement les sauriens ; el L . 
grand est 3 cette époque. Ces animaux parais- 


sent pour la plupart avoir vécu dans le bassin des mers, 


contrairement aux sauriens de nos jours qui habitent à peu 
près exclusivement les eaux douces. Un seul genre voltigeait 


( 440 ) 
dans les airs, au moyen d'une membrane étendue qui rap- 
pelle celle des chauve-souris , du moins d’après la disposi- 
tion de la main. 

Les chéloniens sont infiniment moins nombreux à l’épo- 
que jurassique que les sauriens ; les deux familles que l'on 
y découvre semblent annoncer que les eaux douces devaient 
alors être plus abondantes qu'aux époques précédentes. IL 
serait possible cependant , que les Émys et les Trionys que 
nous rapportons aux tortues paludines ou fluviatiles par 
leurs analogies avec celles de nos jours, eussent vécu dans 
les eaux des mers comme les sauriens ensevelis dans les 
mêmes terrains. 

Les batraciens et les ophidiens ne paraissent pas avoir 
laissé de leurs débris à époque jurassique, quoique des 
animaux du premier de ces ordres eussent apparu anté- 
rieurement, s’il faut y rapporter les Labyrinthodons. Il paraît 
en avoir été de même des oiseaux ; du moins les faits sur 
lesquels on a voulu établir leur existence sont trop peu posi- 
tifs pour la regarder comme certaine. 

Les mammifères terrestres ont été représentés à cette 
époque par l’ordre des marsupiaux, premières ébauches 
des animaux supérieurs. Cette apparition des mammifères 
didelphes a été extrêmement restreinte ; elle s’est bornée à 
deux genres et à trois espèces dont on n’a guère observé 
qu’un petit nombre d'individus et dans une seule . 
de l'Angleterre. 

L'ensemble de la population de cette époque annonce 
l'accroissement et le développement de la vie organique 
représentée par toutes les classes des invertébrés et par les 
principales des animaux supérieurs , parmi lesquels on re- 
marque des reptiles aussi étranges que gigantesques. 

La faune des terrains jurassiques, si développée dans 

l'hémisphère boréal, et particulièrement en Europe , ne 


( 441 ) 
s’est pas cependant étendue dans l'hémisphère austral. Elle 
n'y existe même pas, ces terrains n'y ayant pas laissé la 
moindre trace. Il y a donc sous ce rapport une grande dif- 
férence dans les formations des deux hémisphères , et par 
conséquent dans les animaux de l’ancienne création de ces 
deux parties du monde. 

Après cet aperçu, donnons quelques détails sur les verté- 
brés des terrains jurassiques. 

Les poissons , les animaux les plus simples des vertébrés 
qui ont appartenu à l’époque jurassique, se rapportent aux 
ganoïdes et aux placoïdes, ordres dont les espèces dominent 
dans les terrains antérieurs à la craie, Les premiers parti- 
culièrement affectés aux terrains les plus anciens, ne se 
trouvent que rarement dans la nature actuelle, tandis que 
les cténoïdes et les cycloïdes qui ne commencent qu'avec 
les terrains crétacés, sont les plus abondants dans nos 
mers. Les ganoïdes se maintiennent en grand nombre jus- 
qu'à la fin de l'époque jurassique, pendant laquelle les 
placoïdes deviennent plus fréquents. Ces derniers se conti 
nuent pendant la période crétacée où apparaissent les cté- 
noïdes et les cycloïdes ; ceux-ci, par suite du progrès opéré 
dans l'ordre des poissons, augmentent pour lors de plus en 
plus, tandis que les ganoïdes diminuent rapidement. 

Ainsi, depuis la création première de ces animaux, jus- 
qu’à la fin de l’époque jurassique , tous les poissons ont été 
revêtus de plaques osseuses ou d'écussons couverts d’émail ; 
aucun d'eux n'a offert des écailles cornées et minces’, analo- 
gues à celles qui recouvrent un si grand nombre de pois- 
sons actuels. Ces derniers composent, en effet, la plus 
grande partie de la faune de nos mers. 

Nous avons fait comprendre les motifs qui ont fait appa- 
raître les ganoïdes les premiers , et pourquoi ils ont été les 
plus anciens des vertébrés. Les plus rapprochés des rep 


{ 442 ) 
tiles par leur dentition et quelquefois par leurs formes , ils 
ne sont pas en opposition avec la loi du perfectionnement 
graduel , puisqu'ils représentaient à eux seuls l’'embranche- 
ment des vertébrés. 

Les placoïdes qui ont existé avec eux dans les mêmes ter- 
rains, ne partageaient pas les mêmes avantages et n'étaient 
pas appelés à jouer un rôle aussi élevé, Aussi sont-ils res- 
tés constamment inférieurs aux ganoïdes, par leur squelette 
cartilagineux et leur système nerveux. Ces deux ordres sont 
bien arrivés jusqu’à l’époque historique, avec cette différence 
pourtant que les placoïdes composent une partie notable de 
la faune de nos jours, tandis que.le nombre des ganoïdes est 
maintenant des plus restreints. 

. Cette différence de proportion dans les us ordres des 
poissons des premiers âges, et l'excès des cycloïdes et des 
cténoides sur tous les autres, nous annonce que les traits 
des anciennes espèces qui réunissaient des caractères de 
plusieurs classes, devaient peu à peu s’effacer, pour pren- 
-dre l'uniformité du type spécial auquel ils se rapportaient. 
Ceci est plus évident pour les reptiles qui offraient des par- 
ticularités du même genre , puisque la plupart des genres 
des terrains jurassiques ne s’est pas étendu jusqu’à la 
craie , et que le petit nombre de ceux qui sont arrivés jus- 
qu’à elle, n’ont pas persisté dans toute la série crétacée. 

Les ganoïdes, quoiqu'appartenant à l'époque actuelle , 
ont éprouvé une notable interruption après les terrains cré- 
tacés ; on ne tronve du moins qn'un seul genre de cet or- 
dre dans les formations tertiaires , le Lepidotus maximilia- 
nus, qui appartient au calcaire grossier. 

Les poissons n’ont pris leurs caractères actuels que de- 
puis l'époque crétacée; mais il est non moins remarquable 
-de voir leurs types génériques analogues à ceux de la nature 
actuelle, ne pas descendre au-dessous des terrains 55 


SERRES CNE nn, 


( 4435 ) 
ques. C'est donc seulement à partir de ces terrains que l’on 
commence à trouver des genres identiques, ce qui prouve 
avec quelle lenteur le progrès s’est opéré dans cette classe, 
la plus simple des vertébrés. 

Le dépôt des terrains jurassiques a été l’une des époques 
les plus remarquables du développement des classes les 
moins avancées de cet embranchement. Cette époque prou- 
verait à elle seule. que les vertébrés se sont succédé à la 
surface de la terre, en raison directe de la complication de 
l'organisation , si elle n’était pas suivie par d’autres où cette 
loi est tout aussi évidente. Telles sont celles où ont été pré- 
cipitées les formations tertiaires et quaternaires. À ces épo- 
ques , dont la dernière est si rapprochée des temps histo- 
riques , apparaissent pour la première fois les oiseaux et les 
mammifères monodelphes. Ces animaux deviennent d’au- 
tant plus nombreux et d'autant plus variés, que l’on arrive 
aux couches les plus jeunes de ces terrains. 

Cette plus grande complication a eu lieu non-seulement 
chez les vertébrés, mais dans les familles qui en font partie. 
Ces familles, et par exemple celles des poissons et des rep- 
tiles d’abord peu nombreuses , et qui avaient entr'elles une 
sorte de ressemblance et d'uniformité, se sont peu à peu 
étendues et diversifiées. Ce point de fait est frappant pour 
îles reptiles des terrains jurassiques , surtout pour les sau- 
riens. La plupart des types de cette famille ont été créés 
pour un temps très-restreint, et l'ensemble de la création 
de cette époque diffère essentiellement de celles qui l'ont 
‘précédées ou suivies. Du moins , les poissons et les reptiles 
de cette?époque démontrent, comme plus tard, les autres 
vertébrés, combien les LE fossiles sont limitées à une 
époque déterminée. 

Du reste, les faunes Fe poissons et des reptiles des 
formations jurassiques sont séparées des époques anté- 

oME XVIII. 31 


( 444 ) 
neures et plus récentes, par des caractères plus tranchés 
que ceux qui distinguent les faunes des animaux infé- 
rieurs. Cette distinction manifeste pour les espèces des 
deux classes , l'est même quoique dans un degré moindre 
que les genres.  . 

Enfin, on voit certaines circonstances de l’organisation 
qui ont aussi leur importance , changer d'une manière com- 
plète, lorsqu'on passe d’une époque à une autre. Ainsi tous 
les lépidoïdes et les sauroïdes ( sauf une seule exception), 
sont hétérocerques dans les terrains antérieurs à l’époque 
jurassique. Îls avaient la colonne épinière prolongée dans 
le lobe supérieur de la queue. Les espèces qui ont vécu 
dans les mers jurassiques , ont eu ( sauf un seul poisson ), 
la queue semblable à celle des poissons osseux _ monde 
actuel , et ont été homocerques. 

11 y a donc eu à cet égard progrès, puisque la première 
disposition ne se retrouve plus aujourd’hui que dans la 
famille des squales , l’une des plus inférieure des poissons. 

L’exception d’un lepidoïde hétérocerque appartenant aux 
terrains secondaires de cette époque , nous est fournie par 
le genre Cocolepis composé du seul Cocolepis Bucklandi, 
découvert dans les schistes calcaires de Solenhoffen. 

Les familles des poissons homocerques de l’époque juras- 
sique ont été nombreuses et ont Asie aux ordres des 
_ganoïdes et des placoïdes. 

Parmi le premier, la seule famille des lépidoïdes offre 
de dix à douze genres, et celle des sauroïdes en présente 
une quinzaine environ. Quant à celle des célacanthes , elle 
n'en à que trois et celle des pycnodontes arrive jusqu au 
nombre huit. 

On ne connait joint. présent qu'an seul gère de la 
famille des accipensérides , qui appartient à l'ordre des ga- 
noïdes , dont la queue soit homocérque. Ce ven , celui du 


‘5 


5 


(445) 
Chondrosteus, n’a qu'une seule espèce du lias de Lyme- 
Régis. 

La famille des chiméroïdes qui se rapporte à l'ordre des 
placoïdes comprend seulement trois genres , tandis que celle 
des squalides en a six dans les mêmes terrains. Elle y 
est accompagnée par celle des hybodontes qui n’en ont 
que deux. Les cestraciontes en ont sept à huit, enfin l’ordre 


des pristides est composé par quatre principaux genres. 


Une pareille disposition dans l’organisation des poissons 
des premiers âges a disparu entièrement lors de l’époque 
jurassique. On ne la retrouve que dans une seule famille de 
notre époque. Ainsi les poissons hétérocerques, avec leur 
caudale non symétrique, ne pouvaient exécuter des mouve- 
ments aussi précis que les poissons symétriques homocer- 
ques qui ont paru plus tard. Leurs mouvements progressifs 
devaient être vacillants et comme embarrassés ; ils étaient 
loin de présenter l'agilité qui caractérise nos espèces ac 
tuelles. 

Cette structure symétrique , qui s’est établie si tard chez 
les poissons et qui a prévalu pendant les époques géologi- 
ques récentes aussi bien qu’à l'époque historique , est un 
véritable progrès non-seulement chez les poissons, mais 
chez tous les vertébrés. Ce fait s'accorde avec celui que 
fournit l'observation des espèces fossiles des premiers âges, 
toutes remarquables par l'uniformité de leur structure. Les 
types du règne animal , à quelle classe qu’ils se rapportent, 
y sont beaucoup moins différenciés que ceux de notre épo- 
que. Du reste, parmi les vertébrés, les poissons aies 


plutôt que les autres classes, les preuves d'un 


ment progressif et constant. Ce progrès à été surtout 1 mani- 
feste lorsque les reptiles ont acquis leur plus grand dé- 
veloppement et ont ainsi préparé la venue des oiseaux et 
des mammifères. On voit pour lors les poissons se diver- 


( 446 ) 
sifier à l'infini et reproduire dans des limites restreintes , 
des formes qui rappellent par leur régularité et même 
jusqu’à un certain point par leurs caractères, les types 
primitifs de la classe. Ainsi s'éteignent les derniers repré- 
sentants des familles qui ont précédé toutes les autres dans 
leur apparition. 

Pour nous restreindre aux ganoïdes , l'un des ordres les 
plus anciens de cette classe des vertébrés, on les voit pré- 
senter dans leur développement, une gradation très-mar- 
quée à partir des lépidoïdes , des sauroïdes , des célacanthes 
et des pycnodontes qui caractérisent les formations anté- 
rieures à la craie. Cette gradation se continue pour les es- 
turgeons , les sclérodermes , les gymnodontes et les lopho- 
branches, dont les espèces succèdent aux premières dans les 
formations plus récentes et qui parvenus, dans l’époque ac- 
tuelle, y prennent une extension remarquable. 

Le squelette des esturgeons a tous les caractères des 
ganoïdes; ces poissons ne sont en quelque sorte que des 
lépidoïdes cartilaginenx recouverts d’écailles semblables à 
celles des gymnodontes, tandis que les silures n’ont plus 
d'écailles, et ne montrent plus que par intervalle des écus- 
sons semblables à ceux des esturgeons. 

Une autre disposition non moins générale est liée, 
comme la première , aux conditions sous l’influence desquel- 
les les poissons ont vécu. Les ganoïdes et les placoïdes des 
terrains de transition et secondaires, sont tous des poissons 
abdominaux. On ne connaît pas un seul poisson fossile an- 
térieur à la craie qui ne soit abdominal. Les poissons tho- 
raciques deviennent de plus en plus nombreux dans les 
terrains crétacés et surtout dans les tertiaires. Ce qui est 
non moins remarquable , ces poissons l’emportent de beau- 


coup sur les abdominaux dans l’époque actuelle. 


est difficile de ne pas voir dans cette circonstance, qui 


( 447) 

rallie certaines formes avec les conditions des milieux exté- 
rieurs sous lesquels ils ont vécu, quelque progrès dans l'or- 
ganisme. Ne doit-on pas y rattacher également ce fait re- 
marquable présenté par les cestraciontes qui, dans les pre- 
miers âges, ont tenu la place des vraies squales de l’ordre 
des placoïdes, poissons dont l'apparition n'a eu lieu que 
beaucoup plus tard, à l’époque crétacée ? La famille des 
cestraciontes, composée de trois groupes principaux et de 
quatorze genres, n'est représentée dans les temps aux- 
quels nous appertenons, que par une seule espèce, le 
Cestracion Philippi. Ge qui n’est pas moins particulier, ce 
Cestracion diffère de tous les requins actuels , et a les plus 
grandes analogies avec les races fossiles et perdues de la 
famille des cestraciontes. 

L'espèce qui appartient à la création actuelle est des plus 
rares. Ce fait est général chez toutes les classes du règne 
animal et se répète souvent même plusieurs fois dans les di- 
verses familles de la même classe : ce n’est pas seulement 
le nombre des espèces qui va en décroissant, mais celui des 
individus qui est plus limité qu’à l'ordinaire. Ainsi, les Lepi- 
dosteus et Polypterus sont les seuls représentants d’une fa- 
mille de poissons jadis assez nombreuse. Il en est de 
même du genre des Cestracions dont nous venons de parler 
et qui n’est mainteuant représenté que par une seule espèce. 

Il est difficile de ne pas voir dans ce rapport des formes 
avec les époques diverses où on les rencontre , l'influence 
de la succession génétique, l'indication la plus vraie des 
véritables affinités naturelles. Il ne faut pas cependant con- 
clure de ce résultat, à une gradation progressive de cha- 
cun des types particuliers des différentes classes animales. 
En effet dans leur marche générale , vers un développement 
progressif, chaque groupe secondaire pris isolément , pré- 
sente des particularités dignes de la plus sérieuse attention, 


( 448 ) 
et propres à nous éclairer sur les tendances qui se mani- 
festent dans un travail génétique. 

La diversité d'époque où ont apparu les poissons abdo- 
minaux et thoraciques est liée avec certaines circonstances 
particulières à ces derniers. Du moins avec eux apparais- 
sent les genres de poissons de forme bizarre, chez lesquels 
les rapports naturels dans la position des membres locomo- 
teurs pairs sont intervertis, et où les ventrales viennent se 
placer devant les pectorales et même presque sous la gorge. 

La symétrie des nageoires paires chez les abdominaux 
ordinaires, et en particulier chez les ganoïdes et les placoïdes 
des formations géologiques les plus anciennes et qui ont 
précédé la venue des reptiles, est comme le premier indice 
de la tendance des membres locomoteurs à se placer vers 
les extrémités antérieure et postérieure du corps; cette 
conformation a prévalu peu à peu chez les vertébrés supé- 
rieurs. La diversité de position des nageoires paires chez 
les poissons , ou la tendance à l’écartement des membres, 
est en rapport avec le développement génétique de tout 
l'embranchement des vertébtés. 

De pareilles dispositions, qui tiennent de si près à ce que 
l'organisme a de plus important , ont dû agir dans les temps 
reculés sur le développement de la vie organique et déter- 
miner une conformation aussi générale. Quoique nous ne 
puissions pas en deviner les causes, elles dépendent pro- 
bablement du progrès qui s’est opéré depuis l'apparition de 
la vie jusqu'aux temps actuels. A cette époque , une orga- 
nisation plus avancée a succèdé à une moins compliquée, ou 
en résumé , une structure symétrique à une qui n’en pré- 
sentait pas les avantages. 

Les reptiles, qui paraissent avoir apparu pour la première 
fois à l'époque houillère, mais certainement lors des ter— 
rains pénéens, ont pris leur plus grand développement pen- 


( 449 ) 
dant le dépôt des terrains jurassiques. Leurs races, mais 
sous des formes spécifiques particulières et différentes de 
celles qui les avaient précédées , se sont continuées pendant 
toute la période crétacée et tertiaire. Ces animaux sont 
même parvenus dans l'époque actuelle, mais avec des carac- 
tères nouveaux et des dispositions qui n’ont d’analogie qu'a- 
vec les races des temps géologiques les plus récents. 

Ainsi les reptiles ont eu une existence moins longue que 
les poissons , puisque l’on n’en découvre pas de traces dans 
les terrains primaires. Ces derniers perdent peu à peu les 
caractères qui les rapprochaient des reptiles et qui leur ont 
valu lé nom de Sauroides, dénomination d'accord avec ces 
analogies. 

Le développement des reptiles, qui a eu lieu non-seule- 
ment à l'époque jurassique, mais pendant a longue série 
des temps géologiques , s’est opéré à peu près uniquement 
dans le seul ordre des sauriens. Toutes les espèces de cet 
ordre qui ont des habitudes aquatiques, paraissent avoir 
habité les eaux salées, contrairement aux races de nos jours 
qui vivent toutes, du moins d’une manière à peu près cons- 
tante, dans les eaux douces. 

Les mers renfermaient donc, à cette époque, de nombreux 
reptiles aussi remarquables par leurs dimensions que par 
leurs formes bizarres. Les terres sèches et découvertes au- 
dessus des eaux, étaient peuplées également par des espèces 
_tout aussi; gigantesques qué les races qui fréquentaient les 
eu salées. Peniament. ces s reptiles jeresis presque sans 


t des nûtres ane | 
TS 


par lent dimensions : ils s s'en “rapprochaient du moins par 
leurs formes. Ainsi, au lieu d’avoir 1"80 à 2 mètres comme 
les plus grands des reptiles vivants, les Mégalosaures avaient 
10 à 11 mètres de longueur, et l'Iguanodon que l’on a rap- 


( 450 ) 
proché des iguaniens , acquérait jusqu'à 23 ou 24 mètres 
de longueur. 

Cette classe des sauriens, si remarquable sous ce point 
de vue, ne l'était pas moins sous un aütre; elle offrait des 
races particulières qui, à l’aide de leurs grandes membranes 
soutenues au moyen d’un seul doigt, mais très-long, pou- 
vaient s'élever dans les airs. Rien de semblable ne se pré- 
sente chez aucune espèce de reptile actuel ; les Dragons ont 
bien des membranes étendues, mais elles sont portées par 
les côtes. Aussi , elles ne leur servent que comme des para- 
chutes, mais non pour voler. En effet, dans aucun saurien 
actuel, les membres antérieurs ne prennent la forme d'ailes. 

Quelques poissons, comme les Dactyloptères, se soutien- 
nent bien quelques instants dans l'air, mais ils sont bientôt 
obligés de retomber dans l’eau, par suite de la dessication 
qu'éprouvent les membranes fixées à leurs nageoires, 

Il n'existe dans le monde actuel que les oiseaux, et quel- 
ques mammifères comme les chauve-souris , qui puissent 
parcourir l'air d'une manière constante. Cette faculté ac- 
cordée à certains reptiles, pendant les temps géologiques, 
n'est possédée dans l'époque actuelle par aucune de leurs 
espèces. Les Ptérodactyles qui jouissaient de cet avantage, 
étaient néanmoins armés d’une mâchoire puissante, munie 
de longues dents acérées. Ces dents aiguës annoncent leurs 
habitudes carnassières. On conçoit que des animaux pourvus 
d'une grosse tête, d’un cou souvent fort long et d’un corps 
peu volumineux , n'ont pas pu acquérir une grandeur consi- 
dérable. En effet, elle ne dépassait pas celle du Cormoran, 
et ne descendait pas au-dessous des Bécassines. 

Les sauriens des formations jurassiques , inconnus dans 
les terrains primaifés, n’ont acquis un grand développe- 
ment que lors du dépôt de ces formations. Ils ont exercé 

pour lors une sorte de domination sur le reste de la créa- 


dt 


( 451 ) 
tion, pour rentrer peu à peu et presque dès l’époque cré- 
tacée dans des conditions plus modestes. Ces conditions, 
ils les ont acquises pendant la période tertiaire, et sont 
ainsi arrivés peu à peu au point où sont maintenant les rep- 
tiles de cette classe. 

A la fin des terrains jurassiques et dès les dépôts créta- 
tacés anciens , les races monstrueuses des reptiles ont dis- 
paru entièrement de la scène de la vie. Elles ont été rem- 
placées, lors du dépôt des terrains tertiaires, par des races à 
peu près semblables aux nôtres , non-seulement sous le rap- 
port de leurs formes , mais sous celui de leurs mœurs et de 
leurs habitudes. 

Ce fait est du reste général ; partout l'on reconnaît que 


les différences entre les faunes de l’ancien monde et les 


animaux actuels, sont d'autant plus grandes que les pre- 
mières remontent plus haut et appartiennent à des étages 
plus inférieurs. Aussi ne découvre-t-on dans notre monde 
aucune espèce de reptile fossile soit des temps géologiques 


anciens, soit même des âges les plus récents. Les genres 


des reptiles des anciennes générations ne commencent à 
être les mêmes, ou du moins à montrer des analogies avec 
les nôtres , que lors de l'époque des terrains tertiaires. 

La faune des reptiles des formations jurassiques se com- 
pose non-seulement de sauriens, mais encore de chélo- 


_niens. Cette dernière classe y est représentée par des Tor- 


tues, des Emydes, des Trionyx et des Chélonées, genres qui 
se trouvent dans la plupart des époques et surtout dans les 
plus récentes; ces genres sont même parvenus dans la 
nature actuelle. Leur nombre est toutefois bien inférieur 
à celui des sauriens, qui est d'environ vingt-quatre ou vingt- 
cinq. à 

En considérant les reptiles de la dernière famille , il est 
difficile de ne pas voir dans l’ensemble de leur organisme 


<. 


( 452 ) 

qui se rapportait à plusieurs classes de vertébrés , une sorte 
de tâtonnement pour arriver à des formes mieux détermi- 
nées. Ces animaux sont comme les précurseurs des oiseaux 
et des mammifères, dont ils avaient différents attributs. 
Ainsi les Ichtyosaures avec leurs mâchoires semblables à 
celles des Dauphins avaient les dents d'un Crocodile; la tête 
et le sternum d’un Lézard, les extrémités d’un cétacé, mais 
au nombre de quatre ; enfin leur tronc et leur queue avaient 
les mêmes proportions et les mêmes parties qu'un ra 
pède ordinaire. 

Les reptiles organisés pour respirer l'air en nature, 
avaient leur nageoire verticale postérieure analogue à celle 
des mammifères marins obligés aussi de s'élever au-dessus 
de la surface de l’eau pour respirer. Une queue verticale 
était du reste appropriée à la forme raide des Ichtyosaures, 
dont le cou était très-court. Cette queue leur permettait de 
suivre avec une rapidité suffisante les mouvements latéraux 
de leur tête, mouvements à l’aide desquels ils pouvaient 
saisir leur proie. 

Une pareille nageoire aurait été superflue chez les Plésio- 
saures, en raison de Ja mobilité et de la longueur de leur 
cou. Aussi n ’observe-t-on aucune indication de rupture ou 
de dislocation à la queue de ce dernier genre, pareille à 
celle que l’on reconnait dans la negeoire caudale des is 
saures. 

Les PARUS étaient nus par un cou d’une 
excessive longueur, semblable au corps d’un serpent, et qui 
supportait une tête analogue à celle d’un Crocodile : elle 
était armée, comme celle-ci, de dents aiguës et acérées. 


Ces reptiles, dont les formes étaient si paradoxales, avaient 


quatre organes du mouvement, analogues aux membres infé- 
rieurs des cétacés. ls étaient attachés au tronc dont les 


PR SE NT PES 


( 455 ) 
proportions étaient fort rapprochées de celles qui carac- 
térisent cette partie chez les quadrupèdes ordinaires. 

Leurs dents, au nombre de cent quatre-vingt, indiquent 
assez quelles étaient leurs habitudes carnassières , ce qu’an- 
noncent les matières non digérées découvertes dans leur 
tube intestinal. Aussi ces reptiles dévoraient les poissons de 
l'ancienne mer et se dévoraient également entr'eux, les 
plus gros mangeant les plus petits. 

Leurs débris, particulièrement shobdants dans les forma- 
tions oolithiques, apparaissent après une longue série de 
siècles pour attester des faits passés au fond des mers an- 
ciennes , et en même Lemps que leurs formes transitoires 
et peu durables devaient être remplacées par des organis— 
mes mieux arrêtés et plus perfectionnés. 

Outre ces reptiles , les formations jurassiques en renfer- 
ment d'autres non moins singuliers ; tels sont les Pliosau- 
res, nommés ainsi en raison de ce qu ‘ils forment un lien 
entre les Plésiosaures et la famille des crocodiliens. 

Leurs vertèbres cervicales sont plus courtes que celles de 
la région dorsale, disposition que l'on ne voit chez aucun 
saurien vivant, Chez'ces derniers, les vertèbres sont égale- 
ment longues sur toute la colonne vertébrale. Aussi le cou du 
Pliosaure était extrêmement court, comme celui de l'Ichtyo- 


_ saure. Des proportions plus crocodiliennes le distinguent 


du Plésiosaure avec lequel il a fn beaucoup d’ana- 
logie. 

D'après les différences de grandeur que ARTE les 
débris osseux du Pliosaure, M. Owen pure que ce pené 


comprenait plusieurs espèces. 


Nous avons déjà fait sentir cales les Ptérodactyles 
étaient des reptiles singuliers ; car leurs rapports avec les 
oiseaux et les mammifères étaient plus apparents que réels. 
En effet , l’uniformité de leurs dents, la petitesse de leur 


Le 


( 454 ) 
cerveau , leur sternum et leurs épaules de reptiles les éloi- 
gnent des mammifères , tout comme l'existence des dents, 
ka briéveté de leur cou, le nombre de leurs doigts empè- 
chent de les réunir aux oiseaux. 

Ces animaux sont si particuliers, que la forme de leurs 
ailes n’a rien de commun avec celles des deux classes qui 
en présentent. Les doigts antérieurs des ciseaux, peu distincts 
et réunis, servent de base aux plumes , tandis que chez les 
cheiroptères , quatre doigts s’allongent et portent des mem- 
branes ; le pouce seul reste rudimentaire. Ces dispositions 
sont tout autres chez les Ptérodactyles où un seul doigt 
prend de très-grandes dimensions en longueur ; ds autres 
restent courts et normaux. 

Cependant ces reptiles ont seuls , comme les oiseaux, 
leurs os traversés par des cellules aériennes ; aussi est-on 
peu surpris que ce caractère ne se trouve que chez les 
vertébrés qui parcourent constamment les vastes plaines de 
l'air. 

Avec ces reptiles dont les caractères se rapportent à plu- 
sieurs ordres de différentes classes, il en existe une foule 
d’autres non moins singuliers ; parmi eux, nous dirons 
quelques mots du genre Dicynodon, d’'Owen. Ceux-ci 
n'offrent aucun des caractères des divers ordres de repti- 
les ; ils constituent une famille nouvelle. Leurs différences 
sont toutefois inégales avec chacun des ordres connus , tout 
en se rapprochant plus des sauriens que des autres tribus. 

Certaines particularités du crâne les rapprochent des cro- 
codiliens , tout comme la forme arrondie et courte de leur 
tête les assimile aux chéloniens. D’autres dispositions im- 
portantes les éloignent pourtant de ces animaux. Ils en 
différent par leur double ouverture nasale, la réunion des os 
intermaxillaires en un seul, et le peu de largeur des par- 
ties antérieures de la boite cranienne. Ces caractères les 


{ 455 ) 
assimilent aux lacertiens, ce que confirme la disposition de 
leur crâne formé sur un type lacertien avec quelques modi- 
fications chéloniennes et crocodiliennes , et plusieurs détails 
spéciaux. 

Les Dicynodons n’ont dans toute leur bouche que deux 
grandes dents placées à la partie postérieure de leur mâ- 
choire supérieure. Ces dents en forme de défense rappellent 
un peu celles du Musc, du Morse et du Machairodus. Sous 
mises à l’analyse microscopique, elles n’ont présenté au- 
cune analogie avec celles des reptiles inférieurs et en parti; 
culier des Labyrinthodons. Elles ont au contraire de gran- 
des similitudes avec celles des crocodiliens. 

Ces reptiles devaient vivre également dans le sein des 
eaux, à en juger par la forme biconcave de leurs vertèbres, 
qui rappellent par cette disposition celles des poissons. 

Cette population d'un monde si étrange et dont aucun 
homme n’a été témoin, a cependant vécu comme celle dont 
nous sommes les contemporains. Comment en douter, de- 
puis que M. Pearce a découvert un petit Ichthyosaure dans 
le ventre d’un plus grand, et surtout depuis que l’on a vu 
dans le tube intestinal de plusieurs reptiles et poissons de 
l'ancien monde , des portions d'animaux à demi digérées ? 

Les fœces des poissons et des reptiles des terrains jurassi- 
ques, aussi bien que celles des mammifères des terrains 
récents, ne laissent pas le moindre doute à cet égard. Les 
premiers de ces coprolithes sont si nombreux en Angleterre, 
que M. Buckland les a comparé à des pommes de terre 
répandues sur le sol. On peut en dire autant des coprolithes 
des terrains quaternaires. 

Outre les reptiles aquatiques dont nous venons de don- 
ner une idée, il en existait une foule d’autres non moins 
particuliers, et dont plusieurs vivaient sur les terres sèches 
et découvertes. De ce nombre était le Mégalosaurus , reptile 


( 456 } 
terrestre dont la longueur dépassait 16 ou 17 mètres. Ce 
reptile, intermédiaire entre les Crocodiles et le Monitor, 
poursuivait probablement jusques dans l’eau les Plésiosau- 
res et les poissons ; il en arrêtait probablement la propaga- 
tion, de concert avec les Ichthyosaures. 

Il en était peut-être de même des Téléosaures et Sténéo- 
saures , sauriens rapprochés des Gavials et contemporains 
des Plésiosaures et des Ptérodactyles. Ces reptiles qui ont 
persisté jusqu'à l’époque tertiaire, fréquentaient les mers * 
peu profondes et se nourrissaient de poissons. Leur museau , 
grêle , allongé, analogue à celui du Gavial du Gange, était 
parfaitement approprié à ce régime. Ce museau était garni 
de dents aiguës dont le nombre ne s’élevait me moins de 
cent-cinquante. - 

Ces reptiles piscivores n'ont pas été accompagnés à l'é- 
poque jurassique par des Crocodiles à museau large et court. 
Ceux-ci peuvent seuls, à l’aide de cette disposition saisir les 
-mammifères qui viennent se désaliérer au bord des eaux. 
Mais avec les animaux de cette classe , sont venus des Cro- 
codiles à museau élargi et obtus, analogues à ceux des fleu- 
ves de l'Amérique , qui n’ont apparu qu’à l'époque tertiaire, 
où les mammifères terrestres ont animé en grand nombre la 
scène de la vie. L'absence de tout reptile carnivore, lors du 
dépôt des terrains jurassiques, annonce combien le nombre 

_ de cés vertébrés supérieurs a été restreint à cette époque. 

Aussi, les poissons les reptiles, piscivores et quelques rares 
marsupiaux sont les seuls vertébrés qui aient existé à cette 
époque. Ce qui est non moins particulier , certains de ces 
vertébrés ont survécu à tons les changements et à toutes 
les modifications de la surface de la terre. Leurs analogues 
conservent les traits primitifs. sous lesquels ils ont rs 
Leur organisation démontre que l’on ne saurait faire 
ver la famille des crocodiles des Ichthyosaures et des Pié- 


£ 


(457) 

siosaures , ni même en faire provenir les Théléosaures et 
les Sténéosaures au moyen d’une série de développements 
graduels dont rien ne démontre la possibilité ni la réalité. 

Les Gavials de l’ancien monde différaient essentiellement 
des Gavials actuels. Leurs cavités oculaires étaient compa- 
rativement plus petites et le trou occipital plus grand et plus 
allongé. Ils se distinguaient encore par la pénétration du 
maxillaire dans l'incisif du côté inférieur du museau, et par 
la position particulière des incisives sur l'extrémité spatuli- 


forme du museau, disposition que présente également le. 


genre Mystriosaurus de la famille des crocodiliens. Le 
nombre des vertébrés (15 dorsales et 2 lombaires) ainsi 
que les apophyses épineuses allongées d’avant en arrière et 
par conséquent plus rapprochées les unes des autres , sont 
les traits distinctifs des anciens Gavials. 

Leurs autres caractères s'accordent avec ceux des Gavials 
de l’oolithe, des Gnathsaurus, Meotiorhyncus et. Lepto- 
cranius qui diffèrent autant des espèces vivantes que de celles 
du lias. 

Les reptiles de terrains jurassiques et particulièrement 
ceux du lias, ne pouvaient guère se concilier avec les milieux 
extérieurs qui allaient survenir. Ils n'étaient que des pier- 
res d'attente et comme les précurseurs des nouvelles géné- 
rations qui allaient lèur succéder. Dominateurs des mers et 
des terres lors des dépôts Uno sage si reptiles ne de- 
vaient pas, avec leurs ites, étendre plus 
longtemps leurs sceptres bé fer sur mois des créations. 

Leur nombre proportionnel a considérablement diminué 
dès la période crétacée, pour arriver peu à peu à celui qui 
caractérise la population actuelle. Les reptiles n’en compo- 
sent en effet qu'une petite partie, au lieu d’être en excès 
sur les autres classès, comme lors des terrains jurassiques. 


Avec ces reptiles ont également apparu , vers le milieu 


( 458 ) 

de l’époque jurassique , des mammifères terrestres de l'or- 
dre des didelphes et de la tribu des marsupiaux. C'est sans 
doute une exception à la loi de complication, mais elle se 
rapporte à des animaux de l’ordre le plus inférieur des mam- 
mifères. Les monodelphes plus perfectionnés n’ont com- 
_mencé à se montrer sur la scène de la vie, que lors des 
dépôts tertiaires, 

Les didelphes sont comme les embryons des mammifères, 
d’après l’infériorité de leur cerveau et de leur système ner- 
veux. La forme et le développement inférieur de leur moëlle 
épinière et de leur encéphale, sont en harmonie avec leur 

_ intelligence peu développée, l’imperfection de leurs organes 
vocaux et leur système maternel et fœtal. 

La conformation imparfaite de ces animaux leur assigne 
une place intermédiaire entre les espèces ovipares et vivi- 
pares. Elle en fait une sorte d’anneau qui unit la classe 
des marsupiaux à celle des reptiles. Les plus simples des 
mammifères , ils devaient apparaître les premiers, en rai- 


son de la loi de la succession des êtres d’après les degrés 


de la complication de l’organisation. 


Les didelphes, dont il n'existe qu’un petit nombre d'indi- 


vidus , ont été découverts dans les schistes oolithiques de 
Stonesfield ; ils comprennent deux genres et trois espèces. 
Le premier ou les Thylacotherium se compose des Thyla- 
cotherium Prevostii et Bucklandi , le second ne présente que 
le Phascolotherium Bucklandi. Ces genres ne sont guère 
connus que par leurs mâchoires inférieures munies en par- 
tie de leurs dents. ; 

Ces mammifères, aussi restreints par le nombre de leurs 
espèces que par celui de leurs individus, n'ont pas été 
trouvés jusqu'à présent ailleurs que dans le système oolithi- 

que de l'Angleterre. Ils n’ont donc pas persisté ; bien diffé- 
rents des poissons et des reptiles des terrains jurassiques , 


\ 


( 459 ) 
qui ont vécu dans plusieurs formations et probablement 
pendant plusieurs générations. On dirait que la nature n’est 
arrivée à la création des mammifères monodelphes que par 
des essais en quelque sorte jetés en avant. 

Les marsupiaux comparés aux mammifères monodelphes 
prouvent un progrès marqué, puisque les premiers ont ap- 
paru avant les seconds. Mais l’on peut se demander s’il en 
a été ainsi des reptiles. 

( La suite au prochain numéro ). 


XXV. Nore sur l'Agaricus cepæstipes de Sower- 


by ; par M. Louis pE BRONDEAU , correspondant. 


Cet Agaric, d’abord observé en Angleterre par M. Sower- 
by, a été retrouvé à Bordeaux, croissant dans les mêmes 
circonstances locales : hors de l'air libre, sur la tannée 
d’une serre , et sous l'influence d’une température factice ; 


c’est une de ces espèces singulières qui, comme l’Agaricus 


volvaceus de Bulliard (1}, semblent devoir leur existence 
à l’industrie de l'homme. 
Fries n'avait pas vu celte espèce ( Syst. myc., pag. 279 }; 
aussi était-il fort incertain sur la place qu'elle devait occu- 
per dans sa méthode; il la plaçca provisoirement dans sa 
tribu des Pratella vaginata, en indiquant son analogie 
avec les Lépiotes et les Coprins. Les observations qui ont 
été faites à Bordeaux, montrent qu’elle appartient à la tribu 


(1) Bulliard dit ( tab. 262, expl.), qu’il a rencontré une seule fois 
cette espèce ( croissant à l’air libre } dans les bruyères des bois de 
Versailles ; il l'a vue tous les ans dans les serres chaudes du Jardin 
royal des Plantes. 

Towe XVI. 32 


( 460 ) 
des Lépiotes, dont elle présente les principaux caractères ; 
ses feuillets persistants , d’un blanc jaunâtre , ne noircissant 
pas, et la couleur d'un blanc ocracé de ses spores l’éloi- 
gnent des Coprins. 

De Candolle ( F1. fr. vol. 2. pag. 202 } , avait confondu 
celte espèce avec l’Agaricus cretaceus Bull. ; il en diffère par 
son chapeau ovoïde à sa naissance , et toujours protubérant 
au centre, par la forme de ses feuillets moins larges et plus 
arqués , libres , mais aboutissant au pédicule , au lieu de se 
terminer sur un bourrelet ou rebord annulaire comme dans 
l’Agaricus cretaceus. Dans l'Agaricus cepæstipes, le pédi- 
cule quoique tendant à devenir creux par la contraction des 
fibres, est moins fistuleux que dans l'Agaricus cretaceus. 

Je vais remplacer la description trop brève de Sowerby, 
laquelle ne donne qu’une idée fort incomplète de ce bel 
Agaric. ( Agaricus cepæstipes, pileo campanulato sparsim 
squamoso, stipite cavo ventricoso infernè lævi. Sow, tab. 2), 

par un autre plus étendue, faite sur des individus vivants. 


AGARICUS CEPÆSTIPES. Sowerb. 


Magnus gregarius. Pileo primd ovato, demm convexo- 
explanato umbonato , carnoso-membranaceo , toto striato- 
squamoso, luteo subaurantiaco. Lamellis liberis, numerosis, 
inæqualibus , oblongo-linearibus apicibus attenuatis, lutes- 
centibus demüm sub-fuscecentibus. Pediculo cylindraceo, basi 
ovato-tumido, squamoso, pileo concolori. 

Has. Jnter corticem coriarium, in lepidariis Burdigale. 
Æstate. 

AGARIC A TIGE D'OGNON. 


Grand, en groupe. Chapeau d’abord ovoïde, ensuite 


_convexe-plane mamelonné, charnu-membraneux, strié 


_ écailleux, d’un jaune un peu orangé. Feuillets libres , nom- 


= FLE CS GS, RP OR 


ARE jt Ju 


Ÿ LA 
* 
SNS 


NS 


WW, 


DD 


Paie mev dénude 


Agaricus Cepæstipes . Sowerby. 


3. Chapeau de lAfaricus Cretaceus. Bull. 


1-2 


NE. & MD. del 


( 461 ) 
breux, inégaux, oblongs-linéaires , atténués aux extrémités, 
jaunâtres passant un peu au brun. Pédicule cylindracé , à 
base renflée oviforme , écailleux, de même couleur que le 
chapeau. 
Hab. Sur la tannée dans les serres de Bordeaux. En été. 
La Flore de France est redevable de cette espèce au zèle 
toujours croissant des amateurs anonymes de Bordeaux (M. 
E. et M. D.) , auxquels la Flore Bordelaise doit déjà tant 
de brillantes découvertes en cryplogamie ; sans leur gra- 
cieuse obligeance, je n'aurai pu donner une description 
aussi complète de l’une des plus belles espèces du genre 
Agaric ; j'ai reçu d’eux de beaux échantillons, des notions 
exactes sur la nature des feuillets et la couleur des spores, 
et une admirable peinture dont je regrette vivement que la 
. Société Linnéenne ne puisse faire graver qu'un léger frag- 
ment au crayon. 


EXPLICATION DE LA PLANCHE. 


Fig. 1.— Agaricus cepæslipes Sowerby ; de grandeur naturelle. 

Fig. 2. — Le mème coupé perpendiculairement. 

Fig. 3. — Chapeau de l'Agar. cretaceus Bull., pour montrer la ma- 
nière dont les feuillets se terminent à une petite dis 
tance du pédieule. 

Reignac , 25 Août 1852. 


Louis DE BRONDEAU. 


sig 


( 462 } 


XX VI. Synopsis des Palmipèdes observés sur le littoral 
Ouest de France , de l'embouchure de la Loire à celle 
- de la Gironde; par M. le B.°% HENRI AUCAPITAINE, 


correspondant. 


La géographie zoologique est entre toutes les parties de 
l'histoire naturelle une des plus fécondes en grands résul- 
tats et en enseignements fertiles, puisque c’est d'elle que 
découlent les inductions paléontologiques sur les faunes 
anciennes et les hautes questions de zoogénie. La philosophie 
naturelle, surtout, est intéressée à la connaissance tant 
restreinte soit-elle de nos études de géographie animale, 
car à elles se rattachent les systèmes des centres d’anima- 
tion, et des circonvolutions zoologiques ; à elles se ratta- 
chent encore les modifications si-nombreuses causées par les 
influences climatériques , qui du même type créent des es- 
pèces si variées. 

Aussi est-ce avec le plus grand soin que nous devons 
étudier, tant restreinte que soit cette étude, les faunes 
actuelles, eu égard à ce qu’elles correspondent à des cir- 
conscriptions physiques ( telles que bassins hydrographi- 
ques ou orographiques ) et non à des contrées politiques, 
comme l'ont fait trop de zoologistes. Car en explorant des 
circonscriptions physiques , en étudiant surtout les modifi- 
cations que les influences locales ont pu apporter au type, 
par un semblable travail, on pourra arriver à diminuer ou 
à retrancher un grand nombre d’espèces dont les caractères 
ne sont souvent que le résultat de circonstances particuliè- 

res, locales , agissant dans les milieux. Parmi les matériaux 


» 


465 ) 

de la Faune du Centre-Ouest de la France, dont Lesson a 
précédemment publié les mammifères et moi les mollus- 
ques, je donne aujourd'hui le Synopsis des palmipèdes 
( presque tous de passage ) observés dans la circonscription 
maritime comprise entre la Loire et la Gironde , région évi- 
demment fort riche, puisque par sa position elle possède 
également les espèces méridionales et septentrionales. Les 
hautes falaises, calcaires, granitiques et crayeuses de nos 
iles, nos grèves, nos marais salants, sont annuellement la 
slation d’une nombreuse population ornithologique, que 
pousse leur instinct migrateur et qui y retiennent momen- 
tanément les riches productions de ce littoral en zoophytes, 
mollusques et poissons (1). | 


AVES. 


Ordo 8. Anseres. — Sectio I. LAMELLIROSTRES. Bp. — Familia CII. 
_ ANATIDÆ. Bp. — Subfam. 196. CYGNINÆ. Bp. 
(I) Genus 215. — CYGNUS Lin. 
1." Cyenus uusicus Bechst (2). — Anser : Cygnus Lin. — 
Cygnus Fér. Gr.— C. melanorhynchus Meg. — C. 
æanthorinus. Naum. Gould. pl. 355. 


A D On A Dm Re MORE RUE HO NN EN AN 


(1) Voyez les migrations ornithologiques , le travail de Bruch 
( Isis, 1824, p. 674 ), et pour ce qui nous occupe, la notice insérée 
par M. Impost dans la Statistique de la Vendée, par Cavoleau et de 
La Fontenelle de Yaudoré. * 4% éd. FOR, 1844. Fe Ps 

(2) Toutes 1! gale: 
rie shfiislagihde de la! Société des sciences Îles Cha- 
rente-Inférieure. J'en dois communication à la bienveillante obli- 
geance de mon ami, M. Edouard Beltrémieux. 


( 464 ) 
(IL. ) Genus 216. -OLOR Wac. 


3. OLoR ImmUTABILIS Bp. — Cygnus immutabilis. Yarr. 


Subfam. 197.— ANSERINÆ. Bp. 
(IL. ) Genus 217. BERNICLA Srers. 


4.* Bernicza Leucopsis Bechst.— Anas erythropus Gmel. 


— Anser Bernicla Pallas. Gould. pl. 550. 
Tout le littoral. 
(IV.) Genus 218.— ANSER Bniss. 
5.* Anser ALBtrrons Bechst. Gould. pl. 349. 
Ile de Noirmoutiers , marais du Lay et de la Serries. 


6. ANSER BRANCHYRINCHUS Bail. — Ans. phœnicopus Bortt. 


Ans. brevirostris Thœnimann. — Ans. segelum 
Naum. 
Gironde, Royan. 
7." Anser ciNeREus Meyer. — Anas anser Lin. — Anas 


vulgaris Pallas. Gould. pl. 347 ; Temminck. Bp. 
Toute la France Ouest. 
Subfam. 198.— ANATINÆ. Bp. 
Genus 220.— TADORNA Lracu. 
8." Taporna vuzpanser Flem. — Anas tadorna Lin. — 


_Anas cornuta. Gmel. — Tad. Belonü Steph. 
Gould. pl, 357. 


Genus 222. — MARECA Srers. 


9." Mareca PENELOPE Bp.— Anas Penelope Lin.— Mareca 
fistularis Steph. Gould., pl. 359. 


CC 


( 465 } 
Genus 223.— DAFILA Leacn. 
40.* DariLa acura. Leach. — Anas acuta Lin.— An. cau- 
dacuta Pall.— An. longicauda Br. Gould. pl. 305. 
Loire-Inférieure , côtes de la Vendée , les îles. 
Genus 224. — ANAS Lan. 
11." Anas Borcgas Lin. — A. adunca Lin. Bp. Gould., 
pl. 566 
Commun sur tous les rivages et les marais salants du 
littoral. + & 
Genus 225, — QUERQUEDULA Srerx. 
12." Querquenuca crecca. Steph. — Anas crecca Lin. 
Gould., pl. 362. 
Accidentel. 
Genus 226. — PTEROCYANEA Br. 
13." PrenocyANEA cREcca. Bp. — Anas querquedula et 
Circia, Lin., Gould., pl. 564. ; 
Commun. 
{Genus 227. — RHYNCHASPIS Leacu. 
14.* Rayncaspis CLYPEATA Leach. — Anas clypeata Lin., 
Gould., pl. 360. 
Noirmoutiers (M. Impost ). Embouchure de la Charente, 
îles d'Aix, Oléron et Rhé. 
Genus 228. — CAIRINA Flemming. 
15.* Carmina moscuaTa. Flem.— Anas moschata. Lin. 
À l’état domestique. 
Subfam. 499. — FuLIGULINÆ Bp. 
Genus 229, — BRANTA Boïs. 
46* Branra nurina Boïe. — Anas rufina. Lin.— Câllichen 
ruficeps Brehm., Gould., T. 369. 
Vendée. 


( 466 ) 
Genus 230. — FULIGULA Srers. 


17. FuzicuLa cRiSraTa Ray. — Anas fuliqula Lin. — An. 
colymbis Pak., Gould., pl. 370. 


Genus 232.— NYROCA Feu. 
18. Nyroca LEucopnTazma Flemm.— Anas Nyroca Guld. 


— An. leucophtalma Bechst.— An. glaucion Pall., 
Gould., pl. 368. 


Genus 253. — CLANGULA — Fiem. 
19." CLanGuLa Laucion Boïe. — Anas glaucion et clan- 
gula Lin.— An. hyemalis Pall.— CI, vulgaris F1. 
CT. chrysophtalma Steph., Gould., pl. 379. 
Tout le département. 
Lesson a publié une notice très-exacte sur cette espèce 
qu'un hiver fort rude ( 1838 ) répandit abondamment sur 
nos marchés ; il y conclut que ce n’est point comme l'ont 


cru quelques auteurs, une espèce imaginaire ; elle est par- . 


faitement décrite par Gmelin, Syst. esp. 26, et par Linné 

dans sa Fauna suecica, p. 37; lui-même en a donné une 

diagnose très-complète. ( Voyez Suites à Buffon, édit. in-18, 

p- 248) | 
Genus 254. — HARELDA Leacu. 


20. Harezpa misrrionica Keys et Bl.— Anas histrionica et 
minuta Lin., Gould. pl. 381. 
21." Harezpa eLacraLis Leach.— Anas glacialis et hyema- 
lis.— An. miclonia Boïe, Gould. pl. 382. 
Accidentel, sans être rare. 


Genys 255.— STELLERIA Bp. (non Stellaria Degl.) 


22. STELLERIA DISPAR Bp. — Anas stelleri Pallas. — An. 


dispar Spar.— An. Beringi. Lath., Gould. pl. 372. 


( 467 ) 
Genus 236.— SOMATERIA Leach. 
23." SomaTerIA mozLissima Leach.— Anas mollissima Lin. 
Anser lanuginosus Boiss. — Anas Cutbuthi Pall. 
Gould. pl. 375. 
Matha , sud de la Charente-Inférieure. 
Genus 257.— OIDEMIA Flemm. 
24. Oïvema (s.-g. Melanetta Boïe), Fusca Flemm. — 
Anas fusca Lin.— An. carbo Pall. Gould. pl. 577. 
Noirmoutiers. M. Impost. 
25° Oinemia niGra | type du genre Oïdemia Flem. ) Flem.— 
Anas nigra Lin.— An. atra Pall. Gould. pl. 378. 
26. Oivemia (s.-g. Pelionettu Kaup.) PErsprcizcarTa Flem. 
— Anas perspicillata Lin. Gould. pl. 576. 
Noirmoutiers , ile d'Yeu (M. Impost ). 
Subfam. 200.— MERGINÆ. Bp. 
Genus 239, — MERGANSER Bp. 
27. MERGANSER SERRATOR Bp. — Mergus serrator Lin. 
Gould. pl. 385. 
Côtes de Bretagne, île de Noirmoutiers , etc. 
28° Mercanser castor Bp. — Mergus Merganser Lin. 
Gould. pl. 386. 
Tout le littoral. 
« Les Haries mâles et femelles ont été très-communs 
» dans les environs de Rochefort, dans le courant de Jan-. 
» vier 1858 ( et plusieurs fois depuis ) pendant les froids qui 
» régnèrent du 40 au 20 de ce mois, 9 5’ du therm. cent. 
» au-dessous de O0, et même les jours suivants par une 
» température de 9° au-dessous de ©, ils s'étaient abattus 
» dans les prairies que la Charente arrose depuis Fiche- 
» mont, à la porte de Rochefort jusqu’à Bords et St-Savi- 


( 468 ) 
» nien ; tous les individus observés ent présenté un plumage 
» identique, et sans variations. L’estomac de l’un d'eux 
» était rempli par du gravier, des ossements de grenouilles, 
« des poissons presqu'entiers , des pousses d'herbe ». ( Les- 
son , Suites à Buffon, vol. in-18, p. 255 ). 
Mergus Merganser Laf. 
La femelle adulte : Mergus castor Gmel. enlum. 953. 
Genus 240. — MERGUS Lin. 
29.* Mencus azgeuzus. Lin.— M. minutus Lin.— M. gla- 
cialis Briss. 
M. siellatus Briss. Gould. pl. 387. 
M. œnatærius Eimbeck. ( hybridus Bp. ). 
Tribu I, Cotipalmi Bp. — Familia CIV. PELECANIDÆ Bp. — 
Subfamilia 201. PELECANINÆ Bp. 
Genus 241.— PELECANUS Lin. 
30. PELECANUS oNocRaTaLus Lin. — P. roseus Ever. — 
P. minor Ruppel. Gould pl. 405. 
Rare. Les hautes mers. | 
Genus 242.— SULA Bniss. 
31" Suza Bassana Bris. Pall.— Bassanus et maculatus Gmel. 
Sula alba Mey. Gould. pl. 412 ( Temm. Mann. 2° 
éd. p. 905 
Hautes mers ; s'approche du rivage par les tempêtes. 
Genre 243. — PHALACROCORAX Bras. 
32.* Paazacrocorax caro Dumont.— Pelecanus carbo Lin. 
Hydrocorax carbo Vieillot. — Carbo cormoranus 
Mey.— Haliacus carbo Illiger.— Carbo medius 
Nilssonn. Gould. pl. 407. 
__ Commun sur: toutes les côtes. 


{ 469 ) 
35." PHaLacRocoRax GRACULUS Dumont.— Pel, graculus L. 
— Îydrocorax cristatus Vieill.— Carbo cristatus 
Temm. Gould. pl. 410. 

Commun , quoique de passage accidentel. 

Il y a au muséum rochelais deux espèces : le Ph. crista- 
tus Temm. Man. T.IL. p. 900 , et le PA. graculus Sching. 
Faun. europ., T. I, p. 369, qui en réalité n’en forment 
qu'une, Ph. graculus Ch. Bp. Synon. crit. p. 498, et 
Degland, Ornith. europ. T. IL. p. 379. Cette dernière 
variété niche à l'île de Noirmoutiers { Pict. ). 

Tribu HE Longipennes. — Familia OVH. LariÆ. Bp. — Sub- 

familia 206. STERNINÆ Bp. 
Genus 256.-- THALASSEUS Boïe. 
34. THaLassEuS cantiacus Boïe— St. cantiacu.—St. striata 
Gr. — St. columbina Schu. — St. Boysii Lath. 
St. canescens Mey. Gould. pl. 415. 
Littoral : fin de Juillet, surtout Août. 
Genus 248.— STERNA Lan. 
35* SrERNA paraDiseA Brienn. — St, Dougalii Montagu 
{ d’après Temminck, Man, T. IL p. 378. Gould. 
pl. 418. 

« Cette espèce se reproduit en grand nombre dans les 
» Îles de la Bretagne et particulièrement dans celle dite Zle- 
» aux-Dames, niche parmi les roches, pond de trois ou 
» quatre œufs d’un gris jaunâtre ou roussâtre avec des 
» points ou des taches d’un gris foncé et d’un brun noir ». 
Degland, Loc. citato, p. 346; île d'Aix à l'embouchure de 
la Charente. J'ai des œufs de cette espèce provenant des 
falaises de Chatel-Aillon, près la Rochelle, et de l'ilot du 
Pilier ( Vendée ). 

* STERNA sfr Lin.— St. fluviatilis Naum. Gould. 


( 470 ) 

Le passage de très-grandes bandes de cette espèce se 
fait en Mai et Août. Dans ce dernier mois, nous voyons le 
St. hirundo changer de livrée et les plumes de la tête passer 
du noir d’été au blanc d'hiver. La livrée de cette dernière 
saison ne se distingue guères que par des teintes moins 
arrêtées, Mon ami Gustave Touppiolles, qui s’est spéciale- 
ment occupé de l’ornithologie française, a fréquemment vu 
cette espèce nicher dans les dunes et les marais salants de 
nos îles. 

37. STERNA MaCRURAÆ Naum. (in /sis 1819. p. 1847 ).— 
Sterna minuta Lin.— St. parva Pers.— St. meta- 
poleuca Gmel. Gould. pl. 420.— St. arctica Temm. 
Man. 2.me éd. T. IL. pl. 472). 

Rare ou plutôt accidentelle. 


Genus 249.— STERNATULA Boïr. 


38° STERNATULA MINUTA Bp.— St. minuta Lin.— St. parva 
Penn.— St. metapoleuca. Gmel. Gould. pl. 420. 


Genus 250. — HYDROCHELIDON Bee. 


39° HyprocHELIDON FissiPEs Bp. — St. fissipes Lin. — 
St. nœvia Bris. et Pall. — St. nigra Auct. Gould. 
pl. 422. : : 

Espèce très-commune en France , elle apparaît au prin- 
temps, en Avril et Mai, et à la fin de l'été, Août et Sep- 
tembre. Niche fréquemment sur nos côtes. 

Subfamilia 208.— Lan Bp. 
Genus 255.— RISSA Leacu. 


40. Rissa rrypacriza Leach.— Larus trydactilus Lin. Buff. 
pl. enl. 553. 
Spécial aux régions arcliques , arrive à l'automne, pes 
_ rarement au printemps. 


( 471 }) 
Genus 254.— XÉMA Br. cum Leacx. 
( Subgenus Chericocephalus Eyton. ). 


41. XËMA rinreunpus Boïe. — L. ridibundus Lin. Gould. 


Très-commun sur les côtes de France et même dans 
quelques départements du centre, niche dans les grandes 
prairies marécageuses situées à l'embouchure des rivières. 
42* XÈMA MELANOCEPHALUM Boïe. — Larus melanocephalus 

Natterer ( d’après Temminck, 2.me éd. p. 779. 
T. II), Gould, pl. 427. 
Genus LARUS La. 
43." Larus ARGENTATUS Brien.— L. glaucus Gould. pl. 434. 

Fort abondant sur les côtes de France où ses nombreuses 
variétés ont donné lieu à la formation de plusieurs espèces 
qui peuvent être ramenées au type.— « Niche sur les bords 
» de la mer parmi les rochers, construit grossièrement son 
» nid avec des racines et des herbes sèches, pond deux ou 
» trois œufs, quelquefois quatre , d’un jaune ou d’un roux 
» un peu olivâtre, avec des taches cendré foncé , et d’autres 
» taches d’un brun noir ». ( Degland, Ornithol. europ., 
T. IL p. 506). 

Subfam. 202, — LESTRININÆ Bp. 
Genus 256,— LESTRIS ILucer. 
44.* Lestris Pomarina. Temm. Gould. pl. 440. 


Habite les régions polaires. Excessivement rare. Ver 


note de M. Hardy , Oiseaux de la Seine-Inférieure. 
45* Lesrris parasira Boïe.— Lath. parasita et caprothe- 
res Brunnich. — Lestris Richardsonii Swainson. 
pl. 441. 
Les falaises élevées des côtes de la Vendée. 


( 472 ) 

46.” Lesrris cernus Keys. et BI. — L. Buffonii. Boïe.— 
L. crepidata Brehm. — Catarracta cephus Brunn. 
L. parasiticus. Swains. Gould, pl. 442. 
Genus 257.— CATARRACTA Brünx. 

A7" CarTarracra sxua Brunn,— Larus catarrhactes Lin. 
Gould. pl. 349. 

Familia CVILI. PROCELLARIDÆ Bp.— Subfam. 210. DIOMEDEINÆ Bp. 


Genus 258. — DIOMEDEA La. 


48.* Diomenea ExuLans Lin. pl. enl. 237. 
Exclusivement les hautes mers. 
Subfam. 211.— PROCELLARINÆ Bp. 
Genus 259. — FULMARUS Lracn. 
A9." Furmarus GLaciazis Leach. — Proc. glacialis Lin. 
Gould. pl. 441. 

Spéciale aux mers polaires, se rencontre quelquefois au 
Nord de la France (Degland, Ornith. europ.T. IL. p. 560), 
excessivement rare sur nos côtes , où elle est purement ac- 
cidentelle. Fa 

- Genus 250.— PROCELLARIA Ln. 
50." ProceLLartA PELAGICA Lin. Gould. pl. 447. fig. 2. 
An Thalassidroma Vigors ?— Schinz. Faun. europ. 
T. I, p. 396.— Degland, Ornith. eur. p. 369. 
Cette petite espèce est très-répandue; on la rencontre 
_ fréquemment sur les jetées de la Rochelle , la digue Jacob- 
sen à Noirmoutiers ; elle se nourrit de petits mollusques 
nus et de zoophytes. 
Genus 262.— PUFFINUS Bniss. 
1." Puorrinus Mayor Jaber. — Puff, fuliginosus. Strick. 
_ Proc. fuliginosa? Lin.— Juni. d’après Bp. 
Rare. Musée de Rochefort. 


duré ati 3e iopue-RuD A ce ES. 2 RS CS SC SE ES cn 5 De di 


( 473 ) 
52.* Purrinus ciNeREUS Steph. — Proc. puffinus Temm. 
nec Lin. — Proc. cinerea Gray. Gould. pl. 445. — 
Nestris puffinus. Keys. 
Rare. 


Tribu IV. Fa AE Bp. — Familia CIX. ALCIDÆ. Bp.— 
ubfam. 215. ALCIONE. Bp. 


Genus 263.— ALCA Lx. 
53" ALca rmpennis Lin.-— Alca major Briss. Gould. pl. 400. 
Genus 264. — UTAMANIA Leacs. 


54° Uramania rorpa Leach. — Afca torda et pica Lin.— 
Alea minor Briss. Gould. pl. 40. 
Rare. Noirmoutiers , embouchure du Lay. 


Genus 265. — MORMON Iruicer. 
Mormon glacialis? 

55* Mormon arcricus Illig.— A/ea arctica Lin.— Mormon 
fratercula Temm. — Lunda arctica Temm. Pall. — 
Fratercula Pall.— Fratercula arctica. Cuv. Gould. 
pl. 405. 

Espèce très-connue des conchyliologistes qui trouvent 
dans son estomac des petits mollusques et zoophytés très- 
bien conservés; ils ont toujours avalé des Nucula et Donax 
que l'on retrouve intactes. 

: Genus 267.— GRYLLE Branor. 

56. GRYLLE coLuMRE Bp. Gould. pl. 399. — Colymbus 
grylle Lath. — C. columba Pall. — C. grylle.— 
An Uria Groënlandica Gr. 

Ilot du Pilier ( Vendée), embouchure de la Charente , 
dune de Royan, et la Tremblade, Communiqué par Gus- 
tave Touppiolles. 


(474) 
Genus 268. — MERGULUS Ray. 
57.* Mercuzus ALLE Bp.— Alca alle Lin. — Uria minor 
Br.— U. alle Lath. Gould. pl. 402. 
Rare. Rives de la Charente. 
Familia CX. CoLxuBinÆ Bp. — Subfam. 216. COLYMBINÆ Bp. 
Genus 269.— COLYMBUS Lu. 

58" Cozvuus arcricus Lin. — Cephus arcticus Pall. — 
C. balticus? Hornsch d’après Bp. Gould. pl. 394. 
Espèce assez commune pendant les froids. 

59" Cocympus GLaciauis Lin. — C. torquata. Brunn. 

Gould. pl. 395. à 
Rare. Charente-Inférieure. 
- Familia CXI. Popictpinx Bp.— Subfam. 217. PopictPipÆ Bp. 
Genus 270.— PODICEPS Lau. 
60" Ponicers crisrarus Lath. — Colymbus cristatus. Lin. 
— C. cornutus Br. Pall.— C. urinator Scopoli. 
— Lophaythia cristata Kaup. Gould. pl. 388. 
La Rochelle, etc. 
61° Poicers sugcrisraTus. Jard. d’après Bp. — Colym- 
bus subinclatus Jacq.— Podiceps ruficollis Lath.— 
C. cucultatus et nœvius Pall. Gould. pl. Sas 
Très-rare. Ile de Ré et d'Oleron. 


62." Ponicers cornurus Lin. Podiceps arcticus Boïe. - 


Europe. Ouest. Embouchure des rivières pendant les” 


grands froids. 

65." Popicers mixor Lath. — © Colymbus fluviatilis Br. 
C. minor et hebridieus Lin. Gould. pl. 392. 
Comme le précédent, se montre quelquefois pendant les 
grands froids. Far 


( 475 ) 

Lorsqu'on compare le catalogue des Palmipèdes qui pré- 
cède aux Faunes de quelques autres localités (1}, on est 
frappé de la richesse des espèces. Il y. en a cependant 
que j'ai cru devoir omettre, parce que mes notes ne me 
donnaient pas une authenticité certaine. Toutes ces espèces 
existent dans les Musées de la circonscription, et particu- 
lièrement dans les riches et belles galeries de la ville de la 
Rochelle, collection du plus haut intérêt sous le rapport géo- 
graphique. Les Palmipèdes , par suite de leurs voyages , sont 
les mêmes dans toute l'Europe-nord. Grâce aux nombreux 
documents déjà publiés, et en attendant le second volume 
du Synopsis avium du prince Ch. Bonaparte, nous pourrons 
arriver à posséder les éléments d’une bonne Faune orni- 
thologique, travail dont MM. Degland et Temminck ont jeté 
les bases. 


B. Henry AUCAPITAINE. 


(1) Notamment avec la Faune récemment publiée, Forte Yning 
ofver de of mig inone RyssLaxn, observare daggdur, foglar. 1852, 
Aves, et les travaux de Schlegel, Ch. Bonaparte , etc. On verra p 


Towe XVII. 


(476 ) 


© XXVIL Notes sur quelques plantes nouvellement 
observées où déterminées dans le rayon de la Flore 
de la Gironde ; 


par divers Membres de la Société Linnéenne. 


CINQUIÈME ARTICLE. 


N.° 16. — CUSCUTES de la Flore Bordelaise. 

Je viens d'achever et je publie en ce moment, dans le 
2.e volume du Compte-rendu de la XIX° Session ( Toulouse, 
en 1852), du Congrès scientifique de France. un mémoire 
intitulé : ÉTUDES ORGANIQUES SUR LES CUSCUTES. 

Dans ce travail, j'adopte l'érection de ce genre linnéen 
en famille naturelle, sous le nom de Cuscutacées. 

J'adopte deux genres que M. le D." Pfeiffer en a démem- 
brés : Epilinella et Engelmannia; ce dernier nom étant 
préoccupé, ne peut être conservé; j'y substitue celui de 
Cassutha. 

Enfin, je propose la création de deux nouveaux démem- 
brements génériques : Monogynella pour la Cuscuta mono- 
gyna Vahl , et Succuta pour le Cuscuta alba Presl , non Go- 
dron. 

Parmi les espèces qui composent ces cinq genres de Cus- 
tacées, quelles sont celles qui croissent dans le départe- 
ment de la Gironde? — C’est ce que je vais établir aussi 
brièvement qu’il sera possible , pour nos Actes, dans nos 
Additions à la Flore Bordelaise, en renvoyant le lecteur 

au mémoire précité, pour tous les détails soit synonymi- 
ques , soit descriptifs. 


(477) 

La Flore Bordelaise ne mentionne que deux Cuscutes, 
Savoir : 

C. europæa, au Pont de la Maye. 

C. epithymum , dans les Landes. 

Cette dernière espèce est très-communc et incontestable. 
Quant à la première , aucun de nos herbiers de la Gironde 
n'en contient de spécimen, et tous les échantillons qu'il 
m'a été donné d’y voir, même ceux de l'Herbier de la 
Flore (!}, apppartiennent au Cassutha suaveolens de mon 
mémoire. 

IL est donc au moins très-probable que le €. europæa 
n'existe pas dans la Gironde et doit être rayé de la Flore 
Bordelaise. 

Les espèces que j'ai reconnues dans le département et 
dans l'arrondissement subsidiaire sont : 


4.0 CUSCUTA EPITHYMUM Linné. 
( C. minor [ pro parte ] DC. FI. fr. ). 


Has. Les Landes de la Gironde, sur les diverses Bruyè- 
res, sur l'Ulex nanus, etc., etc. CCC. 

L’Entre-deux-Mers, à Tresse , sur le Trèfle de Hollande 
cultivé ( récolté par M. Aug. Petit-Lafitte ) ; à Pompignac, 
sur les diverses hérbes qui constituent les prés (récolté par 
M. Gust. Lespinasse ). 

La rive gauche de la Garonne, en Médoc, à Pessac et 
à Villenave d'Ornon, sur l’Erica cinerea ( récolté par M. 
Gust. Lespinasse }, etc. 
. Mon collègue et ami, M. G. Lespinasse, m'a remis la 
note suivante sur ses beaux échantillons de Pompignac : 
« Cette plante est parasite sur tous les végétaux, sans dis- 
» tinction, qu’elle peut atteindre. Elle avait envahi, le 15 
» Juin 1851 ( fleurs complètement épanouies , mais pas une 
» seule graine mûre }, une petite prairie sèche et maigre, 


( 478 ) 

» qui, de loin, semblait couverte de neige. Notre epithy- 
» mum ordinaire ne fleurit au contraire que vers le mois 
» de Juillet. Les étamines exsertes et les divisions du calice 
» égalant presque le tube de la corolle, rapprochent la 
» plante de Pompignac du Cuscuta Trifolii Babingt., et l'é- 
» loignent de l’epithymum. Les styles ne sont pas aussi rap- 
» prochés que l'indique la description; mais ils sont pres- 
» que inclus , et les divisions de la corolle sont plus obtuses 
» que dans epitrymum ». 

De toutes ces observations, M. Lespinasse ( qui n’avait 
pas sous les yeux la description de Babington et ne la citait 
que d’après M. Boreau qui en a négligé plusieurs traits es- 
_sentiels ) , concluait en faveur du C. Trifolii. Je ne puis 
partager cette opinion, attendu l'absence complète du pédi- 
celle propre des fleurs, et la grandeur des écailles. La 
plante de Pompignac est pour moi l’epithymum le mieux 
caractérisé, sauf quelques variations insignifiantes dans la 
forme des lobes corollins. 

Quant à la différence dans l’époque de la floraison, je 
la crois facilement explicable, en ce que le terrain de Lan- 
des, sur lequel nous recueillons habituellement la plante , 
est toujours notablement arriéré pour la végétation, com- 
parativement à tous les autres ; c’est une chose étrange , eu 
égard à sa composition sablonneuse et siliceuse, maïs c’est 
un fait. L'échantillon de M. Petit-Lafitte, recueilli sur le 
Trèfle de Hollande à Tresse, en Juin, est au même point 
que ceux de Pompignac, et ces deux localités appartiennent, 
non aux Landes, mais à l'Entre-deux-Mers, contrée acci- 
dentée, caleaire, et beaucoup plus chaude, où la végé- 
tation est bien plus hâtive que dans les Landes. Cette 
réflexion est si fondée , que j'ai sous les yeux un troisième 
- groupe d'échantillons , à peine plus avancés et n'ayant en- 
core aucune graine, qui ont été recueillis le 28 Août ; ce 


, 
RS Ro UE EIRE | 


(479 ) 
sont ceux de Bjitche, de la collection Schultz. Celui du 
Mont - Dore ( 6-9 Août } est dans le même cas. Enfin, 
celui de Meudon, sur le Sarothamnus scoparius, à peine 
en pleine. floraison, est du 10 Septembre. L’échantillon à 
fruits mûrs, de nos Landes ( M. G. Lespinasse, Pessac ) 
est du 28 Septembre. — Il ne faut pas oublier, d’ailleurs, 
l’effroyable rapidité avec laquelle les Cuscutes se reprodui- 
sent, de bouture surtout, et combien peu de jours il leur 
faut pour arriver à donner leurs fleurs. Ceci posé, on re- 
connaîtra qu'elles ont plusieurs époques indéterminées de 
floraison dans la belle saison ; et lorsqu'un botaniste en re- 
cueille pour son herbier, il est naturellement attiré vers les 
échantillons les plus apparents, les plus fleuris, et ne fait 
guère attention aux autres. Il faudrait donc, pour résoudre à 
fond cette question de la première floraison, des observations 
spéciales , qui n'ont pas encore été faites. 


2.0 CUSCUTA KOTSCHYI Nob. 
( €. minor | pro parte tantüm ] Choisy in DC. Prodr. IX 
(1845), p. 453, n.° 5 ). 
Has. Très-commune dans les basses - montagnes des 
Pyrénées ( Bagnères-de-Bigorre, Bagnères-de-Luchon), 
cette jolie espèce a sans doute laissé charrier ses graines 


=. par les eaux de la Garonne , puisqu'elle a été retrouvée , le 


22 Août 1851 , sur l'Eryngium campestre, à Royan”, par 
notre honorable et zélé collègue, M Gusrave Lespinasse. 


— CASSUTHA SUAVEOLENS (sub Cuscuté ) Seringe 
(1840 ).— Nob. (1853). | 

Cuscuta Hassiaca Pleiffer (1843 ).— Koch. 

Cuscuta corymbosa Choisy in DC. Prodr. T. IX (1845), 
non Ruiz et Pavon. 

Engelmannia suaveolens. Pfeiff (1846 ). 


. ( 480 ) 

Has. L'allée Boutaut ! au bord des fossés , enroulant des 
tiges d’Avena…… et de Calystegia sepium (récolté par moi); 
vivant Sur la Luzerne ! ( M. Odon Debeaux ).— Blanquefort, 
au bord de la Jalle ! sur... { Herbier de la Flore borde- 
laise ). — Mérignac , dans le domaine de M. Baour , sur la 
Luzerne! ( M. Alex. Lafont ). 

. Histoire du CassuTHA SUAVEOLENS dans la Gironde. 

Ce n’est pas seulement aux botanistes de la Gironde que 
notre Flore si riche offre les moyens de se signaler par 
des observations importantes ou nouvelles pour la localité 
et quelquefois même pour la France; elle suffit aussi, de 
temps à autre , à récompenser par de semblables succès , le 
zèle des explorateurs étrangers à notre département. C'est 
ainsi que nous devons à M. Dumolin l'aîné, d'Agen, l’Ery- 
thrœa spicata , à M. E Cosson le Trifolium Perreymondi et 
le Scirpus translucens, à M, Wood l’Avena strigosa, à 
M. Soyer-Willemet le Rumex hydrolapathum, etc. 

C’est enfin ainsi que nous devons à M. Onox Depeaux fils, 
d'Agen , le C'uscuta suaveolens Seringe, qui fait le sujet de 
ce paragraphe. Ce jeune observateur avait déjà recueilli la 
plante dans l’Agenais , sous le nom de C. Hassiaca Pfeiff., 
et il s’était même bercé de l’espoir d’avoir été le premier à 
la trouver en France. Mais l'assimilation proposée comme 
douteuse par M. Choisy ( in DC. Prodr. T. IX, p. 456) 
entre cette espèce et son €. corymbosa, est reconnue comme 
de plus en plus probable par les Addend. et corrigend. du 
même volume du Prodromus (p. 565), et plus récemment 
encore comme cERTAINE par M. Buchinger (Ann. sc. nat. 
1846, 3ve sér, T. V. p. 88 ); en sorte qu'il demeure prouvé, 
au détriment de l'espérance conçue par M. Debeaux, que la 
plante était connue en France bien longtemps avant lui, 
. puisque M. Seringe l'avait décrite en 1840 sous le nom de 
suaveolens , et que M. Choisy l'avait indiquée en 1844 ( le 


ns te ge pa D entrée Vale silos AV) FH M Eve 


( 481 ) 
Tome IX du Prodromus porte la date du 1° Janvier 1845 ) 
comme abondante à Lyon , sous le nom de corymbosa. 

Il ne reste donc à M. Debeaux que l'avantage incontesté 
d'avoir déterminé, le premier, cette espèce dans la Gironde, 
en 1849. Sa découverte, annoncée par écrit à la Société 
Linnéenne dans sa séance publique de l'été de 1850 , mais 
non étayée par l’exhibition de la plante elle-même , donna 
lieu à Ja formation d’une commission chargée de vérifier les 
faits. La commission ne réussit pas d’abord à retrouver la 
plante : la luzernière indiquée sur les derrières du quartier 
Bacalan , au voisinage de l'allée Boutaut , avait sans doute 
été labourée, et l'existence de la Cuscute signalée resta 
ainsi indécise pendant un an. Elle fut enfin bien constatée 
par la rencontre qu’en fit M. Alex. Lafont, à Mérignac, dans 
une luzernière du domaine de M. Baour , le 10 Juillet 41851. 
M. Lafont m’apporta la plante vivante, et j'en pus vérifier 
minutieusement tous les caractères dans la 2.° édition du 
Synopsis de Koch, dont voici-la très-exacte description : 

a (C. Hassiaca ). Caule ramoso, floribus fasciculatis 
» pedicellatis, tubo corollæ campanulato limbum æquante 
» squamis convergentibus clauso, limbo 5-fido, laciniis 
» patentibus apice corniculato-inflexis , stylis 2, stigmate 
» capitato. @ Aug. Sept. — Flores albi, antberis luteis. 
» Caulis lætè aurantiacus ». 

La description de M, Choisy, dans le Prodromus, est 
nécessairement rédigée sur un autre plan, puisqu'elle doit 
servir de diagnostic dans un genre composé de 49 espèces, 
tandis que Koch n’en avait que six à caractériser; mais elle 
ne présente rien d'incompatible avec les termes cnrs. 
par Koch. 

Cette coïncidence ne paralles pas surprenante , lorsqu'on 
suivra la filière des faits historiques qui se rapportent à 
l'espèce en question, tels qu'ils sont rapportés par M. Bu- 


( 482 ) 
chinger dans son analyse du travail de M. Pfeiffer sur les 
Cuscutacées. 

Engelmann, auteur d’une monographie des Cuscutes 
américaines , prétend que le €. Hassiaca de M. Pfeiffer 
n’est pas une espèce nouvelle, mais qu’elle a été décrite 
sous le nom de C. corymbosa par Ruiz et Pavon, dans leur 
Flore du Pérou. Engelmann s’est trompé en cela, car il est 
positif, dit M. Buchinger, que l'espèce décrite et figurée 
par Ruiz et Pavon est absolument différente. M. Choisy a 
partagé l'erreur d'Engelmann ; mais au lieu de décrire le 
vrai C. corymbosa de la Flore péruvienne , il a rédigé sa 
description sur des échantillons desséchés, recueillis par 
Bertero, d’une autre espèce américaine non décrite, et dont 
les graines se sont introduites en Allemagne, à Genève et 
à Lyon avec des graines américaines de Luzerne. Cette es- 
pèce nouvelle, originairement américaine mais naturalisée 
en Europe, a reçu successivement les noms de €. suaveo- 
lens Seringe { à Lyon, en 1840 ), C. Hassiaca Pfeiffer ( en 
Allemagne, en 1845), C. corymbosa Choisy, non Ruiz et 
Pavon ( à Genève’en 1844 ). 

M. Choisy paraît n’avoir pas vu d'échantillons allemands 
du C.'Hassiaca, qu'il donne comme synonyme douteux à 
son C. corymbosa ( type } ; mais il a vu vivante la plante 
genévoise, dont il fait la var. B pauciflora de ce même C. 
corymbosa. 

Puisque les trois plantes américaine, allemande et gené- 
voise sont spécifiquement identiques, la description faite 
en vue de la première doit naturellement convenir à la se- 
conde et à la troisième. Je trouve néanmoins une petite 
différence entre la description de M. Choisy ( stigmata 
_ lutea ) et mes échantillons vivants ( stigmates verts ! ) : 
elle s'explique facilement en ce que M. Choisy a décrit les 
_ échantillons américains desséchés de Bertero. Il ne dit rien 


< 
ARE ANR CR à 


{ 485 ) 

de la couleur des stigmates dans sa var. 8 qu’il caractérise 
seulement par des fleurs moins nombreuses. Ce qu'il y a de 
certain , c’est que les stigmates de mes échantillons , verts, 
il y a six mois, à l'état de vie, sont aujourd’hui d’un brun- 
marron foncé, et que si je ne les avais pas vus vivants, ma 
première idée serait qu’ils ont dû être jaunes. 

Depuis le récensement fait sur le vif, de tous les caractè- 


res décrits par Koch pour cette espèce , j'ai vérifié sur le sec 


et au microscope ,‘tous les caractères donnés par M. Choisy : 
ils sont parfaitement exacts pour notre plante; ainsi qu’il 
le dit, les fleurs sont entremèlées de squamules , les écailles 
intérieures de la corolle sont courtes et frangées ( à fimbria- 
tions légèrement spatulées ), et les deux styles sont de lon- 
gueur INÉGALE , etc. J'ajoute que ces styles droits ou déflé- 
chis à la maturité de la capsule, persistent sur les deux 
bords dpposés de l’orifice interstylaire qui est rond ou sub- 
anguleux et d’une dimension suffisante pour donner passage 
aux graines mûres. 

Les trois caractères les plus saillants du genre établi par 
M. Pfeiffer , et qui ne compte encore qu’une seule congénère 
‘en Europe ( Portugal, et elle est bien distincte ! }, se 


retrouvent sur la plante de M. Debeaux : Stigmates capités, 


non filiformes ou en massue , capsule déhiscente par le som- 
met, non vers la base et circulairement comme une boîte à 
savonette ; { capsula circumscissa, expression univoque et 
commode , que je traduirai tout simplement par cèrconcise 
pour éviter les périphrases ) ; corolle marcescente à la base de 
La capsule, non au sommet ( € ’est-à-dire que la capsule, en 


grossissant, rompt le tube corollin en lanières verticales qui 


restent adhérentes par le bas, au lieu que, dans les vraies 
Cuscutes, les Monogynelles et les Épilinelles, le tube se 
rompt circulairement à sa base, et que sa partie supérieure, 
couronnée des dents marcescentes du limbe, reste adhérente 


( 484 } 
à la partie supérieure de la capsule qui grossit et s’allonge ). 
Done , la plante de M. Debeaux est bien déterminée. 
S’ensuit-il de là que M. Debeaux l'ait, le premier, re- 
cueillie dans la Gironde ? Hélas non! et j'ai à faire ici un 
aveu qui doit coûter singulièrement à mon amour-propre. 


J'ai dans moû herbier , depuis plus de 25 ans , depuis trente 


ans peut-être , et sans l’avoir jamais analysé, un très-bel et 
abondant échantillon, plus fort dans toutes ses parties que 
l'epithymum de nos landes, et que j'ai toujours pris pour 
l'europæa L. (major DC. ). Il entortille des tiges de grami- 
née et de Calystegia ( Convolvulus sepium L.) et je l'ai 
récolté avec plusieurs autres que j'ai envoyés à mes amis 
sous ce même faux nom, au bord des fossés qui avoisinent 
l'entrée de l'allée Boutaut , derrière Bacalan ( localité de la 
plante de M. Debeaux). L’échantillon de l’herbier de la 
Flore Bordelaise, déposé au Jardin des Plantes, est.dans le 
même cas, recueilli dans le même quartier ( Blanquefort, 
au bord de Ja Jalle }, Or tout cela, ainsi que je m'en suis 
assuré par une analyse exacte, n’est autre que la plante de 
M. Debeaux. 

Il ne nous resterait qu’un moyen de supposer encore que 
Ja Gironde nourrit réellement le Cuscuta europæa : M. La- 
terrade l'indique sur la vigne et autres plantes élevées, au 
Pont de la Maye : ni lui ni moi ne possédons d’échantillon 
de cette localité. A l’époque où furent réunies et décrites 
les plantes de fonds de la Flore Bordelaise et de mon her- 
bier , on ne distinguait en France que trois espèces, major, 
minor, et l'espèce méridionale monogyna qui croît sur la 
vigne. Il n’y avait pas lieu de se défier de nos détermina- 
tions, et je n'y serais peut-être jamais revenu , sans la dé- 
couverte annoncée par M. Debeaux. 

Il résulte de tout ceci, comme je l'ai dit plus haut, qu'en 


 _ attendant la preuve de l'existence réelle, au Pont de la 


be # 
ir Du ee ne ge Con Vi nts ORURLDR nu re Sn à: 22: “Peel ec Ed 


Ms eh 


( 485 ) 
Maye ou ailleurs dans la Gironde, du Cuscuta europæa, 
cette espèce doit être rayée de la Flore Bordelaise où le 


Cassutha suaveolens la remplace. 
Ca. Des Mouzins. 


Bordeaux , 1er Mars, 1853. 


N.017.— Note sur le PROTOCOCCUS ROSEUS Meneghini, 
cryptogame nouvelle pour la Gironde, trouvée à Chateau- 
Lafitte en Septembre 1851. 

J'ai trouvé, avec mon père, cette petite cryptogame an 
commencement du mois d'Octobre 1851 , dans les caves de 
Chateau-Laffite, canton et commune de Pauillac, arrondis- 
sement de Lesparre (Gironde). Ayant eu occasion de visiter 
ces caves récemment construites, nous remarquâmes que 
les murs en étaient tapissés de taches d’un rose foncé , que 
nous ne pûmes , à cause de Ja hauteur à laquelle elles s’éle- 
vaient, attribuer qu'à une végétation cryptogamique. La 
couleur rose foncé de ces laches peut parfaitement être 
comparée à celle de la lie de vin. Cette végétation adhérait 
extrêmement aux parois des caves, et il était impossible 
d'en avoir des échantillons, sans enlever quelques fragments 
de mur. Nous parvinmes à en recueillir un certain nombre 
d'échantillons, dont une partie, grâce à la bonté de M. Ch. 
Des Moulins, président de la Société Linnéenne de Bor- 
deaux, a été envoyée à M. le docteur C. Montagne qui a 
bien voulu se charger de la détermination de cette petite 
cryptogame. C'est une Nostochinée qui n’a-pas encore été 
observée dans le département de la Gironde. Elle appartient 
au genre Protococeus. C’est, d’après la détermination de 
M. le docteur Montagne, le ProTococcus ROSEUS Meneghini, 
qui a été décrit et figuré dans les Tab. phyc. de Kützing. 


Bordeaux , le 20 Septembre 1852. 
P, L. Perrr-Lartrre. 


Remis au Conseil d'administration de la Société, pour insertion 
dans les ACTES, Aug. PETIT-LAFITTE. 


Mer 


be 


( 486 ) 


N.o 18. — Le PANICUM DIGITARIA Laterr., trouvé en 
1851 sur les bords du Gave de Pau. 


Des affaires m'ayant appelé à Navarrens en 1851, quel- 
ques courses géologiques que je fis le long du Gave en aval 
et en amont, me procurèrent la rencontre du Panicum Di- 
gitaria sur ses bords sablonneux et humides. Cette plante 
avait l'air maladif; sa tige me parut maigre, ses feuilles 
roussâtres. Cependant , l’épi qui était en fleurs et montrait 
ses anthères noires , me parut bien portant. 

Cette graminée d'Amérique, transportée sur les bords 
d’une rivière froide — d’où pouvait-elle venir ?.… Rentré à 
Pau , je fis part de ma découverte à M. le Ve de Forestier, 
qui m’apprit qu’elle est commune à Bayonne. : 

En Août 1852, je la revis, et cette fois bien portante , à 
Naye, dans une flaque d’eau près du Gave. Intrigué par 
cette nouvelle découverte, je revins à Lourde en longeant 
les bords du Gave, dans l'espoir de retrouver ma plante. 


Je ne la vis qu'à environ 500 mètres en amont du pont de 


Lourde , dans le bassin d’Argelès. Depuis ce lieu jusqu’à 
Bossène , elle se montre par petites plaques , à des distan- 
ces assez rapprochées. 

Le bassin d’Argelès paraît convenir à cette graminée 
voyageuse. L’humidité lui est plus favorable que les sables 
secs. Dans ceux-ci, elle paraît ramper sur le sol , et dans 
les endroits où elle a le pied dans l'eau, sa plus grande 
hauteur ne dépasse pas 20 à 25 centimètres. 

« Bordeaux , Mars 1853. 
Puuappe, 


correspondant à Bagnères-de-Bigorre. 


ACER ES 


1 à EPP PMR TURN DER ent 


(487) 


XXVIII. TaBreau des coquilles fossiles recueillies dans 
les faluns de Baudignan, département des Landes, 
limite du Lot-et-Garonne; par M. le B.°" ne TREN- 
QUELLÉON, correspondant. 


—M#@2 De 


Les dépôts marins du bassin de la Garonne se reprodui- 
sent d’une manière presqu'identique dans le bassin de 
l'Adour à Dax et à Saint-Avit; ils forment les limites Nord 
et Sud du grand bassin océanique des Landes. 

La présence ces Cérites dans les terrains tertiaires de 
Poussignac et de Casteljaloux , les bancs de calcaire spathi- 
que de la Peyrie, près Rhimbes, qui renferment de magnifi- 
ques espèces de coquilles pétrifiées , le calcaire grossier 
coquillier de Bournie, commune de Saint-Pé sur la Gelise, 
où j'ai trouvé des Lucines, des Moules et des Pholadomyes, 
non loin du calcaire lacustre, qui y est le plus souvent su- 


. perposé , les fossiles marins épars sur les bords du ruisseau 


de Rhimbes, à Esperoux et à Saint-Cricq, enfin les bancs 


® d’Ostrea dans la marne de Sos fesaient présumer l'existence 


d’autres grands dépôts sur la limite Est de ce bassin des 
Landes , véritable relais de la mer. 

La recherche de matériaux pour la confection de la route 

.0 133 dans les environs de Lubbon , matériaux bien rares 
re ce vaste désert, a amené la découverte du falun (es 
riche et très-remarquable de Baudignan. 

Il repose sur le calcaire marin grossier presqu ’exclusive- 
ment formé d’Huitres et d’Arches concrétionnés , sous une 
couche de marne argilo-ferrugineuse d'environ 1 mètre 
d' épaisseur qui n’est elle-même recouverte que de 75 cen- 
timètres de terrain superficiel argilo-siliceux. 


( 488 ) 


Il est situé sur un mamelon entre deux ravins formés 
par le ruisseau du Caberre , entre l’église et le château de 


Baudignan. 


Ce falun a de 60 à 80 centimètres d'épaisseur; il est dans 
quelques parties traversé par des filons d'argile sur lesquels 
on rencontre dans leur position naturelle les grands bival- 
ves , les Peignes , les Tellines, les Vénus, le Solen vagina, 
et des débris de quelques univalves de grande dimension, 
telles que des Pyrules et des Casques. J'y ai rencontré une 
seule valve très-belle de Panopée, qu’il m’a été impossible 
d'enlever entière, malgré un long travail , à raison de l'hu- 


midité de l'atmosphère. 


- Les autres coquilles tant bivalves qu’univalves sont jetées 
pêle-mêle dans le sable et les débris marins qui composent 


la falunière. 


J'aurais voulu retarder la rédaction de mes notes sur les 
fossiles de ce nouveau gissement ; pour les compléter, il 
faut explorer plus longtemps cette localité. Mais j'ai hâte 


de jeter une obole dans le riche trésor de la Société savante 
qui m'a fait l'honneur de m’admettre dans son sein; le 
temps n’est pas à moi, sa faux voltige sur ma tête blanchie. 


En signalant les faluns de Baudignan à de plus jeunes, à de 


plus zélés , à de plus instruits que moi, peut-être amènerai- 


je de nouvelles découvertes au profit de cette partie si in- 


téressante de la conchyliologie, et mon but sera atteint. 


Voici le catalogue des espèces fossiles déterminées que 


j'ai recueillies : 


Solen vagina Lin. . . .... . C. (Commune ). 
Solecurtus Basteroti Dum. . . . R. (Rare). 
Psammobia Labordei Bast. . . RR 
Corbula striata Lam. . . . .. CC. 

SU — pbohiia Bast. . | cc 


EE mr eg ATEN 9 SE SE QE CE 


| 
1 


“ 


Sr 


Crassatella concentrica Duj.. . CC. 

Tellina zonaria Lam. . . . . . C 
—  scalaroïides Lam. . . . R. 
—  rostralina Desh.. . . . RR. 


Il y a une autre espèce de Telline cblongue, applatie, 
qui me paraît nouvelle ; mais elle a besoin d’être étudiée et 
comparée. 


_ Donax triangularis Bast.. . . C. 
Venus nilidula Lam. . . . .. C. 
—  casinoides Lam. . C 
—  erycinoîdes Lam € , 
Cardium serrigerum Lam. . RR 
Cardita an aspera? Lam CC 
— rer Lam , 
Pectunculus cor Lam. . . . . . CG 


— AG 4 Lam. CC. 


Arca diluvii Lam. : : CG 
— barbatula Lam. . . . .. CC. 
— clathrata Def. . . . . . . RR. 
ee. NON ce : Ù - . - R. Dans la couche d’argile. 


J'ai trouvé une autre espèce d’Arche petite, cancellée, 
transverse, que je crois nouvelle. 


Nucula rostralis Lam... ... RR. 


( 490 ) 
Slomatig?. ..: . : . .: =... RRR. Un seul échantillon in- 
complet 
Calyptrea muricata Bast. à & 
— deformis Lam. . . . R. 
Bulla lignaria Lam. . . . . . RR. 
acuminala Grat. . . -. G 
—  cylindrica Grat 
— Lajonkairii Bast R 
Eulima polita La 
Tornalella inflata Lam. RR 
— semistriata Bast C À 
Auriculina ringens Lam. . . . RR: _ 
Rissoa cancellala Lam... : " 
FrOCAMS 2. 5. Le R. Je le crois nouveau. 
Monodonta PRES Bu. ; a 
Nerila Plutonis Bast.?. . . . . RR. . 
Natica olla Marcel de Serres. . CC. 
— cçcanrena Lam. . . . . . CC: 
Fasciolaria afra Lam. . . . . RR. 
Fusus clavellatus Desh. . ... R. 14 
Murex sublavatus Bast. . . .. C: 
abs spirillus Bat ©, - .. h. 
ficoides Lan: .. . .. R. 
Turritella quadriplicata Bast. CCC. 
Cerilhium semi granosum. Lam. C 
Pleurotoma dentata Lam. . C 
— mu re R 
cala Lam. . .:. KR 
Buccinum Écnee Desh. R. 
— angulosum Lam... CC ; 
—  mutabile Lam. . .. CC. 
Cancellaria contorta Grat. . . RRR. 
Columbella?. . ...... ::. RR. Peut-être nouvelle. 
Marginella miliacea Duj. : .. 
Ancillaria canalifera Lam. .. C. 
Oliva hiatula Bast C 


a. rite non incognit Bast.? . . RR. Peut-êtfe nouvelle. 


; (491) 

J'ai trouvé un seul échantillon imparfait d'une grande 
Vis, lisse et sans plis. J'ai besoin d'en trouver d’autres plus 
entiers pour étudier cette espèce peut-être nouvelle. 

Cyprea pediculus Lam.. . . .. RR. 
Ovula an spetta Lam.—secale Payr.? RR. Peut-être nouvelle. 

Ce n’est point la triticea Grat. J'en possède deux échan- 
tillons entiers, un troisième brisé; avant d'être bien fixé , 
J'ai besoin d’en trouver d’autres. 


Conus deperditus DUR... © 
Siliquaria anguina Lem. . .. R. 
Auricula an oblonga Desh.? . RRR. 


Mon collègue et ami, M. Gassies, a pris le croquis de 
cette belle Auricule ; il a aussi dessiné la Stomate et une 
coquille fort curieuse , dont je ne possède qu’un seul échan- 
tillon ; un second s’est entièrement brisé dans la boîte. Cette 
coquille qui est discoïde , fait partie , je crois, de la famille 
des cloisonnés. 

Il m'a été impossible d'étudier les espèces que je crois 
nouvelles et par conséquent de les écrire sans avoir de nou- 
veau visité Baudignan, dans l'espoir de retrouver d’autres 
échantillons de ces espèces, afin de les comparer et de les 
établir d’une manière plus précise. Je le ferais plus tard si 
M. Gassies auquel je les ai communiqués et qui prépare un 
excellent travail sur les fossiles du Gras eng ne le fait 
pas lui-même. 

à B.°" DE strass 


.… 


Lavardac nn 6 Mars 1853. 


Tome XVII. 34 


{ 492 ) 
XXIX. MoLLUSQUES TERRESTRES ef FLUVIATILES à ajou- 
ter au Catalogue de la Gironde ; 


Par divers Membres de la Société. 


2.me ARTICLE (1). 


N.0 12.— VITRINA SUBGLOBOSA Michaud. Complément 
p. 40, n.e 4, pl. XV, fig. 18, 19, 20.— Dupuy, 
Hist. Moll. n.° 5. tab. 1. fig. 8. 

Has. Lescure près Mérignac, sous les pierres où je l'ai 
trouvée en Février 1853. L'animal est bleuâtre, le lobe du 
manteau est peu développé , la coquille a un peu l'aspect de 
l'Helix fusca. Montaigu. 

N.o13.— HELIX FULVA. Muller.— Draparnaud, n.° 7. 
p. 81. pl. VIL. fig. 12, 13. 

Has. Cestas. Rapportée en Avril 1853 par M. le D." Sou- 
verbie, dont les découvertes ont été récompensées d’une 
médaille d'argent , par la Société Linnéenne. 


N.0 44.— BULIMUS VENTRICOSUS Drap. n.° 8. p. 78. 
pl. IV. fig. 51, 32. dut 
Helix ventrosa D'Audebard. Hist. Moll. n.° 577. 
Bulimus ventrosus. Dupuy. Hist. Moll. n.° 4. Tab. 
fig. 5. 

Has. Les vieux murs à Abzac, canton de Coutras. Ren- 
contré en 1852 par M. Souverbie. L'animal est d’un noir 
bleuâtre ; la coquille offre plusieurs variétés, dont les prin- 
cipales sont les var. fasciata et non fasciata. 


(1) Voirles Actes, tome XVII, deuxième série, tome VII, 6.me 


£ 


( 493 ) 
N.015.— BALÆA FRAGILIS Leach. Brit. Moll. p. 146. 


— Dupuy. n.° 1. Tab. _ fig. 56. 
Helix perversa Férussac. n.° 


Pupa fragilis Drap. n.° 20. p. a pl. IV. fig. 4 
Clausilia fragilis Studer. 
Has. Le Jardin-Public de Bordeaux ( M. Souverbie }, 
Talence ( M. Cazenavette }, Caudéran ( M. Gassies ), etc. 
Cette espèce est sociable comme les Clausilies et certains 
Maillots. L'animal est translucide, extrêmement visqueux. 
La coquille classée tantôt dans les Maillots , tantôt dans 
les Clausilies , forme un genre intermédiaire entre ces deux 
grandes coupes. Peut-être, sa véritable place serait-elle 
dans les Bulimes, à côté du groupe des B. octonus Brug., 
terebraster Férus., etc. 


_N.° 16.— LIMNEA AURICULARIA Dupuy. ne 9. Tab. 


Lymneus auricularius Drap. pl. 2. fig. 28-29. 

Has. Au Pont-de-la-Maye, Blanquefort, le Taillant ( M. 
Souverbie }, Mérignac ( M. Gassies ), ete. Les grands cours 
d’eaux en général. 

Nous ne possédons pas le type de cette belle espèce, 
mais bien une variété plus globuleuse , se rapportant à la 
Limnea canalis Villa, ( Dupuy, n.° 15 


N.o47.— LIMNEA TRENCALEONIS Gassies. Moll. de 
VAgenais. n.° 2. pl. 2. fig. 1. 
, Limnea ovata, var. Dupuy. : 
Ha. Cadillac ( M. Cazenavette }, les marais des Char- 
trons (M. E. Barbet ), le Bouscat ( feu M. de Relinguent), 
etc. Cette espèce est répandue dans toutes les collections 
conchyliologiques de Bordeaux , mais le plus souvent sans 
indication de localité. 


( 494 ) 

Dans l'ouvrage de M. Dupuy, la L. Trencaleonis est citée 
comme variété de l’ovata ; cependant le L. auricularia est 
le type dont elle se rapproche le plus. 

N.° 18.— PALUDINA BREVIS. Mich. n.e 8. 

Cyclostoma breve, Drap. n.° 10. pl. 13. fig. 2-3. 

Har. Le Pont-de-la-Maye , fixée aux pierres baignées par 
l’eau. de la Jalle. M. le D." Souverbie et moi l'avons trou- 
vée trois fois au mème endroit, avec les Paludina Ferus- 
sina, Ch. Des Moulins, et abbreviata Michaud. 

L'animal est d’un gris-bleuâtre. La coquille présentait 
des encroûtements noirs ou bruns. 

Cette espèce rare n’a été recueillie, jusqu’à RERRenL que 
dans l'Hérault et le Jura. 


N.°,19. — VALVATA MINUTA Drap. n.° 5, pl. L. fig. 36. 
— Dupuy, n.° 2. Tab. XXVII, fig. 14. 


Has. Le Pont-de-la-Maye. Les individus que j'ai ren- 
contrés sont légèrement encroûtés, et un peu plus aplatis 
que ceux de l’Agenais. 

Pauz Fiscuer. 
- 27 Avril 4855. 
N.0 20. — ANODONTA MOULINSIANA Dupuy , Moll. terr. 
et F1. de la France, p. 616. tab. XX. fig. 19. 
Anod. rostrata Dupuy (non Rossm. } Catal. extr. Gall. 
Test. n.0 27 ( 1849 ). 
Anod. rostrata ? Kokeil, in Rossm. 


Cette espèce , extrêmement commune dans les hpnrss 
les étangs saumâtres du littoral à la Teste, Cazaux , etc. 


+ N distingue parfaitement de ses congénères par son rostre 


Fu son ligament extérieur très-élevé, sa cola 


(495 ) 


tion métallique , ses sommets toujours excoriés, de couleur 


rougeâtre ou livide , enfin par son épiderme souvent exfolié 
jaune brun ou rougeâtre. 
Elle est intermédiaire entre les Anatines et les Piscinales. 
OrsErvATION. Je reçus en 1848 deux échantillons de cette espèce 
sous le nom d’Anod. cellensis , junior , avec un point de doute; M. 
Cb. Des Moulins en les envoyant comme objet de comparaison , me de- 
manda mon avis. D’après les figures de Rossmassler , je ne pouvais 
hésiter ; je classai donc ces coquilles sous le nom d’An. rostrala 
Kokeil. J'avais de la Baïse, à Nérac, des individus très-adultes d’une 
variété de l’anatina de Draparnaud ( non Linné), qui se rapprochaient 
encore plus du type allemand ; mais M. Dupuy , à qui je le montrais, 
n’hésita pas à leur donner le nom de son espèce du _—, Anod. 
Rossmassleriana, var. y. rostrala. ; 
Notre ami et correspondant , M. Perris, de Mont-de-Marsan , m’en- 
voya au commencement de 14849, un certain nombre de coquilles 
bivalves des grands étai gs d'Aureillan, or et Biscarrosse, parmi 
lesquelles il avait une vingtaine oulinsiana, sous le 
nom d’An. rostrata Kokeil. 
Devant cette variété de noms, je pris le dernier comme présentant 
le plus d’analogie avec une espèce connue , et ce n’a été qu’en dé- 
sespoir de cause que je lui ai substitué le nom imposé par M. l’abbé 
Dupuy , persuadé qu’il serait adopté par les conchyliologistes fran— 
çais. i 
N.0 21.— ANODONTA CELLENSIS Rosmassler, Icon. IV 
p. 22. fig. 280 (1836 ). 
A. cygnea Drap. Hist. des Moll. tab. XII. fig. 1. 
A. cygnea var. B cellensis Schroter. — Gassies, Tab. 
des Moll de l’Agenais, p. 189-190 ( 1849). 


Cette coquille pour laquelle j'avais conservé le nor de 
variété, mais bien tranchée de l'An. cygnea , diffère du type 
par un facies généralement plus élargi et plus af/é ; par son 
moins de pesanteur et d'épaisseur et par ses stries d’accrois- 
sement plus irrégulières et presque variqueuses. 


Has. Les étangs du littoral, Cazaux, Gastes , Aureïllan, 
Biscarosse , très-commune (1) ( M. Perris ). 
Les viviers de M. Laroche à Beautiran où elle prend un 
peu plus d'épaisseur ( Gassies, 1850 ). 
N.° 22. —_ ANODONTA GRATELUPEANA Gassies, Tabl. 
des Moll. terr. et d’eau douce de l’Agenais, p. 195- 
194. pl. 2-3-4, fig. 13-15. 1-5, 2. (1849) — 
Dupuy, Hist. des Moll. fr. 


Cette espèce a été découverte en 1851 , dans la Garonne 


à Paillet, par M. Larrouy , professeur de mathématiques en 
retraite. Les individus que m’a soumis ce naturaliste et qui 
se trouvaient mêlés à plusieurs Anodonta piscinalis, se rap- 
portent au jeune âge ou à la var. c mimima. L'espèce pa- 
raît assez abondante dans cette localité. 


N.023, — ANODONTA PISCINALIS Nilsson , Hist. Moll. 
Sueciæ, p. 116. — Gassies, Moll. agen. p. 191- 
192. pl. 4. fig. 4 (2) (1849). 

Cette espèce, très-tranchée, a souvent été confondue, 
suivant les âges et l'habitat. Elle vit dans un milieu tran- 
quille ou près des courants violents ; elle change de colora- 
tion et même d'aspect. Ainsi , les individus pèchés dans le 
Lot, sont allongés , rugueux et de couleur brune uniforme ; 
ceux des flaques de la Garonne sont plus élargis, plus colo- 


(1) Dans le jeune âge , les individus recueillis dans l'étang de Bis- 
carosse ressemblent un peu aux espèces américaines par le dilate- 

carène supérieure au rostre. 

(2) Ce qui a fait contester par plusieurs l’authenticité de l'espèce 
de Nilsson a Agen, c’est que le dessinateur a pris un individu très- 
vieux, dont les caractères généraux étaient émoussés, et la colora- 
tion presque nulle ; on doit donc s’ en rapporter davantage à la des- 
cHption qui est exacte. 


RP RE AE EME L es EME UT PE VE 


( 497 ) 

rés et ont les radiations vertes plus prononcées ; ceux des 
marais de Lalongue, près Agen, sont plus bombés et ver- 
dâtres ; enfin , ceux du canal latéral sont aplatis , jaunâtres, 
avec ou sans radiations : ces derniers se rapprochent beau- 
coup plus des types allemands que de ceux de Nilsson. C’est 
pour cela que les conchyliologistes français ne veulent point 
admettre l'espèce de la Garonne, parce que la plupart ne 
connaissent point sans doute le type suédois. Tous les indi- 
vidus que j'ai pu voir dans les collections, venant d’Alle- 
magne, m'ont produit l'effet de jeunes piscinalis non dé- 
veloppés. 

Har. Cadillac, dans un ruisseau près d’un moulin; à 
Sainte-Croix-du-Mont, dans une flaque de la Garonnelle, 
d'où je lai recue en 1845 d'un batelier. La Garonne, à 
Paillet ({ M. Larrouy ); à Cazaux ( M. Paul Fischer }; Blaye 
({Desmartis et Cazenavette ). 

Nora. J'ai trouvé également près d'Étauliers en 1846, une Ano- 
donte assez grande, rugueuse, présentant un peu le facies de FAn. 
ponderosa Pfeiffer. Comme je recueillis ce seul échantillon, mort, 
sur le revers d’un fossé, je ne l’indique que pour ceux qui ont des 
relations dans l'arrondissement de Blaye afin qu’ils fassent des recher- 
ches aux environs. 

N.024. — PISIDIUM GASSIESIANUM , Dupuy in Gassies, 
Moll. de l’Agen. p. 207-208. pl. 2. fig. 12 et 11. 
(1849 }. — Dup. Cat. extr. Gall. Test. n.° 232. 
(1849 ). — Et non Pis. limosum Gass. (1). 


Cette jolie petite espèce arrondie , obtuse à tous ses an- 
gles, finement striée, de la grosseur d’un grain de petit 
millet , est jaunâtre lorsqu'elle habite les eaux limpides et 
se couvre rarement d’encroûtements étrangers. 


(1) M. Dupuy, dans le 6.e fascicule des Mollusques terrestres et 
d’eau douce de la France , donne mon Pis. limosum en synonymie de 


( 498 ) 
Has. Les flaques de la Jalle près du Thil où je l'ai re- 
cueillie à la dernière Fête Linnéenne le 1°" Juillet 1852, 
avec M. Paul Fischer. Elle se tient plus volontiers parmi les 
 détritus des plantes que dans le fond de la vase. Assez 
commune, 


N° 25. — PISIDIUM HENSLOWIANUM Jenyns , Monog. un 

the gen. Cyclas and Pisidium, n.° 5. p. 20. tab. 
XXL. fig. 6-7. — "PEUT: n.o 8. p. 687-688. tab. 
XXXI. fig. 2. 

Pera Henslowiana Leach , Mss. in Brit. ex Jen. appen- 
diculata ( olim ). 

Cyclas Re tone Turton, Man. ed. 1. tab. 15, 
fig. 6. 

Tellina Henslowiana Si. Linn. Trans. XVI. p.150. 

Cette espèce est une des plus faciles à déterminer ; elle 
s'éloigne des autres coquilles du même groupe ; par sa forme 
très-inéquilatérale , ses crochets très-élevés jet écartés aux 
natèces, souvent munis d’appendices cornés , rugueux dans 
le sens des accroissements et qui font paraître les sommets 
obtus ou tronqués. 

J'ai vainement cherché parmi les jeunes échantillons que 
j'ai recueillis, l'appendice médian des valves signalé par 
Jenyns. 

Has. Les bords vaseux de la Garonnelle près Sainte- 
Croix-du-Mont ; dans une petite baie au-dessus de Langon, 
Janvier et Février 1853 (Gassies). 


cette espèce ; cela doit être attribué à une erreur de mémoire ; car 
M. Dupuy a pêché lui-même avec moi le Pis, Gassiesianum à Ratier 
près Agen, tandis qu’il indique l’Hagrrar réel du Pis, limosum à 
Pécau ; les deux coquilles sont si différentes que la plus légère ins- 
pection le s fera séparer par l'observateur le moins expérimenté. 


(499) 
N.0 26. — PISIDIUM CINEREUM Alder, Catal. supp. 4. 
(1849). — Gray's. Turton, Man. tab. XII. f. 152. 
(1849). — Gass. Moll. agen. p. 208-209. 


Ce Pisidium est un des plus grands après le Pis. amni- 
cum et un de ceux qui offrent le plus de variété; malgré 
cela, son facies est constant, et s’il varie de taille et de 
couleur, il conserve toujours une physionomie qui le fera 
distinguer par ceux qui s'occupent de cette famille de bi- 
valves. 

Has. Les fossés de la Ferme expérimentale à Mérignac, 
( Gassies 1849) ; à Paillet ( Gassies, 1853 ) ; les fossés de 
Ja Bastide, de Lescure ( M. Paul Fischer 1849, 1850 ). 
Commune dans ces endroits. à 

Nota. Notre collègue, M. P. Fischer, nous a apporté une 
; petite Pisidie fort ciiechs et qui s'éloigne beaucoup des 
. espèces connues; mais comme nous n’avons eu à notre dis- 
position qu’un seul individu, et vidé, nous n’avons pu en- 
core décider de sa valeur comme espèce nouvelle, 


| 28 Avril 1833. 


GASSIES. 


és 


Mis: 


PNR 


(501) 


CORRESPONDANTS 


admis depuis la publication du Tableau qui termine : 
le Tome XVIS des ACTES. 


MM. AUCAPITAINE (le baron Henri), membre de plusieurs 
Sociétés savantes ; rue Voltaire, 7, à Paris. 
Couses ( Ludomir), pharmacien, à Fumel (Lot- 
et-Garonne). 
DrOUET (Henri) , naturaliste, place de la Banque, 
à Troyes (Aube). 
HENRY (Jos.), secrétaire-général de l'Association 
Smithsonienne, à Washington (Etats-Unis ). 
: | LEA (L.), commissaire des affaires de l'Inde aux 
Etats-Unis (Philadelphie). 
Le Jouis (Auguste), secrétaire de la Société des 
Sciences naturelles de Cherbourg (Manche). 
SACAZE-GASTON (P.), dit le Berger des Eaux-Bon- 
nes, à Bagès-Béost , par Laruns ( Basses-Pyré- 
nées ). 
TRENQUELLÉON (Baron de), à Lavardac (Lot-et- 
Garonne). 


“0 © © ——— 
# ” : 
Correspondants anciens, dont le mom a été omis dans 
le dit Tableau. 


MM. Carros (l'Abbé), chanoine-honoraire, curé-doyen 
de Langon (Gironde). 


( 502 ) 
MM. CHauBaRD (L. À.), botaniste, rue de Seine, 74, à 
Paris. 
LEA (Isaac) père , membre de plusieurs Académies, 
à Philadelphie { Etat-Unis). 
MERCIER DE Boissy, membre de plusieurs Sociétés 
savantes, rue Saint-Laurent , 8, à Nantes. 


RECTIFICATION AU DIT TABLEAU. 


Le nom de M. le Dr F. ScHULTzZ, correspondant à 
Bitche (Moselle), doit être suivi du titre de Docteur en 
Philosophie de la Faculté de Trop au lieu de celui 
de Docteur en pharmacie. 


20 Avril 1853. 


FIN DU TOME XVII. 


( 505 ) 


TABLE DES MATIÈRES 


CONTENUES DANS LE 18.% VOLUME. 


MALADIE DE LA VIGNE. 


Lettre de M. le D.r L. Durour , au Président. . . . . . . . .. 
Compte-rendu des travaux de la de pendant l’année 
1852. 


HISTOIRE NATURELLE GÉNÉRALE. 


Du perfectionnement graduel des êtres organisés ; par M. Mar- 


CEL DE SERRES, Correspondant { Suite). . . . 5,97, 195, 


ZOOLOGIE. 


Observations ornithologiques faites en 1851 dans les PYRÉNÉES : 
par M. le capitaine LoCHE, correspondant. . . . . . . rer 

Synopsis des Palmipèdes de la Chârente-Inférieure ; par M. le 
B.où HENRY AUCAPITAINE, Correspondant, . . 

Observations sur l'Accenteur ( Accentor ipinus os ; par 
M. TRÉMEAU DE ROCHEBRUNE , correspondant. . . . , . . .. 

ei sur la péricardite d’une femelle & Pigeon set; 


MAR male ten 4 et vu. #68 6 4e + 180 + 


PARAVEY 
ag entomologique + a Gironde; par MN. LAPORTE père, … 


et E. LaPporTs fils, correspondant (suite)... 91, 


Note sur. Pérdion du tèt chez les coquilles fluviatiles; par M. 
Paul FISCHER , OR 2. 


427 


. 462 


162 


( 504 ) 
Histoire d’une Ampullaire ; par M. B. Camtiverre , Secrétaire- 


Mollusques terrestres et fluviatiles à ajouter au catalogue de la 
Gironde , par divers Membres de la Société (2.me article). . 


BOTANIQUE. 


Monographie des espèces du genre Cerastium qui font partie 
de la Flore de Toulouse; par M. E. T. ARRONDEAU , COITES- 
RÉ Lis re = is 

Note sur la Clavaire crépue des anciens auteurs ; par M. L. DE 
BRONDEAU, correspondant. . . . . . . . . . . . . . . . hs 

Description du genre Laterradæa; par le même. .......,. 

Description de l’Agaricus cepæstipes Sow. ; par le Fe S a 

Note sur le Pilobotlus crystallinus; par M. le D.r TH. CUIGNEAU, 
suc: 

Addition à la Note précédente; par le mème. . . ........ 

Notes sur quelques plantes nouvellement observées ou détermi- 
nées dans le rayon de la Flore de la Gironde ; par divers 
membres de la Société Linnéenne : 

4.me ess du se races essars à. nr 


Station FRE du châtaignier; par M. ï. Gay, corresp. 
GÉOLOGIE. 
Essai d’une division de la France en régions naturelles et bota- 
miqués ; par M. V.G RAULIN, titulaire. . . . . .. 


de Baownères- 
D 


de-Bigorre ; par M. PHILIPPE , correspondant. ro 


Précis des travaux de la Société Linnéenne de Bordeaux , pen- 
dant ne Las red ot) par M. B. CAZENAVETTE, 
Suppléments et rectifications au Tableau des ilécibet corres- 
_ Pondants de la Société Linnéenne de Bordeaux sr ie: 


( 505 ) 
MÉLANGES, 


Programme des récompenses académiques , proposées par la 
Société, pour les années 1853 et suivantes. 

35.me Fête Linnéenne , célébrée par la Société a au Taillan, ; près 
Bordeaux , le 1.er Juillet 1852, . . . , .. esta 

Séance publique d’hiver du 4 Novembre 1832. see 

Une visile au berger des pire ( discours d'ouverture » 
par M. Cu. pes Mouus, présiden 

Tableau de la 35.me Féle eue | Aicoies “ M. h +. 
LATERRIDE Dore direction)... ..,.,... 

es d'un voyage à os ta Suisse et l'Allemagne (lec- 

e M. CH. LATERRADE fils , titulaire. ). . . . .. ..... 


FIN DE LA TABLE. 


BORDEAUX. — IMPRIMERIE DE TH. LAFARGUE , LIBRAIRR. 


Æ 


st PHug tous 


mg ne 


SOCIÉTÉ LINNÉENNE DE BORDEAUX. 


AR —— 


PROGRAMME 
DES RÉCOMPENSES ACADÉMIQUES 


PROPOSÉES PAR LA SOCIÉTÉ, 


Pour les Années 1853 et suivantes. 


Avis. 


La SOCIÉTÉ LiNNÉENNE de Bordeaux, invite toutes 
les personnes qui pourront avoir ce programme à leur 
disposition , à vouloir bien lui donner toute la publicité 
possible. Elle les invite particulièrement à vouloir bien 
le communiquer aux naturalistes et agronomes s’occu- 
pant des matières dont il y est fait mention. 


Publications de la Société, 


La collection complète des Actes de la Société Linnéenne 
ds Bordeaux compte aujourd’hui 18 volumes. 

L'abonnement annuel au volume en publication est au 
prix de 10 fr. Les livraisons sont adréssées franco, par la 
poste. 

On souscrit, à Paris chez Barziëre, libraire ; à Bor- 
deaux, chez Cu. LawaLze , libraire, et TH. LAFARGUE , 
imprimeur de la Société. 


SOCIÊTÉ LINNÉENNE DE BORDEAUX. 


PROGRAMME 


des 


RÉCOMPENSES ACADÉMIQUES 
PROPOSÉES PAR LA SOCIÉTÉ , 


hr ls Onnées 1853 cd suvvantes. 


La Société Linnéenne de Bordeaux n’a jamais cessé de 
travailler , de tout son pouvoir et par tous les moyens dont 
elle a pu disposer, à la propagation et aux progrès des 
sciences composant le cadre de ses études. y. à 

Parmi ces moyens, un des plus puissants a longtemps 
consisté dans la mise au concours de questions scientifiques, 
avec promesses de récompenses académiques pour la solu- 
tion de ces questions. 

C’est ainsi qu'il lui a été donné plusieurs fois de provo- 
quer et de couronner des travaux qu’elle a été heureuse de 
publier, dans l'intérêt des connaissances auxquelles ils se 
rapportaient. 

Malheureusement , aussi bien pour elle que pour les au- 
tres compagnies savantes de la France , les évènements qui 
ont surgi, les questions politiques et sociales qui préoccu- 
pent les esprits, ont nui considérablement à ce moyen de 
progrès, et diminué beaucoup le genre de manifestation 
qu'il était possible de lui emprunter. 


(6) 

On comprendra même que, pour ce qui regarde la Société 
Linnéenne , ces résultats désavantageux ont pu être plus 
grands encore ; car les sciences dont elle s'occupe, sont du 
genre de celles qui ne sauraient avoir aucune liaison avec 
la politique; de celles qui réclament, de la part de celui 
qui les cultive , la tranquillité d’esprit la plus absolue, l’ab- 
sence la plus complète de préoccupations. 

Ces considérations, dont le mérite comme les circons- 
tances qui y donnent lieu, ne peuvent être, tout doit le 
faire espérer , que transitoires , ont motivé de la part de la 
Société deux résolutions qu'il lui importe de faire connaître. 

La première, c’est la suppression de toute question à 
mettre au concours. 

La seconde , c’est la détermination, non pas nouvelle, 
mais plus précise et mieux formulée, qu’elle prend de re- 
doubler de sollicitude et de soin pour rechercher, appré- 
cier et récompenser s’il y a lieu , non-seulement tout travail 
accompli dans le but du progrès des sciences naturelles et 
de leurs applications ; mais encore toute action, toute dé- 
marche, toute entreprise pouvant avoir plus ou moins direc- 
tement de semblables résultats. 

C’est surtout en ce qui touche à la localité dans laquelle 
elle se trouve placée ; en ce qui touche au département de 
Ja Gironde et au beau bassin dont il fait partie, que la So- 
ciété Linnéenne attache du prix à cette dernière résolution. 

Elle lui permettra effectivement d'adresser ses encoura- 
gements à des hommes qu’un goût naturel et prononcé, 
quoique n'ayant pas fait d’études préparatoires , a porté à 
réunir des collections souvent très-précieuses pour la scien- 
ce. Elle lui permettra d'imprimer au zèle de ces hommes, 
une nouvelle énergie , en leur révélant tout ce que ce zèle a 
de louable , tout ce qu’il peut avoir d’utile, 

Enfin , elle lui permettra d'étendre ses investigations jus- 


(7) 
que sur les ouvrages qui pourront être publiés, dans la 
contrée qu'embrasse son ressort et sur les matières dont 
elle s'occupe; d'attirer ainsi sur ces ouvrages l’attention 
dont ils pourraient être dignes et que, bien souvent, on 
leur refuse. 

En adoptant de telles résolutions , la Société Linnéenne 
est persuadée qu’elle satisfait au devoir que lui imposent 
également ses traditions et la mission qu’elle s’est donnée. 


L'histoire naturelle et ses applications aux arts utiles, 
principalement à l’agriculture , tel est le cadre des travaux 
de la Société Linnéenne , tel est le cadre également des 
communications auxquelles elle réserve des récompenses, 
consistant , selon le cas, en médailles d’or, d'argent ou de 
bronze de modules divers. 

Afin d'indiquer les détails nombreux que peut admettre 
ce vaste ensemble et de faciliter aux auteurs le choix des 
matières qu’ils désireraient traiter ; afin surtout de les met- 
tre en mesure de juger si ces matières peuvent être de sa 
compétence, exciter sa sollicitude , mériter ses encourage- 
ments , la Société croit devoir présenter ici un tableau som- 
maire des sous-divisions que comporte l'histoire naturelle, 
considérée tant en elle-même que dans ses applications. 


PREMIÈRE PARTIE. 
HISTOIRE NATURELLE PROPREMENT DITE. 


7 
GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE. 
Tout ce qui a trait à la géologie en général et particuliè- 
rement aux questions que laisse encore à résoudre l’état 
actuel de ces belles sciences. 


Principalement tout ce qui a trait à l’état et au mode de 
formation des terrains compris dans Le bassin de la Garonne. 
Tout ce qui peut éclairer l'étude de ces terrains : gisements, 
coupes , roches , fossiles , etc. 

Avec lesmêmes considérations, tout ce qui se rapporte 
aussi à la minéralogie. 


IL. 
ZOOLOGIE. 


En général la recherche , la description , la classification 
de tous les êtres animés qui peuplent le globe. 

En particulier cette recherche, cette description, cette 
classification faites en vue des êtres particuliers, soit au 
bassin de la Garonne , soit seulement au département de la 
Gironde ; afin d'arriver à l'inventaire précis de ce que peut 
renfermer ce dernier en quadrupèdes, oiseaux , poissons, 
etc., etc. et à la connaissance des habitudes et des mœurs 
de ces animaux. 


IT. 


BOTANIQUE. 


Les branches diverses que coinporte la botanique, étu- 
diées : soit sur le vaste théâtre qu'embrasse cette science, 
de tous les lieux et de tous les climats : soit dans la localité 
qui nous est particulière, dans le rayon que comprend la 
Flore bordelaise. 

L'espèce , le nombre et la répartition des plantes; les 
phénomènes généraux et particuliers de leur existence ; les 
lois naturelles qui régissent toutes ces conditions, etc., etc. 


} 


(9) 
DEUXIÈME PARTIE, 


HISTOIRE NATURELLE APPLIQUÉE. 


2 
AGRICULTURE ET HORTICULTURE. 


Concours puissant que peuvent prêter à l’agriculture : 

1.0 La Géologie, pour la connaissance des terres, leur 
origine , leur nature, leur classification, leur mélange, 
leur amendement, etc. 

2. La Zoologie, pour la conaissance, l'appréciation 
des animaux qu’elle emploie ; leur amélioration , leur croi- 
sement, leur multiplication, etc... Ainsi que pour la con- 
naissance et les moyens de destruction de ceux qui lui sont 
nuisibles. . 

3.° La Botanique, pour les plantes qu’elle admet et cel- 
les qu’elle pourrait admettre encore. La connaissance du 
régime cultural le plus propre à assurer le développement 
utile de ces plantes, la plus grande abondance et la meil- 
leure qualité des produits qu’elles peuvent donner. Égale- 
ment la connaissance des plantes nuisibles à l’agriculture, 
des moyens de prévenir leur multiplication ou de les détruire. 

rt ces mêmes considérations en faveur de l’horti- 
cultu 

IL. 
MÉDECINE ET ARTS DIVERS. 


Recherches des avantages nouveaux que peuvent retirer 
des différentes branches de l’histoire naturelle : soit l'art de 
guérir : soit les arts utiles qui ont déjà obtenu un concours 
de ce genre, ou ceux que leur nature particulière , le but 
qu’ils se proposent appelleraient à jouir de semblables avan- 
tages. 


(10) 


TROISIÈME PARTIE. 


RÉCOMPENSES ACCORDÉES. 


L. 
BOTANIQUE. 


4.0 À M. Comxe ( Chéri), employé au Jardin botanique 
de Bordeaux , pour la découverte, dans le département de 
la Gironde , du Cyperus vegetus Willd. , cypéracée de l’'Amé- 
rique intertropicale , fortuitement apportée par les navires 
et maintenant naturalisée sur les bords de la Garonne , 

Une Médaille de bronze, grand module. 


II. 
CONCHYLIOLOGIE. 

2. A M. Couperr (Hippolyte) fils , pour la découverte, 
dans le département de la Gironde, de l’Helix ponentina 
Morelet et du Pupa Moulinsiana Dupuy, 

Une Wédaille de bronze, grand module. 


II. 
ENTOMOLOGIE 


3.0 À M. le docteur SouvERBIE, pour la découverte, dans 
le département de la Gironde , de quatre espèces de mollus- 
ques terrestres ou fluviatiles (Pupa fragilis, Bulimus ven- 
tricosus, Limnea auricularia et Paludina [non encore dé- 
terminée |), — pour l'addition au Catalogue départemental 


ET Res … 


11) 
d’un nombre considérable d'espèces d'insectes, — et pour 
la découverte de plusieurs insectes entièrement nouveaux 
pour la science, 
Une Médaille d'argent, grand module. 
IV. 
TRAYAUX D'HISTOIRE NATURELLE. : 
4.0 À M. Sacaze-Gasron (Pierre), dit le Berger des Eaux- 
Bonnes, demeurant à Bagès-Béost, canton de Laruns (Bas- 
ses-Pyrénées), pour ses travaux divers en histoire natu- 
relle et notamment, pour la découverte dans les Pyrénées 
de plusieurs plantes entièrement nouvelles pour la science 
Une Médaille d'argent, grand module. 


 QUATRIÈME PARTIE. 


FORMALITÉS A REMPLIR POUR OBTENIR LES 
RÉCOMPENSES ACADÉMIQUES PROPOSÉES PAR 
LA SOCIÉTÉ LINNÉENNE. 


Tout mémoire , se rapportant à l’une des branches de 
l’histoire naturelle signalée dans la première partie de cet 
ouvrage et que l’auteur désirera soumettre à l'examen de 
la Société, devra être adressé , avec ou sans signature ( dans 
ce dernier cas avec une épigraphe sous cachet, propre 
en faire connaître l’auteur }, à son secrétaire-général, au 
plus tard le 51 Août. 

Pour les simples communications de découvertes en fos- 
siles, plantes, animaux, etc..…, il devra être adressé à la 


( 12 
Société au moins un échantillon de l'objet découvert, avec 
tous les renseignements capables de la bien fixer sur la réa- 
lité et sur le mérite de la découverte. 

Enfin, la Société invite , non-seulement les personnes qui 
ont fait quelques travaux en histoire naturelle , quelques ap- 
plications nouvelles et utiles de cette science à l’agriculture 
ou aux arts, de vouloir bien l'en avertir; mais encore elle 
sollicite expressément l'intervention bienveillante de toutes 
celles qui auraient connaissance de pareils faits, surtout 
quand ceux-ci sont le partage d'hommes qui n’en connais- 
sent pas toute la valeur, ou qne leur position sociale met 
dans l’imposibilité de les faire connaître. 

En un mot, aussi bien pour agrandir le domaine des 
sciences dont elle s’occupe , que pour encourager ou récom- 
penser tous ceux qui secondent ses efforts de près ou de 
loin, directement ou indirectement ; pour favoriser les ten- 
dances heureuses que déterminent de tels goûts , la Société 
fait un appel à tous les appréciateurs, et ils ne peuvent 
manquer d'être nombreux, de ses intentions et elle ose 
compter, de leur part, sur un empressement qui s’harmo- 
nisera si bien avec l'esprit de notre pays , avec les tendan- 
ces de notre époque. 

Délibéré et arrêté, en séance générale, à Bordeaux, 
hôtel du Musée de la Ville, le 30 Octobre 1852. 

CHarLes DES MOULINS , président. 

3.-F. LATERRADE , directeur. 

æ B. CAZENAVETTE , secrétaire-général. 


CUIGNEAU ( D.-M. }, secrétaire du Conseil. 


TRENTE-CINQUIÈME 
SEE RENNINÉEINNE 


En vertu de l’article VI de ses statuis, la Société Lin- 
néenne et ses divisions françaises et étrangères ont célébré 
le jeudi après la Saint-Jean , cette année le 1.°° Juillet, la 


35.** fête Linnéenne. 


- Dès le matin, les voitures sont parties de chez le tréso- 
rier, M. Petit-Lafitte, l'un des commissaires, et du Jardin 
des Plantes , pour se rendre au Taillan. 

La Société a formé deux principales sections , l’une diri- 
gée par le vice-président, M. le D.r Henry Burguet , la se- 
conde par le directeur M. Laterrade. 

La première s’est dirigée sur Gajac, vers le domaine de 
M. Tenet, pour y visiter les belles sources qui doivent donner 
à notre ville cette abondance d’eau qui contribuera autant 
à la salubrité de ses divers quartiers qu'aux besoins de la 
pophatbee ensuite elle a exploré la Jalle et ses alentours. 

La s'est portée du bourg du Taillan dans le 
domaine de M."° Lapène , où après avoir exploré les par- 
ties sèches et marécageuses, elle a rencontré la première 
division peu avant la séance qui a eu lieu dans une belle 
garenne couverte d’une épaisse verdure agréablement émail- 

MÉLANGES. 


( 14) 
lée de ce joli Myosotis palustris aux corolles azurées, que 
’on désigne communément sous le nom de souvenez-vous 
de moi ou sous celui de plus je vous vois plus je vous aime, 
tant a le don de plaire à tous les yeux cette modeste fleur 
qui n’a de rivale que la violette. 

A midi, le thermomètre marquait 19 degrés, le vent 
soufflait du Sud-Est, le ciel était couvert. 

Le bureau avait été établi sous un chène auquel était sus- 
pendu le portrait de Linné et celui de Jean Bauhin. 

Le Directeur a ouvert la séance par le discours suivant : 
( voir page 16 ;. 

La correspondance offre les lettres de M, l'abbé Bacca- 
Nérac, secrétaire de la division Linnéenne de Bazas, de 
M. Louis de Brondeau, correspondant à Reignac ( Lot-et- 
Garonne }), etc. 

On entend ensuite le discours de M. le D." H. Burguet, 
vice-président; les lectures de M. le D.r Desmartis fils 
sur l’entomologie médicale; de M. le D.r Lafargue, sur les 
vins de Médoc ; de M. Gassies, fragment de l'introduction 
aux Fossiles de l'Agenais ; de M. le D.' Cuigneau, secrétaire 
du Conseil , sur le Pilobolus cristallinus. M. Cazenavette, 
secrétaire-général, parle d’une nouvelle espèce de Colombelle 
et M. Charles Laterrade fait une communication, au nom 
de M. le président Charles Des Moulins, qui n’a pu se 
rendre à la fête. 

Rapport des excursions botaniques, par M. Laterrade, 
directeur et M. le docteur Cuigneau ; conchyliologie {par M. 
Gassies ; entomologie par M. le docteur H. Burguet. 

Parmi les plantes les plus remarquables observées dans 
les excursions de ce jour , nous citerons : Nuphar luteum, 
Convolvulus sepium flore roseo, Linum  tenuifolium, 
Erythræa centaurium, Myosotis palustris, Statice planta- 


(15) 
ginea, Cyperus longus, Carex pseudo-cyperus, Lolium 
mulliflorum, Polyporus ungulatus, Agaricus procerus, 
étc:, eic, 

Le trésorier M. Petit-Lafitte, l'archiviste M. Dumou- 
lin avaient pris place au bureau, auprès duquel étaient 
MM. Hallié, Desmartis père, Paul Fischer, membres de 
la Société, et Hippolyte Bayer, l'un des lauréats de l'École 
de Botanique de la ville. Plusieurs dames assistaient à la 
séance champêtre pendant laquelle M. Denisse, auteur de la 
Flore d'Amérique, prenait le croquis de la maison de M. 
Lapène. Le matin il avait dessiné la propriété de M. AÏf. 
Tenet, dans laquelle sont les sources dont nous avons parlé 
pius haut. Nous publions la dernière de ces planches. Nous 
donnerons la première en Septembre. 

Après le banquet qui a eu lieu au bourg du Taillan , la 
Société est revenue à Bordeaux où elle est rentrée à neuf 
heures du soir, 

À SALèLEs près de Narbonne ( Aude }, la pluie n’a cessé 
de tomber depuis trois heures du matin jusqu’à sept, mo- 
ment où, grâces au zèle de notre honorable correspondant 
M. Viramond . l’excursion a commencé. 

A Bazas, la fête a été célébrée sous la direction de notre 
correspondant délégué, M. le D." Ardusset.— Une seconde 
excursion , complèment de la première , a eu lieu le 15. 

A Mawzac { Dordogne), notre honorable correspondant 
M. pe Dives a fait deux excursions dont le Prunella gran- 
diflora et autres plantes intéressantes ont été le fruit. 

Dans les Basses-PyrÉNÉES , le président de la division, 
M. le baron de Vallier , n'ayant pu à cause de son grand 
âge et de l’affaiblissement de sa vue, diriger les excursions, 
le compte-rendu nous en sera transmis par notre honorable 
collègue, M. le D." Bergeret. 


(16) 
DISCOURS DU DIRECTEUR. 


Messieurs , 


L'instant actuel est si rapide, si rapide, que tout-à- 
l'heure il était l'instant à venir et que déjà le voilà l'instant 
passé. On peut donc dire que l’homme ne vit presque que 
de souvenirs et d’espérances. 

Les souvenirs !... Ils sont heureux pour le hotioisie: 
Avec quelle douce joie ne se rappelle-t-il pas la plante qu'il 
a trouvée, le site où il l'a cueillie, les observations dont 
elle a été l’objet , l'étude qu’il en a faite, les amis qui l'ont 
guidé ou accompagné dans ses recherches ! 

Aussi , Messieurs et chers collègues , aujourd’hui comme 
chaque année dans cette fête solennelle qui nous réunit sur 
des points différents pour nous occuper simultanément d’un 
même objet, de nos recherches en histoire naturelle, je 
vous présenterai sommairement le résultat, et pour la par- 
tie botanique seulement, des excursions que nous avons 
faites depuis la dernière solennité Linnéenne, où nous étions 
rassemblés sur les hauteurs de La Tresne, après avoir ex- 
ploré la plaine de la même commune et Langoiran. 

Je commencerai par ces nombreuses excursions que j'ai 
faites, accompagné de quelques-uns de vous, entouré d’ama- 
teurs et de disciples dont le zèle persévérant promet un bon 
avenir pour la botanique bordelaise. 

A Arlac, le 10 Juillet dernier, la division à la tête de 
laquelle était notre honorable collègue, M. le docteur Cui- 
gneau, a constaté la présence, et toujours en grande _.. 
tité, du Centaurea paniculata. 


or A  s 


"CA7 ) 

À Caudéran , le 18 Octobre, nous avons recueilli la va- 
riété morio ( Flore Bord. page 528 ) du Polyporus versi- 
color. 

Aux marais de la Chartreuse ( le 13 Mai), jai retrouvé 
dans toute sa beauté, en fleurs et en fruit, en assez grande 
quantité, mais toujours dans le même rayon, le Lepidium 
perfoliatum. 

Au lieu dit le Pont-Cassé (le 27), j'ai vu un Physcia, 
pas encore en fructification , qui recouvrait les branches et 
les rameaux aplatis du Ruscus aculeatus. J'en ai rapporté 
un grand nombre d'échantillons. Toutefois, je ne cite ce fait 
qu'à cause de son analogie avec la présence du Parmelia 
parietina que j'avais déjà trouvé, recouvrant les deux faces 
des feuilles du cyprès horizontal, et sur les feuilles d’autres 
arbres verts. 

Je vous annonçais l’année dernière, à pareille époque 
que je devais au zèle de quelques botanophiles une variation 
du Nymphæa alba dont le bord des sépales et la partie mé- 
diane extérieure des premiers pétales sont d’un rouge pâle. 
Cette variation m'a été rapportée cette année le 3 Juin, par 
les mêmes personnes et toujours des allées Boutaut. Elle 
est identique avec une variété cultivée dans le bassin de la 
partie orientale du Jardin des Plantes où elle m'a été en- 
voyée du Lot-et-Garonne , par M. Tourrès, sous le nom de 
gigantea , à cause de la grandeur de ses fleurs. 

Enfin j'ai rapporté, le 47, de Lescure le Saponaria vac- 
caria, rare dans le département et que je n'avais pas encore 
rencontré si près de Bordeaux. 

La variété 8 tenuiflora Griseb. de l'Erythræa latifolia | 
Smith., trouvée à La Teste, par notre honorable président, 
M. Charles Des Moulins ( Actes de la Soc., tom. XVII, 
page 252) m'en a été rapportée le 3 Juin par M. Coulon, 


(18) 
négociant , l’un des amateurs les plus zélés qui suivent mon 
cours de Botanique. 

Un de vos honorables correspondants , le savant crypto- 
gamiste M. Louis De Brondeau, continue ses recher- 
ches avec le plus grand succès. Il a publié dans l'avant- 
dernière livraison de vos Actes, cinq nouvelles espèces de 
champignons dont il a trouvé.les trois premières, Peziza 
lutamentorum, Peziza pannorum, Physarum truncalum , 
dans l’Agenais. Les deux dernières, Agaricus morchelloides 
et Agaricus Moulinsi dédié à notre honorable président, 
sont destinées à enrichir notre Flore, puisqu'elles ont été 
découvertes à Saint-Médard et à Berlincan, mais par deux 
amateurs qui veulent garder l'anonyme. Le dernier de ces 
agarics est comestible. É 

A peine cette publication de M. De Brondeau avaitzêlle 
paru, en Février dernier, que le 8 Mars suivant, notre in- 
fatigable collégue M. le D.r Cuigneau , si heureux dans ses 
recherches cryptogamiques . eueillait dans nos jardins, aux 
environs de Bordeaux, l’une de ces nouvelles plantes de 
l'Agenais , la pézize des chiffons, Peziza pannorum (1), 
dont il a ainsi enrichi notre Flore. 

M. de Brondeau ne s'arrête pas, il marche toujours de 
succès en succès ; à peine les colonnes de l’une des livrai- 
sons de nos Actes sont-elles fermées qu'il faut, et heu- 

_reusement, lui en ouvrir d’autres. Il n’y a que quelques 
jours, puisque c'était le 24 Juin, que nous avons reçu , et 
communiqué dans la séance du 26, des exemplaires d’un 
genre nouveau et de deux espèces nouvelles de cryptoga- 
mes, accompagnés d’un mémoire et de dessins dont vous 
avez voté l'insertion. L'amitié dont veut bien m'honorer 


(1) Ami des Champs, Avril 1851, page 113. 


(19) 
l'auteur ne peut me permettre d’entrer ici dans d’autres 
détails sur cet intéressant sujet ( 1 ). 

Au moment où je vous parle, notre honorable corres- 
pondant, M. Chantelat, pharmacien à Gujan, poursuit 
l'œuvre qu'il a déjà et si constamment suivie : l'exploration 
sous le rapport de la Botanique , de l’arrondissement de La 
Teste. La localité est si riche et l'explorateur est si zélé 
que nous ne serions pas étonné qu'il n'eût bientôt à vous y 


_ signaler quelques plantes de plus pour notre Flore au moins 


pour le Supplément à son Catalogue, Supplément qu'il 
vient de publier dans la dernière livraison de nos Actes 
{ Tome XVII page 437). 4 

Celui de nos membres alors en congé, mon fils Charles 
qui célébrait l’année dernière cette fête à Allnau, n’est pas 
resté dix mois dans la Suisse et en Allemagne , sans y faire 
de nombreuses excursions dont il a commencé à vous com- 
muniquer le résultat. 

Passant des plantes sauvages aux cultivées, nous résu- 
merons ce que nous aurions à dire de celles-ci, en vous rap- 
pelant la magnifique exposition due au zèle , aux efforts , à 
l'appel de la Société d'Horticulture de la Gironde , exposi- 
tion qui pendant quinze jours à fait l'admiration des ama- 
teurs, el ils étaient nombreux, qui venaient la visiter. 

D'après l'état de notre correspondance au 28 Juin, nous 
pensons que la fête qui nous réunit aujourd'hui au Taillan, 
se célèbre aussi à Bazas, à La Teste, dans la Dordogne, 
dans les Basses-Pyrénées , dans l'Aude et jusqu’à Saint- 
Yago de Cuba. — Dans les pins t fus Nous y 


(1) M.le D. Burguet, vice-président , interrompt momentané- 
ment le Directeur, pour annoncer que le genre et les espèces dont il 
s’agit sont le ‘Laterradæa popuinea, le strobilina | Licea strobilina 
Alb. et Schw. ) et le Licea Laterradiüi. 


(2%) 
avons perdu, en Mars , un de nos correspondants les plus 
zélés, M. Jean Labarrère qui avait fait partie de notre an- 
cienne 4.**° section , lorsqu'elle florissait sous la présidence 
du savant Palassou : M. Labarrère avait l’art de préparer 
les plantes avec une telle délicatesse, qu’elles conservaient 
toujours l'élégance de leur forme et le plus souvent la cou- 
leur de leurs pétales. Cet homme de bien, ce modeste bota- 
niste , si regretté de tous ceux qui le connurent, nous était 
si attaché que son titre de membre de la Société Linnéenne 
était, nous dit son frère, M. l’abbé Labarrère, une de 
ses affections les plus chères. Il ne manquait pas de se dé- 
placer pour venir tous les deux ans assister à cette fête où 
je remplis aujourd’hui le triste devoir de consacrer quelques 
lignes à sa mémoire et à celle d’un vénérable titulaire, M. 
Joseph-Marie Lajard, ancien sous-inspecteur des douanes, 
que nous eûmes la douleur de perdre dans les premiers jours 
du mois de Janvier. : 

Ces deux pertes nous en rappellent de nouveau une plus 
ancienne , celle de Paul Pédroni, si jeune encore et qui par 
ses publications promettait et donnait déjà tant à la science. 

Terminons par une mission bien plus douce à remplir, 
en proclamant aujourd’hui comme titulaires, MM. Desmar - 
tis père et fils, et comme auditeur M. Paul Fischer. 

Enfin, Messieurs et honorables Collègues, reportons-nous 
par la pensée à la première fête Linnéenne , en 1818 ; com- 
parons ce qu'était alors à ce qu’est aujourd’hui l'étude des 
sciences naturelles à Bordeaux, et nous en concluerons que 
ce n’est peut-être pas sans gloire que la Société célèbre son 
trente-cinquième anniversaire. 


SÉANCE PUBLIQUE D'HIVER 


DE LA SOCIÉTÉ LINNÉENNE. 


En vertu de l’article V de ses Statuts , et en mémoire de 
CuarLes LiNné, la Société a tenu le Jeudi 4 Novembre der- 
nier , jour de saint Charles, sa séance publique d'hiver. 

Elle a eu lieu dans la grande salle de l'Académie, qui- 
était ornée de fleurs et de verdure, et de beaux bouquets 
étaient distribués aux dames. Une assemblée tout à la fois 
nombreuse et choisie se pressait dans cette salle. 

Le président, M. Charles des Moulins, occupait le fau- 
teuil. Il avait à ses côtés M. Dosquet, secrétaire-général de 
la Préfecture, M. Mourier , recteur de l'Académie, et M. 
Feytit, adjoint de Maire. 

La séance a été ouverte à sept heures et demie du soir 
par le discours de M. Ch. des Moulins qui a retracé avec 
bonheur et de manière à soutenir constamment l'attention 
de l'auditoire , la vie simple , studieuse , extraordinaire par 
son dévouement à la science, de Sacaze-Gaston , le berger 
des Eaux-Bonnes. 

MÉLANGES. 5 


(2) 

Les autres lectures ont eu lieu dans l’ordre suivant : 

Précis des travaux annuels de Ja Société, pre M: Caze- 
navette, secrétaire- général. 

Tableau de la 35° Fêle > AL M. Laterrade, 
(voir page. 39). 

Le régime des blés , des farines et du pain , sous l'an- 
cienne municipalité , par M. A. Petit- Lafitte. 

Une mouette du Jardin des Plantes à Paris, pr _. le 
docteur Henry Burguet, + 

Fragment d’un journal de voyage en Suisse et en a Ale : 


directeur : 


magne, par M. Charles Laterrade. 


M. le docteur Cuigneau , secrétaire: du Conseil » à dé un 
extrait du Hi des RTE ( ae page ] ke 


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UNE VISITE 


AU BERGER DEN BAUX-BONNEX, 


Messieurs, 


Lorsqu'un homme se distingue dans la profes- 
sion qu'il a embrassée, — lorsqu'il y fait paraître 
des qualités éminentes , des talents hors ligne, un 
zèle, un dévouement, un courage pour ainsi dire 
surbumains, — la conscience publique lui décerne 
des louanges proportionnées à son mérite, et cette 
voix de tous est la voix de la justice. 

Mais pour que cette justice soit exacte , pour 
qu’elle ne vienne pas à excéder le mérite réel, per- 
sonnel, de celui qu’elle loue, elle a le plus souvent 
à tenir compte des enseignemens qui ont éclairé son 
esprit et formé son jugement, des vertus qui ont 
été les modèles et comme les nourricières de son 
âme, des exemples qui ont excité son émulation ct 
enflammé son courage. L 

« Il est grand, cet homme ; — il est savant ; — 
» ilest vertueux; — il brille au milieu de ses 
» contemporains par l'éclat de ses œuvres... » 
C’est ainsi que l'opinion publique exprime son ju— 
gement, et l'équité lui fait le plus souvent un de- 
voir d'ajouter : « Mais aussi, il a été à si bonne 
école! » k 


HR 


mi DD 


C’est qu’en effet, messieurs, l’homme n’a rien en 
propre. fout ce qu 1] a, — son être même, — il l’a 
reçu, et toute inHiative, Jui est essentiellement 
étrangère. Son intelligence el ses aptitudes RenSUr 
reraient endormies, comme la corde d’une lyre, s 
ne venait du dehors un souflle , une ildifon 
quelconque pour les réveiller et les faire agir... 
Une fois la corde ébranlée, elle vibre et répond. 

Ce sont là des faits; ils résultent d’un ensemble 
de vérités religieuses, métaphysiques et philoso- 
phiques que ce n'est point ici le lieu d'exposer , €t 
dont je ne tireraï qu'une conclusion, appropriée au 
point de vue particulier qui fait la sujet de ce dis- 
seu la voici 

Dans le domaine de la sciencé, la transmission 
des faits acquis avant nous , constilue loute notre 
richesse déeushes ce sont là les pierres de l'édifice 
que nous pouvons éléver comme une, base, indis- 
pensable à de er progrès ; el ces progrès, 
rous les Herses faire à la science , si nous sommes 
heureusement doués, et si nous fsoss. un bon usa- 
ge ee Late quinous ont été donné 

voit : <a aurons d'autant de chan- 
ces d arriver plus haut, que les fagilités de nôtre 
éducation atiront té plu$ abondantes et nous au- 
ront mis à même de terminer plutôt l'arrangement 
des assises qui doivent former cette base nécessaire 
aux travaux qui nôus pourront appartenir 

Dans Fétat actuel de la civilisation, ces S'acllilés 
de l'édueation ne sont certes pas rares; l'iñstruc- 
tion paie est à la portée d’un grand nôm- 
bre et-si malgré tant de-secours offerts 
au die de savoir, les Pic-de la Mirandole ne 
courent encore-pas les ruês, il faut en Ds que 
ee désir-est bien faible chez la plupart de nos con- 
temporäins.  : 

Mais combien ne Jui faut-il pas de force pi 
arrivér à un résultat NAFANARE lorsque le souflle 


RÉ ÉÉÉ É  SSSS 
Le F: F US en 


ui get 


de Dieu la fait naître au cœur d’un homme qui, 
dans le passé comme dans l'avenir , ne voit autour 
de lui, au lieu de facilités encourageantes, que des 
obstacles et presque des impossibilités ! Que d’é- 
nergie dans la. volonté! Que de constance dans le 
labeur ! Que de noble eatêtement contre les pre- 
miers insuccès et le dégoût qui doit les suivre ! Et 
tout cela, messieurs, se peut et se doit traduire en 
d’autres termes : « Qu ue de dons reçus de la muni- 
» licence du Créateur ! Que de mérite réel dans 
» l’homme qui a su profiter de ces faveurs ! » 

ans un récent voyage, messieurs, jai été assez 
heureux pour visiter un de ces privilégiés de lin- 
telligence, et j'ai désiré de rendre moins onéreuse 
pour notre auditoire, la charge que lui imposent 
vos votes bienveillants , mes chers collègues... , 
celle d'entendre chaque année la même voix au dé- 
but de cette séance solennelle. Il m'a semblé qu'un 
tel sujet a de l'intérêt pour tous, et qu'il trouverait 
mieux que jamais sa place au moment où nous cé- 
lébrons la mémoire du jour de fête de CnarLes 
Linxé, de ce grand esprit qui, avant de saisir le 
sceptre des sciences naturelles, sq à lutter, lui aus- 
si, contre tant de traverses et de diflicultés de po- 
sition. 

Daignez donc écouter, messieurs, la simple his- 
toire que je vais familièrement vous. raconter ; ; il 
s'agira de troupeaux, de prairies, de montagnes... 
et d’un berger. 

Non pas, ASS d'un lonbouvsex Tityre, gi- 
sant mollement à ombre d’un hêtre et faisant ré— 
sonner ses pipeaux en l'honneur dé je ne sais quelle 
Amaryllis de chalet..…., mais d'un vigoureux et 
énergique enfant du Béarn, de ae pois et belle 
province qui donna Henri IV à la 

Mon berger se nomme SAGAZE : ou: ÉTÉ naOE EN 
Pierrine, diminutit local de Pierre. Chef d’une fa- 
mille qui, depuis six ou sept siècles, compte parmi 


us en 


les rustiques notabilités d'an des embranchements de 


nom de Sacaze, par le surnom de Gasron. Ce 
surnom lui vient d’une branche de sa famille en la- 
quelle se sont réunies et fondues, il y deux où trois 
cents ans, les deux branches plus anciennes des Sa- 
caze de la chapelle et des Sacaze du moulin, ainsi 
nommés d’un partage de rs qui remonte, si je ne 
me trompe, au XIV° siècl 
Je vous prie, Mosieurs, d’excuser cette citation 
hésitante : je n'ai pris aucune note et je n'ai nulle in- 
tention de reproduire, sur Pierre Sacaze-Gaston et 
sur sa famille, une de ces notices biographiques 
u’on trouve dans les Albums des Pyrénées et autres 
publications que je n'ai pas sous les yeux, — C'est 
l'homme que je veux vous montrer; c'est son intel- 
ligence, qui a lutté contre toutes les difficultés de 
sa position et'qui en a triomphé. Bien que dans no- 
tre terre de France, le Berger des Euux-Bonnes 
(c'est ainsi qu’on le désigne), soit connu principa- 
lement des botanistes, je ne le nommerai point Sa 
caze le botaniste, car je ne veux pas voler à sa gloire 
les titres de propriété, je dirai mieux, les titres de 
conquête qu'il a Le sur un si grand nombre de 
sciences humai 
Or, sous ce nom de sciences humaines, j'entends 
comprendre également les Lettres et les Arts, car 
j'ai affaire à un homme qui a travaillé pour ainsi 
dire, lui aussi, de omni re scibili, bien que l'uni- 
que objet de ses labeurs soit son pays natal, sa 
chère vallée d'Ossau. C’est là son univers; mais il l'a 
étudié sous toutes ses faces, et pour cela, il lui fal- 
lait toucher à toutes les branches Ne connaissan 
ces humaines. 
C'est vers 1835 qu'il a abordé cette étonnante 
entreprise; né en 1797, il avait alors 37 ou 38 ans. 


Je ne vous signalerai, messieurs, que quelques | 


Fi 
; 
es 
4 

4 


— 21 — 


circonstances décisives du réveil de cette puissante 


ébranlement. moral. « His viennent, disait-il à son 
» père, ils viennent pour soigner nos bestiaux ma— 
» lades ; ils parlent longtemps, boivent et mangent 
» plus longtemps encore, et nos bestiaux ne s'en 
» portent pas mieux : je veux apprendre à les trai- 
» ter m ême 
our cire l'étude des propriétés médi- 
cinales st plantes et la botanique pratique qui en- 
seigne à distinguer leurs espèces; de là aussi , lé 
tude de l'anatomie des animaux domestiques, puis 
celle de l’anatomie humaine; car les esprits de cette 
trempe sont invinciblement sollicités à ne pas em- 
prisonner leurs réflexions dans un cadre donné, 
mais à apprécier les rapports qui lient ce sujet 
donné aux sujets analogues. De là , enfin , le désir 
et le besoin, dans un pays où les plie sont ra- 
res, d’ apporter quelque LA er vies à ceux de ses 
voisins qu'il voyait sou 
Ces diverses ar devaient cependan nt 
demeurer dans un degré bien peu théorique , et 
constituaient une sorte d’empirisme plus ou: moins 
relevé, par l'étude, l'intelligence et la réflexion. El- 
les ne suflisaient déjà plus à Sacaze qui entrevoyait, 
au-delà de ce qu'il avait appris, que presque tout 
lui restait à apprendre, On l’engagea à pénétrer 
plus avant dans cette science des végétaux qui lui 
offrait, dès-lors, tant de charmes. On lui dit 
qu’il y avait des livres qui apprennent ; les ont e 
tre à fond : on lui indiqua une flore, et voilà mon 
En phenauchant vers la boutique d un libraire 
a route est. belle mais longue dans ce riant val- 
Jon de la Neiss qui, des côteaux de +: Lumlh 
monte jusqu aux berges de la vallée u, — et 
de Jà jusqu'à Laruns, modeste gp Ter du pays des 


sr DE — 


Ossalois. Le jeune se prolongeait par trop pour no- 
tre affamé de scicnce : ïl n'y résista pas et prit pour 
pupitre la tête de sa mule. Mais; hélas ! il ne En 
que lire des mots... la Flore était bourrée de latin ! 
Cruellement désappointé, il se sentit tenté (c'est de 
Jui que je tiens ces détails d’une naïveté charmante), 
il se sentit tenté de tourner bride et de revenir à 
Pau... Mais le libraire consentirait-1l à reprendre 
son grimoire ? 

Messieurs, il y a deux sortes d'hüitesz, £L ceu 
qui, arrivés en face d’un obstacle, sentent qu ils 
manquent de force ou de y olonté pour le fran- 
chir..….. Ceux-là refoulent leurs désirs dans leur 
cœur, et s'en vont : c’est le grand nombre. | 

Mais il y a ceux aussi en qui résonne la voix qui 

s'éléva jadis du cœur d’Augustin : Quod potuerunt il= 


ti et illæ, ego non potero? Plagiaire, sans s'en dou— 


ter, de ce grand saint et de ce grandgénie, Sacaze 
dat se dire aussi, à sa manière : ce que d'autres ont 
appris , n'aurai-je donc pas le pouvoir de l'ag” 
prendre ?. 

Dans le ‘village qu'habite Sacaze, ou dans les en- 
virons, il y avait un vieux vocabulaire. Je Faï vu 
avec intérêt, je dirais volontiers avec respect, plus 
vieux encore ; froissé, déchiré, affaissé, comme un 
fruit dont -une pression énergique a exprimé tout 
le suc 

Et tout ce suc, messieurs, Sacaze se l'est assi- 
milé.s2. il sait le la 

Et cette forte langue, mère de sa langue mater- 
nelle et aïeule de la nôtre, — cette langue de l'his- 
toire et des sciences , contre laquelle de faux amis 
des idiômes vivants ont lancé tant de traits destinés 
à frapper bien plus baut, — cette langue lui a ou- 
vert les portes de Ja science. Il a senti alors 
pour faire connaître son pays, il lui fallait tout 
apprendre, ou plutôt — car ik est homme — ap- 
prendre de tout, et il l'a fait. I a vu qu'il lui man- 


> D 


quait parfois des moyens matériels de réaliser ses 
idées ; — et quand il ne connaissait pas leur exis- 
tence, ou s'il ne pouvait se les procurer, il les in— 
ventait et les exécutait. 

Je ne dis pas trop, messieurs, et vous l’allez voir, 
si vous voulez entrer avec moi dans cette tranquil- 
le demeure où, après avoir consacré une partie de 
sa journée au soin de ses troupeaux. et à la culture 
deson antique patrimoine, Sacaze employait les lon- 
gues soirées du long hiver des montagnes, à frap- 
per à toutes les portes du temple.des connaissances 
humaines. Aussi, voyez les résultats de ses cons- 
tants labeurs; voyez l'étendue du champ su 
tuel dont il lui faut remuer le sol, pour se main- 
tenir à flot dans le courant rapide de la science. 

oici une mince circonstance qui m'a prouvé à 
quel point Sacaze se tient au fait de tout ce qui se 
passe. Je m'étais blessé au doigt, et Sacaze me dit: 
« Vous auriez dû y mettre une compresse d'arni- 
ca, » Surpris de cette parole, je regardai une per- 
sonne assise à côté de moi, en disant : Comment ! 
il sait !..... — Sacaze m A0LSFFOISRH en répondant, 
avec son fin sourire : « Oh! je ne suis pas homæo- 
» pathiste, mais je sais que l'arnica est le remède 
» souverain pour ces petites blessures. » 

Je reprends, Messieurs, veuillez me suivre. Au 
fond d'une cour et près d'un jardin où sont culti- 
vées quelques-unes de notabilités de la botani- 
que pyrénéenne, en face d'une chapelle fondée au 
XIE siècle en l'honneur de sainte Catherine, la mai- 
son la plus reculée du village de Bagès-Béost do- 
mine le riche bassin de Laruns : c’est la maison de 
Sacaze,; il la transmettra à ses neveux, car il est 
célibata taire. 

S Ja galerie de bois qui sert de pallier, on 
voit d abord des fusils, rude parure du chasseur 
d'ours et d’ izards, | puis une riche collection d'outils 
de menuiserie et de FRAEDANIES dont le proprié- 


= 9 = 


taire fait un emploi fréquent et varié; car s’il est le 


thématiques et de physique, graphomètre, baromè- 
tres et thermomètres variés, sont appendus à leur 
poste, et prêts à être transportés dans la montagne 
ou à fournir la matière des observations ve bn 
giques hf pores inscrites au tablea 

Eclairé par une fenêtre au midi, le ÉtEnet de 
trivail ou si l’on veut, le Musée, renferme des ar- 
moires avec ou sans vitrage et des espèces de dres- 
soirs où sont ts les productions naturelles de 
la vallée d’ 

DUT est une suite de marbres et de toutes les 
substances plus ou moins susceptibles de poli, ar- 
istement montés dans des cadres ou sur des sup- 
ports calculés de manière à faire valoir les échan- 
tillons. 

Là, ce sont de magnifiques spécimens des fos- 
siles qu'offrent à un collecteur patient et assidu, 
les calcaires paléozoïques et les ardoisières de la 
contrée. Les orthocères, spirifers et térébratules, 
dominent dans cette collection, où quelques em-— 
preintes merveilleusement belles de fucacées et de 
repüles annoncent la présence de terrains beaucoup 
plus récents. 

Il serait à désirer que tout cela fût étiqueté ri- 

oureusement par quelqu'un de nos éminents pa- 
léontologistes français; car la bibliothèque de Sacaze 


pour qu'il atteigne à des déterminations exactes. Je 
dis cela tout franchement et sans crainte d'a- 
moindrir aux yeux des savants, les mérites de cet 

omme si remarquable. Je le dis pour les co- 
quilles torrestiéé: vivait; comme pour les fossiles, 


. 


dr: ERRE 


.— 31 — 


c ur les plantes même, dont les espèces 
Mr n'ont pas été étudiées et nommées avec 
le-même intérêt que les espèces rares ou crois- 
sant à de fortes altitudes. 

Ce qui paraît tout à fait impossible aux yeux du 

vulgaire , n’est, pour certains esprits , impossible 
qu’en partie. Or, de ces choses qu’on pourrait nom- 
mer des rm ser du degré inférieur, Sacaze, 
seul et sans secours , en a fait à foison; voilà sa 
gloire, et elle est bien belle. Mais arriver, sans 
malériaux suffisants de comparaison , à la nomen-— 
clature exacte d’un grand nombre d'objets d'his- 
toire naturelle , c’est là une impossibilité de degré 
érieur ; tous les naturalistes le savent, elle est 
infranchissable. 

Le besoin d'approfondir, — voilà le‘trait domi- 
nant et méritoire de l'esprit de Sacaze. Le talent 
d'observation, — voilà la faculté précieuse et déli- 
cale qui lui a été abondamment départie. Aussi, les 
travaux qu'il a faits dans ces deux directions, sont 
immenses. Outre son herbier, ila voulu conserver 
Ja représentation aussi exacte que possible, à l'état 
de vie, de toutes ses plantes. Ses volumes de pein- 
tures sont admirables, au point de vue des analyses, 
du port des végétaux, de la justesse des contours. 
Et qui donc pourrait lui reprocher des teintes ou- 
trées ou fausses, lorsqu’ on sait qu'il les a déposées 
sur le papier à une époque où il lui fallait les com- 


fran, le suc de divers fruits, combinés avec de la 
chaux ou d’autres substances astringentes, compo- 
saient toutes les richesses de sa palette. La plupart 
deces couleurs, privées de mordants, se sont dé- 
naturées ; d’autres sont demeurées excessives dans 
leur intensité; mais il n'en reste pes moins vrai que 
c'est là la plus jar rm tre les œuvres ma- 
térielles de notre botaniste, œuvres parmi lesquel- 


# 


ur: EE du 
les il ne faut pas oublier 200 analyses microscopi- 
ques de mousses! 

J'ai indiqué sommairement les travaux que Sa- 
caze a accomplis sur le terrain ou sur les objets 
eux-mêmes, en alité de naturaliste : comme 
homme de cabinet , n a décrit ou catalogué, dans 
de volumineux cahiers, tout ce qu'il à observé. 
L'histoire naturelle de sa vallée d'Ossau , — bota- 
nique, zoologie, paléontologie, géologie, minéralo- 
gie, météorologie, — est donc faite dans toutes. ses 
parties, ou du moins en train de se compléter. 

Voyons entres, l’homme de lettres : sa part 
est grande au 

Et d'abord, mn a travaillé pour sa famille. Il s’é 
tait fait paléographe, etil en a profité pour Fi 
cher, dans les chartes, parchemins et titres nota- 
riaux échappés à la révolution et aux spéculations 

u petit commerce, les alliances et les générations 
successives de sa race , et la chronologie séculaire 
du cadastre de son patrimoine : tout cela est écrit, 
accompagné de plans coloriés, appuyé sur la cita- 
tion régulière des sources où il a puisé. Outreces 
travaux particuliers, destinés à ses neveux , il a 
préparé pour eux d’autres instructions dont le rayon 
est plus étendu. Tel est un recueil de lettres, résumé 
de ses lectureshistoriques, et qui porte pour titre : 
Lettres sur Rome, sur la France et sur Bagès-Béost. 

Ce n’est pas assez pour lui d’avoir réuni en un corps 
d'ouvrage séparé tout ce que les auteurs ont dit sur 
l'histoire des Ossaloïs : il a voulu recueillir aussi tou- 
tes leurs traditions locales, leurs usages, leurs tinals 


’est -ce qu'un chant & ancien sans sa musique né 


qu 
 tionnelle? Sacaze ne savait pas la musique, et il n’a 


pas de voix; mais il n’est pas homme à laisser ina- 
chevée une besogne qui, faute de ce complément, pri- 
verait d’un fleuron la couronne de sa chère patrie. El 
se construisit donc en bois de hêtre et de spin une 


= 4 — 
espèce de grande guitare à large manche et à sept 
cordes : il raya du papier, et muni de ce singulier 
appareil, s’en fut courir les foires, les fêtes et les 
noces. Entendait-il une chanson nouvelle pour lui? 
il tirait à part le-chanteur ou la chanteuse : 
« Chante-moi ça tout doucement, » lui disait-il ; 
puis il cherchait sur sa guitare Funisson de cha- 
que note, et en plaçait le signe sur son papier rayé. 
A force de forger on dévient forgeron, dit le pro- 
verbe : il parait que la musique a fini par prendre 
pied chez lui, car il a fait emplette d’un violon, et 
uand il n’a rien à faire (ce qui lui arrive toutes 
les fois qu’il prend à quelqu'un fantaisie de le dé- 
ranger de ce qu’il fait), il ne se refuse pas à être le 
ménétrier des danses villageoïses. 
ans le domaine de la peinture, notre ingénieux 
ossalois ne se borne pas à ses travaux de botanique. 
H a fait un panorama des montagnes de Gabas; et 
puis, c'est tantôt une chasse à l'ours, pendant la- 
quelle un de ses frères faillit perdre la vie dans l'é- 


treinte de ce terrible adversaire; tantôt'é’est une 


mosaique romaine (celle de Bielle) ou une mon— 
naie, un poids de ville du moyen-âge, ou bien en 
core le portail roman de quelque vicille église de la 
vallée. Autant qu'il sait réussir à le faire (et son 
œuvre n’est pas irréprochable), il ed en conserver 
Fimage et le souvenir, avant que les architectes et 
les maçons, un peu trop ennemis de lout ce qui n'a 
plus l'odeur du mortier frais, achèvent de défigu- 
rer le modèle, dans l’estimable intention de lem- 
bellir. « Je ne suis pas archéologue ,» me disait-il; 
« mais voyez la pauvre église de Béost, ma parois- 
» se! Ils ont recoupé et agrandi toutes ses fenêtres : 
» ils en ont fait une grange! » ».... Et où donc, sice 
nd 


n'est dans son profond sentiment de l’art et des con- 


venances de l'art, cet. Mérite a-t-il trouvé cette 
pensée et son expression qui est le cri dé tous les 
‘ archéologues? 


— 34 — 


L'occasion m'a conduit à parler de Sacaze artis- 
te, et pourtant je n'ai pas. fini avec Sacaze homme 
de lettres. Dans notre civilisation échauflée et pres- 
sée de beaucoup faire, — sous l'empire toujours 
croissant de la division du. trava ail, — nous voyons 
presque toujours le musicien distinct du poète, et 
le premier sacrifié au second , ou bien celui-ci à 
celui-là. Mais dans les temps anciens il. n'en était 

oint ainsi, et le rhapsode, le barde et le ménes- 
trel ont. fait la chaine jusques sur le seuil des temps 
modernes. Or, les hommes des montagnes ont con- 
servé la ressémblance des vieux peuples, à-peu- 
près comme faltitude des localités correspond chez 
eux à une élévation en latitude. Sacaze musicien, 
comme Sacaze poète, scrait un homme incomplet , 

s'il n’était que l'un ou l'autre... Mais Sacaze est 
un yrai Barde, et le recueil de ses poésies béarnai- 
ses, dont plusieurs, plus favorisées que ses mélo- 
de ont été publiées, forme un ensemble consi- 


“1 en est une qui lui fut inspirée par l'inaugura- 
tion de la statue du célèbre médecin Bordeu, et cel- 
le-là est un chef-d' œuvre de grâce naïve et hardie 

à la fois. 

La Mort, — cette pauvre Mort qui se consume 
de dépit en voyant que les eaux thermales de la 
vallée d'Ossau, abs par Bordeu, lui arra- 
chent chaque ; jour de plus nombreuses victimes, — 
la Mort pense à se laisser mourir. Cependant, avant. 
de céder à cette attaque de spleen, elle tente de se 
venger de Bordeu , et lui envoie une dangereuse 
maladie : mais ses traits demeurent impuissants , 
car Rare est immortel ! 

ce coup d’'encensoir est délicatement donné, - 
Messieurs ! et ne trouvez-vous pas que la méta- 
phore employée par le poèle, jusüfie ce triple éloge 
que. je lui accorde : grâce, naïveté , hardiesse? Et 
uon seulement il répand en général: sur ses œuvres 


: — 5 — 
cette grâce naturelle et facile qui est un des traits 
marquants de son esprit , mA à encore qu'à l'oc- 
casion de quelque noce, où même sans occasion, il 
a composé des poésies das lesquelles, comme on 
dit en style classique, il sacrifie aux Grâces, mais 
aux Grâces que vante Horace : Gratüs decentibus. 
Il n’admet pas que les autres soïent chantées dans 
son village, et voici, à ce propos, une pelite anec- 
dote qu’il est bon de consigner dans son éloge. 

Un poète, trop connu par ses œuvres, voulut lui 


1 


berger 1 ne pensa pas qu'un grand talent dût obte- 
nir la grâce d’une muse immonde : il n’accorda pas 
à celle-ci l'honneur de prendre rang dans sa bi- 
bliothèque; mais ne voulant pas répondre à une 
politesse par la rudesse d'une fin de non-recevoir, 
il fourra le volume sous une paillasse ; c'était len- 
sevelir sous Ossa et Pélion. Ignorant que je nés 
des usages de la montagne, je ne saurais vous dire 
si le dessous de la paillasse équivaut en dignité au 
grenier, ou aux oubliettes, ou au tas de fadtier qui 
sert de tapis dans la cour. Toujours est-il que jus- 
tice fut faite. et si l'auteur vit encore, je voudrais 
bien qu’il le sût. 
J'arrive au terme, non de ce que j'aurais à dire, 
mais du temps que j'ose demander à votre bien- 
veillante attention, et je reviens aux devoirs que 
mes Égt m'impos 
médailles vont être décernées et l’une d'elles 
sera ss née du diplôme de correspondant de 
la Compagnie. C'est à l'homme Ph est dont 
je e viens de vous entretenir, que s’adressera ce dou- 
le message. Je tiens à faire drole aux migibliats 
dont la bienveillante présence nous honore et re- 


$ 


+ 


hausse l'éclat de cette réunion, —aux savants, aux 
hommes éminents, au public ami qui viennent nous 
donner leurs précieux. encouragements, je tiens à 
faire savoir à tous dans quelles circonstances est 
née l’idée de couronner une ‘tête dont les travaux 
n'ont pas pour objet l'étude du département de la 
* Gironde : c'est en effet un vote insoliteque la So- 
ciété Linnéenne de Bordeaux a le droit de pronon- 
cer, mais qui n'est pas dans ses usages. 

Lorsque j'ai connu le berger des Eaux-Bonnes, 
— celui que je puis maintenant, et non sans orgueil, 
nommer notre collègue, — j'ai d'abord été surpris 
de ce qu'aucune Société de Sciences, de Belles-Let- 
tres ou de Beaux-Arts ne lui a jusqu'ici donné 
quelque témoignage ostensible de sympathie pour 
ses nobles efforts, quelque marque de sa considé- 
ration, quelque encouragement enfin dans la car- 
rière de l'étude, si dificile pour lui à parcourir, 

yis, jai compris pourquoi il en était ainsi. Pour 
conquérir les récompenses des Académies , il faut 
presque toujours aller frapper à leur porte, et Sa- 
caze n'est point en posilion de le faire. Ses poésies 
seraient le seul bagage littéraire qu'il pt destiner 

à l'exportation, et la ville de Clémence Isaure est 
au bout du monde pour lui. Les botanistes le con- 
naissent bien, ainsi que les précieuses découvertes 
_ il a enrichi la science. Plusieurs d’entr'eux lui 

nt rendu justice dans leurs écrits ; l’un des plus 
justement célèbres, sir George Bentham, à attaché 
son nom à l’une des plus précieuses conquêtes qu'il 
ait faites dans les Pyrénées occidentales {Lithosper- 
mum Gastoni). D'autres l'ont exploité, .et cela rude- 
ment — à leur profit, bien entendu--lui et les ra— 
res trésors-dont sa simplicité leur donnait, sans le 
savoir, la funeste faculté d'épuiser presque en- 
tièrement les sources. : 
Iélas, messieurs ! les hommes sont ainsi faits ; àl 

n'y aurait plus au monde un rayon de miel, si les 


EE 
abeilles, naissaient sans aiguillon; et lé bon, l'ex- 
pansif : Sacaze n'a appris que bien tard, et.àses dé- 
pens, à. défendre tant bien que mal sa belle ruche 
contre les frelons..…. Enfin, me. suis-je dit, in 
a, de la Garonne,aux Pyrénées, qu'une seule Société 
qui s'occupe spécialement, exclusivement, des scien- 
ces naturelles, — et cette Société, c’est la nôtre. 
A la Société Linnéenne de Bordeaux , à elle, la 
as ancienne entre ses sœurs francaises, appear 
tiennent donc le devoir et l'honneur d'aller, 
mière, chercher l'enfant de la montagne et , lui 
dire : Vous avez un siége parmi nous. Nous savons 
trop bien que vous ne quitterez pas, pour venir 
l'occuper, votre héritage et vos troupeaux ; mais 
faites-nous part de vos traraux, de vos observa- 
tions si finement dérobées aux mystérieuses opéra- 
tions du grand laboratoire. Nous serons heureux 
d’en assurer la publication. Recevez cette médaille 
et suspendez-là dans votre musée : elle attestera 
l'authenticité de yos droits à la reconnaisance des 
naturalistes, pour ces belles espèces que vous n'a- 


vez pas publiées, mais que vous avez, le premier, 


découvertes. 

Il nous reste, messieurs, à exprimer un vœu. On 
dit que le premier magistrat du département où 
Sacaze réside, s'efforce d attirer sur ses travaux , si 
remarquables et si méritoires, l'attention et peut- 
être Jes faveurs du gouvernement. Les évènements 
de +848 ont fait cesser, dit-on encore, une alloca- 
tion que le gouvernement précédent consacrait à 
l'indemniser généreusement de tout le temps que 
les voyageurs curieux ou savants dérobent à sa 
complaisance empressée. C'était là une prier idée 
et qui tournait au prolit de tous, car, pour être 
moins aimables que les jpobse es naaralistes ne 


_sont pas toujours plus ric ches 


Puisse donc monsieur Île réfet. de Pau réussir 
dans son noble patronage! Vous l'appuieriez tous 


ER 4 


de votre voix, n'est-ce pas, messieurs, si vous éliez 
à même de la faire entendre ? 

t nous, mes chers collègues, puissions-nous 
voir notre témoignage en faveur du Berger des Eaux- 
Bonnes, compté pour quelque chose dans la résolu- 
tion que prendra la justice du Pouroir! 


(Extrait de la Guienne des 9 et 10 novembre 1852.) - 


“ 


Bordeaux, imp. J. DUPUY et COMP., rue Margaux, 11. 


(39) 


TABLEAU DE LA 95 FÊTE LINNÉENNE, 
PRÉSENTÉ À LA SOCIÉTÉ 


Dans sa séance aubtique, d' Hiver , eh Novembre 1852, 
par M. LATERRADE, Directeur. : 


_ Messigurs, 


Comme l’astre radieux qui préside aux saisons et déter- 
mine les heures, nous ramène chaque année, le printemps 
avec ses fleurs, l'automne avec Ses fruits, ainsi vos statuts, 
ou plutôt la fidélité avec laquelle, vous les observez, nous 
ramèénent aussi deux solennités qui vous sont également 


chères : l'une que vous célebrez aù milieu des. campagnes 


fleuries, sous le beau soleil de la Saint-Jean, c'est le jour 
des excursions et des recherches ; l'autre au milieu de la 
cité, le jour de saint Charles, en mémoire de Charles 
Linné , en présence d'une nombreuse et honorable assem- 
blée, et c’est dans celle-ci que vous rendez compte, un 
compte sommaire de vos travaux , el particulièrement de 
ceux auxquels se livre simultanément la Société toute en- 
tière pendant sa Fête où , fractionnée par la distance des 
lieux, elle est si intimément réunie par l'unité de la posées 
Ce jour était en 1852, le premier Juillet. 
De Borpgaux, la Société divisée en deux. sections ; J'une 
dirigée par le Vice-Président, M, le docteur H. Burguet, et 
l'autre par le Directeur, se porta sur Gajac et sur le bourg 
du Taillan La première herborisa autour de ces sources 


abondantes de la propriété de M. Tenet, qui doivent bientôt 


donner à notre ville le complément d’eau qui lui est néces- 


( 40 ) 

saire , et la seconde explora , surtout sous le rapport de la 
botanique , le domaine de M."° Lapène, et c’est là que sous 
une voûte de brillante verdure, un tapis véritablement 
émaillé de fleurs, a eu lieu la séance champêtre. L’excur- 
sion a été belle, mais elle eût été bien plus riche, bien 
plus fertile en observations, si nous n'avions eu le regret 
de voir empêché de s’y rendre pour cause de santé, le sa- 
vant naturaliste, sa modestie me défend de le nommer, 
qui prend toujours une part si active à nos travaux. 

A Manwzac (Dordogne) , notre zélé correspondaut , M. de 
Dives, a fait pendant la journée deux excursions qui lui ont 
offert quelques plantes remarquables, communes à notre 
Flore et à celle de son département, et quelques autres que 
nous n'avons pas encore trouvées dans la Gironde. Parmi 
les premières nous citerons : la variété que nous avons 
nommée major du Petit-Houx (Ruscus aculeatus) ; l'euphorbe 
_ douce ( Euphorbia dulcis L. et purpurata de Thuillier ); le 
pavot somnifère ( Papaver somniferum ) que notre honorable 
collègue, M. Lespinasse, a trouvé assez répandu sur le 
tertre de Fronsac, et le lamier incisé, Lamium incisum , 
cueilli depuis quelques années à Blagnac, par le respectable 
curé de cette paroisse, M. l'abbé Lussac, que la Société a 
couronné deux fois dans cette enceinte , en 45 et 47, alors 
que ce zélé botaniste était encore élève au Grand-Sémi- 
nairce. Parmi les espèces que M: de Dives a recueillies le 
+ Juillet et que nous n'avons pas encore observées dans 
notre département sont le cerisier guigner, Cerasus Juliana, 
véritablement sauvage, le Datura tatula et la Prunelle à à 
grandes fleurs, Prunella grandiflora. 

Quant aux mollusques, M. de Dives nous annonce quil 
n’a rien trouvé à ajouter à la liste de ceux " la Dordogne , : 
liste qu'il nous envoya en 1846. 

A La Tesre , et au moment, Messieurs, où nous vous 


(4) 
disions , le jour de la Fête, que notre zélé correspondant, 
M. Chantelat, ajouterait bientôt quelques plantes à son 
catalogue , il recueillait effectivement à Mios , la Scabieuse 
colombaire , commune à la vérité aux environs de Bordeaux, 
mais qu'il trouvait pour la première fois dans son arron- 
dissement. L’excursion commencée à quatre heures du matin 
offrit de Gujan au Teich , l'Œnanthe safranée, OEnanthe 
crocata , V'Osmonde royale ,Osmunda regalis, et l'Anthocère 
lisse, Anthoceros lœvis. Quelques jours auparavant, M. 
Lespinasse était allé passer une huitaine à Arcachon, c’est 
vous dire que la plage fut souvent visitée et il faut ajouter 
avec bonheur, puisque nos deux honorables collègues en 
rapportèrent quatre algues nouvelles pour le Catalogue (1). 

Le chef-lieu de votre seconde division Linnéenne, Bazas, 
a eu sa fête, on peut dire grandiose et par le nombre des 


naturalistes et des amateurs qu'elle avait réunis et par les 
recherches et les observations auxquelles on s’y est livré 


avec ardeur. Nous ne pouvons vous donner qu’un sommaire 
des détails intéressants que nous en a transmis le digne 
Secrétaire de la division, M. l'abbé Bacca-Nérac. 


Le 1° Juillet, dès les six heures du matin, s’étaient 


réunis à MM. le Président et le Secrétaire, dans la grande 
salle de réception du Collége, MM. Saint-Espès-Lescot, 
président du tribunal civil, l'abbé Donis, archiprêtre de 
Bazas, les deux ———. de M. le Maire et autres notabi- 
lités. 

L’excursion avait pour objet d'explorer la partie Nord- 
Ouest du Bazadais, connue sous le nom de section de 
Notre-Dame. À une courte distance du point de départ, 
sur la route nationale de Bordeaux à Bayonne, on remar- 


(4) Melobesia membranacea, calothryx confervicola, nemalium 


ramosum , phyllactidium ocellatum 


+ 


* 


(42) 
qua une grande quantité de Jusquiame , plante qui devient 
si rare, au moins dans nos environs, qu'il faudra bientôt 
l'y cultiver pour le besoin de la pharmacie ; on visita dans 
le vallon du ruisseau de Saint-Laurent , sur la propriété de 
M. Michaud , une source ferrugineuse dont l’eau fut ana- 
lysée le lendemain (1); on fit quelques remarques intéres- 
santes sur de nombreux fourmis-lions ( Myrmeleon formica- 
rius de Latreille) et on trouva un grand nombre de plantes. 
Le procès-verbal en mentionne soixante-dix-huit espèces 
parmi lesquelles vous me permettrez de citer la Lampette 
diurne, Lychnis diurna, aux fleurs d’un rouge vif, dont 
nous n'avons jamais va d'aussi belles touffes que dans le 
Bazadais ; l'Androsème ou Toute-saine, Androsæmum vul- 
gare (2 ); aux feuilles larges, aux fleurs d'un jaune d'or; 
la petite ésule, Euphorbia exigua , la jolie linaire à feuilles 
de jonc, Linaria juncea ; le mufflier oronce, Antirrhinum 
orontium; Y'ortie royale , Galeopsis tetrahit ; et surtout l’as- 
clépiade de Syrie, Asclepias syriaca, trouvée en abondance, 
dans tout le luxe de sa végétation et loin de tout jardin , 
près de la fontaine ferrugineuse dont nous venons de parler. 


Cette belle plante que l'on croit, malgré sa dénomination 


spécifique, originaire de la Virginie (3), que nous avons 
indiquée en 1829, dans le Libournais, que M. le 


(1) Comme ferrugineuse, cette eau a peu de vertu ; son précipité 
est plus faible , sembiablement, que celui que l'on obtient avec une 
eau qui ne renferme en dissolution, que le 100,000 de son poids de 
sulfate de fer.— Comme gazeuse, elle n'est pas plus recommandable. 
Le gaz qu'elle dégage est un mélange d’azote et d'acide carbonique, 
et elle ne possède que 1772 environ du gaz acide qui entre dans l’eau 
SEE ordinaire. (Extrait du Procès-verbal). 

(2) Au-dessus de cette belle plante, quelques rameaux d'aubé- 
pine soutenaient un joli nid de màriers, garni encore de ses trois 


(3)4sclepias Cornuti , DC. Prod, T. VIII, pag. 564. 


(43) ° - 
docteur Ardusset a vue dans deux localités différentes du 
Bazadais et que M. Boreau, Flore du Centre, cite dans 
quatre, est donc aujourd’hui une espèce _—— à la Flore 
française. 

A midi, M. Touchard, pharmacien, a fait le relevé des 
observations météorologiques. ; 

La Société arrivée sur le domaine de La Flotté, propriété 
rurale du Collége, a tenu, à l'heure fixée, sa séance acadé- 
_mique sous un chêne remarquable par sa beauté et par ses 
dimensions. Notre correspondant délégué, M. le docteur 
Ardusset , président de la division, lecture faite par le se- 
crétaire des deux lettres du Directeur relatives à la célébra- 
tion de la Féte , a ouvert la séance par un discours où il 
met d’abod en parallèle la fragilité des œuvres les plus co- 
lossales de l'homme et la constante perpétuité des végétaux 
même les. plus humbles dont il a plu à la Providence de 
tapisser le globe , opus artificem probat. M s'arrête ensuite 
à des considérations générales sur la famille des champi- 
gnons, et traite des bolets comestibles du Bazadais, en 
fixant l'attention de ses auditeurs sur une espèce connue 
sous le nom de sablet, qu’il croit nouvelle et qu'il propose- 
rait de nommer Boletus arenarius, 1 parle aussi de la 
truffe. blanche , Tuber album, qui croît dans les mèmes 
lieux que l'hélianthème gontte de sang, mais qui n’en cst 
point un parasite comme on l’a cru autrefois dans quelques 

localités. 

__… Après ce discours , la parole a été donnée à un amateur 
d'horticultiiéé, M, Gustave Saige, propriétaire de la plus 
riche collection de roses du Bazadais. Il va sans dire que 
M. Saige a traité de la rose. L’ ancienneté et la beauté de la 
reine des fleurs, ses précieux produits , sa culture, ses 


principales variétés et la manière la plus sûre de les perpé- 


tuer, sont autant d'articles dont l'érudition de l'auteuse 
su faire un véritable bouquet. 


: (24 

Le Secrétaire, M. l'abbé Bacca-Nérac , préfet des études 

au collége de Bazas, fait part de quelques recherches sur 
Pline le naturaliste, et, à ce sujet, il se livre à d’intéres- 
santes observations sur l’état de la botanique chez les an- 
ciens, par rapport aux méthodes de classification, aux 
descriptions, aux figures, aux jardins des plantes et aux 
excursions. Îl termine en prenant quelques groupes des 
plantes usuelles signalées dans la Flore bordelaise, et com- 
pare leurs propriétés médicinales aux vertus attribuées à 
ces mêmes plantes d’après le naturaliste latin. Enfin, et 
reprenant pour ainsi dire le texte des deux lectures précé- 
dentes , il parle de la culture des roses chez les anciens et 
de leur manière de voir à l'égard des champignons. 

Cette journée si bien remplie par le travail et les recher- 
ches a été terminée par un banquet après lequel la division 
a fixé au quinze une nouvelle excursion pour laquelle M. le 
Président du tribunal a offert, ce qui a été accepté avec 
reconnaissance, son domaine de Baquerisse, situé sur les 

communes de Gajac et de Sendets, l’une dépendant du 
canton de Bazas et Fautre de celui de Grignols. Nous ne 
suivrons pas nos collègues dans cette seconde fête qui a 
aussi eu sa séance dans laquelle le président, M. Ardusset, 
a traité de la maladie de la vigne. M. Touchard a lu un ar- 
ticle sur le fourmi-lion , et le secrétaire, M. Fabbé Bacca- 
Nérac , a donné lecture du procès-verbal de la fête du pre- 
mier Juillet. 

onneur, Messieurs, honneur et remerciments à nos 
zélés collègues de la seconde division, qui ont si bien solen- 
nisé le trente-quatrième anniversaire de notre paisible et 
Jaborieuse institution. 
= Quittons maintenant les agréables collines et les fertiles 
vallons du Bazadais, pour voir les travaux de la Fête dans 
quelques régions plus lointaines. Mais ne nous effrayons 


z 


EE ENS ee VER M ET LA OR CR A NE NET Fr 


(45) 
pas de la course , elle sera presque aussi rapide que celle 
de la dépêche qui nous arrive par le fil électrique. * 

À NarBonxe ou plutôt à Salèles, tout près de Narbonne, 
votre ancien correspondant, M. Viramond, dont vous con- 
naissez si bien et l'exactitude et le zèle, a dirigé son excur- 
sion d’abord contrariée par la pluié, vers une belle localité 
dite La Roque, où il a remarqué un peuplier blanc planté 
en 1720 , un orme dont le tronc ne pourrait être embrassé 
par quatre hommes, et un sureau séculaire dont la tête 
énorme se-couvre en Avril et en Mai de fleurs très-blanches 
et fort odorantes. — Il résulte des observations météorolo- 
giques et agricoles de M.-Viramond que le temps n’a pas 
été plus favorable dans l'Aude que dans l'Ouest aux pro- 
ductions de la terre. Une gelée matinale, le 29 Avril, 
rappelons que la plus funeste fut ici celle de l'avant-veille, 
frappa cruellement les vignes, et tandis que, du 21 au 
22 Juin, nous étions attristés par les pluies, voilà que le 
vent et les tempêtes tourmentaient et dévastaient les plaines 
du Midi. : 5 

Dans les Basses-PyRÉNÉES et dans sa retraite de Cos- 
lédaà, est un de nos plus vénérables collègues, un de ces 
hommes dans l'esprit desquels les années accumulent les 
observations sans affaiblir les hautes vues de l'intelligence , 
M. le baron de Vallier, président de votre première divi- 
sion linnéenne. Son grand âge { M. de Vallier touche à la 
fin de son dix-huitième lustre) n'ayant pu lui permettre de 
diriger l'excursion, il en a confié le soin à M. le docteur 
Bergeret. Notre savant collègue a parcouru quelques parties 
des diverses communes situées entre Morlaas et Coslédaä. 
De jolies bruyères, l’œillet des sables, Dianthus arenarius ; 
une autre jolie espèce que nous pensons être le Superbe, 
Dianthus superbus ; la Filipendule au feuillage si élégant ; la 
Mauve musquée et mille autres plantes agréables s’offraient. 


(46) 
à la vue. Je regrette, Messieurs, que le temps qui m'est 
accordé ne me permette pas de vous citer au moins quel- 
ques fragments de la narration pleine de charmes de cette 
jolie excursion dont M. Bergeret a été, comme César de 
Bello gallico, Yhistorien et le héros. — La séance fut pré- 
sidée par M. le baron de Vallier, qui fixa agréablement 
l'attention de ses auditeurs par les judicieuses observations 
qu'il faisait même sur les plantes les plus éommunes. 
_ Je né quitterai pas, Messieurs, le midi de notre belle 
patrie sans vous dire , peut-être sous peine d’indiscrétion , 
mais pour l'honneur de notre riche Flore de France, qu’une 
belle espèce qui n’y figure pas encore, l'/ris xyphium, a 
été trouvée il y a plus de dix-huit: mois, à Béziers, sur le 
littoral ‘de la Méditerranée , par un de ces modestes frères 
_ des Écoles Chrétiennes chez lesquels le talent perce souvent, 
mais toujours à leur insu, le voile de l'humilité: J'hésite, 
mais je suis pressé de vous nommer et il me le pardonnera, 
l’auteur de cette intéressante découverte, c’est le frère 
Judes , qui a eu la bonté de me gratifier de quelques échan- 
tillons recueillis le 23 Juin dernier de cette monocotylée , 
_ que j'ai reçue dans un petit envoi de se a ‘il m'a fait en 
Août dernier. 
Les réunions même sétertifiques sont encore, vous le 
sentez, peu faciles dans l’île de Cuba. Aussi votre corres- 
pondant de Ramond , près de San-Yago, mon fils Théo- 
phile, s’est. borné à quelques observations. Le 1e° Juillet 
bn avait à San-Yago , dès la matinée, une température de 


‘28 degrés, qui S'est élevée à 36 à midi et qui était en-: 


< core à 32 à six heures du soir. 


Dans toutes ces localités, excepté dans la dérailes @ 


_ temps a été couvert, au moins une partie de la journée, 
. et partout la température était plus basse que le 26 Juin 


dernier. C'est une conséquence , un résumé pour ainsi dire 


(47) 

de l'état comparatif de l'atmosphère en 1851 et 1852, deux 
années tristement remarquables par l’anomalie des saisons, 
anomalie si funeste à la santé de l'homme et à la prospérité 
des plantes qu'il cultive, anomalie produite, la science le 
démontre aujourd'hui, par la destruction incessante des 
bois et des forêts, car, ét on ne saurait trop se pénétrer 
de cette vérité, il y a dans la nature des équilibres qu'il ne 
faut pas rompre, des harmonies qu'il est dangereux de 
troubler ! 


FRAGMENT D'UN JOURNAL DE VOYAGE 


LA SUISSE ET L'ALLEMAGNE. 


Il y a deux ans à pareil jour et dans une solennité sem- 
blable je vons rendais compte de mon excursiou daus l’An- 
jou. La bienveillance marquée avec laquelle vous accueillites 
ma modeste relation me fesait presque un devoir de vous 
entretenir aujourd'hui des explorations un peu plus lointai- 
nes auxquelles je viens de me livrer. Quoique entrepris 
dans un tout autre but que l'étude de l'histoire naturelle ,* 
mon voyage dans la Suisse et l’Allemagne n’a pu s'effectuer, 
vous devez le comprendre, sans me fournir de nombreuses 
observations ayant trait aux travaux de la Société Linnéenne, 
Je n'ai pu traverser. dans toute leur étendue, habiter pendant 
près d’une année des contrées si remarquables, - si variées, 
si pittoresques sans m'arrêter quelquefois en face des mer- 
veilles que la nature leur a départies avec tant de libéralité, 

Cependant ces merveilles quelque étonnantes qu'elles 
puissent être, ne sont pas le seul spectacle que ce beau pays 


(48) 

fournisse à notre admiration ; à côté de ces gigantesques 
montagnes, sur les bords de ces lacs délicieux qui font de la 
Suisse le jardin anglais de l'Europe se trouve une population 
bospitalière, sobre, laborieuse, éclairée, bien digne aussi de 
captiver l'attention du voyageur. Ce qui: m'a particulière- 
ment frappé dans les institutions de la Suisse, c’est le large 
_ développement qu'elles accordent à l'instruction primaire, 
Dans tous les cantons helvétiques, cette instruction est gra- 
tuite ; dans presque tous, elle est obligatoire ; traversez le 
plus humble village, vous y trouverez une maison élégante 
et spacieuse ; la blancheur @e ses murailles, la fraicheur de 
ses vertes persiennes vous font reconnaître la demeure de 
l'instituteur. Tandis que chez nous, des communes considé- 
rables sont encore privées d'écoles. tandis que d’autres n’of- 
frent à un maître capable , à des élèves nombreux et atten- 
tifs que des ressources insuffisantes, qu'un misérable gite 
pouvant à pee les abriter contre l’intempérie des saisons, 
là, du moins , il y a dans chaque commune un instituteur 
convenablement rétribué et pouvant réunir ses disciples 
dans une maison qui ne laisse rien à désirer sous le dou- 
ble rapport du confortable et de l'hygiène. Les résultats 
d’une pareille organisation sont faciles à deviner ; il serait 
peut-être impossible de trouver dans toute la Suisse un 
‘seul homme, une seule femme, un seul enfant de huit à 

dix ans qui ne sache lire, écrire, calculer et chanter. 
Malheureusement , l'instruction scientifique , Supérieure , 
est bien loin d'offrir le mème tableau, et quand on inter- 
roge les institutions .de la Suisse, quand on voit qu'il n’y 
a dans ces institutions rien qui ressemble à nos Facultés, à 
notre Université, on s'étonne de la quantité de savants que 
la Suisse a pu produire malgré d'aussi fàcheuses lacunes. 
Ce n’est pas que le goùt des sciences ne soit très-répandu 


en Suisse, même parmi les classes agricoles et industrielles. 


L 


‘ 


(49) 

J'en ai eu sous les yeux un exemple frappant. Arrivé l'an der- 
nier à Genève, au commencemeut du mois d’Aoùût, je visi- 
tai la belle bibliothèque de cette ville et je remarquai que 
les planchers semblaient avoir baissé comme s'ils eussent 
été soumis à l’action d’un poids trop considérable, C'était 
la vérité, Le Tir fédéral qui venait de finir, avait attiré à 
Genève un immense concours de population et les visiteurs 
avaient afflué en si grande quantité, à la bibliothèque, 
qu'ils avaient produit un changement dans le niveau des 
parquets. De nos jours, quand des fêtes publiques amènent 
dans nos grandes villes un grand surcroît de population , je 
ne sache pas qu’on remarque aux portes de nos musées un 
pareil empressement. Tout le monde en Suisse, aime donc 
les livres et la science , mais je le répète , il n’y a pas d'Uni- 
versité nationale; quelques cantons livrés à leur seule im 
pulsion et à leur seul budget, font cependant de louables et 
d’énergiques efforts en faveur de l’enseignement supérieur , 
mais ces efforts ne sont pas suffisants et il est à craindre 
que cet état de choses soit longtemps maintenu; car il est 
difficile d'organiser une Université nationale , dans un pays 
qui n’a pas d'idiome et dont les habitants parlent trois lan- 
_ gues complètement différentes. 

L'étude des sciences naturelles se ressent nécessairement 
du vide si regrettable que je viens de signaler; la Suisse 
possède quatre jardins Botaniques établis à Bâle , à Zurich, 
à Berne et à Genève. Je m'attendais à trouver dans l’opulente 
ville de Bâle quelque chose qui füt digne de la patrie des 
illustres Bauhin; mon espérance a été trompée , complète- 
ment trompée. Le jardin confié à la direction du savant M. 
Meisner, aujourd’hui notre collègue, ne mérite pas le titre 
de Jardin Botanique. Celui de Berne n’a guère plus d’im- 
portance; restent ceux de Zurich et de Genève. Le jardin 
des plantes de Zurich est sans contredit le premier dela 


(50) 

Suisse ; j'y ai vu quelques collections assez complètes , des 
serres passablement garnies ; comme promenade publique , 
c’est d’ailleurs un établissement des plus agréables et qui 
présente des accidents de terrain dont on a su tirer un ex- 
cellent parti. A Genève, l’espace est moins considérable , 
mais il a été utilement employé dans Fintérêt de la science; 
l'étiquetage y est mieux soigné ; les espèces sont disposées 
sur deux rangs dans les platesbandes du jardin de l'école ; 
il en résulte un double avantage : augmentation du nombre 
des places et aspect plus gracieux pour l'étudiant qui a tou- 
jours des noms de se sous les yeux de ét côté 
qu'il se tronve. 

Mais si les étchlisscstinie publics de la Suisse laissent 
tant à desirer sous le rapport de l'horticulture et de la 
botanique ; les collections particulières , en revanche, y. 
sont d’une richesse dont il serait difficile de se faire une 
juste idée. Partout se trouvent de beaux jardins construits 
avec habileté , disposés avec grâce, enrichis à grands frais 
des productions les plus lointaines ; si je ne craignais d'a 
buser de votre bienveillante attention ; je vous citerais de 
nombreux exemples de ces admirables créatious où l’art et 
la nature se donnent la main et s’allient si-étroitement, qu'il 
serait malaisé de distinguer où s'arrête celle-ci, où com- 
mence celui-là. Toutefois, je ne puis résister au desir de 
vous dire quelques mots du domaine de Hart, situé à Er- 
matingen, près du lac et de la ville de Constance, dans le 
canton de Thurgovie. Le jardinier en chef, M. Serbé., à eu 
l'extrême obligeance de me faire visiter le Hart dans tous 
ses détails; M. Serbé n’est pas seulement un horti®fur 
expérimenté ; c'est un homme possédant en botanique, en 
physique , en chimie, des connaissances étendues, ayant 
beaucoup voyagé et parlant avec une égale facilité le fran- 
çais , l'allemand et l'anglais. Nous commençâmes par visi- 


ter une vaste orangerie, près de laquelle se: trouvait la 
serre des arbres fruitiers ; là fleurissent et fructifient, en 
dépit des neiges et des glaces qui les entourent, les arbres 
des pays méridionaux ; nous entrâmes, ensuite, dans une 
serre spécialement consacrée aux légumes qu’on veut avoir 
en primeur , puis nous visitâmes la serre à camellias ; je re- 
marquai.que dans cetie dernière , la terre de bruyère avait 
été avantageusement remplacée par de la tourbe préparée 
à cet effet après avoir été brülée. Et comme j'étais dans 
l'admiration en voyant tant de cultures si ‘riches et si bien 
réussies, mon honorable guide souriait en me disant : c’est 
peu de chose, ce n’est rien. Ce n'était rien, en effet, com- 
parativement à ce qui me restait à voir, Tout-à-coup , une 
porte à deux battants s'ouvre devant nous, et nous nous 
trouvons dans une -serre immense, dont les proportions 
grandioses, lés décorations splendides et pittoresques , la 
végétation luxuriante me font tomber dans une sorte d'ex- 
tase. La France, Paris, Versailles ne m’avaient offert rien de 
semblable. C'était des colonnes majestueuses entourées de 
lianes d'Amérique , des portiques artistement sculptés sou- 
tenant une voûte de verdure ; l'air était embaumé des par- 
fums les plus suaves et l’on n’entendait que le bruit des 
cascades dont les eaux limpides serpentaient sous des touf- 
fes de jongermannes et des plus gracieuses fougères. 

Je promenai longtemps dans ce lieu enchanté. Je pénétrai 
dans les salons de compagnie séparés des serres seulement 
par des glaces non étamées; mais en vérité les serres 

étaient si mers décorées , que vous les eussiez pri- 
ses :.: des salons , et les salons étaient si merveilleuse- 
ment Rp que vous les eussiez pris pour des serres. À la 
vue de toute cette magnificence, je ne pus me défendre d'un 
sentiment d'envie que, volontiers, je confesserai publique- 


ment. Qu'on est heureux , disais-je à mon guide, qu'on M 


( 52 
heureux d’avoir une fortane assez considérable pour possé- 
. der de telles choses et combien on doit regretter la terre 
quand on à pu s'y procurer de semblables jouissances. Mes- 
sieurs, je me trompais; il n'y a pas sur la terre de bon= 
heur sans mélange , il n’y a pas de médaille qui n'ait son 
revers, même pour l'heureux propriétaire du domaine de 
Hart. En voulez-vous la preuve ? La voici : Aussitôt que les 
journaux eurent retenti du nom de la belle Victoria regia , 
le propriétaire de Hart résolut d’avoir chez lui cetie nou- 
velle et grande renommée. A partir de ce jour , tout ce 
qu'il avait, n’était plus rien, Victoria lui manquait. Donc, 
le jardinier en chef reçut l'ordre de se mettre immédiate- 
ment en route pour ‘aller en Angleterre étudier la culture et 
se procurer des graines de la célèbre plante ; au bout de 
quelquè temps le jardinier revint et avec lui un homme spé- 
cial chargé de la construction d’une serre qu’il fallut édifier 
tout exprès. La serre fut construite, Victoria fut placée 
dans le palais où tout avait été disposé pour la recevoir. — 
Quelque temps , on conçut l'espoir de la conserver et de la 
voir grandir et prospérer : deux feuilles, trois feuilles, cinq 
magnifiques feuilles s’étalaient pompeusement ; mais hélas ! 
ce fut tout et après cinq longs mois d’une longue agonie , 
malgré les soins les plus assidus, elle expira et ne laissa 
plus à la surface de l’eau que ses feuilles et ses pétioles des- 
séchés, comme aurait fait un simple nénuphar 
Quand je visitai le domaine de Hart je voulus voir le 
palais de Victoria ; le jardinier m'y conduisit le cœur un peu 
gros, car le malheur était récent. Figurez-vous un immense 
parapluie en cristal ayant 20 mètres de circonférence; le 
contour est appuyé sur un mur circulaire ayant à peine}un 
mètre de hauteur ; la serre est en contre-bas, et néanmoins 
elle offre tout au plus deux mètres d'élévation à sa partie la 


plus fapprochée du centre. Uu bassin arrondi occupe toute 


(53 ) 

la partie centrale : l'eau de ce bassin est constamment te- 
nue à une température de 30° centigrades. L’air extérieur 
ne pénètre qu'imperceptiblement dans cette espèce de four- 
naise où la respiration est assez difficile. Je n’ai pu y de- 
meurer longtemps, mais j'y ai vu des Oncidium , des Epi- 
dendron et des fougères qui paraissaient parfaitement s’ac- 
commoder de cette haute température ; au moment où j'y 
étais, un homme arrosait le sol avec des eaux provenant du 
lavage des écuries, afin de donner aux habitants du palais de 
Victoria une nourriture ammoniaquée. Voilà, Messieurs, ce 
que j'ai vu à Hart où l’on pratique tous les raffinements de 
l'art horticole ; ce que coûtent de pareilles pratiques , il n’y 
a, je crois, que Dieu qui le sache, car on m'a assuré que le 
riche propriétaire de Hart ne l'avait jamais su. 

A quelques kilomètres de ce somptueux séjour, j'admirais 
le lendemain dans les montagnes d’Appenzell un Lont autre 
spectacle, celui de la nature brute, celui d’une population qui 
a conservé de la vie nomade tout ce qu’elle avait de: plus 
poétique. Ici, rien ne rappelait à mes regards le triomphe 
de la difficulté vaincue , ni les résultats prodigieux de l'in- 
telligence unie à la fortune ; mais le Sentis, couronné de 
neiges perpétuelles et élevant sa-tête superbe à sept mille 
six cent soixante-dix pieds au-dessus du niveau de la mer, 
mais les parfums des plantes aromatiques, les chants joyeux 
des bergers et des bergères , la .vue d'innombrables trou- 
peaux de vaches brossées , peignées, soignées comme le 

-sont nos plus précieux chevaux, tont cela formait dans mon 
esprit un singulier contraste avec le souvenir si récent de 
ma visite à Hart. Aucune plume ne pourrait retracer ce 
qu’il y a de sublime , de souriant et de sévère dans le specta- 

ele des montagnes ; if semble que la pensée s'élève et s'a- 
grandisse en présence de ces immenses horizons ; les ani- 


maux mêmes paraissent avoir vue attitude plus fière, pion ss 
MÉLANGES. k : on 


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dégagée que ceux qui vivent dans la plaine ; habitués à res- 
pirer un air vif et pur, ils ne se résignent qu'avec.douleur à 
rester à l’étable, et les anciens de Saint-Gall me disaient 
qu'autrefois une loi défendait de chanter dans les rues de 
cette ville le ranz des vaches usité dans les montagnes. 

C’est que les vaches d'Appenzell vendues aux bourgeois de 
Saint-Gall, lorsqu'elles entendaient le refrain montagnard, 
entraient dans une sorte de délire ; le souvenir de leur pre- 
mière condition les plongeait dans une mélancolie profonde 
et parfois excitait en elles les plus violents transports. Pau- 
vres vaches ! il faut bien le leur pardonner. Les hommes ne 
peuvent pas non plus se dérober à l'influence irrésistible 

des montagnes ; nous enfants gâtés de la civilisation, nous 
ne saurions vivre huit jours sans ennui dans ces ravins si- 
lencieux et déserts , dans ces sauvages contrées , mais eux, 
les montagnards, enfants gâtés de la nature, ils sourient 

. de pitié quand nous parlons devant eux des bonheurs de nos 
grandes villes et je ne vous en donnerai d’autré preuve 
qu'un seul fait dont j'ai été le témoin et par lequel je tér- 
minerai cette relation déjà trop étendue. 

_ C'était par une de ces belles journées d'Automne, der- 
nières lueurs d'un flambeau qui s'éloigne et qui semble au 
moment où nous le perdons de vue redoubler l'éclat de ses 
feux. Nos fidèles mulets nous avaient conduit sans accident 
jusqu'au faite de la montagne des montagnes, jusqu’au som. 
met du mont Righi. Dans une salle qui ne manque pas d’é- 
légance , autour d’une large table , les joyeux visiteurs sont 
assis ; là se parlent toutes les langues, là se boivent tous les 
vins ; mais là encore c’est la France qui domine , aussi le 

Médoc et l'Épernay ont-ils partout les honneurs du festin; 

puis les vapeurs du Champagne se mélant à l'influence de 


. l'air vif qu'on respire , les rires, la gaîté un peu folle rem- 


placent l'admiration , l’extase qui, tout-à-l'heure, retenait, 


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contenait cette troupe curieuse. Cependant au milieu de ces 
visages si riants un seul paraît sombre et rêveur; au milieu 
de ces gais convives, il en est un qui rit aussi, mais d’un rire 
contraint ; il en est un qui boit aussi le vin mousseux, mais 
quand il pose sa longue coupe , il semble que la liqueur lui 
soit amère , auprès de lui se trouve une jeune femme aux 
cheveux blonds , au teint pâle, à la voix caressante et qui 
semble à force de prévenances , de gracieux sourires vou- 
loir dissiper les soucis qui accablent son compagnon de 
voyage. Moi qui étais seul parmi tout ce monde bruyant, 
moi qui étais seul à être seul, je fis ce qu'on fait en pareil 
cas , j'observai ; je suivis constamment des yeux ce couple 
qui m'avait tout d’abord intéressé et je me promis bien de 
ne pas le perdre de vue ; je prévoyais un dénouement qui ne 
se fit pas longtemps attendre. 

La nuit allait bientôt venir ; on s'était muni de longs bà- 
tons destinés à remplacer les mulets pour la descente de la 
montagne, on partait, quand tout-à-coup l'inconnu que 
j observais encore se détache du groupe des voyageurs : il 
retourne précipitamment au sommet du Righi, sa physio- 


_ nomie s’anime , ses yeux se mouillent de larmes et d’une 


voix émue, mais forte, retentissante — sans songer à cette 
foule indifférente qui rira de lui dans un instant — le cha- 
peau à la main, Adieu, s’écrie-t-il, adieu, mes belles mon- 
tagnes , je ne vous reverrai plus. 
Cependant la foule étonnée se retourne , des regards stu- 
pides , des sourires de dérision cela ne suffit pas à ces tou- . 
ristes au cœur de pierre ; ils ont l’indiscrétion de revenir 
eux aussi en arrière au lieu de laisser là cet homme qui 
souffrait , qui avait besoin d’être seul avec ses chères mon- 


tagnes, d’avoir avec elles un dernier entretien, de leur 


donner un dernier baiser. Pour dire adieu à ce qu’on aime, 
la solitude est un besoin. Mais lui, comptant pour rien 


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tous ces yeux indiscrets , n’obéissant qu'à la voix de son 
cœur, plein d'enthousiasme et comme sur-excité par cette 
espèce de défi que le monde lui jette , lui s’écrie encore une 
fois : adieu mes montagnes chéries, mes belles montagnes, 
recevez mes adieux ! alors la jeune femme posa sa blanche 
main dans celle du montagnard, elle l’attira doucement 
vers elle et ils descendirent ensemble le mont Righi. 

J'appris bientôt que le montagnard était un riche négo- 
ciant d’Appenzell ; marié depuis peu à une jeune anglaise, il 
était venu avec elle visiter la Suisse encore une fois et s’en 
allait vivre désormais en ed dans la famille de sa 
femme. 

Messieurs, quand on raconte de telles choses, le récit est 
bien pâle, les expressions bien froides , — mais lorsqu'on a 
été le témoin de semblables scènes, elles ne s’effacent jamais 
de la mémoire et laissent dans l’âme une douce impression 
qui ne finit qu'avec la vie.