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Full text of "Essai sur la géographie des plantes : accompagné d'un tableau physique des régions équinoxiales, fondé sur des mesures exécutées, depuis le dixiéme degré de latitude boréale jusqu'au dixiéme degré de latitude australe, pendant les années 1799, 1800, 1801, 1802 et 1803 / par Al. de Humdboldt et A. Bonpland ; rédigée par Al. de Humboldt."

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VOYAGE 
DE MM. 
ALEXANDRE DE HUMBOLDT 


ET AIMÉ BONPLAND. 


A STRASBOURG, 
DE L’IMPRIMERIE DE EF. G. LEVRAULT. 


ESSAI 


SUR LA 


GÉOGRAPHIE DES PLANTES: 


ACCOMPAGNÉ 
D'UN TABLEAU PHYSIQUE 
DES RÉGIONS ÉQUINOXIALES, 
PC ve ve dépuis-le dixième degré de letitude  bordale 


jusqu'au dixième degré de latitude australe, pendant les années 1799, 1800, 1801, 


1802 et 1803. 


PAR 


AL. DE HUMBOLDT ET A. BONPLAND. 


RÉDIGÉ PAR AL DE HUMBOLDT. 


A PARIS, 


CHEZ LEVRAULT, SCHOELL ET COMPAGNIE, LIBRAIRES. 


XIII — 1805. 


PRÉFACE. 


LA 

Ezorcxé de l'Europe depuis cinq ans, ayant par- 
couru des pays dont plusieurs n'avoient jamais été 
visités par des naturalistes, J'aurois dû me hâter 
peut-être de publier la relation abrégée de mon 
Voyage aux tropiques, et la série des phénomènes 
qui se sont successivement présentés à mes recher- 
ches. J’aurois pu me flatter que cet empressement 
seroit approuvé par le public, dont une partie a 
marqué l'intérêt le plus généreux, tant pour ma 
conservation personnelle que pour le succès de 
mon expédition. Mais j'ai pensé qu'avant de parler 
_ de moi-même et des obstacles que j'ai eu à vaincre 
dans le cours de mes opérations, il vaudroit mieux 
fixer les regards des physiciens sur les grands phé- 
nomènes que la nature présente dans les régions 
que j'ai parcourues. Cest leur ensemble que jai 
considéré dans cet essai. Il offre le résultat des ob- 
servations qui se trouvent développées en détail 


en d’autres ouvrages que je prépare pour le public. 


VI PRÉFACE. 


J'y embrasse tous les phénomènes de physique 
que l’on observe tant à la surface du globe que 
dans l'atmosphère qui l'entoure. Le physicien qui 
connoît l’état actuel de la science, et surtout celui 
de la météorologie, ne s'étonnera pas de voir un si 
grand nombre d'objets traités en si peu de feuilles. 
Si javois pu travailler plus long -temps à leur 
rédaction, mon ouvrage nen seroit devenu que 
moins étendu encore; car un tableau ne doit pré- 
senter que de grandes vues physiques, des résultats 
certains et susceptibles d’être exprimés en nombres 
exacts. 

C'est depuis ma première jeunesse que j'ai conçu 
l'idée de cet ouvrage. J'ai communiqué la première 
esquisse d'une Géographie des plantes, en 1 790, au 
célèbre compagnon de Cook, M. Georges Fôrster, 

à qui l'amitié et la reconnoissance m'avoient étroi- 
tement lié. L'étude que j'ai faite depuis de plusieurs 
branches des sciences physiques, a servi à étendre 
mes premières idées. Mon voyage aux tropiques m'a. 


fourni des matériaux précieux pour l’histoire phy- 


PRÉFACE. VII 


sique du globe. Cest à la vue même des grands 
objets que je devois décrire, c’est au pied du Chim- 
borazo, sur les côtes de la mer du Sud, que jai 
rédigé la plus grande partie de cet ouvrage. J'ai 
cru devoir lui laisser le titre d'Zssai sur la Géo- 
graphie des Plantes ; car toute dénomination 
moins modeste, en découvrant davantage l’imper- 
fection de mon travail, l’auroit aussi rendu moins 
digne de l'indulgence du public. 

C'est pour le style surtout que je dois réclamer 
cette indulgence : forcé depuis long-temps à n'ex- 
primer en plusieurs langues qui ne sont pas plus 
les miennes que la françoise, je n'ose espérer de 
m'énoncer toujours avec cette pureté de style que 
lon pourroit exiger dans un ouvrage écrit Pdans 
ma propre langue. 

Le tableau que je prés te mn nbe a été 
dressé sur mes propres observations et sur celles 
de M. Bonpland. Réunis par les liens de l'amitié 
la plus intime, travaillant ensemble depuis six 


ans, partageant les souffrances auxquelles le voya- 


VIII PRÉFACE: 


geur est nécessairement exposé dans des pays in- 
cultes, nous avons résolu que tous les ouvrages 
qui sont le fruit de notre expédition, porteront 
nos deux noms à la fois. 

Cest dans la revue de ces ouvrages, dont je 
m'occupe depuis mon retour de Philadelphie, que 
j'ai eu à recourir souvent aux hommes célèbres 
qui m'honorent de leurs bontés. M. Laplace, dont 
le nom est au-dessus de mes éloges, a bien voulu 
marquer l'intérêt le plus flatteur tant pour les tra- 
vaux que jai rapportés que pour ceux auxquels 
jai cru me devoir livrer depuis mon arrivée en 
Europe. Éclairant et vivifiant, pour ainsi dire, par 
la force de son génie, tout ce qui l'entoure, sa 
bienveillance m'est devenue aussi utile qu'elle l'est 
pour tous les jeunes gens qui l'approchent. 

Si c'est une jouissance pour moi de lui payer le 
tribut de mon admiration et de ma reconnois- 
sance, l'amitié m'engage à remplir des devoirs non 
moins sacrés. M. Biot a bien voulu m'honorer de 


ses conseils dans la rédaction de cet ouvrage. Réu- 


PRÉFACE. IX 


nissant la sagacité du physicien à la profondeur 
du géomètre, son commerce est aussi devenu pour 
moi une source féconde d'instruction : malgré le 
grand nombre de ses occupations, il a bien voulu 
calculer les tables des réfractions horizontales et 
de l'extinction de la lumière, jointes à mon tableau. 

Les faits que j'ai énoncés sur l’histoire des arbres 
fruitiers sont tirés de l'ouvrage de M. Sickler, qui 
réunit, ce qui se trouve si rarement ensemble, 
une grande érudition et des vues très-philoso- 
phiques. 

M. Decandolle m'a fourni des matériaux inté- 
ressans sur la Géographie des plantes des Hautes- 
Alpes : M. Ramond m'en a communiqué sur la 
Flore des Pyrénées : j'en ai tiré d’autres des ouvra- 
ges classiques de M. Wildenow. Il étoit important 
de comparer les phénomènes de la végétation équi- 
noxiale avec ceux que présente notre sol européen. 
M. Delambre a bien voulu enrichir mon tableau 
de plusieurs mesures de hauteurs qui n’ont jamais 


été publiées. Un grand nombre de mes observations 


2 


x PRÉFACE. 


barométriques ont été calculées par M. Prony d’a- 
près la formule de M. Laplace, en ayant égard à 
l'influence de la pesanteur. Ce savant respectable 
a même eu la bonté de faire calculer sous ses yeux 
plus de quatre cents de mes mesures de hauteur. 
__ Je travaille en ce moment à la rédaction des 
observations astronomiques que j'ai faites dans le 
cours de mon expédition, et dont une partie a été 
présentée au Bureau des longitudes pour en faire 
examiner l'exactitude. Il seroit imprudent de pu- 
blier auparavant, soit les cartes que j'ai dressées sur 
l'intérieur du continent, soit la relation même de 
mon voyage; car la position des lieux et leur 
hauteur influent sur tous les phénomènes des ré- 
gions que jai parcourues. Jose me flatter surtout 
que les observations de longitude que j'ai faites 
pendant la navigation sur l'Orénoque, le Cassi- 
quiaré et le Rio-Negro, intéresseront ‘ ceux qui 
s'occupent de la géographie de l'Amérique méri- 
dionale. Malgré la description exacte que le FE 


Caulin a donnée du Cassiquiaré, les géographes 


PRÉFACE. XI 


les plus modernes ont jeté de nouveaux doutes 
sur la communication qui existe entre l'Orénoque 
et la rivière des Amazones. Travaillant sur les 
lieux, je ne devois pas m'attendre qu'on me re- 
procheroit avec amertume * d'avoir trouvé dans 
la nature le cours des rivières et la direction des 


montagnes très-différens de ce qu'indique la carte 


de la Cruz; mais c’est le sort des voyageurs de 


déplaire lorsqu'ils observent des faits 4 sont con- 
traires aux opinions reçues. 

Après la rédaction du volume astronomique, 
celle de mes autres travaux pourra suivre rapide- 


ment; et ce ne sera qu'après avoir publié les fruits 


de mon dernier voyage que je m'occuperai d'une 


nouvelle entreprise que j'ai projetée, et qui pourra 
répandre le plus grand jour sur la météorologie 
et les phénomènes magnétiques. | 

Je ne puis publier cet essai, premier fruit de 


mes recherches, sans offrir l'hommage de ma re- 


* Géographie moderne de Pinkerton, trad. par Walkenaer; tom. 6, 
pag: 174 — 177 


XII PRÉFACE. 


connoissance profonde et respectueuse au gouver- 
nement qui ma honoré d’une protection si géné- 
reuse pendant le cours de mes voyages : jouissant 
d’une permission qui n'a jamais été accordée à 
aucun particulier, vivant pendant cinq ans au 
milieu d'une nation franche et loyale, je n'ai 
connu dans les colonies espagnoles d'autres obsta- 
cles que ceux que présente la nature physique. 
Le souvenir de cette bienveillance du gouverne- 
ment restera aussi perpétuellement gravé dans 
mon ame que les marques d'affection et d'intérêt 
dont toutes les classes des habitans m'ont honoré 


pendant mon séjour dans les deux Amériques, 


ALEXx. DE HumBoLpr. 


ESSAI 


SUR LA 


GÉOGRAPHIE DES PLANTES. 


Lzs recherches des botanistes sont généralement dirigées 
vers des objets qui n’embrassent qu'une très-petite partie de 
leur science. Ils s'occupent presque exclusivement de la dé- 
couverte de nouvelles espèces de plantes, de l'étude de leur 
structure extérieure , des caractères qui les distinguent, et 
des analogies qui les unissent en classes et en familles. 

Cette connoiïissance des formes sous lesquelles se présen- 
vent les êtres organisés, est sans doute la base principale de 
l'histoire naturelle descriptive. On doit la regarder comme 
indispensable pour lavancement des sciences qui traitent 

es propriétés médicales des végétaux, de leur culture, ou 
de leur application aux arts: mais si elle est digne d'occuper 
exclusivement un grand nombre de botanistes, si même elle 
est susceptible d’être envisagée sous des points de vue phi- 
losophiques , il n’est pas moins important de fixer la Géo- 
graphie des plantes ; science dont il n’existe encore que le 
nom, et qui cependant fait une partie essentielle de la 
physique générale. 


1 Lu à la Classe des sciences Phys et as de l’Institut natio- 
nal, le 17 Nivôse de l’an 153. 


14 ESSAI 

C'est cette science qui considère les végétaux sous les rap- 
ports de leur association locale dans les différens climats. 
Vaste comme l’objet qu’elle embrasse, elle peint à grands 
traits l’immense étendue qu'occupent les plantes, depuis la 
région des neiges perpétuelles jusqu'au fond de l'Océan, et 
jusque dans M du globe, où végètent, dans des grottes 
obscures, des cryptogames aussi peu connues que les insectes 
qu’elles nourrissent. 

La limite supérieure de la végétation varie, comme celle 
des glaces perpétuelles, selon la distance des lieux au pôle, 
ou selon lobliquité des rayons solaires. Nous ignorons jus- 
qu'où s'étend la limite inférieure des plantes : mais des ob- 
servations exactes, faites sur la végétation souterraine dans 
les deux hémisphères , prouvent que l'intérieur du globe est 
animé partout où des germes organiques ont trouvé un espace 
propre à leur développement, une nourriture analogue à leur 
organisation. Ces cimes pierreuses et glacées que Pœil distin- 
gue à peine au-dessus des nuages, ne sont couvertes que de 
mousses et de plantes licheneuses. Des cryptogames analogues, 
tantôt étiolées, tantôt colorées, se ramifient sur les voûtes des 
mines et des grottes souterraines. Ainsi les deux limites Oppo- 
sées de la végétation produisent des êtres d’une structure sem- 
blable, et dont la physiologie nous est également inconnue. 

La géographie des plantes ne range pas seulement les vé- 
gétaux selon les zones et les hauteurs différentes auxquelles 
ils se trouvent ; elle ne se contente pas de les considérer 
selon les degrés de pression atmosphérique, de température, 
d'humidité et de tension électrique, sous lesquels ils vivent: 


SUR LA GÉOGRAPHIE DES PLANTES. 15 


elle distingue parmi eux, comme parmi les animaux, deux 
classes qui ont une manière de vivre et, si l’on'ose le dire, 
des habitudes très- différentes. 
Les uns croissent isolés et épars : tels sont en EL le 
solanum dulcamara, le lychnis dioica, le polygonum bis- 
torta, Yanthericum liliago, le cratægus aria , le weissia pa- 
ludosa, le polytrichum piliferum, le Jucus saccharinus, le 
clavaria pistillaris, l'agaricus procerus; sous les tropiques, 
le theophrasta americana , le lysianthus longifolius, les 
cinchona, le hevea. D’autres plantes, réunies en société 
comme les fourmis et les abeilles, couvrent des terrains 
immenses, dont elles excluent toute espèce hétérogène : tels 
sont les fraisiers (fragaria vesca), les myrtilles (vaccinium 
myrtillus), le polygonum aviculare, le cyperus Juscus, Vaira 
canescens, le pinus sylvestris, le sesuvium portulacastrum , 
le rhizophora mangle, le croton argenteum, le convolpulus 
brasiliensis, le brathys juniperina, Vescallonia myrtilloides, 
le bromelia karatas, le sphagnum palustre, le polytrichum- 
commune, le fucus natans, le sphæria digitata , le lichen 
hϾmatomma, le cladonia paschalis, le thelephora hirsuta. 
Ces plantes associées sont plus communes dans les zones 
tempérées que sous les tropiques, dont la végétation moins 
uniforme est par cela même plus pittoresque. Depuis les rives 
de l’'Orénoque jusqu'à celles de lAmazone et de l'Ucayale, 
sur une étendue de plus de cinq cents lieues, toute la sur- 
face du sol est couverte d’épaisses forêts ; et si les rivières 
n'en interrompoient pas la continuité, les singes, qui sont 
presque les seuls habitans de ces solitudes, pourroient, en 


16 ESSAI 


’élançant de branche en branche, se porter de lhémisphére 
boréal à l'hémisphère austral. Mais ces immenses forêts n’of- 
frent pas le spectacle uniforme des plantes sociales ; chaque 
partie en produit de formes diverses. Ici on trouve des 
mimoses, des psychotria ou des melastomes, là des lauriers, 
des césalpines, des ficus, des carolinea et des hevea, qui 
entrelacent leurs rameaux : aucun végétal n’exerce son 
empire sur les autres. Il n’en est pas de même dans cette 
région des tropiques qui avoisine le Nouveau-Mexique et le 
Canada. Depuis le 17° au 22.° degré de latitude, tout le pays 
d'Anahuac, tout ce plateau élevé de quinze cents à trois 
mille mètres au-dessus du niveau de la mer, est couvert 
de chênes, et d’une espèce de sapins qui approche du pinus 
strobus. Sur la pente orientale de la Cordillière, dans les 
vallées de Xalapa, on trouve une vaste forêt de liquidam- 
bars : le sol, la végétation et le climat, y prennent le carac- 
ière des régions tempérées; circonstance que l’on n’observe 
nulle part à égale hauteur dans l'Amérique méridionale. 

La cause de ce phénomène paroît dépendre de la struc- 
ture du continent d'Amérique. Ce continent s’élargit vers le 
pôle boréal et se prolonge dans ce sens beaucoup plus que 
l'Europe; ce qui rend le climat du Mexique plus froid qu'il 
ne devroit l'être d’après sa latitude et son élévation sur le 
niveau de la mer. Les végétaux du Canada et ceux des 
régions plus  . ont reflué vers le Sud, et les 
montagnes volcaniques du Mexique sont couvertes de ‘ces 
mêmes sapins qui paroïtroient ne devoir appartenir qu'aux 
sources du Gila et du Missouri. 


SUR LA GÉOGRAPHIE DES PLANTES. 17 


‘En Europe, au contraire , la grande catastrophe qui a 
ouvert le détroit de Gibraltar et creusé le lit de la Médi- 
terranée, a empêché les plantes de l'Afrique de passer de- 
puis lors dans l’Europe australe : aussi en trouve-t-on fort 
peu d'espèces au nord des Pyrénées. Mais les chênes qui 
couronnent les hauteurs de la vallée de Tenochtitlan sont 
des pee identiques avec celles qui existent au quarante- 
cinquième degré, et le peintre qui parcourroit cette partie 
dés pays situés sous les tropiques, pour y étudier le caractèré 
de la végétation, n’y rencontreroit pas la beauté et la va- 
riété de formes que présentent les plantes équinoxiales. Il 
trouveroit, dans le parallèle de la Jamaïque, des forêts de 
chênes, de sapins, de cupressus disticha et d’arbutus ma- 
dronno ; forêts qui présentent toutes le caractère et la mo- 
notonie des plantes sociales du Canada, de l'Europe et de 
l'Asie boréale. 

Ïl seroit intéressant de  . sur des éartes botaniques 
les terrains où vivent ces assemblages de végétaux de la 
même espèce. Ils s’y présenteroient par de longues bandes, 
dont l'extension irrésistible diminue la population des états, 
sépare les nations voisines, et met à à leur communication et 
à leur commerce des obstacles plus forts que les montagnes 
et les mers. Les bruyères, cette association de lerica vulgaris, 
de lerica tetralix, des lichen icmadophila et hæmatomma, 
se répandent depuis l'extrémité la plus septentrionale du Jut- 
land, par le Holstein et le Lunebourg, jusqu’au 52.° degré de 
latitude. De là elles se portent vers POuest, par les sables gra- 
nitiques de Munster et de Breda, jusqu'aux côtes de l'Océan. 


18 ESSAI 


Ces végétaux, depuis une longue suite de siècles, répan- 
dent la stérilité sur le sol et exercent un empire absolu sur 
ces régions : l’homme, malgré ses efforts, luttant contre une 
nature presque indomptable, ne leur a enlevé que peu de 
terrain pour la culture. Ces champs labourés, ces conquêtes 
de lindustrie, les seules bienfaisantes pour l'humanité, for- 
ment, pour ainsi dire, de petits îlots au milieu des bruyères : 
ils rappellent à l'imagination du voyageur ces oasis de la 
Lybie, dont la verdure toujours fraîche contraste avec les 
sables du désert. | 

Une mousse commune aux marais des tropiques et à 
ceux de l'Europe, le Sphagnum palustre, couvroit jadis une 
grande partie de la Germanie. C’est cette mousse qui rendit 
de vastes terrains inhabitables à ces peuples nomades dont 
Tacite nous a décrit les mœurs. Un fait géologique vient à 
l'appui de ce phénomène. Les tourbières les plus anciennes, 
celles qui sont mêlées de muriate de soude et de coquilles 
marines, doivent leur origine à des ulves et à des Jucus : 
les plus nouvelles, au contraire, et les plus répandues , 
naissent du sphagnum et du mnium serpillifolium ; et leur 
existence prouve combien ces cryptogames abondoient jadis 
sur le globe. En abattant les forêts, des peuples agricoles 
ont diminué l'humidité des climats; les marais se sont des- 
séchés, et les végétaux utiles ont gagné peu à peu les plaines 
qu'occupoient exclusivement ces cryptogames contraires à 
la culture. : 

Quoique le phénomène des plantes sociales paroisse ap- 
partenir principalement aux zones tempérées , les tropiques 


SUR LA GÉOGRAPHIE DES PLANTES. 19 


en offrent cependant plusieurs exemples. Sur le dos de la 
longue chaîne des Andes, à trois mille mêtres de hauteur, 
s'étendent le brathis juniperina , le jarava (genre de gra- 
minées voisin du papporophorum), l'escallonia myrtilloides, 
plusieurs espèces de molina, et surtout le tourrettia, dont la 
moelle donne une nourriture que lIndien indigent se dis- 
pute quelquefois avec les ours. Dans les plaines qui sépa- 
rent la rivière des Amazones et le Chinchipe , on trouve 
ensemble le croton argenteum, le bougainvillea et le godoya ; 
comme dans les Savanes de l'Orénoque, le palmier mauritia, 
des sensitives herbacées et des yllingia. Dans ke royaume 
de la Nouvelle-Grenade, le bambusa et les heliconia offrent 
des bandes uniformes et non interrompues par d’autres 
végétaux : mais ces associations de plantes de la même es- 
pèce y sont constamment moins étendues, moins nom- 
breuses, que dans les climats tempérés. 

Pour prononcer sur l’ancienne liaison des continens voi- 
sins , la géologie se fonde sur la structure analogue des 
côtes, sur les bas-fonds de l'Océan, et sur l'identité des 
animaux qui les habitent. La géographie des plantes fournit 
des matériaux précieux pour ce genre de recherches : elle 
peut, jusqu'à un certain point, faire reconnoître les îles 
qui, autrefois réunies, se sont séparées les unes des autres; 
elle annonce que la séparation de lAfrique et de PA 
riqué méridionale s’est faite avant le développement des 
êtres organisés. C’est encore cette science qui montre quelles 
plantes sont communes à l'Asie orientale et aux côtes du 
Mexique et de la Californie; sil en est qui existent sous 

“ 


2@ - ESSAI 


toutes les zones et à toute élévation au-dessus du niveau 
de la mer. C’est par le secours de la géographie des plantes 
que lon peut remonter avec quelque cerütude jusqu'au pre- 
mier état physique du globe : c’est elle qui décide si, après 
la retraite de ces eaux dont les roches coquillières attestent 
l'abondance et les agitations, toute la surface de la terre 
s’est couverte à la fois de végétaux divers, ou si, conformé- 
ment aux traditions de différens peuples , le globe, rendu 
au repos, n’a produit d’abord des plantes que dans une 
seule région, d’où les courans de la mer les ont transportées, 
par la suite des siècles et avec une marche progressive , 
dans les zones les plus éloignées. 

C'est cette science qui examine si, à travers l'immense 
variété des formes végétales, on peut reconnoître quelques 
formes primitives , et si la diversité des espèces doit être 
considérée comme l'effet d’une dégénération qui a rendu 
constantes, avec le temps, des variétés d’abord acciden- 
telles. 

Si] j ’osois tirer des conclusions générales hs phénomènes 
que j'ai observés dans les deux hémisphères, les germes des 
cryptogames me paroîtroient les seuls que la nature déve- 
loppe spontanément dans tous les climats. Le dicranum 
scoparium et le potrtnichum commune, le verrucaria san- 
guinea et le verrucaria limitata de Scopoli, viennent sous 
toutes les latitudes, en Europe comme sous ’équateur, et 
non-seulement sur les chaînes des plus hautes montagnes, 
mais au niveau de la mer même, partout où il y a de 
lombre et de lhumidité. 


SUR LA GÉOGRAPHIE DES PLANTES. 21 


Aux rives de la Madeleine, entre Honda et l'Egyptiaca, 
dans une plaine où le thermomètre centigrade se soutient 
presque constamment de 28 à 30 degrés, au pied des macro- 
cenemum et des ochroma , les mousses forment une pelouse 
aussi belle, aussi verte, que celle que présente la Norwège. 
Si d’autres voyageurs ont assuré que les cryptogames sont 
très-rares sous les tropiques, cette assertion se fondoit sans 
doute sur ce qu'ils ne visitoient que des côtes arides ou 
des ilots cultivés, sans pénétrer assez dans l'intérieur des 
continens. Des plantes licheneuses de même espèce se trou- 
vent sous toutes les latitudes : leur forme paroît aussi in- 
dépendante de l'influence des climats que lest la. nature 
des roches qu’elles habitent. 

Nous né connoissons encore aucune plante phanérogame, 
dont les organes soient assez flexibles pour s'accommoder à 
toutes les zones et à toutes les hauteurs. En vain at-on prétendu 
que l’alsine media, le fragaria vesca et le solanum nigrum, 
jouissoient de cet avantage, qui ne paroit réservé qu'à l’homme 
et à quelques mammifères dont il est entouré. La fraise des 
États-unis et du Canada diffère de celle de l'Europe. Nous 
avons cru, M. Bonpland et moi, découvrir quelques pieds 
de la dernière sur la Cordillière des Andes, en passant de 
la vallée de la Madeleine à celle de Cauca, par les neiges 
de Quindiu. La solitude de ces forêts, composées de styrax, 
de passiflores en arbre et de palmiers à cire, le manque de 
culture dans les environs, et d’autres circonstances, parois= 
sent exclure le soupçon que ces fraisiers y aient été disséminés 
par la main de l’homme ou par des oiseaux ; mais peut- 


29 ESSAI 
être , si nous eussions vu cette plante en fleurs, l’aurions- 
nous trouvée spécifiquement différente du Jfragaria vesca , 
comme le fragaria elatior diffère du Jfragaria virginiana 
par des nuances bien légères : du moins, pendant les cinq 
ans que nous avons herborisé dans les deux hémisphères , 
nous n'avons recueilli aucune plante d'Europe spontanément 
produite par le sol de l'Amérique méridionale. On doit se 
borner à croire que l’alsine media, le solanum nigrum, le 
sonchus oleraceus , Y'apium graveolens, et le portulaca ole- 
racea, sont des végétaux qui, comme les peuples des races 
du Caucase, sont trés-répandus dans la partie boréale de 
l'ancien continent. Nous connoissons encore si peu les pro- 
ductions de l’intérieur des terres, que nous devons nous 
abstenir de toute conclusion générale : nous risquérions d’ail- 
leurs de tomber dans l'erreur de ces géologues qui construi- 
sent le globe entier d’après le modèle des collines qui les 
entourent de plus près. 
Pour décider le grand problème de la migration des végé- 
taux, la géographie des plantes descend dans l’intérieur du 
globe : elle y consulte les monumens antiques que la nature 
a laissés dans les pPétrifications, dans les bois fossiles et les 
couches de charbons de terre, qui sont le tombeau de la 
première végétation de notre planète. Elle découvre des 
fruits pétrifiés des Indes, des palmiers, des fougères en 
arbre, des scitaminées , et le bambou des tropiques, ensevelis 
dans les terres glacées du Nord; elle considère si ces pro- 
ductions équinoxiales, de même que les os d’éléphans , de 
tapirs, de crocodiles et de didelphes, récemment trouvés en 


SUR LA GÉOGRAPHIE DES PLANTES. 23 


Europe, ont pu être portés aux climats tempérés par la force 
des courans dans un monde submergé, ou si ces mêmes 
climats ont nourri jadis les palmiers et le tapir, le croco- 
dile et le bambou. On incline vers cette dernière opinion, 
lorsque l’on considère les circonstances locales qui accom- 
pagnent ces pétrifications des Indes. Mais peut-on admettre 
de si grands changemens dans la température de latmos- 
phère, sans avoir recours à un déplacement des astres, ou 
à un changement dans l'axe de la terre, que l’état actuel de 
nos connoissances astronomiques rend peu vraisemblables ? 
Si les phénomènes les plus frappans de la géologie nous 
attestent que toute la croûte de notre planète fut jadis dans 
un état liquide; si la stratification et la différence des ro- 
ches nous indiquent que la formation des montagnes et la 
cristallisation des grandes masses autour d’un noyau commun 
ne se sont point effectuées dans le même temps sur toute 
la surface du globe; on peut concevoir que leur passage 
de l'état liquide à l’état solide a dû rendre libre une im- 
mense quantité de calorique, et augmenter pour un certain 
temps la température d’une région indépendamment de la 
chaleur solaire : mais cette augmentation locale de tempéra- 
ture auroit-elle été d'aussi longue durée que l'exige la nature 
des phénomènes que lon doit expliquer ? 
Les changemens observés dans la lumiére des astres ont 

pu faire soupconner que celui qui fait le centre de notre 
système subit des variations analogues. Une augmentation 
d'intensité des rayons solaires auroit-elle à de certaines 
époques répandu les chaleurs des tropiques sur les zones 


voisines du pôle? Ces variations, qui rendroient la Laponie 
habitable aux plantes équinoxiales; aux éléphans et aux 
tapirs, sont-elles RUN ou sont-elles l'effet de quel- 
ques causes passagères et ROLE de notre système 
planétaire ? 

Voilà des discussions par lesquelles la géographie des 

plantes se lie à la géologie. C’est en répandant du jour sur 
l'histoire primitive du globe qu’elle offre à l'imagination de 
Vhomme un champ aussi riche qu’intéressant à cultiver. 
. Les végétaux, si analogues aux animaux par rapport à l'ir- 
ritabilité de leurs fibres et aux stimulans qui les excitent, en 
différent essentiellement par rapport à leur mobilité. : La 
plupart des animaux ne quittent leur mère que dans Pétat 
adulte. Les plantes, au contraire, fixées au sol après leur 
développement, ne peuvent voyager que tandis qu’elles sont 
encore contenues dans l’œuf, dont la structure favorise la 
mobilité. Mais ce ne sont pas seulement les vents, les cou- 
rans et les oiseaux, qui aident à la migration des végétaux ; 
c’est l’homme surtout qui s’en occupe. 

Lorsqu'il abandonne la vie errante , il réunit autour Fa 
lui les animaux et les plantes utiles qui peuvent le vêtir et 
lui servir d’alimens. Ce passage de la vie nomade à Pagri- 
culture est tardif chez les peuples du Nord. Dans les régions 
équinoxiales, entre FOrénoque et lAmazone, l'épaisseur des 
bois empêche le sauvage de se nourrir de la chasse : il est 
obligé de soigner quelques plantes, quelques pieds de ja- 
tropha;: de bananier et de solanum, qui servent pour sa 
subsistance. La pêche, les fruits des palmiers, et ces petits 


SUR LA GÉOGRAPHIE DES PLANTES. 25 


terrains cultivés (si j'ose nommer culture la réunion d’un si 
petit nombre de végétaux), voilà sur quoi se fonde la nour- 
riture de ces Indiens de l'Amérique méridionale. L'état du 
sauvage est partout modifié par la nature du climat et du 
sol qu’il habite. Ce sont ces modifications seules qui distin- 
guoient les premiers habitans de la Grèce des Bédouins 
pasteurs, et ceux-ci des Indiens du Canada. 

Quelques plantes, qui font l’objet du jardinage et de 
l’agriculture depuis les temps les plus reculés, ont accom- 
pagné l’homme d’un bout du globe à l’autre. Aïnsi en Europe 
la vigne a suivi les Grecs, le froment les Romains, et le 
coton les Arabes. En Amérique, les Tultèques ont porté 
avec eux le maïs : les patates et le quinoa se trouvent par- 
tout où ont passé les habitans de l’ancienne Condinamarca. 
La migration de ces plantes est évidente; mais leur première 
patrie est aussi peu connue que celle des différentes races 
d'hommes, que nous trouvons déjà sur toutes les parties du 
lobe à l'époque la plus reculée à laquelle remontent les 
traditions. Au sud et à l'est de la mer Caspienne, aux rives 
de lPOxus, dans l’ancienne Colchide, et surtout dans la 
province de Curdistan, dont les hautes montagnes sont per- 
pétuellement couvertes de neige et ont par conséquent plus 
de trois mille mètres d’élévation, le sol est couvert de ci- 
tronniers, de grenadiers, de cerisiers, de poiriers et de tous 
les arbres fruitiers que nous réunissons dans nos jardins. 
Nous ignorons si c’est à leur site natal, ou si, cultivés jadis, 
ils sont devenus sauvages , et attestent par leur existence 
ancienne culture de ces régions. Ce sont ces pays fertiles 

A 7 


26 FSSAI 


situés entre l'Euphrate et l’Indus, entre la mer Caspienne, 
_le Pont-Euxin et le golfe Persique, qui ont fourni les pro- 
ductions les plus précieuses à l'Europe. La Perse nous a 
envoyé le noyer, le pêcher; l'Arménie, labricotier ; l'Asie 
mineure, le cerisier et le marronier ; la Syrie , le figuier, le 
poirier, le grenadier, l'olivier, le prunier et le mürier. Du 
temps de Caton les Romains ne connoissoient encore ni 
cerises, ni pêches, ni mûres. 

Hésiode et Homère font déjà mention de l'olivier cultivé 
en Grèce et dans les îles de l’'Archipel. Sous le règne de 
Tarquin l'ancien, cet arbre n’existoit point encore en Italie, 
en Espagne et en Afrique. Sous le consulat d'Appius Clau- 
dius lhuile étoit encore très-rare à Rome; mais du temps 
de Pline Polivier avoit déjà passé en France et en Espagne. 
La vigne que nous cultivons aujourd’hui n'appartient pas à 
l’Europe : elle paroît sauvage sur les côtes de la mer Cas- 
pienne, en Arménie et en Caramanie. D’Asie elle passa en 
Grèce, et de là en Sicile. Les Phocéens la portèrent dans 
la France méridionale : les Romains la plantèrent sur les 
bords du Rhin. Les espèces de vites que l’on trouve sau- 
vages dans l'Amérique septentrionale, et qui donnèrent le 
nom de terre de vin (Winenland) à la première partie du 
nouveau continent que les Européens ont découverte, sont 
irès- différentes de notre vitis vinifera. 

Un cerisier chargé de fruits orna le triomphe de Lucullus; 
c’étoit le premier arbre de cette espèce que l’on voyoit en 
Italie. Le dictateur lavoit enlevé dans la province de Pont, 
lors de la victoire qu’il remporta sur Mithridate. En moins 


SUR LA GÉOGRAPHIE DES PLANTES. 27 


d'un siècle le cerisier étoit déjà commun en France, en 
Allemagne et en Angleterre. Ainsi homme change à son 
gré la surface du globe, et rassemble autour de lui les 
plantes des climats les plus éloignés. Dans les colonies euro- 
péennes des deux Indes, un petit terrain cultivé présente 
le café de l'Arabie, la canne à sucre de la Chine, lindigo 
de l'Afrique , et une foule d’autres végétaux qui appartien- 
nent aux deux hémisphères. Cette variété de productions 
devient d'autant plus intéressante, qu’elle rappelle à limagi- 
nation de l’observateur une suite d’événemens qui ont ré- 
andu la race humaine sur toute la surface du globe, dont 
elle s’est approprié toutes les productions. 

C’est ainsi que l’homme inquiet et laborieux, en parcourant 
les diverses parties du monde, a forcé un certain nombre de 
végétaux d’habiter tous les climats et toutes les hauteurs ; 
mais cet empire exercé sur ces êtres organisés n’a point dé- 
naturé leur structure primitive. La pomme de terre, culti- 
vée au Chili à trois mille six cents mètres (1936 toises) de 
hauteur, porte la même fleur que celle que lon a intro- 
duite dans les plaines de la Sibérie. L’orge qui nourrissoit 
les chevaux d'Achille étoit sans doute la même que nous 
semons aujourd'hui. Les formes caractéristiques des végétaux 
et des animaux que présente la surfäce actuelle du globe, 
ne paroissent avoir subi aucun changement depuis les épo- 
ques les plus reculées. L'ibis enfoui dans les catacombes 
d'Égypte, cet oiseau dont lantiquité remonte presque à 
celle des Pyramides, est identique avec celui qui pêche au- 
jourd’hui sur les bords du Nil; identité qui prouve évidem- 


28 ÉSSAI 


ment que les énormes dépouilles des animaux fossiles que 
renferme le sein de la terre, nappartiennent pas à des va- 
riétés des espèces actuelles, mais à un ordre de choses 
très- différent de celui sous lequel nous vivons, et trop an- 
cien pour que nos traditions puissent y remonter. 
L'homme, favorisant par la culture les plantes nouvelle- 
ment introduites, les a fait dominer sur les plantes indi- 
gènes ; mais cette prépondérance, qui rend l'aspect du sol 
européen si monotone, et qui désespère le botaniste dans 
ses excursions, n'appartient qu'à cette petite partie du globe 
où la civilisation est devenue plus parfaite, et dans laquelle, 
par une suite nécessaire, la population a le plus augmenté. 
Dans les pays voisins de l'équateur, l'homme est trop foible 
pour dompter une végétation qui cache le sol à ses yeux 
et ne laisse rien de libre que POcéan et les rivières. La 
nature y porte ce caractère sauvage et majestueux près 
duquel disparoissent tous les efforts de la culture. 
L'origine , la première patrie, de ces végétaux les plus 
utiles à l’homme et qui le suivent depuis les époques les 
plus reculées , est un secret aussi impénétrable que la pre- 
imière demeure de tous les animaux domestiques. Nous 
ignorons la patrie des graminées qui fournissent la nourri- 
ture principale aux peuples de la race Mogole et du Caucase ; 
nous ne savons pas quelle région a produit spontanément 
les céréales, le froment, l'orge, lavoine et le seigle. Cette 
dernière graminée paroït même ne pas avoir été cultivée par 
les Romains. On a prétendu avoir trouvé sauvages , l'orge 
aux rives du Samara en Tartarie, le triticum spelta en 


SUR LA GÉOGRAPHIE DES PLANTES. 29 


Arménie, le seigle en Crète, le froment à Baschiros en 
Asie : mais ces faits ne paroissent pas assez constatés ; car 
il est très-facile de prendre pour des plantes spontanément 
produites celles qui, fuyant loin de l'empire de homme, 
ont regagné leur ancienne liberté. Les oiseaux, en dévorant 
les graines des céréales, les disséminent facilement dans 
les bois. Les plantes qui constituent la richesse naturelle de 
tous les habitans des tropiques, le bananier, le carica pa- 
paya, le jatropha manihot, et le maïs, n’ont jamais été 
trouvés dans Pétat sauvage. J’en ai vu quelques pieds aux 
rives du Cassiquiaré et du Rio-Negro : mais le sauvage de 
ces régions , aussi mélancolique que méfiant , cultive de 
petits terrains dans les endroits les plus solitaires ; il les 
abandônne peu de temps après, et les plantes qu'il y a 
laissées paroiïssent bientôt naturelles au sol qui les produit. 
La pomme de terre, cette plante bienfaisante sur laquelle 
se fonde en grande partie la population des pays les plus 
stériles de l'Europe, présente le même phénomène que le 
bananier, le maïs et le froment. Quelques recherches que 
jaie pu faire sur les lieux, je n'ai jamais appris qu'au- 
cun voyageur leût trouvée sauvage, ni sur le sommet de 
la Cordillière du Pérou, ni dans le royaume de la Nouvelle- 
Grenade, où cette plante est cultivée avec le chenopodium 
quinoa. 

Telles sont les considérations que présentent l’agriculture, 
et ses objets variés d’après les latitudes , ou l’origine et les 
besoins des peuples. L'influence de la nourriture, plus ou 
moins stimulante, sur le caractère et l’énergie des passions, 


30 ESSAI 


lhistoire des navigations et des guerres entreprises pour se 
- disputer des productions du règne végétal; voilà des objets 
qui lient la géographie des plantes à l’histoire politique et 
morale de l’homme 

Ces rapports suffiroient sans doute pour montrer l'étendue 
de la science dont j'essaie ici de tracer les limites ; mais 
lhomme sensible aux beautés de la nature y trouve encore 
l'explication de l'influence qu'exerce l'aspect de la végétation 
sur le goût et limagination des peuples. Il se plaira à exa- 
miner en quoi consiste ce que lon nomme le caractère de 
la végétation, et la variété de sensations qu'elle produit 
dans lame de celui qui la contemple. Ces considérations 
sont d'autant plus importantes qu’elles touchent de près 
aux moyens par lesquels les arts d'imitation et la poésie 
descriptive parviennent à agir sur nous. Le simple aspect 
de la nature, la vue des champs et des bois, causent une 
jouissance qui diffère essentiellement de l'impression que 
fait l'étude parüculière de la structure d’un étre organisé, 
Ici, c’est le détail qui nous intéresse et qui excite notre cu- 
riosité ; là, c’est l’ensemble, ce sont des masses, qui agitent 
notre imagination. Quelle impression différente cause l'aspect 
d’une vaste prairie bordée de quelques groupes d'arbres , 
et l'aspect d’un bois touffu et sombre mélé de chênes et 
de sapins ? Quel contraste frappant entre les forêts des 
zones tempérées, et celles de l'équateur, où les troncs nus 
et élancés des palmiers s'élèvent au-dessus des acajous fleu- 
ris, et présentent dans l’air de majestueux portiques ? Quelle 
est la cause morale de ces sensations ? sont-elles produites 


SUR LA GÉOGRAPHIE DES PLANTES. 31 


par la nature, par la grandeur des masses, le contour des 
formes, ou le port des végétaux ? Comment ce port, cette 
vue d’une nature plus ou moins riche, plus ou moins riante, 
influent-ils sur les mœurs et surtout sur la sensibilité des 
peuples ? En quoi consiste le caractère de la végétation des 
tropiques ? quelle différence de physionomie distingue les 
plantes de l'Afrique de celles du nouveau continent ? quelle 
analogie de formes unit les végétaux alpins des Andes à 
ceux des hautes cimes des Pyrénées ? Voilà des questions 
peu agitées jusqu'à ce jour, et qui sont dignes sans doute 
d'occuper le physicien. 

Dans la variété des végétaux qui couvrent la charpente 
de notre planète, on distingue sans peine quelques formes 
générales auxquelles se réduisent la plupart des autres, et 
qui présentent autant de familles ou groupes plus ou moins 
analogues entre eux. Je me borne à nommer quinze de ces 
groupes, dont la physionomie offre une étude importante 
au peintre paysagiste : 1.° la forme des scitaminées (musa, 
heliconia, strelitria); 2° celle des palmiers ; 3.° les fou- 
gères arborescentes ; 4.° la forme des arum, des pothos et 
des dracontium ; 5° celle des sapins (faxus, pinus); 6. 
tous les folia acerosa ; 7° celle des tamarins (mimosa, 
gleditsia, porlieria); 8° la forme des malvacées (sterculia, 
hibiscus, ochroma, cavanillesia) ; 9° celle des lianes (ui 
lis, paullinia) ; 10° celle des orchidées (epidendrum, sera- 
pias); 11 celle des raquettes (cactus) ; 12° celle des 
casuarines , les equisetum ; 15° celle des graminées ; 14.° 
celle des mousses ; 15.° enfin, celle des lichens. 


32 + ESSAI 


Ces divisions physionomiques n’ont presque rien de com- 
mun avec celles que les botanistes ont faites jusqu'à ce jour 
selon des principes très-différens. IL ne s’agit ici que des grands 
contours qui déterminent la physionomie de la végétation , 
et de l’analogie d'impression que recoit le contemplateur de 
la nature, tandis que la botanique descriptive réunit les 
plantes selon affinité que présentent les parties les plus pe- 
tites, mais les plus essentielles, de la fructification. Ce seroit 
une entreprise digne d’un artiste distingué que celle ’étu- 
dier, non dans les serres et dans les livres de botanique, 
mais dans la nature même, la physionomie des groupes de 
plantes dont j'ai fait lénumération. Qüel objet intéressant 
pour un tableau que le tronc antique d’un palmier balan- 
çant ses feuilles panachées au-dessus d’un groupe d’heliconia 
et de bananiers ? Quel contraste pittoresque m'offriroit pas 
une fougère en arbre, environnée des chênes du Mexique? 

C’est dans la beauté absolue des formes, c’est dans lhar- 
monie et. dans le contraste qui naissent de leur assemblage, 
que consiste ce que lon nomme le caractère de la nature 
dans telle ou telle région. Quelques formes, et les plus belles 
(celles des scitaminées, des palmiers et des bambous), man- 
quent entièrement dans les zones tempérées ; d’autres, par 
exemple les arbres à feuilles pinnées , y sont très-rares et 
moins élégans. Les espèces arborescentes y sont en très-petit 
nombre, moins grandes, moins chargées de fleurs agréables 
à la vue. Aussi la fréquence des plantes sociales dont il à 
été parlé plus haut, et la culture de homme, y rendent 
elles Faspect du sol plus monotone. Sous les tropiques, au 


SUR LA GÉOGRAPHIE DES PLANTES. 33 


contraire, la nature s’est plu à réunir toutes les formes. Celle 
des pins paroît y manquer au premier coup d'œil; mais dans 
les Andes de Quindiu, dans les forêts tempérées de l'Oxa et 
au Mexique, il y a des cyprès, des sapins et des genévriers. 

Les formes végétales près de l'équateur sont en général 
plus majestueuses, plus imposantes ; le vernis des feuilles 
ÿ est plus brillant, le tissu du parenchyme plus lâche, plus 
succulent. Les arbres les plus élevés y sont constamment 
ornés de fleurs plus belles, plus grandes et plus odorifé- 
rantes, que celles des plantes herbacées dans les zones tem- 
pérées. L’écorce brûlée de leurs troncs antiques forme le 
contraste le plus agréable avec la jeune verdure des lianes, 
avec celle des pothos, et surtout avec les orchidées, dont 
les fleurs imitent la forme et le plumage des oiseaux qui 
en sucent le nectar. Cependant les tropiques n’offrent jamais 
à nos yeux l’étendue et la verdure des praipies qui bordent 
les rivières dans les pays du Nord: on n’y connoît presque 
pas cette douce sensation d’un printemps qui réveille la 
végétation. La nature, bienfaisante pour tous les êtres, a ré- 
servé pour chaque région des dons particuliers. Un tissu 
de fibres plus ou moins lâche, des couleurs végétales plus 
ou moins vives, selon le mélange chimique des élémens et 
la force stimulante des rayons solaires : voilà quelques-unes 
des causes qui impriment à la végétation dans chaque zone 
du globe un caractère particulier. La grande hauteur à la- 
quelle s’élèvent les terres près de léquateur, donne aux 
habitans des tropiques le spectacle curieux de végétaux 
dont les formes sont les mêmes que dans les plantes d'Europe. 


34 ESSAI 


Les vallées des Andes sont ornées de bananiers et de 
palmiers; plus haut se trouve larbre bienfaisant dont l'écorce 
est le fébrifuge le plus prompt et le plus salutaire. Dans 
cette région tempérée des quinquinas, et plus haut vers 
celle des escallonia, s'élèvent des chênes, des sapins, des 
berberis, des alnus, des rubus, et une foule de genres que 
nous ne croyons appartenir qu'aux pays du Nord. Aussi 
Vhabitant des régions équinoxiales connoît toutes les formes 
végétales que la nature a disposées autour de lui : la terre 
développe à ses yeux un spectacle aussi varié que la voûte 
azurée du ciel, qui ne lui cache aucune de ses constellations. 

Les peuples d'Europe ne jouissent pas du même avantage. 
Les plantes languissantes que lamour des sciences ou un 
luxe raffiné fait cultiver dans les serres, ne leur présentent 
que lombre de la majesté des plantes équinoxiales; beau- 
coup de formes leur restent à jamais inconnues : mais la 
richesse et la perfection de leurs langues, l'imagination et la 
sensibilité des poëtes et des peintres, sont pour eux des 
moyens de compensation. Ce sont les arts d'imitation qui 
retracent à nos yeux le tableau varié des régions équato- 
riales. En Europe, l’homme isolé sur une côte aride peut 
jouir dans sa pensée de laspect des régions lointaines : si 
son ame est sensible aux ouvrages de l'art, si son esprit 
cultivé est assez étendu pour s'élever aux grandes concep- 
tions de la physique générale, du fond de sa solitude, sans 
sortir de ses foyers, il s’approprie tout ce que le naturaliste 
intrépide a découvert en parcourant les airs et FOcéan, en 
pénétrant dans des grottes souterraines, ou en s’élevant sur 


SUR LA GÉOGRAPHIE DES PLANTES. : 99 


des sommets glacés. C’est par là, sans doute, que les lu- 
mières et la civilisation influent le plus sur notre bonheur 
individuel : elles nous font vivre à la fois dans le présent 
et dans le passé; elles rassemblent autour de nous tout ce 
que la nature a produit dans les climats divers, et nous 
mettent en communication avec tous les peuples de la terre. 
Soutenus des découvertes déjà faites, nous pouvons nous 
élancer dans lavenir, et, pressentant les conséquences des 
phénomènes , fixer à jamais les lois auxquelles la nature 
s'est assujettie. C’est au milieu de ces recherches que nous 
nous préparons une jouissance intellectuelle , une liberté 
morale qui nous fortifie contre les coups de la destinée, 
et à laquelle aucun pouvoir extérieur ne sauroit porter 
atteinte. 


TABLEAU PHYSIQUE 


DES 
RÉGIONS ÉEQUATORIALES, 


Dressé sur des mesures et des observations faites 
sur les lieux, ne le dixième degré de lati- 
tude boréale jusqu'au dixième degré de latitude 
australe, pendant les années 1799, 1800, 1801, 
1802 ef 1803. 


Lonsque du niveau de la mer on s'élève aux sommets des 
hautes montagnes, l’on voit changer graduellement laspect 
du sol et la série des phénomènes physiques que présente 
latmosphère. Des végétaux d’une espèce très-différente suc- 
cèdent à ceux des plaines : les plantes ligneuses se perdent 
peu à peu et font place aux plantes herbacées et alpines ; 
plus haut on ne trouve plus que des graminées et des cryp- 
togames. Quelques lichens couvrent Lee rochers, même dans 
la région des neiges perpétuelles. Avec laspect de la végé- 
tation varient aussi les formes des animaux : les mammifères 
qui habitent les bois, les oiseaux qui animent les airs, les 
insectes même qui rongent les racines des plantes, tous 
différent selon la hauteur du sol. 


38 TABLEAU PHYSIQUE 


Fixant attentivement les yeux sur la nature des roches 
qui composent la croûte du globe, lobservateur les voit 
aussi changer à mesure qu'il s'éloigne du niveau de la mer. 
Tantôt les formations plus neuves qui couvrent le granit 
de la plaine, ne sélèvent que jusqu'à une certaine hauteur; 
et vers la cime des montagnes reparoît cette même roche 
primitive qui sert de base à toutes les autres, et qui cons- 
titue l’intérieur de notre planète aussi avant que nos foi- 
bles: travaux ont pu pénétrer. Tantôt cette roche granitique 
demeure cachée sous d’autres d’une formation plus récente. 
Des pics élevés de plus de quatre mille mètres (2053 toises) 
au-dessus du niveau actuel de l'Océan, renferment des bancs 
de coquilles et de coraux pétrifiés. Souvent de petits cônes 
épars de basalte, de roche verte (Grünstein) et de schiste 
porphyrique , couronnent la crête des hautes montagnes, et 
offrent à la géologie des problèmes difficiles à résoudre. Le 
minéralogiste voit varier les phénomènes selon l'élévation du 
sol, comme le naturaliste voit varier les plantes et les ani- 
maux : mais l'air, ce mélange de fluides gazeux qui enve- 
loppe notre planète et dont nous ignorons l'étendue , l'air 
offre des différences non moins frappantes. À mesure que 
nous nous éloignons du niveau de l'Océan, la température 
de Pair et sa pression diminuent; en même temps sa séche- 
resse et sa tension électrique augmentent : le bleu du ciel 
paroît plus foncé en raison de la hauteur à laquelle on sélève. 


? Les mines les plus profondes de l'Europe ont quatre cent huit mètres 
(209 toises) de profondeur pere la grande mine de Valeneiana au 
Mexique à cinq cent seize mètres (266 toises). 


DES RÉGIONS ÉQUATORIALES. 39 
Cette même hauteur influe sur le décroissement de la gra- 
vitation, sur le degré de chaleur qu’acquiert leau bouillante, 
sur l'intensité des rayons solaires qui traversent l'atmosphère, 
et sur les réfractions qu’ils subissent dans leur passage. C’est 
ainsi que lobservateur , s’éloignant du centre de la terre 
d’une quantité qui paroît infiniment petite si on la compare 
au rayon, se transporte pour ainsi dire dans un monde 
nouveau, et découvre plus de variations dans l'aspect du 
sol et les modifications de l'atmosphère, qu’il n’en éprou- 
veroit en passant d’une latitude à une autre. 

Ces variations se présentent dans toutes les régions où la 
nature a formé des chaînes de montagnes ou des plateaux éle- 
vés sur le niveau de l'Océan; mais elles sont moins marquées 
dans les zones tempérées que vers l'équateur, où les Cordil- 
lières s'élèvent de cinq à six mille mètres (2565 à 3078 toises) 
de hauteur, et où chaque élévation jouit d’une température 
uniforme et constante. Dans la proximité du pôle boréal se 
trouvent des montagnes presque aussi colossales que celles du 
royaume de Quito, et dont l’agroupement n’a été que trop 
souvent attribué à l'effet de la rotation du globe. Le mont 
S. Élie , situé sur la côte de l'Amérique ‘opposée à l'Asie, 
sous les 60° 21’ de latitude boréale, a cinq mille cinq cent 
douze mètres (2829 toises); le pic du Beau-Temps, situé 
sous les 59 degrés de latitude boréale, a quatre mille cinq cent 
quarante-sept mêtres (2334 toises) de hauteur.’ Dans notre 


! Viaje al Estrecho de Fuca, por Don Dionisio Galeano ÿ Don Cajetano 


Valdes; p. LXV. 


40 TABLEAU PHYSIQUE 

latitude moyenne de 45 degrés, le Mont-Blanc s'élève à quatre 
mille sept cent cinquante-quatre mètres (2440 toises), et 
lon pourra le regarder comme la cime la plus élevée de 
tout l'ancien continent, jusqu’à ce que des voyageurs intré- 
pides aient mesuré la chaîne de montagnes située au nord- 
ouest de la Chine, et que l'on a annoncée comme surpassant 
la hauteur du Chimborazo. Mais dans les régions boréales , 
dans la zone tempérée, à 45 degrés, la limite de la neige per- 
pétuelle, qui est en même temps la limite de toute organisa- 
tion, n’est qu'à deux mille cinq cent trente-trois mètres (1300 
toises) au-dessus du niveau de la mer. Il en résulte que, 
pour développer la variété des êtres organisés et des phéno- 
mènes météorologiques, la nature ne trouve sur les mon- 
tagnes des zones tempérées que la moitié de l'étendue que 
lui offrent les tropiques, où la végétation ne cesse qu'à 
quatre mille sept cent quatre-vingt-treize mètres (2460 
toises) de hauteur. Dans nos latitudes boréales, obliquité 
des rayons solaires et l’inégale durée des jours élèvent tel- 
lement en été la température de Fair des montagnes, que 
la différence de la chaleur des plaines et de celle qui règne 
à quinze cents mètres, est souvent imperceptible : c’est par 
cette raison que beaucoup de plantes qui croissent au pied 
de nos Alpes, se trouvent également à de grandes hauteurs. 
Les rigueurs du froid qu’elles y supportent dans les nuits 
d'automne, ne détruisent pas leur organisation ; elles éprou- 
veroient le même abaissement de température, quelques mois 
plus tard, dans les plaines. Quelques plantes alpines des 
Pyrénées descendent très-bas dans les vallées ; elles y trou- 


DES RÉGIONS ÉQUATORIALES. 41 
vent une chaleur à laquelle elles seroient aussi quelque- 
fois exposées dans une station plus élevée. 

Sous les tropiques, au contraire, sur la vaste étendue de 
quatre mille huit cents mètres de hauteur, sur cette pente 
rapide qui s'élève depuis la surface de l'Océan jusqu'aux 
glaces perpétuelles, les climats divers se succèdent et sont 
pour ainsi dire superposés. À chaque hauteur la tempéra- 
ture de Pair ne subit que de légers changemens; la pression 
de lair atmosphérique , l'état hygroscopique de l'air, sa 
charge électrique, tout y suit des lois inaltérables, et d'autant 
plus faciles à reconnoître que les phénomènes y sont moins 
compliqués. Il résulte de cet état des choses, que chaque 
hauteur sous les tropiques, présentant des conditions. parti- 
culières , offre aussi des productions variées selon la nature 
de ces circonstances, et que dans les Andes de Quito:, dans 
une zone de deux mille mètres (1000 toises) de largeur 
horizontale, on découvrira une plus grande variété de for- 

mes que dans une zone égale sur la pente des Pyrénées. 
J'ai essayé de réunir dans un seul tableau l’ensemble des 

phénomènes physiques que présentent les régions équinoxiales, 
depuis le niveau de la mer du Sud jusqu'au sommet de la 
plus haute cime des Andes. Le même tableau indique : 

La végétation ; 

Les animaux ; 

Les rapports géologiques ; 

La culture; 

La température de Pair; 

Les limites des neiges perpétuelles ; 


, 


42 TABLEAU PHYSIQUE 


La constitution chimique de l'atmosphère ; 

Sa tension électrique ; 

Sa pression barométrique ; 

Le décroissement de la gravitation ; 

L'intensité de la couleur azurée du ciel ; 

L’afloiblissement de la lumière pendant son passage 
par les couches de l'aire 

Les réfractions horizontales , et le degré de Yetu bouil- 
lante à différentes hauteurs. 

On a joint, pour faciliter la comparaison de ces phéno- 
mènes avec ceux des zones tempérées, un grand nombre 
de hauteurs mesurées dans les différentes parties du globe, 
et la distance à laquelle ces hauteurs peuvent être apercues 
sur mer, faisant abstraction de la réfraction terrestre. 

Ce tableau embrasse pour ainsi dire toutes les recherches 
dont je me suis occupé pendant mon expédition aux tro- 
piques. C’est le résultat d’un grand nombre de travaux que 
je prépare pour le public, et dans lesquels se trouvera dé- 
veloppé ce que je n'ai pu qu'indiquer ici. Jai osé penser 
que cet essai ne seroit pas seulement intéressant par ce 
qu'il offre en Îui-même aux yeux du physicien; j'ai cru 
qu'il le seroit bien plus encore par les combinaisons et les 
rapprochemens qu’il fera naître dans l’esprit de ceux qui s’oc- 
cupent de la physique générale. Cette science, qui constitue 
sans doute une des parties les plus belles des connoissances 
humaines, ne peut faire de progrès que par l'étude indivi- 
duelle, et la réunion de tous les phénomènes et de toutes 

les productions que présente la surface du globe. Dans ce 


DES RÉGIONS ÉQUATORIALES. 43 
grand enchaînement de causes et d'effets, aucun fait ne peut 
être considéré isolément. ‘équilibre général qui règne au 
milieu de ces perturbations et de ce trouble apparent, est 
le résultat d’une infinité de forces mécaniques et d'attractions 
chimiques qui se balancent les unes par les autres; et si 
chaque série de faits doit être envisagée séparément pour y 
reconnoître une loi particulière, l'étude de la nature, qui 
est le grand problème de la physique générale , exige la 
réunion de toutes les connoissances qui traitent des ny 
fications de la matière. 

J'ai pensé que si mon tableau pouvoit faire naître des 

; rapprochemens inattendus dans l'esprit de ceux qui en étu- 
dieront les détails, il seroit susceptible en même temps de 

parler à l'imagination et de lui procurer une partie de ces 

Jouissances que fait naître la contemplation d’une nature 
aussi majestueuse que bienfaisante. En effet, cette multitude de 

formes développées sur la pente d’une des Cordillières; cette 

variété de structure adaptée au climat de chaque hauteur et 

à sa pression barométrique; cette couche de neige éternelle 

qui pose des bornes irrésistibles à l'étendue de la végétation, 

mais qui sous léquateur même recule ses bornes de deux 

mille trois cents mêtres (1200 toises) plus haut que dans 

nos climats; ce feu volcanique qui s'ouvre un passage, tantôt 

dans des collines basses comme le Vésuve, tantôt à des dlé- 

vations presque cinq fois plus grandes, comme dans le cône 

élancé du Cotopaxi; ces coquilles pétrifiées , trouvées au 

sommet des hautes montagnes, et rappelant les grandes ca- 

tastrophes de notre planète; enfin, ces régions élevées de 


44 TABLEAU PHYSIQUE 


Vair vers lesquelles un courage intrépide et le zèle le plus 
noble pour les sciences ont guidé le physicien aéronaute: : 
tous ces objets sans doute sont capables d'occuper notre 
imagination , et de nous élever aux conceptions les plus 
sublimes. Cest ainsi qu'en parlant à l’esprit et à limagina- 
tion à la fois, un tableau physique des régions équatoriales 
pourroit non - seulement intéresser ceux qui s'occupent des 
sciences physiques, mais encore exciter à cette étude des 
personnes qui ignorent combien de plaisirs sont attachés 
au développement de notre intelligence. 

En énonçant ces idées, j'ai moins été occupé du tableau 
que je présente ici et dont je connois moi-même la grande 
imperfection, que de l'étendue dont je crois susceptible ce 
genre de travail. Le public, qui m’honore d’une si grande 
indulgence , ne me la refusera pas pour cet essai, qui 
a été rédigé au milieu d’un grand nombre d’occupations : 
très-hétérogènes. Si les nouvelles entreprises auxquelles je 
me prépare m'en laissent le loisir, je me flatte de pouvoir 
donner à mon tableau, avec le temps, un plus haut degré 
de perfection : car il en est des cartes botaniques comme 
de celles que nous nommons exclusivement géographiques; 
on ne parvient à leur donner de l'exactitude qu'à mesure 
que s’augmente le nombre des bonnes observations. 

J'ai dessiné ce tableau pour la première fois dans le port 
de Huayaquil, en Février 1803, revenant de Lima par la 
mer du Sud, et me préparant à la navigation d’Acapulco. 


1 M. Gay-Lussac. 


DES RÉGIONS ÉQUATORIALES. 45 
J'envoyai une copie de cette première esquisse à Santa-Fé- 
de-Bogota, à M. Mutis, qui m'honore d’une bonté particu- 
lière. Personne n’étoit plus en état que lui de prononcer sur 
la justesse de mes observations, et de les étendre, au moyen 
de celles qu'il a faites lui-même pendant quarante années de 
courses dans le royaume de la Nouvelle-Grenade. Ce grand 
botaniste, qui, malgré son éloignement de l'Europe, a suivi 
les progrès de notre physique, M. Mutis, a observé les végé- 
taux des tropiques à toutes les hauteurs. Il a herborisé dans 
les plaines de Carthagène , sur les bords de la rivière de la 
Madeleine, et sur les collines de Turbaco, ornées de gus- 
tavia augusta , d’anacardium caracoli, et de nectandra 
sanguinea. Il a vécu long-temps sur les plateaux élevés de 
Pamplona, de Mariquita, et sur celui d’Ibagué, dont le ciel 
toujours serein et le climat délicieux me rappelleront à jamais 
les souvenirs les plus agréables. MH a gravi les cimes neigées 
des Andes, ces régions glacées vers lesquelles végètent Pes- 
callonia myrtilloides, le wintera granatensis, et le befaria, 
qui est constamment chargé de fleurs et qu'on pourroit 
nommer la rose des Alpes de ces contrées M. Mutis, 
que les mesures barométriques qu’il a exécutées ont mis 
à même de juger de la hauteur des stations, a pu, mieux 
qu'aucun botaniste , rassembler des observations intéres- 
santes sur la géographie des plantes. M. Haenke , qui 
a accompagné l'infortuné Malaspina dans ses navigations , 
doit avoir fait un grand nombre d'observations analogues 
aux miennes : ce botaniste infatigable vit depuis plus de 
dix ans dans la haute chaîne des Andes de Cochabamba, 


46 TABLEAU PHYSIQUE 


qui réunit les montagnes du Potosi à celles du Brésil. MM. 
Sessé et Mocin, qui ont porté à l’Europe les richesses 
végétales du Mexique, ne manqueront pas aussi d’avoir ob- 
servé de leur côté la grande variété de plantes que nourrit 
le sol de la Nouvelle-Espagne , depuis les côtes d’Yucatan 
et de la Vera- Cruz jusqu'aux cimes neigées de Sitlaltepetl 
(Pic d'Orizava) et du Popocatepec. Mais mon séjour au 
Mexique et aux États- Unis, et quelques autres circofistances 
particulières, m’ont empêché de profiter des conseils de ces 
savans distingués , dont les lumières auroient pu nvêtre 
d’un grand secours. 

Le dessin que j'avois fait à Huayaquil a été exécuté à 
Paris en grand par M. Schœnberger, dont le rare talent est 
connu en France et en Allemagne, et qui m’honore depuis 
beaucoup d'années d’une amitié particulière. Son peu de 
loisir ne lui ayant pas permis de donner à cette esquisse 
tout le détail d’exécution qu'il faut pour la gravure, M. 
Turpin à bien voulu se charger de faire le tableau que je 
présente aujourd’hui au public. Également distingué comme 
peintre et comme botaniste, il a exécuté cette géographie 
des plantes avec le goût qui caractérise tous ses ouvrages. 
Un dessin qui par sa nature est assujetti à des échelles, 
n'est pas susceptible d’une exécution très- pittoresque : tout 
ce qu'exige la précision ie est contraire à l'effet. 
La végétation ne devroit étre vue qu'en une masse semblable 
à le que présente une carte militaire. Cependant j'ai cru 
que pour les régions voisines de la mer on pourroit se 
permettre de représenter un bois de scitaminées et de pal- 


DES RÉGIONS ÉQUATORIALES. 47 


miers élevant dans l'air leurs troncs élancés. L’œil distingue 
dans le tableau les limites de cette région : il voit les pal- 
miers se perdre peu à peu parmi les autres arbres, et 
ceux-ci faire place aux plantes herbacées , auxquelles suc- 
cèdent peu à peu les graminées et les cryptogames. Des per- 
sonnes de goût auroient désiré peut-être qu'on n’eût point 
placé d'observations autour du dessin de la Cordillière ; 
et qu'on les eût toutes reléguées près des échelles que pré- 
sente la marge du tableau; mais dans un travail de ce genre 
il a fallu consulter deux intérêts opposés, l'effet et lexac: 
titude. Cest au public à juger si nous avons réussi en 
quelque manière à vaincre les difficultés qui se sont oppo- 
sées à l’exécution de ce dessin. 

Le tableau des régions équatoriales renferme les phéno- 
mènes physiques qu'offrent la surface du globe et latmos- 
phère, depuis le 10.° degré de latitude boréale jusqu’au 10.° 
degré de latitude australe. Il auroit été peu exact d'étendre 
cette zone plus près des limites des tropiques, à cause de 
la grande différence que l’on observe, non-seulement dans 
les productions du sol, mais surtout dans les phénomènes 
météorologiques, entre les 10.° et 23.° degrés de latitude. 

D’après les mesures géodésiques que j'ai exécutées au 
Mexique, la limite des neiges perpétuelles ne descend encore, 
sous le 19. degré de latitude boréale, que jusqu’à quatre mille 


1 Il sera utile d'observer que dans tout le cours de cet ouvrage, partout où 
le contraire n’est pas indiqué, on s’est servi du thermomètre centigrade et de 
la mesure linéaire du mètre, mais de l’ancienne division du temps et des degrés 
de latitude. . 


48 TABLEAU PHYSIQUE 


six cents mètres ne toises), c’est-à-dire deux cents mètres 
(100 toises) plus bas que sous l'équateur. Mais le voisinage des 
zones tempérées , les courans qui s’établissent dans latmos- 
phère, la direction que prend le vent alizé selon esp 
dans lequel il souffle, et d’autres causes qui tiennent à la con- 
figuration des continens, donnent aux régions situées sous les 
20.° et 23.° degrés de latitude boréale un climat et à leur végé- 
tation un caractère auxquels on ne devroit pas s'attendre sous 
les tropiques. Les sapins de la Nouvelle - Espagne montent 
jusqu'à trois mille neuf cent trente - quatre mètres (2019 
toises) de hauteur, et à mille mètres (500 toises) au-dessous 
de la neige perpétuelle on trouve encore des troncs d’un 
mètre d'épaisseur ; tandis que sous les 5. et 6.° degrés de lati- 
tude les arbres élevés cessent déjà à trois mille cinq cent huit 
mètres (1800 toises). À l’ile de Cuba le thermomètre baisse 
quelquefois en hiver jusqu’à zéro, et souvent pendant plu- 
sieurs jours. Au niveau de l'Océan il ne se soutient qu’à 
sept degrés du thermomètre centigrade, tandis qu’à la Vera- 
Cruz et à S. Domingue, dans des latitudes un peu plus 
australes, on ne le voit pas au-dessous de dix-sept degrés. 

Dans le royaume de la Nouvelle-Espagne, on a vu tomber 
de la neige dans la capitale du Mexique, et dans la province 
de Michoacan même, à Valladolid, quoique le sol de ces 
villes ne soit élevé que de deux mille deux cent soixante 
quatre mètres (1163 toises), et de dix-huit cent soïxante- 
dix mètres (959 toises), au-dessus du niveau de la mer. 

Depuis l'équateur jusqu’au 4.° degré de latitude, il ne neige 

qu'au-delà de quatre mille mètres (2000 toises) d’élévation. 


DES RÉGIONS ÉQUATORIALES. 49 


D’après ces données sur la végétation et sur le climat des 
régions qui avoisinent la zone tempérée, il seroit imprudent 
de vouloir réunir dans un même tableau les phénomènes 
qui se présentent dans toute l’étendue des tropiques. Au- 
delà du.10.° degré de latitude boréale ou australe, le sol 
et l'atmosphère ne portent plus tout le caractère des régions 
équatoriales. 

Ces régions sont représentées dans mon dessin par une 
coupe verticale qui, dirigée de l'est à l’ouest, passe par la 
haute Cordillière des Andes. On distingue d’un côté, à 
l’ouest, le niveau de la mer du Sud, qui dans ces parages 
mérite le nom d’Océan pacifique; car depuis le 12.° degré de 
latitude australe jusqu’au 5.° degré de latitude boréale, mais 
seulement dans ces limites, sa tranquillité n’est jamais trou- 
blée par des vents impétueux. Depuis cette côte occidentale 
jusqu'à la Cordillière se prolonge une plaine qui est très- 
étendue du nord au sud, mais qui n’a que vingt à trente 
lieues de large de louest à lest : c’est la vallée du Pérou, 
présentant, au nord de 4° 50! de latitude australe, une 
végétation aussi riche que majestueuse, mais aride et dé- 
nuée de plantes au sud de ce parallèle. Le sol, couvert de 
sables granitiques, de coquilles et de sel gemme, porte 
toutes les traces d'un pays qui a été long-temps inondé par 
les eaux de l'Océan. Dans cette vallée, depuis les collines 
d’Amotape jusqu'à Coquimbo, les habitans ignorent l’exis- 
tence de la pluie et du tonnerre, tandis qu'il pleut abon- 
damment au nord de ces collines, et que les orages y sont 
aussi furieux que fréquens. J’ai fait passer la coupe de la 

7 


50 TABLEAU PHYSIQUE 


Cordillière des Andes par la cime la me élevée, stnée 
à 1° 27! de latitude australe, et o° 19/ à louest de la 
ville de Quito : c’est le sommet du 7 EE que les 
académiciens françois n’ont mesuré qu'approximativement. 
M. de la Condamine, dont le voyage renferme les vues les 
plus belles sur la géologie et la physique générale, dit que 
le Chimborazo a environ six mille deux cent soixante- 
quatorze mètres (3220 toises); le géomètre espagnol Don 
Jorge Juan le trouva de six mille cinq cent quatre-vingt-six 
mètres (3380 toises) : différence considérable puisqu'elle va à 
trois cent douze mètres (160 toises). D’après la belle carte des 
côtes du Pérou, publiée par le Deposito hydrografico de 
Madrid, l'expédition de Malaspina a jugé le Chimborazo de 
sept mille quatre cent quatre-vingt-seize vares (6352 mètres 

3258 toises) de hauteur. Une mesure géodésique que 
j'ai exécutée près de la nouvelle ville de Riobamba, dans la 
grande plaine volcanisée de Tapia, donne au Chimborazo, 
en supposant la réfraction d’un quatorzième de l'arc, trois 
mille six cent quarante mètres (1868 toises) au-dessus de la 
plaine de Tapia ; or M. Gouilly a trouvé, en calculant mes 
observations barométriques d’après la formule de M. Laplace, 
que cette plaine est élevée de deux mille huit cent quatre- 
vingt-seize mètres (1485 toises) au-dessus du niveau de la 
mer : la hauteur totale du Chimborazo seroit par conséquent 
de six mille cinq cent trente-six mètres (3354 toises). En 
employant la nouvelle formule de réfraction que M. Laplace 
a bien voulu me, communiquer et qu'il va publier incessam- 
ment, le résultat de ma mésure géodésique se change en 


DES RÉGIONS ÉQUATORIALES.. ba 


trois mille six cent quarante-huit mètres (1872 toises), et 
la hauteur totale du Chimborazo est de six mille cinq cent 
quarante-quatre mètres (3358 toises). Ce nombre se rap- 
proche plus de lévaluation de Don Jorge Juan que de celle 
de M. de la Condamine ; mais il ne faut pas oublier que ce 
dernier géomètre, employant peut-être la formule: baromé- 
trique de Bouguer, et ne faisant pas de correction de tem- 
pérature, a dû nécessairement trouver une hauteur plus 
petite de cent quatre-vingts mètres (92 toises) que la mienne, 
dans le calcul de laquelle ces corrections ont été employées. 
Aussi la différence des suppositions relativement à la hauteur 
du baromètre au niveau de la mer nous écarte davantage 
dans la mesure de lélévation absolue. Les mesures exécutées 
dans la Conde des Andes ne peuvent être qu'à demi 
géométriques et à demi barométriques, et cette complication 
rend peu comparables deux opérations calculées d’après des 
méthodes très-différentes. La longueur de ma base de dix- 
sept cent deux mètres (873 toises), les précautions qu’on a 
prises pour la niveler, et la nature de mes angles, semblent 


devoir inspirer quelque confiance dans le résultat de ma 


1 Les grandes différences que l’on trouve entre les hauteurs que les é- 
miciens françois et espagnols assignent aux mêmes montagnes, différences ui 
grandes que ce les qui résulteroient de l'incertitude de la hauteur pe du 
‘ signal de Caraburu, font croire que l’évaluation de la hauteur du Chimborazo a 
été modifiée par les différentes hypothèses Fe calcul barométrique. Si, au con- 
traire, comme un passage de la Figure de la terre par Bottguer l'annonce, la hau- 
teur absolue de toutes les cimes dépend de la mesure géodésique de la pyramide 
d'Ilinissa, faite depuis Niguas, alors il faut encore moins s'étonner de ces 
férences. Je discuterai dans un autre endroit les sources d'erreurs que pré- 


sente cette opération compliquée 


\ 


52 TABLEAU PHYSIQUE 


mesure. Le sommet du Chimborazo est un grand segment, 
de cercle, un dôme qui a quelque ressemblance avec l’as- 
pect du Mont-Blanc. Il a été impossible de bien rendre 
cette forme sur la planche qui est jointe à cet Ouvrage ; 
mais je prépare une vué pittoresque de cette montagne 
colossale, dont j'ai mesuré les contours avec le sextant ; 
et je la publierai un jour. 

Derrière le Chimborazo s'élève, dans le tableau, un cône 
élevé de cinq mille sept cent cinquante-deux mètres (2952 
toises); c’est la cime du Cotopaxi, dont le volcan forme , 
avec ceux du Tungurahua et du Sangay, les plus actifs de la 
province de no I est presque cinq fois plus élevé que le 
Vésuve, qui n’a que onze cent quatre-vinet-dix-sept mètres 
(615 toises) : mais il n’est pas le volcan le né élevé du globe; 
il cède en hauteur à l’Antisana , dans lequel, à cinq mille huit 
cent trente-deux mètres (2993 toises), on découvre plusieurs 
petites bouches, dont j'ai vu fumer l’une en 1802. Dans la 
nature, le Cotopaxi n’est pas si rapproché du Chimborazo 
qu'il le paroït dans mon dessin. Si l’on avoit voulu y con- 
-server les vraies distances horizontales ; si, comme dans 
l'Atlas géologique que je publierai sous peu, on devoit y 
représenter les inégalités du sol dans une région donnée, il 
auroit fallu figurer, au lieu du Cotopaxi, le volcan de Car- 
gueirazo, montagne qui s’est aflaissée par un écroulement, 
le 19 Juillet 1698, et qui est adossée au Chimborazo, Mais 
outre le peu d'intérêt qu’ inspire aujourd’hui le  Cargucirazo, 
qui ne présente plus que les ruines de son ancienne gran- 
deur, j'avois un motif bien puissant de préférer le Cotopaxi. 


DES RÉGIONS ÉQUATORIALES. 53 


C'est le volcan dont j’entendis les mugissemens. souterrains 
dans le port de Huayaquil, lorsque j'étois occupé à faire 
la première esquisse de ce tableau. La bouche du Cotopaxi : 
se trouvoit à quarante-deux lieues marines de distance, et 
cependant ses explosions ressembloient aux décharges répé- 
tées d’une batterie. En 1744, le mugissement de ce volcan 
se fit entendre à Honda et à Monpox, villes situées dans 
un éloignement de deux cent vingt lieues. Si le Vésuve 
avoit Le même intensité de force élan en on devroit 
entendre son bruit, d’après cet exemple, jusqu'à Dijon ou 
à Prague. L’élévation à laquelle est représentée la fumée du 
Cotopaxi n’est pas arbitraire ; elle est conforme aux me- 
‘sures faites par M. de la Condamine, qui jugea que les 
flammes montèrent, en 1738, à plus de neuf cents mètres 
(461 toises) au-dessus du sommet de la montagne. C’est 
pendant ces explosions que ce volcan, comme d’autres du 
royaume de Quito, vomit d'immenses quantités d’eaux dou- 
ces hydro-sulfureuses , de l'argile carburée mélée de soufre, 
et des poissons à peine défigurés par la chaleur et qui 
forment une nouvelle espèce? du genre Pimelodus. 
Il est presque superflu d'ajouter que la projection de la 
Cordillière est assujettie à une échelle seulement pour sa 
hauteur ; mais que cette même échelle ne peut point servir 


? Le cratère du Cotopaxi a près de neuf cent trente mètres (478 toises ); 
celui du Rucupichincha, près de quatorze cent soixante-trois mètres (751 toi- 
ses) de diamètre : tandis que le cratère du Vésuve n’a que six cent six mêtres 
(312 toises). 

? Le pimelodus cyclopum, que jai décrit dans un mémoire particulier. Voyez 
le premier cahier de mes Observations de s0ologie et d'anatomie comparée. 


54 TABLEAU PHYSIQUE 


aux distances. Les montagnes les plus élevées sont encore 
si basses en les comparant aux mesures de distances, que le 
Chimborazo , par exemple, n’auroit que quatre millimètres 
(2 lignes) de haut sur un dessin in-folio qui devroit repré- 
senter un terrain de deux cents lieues de long; une hauteur 
égale à celle du Vésuve y deviendroit même entièrement invi- 
sible. D'un autre côté, pour représenter d’après l'échelle que 
J'ai adoptée pour les hauteurs, je ne dis pas tout le profil 
de l'Amérique méridionale, mais seulement celui de la petite 
vallée contenue entre la mer du Sud et la pente orientale 
des Andes, il faudroit une feuille qui fût quarante fois plus 
longue que le format de cet ouvrage ; par conséquent, en 
représentant en profil une grande partie du globe, les 
échelles de hauteur et de distance ne peuvent pas être 
identiques : circonstance qui empêche de bien rendre la con- 
figuration du terrain , parce qu’elle fait paroître toutes les 
pentes infiniment plus rapides qu'elles ne le sont dans la 
nature. J’aurai bientôt occasion de discuter les avantages et 
les désavantages de ces projections, soit dans mon Essai 
sur la Pasigraphie minéralogique , soit dans l'Atlas géolo- 
gique que je compte publier aussitôt que mes observations 
astronomiques et mes mesures SE nes seront suffisam- 
ment vérifiées. 

La pente orientale des Andes est représentée dans le 
tableau un peu plus douce que la pente occidentale : c’est 
ainsi que la nature a construit cette partie de la Cordillière 
par laquelle la coupe a été faite. Je suis d’ailleurs très- 
éloigné de croire que cette conformation soit aussi générale 


DES RÉGIONS ÉQUATORIALES. st) 


que Buffon et d’autres physiciens célèbres l’ont cru. Lors- 
qu'on considère combien peu est connue la pente orientale 
des Andes, et combien ‘il est facile de confondre les chaînes 
latérales avec la haute crête qui sépare les immenses plaines 
du Beni, du Puruz et de l'Ucayale, de la vallée étroite du 
Pérou, il faut s'abstenir de toute conclusion générale sur la 
déclivité plus ou moins rapide des deux pentes. En passant 
la Cordillière des Andes par le Paramo de Guamani, où 
Pinca avoit un palais à trois mille trois cents mètres (1704 
toises) de hauteur, et où j'ai dessiné des constructions qui 
se rapprochent des cyclopéennes ; en descendant vers la 
rivière des Amazones, et en montant dé la province de 
Jaen de Bracamorros à Micuipampa, j'ai reconnu que sous 
les 3° et 6.° degrés de latitude australe la pente orientale 
est beaucoup moins douce que celle qui est opposée à la 
mer du Sud. M. Haenke a fait la même observation dans la 
province de Cochabamba et dans les montagnes fertiles de 
Chiquitos. Près de Santa-Fé-de-Bogota la descente orientale 
de la Cordillière est si rapide qu'aucun Indien n’a pu par- 
venir aux plaines de Casanare par le Paramo de Chingasa. 

La crevasse que j'ai figurée sur la pente orientale de la 
Cordillière , rappelle à limagination de l'observateur une 
de ces vallées étroites que des tremblemens de terre parois- 
sent avoir ouvertes dans les Andes. Quelques-unes d'elles 
sont si profondes que le Vésuve, le Schneekoppe de la Si- 
lésie, et le Puy-de-Dôme de Auvergne, pourroient y être 
placés sans que leur cime égalât la crête des montagnes 


qui bordent la vallée de plus près. Celle de Chota, dans 


56 TABLEAU PHYSIQUE 


le royaume de Quito, a quinze cent soixante-six mêtres (804 
toises); celle du Rio-Cutacu, au Pérou, a plus de treize cent 
soixante- quatre mêtres (700 toises) de profondeur perpen- 
diculaire : et cependant leur fond reste encore élevé d’une 
égale quantité de mètres au-dessus du niveau de la mer. 
Leur largeur n’est souvent pas de douze cents mêtres (500 
toises), et elles retracent au géologue l’image d'immenses 
filons que la nature n’a pas remplis de substances métalliques. 
Aux Pyrénées aussi la crevasse d'Ordesa, près du Mont- 
Perdu, a, selon M. Ramond, huit cent quatre - vingt - seize 
mètres (459 toises) de profondeur moyenne. 

A lextrémité la plus orientale du profil se voient les côtes 
de  locéan Atlantique, les plaines du Para et du Brésil. 
Pour indiquer combien cette partie du dessin devroit être 
plus longue que le reste, on y à interrompu cette plaine 
immense dans laquelle coulent la rivière des Amazones et 
le Rio-Negro. 

J'ai rendu compte jusqu'ici des phénomènes géologiques 
que j'ai tenté de représenter dans les contours de ce profil. 
Jetons les yeux sur son intérieur. C’est la géographie de la 
végétation équinoxiale qui y est développée dans le plus 
grand détail que permettent les limites d’une seule planche. 
Nous avons rapporté, M. Bonpland et moi, des herbiers 
de plus de six mille espèces de plantes des tropiques , que 
nous avons recueillies nous-mêmes pendant le cours de 
nos herborisations. Ayant été occupés en même temps 
d'observations astronomiques et de mesures géodésiques et 
barométriques, nos manuscrits contiennent des matériaux 


DES RÉGIONS ÉQUATORIALES. 57 


pour déterminer exactement la position et les hauteurs des 
végétaux. Nous y trouvons l'étendue de la zone que chacun 
d'eux occupe en latitude, le maximum et le minimum de 
leur élévation , la nature de la roche sur laquelle ils crois- 
sent, et la température dont ils jouissent dans leur lieu natal. 
D’après nos observations, j'ai placé sur le tableau , le 
compas à la main, le nom des plantes que la nature fait 
naître entre deux Émites déterminées. Chaque. nom la été 
écrit d’après FPéchelle en mètres qui se trouve à côté du 
dessin. Pour indiquer que la plante occupe une certaine 
étendue sur la pente de la Cordillière, le nom a souvent 
été écrit obliquement. On s’est contenté de marquer le nom 
générique lorsque toutes les espèces connues du même 
genre croissent à peu près à la même hauteur. C’est ainsi 
que lescallonia, le wintera, le befaria et le brathys, ne se: 
trouvent sous léquateur qu'à de très-grandes élévations ; 
tandis que lavicennia , le coccoloba, le cæsalpinia et le 
bombax , ne viennent que dans des endroits voisins du 
niveau de la mer. Le cadre étroit dans lequel j'ai resserré 
ces résultats, ne m'a permis de nommer qu'un petit nombre 
d'espèces : si le public honore cet essai de quelque intérêt, 
j'étendrai ce travail dans des cartes spéciales pour lesquelles 
tous les matériaux sont déjà préparés. Mais comment indi- 
quer, dans le tableau général, cent cinquante espèces de 
melastoma , cinquante-huit psychotria, trente - huit passi- 
flores, et plus de quatre cents graminées, que nous rap- 
portons des Réin équatoriales, et dont la plupart cependant 
ne végètent qu'à de certaines hauteurs que la nature leur a 


58 TABLEAU PHYSIQUE 


désignées? Souvent je me suis vu dans la nécessité de répéter 
a. fois le nom du même genre, pour indiquer que 
quelques espèces viennent à cinq cents (256 toises) et d’au- 
tres à trois mille mètres (1539 toises) d’élévation. Revenu 
depuis peu de mois en Europe, je n'ai pas osé ajouter à ce 
tableau le grand nombre de genres nouveaux que nous allons 
publier, mais sur les noms desquels nous sommes encore 
incertains : jy ai désigné seulement quelques végétaux cu- 
rieux que l’on grave dans ce moment, et qui paroîtront 
sous peu dans le premier et le second fascicules de nos 
Plantes équinoxiales, tels que le cusparia Jebrifuga (Yarbre 
précieux qui donne le cortex angosturæ , genre nouveau, à 
feuilles ternées et alternes), le matisia cordata, et le pal- 
mier à cire (ceroxylon andicola), que M. Bonpland a 
décrit dans un mémoire particulier. 

Pour réunir les idées que lon doit avoir de la station des 
végétaux sous un point de vue plus général et plus digne de 
la physique, j'ai divisé cette carte botanique en régions, 
selon lanalogie des formes que présentent les différentes élé- 
vations. On a gravé le nom de ces régions en caractères plus 
grands, comme on désigne les provinces sur les cartes ordi- 
naires. C'est ainsi qu'en s’élevant de l'intérieur du globe ou 
de la profondeur des mines aux cimes glacées des Andes, 
œil découvre d’abord la région des plantes souterraines. Ce 
sont des cryptogames d’une structure souvent bizarre, que 
Scopoli a fait connoître le premier, et sur lesquelles j'ai 
publié un ouvrage particulier (Æloræ Jfribergensis Prodromus, 


plantas ci yptogamicas, præsertim subterraneas, recensens, 


DES RÉGIONS ÉQUATORIALES. 59 


1700). Elles sont spécifiquement différentes des cryptogames 
que lon trouve à la surface du globe, et elles paroissent , 
comme un grand nombre de celles-ci, indépendantes de la 
latitude et du climat. Végétant dans une obscurité profonde 
et perpétuelle, elles tapissent les parois des grottes souter- 
raines et la charpente qui soutient les travaux des mineurs. 
J’ai reconnu les mêmes espèces (boletus ceratophora, lichen 
verticillatus, boletus botr ytes, gymnodermea sinuata, byssus 
speciosa) dans les mines de l'Allemagne, de l'Angleterre 
et de l'Italie, comme dans celles de la Nouvelle-Grenade 
et du Mexique, et, dans l’hémisphère austral, dans celles de 
Hualgayoc au Pérou. 

Au niveau de ces cryptogames souterraines végèlent , au 
fond de FOcéan et dans une obscurité non moins intense, 
des fucus et quelques espèces d’ubva, que lon retre avec 
la sonde, et dont la he verte re à la physique 
un problème intéressant à résoudre. 

Abandonnant cette multitude de végétaux souterrains , 
nous nous trouvons transplantés dans une région où la na- 
ture s’est plu à réunir les formes les plus majestueuses , 
et à les grouper de la manière la plus agréable à la vue : 
c'est la région des palmiers et des scitaminées , qui du 
niveau de POcéan s'étend jusqu'à mille mêtres (515 toises); 
c’est la patrie des musa ; des heliconia, des alpinia, des 
liliacées les plus odoriférantes et des palmiers. C’est dans 
ce climat brûlant que végètent le theophrasta, le plumeria, 
le mussænda, le cæsalpinia, le cecropia peltata, l’ymencæa, 
le baume de Tolu , et le cusparé ou quinquina de Carony. 


Go HA TABLEAU PHNSIQUE 


Sur les côtes arides de la mer, à ombre des cocotiers , 
du laurus persea et du mimosa inga, se trouvent l'allionid, 
le conocarpus, le rhizophora mangle, les convolvulus litto- 
ralis et brasiliensis, le talinum, Vavicennia, le cactus . 
kia, et le sesuvium portulacastrum. 

Quelques végétaux de cette région offrent des singularités 
frappantes , et forment des exceptions remarquables aux 
lois de la végétation générale. Les palmiers de l'Amérique 

méridionale, comme ceux de l’ancien continent, ne peuvent 

supporter le froid des hautes montagnes ; ils cessent vers 
mille mètres (513 toises) d’élévation. Un seul palmier des 
Andes présente le phénomène extraordinaire de ne végéter 
qu'a une hauteur égale à celle du Mont-Cenis, et de 
se trouver encore à des hauteurs égales à celle du Canigou. 
Le ceroxylon andicola, le seul palmier des Alpes que lon 
connoisse jusqu'à ce jour, croît dans les Andes de Quindiu 
et de Tolima, sous 4° 25’ de latitude boréale, depuis dix- 
huit cent soixante jusqu'à deux mille huit cent soixante- 
dix mètres (954 à 1472 toises) de hauteur. Son tronc ; 
couvert d’une cire dont M. Vauquelin vient de faire l'ana- 
lyse, a jusqu'à cinquante-quatre mètres de long. 

Dans lhistoire de l'expédition de Famiral Cordoba, on 
annonce avoir trouvé un palmier dans des ravins au dé- 
troit de Magellan , par conséquent sous le 53.° degré de 
latitude australe, Cette notice est d'autant plus frappante 
qu'il est impossible de confondre un palmier avec un autre 
végétal , si ce n’est avec une fougère arborescente , dont 
Vexistence au détroit ne seroit pas moins curieuse. En 


DES RÉGIONS ÉQUATORIALES. 61 


Europe le chamærops et le dattier ne vont que jusqu’à 
43° 4o' de latitude. 

Les scitaminées, et surtout les espèces d’heliconia déjà 
décrites, ne viennent aussi que jusqu'à huit cents mètres 
(410 toises) de hauteur. Près de la cime de la Silla de 
Caracas, nous avons trouvé, à deux mille cent cinquante 
mètres (1103 toises) au-dessus du niveau de la mer, une 
espèce de scitaminée de trois à quatre mètres (9 à 12 pieds) 
de haut, et en si grande abondance que nous avons eu 
beaucoup de peine à nous frayer un passage à travers : 
nous ne l'avons pas vue en fleur, mais d’après tout son port 
c’étoit une nouvelle espèce d’Aeliconia, qui résiste à la basse 
température de ces hauteurs. Le sesuvium portulacastrum, 
qui couvre les côtes de Cumana, végète abondamment dans 
la plaine de Pérote, à lest de la ville de Mexico, à deux 
mille trois cent quarante mètres (1200 toises) d’élévation , 
dans un terrain imprégné de carbonate et de muriate de 
soude. Les plantes des marais salans me paroissent en géné- 
ral moins sensibles aux différences de température et de 
pression barométrique. 

Au-dessus de la région des palmiers et des scitaminées 
se trouve celle des fougères arborescentes et celle des cin- 
chona. Cette dernière a beaucoup plus étendue que celle 
des fougères en arbre, qui n'aiment que les climats tem- 
pérés, ou les hauteurs comprises entre quatre cents et 
seize cents mètres (205 et 820 toises). Les quinquinas, au. 
contraire, s'élèvent jusqu'à deux mille neuf cents mêtres 
(1487 toises) au-dessus du niveau de la mer. Lies espèces 


62 TABLEAU PHYSIQUE 


de cinchona qui souffrent le moins du froid, sont le cin- 
chona lancifolia et le cinchona cordifolia de M. Mutis : 
celles qui descendent le plus bas dans les plaines sont le 
cinchona oblongifolia et le cinchona longiflora. J'ai trouvé 
de beaux arbres du dernier , même à sept cent qua- 
rante mêtres (379 toises) de hauteur. Le fameux quinquina 
de Loxa, qui croît dans les forêts de Caxanuma et d'Uri- 
tucinga , et qui est très-différent du quinquina orangé de 
Santa-Fé, végète depuis dix-neuf cents jusqu’à deux mille 
cinq cents mètres (975 à 1282 toises) C’est une espèce 
qui a quelque analogie avec le cinchona glandulifera de la 
Flore du Pérou, mais qui en diffère essentiellement. Elle 
n'a été découverte jusqu'à ce jour que près de Loxa, entre 
le Rio-Zamora et le Rio-Cachiyaco, dans la province de 
Jaen de Bracamorros, près du village de Sagique, et dans 
une petite partie du Pérou, près de Huancabamba. Elle y 
croit sur le schiste micacé; et pour faire oublier entière- 
ment le nom inexact de cinchona officinalis, nous la dé- 
signerons sous le nom de cinchona condaminea , parce 
que c’est l'illustre astronome M. de la Condamine qui Pa 
dessinée le premier sur les lieux. 

Quelques voyageurs ont annoncé avoir découvert du 
quinquina à des hauteurs de quatre mille six cents mètres 
(2360 toises), tout près de la limite inférieure de la neige 
perpétuelle ; mais ils ont méconnu le wintera, et quelques 
espèces de weinmannia, dont les écorces contiennent du 
tannin en abondance et sont aussi employées ayec succès 
comme fébrifuges. Nous n’avons vu aucun arbre du vrai genre 


DES RÉGIONS ÉQUATORIALES. 63 


Cinchona au-dessus de deux mille neuf cents ni au-dessous 
de sept cents mètres (1487 et 359 toises) de hauteur; car le 
quinquina des Philippines décrit par Cavanilles, et celui qui 
a été récemment découvert à Pile de Cuba, dans la vallée 
des Guines, presque au niveau de la mer, Re appar- 
tenir à un genre différent. 

Le caoutchouc est fourni par des végétaux peu analogues 
entre eux, par des ficus, le hevea, un lobelia, le ur. 
et plusieurs euphorbes. Le camphre existe aussi dans des 
plantes qui n'appartiennent pas au même genre : en Asie on 
le retire d’un laurier ; au Pérou, dans la province fertile de 
Cochabamba, on pourroit le retirer d’un arbuste didyname 
que M. Haenke a découvert en abondance près d’Ayopaya. 
Le fruit d'un myrica et le tronc d’un palmier donnent 
de la cire. Des produits dont les propriétés chimiques sont 
les mêmes, sont fournis par des végétaux d’une structure 
très-différente : il en est de même du principe fébrifuge 
du quinquina, qui existe dans des plantes qui n’appartien- 
nent pas au même genre. 

Le cusparé des plaines de ue près de la ville d'Upatu, 
cet arbre majestueux qui donne le cortex angosturæ, est 
d’un genre très-différent des cinchona. Le cuspa où quina 
de Cumana, dont nous n’avons pas pu jusqu'à présent nous 
procurer la fleur, a des feuilles alternes sans stipules : il n’ap- 
partent pas au genre Cinchona, quoiqu'il soit difficile à 
un chimiste de distinguer linfusion du cuspa de celle du 
quinquina jaune de Santa-Fé. Sur les côtes de la mer du 
Sud, à l’ouest de Popayan, près d'Atacamez, croît un arbre 


QU -: TABLEAU-PHYSIQUE 


qui. a des propriétés du cinchona et du wintera, et qui 
sans doute diffère aussi de ces deux genres. Le cusparé de 
la Guiane , le cuspa de la Nouvelle- Andalousie, et la cas- 
carilla d’Atacamez, végètent tous trois au niveau de la mer, 
et la nature prépare dans leurs sucs un principe analogue 
à celui que les vrais quinquinas fournissent à deux mille huit 
cents mètres (1436 toises) de hauteur. 

Je publierai, dans la relation de mon Voyage aux tro-. 
piques , une carte botanique du genre Cinchona. Elle in- 
diquera les sites des deux hémisphères dans lesquels se 
trouve cet arbre intéressant. On verra qu'il se prolonge dans 
la Cordillière des Andes sur plus de sept cents lieues de 
long. On y suivra les cinchona depuis le Potosi et la Plata, 
situés sous le 20.° degré de latitude australe, jusqu'aux mon- 
tagnes neigées de Sainte-Marthe, sous le 11.° degré de lati- 
tude boréale. Toute la pente orientale des Andes, au sud 
de Huanuco, près des mines de Tipuani, dans les environs 
d'Apollobamba et d’Yuracarées, est une forêt non interrom- 
pue de quinquinas. M. Haenke la suivie jusques près de 
Santa-Cruz-de-la-Sierra. Il paroît que cet arbre ne se porte 
pas plus loin à l’est; car on n’en a pas découvert jusqu’à ce 
jour dans les montagnes du Brésil, quoique la Cordillière 
de Chiquitos paroisse les lier avec les Andes du Pérou. De- 
puis la Paz les cinchona se prolongent, par les provinces de 
Gualias et Guamalies, à Huancabamba et Loxa. Ils descendent 
à l'est dans la province de Jaen de Bracamorros, et couron- 
nent même les collines voisines de la rivière des Amazones, 
près du célèbre détroit de Manseriche. Depuis Loxa le quin- 


DES RÉGIONS ÉQUATORIALES. 65 


quina s'étend, dans le royaume de Quito, jusqu'à Cuença et 
Alausi : il abonde à l’est du Chimborazo ; mais il paroït man- 
quer éntiérement dans tout le haut plateau de Riobamba et 
de Quito, comme aussi dans celui de la province de Pasto 
Jusqu'à Almaguer. Les grandes catastrophes volcaniques 
auxquelles ce pays est fréquemment exposé, y ont-elles di- 
minué le nombre des espèces ? En général, nous avons 
observé que la végétation y est moins variée que dans d’au- 
tres régions également élevées au-dessus du niveau de Océan. 
Au nord d’Almaguer , que j'ai trouvé à 1° 51° 57 de lati- 
tude boréale, dans la province de Popayan , le quinquina 
reparoît de nouveau en abondance. Il suit presque sans 
interruption , par les Andes de Quindiu, la Vega-de-Supia, 
les collines fertiles de Mariquita, Guaduas et Pamplona , 
jusqu'aux montagnes de Merida et de Sainte-Marthe, où 
des sources bouillantes et hydro - sulfureuses mélent leurs 
eaux à celles des neiges fondues. 

La Silla-de-Caracas et quelques montagnes de la province: 
de Cumana (le Tumiriquiri, les environs du couvent de 
Caripé et le col de Guanaguana) sont élevées de treize cents 
à deux mille cinq cents mètres (667 à 1282 toises), et par 
conséquent elles jouissent d’une fraîcheur assez grande pour 
que les cinchona puissent y végéter. Il en est de même 
dans le royaume de la Nouvelle-Espagne, dont le haut pla- 
téau à un climat entièrement semblable à celui du Pérou. 
Cependant, ni dans la province de Cumana , ni au Mexique, 
on n’a découvert jusqu'à présent de cinchona. La cause de 
ce phénomène dépendroit-elle du peu de montagnes qui 


9 


66 TABLEAU PHYSIQUE 


avoisinent les hautes cimes de Sainte-Marthe et celles ‘de 
Guamoco ? La crête de la Coïdillière des Andes disparoît 
presque entièrement entre le golfe de Cupique et les bouches 
du Rio-Atracto. L'isthme de Panama est plus bas que la 
limite inférieure des cinchona. Cette plante, dans sa migra- 
tion vers le Nord, a-t-elle trouvé des obstacles dans le 
climat trop brûlant de ces contrées ? ou ne découvrira-t-on 
pas avec le temps du quinquina dans les belles forêts de 
Xalapa, à l’est de la Vera-Cruz, où l'aspect du sol, les 
fougères arborescentes, les melastoma en arbres, le climat 
tempéré et lhumidité de Fair, paroissent à chaque pas 
annoncer au botaniste cet arbre bienfaisant et vainement 
cherché jusqu’à ce jour dans cette contrée ? 

Dans la région tempérée des cinchona croissent quelques 
liliacées, par exemple, le cypura et le sisyrinchium, les melas- 
toma à grandes fleurs violettes, des passiflores en arbres, 
hautes comme nos chênes du Nord, le bocconia frutescens, 
le thibaudia, le fuchsia, et des alstræmeria d'une rare 
beauté. C’est là que s'élèvent majestueusement les macrocne- 
mum, les lysianthus, et les cucullaires. Le sol y est couvert 
de 4œhlreutera, de weissia, de dicranum, de tetraphis et 
d’autres mousses toujours vertes. Les ravins cachent le 
gunnera, le dorstenia, des oxalis, et une multitude d’arum 
inconnus. Vers les dix-sept cents mètres (872 toises) d’élé- 
vation se trouvent le porlieria hygrometrica , dont nous 
devons la connoissance à MM. Ruiz et Pavon, les citrosma 
à feuilles et fruits odoriférans, les eroteum, les hypericum 
baccatum et cayenense, et de nombreuses espèces de sym- 


DES RÉGIONS ÉQUATORIALES. 67 


plocos. Au-delà des deux mille deux cents mètres (1129 
toises), nous n'avons plus trouvé de mimoses dont les feuilles 
irritables se ferment au contact : le frais de ces hautes 
régions assigne cette limite à leur irritabilité. Depuis les 
deux mille six cents mètres (1334 toises), et surtout à la 
hauteur de trois mille mètres (1539 toises), les acæna, le 
dichondra ; le nierembergia, les hydrocotie, le nerteria et 
lalchemilla , forment un gazon épais. C’est la région des 
weinmannia, des chênes, du vallea stipularis, et des sper- 
macoce. Le mutisia y grimpe sur les arbres les plus élevés. 

Les chênes (quercus granatensis) ne commencent dans 
les régions équatoriales qu'au-dessus de dix-sept cents mè- 
tres (872 toises) d’élévation. Au Mexique, sous les 17.° 
22° degrés de latitude, je les ai vus descendre jusqu’à huit 
cents mètres (410 toises). Ce sont eux qui quelquefois pré- 
sentent sous l’équateur le tableau du réveil de la nature au 
printemps : ils perdent toutes leurs feuilles, et on les voit 
alors en pousser d’autres, dont la jeune verdure se méle à 
celle des epidendrum qui croissent sur leurs branches. 

Le cheirosthemon, nouveau genre des malvacées, dont M. 
Cervantes, professeur de botanique au Mexique, a publié 
une monographie intéressante , se trouve aussi dans ces 
régions élevées ; mais cet arbre, dont la fleur a une confi- 
guration si bizarre, n’a pas été découvert jusqu'ici dans les 
Andes du Pérou. On n’en a connu pendant long-temps qu'un 
seul individu , dans les faubourgs de la ville de Tolueca , 
au Mexique. Il paroît sauvage dans le royaume de Guati- 


À 


mala, et le fameux arbre à main de Toluca a vraisembla- 


68 TABLEAU PHYSIQUE 


blement été planté par quelques Rointzièques. Les jardins 
d'Iztapalapan , dont Hernandez a encore vu les débris, attes- 
tent le goût que des peuples, que nous nommons sauvages 
et barbares, avoient pour la culture et pour les beautés du 
règne végétal. 

Près de l'équateur les grands arbres, ceux dont le tronc 
excède vingt à trente mètres (10 à 15 toises), ne s'élèvent 
pas au-delà de deux mille sept cents mètres (1385 toises) 
de hauteur. Depuis le niveau de la ville de Quito, les ar- 
bres sont moins grands, et leur élévation n’est pas compa- 
rable à celle que les mêmes espèces atteignent dans les climats 
les plus tempérés. A trois mille cinq cents mètres (1796 
toises) de hauteur cesse presque toute végétation en arbres ; 
mais à cette élévation les arbustes deviennent d'autant plus 
communs : c’est la région des berberis, des duranta Ellisi 
et Mutisü, et des barnadesia. Ces plantes caractérisent la 
végétation des plateaux de Pasto et de Quito, comme celle 
de Santa-Fé est caractérisée par les polymnia et les datura 
en arbres. Les castilleja integrifolia et Jissifolia, le colu- 
mella, le bel embothryum emarginatum , et le clusia à 
quatre anthères , sont communs dans cette région. Le sol 

est couvert d’üune multitude de calcéolaires, dont la 
corolle à couleur dorée contraste agréablement avec la ver- 
dure du gazon sur lequel elles s'élèvent. La nature leur a 
surtout assigné une zone : elle commence à un degré de 
latitude boréale. MM. Ruiz et Pavon, qui ont fait de savan- 
tes recherches au Chili, pourront indiquer jusqu'où les 
calcéolaires s'étendent lhémisphère austral. Plus haut, 


DES RÉGIONS ÉQUATORIALES. 69 


sur le sommet de la Cordilliére, depuis deux mille huit 
cents. Jusqu'à trois mille trois cents mètres (1436 à 1693. 
toises) d’élévation, se trouve la région des swintera et des 
escallonia. Le climat froid, mais constamment humide, de 
ces hauteurs que les indigènes nomment paramos , produit 
des arbrisseaux dont le tronc, court et carboné, se divise . 
en une infinité de branches couvertes de feuilles coriaces 
et d’une verdure luisante. Quelques arbres de quinquina 
orangé, des embothrium, et des melastoma à fleurs violettes 
presque pourprées, s'élèvent à ces hauteurs. L'alstonia, dont 
la feuille séchée est un thé salutaire, le swintera granatensis 
et lescallonia tubar, qui étend ses branches en forme de 
parasol, y forment des groupes épars. A leur pied crois- 
sent de petites lobelia, des basselles , et le swertia HER 
cornis. 

Encore plus haut, à trois mille cinq cents mètres (1796 
toises), cessent les plantes arborescentes , ainsi que je lai 
dit précédemment. Seulement au volcan de Pichincha, 
dans une vallée étroite qui descend de Guagua - Pichincha , 
nous avons découvert un groupe de singenèses en arbre , 
dont les troncs s'élèvent à sept ou huit mètres (21 ou 24 
pieds). Depuis deux mille jusqu'à quatre mille cent mètres 
(1026 à 2103 toises) s'étend la région des plantes alpines : 
c'est celle des.stæhelina, des gentianes, et de l’espeletia frai- 
lexon, dont les feuilles servent souvent d'abri aux 
malheureux Indiens que la nuit surprend dans ces régions. 
La pelouse y est ornée du lobelia nana, du sida pichin- 
chensis, du ranonculus Gusmani, du ribes Jrigidum , du 


70 TABLÉAU PHYSIQUE 


gentianà quitensis, et de beaucoup d’autres espèces nou- 
velles que nous décrirons dans nos Plantes équinoxiales. 
Les molina sont les sous-arbrisseaux que nous avons ren- 
contrés le plus haut au volcan de Purasé, près de Popayan, 
et à celui d’Antisana. 

A la hauteur de quatre mille cent mètres (2103 toises), 
les plantes alpines font place aux graminées’, dont la région 
s'étend jusqu'à quatre mille six cents mètres (2360 toises). 
Les jarava, les stipa, une multitude de nouvelles espèces 
de panicum , d'agrostis, d'avena et de dactylis, y couvrent 
le sol. Il présente de loin un tapis doré, que les habitans 
du pays nomment pajonal. La neige a. de temps en 
temps sur cette région des graminées. 

A quatre mille six cents mètres (2360 toises), ae de pha- 
nérogames sous l'équateur. Depuis cette limite jusqu’à la neige 
perpétuelle, les plantes licheneuses seules couvrent les rochers. 
Quelques-unes paroissent même se cacher sous les glaces éter- 
nelles ; car à cinq mille cinq cent cinquante-quatre mètres 
(2850 toises) de hauteur, vers le sommet du Chimborazo, 
j'ai trouvé sur une arête de rocher l'umbilicaria pustulata et 
le verrucaria geographica : ce sont les derniers êtres orga- 
nisés que nous ayons vus fixés au sol à ces grandes hauteurs. 

Voilà les phénomènes principaux de la végétation que 
présente le tableau physique des régions équatoriales ; il 
seroit à désirer qu’on en eût un semblable pour l'Europe. 
Que de données ne contiennent pas les ouvrages classiques 


à 


3 La Condamine , Voyage à l'Équateur, pag. 48. 


DES RÉGIONS ÉQUATORIALES. CA 


de MM. Pallas, Jacquin, Wulfen, Lapeyrouse, Schranck ; 
Villars, Host, et d’un grand, nombre de naturalistes voya- 
geurs. Les botanistes célèbres qui ont parcouru les Alpes 
de Salzbourg, du Tyrol et de la Styrie, ceux qui ont visité 
les hautes cimes de la Suisse et de la Savoie, en forme- 
roient des cartes botaniques bien plus complètes que l’essai 
que j'offre aujourd’hui au public. Qui posséderoit plus de 
matériaux précieux pour ce travail que celui’ qui, sur le 
sommet glacé des Pyrénées, a découvert cet immense dépôt 
de débris organiques, qui, également savant en géologie et 
en botanique, réunit à lart de bien observer le talent heu- 
reux de parler à l'imagination ? 

J'ai développé plus haut les causes pour lesquelles les 
phénomènes de la géographie des plantes ne peuvent pas 
être si variés ni si constans sous le 45.° degré de latitude 
qu'ils le sont sous ’équateur. Malgré ce désavantage, le 
Tableau physique des climats tempérés ne laisseroit. pas 
d’être très-intéressant. Au centre, on verroit le Mont-Blanc, 
dans la haute chaîne des montagnes d'Europe, s'élever 
à quatre mille sept cent soixante-quinze mètres (2448 
toises). Les pentes de cette chaîne se prolongeroient d’un 
côté vers locéan Atlantique, et de lautre vers le bassin 
de la Méditerranée, où les chamærops, les dattiers et plu- 
sieurs plantes du mont Atlas annoncent la proximité de 
l'Afrique. La neige perpétuelle descendroit dans ce tableau 

deux mille cinq cent cinquante mètres (1307 toises) 


1 L'auteur des Observations faites dans les D énées, et des Voyages au Mont- 
Perdu, M. Ramond. 


72 TABLEAU PHYSIQUE 

‘élévation au-dessus de la mer, c’est-à-dire, à une hau- 
teur à laquelle végètent sous l'équateur les palmiers à cire, 
les quinquinas et les arbres les plus vigoureux. C’est ainsi 
que la zone contenue entre le niveau de l'Océan et les 
neiges perpétuelles, est en Europe presque de moitié plus 
étroite que sous les tropiques ; mais la calotte de neige qui 
couvre les sommets les plus élevés de l'Europe, le Mont- 
Blanc et le Mont-Rose, est de six cents mètres (308 toises) 
plus large que celle qui couvre le Chimborazo. Sur les roes : 
escarpés qui s'élèvent au-dessus de la neige perpétuelle, et 
qui restent nus à cause de la rapidité de leur pente, végè- 
tent, dans les Alpes qui entourent le Mont-Blanc, à plus 
de trois mille cent mètres (1590 toises) d’élévation , l’an- 
drosace chamæjasma, Jacq.; le silene acaulis, qui descend 
jusqu'à quinze cents mètres (769 toises), et que Saussure 
a trouvé à trois mille quatre cent soixante-huit mètres (778 : 
toises); le saxifraga androsacea, le cardaiine alpina, Vara- 
bis cærulea, Jacq., et le draba hirta de Villars, qui est le 
draba stellata, Wild. C’est à ces grandes hauteurs que s’élè- 
vent aussi, depuis la plaine, le myosolis perennis, et l'an- 
drosace carnea , ayant graduellement la tige plus petite. La 
dernière finit par être uniflore, et se trouve depuis mille 
Jusqu'à trois mille cent mètres (513 à 1590 toises). Dans: 
les Pyrénées, les régions les plus élevées, depuis deux mille 
quatre cents jusqu'à trois mille quatre cents mètres (1231 
à 1744 toises), sont ornées de cerastium lanatum , Lam. , 
de saxifraga grænlandica , saxifraga androsacea , arelia 
alpina et d'artemisia rupéstris. Le cerastium lanatum ne 


: DES RÉGIONS ÉQUATORIALES. 75 


descend pas même au-dessous de deux mille six cents 
mètres (1333 toises). Aux Alpes végètent, depuis deux mille 
cinq cents jusqu'à trois mille cent mètres (1282 à 1590 
toises), sur les débris des rochers et les graviers qui entou- 
rent les neiges éternelles, et sur les glaciers les plus élevés, 
le saxifraga biflora, Allion., le saxifraga oppositifolia , 
l'achillea nana , Yachillea atrata, Vartemisia glacialis, le 
gentiana niwalis, le ranunculus alpestris, le ranunculus 
glacialis, et le juncus trifidus. Dans la haute chaîne des 
Pyrénées se trouvent, à trois mille mètres (1539 toises) de 
hauteur, et même à quinze cents mètres (769 toises) plus 
bas, le potentilla lupinoides, Wild., le silene acaulis, le 
sibbaldia procumbens , les carex curvula et carex nigra, 
Allion., le sempervivum montanum et le sempervivum arach- 
noideum, Varnica scorpioides , landrosace villosa et landro- 
sace carnea. Aux Alpes, entre deux mille trois cents et deux 
mille cinq cents mètres (1180 et 1282 toises), hauteur où 

aboutit le bord des neiges et des glaciers, non sur des 
pierres, mais sur un sol fertile, dans des prairies humectées 
par de leau de neige fortement oxigénée, aux Alpes crois- 
sent, sur un gazon d'agrostis alpina, les saxifraga aspera 
et bryoides , le soldanella alpina , le viola biflora , le 
primula farinosa, le primula viscosa, l'alchemilla penta- 
phytllea, le salix herbacea qui #élève plus haut que toute 
autre plante ligneuse, le salix reticulata et le salix retusa. 
Le tussilago farfara et le statice armeria montent aussi 
depuis les plaines jusqu'à deux mille six cents mètres (1333 
toises) de hauteur. Aux Pyrénées se trouvent, à ces éléva- 


10 


7Â TABLEAU PHYSIQUE 
tions, le scutellaria alpina, le senecio persicifolius, le 
ranunculus alpestris, le ranunculus parnassifolius , le ga- 
lium pyrenaicum, et Varetia vitaliana. Au-dessus de la 
limite inférieure des neiges perpétuelles, entre quinze cents 
et deux mille cinq mètres (769 et 1028 toises) de hauteur, 
végètent aux Alpes de la Savoie leriophorum Scheuchzert, 
leriophorum alpinum , le gentiana purpurea , le gentiana 
grandiflora , le saxifraga stellaris, Vazalea procumbens , 
le tussilago alpina. Dans les Pyrénées viennent, à égale hau- 
teur, le passerina geminiflora, le passerina nivalis, le me- 
rendera bulbocodium, le crocus multifidus, le fritillaria 
meleagris et l’anthemis montana. Plus bas se trouvent le 
genisla lusitanica, le ranunculus gouani, le narcissus bico- 
.lor, le rubus saxatilis, et nombre de gentianes. Le rhodo- 
dendrum ferrugineum préfère généralement les hauteurs de 
quinze cents à deux mille cinq cents mètres (769 à 1282 
toises); cependant M. Decandolle, à qui je dois ces obser- 
vations sur les Alpes, l’a aussi observé dans la chaîne du 
Jura, au fond du Creux-du-vent, à neuf cent soixante-dix 
mètres (498 toises) de hauteur sur le niveau de Océan. 
Le linnæa borealis, qui, près de Berlin, en Suède, aux 
États-Unis et à Nootka-Sund, se trouve au niveau de la 
mer, croit dans les Alpes de la Suisse à cinq cents et sept 
cents mètres (256 et 359 toises) d’élévation. On le découvre 
au Valais, au bord du torrent qui coule sous la Tête- noire; 
au S. Gothard, où Haller Fa observé le premier ; près de 
Genève, d’après Saussure, sur la montagne de Voirons; et 
même en France, aux environs de Montpellier, à l'Espinouse. 


DES RÉGIONS ÉQUATORIALES. 75 


Les arbres dont le tronc excède cinq mètres (2,5 toises) 
croissent sous l'équateur à peine jusqu'à trois mille cinq 
cents mètres (1796 toises) d’élévation. Au royaume de la 
Nouvelle-Espagne, sous le 20° degré de latitude, un sapin. 
voisin du pinus strobus s'élève jusqu’à trois mille neuf cent 
trente-quatre mètres (2018 toises); les chênes y vont jus- 
qu'à trois mille cent mètres (1590 toises). Le naturaliste qui 
ignore ce phénomène de la géographie des plantes, croiroit, 
au simple aspect, que des montagnes couvertes de sapins très- 
élevés ne peuvent pas égaler la hauteur du Pic de Ténériffe. 
Aux Pyrénées, M. Ramond a observé que les deux arbres qui 
montent le plus haut vers le sommet des montagnes, sont 
le pinus sylvestris et le pinus mugho ; on les trouve entre 
deux mille et deux mille quatre cents mètres (1026 et 1231 
toises). L'abies taxifolia et le taxus communis commen- 
cent à quatorze cents mètres (718 toises), et vont jusqu’à 
deux mille mètres (1026 toises). Le fagus sylvatica occupe 
la région moyenne, de six cents à dix-huit cents mètres 
(308 à 923 toises) : mais le quercus robur, qui habite les 
plaines , ne s'étend que jusqu'à seize cents mètres (821 
toises); il finit deux cents mètres (102 toises) pin haut que 
la limite inférieure du pinus mugho. 

M. Ramond: m'a encore communiqué des observations très- 
intéressantes sur le maximum et le minimum de la hauteur 
à laquelle se trouvent les espèces d’un même genre. Je choisis 


1 Voyez aussi ses observations botaniques dans son Voyage au sommet du 
Mont-Perdu, 1803, pag. 21; et le Mémoire sur les plantes alpines, dans les 
Annales d'histoire naturelle 


76 TABLEAU PHYSIQUE 
les genres Primula, Ranunculus, Daphne, Erica, Gentiana, 
et Sarifraga, et je présente ici le tableau des hauteurs entre 


, 


lesquelles he des espèces composant ces genres végète 


dans les Pyrénées e mètres toises. 
preumonanthes or ct. o à 800 o à 400 
verna . ++ + + + + + . + +600 — 3000 300 — 1540 
ACaUulIS ee ee 1000 — 3000 500 — 1540 
Gentiana. . £ campestris . . . . . . . . . 1000 — 2400 : Boo — 1200 
iliata 1200 1800 600 — 900 
1 1200 — 1600 600 — 80 
punctata, Villars 1600 — 2000 800 — 1000 
laureola 00 2000 150 — 1000 
Daphne . mezereum 1000 — 2000 500 — 1000 
Cneorum. . . . . . . . . . 2000 — 2400 1000 — 1200 
i : . — 2200 O — 1100 
Primula . : integrifolia . 1500 — 2000 750 1000 
: A 1800 — 2400 900 — 1200 
AŒUADIS A O0 — 2100 0 — 1050 
BOUANL = . , . .. | .- 2 Boo — 2000 250 1000 
DORA . : : 1/00 — 2000 700 — 000 
B 1500 — 2400 750 — 1200 
Ranunculus Se - 5 + + + + + + + 1800 — 2600 900 — 1300 
 noE nte + + + + + + + + 1800 — 2400 900 — 1200 
nivalis. + + + + + + + + 2000 — 2800 1000 — 1400 
parnasfoius + + + + » # + + 2400 — 2800 1200 — 1400 
cialis + + + + + + + + 2400 — 3200 1200 — 1640 
. SR . O0 — 40 O0 — 20 
EUR 400 — 160 200 800 
longifolia . . . , . , . , . 800 — 2400 400 — 1200 
aizoon 800 2400 400 — 1200 
pyramidalis ; 1200 — 2000 600 1000 
Saxifraga. . exarata , 1400 180 700 —  go0 
cespit 1600 3000 800 — 1540 
Shot 1600 — 3400 800 — 1740 
1400 1800 700 — goo 
granulata 120 1600 600 — 800 
ÉCROUe 2400 — 3400 1200 1740 
andr 2400 400 1200 1740 


DES RÉGIONS ÉQUATORIALES. 77 


mètres toises. 
S 


ag o à 900 o à 450 
Erica. D Yulgaris ee à: © .  , - . - O0 — 2000 O — 1000 
tetralix . . . . . . . .:, . Boo — 2400 250 — 1200 
arborea + 2 0.  . — 550 — 700 2370 3550 


Les saxifrages du Tirol présentent des phénomènes ana- 
logues à celles des Pyrénées. M. le comte de Sternberg, 
qui a herborisé dans ces montagnes et sur le Baldo, dont 
nous lui devons une description géologique, m'a commu- 
niqué une note intéressante sur les rhododendrum et d’autres 
plantes alpines. Je crois rendre un service aux botanistes 
et aux physiciens d'insérer cette note en entier. 

« La région des rhododendrum, dit M. de Sternberg, à 
«moins qu'il n'y ait quelque circonstance locale, ne com- 


Al 


«mence guères au-dessous de huit cent soixante -seize à 
« neuf cent soixante-quatorze mètres (450 à 5oo toises). Je 
«ne les ai pas trouvés plus bas qu'à cent re (bo toises) 
«au-dessus du Wallersée, en Bavière, qui est à la hauteur de 
« huit cent dix-sept mètres (420 toises) au-dessus du niveau 
«de la mer. Le rhododendrum chameæcistus ne descend pas 
«autant que le ferrugineum et le hirsutum. Au reste, je 
«les ai trouvés aussi bien sur la pierre calcaire primitive 
«que sur la pierre calcaire secondaire, dans les Sette com- 
«Muni et sur le mont Sumano qui a douze cent soixante- 
« dix-sept mètres (656 toises) de hauteur : ils m'ont accom- 
«pagné jusqu'à la hauteur de dix-neuf cent cinquante 
« mètres (1000 toises ). 

« La région des saxifrages alpines me paroît la plus éten- 
«due dans les Alpes du Tirol. J'ai trouvé les saxifraga 


78 TABLEAU PHYSIQUE 


« cotyledon et aizoon dans la vallée de lEiszach , entre 
« Brixen et Botzen, à trois cent soixante mètres (184 toises) 
«de hauteur. Elles m'ont suivi jusqu'au sommet de la 
« Grappa, près de Bassano, à seize cent quatre-vingt-quatre 
« mètres (865 toises). Les saxifraga cœæsia, aspera et andro- 
« Sacea, se trouvent dans la région moyenne; puis lon dé- 
« Couvre les sarifraga autumnalis, mucosa, moschata et 
«petræa ; les dernières sont habituellement les saxifraga 
« burseriana et bryoides, qui couvrent le sommet du Baldo 
«à deux mille deux cent vingt-cinq mètres (1143 toises). 
« Les primules, surtout les farinosa, auricula, marginata, 
« €t ViScCosa , ne se trouvent pas sur les Alpes du Tirol 
«au-dessous de huit cent un mètres (417 toises). Par une 
« singulière anomalie, cependant, la primula farinacea croît 
« dans la plaine de Ratisbonne. Quant au ranunculus gla- 
«cialis et au ranunculus seguierü , je ne les ai jamais 
« observés au-dessous de dix-neuf cent cinquante mètres 
«(1000 toises) d’élévation. » 

Mais pour compléter la géographie des plantes, il ne 
faudroit pas seulement composer des tableaux pour les ré- 
gions voisines du pole, pour les climats tempérés, depuis 
quarante jusqu'à cinquante degrés de latitude, et pour les 
régions équatoriales ; il ne faudroit pas seulement en cons- 
truire pour l'hémisphère austral et l'hémisphère boréal , car 
les plantes de Chiloé et de Buenos-Ayres diffèrent beaucoup 
de celles de l'Espagne et de la Grèce : il faudroit aussi 
donner séparément des tableaux pour le nouveau et ancien 
continent. Madagascar, dont , selon Commerson , les hautes 


DES RÉGIONS ÉQUATORIALES. 79 


cimes granitiques sont recouvertes de neiges perpétueilles 
et dont M. du Petit-Thouars a si bien examiné les côtes, le 
pic d'Adam à Ceilan, et l’île de Sumatra, où le cône de 
POphyr s'élève, d'après Marsden, à trois mille neuf cent 
quarante-neuf mètres (2027 toises) de hauteur, pourroient 
fournir des matériaux précieux pour des tableaux des régions 
équatoriales en Afrique et aux Indes orientales. L’illustre 
allas pourroit fixer la géographie des plantes dans les chi- 
mats tempérés de PAsie. M. Barton, qui embrasse avec 
succès la zoologie, la botanique et l'étude des langues in- 
diennes, s'occupe en ce moment de ces mêmes recherches 
pour les régions tempérées des États-Unis. Les montagnes 
ne sy élèvent' pas au-delà de deux mille mètres (1026 
toises); car la hauteur de trois mille cent mètres (1582 
toises) attribuée par MM. Cutler et Belknap au Wlhite- 
Mountain en New-Hampshire, est sans doute exagérée. M. 
Barton ne trouve pas dans sa patrie la variété des phéno- 
mènes que présentent les plus élevées des Cordillières; mais 
ce désavantage est largement compensé par la grande variété 
des végétaux arborescens qu'offrent les belles plaines de la 
Pensylvanie, de la Caroline et de la Virginie. Il existe aux 
États-Unis presque trois fois autant d'espèces différentes de 
chênes que l’Europe entière produit de grands arbres diffé- 
rens. L'aspect de la végétation est plus varié et plus agréable 
dans le nouveau continent que sous la même latitude dans 
l'ancien. Les gleditschia, les tulipiers et les magnoles y font 


1 Voyez l'ouvrage de M. Volney, qui contient de grandes vues sur la construc- 
tion du globe dans la partie boréale du nouveau continent 


80 TABLEAU PHYSIQUE 


le contraste le plus pittoresque avec la sombre verdure des 
thuia et des sapins : on diroit que la nature s’est plu à 
orner un sol qui devoit être un jour habité par un peuple 
énergique , industrieux et digne de jouir paisiblement de 
tous les biens que procure la liberté sociale. 

Mais le tableau physique des régions équinoxiales n’est 
pas seulement destiné à développer les idées sur la géogra- 
phie des plantes; j'ai cru qu'il pourroit servir en même 
temps à embrasser l’ensemble de nos connoissances sur tout 
ce qui est variable en raison des hauteurs auxquelles on 
s'élève au-dessus du niveau de l'Océan. C’est la consi- 
dération qui m'a engagé à réunir, en quatorze échelles, 
beaucoup de nombres qui sont le résultat des recherches 
multipliées qu'on à faites sur différentes branches de la 
physique générale. Ces échelles s’expliquant par elles - mé- 
mes, il suflira d'ajouter quelques mots sur leur construc- 
tion. Celles qui indiquent la température , l'état hygrosco- 
pique et la tension électrique de l'air, la couleur bleue du 
ciel, les vues géologiques, la culture du sol et la diversité 
des animaux selon les hauteurs qu'ils habitent, sont rédi- 
gées d’après les observations que jai faites pendant mon 
expédition et dont le détail sera développé dans la relation 


Al 


de mon voyage à l'équateur. 
yas q 


Échelle de lempérature. 


Cette échelle présente le maximum et le minimum de 
chaleur que le thermomètre centigrade indique de cinq 
4 


cents à cinq cents mètres (250 toises) Plusieurs milliers 


DES RÉGIONS ÉQUATORIALES. 81 


d'observations rassemblées pendant cinq ans, souvent d’heure 
en heure, ont fourni ces données. La température moyenne 
n'est pas le milieu entre ces extrêmes, mais le milieu entre 
toutes les observations faites à telle ou telle hauteur. On a 
tâché de ne pas confondre les effets d’une loi générale avec 
ce qui paroît ne dépendre que des localités. C'est ainsi, 
par exemple, qu’on lit dans le tableau , qu'au niveau de la 
mer, le thermomètre ne baisse pas au-dessous de 18°5, 
quoiqu'à la Havane on lait vu baisser plusieurs fois à + 1°4 
et même à zéro; mais cette ville se trouve déjà de treize 
degrés plus éloignée de l'équateur que la zone dont je décris 
les phénomènes, et pendant que les vents du nord soufflent 
avec impétuosité , la proximité du continent y produit un 
froid auquel on ne s'attend guères à cette latitude. A Pile 
de S. Domingue, qui est un peu plus méridionale, le ther- 
momètre se soutient constamment dans les plaines entre 
vingt-trois et vingt-quatre degrés. Il est superflu de remar- 
quer que toutes les observations du thermomèëtre ont été 


4 


faites à l'ombre, et loin du reflet de la chaleur rayonnante. 


HAUTEURS 
U-DESSUS 


MAXIMUM| MINIMUM or 
DU NIVEAU DE LA MER. 


D 1 DE LA 
SR ; ; MOYENNE. 
* | TEMPÉRATURE. | TEMPÉRATURE. 
MEÉTRES. TOISES. e 
Oo à 1000 à 5oo + 38% + 18°5 + 2593 
1000 à 2000 5oo 000 + 30,0 + 12,5 + 91,2 
2000 à 3000 | 1000 à 1500 + 23,7 + 1, + 18,7 
3000 à 4ooo | 1500 à 2000 + 20,0 Æ 0,0 10.0 
4ooo à 5oo 2000 à 2500 + 18,7 — 97,9 De x | 
5000 à 6000 | 2500 à 3000 + 16,0* — 10,0 | — 


82 TABLEAU PHYSIQUE 


Les nombres que cette échelle indique au-dessus de cinq 
mille mètres (2500 toises), ne sont pas d’une grande exac- 
titude : car cette haute région a été trop peu visitée jusqu’à 
ce jour, et pour trop peu d'heures, pour pouvoir juger com- 
plétement de sa température moyenne. Le froid qu'indique 
le thermomètre sur le haut sommet des Andes, n’est jamais 
très-considérable, quoique la moindre quantité d’oxigène 
inspiré, la dépression du système nerveux, et d’autres causes 
inconnues jusqu'à présent, rendent ce froid difficile à sup- 
porter. Les académiciens, dans leur cabane à Pichincha, à 
quatre mille sept cent trente-cinq mètres (2428 toises) de 
hauteur, ne virent DAC le thermomètre centigrade qu’à 
6° au-dessous de zéro, et à Chimborazo, à cinq mille neuf 
cent huit mètres (3032 toises), mon thermomètre ne montra 
que — 1°8. Au grand volcan d’Antifana, à la grande hau- 
teur de cinq mille quatre cent trois mètres (2773 toises), 
il monta, même à l'ombre, jusqu'à 19°. Au contraire, dans 
les endroits connus pour être les plus chauds de la terre, 
à Cumana , à la Guayra, à Carthagènes des Indes, à Huaya- 
quil, situé sur les côtes de la mer du Sud, dans la rivière 
de la Madeleine, et sur les bords de l’'Amazone, le terme 
moyen de la température est de 27°, quand à Paris et à 
Milan il est de 11° à 13°. Mais dans ces mêmes régions 
équatoriales, le thermomètre atteint rarement les extrêmes 
de chaleur auxquels on le voit monter si souvent dans le 
Nord de lEurope, En examinant un tableau de plus de 
vingt et un mille observations faites par M. Orta, oflicier 
de marine au service du roi d’Espagne, avec de très-bons 


DES RÉGIONS ÉQUATORIALES. 83 


instramens , j'ai trouvé qu'à la Vera-Cruz, en treize ans, 
le thermomètre centigrade n’est monté que trois fois! au- 
dessus de 32°, et jamais au-delà de 35°6/. A Paris, au con- 
traire, on le voit assez souvent à 36°, et le 14 Août 1773 
on l’a observé à 38° 7. A la Vera-Cruz la température moyenne 
des mois de Mai, Juin, Juillet, Août et Septembre, est 
de 27°5, et j'ai trouvé que la cruelle fièvre adynamique , 
connue sous le nom de vomilo prieto, y fait ses ravages 
chaque fois que la température moyenne du mois surpasse . 
23° 7!. Dans les régions équatoriales, les termes extrêmes de 
la plus grande et de la moindre chaleur sont éloignés de 16 
à 20 degrés. En Europe, sous le 5. degré de latitude, ils le 
sont de plus de 62 degrés du thermomètre centigrade. 

Le sol s’'échauffant singulièrement sur les côtes de la mer 
ou dans les immenses plaines de lOrénoque, les plantes 
herbacées à tiges très-basses, les sesuvium, les gomphrena, 

les thalinum , les Aillingia et quelques mimoses, à demi en- 
\terrés dans le sable, supportent une chaleur de 52 degrés. 
Dans les plaines de Jorullo, au Mexique, j'ai vu croître 
des plantes dans un sable noir, qui fit monter le thermo- 
mètre à 60 degrés pendant le jour. Les stæhelina, les swer- 
lia, et d’autres plantes de la cime des Andes, au contraire, 
supportent toute l’année, à exception de quelques heures 


1M. Wilson (Hist. of the British Expedition to he P- 154) assure qu’en 
Égypte, le 21 Mai 1802, le thermomètre centigrade monta à l'ombre, à de 
pendant le Sirocco , à 53 degrés. Si cette as est exacte, il faut croire 
que le sable répandu dans l'air aura contribué à augmenter la te 
de l'air. 


84 TABLEAU PHYSIQUE 


que le soleil les échauffe, une température de + 3° 5, Ces 
plantes alpines et les palmiers occupent, pour ainsi dire, 
les deux extrêmes de ce thermomètre botanique. 

Les températures moyennes exprimées dans l'échelle de 
mille à deux mille mètres (oo à 1000 toises), donnent le 
décroissement du calorique sous ’équateur depuis le niveau 
de la mer jusqu'à la cime des Andes. Si le choix des ob- 
servations sur lesquelles j'ai fondé ces températures moyen- 
nes étoit bien fait, le décroissement du calorique qui en 
résulteroit, seroit plus exact que celui que lon pourra jamais 
conclure en Europe des observations faites au-dessus de 
trois mille mètres (1500 toises), observations trés-peu nom- 
breuses et très-isolées. Les voyages exécutés vers la cime 
des Alpes, ou les ascensions aérostatiques, ne pourront jamais 
être assez fréquens pour nous faire connoître exactement 
la température moyenne des couches d'air à trois ou cinq 
mille mètres (1500 à 2500 toises). Sous les tropiques , au 
contraire, il existe des villages qui sont de quatre cents mé-, 
tres (200 toises) plus élevés que la cime du pic de Ténériffe, 
et dans lesquels un physicien peut faire un séjour peu pé- 
nible et très-intéressant pour la météorologie. 

Il résulte de mes observations faites dans la Cordillitre 
des Andes , que le décroissement du calorique est, en raison 
de 5:3, plus rapide au-dessus de trois mille cinq cents mè- 
tres (1750 toises), que depuis le niveau de la mer à deux 
mille cinq cents mètres (1250 toises). La couche d'air 
où le refroidissement est le plus prompt sous ’équateur , 
paroit comprise entre deux mille cinq cents et trois mille 


DES RÉGIONS ÉQUATORIALES. 8) 


cinq cents mètres (1250 et 1750 toises), ou entre les hau- 
teurs du S. Gothard et de lEtna. Il est aisé de concevoir 
combien la chaleur rayonnante, modifiée par les inégalités 
de la surface de la terre ou par la forme des montagnes ; 
doit influer sur ce décroissement. Un physicien qui s’éleve- 
roit dans un aérostat sous l'équateur au-dessus des plaines 
de l'Amazone, trouveroit peut-être la température des cou- 
_ches très-différente de ce que je crois lavoir observée sur 
la pente de la Cordillière; mais il est probable que cette diffé- 
rence ne s'étendroit pas beaucoup au-delà de quatre mille 
mètres (2000 toises), hauteur à laquelle, dans les Andes même, 
la masse des montagnes, et par conséquent leur influence 
sur Pair ambiant, sont déjà considérablement diminuées. 

Le voyage que j'ai fait vers la cime du Chimborazo, a 
donné le décroissement du calorique de cent quatre - vingt- 
seize mètres (98 toises) pour un degré du thermomètre cen- 
tigrade. Les températures moyennes de l'échelle le fixent à 
cent quatre-vingt-neuf mètres (100 toises), depuis le niveau 
de la mer jusqu'à la hauteur de cinq mille cinq cents mè- 
tres (2823 toises). Saussure suppose qu’en Europe le décrois- 
sement éloit, en été, de cent cinquante-six mêtres (go voises), 
en hiver, de deux cent trente-trois mètres (111 toises), pour 
un degré centigrade. M. Gay-Lussac, dans sa grande ascension 
aérostatique, a observé, en été, un décroissement de calorique 
identique avec celui que donnent mes observations sous ’équa- 
teur. Ce savant observa (le thermomètre étant à Paris à 30 
degrés), à cinq mille mètres (2500 toises), la température eà 
zéro, tandis qu'à six mille mètres (3000 toises) elle étoit à 


86 TABLEAU PHYSIQUE 


3 degrés au-dessous de la glace. Ces données fixent de o à 
5500 mètres le décroissement à cent quatre-vingt-trois mètres 
(92 toises). Mais calculant pour toute la colonne d’air par- 
courue par M. Gay-Lussac, on trouve, depuis o à 6977 mètres, 
le décroissement de cent soixante-treize mètres (87 toises) 
par degré centigrade. J’ai exposé dans mon Mémoire sur la 
limite inférieure des neiges perpétuelles, qu’au-dessus de 
quatre mille sept cents mètres (2300 toises) d’élévation, la 
différence de latitude paroît influer très-peu sur la tempéra- 
ture, et que M. Gay-Lussac, le jour de sa dernière ascension, 
rencontra au-dessus de ce terme, à 48 degrés de latitude , 
des couches d'air qui avoient exactement la même tempéra- 
ture que celles dans lesquelles je me trouvai à égale hauteur à 
Chimborazo. Les phénomènes de la réfraction horizontale, de 
4 à 5 minutes plus petite sous l'équateur qu’en Europe, pa- 
roissent contraires à cette égalité de température des hautes 
régions. Ils indiquent un décroissement de calorique plus 
rapide sous l'équateur que ne le fixent mes observations ; mais 
il faut remarquer que les réfractions horizontales en Europe 
sont, selon M. Delambre, moins fortes qu’on les admet 
généralement. Le phénomène des réfractions dépendant de 
toutes les couches d'air que les rayons parcourent , un dé- 
croissement inégal au-dessus de sept mille mètres (3500 
toises), et par conséquent dans des régions que personné 
ma visitées, peut causer les différences de réfraction hori- 
zontale que Bouguer a observées sous l'équateur. Aussi Pin- 
certitude dans laquelle nous sommes sur le décroissement 
du calorique dans les hivers de l'Europe, et le peu d’har- 


DES RÉGIONS ÉQUATORIALES. 87 


monie : qu'offrent les observations de le Gentil et de Bouguer, 
nous empêchent de parvenir à des résultats certains, et je 
dois me contenter pour le moment d’énoncer les faits tels 
que j'ai cru les observer dans les régions équatoriales. 


£chelle barométrique. 


Cette échelle présente la pression de l'air atmosphérique 
à différentes élévations au-dessus du niveau de la mer, et 
exprimée par la hauteur du baromètre. Ces hauteurs ont 
été calculées d’après la formule barométrique que M. de la 
Place a publiée dans sa Mécanique céleste, en supposant les 
températures moyennes que présente l'échelle thermomé- 
trique. Soit X la hauteur donnée en mètre, H la hauteur 
du baromètre au niveau de la mer, T la température au 
même niveau, t la température correspondante à la hauteur 
X,et h la hauteur cherchée du baromètre pour Pélévation 
X ; on aura: 


Loc.m— 


L0$5-.m 


18393 = 
LR 9 


1000 


et ayant trouvé le nombre m, on aura 
à 
M/I+T—-t 
carre =) 


lambre croit en effet qu'il n’existe qu'une très-légère différence entre 


hk — 


LU 


ue les réfractions sont les mêmes en Europe et aux Indes. 
Cependant les observations de le Gentil paroïssent très-exactes. 


88 TABLEAU PHYSIQUE 


Cette formule donne de 500 à 500 mètres les hauteurs 
barométriques suivantes : 


ÉLÉVATIONS TEMPÉRATURE ne 
a EN DEGRÉS BAROMÉTRIQUES. 

DU NIVEAU DE LA MER. 

mn "  rsessem— | DU THERMOMÈTRE À ape 

EN MÈTRES, | EN TOISES.. CENTIGRADE. EN MÈTRES. ee 

DU PIED DE PAUS. 
” Se 20 0,76202 337,8 

500 256 + 24,0 0,71961 319,03 
1000 513 + 22,6 0,07923 301,18 
1500 769 + 21,% 0,6/4134 284,28 
2000 1026 + 20,0 0,60501 268,24 
2500 1282 + 18,7 0,57073 253,0) 
3000 1539 + 14,4 0,53689 238,06 
3500 1795 + 0,0 0,50418 223,50 
4000 2052 + 6,4 047417 210,20 
4500 2308 eo) 0,44553 197,55 
5000 2565 + 04 0,41823 185,40 
5500 2891 — 3,0 0,39206 173,84 
6000 3078 (— 6,0) 0,36747 162,95 
6500 3334 (— 10,0) 0,34357 159,38 
7000 3591 (— 130) 0,32035 142,61 à 
7500 3847 (— 16,0) 0,30068 133,36 


Les températures moyennes au-dessus de six mille mètres 
(5000 toises) ne sont pas tout-à-fait exactes : elles ne se 
fondent que sur la loi hypothétique du décroissement du 
calorique. M. de Saussure a vu baisser le baromètre à la 
cime du Mont-Blanc à 0,43515 mêtres (16 pouces 0,9 lignes). 
MM. de la Condamine: et Bouguer, sur la cime du Corazon 


? « Personne, dit M. de la Condamine, n’a vu le baromètre si bas dans l'air 


DES RÉGIONS ÉQUATORIALES. 69 


(au sud de la ville de Quito), observèrent le baromètre à 
0,42670 mètres (15 pouces 9,2 lignes). J’ai porté des instru- 
mens sur le Chimborazo, à une élévation telle que j'ai vu le 
mercure descendre à 0,37717 mètres (13 pouces 11,2 lignes); 
mais M. Gay-Lussac a résisté dans son ascension aérosta- 
tique à une dilatation de Pair correspondante à 0,3288 mè- 
tres (12 pouces 1,7 lignes). 

La hauteur barométrique au niveau de la mer n’a été 
fixée qu'à 0,76202 mètres (337,8 lignes), la température 
étant à 25 degrés du thermomètre centigrade. C’est ainsi que 
me l’ont donnée des observations faites sous les tropiques, 
tant sur les côtes de locéan Atlantique que sur celles de la 
mer du Sud. Bouguer adoptoit 0,76022 mètres (28 pouces 
1 ligne), et le géomètre espagnol, Don George Juan, 27 
pouces 11,5 lignes. La Condamine dit que «si la hauteur 
« moyenne du baromètre sous les tropiques n’est pas moindre 
« de 28 pouces, elle en diffère très-peu.” Mes observations, 
faites avec des baromètres bien purgés d'air par le feu et 
comparés à ceux de l’observatoire de Paris, paroissent prou- 
ver que la pression moyenne de l'air au niveau des mers des 
tropiques est un peu moindre que celle des zones tempérées. 

M. Schuckburg' a trouvé la dernière de 0,76500 mètres 
(28 pouces 2,24 lignes) : M. Fleuriau Bellevue, de 0,76434 


nn et VOTRE tent personne n’a monté à une plus ae hauteur ; 
à quatre mille huit cent quinze mètres (2471 to ; et nous 
« pouvons ne à huit ou dix mé 4 ou 5 se prés, . la justesse 
de cette détermination.” (Voyage à ue” pag. 
1 oit important de constater ie ctement cette hauteur Ho 


Es 


sur die côtes de la Méditerranée et de ss Atlantique. 


90 TABLEAU PHYSIQUE 


mètres (28 pouces 24 lignes), la température étant de 12 
degrés. Cette différence de près de deux millimètres ne peut 
pas s'expliquer uniquement par la différence de la tempéra- 
ture moyenne de l’Europe et des régions équatoriales ; elle 
le peut d'autant moins que dans la partie basse du Pérou, 
pendant les quatre à cinq mois que le soleil est caché sous 
une brume épaisse, le thermomètre centigrade se soutient 
à 15 et 16 degrés. Cest un problème aussi difficile à ré- 
soudre que ces oscillations horaires du baromètre sous l’équa- 
teur, que je n'ose plus considérer comme des marées de 
Océan aérien, depuis que je me suis assuré que la lune 
n’a sur elles qu'une influence insensible. 

élasticité de l'air des zones tempérées varie, dans le même 
lieu, quelquefois jusques à 0,0450 (20 lignes). Sous les tro- 
piques, où les vents alisés amènent constamment des couches 
d'air d’une égale température, depuis le 10.° degré nord jus- 
qu'au 10. degré sud de léquateur, cette élasticité ne varie 
pas au bord de la mer au-delà de 0,0026 mètres (1,4 lignes), 
et à trois mille mètres (1500 toises) d’élévation , elle ne change 
pas de 0,0015 mètres (0,7 de ligne). Mais, quoique l'étendue 
de ces variations soit si petite, elles ne sont pas moins re- 
marquables par la loi que suit le mouvement du baromètre 
d'heure en heure. Godin a le premier indiqué ce phéno- 
mène, sans marquer les époques du maximum ou du mini- 
mum des hauteurs barométriques. M. la Condamine fixe ces 
époques à 9 heures du matin et à 3 heures de l'après-midi. 
M. Balfour à Calcutta, et M. Moscley aux Antilles, ont 
aussi marqué des époques ; mais elles ne correspondent pas 


DES RÉGIONS ÉQUATORIALES. O1 


1 


à celles que j'ai trouvées avec M. Bonpland, veillant plu- 
sieurs nuits de suite pour examiner les marées nocturnes. 
Nous avons trouvé que le baromètre est à son maximum à 
9 heures du matin, qu’il ne descend que très-peu jusqu’à 
12 heures, mais beaucoup depuis midi jusqu'à 4 heures ou 
4 heures et demie ; qu’il remonte de nouveau Jusqu'à 11 heures 
de la nuit, où il est un peu plus bas qu'à 9 heures du matin. 
N baisse de nouveau toute la nuit jusqu'à 4 heures et demie 
du matin, où il est un peu plus haut qu'à 4 heures de 
l'après-midi. Enfin il remonte depuis 4 heures Jusqu'à 9 
heures du matin. Les époques de ces variations horaires sont 
les mêmes sur les côtes de la mer du Sud et dans les plaines 
de la rivière des Amazones, que dans les endroits élevés 
de quatre mille mètres (2000 toises). Elles paroissent indé- 
pendantes des changemens de température et des saisons. 
Si le mercure est en baissant depuis 9 heures jusqu’à 
heures de l'après-midi, s'il est en montant de 4 heures à 11 
heures de la nuit, un orage, un tremblement de terre , 
des averses et les vents les plus impétueux, n’altérent pas 
sa marche. Rien ne paroît la déterminer que le temps vrai 
ou la position du soleil. En quelques endroits des tropiques, 
le moment où le mercure commence à descendre est si 
marqué, qu'a moins d’un quart d'heure près le baromètre 
indique le temps vrai. Au niveau de la mer, sous ’équa- 
teur, le terme moyen du baromètre étant — 2, je trouve 
à peu près sa hauteur : 


à 21 h = z + 05. à 11h — 7 + o1. 
à 4 h. =— z — 0,4. à 16 rs Te 02: 


O2 TABLEAU PHYSIQUE 


De plusieurs milliers d'observations que nous rapportons 
sur les oscillations horaires du baromètre, je ne cite qu’un 
exemple, qui peut servir de type de cette régularité. Les 
flèches y indiquent par leur direction les époques où le ba- 
romètre est en montant ou en baissant. 


Observations faites au Port du Callao, près de Lima, les 
8 et 9 Novembre 1802 : le baromètre: est muni d’un ver- 


nier, avec lequel on apprécie facilement 0,03 de ligne. 


HEURES. DANONE do ie. ROME 
TEMPS VRAI. EN LIGNES. |Au garomèrre.| Er À L’omere. | DE DELUC. 
heures 
Le 8 Nov. à 107 336,92 19 16°3 43 

11 336,98 19 16,2 43,7 
13 ,72 19,2 16,2 44, 
14 336,60 10,5 16,2 La 
15 336,65 19,8 16,5 43 

\ 15 336,62 20,0 16,0 4 
16 336,55 19,0 16,0 42 
16% 336,80 20,5 16,3 42,5 

Pal 17 336,87 22,0 16,4 42 
175 336,95 22,7 17,0 42 
20 337,25 23,0 18,0 39 
21 337,39 23,0 19,2 37 
225 337,13 24,5 20,4 37,9 


1 L'observation s’est faite douze mètres (6 toises) au-dessus de la surface de 
la mer du Sud. Le niveau du baromètre n’ayant pas été exactement rectifié, les 


P 
hauteurs absolues sont environ de 0,9 de ligne trop petites. 


DES RÉGIONS ÉQUATORIALES. 93. 


HEURES. BAROMÈTRE SE nn |THERMOMÈTRE HYGROMÈTRE 
HUEAMÉPISE VERTE EN LIGNES. | au sanouirre.| Er 4 v'omsre. | DE DELUC- 
heures, 
Le 9 Nov. à oz 336,90 25, 22°5 34° 
oÀ 336,79 25,9 22,7 34 
N 3+ 336,60 26,0 -23,0 34,5 
4 336,45 23,5 20,5 33,6 
5 336,50 25,5 18,0 37 
8 336,85 25,0 16,1 39 
9 336,99 22,0 16,5 ho 
7 10 336,97 22,4 16,4 k2 
11 337,15 20,0 16,4 42 
115 336,90 20,5 16,7 42 
13 336,84 20,5 17,0 43 


M. Mutis, qui s’est occupé pendant plus de trente ans 
de ces oscillations horaires, croit avoir observé à Santa-Fé- 
de-Bogota, à deux mille six cent vingt-trois mètres (1347 
toises) de hauteur, que les conjonctions et les oppositions 

e la lune influent sur les marées barométriques. Je mai 
pas pu apercevoir ces changemens ; je ne doute cependant 
pas qu'ils n'existent. M. Laplace a calculé Peffet de cette 
influence du soleil et de la lune sur l'océan aérien ; mais 
peut-être est-elle masquée sous l'équateur par le phénomène 
des oscillations horaires. Dans l'hémisphère boréal , vers les 
limites des tropiques, les vents froids du nord, qui souf- 
flent impétueusement dans le golfe du Mexique, font monter 
le baromètre de 5 à 7 lignes. Ce phénomène extraordinaire, 
qui est le pronostic le plus important pour la navigation 
entre la Havane et la Vera- Cruz , est entièrement local 


94 TABLEAU PHYSIQUE 


entre le 19.° et le 23.° degré de latitude. Cette couche 
d'air froid, qui élève le mercure , interrompt le jeu des 
oscillations horaires ; mais elles recommencent à la Vera- 
Cruz aussitôt que la tempête est passée. M. Cotte a déduit 
d'un grand nombre d'observations faites en Europe, que le 
minimum de la hauteur barométrique y a lieu deux heures 
après la culmination du soleil, et par conséquent deux 
heures plus tôt qu'on ne le trouve sous l'équateur. Dans nos 
climats tempérés, les variations horaires du poids de Pair sont 
peut-être cachées sous une multitude de causes locales qui 
font baisser et monter irréguliérement les baromètres : mais 
je ne doute pas avec M. Van - Swinden , que des termes 
moyens, déduits de plusieurs milliers d'observations faites 
d'heure en heure, n'indiquent que, même dans nos latitudes, 
le baromètre monte et descend À des époques déterminées. 
Je ne puis quitter ces discussions sur la pression de 
l'air, sans ajouter une observation physiologique. Dans la 
ville de Quito le baromètre se soutient à 0,54366 de mètre 
(20 pouces 1 ligne). Dans celle de Micuipampa, je l'ai trouvé 
à 0,49629 de mètre (18 pouces 4 lignes), et les habitans 
de la métairie d’Antisana respirent un air dont lélasticité 
est exprimée par une colonne de mercure de 0,46927 de 
mètre (17 pouces 4 lignes). M. Gay-Lussac a vu baisser le 
baromètre a 0,3288 de mètre (19 pouces 1 ligne). L’homme 
accoutumé dans les plaines à une pression égale à 0,76 de 
mètre (28 pouces), résiste à tous ces changemens. Les 
habitans de ces villes élevées jouissent de la meilleure santé, 


et quoique les nouveau-venus s’y sentent au commencement 


DES RÉGIONS ÉQUATORIALES. 05 


un peu gênés dans la respiration , surtout en parlant vite 
ou en se donnant de forts mouvemens musculaires , toutes 
ces petites incommodités ne durent que très-peu de temps. 
Ce malaise devient plus fort cependant, lorsque le baro- 
mètre baisse au-delà de 0,40605 de mètre (15 pouces). À ces 
hauteurs de cinq mille mètres (2500 toises), le système 
nerveux se sent très-débilité. On s’évanouit facilement au 
moindre effort que l'on fait. Plusieurs personnes se sentent 
des envies de vomir, et au-delà de cinq mille huit cents 
mètres (2900 toises) de hauteur, le mouvement musculaire 
et le manque de pression atmosphérique agissent souvent si 
fort sur les vaisseaux dont les tuniques sont très-minces, que 
lon saigne des yeux, des lèvres et des gencives. Ces phéno- 
mènes sont variables, selon la constitution physique des 
voyageurs ; il est même des personnes qui ne les ressentent 
pas du tout. Saussure a observé que l’homme résiste plus à 
la rareté de l'air que les mulets. J'ai mené un cheval au Cofre 
de Pérote jusqu’à trois mille huit cent trente - neuf mètres 
(1970 toises) de hauteur. Sa respiration étoit cruellement 
génée. [1 m'a paru d’ailleurs que la race des hommes blancs 
souffre moins au-delà de cinq mille huit cents mètres (2900 
toises), que la race des indigènes cuivrés. 

La pression de l'air atmosphérique doit avoir l'influence 
la plus grande sur les fonctions vitales des végétaux et sur- 
tout sur celles de la respiration de leurs tégumens. Quoique 
beaucoup de cryptogames, et parmi les phanérogames sur- 
tout les graminées, soient indifférens à ces modifications de 
pression barométrique , il en est d’autres cependant qui ne 


96 TABLEAU PHYSIQUE 


le sont pas. Le swertia quadricornis , l'espeletia frailexon , 
les chuquiraga et quelques gentianes, paroissent exiger une 
dilatation de l'air égale à 0,46 ou 0,49 de mètre (17 ou 
18 pouces). Beaucoup de plantes des Andes, transportées 
dans les régions également froides de l'Europe, n'y croi- 
troient sans doute pas dans toute leur perfection, parce 
qu’elles n’y trouveroient pas cet air raréfié auquel leurs or- 
ganes sont accoutumés dans leur site natal. On attribue les 
grands changemens que lon observe dans la physionomie 
des végétaux alpins transplantés dans les plaines, unique- 
ment aux différences de température, d'humidité et de ten- 
sion électrique. Mais j'ignore pourquoi l’on voudroit exclure 
des causes de ce phénomène la pression barométrique , 
qui influe sans doute tout aussi puissamment sur lorgani- 
sation des végétaux. Dans la nature animée, beaucoup de 
causes concourent à la fois pour modifier les actions vitales, 
et lon n’en doit négliger aucune pour expliquer les phéno- 
mènes de la matière organisée. 


Échelle hygrométrique. 


Cette échelle présente le décroissement de lhumidité de 
l'air atmosphérique , selon que lon s'élève au-dessus du 
niveau de la mer. Les observations qui ont servi pour les 
termes moyens ont été faites à l'ombre, le ciel étant azuré. 
Je me suis servi tantôt de l’hygromètre de Saussure , tantôt 
de celui de Deluc, selon que l'instrument devoit prendre 
promptement l'humidité, ou que lon pouvoit le laisser long- 


A 


temps exposé à l'air dont il devoit indiquer létat hygrosco- 


DES RÉGIONS ÉQUATORIALES. 97 


pique. Tous les résultats ont été réduits aux degrés de lhy- 
gromètre de Saussure, en les corrigeant pour la tempéra- 
ture, et les réduisant à 25° 3 du thermomètre centigrade. 
Les expériences de Saussure et de Dalton prouvent qu'il n’y 
a point de corrections à faire pour le baromètre. 


HYGROMÈTRE ee HYGROMÈTRE 
px saussure, | THERMOMÈTRE 


HAUTEURS. NON GORRIGEÉ FIXÉ 


RÉDUIT 
A LA TEMPÉRATURE 

POUR LA , s ë 

rempérarure. | À L'HYGROMÈTRE. E 25°,3 


mètres 


e o à 100 86 + 25,3 86 
De 1000 à 2000 80 + 21,2 73,4 
De 2000 à 3000 74 + 19,7 64,5 
De 3000 à 4000 65 + 9 46,5 
De 4000 à 5000 see + 3,7 36,2 
De 5000 à 6000 _ 38 + 8,0 26, 


Ces termes moyens jettent quelque jour sur le décroisse- 
ment de l'humidité dans les régions équatoriales , décrois- 
sement qui n’est pas sans intérêt pour les recherches sur les 
réfractions. Cette diminution est de quatre-vingt-dix mètres 
(45 toises) par degré de l’hygromètre de Saussure. 

Malgré lextrême sécheresse de l'air sur le sommet des An- 
des, où l’hygromètre baisse à quarante-six degrés, le thermo- 
mètre étant à 3° 7 (ce qui revient à 31° 7 de l'hygromètre, 
le thermomètre étant à 25° 3), c’est dans les régions élevées 
de deux mille cinq cents à trois mille cinq cents mètres (1250 
à 1750 toises) que l'on se trouve à chaque instant enveloppé 
dans des brumes épaisses. Ces précipitations d’eau, qui sont 
ou l'effet ou la cause d’une forte tension électrique, donnent 

13 


98 TABLEAU PHYSIQUE 


à la végétation des paramos cette belle fraîcheur qui la 
caractérise. 

Dans les basses régions des tropiques, un air éminemment 
transparent et sans vestige de nuage pendant quatre à cinq 
mois de l’année, est considérablement chargé d’eau. M. De- 
luc a prouvé par les expériences de son fils que cette grande 
humidité existe aussi au Bengale. Cest cet état hygrosco- 
pique de Pair qui soutient les végétaux dans les temps de 
sécheresse. Si les plantes n’avoient pas cette propriété d’en- 
lever l’eau vaporisée dans l'air, comment concevoir par quoi 
se soutient cette belle végétation dans des pays où, comme 
dix mois ni pluie, ni 


+ 


Cumana , il n’y a pendant huit à 
brume, ni rosée ? 

A deux mille trois cent cinquante mètres (1175 toises) 
de hauteur, dans la vallée du Mexique, lhygromètre de 
Saussure baisse souvent de quarante-deux à quarante-trois 
degrés, le thermomètre marquant de 15° à 18°. En Europe 
je n’avois jamais observé une sécheresse supérieure à qua- 
rante-six degrés, la température étant à quinze degrés. Mais 
par quoi, dans la vallée du Mexique, sont absorbées les 
vapeurs qui s'élèvent des cinq lacs qui entourent la capitale? 
On ne peut expliquer cette absorption par Pimmense quan- 
tité de muriate et de carbonate de soude dont le sol est 
couvert. Tout l’intérieur du royaume de la Nouvelle-Espagne 
est d’une sécheresse étonnante. La végétation y est très-rare 
à deux mille mètres (1000 toises) d’élévation, et Pair y 
paroît, pour ainsi dire, artificiellement séché. Cette séche- 
resse, sans doute aussi nuisible à la santé qu'à la végétation, 


DES RÉGIONS ÉQUATORIALES. 99 


va en augmentant de siècle en siècle, parce que l’industrie 
de l’homme fait découler les lacs et que l'abondance des 
pluies diminue. Quelle, enfin, ne doit pas être la sécheresse 
de l'air en Perse, entre Tiflis et Tauris, et dans la province 
du Kerman, où, d’après Chardin, on construit les maisons 
de sel gemme ! 

L'eau vaporisée dans l'air, et précipitée, soit par un chan- 
gement de température , soit peut-être par d’autres causes 
qui ne sont pas suffisamment éclaircies , forme des groupes 
de vapeurs vésiculaires qui se présentent à nos yeux sous 
la forme de nuages. Leur hauteur, que j'ai mesurée souvent, 
paroît assez constante. La couche inférieure des nuages m'a 
paru élevée de onze cent soixante-neuf mètres (600 toises) 
au-dessus du niveau de la mer. C’est à cette hauteur que sur 
la pente de la Cordillière règne cette brume épaisse, dans 
laquelle on est constamment enveloppé pendant une partie 
de Fannée à Xalappa, à l'est du Mexique , et à Guaduas , 
dans le royaume de Santa-Fé. La limite supérieure des gros 
nuages est à peu près à trois mille trois cents mêtres (16 
à 1800 toises); mais un phénomène très-frappant est l’exis- 
tence des petits nuages , que le vulgaire nomme moutons , 
à plus de sept mille huit cents mètres (3900 toises) d’élé- 
vation. Nous les avons vus au-dessus de nous au volcan 
d'Antisana, et M. Gay-Lussac en fait aussi mention dans 
la relation de son second voyage aérostatique. Quelle légèreté 
que celle des vapeurs vésiculaires capables de se soutenir 
dans une atmosphère si rare ! D'après les observations de 
MM. Biot et Gay-Lussac, la limite inférieure des nuages pa- 


100 TABLEAU PHYSIQUE 


roît être en Europe, pendant l'été, de douze cents mètres 
(Goo toises), comme sous l’équateur. 

M. Gay-Lussac, à la hauteur de cinq mille deux cent 
soixante-sept mètres (2635 toises), a vu l'hygromètre à 250) 
le thermomètre étant à + 4°. C'est sans doute le maximum 
de sécheresse que lon ait jamais observé : car en réduisant 
lhygromètre à la température de 25°3, qui règne en été 
dans les plaines, les 25° 5 se réduiront à 21° 5. 

La quantité de pluie qui tombe annuellement sous les tro- 
piques est de plus de 1,89 mètres (70 pouces). A Guayaquil, 
dans la vallée de Cumanacoa, et entre le Cassiquiaré et 
le Rio-Negro, je crois pouvoir lévaluer à 2,43 mètres (90 
pouces). Aux États-Unis, sous le 40.° degré de latitude, on 
‘la trouve de 1,08 mètres (4o pouces); en Europe, de 0,48 
mètres (18 pouces). 


Æchelle. électrométrique. 


En s'élevant depuis le niveau de la mer jusqu'au sommet . 
des Cordillières, on voit la tension électrique augmenter gra- 
duellement , tandis qu’au contraire on observe que le calo- 
rique et lhumidité de Pair diminuent de plus en plus. Les 
expériences citées dans ce tableau ont été faites à différentes 
heures du jour avec lélectromètre de Saussure, armé d’un 
conducteur de 1,4 mètres: (4 pieds) de haut, et: amenant 
électricité atmosphérique par la fumée de l’amadou, comme 
la proposé M. Volta. Dans les basses régions équatoriales , 
depuis la mer jusqu'à deux mille mètres (1000 toises) , les 
couches inférieures de Pair sont peu chargées électricité. 


DES RÉGIONS ÉQUATORIALES. 1O1 


On a de la peine à en trouver des signes après dix heures 
du matin, même avec lélectromètre de Bennet. Tout le 
{luide paroît accumulé dans les nuages, ce qui cause de: 
fréquentes explosions électriques, qui sont périodiques géné- 
ralement deux heures après la culmination du soleil, au. 
maximum de la chaleur et quand les marées barométriques 
sont près de leur minimum. Dans les vallées des grandes 
rivières, par exemple dans celles de la Madeleine, du Rio- 
Negro et du Cassiquiaré, les orages sont constamment vers 
minuit. Entre les dix-huit cents et deux mille mètres (900 
et 1000 toises) est la hauteur où, dans les Andes, les ex- 
plosions électriques sont les plus fortes et les plus bruyantes : 
les vallées de Caloto et de Popayan sont connues par la 
fréquence effrayante de ces phénomènes. Au-dessus de deux 
mille mètres (1000 toises) ils sont moins fréquens et moins 
périodiques ; mais il sy forme beaucoup de grêle, surtout 
à trois mille mètres (1500 toises) d’élévation, l'air y étant. 
souvent, et pour long-temps, chargé d'électricité négative, 
que lon ne trouve presque pas, ou tout au plus pour quel- 
ques instans, au-dessous de mille mètres (500 toises) d’élé- 
vation. Depuis les trois mille cinq cents mètres (1750 toises) 
les explosions sont assez rares; la grêle y tombe sans éclairs, 
souvent, depuis trois mille neuf cents mètres (1950 toises), 
mêlée de neige et même au milieu de la nuit. Les couches 
voisines de ces hautes cimes des Andes ont constamment 
une tension électrique qui est exprimée par 4 à B lignes 
de l’électromètre de Saussure. La sécheresse de Pair et la 
proximité des nuages y rendent le jeu de Pélectricité plus 


102 TABLEAU PHYSIQUE 


sensible. Près des bouches des volcans elle passe souvent 
du positif au négatif. La région au-dessus des neiges perpé- 
tuelles présente un grand nombre de phénomènes lumineux 
qui ne paroissent pas accompagnés de tonnerre. Cette mul- 
titude d'étoiles filantes que lon voit tomber dans la partie 
volcanique des Andes, et leur plus grande fréquence dans 
les pays chauds, pourroient faire regarder ces phénomènes 
comme appartenant à notre globe, si d’autres raisons, sur- 
tout leur grande hauteur, ne sembloient pas s'opposer à 
cette supposition. 


Couleur azurée du ciel. 


L’habitant des plaines, en s’élevant à des hauteurs de 
trois à quatre mille mètres (1500 à 2000 toises), est frappé 
de la teinte obscure que lui présente la voûte azurée du 
ciel. Cette intensité de couleur augmente en raison de la 
dilatation de l'air, et de la moindre masse de vapeurs par 
laquelle passent les rayons solaires. Une dispersion de la 
lumière, produite par la vapeur vésiculaire , rend la couleur 
du ciel grisâtre ou laiteuse. Moindre est la masse d'air par 
laquelle les rayons parviennent à nous, plus la teinte du ciel 
devient foncée et se rapproche de ce noir qu’elle nous présen- 
- teroit si nous étions à la limite supérieure de l'atmosphère. 

Le cyanomètre dont je me suis servi dans cette expédition, 
a été fait par M. Paul à Genève, sur celui dont Saussure s’est 
servi au Mont-Blanc. Les observations ont été faites au zénith. 

J'ai cru apercevoir qu'en général le bleu du ciel a plus 
d'intensité sous les tropiques qu'à égale hauteur en Europe. 


DES RÉGIONS ÉQUATORIALES. 103 


Le terme moyen à Paris (la chaleur d'été étant de 25°) 
_ m'a paru de 16° du cyanomètre. Sous les tropiques je lai 
jugé de 23°. Cette différence provient sans doute de la dis- 
solution parfaite des vapeurs dans l'atmosphère équatoriale. 
Aussi rien n’approche de la majesté des nuits de ces régions: 
les étoiles fixes y brillent d’une lumière tranquille, tout-à-fait 
semblable à celle des planètes; la scintillation ne s'aperçoit 
que tout près de l'horizon. De foibles lunettes, transportées 
d'Europe aux Indes, paroissent y avoir augmenté en force, 
tant la transparence de l'air y est grande et constante. 

Saussure a vu , au sommet du Mont-Blanc, à quatre 
mille sept cent cinquante-quatre mètres (2438 toises) de 
hauteur, le cyanomètre à 39°. Il nous a paru au Pic de 
Ténériffe à 41°. La grande sécheresse de cet air africain y. 
augmente l'intensité de la couleur du ciel; car le Pic est 
de mille cinquante mètres (54o toises) plus bas que le 
Mont-Blanc. Aux Andes, à cinq mille neuf cents mètres 
(3000 toises) de hauteur, le cyanomètre marqua 46°. M. 
Gay-Lussac a observé cette même intensité de couleur dans 
ses voyages aérostatiques. 

« Un phénomène, dit ce physicien, qui m'a frappé à cette 
«grande hauteur de sept mille seize mètres (3508 toises), 
«a été de voir les nuages au-dessus de moi, et à une dis- 
tance qui me paroissoit encore trés - considérable. Dans 
« notre première ascension les nuages ne se soutenoient pas 
«à plus de onze cent soixante-neuf mètres (600 toises), et 
«au-dessus le ciel étoit de la plus grande pureté. Sa cou- 
«leur au zénith étoit même si intense qu’on auroit pu le 


104 TABLEAU PHYSIQUE 


« Comparer à celle du bleu de Prusse. Mais dans le der- 
« nier voyage que je viens de faire, je n'ai pas vu de nuages 
« Sous mes pieds; le ciel étoit très-vaporeux, et sa couleur 
« généralement terne. ” 


Décroissement de la lumiére. 


La lumière du soleil et des astres s’affoiblit dans son pas- 
sage par l'air atmosphérique. Cette extinction de la lumière 
dépend de la densité des couches d'air; elle est par consé- 
quent plus foible au sommet des hautes montagnes, et plus 
forte au niveau des mers. Dans le calcul de la table sui- 
vante , On n'a pas eu égard aux vapeurs qui, accidentelle- 
ment , se trouvent répandues dans l'air. On a considéré le 
phénomène de l’extinction de la lumière tel qu'il se présen- 
teroit dans un air transparent , et dans lequel l’eau est 
parfaitement vaporisée. On peut consulter sur cet objet les 
idées que M. Laplace a énoncées dans son exposition du 
Système du monde (vol. 1°, p. 157) La grande transpa- 
rence de Pair sous les tropiques fait que, même à égale 
hauteur, la lumière y est plus vive ou moins affoiblie qu’en 
Europe. Combien ne se sent-on pas fatigué de la grande 
clarté du jour aux Indes, même dans les heures où le 
reflet ne paroît pas? et il seroit intéressant d’examiner ce 
phénomène par le photomètre de Leslie. Ce moindre affoi- 
blissement de la lumière dans l'atmosphère des tropiques 
se manifeste aussi d’une manière bien frappante dans la 
lumière que la lune totalement éclipsée renvoie vers la 
terre ; lumière qui est due à l'inflection des rayons solaires 


DES RÉGIONS ÉQUATORIALES. 109 


par l'atmosphère terrestre. Dans les zones tempérées Pair est 
quelquefois si dense et si rempli de vapeurs que le disque 
de la lune disparoït entièrement. Mais sous le 10° degré 
de latitude boréale, atmosphère est si transparente que jy 
ai vu la clarté de la lune éclipsée paroître presque aussi 
vive que lest la pleine lune chez nous, lorsqu'elle com- 
mence à s'élever sur l'horizon. - 

Il est connu que la lumière influe puissamment sur les 
fonctions vitales des plantes, surtout sur leur respiration , 
sur la formation de la partie colorante, qui a un caractère 
résineux, et, selon Berthollet', sur la fixation de l'azote 
dans la fécule. Ces considérations nous laissent soupconner 
avec raison que la grande intensité de lumière à laquelle les 
végétaux sont exposés sur la cime des montagnes, doit con- 
tribuer à leur donner ce caractère résineux et aromatique 
que nous présentent un grand nombre de plantes alpines. 
J'ai cité, dans mon ouvrage sur les nerfs, des expériences 
dans lesquelles la lumière solaire paroît produire sur la fibre 
nerveuse des effets stimulans qu'il seroit difficile d'attribuer 
à la chaleur seule. Le sentiment de foiblesse qu’éprouvent 
les habitans de Quito et du Mexique, chaque fois que le 
soleil darde sur eux à trois à quatre mille mètres (1500 
à 2000 toises) d’élévation, paroît indépendant du mouve- 
ment musculaire ou de la transpiration cutanée, qui est 
augmentée sans doute dans un air dilaté. Seroit-il leffet 


d’une irritation nerveuse ? ou la lumière, moins affoiblie sur 


1 Statique chimique, vol. IE, p. 496. 


106 TABLEAU PHYSIQUE 


le sommet des montagnes, y dégage-t-elle plus de calorique 
dans sa décomposition par des corps denses, parce qu'elle 
en a encore moins perdu dans son passage ? 


Réfractions horizontales. 


La force réfractive de l’atmosphère dépendant de la densité 
de ses couches et de la loi de leur température, cette force est 
différente, selon l'élévation du lieu où se trouve l'observateur. 
M. Laplace a prouvé que le calcul des réfractions astrono- 
miques est très-différent, si l'angle, observé est au-dessus ou 
au-dessous de 12 degrés. Dans le premier cas, l’état hygros- 
copique de Fair modifie très-peu l'inflexion de la lumière ; 
dans le second, où le rayon rase, pour ainsi dire, la sur- 
face de la terre, l'influence des vapeurs aqueuses et de leur 
dissolution plus ou moins parfaite devient plus importante. 
Si le décroissement seul de la chaleur modifioit les réfrac- 
tions horizontales, on concevroit difficilement pourquoi elles 
sont de beaucoup plus petites sous l'équateur que dans les 
zones tempérées en été; car les expériences citées plus haut 
rendent probable qu’en été le décroissement du calorique , 

‘du moins depuis la surface de la mer jusqu'à six à sept 
mille mètres (3000 à 3500 toises) de hauteur, est peu diffé- 
rent aux Andes de Quito et en Europe. Mais peut-être les 
-Cordillières, qui renvoient de la chaleur rayonnante dans 
les hautes régions de l'air, ne donnent-elles pas des résul- 
tats assez comparables, ou peut-être aussi le décroissement 
_ varie-t-il au-dessus de sept mille mètres d’élévation. Il est 
de la plus haute importance de bien constater des phéno- 


DES RÉGIONS ÉQUATORIALES. 107 


mènes aussi intéressans pour l'astronomie physique, phéno- 
mènes sur lesquels les nouveaux travaux de M. Laplace vont 
jeter le plus grand jour. C’est encore d’après les formules 
de ce grand géomètre que je donne l'échelle des réfractions 
qui orne mon Tableau physique des régions équinoxiales. 

Les académiciens françois ont fait graver sur la table de 
marbre que lon conserve encore au ci-devant collége de 
jésuites dans la ville de Quito, que la réfraction astrono- 
mique horizontale DO est au niveau de la mer, sous. 
’équateur, de 27; à la hauteur de Quito, de 22 50 ; 
au Chimborazo, près de la limite inférieure des neiges per- 
pétuelles, de 19 51". M. Laplace observe que, la rareté de 
l'atmosphère lunaire étant plus grande que celle du vide 
que nous formons dans nos meilleures machines pneuma- 
tiques, la réfraction horizontale, à la surface de la lune, 
ne peut pas surpasser cinq secondes. 

Sur les hautes cimes des Andes l’on voit qiettuthoié au 
milieu de la nuit une lueur pâle, mais distincte, qui en- 
toure l'horizon. Saussure l’a observée au Col-de-Géant, à 
trois mille quatre cent trente-cinq mètres (1717 toises) de 
hauteur. Je lai apercue quelquefois, surtout à la métairie 
d’Antisana, à quatre mille cent cinq mètres (2523 toises). 
M. Biot a donné une explication ingénieuse de ce phéno- 
mène, qu'il attribue à la réflexion de la lumière solaire, 
causée par la masse d'air épaisse et profonde qui borde 
l'horizon. (Astronomie physique, vol. 1°, p. 277.) 


108 TABLEAU PHYSIQUE 


Composition chimique de l’atmosphére. 


Le fluide élastique qui enveloppe notre planète, s'étend 

des hauteurs dont nous ignorons les limites. La théorie 
de l'extinction de la lumière, et les expériences de Bou- 
guer, prouvent que la hauteur de latmosphère, réduite dans 
toute son étendue à la densité de l'air correspondante à 
zéro de température et à la pression d’une colonne de 0,76 
(28 pouces) de mercure, seroit de sept mille huit cent 
vingt mètres (3910 toises). (Mécanique céleste, tome IF.) 
Les observations du crépuscule indiquent qu’à soixante mille 
mètres (30000 toises) d’élévation, la densité des couches 
d’air est encore assez grande ne. nous renvoyer une lumière 
sensible. 

On a cru os que la composition chimique de 
l'atmosphère varioit non-seulement dans un même lieu, 
mais aussi que la pureté de l'air diminuoit à mesure que 
lon s'élève au-dessus du niveau de la mer. On attribuoit 
aux modifications de l'air ce qui ne résultoit que de Pim- 
perfection des moyens eudiométriques dont on se servoit. 
Les expériences que j'ai faites avec le gaz nitreux, n’ont pas 
peu contribué à propager ces erreurs. 

On a annoncé, dans ces dernières années, que la quantité 
d’oxigène contenue dans Pair atmosphérique, loin d’être de 
27 ou 28 centièmes, m'étoit que de 21 à 23. Ces limites 
étant entore trop peu resserrées, et les chimistes étant en- 
core incertains sur la bonté relative des moyens eudiomé- 
triques, nous avons entrepris, M. Gay-Lussac et moi, un 


DES RÉGIONS ÉQUATORIALES. 109 


travail étendu sur la composition de Fair et les modifica- 
tions qu'il peut éprouver. J'ai désiré remplacer un travail 
imparfait de ma première jeunesse, Me un autre fondé sur 
des bases plus solides. 

Il en est de la chimie comme de l'astronomie. La per- 
fection des méthodes et des instrumens nous permet d’éva- 
luer les plus petites quantités, et il n’est pas permis de 
négliger aujourd’hui ce qui autrefois nous paroissoit inap- 
préciable. Nous avons publié, M. Gay-Lussac et moi, les 
premiers résultats de notre travail dans un mémoire lu à 
PInstütut le 1.* Pluviôse an 13. Les nombres eudiométriques 
qu'indique mon tableau, se, fondent sur les expériences que 
nous avons faites dans un des laboratoires de l’École poly- 
technique, et auxquelles nous espérons pouvoir donner dans 
la suite plus d’étendue et de variété. 

Dans l’état actuel de nos connoissances chimiques , l’eu- 
diomètre de Volta est préférable aux autres moyens eudio- 
métriques. C’est le seul qui nous fasse reconnoître dans Vair 
des changemens de deux millièmes d’oxigène. Le sulfure 

“alcalin , le phosphore et Île gaz nitreux (en lavant les rési- 
dus avec du sulfate de fer ou de Facide muriatique oxigéné 
et de l’alcali), n’évaluent la quantité d’oxigène avec certi- 
tude qu'à un ou deux centièmes près. Le sulfure alcalin , 
fait à chaud, absorbe de lazote, et en attribuant toute 


Al 


l'absorption observée à loxigène de l'atmosphère, le sulfure 


paroiïtroit indiquer souvent trente à quarante centièmes 
d’oxigène. C'est cette action des sulfures dissouts à une 


haute température, et de fausses suppositions sur la saturation 


110 TABLEAU PHYSIQUE 
d'une partie d’oxigène par deux à quatre parties de gaz 
nitreux , qui ont fait annoncer autrefois l’existence de 0,27 
à 0,28 d’oxigène dans Pair. 

Les parties constituantes de l'atmosphère paroissent être 
0,210 de gaz oxigène, 0,787 de gaz azote, et 0,003 de gaz 
acide carbonique. La quantité du dernier n’a point été éva- 
luée avec toute l'exactitude requise. Peut-être est-elle plus 
petite encore. Les solutions alcalines dont on s’est généra- 
lement servi, n’agissent pas sans doute sur l'acide carbo- 
nique seul ; car chaque fois qu’un liquide reste long-temps 
en contact avec l'air, l'absorption de lazote et de loxigène 
peut altérer les résultats. 

L’atmosphère ne paroît pas varier dans sa composition 
chimique, c’est-à-dire quant à ses proportions d’oxigène et 
d'azote. Si ces variations existent, il est probable qu’elles 
ne vont pas au-delà d’un millième d’oxigène; car l'air pris 
pendant la pluie, en temps de brume, en temps sec et 
serein , pendant qu'il tomboit de la neige et que le vent 
souffloit des régions les plus opposées, nous a toujours ma- 
nifesté 0,210 ou 0,211 d’oxigène. M. Gay-Lussac a constaté 
le fait important qu'à sept mille mètres (3500 toises) de 
hauteur air atmosphérique contient aussi 0,21 d’oxigène. 
C'est la seule expérience qu’on ait faite avec beaucoup de 
précision sur la composition chimique des couches d'air les 
plus élevées. Si d’autres voyageurs et moi avons cru y aper- 
cevoir une moindre quantité d’oxigène qu'au niveau de la 
mer, il faut soupconner que limperfection des moyens eu- 
diométriques employés nous en a imposé. Sur la cime du 


DES RÉGIONS ÉQUATORIALES. 111 


Pic de Ténériffe et dans quelques volcans des Andes, la 
pureté de Flair peut être effectivement moindré ; mais il 
faut attribuer sans doute cette différence à l’action des cra- 
tères, et surtout aux grandes masses de soufre qui absorbent 
loxigène de Fair avec lequel elles sont immédiatement en 
contact. 

On a agité la question importante, si l'air atmosphérique 
contenoit de l’hydrogène. M. Gay-Lussac avoit prouvé, lors 
de son second voyage aérostatique, que sil existe une petite 
quantité d'hydrogène dans lair, elle n’est pas plus grande 
à sept mille mètres (3500 toises) d’élévation que dans les 
plaines. Nous venons de faire des recherches ultérieures à 
cet égard, et nous pouvons annoncer qu'il ne peut pas 
exister dans l'air atmosphérique au-delà de deux millièmes 
d'hydrogène ; car 0,003, noyés dans un mélange artificiel 
d'oxigène et d'azote, ont été indiqués par nos instrumens. 
Or, un mélange d'air qui contient moins de 0,05 d’hydro- 
gène ne s’enflammant pas par le coup électrique, il paroît 
que ce n’est pas par l'hydrogène contenu dans l'atmosphère 
que lon peut expliquer la formation des pluies d’orage et 
d’autres phénomènes ignés. Cette uniformité constante de 
la composition chimique de Fair, et le manque de lhydro- 
gène , sont deux faits très-importans pour le calcul des 
réfractions. Ils prouvent que les géomètres n’ont besoin 
d'autre correction que celle du baromètre, du thermomètre 
et de lhygromètre. 

Mais outre l’oxigène et lazote, Pair atmosphérique con- 
tient encore un grand nombre d’émanations gazeuses, que 


112 TABLEAU PHYSIQUE 

nos instrumens actuels n’indiquent pas et qui peuvent influer 
puissammént sur notre santé. Ces émanations se forment 
surtout dans les basses régions des tropiques, où la matière 
organisée se développe plus rapidement, mais où ces mêmes 
débris organisés remplissent l'air de miasmes putrides et 
délétères. L’humidité de Pair, sa température constamment 
élevée, et labsence du vent dans lPombre des forêts, 
favorisent la formation de ces miasmes. Ils sont surtout 
fréquens dans ces vallées profondes des Andes, qui res- 
semblent à des crevasses de douze à quinze cents mètres 
(600 à 750 toises) de profondeur, et dans lesquelles le 
thermomètre monte par la réflexion de la chaleur rayon- 
nante à quarante-deux degrés. Le séjour d’une heure y est 
souvent suffisant pour causer aux voyageurs les maladies 
les plus graves, tandis que les Indiens, habitans de ces 
vallées, accoutumés à ces mêmes miasmes, y jouissent de 
la santé la plus parfaite et la plus constante. Telle est l’ad- 
mirable organisation de l’homme. 


Diminution de la pesanteur. 


La pesanteur terrestre diminue à mesure que l’on s'éloigne 

e 5 
du centre de la terre. Cette diminution est déjà sensible sur 
lés petites hauteurs que présentent les Cordillières; mais 
ces mêmes montagnes étant d’une densité très-différente ,. 
j'aime mieux déterminer le décroissement de la pesanteur 
par la théorie que par des expériences que j'ai faites dans 
des circonstances trop dissemblables. L’échelle exprime les 
oscillations d’un pendule simple dans le vide. 


DES RÉGIONS ÉQUATORIALES. 113 


La longueur observée du pendule à secondes à Paris étant 
— 1,000000 ; celle du pendule à secondes sous l'équateur 
sera — 0,99669. Ces rapports dépendent des dimensions de 
la terre : le rayon de l'équateur — 6375703 mètres (3271208 
toises); le rayon du pole — 6356671 mètres (3261443 toises); 
l'aplatissement — 19032 mètres (9765 toises); la longueur du 
degré (sous léquateur) — 51077,70 toises, Bouguer ; en 
France, lat. 51°332 — 51316,58 toises, Mechain et Delambre ; 
en Suède, lat. 73° 707 — 51473,01 toises, Melanderhielm. 


Soit V le nombre d’oscillations que fait dans un temps 


j. 


donné un pendule placé à ’équateur et 


à 


la surface de la 
terre; soit V' le nombre d’oscillations que fera dans le même 
temps le même pendule transporté verticalement à la hau- 
teur À : cette hauteur étant exprimée en mètres, l’on aura 


N=N FRS 

On pourroit s'étonner peut-être que mon tableau ne ie 
pas mention du décroissement des forces magnétiques à de 
grandes hauteurs. Mais les belles expériences de MM. Biot 
et Gay-Lussac ont suflisamment prouvé que ce décrois- 
sement n’est point sensible depuis le niveau de la mer 
jusqu’à six mille mètres (3000 toises) de hauteur. Les ob- 
servations faites sur le sommet des Cordillières, sont affectées 
par des attractions locales. En faisant osciller mon aiguille 
d'inclinaison sur la montagne de la Guadeloupe , élevée 
de six cent soixante-seize mètres (338 toises ) au-dessus 
des plaines de Santa-Fé, j'y observai deux oscillations de 
moins, en deux minutes de temps, que dans la plaine. Au 


15 


114 TÂBLEAU PHYSIQUE 


Cerro d’Avila, près de Caracas, à deux mille six cent trente- 
deux mètres (1316 toises) au-dessus de la mer, la diminu- 
tion alla jusqu'à cinq oscillations ; et, au contraire, sur le 
volcan d’Antisana, à quatre mille neuf cent trente - quatre 
mètres (2417 toises) de hauteur, le nombre des oscillations, 
en dix minutes de temps, fut de 230, quand à la ville de 
Quito il ne fut que de 218 : ce qui indique un accroisse- 
ment d'intensité. Ces anomalies ne peuvent être fondées 
que sur des circonstances locales. On peut consulter à ce 
sujet le mémoire que je viens de publier, avec M. Biot, 
sur les variations du magnétisme terrestre. 


Degré de l’eau bouillante à diverses hauteurs. 


Le degré de chaleur que prennent les liquides avant 
d'entrer en ébullition, dépend du poids de Patmosphère, 
et ce poids variant avec les hauteurs au-dessus du niveau de 
la mer, chaque hauteur a son point d’ébullition correspon- 
dant. La table suivante exprime la loi de ce phénomène. 


ÉLÉVATION HAUTEUR 
EN MÈTRES. BAROMÉTRIQUE. THERMOMÈTRE | THERMOMÈTRE 
ŸÀ CGENTIGRADE. DE RÉAUMUR. 


De 0°7620 100°0 80°0 
1060 | 0,6792 971 777 
2000 0,6050 94,3 75,4 
3000 0,5368 91,3 73,0 


DEGRÉS DE L'EAU BOUILLANTE. 
mm — SI 


DES RÉGIONS ÉQUATORIALES. 115 


J'ai fait pendant mon voyage un grand nombre d’expé- 
riences sur le degré de l'eau bouillante sur le sommet des 
Andes. J'en publierai d’autres, faites par M. Caldas , natif 
de Popayan, physicien distingué, qui, avec une ardeur sans 
exemple, s’est livré à l'astronomie et à plusieurs branches 
de l’histoire naturelle. Ces expériences , peu intéressantes 
pour la théorie, ne peuvent servir que pour juger du degré 
d’exactitude dont seroient susceptibles les mesures des hau- 
teurs par le thermomètre, si lon avoit des instrumens qui 
indiquassent avec exactitude de petites fractions de degré. 
Depuis le niveau de la mer jusqu'à sept mille mètres (3500 
toises), un degré d’abaissement de la température de Peau 
bouillante est exprimé par trois cent quatre mètres (152 
toises); mais de zéro à mille mètres, un degré équivaut 
à trois cent cinquante-sept mètres (185 toises). On peut 
admettre que, jusqu’à la hauteur du Mont-Blanc, un degré 
d’abaissement de température exprime à peu près dix lignes 
d’abaissement barométrique , ou trois cent quarante mêtres 

’élévation. 


Vues géologiques. 


La nature des roches est en général indépendante de la 
différence des latitudes et des hauteurs , soit que la tempé- 
rature de l'air et sa pression barométrique aient peu influé 
sur l’état d’aggrégation des molécules, soit que la formation 

e la masse solide du globe ait précédé cet ordre de choses 
qui assigna à chaque région un climat particulier. Aussi la 
hauteur des montagnes les plus élevées est si peu considé- 


116 TABLEAU PHYSIQUE 


rable, par rapport au rayon de la terre, que ces petites 
différences de niveau n’ont pas pu modifier les grands phé- 
nomènes géologiques. En considérant le globe en grand, on 
seroit presque tenté de croire que toutes les roches peuvent 
se trouver à toutes les élévations. 

Mais l'influence des hauteurs se manifeste lorsque lon 
fixe ses regards sur une petite partie de la surface de la 
terre. C’est alors que l’on découvre que dans chaque région 
la direction et l’inclinaison des couches ont été déterminées 
par un système de forces particulier’, et qu'il existe une 
certaine loi locale dans la hauteur à laquelle s'élèvent les 
différentes formations des roches au-dessus du niveau de 
la mer. On aperçoit que dans telle ou telle région les mon- 
tagnes secondaires n’excèdent pas l’élévation de trois mille 
mètres (1500 toises); que les masses calcaires n'y sont pas 
couvertes de grès au-delà de dix-huit cents mètres (900 
toises); que le schiste micacé ne sy élève pas autant que 
le granit feuilleté, et que toute brèche qui dépasse telle ou 
telle hauteur, n’est composée que de masses primitives. Sur 


? Dans les Andes de l'Amérique méridionale, dans la Cordillière de Venezuela 
et dans celle de Pavia, les roches primitives, surtout le granit feuilleté et le 
soins micacé, affectent le plus souvent la direction, Aora 3£, de la boussole 


de la Suisse, dans le Fichtelgebirge, et sur les côtes de Gênes. Au Mex xique, la 
direction la plus constante des roches primitives est hora 7 — 8 de la boussole 
de Saxe. 


DES RÉGIONS ÉQUATORIALES. b17 


un petit terrain donné, on peut découvrir une limite supé- 
rieure des basaltes, du calcaire secondaire, ou du grès à 
base siliceuse, comme on y découvre une limite supérieure 
des sapins ou des chênes. Il suit de ces considérations qu’on 
ne peut former une échelle géologique pour les régions équa- 
toriales, à moins qu'on ne veuille modeler la nature d’après 
des idées théoriques, c’est-à-dire, considérer comme des 
phénomènes généraux ce qui n'appartient qu'à une très- 
petite partie des Andes ; j'ai cru cependant qu'il seroit in- 
téressant pour le minéralogiste que mon tableau contint 
quelques vues géologiques. 

Les régions équatoriales de l'Amérique présentent à la 
fois les cimes les plus élevées, et les plaines les plus éten- 
dues et les plus basses du monde, contraste qui prouve 
assez que la rotation du globe n’est pas la cause de cet 
agroupement des montagnes près de l’équateur. Aussi sous 
le 60° degré de latitude la Cordillière des Andes 
s’élève-t-elle de nouveau à une hauteur presque égale à celle 
que lon observe dans le royaume de Quito 

La chaîne des Andes, dont le nom péruvien est antis, 
qui dérive d'anta, cuivre, s'approche presque également des 
deux pôles de notre globe. Ses extrémités n’en restent éloi- 
gnées que de vingt-neuf à trente degrés de latitude. Elle 
s'étend depuis les îlots placés au sud de la Terre-de-feu, 
ou depuis le cap Horn, jusqu'au mont $S. Elie, situé au 
nord-ouest du port Mulgrave, c’est-à-dire, depuis les 55° 
58 de latitude australe jusqu'aux 60° 12° de latitude bo- 
réale. Elle a 2500 lieues de long, sur 30 à 40 de large. 


118 TABLEAU PHYSIQUE 


L’élévation de la Cordillière des Andes est beaucoup plus 
inégale qu’on ne le croit communément. Il en existe des par- 
ties dans l'hémisphère austral, entre le Chimborazo et Loxa, 
dont la crête n'excède pas la hauteur du S. Gothard; il en 
existe dans l'hémisphère boréal, dans listhme de Panama, 
près de Cupiqué, qui ne s'élèvent pas à deux cents mètres 
(100 toises). Mais quatre fois la Cordillière atteint une masse 
et une élévation colossales. Sous le dix-septième degré de 
latitude australe, dans le Pérou, puis sous l'équateur même, 
dans le royaume de Quito, une troisième fois au Mexique, 
sous le 19° degré de latitude boréale, enfin une quatrième 
fois, vis-à-vis de l'Asie, sous le 60.° degré de latitude, la 
hauteur des cimes excède celle du Mont-Blanc, et s'élève 
à cinq ou six mille mètres (2500 à 5000 toises) de hauteur. 
En général la chaîne des Andes, même dans les hauts pla- 

teaux de Quito et du Mexique, peut étonner notre imagi- 
| mation plus encore par sa masse que par sa hauteur. Au 
volcan d’Antisana, à quatre mille cent cinq mètres (2105 
toises) d’élévation, j'ai trouvé une plaine qui a douze lieues 
de circonférence. La hauteur moyenne des hautes Andes 
près l'équateur, en faisant abstraction des pics qui s’élancent 
au-dessus de la crête, est de trois mille neuf cents à quatre 
mille cinq cents mètres (2000 à 2300 toises); et la hauteur 
moyenne de la crête des Alpes et des Pyrénées est de 
deux mille cinq cents à deux mille sept cents mètres (1300 
à 1400 toises). La largeur moyenne de ces dernières chaînes 
n'est que de dix à douze lieues nautiques , tandis que 
celle des Andes est à Quito de vingt, et au Mexique et en 


DES RÉGIONS ÉQUATORIALES. . 119 


4 


quelques parties du Pérou de quarante à soixante lieues. 
Ces considérations sont plus propres à donner une idée 
exacte de la grande différence des masses des Andes, des 
Alpes et des Pyrénées, que la comparaison de leurs plus 
hautes cimes, qui sont de six mille trois cent soixante-douze 
mètres (3270 toises), de quatre mille sept cent cinquante- 
quatre mètres (2440 toises), et de trois mille quatre cent 
trente-quatre mêtres (1764 toises ). 

La partie des Andes la plus élevée est celle qui se trouve 
située entre l’équateur et les 1° 45° de latitude australe. Ce 
n'est que dans ce petit espace du globe que lon trouve 
des montagnes qui surpassent la hauteur de cinq mille huit 
cent quarante-sept mètres (3000 toises). Aussi n’y en a-t-il 
que trois cimes : le Chimborazo , qui excéderoit la hauteur 
de lEtna, placé sur le sommet du Canigou, ou celle du 
S. Gothard, placé sur la cime du Pic de Ténérifle; le 
et l'Antisana. Les traditions des Indiens de Lican 

apprennent avec quelque certitude que la montagne 

de PAuel (Altar de los Collanes), appelée par les indigènes 

Capa-urcu, étoit jadis plus élevée que le Chimborazo, mais 

waprès une éruption continuelle de huit ans, sous le règne 

d'Ouainia-Abomatha, ce volcan saffaissa. Aussi son som- 

met ne présente plus dans ses pics inclinés que les traces 
de la destruction. 

Le Chimborazo , comme le Mont-Blanc, forme lextré- 
mité d’un groupe colossal. Depuis le Chimborazo, jusqu'à 
cent vingt lieues au sud, aucune cime n’entre dans la neige 
perpétuelle. La crête des Andes n’y a que trois mille cent à 


120 TABLEAU PHYSIQUE 


trois mille cinq cents mètres (16 à 1800 toises) d’élévation. 
Depuis le 8.° degré de latitude australe, ou depuis la pro- 
vince de Guamachuco , les cimes neigées deviennent plus 
fréquentes, surtout vers le Cusco et la Paz, où s'élèvent 
les pics élancés d’Ilimani et de Cururana. Au Chili aucune 
montagne n’a été mesurée, que je sache; et plus au sud, la 
Cordillière se rapproche si fort de Océan, que les îlots 
escarpés de l’Archipel des Huaytecas, peuvent être regardés 
comme un fragment détaché de la chaîne des Andes. Le 
cône neigé de Cuptana, le pie de Teyde de ces parages, 
s’y élève encore à deux mille neuf cents mètres (1500 toises). 
Mais plus au sud, vers le cap Pilar, les montagnes graniti- 
ques s’abaissent jusqu’à quatre cents mètres (200 toises), et 
même jusqu'à de moindres hauteurs. L’élévation des Andes, 
depuis le Chimborazo jusqu’au Nord, n’est pas moins inégale. 
Depuis 1° 45° de latitude australe jusqu'à 2° de latitude 


À 


boréale , la Cordillière conserve la hauteur de cinq mille à 
cinq mille cinq cents mètres (2600 à 2800 toises). La pro- 
vince de Pasto est un des plateaux les plus élevés du globe: 
c’est le Thibet de l'Amérique. Plus au nord, la Cordillière 
se divise en trois chaînons. La plus orientale n’a pas de 
cimes neigées entre les 4.° et 10.° degrés de latitude : mais 
à son extrémité boréale, à où elle se détourne à lest pour 
former la chaîne des montagnes de Caracas, se trouve le 
groupe colossal de Sainte-Marthe et de Mérida ; groupe de 
quatre mille sept cents à cinq mille cent mètres (2400 à 
2600 toises) de hauteur. Mais la branche la plus occiden- 
tale de la Cordillière des Andes, celle qui fournit le platine, 


DES RÉGIONS ÉQUATORIALES. 121 


s’abaisse dans l’isthme de Cupiqué et de Panama, depuis 
cent Jusqu'à trois cents mètres (5o à 150 toises) d’élévation. 
Passant dans le royaume de Guatimala et du Mexique, sa 
hauteur moyenne y est de nouveau, depuis les 11.° et 17. 
degrés de latitude, de deux mille sept cents à trois mille 
cinq cents mètres (1400 à 1800 toises). Mais sous le 19.° 
degré, dans les environs de la-ville du Mexique, elle forme 
un groupe dont quelques cimes, comme le Popocatepec et 
le Pic d'Orizaba, excédent cinq mille trois cents mètres 
(2700 toises) d'élévation. Dans le nord d’Anahuac et dans 
la Nouvelle-Biscaye , la Cordillière atteint à peine la hau- 
teur des Pyrénées. Sous le 55° degré de latitude boréale, 
des voyageurs anglois ne l'ont pas méme trouvée au-delà de 
huit cents mêtres (400 toises) de hauteur. On seroit tenté 
de croire qu’elle se perd entièrement vers le pôle boréal , 
si dans le voisinage de l'Asie, sous les 60° 21’ de latitude , 
nous ne connoissions pas le quatrième groupe, qui est pres- 
qu'aussi colossal que les autres; car le Pic Saint-Élie a cinq 
mille cinq cent douze mètres (2829 toises), et la montagne 
du Beau-temps quatre mille cinq cent quarante-sept mètres 
(2334 toises) de hauteur. C’est dans ces parages et à Ana- 
lasca que les Andes paroïissent avoir une communication 
sous-marine avec les volcans du Kamtschatka. Les montagnes 
de l'Asie orientale ne sont qu’une continuation de la chaîne 
de l'Amérique; et sil est probable que la plus grande partie 
des habitans du nouveau continent sont de race mongole , 
si au Nord de lindostan, dans le haut plateau du Tibet, 
on doit chercher le berceau des arts, des fables religieuses 


122 TABLEAU PHYSIQUE 


et peut-être de toute civilisation humaine, il n’est pas 
moins intéressant de considérer ce même plateau comme 
le centre commun auquel se lient les Cordillières des deux 
continens. 

J'ai esquissé à grands traits le contour de la haute chaîne 
des Andes. Quant à sa structure et à la nature des roches 
qui la composent, je dois me borner aux résultats suivans. 

Les régions équatoriales réunissent toutes les roches que 
lon a découvertes sur le reste du globe. Les seules formations 
que je n’y ai pas observées, sont la roche stéatiteuse que M. 
Werner désigne sous le nom de roche de Topaze, le mélange 
de pierre calcaire grenue et de serpentine que contient 

VAsie mineure, l’oolite ou Rogenstein des Allemands, le 
grau wakke et la craie. Mais il n'existe pas seulement sur 
toute la surface de la terre une identité de roches; il existe 
aussi dans larrangement ou la superposition de ces masses 
une harmonie qui prouve que la nature agit partout d’après 
des lois aussi simples qu'universelles. Le granit, dans lAmé- 
rique méridionale , constitue la base sur laquelle reposent 
les autres formations plus récentes. Il est à découvert au 
pied des Andes, sur les côtes de la mer du Sud, comme 
sur les côtes de l'océan Atlantique, entre les bouches de 
l'Orénoque et la rivière des Amazones. Il soutient la haute 
charpente des Andes, comme les formations secondaires des 
plaines. Le granit très-quartzeux , contenant peu de mica 
et de gros cristaux de feldspath , paroît plus ancien aux 
Andes que le granit à petits grains qui abonde en petites 
tables hexagones de mica, Tantôt en masses, tantôt divisé 


DES RÉGIONS ÉQUATORIALES. 123 


en bancs régulièrement inelinés et parallèles , enchâssant 
des masses rondes très-micacées, et devant leur origine à 
des attractions particulières entre les parties consütuantes , 
le granit du Pérou ressemble à celui des hautes Alpes et 
de Madagascar. L’oxide rouge de titanium y est plus abon- 
dant que la tourmaline. La stéatite (SpecAstein), la lépidolite 
et le sulfate de baryte, n’y ont pas encore été découverts 
comme faisant masse avec le granit. Sur cette roche, la 
plus ancienne du globe, et quelquefois alternant avec elle, 
se trouve le gneuss ou granit feuilleté. Il fait passage au 
schiste micacé, et celui-ci au schiste primitif. Le grenat 
dans ces régions est plus commun dans le granit feuilleté 
que dans le schiste micacé. Il se trouve même dans le beau 
porphyre qui, posé sur du schiste primitif, couronne la 
cime de la montagne argentifére du Potosi. La roche cal- 
caire grenue , le schiste chloritique et le trapp primitif 
(mélange intime de feldspath et d’amphibole) forment sou- 
vent des couches subordonnées dans le granit feuilleté et 
dans le schiste micacé. Ce dernier est aussi répandu aux 
Andes que dans la haute chaîne des Alpes. Il contient 
souvent des couches de graphite, et sert de base à des 
formations de serpentine et de jade. On voit, ce qui n’a 
peut-être point encore été observé en Europe, alterner la 
serpentine avec de la syénite. La haute crête des Andes est 
partout couverte de formations porphyritiques, de basaltes, 
de phonolites et de roches vertes. Ce sont ces formations, 
souvent divisées en colonnes, qui lui donnent les formes 
grotesques de châteaux ruinés sous lesquelles cette Cordil- 


124 TABLEAU PHYSIQUE 


lière se présente lorsqu'on la decouvre de loin. Le feu 
volcanique se fait jour à travers ces roches porphyritiques ; 
et c’est un problème difficile à résoudre pour le géologue , 
si ces porphyres, ces basaltes, ces amygdaloïdes poreuses , 
les obsidiennes et les pierres perlées, ont été formés par le 
feu, ou si ce sont des masses préexistantes sur lesquelles 
les volcans exercent leur action destructive. 

L'identité de:stratification qui règne sur la surface de 
notre globe, est plus frappante encore lorsqu'on compare 
les formations secondaires de l'Amérique méridionale et 
celles de l’ancien continent. La nature, constante dans son 
type, paroît avoir répété les mêmes phénomènes géologiques 
dans les plaines de lOrénoque, sur les côtes de la mer 

u Sud, en France, en Pologne, et dans les déserts de 
l'Afrique. Au pied des Andes on découvre deux formations 
de grès très-distinctes, lune à base siliceuse , enchâssant 
des masses primitives, et quelquefois du cinabre et des 
couches de charbon de terre; l’autre à base calcaire con- 
glutinant des roches secondaires : deux formations de gypse, 
et trois de pierre calcaire secondaire. Des plaines de plus de 
soixante-dix mille lieues carrées sont couvertes d’un conglo- 
mérat ancien, qui renferme du bois fossile et de la mine 
de fer brune. Sur lui repose la pierre calcaire que lon peut 
nommer celle des hautes Alpes, et qui contient des pétrifi- 
cations marines à de très-grandes élévations. Elle est carac- 
térisée par des couches fréquentes de schiste’ argileux et 
de petits filons de spath calcaire blanc. Elle sert de base à 
un gypse lamelleux, rempli de soufre et souvent muriatifère. 


DES RÉGIONS ÉQUATORIALES. ‘129 


Après ce gypse suivent une autre formation calcaire, très- 
homogène, blanchâtre , quelquefois remplie de cavernes (ana- 
logue à la pierre calcaire du Jura, du Monte-Baldo et de la 
Palestine), puis un grès calcaire, puis un gypse fibreux sans 
muriate de soude, mais mêlé d'argile, et enfin des masses 
calcaires contenant de la pierre à fusil et de la pierre de 
corne. Ce type de formations secondaires se reconnoît diff- 
cilement dans ces immenses plaines entre lOrénoque et le 
Rio-Negro, où tout ce qui couvroit jadis le conglomérat 
ancien paroît avoir été emporté par de grandes catastrophes. 
Mais il se manifeste dans la province de la Nouvelle-Anda- 
lousie (surtout dans la chaîne du Tumiriquiri) et au Mexique, 
où M. Del-Rio à fait les recherches les plus précieuses pour 
la géologie. Cependant, malgré cette identité de formation 
et de stratification dans les deux continens, les régions 
équatoriales présentent aussi plusieurs phénomènes qui leur 
sont particuliers. Un des plus frappans, sans doute, est 
l'immense hauteur à laquelle s'élèvent les roches postérieures 
au granit, et l'épaisseur des formations. En Europe, les 
hautes cimes des montagnes sont de granit. Le schiste mi- 
cacé a rarement pu passer les limites de deux mille quatre 
cents mètres (1200 toises). Le granit se découvre au Mont- 
Blanc, à quatre mille sept cent cinquante-quatre mètres 
(2440 toises). Dans la Cordillière des Andes cette roche 
est cachée sous des formations postérieures. On voyageroit 
plusieurs années de suite dans le royaume de Quito et dans 
une partie du Pérou, sans apprendre à connoître le granit. 
Le point le plus élevé auquel je lai vu aux Andes, est dans 


126 TABLEAU PHYSIQUE 


{ 


celles de Quindiu, à trois mille cinq cents mètres (1796 
toises). Les sommets glacés du Chimborazo, du Cayambé 
et d’Antisana, à six mille trois cent soixante-douze et cinq 
mille huit cent quarante-sept mètres (3270 et 3000 toises) 
d'élévation, sont de porphyre. La pierre calcaire secondaire 
s'élève, près de Micuipampa au Pérou, à trois mille sept 
cent trois mètres (1900 toises). Les grès de Huancavelica 
montent à quatre mille cinq cents mètres (2310 toises). Le 
schiste micacé des Andes de Tolima, dans le royaume de 
la Nouvelle - Grenade , se trouve à quatre mille quatre 
cent quatre-vingt-deux mètres (2500 toises); le basalte de 
Pichincha, près de la ville de Quito, à quatre mille sept 
cent trente-cinq mètres (2430 toises). L'endroit le plus 
élevé auquel on a trouvé des basaltes en Allemagne, est le 
sommet de la Schneekoppe en Silésie, à douze cent quatre- 
vingt-cinq mètres (660 toises) de hauteur. Les minéralo- 
gistes qui considèrent les porphyres du Chimborazo, les 
basaltes et les roches vertes, non comme altérées, mais 
comme produites par le feu des volcans, trouveront égale- 
ment intéressantes ces recherches sur les limites de hau- 
teur’ des formations ; car il s’agit ici de l'état des choses 
telles qu'elles existent, et non de leur origine et de l’état 
primitif de notre planète. 

Le charbon de terre forme des couches près de Santa-Fé, 


+ Observations géognostiques faites en Allemagne et en Italie, 1802, vol. I, 

- Ouvrage de M. de Buch, rempli des idées les plus belles et ee plus 

ati sur la construction du globe. Il seroit à désirer qu’on le tra- 
duisit en françois. 


DES RÉGIONS ÉQUATORIALES. 


127 
dans les environs de la belle cascade de Tequendama , à 
deux mille six cent trente-trois mêtres (1352 toises) Au 
Pérou, près de Huanuco, on assure avoir trouvé le char- 
bon fossile dans la pierre calcaire dense, à quatre mille 
quatre cent quatre-vingt-deux. mètres (2300 toises) de hau- 
teur , donc presqu'au-dessus de toute végétation actuelle. 
Les plaines de Bogota sont remplies, à deux mille sept 
. cents mêtres (1400 toises) d'élévation, de grès, de gypse, 
de pierre calcaire coquillière, et, près de Zypaquira, même 
de sel gemme. J’ignore si jamais en Europe on a découvert 
du charbon de terre et du sel gemme au-delà de deux 
mille mètres (1027 toises) de hauteur. Quelle est la cause 
de cette accumulation des mêmes substances à des éléva- 
tions si inégales sous l'équateur et dans les zones tempérées ? 
Les coquilles pétrifiées les plus élevées que lon a décou- 
vertes dans l’ancien continent, sont celles du Mont-Perdu, 
sur la cime la plus haute des Pyrénées, à trois mille cinq 
cent soixante-six mêtres (1828 toises) de hauteur. Dans les 
Andes, les débris de corps organisés sont en général assez 
rares, parce que la pierre calcaire abonde très-peu dans le 
voisinage de l'équateur. Cependant, près de Micuipampa, 
dont j'ai observé la latitude australe de 6° 45’ 38, on a 
trouvé des coquilles pétrifiées, des cœurs, des ostrea et 
des échynites, deux cents mètres (103 toises) plus haut que 
la cime du pic de Ténériffe, à trois mille neuf cents mètres 
(2000 toises) élévation. À Huancavelica il en existe à quatre 
mille trois cents mètres (2207 toises). 


Les os fossiles d’éléphans que j'ai rapportés de la vallée 


128 TABLEAU PHYSIQUE 


du Mexique, de Suacha près de Santa-Fé, de Quito et 
du Pérou, et dans lesquels M. Cuvier a reconnu une espèce 
nouvelle et très-différente du Mammouth, ne se trouvent 
dans la Cordillière des Andes qu'à deux mille trois cents 
et deux mille neuf cents mêtres (1181 et 1489 toises) de 
hauteur. Je ne connois pas d'exemple qu’on les ait décou- 
verts dans des régions plus basses; car les os de géans de 
la pointe Sainte-Hélène, près de Huayaquil, où j'ai fait 
faire des excavations , sont des débris de cétacés. 

En Europe, des couches non interrompues, dont l’épais- 
seur excède mille mêtres (514 toises) > paroissent déjà 
irés-rares. Au Mexique et au Pérou, sur la pente de la 
Cordillière et dans des vallées très-profondes, on découvre 
facilement que les roches porphyritiques ont trois mille cent 
à trois mille neuf cents mètres (1600 à 2000 toises) ’épais- 
seur. Celle des porphyres du Chimborazo est de trois mille 
sept cents mètres (1900 toises) Le grès des environs de 
Cuenca a quinze cent soixante mètres (800 toises), et la for- 
mation de quartz pur qui se trouve à l’ouest de Caxamarca, 
et qui paroît particulière aux Andes, a deux mille neuf 
cents mètres (1500 toises) d'épaisseur. Aucune de ces for- 
mations n'est interrompue par d’autres roches hétérogènes. 
Un phénomène non moins intéressant , qui caractérise les 
régions équatoriales , est la grande abondance de porphyres 
contenant toujours de lamphibole , jamais du quartz, et 
rarement du mica. Les grandes masses de soufre dont 
abonde la Cordillière, se trouvent souvent loin des volcans, 
non dans du gypse et dans des montagnes calcaires , mais 


DES RÉGIONS ÉQUATORIALES. 129 


dans des roches primitives. Je devrois encore citer la richesse 
des Andes en toute espèce de métaux (à l'exception du 
plomb): je devrois fixer lattention des géologues sur les 
pacos, ou sur le mélange intime d'argile, d’oxide de fer, 
de muriate d'argent et d'argent natif ; sur la différence de 
hauteur à laquelle la nature a déposé ses richesses au Pérou, 
à trois mille cinq cents et quatre mille cent mètres (1800 
et 2100 toises), et au Mexique, à mille sept cents et deux 
mille cinq cents mètres (goo et 1300 toises); enfin sur 
l'abondance du mercure, dont on connoît des filons sans 
nombre, quoique peu travaillés avec succès. Mais ces objets 
ne peuvent pas être détaillés dans un tableau général. Je 
ne me permets d'ajouter qu’une seule considération. L’abon- 
dance des mines d'argent est si grande dans la Cordillière 
des Andes, que l'Amérique espagnole , qui aujourd’hui exporte 
annuellement pour trente-huit millions de piastres en or 
et en argent, pourra tripler ce produit à mesure qu’elle 
augmentera en population. Le Mexique, où l’industrie com- 
mence à se réveiller, donne aujourd’hui vingt-deux à vingt- 
cinq millions de piastres, au lieu de cinq à six millions, 
qui s’exploitèrent au commencement du dix-huitième siècle. 
Mais la richesse de l'Europe n’a pas augmenté dans la même 
progression ; car la seule monnoie du Mexique a fourni 
depuis la conquête plus de dix-neuf cents millions de pias- 
tres, dont la plus re partie existe aujourd'hui aux 
Indes orientales et en Chin 

Aucune partie du globe n’est plus agitée par le feu vol- 
canique que la Cordillière des Andes. Depuis le Cap Horn 

17 


130 TABLEAU PHYSIQUE 


jusqu'au Mont S. Élie , il existe plus de cinquante volcans 
qui jettent encore des flammes. Ceux qui sont les plus 
éloignés de la mer, sont le Popocatepec, dans le royaume 
de la Nouvelle-Espagne, et le Cotopaxi, dans la province de 
Quito. Mes observations de longitudes donnent, depuis le cra- 
tère du volcan de Popocatepec jusqu’à la côte la plus proche 
du golfe du Mexique (celle de Tecotutla), la distance de trente- 
sept lieues marines. Il ÿ en a quarante depuis le Cotopaxi 
jusqu’à la mer du Sud. La nature de ces volcans des Andes 
est très-diflérente. Quelques-uns, et surtout les plus bas, 
vomissent des laves : d’autres, par exemple ceux de Quito, 
n'en produisent jamais; mais ils lancent des roches scorifiées, 
de l’eau, et surtout de l'argile mêlée de carbone et de soufre. 
Dans une plaine du Mexique, à vingt-neuf lieues de distance 
de la mer du Sud, la nuit du 14 Septembre de année 1759, 
le grand volcan de Xorullo est sorti de terre, entouré de 
deux à trois mille petits cônes fumans. Il a acquis en peu de 
temps la hauteur: de quatre cent quatre-vingt-six mètres (249 
toises) au-dessus de l’ancien niveau de la plaine. Son élévation 
au-dessus de l'Océan est de douze cent trois mètres (617 
toises). Il brûle encore ; mais nous sommes parvenus, M. 
Bonpland et moi, jusqu'au fond de son cratère, pour y re- 
cueillir de Pair qui contenoit plus de 0,05 d'acide carbonique, 


: La hauteur de ce volcan, le plus extraordinaire et le plus récent de tous, 
excède par conséquent plus de trois fois l'élévation de la grande pyramide de 
Cheops, en Égypte, qui n’a que cent quarante-deux mètres (73 toises). Elle 
excède huit fois la pyramide de Chokla, que les anciens Mexicains ont 
construite de briques, et dont je publierai les dessins. 


DES RÉGIONS ÉQUATORIALES. 131 


Limile de la neige perpétuelle. 


En considérant le décroissement du calorique dans l'at- 
mosphère, nous avons vu qu'au-delà de la hauteur du 
Montblanc ce décroissement paroît suivre la même loi dans 
les zones tempérées que sous les tropiques. On pourroit 
supposer qu’en ces régions très- élevées la chaleur rayon- 
nante que renvoie la surface du globe, devient presque in- 
sensible, et que leur température dépend presque uniquement 
de la décomposition des rayons solaires dans l'air, qui affoi- 
blit la lumière en raison de sa densité. Il n’en est pas de 
même dans les basses régions de l'atmosphère. Depuis le 
niveau de la mer Jusqu'à cinq mille mètres (2565 toises) 
d’élévation , le décroissement du calorique, en prenant la 
température moyenne de toute l’année, paroît dévier de la 
loi qu'il suit à de plus grandes élévations. Les couches d'air 
dans lesquelles les neiges ne fondent pas, se trouvent à 
différentes hauteurs, selon la distance du lieu au pôle ; 
mais leur température moyenne doit être la même. Or 
Connoïssant le décroissement du calorique sous ‘Équateur, 
depuis la mer jusqu'aux limites des neiges perpétuelles , 
décroissement de deux cents mêtres (103 toises) par degré 
centigrade, cette hypothèse nous donne approximativement 
la limite inférieure des neiges sous d’autres latitudes. Il 
s’agit de chercher la hauteur d’une couche d'air dont la 
température moyenne soit + 0°,4, qui est celle qui règne 


, 


sous l’équateur, là où commencent les neiges. Soit 12°,5 la 


A 


température moyenne des basses régions sous le 45.° degré 


132. TABLEAU PHYSIQUE 


de latitude : on aura 200 (12°,5 — 0°,4) — 2420 mètres ; 
résultat qui, à quatre-vingts ou cent mètres (41 à 51 toises) 
près, est conforme à ce que l'on observe dans la nature 
même. Un endroit de l'Europe boréale dont la température 
moyenne, au niveau de la mer, seroit de + 4°, auroit la 
neige perpétuelle à sept cent vingt mètres (370 toises) de 
hauteur. En général, cette limite, exprimée en mètres, se, 
trouveroit en prenant deux cents fois la température moyenne 
des basses régions. Une formule dans laquelle la latitude 
entreroit comme fonction, seroit moins exacte, parce que 
le climat physique est souvent très-indépendant de la posi- 
tion astronomique d’un éndroit. Cette même considération 
que je présente, nous offre ainsi l'avantage de trouver la 
température moyenne d’un pays, étant donnée la hauteur 
de ses neiges, et de la trouver par un multiple. 

Mais abandonnons des hypothèses qui ne se fondent 
encore que sur un petit nombre de faits, et voyons ce que 
nous présente l'observation même. Sous ’équateur la limite 
inférieure des neiges est un des phénomènes les plus constans 
que présente la nature. Bouguer la place à quatre mille sept 
cent quarante-quatre mètres (2434 toises). Le terme moyen 
d'un grand nombre de mesures m'a donné quatre mille 
sept cent quatre-vingt-quinze mètres (2460 toises); différence 
qui résulte de la hauteur que nous assignons , M. Bouguer 
et moi, au signal de Caraburu, et au baromètre placé au 
niveau de la mer. D'ailleurs les académiciens ont très-bien 
observé que dans une région où la température est toute 
l’année la même, les neiges ne varient pas de cinquante à 


DES RÉGIONS ÉQUATORIALES. 133 


soixante mètres (26 à 31 toises), et qu’elles forment une 
ligne horizontale bien tranchée, sans se prolonger dans les 
vallées. On n’avoit jamais déterminé la hauteur de la neige 
permanente sous le 20. degré de latitude boréale, et l’on 
pourroit soupçonner que labaissement depuis léquateur 
seroit assez considérable. J’ai trouvé au Mexique, par des 
mesures géométriques exécutées au volcan de Popocatepec, 
à l’Ttzaccihuatl, au Pic d'Orizava, au Nevado de Toluca, et 
au Cofre de Pérote, que les glaces perpétuelles commencent 
à quatre mille six cents mètres (2360 toises); la différence 
avec l’équateur n’est donc encore que de deux cents mètres 
(103 toises). Mais il tombe partiellement de la neige au 
Mexique sous les 19—22 degrés de latitude; deux mille 
cent mètres (1078 toises) plus bas qu'à Quito; ce qui prouve 
que les refroidissemens momentanés de l’atmosphère de ces | 
deux pays sont très- différens, quand leur température 
moyenne ne varie que de très-peu. Comme le climat du 
Mexique se rapproche déjà beaucoup de celui des régions 
tempérées , la neige perpétuelle y fait des oscillations très- 
grandes. Je l'ai trouvée au volcan de Popocatepec, en Juillet, 
à quatre mille cinq cent vingt-trois mètres (2372 toises ); 
mais elles descendent en Février à trois mille huit cent 
vingt-quatre mètres (1962 toises). La Cordillière des Andes 
n’a pas de glaciers; c'est une beauté qui manque à cette 
partie des tropiques. Le défaut d’une suffisante quantité de 
neige, car il en tombe peu à la fois sous l'équateur, et la 
constance de la température, se sont opposés sans doute à la 
formation des glaciers, dont l'existence d’ailleurs est indépen- 


134 TABLEAU PHYSIQUE 


dante de la hauteur à laquelle ils se trouvent. Mais au Chim- 
borazo, en creusant dans la terre, on découvre, sous des 
bancs de sable très-épais, des neiges d’une haute anitquité. 
Nous ignorons la hauteur des neiges permanentes sous les 25.° 
et 30° degrés de latitude. En Europe elle est, sous les 42.° 
et 46° degrés, à deux mille cinq cent trente-quatre mètres 
(1300 toises) d’élévation sur mer. J’ai examiné cette loi de 
l'abaissement des neiges dans un mémoire particulier, lu à la 
premiere classe de l’Institut national au mois de Nivôse an 13. 


Distance à laquelle on peut apercevoir les 
720n{agnes SAUT 7nET. 


4 æ 


La distance à laquelle on commence à apercevoir une 
montagne sur mer, dépend de sa hauteur, de la courbure 
de la terre et de la réfraction terrestre. La dernière étant 
un élément très-variable, l'échelle a été calculée sans y avoir 
égard. Mais quelque extraordinaires que puissent être les 
phénomènes de ces réfractions, il ne faut pas oublier que 
sur mer l'incertitude du point, ou de la position du navire, a 
quelquefois fait croire qu'on a vu des objets à des éloigne- 
mens beaucoup plus grands qu’ils se trouvoient effectivement. 
Il en est de même de l'effet des courans, dont le navigateur 
exagére souvent la force, parce que, par erreur ou par 
manque d'observation astronomique , il se trouve dans un 
endroit dont il se croyoit très-éloigné. 

Sous les tropiques, où j'ai trouvé les réfractions terrestres 
singulièrement constantes , les angles de hauteur peuvent 
être d’un grand secours pour le navigateur. Le Pie de 


DES RÉGIONS ÉQUATORIALES. 135 


Ténériffe , celui des Acores , le volcan d’Orizava sur les 
côtes du Mexique, la Silla de Caracas et les montagnes 
neigées de Sainte-Marthe , à l’est de Carthagène des Indes, 
sont des signaux que la nature, pour ainsi dire, paroît avoir 
élevés pour guider le pilote. Connoissant la hauteur de 
ces cimes et leur position astronomique, des observations 
trés-simples peuvent fixer le lieu du vaisseau. M. de Chur- 
ruca a calculé des tables pour les distances auxquelles le Pic 
de Ténériffe s'aperçoit sous tel ou tel angle de hauteur. 

‘échelle que je présente offre en même temps à Pima- 
gimation la vaste étendue de terrain que l'œil peut découvrir 
de la haute cime des Cordillières. Cette étendue auroit été 
pour moi, au point auquel je suis monté vers la cime du 
Chimborazo , d’un diamètre de quatre - vingt - sept lieues 
nautiques ; elle auroit été pour M. Gay-Lussac de cent six 
lieues : mais les nuages et les vapeurs nous ont dérobé à 
tous deux la vue des basses régions. 


Diversité des animaux, selon la hauteur du 
sol qu'ils habitent. 


Pour compléter le tableau physique des régions équato- 
riales, j'ai développé dans la quatorzième échelle la diversité 
des animaux qui vivent à différentes hauteurs dans la Cor- 
dillière des Andes. On y trouve indiqués, dans l'intérieur 
du globe, les dermestes, qui rongent les fonges souterrains. 
L’Océan nourrit les bandouillères, les coryphènes, et d’au- 
tres poissons qui sucent la partie gélatineuse des fucus. 
Depuis le niveau de la mer jusqu'à mille mètres (513 toises), : 


136 TABLEAU PHYSIQUE 


dans la région des palmiers et des scitaminées, on découvre 
le paresseux, qui vit sur le cecropia peltata ; les boa et les 
crocodiles, qui dorment au pied des conocarpus et de l'ana- 
cardium caracoli. C'est là que le cavia capybara se cache 
dans des marais couverts d’heliconia et de bambusa, pour 
se dérober à la poursuite du jaguar ; le crax, le tanayra et 
les perroquets, s’y perchent sur le caryocar et le lecythis. 
C’est là que l’on observe lélater nocülucus qui se nourrit 
de la canne à sucre, et le curculio palmarum qui vit dans 
la moelle du cocotier. Les forêts de ces régions brûlantes 
retentissent des hurlemens des alouates et d’autres singes 
sapajoux. Le jaguar , le Jfelis concolon , et le tigre noir de 
l'Orénoque, plus sanguinaire encore que le jaguar, y chas- 
sent le petit cerf (c. mexicanus), les cavia et les fourmil- 
Jiers, dont la langue est fixée au bout du sternum. L'air 
de ces basses régions, surtout dans les bois et sur les bords 
des fleuves, est rempli de cette innombrable quantité de 
maringouins (mosquitos), qui rendent presque inhabitable 
une grande et belle partie du globe. Aux mosquitos se 
joignent Pæstrus humanus, qui dépose ses œufs dans la 
peau de l’homme, et y cause des enflures douloureuses ; 
les acari, qui sillonnent le cutis, les araignées venimeuses, 
les fourmis et les termes, dont la redoutable industrie 
détruit les travaux des habitans. Plus haut, de mille à deux 
mille mètres (513 à 1026 toises), dans les régions des 
fougères arborescentes , presque plus de jaguar, plus de 
boa, plus de crocodiles ni de lamentins, peu de singes ; 
mais abondance de tapir, de sus tajassu et de felis pardalis. 


DES RÉGIONS ÉQUATORIALES. 137 


L'homme, le singe et le chien, y sont incommodés par 
une infinité de chiques (pulex penetrans), qui sont moins 
abondantes dans les plaines. Depuis deux jusqu'à trois mille 
mètres (1026 à 1539 toises), dans la région supérieure des 
quinquina, plus de singes , plus de cervus mexicanus ; 
mais le felis tigrina, les ours et le grand cerf des Andes. 
Les poux abondent malheureusement à cette hauteur, qui 
est celle de la cime du Canigou. Depuis trois jusqu’à quatre 
mille mètres (1539 à 2052 toises), se trouvent la petite 
espèce de lion que l’on désigne par le nom de puma dans 
la langue Quichoa, le petit ours à front blanc, et quelques 
viverres. J’ai vu souvent avec étonnement des colibris à la 
hauteur du Pic de Ténériffe. La région de lespeletia frat- 
lexon et celle des graminées, depuis quatre jusqu'à cinq 
mille mètres (2052 à 2565 toises) de hauteur, est habitée 
par des bandes de vigognes, de guanaco et d’alpaca. Les 
lamas ne se trouvent qu'en état de domesticité; car ceux 
qui vivent à la pente occidentale du Chimborazo , sont 
devenus sauvages lors de la destruction de Lican par linca 
Tupayupangi. La vigogne préfère surtout les endroits où la 
neige tombe de temps en temps. Malgré la persécution 
qu’elle éprouve, on en voit encore des bandes de trois à 
quatre cents, surtout dans les provinces de Pasco, aux 
sources de la rivière des Amazones, dans celle de Guailas 
et de Caxatambo, près de Gorgor. Cet animal abonde aussi 
près de Huancavelica, aux environs de Cusco et dans la 
province de Cochabamba, vers la vallée de Rio- Cocatages. 
On fly trouve partout où le sommet des Andes s'élève 


18 


138 TABLEAU PHYSIQUE 


au-dessus de la hauteur du Mont-Blanc. Cest un phéno- 
mène de la géographie des animaux très-frappant, que 
celui de voir les alpaca, les vigognes et des guanaco, suivre 
toute la chaîne des Andes, depuis le Chili jusqu'au 9 
degré de latitude australe, et de ne plus en observer depuis 
ce point au nord, ni dans le royaume de Quito, ni dans 
les Andes de la Nouvelle-Grenade. L’autruche de Buenos- 
Ayres présente un phénomène analogue. Il est difficile de 
concevoir pourquoi cet oiseau ne se trouve pas dans les 
vastes plaines au nord de la Cordillière de Chiquitos, où 
les bois épais sont entremélés de quelques savanes. La 
limite inférieure de la neige perpétuelle est, pour ainsi dire, 
la limite supérieure des êtres organisés. Quelques plantes 
licheneuses végètent encore sous les neiges ; mais le condor 
(vultur gryphus) est le seul animal qui habite ces vastes 
solitudes. Nous l’avons vu planer à plus de six mille cinq 
cents mètres (3535 toises) de hauteur. Quelques sphinx 
et des mouches, observés à cinq mille neuf cents mètres 
(3027 toises), m'ont paru portés involontairement dans 
ces régions par des courans d'air ascendans. M. Ramond 
en a trouvé autour du lac du Mont-Perdu. Saussure en 
a vu aussi à la cime du Mont-Blanc. Je me flatte que 
mon échelle zoologique contient les premiers matériaux 
our un tableau que lon pourroit former de la géogra- 
phie des animaux ; tableau analogue à celui que j'ai exécuté 
pour les plantes. L'ouvrage classique de M. Zimmermann 
indique la patrie des animaux, d’après la différence des 
latitudes qu'ils habitent. I seroit intéressant de fixer dans 


DES RÉGIONS ÉQUATORIALES. 139 


un profil les différentes hauteurs auxquelles ils s'élèvent 
sous la même latitude. 


Culture des sol, 


Nous avons analysé jusqu'ici les phénomènes physiques 
que présentent les régions équatoriales; nous avons examiné 
les modifications de l'atmosphère, les productions végétales 
du sol, les animaux qui vivent à différentes hauteurs, et 
la nature des roches qui composent la Cordillière. Jetons 
les yeux sur l’homme et les effets de son industrie. Depuis 
le niveau de l'Océan jusque tout près des glaces perpé- 
tuelles, notre espèce est répandue sur la pente des montagnes. 
La partie du Pérou que les incas, dans la division politique 
de leur empire, nommèrent Antisuyu , est même plus 
habitée que Cuntisuyu ou la plaine. La civilisation des 
peuples est presque constamment en raison inverse de la 
fertilité du sol qu'ils habitent. Plus la nature oppose de 
difficultés à surmonter, plus rapidement se développent:les 
facultés morales, Les habitans d’Anahuac (ou du Mexique), 
ceux de Cundinamarca (ou du royaume de Santa-Fé), et 
ceux du Pérou, formoient déjà de grandes associations 
politiques , ils jouissoient d’une culture semblable à celle 
de la Chine et du Japon, tandis que les hommes erroient 
encore nus et épars dans les bois qui couvrent les plaines 

à l'est des Andes. Mais si la civilisation de notre espèce 
fie plus tôt des progrès dans les régions boréales qu’au milieu 
de la fertilité des tropiques, si cette civilisation commença 
plus tôt sur la haute cime des Cordillières qu'aux bords des 


140 TABLEAU PHYSIQUE 


grandes rivières , pourquoi des peuples déjà civilisés et 
agricoles ne se portent-ils pas vers des climats où la nature 
produit spontanément ce qui, sous un ciel moins propice , 
n'est dû qu'au travail le plus fatigant ? Qu'est-ce qui peut 
déterminer les hommes à labourer un terrain pierreux et 

stérile, à trois mille cinq cents mètres (1796 toises) de 

hauteur, lorsque plus bas de vastes plaines sont désertes ? 

Qu'est-ce qui les engage à habiter des plateaux où la neige 

tombe dans toutes les saisons, et où, sous un ciel froid et. 
brumeux , le sol est dénué de végétaux ? L’habitude et 

l'amour du site natal : voilà les seuls motifs que l’on puisse 

citer. 

En Europe les villages les plus élevés sont à seize cents 
ou dix-neuf cents mètres (800 — 1000 toises) d'élévation 
sur le niveau de l'Océan; car dans les Alpes de la Suisse 
et de la Savoie, on trouve:  : 


mètres. toises. 
Le village de Breuil, dans la vallée du ons Cervin, a. 2007 | 1030 
Celui de Saint- mon déFValEd'Ayas ant Pr Neue 1631 
Geluisde, Sänt-Remis, à tue ei. ie Po 1604 823. 
Celui d’Eleva, sur _ pente du-Cramont, à. 0. 1308 672 
Celui de Lans-le- HourR TS DAC + MANS RS 1388 712. 
Gelut-dé*Formaza, 47.7. 0 nat Mr RER. it. 1263 648. 

Dans les ea on trouve, d’après M. non 

Le village dé Hess, à mn 70 tte mn der Cie 1465 752 
Celui de Gavarnie, à..,....... DORE AI TUIR nm Ai 1444 741. 
Gélui de Barèse nant ee 1290 662, 


Plus haut, dans nos montagnes d'Europe, il n’y a que 
des chalets que les pasteurs habitent en été. Dans la Cor- 
dillière des Andes, au contraire, les villes de Pasco, de 


DES RÉGIONS ÉQUATORIALES. 141 


Huancavelica et de Micuipampa, sont construites presqu'à. 
la hauteur du Pic de Ténérifle. La métairie d’Antisana , 
dans le royaume de Quito, est située à quatre mille cent. 
sept mètres (2107 toises), et elle est sans doute un des. 
endroits habités les plus élevés de la terre. 

La culture du sol dépend de la variété des climats, qui 
est l'effet de la hauteur. Depuis le niveau de l'Océan à 
mille mètres (513 toises) d’élévation, les indigènes cultivent 
des bananiers, du maïs, du jatropha et du cacao. C’est la 
région des ananas, des oranges, des mammea et des fruits. 
les plus délicieux. Les peuples européens y. ont introduit 
le sucre, le coton, lindigo et le café; mais ces nouvelles 
branches d'agriculture, loin d’être bienfaisantes, ont aug 
menté l’immoralité et les malheurs de lespèce humaine. 
L'introduction des esclaves africains, en désolant une partie. 
de l'ancien continent, est devenue une source de discorde 
et de vengeance DORE le nouveau. 

Depuis mille jusqu’à deux mille mètres (513 à 036 toi 
ses), le sucre, l’indigo, le bananier et le jatropha manihot, 
deviennent plus rares. Le café préfère un climat moins brû- 
lant, et se plaît dans des sites élevés et pierreux. Le coton, 
y vient encore en abondance, mais non le cacao et lindigo, 
qui demandent de fortes chaleurs. Le sucre, dans le royaume 
de Quito, se cultive, et même avec avantage, jusqu'à deux 
mille cinq cent trente-trois mètres (1300 toises) de hau- 
teur; mais il lui faut alors des sites où le soleil est réver- 
béré par des plaines étendues. Cette même région tempérée 
est la plus agréable pour le colon européen. Il y jouit 


142 TABLEAU PHYSIQUE 


d’une température de printemps perpétuelle, et tous les 
fruits, surtout ceux de l'annona chylimoya, sont les plus déli- 
cieux. À mille mêtres (513 toises) de hauteur, commence la 
culture du blé d'Europe. Ces graminées nourrissantes , les 
céréales , qui accompagnent les peuples de la race du 
Caucase depuis des milliers d'années, supportent, comme 
l’homme, aussi bien les grandes chaleurs des tropiques que 
le froid des cimes voisines de la neige perpétuelle. Dans 
‘île de Cuba, à vingt-trois degrés de latitude, le froment 
se cultive, même en abondance, à cent cinquante mètres 
(77 toises) d’élévation au-dessus de la mer. Dans la province 
de Caracas, à dix degrés de latitude, entre Turmero et la 
Victoria, à cinq cents mètres (256 toises), on trouve de beaux 
champs semés en froment. Les vallées d’Aragua y présentent 
le spectacle frappant du sucre, de l'indigo, du cacao et 
du blé d'Europe, cultivés dans la même plaine. Mais pour 
que le froment , aux tropiques, donne des moissons abon- 
dantes dans des régions si peu élevées sur le niveau de la 
mer, il faut une exposition et une réunion de circonstances 
particulières. La vraie hauteur à laquelle il produit partout, 
est au-dessus de mille trois cent soixante - quatre mètres 
(700 toises). Au Mexique, par exemple, à Xalappa, dont 
j'ai observé la latitude de 19° 30’ 46, le triticum croît à 
treize cent quatorze mètres (674 toises). On s’en sert pour 
la nourriture du bétail, mais son épi est presque sans graines. 
Sur la pente orientale des montagnes d’'Anahuac, la culture 
du froment ne commence qu'à Pérote, à deux mille trois 
cent trente-trois mètres (1197 toises) Sur la pente occi- 


DES RÉGIONS ÉQUATORIALES. 143 


dentale , au contraire , vers la mer du Sud, je lai vue 
descendre jusque dans la belle vallée de Chilpanzingo, à 
douze cent quatre-vingt-douze mètres (663 toises). Dans 
d’autres parties du Mexique, comme aussi au Pérou, à 
Quito et dans le royaume de Santa-Fé, le blé d'Europe croît 
le plus abondamment depuis seize jusqu'à dix-neuf cents: 
mètres (821 à 975 toises) d’élévation. Il y produit, année 
commune, plus de vingt-cinq à trente graines pour une. 
Au-dessus des dix-sept cent cinquante mètres (900 toises), 
le bananier donne difficilement des fruits mûrs; mais la 
plante se trouve encore à deux mille cinq cents mètres 
(1300 toises), quoique peu vigoureuse. La région comprise 
entre les seize et dix-neuf cents mètres (821 et 975 toises), 
est aussi celle dans laquelle lerythroxylum peruvianum se 
cultive le plus abondamment : cette plante est la cocca, dont 
quelques feuilles, mélées à de la chaux caustique, nourrissent 
lIndien péruvien dans ses courses les plus longues dans la 
Cordillière. C’est de deux à trois mille mètres (1026 à 1539 
toises) que règne principalement la culture des blés d'Eu- 
rope et du chenopodium quinoa. Cette culture est favorisée 
par les grands plateaux que présente la Cordillière des Andes 
à cette élévation, et dont plusieurs ont quatre-vingts jusqu'à 
cent lieues quarrées. Leur sol, uni et facile à labourer, 
annonce qu'ils ont été les fonds d'anciens lacs. A trois mille 
cent et trois mille trois cents mètres (1600 — 1700 toises) 
de hauteur , les gelées et la grêle font souvent manquer les 
récoltes du blé. Le maïs ne se cultive presque plus au-delà 
des deux mille trois cent trente-neuf mètres (1200 toises). 


144 TABLEAU PHYSIQUE 


Depuis trois jusqu’à quatre mille mètres (1539 à 2052 toises), 
l'objet principal de la culture est la pomme de terre (le 
solanum tuberosum). Vers les trois mille trois cents mètres 
(1693 toises), le froment ne vient plus; on n’y sème que 
de l'orge, et même elle y souffre beaucoup du manque de 
chaleur. Au-dessus de trois mille six cents mètres (1847 
toises) cessent toute culture et tout jardinage. Les hommes 
y vivent au milieu de nombreux troupeaux de lamas, de 
brebis et de bœufs, qui, en s’égarant, se perdent quelque- 
fois dans la région des neiges perpétuelles. Cette échelle 
de la culture du sol, qui n’a été qu'ébauchée , offre le 
tableau de lindustrie de lhomme depuis les mines jus- 
qu'aux plus hauts sommets des Cordillières. 


Hauteurs mesurées dans différentes parties 
du globe. 


Tous les résultats physiques développés dans le cours de 
cet ouvrage, étant liés à des idées de hauteur, il paroissoit 
naturel d'ajouter un certain nombre de mesures exécutées 
en différentes parties du globe, pour servir de comparaison 
à celles faites dans la Cordillière des Andes. Je les ai réu- 
nies dans le tableau qui embrasse l’ancien et le nouveau 
continent, et je ne doute pas que ces comparaisons ne fas- 
sent naître des rapprochemens très-curieux dans l'esprit de 
ceux qui s'occupent des grands phénomènes de la nature. 

Le dessin même indique les plus grandes hauteurs aux- 
quelles les hommes se sont élevés depuis la surface de la 
mer. On y trouvera marqué le voyage de Saussure au Mont- 


-__ DES RÉGIONS ÉQUATORIALES. 145 


Blanc, à quatre mille sept cent cinquante-six mètres (2440 
toises); celui de Bouguer et la Condamine, au Corazon, 
à quatre mille huit cent quatorze mètres (2470 toises), et 
le point du Chimborazo , auquel nous sommes parvenus le 
23 Juin 1802, à cinq mille neuf cent neuf mètres (3032 
toises). Mais toutes ces élévations paroissent petites encore, 
lorsqu'on considère celle que M. Gay-Lussac a atteinte, 
seul, en ballon, au-dessus de Paris, le 16 Septembre 
1804. IL s’est élevé à sept mille seize mètres (3600 toises) 
de hauteur, par conséquent près de six cents mètres (308 
toises) plus haut que le sommet de la montagne la plus 
élevée du globe. Ce voyage, qui offre un bel exemple de 
courage et de dévouement pour les sciences, a fourni des 
faits importans pour la théorie du magnétisme et la con- 
noissance chimique de l'atmosphère. 


> 


TABLE DES HAUTEURS. 


Lis nombres mis en parenthèse indiquent que la mesure est douteuse. 
La lettre H. indique mes propres site soit ed soit 
h 


géodésiques. Quelques-unes de celles-ci 
dans la publication de mes mesures et de mes observations astronomiques, 
d’autres occupations ne m'ayant pas encore permis de vérifier tous les 


calculs d’après la formule de M. Laplace, et de leur donner le degré 


d'exactitude dont ils seront susceptibles dans la suite. : 
AU-DESSUS 
Du NOMS 
LIEUX MESURÉS. NIVEAU DE LA MER. 
RS ES ti) 


OBSERVATEURS. 


EN EN 
MÈTRES. | TO1SES. 


6544 3358 re 


. Ex Amérique. Chimborazo. . . + .« + + + + que de M. un 


6275 3220 a ndamine. 
6587 3380 |Don Ro 
" Bouguer, La Condamine. 

Cayambé. .,. « . . + + + 5909 CB Ë la Condamin 
5954 3055 |. 

Antisdna . « + + + + + + + se LEP ACEE 
5878 3016 | Bouguer. 

Cotopaxi. . . . . . . + + .| 5758 | 2952 | Bouguer 


4868 2498 |/.(form. de M. Laplace) 
4816 | 2471 |Don Jorge Juan. 
Guagua Pichincha .| 4740 | 2432 |La Condamine. 


Rucu Pichincha. . . . . . . 


Tungurahua, après les rs 
de 1772 et le tremblement ae 4958 | 2544 |A. 


terre de 1797: 
A + 4 


trophes . . . .| 5106 2620 |ZLa Condamine.' 


éthodes employées dans le calcul barométrique influent aussi dans cette différence, qu'il ne faut 


es 
pas attribuer uniquement aux affaissemens 


140 TABLEAU PHYSIQUE 
ee NOMS 
LIEUX MESURÉS. NIVEAU DELA MER. 
Ro 
EN EN OBSERVATEURS. 
MÈTRES.| TOISES. 
Ex Amérique. Ville de Qui 2935 1506 |. (form. de M. Laplace) 
Ville de _ Fé-de- Bogota: 2625 1347 |A. 
Ville de Mexi 2294 1177 |. (form. de M. Laplace) 
Ville de Popayan . . . . . .| 175 go1 |ZZ 
Ville de Ur . + + «| 2514 1290 |A. 
Ville de Loxa 1960 1006 |A. 
Ville de Caxamarca = (Péion de 2748 1410 |Z7. 
Ville de Micuipampa HD 557 1825 | 77. 
ille de Caracas. . 810 41 17. 
Métairie d’A Éd ; 4095 | 2101 |Z7. (form. de M. Laplace) 
ocatepec (volc. du Mexiq.).| 5387 2764 |ZZ. 
Itzaccihuatl (ou la Sierra 
d. ue). . 4796 2461 |ÆZ. 
Sept Con le Pic de Ori. 
zaba). . 5305 2722 |A. 
Re cou Coke de 
Perote). . . 026 | 2066 |. 
“Nevado de Toluca x au Fe 4607 364 |Z. 
Volcan de Xor pes sorti de 
terre 204 61 1. 
: Expédition de MM. Qua- 
Mont S. . ee 5513 | 2829 ee es Le 
côte nord-ouest 
se . a ie de 4549 2334 
tu Res 
Yolcan d’Arequip. en ou). .| 2693 | 1382 | ÆEspinosa. 
Pic du Duida.|Près des sources de 2552 1309 
l'Orénoque 
Silla de Caracas, . . + «| 2564 1316 |A. 
Montagne de grè 
Tumiriquiri .] & ps ïe a nes or 
ousle. ë 
Cime des montagnes bleues de 
la Jamaïque . . . . , . .| 2218 1138 | Edward. 


2 . 
ie a nee et cette 


a Condamine trouva Quito, 
t 


moindre hauteur, comm 
infl + h 


formule mithe de Bougu 
Chi 


par l'opération exécutée à Nig 
1 


se vingt-neuf mètres (51 


er et la supposition 
borazo 


DES RÉGIONS ÉQUATORIALES. 


149 


AU-DESSUS 
: NOMS. 
LIEUX MESURÉS. NIVEAUDELAMER. 
ne. —" 
EX EN OBSERVATEURS. 
MÉTRES.|] TOISES. 
Dans La Mer( y 4 û : 
Rens owna-Roa (aux ilesSandwich)| 5024 | 2578 | Marchand. 
En Aste. . . « Mont Liban. Due Tummel- 2906 1491 La Billardiére ; Xcones 
ee plant. ne dec.I,p.5. 
Ophyr (à l'ile de Sumatra). 3950 | 2027 | Mar 
3705 190 Cordier. 
37o1 1899 a nsto 
En Arnique.' Pic de Teyde. . . . . . . . 3689, | 1892 ae Com, mie 
(4313) | (2213) F. nd) 
(4687) | (2405) | Heberden (géométr.). 
(5180) | (2658) | Man. Hernandez (géom. 
Ex Eunors 4775 5150 Saussure (form d 
bukbur 
AUX 1. Mont-Blanc . . . . « . 4738 2426 |Pictet (géométr.). 
4660 2391 uc (géo barom.) 
Mont-Rose. . ... + | 4736 | 2430 |Saussure. 
Ortler, en Tyrol . .: + + «+ + 4699 2411 |Un peu douteuse. 
Finsterahorn ü . «| 4362 | 2238 ralles. 
sn DS 1.0.4. jido laits |Tralles 
Mônch. il 411 2111 ralles 
mu Tarte. *  . | 4082 2094 |Saussure. 
eckho . « «| 4079 | 2093 |7ralles. 
D 2... + eee + | 2902 044 |Tralles. 
Breithor «+ + | 3902 200 Tralles. 
Gros en y . .| 3898 | 2000 |Un peu douteuse. 
Alt-Els . .| 3713 1905 |7ralles. 
nn 103609 898 |Tralles. 
a pr.  . . … «| 9704 1947 |Saussure. 
Wetterhorn. . . nie . + 9720 1909 alles. 
Doldenh Sn 3666 1881 |Zralles. 
ROÏOED . . à à Dr à.» 29 1506 |Saussure. 
Le Cram .| 273 ° 1402 |Saussure. 
Selgemme de aber en : : 
Tyrol . .| 1652 848 |Buch. 
1 Le mont de Fe dans l'ile de la de. a été trouvé ille d is mille trois cents mètres 
1 (542 toises). 


{269 


4 le es 
de mille cmqu 


TABLEAU PHYSIQUE 


! AU-DESSUS 
DU 


NOMS 
LIEUX MESURÉS. NIVEAUDEEAMER. 
© 
EN ou OBSERVATEURS. 
MÈTRES.| TOISES. 
Aux Aires. Selgemme de Saint-Maurice , \ 
en Savoie . . 2188 1123 |Saussure. 
re des Alpes qui condui. ; 
nt d'Allemagne, de Suiss 
et de France, en It ; 
Mont-Cer di 3410 17950 |Saussure. 
Au col de Seigne. . . .| 2461 1263 AUSSUTE. 
Au col Terret. . | 2901 1191 |Saussure. 
Au Mont-Cenis. + + | 2066 1060 aussure. 
Au petit S. Bernar +} 2192 1125 |Saussure. 
Au grand S. Bernard. . : 2428 246 |Saussure. 
Au Simplon. . . . . . 2005 1029 |Saussure 
u S. Gothard . . . . :| 2075 1065 |Saussure. 
Au Splügen. . . + | 1925 98 heuchzer. 
T Re a 
le pays de . + 155 800 | Moli, 
Au Brenner, en ue | 1420 729 R. 
ol-de-Géant . .| 3426 1758 |Saussure. 
Grimsele es ee | or 1095 |Tralles. 
Scheide «| 1964 1008 |7Tralles. 
Pettine, cime du 8. Gothard. | 2722 1397 |Saussure. 
Het. à ... 3075 1578 |Saussure. 
Dôle (as sun). ee ee … | 110648 846 |Sazssure. 
Montanvert.  ..: | 1059 954 |Saussure. 
urche de Betta . . . . . .| 2633 1351 |Saussure. 
. 50 HD ge 0 2941 1509 eck. 
Untersberg. . . : + -| 1600 924 |Schieg. 
Hohestaul : eo .| 1793 920 |ScAieg 
Roches du Pass- , . 161 1109 | Mol! 
Schneeberg, prés de Sterzing .| 2522 | 1294 |Buch. 
Ci ner, € 2066 1060 |Buch. 

Au norn ps Schneekoppe. . . . . + | 1608 825 sdorf. 
ÂIPES ; EN Grofse Rad. . . + . | 1512 776 | Gersdorf. 
ALLEMAGNE. 

Tafelfchte 00 60 590 |Gersdorf. 
Zobtenberg. . . +... . 721 370 Gersdorf. 
Hohe E eee ee) 1079 554 |Gersdorf. 
Broc Es he 1062 luc. 


DES RÉGIONS ÉQUATORIALES. 


191 


G 


LIEUX MESURÉS. 


AU-DESSUS 


EN 


MÈTRES. 


DU 
NIVEAU DE LAMER. 
EN 


EN 
TOISES. 


NOMS 


OBSERVATEURS. 


EN Iraure. Einain un te 
nt Érix, en Sici 
dns Vellino “Crenin) 


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Vésuve , 

Monte- [Roto n (Gorse). 

Monte- An ro (Gorse) . . . . 
( Cors e) + 


Monte -Cervello (Corse) : 
plus haute cime des 
mon Se es euga- 


Venda. . 


er Baldo Cine. " la Fe- 
ra). . 


Monte-Baldo. fe la cime se Mon- 
maggio 


. élevée 


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Aux Pyrénées. Mont-Perdu +. Fire espa- 
gnoles 
cime la . élevée 
Vignemale. . des Pyrénées fran- 
çoises. 
Le Cylindre . + + « .…. + + 
Maladette . + . + + + + + + 
Pride tour du  . . 
Neouvielle . Ain 
Brèche de R cent ie 
Pic du Midi . . . … 


Ganigou . « » + + + + + 


Pic de Bergons. + . + . . 
He du ont is ee 
ja 


dvisen : Nance en Espagne 
Port de Pinéde. . . 
2 . Gayarnie . +. . 


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2149 
2227 


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3366 


3356 


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1103 


1143 


1763 
La, 


1722 


1219 


1291 
1196 


Saussure (form.de Shuk 


Shukbure. 
Pini. 


Comte Slernberg. 


Comte Séernberg. 


Comte Séernberg. 


Vidal, Réboul, Ramond. 
Méchain 


Vidal. 


Vidal et Réboul. 


{Ramo 


Ramond. 
Vidal et Réboul. 
Ramond. 


ond. 
dat “ Réboul Ra ). 
n (géodé 


Ramond. 


Ramond. 
nd. 


; ’ 
152 TABL. PH. DES RÉG. .ÉQUAT. 
AU-DESSUS NOMS 
DU 
LIEUX MESURÉS. NIVEAU DE LA MER. 
: ee 
; EN EN OBSERVATEURS. 
MÈTRES.| Toises. ; 
ort de Cavarë + | 2259 1151 | Ramond. 
“he du Fe . +] 2194 1126 | Ramond. 
En France. . Mont-d'Or. , , . . . si 558 DÉCRIRE 
2042 1048 |Cassini 
Cantal. . 7 958 re 
; 1935 993 |Cassini 
Puy-de-Dôme + . . . 1477 7 EU 
1592 817 SS 
Puy-Mary . + ... + « 1658 851 |Delambre. 
1863 956 |Cassi 
1-de-Cabre 689 867 Dante 
Montagne de Mozin (rennes 2001 | 1027 
Le Ballon (V. Sue 3 720. 
Pic de Be ee + 1115 572 |Thuilis et Piston. 
Mont S. Victor, près 1 d'Air 
(P  « 970 498 |Thuilis. 
En EsPrAGnE . be de S. fldefo nse 1155 593 |Thalacker. 
acho de la Veleta Gien ne- 
“vads de Grenade) . 2249 1154 | Thalacker. 
EN Suëpe. . nekulle Ÿ oo 0 306 157 ergma 
EN IsLANDE. . ne Sokull, o + . | 1559 800 ovelsen 
ekla “4 4. | 1013 520 | Povelsen. 
En SriTrzBERGEN. Mont Run 1194 613 |Lord Mulgrave. 
+ Delambre a trouvé que Cassini n’avoit point ég la réf: » de sorte que, recalculant 
£es observations ti Q 11 € LI té 


ADDITIONS. 153 


ADDITIONS 


A LA GÉOGRAPHIE DES PLANTES. 


I. 


Ex parlant dans cet ouvrage de quelques mesures faites par 
des géomètres espagnols, on s’est servi d’une réduction de 
la vare de Castille en mètre et en toise, qui n’est pas assez 
rigoureuse. La vare est à la toise :: 0,515074 :°1,196307, 
et au lieu de réduire par 2, 3, il faut supposer une toise 
— 2,3316 vares. Don Jorge Juan n’admettoit que 2,32. Mais 
consultez l'excellent ouvrage de M. Gabriel Ciscar sobra los 
nuevos pesos y medidas decimales, 1800. Les sept mille 
quatre cent quatre-vingt-seize vares, que les belles cartes du 
Deposito hydrografico de Madrid donnent au Chimborazo, 
ne font par conséquent que trois mille deux cent dix-sept 
toises, ce qui est le même nombre qu'a publié Bouguer dans 
la Figure de la terre. La montagne de S. Élie a six mille cinq 
cent sept vares, ou deux mille sept cent quatre- vingt-douze 
toises (5441 mètres, Celle du Beau -Temps a cinq mille 
trois cent soixante-huit vares, ou deux mille trois cent quatre 


20 


154 ADDITIONS 
toises (4489 mètres). Voyez Viaje al Estrecho de Fuca 
hecho por las Goletas sutil y Mexicana, en 1792; p. CXX, 


IL. 

M. Barton a lu, en 1800, à la Société de Philadelphie, 
un mémoire sur la Géographie des Plantes des États-Unis : 
qui n’est pas encore imprimé, mais qui contient les idées les 
plus intéressantes. Il y observe que la mitchella repens est la 
plante qu'il trouva la plus répandue au Nord-Amérique. 
Elle occupe tout le terrain depuis 28° à 69° de lat. bor. Aussi 
l'arbutus uva ursi va depuis New-Yersey jusqu’à 72° de lat. 
où M. Hearne la observé. Au contraire gordonia Francklini 
et dionæa muscipula se trouvent isolés dans un petit terrain. 
M. Barton remarque qu’en général les mêmes espèces de 
plantes montent plus au nord dans les pays situés à l’ouest 
des Alleghany, que sur les côtes orientales, où le climat est 
plus froid. On cultive le coton à Ténesée sous une latitude 
à laquelle il ne se trouve pas dans la Caroline septentrionale. 
Les côtes orientales de la Baie de Hudson sont dénuées ‘de 
végétation, tandis que les côtes occidentales en sont cou- 
vertes. M. Barton observe qu'à 


lorient des Alleghany, l'occident des Alleghany, 

culus flava se trouve is 36° de lat. jusqu’à 42° de lat. 
Fuilon nigra — hi = = — y — — 
sidi vrhe —  — — 38 —, — — — j1 — — 
Eu — — — 40 = — — — 4 — — 

a Cu _— = 88 — — — — 41 — — 
Gleditsia monosperma — — 36 — — — — 39 — — 


Glycine frutescens — — — 36 — — — — ,0 


A LA GÉOGRAPHIE DES PLANTES. 155 


Même le crotalus horridus (le serpent à sonnette) se trouve, 
à l’est des montagnes Alleghany, jusqu'à 44°, tandis qu'il 
avance vers le nord, à l’ouest des montagnes, jusqu’à 47° de 
latitude. Comparez aussi l'excellent ouvrage de M. Volney 
sur le sol et le climat des Etats-Unis. 


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