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Full text of "Plantes medicinales du Chili"

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■ 


Plantes  Médicinales 


DU  CHILI 


OUVRAGES  DU  MÊME  AUTEUR 


Introduction  à l’Etude  de  V Histoire  naturelle,  1 86 3 . — i vol.  de  232  pages. 

Mémoires  et  travaux  scientifiques , comprenant  : une  étude  sur  les  corps  gras 
phosphores;  application  de  l’électricité  au  traitement  des  anévrismes; 
notes  pour  l’histoire  des  maladies  du  foie  au  Chili;  description  d’une 
tumeur  rare  de  la  cuisse;  un  court  traité  sur  les  plantes  médicinales;  et 
lettres  sur  la  mortalité  des  enfants.  — i vol.  de  282  pages. 

L’ Allaitement  maternel  au  point  de  vue  de  la  mère,  de  l’enfant,  de  la  famille  et 
de  la  société.  — 1 vol.  de  1 3 1 pages. 

Contribwpfione  allô  studio  délia  epatite  suppurativa  del  Chili  (de  la  Revue  cli- 
nique de  Bologne),  1875.  — 1 brochure  à 2 colonnes  de  16  pages. 

Etudes  médico-chirurgicales  comprenant  39  travaux  ou  mémoires,  1876.  — 
1 vol.  de  365  pages. 

Rapports  présentés  à la  Commission  spéciale  de  Bienfaisance,  1877.  — 1 vol 
de  62  pages. 

La  Vaccine  obligatoire.  — Discours  prononcé  à la  Chambre  des  Députés,  1882. 
— 1 brochure  de  27  pages. 

Précautions  contre  le  Choléra,  1886.  — 1 brochure  de  32  pages. 

Pharmacopée  chilienne  (avec  la  collaboration  de  M.  Charles  Middleton),  1886. 

1 vol.  de  457  pages. 

Nombreux  articles  de  collaboration  sur  /’ Obstétrique,  la  Gynécologie  et 
l’Hygiène,  parus  dans  la  Revue  Médicale,  Bulletin  de  Médecine  du  Chili, 
et  autres  publications. 


A.  ROGER  Y F.  CHERNOVIZ  — IMPRIMERIE  DE  LAGNY 


ADOLPHE  MURILLO 

Professeur  d'Obstétrique  et  de  Clinique  d’ accouchements  de  P Université  du  Chili 
Ancien  Professeur  de  Thérapeutique 

Membre  de  diverses  Sociétés  savantes  et  littéraires  d’Amérique  et  d’Europe 

Plantes  Médicinales 

du  Chili 


U4554 

EXPOSITION  UNIVERSELLE  DE  PARIS 

1889 

SECTION  CHILIENNE 


Digitized  by  the  Internet  Archive 
in  2017  with  funding  from 
BHL-SIL-FEDLINK 


https://archive.org/details/murilloplantes1889 


INTRODUCTION 


Ce  n’est  pas  la  première  fois  que  je  fais  une  étude 
sur  les  plantes  médicinales  du  Chili.  Dans  les  premières 
années  de  ma  carrière,  je  leur  payai  mon  tribut,  et, 
comme  fruit  de  mon  étude,  un  mémoire  fut  imprimé  et 
peut  se  lire  dans  les  Annales  de  l’ Université  de  1861;  je 
le  complétai  peu  de  temps  après  à l’aide  de  nouveaux 
renseignements. 

Ces  divers  travaux  se  ressentent  d’un  manque  de 
connaissances  approfondies  de  fauteur  et  ont  le  grave 
inconvénient  de  signaler  une  quantité  assez  considérable 
de  plantes  européennes  qui  croissent  dans  le  pays,  mais 
n’en  sont  pas  originaires. 

Le  travail  que  j’entreprends  ici  est  plus  étendu  et 
contient  de  nombreux  renseignements  ; seules  les  plantes 
qui  peuvent  être  considérées  comme  originaires  du  Chili, 
y trouveront  place.  C’est,  en  un  mot,  un  ouvrage  com- 


VIII 


INTRODUCTION 


plètement  nouveau,  par  sa  rédaction,  par  sa  forme,  par 
l’ordre  suivi  et  par  les  nombreuses  observations  qui  lui 
servent  de  base. 

Les  propriétés  thérapeutiques  connues  superficielle- 
ment de  tous,  à peine  esquissées  précédemment,  suivront 
dans  ce  livre  un  ordre  tout  différent  ; on  y trouvera  une 
foule  d’observations  et  de  faits  ignorés  jusqu’à  ce  jour,  ou 
mal  exposés. 

Chaque  article  indique  le  nom  sous  lequel  la  plante 
est  le  plus  connue,  le  nom  scientifique  vient  ensuite.  Puis 
on  trouve  la  Bibliographie  Botanique  avec  l’indication  de 
l’auteur  ou  des  auteurs  principaux  qui  font  décrite,  du 
volume,  de  la  page  et  du  titre  de  l’ouvrage  qui  s’y  rap- 
porte; la  vignette  est  indiquée  quand  elle  existe,  ainsi  que 
les  synonymes. 

J’expose  ensuite,  dans  un  résumé,  les  principaux 
caractères  botaniques  de  1 espèce,  ou  du  genre  s’il  y a lieu, 
la  qualité  du  terrain  où  elle  croît,  les  provinces  où  elle 
est  la  plus  commune,  les  divers  noms  vulgaires  sous  les- 
quels on  la  désigne,  souvent  aussi  l’usage  qu’en  fait  l’in- 
dustrie, et,  enfin,  sa  composition  et  ses  usages  thérapeu- 
tiques. 

J’ai  cru  devoir  signaler  pour  chaque  plante,  quand 
cela  m’a  été  possible,  les  propriétés  et  les  usages  que 
chaque  auteur  lui  a attribués,  réunissant  ainsi  un  nombre 
d’éléments  plus  considérable  qui  permet  de  mieux  apprécier 
ses  vertus,  et  qui  offre,  en  même  temps^  une  base  plus 
vaste  aux  investigations. 


INTRODUCTION 


IX 


Je  m’empresse  de  dire  que  pour  l’ordre  suivi  dans  ce 
travail,  au  point  de  vue  botanique,  je  me  suis  inspiré  en 
tous  points  de  l’ouvrage  si  important  et  si  justement 
apprécié  de  MM.  Bentham  et  Hooker,  intitulé:  Généra 
Plantarum. 

Les  descriptions  sont  extraites,  en  majeure  partie, 
pour  ne  pas  dire  en  totalité,  du  monumental  ouvrage  de 
Gay,  et  des  nombreux  travaux  de  mon  estimable  profes- 
seur M.  R.  A.  Philippi.  si  connu  dans  le  monde  savant. 

En  ce  qui  concerne  la  Bibliographie,  j’ai  eu  pour 
important  auxiliaire  le  Catalogue  des  plantes  vasculaires 
chiliennes,  écrit  par  mon  ami  le  professeur  dé  Botanique 
M.  Frédéric  Philippi. 

Qu’il  me  soit  permis  d’exprimer  ici  tout  ce  que  je  dois 
à ce  professeur  distingué,  et  excellent  ami,  pour  le  savant 
concours  qu’il  m’a  prêté  dans  ce  travail,  concours  qui  a 
été  presque  une  véritable  collaboration. 

J’indiquerai  plus  loin  les  titres  des  principaux  ouvrages 
que  j’ai  consultés  pour  la  rédaction  de  mon  livre. 

En  publiant  cet  ouvrage,  je  désire  qu’il  soit  utile  à 
ceux  qui  dans  l’avenir  voudront  s’occuper  de  l’étude  de  la 
Flore  chilienne,  au  point  de  vue  de  la  chimie  et  spéciale- 
ment de  la  thérapeutique. 

Je  crois  accomplir  ici  un  devoir  en  réunissant  dans  ce 
travail  ce  que  d’autres  ont  écrit  sur  la  matière  médicale 
chilienne,  et  en  y ajoutant  le  peu  que  mon  expérience  m’a 
enseigné.  Tel  est  ce  livre  et  rien  de  plus  : c’est  le  fruit 
d’une  patiente  et  laborieuse  récapitulation  faite  dans  toutes 


X 


INTRODUCTION 


les  littératures.  S’il  n’a  pas  une  grande  valeur  par  lui- 
même,  il  a du  moins  celle  d’avoir  été  inspiré  par  un  senti- 
ment sincère  et  élevé  et  aussi  le  profond  intérêt  avec  lequel 
ont  été  réunies  les  matières  éparses  qui  ont  servi  à sa  for- 
mation. 

Adolphe  Murillo. 


Santiago  du  Chili,  juillet  1888, 


PRINCIPAUX  OUVRAGES 


CONSULTÉS  PAR  L’AUTEUR 


Cl.  Gay.  — • Histoire  physique  et  politique  du  Chili,  publiée  sous  les  auspices 
de  notre  Gouvernement.  La  partie  qui  traite  de  la  Botanique  se  compose 
de  huit  volumes  et  a été  faite  avec  la  collaboration  de  MM.  Rémy,  Richard, 
Montagne,  Clos,  Naudin,  Barneoud  et  Desvaux.  — Années  1845  à i852. 

R.  A.  Philippe  — Eléments  de  Botanique  à l’usage  des  Etudiants  en  Méde- 
cine et  Pharmacie  du  Chili. — 1 vol.  in-40,  année  1869. — Divers  mémoires 
publiés  par  le  même  auteur  dans  des  revues  et  publications  scientifiques. 

Federico  Philippe  — Catalogus  plantarum  vascularnm  chilensum.  — Année 
1881 . — 1 vol  in-40. 

Frézier.  — Relation  d’un  voyage  dans  les  mers  du  Sud , aux  côtes  du  Chili  et 
du  Pérou,  fait  pendant  les  années  1712,1713  et  1714  par  M.  Frézier.  1 vol. 

Feuillée.  — Journal  des  Observations  Physiques,  Mathématiques  et  Botani- 
ques, faites  par  l’ordre  du  Roy  sur  les  côtes  de  l’Amérique  méridio- 
nale, etc.  3 vol.  — Le  troisième  volume  fut  publié  dix  ans  après  le 
deuxième. 

Bertero.  — Liste  des  Plantes  observées  par  cet  infortuné  naturaliste  en  1828. 
(Le  Mercure,  journal  chilien  de  1829). 

Ruiz  et  Pavon.  — Systema  vegetabilium  flora  peruviana  et  chilensis,  charac- 
teres  prodromi  genericos  differentiales  speciorum  omnium  differentias 
durationem,  etc.,  1 798.  — 2 vol. 

Juan  Ig.  Molina.  — Abrégé  de  l’Histoire  géographique  naturelle  et  civile  du 
Chili,  traduit  en  espagnol  en  1788.  — 2 vol. 

Mérat  et  de  Lens.  — Dictionnaire  universel  de  Matière  médicale  et  de  Théra- 
peutique générale,  182^-1846,  7 vol.  — Cet  ouvrage  contient  des  rensei- 
gnements très  intéressants  sur  les  plantes  américaines,  pris  sur  des  notes 
de  divers  voyageurs  et  naturalistes. 

Padre  Rosales.  — Histoire  générale  du  Royaume  du  Chili.  — Edition  pré- 
parée par  Benjamin  Vicuna  Mackenna.  Elle  renferme  plusieurs  chapitres 
de  beaucoup  d’intérêt  sur  les  plantes  médicinales. 

Anjel  Vasquez.  — Traité  complet  de  Pharmacie , Divers  mémoires. 


XII 


PRINCIPAUX  OUVRAGES  CONSULTÉS  PAR  L’AUTEUR 

Vicente  Bustillos.  - Divers  travaux,  quelques-uns  en  collaboration  avec  le 

AnnltfdTl Université  du  Chili , 60  vol.  - Cette  collection  contient  plusieurs 
articles  très  importants  d’auteurs  divers.  $ sans 

Annales  de  l’ancienne  Société  de  Pharmacie , 9 vo  . 

aucun  doute,  bien  supérieure  aux  Nouvelles  Annales. 

Revue  de  Médecine  du  Chili , 16  vol. 

Bulletin  de  Médecine  du  Chili , 2 vol. 

Pennesse.  — Manuel  de  Médecine  pratique,  1 vol.,  i»09- 

Revue  de  Médecine  de  Valparaiso  (Chili).  . . . , Théra- 

Bulletin  de  Thérapeutique,  et  Bulletins  et  Mémoires  de  la  Société 

peutique , 1878,  1 vol.  _ , 

Murillo  y Middleton.  — Pharmacopée  chilienne , 1 > 1 • ^ 

Murillo.  — Mémoire  sur  les  Plantes  médicinales  du  Chili,  186  . 

60  pages. 


Plantes  Médicinales 

du  Chili 


RENONCULAGÉES 

CENTELLA  (i) 
Anemone  decapetala. 


Lin.  Mant.,  p.  79.  — A.  bilobata,  Juss.  — bicolor,  Poepp.  — helleborifolia. 
D.  c.  — sphenophylla,  Poepp.  — decapetala  et  helleborifolia  Bert.  Merc. 
Chil.  — Gay,  I,  23. 


Cette  herbe  possède  des  racines  tubéreuses  ovales  ; ses  feuilles 
sont  d’un  vert  foncé,  légèrement  duvetées,  presque  rondes  et  divi- 
sées en  trois  lobes  principaux,  cunéiformes,  rarement  festonnées, 
mais  fréquemment  fendues.  Le  pétiole  est  long  et  duveté.  Entre  les 
feuilles  naissent  d’un  à quatre  glaïeuls  d’un  pied  de  long,  garnis 
d’un  involucre  composé  de  trois  feuilles  presque  sessiles,  duvetées 
et  très  ressemblantes  aux  feuilles  principales  par  leurs  parties  la- 
ciniées  ; les  fleurs  sont  d’un  bleu  clair  avec  10  à 12  sépales  ovales, 
obtus  ou  très  légèrement  pointus. 

(l)  Les  habitants  de  la  campagne  donnent  aussi  ce  nom  au  Rammculus 
muricatus  L.,  très  commun  dans  les  parages  humides,  et  qui  occasionne  aux 
animaux,  quand  ils  le  mangent  en  quelque  quantité,  une  grave  inflammation 
des  intestins  suivie  d’entérorrhagies  et  d’hématuries  qui  entraînent  la  mort. 


PLANTES  MÉDICINALES  DU  CHILI 


Elle  croît  dans  les  terrains  humides,  abondants  en  pâturages,  du 
Chili  ; on  la  rencontre  depuis  les  bords  de  la  mer  jusqu’à  une 
altitude  de  2900  pieds.  Elle  fleurit  aux  mois  d’août  et  septembre  . et 
ses  fruits  mûrissent  en  octobre  et  novembre. 

Le  père  Penesse,  auteur  d’un  livre  sur  la  médecine  populaire, 
lui  attribue  les  propriétés  de  diurétique,  diaphorétique,  corrosive 
et  caustique. 

11  dit  qu’elle  est  utile  dans  les  cas  d’ophtaîmie,  épilepsie, 
céphalalgie,  asthme,  engorgements  scrofuleux,  etc.  Il  conseille  de 
la  prendre  en  poudre,  à la  dose  de  6 à 12  grains,  les  feuilles  en 
décoction  (une  demi  drachme  pour  une  livre  d’eau),  et  la  teinture 
de  12  à 24  gouttes.  Les  feuilles  fraîches,  ajoute-t-il,  appliquées  sur 
la  peau  sont  très  caustiques. 

Je  peux  dire,  pour  ma  part,  que  les  naturels  du  pays  utilisent 
les  feuilles  de  la  Centella  comme  rubéfiant,  et  les  emploient  quand 
ils  veulent  déterminer  sur  la  peau  une  révulsion  plus  ou  moins 
active  et  rapide.  Ses  effets  ressemblent  à ceux  de  la  moutarde  et 
son  action  se  mesure  d’après  la  durée  de  son  application. 

M.  le  docteur  Juan  Miquel  conseillait  une  pommade  préparée 
avec  le  jus  de  la  Centella  pour  maintenir  la  suppuration  des  vési- 
catoires, et  dans  tous  les  cas  où  il  est  nécessaire  d’obtenir  une 
révulsion  plus  ou  moins  active. 

Douée  de  ces  qualités,  cette  plante  est  appelée  à remplir  un  rôle 
important  dans  la  médecine  chilienne  ; et  il  est  regrettable  que  les 
chimistes  ne  se  soient  point  préoccupés  de  son  analyse.  En  atten- 
dant cette  analyse,  et  la  lumière  que  peuvent  nous  donner  les  expé- 
riences scientifiques,  sur  son  pouvoir  et  sur  sa  manière  d’agir,  je 
crois  que  l’administration  de  la  Centella  à l'intérieur,  est,  non 
seulement  préjudiciable,  mais  dangereuse.  L’activité  que  montre 
cette  plante  dans  son  application  à l’usage  externe,  prouve  qu’il 
faut  une  excessive  prudence  quand  il  s’agit  de  l’employer  par  la 
voie  stomacale. 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


3 


MAILLICO 

Psycrophila  andicola. 

Gay,  I,  49,  tab.  2. 

Très  petite  plante  entièrement  glabre;  ses  racines  sont  très 
grosses,  traînantes  et  chargées  de  longues  fibres-,  les  feuilles  sont 
subcordiformes,coriacées,  sinueuses,  de  couleur  vert  foncé  etpourvues 
de  deux  appendices  droits  ; elles  ont  de  longs  pétioles  striés  et  dilatés 
vers  leur  base  en  une  membrane  qui  persiste  en  forme  d’écailles  à la 
chute  des  feuilles  ; entre  ces  pétioles  naissent  un  ou  plusieurs  glaïeuls 
épais,  surmontés  d’une  fleur  blanche  composée  de  six  sépales  arron- 
dis; les  étamines  et  les  pistils  sont  nombreux  et  on  y voit  de  3o  à 40 
follicules  ovales,  linéaires,  légèrement  comprimées  ; chaque  follicule 
renferme  de  deux  à trois  graines  luisantes  parsemées  de  petites  taches 
rouges  et  circonscrites. 

Cette  plante  croît  dans  la  partie  élevée  des  Cordillères  des  pro- 
vinces centrales,  dans  les  prés  baignés  par  les  eaux  provenant  de  la 
fonte  des  neiges. 

Les  indigènes  apprécient  beaucoup  la  racine  de  cette  plante  : ils 
l’administrent  sous  la  forme  dfinfusions  chaudes  dans  les  cas  de 
digestions  difficiles,  gaz  et  autres  dérangements  de  l’estomac.  La 
racine  mâchée  est  aussi  employée  comme  odontalgique. 

Doit-elle  ses  propriétés  à une  substance  balsamique,  si  commune 
dans  les  plantes  qui  naissent  sur  les  hauteurs,  ou  à un  principe 
amer?  Je  l’ignore;  jusqu’à  présent  aucune  investigation  chimique 
pour  connaître  sa  composition  n’a  été  pratiquée.  Mais  il  est  certain 
que  son  usage  est  très  répandu  et  qu’on  la  vend  en  abondance. 


4 


PLANTES  MÉDICINALES  DU  CHILI 


MAGNOLIACÉES 

CANELO 

Dry  mis  chilensis. 


D.  C.  Prodr.  78.  — Gay,  I,  61. 

Arbre  très  élancé  de  10  à 12  mètres  de  hauteur,  touffu,  en  forme 
pyramydale;  ses  feuilles  sont  glabres,  un  peu  coriacées,  oblongues 
ou  lancéolées,  entières,  vertes  en  dessus  et  glauques  en  dessous  ; 
les  pétioles  courts,  épais,  se  prolongent  jusqu’à  la  pointe  des  feuilles  ; 
les  fleurs  forment  une  espèce  d’épi  d’un  blanc  pur  et  ont  le  pédon- 
cule très  court,  garni  d’un  involucre  composé  de  plusieurs  petites 
feuilles  ovales-,  le  calice  est  unique  quand  la  fleur  est  en  bou- 
ton, mais,  quand  elle  s’ouvre,  il  se  sépare  en  deux,  rarement  en  trois 
petites  feuilles  concaves-,  les  étamines  sont  nombreuses  et  leurs 
filaments  sont  droits,  épais  et  terminés  par  une  pointe  qui  porte  de 
chaque  côté  les  deux  petites  cellules  de  l’anthère;  les  stigmates  sont 
latéraux  et  aplatis;  les  ovaires  sont  uniloculaires,  au  nombre  de 
8 à 10;  les  baies  sont  noirâtres,  ovales,  comprimées  et  un  peu 
courtes. 

Le  Drymis  Winteri  paraît  être  seulement  une  variété  du  D.  chi- 
lensis, bien  que  plusieurs  botanistes  l’aient  décrit  comme  une  espèce 
distincte. 

Le  Canelo  commun  croît  depuis  la  rivière  Limari  jusqu’à  la  pro- 
vince de  Chiloé  et  celui  de  Winter  entre  Chiloé  et  Magellan. 

« Il  existe  dans  ce  royaume  un  arbre  célèbre  que  les  Indiens 
appellent  boyque  ou  boighe , et  les  Espagnols  canelo  parce  qu’il  res- 
semble au  canelo  qui  croît  à Cumâco,  dans  la  province  de  Quito, 
comme  l’a  noté  Francisco  de  Gomoradans  son  Histoire  générale  des 
Indes.  11  est  très  estimé  des  naturels,  leur  servant  de  sauf-conduit 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


5 


pour  passer  d’une  province  à l’autre,  et  d’étendard  dans  les  confé- 
rences de  paix.  Cet  arbre  joue  chez  ces  Indiens  le  même  rôle  que 
chez  les  Romains  l’olivier  et  la  verveine;  particulièrement  dédié  aux 
démons,  il  est  aussi  l’autel  de  leurs  sacrifices  et  le  trépied  d’où  pro- 
phétisent leurs  oracles.  Il  faut  signaler  qu’il  y a trois  espèces  de 
canelos  : la  première  qui  sert  aux  machis  (médecins),  sorciers  et 
dugales  (devins)  pour  leurs  guérisons  et  leurs  invocations  aux 
démons;  ces  misérables  teignent  le  tronc  du  canelo  avec  le  sang  des 
animaux  tués,  et  offrent  ensuite  au  « mauvais  esprit  » les  cœurs  et 
les  têtes.  Cette  espèce  possède  une  feuille  très  large,  très  verte  d’un 
côté  et  blanchâtre  de  l’autre.  La  deuxième  espèce  de  canelo , qui  est 
le  symbole  de  la  paix,  figurant  dans  toutes  leurs  réunions  ou  parla- 
mentos  (i)  sert  aussi  de  passeport  et  de  sauf-conduit  pour  aller  d’un 
endroit  à l’autre  ; cet  arbre  possède  une  feuille  plus  petite,  un  peu 
longue,  verte  d’un  côté  et  cendrée  de  Lautre. 

« La  troisième  espèce  de  canelo  ressemble  aux  deux  autres, 
sauf  pour  la  feuille  qui  est  frisée;  elle  ne  sert  pas  à la  conclusion  des 
traités  de  paix,  mais  les  Indiens  s’en  servent  pour  tromper  et  trahir 
tous  ceux  qui  ne  connaissent  pas  les  différentes  espèces  de  canelo , 
ainsi  qu’il  arriva  dans  la  révolte  de  l’année  1 655  au  fort  d’Arauco. 
Les  Indiens  (araucaniens)  s’étant  soulevés  donnèrent  plusieurs 
assauts  afin  de  s’emparer  du  fort  ; les  Espagnols  qui  étaient  à l’inté- 
rieur se  défendirent  avec  le  plus  grand  courage,  souffrant  de  la  faim 
et  de  la  fatigue  tout  le  temps  que  dura  le  siège.  Considérant  qu’ils 
ne  pouvaient  vaincre  ces  braves  par  les  armes  et  les  chasser  de 
leurs  terres,  ils  tentèrent  de  le  faire  avec  leur  astuce  habituelle. 
Comme  des  renards  rusés,  ils  se  présentèrent  sans  armes  et  portant 
des  branches  de  canelo , demandèrent  humblement  au  commandant 
Don  José  de  Volea  de  les  laisser  entrer  afin  de  pouvoir  traiter  avec 
lui  des  conditions  de  paix  et  de  capitulation,  parce  qu’ils  se  repen- 
taient de  leurs  fautes  et  en  étaient  assez  punis  en  perdant  la  précieuse 

(i)  Importantes  conférences  dans  lesquelles  un  grand  nombre  d’indiens, 
présidés  par  les  caciques  (chefs),  délibèrent  sur  les  mesures  à prendre  pour 
leur  défense  ou  pour  leurs  cérémonies  funèbres. 


6 


PLANTES  MÉDICINALES  DU  CHILI 


amitié  des  Espagnols  ; c'est  pourquoi  ils  venaient  faire  amende 
honorable  et  implorer  leur  pardon.  — Rosales.  » 

Cet  arbre  fleurit  en  mai  à îllapel,  en  septembre  à Valdivia,  et 
reste  toujours  vert.  Il  croît  dans  les  parages  les  plus  humides  du 
Chili,  dans  les  bas-fonds,  au  bord  des  rivières,  etc.}  on  le  trouve 
dans  Pîle  de  Juan  Fernandez,  au  détroit  de  Magellan,  dans  l'archi- 
pel de  Chiloé,  enfin  jusqu'en  Araucanie.  Il  est  plus  rare  à mesure 
qu’on  se  rapproche  du  Nord,  jusqu’à  la  rive  nord  du  fleuve  Limari, 
c’est-à-dire  vers  3i°  de  latitude  sud.  Dans  les  Cordillères,  il  suit  les 
gorges  des  vallées  et  atteint  jusqu’à  i5oo  paras  d’altitude.  Les  ha- 
bitants du  Chili  lui  donnent  le  nom  de  canelo  et  les  Araucaniens 
(indiens)  celui  de  boighe  ou  boyque , Ces  derniers  le  regardent 
comme  sacré  et  ont  pour  lui  un  profond  respect  et  une  sorte  de 
vénération.  C’est  à l’ombre  de  son  élégant  et  merveilleux- feuillage 
qu’ont  lieu  d’ordinaire  ces  réunions  ou  assemblées  si  imposantes  que 
l'esprit  de  vengeance  engendre  et  provoque  et  qui  en  maintes  occa- 
sions décident  de  la  vie  ou  de  la  mort  d’un  individu,  d’une  famille  et 
quelquefois  d’une  tribu.  Comme  symbole  de  paix  et  de  justice,  il 
figure  dans  toute  les  cérémonies  religieuses  et  politiques  dont  il  fait 
le  principal  ornement.  — Aussitôt  qu’une  guerre  sans  miséricorde 
menace  de  dépeupler  un  territoire,  des  hommes  de  paix  se  présen- 
tent aux  deux  parties,  portant  à la  main  un  rameau  de  cet  arbre  ; et, 
à la  faveur  de  sa  magique  et  puissante  influence,  ils  parviennent  à 
calmer  toutes  les  irritations,  à désarmer  les  plus  furieux  et  à obte- 
nir une  réconciliation  sincère  et  durable.  — Ainsi,  dit  Virgile,  se 
présentèrent  les  habitants  du  Latium  devant  Enée,  pour  obtenir  de 
semblables  bienfaits. 

Les  sorciers  et  les  devins  lui  rendent  le  même  culte  et  ont  toujours 
soin  de  conserver  dans  leurs  maisons  quelque  partie  de  cet  arbre,  et 
souvent  en  plantent  un  pied  vivant  devant  leurs  cabanes. 

Quand  quelque  famille  désolée  vient  les  consulter  à propos  de 
la  mort  d’un  de  ses  membres,  semblables  en  cela  aux  antiques 
pythies,  ils  tournent  autour  de  cet  arbre,  y montent  avec  des  mou- 
vements convulsifs  et  cherchent  leurs  inspirations  dans  les  libations 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


7 


répétées  d’un  breuvage  tait  avec  la  décoction  de  l’écorce  ; ils  tombent 
alors  dans  une  sorte  de  délire  frénétique  au  milieu  duquel  ils  prophé- 
tisent ou  désignent  à la  famille  l’auteur  présumé  du  vol  ou  du  crime 
dont  elle  a été  victime. 

« L’écorce  du  Canelo  ( Cortex  Winteri ) a joui  pendant  long- 
temps, dans  toute  l’Europe,  d’une  grande  réputation  au  point  de 
vue  médical.  Un  chirurgien  de  l’expédition  maritime  de  Drake, 
nommé  Winter,  tut  le  premier  qui,  en  1577,  l'employa  contre  le 
scorbut  qui  décimait  l’équipage  du  navire  sur  lequel  il  s’était  embar- 
qué; et,  de  retour  en  Angleterre,  il  s’en  servit  avec  succès  dans 
toutes  les  maladies  où  les  toniques  et  les  stimulants  étaient  indi- 
qués. — Par  malheur,  la  difficulté  de  se  procurer  cette  écorce  et 
l’abondance  de  la  véritable  cannelle  dont  les  vertus  thérapeutiques 
sont  plus  énergiques,  ont  été  probablement  cause  que  son  usage  est 
tombé  peu  à peu  dans  l’oubli,  car,  de  nos  jours,  il  est  pour  ainsi 
dire  abandonné  bien  qu’il  soit  vraiment  digne  d’attention  si  on  se 
rend  bien  compte  de  ses  excellentes  propriétés. 

« Les  chimistes  lui  ont  trouvé  un  acide  volatil,  du  tannin,  quelques 
sels  et  une  résine  aromatique  qui  s’échappe  en  globules  du  tronc 
entaillé  entre  le  bois  et  l’écorce.  — Dans  certaines  localités  du  Chili 
on  s’en  sert  encore  contre  les  maux  d’estomac  et  contre  la  paralysie  ; 
pour  cette  dernière  maladie,  on  prépare  des  bains  composés  d’une 
décoction  de  feuilles  et  d'écorce.  Il  y a des  cas  où  cette  décoction 
soulage  les  douleurs  des  dents-,  on  prétend  même  qu’elle  peut  gué- 
rir le  cancer  (?)  et  qu’elle  réagit  salutairement  sur  les  ulcères.  — 
Une  forte  décoction  a été  aussi  employée,  avec  succès,  contre  la 
gale,  le  scorbut  et  les  dartres  ; au  moyen  d’une  fumigation  on  est 
arrivé  à dessécher  des  pustules  et  des  ulcères  de  nature  maligne. 

» 11  serait  à désirer  que  les  médecins  du  pays  essayassent  de 
renouveler  l’emploi  d’une  écorce  aussi  vantée  en  d’autres  temps,  et 
cela  avec  juste  raison,  puisqu’aujourd’hui  les  difficultés  de  son 
importation  en  Europe  ont  disparu,  et  il  est  probable  que  la 
thérapeutique  moderne  gagnerait,  dans  tous  les  cas,  un  médicament 
précieux  et  la  droguerie  une  branche  de  commerce  lucrative.  — -Gay.  » 


8 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


Les  parties  employées  sont  les  feuilles  et  l’écorce. 

Dans  le  commerce,  l’écorce  se  présente  sous  la  forme  de  frag- 
ments cannelés  ou  tubulaires,  durs  et  compacts  qui  ont,  de  4 à i5  cen- 
timètres de  long  et  de  3 à 4 centimètres  d’épaisseur.  La  partie  exté- 
rieure est  d’un  rouge  gris  pâle,  avec  des  petits  trous  inégalement 
distribués,  et  sillonnée  par  des  rides  grises  transversales  et  d’abon- 
dantes gerçures  longitudinales.  — Le  liège  (suber)  est  assez  appa- 
rent, d’un  blanc  sale  ou  jaunâtre.  La  partie  intérieure  est  de  couleur 
gris  de  fer,  divisée  par  de  gros  filets  saillants,  longitudinaux.  La 
cassure  est  granuleuse  ; la  section  transversale,  d’un  rouge  clair, 
montre  à sa  partie  extérieure  des  points  inégaux,  d’un  jaune  brillant, 
disposés  tangentiellement,  et  à sa  partie  intérieure  de  grands  points 
de  la  même  couleur  mais  de  différentes  grosseurs  et  disposés  en 
rayons.  La  saveur  est  persistante,  âcre,  forte  comme  le  piment  ou 
la  cannelle  ordinaire  • l’odeur  est  légèrement  aromatique. 

L’examen  microscopique  pratiqué  par  le  chimiste  allemand 
Mauch,  donne  le  résultat  suivant  : 

La  couche  de  liège  (suber)  est  composée  de  plusieurs  rangées  de 
cellules  d’un  brun  foncé.  A cette  écorce  extérieure  succède  une 
seconde  couche  (liber)  formée  par  les  cellules  parenchymateuses, 
qui  apparaissent  dans  la  coupe  transversale  suivant  la  direction  de 
la  tangente.  Ces  cellules  renferment  une  masse  gris-rouge  mêlée 
avec  des  petits  grains  de  fécule  à peine  perceptibles.  On  distingue 
seulement  quelques  cellules  oléifères,  — A la  limite  centrale  de  cette 
seconde  écorce,  on  observe  des  groupes  de  cellules  assez  dures  ; 
ces  groupes  sont  très  inégaux  en  grosseur.  Les  cellules  dures  ont  un 
diamètre  très  étroit,  et  des  canaux  ou  pores  traversent  la  membrane 
stratifiée  en  tous  les  sens.  Entre  ces  cellules  se  trouvent  aussi  quel- 
ques faisceaux  de  fibres -,  celles-ci  ne  peuvent  être  bien  distinguées 
que  dans  une  coupe  longitudinale.  La  partie  tout  à fait  intérieure  de 
l’écorce  se  compose  d’un  parenchyme  fin  avec  des  rayons  médul- 
laires obscurs  qui  contiennent  de  la  fécule.  11  ne  se  trouve  pas  de 
fibres  dans  cette  couche 

La  structure  générale  de  l’écorce  du  Canelo,  ainsi  que  la  présence 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


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régulière  de  ces  groupes  isolés  mais  abondants  de  cellules  dures, 
sont  tellement  caractéristiques  qu’il  serait  presque  impossible  de 
confondre  cette  écorce  avec  une  autre.  Il  résulte  de  l’analyse  sérieuse 
et  attentive  de  l’écorce  du  Canelo , pratiquée  il  y a quelques  années 
par  ce  chimiste  distingué,  qu’elle  contient  : 


Résine  molle  âcre 5.3  o/o 

Huile  essentielle 0.42 

Tannin  (qui  précipite  en  vert  les  sels  de  fer) 0.61 

Phlobaphène 4.32 

Substance  protéique 6.02 

Acides  citrique,  oxalique  et  fécule Traces. 


L’extrait  éthéré  est  de  couleur  jaune  clair,  et  d’une  saveur  très 
âcre.  L’extrait  alcoolique  est  de  couleur  rouge  foncé,  et  d’une  saveur 
moins  âcre,  un  peu  astringente;  à l’évaporation,  il  donne  un  résidu 
noirâtre,  d’une  saveur  fortement  astringente,  et  pareil  à l’extrait  de 
ratanhia. 

Analysée  par  Henri,  l’écorce  du  Canelo  & donné  : huile  volatile, 
résine,  matière  colorante,  tannin,  acétate  et  sulfate  de  potasse,  oxalate 
de  chaux  et  oxyde  de  fer.  L’huile  essentielle,  plus  légère  que  l'eau,  se 
décompose  en  deux  substances  -,  l’une,  fluide,  de  couleur  jaune  ver- 
dâtre, l’autre  de  consistance  graisseuse,  possédant  une  saveur  âcre 
et  brûlante. 

Le  professeur  Gubler  dit  que  l’action  physiologique  du  Canelo 
est  en  relation  avec  la  présence  du  tannin  qu’il  contient,  et  surtout 
avec  celle  d’une  essence  aromatique  très  puissante.  En  effet  les 
décoctions  et  autres  préparations  de  cette  écorce  sont  amères,  âcres, 
d’une  saveur  persistante,  stimulant  les  sécrétions  de  l’estomac  et 
déterminant  dans  tout  l’organisme  une  réaction  spéciale.  A 
fortes  doses,  elles  peuvent  déterminer  des  nausées,  quelquefois  des 
vomissements  et  de  la  diarrhée. 

Dans  tous  les  cas,  il  est  bien  certain  que  la  décoction  d'écorce 
du  Canelo  q st  employée  avec  succès  par  nos  paysans  dans  les  fluxions 
chroniques  de  la  bouche,  quand  les  gencives  se  trouvent  dans  un 
état  scorbutique  -,  qu’elle  stimule  puissamment  les  surfaces  pâles  et 


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PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


atoniques  des  anciennes  blessures  ; et  que  souvent  les  ulcères  invé- 
térés en  éprouvent  une  grande  amélioration,  quand  ils  ne  cicatrisent 
pas  complètement  ; ils  disent  aussi  que  les  blessures  de  mauvaise 
nature  se  détergent  et  se  nettoient  rapidement. 

Les  bains  préparés  avec  les  feuilles  et  l’écorce  de  cet  arbre,  sont 
recommandés  comme  aromatiques,  dans  les  rhumatismes,  les  para- 
lysies d’origine  rhumatismale,  et  dans  les  cas  d’affaiblissement  gé- 
néral de  l’organisme. 

Douée  à un  haut  degré  de  propriétés  toniques  et  stimulantes, 
l’écorce  du  Canelo  est  appelée  à jouer  un  grand  rôle  dans  la  théra- 
peutique moderne,  rôle  qui,  nous  l'espérons,  prendra  de  jour  en 
jour  plus  d’importance  et  ne  restera  pas  confiné  au  cercle  restreint 
où  croît  son  arbre  producteur.  — « Il  faut,  dit  Gay,  que  les  médecins 
du  pays  fassent  une  étude  spéciale  de  cet  arbre,  et  qu’ils  essaient  de 
renouveler  l’emploi  et  la  renommée  de  toutes  les  préparations  aux- 
quelles il  peut  donner  lieu,  dans  la  même  forme  et  dans  les  mêmes 
cas  où  l’employait  le  chirurgien  anglais  Winter,  il  y a tant  d’an- 
nées. » 


BERBERIDÉES 

MICHAY 

Berberis  Danvini. 

Hook.  Icon.,  VII,  t.  672.  — Gay,  I,  77. 

Arbuste  de  deux  à trois  mètres  de  haut,  de  tronc  cylindrique  et 
glabre;  ses  feuilles  sont  également  glabres,  grosses,  coriacées  ses- 
siles  ou  avec  des  pétioles  très  courts,  trifides  à leur  sommet,  ovales, 
rondes,  dentées  en  scies  et  épineuses  ; petites  épines  ciliées  divisées 
près  de  leur  base  en  cinq  ou  huit  parties  linéaires,  lancéolées  ; les 
fleurs  sont  disposées  en  grappes  plus  ou  moins  longues  ; les  sépales 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


1 1 


sont  ovales,  obtus,  un  peu  concaves  ; les  étamines  portent  des  fila- 
ments plus  longs  que  les  anthères  ; les  fruits  ont  de  cinq  à six  milli- 
mètres de  long,  parfois  ronds,  de  couleur  bleu  foncé  et  couverts 
d’une  fine  poussière. 

Cette  espèce  est  très  commune  dans  les  parages  découverts  des 
provinces  du  Sud.  — Avec  celle-ci  on  doit  remarquer  la  B.  chi- 
lensis  dont  les  fleurs  sont  jaunes,  très  nombreuses  et  qui,  dans 
ses  caractères,  diffère  peu  de  l’espèce  précédente  -,  elle  croît  dans 
les  collines  andines  des  provinces  centrales  ainsi  que  la  B.  buxi- 
folia. 

On  emploie  en  médecine  les  feuilles  et  les  fruits  sous  la  forme 
de  décoction  ou  infusion  à la  dose  de  4 à 5 grammes  pour  100  d’eau. 
On  les  utilise  comme  rafraîchissants  et  acides  dans  les  inflammations 
fébriles,  et  dans  tous  les  cas  où  les  tempérants  sont  indiqués.  Il 
semble  que  les  fruits  contiennent  un  peu  d’acide  malique.  La 
racine  et  l’écorce  sont  amères  et  on  leur  accorde  les  propriétés  de 
toniques  et  apéritives  qui  caractérisent  tous  les  amers  ; elles  s’em- 
ploient souvent  dans  le  pays  pour  teindre  la  laine  en  jaune  pâle. 

ZARCILLA 

Berberis  empetrifolia  Lam. 


Lam.  111.  — • D,  G.  Prodr.,  I.  — Gay,  Bot.  1,  page  93. 

Petit  arbuste  rampant,  sarmenteux,  glabre;  ses  tiges  sont  cylin- 
driques, un  peu  tortueuses  ; les  feuilles  sont  fasciculées,  linéaires, 
coriacées,  accompagnées  d'épines  subamplexicaules,  divisées,  plus 
courtes  que  les  feuilles  ; les  fleurs  sont  jaunes,  au  nombre  d’une  ou 
deux,  portées  sur  de  courts  pédoncules  axillaires  ; les  fruits  petits, 
noirâtres. 

Cette  plante  se  trouve  dans  les  parties  hautes  de  la  Cordillère, 
depuis  le  3o°  environ  *,  de  ce  point,  elle  s’étend  jusqu’au  détroit  de 
Magellan  et  à la  Terre  de  Feu,  où  elle  croît  même  sur  les  bords  de 


PI  ANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


I 2 


la  mer  formant  souvent  des  buissons  de  plusieurs  mètres  de  surface, 
mais  d’une  hauteur  de  3 à 4 décimètres  seulement. 

Les  racines  sont  minces,  cylindriques,  cendrées  en  dehors, 
jaunes  intérieurement.  — Elles  s’emploient  efficacement  dans  plu- 
sieurs localités  comme  remède  contre  les  gastralgies,  indigestions, 
diarrhées,  etc.  Aucun  médecin,  jusqu’ici,  na  fait,  que  je  sache,  un 
examen  de  cette  plante  si  intéressante. 


PAPAVERACEES 

CHARDON  SAINT  ou  CHARDON  RL  ANC 

Argemone  mexicana. 

Lin.  Sp.  727.  ■ — Gay,  I,  99.  — D.  C.  Prodr.,  I,  20.  — Mill.  Gard.  Dict.  tab.  5o. 

— A.  Ochrolenca,  Sweet.  — grandiflora,  Sweet.  — vulgaris,  Spach. 

Plante  annuelle  couverte  presque  en  totalité  de  petites  épines  ; 
toutes  ses  parties  contiennent  un  suc  jaunâtre,  amer  et  âcre  -,  les 
feuilles  sont  penninervées,  glabres,  de  couleur  vert  clair  tachées  de 
blanc,  sinueuses,  pennifides  ; les  lobules,  ou  les  dents,  terminés  par 
une  pointe  épineuse-  les  fleurs  sont  blanches  ou  jaunâtres,  compo- 
sées d’un  calice  à trois  sépales  caduques  ; les  pétales  sont  au  nombre 
de  six,  disposés  sur  deux  rangs,  élargis  vers  la  partie  supérieure  et 
légèrement  onguiculés  ; le  fruit  est  une  capsule  uniloculaire,  déhis- 
cente à son  sommet  et  avec  des  soupapes. 

O11  a décrit  comme  espèces  différentes  quelques  plantes  qui,  en 
réalité,  ne  sont  que  des  variétés  de  celle  que  nous  venons  de  men- 
tionner. 

Cette  plante  est  très  commune  dans  la  plus  grande  partie  du 
territoire  chilien,  dans  l’Inde,  l’Afrique,  les  Antilles,  etc.,  et  se  pro- 
page avec  une  grande  facilité. 


PLANTES  MÉDICINALES  DU  CHILI 


i 3 


Il  paraît  qu’à  Java  on  se  sert  du  jus  de  cette  papaveracée  dans 
les  maladies  invétérées,  contre  les  verrues,  les  chancres,  etc.  — De 
ses  graines  on  extrait  une  huile  qui  peut  être  employée  dans  l’indus- 
trie et  quelquefois  en  médecine,  soit  seule  ou  mélangée  à l’huile 
d’amandes  douces  ; cette  dernière  manière  est  préférable.  — Il  est 
aüssi  recommandé  pour  l’usage  externe  dans  les  cas  d’érithèmes, 
d’érysipèles,  et  d’inflammation  cutanées  provenant  d'insolation. 

Les  agriculteurs  du  pays  emploient  le  jus  de  cette  plante,  mêlée 
avec  une  certaine  quantité  d’eau,  dans  le  traitement  de  la  fièvre  des 
bestiaux.  Mais  les  graines  sont  les  parties  de  la  plante  qui  paraissent 
posséder  les  propriétés  les  plus  actives;  à la  dose  de  2 à 3 gram- 
mes, elles  produisent  des  effets  éméto-cathartiques  rapides  et  sûrs. 
Les  paysans  en  usent  fréquemment  dans  leurs  maladies.  Les  effets 
si  remarquables  de  ces  graines,  comme  évacuants,  font  rejeter  la 
notion  donnée  par  de  Candoile,  qui  dit  que  les  Américains  emploient 
les  fleurs  comme  soporifères  ; je  n’ai  jamais  entendu  dire  qu’ils  les 
utilisaient  de  cette  façon. 

Il  ne  faut  pas  confondre  cette  espèce  de  chardon  avec  le  Cnicus 
benedictus , qui  est  le  véritable  chardon  saint  des  pharmaciens,  et  qui 
non  seulement  diffère  de  la  précédente,  mais  appartient  à une  autre 
famille;  ni  avec  le  Lilybum  benedictus  très  commun  au  Chili  et 
auquel  on  donne  aussi  le  nom  de  chardon  blanc. 


FUMARIA 
Fumaria  media. 

Lois.  Not.,  page  1 0 1 . — Gay,  I,  104.  — D.  C.  Prodr.,  I,  1 3o* 

Plante  très  glabre  à tiges  fragiles,  unies,  renfermant  une  subs- 
tance qui  n’est  ni  laiteuse  ni  colorée  comme  dans  les  Papaveracées; 
les  feuilles  sont  très  décomposées  avec  de  grandes  folioles,  divisées 
en  deux  ou  trois  lobes,  qui  se  subdivisent  en  deux  ou  trois  autres, 
ovales  linéaires  ou  terminés  en  pointe  ; les  fleurs  sont  disposées  en 


i4  PLANTES  MÉDICINALES  DU  CHILI 


épis  lâches,  largement  pédonculées,  elles  sont  violacées  ou  blanchâ- 
tres et  avec  une  tache  violet  foncé  au  sommet  des  pétales  ; les  sépales 
sont  petits,  oblongs,  dentés  sur  les  bords  et  plus  courts  que  les  pé- 
tales; les  fruits  sont  des  capsules  globuleuses  terminées  en  pointe. 

Nous  plaçons  cette  plante  dans  la  famille  des  Papaveracées, 
parce  que  nous  croyons  que  les  Fumariacées  n’en  sont  qu’une  sim- 
ple subdivision  ; et  nous  la  comptons  aussi  parmi  les  espèces  chi- 
liennes, bien  que  presque  tous  les  botanistes  la  considèrent  comme 
étant  d’origine  européenne.  En  effet,  il  est  difficile  de  croire  qu’il 
n’en  soit  pas  ainsi,  vu  son  abondance  et  l’extrême  profusion  avec 
laquelle  on  la  trouve  répandue  dans  les  champs,  les  jardins,  les 
murs,  etc.,  enfin,  dans  tout  endroit  où  la  végétation  est  possible. 
Elle  fleurit  dans  les  mois  d’août  et  de  septembre. 

L’usage  si  fréquent  que  j’ai  fait  de  la  Fumaria , tant  dans  les 
hôpitaux  que  dans  ma  pratique  civile,  me  donne  le  droit  de  la  consi- 
dérer comme  un  des  toniques  dépuratifs  qui  sont  appelés  à se  popu- 
lariser (comme  en  effet  il  l’est  déjà)  et  à être  comme  une  nécessité 
pour  les  familles.  Je  ne  l’ai  jamais  employée  sans  en  obtenir  de  bons 
résultats,  dans  les  convalescences  des  fièvres  malignes,  dans  la  plu- 
part des  affections  chroniques  de  la  peau,  principalement  chez  les  en- 
fants, dans  le  scorbut,  dans  le  rhumatisme  chronique,  et  dans  ces 
états  demi-pléthoriques  ou  de  plénitude  générale  des  vaisseaux  sam- 
guins,  si  communs  au  printemps,  quand  la  chaleur  d’une  saison  plus 
tempérée  succédant  au  froid  de  l’hiver  vient  à dilater  les  liquides  et 
accélérer  la  circulation  sanguine.  Les  personnes  d’une  santé  délicate 
en  font  usage  avec  profit  pour  ce  qffion  appelle  vulgairement  « cor- 
riger le  sang.  » 

L’infusion  de  Fumaria  est  surtout  recommandée  dans  les  obs- 
tructions hépatiques;  associée  à la  quinine  dans  la  convalescence 
des  pneumonies  et  des  fièvres  ; et  avec  le  nitre  dans  les  pleurésies, 
quand  le  mouvement  fébrile  commence  à diminuer. 

Une  tisane  préparée  avec  la  racine  de  salsepareille  et  la  Fuma - 
ria,  est  bienfaisante  dans  les  maladies  cutanées  d’origine  siphylitique 
ainsi  que  dans  le  rhumatisme. 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


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Dans  les  affections  eczémateuses  et  herpétiques  des  enfants,  le 
sirop  d q d1  umana^  additionné  de  fleur  de  soufre,  fait  promptement 
disparaître  les  éruptions  et  assure  une  guérison  radicale. 


CRUCIFERES 

iîEHRO 

Cardamine  masturtioides. 

Bert.  Mer.  Chil.,  page  600.  — Flora,  1 856,  410.  — Gay,  I,  1 13. 

Petite  plante  mince  herbacée  portant  des  feuilles  imparipennées 
et  souvent  linéaires  dans  quelques  exemplaires  adultes  • les  fleurs 
sont  blanches,  pédicellées,  glabres,  et  forment  un  épi  terminal  lâche; 
le  calice  est  formé  de  quatre  sépales  égaux  moitié  plus  petits  que  les 
pétales;  les  étamines  sont  au  nombre  de  six,  fertiles  -,  le  stigmate  est 
sessile,  et  la  silique  très  étroite  et  glabre. 

Le  cresson  chilien  croît  en  abondance  dans  les  marais,  les  ri- 
vières, les  ruisseaux  et  les  canaux  d’irrigation;  il  diffère  très  peu  du 
cresson  européen  avec  lequel  on  le  confond  souvent  ; il  a la  même 
composition  et  les  mêmes  usages. 

Comme  on  le  sait,  cette  plante  contient,  selon  Chatin,  une  huile 
essentielle  sulfo-azotée,  analogue  à celle  des  autres  Crucifères,  un 
extrait  amer,  de  l’iode,  du  fer  et  des  phosphates. 

Le  cresson  est  d’une  saveur  piquante,  un  peu  amère,  et  cause 
dans  l’estomac  une  sensation  d’ardeur  plus  ou  moins  notable 
suivant  la  quantité  ingérée  ; il  est  d’une  digestion  lente  et  labo- 
rieuse et  occasionne  des  éructations  d’une  odeur  sulfureuse.  Ses 
principes  actifs  sont  éliminés  par  l’urine,  la  peau  et  l’haleine,  bien 
qu’il  n’arrive  pas  à produire  dans  celle-ci  des  effets  aussi  marqués 
que  l’ail. 


1 6 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


Les  rameaux  filamenteux  de  la  tige  sont  d’une  digestion  plus  dif- 
ficile que  les  feuilles. 

Le  cresson  jouit  d’une  renommée  universelle  comme  stimulant 
antiscorbutique  et  dépuratif.  Au  Chili,  comme  en  Europe,  on  le 
mange  en  salade  et  on  le  recommande  dans  les  maladies  du  foie,  des 
poumons  et  de  la  peau.  Il  forme  partie  intégrante  du  sirop  de  radis 
noir  composé  qu’on  a tant  préconisé  dans  le  scorbut  et  le  lympha- 
tisme, ainsi  que  du  sirop  de  radis  ioduré  de  notre  pharmacopée. 

mastuerzo 

Cap  sella  bursa  pastoris. 

Mônch.  Meth.,271. — Gay,  I,  173. — D.  C.  Prodr.,  I,  177.  — Thlaspi  bursa 

pastoris,  Lin. 

La  tige  de  cette  plante  est  simple  ou  rameuse,  droite,  d'un  pied 
ou  plus  de  hauteur;  les  fleurs  sont  blanches  et  forment  des  épis  ou 
grappes  terminales  soutenues  par  un  pédicelle  encore  plus  long;  la 
silicute  est  triangulaire,  ouverte  à son  sommet,  un  peu  comprimée 
et  glabre. 

Le  Mastuerzo  est  aussi  appelé  Bolsita  par  les  indigènes.  Cette 
plante  est  très  répandue  non  seulement  dans  la  presque  totalité  du 
territoire  chilien,  mais  encore  dans  toutes  les  parties  du  monde.  Il 
est  probable  qu’elle  est  exotique,  mais  la  profusion  avec  laquelle  elle 
se  multiplie  dans  le  pays,  nous  permet  de  la  considérer  comme  nous 
étant  propre. 

D’après  Mérat,  le  Mastuerzo  serait  astringent;  son  suc  est  re- 
commandé dans  les  hémorrhagies  et  les  hématuries  ; il  est  aussi  ré- 
puté comme  antisccrbutique,  fébrifuge,  diurétique,  et  comme  tel 
on  l’emploie  dans  les  hydropisies,  le  scorbut,  l'asthme  humide,  etc. 
11  paraît  que  la  plante  sèche  est  sans  effet,  c’est  pourquoi  il  convient 
de  s’en  servir  à l’état  frais. 

Outre  les  affections  énumérées  plus  haut,  le  Mastuerzo  est  uti- 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


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lisé  parmi  nous  dans  la  diarrhée  et  la  dysenterie  sous  la  forme  d’in- 
fusion. Les  gens  de  la  campagne,  qui  quelquefois  en  font  usage,  le 
réduisent  en  poudre  et  s’en  servent  comme  vulnéraire  et  cicatrisant. 

MOSTAZA  NEGRA 

Br  as  sic  a nigra. 

Koch.  Deutsch.  flora,  IV,  713.  — Gay,  I,  140.  — D.  C.  Prodr.,  I,  218.  — 
Sinapis  nigra,  Lin.,  sp.  933. 

Dans  son  intéressant  catalogue  des  plantes  vasculaires  chilien- 
nes, M.  Federico  Philippi  mentionne  celle-ci  comme  étant  originaire 
du  pays;  en  effet,  elle  croît  partout  spontanément  et  si  abondam- 
ment qu’on  peut  à bon  droit  la  considérer  comme  faisant  partie  de 
la  flore  chilienne.  C’est  pour  ce  motif  que  nous  la  faisons  figurer 
dans  ce  travail. 

Cette  plante  peut  se  passer  de  description,  car  elle  est  connue 
de  tous  les  botanistes  et  est  en  médecine  d’un  usage  journalier.  Nous 
croyons  également  inutile  d’énumérer  ses  effets  thérapeutiques  et 
physiologiques,  soit  qu’on  l’administre  à l’intérieur  (ce  qui  est  le 
moins  usité),  soit  qu’on  l’applique  comme  un  des  meilleurs  et  des 
plus  rapides  rubéfiants. 

Quant  à sa  composition  chimique,  après  les  sérieux  travaux  de 
MM.  Pelouze,  Bussy,  Frémy,  Thibierge  et  autres,  il  est  peut-être 
superflu  de  dire  qu’elle  contient  du  myronate  de  potasse,  de  la  my- 
rosine,  une  huile  fixe,  du  sucre,  de  la  matière  colorante,  de  la  sina- 
pisme, un  acide  libre,  une  matière  verte  particulière  et  des  sels. 


PLANTES  MÉDICINALES  DU  CHILI 


VIOLARIÉES 

PILLÜNDEN 

Viola  maculaia. 

Cav.  Ic,  VI,  53o.  — Gay,  I,  216.  — D.  C.  Prodr.,  I,  297.  — Pyrofolia  <2,  Poir 
— luteafol.  nonauritis,  Feuill. — glandulosa,  Domb.  — tetrapetala,  Mol. 

Plante  à tiges  lisses,  minces,  extrêmement  courtes;  les  feuilles 
sont  ovoïdes  ou  rondes,  festonnées,  duvetées  quand  elles  sont  nou- 
velles ; les  fleurs  sont  assez  grandes,  d'un  beau  jaune  avec  quelques 
lignes  rougeâtres  et  soutenues  par  des  pédoncules  d'une  longueur 
double  de  celle  des  feuilles  ; le  calice  est  irrégulier  avec  ses  sépales 
linéaires  ou  lancéolés;  les  pétales  sont  ovoïdes,  obtus,  avec  leur 
partie  antérieure  plus  volumineuse  ; la  capsule  est  lisse  et  les  graines 
sont  ovoïdes,  obtuses,  tachetées  de  diverses  couleurs  et  au  nombre 
de  8 ou  10  pour  chaque  division. 

Cette  espèce  est  commune  depuis  le  34e  degré  jusqu’à  Magellan, 
dans  la  première  zone  des  grands  bois  du  Sud,  et  en  général  dans 
toutes  les  localités  où  la  végétation  est  assez  rare. 

Elle  possède  les  mêmes  propriétés  pectorales,  diaphorétiques 
et  émollientes  que  tous  ses  congénères.  Le  Dr  Julliet,  qui  a beaucoup 
étudié  la  flore  médicale  du  sud  du  Chili,  dit  qu'011  l’emploie  avec 
succès  dans  les  digestions  difficiles. 

MAI  T ENCILLO 

Jonidium  parviflorum. 

Vent.  Mal.  27.  — Gay,  I,  228.  — Solea  parviflora,  Spr.  — Maytencillo,  FeuilL 

Viola  parviflora,  Lin.  f. 

Sous-arbuste  petit,  à racines  blanchâtres,  noueuses,  de  une  à 
deux  lignes  de  diamètre;  la  tige  est  ligneuse,  ramifiée,  assez  grosse, 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


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revêtue  de  feuilles  alternes,  oblongues,  dentées  en  scie,  et  portant  à 
la  base  trois  stipules , droites,  terminées  en  pointe  et  glabres -,  les 
fleurs  sont  blanchâtres  ou  légèrement  rosées,  soutenues  par  des 
pédoncules  axillaires  très  minces  ; le  calice  se  compose  de  cinq  divi- 
sions, et  les  pétales,  irréguliers,  oblongs-bilobés,  sont  au  nombre 
de  cinq. 

Cette  plante  croît  dans  les  provinces  de  Concepcion,  Nubie  et 
Arauco. 

Sa  racine  ressemble  à celle  de  l’ipécacuanha  blanc  (J.  ipecacuanha 
Vent.),  et  il  paraît  qu’elle  jouit  des  mêmes  vertus  médicinales.  Les 
gens  de  la  campagne  remploient  comme  émétique  et  comme  purga- 
tive ; elle  posséderait  ces  deux  propriétés. 

On  l’administre  sous  forme  de  poudre  ou  d’infusion  de  la 
racine. 

On  dit  que  les  bains  préparés  avec  la  décoction  de  ses  feuilles, 
mélangée  avec  les  autres  aromatiques  usités  en  pareil  cas,  calment 
les  névralgies  et  particulièrement  celles  d’origine  rhumastismale. 


POLYGALÉES 

PACUL 

Krameria  cistoidea. 

Hook.  Bot.  Beech.  8 tab.  5.  — Gay,  I,  243. 

Arbuste  de  couleur  cendrée,  un  peu  velu  dans  sa  partie  supé- 
rieure -,  la  racine  est  ligneuse,  rouge  foncé;  ses  feuilles  sont  alternes, 
très  entières,  droites,  duvetées  des  deux  côtés,  ovales-oblongues, 
terminées  en  pointe  ; fleurs  en  grappes  épaisses,  très  courtes,  de 
couleur  rose  jaunâtre,  soutenues  par  des  pédicelles  velus  pourvus  à 
la  partie  supérieure  de  deux  bractées  veloutées,  opposées,  linéo- 


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PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


lancéolées  et  pointues  ; le  calice  se  compose  de  cinq  sépales  ouverts, 
veloutés  en  dehors,  pourprés  à l’intérieur  ; corolle  à cinq  pétales 
très  petits  disposés  en  deux  séries.  Les  deux  extérieurs  sont  ongui- 
culés, tronqués  et  charnus -,  les  trois  supérieurs  plus  longs,  spatulés^ 
pointus  et  membraneux  ; les  étamines  sont  au  nombre  de  quatre, 
celles  des  côtés  plus  longues  que  les  supérieures;  la  capsule  est  glo- 
buleuse, lisse  à Tintérieur,  soyeuse  à l'extérieur,  et  hérissée  de  petites 
épines  blanchâtres  dirigées  en  bas. 

Cette  plante  croît  dans  les  montagnes  des  provinces  d’Atacama, 
de  Coquimbo  et  d’Aconcagua,  depuis  1,000  jusqu'à  4,000  pieds  de 
hauteur. 

La  partie  dont  on  fait  usage  est  l’écorce  de  la  racine. 

11  résulte  de  l’analyse  pratiquée  par  M.  Salinas  en  1 863 , que 
cette  écorce,  analogue  à celle  de  la  Rathania , contient  une  forte 
dose  de  tannin,  dont  la  dissolution  donne  un  précipité  noir-bleuâtre 
par  les  sels  ferriques.  La  proportion  dans  laquelle  il  a trouvé  ce 
principe  est  de  5o  grammes  pour  i5o  d’écorce  en  poudre. 

Trois  ans  avant  la  publication  du  travail  de  M.  Salinas,  nous 
disions  que  les  racines  de  Pacul  possédaient  de  grandes  propriétés 
astringentes  et  qu’on  pourrait  très  bien  substituer  son  usage  à celui 
de  la  Krameria  tviandra.  — Aujourd’hui  notre  affirmation  ne  peut 
être  mise  en  doute  et  nous  sommes  étonnés  de  ce  que  nos  pharma- 
ciens n’aient  pas  tiré  de  cette  plante  tout  le  parti  qu’ils  -auraient  dû. 

Les  caractères  tant  physiques  que  chimiques  de  la  racine  de 
Pacul  et  ceux  de  la  racine  de  Rathania  sont  similaires,  de  sorte 
qu'on  doit  préférer  l'extrait  pour  l’usage  médical.  — En  conséquence, 
le  Pacul  doit  être  employé  comme  un  puissant  astringent  dans  les 
diarrhées  et  dysenteries  chroniques,  dans  les  sueurs  des  phtisiques, 
les  hémorrhagies  tant  actives  que  passives;  en  injections  contre  la 
leucorrhée,  les  métrorrhagies,  les  fissures  de  l’anus;  dans  ce  dernier 
cas,  il  a été  justement  préconisé  par  l’illustre  clinicien  Trousseau. 

Le  Pacul  étant  aussi  riche  en  tannin  que  la  Rathania , les  doses 
de  ses  poudres,  extraits  et  infusions,  doivent  être  égales  aux  doses 
de  celle-ci. 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


2 I 


QUELÉN - QUELÉN 

Monnina  linearifolia  (i). 

R.  et  Pav.  Syst.,  173.  — Gay.  I,  240.  — D.  C.  Prodr.,  I,  340.  — Bot.  Beech. 

tabl.  VI 

Plante  à tiges  ligneuses  dans  sa  partie  inférieure  et  herbacées 
dans  la  partie  supérieure  ; les  feuilles  sont  très  entières,  glabres, 
linéaires-lancéolées  ; les  branches,  très  minces  dans  la  partie  supé- 
rieure, et  un  peu  velues,  portent  de  longues  grappes  plus  ou  moins 
touffues  de  fleurs  bleuâtres  ou  jaunes  soutenues  par  des  pédoncules 
courts  portant  à leur  base  deux  ou  trois  petites  bractées. 

Cette  plante  est  très  commune  dans  les  montagnes  des  pro- 
vinces centrales,  c'est-à-dire,  entre  Concepcion  et  Coquimbo. 

Sa  racine  est  considérée  comme  très  médicinale  ; on  l'emploie 
en  infusion.  Elle  se  vend  fréquemment  dans  les  rues,  les  yerbateros 
(herboristes  du  pays)  crient  : Quelén-Quelén  para  el  estomago!  (pour 
l’estomac  !).  Bien  que  les  indigènes  en  fassent  usage  depuis  fort 
longtemps,  un  fameux  médecin-herboriste,  qui  vivait  il  y a plus  de 
5o  ans  dans  la  vallée  de  Choapa,  en  rendit  l’usage  encore  plus  popu- 
laire, à tel  point  que  le  gouvernement  nomma  M.  Bustillos,  phar- 
macien, pour  aller  s’informer  auprès  de  cet  homme  des  vertus  mé- 
dicinales des  plantes  chiliennes. 

On  emploie  généralement  le  Quelén-Quelén  dans  les  dispepsies, 
les  digestions  difficiles,  les  affections  chroniques  des  poumons  et  les 
abcès  du  foie  ouverts  dans  les  bronches. 

Ruiz  et  Pavon  disent  qu’au  Pérou  on  fait  usage  de  cette  Mon- 
nina, ainsi  que  des  autres  espèces  du  même  genre,  dans  les  dysen- 
teries et  comme  succédanées  de  la  Polygala  sene\a  Lin. 

(1)  Il  paraît  que  la  Monnina  an gustifolia,  D.  G , des  mêmes  parages,  sem- 
blable à celle-ci  et  portant  le  même  nom  vulgaire,  est  employée  de  la  même 
manière  par  les  gens  du  pays  qui  n’y  font  aucune  différence. 


22 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


Nous  devons  mentionner  ici  deux  plantes  de  la  même  famille, 
connues  aussi  au  Chili  sous  les  noms  de  Quelén-Quelén  et  de  Clin - 
Clin , et  auxquelles  on  attribue  les  mêmes  propriétés  qu’à  l’espèce 
décrite  ci-dessus,  ce  sont  la 

Polygala  gnidioides  W. 
et  la  Polygala  thesoides  W. 

Ces  deux  espèces  croissent  aussi  dans  les  montagnes  des  pro- 
vinces centrales. 

Molina  leur  attribue  des  effets  purgatifs  ; Feuillée  dit  qu’elles 
sont  diurétiques,  et  employées  dans  les  pleurésies  sous  la  forme 
d’infusion  ou  en  les  faisant  macérer  pendant  une  nuit  pour  en  boire 
ensuite  le  matin. 

Le  nom  vulgaire  de  cette  plante  lui  vient  du  mot  araucan  Que  - 
lulahuen , qui,  d’après  Gay,  veut  dire  littéralement  : « Remède 
contre  les  coups.  » 


FRANKÉNIACÉES 

YERBA  DEL  SALITRE  (Herbe  du  salpêtre) 

Frankenia  Berteroana. 

Gay,  I,  247.  — Ocymum  salinum,  Mol. 

Plante  droite,  sous-ligneuse  à la  base,  couverte  quelquefois  de 
petites  écailles  blanchâtres;  les  tiges  sont  cylindriques,  légèrement 
striées  vers  la  partie  supérieure,  lisses  et  rougeâtres  dans  la  partie 
inférieure  ; les  feuilles  sont  ovales,  allongées,  obtuses,  un  peu  coria- 
cées,  glabres,  d’un  vert  clair,  sessiles  ; les  fleurs  sont  petites  et  réu- 
nies en  une  sorte  de  panicule  • le  calice  est  tubuleux,  légèrement 
denté  ; les  pétales  sont  étroits,  allongés,  linéaires-lancéolés -,  le  stig- 
mate est  divisé  en  trois  lobes  filiformes,  cylindriques. 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


23 


Contrairement  aux  diverses  espèces  de  son  genre  qui  croissent 
dans  les  sables  au  bord  de  la  mer,  l’herbe  appelée  del  Salitre  (du 
salpêtre)  se  trouve  dans  les  plaines  des  provinces  centrales. 

Molina  dit  que  dans  la  province  de  Santiago  on  trouve  une 
espèce  de  basilic  ( albahaca ) commune,  qui  naît  au  printemps  et  dure 
jusqu’au  commencement  de  Thiver;  tous  les  matins,  on  trouve  la 
plante  couverte  de  petits  globules  salins,  consistants,  et  qui  brillent 
comme  des  gouttes  de  rosée.  Les  paysans,  secouant  les  feuilles, 
recueillent  cette  sorte  de  manne  et  s’en  servent  comme  de  sel  com- 
mun, auquel,  en  réalité,  il  est  supérieur  comme  saveur.  Chaque 
plante  donne  tous  les  jours,  en  moyenne,  une  demi-once  de  sel.  — 
Le  phénomène  que  présente  cette  plante  est  surtout  singulier  en 
ce  que  les  terrains,  où  elle  croît  généralement,  sont  les  plus  fertiles  du 
pays,  et  se  trouvent  situés  à plus  de  soixante-dix  milles  de  la  côte. 

Cette  plante  a été  étudiée  postérieurement  par  M.  le  docteur 
R.  A.  Phlilippi  (i).  — Les  échantillons  que  son  fils,  M.  F.  Philippi, 
lui  a présentés  en  deux  occasions,  lui  ont  permis  de  la  classer  sous 
son  véritable  nom  et  d’analyser  le  produit  salin  qui  avait  appelé 
l’attention  du  naturaliste  Molina. 

« Les  exemplaires  apportés  par  mon  fils,  dit  le  docteur  Phi- 
lippi, étaient  couverts  de  petits  globules  qui  formaient  comme  une 
croûte  saline  et  brillante  parfois  comme  des  gouttes  de  rosée  -,  ils 
étaient  souvent  couverts  de  poussière,  sans  doute  parce  qu’ils 
avaient  été  recueillis  au  bord  du  chemin.  En  secouant  les  plantes, 
plusieurs  feuilles  tombèrent  avec  le  sel,  ce  qui  m’empêcha  d’obtenir 
celui-ci  aussi  pur  que  si  ces  plantes  avaient  été  recueillies  à une 
certaine  distance  du  chemin  et  quelques  mois  avant  ; mais  au  goût, 
il  me  fut  facile  de  reconnaître  ce  sel  comme  un  chlorure  de  sodium 
ou  sel  commun  dans  un  état  de  pureté  relative.  L’analyse  que  j’ai 
pratiquée  ensuite  me  fit  voir  qu’en  effet  il  contenait  beaucoup  de 
chlore  et  une  petite  quantité  d’acide  sulfurique,  tous  deux,  sans 
doute,  avec  la  soude.  Je  n’y  ai  pas  trouvé  de  traces  de  chaux.  » 

(i)  Anales  de  la  Universidad  de  Chile  (1861),  t.  I,  p.  724.  — Voir  aussi 
Y Histoire  de  Rosalès. 


24 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


Par  ce  qui  précède  on  voit  que  la  plante  a été  improprement 
appelée  « Herbe  du  salpêtre  »,  puisqu’elle  ne  contient  pas  denitre , 
mais  bien  du  chlorure  de  sodium. 


PORTULACEES 

RENILLA  ou  PATA  DE  GUANACO 

Calendrinia  discolor  Schrad. 

Lin.,  VIII,  22.  — Gay,  II,  496. 

Plante  assez  grande,  vivace  ; sa  tige  est  'simple,  quelquefois  de 
5o  centimètres  de  hauteur,  glabre  et  terminée  par  des  fleurs 
pourpres,  volumineuses,  disposées  en  corymbe  un  peu  serré;  presque 
toutes  les  feuilles  sont  radicales,  ovales,  oblongues,  vertes  en  dessus, 
rougeâtres  en  dessous  et  très  charnues:  les  graines  sont  abondantes, 
noires,  parsemées  de  petits  poils  rudes  et  épineux. 

Elle  croît  dans  les  rochers  des  montagnes  des  provinces  du 
Nord  et  du  Centre,  et  se  distingue  facilement  par  ses  feuilles  de  deux 
couleurs. 

Ainsi  que  sa  congénère  la  C.  longiscapa  Barn,  elle  est  connue 
dans  le  pays  sous  les  noms  de  Renilla , pata  de  guanaco , yerba  del 
corrimiento  ; toutes  les  deux  ont  les  mêmes  usages  médicaux. 

Les  habitants  du  pays  en  utilisent  les  feuilles,  les  faisant  macé- 
rer dans  de  l’eau-de-vie,  comme  un  médicament  excitant,  efficace 
dans  les  rhumatismes,  les  névralgies,  et,  en  général,  dans  toute 
espèce  de  douleur  d’origine  rhumatismale,  à laquelle  ils  donnent  le 
nom  de  « Corrimiento.  » Us  l’emploient  en  bains  et  en  frictions  et 
lui  attribuent  aussi  des  vertus  vulnéraires. 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


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MALVACÉES 

PILA-PILA 

Malva  (Mauve). 


Modiola  caroliniana,  Moench.  — Gay,  I,  3o 6.  — Malva  caroliniana, 

Lin.  sp.,  969. 

Plante  à tige  rampante,  quelquefois  élevée,  grosse,  rameuse,  de 
60  à 80  centimètres  de  longueur;  chaque  feuille  inférieure  porte  à la 
base  de  son  pétiole  des  racines  nouvelles;  les  feuilles  sont  cordi- 
formes,  arrondies  ou  oblongues,  festonnées,  glabres,  nervées  en  des- 
sous ; les  fleurs  sont  rougeâtres,  solitaires  et  axillaires  ; le  calice  est 
très  cilié  et  divisé  presque  jusqu'à  la  base  en  cinq  sépales  terminés 
en  pointe,  avec  les  trois  folioles  de  l’involucre  d’un  vert  plus  pur  et 
de  la  même  forme;  les  pétales  sont  ovales,  entiers,  et  les  pistils  au 
nombre  de  20  à 24,  soudés  aux  deux  tiers  de  leur  longueur  et  ter- 
minés par  un  stigmate  en  capitule. 

Elle  croît  dans  les  endroits  humides,  depuis  Chiloé  jusqu’à  Go* 
quimbo.  On  fait  usage  des  feuilles  et  des  rameaux  encore  tendres 
qui  contiennent,  mais  en  petite  quantité,  un  suc  mucilagineux. 

La  Pila-Pila  est  recommandée  comme  adoucissante,  soit  en 
tisane,  soit  en  lavement.  La  tisane  se  prépare  en  exprimant  le  jus  de 
la  plante  dans  de  l’eau  froide,  on  y ajoute  ensuite  du  jus  de  citron  et 
du  blanc  d'œuf.  Cette  préparation,  filtrée  et  édulcorée  légèrement,  se 
boit  en  quantité. 

Dans  une  conférence  médicale  que  j’ai  faite  en  1871  sur  les  vertus 
thérapeutiques  des  plantes  chiliennes,  un  de  mes  collègues  présents 
parla  d’un  cas  d’anasarque  qu’il  traitait  avec  un  médicament  que  le 
hasard  lui  avait  procuré.  L’année  antérieure  ce  même  malade  n’avait 
pu  être  guéri  par  aucun  des  moyens  indiqués  jusqu'alors  ; il  déses- 


2 6 


PLANTES  MÉDICINALES  DU  CHILI 


pérait  de  sauver  le  patient  quand  on  lui  conseilla  remploi  de  la  Pila - 
Pila  qui  le  rétablit.  La  maladie  reparut  l’hiver  suivant  et  guérit  par 
le  même  remède. 

Les  Malva  parviflora  et  nicacensis , appelées  vulgairement 
Malvas  (Mauves),  sont  employées  en  infusion  ou  décoction  comme 
émollientes,  soit  par  la  voie  stomacale  ou  ano-vaginale;  ces  deux 
plantes  sont  très  riches  en  mucilage. 

HUEILA 

Abutilon  vitifolium. 

Cav.  Ic.,  tab.  420  — Gay,  I,  332.  — D.  C.  Prodr.  I,  471. 

C’est  un  arbuste  élégant  qui  croît  dans  les  provinces  du  Sud, 
principalement  dans  les  terrains  boisés  qui  ont  été  incendiés  ; les 
feuilles  sont  très  grandes,  cordiformes,  très  pointues,  inégalement 
dentées,  avec  trois  et  souvent  cinq  lobes,  dont  les  inférieurs  sont 
obtus  et  les  supérieurs  ronds,  avec  le  dessus  d’un  vert  un  peu  foncé 
et  presque  glabre,  le  dessous  blanchâtre  avec  les  nervures  proémi- 
nentes; les  pétioles  sont  gros,  très  veloutés  et  plus  courts  que  le 
limbe  ; les  stipules  petites,  sub-triangulaires  ; les  fleurs  sont  grandes, 
d’un  bleu  pâle,  soit  solitaires  sur  un  pédoncule,  soit  réunies  sur  des 
pédicelles  simples  ou  bifurqués  formant  une  ombelle  plus  ou  moins 
régulière;  le  calice  est  divisé  en  cinq  dents  sub-triangulaires;  les 
pétales  sont  ovoï  Jes  et  les  capsules  assez  grandes,  avec  les  carpelles 
déhiscents  ; chaque  carpelle  renferme  de  4 à 6 graines  noirâtres,  lisses 
et  ovales. 

Il  existe  une  variété  à feuilles  trilobées,  très  festonnées  et  avec 
des  fleurs  plus  petites. 

Les  feuilles  sont  mucilagineuses,  émollientes,  et  s’emploient 
à l’extérieur  comme  telles.  Les  habitants  de  la  campagne  les  utili- 
sent à l'intérieur  pour  provoquer  les  contractions  utérines  dans  les 
accouchements  laborieux  et  les  rétentions  placentaires.  Dans  ces  cas. 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


27 


on  prépare  une  infusion  ou  décoction  (5o  à 60  grammes  pour  400 
d’eau)  que  l’on  boit  en  plusieurs  fois  à quelques  moments  d’inter- 
valle. 

La  décoction  des  feuilles  dans  la  proportion  de  60  à 120 
grammes  pour  5oo  d’eau  est  aussi  recommandée.  L’infusion  paraît 
être  adoucissante. 

Les  fibres  du  liber  de  cette  plante  s’emploient  dans  la  province 
de  Chiloé  pour  confectionner  des  filets  dépêché;  quelquefois,  pour 
les  rendre  plus  durables,  on  les  tanne  avec  de  l’écorce  de  lingue. 


TILIACEES 

MAQUÏ 

Anstotelia  maqui. 

L’Hérit.  Stirp.,  pag.  3i,  tab.  16.  — - Gay,  I,  336.  — D.  C.  II,  56.  — A.  glan- 
dulosa,  R.  et  Pav.  — Cornus  chilensis,  Mol.,  var.  andina,  Ph.  Lin., 
XXX,  3 1 . 

Le  genre  Aristotelia  possède  la  particularité  botanique  de  ne 
pouvoir  s’adapter  à aucune  famille  déterminée.  Gay  et  d’autres  bo- 
tanistes le  placent  dans  la  famille  des  Tiliacées,  tandis  que  pour 
quelques-uns,  il  constituerait  une  transition  entre  les  Ternstrœmia- 
cées  et  les  Eléocarpées. 

Le  Maqui  ou  Queldôn  est  un  des  arbres  les  plus  élégants  de 
notre  flore;  de  3 à 5 mètres  de  haut,  toujours  vert,  glabre,  un  peu 
velu  cependant  sur  les  nouvelles  pousses-,  l’écorce  lisse  et  fréquem- 
ment d’un  violet-brun;  les  feuilles  sont  opposées,  ovales,  lancéolées, 
un  peu  pointues  et  dentées,  d’un  vert  brillant  en  dessus,  nervées  et 
anastomosées  en  dessous;  les  pétioles  sont  légèrement  cannelés, 
striés  et  velus;  les  stipules  très  velues  et  caduques;  les  fleurs  d’un 


28 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


jaune  pâle,  axillaires,  avec  les  pédicelles  velus  ; le  calice  est  divisé, 
et  ses  divisions,  au  nombre  de  cinq  à six,  sont  très  profondes  et 
presqu’entièrement  libres;  la  corolle  se  compose  de  cinq  à six 
pétales  ; les  étamines,  deux  ou  trois  fois  plus  nombreuses  que  les 
pétales,  avec  des  anthères  moitié  plus  courtes  qu’eux  ; le  pistil  est 
formé  par  la  réunion  de  trois  styles  soudés  à la  base  et  très  courts  ; 
le  fruit  est  rond,  lisse,  d’un  violet  noir,  très  rarement  blanc  à la 
maturité. 

Cet  arbre  croît  près  des  sources  et  dans  les  bois  humides  et 
sombres  depuis  Illapel  jusqu’à  Chiloé.  11  est  très  répandu. 

« Le  jus  de  ses  feuilles  est  un  précieux  spécifique  pour  les  mala- 
dies de  la  gorge,  comme  j’ai  eu  l’occasion  de  l’expérimenter  sur 
moi-même. 

« Le  fruit  est  un  peu  plus  gros  qu’un  grain  de  poivre,  le  plus  sou- 
vent noir,  quelquefois  blanc  ; il  est  sucré  et  teint  fortement  la  bouche 
et  les  lèvres;  le  jus  exprimé  dans  un  peu  d’eau  chaude  fait  une  bonne 
encre.  Le  vin  qu’on  en  fabrique  possède  des  propriétés  astringentes, 
il  est  d’une  saveur  sucrée,  doux  à boire  et  tonique.  Son  bois  étant 
très  liant  et  très  flexible,  on  en  fabrique  des  gaînes  d’épées,  des 
anses  de  panier,  etc.  L’écorce  est  mince  et  on  en  tire  de  longues 
fibres  dont  la  consistance  est  telle  qu’au  commencement  les  Indiens 
s’en  servaient  pour  tisser  des  vêtements,  la  laine  des  moutons  leur 
étant  inconnue  ; ils  s’en  servent  encore  aujourd'hui  pour  fabriquer 
des  cordes  très  solides  ; pour  cela  ils  écrasent  préalablement  les 
tiges  qu’ils  font  ensuite  macérer  quelques  jours  dans  l’eau,  ainsi 
qu’on  le  pratique  pour  le  chanvre.  — Rosales.  » 

« Les  fruits  du  maqui  sont  très  recherchés;  on  en  fait  des  con- 
fitures, des  glaces,  et,  mélangés  avec  le  raisin,  un  vin  exquis.  Les 
Indiens  préparent  aussi  leur  boisson,  une  espèce  de  vin  ( chicha ) 
qu’ils  apprécient  infiniment  et  qu’ils  appellent  técu.  — Gay.  » » 

Ainsi  qu'on  le  voit,  les  parties  utiles  du  maqui  sont  les  feuilles 
et  les  fruits.  Les  premières  jouissent  d’une  grande  renommée  comme 
vulnéraires  et  rafraîchissantes.  En  infusion  (30  à 60  grammes  pour 
5oo  d’eau)  on  l’emploie  en  gargarismes  et  collutoires  ; en  cataplasmes 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


29 


on  les  utilise  dans  les  fièvres  et  les  tumeurs  -,  sa  poudre  sert  à prépa- 
rer un  onguent 

Le  fruit,  la  partie  la  plus  importante  du  maqui , est  astringent,, 
légèrement  acide  et  rafraîchissant.  On  l'administre  sous  forme 
de  tisane  dans  les  fièvres,  quand  le  ventre  est  dérangé  ; dans  les 
diarrhées  et  dysenteries.  Je  m’en  sers  assez  fréquemment  dans  ce 
dernier  cas;  mais,  comme  le  grain  renferme  beaucoup  de  tannin, 
chaque  fois  que  je  veux  obtenir  un  effet  plus  astringent,  je  fais  pré- 
parer une  tisane  de  la  manière  suivante  : On  prend  une  certaine 
quantité  de  fruits  de  maqui  desséchés,  on  les  écrase  pour  en  concas- 
ser les  graines,  on  les  fait  infuser  une  demi-heure  environ,  on  filtre 
et  on  y ajoute  ensuite  un  peu  de  sirop  de  grenade.  C’est  une  boisson 
très  agréable,  très  goûtée  des  malades  et  d’une  incontestable 
utilité. 

On  pourrait  aussi  en  préparer  un  sirop  qui  figurerait  avec  avan- 
tage à côté  des  sirops  de  groseilles  et  de  framboises,  mais  plus  astrin- 
gent que  ceux-ci. 


CHAQUIHUE 

Crinodendron  Hookerianum . 

Gay,  1,  341.  — Bot.  Mise.  III,  tab.  100.  — Contrib.  to  Bot.,  II,  tab.  83  A.  — 

C.  patagua,  Hook  et  Ara. 

Arbuste  de  2 à 3 mètres  de  haut  ; le  tronc  est  assez  gros,  de 
couleur  cendrée;  les  feuilles  sont  alternes,  ovales  lancéolées,  demi- 
coriacées,  glabres,  très  dentées;  notables  par  les  nervures  anasto- 
mosées de  leur  face  inférieure  dont  la  médiane  est  très  saillante  et 
un  peu  velue,  surtout  dans  les  jeunes  feuilles,  ce  qui  lui  donne  une 
apparence  tomenteuse;  les  fleurs  sont  de  couleur  vermeille,  le  calice 
campanulé,  caduque,  velu,  avec  cinq  divisions  inégales  et  cinq  ner- 
vures sur  la  face  inférieure;  les  pétales,  au  nombre  de  cinq,  sont 
tubuleux  et  trois  fois  plus  longs  que  Je  calice  ; les  étamines,  au 
nombre  de  quinze,  presque  aussi  longues  que  les  sépales. 


3o 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


Cet  arbuste  croît  dans  les  localités  basses  et  humides  des  pro- 
vinces du  Sud,  y compris  Chiloé  jusqu’à  Tres-Montes.  Son  aspect 
est  très  élégant  et  il  mérite  une  place  dans  les  jardins. 

Les  habitants  du  pays  le  connaissent  aussi  sous  le  nom  de 
tolisson  et  s’en  servent  comme  emménagogue  et  abortif.  Quelques- 
uns  attribuent  à l’écorce  et  aux  feuilles  des  propriétés  émétiques. 

M.  Gay  a dédié  cette  plante  au  savant  botaniste  Hooker,  lequel 
lui  avait  donné  le  nom  spécifique  de  patagua , facilitant  ainsi  la  con- 
fusion avec  cet  arbre  qui,  quoique  de  la  même  famille,  possède  des 
propriétés  différentes. 


LINACÉES 

ÏIETAMILL  A 

Linum  chamissonis. 

Schrède  Linn.,  I,  69.  — L.  aquilinum,  Mol.  ed.  II,  118.  — Gay,  I,  462.  — 
Linum  Macraci,  Benth.  Bos.  Reg.  i83o,  fol.  i326. 

Plante  à racines  ligneuses  avec  un  grand  nombre  de  tiges  sous- 
ligneusês  qui  naissent  à leur  base  -,  les  feuilles  sont  linéaires,  lancéo- 
lées, pointues,  bi-glanduleuses  ou  dépourvues  de  glandes  à leur 
base;  les  fleurs  sont  grandes,  jaunes,  réunies  en  panicules  assez 
lâches  ; les  pétales  sont  quatre  fois  plus  longs  que  les  sépales. 

« Cette  plante  est  très  commune  dans  les  prairies  naturelles  des 
provinces  méridionales  et  dans  les  endroits  arides  et  secs  des  provin- 
ces centrales.  Les  habitants  du  Sud  lui  donnent  le  nom  de  Nanco 
ou  Nanco-Lahuen , qui  littéralement  signifie  — herbe  de  l’aigle.  — 
Dans  le  Nord,  on  l’appelle  Retamilla.  Partout  on  en  fait  usage  dans 
les  indigestions  et  dans  les  dérangements  du  tube  digestif  provenant 
d’un  excès  de  nourriture;  Elle  est  aussi  rafraîchissante  et  fébrifuge 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


3 1 


et  on  l’emploie  avec  plus  ou  moins  de  succès  dans  beaucoup  d’au- 
tres maladies.  — Gay.  » 

L'infusion  de  Reiamilla  est  d’un  goût  amer,  et  je  suis  porté  à 
croire,  comme  Molina,  que  ses  qualités  essentielles  sont  apéritives 
et  stomachiques. 


ZYGOPHYLLÉES 

GUAYACAN 
P or  lier  ia  hygrométrie  a. 

R.  et  Pav.  Flor,  per.,  55.  — Gay,  i,  477.  — D.  C.  Prodr.,  I,  707.  — 
Guayacum  officinale,  Mol. 

Arbuste  de  3 à 4 mètres  de  haut,  glabre,  divisé  en  un  grand 
nombre  de  branches  et  de  rameaux  courts,  alternes,  noueux  et  de 
couleur  cendrée  ; les  feuilles  sont  opposées,  presque  sessiles,  pen- 
nées, et  possèdent  la  singulière  faculté  de  se  fermer  et  de  s’appliquer 
contre  les  rameaux  au  coucher  du  soleil  ; les  fleurs  sont  axillaires, 
violacées,  portées  sur  un  pédoncule  généralement  velu;  le  fruit  est 
une  capsule  divisée  en  quatre  loges  profondes. 

Le  Guayacan  ou  palo  santo  croît  depuis  la  province  de  Col- 
chagua,  sa  limite  sud,  jusqu’à  celle  de  Coquimbo.  Il  n'a  pas  besoin 
de  beaucoup  d’humidité  pour  se  développer.  Cet  arbre  fut  dédié  par 
MM.  Ruiz  et  Pavon  à M.  Andrès  Porlier,  marquis  de  Bajamar  et 
ministre  des  Indes. 

Le  bois  du  Guayacan  chilien  ressemble  à celui  du  Guayacum 
officinale  ; il  est  dur,  pesant,  d’un  jaune  clair  et  sillonné  de  nom- 
breuses veines  d’un  vert  foncé  ; il  contient  une  grande  quantité  de 
résine.  La  poudre  est  de  couleur  paille  récemment  préparée,  mais 
sous  l’action  de  la  lumière,  elle  devient  verdâtre. 

M.  Romero,  qui  a étudié  cette  plante  aux  points  de  vue  phar- 


32 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


maceutique  et  chimique  (i),  en  a extrait  une  résine  brun  foncé, 
amorphe,  de  consistance  un  peu  molle  due  à l’huile  essentielle 
qu’elle  contient  et  à laquelle  elle  donne  son  arôme  spécial  ; sa  sa- 
veur, comme  celle  du  Guayacum  officinale , ne  se  manifeste  pas  im- 
médiatement, mais  un  instant  après,  elle  produit  une  sensation 
d’àcreté  très  persistante  ; elle  fond  facilement  ; placée  sur  des  char- 
bons ardents,  elle  laisse  échapper  une  odeur  douce  et  aromatique. 
En  ce  qui  concerne  ses  caractères  chimiques,  on  observe  qu’elle  se 
combine  avec  la  potasse  pour  produire  un  savon  très  soluble  dans 
l’eau  ; la  dissolution  alcoolique  donne,  avec  le  jus  frais  de  la  pomme 
de  terre,  une  belle  couleur  bleue  entièrement  semblable  à celle  de  la 
résine  du  Guayacum  off.,  ce  qui  constitue  un  de  ses  caractères  les 
plus  distinctifs.  La  même  couleur  se  manifeste  dans  une  dissolution 
de  gomme  arabique  ainsi  qu’avec  le  sublimé  corrosif.  Avec  le  chlo- 
rure de  chaux,  la  couleur  est  verte. 

D’après  ces  réactions  obtenues  par  M.  Romero,  et  de  l’abon- 
dance avec  laquelle  on  peut  se  procurer  cette  résine,  il  résulte  qu’il 
n’y  a aucune  différence  avec  celle  du  Guayacum  off. , ce  qui  n’est 
pas  étrange,  puisque  toutes  les  deux  se  retirent  de  végétaux  apparte- 
nant à la  même  famiile.  L’adoption  de  l’une  ou  de  l’autre  peut  être 
laissée  à la  volonté  des  pharmaciens  qui  la  livrent,  ou  des  médecins 
qui  l’ordonnent. 

La  préparation  de  la  nôtre  aurait  l’avantage  de  n’être  ni  falsifiée 
ni  altérée,  comme  on  le  fait  avec  celle  de  Guayacum  importée,  qui 
contient  quelquefois  de  la  poix  de  Castille  ou  d’autres  matières  rési- 
neuses. 

Les  préparations  pharmaceutiques  recommandées  pour  l’usage 
médical  sont:  la  décoction,  la  teinture  alcoolique  et  la  résine,  qui 
peuvent  se  donner  à la  même  dose  que  le  Guayacum  des  Antilles. 

L’identité  de  la  composition  de  notre  Guayacan  avec  celui  de 
Saint-Domingue  ou  de  la  Jamaïque,  nous  évite  la  description  de  son 
action  physiologique,  car  elle  est  la  même. 


( i ) Anales  de  la  Sociedad  de  Farmacia  de  Santiago , 1866,  p.  80* 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


33 


Quant  à leur  usage  thérapeutique,  il  n’y  a pas  non  plus  de  dif- 
férence, car  les  indigènes  le  qualifient  d’emménagogue,  stimulant, 
diaphorétique  et  balsamique. 

Il  est  très  recommandé  dans  les  affections  herpétiques,  dans  les 
rhumatismes  chroniques,  affections  de  la  poitrine,  contre  les  effets 
de  coups  violents,  contusions,  et  surtout  dans  les  affections  syphili- 
tiques. 

Tout  le  monde  sait  la  grande  renommée  qu’a  obtenue  le  Guaya - 
cum  dans  cette  maladie,  ayant  été  considéré,  à une  autre  époque, 
comme  un  spécifique  véritable,  très  particulièrement  dans  le  xvie  siè- 
cle à foccasion  de  la  fameuse  guérison  du  chevalier  Ulrich  de 
Hutten. 

Je  me  rappelle  avoir  lu  les  louanges  de  ce  bois  dans  un  livre 
d’un  ancien  auteur  espagnol,  qui  arrivait  à le  considérer  comme 
provenant  de  la  croix  du  bon  larron.  Eh  bien,  si  le  fait  eût  été  cer- 
tain, nous  aurions  eu,  nous  Chiliens,  le  droit  de  réclamer  pour  notre 
Guayacan  un  des  bras  de  cette  même  croix  ! 

L’industrie  emploie  le  bois  de  Guayacan , qui  est  très  dur,  pour 
la  fabrication  de  divers  ustensiles,  comme  peignes,  cuillères,  cou- 
teaux, etc. 

JARRILLA 


Larrea  nitida. 


Cav.  Ic.,  VI,  559.  — Gay,  I,  472.  — D.  C.  Prodr.,  I,  706 

Arbuste  de  deux  mètres  environ  de  haut,  avec  les  branches 
et  les  rameaux  ouverts,  distiques,  articulés,  un  peu  velus  dans  la 
partie  supérieure;  les  feuilles  sont  opposées,  imparipennées,  glabres, 
glutineuses,  composées  de  5 à 8 paires  de  folioles  très  rapprochées, 
linéaires,  oblongues  et  obtuses-,  les  fleurs  sont  jaunes,  assises  sur  un 
pédoncule  axillaire  -,  le  calice  est  velu,  avec  cinq  divisions,  et  les 
pétales  ovoïdes  et  plus  longs  que  le  calice,  le  fruit  est  rond,  velu,  avec 

3 


34 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


cinq  grandes  divisions  formant  le  même  nombre  décapsulés  ; cha- 
cune renferme  une  seule  graine,  longue,  courbe  et  noire. 

Il  croît  dans  les  Cordillères  d’Aconcagua  et  de  Coquimbo  depuis 
3,ooo  jusqu’à  6,000  pieds  d’altitude  sur  le  niveau  de  la  mer. 

La  Jarrilla  contient  une  grande  quantité  de  résine,  motif  pour 
lequel  elle  flambe  avec  facilité  et  qui  la  fait  employer  pour  alimen- 
ter les  fours. 

Elle  est  recommandée  comme  excitante,  balsamique,  vulné- 
raire, emménagogne  ; dans  les  digestions  difficiles  et  dans  l’aménor- 
rhée.  — - En  bains  généraux  et  partiels  pour  le  rhumatisme;  en  dé- 
coction pour  laver  les  blessures  de  mauvaise  nature,  et  en  cata- 
plasme comme  un  puissant  résolutif. 

Je  connais  peu  cette  plante,  et  jusqu’à  présent  personne  ne 
s'est  occupé  de  son  étude  sous  le  point  de  vue  médical;  mais  sa 
grande  quantité  de  résine  fait  présumer  qu’elle  peut  figurer  avec  un 
certain  avantage  dans  notre  matière  médicale  indigène. 


GÉRANI ACÉES 

CORECORE 

Géranium  Berterianum. 

Colla.  Mem.  di  Tor.  XXXVII,  45.  — Gay,  I,  383.  — B.  protimum,  Sterd. 

Plante  assez  volumineuse,  très  velue,  avec  la  tige  droite  ou 
couchée  ; sa  racine  est  napiforme  et  grosse;  les  feuilles  presque  orbi- 
culaires  avec  cinq  lobes  cunéiformes,  chacun  divisé  en  cinq  parties, 
les  dents  linéaires  et  un  peu  obtuses;  les  fleurs  ont  des  dimensions 
variables  et  l’intensité  de  la  couleur  n’est  pas  constante;  les  pétales 
sont  externes  et  deux  fois  plus  longs  que  le  calice,  celui-ci  est  très 
court. 


PLANTES  MÉDICINALES  DU  CHILI  35 


Elle  croît  à l’entrée  des  bois,  entre  les  mauvaises  herbes  des 
provinces  centrales. 

On  emploie  la  racine  en  infusion  et  décoction;  la  teinture  pour- 
rait aussi  être  utilisée  avec  avantage.  Elle  contient  une  forte  dose  de 
tannin. 

Cette  plante  a la  saveur  propre  aux  substances  astringentes 
tanniques  et  elle  est  employée  comme  telle.  La  décoction  de  ses 
racines  est  en  usage  contre  le  scorbut  et  les  aphtes  avec  un  succès 
digne  de  fixer  l’attention.  C’est  un  puissant  astringent  qui  rend  des 
services  dans  les  métrorrhagies  (en  injection)  et  dans  tous  les  cas  où 
on  fait  usage  de  la  Rathania. 

Sa  renommée  est  ancienne  : Rosalès  dit  que  les  racines  du  Core- 
core , bouillies  dans  du  vin,  sont  excellentes  contre  les  inflamma- 
tions, qu’elles  affermissent  les  gencives  ramollies  ; il  ajoute  encore 
que,  réduites  en  poudre,  elles  pourraient  être  utilisées  avantageuse- 
ment comme  collyre. 

Il  existe  d’autres  espèces  du  genre  Géranium  qui  portent  le 
nom  de  Corecore  et  qui  sont  employées  comme  le  Berterianum. 

ALFILERILLO 

Erodium  moschatum 

W.  sp.,  III,  639.  — Gay,  I,  389.  — D.  G.  Prodr.,  I,  647.  — Scandia 

chilensis,  Mol. 

Plante  annuelle  de  trois  décimètres  de  hauteur  avec  la  tige 
droite  et  pubescente  ; les  feuilles  sont  pennées  à lobes  ovoïdes  ; les 
pédoncules  très  longs,  axillaires,  multiflores  et  d’un  vert  pâle. 

Cette  herbe  est  très  commune  dans  toutes  les  prairies  et  mon- 
tagnes du  territoire  chilien  et  constitue  un  des  fourrages  les  plus 
appréciés. 

« Les  Erodium , que  Linnée  réunit  aux  Géranium  et  desquels 
ils  ne  diffèrent  que  par  l’avortement  de  cinq  étamines,  ne  possédant 


36 


PLANTES  MÉDICINALES  DU  CHILI 


que  cinq  pistils,  se  trouvent  répandus  sur  toute  la  surface  du  globe 
et  sont  tellement  abondants  au  Chili  que,  quoique  appartenant  aux 
espèces  entièrement  pareilles  à celles  d'Europe,  il  est  difficile  de 
croire  qu'ils  n'existaient  pas  ici  avant  la  conquête.  — Gay.  » 

L’ Alfilerillo  a une  odeur  de  musc  (propriété  qui  lui  a valu  le 
nom  spécifique  qu’il  porte).  C’est  un  bon  diurétique  et  il  pourrait  être 
utilisé  comme  anti-spasmodique. 

Le  lait  des  vaches  et  des  chèvres  qui  ont  mangé  de  ce  fourrage 
est  odorant,  agréable,  et  préféré  par  les  gens  de  la  campagne  qui  le 
croient  plus  sain  et  plus  facile  à digérer. 


OXALIDÉES 

Le  genre  Oxalis , généralement  connu  sous  le  nom  de  Vina- 
grillo  (oseille)  représente  seul,  au  Chili,  la  famille  des  oxalidées.  De 
nombreuses  espèces  sont  répandues  dans  toute  la  République,  depuis 
les  bords  sablonneux  de  la  mer  jusqu’à  la  cime  des  plus  hautes  Cor- 
dillères, et  depuis  la  province  d’Atacama  jusqu’à  la  Terre  de  Feu. 
Ses  feuilles,  d’ordinaire  trifoliées  comme  le  trèfle,  diffèrent  en  cela, 
et  à première  vue,  des  autres  espèces  du  même  genre,  très  abon- 
dantes au  Brésil,  dans  la  Colombie,  Montevideo  et  le  Cap  de  Bonne- 
Espérance. 

Les  groupes  de  feuilles  simples  ou  pennées,  ou  avec  trois  folioles 
dont  la  supérieure  a un  long  pétiole,  n’existent  pas  ; parmi  les 
espèces  dont  les  folioles  sont  très  nombreuses  et  placées  en  éventail 
on  ne  rencontre  que  ÏOx.  adenophylla , découverte  il  y a long- 
temps par  le  docteur  Gillies  dans  les  Cordillères  qui  séparent  les 
provinces  de  Santiago  (Chili),  et  Mendoza  (Rép.  Argentine),  et  YOx. 
enneaphylla  de  Magellan. 

M.  F.  Philippi  énumère  dans  son  catalogue  près  de  quatre- 
vingt-dix  espèces  comme  originaires  du  Chili. 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


3 7 


Les  plus  usitées  sont  YOx.  arenaria , YOx.  rosea  et  autres 
espèces.  Toutes  reçoivent  le  nom  de  Vinagrillo  (oseille)  à cause  de 
leur  goût  acide  plus  ou  moins  accentué*,  quelquefois  on  les  nomme 
aussi  Culli.  Elles  contiennent  de  l'acide  oxalique  à l’état  de  quadri- 
oxalate  de  potasse. 

Les  feuilles,  broyées  et  préparées  en  forme  de  tourteaux,  se 
vendent  au  marché  et  dans  les  pharmacies  sous  le  nom  de  « pain  de 
vinagrillo  » (oseille).  On  les  mange  aussi  en  salade  et  on  s’en  sert 
pour  l'assaisonnement  de  certains  plats,  mais  leur  usage  est  dange- 
reux, vu  la  quantité  d’acide  oxalique  qu’elles  contiennent. 

On  les  emploie  en  infusion  ou  tout  au  moins  en  macération, 
comme  tempérantes  et  astringentes  dans  les  fièvres,  principalement 
dans  celles  d’un  caractère  malin,  contre  le  scorbut  et  les  hémopty- 
sies. Elle  est  employée  au  printemps  dans  le  but  de  calmer  cet  état 
appelé  vulgairement  « ardeur  du  sang.  » 


XANTOXYLÉES 

CAJVELILLO  ou  PITAO 
Pitavia  punctata. 

Moll.  Sag.  II,  287.  — Gay,  1,  485.  — Galveria  punctata,  de  R.  et  Pav.  — 

Flor.  per.  56 

Arbre  très  touffu  et  toujours  vert  ; il  atteint  une  hauteur  de 
4 à 5 mètres,  les  feuilles  sont  oblongues-ovales,  coriacées,  légère- 
ment dentées,  glabres  et  semées  de  petits  points  transparents;  les 
fleurs,  de  couleur  blanche,  dioïques,  forment  des  panicules  axil- 
laires dans  la  partie  supérieure  des  petits  rameaux,  les  pétales  sont 
velus  à leur  surface  externe  et  au  nombre  de  quatre.  11  y a huit  éta- 
mines irrégulières  dans  les  fleurs  mâles  *,  dans  les  fleurs  femelles 


38 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


elles  n’existent  pas  ou  sont  stériles,  et  les  carpelles,  presque  entière- 
ment unies,  ne  forment  qu’un  seul  pistil.  Le  fruit  est  une  baie. 

C’est  un  arbre  élégant  ; il  croît  au  bord  des  rivières  et  dans  les 
lieux  bas  et  humides  de  la  province  de  Concepcion,  ses  limites  nord 
et  sud  sont  de  peu  de  degrés.  Le  nom  de  Pitao  est  d’origine  arau- 
canienne  et  signifie  : « cor  au  pied  »,  sans  doute  à cause  de  la  res- 
semblance de  son  fruit  avec  cette  hypertrophie  cutanée. 

Ses  feuilles,  très  odorantes,  selon  Gay,  ont  d’excellentes  pro- 
priétés résolutives  et  antihelminthiques. 


OLACINÉES 

GUILLIPATAGUA 
Villaresia  mucronata. 

R.  et  Pav.  Flor.  pir.,  III,  9.  — Gay,  II,  i3.  — D.  C.,  XVII,  298,  Contr.  t. 

Bot.  II,  tab.  67  A.  — Citronella  mucronata,  Don.  — Citrus  chilensis, 

Mol.  var.  lacta  Miers.  Cont.  to  Bot.,  II,  116,  tab.  67  B. 

Arbre  élevé,  très  touffu,  d’un  bel  aspect,  glabre  et  de  cou- 
leur jaunâtre  -,  les  feuilles  sont  amoncelées,  coriacées,  ovales- 
oblongues,  entières,  luisantes  par-dessus,  un  peu  pâles  et  jaunâtres 
en  dessous  ; les  fleurs  sont  d’un  blanc-jaunâtre,  en  forme  de  grappes 
terminales  soutenues  par  de  gros  pédicelles  ; le  calice  a cinq  divi- 
sions, les  pétales  plus  grands  que  le  calice  -,  le  fruit  est  une  drupe 
ovale. 

Il  est  aussi  connu  sous  le  nom  de  Naranjillo , et  on  lui  a donné 
encore  celui  de  Yerba-mate  du  Chili.  11  croît  entre  les  33°  et 
37°  degrés  de  latitude.  Ses  petites  fleurs  ont  une  odeur  qui  rappelle 
celle  du  lilas. 

L'histoire  de  cette  plante  est  très  curieuse  par  l’importance 
qu’on  a voulu  lui  donner  à une  autre  époque.  Il  paraît  qu’en  181 1, 


PLANTES  MÉDICINALES  DU  CHILI 


39 


un  écrivain,  Manuel  Alfaro,  qui  inspectait  un  passage  conduisant  à 
la  République  Argentine,  trouva  ce  bel  arbre  qui,  par  ses  feuilles,  a 
quelque  ressemblance  avec  le  Ilex  Paraguay ensis.  Il  en  coupa 
quelques  rameaux  et  les  apporta  à Santiago  pour  les  soumettre  à 
l’examen  du  Protomedicato  (Conseil  de  la  Faculté)  (i). 

M.  Manuel-Antonio  Talavera,  citoyen  paraguayen,  appelé  à 
donner  son  opinion,  en  qualité  d’expert,  sur  les  propriétés  de  cette 
Yerba-maie  indigène,  déclara  que  malgré  la  légère  ressemblance 
qu’elle  offrait,  particulièrement  dans  son  odeur  quand  on  la  grillait, 
elle  n’avait  pas,  à son  état  naturel,  l’odeur  de  la  Yerba  du  Para- 
guay, et  que  d’un  autre  côté,  ses  caractères  botaniques  étaient  très 
différents.  Il  reconnaissait  dans  cet  arbre  le  Guillipatagua , duquel  il 
fit  la  description  suivante,  la  copient  d’une  nomenclature  qui,  vers 
cette  époque,  avait  été  envoyée  au  roi  d’Espagne  sur  les  productions 
naturelles  du  Chili. 

« La  Guillipatagua , qui  pousse  à Quillota,  Colchagua,  Talca 
et  Concepcion,  est  un  arbre  de  huit  paras  (la  para  mesure  84  centi- 
mètres) de  hauteur  sur  trois  quarts  de  para  de  circonférence  ; son 
écorce  sert  pour  le  tannage  des  cuirs  ; la  feuille  grillée  ressemble  à 
l’herbe  du  Paraguay,  dont  on  se  sert  pour  préparer  l’infusion 
appelée  mate.  C’est  un  excellent  émétique,  qui  employé  à forte  dose, 
produit  un  effet  purgatif  ; quelquefois  on  l’emploie  contre  les  ma- 
ladies vénériennes  ; son  fruit,  insipide,  ne  se  mange  pas.  » 

Malgré  les  rapports  défavorables  de  l’expert  Talavera  et 
l’opinion  du  Protomedicato , qui  ne  reconnaissaient  à cette  herbe 
que  quelques  ressemblances  avec  celle  du  Paraguay,  considérant 
celle-là  plutôt  comme  un  médicament  que  comme  une  substance 
alimentaire,  elle  fut  mise  en  vogue  à cause  de  la  rareté,  à cette 
époque,  de  la  Yerba-mate,  dont  la  consommation  et  Tusage  étaient 
si  grands  que  le  quintal,  qui  se  payait  12  piastres  (la  piastre  chi- 
lienne vaut  5 francs),  arriva  au  prix  de  3o  piastres. 

Le  gouvernement  voulant  alors  encourager  sa  culture  et  son 


(1)  Anales  de  la  Universidad  de  Santiago  (1 865),  t.  II,  p.  263. 


40 


PLANTES  MÉDICINALES  DU  CHILI 


usage,  dicta,  par  ordre  du  Congrès  de  1 8 1 1 , auquel  avait  été  sou- 
mis le  dossier  concernant  la  découverte  de  cette  herbe  indigène,  un 
curieux  décret  dans  le  but  de  récompenser  M.  Alfaro,  le  premier 
qui  l’avait  trouvée. 

Voici  textuellement  le  décret  : 

Santiago,  le  io  octobre  1 8 1 1 . 

« Vu  les  rapports  précédents,  et  ayant  la  conviction  non  seule- 
ment de  l’analogie  de  l’herbe  Guillipatagua  avec  celle  du  Paraguay, 
dans  son  odeur,  goût  et  efïêt,  mais  encore  d’une  action  médicinale 
supérieure,  démontrée  par  plusieurs  expériences  et  avec  diverses 
préparations,  spécialement  avec  la  théiforme  du  Mate , et  espérant 
par  cela  même  que,  récoltée  en  temps  opportun  et  d’une  manière 
méthodique,  elle  sera  avantageuse  pour  la  santé  publique,  qui  a souf- 
fert considérablement,  d'après  l’opinion  unanime  des  physiciens, 
par  l’usage  de  l'herbe  du  Paraguay  dont  l'analyse  a été  faite  par  les 
meilleurs  botanistes  et  chimistes  d’Europe,  et  qui  est  ouvertement 
nuisible,  sa  culture,  vente  et  usage  sont  déclarés  libres.  Et  en  atten- 
dant les  résultats  heureux  que  cette  autorité  cherchera  à obtenir  par 
les  meilleurs  moyens,  son  emploi  sera  soumis  aux  instructions  du 
sage  et  bien  fondé  rapport  qui  précède,  du  Protomedico  (président 
du  conseil  de  la  Faculté),  M.  José-Antonio  Rios,  dont  il  sera 
donné  copie  aux  subdelegados  (juges  de  paix)  et  curés  du  Royaume, 
ainsi  qu’au  général  du  consulat,  afin  de  stimuler  son  zèle  et  ses 
facultés  dans  le  perfectionnement  d'une  découverte  qui,  sortant  de 
son  ressort  immédiat,  peut  contribuer  au  bonheur  du  Royaume.  En 
vue  de  ces  considérations,  nous  offrons,  au  nom  de  la  Patrie  et  sous 
la  garantie  de  ce  pouvoir,  une  rente  viagère  suffisante  à celui  qui 
obtiendra  le  perfectionnement  de  son  emploi  et  la  généralisation  de 
son  usage,  et  en  plus  la  liberté  des  droits  de  sortie  pour  dix  ans  ; 
cette  liberté  sera  aussi  accordée  à M.  Manuel  Alfaro,  le  premier 
qui  l’a  découverte,  sans  préjudice  d’améliorer  son  sort  aussitôt  que 
les  circonstances  embarrassées  du  trésor  public  le  permettront.  — 
Ce  décret  doit  être  publié  par  édit  et  par  affiches  publiques,  afin  que 


PLANTES  MÉDICINALES  DU  CHILI 


4i 


tout  le  monde  en  prenne  connaissance,  mais  au  préalable  avis  sera 
donné  à l’auteur  de  la  découverte.  — Benavente,  Rosales,  Calvo 
Encalada,  Mackenna,  Docteur  Marin  Vial.  » 

Gay  dit  que  sous  le  gouvernement  de  M.  Ambrosio  O’Higgins, 
on  chercha  les  moyens  de  généraliser  son  usage  afin  d’économiser 
les  grandes  sommes  d’argent  qui  sortaient  annuellement  pour  les 
provinces  transandines  ; il  ajoute  qu’à  une  autre  époque  les  gens 
des  campagnes  étaient  persuadés  que  les  personnes  attaquées  de  her- 
nies n'avaient,  pour  être  guéries,  qu’à  mettre  le  pied  sur  ces  arbres, 
lesquels,  alors,  11e  tardaient  pas  à sécher  eux-mêmes. 

Malgré  les  essais  répétés,  jusqu’à  ces  dernières  années,  les 
feuilles  du  Guillipatagua  n’ont  pu  arriver  à se  substituer  à l’herbe 
du  Paraguay,  parce  que  l’odeur  spéciale  et  agréable  de  celle-ci  lui 
fait  défaut.  Les  paysans  l’emploient  encore  et  avec  avantage  comme 
purgatif.  Ils  la  boivent  en  infusion  théiforme,  comme  le  Mate , à 
jeun,  et  obtiennent  par  ce  moyen  une  ou  deux  évacuations  par 
jour. 

Mon  opinion  est  que  les  feuilles  de  cet  arbre  peuvent  servir  de 
succédanés  à celles  du  séné. 


GÉLASTRINÉES 

MAITEJY 

May  tenus  b 0 aria. 


Mol.  ed.  I,  34g.  — Gay,  II,  7.  — ■ M.  chilensis,  D.  G.  — G.  maytenus,  Mol. 
et  W.  — B.  chilensis,  D.  C.  — Senacia  maytenus,  Lam.  Var.  angustifo- 
lius,  Turez. 

Arbre  qui  atteint  de  10  à 12  mètres  d'élévation,  on  en  connaît 
quelques  variétés  -,  il  est  élégant  et  sa  magnifique  cime  toujours 


42 


PLANTES  MÉDICINALES  DU  CHILI 


verte  -,  ses  feuilles  sont  alternes,  coriacées,  elliptiques-lancéolées  ou 
lancéolées-linéaires,  pointues,  soutenues  par  des  pétioles  plats  et 
courts;  les  fleurs  sont  petites,  solitaires  ou  réunies  à la  base  des 
feuilles  ; le  calice  est  persistant,  avec  cinq  divisions  presque  rondes  ; 
les  pétales,  au  nombre  de  cinq,  sont  ovoïdes,  très  ouverts  et  plus 
grands  que  le  calice;  les  fruits  sont  très  nombreux,  coriacés,  presque 
ronds,  comprimés  des  deux  côtés  ; les  graines,  ovales-oblongues, 
sont  d’abord  jaunâtres,  ridées,  et  de  couleur  noirâtre  ensuite. 

Il  croît  dans  la  plus  grande  partie  des  provinces  du  Chili  et  a 
besoin  de  très  peu  d’eau  pour  devenir  touffu. 

Le  Maiten  est  très  majestueux,  d'un  très  agréable  ombrage  ; 
les  feuilles  ont  les  mêmes  qualités  que  le  séné  apporté  d’Europe  et 
lui  ressemble.  Un  fameux  médecin  français,  et  grand  herboriste, 
venu  dans  ce  royaume,  et  qui  faisait  d'excellentes  guérisons  avec  les 
herbes  du  pays,  vantant  sa  qualité  et  ses  propriétés  médicinales,  dit 
que  la" feuille  du  Maiten  est  pareille  à celle  du  séné  et  a les  mêmes 
qualités.  — « Le  séné  ayant  manqué  à l’armée  royale,  les  soldats 
séchèrent  les  feuilles  du  Maiten  à l’ombre  et  les  prirent  en  infusion  ; 
les  mêmes  effets  du  séné  d'Espagne  se  firent  alors  sentir.  — 
Ro sales.  » 

Ses  feuilles,  selon  Gay,  sont  très  fébrifuges  et  on  les  emploie  en 
bains  partiels  pour  combattre  les  éruptions  provenant  du  Litre. 

On  retire  des  graines,  qui  sont  très  oléagineuses,  une  huile  sic- 
cative, de  couleur  jaunâtre,  d’une  consistance  un  peu  plus  épaisse 
que  l’huile  d’olive,  et  qui  se  congèle  à 4 ou  5 degrés  au-dessous  de 
zéro  ; sa  saveur  est  amère  et  âcre,  elle  brûle  avec  facilité.  Selon 
Bustillos,  on  peut  obtenir  de  ses  fruits  25  °/0  d’huile. 

Toutes  ces  qualités  doivent  le  faire  apprécier  sous  le  point  de 
vue  industriel,  et  en  médecine  on  pourrait  employer  son  huile 
comme  succédané  d'autres  huiles. 

Je  n’ai  jamais  eu  l’occasion  d’employer  ses  feuilles,  et  j’ignore 
si  réellement  elles  produisent  l’effet  purgatif  que  leur  attribue  l’his- 
torien Rosales. 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


43 


RHAMNÉES 

TREVU 

Trevoa  trinervia . 

Hook.  Bot.  Mise.  I,  159.  — Gay,  II,  24.  — Colletia  trevu,  Best.  — 
Retamilla  trinervis,  Hook  et  Arn. 

Arbuste  très  rameux,  de  couleur  vert-jaunâtre,  épineux;  les 
feuilles  sont  opposées,  ovales  ou  elliptiques,  minces  et  membra- 
neuses ; les  fleurs  petites,  abondantes  et  jaunâtres  ; les  pétales  blancs 
demi-sphériques. 

Le  Trevu , dit  M.  Gay,  est  un  arbuste  assez  commun  dans  les 
provinces  centrales  à une  altitude  de  5oo  à i.5oo  pieds;  sa  limite 
arrive  à peu  près  jusqu’à  la  rivière  Maule.  Son  bois  a peu  de  valeur, 
mais  les  gens  de  la  campagne  emploient  l’écorce  à laquelle  ils  attri- 
buent des  propriétés  vulnéraires  contre  les  brûlures  et  comme  pré- 
servatif contre  les  abcès  provenant  de  coups.  Dans  ces  derniers  cas, 
ils  se  servent  de  l’infusion. 

RETAMILLA 

Retamilla  ephedra  et  autres. 


Vent.  Choix,  tab.  16.  — Gay,  II,  25.  — - D.  C.  Prodr.,  II,  29,  sub.  Colletia. 

Cette  plante  a ses  branches  opposées,  pas  trop  longues,  de  la 
grosseur  d’une  plume  de  corbeau,  droites,  cylindriques,  jaunes;  elle 
n’a  ni  feuilles  ni  épines.  Le  fruit  ressemble  à notre  fraise,  ordinaire- 
ment de  couleur  rouge,  quelquefois  blanche,  de  volume  double  de 
celui  d’un  pois. 


44 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


On  la  connaît  aussi  sous  le  nom  de  « fraise  des  champs  » et  de 
« Carnau.  » 

Les  indigènes  font  usage  de  ses  racines  contre  les  indigestions  à 
cause  de  ses  propriétés  astringentes  et  carminatives. 

Elle  croît  dans  les  terrains  arides  des  provinces  centrales. 


SAPINDACÉES 

RUMPIATA 

Bridgesia  incisœfolia. 

Bert.  Nouv.  Ann.  Musée,  III,  234.  — Gay,  I,  368. 

Arbuste  qui  atteint  un  peu  plus  d’un  mètre  de  hauteur,  rameux, 
à tiges  glabres  et  peu  grosses;  les  feuilles  sont  oblongues,  alternes, 
dentées,  obtuses,  pubescentes,  avec  de  nombreuses  nervures  sur  les 
deux  faces  et  de  consistance  un  peu  coriacée  ; les  fleurs  sont  petites, 
jaunâtres,  au  nombre  d’une  ou  deux  sur  chaque  pédoncule;  ce 
dernier  est  velu,  axillaire  à la  base  des  feuilles  et  placé  au  long  des 
branches. 

On  le  trouve  en  abondance  au  pied  des  Cordillères  des  pro- 
vinces centrales.  Gay  dit  que  quand  il  croît  dans  les  terrains  secs  et 
accidentés,  ses  feuilles  sont  amères  et  astringentes,  plus  petites, 
plus  velues,  ses  rameaux  deviennent  moins  beaux,  s’entrelacent,  les 
fruits  se  flétrissent  et  sont  plus  petits  ; c’est  alors  la  variété  « parvi- 
folia.  » 

Les  feuilles  s’emploient  en  infusions  comme  carminatives,  légè- 
rement excitantes  et  vulnéraires. 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


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ANACARDIACÉES 

HUINGAN 
Duvana  dependens. 


D.  C.  Prodr.,  II,  74.  — • Gay,  II,  42.  — Amyris  polygama,  Cav.  — Schinus 
dependens,  Ort.  — Schinus  Huingan,  Mol. 

Arbuste  toujours  vert,  de  trois  mètres  de  hauteur,  glabre,  fa- 
meux, à écorce  rugueuse  -,  les  feuilies  sont  ovales-lancéolées  ou  ovales- 
oblongues,  entières  ou  un  peu  dentées,  coriacées,  inégales  de  gran- 
deur ; les  fleurs  blanches,  petites,  réunies  en  grappes  axillaires  ; les 
fruits,  d’une  et  demie  à deux  lignes,  ont  un  peu  l’odeur  du  géne- 
vrier. 

Il  croît  dans  les  terrains  secs  depuis  Coquimbo  jusqu’à  Osorno. 

« A une  autre  époque,  son  usage  était  bien  plus  répandu  qu’au- 
jourd’hui,  on  employait  l’infusion  dans  les  affections  hystériques  et 
urinaires,  et  au  commencement  de  l’hydropisie.  De  son  tronc,  on 
retire  une  résine  purgative,  considérée  comme  spécifique  pour  les 
douleurs,  les  tensions  des  muscles  et  des  tendons  ; pour  l’appliquer 
il  faut  l’étendre  sur  un  papier  • elle  est  aussi  employée  contre  les 
maladies  appelées  « des  vents  » . La  décoction  de  son  écorce  produit 
une  essence  balsamique  vulnéraire,  utile  pour  les  douleurs  de  goutte 
arthritique  des  jambes  et  pour  le  froid  aux  pieds.  — Dans  la  pro- 
vince de  Maule,  on  prépare  avec  ses  graines  une  espèce  de  chicha 
(boisson  qui  ressemble  au  cidre)  très  piquante,  mais  d’un  goût 
agréable  -,  les  Indiens  en  font  aussi  usage  dans  leurs  orgies.  — Gay.  » 

« Les  Indiens,  dit  Frézier,  en  font  une  chicha  aussi  bonne  et 
aussi  forte  que  le  vin.  La  gomme  du  même  arbre,  dissoute,  sert 
de  purgatif.  On  en  tire  aussi  du  miel,  et  l’on  en  fait  du  vinaigre; 
quand  on  ouvre  un  peu  son  écorce,  il  en  découle  un  lait  qui  guérit, 


46 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


à ce  quon  dit,  les  taies  de  la  cornée;  on  extrait  du  cœur  de  ses 
jeunes  pousses  une  eau  qui  éclaircit  et  fortifie  la  vue;  enfin,  avec  la 
décoction  de  son  écorce,  on  fait  une  teinture  brune-rougeâtre,  dont 
les  pêcheurs  de  Valparaiso  et  de  Concon  teignent  leurs  filets  pour 
que  les  poissons  n?  les  voient  pas.  » 

Le  Huingan  renferme  dans  sa  tige  une  grande  quantité  de  résine 
et  une  huile  essentielle;  les  fruits  sont  comestibles  et  contiennent  une 
substance  sucrée  d’un  goût  assez  prononcé. 

Le  miel  de  Huingan  est  un  mets  favori  du  peuple;  il  s’obtient 
par  la  décoction  de  toute  la  plante  ; sa  résine  est  retirée  par  incision 
ou  par  les  procédés  ordinaires. 

Comme  tous  les  balsamiques,  le  miel  et  la  résine  de  Huingan 
stimulent  les  fonctions  digestives  et  produisent  des  évacuations,  si 
la  dose  est  trop  élevée.  Ils  sont  utiles  dans  les  affections  chroniques 
des  voies  urinaires,  dans  les  bronchites  chroniques  et  dans  tous  les 
cas  où  les  balsamiques  sont  indiqués. 

A l’usage  externe,  le  miel  et  la  résine  sont  très  recommandés 
contre  les  hernies,  en  remplacement  de  l’onguent  « contre-ruptures  », 
dans  les  entorses,  rhumatismes  chroniques,  et  quand  on  veut  déter- 
miner une  irritation  de  la  peau,  comme  il  arrive  avec  l’usage  de 
l’emplâtre  poreux,  de  la  poix  de  Bourgogne  et  des  toiles  goudron- 
nées. 

On  dit  que  le  jus  de  l’écorce  du  Huingan  est  un  galactogogue 
de  grande  force.  Je  n’ai  pas  eu  l’occasion  d’en  faire  l’expérience. 

LITRE 

Litre  a caustica * 


Hook.  Bot.  Mise.,  III,  i75.  — L.  venenosa,  Miers.  TraV.  Il,  549.  — Gay, 
II,  44.  — Lauvus  caustica,  Mol.  etc. 

Arbre  toujours  vert,  très  rameux*  de  quatre  à six  mètres  de 
hauteur,  pas  très  gros;  les  feuilles  sont  alternes,  marginées*  coria- 


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PLANTES  MÉDICINALES  DU  CHILI 


cées  et  glabres  ; les  fleurs  dioïques,  petites,  blanchâtres  et  disposées 
en  grappes  axillaires;  le  calice  est  persistant,  à cinq  divisions-, 
les  pétales  ovales,  aigus,  concaves  et  droits  ; la  drupe  est  jaunâtre, 
ronde,  aplatie,  lisse,  du  volume  d’un  grain  de  poivre  et  avec  l’endo- 
carpe charnu. 

Il  croît  dans  les  montagnes  et  dans  les  plaines  exposées  au  soleil, 
depuis  Coquimbo  jusqu’à  Arauco. 

« Parmi  ces  arbres  majestueux,  quelques-uns  sont  de  nature 
malfaisante.  Le  Litre  est  très  connu  par  son  ombrage  dangereux  qui 
invite  au  repos  sous  ses  rameaux  touffus,  mais  son  influence  est 
telle,  pour  qui  repose  à son  ombre,  qu’une  enflure  et  un  engourdisse- 
ment difformes  s’en  emparent,  et  avec  plus  de  force  contre  celui  qui 
touche  son  écorce,  bois  ou  branches,  spécialement  au  printemps, 
époque  où  l’humeur  vénéneuse  est  plus  abondante.  Cette  enflure, 
après  avoir  mis  à l’épreuve  la  patience  du  malade  pour  plusieurs 
jours,  se  transforme  en  une  immonde  et  répugnante  gale  qui  l’oblige 
à se  gratter  continuellement.  — Les  novices  de  la  « Compagnie  de 
Jésus  )>  se  trouvant  un  jour  dans  le  Noviciat  de  Bucalemu,  par- 
laient souvent  des  qualités  malignes  de  cet  arbre,  parce  qu’ils  con- 
naissaient les  malfaisantes  actions  de  son  ombrage  et  de  ses  branches: 
le  « Maître  des  novices  »,  un  Espagnol  qui  ne  les  connaissait  pas, 
jugeant  qu’il  y avait  là  un  sentiment  d’appréhension  chez  les  novices 
et  qu’il  était  honteux  d’avoir  cette  peur,  voulut  la  leur  faire  vaincre 
et  mortifier  l’un  d’eux  en  lui  ordonnant  de  se  frotter  le  visage  avec 
les  feuilles  du  Litre ; le  novice,  humble  et  obéissant,  malgré  la  con- 
naissance qu’il  avait  de  la  malignité  de  l’arbre,  obéit  et  se  frotta  la 
figure;  au  même  instant,  elle  devint  si  difforme  et  enflée  que  le 
« Maître  des  novices  » en  fut  très  affligé  et  regretta  beaucoup  de 
n’avoir  pas  cru  ce  qu’on  lui  disait  de  ses  mauvaises  qualités,  ainsi 
que  d’avoir  fait  souffrir  à l’humble  et  obéissant  novice  une  expé- 
rience qui  lui  occasionna  plusieurs  jours  d’enflure  et  de  gale  à la 
figure.  Cette  obéissance  fut  exemplaire  puisqu’il  savait  le  mal  qui 
devait  en  résulter.  Malgré  toute  la  malignité  de  cet  arbre,,  les 
Indiennes  recueillent  avec  grand  soin  une  fraise  qu’il  produit  et  de 


48 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


laquelle  elles  fabriquent  une  chicha  (espèce  de  cidre)  très  agréable 
et  sans  qualités  nuisibles.  — Rosales.  » 

« Son  bois  devient  très  dur  avec  le  temps,  séché  à l’ombre  ou 
submergé  dans  l’eau  ; il  peut  alors  suppléer  au  fer  pour  les  pointes 
des  charrues,  etc. 

« Les  charpentiers  l’emploient  pour  les  courbes  des  navires,  les 
dents  des  roues  et  essieux  de  charrettes,  dans  les  constructions  des 
maisons,  et  les  ébénistes  pour  faire  des  meubles  élégants,  à cause 
du  beau  jaspé  de  ses  planches,  spécialement  celle  des  racines  qui 
sont  plus  larges  et  avec  les  veines  mieux  dessinées.  Les  fruits,  quoi- 
que petits,  sont  très  abondants  et  les  Indiens  les  emploient  quelque- 
fois à faire  du  miel,  des  sucreries,  et  une  espèce  de  cidre  assez  agréa- 
ble, que  préparent  aussi  quelques  Chiliens  des  provinces  du  Maule, 
Concepcion,  etc.,  pour  leur  usage  particulier.  Tous  les  habitants 
connaissent  le  danger  de  son  ombre  pour  certaines  personnes,  aux- 
quelles elle  occasionne  des  enflures  et  des  pustules  au  visage,  aux 
mains  et  autres  parties  du  corps  mises  à découvert  ; cette  maladie 
est  transmissible  même  pour  ceux  qui  brûlent  des  branches  dans  les 
fours  : on  doit  cependant  dire  que  cet  effet  n’est  pas  général,  et  que 
ce  sont  les  femmes,  les  enfants  et  les  personnes  douées  d'une  com- 
plexion  efféminée  qui  sont  les  plus  exposées  à cette  influence  *,  les 
meilleurs  remèdes  sont  les  réfrigérants,  les  anodins,  l'infusion  de 
Maiten , du  pavot,  etc.  — Gay.  » 

11  est  hors  de  doute  que  l'ombre  du  Litre  produit  dans  les  après- 
midi  d’été,  et  chez  les  personnes  de  peau  délicate,  une  éruption  ec- 
zémateuse accompagnée  quelquefois  de  réaction  fébrile  peu  marquée 
et  en  relation  avec  l'intensité  de  l’éruption  ; il  en  arrive  de  même 
aux  cuisinières  et  aux  personnes  qui  reçoivent  la  fumée  du  Litre , 
et  plus  souvent  à celles  qui  soufflent  le  feu  avec  la  bouche  pour  ac- 
tiver la  combustion.  Les  frictions  avec  les  feuilles  de  cet  arbre  peu- 
vent causer  les  mêmes  effets.  Ces  résultats  si  pernicieux  doivent 
être  attribués  à un  principe  essentiel  volatil  qui  lui  est  propre-,  ils 
se  produisent  plus  facilement  aux  heures  et  aux  moments  où  la 
chaleur  le  volatilise. 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


49 


Comme  type  de  cette  éruption  et  comme  échantillon  des  effets 
du  Litre , nous  allons  copier  quelques  observations  prises  par  notre 
disciple  distingué  M,  le  Dr  Herrera  R (i). 

Obs.  ire.  — N.  N.  souffrait  d’une  intense  névralgie  faciale  cau- 
sée par  la  carie  d’une  grosse  dent,  et  ayant  épuisé  toutes  les  ressour- 
ces de  la  médecine  domestique,  quelqu’un  lui  recommanda  remploi 
sur  la  dent  cariée  d’une  petite  boule  faite  avec  la  raclure  du  Litre.  Le 
mal  disparut  en  effet,  la  douleur  lut  calmée,  mais  au  bout  de  vingt- 
quatre  heures  elle  constata  sur  toute  la  peau  de  la  figure  et  sur  la 
partie  supérieure  du  thorax  une  éruption.  Quatre  jours  après  la  ma- 
lade vint  me  consulter  : tout  le  visage  et  le  thorax  étaient  couverts 
de  petites  vésicules  remplies  d’une  sérosité  citrine  ; quelques-unes 
s'étaient  crevées,  et  la  sérosité,  mise  au  contact  de  Pair,  devenue  plus 
concrète,  formait  des  croûtes  jaunâtres;  le  tissu  cellulaire  sous-cutané, 
infiltré,  présentait  une  consistance  semblable  à celle  de  l’érysipèle 
mais  sans  la  rougeur  de  cette  dernière  ; les  paupières  à moitié  fer- 
mées comme  conséquence  de  l’infiltration  des  tissus.  Il  n’y  avait  ni 
douleur,  ni  démangeaison,  ni  élévation  thermique.  Au  commence- 
ment, elle  avait  eu  une  démageaison  incommode.  La  malade  ne 
se  plaignait  que  de  la  tuméfaction  du  visage.  J'ai  diagnostiqué  un 
eczéma  consécutif  à l’absorption  du  principe  actif  du  — Litrea 
venenosa , — et  ordonné  des  lotions  avec  de  l’eau  végéto-minérale 
en  même  temps  qu’un  purgatif  au  sulfate  de  soude.  Huit  jours 
après  l’infiltration  du  tissu  cellulaire  ainsi  que  les  vésicules  d’eczéma 
avaient  disparu,  on  en  voyait  à peine  quelques-unes  du  côté  gauche; 
les  croûtes  jaunâtres  étaient  très  disséminées. 

Obs.  2e.  — N.  N.,  âgé  de  douze  ans,  sous  l’influence  de  la 
crainte  qu’il  éprouva  dans  la  nuit  du  io  mai  par  une  inondation, 
se  réfugia  sous  un  Litre  sur  une  colline  voisine.  Le  lendemain,  en- 
flure du  visage,  démangeaison,  éruption  et  douleur  à cause  du  gon- 
flement des  tissus.  — Le  14,  je  le  reçois  en  consultation  et  je  cons- 
tate un  eczéma  qui  prenait  toute  la  figure,  la  partie  supérieure  du 

(1)  Revista  medica  de  Chile , t.  VI,  1877,  P-  I09- 


4 


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PLANTES  MÉDICINALES  DU  CHILI 


thorax  et  les  bras  ; quelques  vésicules  crevées  et  la  sérosité  épaisse 
formant  des  croûtes  jaunâtres.  La  cause  clairement  indiquée,  le  diag- 
nostic fut  un  eczéma  occasionné  par  le  contact  direct  de  la  peau 
avec  les  feuilles  du  Litre.  Le  même  traitement  que  pour  le  cas  pré- 
cédent en  ajoutant  une  pommade  à l’oxyde  de  zinc  à la  dernière 
période. 

La  deuxième  observation  de  M.  Herrera  est  digne  de  remarque, 
vu  le  fait  d'une  éruption  produite  par  contact,  dans  une  nuit  froide 
et  à une  heure  où  le  Litre  est  très  peu  ou  pas  actif  dans  ses  effets  ; 
nous  devons  donc  supposer  que  dans  ce  cas  il  y eut  plus  que  le  con- 
tact, probablement  des  frictions  ou  frottements  avec  les  feuilles,  et 
le  principe  volatil  se  mit  alors  en  action  à la  chaleur  du  corps  de  la 
personne  abritée  sous  l'arbre. 

Le  Dr  Don  Juan  Miguel,  de  vieille  expérience,  conseillait  une 
teinture  préparée  avec  les  feuilles  du  Litre  dans  les  cas  où  il  est  né- 
cessaire d’employer  les  révulsifs  ; cette  teinture  avait  l'avantage  de 
ne  pas  produire  les  grandes  pustules  qu’occasionne  le  tartre  sti  - 
bié  -,  il  l’administrait  aussi  à l’intérieur  par  doses  homœopathiques 
dans  les  pytyriasis  rebelles  et  autres  maladies  squameuses  et  persis- 
tantes de  la  peau. 

Je  crois  que  l’extrait,  qui  renferme  le  principe  actif  du  Litre , 
pourrait  s’utiliser  sous  la  forme  de  sparadrap  pour  déterminer  les 
éruptions  que  nous  obtenons  aujourd'hui  avec  le  thapsia,  dont  la 
consommation  est  si  grande. 

Le  Litre  contient  aussi  une  résine  et  une  huile  volatile. 

MOLLE 

Litrea  Molle. 

Gay,  II,  45,  — Schinus  molle,  Mol. 

Arbre  touffu,  de  cinq  mètres  de  hauteur,  divisent  en  nombreuses 
branches  dont  les  inférieures  sont  glabres  et  les  supérieures  velues* 


PLANTES  MÉDICINALES  DU  CHILI  5i 


surtout  les  nouvelles  pousses  ; les  feuilles  sont  alternes,  coriacées, 
elliptiques-oblongues,  entières  ou  très  légèrement  dentées,  glabres, 
d'un  vert  foncé  dans  la  partie  supérieure,  vert  cendré  et  un  peu  du- 
vetées dans  l’inférieure -,  les  fleurs  petites,  blanches,  disposées  en 
épis  plus  courts  que  les  feuilles  dioïques;  la  corolle  se  compose  de 
quatre  pétales  oblongs,  concaves  et  renferme  huit  étamines  de  lon- 
gueurs différentes  -,  le  fruit  est  petit,  rougeâtre. 

Il  croît  dans  les  mêmes  provinces  que  le  Litre. 

« Le  Molle  est  un  arbre  qui  croît  avec  beaucoup  de  vigueur 
dans  ces  provinces  ; sa  taille  n’est  pas  très  élevée  et  il  étend  au  loin 
ses  branches  revêtues  de  petites  feuilles  très  prolongées  que,  comme  le 
Lentisque,  il  ne  perd  jamais.  Il  produit  des  grappes  à petites  graines  de 
couleur  vermeille  à leur  maturité,  qu’on  exprime  et  dont  on  retire 
par  la  chaleur  du  feu  une  sorte  de  miel  très  médicinal  ; il  est  purgatif 
et  très  échauffant.  Le  mélange  de  cette  liqueur  avec  de  beau  chaude 
produit  un  vin  très  doux,  qui  purifié  par  ébullition  et  passé  au  filtre, 
constitue  un  bon  diurétique,  fait  mamelonner  et  fortifie  les  blessures 
de  mauvaise  nature;  il  fait  aussi  flétrir  les  hémorroïdes,  disparaître 
les  gaz  de  l'estomac  et  on  s'en  sert  encore  comme  tonique  et  dépura- 
tif. Quand  on  coupe  l'écorce  du  Molle , il  en  découle  une  sorte  de  lait 
très  abondant,  très  utile  pour  faire  disparaître  les  taies  des  yeux.  La 
résine,  qui  est  blanche,  sert  à déraciner  les  froids  invétérés.  La  dé- 
coction de  ses  feuilles  est  très  utile  en  fumigation  pour  les  membres 
perclus  et  autres  maux  causés  par  le  froid  et  l'humidité.  Les 
pousses  supérieures  compriment  les  gencives  et  nettoient  les  dents, 
laissant  une  odeur  et  saveur  agréables.  — Les  Indiens  du  Pérou,  en 
raison  de  tant  de  vertus,  le  consacrent  à leurs  idoles  (i).  — 
Rosales.  » 

Selon  Gay,  notre  Molle  diffère  du  péruvien  ; avec  ses  fruits  on 

(i)  Le  Père  Rosales  confond  le  Molle  du  Chili,  Litrea  Molle , avec  le 
Molle  du  Pérou,  Spinus  Molle,  L.;  ce  dernier,  de  feuilles  pennées,  entièrement 
glabres,  contient  un  jus  laiteux  et  se  trouve  depuis  la  rivière  Loa  vers  le 
Nord;  il  est  connu  au  Chili  sous  le  nom  de  Pimiento  à cause  de  son  odeur 
pareille  à cette  espèce. 


52 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


prépare  une  chicha  qui  fut  à une  époque  très  appréciée  ; son  écorce 
se  recommande  en  décoction  pour  les  maladies  des  nerfs. 

Le  olle  a un  petit  fruit  agréable,  doux,  qui  rassasie  ; les  gens 
de  la  campagne  le  mangent  dans  l’été  et  en  font  un  miel  qui  est  très 
renommé.  Ce  miel,  mélangé  avec  de  l’eau  et  laissé  à la  fermentation 
produit  une  liqueur  encore  très  estimée,  d’un  goût  agréable  pour  la 
plupart  et  dont  les  effets  sont  dus  p l’alcool  qu’il  contient. 

Avec  la  résine,  on  prépare  des  emplâtres  employés  à la  campa- 
gne pour  les  entorses,  coups  et  rhumatismes  musculaires.  Ses  pro- 
priétés balsamiques  permettraient  de  l’utiliser  dans  les  affections  des 
voies  urinaires  et  dans  les  bronchites. 


CORI ARIÉES 

DEU 

Coriaria  ruscifolia. 

Feuill.  Jour.,  III,  17,  fig.  12.  — L.  sp.  1467.  — Gay,  I,  429.  — 

D.  C.  Prodr.  I,  y3g. 

Arbuste  de  près  d'un  mètre  de  hauteur,  très  glabre,  à tiges  al- 
longées, presque  creuses  intérieurement,  disposées  de  trois  en  trois 
dans  la  partie  inférieure,  de  deux  en  deux  dans  la  supérieure;  les 
feuilles  sont  sessiles  ou  avec  un  pétale  très  court,  sans  stipules,  dis- 
tiques, membraneuses  ovoïdes,  lancéolées,  pointues  et  entières  ; la 
floraison  est  un  épi  simple,  axillaire,  composé  de  toutes  petites  fleurs 
de  couleur  foncée  ; le  fruit  est  d’un  beau  bleu  et  se  compose  de  cinq 
carpelles  très  petits. 

On  Rappelle  aussi  Beu,  Eeu  z\mata  r atones  (mort  aux  rats).  Se- 
lon Gay,  il  croît  dans  les  endroits  humides  et  aux  bords  des  rivières, 
depuis  la  province  de  Concepcion  jusqu’à  Chiloé  et  encore  plus  au 
Sud  ; c'est  un  arbuste  très  astringent  et  les  habitants  l’emploient  pour 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


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teindre  en  noir  et  pour  tanner  les  cuirs  -,  les  fruits  sont  vénéneux  et 
servent  pour  empoisonner  les  rats.  C’est  sans  doute  à cause  de  cette 
propriété  qu’il  est  appelé  Beu , mot  araucanien  qui  signifie  rat  des 
campagnes  ; quand  les  chevaux  mangent  son  herbe,  ils  tombent  ma- 
lades et  meurent  fréquemment. 

« A Chiloé,  dit  M.  Julliet,  où  les  pâturages  pour  les  animaux 
sont  rares,  ceux-ci  mangent  beaucoup  de  plantes,  mais  leur  instinct 
leur  fait  éviter  le  Beu,  Il  m'a  été  raconté  à Chiloé  le  cas  d’un 
Indien  attaqué  de  gale,  en  même  temps  que  sa  femme  et  ses  enfants, 
qui  voulût  en  faire  usage  empiriquement,  mais  la  mort  pour  lui  et 
sa  famille  fut  le  résultat  de  ce  premier  essai.  » 

J’ignore  les  phénomènes  que  le  Beu  peut  avoir  occasionnés,  et 
occasionne  à ceux  qui  ont  l’imprudence  de  manger  ses  fruits  ; et  il 
y aurait  une  grande  importance  à pouvoir  apprécier  quels  sont  les 
appareils  organiques  les  plus  activement  influencés,  ainsi  qu’à  con- 
naître la  ressemblance  qu'il  peut  avoir  avec  son  congénère  le  Co- 
riaria  myrtifolia  Lin.,  connu  en  France  sous  le  nom  de  Redoul , 
Rédoux  et  Corroyère , Roi  don  en  Espagne. 

Ce  dernier,  originaire  de  la  Provence  et  du  Languedoc,  est 
aussi  un  arbre  qui  sert  pour  teindre  en  noir  ; on  dit  qu’il  est  astrin- 
gent, et  ses  fruits,,  pris  en  quantité,  vénéneux.  Sauvages  les  a vus 
produire  la  mort  de  deux  sujets  au  milieu  d’horribles  convulsions, 
une  demi-heure  après  en  avoir  mangé.  Pujada  a fait  connaître  le 
cas  de  quinze  soldats  français  empoisonnés  en  Espagne,  dont  trois 
moururent.  On  connaît  aussi  la  fraude  périlleuse,  et  plus  d'une  fois 
fatale,  faite  en  France  par  le  mélange  des  feuilles  de  cet  arbuste  avec 
celle  du  séné,  fraude  qui  a été  dénoncée  la  première  fois  par  Gui- 
bourt  et  par  Dublanc  (i). 

Il  est,  sans  aucun  doute,  très  curieux  d’observer  la  ressemblance 
de  ces  deux  arbustes  dans  leurs  effets,  ce  qui  garantit  davantage  et 
prouve  la  valeur  des  relations  botaniques  des  nouvelles  classifications. 

(i)  Mérat  et  Lens.  — Dictionnaire  Univ.  de  Mat.  méd.  et  de  Thérap.  gén. 
Vol.  II,  p.  43 1. 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


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LÉGUMINEUSES 


Psoralea  glandulosa 

Lin.  sp.  1075.  — Gay,  II,  86.  — D.  C.  Prodr.  II,  220.  — P.  lutea.  Mol. 

est  varietas  grandulosæ. 

Arbuste  à tige  ligneuse  chargée  de  nombreuses  branches  cylin- 
driques, longues,  couvertes,  comme  toute  la  plante,  de  nombreuses 
glandes  ; les  feuilles  sont  soutenues  par  des  pétioles  longs  et  droits,  trifo- 
liées avec  des  folioles  lancéolées  ou  ovales-lancéolées,  acuminées, 
de  couleur  vert  clair  sur  chaque  face  ; les  pédoncules  sont  axillaires 
et  abondants  dans  la  partie  supérieure  de  la  plante,  soutenant  une 
vingtaine  de  fleurs,  tantôt  unies,  tantôt  séparées,  toujours* pédicu- 
lées  avec  une  bractée  rougeâtre  ovale-aiguë;  le  calice  est  grisâtre, 
glanduleux,  pubescent,  avec  cinq  divisions  lancéolées  aussi  longues 
que  le  tube  ; la  corolle  est  pourprée  ou  d’un  blanc  jaunâtre,  ou  bien 
encore  de  couleur  terreuse  mêlée  de  bleu. 

Les  espèces  de  ce  genre  portent  le  nom  de  Psoralea  (gale,  en 
grec)  à cause  des  nombreuses  glandes  qui  se  trouvent  parsemées 
dans  toutes  les  parties  de  la  plante. 

« Le  Culén , dit  Rosales,  peut  servir  avec  grand  avantage  pour 
de  nombreux  remèdes  ; les  Espagnols  lui  donnent  le  nom  d'Alba- 
quilla , par  sa  ressemblance  avec  YAlbahaca  d’Europe,  quant  à la 
forme  et  figure  des  feuilles,  mais  différente  par  l’odeur,  saveur,  et 
vertus  médicinales,  vertus  qui  nous  ont  été  données  par  les  Indiens 
de  ce  pays  comme  suit  : Quant  ils  se  voient  blessés  à la  guerre,  ils 
extraient  le  suc  de  cette  herbe,  et  avec  ce  suc  lavent  les  blessures, 
les  laissant  couvertes  avec  les  feuilles  triturées  et  tièdes  pendant 
24  heures.  Après  ce  temps  ils  les  changent  afin  d’empêcher  l’accu- 


PLANTES  MÉDICINALES  DU  CHILI 


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mulation  des  matières  secrétées.  Sous  l’influence  de  ce  traitement, 
les  plaies  se  modifient,  mamelonnent  et  cicatrisent  rapidement  ; la 
poudre  des  feuilles  produit  à peu  près  le  même  effet.  On  a vu  un 
Indien,  ayant  de  vingt  à trente  blessures,  guérir  avec  cette  herbe.  — 
Sa  seconde  propriété  consiste  en  une  grande  fraîcheur  que  ressen- 
tent les  Indiens  et  les  Espagnols  quand  ils  mettent  les  feuilles,  en 
grande  quantité,  dans  l’intérieur  de  leurs  chapeaux.  ; ils  peuvent 
s’exposer  au  soleil  sans  souffrir  de  la  chaleur,  au  contraire  iis  se 
sentent  rafraîchis.  Elle  est  aussi  efficace  pour  guérir  les  hémor- 
roïdes, en  se  lavant  plusieurs  fois  par  jour  avec  la  décoction  de  ses 
feuilles  • quand  elles  sont  externes,  la  vapeur  de  cette  même  décoc- 
tion soulage  beaucoup.  Les  feuilles  triturées  et  chaudes,  mêlées  à du 
bon  vin  et  placées  dans  le  rectum,  sont  très  utiles  dans  les  épreintes  ; 
cette  opération  doit  être  répétée  le  plus  souvent  possible.  » 

Ses  feuilles,  aromatiques,  ont  été  employées  très  longtemps 
comme  le  thé,  le  remplaçant  avantageusement  et  facilitant  la  diges- 
tion d’une  façon  toute  particulière  -,  elles  sont  très  stomachiques  et 
vulnéraires  ; les  gens  de  la  campagne  en  font  surtout  usage,  comme 
aussi  de  l’écorce  du  tronc  et  de  la  racine,  qui  possèdent  les  mêmes 
vertus  médicinales  que  les  feuilles.  On  l’emploie  pour  les  diarrhées, 
coliques  et  indigestions  ; ses  cendres  ont  les  mêmes  propriétés  et 
elles  servent  aussi  pour  les  ulcères  ; avec  les  pousses  supérieures, 
on  prépare  une  sorte  de  tisane  ou  Aloja  (boisson  composée  de 
sucre,  eau,  miel,  épices,  etc.,  soumise  à une  fermentation  préalable) 
qui  paraît  être  très  salutaire.  Enfin,  la  résine  que  cet  arbuste  donne 
au  printemps  sert  à divers  usages,  et  surtout  aux  passementières 
pour  cirer  le  fil.  — Gay.  » 

Dorvault  est  dans  l’erreur  quand  il  croit  que  la  Yerba-mate 
(herbe  du  mate)  ou  thé  des  Américains  du  Sud,  se  prépare  avec  les 
feuilles  de  Culén  grillées  et  pulvérisées.  La  véritable  Yerba-mate 
est  le  Ilex  Paraguayensis  Lamk,  et  autres  espèces  d’arbustes,  syl- 
vestres et  cultivées  dans  le  Paraguay  et  contrées  voisines. 

Les  parties  du  Culén  les  plus  en  usage  sont  les  fleurs,  les  feuilles 
et  la  partie  extérieure  de  l’écorce,  toutes  administrées  en  infusion. 


56 


PLANTES  MÉDICINALES  DU  CHILI 


Il  croît  dans  les  terrains  pierreux,  aux  bords' des  rivières,  depuis 
Coquimbo  jusqu'au  Cautin. 

Le  Culén  contient  une  résine  très  abondante,  qui  rend  les 
feuilles  visqueuses-,  une  huile  volatile  qui  lui  donne  l’odeur  aroma- 
tique qui  le  caractérise  ; une  matière  azotée,  cristalline  et  amère, 
découverte  par  Lenoble,  et  probablement  aussi  une  légère  quantité 
de  tannin. 

Ses  effets  physiologiques  sont  peu  marqués,  il  excite  légèrement 
l’estomac  et  facilite  la  digestion. 

Ses  propriétés  thérapeutiques  sont  très  appréciées,  raison  pour 
laquelle  son  usage  est  si  généralisé.  On  J’emploie  sous  forme  d’infu- 
sion (4  X 100)  contre  les  indigestions,  diarrhées,  dysenteries  chro- 
niques, et  comme  vulnéraire  pour  laver  les  blessures.  Sa  résine 
est  moins  en  usage  dans  la  médecine,  cependant  elle  est  em- 
ployée quelquefois  sous  forme  de  pommade  dans  le  traitement  des 
ulcères. 

L’usage  de  la  tisane  de  Culén  a été  très  généralisé  lors  de  l’épi- 
démie de  choléra  qui  nous  a frappés,  et  a remplacé  avantageusement 
les  autres  tisaries  conseillées.  Je  l’ai  employée  moi-même,  seule  ou 
mêlée  avec  du  vin,  pour  maintenir  les  forces  digestives  et  pour  me 
soustraire  aux  langueurs  d’estomac  que  cause  l’eau  bouillie  C’est  un 
breuvage  très  agréable  et  aromatique. 

De  même  qu’on  compte  de  nombreux  partisans  du  thé  et  du 
café,  il  y a quelques  personnes  qui  préfèrent  le  Culén  à ces  deux 
préparations  aromatiques. 

Un  des  fervents  admirateurs  du  Culén  a pu  me  transmettre  les 
renseignements  intéressants  qui  vont  suivre,  et  qui  feront  connaître 
une  industrie  aujourd’hui  abandonnée,  mais  qui  pourrait  être  mise 
de  nouveau  en  pratique  avec  un  peu  d’attention  et  de  patience. 

« Parmi  les  rares  industries  qui  s’exploitaient  avec  succès  du 
temps  où  nous  étions  colonie  espagnole,  figurait  l’exploitation  du 
Culén,  à Valdivia  (1),  et  de  la  Chilca , à Talca. 

(1)  Cette  plante  ne  croît  pas  spontane'ment  à Valdivia,  aujourd’hui  au 
moins. 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


5 7 


« Le  premier  se  récoltait  et  s'exploitait  sur  une  grande  échelle  au 
Pérou-,  de  la  seconde  on  retirait  la  résine.  L’aristocratie  de  Lima 
prenait  alors  le  Culén , comme  aujourd'hui  le  thé  ; et  les  cordon- 
niers employaient  la  résine  de  Chilca  au  lieu  de  la  cire. 

« Le  Culén  se  préparait  de  la  manière  suivante  : La  récolte  des 
fleurs  et  des  feuilles  étant  faite,  on  les  desséchait  à l’ombre,  en 
ayant  soin  de  les  remuer  tous  les  jours.  Cette  opération  terminée, 
on  les  agitait  dans  de  grandes  terrines  mises  au  feu,  mais  sans 
atteindre  une  température  qui  aurait  pu  les  griller;  pour  les  maintenir 
constamment  en  mouvement  on  se  servait  de  bâtons  du  même 
arbre.  — Ainsi  préparées,  elles  étaient  empaquetées,  mais  avant  on 
les  mélangeait  en  faisant  trois  classes  distinctes  : la  première  conte- 
nait neuf  livres  de  feuilles  pour  une  livre  de  fleurs  ; la  seconde  deux 
livres  de  fleurs  pour  huit  de  feuilles,  et  enfin,  la  troisième  sept  livres 
de  feuilles  pour  trois  livres  de  fleurs. 

« Cette  dernière  préparation,  prise  en  infusion,  faisait  les  délices 
des  vice-rois,  magistrats  et  courtisans  de  la  ville  du  Rimac.  » 

L’exploitation  du  Culén  serait  facile  aujourd’hui  et  donnerait 
du  travail  à beaucoup  de  femmes  et  d’enfants. 

La  dessiccation  peut  se  faire,  avec  plus  de  succès,  sur  des 
clayonnages  de  roseaux  placés  les  uns  sur  les  autres,  laissant  un 
espace  suffisant  pour  pouvoir  les  remuer  ou  sur  une  grille  de  métal 
exposée  à un  courant  d’air. 

Quant  au  chauffage,  il  peut  avoir  lieu  dans  des  cylindres  de 
laiton,  de  la  même  forme  que  ceux  dont  on  se  sert  pour  griller  le 
café. 

Pour  les  exporter,  il  serait  préférable  d’employer  des  boîtes  de 
laiton  depuis  une  demi-livre  jusqu’à  dix  livres  ; on  pourrait  aussi 
les  empaqueter  dans  des  petits  sacs  de  fort  papier  bien  condi- 
tionnés. 

La  mise  à profit  du  Culén , ou  thé  de  Valdivia,  comme  on 
l'appelait  à Lima  quant  le  thé  fit  son  apparition,  peut  arriver  à être 
une  industrie  productive  et  donner  lieu  à une  exploitation  en  grand. 

Le  thé,  mélangé  avec  le  Culén  dans  la  proportion  de  deux  cuil- 


58 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


lerées  du  premier  pour  une  cuillerée  du  second,  est  très  agréable, 
n’empêche  pas  le  sommeil  et  n’attaque  pas  les  nerfs. 

Les  personnes  qui  se  traitent  par  l’homœopathie  peuvent  laisser 
le  thé  pour  le  Culén , avec  la  certitude  qu’au  bout  de  peu  temps  elles 
trouveront  ce  dernier  plus  sain  et  plus  agréable. 

Le  Culén  n’exige  pas  pour  sa  culture  des  terrains  choisis.  11 
croît,  vigoureux  et  beau  dans  les  marais,  au  bord  des  rivières  et  des 
ruisseaux,  dans  les  terrains  caillouteux  qui  ne  produisent  que  la 
Chilca.  Dans  les  régions  pluvieuses  du  Sud,  il  croît  jusque  sur  les 
collines  élevées.  Aujourd’hui,  le  Culén  est  très  abondant  dans  toutes 
es  propriétés  du  Centre  et  du  Sud  de  la  République  -,  s’il  n’a  pas  été 
détruit,  c’est  parce  que  les  terrains  qu’il  occupe  ne  rendent  aucun 
service.  Sur  les  bords  des  rivières,  entre  le  Cachapoal  et  le  Bio-Bio, 
les  Culenes  se  comptent  par  centaines  de  mille. 

Nous  croyons  que  pour  vendre  tout  ce  qui  pourrait  se  récolter, 
il  suffirait  de  faire  connaître  ses  propriétés  et  envoyer  des  échantil- 
lons, l’offrant  en  vente,  à Santiago,  Lima,  Montevideo,  Buenos- 
Ayres,  et  sur  les  principales  villes  d’Europe.  Avec  une  dépense  de 
3oo  piastres,  on  pourrait  faire  aujourd’hui  une  grande  récolte  de 
Culén  et  le  préparer  convenablement. 

Aujourd’hui  que  les  agriculteurs  cherchent  de  nouveaux  béné- 
fices pour  leurs  propriétés,  que  tous  désirent  implanter  de  nouvelles 
industries,  sûres  et  productives,  ils  pourraient  établir  l’exploitation 
du  « thé  de  Valdivia  » avec  d’autant  plus  d'avantages  qu’il  n’exige 
ni  machines,  ni  appareils  coûteux,  ni  même  un  salaire  élevé. 

Certaines  préparations  du  Culén  sont  officinales  et  se  trouvent 
enregistrées  dans  la  pharmacopée  chilienne. 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


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TEMBLADERILLA 

Phaca  ochrolenca. 

Hook  y Arn.  Bot.  Mise.  III,  186.  — Gay,  II,  95. 

Plante  ligneuse,  glabre  ou  couverte  d’un  duvet  court  et 
soyeux,  avec  de  longues  branches,  droites,  simples,  cylindriques, 
striées  longitudinalement;  les  feuilles  ont  deux  petites  stipules 
linéaires-lancéolées  à la  base  ; elles  sont,  soutenues  par  un  petit 
pétiole  filiforme,  et  composées  de  dix  à douze  paires  de  folioles 
ovales,  elliptiques,  légèrement  aiguës  à leur  sommet  ; les  pédon- 
cules soutiennent  un  épi  dense,  d’un  beau  jaune,  avec  de  petites 
bractées  à leur  base  ; le  fruit  est  petit,  ovale,  couvert  d’un  duvet 
blanc-jaunâtre,  avec  une  seule  graine  sublenticulaire  vermeille. 

Cette  espèce  avec  ses  variétés,  et  autres  du  même  genre,  sont 
connues  sous  le  nom  Tembladerilla , Yerba-loca  ( herbe  folle ) ; 
elle  croît  dans  les  terrains  arides  des  provinces  centrales  et  aussi 
dans  celles  du  Nubie  et  Concepcion,  où  elle  forme  de  ravissantes 
prairies  que  les  animaux  respectent  avec  un  instinct  admirable, 
surtout  ceux  qui  ont  déjà  subi  leurs  terribles  effets. 

« J'eus  l’occasion,  m’a  écrit  mon  élève  et  ami,  le  docteur 
M.  Navarrette,  de  voir  deux  chevaux  qui  s’étaient  nourris  pendant 
quelques  jours  de  cette  plante;  soumis  à n’importe  quelle  agitation 
ou  exercice,  ils  souffraient  d’attaques  caractérisées  par  les  symp- 
tômes suivants  : mouvements  convulsifs  de  tout  le  corps,  plus  accen- 
tués dans  les  membres  postérieurs.  Les  convulsions  duraient  de  8 à 
10  minutes  jusqu’au  moment  où,  ne  pouvant  plus  se  maintenir  sur 
pied,  l’animal  tombait  sur  ses  membres  postérieurs  devenus,  dès  cet 
instant,  d’une  rigidité  tétanique  ; il  grinçait  convulsivement  des  dents 
et  tombait  un  peu  plus  tard  dans  une  espèce  de  léthargie  qui  durait 
quelques  minutes.  Une  sueur  abondante  terminait  la  crise.  » 

Le  remède  pour  les  animaux  qui  ont  mangé  la  Tembladerilla 
est  un  sudorifique.  J’ignore  les  usages  thérapeutiques  de  cette  plante. 


6q 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


PELU 

Edwardsia  macnabiana. 


Grah.  Edirnb.  Jour.,  26-195.  — Gay,  II,  216 , sub  nomine  : Microphylla. 

Cet  arbre  atteint  une  hauteur  de  dix  mètres  environ  • ses 
branches  sont  un  peu  tortueuses,  cylindriques  -,  les  feuilles,  alternes 
avec  une  paire  d’ailes,  composées  de  16  à 18  paires  de  petites  folioles, 
opposées,  sessiles,  presque  rondes  ou  ovales^  entières,  légèrement 
velues  • les  fleurs  sont  placées  à l'extrémité  des  branches  sous  forme 
de  courtes  grappes  ; le  calice  est  ample,  tubulaire,  avec  cinq  petites 
dents-,  la  corolle,  d'une  couleur  jaune,  assez  grande-,  le  fruit  a la 
forme  d’une  baie  allongée,  un  peu  comprimée,  pourvue  latérale- 
ment de  quatre  ailes  longitudinales,  membraneuses  et  adhérentes 
entre  les  graines,  ce  qui  lui  donne  une  apparence  articulée. 

11  croît  depuis  la  rivière  Maule  jusqu’au  Sud  ; on  le  trouve  aussi 
dans  file  de  Juan  Fernandez.  Ses  belles  panicules  de  fleurs  jaunes, 
ouvertes  avant  la  croissance  des  feuilles,  le  font  rechercher  comme 
arbre  d’ornement  pour  les  parcs  et  jardins.  La  dureté  de  cet  arbre 
est  telle  qu’on  utitilise  son  bois  pour  la  construction  des  pointes  de 
charrues,  dents  de  roues,  poulies,  etc.  ; même  à l’humidité,  il  se 
conserve  pendant  longtemps  sans  altération.  Les  baies  contiennent 
du  tannin,  et  avec  elles  on  peut  faire  de  l’encre. 

Selon  Pennesse,  le  bois  et  l’écorce  desséchée  sont  employés 
comme  purgatifs,  diaphorétiques,  stimulants,  altérants,  etc.  On  les 
applique  dans  le  rhumatisme  chronique,  leucorrhée,  goutte,  syphilis, 
éruptions  cutanées,  etc.  L’écorce,  après  une  longue  ébullition,  pro- 
duit un  extrait  résineux  dont  les  effets  ressemblent  à ceux  du  Guaya- 
cum  off.  La  dose  est  d’une  à deux  onces  pour  un  litre  d’eau,  en 
décoction;  l’extrait  de  ioà3o  grains. 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


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SEN  — Q EBRACHO.,  ALCAPARRA>  M VA 
Cas  sia  stipulacea. 

Ait.  hort.  Kenv.,  II,  52.  — Gay,  II,  241.  — D.  C.  Prodr,  II,  496.  — Cassia 
alcaparra,  Ph.,  Lin.,  XXXIII,  61.  — Cassia  vernicosa,  Closs.  — Gay,  II, 
244,  et  en  général  toutes  les  espèces  indigènes  de  ce  genre. 

Ce  sont  des  arbustes  communs  dans  les  provinces  centrales,  très 
touffus,  avec  les  feuilles  alternes,  simplement  pennées  ; les  fleurs 
sont  grandes,  d'un  beau  jaune,  quelques-unes  avec  une  teinte  légère- 
ment rougeâtre  -,  le  calice  est  composé  de  cinq  sépales  inégaux  ; les 
pétales,  alternes,  sont  au  nombre  de  cinq,  et  les  étamines,  inégales, 
au  nombre  de  dix;  les  fruits  oblongs,  pointus  et  petits. 

Le  bois  de  ces  arbustes  est  très  dur,  résistant,  presque  inatta- 
quable par  l'humidité,  ce  qui  le  fait  employer,  avec  avantage, 
comme  échalas  pour  les  vignes. 

L’écorce  et  les  fruits  sont  astringents  et  donnent  un  précipité 
noirâtre  avec  les  sels  de  fer.  Les  gens  de  la  campagne  utilisent 
quelquefois  cette  propriété  dans  la  médecine  domestique. 

Les  feuilles  de  ces  arbustes  jouissent  de  la  renommée  de  purga- 
tives, et  malgré  leur  action  bien  moins  énergique  que  celle  du  séné, 
elles  le  remplacent  parfois.  — Gay  dit  que  la  décoction  des  feuilles 
de  la  C.  stipulacea  sert  pour  nettoyer  la  tête  et  la  débarrasser  des 
parasites  qu’elle  abrite. 


ALGARROBILLO 

Balsamocarpon  brevifolium. 

Clos.  — Gay,  II,  228,  tab.  20. 

Petit  arbuste  de  soixante  centimètres  à un  mètre  qui  croît  sur 
les  collines  arides  des  provinces  d’Atacama  et  de  Coquimbo.  Ses 


62 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


branches  sont  fortes,  cylindriques,  simples,  rougeâtres  et  couvertes 
d’une  poudre  couleur  cendrée;  elles  portent  de  petits  tubercules, 
d'où  sortent  d'une  à trois  épines  à la  fois,  avec  des  petits  faisceaux 
de  feuilles  pennées,  composées  de  trois  folioles  petites,  verdâtres,  à 
pétioles  courts  et  de  la  même  couleur-,  les  fleurs  sont  en  corymbe, 
de  couleur  jaune  oranger,  et  sur  des  pédoncules  couverts  de  poils 
glandulifères  ; le  fruit  est  de  la  grosse  ur  du  doigt,  de  trois  à quatre 
centimètres  de  longueur,  obtus  à chaque  extrémité  et  terminé  à son 
sommet  par  une.  pointe  très  courte,  rugueuse,  de  couleur  gris  rou- 
geâtre, quelquefois  reluisante,  présentant  d’ordinaire  deux  dépres- 
sions, et  sur  chaque  bord  un  sillon  plus  marqué  sur  l'un  que  sur 
l'autre. 

Le  fruit,  qui  porte  le  nom  d' Algarrobillo,  est  employé  en  méde- 
cine et  dans  l'industrie. 

D’après  M.  Vasquez,  il  renferme  une  quantité  considérable  de 
tannin.  Cette  matière  forme  la  partie  parenchymàteuse  du  fruit, 
constituant  ainsi  la  presque  totalité  de  son  poids  ; cependant  on  la 
trouve  aussi  isolée  dans  l'intérieur,  où  elle  apparaît  comme  un  pro- 
duit de  sécrétion.  Ce  tannin,  tel  qu’on  le  retire  mécaniquement  du 
fruit,  est  granuleux,  de  couleur  jaune-rougeâtre,  d'odeur  peu  per- 
ceptible et  d’une  saveur  extrêmement  astrigente,  présentant  tous  les 
caractères  du  tannin  de  la  noix  de  galle.  En  plus  du  tannin,  le  fruit 
renferme  aussi  une  matière  résineuse  et  une  substance  d'un  beau 
jaune  clair  soluble  dans  l’éther. 

La  forte  quantité  de  tannin  que  contient  Y Algarrobillo,  et  qui 
lui  donne  une  ressemblance  avec  la  noix  de  galle,  laisse  voir  que  son 
emploi  thérapeutique  est  analogue  à celui  de  cette  substance  et  que 
les  médecins  chiliens  feraient  bien  de  l’utiliser. 

L'industrie  le  consomme  sur  une  grande  échelle  pour  tanner 
les  cuirs  et  dans  la  teinturerie.  La  statistique  commerciale  chilienne 
donna  comme  valeur  d’exportation  de  Y Algarrobillo,  en  1886,  la 
grosse  somme  de  plus  de  140,000  piastres;  cette  somme  descendit 
(sans  que  nous  puissions  en  déterminer  la  cause),  à un  peu  plus  de 
5o.ooo  piastres  pour  l’année  1887. 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


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La  valeur  commerciale  de  cet  article  laisse  entrevoir  son  im- 
portance et  indique  bien  clairement  la  richesse  de  ses  principes  tan- 
niques  . Malheureusement,  la  zone  où  Ton  le  trouve  est  restreinte, 
ce  qui  ne  permettra  pas  de  longtemps  d’augmenter  son  exportation. 


ALG ARROKO 

Prosopis  siliquastrum. 


D.  C.,  II,  447.  — Gay,  II,  249.  — Ceratonia  chilensis,  Mol.  — A.  Siliq.  Laz. 

Arbre  de  six  à huit  mètres  de  hauteur,  à branches  fortes, 
flexibles,  portant  dans  les  angles  de  flexion  de  gros  tubercules  noi- 
râtres, desquels  naissent  des  petits  faisceaux  de  feuilles  et  de 
fleurs  ; les  pétioles  sont  assez  minces  et  supportent  de  i3  à 20  paires 
de  folioles,  un  peu  séparées,  en  rangées  étroites,  de  couleur  vert 
jaunâtre,  les  épis  apparaissent  en  abondance  avec  les  feuilles;  les 
fleurs  sont  très  , serrées,  subsessiles  et  jaunâtres-  les  pétales  sont 
velus  intérieurement  ; il  y a dix  étamines  • le  fruit  est  très  arqué  et 
comprimé,  de  4 à 8 centimètres  de  long,  étroit,  jaunâtre,  aigu  à son 
sommet. 

On  trouve  VAlgarrobo  dans  les  endroits  secs  de  la  rivière  Tin- 
guiririca  jusque  dans  l’intérieur  de  la  province  d'Atacama  ; son  bois 
est  très  dur,  un  peu  semblable  à VEspino  (épine)  et  inattaquable 
par  l’humidité. 

La  partie  employée  en  médecine  est  le  fruit,  de  saveur  douce, 
agréable,  légèrement  astringent  et  alimentaire. 

Diego  de  Rosales  dit  que  les  porcs  et  les  chevaux  mangent  quel- 
quefois les  fruits  de  VAlgarrobo  et  engraissent  beaucoup  avec  cette 
nourriture,  et  que  les  Indiens  les  mangeaient  aussi  et  en  faisaient 
une  espèce  de  pain-,  ils  constipent  beaucoup. 

Les  graines  de  VAlgarrobo  se  recommandent  comme  pecto- 
rales mais  on  les  emploie  davantage  dans  les  affections  cardiaques 
quand  celles-ci,  comme  conséquence  du  manque  d’équilibre  dans 


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PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


la  circulation,  produisent  des  œdèmes  plus  ou  moins  généralisés. 
On  les  administre  en  tisane,  seules  ou  mélangées  avec  quelques 
grains  de  Quinoa  en  les  faisant  fermenter  dans  des  gourdes  prépa- 
rées à l'avance.  Avec  cette  préparation,  on  cherche  à obtenir  un 
effet  diurétique.  — Je  fai  vu  donner  dans  plusieurs  occasions,  moi- 
même  je  fai  conseillée  et  je  crois  qu’en  réalité  elle  jouit  de  cette  pro- 
priété. Le  tannin  que  contient  la  gousse  ne  contribue-t-il  pas,  dans 
ces  cas,  à aider  feffet  cherché  ? 11  est  très  probable  que  si,  car  la 
bienfaisante  action  de  cette  substance  dans  un  bon  nombre  des  ma- 
ladies du  cœur  est  bien  connue. 

L’infusion  des  fruits  de  l 'Algarrobo,  ainsi  que  la  Aloja , pré- 
parée avec  eux,  sont  deux  boissons  très  agréables  que  les  malades 
prennent  sans  répugnance. 


ESPINO 

Acacia  cavenia. 

Mol.  Ed.,  IL299.  - Gay,  II,  255.  — D.  C.  Prodr.,  II,  43o. 

Sub-mimosa. 

Arbre  qui  atteint  jusqu’à  six  mètres  de  hauteur,  de  tronc  exces- 
sivement dur,  tortueux,  d’écorce  noire  et  crevassée;  les  branches 
sont  grosses,  striées,  remplies  de  fortes  épines  acérées  et  blanchâ- 
tres ; les  feuilles,  petites,  doublement  pennées  et  à peine  mucronées 
vers  leur  sommet;  sept  pétioles  secondaires  avec  dix  à douze  paires 
de  petites  folioles  oblongues  ; branches  prolifères,  nues,  soutenant 
dans  la  partie  axillaire  des  stipules  de  trois  à six  chapiteaux  de  fleurs 
d une  belle  couleur  jaune  ; le  calice  est  rougeâtre  avec  cinq  divi- 
sions ; la  corolle,  plus  longue  que  le  calice,  jaunâtre  et  glabre  ; les 
étamines,  irrégulières  et  polyadelphes,  sont  au  nombre  de  3o  à 60  5 
la  gousse  est  grosse,  oblongue,  fusiforme*  un  peu  recourbée,  ren- 
fermant beaucoup  de  grains*  Les  fleurs  apparaissent  avant  les 
feuilles. 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


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Cet  arbre,  de  grande  utilité  pour  les  agriculteurs,  croît  de  pré- 
férence dans  les  endroits  pierreux  et  secs  ; on  le  rencontre  depuis 
Copiapô,  où  il  est  appelé  Churgue , jusqu’à  Concepcion. 

Dans  le  temps,  les  forêts  d'Espinos  étaient  très  abondantes,  mais 
elles  tendent  à disparaître  • son  bois  est  très  estimé  pour  les  cons- 
tructions dans  diverses  industries,  comme  bois  de  chauffage  et  sur- 
tout pour  faire  un  charbon,  dont  la  qualité  est  excellente  et  le  degré 
de  chaleur  qu’il  développe  très  élevé. 

L 'Espino  renferme  une  certaine  quantité  de  tannin  et  une  ma- 
tière colorante  qui  pourrait  être  utilisée  dans  la  teinturerie.  11  paraît 
que  la  soie  prend  bien  la  couleur  que  produit  cet  Acacia  et  que 
l’encre,  faite  avec  cette  couleur,  résiste  aux  diverses  actions  pro- 
duites parla  lumière,  l'humidité  et  aussi  aux  acides  et  alcalis  (i). 

C’est  probablement  au  tannin  que  renferme  YEspino  qu’il  faut 
attribuer  l’usage  qu’en  font  les  gens  du  pays,  sous  forme  d’infusion 
ou  décoction,  pour  guérir  les  blessures  et  les  ulcères.  Ses  graines 
sont  aussi  employées  quelquefois  pour  provoquer  les  éternuements  ; 
vertes,  elles  ont  une  odeur  désagréable  ; grillées  et  pulvérisées,  on 
les  administre  sous  forme  de  café  ; elles  auraient  des  propriétés 
digestives  et  stimulantes. 


ROSACÉES 

FRUTILLA 

Fragaria  chilensis 

Ebrh.  Beitr.,  T.  pag.  26.  — Gay,  II,  3o5.  • — D.  C.  Prodr.,  Il,  5y5. 

Petite  plante,  velue,  à rhizomes  longs  et  minces,  qui  donnent 
naissance  à plusieurs  feuilles  à pétioles  plus  ou  moins  allongés,  com- 

(1)  Anales  de  la  Sociedad  de  Farmacia  de  Santiago.  T.  VI,  p.  179. 

5 


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PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


posées  de  trois  folioles  non  pliées,  très  dentées,  velues,  argentées 
au-dessous,  glabres  au-dessus  : le  fruit  est  composé  de  nombreux 
carpelles  placés  dans  un  seul  gynophore  ovale,  succulent  et  assez 
grand. 

Chez  les  Araucaniens,  elle  est  connue  sous  les  noms  de  Quell - 
ghen  et/  ahuen.  Elle  est  commune  dans  les  terrains  abondants  en 
pâturages  de  Concepcion,  Valdivia  et  Chiloé  ; elle  se  cultive  et  est 
très  appréciée  dans  les  provinces  centrales,  étant  un  des  premiers 
fruits  livrés  à la  consommation  vers  le  milieu  du  printemps.  Le 
voyageur  Frézier  fut  son  introducteur  en  France,  où  elle  est  connue 
sous  le  nom  de  « Fraise  du  Chili.  » 

Le  fruit  est  agréable,  légèrement  acidulé,  mucilagineux  et 
rafraîchissant.  11  convient  aux  tempéraments  bilieux,  pléthoriques 
et  aux  gens  qui  souffrent  de  constipation.  Le  calice  de  cette  plante 
se  recommande  en  infusion  contre  les  indigestions  et  les  diarrhées 
par  ses  propriétés  émollientes  et  mucilagineuses.  La  racine  est  un 
faible  astringent,  et,  comme  tel,  il  est  indiqué  dans  les  cas  de  dysen- 
terie, de  diarrhées  chroniques  et  dans  les  hématuries,  flux  sanguins, 
légers,  etc.  Comme  la  racine  de  la  fraise  d’Europe,  elle  a des 
propriétés  diurétiques  et  apéritives,  parce  que,  comme  le  dit  très 
bien  Gluber,  les  astringents  faibles  sont  les  meilleurs  auxiliaires  des 
stimulants  spéciaux  de  la  sécrétion  rénale,  quand  les  reins  hyperhé- 
miés  ne  laissent  transsuder  qu’une  faible  proportion  d’eau. 

Rosales  dit  que  pour  obtenir  un  remède  puissant  contre  la  fausse 
couche,  on  doit  faire  une  décoction  de  racines  de  fraises,  prendre 
ensuite  un  petit  bloc  de  terre  glaise,  le  brûler  jusqu’à  ce  qu’il  soit 
réduit  en  braise,  puis  éteindre  cette  braise  dansfla  décoction  ; par 
cette  boisson,  la  marche  de  la  créature  est  retenue  et  les  douleurs  de 
la  mère  s’apaisent.  Par  ses  qualités  astringentes,  l’infusion  de  la 
racine  est  très  en  usage  dans  les  campagnes  comme  collyre. 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


67 


Y ER  B A PLATE  AD  A 0 DE  P LATA  (Herbe  argente'e  ou  d’argent). 

Potentilla  auserina. 

L.  sp.  710.  — Gay,  II,  3o3.  — D.  C.  Prodr.,  II,  582. 

Plante  à tiges  rampantes,  très  belle  ; ses  feuilles  sont  pennées, 
d'un  vert  clair  à la  partie  supérieure  et  argentées  au-dessous  avec 
de  brillants  reflets,  dûs  aux  nombreux  poils  soyeux  qui  les  couvrent  -, 
les  folioles  sont  oblongues  ou  elliptiques,  très  dentées,  généralement 
alternes  ou  opposées  ; fleurs  jaunes  soutenues  par  un  pétiole  solitaire 
de  la  longueur  des  feuilles. 

11  croît  en  abondance  dans  les  bourbiers,  et  prend  son  nom  de 
la  couleur  de  ses  feuilles. 

Les  Potentillas  tirent  leur  nom  de  la  puissante  activité  que  leur 
attribuaient  les  anciens  ; aujourd’hui  elles  sont  presque  reléguées 
dans  l’oubli,  et  on  les  emploie  à peine  dans  la  médecine  domes- 
tique. 

L’espèce  que  nous  décrivons  a des  racines  considérées  comme 
astringentes  et  toniques;  on  les  emploie  sous  la  forme  de  tisane  dans 
les  dysenteries  chroniques  et  dans  les  hémorragies  ; sous  forme 
d’injections  dans  les  coryzas  chroniques,  flux  blancs  et  polypes 
incipients.  — En  un  mot,  elle  a les  mêmes  propriétés  et  la  même 
réputation  qu’on  lui  donne  en  Europe. 

Quoique  ce  soit  une  plante  européenne,  elle  doit  être  consi- 
dérée comme  chilienne  en  raison  de  son  abondance  dans  les  plaines 
et  montagnes  de  presque  toute  la  République. 


68 


PLANTES  MÉDICINALES  DU  CHILI 


YERBA  DEL  CLAVO 

Geum  chilense. 

Balb.  Lind.  Bot.  veg.  tab.  1384.  — Gay,  II,  276  — Coccineum  Sibth.  Sm. 

Magellanicum,  Comm.  — Quellyon,  Sweet. 

Plante  petite,  velue  ; ses  feuilles  sont  pennées,  velues,  radicales, 
composées  de  folioles  inégales,  obtuses,  rondes,  ou  presque  rondes, 
dentées,  plus  ou  moins  lobulées  ; les  fleurs  sont  rouges  et  naissent 
en  panicules  très  ouvertes  ; les  fruits  composés  de  nombreux  car- 
pelles très  velus  et  terminés  par  un  style  rouge. 

Elle  croît  de  l’Aconcagua  jusqu’à  Magellan,  et  elle  devient  plus 
commune  à mesure  qu’on  avance  dans  le  Sud.  Les  Indiens  la  con- 
naissent sous  le  nom  d q Hallante. 

Feuillée  et  Gay  disent  que  sa  décoction  est  dépurative  et  réso- 
lutive et  que  les  Indiennes  l’emploient  pour  régulariser  leur  mens- 
truation. 

La  racine  de  ce  genre  est  légèrement  astringente,  et  d’après 
mon  opinion,  peut  être  employée  comme  les  autres  espèces  du 
même  genre,  c’est-à-dire,  comme  diurétique,  apéritive  etastringente. 
Son  nom  lui  vient  d’une  odeur  de  clou  qui  sort  de  la  cassure  de  la 
racine  fraîche. 


BOLLÉN 

Kagenekia  oblonga. 


R.  et  P.  Flor.  per  Syet.,  289.  — Gay,  II,  270.  — D.  C.  Prodr.,  II,  547,  — 

Lydœa  Syday,  Mol. 

Arbre  toujours  vert,  un  peu  touffu,  les  feuilles  sont  oblongues^ 
elliptiques,  obtuses  ou  acuminées,  coriaeées,  dentées  : fleurs  mâles 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


69 


paniculées  dans  la  partie  axillaire  des  feuilles,  très  blanches  • les 
fleurs  femelles  ont  leurs  étamines  très  courtes,  stériles,  et  cinq 
germes  très  velus  ; le  fruit  est  composé  de  cinq  capsules,  ou  de 
quatre,  et  même  de  trois,  par  avortement,  disposées  en  forme 
d'étoile. 

« Cet  arbre,  de  peu  de  hauteur,  croît  dans  les  endroits  un  peu 
arides  d’une  grande  partie  du  Chili,  depuis  la  rivière  « Impérial  » 
qui  est  la  limite  Sud,  jusqu’à  Tamaya,  qui  est  sa  limite  Nord.  Les 
Araucaniens,  les  Chiliens  de  Concepcion,  etc.,  lui  donnent  le  nom 
de  Ruayo  ou  Guayo  (1),  tandis  qu’à  Santiago  et  dans  les  provinces 
voisines,  son  nom  est  Bollén. 

« Son  bois  est  très  dur  et  on  l’emploie  pour  faire  des  pioches  à 
deux  pointes  et  aussi  pour  la  construction,  quoiqu’il  ne  soit  pas 
gros.  Les  feuilles  sont  très  amères  et  on  les  employait  autrefois 
contre  les  fièvres  rémittentes,  mais  son  usage  est  aujourd’hui 
presque  abandonné  ; les  Indiens,  si  superstitieux,  recueillent  quel- 
quefois les  graines  pour  guérir  les  personnes  qui  croient  avoir  reçu 
quelque  maléfice  des  sorciers.  — Gay.  » 

« Sur  les  plages  de  ce  territoire,  dit  Molina,  croît  aussi  un 
arbre  de  bel  aspect,  qu’on  nomme  Bollen , et  que  je  crois  un  véri- 
table poison.  Cependant,  dans  certaines  circonstances,  les  médecins 
emploient  les  pousses  du  sommet  réduites  en  poudre  et  dissoutes 
dans  l’eau,  comme  vomitifs  et  purgatifs  ; mais  sans  dépasser  la 
mesure  d’un  demi-scrupule,  car  ces  poudres  constituent  un  des 
émétiques  les  plus  terribles  connus  dans  le  règne  végétal.  » 

Nous  n’avons  jamais  eu  l’occasion  d’apprécier  personnellement 
les  effets  des  feuilles  du  Bollen  en  infusion,  unique  préparation  qui 
s’administre  dans  la  campagne;  mais,  d après  nos  recherches,  le 
Bollen  est  loin  de  posséder  les  effets  si  accentués  que  lui  attribue 
Molina. 

M.  Larenas  nous  dit  que  son  principe  amer  est  dû  à un  gluco- 

(1)  Le  Guayo  est  la  K.  crataegoides,  Don.,  des  collines  de  la  côte,  très 
ressemblante  au  Bollén , mais  seulement  un  arbuste  ; le  vulgaire  confond  fré- 
quemment  ces  deux  plantes,  les  considérant  comme  une  seule. 


7 o 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


side  qu’il  a eu  la  bonne  fortune  de  découvrir,  et  que  ses  feuilles  sont 
un  faible  succédané  de  bipécacuanha. 


QUILLAY 

Quillaja  saponaria . 

Mol.  354.  — Gay,  II,  274.  — Molinae,  D.  C.  — smegmadermos,  D.  C.  — 

S.  emarginatus,  R.  et  P. 

Arbre  élevé,  il  atteint  une  hauteur  de  dix  mètres  et  plus,  peu 
rameux,  droit,  feuilles  alternes,  coriacées,  nerveuses  elliptiques, 
obtuses  ou  peu  aiguës,  entières,  ou  bien  encore,  dentées  et  margi- 
nées  ; les  feuilles  sont  blanches  et  disposées  en  petits  corymbes  ; 
le  calice  est  gros  ; les  pétales  sont  ovales-elliptiques  un  peu  plus 
grands  que  le  calice  ; le  fruit  est  tomenteux  et  composé  de  cinq  cap- 
sules coriacées,  obtuses,  s’ouvrant  en  forme  d’étoile. 

Le  Quillay  est  assez  commun  dans  toutes  les  provinces  cen- 
trales, sur  les  collines  et  dans  les  plaines.  Son  bois,  assez  dur,  résiste 
peu  à l’influence  de  bair  *,  mais  sous  terre  et  dans  les  lieux  humides, 
il  se  conserve  très  longtemps,  c’est  pour  cela  qu’il  est  le  bois  préféré 
des  mineurs.  11  est  connu  en  Europe  sous  le  nom  d 'écorce  ou  bois 
de  Panama. 

La  plus  précieuse  des  qu  aUtés  du  uillay  est  la  saponine  que 
produit  son  écorce  concassée  dans  beau,  et  qui  peut  remplacer  le 
meilleur  savon  ; dans  cet  état,  elle  sert  pour  nettoyer  d’une  manière 
parfaite  les  étoffes  de  laine  et  de  soie,  enlevant  toutes  les  taches  et 
leur  donnant  l’apparence  du  neuf  ; sa  consommation  pour  cet  usage 
est  très  grande,  et  à une  époque  son  exportation  fut  considérable 
sous  forme  d’extrait.  11  ne  produit  pas  les  mêmes  effets  sur  les  étoffes 
de  lin  et  de  coton,  leur  donnant  au  contraire  une  couleur  jau- 
nâtre qui  était  attribuée  par  Molina  à une  espèce  de  Quillay  qui 
se  rencontrait  près  de  la  côte,  et  très  éloignée  des  montagnes 
sub-andines. 


PLANTES  MÉDICINALES  DU  CHILI 


71 


Les  Chiliens  et  les  Indiens  l’emploient  de  préférence  au  savon 
pour  se  laver  la  tête,  et  son  usage  est  si  répandu  qu’on  peut  le  trouver 
en  vente  dans  les  épiceries  et  magasins  d'articles  divers.  On  croit 
généralement  que  les  Chiliens  et  Araucaniens  doivent  la  beauté  de 
leur  chevelure  au  fréquent  usage  qu’ils  font  de  l’eau  de  cette  écorce 
pour  la  nettoyer.  Dans  la  Flore  selecta  regni  chilensis , que  Molina, 
en  se  servant  des  travaux  de  Ruiz  et  Pavon,  a ajouté  à sa  deuxième 
édition,  on  rencontre  cette  espèce  deux  fois  citée  : la  première  sous 
son  nom  véritable  de  Qiiillaja  saponaria , et  la  deuxième  sous  celui 
de  Smegmaria  emar ginata . - — Gay.  » 

« Le  Quillay  est  un  arbre  élevé,  avec  des  feuilles  petites  très 
abondantes.  Administrée  en  lavement,  la  décoction  de  l’écorce  pos- 
sède une  grande  vertu  pour  faire  disparaître  les  indigestions. 
Trempée  dans  l’eau,  elle  remplace  le  savon  pour  ôter  les  taches  avec 
un  effet  rapide  et  sûr.  Elle  sert  aussi  pour  rehausser  la  couleur  de 
toute  espèce  de  laines.  Les  Indiens  et  les  Espagnols  l’emploient  très 
communément  pour  se  laver  la  tête,  parce  que  l’écume  que  cette 
écorce  produit  en  l’agitant  dans  l’eau,  remplace  le  savon,  et  est 
excellente,  non  seulement  pour  le  nettoyage,  mais  encore  pour 
donner  aux  cheveux  un  aspect  luisant.  Ceux  qui  ont  les  cheveux 
blonds,  en  se  lavant  avec  cette  eau,  les  voient  changer  en  châtains 
et  presque  noirs.  — - Rosales.  » 

La  hache  du  bûcheron  travaille  d’ordinaire  avec  activité  pour 
faire  tomber  ces  beaux  arbres,  dont  l’écorce  est  si  demandée  par  le 
commerce.  Sans  compter  l’immense  consommation  qu’on  en  fait 
dans  le  pays,  l’exportation  en  est  considérable  et  a atteint  dans  les 
années  1881-1882  (peu  propices  pour  l’agriculture)  316.090  kilo- 
grammes. On  exporte  aussi  son  extrait  en  quantité  assez  considé- 
rable. 

L'écorce  est  fibreuse  et  tenace,  elle  s’exporte  en  morceaux 
minces,  blanchâtres,  de  5o  centimètres  à 1 mètre  de  longueur,  sur 
5 à 10  centimètres  de  largeur;  son  goût,  d’abord  légèrement  sucré  et 
alcalin,  est  ensuite  âcre,  avec  persistance.  Réduite  en  poudre,  elle 
provoque  des  éternuements. 


7 2 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


Elle  contient  principalement  de  la  saponine. 

Ce  glucoside  ne  se  trouve  pas  répandu  en  proportions  égales 
dans  toutes  les  parties  de  l’arbre-  suivant  l’opinion  du  docteur 
Navarrette  qui  en  a fait  l’analyse,  on  trouve  3 1/2  pour  100  de 
saponine  dans  les  feuilles;  4 pour  100  dans  le  bois;  8 1/2  dans 
l’écorce  de  la  racine,  et  12  pour  100  dans  l’écorce  de  la  tige. 

Butron-Charland  et  O.  Henry  lui  donnent  la  composition  sui- 
vante : matière  spéciale,  très  piquante,  soluble  dans  l’eau  et  dans 
l’alcool,  matière  graisseuse,  chlorophylle,  sucre,  gomme,  matière 
colorante,  foncée,  malate.de  chaux  et  sels  divers. 

Le  docteur  R.  Kobert,  Allemand,  après  une  analyse  attentive,  a 
trouvé  dans  le  Quillay , comme  dans  la  Polygala  Senega , deux  glu- 
cosides,  mais  dans  une  proportion  cinq  fois  plus  abondante  dans 
celui-là.  « Maintenant,  ajoute-t-il,  l’écorce  du  Quillay  est  près  de 
dix  fois  moins  chère  que  la  racine  de  Senega.  En  plus,  la  proportion 
des  substances  efficaces  dans  l’écorce  du  Quillay  est  bien  constante. 
Il  manque  aussi  à cette  écorce  une  substance  qui  cause  le  goût  si 
désagréable  de  la  décoction  de  Senega;  mais,  comme  compensa- 
tion, l’écorce  du  Quillay  contient  une  grande  quantité  de  sucre  qui 
donne  à la  décoction  une  saveur  douce.  Pour  ce  motif,  j’ai  esssayé 
l’écorce  du  Quillav  dans  sa  valeur  thérapeutique.  Voici  le  résultat 
obtenu  : i°  Que  les  malades  supportent  mieux  ce  remède  que  la 
Senega , et  que,  rarement,  ils  sont  attaqués  de  vomissements  et 
diarrhées.  — 20  Que  le  remède,  à cause  de  son  goût  sucré,  est  pris 
avec  plaisir,  même  par  les  enfants.  — 3°  Que  les  effets  expectorants 
du  médicament  sont  hors  de  doute  (1).  » 

On  sait  que  la  saponine  (que  contient  en  grande,  partie  le 
Quillay)  est  un  corps  blanc,  pulvérulent,  non  cristallisé,  très 
fusible,  sans  odeur,  d’un  goût  d’abord  sucré,  et  ensuite  d’une  âcreté 
persistante. 

La  saponine  produit  l’éternuement;  elle  se  dissout  dans  l’eau  en 
toutes  proportions  : il  suffit  de  1 gram.  pour  1000  pour  faire  naître 

(1)  Traduction  de  M.  Fréde'ric  Philippi  de  la  Pharmaceutische  Centrât- 
halle  de  i885 , pag.  478. 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


7 3 


l'écume  -,  en  dissolution,  elle  est  trouble  d’abord  et  devient  ensuite 
transparente  après  plusieurs  filtrations. 

M.  Lebœufpère,  en  i85o,  démontra  que  toutes  les  substances 
insolubles  dans  l’eau  et  solubles  dans  l’alcool,  pouvaient,  en  ajoutant 
de  la  saponine  dans  la  solution  alcoolique,  se  diviser  jusqu’à  l'infini 
dans  l’eau  et  former  des  émulsions.  M.  Lebœuf  fils  a tiré  parti  de  ce 
fait  et,  le  prenant  pour  base,  a indiqué  la  préparation  d’une  teinture 
alcoolique  de  Quillay , dans  la  proportion  de  un  pour  quatre. 

Le  docteur  H.  Collier,  dans  un  rapport  lu  à la  Confédération 
pharmaceutique  britannique,  propose,  suivant  les  démonstrations  du 
pharmacien  français,  l’emploi,  pour  la  teinture,  de  la  formule  sui- 
vante, administrée  en  émulsions. 

Ecorce  de  Quillay  dépouillée  de  l’épiderme 

et  moulue 120  grammes. 

Alcool  rectifié p3o  — 

En  macération  durant  trois  jours,  et  on  passe  au  filtre  ; il  en 
résulte  une  teinture  jaune  clair. 

Si  l’on  agite  du  mercure  métallique  avec  cette  teinture,  il  sup- 
porte une  division  extrême  qui  persiste. 

Le  chloroforme  forme  avec  cette  teinture  une  véritable  émul- 
sion. 


Chloroforme 10  gouttes. 

Teinture  de  Quillay 4 grammes. 

Eau  distillée.  3o  — 


Les  huiles  de  ricin,  de  foie  de  morue  et  d’olives  produisent  des 
émulsions  parfaites. 

Huile  de  ricin i5  grammes. 

Teinture  de  Quillay 2 — 

Eau. 3o  — 

On  mêle,  dans  un  flacon,  l1  huile  avec  la  teinture,  et  on  ajoute 
ensuite  l’eau,  on  agite  encore  et  on  secoue } il  en  résulte  une  émul- 
sion qui  présente  l’aspect  du  lait. 


74 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


Les  teintures  résineuses  exigent  une  plus  forte  dose  de  teinture 
de  Quillay , afin  d'empêcher  la  séparation  de  la  résine. 


Teinture  de  Tolu 40  gouttes. 

Teinture  de  Quillay . . . 4 grammes. 

Eau . 3o  — ■ 

Mêlez. 

Copahu 2 grammes. 

Teinture  de  Quillay 2 — 

Eau . . 3o  — 

Mêlez. 


Comme  l’écorce  de  Quillay , nous  le  répétons  une  fois  de  plus, 
doit  ses  effets  aux  glucosides  qu’elle  renferme,  et  très  particulière- 
ment à la  saponine,  ses  effets  physiologiques  seront  indiqués  en  fai- 
sant connaître  ceux  que  produit  cette  dernière  substance. 

La  saponine  est  une  substance  d’action  locale  irritante,  qui 
paralyse,  en  plus,  les  fibres  musculaires  et  nerveuses.  A la  douleur 
primitive  qu’elle  produit,  succède  une  action  anesthésique  qui  n’a 
pu  être  utilisée  à cause  des  phénomènes  inflammatoires  qu’elle 
réveille  sur  les  muqueuses  et  les  plaies. 

« "Une  fois  portée  dans  le  torrent  de  la  circulation,  dit  Huse- 
mann  (1),  la  saponine  exerce  une  action  paralysante  sur  les  muscles 
et  sur  les  nerfs,  affectant  d’une  façon  particulière  les  nerfs  du  cœur,  et 
les  centres  paralysateurs,  comme  les  nerfs  accélérateurs  provenant 
du  nerf  sympathique,  et  faisant  cesser,  enfin,  les  mouvements  car- 
diaques. 

» Les  mouvements  du  cœur,  très  retardés  dans  les  empoisonne- 
ments par  la  saponine,  sont  accélérés  par  la  digitaline  -,  les  contrac- 
tions devenant  plus  fortes,  l’abaissement  de  la  pression  sanguine 
produit  par  la  saponine  disparaît.  Avant  la  paralysie  du  cœur,  se 
présente  la  paralysie  des  muscles  des  intestins  ; la  saponine  influe 
aussi  rapidement  sur  le  centre  moteur,  l’excitant  d’abord  et  le  para- 
lysant ensuite*,  le  nerf  respirateur  subit  le  même  effet,  les  fortes  doses 


(4)  Manuel  de  Matière  médicale  et  de  Thérapeutique , 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


75 


le  paralysent  instantanément,  et  les  petites  graduellement.  Dans  les 
empoisonnements  par  la  saponine,  la  fréquence  du  pouls  descend 
considérablement  de  même  que  la  respiration  et  la  température. 

« Les  convulsions  toniques  et  cloniques  qui  se  présentent  après 
l’ingestion  de  la  saponine,  semblent  se  rapporter  aux  troubles  du 
cœur  et  des  fonctions  respiratoires  ; cependant,  si  on  met  la  sapo- 
nine en  contact  avec  la  moelle  des  grenouilles,  on  voit  se  produire 
tout  d’abord  le  tétanos,  et  plus  tard  la  paralysie,  qui  s’étend  du 
centre  à la  périphérie.  » 

Nous  connaissons  des  laits  dans  lesquels  l’ingestion  d’une  ma- 
cération d’écorce  de  Quillay , a occasionné  la  mort  des  animaux  et  a 
causé  de  graves  accidents  à plusieurs  personnes.  Les  phénomènes 
observés  ont  été  les  mêmes  que  ceux  décrits  scientifiquement  par  le 
professeur  Husemann  sur  la  saponine. 

En  plus  de  Lusage  que  l’industrie,  la  vie  domestique  et  la  phar- 
macie font  du  Quillay , son  emploi  thérapeutique  augmente  de  jour 
en  jour.  L’infusion  de  son  écorce  ou  sa  macération  prolongée  sont 
employées  dans  plusieurs  affections  squameuses  et  chroniques  de 
la  peau*  dans  les  alopécies,  pour  donner  de  la  force  aux  cheveux,  et 
dans  tous  les  autres  cas  où  l’on  veut  obtenir  la  propreté  de  la  peau. 
Gomme  pectoral,  et  comme  fluidifiant  des  sécrétions  bronchiques, 
il  est,  sans  aucun  doute,  supérieur  à la  Polygala  senega  dans  les 
bronchites,  asthmes  et  dans  les  affections  chroniques.  Il  serait  à 
désirer  qu’011  en  fît  l’essai  comme  auxiliaire  de  la  digestion  des  subs- 
tances grasses,  suivant  en  cela  les  expériences  de  laboratoire  assez 
révélatrices  de  MM.  Lebœuf  père  et  fils. 

L’infusion  de  Quillay  est  un  remède  de  grande  valeur  pour  la 
médecine  vétérinaire.  On  l’applique  avec  succès  dans  les  campagnes 
pour  les  chevaux  gras  et  forts  qui,  ayant  été  soumis  à un  travail 
lorcé,  sont  tombés  malades,  appelés  alors  « cortados  » fourbus.  Le 
cheval  qui  souffre  de  cette  affection  a une  forte  diarrhée,  les  bruits  du 
cœur  sont  tumultueux  et  s’entendent  à une  certaine  distance  ; la  fatigue 
est  telle  que  l’animal  peut  à peine  se  mouvoir,  la  sueur  est  abon- 
dante et  le  terme  fatal  n’est  pas  éloigné.  Quelques  livres  de  Quillay 


76 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


en  infusion  calment  les  battements  du  cœur,  font  disparaître  la 
fatigue  et  la  diarrhée,  et  la  santé  revient  alors. 

Dans  la  pharmacoée  chilienne,  le  Quillay  est  officinal  et  a 
l’honneur  d'y  figurer  avec  une  préparation  spéciale  : la  teinture  du 
Quillay  et  de  goudron,  dont  la  formule  suit  : 


Goudron  végétal 2 5 grammes. 

Teinture  de  Quillay ioo  — 


On  chauffe  le  goudron  au  bain-marie,  on  ajoute  la  teinture,  par 
petites  portions,  on  agite  fréquemment  et  l’on  maintient  ainsi  le 
tout  une  heure  et  demie.  On  filtre  ensuite. 

C’est  un  médicament  utile  dans  plusieurs  affections  catarrhales, 
surtout  dans  celles  de  la  poitrine  et  de  la  vessie. 


MÜERMO  ô ULMO 

Eucryphia  cordifolia. 

Car.  Sc.,  IV,  49,  tab.  872.  — Gay,  I,  35 1.  — D.  C.  Prodr.,  I,  556. 

Pellina  cordifolia,  Mol. 

Sa  taille  le  place  en  première  ligne  parmi  les  plus  grands  arbres 
du  pays,  il  atteint  40  mètres  de  hauteur  pour  deux  mètres  de  dia- 
mètre, très  droit,  rameux  dans  la  partie  supérieure  • le  tronc  est 
glabre,  les  bourgeons  un  peu  velus;  les  feuilles  sont  abondantes, 
opposées,  oblongues,  cordiformes,  obtuses  et  quelquefois  margi- 
nées,  dentées  -,  les  fleurs  sont  grandes,  blanches  -,  le  calice  s’ouvre 
de  bas  en  haut  et  tombe  avant  sa  floraison. 

O11  le  rencontre  depuis  Chillan,  vers  le  sud,  mais  surtout  à 
Valdivia  et  Chiloé  où  il  abonde,  dans  les  lieux  humides  et  boisés  ; à 
Chillan,  on  lui  donne  le  nom  de  Z7/mo,  à Valdivia,  de Muermo. 

Le  bois  de  cet  arbre  est  un  des  plus  durs,  et  on  l’emploie  prin- 
cipalement pour  les  constructions  navales  à cause  de  sa  résistance 
à l’humidité.  On  ne  peut  l'employer  pour  le  pont  des  navires  à cause 


PLANTES  MÉDICINALES  DU  CHILI 


77 


de  la  facilité  avec  laquelle  il  se  fend  au  soleil  ; comme  bois  de 
chauffage  il  est  de  première  qualité. 

L’écorce  du  Muerrno  contient  une  grande  quantité  de  tannin, 
ce  qui  la  rend  utile  dans  les  tanneries  et  permet  son  usage  en  méde- 
cine, comme  tant  d’autres  qui  ont  les  mêmes  propriétés,  et  qui  sont 
d'un  usage  plus  ou  moins  répandu. 


CEPACABALLO 

Acaena  splendens. 


Hook.  et  Arn.  — Bot.  Mise.,  III,  3o6.  — Gay,  II,  291. 

Plante  réunie  en  touffes  à racines  grosses  -,  les  feuilles  radicales 
sont  velues,  blanches,  luisantes,  argentées-,  leur  pétiole  est  aussi 
velu  -,  fleurs  sessiles,  disposées  en  épis  interrompus  et  accompagnées 
de  plusieurs  bractées  droites-lancéolées,  de  la  même  couleur  que 
les  sépales  ; le  fruit  est  d’une  forme  elliptique,  velu  et  armé  d’ai- 
guillons. 

« Cette  belle  espèce,  dit  Gay,  croît  dans  les  plaines  de  la  Cor- 
dillère de  Santiago,  San  Fernando,  etc.,  formant  sur  le  sol  à une 
hauteur  de  5 à 6000  pieds,  des  touffes  blanchâtres  et  comme  argen- 
tées. 

Toute  la  plante  peut  être  utilisée  : l’infusion  de  Cepalo-Caballo 
jouit  d’une  renommée  universelle,  administrée  en  tisane  pour  les 
maladies  du  foie  si  communes  dans  le  nord  et  le  centre  du  pays  -, 
elle  a des  propriétés  légèrement  diurétiques.  Les  femmes  du  peuple 
remploient  comme  emménagogue,  et,  je  crois  que  c’est  sans  motif 
qu'on  lui  attribue  une  action  abortive  ; elle  est  aussi  recommandée 
dans  les  affections  urinaires. 

La  Pimpinela  Acaena  pinnatifida  R.  P.  s’emploie  presque  de 
la  même  manière-,  elle  est  très  commune  sur  les  collines  de  la  côte 
et  sur  le  premier  versant  de  la  Cordillère,  depuis  Aconcagua  jusqu’à 
Osorno,  comme  on  le  verra  un  peu  plus  loin. 


78 


PLANTES  MÉDICINALES  DU  CHILI 


PIMP1NELA 

Acaena  pinnatifida. 

R et  P.  Flor  per.  et  chil.,  I,  68.  — Gay,  II,  283.  — D.  C.  Prodr  , II,  592. 

— Myriophylla  incisa  et  pinnatifida,  Suid. 

De  sa  racine,  longue  et  mince,  sort  un  ou  plusieurs  rhizomes 
très  squameux,  terminés  par  une  tige  simple,  droite,  un  peu  velue  ; 
les  feuilles  sont  glabres  et  blanchâtres  en  dessous,  presque  glabres 
et  luisantes  en  dessus  ; les  fleurs  forment  des  épis  longs  et  interrom- 
pus • les  fruits,  disposés  comme  les  fleurs,  sont  velus,  arrondis  et 
sont  armés  de  fortes  épines  très  inégales. 

Elle  croît  depuis  les  bords  de  la  mer  jusqu'aux  Cordillères,  et 
on  la  trouve  encore  au  détroit  de  Magellan.  Elle  est  aussi  connue 
sous  le  nom  de  Cadorllo , amor  seco , et  chez  les  Indiens  elle  est 
appelée  Proquin. 

Toute  la  plante,  mais  sutout  la  racine,  possède  de  faibles  pro- 
priétés astringentes,  rafraîchissantes  et  diurétiques.  On  l'administre 
seule  ou  associée  à d’autres  plantes  de  la  même  nature,  comme 
tisane,  dans  les  états  pléthoriques  passagers,  très  fréquents  au  prin- 
temps, lors  de  la  cessation  des  règles,  pour  calmer  les  vapeurs  aux- 
quelles sont  sujettes  les  femmes  dans  cette  période  de  leur  vie  et 
dans  les  aménorrhées. 


SABINILL  A 

Margyricarpus  setosus. 

R.  et  P.  Flor.  per.  et  chil.,  I,  28.  — Gay,  II,  279.  — D.  C.  Prodr.  II,  S9 1 . 

Plante  ligneuse  sous-frutescente,  noirâtre,  de  trois  décimètres 
de  hauteur,  divisée  en  nombreuses  branches  cylindriques,  droites 
et  couvertes  de  feuilles;  feuilles  imparipennées,  alternes,  de  couleur 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


79 


vert  clair;  les  folioles  sont  linéaires,  aigues,  droites,  étroites  et  lui- 
santes ; les  fleurs  sessiles  et  axillaires  ; le  fruit  est  une  drupe 
blanche,  charnue,  très  petite. 

Elle  croît  dans  les  plaines  et  les  collines  arides,  et  on  la  rencontre 
depuis  Coquimbo  jusqu’à  Valdivia. 

La  racine  et  les  feuilles  sont  les  parties  les  plus  employées  en 
médecine. 

On  attribue  à la  Sabinilla  une  propriété  diurétique  et  on  l’em- 
ploie en  infusion.  Le  docteur  Blest  et  le  docteur  Aguirre  disent 
l’avoir  employée  avec  succès  quand  il  a été  nécessaire  d’augmenter 
la  sécrétion  rénale.  Quelques-uns  croient  qu’elle  peut  résoudre  les 
calculs  urinaires,  ce  qui  est  invraisemblable. 

Je  fis,  il  y a quelques  années,  une  série  d’expériences  sur  cette 
plante,  dans  l’hôpital  militaire,  et  je  parvins  à guérir  avec  ce  seul 
traitement  plus  de  vingt  blennorhagies.  Je  pus  en  effet  me  convaincre 
de  ses  bons  effets  diurétiques. 

Il  est  bon  de  ne  pas  la  confondre  avec  le  Juniper  us  satina , dont 
les  effets  sont  tout  différents  et  qui  appartient  à une  autre  famille. 
Cette  plante  n’a  pas  été  analysée. 


SAXIFRAGÉES 

ESCALLONIA 


Le  genre  Escalloma  appartient  d’une  façon  particulière  à lAmé- 
rique  et  a au  Chili  de  nombreux  représentants  que  les  naturels  con- 
fondent fréquemment  sous  les  mêmes  noms  de  Lun,  Mardono 
Berraco,  Coron  îillo , ipa et  Siete  Camisas , à cause  de  sept  petites 
écorces  qui  la  couvrent. 

Arbuste  ou  arbrisseau  assez  résineux  qui  croît  dans  les  lieux 


8o 


PLANTES  MÉDICINALES  DU  CHILI 


humides  voisins  de  la  côte,  à l’exception  des  espèces  alpines,  Car- 
mélite, Illinite , etc. 

Les  caractères  distinctifs  de  ce  genre  sont  : calice  uni  à l’ovaire, 
limbe  à cinq  dents,  cinq  pétales  placés  sur  le  bord  d’un  disque  épi- 
gyne  • cinq  étamines;  ovaire  biloculaire,  style  simple  avec  stygmate 
pelté-,  capsule  septicide,  conservant  la  colonne  placentaire  libre. 

Nous  allons  énumérer  les  espèces  les  plus  communes  de  ce 
genre. 

E.Pulverulenta  Pers.,  Mardono , Lun , entièrement  pubescente  ; 
les  feuilles  à pétioles  courts,  elliptiques,  obtuses,  dentées  ; fleurs 
petites,  blanches,  disposées  en  une  grappe  terminale  qui  ressemble 
à un  épi.  Elle  est  commune  depuis  Valparaiso  jusqu’à  Lota. 

. Illinita  Prest,  Cor  outilla,  Nipa.  — Très  glabre  ; feuilles 
oblongues-lancéolées,  denticulaires,  couvertes  d’un  vernis  visqueux, 
les  fleurs  sont  blanches,  paniculées.  Cette  espèce  est  remarquable 
par  l’odeur  qu’elle  exhale  ; elle  croît  aux  bords  des  ruisseaux  dans 
les  terrains  basaltiques  de  San  Fernando,  Taguatagua,  Cauquenes, 
Valparaiso,  Coquimbo,  on  la  recommande  spécialement  contre  les 
maladies  du  foie. 

E.  rubra  Pers-,  Siete  Camisas,  Colorado  ; feuilles  ovales-lancéo- 
lées,  dentées  : fleurs  disposées  en  panicules.  Elle  croît  dans  les  ter- 
rains de  la  côte,  depuis  Valparaiso  jusqu’à  Valdivia,  où  les  habi- 
tants emploient  ses  feuilles  comme  vulnéraires. 

E.  macramha , Kook  et  Arn.,  Siete  Camisas  (sept  chemises); 
arbuste  des  provinces  de  Valdivia  et  Chiloé.  Les  fleurs,  rouges,  de 
cette  espèce,,  sont  les  plus  grandes  dans  ce  genre.  Les  fleurs  et  les 
feuilles  du  sommet  sont  employées  comme  aromatiques,  toniques, 
emménagogues  et  vulnéraires.  On  les  administre  en  infusion  -,  on  en 
fait  aussi  un  baume  avec  de  l’huile  dont  la  propriété  est  la  guérison 
des  blessures. 

Toutes  les  Escallonias  sont  plus  ou  moins  balsamiques,  et  en 
conséquence  peuvent  s’administrer  comme  stimulants,  digestifs  et 
pour  diminuer  les  sécrétions  des  membranes  muqueuses,  et  spécia* 
lement  de  celles  chargées  de  l’élimination. 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


81 


Dans  les  maladies  du  foie,  pour  lesquelles  elles  sont  recomman- 
dées, elles  doivent  être  employées  seulement  dans  les  cas  d’atonie 
digestive,  et  quand  la  réaction  fébrile  n’est  pas  très  accentuée. 
L’industrie  indigène  s’en  sert  pour  la  teinture. 

PEHUELDÉN 

Hydrangea  scandens. 


Poepp.  in  D.  C.,  IV,  666.  — Poepp.  i End.  Nov.  gen.,  I,  tab.  17.  — Gay, 
III,  48.  — Cornidia  integerrima,  Hook  i Arn. 

Arbrisseau  grimpant  qui  atteint  quelquefois  vingt  mètres  de 
hauteur,  très  rameux  ; feuilles  opposées,  coriacées,  ovales,  ellip- 
tiques ; fleurs  petites  disposées  en  nombreux  corymbes  très  rameux 
et  plus  longs  que  les  feuilles,  de  couleur  blanche;  quatre  à cinq 
pétales  concaves,  charnus  ; fruit  capsulaire,  bi  ou  triloculaire. 

Cette  espèce  croît  en  abondance  depuis  Chillan  jusqu’au  sud, 
elle  fleurit  en  décembre. 

Le  père  Pennesse  dit  que  les  feuilles,  les  pousses  du  sommet  et 
l’écorce  du  Pehuelden  sont  astringentes,  fébrifuges,  etc.  11  sert  pour 
le  traitement  des  hémorrhagies  et  les  flux  du  ventre.  11  le  recom- 
mande aussi  comme  vulnéraire  et  conseille  son  emploi  en  décoction 
préparée  avec  deux  à quatre  onces  pour  une  livre  d’eau. 

TEMU 

W einmannia  trichosperma. 

Cav.  Ic.,  VI,  tab.  567.  — Gay,  III,  45.  — D.  C.  Prodr.,  IV,  11.  — 

W.  chilensis,  D.  G.  — dentata,  R.  et  P. 

Cet  arbre  atteint  une  hauteur  de  20  à 25  mètres,  sur  un  de 
de  diamètre  ; son  écorce  est  rugueuse  et  semée  de  points  blan- 
châtres ; feuilles  oblongues,  discolores  et  opposées  avec  de  trois  à 

6 


82 


PLANTES  MÉDICINALES  DU  CHILI 


huit  paires  de  folioles  oblongues-elliptiques,  dentées  presque  en 
forme  de  scie  ; pétiole  ailé,  articulé  dans  chaque  insertion  des 
folioles  ; fleurs  d’un  blanc-rose,  disposées  en  grappes,  capsules 
arrondies,  pourvues  de  plusieurs  côtes  sortantes  qui  se  terminent 
en  deux  pointes  presque  aussi  longues  que  les  fleurs. 

Il  croît  à Valdivia,  Chiloé  et  Concepcion,  où  on  l’apprécie  beau- 
coup comme  bois  de  construction.  On  le  connaît  aussi  sous  le  nom 
de  Tinco  et  Madeu. 

Son  écorce,  qui  contient  une  assez  grande  quantité  de  tannin, 
est  quelquefois  employée  par  les  tanneurs.  La  médecine  met  en 
usage  les  propriétés  astringentes  et  un  peu  balsamiques  de  ses 
feuilles  et  de  son  écorce,  administrées  en  infusion  dans  les  diarrhées 
chroniques,  en  injections  et  comme  vulnéraire.  On  l’emploie  beau- 
coup en  décoction  pour  laver  les  blessures  des  animaux,  les  cou- 
vrant ensuite  avec  la  poudre  de  ses  feuilles. 


PARRILL  A 

Rites  glandulosum. 

* 

R.  et  P.  Flor.  per.  III,  233.  — Gay,  III/  33.  — D.  C.  Prodr.,  III,  481. 

Arbuste  de  2 à 3 mètres  de  hauteur,  un  peu  velu  dans  la 
partie  supérieure,  feuilles  presque  glabres,  glanduleuses,  ovales, 
tronquées  à leur  base,  quelquefois  en  forme  de  cœur,  divisées 
en  trois  lobes  ovales,  garnies  à leur  bord  de  dents  obtuses  en  forme 
de  scie  ; pétioles  presque  aussi  longs  que  le  limbe,  très  velus  et 
dilatés  vers  la  base  ; les  fleurs  sont  d’un  jaune  vert,  disposées  en 
grappes;  fruits  ronds,  noirâtres  et  bien  pédiculés. 

Il  est  commun  depuis  la  province  de  Concepcion  jusqu’à 
Chiloé,  où  on  lui  donne  aussi  le  nom  de  Muhul>  et  au  fruit  celui  de 
U villa. 

Pennesse  dit  qu’on  peut  user  les  feuilles  avec  avantage  sous 
forme  de  cataplasme  pour  les  coups  ; sa  décoction  est  rafraîchis- 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


83 


santé  et  astringente,  utile  dans  la  dysenterie  et  les  hémorrhagies. 
L’onguent  préparé  avec  une  demi-once  de  la  poudre  de  ses  feuilles, 
pour  deux  onces  de  saindoux,  est  utile  pour  les  éruptions  cutanées. 

Il  est  probable  que  cette  espèce  de  Parilla  est  la  Ribes  Valdi- 
vianum  Ph .,  car  1 q glandulosum  croît  très  bien  dans  les  provinces 
centrales. 

LLAUPANGUE 
Franco  a sonchifolia . 

Cav.  Ic.,  VI,  77.  — Gay,  III,  148.  — D.  C.  Prodr.,  VII,  777.  — Panke 
sonch.  W.  — Llaupanke  amplissima  sonchifolia,  Feuill.,  II,  tab.  3i. 

Cette  plante  dépasse  à peine  une  hauteur  de  5o  centimètres  : 
elle  est  velue,  et  possède  des  feuilles  abondantes,  réunies  commu- 
nément à leur  base,  sessiles,  lisses,  un  peu  velues  au-dessus,  et 
beaucoup  plus  au-dessous-,  les  fleurs  sont  blanches,  pourpres  ou 
violacées,  surtout  près  de  l’ongle  des  pétales,  disposées  en  grappes 
peu  serrées  5 son  calice  est  supporté  par  quatre  parties  laciniées 
lancéolées,  aiguës  et  tri-nervées  ; le  stigmate  est  en  forme  de  coin  à 
sa  base. 

Elle  est  commune  dans  tout  le  centre  et  le  sud  du  pays  ; la  racine, 
astringente,  contient  du  tannin. 

Feuillée  dit  que  le  jus  de  cette  plante  appliqué  sur  les  hémor- 
rhoïdes,  en  calme  les  douleurs  et  les  flux  immodérés.  Les  teintu- 
riers, dit-il  encore,  se  servent  de  ses  racines,  cuites  avec  les  fruits  du 
Maqui , pour  teindre  en  noir.  Le  jus  sert  à préparer  une  sorte 
d’encre. 

Par  ses  propriétés  astringentes*  cette  plante  ressemble  beau- 
coup au  Pangue , de  la  famille  des  Haloragées , dont  nous  allons 
nous  occuper. 


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PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


HALORAGÉES 

PANGUE 

Gunnera  chilensis. 


Lam.  Dict.  enc.  III,  61.  — Gay,  II,  363.  — D.  C.  Prodr.,  XVI  r.,  pag.  598. 

— G.  scabra,  R.  et  P.  — pilosa,  H.  B.  Kth. 

Plante  à racine  très  grosse,  fusiforme,  de  laquelle  sortent  beau- 
coup de  feuilles  rondes,  réniformes,  qui  atteignent  une  largeur  de 
un  mètre  de  diamètre,  très  veineuses,  rugueuses  de  chaque  côté  et 
partagées  en  cinq  lobes  laciniés  ou  dentés,  ces  lobes  sont  parfois 
plus  nombreux  ; elles  sont  soutenues  par  un  long  et  gros  pétiole  ru- 
gueux; entre  les  feuilles  naît  une  hampe  florale  cylindrique,  grosse, 
munie  de  petites  pointes  rugueuses;  elle  est  longue  et  terminée  par 
une  grappe  composée  de  fleurs  très  petites  et  très  serrées  ; le  fruit  a 
la  ressemblance  d’une  petite  drupe  parce  que  le  calice  devient 
charnu. 

Le  Pangue  est  très  commun  dans  les  endroits  marécageux,  le 
long  des  ruisseaux,  près  des  sources,  principalement  dans  nos  pro- 
vinces australes,  où  il  est  très  apprécié  comme  aliment  et  comme 
remède.  On  le  rencontre  depuis  la  province  de  Coquimbo  jusqu’à 
« Tres-Montes.  » 

« Le  Pangue , bien  connu  par  ses  feuilles,  qui  sont  si  grandes 
qu’elles  peuvent  servir  d’ombrelles,  croît  dans  les  bourbiers  en 
grosses  touffes.  On  sort  de  ces  touffes  des  tronçons  qui,  une  fois 
bien  secs,  servent  aux  tanneries  au  lieu  du  Zumaque  et  donnent  les 
mêmes  résultats.  En  le  faisant  macérer  dans  du  vin  une  partie  de 
la  nuit,  et  le  matin,  en  donnant  ce  vin,  passé  au  filtre,  aux  personnes 
qui  souffrent  de  dysenterie  et  d’humeurs,  celles-ci  sont  arrêtées 
et  disparaissent  après  quelques  jours.  Administré  en  lavements, 


PLANTES  MÉDICINALES  DU  CHILI 


85 


comme  je  vais  le  dire,  le  malade  guérit  complètement.  « Le  lave- 
ment doit  se  préparer  avec  du  bouillon  de  viande  mélangé  à trois 
parties  de  Tangue  moulu,  le  tout  mêlé  à une  quantité  d’eau  équiva- 
lente à six  lavements,  on  réduit  le  tout  en  un  seul  clystère  que  le 
malade  doit  retenir  le  plus  longtemps  possible,  et  il  guérit  alors 
rapidement.  — Rosales.  » 

Feuillée  dit  que  le  Pangue  est  employé  comme  rafraîchissant, 
et  que  les  pétioles  de  ses  feuilles  se  mangent  après  qu’on  en  a ôté 
l’écorce.  Les  teinturiers  emploient  sa  racine  pour  teindre  en  noir,  et 
les  tanneurs  pour  tanner  les  cuirs. 

« Le  Pangue  est  très  commun  dans  les  terrains  bourbeux,  dit 
Gay,  le  long  des  petites  rivières,  des  torrents  et  sur  la  pente  des  ra- 
vins humides.  C’est  une  plante,  grandiose  par  la  force  de  ses  tiges 
et  de  ses  feuilles,  et  de  grande  utilité  en  raison  de  ses  excellentes 
propriétés  acidulées  et  astringentes  que  la  médecine  et  les  arts  savent 
utiliser.  Les  feuilles,  bien  cuites,  placées  sur  la  partie  inférieure  des 
épaules  ou  sur  les  reins,  diminuent  l’ardeur  de  la  fièvre,  et  en  dé- 
coction sont  très  rafraîchissantes  ; on  l’emploie  quelquefois  dans  les 
campagnes  les  jours  de  grande  chaleur  ; mais  les  pétioles  ou 
nalcas , sont  généralement  préférés  ; on  les  mange  cuits  après  leur 
avoir  retiré  la  première  écorce;  leur  goût  est  doux,  un  peu  acidulé, 
et  très  agréable,  surtout  employés  sous  forme  de  glace.  Les  tiges  ont 
le  même  usage,  comme  aussi  les  racines,  quoique  moins  appréciées 
à cause  de  leur  dureté  et  du  peu  de  jus  qu’elles  contiennent;  elles 
sont  aussi  beaucoup  plus  astringentes.  En  décoction,  on  les  emploie 
avec  succès  pour  combattre  les  diarrhées,  les  hémorrhagies  et 
autres  maladies  du  ventre  ; les  teinturiers  les  emploient  pour  donner 
un  beau  noir  à leurs  tissus  ; les  tanneurs  pour  tanner  les  cuirs,  pou- 
vant, dans  ce  cas,  remplacer  avec  grand  avantage  toutes  les  écorces 
en  usage  dans  la  tannerie  -,  sous  ce  point  de  vue,  le  Pangue  pour- 
rait être  cultivé  dans  les  bourbiers  ou  bas-fonds  des  provinces  du 
Sud.  On  donne  vulgairement  le  nom  de  Pangue  ou  Nalca  aux  par- 
ties qui  se  mangent  -,  les  Indiens  donnent  quelquefois  aux  bourgeons 
le  nom  de  Pampancallhue.  » 


86 


PLANTES  MÉDICINALES  DU  CHILI 


En  médecine,  on  emploie  presque  exclusivement  la  racine,  qui 
est  un  vrai  rhizome  et  qui  contient  une  forte  dose  de  tannin,  et  très 
peu  de  substance  gommeuse.  On  le  présente  dans  le  commerce  en 
disques  ronds,  irréguliers  ou  elliptiques,  de  cinq  à dix  centimètres 
de  diamètre,  quelquefois  plus,  et  d'un  demi  à deux  centimètres 
d’épaisseur,  couverts  en  dehors  d’une  couche  brun  jaunâtre,  à 
l’intérieur  ils  sont  d’un  jaune  clair,  légers,  fragiles,  et  d’une  saveur 
astringente  peu  amère.  On  les  emploie  en  général  en  infusions. 

Cette  plante,  connue  presque  uniquement  sous  le  nom  de 
Pangue , et  non  Panque , comme  quelques  auteurs  la  dénomment, 
est  un  des  astringents  les  mieux  justifiés  par  l’usage  journalier  qu’en 
fait  la  médecine  du  Chili  où  elle  est  officinale.  De  là  son  emploi  si 
généralisé  dans  les  diarrhées,  dysenteries  chroniques,  dans  les  leu- 
corrhées, flux,  métrorrhagies  et  métrites,  selon  la  force  de  concentra- 
tion ; elle  produit  aussi  de  bons  résultats  dans  les  angines  tonsillaires 
et  autres  maladies  de  la  gorge  et  de  la  bouche,  particulièrement 
dans  le  scorbut  et  la  stomatite  mercurielle.  Les  femmes  publiques 
l’emploient  en  injections  et  bains  des  parties  génitales,  dans  le  but 
de  donner  de  la  vigueur  et  de  la  résistance  aux  fibres  affaiblies  de 
ces  organes. 

Le  Pangue  est  un  des  médicaments  les  plus  en  usage  dans  la 
médecine  gynécologique,  administré  en  injections  abondantes  à 
cause  de  ses  propriétés  toniques,  fortifiantes  et  astringentes. 

Nous  n’avons  rien  à ajouter  à ce  qui  a été  dit  de  ses  qualités 
appliquées  à l’industrie. 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


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MYRTACÉES 

CHEQUEN 

Eugenia  cheken. 

Hook  et  Arn.  Bot.  Beech.,  56.  — Bot.  Mise.,  III,  320. — Gay,'  II,  390. — 

Myrtus  chequen,  Mol.  — Myrtus  luna,  Schauer.  — M.  dives,  Kzc. 

Le  Chequen  est  an  arbuste  qui  ressemble  beaucoup  à YAr- 
rayan  (myrte).  Il  est  assez  commun  dans  les  forêts  des  provinces 
centrales  du  Chili,  dans  lesquelles  on  le  voit  suivre  le  cours  des  eaux 
de  sources  et  des  petites  rivières.  Dans  le  nord,  on  lui  donne  quel- 
quefois le  nom  de  Barraco , et  dans  le  Sud  celui  de  Nipa , par  erreur, 
parce  que  le  plus  commun  et  propre  à cette  espèce  est  le  nom  de 
Chequen. 

Arbuste  élevé,  rameux,  feuilles  larges  et  courtes,  ovales  et 
aiguës,  opposées,  à pointes  translucides,  entières,  marquées  sur  la 
partie  inférieure  par  une  nervure  moyenne  saillante  ; les  fleurs  sont 
blanches,  axillaires  et  solitaires  : le  calice  a quatre  divisions  obtuses, 
entourées  de  petits  poils  courts;  quatre  pétales  obtus,  un  peu  plus 
courts  que  les  étamines  qui  sont  très  peu  abondantes  ; style  simple; 
baie  à trois  lobes,  et  un  grand  nombre  de  graines  réniformes. 

11  a été  étudié  sous  le  point  de  vue  chimique  par  M.  Hutchison, 
professeur  et  membre  de  la  Société  de  pharmacie  de  Londres,  et 
sous  sa  forme  thérapeutique  par  William  Murrell  du  London  Hos- 
pital, et  par  le  docteur  E.  Dessauer,  de  Valparaiso  (1).  J’ai  eu  moi- 
même  l’occasion  de  l’employer  souvent,  dans  ces  dernières  années; 
sa  préparation  est  officinale  et  son  sirop  se  trouve  en  vente  dans 
plusieurs  pharmacies. 

(1)  Gaceta  médica  de  Valparaiso,  1879.  Paj.  101  i siguientes. 


88 


PLANTES  MÉDICINALES  DU  CHILI 


Le  Chequen  est  très  aromatique  ; son  odeur  balsamique  parfume 
l’atmosphère  et  se  répand  à une  certaine  distance.  Les  glandes  nom- 
breuses, qui  couvrent  ses  feuilles  et  même  ses  tiges,  indiquent  qu’on 
leur  doit  ce  parfum,  plus  prononcé  dans  les  lieux  où  il  croît,  le 
matin  et  à la  tombée  du  jour. 

Les  parties  dont  on  fait  usage  sont  les  feuilles  dans  lesquelles 
résident  ses  principaux  éléments  ; on  emploie  aussi  les  petites 
branches. 

Le  Chequen  contient  : 

i°  Un  principe  astringent  qui  fournit  un  précipité  noir  bleuâtre 
avec  les  sels  de  fer  qui  le  fait  classer  comme  ressemblant  à l’acide 
gallo-tannique. 

2°  Une  huile  éthérée,  inflammable,  semblable  à celle  du  myrte. 

3°  Un  alcaloïde  particulier. 

« Désirant  savoir  si  le  Chequen  contenait  un  alcaloïde  commun, 
dit  Hutchison,  je  n’obtins  aucun  résultat;  mais  je  réussis  en  ajou- 
tant du  phosphomolybdate  d’ammoniaque  ; il  se  produisit  alors 
une  couleur  verte,  brillante,  passant  à une  couleur  bleue  en  ajoutant 
de  l’ammoniaque  pur  ; en  même  temps  il  se  forma  un  précipité 
abondant.  L’ammoniaque  pur  donna  aussi  un  précipité  également 
abondant. 

» L’huile  volatile  brûle  avec  une  lumière  blanche,  brillante;  son 
poids  spécifique  est  moindre  que  celui  de  l’eau,  et  son  odeur,  très 
ressemblante  à Lhuile  du  genévrier.  » 

Les  préparations  pharmaceutiques  du  Chequen  sont  : 

i°  L'eau  distillée; 

2°  L’infusion  des  feuilles  : 

3°  L’extrait  fluide  obtenu  d’après  la  méthode  que  donne  la 
pharmacopée  des  États-Unis  d’Amérique  pour  la  cinchone. 

4°  Un  sirop. 

Le  docteur  Dessauer  faisait  préparer  le  sirop,  dans  la  propor- 
tion d’une  partie  de  feuilles  pour  deux  parties  de  sirop  de  sucre,  que 
je  considère  trop  forte  et  d’un  goût  désagréable.  Il  employait  aussi 
fréquemment  la  formule  suivante  : 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


89 


R Extrait  fluide  de  Chequen 100  grammes. 

Sirop  de  Chequen 5o  — 


M A prendre  par  cueillere'es. 

L’extrait  fluide  se  donne  par  dose  de  5 à 10  grammes,  mêlé  à 
l’eau  sucrée;  le  sirop,  une  cuillerée  de  i5  à 20  grammes,  3 ou 
4 fois  par  jour. 

On  emploie  aussi  les  feuilles  en  inhalations  chaudes. 

« Les  préparations  du  Chequen , à l’usage  interne,  ont  une  saveur 
amère  aromatique,  un  peu  âcre,  et  déterminent,  comme  les  prépa- 
rations balsamiques  chargées  d’essences,  une  excitation  modérée  de 
l’estomac  et  de  l'organisme  en  général.  Son  élimination  s'effectue 
par  les  voies  respiratoires  et  urinaires. 

« J’ai  fait,  avec  l’extrait  fluide,  dit  Murrel,  de  nombreuses 
expériences,  et  je  puis  en  parler  dans  les  termes  les  plus  flatteurs.  Je 
l’ai  employée,  principalement,  dans  la  bronchite  chronique  et  aiguë 
avec  forte  toux,  l’administrant  à la  dose  de  8 à i5  grammes,  avec  de 
l’eau,  tous  les  trois  quarts  d’heure,  et  sur  3o  ou  40  cas  que  j’ai 
traités,  tous  ont  été  très  satisfaisants. 

» Le  Chequen  est  un  expectorant  et  soulage  la  toux. 

» Je  n’ai  jamais  vu  son  usage  avoir  le  moindre  inconvénient,  et 
les  malades  le  prennent  sans  difficulté  aucune. 

» Je  suis  convaincu  que  l'introduction  de  ce  médicament  a été 
un  bienfait  pour  la  médecine.  » 

Suivant  le  docteur  Dessauer,  ce  remède  augmente  sensible- 
ment l’expectoration,  calme  la  toux,  stimule  l’appétit,  facilite  la  diges- 
tion, et  comme  diurétique  il  débarrasse  les  reins  et  tout  le  sys- 
tème uropoïétique  de  l’excès  des  sels  et  sécrétions  blennorrhagiques, 
en  les  diminuant.  Il  considère  son  usage,  d’une  grande  utilité  dans 
les  affections  rénales,  dans  les  leucorrhées  et  blennorrhagies. 

La  composition  du  Chequen  étant  connue,  et,  considérant  les 
principes  toniques  et  balsamiques  qu’il  contient,  comme  aussi  le 
principe  amer  qui  l’accompagne,  il  est  facile  de  prévoir  qu’il  doit  être, 
comme  il  l’est  en  effet,  un  agent  dont  l’action  est  puissante  dans  les 
bronchies,  dans  la  phthisie,  asthme,  broncorrhée,  etc.  On  sait  que 


go 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


les  huiles  volatiles  s’éliminent  par  les  bronches;  et,  comme  l’huile 
volatile  du  Chequen  est  assez  abondante,  il  n’est  pas  étonnant  de 
voir  son  action  si  marquée  dans  toutes  ces  affections.  C’est  dans 
ces  maladies  que  j’ai  eu  l’occasion  de  l’employer  le  plus  souvent,  et 
j’ai  toujours  obtenu  les  résultats  les  plus  satisfaisants.  Des  efïets  pa- 
reils, mais,  pas  aussi  positifs,  s’obtiennent  dans  les  catarrhes  de 
la  vessie,  et  sécrétions  anormales  de  l’urètre. 

Je  ne  crois  pas  à l’action  diurétique,  qu’antérieurement  je  lui 
ai  attribuée  ; mes  observations  postérieures  ne  me  permettent  pas  de 
le  considérer  comme  tel,  mais,  je  crois  que  son  principe  amer,  dans 
beaucoup  de  cas,  excite  l’appétit  et  peut  faciliter  la  digestion. 

Les  gens  du  pays  l’emploient  encore  en  bains  tièdes,  préparés 
par  décoction  de  cet  arbuste,  dans  les  rhumatismes  chroniques,  à 
titre  d’aromatique. 


ARRAYAN 
Eugenia  apiculata. 

D.  C.  Prodr.,  III,  276.  — Gay,  II,  898.  — E.  lima,  Berz.  — Myrtus  luna, 
Mol.  — M.  elegantula,  Poepp,  etc. 

Arbrisseau  de  quelques  mètres  de  hauteur,  pubescent,  à écorce 
rouge;  à feuilles  ovales,  opposées,  coriacées,  très  entières,  blan- 
châtres et  avec  des  nervures  en-dessous,  vertes  en-dessus,  terminées 
en  pointes  aiguës  ; trois  fleurs  blanches,  dont  deux  sont  pédicellées,  et 
celle  du  milieu  presque  sessile,  supportée  par  un  pédoncule  axillaire; 
le  calice  a quatre  divisions  et  deux  petites  cellules  et  une  graine 
réniforme  dans  chacune. 

Il  croît  principalement  sur  les  collines  des  provinces  australes. 
Cette  espèce  se  compose  de  nombreuses  variétés,  quelques-unes 
avec  pédoncules  uniflores,  et  d’autres,  à la  fois,  uniftores  et 
triflores. 

On  apprécie  également, dans  le  pays,  cet  Arrayan , comme  son 


PLANTES  MÉDICINALES  DU  CHILI 


congénère  d’Europe.  Ses  propriétés  aromatiques  et  légèrement 
astringentes  le  font  employer  comme  stimulants,  balamique,  vulné- 
raire et  modificateur  des  muqueuses. 

Molina  dit  qu’avec  ses  baies  on  fait  une  liqueur,  et  que  ses 
racines  sont  astringentes  et  employées  contre  la  dysenterie. 

Son  bois  est  peu  apprécié,  malgré  sa  dureté,  car  il  se  pourrit  à 
l’humidité. 

PETRA 

Myrceugenia  planipes. 


Berg.  Linnea,  XXVII,  1 6 1 — XXX,  670.  — Gay,  II,  392.  Sub  nomine 

Eug.  planipes. 

Arbrisseau,  qui  atteint  quelquefois  1 o mètres  de  hauteur,  glabre, 
avec  branches  nouvelles  et  pédoncules  floraux  pubescents  -,  feuilles 
assez  larges,  oblongues,  aiguës,  pâles  en  dessous  avec  une  nervure 
prononcée  au  milieu,  vertes  en  dessus  et  glabres  ; il  possède  deux  à 
trois  fleurs  blanches  sur  un  pédoncule  commun  dans  la  partie  axil- 
laire des  feuilles  formant  une  espèce  de  sommet  par  leur  réunion  ; 
le  fruit  est  une  baie  glabre,  noirâtre,  couronnée  par  les  dents  du 
calice,  avec  trois  cellules,  qui  contiennent  chacune  deux  ou  trois 
graines. 

11  croît  dans  les  provinces  du  Sud,  près  des  petites  rivières, 
dans  les  lieux  humides,  et  particulièrement  dans  les  bois  de  Valdivia 
et  de  Chiloé,  où,  à certaines  époques  de  l’année,  il  embaume  l’air  de 
ses  parfums  aromatiques.  Le  fruit  est  comestible,  sa  saveur  est 
agréable  et  douce;  les  Indiens  le  nomment  Mitahue. 

Ses  qualités  balsamiques  le  font  apprécier  comme  vulnéraire  et 
même  anti-syphilitique,  par  l’emploi  du  cœur  et  de  l’écorce.  Ses 
propriétés  sont,  plus  ou  moins,  les  mêmes  que  celles  des  autres 
Myrtacées. 


92 


PLANTES  MÉDICINALES  DU  CHILI 


MURTILLA 

U g ni  Molinœ . 

Gay,  II,  379.  — Jurez.  Flora,  XXXI,  71 1. 

Arbuste  de  un  à deux  mètres  de  hauteur,  élégant  et  rameux  -,  les 
feuilles  sont  assez  grandes,  pourvues  d'un  pétiole  très  court,  coria- 
cées,  ovales,  un  peu  aiguës,  entières,  opaques,  reluisantes  en 
dessus;  pédoncules  fleuris,  solitaires,  simples  fleurs  blanches  assez 
grandes;  la  baie  est  rouge  foncé,  soudée  au  calice  et  formée  de  quatre 
cellules,  dans  lesquelles  se  trouvent  beaucoup  de  graines  luisantes, 
réniformes  et  petites. 

« 11  est  excessivement  précieux,  dit  Gay,  par  l’élégance  et 
l’abondance  de  son  feuillage  et  la  saveur  douce  et  aromatique  de 
ses  fruits.  11  mérite  une  attention  particulière  des  jardiniers  et  des 
horticulteurs  qui  trouveraient  en  lui  un  arbuste  très  propre  à l’orne- 
ment des  bordures  de  leur  potager,  remplaçant  avantageusement  le 
buis  qui  n’a  que  l’avantage  de  posséder  un  feuillage  toujours  vert. 
Le  climat  de  Santiago  est  trop  sec  pour  sa  culture  ; mais  dans  le  Sud, 
à Concepcion,  et,  bien  mieux  encore  à Valdivia  et  Chiloé,  il  pour- 
rait devenir  l’ornement  des  jardins.  Il  est  abondant  dans  les  pro- 
vinces de  Chiloé,  Valdivia  et  Concepcion,  on  le  voit  jusqu’au 
36°  degré.  Les  habitants  donnent  le  nom  de  Murtilla  à ses  fruits,  et 
les  Indiens  celui  de  Uni  ; ils  les  mangent  avec  grand  plaisir  et  en 
font  des  confitures  agréables  et  aromatiques.  « 

A Valdivia,  on  donne  le  nom  de  Murta  à cet  arbuste,  et  à Con- 
cepcion celui  de  Murtilla . Les  Indiens  les  connaissent  sous  celui  de 
Uni. 

Rosales  dit  que  : « la  Murtilla , comme  grandeur  est  un  pygmée, 
mais  par  ses  vertus,  un  géant.  Cet  arbuste  s’élève  à une  hauteur 
de  une  vare  et  demie,  et  un  peu  plus,  sans  tronc  pour  s’appuyer.  — 
Il  ressemble  beaucoup  à la  Murta  ou  aux  Majuelas  d’Espagne 


PLANTES  MÉDICINALES  DU  CHILI 


93 


par  sa  couleur,  par  ses  feuilles  et  par  son  fruit  ; ses  grains  sont 
cependant  un  peu  plus  grands,  très  rouges  et  couronnés,  devant 
être  considérés  comme  rois  des  autres  grains  sylvestres  par  leur 
couleur  pourpre,  leur  couronne,  leur  saveur,  leur  odeur  et  leur 
finesse. 

» Cette  plante  est  citée  par  M.  Antonio  de  Herreros,  historien 
des  Indes,  et  par  Juan  Laet.  Elle  tonifie  l’estomac,  et  mise  dans  beau 
chaude,  sans  aucune  autre  préparation,  on  fait  un  excellent  vin, 
doux  et  agréable,  qui  fermente  pendant  plus  de  quarante  jours  et 
conserve  sa  force  et  sa  vigueur  jusqu’à  un  an  ou  deux.  Dans  les 
anciennes  villes  de  Valdivia  et  d’Osorno  on  le  consommait  beau- 
coup, à cause  de  la  grande  rareté  du  vin  *,  mais  dans  les  autres  villes, 
qui  ont  beaucoup  de  vignes,  on  n’en  fait  pas  grand  cas  -,  cependant, 
on  en  mange  les  grains  avec  plaisir  et  on  en  boit  aussi  le  vin.  » 

On  est  dans  la  vérité  quand  on  dit  qu’aucun  fruit  sylvestre  n’est 
aussi  agréable  que  la  Murta.  Aujourd’hui,  néanmoins,  on  n'en  fait 
pas  le  même  usage  qu’ autrefois.  Les  propriétés  médicinales  de  ses 
autres  parties  sont  les  mêmes  que  celles  de  toutes  les  myrtacées, 
raison  qui  nous  fait  nous  abstenir  de  les  énumérer. 

Dans  les  diverses  espèces  de  cette  famille,  qui  ont  tant  de  repré- 
sentants au  Chili,  les  deux  suivantes  méritent  une  mention  toute 
spéciale. 

Myrtus  luma , Gay.  — La  Luma}  si  connue  par  la  dureté  de 
son  bois  presque  égale  à celle  du  fer,  et  par  ses  fruits  agréables 
appelés  Cauchanes. 

Eugenia  Temu)  Hook  et  Arn.  — Arbre  très  beau,  assez  grand, 
qui  croît  depuis  la  rivière  Teno  jusqu’à  Puerto-Montt,  très  apprécié 
par  son  bois  excessivement  dur,  qui  est  susceptible  d'un  beau  poli. 

Ces  deux  espèces  possèdent  les  qualités  aromatiques  stimu- 
lantes et  astringentes  des  autres  espèces  mentionnées  et  sont  en 
usage  et  appréciées  dans  la  médecine  de  la  campagne. 


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PLANTES  MÉDICINALES  DU  CHILI 


ONAGRARIÉES 

METRUN 

Olnothera  Berteriana. 

Spach.  Monagr.  25.  — Gay,  II,  334. 

Plante  velue,  presque  toujours  simple,  de  60  à 80  centimètres 
de  hauteur;  les  fleurs  sont  lancéolées,  aiguës,  un  peu  dentées  à 
distance,  de  couleur  vert-cendré  ; les  fleurs  sont  grandes,  jaunes, 
remplies  d’une  poudre  abondante  qui  est  le  pollen  ; les  étamines 
sont  pourvues  d’anthères  d’une  longueur  presque  égale  à la  moitié 
de  leur  grandeur,  et  sont  dominées  par  un  style  dont  le  stigmate  est 
presque  égal  aux  anthères  ; la  capsule  est  presque  tétragone, 
s’amincissant  près  de  son  sommet  ; les  graines  sont  ovoïdes,  gri- 
sâtres et  lisses. 

Cette  espèce,  et  autres  du  même  genre,  sont  connues  sous  les 
noms  de  Metruvia , on  Diego  de  Noche  et  Flor  de  Noche,  à cause 
de  la  propriété  qu’ont  leurs  fleurs  de  s’ouvrir  à l’entrée  de  la  nuit  et 
de  se  fermer  le  matin.  On  les  cultive  dans  quelques  jardins  pour  la 
beauté  de  leurs  grandes  fleurs  jaunes  ; elle  croît  depuis  Coquimbo 
jusqu'à  Osorno,  dans  les  terrains  pauvres  et  sablonneux. 

C’est  une  des  plantes  dont  la  renommée  est  des  plus  grandes 
comme  vulnéraire  ; on  l’emploie  en  décoctions  pour  lotions  dans  les 
cas  de  blessures  et  contusions.  Les  feuilles  s’emploient  aussi  pour 
unir  par  première  intention  les  petites  solutions  de  continuité.  Sous 
forme  de  lavement,  elle  est  recommandée  contre  les  rectites  et  dysen- 
teries ; pour  l’usage  externe,  comme  émolliente  et  balsamique  dans 
les  diarrhées  et  abcès  des  viscères , 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


g5 


COLSILLA 
Oinothera  acautis. 


Cav.  Ic.,  IV,  tab.  39g.  — Gay,  II,  336.  — D.  G.  Prodr.,  III,  49.  — 

01.  mutica,  Spach.,  grandiflora,  R.  et  P.,  ete. 

Cette  plante  varie  par  son  aspect  et  son  feuillage,  parce  qu'elle 
fleurit  dès  la  première  année  sans  donner  de  tiges  ; l’année  suivante, 
les  tiges  sortent  tordues,  un  peu  étendues,  avec  quelques  petits  poils 
blancs  et  courts  ; les  feuilles  sont  tomenteuses,  dans  les  deux  cas 
pennifides,  à lobes  dentés  et  sinueux.  Les  fleurs  sont  très  grandes, 
blanches,  et  prennent  une  couleur  rose  en  se  flétrissant  ; les  capsules 
sont  oblongues  ovoïdes. 

Elle  est  connue  sous  les  noms  de  Calahuala , Rodalen , Col- 
silla , et  Yerba  de  la  apostema.  Cette  plante  est  commune  dans  les 
provinces  centrales  et  dans  quelques  provinces  australes,  depuis  les 
bords  de  la  mer  jusqu’aux  Cordillères  andines. 

Ses  feuilles  et  ses  racines  (que  quelques-uns  considèrent  plus 
médicinales  à mesure  qu’on  avance  dans  le  Sud)  jouissent  de  la 
renommée  de  vulnéraires  et  s’emploient,  soit  en  lotions  pour 
blessures  et  ulcères,  soit  à l’intérieur  pour  éviter  les  abcès  qui  pro- 
viennent de  coups  et  contusions.  On  les  recommande  aussi  pour 
les  abcès  et  suppurations  internes,  en  infusion  ou  tisane,  les  croyant 
de  grande  utilité. 

La  Colsilla  ou  Calahuala  possède  des  propriétés  diurétiques  et 
légèrement  astringentes,  comme  toutes  les  autres  plantes  qui  ont  la 
renommée  d’augmenter  la  sécrétion  urinaire. 

Il  ne  faut  pas  confondre  cette  plante  avec  la  Gonophlebium 
Synammia , de  la  famille  des  Polypodiacées,  connue  aussi  sous  le 
nom  de  Calaguala * 


96 


PLANTES  MÉDICINALES  DU  CHILI 


CHILCO 

Fuchsia  macrostemma. 

R.  et  P.  flor.  per,  III,  tab.  324.  — Gay,  II,  3 5 1 . — D.  C.  Prodr.,  III,  3 7.  — 
F.  decussata,  Grah,  gracilis.  Lind. 

Cet  arbuste  ne  s’élève  ordinairement  qu’à  une  hauteur  de  deux 
mètres  et  demi  ; il  atteint  quelquefois,  dans  le  Sud,  les  proportions 
d'un  arbre,  il  est  rameux;  les  feuilles  sont  ovales  ou  ovales-lancéo- 
lées  opposées  ou  réunies  de  trois  en  trois  en  verticilles  dentés  ; les 
fleurs  sont  grandes,  tombantes  ; le  calice  est  renversé  avec  les  seg- 
ments droits  et  pointus  ; les  pétioles  sont  violacés  et  ovoïdes,  les 
étamines  rosées  plus  grandes  que  les  pétales,  le  pistil  est  long  et  de 
la  même  couleur. 

11  croît  dans  toutes  les  provinces  centrales  et  australes  du  pays, 
on  le  voit  servant  d’ornement  dans  les  jardins.  Il  est  aussi  connu  des 
jardiniers  d'Europe  qui  l’apprécient  beaucoup  comme  plante 
d’ornement.  Comme  nous  l’avons  déjà  dit,  il  atteint  quelquefois  dans 
le  Sud  les  proportions  d’un  arbre  ; on  lui  donne  alors  le  nom  de 
Chilcon. 

Les  fleurs  sont  appréciées  comme  rafraîchissantes  et  s’adminis- 
trent en  tisane.  « Une  livre  de  ces  fleurs,  dit  Pennesse,  dans  un  demi- 
galon  d’eau  froide,  avec  40  à 60  gouttes  d’acide  sulfurique,  produit 
une  teinture  particulière  qui,  en  y ajoutant  de  2 à 3 livres  de  sucre 
raffiné,  forme  un  sirop  très  délicat  et  très  frais  qui  peut  s’adminis- 
trer contre  les  fièvres  en  guise  de  limonade.  « 

On  emploie  aussi  les  feuilles  et  même  l’écorce,  on  leur  attribue 
des  propriétés  diurétiques,  rafraîchissantes  et  fébrifuges. 

Semblable  au  grenadier,  disait,  il  y a de  cela  longtemps  le 
Père  Rosales,  est  le  Chilco , et  pour  la  rétention  d’urine  c’est  la  meil- 
leure médecine  qu’on  puisse  trouver  ; on  fait  cuire  ses  feuilles,  et  en 
en  buvant  l’eau  chaude  les  voies  urinaires  s’ouvrent  avec  efficacité. 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


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Très  ressemblante  à cette  espèce,  est  la  F.  coccinea , qui  jouit 
des  mêmes  propriétés. 


CACTÉES 

QUISCO 

Cereus  quisco. 

Gay,  III,  19. 

Plante  d'aspect  élégant,  qui  atteint  cinq  mètres  de  hauteur  sur 
i5  centimètres  de  circonférence,  droite,  rameuse,  avec  14  à i5  côtes, 
branches  élevées,  et  de  belles  fleurs  blanches,  volumineuses,  les 
aiguillons  ou  épines  sont  grisâtres  et  forts. 

Elle  est  commune  depuis  Copiapo  jusqu’à  la  rivière  Maule  et 
croît  de  préférence  sur  les  montagnes  et  les  collines.  Ses  fruits, 
connus  sous  le  nom  de  Guillaves , sont  mucilagineux,  doux,  agréables, 
rafraîchissants  et  remplis  de  graines  nombreuses  et  petites.  Son 
bois,  très  léger,  est  un  bon  combustible  et  s’enflamme  avec  rapi- 
dité. 

La  famille  des  Cactées  se  distingue  principalement  par  les  qua- 
lités émollientes  que  possèdent  les  espèces  qui  lui  appartiennent. 
Ces  plantes,  toutes  originaires  d’Amérique,  appellent  l'attention  des 
botanistes  par  l’originale  disposition  de  leurs  tiges  et  le  manque 
absolu  de  feuilles  ; toutes  contiennent  une  abondante  quantité  d’un 
jus  mucilagineux,  exploité  généralement  à cause  de  ses  propriétés 
émollientes,  préparé,  soit  en  cataplasmes,  soit  en  tisane  ou  en  lave- 
ments. 

Le  genre  Cereus , connu  sous  le  nom  de  Quisco , dont  l’espèce 
décrite  est  le  plus  haut  représentant  au  Chili,  est  employé  par  les 
indigènes  en  lavements,  pour  les  inflammations  du  rectum,  dans  les 

7 


98 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


dysenteries  aiguës,  comme  aussi  dans  les  fièvres  (on  l’administre 
alors  en  tisane)  pour  ses  qualités  rafraîchissantes  et  émollientes;  et 
sous  le  point  de  vue  de  cette  vulgaire  application,  j’ai  vu  obtenir  les 
plus  heureux  résultats. 

On  pourrait  obtenir  de  son  bois  un  charbon  léger  qui  s’utilise- 
rait avantageusement  comme  absorbant,  et  par  son  action  méca- 
nique dans  plusieurs  affections  du  tube  digestif. 

M.  Théodore  Philippi,  dans  une  communication  dirigée  à la 
Faculté  des  sciences  physiques  (i)  disait  : « L’analyse  des  Quiscos 
peut  devenir  d’un  intérêt  très  grand,  tant  pour  les  sciences  naturelles 
que  pour  les  arts,  si  on  examine  séparément  le  contenu  des  cellules 
et  la  substance  cellulaire. 

» Les  Quiscos  renferment  une  grande  quantité  de  cristaux  mi- 
croscopiques d’oxalate  de  chaux,  en  forme  de  prismes  quadrangu- 
laires  terminés  en  octaèdres,  li  serait  nécessaire  de  séparer  ces  cris- 
taux de  la  matière  qui  remplit  les  cellules,  et  aussi,  de  la  substance 
cellulaire  -,  vu  la  très  grande  différence  qui  existe  entre  les  trois  par- 
ties de  cette  plante,  en  vérifiant  bien  cette  différence,  il  en  pourrait 
résulter  des  observations  très  importantes  qui  nous  indiqueraient  ce 
qui  doit  se  passer  dans  l'intérieur  des  cellules  durant  la  vie  de  la 
plante. 

« Aucune  autre  famille,  peut-être,  n’offre  les  mêmes  facilités 
que  les  Quiscos  pour  ce  genre  d’analyse  à cause  de  la  quantité  con- 
sidérable d’oxalate  de  chaux  qu’ils  contiennent  ; il  serait  aussi 
intéressant  d’analyser,  séparément,  les  épines.  L’oxalate  de  chaux 
qu’on  pourrait  retirer  des  Quiscos , de  la  même  manière  dont  on 
extrait  l’amidon  des  pommes  de  terre,  pourrait  être  très  utile  pour 
les  arts.  On  sait  que  les  couleurs  blanches  employées  jusqu’à 
ce  jour  ne  conservent  pas  leur  pureté  et  s’obscurcissent  par  la 
plus  légère  quantité  d’acide  sulfhydrique  répandu  dans  l’atmos- 
phère. » 

M.  Field  a étudié  la  composition  des  cendres  du  Quisco  et  dans 

(i)  Voyez,  pour  cette  citation,  et  celle  de  M.  Field,  les  Annales  de  VUni - 
versité,  185g  — pages  21 3 à 219. 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


99 


une  analyse  très  exacte,  présentée  à la  Faculté  des  sciences,  il  a 
démontré  que  chez  elles  prédominent  les  carbonates  alcalins  et  les 
terres  de  la  même  nature. 

En  unissant  les  substances  solubles  avec  les  insolubles,  pour 
faire  son  calcul,  et  en  supprimant  l’acide  carbonique,  le  charbon  et 
les  sables,  il  a obtenu,  comme  composition  des  cendres,  le  résultat 
suivant  : 


Acide  sulfurique 6.094 

Chlorure 14.869 

Potasse 7.822 

Soude . 28.196 

Acide  phosphorique 6.404 

Acide  silicique 16.486 

Phosphate  de  fer 1 .384 

Chaux 10.619 

Magnésie  ...  7 .7  17 

Oxyde  de  manganèse 529 

Total ....  99.920 


La  présence  de  l’acide  oxalique  dans  le  Quisco  vient  corroborer 
l’emploi  heureux  qu’en  fait  la  médecine  domestique. 


F I C O I D E É S 

DOCA 

Mesembryanthemum  chilense. 

Mol.  Hist.  Nat.,  2me  édit.,  1 3 3 . — Gay,  III,  7 

Plante  à tige  glabre,  couchée  sur  le  sol,  verte,  qui  devient  rouge 
en  se  desséchant-,  elle  a près  d’un  mètre  de  longueur  et  se  divise  en 
branches  opposées;  les  feuilles  sont  charnues,  opposées,  unies  à 
leur  base,  triangulaires,  prismatiques,  de  4 à 7 centimètres  de  lon- 
gueur, lisses  ; les  fleurs  sessiles,  solitaires  au  sommet  des  rameaux 


100 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


et  de  couleur  rose  pourpre;  les  pétales  sont  très  nombreux,  linéaires, 
très  étroits  et  aigus  à la  pointe.  Le  fruit  est  une  capsule  charnue 
couverte  par  le  calice. 

Les  fruits  de  cette  plante,  qui  croît  dans  les  sables,  aux  bords 
de  la  mer,  depuis  Coquimbo  jusqu’à  Rio  Bueno  sont  comestibles, 
et  ont  un  goût  agréable;  mais  ils  jouissent  d’une  propriété  purgative 
très  prononcée  si  on  les  consomme  en  abondance.  On  les  utilise 
quelquefois  dans  ce  but.  Feuillée  leur  attribue  un  effet  drastique  et 
les  considère  comme  un  purgatif  de  grande  activité,  ce  que  je  crois 
un  peu  exagéré. 


OMBELLIFÈRES 

LLARETA 

Açorella  madreporica. 

Closs.  — Gay,  III,  79. 

Bolax  glebaria. 

Comm.  Gand.  Ann.  Sc.  nat.,  V,  104  — Gay,  III,  87  — DC.  Prodr.,  IV,  78. 

— Azorella  glebaria,  Gray. 

Laretia  acaulis . 

Hook.  Bot.  Mis,  I,  329,  Tab.  65.  — Gay,  III,  106.  — Selinum  acaule,  Cav. 

— Mulinumle  acau.,  Pers. 

Toutes  ces  espèces  sont  connues  dans  le  pays  sous  le  nom 
de  Llareta.  Elles  croissent  toutes  dans  la  Cordillère,  où  on  les 
trouve  à une  hauteur  de  1 1,000  pieds  au-dessus  du  niveau  de  la  mer. 
La  première  espèce  mentionnée,  est  particulière  aux  provinces  du 
Nord,  les  autres  se  rencontrent  dans  les  autres  provinces  et  on  les 
trouve  jusqu’à  la  « Terre  de  feu.  » 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


IOI 


On  en  tire  une  résine  transparente,  d’une  odeur  agréable,  balsa» 
mique,  et  très  appréciée  dans  la  médecine  des  campagnes.  Elle  est 
employée  comme  stimulante,  stomacale  et  vulnéraire.  Les  pro- 
priétés balsamiques  de  ces  espèces  les  font  préconiser  contre  les 
catarrhes  pulmonaires,  gonorrhées,  cystites  et  autres  maladies  des 
organes  uropoiétiques. 

Jusqu’à  présent  aucune  analyse  n’a  été  faite  de  ces  plantes,  qui 
forment,  dans  les  Cordillères,  de  belles  touffes  de  grande  étendue, 
d’où  on  pourrait  retirer  avec  facilité  la  résine  que  leurs  feuilles  et 
leurs  tiges  laissent  échapper. 


CAÜCHA 

Eryngium  ro stratum. 

Cav.  Ic.,  VI,  p.  34,  1,  552.  — Gay,  V,  p.  1 17. 

Herbe  qui  atteint  un  mètre  de  hauteur,  la  tige  striée,  ramifiée  vers 
son  extrémité  ; les  feuilles  sont  radicales,  oblongues,  dentées  dans 
leur  circonférence,  celles  du  centre  pennifides  et  florales  pennées; 
les  capitules  sont  globuleux,  ternaires,  avec  un  involucre  de  dix 
folioles  presque  ailées,  alternativement  plus  longues  ; le  réceptacle 
garde  à son  sommet,  au  lieu  de  pailles,  environ  6 à 8 longues  épines. 

Cette  plante  est  très  commune  depuis  Talca  jusqu’à  la  rivière 
Cautin,  elle  jouit  d’une  grande  renommée  dans  l’Araucanie,  pour 
combattre  les  conséquences  de  la  piqûre  de  « l’araignée  venimeuse  » 
[Labrodectes  formidabilis ) qui  abonde  dans  ces  régions. 

Les  habitants  usent  quelquefois,  dans  leurs  voyages  et  travaux, 
la  Caucha  moulue,  renfermée  dans  une  petite  poche,  et,  quand 
l’araignée  les  a mordus,  où,  suivant  leur  expression  quand  ils  ont 
été  « piqués  » par  elle,  ils  prennent  du  remède,  une  pincée  de  trois 
doigts,  ils  la  mâchent,  avalent  la  salive,  et  ils  affirment  qu’au  bout 
d’une  demi-heure,  toute  douleur  a disparu,  sans  crainte  d’aucune 
complication. 


I 02 


PI  ANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


P AN  TL 

Ligusticum  panul. 

Bert.  D.C.  Prodr.,  IV,  609  (par  erreur  de  copie  Pansil).  — Gay,  III,  i3i. 

Plante  rameuse  ; elle  a près  d’un  mètre  de  hauteur  ; sa  tige  quel- 
quefois courte  et  couchée.  Elle  se  partage  presque  toujours  en  trois 
branches  élevées  et  terminées  par  une  ombelle.  Cette  ombelle  est  sans 
involucre,  ni  involucelles -,  elle  est  composée  de  7 à 1 1 rayons  élevés 
et  a de  6 à 10  lignes  de  longueur  ; les  pétales  sont  longs  et  recourbés 
en  dedans  -,  le  limbe  du  calice  n’est  pas  apparent. 

Elle  est  assez  commune  dans  les  provinces  du  centre,  où  on 
utilise  ses  racines  et  ses  feuilles.  On  lui  attribue  des  propriétés  adou- 
cissantes et  légèrement  astringentes. 

La  racine  du  « Panul  » infusée  dans  l’eau  bouillante  s’emploie 
comme  dépuratif  du  sang,  et  mêlée  à des  tranches  de  « coing  » pro- 
duit une  tisane  agréable  et  rafraîchissante. 

Les  Chiliens  se  servent  aussi  du  Panul , dans  les  maladies  aiguës 
et  superficielles  de  la  peau,  et  pour  combattre  la  sueur  des  phthisi- 
ques ; on  l’administre  dans  ce  dernier  cas,  en  décoction.  La  teinture 
du  « Panul  » mêlée  avec  de  l’eau,  et  aspirée  fréquemment  par  les 
narines,  jouit  d’une  grande  renommée  contre  la  céphalalgie  • on  dit 
qu’elle  fait  descendre  le  sang  de  la  tête  et  dissipe  les  douleurs. 

Il  serait  bon  de  mentionner  ici  le  C onium  maculatum , Lin., 
Cicuta,  et  le  Fœniculum  vulgare , Gaer,  Hinojo , qui  croissent  sponta- 
nément au  Chili,  comme  mauvaises  herbes,  et  dont  les  usages  sont 
les  mêmes  qu’en  Europe. 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


io3 


RUBIACÉES 

RELBUN 

Galium  relbum 


Endd.  Gen.  — Gay,  III,  1 86.  — Rubra  relbum,  Cham  et  Schlechl.  — 
Rubiastrum,  Feuill. 


Plante  herbacée,  un  peu  velue,  à racine  rougeâtre,  très  fibreuse, 
cylindrique,  donnant  issue  à de  nombreuses  tiges  de  i5  à 20  centi- 
mètres de  longueur,  faibles  et  peu  élevées*  les  feuilles  sont  verticil- 
lées  par  quatre,  ovoïdes-oblongues,  les  pédoncules  simples,  axil- 
laires, portant  d’une  à trois  fleurs,  terminées  par  quatre  bractées 
ovales-oblongues,  ciliées-,  le  fruit  est  un  peu  charnu,  rouge,  globu- 
leux. 

Cette  plante  est  commune  depuis  la  province  d’Aconcagua  jusqu’à 
Chiloé.  Sa  racine  fournit  une  matière  excellente  pour  la  teinture, 
semblable  à la  garance  d’Europe.  Avec  une  bonne  culture  on  pour- 
rait faire  grossir  davantage  sa  racine  qui  servirait  alors  à l’industrie. 
Elle  renferme  une  certaine  quantité  de  tannin,  ce  qui  la  fait  employer 
comme  astringent  dans  les  affections  de  la  vue,  diarrhées  et  selles 
sanguinolentes. 

L’historien  Rosales  dit  qu’on  l’emploie  beaucoup  dans  la  tein- 
turerie et  que  les  bas  teints  avec  le  Relbum  préservent  du  mal  de  la 
goutte  et  font  cesser  les  crampes  des  jambes.  Pour  les  engorgements 
de  la  rate  c’est  un  breuvage  admirable,  et  administrée  en  lavements, 
on  obtient  la  disparition  des  selles  sanguinolentes,  en  faisant  une 
décoction  avec  l’aide  des  racines  de  consoude. 

Mon  frère,  le  docteur  Guillermo  Murillo,  emploie  l’infusion  des 
racines  et  des  feuilles,  la  recommandant  comme  un  excellent  diuré- 
tique ; il  dit  qu’elle  agit  en  produisant  une  augmentation  de  la  tension 


104 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


artérielle.  11  l’ordonne,  en  conséquence,  dans  les  cas  d’œdèmes  géné- 
ralisés, et  dans  ceux  qui  dépendent  d’un  manque  d’action  cardiaque. 

QUELLXGUEN  CIIl  CAOX 

Nertera  depressa . 

Banks  Gaerta  fruct.,  I,  124.  — Gay,  III,  201,  tab.  34.  — D.  C.  Prodr.,  IV, 
45i.  — Repens , R.  et  P.  — Cunina  Sanfuentes,  Gay,  et  autres  synonymes 
qui  peuvent  se  voir  dans  , les  prodromes.de  D.  C. 

Petite  plante  à tige  traînante,  filiforme,  un  peu  longue,  laissant 
sortir  par  la  partie  inférieure  de  ses  nœuds  quelques  radicules  très 
minces  et  rameuses,  et,  dans  la  supérieure,  des  feuilles  et  des  petites 
branches  très  courtes-,  les  feuilles  sont  opposées,  orbiculaires-cor- 
diformes,  lisses,  supportées  par  des  pétioles  un  peu  plus  courts  que 
le  limbe;  les  fleurs  sont  solitaires  à l’extrémité  des  branches,  sessiles 
et  entourées  par  les  feuilles,  blanches,  avec  deux  petites  bractées 
très  aiguës  à leur  base;  le  calice  se  réduit  à un  rebord  à peine  appa- 
rent; la  corolle  est  courte,  partagée  en  quatre  divisions;  la  baie 
charnue,  très  glabre,  didyme,  d’une  couleur  rouge  vif. 

Plante  très  commune  dans  les  prairies  maritimes  des  provinces 
australes,  où  elle  forme  de  grosses  touffes.  M.  Philippi  père,  qui  a 
séjourné  pendant  plusieurs  saisons  à Valdivia , n’a  pas  rencontré 
l’espèce  décrite  par  Gay  sous  le  nom  de  Cunina  Sanfuentes , qui,  au 
dire  de  cet  auteur,  y est  très  commune,  tandis  que  celle  que  nous 
décrivons  ici  est,  en  réalité,  si  commune,  que  nous  les  confondons 
et  les  considérons  comme  synonymes. 

Cette  plante  est  très  appréciée  par  les  gens  de  la  campagne; 
incorporée  au  saindoux,  on  en  fait  un  onguent;  elle  est  très  vantée, 
et  on  rapplique  sur  toutes  espèces  dJulcères  et  blessures  de  mauvaise 
nature. 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


io5 


VALÉRIANÉES 

La  famille  des  Valérianées , selon  R. -A.  Philippi,  a de  nom- 
breux représentants  en  Europe  et  dans  l’Asie  tempérée,  mais  surtout 
au  Chili,  au  Pérou  et  dans  l’Equateur;  son  absence  est  presque 
complète  sous  les  tropiques,  dans  la  Nouvelle-Hollande  et  au  Cap  de 
Bonne-Espérance. 

En  réalité,  le  Chili  possède  de  nombreuses  espèces  de  valéria- 
nées qui  lui  sont  propres,  dont  les  racines  odorantes  indiquent  bien 
clairement  leur  nature  et  leurs  propriétés.  Elles  croissent  sur  presque 
toute  l’étendue  du  territoire  chilien-,  on  distingue  surtout  celles  qu’on 
trouve  à Valdivia  ( Valeriana  corduta  Ph.?),  parce  qu’elles  ren- 
ferment une  assez  grande  quantité  d’essence  et  d’acide  valéria- 
niques. 

Les  botanistes  et  pharmaciens  chiliens  connaissent  surtout  la 
Valeriana papilla  Bert,  connue  dans  le  pays  sous  le  nom  de  Papilla. 
C’est  une  plante  vivace,  à tige  simple,  grosse,  de  3oà6o  centimètres 
de  hauteur;  les  feuilles  sont  presque  toutes  radicales,  de  7 à 8 centi- 
. mètres  de  longueur,  rarement  entières,  fréquemment  composées  de 
5 à 7 paires  de  segments  oblongs;  les  fleurs  sont  blanchâtres;  les 
fruits  grands,  velus.  Elle  est  commune  sur  les  collines  des  provinces 
centrales.  La  Papilla  a joui  parmi  nous  d’une  certaine  renommée, 
pour  avoir  été  recommandée  par  erreur,  par  M.  Vincente  Bustillos, 
comme  très  efficace  contre  la  leucorrhée.  Pour  ma  part,  je  ne  con- 
nais personne  qui  en  ait  fait  usage  pour  cette  maladie. 

Les  propriétés  des  Valérianées  comme  anti-spasmodiques  et 
emménagogues  étant  bien  connues,  et  leur  emploi  si  généralisé,  il  est 
étrange  que  nos  pharmaciens  ne  lui  aient  pas  accordé  une  plus 
grande  attention.  Je  me  borne  aujourd’hui  à rappeler  à leur  souvenir 
toute  l’importance  qu’on  pourrait  donner  aux  espèces  que  nous  pos- 
sédons de  cette  précieuse  et  utile  famille. 


io6 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


SYNANTHÉRÉES 

TAYU 

Flotoma  diacantholdes 

Less.  Syn.,  p.  95.  — Gay,  III,  282.  — D.  C.  Prodr.,  VII,  IL  — Poepp.  et 
Endd.  Nov.  Gen.,  tab.  32.  — Piptocarpha  diacantholdes,  Hook  et  Arn. 

Arbre  qui  peut  atteindre  une  hauteur  de  i5  à 18  mètres,  divisé 
en  nombreuses  branches  cendrées,  striées,  velues  quand  elles  sont 
jeunes-,  les  feuilles  sont  ovales,  entières,  alternes,  coriacées,  vertes, 
terminées  par  un  aiguillon  droit;  les  pétioles  sont  cannelés  par 
dessus  et  accompagnés,  à la  base  et  de  chaque  côté,  d'une  épine 
droite,  forte,  d'un  centimètre  et  demi  de  longueur;  le  capitule  est  soli- 
taire à l'extrémité  des  branches. 

Cet  arbre  appartient  aux  provinces  du  Sud,  où,  sans  être 
commun,  on  le  connaît  sous  les  noms  de  Tayo , Tayu  ou  Palo 
S 111  to  (bois  saint). 

M.  Juillet  s’exprime  de  la  façon  suivante  sur  les  épines  de  cet 
arbre,  que  l'on  emploie  pour  guérir  les  verrues  : 

« On  traverse  la  base  d'une  verrue,  malgré  l'existence  de  beau- 
coup d'autres,  avec  trois  ou  quatre  épines.  Peu  de  temps  après  sur- 
vient une  inflammation  suivie  de  suppuration,  et  la  verrue  tombe. 
Le  fait  le  plus  curieux  est  qu’au  bout  de  quelques  jours,  les  autres 
verrues  commencent  à se  dessécher  et  se  détachent  l'une  après 
l’autre,  comme  si  elles  étaient  unies  par  un  lien  sympathique. 

» J’ignore  si  ces  épines  influent  sur  la  tumeur  uniquement  à 
cause  de  leur  rôle  de  corps  étranger,  ou  si  elles  contiennent  quelque 
substance  irritante  qui  rend  leur  action  plus  énergique.  La  verrue 
est  une  affection  très  commune  à Chiloé  et  Llanquihue,  et  je  n’ai 
jamais  vu  employer  un  autre  médicament  que  celui  que  je  viens  de 
citer.  » 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


107 


L’écorce  du  Tayu  est  vulnéraire,  et  on  l’emploie  à l’usage 
interne  comme  à l’usage  externe;  elle  est  aussi  considérée  comme 
fébrifuge. 


GUANIL 

Proustia  pungens. 


Poepp.  Less.  Syn.,  1 10,  — Gay,  III.  296.  — D.  C.  Prodr.,  VII,  27.  — Wedd. 

Chlor.  and.,  tab.  5.  — Cuneifolia,  Don. 

Le  Guanil  est  un  arbuste  à tiges  striées,  à écorce  lisse  et  à 
branches  terminales  qui  finissent  en  une  épine  pointue;  les  feuilles 
sont  coriacées,  alternes,  ovales,  lancéolées,  glabres  avec  nervure 
réticulée,  très  saillante  sur  les  deux  faces;  le  capitule,  formant  une 
panicule  terminale,  jaune  pourpré,  avec  les  scies  dentées  à leur 
extrémité.  Quand  les  capitules  tombent,  Taxe  de  l’inflorescence  reste 
avec  ses  branches,  qui,  alors,  deviennent  des  piquants,  rendant 
ainsi  épineuse  une  plante  qui,  en  principe,  ne  l’est  pas. 

Cette  espèce,  comme  le  P.  baccharoïdes,  croît  dans  les  lieux 
arides  et  sur  les  collines  des  provinces  centrales;  toutes  deux  sont 
connues  sous  le  nom  de  Huanil , ou,  bien  mieux,  de  Guanil.  La  pre- 
mière est  la  plus  commune  et  la  plus  employée. 

Les  bains,  préparés  avec  une  infusion  de  feuilles  et  de  racines  du 
Guanil , ont  un  emploi  très  fréquent  dans  les  rhumatismes  et  la 
goutte,  et  produisent  d’heureux  résultats. 

YERBA  DE  LA  YESCA 
Chœtanthera  Berteriana. 


Less.  Syn.,  III.  — Gay,  III,  3oi.  - D.  G,  Prodr.,  VIL  29. 

Plante  vivace,  avec  un  gros  rhizome  noirâtre,  duquel  sort  un 
glaïeul  de  i5  centimètres  de  longueur,  couvert  dans  toute  son  éten- 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


1 08 


due  d’un  duvet  laineux,  blanchâtre  ou  fauve;  les  feuilles  sont  radi- 
cales, longues,  pennées  et  divisées  en  trois  parties  tomenteuses; 
blanchâtres  dans  toute  la  face  inférieure,  verdâtres  et  peu  velues 
dans  la  supérieure;  le  capitule  est  gros,  solitaire-,  les  fleurs  sont 
jaunâtres. 

Elle  croît  dans  les  terrains  pierreux  des  provinces  centrales. 

Les*  gens  de  la  campagne  s’en  servent  pour  allumer  le  feu, 
comme  l’amadou;  ils  l’emploient  aussi  en  poudre  carbonisée  pour 
avancer  la  dessication  du  nombril.  Je  crois  que  les  poudres  de  ses 
feuilles  pourraient  être  utilisées  pour  arrêter  les  faibles  hémorragies 
en  agissant,  non  par  le  tanin  qu’elle  ne  semble  pas  contenir,  mais 
mécaniquement,  par  le  tamponnement  des  capillaires. 

ALMISCLE 

Moscharia  pinnatifida. 

R.  et  P.  Syst.,  I.  i36.  — Gay,  III,  439.  — D.  C.  Prodr.,  VIII,  72.  — Mosigia 

pinnatifida,  Spr. 

Plante  annuelle,  de  3o  à 40  centimètres  de  hauteur,  à tige  droite, 
rameuse;  les  feuilles  sont  pennées  et  divisés  en  trois  parties,  avec  les 
lobes  dentés;  les  fleurs,  blanches  ou  rosées,  terminales,  formant  un 
épi  très  mou-  l’involucre  est  campanulé  et  formé  de  six  écailles 
ovales,  foliacées,  concaves-,  le  réceptacle  est  plane,  avec  des  disques 
m embraneux  sur  leurs  circonférences-,  les  extérieurs,  au  nombre  de 
7 à 8,  sur  deux  rangées,  enveloppant  chacun  deux  akènes. 

L’ Almis cle  croît  le  long  des  chemins,  des  murailles  ou  des  haies, 
dans  les  provinces  centrales  et  est  digne  de  remarque,  à cause  de  la 
forte  odeur  qu’il  exhale. 

On  lui  attribue  des  propriétés  excitantes,  antispasmodiques  et 
carminatives,  qui  peuvent  provenir  du  principe  essentiel  et  volatil 
qu’elle  renferme.  Son  nom  est  dû  à l’odeur  spéciale  qu’elle  répand. 


PLANTES  MÉDICINALES  DU  CHILI 


109 


MARANZEL 

Clarionea  atacamensis , n.  sp. 

D’une  grosse  racine  noire  sortent  plusieurs  tiges  courtes;  les 
feuilles  radicales  et  les  caulinaires  sont  membraneuses,  pennées,  ta- 
bulées, glabres-,  les  capitules  assez  grands,  avec  les  ligules,  de  cou- 
leur jaune,  quelquefois  bleue,  toujours  pâles. 

Cette  belle  plante  croît  sur  les  parties  les  plus  élevées  des  Cordil- 
lères, depuis  Copiapo  jusqu’au  lac  d’Ascotan,  sortant  des  fissures 
des  roches  ou  sous  les  touffes  des  graminées. 

La  Maran^el  a,  sans  aucun  doute,  certaines  propriétés  balsa- 
miques* bien  accentuées,  qui  se  révèlent  à première  vue  par  la  sub- 
stance résineuse  qu’elle  contient  et  qui  la  rend  visqueuse  au  toucher. 
Mon  ami,  M.  Federico  Philippi,  m’a  dit  qu’on  lui  en  a fait  de  grands 
étages  durant  son  voyage  dans  ces  régions,  comme  agent  puissant 
pour  combattre  les  difficultés  de  la  respiration  {puna)  qutan  ressent 
dans  les  lieux  élevés-,  on  la  donne  en  infusion  théiforme,  et  elle  jouit 
aussi  d’un  grand  prestige  dans  les  affections  de  la  poitrine.  Ceci 
s’explique  facilement,  car  il  est  reconnu  que  les  substances  balsa- 
miques produisent  promptement  des  effets  excitants  et,  par  leur 
élimination,  donnent  des  résultats  plus  ou  moins  certains  sur  les 
muqueuses  bronchiques  et  urinaires. 

On  dit  aussi  que,  à l’usage  interne,  l’infusion  est  bonne  pour 
combattre  les  douleurs  occasionnées  par  les  fractures  des  os. 

ESCORZONERA 

Achyrophons  Scor^onerœ. 

D.  C.  Prodr.,  VII,  94.  — Gay,  III,  439. 

Plante  vivace,  à tige  simple,  à peine  rameuse,  striée,  uniftare;  les 
feuilles  sont  allongées,  lancéolées,  acuminées,  fortement  incisées, 


I 10 


PLANTES  MÉDICINALES  DU  CHILI 


dentées,  les  supérieures  très  étroites  et  très  entières;  les  écailles  de 
rinvolucre  sont  couvertes  sur  la  face  extérieure  de  poils  longs  et 
touffus-,  les  fleurs  jaunes.,  les  ligules  de  la  circonférence  pourpres 
sur  la  face  extérieure. 

Les  trois  variétés  de  cette  plante,  décrites  par  de  Candolle,  et 
les  autres  espèces  du  même  genre,  sont  connues  dans  le  pays  sous  le 
nom  de  Escoryonera  et  de  Renca. 

C’est  une  des  plantes  les  plus  fréquemment  employées,  et  que  les 
herboristes  vendent  dans  les  rues.  La  racine  de  la  Escorçonera  chi- 
lienne (qu’il  ne  faut  pas  confondre  avec  l’européenne)  s’emploie  en 
infusion,  comme  rafraîchissante  et  dépurative  dans  les  maladies  de 
la  peau,  et  dans  cet  état  pléthorique  qui  survierït  généralement  au 
printemps. 

On  lui  reconnaît  des  propriétés  diurétiques  et  emménagogues; 
on  la  recommande  aussi  dans  la  ménopause,  pour  calmer  les  vapeurs 
que  ressentent  les  femmes  à l’époque  de  cette  période  critique. 

BAILAHÜEIV 

Haplopappus  baylahuen . 


Remy  en  Gay,  IV,  42. 

Tige  ligneuse,  glabre,  glutineuse;  les  feuilles  sont  coriacées, 
avec  la  base  persistante  dans  les  tiges,  très  rapprochées  à la  partie 
inférieure  des  branches,  ovales,  spatuiées,  presque  cunéiformes,  en- 
tourée dans  le  milieu  de  la  partie  supérieure  par  des  dents  en  crochet 
de  20  millimètres  de  long  sur  10  de  large-,  les  capitules  sont  solitaires 
au  sommet  des  branches,  allongées,  presque  nues  dans  leur  partie 
supérieure;  les  akènes  glabres,  de  couleur  fauve-foncé. 

Ce  genre  est  particulier  à l’Amérique,  et  surtout  à l’Amérique  du 
Sud.  M.  Remy  a décrit  trente  espèces  chiliennes,  et  M.  Philippi, 
vingt.  Son  nom  grec  signifie  velu,  simple. 

Le  baylahuen  croît  sur  les  hautes  Cordillères  de  la  province  de 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


1 1 1 


Coquimbo;  il  contient  une  résine  qui  le  rend  glutineux  et  lui  donne 
les  propriétés  médicinales  qu’il  possède.  Dans  les  campagnes,  il  est 
employé  comme  emménagogue  et  stimulant  à l’usage  interne; 
à l’usage  externe,  pour  guérir  les  blessures  des  animaux,  etc.  Il 
est  aussi  administré  en  infusions  théiformes  pour  activer  les  fonctions 
stomacales  dans  les  cas  d’indigestion  ou  paresse  digestive. 

BREA 

Tessaria  absinthioïdes . 

D.  C.  Prodr.,  V,  457.  — Gay,  IV,  106.  — Bacchans  absinthioides. 

Hook  et  Arn.,  etc. 

Petit  arbuste  qui  atteint  la  hauteur  d’un  mètre,  les  feuilles  sont 
couvertes  de  poils  nombreux,  qui  lui  donnent  une  couleur  blanchâtre 
argentée;  les  feuilles  sont  alternes,  oblongues  ou  oblongues  lancéo- 
lées, acuminées  à leurs  deux  extrémités,  pourvues  de  quelques  dents 
sur  leurs  bords  ; les  capitules  assez  petits,  disposés  en  corymbe  ter- 
minal, avec  sept  ou  huit  petites  fleurs  pourpres  sur  le  disque,  celles 
de  la  circonférence  sont  plus  pâles  et  toutes  tubulaires. 

Il  croît  dans  les  lieux  humides,  depuis  la  rivière  Maule,  vers  le 
nord,  et  au-delà  de  Tarapacâ,  mais  spécialement  dans  les  provinces 
d’Atacama  et  Coquimbo.  — Il  y eut  un  temps  où  on  en  faisait  une 
très  grande  consommation  ; on  exportait  tous  les  ans  du  départe- 
ment de  Copiapo  plus  de  mille  quintaux  de  la  poix  extraite  de  la 
plante  par  décoction,  dont  le  prix  variait  entre  8 ou  10  piastres  le 
quintal  ; aujourd’hui  elle  n’est  plus  exportée,  et  son  usage  est  moins 
général  qu’à  cette  époque. 

La  matière  résineuse  que  contient  la  plante  dénommée  « Brea  » 
la  fait  considérer  comme  un  balsamique  des  plus  puissants  et  ressem- 
bler au  goudron  par  ses  effets. 

Il  est  regrettable  qu’on  ait  abandonné  l’exploitation  de  cette 
plante  et  qu’on  ne  l’ait  pas  étudiée  avec  plus  de  soin  dans  ses  effets 
thérapeutiques  et  surtout  dans  sa  composition. 


I I ? 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


ROMERILLO 

Baccharis  rosmarinifolia . 

Hook  et  Arn.  Bot.,  Beech,  3o.  — Gay,  IV,  85.  — D.  C.  Prodr  , 419. 

Lingulata,  Kuze.  — Linfolia,  Meyer. 

Arbuste  de  quelques  pieds  de  hauteur,  à tiges  et  branches  fortes, 
un  peu  striées,  glabres,  légèrement  visqueuses  et  jaunâtres;  les 
feuilles  sont  nombreuses,  sessiles,  linéaires,  terminées  en  pointe 
obtuse,  très  entières  dans  le  type,  sinueuses-dentées  dans  les  variétés, 
grosses,  coriacées,  résineuses-glanduleuses,  d’un  vert  jaunâtre  ; les 
capitules  sont  oblongs-cylindriques,  pédicellés,  réunis  de  dix  jusqu’à 
vingt- cinq  en  petits  corymbes  terminaux  et  très  compacts;  l’invo- 
lucre  estoblonget  formant  deqà  5 rangs  d'écailles ovales-oblongues, 
résineux,  très  glabre  ; akènes  oblongs-elliptiques,  soyeux,  luisants, 
teinte  fauve  pâle. 

» 

Cet  arbuste  est  assez  commun  dans  les  champs  arides  et  pier- 
reux des  provinces  centrales. 

« Le  Romerillo  des  champs,  semblable  au  Romero  de  Castilla, 
possède  de  nombreuses  vertus.  Les  cendres,  mises  en  lessive, 
servent  pour  rendre  les  cheveux  blonds.  Les  fumigations  qu’on 
en  donne  aux  malades  perclus  et  à ceux  atteints  d’inflammations,  les 
soulagent.  Les  boutons,  qui  représentent  la  fleur,  imitent  le  coton  blanc. 
Arrosés  avec  du  vin,  enveloppés  dans  les  feuilles  du  même  Ro me- 
rillo , et  chauffés  sous  la  cendre  chaude,  on  les  place  sous  les  bras  à 
plusieurs  reprises,  et  la  mauvaise  odeur  qui  se  forme  là,  disparaît;  on 
doit  ensuite  prendre  une  purgation.  Le  quint r al  (1)  de  ce  Romerillo , 
cuit  et  donné  en  boisson  aux  épileptiques,  après  4 ou  5 fois,  les 
guérit  ; ils  doivent  d'abord  se  purger.  La  résine  qu’il  donne  est 
excellente  pour  dégager  la  tête  ; on  l’administre  sous  forme  d’em- 
plâtres appliqués  sur  les  tempes.  — Rosales.  » 

(1)  Probablement  allusion  au  parasite  du  genre  Loranthus,  connu  vulgai- 
rement sous  le  nom  de  gu-i  '[quintral). 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


1 1 3 


Pennesse  dit  que  cette  espèce  de  Baccharis  est  très  aromatique, 
et  qu'on  emploie  les  feuilles  et  les  pousses  élevées  comme  stimulants, 
anti-spasmodiques,  stomacales,,  emménagogues,  etc.  Il  la  recom- 
mande en  infusion  à la  dose  de  4 à 8 drachmes  de  la  plante,,  pour 
une  livre  d’eau.  A l’usage  externe,  ajoute-t-il,  011  l’administre  en 
bains  et  frictions, 

Il  est  hors  de  doute  que  le  Romerillo  est  apprécié  dans  la  méde- 
cine populaire  pour  ses  qualités  balsamiques  et  stimulantes.  Le 
principe  résineux  aromatique  qu’il  contient  le  fait  fréquemment 
prescrire  pour  les  bains  que  d’ordinaire  on  conseille  aux  gens  qui 
souffrent  de  rhumatismes  chroniques  et  autres  affections  de  la  même 
nature,  comme  aussi  pour  les  affections  des  voies  urinaires  et  pul- 
monaires. 


CHILCAS  ET  CHILQUILLAS 
Baccharis. 

Les  espèces  qui  correspondent  à ce  genre  sont  au  nombre  de 
40  environ,  toutes  particulières  au  Chili.  Presque  toutes  sont  de 
petits  arbustes  qui  croissent  dans  les  terrains  pierreux,  au  bord  des 
rivières,  la  plupart  connues  sous  le  nom  de  Chilcas  ou  Chilquillas , 
selon  que  les  feuilles  sont  larges  ou  linéaires. 

Elles  ont  comme  caractères  botaniques  : les  capitules  dioïques, 
homogames  et  fleurs  toutes  tubuleuses  ; binvolucre  est  demi-glo- 
buleux ou  oblong,  composé  de  squasmes  imbriquées,  poils  uni- 
sessiles,  tortueux  avec  fréquence,  dentés  ou  plumeux. 

Les  fleurs,  disent  Ruiz  et  Pavon,  sont  appréciées  à cause  de  la 
résine  qu’elles  contiennent,  et  sont  employées  dans  les  cas  de  contu- 
sions, blessures,  comme  aussi  pour  consolider  les  luxations  et  frac- 
tures. Rosales  fait  la  même  recommandation  et  ajoute  qu’en  les 
mêlant  avec  du  vin,  après  leur  cuisson,  on  les  emploie  en  frictions 
pour  ramener  la  chaleur. 

Les  Chilcas  contiennent  une  substance  résineuse  qui  était  utilisée 

8 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


1 14 


autrefois  par  les  cordonniers,  au  lieu  du  cérat;  les  sels  de  potasse  et 
de  soude  abondent  dans  leurs  cendres.  — Dans  les  affections  rhu- 
matismales et  syphilitiques  on  les  emploie  à l’usage  externe-,  contre 
les  catharres,  à l’usage  interne. 

On  ne  doit,  en  aucune  façon,  confondre  les  Chilcas  avec  le 
Chilco  ( Fuschia  macrostema ),  dont  les  usages  sont  différents,  et  qui 
appartient  à un  genre  et  à une  famille  distincts. 

PALO  NEGRO 

Septocarpha  rivularis. 

D.  C.  Prodr.,  V,  495.  — Gay,  IV,  117.  — Helianthus  rivularis,  Poepp. 

Arbuste  d’un  mètre  et  demi  de  hauteur,  à feuilles  ovoïdes- 
oblongues  pointues,  dentées,  très  aromatiques-,  les  fleurs  sont  jaunes; 
les  capitules  multiflores;  petites  fleurs  du  rayon  unisériées,  ligulées, 
neutres  ; les  squames  de  l’involucre  bisériées,  égales,  lancéolées, 
linéaires  ; le  réceptacle  avec  des  paillettes  comprimées,  et  le  fruit 
avec  deux  crins. 

Cette  plante  est  commune  dans  les  provinces  australes  où  elle 
fleurit  depuis  septembre  jusqu’au  mois  de  février. 

L’odeur  aromatique  de  cet  abuste  fait  que  ses  feuilles  sont  très 
appréciées  dans  la  médecine  domestique,  où  on  les  préconise  comme 
stimulantes  et  carminatives  dans  les  dyspepsies,  indigestions,  gaz  et 
autres  dérangements  du  tube  digestif.  On  l’administre  en  infusion 
théïforme  dans  tous  ces  cas,  et  aussi  dans  les  menstruations  diffi- 
ciles (dysménorrhées). 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


1 1 5 


MITRIU 

Podanthus  ( Euxenia ) mitiqui. 


Lind.  en  Lond.  Hort.  Brit.,  488.  — Gay,  IV,  297.  — Sub  nomine. 

Euxenia.  D.  C.  Prodr..  V,  5oi. 

Arbuste  aromatique/  rameux,  de  deux  mètres  de  hauteur  ; les 
feuilles  sont  opposées,  les  supérieures  alternes  fréquemment  ovales, 
lancéolées,  cunéiformes  à leur  base,  acuminées  et  très  aiguës  à la 
pointe,  fermées  dans  le  milieu,  luisantes,  marquées  de  quelques  points 
rugueux  dans  la  partie  supérieure,  beaucoup  plus  pâles  dans 
l’inférieure  ; les  feuilles  de  la  variété  décrite  par  D.  C.  sont  plus 
petites,  entières  ou  avec  quelques  dents  séparées;  les  akènes  sont 
triangulaires,  très  minces  à leur  base,  nus  à la  pointe. 

Le  Mitriû  ou  Mitiqui  est  commun  dans  les  provinces  centrales 
et  dans  le  nord  -,  il  a des  propriétés  balsamiques  et  aromatiques. 

Le  premier  qui  fixa  son  attention  sur  cet  arbuste  fut  M.  Vicente 
Bustillos,  qui  le  recommandait  comme  spécifique  dans  les  blennor- 
rhagies. « J’ai  parlé,  dit-il,  dans  une  communication  envoyée  à 
la  Faculté  des  sciences  physiques  en  1889,  à plusieurs  personnes 
qui  en  ont  fait  un  usage  spécial  contre  la  gonorrhée,  et  m’ont  fait 
tant  de  louanges  de  ses  vertus,  que  ces  rapports  devraient  le  faire 
considérer  comme  un  spécifique.  » 

POQUIL 

Cephalophora , Cav. 

■Gay,  IV,  262. 

Le  genre  Cephalophore  appartient  à l’Amérique  et  son  nom 
grec  signifie  porter  des  têtes . Des  treize  espèces  qui  croissent  au 


1 16  PLANTES  MÉDICINALES  DU  CHILI 


Chili,  quatre  sont  citées  dans  l’ouvrage  de  Gay,  sept  furent  décrites 
par  le  docteur  R.  A..  Philippi,  et  les  autres  par  divers  auteurs. 

Toutes  sont  des  plantes  herbacées,  élevées,  à tiges  striées,  ra- 
meuses, feuilles  alternes  oblongues-linéaires  ; les  capitules  sont  glo- 
buleux; les  fleurs  jaunes,  toutes  hermaphrodites,  gonflées,  courtes, 
presque  fermées. 

Elles  croissent  spontanément  dans  les  prairies  naturelles,  dans 
les  lieux  arides  et  en  grande  abondance,  dans  les  provinces  cen- 
trales du  pays  et  dans  une  grande  partie  des  provinces  du  Sud, 
On  les  connaît  sous  les  noms  de  Poquil  et  Man\amlla  del  Campo 
(camomille  des  champs). 

Les  habitants  de  la  campagne  l’emploient  pour  teindre  en 
jaune. 

Quant  à son  usage  interne,  le  Poquil  est  considéré  comme  pos- 
sédant une  action  égale  à la  camomille.  On  l’emploie  en  infusion 
et  en  extrait. 

Il  y a peu  de  temps  que  j’ai  entendu  parler  de  ses  propriétés 
anti-thermiques,  et  de  quelques  essais  pratiques  pour  découvrir  ses 
propriétés  thérapeutiques. 

A en  croire  les  renseignements  arrivés  à ma  connaissance, 
quelques  espèces  de  ce  genre  seraient  dotées  de  propriétés  anti- 
fébriles certaines  ; leur  influence  ferait  baisser  la  température  sans 
les  inconvénients  des  autres  anti-thermiques  qui  produisent  des  dé- 
faillances dans  les  contractions  cardiaques.  Si  les  expériences 
futures  confirment  les  premières  notions  qu’on  possède  sur  le 
Poquil , on  pourrait  alors  compter  sur  un  médicament  qui  aurait 
assez  d’importance  pour  les  cas  si  nombreux  où  les  agents  de  cette 
espèce  sont  indiqués. 

Le  Poquil  n’a  pas  été  analysé  jusqu'à  ce  jour  ; mais  tout  porte 
à croire,  pour  le  moment,  que  la  préparation  qui  devra  servir  pour 
les  essais  sera  l’extrait  fluide. 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


*7 


CHACHACOMA 

Senecio  eriophyton , Remy. 

Remy.  — Gay,  IV,  i5g. 

Arbuste  très  rameux,  avec  les  tiges  et  les  branches  entièrement 
couvertes  d’une  laine  blanche,  compacte  comme  le  coton,  sous  laquelle 
se  cachent  les  petites  feuilles  coriacées,  demi-embrassantes,  ovoïdes- 
oblongues,  ou  tridentées  au  sommet  ; les  capitules  sont  solitaires, 
plus  ou  moins  longuement  pédonculés,  avec  des  fleurs  jaunes, 
12  ligules  très  courtes. 

On  le  rencontre  à une  hauteur  de  3ooo  mètres,  environ  au- 
dessus  du  niveau  de  la  mer  dans  les  provinces  de  Coquimbo  et 
Atacama  et  dans  le  désert  du  même  nom. 

Les  feuilles  de  la  Chachacoma  sont  visqueuses  et  indiquent  le 
principe  résineux  qu’elles  contiennent.  On  les  administre  en  infu- 
sion théiforme  très  chaude  aux  personnes  qui  sont  attaquées  de  ce 
malaise  qui  se  fait  sentir  sur  les  lieux  élevés  et  qffon  nomme  puna 
(difficulté  de  la  respiration);  on  m’assure  que  cette  infusion  donne 
de  bons  résultats.  On  attache  aussi  quelquefois  aux  narines  des 
chevaux  et  des  mules  un  petit  paquet  renfermant  des  feuilles  de 
Chachacoma  dans  la  croyance  qu’ils  ne  ressentent  pas,  alors,  les 
effets  de  la  puna.  On  recommande  aussi  l’infusion  comme  excitante, 
stomacale  et  emménagogue.  Je  bai  vu  administrer  avec  succès  dans 
les  menstruations  douloureuses  ; elle  agit  surtout  par  la  température 
de  l’infusion  et  par  ses  propriélés  balsamiques. 

11  est  curieux  de  voir  la  plus  grande  partie  des  plantes  qui 
croissent  sur  les  sommets  les  plus  élevés  de  nos  Cordillères  contenir 
une  substance  résineuse  qui  les  fait  estimer  dans  la  médecine  popu- 
laire; c’est  un  lait  digne  d’attirer  l’attention  des  naturalistes. 


PLANTES  MÉDICINALES  DU  CHILI 


1 18 


GUALTATA 
Senecio  hualtata. 


■g 


Bert.,  D.  C.,  Prodr.,  VI,  417.  — Gay,  IV,  194.  — Fistulosas  var.,  Less. 

Plante  herbacée,  vivace,  à tige  cylindrique,  grosse,  qui  atteint 
quelquefois  près  d’un  mètre  de  hauteur.  Les  feuilles  sont  glabres, 
très  grandes,  de  deux  ou  trois  décimètres  de  longueur  sur  un  déci- 
mètre de  large,  rhomboïdales,  ou  ovales-oblongues,  tronquées  à 
leur  base,  inégales  et  fortement  dentées;  les  terminales,  sessiles, 
demi-amplexicaules,  lancéolées,  aiguës,  inégalement  dentées,  beau- 
coup plus  petites  que  les  antérieures  ; les  capitules  sont  petits, 
presques  globuleux,  et  tous  réunis  dans  un  grand  corymbe  com- 
posé; les  akènes  sont  glabres. 

Plante  assez  commune  dans  les  terrains  humides  de  presque 
tout  le  pays,  connue  sous  les  noms  de  Gualtata , Hualtata  et  même 
de  Lebo. 

Les  feuilles  de  cette  plante  sont  très  employées  ; on  les  applique 
imprégnées  d’une  matière  graisseuse  pour  faire  disparaître  les 
tuméfactions  de  caractère  inflammatoire  des  parotides  et  pour 
panser  les  vésicatoires;  elles  agissent  comme  un  avantageux  émol- 
lient, en  cataplasmes,  à l’usage  externe,  et  en  décoction  ou  mieux 
en  infusion  comme  tempérants  et  diurétiques. 

Il  paraîtrait  que  cette  plante  a joui  à une  autre  époque  d’un 
prestige  beaucoup  plus  généralisé  qu'aujourd’hui,  si  nous  en  croyons 
ce  que  raconte  l’historien  Rosales. 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


1 19 


VIRA- VIRA 

Gnaphalium  vira-vira. 

Mol.,  354.  — Gay,  IV,  223.  D.  C , Prodr.,  VI,  228.  — G.  piravira,  Less. 

D’une  même  racine  naissent  de  nombreuses  tiges  droites,  attei- 
gnant quelquefois  une  hauteur  de  3o  centimètres  ; les  feuilles  sont 
oblongues-lancéolées,  les  inférieures,  amincies  à leur  base,  et 
obtuses,  les  supérieures  plus  étroites,  aiguës,  un  peu  décurrentes  ; 
les  capitules  sont  réunis  en  petits  groupes  assemblés  à l’extrémité  de 
chaque  tige;  les  involucres  formés  de  squames  glabres  presque  blan- 
ches. Toute  la  plante  est  couverte  d’un  duvet  blanchâtre  qui  a une 
légère  odeur  aromatique  et  agréable.  Le  fruit  est  un  akène  cylin- 
drique. 

Cette  plante  croît  spontanément  avec  profusion  dans  les  vallées 
centrales  depuis  Coquimbo  jusqu’à  Valdivia.  Sa  culture  est  facile, 
sans  exiger  une  attention  spéciale. 

Les  gens  de  la  campagne  l’emploient  beaucoup  comme  expec- 
torant, sudorifique  et  fébrifuge,  sous  forme  de  tisane,  chaude  ou 
froide. 

Je  l’ai  conseillée  plusieurs  fois  dans  les  cas  bénins  de  catarrhes 
ou  bronchites,  dans  les  fièvres  éphémères  ou  de  caractère  catharral, 
au  lieu  du  tilleul,  de  la  violette  ou  du  sureau  ; elle  possède  les  mêmes 
propriétés.  En  général  toute  la  plante  est  employée-,  cependant,  quel- 
ques personnes  préfèrent  les  fleurs.  On  s’en  sert  aussi  comme  vulné- 
néraire,  pour  laver  les  blessures,  et  en  injections. 

La  pharmacopée  chilienne  la  fait  entrer  dans  les  composants 
des  espèces  pectorales,  mêlée  aux  fleurs  de  sureau,  de  violettes, 
de  mauves  et  de  pavots. 

On  attribue  à d’autres  espèces  du  genre  Gnaphalium  des  effets 
semblables  à ceux  de  la  Vira-Vira. 


120 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


DAÜDA 

Flaveria  contrayerba. 


Pers.  Ench.,  II,  489.  — Gay,  IV,  278.  — D.  C.,  Prodr.,  V,  635.  — Cav.,  Ic., 
I,  tab.  4.  — Bot.  Mag.,  2.400.  — Milleria  contrayerba,  C.  — Vermifuga 
corimbosa,  R.  et  P.  — Ethulia  bidentis  Lin.  — Eupatrium  chilense, 
' Mol. 

Plante  annuelle,  rameuse,  élevée,  jaune,  entièrement  glabre;  les 
feuilles  sont  opposées,  lancéolées,  trinervées;  les  capitules  réunis 
en  petits  corymbes  compacts,  de  3 à 5 petites  fleurs  tubuleuses, 
jaunes,  l’involucre  est  composé  de  3 à 4 folioles. 

Elle  croît,  et  elle  est  commune  dans  les  champs  cultivés,  près 
des  canaux,  on  la  rencontre  depuis  le  Nord  jusqu'à  Concepcion.  Elle 
est  connue  sous  les  noms  de  daudâ , matagusanos  et  contrayerba , 
Elle  sert  pour  teindre  en  jaune. 

MM.  Ruiz  et  Paron  disent  que  cette  herbe,  mêlée  au  sel,  sert 
dans  les  cas  de  blessures  putrides  pour  tuer  les  vers  qui  s’y  sont 
formés;  selon  Rosales,  elle  est  aussi  utile  pour  les  piqûres  d'animaux 
venimeux. 

M.  Anjèl  Vasquez  a extrait  de  cette  plante  une  matière  résineuse, 
de  l’huile  volatile  en  petite  proportion,  une  matière  colorante  jaune, 
tannin,  sels,  etc.  L'extrait  alcoolique  a une  odeur  pareille  au  ta- 
raxacum , une  saveur  amère  et  légèrement  aromatique. 

L’infusion  du  « daudâ  » s’administre  à 4 pour  cent,  dans  les  diges- 
tions difficiles  ou  tardives,  et  comme  emménagogue  dans  les  sus- 
pensions cataméniales  ou  menstruations  difficiles.  — Il  agit  comme 
aromatique  et  excitant,  et  s’emploie  également  comme  vermifuge. 

Avant  de  terminer,  nous  mentionnerons  les  espèces  chiliennes 
suivantes  : 

Le  Fagetes  glandulifera  Schrank,  unique  espèce  du  genre 
propre  à notre  pays,  avec  des  petites  fleurs  d'un  jaune-blanchâtre, 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


I 2 I 


douées  d’une  forte  odeur  aromatique,  à laquelle  on  attribue  la  pro- 
priété d’échauffante  et  dont  l’usage  n’est  pas  sans  péril.  Elle  est 
connue  sous  le  nom  de  « Quinchihue.  » 

Le  Eupatorium  Salvia  Colla , connue  sous  le  nom  de  Salvia 
macho  (sauge  mâle),  arbuste  d’un  mètre  de  hauteur,  avec  les  feuilles 
pétiolées,  lancéolées^  aiguës,  crénelées,  dentées,  ridées;  les  capitules 
sont  disposés  en  corymbe  terminal.  Il  est  aromatique  et  entre  dans 
le  nombre  des  espèces  recommandées  dans  les  bains  de  ce  genre, 
pour  les  rhumatismes  et  autres  affections  douloureuses. 

Il  nous  paraît  aussi  convenable  de  faire  la  remarque,  que  la  grande 
abondance  d’autres  espèces,  éparses  dans  nos  campagnes,  les  font 
considérer  comme  presque  indigènes,  quoique  leur  origine  soit  pro- 
bablement européenne.  Parmi  elles  nous  pouvons  citer  le  X.antium 
spinosum.  L.,  Clonqui , employé  comme  émollient  et  comme  réfrigé- 
rant dans  les  fièvres,  et  comme  hépatique  -,  et  les  Sonchas  fallax 
Wallr,  et  S.  oleraceus.  L.  connues  sous  le  nom  de  Nilgïies,  souvent 
employées,  pour  leurs  propriétés  réfrigérantes,  apéritives  et  antibi- 
lieuses,, principalement  comme  boisson  journalière. 


ESC ABIOS A 

Centaurea  chilensis. 

Plante  vivace,  à tige  élevée,  de  60  à 120  centimètres  de  hauteur, 
avec  ses  feuilles  profondément  pennifides;  segments  linéaires,  aigus; 
les  fleurs  sont  grandes,  solitaires,  radiées,  de  couleur  rose;  les 
écailles  de  l’involucre  avec  un  appendice  large,  membraneux,  pro- 
fondément lacinié. 

On  le  connaît  aussi  sous  le  nom  de  yerba  del  minero  (herbe  du 
mineur). 

Sa  beauté  lui  fait  mériter  une  place  dans  les  jardins:  elle  est 
commune  sur  les  collines,  entre  les  roches,  de  la  plus  grande  partie 
du  territoire  chilien,  excepté  au  sud  du  Bio-Bio. 

Les  feuilles  sont  amères  et  s’emploient  quelquefois  comme 


I 22 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


tonique  dépuratif,  léger,  dans  les  affections  herpétiques,  et  chez  les 
personnes  faibles  qui  se  plaignent  de  vapeurs. 

Comme  à ses  congénères  des  espèces  européennes,  on  lui 
attribue  aussi  des  propriétés  fébrifuges  et  la  médecine  domestique  en 
profite  dans  beaucoup  de  cas,  pour  les  affections  légères  qui  n’exigent 
pas  un  traitement  actif. 

Elle  est  aussi  employée,  en  bains,  contre  les  douleurs  rhumatis- 
males. 


CAMPANULACÉES 

TUPA 

Tupa  ( diverses  espèces)  Don. 

On  donne  vulgairement  le  nom  de  Tupa  veneno  (i),  tabaco  del 
diablo  (2),  à plusieurs  espèces  de  Tupa  Don , incluses  dans  la  famille 
des  Lobeliacées  par  la  plus  grande  partie  des  botanistes.  Presque 
toutes  sont  des  arbustes  ou  grandes  herbes  vivaces,  avec  des  feuilles 
presque  toujours  dentées  ou  denticulées  et  persistantes,  très  rappro- 
chées; les  fleurs  sont  grandes,  de  couleur  pourpre,  disposées  en 
longues  grappes  solitaires,  terminales;  le  calice  est  quinquélobé  ; la 
corolle  tubuleuse,  unilabiée,  arquée,  avec  le  tube  long,  fendue  dans 
sa  longueur,  et,  à chaque  côté  de  sa  base  jusqu’au  milieu,  lèvre  iné- 
galement quinquéfide. 

Ils  croissent  dans  les  terrains  secs,  dans  presque  tout  le  terri- 
toire-, leurs  tiges  et  leurs  racines  contiennent  un  lait  très  âcre  qui  leur 
donne  des  propriétés  irritantes. 

Ce  lait,  mis  en  contact  avec  la  peau,  sous  l’épiderme,  produit 
une  irritation  plus  ou  moins  aiguë;  à l’usage  interne,  il  détermine 
de  nombreuses  évacuations,  claires,  céreuses,  sanguinolentes,  fré- 

(1)  Poison. 

(2)  Tabac  du  diable. 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


123 


quemment  aussi  des  vomissements,  et  il  reste  une  inflammation  en 
relation  avec  la  quantité  de  substance  absorbée. 

Ce  jus  contient  sans  doute  une  résine  (que  quelques-uns  disent 
pareille  à celle  des  euphorbiacées)  qui  n’a  pas  été  encore  étudiée  par 
la  chimie,  et  que  la  médecine  chilienne  pourrait  peut-être  utiliser 
avec  avantage. 

Un  emploi  vulgaire  fait  appliquer  son  jus  laiteux  pour  calmer 
les  douleurs  des  dents  cariées,  et  aussi  comme  caustique  pour 
panser  les  chevaux  dans  quelques  maladies. 

UNO  PERQUÉN 

Wahlenbergia  linarioïdes. 

A.  D.  C.  Mon.  Camp.,  1 58.  — Gay,  IV,  340.  — D.  C.  Prodr.,  VII,  440.  — 

Camp.  Chilensis,  Mol. 

Plante  qui  croît  sur  les  collines  pierreuses  des  provinces  du 
centre  et  du  sud  du  Chili;  c’est  une  herbe  glabre,  de  60  centimètres 
de  hauteur;  les  feuilles  sont  linéaires  et  la  tige  simple,  ou  portant 
quelques  branches  nues  terminées  par  une  à trois  fleurs  bleuâtres^ 
presque  blanches. 

L’ Uno  perquén  s’emploie  quelquefois  dans  la  médecine  cham- 
pêtre, en  infusion  théiforme,  comme  carminative,  pour  dissiper 
le  développement  des  gaz  produits  par  une  digestion  impar- 
faite ou  paresseuse. 


24 


PLANTES  MÉDICINALES  DU  CHILI 


PLOMBAGINÉES 

QUAYCURU 

Statice  c hile nsis. 

Ph.  Linnea,  XXXIII,  220.  — Anal.  Univers,  1861,  I,  58.  — Plegorrhiza 
adstringens,  W.  — Guaycuru,  Mol. 

La  classification  de  cette  plante,  décrite  par  Molina,  était  restée 
indéterminée,  jusqu’au  moment  où  le  docteur  R. -A.  Philippi  la  classa 
sous  le  nom  désigné  plus  haut.  L’exemplaire  lui  fut  apporté 
par  M.  Volkmann,  qui  le  trouva  dans  un  voyage  fait,  en  1860,  dans 
les  provinces  de  Coquimbo  et  Atacama. 

Plante  à racine  ligneuse,  rampante;  les  feuilles  sont  oblongues, 
spatulées,  longuement  pétiolées,  marginées,  veineuses;  le  pédoncule 
est  une  hampe  mince,  pourvue  de  deux  bractées  brunes  ; panicule 
ample  et  peu  serrée;  les  bractées  au  nombre  de  dix,  et  les  fleurs 
bleuâtres  incluses. 

Molina  dit  que  la  racine  est  un  des  astringents  les  plus  puis- 
sants de  la  botanique,  étant  aussi  excellent  pour  guérir  les  ulcères  et 
les  scrofules,  de  même  que  la  dysenterie. 

Elle  croît  au  Huasco,  dans  les  terrains  secs,  et  dans  les  sables  à 
Lentour  de  la  baie  de  Coquimbo,  où  elle  est  appréciée  pour  les  prin- 
cipes tanniques  qu’elle  contient,  et  qui  lui  donnent  des  propriétés 
astringentes. 

Il  est  intéressant  de  savoir  que  le  nom  de  Baycurü , au  Brésil  et 
au  Paraguay,  désigne  également  une  espèce  de  Statice  dont  les  pro- 
priétés sont  analogues  à celles  de  la  plante  chilienne. 


PLANTES  MÉDICINALES  DU  CHILI 


I 2Z> 


APOCINÉES 

QUILMAY 

Echites  chilensis. 


D.  C.,  Prodr.,  VIII,  468.  — Gay,  IV,  387.  — Elytropus  Chilensis, 

Muell.  Arg. 

Arbuste  volubile,  à tiges  couvertes  d’un  duvet  presque  blan- 
châtre; les  feuilles  sont  opposées,  courtement  pétiolées,  ovoïdes, 
molles,  entières,  décolorées.  La  face  supérieure,  glabre  et  d’un 
vert  foncé  et  luisant,  l’inférieure  plus  pâle-,  jolies  fleurs  axillaires,  au 
nombre  d’une  à quatre,  blanches,  à raies  rouges. 

Il  est  commun  dans  les  provinces  du  sud,  où  sa  racine  est  très 
appréciée  pour  ses  vertus  médicinales.  M.  Chatterton  dit  qu’il 
est  abortif,  et  que  cette  propriété  est  connue  depuis  très  longtemps. 

M.  Anjel  Vasquez  continue  à donner  le  nom  de  Quilmay  au 
Myrogyne  elatinoïdes , de  la  famille  des  composées,  sans  doute,  à 
cause  de  Eerreur  fréquente  qu’on  commet  sur  les  noms,  et  aussi 
parce  que  l’ouvrage  de  Gay  le  désigne  ainsi. 

Néanmoins,  il  est  nécessaire  de  convenir  que  le  Quilmay  véri- 
table du  sud  est  le  Echites  chilensis , décrit  d’une  façon  erronée  dans 
la  botanique  de  Gay  sous  le  nom  de  Voqui , qui  s’applique  aux 
plantes  grimpantes  en  général. 

Le  Quilmay  du  centre,  ou  bien  le  véritable  Myrogyne , con- 
tient une  grande  quantité  de  matière  résineuse.  M.  Vasquez  en  a 
extrait  un  principe  résineux  spécial,  auquel  il  a donné  le  nom  de 
Miriogino , de  saveur  amère  et  âcre. 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


1 26 


LO  GAN I ACÉES 

PANIL 

Buddleia  globosa. 


Lam.  die.,  Y,  5 1 3 . — Gay,  V,  120.  — D.  C.  Prodr.,  X,  540.  — Càpitala  Jacq. 


Arbuste  de  deux  mètres  de  hauteur  à grandes  feuilles, 
oblongues-lancéolées,  acuminées,  crénelées,  ridées,  couvertes  d’un 
duvet  jaunâtre,  velouté  sur  la  face  inférieure  -,  les  fleurs  sont  de 
couleur  orange,  élégantes,  disposées  en  capitules  globuleux,  compo- 
sés, de  la  grosseur  d’une  grosse  noisette. 

Il  croît  dans  la  campagne  près  des  ruisseaux,  on  le  cultive  aussi 
dans  quelques  jardins.  On  lui  donne  quelquefois  le  nom  de  matico 
chileno  à cause  de  la  grande  ressemblance  de  leurs  feuilles. 

On  emploie  les  feuilles  pour  teindre  en  jaune. 

Les  feuilles  de  panil  sont  considérées  comme  un  de  nos  meil- 
leurs vulnéraires  ; on  les  emploie  en  décoction  et  en  infusion  pour 
laver  les  blessures,  et  réduites  en  poudre,  pour  aider  à la  cicatrisation 
des  ulcères  et  blessures  anciennes  ou  de  mauvaise  nature.  On  loue 
aussi  leurs  bons  effets  dans  les  rectites  ulcéreuses,  dysenteries  chro- 
niques, administrées  en  lavements.  Comme  balsamique  et  vulné- 
raire, on  recommande  de  boire  son  infusion  à ceux  qui  souffrent 
d’abcès  hépatiques,  dans  les  catharres  des  intestins  et  hémoptysies. 
En  général,  on  l’emploie  comme  le  matico  peruano  avec  lequel  il  est 
utile  de  ne  pas  le  confondre  parce  que  celui-ci  appartient  à la  famille 
des  Piperacées. 

11  est  probable  quhl  contient  un  principe  balsamique  ou  astrin- 
gent* 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


127 


CHAPICO 

Desfontaine  spinosa 

Gay,  99,  grav.  56.  — D.  Hookeri,  Don.  — D.  C.  Prodr.  XIII,  a.  676.  — 

Ilicifolia,  Ph. 

Petit  arbre  toujours  vert,  qui  atteint  trois  mètres  de  hauteur,  à 
tiges  droites,  rameuses,  à écorce  jaunâtre  ; les  feuilles  sont  opposées? 
coriacées,  reluisantes  par-dessus,  oblongues-elliptiques;  il  possède  de 
9 à 14  épines  très  fortes  vers  leurs  bords  ; les  fleurs  solitaires,  sur 
des  pédoncules  courts,  d'une  belle  couleur  pourpre,  avec  le  limbe 
jaune. 

C'est  un  arbuste  d'un  aspect  à la  fois  élégant  et  beau,  très  res- 
semblant à ïacebo,  dit-on  -,  il  croît  dans  les  provinces  de  Valdivia, 
Llanquihue  etChiloé,  jusqu’à  Tresmontes  et  même  plus  au  Sud. 

Gay  dit  que  ses  feuilles  sont  très  amères,  comme  celles  de  la 
Gentiane  et  que  les  habitants  du  Chili  s’en  servent  pour  teindre  en 
jaune. 


GENCI ANÉES 

CACHENLAHUEN  ou CANCHALAGUA 
Erythrœa  chilensis. 

Pers.,  Ench.,  I,  283.  — Gay.  IV,  402.  — D.  C.,  Prodr.,  IX,  5y.  — Cachan- 
lahuan,  Rom.  i Schult.  — Chironia  chilensis,  IV. 

Petite  plante  annuelle,  de  20  centimètres  de  hauteur,  à tige 
droite,  quadrangulaire,  partagée  dans  la  partie  supérieure  en 
branches  dichotomes-,  les  feuilles  sont  opposées,  sessiles,  oblongues, 
pointues;  les  supérieures,  linéaires-,  les  fleurs,  d’une  couleur  rose, 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


128 


forment  à la  partie  supérieure  des  branches  une  sorte  de  corymbe 
plus  ou  moins  ouvert  et  mou,  soutenu  par  des  pédoncules  plus 
longs  que  les  feuilles. 

Elle  croît  dans  les  terrains  herbacés  de  tout  le  pays,  et  c’est 
une  des  plantes  les  plus  appréciées  que  nous  possédions,  comme  on 
le  verra  dans  les  citations  que  nous  allons  faire. 

Le  nom  de  Cachen-lahuen , qui  signifie  « douleur  au  côté  »,  est 
indigène  ; celui  de  Canchalagua  lui  fut  donné  dans  la  Pharmacopée 
espagnole,  et  elle  est  ainsi  connue  de  la  plus  grande  partie  des  habi- 
tants. Ces  noms  ont  été, altérés  en  passant  à d’autres  idiomes  et  par 
les  auteurs  divers;  Valmont  de  Boman,  par  exemple,  l’appelle 
Canchelague ; Lesson,  Cachalonai , et  d’autres  Cachanlagua. 

Feuillée  en  parle  ainsi  : « Cette  plante  est  extrêmement  amère; 
en  infusion,  c’est  un  remède  apéritif  et  sudorifique;  il  fortifie  l’esto- 
mac, tue  les  vers,  guérit  fréquemment  les  fièvres  intermittentes, 
dissipe  la  jaunisse  et  est  employé  avec  succès  contre  le  rhuma- 
tisme. » 

L’ancien  historien  Rosales,  qui  écrivit  son  livre,  il  y a de  cela 
plus  de  deux  siècles,  parle  de  cette  plante  dans  les  termes  louangeurs 
qui  suivent  : 

« L’herbe  que  les  indigènes  appellent  Cachalaguen  est  digne  d’être 
mentionnée  ; elle  atteint  un  tiers  de  vare  de  hauteur;  ses  feuilles  sont 
très  ténues  et  ses  branches  très  tendres.  Sa  fleur  est  rouge,  petite  et 
mince.  Les  Indiens,  comme  grands  herboristes,  l’appliquent  de  la 
façon  suivante  pour  les  douleurs  du  « côté  » et  en  obtiennent  des 
effets  merveilleux  : ils  prennent  une  cruche,  la  remplissent  d’eau,  et 
mettent  dedans  une  poignée  d’herbe;  ils  en  font  une  décoction,  sans 
regarder  si  la  substance  est  épaisse  ou  claire.  Ils  administrent  alors  la 
décoction  forte,  comme  si  c'était  un  gros  bouillon,  et  la  font  boire 
chaude.  La  douleur  est  apaisée,  et  de  telle  manière  cesse  le  mal  que  la 
saignée  est  souvent  inutile.  On  recommence  à boire  quand  revient  la 
douleur,  et  le  mal  s’apaise  et  disparaît.  De  nombreuses  expériences  ont 
été  faites  sur  ce  remède;  de  là  est  venue  la  célébrité  de  cette  herbe, 
dont  la  vertu  et  les  grands  bienfaits  nous  ont  été  enseignés  par  Dieu 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


Ï29 


lui-même.  Les  Espagnols,  pour  atténuer  sa  forte  saveur  amère,  la 
mélangent  dans  la  décoction  avec  la  violette.  Prise  à jeun,  elle  est 
aussi  utile  pour  tuer  les  vers.  » 

Don  Jorje  Juan  et  don  Antonio  de  Ulloa  louent  la  Canchalagua 
et  disent  : « C’est  une  plante  excellente,  très  utile  pour  guérir  les 
lièvres  et  autres  affections  du  même  genre  • sa  saveur  amère  est  très 
intense,  et  l’eau  se  charge  facilement  de  son  goût,  soit  par  infusion, 
soit  par  décoction-,  elle  purifie  parfaitement  le  sang,  et  elle  est  em- 
ployée dans  ce  but  par  les  habitants  du  pays,  malgré  sa  réputation 
d’échauffante.  » 

M.  Ruiz,  un  des  illustres  auteurs  de  la  Flore  péruvienne  et 
chilienne , s’exprime  ainsi  : 

« Cette  plante  est  d’un  emploi  fréquent  au  Pérou  et  au  Chili, 
pour  modifier,  rafraîchir  et  purifier  le  sang,  comme  aussi  pour  rani- 
mer les  forces  de  l’estomac  et  pour  couper  les  fièvres  intermittentes. 
Elle  est  considérée,  à cause  de  ses  propriétés  sudorifiques,  comme 
particulièrement  utile  contre  les  douleurs  du  côté  sans  fièvre  (pleuro- 
dynie) ; la  méthode  la  plus  usitée  au  Chili  et  au  Pérou  pour  son  appli- 
cation est  la  suivante  : on  laisse  macérer  quelques  plantes  dans  l’eau 
froide  pendant  quelques  heures  et  on  prend,  à jeun,  4 ou  5 onces  de 
cette  infusion;  quelques  personnes  en  prennent  2 ou  3 doses  par  jour, 
de  3 onces  chacune.  On  prescrit  rarement  la  Canchalagua  en  décoc- 
tion, parce  que  son  principe  amer  se  dissout  facilement  dans  l’eau 
froide.  Néanmoins,  quelques  personnes  la  prennent  en  infusion  théi- 
forme  avec  du  sucre,,  remplaçant  ainsi  l’herbe  du  Paraguay  appelée 
Mate  dans  cette  partie  de  l’Amérique.  Quelques  médecins  ordonnent 
de  la  faire  bouillir  légèrement,  persuadés  que  de  cette  façon  son  prin- 
cipe médicinal  cède  plus  facilement.  La  dose  de  la  Canchalagua 
sèche  peut  arriver,  suivant  mes  observations,  de  1/2  à 1 drachme, 
sans  compter  la  racine,  à cause  de  son  goût  presque  insipide  et  de 
son  poids  qui  est  plus  grand  que  tout  le  reste  de  la  plante.  La  Can- 
chalagua fraîche  peut  s’administrer  de  1 à 3 drachmes.  » 

Dans  le  numéro  i3  du  Mercurio  chileno}  avril  1829,  on  voit 
une  liste  des  plantes  observées  par  Bertero,  dans  laquelle  on  lit  : 


9 


PLANTES  MÉDICINALES  DU  CHILI 


i 3o 


« Chironia  chilensis  W.,  vulgairement  Canchalagua.  Plante  très 
fréquente  dans  les  parties  sèches  des  plaines  ou  des  collines.  On  en 
fait  un  grand  usage  dans  le  pays,  surtout  dans  les  campagnes  où  on 
la  conserve  en  paquets  d’une  année  à l’autre.  La  principale  vertu 
qu’on  lui  attribue  est  celle  de  rendre  le  sang  plus  liquide.  La  seule 
observation,  que  pour  le  moment  je  me  permets  de  faire,  est  que  la 
façon  d’agir  du  principe  amer  de  la  Genciana  est  assez  connue,  et 
que  je  suis  persuadé  que  la  Canchalagua  jouit  des  propriétés  toniques,, 
stomacales  et  vermifuges  analogues  au  quinquina,  quoiqué  à un 
moindre  degré.  » 

M.  Gay,  dans  la  Botanique  du- Chili,  tome  IV,  page  402,  parlant 
de  la  Canchalagua , dit  : « Cette  plante,  très  connue  par  ses  excel- 
lentes vertus  médicinales,  est  commune  dans  la  région  des  pâturages 
de  la  République.  D’un  goût  très  amer,  qui  augmente  en  la  séchant, 
les  habitants  l’emploient  pour  purifier  le  sang  et  pour  les  fièvres 
intermittentes,  quand  leur  intensité  n’est  pas  forte;  elle  est  aussi  em- 
ployée comme  tonique,  sudorifique,  etc.  » 

MM.  Lebœuf  et  Méhu,  Français,  ont  écrit  des  articles  très 
intéressants  sur  la  Canchalagua  ; le  premier,  sous  le  point  de  vue 
historique  et  pharmacologique,  et  le  second,  sur  l’étude  de  ses  com- 
posants ( 1 ) . 

La  Canchalagua  se  vend  dans  toutes  les  pharmacies,  et  son 
infusion  est  officinale.  Il  y eut  une  époque  où  on  l’exportait  en  plus 
grande  quantité  qu’aujourd’hui,  et  d’ici  on  en  pourvoyait  la  phar- 
macie royale  d’Espagne.  Son  exportation  n'était  pas  faite  avec  atten" 
tion,  et  Lebœuf  se  plaint  de  la  voir  mêlée  à une  grande  quantité 
d’autres  herbes. 

On  doit  la  récolter  en  fleur,  la  sécher  soigneusement,  et  l’enve- 
lopper en  paquets  bien  conditionnés,  afin  qu’elle  se  conserve  bien. 

La  Canchalagua  a une  saveur  amère,  peu  persistante.  Elle  dé- 
fi) Voyez , Anales  de  la  Untversidad,  1 85g,  pag.  1 1 1 9 ; une  communi- 
cation de  M.  Damian  Miquel,  extraite  d’une  relation  de  Lebeuf;  et  aussi 
l’étude  de  Méhu  dans  le  Bulletin  de  Thérapeutique,  premier  semestre  de  i8pOj 
pag.  409. 


PLANTES  MÉDICINALES  DU  CHILI  i3i 


termine  une  augmentation  de  l’appétit  et  facilite  la  digestion.  Elle 
contient  un  principe  amer  qui,  extrait,  ressemble  beaucoup  à celui 
de  la  Erythrœa  centaurium , mais  en  plus  grande  abondance» 

La  Canchalagua  entre  dans  la  catégorie  des  toniques  dépuratifs, 
fébrifuges,  et  on  la  conseille,  soit  en  macération,  soit  en  infusion,  dans 
les  rhumatismes  chroniques,  pleurodynies,  éruptions  de  la  peau,  sus- 
pensions menstruelles,  convalescences  des  pneumonies  et  pleurésies. 
Il  est  bon  de  la  préparer  à 2 0/0,  pouvant  prendre,  en  infusion  ou 
macération,  un  verre,  deux  ou  trois  fois  par  jour.  Comme  emména- 
gogue,  on  l’associe  fréquemment  à notre  Pimpinela ; dans  les  affec- 
tions cutanées,  on  la  mêle  au  Crémor. 

On  emploie  aussi  la  Canchalagua , et  avec  avantage,  pour  laver 
la  tête  et  donner  de  la  force  aux  racines  des  cheveux.  Pour  ma  part, 
j’ai  l’habitude  de  la  conseiller  toujours  dans  l’alopécie,  où  elle  semble 
agir  par  ses  conditions  toniques.  Je  nJai  jamais  eu  occasion  de  con- 
naître les  propriétés  vermifuges  que  quelques-uns  lui  attribuent. 
Comme  boisson  amère,  je  l’ai  recommandée  dans  l’épidémie  du  cho- 
léra qui  nous  a visités. 


ASPÉRIFOLIÉES 

TÈ  DE  BUR.RO 

Erytrichium  gnaphalioïdes. 

A.,  D.  C.,  Prodr.,  X,  1 3 1 . — Gay,  IV,  466. 

Petit  arbuste  pubescent,  blanchâtre;  les  tiges  sont  ascendantes, 
ligneuses,  avec  feuillage  dans  leur  partie  inférieure,  et  presque  nues 
dans  la  partie  supérieure;  les  feuilles  sessiles,  linéaires,  élevées, 
très  entières;  fleurs  réunies  en  capitules  globuleux,  alimentées  par 
de  longs  pédoncules  dichotomes  ; le  calice  a 5 divisions  et  est  couvert 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


I 32 


en  dehors  par  un  abondant  duvet  blanchâtre;  la  corolle  blanche, 
avec  le  limbe  étendu  et  de  grands  lobes  obtus. 

Il  croît  en  abondance  dans  les  parties  élevées  des  Cordillères 
du  nord  et  même  dans  les  plaines  et  sur  les  collines  découvertes 
remplies  de  sable  blanc.  On  lui  donne  aussi  le  nom  de  thé  des  Cor- 
dillères. 

On  emploie  les  feuilles  et  les  petites  branches.  Les  habitants  du 
Nord  et  surtout  les  mineurs  l’apprécient  beaucoup  pour  ses  qualités 
simulantes  et  digestives.  On  recommande  sa  boisson  en  infusion 
îhéïforme  dans  les  indigestions  et  diarrhées.  Sa  saveur  n’est  pas 
désagréable  et  j’ai  cru  la  trouver  un  peu  astringente. 

Elle  est  de  grande  consommation  dans  la  médecine  domestique, 
et  il  n’y  a pas  une  maison,  dans  la  province  d’Atacama,  où  on  n’en 
conserve  quelques  branches  en  cas  de  maladie. 


CONVOLVULACÉES 

CARRÏZILLO 

Calystegia  rosea. 

Ph.  Linnæa,  XXIX,  i5. 

Tige  volubile,  glabre;  les  feuilles  sont  cordiformes  à leur  base, 
oblongues-lancéolées,  très  aiguës  et  égales  au  pétiole,  avec  les  lobes 
de  la  base  arrondis;  les  pédoncules  sont  axillaires,  uniflores,  un 
peu  plus  courts  que  les  feuilles;  les  bractées  ovoïdes  et  dépassant  un 
peu  le  calice,  les  bractées  du  calice  aigües;  la  corolle  grande,  d’un 
rose  foncé. 

Cette  plante  fut  découverte  par  le  docteur  Fonk,  près  du  pont 
du  Low , dans  l’archipel  des  Chonos.  Elle  croît  dans  les  terrains  hu- 
mides et  dans  les  plaines  du  Chili,  depuis  la  rivière  Aconcagua  jus- 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


1 33 


qu’à  l’archipel  déjà  nommé.  Cette  espèce  diffère  de  la  C.  sepium 
par  ses  feuilles  non  tronquées  à leur  base  (i). 

Elle  est  aussi  connue  sous  le  nom  de  Çarri{alillo  dans  le  voisi- 
nage de  la  rivière  Diguillin,  où  de  grandes  extensions  de  terrains 
sont  envahies  par  cette  plante.  Elle  vit  dans  les  terrains  humides, 
comme  nous  l’avons  déjà  dit,  s’entrelaçant  dans  les  herbes  et  buis- 
sons et  principalement  dans  les  touffes  de  Joncées , où  elles 
étalent,  aux  premières  heures  du  jour,  leurs  grandes  corolles  ou- 
vertes, les  Suspiros  del  campo  (soupirs  des  champs),  ou  Suspiros 
del  monte  (soupirs  des  bois),  et  où  le  sol  est  sillonné  de  leurs  ra- 
cines vivaces,  désordonnées,  qui  se  croisent  en  tous  sens,  à peu  de 
profondeur. 

Les  racines  du  carri\illo  sont  en  faisceaux  irréguliers;  elles  sont 
cylindriques,  non  ramifiées,  de  10  à 5o  centimètres  de  longueur,  de 
la  grosseur  d’une  plume  d’oie,  couleur  jaunâtre,  blanche  ou  grisâtre 
à l’extérieur,  moins  obscure  à l’intérieur;  quelquefois  très  cassantes, 
d’autres  fois  très  flexibles,  suivant  la  sécheresse  de  l’air  et  là  maturité 
des  racines;  sa  texture  est  uniforme,  nullement  fibreuse,  de  cas- 
sure résineuse  et  légèrement  granuleuse;  la  saveur  est  douce, 
spéciale,  d’abord  agréable,  ensuite  un  peu  nauséabonde,  nullement 
âcre.  Elle  est  hygroscopique  et  de  difficile  pulvérisation,  parce 
qu’une  partie  de  la  matière  adhère  au  mortier  comme  une  masse 
visqueuse. 

Elle  contient  une  grande  proportion  d'amidon,  une  substance 
sucrée,  comme  le  fait  présumer  sa  saveur  et  la  fermentation  alcoo- 
lique qui  peut  s’obtenir  après  quelques  jours  d’abandon  de  l’eau 
avec  laquelle  on  la  traite,  et  une  résine  de  couleur  jaune-rouge, 
transparente,  fusible  sans  se  liquéfier  complètement. 

Les  préparations  de  la  calystegia , qu’il  est  bon  d’employer, 
sont  : la  poudre,  la  teinture  alcoolique  et  la  résine. 

La  poudre  est  d’un  blanc-jaunâtre  clair,  d’une  odeur  spéciale  très 
sensible  et  d’une  saveur  semblable  à la  farine  crue,  sans  la  moindre 

(i)  Cet  article  est  presque  un  re'sumé  de  la  thèse  de  licence  du  docteur 
Federico  Puga-Borne.  — Anales  de  la  Universidad 1879,  page  267. 


>34 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


âcreté,  un  peu  douce  au  commencement,  amère  plus  tard,  et  enfin, 
légèrement  nauséabonde. 

Sa  préparation  est  difficile,  raison  pour  laquelle  il  convient  de 
bien  sécher  les  racines,  et  les  passer  au  tamis.  M.  Puga  Borne  em- 
ploya, pour  ses  expériences,  la  poudre,  sans  la  tamiser. 

La  teinture,  préparée  comme  on  le  fait  pour  le  Jalap , a une 
couleur  jaune  un  peu  rougeâtre,  peu  d’odeur,  une  saveur  spéciale 
d’abord,  et  amère  un  peu  plus  tard. 

Avec  4 ou  6 grammes  de  poudre  de  carri^illo , après  la  sensa- 
tion que  son  mauvais  goût  produit  dans  la  bouche,  on  ressent  quel- 
quefois aussi,  à l’estomac,  un  malaise  qui  se  traduit  en  nausées. 
Quelques  heures  plus  tard  surviennent  des  borborygmes,  parfois  des 
légères  douleurs,  coliques,  et  ensuite  viennent  les  évacuations, 
d’abord  excrémenteuses,  ensuite  claires,  céreuses,  comme  celles  que 
déterminent  les  drastiques.  Ce  mouvement  du  ventre,  quoique  rare, 
persiste  quelquefois  jusqu’au  second  jour;  quarante-huit  heures 
après,  les  évacuations  cessent  et  sont  remplacées  par  une  constipa- 
tion qui  dure  deux  ou  trois  jours.  Dans  quelques  circonstances,  le 
carriyillo  a occasionné  une  tympanite  intestinale  un  peu  marquée, 
mais  passagère,  chez  les  individus  malades,  jamais  chez  les  sains. 

En  comparant  l’action  physiologique  du  jalap  avec  \q  carri{illo, 
on  arrive  au  résultat  qui  constate  chez  ce  dernier  une  action  plus 
faible  et  plus  tardive,  quoique  plus  prolongée.  Pour  obtenir  un  effet 
pareil  à celui  du  jalap,  il  faut  employer  les  poudres  de  la  calystegia 
à double  dose. 

De  l’action  physiologique  de  cette  racine  on  déduit  son  action 
thérapeutique.  En  conséquence,  on  peut  la  recommander  dans  les 
cas  nombreux  où  le  médecin  doit  employer  les  agents  purgatifs. 
C’est  donc  une  bonne  fortune  pour  la  médecine  chilienne  de  pouvoir 
compter  sur  une  substance  de  cette  nature. 

Les  conclusions  présentées  par  le  docteur  Puga  Borne,  après  de 
nombreuses  observations,  sont  les  suivantes  : 

i°  La  racine  de  calystegia  rosea  convolvulacea  indigène  du  Chili, 
est  dotée  d’une  action  purgative  drastique. 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


1 35 


2°  Cette  action  est  plus  faible  et  plus  prolongée  que  celle  du  jalap 
et  est  presque  invariablement  suivie  de  constipation. 

3°  De  ces  trois  caractères  de  son  action  se  déduisent  les  indica- 
tions dans  son  emploi. 

4°  Les  formes  sous  lesquelles  il  convient  de  remployer  sont  : la 
poudre,  la  teinture  et  la  résine. 

5°  On  peut  les  administrer,  dans  leur  état  naturel,  sans  recourir 
aux  correctifs. 

6°  La  dose,  en  poudre,  peut  varier  de  4 à 8 grammes;  celle  de 
la  teinture,  entre  38  et  80,  et  celle  de  la  résine  entre  5o  centigrammes 
et  2 grammes. 

Pour  ma  part,  je  crois  qu’il  serait  bon  d’associer  aux  prépara- 
tions du  carri\illo  une  substance  aromatique  pour  éviter  les  coliques 
qui  surviennent  quelquefois,  et  le  développement  des  gaz  qui  se  font 
aussi  sentir. 

CABELLOS  DE  ANJEL  (Cheveux  d’AngeS 
C us  eu  ta. 

Les  espèces  qui  correspondent  à ce  genre  (sont  parasites,  blan- 
ches, volubiles  avec  les  fleurs  réunies  en  capitules  ou  en  épis  jau- 
nâtres ou  rougeâtres;  le  calice  est  monophyile,  quinquephylle 
(quelquefois  quadriphylle)  ; la  corolle  est  urcéolée-globuleuse  avec 
le  même  nombre  de  divisions  ; même  nombre  d’étamines  mises 
dans  le  milieu  du  tube  de  la  corolle,  l’ovaire  est  biloculaire,  le  style 
simple  ou  bifide  ; la  capsule  est  biloculaire. 

Les  « cuscutes  » sont  des  plantes  parasites  répandues  presque 
sur  tout  le  globe.  Nous  en  avons  au  Chili  9 espèces  connues  toutes 
sous  le  nom  de  cabellos  de  Anjel  (cheveux  d’ange). 

On  les  emploie  à l’usage  externe  en  cataplasmes  pour  dissou- 
dre les  tumeurs  inflammatoires,  contre  les  bubons  ; à l’usage  in- 
terne, elles  jouissent  de  la  renommée  des  diurétiques. 

L’ancienne  médecine  leur  concédait  une  action  sur  beaucoup  de 


PLANTES  MÉDICINALES  DU  CHILI 


1 36 


maladies,  Hippocrate  et  les  Arabes  l'appliquaient  dans  la  phthisie 
pulmonaire,  aujourd’hui,  on  n’en  fait  plus  usage. 


SOLANEES 

PICHI 

Fabiana  imbricata . 


Ruiz  et  Pavon,  t.  II,  12,  tab.  122,  fig.  b.  — Hook,  Icor.,  pi.  4,  lam.,  340.  — 
Lind.,  Bot.  reg\,  t.  XXV,  lam.,  59.  — Gay,  V,  pag.  41.  — D.  C.,  Prodr., 
XIII,  a,  p.  590. 

Petit  arbuste,  à bois  dur,  très  rameux,  à écorce  ridée  et  remplie 
de  rugosités  saillantes  - les  branches  sonthispides.  Il  possède  de  nom- 
breuses branches  raides,  de  2 à 5 centimètres  de  longueur,  couvertes 
intérieurement  de  feuilles  très  petites,  ovoïdes  très  obtuses,  con- 
caves par-dessus,  convexes  en  dessous,  glabres,  prolongées  à leur 
base,  imbriquées  et  en  forme  de  squames.  Fleurs  solitaires  et  ses- 
siles  à la  pointe  des  jeunes  rameaux. 

Le  calice  est  cupuliforme,  avec  des  dents  obtuses,  glabre  et 
persistant;  la  corolle  tubulaire,  infundibuliforme,  avec  le  limbe  plié 
formant  5 lobes  arrondis  4 ou  5 fois  plus  longs  que  le  calice  qui  en- 
toure la  base  des  fleurs. 

On  le  trouve  depuis  Arauco  jusqu’à  Coquimbo  ; il  croît  princi- 
palement au  bord  des  rivières  et  entre  les  pierres.  Vu  de  loin  on  le 
confond  avec  le  Tamaris.  Nous  l’avons  vue  cultivée  dans  quelques 
jardins,  grâce  à son  élégance  et  à la  belle  couleur  blanc  bleuté  de  ses 
petites  fleurs. 

Ruiz  et  Pavon,  comme  Gay,  disent  que  le  Pichi  est  employé 
pour  la  guérison  des  chèvres  et  chevreaux  attaqués  de  la  maladie 
des  pirguines , petits  vers  qui  se  multiplient  dans  le  foie,  et  qui  oc- 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


casionnent  une  grande  mortalité.  On  en  fait  usage  depuis  un  temps 
immémorial  dans  les  affections  urinaires. 

11  y a déjà  quelques  années  que  j’appelais  l’attention  des  méde- 
cins sur  les  bons  résultats  que  j’avais  obtenus  avec  une  légère  dé- 
coction de  cette  plante  dans  les  blennorrhagies  et  catarrhes  chroni- 
ques delà  vessie.  « Plus  d’une  douzaine  de  cas,  traités  uniquement 
» par  la  tisane  de  Pichi , disais-je,  ont  confirmé  mes  idées  sur  cette 
» solanée  et  m’ont  décidé  à l’adopter  comme  un  aide  puissant  dans 
» le  traitement  des  inflammations  chroniques  ou  aigues  de  l’urètre.  » 

Tombé  dans  l’oubli  pendant  quelque  temps,  son  emploi  s’est 
renouvelé,  dû  à la  guérison  d’un  haut  fonctionnaire  administratif  du 
territoire  araucanien  qui  souffrait  d'une  cystite  muco-purulente  re- 
belle à un  bon  nombre  de  traitements.  Le  Pichi  triompha  d'elle. 
L’enthousiasme  produit  par  la  guérison  de  cette  maladie  qu’on 
croyait  compliquée  de  calculs  vésicaux  fut  très  grand  parmi  tous,  et 
les  nouveaux  et  heureux  résultats  obtenus  ensuite  firent  étendre 
l’emploi  du  Pichi  dans  toute  l'Amérique.  Peu  de  temps  après,  il 
traversa  les  mers  et  fut  étudié  sous  le  point  de  vue  médical  et  phar- 
macologique, en  France  par  MM.  Boyer  et  Limousin  (i). 

Au  Chili,  M.  Sierralta  en  fit  le  sujet  de  sa  thèse  de  licence(2),  de 
laquelle  nous  prenons  une  grande  partie  des  renseignements  qui  vont 
suivre. 

Matière  médicale.  — Mon  opinion  est  que  le  Pichi  agit  sur 
l’organisme  par  la  résine  qu’il  contient.  Elle  lui  donne  l’odeur  spé- 
ciale qui  le  caractérise,  et  qui  se  trouve,  dans  les  feuilles,  dans  ses 
petites  branches  et  dans  l’écorce  de  sa  tige.  Pour  ce  motif,  j'ai  l’ha- 
bitude d’employer  toute  la  plante,  et  non  les  feuilles  seulement,  dans 
lesquelles  M.  Sierralta  croit  que  le  principe  actif  réside  uniquement. 

Le  Pichi  contient  un  principe  amer,  une  résine  acide^  jaune, 
une  huile  essentielle,  delà  chlorophylle,  delà  cellulose,  des  sels,  et 
du  tannin  qui  précipite  en  bleu  noir  les  sels  de  fer.  Dans  la  Communi- 
cation faite  par  M.  Limouzin  à la  Société  thérapeutique  française,  le 

(1)  Bulletins  et  Mémoires  de  la  Société  de  Thérapeutique,  Paris,  1886. 

(2)  Anales  de  la  Universidad  de  Chile,  1886,  page  487. 


i 38 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


14  avril  1886,  on  lit  : Qu’il  a obtenu  du  Pichi  une  résine  très  amère, 
insoluble  dans  l’eau,  dans  la  proportion  de  6 grammes  5o  cent,  par 
kilo.  Le  réactif  de  Winckler  indique  la  présence  d’un  alcaloïde,  mais 
ce  qui  surtout  le  caractérise,  ajoute-t-il,  c’est  l’abondante  proportion 
d’un  glucoside  analogue  à la  Esculina , jouissant,  comme  cette  sub- 
stance, d’un  pouvoir  réfringent  très  considérable.  En  effet,  sa  matière 
extractive  épuisée  par  l’eau,  contient-  encore  une  grande  proportion 
de  ce  corps  fluorescent  et  donne  par  réfraction  une  liqueur  inco- 
lore, bleuâtre,  semblable  à une  solution  de  sulfate  de  quinine. 

Les  préparations  suivantes  peuvent  s’obtenir  de  cette  plante  : 

Poudres.  — Elles  s'obtiennent  en  pulvérisant  les  petites  branches 
du  Pichi  qui  ont  assez  de  feuilles  ; passées  au  tamis,  elles  ont  une 
couleur  vert  jaunâtre,  de  saveur  amère,  sont  aromatiques,  et  un 
peu  astringentes. 

Infusion  et  décoction . — La  meilleure  de  ces  préparations  est 
l’infusion,  qui,  suivant  la  pharmacopée  chilienne  doit  se  faire  au 
4 pour  100.  La  décoction  légère,  qu’on  conseillait  autrefois,  n’a-t-elle 
pas  l’inconvénient  de  laisser  échapper  une  partie  de  l’huile  essentielle? 
Ces  deux  préparations,  filtrées,  ont  une  couleur  légèrement  jaune,  sem- 
blable à l’ambre,  et  offrent  à la  superficie  une  légère  pellicule  d'autant 
plus  notable  que  la  plante  est  plus  fraîche.  Cette  pellicule  est  due  à 
la  résine  qui  surnage  et  très  probablement  aussi  à l'huile  essentielle. 

Extrait  aqueux . — Un  kilogramme  de  la  plante,  réduit  en  poudre, 
a donné  90  grammes  d’extrait  mou  et  60  grammes  d'extrait  sec  éva- 
poré par  le  vide.  M.  Sierralta  a obtenu  80  grammes  du  même  extrait 
mou,  mais  il  ajoute  que  ce  chiffre  est  approximatif,  parce  que  les 
feuilles  du  Pichi  sont  difficilement  épuisées  par  les  dissolvants. 
Après  avoir  fait  agir  à plusieurs  reprises  l’eau  et  l’alcool  sur  elles, 
en  grandes  et  petites  quantités  consécutives,  le  résidu  est  encore  sus- 
ceptible de  fournir  de  nouvelles  portions  de  principes  solubles. 

Cet  extrait  est  amer,  un  peu  âcre,  aromatique,  approchant  de 
l’extrait  de  Guayaco  par  son  odeur. 

Teinture  alcoolique.  — - Dans  la  proportion  de  1 pour  5 d’alcool, 
elle  fournit  une  bonne  préparation.  Sa  réaction  est  acide. 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


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%ésine.  — On  trouve  ce  principe  dans  la  plante  fraîche,  dans 
une  proportion  approximative  de  io  pour  ioo-,  elle  est  jaune,  très 
aromatique,  âcre  et  amère.  Elle  fond  à une  légère  chaleur,  et  brûle 
avec  une  flamme  fuligineuse  comme  ses  congénères. 

Action  physiologique.  — Toutes  les  préparations  du  Pichi,  sui- 
vant le  degré  de  concentration  et  la  quantité  de  résine  et  d’huile  es- 
sentielle qu’elles  contiennent,  sont  plus  ou  moins  amères,  âcres  et 
aromatiques,  stimulent  légèrement  l’estomac,  causant  quelques  bor- 
borygmes  et  expulsant  des  gaz  qui  rappellent  son  odeur  spéciale. 
Quelquefois  l’appétit  augmente.  Après  son  absorption,  la  sensation 
la  plus  remarquable  est  celle  qu’il  produit  sur  la  vessie,  déterminant 
une  émission  fréquente  et  une  légère  augmentation  de  cette  sécrétion; 
l’urine  est  plus  claire,  et  conserve  pendant  quelque  temps  une  odeur 
résineuse. 

Les  expériences  pratiquées  par  M.  Sierralta  à propos  de  la  sé- 
crétion urinaire,  par  les  diverses  préparations  du  Pichi , sont  dignes 
d'être  connues. 

Les  voici  : 

ire  Expérience . — Décoction  du.  Pichi  (6o/5oo)  en  4 portions  — 
2,000  grammes  d’ urine.  — Excès  sur  le  terme  moyen  physiologique 
- — 33o  grammes,  considérant  l’état  normal,  1,670  grammes. 

2me  Expérience . Infusion  (6o/5oo)  une  seule  fois,  540  gram- 
mes d'urine.  Excès  sur  la  moyenne  physiologique,  nul. 

3_4mes  Expériences.  — Avec  la  macération,  le  résultat  est  nul. 

5rae  Expérience.  — Décoction  de  l’écorce,  3o  pour  5oo.  — 
1,900  grammes  d’urine.  — Excès  sur  la  moyenne  physiologique, 
23o  grammes. 

6-7mes  Expériences.  — La  résine,  absorbée,  depuis  1 gr.  20  jus- 
qu’à 3 grammes  en  deux  doses,  et  en  2 jours  d'expériences,  a donné 
jusqu’à  i5o  grammes  d'augmentation  sur  la  moyenne  physiologique 
et  jusqu'à  400  grammes  sur  l’urine  du  jour  antérieur. 

8-9mes  Expériences.  — Avec  l'extrait  aqueux,  la  quantité  d’urine 
s’est  élevée  jusqu’à  1,900  grammes  ; deux  grammes  d'extrait  pris  en 
deux  doses  à 2 heures  d’intervalle. 


140 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


10 ™ Expérience. — 45  grammes  de  poudre  tamisée,  pris  en 
5 heures,  ont  donné  i,y5o  grammes  d’urine  -,  80  grammes  sur  la 
moyenne. 

Thérapeutique.  — On  a beaucoup  loué  le  Pichi  comme  agent 
lithoiriptique.  M.  Lucien  Boyer  raconte  qu’un  général  péruvien  avait 
échappé  à l’opération  de  la  taille  dont  il  était  menacé  par  son  chirur- 
gien, pour  le  débarrasser  d’un  volumineux  calcul  vésical,  grâce  à 
l’usage  du  Pichi.  Le  même  pouvoir  lui  est  prêté  chez  nous  par  les 
gens  qui  lui  réservent  une  préférence  marquée,  mais  je  ne  connais 
aucun  cas  authentique  qui  puisse  confirmer  cette,  croyance,  selon 
moi  erronée  et  nuisible. 

Mais,  où  les  préparations  du  Pichi  sont  appelées  à remplir  un 
rôle  plus  ou  moins  important,  c’est  dans  les  catarrhes  de  la  vessie, 
simplement  muqueux  ou  muco-purulents,  idiopathiques  ou  sympto- 
matiques-, elles  sont  également  recommandées  dans  les  affections 
chroniques  des  bronches,  et  très  remarquables  dans  les  hémorrha- 
gies. 

L’effet  du  Pichi , dans  ces  cas,  est  comme  celui  de  tous  les  bal- 
samiques; par  sa  résine,  il  a une  action  marquée  dans  les  affections 
des  voies  urinaires;  par  son  huile  essentielle,  sur  les  affections  de 
l’arbre  respiratoire. 

J’ai  employé  plusieurs  fois  le  Pichi  dans  les  blennorrhagies,  et  je 
n’ai  qu’à  me  féliciter  de  ses  résultats.  M.  Sierralta  cite  neuf  cas  de 
gonorrhées  guéries  avec  cet  agent  et,  quoiqu’il  le  considère  inférieur 
à d’autres  de  la  même  nature,  il  croit  que  c’est  un  aide  utile,  puis- 
qu’on peut  l’administrer  à grandes  doses  sans  troubler  les  fonctions 
digestives. 

Le  docteur  Concha  Vergara,  spécialiste,  chez  nous,  des  mala- 
dies des  voies  urinaires,  dit  que  : « Dans  les  cystites  du  col  qui  recon- 
naissent pour  cause  un  état  d’inflammation  du  canal,  les  effets  du 
Pichi  sont  admirables  : le  tenesme  vésical  disparaît  comme  par 
enchantement  et  l’émission  de  l’urine  revient  régulière.  Je  ne  con- 
nais aucun  agent  thérapeutique  qui  puisse  agir  avec  une  rapidité 
et  une  efficacité  égales  dans  cette  sorte  d’affections.  Les  balsa- 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


H1 


miques,  dont  l’efficacité  est  indiscutable,  ne  produisent  pas  une  con- 
valescence aussi  rapide  que  celle  qu’on  obtient  par  l’emploi  de  cette 
plante,  ni  même  le  cubèbe,  qui  est  considéré  comme  le  plus  éner- 
gique par  son  action  spéciale  sur  la  vessie.  J'ai  administré  la  tein- 
ture de  Pichi , comme  la  décoction,  à quatre  individus  affectés  d’une 
cystite  du  col,  due  à un  état  inflammatoire  chronique  de  la  portion 
membraneuse  du  canal,  qui,  comme  conséquence  de  dérèglements 
répétés,  avait  une  poussée  aiguë  , la  portion  prostatique  fut  envahie, 
et,  à son  tour,  le  col  de  la  vessie.  Les  quatre  malades  guérirent  radi- 
calement, et  avec  une  rapidité  étonnante.  » 

Le  docteur  Concha  ne  pense  pas  de  même  pour  les  autres  cys- 
tites; mais,  les  observations  qui  accompagnent  le  mémoire  du  doc- 
teur Sierralta  et  les  miennes  propres,  indiquent  que  le  Pichi  est  un 
agent  puissant  de  guérison  daas  ces  cas. 

Dans  les  bronchites  chroniques,  dans  l’asthme  humide,  dans  les 
bronchorrées,  dans  la  phthisie  pulmonaire,  le  Pichi  est  un  aide  puis- 
sant des  autres  médicaments  plus  énergiques  contribuant  en  grande 
partie  à la  guérison  et  au  soulagement  de  ces  pénibles  et  graves  affec- 
tions. 

Je  crois  même.que,  seul,  l’extrait  fluide  de  cètte  plante,  que  je 
n’ai  pas  eu  occasion  d’employer,  suffirait  comme  agent  d’une  éner- 
gique médication. 

Une  tisane  de  Pichi  peut  être  recommandée  avec  profit  dans  les 
cas  d’abcès  hépatiques,  si  communs  chez  nous. 

Je  n’ai  pas  eu  l’occasion  d’employer  le  Pichi  comme  vermifuge  ; 
mais,  l’usage  qu’on  en  a fait  pour  le  traitement  des  chèvres  attaquées 
de  Pirguines , laisse  entrevoir  que  ce  serait  un  agent  efficace  antihel- 
minthique. 

Les  meilleures  préparations  du  Pichi  seraient,  selon  moi,  la 
décoction  légère  ou  l’infusion,  la  teinture  alcoolique  et  l’extrait  fluide. 
Avec  ce  dernier,  on  pourrait  préparer  un  sirop  qui  permettrait  son 
emploi,  sans  goût  désagréable,  à une  dose  un  peu  élevée. 


142 


PLANTES  MÉDICINALES  DU  CHILI 


MTRI 

Solarium  ou  tomatillo. 

Remy,  en  Gay,  V,  64. 

Solanum  crispum . 

Ruiz  et  Pavon.  Flor.  per.  II,  3 1 , lam.,  1 5 8 . — Gay,  V,  66.  — D.  C., 

Prodr.,  XIII,  a.  91. 

Solanum  gayanum , 

Remy  en  Gay,  V,  67. 

Sous  le  nom  générique  et  vulgaire  de  Natri , sont  désignées  ces 
trois  espèces,  dont  les  différences  sont  peu  sensibles,  et  employées 
toutes  trois  au  même  but  thérapeutique-,  mais,  le  Solanum  ou  toma- 
tillo étant  l’espèce  choisie  par  nos  pharmaciens  et  médecins  pour 
faire  leurs  études  de  chimie  ou  de  médecine,  nous  lui  donnerons  la 
préférence  dans  la  description  des  caractères  botaniques  (1). 

S.  tomatillo  — Plante  ligneuse,  à tiges  flexibles,  tortueuses, 
glabres,  fréquemment  rugueuses  et  touffues-,  les  branches  sont  her- 
bacées, glabres-,  les  feuilles  alternes,  solitaires,  pétiolées,  oblongues 
ou  oblongues-linéaires,  de  quatre  à huit  lignes  de  largeur,  d’un  pouce  et 
demi  à deux  pouces  et  demi  de  longueur,  obtuses,  arrondies  à l’extré- 
mité, coriacées,  grosses,,  entières,  ridées-ondulées  sur  les  bords,  con- 

(1)  Nous  avons  utilisé  pour  ce  travail,  celui  de  MM.  Bustillos  et  Vasquez 
publié  dans  le  deuxième  volume  des  « Anales  de  Farmacia  » ; l’étude  chimique 
physiologique  et  thérapeutique  est  tirée  de  celui  du  S.  Tomatillo  de  M.  Jean 
B.  Miranda;  deux  courts  mémoires  de  M.  Adolfo  Larenas  Alfaro  sur  le 
« Natri  » et  le  Witheringina  et  enfin,  quelques  notes  prises  sur  un  mémoire 
manuscrit  du  Docteur  Alberto  Navarette. 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


i43 


caves  sur  les  deux  faces,  et  pliées,  rugueuses  quand  elles  sont  sèches, 
de  vingt  à trente  fleurs  pédonculées,  violacées,  en  corymbe  terminal 
à l'extrémité  des  branches  • les  pédoncules  sont  glabres  et  rameux  -, 
le  calice  est  petit,  avec  cinq  dents  assez  larges-  la  corolle  hispide  à 
l’extérieur,  glabre  à l’intérieur,  avec  des  segments  ovales  et  obtus; 
le  style  est  d’une  longueur  double  de  celle  des  étamines;  les  fruits 
sont  de  la  grosseur  d’un  pois,  globuleux  et  d’une  couleur  rouge 
foncé. 

Cette  plante  est  commune  dans  toutes  les  provinces  centrales, 
et  de  facile  acclimatation  dans  les  pays  tempérés. 

On  emploie  les  feuilles,  les  branches  et  même  la  tige;  mais  le 
principe  actif  est  plus  abondant  dans  les  premières. 

A une  époque,  un  de  nos  pharmaciens  la  recommanda  dans  un 
mémoire  publié  dans  les  Anales  de  Farmacia , en  1864,  comme 
un  puissant  remède  contre  l’hydrophobie,  et  comme  l’agent  le  plus 
sûr  rencontré  jusqu’à  ce  jour  contre  cette  terrible  maladie  ; mais,  de 
l’étude  des  observations  publiées,  il  résulte  qu’aucune  ne  présente 
des  caractères  positifs  et  sérieux.  De  simples  renseignements  donnés 
par  des  personnes  étrangères  à la  science,  des  racontars  de  pauvres 
gens  de  la  campagne,  telles  furent  les.  bases  sur  lesquelles  on  essaya 
de  former  la  réputation  du  Natri. 

Le  Nalri  est  une  plante  qui  jouit  d’une  renommée  bien  méritée 
comme  tonique  et  fébrifuge,  et  dont  la  réputation  est  hors  de  toute 
controverse.  Personne  n’ignore,  au  Chili,  ses  bons  effets  et  ses  pro- 
priétés. O11  a porté  sa  réputation  à une  plus  grande  valeur  qu’elle 
n’en  possède  en  réalité. 

Nous  écrivions,  il  y a de  cela  vingt-trois  ans,  les  réflexions  sui- 
vantes sur  cette  plante  : 

« Les  fièvres  typhoïdes  bilieuses,  si  communes  parmi  nous, 
principalement  dans  les  campagnes,  dans  la  chaude  saison  d’été,  à 
cause  d’une  exposition  prolongée  des  travailleurs  au  soleil,  dans  les 
battages  du  blé  et  autres  travaux  agiicoles,  sont  connues  générale- 
ment sous  le  nom  indigène  de  Chavalongo  (mal  de  tête).  Dans  cette 
affection,  et  dans  toutes  les  fièvres  d’un  caractère  typhoïde,  l’emploi 


H4 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


du  Natri  en  infusion  ou  en  décoction,  soit  en  lavements  ou  en 
boisson,  par  doses  petites  et  répétées,  produit  de  très  bons  effets. 
Son  emploi,  limité  il  y a peu  de  temps  aux  gens  de  la  campagne, 
s’ouvre  peu  à peu  un  chemin  et  prend  la  place  qui  lui  convient 
dans  la  matière  médicale  chilienne,  en  raison  des  résultats  heureux 
obtenus  par  son  application  dans  la  fièvre  typhoïde  qui  a régné  à 
l’état  épidémique  dans  l’année  qui  s’écoule. 

» Les  personnes  auxquelles  j’ai  recommandé  son  emploi  ont  été 
très  satisfaites  de  son  action,  et  se  félicitent  de  posséder  une  méde- 
cine à si  bon  marché  et  si  puissante  pour  les  maladies  qu’ils  croyaient 
jusqu’à  présent  presque  incurables  ! » 

Depuis  cette  époque,  de  nombreuses  expériences  ont  été  faites 
sur  le  Natri , et  aussi  quelques  études  scientifiques  ; nous  allons  en 
donner  ici  un  extrait.  Libre  à ceux  qui  voudraient  les  connaître  d’une 
manière  approfondie,  de  recourir  à la  lecture  même  des  travaux  que 
nous  avons  cités  dans  la  note  bibliographique. 

Selon  l’analyse  pratiquée  parM.  Larenas,  les  cendres  des  feuilles, 
de  Natri  contiennent  : 

Phosphate  de. chaux. 

Carbonate  de  chaux. 

Carbonates  alcalins. 

Chlorures  alcalins. 

Sulfates  alcalins. 

Le  docteur  Miranda  dit  que  la  composition  qualitative  de  ces 
cendres  est  de  : 


Sulfate  de  potasse. 
Phosphate  de  potasse. 
Carbonate  de  potasse. 
Chlorure  de  potassium 
Chlorure  de  calcium. 
Phosphate  de  chaux. 
Phosphate  de  fer. 


La  composition  de  la  partie  organisée  est  complexe,  et  il  y a eu 
divergence  d’opinions  entre  ceux  qui  en  ont  fait  l'analyse  ; mais  tous 


PLANTES  MÉDICINALES  DU  CHILI 


145 


sont  d'accord  sur  l’existence  d’un  alcaloïde  sur  lequel  MM.  Bustillos 
et  Vasquez  ont,  les  premiers,  appelé  l’attention. 

Suivant  MM.  Miranda  et  Larenas,  ce  sont  les  feuilles  qui  con- 
tiennent la  plus  grande  quantité  de  ce  produit,  ayant  obtenu,  le  pre- 
mier, jusqu’à  2 pour  cent  des  feuilles,  et  1,90  pour  cent  de  la  tige, 
branches  et  feuilles  telles  qu’on  les  vend  dans  nos  pharmacies. 

M.  Miranda  la  nomme  Natrina , et  M,  Larenas,  Witheringina ; 
mais,  nous  croyons  plus  juste  et  plus  convenable  de  lui  conserver 
celui  de  Natrina  : i°  parce  que  le  nom  de  Natri  est  plus  populaire 
et  plus  connu  ; 20  parce  que  cette  plante  est  un  véritable  Solanum  et 
non  une  Witheringina. 

Les  caractères  de  ces  alcaloïdes  sont  analogues  comme  nous 
allons  le  démontrer  : 


Natrina  (Miranda) 
Blanche-jaunâtre. 

Saveur  amère  qui  dure  de  i5  à 3o 
minutes. 

Soluble  dans  l’alcool  et  plus  solubre 
dans  Peau  bouillante. 

Insoluble  dans  l’éther  et  le  chloro- 
forme. 

Elle  fond  d’abord,  et  se  carbonise 
ensuite,  répandant  une  odeur  de  corne 
brûlée. 

Les  acides  concentrés  lui  donnent 
une  couleur  rouge. 

L’ammoniaque,  lapotasse  etlasoude, 
forment  avec  la  Natrina  des  sels  qui 
se  précipitent. 


Witheringina  (Larenas) 
Blanche-jaunâtre. 

Saveur  amère  très  intense  et  persis- 
tante, jusqu’à  être  nauséabonde. 

Elle  est  d’autant  plus  soluble  dans 
l’eau,  qu’elle  est  plus  concentrée,  sur- 
tout dans  l’eau  bouillante. 

Insoluble  dans  l’éther,  le  chloro- 
forme ne  la  dissout  pas. 

Elle  fond  d’abord,  et  se  carbonise 
ensuite,  répandant  une  odeur  de  poix 
liquide  et  des  vapeurs  ammoniacales. 

Les  acides  concentrés  lui  donnent 
une  couleur  rouge. 

La  potasse,  soude,  ammoniaque, 
chaux,  magnésie  et  carbonates  alca- 
lins forment  des  sels  qui  se  préci- 
pitent. 


La  Natrina  forme  des  sels  cristaliisables  avec  les  acides  miné- 
raux, ils  ont  été  obtenus  très  purs  par  M.  Larenas.  Avec  les  réactifs 
de  Mayer,  Bouchardat  et  DragendorfF,  011  peut  reconnaître  les  solu- 
tions aqueuses  qui  contiennent  des  sels  de  Natrina-,  étant  beaucoup 
plus  sensibles  au  dernier,  qui  donne  un  précipité  rouge-orange  dans 
la  solution  de  1 pour  3, 000  de  sulfate  de  Natrina. 


10 


146 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


Le  procédé  recommandé  par  M.  Larenas  pour  obtenir  des  sels 
cristallisés  de  « Natrina  » est  le  suivant  : 

Feuilles  de  Natri 10  kilos. 

Eau  acidulée  avec  de  l’acide  sulfurique  à.  o.5o  0/0  jusqu’à  les  couvrir. 

Les  feuilles  de  Natri  préalablement  triturées  dans  de  l’eau 
acidulée  digèrent  pendant  48  heures,  à une  température  de  70  à 80 
centigrades  ; on  exprime  ensuite  le  liquide  sous  une  presse,  et  le 
résidu  se  soumet  à une  nouvelle  dissolution  dans  de  beau  acidulée  à 
0,25  pour  cent  à la  même  température,  et  pendant  le  même  temps, 
et  011  exprime  de  nouveau  les  liquides.  On  renouvelle  une  troisième 
fois  l’opération  afin  d’épuiser  complètement  la  feuille,  mais  avec  la 
moitié  de  l’acide  employé  dans  la  seconde  dissolution.  On  réunit  les 
liquides,  on  les  évapore  à un  feu  lent  jusqu’au  tiers  de  leur  volume, 
et  on  passe  au  filtre  de  toile,  à froid.  Dans  ce  cas,  le  liquide  est  forte- 
ment coloré  et  a une  saveur  amère  très  intense.  On  procède  alors  à 
la  précipitation  de  la  matière  résineuse  et  colorante,  en  y mettant, 
peu  à peu,  des  doses  de  5o  grammes  de  liqueur  de  sous-acétate  de 
plomb,  jusqu’à  ce  qu’il  soit  légèrement  en  excès..  Comme  il  n’est 
pas  possible  d'apprécier,  à la  simple  vue,  le  moment  dans  lequel  il  y 
a un  excès  de  plomb,  on  filtre  une  petite  quantité  du  liquide  quand 
on  présume  avoir  employé  la  liqueur  plombée  nécessaire,  et  sur  le 
liquide  filtré  on  verse  un  peu  d’une  solution  faible  de  bichromate  de 
potasse.  S’il  n’y  a pas  un  excès  de  plomb,  le  précipité  ne  se  formera 
pas,  et  s’il  existe  il  sera  jaune.  Une  fois  convaincu,  donc,  que  l’excès 
de  plomb  existe,  on  agite  fortement  le  liquide  avec  une  spatule  de 
bois,  et  on  verse  le  tout  dans  un  filtre  de  toile,  prenant  le  soin  de 
filtrer  de  nouveau  la  première  potion  passée.  Avec  cette  opération,  le 
liquide  que  contient  la  Natrina  à l’état  d’acétate,  reste,  sinon  inco- 
lore, du  moins,  d’un  jaune  à peine  perceptible. 

« Pour  le  faire  devenir  complètement  incolore,  il  suffirait  de 
précipiter  le  liquide  par  le  bicarbonate  de  soude,  dissoudre  de  nou- 
veau ce  précipité  dans  l’acide  sulfurique,  et  précipiter  encore  par  le 
sous-acétate  de  plomb,  filtrant  enfin  le  liquide  quand  il  y a un  léger 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


H7 


excès  de  ce  sel.  On  procède  ensuite  à séparer  l'excès  de  plomb  par  un 
courant  d’hydrogène  sulfuré  qu’on  fait  pénétrer  dans  le  liquide.  On 
extrait  le  précipité  par  filtration  et  on  l’évapore  au  bain-marie  jusqu’à 
ce  que  le  liquide  dépose  le  sel,  si  on  veut  obtenir  l’acétate  de  Natrina. 
J’ai  utilisé  ce  sel  pour  préparer  le  sulfate.  A cet  effet,  je  précipitai  la 
liqueur  par  le  carbonate  de  soude,  et,  ayant  bien  lavé  le  précipité,  je 
le  fis  dissoudre  dans  l’eau  acidulée,  avec  l’acide  sulfurique  à un  pour 
cent , ayant  soin  que  le  liquide  colorât  en  rouge,  et  imperceptible- 
ment, tout  au  plus  le  papier  bleu  de  tournesol.  L’ayant  obtenu,  je 
passais  au  filtre  et  fis  ensuite  la  concentration  au  bain-marie  jusqu’à 
obtenir  les  premiers  cristaux.  Enlevé  du  feu,  une  masse  cristallisée  se 
forma  par  le  refroidissement,  et  chose  curieuse,  les  cristaux  de  « sul- 
fate d q Natrina  »,  à la  simple  vue,  sont  très  ressemblants  aux  cris- 
taux du  sulfate  de  quinine.  » 

Les  préparafions  officinales  qui  pourraient  être  recommandées 
sont  : la  teinture  alcoolique,  l’extrait,  l’infusion  ou  la  macération,  et 
plus  spécialement,  la  « Natrina.  » 

Quant  à l’action  physiologique  du  Natri , le  docteur  Navarrette 
qui  l’a  pris  pour  s’en  rendre  compte,  l’apprécie  de  la  façon  suivante  : 

« Le  jus  des  feuilles,  ou  l’infusion  de  l’écorce  de  Natri , pris  à 
jeun,  produit  d’abord,  une  répugnance  due  à sa  saveur  excessive- 
ment amère;  mais,  une  heure  ou  deux  après  son  ingestion,  on  sent 
dans  l’estomac  un  léger  stimulant  et  une  vague  sensation  d’appétit; 
cette  sensation  augmente  progressivement  et  devient  bientôt  impé- 
rieuse. Simultanément  on  ressent  un  bien-être  et  une  agilité  qui  invi- 
tent à l’exercice,  celui-ci  devient  vite  indispensable,  car  à mesure 
que  l’absorption  du  médicament  augmente,  une  froideur  peu  sensible 
survient,  avec  élévation  appréciable  des  papilles  du  derme,  et  sou- 
vent de  légers  frissons.  La  température  descend  d’un  demi-degré,  au 
moins,  pour  revenir  à son  état  normal  trois  ou  quatre  heures  plus 
tard.  Le  pouls,  en  même  temps  qu’il  diminue  de  plénitude,  se  ralentit. 
En  continuant  pendant  quelques  jours  l’expérience,  les  fonctions  du 
ventre  se  facilitent,  et  il  en  survient  souvent  une  légère  fluxion  intes- 
tinale, sans  ténesme  ni  borborygmes.  Ni  la  respiration,  ni  le  système 


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PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


nerveux,  ne  furent  influencés  par  cette  préparation,  la  seule  que  j’ai 
employée.  » 

M.  Miranda,  qui  a opéré  avec  les  sels  de  Natrina,  a rencontré 
les  mêmes  effets  physiologiques,  plus  marqués  encore  par  la  force 
de  l’agent  qui  servit  à l’expérimentation,  surtout  ceux  qui  se  rappor- 
tent à l’abaissement  de  la  température.  A fortes  doses,  la  Natrina 
produit  des  nausées,  des  vomissements  et  des  évacuations  ; son  action 
locale  est  assez  irritante,  soit  appliquée  sur  la  peau  dépourvue  de  son 
épiderme,  ou  bien  administrée  en  injections  hypodermiques  ou 
énèmes. 

Les  voies  d’élimination  des  sels  de  Natrina  sont  les  émonc- 
toires  rénaux.  M.  Miranda  a toujours  rencontré  dans  burine  les  sels 
de  Natrina , qui  paraissent  ne  pas  se  décomposer  à travers  le  torrent 
circulatoire.  L’urine  des  personnes  qui  se  trouvent  sous  l’influence 
de  ces  préparations,  dit  ce  même  observateur,  comme  celle  des 
albumineuses,  produit  une  grande  quantité  d’écume  si  on  agite  le 
flacon  qui  la  contient,  écume  qui  persiste  pendant  quelques  heures. 

Les  nombreuses  expériences  vérifiées,  soit  dans  les  hôpitaux, 
soit  dans  la  pratique  civile,  et  dans  les  diverses  maladies  pyrétiques, 
manifestent  d’une  manière  évidente  l’action  antithermique  de  cette 
plante,  employée  en  infusion,  ou  par  l’administration  des  sels  de  son 
alcaloïde. 

J’ai  pu  constater  que  l'effet  de  ces  sels  est  très  semblable  à celui 
des  sels  du  quinine;  ils  n’altèrent  les  forces  que  momentanément, 
sans  jamais  les  détruire,  me  servant  d’une  expression  aussi  pitto- 
resque qu’exacte  de  l’école  de  Montpellier.  Le  Natri  est  un 
tonique  qui  exerce  une  action  antithermique,  sans  troubler  d’une 
façon  notable  aucune  fonction  de  l’organisme,  et  maintient  les  forces 
du  malade,  et,  par  ce  moyen,  abrège  la  convalescence  de  ces 
longues  maladies  dans  lesquelles  la  chaleur  fatigue  et  détruit  les 
forces  et  les  tissus. 

Convenons,  néanmoins,  que  le  Natri  et  les  sels  de  Natrina  n’ont 
pas  le  pouvoir  de  baisser  la  température  au-delà  d’un  degré  et  que 
son  action,  sous  ce  point  de  vue,  ne  dure  que  quelques  heures. 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


149 


Je  confesse  que  le  Natri  et  ses  préparations  sont  inférieures  dans  leur 
action  et  dans  leur  pouvoir,  à la  quinine  et  à ses  sels  -,  mais  je  dois 
aussi  déclarer  qu’on  chercherait  en  vain  un  médicament  plus  inno- 
cent, plus  facile  à administrer,  qui  présente  moins  d’inconvénients 
dans  son  emploi,  et  qui  soit  plus  lacile  à obtenir  dans  nos  cam- 
pagnes. Vu  nos  ressources  et  nos  conditions  de  sociabilité  dans 
ces  endroits,  prenant  en  considération  la  misère  de  nos  paysans,  la 
rare  densité  de  la  population  rurale,  leur  éloignement  des  villes  et 
des  villages,  l’ignorance  du  peuple  et  le  manque  absolu  de  secours 
dans  lequel  on  le  maintient,  le  Natri  est  un  médicament  qui  peut 
être  employé  sans  crainte,  une  ressource  de  grande  importance 
dans  toutes  les  fièvres  de  mauvaise  nature,  dans  toutes  les  pyréxies 
de  longue  durée,  parce  qu’il  est  efficace  et  que  son  usage  n’offre 
aucun  danger. 

Il  est  bon  que  dans  les  villes  on  ait  recours  et  on  préfère  d’autres 
antithermiques  de  plus  grande  activité  et  qui  offrent  plus  de  garantie 
et  dont  faction  est  plus  stable;  mais  laissons  le  Natri  en  usage 
administré  par  la  voie  stomacale  ou  répété  en  énèmes,  comme 
l’humble,  mais  efficace  serviteur  du  paysan,  qui  vit  éloigné  de  la 
fiévreuse  activité  qu’on  appelle  la  civilisation. 

PATATA 

Solarium  tuberosum , Lin. 

La  Patata,  connue  surtout  en  Amérique  sous  le  nom  de  papa{  1), 
n’a  pas  besoin  d’être  décrite  -,  elle  est  trop  connue  pour  qu’il  soit 
utile  d’insérer  ici  ses  particularités  botaniques.  Notre  intérêt,  en  la 
citant,  est  d’établir  d’une  façon  positive  son  origine  chilienne. 

M.  Claude  Gay  a prouvé,  sans  laisser  prise  à aucun  doute,  que 
la  patrie  primitive  de  ce  précieux  tubercule,  sans  lequel  l’humanité 
vivrait  avec  peine  aujourd’hui,  est  notre  pays. 


(1)  Pomme  de  terre. 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


1 5o 


« En  effet,  dans  le  Chili,  dit  ce  savant  naturaliste,  cette  plante 
croît  dans  les  endroits  les  plus  sauvages,  dans  les  déserts,  dans  les 
îles  ; dans  les  Cordillères,,  on  la  trouve  quelquefois  avec  une  telle 
abondance  que  les  Indiens  ont  donné  le  nom  de  ce  tubercule  à une 
de  leurs  régions,  c’est-à-dire  : Cordillère  des  ponis.  A plusieurs  re- 
prises, en  temps  de  grande  disette,  les  Indiens  ont  eu  recours  à sa 
récolte,  et  les  soldats  de  Pincheira  (i)  firent  de  même  en  pareilles 
circonstances.  D’autre  part,  quand  les  forêts  vierges  de  Llanquihue 
furent  incendiées  au  profit  des  colonies  allemandes,  de  toutes  les 
plantes  naturelles  qui  reparurent  spontanément,  la  pomme  de  terre 
fut  une  des  plus  communes.  » 

Dans  quel  site,  dans  quelle'cordillère  de  notre  pays  n’a-t-on  pas 
rencontré  la  pomme  de  terre  ? On  fa  vue  jusque  sur  le  sommet  des 
plus  hautes  et  plus  abruptes  cordillères,  où  l’homme  rarement 
arrive. 

Dans  ses  lettres  adressées  au  gouvernement  espagnol,  le  con- 
quérant don  Pedro  de  Valdivia,  dit  que  les  Indiens  de  ce  pays  s’ali- 
mentaient avec  les  pommes  de  terre  qu’ils  allaient  recueillir  sur  les 
collines. 

Alphonse  de  Candolle  admet,  pour  ces  motifs,  dans  sa  Géo- 
graphie botanique,  l’origine  chilienne  des  pommes  de  terre,  et  consi- 
dère peu  fondées  les  opinions  des  naturalistes  et  historiens  qui  ont 
indiqué  des  espèces  de  Solannm  à tubercules  dans  d’autres  parties 
de  l’Amérique  andine,  comme  point  de  départ  des  nombreuses  va- 
riétés qui  se  cultivent  aujourd’hui. 

Le  Chili  est  donc  le  pays  auquel  l’humanité  doit  cet  aliment 
qu’on  voit  journellement  sur  la  table  du  riche,  comme  sur  celle  du 
pauvre,  et  qui  a mitigé  en  grande  partie  les  désastres  que  la  famine 
produisait  dans  certains  pays  civilisés. 

La  fécule  qu’on  extrait  de  la  pomme  de  terre,  connue  chez 
nous  sous  le  nom  de  Chuno , est  un  aliment  de  digestion  facile,  très 
recommandé  dans  les  affections  des  Voies  digestives  pour  les  conva- 

(i)  Chef  d’une  bande  d’insurgés  à l’époque  de  la  Guerre  de  l’Indépendance 
du  Chili. 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


1 5 1 


lescents  et  pour  les  enfants.  A l’usage  externe,  on  l’emploie  dans  les 
érythèmes  et  autres  affections  aiguës  de  la  peau. 

La  pomme  de  terre  cuite  ou  rôtie,  est  un  aliment  qui  convient 
aux  maladies  du  foie;  et,  son  usage,  avec  le  beurre  peut  être  permis 
aux  diabétiques. 

Le  Dr  Juan  Miquel  dit  que  la  pomme  de  terre,  cuite,  s’applique 
avec  succès  sur  les  brûlures  et  autres  irritations  de  la  peau:  mêlée  à 
la  farine  de  lin,  en  forme  de  cataplasme,  elle  facilite  la  résolution, 
modifiant  l’ardeur  de  l’état  inflammatoire,  et,  si  les  tissus  tendent  à 
la  suppuration,  celle-ci  est  facilitée  avec  diminution  marquée  des 
souffrances  -,  ce  cataplasme,  appliqué  sur  les  épaules,  dans  les  dou- 
leurs si  fréquentes  chez  nous,  offre  un  soulagement  rapide  et  sûr;  le 
même  résultat  s’obtient  en  plaçant  le  cataplasme  sur  le  foie  ou  sur 
les  reins,  quand  le  mal  est  trop  violent.  Une  infusion,  ou,  mieux, 
une  légère  décoction  de  la  pomme  de  terre  blanche  (2  onces  pour 
une  livre  d’eau)  est  une  boisson  excessivement  laxative  et  diurétique, 
et  très  avantageuse  pour  les  malades  qui  souffrent  de  congestions  du 
foie,  reins,  vessie  et  urètre.  Le  miel  que  les  abeilles  élaborent  de  la 
fleur  de  la  pomme  de  terre,  pris  pendant  quelque  temps  au  lieu  de 
sucre,  agit  comme  les  balsamiques,  et  améliore  toutes  les  altérations 
organiques  terminées  par  ulcération  et  suppuration,  spécialement 
celle  du  poumon,  foie,  reins  et  urètre. 

Son  usage  est  aussi  très  utile  à tous  les  calculeux,  soit  qu’il 
s’agisse  de  pierres  formées  dans  la  vésicule  biliaire,  les  reins,  la 
vessie,  et  même  pour  les  concrétions  qui  se  présentent  dans  les  arti- 
culations des  goutteux. 


PLANTES  MÉDICINALES  DU  CHILI 


I 52 


LATXJÉ 

Latua venenosa,  Ph. 

Latua  venenosa , Ph,  Annales  Univ.,  1 86 1 , I,  page  3io.  — ■ Bot.  Zeit,  XXI, 
page  33.  — Lycioplesium  puberulun,  Gris. 

« Il  y a de  cela  six  ans,  dit  M.  Philippi,  dans  les  Annales  de 
PUniversité  du  Chili,  qu’on  m’a  raconté  que  les  sorciers,  chez  les 
Indiens  de  la  province  de  Valdivia,  connaissaient  une  plante  qui  pro- 
duit la  folie  aux  personnes  qui  en  font  emploi,  et  on  me  nomma  une 
jeune  hile  qui  était  folle  parce  qu’on  lui  avait  fait  prendre  de  ce  poi- 
son. Ma  curiosité  pour  connaître  cette  plante  était  grande  ; mais 
comme  les  Indiens  gardent  bien  leurs  secrets,  je  demeurai  longtemps 
avant  de  satisfaire  mon  désir.  Par  le  Père  missionnaire  de  Dogli- 
pulli,  je  sus  que  le  nom  de  la  plante  était  Latué , qu’elle  croissait 
dans  la  cordillère  de  la  côte,  et  que  c'était  un  arbuste.  Ce  mission- 
naire en  avait  obtenu  une  branche,  mais  sans  feuilles,  ni  fleurs,  ce 
qui  ne  m’éclairait  nullement  sur  la  plante  en  question.  M.  Jean 
Renous  put  me  donner  des  détails  plus  précis.  11  me  dit  qu’il  con- 
naissait très  bien  la  Latué , que  c’était  un  arbuste  épineux,  très  res- 
semblant à la  Tuya  ou  Palo  Santo  (bois  saint)  ( Flotoivia  diacan- 
thoides ) mais  avec  les  fleurs  semblables  à la  Sarmienta  Nepens , de 
R.  et  P.,  et  que  quelques  plantes  existaient  près  de  Lamihuapi.  Il 
ajouta  qu’un  de  ses  bûcherons,  ayant  voulu  panser  une  blessure 
qu'il  s'était  faite  d’un  coup  de  hache  prit  par  erreur  une  tisane  de 
Latué , au  lieu  de  Tuya , et  qu’il  était  devenu  fou  des  suites  de  cette 
méprise,  qu'il  s’était  enfui,  et  s'était  caché  dans  un  bois,  où  il  fut 
trouvé  trois  jours  après  par  des  camarades.  Ce  malheureux  guérit 
bientôt,  mais  il  conserva  pendant  de  longs  mois  des  douleurs  de  tête. 
Les  mêmes  symptômes  furent  remarqués  chez  quelques  Chilotes 
(habitants  de  Chiloé),  lesquels,  pour  assouvir  leur  faim,  avaient 
mangé  de  ce  fruit,  dans  un  voyage  d’Osorno  à Maullin  ; ils  arri- 
vèrent fous  à ce  dernier  lieu. 


PLANTES  MÉDICINALES  DU  CHILI  1 53 


Tous  mes  efforts  pour  me  procurer  cette  plante  furent  long- 
temps infructueux;  je  n’obtins  que  des  branches  et  des  feuilles  de 
Lamihuapi,  mais  sans  fleurs.  Après  deux  ans  d’attente,  M.  Ch.  Orhse- 
rius  m'apporta  une  petite  branche  avec  des  fleurs.  Naviguant  sur 
la  rivière  « Bueno  »,  de  Trumas  vers  Trinidad,  il  vit  un  arbuste 
en  fleurs  qui  lui  était  inconnu  ; il  en  prit  quelques  petites  branches 
et  les  garda  dans  son  portefeuille.  Par  la  description  que  m’avait 
faite  M.  Jean  Renous,  je  reconnus  bientôt  le  Latué , et  que  cette 
plante  devait  former  un  nouveau  genre  dans  la  famille  des  Solanées; 
mais,  pour  la  décrire,  la  connaissance  de  son  fruit  me  faisait  encore 
défaut.  M.  Germain,  dans  le  voyage  qu’il  fit  dans  la  province  de 
Chiloé,  eut  la  bonne  fortune  de  rencontrer,  à une  lieue  et  demie  d’An- 
cud,  un  Latué , que  là  on  nomme  Arbol  de  los  brujos  (arbre  des  sor- 
ciers), en  fleur  et  en  fruit  ; je  peux  donc  maintenant  en  faire  une  des- 
cription scientifique,  comme  suit  : 

Latué , Ph. 

« Le  calice  est  infère  monosépale,  régulier,  ouvert  en  forme  de 
coupole,  divisé  en  cinq  lobes  triangulaires  aigus,  aussi  longs  que  la 
partie  entière  du  calice,  il  augmente  de  grandeur  dans  le  fruit.  La 
corolle  est  monopétale,  régulière,  tubuleuse,  amincie  vers  la  base, 
un  peu  contractée  avant  le  limbe,  qui  offre  cinq  dents  aiguës,  trian- 
gulaires, mais  courtes,  un  peu  infléchies.  Il  y a cinq  étamines  pla- 
cées dans  la  base  du  tube,  les  filaments  sont  filiformes,  un  peu  plus 
longs  que  la  corolle,  et  velus  dans  leur  partie  inférieure;  les  anthères 
sont  ovoïdes,  biloculaires,  et  s’ouvrent  dans  leur  longueur.  Le  style 
est  aussi  long  que  la  corolle,  filiforme,  droit,  et  terminé  en  un  stig- 
mate ovale  et  bilobé.  L’ovaire  est  petit  et  ovoïde.  Le  fruit  est  une 
baie  plus  grande  que  le  calice,  globuleux,  biloculaire,  couronné  par 
la  base  persistante  du  style;  sa  cloison  porte  les  placentaires  qui  sem- 
blent n’avoir  pas  été  très  gros.  Les  graines  sont  nombreuses,  ascen- 
dantes, ovoïdes,  plus  comprimées  d’un  côté  ; le  péricarpe  est  assez 
gros,  écailleux  et  rugueux.  L'embryon  est  recourbé,  situé  au  centre 
d’un  albumen  assez  grand,  et  il  possède  deux  cotylédons  demi-cy- 


i54 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


lindriques.  La  forme  de  la  corolle,  les  étamines,  plus  grandes  que 
celles-ci,  etc...,  distinguent  à première  vue  ce  genre  des  autres  genres 
de  la  section  des  Atropinées  dans  laquelle  on  doit  la  placer. 

» L’unique  espèce  connue  jusqu’à  présent,  est  la  Latua  venenosa , 
Ph.  C’est  un  arbuste  qui  atteint  quatre  vares  de  hauteur.  Ses  bran- 
ches principales  ont  un  diamètre  de  deux  pouces,  et  sont  couvertes 
d'une  écorce  légère  de  couleur  grisâtre,  très  rayée  • les  fissures  se 
remplissent  d’une  substance  qui  ressemble  au  liège. 

« Les  petites  branches  chargées  de  feuilles,  sont  également  gri- 
sâtres, couvertes  d’un  duvet  court  et  abondant,  de  couleur  jaunâtre, 
qui  tombe  bientôt  ; elles  sont  aussi  épineuses.  Les  épines  sont  axil- 
laires, elles  naissent  à côté  d’un  bourgeon  (fréquemment,  une  petite 
feuille  avortée  occupe  l’autre  côté  du  bourgeon),  arrivent  à une  lon- 
gueur de  6 lignes,  et  portent  quelquefois  une  petite  feuille  avortée. 
Les  feuilles  sont  très  serrées,  alternes,  oblongues-lancéolées,  et  gé- 
néralement amincies,  peu  pétiolées,  très  entières  et  glabres,  d'un 
vert  foncé,  du  côté  droit,  plus  pâles  sur  le  revers,  et  penninervées; 
les  plus  longues  ont  14  lignes  sur  9 de  largeur.  Les  pédoncules  sont 
axillaires,  solitaires,  uniflores,  droits,  de  2 lignes  de  longueur,  très 
velus,  de  même  que  le  calice  et  la  corolle,  entourés  à leur  base  de 
petites  écailles  ovoïdes.  En  fleur,  le  calice  a trois  lignes  de  long; 
en  fruit  mûr,  6 lignes.  La  corolle  est  de  16  lignes  de  longueur,  d’une 
couleur  violette  très  belle.  La  baie  a la  grandeur  d’une  cerise  régu- 
lière, verte,  approchant  du  jaune.  Les  graines  sont  noirâtres,  et  me- 
surent une  ligne  et  demie.  » 

Cette  solanée  si  active,  dont  les  effets  sont  si  semblables  à ceux 
de  la  belladone,  parle  délire  et  les  hallucinations  qu’elle  occasionne, 
n’a  pas  encore  été  étudiée  sous  le  point  de  vue  thérapeutique.  Elle 
attend  la  bonne  volonté  de  quelque  investigateur  pour  découvrir, 
dans  ses  détails,  sa  véritable  action  physiologique  et  ses  usages  thé- 
rapeutiques. 

M.  Vasquez,  qui  l’a  soumise  à l’action  de  quelques  réactifs,  dit 
que  la  poudre  de  l’écorce  est  légèrement  amère  et  âcre-,  que  le  pro- 
duit obtenu  par  l’éther  dans  l’appareil  de  remplacement  et  évaporé, 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


1 5 5 


donne  un  produit  noir,  sec,  inodore,  de  saveur  d’abord  âcre,  et 
•ensuite  un  peu  amère,  qui  dure  peu  de  temps.  L’ extrait  alcoolique 
est  sensiblement  aromatique,  amer,  déliquescent,  insoluble  dans 
l’eau.  La  nature  du  produit  obtenu  par  l’alcool  fait  croire  qu’elle  peut 
renfermer  un  principe  actif.  Pour  combattre  les  effets  du  Latué  on 
fait  boire  le  jus  exprimé  de  la  i nova,  ou  bien  on  met  sur  le  malade 
des  compresses  d’eau  glacée  qui  se  changent  constamment,  jour  et 
nuit,  jusqu’à  ce  que  les  effets  du  poison  disparaissent. 

HUEVIL 
Vestia  bycioides. 

W.  hort.  Beral.,  I,  208.  — Gay,  V,  97.  — D.  C.,  Prodr.,  XIII,  a.  579.  — 
Cantua  ligustrifolia,  Juss.  — C.  fœtida,  Pers.  — Periphragmos  fœtidus, 
R.  et  P.  — Cestrum  Vespertinum,  hort.,  Valent. 

Arbuste  de  90  centimètres  de  hauteur,  glabre,  d’odeur  assez 
pénétrante,  à tiges  droites  et  rameuses;  les  feuilles  sont  serrées, 
presque  sessiles,  oblongues-entières,  de  diverses  couleurs,  coriacées, 
glabres;  les  pédoncules  bi-à-quadriflores  ; la  corolle  en  forme  d’en- 
tonnoir est  tubuleuse,  jaune,  trois  fois  plus  grande  que  le  calice; 
celui-ci  est  denté,  violet-noirâtre;  la  capsule  est  ovale,  bi-loculaire. 

Il  croît  depuis  Valparaiso  jusqu’à  Valdivia,  dans  les  lieux 
sombres  et  sur  les  ruines.  De  son  bois  et  de  ses  feuilles  on  retire 
un  liquide  qui  sert  à teindre  en  jaune. 

Les  feuilles  sont  amères  et  les  fruits  le  sont  davantage,  à tel 
point  que  l’expression  plus  amer  que  le  huevil  est  aujourd’hui  un 
dicton  proverbial  pour  indiquer  une  chose  d'un  goût  amer  prononcé 
ou  une  personne  de  mauvais  caractère.  Malgré  l’amertume  de  ses 
fruits,  il  arrive,  comme  dans  le  Natri , que  ce  n’est  pas  là  qu’existent 
les  principales  vertus  de  cet  arbuste. 

On  fait  des  feuilles  de  cette  plante  le  même  emploi  que  de  celles 
du  Natri  (voies  stomacales  et  rectales),  comme  toniques  et  fébri- 


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fuges,  aux  mêmes  doses  et  pour  les  mêmes  cas.  Elle  jouit  à Valdivia 
d’une  grande  réputation  comme  vermifuge.  On  y a trouvé  un  prin- 
cipe alcaloïde  nommé  Güevilina  qui  a des  propriétés  et  des  carac- 
tères ressemblant  à ceux  de  la  Natrina. 


PALQUI 

Cestrum  Palqui. 


L’Herit.  Stirp.,  I,  73,  tab.  36.  - D.  C.,  Prodr.,  XIII,  a.  616.  — Gay,  V,  page 
95.  — C.  Virgatum,  R.  et  P.,  Flor.  Per.,  II,  p.  21. 

Arbuste  à tiges  droites  et  cylindriques.  Les  feuilles  sont  lancéo- 
lées, entières,  aiguës,  atténuées  en  pétioles  à leur  base,  glabres,  de 
8 à 10  centimètres  de  long.  Les  fleurs  axillaires  ou  terminales  dispo- 
sées en  corymbes  ou  en  panicules  sur  pédicelles  à peine  pubescents. 
La  corolle  est  d'un  blanc  jaunâtre  et  même  noirâtre,  avec  le  tube 
dilaté  depuis  la  base  jusqu’à  l’extrémité,  et  les  baies  sont  d'une  cou- 
leur pourpre-jaunâtre.  De  nombreuses  glandes  sont  disséminées  sur 
l’écorce  et  contribuent  à donner  l'odeur  désagréable  qui  caractérise 
cette  plante. 

Le  Palqui  est  un  arbuste  qui  croît  avec  profusion  dans  toutes  les 
provinces  centrales  du  Chili,  et  qui  jouit  d’une  grande  renommée. 
Il  existe  un  adage  national  qui  dit  : « plus  connu  que  le  Palqui  », 
quand  on  veut  parler  de  personnes  très  connues. 

Les  parties  employées  sont  les  feuilles  fraîches,  desquelles  on 
extrait  le  jus,  et  les  raclures  de  la  tige  dépouillée  de  son  écorce. 

Ces  raclures,  prises  en  infusion,  ont  un 'effet  sudorifique,  et  on 
les  administre  dans  les  cas  de  refroidissements  et  de  fièvres.  Il  y a 
peu  de  Chiliens,  je  crois,  qui  n’aient  fait  usage  de  ces  infusions,  dans 
les  cas  cités,  tant  sa  renommée  est  universelle.  Pour  ma  part,  je 
considère  le  Palqui  comme  un  sudorifique  véritable,  très  peu  infé- 
rieur au  Jaborandi , et  je  crois  justifiée  la  confiance  que  le  peuple  a 
dans  ses  vertus. 


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Pris  en  lavements  avec  addition  de  quelques  blancs  d'œufs,  il 
est  très  recommandé  contre  les  fièvres  du  printemps  et  même  dans 
les  fièvres  typhoïdes. 

Le  suc  des  feuilles  fraîches  exprimées  dans  un  peu  d’eau  est 
employé  avec  avantage  dans  les  affections  eczémateuses  de  la  peau, 
dans  les  herpès  dans  la  zone  (herpès  zoster)  dans  l’impétigo  et  dans 
presque  toutes  les  affections  aiguës  de  la  peau,  qui  se  caractérisent 
par  la  présence  de  vésicules  et  ampoules. 

Il  est  regrettable  qu’on  n'ait  pas  pratiqué  jusqu’à  ce  jour  l’ana- 
lyse d’une  plante  si  importante  et  d’un  usage  si  étendu  et  qu'elle 
n’ait  pas  été  étudiée  avec  l’attention  qu’elle  mérite. 

Le  seul  fait  d’appartenir  aux Solanées fait  supposer  quel ePalqui 
contient  un  élément  actif;  l'odeur  qu’il  exhale  est  très  forte  et  bien 
plus  prononcée  vers  la  fin  des  jours  d’automne.  Les  animaux  du 
pays  ne  le  mangent  pas  et  les  animaux  récemment  importés  qui  en 
mangent,  tombent  malades  et  même  meurent. 

Les  phénomènes  qui  s’observent  sur  les  animaux,  dans  ces  cas, 
sont  les  suivants  : dans  les  premiers  moments,  un  état  d'hébéte- 
ment, suivi  d’une  enflure  abdominale,  diminution  de  l’urine  et  réten- 
tion des  excréments. 

Le  Palqui  contient-il  un  alcaloïde,  qui,  comme  celui  des  autres 
Solanées,  paralyse  les  fibres  intestinales?  Je  l’ignore,  mais  l’intoxi- 
cation que  ressentent  les  animaux  bovins,  qui  le  mangent,  manifeste 
le  pouvoir  d'un  principe  actif  puissant,  qui  mérite,  je  le  répète,  d'être 
étudié  d'une  façon  attentive. 

« Le  Père  Rosales  dit  dans  son  Histoire  du  Chili  que  le  jus  de 
ses  feuilles  exprimé  sur  les  plaies  cancéreuses,  les  améliore  et  les  em- 
pêche de  suivre  leur  marche  ; en  même  temps  il  les  nettoie  et  les 
désinfecte.  Les  Indiens  en  font  usage  dans  les  fièvres  de  la  ma- 
nière suivante  : ils  prennent  les  branches  fraîches  et,  avec  un  couteau, 
hs  raclent  légèrement  la  deuxième  écorce,  sans  arriver  au  cœur  de  la 
tige,  et  ils  déposent  ensuite  ces  raclures  dans  une  cruche  d’eau-,  la 
secouant  ensuite  avec  force,  ils  la  filtrent,  la  sucrent,  et  la  font 
boire  ainsi  toutes  les  après-midi  aux  malades  de  fièvres  cholériques 


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et  sanguines  et  dans  les  fièvres  putrides  ; cette  boisson  produit  des 
effets  merveilleux.  » 

La  raclure  est  une  préparation  officinale  de  notre  pharmacopée. 
Comme  sudorifique  j’emploie  fréquemment  la  potion  suivante  : 


R.  Infusion  de  Palqui  . . . ioo  grammes 

Liqueur  d’acétate  d’ammoniaque io  — 

Sirop  de  bourrache i5  — 


Pour  prendre  en  deux  fois. 


PERSONÉES 

i 

PALPI 

Caiceolaria  thyrsiflora. 

Grah.  Bot.  Mag.,  t.  2915.  — Gay,  V,  162.  — D.  C.,  Prodr.,  X,  219.  — 
Var.  Alliacea,  Ph.  An.  Univers.,  1873,  53o. 

Petit  arbuste  de  quelques  centimètres  de  hauteur,  vigou- 
reux, presque  glabre  ou  glanduleux- velu;  les  feuilles  sont  nom- 
breuses, fasciculées,  étroites-linéaires,  amincies  à leur  base,  dentées 
et  vertes-,  les  fleurs  jaunes,  disposées  en  un  thyrse  allongé  ; les  divi- 
sions du  calice  sont  ovales,  glanduleuses,  jaunâtres  ; la  corolle  petite, 
également  jaune,  sous-globuleuse. 

Il  croît  dans  toutes  les  provinces  centrales  -,  on  lui  donne  les 
noms  de  palpa  ou  yerba  dulce  (herbe  douce).  Ce  dernier  nom  lui 
vient  de  la  saveur  douce  de  ses  feuilles,  qui  sont  employées  dans  la 
médecine  populaire  comme  cicatrisantes  dans  . les  gerçures  des  lèvres, 
dans  les  affectons  de  la  gorge,  dans  les  aphtes  de  la  langue  et  les  sto- 
matites. 

On  emploie  le  jus  exprimé  des  feuilles. 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


i5g 


ÏIELBUN  DE  LA  CORDILLER  A 

Calceolaria  arachnoidea. 

Grah.  Bot.,  Mag.,  t.  2874.  — Gay,  V,  182.  — D.  C.,  Prodr.,  209. 

Plante  herbacée,  à tiges  minces,  élevées,  rougeâtres,  très  peu 
velues;  les  feuilles  sont  nombreuses,  radicales,  oblongues,  ou 
ovales-spatulées  et  amincies  en  pétiole,  entièrement  couvertes  d’un 
duvet  très  serré,  d’une  belle  couleur  blanche;  le  corymbe  terminal 
avec  peu  de  fleurs  très  pourpres,  assez  grandes. 

Deux  espèces  de  cette  calcéolaire  ont  été  décrites  ; dans  Tune 
les  feuilles  sont  couvertes  d’un  duvet  dense,  abondant  et  blanc;  dans 
Lautre,  elles  sont  très  vertes  et  le  duvet  est  rare. 

Le  Relbum  de  la  Cordillère  croît  sur  les  hautes  montagnes  andines, 
depuis  Coquimbo,  jusqu’à  Concepcion.  11 11e  faut  pas  le  confondre 
avec  le  Galium  relbum  de  famille  distincte,  quoique  de  propriétés 
en  parties  semblables. 

En  effet,  la  racine  du  relbum  de  la  Cordillère  sert  pour  teindre 
en  une  couleur  rougeâtre  comme  le  Galium  relbum  et  possède  éga- 
lement des  propriétés  astringentes  qu’utilisent  les  gens  de  la  cam- 
pagne. 


GESNÉRIÉES 

VOCHI-VOCïIJ 
Mitraria  coccinea. 

Cav.,  le.,  VI,  lam.,  579.  — Gay,  347,  D.  C.,  Prodr.,  VII,  b3y. 

Arbuste  grimpant,  presque  parasite  sur  les  troncs  des  arbres,  à 
rameaux  opposés,  faibles,  un  peu  velus  et  presque  articulés;  les 


i6o 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


feuilles  sont  opposées,  naissant  quelquefois  de  trois  entrois,  et,  dans 
ce  cas,  une  est  plus  petite  que  les  deux  autres,  ovoïdes,  pointues, 
quelquefois  oblongues,  dentées;  les  fleurs  solitaires,  axillaires;  la 
corolle  est  grande,  rougeâtre. 

C’est  une  plante  grimpante,  commune  dans  les  forêts  des  pro- 
vinces de  Valdivia,  Chiloé,  etc. 

MM.  Chatterton  et  Pennesse  disent  que  les  feuilles  et  l'écorce 
de  cette  plante  sont  rafraîchissantes  et  légèrement  purgatives. 

Une  pommade  faite  avec  deux  parties  de  saindoux  et  une  partie 
de  poudre  est  recommandée  dans  les  maladies  de  la  peau  ; d'après 
ces  messieurs,  la  dose  serait  d’une  demi-once  pour  une  livre  d’eau, 
en  infusion  ou  décoction. 


BI  GNON  I ACÉES 

TRI  ACA 

Argilia  Huidobriana. 

Clos.  — Gay,  IV,  41 1 . 

D’une  racine  grosse,  jaunâtre,  écailleuse,  sort  une  seule  tige  d’un 
décimètre  de  hauteur,  simple  ou  partagée,  mais  seulement  à la  base? 
en  deux  ou  trois  rameaux  ascendants,  quelquefois  fiexueux,  cylin- 
driques, striés,  mais  avec  beaucoup  de  feuilles  dans  la  partie  infé- 
rieure ; celles:ci  sont  digitées,  avec  six  ou  huit  folioles  bipennifides, 
toutes  couvertes  sur  chaque  face,  de  poils  courts,  raides  et  rudes  ; 
les  fleurs  sont  jaunes,  réunies  au  nombre  de  quatre  ou  de  cinq  dans 
la  partie  supérieure  de  la  tige  et  supportées  par  un  pédoncule  très 
court  ; le  calice  est  couvert  de  poils  courts  et  rudes  ; la  corolle  est 
cinq  fois  plus  grande  que  le  calice  et  glabre. 

Elle  croît  dans  les  cordillères  des  provinces  centrales  et  on  lui 
donne  le  nom  résonnant  de  Triaca. 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


j 6 1 


Les  Curanderos  (i)  emploient  beaucoup  la  racine  de  cette 
plante  qui,  comme  on  Ta  déjà  dit,  est  grosse,  jaunâtre,  et  qui  n’a  ni 
odeur  ni  saveur  prononcée,  dans  quelques  affections  de  l’estomac, 
lui  attribuant  des  propriétés  légèrement  stimulantes. 

Les  habitants  de  la  campagne  la  demandent  souvent  dans  les 
pharmacies. 


VERBÈNIACÉES 

SANDIA  LAHUEN 

PL,  III,  157.  — Gay,  V,  10.  — D.  C.,  Prodr.,  XI,  552.  — Multifida,  R et  P. 

— Odorata,  Meyen,  etc. 

Herbe  polymorphe,  ordinairement  couchée  sur  le  sol,  très 
rameuse,  couverte  d’un  léger  duvet  serré  et  cendré,  qui  la  rend 
rude;  les  feuilles  sont  pennifides  ou  trifides  ; les  supérieures  avec 
des  lobes  ovales-oblongs  ou  lancéolés,  obtus;  les  fleurs  sont  roses, 
disposées  en  épis,  qui  apparaissent  d'abord  comme  des  capitules, 
mais  qui  s’agrandissent  ensuite  ; le  calice  est  très  étroit  et  vert  ; la 
corolle  rose  ou  violacée,  avec  les  lobes  échancrés. 

Elle  croît  sur  les  collines  des  provinces  centrales,  où  on  la  con- 
naît aussi  sous  le  nom  prosaïque  de  Yerba  del  incordio  (herbe  du 
bubon). 

On  emploie  les  feuilles  et  les  petites  branches.  Elle  a une  saveur 
aromatique  assez  prononcée,  surtout  en  infusion,  forme  préconisée 
comme  remède  dans  la  paresse  stomacale,  retard  ou  dérèglement 
de  la  menstruation,  catarrhes  de  la  vessie,  leucorrhées  et  blennor- 
rhagies. Ses  propriétés  balsamiques  et  aromatiques  la  font  apprécier 
de  la  médecine  domestique  où  nous  Lavons  vue  employée  et  où  nous 
avons  pu  apprécier  et  constaterses  bons  résultats. 


(l)  Individus  qui  font  les  fonctions  de  médecins. 


62 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


C’est  une  plante  utile  et  qui  rend  de  grands  services  dans  les 
campagnes. 

Ruiz  et  Pavon  disent  que  l'infusion  de  cette  herbe  est  recom- 
mandée comme  diurétique  et  apéritive. 

VERBENA 

Verbena  littoralis. 


H.  B.  Kunth.,  Nov.  gen.,  II,  276.  — Gay,  V,  21.  — Bonariensis,  var.  littoralis 
Hook.  — Var.  leptostachya,  Ph.  An.  Univ..  1870,  II,  19 1. 

Plante  herbacée,  de  cinquante  centimètres  à un  mètre  de  hau- 
teur, partagée  en  longues  branches  élevées,  quadrangulaires  et  can- 
nelées comme  la  tige;  les  feuilles  sont  opposées,  oblongues-lancéo- 
lées,  aiguës,  irrégulièrement  bordées  de  fortes  dents  aiguës,  fré- 
quemment inégales  et  légèrement  subjacentes  sur  chaque  face  • elle 
possède  des  épis  longs,  formant  une  panicule  à l’extrémité  de  la  tige, 
et  avec  des  fleurs  petites  et  violacées. 

C’est  une  plante  commune  dans  les  vergers  et  dans  les  champs 
de  presque  toutes  les  provinces  du  Chili  ; son  odeur  est  légèrement 
aromatique. 

Le  jus  des  feuilles  de  cette  verveine,  joint  au  saindoux,  a des 
propriétés  vulnéraires  bien  caractérisées  -,  cette  pommade,  appliquée 
sur  les  blessures  en  décomposition,  les  améliore  d’une  façon  notable, 
comme  nous  l’avons  constaté  dans  les  salles  des  hôpitaux  il  y a déjà 
quelque  temps.  Son  infusion  se  donne  à l’intérieur  dans  les  affections 
chroniques  du  foie,  et  ses  feuilles  s’appliquent  en  cataplasmes  comme 
résolutives.  Cette  espèce  jouit  également  de  qualités  balsamiques. 

La  Verbena  littoralis  remplace  parmi  nous  la  V.  officinalis , plante 
si  vantée  dans  les  temps  anciens,  où  les  druides  la  recueillaient  au 
milieu  de  grandes  et  mystérieuses  solennités.  La  verveine  était  une 
herbe  sacrée,  à laquelle  on  attribuait  des  vertus  presque  divines* 
selon  Mérat. 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


1 63 


LAMPAYO 

Lampayo  officinalis . 

F.  Ph.  Ms. 

Arbuste  à tiges  nombreuses,  courtes,  grosses,  jaunâtres,  cou- 
vertes de  petits  rameaux  courts,  opposés,  chargés  de  feuilles  pres- 
sées, opposées,  coriacées,  ovoïdes,  entières,  brièvement  pétiolées  ; 
il  a peu  de  fleurs  à l’extrémité  des  rameaux,  avec  la  corolle  tubu- 
leuse, étroite,  d’un  bleu  pâle. 

Plante  aromatique  de  la  haute  Cordillère,  entre  San  Pedro  de 
Atacama  et  Pica,  formant  des  petits  buissons,  quelquefois  de  plu- 
sieurs mètres  d’étendue,  mais  de  5o  centimètres  au  plus  de  hauteur 
et  très  touffus. 

Les  habitants  lui  donnent  le  nom  de  lampaya  ou  lampayo  et  le 
regardent  comme  un  remède  universel,  l’employant  fréquemment 
et  avec  une  confiance  très  grande.  Selon  M.  Belisario  Java,  de  Pica, 
l’infusion  d’une  once  de  lampayo  dans  un  litre  d’eau  est  un  excellent 
sudorifique  pour  les  refroidissements,  les  rhumatismes  et  la  syphilis. 


LABIÉES 

MENTHA 


Des  menthes  qui  croissent  en  Europe,  trois  espèces  sont  extra- 
ordinairement communes  au  Chili  et  arrivent  à être  considérées 
comme  de  mauvaises  herbes. 

Dans  les  campagnes  du  Sud  nous  avons  vu  d’immenses  plaines 
couvertes  de  l’odorant  poleo  (pouliot)  et,  sur  les  bords  des  canaux 
et  des  ruisseaux,  elles  forment  des  touffes  épaisses. 


164 


PLANTES  MÉDICINALES  DU  CHILI 


La  Mentha  piperita , connue  sous  le  nom  de  Yerba  buena  ; la 
M.  criiata  appelée  Bergamota , et  la  M.  pulegium , le  poleo  (pou- 
liot)  ont  les  mêmes  emplois  et  sont  recommandées  dans  les  mêmes 
cas  qu’en  Europe. 

Le  nom  de  menthe  est  originaire  de  la  mythologie  des  Grecs  ; la 
fille  de  Cocyte  la  portait  comme  emblème. 

Chez  nous,  le  poleo  (pouliot)  est  considéré  comme  préservatif 
des  maladies  contagieuses  -,  il  n’est  donc  pas  étonnant  de  voir  quel- 
ques personnes  timides  en  faire  usage  et  porter  sur  elles  un  peu  de 
cette  plante  pendant  les  épidémies  et  quand  elles  pénètrent  dans 
l’appartement  d’un  malade  qui  souffre  d’une  maladie  contagieuse.  Il 
est  probable  que  cette  coutume  provient  de  l’odeur  pénétrante 
qu’elle  possède,  sachant  qu’un  grand  nombre  de  désinfectants  em- 
ployés jusqu’à  un  temps  peu  éloigné  étaient  tous  des  substances 
douées  de  forte  odeur,  comme  le  camphre,  les  hypochlorites,  l’acide 
phénique,  etc. 

OREGANILLO 

Gardoquia  Gilliessi. 


Grah.  Ed.  phil.  Journ.,  1 83 1 , 377.  — Gay,  IV,  494.  — D.  C.  Prodr.,  XII,  235. 

Chilensis,  Beuth. 


Petit  arbuste,  à rameaux  rougeâtres,  velu  quand  il  est  jeune,  et 
entièrement  couvert  de  petites  feuilles  linéaires-oblongues,  obtuses, 
amincies  vers  la  base,  entières,  les  bords  recourbés,  coriacées,  gla- 
bres; les  petites  grappes  axillaires  sont  composées  de  quatre  à six 
fleurs,  entourées  à leur  base  de  feuilles  linéaires. 

Assez  commun  dans  les  provinces  centrales,  il  y est  regardé 
comme  un  stimulant,  à un  moindre  degré  que  ÏOregano  cependant, 
et  il  y est  employé  comme  tel. 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


1 65 


SALVIA  BLAJVC A 

Sphacele  Lindleyi. 


Benth.  en  Lind.  Bot.  Reg.  — Gay,  IV,  5o6.  — D.  C.  Prodr.,  XII,  255.  — 
St.  Salviæ,  Lind.  — Gard.  Salviæfolia,  Colla. 

Plante  divisée  en  branches  allongées,  tomenteuses  ; les  feuilles 
sont  ovales-lancéolées,  obtuses,  cordiformes  à leur  base,  vertes  et  dé- 
primées en  dessus,  blanches-tomenteuses  en  dessous. 

La  Salvia  des  Chiliens  se  trouve  dans  les  provinces  centrales. 
Elle  est  assez  en  usage  et  paraît  posséder  les  vertus  de  la  Salvia  eu- 
ropéenne ( Salvia  off.  Z.).  Selon  M.  Vasquez,  l’espèce  que  nous  dé- 
crivons contient  une  bonne  quantité  d’huile  essentielle.  On  lui  attri- 
bue des  propriétés  toniques,  mais  spécialement  stimulantes  et  sto- 
machiques. 

La  partie  la  plus  employée  est  la  feuille,  qui  se  mâche  dans  les 
cas  de  paralysie  faciale  ; on  frictionne  en  même  temps  le  visage  avec 
la  salive  imprégnée  du  jus.  Les  gens  du  peuple  ont  une  grande  con- 
fiance dans  l’action  stimulante  que  produit  cette  plante,  dans  ce  cas, 
(comme  presque  dans  tous  les  cas  de  paralysie  faciale  occasionnée 
par  le  froid)  et  des  personnes  sérieuses  certifient  ses  bons  effets. 

On  lui  accorde  aussi  des  propriétés  emménagogues,  sans  la 
croire  pourtant  capable  d’éviter  la  stérilité,  comme  le  peuple  le  dit 
en  Europe. 

TORON JÏL  CUYANO 

Marrubium  vulgare. 

L.  sp.  816.  — Gay,  IV,  5o8.  — D.  C.  Prodr.,  XII,  453. 

11  me  paraît  inutile  de  spécifier  ici  les  caractères  botaniques  de 
cette  plante,  que  je  crois  originaire  d’Europe.  Cependant,  la  sponta- 


1 66 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


néité  avec  laquelle  elle  se  développe  parmi  nous,  peut,  jusqu’à  un 
certain  point,  la  faire  considérer  comme  indigène  ; c’est  pourquoi  je 
me  permets  de  l’intercaler  entre  les  plantes  médicinales  chiliennes. 

Le  Toronjil  Cuyano  ou  Yerba  cuyana,  comme  on  la  désigne 
aussi,  a un  emploi  assez  généralisé  et  étendu  dans  les  maladies  du 
cuir  chevelu.  C’est  la  plante  qui  jouit  de  la  plus  grande  renommée 
dans  le  traitement  de  l’alopécie,  et,  en  certaines  occasions,  on  en  a 
fait  un  remède  exploité  comme  un  secret  de  grande  importance.  Di- 
vulgué plus  tard,  son  emploi  est  aujourd’hui  assez  commun,  et  on 
la  voit  figurer  surtout  dans  le  cabinet  de  toilette  des  femmes. 

Pour  la  chute  des  cheveux,  on  l’emploie  en  décoction,  en  tein- 
ture faible,  ou  sous  forme  d’extrait.  On  assure  qu’elle  maintient  et 
fortifie  les  cheveux,  donnant  à toute  la  chevelure  un  développement 
considérable. 

En  vue  des  résultats  que  j’ai  pu  connaître,  comme  témoin,  je 
ne  la  crois  pas  un  agent  à dédaigner  et  je  pense  qu’il  n’y  a aucun 
inconvénient  à la  prescrire. 

On  la  vante  aussi  comme  vulnéraire  et  je  l’ai  vue  recomman- 
dée à la  place  du  Matico. 


YERBA  SANTA  (i-  otras)  — HERBE  SAINTE  (et  autres) 
Stachys , sp.,  Lin. 

Les  épiaires,  dit  Philippi,  dont  on  a décrit  plus  de  cent  soixante- 
dix  espèces,  croissent  dans  presque  toutes  les  parties  du  monde.  Il 
y en  a au  Chili  neuf,  qui  ne  sont  pas  faciles  à distinguer  et  qui 
s’emploient  commeremède.  Par  exemple  : i°laé>A  albicaulis,  Lind., 
petit  arbuste  des  provinces  centrales,  dont  la  tige  est  couverte  d’une 
laine  blanche  et  les  dents  du  calice  épineuses.  On  l’appelle  Herbe 
de  sainte  Marie  ; 2°  la  St.  Bridgesii  des  provinces  du  sud,  dont  la 
tige  est  également  laineuse  et  blanche,  mais  avec  les  dents  du  calice 
tendres  ; on  la  nomme  Herbe  de  sainte  Rose  ; 3°  la  St.  grandidentata , 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


167 


Lind .,  des  provinces  centrales  avec  la  tige  verte,  etc.,  c’est  Y herbe 
sainte , les  fleurs  sont  roses  (1). 

Postérieurement,  le  même  M.  Philippi  a décrit  cinq  nouvelles 
espèces,  comme  on  peut  le  voir  dans  le  catalogue  publié  par  son  fils 
Frédéric. 

On  concède  à toutes  ces  herbes  des  propriétés  fébrifuges,  alté- 
rantes, dépuratives  et  vulnéraires.  Les  gens  de  la  campagne  s’en  ser- 
vent dans  ces  cas;  elles  n’ont  qu’une  consommation  très  restreinte 
dans  les  villes. 

Ce  genre  a joui  en  Europe  de  la  même  renommée  qu’ici,  et  on 
lui  attribuait  les  mêmes  propriétés  qu’aux  espèces  ci-dessus  décrites. 


PLANTAGINÉES 

LLAATEX 

P tant  a go  major. 


L.  sp.,  1 63 . — Gay,  V,  200.  — D.  C.  Prodr.,  XIII,  a.  709.  — Frigida,  Poepp. 

— Grandiflora,  Meyer.  — Platypetala,  Walls,  var.  argentea  et  hirsuta,  Ph. 

Plante  annuelle,  racine  chevelue  ; les  feuilles  sont  grandes, 
ovoïdes-cordiformes  ou  ovales,  avec  trois,  cinq  ou  sept  nervures, 
presque  glabres,  entières  ou  avec  des  dents  dirigées  vers  la  base  du 
pétiole  ; les  pédoncules  longs,  gros,  velus  ou  glabres,  terminés  par 
un  épi  long  et  cylindrique. 

Cette  plante  est  très  commune  au  Chili,  où  on  peut  la  considé- 
rer comme  indigène,  les  parties  dont  on  fait  usage  peuvent  se  clas- 
ser dans  Tordre  suivant  : les  feuilles,  la  racine  et  les  graines.  Les 
feuilles,  imprégnées  d’une  substance  grasse,  servent  pour  résoudre 


(1)  R.  A.  Philippi , Eléments  de  Botanique,  1869  pag.  3oo. 


68 


PLANTES  MÉDICINALES  DU  CHILI 


les  engorgements  glanduleux,  les  enflures  de  tout  genre,  plus  spécia- 
lement celle  des  parotides,  et  pour  panser  les  vésicatoires.  Leur 
décoction  se  recommande  en  gargarismes  dans  les  inflammations 
peu  aiguës  de  la  gorge  ou  de  la  partie  intérieure  de  la  bouche.  A 
l’usage  externe  on  l’emploie  comme  vulnéraire.  L’infusion  est 
employée  comme  collyre.  Les  graines,  quoique  contenant  une  légère 
quantité  de  mucilage,  peuvent  être  considérées  comme  émollientes  et 
employées  comme  telles. 

Comme  en  Europe,  elle  n'est  en  usage,  ici,  que  dans  la  méde- 
cine domestique. 


CHENOPODÉES 

PAICO 

A m brina  A mbrosioïdes . 

Spach.  Veg.  Phan.,  V.  297.  — Gay,  V,  234.  — D.  C.  Prodr.,  XIII,  t.  72. 

Le  genre  Ambrina  a chez  nous  trois  représentants  très  carac- 
térisés. Celui  que  nous  venons  de  nommer,  la  A.  Chilensis  de 
Spach,  velue,  dont  les  feuilles  sont  semblables  parleur  forme  à l’es- 
pèce précédente  et  la  A.  pinnatisecta  (Herniaria paico , de  Molina). 
Ce  sont  des  plantes  herbacées,  annuelles  ou  vivaces,  très  aroma- 
tiques avec  des  fleurs  hermaphrodites  et  femelles  par  avortement  des 
étamines  ; le  périgone  est  quinquéfide  ; il  y a cinq  étamines  avec  de 
gros  filaments  ; trois  stigmates  longs,  l’ovaire  est  oblong  ; l’utri- 
cule  ovoïde,  enveloppé  en  forme  de  capsule  par  le  calice-,  les  graines 
sont  lisses,  quelquefois  obtuses  sur  les  bords,  horizontales,  quelque- 
fois verticales.  De  nombreuses  petites  glandes  se  trouvent  sur  les 
feuilles. 

Elle  est  très  commune  dans  toutes  les  campagnes,  de  Coquimbo 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


169 


à Valdivia,  et  si  répandue  dans  les  jardins  qu’elle  est  regardée  comme 
une  plante  nuisible. 

Les  parties  dont  on  fait  usage  sont  les  feuilles  et  les  graines. 

« Toute  la  plante  est  d'une  couleur  verte  peu  prononcée  et 
exhale  une  forte  odeur  de  bois  pourri;  sa  décoction  est  efficace  dans 
les  maladies  de  l’estomac,  dans  toutes  les  indigestions  et  très  utile 
aussi  dans  la  pleurésie.  — Molina.  » 

Feuiliée  donne  au  Paico  le  nom  vulgaire  de  Manga  paico. 
« Cette  plante,  selon  lui,  est  adoucissante,  astringente  et  vulnéraire  ; 
les  Indiens  en  boivent  la  décoction  dans  les  douleurs  et  les  coliques  ; 
ils  en  font  aussi  usage  contre  la  dysenterie  et  pour  arrêter  le  cours 
ordinaire  du  ventre. 

« La  racine  du  Pichen , que  les  Espagnols  appellent  Paico , et 
toute  la  plante,  est,  dit  Rosales,  très  médicinale;  particulièrement 
les  graines  pilées  ou  seulement  grillées  se  mangent  à jeun  pour 
faire  cesser  les  gaz  et  son  ingestion  réconforte  l’estomac,  régularise 
le  ventre  et  facilite  la  digestion.  Elles  augmentent  la  vertu  sper- 
matique, donnent  de  la  force  au  cerveau  et  absorbent  l’humidité 
superflue  de  l’estomac.  Elles  ont  une  vertu  diurétique,  facilitent 
burine  ; leur  décoction  chargée,  mélangée  avec  du  bon  vin,  de  l’huile 
de  Ruda  ou  du  miel  d’abeilles,  s’administre  en  lavements  et  donne  un 
très  bon  résultat  pour  les  douleurs  du  foie,  maux  de  ventre  et  apo- 
plexie. Pour  le  mal  de  tête  elle  est  aussi  très  bonne  et  les  Indiens  la 
préparent  en  chauffant  la  plante  dans  une  casserole  de  terre,  arrosée 
ou  non  avec  du  vin,  et  l'appliquent  ensuite  sur  les  tempes  ou  sur  le 
front. 

» Elle  a aussi  une  grande  vertu  pour  guérir  les  chairs  endurcies 
et  violacées,  les  changeant  doucement  en  matières,  les  nettoyant 
jusqu'à  arriver  à la  partie  saine  et  arrêtant  le  mal.  Pour  cela,  on 
fait  cuire  les  feuilles  et  les  branches,  on  lave  avec  le  liquide  la  partie 
endurcie,  plaçant  dessus  les  feuilles  en  forme  d’emplâtre,  bientôt  on 
voit  la  partie  dure  se  convertir  en  matière  qui  s’écoule,  on  met 
ensuite  sur  la  chair,  afin  de  la  faire  se  reformer,  une  feuille  imprégnée 
de  suif  et  la  guérison  vient  bientôt.  Les  femmes  l’ont  en  grande 


I70 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


estime,  parce  qu’elles  guérissent  des  maladies  causées  par  l’absence 
de  la  menstruation  ; celle-ci  ne  venant  pas,  leur  sang  se  coagule  et 
s’endurcit,  leur  donnant  l’apparence  d’être  enceintes,  et  ressentant 
de  fortes  douleurs  qui  quelquefois  les  font  mourir.  Le  remède  est 
dans  les  racines  de  cette  herbe  ; elles  boivent  une  écuelle  de  cette 
eau,  chaude,  et  en  reçoivent  la  vapeur,  bien  couvertes-,  ainsi  traitées, 
durant  une  demi-heure,  elles  transpirent  et  guérissent  bientôt.  » 

On  prépare  une  eau  distillée  avec  les  feuilles  de  Paico,  une  infu- 
sion, un  extrait  et  un  élixir. 

Les  graines  forment  partie  des  espèces  carminatives  chiliennes, 
composées  de  : 

Fruits  d’anis . . \ 

— fenouil. > parties  égales. 

Alcorabea  paico / 

Le  Paico  contient  une  huile  essentielle  à laquelle  il  doit  son 
importance  thérapeutique. 

C'est  une  des  plantes  les  plus  fréquemment  employées  dans  le 
pays  par  ses  propriétés  carminatives,  excitantes  et  emménagogues. 

Prise  en  infusion,  elle  remplace  avec  avantage  la  menthe  dans 
le  choléra,  pendant  lequel  elle  a été  très  employée  -,  dans  les  indi- 
gestions, paresse  stomacale,  et  dans  tous  les  cas  d’atonie  du  tube 
digestif.  Comme  emménagogue  on  la  recommande  dans  les  cas 
de  rétentions  de  la  menstruation,  dysménorrhées  et  coliques  uté- 
rines. 

L’infusion  se  prépare  au  4 pour  cent  et  on  la  boit  à la  dose  de 
68  à 100  grammes  chaque  fois.  11  n’y  a pas  d’inconvénients  à la  faire 
prendre  après  avoir  mangé,  au  lieu  de  thé  ou  de  café,  puisqu’elle 
aide  à la  digestion. 

L’élixir  se  donne  à la  dose  de  10  grammes.  Les  graines  se 
prennent  à jeun,  ou  peu  de  temps  avant  les  repas,  par  quantités  de 
2 à 5 grammes. 

Dans  la  médecine  de  l’enfance,  je  n’ai  jamais  eu  à me  repentir 
de  son  emploi,  comme  carminatif.  Sous  ce  point  de  vue,  je  n’en  con- 
nais aucun  qui  vaille  mieux. 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


i7 1 


QUINOA 

Chenopodium  Quinoa. 

W.  sp.,  I,  i3oi.  — Gay,  V,  23o.  — D.  C.  Prodr.,  XIII.  t.  66. 

Plante  annuelle,  cultivée  dans  une  grande  partie  du  pays,  sur- 
tout dans  la  région  centrale  ; elle  atteint  un  mètre  de  hauteur,  entiè- 
rement glabre,  à tige  anguleuse  herbacée  ; les  feuilles  sont  suppor- 
tées par  de  longs  pétioles  amincis,  plus  ou  moins  ronds,  cunéiformes 
à leur  base,  minces,  couvertes  d’une  poudre  vert-blanchâtre,  elles 
deviennent  ensuite  rougeâtres;  les  fleurs  sont  farineuses,  sessiles, 
réunies  en  grappes  allongées,  paniculées,  compactes-,  les  filaments 
des  étamines  très  comprimés;  les  graines  aiguës  à leur  contour, 
lisses  et  luisantes. 

« Il  y a deux  genres  de  Quinoa , dit  Rosales;  un,  blanc  {Ch.  al- 
bum, L ),  et  l’autre,  rouge,  dont  la  graine  est  fine  comme  celle  de  la 
moutarde,  très  connue,  que  les  Indiens  sèment  en  abondance  afin 
d’en  faire  de  la  Chicha\  ils  la  mangent  aussi  réduite  en  farine.  Ces 
deux  genres  font  un  bon  remède  pour  les  chutes  de  cheval  ou  d’une 
hauteur  quelconque  ; il  suffit  de  mettre  une  poignée  de  graine  mou- 
lue dans  l’eau  chaude  et  d’envelopper  le  malade  jusqu'à  ce  qu’il 
transpire-,  on  évite  ainsi  la  formation  des  abcès  et  les  plaies  se 
ferment,  réunissant  les  chairs.  Cuites  dans  la  nuit  et  prises  en 
bouillie,  elles  facilitent  les  évacuations  chez  les  malades;  grillées  et 
réduites  en  farine,  elles  purifient  le  sang  et  les  humeurs.  » 

Le  fruit  de  la  Quinoa  est  un  aliment  farineux  très  agréable.  On 
prépare  avec  ce  fruit  une  boisson  fermentée,  la  Aloja>  d’un  goût 
agréable,  légèrement  piquante  et  rafraîchissante,  vendue  en  grande 
quantité  dans  les  pâtisseries  pendant  l’été.  Prise  après  dîner,  elle 
occasionne  des  indigestions.  Elle  agit  comme  diurétique. 

La  décoction  de  Quinoa , à la  dose  de  100  grammes,  deux  ou 
trois  fois  par  jour  a été  recommandée  dans  les  coups,  abcès  et  sup- 


172 


PLANTES  MÉDICINALES  DU  CHILI 


purations  internes,  comme  aussi  dans  les  affections  catarrhales  et 
spécifiques  des  voies  urinaires.  Est-ce  un  médicament  qui  agit 
comme  le  cubèbe?  Je  ne  puis  l’assurer.  De  toutes  façons,  il  convien- 
drait d’essayer  son  action  dans  ces  cas,  en  la  donnant  en  poudre 
dans  une  capsule  amylacée  pour  rendre  son  ingestion  plus  facile. 


PHYTOLACCÉES 

PIRCUJNï 

Anisomeria  drastica. 

Mocq.  D,  C.  Prodr.,  XIII,  t.  25.  — Gay,  V,  256.  — Poepp.  et  Eudl.,  Nov. 
gen.,  t.  43-44.  — Pircunia  drastica,  Bert.  — Phytolaca  drastica,  Poepp. 
et  Eudl. 

Anisomeria  coriace  a. 

Don  Ed.  neu.  phil.  journ.,  1 8 32,  238.  — Gay,  V,  256.  — 

D.  C.  brodr.,  XIII,  t.  26. 

Ces  deux  espèces  sont  connues  sous  le  nom  de  Pircun  et  leur 
racine  sous  le  nom  de  Congrio  ; mais  la  première  espèce  (la  A.  dras- 
tica), contenant,  suivant  l’analyse  pratiquée,  une  plus  grande  quan- 
tité du  principe  actif,  est  la  seule  enregistrée  dans  la  pharmacopée 
chilienne,  bien  qu’on  emploie  les  deux  de  la  même  manière.  Nous 
nous  contenterons  d'indiquer  les  principaux  caractères  botaniques 
qui  la  caractérisent,  les  prenant  de  l’ouvrage  si  important  et  si  vaste 
de  Gay  (i). 

La  Anisomeria  drastica  est  une  plante  vivace,  à racine  très 
grosse,  napiforme,  à tiges  nombreuses,  cylindriques,  revêtues  de 

(1)  Sources  d’informations  : Etude  sur  le  genre  Anisomeria , par  Daniel 
Cruzatt,  Revista  medical , an  XI,  pag.  241 . — Traité  de  Pharmacie , par  A.  Vas- 
quez,  t.  II,  pag.  255. 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


i73 


feuilles  abondantes,  grosses,  oblongues-elliptiques,  coriacées,  mu- 
cronées,  avec  la  nervure  centrale  très  prononcée;  elle  possède  des 
grappes  de  fleurs  de  neuf  à douze  pouces  de  longueur  et  élevées  ; 
les  lobes  du  calice  sont  elliptiques-obtus,  concaves;  on  trouve  de 
cinq  à six  styles;  les  fruits  sont  comprimés,  très  luisants,  rouges. 

Elle  croît  dans  les  terrains  pierreux  des  Cordillères  des  pro- 
vinces centrales. 

Bertero  en  dit  ce  qui  suit  : « Pircun , petit  sous-arbuste,  com- 
mun sur  les  versants  des  montagnes  entre  les  pierres,  à Cauquenes, 
Taguatagua  et  autres  lieux.  La  racine,  semblable  à un  gros  navet, 
possède  la  vertu  émétique  et  purgative  au  plus  haut  degré.  Les 
habitants  des  campagnes  l’emploient  fréquemment  et,  quoique  à 
petites  doses,  elle  a quelquefois  des  résultats  funestes.  C'est  un 
des  remèdes  qui  ne  devraient  être  administrés  que  par  un  médecin. 
Une  bonne  analyse  et  une  bonne  expérience,  pratiquées  par  un 
médecin  intelligent,  donneraient  une  connaissance  exacte  de  ce 
remède  qui,  dans  certains  cas,  me  semble  digne  d’être  employé  de 
préférence. 

La  racine  du  Pircun , seule  partie  dont  on  fait  usage,  est  napi- 
forme,  grande,  pesant  quelquefois  un  kilo,  dure,  ligneuse,  compacte, 
ridée,  inégale,  striée  à l’extérieur  et  d’une  couleur  foncée,  jaunâtre, 
d’un  blanc  gris  à l’intérieur;  son  goût  est  légèrement  sucré. 

Elle  contient,  selon  MM.  Vasquez  et  Cruzat,  une  matière  sac- 
charine très  abondante  (selon  Cruzat,  quinze  grammes  de  racine 
donnent  trois  grammes  de  cette  matière  sucrée),  de  la  gomme,  une 
résine  et  une  substance,  jusqu’à  présent  peu  étudiée  et  mal  définie, 
cristallisée,  blanche,  peu  soluble  dans  l’alcool  et  dans  l'eau. 

On  obtient  cette  substance  cristallisée,  dit  M.  Cruzat,  en  rédui- 
sant par  évaporation  3o  grammes  de  teinture  alcoolique  à 
i5  grammes;  on  ajoute  i5o  centigrammes  d’acide  sulfurique  ordi- 
naire ; on  agite  le  tout  pendant  six  heures  et  on  y ajoute  ensuite  une 
solution  de  potasse  caustique  au  dixième.  Aux  premières  gouttes 
versées  on  verra  un  précipité  blanc  se  former  et  se  dissoudre  aussitôt  ; 
mais  quand  on  ajoute  4 grammes  de  la  solution,  une  énorme  quantité 


i74 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


de  précipité  se  forme  -,  si  on  l’évapore,  il  en  reste  une  substance  cristal- 
lisée. La  matière  saccharine  et  la  •gomme  s’obtiennent  parla  macé- 
ration de  la  racine  dans  l'alcool  à 90°  et  la  matière  résineuse  par 
l’évaporation  de  la  teinture  alcoolique. 

Les  préparations  officinales  du  Pircun  sont  les  poudres,  la  tein- 
ture alcoolique  et  l’extrait  résineux. 

La  meilleure  et  celle  que  doit  préférer  l’usage  médical  est  la 
teinture  qui,  suivant  notre  pharmacopée,  se  prépare  au  dixième 
pour  cent. 

La  préparation  des-  poudres  de  Pircun , pratiquée  sans  les  pré- 
cautions nécessaires,  occasionne  une  irritation  considérable  des  yeux, 
éternuements,  inflammations  plus  ou  moins  passagères  de  la  gorge 
et  quelquefois  un  fort  coryza  avec  élévation  de  la  température-,  le 
goût  n’en  est  pas  désagréable,  vu  la  quantité  de  substance  saccharine 
que  contient  la  racine.  A la  dose  de  10  centigrammes,  Tusage 
interne  de  ces  poudres  détermine  un  dérangement  dans  l’estomac, 
nausées,  vomissements,  douleurs,  coliques  suivies  d’abondantes  déjec- 
tions claires,  séreuses,  très  souvent  sanguinolentes.  Selon  M.  Cruzat, 
la  façon  d'agir  des  poudres  varie  fréquemment  suivant  la  nature  et 
le  tempérament  des  personnes,  au  point  qu’il  considère  cette  prépa- 
ration comme  incertaine.  Cinq  centigrammes  de  poudre,  donnés  en 
deux  paquets,  à dix  minutes  d’intervalle,  ont  produit,  dans  le  plus 
grand  nombre  de  cas,  des  nausées,  vomissements,  coliques,  et  deux 
ou  trois  évacuations,  rares  le  premier  jour  ; le  deuxième  jour,  des 
nausées  et  coliques,  et  aucun  effet  le  troisième.  A la  dose  de  vingt 
centigrammes,  il  constate  deux  véritables  empoisonnements  de  deux 
femmes  ; toutes  deux  souffrirent  de  fortes  nausées,  une  intense  dou- 
leur à l’épigastre,  de  fortes  coliques,  des  vomissements  et  évacua- 
tions sanguinolentes,  un  abattement  profond,  des  sueurs  froides  et 
un  abaissement  de  la  température. 

De  notre  côté,  nous  avons  connu  des  morts  produites  par  l’em- 
ploi immodéré  des  poudres  de  Pircun. 

« On  administra  à six  cardiaques  avec  anasarque  considérable* 
5 centigrammes  de  poudre  de  racine  de  Pircun , en  deux  paquets*  à 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


i75 


deux  minutes  d'intervalle  ; trois  eurent  des  nausées,  vomissements, 
coliques,  dix  dépositions  séreuses  abondantes  ; un  les  mêmes  symp- 
tômes et  20  dépositions  séreuses  • deux  des  nausées,  fortes  coliques 
et  aucune  déposition.  La  même  dose,  administrée  le  lendemain,  ne 
produisit  aucun  effet  sur  tous.  Une  infusion  de  o,  25  centigrammes 
de  racine  pour  120  grammes  d’eau,  produisit  chez  un  cardiaque, 
avec  un  énorme  œdème,  5 dépositions  séreuses  abondantes,  deux 
vomissements,  quelques  coliques  ; une  dose  égale  le  lendemain  ne 
produisit  qu’un  seul  effet.  Chez  le  même  malade,  la  décoction  de 
25  centigrammes  de  racine  pour  400  grammes  d’eau,  le  tout,  réduit 
à 25o  grammes,  n'a  donné  aucun  résultat  pendant  deux  jours,  pas 
même  de  légères  coliques.  — Cruzat.  » 

La  teinture  alcoolique,  administrée  de  20  à 3o  grammes,  occa- 
sionne également  des  vomissements,  fortes  coliques,  abattement, 
évacuations  qui,  quelquefois,  sont  sanguinolentes. 

La  dose  de  2 à 4 grammes  de  teinture  alcoolique  est  celle  qui 
doit  être  conseillée,  quand  on  l’administre  dans  un  but  thérapeuti- 
que-, elle  ne  doit  jamais  être  augmentée,  et,  dans  ce  cas,  on  doit  la 
donner  par  fractions  dans  une  mixture  ou  potion  avec  une  substance 
aromatique  pour  mieux  régulariser  ses  effets  et  empêcher  ses  incon- 
vénients. A cette  dose,  ses  effets  sont  ceux  d'une  purgation  diuré- 
tique, et,  très  fréquemment,  d’un  diurétique,  quand  l’effet  purgatif 
est  rare.  Ce  résultat,  d’une  augmentation  de  la  sécrétion  urinaire,  a 
été  confirmé  souvent,  et  il  n’y  a pas  heu  d’en  douter. 

Nous  devons  donc  reconnaître  que  le  Pircun  est  un  purgatif 
drastique  de  la  plus  grande  activité-,  que,  comme  la  plupart  des  dras- 
tiques, son  emploi  provoque  des  nausées  et  vomissements,  et  que 
son  usage  doit  se  faire  avec  toutes  les  précautions  possibles.  Il  est 
prudent  de  ne  pas  oublier  aussi  son  effet  diurétique  dont  nous  avons 
parlé  et  qui  lui  est  particulier.  En  effet,  cette  action  a quelque  chose 
d’étrange;  mais  on  peut  l’expliquer,  si  on  tient  compte  de  ce  fait 
qu’une  partie  de  la  substance  résineuse  paraît  passer  par  les  reins,  et 
qu’on  la  retrouve  dans  les  urines.  Si  on  ajoute  à l’urine  d’une  per- 
sonne qui  a pris  du  Pircun , contenue  dans  un  tube,  quelques  gouttes 


i76  PLANTES  MÉDICINALES  DU  CHILI 


d’acide  nitrique,  le  chauffant  ensuite,  on  verra  se  produire  une  colo- 
ration d’une  belle  teinte  pourprée.  Les  vomissements  et  coliques  que 
le  Pircun  occasionne  peuvent  être  supprimés  par  l’emploi  des  limo- 
nades et  de  quelques  gouttes  de  laudanum,  comme  je  l’ai  conseillé  il 
y a déjà  quelque  temps. 

De  faction  physiologique  de  ce  puissant  agent  de  la  matière  mé- 
dicale chilienne,  peuvent  se  déduire  ses  applications  thérapeutiques. 
Les  congestions  cérébrales  ou  aiguës  des  poumons,  les  hydropisies, 
œdèmes  généralisés  dépendant  d’altérations  circulatoires  du  cœur, 
ou  des  gros  vaisseaux,  les  ascites,  pleurésies  avec  épanchements,  qui 
menacent  la  vie  du  patient  par  asphyxie,  telles  sont  les  principales 
affections  pour  lesquelles  la  teinture  du  Pircun  peut  être  recomman- 
dée, en  un  mot,  dans  tous  les  cas  où  il  est  nécessaire  d’agir  avec 
promptitude,  où  l’évacuation  immédiate  de  l'intestin  est  conseillée, 
et  dans  ceux  où  les  drastiques  sont  appelés  à remplir  leur  rôle.  Il 
faut  cependant  ne  pas  oublier  son  influence  irritante  sur  l’estomac, 
la  facilité  avec  laquelle  il  provoque  les  nausées  et  vomissements, 
raison  pour  laquelle  il  faudra  défendre  son  emploi  dans  les  cas  où 
cet  organe  est  compromis. 

Nous  trouvant  d'accord  avec  M.  Cruzat  sur  la  manière  d’ap- 
précier les  qualités  de  cette  plante,  nous  donnons  ici  les  conclusions 
qui  mettent  fin  à son  mémoire  : 

i°  La  famille  des  Phytolaccées,  remarquable  par  ses  deux  espè- 
ces di  Anisomeria , dénommées  Pircun , est  appelée  à occuper  une 
des  premières  places  dans  notre  thérapeutique  nationale,  quand  son 
étude  aura  été  complétée  et  son  analyse  faite  avec  plus  d’exactitude. 

2°  La  partie  employée  jusqu’à  ce  jour  est  la  racine,  et  il  semble 
qu’elle  est  le  siège  du  principe  actif. 

3°  La  meilleure  préparation  pharmaceutique  est  la  teinture  al- 
coolique. Son  action  purgative  est  plus  sûre  et  sans  aucun  inconvé- 
nient pour  les  autres  organes;  l’action  diurétique  ne  se  montre  pas 
toujours. 

4°  L’emploi  de  la  poudre,  préparation  dangereuse  dans  son  ac- 
tion, doit  se  proscrire  ou  être  employée  avec  une  grande  prudence* 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


* 77 


5°  L’urine  prend  toujours  une  couleur  pourprée,  avec  l’acide 
nitrique  ordinaire  et  la  chaleur. 

6°  Les  propriétés  purgatives  et  diurétiques  sont  en  raison  in- 
verse l’une  de  l’autre. 

7°  Les  deux  espèces  d’ Anisomeria  jouissent  des  mêmes  pro- 
priétés -,  mais  la  drastique  est  plus  active  et  doit  être  préférée. 


POLYGONÉES 

8ANGUIJXARIA 
Polygonum  chilense. 


Koch,  Linnea,  XXII,  206.  — Non  Pursh.  — D.  C.  Prodr.,  XIV,  88.  — 
Sanguinaria,  Remy  en  Gay,  V,  270. 

Les  tiges  sont  ligneuses  et  les  branches  très  longues,  étendues, 
minces,  glabres,  cylindriques,  nues  dans  la  partie  inférieure;  les 
feuilles  alternes,  oblongues-lancéolées  ou  linéaires,  glabres,  aiguës, 
avec  les  nervures  parallèles  et  saillantes  ; les  fleurs  axillaires,  gémi- 
nées ou  fasciculées,  pédicellées. 

Plante  commune  sur  les  bords  de  la  mer  depuis  Coquimbo  jus- 
qu'au Maule. 

Cette  herbe  est  très  employée  dans  la  médecine  populaire.  L’in- 
fusion et  la  décoction  sont  considérées  généralement  comme  une 
excellente  boisson  pour  purifier  le  sang;  de  là,  son  emploi  si  com- 
mun dans  les  cas  de  suspensions  menstruelles,  spécialement  chez  les 
femmes  qui  jouissent  d’une  bonne  santé  et  de  constitution  plus  ou 
moins  robuste , dans  les  rhumatismes,  fièvres,  et  dans  tous  les  cas 
où  on  craint  une  pléthore  sanguine. 

Comme  rafraîchissante  ou  légèrement  tonique,  on  en  fait  un 
grand  usage  dans  la  saison  des  chaleurs, 


178 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


On  lui  attribue  aussi  des  propriétés  diurétiques,  que  nous  som- 
mes loin  d’accepter. 

On  l’emploie  seule,  ou  mélangée  avec  la  pimpinela  chilienne 
(. Acaena  pinnatifida). 


QUILO  ou  MOLLACA 

Muehlenbeckia  chilensis. 

Meisn.  D.C.  Prodr.,  XIV,  148.  — Sagittifolia,  Remy  et  Gay,  V,  274.  — 
Polygonum  injucundum,  Lindl. 

Arbuste,  glabre  avec  les  branches  flexueuses,  et  même  volu- 
biles  et  grimpantes;  les  feuilles  sont  variables.,  oblongues,  elliptiques, 
en  forme  de  flèche  ; fleurs  axillaires  et  réunies  en  une  espèce  de 
grappe;  les  fruits  noirâtres,  renflés,  triangulaires,  un  peu  plus  gros 
qu’un  grain  de  blé. 

On  le  rencontre  depuis  Coquimbo  jusqu’à  Valdivia  et  depuis 
les  bords  de  la  mer  jusqu’aux  Cordillères  andines. 

Ses  fruits  sont  doux,  agréables  et  comestibles.  On  en  faisait  au- 
trefois une  boisson  fermentée  qui  remplaçait  le  vin. 

Les  racines  et  les  feuilles  sont  employées  en  infusion  ou  décoc- 
tion, comme  diurétiques,  dans  les  cas  d’abcès  du  foie,  si  communs 
dans  notre  pays,  et  pour  prévenir  les  résultats  des  coups  et  des 
chutes. 

ROMASA 

Ruine x romassa. 

Remy  et  Gay,  V,  280.  — Berlandieri,  Meisn. 

Plante  vivace,  entièrement  glabre,  à gros  rhizome,  long  et  lisse  ; 
les  feuilles  sont  pétiolées,  oblongues-elliptiques,  aiguës  à l’extrémité, 
minces,  entières,  grandes,  finement  frisées  sur  les  bords  ; les  fleurs 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


*79 


terminales  disposées  en  épis  assez  longs,  sans  feuilles.  Toute  la 
plante  devient  rouge  foncé  quand  elle  est  sèche. 

C’est  une  plante  assez  commune  dans  les  lieux  un  peu  humides 
du  centre  et  surtout  dans  les  provinces  du  sud. 

Les  feuilles  servent  pour  panser  les  vésicatoires  et  sont  regar- 
dées comme  vulnéraires,  rafraîchissantes  et  diurétiques  ; cuites  ou 
passées  dans  l’eau  bouillante,  on  les  emploie  en  cataplasmes  dans 
les  ulcères  de  toutes  espèces,  fièvres,  abcès  et  tumeurs  enflammées. 
En  raison  de  ses  effets  également  émollients  et  rafraîchissants,  on  en 
boit  aussi  le  jus  et  l’infusion  de  la  racine  s'administre  à l’usage 
interne. 

Je  n’ai  jamais  entendu  dire  que  la  racine  de  la  Romasa  possédât 
les  propriétés  purgatives  de  quelques-unes  de  ses  congénères. 


ASARINÉES 

OREJA  DE  ZORRO  (i) 

Aristolochia  chilensis. 

Miers.  Trav.,  II,  53 1.  — Gay,  V,  329.  — ; D.  C.,  XVI,  461.  — Setigera,  Klot. 

Plante  à racine  fusiforme,  odorante,  donnant  issue  à plusieurs 
tiges  minces,  striées,  tendues,  jaunâtres  ou  rougeâtres,  avec  des 
feuilles  veineuses  entières,  de  diverses  grandeurs,  beaucoup  plus 
longues  que  larges,  très  obtuses,  glabres,  d’un  beau  vert  en  dessus, 
pourvues  de  quelques  petits  poils  fermes  dans  les  nervures  et  sur  le 
bord  *,  les  fleurs  sont  d’une  couleur  pourpre  grisâtre,  glabres  en 
dehors  et  en  dedans,  couvertes  d’un  duvet  blanc,  solitaires  à l’ais- 
selle des  feuilles  et  avec  le  limbe  simple. 

On  donne  aussi  à cette  plante  le  nom  de  Yerba  de  la  virjen  (2). 

(1)  Oreille  de  renard. 

(2)  Herbe  de  la  vierge. 


i8o 


PLANTES  MÉDICINALES  DU  CHILI 


Elle  croît  sur  les  collines  exposées  au  soleil,  dans  les  endroits  sablon- 
neux et  voisins  de  la  mer  des  provinces  centrales  et  du  Nord. 

La  racine  de  cette  plante  dont  Todeur  indique  les  propriétés  mé- 
dicinales est  employée  en  infusion,  comme  emménagogue  dans  l’a- 
ménorrhée  et  pour  provoquer  les  contractions  utérines.  Les  au- 
teurs, qui  ont  parlé  de  cette  plante,  disent  que  les  femmes  du  peuple 
la  prennent  après  F accouchement,  sans  doute  pour  éviter  les  hémor- 
rhagies et  les  coliques  utérines  provenant  de  cet  organe. 


MOMMIACÉES 

BOLDO 

Bol  do  a fragans. 

Gay,  V,  353.  — Peumus  Boldus,  Mol.  — Ruizia  fragans,  Pav.  — Peumus 
fragans,  Pers.  — Bolius  chilensis,  Mol.,  Ed.  II,  1 58.  — Boldo  arbor  oli- 
vifera,  Feuill. 

Arbre  élevé,  à feuillage  touffu,  très  aromatique,  qui  croît  de- 
puis la  province  d’Aconcagua  jusqu’à  Osorno;  les  feuilles  sont  oppo- 
sées, ovoïdes-oblongues,  coriacées,  très  entières,  rudes,  les  fleurs 
blanches,  odorantes,  disposées  en  grappes;  les  drupes  petites,  jau- 
nâtres, très  douces  et  aromatiques. 

Le  premier  nom  générique  de  Peumus  donné  par  Molina  au 
Boldo , et  accepté  par  Persoon,  a donné  lieu  à de  graves  erreurs, 
confondant  ainsi  deux  arbres  de  genre  et  famille  divers,  comme  le 
Boldo , qui  est  traité  par  nous  dans  cet  article,  unique  représentant 
du  genre  Boldoa,  et  le  Peumo , de  la  famille  des  Laurinées,  qui  est  la 
Cryptocary  a peumus  deNese. 

« Ce  joli  arbre,  dit  Gay,  est  très  commun  sur  les  versants 
exposés  au  soleil,  dans  les  provinces  centrales,  il  se  voit  jusqu’à 
Osorno,  et  mérite  d’être  cultivé  dans  les  jardins,  pour  ses  belles 


PLANTES  MÉDICINALES  DU  CHILI 


fleurs  blanches  et  odorantes.  Son  bois  frais  a l’odeur  du  poivre 
moulu  et  n’est  bon  à rien,  car  son  charbon  s’éteint  promptement  ; 
mais  la  décoction  de  son  écorce  sert  à faire  disparaître  l’odeur  de 
vinaigre  dans  les  barriques.  Ses  fruits  sont  très  doux,  ont  peu  de 
chair,  et  les  noyaux  ronds,  très  durs,  servent  à faire  des  grains  de 
chapelet.  Les  feuilles,  très  aromatiques,  sont  employées,  humectées 
avec  du  vin,  dans  les  rhumatismes  et  fluxions  de  la  tête;  on  fait 
aussi  usage  de  sa  décoction  comme  antisyphilitique,  pour  les  hydro- 
pisies,  et,  de  son  jus,  pour  les  douleurs  d’oreilles.  » 

Bertero  avait  parlé  de  cet  arbre,  comme  Gay.  Frézier  attribue 
à l’écorce  du  Boldo  un  goût  piquant,  semblable  à celui  de  la  cannelle, 
et  à la  feuille,  l’odeur  de  l’encens.  Molina  dit  que  les  agriculteurs  la- 
vent les  fûts  dans  lesquels  les  vins  fermentent,  avec  une  infusion  de 
feuilles  de  Boldo. 

Ruiz  et  Pavon  sont  plus  explicites  et  plus  détaillés,  dans  l'usage 
du  Boldo , quand  ils  disent  : « Leve  foliorum  infusum  ad  indiges- 
tiones  pracavendus  loco  theae  et  coffeae  post  cibum  saccharo  edul- 
coratum  propinare  solet.  Decoctum  in  vino  aut  aqua  factum  ternpo- 
ribus,  stomacho  a.utalvo  applicatum,  hœmicraneam  et  cephalalgicas 
dolores  cédât,  stomachum  roborat,  flatus  discutit  et  nervus  confor- 
tât. Cum  una  foliorum  contusorum  et  tribus  resinœ  Pinus  chilen- 
sis  partibus  feminœ  confident  remedium,  quod  umbilico  impositum 
uterinas  passiones  dissipât.  Foliorum  pulvis  capitis  purgandi  causa, 
naribus  fréquenter  adhibitur.  » 

Ce  qui,  traduit  en  français,  veut  dire  : une  légère  infusion  des 
feuilles,  sucrée,  prise  après  dîner,  au  lieu  de  thé  ou  de  café,  sert  à 
éviter  les  indigestions.  Une  décoction,  dans  l’eau  ou  dans  le  vin,  ap- 
pliquée sur  les  tempes,  l’estomac  ou  le  ventre  enlève  les  migraines 
et  les  céphalalgies,  fortifie  l’estomac,  dissipe  les  gaz  et  réconforte  les 
nerfs.  Les  femmes  préparent  un  remède  avec  une  partie  de  feuilles 
hachées  et  avec  trois  parties  de  la  résine  d'Alerce  (mélèze),  elles 
l’appliquent  sur  la  région  ombilicale,  pour  dissiper  les  passions  uté- 
rines. Les  poudres  sont  employées  dans  les  cas  de  « coryzas  » chro- 
niques. » 


182 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


Le  Boldo  se  maintint  dans  le  cercle  étroit  de  son  application 
dans  la  médecine  des  campagnes,  et  pour  le  nettoyage  des  futailles, 
jusqu’au  moment  où  une  circonstance  inattendue  fixa  l'attention  sur 
lui,  éveillant  un  intérêt  scientifique  qui  devait  bientôt  traverser  les 
mers  et  assurer  son  importance  comme  médecine  universelle. 

En  1869,  un  M,  Navarro,  qui  exploitait  des  terres  dans  le  Sud, 
vit  ses  troupeaux  de  moutons  attaqués  d’une  maladie  qui  faisait  de 
nombreuses  victimes.  Le  distome  hépatique  ( pirguines  de  nos  pay- 
sans) s’était  développé  et  propagé  dans  le  foie  des  animaux  qui  mou- 
raient en  grand  nombre.  La  situation  de  ce  riche  agriculteur  était 
désespérée,  car  il  ne  trouvait  aucun  remède  capable  de  combattre  la 
maladie  qui  décimait  ses  troupeaux.  Heureusement,  une  réparation 
qu’il  eut  besoin  de  faire  dans  la  grande  cour  où  on  les  parquait,  se  fit 
avec  des  branches  de  Boldo.  Les  animaux  se  mirent  à manger  les 
plus  jeunes  branches  ; plus  tard  on  leur  fit  boire  de  l’eau  dans  la- 
quelle on  avait  détrempé  des  feuilles  de  Boldo , et  les  moutons  gué- 
rirent. Ce  fait  fut  rapidement  divulgué,  amplifié,  commenté  dans  les 
journaux;  il  mit  le  Boldo  à l’ordre  du  jour,  et  dès  lors  les  malades 
du  foie  s’empressèrent  d’essayer  son  efficacité. 

Les  hommes  de  la  science  se  préoccupèrent  de  rechercher  en 
quoi  consistaient  ses  propriétés,  pendant  que  l’exportation  condui- 
sait vers  les  centres  scientifiques  ses  feuilles  et  ses  branches  pour 
être  analysées  et  mises  à l’essai. 

Dans  une  conférence  publique,  que  je  donnais,  le  3 o août  1871, 
dans  les  salons  de  la  Société  Médicale,  je  m’occupais  attentivement 
de  l’étude  de  cet  arbre  important,  sous  le  point  de  vue  thérapeutique 
et  pharmaceutique.  Après  avoir  parlé  de  ses  principaux  caractères 
botaniques,  et  fait  l’historique  des  propriétés  médicinales  qui  lui 
avaient  été  attribuées  par  les  naturalistes  qui  en  avaient  parlé,  j’arri- 
vai à raconter  les  guérisons  opérées  sur  les  troupeaux  de  brebis  de 
M.  Navarro,  les  recommandations  spéciales  que  cet  agriculteur  taisait 
des  propriétés  médicinales  du  Boldo  et  j’entrai  dans  tous  les  détails 
qu’on  racontait  sur  ce  brillant  succès. 

Depuis  la  guérison  de  ces  troupeaux,  ajoutai-je,  l’application  du 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


1 8 3 


Boldo  s’est  généralisée  dans  les  maladies  du  foie  ; mais  il  est  néces- 
saire de  se  bien  pénétrer  de  ce  fait  que  les  brebis  n’étaient  pas  atta- 
quées d’une  affection  primitive  du  foie,  mais  seulement  que  cet  or- 
gane était,  comme  un  dépôt  de  ces  parasites  qui  embarrassaient  les 
fonctions  gastro-hépatiques,  ainsi  que  les  fonctions  générales,  cau- 
sant enfin  la  mort,  et  que,  contre  ces  parasites,  le  Boldo  avait  fait 
sentir  son  action  avec  efficacité  et  grande  promptitude.  11  était  donc 
nécessaire  de  ne  pas  se  laisser  éblouir  par  de  trompeuses  apparences, 
et  de  chercher  avec  un  jugement  plus  sûr,  la  base  scientifique  et 
l’explication  de  la  façon  d’agir  du  Boldo , dans  ces  cas. 

Etait-ce  un  antihelminthique  seulement,  ou  valait-il  davantage? 

Les  préparations  du  Boldo  que  je  recommandai,  furent  l’infu. 
sion  et  l’extrait  alcoolique.  Ce  dernier  m’avait  été  donné  par  M.  Vas- 
quez,  qui  avait  trouvé  dans  le  Boldo  une  substance  ressemblant  à 
la  térébenthine. 

Pour  les  infusions,  je  recommandai  les  feuilles  fraîches,  parce 
qu’elles  contiennent  plus  de  parfum  que  les  sèches. 

L’infusion  a une  belle  couleur  jaune,  son  odeur  est  aromatique, 
nullement  désagréable.  Prise  à la  dose  de  ioo  grammes,  elle  produit 
une  légère  chaleur  à l’estomac,  excite  l’appétit  et  facilite  la  digestion*, 
par  dose  plus  forte,  la  chaleur  à l’estomac  est  plus  accentuée  et  il 
n'est  pas  rare  qu’elle  soit  accompagnée  de  légères  douleurs.  Une 
infusion  fortement  chargée  de  Boldo  peut,  en  plus  des  symptômes 
signalés,  occasionner  de  fortes  douleurs  et  des  é vacuations  fréquentes, 
laissant  une  inflammation  qui  peut  durer  quelques  jours.  L'infusion 
de  Boldo  peut,  en  conséquence,  être  considérée  comme  stimulante, 
carminative  et  stomachique.  Employée  pendant  quelque  temps,  elle 
occasionne  quelquefois  de  légères  éruptions  cutanées  qui  disparais- 
sent avec  facilité.  On  doit  la  préparer,  au  plus,  à 4 pour  100,  et  ne 
jamais  passer  la  quantité  de  200  grammes  à prendre  chaque  jour. 
Si  on  veut  la  boire  comme  tisane,  il  faut  alors  diminuer  la  proportion 
de  la  substance  active. 

Je  l’ai  employé  avec  succès  dans  les  dyspepsies  (absence  d’ap- 
pétit, mauvaises  digestions)  confondues  vulgairement  avec  les  ma- 


184 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


ladies  de  loie  ; et,  de  là,  comme  aussi  par  son  action  contre  le  dis- 
tome hépatique  des  brebis,  provient,  selon  moi,  Terreur  d’attribuer 
à cet  arbre  des  actions  exclusivement  hépatiques  -,  son  usage  est  bon, 
aussi,  quand  on  sent  une  pesanteur  au  ventre,  des  douleurs  vagues 
et  incertaines  de  l’estomac,  et,  en  bon  nombre  d’occasions,  j’ai  vu 
calmer  les  douleurs  aiguës  de  quelques  dyspepsies. 

Par  ses  propriétés  balsamiques,  on  peut  le  conseiller  dans  les 
cas  d’abcès  hépatiques  de  quelque  durée,  attendant  que  le  calme  soit 
revenu  dans  les  phénomènes  de  réaction,  parce  que  comme  médi- 
cament excitant,  la  fièvre  repousse  son  emploi. 

De  tous  les  extraits  du  Boldo , l’alcoolique  doit  être  préféré, 
comme  contenant  la  plus  grande  partie  des  principes  actifs.  Son  goût 
est  aromatique,  piquant,  rappelant  celui  de  la  térébenthine,  mais  il 
est  dissimulé  parTodeur  particulière  du  Boldo . 

Croyant  rencontrer  quelque  analogie  entre  ce  produit  et  la  té- 
rébenthine, j’en  fis  l’essai  dans  les  maladies  des  voies  urinaires,  et 
plus  spécialement  dans  les  blennorrhagies. 

Les  observations  que  je  vais  présenter  ont  été  prises  à l’hôpital 
militaire  qui  était  alors  à ma  charge. 

ire  Obs.  — Le  lit  n°  60  est  occupé  par  un  soldat  dont  l’âge  est 
de  vingt  à vingt-quatre  ans  ; il  a quelques  excoriations  sur  le  gland, 
et,  depuis  9 jours  souffre  d’un  flux  blennorrhagique,  survenu  après 
un  coït  suspect. 

Le  24  décembre  1870  commença  son  traitement  avec  le  Boldo. 
On  lui  administre,  par  jour,  3 pilules  de  20  centigrammes  d’extrait 
alcoolique,  sans  y joindre  aucun  autre  médicament.  Cinq  jours  après, 
le  flux  disparaît  et  le  malade  quitte  la  salle. 

2me  Obs.  — ■ Le  20  décembre  1870,  le  lit  n°  27  est  occupé  par  un 
soldat  âgé  de  vingt-huit  ans,  robuste,  fort.  Il  dit  qu’il  souffre  d’une 
gonorrhée  depuis  12  jours,  et  que  son  malaise  est  extrême,  surtout 
pendant  la  nuit,  parce  qu’il  a de  fréquentes  érections  très  doulou- 
reuses. La  sécrétion  est  régulièrement  abondante  et  âcre;  le  prépuce 
est  enflé  et  douloureux. 

Ce  même  jour,  je  lui  prescris  3 pilules  d’extrait  alcoolique  de 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


i o5 


Boldo  de  20  centigrammes,  avec  addition  dans  chacune  d’elles  de 
5 centigrammes  de  camphre,  pour  calmer  l’excitation  douloureuse 
du  pénis. 

Au  dixième  jour  de  ce  traitement,  le  malade  est  guéri  -,  la  blen- 
norrhagie terminée,  et  il  quitte  la  salle. 

3rae  Obs.  — Le  21  décembre  de  cette  même  année,  dans  le  lit 
n°  90  se  trouve  un  soldat  qui  souffre  d’une  blennorrhagie  sans  com- 
plications, qui  date  déjà  de  2 semaines.  Je  lui  prescris  3 pilules  par 
jour,  de  20  centigrammes  de  Boldo.  A la  fin  de  la  semaine,  le  flux  a 
disparu  ; le  malade  quitte  la  salle. 

L’effet  du  Boldo , comme  modificateur  des  sécrétions  des  orga- 
nes uropoïétiques'  était  désormais  assuré,  et  on  pouvait  affirmer 
ses  effets  dans  les  affections  de  la  vessie.  Mais,  ajoutai-je,  on  peut 
supposer,  que  son  principe  essentiel  devant  s’éliminer  par  les  bron- 
ches, comme  il  arrive  avec  toutes  les  huiles  essentielles,  son  influence 
doit  opérer  également  d’une  manière  favorable  dans  les  affections  des 
organes  respiratoires. 

Après  ces  considérations  et  d’autres  analogues,  j’arrivai,  dans 
cette  conférence,  à établir  les  conclusions  suivantes,  qu’aujourd’hui 
encore  je  crois  pouvoir  considérer  comme  véritables  et  exactes. 

Le  Boldo  contient  des  principes  essentiels  balsamiques  qui  le 
font  apprécier  dans  un  nombre  considérable  de  maladies. 

C'est  un  médicament  utile  et  qui  donne  de  bons  résultats  dans 
les  affections  des  voies  urinaires,  principalement  dans  les  blennor- 
rhagies; et  on  doit  supposer  qu’ils  devront  produire  les  mêmes  effets 
dans  les  maladies  dorges  ânes  de  la  respiration. 

On  peut  le  recommander  dans  la  dyspepsie,  soit  que  la  cause 
provienne  d’atonie  ou  de  faiblesse  des  fonctions  digestives,  soit  qu’il 
survienne  un  désordre  bilieux. 

Son  administration  est  aussi  quelquefois  favorable  dans  ce 
même  genre  de  maladies  (dyspepsies)  quoiqu’il  y ait  complication 
de  gastralgie. 

11  ne  convient  pas  et  son  application  est  prohibée  dans  ces  affec- 
tions, quand  l’existence  d’un  état  saburral  marqué  existe,  comme 


1 86 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


aussi  dans  toutes  les  maladies  qui  sont  accompagnées  de  symptômes 
fébriles  et  inflammatoires. 

On  peut  le  recommander  comme  balsamique  et  carminatif  dans 
les  abcès  hépatiques,  une  lois  qu’on  a obtenu  la  diminution  des  phé- 
nomènes de  réactions  inflammatoires. 

Possédant  une  substance  aromatique,  qui  est  éliminée  par  les 
bronches,  le  Boldo  peut  se  recommander  dans  les  affections  des 
voies  respiratoires. 

La  guérison  des  troupeaux  de  M.  Navarro  paraît  indiquer  que 
le  Boldo  a des  propriétés  antihelminthiques. 

Le  Boldo  ne  tarda  pas  à acquérir  une  réputation  à l’étranger, 
et  à être  étudié  avec  grande  attention.  Mais,  parmi  les  observateurs 
de  cette  plante,  M.  Claude  Verne  s’est  fait  remarquer,  en  collabora- 
tion avec  M.  Bourgoin,  en  1872,  en  découvrant  la  Boldina  et  renou- 
velant ses  travaux  sur  le  Boldo  dans  une  thèse  importante,  en  1874, 
qui  devait  être  couronnée  par  la  Société  de  Pharmacie  de  Paris.  Il  a 
réuni  plus  tard  toutes  ses  études  sur  ce  végétal  si  utile,  dans  une 
brochure  publiée  en  1 883 . Pour  l’étude  médicale  et  physiologique 
du  Boldo , Verne  chercha  l’importante  collaboration  de  MM.  Gubler, 
Dujardin-Beaumetz,  Bourdon  et  Laborde. 

Son  analyse  a donné  à Verne  : huile  essentielle,  Boldina  (alca- 
loïde), tannin,  acide  citrique,  chaux,  gomme,  sucre,  et  une  grande 
quantité  de  matières  aromatiques,  noires,  épaisses,  dues  probable- 
ment à l’oxydation  de  l’essence. 

Le  produit  le  plus  abondant  fourni  par  la  plante  est  l’essence 
qui  se  trouve  répandue  dans  tout  le  végétal.  Pour  l’obtenir,  l’auteur 
employa  divers  procédés  : en  distillant  la  teinture  éthérée  obtenue 
dans  l’appareil  de  remplacement;  en  distillant  l’eau  et  en  faisant 
passer  sa  vapeur  sur  les  plantes  placées  sur  le  diaphragme  d’un 
alambic.  La  Boldina  existe  en  très  minime  proportion  (un  mil- 
lième); elle  est  amère,  peu  soluble  dans  l’eau  et  dans  la  benzine, 
assez  soluble  dans  l’alcool,  le  chloroforme  et  les  solutions  d’alca’j 
concentrées. 

M.  Chapoteauta  trouvé  dans  les  feuilles  du  Boldo  (publication 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


187 


faite  en  1884)  un  glucoside  de  saveur  et  odeur  aromatiques.  Un  kilo 
de  feuilles  du  Boldo' produit  trois  grammes  de  cette  substance. 

Le  docteur  Laborde,  qui  a fait  quelques  essais  avec  ce  gluco- 
side, a prouvé  dans  une  première  série  d’expériences,  qu’un  des 
principaux  effets  de  cette  substance,  introduite  dans  l’organisme, 
soit  en  injections  hypodermiques  (cochon  d’Inde),  soit  en  injections 
stomacales  (chiens),  produit  un  sommeil  tranquille,  plus  ou  moins 
long,  duquel  les  animaux  sortent  en  se  réveillant  naturellement  et  en 
reprenant  leur  vie  habituelle.  Le  docteur  Laborde  a observé,  de 
plus,  qu’après  Inapplication  d’injections  à l’intérieur  des  veines,  pra- 
tiquées sur  des  chiens,  cette  substance  excitait  et  augmentait  les  di- 
verses fonctions  secrétoires,  surtout  l’excrétion  et  la  sécrétion 
bilieuse  et  celles  de  la  salive  et  de  l’urine. 

Les  effets  physiologiques  et  thérapeutiques  que  Verne  attribue 
au  Boldo  ne  diffèrent  pas  de  ceux  que  j’ai  observés  dans  mes  pre- 
mières études,  comme  on  peut  le  voir  dans  les  phrases  suivantes 
que  je  copie  d’un  de  ses  travaux. 

« Les  résultats  obtenus  sur  les  hommes  comme  sur  les  ani- 
maux, nous  font  connaître  que  le  Boldo  doit  être  placé  dans  la  caté- 
gorie des  médicaments  excitants.  Par  sa  teinture,  il  entre  dans  le 
groupe  des  plantes  aromatiques,  et,  comme  elles,  c’est  un  excitant 
général  diffusible,  et  un  stimulant  des  fonctions  digestives.  Par  son 
essence,  au  contraire,  le  Boldo  se  rapproche  des  Térébenthines, 
possédant,  comme  celles-ci,  une  action  excitante  sur  les  fonctions 
urinaires. 

» Guidés  par  ces  premières  indications,  nous  avons  employé 
les  préparations  du  Boldo  sur  deux  groupes  d’affections.  Dans  le 
premier  cas,  nous  avons  employé  la  teinture  et  le  vin;  il  s’agissait 
alors  d’un  cas  d’anémie,  de  dyspepsie,  de  dépression  des  forces,  en 
un  mot,  de  toutes  les  circonstances  dans  lesquelles  nous  avons 
besoin  de  soutenir  et  de  stimuler  les  forces,  excitant  légèrement  les 
fonctions  digestives.  Dans  le  second  groupe,  nous  devions  combattre 
des  affections  catarrhales,  et,  particulièrement  celles  de  l’appareil 
génito-urinaire,  nous  usâmes  de  l’essence. 


1 88 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


11  résulte  d’après  quelques  expériences  vérifiées  dans  le  labora- 
toire de  physiologie  de  l'Ecole  de  médecine  de  Paris,  que  Lextrait 
de  Boldo  administré  en  injections  hypodermiques  chez  les  ani- 
maux, a produit  un  léger  abaissement  de  la  température  et  une 
faible  action  soporifère. 

Les  préparations  dernièrement  recommandées  par  M.  Verne 
sont  l’élixir  et  l’essence.  Celle-ci  se  vend  sous  le  nom  de  Boldo- 
Verne.  On  l’administre  en  gouttes  et  sa  préparation  obéit  à une  for- 
mule qui  lui  est  propre. 

Les  maladies  sur  lesquelles  il  croit  qu’elle  agit  avec  une  effica- 
cité particulière  sont  les  maladies  du  foie,  voies  digestives,  urinaires 
et  faiblesse  générale. 

Pour  ma  part,  je  crois  que  les  préparations  les  plus  importantes 
du  Boldo  et  celles  qui  doivent  être  recommandées  sont  l’infusion  et 
l’extrait  alcoolique  auxquels  il  est  indispensable  d’ajouter  son  huile 
essentielle. 

LAUREL 

Laurelia  aromatica. 


Spr.  Syst.  II,  470.  — Gay,  V,  355.  — D.  C.  Prodr.,  XVI,  II,  675.  — Theyga 
chilensis,  Mol.  — Pavonia  sempervivens,  Ruiz. — Laurelia  crenata,  Poepp. 
— L.  serrata,  Best.  — L.  sempervivens,  Tul. 

Arbre  très  grand,  qui  atteint  jusqu’à  3o  mètres  de  hauteur  et 
2 mètres  de  diamètre,  remarquable  par  son  élégance  et  sa  taille; 
très  aromatique;  les  feuilles  sont  opposées,  coriacées,  oblongues, 
très  glabres  et  luisantes,  ondulées,,  serrées,  avec  une  petite  glande  à 
l’extrémité  de  chaque  dent  et  la  nervure  médiane  très  saillante  en 
dessous  ; les  fleurs  sont  disposées  en  grappes,  à l’aisselle  des  feuilles 
longuement  pédicellées  ; il  possède  dans  les  fleurs  femelles  de  nom- 
breux carpelles  longs  et  soyeux,  ce  qui  leur  donne  l’apparence  d’un 
akène  couronné  par  une  aigrette  comme  dans  les  fleurs  composées  ; 
une  longue  queue  forme  le  style. 


PLANTES  MÉDICINALES  DU  CHILI 


189 


Cet  arbre,  qui  n’a  aucun  rapport  avec  le  laurier  européen,  est 
aussi  connu  sous  les  noms  indigènes  de  Theigïie , Antigue  ou  Thigue 
et  on  le  confond  avec  le  Laurelia  serra  ta  Ph.,  qui  lui  ressemble 
beaucoup  par  ses  caractères  botaniques  et  par  l’usage  qu’on  en  fait 
dans  la  médecine. 

« Le  laurier  est,  selon  Gay,  un  arbre  très  commun  depuis  le 
trente-quatrième  degré  de  latitude  jusqu’à  Chiloé.  Il  conserve 
pendant  toute  Tannée  ses  feuilles  qui  ont  une  forte  odeur  de  fenouil  ; 
elles  sont  d’une  forme  si  élégante  que  les  habitants  de  quelques 
villes  portent  ses  branches  dans  la  procession  du  dimanche  des 
Rameaux  et  en  tapissent  le  sol  des  églises.  Son  bois  est  blanc,  cas- 
sant et  très  mou,  facile  à travailler  étant  très  tendre.  Les  fleurs,  les 
feuilles  et  l’écorce  qui  sont  également  aromatiques,  servent  comme 
remède  pour  les  maux  de  tête  provenant  de  refroidissements  et  cou- 
rants d’air.  L’infusion  des  feuilles  est  bonne,  dit-on,  comme  anti- 
vénérienne, administrée  en  lotions,  boissons,  et  sous  la  forme  de 
bains,  elle  fortifie  les  nerfs  et  calme  les  affections  paralytiques  ; on 
les  emploie  aussi  en  fumigations  pour  combattre  les  convulsions 
spasmodiques.  » 

M.  Chatterton  conseille  l’emploi  de  l’infusion  des  fleurs,  des 
feuilles  et  de  l’écorce,  comme  emménagogue  et  excitante  dans  la 
suspension  des  règles,  faiblesse  d’estomac,  etc.,  et  les  pommades 
préparées  avec  les  feuilles  en  poudre  pour  combattre  les  affections 
herpétiques  et  autres  maladies  cutanées. 

Le  laurier  est,  comme  on  Ta  déjà  dit,  un  arbre  très  aromatique;  il 
doit  ses  propriétés  à l’huile  essentielle  qu’il  renferme  dans  une  cer- 
taine quantité.  En  conséquence,  il  jouit  de  toutes  les  propriétés  sti- 
mulantes et  balsamiques  de  ses  congénères  et  on  peut  le  conseiller 
dans  le  traitement  des  atonies  du  tube  digestif,  des  affections  des 
voies  urinaires,  probablement  dans  les  bronchites  chroniques  et 
quelques  autres  maladies. 

A la  campagne,  on  en  fait  usage  sous  la  forme  de  bains  pour 
ceux  qui  souffrent  de  rhumatismes  chroniques  ou  de  paralysie  ; les 
poudres  se  recommandent  dans  les  coryzas  du  même  genre. 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


190 


Les  formes  de  son  emploi  pour  l’usage  interne  sont  l’infusion, 
la  teinture  alcoolique  et  le  sirop. 


LAURINÉES 

LINGUE 
P erse  a Lingue . 

Nees.  Syst.  Laur.,  157.  — Gay,  V,  295.  — D.  C.  Prodr.,  I,  48.  — 
Laurus  Linguy,  Miers. 

Arbre  dun  bel  et  agréable  aspect,  touffu  et  grand,  arrivant 
parfois  à plus  de  20  mètres  de  hauteur-,  l’écorce  est  unie,  de  couleur 
cendrée;  les  feuilles  sont  ovoïdes,  elliptiques,  entières,  coriacées, 
luisantes,  glabres  en  dessus  et  un  peu  velues  en  dessous  ; les 
panicules  très  velus,  d’une  couleur  rougeâtre  de  rouille,  divisés 
en  forme  d’ombelles  ayant  chacune  quelques  fleurs  courtement 
pédicellées;  le  fruit  est  une  baie  ovale-arrondie,  glabre,  d’un  noir 
violacé. 

Cet  arbre  est  assez  commun  dans  les  provinces  centrales  et 
méridionales  de  la  République. 

Le  cœur,  d’une  couleur  rougeâtre,  le  rend  très  appréciable  dans 
la  menuiserie  -,  son  bois  se  polit  facilement,  ce  qui  le  place  entre  le 
cèdre  et  l’acajou,  tandis  que  la  partie  blanchâtre  est  facilement 
piquée  par  les  vers  et  n’est  presque  pas  employée. 

11  contient  beaucoup  de  tannin  et  une  matière  colorante. 

L’écorce  est  la  partie  que  l’industrie  et  la  médecine  emploient. 
Cette  écorce  est  la  plus  usitée  pour  tanner  les  cuirs,  les  tanneurs  la 
préfèrent  à cause  de  la  grande  quantité  de  tannin  qu’elle  possède. 
Son  exportation  annuelle  atteint  5oo.ooo  kilos  pour  le  même 
usage. 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


ïq1 


Depuis  de  longues  années  j’use  l’infusion  du  Lingue  comme 
équivalente  à celle  de  la  ratanhia , possédant  les  mêmes  propriétés. 
Je  crois  n’avoir  pas  besoin  d’énumérer  les  affections  dans  lesquelles 
son  emploi  peut  être  conseillé,  car  je  ne  ferais  que  répéter  le  nom 
des  maladies  qui  exigent  des  médicaments  chargés  de  substances 
tanniques  et  qui  sont  très  connues  de  tous. 

Dans  l’article  suivant  qui  parle  d’un  arbre  dont  l’écorce  est 
également  riche  en  tannin,  on  trouvera  le  nom  de  quelques-unes  de 
ces  maladies. 


PEUMO 

Cryptocarya  peumus . 

C.  Peumus,  Nees.  Syst.  Laur.,  222.  — Gay,  V,  3oo.  — D.  C.  Prodr.,  XV,  y5. 
Laurus  peumo,  Lin.  — L.  peumus,  Mol.  — Peumus  rubra  alba,  mam- 
mosa,  Mol. 

Arbre  élégant,  assez  touffu,  de  10  à i5  mètres  de  hauteur  ; les 
feuilles  sont  persistantes,  coriacées,  ovales,  arrondies  à chaque 
pointe,  ou,  quelquefois  aiguës  à leur  base,  soutenues  par  des  pé- 
tioles cylindriques  ; les  fleurs  sont  droites,  avec  le  périgone  infundi- 
buliforme,  velu  de  chaque  côté  ; le  fruit,  plus  petit  qu’une  olive,  et 
de  la  même  forme,  est  rouge,  avec  de  légères  dépressions  linéaires 
dans  le  sens  de  son  plus  grand  diamètre. 

« L’écorce  et  les  feuilles  de  cet  arbre,  appliquées  en  lavements, 
servent  comme  médicament  pour  les  maladies  du  foie,  et,  ce  re- 
mède est  si  efficace,  qu’aussitôt  absorbé,  les  malades  sentent  dimi- 
nuer leurs  douleurs.  Ceux  qui  souffrent  de  douleurs  rhumatismales 
prennent  des  bains  avec  la  décoction  de  l’écorce  et  sentent  peu  à 
peu  venir  la  guérison.  — Rosales.  » 

Le  fruit  est  comestible  et  très  estimé  après  sa  cuisson  ou  une 
longue  infusion.  11  contient  une  substance  grasse,  il  est  très  aroma- 
tique, et  son  odeur  persiste  dans  la  bouche  longtemps  après  1 avoir 
mangé;  elle  se  fait  aussi  sentir  dans  quelques  sécrétions.  Avec  les 


IQ2 


PLANTES  MÉDICINALES  DU  CHILI 


graines  moulues,  on  fait  une  pommade  dont  le  peuple  fait  un  usage 
assez  fréquent  dans  le  traitement  du  catarrhe  vésical,  et  dans  toutes 
les  affections  abdominales  qui  peuvent  provenir  d’un  refroidisse- 
ment. 

L’écorce  contient  une  grande  quantité  de  tannin,  et,  dans  l’in- 
dustrie, les  tanneurs  en  font  usage  à défaut  du  Lingue.  Ce  même 
principe  fait  qu’on  l’utiiise  en  médecine  dans  les  affections  où  on 
doit  employer  les  plantes  tanniques. 

Sous  forme  d'injection  vaginale,  elle  est  utile  pour  combattre 
les  hémorrhagies  et  la  leucorrhée. 

Les  feuilles  sont  aromatiques,  d’une  odeur  agréable,  et  on  les 
prépare  sous  la  forme  de  bains  dans  les  rhumatismes  chroniques  ; 
infusées  dans  du  vin  ou  en  teinture  alcoolique,  elles  servent  pour 
frotter  les  extrémités  et  les  parties  malades. 

Le  bois  du  Peumo,  qui  est  très  dur,  est  en  usage  dans  l'industrie 
parce  qu’il  est  incorruptible  dans  l’eau. 

C’est  un  arbre  qui  n’a  pas  besoin  de  beaucoup  d’humidité  pour 
végéter;  au  contraire,  il  se  développe  très  bien  dans  les  terrains  un 
peu  secs. 


PROTÉACÉES 

RADAL 

Lomatia  obliqua. 

R.  Br.  Trans.  lin.,  X,  201.  — Gay,  V,  3o8.  — D.  C.  Prodr.,  XIV,  /\5o.  — R. 
et  P.  Flor.  per.,  tab.  97.  — Embothryum  hirsutum,  Law.  — Em.  obli- 
quum,  R.  et  P. 


Arbre  de  quelques  mètres  de  hauteur  dans  les  provinces  cen- 
trales, mais  qui  peut  atteindre  i5  mètres  dans  les  provinces  du  Sud, 
rameux,  à branches  un  peu  striées,  d’un  uourpre  noirâtre  dans  la 


PLANTES  MÉDICINALES  DU  CHILI  i93 


partie  supérieure  et  glabre  ; les  feuilles  sont  alternes,  corlacées,  ova- 
les, dentées,  quelquefois  presqu’entières,  d’un  vert  très  luisant  par- 
dessus-, les  fleurs  réunies  en  grappes  axillaires,  blanches,  couvertes 
à l’extérieur  d’un  duvet  couleur  de  rouille  ; le  fruit  est  un  follicule 
ligneux. 

Il  est  surtout  commun  dans  les  provinces  du  Sud,  et  on  le  voit 
au  Nord,  jusqu’au  33me  degré  de  latitude,  limite  des  Protéacées,  au 
Chili.  On  lui  donne  les  noms  de  Racial,  radan , raldal  et  même  celui 
de  No  gai,  à cause  de  la  ressemblance  de  ses  feuilles  avec  les  folioles 
du  noyer  européen,  spécialement  par  leur  odeur.  Son  bois  est  très 
apprécié  pour  sa  dureté  et  son  élasticité;  il  est  veiné  de  blanc  et 
rouge  foncé  et  se  polit  facilement. 

Gay  dit  qu’une  variété  dont  le  bois  est  coloré,  est  purgative, 
quand  on  administre  son  écorce  en  décoction.  Pennesse  dit  aussi  que 
les  jeunes  pousses  et  l’écorce  du  Radal  sont  employées  dans  les  em- 
barras gastriques,  comme  purgatif. 

Mais,  c’est  surtout  à M.  Vasquez  que  nous  devons  l’usage  de 
cet  arbre  généralisé  dans  la  matière  médicale  chilienne  pour  les  affec- 
tions de  la  poitrine. 

« L’analyse  de  cette  plante  fut  pratiquée,  dit  M.  Vasquez,  dans 
son  Traité  de  Pharmacie  à l’occasion  de  l’histoire  suivante.  Un  in- 
dividu, charretier,  souffrait  depuis  assez  longtemps  d’une  affection 
asthmatique  qui  le  tourmentait  beaucoup.  Un  certain  jour,  condui- 
sant sa  charrette,  et  se  sentant  fatigué,  il  s’assit  au  pied  d’un  Radal  et 
but  de  l’eau  en  abondance.  (L’eau  courait  au  pied  de  l’arbre  et  bai- 
gnait son  tronc.)  11  se  sentit  à l’instant  soulagé;  sa  respiration  était 
plus  facile.  Il  suivit  son  chemin,  et  en  arrivant  chez  lui,  son  état 
s'était  amélioré.  Aux  demandes  qu’on  lui  fît  sur  une  guérison  aussi 
prompte,  il  répondit  qu’il  avait  bu  de  l’eau  d’une  source,  à l’endroit 
où  il  s’était  reposé  durant  sa  marche,  au  pied  d’un  Radal.  Lui  ou 
les  autres  eurent  l’heureuse  idée  d’attribuer  à la  plante  les  effets 
observés  sur  le  malade  ; et,  depuis  lors,  elle  fut  appliquée  à d’autres 
malades,  attaqués  du  même  mal.  » 

L’analyse  donne  le  résultat  suivant  : 


1 94 


PLANTES  MÉDICINALES  DU  CHILI 


Lomacilo io.o 

Acide  lomacique  ou  lomacinique. . 2.5 

Lomacina o.6 

Chlorophylle  et  matière  adhérente,  en  apparence  rési- 
neuse   4.5 

Résidu  fibreux  et  sels 82.4 


100.00 

Le  Lomacilo  est  un  principe  amer,  de  couleur  brune,  amorphe, 
d’odeur  prononcée,  très  peu  soluble  dans  l’eau,  assez  soluble  dans 
l’alcool. 

L’acide  lomacinique  est  une  espèce  de  tannin,  de  couleur  brun 
grisâtre,  presque  mordorée,  d’une  saveur  légèrement  amère  et 
astringente;  il  se  dissout  dans  l’eau,  très  peu  dans  l’alcool  et  dans 
l’éther. 

Le  principe  alcaloïde  que  l’auteur  a dénommé  Lomacina , est 
très  problématique  et  il  est  nécessaire  de  l’étudier  de  nouveau  pour 
pouvoir  assurer  si  en  réalité  il  existe.  M.  Larenas  est  d'opinion  que 
ce  qu'on  a appelé  Lomacina  n’est  en  réalité  que  du  phosphate  de 
chaux. 

Les  préparations  du  Radai , qui  peuvent  se  recommander,  sont  : 
l’infusion,  l’extrait  alcoolique  et  le  sirop  préparé  avec  ce  même 
extrait* 

Il  est  indiscutable  que  le  Radai  produit  de  bons  effets  dans  les 
bronchites  chroniques  et  dans  l’asthme  bronquial  lorsqu’il  est 
humide.  J’ai  eu  plus  d’une  fois  l’occasion  de  vérifier  les  favorables 
résultats  de  son  emploi,  même  sur  des  personnes  de  ma  famille,  et  je 
crois  que  c’est  un  médicament  qui  peut  très  bien  figurer  dans  notre 
matière  médicale. 

La  partie  utile  est  le  bois. 

L’infusion,  préparée  à 3 pour  100,  peut  s’administrer  à grandes 
doses  ; l’extrait,  2 décigrammes  et  plus  ; le  sirop,  2,  3 et  4 cuillerées. 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


i95 


HUINQUE 
Lomatia  ferruginea. 

R.  Br.,  I,  c.  200.  — Gay,  V,  3 10.  — D.  C.  Prodr.,  XIV,  449.  — Cav.  Ic.,  385. 

Embothrium  ferrugineum,  Cav. 

Petit  arbrisseau,  peu  rameux,  avec  les  bourgeons  couverts  d’un 
duvet  velouté  de  couleur  jaune  clair  \ les  feuilles  sont  abondantes 
dans  la  partie  supérieure  des  branches,  les  inférieures  sont  alternes, 
les  supérieures  opposées,  grandes,  bipennifides,  glabres  ou  très  peu 
velues  en  dessus  ; par-dessous,  couvertes  d’un  duvet  ferrugineux, 
surtout  les  supérieures  ; les  fleurs  sont  jaunes,  réunies  en  grappes 
molles;  les  graines  sont  couleur  de  fer. 

Cet  arbuste  croît  dans  les  lieux  humides  des  provinces  au  Sud  du 
Bio-Bio  ; il  mérite  d’être  cultivé  dans  les  jardins,  pour  l’élégance  de 
ses  feuilles  et  ses  charmantes  fleurs.  On  lui  donne  aussi  le  nom  de 
Romerillo. 

Selon  Gay,  les  habitants  de  Valdivia  emploient  la  décoction  de 
son  bois,  de  ses  feuilles  et  de  son  écorce,  en  les  mêlant  avec  le 
Tayu , dans  les  abcès  hépatiques  ou  dans  les  abcès  extérieurs. 

M.  Juliet  dit  que,  dans  le  Sud,  il  jouit  de  la  renommée  de  pur- 
gatif, et  qu’à  cause  de  cette  propriété,  on  l’administre  contre  les 
coliques. 

MM.  Chatterton  et  Pennesse  disent  que  les  feuilles  et  l'écorce  de 
cet  arbre  s’emploient  comme  purgatifs  et  diurétiques  -,  il  est  aussi 
utile  en  gargarismes  pour  toute  espèce  d’inflammations  de  la  gorge. 
L’infusion  se  prépare  à 3 pour  100. 

Je  crois  que  les  propriétés  de  cette  plante  méritent  toute  l’atten- 
tion des  médecins  chiliens  • suivant  moi,  elle  est  très  utilisable  et  doit 
posséder  plus  d’activité  que  celle  qu'on  lui  suppose  ; mais  son  ana- 
lyse chimique  est  nécessaire,  ainsi  que  des  expériences  sur  les  ani- 
maux pour  fixer  sa  valeur  thérapeutique. 


196 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


CIRUELÏLLO  ou  NOTRU 
Embothrium  coccineum. 

Forst.  Gen.,  i5,  tab.  8.  — Gay,  V,  3o6.  — Cav.  Sc,,  65.  — 

D.  C.  Prodr.,  XIV,  443. 

Petit  arbre,  glabre,  partagé  en  nombreuses  branches  dont 
l’écorce  est  unie  et  fréquemment  vermeille  ; les  feuilles  sont  oblon- 
gues-ovales  ou  linéaires,  très  entières,  de  grandeur  inégale,  les  fleurs 
membraneuses,  d'un  rouge  vif,  disposées  en  petits  corymbes  mous; 
les  follicules  contiennent  une  grande  quantité  de  graines  brunes, 
petites,  terminées  par  une  espèce  d’aile. 

Le  E.  lanceolatum  de  MM.  Ruiz  et  Pavon,  ne  paraît  former 
qu’une  variété  de  l'espèce  antérieure,  suivant  MM.  Gay  et  R.  A. 
Philippi. 

Il  croît  depuis  le  3 5me  degré  jusqu’à  Magellan:  il  est  plus  com- 
mun dans  le  Sud,  où  il  atteint  un  plus  grand  développement. 

Les  industriels  disent  que  rien  n’est  plus  précieux  que  le  jaspé, 
les  veines  et  le  poli  de  son  bois,  qui  devrait  être  plus  employé  par 
les  ébénistes. 

Les  feuilles  et  l’écorce  de  cet  arbre  jouissent  d’une  renommée 
médicinale  et  on  les  recommande  en  infusion  dans  les  affections 
glanduleuses,  dans  les  névralgies  dentaires,  et  à l’usage  externe 
comme  cicatrisantes. 

Les  auteurs  de  la  Flore  péruvienne  et  chilienne  racontent  que, 
dans  les  années  1766  et  1770,  époque  à laquelle  les  Araucaniens  at- 
taquèrent et  assiégèrent  les  Espagnols  dans  Villagra,  ceux-ci  recueil- 
lirent le  fruit  de  cette  plante  et  préparèrent  une  espèce  de  farine, 
avec  laquelle  ils  faisaient  du  pain. 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


i97 


AVELLANO 
Guevina  avellana. 


Mol.  Ed.,  II,  279.  — Gay,  V,  3 12.  — D.  C.  Prodr.  XIV,  347.  — R.  et  P. 

Flor.  per.,  t.  99.  — Guadria  herophylla,  R.  et  P. 

Arbre  de  4 à 10  mètres  de  hauteur  -,  les  feuilles  sont  pennées  ou 
bipennées,  alternes,  avec  des  folioles  ovoïdes,  coriacées,  persistan- 
tes -,  les  fleurs  sont  blanches  et  forment  de  longues  grappes  molles, 
axillaires,  couvertes  d’un  duvet  couleur  de  rouille  -,  les  fruits  sont 
ronds,  de  la  grandeur  d’une  noisette  européenne,  d’un  rouge  vif 
avant  la  maturité  -,  ensuite  ils  deviennent  noirs. 

Il  croît  depuis  le  35me  degré  vers  le  Sud.  C’est  un  des  plus  jolis 
arbres  par  son  aspect,  par  la  couleur  toujours  verte  de  ses  feuilles, 
la  beauté  de  ses  fleurs,  et  l’élégance  de  ses  fruits,  rouges  avant  la 
maturité.  Ceux-ci  se  mangent  ; ils  sont  nutritifs,  très  agréables,  d’un 
goût  excellent  et  huileux. 

L’huile  qu’on  en  retire  se  congèle  à 120  de  froid  et  peut  s’em- 
ployer avec  avantage  par  l’industrie  pour  huiler  les  machines  ; mais 
elle  n’est  pas  siccative.  Elle  semble  contenir  une  légère  quantité  de 
soufre,  mais  ce  point  n’est  pas  encore  bien  vérifié. 

L’écorce  de  son  bois  et  l’enveloppe  de  son  fruit  contiennent 
"une  certaine  quantité  de  tannin,  ce  qui  les  fait  utiliser,  comme 
astringentes  dans  les  diarrhées  chroniques,  pertes  de  sang,  sous  la 
forme  d’infusion  ; et  en  injections  on  les  conseille  dans  les  leucor- 
rhées, métrorrhagies  et  autres  flux  du  canal  génital. 

Le  bois  de  cet  arbre  est  tenace  et  élastique,  qualités  qui  le  fai- 
saient employer  par  les  anciens  Araucaniens  pour  fabriquer  leurs 
lances  ; aujourd’hui  on  en  fait  des  avirons. 


198 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


THYMÉLÉES 

PILLOPILLO 

Daphné  Pillo-pillo. 

Gay,  V,  3 1 5 . — Ovidia  pillopillo  et  parviflora,  Meisn. 

Arbuste  s’élevant  jusqu’à  4 mètres  de  hauteur,  pyramidal,  ra- 
meux  depuis  la  base,  couvert  d’une  écorce  légère,  cendrée,  marquée 
par  les  cicatrices  des  feuilles  tombées;  les  jeunes  branches  sont 
d’un  pourpre  noirâtre,  d’autant  plus  velues  qu’elles  s’approchent  de 
l'extrémité;  les  fleurs  sont  sessiles,  oblongues-elliptiques,  entières, 
aiguës,  alternes;  les  fleurs  sont  blanches,  un  peu  odorantes,  disposées 
en  ombelles  ou  en  fascicules  terminaux;  le  fruit  est  une  baie  fusi- 
forme, obtuse  à la  pointe. 

On  note  très  peu  de  différence  entre  cette  espèce  et  la 
D.  Andina  que  Poeppig  trouva  près  d’Antuco. 

Le  Pillo-pillo  est  commun  dans  les  alentours  de  Valdivia.  Il 
est  souvent  attaqué,  selon  Gay,  d’une  maladie  qui  lui  donne  une 
couleur  jaunâtre  et  lui  fait  perdre  ses  feuilles  et  ses  étamines.  Son 
bois  est  blanc,  très  élastique,  de  peu  de  durée;  on  l’emploie  pour 
la  formation  des  haies,  et  il  est  apprécié  pour  la  fabrication  des 
guitares,  etc. 

M.  Vasquez  a trouvé  dans  l’écorce  du  Pillo-pillo  une  propor- 
tion de  daphnine  telle,  que  sa  valeur  n’est  pas  moindre  que  celle  du 
Meçercon  et  du  Torvisco  ; au  contraire,  il  le  considère  égal,  sinon 
supérieur  à ces  espèces  de  daphnées.  Même  dans  l’extrait,  l’âcreté  est 
si  grande,  qu’une  portion  plus  petite  que  la  tête  d’une  épingle,  mise 
sur  la  langue,  laisse  une  sensation  d’âcreté  tenace  qui  dure  près  de 
trois  jours. 

L’écorce  du  Pillo-pillo  contient  donc  une  substance  âcre,  irri- 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


199 


tante,  raison  pour  laquelle  il  n’est  pas  rare  de  voir  son  ingestion 
provoquer  des  nausées,  vomissements,  évacuations  du  ventre 
nombreuses,  accompagnées  de  fortes  coliques  et  d’un  grand  abatte- 
ment. 

On  l’a  recommandée  comme  vermifuge;  mais,  dans  ces  cas,  il 
est  préférable  de  la  remplacer  par  d’autres  agents,  moins  irritants 
et  moins  à craindre. 

Bon  nombre  d’empiriques  emploient  le  jus  de  cette  plante, 
occasionnant  des  empoisonnements  aussi  fatals  que  rapides. 

Le  Pillo-pillo  peut  remplacer  le  Me\ercon  sans  désavantage 
aucun,  dans  les  tisanes  ou  décoctions  de  salsepareilles  compo- 
sées, si  préconisées  comme  anti-  syphilitiques,  comme  dans  son 
application  sur  les  cautères,  pour  maintenir  et  raviver  la  surface  en 
suppuration,  soit  sous  la  forme  de  pommade,  soit  en  poudre  ou 
simplement  même  l’écorce. 


SANTALACÉES 

QUINCHAMALI 

Quinchamalium  majus. 


Brogn.  Voy.  coq.,  t.  52.  — D.  C.  Prodr  , XIV,  625.  — Gay,  V,  pag.  319.  — 
Bot.  Zeit.  1.  G.,  747.  — Q.  chilense,  var.  a.  robustior,  Hook. 

Le  genre  Quinchamalium  décrit  par  Molina  comprend  diverses 
espèces  parmi  lesquelles  celle  dont  nous  nous  occupons  est  le  repré- 
sentant le  plus  important. 

Plantes  vivaces  et  même  sous-arbustes,  toutes  très  glabres,  à 
feuilles  linéaires  et  fleurs  jaunes  ou  de  teinte  orange,  terminales, 
disposées  en  épis  courts  et  comprimés.  Le  fruit  est  une  petite  noix 
monosperme  couronnée  par  un  périgone  persistant. 

Le  Quinchamalium  majus  a une  racine  ligneuse,  blanche, 


200 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


presque  simple,  qui  donne  naissance  à plusieurs  tiges  cylindriques, 
striées,  pourpres  ou  vert-rougeâtre.  Les  feuilles  sont  éparses, 
linéaires-filiformes,  pointues  à la  partie  supérieure,  très  glabres.  Le 
style  atteint  presque  la  hauteur  des  anthères.  Le  fruit  est  rond,  très 
uni  et  son  diamètre  est  à peu  près  d’une  ligne. 

Le  remarquable  praticien,  M.  le  Dr  Juan  Miguel,  conseillait 
beaucoup  la  décoction  de  cette  plante,  prise  à la  dose  de  ioo  grammes, 
le  matin,  sucrée  avec  du  miel  d’abeilles,  dans  les  cas  d’abcès 
hépatiques,  et  il  me  disait  avoir  obtenu  de  très  heureux  résultats. 

Les  gens  du  pays  conservent  l’usage  de  cette  plante  à laquelle 
donna  une  certaine  importance  un  célèbre  médecin  herboriste  très 
connu  dans  les  premières  années  de  ce  siècle,  sous  le  nom  de 
« Médecin-botaniste  de  Choapa  » , dans  les  cas  d’abcès  et  suppura- 
tions intestines,  comme  aussi  pour  prévenir  les  conséquences  des 
coups  et  des  chutes. 

Quelques  personnes  recommandent  le  Quinchamali  comme  un 
excellent  anti-syphilitique. 

Son  action  thérapeutique  est  due  très  spécialement  à une 
substance  balsamique  et  à un  principe  tannique  qu'il  contient.  Je  ne 
le  crois  pas  un  médicament  de  grande  activité,  mais  je  suis  très  loin 
de  le  considérer  comme  inutile.  Ses  qualités  balsamiques  et  astrin- 
gentes doivent  le  faire  apprécier  comme  un  agent  capable  de  rendre 
quelques  services  importants  dans  la  médecine  domestique  et  comme 
aide  utile  à d’autres  médicaments  de  plus  grande  énergie  pour  les 
hommes  de  profession. 

Ce  qu’il  y a de  certain,  c’est  que  les  gens  de  la  campagne  lui 
conservent  leur  estime  et  en  font  un  grand  usage. 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


201 


OROCOIPO 

Myoschilos  oblongum. 

R.  et  P.  Syst.  veg.  per.  y3.  — D.  C.  Prodr..  XIV,  627.  — Gay,  V,  pag.  327. 

L 'Orocoipo  ou  Codocoipo  est  un  arbuste  d’un  mètre  de  hauteur, 
droit,  d’écorce  unie,  partagé  en  branches  alternes,  ouvertes,  à la 
base  desquelles  persistent  les  squames  des  bourgeons  avec  des  fleurs 
brunes  qui  naissent  avant  l’apparition  des  feuilles,  disposées  en  petits 
épis  serrés,  semblables  à des  chatons.  Les  étamines  sont  au  nombre 
de  cinq,  avec  les  anthères  élevées,  blanches,  et  le  pollen  farineux. 
Le  fruit  est  une  drupe  arrondie,  presque  lisse,  légèrement  aplatie 
dans  la  partie  supérieure,  d’un  bleu  cendré. 

Elle  est  répandue  depuis  Chiloé  jusqu’à  Coquimbo.  On  en 
emploie  les  racines  et  les  feuilles.  Tous  les  herboristes  vantent  ses 
vertus;  on  la  trouve  dans  presque  toutes  les  pharmacies. 

L’infusion  de  la  racine  est  très  employée  comme  stomachique 
et  digestive  dans  toutes  les  perturbations  qui  ont  pour  cause  une 
atonie  de  l'estomac.  C’est  pour  cela  qu’elle  est  recommandée  et  on 
la  donne  dans  les  dyspepsies,  dans  les  indigestions,  après  les  repas 
abondants,  pour  les  gaz  (pneumatose).  Il  est  aussi  recherché  comme 
emménagogue  et  on'  le  donne  aux  personnes  chlorotiques  qui 
souffrent  de  rétentions  de  la  menstruation  et  de  perturbations  gas- 
triques. 

Je  connais  des  personnes  pour  lesquelles  ce  végétal  est  une  véri- 
table panacée,  un  remède  qui  guérit  tous  les  maux,  capable  de  faire 
fuir  toutes  les  maladies,  mais  ces  mêmes  personnes  confessent  que 
son  action  médicamenteuse  est  plus  spéciale  dans  les  cas  indiqués. 
11  croît  dans  les  lieux  humides  et  bas-,  VOrocoipo  de  la  côte  paraît 
être  préféré. 


202 


PLANTES  MÉDICINALES  DU  CHILI 


EUPHORBIACÉES 

PICHOA 

Euphorbia  portulacoïdes. 


Lin.  Arn.  acad  , III,  1 17.  — D.  C.  Prodr.,  XV,  1 1,  102.  — E.  chilensis. 

Gay,  V,  335. 

Sa  racine  est  forte  et  les  tiges  sont  herbacées,  couchées  sur  le 
sol,  cylindriques,  chargées  de  feuilles  alternes,  inégales,  ovales- 
oblongues;  les  fleurs  terminales,  qui  forment  des  ombelles  trifides, 
accompagnées  de  trois  bractées  semblables  aux  feuilles,  sont  peu 
apparentes. 

Il  existe  une  variété  qui  se  distingue  par  le  duvet  qui  couvre 
toute  la  plante. 

On  la  rencontre  en  grande  abondance  depuis  Coquimbo  jusqu’à 
Valdivia,  et  depuis  le  bord  de  la  mer  jusqu’aux  Cordillères  des 
Andes. 

« La  Pichoa  est  une  herbe  très  efficace  comme  purgatif,  au 
point  qu’il  faut  savoir  modérer  son  usage,  sans  cela  les  évacuations 
sont  très  abondantes.  On  l’emploie  quelquefois  pour  faire  une  plai- 
santerie et  alors  on  la  mélange  dans  une  boisson  quelconque  ; à 
l’instant  le  besoin  d’aller  à la  selle  est  si  fort  que  le  buveur  est 
obligé  de  courir  pour  satisfaire  son  besoin,  et  si  on  ne  lui  administre 
pas  un  contre-remède,  les  évacuations  le  tourmentent  longtemps. 
Le  remède  est  de  boire  un  peu  de  piment  ou  poivre  délayé,  et  le  mal 
cesse  à l’instant.  Quand  on  fait  du  fromage  avec  le  lait  des  vaches 
qui  ont  mangé  de  cette  herbe,  ceux  qui  mangent  de  ce  fromage  se 
sentent  attaqués  d’une  diarrhée  qui  dure  quelques  jours.  Rosales.  » 

« On  emploie  quelquefois  le  lait  de  la  plante,  quelquefois  la 
tige;  quand  on  se  sert  du  premier,  c’est  à la  dose  de  quelques 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


203 


gouttes  dans  du  bouillon,  et  en  cela  consiste  l’unique  préparation 
médicinale  ; si  on  emploie  la  tige,  on  la  fait  bouillir  dans  de  l’eau 
ordinaire  et  on  en  prend  un  grand  verre  le  matin.  — Feuillée.  » 

Bertero  dit,  par  erreur,  qu’on  l’emploie  en  décoction  pour  les 
maladies  des  voies  urinaires. 

La  Pichoa , comme  la  plus  grande  partie  des  Euphorbiacées, 
contient  dans  ses  tiges  un  suc  laiteux,  visqueux,  dont  quelques 
gouttes  suffisent  pour  produire  un  effet  purgatif  très  actif.  C’est  un 
drastique  très  énergique,  très  employé  dans  la  médecine  chilienne, 
mais  dont  on  a fait  et  dont  on  fait  encore  un  abus  impardon- 
nable. 

Ses  effets  proviennent  de  la  résine  qu’elle  contient.  M.  Vasquez, 
ayant  traité  la  tige  de  la  Pichoa  dans  l’appareil  circulateur  de  Payen 
avec  l’alcool  de  36°  B,  a obtenu  6 pour  ioo  d’une  substance  rési- 
neuse dont  les  caractères  sont  les  suivants  : 

Aspect  générai  de  l’extrait  : vert  foncé  en  couches  légères,  odeur 
qui  n’est  pas  désagréable,  saveur  amère,  un  peu  âcre. 

La  solution  alcoolique  est  d’un  jaune  verdâtre  et  de  réaction 
acide. 

L’éther  le  dissout  bien,  avec  une  couleur  analogue  à la  solution 
alcoolique. 

L’acool  méîhylique  produit  une  solution  semblable  aux  anté- 
rieures. 

L'acide  nitrique  le  dissout  et  lui  donne  une  teinte  jaune  rou- 
geâtre, en  l’attaquant  très  lentement. 

L’acide  sulfurique,  en  le  dissolvant,  prend  une  couleur  rouge 
foncé  très  intense,  sans  produire  d’effervescence. 

La  potasse  liquide  forme  un  savon  soluble  avec  une  partie  de 
la  résine  et,  comme  résidu,  elle  laisse  de  la  chlorophylle.  Si  on  agite 
ce  savon  dans  une  solution  de  chlorure  de  calcium,  il  s’en  précipite 
un  savon  calcaire  d’apparence  caséeuse. 

La  Pichoa  est  un  purgatif  drastique  très  efficace  dans  les  cons- 
tipations rebelles,  dans  les  apoplexies  et  congestions  cérébrales  ; 
dans  les  hydropisies,  coliques  de  plomb,  congestions  viscérales  et 


PLANTES  MÉDICINALES  DU  CHILI 


204 


dans  toutes  les  circonstances  où  il  est  nécessaire  d’agir  avec  énergie 
sur  l’intestin  grêle  produisant  des  évacuations  séreuses  abondantes 
et  rapides.  11  serait  bon  d’associer  à ses  préparations  un  peu  de 
piment,  afin  d’atténuer  les  coliques  qu’elle  produit,  comme  on  le 
fait  avec  Y Eleterium. 

On  fait 'usage  des  poudres  de  la  racine,  du  suc  laiteux,  delà 
résine  et  de  la  teinture. 

Afin  de  compléter  ce  que  nous  avons  à dire  sur  cette  plante, 
nous  allons  transcrire  l’importante  communication  qu’en  réponse  à 
notre  demande,  nous  a dirigée  le  jeune  et  studieux  médecin  M.  le 
docteur  Cruzat. 

Il  nous  écrit  ceci  : 

« En  ma  qualité  d’aide  de  là  clinique  interne,  j’ai  eu  l’occasion 
d’étudier,  dans  la  salle  qui  était  à ma  charge,  en  1 883,  les  propriétés 
médicinales  de  la  Pichoa , si  en  vogue  dans  notre  pays,  et  qui,  en 
maintes  occasions,  a été  employée  dans  un  but  criminel  et  en  impru- 
dentes plaisanteries. 

» Ses  préparations  officinales  furent  : les  poudres  de  la  racine, 
bien  tamisées,  et  la  teinture  de  toute  la  plante  triturée  et  sèche,  dans 
l’alcool  de  90°  pendant  dix  jours  de  macération. 

» La  plante  fut  recueillie  dans  la  Cordillère  de  Maule  et  classée 
par  le  naturaliste  M.  Frédéric  Philippi. 

» Poudres  : à la  dose  d’un  centigramme,  produisirent  de 
légères  coliques  • à celle  de  deux  centigrammes  nausées  et  vomisse- 
ments, fortes  tranchées  du  ventre  et  deux  ou  trois  dépositions  abon- 
dantes, séreuses  ; huit  centigrammes  en  deux  paquets,  à une  demi- 
heure  d’intervalle  chacun,  occasionnèrent  des  nausées,  vomissements, 
intenses  douleurs  de  coliques  et  d’abondantes  dépositions  séreuses. 
Chez  un  patient,  cette  même  dose  donna  lieu  à une  véritable  gastrite 
qui  dura  quelques  jours. 

» Teinture  alcoolique  : de  un  à cinq  grammes,  légère  douleur  à 
l’épigastre,  une  à deux  abondantes  évacuations  séreuses  ; de  cinq  à 
dix  grammes,  douloureuses  coliques,  nausées,  quelques  vomisse- 
ments et  quelques  évacuations  abondantes,  claires.  Cette  préparation 


PLANTES  MÉDICINALES  DU  CHILI 


205 


a un  mauvais  goût,  raison  qui  la  fait  associer  à quelques  aroma- 
tiques ou  à un  calmant  pour  atténuer  son  action  irritante  sur  l’appa- 
reil digestif. 

» Ses  indications  thérapeutiques  découlent  de  Faction  physiolo- 
gique décrite  et,  de  là,  son  usage  dans  tous  les  cas  où  il  est  utile  de 
produire  une  révulsion  forte  sur  le  tube  intestinal. 

» ire  Obs.  — Le  Ier  février  1 883 , le  lit  n°  i de  la  salle  de  cli- 
nique Saint-Dominique,  à l’hôpital  de  San  Juan  de  Dios,  fut  occupé 
par  R.  P.  qui,  dans  l’après-midi  du  jour  précédent,  avait  été  piqué 
dans  la  partie  antérieure  de  l’avant-bras  droit,  par  le  Latrodectus 
formidabilis . Comme  une  constipation  rebelle  suit  toujours  dans  ces 
cas,  j’employai  pendant  trois  jours  la  potion  suivante  : 

R Eau  de  menthe  distillée 120  grammes. 

Teinture  alcoolique  de  pichoa. 5 — 

Mucilage  de  gomme.  ...  . 3o  — 

Sirop  de  cannelle 25  — 

M Pour  prendre  en  3 fois,  à deux  heures  d’intervalle.  • 

Le  patient  eut  le  premier  jour  deux  évacuations,  une,  excrémen- 
teuse,  l’autre  séreuse  ; dans  les  jours  suivants,  trois  évacuations 
séreuses.  Le  quatrième  jour,  011  le  laissa  reposer,  attendant  que  le 
ventre  se  remît  spontanément,  ce  qui  arriva. 

» En  trois  cas  analogues,  la  teinture  de  Pichoa  a été  administrée 
dans  le  même  but  thérapeutique  et  en  obtenant  le  même  résultat. 

» 2mc  Obs.  — Le  14  mars  1884,  J.  B.  C.  entra  à la  salle  de  cli- 
nique. 11  travaillait  depuis  quelques  années  dans  un  magasin  d’ar- 
genterie et  plomberie  où  il  avait  contracté,  en  apparence,  depuis  un 
an  et  demi  une  colique  saturnine.  Cest  un  buveur  invétéré. 

Les  symptômes  de  cette  colique  furent  bien  accentués  : il  y avait 
sept  jours  qu’il  n’allait  pas  à la  selle,  le  foie  était  congestionné  et 
sensible  au  toucher;  saveur  métallique  dans  la  bouche,  sialorrhée, 
bord  bleuâtre  sur  la  gencive  de  la  mâchoire  supérieure;  anorexie, 
douleur  à l’épigastre  quand  il  mangeait  ou  buvait. 

Comme  traitement,  il  fut  prescrit  : iodure  de  potassium  à doses 


20 6 PLANTES  MÉDICINALES  DU  CHILI 


progressives,  depuis  deux  jusqu’à  dix  grammes  par  jour-,  et  pour 
combattre  la  constipation  on  lui  donna,  pendant  huit  jours  (six, 
huit  et  dix  heures  A.  M.),  la  potion  suivante  : 


R Eau  distillée  de  menthe 120  grammes. 

Teinture  de  pichoa 10 

Teinture  de  Cardamome 8 — 

Mucilage  de  gomme 20  — 

Sirop  de  diacode 25  — 

M 


» La  dose  de  la  teinture  fut  diminuée  graduellement  jusqu’à 
trois  grammes  par  jour.  Avec  ce  traitement,  suivit  une  convalescence 
de  deux  mois  et  il  recouvra  complètement  la  santé. 

» Dans  les  nombreuses  absorptions  que  le  patient  fit  de  la  tein- 
ture de  Pichoa , associée  à l’opium,  jamais  son  estomac  n’accusa  la 
moindre  altération. 


VENTOSILLA 
Argyrothamnia  Berteroana. 

Muell.  D.  C.  Prodr.,  XV,  11,  744. — Chiropetalum  lanceolatum,  Jusi.  — • 
Chiropetalum  Berteroanum,  Schltdl.  — Gay,  V,  344. 

Plante  à tiges  rugueuses,  abondantes,  glabres,  de  5o  centimètres 
de  hauteur,  viôlacées-bleuâtres,  surtout  dans  la  partie  supérieure, 
les  feuilles  sont  ovales,  alternes,  lancéolées,  glabres,  entières,  d’un 
vert  un  peu  foncé,  quelquefois  violacées,  inégales  de  grandeur  ; ies 
fleurs  sont  monoïques,  en  forme  d’épis  solitaires  à l’aisselle  des 
feuilles  ; la  corolle  est  jaunâtre  avec  cinq  pétales  ovales-cunéiformes, 
avec  le  limbe  lacinié,  moitié  plus  court  que  le  calice;  chez  les 
fleurs  femelles,  il  n’y  a pas  de  corolle  et  le  calice  est  trois  fois  plus 
grand  que  chez  les  fleurs  mâles-,  la  capsule  est  petite,  légèrement 
velue. 

Ce  genre  est  particulier  à l’Amérique  du  Sud  et  ses  espèces  plus 
communes  au  Chili  et  au  Pérou. 


PLANTES  MÉDICINALES  DE  CHILI 


20  7 


La  Ventosilla  croît  sur  les  collines  et  endroits  secs  des  provinces 
centrales;  ses  feuilles  et  ses  tiges  donnent  une  couleur  bleuâtre  qui 
ressemble  à la  couleur  de  l'indigo,  ce  qui  pourrait  la  rendre  utile 
dans  l’industrie. 

Les  feuilles  de  cette  plante  ne  s’emploient  que  dans  la  méde- 
cine des  campagnes,  contre  les  gaz  de  l’estomac  et  des  intestins;  de 
là  lui  est  venu  son  nom. 

Elle  semble  posséder  des  qualités  stimulantes  et  carminatives. 


SALICINÉES 

SAUCE 

Salix  Humboldtiana. 


W.  Spec.  plant.,  IV,  657.  — Gay,  V,  384.—  D.  C.  Prodr.,  XVI,  1 1,  199. 

Arbre  à forme  pyramidale,  de  trois  à cinq  mètres  de  hauteur; 
les  branches  sont  ouvertes  et  les  bourgeons  grisâtres,  striés,  un  peu 
velus  ; les  feuilles  linéaires,  pointues,  dentées,  serrées,  glabres  des 
deux  côtés. 

C’est  l’unique  espèce  indigène  du  genre  Salix  connue  au  Chili  ; 
il  croît  dans  les  endroits  humides  des  provinces  du  Nord,  depuis  le 
34e  degré  jusqu’à  Copiapô.  On  le  voit  au  bord  des  rivières  et  des 
ruisseaux. 

Comme  on  le  sait,  l’écorce  du  Sauce  (saule)  contient  une  subs- 
tance blanche  et  cristalline,  la  salicine  qui,  à une  époque,  eut  une 
grande  renommée  pour  le  traitement  des  fièvres  intermittentes  et 
autres  pyréxies. 

Ses  effets  dans  ces  maladies  ne  sont  pas  à dédaigner;  mais  ils 
nJarrivent  jamais  à égaler  les  sels  de  quinine,  le  remède  souverain 
des  pyrexies. 


2o8 


PLANTES  MEDICINALESjDU  CHILI 


L’écorce  du  saule  chilien  est  aussi  riche  en  salicine  que  les 
saules  européens,  et  dans  les  cas  urgents,  elle  peut  être  employée 
dans  toutes  les  maladies  pour  lesquelles  on  préconise  l’usage  de  ces 
derniers. 


GNÉTACÉES 

P1NGOPIIVGO 
Ephedra  andina. 

Poepp.  et  Eudl.  Synop.  con.,  255.  Gay,  V,4oo. — D.  G.  Prodr.,  XVI,  1 1,  353. 

— E.  americana,  Best.  — Bracteata,  Miers.,  etc. 

Arbuste  qui  atteint  une  hauteur  de  trois  mètres  et  quelquefois 
davantage,  partagé  en  nombreuses  branches  demi-grisâtres  et  ensuite 
en  branches  plus  faibles,  flexibles  ; chatons  féminins,  solitaires  ou  au 
nombre  de  deux  ou  trois  à l’extrémité  d’un  pédoncule  peu  développé; 
les  fruits  sont  blancs,  charnus,  de  la  grosseur  d’un  pois  et  d’une 
saveur  douce. 

Il  croît  depuis  Chillan  jusqu’à  Atacama,  et,  depuis  la  côte,  jus- 
qu'aux Cordillères;  il  y en  a deux  variétés.  Son  fruit  est  comes- 
tible. 

On  emploie  l’infusion  et  la  décoction  des  branches  et  des 
racines  comme  diurétique  et  dépuratif.  On  dit  qu’à  une  époque  déjà 
très  éloignée,  il  jouissait  d’une  grande  renommée  dans  les  affections 
syphilitiques. 

M.  Moller  a pratiqué  et  fait  connaître  une  analyse  de  la  racine 
du  Pingo-pingo,  la  recommandant  contre  les  affections  de  la 


vessie. 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


209 


CONIFERES 

PINON 

Araucaria  imbricata. 

Par.  Mem.  Acad.  Matrit,  I,  197.  — Gay,  V,  415.  — D.  C.,  Prodr.,  XVI,  II, 
370.  — Pinus  Araucana,  Mol.  — Dombeya  chilensis,  Lam.  — Columbea 
quadrifaria  Salisb. 

Arbre  grandiose,  dont  la  hauteur  dépasse  trente  mètres,  très 
droit,  nu  à la  base  quand  il  devient  vieux,  les  branches  sont  droites, 
horizontales,  quelquefois  tombantes  et  d’autant  plus  longues  qu’elles 
sont  inférieures,  de  sorte  que  leur  ensemble  forme  comme  une  cou- 
pole ; les  feuilles  sont  imbriquées,  sessiles,  coriacées,  ovales,  lan- 
céolées, fermes,  piquantes,  d’un  vert  plus  ou  moins  brillant;  chatons 
masculins  cylindriques,  droits,  terminaux,  les  écailles  plus  petites 
que  celles  des  chatons  féminins  ; les  graines  sont  allongées, 
coniques  et  couvertes  d’un  tégument  de  la  couleur  des  châtaignes. 

Les  Araucaniens  lui  donnent  le  nom  de  Pehuen , et  au  fruit 
celui  de  Pinon . Celui-ci  est  farineux,  comestible,  très  agréable  et  de 
grande  consommation,  surtout  dans  les  provinces  du  Sud. 

« Cet  arbre  magnifique,  dit  Gay,  vit  en  groupes,  mâle  et 
femelle,  sur  pieds  séparés,  dans  les  cordillères  de  Santa  Barbara, 
Nahuelbuta,  etc.,  et  arrive  jusqu’aux  montagnes  de  Villa-Rica.  Du 
tronc,  coule  une  résine  blanchâtre  qui  a bodeur  de  l’encens.  Les 
paysans  remploient  en  emplâtres  pour  les  contusions  et  ulcères  de 
mauvaise  nature;  elle  cicatrise  les  fractures  et  luxations,  soulage  les 
maux  de  tête  qui  proviennent  de  fluxions  et  migraines  ; enfin  on 
l’emploie  comme  diurétique  en  pilules  et  aussi  pour  faciliter  et  net- 
toyer les  ulcères  vénériens,  mais,  la  plus  grande  valeur  de  cet 
arbre  consiste  dans  Fabondance  de  pommes  de  pins  que  produisent 
les  arbres  femelles.  Ce  cône  a besoin  de  deux  ans  pour  arriver  à sa 


14 


2 10 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


maturité  et  contient  plus  de  cent  et  quelquefois  deux  cents  graines 
d'un  goût  excellent  qui  ressemble  à celui  des  châtaignes.  » 

La  graine  est  considérée  jusqu’à  ce  jour  plutôt  comme  alimen- 
taire que  comme  médicinale  • mais  il  serait  utile  de  profiter  pour  la 
médecine  de  la  résine  qui  sort  des  troncs,  résine  qui  pourrait  servir 
aux  mêmes  usages  que  les  autres  espèces  d’Abiétinées. 

On  recommande  la  graine  comme  galactagogue  pour  les 
femmes  qui  nourrissent,  d’autres  la  considèrent  comme  aphrodi- 
siaque. 

il  y eut  un  temps  où  l’industrie  navale  utilisait  cet  arbre  gran- 
diose pour  les  mâts  des  navires. 

ALERCE 

Fi  roya  palago  n i ca . 

D.  Hook,  Curt.  bot.,  Mag.,  tab.,  4616.  — Gay,  V.  410.  — D.  C.,  Prodr., 

XVI,  II,  463. 

C’est  un  des  arbres  les  plus  majestueux  et  les  plus  remarqua- 
bles du  pays,  par  sa  taille  élevée  et  ses  dimensions,  il  est  rameux  ; 
les  feuilles  petites,  obtuses,  quaternées,  d’un  vert  prononcé,  concaves 
par-dessus,  et  naviculaires  par-dessous,  où  elles  ont  deux  lignes 
blanches  ; cône  composé  de  six  écailles  grosses,  les  trois  extérieures 
plus  petites,  stériles,  les  trois  intérieures,  contenant  chacune  trois 
graines  à leur  base. 

Il  croît  depuis  Valdivia,  vers  le  Sud,  dans  la  Cordillère  de  la 
côte.  Il  atteint  quelquefois  5o  mètres  de  hauteur,  et  près  de  5 mètres 
de  diamètre,  ce  qui  ferait  croire  qu’il  arrive  jusqu’à  l’âge  de 
2,5oo  ans. 

Son  bois  est  rouge,  tendre,  résistant  à l’air,  à l’eau  et  au  soleil  } 
il  ne  pourrit  pas,  ni  ne  se  pique.  Il  est  regrettable  que  l’industrie  ne 
profite  pas  de  l’étoupe  qu’on  peut  en  retirer,  et  dont  l’usage  pourrait 
être  si  utile. 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


2 I I 


Le  tronc  produit  une  résine  solide,  jaune,  qui  se  présente  en 
petits  grains,  d’une  odeur  assez  prononcée,  de  saveur  brûlante,  très 
ressemblante  à la  résine  que  distille  le  pin,  et  elle  pourrait  dans  la 
médecine  servir  au  même  usage.  Les  gens  de  la  campagne  l’em- 
ploient pour  les  enflures  et  les  douleurs. 


BROMÉLIACÉES 
CHAGÜAL 
Puya  coarctata. 


Gay,  VI,  IL  — Puya  suberosa  et  chilensis,  Mol.  — Pourretia  coarctata, 
R.  et  P.  — Renealmsia  Feuill. 


De  la  racine,  qui  est  mince,  naissent  plusieurs  tiges  grosses, 
couvertes  d’écailles  qui  sont  les  restes  des  feuilles  tombées.  De  la 
partie  supérieure  de  chaque  tige  sortent  un  grand  nombre  de  feuilles 
imbriquées,  cannelées,  glabres,  d’un  mètre  de  longueur,  sur  quatre 
centimètres  de  largeur  garnies  d’épines  en  crochets  ; les  fleurs 
forment  un  épi  serré,  avant  le  développement,  s’ouvrant  ensuite 
en  forme  pyramidale,  à la  partie  supérieure  d’une  hampe  qui  sort 
du  centre  des  feuilles;  elle  est  ronde,  d’un  vert  bien  prononcé,  de 
près  de  3 mètres  de  hauteur,  et  de  8 à io  centimètres  de  diamètre-, 
les  pétales  sont  d’un  bleu  verdâtre  ; le  fruit  est  ovoïde,  trigone,  avec 
beaucoup  de  petits  grains  bruns. 

Cette  plante  croît  dans  les  lieux  secs  des  provimces.  On  donne 
communément,  à la  tige,  le  nom  de  chagual , à la  feuille  celui  de 
cardon , et  à la  fleur,  celui  de  puya , d’où  paraîtrait  provenir  le  nom 
générique  adopté  par  Molina. 

Les  nectaires  des  fleurs  contiennent  une  espèce  de  sirop  très  ap- 
précié par  les  paysans.  Au  temps  de  la  colonisation  espagnole,  quand 
le  commerce  n’existait  pas  encore,  et  que  la  pauvreté  était  grande, 


212 


PLANTES  MÉDICINALES  DU  CHILI 


on  recueillait  ce  jus,  on  lui  donnait  la  consistance  du  sirop,  et  il 
était  assez  employé. 

Des  tiges,  s’écoule  une  abondante  gomme,  d'un  goût  acide  très 
prononcé,  et  dont  on  fait  un  usage  fréquent  ; elle  est  officinale. 
Elle  se  présente  en  larmes  ou  en  morceaux  durs,  d’un  volume  quel- 
quefois très  gros,  et  de  formes  diverses.  Elle  est  transparente,  inco- 
lore, ou  légèrement  jaunâtre.  Extérieurement,  elle  est  marquée  par 
des  fissures  inégales  et  en  sens  divers  ; sa  cassure  est  lisse,  bril- 
lante comme  celle  des  coquillages. 

Elle  est  dure,  difficile  à réduire  en  poudre,  inodore,  et,  comme 
nous  l’avons  déjà  dit,  d’une  saveur  douce  et  acidulée  très  marquée  ; 
peu  soluble  dans  l’eau  froide,  beaucoup  plus  dans  Peau  chaude . 

Selon  les  résultats  obtenus  par  l’analyse  pratiquée,  M.  Vasquez 
considère  la  gomme  du  Chagual  comme  un  produit  immédiat  formé 
des  produits  suivants  : 


Gomme  analogue  à F Arabique g 

Puyina 68 

Acide 33 

Total ioo 


« Les  proportions  indiquées  ne  sont  pas  les  mêmes,  dit  M.  Vas- 
quez, dans  les  divers  grains  ou  larmes  de  gomme  ; quelques-uns 
contiennent  plus  ou  moins  d’acide;  mais  on  peut  calculer,  en 
moyenne,  3oà  33  pour  ioo.  Je  donne  le  nom  de  Puyina , de  Puya 
(nom  de  la  plante),  à la  matière  gommeuse,  abondante,  parce  que 
ce  n’est  pas  une  véritable  cérasine  comme  celle  du  prunier,  pêcher, 
et  autres  arbres;  et,  en  effet,  bon  nombre  de  ses  propriétés  sont 
complètement  distinctes.  (Anales  de  farmacia,  I.  i35). 

Le  caractère  le  plus  saillant  de  cette  gomme,  son  caractère  par- 
ticulier en  un  mop  c’est  son  goût  très  acidulé  et  agréable.  Ce  carac- 
tère joint  à sa  qualité  gommeuse  la  rend  très  remarquable,  et  propre 
à être  administrée  dans  quelques  maladies. 

J’ai  eu  occasion  de  l’employer  très  souvent,  dans  ma  longue 
carrière,  et  je  n’ai  jamais  eu  à me  repentir  de  son  usage. 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


2l3 


Je  la  conseille  dans  les  diarrhées  des  phthisiques,  surtout  dans 
l’état  pyréxique,  dans  les  diarrhées  et  dysenteries  de  l’été,  dans  les 
fièvres  qui  sont  accompagnées  d'évacuations  exagérées,  et  dans 
les  hémoptoses.  On  ne  peut  pas  dire  que  la  gomme  du  Chagual  soit 
un  agent  médicamenteux  de  grand  pouvoir  ; c’est  seulement  un  adju- 
vant excellent  d’autres  plus  actifs. 

On  l’administre  en  tisane  préparée  dans  de  l’eau  chaude,  sa 
dissolution  étant  ainsi  plus  facile  et  se  faisant  en  plus  ou  moins 
grande  quantité,  suivant  les  circonstances. 


I RIDÉES 

TRIQUE 

Liber ti a cœrulescens. 

Kish  et  Bouché.  Linnea,  XIX,  382.  — Gay,  VI,  32. 

Tige  droite,  simple,  plus  courte  que  les  feuilles,  celles-ci  sont 
striées  et  naissent  du  col  de  la  racine  -,  les  fleurs  pédonculées,  bleuâ- 
tres, disposées  en  fascicules  réunis  dans  un  épi  dense-,  les  pétales 
d’une  longueur  double  que  les  sépales;  les  filaments  sont  réunis,  et 
les  anthères  arquées  et  jaunes. 

Cette  plante  croît  dans  les  provinces  centrales,  mais,  plus  com- 
munément; vers  la  côte.  Cette  espèce,  et  la  L.  Ixioïdes  qui  croît  un 
peu  plus  au  Sud,  sont  connues  par  les  indigènes  sous  les  noms  de 
Trique , tequel-tequel , calle-calle  et  chupaya. 

On  ne  fait  usage  dans  la  plante  que  du  rhizome.  On  le  trouve 
dans  le  commerce,  de  la  grosseur  d’un  porte-plume,  ou  un  peu  plus, 
soit  droit  ou  courbé,  en  divisions  dichotomiques,  par  longueurs  de 
5 à io  centimètres  ; la  couleur  en  est  brun  foncé  quand  il  est  sec  ; il 
est  pourvu  d’anneaux  provenant  de  l’insertion  des  feuilles  et  de  nom- 
breuses petites  racines  longues  et  filiformes. 


PLANTES  MÉDICINALES  DU  CHILI 


2 14 


Sa  cassure  est  compacte,  dure,  d’un  blanc  gris  sur  l’écorce  ou 
la  peau,  et  plus  foncé  sur  la  circonférence.  Il  est  inodore  et  de  sa- 
veur légèrement  amère. 

Les  préparations  pharmaceutiques  du  Trique  sont  l’infusion  et 
la  teinture  alcoolique.  L’infusion  se  fait  au  4 pour  100. 

Pris  en  doses  légères,  le  Trique  agit  comme  digestif  et  laxatif. 

En  doses  plus  fortes,  il  agit  comme  drastique,  et  en  conséquence 
détermine  des  douleurs,  coliques  avec  évacuations  blanchâtres  fré- 
quentes et  claires. 

Ses  effets  ressemblent  un  peu  à ceux  du  jalap. 

Je  l’ai  vu  souvent  employer  pour  les  dyspeptiques  et  pour  ceux 
qui  souffrent  de  congestions  hépatiques  et  constipations,  mêlé  à la 
Yerba  mate  (comme  le  séné),  le  matin,  dans  le  but  de  maintenir  la 
régularité  des  fonctions  digestives,  et  de  faire  disparaître  les  conges- 
tions abdominales. 

La  teinture  alcoolique,  à la  dose  de  20  à 3o  grammes,  ou  une 
infusion  de  Trique , très  chargée,  détermine  quelquefois  des  nausées 
et  des  vomissements  ; mais  c’est  toujours  un  médicament  qui  exerce 
une  bienfaisante  influence  dans  les  hydropisies,  œdèmes  d’origine 
circulatoire,  congestions  cérébrales  et  abdominales,  en  un  mot, 
dans  tous  les  cas  où  on  a besoin  de  recourir  aux  purgatifs  drastiques. 

Son  principe  actif  est-il  dû  à une  résine  ou  à un  principe 
extractif?  Je  l’ignore,  parce  que  l’analyse  de  ce  rhizome  aussi 
important  qu’actif  n’a  pas  encore  été  pratiquée. 

Le  Dr  Segeth,  de  Santiago,  est  celui  qui  a introduit  le  Trique 
dans  la  thérapeutique  et  fait  préparer  sa  teinture. 

Quoique  médicament  d’un  usage  très  répandu  parmi  le  peupler 
et  principalement,  dans  les  campagnes,  bien  peu  de  médecins  chi- 
liens le  connaissent  et  l’ont  administré. 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


2 i 5 


AMARYLLIDÉES 

LIUTO 

A l str cerner ia  l igtu . 

Lin.  Sp.,  462.  — Gay,  VI,  84.  — Kth.  En.  V,  767.  — R.  et  P.  — Feuilleana 
Meyer.  — Hermerocaltis  ligtu  Feuill. 

Plante  glabre,  à racines  lasciculées,  avec  des  tubercules  oblongs- 
cylindriques très  tendres,  assez  doux;  la  tige  est  droite,  simple,  cy- 
lindrique, dépourvue  de  feuilles  dans  la  partie  inférieure  ; celles-ci 
sont  sessiles,  linéaires-lancéolées,  subaiguës  ; les  fleurs  sont  dispo- 
sées en  ombelles,  de  couleur  rose,  avec  les  folioles  du  périgone 
oblongues-lancéolées. 

Elle  croît  principalement  dans  les  provinces  de  Concepcion  et 
Maule,  et  quelques-uns  lui  donnent  le  nom  de  Amancai. 

On  extrait  de  sa  racine  une  fécule  très  appréciée,  qui  se  vend 
beaucoup  et  qui  est  connue  sous  le  nom  de  Chuno  de  Concepcion. 

L'extraction  s’effectue  de  la  même  manière  que  pour  1a  fécule 
de  pomme  de  terre. 

Examinée  au  microscope,  cette  fécule  diffère,  dans  sa  forme,  de 
celle  de  la  pomme  de  terre  ; elle  est  également  plus  lourde.  O11  la 
croit  plus  alimentaire,  et  c’est  une  des  substances  les  plus  précieuses 
que  nous  possédions  pour  donner  aux  convalescents  et  à ceux  qui 
souffrent  d’inflammations  du  canal  digestir. 

Comme  les  autres  fécules,  on  remploie  avec  grand  succès  dans 
les  érysipèles  simples,  dans  les  érythèmes  et  irritations  cutanées. 


2l6 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


SALSILLA 
Bromuria  saisi  lia. 


Herb.  Amar.,  i io.  — Gay,  VI,  96.  — Kth.  En.,  V,  78 7.  — Alstrœmeria 
salsilla,  L.  — Salsilla,  Feuill.,  II,  f.  6. 

Racine  avec  des  tubercules  de  la  grosseur  d’un  pois  chiche  envi- 
ron, charnus,  blancs  en  dedans,  très  foncés  à l’extérieur;  la  tige  eM 
très  longue,  simple,  mince,  volubile  *,  les  feuilles  sont  glabres,  lan- 
céolées ou  ovoïdes-lancéolées,  membraneuses,  nerveuses  ; les  fleurs 
pourprées  disposées  en  ombelles,  accompagnées  de  bractées  oblon- 
gues-obtuses,  un  peu  frisées  et  au  nombre  de  cinq  à sept. 

« Cette  charmante  plante  est  assez  commune  dans  les  provinces 
du  Sud,  depuis  Talca  jusqu’à  Valdivia;  les  Araucaniens  font  usage 
de  sa  racine,  comme  sudorifique,  dans  les  maladies  vénériennes,  et 
quelquefois  en  infusion  contre  les  maux  d’estomac,  mais  nous  dou- 
tons beaucoup  de  ces  vertus.  — • Gay.  » 

« Les  Indiens  s’en  servent  dans  les  maux  d’estomac,  la  laissant 
infuser  pendant  la  nuit  dans  l’eau  froide;  cette  infusion  leur  sert  de 
boisson  et  les  soulage  de  leurs  douleurs.  — Feuillée.  » 

L’infusion  de  la  racine  de  Salsilla  est  remarquable  par  ses  pro- 
priétés digestives  et  stimulantes,  et  elle  a été  mise  à l’essai,  durant 
l'épidémie  de  choléra  qui  nous  a visités,  avec  un  certain  succès. 

Dans  les  provinces  du  Sud,  elle  a remplacé  la  menthe.  On  la 
conseille  aussi  contre  les  diarrhées  et  indigestions. 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


2 17 


LILIACÉES 

ZARZA 

Herreria  stellata. 


R.  et  P.  Flor.  Per.,  III,  3o5.  - Gay,  VI,  44.  — Kth.  En.,  V,  291.  - 

Verticillata,  Mol. 

Sous-arbuste  grimpant,  glabre,  vert  jaunâtre,  à tiges  cylindri- 
ques, tortueuses,  rameuses  -,  les  feuilles  naissent  par  fascicules,  de 
5 à 7,  plus  ou  moins  séparés,  et  sont  lancéolées-linéaires,  aiguës, 
coriacées,  à nervures;  les  grappes  naissent  du  milieu  des  feuilles  et 
sont  simples  ou  rameuses,  elles  portent  des  fleurs  petites  d’un  vert 
jaunâtre,,  herbacées,  soutenues  par  des  pédicelles  très  minces  accom- 
pagnés de  petites  bractées  membraneuses  et  pointues; 

On  lui  donne  aussi  le  nom  de  Salsepareille  chilienne,  et  elle  est 
assez  commune  le  long  des  rivières,  et  dans  les  lieux  humides  des 
provinces  de  Conception  et  Nubie. 

Les  paysans  emploient  les  racines  de  cette  plante,  comme  si  elle 
était  une  véritable  Salsepareille , c’est-à-dire,  en  infusion  et  décoction 
dans  les  rhumatismes  chroniques,  dans  les  affections  syphilitiques  et 
maladies  de  la  peau. 


2 1 8 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


PALMIERS 

PALMA 

Jubé  a spectabilis. 

H.  B.  et  Kth.  — Gay,  VI,  157.  — Micrococus  chilensis,  Ph.  — 

Cocos  chilensis;  Mol.  — Molinœ  micrococus,  Bert. 

Arbre  droit,  de  12  à i5  mètres  de  hauteur,  et  quelquefois  davan- 
tage, cylindrique,  revêtu  à sa  partie  supérieure  de  nombreuses 
écailles,  restes  des  pétioles  endurcis;  les  feuilles  sont  réunies  en  om- 
belles, dans  la  partie  supérieure  de  la  tige,  pennées,  de  2 à 3 mètres 
de  longueur,  chaque  division  est  linéaire,  striée,  acuminée  ; les  fleurs 
sont  d’un  jaune  paille  légèrement  coloré,  les  masculines  pédicellées, 
les  féminines,  parfaitement  sessiles;  la  drupe  est  de  la  grosseur 
d’une  noix,  verte  d’abord,  jaune  ensuite. 

Le  palmier  chilien  croît  dans  les  provinces  de  Valparaiso  et  de 
Santiago  principalement,  formant  sur  quelques  points  des  bois  im- 
portants. 

Les  fruits  sont  comestibles  et  sont  devenus  un  article  d’expor- 
tation. Ils  contiennent  une  huile  que  l’industrie  n’a  pas  exploitée  jus- 
qu’à ce  jour.  En  abattant  l’arbre,  et  coupant  la  partie  supérieure,  il 
en  sort  un  liquide  sucré  qui  se  transforme  en  un  miel  très  agréable 
par  évaporation.  Ce  miel  est  très  estimé  au  Chili;  on  le  sert  comme 
un  plat  de  dessert,  et  on  le  croit  doué  de  propriétés  digestives  et 
légèrement  laxatives.  En  laissant  fermenter  le  liquide,  il  subit  une 
transformation  alcoolique,  et  devient  le  Guarapo  de  nos  paysans, 
eau-de-vie  forte  et  très  enivrante. 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


219 


GRAMINÉES 

CHÉPICA 

Paspalum  vaginatum. 

Sw.  FI  or.  Ind.  occ.,  I,  255.  — Gay,  VI,  23g.  — Kth.  En.,  I,  52.  — 
Fernandisianum  Colla. 

Tiges  striées,  cylindriques,  glabres,  d abord  droites,  se  cour- 
bant ensuite  et  émettant  à chaque  nœud  des  feuilles  et  des  racines  : 
graines  plus  courtes  que  les  entre-nœuds,  molles,  bordées  sur  leur 
sommet  de  poils  raides  et  blancs,  d'autant  plus  abondants  que 
l’endroit,  où  l’herbe  a crû,  est  plus  humide;  les  feuilles  sont  d’un  vert 
jaunâtre,  linéaires,  acuminées  ou  lancéolées  linéaires. 

Plante  très  commune  dans  tout  le  Chili,  principalement  dans 
les  terrains  humides-,  elle  remplace  pour  nous  le  chiendent  euro- 
péen, connu  sous  le  nom  de  Triticum  repens. 

La  décoction  de  la  racine  est  recommandée  comme  un  sûr  et 
efficace  diurétique  ; on  l’ordonne  dans  les  hydropisies,  blennorrha- 
gies, affections  génitales,  etc. 

Peu  d’herbes  sont  plus  connues  et  plus  usitées  dans  la  pratique 
journalière  de  notre  peuple. 

Elle  entre  dans  la  composition  des  espèces  diurétiques  de  notre 
pharmacopée. 

L ANC  O 

Promus  stamineus. 

Desv.  in  Gay,  VI,  440.  — Catharticus,  Mol.,  Ed.  II,  279.  — 

Vahl.  Symb.,  II,  22.  — Kth.  En.,  I,  417. 

Espèce  vivace,  touffue,  dont  la  tige  atteint  une  longueur  de 
60  centimètres-,  quelques-unes  de  ces  tiges  sont  fertiles,  les  autres 


220 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


stériles  ; le  particule  est  grand  et  mou  ; les  petits  épis  très  compri- 
més, de  20  à 26  millimètres  de  longueur  avec  quatre  ou  six  fleurs. 

Elle  croît  sur  les  bords  des  fossés  et  canaux  dans  toutes  les 
provinces  centrales. 

Feuillée  dit  que  la  racine  de  cette  plante  est  grosse,  verte  à l’inté- 
rieur, son  action  purgative  et  qu’elle  est  employée  en  décoction. 
Molina  lui  attribue,  par  erreur,  les  mêmes  effets,  et,  de  là,  vient  le 
nom  de  Catartica  qu’on  lui  a donné. 

M.  Juan  Miguel  lui  attribue  une  action  émétique  douce  et  la 
considère  comme  un  faible  succédané  de  l’ipécacuanha.  On  emploie 
toutes  les  parties  de  la  plante  et  on  la  donne  en  infusion  dans  les 
indigestions  et  dysenteries  de  caractère  bénin,  en  l’absence  de  médi- 
caments plus  actifs. 

P A JA  RATONERA 

Hierochloe  utriculàta. 

Kth.  Gram.,  I,  193,  tab.  8.  — Gay,  VI,  258.  — Torresia  utriculata,  R.  et  P. 

Graminée  robuste,  hérissée,  odorante  quand  elle  est  sèche  ; les 
graines  sont  molles  et  surpassent  les  entre-nœuds  ; la  ligule  est 
ovale,  entière,  tronquée,  les  feuilles  sont  très  longues,  larges;  la 
panicule  est  redressée,  contractée,  étroite,  embrassée  à sa  base  par 
la  gaine  de  la  feuille  supérieure  ; les  épillets  contiennent  à l’intérieur 
des  fleurs  mâles  et  une,  supérieure,  fertile  ; les  glumes  brillantes, 
largement  ovales  et  obtuses. 

Cette  plante  est  commune  dans  les  provinces  de  Concepcion, 
Arauco,  Valdivia  et  Chiloé. 

On  dit  que  la  racine  de  la  Ratonera  est  apéritive,  diurétique 
et  rafraîchissante  et  on  conseille  de  boire  sa  tisane  à volonté  dans 
les  irritations  abdominales  et  les  congestions  viscérales. 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


22  I 


FOUGÈRES 

DORADILLA 

Notochlœna  hipoleuca. 

Kze.  Linnea,  IX,  54.  — Gay,  IV,  495. 

Feuilles  linéaires  lancéolées,  supportées  par  un  stipe  assez  long, 
pennées  ou  bi-pennées,  vertes  et  velues  à l’extérieur,  couvertes  sur 
la  face  intérieure  d’un  duvet  épais  et  blanchâtre. 

Comme  presque  toutes  les  fougères,  la  Doradilla  vit  dans  les 
lieux  secs  et  on  la  rencontre  dans  toutes  les  provinces  centrales  du 
Chili. 

Elle  passe  pour  diurétique,  et,  comme  telle,  on  l’administre 
dans  tous  les  cas  où  on  a besoin  d’augmenter  les  sécrétions  uri- 
naires. Toute  la  plante  est  employée  ; on  la  donne  en  infusion  et  on 
la  boit  comme  tisane. 

Les  espèces  diurétiques  de  la  pharmacopée  chilienne  se  com- 
posent de  : 

Racine  sèche  de  céleri j 

— — ■ asperge I 

— doradilla ç aa  parties,  égales. 

— — persil \ 

— ■ — chepica J 

La  N.  Mollis  Kze  peut  la  remplacer  et  peut  être  employée 
pour  les  mêmes  usages. 


222 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


CULANTRILLO 

Adiantum  chilense. 

Kaulf.  Enum  fil.,  207.  Gay,  485.  — Rotundatum,  Desv. 

Fronde  ovale  lancéolée,  trois  ou  quatre  fois  pennée,  supportée 
par  un  stipe  de  deux  décimètres  de  long  dans  tout  son  développe- 
ment; pinnules  rhomboïdales  ou  trapézoïdes,  entières  ou  faiblement 
lobulées,  toutes  pédicellées. 

Elle  croît  dans  tout  le  pays,  dans  les  lieux  humides  et  près  des 
sources. 

Sous  le  même  nom  de  Culantrillo  ou  Culantrillo  des  marais , 
on  désigne  quelquefois  d'autres  espèces  du  même  genre,  qui  pos- 
sèdent les  mêmes  qualités. 

La  médecine  populaire  en  fait  usage  en  décoction,  comme  pec- 
toral, apéritif  et  emménagogue.  Dans  ce  cas  on  l’adoucit  avec  du 
miel  d’abeilles. 

C’est  le  succédané  de  Y Adiantum  Capillus  veneri  européen  et  il 
possède  les  mêmes  propriétés. 

PALMILLA 

Blechnum  hastatum. 

Kaulf.  Enum.,  fil.,  160.  — Gay,  VI,  479.  — Trilobum,  Presl. 

Rhizome  ligneux,  gros,  émettant  un  grand  nombre  de  racines 
rameuses;  frondes  lancéolées,  acuminées,  pennées. 

La  décoction  des  racines  de  cette  fougère,  qui  croît  en  abon- 
dance dans  les  lieux  humides  des  provinces  centrales,  est  vantée 
comme  emménagogue  et  abortive. 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


223 


CALAGUALA 

Gonophlebium  synammia. 

Feuil.  Geu.  fil.,  235.  — Gay,  VI,  5io.  — Mecosorus  trilobus,  Klotz.  — 
Polyp.  trilobum,  Car.  — Synammia  triloba;  Presl. 

Fronde  ovale  ou  un  peu  rhomboïdale,  coriace,  pennée,  glabre -, 
pinnules  lancéolées  (2  à 1 3),  terminées  en  pointes  aiguës,  discolores, 
décurrentes,  légèrement  crénelées;  spores  oblongues,  grosses;  spo- 
ranges ovales,  pourvues  dans  le  milieu  d’un  anneau  transparent, 
rhizome  gros,  rameux,  couvert  d’écailles  imbriquées,  jaunâtres. 

Le  nom  spécifique  de  Trilobum  semble  ne  pas  lui  convenir,  car 
la  plante  est  pennifide.  File  croît  dans  les  lieux  humides  et  sombres 
des  provinces  centrales  et  du  Sud,  spécialement  sur  les  arbres  ; par 
exemple,  elle  est  très  commune  sur  les  pommiers  à Valdivia. 

On  fait  usage  de  la  décoction  ou  de  l’infusion  des  racines  dans 
les  affections  pulmonaires  chroniques,  coqueluches,  grossesses  ou 
catarrhes  gastriques,  coliques  ; et  on  lui  concède  des  propriétés  tem- 
pérantes, résolutives,  pectorales  et  sudorifiques.  Elle  passe  aussi 
pour  vulnéraire  et  il  y a des  personnes  qui  la  croient  un  bon  succé- 
dané de  farnica. 

11  est  bon  de  ne  pas  confondre  cette  espèce  de  Calaguala  avec 
la  péruvienne  qui  appartient  à un  genre  distinct. 

Les  deux  autres  espèces,  G.  Aranslucens  Feuill.  et  Californicum , 
Feuill.,  se  connaissent  sous  ie  même  nom  et  ont  le  même  emploi. 


224 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


PALMITA 

Absophita  pruinata. 

Kze,  Linnea,  IX,  99.  — Gay,  VI,  525.  — Discolor,  Sturn.  — Cyathea 
discolor,  Bory.  — Polyp.  cinereum,  Car. 

Fougère  avec  un  gros  rhizome  à l’extrémité  duquel  naissent  des 
feuilles  d’une  grandeur  considérable,  car  elles  atteignent  une  hauteur 
de  quatre  mètres;  frondes  tripennées,  rayées,  glauques  en  dessous; 
spores  solitaires  à la  base  de  chaque  division  ; sporanges  courtement 
pédicellés  ; rachis  d’abord  glabre,  creusé  d’un  côté  par  un  profond 
sillon,  convexe  de  l’autre  ; rachis  secondaires  couverts  de  poils  lai- 
neux de  couleur  jaune. 

Cette  belle  fougère  croît  en  abondance  à Juan  Fernandez,  Valdi- 
via  et  autres  lieux,  au  bord  des  ruisseaux  et  dans  les  bois  montagneux  • 

Le  docteur  Fonck  me  fit  connaître  pour  la  première  fois  les 
bons  résultats  qu’on  peut  obtenir  de  l’emploi  de  cette  fougère 
dans  les  hémorrhagies  simples.  On  peut  l’employer  au  lieu  d’ama- 
dou dans  les  hémorrhagies  produites  par  les  piqûres  des  sangsues  et 
dans  les  cas  de  légères  blessures. 

Chaque  fois  que  j’en  ai  fait  usage,  j’ai  obtenu  le  résultat  voulu. 


LICHENS 

C H A CA  L C U II  A ou  CALCHACUIiA 

Espèce  de  Parmelia,  principalement  la  P.  (Imbracaria)  caperata,  Ach. 

Gay,  VIII,  p.  i33. 

On  connaît  sous  ce  nom  et  aussi  sous  celui  de  Fleur  de  pierre 
des  petits  lichens  qui  vivent  sur  les  roches,  d’aspect  blanchâtre  ou 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


225 


grisâtre,  faciles  à pulvériser  et  que  les  gens  de  la  campagne 
emploient  comme  médicament. 

« La  Calchacura , dit  Rosales,  est  une  herbe  qui  croît  sur  les 
roches  ; mâchée,  on  la  maintient  dans  la  bouche  avec  la  salive  pour 
guérir  les  ulcères  de  la  gorge,  et  le  résultat  est  admirable  ; elle  guérit 
aussi  les  enflures  des  oreilles  en  ^appliquant  sur  la  douleur.  » 

Il  paraît  qu’en  réalité  la  Calchacura  donne  de  bons  résultats  dans 
les  stomatites  aphteuses  et  dans  les  inflammations  de  la  gorge,  mais 
où  son  action  se  fait  le  mieux  sentir  et  où  elle  est  bien  mieux  définie, 
c’est  dans  les  affections  cutanées,  surtout  dans  les  herpès  et  dans 
l’eczéma  déjà  aigu  ou  chronique,  comme  dans  d’autres  maladies 
vésiculaires  de  la  peau.  Dans  le  traitement  de  ces  affections,  le  pan» 
sement  se  fait  par  le  lavage  des  parties  affectées  avec  une  décoction 
de  Calchacura saupoudrant  ensuite  les  mêmes  parties  avec  l’herbe 
réduite  en  une  poudre  fine. 

Il  est  très  probable  que  ces  mêmes  poudres  sont  convenables 
dans  les  érythèmes,  surtout  chez  les  enfants,  mêlées  à l’amidon  où 
à une  autre  fécule. 

On  l’emploie  aussi  en  injections  vaginales  pour  le  traitement  des 
métrites  ulcéreuses. 


CHAMPIGNONS 
COIGÜE 
Polyporus  senex. 

Nees  et  Montag,  Ann.  Sc  nat.,  2e  série,  V,  70.  — Gay,  XII,  356.  — 1 
Boletin  de  med.,  I,  214. 

C’est  un  des  plus  grands  champignons  chiliens;  son  diamètre 
atteint  3o  centimètres  ; son  chapeau  est  semi-orbiculaire,  uni  dans 
toute  sa  base  aux  troncs  des  arbres  sur  lesquels  il  croît,  légèrement 


226 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


convexe  en  dessous,  s’amincissant  beaucoup  vers  le  bord  qui  est 
aigu  et  ondulé  ; sa  face  supérieure  est  plane,  sillonnée  par  des  rugo- 
sités séparées  par  de  profonds  sillons  disposés  en  zones  concen- 
triques ; sa  couleur  est  grisâtre. 

Il  croît  dans  les  diverses  parties  du  Chili  et  sur  différents  arbres. 

Ce  champignon  peut  se  diviser  en  deux  fractions  : une,  supé- 
rieure, l’autre,  inférieure,  douées  de  caractères  distincts.  La  supé- 
rieure est  molle,  très  absorbante  et  d’une  saveur  acide  très  marquée; 
l’inférieure  est  plus  consistante,  moins  acide  et  moins  poreuse. 

Mis  dans  une  solution  aqueuse  de  bicarbonate  de  soude,  ce 
champignon  produit  une  effervescence  (ce  qui  indiquerait  la  pré- 
sence, chez  lui,  d’un  acide,  si  sa  saveur  ne  l’avait  déjà  dénoncé)  il 
se  divise,  se  sépare,  devient  glissant  et  onctueux. 

Ses  propriétés  et  ses  conditions  organoleptiques,  qui  le  font  res- 
sembler à l’agaric,  manifestent  ses  qualités  comme  coagulant,  absor- 
bant et  hémostatique. 

En  effet,  M.  Grossi,  qui  s’est  occupé  de  l’étude  de  ce  champi- 
gnon, le  préconise  dans  les  hémorrhagies  externes,  quand  un  vais- 
seau a été  coupé  et  qu'il  est  trop  court  pour  être  lié  et  dans  celle  des 
hémophiles  où  toute  intervention  chirurgicale  peut  être  dangereuse. 
Des  hémorrhagies  dans  lesquelles  eussent  été  impuissants  le  perchlo- 
rure  de  fer,  le  nitrate  d’argent  et  autres  hémostatiques,  cédèrent  à 
l’application  de  la  partie  la  plus  spongieuse  de  ce  polypore,  maintenu 
pendant  quelques  heures. 

M.  Grossi  ne  s’est  pas  limité  à cette  expérience,  mais  jugeant 
que  sa  composition  pourrait  être  utile  pour  le  traitement  des  sueurs, 
il  Va  ordonné  à l’usage  interne,  sous  la  forme  suivante  : 

R Eau  distillée  ........ . ioo  grammes 

Polyporus  senex 25  centigrammes 

Bicarbonate  de  soude i gramme 

Gomme  en  poudre  . Q.  B. 

M En  prendre  une  cuillerée  dans  la  nuit. 

Pour  ma  part,  mon  opinion  est  qu’il  serait  préférable  de  l’em- 
ployer dans  ces  cas,  à la  dose  de  20  centigrammes  dans  une  cap- 


PLANTES  MEDICINALES  DU  CHILI 


227 


suie  amylacée,  parce  qu’alors  on  pourrait  utiliser  son  action  astrin- 
gente. 


ALGUES 

COCHAYUYOS 
Dur  pille  a utilis. 

Bory,  Coq.,  pag.  65,  t.  I et  II,  f.  1.  — Gay,  VIII,  24.  — Montag.  Voy.  Pôle 
Sud,  cryp.  52.  — Laminaria  cœpoetipes,  Montag.  — Fucus  antarticus, 
Charnus. 

Cette  algue  acquiert  quelquefois  une  grande  dimension  et  on 
en  voit  qui  atteignent  près  de  dix  mètres  - elle  adhère  aux  roches  par 
un  disque  très  puissant,  plein,  hémisphérique. 

Elle  est  très  abondante  sur  toute  la  côte  du  Chili,  depuis 
Coquimbo  vers  le  Sud,  jusqu'au  cap  Horn.  Les  bourgeons  qui 
sortent  du  disque,  connus  aussi  sous  le  nom  de  huiltes , sont 
comestibles  et  se  vendent  sur  tous  les  marchés. 

Toutes  les  algues  contiennent  une  légère  quantité  d’iode,  comme 
le  Cochayuyo ; on  l’emploie  en  cataplasmes  dans  les  enflures  scrofu- 
leuses, dans  les  goitres,  mais  toujours  avec  peu  de  profit,  en  raison 
de  la  rareté  de  son  principe  actif. 

Pour  ce  motif,  il  est  certain  que  pendant  qu’on  pratique  les  fric- 
tions avec  les  diverses  pommades  iodées,  communément  employées, 
on  conseille  l'usage  de  ce  végétal  maritime  dans  les  repas  et  sous 
cette  forme  les  résultats  semblent  meilleurs. 

Si  les  bains  préparés  avec  la  décoction  de  Cochayuyo  n’agissent 
pas,  à cause  de  leur  petite  quantité  d’iode,  ils  sont  très  avantageux 
dans  certaines  affections  par  la  grande  quantité  de  gélatine  qu’ils 
contiennent. 


FIN 


TABLE  ALPHABETIQUE 


A 


Absophita  pruinata  . . 224 

Abutilon  vitifolium 26 

Acacia  cavenia 64 

Acaena  pinnatifida 78 

Acaena  splendens 77 

Achyrophons  scorqonerœ 109 

Adiantum  chilense 222 

Alcaparra 61 

Alerce 210 

Alfilerillo 35 

Algarrobillo 61 

Algarrobo 63 

ALGUES 227 

Almiscle  108 

Alstrœmeria  ligtu 2 1 5 

AMARYLLIDÉES 21 5 

Ambrina  Ambrosioides 168 

ANAGARDIACÉES 45 

Anémone  decapetala 1 

Anisomeria  coriacea . . 172 

Anisomeria  drastica 172 

APOCYNÉES 125 

Araucaria  imbricata 209 

Arrayan 90 

Argemone  mexicana 12 

Argilia  Huidobriana 160 

Argyrothamnia  Berteroana 206 

Aristolochia  chilensis v 179 

Aristotelia  maqui 27 

ASARINÉES 179 


ASPERIFOLIÉES i3i 

Avellano ^7 

Açorella  madreporica 100 

B 

Baccharis 1 1 3 

Baccharis  rosmarini folia 1-12 

Bailahuen 110 

Balsamocarpon  brevifolium 61 

BERBERIDÉES 10 

Ber  ber  is  Darwini 10 

Berberis  empetrifolia 1 1 

Berro. i5 

BIGNONIACÉES ...  160 

Blechnum  astatum 222 

Bolax  glebaria 100 

Boldo 180 

Boldoa  fragans 180 

Bollen 68 

Brassica  negra 17 

Brea 111 

Bridgesia  incisœfolia  . 44 

BROMÉLIACÉES 21 1 

Bromuria  salsilla 216 

Bromus  stamineus 219 

Buddleia  globosa 126 

G 

Cabellos  de  anjel 1 3 5 

Cachenlahuen 127 


23o 


TABLE  ALPHABÉTIQUE 


CACTÉES ..  97 

Calaguala 228 

Calceolaria  arachnoidea 09 

Calceolaria  thyrsiflora 1 58 

Calchacura . 224 

Calendrinia  discolor 24 

Calystegia  rose  a. 1 32 

CAMPANULACÉES 122 

Canchalagua 127 

Canelillo  3 7 

Canelo 4 

Capsella  bursa  pastoris 16 

Cardamine  masturtioides i5 

Carrizillo . ...  32 

Cassia  stipulacea 61 

Caucha 101 

CÉLASTRINÉES 41 

Centella 1 

Centaurea  chilensis 12 1 

Cepacaballo 77 

Cephalophora. . . 1 15 

Cereus  quisco 9” 

Cestrum  palqui 1 56 

Chacacoma 117 

Chacalcura 224 

Chagual 21 1 

CHAMPIGNONS 225 

Chapico 127 

Chaquihue 29 

Chardon  saint 12 

Chepica 219 

CHENOPODÉES 168 

Chenopodium  quinoa 171 

Chequen 87 

Chilcas ....  1 1 3 

Chilco 96 

Chilquillas 1 1 3 

Chœtantliera  Berteriana 107 

Ciruelillo 196 

Clarionea  atacamensis . . 109 

Cochayuyos 227 

Coigue 22  5 

Colsilla 95 

CONIFÈRES 209 

CONVOLVULACÉES i32 

Corecore 34 

Coriaria  ruscifolia 52 

CORIARIÉES 52 

Crinodendron  Hookerianinn 29 

CRUCIFÈRES 1 5 


Cryptocary  a peumus 191 

Culantrillo 222 

Culen 54 

Cuscuta 1 35 

D 

Daphné  pillopillo 198 

Dauda 120 

Desfontaine  spinosa 127 

Deu. 52 

Doca 99 

Doradilla... 221 

Dry  mis  chilensis 4 

Durvillea  utilis 227 

Duvana  dependens 45 


E 


Echites  chilensis 125 

Edwardsia  macnabiana 60 

Embothrium  coccineum 196 

Ephedra  andina 208 

Erodium  moschatum 33 

Eryngium  rostratum 101 

Erythrœa  chilensis  127 

Erythrichinm  gnaphalioïdes i3i 

Escabiosa  ....  121 

Escallonia 79 

Escorzonera 109 

Espino 64 

Eucryphia  cordifolia 76 

Eugenia  apiculata 90 

Evgenia  cheken 87 

Euphorbia  portulacoides  202 

EUPHORBIACÉES 202 

Euxenia  1 1 5 


F 


Fabiana  imbricata 1 36 

FICOIDÉES 99 

Fitqroya  patagonica 210 

Flaveria  contrayerba 120 

Flotowia  diacanthoides 106 

FOUGÈRES 221 

Fragaria  chilensis 65 

Francoa  sonchifolia 83 

Frankenia  Berteroana 22 

FRANKENIACÉES 22 


TABLE  ALPHABETIQUE 


2 3 1 


Frutilla 65 

Fumaria 

Fumaria  media i3 

Fuschia  macrostema 96 


G 


Galium  relbum io3 

Gardoquia  Gilliessi 164 

GENCIANÉES 127 

GERANIACÉES 34 

Géranium  Berterianum 34 

GESNÉRIÉES i5g 

Geum  chilense 68 

Gnaphalium  vira-vira 119 

GNÉTACÉES 208 

Gonophlebium  synammia 22  3 

GRAMINÉES 219 

Gualtata 1 18 

Guanil 107 

Guavacan 3 1 

Guevina  avellana 197 

Guillipatagua 38 

Gunnera  chilensis 84 

H 

HALORAGÉES 84 

Haplopappus  baylahuen 1 10 

Herreria  stellata 217 

Hierocloe  utriculata 220 

Huella 26 

Huevil 1 5 5 

Huingan 45 

Huinque 195 

Hydrangea  scandens 81 

I 

IRIDÉES 2 1 3 

J 

Jarrilla 3 3 

Jonidium  parviflorum 18 

Jubea  spectabilis 218 

K 

Kagenekia  oblonga 68 

Krameria  cistoidea 19 


L 


LABIÉES 1 6 3 

Lampayo 1 63 

Lampaya  officinalis 1 63 

Lanco 219 

Laretia  acaulis 100 

Larrea  nitidar 33 

Latua  venenosa 1 52 

Latue 1 5 2 

Laurel 188 

Laurelia  aromatica 188 

LAURINÉES 190 

LÉGUMINEUSES 54 

Libertia  cœrulescens 2i3 

LICHENS 224 

Ligusticum  panul . . 102 

LILIACÉES 217 

LINACÉES 3o 

Lingue 190 

Linum  chamisonis 3o 

Litre 46 

Litrea  caustica 46 

Litrea  Molle 5o 

Liuto 2 1 5 

LOGANIACÉES 126 

Lomatia  ferruginea 192 

Lomatia  obliqua 192 


L1 


Llanten 167 

Llareta 100 

Llaupangue 83 

M 

MAGNOLIACÉES 4 

Maillico 3 

Maiten 41 

Maitencillo 18 

Malva 2 5 

MALVACÉES 25 

Maqui 27 

Maranzel. 109 

Margyricarpus  sefosus 78 

Marrubium  vulgare i65 

Mastuerzo 16 

Maytenus  boaria 41 

Mentha 1 6 3 


232  TABLE  ALPHABÉTIQUE 


Mesembryanthemum  chilense 99 

Metrun 94 

Michay 10 

Mitraria  coccinea 159 

Mitriu  1 1 5 

Mollaca *. 178 

Molle.. 5o 

MOMMIACÉES 180 

Monnina  linari folia ai 

Moscharia  pinnatijid  r 108 

Mostaza  negra ......  17 

Moya 61 

Muehlenbeckia  chilensis 178 

Muermo 76 

Murtilla 92 

Myoschilos  oblongum 201 

Myrceugenia  planipes 91 

MYRTACÉES 87 


N 


Natri 142 

Nertera  depressa . 104 

Notochlœna  hypoleuca 221 

Notru 196 


O 


OLACINÉES 38 

Olnothera  acaulis 92 


Olnothera  Berteriana 
OMBELLIFÈRES... 
ONAGRAR1ÉES  . . . . 


Oreganillo 164 

Oreja  de  zorro 179 

Orocoipo 201 

OXALIDÉES ....  36 


P 


Pacul 19 

Paico • 168 

Paja  ratonera ...  220 

Palma. . . '.  218 

PALMIERS... 218 

Palmilla 222 

Palmita 224 

Palo  negro 1 14 

Palpi ï 58 

Palqui 1 56 


Pangue  

Panil 

Panul. 

PAPAVERACÉES.... 

Parrilla. . . 

Paspalum  vaginatum . . 

Pata  de  guanaco 

Patata 

Pehuelden 

Pelu 

Persea  lingue 

PERSONÉES 

Petra 

Peumo 

Phaca  ocrolenca 

PHYLOTAGGÉES . . 

Pichi 

Pichoa . , 

Pila-pila 

Pillo-pillo 

Pillunden. 

Pimpinela 

Pingopingo  . 

Pinon. 

Pircun  ....  

Pitao 

Pitavia  punctata 

PLANTAGINÉES 

Plantago  major 

PLOMBAGINÉES 

Podanthus  mitiqui 

POLYGALËES 

POLYGONÉES 

Polygonum  chilense. . . , 

Polyporus  senex 

Poquil 

Porlieria  hygrometrica 

PORTU LACÉES 

Potentilla  auserina. . . . 
Prosopis  siliquastrum.. , 

PROTÉACÉES 

Proustia  pungens ...... 

Psoralea  glandulosa. . 
Psycrophila  andicola  . . 
Puya  coarctata 


Q 


Quaycuru  . . 
Quebracho. , 


84 

126 

102 

12 

82 

219 

24 
149 

81 

63 

190 
1 58 

9i 

191 

59 

172 
1 36 
202 

25 
1 98 

18 
78 

208 

2°9 

172 

3 7 

37 
j 67 
167 
124 
1 16 

19 

l77 
1 77 
225 
1 1 5 
3i 
24 
67 
63 

192 
107 

54 

3 

2 1 1 


1 24 

61 


TABLE  ALPHABETIQUE 


o.33 


Quelen-quelen 

Quelliguen  chucaon. . . . 
Quillaja  saponaria 

Quillay 

Quilmay 

Quilo 

Quinchamali 

Quinchamalium  majus.. 

Quinoa 

Quisco 

R 

Radal 

Relbun 

Relbun  de  la  Cordillera 

Renilla 

RENONCULACÉES.. 

Retamilla 

Retamilla 

Retamilla  ephedra 

RHAMNÉES 

Ribes  glandulosum 

Romasa 

Romerillo 

ROSACÉES 

RUBIACÉES 

Rumex  romassa 

Rumpiata 

S 

Sabinilla 

SALICINÉES 

Salix  Humboldtiana  . . 

Salsilla 

Salvia  blanca 

Sandia  lahuen 

Sanguinaria 

SANTALACÉES 

SAPINDACÉES 

Sauce 

SAXIFRAGÉES 

Senecio  eriophyton 

Senecio  hualtata 

Septocarpha  rivularis . 

Seu 

SOLANÉES 

Solarium 

Solarium  crispum. ...... 


Solarium  gayanum 142 

Solarium  tuberosum 149 

Sphacele  Lindleyi. 1 65 

Stachys 166 

Statice  chilensis 124 

SYNANTHÉRÉES... 106 

T 

Tayu 106 

Te  de-burro 1 3 1 

Tembladerilla 59 

Temu 81 

Tessaria  absinthioides 1 1 1 

THYMÉLÉES 198 

TILIACÉES 27 

Tomatillo 142 

Toronjil  cuyano 1 6 5 

Trevor  trinervia 4 3 

Trevu 43 

Triaca 160 

Trique 2. 1 3 

Tupa 122 

Tupa 122 

U 

JJgni  Molinœ 92 

Ulmo 7^ 

Uno  perquen 123 

V 

VALÉRIANÉES io5 

Ventosilla 4 . . . 2°6 

Verbena l^2 

Verbena  littoralis *62 

VERBÉNîACÉES 161 

Vestia  bycioides 1 35 

Villaresia  mucronata 38 

Viola  maculata *8 

VIOLARIÉES 18 

Vira-vira u9 

Vochi-vochi l^9 


W 

Wahlenbergia  linarioides.. 
Weinmannia  trichosperma, 


21 

104 

70 

70 

125 

178 

!99 

l99 

171 

97 

1 92 

io3 

i59 

24 

1 

5o 

43 

43 

43 

82 

178 

1 12 

65 

io3 

178 

44 

78 

207 

207 

216 

1 65 

161 

177 

199 

44 

207 

79 

1 1 7 

1 18 

114 

61 

1 36 

142 

142 


TABLE  ALPHABETIQUE 


234 


X 


XANTOXYLÉES 37 

Y 

Yerba  del  clavo 68 

Y erba  del  salitre 22 

Yerba  de  la  Yesca 107 


Yerba  plateada 67 

Yerba  sanra, 166 


Z 


Zarcilla 1 1 

Zarza..- 217 

ZYGOPHYLLÉES 3i 


A.  ROGER  Y F.  CHERNOVIZ 


IMPRIMERIE  DE  LAGNŸ