M LIBRARY
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Plantes Médicinales
DU CHILI
OUVRAGES DU MÊME AUTEUR
Introduction à l’Etude de V Histoire naturelle, 1 86 3 . — i vol. de 232 pages.
Mémoires et travaux scientifiques , comprenant : une étude sur les corps gras
phosphores; application de l’électricité au traitement des anévrismes;
notes pour l’histoire des maladies du foie au Chili; description d’une
tumeur rare de la cuisse; un court traité sur les plantes médicinales; et
lettres sur la mortalité des enfants. — i vol. de 282 pages.
L’ Allaitement maternel au point de vue de la mère, de l’enfant, de la famille et
de la société. — 1 vol. de 1 3 1 pages.
Contribwpfione allô studio délia epatite suppurativa del Chili (de la Revue cli-
nique de Bologne), 1875. — 1 brochure à 2 colonnes de 16 pages.
Etudes médico-chirurgicales comprenant 39 travaux ou mémoires, 1876. —
1 vol. de 365 pages.
Rapports présentés à la Commission spéciale de Bienfaisance, 1877. — 1 vol
de 62 pages.
La Vaccine obligatoire. — Discours prononcé à la Chambre des Députés, 1882.
— 1 brochure de 27 pages.
Précautions contre le Choléra, 1886. — 1 brochure de 32 pages.
Pharmacopée chilienne (avec la collaboration de M. Charles Middleton), 1886.
1 vol. de 457 pages.
Nombreux articles de collaboration sur /’ Obstétrique, la Gynécologie et
l’Hygiène, parus dans la Revue Médicale, Bulletin de Médecine du Chili,
et autres publications.
A. ROGER Y F. CHERNOVIZ — IMPRIMERIE DE LAGNY
ADOLPHE MURILLO
Professeur d'Obstétrique et de Clinique d’ accouchements de P Université du Chili
Ancien Professeur de Thérapeutique
Membre de diverses Sociétés savantes et littéraires d’Amérique et d’Europe
Plantes Médicinales
du Chili
U4554
EXPOSITION UNIVERSELLE DE PARIS
1889
SECTION CHILIENNE
Digitized by the Internet Archive
in 2017 with funding from
BHL-SIL-FEDLINK
https://archive.org/details/murilloplantes1889
INTRODUCTION
Ce n’est pas la première fois que je fais une étude
sur les plantes médicinales du Chili. Dans les premières
années de ma carrière, je leur payai mon tribut, et,
comme fruit de mon étude, un mémoire fut imprimé et
peut se lire dans les Annales de l’ Université de 1861; je
le complétai peu de temps après à l’aide de nouveaux
renseignements.
Ces divers travaux se ressentent d’un manque de
connaissances approfondies de fauteur et ont le grave
inconvénient de signaler une quantité assez considérable
de plantes européennes qui croissent dans le pays, mais
n’en sont pas originaires.
Le travail que j’entreprends ici est plus étendu et
contient de nombreux renseignements ; seules les plantes
qui peuvent être considérées comme originaires du Chili,
y trouveront place. C’est, en un mot, un ouvrage com-
VIII
INTRODUCTION
plètement nouveau, par sa rédaction, par sa forme, par
l’ordre suivi et par les nombreuses observations qui lui
servent de base.
Les propriétés thérapeutiques connues superficielle-
ment de tous, à peine esquissées précédemment, suivront
dans ce livre un ordre tout différent ; on y trouvera une
foule d’observations et de faits ignorés jusqu’à ce jour, ou
mal exposés.
Chaque article indique le nom sous lequel la plante
est le plus connue, le nom scientifique vient ensuite. Puis
on trouve la Bibliographie Botanique avec l’indication de
l’auteur ou des auteurs principaux qui font décrite, du
volume, de la page et du titre de l’ouvrage qui s’y rap-
porte; la vignette est indiquée quand elle existe, ainsi que
les synonymes.
J’expose ensuite, dans un résumé, les principaux
caractères botaniques de 1 espèce, ou du genre s’il y a lieu,
la qualité du terrain où elle croît, les provinces où elle
est la plus commune, les divers noms vulgaires sous les-
quels on la désigne, souvent aussi l’usage qu’en fait l’in-
dustrie, et, enfin, sa composition et ses usages thérapeu-
tiques.
J’ai cru devoir signaler pour chaque plante, quand
cela m’a été possible, les propriétés et les usages que
chaque auteur lui a attribués, réunissant ainsi un nombre
d’éléments plus considérable qui permet de mieux apprécier
ses vertus, et qui offre, en même temps^ une base plus
vaste aux investigations.
INTRODUCTION
IX
Je m’empresse de dire que pour l’ordre suivi dans ce
travail, au point de vue botanique, je me suis inspiré en
tous points de l’ouvrage si important et si justement
apprécié de MM. Bentham et Hooker, intitulé: Généra
Plantarum.
Les descriptions sont extraites, en majeure partie,
pour ne pas dire en totalité, du monumental ouvrage de
Gay, et des nombreux travaux de mon estimable profes-
seur M. R. A. Philippi. si connu dans le monde savant.
En ce qui concerne la Bibliographie, j’ai eu pour
important auxiliaire le Catalogue des plantes vasculaires
chiliennes, écrit par mon ami le professeur dé Botanique
M. Frédéric Philippi.
Qu’il me soit permis d’exprimer ici tout ce que je dois
à ce professeur distingué, et excellent ami, pour le savant
concours qu’il m’a prêté dans ce travail, concours qui a
été presque une véritable collaboration.
J’indiquerai plus loin les titres des principaux ouvrages
que j’ai consultés pour la rédaction de mon livre.
En publiant cet ouvrage, je désire qu’il soit utile à
ceux qui dans l’avenir voudront s’occuper de l’étude de la
Flore chilienne, au point de vue de la chimie et spéciale-
ment de la thérapeutique.
Je crois accomplir ici un devoir en réunissant dans ce
travail ce que d’autres ont écrit sur la matière médicale
chilienne, et en y ajoutant le peu que mon expérience m’a
enseigné. Tel est ce livre et rien de plus : c’est le fruit
d’une patiente et laborieuse récapitulation faite dans toutes
X
INTRODUCTION
les littératures. S’il n’a pas une grande valeur par lui-
même, il a du moins celle d’avoir été inspiré par un senti-
ment sincère et élevé et aussi le profond intérêt avec lequel
ont été réunies les matières éparses qui ont servi à sa for-
mation.
Adolphe Murillo.
Santiago du Chili, juillet 1888,
PRINCIPAUX OUVRAGES
CONSULTÉS PAR L’AUTEUR
Cl. Gay. — • Histoire physique et politique du Chili, publiée sous les auspices
de notre Gouvernement. La partie qui traite de la Botanique se compose
de huit volumes et a été faite avec la collaboration de MM. Rémy, Richard,
Montagne, Clos, Naudin, Barneoud et Desvaux. — Années 1845 à i852.
R. A. Philippe — Eléments de Botanique à l’usage des Etudiants en Méde-
cine et Pharmacie du Chili. — 1 vol. in-40, année 1869. — Divers mémoires
publiés par le même auteur dans des revues et publications scientifiques.
Federico Philippe — Catalogus plantarum vascularnm chilensum. — Année
1881 . — 1 vol in-40.
Frézier. — Relation d’un voyage dans les mers du Sud , aux côtes du Chili et
du Pérou, fait pendant les années 1712,1713 et 1714 par M. Frézier. 1 vol.
Feuillée. — Journal des Observations Physiques, Mathématiques et Botani-
ques, faites par l’ordre du Roy sur les côtes de l’Amérique méridio-
nale, etc. 3 vol. — Le troisième volume fut publié dix ans après le
deuxième.
Bertero. — Liste des Plantes observées par cet infortuné naturaliste en 1828.
(Le Mercure, journal chilien de 1829).
Ruiz et Pavon. — Systema vegetabilium flora peruviana et chilensis, charac-
teres prodromi genericos differentiales speciorum omnium differentias
durationem, etc., 1 798. — 2 vol.
Juan Ig. Molina. — Abrégé de l’Histoire géographique naturelle et civile du
Chili, traduit en espagnol en 1788. — 2 vol.
Mérat et de Lens. — Dictionnaire universel de Matière médicale et de Théra-
peutique générale, 182^-1846, 7 vol. — Cet ouvrage contient des rensei-
gnements très intéressants sur les plantes américaines, pris sur des notes
de divers voyageurs et naturalistes.
Padre Rosales. — Histoire générale du Royaume du Chili. — Edition pré-
parée par Benjamin Vicuna Mackenna. Elle renferme plusieurs chapitres
de beaucoup d’intérêt sur les plantes médicinales.
Anjel Vasquez. — Traité complet de Pharmacie , Divers mémoires.
XII
PRINCIPAUX OUVRAGES CONSULTÉS PAR L’AUTEUR
Vicente Bustillos. - Divers travaux, quelques-uns en collaboration avec le
AnnltfdTl Université du Chili , 60 vol. - Cette collection contient plusieurs
articles très importants d’auteurs divers. $ sans
Annales de l’ancienne Société de Pharmacie , 9 vo .
aucun doute, bien supérieure aux Nouvelles Annales.
Revue de Médecine du Chili , 16 vol.
Bulletin de Médecine du Chili , 2 vol.
Pennesse. — Manuel de Médecine pratique, 1 vol., i»09-
Revue de Médecine de Valparaiso (Chili). . . . , Théra-
Bulletin de Thérapeutique, et Bulletins et Mémoires de la Société
peutique , 1878, 1 vol. _ ,
Murillo y Middleton. — Pharmacopée chilienne , 1 > 1 • ^
Murillo. — Mémoire sur les Plantes médicinales du Chili, 186 .
60 pages.
Plantes Médicinales
du Chili
RENONCULAGÉES
CENTELLA (i)
Anemone decapetala.
Lin. Mant., p. 79. — A. bilobata, Juss. — bicolor, Poepp. — helleborifolia.
D. c. — sphenophylla, Poepp. — decapetala et helleborifolia Bert. Merc.
Chil. — Gay, I, 23.
Cette herbe possède des racines tubéreuses ovales ; ses feuilles
sont d’un vert foncé, légèrement duvetées, presque rondes et divi-
sées en trois lobes principaux, cunéiformes, rarement festonnées,
mais fréquemment fendues. Le pétiole est long et duveté. Entre les
feuilles naissent d’un à quatre glaïeuls d’un pied de long, garnis
d’un involucre composé de trois feuilles presque sessiles, duvetées
et très ressemblantes aux feuilles principales par leurs parties la-
ciniées ; les fleurs sont d’un bleu clair avec 10 à 12 sépales ovales,
obtus ou très légèrement pointus.
(l) Les habitants de la campagne donnent aussi ce nom au Rammculus
muricatus L., très commun dans les parages humides, et qui occasionne aux
animaux, quand ils le mangent en quelque quantité, une grave inflammation
des intestins suivie d’entérorrhagies et d’hématuries qui entraînent la mort.
PLANTES MÉDICINALES DU CHILI
Elle croît dans les terrains humides, abondants en pâturages, du
Chili ; on la rencontre depuis les bords de la mer jusqu’à une
altitude de 2900 pieds. Elle fleurit aux mois d’août et septembre . et
ses fruits mûrissent en octobre et novembre.
Le père Penesse, auteur d’un livre sur la médecine populaire,
lui attribue les propriétés de diurétique, diaphorétique, corrosive
et caustique.
11 dit qu’elle est utile dans les cas d’ophtaîmie, épilepsie,
céphalalgie, asthme, engorgements scrofuleux, etc. Il conseille de
la prendre en poudre, à la dose de 6 à 12 grains, les feuilles en
décoction (une demi drachme pour une livre d’eau), et la teinture
de 12 à 24 gouttes. Les feuilles fraîches, ajoute-t-il, appliquées sur
la peau sont très caustiques.
Je peux dire, pour ma part, que les naturels du pays utilisent
les feuilles de la Centella comme rubéfiant, et les emploient quand
ils veulent déterminer sur la peau une révulsion plus ou moins
active et rapide. Ses effets ressemblent à ceux de la moutarde et
son action se mesure d’après la durée de son application.
M. le docteur Juan Miquel conseillait une pommade préparée
avec le jus de la Centella pour maintenir la suppuration des vési-
catoires, et dans tous les cas où il est nécessaire d’obtenir une
révulsion plus ou moins active.
Douée de ces qualités, cette plante est appelée à remplir un rôle
important dans la médecine chilienne ; et il est regrettable que les
chimistes ne se soient point préoccupés de son analyse. En atten-
dant cette analyse, et la lumière que peuvent nous donner les expé-
riences scientifiques, sur son pouvoir et sur sa manière d’agir, je
crois que l’administration de la Centella à l'intérieur, est, non
seulement préjudiciable, mais dangereuse. L’activité que montre
cette plante dans son application à l’usage externe, prouve qu’il
faut une excessive prudence quand il s’agit de l’employer par la
voie stomacale.
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
3
MAILLICO
Psycrophila andicola.
Gay, I, 49, tab. 2.
Très petite plante entièrement glabre; ses racines sont très
grosses, traînantes et chargées de longues fibres-, les feuilles sont
subcordiformes,coriacées, sinueuses, de couleur vert foncé etpourvues
de deux appendices droits ; elles ont de longs pétioles striés et dilatés
vers leur base en une membrane qui persiste en forme d’écailles à la
chute des feuilles ; entre ces pétioles naissent un ou plusieurs glaïeuls
épais, surmontés d’une fleur blanche composée de six sépales arron-
dis; les étamines et les pistils sont nombreux et on y voit de 3o à 40
follicules ovales, linéaires, légèrement comprimées ; chaque follicule
renferme de deux à trois graines luisantes parsemées de petites taches
rouges et circonscrites.
Cette plante croît dans la partie élevée des Cordillères des pro-
vinces centrales, dans les prés baignés par les eaux provenant de la
fonte des neiges.
Les indigènes apprécient beaucoup la racine de cette plante : ils
l’administrent sous la forme dfinfusions chaudes dans les cas de
digestions difficiles, gaz et autres dérangements de l’estomac. La
racine mâchée est aussi employée comme odontalgique.
Doit-elle ses propriétés à une substance balsamique, si commune
dans les plantes qui naissent sur les hauteurs, ou à un principe
amer? Je l’ignore; jusqu’à présent aucune investigation chimique
pour connaître sa composition n’a été pratiquée. Mais il est certain
que son usage est très répandu et qu’on la vend en abondance.
4
PLANTES MÉDICINALES DU CHILI
MAGNOLIACÉES
CANELO
Dry mis chilensis.
D. C. Prodr. 78. — Gay, I, 61.
Arbre très élancé de 10 à 12 mètres de hauteur, touffu, en forme
pyramydale; ses feuilles sont glabres, un peu coriacées, oblongues
ou lancéolées, entières, vertes en dessus et glauques en dessous ;
les pétioles courts, épais, se prolongent jusqu’à la pointe des feuilles ;
les fleurs forment une espèce d’épi d’un blanc pur et ont le pédon-
cule très court, garni d’un involucre composé de plusieurs petites
feuilles ovales-, le calice est unique quand la fleur est en bou-
ton, mais, quand elle s’ouvre, il se sépare en deux, rarement en trois
petites feuilles concaves-, les étamines sont nombreuses et leurs
filaments sont droits, épais et terminés par une pointe qui porte de
chaque côté les deux petites cellules de l’anthère; les stigmates sont
latéraux et aplatis; les ovaires sont uniloculaires, au nombre de
8 à 10; les baies sont noirâtres, ovales, comprimées et un peu
courtes.
Le Drymis Winteri paraît être seulement une variété du D. chi-
lensis, bien que plusieurs botanistes l’aient décrit comme une espèce
distincte.
Le Canelo commun croît depuis la rivière Limari jusqu’à la pro-
vince de Chiloé et celui de Winter entre Chiloé et Magellan.
« Il existe dans ce royaume un arbre célèbre que les Indiens
appellent boyque ou boighe , et les Espagnols canelo parce qu’il res-
semble au canelo qui croît à Cumâco, dans la province de Quito,
comme l’a noté Francisco de Gomoradans son Histoire générale des
Indes. 11 est très estimé des naturels, leur servant de sauf-conduit
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
5
pour passer d’une province à l’autre, et d’étendard dans les confé-
rences de paix. Cet arbre joue chez ces Indiens le même rôle que
chez les Romains l’olivier et la verveine; particulièrement dédié aux
démons, il est aussi l’autel de leurs sacrifices et le trépied d’où pro-
phétisent leurs oracles. Il faut signaler qu’il y a trois espèces de
canelos : la première qui sert aux machis (médecins), sorciers et
dugales (devins) pour leurs guérisons et leurs invocations aux
démons; ces misérables teignent le tronc du canelo avec le sang des
animaux tués, et offrent ensuite au « mauvais esprit » les cœurs et
les têtes. Cette espèce possède une feuille très large, très verte d’un
côté et blanchâtre de l’autre. La deuxième espèce de canelo , qui est
le symbole de la paix, figurant dans toutes leurs réunions ou parla-
mentos (i) sert aussi de passeport et de sauf-conduit pour aller d’un
endroit à l’autre ; cet arbre possède une feuille plus petite, un peu
longue, verte d’un côté et cendrée de Lautre.
« La troisième espèce de canelo ressemble aux deux autres,
sauf pour la feuille qui est frisée; elle ne sert pas à la conclusion des
traités de paix, mais les Indiens s’en servent pour tromper et trahir
tous ceux qui ne connaissent pas les différentes espèces de canelo ,
ainsi qu’il arriva dans la révolte de l’année 1 655 au fort d’Arauco.
Les Indiens (araucaniens) s’étant soulevés donnèrent plusieurs
assauts afin de s’emparer du fort ; les Espagnols qui étaient à l’inté-
rieur se défendirent avec le plus grand courage, souffrant de la faim
et de la fatigue tout le temps que dura le siège. Considérant qu’ils
ne pouvaient vaincre ces braves par les armes et les chasser de
leurs terres, ils tentèrent de le faire avec leur astuce habituelle.
Comme des renards rusés, ils se présentèrent sans armes et portant
des branches de canelo , demandèrent humblement au commandant
Don José de Volea de les laisser entrer afin de pouvoir traiter avec
lui des conditions de paix et de capitulation, parce qu’ils se repen-
taient de leurs fautes et en étaient assez punis en perdant la précieuse
(i) Importantes conférences dans lesquelles un grand nombre d’indiens,
présidés par les caciques (chefs), délibèrent sur les mesures à prendre pour
leur défense ou pour leurs cérémonies funèbres.
6
PLANTES MÉDICINALES DU CHILI
amitié des Espagnols ; c'est pourquoi ils venaient faire amende
honorable et implorer leur pardon. — Rosales. »
Cet arbre fleurit en mai à îllapel, en septembre à Valdivia, et
reste toujours vert. Il croît dans les parages les plus humides du
Chili, dans les bas-fonds, au bord des rivières, etc.} on le trouve
dans Pîle de Juan Fernandez, au détroit de Magellan, dans l'archi-
pel de Chiloé, enfin jusqu'en Araucanie. Il est plus rare à mesure
qu’on se rapproche du Nord, jusqu’à la rive nord du fleuve Limari,
c’est-à-dire vers 3i° de latitude sud. Dans les Cordillères, il suit les
gorges des vallées et atteint jusqu’à i5oo paras d’altitude. Les ha-
bitants du Chili lui donnent le nom de canelo et les Araucaniens
(indiens) celui de boighe ou boyque , Ces derniers le regardent
comme sacré et ont pour lui un profond respect et une sorte de
vénération. C’est à l’ombre de son élégant et merveilleux- feuillage
qu’ont lieu d’ordinaire ces réunions ou assemblées si imposantes que
l'esprit de vengeance engendre et provoque et qui en maintes occa-
sions décident de la vie ou de la mort d’un individu, d’une famille et
quelquefois d’une tribu. Comme symbole de paix et de justice, il
figure dans toute les cérémonies religieuses et politiques dont il fait
le principal ornement. — Aussitôt qu’une guerre sans miséricorde
menace de dépeupler un territoire, des hommes de paix se présen-
tent aux deux parties, portant à la main un rameau de cet arbre ; et,
à la faveur de sa magique et puissante influence, ils parviennent à
calmer toutes les irritations, à désarmer les plus furieux et à obte-
nir une réconciliation sincère et durable. — Ainsi, dit Virgile, se
présentèrent les habitants du Latium devant Enée, pour obtenir de
semblables bienfaits.
Les sorciers et les devins lui rendent le même culte et ont toujours
soin de conserver dans leurs maisons quelque partie de cet arbre, et
souvent en plantent un pied vivant devant leurs cabanes.
Quand quelque famille désolée vient les consulter à propos de
la mort d’un de ses membres, semblables en cela aux antiques
pythies, ils tournent autour de cet arbre, y montent avec des mou-
vements convulsifs et cherchent leurs inspirations dans les libations
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
7
répétées d’un breuvage tait avec la décoction de l’écorce ; ils tombent
alors dans une sorte de délire frénétique au milieu duquel ils prophé-
tisent ou désignent à la famille l’auteur présumé du vol ou du crime
dont elle a été victime.
« L’écorce du Canelo ( Cortex Winteri ) a joui pendant long-
temps, dans toute l’Europe, d’une grande réputation au point de
vue médical. Un chirurgien de l’expédition maritime de Drake,
nommé Winter, tut le premier qui, en 1577, l'employa contre le
scorbut qui décimait l’équipage du navire sur lequel il s’était embar-
qué; et, de retour en Angleterre, il s’en servit avec succès dans
toutes les maladies où les toniques et les stimulants étaient indi-
qués. — Par malheur, la difficulté de se procurer cette écorce et
l’abondance de la véritable cannelle dont les vertus thérapeutiques
sont plus énergiques, ont été probablement cause que son usage est
tombé peu à peu dans l’oubli, car, de nos jours, il est pour ainsi
dire abandonné bien qu’il soit vraiment digne d’attention si on se
rend bien compte de ses excellentes propriétés.
« Les chimistes lui ont trouvé un acide volatil, du tannin, quelques
sels et une résine aromatique qui s’échappe en globules du tronc
entaillé entre le bois et l’écorce. — Dans certaines localités du Chili
on s’en sert encore contre les maux d’estomac et contre la paralysie ;
pour cette dernière maladie, on prépare des bains composés d’une
décoction de feuilles et d'écorce. Il y a des cas où cette décoction
soulage les douleurs des dents-, on prétend même qu’elle peut gué-
rir le cancer (?) et qu’elle réagit salutairement sur les ulcères. —
Une forte décoction a été aussi employée, avec succès, contre la
gale, le scorbut et les dartres ; au moyen d’une fumigation on est
arrivé à dessécher des pustules et des ulcères de nature maligne.
» 11 serait à désirer que les médecins du pays essayassent de
renouveler l’emploi d’une écorce aussi vantée en d’autres temps, et
cela avec juste raison, puisqu’aujourd’hui les difficultés de son
importation en Europe ont disparu, et il est probable que la
thérapeutique moderne gagnerait, dans tous les cas, un médicament
précieux et la droguerie une branche de commerce lucrative. — -Gay. »
8
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
Les parties employées sont les feuilles et l’écorce.
Dans le commerce, l’écorce se présente sous la forme de frag-
ments cannelés ou tubulaires, durs et compacts qui ont, de 4 à i5 cen-
timètres de long et de 3 à 4 centimètres d’épaisseur. La partie exté-
rieure est d’un rouge gris pâle, avec des petits trous inégalement
distribués, et sillonnée par des rides grises transversales et d’abon-
dantes gerçures longitudinales. — Le liège (suber) est assez appa-
rent, d’un blanc sale ou jaunâtre. La partie intérieure est de couleur
gris de fer, divisée par de gros filets saillants, longitudinaux. La
cassure est granuleuse ; la section transversale, d’un rouge clair,
montre à sa partie extérieure des points inégaux, d’un jaune brillant,
disposés tangentiellement, et à sa partie intérieure de grands points
de la même couleur mais de différentes grosseurs et disposés en
rayons. La saveur est persistante, âcre, forte comme le piment ou
la cannelle ordinaire • l’odeur est légèrement aromatique.
L’examen microscopique pratiqué par le chimiste allemand
Mauch, donne le résultat suivant :
La couche de liège (suber) est composée de plusieurs rangées de
cellules d’un brun foncé. A cette écorce extérieure succède une
seconde couche (liber) formée par les cellules parenchymateuses,
qui apparaissent dans la coupe transversale suivant la direction de
la tangente. Ces cellules renferment une masse gris-rouge mêlée
avec des petits grains de fécule à peine perceptibles. On distingue
seulement quelques cellules oléifères, — A la limite centrale de cette
seconde écorce, on observe des groupes de cellules assez dures ;
ces groupes sont très inégaux en grosseur. Les cellules dures ont un
diamètre très étroit, et des canaux ou pores traversent la membrane
stratifiée en tous les sens. Entre ces cellules se trouvent aussi quel-
ques faisceaux de fibres -, celles-ci ne peuvent être bien distinguées
que dans une coupe longitudinale. La partie tout à fait intérieure de
l’écorce se compose d’un parenchyme fin avec des rayons médul-
laires obscurs qui contiennent de la fécule. 11 ne se trouve pas de
fibres dans cette couche
La structure générale de l’écorce du Canelo, ainsi que la présence
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
9
régulière de ces groupes isolés mais abondants de cellules dures,
sont tellement caractéristiques qu’il serait presque impossible de
confondre cette écorce avec une autre. Il résulte de l’analyse sérieuse
et attentive de l’écorce du Canelo , pratiquée il y a quelques années
par ce chimiste distingué, qu’elle contient :
Résine molle âcre 5.3 o/o
Huile essentielle 0.42
Tannin (qui précipite en vert les sels de fer) 0.61
Phlobaphène 4.32
Substance protéique 6.02
Acides citrique, oxalique et fécule Traces.
L’extrait éthéré est de couleur jaune clair, et d’une saveur très
âcre. L’extrait alcoolique est de couleur rouge foncé, et d’une saveur
moins âcre, un peu astringente; à l’évaporation, il donne un résidu
noirâtre, d’une saveur fortement astringente, et pareil à l’extrait de
ratanhia.
Analysée par Henri, l’écorce du Canelo & donné : huile volatile,
résine, matière colorante, tannin, acétate et sulfate de potasse, oxalate
de chaux et oxyde de fer. L’huile essentielle, plus légère que l'eau, se
décompose en deux substances -, l’une, fluide, de couleur jaune ver-
dâtre, l’autre de consistance graisseuse, possédant une saveur âcre
et brûlante.
Le professeur Gubler dit que l’action physiologique du Canelo
est en relation avec la présence du tannin qu’il contient, et surtout
avec celle d’une essence aromatique très puissante. En effet les
décoctions et autres préparations de cette écorce sont amères, âcres,
d’une saveur persistante, stimulant les sécrétions de l’estomac et
déterminant dans tout l’organisme une réaction spéciale. A
fortes doses, elles peuvent déterminer des nausées, quelquefois des
vomissements et de la diarrhée.
Dans tous les cas, il est bien certain que la décoction d'écorce
du Canelo q st employée avec succès par nos paysans dans les fluxions
chroniques de la bouche, quand les gencives se trouvent dans un
état scorbutique -, qu’elle stimule puissamment les surfaces pâles et
10
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
atoniques des anciennes blessures ; et que souvent les ulcères invé-
térés en éprouvent une grande amélioration, quand ils ne cicatrisent
pas complètement ; ils disent aussi que les blessures de mauvaise
nature se détergent et se nettoient rapidement.
Les bains préparés avec les feuilles et l’écorce de cet arbre, sont
recommandés comme aromatiques, dans les rhumatismes, les para-
lysies d’origine rhumatismale, et dans les cas d’affaiblissement gé-
néral de l’organisme.
Douée à un haut degré de propriétés toniques et stimulantes,
l’écorce du Canelo est appelée à jouer un grand rôle dans la théra-
peutique moderne, rôle qui, nous l'espérons, prendra de jour en
jour plus d’importance et ne restera pas confiné au cercle restreint
où croît son arbre producteur. — « Il faut, dit Gay, que les médecins
du pays fassent une étude spéciale de cet arbre, et qu’ils essaient de
renouveler l’emploi et la renommée de toutes les préparations aux-
quelles il peut donner lieu, dans la même forme et dans les mêmes
cas où l’employait le chirurgien anglais Winter, il y a tant d’an-
nées. »
BERBERIDÉES
MICHAY
Berberis Danvini.
Hook. Icon., VII, t. 672. — Gay, I, 77.
Arbuste de deux à trois mètres de haut, de tronc cylindrique et
glabre; ses feuilles sont également glabres, grosses, coriacées ses-
siles ou avec des pétioles très courts, trifides à leur sommet, ovales,
rondes, dentées en scies et épineuses ; petites épines ciliées divisées
près de leur base en cinq ou huit parties linéaires, lancéolées ; les
fleurs sont disposées en grappes plus ou moins longues ; les sépales
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
1 1
sont ovales, obtus, un peu concaves ; les étamines portent des fila-
ments plus longs que les anthères ; les fruits ont de cinq à six milli-
mètres de long, parfois ronds, de couleur bleu foncé et couverts
d’une fine poussière.
Cette espèce est très commune dans les parages découverts des
provinces du Sud. — Avec celle-ci on doit remarquer la B. chi-
lensis dont les fleurs sont jaunes, très nombreuses et qui, dans
ses caractères, diffère peu de l’espèce précédente -, elle croît dans
les collines andines des provinces centrales ainsi que la B. buxi-
folia.
On emploie en médecine les feuilles et les fruits sous la forme
de décoction ou infusion à la dose de 4 à 5 grammes pour 100 d’eau.
On les utilise comme rafraîchissants et acides dans les inflammations
fébriles, et dans tous les cas où les tempérants sont indiqués. Il
semble que les fruits contiennent un peu d’acide malique. La
racine et l’écorce sont amères et on leur accorde les propriétés de
toniques et apéritives qui caractérisent tous les amers ; elles s’em-
ploient souvent dans le pays pour teindre la laine en jaune pâle.
ZARCILLA
Berberis empetrifolia Lam.
Lam. 111. — • D, G. Prodr., I. — Gay, Bot. 1, page 93.
Petit arbuste rampant, sarmenteux, glabre; ses tiges sont cylin-
driques, un peu tortueuses ; les feuilles sont fasciculées, linéaires,
coriacées, accompagnées d'épines subamplexicaules, divisées, plus
courtes que les feuilles ; les fleurs sont jaunes, au nombre d’une ou
deux, portées sur de courts pédoncules axillaires ; les fruits petits,
noirâtres.
Cette plante se trouve dans les parties hautes de la Cordillère,
depuis le 3o° environ *, de ce point, elle s’étend jusqu’au détroit de
Magellan et à la Terre de Feu, où elle croît même sur les bords de
PI ANTES MEDICINALES DU CHILI
I 2
la mer formant souvent des buissons de plusieurs mètres de surface,
mais d’une hauteur de 3 à 4 décimètres seulement.
Les racines sont minces, cylindriques, cendrées en dehors,
jaunes intérieurement. — Elles s’emploient efficacement dans plu-
sieurs localités comme remède contre les gastralgies, indigestions,
diarrhées, etc. Aucun médecin, jusqu’ici, na fait, que je sache, un
examen de cette plante si intéressante.
PAPAVERACEES
CHARDON SAINT ou CHARDON RL ANC
Argemone mexicana.
Lin. Sp. 727. ■ — Gay, I, 99. — D. C. Prodr., I, 20. — Mill. Gard. Dict. tab. 5o.
— A. Ochrolenca, Sweet. — grandiflora, Sweet. — vulgaris, Spach.
Plante annuelle couverte presque en totalité de petites épines ;
toutes ses parties contiennent un suc jaunâtre, amer et âcre -, les
feuilles sont penninervées, glabres, de couleur vert clair tachées de
blanc, sinueuses, pennifides ; les lobules, ou les dents, terminés par
une pointe épineuse- les fleurs sont blanches ou jaunâtres, compo-
sées d’un calice à trois sépales caduques ; les pétales sont au nombre
de six, disposés sur deux rangs, élargis vers la partie supérieure et
légèrement onguiculés ; le fruit est une capsule uniloculaire, déhis-
cente à son sommet et avec des soupapes.
O11 a décrit comme espèces différentes quelques plantes qui, en
réalité, ne sont que des variétés de celle que nous venons de men-
tionner.
Cette plante est très commune dans la plus grande partie du
territoire chilien, dans l’Inde, l’Afrique, les Antilles, etc., et se pro-
page avec une grande facilité.
PLANTES MÉDICINALES DU CHILI
i 3
Il paraît qu’à Java on se sert du jus de cette papaveracée dans
les maladies invétérées, contre les verrues, les chancres, etc. — De
ses graines on extrait une huile qui peut être employée dans l’indus-
trie et quelquefois en médecine, soit seule ou mélangée à l’huile
d’amandes douces ; cette dernière manière est préférable. — Il est
aüssi recommandé pour l’usage externe dans les cas d’érithèmes,
d’érysipèles, et d’inflammation cutanées provenant d'insolation.
Les agriculteurs du pays emploient le jus de cette plante, mêlée
avec une certaine quantité d’eau, dans le traitement de la fièvre des
bestiaux. Mais les graines sont les parties de la plante qui paraissent
posséder les propriétés les plus actives; à la dose de 2 à 3 gram-
mes, elles produisent des effets éméto-cathartiques rapides et sûrs.
Les paysans en usent fréquemment dans leurs maladies. Les effets
si remarquables de ces graines, comme évacuants, font rejeter la
notion donnée par de Candoile, qui dit que les Américains emploient
les fleurs comme soporifères ; je n’ai jamais entendu dire qu’ils les
utilisaient de cette façon.
Il ne faut pas confondre cette espèce de chardon avec le Cnicus
benedictus , qui est le véritable chardon saint des pharmaciens, et qui
non seulement diffère de la précédente, mais appartient à une autre
famille; ni avec le Lilybum benedictus très commun au Chili et
auquel on donne aussi le nom de chardon blanc.
FUMARIA
Fumaria media.
Lois. Not., page 1 0 1 . — Gay, I, 104. — D. C. Prodr., I, 1 3o*
Plante très glabre à tiges fragiles, unies, renfermant une subs-
tance qui n’est ni laiteuse ni colorée comme dans les Papaveracées;
les feuilles sont très décomposées avec de grandes folioles, divisées
en deux ou trois lobes, qui se subdivisent en deux ou trois autres,
ovales linéaires ou terminés en pointe ; les fleurs sont disposées en
i4 PLANTES MÉDICINALES DU CHILI
épis lâches, largement pédonculées, elles sont violacées ou blanchâ-
tres et avec une tache violet foncé au sommet des pétales ; les sépales
sont petits, oblongs, dentés sur les bords et plus courts que les pé-
tales; les fruits sont des capsules globuleuses terminées en pointe.
Nous plaçons cette plante dans la famille des Papaveracées,
parce que nous croyons que les Fumariacées n’en sont qu’une sim-
ple subdivision ; et nous la comptons aussi parmi les espèces chi-
liennes, bien que presque tous les botanistes la considèrent comme
étant d’origine européenne. En effet, il est difficile de croire qu’il
n’en soit pas ainsi, vu son abondance et l’extrême profusion avec
laquelle on la trouve répandue dans les champs, les jardins, les
murs, etc., enfin, dans tout endroit où la végétation est possible.
Elle fleurit dans les mois d’août et de septembre.
L’usage si fréquent que j’ai fait de la Fumaria , tant dans les
hôpitaux que dans ma pratique civile, me donne le droit de la consi-
dérer comme un des toniques dépuratifs qui sont appelés à se popu-
lariser (comme en effet il l’est déjà) et à être comme une nécessité
pour les familles. Je ne l’ai jamais employée sans en obtenir de bons
résultats, dans les convalescences des fièvres malignes, dans la plu-
part des affections chroniques de la peau, principalement chez les en-
fants, dans le scorbut, dans le rhumatisme chronique, et dans ces
états demi-pléthoriques ou de plénitude générale des vaisseaux sam-
guins, si communs au printemps, quand la chaleur d’une saison plus
tempérée succédant au froid de l’hiver vient à dilater les liquides et
accélérer la circulation sanguine. Les personnes d’une santé délicate
en font usage avec profit pour ce qffion appelle vulgairement « cor-
riger le sang. »
L’infusion de Fumaria est surtout recommandée dans les obs-
tructions hépatiques; associée à la quinine dans la convalescence
des pneumonies et des fièvres ; et avec le nitre dans les pleurésies,
quand le mouvement fébrile commence à diminuer.
Une tisane préparée avec la racine de salsepareille et la Fuma -
ria, est bienfaisante dans les maladies cutanées d’origine siphylitique
ainsi que dans le rhumatisme.
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
i 5
Dans les affections eczémateuses et herpétiques des enfants, le
sirop d q d1 umana^ additionné de fleur de soufre, fait promptement
disparaître les éruptions et assure une guérison radicale.
CRUCIFERES
iîEHRO
Cardamine masturtioides.
Bert. Mer. Chil., page 600. — Flora, 1 856, 410. — Gay, I, 1 13.
Petite plante mince herbacée portant des feuilles imparipennées
et souvent linéaires dans quelques exemplaires adultes • les fleurs
sont blanches, pédicellées, glabres, et forment un épi terminal lâche;
le calice est formé de quatre sépales égaux moitié plus petits que les
pétales; les étamines sont au nombre de six, fertiles -, le stigmate est
sessile, et la silique très étroite et glabre.
Le cresson chilien croît en abondance dans les marais, les ri-
vières, les ruisseaux et les canaux d’irrigation; il diffère très peu du
cresson européen avec lequel on le confond souvent ; il a la même
composition et les mêmes usages.
Comme on le sait, cette plante contient, selon Chatin, une huile
essentielle sulfo-azotée, analogue à celle des autres Crucifères, un
extrait amer, de l’iode, du fer et des phosphates.
Le cresson est d’une saveur piquante, un peu amère, et cause
dans l’estomac une sensation d’ardeur plus ou moins notable
suivant la quantité ingérée ; il est d’une digestion lente et labo-
rieuse et occasionne des éructations d’une odeur sulfureuse. Ses
principes actifs sont éliminés par l’urine, la peau et l’haleine, bien
qu’il n’arrive pas à produire dans celle-ci des effets aussi marqués
que l’ail.
1 6
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
Les rameaux filamenteux de la tige sont d’une digestion plus dif-
ficile que les feuilles.
Le cresson jouit d’une renommée universelle comme stimulant
antiscorbutique et dépuratif. Au Chili, comme en Europe, on le
mange en salade et on le recommande dans les maladies du foie, des
poumons et de la peau. Il forme partie intégrante du sirop de radis
noir composé qu’on a tant préconisé dans le scorbut et le lympha-
tisme, ainsi que du sirop de radis ioduré de notre pharmacopée.
mastuerzo
Cap sella bursa pastoris.
Mônch. Meth.,271. — Gay, I, 173. — D. C. Prodr., I, 177. — Thlaspi bursa
pastoris, Lin.
La tige de cette plante est simple ou rameuse, droite, d'un pied
ou plus de hauteur; les fleurs sont blanches et forment des épis ou
grappes terminales soutenues par un pédicelle encore plus long; la
silicute est triangulaire, ouverte à son sommet, un peu comprimée
et glabre.
Le Mastuerzo est aussi appelé Bolsita par les indigènes. Cette
plante est très répandue non seulement dans la presque totalité du
territoire chilien, mais encore dans toutes les parties du monde. Il
est probable qu’elle est exotique, mais la profusion avec laquelle elle
se multiplie dans le pays, nous permet de la considérer comme nous
étant propre.
D’après Mérat, le Mastuerzo serait astringent; son suc est re-
commandé dans les hémorrhagies et les hématuries ; il est aussi ré-
puté comme antisccrbutique, fébrifuge, diurétique, et comme tel
on l’emploie dans les hydropisies, le scorbut, l'asthme humide, etc.
11 paraît que la plante sèche est sans effet, c’est pourquoi il convient
de s’en servir à l’état frais.
Outre les affections énumérées plus haut, le Mastuerzo est uti-
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
17
lisé parmi nous dans la diarrhée et la dysenterie sous la forme d’in-
fusion. Les gens de la campagne, qui quelquefois en font usage, le
réduisent en poudre et s’en servent comme vulnéraire et cicatrisant.
MOSTAZA NEGRA
Br as sic a nigra.
Koch. Deutsch. flora, IV, 713. — Gay, I, 140. — D. C. Prodr., I, 218. —
Sinapis nigra, Lin., sp. 933.
Dans son intéressant catalogue des plantes vasculaires chilien-
nes, M. Federico Philippi mentionne celle-ci comme étant originaire
du pays; en effet, elle croît partout spontanément et si abondam-
ment qu’on peut à bon droit la considérer comme faisant partie de
la flore chilienne. C’est pour ce motif que nous la faisons figurer
dans ce travail.
Cette plante peut se passer de description, car elle est connue
de tous les botanistes et est en médecine d’un usage journalier. Nous
croyons également inutile d’énumérer ses effets thérapeutiques et
physiologiques, soit qu’on l’administre à l’intérieur (ce qui est le
moins usité), soit qu’on l’applique comme un des meilleurs et des
plus rapides rubéfiants.
Quant à sa composition chimique, après les sérieux travaux de
MM. Pelouze, Bussy, Frémy, Thibierge et autres, il est peut-être
superflu de dire qu’elle contient du myronate de potasse, de la my-
rosine, une huile fixe, du sucre, de la matière colorante, de la sina-
pisme, un acide libre, une matière verte particulière et des sels.
PLANTES MÉDICINALES DU CHILI
VIOLARIÉES
PILLÜNDEN
Viola maculaia.
Cav. Ic, VI, 53o. — Gay, I, 216. — D. C. Prodr., I, 297. — Pyrofolia <2, Poir
— luteafol. nonauritis, Feuill. — glandulosa, Domb. — tetrapetala, Mol.
Plante à tiges lisses, minces, extrêmement courtes; les feuilles
sont ovoïdes ou rondes, festonnées, duvetées quand elles sont nou-
velles ; les fleurs sont assez grandes, d'un beau jaune avec quelques
lignes rougeâtres et soutenues par des pédoncules d'une longueur
double de celle des feuilles ; le calice est irrégulier avec ses sépales
linéaires ou lancéolés; les pétales sont ovoïdes, obtus, avec leur
partie antérieure plus volumineuse ; la capsule est lisse et les graines
sont ovoïdes, obtuses, tachetées de diverses couleurs et au nombre
de 8 ou 10 pour chaque division.
Cette espèce est commune depuis le 34e degré jusqu’à Magellan,
dans la première zone des grands bois du Sud, et en général dans
toutes les localités où la végétation est assez rare.
Elle possède les mêmes propriétés pectorales, diaphorétiques
et émollientes que tous ses congénères. Le Dr Julliet, qui a beaucoup
étudié la flore médicale du sud du Chili, dit qu'011 l’emploie avec
succès dans les digestions difficiles.
MAI T ENCILLO
Jonidium parviflorum.
Vent. Mal. 27. — Gay, I, 228. — Solea parviflora, Spr. — Maytencillo, FeuilL
Viola parviflora, Lin. f.
Sous-arbuste petit, à racines blanchâtres, noueuses, de une à
deux lignes de diamètre; la tige est ligneuse, ramifiée, assez grosse,
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
1 9
revêtue de feuilles alternes, oblongues, dentées en scie, et portant à
la base trois stipules , droites, terminées en pointe et glabres -, les
fleurs sont blanchâtres ou légèrement rosées, soutenues par des
pédoncules axillaires très minces ; le calice se compose de cinq divi-
sions, et les pétales, irréguliers, oblongs-bilobés, sont au nombre
de cinq.
Cette plante croît dans les provinces de Concepcion, Nubie et
Arauco.
Sa racine ressemble à celle de l’ipécacuanha blanc (J. ipecacuanha
Vent.), et il paraît qu’elle jouit des mêmes vertus médicinales. Les
gens de la campagne remploient comme émétique et comme purga-
tive ; elle posséderait ces deux propriétés.
On l’administre sous forme de poudre ou d’infusion de la
racine.
On dit que les bains préparés avec la décoction de ses feuilles,
mélangée avec les autres aromatiques usités en pareil cas, calment
les névralgies et particulièrement celles d’origine rhumastismale.
POLYGALÉES
PACUL
Krameria cistoidea.
Hook. Bot. Beech. 8 tab. 5. — Gay, I, 243.
Arbuste de couleur cendrée, un peu velu dans sa partie supé-
rieure -, la racine est ligneuse, rouge foncé; ses feuilles sont alternes,
très entières, droites, duvetées des deux côtés, ovales-oblongues,
terminées en pointe ; fleurs en grappes épaisses, très courtes, de
couleur rose jaunâtre, soutenues par des pédicelles velus pourvus à
la partie supérieure de deux bractées veloutées, opposées, linéo-
20
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
lancéolées et pointues ; le calice se compose de cinq sépales ouverts,
veloutés en dehors, pourprés à l’intérieur ; corolle à cinq pétales
très petits disposés en deux séries. Les deux extérieurs sont ongui-
culés, tronqués et charnus -, les trois supérieurs plus longs, spatulés^
pointus et membraneux ; les étamines sont au nombre de quatre,
celles des côtés plus longues que les supérieures; la capsule est glo-
buleuse, lisse à Tintérieur, soyeuse à l'extérieur, et hérissée de petites
épines blanchâtres dirigées en bas.
Cette plante croît dans les montagnes des provinces d’Atacama,
de Coquimbo et d’Aconcagua, depuis 1,000 jusqu'à 4,000 pieds de
hauteur.
La partie dont on fait usage est l’écorce de la racine.
11 résulte de l’analyse pratiquée par M. Salinas en 1 863 , que
cette écorce, analogue à celle de la Rathania , contient une forte
dose de tannin, dont la dissolution donne un précipité noir-bleuâtre
par les sels ferriques. La proportion dans laquelle il a trouvé ce
principe est de 5o grammes pour i5o d’écorce en poudre.
Trois ans avant la publication du travail de M. Salinas, nous
disions que les racines de Pacul possédaient de grandes propriétés
astringentes et qu’on pourrait très bien substituer son usage à celui
de la Krameria tviandra. — Aujourd’hui notre affirmation ne peut
être mise en doute et nous sommes étonnés de ce que nos pharma-
ciens n’aient pas tiré de cette plante tout le parti qu’ils -auraient dû.
Les caractères tant physiques que chimiques de la racine de
Pacul et ceux de la racine de Rathania sont similaires, de sorte
qu'on doit préférer l'extrait pour l’usage médical. — En conséquence,
le Pacul doit être employé comme un puissant astringent dans les
diarrhées et dysenteries chroniques, dans les sueurs des phtisiques,
les hémorrhagies tant actives que passives; en injections contre la
leucorrhée, les métrorrhagies, les fissures de l’anus; dans ce dernier
cas, il a été justement préconisé par l’illustre clinicien Trousseau.
Le Pacul étant aussi riche en tannin que la Rathania , les doses
de ses poudres, extraits et infusions, doivent être égales aux doses
de celle-ci.
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
2 I
QUELÉN - QUELÉN
Monnina linearifolia (i).
R. et Pav. Syst., 173. — Gay. I, 240. — D. C. Prodr., I, 340. — Bot. Beech.
tabl. VI
Plante à tiges ligneuses dans sa partie inférieure et herbacées
dans la partie supérieure ; les feuilles sont très entières, glabres,
linéaires-lancéolées ; les branches, très minces dans la partie supé-
rieure, et un peu velues, portent de longues grappes plus ou moins
touffues de fleurs bleuâtres ou jaunes soutenues par des pédoncules
courts portant à leur base deux ou trois petites bractées.
Cette plante est très commune dans les montagnes des pro-
vinces centrales, c'est-à-dire, entre Concepcion et Coquimbo.
Sa racine est considérée comme très médicinale ; on l'emploie
en infusion. Elle se vend fréquemment dans les rues, les yerbateros
(herboristes du pays) crient : Quelén-Quelén para el estomago! (pour
l’estomac !). Bien que les indigènes en fassent usage depuis fort
longtemps, un fameux médecin-herboriste, qui vivait il y a plus de
5o ans dans la vallée de Choapa, en rendit l’usage encore plus popu-
laire, à tel point que le gouvernement nomma M. Bustillos, phar-
macien, pour aller s’informer auprès de cet homme des vertus mé-
dicinales des plantes chiliennes.
On emploie généralement le Quelén-Quelén dans les dispepsies,
les digestions difficiles, les affections chroniques des poumons et les
abcès du foie ouverts dans les bronches.
Ruiz et Pavon disent qu’au Pérou on fait usage de cette Mon-
nina, ainsi que des autres espèces du même genre, dans les dysen-
teries et comme succédanées de la Polygala sene\a Lin.
(1) Il paraît que la Monnina an gustifolia, D. G , des mêmes parages, sem-
blable à celle-ci et portant le même nom vulgaire, est employée de la même
manière par les gens du pays qui n’y font aucune différence.
22
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
Nous devons mentionner ici deux plantes de la même famille,
connues aussi au Chili sous les noms de Quelén-Quelén et de Clin -
Clin , et auxquelles on attribue les mêmes propriétés qu’à l’espèce
décrite ci-dessus, ce sont la
Polygala gnidioides W.
et la Polygala thesoides W.
Ces deux espèces croissent aussi dans les montagnes des pro-
vinces centrales.
Molina leur attribue des effets purgatifs ; Feuillée dit qu’elles
sont diurétiques, et employées dans les pleurésies sous la forme
d’infusion ou en les faisant macérer pendant une nuit pour en boire
ensuite le matin.
Le nom vulgaire de cette plante lui vient du mot araucan Que -
lulahuen , qui, d’après Gay, veut dire littéralement : « Remède
contre les coups. »
FRANKÉNIACÉES
YERBA DEL SALITRE (Herbe du salpêtre)
Frankenia Berteroana.
Gay, I, 247. — Ocymum salinum, Mol.
Plante droite, sous-ligneuse à la base, couverte quelquefois de
petites écailles blanchâtres; les tiges sont cylindriques, légèrement
striées vers la partie supérieure, lisses et rougeâtres dans la partie
inférieure ; les feuilles sont ovales, allongées, obtuses, un peu coria-
cées, glabres, d’un vert clair, sessiles ; les fleurs sont petites et réu-
nies en une sorte de panicule • le calice est tubuleux, légèrement
denté ; les pétales sont étroits, allongés, linéaires-lancéolés -, le stig-
mate est divisé en trois lobes filiformes, cylindriques.
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
23
Contrairement aux diverses espèces de son genre qui croissent
dans les sables au bord de la mer, l’herbe appelée del Salitre (du
salpêtre) se trouve dans les plaines des provinces centrales.
Molina dit que dans la province de Santiago on trouve une
espèce de basilic ( albahaca ) commune, qui naît au printemps et dure
jusqu’au commencement de Thiver; tous les matins, on trouve la
plante couverte de petits globules salins, consistants, et qui brillent
comme des gouttes de rosée. Les paysans, secouant les feuilles,
recueillent cette sorte de manne et s’en servent comme de sel com-
mun, auquel, en réalité, il est supérieur comme saveur. Chaque
plante donne tous les jours, en moyenne, une demi-once de sel. —
Le phénomène que présente cette plante est surtout singulier en
ce que les terrains, où elle croît généralement, sont les plus fertiles du
pays, et se trouvent situés à plus de soixante-dix milles de la côte.
Cette plante a été étudiée postérieurement par M. le docteur
R. A. Phlilippi (i). — Les échantillons que son fils, M. F. Philippi,
lui a présentés en deux occasions, lui ont permis de la classer sous
son véritable nom et d’analyser le produit salin qui avait appelé
l’attention du naturaliste Molina.
« Les exemplaires apportés par mon fils, dit le docteur Phi-
lippi, étaient couverts de petits globules qui formaient comme une
croûte saline et brillante parfois comme des gouttes de rosée -, ils
étaient souvent couverts de poussière, sans doute parce qu’ils
avaient été recueillis au bord du chemin. En secouant les plantes,
plusieurs feuilles tombèrent avec le sel, ce qui m’empêcha d’obtenir
celui-ci aussi pur que si ces plantes avaient été recueillies à une
certaine distance du chemin et quelques mois avant ; mais au goût,
il me fut facile de reconnaître ce sel comme un chlorure de sodium
ou sel commun dans un état de pureté relative. L’analyse que j’ai
pratiquée ensuite me fit voir qu’en effet il contenait beaucoup de
chlore et une petite quantité d’acide sulfurique, tous deux, sans
doute, avec la soude. Je n’y ai pas trouvé de traces de chaux. »
(i) Anales de la Universidad de Chile (1861), t. I, p. 724. — Voir aussi
Y Histoire de Rosalès.
24
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
Par ce qui précède on voit que la plante a été improprement
appelée « Herbe du salpêtre », puisqu’elle ne contient pas denitre ,
mais bien du chlorure de sodium.
PORTULACEES
RENILLA ou PATA DE GUANACO
Calendrinia discolor Schrad.
Lin., VIII, 22. — Gay, II, 496.
Plante assez grande, vivace ; sa tige est 'simple, quelquefois de
5o centimètres de hauteur, glabre et terminée par des fleurs
pourpres, volumineuses, disposées en corymbe un peu serré; presque
toutes les feuilles sont radicales, ovales, oblongues, vertes en dessus,
rougeâtres en dessous et très charnues: les graines sont abondantes,
noires, parsemées de petits poils rudes et épineux.
Elle croît dans les rochers des montagnes des provinces du
Nord et du Centre, et se distingue facilement par ses feuilles de deux
couleurs.
Ainsi que sa congénère la C. longiscapa Barn, elle est connue
dans le pays sous les noms de Renilla , pata de guanaco , yerba del
corrimiento ; toutes les deux ont les mêmes usages médicaux.
Les habitants du pays en utilisent les feuilles, les faisant macé-
rer dans de l’eau-de-vie, comme un médicament excitant, efficace
dans les rhumatismes, les névralgies, et, en général, dans toute
espèce de douleur d’origine rhumatismale, à laquelle ils donnent le
nom de « Corrimiento. » Us l’emploient en bains et en frictions et
lui attribuent aussi des vertus vulnéraires.
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
25
MALVACÉES
PILA-PILA
Malva (Mauve).
Modiola caroliniana, Moench. — Gay, I, 3o 6. — Malva caroliniana,
Lin. sp., 969.
Plante à tige rampante, quelquefois élevée, grosse, rameuse, de
60 à 80 centimètres de longueur; chaque feuille inférieure porte à la
base de son pétiole des racines nouvelles; les feuilles sont cordi-
formes, arrondies ou oblongues, festonnées, glabres, nervées en des-
sous ; les fleurs sont rougeâtres, solitaires et axillaires ; le calice est
très cilié et divisé presque jusqu'à la base en cinq sépales terminés
en pointe, avec les trois folioles de l’involucre d’un vert plus pur et
de la même forme; les pétales sont ovales, entiers, et les pistils au
nombre de 20 à 24, soudés aux deux tiers de leur longueur et ter-
minés par un stigmate en capitule.
Elle croît dans les endroits humides, depuis Chiloé jusqu’à Go*
quimbo. On fait usage des feuilles et des rameaux encore tendres
qui contiennent, mais en petite quantité, un suc mucilagineux.
La Pila-Pila est recommandée comme adoucissante, soit en
tisane, soit en lavement. La tisane se prépare en exprimant le jus de
la plante dans de l’eau froide, on y ajoute ensuite du jus de citron et
du blanc d'œuf. Cette préparation, filtrée et édulcorée légèrement, se
boit en quantité.
Dans une conférence médicale que j’ai faite en 1871 sur les vertus
thérapeutiques des plantes chiliennes, un de mes collègues présents
parla d’un cas d’anasarque qu’il traitait avec un médicament que le
hasard lui avait procuré. L’année antérieure ce même malade n’avait
pu être guéri par aucun des moyens indiqués jusqu'alors ; il déses-
2 6
PLANTES MÉDICINALES DU CHILI
pérait de sauver le patient quand on lui conseilla remploi de la Pila -
Pila qui le rétablit. La maladie reparut l’hiver suivant et guérit par
le même remède.
Les Malva parviflora et nicacensis , appelées vulgairement
Malvas (Mauves), sont employées en infusion ou décoction comme
émollientes, soit par la voie stomacale ou ano-vaginale; ces deux
plantes sont très riches en mucilage.
HUEILA
Abutilon vitifolium.
Cav. Ic., tab. 420 — Gay, I, 332. — D. C. Prodr. I, 471.
C’est un arbuste élégant qui croît dans les provinces du Sud,
principalement dans les terrains boisés qui ont été incendiés ; les
feuilles sont très grandes, cordiformes, très pointues, inégalement
dentées, avec trois et souvent cinq lobes, dont les inférieurs sont
obtus et les supérieurs ronds, avec le dessus d’un vert un peu foncé
et presque glabre, le dessous blanchâtre avec les nervures proémi-
nentes; les pétioles sont gros, très veloutés et plus courts que le
limbe ; les stipules petites, sub-triangulaires ; les fleurs sont grandes,
d’un bleu pâle, soit solitaires sur un pédoncule, soit réunies sur des
pédicelles simples ou bifurqués formant une ombelle plus ou moins
régulière; le calice est divisé en cinq dents sub-triangulaires; les
pétales sont ovoï Jes et les capsules assez grandes, avec les carpelles
déhiscents ; chaque carpelle renferme de 4 à 6 graines noirâtres, lisses
et ovales.
Il existe une variété à feuilles trilobées, très festonnées et avec
des fleurs plus petites.
Les feuilles sont mucilagineuses, émollientes, et s’emploient
à l’extérieur comme telles. Les habitants de la campagne les utili-
sent à l'intérieur pour provoquer les contractions utérines dans les
accouchements laborieux et les rétentions placentaires. Dans ces cas.
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
27
on prépare une infusion ou décoction (5o à 60 grammes pour 400
d’eau) que l’on boit en plusieurs fois à quelques moments d’inter-
valle.
La décoction des feuilles dans la proportion de 60 à 120
grammes pour 5oo d’eau est aussi recommandée. L’infusion paraît
être adoucissante.
Les fibres du liber de cette plante s’emploient dans la province
de Chiloé pour confectionner des filets dépêché; quelquefois, pour
les rendre plus durables, on les tanne avec de l’écorce de lingue.
TILIACEES
MAQUÏ
Anstotelia maqui.
L’Hérit. Stirp., pag. 3i, tab. 16. — - Gay, I, 336. — D. C. II, 56. — A. glan-
dulosa, R. et Pav. — Cornus chilensis, Mol., var. andina, Ph. Lin.,
XXX, 3 1 .
Le genre Aristotelia possède la particularité botanique de ne
pouvoir s’adapter à aucune famille déterminée. Gay et d’autres bo-
tanistes le placent dans la famille des Tiliacées, tandis que pour
quelques-uns, il constituerait une transition entre les Ternstrœmia-
cées et les Eléocarpées.
Le Maqui ou Queldôn est un des arbres les plus élégants de
notre flore; de 3 à 5 mètres de haut, toujours vert, glabre, un peu
velu cependant sur les nouvelles pousses-, l’écorce lisse et fréquem-
ment d’un violet-brun; les feuilles sont opposées, ovales, lancéolées,
un peu pointues et dentées, d’un vert brillant en dessus, nervées et
anastomosées en dessous; les pétioles sont légèrement cannelés,
striés et velus; les stipules très velues et caduques; les fleurs d’un
28
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
jaune pâle, axillaires, avec les pédicelles velus ; le calice est divisé,
et ses divisions, au nombre de cinq à six, sont très profondes et
presqu’entièrement libres; la corolle se compose de cinq à six
pétales ; les étamines, deux ou trois fois plus nombreuses que les
pétales, avec des anthères moitié plus courtes qu’eux ; le pistil est
formé par la réunion de trois styles soudés à la base et très courts ;
le fruit est rond, lisse, d’un violet noir, très rarement blanc à la
maturité.
Cet arbre croît près des sources et dans les bois humides et
sombres depuis Illapel jusqu’à Chiloé. 11 est très répandu.
« Le jus de ses feuilles est un précieux spécifique pour les mala-
dies de la gorge, comme j’ai eu l’occasion de l’expérimenter sur
moi-même.
« Le fruit est un peu plus gros qu’un grain de poivre, le plus sou-
vent noir, quelquefois blanc ; il est sucré et teint fortement la bouche
et les lèvres; le jus exprimé dans un peu d’eau chaude fait une bonne
encre. Le vin qu’on en fabrique possède des propriétés astringentes,
il est d’une saveur sucrée, doux à boire et tonique. Son bois étant
très liant et très flexible, on en fabrique des gaînes d’épées, des
anses de panier, etc. L’écorce est mince et on en tire de longues
fibres dont la consistance est telle qu’au commencement les Indiens
s’en servaient pour tisser des vêtements, la laine des moutons leur
étant inconnue ; ils s’en servent encore aujourd'hui pour fabriquer
des cordes très solides ; pour cela ils écrasent préalablement les
tiges qu’ils font ensuite macérer quelques jours dans l’eau, ainsi
qu’on le pratique pour le chanvre. — Rosales. »
« Les fruits du maqui sont très recherchés; on en fait des con-
fitures, des glaces, et, mélangés avec le raisin, un vin exquis. Les
Indiens préparent aussi leur boisson, une espèce de vin ( chicha )
qu’ils apprécient infiniment et qu’ils appellent técu. — Gay. » »
Ainsi qu'on le voit, les parties utiles du maqui sont les feuilles
et les fruits. Les premières jouissent d’une grande renommée comme
vulnéraires et rafraîchissantes. En infusion (30 à 60 grammes pour
5oo d’eau) on l’emploie en gargarismes et collutoires ; en cataplasmes
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
29
on les utilise dans les fièvres et les tumeurs -, sa poudre sert à prépa-
rer un onguent
Le fruit, la partie la plus importante du maqui , est astringent,,
légèrement acide et rafraîchissant. On l'administre sous forme
de tisane dans les fièvres, quand le ventre est dérangé ; dans les
diarrhées et dysenteries. Je m’en sers assez fréquemment dans ce
dernier cas; mais, comme le grain renferme beaucoup de tannin,
chaque fois que je veux obtenir un effet plus astringent, je fais pré-
parer une tisane de la manière suivante : On prend une certaine
quantité de fruits de maqui desséchés, on les écrase pour en concas-
ser les graines, on les fait infuser une demi-heure environ, on filtre
et on y ajoute ensuite un peu de sirop de grenade. C’est une boisson
très agréable, très goûtée des malades et d’une incontestable
utilité.
On pourrait aussi en préparer un sirop qui figurerait avec avan-
tage à côté des sirops de groseilles et de framboises, mais plus astrin-
gent que ceux-ci.
CHAQUIHUE
Crinodendron Hookerianum .
Gay, 1, 341. — Bot. Mise. III, tab. 100. — Contrib. to Bot., II, tab. 83 A. —
C. patagua, Hook et Ara.
Arbuste de 2 à 3 mètres de haut ; le tronc est assez gros, de
couleur cendrée; les feuilles sont alternes, ovales lancéolées, demi-
coriacées, glabres, très dentées; notables par les nervures anasto-
mosées de leur face inférieure dont la médiane est très saillante et
un peu velue, surtout dans les jeunes feuilles, ce qui lui donne une
apparence tomenteuse; les fleurs sont de couleur vermeille, le calice
campanulé, caduque, velu, avec cinq divisions inégales et cinq ner-
vures sur la face inférieure; les pétales, au nombre de cinq, sont
tubuleux et trois fois plus longs que Je calice ; les étamines, au
nombre de quinze, presque aussi longues que les sépales.
3o
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
Cet arbuste croît dans les localités basses et humides des pro-
vinces du Sud, y compris Chiloé jusqu’à Tres-Montes. Son aspect
est très élégant et il mérite une place dans les jardins.
Les habitants du pays le connaissent aussi sous le nom de
tolisson et s’en servent comme emménagogue et abortif. Quelques-
uns attribuent à l’écorce et aux feuilles des propriétés émétiques.
M. Gay a dédié cette plante au savant botaniste Hooker, lequel
lui avait donné le nom spécifique de patagua , facilitant ainsi la con-
fusion avec cet arbre qui, quoique de la même famille, possède des
propriétés différentes.
LINACÉES
ÏIETAMILL A
Linum chamissonis.
Schrède Linn., I, 69. — L. aquilinum, Mol. ed. II, 118. — Gay, I, 462. —
Linum Macraci, Benth. Bos. Reg. i83o, fol. i326.
Plante à racines ligneuses avec un grand nombre de tiges sous-
ligneusês qui naissent à leur base -, les feuilles sont linéaires, lancéo-
lées, pointues, bi-glanduleuses ou dépourvues de glandes à leur
base; les fleurs sont grandes, jaunes, réunies en panicules assez
lâches ; les pétales sont quatre fois plus longs que les sépales.
« Cette plante est très commune dans les prairies naturelles des
provinces méridionales et dans les endroits arides et secs des provin-
ces centrales. Les habitants du Sud lui donnent le nom de Nanco
ou Nanco-Lahuen , qui littéralement signifie — herbe de l’aigle. —
Dans le Nord, on l’appelle Retamilla. Partout on en fait usage dans
les indigestions et dans les dérangements du tube digestif provenant
d’un excès de nourriture; Elle est aussi rafraîchissante et fébrifuge
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
3 1
et on l’emploie avec plus ou moins de succès dans beaucoup d’au-
tres maladies. — Gay. »
L'infusion de Reiamilla est d’un goût amer, et je suis porté à
croire, comme Molina, que ses qualités essentielles sont apéritives
et stomachiques.
ZYGOPHYLLÉES
GUAYACAN
P or lier ia hygrométrie a.
R. et Pav. Flor, per., 55. — Gay, i, 477. — D. C. Prodr., I, 707. —
Guayacum officinale, Mol.
Arbuste de 3 à 4 mètres de haut, glabre, divisé en un grand
nombre de branches et de rameaux courts, alternes, noueux et de
couleur cendrée ; les feuilles sont opposées, presque sessiles, pen-
nées, et possèdent la singulière faculté de se fermer et de s’appliquer
contre les rameaux au coucher du soleil ; les fleurs sont axillaires,
violacées, portées sur un pédoncule généralement velu; le fruit est
une capsule divisée en quatre loges profondes.
Le Guayacan ou palo santo croît depuis la province de Col-
chagua, sa limite sud, jusqu’à celle de Coquimbo. Il n'a pas besoin
de beaucoup d’humidité pour se développer. Cet arbre fut dédié par
MM. Ruiz et Pavon à M. Andrès Porlier, marquis de Bajamar et
ministre des Indes.
Le bois du Guayacan chilien ressemble à celui du Guayacum
officinale ; il est dur, pesant, d’un jaune clair et sillonné de nom-
breuses veines d’un vert foncé ; il contient une grande quantité de
résine. La poudre est de couleur paille récemment préparée, mais
sous l’action de la lumière, elle devient verdâtre.
M. Romero, qui a étudié cette plante aux points de vue phar-
32
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
maceutique et chimique (i), en a extrait une résine brun foncé,
amorphe, de consistance un peu molle due à l’huile essentielle
qu’elle contient et à laquelle elle donne son arôme spécial ; sa sa-
veur, comme celle du Guayacum officinale , ne se manifeste pas im-
médiatement, mais un instant après, elle produit une sensation
d’àcreté très persistante ; elle fond facilement ; placée sur des char-
bons ardents, elle laisse échapper une odeur douce et aromatique.
En ce qui concerne ses caractères chimiques, on observe qu’elle se
combine avec la potasse pour produire un savon très soluble dans
l’eau ; la dissolution alcoolique donne, avec le jus frais de la pomme
de terre, une belle couleur bleue entièrement semblable à celle de la
résine du Guayacum off., ce qui constitue un de ses caractères les
plus distinctifs. La même couleur se manifeste dans une dissolution
de gomme arabique ainsi qu’avec le sublimé corrosif. Avec le chlo-
rure de chaux, la couleur est verte.
D’après ces réactions obtenues par M. Romero, et de l’abon-
dance avec laquelle on peut se procurer cette résine, il résulte qu’il
n’y a aucune différence avec celle du Guayacum off. , ce qui n’est
pas étrange, puisque toutes les deux se retirent de végétaux apparte-
nant à la même famiile. L’adoption de l’une ou de l’autre peut être
laissée à la volonté des pharmaciens qui la livrent, ou des médecins
qui l’ordonnent.
La préparation de la nôtre aurait l’avantage de n’être ni falsifiée
ni altérée, comme on le fait avec celle de Guayacum importée, qui
contient quelquefois de la poix de Castille ou d’autres matières rési-
neuses.
Les préparations pharmaceutiques recommandées pour l’usage
médical sont: la décoction, la teinture alcoolique et la résine, qui
peuvent se donner à la même dose que le Guayacum des Antilles.
L’identité de la composition de notre Guayacan avec celui de
Saint-Domingue ou de la Jamaïque, nous évite la description de son
action physiologique, car elle est la même.
( i ) Anales de la Sociedad de Farmacia de Santiago , 1866, p. 80*
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
33
Quant à leur usage thérapeutique, il n’y a pas non plus de dif-
férence, car les indigènes le qualifient d’emménagogue, stimulant,
diaphorétique et balsamique.
Il est très recommandé dans les affections herpétiques, dans les
rhumatismes chroniques, affections de la poitrine, contre les effets
de coups violents, contusions, et surtout dans les affections syphili-
tiques.
Tout le monde sait la grande renommée qu’a obtenue le Guaya -
cum dans cette maladie, ayant été considéré, à une autre époque,
comme un spécifique véritable, très particulièrement dans le xvie siè-
cle à foccasion de la fameuse guérison du chevalier Ulrich de
Hutten.
Je me rappelle avoir lu les louanges de ce bois dans un livre
d’un ancien auteur espagnol, qui arrivait à le considérer comme
provenant de la croix du bon larron. Eh bien, si le fait eût été cer-
tain, nous aurions eu, nous Chiliens, le droit de réclamer pour notre
Guayacan un des bras de cette même croix !
L’industrie emploie le bois de Guayacan , qui est très dur, pour
la fabrication de divers ustensiles, comme peignes, cuillères, cou-
teaux, etc.
JARRILLA
Larrea nitida.
Cav. Ic., VI, 559. — Gay, I, 472. — D. C. Prodr., I, 706
Arbuste de deux mètres environ de haut, avec les branches
et les rameaux ouverts, distiques, articulés, un peu velus dans la
partie supérieure; les feuilles sont opposées, imparipennées, glabres,
glutineuses, composées de 5 à 8 paires de folioles très rapprochées,
linéaires, oblongues et obtuses-, les fleurs sont jaunes, assises sur un
pédoncule axillaire -, le calice est velu, avec cinq divisions, et les
pétales ovoïdes et plus longs que le calice, le fruit est rond, velu, avec
3
34
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
cinq grandes divisions formant le même nombre décapsulés ; cha-
cune renferme une seule graine, longue, courbe et noire.
Il croît dans les Cordillères d’Aconcagua et de Coquimbo depuis
3,ooo jusqu’à 6,000 pieds d’altitude sur le niveau de la mer.
La Jarrilla contient une grande quantité de résine, motif pour
lequel elle flambe avec facilité et qui la fait employer pour alimen-
ter les fours.
Elle est recommandée comme excitante, balsamique, vulné-
raire, emménagogne ; dans les digestions difficiles et dans l’aménor-
rhée. — - En bains généraux et partiels pour le rhumatisme; en dé-
coction pour laver les blessures de mauvaise nature, et en cata-
plasme comme un puissant résolutif.
Je connais peu cette plante, et jusqu’à présent personne ne
s'est occupé de son étude sous le point de vue médical; mais sa
grande quantité de résine fait présumer qu’elle peut figurer avec un
certain avantage dans notre matière médicale indigène.
GÉRANI ACÉES
CORECORE
Géranium Berterianum.
Colla. Mem. di Tor. XXXVII, 45. — Gay, I, 383. — B. protimum, Sterd.
Plante assez volumineuse, très velue, avec la tige droite ou
couchée ; sa racine est napiforme et grosse; les feuilles presque orbi-
culaires avec cinq lobes cunéiformes, chacun divisé en cinq parties,
les dents linéaires et un peu obtuses; les fleurs ont des dimensions
variables et l’intensité de la couleur n’est pas constante; les pétales
sont externes et deux fois plus longs que le calice, celui-ci est très
court.
PLANTES MÉDICINALES DU CHILI 35
Elle croît à l’entrée des bois, entre les mauvaises herbes des
provinces centrales.
On emploie la racine en infusion et décoction; la teinture pour-
rait aussi être utilisée avec avantage. Elle contient une forte dose de
tannin.
Cette plante a la saveur propre aux substances astringentes
tanniques et elle est employée comme telle. La décoction de ses
racines est en usage contre le scorbut et les aphtes avec un succès
digne de fixer l’attention. C’est un puissant astringent qui rend des
services dans les métrorrhagies (en injection) et dans tous les cas où
on fait usage de la Rathania.
Sa renommée est ancienne : Rosalès dit que les racines du Core-
core , bouillies dans du vin, sont excellentes contre les inflamma-
tions, qu’elles affermissent les gencives ramollies ; il ajoute encore
que, réduites en poudre, elles pourraient être utilisées avantageuse-
ment comme collyre.
Il existe d’autres espèces du genre Géranium qui portent le
nom de Corecore et qui sont employées comme le Berterianum.
ALFILERILLO
Erodium moschatum
W. sp., III, 639. — Gay, I, 389. — D. G. Prodr., I, 647. — Scandia
chilensis, Mol.
Plante annuelle de trois décimètres de hauteur avec la tige
droite et pubescente ; les feuilles sont pennées à lobes ovoïdes ; les
pédoncules très longs, axillaires, multiflores et d’un vert pâle.
Cette herbe est très commune dans toutes les prairies et mon-
tagnes du territoire chilien et constitue un des fourrages les plus
appréciés.
« Les Erodium , que Linnée réunit aux Géranium et desquels
ils ne diffèrent que par l’avortement de cinq étamines, ne possédant
36
PLANTES MÉDICINALES DU CHILI
que cinq pistils, se trouvent répandus sur toute la surface du globe
et sont tellement abondants au Chili que, quoique appartenant aux
espèces entièrement pareilles à celles d'Europe, il est difficile de
croire qu'ils n'existaient pas ici avant la conquête. — Gay. »
L’ Alfilerillo a une odeur de musc (propriété qui lui a valu le
nom spécifique qu’il porte). C’est un bon diurétique et il pourrait être
utilisé comme anti-spasmodique.
Le lait des vaches et des chèvres qui ont mangé de ce fourrage
est odorant, agréable, et préféré par les gens de la campagne qui le
croient plus sain et plus facile à digérer.
OXALIDÉES
Le genre Oxalis , généralement connu sous le nom de Vina-
grillo (oseille) représente seul, au Chili, la famille des oxalidées. De
nombreuses espèces sont répandues dans toute la République, depuis
les bords sablonneux de la mer jusqu’à la cime des plus hautes Cor-
dillères, et depuis la province d’Atacama jusqu’à la Terre de Feu.
Ses feuilles, d’ordinaire trifoliées comme le trèfle, diffèrent en cela,
et à première vue, des autres espèces du même genre, très abon-
dantes au Brésil, dans la Colombie, Montevideo et le Cap de Bonne-
Espérance.
Les groupes de feuilles simples ou pennées, ou avec trois folioles
dont la supérieure a un long pétiole, n’existent pas ; parmi les
espèces dont les folioles sont très nombreuses et placées en éventail
on ne rencontre que ÏOx. adenophylla , découverte il y a long-
temps par le docteur Gillies dans les Cordillères qui séparent les
provinces de Santiago (Chili), et Mendoza (Rép. Argentine), et YOx.
enneaphylla de Magellan.
M. F. Philippi énumère dans son catalogue près de quatre-
vingt-dix espèces comme originaires du Chili.
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
3 7
Les plus usitées sont YOx. arenaria , YOx. rosea et autres
espèces. Toutes reçoivent le nom de Vinagrillo (oseille) à cause de
leur goût acide plus ou moins accentué*, quelquefois on les nomme
aussi Culli. Elles contiennent de l'acide oxalique à l’état de quadri-
oxalate de potasse.
Les feuilles, broyées et préparées en forme de tourteaux, se
vendent au marché et dans les pharmacies sous le nom de « pain de
vinagrillo » (oseille). On les mange aussi en salade et on s’en sert
pour l'assaisonnement de certains plats, mais leur usage est dange-
reux, vu la quantité d’acide oxalique qu’elles contiennent.
On les emploie en infusion ou tout au moins en macération,
comme tempérantes et astringentes dans les fièvres, principalement
dans celles d’un caractère malin, contre le scorbut et les hémopty-
sies. Elle est employée au printemps dans le but de calmer cet état
appelé vulgairement « ardeur du sang. »
XANTOXYLÉES
CAJVELILLO ou PITAO
Pitavia punctata.
Moll. Sag. II, 287. — Gay, 1, 485. — Galveria punctata, de R. et Pav. —
Flor. per. 56
Arbre très touffu et toujours vert ; il atteint une hauteur de
4 à 5 mètres, les feuilles sont oblongues-ovales, coriacées, légère-
ment dentées, glabres et semées de petits points transparents; les
fleurs, de couleur blanche, dioïques, forment des panicules axil-
laires dans la partie supérieure des petits rameaux, les pétales sont
velus à leur surface externe et au nombre de quatre. 11 y a huit éta-
mines irrégulières dans les fleurs mâles *, dans les fleurs femelles
38
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
elles n’existent pas ou sont stériles, et les carpelles, presque entière-
ment unies, ne forment qu’un seul pistil. Le fruit est une baie.
C’est un arbre élégant ; il croît au bord des rivières et dans les
lieux bas et humides de la province de Concepcion, ses limites nord
et sud sont de peu de degrés. Le nom de Pitao est d’origine arau-
canienne et signifie : « cor au pied », sans doute à cause de la res-
semblance de son fruit avec cette hypertrophie cutanée.
Ses feuilles, très odorantes, selon Gay, ont d’excellentes pro-
priétés résolutives et antihelminthiques.
OLACINÉES
GUILLIPATAGUA
Villaresia mucronata.
R. et Pav. Flor. pir., III, 9. — Gay, II, i3. — D. C., XVII, 298, Contr. t.
Bot. II, tab. 67 A. — Citronella mucronata, Don. — Citrus chilensis,
Mol. var. lacta Miers. Cont. to Bot., II, 116, tab. 67 B.
Arbre élevé, très touffu, d’un bel aspect, glabre et de cou-
leur jaunâtre -, les feuilles sont amoncelées, coriacées, ovales-
oblongues, entières, luisantes par-dessus, un peu pâles et jaunâtres
en dessous ; les fleurs sont d’un blanc-jaunâtre, en forme de grappes
terminales soutenues par de gros pédicelles ; le calice a cinq divi-
sions, les pétales plus grands que le calice -, le fruit est une drupe
ovale.
Il est aussi connu sous le nom de Naranjillo , et on lui a donné
encore celui de Yerba-mate du Chili. 11 croît entre les 33° et
37° degrés de latitude. Ses petites fleurs ont une odeur qui rappelle
celle du lilas.
L'histoire de cette plante est très curieuse par l’importance
qu’on a voulu lui donner à une autre époque. Il paraît qu’en 181 1,
PLANTES MÉDICINALES DU CHILI
39
un écrivain, Manuel Alfaro, qui inspectait un passage conduisant à
la République Argentine, trouva ce bel arbre qui, par ses feuilles, a
quelque ressemblance avec le Ilex Paraguay ensis. Il en coupa
quelques rameaux et les apporta à Santiago pour les soumettre à
l’examen du Protomedicato (Conseil de la Faculté) (i).
M. Manuel-Antonio Talavera, citoyen paraguayen, appelé à
donner son opinion, en qualité d’expert, sur les propriétés de cette
Yerba-maie indigène, déclara que malgré la légère ressemblance
qu’elle offrait, particulièrement dans son odeur quand on la grillait,
elle n’avait pas, à son état naturel, l’odeur de la Yerba du Para-
guay, et que d’un autre côté, ses caractères botaniques étaient très
différents. Il reconnaissait dans cet arbre le Guillipatagua , duquel il
fit la description suivante, la copient d’une nomenclature qui, vers
cette époque, avait été envoyée au roi d’Espagne sur les productions
naturelles du Chili.
« La Guillipatagua , qui pousse à Quillota, Colchagua, Talca
et Concepcion, est un arbre de huit paras (la para mesure 84 centi-
mètres) de hauteur sur trois quarts de para de circonférence ; son
écorce sert pour le tannage des cuirs ; la feuille grillée ressemble à
l’herbe du Paraguay, dont on se sert pour préparer l’infusion
appelée mate. C’est un excellent émétique, qui employé à forte dose,
produit un effet purgatif ; quelquefois on l’emploie contre les ma-
ladies vénériennes ; son fruit, insipide, ne se mange pas. »
Malgré les rapports défavorables de l’expert Talavera et
l’opinion du Protomedicato , qui ne reconnaissaient à cette herbe
que quelques ressemblances avec celle du Paraguay, considérant
celle-là plutôt comme un médicament que comme une substance
alimentaire, elle fut mise en vogue à cause de la rareté, à cette
époque, de la Yerba-mate, dont la consommation et Tusage étaient
si grands que le quintal, qui se payait 12 piastres (la piastre chi-
lienne vaut 5 francs), arriva au prix de 3o piastres.
Le gouvernement voulant alors encourager sa culture et son
(1) Anales de la Universidad de Santiago (1 865), t. II, p. 263.
40
PLANTES MÉDICINALES DU CHILI
usage, dicta, par ordre du Congrès de 1 8 1 1 , auquel avait été sou-
mis le dossier concernant la découverte de cette herbe indigène, un
curieux décret dans le but de récompenser M. Alfaro, le premier
qui l’avait trouvée.
Voici textuellement le décret :
Santiago, le io octobre 1 8 1 1 .
« Vu les rapports précédents, et ayant la conviction non seule-
ment de l’analogie de l’herbe Guillipatagua avec celle du Paraguay,
dans son odeur, goût et efïêt, mais encore d’une action médicinale
supérieure, démontrée par plusieurs expériences et avec diverses
préparations, spécialement avec la théiforme du Mate , et espérant
par cela même que, récoltée en temps opportun et d’une manière
méthodique, elle sera avantageuse pour la santé publique, qui a souf-
fert considérablement, d'après l’opinion unanime des physiciens,
par l’usage de l'herbe du Paraguay dont l'analyse a été faite par les
meilleurs botanistes et chimistes d’Europe, et qui est ouvertement
nuisible, sa culture, vente et usage sont déclarés libres. Et en atten-
dant les résultats heureux que cette autorité cherchera à obtenir par
les meilleurs moyens, son emploi sera soumis aux instructions du
sage et bien fondé rapport qui précède, du Protomedico (président
du conseil de la Faculté), M. José-Antonio Rios, dont il sera
donné copie aux subdelegados (juges de paix) et curés du Royaume,
ainsi qu’au général du consulat, afin de stimuler son zèle et ses
facultés dans le perfectionnement d'une découverte qui, sortant de
son ressort immédiat, peut contribuer au bonheur du Royaume. En
vue de ces considérations, nous offrons, au nom de la Patrie et sous
la garantie de ce pouvoir, une rente viagère suffisante à celui qui
obtiendra le perfectionnement de son emploi et la généralisation de
son usage, et en plus la liberté des droits de sortie pour dix ans ;
cette liberté sera aussi accordée à M. Manuel Alfaro, le premier
qui l’a découverte, sans préjudice d’améliorer son sort aussitôt que
les circonstances embarrassées du trésor public le permettront. —
Ce décret doit être publié par édit et par affiches publiques, afin que
PLANTES MÉDICINALES DU CHILI
4i
tout le monde en prenne connaissance, mais au préalable avis sera
donné à l’auteur de la découverte. — Benavente, Rosales, Calvo
Encalada, Mackenna, Docteur Marin Vial. »
Gay dit que sous le gouvernement de M. Ambrosio O’Higgins,
on chercha les moyens de généraliser son usage afin d’économiser
les grandes sommes d’argent qui sortaient annuellement pour les
provinces transandines ; il ajoute qu’à une autre époque les gens
des campagnes étaient persuadés que les personnes attaquées de her-
nies n'avaient, pour être guéries, qu’à mettre le pied sur ces arbres,
lesquels, alors, 11e tardaient pas à sécher eux-mêmes.
Malgré les essais répétés, jusqu’à ces dernières années, les
feuilles du Guillipatagua n’ont pu arriver à se substituer à l’herbe
du Paraguay, parce que l’odeur spéciale et agréable de celle-ci lui
fait défaut. Les paysans l’emploient encore et avec avantage comme
purgatif. Ils la boivent en infusion théiforme, comme le Mate , à
jeun, et obtiennent par ce moyen une ou deux évacuations par
jour.
Mon opinion est que les feuilles de cet arbre peuvent servir de
succédanés à celles du séné.
GÉLASTRINÉES
MAITEJY
May tenus b 0 aria.
Mol. ed. I, 34g. — Gay, II, 7. — ■ M. chilensis, D. G. — G. maytenus, Mol.
et W. — B. chilensis, D. C. — Senacia maytenus, Lam. Var. angustifo-
lius, Turez.
Arbre qui atteint de 10 à 12 mètres d'élévation, on en connaît
quelques variétés -, il est élégant et sa magnifique cime toujours
42
PLANTES MÉDICINALES DU CHILI
verte -, ses feuilles sont alternes, coriacées, elliptiques-lancéolées ou
lancéolées-linéaires, pointues, soutenues par des pétioles plats et
courts; les fleurs sont petites, solitaires ou réunies à la base des
feuilles ; le calice est persistant, avec cinq divisions presque rondes ;
les pétales, au nombre de cinq, sont ovoïdes, très ouverts et plus
grands que le calice; les fruits sont très nombreux, coriacés, presque
ronds, comprimés des deux côtés ; les graines, ovales-oblongues,
sont d’abord jaunâtres, ridées, et de couleur noirâtre ensuite.
Il croît dans la plus grande partie des provinces du Chili et a
besoin de très peu d’eau pour devenir touffu.
Le Maiten est très majestueux, d'un très agréable ombrage ;
les feuilles ont les mêmes qualités que le séné apporté d’Europe et
lui ressemble. Un fameux médecin français, et grand herboriste,
venu dans ce royaume, et qui faisait d'excellentes guérisons avec les
herbes du pays, vantant sa qualité et ses propriétés médicinales, dit
que la" feuille du Maiten est pareille à celle du séné et a les mêmes
qualités. — « Le séné ayant manqué à l’armée royale, les soldats
séchèrent les feuilles du Maiten à l’ombre et les prirent en infusion ;
les mêmes effets du séné d'Espagne se firent alors sentir. —
Ro sales. »
Ses feuilles, selon Gay, sont très fébrifuges et on les emploie en
bains partiels pour combattre les éruptions provenant du Litre.
On retire des graines, qui sont très oléagineuses, une huile sic-
cative, de couleur jaunâtre, d’une consistance un peu plus épaisse
que l’huile d’olive, et qui se congèle à 4 ou 5 degrés au-dessous de
zéro ; sa saveur est amère et âcre, elle brûle avec facilité. Selon
Bustillos, on peut obtenir de ses fruits 25 °/0 d’huile.
Toutes ces qualités doivent le faire apprécier sous le point de
vue industriel, et en médecine on pourrait employer son huile
comme succédané d'autres huiles.
Je n’ai jamais eu l’occasion d’employer ses feuilles, et j’ignore
si réellement elles produisent l’effet purgatif que leur attribue l’his-
torien Rosales.
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
43
RHAMNÉES
TREVU
Trevoa trinervia .
Hook. Bot. Mise. I, 159. — Gay, II, 24. — Colletia trevu, Best. —
Retamilla trinervis, Hook et Arn.
Arbuste très rameux, de couleur vert-jaunâtre, épineux; les
feuilles sont opposées, ovales ou elliptiques, minces et membra-
neuses ; les fleurs petites, abondantes et jaunâtres ; les pétales blancs
demi-sphériques.
Le Trevu , dit M. Gay, est un arbuste assez commun dans les
provinces centrales à une altitude de 5oo à i.5oo pieds; sa limite
arrive à peu près jusqu’à la rivière Maule. Son bois a peu de valeur,
mais les gens de la campagne emploient l’écorce à laquelle ils attri-
buent des propriétés vulnéraires contre les brûlures et comme pré-
servatif contre les abcès provenant de coups. Dans ces derniers cas,
ils se servent de l’infusion.
RETAMILLA
Retamilla ephedra et autres.
Vent. Choix, tab. 16. — Gay, II, 25. — - D. C. Prodr., II, 29, sub. Colletia.
Cette plante a ses branches opposées, pas trop longues, de la
grosseur d’une plume de corbeau, droites, cylindriques, jaunes; elle
n’a ni feuilles ni épines. Le fruit ressemble à notre fraise, ordinaire-
ment de couleur rouge, quelquefois blanche, de volume double de
celui d’un pois.
44
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
On la connaît aussi sous le nom de « fraise des champs » et de
« Carnau. »
Les indigènes font usage de ses racines contre les indigestions à
cause de ses propriétés astringentes et carminatives.
Elle croît dans les terrains arides des provinces centrales.
SAPINDACÉES
RUMPIATA
Bridgesia incisœfolia.
Bert. Nouv. Ann. Musée, III, 234. — Gay, I, 368.
Arbuste qui atteint un peu plus d’un mètre de hauteur, rameux,
à tiges glabres et peu grosses; les feuilles sont oblongues, alternes,
dentées, obtuses, pubescentes, avec de nombreuses nervures sur les
deux faces et de consistance un peu coriacée ; les fleurs sont petites,
jaunâtres, au nombre d’une ou deux sur chaque pédoncule; ce
dernier est velu, axillaire à la base des feuilles et placé au long des
branches.
On le trouve en abondance au pied des Cordillères des pro-
vinces centrales. Gay dit que quand il croît dans les terrains secs et
accidentés, ses feuilles sont amères et astringentes, plus petites,
plus velues, ses rameaux deviennent moins beaux, s’entrelacent, les
fruits se flétrissent et sont plus petits ; c’est alors la variété « parvi-
folia. »
Les feuilles s’emploient en infusions comme carminatives, légè-
rement excitantes et vulnéraires.
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
45
ANACARDIACÉES
HUINGAN
Duvana dependens.
D. C. Prodr., II, 74. — • Gay, II, 42. — Amyris polygama, Cav. — Schinus
dependens, Ort. — Schinus Huingan, Mol.
Arbuste toujours vert, de trois mètres de hauteur, glabre, fa-
meux, à écorce rugueuse -, les feuilies sont ovales-lancéolées ou ovales-
oblongues, entières ou un peu dentées, coriacées, inégales de gran-
deur ; les fleurs blanches, petites, réunies en grappes axillaires ; les
fruits, d’une et demie à deux lignes, ont un peu l’odeur du géne-
vrier.
Il croît dans les terrains secs depuis Coquimbo jusqu’à Osorno.
« A une autre époque, son usage était bien plus répandu qu’au-
jourd’hui, on employait l’infusion dans les affections hystériques et
urinaires, et au commencement de l’hydropisie. De son tronc, on
retire une résine purgative, considérée comme spécifique pour les
douleurs, les tensions des muscles et des tendons ; pour l’appliquer
il faut l’étendre sur un papier • elle est aussi employée contre les
maladies appelées « des vents » . La décoction de son écorce produit
une essence balsamique vulnéraire, utile pour les douleurs de goutte
arthritique des jambes et pour le froid aux pieds. — Dans la pro-
vince de Maule, on prépare avec ses graines une espèce de chicha
(boisson qui ressemble au cidre) très piquante, mais d’un goût
agréable -, les Indiens en font aussi usage dans leurs orgies. — Gay. »
« Les Indiens, dit Frézier, en font une chicha aussi bonne et
aussi forte que le vin. La gomme du même arbre, dissoute, sert
de purgatif. On en tire aussi du miel, et l’on en fait du vinaigre;
quand on ouvre un peu son écorce, il en découle un lait qui guérit,
46
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
à ce quon dit, les taies de la cornée; on extrait du cœur de ses
jeunes pousses une eau qui éclaircit et fortifie la vue; enfin, avec la
décoction de son écorce, on fait une teinture brune-rougeâtre, dont
les pêcheurs de Valparaiso et de Concon teignent leurs filets pour
que les poissons n? les voient pas. »
Le Huingan renferme dans sa tige une grande quantité de résine
et une huile essentielle; les fruits sont comestibles et contiennent une
substance sucrée d’un goût assez prononcé.
Le miel de Huingan est un mets favori du peuple; il s’obtient
par la décoction de toute la plante ; sa résine est retirée par incision
ou par les procédés ordinaires.
Comme tous les balsamiques, le miel et la résine de Huingan
stimulent les fonctions digestives et produisent des évacuations, si
la dose est trop élevée. Ils sont utiles dans les affections chroniques
des voies urinaires, dans les bronchites chroniques et dans tous les
cas où les balsamiques sont indiqués.
A l’usage externe, le miel et la résine sont très recommandés
contre les hernies, en remplacement de l’onguent « contre-ruptures »,
dans les entorses, rhumatismes chroniques, et quand on veut déter-
miner une irritation de la peau, comme il arrive avec l’usage de
l’emplâtre poreux, de la poix de Bourgogne et des toiles goudron-
nées.
On dit que le jus de l’écorce du Huingan est un galactogogue
de grande force. Je n’ai pas eu l’occasion d’en faire l’expérience.
LITRE
Litre a caustica *
Hook. Bot. Mise., III, i75. — L. venenosa, Miers. TraV. Il, 549. — Gay,
II, 44. — Lauvus caustica, Mol. etc.
Arbre toujours vert, très rameux* de quatre à six mètres de
hauteur, pas très gros; les feuilles sont alternes, marginées* coria-
47
PLANTES MÉDICINALES DU CHILI
cées et glabres ; les fleurs dioïques, petites, blanchâtres et disposées
en grappes axillaires; le calice est persistant, à cinq divisions-,
les pétales ovales, aigus, concaves et droits ; la drupe est jaunâtre,
ronde, aplatie, lisse, du volume d’un grain de poivre et avec l’endo-
carpe charnu.
Il croît dans les montagnes et dans les plaines exposées au soleil,
depuis Coquimbo jusqu’à Arauco.
« Parmi ces arbres majestueux, quelques-uns sont de nature
malfaisante. Le Litre est très connu par son ombrage dangereux qui
invite au repos sous ses rameaux touffus, mais son influence est
telle, pour qui repose à son ombre, qu’une enflure et un engourdisse-
ment difformes s’en emparent, et avec plus de force contre celui qui
touche son écorce, bois ou branches, spécialement au printemps,
époque où l’humeur vénéneuse est plus abondante. Cette enflure,
après avoir mis à l’épreuve la patience du malade pour plusieurs
jours, se transforme en une immonde et répugnante gale qui l’oblige
à se gratter continuellement. — Les novices de la « Compagnie de
Jésus )> se trouvant un jour dans le Noviciat de Bucalemu, par-
laient souvent des qualités malignes de cet arbre, parce qu’ils con-
naissaient les malfaisantes actions de son ombrage et de ses branches:
le « Maître des novices », un Espagnol qui ne les connaissait pas,
jugeant qu’il y avait là un sentiment d’appréhension chez les novices
et qu’il était honteux d’avoir cette peur, voulut la leur faire vaincre
et mortifier l’un d’eux en lui ordonnant de se frotter le visage avec
les feuilles du Litre ; le novice, humble et obéissant, malgré la con-
naissance qu’il avait de la malignité de l’arbre, obéit et se frotta la
figure; au même instant, elle devint si difforme et enflée que le
« Maître des novices » en fut très affligé et regretta beaucoup de
n’avoir pas cru ce qu’on lui disait de ses mauvaises qualités, ainsi
que d’avoir fait souffrir à l’humble et obéissant novice une expé-
rience qui lui occasionna plusieurs jours d’enflure et de gale à la
figure. Cette obéissance fut exemplaire puisqu’il savait le mal qui
devait en résulter. Malgré toute la malignité de cet arbre,, les
Indiennes recueillent avec grand soin une fraise qu’il produit et de
48
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
laquelle elles fabriquent une chicha (espèce de cidre) très agréable
et sans qualités nuisibles. — Rosales. »
« Son bois devient très dur avec le temps, séché à l’ombre ou
submergé dans l’eau ; il peut alors suppléer au fer pour les pointes
des charrues, etc.
« Les charpentiers l’emploient pour les courbes des navires, les
dents des roues et essieux de charrettes, dans les constructions des
maisons, et les ébénistes pour faire des meubles élégants, à cause
du beau jaspé de ses planches, spécialement celle des racines qui
sont plus larges et avec les veines mieux dessinées. Les fruits, quoi-
que petits, sont très abondants et les Indiens les emploient quelque-
fois à faire du miel, des sucreries, et une espèce de cidre assez agréa-
ble, que préparent aussi quelques Chiliens des provinces du Maule,
Concepcion, etc., pour leur usage particulier. Tous les habitants
connaissent le danger de son ombre pour certaines personnes, aux-
quelles elle occasionne des enflures et des pustules au visage, aux
mains et autres parties du corps mises à découvert ; cette maladie
est transmissible même pour ceux qui brûlent des branches dans les
fours : on doit cependant dire que cet effet n’est pas général, et que
ce sont les femmes, les enfants et les personnes douées d'une com-
plexion efféminée qui sont les plus exposées à cette influence *, les
meilleurs remèdes sont les réfrigérants, les anodins, l'infusion de
Maiten , du pavot, etc. — Gay. »
11 est hors de doute que l'ombre du Litre produit dans les après-
midi d’été, et chez les personnes de peau délicate, une éruption ec-
zémateuse accompagnée quelquefois de réaction fébrile peu marquée
et en relation avec l'intensité de l’éruption ; il en arrive de même
aux cuisinières et aux personnes qui reçoivent la fumée du Litre ,
et plus souvent à celles qui soufflent le feu avec la bouche pour ac-
tiver la combustion. Les frictions avec les feuilles de cet arbre peu-
vent causer les mêmes effets. Ces résultats si pernicieux doivent
être attribués à un principe essentiel volatil qui lui est propre-, ils
se produisent plus facilement aux heures et aux moments où la
chaleur le volatilise.
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
49
Comme type de cette éruption et comme échantillon des effets
du Litre , nous allons copier quelques observations prises par notre
disciple distingué M, le Dr Herrera R (i).
Obs. ire. — N. N. souffrait d’une intense névralgie faciale cau-
sée par la carie d’une grosse dent, et ayant épuisé toutes les ressour-
ces de la médecine domestique, quelqu’un lui recommanda remploi
sur la dent cariée d’une petite boule faite avec la raclure du Litre. Le
mal disparut en effet, la douleur lut calmée, mais au bout de vingt-
quatre heures elle constata sur toute la peau de la figure et sur la
partie supérieure du thorax une éruption. Quatre jours après la ma-
lade vint me consulter : tout le visage et le thorax étaient couverts
de petites vésicules remplies d’une sérosité citrine ; quelques-unes
s'étaient crevées, et la sérosité, mise au contact de Pair, devenue plus
concrète, formait des croûtes jaunâtres; le tissu cellulaire sous-cutané,
infiltré, présentait une consistance semblable à celle de l’érysipèle
mais sans la rougeur de cette dernière ; les paupières à moitié fer-
mées comme conséquence de l’infiltration des tissus. Il n’y avait ni
douleur, ni démangeaison, ni élévation thermique. Au commence-
ment, elle avait eu une démageaison incommode. La malade ne
se plaignait que de la tuméfaction du visage. J'ai diagnostiqué un
eczéma consécutif à l’absorption du principe actif du — Litrea
venenosa , — et ordonné des lotions avec de l’eau végéto-minérale
en même temps qu’un purgatif au sulfate de soude. Huit jours
après l’infiltration du tissu cellulaire ainsi que les vésicules d’eczéma
avaient disparu, on en voyait à peine quelques-unes du côté gauche;
les croûtes jaunâtres étaient très disséminées.
Obs. 2e. — N. N., âgé de douze ans, sous l’influence de la
crainte qu’il éprouva dans la nuit du io mai par une inondation,
se réfugia sous un Litre sur une colline voisine. Le lendemain, en-
flure du visage, démangeaison, éruption et douleur à cause du gon-
flement des tissus. — Le 14, je le reçois en consultation et je cons-
tate un eczéma qui prenait toute la figure, la partie supérieure du
(1) Revista medica de Chile , t. VI, 1877, P- I09-
4
5o
PLANTES MÉDICINALES DU CHILI
thorax et les bras ; quelques vésicules crevées et la sérosité épaisse
formant des croûtes jaunâtres. La cause clairement indiquée, le diag-
nostic fut un eczéma occasionné par le contact direct de la peau
avec les feuilles du Litre. Le même traitement que pour le cas pré-
cédent en ajoutant une pommade à l’oxyde de zinc à la dernière
période.
La deuxième observation de M. Herrera est digne de remarque,
vu le fait d'une éruption produite par contact, dans une nuit froide
et à une heure où le Litre est très peu ou pas actif dans ses effets ;
nous devons donc supposer que dans ce cas il y eut plus que le con-
tact, probablement des frictions ou frottements avec les feuilles, et
le principe volatil se mit alors en action à la chaleur du corps de la
personne abritée sous l'arbre.
Le Dr Don Juan Miguel, de vieille expérience, conseillait une
teinture préparée avec les feuilles du Litre dans les cas où il est né-
cessaire d’employer les révulsifs ; cette teinture avait l'avantage de
ne pas produire les grandes pustules qu’occasionne le tartre sti -
bié -, il l’administrait aussi à l’intérieur par doses homœopathiques
dans les pytyriasis rebelles et autres maladies squameuses et persis-
tantes de la peau.
Je crois que l’extrait, qui renferme le principe actif du Litre ,
pourrait s’utiliser sous la forme de sparadrap pour déterminer les
éruptions que nous obtenons aujourd'hui avec le thapsia, dont la
consommation est si grande.
Le Litre contient aussi une résine et une huile volatile.
MOLLE
Litrea Molle.
Gay, II, 45, — Schinus molle, Mol.
Arbre touffu, de cinq mètres de hauteur, divisent en nombreuses
branches dont les inférieures sont glabres et les supérieures velues*
PLANTES MÉDICINALES DU CHILI 5i
surtout les nouvelles pousses ; les feuilles sont alternes, coriacées,
elliptiques-oblongues, entières ou très légèrement dentées, glabres,
d'un vert foncé dans la partie supérieure, vert cendré et un peu du-
vetées dans l’inférieure -, les fleurs petites, blanches, disposées en
épis plus courts que les feuilles dioïques; la corolle se compose de
quatre pétales oblongs, concaves et renferme huit étamines de lon-
gueurs différentes -, le fruit est petit, rougeâtre.
Il croît dans les mêmes provinces que le Litre.
« Le Molle est un arbre qui croît avec beaucoup de vigueur
dans ces provinces ; sa taille n’est pas très élevée et il étend au loin
ses branches revêtues de petites feuilles très prolongées que, comme le
Lentisque, il ne perd jamais. Il produit des grappes à petites graines de
couleur vermeille à leur maturité, qu’on exprime et dont on retire
par la chaleur du feu une sorte de miel très médicinal ; il est purgatif
et très échauffant. Le mélange de cette liqueur avec de beau chaude
produit un vin très doux, qui purifié par ébullition et passé au filtre,
constitue un bon diurétique, fait mamelonner et fortifie les blessures
de mauvaise nature; il fait aussi flétrir les hémorroïdes, disparaître
les gaz de l'estomac et on s'en sert encore comme tonique et dépura-
tif. Quand on coupe l'écorce du Molle , il en découle une sorte de lait
très abondant, très utile pour faire disparaître les taies des yeux. La
résine, qui est blanche, sert à déraciner les froids invétérés. La dé-
coction de ses feuilles est très utile en fumigation pour les membres
perclus et autres maux causés par le froid et l'humidité. Les
pousses supérieures compriment les gencives et nettoient les dents,
laissant une odeur et saveur agréables. — Les Indiens du Pérou, en
raison de tant de vertus, le consacrent à leurs idoles (i). —
Rosales. »
Selon Gay, notre Molle diffère du péruvien ; avec ses fruits on
(i) Le Père Rosales confond le Molle du Chili, Litrea Molle , avec le
Molle du Pérou, Spinus Molle, L.; ce dernier, de feuilles pennées, entièrement
glabres, contient un jus laiteux et se trouve depuis la rivière Loa vers le
Nord; il est connu au Chili sous le nom de Pimiento à cause de son odeur
pareille à cette espèce.
52
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
prépare une chicha qui fut à une époque très appréciée ; son écorce
se recommande en décoction pour les maladies des nerfs.
Le olle a un petit fruit agréable, doux, qui rassasie ; les gens
de la campagne le mangent dans l’été et en font un miel qui est très
renommé. Ce miel, mélangé avec de l’eau et laissé à la fermentation
produit une liqueur encore très estimée, d’un goût agréable pour la
plupart et dont les effets sont dus p l’alcool qu’il contient.
Avec la résine, on prépare des emplâtres employés à la campa-
gne pour les entorses, coups et rhumatismes musculaires. Ses pro-
priétés balsamiques permettraient de l’utiliser dans les affections des
voies urinaires et dans les bronchites.
CORI ARIÉES
DEU
Coriaria ruscifolia.
Feuill. Jour., III, 17, fig. 12. — L. sp. 1467. — Gay, I, 429. —
D. C. Prodr. I, y3g.
Arbuste de près d'un mètre de hauteur, très glabre, à tiges al-
longées, presque creuses intérieurement, disposées de trois en trois
dans la partie inférieure, de deux en deux dans la supérieure; les
feuilles sont sessiles ou avec un pétale très court, sans stipules, dis-
tiques, membraneuses ovoïdes, lancéolées, pointues et entières ; la
floraison est un épi simple, axillaire, composé de toutes petites fleurs
de couleur foncée ; le fruit est d’un beau bleu et se compose de cinq
carpelles très petits.
On Rappelle aussi Beu, Eeu z\mata r atones (mort aux rats). Se-
lon Gay, il croît dans les endroits humides et aux bords des rivières,
depuis la province de Concepcion jusqu’à Chiloé et encore plus au
Sud ; c'est un arbuste très astringent et les habitants l’emploient pour
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
53
teindre en noir et pour tanner les cuirs -, les fruits sont vénéneux et
servent pour empoisonner les rats. C’est sans doute à cause de cette
propriété qu’il est appelé Beu , mot araucanien qui signifie rat des
campagnes ; quand les chevaux mangent son herbe, ils tombent ma-
lades et meurent fréquemment.
« A Chiloé, dit M. Julliet, où les pâturages pour les animaux
sont rares, ceux-ci mangent beaucoup de plantes, mais leur instinct
leur fait éviter le Beu, Il m'a été raconté à Chiloé le cas d’un
Indien attaqué de gale, en même temps que sa femme et ses enfants,
qui voulût en faire usage empiriquement, mais la mort pour lui et
sa famille fut le résultat de ce premier essai. »
J’ignore les phénomènes que le Beu peut avoir occasionnés, et
occasionne à ceux qui ont l’imprudence de manger ses fruits ; et il
y aurait une grande importance à pouvoir apprécier quels sont les
appareils organiques les plus activement influencés, ainsi qu’à con-
naître la ressemblance qu'il peut avoir avec son congénère le Co-
riaria myrtifolia Lin., connu en France sous le nom de Redoul ,
Rédoux et Corroyère , Roi don en Espagne.
Ce dernier, originaire de la Provence et du Languedoc, est
aussi un arbre qui sert pour teindre en noir ; on dit qu’il est astrin-
gent, et ses fruits,, pris en quantité, vénéneux. Sauvages les a vus
produire la mort de deux sujets au milieu d’horribles convulsions,
une demi-heure après en avoir mangé. Pujada a fait connaître le
cas de quinze soldats français empoisonnés en Espagne, dont trois
moururent. On connaît aussi la fraude périlleuse, et plus d'une fois
fatale, faite en France par le mélange des feuilles de cet arbuste avec
celle du séné, fraude qui a été dénoncée la première fois par Gui-
bourt et par Dublanc (i).
Il est, sans aucun doute, très curieux d’observer la ressemblance
de ces deux arbustes dans leurs effets, ce qui garantit davantage et
prouve la valeur des relations botaniques des nouvelles classifications.
(i) Mérat et Lens. — Dictionnaire Univ. de Mat. méd. et de Thérap. gén.
Vol. II, p. 43 1.
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
54
LÉGUMINEUSES
Psoralea glandulosa
Lin. sp. 1075. — Gay, II, 86. — D. C. Prodr. II, 220. — P. lutea. Mol.
est varietas grandulosæ.
Arbuste à tige ligneuse chargée de nombreuses branches cylin-
driques, longues, couvertes, comme toute la plante, de nombreuses
glandes ; les feuilles sont soutenues par des pétioles longs et droits, trifo-
liées avec des folioles lancéolées ou ovales-lancéolées, acuminées,
de couleur vert clair sur chaque face ; les pédoncules sont axillaires
et abondants dans la partie supérieure de la plante, soutenant une
vingtaine de fleurs, tantôt unies, tantôt séparées, toujours* pédicu-
lées avec une bractée rougeâtre ovale-aiguë; le calice est grisâtre,
glanduleux, pubescent, avec cinq divisions lancéolées aussi longues
que le tube ; la corolle est pourprée ou d’un blanc jaunâtre, ou bien
encore de couleur terreuse mêlée de bleu.
Les espèces de ce genre portent le nom de Psoralea (gale, en
grec) à cause des nombreuses glandes qui se trouvent parsemées
dans toutes les parties de la plante.
« Le Culén , dit Rosales, peut servir avec grand avantage pour
de nombreux remèdes ; les Espagnols lui donnent le nom d'Alba-
quilla , par sa ressemblance avec YAlbahaca d’Europe, quant à la
forme et figure des feuilles, mais différente par l’odeur, saveur, et
vertus médicinales, vertus qui nous ont été données par les Indiens
de ce pays comme suit : Quant ils se voient blessés à la guerre, ils
extraient le suc de cette herbe, et avec ce suc lavent les blessures,
les laissant couvertes avec les feuilles triturées et tièdes pendant
24 heures. Après ce temps ils les changent afin d’empêcher l’accu-
PLANTES MÉDICINALES DU CHILI
55
mulation des matières secrétées. Sous l’influence de ce traitement,
les plaies se modifient, mamelonnent et cicatrisent rapidement ; la
poudre des feuilles produit à peu près le même effet. On a vu un
Indien, ayant de vingt à trente blessures, guérir avec cette herbe. —
Sa seconde propriété consiste en une grande fraîcheur que ressen-
tent les Indiens et les Espagnols quand ils mettent les feuilles, en
grande quantité, dans l’intérieur de leurs chapeaux. ; ils peuvent
s’exposer au soleil sans souffrir de la chaleur, au contraire iis se
sentent rafraîchis. Elle est aussi efficace pour guérir les hémor-
roïdes, en se lavant plusieurs fois par jour avec la décoction de ses
feuilles • quand elles sont externes, la vapeur de cette même décoc-
tion soulage beaucoup. Les feuilles triturées et chaudes, mêlées à du
bon vin et placées dans le rectum, sont très utiles dans les épreintes ;
cette opération doit être répétée le plus souvent possible. »
Ses feuilles, aromatiques, ont été employées très longtemps
comme le thé, le remplaçant avantageusement et facilitant la diges-
tion d’une façon toute particulière -, elles sont très stomachiques et
vulnéraires ; les gens de la campagne en font surtout usage, comme
aussi de l’écorce du tronc et de la racine, qui possèdent les mêmes
vertus médicinales que les feuilles. On l’emploie pour les diarrhées,
coliques et indigestions ; ses cendres ont les mêmes propriétés et
elles servent aussi pour les ulcères ; avec les pousses supérieures,
on prépare une sorte de tisane ou Aloja (boisson composée de
sucre, eau, miel, épices, etc., soumise à une fermentation préalable)
qui paraît être très salutaire. Enfin, la résine que cet arbuste donne
au printemps sert à divers usages, et surtout aux passementières
pour cirer le fil. — Gay. »
Dorvault est dans l’erreur quand il croit que la Yerba-mate
(herbe du mate) ou thé des Américains du Sud, se prépare avec les
feuilles de Culén grillées et pulvérisées. La véritable Yerba-mate
est le Ilex Paraguayensis Lamk, et autres espèces d’arbustes, syl-
vestres et cultivées dans le Paraguay et contrées voisines.
Les parties du Culén les plus en usage sont les fleurs, les feuilles
et la partie extérieure de l’écorce, toutes administrées en infusion.
56
PLANTES MÉDICINALES DU CHILI
Il croît dans les terrains pierreux, aux bords' des rivières, depuis
Coquimbo jusqu'au Cautin.
Le Culén contient une résine très abondante, qui rend les
feuilles visqueuses-, une huile volatile qui lui donne l’odeur aroma-
tique qui le caractérise ; une matière azotée, cristalline et amère,
découverte par Lenoble, et probablement aussi une légère quantité
de tannin.
Ses effets physiologiques sont peu marqués, il excite légèrement
l’estomac et facilite la digestion.
Ses propriétés thérapeutiques sont très appréciées, raison pour
laquelle son usage est si généralisé. On J’emploie sous forme d’infu-
sion (4 X 100) contre les indigestions, diarrhées, dysenteries chro-
niques, et comme vulnéraire pour laver les blessures. Sa résine
est moins en usage dans la médecine, cependant elle est em-
ployée quelquefois sous forme de pommade dans le traitement des
ulcères.
L’usage de la tisane de Culén a été très généralisé lors de l’épi-
démie de choléra qui nous a frappés, et a remplacé avantageusement
les autres tisaries conseillées. Je l’ai employée moi-même, seule ou
mêlée avec du vin, pour maintenir les forces digestives et pour me
soustraire aux langueurs d’estomac que cause l’eau bouillie C’est un
breuvage très agréable et aromatique.
De même qu’on compte de nombreux partisans du thé et du
café, il y a quelques personnes qui préfèrent le Culén à ces deux
préparations aromatiques.
Un des fervents admirateurs du Culén a pu me transmettre les
renseignements intéressants qui vont suivre, et qui feront connaître
une industrie aujourd’hui abandonnée, mais qui pourrait être mise
de nouveau en pratique avec un peu d’attention et de patience.
« Parmi les rares industries qui s’exploitaient avec succès du
temps où nous étions colonie espagnole, figurait l’exploitation du
Culén, à Valdivia (1), et de la Chilca , à Talca.
(1) Cette plante ne croît pas spontane'ment à Valdivia, aujourd’hui au
moins.
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
5 7
« Le premier se récoltait et s'exploitait sur une grande échelle au
Pérou-, de la seconde on retirait la résine. L’aristocratie de Lima
prenait alors le Culén , comme aujourd'hui le thé ; et les cordon-
niers employaient la résine de Chilca au lieu de la cire.
« Le Culén se préparait de la manière suivante : La récolte des
fleurs et des feuilles étant faite, on les desséchait à l’ombre, en
ayant soin de les remuer tous les jours. Cette opération terminée,
on les agitait dans de grandes terrines mises au feu, mais sans
atteindre une température qui aurait pu les griller; pour les maintenir
constamment en mouvement on se servait de bâtons du même
arbre. — Ainsi préparées, elles étaient empaquetées, mais avant on
les mélangeait en faisant trois classes distinctes : la première conte-
nait neuf livres de feuilles pour une livre de fleurs ; la seconde deux
livres de fleurs pour huit de feuilles, et enfin, la troisième sept livres
de feuilles pour trois livres de fleurs.
« Cette dernière préparation, prise en infusion, faisait les délices
des vice-rois, magistrats et courtisans de la ville du Rimac. »
L’exploitation du Culén serait facile aujourd’hui et donnerait
du travail à beaucoup de femmes et d’enfants.
La dessiccation peut se faire, avec plus de succès, sur des
clayonnages de roseaux placés les uns sur les autres, laissant un
espace suffisant pour pouvoir les remuer ou sur une grille de métal
exposée à un courant d’air.
Quant au chauffage, il peut avoir lieu dans des cylindres de
laiton, de la même forme que ceux dont on se sert pour griller le
café.
Pour les exporter, il serait préférable d’employer des boîtes de
laiton depuis une demi-livre jusqu’à dix livres ; on pourrait aussi
les empaqueter dans des petits sacs de fort papier bien condi-
tionnés.
La mise à profit du Culén , ou thé de Valdivia, comme on
l'appelait à Lima quant le thé fit son apparition, peut arriver à être
une industrie productive et donner lieu à une exploitation en grand.
Le thé, mélangé avec le Culén dans la proportion de deux cuil-
58
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
lerées du premier pour une cuillerée du second, est très agréable,
n’empêche pas le sommeil et n’attaque pas les nerfs.
Les personnes qui se traitent par l’homœopathie peuvent laisser
le thé pour le Culén , avec la certitude qu’au bout de peu temps elles
trouveront ce dernier plus sain et plus agréable.
Le Culén n’exige pas pour sa culture des terrains choisis. 11
croît, vigoureux et beau dans les marais, au bord des rivières et des
ruisseaux, dans les terrains caillouteux qui ne produisent que la
Chilca. Dans les régions pluvieuses du Sud, il croît jusque sur les
collines élevées. Aujourd’hui, le Culén est très abondant dans toutes
es propriétés du Centre et du Sud de la République -, s’il n’a pas été
détruit, c’est parce que les terrains qu’il occupe ne rendent aucun
service. Sur les bords des rivières, entre le Cachapoal et le Bio-Bio,
les Culenes se comptent par centaines de mille.
Nous croyons que pour vendre tout ce qui pourrait se récolter,
il suffirait de faire connaître ses propriétés et envoyer des échantil-
lons, l’offrant en vente, à Santiago, Lima, Montevideo, Buenos-
Ayres, et sur les principales villes d’Europe. Avec une dépense de
3oo piastres, on pourrait faire aujourd’hui une grande récolte de
Culén et le préparer convenablement.
Aujourd’hui que les agriculteurs cherchent de nouveaux béné-
fices pour leurs propriétés, que tous désirent implanter de nouvelles
industries, sûres et productives, ils pourraient établir l’exploitation
du « thé de Valdivia » avec d’autant plus d'avantages qu’il n’exige
ni machines, ni appareils coûteux, ni même un salaire élevé.
Certaines préparations du Culén sont officinales et se trouvent
enregistrées dans la pharmacopée chilienne.
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
59
TEMBLADERILLA
Phaca ochrolenca.
Hook y Arn. Bot. Mise. III, 186. — Gay, II, 95.
Plante ligneuse, glabre ou couverte d’un duvet court et
soyeux, avec de longues branches, droites, simples, cylindriques,
striées longitudinalement; les feuilles ont deux petites stipules
linéaires-lancéolées à la base ; elles sont, soutenues par un petit
pétiole filiforme, et composées de dix à douze paires de folioles
ovales, elliptiques, légèrement aiguës à leur sommet ; les pédon-
cules soutiennent un épi dense, d’un beau jaune, avec de petites
bractées à leur base ; le fruit est petit, ovale, couvert d’un duvet
blanc-jaunâtre, avec une seule graine sublenticulaire vermeille.
Cette espèce avec ses variétés, et autres du même genre, sont
connues sous le nom Tembladerilla , Yerba-loca ( herbe folle ) ;
elle croît dans les terrains arides des provinces centrales et aussi
dans celles du Nubie et Concepcion, où elle forme de ravissantes
prairies que les animaux respectent avec un instinct admirable,
surtout ceux qui ont déjà subi leurs terribles effets.
« J'eus l’occasion, m’a écrit mon élève et ami, le docteur
M. Navarrette, de voir deux chevaux qui s’étaient nourris pendant
quelques jours de cette plante; soumis à n’importe quelle agitation
ou exercice, ils souffraient d’attaques caractérisées par les symp-
tômes suivants : mouvements convulsifs de tout le corps, plus accen-
tués dans les membres postérieurs. Les convulsions duraient de 8 à
10 minutes jusqu’au moment où, ne pouvant plus se maintenir sur
pied, l’animal tombait sur ses membres postérieurs devenus, dès cet
instant, d’une rigidité tétanique ; il grinçait convulsivement des dents
et tombait un peu plus tard dans une espèce de léthargie qui durait
quelques minutes. Une sueur abondante terminait la crise. »
Le remède pour les animaux qui ont mangé la Tembladerilla
est un sudorifique. J’ignore les usages thérapeutiques de cette plante.
6q
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
PELU
Edwardsia macnabiana.
Grah. Edirnb. Jour., 26-195. — Gay, II, 216 , sub nomine : Microphylla.
Cet arbre atteint une hauteur de dix mètres environ • ses
branches sont un peu tortueuses, cylindriques -, les feuilles, alternes
avec une paire d’ailes, composées de 16 à 18 paires de petites folioles,
opposées, sessiles, presque rondes ou ovales^ entières, légèrement
velues • les fleurs sont placées à l'extrémité des branches sous forme
de courtes grappes ; le calice est ample, tubulaire, avec cinq petites
dents-, la corolle, d'une couleur jaune, assez grande-, le fruit a la
forme d’une baie allongée, un peu comprimée, pourvue latérale-
ment de quatre ailes longitudinales, membraneuses et adhérentes
entre les graines, ce qui lui donne une apparence articulée.
11 croît depuis la rivière Maule jusqu’au Sud ; on le trouve aussi
dans file de Juan Fernandez. Ses belles panicules de fleurs jaunes,
ouvertes avant la croissance des feuilles, le font rechercher comme
arbre d’ornement pour les parcs et jardins. La dureté de cet arbre
est telle qu’on utitilise son bois pour la construction des pointes de
charrues, dents de roues, poulies, etc. ; même à l’humidité, il se
conserve pendant longtemps sans altération. Les baies contiennent
du tannin, et avec elles on peut faire de l’encre.
Selon Pennesse, le bois et l’écorce desséchée sont employés
comme purgatifs, diaphorétiques, stimulants, altérants, etc. On les
applique dans le rhumatisme chronique, leucorrhée, goutte, syphilis,
éruptions cutanées, etc. L’écorce, après une longue ébullition, pro-
duit un extrait résineux dont les effets ressemblent à ceux du Guaya-
cum off. La dose est d’une à deux onces pour un litre d’eau, en
décoction; l’extrait de ioà3o grains.
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
61
SEN — Q EBRACHO., ALCAPARRA> M VA
Cas sia stipulacea.
Ait. hort. Kenv., II, 52. — Gay, II, 241. — D. C. Prodr, II, 496. — Cassia
alcaparra, Ph., Lin., XXXIII, 61. — Cassia vernicosa, Closs. — Gay, II,
244, et en général toutes les espèces indigènes de ce genre.
Ce sont des arbustes communs dans les provinces centrales, très
touffus, avec les feuilles alternes, simplement pennées ; les fleurs
sont grandes, d'un beau jaune, quelques-unes avec une teinte légère-
ment rougeâtre -, le calice est composé de cinq sépales inégaux ; les
pétales, alternes, sont au nombre de cinq, et les étamines, inégales,
au nombre de dix; les fruits oblongs, pointus et petits.
Le bois de ces arbustes est très dur, résistant, presque inatta-
quable par l'humidité, ce qui le fait employer, avec avantage,
comme échalas pour les vignes.
L’écorce et les fruits sont astringents et donnent un précipité
noirâtre avec les sels de fer. Les gens de la campagne utilisent
quelquefois cette propriété dans la médecine domestique.
Les feuilles de ces arbustes jouissent de la renommée de purga-
tives, et malgré leur action bien moins énergique que celle du séné,
elles le remplacent parfois. — Gay dit que la décoction des feuilles
de la C. stipulacea sert pour nettoyer la tête et la débarrasser des
parasites qu’elle abrite.
ALGARROBILLO
Balsamocarpon brevifolium.
Clos. — Gay, II, 228, tab. 20.
Petit arbuste de soixante centimètres à un mètre qui croît sur
les collines arides des provinces d’Atacama et de Coquimbo. Ses
62
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
branches sont fortes, cylindriques, simples, rougeâtres et couvertes
d’une poudre couleur cendrée; elles portent de petits tubercules,
d'où sortent d'une à trois épines à la fois, avec des petits faisceaux
de feuilles pennées, composées de trois folioles petites, verdâtres, à
pétioles courts et de la même couleur-, les fleurs sont en corymbe,
de couleur jaune oranger, et sur des pédoncules couverts de poils
glandulifères ; le fruit est de la grosse ur du doigt, de trois à quatre
centimètres de longueur, obtus à chaque extrémité et terminé à son
sommet par une. pointe très courte, rugueuse, de couleur gris rou-
geâtre, quelquefois reluisante, présentant d’ordinaire deux dépres-
sions, et sur chaque bord un sillon plus marqué sur l'un que sur
l'autre.
Le fruit, qui porte le nom d' Algarrobillo, est employé en méde-
cine et dans l'industrie.
D’après M. Vasquez, il renferme une quantité considérable de
tannin. Cette matière forme la partie parenchymàteuse du fruit,
constituant ainsi la presque totalité de son poids ; cependant on la
trouve aussi isolée dans l'intérieur, où elle apparaît comme un pro-
duit de sécrétion. Ce tannin, tel qu’on le retire mécaniquement du
fruit, est granuleux, de couleur jaune-rougeâtre, d'odeur peu per-
ceptible et d’une saveur extrêmement astrigente, présentant tous les
caractères du tannin de la noix de galle. En plus du tannin, le fruit
renferme aussi une matière résineuse et une substance d'un beau
jaune clair soluble dans l’éther.
La forte quantité de tannin que contient Y Algarrobillo, et qui
lui donne une ressemblance avec la noix de galle, laisse voir que son
emploi thérapeutique est analogue à celui de cette substance et que
les médecins chiliens feraient bien de l’utiliser.
L'industrie le consomme sur une grande échelle pour tanner
les cuirs et dans la teinturerie. La statistique commerciale chilienne
donna comme valeur d’exportation de Y Algarrobillo, en 1886, la
grosse somme de plus de 140,000 piastres; cette somme descendit
(sans que nous puissions en déterminer la cause), à un peu plus de
5o.ooo piastres pour l’année 1887.
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
63
La valeur commerciale de cet article laisse entrevoir son im-
portance et indique bien clairement la richesse de ses principes tan-
niques . Malheureusement, la zone où Ton le trouve est restreinte,
ce qui ne permettra pas de longtemps d’augmenter son exportation.
ALG ARROKO
Prosopis siliquastrum.
D. C., II, 447. — Gay, II, 249. — Ceratonia chilensis, Mol. — A. Siliq. Laz.
Arbre de six à huit mètres de hauteur, à branches fortes,
flexibles, portant dans les angles de flexion de gros tubercules noi-
râtres, desquels naissent des petits faisceaux de feuilles et de
fleurs ; les pétioles sont assez minces et supportent de i3 à 20 paires
de folioles, un peu séparées, en rangées étroites, de couleur vert
jaunâtre, les épis apparaissent en abondance avec les feuilles; les
fleurs sont très , serrées, subsessiles et jaunâtres- les pétales sont
velus intérieurement ; il y a dix étamines • le fruit est très arqué et
comprimé, de 4 à 8 centimètres de long, étroit, jaunâtre, aigu à son
sommet.
On trouve VAlgarrobo dans les endroits secs de la rivière Tin-
guiririca jusque dans l’intérieur de la province d'Atacama ; son bois
est très dur, un peu semblable à VEspino (épine) et inattaquable
par l’humidité.
La partie employée en médecine est le fruit, de saveur douce,
agréable, légèrement astringent et alimentaire.
Diego de Rosales dit que les porcs et les chevaux mangent quel-
quefois les fruits de VAlgarrobo et engraissent beaucoup avec cette
nourriture, et que les Indiens les mangeaient aussi et en faisaient
une espèce de pain-, ils constipent beaucoup.
Les graines de VAlgarrobo se recommandent comme pecto-
rales mais on les emploie davantage dans les affections cardiaques
quand celles-ci, comme conséquence du manque d’équilibre dans
64
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
la circulation, produisent des œdèmes plus ou moins généralisés.
On les administre en tisane, seules ou mélangées avec quelques
grains de Quinoa en les faisant fermenter dans des gourdes prépa-
rées à l'avance. Avec cette préparation, on cherche à obtenir un
effet diurétique. — Je fai vu donner dans plusieurs occasions, moi-
même je fai conseillée et je crois qu’en réalité elle jouit de cette pro-
priété. Le tannin que contient la gousse ne contribue-t-il pas, dans
ces cas, à aider feffet cherché ? 11 est très probable que si, car la
bienfaisante action de cette substance dans un bon nombre des ma-
ladies du cœur est bien connue.
L’infusion des fruits de l 'Algarrobo, ainsi que la Aloja , pré-
parée avec eux, sont deux boissons très agréables que les malades
prennent sans répugnance.
ESPINO
Acacia cavenia.
Mol. Ed., IL299. - Gay, II, 255. — D. C. Prodr., II, 43o.
Sub-mimosa.
Arbre qui atteint jusqu’à six mètres de hauteur, de tronc exces-
sivement dur, tortueux, d’écorce noire et crevassée; les branches
sont grosses, striées, remplies de fortes épines acérées et blanchâ-
tres ; les feuilles, petites, doublement pennées et à peine mucronées
vers leur sommet; sept pétioles secondaires avec dix à douze paires
de petites folioles oblongues ; branches prolifères, nues, soutenant
dans la partie axillaire des stipules de trois à six chapiteaux de fleurs
d une belle couleur jaune ; le calice est rougeâtre avec cinq divi-
sions ; la corolle, plus longue que le calice, jaunâtre et glabre ; les
étamines, irrégulières et polyadelphes, sont au nombre de 3o à 60 5
la gousse est grosse, oblongue, fusiforme* un peu recourbée, ren-
fermant beaucoup de grains* Les fleurs apparaissent avant les
feuilles.
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
65
Cet arbre, de grande utilité pour les agriculteurs, croît de pré-
férence dans les endroits pierreux et secs ; on le rencontre depuis
Copiapô, où il est appelé Churgue , jusqu’à Concepcion.
Dans le temps, les forêts d'Espinos étaient très abondantes, mais
elles tendent à disparaître • son bois est très estimé pour les cons-
tructions dans diverses industries, comme bois de chauffage et sur-
tout pour faire un charbon, dont la qualité est excellente et le degré
de chaleur qu’il développe très élevé.
L 'Espino renferme une certaine quantité de tannin et une ma-
tière colorante qui pourrait être utilisée dans la teinturerie. 11 paraît
que la soie prend bien la couleur que produit cet Acacia et que
l’encre, faite avec cette couleur, résiste aux diverses actions pro-
duites parla lumière, l'humidité et aussi aux acides et alcalis (i).
C’est probablement au tannin que renferme YEspino qu’il faut
attribuer l’usage qu’en font les gens du pays, sous forme d’infusion
ou décoction, pour guérir les blessures et les ulcères. Ses graines
sont aussi employées quelquefois pour provoquer les éternuements ;
vertes, elles ont une odeur désagréable ; grillées et pulvérisées, on
les administre sous forme de café ; elles auraient des propriétés
digestives et stimulantes.
ROSACÉES
FRUTILLA
Fragaria chilensis
Ebrh. Beitr., T. pag. 26. — Gay, II, 3o5. • — D. C. Prodr., Il, 5y5.
Petite plante, velue, à rhizomes longs et minces, qui donnent
naissance à plusieurs feuilles à pétioles plus ou moins allongés, com-
(1) Anales de la Sociedad de Farmacia de Santiago. T. VI, p. 179.
5
66
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
posées de trois folioles non pliées, très dentées, velues, argentées
au-dessous, glabres au-dessus : le fruit est composé de nombreux
carpelles placés dans un seul gynophore ovale, succulent et assez
grand.
Chez les Araucaniens, elle est connue sous les noms de Quell -
ghen et/ ahuen. Elle est commune dans les terrains abondants en
pâturages de Concepcion, Valdivia et Chiloé ; elle se cultive et est
très appréciée dans les provinces centrales, étant un des premiers
fruits livrés à la consommation vers le milieu du printemps. Le
voyageur Frézier fut son introducteur en France, où elle est connue
sous le nom de « Fraise du Chili. »
Le fruit est agréable, légèrement acidulé, mucilagineux et
rafraîchissant. 11 convient aux tempéraments bilieux, pléthoriques
et aux gens qui souffrent de constipation. Le calice de cette plante
se recommande en infusion contre les indigestions et les diarrhées
par ses propriétés émollientes et mucilagineuses. La racine est un
faible astringent, et, comme tel, il est indiqué dans les cas de dysen-
terie, de diarrhées chroniques et dans les hématuries, flux sanguins,
légers, etc. Comme la racine de la fraise d’Europe, elle a des
propriétés diurétiques et apéritives, parce que, comme le dit très
bien Gluber, les astringents faibles sont les meilleurs auxiliaires des
stimulants spéciaux de la sécrétion rénale, quand les reins hyperhé-
miés ne laissent transsuder qu’une faible proportion d’eau.
Rosales dit que pour obtenir un remède puissant contre la fausse
couche, on doit faire une décoction de racines de fraises, prendre
ensuite un petit bloc de terre glaise, le brûler jusqu’à ce qu’il soit
réduit en braise, puis éteindre cette braise dansfla décoction ; par
cette boisson, la marche de la créature est retenue et les douleurs de
la mère s’apaisent. Par ses qualités astringentes, l’infusion de la
racine est très en usage dans les campagnes comme collyre.
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
67
Y ER B A PLATE AD A 0 DE P LATA (Herbe argente'e ou d’argent).
Potentilla auserina.
L. sp. 710. — Gay, II, 3o3. — D. C. Prodr., II, 582.
Plante à tiges rampantes, très belle ; ses feuilles sont pennées,
d'un vert clair à la partie supérieure et argentées au-dessous avec
de brillants reflets, dûs aux nombreux poils soyeux qui les couvrent -,
les folioles sont oblongues ou elliptiques, très dentées, généralement
alternes ou opposées ; fleurs jaunes soutenues par un pétiole solitaire
de la longueur des feuilles.
11 croît en abondance dans les bourbiers, et prend son nom de
la couleur de ses feuilles.
Les Potentillas tirent leur nom de la puissante activité que leur
attribuaient les anciens ; aujourd’hui elles sont presque reléguées
dans l’oubli, et on les emploie à peine dans la médecine domes-
tique.
L’espèce que nous décrivons a des racines considérées comme
astringentes et toniques; on les emploie sous la forme de tisane dans
les dysenteries chroniques et dans les hémorragies ; sous forme
d’injections dans les coryzas chroniques, flux blancs et polypes
incipients. — En un mot, elle a les mêmes propriétés et la même
réputation qu’on lui donne en Europe.
Quoique ce soit une plante européenne, elle doit être consi-
dérée comme chilienne en raison de son abondance dans les plaines
et montagnes de presque toute la République.
68
PLANTES MÉDICINALES DU CHILI
YERBA DEL CLAVO
Geum chilense.
Balb. Lind. Bot. veg. tab. 1384. — Gay, II, 276 — Coccineum Sibth. Sm.
Magellanicum, Comm. — Quellyon, Sweet.
Plante petite, velue ; ses feuilles sont pennées, velues, radicales,
composées de folioles inégales, obtuses, rondes, ou presque rondes,
dentées, plus ou moins lobulées ; les fleurs sont rouges et naissent
en panicules très ouvertes ; les fruits composés de nombreux car-
pelles très velus et terminés par un style rouge.
Elle croît de l’Aconcagua jusqu’à Magellan, et elle devient plus
commune à mesure qu’on avance dans le Sud. Les Indiens la con-
naissent sous le nom d q Hallante.
Feuillée et Gay disent que sa décoction est dépurative et réso-
lutive et que les Indiennes l’emploient pour régulariser leur mens-
truation.
La racine de ce genre est légèrement astringente, et d’après
mon opinion, peut être employée comme les autres espèces du
même genre, c’est-à-dire, comme diurétique, apéritive etastringente.
Son nom lui vient d’une odeur de clou qui sort de la cassure de la
racine fraîche.
BOLLÉN
Kagenekia oblonga.
R. et P. Flor. per Syet., 289. — Gay, II, 270. — D. C. Prodr., II, 547, —
Lydœa Syday, Mol.
Arbre toujours vert, un peu touffu, les feuilles sont oblongues^
elliptiques, obtuses ou acuminées, coriaeées, dentées : fleurs mâles
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
69
paniculées dans la partie axillaire des feuilles, très blanches • les
fleurs femelles ont leurs étamines très courtes, stériles, et cinq
germes très velus ; le fruit est composé de cinq capsules, ou de
quatre, et même de trois, par avortement, disposées en forme
d'étoile.
« Cet arbre, de peu de hauteur, croît dans les endroits un peu
arides d’une grande partie du Chili, depuis la rivière « Impérial »
qui est la limite Sud, jusqu’à Tamaya, qui est sa limite Nord. Les
Araucaniens, les Chiliens de Concepcion, etc., lui donnent le nom
de Ruayo ou Guayo (1), tandis qu’à Santiago et dans les provinces
voisines, son nom est Bollén.
« Son bois est très dur et on l’emploie pour faire des pioches à
deux pointes et aussi pour la construction, quoiqu’il ne soit pas
gros. Les feuilles sont très amères et on les employait autrefois
contre les fièvres rémittentes, mais son usage est aujourd’hui
presque abandonné ; les Indiens, si superstitieux, recueillent quel-
quefois les graines pour guérir les personnes qui croient avoir reçu
quelque maléfice des sorciers. — Gay. »
« Sur les plages de ce territoire, dit Molina, croît aussi un
arbre de bel aspect, qu’on nomme Bollen , et que je crois un véri-
table poison. Cependant, dans certaines circonstances, les médecins
emploient les pousses du sommet réduites en poudre et dissoutes
dans l’eau, comme vomitifs et purgatifs ; mais sans dépasser la
mesure d’un demi-scrupule, car ces poudres constituent un des
émétiques les plus terribles connus dans le règne végétal. »
Nous n’avons jamais eu l’occasion d’apprécier personnellement
les effets des feuilles du Bollen en infusion, unique préparation qui
s’administre dans la campagne; mais, d après nos recherches, le
Bollen est loin de posséder les effets si accentués que lui attribue
Molina.
M. Larenas nous dit que son principe amer est dû à un gluco-
(1) Le Guayo est la K. crataegoides, Don., des collines de la côte, très
ressemblante au Bollén , mais seulement un arbuste ; le vulgaire confond fré-
quemment ces deux plantes, les considérant comme une seule.
7 o
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
side qu’il a eu la bonne fortune de découvrir, et que ses feuilles sont
un faible succédané de bipécacuanha.
QUILLAY
Quillaja saponaria .
Mol. 354. — Gay, II, 274. — Molinae, D. C. — smegmadermos, D. C. —
S. emarginatus, R. et P.
Arbre élevé, il atteint une hauteur de dix mètres et plus, peu
rameux, droit, feuilles alternes, coriacées, nerveuses elliptiques,
obtuses ou peu aiguës, entières, ou bien encore, dentées et margi-
nées ; les feuilles sont blanches et disposées en petits corymbes ;
le calice est gros ; les pétales sont ovales-elliptiques un peu plus
grands que le calice ; le fruit est tomenteux et composé de cinq cap-
sules coriacées, obtuses, s’ouvrant en forme d’étoile.
Le Quillay est assez commun dans toutes les provinces cen-
trales, sur les collines et dans les plaines. Son bois, assez dur, résiste
peu à l’influence de bair *, mais sous terre et dans les lieux humides,
il se conserve très longtemps, c’est pour cela qu’il est le bois préféré
des mineurs. 11 est connu en Europe sous le nom d 'écorce ou bois
de Panama.
La plus précieuse des qu aUtés du uillay est la saponine que
produit son écorce concassée dans beau, et qui peut remplacer le
meilleur savon ; dans cet état, elle sert pour nettoyer d’une manière
parfaite les étoffes de laine et de soie, enlevant toutes les taches et
leur donnant l’apparence du neuf ; sa consommation pour cet usage
est très grande, et à une époque son exportation fut considérable
sous forme d’extrait. 11 ne produit pas les mêmes effets sur les étoffes
de lin et de coton, leur donnant au contraire une couleur jau-
nâtre qui était attribuée par Molina à une espèce de Quillay qui
se rencontrait près de la côte, et très éloignée des montagnes
sub-andines.
PLANTES MÉDICINALES DU CHILI
71
Les Chiliens et les Indiens l’emploient de préférence au savon
pour se laver la tête, et son usage est si répandu qu’on peut le trouver
en vente dans les épiceries et magasins d'articles divers. On croit
généralement que les Chiliens et Araucaniens doivent la beauté de
leur chevelure au fréquent usage qu’ils font de l’eau de cette écorce
pour la nettoyer. Dans la Flore selecta regni chilensis , que Molina,
en se servant des travaux de Ruiz et Pavon, a ajouté à sa deuxième
édition, on rencontre cette espèce deux fois citée : la première sous
son nom véritable de Qiiillaja saponaria , et la deuxième sous celui
de Smegmaria emar ginata . - — Gay. »
« Le Quillay est un arbre élevé, avec des feuilles petites très
abondantes. Administrée en lavement, la décoction de l’écorce pos-
sède une grande vertu pour faire disparaître les indigestions.
Trempée dans l’eau, elle remplace le savon pour ôter les taches avec
un effet rapide et sûr. Elle sert aussi pour rehausser la couleur de
toute espèce de laines. Les Indiens et les Espagnols l’emploient très
communément pour se laver la tête, parce que l’écume que cette
écorce produit en l’agitant dans l’eau, remplace le savon, et est
excellente, non seulement pour le nettoyage, mais encore pour
donner aux cheveux un aspect luisant. Ceux qui ont les cheveux
blonds, en se lavant avec cette eau, les voient changer en châtains
et presque noirs. — - Rosales. »
La hache du bûcheron travaille d’ordinaire avec activité pour
faire tomber ces beaux arbres, dont l’écorce est si demandée par le
commerce. Sans compter l’immense consommation qu’on en fait
dans le pays, l’exportation en est considérable et a atteint dans les
années 1881-1882 (peu propices pour l’agriculture) 316.090 kilo-
grammes. On exporte aussi son extrait en quantité assez considé-
rable.
L'écorce est fibreuse et tenace, elle s’exporte en morceaux
minces, blanchâtres, de 5o centimètres à 1 mètre de longueur, sur
5 à 10 centimètres de largeur; son goût, d’abord légèrement sucré et
alcalin, est ensuite âcre, avec persistance. Réduite en poudre, elle
provoque des éternuements.
7 2
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
Elle contient principalement de la saponine.
Ce glucoside ne se trouve pas répandu en proportions égales
dans toutes les parties de l’arbre- suivant l’opinion du docteur
Navarrette qui en a fait l’analyse, on trouve 3 1/2 pour 100 de
saponine dans les feuilles; 4 pour 100 dans le bois; 8 1/2 dans
l’écorce de la racine, et 12 pour 100 dans l’écorce de la tige.
Butron-Charland et O. Henry lui donnent la composition sui-
vante : matière spéciale, très piquante, soluble dans l’eau et dans
l’alcool, matière graisseuse, chlorophylle, sucre, gomme, matière
colorante, foncée, malate.de chaux et sels divers.
Le docteur R. Kobert, Allemand, après une analyse attentive, a
trouvé dans le Quillay , comme dans la Polygala Senega , deux glu-
cosides, mais dans une proportion cinq fois plus abondante dans
celui-là. « Maintenant, ajoute-t-il, l’écorce du Quillay est près de
dix fois moins chère que la racine de Senega. En plus, la proportion
des substances efficaces dans l’écorce du Quillay est bien constante.
Il manque aussi à cette écorce une substance qui cause le goût si
désagréable de la décoction de Senega; mais, comme compensa-
tion, l’écorce du Quillay contient une grande quantité de sucre qui
donne à la décoction une saveur douce. Pour ce motif, j’ai esssayé
l’écorce du Quillav dans sa valeur thérapeutique. Voici le résultat
obtenu : i° Que les malades supportent mieux ce remède que la
Senega , et que, rarement, ils sont attaqués de vomissements et
diarrhées. — 20 Que le remède, à cause de son goût sucré, est pris
avec plaisir, même par les enfants. — 3° Que les effets expectorants
du médicament sont hors de doute (1). »
On sait que la saponine (que contient en grande, partie le
Quillay) est un corps blanc, pulvérulent, non cristallisé, très
fusible, sans odeur, d’un goût d’abord sucré, et ensuite d’une âcreté
persistante.
La saponine produit l’éternuement; elle se dissout dans l’eau en
toutes proportions : il suffit de 1 gram. pour 1000 pour faire naître
(1) Traduction de M. Fréde'ric Philippi de la Pharmaceutische Centrât-
halle de i885 , pag. 478.
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
7 3
l'écume -, en dissolution, elle est trouble d’abord et devient ensuite
transparente après plusieurs filtrations.
M. Lebœufpère, en i85o, démontra que toutes les substances
insolubles dans l’eau et solubles dans l’alcool, pouvaient, en ajoutant
de la saponine dans la solution alcoolique, se diviser jusqu’à l'infini
dans l’eau et former des émulsions. M. Lebœuf fils a tiré parti de ce
fait et, le prenant pour base, a indiqué la préparation d’une teinture
alcoolique de Quillay , dans la proportion de un pour quatre.
Le docteur H. Collier, dans un rapport lu à la Confédération
pharmaceutique britannique, propose, suivant les démonstrations du
pharmacien français, l’emploi, pour la teinture, de la formule sui-
vante, administrée en émulsions.
Ecorce de Quillay dépouillée de l’épiderme
et moulue 120 grammes.
Alcool rectifié p3o —
En macération durant trois jours, et on passe au filtre ; il en
résulte une teinture jaune clair.
Si l’on agite du mercure métallique avec cette teinture, il sup-
porte une division extrême qui persiste.
Le chloroforme forme avec cette teinture une véritable émul-
sion.
Chloroforme 10 gouttes.
Teinture de Quillay 4 grammes.
Eau distillée. 3o —
Les huiles de ricin, de foie de morue et d’olives produisent des
émulsions parfaites.
Huile de ricin i5 grammes.
Teinture de Quillay 2 —
Eau. 3o —
On mêle, dans un flacon, l1 huile avec la teinture, et on ajoute
ensuite l’eau, on agite encore et on secoue } il en résulte une émul-
sion qui présente l’aspect du lait.
74
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
Les teintures résineuses exigent une plus forte dose de teinture
de Quillay , afin d'empêcher la séparation de la résine.
Teinture de Tolu 40 gouttes.
Teinture de Quillay . . . 4 grammes.
Eau . 3o — ■
Mêlez.
Copahu 2 grammes.
Teinture de Quillay 2 —
Eau . . 3o —
Mêlez.
Comme l’écorce de Quillay , nous le répétons une fois de plus,
doit ses effets aux glucosides qu’elle renferme, et très particulière-
ment à la saponine, ses effets physiologiques seront indiqués en fai-
sant connaître ceux que produit cette dernière substance.
La saponine est une substance d’action locale irritante, qui
paralyse, en plus, les fibres musculaires et nerveuses. A la douleur
primitive qu’elle produit, succède une action anesthésique qui n’a
pu être utilisée à cause des phénomènes inflammatoires qu’elle
réveille sur les muqueuses et les plaies.
« "Une fois portée dans le torrent de la circulation, dit Huse-
mann (1), la saponine exerce une action paralysante sur les muscles
et sur les nerfs, affectant d’une façon particulière les nerfs du cœur, et
les centres paralysateurs, comme les nerfs accélérateurs provenant
du nerf sympathique, et faisant cesser, enfin, les mouvements car-
diaques.
» Les mouvements du cœur, très retardés dans les empoisonne-
ments par la saponine, sont accélérés par la digitaline -, les contrac-
tions devenant plus fortes, l’abaissement de la pression sanguine
produit par la saponine disparaît. Avant la paralysie du cœur, se
présente la paralysie des muscles des intestins ; la saponine influe
aussi rapidement sur le centre moteur, l’excitant d’abord et le para-
lysant ensuite*, le nerf respirateur subit le même effet, les fortes doses
(4) Manuel de Matière médicale et de Thérapeutique ,
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
75
le paralysent instantanément, et les petites graduellement. Dans les
empoisonnements par la saponine, la fréquence du pouls descend
considérablement de même que la respiration et la température.
« Les convulsions toniques et cloniques qui se présentent après
l’ingestion de la saponine, semblent se rapporter aux troubles du
cœur et des fonctions respiratoires ; cependant, si on met la sapo-
nine en contact avec la moelle des grenouilles, on voit se produire
tout d’abord le tétanos, et plus tard la paralysie, qui s’étend du
centre à la périphérie. »
Nous connaissons des laits dans lesquels l’ingestion d’une ma-
cération d’écorce de Quillay , a occasionné la mort des animaux et a
causé de graves accidents à plusieurs personnes. Les phénomènes
observés ont été les mêmes que ceux décrits scientifiquement par le
professeur Husemann sur la saponine.
En plus de Lusage que l’industrie, la vie domestique et la phar-
macie font du Quillay , son emploi thérapeutique augmente de jour
en jour. L’infusion de son écorce ou sa macération prolongée sont
employées dans plusieurs affections squameuses et chroniques de
la peau* dans les alopécies, pour donner de la force aux cheveux, et
dans tous les autres cas où l’on veut obtenir la propreté de la peau.
Gomme pectoral, et comme fluidifiant des sécrétions bronchiques,
il est, sans aucun doute, supérieur à la Polygala senega dans les
bronchites, asthmes et dans les affections chroniques. Il serait à
désirer qu’011 en fît l’essai comme auxiliaire de la digestion des subs-
tances grasses, suivant en cela les expériences de laboratoire assez
révélatrices de MM. Lebœuf père et fils.
L’infusion de Quillay est un remède de grande valeur pour la
médecine vétérinaire. On l’applique avec succès dans les campagnes
pour les chevaux gras et forts qui, ayant été soumis à un travail
lorcé, sont tombés malades, appelés alors « cortados » fourbus. Le
cheval qui souffre de cette affection a une forte diarrhée, les bruits du
cœur sont tumultueux et s’entendent à une certaine distance ; la fatigue
est telle que l’animal peut à peine se mouvoir, la sueur est abon-
dante et le terme fatal n’est pas éloigné. Quelques livres de Quillay
76
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
en infusion calment les battements du cœur, font disparaître la
fatigue et la diarrhée, et la santé revient alors.
Dans la pharmacoée chilienne, le Quillay est officinal et a
l’honneur d'y figurer avec une préparation spéciale : la teinture du
Quillay et de goudron, dont la formule suit :
Goudron végétal 2 5 grammes.
Teinture de Quillay ioo —
On chauffe le goudron au bain-marie, on ajoute la teinture, par
petites portions, on agite fréquemment et l’on maintient ainsi le
tout une heure et demie. On filtre ensuite.
C’est un médicament utile dans plusieurs affections catarrhales,
surtout dans celles de la poitrine et de la vessie.
MÜERMO ô ULMO
Eucryphia cordifolia.
Car. Sc., IV, 49, tab. 872. — Gay, I, 35 1. — D. C. Prodr., I, 556.
Pellina cordifolia, Mol.
Sa taille le place en première ligne parmi les plus grands arbres
du pays, il atteint 40 mètres de hauteur pour deux mètres de dia-
mètre, très droit, rameux dans la partie supérieure • le tronc est
glabre, les bourgeons un peu velus; les feuilles sont abondantes,
opposées, oblongues, cordiformes, obtuses et quelquefois margi-
nées, dentées -, les fleurs sont grandes, blanches -, le calice s’ouvre
de bas en haut et tombe avant sa floraison.
O11 le rencontre depuis Chillan, vers le sud, mais surtout à
Valdivia et Chiloé où il abonde, dans les lieux humides et boisés ; à
Chillan, on lui donne le nom de Z7/mo, à Valdivia, de Muermo.
Le bois de cet arbre est un des plus durs, et on l’emploie prin-
cipalement pour les constructions navales à cause de sa résistance
à l’humidité. On ne peut l'employer pour le pont des navires à cause
PLANTES MÉDICINALES DU CHILI
77
de la facilité avec laquelle il se fend au soleil ; comme bois de
chauffage il est de première qualité.
L’écorce du Muerrno contient une grande quantité de tannin,
ce qui la rend utile dans les tanneries et permet son usage en méde-
cine, comme tant d’autres qui ont les mêmes propriétés, et qui sont
d'un usage plus ou moins répandu.
CEPACABALLO
Acaena splendens.
Hook. et Arn. — Bot. Mise., III, 3o6. — Gay, II, 291.
Plante réunie en touffes à racines grosses -, les feuilles radicales
sont velues, blanches, luisantes, argentées-, leur pétiole est aussi
velu -, fleurs sessiles, disposées en épis interrompus et accompagnées
de plusieurs bractées droites-lancéolées, de la même couleur que
les sépales ; le fruit est d’une forme elliptique, velu et armé d’ai-
guillons.
« Cette belle espèce, dit Gay, croît dans les plaines de la Cor-
dillère de Santiago, San Fernando, etc., formant sur le sol à une
hauteur de 5 à 6000 pieds, des touffes blanchâtres et comme argen-
tées.
Toute la plante peut être utilisée : l’infusion de Cepalo-Caballo
jouit d’une renommée universelle, administrée en tisane pour les
maladies du foie si communes dans le nord et le centre du pays -,
elle a des propriétés légèrement diurétiques. Les femmes du peuple
remploient comme emménagogue, et, je crois que c’est sans motif
qu'on lui attribue une action abortive ; elle est aussi recommandée
dans les affections urinaires.
La Pimpinela Acaena pinnatifida R. P. s’emploie presque de
la même manière-, elle est très commune sur les collines de la côte
et sur le premier versant de la Cordillère, depuis Aconcagua jusqu’à
Osorno, comme on le verra un peu plus loin.
78
PLANTES MÉDICINALES DU CHILI
PIMP1NELA
Acaena pinnatifida.
R et P. Flor per. et chil., I, 68. — Gay, II, 283. — D. C. Prodr , II, 592.
— Myriophylla incisa et pinnatifida, Suid.
De sa racine, longue et mince, sort un ou plusieurs rhizomes
très squameux, terminés par une tige simple, droite, un peu velue ;
les feuilles sont glabres et blanchâtres en dessous, presque glabres
et luisantes en dessus ; les fleurs forment des épis longs et interrom-
pus • les fruits, disposés comme les fleurs, sont velus, arrondis et
sont armés de fortes épines très inégales.
Elle croît depuis les bords de la mer jusqu'aux Cordillères, et
on la trouve encore au détroit de Magellan. Elle est aussi connue
sous le nom de Cadorllo , amor seco , et chez les Indiens elle est
appelée Proquin.
Toute la plante, mais sutout la racine, possède de faibles pro-
priétés astringentes, rafraîchissantes et diurétiques. On l'administre
seule ou associée à d’autres plantes de la même nature, comme
tisane, dans les états pléthoriques passagers, très fréquents au prin-
temps, lors de la cessation des règles, pour calmer les vapeurs aux-
quelles sont sujettes les femmes dans cette période de leur vie et
dans les aménorrhées.
SABINILL A
Margyricarpus setosus.
R. et P. Flor. per. et chil., I, 28. — Gay, II, 279. — D. C. Prodr. II, S9 1 .
Plante ligneuse sous-frutescente, noirâtre, de trois décimètres
de hauteur, divisée en nombreuses branches cylindriques, droites
et couvertes de feuilles; feuilles imparipennées, alternes, de couleur
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
79
vert clair; les folioles sont linéaires, aigues, droites, étroites et lui-
santes ; les fleurs sessiles et axillaires ; le fruit est une drupe
blanche, charnue, très petite.
Elle croît dans les plaines et les collines arides, et on la rencontre
depuis Coquimbo jusqu’à Valdivia.
La racine et les feuilles sont les parties les plus employées en
médecine.
On attribue à la Sabinilla une propriété diurétique et on l’em-
ploie en infusion. Le docteur Blest et le docteur Aguirre disent
l’avoir employée avec succès quand il a été nécessaire d’augmenter
la sécrétion rénale. Quelques-uns croient qu’elle peut résoudre les
calculs urinaires, ce qui est invraisemblable.
Je fis, il y a quelques années, une série d’expériences sur cette
plante, dans l’hôpital militaire, et je parvins à guérir avec ce seul
traitement plus de vingt blennorhagies. Je pus en effet me convaincre
de ses bons effets diurétiques.
Il est bon de ne pas la confondre avec le Juniper us satina , dont
les effets sont tout différents et qui appartient à une autre famille.
Cette plante n’a pas été analysée.
SAXIFRAGÉES
ESCALLONIA
Le genre Escalloma appartient d’une façon particulière à lAmé-
rique et a au Chili de nombreux représentants que les naturels con-
fondent fréquemment sous les mêmes noms de Lun, Mardono
Berraco, Coron îillo , ipa et Siete Camisas , à cause de sept petites
écorces qui la couvrent.
Arbuste ou arbrisseau assez résineux qui croît dans les lieux
8o
PLANTES MÉDICINALES DU CHILI
humides voisins de la côte, à l’exception des espèces alpines, Car-
mélite, Illinite , etc.
Les caractères distinctifs de ce genre sont : calice uni à l’ovaire,
limbe à cinq dents, cinq pétales placés sur le bord d’un disque épi-
gyne • cinq étamines; ovaire biloculaire, style simple avec stygmate
pelté-, capsule septicide, conservant la colonne placentaire libre.
Nous allons énumérer les espèces les plus communes de ce
genre.
E.Pulverulenta Pers., Mardono , Lun , entièrement pubescente ;
les feuilles à pétioles courts, elliptiques, obtuses, dentées ; fleurs
petites, blanches, disposées en une grappe terminale qui ressemble
à un épi. Elle est commune depuis Valparaiso jusqu’à Lota.
. Illinita Prest, Cor outilla, Nipa. — Très glabre ; feuilles
oblongues-lancéolées, denticulaires, couvertes d’un vernis visqueux,
les fleurs sont blanches, paniculées. Cette espèce est remarquable
par l’odeur qu’elle exhale ; elle croît aux bords des ruisseaux dans
les terrains basaltiques de San Fernando, Taguatagua, Cauquenes,
Valparaiso, Coquimbo, on la recommande spécialement contre les
maladies du foie.
E. rubra Pers-, Siete Camisas, Colorado ; feuilles ovales-lancéo-
lées, dentées : fleurs disposées en panicules. Elle croît dans les ter-
rains de la côte, depuis Valparaiso jusqu’à Valdivia, où les habi-
tants emploient ses feuilles comme vulnéraires.
E. macramha , Kook et Arn., Siete Camisas (sept chemises);
arbuste des provinces de Valdivia et Chiloé. Les fleurs, rouges, de
cette espèce,, sont les plus grandes dans ce genre. Les fleurs et les
feuilles du sommet sont employées comme aromatiques, toniques,
emménagogues et vulnéraires. On les administre en infusion -, on en
fait aussi un baume avec de l’huile dont la propriété est la guérison
des blessures.
Toutes les Escallonias sont plus ou moins balsamiques, et en
conséquence peuvent s’administrer comme stimulants, digestifs et
pour diminuer les sécrétions des membranes muqueuses, et spécia*
lement de celles chargées de l’élimination.
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
81
Dans les maladies du foie, pour lesquelles elles sont recomman-
dées, elles doivent être employées seulement dans les cas d’atonie
digestive, et quand la réaction fébrile n’est pas très accentuée.
L’industrie indigène s’en sert pour la teinture.
PEHUELDÉN
Hydrangea scandens.
Poepp. in D. C., IV, 666. — Poepp. i End. Nov. gen., I, tab. 17. — Gay,
III, 48. — Cornidia integerrima, Hook i Arn.
Arbrisseau grimpant qui atteint quelquefois vingt mètres de
hauteur, très rameux ; feuilles opposées, coriacées, ovales, ellip-
tiques ; fleurs petites disposées en nombreux corymbes très rameux
et plus longs que les feuilles, de couleur blanche; quatre à cinq
pétales concaves, charnus ; fruit capsulaire, bi ou triloculaire.
Cette espèce croît en abondance depuis Chillan jusqu’au sud,
elle fleurit en décembre.
Le père Pennesse dit que les feuilles, les pousses du sommet et
l’écorce du Pehuelden sont astringentes, fébrifuges, etc. 11 sert pour
le traitement des hémorrhagies et les flux du ventre. 11 le recom-
mande aussi comme vulnéraire et conseille son emploi en décoction
préparée avec deux à quatre onces pour une livre d’eau.
TEMU
W einmannia trichosperma.
Cav. Ic., VI, tab. 567. — Gay, III, 45. — D. C. Prodr., IV, 11. —
W. chilensis, D. G. — dentata, R. et P.
Cet arbre atteint une hauteur de 20 à 25 mètres, sur un de
de diamètre ; son écorce est rugueuse et semée de points blan-
châtres ; feuilles oblongues, discolores et opposées avec de trois à
6
82
PLANTES MÉDICINALES DU CHILI
huit paires de folioles oblongues-elliptiques, dentées presque en
forme de scie ; pétiole ailé, articulé dans chaque insertion des
folioles ; fleurs d’un blanc-rose, disposées en grappes, capsules
arrondies, pourvues de plusieurs côtes sortantes qui se terminent
en deux pointes presque aussi longues que les fleurs.
Il croît à Valdivia, Chiloé et Concepcion, où on l’apprécie beau-
coup comme bois de construction. On le connaît aussi sous le nom
de Tinco et Madeu.
Son écorce, qui contient une assez grande quantité de tannin,
est quelquefois employée par les tanneurs. La médecine met en
usage les propriétés astringentes et un peu balsamiques de ses
feuilles et de son écorce, administrées en infusion dans les diarrhées
chroniques, en injections et comme vulnéraire. On l’emploie beau-
coup en décoction pour laver les blessures des animaux, les cou-
vrant ensuite avec la poudre de ses feuilles.
PARRILL A
Rites glandulosum.
*
R. et P. Flor. per. III, 233. — Gay, III/ 33. — D. C. Prodr., III, 481.
Arbuste de 2 à 3 mètres de hauteur, un peu velu dans la
partie supérieure, feuilles presque glabres, glanduleuses, ovales,
tronquées à leur base, quelquefois en forme de cœur, divisées
en trois lobes ovales, garnies à leur bord de dents obtuses en forme
de scie ; pétioles presque aussi longs que le limbe, très velus et
dilatés vers la base ; les fleurs sont d’un jaune vert, disposées en
grappes; fruits ronds, noirâtres et bien pédiculés.
Il est commun depuis la province de Concepcion jusqu’à
Chiloé, où on lui donne aussi le nom de Muhul> et au fruit celui de
U villa.
Pennesse dit qu’on peut user les feuilles avec avantage sous
forme de cataplasme pour les coups ; sa décoction est rafraîchis-
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
83
santé et astringente, utile dans la dysenterie et les hémorrhagies.
L’onguent préparé avec une demi-once de la poudre de ses feuilles,
pour deux onces de saindoux, est utile pour les éruptions cutanées.
Il est probable que cette espèce de Parilla est la Ribes Valdi-
vianum Ph ., car 1 q glandulosum croît très bien dans les provinces
centrales.
LLAUPANGUE
Franco a sonchifolia .
Cav. Ic., VI, 77. — Gay, III, 148. — D. C. Prodr., VII, 777. — Panke
sonch. W. — Llaupanke amplissima sonchifolia, Feuill., II, tab. 3i.
Cette plante dépasse à peine une hauteur de 5o centimètres :
elle est velue, et possède des feuilles abondantes, réunies commu-
nément à leur base, sessiles, lisses, un peu velues au-dessus, et
beaucoup plus au-dessous-, les fleurs sont blanches, pourpres ou
violacées, surtout près de l’ongle des pétales, disposées en grappes
peu serrées 5 son calice est supporté par quatre parties laciniées
lancéolées, aiguës et tri-nervées ; le stigmate est en forme de coin à
sa base.
Elle est commune dans tout le centre et le sud du pays ; la racine,
astringente, contient du tannin.
Feuillée dit que le jus de cette plante appliqué sur les hémor-
rhoïdes, en calme les douleurs et les flux immodérés. Les teintu-
riers, dit-il encore, se servent de ses racines, cuites avec les fruits du
Maqui , pour teindre en noir. Le jus sert à préparer une sorte
d’encre.
Par ses propriétés astringentes* cette plante ressemble beau-
coup au Pangue , de la famille des Haloragées , dont nous allons
nous occuper.
84
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
HALORAGÉES
PANGUE
Gunnera chilensis.
Lam. Dict. enc. III, 61. — Gay, II, 363. — D. C. Prodr., XVI r., pag. 598.
— G. scabra, R. et P. — pilosa, H. B. Kth.
Plante à racine très grosse, fusiforme, de laquelle sortent beau-
coup de feuilles rondes, réniformes, qui atteignent une largeur de
un mètre de diamètre, très veineuses, rugueuses de chaque côté et
partagées en cinq lobes laciniés ou dentés, ces lobes sont parfois
plus nombreux ; elles sont soutenues par un long et gros pétiole ru-
gueux; entre les feuilles naît une hampe florale cylindrique, grosse,
munie de petites pointes rugueuses; elle est longue et terminée par
une grappe composée de fleurs très petites et très serrées ; le fruit a
la ressemblance d’une petite drupe parce que le calice devient
charnu.
Le Pangue est très commun dans les endroits marécageux, le
long des ruisseaux, près des sources, principalement dans nos pro-
vinces australes, où il est très apprécié comme aliment et comme
remède. On le rencontre depuis la province de Coquimbo jusqu’à
« Tres-Montes. »
« Le Pangue , bien connu par ses feuilles, qui sont si grandes
qu’elles peuvent servir d’ombrelles, croît dans les bourbiers en
grosses touffes. On sort de ces touffes des tronçons qui, une fois
bien secs, servent aux tanneries au lieu du Zumaque et donnent les
mêmes résultats. En le faisant macérer dans du vin une partie de
la nuit, et le matin, en donnant ce vin, passé au filtre, aux personnes
qui souffrent de dysenterie et d’humeurs, celles-ci sont arrêtées
et disparaissent après quelques jours. Administré en lavements,
PLANTES MÉDICINALES DU CHILI
85
comme je vais le dire, le malade guérit complètement. « Le lave-
ment doit se préparer avec du bouillon de viande mélangé à trois
parties de Tangue moulu, le tout mêlé à une quantité d’eau équiva-
lente à six lavements, on réduit le tout en un seul clystère que le
malade doit retenir le plus longtemps possible, et il guérit alors
rapidement. — Rosales. »
Feuillée dit que le Pangue est employé comme rafraîchissant,
et que les pétioles de ses feuilles se mangent après qu’on en a ôté
l’écorce. Les teinturiers emploient sa racine pour teindre en noir, et
les tanneurs pour tanner les cuirs.
« Le Pangue est très commun dans les terrains bourbeux, dit
Gay, le long des petites rivières, des torrents et sur la pente des ra-
vins humides. C’est une plante, grandiose par la force de ses tiges
et de ses feuilles, et de grande utilité en raison de ses excellentes
propriétés acidulées et astringentes que la médecine et les arts savent
utiliser. Les feuilles, bien cuites, placées sur la partie inférieure des
épaules ou sur les reins, diminuent l’ardeur de la fièvre, et en dé-
coction sont très rafraîchissantes ; on l’emploie quelquefois dans les
campagnes les jours de grande chaleur ; mais les pétioles ou
nalcas , sont généralement préférés ; on les mange cuits après leur
avoir retiré la première écorce; leur goût est doux, un peu acidulé,
et très agréable, surtout employés sous forme de glace. Les tiges ont
le même usage, comme aussi les racines, quoique moins appréciées
à cause de leur dureté et du peu de jus qu’elles contiennent; elles
sont aussi beaucoup plus astringentes. En décoction, on les emploie
avec succès pour combattre les diarrhées, les hémorrhagies et
autres maladies du ventre ; les teinturiers les emploient pour donner
un beau noir à leurs tissus ; les tanneurs pour tanner les cuirs, pou-
vant, dans ce cas, remplacer avec grand avantage toutes les écorces
en usage dans la tannerie -, sous ce point de vue, le Pangue pour-
rait être cultivé dans les bourbiers ou bas-fonds des provinces du
Sud. On donne vulgairement le nom de Pangue ou Nalca aux par-
ties qui se mangent -, les Indiens donnent quelquefois aux bourgeons
le nom de Pampancallhue. »
86
PLANTES MÉDICINALES DU CHILI
En médecine, on emploie presque exclusivement la racine, qui
est un vrai rhizome et qui contient une forte dose de tannin, et très
peu de substance gommeuse. On le présente dans le commerce en
disques ronds, irréguliers ou elliptiques, de cinq à dix centimètres
de diamètre, quelquefois plus, et d'un demi à deux centimètres
d’épaisseur, couverts en dehors d’une couche brun jaunâtre, à
l’intérieur ils sont d’un jaune clair, légers, fragiles, et d’une saveur
astringente peu amère. On les emploie en général en infusions.
Cette plante, connue presque uniquement sous le nom de
Pangue , et non Panque , comme quelques auteurs la dénomment,
est un des astringents les mieux justifiés par l’usage journalier qu’en
fait la médecine du Chili où elle est officinale. De là son emploi si
généralisé dans les diarrhées, dysenteries chroniques, dans les leu-
corrhées, flux, métrorrhagies et métrites, selon la force de concentra-
tion ; elle produit aussi de bons résultats dans les angines tonsillaires
et autres maladies de la gorge et de la bouche, particulièrement
dans le scorbut et la stomatite mercurielle. Les femmes publiques
l’emploient en injections et bains des parties génitales, dans le but
de donner de la vigueur et de la résistance aux fibres affaiblies de
ces organes.
Le Pangue est un des médicaments les plus en usage dans la
médecine gynécologique, administré en injections abondantes à
cause de ses propriétés toniques, fortifiantes et astringentes.
Nous n’avons rien à ajouter à ce qui a été dit de ses qualités
appliquées à l’industrie.
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
87
MYRTACÉES
CHEQUEN
Eugenia cheken.
Hook et Arn. Bot. Beech., 56. — Bot. Mise., III, 320. — Gay,' II, 390. —
Myrtus chequen, Mol. — Myrtus luna, Schauer. — M. dives, Kzc.
Le Chequen est an arbuste qui ressemble beaucoup à YAr-
rayan (myrte). Il est assez commun dans les forêts des provinces
centrales du Chili, dans lesquelles on le voit suivre le cours des eaux
de sources et des petites rivières. Dans le nord, on lui donne quel-
quefois le nom de Barraco , et dans le Sud celui de Nipa , par erreur,
parce que le plus commun et propre à cette espèce est le nom de
Chequen.
Arbuste élevé, rameux, feuilles larges et courtes, ovales et
aiguës, opposées, à pointes translucides, entières, marquées sur la
partie inférieure par une nervure moyenne saillante ; les fleurs sont
blanches, axillaires et solitaires : le calice a quatre divisions obtuses,
entourées de petits poils courts; quatre pétales obtus, un peu plus
courts que les étamines qui sont très peu abondantes ; style simple;
baie à trois lobes, et un grand nombre de graines réniformes.
11 a été étudié sous le point de vue chimique par M. Hutchison,
professeur et membre de la Société de pharmacie de Londres, et
sous sa forme thérapeutique par William Murrell du London Hos-
pital, et par le docteur E. Dessauer, de Valparaiso (1). J’ai eu moi-
même l’occasion de l’employer souvent, dans ces dernières années;
sa préparation est officinale et son sirop se trouve en vente dans
plusieurs pharmacies.
(1) Gaceta médica de Valparaiso, 1879. Paj. 101 i siguientes.
88
PLANTES MÉDICINALES DU CHILI
Le Chequen est très aromatique ; son odeur balsamique parfume
l’atmosphère et se répand à une certaine distance. Les glandes nom-
breuses, qui couvrent ses feuilles et même ses tiges, indiquent qu’on
leur doit ce parfum, plus prononcé dans les lieux où il croît, le
matin et à la tombée du jour.
Les parties dont on fait usage sont les feuilles dans lesquelles
résident ses principaux éléments ; on emploie aussi les petites
branches.
Le Chequen contient :
i° Un principe astringent qui fournit un précipité noir bleuâtre
avec les sels de fer qui le fait classer comme ressemblant à l’acide
gallo-tannique.
2° Une huile éthérée, inflammable, semblable à celle du myrte.
3° Un alcaloïde particulier.
« Désirant savoir si le Chequen contenait un alcaloïde commun,
dit Hutchison, je n’obtins aucun résultat; mais je réussis en ajou-
tant du phosphomolybdate d’ammoniaque ; il se produisit alors
une couleur verte, brillante, passant à une couleur bleue en ajoutant
de l’ammoniaque pur ; en même temps il se forma un précipité
abondant. L’ammoniaque pur donna aussi un précipité également
abondant.
» L’huile volatile brûle avec une lumière blanche, brillante; son
poids spécifique est moindre que celui de l’eau, et son odeur, très
ressemblante à Lhuile du genévrier. »
Les préparations pharmaceutiques du Chequen sont :
i° L'eau distillée;
2° L’infusion des feuilles :
3° L’extrait fluide obtenu d’après la méthode que donne la
pharmacopée des États-Unis d’Amérique pour la cinchone.
4° Un sirop.
Le docteur Dessauer faisait préparer le sirop, dans la propor-
tion d’une partie de feuilles pour deux parties de sirop de sucre, que
je considère trop forte et d’un goût désagréable. Il employait aussi
fréquemment la formule suivante :
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
89
R Extrait fluide de Chequen 100 grammes.
Sirop de Chequen 5o —
M A prendre par cueillere'es.
L’extrait fluide se donne par dose de 5 à 10 grammes, mêlé à
l’eau sucrée; le sirop, une cuillerée de i5 à 20 grammes, 3 ou
4 fois par jour.
On emploie aussi les feuilles en inhalations chaudes.
« Les préparations du Chequen , à l’usage interne, ont une saveur
amère aromatique, un peu âcre, et déterminent, comme les prépa-
rations balsamiques chargées d’essences, une excitation modérée de
l’estomac et de l'organisme en général. Son élimination s'effectue
par les voies respiratoires et urinaires.
« J’ai fait, avec l’extrait fluide, dit Murrel, de nombreuses
expériences, et je puis en parler dans les termes les plus flatteurs. Je
l’ai employée, principalement, dans la bronchite chronique et aiguë
avec forte toux, l’administrant à la dose de 8 à i5 grammes, avec de
l’eau, tous les trois quarts d’heure, et sur 3o ou 40 cas que j’ai
traités, tous ont été très satisfaisants.
» Le Chequen est un expectorant et soulage la toux.
» Je n’ai jamais vu son usage avoir le moindre inconvénient, et
les malades le prennent sans difficulté aucune.
» Je suis convaincu que l'introduction de ce médicament a été
un bienfait pour la médecine. »
Suivant le docteur Dessauer, ce remède augmente sensible-
ment l’expectoration, calme la toux, stimule l’appétit, facilite la diges-
tion, et comme diurétique il débarrasse les reins et tout le sys-
tème uropoïétique de l’excès des sels et sécrétions blennorrhagiques,
en les diminuant. Il considère son usage, d’une grande utilité dans
les affections rénales, dans les leucorrhées et blennorrhagies.
La composition du Chequen étant connue, et, considérant les
principes toniques et balsamiques qu’il contient, comme aussi le
principe amer qui l’accompagne, il est facile de prévoir qu’il doit être,
comme il l’est en effet, un agent dont l’action est puissante dans les
bronchies, dans la phthisie, asthme, broncorrhée, etc. On sait que
go
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
les huiles volatiles s’éliminent par les bronches; et, comme l’huile
volatile du Chequen est assez abondante, il n’est pas étonnant de
voir son action si marquée dans toutes ces affections. C’est dans
ces maladies que j’ai eu l’occasion de l’employer le plus souvent, et
j’ai toujours obtenu les résultats les plus satisfaisants. Des efïets pa-
reils, mais, pas aussi positifs, s’obtiennent dans les catarrhes de
la vessie, et sécrétions anormales de l’urètre.
Je ne crois pas à l’action diurétique, qu’antérieurement je lui
ai attribuée ; mes observations postérieures ne me permettent pas de
le considérer comme tel, mais, je crois que son principe amer, dans
beaucoup de cas, excite l’appétit et peut faciliter la digestion.
Les gens du pays l’emploient encore en bains tièdes, préparés
par décoction de cet arbuste, dans les rhumatismes chroniques, à
titre d’aromatique.
ARRAYAN
Eugenia apiculata.
D. C. Prodr., III, 276. — Gay, II, 898. — E. lima, Berz. — Myrtus luna,
Mol. — M. elegantula, Poepp, etc.
Arbrisseau de quelques mètres de hauteur, pubescent, à écorce
rouge; à feuilles ovales, opposées, coriacées, très entières, blan-
châtres et avec des nervures en-dessous, vertes en-dessus, terminées
en pointes aiguës ; trois fleurs blanches, dont deux sont pédicellées, et
celle du milieu presque sessile, supportée par un pédoncule axillaire;
le calice a quatre divisions et deux petites cellules et une graine
réniforme dans chacune.
Il croît principalement sur les collines des provinces australes.
Cette espèce se compose de nombreuses variétés, quelques-unes
avec pédoncules uniflores, et d’autres, à la fois, uniftores et
triflores.
On apprécie également, dans le pays, cet Arrayan , comme son
PLANTES MÉDICINALES DU CHILI
congénère d’Europe. Ses propriétés aromatiques et légèrement
astringentes le font employer comme stimulants, balamique, vulné-
raire et modificateur des muqueuses.
Molina dit qu’avec ses baies on fait une liqueur, et que ses
racines sont astringentes et employées contre la dysenterie.
Son bois est peu apprécié, malgré sa dureté, car il se pourrit à
l’humidité.
PETRA
Myrceugenia planipes.
Berg. Linnea, XXVII, 1 6 1 — XXX, 670. — Gay, II, 392. Sub nomine
Eug. planipes.
Arbrisseau, qui atteint quelquefois 1 o mètres de hauteur, glabre,
avec branches nouvelles et pédoncules floraux pubescents -, feuilles
assez larges, oblongues, aiguës, pâles en dessous avec une nervure
prononcée au milieu, vertes en dessus et glabres ; il possède deux à
trois fleurs blanches sur un pédoncule commun dans la partie axil-
laire des feuilles formant une espèce de sommet par leur réunion ;
le fruit est une baie glabre, noirâtre, couronnée par les dents du
calice, avec trois cellules, qui contiennent chacune deux ou trois
graines.
11 croît dans les provinces du Sud, près des petites rivières,
dans les lieux humides, et particulièrement dans les bois de Valdivia
et de Chiloé, où, à certaines époques de l’année, il embaume l’air de
ses parfums aromatiques. Le fruit est comestible, sa saveur est
agréable et douce; les Indiens le nomment Mitahue.
Ses qualités balsamiques le font apprécier comme vulnéraire et
même anti-syphilitique, par l’emploi du cœur et de l’écorce. Ses
propriétés sont, plus ou moins, les mêmes que celles des autres
Myrtacées.
92
PLANTES MÉDICINALES DU CHILI
MURTILLA
U g ni Molinœ .
Gay, II, 379. — Jurez. Flora, XXXI, 71 1.
Arbuste de un à deux mètres de hauteur, élégant et rameux -, les
feuilles sont assez grandes, pourvues d'un pétiole très court, coria-
cées, ovales, un peu aiguës, entières, opaques, reluisantes en
dessus; pédoncules fleuris, solitaires, simples fleurs blanches assez
grandes; la baie est rouge foncé, soudée au calice et formée de quatre
cellules, dans lesquelles se trouvent beaucoup de graines luisantes,
réniformes et petites.
« 11 est excessivement précieux, dit Gay, par l’élégance et
l’abondance de son feuillage et la saveur douce et aromatique de
ses fruits. 11 mérite une attention particulière des jardiniers et des
horticulteurs qui trouveraient en lui un arbuste très propre à l’orne-
ment des bordures de leur potager, remplaçant avantageusement le
buis qui n’a que l’avantage de posséder un feuillage toujours vert.
Le climat de Santiago est trop sec pour sa culture ; mais dans le Sud,
à Concepcion, et, bien mieux encore à Valdivia et Chiloé, il pour-
rait devenir l’ornement des jardins. Il est abondant dans les pro-
vinces de Chiloé, Valdivia et Concepcion, on le voit jusqu’au
36° degré. Les habitants donnent le nom de Murtilla à ses fruits, et
les Indiens celui de Uni ; ils les mangent avec grand plaisir et en
font des confitures agréables et aromatiques. «
A Valdivia, on donne le nom de Murta à cet arbuste, et à Con-
cepcion celui de Murtilla . Les Indiens les connaissent sous celui de
Uni.
Rosales dit que : « la Murtilla , comme grandeur est un pygmée,
mais par ses vertus, un géant. Cet arbuste s’élève à une hauteur
de une vare et demie, et un peu plus, sans tronc pour s’appuyer. —
Il ressemble beaucoup à la Murta ou aux Majuelas d’Espagne
PLANTES MÉDICINALES DU CHILI
93
par sa couleur, par ses feuilles et par son fruit ; ses grains sont
cependant un peu plus grands, très rouges et couronnés, devant
être considérés comme rois des autres grains sylvestres par leur
couleur pourpre, leur couronne, leur saveur, leur odeur et leur
finesse.
» Cette plante est citée par M. Antonio de Herreros, historien
des Indes, et par Juan Laet. Elle tonifie l’estomac, et mise dans beau
chaude, sans aucune autre préparation, on fait un excellent vin,
doux et agréable, qui fermente pendant plus de quarante jours et
conserve sa force et sa vigueur jusqu’à un an ou deux. Dans les
anciennes villes de Valdivia et d’Osorno on le consommait beau-
coup, à cause de la grande rareté du vin *, mais dans les autres villes,
qui ont beaucoup de vignes, on n’en fait pas grand cas -, cependant,
on en mange les grains avec plaisir et on en boit aussi le vin. »
On est dans la vérité quand on dit qu’aucun fruit sylvestre n’est
aussi agréable que la Murta. Aujourd’hui, néanmoins, on n'en fait
pas le même usage qu’ autrefois. Les propriétés médicinales de ses
autres parties sont les mêmes que celles de toutes les myrtacées,
raison qui nous fait nous abstenir de les énumérer.
Dans les diverses espèces de cette famille, qui ont tant de repré-
sentants au Chili, les deux suivantes méritent une mention toute
spéciale.
Myrtus luma , Gay. — La Luma} si connue par la dureté de
son bois presque égale à celle du fer, et par ses fruits agréables
appelés Cauchanes.
Eugenia Temu) Hook et Arn. — Arbre très beau, assez grand,
qui croît depuis la rivière Teno jusqu’à Puerto-Montt, très apprécié
par son bois excessivement dur, qui est susceptible d'un beau poli.
Ces deux espèces possèdent les qualités aromatiques stimu-
lantes et astringentes des autres espèces mentionnées et sont en
usage et appréciées dans la médecine de la campagne.
94
PLANTES MÉDICINALES DU CHILI
ONAGRARIÉES
METRUN
Olnothera Berteriana.
Spach. Monagr. 25. — Gay, II, 334.
Plante velue, presque toujours simple, de 60 à 80 centimètres
de hauteur; les fleurs sont lancéolées, aiguës, un peu dentées à
distance, de couleur vert-cendré ; les fleurs sont grandes, jaunes,
remplies d’une poudre abondante qui est le pollen ; les étamines
sont pourvues d’anthères d’une longueur presque égale à la moitié
de leur grandeur, et sont dominées par un style dont le stigmate est
presque égal aux anthères ; la capsule est presque tétragone,
s’amincissant près de son sommet ; les graines sont ovoïdes, gri-
sâtres et lisses.
Cette espèce, et autres du même genre, sont connues sous les
noms de Metruvia , on Diego de Noche et Flor de Noche, à cause
de la propriété qu’ont leurs fleurs de s’ouvrir à l’entrée de la nuit et
de se fermer le matin. On les cultive dans quelques jardins pour la
beauté de leurs grandes fleurs jaunes ; elle croît depuis Coquimbo
jusqu'à Osorno, dans les terrains pauvres et sablonneux.
C’est une des plantes dont la renommée est des plus grandes
comme vulnéraire ; on l’emploie en décoctions pour lotions dans les
cas de blessures et contusions. Les feuilles s’emploient aussi pour
unir par première intention les petites solutions de continuité. Sous
forme de lavement, elle est recommandée contre les rectites et dysen-
teries ; pour l’usage externe, comme émolliente et balsamique dans
les diarrhées et abcès des viscères ,
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
g5
COLSILLA
Oinothera acautis.
Cav. Ic., IV, tab. 39g. — Gay, II, 336. — D. G. Prodr., III, 49. —
01. mutica, Spach., grandiflora, R. et P., ete.
Cette plante varie par son aspect et son feuillage, parce qu'elle
fleurit dès la première année sans donner de tiges ; l’année suivante,
les tiges sortent tordues, un peu étendues, avec quelques petits poils
blancs et courts ; les feuilles sont tomenteuses, dans les deux cas
pennifides, à lobes dentés et sinueux. Les fleurs sont très grandes,
blanches, et prennent une couleur rose en se flétrissant ; les capsules
sont oblongues ovoïdes.
Elle est connue sous les noms de Calahuala , Rodalen , Col-
silla , et Yerba de la apostema. Cette plante est commune dans les
provinces centrales et dans quelques provinces australes, depuis les
bords de la mer jusqu’aux Cordillères andines.
Ses feuilles et ses racines (que quelques-uns considèrent plus
médicinales à mesure qu’on avance dans le Sud) jouissent de la
renommée de vulnéraires et s’emploient, soit en lotions pour
blessures et ulcères, soit à l’intérieur pour éviter les abcès qui pro-
viennent de coups et contusions. On les recommande aussi pour
les abcès et suppurations internes, en infusion ou tisane, les croyant
de grande utilité.
La Colsilla ou Calahuala possède des propriétés diurétiques et
légèrement astringentes, comme toutes les autres plantes qui ont la
renommée d’augmenter la sécrétion urinaire.
Il ne faut pas confondre cette plante avec la Gonophlebium
Synammia , de la famille des Polypodiacées, connue aussi sous le
nom de Calaguala *
96
PLANTES MÉDICINALES DU CHILI
CHILCO
Fuchsia macrostemma.
R. et P. flor. per, III, tab. 324. — Gay, II, 3 5 1 . — D. C. Prodr., III, 3 7. —
F. decussata, Grah, gracilis. Lind.
Cet arbuste ne s’élève ordinairement qu’à une hauteur de deux
mètres et demi ; il atteint quelquefois, dans le Sud, les proportions
d'un arbre, il est rameux; les feuilles sont ovales ou ovales-lancéo-
lées opposées ou réunies de trois en trois en verticilles dentés ; les
fleurs sont grandes, tombantes ; le calice est renversé avec les seg-
ments droits et pointus ; les pétioles sont violacés et ovoïdes, les
étamines rosées plus grandes que les pétales, le pistil est long et de
la même couleur.
11 croît dans toutes les provinces centrales et australes du pays,
on le voit servant d’ornement dans les jardins. Il est aussi connu des
jardiniers d'Europe qui l’apprécient beaucoup comme plante
d’ornement. Comme nous l’avons déjà dit, il atteint quelquefois dans
le Sud les proportions d’un arbre ; on lui donne alors le nom de
Chilcon.
Les fleurs sont appréciées comme rafraîchissantes et s’adminis-
trent en tisane. « Une livre de ces fleurs, dit Pennesse, dans un demi-
galon d’eau froide, avec 40 à 60 gouttes d’acide sulfurique, produit
une teinture particulière qui, en y ajoutant de 2 à 3 livres de sucre
raffiné, forme un sirop très délicat et très frais qui peut s’adminis-
trer contre les fièvres en guise de limonade. «
On emploie aussi les feuilles et même l’écorce, on leur attribue
des propriétés diurétiques, rafraîchissantes et fébrifuges.
Semblable au grenadier, disait, il y a de cela longtemps le
Père Rosales, est le Chilco , et pour la rétention d’urine c’est la meil-
leure médecine qu’on puisse trouver ; on fait cuire ses feuilles, et en
en buvant l’eau chaude les voies urinaires s’ouvrent avec efficacité.
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
97
Très ressemblante à cette espèce, est la F. coccinea , qui jouit
des mêmes propriétés.
CACTÉES
QUISCO
Cereus quisco.
Gay, III, 19.
Plante d'aspect élégant, qui atteint cinq mètres de hauteur sur
i5 centimètres de circonférence, droite, rameuse, avec 14 à i5 côtes,
branches élevées, et de belles fleurs blanches, volumineuses, les
aiguillons ou épines sont grisâtres et forts.
Elle est commune depuis Copiapo jusqu’à la rivière Maule et
croît de préférence sur les montagnes et les collines. Ses fruits,
connus sous le nom de Guillaves , sont mucilagineux, doux, agréables,
rafraîchissants et remplis de graines nombreuses et petites. Son
bois, très léger, est un bon combustible et s’enflamme avec rapi-
dité.
La famille des Cactées se distingue principalement par les qua-
lités émollientes que possèdent les espèces qui lui appartiennent.
Ces plantes, toutes originaires d’Amérique, appellent l'attention des
botanistes par l’originale disposition de leurs tiges et le manque
absolu de feuilles ; toutes contiennent une abondante quantité d’un
jus mucilagineux, exploité généralement à cause de ses propriétés
émollientes, préparé, soit en cataplasmes, soit en tisane ou en lave-
ments.
Le genre Cereus , connu sous le nom de Quisco , dont l’espèce
décrite est le plus haut représentant au Chili, est employé par les
indigènes en lavements, pour les inflammations du rectum, dans les
7
98
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
dysenteries aiguës, comme aussi dans les fièvres (on l’administre
alors en tisane) pour ses qualités rafraîchissantes et émollientes; et
sous le point de vue de cette vulgaire application, j’ai vu obtenir les
plus heureux résultats.
On pourrait obtenir de son bois un charbon léger qui s’utilise-
rait avantageusement comme absorbant, et par son action méca-
nique dans plusieurs affections du tube digestif.
M. Théodore Philippi, dans une communication dirigée à la
Faculté des sciences physiques (i) disait : « L’analyse des Quiscos
peut devenir d’un intérêt très grand, tant pour les sciences naturelles
que pour les arts, si on examine séparément le contenu des cellules
et la substance cellulaire.
» Les Quiscos renferment une grande quantité de cristaux mi-
croscopiques d’oxalate de chaux, en forme de prismes quadrangu-
laires terminés en octaèdres, li serait nécessaire de séparer ces cris-
taux de la matière qui remplit les cellules, et aussi, de la substance
cellulaire -, vu la très grande différence qui existe entre les trois par-
ties de cette plante, en vérifiant bien cette différence, il en pourrait
résulter des observations très importantes qui nous indiqueraient ce
qui doit se passer dans l'intérieur des cellules durant la vie de la
plante.
« Aucune autre famille, peut-être, n’offre les mêmes facilités
que les Quiscos pour ce genre d’analyse à cause de la quantité con-
sidérable d’oxalate de chaux qu’ils contiennent ; il serait aussi
intéressant d’analyser, séparément, les épines. L’oxalate de chaux
qu’on pourrait retirer des Quiscos , de la même manière dont on
extrait l’amidon des pommes de terre, pourrait être très utile pour
les arts. On sait que les couleurs blanches employées jusqu’à
ce jour ne conservent pas leur pureté et s’obscurcissent par la
plus légère quantité d’acide sulfhydrique répandu dans l’atmos-
phère. »
M. Field a étudié la composition des cendres du Quisco et dans
(i) Voyez, pour cette citation, et celle de M. Field, les Annales de VUni -
versité, 185g — pages 21 3 à 219.
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
99
une analyse très exacte, présentée à la Faculté des sciences, il a
démontré que chez elles prédominent les carbonates alcalins et les
terres de la même nature.
En unissant les substances solubles avec les insolubles, pour
faire son calcul, et en supprimant l’acide carbonique, le charbon et
les sables, il a obtenu, comme composition des cendres, le résultat
suivant :
Acide sulfurique 6.094
Chlorure 14.869
Potasse 7.822
Soude . 28.196
Acide phosphorique 6.404
Acide silicique 16.486
Phosphate de fer 1 .384
Chaux 10.619
Magnésie ... 7 .7 17
Oxyde de manganèse 529
Total .... 99.920
La présence de l’acide oxalique dans le Quisco vient corroborer
l’emploi heureux qu’en fait la médecine domestique.
F I C O I D E É S
DOCA
Mesembryanthemum chilense.
Mol. Hist. Nat., 2me édit., 1 3 3 . — Gay, III, 7
Plante à tige glabre, couchée sur le sol, verte, qui devient rouge
en se desséchant-, elle a près d’un mètre de longueur et se divise en
branches opposées; les feuilles sont charnues, opposées, unies à
leur base, triangulaires, prismatiques, de 4 à 7 centimètres de lon-
gueur, lisses ; les fleurs sessiles, solitaires au sommet des rameaux
100
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
et de couleur rose pourpre; les pétales sont très nombreux, linéaires,
très étroits et aigus à la pointe. Le fruit est une capsule charnue
couverte par le calice.
Les fruits de cette plante, qui croît dans les sables, aux bords
de la mer, depuis Coquimbo jusqu’à Rio Bueno sont comestibles,
et ont un goût agréable; mais ils jouissent d’une propriété purgative
très prononcée si on les consomme en abondance. On les utilise
quelquefois dans ce but. Feuillée leur attribue un effet drastique et
les considère comme un purgatif de grande activité, ce que je crois
un peu exagéré.
OMBELLIFÈRES
LLARETA
Açorella madreporica.
Closs. — Gay, III, 79.
Bolax glebaria.
Comm. Gand. Ann. Sc. nat., V, 104 — Gay, III, 87 — DC. Prodr., IV, 78.
— Azorella glebaria, Gray.
Laretia acaulis .
Hook. Bot. Mis, I, 329, Tab. 65. — Gay, III, 106. — Selinum acaule, Cav.
— Mulinumle acau., Pers.
Toutes ces espèces sont connues dans le pays sous le nom
de Llareta. Elles croissent toutes dans la Cordillère, où on les
trouve à une hauteur de 1 1,000 pieds au-dessus du niveau de la mer.
La première espèce mentionnée, est particulière aux provinces du
Nord, les autres se rencontrent dans les autres provinces et on les
trouve jusqu’à la « Terre de feu. »
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
IOI
On en tire une résine transparente, d’une odeur agréable, balsa»
mique, et très appréciée dans la médecine des campagnes. Elle est
employée comme stimulante, stomacale et vulnéraire. Les pro-
priétés balsamiques de ces espèces les font préconiser contre les
catarrhes pulmonaires, gonorrhées, cystites et autres maladies des
organes uropoiétiques.
Jusqu’à présent aucune analyse n’a été faite de ces plantes, qui
forment, dans les Cordillères, de belles touffes de grande étendue,
d’où on pourrait retirer avec facilité la résine que leurs feuilles et
leurs tiges laissent échapper.
CAÜCHA
Eryngium ro stratum.
Cav. Ic., VI, p. 34, 1, 552. — Gay, V, p. 1 17.
Herbe qui atteint un mètre de hauteur, la tige striée, ramifiée vers
son extrémité ; les feuilles sont radicales, oblongues, dentées dans
leur circonférence, celles du centre pennifides et florales pennées;
les capitules sont globuleux, ternaires, avec un involucre de dix
folioles presque ailées, alternativement plus longues ; le réceptacle
garde à son sommet, au lieu de pailles, environ 6 à 8 longues épines.
Cette plante est très commune depuis Talca jusqu’à la rivière
Cautin, elle jouit d’une grande renommée dans l’Araucanie, pour
combattre les conséquences de la piqûre de « l’araignée venimeuse »
[Labrodectes formidabilis ) qui abonde dans ces régions.
Les habitants usent quelquefois, dans leurs voyages et travaux,
la Caucha moulue, renfermée dans une petite poche, et, quand
l’araignée les a mordus, où, suivant leur expression quand ils ont
été « piqués » par elle, ils prennent du remède, une pincée de trois
doigts, ils la mâchent, avalent la salive, et ils affirment qu’au bout
d’une demi-heure, toute douleur a disparu, sans crainte d’aucune
complication.
I 02
PI ANTES MEDICINALES DU CHILI
P AN TL
Ligusticum panul.
Bert. D.C. Prodr., IV, 609 (par erreur de copie Pansil). — Gay, III, i3i.
Plante rameuse ; elle a près d’un mètre de hauteur ; sa tige quel-
quefois courte et couchée. Elle se partage presque toujours en trois
branches élevées et terminées par une ombelle. Cette ombelle est sans
involucre, ni involucelles -, elle est composée de 7 à 1 1 rayons élevés
et a de 6 à 10 lignes de longueur ; les pétales sont longs et recourbés
en dedans -, le limbe du calice n’est pas apparent.
Elle est assez commune dans les provinces du centre, où on
utilise ses racines et ses feuilles. On lui attribue des propriétés adou-
cissantes et légèrement astringentes.
La racine du « Panul » infusée dans l’eau bouillante s’emploie
comme dépuratif du sang, et mêlée à des tranches de « coing » pro-
duit une tisane agréable et rafraîchissante.
Les Chiliens se servent aussi du Panul , dans les maladies aiguës
et superficielles de la peau, et pour combattre la sueur des phthisi-
ques ; on l’administre dans ce dernier cas, en décoction. La teinture
du « Panul » mêlée avec de l’eau, et aspirée fréquemment par les
narines, jouit d’une grande renommée contre la céphalalgie • on dit
qu’elle fait descendre le sang de la tête et dissipe les douleurs.
Il serait bon de mentionner ici le C onium maculatum , Lin.,
Cicuta, et le Fœniculum vulgare , Gaer, Hinojo , qui croissent sponta-
nément au Chili, comme mauvaises herbes, et dont les usages sont
les mêmes qu’en Europe.
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
io3
RUBIACÉES
RELBUN
Galium relbum
Endd. Gen. — Gay, III, 1 86. — Rubra relbum, Cham et Schlechl. —
Rubiastrum, Feuill.
Plante herbacée, un peu velue, à racine rougeâtre, très fibreuse,
cylindrique, donnant issue à de nombreuses tiges de i5 à 20 centi-
mètres de longueur, faibles et peu élevées* les feuilles sont verticil-
lées par quatre, ovoïdes-oblongues, les pédoncules simples, axil-
laires, portant d’une à trois fleurs, terminées par quatre bractées
ovales-oblongues, ciliées-, le fruit est un peu charnu, rouge, globu-
leux.
Cette plante est commune depuis la province d’Aconcagua jusqu’à
Chiloé. Sa racine fournit une matière excellente pour la teinture,
semblable à la garance d’Europe. Avec une bonne culture on pour-
rait faire grossir davantage sa racine qui servirait alors à l’industrie.
Elle renferme une certaine quantité de tannin, ce qui la fait employer
comme astringent dans les affections de la vue, diarrhées et selles
sanguinolentes.
L’historien Rosales dit qu’on l’emploie beaucoup dans la tein-
turerie et que les bas teints avec le Relbum préservent du mal de la
goutte et font cesser les crampes des jambes. Pour les engorgements
de la rate c’est un breuvage admirable, et administrée en lavements,
on obtient la disparition des selles sanguinolentes, en faisant une
décoction avec l’aide des racines de consoude.
Mon frère, le docteur Guillermo Murillo, emploie l’infusion des
racines et des feuilles, la recommandant comme un excellent diuré-
tique ; il dit qu’elle agit en produisant une augmentation de la tension
104
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
artérielle. 11 l’ordonne, en conséquence, dans les cas d’œdèmes géné-
ralisés, et dans ceux qui dépendent d’un manque d’action cardiaque.
QUELLXGUEN CIIl CAOX
Nertera depressa .
Banks Gaerta fruct., I, 124. — Gay, III, 201, tab. 34. — D. C. Prodr., IV,
45i. — Repens , R. et P. — Cunina Sanfuentes, Gay, et autres synonymes
qui peuvent se voir dans , les prodromes.de D. C.
Petite plante à tige traînante, filiforme, un peu longue, laissant
sortir par la partie inférieure de ses nœuds quelques radicules très
minces et rameuses, et, dans la supérieure, des feuilles et des petites
branches très courtes-, les feuilles sont opposées, orbiculaires-cor-
diformes, lisses, supportées par des pétioles un peu plus courts que
le limbe; les fleurs sont solitaires à l’extrémité des branches, sessiles
et entourées par les feuilles, blanches, avec deux petites bractées
très aiguës à leur base; le calice se réduit à un rebord à peine appa-
rent; la corolle est courte, partagée en quatre divisions; la baie
charnue, très glabre, didyme, d’une couleur rouge vif.
Plante très commune dans les prairies maritimes des provinces
australes, où elle forme de grosses touffes. M. Philippi père, qui a
séjourné pendant plusieurs saisons à Valdivia , n’a pas rencontré
l’espèce décrite par Gay sous le nom de Cunina Sanfuentes , qui, au
dire de cet auteur, y est très commune, tandis que celle que nous
décrivons ici est, en réalité, si commune, que nous les confondons
et les considérons comme synonymes.
Cette plante est très appréciée par les gens de la campagne;
incorporée au saindoux, on en fait un onguent; elle est très vantée,
et on rapplique sur toutes espèces dJulcères et blessures de mauvaise
nature.
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
io5
VALÉRIANÉES
La famille des Valérianées , selon R. -A. Philippi, a de nom-
breux représentants en Europe et dans l’Asie tempérée, mais surtout
au Chili, au Pérou et dans l’Equateur; son absence est presque
complète sous les tropiques, dans la Nouvelle-Hollande et au Cap de
Bonne-Espérance.
En réalité, le Chili possède de nombreuses espèces de valéria-
nées qui lui sont propres, dont les racines odorantes indiquent bien
clairement leur nature et leurs propriétés. Elles croissent sur presque
toute l’étendue du territoire chilien-, on distingue surtout celles qu’on
trouve à Valdivia ( Valeriana corduta Ph.?), parce qu’elles ren-
ferment une assez grande quantité d’essence et d’acide valéria-
niques.
Les botanistes et pharmaciens chiliens connaissent surtout la
Valeriana papilla Bert, connue dans le pays sous le nom de Papilla.
C’est une plante vivace, à tige simple, grosse, de 3oà6o centimètres
de hauteur; les feuilles sont presque toutes radicales, de 7 à 8 centi-
. mètres de longueur, rarement entières, fréquemment composées de
5 à 7 paires de segments oblongs; les fleurs sont blanchâtres; les
fruits grands, velus. Elle est commune sur les collines des provinces
centrales. La Papilla a joui parmi nous d’une certaine renommée,
pour avoir été recommandée par erreur, par M. Vincente Bustillos,
comme très efficace contre la leucorrhée. Pour ma part, je ne con-
nais personne qui en ait fait usage pour cette maladie.
Les propriétés des Valérianées comme anti-spasmodiques et
emménagogues étant bien connues, et leur emploi si généralisé, il est
étrange que nos pharmaciens ne lui aient pas accordé une plus
grande attention. Je me borne aujourd’hui à rappeler à leur souvenir
toute l’importance qu’on pourrait donner aux espèces que nous pos-
sédons de cette précieuse et utile famille.
io6
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
SYNANTHÉRÉES
TAYU
Flotoma diacantholdes
Less. Syn., p. 95. — Gay, III, 282. — D. C. Prodr., VII, IL — Poepp. et
Endd. Nov. Gen., tab. 32. — Piptocarpha diacantholdes, Hook et Arn.
Arbre qui peut atteindre une hauteur de i5 à 18 mètres, divisé
en nombreuses branches cendrées, striées, velues quand elles sont
jeunes-, les feuilles sont ovales, entières, alternes, coriacées, vertes,
terminées par un aiguillon droit; les pétioles sont cannelés par
dessus et accompagnés, à la base et de chaque côté, d'une épine
droite, forte, d'un centimètre et demi de longueur; le capitule est soli-
taire à l'extrémité des branches.
Cet arbre appartient aux provinces du Sud, où, sans être
commun, on le connaît sous les noms de Tayo , Tayu ou Palo
S 111 to (bois saint).
M. Juillet s’exprime de la façon suivante sur les épines de cet
arbre, que l'on emploie pour guérir les verrues :
« On traverse la base d'une verrue, malgré l'existence de beau-
coup d'autres, avec trois ou quatre épines. Peu de temps après sur-
vient une inflammation suivie de suppuration, et la verrue tombe.
Le fait le plus curieux est qu’au bout de quelques jours, les autres
verrues commencent à se dessécher et se détachent l'une après
l’autre, comme si elles étaient unies par un lien sympathique.
» J’ignore si ces épines influent sur la tumeur uniquement à
cause de leur rôle de corps étranger, ou si elles contiennent quelque
substance irritante qui rend leur action plus énergique. La verrue
est une affection très commune à Chiloé et Llanquihue, et je n’ai
jamais vu employer un autre médicament que celui que je viens de
citer. »
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
107
L’écorce du Tayu est vulnéraire, et on l’emploie à l’usage
interne comme à l’usage externe; elle est aussi considérée comme
fébrifuge.
GUANIL
Proustia pungens.
Poepp. Less. Syn., 1 10, — Gay, III. 296. — D. C. Prodr., VII, 27. — Wedd.
Chlor. and., tab. 5. — Cuneifolia, Don.
Le Guanil est un arbuste à tiges striées, à écorce lisse et à
branches terminales qui finissent en une épine pointue; les feuilles
sont coriacées, alternes, ovales, lancéolées, glabres avec nervure
réticulée, très saillante sur les deux faces; le capitule, formant une
panicule terminale, jaune pourpré, avec les scies dentées à leur
extrémité. Quand les capitules tombent, Taxe de l’inflorescence reste
avec ses branches, qui, alors, deviennent des piquants, rendant
ainsi épineuse une plante qui, en principe, ne l’est pas.
Cette espèce, comme le P. baccharoïdes, croît dans les lieux
arides et sur les collines des provinces centrales; toutes deux sont
connues sous le nom de Huanil , ou, bien mieux, de Guanil. La pre-
mière est la plus commune et la plus employée.
Les bains, préparés avec une infusion de feuilles et de racines du
Guanil , ont un emploi très fréquent dans les rhumatismes et la
goutte, et produisent d’heureux résultats.
YERBA DE LA YESCA
Chœtanthera Berteriana.
Less. Syn., III. — Gay, III, 3oi. - D. G, Prodr., VIL 29.
Plante vivace, avec un gros rhizome noirâtre, duquel sort un
glaïeul de i5 centimètres de longueur, couvert dans toute son éten-
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
1 08
due d’un duvet laineux, blanchâtre ou fauve; les feuilles sont radi-
cales, longues, pennées et divisées en trois parties tomenteuses;
blanchâtres dans toute la face inférieure, verdâtres et peu velues
dans la supérieure; le capitule est gros, solitaire-, les fleurs sont
jaunâtres.
Elle croît dans les terrains pierreux des provinces centrales.
Les* gens de la campagne s’en servent pour allumer le feu,
comme l’amadou; ils l’emploient aussi en poudre carbonisée pour
avancer la dessication du nombril. Je crois que les poudres de ses
feuilles pourraient être utilisées pour arrêter les faibles hémorragies
en agissant, non par le tanin qu’elle ne semble pas contenir, mais
mécaniquement, par le tamponnement des capillaires.
ALMISCLE
Moscharia pinnatifida.
R. et P. Syst., I. i36. — Gay, III, 439. — D. C. Prodr., VIII, 72. — Mosigia
pinnatifida, Spr.
Plante annuelle, de 3o à 40 centimètres de hauteur, à tige droite,
rameuse; les feuilles sont pennées et divisés en trois parties, avec les
lobes dentés; les fleurs, blanches ou rosées, terminales, formant un
épi très mou- l’involucre est campanulé et formé de six écailles
ovales, foliacées, concaves-, le réceptacle est plane, avec des disques
m embraneux sur leurs circonférences-, les extérieurs, au nombre de
7 à 8, sur deux rangées, enveloppant chacun deux akènes.
L’ Almis cle croît le long des chemins, des murailles ou des haies,
dans les provinces centrales et est digne de remarque, à cause de la
forte odeur qu’il exhale.
On lui attribue des propriétés excitantes, antispasmodiques et
carminatives, qui peuvent provenir du principe essentiel et volatil
qu’elle renferme. Son nom est dû à l’odeur spéciale qu’elle répand.
PLANTES MÉDICINALES DU CHILI
109
MARANZEL
Clarionea atacamensis , n. sp.
D’une grosse racine noire sortent plusieurs tiges courtes; les
feuilles radicales et les caulinaires sont membraneuses, pennées, ta-
bulées, glabres-, les capitules assez grands, avec les ligules, de cou-
leur jaune, quelquefois bleue, toujours pâles.
Cette belle plante croît sur les parties les plus élevées des Cordil-
lères, depuis Copiapo jusqu’au lac d’Ascotan, sortant des fissures
des roches ou sous les touffes des graminées.
La Maran^el a, sans aucun doute, certaines propriétés balsa-
miques* bien accentuées, qui se révèlent à première vue par la sub-
stance résineuse qu’elle contient et qui la rend visqueuse au toucher.
Mon ami, M. Federico Philippi, m’a dit qu’on lui en a fait de grands
étages durant son voyage dans ces régions, comme agent puissant
pour combattre les difficultés de la respiration {puna) qutan ressent
dans les lieux élevés-, on la donne en infusion théiforme, et elle jouit
aussi d’un grand prestige dans les affections de la poitrine. Ceci
s’explique facilement, car il est reconnu que les substances balsa-
miques produisent promptement des effets excitants et, par leur
élimination, donnent des résultats plus ou moins certains sur les
muqueuses bronchiques et urinaires.
On dit aussi que, à l’usage interne, l’infusion est bonne pour
combattre les douleurs occasionnées par les fractures des os.
ESCORZONERA
Achyrophons Scor^onerœ.
D. C. Prodr., VII, 94. — Gay, III, 439.
Plante vivace, à tige simple, à peine rameuse, striée, uniftare; les
feuilles sont allongées, lancéolées, acuminées, fortement incisées,
I 10
PLANTES MÉDICINALES DU CHILI
dentées, les supérieures très étroites et très entières; les écailles de
rinvolucre sont couvertes sur la face extérieure de poils longs et
touffus-, les fleurs jaunes., les ligules de la circonférence pourpres
sur la face extérieure.
Les trois variétés de cette plante, décrites par de Candolle, et
les autres espèces du même genre, sont connues dans le pays sous le
nom de Escoryonera et de Renca.
C’est une des plantes les plus fréquemment employées, et que les
herboristes vendent dans les rues. La racine de la Escorçonera chi-
lienne (qu’il ne faut pas confondre avec l’européenne) s’emploie en
infusion, comme rafraîchissante et dépurative dans les maladies de
la peau, et dans cet état pléthorique qui survierït généralement au
printemps.
On lui reconnaît des propriétés diurétiques et emménagogues;
on la recommande aussi dans la ménopause, pour calmer les vapeurs
que ressentent les femmes à l’époque de cette période critique.
BAILAHÜEIV
Haplopappus baylahuen .
Remy en Gay, IV, 42.
Tige ligneuse, glabre, glutineuse; les feuilles sont coriacées,
avec la base persistante dans les tiges, très rapprochées à la partie
inférieure des branches, ovales, spatuiées, presque cunéiformes, en-
tourée dans le milieu de la partie supérieure par des dents en crochet
de 20 millimètres de long sur 10 de large-, les capitules sont solitaires
au sommet des branches, allongées, presque nues dans leur partie
supérieure; les akènes glabres, de couleur fauve-foncé.
Ce genre est particulier à l’Amérique, et surtout à l’Amérique du
Sud. M. Remy a décrit trente espèces chiliennes, et M. Philippi,
vingt. Son nom grec signifie velu, simple.
Le baylahuen croît sur les hautes Cordillères de la province de
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
1 1 1
Coquimbo; il contient une résine qui le rend glutineux et lui donne
les propriétés médicinales qu’il possède. Dans les campagnes, il est
employé comme emménagogue et stimulant à l’usage interne;
à l’usage externe, pour guérir les blessures des animaux, etc. Il
est aussi administré en infusions théiformes pour activer les fonctions
stomacales dans les cas d’indigestion ou paresse digestive.
BREA
Tessaria absinthioïdes .
D. C. Prodr., V, 457. — Gay, IV, 106. — Bacchans absinthioides.
Hook et Arn., etc.
Petit arbuste qui atteint la hauteur d’un mètre, les feuilles sont
couvertes de poils nombreux, qui lui donnent une couleur blanchâtre
argentée; les feuilles sont alternes, oblongues ou oblongues lancéo-
lées, acuminées à leurs deux extrémités, pourvues de quelques dents
sur leurs bords ; les capitules assez petits, disposés en corymbe ter-
minal, avec sept ou huit petites fleurs pourpres sur le disque, celles
de la circonférence sont plus pâles et toutes tubulaires.
Il croît dans les lieux humides, depuis la rivière Maule, vers le
nord, et au-delà de Tarapacâ, mais spécialement dans les provinces
d’Atacama et Coquimbo. — Il y eut un temps où on en faisait une
très grande consommation ; on exportait tous les ans du départe-
ment de Copiapo plus de mille quintaux de la poix extraite de la
plante par décoction, dont le prix variait entre 8 ou 10 piastres le
quintal ; aujourd’hui elle n’est plus exportée, et son usage est moins
général qu’à cette époque.
La matière résineuse que contient la plante dénommée « Brea »
la fait considérer comme un balsamique des plus puissants et ressem-
bler au goudron par ses effets.
Il est regrettable qu’on ait abandonné l’exploitation de cette
plante et qu’on ne l’ait pas étudiée avec plus de soin dans ses effets
thérapeutiques et surtout dans sa composition.
I I ?
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
ROMERILLO
Baccharis rosmarinifolia .
Hook et Arn. Bot., Beech, 3o. — Gay, IV, 85. — D. C. Prodr , 419.
Lingulata, Kuze. — Linfolia, Meyer.
Arbuste de quelques pieds de hauteur, à tiges et branches fortes,
un peu striées, glabres, légèrement visqueuses et jaunâtres; les
feuilles sont nombreuses, sessiles, linéaires, terminées en pointe
obtuse, très entières dans le type, sinueuses-dentées dans les variétés,
grosses, coriacées, résineuses-glanduleuses, d’un vert jaunâtre ; les
capitules sont oblongs-cylindriques, pédicellés, réunis de dix jusqu’à
vingt- cinq en petits corymbes terminaux et très compacts; l’invo-
lucre estoblonget formant deqà 5 rangs d'écailles ovales-oblongues,
résineux, très glabre ; akènes oblongs-elliptiques, soyeux, luisants,
teinte fauve pâle.
»
Cet arbuste est assez commun dans les champs arides et pier-
reux des provinces centrales.
« Le Romerillo des champs, semblable au Romero de Castilla,
possède de nombreuses vertus. Les cendres, mises en lessive,
servent pour rendre les cheveux blonds. Les fumigations qu’on
en donne aux malades perclus et à ceux atteints d’inflammations, les
soulagent. Les boutons, qui représentent la fleur, imitent le coton blanc.
Arrosés avec du vin, enveloppés dans les feuilles du même Ro me-
rillo , et chauffés sous la cendre chaude, on les place sous les bras à
plusieurs reprises, et la mauvaise odeur qui se forme là, disparaît; on
doit ensuite prendre une purgation. Le quint r al (1) de ce Romerillo ,
cuit et donné en boisson aux épileptiques, après 4 ou 5 fois, les
guérit ; ils doivent d'abord se purger. La résine qu’il donne est
excellente pour dégager la tête ; on l’administre sous forme d’em-
plâtres appliqués sur les tempes. — Rosales. »
(1) Probablement allusion au parasite du genre Loranthus, connu vulgai-
rement sous le nom de gu-i '[quintral).
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
1 1 3
Pennesse dit que cette espèce de Baccharis est très aromatique,
et qu'on emploie les feuilles et les pousses élevées comme stimulants,
anti-spasmodiques, stomacales,, emménagogues, etc. Il la recom-
mande en infusion à la dose de 4 à 8 drachmes de la plante,, pour
une livre d’eau. A l’usage externe, ajoute-t-il, 011 l’administre en
bains et frictions,
Il est hors de doute que le Romerillo est apprécié dans la méde-
cine populaire pour ses qualités balsamiques et stimulantes. Le
principe résineux aromatique qu’il contient le fait fréquemment
prescrire pour les bains que d’ordinaire on conseille aux gens qui
souffrent de rhumatismes chroniques et autres affections de la même
nature, comme aussi pour les affections des voies urinaires et pul-
monaires.
CHILCAS ET CHILQUILLAS
Baccharis.
Les espèces qui correspondent à ce genre sont au nombre de
40 environ, toutes particulières au Chili. Presque toutes sont de
petits arbustes qui croissent dans les terrains pierreux, au bord des
rivières, la plupart connues sous le nom de Chilcas ou Chilquillas ,
selon que les feuilles sont larges ou linéaires.
Elles ont comme caractères botaniques : les capitules dioïques,
homogames et fleurs toutes tubuleuses ; binvolucre est demi-glo-
buleux ou oblong, composé de squasmes imbriquées, poils uni-
sessiles, tortueux avec fréquence, dentés ou plumeux.
Les fleurs, disent Ruiz et Pavon, sont appréciées à cause de la
résine qu’elles contiennent, et sont employées dans les cas de contu-
sions, blessures, comme aussi pour consolider les luxations et frac-
tures. Rosales fait la même recommandation et ajoute qu’en les
mêlant avec du vin, après leur cuisson, on les emploie en frictions
pour ramener la chaleur.
Les Chilcas contiennent une substance résineuse qui était utilisée
8
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
1 14
autrefois par les cordonniers, au lieu du cérat; les sels de potasse et
de soude abondent dans leurs cendres. — Dans les affections rhu-
matismales et syphilitiques on les emploie à l’usage externe-, contre
les catharres, à l’usage interne.
On ne doit, en aucune façon, confondre les Chilcas avec le
Chilco ( Fuschia macrostema ), dont les usages sont différents, et qui
appartient à un genre et à une famille distincts.
PALO NEGRO
Septocarpha rivularis.
D. C. Prodr., V, 495. — Gay, IV, 117. — Helianthus rivularis, Poepp.
Arbuste d’un mètre et demi de hauteur, à feuilles ovoïdes-
oblongues pointues, dentées, très aromatiques-, les fleurs sont jaunes;
les capitules multiflores; petites fleurs du rayon unisériées, ligulées,
neutres ; les squames de l’involucre bisériées, égales, lancéolées,
linéaires ; le réceptacle avec des paillettes comprimées, et le fruit
avec deux crins.
Cette plante est commune dans les provinces australes où elle
fleurit depuis septembre jusqu’au mois de février.
L’odeur aromatique de cet abuste fait que ses feuilles sont très
appréciées dans la médecine domestique, où on les préconise comme
stimulantes et carminatives dans les dyspepsies, indigestions, gaz et
autres dérangements du tube digestif. On l’administre en infusion
théïforme dans tous ces cas, et aussi dans les menstruations diffi-
ciles (dysménorrhées).
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
1 1 5
MITRIU
Podanthus ( Euxenia ) mitiqui.
Lind. en Lond. Hort. Brit., 488. — Gay, IV, 297. — Sub nomine.
Euxenia. D. C. Prodr.. V, 5oi.
Arbuste aromatique/ rameux, de deux mètres de hauteur ; les
feuilles sont opposées, les supérieures alternes fréquemment ovales,
lancéolées, cunéiformes à leur base, acuminées et très aiguës à la
pointe, fermées dans le milieu, luisantes, marquées de quelques points
rugueux dans la partie supérieure, beaucoup plus pâles dans
l’inférieure ; les feuilles de la variété décrite par D. C. sont plus
petites, entières ou avec quelques dents séparées; les akènes sont
triangulaires, très minces à leur base, nus à la pointe.
Le Mitriû ou Mitiqui est commun dans les provinces centrales
et dans le nord -, il a des propriétés balsamiques et aromatiques.
Le premier qui fixa son attention sur cet arbuste fut M. Vicente
Bustillos, qui le recommandait comme spécifique dans les blennor-
rhagies. « J’ai parlé, dit-il, dans une communication envoyée à
la Faculté des sciences physiques en 1889, à plusieurs personnes
qui en ont fait un usage spécial contre la gonorrhée, et m’ont fait
tant de louanges de ses vertus, que ces rapports devraient le faire
considérer comme un spécifique. »
POQUIL
Cephalophora , Cav.
■Gay, IV, 262.
Le genre Cephalophore appartient à l’Amérique et son nom
grec signifie porter des têtes . Des treize espèces qui croissent au
1 16 PLANTES MÉDICINALES DU CHILI
Chili, quatre sont citées dans l’ouvrage de Gay, sept furent décrites
par le docteur R. A.. Philippi, et les autres par divers auteurs.
Toutes sont des plantes herbacées, élevées, à tiges striées, ra-
meuses, feuilles alternes oblongues-linéaires ; les capitules sont glo-
buleux; les fleurs jaunes, toutes hermaphrodites, gonflées, courtes,
presque fermées.
Elles croissent spontanément dans les prairies naturelles, dans
les lieux arides et en grande abondance, dans les provinces cen-
trales du pays et dans une grande partie des provinces du Sud,
On les connaît sous les noms de Poquil et Man\amlla del Campo
(camomille des champs).
Les habitants de la campagne l’emploient pour teindre en
jaune.
Quant à son usage interne, le Poquil est considéré comme pos-
sédant une action égale à la camomille. On l’emploie en infusion
et en extrait.
Il y a peu de temps que j’ai entendu parler de ses propriétés
anti-thermiques, et de quelques essais pratiques pour découvrir ses
propriétés thérapeutiques.
A en croire les renseignements arrivés à ma connaissance,
quelques espèces de ce genre seraient dotées de propriétés anti-
fébriles certaines ; leur influence ferait baisser la température sans
les inconvénients des autres anti-thermiques qui produisent des dé-
faillances dans les contractions cardiaques. Si les expériences
futures confirment les premières notions qu’on possède sur le
Poquil , on pourrait alors compter sur un médicament qui aurait
assez d’importance pour les cas si nombreux où les agents de cette
espèce sont indiqués.
Le Poquil n’a pas été analysé jusqu'à ce jour ; mais tout porte
à croire, pour le moment, que la préparation qui devra servir pour
les essais sera l’extrait fluide.
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
*7
CHACHACOMA
Senecio eriophyton , Remy.
Remy. — Gay, IV, i5g.
Arbuste très rameux, avec les tiges et les branches entièrement
couvertes d’une laine blanche, compacte comme le coton, sous laquelle
se cachent les petites feuilles coriacées, demi-embrassantes, ovoïdes-
oblongues, ou tridentées au sommet ; les capitules sont solitaires,
plus ou moins longuement pédonculés, avec des fleurs jaunes,
12 ligules très courtes.
On le rencontre à une hauteur de 3ooo mètres, environ au-
dessus du niveau de la mer dans les provinces de Coquimbo et
Atacama et dans le désert du même nom.
Les feuilles de la Chachacoma sont visqueuses et indiquent le
principe résineux qu’elles contiennent. On les administre en infu-
sion théiforme très chaude aux personnes qui sont attaquées de ce
malaise qui se fait sentir sur les lieux élevés et qffon nomme puna
(difficulté de la respiration); on m’assure que cette infusion donne
de bons résultats. On attache aussi quelquefois aux narines des
chevaux et des mules un petit paquet renfermant des feuilles de
Chachacoma dans la croyance qu’ils ne ressentent pas, alors, les
effets de la puna. On recommande aussi l’infusion comme excitante,
stomacale et emménagogue. Je bai vu administrer avec succès dans
les menstruations douloureuses ; elle agit surtout par la température
de l’infusion et par ses propriélés balsamiques.
11 est curieux de voir la plus grande partie des plantes qui
croissent sur les sommets les plus élevés de nos Cordillères contenir
une substance résineuse qui les fait estimer dans la médecine popu-
laire; c’est un lait digne d’attirer l’attention des naturalistes.
PLANTES MÉDICINALES DU CHILI
1 18
GUALTATA
Senecio hualtata.
■g
Bert., D. C., Prodr., VI, 417. — Gay, IV, 194. — Fistulosas var., Less.
Plante herbacée, vivace, à tige cylindrique, grosse, qui atteint
quelquefois près d’un mètre de hauteur. Les feuilles sont glabres,
très grandes, de deux ou trois décimètres de longueur sur un déci-
mètre de large, rhomboïdales, ou ovales-oblongues, tronquées à
leur base, inégales et fortement dentées; les terminales, sessiles,
demi-amplexicaules, lancéolées, aiguës, inégalement dentées, beau-
coup plus petites que les antérieures ; les capitules sont petits,
presques globuleux, et tous réunis dans un grand corymbe com-
posé; les akènes sont glabres.
Plante assez commune dans les terrains humides de presque
tout le pays, connue sous les noms de Gualtata , Hualtata et même
de Lebo.
Les feuilles de cette plante sont très employées ; on les applique
imprégnées d’une matière graisseuse pour faire disparaître les
tuméfactions de caractère inflammatoire des parotides et pour
panser les vésicatoires; elles agissent comme un avantageux émol-
lient, en cataplasmes, à l’usage externe, et en décoction ou mieux
en infusion comme tempérants et diurétiques.
Il paraîtrait que cette plante a joui à une autre époque d’un
prestige beaucoup plus généralisé qu'aujourd’hui, si nous en croyons
ce que raconte l’historien Rosales.
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
1 19
VIRA- VIRA
Gnaphalium vira-vira.
Mol., 354. — Gay, IV, 223. D. C , Prodr., VI, 228. — G. piravira, Less.
D’une même racine naissent de nombreuses tiges droites, attei-
gnant quelquefois une hauteur de 3o centimètres ; les feuilles sont
oblongues-lancéolées, les inférieures, amincies à leur base, et
obtuses, les supérieures plus étroites, aiguës, un peu décurrentes ;
les capitules sont réunis en petits groupes assemblés à l’extrémité de
chaque tige; les involucres formés de squames glabres presque blan-
ches. Toute la plante est couverte d’un duvet blanchâtre qui a une
légère odeur aromatique et agréable. Le fruit est un akène cylin-
drique.
Cette plante croît spontanément avec profusion dans les vallées
centrales depuis Coquimbo jusqu’à Valdivia. Sa culture est facile,
sans exiger une attention spéciale.
Les gens de la campagne l’emploient beaucoup comme expec-
torant, sudorifique et fébrifuge, sous forme de tisane, chaude ou
froide.
Je l’ai conseillée plusieurs fois dans les cas bénins de catarrhes
ou bronchites, dans les fièvres éphémères ou de caractère catharral,
au lieu du tilleul, de la violette ou du sureau ; elle possède les mêmes
propriétés. En général toute la plante est employée-, cependant, quel-
ques personnes préfèrent les fleurs. On s’en sert aussi comme vulné-
néraire, pour laver les blessures, et en injections.
La pharmacopée chilienne la fait entrer dans les composants
des espèces pectorales, mêlée aux fleurs de sureau, de violettes,
de mauves et de pavots.
On attribue à d’autres espèces du genre Gnaphalium des effets
semblables à ceux de la Vira-Vira.
120
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
DAÜDA
Flaveria contrayerba.
Pers. Ench., II, 489. — Gay, IV, 278. — D. C., Prodr., V, 635. — Cav., Ic.,
I, tab. 4. — Bot. Mag., 2.400. — Milleria contrayerba, C. — Vermifuga
corimbosa, R. et P. — Ethulia bidentis Lin. — Eupatrium chilense,
' Mol.
Plante annuelle, rameuse, élevée, jaune, entièrement glabre; les
feuilles sont opposées, lancéolées, trinervées; les capitules réunis
en petits corymbes compacts, de 3 à 5 petites fleurs tubuleuses,
jaunes, l’involucre est composé de 3 à 4 folioles.
Elle croît, et elle est commune dans les champs cultivés, près
des canaux, on la rencontre depuis le Nord jusqu'à Concepcion. Elle
est connue sous les noms de daudâ , matagusanos et contrayerba ,
Elle sert pour teindre en jaune.
MM. Ruiz et Paron disent que cette herbe, mêlée au sel, sert
dans les cas de blessures putrides pour tuer les vers qui s’y sont
formés; selon Rosales, elle est aussi utile pour les piqûres d'animaux
venimeux.
M. Anjèl Vasquez a extrait de cette plante une matière résineuse,
de l’huile volatile en petite proportion, une matière colorante jaune,
tannin, sels, etc. L'extrait alcoolique a une odeur pareille au ta-
raxacum , une saveur amère et légèrement aromatique.
L’infusion du « daudâ » s’administre à 4 pour cent, dans les diges-
tions difficiles ou tardives, et comme emménagogue dans les sus-
pensions cataméniales ou menstruations difficiles. — Il agit comme
aromatique et excitant, et s’emploie également comme vermifuge.
Avant de terminer, nous mentionnerons les espèces chiliennes
suivantes :
Le Fagetes glandulifera Schrank, unique espèce du genre
propre à notre pays, avec des petites fleurs d'un jaune-blanchâtre,
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
I 2 I
douées d’une forte odeur aromatique, à laquelle on attribue la pro-
priété d’échauffante et dont l’usage n’est pas sans péril. Elle est
connue sous le nom de « Quinchihue. »
Le Eupatorium Salvia Colla , connue sous le nom de Salvia
macho (sauge mâle), arbuste d’un mètre de hauteur, avec les feuilles
pétiolées, lancéolées^ aiguës, crénelées, dentées, ridées; les capitules
sont disposés en corymbe terminal. Il est aromatique et entre dans
le nombre des espèces recommandées dans les bains de ce genre,
pour les rhumatismes et autres affections douloureuses.
Il nous paraît aussi convenable de faire la remarque, que la grande
abondance d’autres espèces, éparses dans nos campagnes, les font
considérer comme presque indigènes, quoique leur origine soit pro-
bablement européenne. Parmi elles nous pouvons citer le X.antium
spinosum. L., Clonqui , employé comme émollient et comme réfrigé-
rant dans les fièvres, et comme hépatique -, et les Sonchas fallax
Wallr, et S. oleraceus. L. connues sous le nom de Nilgïies, souvent
employées, pour leurs propriétés réfrigérantes, apéritives et antibi-
lieuses,, principalement comme boisson journalière.
ESC ABIOS A
Centaurea chilensis.
Plante vivace, à tige élevée, de 60 à 120 centimètres de hauteur,
avec ses feuilles profondément pennifides; segments linéaires, aigus;
les fleurs sont grandes, solitaires, radiées, de couleur rose; les
écailles de l’involucre avec un appendice large, membraneux, pro-
fondément lacinié.
On le connaît aussi sous le nom de yerba del minero (herbe du
mineur).
Sa beauté lui fait mériter une place dans les jardins: elle est
commune sur les collines, entre les roches, de la plus grande partie
du territoire chilien, excepté au sud du Bio-Bio.
Les feuilles sont amères et s’emploient quelquefois comme
I 22
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
tonique dépuratif, léger, dans les affections herpétiques, et chez les
personnes faibles qui se plaignent de vapeurs.
Comme à ses congénères des espèces européennes, on lui
attribue aussi des propriétés fébrifuges et la médecine domestique en
profite dans beaucoup de cas, pour les affections légères qui n’exigent
pas un traitement actif.
Elle est aussi employée, en bains, contre les douleurs rhumatis-
males.
CAMPANULACÉES
TUPA
Tupa ( diverses espèces) Don.
On donne vulgairement le nom de Tupa veneno (i), tabaco del
diablo (2), à plusieurs espèces de Tupa Don , incluses dans la famille
des Lobeliacées par la plus grande partie des botanistes. Presque
toutes sont des arbustes ou grandes herbes vivaces, avec des feuilles
presque toujours dentées ou denticulées et persistantes, très rappro-
chées; les fleurs sont grandes, de couleur pourpre, disposées en
longues grappes solitaires, terminales; le calice est quinquélobé ; la
corolle tubuleuse, unilabiée, arquée, avec le tube long, fendue dans
sa longueur, et, à chaque côté de sa base jusqu’au milieu, lèvre iné-
galement quinquéfide.
Ils croissent dans les terrains secs, dans presque tout le terri-
toire-, leurs tiges et leurs racines contiennent un lait très âcre qui leur
donne des propriétés irritantes.
Ce lait, mis en contact avec la peau, sous l’épiderme, produit
une irritation plus ou moins aiguë; à l’usage interne, il détermine
de nombreuses évacuations, claires, céreuses, sanguinolentes, fré-
(1) Poison.
(2) Tabac du diable.
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
123
quemment aussi des vomissements, et il reste une inflammation en
relation avec la quantité de substance absorbée.
Ce jus contient sans doute une résine (que quelques-uns disent
pareille à celle des euphorbiacées) qui n’a pas été encore étudiée par
la chimie, et que la médecine chilienne pourrait peut-être utiliser
avec avantage.
Un emploi vulgaire fait appliquer son jus laiteux pour calmer
les douleurs des dents cariées, et aussi comme caustique pour
panser les chevaux dans quelques maladies.
UNO PERQUÉN
Wahlenbergia linarioïdes.
A. D. C. Mon. Camp., 1 58. — Gay, IV, 340. — D. C. Prodr., VII, 440. —
Camp. Chilensis, Mol.
Plante qui croît sur les collines pierreuses des provinces du
centre et du sud du Chili; c’est une herbe glabre, de 60 centimètres
de hauteur; les feuilles sont linéaires et la tige simple, ou portant
quelques branches nues terminées par une à trois fleurs bleuâtres^
presque blanches.
L’ Uno perquén s’emploie quelquefois dans la médecine cham-
pêtre, en infusion théiforme, comme carminative, pour dissiper
le développement des gaz produits par une digestion impar-
faite ou paresseuse.
24
PLANTES MÉDICINALES DU CHILI
PLOMBAGINÉES
QUAYCURU
Statice c hile nsis.
Ph. Linnea, XXXIII, 220. — Anal. Univers, 1861, I, 58. — Plegorrhiza
adstringens, W. — Guaycuru, Mol.
La classification de cette plante, décrite par Molina, était restée
indéterminée, jusqu’au moment où le docteur R. -A. Philippi la classa
sous le nom désigné plus haut. L’exemplaire lui fut apporté
par M. Volkmann, qui le trouva dans un voyage fait, en 1860, dans
les provinces de Coquimbo et Atacama.
Plante à racine ligneuse, rampante; les feuilles sont oblongues,
spatulées, longuement pétiolées, marginées, veineuses; le pédoncule
est une hampe mince, pourvue de deux bractées brunes ; panicule
ample et peu serrée; les bractées au nombre de dix, et les fleurs
bleuâtres incluses.
Molina dit que la racine est un des astringents les plus puis-
sants de la botanique, étant aussi excellent pour guérir les ulcères et
les scrofules, de même que la dysenterie.
Elle croît au Huasco, dans les terrains secs, et dans les sables à
Lentour de la baie de Coquimbo, où elle est appréciée pour les prin-
cipes tanniques qu’elle contient, et qui lui donnent des propriétés
astringentes.
Il est intéressant de savoir que le nom de Baycurü , au Brésil et
au Paraguay, désigne également une espèce de Statice dont les pro-
priétés sont analogues à celles de la plante chilienne.
PLANTES MÉDICINALES DU CHILI
I 2Z>
APOCINÉES
QUILMAY
Echites chilensis.
D. C., Prodr., VIII, 468. — Gay, IV, 387. — Elytropus Chilensis,
Muell. Arg.
Arbuste volubile, à tiges couvertes d’un duvet presque blan-
châtre; les feuilles sont opposées, courtement pétiolées, ovoïdes,
molles, entières, décolorées. La face supérieure, glabre et d’un
vert foncé et luisant, l’inférieure plus pâle-, jolies fleurs axillaires, au
nombre d’une à quatre, blanches, à raies rouges.
Il est commun dans les provinces du sud, où sa racine est très
appréciée pour ses vertus médicinales. M. Chatterton dit qu’il
est abortif, et que cette propriété est connue depuis très longtemps.
M. Anjel Vasquez continue à donner le nom de Quilmay au
Myrogyne elatinoïdes , de la famille des composées, sans doute, à
cause de Eerreur fréquente qu’on commet sur les noms, et aussi
parce que l’ouvrage de Gay le désigne ainsi.
Néanmoins, il est nécessaire de convenir que le Quilmay véri-
table du sud est le Echites chilensis , décrit d’une façon erronée dans
la botanique de Gay sous le nom de Voqui , qui s’applique aux
plantes grimpantes en général.
Le Quilmay du centre, ou bien le véritable Myrogyne , con-
tient une grande quantité de matière résineuse. M. Vasquez en a
extrait un principe résineux spécial, auquel il a donné le nom de
Miriogino , de saveur amère et âcre.
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
1 26
LO GAN I ACÉES
PANIL
Buddleia globosa.
Lam. die., Y, 5 1 3 . — Gay, V, 120. — D. C. Prodr., X, 540. — Càpitala Jacq.
Arbuste de deux mètres de hauteur à grandes feuilles,
oblongues-lancéolées, acuminées, crénelées, ridées, couvertes d’un
duvet jaunâtre, velouté sur la face inférieure -, les fleurs sont de
couleur orange, élégantes, disposées en capitules globuleux, compo-
sés, de la grosseur d’une grosse noisette.
Il croît dans la campagne près des ruisseaux, on le cultive aussi
dans quelques jardins. On lui donne quelquefois le nom de matico
chileno à cause de la grande ressemblance de leurs feuilles.
On emploie les feuilles pour teindre en jaune.
Les feuilles de panil sont considérées comme un de nos meil-
leurs vulnéraires ; on les emploie en décoction et en infusion pour
laver les blessures, et réduites en poudre, pour aider à la cicatrisation
des ulcères et blessures anciennes ou de mauvaise nature. On loue
aussi leurs bons effets dans les rectites ulcéreuses, dysenteries chro-
niques, administrées en lavements. Comme balsamique et vulné-
raire, on recommande de boire son infusion à ceux qui souffrent
d’abcès hépatiques, dans les catharres des intestins et hémoptysies.
En général, on l’emploie comme le matico peruano avec lequel il est
utile de ne pas le confondre parce que celui-ci appartient à la famille
des Piperacées.
11 est probable quhl contient un principe balsamique ou astrin-
gent*
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
127
CHAPICO
Desfontaine spinosa
Gay, 99, grav. 56. — D. Hookeri, Don. — D. C. Prodr. XIII, a. 676. —
Ilicifolia, Ph.
Petit arbre toujours vert, qui atteint trois mètres de hauteur, à
tiges droites, rameuses, à écorce jaunâtre ; les feuilles sont opposées?
coriacées, reluisantes par-dessus, oblongues-elliptiques; il possède de
9 à 14 épines très fortes vers leurs bords ; les fleurs solitaires, sur
des pédoncules courts, d'une belle couleur pourpre, avec le limbe
jaune.
C'est un arbuste d'un aspect à la fois élégant et beau, très res-
semblant à ïacebo, dit-on -, il croît dans les provinces de Valdivia,
Llanquihue etChiloé, jusqu’à Tresmontes et même plus au Sud.
Gay dit que ses feuilles sont très amères, comme celles de la
Gentiane et que les habitants du Chili s’en servent pour teindre en
jaune.
GENCI ANÉES
CACHENLAHUEN ou CANCHALAGUA
Erythrœa chilensis.
Pers., Ench., I, 283. — Gay. IV, 402. — D. C., Prodr., IX, 5y. — Cachan-
lahuan, Rom. i Schult. — Chironia chilensis, IV.
Petite plante annuelle, de 20 centimètres de hauteur, à tige
droite, quadrangulaire, partagée dans la partie supérieure en
branches dichotomes-, les feuilles sont opposées, sessiles, oblongues,
pointues; les supérieures, linéaires-, les fleurs, d’une couleur rose,
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
128
forment à la partie supérieure des branches une sorte de corymbe
plus ou moins ouvert et mou, soutenu par des pédoncules plus
longs que les feuilles.
Elle croît dans les terrains herbacés de tout le pays, et c’est
une des plantes les plus appréciées que nous possédions, comme on
le verra dans les citations que nous allons faire.
Le nom de Cachen-lahuen , qui signifie « douleur au côté », est
indigène ; celui de Canchalagua lui fut donné dans la Pharmacopée
espagnole, et elle est ainsi connue de la plus grande partie des habi-
tants. Ces noms ont été, altérés en passant à d’autres idiomes et par
les auteurs divers; Valmont de Boman, par exemple, l’appelle
Canchelague ; Lesson, Cachalonai , et d’autres Cachanlagua.
Feuillée en parle ainsi : « Cette plante est extrêmement amère;
en infusion, c’est un remède apéritif et sudorifique; il fortifie l’esto-
mac, tue les vers, guérit fréquemment les fièvres intermittentes,
dissipe la jaunisse et est employé avec succès contre le rhuma-
tisme. »
L’ancien historien Rosales, qui écrivit son livre, il y a de cela
plus de deux siècles, parle de cette plante dans les termes louangeurs
qui suivent :
« L’herbe que les indigènes appellent Cachalaguen est digne d’être
mentionnée ; elle atteint un tiers de vare de hauteur; ses feuilles sont
très ténues et ses branches très tendres. Sa fleur est rouge, petite et
mince. Les Indiens, comme grands herboristes, l’appliquent de la
façon suivante pour les douleurs du « côté » et en obtiennent des
effets merveilleux : ils prennent une cruche, la remplissent d’eau, et
mettent dedans une poignée d’herbe; ils en font une décoction, sans
regarder si la substance est épaisse ou claire. Ils administrent alors la
décoction forte, comme si c'était un gros bouillon, et la font boire
chaude. La douleur est apaisée, et de telle manière cesse le mal que la
saignée est souvent inutile. On recommence à boire quand revient la
douleur, et le mal s’apaise et disparaît. De nombreuses expériences ont
été faites sur ce remède; de là est venue la célébrité de cette herbe,
dont la vertu et les grands bienfaits nous ont été enseignés par Dieu
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
Ï29
lui-même. Les Espagnols, pour atténuer sa forte saveur amère, la
mélangent dans la décoction avec la violette. Prise à jeun, elle est
aussi utile pour tuer les vers. »
Don Jorje Juan et don Antonio de Ulloa louent la Canchalagua
et disent : « C’est une plante excellente, très utile pour guérir les
lièvres et autres affections du même genre • sa saveur amère est très
intense, et l’eau se charge facilement de son goût, soit par infusion,
soit par décoction-, elle purifie parfaitement le sang, et elle est em-
ployée dans ce but par les habitants du pays, malgré sa réputation
d’échauffante. »
M. Ruiz, un des illustres auteurs de la Flore péruvienne et
chilienne , s’exprime ainsi :
« Cette plante est d’un emploi fréquent au Pérou et au Chili,
pour modifier, rafraîchir et purifier le sang, comme aussi pour rani-
mer les forces de l’estomac et pour couper les fièvres intermittentes.
Elle est considérée, à cause de ses propriétés sudorifiques, comme
particulièrement utile contre les douleurs du côté sans fièvre (pleuro-
dynie) ; la méthode la plus usitée au Chili et au Pérou pour son appli-
cation est la suivante : on laisse macérer quelques plantes dans l’eau
froide pendant quelques heures et on prend, à jeun, 4 ou 5 onces de
cette infusion; quelques personnes en prennent 2 ou 3 doses par jour,
de 3 onces chacune. On prescrit rarement la Canchalagua en décoc-
tion, parce que son principe amer se dissout facilement dans l’eau
froide. Néanmoins, quelques personnes la prennent en infusion théi-
forme avec du sucre,, remplaçant ainsi l’herbe du Paraguay appelée
Mate dans cette partie de l’Amérique. Quelques médecins ordonnent
de la faire bouillir légèrement, persuadés que de cette façon son prin-
cipe médicinal cède plus facilement. La dose de la Canchalagua
sèche peut arriver, suivant mes observations, de 1/2 à 1 drachme,
sans compter la racine, à cause de son goût presque insipide et de
son poids qui est plus grand que tout le reste de la plante. La Can-
chalagua fraîche peut s’administrer de 1 à 3 drachmes. »
Dans le numéro i3 du Mercurio chileno} avril 1829, on voit
une liste des plantes observées par Bertero, dans laquelle on lit :
9
PLANTES MÉDICINALES DU CHILI
i 3o
« Chironia chilensis W., vulgairement Canchalagua. Plante très
fréquente dans les parties sèches des plaines ou des collines. On en
fait un grand usage dans le pays, surtout dans les campagnes où on
la conserve en paquets d’une année à l’autre. La principale vertu
qu’on lui attribue est celle de rendre le sang plus liquide. La seule
observation, que pour le moment je me permets de faire, est que la
façon d’agir du principe amer de la Genciana est assez connue, et
que je suis persuadé que la Canchalagua jouit des propriétés toniques,,
stomacales et vermifuges analogues au quinquina, quoiqué à un
moindre degré. »
M. Gay, dans la Botanique du- Chili, tome IV, page 402, parlant
de la Canchalagua , dit : « Cette plante, très connue par ses excel-
lentes vertus médicinales, est commune dans la région des pâturages
de la République. D’un goût très amer, qui augmente en la séchant,
les habitants l’emploient pour purifier le sang et pour les fièvres
intermittentes, quand leur intensité n’est pas forte; elle est aussi em-
ployée comme tonique, sudorifique, etc. »
MM. Lebœuf et Méhu, Français, ont écrit des articles très
intéressants sur la Canchalagua ; le premier, sous le point de vue
historique et pharmacologique, et le second, sur l’étude de ses com-
posants ( 1 ) .
La Canchalagua se vend dans toutes les pharmacies, et son
infusion est officinale. Il y eut une époque où on l’exportait en plus
grande quantité qu’aujourd’hui, et d’ici on en pourvoyait la phar-
macie royale d’Espagne. Son exportation n'était pas faite avec atten"
tion, et Lebœuf se plaint de la voir mêlée à une grande quantité
d’autres herbes.
On doit la récolter en fleur, la sécher soigneusement, et l’enve-
lopper en paquets bien conditionnés, afin qu’elle se conserve bien.
La Canchalagua a une saveur amère, peu persistante. Elle dé-
fi) Voyez , Anales de la Untversidad, 1 85g, pag. 1 1 1 9 ; une communi-
cation de M. Damian Miquel, extraite d’une relation de Lebeuf; et aussi
l’étude de Méhu dans le Bulletin de Thérapeutique, premier semestre de i8pOj
pag. 409.
PLANTES MÉDICINALES DU CHILI i3i
termine une augmentation de l’appétit et facilite la digestion. Elle
contient un principe amer qui, extrait, ressemble beaucoup à celui
de la Erythrœa centaurium , mais en plus grande abondance»
La Canchalagua entre dans la catégorie des toniques dépuratifs,
fébrifuges, et on la conseille, soit en macération, soit en infusion, dans
les rhumatismes chroniques, pleurodynies, éruptions de la peau, sus-
pensions menstruelles, convalescences des pneumonies et pleurésies.
Il est bon de la préparer à 2 0/0, pouvant prendre, en infusion ou
macération, un verre, deux ou trois fois par jour. Comme emména-
gogue, on l’associe fréquemment à notre Pimpinela ; dans les affec-
tions cutanées, on la mêle au Crémor.
On emploie aussi la Canchalagua , et avec avantage, pour laver
la tête et donner de la force aux racines des cheveux. Pour ma part,
j’ai l’habitude de la conseiller toujours dans l’alopécie, où elle semble
agir par ses conditions toniques. Je nJai jamais eu occasion de con-
naître les propriétés vermifuges que quelques-uns lui attribuent.
Comme boisson amère, je l’ai recommandée dans l’épidémie du cho-
léra qui nous a visités.
ASPÉRIFOLIÉES
TÈ DE BUR.RO
Erytrichium gnaphalioïdes.
A., D. C., Prodr., X, 1 3 1 . — Gay, IV, 466.
Petit arbuste pubescent, blanchâtre; les tiges sont ascendantes,
ligneuses, avec feuillage dans leur partie inférieure, et presque nues
dans la partie supérieure; les feuilles sessiles, linéaires, élevées,
très entières; fleurs réunies en capitules globuleux, alimentées par
de longs pédoncules dichotomes ; le calice a 5 divisions et est couvert
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
I 32
en dehors par un abondant duvet blanchâtre; la corolle blanche,
avec le limbe étendu et de grands lobes obtus.
Il croît en abondance dans les parties élevées des Cordillères
du nord et même dans les plaines et sur les collines découvertes
remplies de sable blanc. On lui donne aussi le nom de thé des Cor-
dillères.
On emploie les feuilles et les petites branches. Les habitants du
Nord et surtout les mineurs l’apprécient beaucoup pour ses qualités
simulantes et digestives. On recommande sa boisson en infusion
îhéïforme dans les indigestions et diarrhées. Sa saveur n’est pas
désagréable et j’ai cru la trouver un peu astringente.
Elle est de grande consommation dans la médecine domestique,
et il n’y a pas une maison, dans la province d’Atacama, où on n’en
conserve quelques branches en cas de maladie.
CONVOLVULACÉES
CARRÏZILLO
Calystegia rosea.
Ph. Linnæa, XXIX, i5.
Tige volubile, glabre; les feuilles sont cordiformes à leur base,
oblongues-lancéolées, très aiguës et égales au pétiole, avec les lobes
de la base arrondis; les pédoncules sont axillaires, uniflores, un
peu plus courts que les feuilles; les bractées ovoïdes et dépassant un
peu le calice, les bractées du calice aigües; la corolle grande, d’un
rose foncé.
Cette plante fut découverte par le docteur Fonk, près du pont
du Low , dans l’archipel des Chonos. Elle croît dans les terrains hu-
mides et dans les plaines du Chili, depuis la rivière Aconcagua jus-
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
1 33
qu’à l’archipel déjà nommé. Cette espèce diffère de la C. sepium
par ses feuilles non tronquées à leur base (i).
Elle est aussi connue sous le nom de Çarri{alillo dans le voisi-
nage de la rivière Diguillin, où de grandes extensions de terrains
sont envahies par cette plante. Elle vit dans les terrains humides,
comme nous l’avons déjà dit, s’entrelaçant dans les herbes et buis-
sons et principalement dans les touffes de Joncées , où elles
étalent, aux premières heures du jour, leurs grandes corolles ou-
vertes, les Suspiros del campo (soupirs des champs), ou Suspiros
del monte (soupirs des bois), et où le sol est sillonné de leurs ra-
cines vivaces, désordonnées, qui se croisent en tous sens, à peu de
profondeur.
Les racines du carri\illo sont en faisceaux irréguliers; elles sont
cylindriques, non ramifiées, de 10 à 5o centimètres de longueur, de
la grosseur d’une plume d’oie, couleur jaunâtre, blanche ou grisâtre
à l’extérieur, moins obscure à l’intérieur; quelquefois très cassantes,
d’autres fois très flexibles, suivant la sécheresse de l’air et là maturité
des racines; sa texture est uniforme, nullement fibreuse, de cas-
sure résineuse et légèrement granuleuse; la saveur est douce,
spéciale, d’abord agréable, ensuite un peu nauséabonde, nullement
âcre. Elle est hygroscopique et de difficile pulvérisation, parce
qu’une partie de la matière adhère au mortier comme une masse
visqueuse.
Elle contient une grande proportion d'amidon, une substance
sucrée, comme le fait présumer sa saveur et la fermentation alcoo-
lique qui peut s’obtenir après quelques jours d’abandon de l’eau
avec laquelle on la traite, et une résine de couleur jaune-rouge,
transparente, fusible sans se liquéfier complètement.
Les préparations de la calystegia , qu’il est bon d’employer,
sont : la poudre, la teinture alcoolique et la résine.
La poudre est d’un blanc-jaunâtre clair, d’une odeur spéciale très
sensible et d’une saveur semblable à la farine crue, sans la moindre
(i) Cet article est presque un re'sumé de la thèse de licence du docteur
Federico Puga-Borne. — Anales de la Universidad 1879, page 267.
>34
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
âcreté, un peu douce au commencement, amère plus tard, et enfin,
légèrement nauséabonde.
Sa préparation est difficile, raison pour laquelle il convient de
bien sécher les racines, et les passer au tamis. M. Puga Borne em-
ploya, pour ses expériences, la poudre, sans la tamiser.
La teinture, préparée comme on le fait pour le Jalap , a une
couleur jaune un peu rougeâtre, peu d’odeur, une saveur spéciale
d’abord, et amère un peu plus tard.
Avec 4 ou 6 grammes de poudre de carri^illo , après la sensa-
tion que son mauvais goût produit dans la bouche, on ressent quel-
quefois aussi, à l’estomac, un malaise qui se traduit en nausées.
Quelques heures plus tard surviennent des borborygmes, parfois des
légères douleurs, coliques, et ensuite viennent les évacuations,
d’abord excrémenteuses, ensuite claires, céreuses, comme celles que
déterminent les drastiques. Ce mouvement du ventre, quoique rare,
persiste quelquefois jusqu’au second jour; quarante-huit heures
après, les évacuations cessent et sont remplacées par une constipa-
tion qui dure deux ou trois jours. Dans quelques circonstances, le
carriyillo a occasionné une tympanite intestinale un peu marquée,
mais passagère, chez les individus malades, jamais chez les sains.
En comparant l’action physiologique du jalap avec \q carri{illo,
on arrive au résultat qui constate chez ce dernier une action plus
faible et plus tardive, quoique plus prolongée. Pour obtenir un effet
pareil à celui du jalap, il faut employer les poudres de la calystegia
à double dose.
De l’action physiologique de cette racine on déduit son action
thérapeutique. En conséquence, on peut la recommander dans les
cas nombreux où le médecin doit employer les agents purgatifs.
C’est donc une bonne fortune pour la médecine chilienne de pouvoir
compter sur une substance de cette nature.
Les conclusions présentées par le docteur Puga Borne, après de
nombreuses observations, sont les suivantes :
i° La racine de calystegia rosea convolvulacea indigène du Chili,
est dotée d’une action purgative drastique.
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
1 35
2° Cette action est plus faible et plus prolongée que celle du jalap
et est presque invariablement suivie de constipation.
3° De ces trois caractères de son action se déduisent les indica-
tions dans son emploi.
4° Les formes sous lesquelles il convient de remployer sont : la
poudre, la teinture et la résine.
5° On peut les administrer, dans leur état naturel, sans recourir
aux correctifs.
6° La dose, en poudre, peut varier de 4 à 8 grammes; celle de
la teinture, entre 38 et 80, et celle de la résine entre 5o centigrammes
et 2 grammes.
Pour ma part, je crois qu’il serait bon d’associer aux prépara-
tions du carri\illo une substance aromatique pour éviter les coliques
qui surviennent quelquefois, et le développement des gaz qui se font
aussi sentir.
CABELLOS DE ANJEL (Cheveux d’AngeS
C us eu ta.
Les espèces qui correspondent à ce genre (sont parasites, blan-
ches, volubiles avec les fleurs réunies en capitules ou en épis jau-
nâtres ou rougeâtres; le calice est monophyile, quinquephylle
(quelquefois quadriphylle) ; la corolle est urcéolée-globuleuse avec
le même nombre de divisions ; même nombre d’étamines mises
dans le milieu du tube de la corolle, l’ovaire est biloculaire, le style
simple ou bifide ; la capsule est biloculaire.
Les « cuscutes » sont des plantes parasites répandues presque
sur tout le globe. Nous en avons au Chili 9 espèces connues toutes
sous le nom de cabellos de Anjel (cheveux d’ange).
On les emploie à l’usage externe en cataplasmes pour dissou-
dre les tumeurs inflammatoires, contre les bubons ; à l’usage in-
terne, elles jouissent de la renommée des diurétiques.
L’ancienne médecine leur concédait une action sur beaucoup de
PLANTES MÉDICINALES DU CHILI
1 36
maladies, Hippocrate et les Arabes l'appliquaient dans la phthisie
pulmonaire, aujourd’hui, on n’en fait plus usage.
SOLANEES
PICHI
Fabiana imbricata .
Ruiz et Pavon, t. II, 12, tab. 122, fig. b. — Hook, Icor., pi. 4, lam., 340. —
Lind., Bot. reg\, t. XXV, lam., 59. — Gay, V, pag. 41. — D. C., Prodr.,
XIII, a, p. 590.
Petit arbuste, à bois dur, très rameux, à écorce ridée et remplie
de rugosités saillantes - les branches sonthispides. Il possède de nom-
breuses branches raides, de 2 à 5 centimètres de longueur, couvertes
intérieurement de feuilles très petites, ovoïdes très obtuses, con-
caves par-dessus, convexes en dessous, glabres, prolongées à leur
base, imbriquées et en forme de squames. Fleurs solitaires et ses-
siles à la pointe des jeunes rameaux.
Le calice est cupuliforme, avec des dents obtuses, glabre et
persistant; la corolle tubulaire, infundibuliforme, avec le limbe plié
formant 5 lobes arrondis 4 ou 5 fois plus longs que le calice qui en-
toure la base des fleurs.
On le trouve depuis Arauco jusqu’à Coquimbo ; il croît princi-
palement au bord des rivières et entre les pierres. Vu de loin on le
confond avec le Tamaris. Nous l’avons vue cultivée dans quelques
jardins, grâce à son élégance et à la belle couleur blanc bleuté de ses
petites fleurs.
Ruiz et Pavon, comme Gay, disent que le Pichi est employé
pour la guérison des chèvres et chevreaux attaqués de la maladie
des pirguines , petits vers qui se multiplient dans le foie, et qui oc-
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
casionnent une grande mortalité. On en fait usage depuis un temps
immémorial dans les affections urinaires.
11 y a déjà quelques années que j’appelais l’attention des méde-
cins sur les bons résultats que j’avais obtenus avec une légère dé-
coction de cette plante dans les blennorrhagies et catarrhes chroni-
ques delà vessie. « Plus d’une douzaine de cas, traités uniquement
» par la tisane de Pichi , disais-je, ont confirmé mes idées sur cette
» solanée et m’ont décidé à l’adopter comme un aide puissant dans
» le traitement des inflammations chroniques ou aigues de l’urètre. »
Tombé dans l’oubli pendant quelque temps, son emploi s’est
renouvelé, dû à la guérison d’un haut fonctionnaire administratif du
territoire araucanien qui souffrait d'une cystite muco-purulente re-
belle à un bon nombre de traitements. Le Pichi triompha d'elle.
L’enthousiasme produit par la guérison de cette maladie qu’on
croyait compliquée de calculs vésicaux fut très grand parmi tous, et
les nouveaux et heureux résultats obtenus ensuite firent étendre
l’emploi du Pichi dans toute l'Amérique. Peu de temps après, il
traversa les mers et fut étudié sous le point de vue médical et phar-
macologique, en France par MM. Boyer et Limousin (i).
Au Chili, M. Sierralta en fit le sujet de sa thèse de licence(2), de
laquelle nous prenons une grande partie des renseignements qui vont
suivre.
Matière médicale. — Mon opinion est que le Pichi agit sur
l’organisme par la résine qu’il contient. Elle lui donne l’odeur spé-
ciale qui le caractérise, et qui se trouve, dans les feuilles, dans ses
petites branches et dans l’écorce de sa tige. Pour ce motif, j'ai l’ha-
bitude d’employer toute la plante, et non les feuilles seulement, dans
lesquelles M. Sierralta croit que le principe actif réside uniquement.
Le Pichi contient un principe amer, une résine acide^ jaune,
une huile essentielle, delà chlorophylle, delà cellulose, des sels, et
du tannin qui précipite en bleu noir les sels de fer. Dans la Communi-
cation faite par M. Limouzin à la Société thérapeutique française, le
(1) Bulletins et Mémoires de la Société de Thérapeutique, Paris, 1886.
(2) Anales de la Universidad de Chile, 1886, page 487.
i 38
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
14 avril 1886, on lit : Qu’il a obtenu du Pichi une résine très amère,
insoluble dans l’eau, dans la proportion de 6 grammes 5o cent, par
kilo. Le réactif de Winckler indique la présence d’un alcaloïde, mais
ce qui surtout le caractérise, ajoute-t-il, c’est l’abondante proportion
d’un glucoside analogue à la Esculina , jouissant, comme cette sub-
stance, d’un pouvoir réfringent très considérable. En effet, sa matière
extractive épuisée par l’eau, contient- encore une grande proportion
de ce corps fluorescent et donne par réfraction une liqueur inco-
lore, bleuâtre, semblable à une solution de sulfate de quinine.
Les préparations suivantes peuvent s’obtenir de cette plante :
Poudres. — Elles s'obtiennent en pulvérisant les petites branches
du Pichi qui ont assez de feuilles ; passées au tamis, elles ont une
couleur vert jaunâtre, de saveur amère, sont aromatiques, et un
peu astringentes.
Infusion et décoction . — La meilleure de ces préparations est
l’infusion, qui, suivant la pharmacopée chilienne doit se faire au
4 pour 100. La décoction légère, qu’on conseillait autrefois, n’a-t-elle
pas l’inconvénient de laisser échapper une partie de l’huile essentielle?
Ces deux préparations, filtrées, ont une couleur légèrement jaune, sem-
blable à l’ambre, et offrent à la superficie une légère pellicule d'autant
plus notable que la plante est plus fraîche. Cette pellicule est due à
la résine qui surnage et très probablement aussi à l'huile essentielle.
Extrait aqueux . — Un kilogramme de la plante, réduit en poudre,
a donné 90 grammes d’extrait mou et 60 grammes d'extrait sec éva-
poré par le vide. M. Sierralta a obtenu 80 grammes du même extrait
mou, mais il ajoute que ce chiffre est approximatif, parce que les
feuilles du Pichi sont difficilement épuisées par les dissolvants.
Après avoir fait agir à plusieurs reprises l’eau et l’alcool sur elles,
en grandes et petites quantités consécutives, le résidu est encore sus-
ceptible de fournir de nouvelles portions de principes solubles.
Cet extrait est amer, un peu âcre, aromatique, approchant de
l’extrait de Guayaco par son odeur.
Teinture alcoolique. — - Dans la proportion de 1 pour 5 d’alcool,
elle fournit une bonne préparation. Sa réaction est acide.
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
i39
%ésine. — On trouve ce principe dans la plante fraîche, dans
une proportion approximative de io pour ioo-, elle est jaune, très
aromatique, âcre et amère. Elle fond à une légère chaleur, et brûle
avec une flamme fuligineuse comme ses congénères.
Action physiologique. — Toutes les préparations du Pichi, sui-
vant le degré de concentration et la quantité de résine et d’huile es-
sentielle qu’elles contiennent, sont plus ou moins amères, âcres et
aromatiques, stimulent légèrement l’estomac, causant quelques bor-
borygmes et expulsant des gaz qui rappellent son odeur spéciale.
Quelquefois l’appétit augmente. Après son absorption, la sensation
la plus remarquable est celle qu’il produit sur la vessie, déterminant
une émission fréquente et une légère augmentation de cette sécrétion;
l’urine est plus claire, et conserve pendant quelque temps une odeur
résineuse.
Les expériences pratiquées par M. Sierralta à propos de la sé-
crétion urinaire, par les diverses préparations du Pichi , sont dignes
d'être connues.
Les voici :
ire Expérience . — Décoction du. Pichi (6o/5oo) en 4 portions —
2,000 grammes d’ urine. — Excès sur le terme moyen physiologique
- — 33o grammes, considérant l’état normal, 1,670 grammes.
2me Expérience . Infusion (6o/5oo) une seule fois, 540 gram-
mes d'urine. Excès sur la moyenne physiologique, nul.
3_4mes Expériences. — Avec la macération, le résultat est nul.
5rae Expérience. — Décoction de l’écorce, 3o pour 5oo. —
1,900 grammes d’urine. — Excès sur la moyenne physiologique,
23o grammes.
6-7mes Expériences. — La résine, absorbée, depuis 1 gr. 20 jus-
qu’à 3 grammes en deux doses, et en 2 jours d'expériences, a donné
jusqu’à i5o grammes d'augmentation sur la moyenne physiologique
et jusqu'à 400 grammes sur l’urine du jour antérieur.
8-9mes Expériences. — Avec l'extrait aqueux, la quantité d’urine
s’est élevée jusqu’à 1,900 grammes ; deux grammes d'extrait pris en
deux doses à 2 heures d’intervalle.
140
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
10 ™ Expérience. — 45 grammes de poudre tamisée, pris en
5 heures, ont donné i,y5o grammes d’urine -, 80 grammes sur la
moyenne.
Thérapeutique. — On a beaucoup loué le Pichi comme agent
lithoiriptique. M. Lucien Boyer raconte qu’un général péruvien avait
échappé à l’opération de la taille dont il était menacé par son chirur-
gien, pour le débarrasser d’un volumineux calcul vésical, grâce à
l’usage du Pichi. Le même pouvoir lui est prêté chez nous par les
gens qui lui réservent une préférence marquée, mais je ne connais
aucun cas authentique qui puisse confirmer cette, croyance, selon
moi erronée et nuisible.
Mais, où les préparations du Pichi sont appelées à remplir un
rôle plus ou moins important, c’est dans les catarrhes de la vessie,
simplement muqueux ou muco-purulents, idiopathiques ou sympto-
matiques-, elles sont également recommandées dans les affections
chroniques des bronches, et très remarquables dans les hémorrha-
gies.
L’effet du Pichi , dans ces cas, est comme celui de tous les bal-
samiques; par sa résine, il a une action marquée dans les affections
des voies urinaires; par son huile essentielle, sur les affections de
l’arbre respiratoire.
J’ai employé plusieurs fois le Pichi dans les blennorrhagies, et je
n’ai qu’à me féliciter de ses résultats. M. Sierralta cite neuf cas de
gonorrhées guéries avec cet agent et, quoiqu’il le considère inférieur
à d’autres de la même nature, il croit que c’est un aide utile, puis-
qu’on peut l’administrer à grandes doses sans troubler les fonctions
digestives.
Le docteur Concha Vergara, spécialiste, chez nous, des mala-
dies des voies urinaires, dit que : « Dans les cystites du col qui recon-
naissent pour cause un état d’inflammation du canal, les effets du
Pichi sont admirables : le tenesme vésical disparaît comme par
enchantement et l’émission de l’urine revient régulière. Je ne con-
nais aucun agent thérapeutique qui puisse agir avec une rapidité
et une efficacité égales dans cette sorte d’affections. Les balsa-
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
H1
miques, dont l’efficacité est indiscutable, ne produisent pas une con-
valescence aussi rapide que celle qu’on obtient par l’emploi de cette
plante, ni même le cubèbe, qui est considéré comme le plus éner-
gique par son action spéciale sur la vessie. J'ai administré la tein-
ture de Pichi , comme la décoction, à quatre individus affectés d’une
cystite du col, due à un état inflammatoire chronique de la portion
membraneuse du canal, qui, comme conséquence de dérèglements
répétés, avait une poussée aiguë , la portion prostatique fut envahie,
et, à son tour, le col de la vessie. Les quatre malades guérirent radi-
calement, et avec une rapidité étonnante. »
Le docteur Concha ne pense pas de même pour les autres cys-
tites; mais, les observations qui accompagnent le mémoire du doc-
teur Sierralta et les miennes propres, indiquent que le Pichi est un
agent puissant de guérison daas ces cas.
Dans les bronchites chroniques, dans l’asthme humide, dans les
bronchorrées, dans la phthisie pulmonaire, le Pichi est un aide puis-
sant des autres médicaments plus énergiques contribuant en grande
partie à la guérison et au soulagement de ces pénibles et graves affec-
tions.
Je crois même.que, seul, l’extrait fluide de cètte plante, que je
n’ai pas eu occasion d’employer, suffirait comme agent d’une éner-
gique médication.
Une tisane de Pichi peut être recommandée avec profit dans les
cas d’abcès hépatiques, si communs chez nous.
Je n’ai pas eu l’occasion d’employer le Pichi comme vermifuge ;
mais, l’usage qu’on en a fait pour le traitement des chèvres attaquées
de Pirguines , laisse entrevoir que ce serait un agent efficace antihel-
minthique.
Les meilleures préparations du Pichi seraient, selon moi, la
décoction légère ou l’infusion, la teinture alcoolique et l’extrait fluide.
Avec ce dernier, on pourrait préparer un sirop qui permettrait son
emploi, sans goût désagréable, à une dose un peu élevée.
142
PLANTES MÉDICINALES DU CHILI
MTRI
Solarium ou tomatillo.
Remy, en Gay, V, 64.
Solanum crispum .
Ruiz et Pavon. Flor. per. II, 3 1 , lam., 1 5 8 . — Gay, V, 66. — D. C.,
Prodr., XIII, a. 91.
Solanum gayanum ,
Remy en Gay, V, 67.
Sous le nom générique et vulgaire de Natri , sont désignées ces
trois espèces, dont les différences sont peu sensibles, et employées
toutes trois au même but thérapeutique-, mais, le Solanum ou toma-
tillo étant l’espèce choisie par nos pharmaciens et médecins pour
faire leurs études de chimie ou de médecine, nous lui donnerons la
préférence dans la description des caractères botaniques (1).
S. tomatillo — Plante ligneuse, à tiges flexibles, tortueuses,
glabres, fréquemment rugueuses et touffues-, les branches sont her-
bacées, glabres-, les feuilles alternes, solitaires, pétiolées, oblongues
ou oblongues-linéaires, de quatre à huit lignes de largeur, d’un pouce et
demi à deux pouces et demi de longueur, obtuses, arrondies à l’extré-
mité, coriacées, grosses,, entières, ridées-ondulées sur les bords, con-
(1) Nous avons utilisé pour ce travail, celui de MM. Bustillos et Vasquez
publié dans le deuxième volume des « Anales de Farmacia » ; l’étude chimique
physiologique et thérapeutique est tirée de celui du S. Tomatillo de M. Jean
B. Miranda; deux courts mémoires de M. Adolfo Larenas Alfaro sur le
« Natri » et le Witheringina et enfin, quelques notes prises sur un mémoire
manuscrit du Docteur Alberto Navarette.
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
i43
caves sur les deux faces, et pliées, rugueuses quand elles sont sèches,
de vingt à trente fleurs pédonculées, violacées, en corymbe terminal
à l'extrémité des branches • les pédoncules sont glabres et rameux -,
le calice est petit, avec cinq dents assez larges- la corolle hispide à
l’extérieur, glabre à l’intérieur, avec des segments ovales et obtus;
le style est d’une longueur double de celle des étamines; les fruits
sont de la grosseur d’un pois, globuleux et d’une couleur rouge
foncé.
Cette plante est commune dans toutes les provinces centrales,
et de facile acclimatation dans les pays tempérés.
On emploie les feuilles, les branches et même la tige; mais le
principe actif est plus abondant dans les premières.
A une époque, un de nos pharmaciens la recommanda dans un
mémoire publié dans les Anales de Farmacia , en 1864, comme
un puissant remède contre l’hydrophobie, et comme l’agent le plus
sûr rencontré jusqu’à ce jour contre cette terrible maladie ; mais, de
l’étude des observations publiées, il résulte qu’aucune ne présente
des caractères positifs et sérieux. De simples renseignements donnés
par des personnes étrangères à la science, des racontars de pauvres
gens de la campagne, telles furent les. bases sur lesquelles on essaya
de former la réputation du Natri.
Le Nalri est une plante qui jouit d’une renommée bien méritée
comme tonique et fébrifuge, et dont la réputation est hors de toute
controverse. Personne n’ignore, au Chili, ses bons effets et ses pro-
priétés. O11 a porté sa réputation à une plus grande valeur qu’elle
n’en possède en réalité.
Nous écrivions, il y a de cela vingt-trois ans, les réflexions sui-
vantes sur cette plante :
« Les fièvres typhoïdes bilieuses, si communes parmi nous,
principalement dans les campagnes, dans la chaude saison d’été, à
cause d’une exposition prolongée des travailleurs au soleil, dans les
battages du blé et autres travaux agiicoles, sont connues générale-
ment sous le nom indigène de Chavalongo (mal de tête). Dans cette
affection, et dans toutes les fièvres d’un caractère typhoïde, l’emploi
H4
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
du Natri en infusion ou en décoction, soit en lavements ou en
boisson, par doses petites et répétées, produit de très bons effets.
Son emploi, limité il y a peu de temps aux gens de la campagne,
s’ouvre peu à peu un chemin et prend la place qui lui convient
dans la matière médicale chilienne, en raison des résultats heureux
obtenus par son application dans la fièvre typhoïde qui a régné à
l’état épidémique dans l’année qui s’écoule.
» Les personnes auxquelles j’ai recommandé son emploi ont été
très satisfaites de son action, et se félicitent de posséder une méde-
cine à si bon marché et si puissante pour les maladies qu’ils croyaient
jusqu’à présent presque incurables ! »
Depuis cette époque, de nombreuses expériences ont été faites
sur le Natri , et aussi quelques études scientifiques ; nous allons en
donner ici un extrait. Libre à ceux qui voudraient les connaître d’une
manière approfondie, de recourir à la lecture même des travaux que
nous avons cités dans la note bibliographique.
Selon l’analyse pratiquée parM. Larenas, les cendres des feuilles,
de Natri contiennent :
Phosphate de. chaux.
Carbonate de chaux.
Carbonates alcalins.
Chlorures alcalins.
Sulfates alcalins.
Le docteur Miranda dit que la composition qualitative de ces
cendres est de :
Sulfate de potasse.
Phosphate de potasse.
Carbonate de potasse.
Chlorure de potassium
Chlorure de calcium.
Phosphate de chaux.
Phosphate de fer.
La composition de la partie organisée est complexe, et il y a eu
divergence d’opinions entre ceux qui en ont fait l'analyse ; mais tous
PLANTES MÉDICINALES DU CHILI
145
sont d'accord sur l’existence d’un alcaloïde sur lequel MM. Bustillos
et Vasquez ont, les premiers, appelé l’attention.
Suivant MM. Miranda et Larenas, ce sont les feuilles qui con-
tiennent la plus grande quantité de ce produit, ayant obtenu, le pre-
mier, jusqu’à 2 pour cent des feuilles, et 1,90 pour cent de la tige,
branches et feuilles telles qu’on les vend dans nos pharmacies.
M. Miranda la nomme Natrina , et M, Larenas, Witheringina ;
mais, nous croyons plus juste et plus convenable de lui conserver
celui de Natrina : i° parce que le nom de Natri est plus populaire
et plus connu ; 20 parce que cette plante est un véritable Solanum et
non une Witheringina.
Les caractères de ces alcaloïdes sont analogues comme nous
allons le démontrer :
Natrina (Miranda)
Blanche-jaunâtre.
Saveur amère qui dure de i5 à 3o
minutes.
Soluble dans l’alcool et plus solubre
dans Peau bouillante.
Insoluble dans l’éther et le chloro-
forme.
Elle fond d’abord, et se carbonise
ensuite, répandant une odeur de corne
brûlée.
Les acides concentrés lui donnent
une couleur rouge.
L’ammoniaque, lapotasse etlasoude,
forment avec la Natrina des sels qui
se précipitent.
Witheringina (Larenas)
Blanche-jaunâtre.
Saveur amère très intense et persis-
tante, jusqu’à être nauséabonde.
Elle est d’autant plus soluble dans
l’eau, qu’elle est plus concentrée, sur-
tout dans l’eau bouillante.
Insoluble dans l’éther, le chloro-
forme ne la dissout pas.
Elle fond d’abord, et se carbonise
ensuite, répandant une odeur de poix
liquide et des vapeurs ammoniacales.
Les acides concentrés lui donnent
une couleur rouge.
La potasse, soude, ammoniaque,
chaux, magnésie et carbonates alca-
lins forment des sels qui se préci-
pitent.
La Natrina forme des sels cristaliisables avec les acides miné-
raux, ils ont été obtenus très purs par M. Larenas. Avec les réactifs
de Mayer, Bouchardat et DragendorfF, 011 peut reconnaître les solu-
tions aqueuses qui contiennent des sels de Natrina-, étant beaucoup
plus sensibles au dernier, qui donne un précipité rouge-orange dans
la solution de 1 pour 3, 000 de sulfate de Natrina.
10
146
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
Le procédé recommandé par M. Larenas pour obtenir des sels
cristallisés de « Natrina » est le suivant :
Feuilles de Natri 10 kilos.
Eau acidulée avec de l’acide sulfurique à. o.5o 0/0 jusqu’à les couvrir.
Les feuilles de Natri préalablement triturées dans de l’eau
acidulée digèrent pendant 48 heures, à une température de 70 à 80
centigrades ; on exprime ensuite le liquide sous une presse, et le
résidu se soumet à une nouvelle dissolution dans de beau acidulée à
0,25 pour cent à la même température, et pendant le même temps,
et 011 exprime de nouveau les liquides. On renouvelle une troisième
fois l’opération afin d’épuiser complètement la feuille, mais avec la
moitié de l’acide employé dans la seconde dissolution. On réunit les
liquides, on les évapore à un feu lent jusqu’au tiers de leur volume,
et on passe au filtre de toile, à froid. Dans ce cas, le liquide est forte-
ment coloré et a une saveur amère très intense. On procède alors à
la précipitation de la matière résineuse et colorante, en y mettant,
peu à peu, des doses de 5o grammes de liqueur de sous-acétate de
plomb, jusqu’à ce qu’il soit légèrement en excès.. Comme il n’est
pas possible d'apprécier, à la simple vue, le moment dans lequel il y
a un excès de plomb, on filtre une petite quantité du liquide quand
on présume avoir employé la liqueur plombée nécessaire, et sur le
liquide filtré on verse un peu d’une solution faible de bichromate de
potasse. S’il n’y a pas un excès de plomb, le précipité ne se formera
pas, et s’il existe il sera jaune. Une fois convaincu, donc, que l’excès
de plomb existe, on agite fortement le liquide avec une spatule de
bois, et on verse le tout dans un filtre de toile, prenant le soin de
filtrer de nouveau la première potion passée. Avec cette opération, le
liquide que contient la Natrina à l’état d’acétate, reste, sinon inco-
lore, du moins, d’un jaune à peine perceptible.
« Pour le faire devenir complètement incolore, il suffirait de
précipiter le liquide par le bicarbonate de soude, dissoudre de nou-
veau ce précipité dans l’acide sulfurique, et précipiter encore par le
sous-acétate de plomb, filtrant enfin le liquide quand il y a un léger
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
H7
excès de ce sel. On procède ensuite à séparer l'excès de plomb par un
courant d’hydrogène sulfuré qu’on fait pénétrer dans le liquide. On
extrait le précipité par filtration et on l’évapore au bain-marie jusqu’à
ce que le liquide dépose le sel, si on veut obtenir l’acétate de Natrina.
J’ai utilisé ce sel pour préparer le sulfate. A cet effet, je précipitai la
liqueur par le carbonate de soude, et, ayant bien lavé le précipité, je
le fis dissoudre dans l’eau acidulée, avec l’acide sulfurique à un pour
cent , ayant soin que le liquide colorât en rouge, et imperceptible-
ment, tout au plus le papier bleu de tournesol. L’ayant obtenu, je
passais au filtre et fis ensuite la concentration au bain-marie jusqu’à
obtenir les premiers cristaux. Enlevé du feu, une masse cristallisée se
forma par le refroidissement, et chose curieuse, les cristaux de « sul-
fate d q Natrina », à la simple vue, sont très ressemblants aux cris-
taux du sulfate de quinine. »
Les préparafions officinales qui pourraient être recommandées
sont : la teinture alcoolique, l’extrait, l’infusion ou la macération, et
plus spécialement, la « Natrina. »
Quant à l’action physiologique du Natri , le docteur Navarrette
qui l’a pris pour s’en rendre compte, l’apprécie de la façon suivante :
« Le jus des feuilles, ou l’infusion de l’écorce de Natri , pris à
jeun, produit d’abord, une répugnance due à sa saveur excessive-
ment amère; mais, une heure ou deux après son ingestion, on sent
dans l’estomac un léger stimulant et une vague sensation d’appétit;
cette sensation augmente progressivement et devient bientôt impé-
rieuse. Simultanément on ressent un bien-être et une agilité qui invi-
tent à l’exercice, celui-ci devient vite indispensable, car à mesure
que l’absorption du médicament augmente, une froideur peu sensible
survient, avec élévation appréciable des papilles du derme, et sou-
vent de légers frissons. La température descend d’un demi-degré, au
moins, pour revenir à son état normal trois ou quatre heures plus
tard. Le pouls, en même temps qu’il diminue de plénitude, se ralentit.
En continuant pendant quelques jours l’expérience, les fonctions du
ventre se facilitent, et il en survient souvent une légère fluxion intes-
tinale, sans ténesme ni borborygmes. Ni la respiration, ni le système
148
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
nerveux, ne furent influencés par cette préparation, la seule que j’ai
employée. »
M. Miranda, qui a opéré avec les sels de Natrina, a rencontré
les mêmes effets physiologiques, plus marqués encore par la force
de l’agent qui servit à l’expérimentation, surtout ceux qui se rappor-
tent à l’abaissement de la température. A fortes doses, la Natrina
produit des nausées, des vomissements et des évacuations ; son action
locale est assez irritante, soit appliquée sur la peau dépourvue de son
épiderme, ou bien administrée en injections hypodermiques ou
énèmes.
Les voies d’élimination des sels de Natrina sont les émonc-
toires rénaux. M. Miranda a toujours rencontré dans burine les sels
de Natrina , qui paraissent ne pas se décomposer à travers le torrent
circulatoire. L’urine des personnes qui se trouvent sous l’influence
de ces préparations, dit ce même observateur, comme celle des
albumineuses, produit une grande quantité d’écume si on agite le
flacon qui la contient, écume qui persiste pendant quelques heures.
Les nombreuses expériences vérifiées, soit dans les hôpitaux,
soit dans la pratique civile, et dans les diverses maladies pyrétiques,
manifestent d’une manière évidente l’action antithermique de cette
plante, employée en infusion, ou par l’administration des sels de son
alcaloïde.
J’ai pu constater que l'effet de ces sels est très semblable à celui
des sels du quinine; ils n’altèrent les forces que momentanément,
sans jamais les détruire, me servant d’une expression aussi pitto-
resque qu’exacte de l’école de Montpellier. Le Natri est un
tonique qui exerce une action antithermique, sans troubler d’une
façon notable aucune fonction de l’organisme, et maintient les forces
du malade, et, par ce moyen, abrège la convalescence de ces
longues maladies dans lesquelles la chaleur fatigue et détruit les
forces et les tissus.
Convenons, néanmoins, que le Natri et les sels de Natrina n’ont
pas le pouvoir de baisser la température au-delà d’un degré et que
son action, sous ce point de vue, ne dure que quelques heures.
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
149
Je confesse que le Natri et ses préparations sont inférieures dans leur
action et dans leur pouvoir, à la quinine et à ses sels -, mais je dois
aussi déclarer qu’on chercherait en vain un médicament plus inno-
cent, plus facile à administrer, qui présente moins d’inconvénients
dans son emploi, et qui soit plus lacile à obtenir dans nos cam-
pagnes. Vu nos ressources et nos conditions de sociabilité dans
ces endroits, prenant en considération la misère de nos paysans, la
rare densité de la population rurale, leur éloignement des villes et
des villages, l’ignorance du peuple et le manque absolu de secours
dans lequel on le maintient, le Natri est un médicament qui peut
être employé sans crainte, une ressource de grande importance
dans toutes les fièvres de mauvaise nature, dans toutes les pyréxies
de longue durée, parce qu’il est efficace et que son usage n’offre
aucun danger.
Il est bon que dans les villes on ait recours et on préfère d’autres
antithermiques de plus grande activité et qui offrent plus de garantie
et dont faction est plus stable; mais laissons le Natri en usage
administré par la voie stomacale ou répété en énèmes, comme
l’humble, mais efficace serviteur du paysan, qui vit éloigné de la
fiévreuse activité qu’on appelle la civilisation.
PATATA
Solarium tuberosum , Lin.
La Patata, connue surtout en Amérique sous le nom de papa{ 1),
n’a pas besoin d’être décrite -, elle est trop connue pour qu’il soit
utile d’insérer ici ses particularités botaniques. Notre intérêt, en la
citant, est d’établir d’une façon positive son origine chilienne.
M. Claude Gay a prouvé, sans laisser prise à aucun doute, que
la patrie primitive de ce précieux tubercule, sans lequel l’humanité
vivrait avec peine aujourd’hui, est notre pays.
(1) Pomme de terre.
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
1 5o
« En effet, dans le Chili, dit ce savant naturaliste, cette plante
croît dans les endroits les plus sauvages, dans les déserts, dans les
îles ; dans les Cordillères,, on la trouve quelquefois avec une telle
abondance que les Indiens ont donné le nom de ce tubercule à une
de leurs régions, c’est-à-dire : Cordillère des ponis. A plusieurs re-
prises, en temps de grande disette, les Indiens ont eu recours à sa
récolte, et les soldats de Pincheira (i) firent de même en pareilles
circonstances. D’autre part, quand les forêts vierges de Llanquihue
furent incendiées au profit des colonies allemandes, de toutes les
plantes naturelles qui reparurent spontanément, la pomme de terre
fut une des plus communes. »
Dans quel site, dans quelle'cordillère de notre pays n’a-t-on pas
rencontré la pomme de terre ? On fa vue jusque sur le sommet des
plus hautes et plus abruptes cordillères, où l’homme rarement
arrive.
Dans ses lettres adressées au gouvernement espagnol, le con-
quérant don Pedro de Valdivia, dit que les Indiens de ce pays s’ali-
mentaient avec les pommes de terre qu’ils allaient recueillir sur les
collines.
Alphonse de Candolle admet, pour ces motifs, dans sa Géo-
graphie botanique, l’origine chilienne des pommes de terre, et consi-
dère peu fondées les opinions des naturalistes et historiens qui ont
indiqué des espèces de Solannm à tubercules dans d’autres parties
de l’Amérique andine, comme point de départ des nombreuses va-
riétés qui se cultivent aujourd’hui.
Le Chili est donc le pays auquel l’humanité doit cet aliment
qu’on voit journellement sur la table du riche, comme sur celle du
pauvre, et qui a mitigé en grande partie les désastres que la famine
produisait dans certains pays civilisés.
La fécule qu’on extrait de la pomme de terre, connue chez
nous sous le nom de Chuno , est un aliment de digestion facile, très
recommandé dans les affections des Voies digestives pour les conva-
(i) Chef d’une bande d’insurgés à l’époque de la Guerre de l’Indépendance
du Chili.
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
1 5 1
lescents et pour les enfants. A l’usage externe, on l’emploie dans les
érythèmes et autres affections aiguës de la peau.
La pomme de terre cuite ou rôtie, est un aliment qui convient
aux maladies du foie; et, son usage, avec le beurre peut être permis
aux diabétiques.
Le Dr Juan Miquel dit que la pomme de terre, cuite, s’applique
avec succès sur les brûlures et autres irritations de la peau: mêlée à
la farine de lin, en forme de cataplasme, elle facilite la résolution,
modifiant l’ardeur de l’état inflammatoire, et, si les tissus tendent à
la suppuration, celle-ci est facilitée avec diminution marquée des
souffrances -, ce cataplasme, appliqué sur les épaules, dans les dou-
leurs si fréquentes chez nous, offre un soulagement rapide et sûr; le
même résultat s’obtient en plaçant le cataplasme sur le foie ou sur
les reins, quand le mal est trop violent. Une infusion, ou, mieux,
une légère décoction de la pomme de terre blanche (2 onces pour
une livre d’eau) est une boisson excessivement laxative et diurétique,
et très avantageuse pour les malades qui souffrent de congestions du
foie, reins, vessie et urètre. Le miel que les abeilles élaborent de la
fleur de la pomme de terre, pris pendant quelque temps au lieu de
sucre, agit comme les balsamiques, et améliore toutes les altérations
organiques terminées par ulcération et suppuration, spécialement
celle du poumon, foie, reins et urètre.
Son usage est aussi très utile à tous les calculeux, soit qu’il
s’agisse de pierres formées dans la vésicule biliaire, les reins, la
vessie, et même pour les concrétions qui se présentent dans les arti-
culations des goutteux.
PLANTES MÉDICINALES DU CHILI
I 52
LATXJÉ
Latua venenosa, Ph.
Latua venenosa , Ph, Annales Univ., 1 86 1 , I, page 3io. — ■ Bot. Zeit, XXI,
page 33. — Lycioplesium puberulun, Gris.
« Il y a de cela six ans, dit M. Philippi, dans les Annales de
PUniversité du Chili, qu’on m’a raconté que les sorciers, chez les
Indiens de la province de Valdivia, connaissaient une plante qui pro-
duit la folie aux personnes qui en font emploi, et on me nomma une
jeune hile qui était folle parce qu’on lui avait fait prendre de ce poi-
son. Ma curiosité pour connaître cette plante était grande ; mais
comme les Indiens gardent bien leurs secrets, je demeurai longtemps
avant de satisfaire mon désir. Par le Père missionnaire de Dogli-
pulli, je sus que le nom de la plante était Latué , qu’elle croissait
dans la cordillère de la côte, et que c'était un arbuste. Ce mission-
naire en avait obtenu une branche, mais sans feuilles, ni fleurs, ce
qui ne m’éclairait nullement sur la plante en question. M. Jean
Renous put me donner des détails plus précis. 11 me dit qu’il con-
naissait très bien la Latué , que c’était un arbuste épineux, très res-
semblant à la Tuya ou Palo Santo (bois saint) ( Flotoivia diacan-
thoides ) mais avec les fleurs semblables à la Sarmienta Nepens , de
R. et P., et que quelques plantes existaient près de Lamihuapi. Il
ajouta qu’un de ses bûcherons, ayant voulu panser une blessure
qu'il s'était faite d’un coup de hache prit par erreur une tisane de
Latué , au lieu de Tuya , et qu’il était devenu fou des suites de cette
méprise, qu'il s’était enfui, et s'était caché dans un bois, où il fut
trouvé trois jours après par des camarades. Ce malheureux guérit
bientôt, mais il conserva pendant de longs mois des douleurs de tête.
Les mêmes symptômes furent remarqués chez quelques Chilotes
(habitants de Chiloé), lesquels, pour assouvir leur faim, avaient
mangé de ce fruit, dans un voyage d’Osorno à Maullin ; ils arri-
vèrent fous à ce dernier lieu.
PLANTES MÉDICINALES DU CHILI 1 53
Tous mes efforts pour me procurer cette plante furent long-
temps infructueux; je n’obtins que des branches et des feuilles de
Lamihuapi, mais sans fleurs. Après deux ans d’attente, M. Ch. Orhse-
rius m'apporta une petite branche avec des fleurs. Naviguant sur
la rivière « Bueno », de Trumas vers Trinidad, il vit un arbuste
en fleurs qui lui était inconnu ; il en prit quelques petites branches
et les garda dans son portefeuille. Par la description que m’avait
faite M. Jean Renous, je reconnus bientôt le Latué , et que cette
plante devait former un nouveau genre dans la famille des Solanées;
mais, pour la décrire, la connaissance de son fruit me faisait encore
défaut. M. Germain, dans le voyage qu’il fit dans la province de
Chiloé, eut la bonne fortune de rencontrer, à une lieue et demie d’An-
cud, un Latué , que là on nomme Arbol de los brujos (arbre des sor-
ciers), en fleur et en fruit ; je peux donc maintenant en faire une des-
cription scientifique, comme suit :
Latué , Ph.
« Le calice est infère monosépale, régulier, ouvert en forme de
coupole, divisé en cinq lobes triangulaires aigus, aussi longs que la
partie entière du calice, il augmente de grandeur dans le fruit. La
corolle est monopétale, régulière, tubuleuse, amincie vers la base,
un peu contractée avant le limbe, qui offre cinq dents aiguës, trian-
gulaires, mais courtes, un peu infléchies. Il y a cinq étamines pla-
cées dans la base du tube, les filaments sont filiformes, un peu plus
longs que la corolle, et velus dans leur partie inférieure; les anthères
sont ovoïdes, biloculaires, et s’ouvrent dans leur longueur. Le style
est aussi long que la corolle, filiforme, droit, et terminé en un stig-
mate ovale et bilobé. L’ovaire est petit et ovoïde. Le fruit est une
baie plus grande que le calice, globuleux, biloculaire, couronné par
la base persistante du style; sa cloison porte les placentaires qui sem-
blent n’avoir pas été très gros. Les graines sont nombreuses, ascen-
dantes, ovoïdes, plus comprimées d’un côté ; le péricarpe est assez
gros, écailleux et rugueux. L'embryon est recourbé, situé au centre
d’un albumen assez grand, et il possède deux cotylédons demi-cy-
i54
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
lindriques. La forme de la corolle, les étamines, plus grandes que
celles-ci, etc..., distinguent à première vue ce genre des autres genres
de la section des Atropinées dans laquelle on doit la placer.
» L’unique espèce connue jusqu’à présent, est la Latua venenosa ,
Ph. C’est un arbuste qui atteint quatre vares de hauteur. Ses bran-
ches principales ont un diamètre de deux pouces, et sont couvertes
d'une écorce légère de couleur grisâtre, très rayée • les fissures se
remplissent d’une substance qui ressemble au liège.
« Les petites branches chargées de feuilles, sont également gri-
sâtres, couvertes d’un duvet court et abondant, de couleur jaunâtre,
qui tombe bientôt ; elles sont aussi épineuses. Les épines sont axil-
laires, elles naissent à côté d’un bourgeon (fréquemment, une petite
feuille avortée occupe l’autre côté du bourgeon), arrivent à une lon-
gueur de 6 lignes, et portent quelquefois une petite feuille avortée.
Les feuilles sont très serrées, alternes, oblongues-lancéolées, et gé-
néralement amincies, peu pétiolées, très entières et glabres, d'un
vert foncé, du côté droit, plus pâles sur le revers, et penninervées;
les plus longues ont 14 lignes sur 9 de largeur. Les pédoncules sont
axillaires, solitaires, uniflores, droits, de 2 lignes de longueur, très
velus, de même que le calice et la corolle, entourés à leur base de
petites écailles ovoïdes. En fleur, le calice a trois lignes de long;
en fruit mûr, 6 lignes. La corolle est de 16 lignes de longueur, d’une
couleur violette très belle. La baie a la grandeur d’une cerise régu-
lière, verte, approchant du jaune. Les graines sont noirâtres, et me-
surent une ligne et demie. »
Cette solanée si active, dont les effets sont si semblables à ceux
de la belladone, parle délire et les hallucinations qu’elle occasionne,
n’a pas encore été étudiée sous le point de vue thérapeutique. Elle
attend la bonne volonté de quelque investigateur pour découvrir,
dans ses détails, sa véritable action physiologique et ses usages thé-
rapeutiques.
M. Vasquez, qui l’a soumise à l’action de quelques réactifs, dit
que la poudre de l’écorce est légèrement amère et âcre-, que le pro-
duit obtenu par l’éther dans l’appareil de remplacement et évaporé,
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
1 5 5
donne un produit noir, sec, inodore, de saveur d’abord âcre, et
•ensuite un peu amère, qui dure peu de temps. L’ extrait alcoolique
est sensiblement aromatique, amer, déliquescent, insoluble dans
l’eau. La nature du produit obtenu par l’alcool fait croire qu’elle peut
renfermer un principe actif. Pour combattre les effets du Latué on
fait boire le jus exprimé de la i nova, ou bien on met sur le malade
des compresses d’eau glacée qui se changent constamment, jour et
nuit, jusqu’à ce que les effets du poison disparaissent.
HUEVIL
Vestia bycioides.
W. hort. Beral., I, 208. — Gay, V, 97. — D. C., Prodr., XIII, a. 579. —
Cantua ligustrifolia, Juss. — C. fœtida, Pers. — Periphragmos fœtidus,
R. et P. — Cestrum Vespertinum, hort., Valent.
Arbuste de 90 centimètres de hauteur, glabre, d’odeur assez
pénétrante, à tiges droites et rameuses; les feuilles sont serrées,
presque sessiles, oblongues-entières, de diverses couleurs, coriacées,
glabres; les pédoncules bi-à-quadriflores ; la corolle en forme d’en-
tonnoir est tubuleuse, jaune, trois fois plus grande que le calice;
celui-ci est denté, violet-noirâtre; la capsule est ovale, bi-loculaire.
Il croît depuis Valparaiso jusqu’à Valdivia, dans les lieux
sombres et sur les ruines. De son bois et de ses feuilles on retire
un liquide qui sert à teindre en jaune.
Les feuilles sont amères et les fruits le sont davantage, à tel
point que l’expression plus amer que le huevil est aujourd’hui un
dicton proverbial pour indiquer une chose d'un goût amer prononcé
ou une personne de mauvais caractère. Malgré l’amertume de ses
fruits, il arrive, comme dans le Natri , que ce n’est pas là qu’existent
les principales vertus de cet arbuste.
On fait des feuilles de cette plante le même emploi que de celles
du Natri (voies stomacales et rectales), comme toniques et fébri-
PLANTES MÉDICINALES DU CHILI
i 56
fuges, aux mêmes doses et pour les mêmes cas. Elle jouit à Valdivia
d’une grande réputation comme vermifuge. On y a trouvé un prin-
cipe alcaloïde nommé Güevilina qui a des propriétés et des carac-
tères ressemblant à ceux de la Natrina.
PALQUI
Cestrum Palqui.
L’Herit. Stirp., I, 73, tab. 36. - D. C., Prodr., XIII, a. 616. — Gay, V, page
95. — C. Virgatum, R. et P., Flor. Per., II, p. 21.
Arbuste à tiges droites et cylindriques. Les feuilles sont lancéo-
lées, entières, aiguës, atténuées en pétioles à leur base, glabres, de
8 à 10 centimètres de long. Les fleurs axillaires ou terminales dispo-
sées en corymbes ou en panicules sur pédicelles à peine pubescents.
La corolle est d'un blanc jaunâtre et même noirâtre, avec le tube
dilaté depuis la base jusqu’à l’extrémité, et les baies sont d'une cou-
leur pourpre-jaunâtre. De nombreuses glandes sont disséminées sur
l’écorce et contribuent à donner l'odeur désagréable qui caractérise
cette plante.
Le Palqui est un arbuste qui croît avec profusion dans toutes les
provinces centrales du Chili, et qui jouit d’une grande renommée.
Il existe un adage national qui dit : « plus connu que le Palqui »,
quand on veut parler de personnes très connues.
Les parties employées sont les feuilles fraîches, desquelles on
extrait le jus, et les raclures de la tige dépouillée de son écorce.
Ces raclures, prises en infusion, ont un 'effet sudorifique, et on
les administre dans les cas de refroidissements et de fièvres. Il y a
peu de Chiliens, je crois, qui n’aient fait usage de ces infusions, dans
les cas cités, tant sa renommée est universelle. Pour ma part, je
considère le Palqui comme un sudorifique véritable, très peu infé-
rieur au Jaborandi , et je crois justifiée la confiance que le peuple a
dans ses vertus.
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
ï5 7
Pris en lavements avec addition de quelques blancs d'œufs, il
est très recommandé contre les fièvres du printemps et même dans
les fièvres typhoïdes.
Le suc des feuilles fraîches exprimées dans un peu d’eau est
employé avec avantage dans les affections eczémateuses de la peau,
dans les herpès dans la zone (herpès zoster) dans l’impétigo et dans
presque toutes les affections aiguës de la peau, qui se caractérisent
par la présence de vésicules et ampoules.
Il est regrettable qu’on n'ait pas pratiqué jusqu’à ce jour l’ana-
lyse d’une plante si importante et d’un usage si étendu et qu'elle
n’ait pas été étudiée avec l’attention qu’elle mérite.
Le seul fait d’appartenir aux Solanées fait supposer quel ePalqui
contient un élément actif; l'odeur qu’il exhale est très forte et bien
plus prononcée vers la fin des jours d’automne. Les animaux du
pays ne le mangent pas et les animaux récemment importés qui en
mangent, tombent malades et même meurent.
Les phénomènes qui s’observent sur les animaux, dans ces cas,
sont les suivants : dans les premiers moments, un état d'hébéte-
ment, suivi d’une enflure abdominale, diminution de l’urine et réten-
tion des excréments.
Le Palqui contient-il un alcaloïde, qui, comme celui des autres
Solanées, paralyse les fibres intestinales? Je l’ignore, mais l’intoxi-
cation que ressentent les animaux bovins, qui le mangent, manifeste
le pouvoir d'un principe actif puissant, qui mérite, je le répète, d'être
étudié d'une façon attentive.
« Le Père Rosales dit dans son Histoire du Chili que le jus de
ses feuilles exprimé sur les plaies cancéreuses, les améliore et les em-
pêche de suivre leur marche ; en même temps il les nettoie et les
désinfecte. Les Indiens en font usage dans les fièvres de la ma-
nière suivante : ils prennent les branches fraîches et, avec un couteau,
hs raclent légèrement la deuxième écorce, sans arriver au cœur de la
tige, et ils déposent ensuite ces raclures dans une cruche d’eau-, la
secouant ensuite avec force, ils la filtrent, la sucrent, et la font
boire ainsi toutes les après-midi aux malades de fièvres cholériques
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
i 58
et sanguines et dans les fièvres putrides ; cette boisson produit des
effets merveilleux. »
La raclure est une préparation officinale de notre pharmacopée.
Comme sudorifique j’emploie fréquemment la potion suivante :
R. Infusion de Palqui . . . ioo grammes
Liqueur d’acétate d’ammoniaque io —
Sirop de bourrache i5 —
Pour prendre en deux fois.
PERSONÉES
i
PALPI
Caiceolaria thyrsiflora.
Grah. Bot. Mag., t. 2915. — Gay, V, 162. — D. C., Prodr., X, 219. —
Var. Alliacea, Ph. An. Univers., 1873, 53o.
Petit arbuste de quelques centimètres de hauteur, vigou-
reux, presque glabre ou glanduleux- velu; les feuilles sont nom-
breuses, fasciculées, étroites-linéaires, amincies à leur base, dentées
et vertes-, les fleurs jaunes, disposées en un thyrse allongé ; les divi-
sions du calice sont ovales, glanduleuses, jaunâtres ; la corolle petite,
également jaune, sous-globuleuse.
Il croît dans toutes les provinces centrales -, on lui donne les
noms de palpa ou yerba dulce (herbe douce). Ce dernier nom lui
vient de la saveur douce de ses feuilles, qui sont employées dans la
médecine populaire comme cicatrisantes dans . les gerçures des lèvres,
dans les affectons de la gorge, dans les aphtes de la langue et les sto-
matites.
On emploie le jus exprimé des feuilles.
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
i5g
ÏIELBUN DE LA CORDILLER A
Calceolaria arachnoidea.
Grah. Bot., Mag., t. 2874. — Gay, V, 182. — D. C., Prodr., 209.
Plante herbacée, à tiges minces, élevées, rougeâtres, très peu
velues; les feuilles sont nombreuses, radicales, oblongues, ou
ovales-spatulées et amincies en pétiole, entièrement couvertes d’un
duvet très serré, d’une belle couleur blanche; le corymbe terminal
avec peu de fleurs très pourpres, assez grandes.
Deux espèces de cette calcéolaire ont été décrites ; dans Tune
les feuilles sont couvertes d’un duvet dense, abondant et blanc; dans
Lautre, elles sont très vertes et le duvet est rare.
Le Relbum de la Cordillère croît sur les hautes montagnes andines,
depuis Coquimbo, jusqu’à Concepcion. 11 11e faut pas le confondre
avec le Galium relbum de famille distincte, quoique de propriétés
en parties semblables.
En effet, la racine du relbum de la Cordillère sert pour teindre
en une couleur rougeâtre comme le Galium relbum et possède éga-
lement des propriétés astringentes qu’utilisent les gens de la cam-
pagne.
GESNÉRIÉES
VOCHI-VOCïIJ
Mitraria coccinea.
Cav., le., VI, lam., 579. — Gay, 347, D. C., Prodr., VII, b3y.
Arbuste grimpant, presque parasite sur les troncs des arbres, à
rameaux opposés, faibles, un peu velus et presque articulés; les
i6o
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
feuilles sont opposées, naissant quelquefois de trois entrois, et, dans
ce cas, une est plus petite que les deux autres, ovoïdes, pointues,
quelquefois oblongues, dentées; les fleurs solitaires, axillaires; la
corolle est grande, rougeâtre.
C’est une plante grimpante, commune dans les forêts des pro-
vinces de Valdivia, Chiloé, etc.
MM. Chatterton et Pennesse disent que les feuilles et l'écorce
de cette plante sont rafraîchissantes et légèrement purgatives.
Une pommade faite avec deux parties de saindoux et une partie
de poudre est recommandée dans les maladies de la peau ; d'après
ces messieurs, la dose serait d’une demi-once pour une livre d’eau,
en infusion ou décoction.
BI GNON I ACÉES
TRI ACA
Argilia Huidobriana.
Clos. — Gay, IV, 41 1 .
D’une racine grosse, jaunâtre, écailleuse, sort une seule tige d’un
décimètre de hauteur, simple ou partagée, mais seulement à la base?
en deux ou trois rameaux ascendants, quelquefois fiexueux, cylin-
driques, striés, mais avec beaucoup de feuilles dans la partie infé-
rieure ; celles:ci sont digitées, avec six ou huit folioles bipennifides,
toutes couvertes sur chaque face, de poils courts, raides et rudes ;
les fleurs sont jaunes, réunies au nombre de quatre ou de cinq dans
la partie supérieure de la tige et supportées par un pédoncule très
court ; le calice est couvert de poils courts et rudes ; la corolle est
cinq fois plus grande que le calice et glabre.
Elle croît dans les cordillères des provinces centrales et on lui
donne le nom résonnant de Triaca.
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
j 6 1
Les Curanderos (i) emploient beaucoup la racine de cette
plante qui, comme on Ta déjà dit, est grosse, jaunâtre, et qui n’a ni
odeur ni saveur prononcée, dans quelques affections de l’estomac,
lui attribuant des propriétés légèrement stimulantes.
Les habitants de la campagne la demandent souvent dans les
pharmacies.
VERBÈNIACÉES
SANDIA LAHUEN
PL, III, 157. — Gay, V, 10. — D. C., Prodr., XI, 552. — Multifida, R et P.
— Odorata, Meyen, etc.
Herbe polymorphe, ordinairement couchée sur le sol, très
rameuse, couverte d’un léger duvet serré et cendré, qui la rend
rude; les feuilles sont pennifides ou trifides ; les supérieures avec
des lobes ovales-oblongs ou lancéolés, obtus; les fleurs sont roses,
disposées en épis, qui apparaissent d'abord comme des capitules,
mais qui s’agrandissent ensuite ; le calice est très étroit et vert ; la
corolle rose ou violacée, avec les lobes échancrés.
Elle croît sur les collines des provinces centrales, où on la con-
naît aussi sous le nom prosaïque de Yerba del incordio (herbe du
bubon).
On emploie les feuilles et les petites branches. Elle a une saveur
aromatique assez prononcée, surtout en infusion, forme préconisée
comme remède dans la paresse stomacale, retard ou dérèglement
de la menstruation, catarrhes de la vessie, leucorrhées et blennor-
rhagies. Ses propriétés balsamiques et aromatiques la font apprécier
de la médecine domestique où nous Lavons vue employée et où nous
avons pu apprécier et constaterses bons résultats.
(l) Individus qui font les fonctions de médecins.
62
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
C’est une plante utile et qui rend de grands services dans les
campagnes.
Ruiz et Pavon disent que l'infusion de cette herbe est recom-
mandée comme diurétique et apéritive.
VERBENA
Verbena littoralis.
H. B. Kunth., Nov. gen., II, 276. — Gay, V, 21. — Bonariensis, var. littoralis
Hook. — Var. leptostachya, Ph. An. Univ.. 1870, II, 19 1.
Plante herbacée, de cinquante centimètres à un mètre de hau-
teur, partagée en longues branches élevées, quadrangulaires et can-
nelées comme la tige; les feuilles sont opposées, oblongues-lancéo-
lées, aiguës, irrégulièrement bordées de fortes dents aiguës, fré-
quemment inégales et légèrement subjacentes sur chaque face • elle
possède des épis longs, formant une panicule à l’extrémité de la tige,
et avec des fleurs petites et violacées.
C’est une plante commune dans les vergers et dans les champs
de presque toutes les provinces du Chili ; son odeur est légèrement
aromatique.
Le jus des feuilles de cette verveine, joint au saindoux, a des
propriétés vulnéraires bien caractérisées -, cette pommade, appliquée
sur les blessures en décomposition, les améliore d’une façon notable,
comme nous l’avons constaté dans les salles des hôpitaux il y a déjà
quelque temps. Son infusion se donne à l’intérieur dans les affections
chroniques du foie, et ses feuilles s’appliquent en cataplasmes comme
résolutives. Cette espèce jouit également de qualités balsamiques.
La Verbena littoralis remplace parmi nous la V. officinalis , plante
si vantée dans les temps anciens, où les druides la recueillaient au
milieu de grandes et mystérieuses solennités. La verveine était une
herbe sacrée, à laquelle on attribuait des vertus presque divines*
selon Mérat.
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
1 63
LAMPAYO
Lampayo officinalis .
F. Ph. Ms.
Arbuste à tiges nombreuses, courtes, grosses, jaunâtres, cou-
vertes de petits rameaux courts, opposés, chargés de feuilles pres-
sées, opposées, coriacées, ovoïdes, entières, brièvement pétiolées ;
il a peu de fleurs à l’extrémité des rameaux, avec la corolle tubu-
leuse, étroite, d’un bleu pâle.
Plante aromatique de la haute Cordillère, entre San Pedro de
Atacama et Pica, formant des petits buissons, quelquefois de plu-
sieurs mètres d’étendue, mais de 5o centimètres au plus de hauteur
et très touffus.
Les habitants lui donnent le nom de lampaya ou lampayo et le
regardent comme un remède universel, l’employant fréquemment
et avec une confiance très grande. Selon M. Belisario Java, de Pica,
l’infusion d’une once de lampayo dans un litre d’eau est un excellent
sudorifique pour les refroidissements, les rhumatismes et la syphilis.
LABIÉES
MENTHA
Des menthes qui croissent en Europe, trois espèces sont extra-
ordinairement communes au Chili et arrivent à être considérées
comme de mauvaises herbes.
Dans les campagnes du Sud nous avons vu d’immenses plaines
couvertes de l’odorant poleo (pouliot) et, sur les bords des canaux
et des ruisseaux, elles forment des touffes épaisses.
164
PLANTES MÉDICINALES DU CHILI
La Mentha piperita , connue sous le nom de Yerba buena ; la
M. criiata appelée Bergamota , et la M. pulegium , le poleo (pou-
liot) ont les mêmes emplois et sont recommandées dans les mêmes
cas qu’en Europe.
Le nom de menthe est originaire de la mythologie des Grecs ; la
fille de Cocyte la portait comme emblème.
Chez nous, le poleo (pouliot) est considéré comme préservatif
des maladies contagieuses -, il n’est donc pas étonnant de voir quel-
ques personnes timides en faire usage et porter sur elles un peu de
cette plante pendant les épidémies et quand elles pénètrent dans
l’appartement d’un malade qui souffre d’une maladie contagieuse. Il
est probable que cette coutume provient de l’odeur pénétrante
qu’elle possède, sachant qu’un grand nombre de désinfectants em-
ployés jusqu’à un temps peu éloigné étaient tous des substances
douées de forte odeur, comme le camphre, les hypochlorites, l’acide
phénique, etc.
OREGANILLO
Gardoquia Gilliessi.
Grah. Ed. phil. Journ., 1 83 1 , 377. — Gay, IV, 494. — D. C. Prodr., XII, 235.
Chilensis, Beuth.
Petit arbuste, à rameaux rougeâtres, velu quand il est jeune, et
entièrement couvert de petites feuilles linéaires-oblongues, obtuses,
amincies vers la base, entières, les bords recourbés, coriacées, gla-
bres; les petites grappes axillaires sont composées de quatre à six
fleurs, entourées à leur base de feuilles linéaires.
Assez commun dans les provinces centrales, il y est regardé
comme un stimulant, à un moindre degré que ÏOregano cependant,
et il y est employé comme tel.
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
1 65
SALVIA BLAJVC A
Sphacele Lindleyi.
Benth. en Lind. Bot. Reg. — Gay, IV, 5o6. — D. C. Prodr., XII, 255. —
St. Salviæ, Lind. — Gard. Salviæfolia, Colla.
Plante divisée en branches allongées, tomenteuses ; les feuilles
sont ovales-lancéolées, obtuses, cordiformes à leur base, vertes et dé-
primées en dessus, blanches-tomenteuses en dessous.
La Salvia des Chiliens se trouve dans les provinces centrales.
Elle est assez en usage et paraît posséder les vertus de la Salvia eu-
ropéenne ( Salvia off. Z.). Selon M. Vasquez, l’espèce que nous dé-
crivons contient une bonne quantité d’huile essentielle. On lui attri-
bue des propriétés toniques, mais spécialement stimulantes et sto-
machiques.
La partie la plus employée est la feuille, qui se mâche dans les
cas de paralysie faciale ; on frictionne en même temps le visage avec
la salive imprégnée du jus. Les gens du peuple ont une grande con-
fiance dans l’action stimulante que produit cette plante, dans ce cas,
(comme presque dans tous les cas de paralysie faciale occasionnée
par le froid) et des personnes sérieuses certifient ses bons effets.
On lui accorde aussi des propriétés emménagogues, sans la
croire pourtant capable d’éviter la stérilité, comme le peuple le dit
en Europe.
TORON JÏL CUYANO
Marrubium vulgare.
L. sp. 816. — Gay, IV, 5o8. — D. C. Prodr., XII, 453.
11 me paraît inutile de spécifier ici les caractères botaniques de
cette plante, que je crois originaire d’Europe. Cependant, la sponta-
1 66
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
néité avec laquelle elle se développe parmi nous, peut, jusqu’à un
certain point, la faire considérer comme indigène ; c’est pourquoi je
me permets de l’intercaler entre les plantes médicinales chiliennes.
Le Toronjil Cuyano ou Yerba cuyana, comme on la désigne
aussi, a un emploi assez généralisé et étendu dans les maladies du
cuir chevelu. C’est la plante qui jouit de la plus grande renommée
dans le traitement de l’alopécie, et, en certaines occasions, on en a
fait un remède exploité comme un secret de grande importance. Di-
vulgué plus tard, son emploi est aujourd’hui assez commun, et on
la voit figurer surtout dans le cabinet de toilette des femmes.
Pour la chute des cheveux, on l’emploie en décoction, en tein-
ture faible, ou sous forme d’extrait. On assure qu’elle maintient et
fortifie les cheveux, donnant à toute la chevelure un développement
considérable.
En vue des résultats que j’ai pu connaître, comme témoin, je
ne la crois pas un agent à dédaigner et je pense qu’il n’y a aucun
inconvénient à la prescrire.
On la vante aussi comme vulnéraire et je l’ai vue recomman-
dée à la place du Matico.
YERBA SANTA (i- otras) — HERBE SAINTE (et autres)
Stachys , sp., Lin.
Les épiaires, dit Philippi, dont on a décrit plus de cent soixante-
dix espèces, croissent dans presque toutes les parties du monde. Il
y en a au Chili neuf, qui ne sont pas faciles à distinguer et qui
s’emploient commeremède. Par exemple : i°laé>A albicaulis, Lind.,
petit arbuste des provinces centrales, dont la tige est couverte d’une
laine blanche et les dents du calice épineuses. On l’appelle Herbe
de sainte Marie ; 2° la St. Bridgesii des provinces du sud, dont la
tige est également laineuse et blanche, mais avec les dents du calice
tendres ; on la nomme Herbe de sainte Rose ; 3° la St. grandidentata ,
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
167
Lind ., des provinces centrales avec la tige verte, etc., c’est Y herbe
sainte , les fleurs sont roses (1).
Postérieurement, le même M. Philippi a décrit cinq nouvelles
espèces, comme on peut le voir dans le catalogue publié par son fils
Frédéric.
On concède à toutes ces herbes des propriétés fébrifuges, alté-
rantes, dépuratives et vulnéraires. Les gens de la campagne s’en ser-
vent dans ces cas; elles n’ont qu’une consommation très restreinte
dans les villes.
Ce genre a joui en Europe de la même renommée qu’ici, et on
lui attribuait les mêmes propriétés qu’aux espèces ci-dessus décrites.
PLANTAGINÉES
LLAATEX
P tant a go major.
L. sp., 1 63 . — Gay, V, 200. — D. C. Prodr., XIII, a. 709. — Frigida, Poepp.
— Grandiflora, Meyer. — Platypetala, Walls, var. argentea et hirsuta, Ph.
Plante annuelle, racine chevelue ; les feuilles sont grandes,
ovoïdes-cordiformes ou ovales, avec trois, cinq ou sept nervures,
presque glabres, entières ou avec des dents dirigées vers la base du
pétiole ; les pédoncules longs, gros, velus ou glabres, terminés par
un épi long et cylindrique.
Cette plante est très commune au Chili, où on peut la considé-
rer comme indigène, les parties dont on fait usage peuvent se clas-
ser dans Tordre suivant : les feuilles, la racine et les graines. Les
feuilles, imprégnées d’une substance grasse, servent pour résoudre
(1) R. A. Philippi , Eléments de Botanique, 1869 pag. 3oo.
68
PLANTES MÉDICINALES DU CHILI
les engorgements glanduleux, les enflures de tout genre, plus spécia-
lement celle des parotides, et pour panser les vésicatoires. Leur
décoction se recommande en gargarismes dans les inflammations
peu aiguës de la gorge ou de la partie intérieure de la bouche. A
l’usage externe on l’emploie comme vulnéraire. L’infusion est
employée comme collyre. Les graines, quoique contenant une légère
quantité de mucilage, peuvent être considérées comme émollientes et
employées comme telles.
Comme en Europe, elle n'est en usage, ici, que dans la méde-
cine domestique.
CHENOPODÉES
PAICO
A m brina A mbrosioïdes .
Spach. Veg. Phan., V. 297. — Gay, V, 234. — D. C. Prodr., XIII, t. 72.
Le genre Ambrina a chez nous trois représentants très carac-
térisés. Celui que nous venons de nommer, la A. Chilensis de
Spach, velue, dont les feuilles sont semblables parleur forme à l’es-
pèce précédente et la A. pinnatisecta (Herniaria paico , de Molina).
Ce sont des plantes herbacées, annuelles ou vivaces, très aroma-
tiques avec des fleurs hermaphrodites et femelles par avortement des
étamines ; le périgone est quinquéfide ; il y a cinq étamines avec de
gros filaments ; trois stigmates longs, l’ovaire est oblong ; l’utri-
cule ovoïde, enveloppé en forme de capsule par le calice-, les graines
sont lisses, quelquefois obtuses sur les bords, horizontales, quelque-
fois verticales. De nombreuses petites glandes se trouvent sur les
feuilles.
Elle est très commune dans toutes les campagnes, de Coquimbo
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
169
à Valdivia, et si répandue dans les jardins qu’elle est regardée comme
une plante nuisible.
Les parties dont on fait usage sont les feuilles et les graines.
« Toute la plante est d'une couleur verte peu prononcée et
exhale une forte odeur de bois pourri; sa décoction est efficace dans
les maladies de l’estomac, dans toutes les indigestions et très utile
aussi dans la pleurésie. — Molina. »
Feuiliée donne au Paico le nom vulgaire de Manga paico.
« Cette plante, selon lui, est adoucissante, astringente et vulnéraire ;
les Indiens en boivent la décoction dans les douleurs et les coliques ;
ils en font aussi usage contre la dysenterie et pour arrêter le cours
ordinaire du ventre.
« La racine du Pichen , que les Espagnols appellent Paico , et
toute la plante, est, dit Rosales, très médicinale; particulièrement
les graines pilées ou seulement grillées se mangent à jeun pour
faire cesser les gaz et son ingestion réconforte l’estomac, régularise
le ventre et facilite la digestion. Elles augmentent la vertu sper-
matique, donnent de la force au cerveau et absorbent l’humidité
superflue de l’estomac. Elles ont une vertu diurétique, facilitent
burine ; leur décoction chargée, mélangée avec du bon vin, de l’huile
de Ruda ou du miel d’abeilles, s’administre en lavements et donne un
très bon résultat pour les douleurs du foie, maux de ventre et apo-
plexie. Pour le mal de tête elle est aussi très bonne et les Indiens la
préparent en chauffant la plante dans une casserole de terre, arrosée
ou non avec du vin, et l'appliquent ensuite sur les tempes ou sur le
front.
» Elle a aussi une grande vertu pour guérir les chairs endurcies
et violacées, les changeant doucement en matières, les nettoyant
jusqu'à arriver à la partie saine et arrêtant le mal. Pour cela, on
fait cuire les feuilles et les branches, on lave avec le liquide la partie
endurcie, plaçant dessus les feuilles en forme d’emplâtre, bientôt on
voit la partie dure se convertir en matière qui s’écoule, on met
ensuite sur la chair, afin de la faire se reformer, une feuille imprégnée
de suif et la guérison vient bientôt. Les femmes l’ont en grande
I70
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
estime, parce qu’elles guérissent des maladies causées par l’absence
de la menstruation ; celle-ci ne venant pas, leur sang se coagule et
s’endurcit, leur donnant l’apparence d’être enceintes, et ressentant
de fortes douleurs qui quelquefois les font mourir. Le remède est
dans les racines de cette herbe ; elles boivent une écuelle de cette
eau, chaude, et en reçoivent la vapeur, bien couvertes-, ainsi traitées,
durant une demi-heure, elles transpirent et guérissent bientôt. »
On prépare une eau distillée avec les feuilles de Paico, une infu-
sion, un extrait et un élixir.
Les graines forment partie des espèces carminatives chiliennes,
composées de :
Fruits d’anis . . \
— fenouil. > parties égales.
Alcorabea paico /
Le Paico contient une huile essentielle à laquelle il doit son
importance thérapeutique.
C'est une des plantes les plus fréquemment employées dans le
pays par ses propriétés carminatives, excitantes et emménagogues.
Prise en infusion, elle remplace avec avantage la menthe dans
le choléra, pendant lequel elle a été très employée -, dans les indi-
gestions, paresse stomacale, et dans tous les cas d’atonie du tube
digestif. Comme emménagogue on la recommande dans les cas
de rétentions de la menstruation, dysménorrhées et coliques uté-
rines.
L’infusion se prépare au 4 pour cent et on la boit à la dose de
68 à 100 grammes chaque fois. 11 n’y a pas d’inconvénients à la faire
prendre après avoir mangé, au lieu de thé ou de café, puisqu’elle
aide à la digestion.
L’élixir se donne à la dose de 10 grammes. Les graines se
prennent à jeun, ou peu de temps avant les repas, par quantités de
2 à 5 grammes.
Dans la médecine de l’enfance, je n’ai jamais eu à me repentir
de son emploi, comme carminatif. Sous ce point de vue, je n’en con-
nais aucun qui vaille mieux.
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
i7 1
QUINOA
Chenopodium Quinoa.
W. sp., I, i3oi. — Gay, V, 23o. — D. C. Prodr., XIII. t. 66.
Plante annuelle, cultivée dans une grande partie du pays, sur-
tout dans la région centrale ; elle atteint un mètre de hauteur, entiè-
rement glabre, à tige anguleuse herbacée ; les feuilles sont suppor-
tées par de longs pétioles amincis, plus ou moins ronds, cunéiformes
à leur base, minces, couvertes d’une poudre vert-blanchâtre, elles
deviennent ensuite rougeâtres; les fleurs sont farineuses, sessiles,
réunies en grappes allongées, paniculées, compactes-, les filaments
des étamines très comprimés; les graines aiguës à leur contour,
lisses et luisantes.
« Il y a deux genres de Quinoa , dit Rosales; un, blanc {Ch. al-
bum, L ), et l’autre, rouge, dont la graine est fine comme celle de la
moutarde, très connue, que les Indiens sèment en abondance afin
d’en faire de la Chicha\ ils la mangent aussi réduite en farine. Ces
deux genres font un bon remède pour les chutes de cheval ou d’une
hauteur quelconque ; il suffit de mettre une poignée de graine mou-
lue dans l’eau chaude et d’envelopper le malade jusqu'à ce qu’il
transpire-, on évite ainsi la formation des abcès et les plaies se
ferment, réunissant les chairs. Cuites dans la nuit et prises en
bouillie, elles facilitent les évacuations chez les malades; grillées et
réduites en farine, elles purifient le sang et les humeurs. »
Le fruit de la Quinoa est un aliment farineux très agréable. On
prépare avec ce fruit une boisson fermentée, la Aloja> d’un goût
agréable, légèrement piquante et rafraîchissante, vendue en grande
quantité dans les pâtisseries pendant l’été. Prise après dîner, elle
occasionne des indigestions. Elle agit comme diurétique.
La décoction de Quinoa , à la dose de 100 grammes, deux ou
trois fois par jour a été recommandée dans les coups, abcès et sup-
172
PLANTES MÉDICINALES DU CHILI
purations internes, comme aussi dans les affections catarrhales et
spécifiques des voies urinaires. Est-ce un médicament qui agit
comme le cubèbe? Je ne puis l’assurer. De toutes façons, il convien-
drait d’essayer son action dans ces cas, en la donnant en poudre
dans une capsule amylacée pour rendre son ingestion plus facile.
PHYTOLACCÉES
PIRCUJNï
Anisomeria drastica.
Mocq. D, C. Prodr., XIII, t. 25. — Gay, V, 256. — Poepp. et Eudl., Nov.
gen., t. 43-44. — Pircunia drastica, Bert. — Phytolaca drastica, Poepp.
et Eudl.
Anisomeria coriace a.
Don Ed. neu. phil. journ., 1 8 32, 238. — Gay, V, 256. —
D. C. brodr., XIII, t. 26.
Ces deux espèces sont connues sous le nom de Pircun et leur
racine sous le nom de Congrio ; mais la première espèce (la A. dras-
tica), contenant, suivant l’analyse pratiquée, une plus grande quan-
tité du principe actif, est la seule enregistrée dans la pharmacopée
chilienne, bien qu’on emploie les deux de la même manière. Nous
nous contenterons d'indiquer les principaux caractères botaniques
qui la caractérisent, les prenant de l’ouvrage si important et si vaste
de Gay (i).
La Anisomeria drastica est une plante vivace, à racine très
grosse, napiforme, à tiges nombreuses, cylindriques, revêtues de
(1) Sources d’informations : Etude sur le genre Anisomeria , par Daniel
Cruzatt, Revista medical , an XI, pag. 241 . — Traité de Pharmacie , par A. Vas-
quez, t. II, pag. 255.
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
i73
feuilles abondantes, grosses, oblongues-elliptiques, coriacées, mu-
cronées, avec la nervure centrale très prononcée; elle possède des
grappes de fleurs de neuf à douze pouces de longueur et élevées ;
les lobes du calice sont elliptiques-obtus, concaves; on trouve de
cinq à six styles; les fruits sont comprimés, très luisants, rouges.
Elle croît dans les terrains pierreux des Cordillères des pro-
vinces centrales.
Bertero en dit ce qui suit : « Pircun , petit sous-arbuste, com-
mun sur les versants des montagnes entre les pierres, à Cauquenes,
Taguatagua et autres lieux. La racine, semblable à un gros navet,
possède la vertu émétique et purgative au plus haut degré. Les
habitants des campagnes l’emploient fréquemment et, quoique à
petites doses, elle a quelquefois des résultats funestes. C'est un
des remèdes qui ne devraient être administrés que par un médecin.
Une bonne analyse et une bonne expérience, pratiquées par un
médecin intelligent, donneraient une connaissance exacte de ce
remède qui, dans certains cas, me semble digne d’être employé de
préférence.
La racine du Pircun , seule partie dont on fait usage, est napi-
forme, grande, pesant quelquefois un kilo, dure, ligneuse, compacte,
ridée, inégale, striée à l’extérieur et d’une couleur foncée, jaunâtre,
d’un blanc gris à l’intérieur; son goût est légèrement sucré.
Elle contient, selon MM. Vasquez et Cruzat, une matière sac-
charine très abondante (selon Cruzat, quinze grammes de racine
donnent trois grammes de cette matière sucrée), de la gomme, une
résine et une substance, jusqu’à présent peu étudiée et mal définie,
cristallisée, blanche, peu soluble dans l’alcool et dans l'eau.
On obtient cette substance cristallisée, dit M. Cruzat, en rédui-
sant par évaporation 3o grammes de teinture alcoolique à
i5 grammes; on ajoute i5o centigrammes d’acide sulfurique ordi-
naire ; on agite le tout pendant six heures et on y ajoute ensuite une
solution de potasse caustique au dixième. Aux premières gouttes
versées on verra un précipité blanc se former et se dissoudre aussitôt ;
mais quand on ajoute 4 grammes de la solution, une énorme quantité
i74
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
de précipité se forme -, si on l’évapore, il en reste une substance cristal-
lisée. La matière saccharine et la •gomme s’obtiennent parla macé-
ration de la racine dans l'alcool à 90° et la matière résineuse par
l’évaporation de la teinture alcoolique.
Les préparations officinales du Pircun sont les poudres, la tein-
ture alcoolique et l’extrait résineux.
La meilleure et celle que doit préférer l’usage médical est la
teinture qui, suivant notre pharmacopée, se prépare au dixième
pour cent.
La préparation des- poudres de Pircun , pratiquée sans les pré-
cautions nécessaires, occasionne une irritation considérable des yeux,
éternuements, inflammations plus ou moins passagères de la gorge
et quelquefois un fort coryza avec élévation de la température-, le
goût n’en est pas désagréable, vu la quantité de substance saccharine
que contient la racine. A la dose de 10 centigrammes, Tusage
interne de ces poudres détermine un dérangement dans l’estomac,
nausées, vomissements, douleurs, coliques suivies d’abondantes déjec-
tions claires, séreuses, très souvent sanguinolentes. Selon M. Cruzat,
la façon d'agir des poudres varie fréquemment suivant la nature et
le tempérament des personnes, au point qu’il considère cette prépa-
ration comme incertaine. Cinq centigrammes de poudre, donnés en
deux paquets, à dix minutes d’intervalle, ont produit, dans le plus
grand nombre de cas, des nausées, vomissements, coliques, et deux
ou trois évacuations, rares le premier jour ; le deuxième jour, des
nausées et coliques, et aucun effet le troisième. A la dose de vingt
centigrammes, il constate deux véritables empoisonnements de deux
femmes ; toutes deux souffrirent de fortes nausées, une intense dou-
leur à l’épigastre, de fortes coliques, des vomissements et évacua-
tions sanguinolentes, un abattement profond, des sueurs froides et
un abaissement de la température.
De notre côté, nous avons connu des morts produites par l’em-
ploi immodéré des poudres de Pircun.
« On administra à six cardiaques avec anasarque considérable*
5 centigrammes de poudre de racine de Pircun , en deux paquets* à
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
i75
deux minutes d'intervalle ; trois eurent des nausées, vomissements,
coliques, dix dépositions séreuses abondantes ; un les mêmes symp-
tômes et 20 dépositions séreuses • deux des nausées, fortes coliques
et aucune déposition. La même dose, administrée le lendemain, ne
produisit aucun effet sur tous. Une infusion de o, 25 centigrammes
de racine pour 120 grammes d’eau, produisit chez un cardiaque,
avec un énorme œdème, 5 dépositions séreuses abondantes, deux
vomissements, quelques coliques ; une dose égale le lendemain ne
produisit qu’un seul effet. Chez le même malade, la décoction de
25 centigrammes de racine pour 400 grammes d’eau, le tout, réduit
à 25o grammes, n'a donné aucun résultat pendant deux jours, pas
même de légères coliques. — Cruzat. »
La teinture alcoolique, administrée de 20 à 3o grammes, occa-
sionne également des vomissements, fortes coliques, abattement,
évacuations qui, quelquefois, sont sanguinolentes.
La dose de 2 à 4 grammes de teinture alcoolique est celle qui
doit être conseillée, quand on l’administre dans un but thérapeuti-
que-, elle ne doit jamais être augmentée, et, dans ce cas, on doit la
donner par fractions dans une mixture ou potion avec une substance
aromatique pour mieux régulariser ses effets et empêcher ses incon-
vénients. A cette dose, ses effets sont ceux d'une purgation diuré-
tique, et, très fréquemment, d’un diurétique, quand l’effet purgatif
est rare. Ce résultat, d’une augmentation de la sécrétion urinaire, a
été confirmé souvent, et il n’y a pas heu d’en douter.
Nous devons donc reconnaître que le Pircun est un purgatif
drastique de la plus grande activité-, que, comme la plupart des dras-
tiques, son emploi provoque des nausées et vomissements, et que
son usage doit se faire avec toutes les précautions possibles. Il est
prudent de ne pas oublier aussi son effet diurétique dont nous avons
parlé et qui lui est particulier. En effet, cette action a quelque chose
d’étrange; mais on peut l’expliquer, si on tient compte de ce fait
qu’une partie de la substance résineuse paraît passer par les reins, et
qu’on la retrouve dans les urines. Si on ajoute à l’urine d’une per-
sonne qui a pris du Pircun , contenue dans un tube, quelques gouttes
i76 PLANTES MÉDICINALES DU CHILI
d’acide nitrique, le chauffant ensuite, on verra se produire une colo-
ration d’une belle teinte pourprée. Les vomissements et coliques que
le Pircun occasionne peuvent être supprimés par l’emploi des limo-
nades et de quelques gouttes de laudanum, comme je l’ai conseillé il
y a déjà quelque temps.
De faction physiologique de ce puissant agent de la matière mé-
dicale chilienne, peuvent se déduire ses applications thérapeutiques.
Les congestions cérébrales ou aiguës des poumons, les hydropisies,
œdèmes généralisés dépendant d’altérations circulatoires du cœur,
ou des gros vaisseaux, les ascites, pleurésies avec épanchements, qui
menacent la vie du patient par asphyxie, telles sont les principales
affections pour lesquelles la teinture du Pircun peut être recomman-
dée, en un mot, dans tous les cas où il est nécessaire d’agir avec
promptitude, où l’évacuation immédiate de l'intestin est conseillée,
et dans ceux où les drastiques sont appelés à remplir leur rôle. Il
faut cependant ne pas oublier son influence irritante sur l’estomac,
la facilité avec laquelle il provoque les nausées et vomissements,
raison pour laquelle il faudra défendre son emploi dans les cas où
cet organe est compromis.
Nous trouvant d'accord avec M. Cruzat sur la manière d’ap-
précier les qualités de cette plante, nous donnons ici les conclusions
qui mettent fin à son mémoire :
i° La famille des Phytolaccées, remarquable par ses deux espè-
ces di Anisomeria , dénommées Pircun , est appelée à occuper une
des premières places dans notre thérapeutique nationale, quand son
étude aura été complétée et son analyse faite avec plus d’exactitude.
2° La partie employée jusqu’à ce jour est la racine, et il semble
qu’elle est le siège du principe actif.
3° La meilleure préparation pharmaceutique est la teinture al-
coolique. Son action purgative est plus sûre et sans aucun inconvé-
nient pour les autres organes; l’action diurétique ne se montre pas
toujours.
4° L’emploi de la poudre, préparation dangereuse dans son ac-
tion, doit se proscrire ou être employée avec une grande prudence*
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
* 77
5° L’urine prend toujours une couleur pourprée, avec l’acide
nitrique ordinaire et la chaleur.
6° Les propriétés purgatives et diurétiques sont en raison in-
verse l’une de l’autre.
7° Les deux espèces d’ Anisomeria jouissent des mêmes pro-
priétés -, mais la drastique est plus active et doit être préférée.
POLYGONÉES
8ANGUIJXARIA
Polygonum chilense.
Koch, Linnea, XXII, 206. — Non Pursh. — D. C. Prodr., XIV, 88. —
Sanguinaria, Remy en Gay, V, 270.
Les tiges sont ligneuses et les branches très longues, étendues,
minces, glabres, cylindriques, nues dans la partie inférieure; les
feuilles alternes, oblongues-lancéolées ou linéaires, glabres, aiguës,
avec les nervures parallèles et saillantes ; les fleurs axillaires, gémi-
nées ou fasciculées, pédicellées.
Plante commune sur les bords de la mer depuis Coquimbo jus-
qu'au Maule.
Cette herbe est très employée dans la médecine populaire. L’in-
fusion et la décoction sont considérées généralement comme une
excellente boisson pour purifier le sang; de là, son emploi si com-
mun dans les cas de suspensions menstruelles, spécialement chez les
femmes qui jouissent d’une bonne santé et de constitution plus ou
moins robuste , dans les rhumatismes, fièvres, et dans tous les cas
où on craint une pléthore sanguine.
Comme rafraîchissante ou légèrement tonique, on en fait un
grand usage dans la saison des chaleurs,
178
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
On lui attribue aussi des propriétés diurétiques, que nous som-
mes loin d’accepter.
On l’emploie seule, ou mélangée avec la pimpinela chilienne
(. Acaena pinnatifida).
QUILO ou MOLLACA
Muehlenbeckia chilensis.
Meisn. D.C. Prodr., XIV, 148. — Sagittifolia, Remy et Gay, V, 274. —
Polygonum injucundum, Lindl.
Arbuste, glabre avec les branches flexueuses, et même volu-
biles et grimpantes; les feuilles sont variables., oblongues, elliptiques,
en forme de flèche ; fleurs axillaires et réunies en une espèce de
grappe; les fruits noirâtres, renflés, triangulaires, un peu plus gros
qu’un grain de blé.
On le rencontre depuis Coquimbo jusqu’à Valdivia et depuis
les bords de la mer jusqu’aux Cordillères andines.
Ses fruits sont doux, agréables et comestibles. On en faisait au-
trefois une boisson fermentée qui remplaçait le vin.
Les racines et les feuilles sont employées en infusion ou décoc-
tion, comme diurétiques, dans les cas d’abcès du foie, si communs
dans notre pays, et pour prévenir les résultats des coups et des
chutes.
ROMASA
Ruine x romassa.
Remy et Gay, V, 280. — Berlandieri, Meisn.
Plante vivace, entièrement glabre, à gros rhizome, long et lisse ;
les feuilles sont pétiolées, oblongues-elliptiques, aiguës à l’extrémité,
minces, entières, grandes, finement frisées sur les bords ; les fleurs
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
*79
terminales disposées en épis assez longs, sans feuilles. Toute la
plante devient rouge foncé quand elle est sèche.
C’est une plante assez commune dans les lieux un peu humides
du centre et surtout dans les provinces du sud.
Les feuilles servent pour panser les vésicatoires et sont regar-
dées comme vulnéraires, rafraîchissantes et diurétiques ; cuites ou
passées dans l’eau bouillante, on les emploie en cataplasmes dans
les ulcères de toutes espèces, fièvres, abcès et tumeurs enflammées.
En raison de ses effets également émollients et rafraîchissants, on en
boit aussi le jus et l’infusion de la racine s'administre à l’usage
interne.
Je n’ai jamais entendu dire que la racine de la Romasa possédât
les propriétés purgatives de quelques-unes de ses congénères.
ASARINÉES
OREJA DE ZORRO (i)
Aristolochia chilensis.
Miers. Trav., II, 53 1. — Gay, V, 329. — ; D. C., XVI, 461. — Setigera, Klot.
Plante à racine fusiforme, odorante, donnant issue à plusieurs
tiges minces, striées, tendues, jaunâtres ou rougeâtres, avec des
feuilles veineuses entières, de diverses grandeurs, beaucoup plus
longues que larges, très obtuses, glabres, d’un beau vert en dessus,
pourvues de quelques petits poils fermes dans les nervures et sur le
bord *, les fleurs sont d’une couleur pourpre grisâtre, glabres en
dehors et en dedans, couvertes d’un duvet blanc, solitaires à l’ais-
selle des feuilles et avec le limbe simple.
On donne aussi à cette plante le nom de Yerba de la virjen (2).
(1) Oreille de renard.
(2) Herbe de la vierge.
i8o
PLANTES MÉDICINALES DU CHILI
Elle croît sur les collines exposées au soleil, dans les endroits sablon-
neux et voisins de la mer des provinces centrales et du Nord.
La racine de cette plante dont Todeur indique les propriétés mé-
dicinales est employée en infusion, comme emménagogue dans l’a-
ménorrhée et pour provoquer les contractions utérines. Les au-
teurs, qui ont parlé de cette plante, disent que les femmes du peuple
la prennent après F accouchement, sans doute pour éviter les hémor-
rhagies et les coliques utérines provenant de cet organe.
MOMMIACÉES
BOLDO
Bol do a fragans.
Gay, V, 353. — Peumus Boldus, Mol. — Ruizia fragans, Pav. — Peumus
fragans, Pers. — Bolius chilensis, Mol., Ed. II, 1 58. — Boldo arbor oli-
vifera, Feuill.
Arbre élevé, à feuillage touffu, très aromatique, qui croît de-
puis la province d’Aconcagua jusqu’à Osorno; les feuilles sont oppo-
sées, ovoïdes-oblongues, coriacées, très entières, rudes, les fleurs
blanches, odorantes, disposées en grappes; les drupes petites, jau-
nâtres, très douces et aromatiques.
Le premier nom générique de Peumus donné par Molina au
Boldo , et accepté par Persoon, a donné lieu à de graves erreurs,
confondant ainsi deux arbres de genre et famille divers, comme le
Boldo , qui est traité par nous dans cet article, unique représentant
du genre Boldoa, et le Peumo , de la famille des Laurinées, qui est la
Cryptocary a peumus deNese.
« Ce joli arbre, dit Gay, est très commun sur les versants
exposés au soleil, dans les provinces centrales, il se voit jusqu’à
Osorno, et mérite d’être cultivé dans les jardins, pour ses belles
PLANTES MÉDICINALES DU CHILI
fleurs blanches et odorantes. Son bois frais a l’odeur du poivre
moulu et n’est bon à rien, car son charbon s’éteint promptement ;
mais la décoction de son écorce sert à faire disparaître l’odeur de
vinaigre dans les barriques. Ses fruits sont très doux, ont peu de
chair, et les noyaux ronds, très durs, servent à faire des grains de
chapelet. Les feuilles, très aromatiques, sont employées, humectées
avec du vin, dans les rhumatismes et fluxions de la tête; on fait
aussi usage de sa décoction comme antisyphilitique, pour les hydro-
pisies, et, de son jus, pour les douleurs d’oreilles. »
Bertero avait parlé de cet arbre, comme Gay. Frézier attribue
à l’écorce du Boldo un goût piquant, semblable à celui de la cannelle,
et à la feuille, l’odeur de l’encens. Molina dit que les agriculteurs la-
vent les fûts dans lesquels les vins fermentent, avec une infusion de
feuilles de Boldo.
Ruiz et Pavon sont plus explicites et plus détaillés, dans l'usage
du Boldo , quand ils disent : « Leve foliorum infusum ad indiges-
tiones pracavendus loco theae et coffeae post cibum saccharo edul-
coratum propinare solet. Decoctum in vino aut aqua factum ternpo-
ribus, stomacho a.utalvo applicatum, hœmicraneam et cephalalgicas
dolores cédât, stomachum roborat, flatus discutit et nervus confor-
tât. Cum una foliorum contusorum et tribus resinœ Pinus chilen-
sis partibus feminœ confident remedium, quod umbilico impositum
uterinas passiones dissipât. Foliorum pulvis capitis purgandi causa,
naribus fréquenter adhibitur. »
Ce qui, traduit en français, veut dire : une légère infusion des
feuilles, sucrée, prise après dîner, au lieu de thé ou de café, sert à
éviter les indigestions. Une décoction, dans l’eau ou dans le vin, ap-
pliquée sur les tempes, l’estomac ou le ventre enlève les migraines
et les céphalalgies, fortifie l’estomac, dissipe les gaz et réconforte les
nerfs. Les femmes préparent un remède avec une partie de feuilles
hachées et avec trois parties de la résine d'Alerce (mélèze), elles
l’appliquent sur la région ombilicale, pour dissiper les passions uté-
rines. Les poudres sont employées dans les cas de « coryzas » chro-
niques. »
182
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
Le Boldo se maintint dans le cercle étroit de son application
dans la médecine des campagnes, et pour le nettoyage des futailles,
jusqu’au moment où une circonstance inattendue fixa l'attention sur
lui, éveillant un intérêt scientifique qui devait bientôt traverser les
mers et assurer son importance comme médecine universelle.
En 1869, un M, Navarro, qui exploitait des terres dans le Sud,
vit ses troupeaux de moutons attaqués d’une maladie qui faisait de
nombreuses victimes. Le distome hépatique ( pirguines de nos pay-
sans) s’était développé et propagé dans le foie des animaux qui mou-
raient en grand nombre. La situation de ce riche agriculteur était
désespérée, car il ne trouvait aucun remède capable de combattre la
maladie qui décimait ses troupeaux. Heureusement, une réparation
qu’il eut besoin de faire dans la grande cour où on les parquait, se fit
avec des branches de Boldo. Les animaux se mirent à manger les
plus jeunes branches ; plus tard on leur fit boire de l’eau dans la-
quelle on avait détrempé des feuilles de Boldo , et les moutons gué-
rirent. Ce fait fut rapidement divulgué, amplifié, commenté dans les
journaux; il mit le Boldo à l’ordre du jour, et dès lors les malades
du foie s’empressèrent d’essayer son efficacité.
Les hommes de la science se préoccupèrent de rechercher en
quoi consistaient ses propriétés, pendant que l’exportation condui-
sait vers les centres scientifiques ses feuilles et ses branches pour
être analysées et mises à l’essai.
Dans une conférence publique, que je donnais, le 3 o août 1871,
dans les salons de la Société Médicale, je m’occupais attentivement
de l’étude de cet arbre important, sous le point de vue thérapeutique
et pharmaceutique. Après avoir parlé de ses principaux caractères
botaniques, et fait l’historique des propriétés médicinales qui lui
avaient été attribuées par les naturalistes qui en avaient parlé, j’arri-
vai à raconter les guérisons opérées sur les troupeaux de brebis de
M. Navarro, les recommandations spéciales que cet agriculteur taisait
des propriétés médicinales du Boldo et j’entrai dans tous les détails
qu’on racontait sur ce brillant succès.
Depuis la guérison de ces troupeaux, ajoutai-je, l’application du
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
1 8 3
Boldo s’est généralisée dans les maladies du foie ; mais il est néces-
saire de se bien pénétrer de ce fait que les brebis n’étaient pas atta-
quées d’une affection primitive du foie, mais seulement que cet or-
gane était, comme un dépôt de ces parasites qui embarrassaient les
fonctions gastro-hépatiques, ainsi que les fonctions générales, cau-
sant enfin la mort, et que, contre ces parasites, le Boldo avait fait
sentir son action avec efficacité et grande promptitude. 11 était donc
nécessaire de ne pas se laisser éblouir par de trompeuses apparences,
et de chercher avec un jugement plus sûr, la base scientifique et
l’explication de la façon d’agir du Boldo , dans ces cas.
Etait-ce un antihelminthique seulement, ou valait-il davantage?
Les préparations du Boldo que je recommandai, furent l’infu.
sion et l’extrait alcoolique. Ce dernier m’avait été donné par M. Vas-
quez, qui avait trouvé dans le Boldo une substance ressemblant à
la térébenthine.
Pour les infusions, je recommandai les feuilles fraîches, parce
qu’elles contiennent plus de parfum que les sèches.
L’infusion a une belle couleur jaune, son odeur est aromatique,
nullement désagréable. Prise à la dose de ioo grammes, elle produit
une légère chaleur à l’estomac, excite l’appétit et facilite la digestion*,
par dose plus forte, la chaleur à l’estomac est plus accentuée et il
n'est pas rare qu’elle soit accompagnée de légères douleurs. Une
infusion fortement chargée de Boldo peut, en plus des symptômes
signalés, occasionner de fortes douleurs et des é vacuations fréquentes,
laissant une inflammation qui peut durer quelques jours. L'infusion
de Boldo peut, en conséquence, être considérée comme stimulante,
carminative et stomachique. Employée pendant quelque temps, elle
occasionne quelquefois de légères éruptions cutanées qui disparais-
sent avec facilité. On doit la préparer, au plus, à 4 pour 100, et ne
jamais passer la quantité de 200 grammes à prendre chaque jour.
Si on veut la boire comme tisane, il faut alors diminuer la proportion
de la substance active.
Je l’ai employé avec succès dans les dyspepsies (absence d’ap-
pétit, mauvaises digestions) confondues vulgairement avec les ma-
184
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
ladies de loie ; et, de là, comme aussi par son action contre le dis-
tome hépatique des brebis, provient, selon moi, Terreur d’attribuer
à cet arbre des actions exclusivement hépatiques -, son usage est bon,
aussi, quand on sent une pesanteur au ventre, des douleurs vagues
et incertaines de l’estomac, et, en bon nombre d’occasions, j’ai vu
calmer les douleurs aiguës de quelques dyspepsies.
Par ses propriétés balsamiques, on peut le conseiller dans les
cas d’abcès hépatiques de quelque durée, attendant que le calme soit
revenu dans les phénomènes de réaction, parce que comme médi-
cament excitant, la fièvre repousse son emploi.
De tous les extraits du Boldo , l’alcoolique doit être préféré,
comme contenant la plus grande partie des principes actifs. Son goût
est aromatique, piquant, rappelant celui de la térébenthine, mais il
est dissimulé parTodeur particulière du Boldo .
Croyant rencontrer quelque analogie entre ce produit et la té-
rébenthine, j’en fis l’essai dans les maladies des voies urinaires, et
plus spécialement dans les blennorrhagies.
Les observations que je vais présenter ont été prises à l’hôpital
militaire qui était alors à ma charge.
ire Obs. — Le lit n° 60 est occupé par un soldat dont l’âge est
de vingt à vingt-quatre ans ; il a quelques excoriations sur le gland,
et, depuis 9 jours souffre d’un flux blennorrhagique, survenu après
un coït suspect.
Le 24 décembre 1870 commença son traitement avec le Boldo.
On lui administre, par jour, 3 pilules de 20 centigrammes d’extrait
alcoolique, sans y joindre aucun autre médicament. Cinq jours après,
le flux disparaît et le malade quitte la salle.
2me Obs. — ■ Le 20 décembre 1870, le lit n° 27 est occupé par un
soldat âgé de vingt-huit ans, robuste, fort. Il dit qu’il souffre d’une
gonorrhée depuis 12 jours, et que son malaise est extrême, surtout
pendant la nuit, parce qu’il a de fréquentes érections très doulou-
reuses. La sécrétion est régulièrement abondante et âcre; le prépuce
est enflé et douloureux.
Ce même jour, je lui prescris 3 pilules d’extrait alcoolique de
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
i o5
Boldo de 20 centigrammes, avec addition dans chacune d’elles de
5 centigrammes de camphre, pour calmer l’excitation douloureuse
du pénis.
Au dixième jour de ce traitement, le malade est guéri -, la blen-
norrhagie terminée, et il quitte la salle.
3rae Obs. — Le 21 décembre de cette même année, dans le lit
n° 90 se trouve un soldat qui souffre d’une blennorrhagie sans com-
plications, qui date déjà de 2 semaines. Je lui prescris 3 pilules par
jour, de 20 centigrammes de Boldo. A la fin de la semaine, le flux a
disparu ; le malade quitte la salle.
L’effet du Boldo , comme modificateur des sécrétions des orga-
nes uropoïétiques' était désormais assuré, et on pouvait affirmer
ses effets dans les affections de la vessie. Mais, ajoutai-je, on peut
supposer, que son principe essentiel devant s’éliminer par les bron-
ches, comme il arrive avec toutes les huiles essentielles, son influence
doit opérer également d’une manière favorable dans les affections des
organes respiratoires.
Après ces considérations et d’autres analogues, j’arrivai, dans
cette conférence, à établir les conclusions suivantes, qu’aujourd’hui
encore je crois pouvoir considérer comme véritables et exactes.
Le Boldo contient des principes essentiels balsamiques qui le
font apprécier dans un nombre considérable de maladies.
C'est un médicament utile et qui donne de bons résultats dans
les affections des voies urinaires, principalement dans les blennor-
rhagies; et on doit supposer qu’ils devront produire les mêmes effets
dans les maladies dorges ânes de la respiration.
On peut le recommander dans la dyspepsie, soit que la cause
provienne d’atonie ou de faiblesse des fonctions digestives, soit qu’il
survienne un désordre bilieux.
Son administration est aussi quelquefois favorable dans ce
même genre de maladies (dyspepsies) quoiqu’il y ait complication
de gastralgie.
11 ne convient pas et son application est prohibée dans ces affec-
tions, quand l’existence d’un état saburral marqué existe, comme
1 86
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
aussi dans toutes les maladies qui sont accompagnées de symptômes
fébriles et inflammatoires.
On peut le recommander comme balsamique et carminatif dans
les abcès hépatiques, une lois qu’on a obtenu la diminution des phé-
nomènes de réactions inflammatoires.
Possédant une substance aromatique, qui est éliminée par les
bronches, le Boldo peut se recommander dans les affections des
voies respiratoires.
La guérison des troupeaux de M. Navarro paraît indiquer que
le Boldo a des propriétés antihelminthiques.
Le Boldo ne tarda pas à acquérir une réputation à l’étranger,
et à être étudié avec grande attention. Mais, parmi les observateurs
de cette plante, M. Claude Verne s’est fait remarquer, en collabora-
tion avec M. Bourgoin, en 1872, en découvrant la Boldina et renou-
velant ses travaux sur le Boldo dans une thèse importante, en 1874,
qui devait être couronnée par la Société de Pharmacie de Paris. Il a
réuni plus tard toutes ses études sur ce végétal si utile, dans une
brochure publiée en 1 883 . Pour l’étude médicale et physiologique
du Boldo , Verne chercha l’importante collaboration de MM. Gubler,
Dujardin-Beaumetz, Bourdon et Laborde.
Son analyse a donné à Verne : huile essentielle, Boldina (alca-
loïde), tannin, acide citrique, chaux, gomme, sucre, et une grande
quantité de matières aromatiques, noires, épaisses, dues probable-
ment à l’oxydation de l’essence.
Le produit le plus abondant fourni par la plante est l’essence
qui se trouve répandue dans tout le végétal. Pour l’obtenir, l’auteur
employa divers procédés : en distillant la teinture éthérée obtenue
dans l’appareil de remplacement; en distillant l’eau et en faisant
passer sa vapeur sur les plantes placées sur le diaphragme d’un
alambic. La Boldina existe en très minime proportion (un mil-
lième); elle est amère, peu soluble dans l’eau et dans la benzine,
assez soluble dans l’alcool, le chloroforme et les solutions d’alca’j
concentrées.
M. Chapoteauta trouvé dans les feuilles du Boldo (publication
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
187
faite en 1884) un glucoside de saveur et odeur aromatiques. Un kilo
de feuilles du Boldo' produit trois grammes de cette substance.
Le docteur Laborde, qui a fait quelques essais avec ce gluco-
side, a prouvé dans une première série d’expériences, qu’un des
principaux effets de cette substance, introduite dans l’organisme,
soit en injections hypodermiques (cochon d’Inde), soit en injections
stomacales (chiens), produit un sommeil tranquille, plus ou moins
long, duquel les animaux sortent en se réveillant naturellement et en
reprenant leur vie habituelle. Le docteur Laborde a observé, de
plus, qu’après Inapplication d’injections à l’intérieur des veines, pra-
tiquées sur des chiens, cette substance excitait et augmentait les di-
verses fonctions secrétoires, surtout l’excrétion et la sécrétion
bilieuse et celles de la salive et de l’urine.
Les effets physiologiques et thérapeutiques que Verne attribue
au Boldo ne diffèrent pas de ceux que j’ai observés dans mes pre-
mières études, comme on peut le voir dans les phrases suivantes
que je copie d’un de ses travaux.
« Les résultats obtenus sur les hommes comme sur les ani-
maux, nous font connaître que le Boldo doit être placé dans la caté-
gorie des médicaments excitants. Par sa teinture, il entre dans le
groupe des plantes aromatiques, et, comme elles, c’est un excitant
général diffusible, et un stimulant des fonctions digestives. Par son
essence, au contraire, le Boldo se rapproche des Térébenthines,
possédant, comme celles-ci, une action excitante sur les fonctions
urinaires.
» Guidés par ces premières indications, nous avons employé
les préparations du Boldo sur deux groupes d’affections. Dans le
premier cas, nous avons employé la teinture et le vin; il s’agissait
alors d’un cas d’anémie, de dyspepsie, de dépression des forces, en
un mot, de toutes les circonstances dans lesquelles nous avons
besoin de soutenir et de stimuler les forces, excitant légèrement les
fonctions digestives. Dans le second groupe, nous devions combattre
des affections catarrhales, et, particulièrement celles de l’appareil
génito-urinaire, nous usâmes de l’essence.
1 88
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
11 résulte d’après quelques expériences vérifiées dans le labora-
toire de physiologie de l'Ecole de médecine de Paris, que Lextrait
de Boldo administré en injections hypodermiques chez les ani-
maux, a produit un léger abaissement de la température et une
faible action soporifère.
Les préparations dernièrement recommandées par M. Verne
sont l’élixir et l’essence. Celle-ci se vend sous le nom de Boldo-
Verne. On l’administre en gouttes et sa préparation obéit à une for-
mule qui lui est propre.
Les maladies sur lesquelles il croit qu’elle agit avec une effica-
cité particulière sont les maladies du foie, voies digestives, urinaires
et faiblesse générale.
Pour ma part, je crois que les préparations les plus importantes
du Boldo et celles qui doivent être recommandées sont l’infusion et
l’extrait alcoolique auxquels il est indispensable d’ajouter son huile
essentielle.
LAUREL
Laurelia aromatica.
Spr. Syst. II, 470. — Gay, V, 355. — D. C. Prodr., XVI, II, 675. — Theyga
chilensis, Mol. — Pavonia sempervivens, Ruiz. — Laurelia crenata, Poepp.
— L. serrata, Best. — L. sempervivens, Tul.
Arbre très grand, qui atteint jusqu’à 3o mètres de hauteur et
2 mètres de diamètre, remarquable par son élégance et sa taille;
très aromatique; les feuilles sont opposées, coriacées, oblongues,
très glabres et luisantes, ondulées,, serrées, avec une petite glande à
l’extrémité de chaque dent et la nervure médiane très saillante en
dessous ; les fleurs sont disposées en grappes, à l’aisselle des feuilles
longuement pédicellées ; il possède dans les fleurs femelles de nom-
breux carpelles longs et soyeux, ce qui leur donne l’apparence d’un
akène couronné par une aigrette comme dans les fleurs composées ;
une longue queue forme le style.
PLANTES MÉDICINALES DU CHILI
189
Cet arbre, qui n’a aucun rapport avec le laurier européen, est
aussi connu sous les noms indigènes de Theigïie , Antigue ou Thigue
et on le confond avec le Laurelia serra ta Ph., qui lui ressemble
beaucoup par ses caractères botaniques et par l’usage qu’on en fait
dans la médecine.
« Le laurier est, selon Gay, un arbre très commun depuis le
trente-quatrième degré de latitude jusqu’à Chiloé. Il conserve
pendant toute Tannée ses feuilles qui ont une forte odeur de fenouil ;
elles sont d’une forme si élégante que les habitants de quelques
villes portent ses branches dans la procession du dimanche des
Rameaux et en tapissent le sol des églises. Son bois est blanc, cas-
sant et très mou, facile à travailler étant très tendre. Les fleurs, les
feuilles et l’écorce qui sont également aromatiques, servent comme
remède pour les maux de tête provenant de refroidissements et cou-
rants d’air. L’infusion des feuilles est bonne, dit-on, comme anti-
vénérienne, administrée en lotions, boissons, et sous la forme de
bains, elle fortifie les nerfs et calme les affections paralytiques ; on
les emploie aussi en fumigations pour combattre les convulsions
spasmodiques. »
M. Chatterton conseille l’emploi de l’infusion des fleurs, des
feuilles et de l’écorce, comme emménagogue et excitante dans la
suspension des règles, faiblesse d’estomac, etc., et les pommades
préparées avec les feuilles en poudre pour combattre les affections
herpétiques et autres maladies cutanées.
Le laurier est, comme on Ta déjà dit, un arbre très aromatique; il
doit ses propriétés à l’huile essentielle qu’il renferme dans une cer-
taine quantité. En conséquence, il jouit de toutes les propriétés sti-
mulantes et balsamiques de ses congénères et on peut le conseiller
dans le traitement des atonies du tube digestif, des affections des
voies urinaires, probablement dans les bronchites chroniques et
quelques autres maladies.
A la campagne, on en fait usage sous la forme de bains pour
ceux qui souffrent de rhumatismes chroniques ou de paralysie ; les
poudres se recommandent dans les coryzas du même genre.
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
190
Les formes de son emploi pour l’usage interne sont l’infusion,
la teinture alcoolique et le sirop.
LAURINÉES
LINGUE
P erse a Lingue .
Nees. Syst. Laur., 157. — Gay, V, 295. — D. C. Prodr., I, 48. —
Laurus Linguy, Miers.
Arbre dun bel et agréable aspect, touffu et grand, arrivant
parfois à plus de 20 mètres de hauteur-, l’écorce est unie, de couleur
cendrée; les feuilles sont ovoïdes, elliptiques, entières, coriacées,
luisantes, glabres en dessus et un peu velues en dessous ; les
panicules très velus, d’une couleur rougeâtre de rouille, divisés
en forme d’ombelles ayant chacune quelques fleurs courtement
pédicellées; le fruit est une baie ovale-arrondie, glabre, d’un noir
violacé.
Cet arbre est assez commun dans les provinces centrales et
méridionales de la République.
Le cœur, d’une couleur rougeâtre, le rend très appréciable dans
la menuiserie -, son bois se polit facilement, ce qui le place entre le
cèdre et l’acajou, tandis que la partie blanchâtre est facilement
piquée par les vers et n’est presque pas employée.
11 contient beaucoup de tannin et une matière colorante.
L’écorce est la partie que l’industrie et la médecine emploient.
Cette écorce est la plus usitée pour tanner les cuirs, les tanneurs la
préfèrent à cause de la grande quantité de tannin qu’elle possède.
Son exportation annuelle atteint 5oo.ooo kilos pour le même
usage.
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
ïq1
Depuis de longues années j’use l’infusion du Lingue comme
équivalente à celle de la ratanhia , possédant les mêmes propriétés.
Je crois n’avoir pas besoin d’énumérer les affections dans lesquelles
son emploi peut être conseillé, car je ne ferais que répéter le nom
des maladies qui exigent des médicaments chargés de substances
tanniques et qui sont très connues de tous.
Dans l’article suivant qui parle d’un arbre dont l’écorce est
également riche en tannin, on trouvera le nom de quelques-unes de
ces maladies.
PEUMO
Cryptocarya peumus .
C. Peumus, Nees. Syst. Laur., 222. — Gay, V, 3oo. — D. C. Prodr., XV, y5.
Laurus peumo, Lin. — L. peumus, Mol. — Peumus rubra alba, mam-
mosa, Mol.
Arbre élégant, assez touffu, de 10 à i5 mètres de hauteur ; les
feuilles sont persistantes, coriacées, ovales, arrondies à chaque
pointe, ou, quelquefois aiguës à leur base, soutenues par des pé-
tioles cylindriques ; les fleurs sont droites, avec le périgone infundi-
buliforme, velu de chaque côté ; le fruit, plus petit qu’une olive, et
de la même forme, est rouge, avec de légères dépressions linéaires
dans le sens de son plus grand diamètre.
« L’écorce et les feuilles de cet arbre, appliquées en lavements,
servent comme médicament pour les maladies du foie, et, ce re-
mède est si efficace, qu’aussitôt absorbé, les malades sentent dimi-
nuer leurs douleurs. Ceux qui souffrent de douleurs rhumatismales
prennent des bains avec la décoction de l’écorce et sentent peu à
peu venir la guérison. — Rosales. »
Le fruit est comestible et très estimé après sa cuisson ou une
longue infusion. 11 contient une substance grasse, il est très aroma-
tique, et son odeur persiste dans la bouche longtemps après 1 avoir
mangé; elle se fait aussi sentir dans quelques sécrétions. Avec les
IQ2
PLANTES MÉDICINALES DU CHILI
graines moulues, on fait une pommade dont le peuple fait un usage
assez fréquent dans le traitement du catarrhe vésical, et dans toutes
les affections abdominales qui peuvent provenir d’un refroidisse-
ment.
L’écorce contient une grande quantité de tannin, et, dans l’in-
dustrie, les tanneurs en font usage à défaut du Lingue. Ce même
principe fait qu’on l’utiiise en médecine dans les affections où on
doit employer les plantes tanniques.
Sous forme d'injection vaginale, elle est utile pour combattre
les hémorrhagies et la leucorrhée.
Les feuilles sont aromatiques, d’une odeur agréable, et on les
prépare sous la forme de bains dans les rhumatismes chroniques ;
infusées dans du vin ou en teinture alcoolique, elles servent pour
frotter les extrémités et les parties malades.
Le bois du Peumo, qui est très dur, est en usage dans l'industrie
parce qu’il est incorruptible dans l’eau.
C’est un arbre qui n’a pas besoin de beaucoup d’humidité pour
végéter; au contraire, il se développe très bien dans les terrains un
peu secs.
PROTÉACÉES
RADAL
Lomatia obliqua.
R. Br. Trans. lin., X, 201. — Gay, V, 3o8. — D. C. Prodr., XIV, /\5o. — R.
et P. Flor. per., tab. 97. — Embothryum hirsutum, Law. — Em. obli-
quum, R. et P.
Arbre de quelques mètres de hauteur dans les provinces cen-
trales, mais qui peut atteindre i5 mètres dans les provinces du Sud,
rameux, à branches un peu striées, d’un uourpre noirâtre dans la
PLANTES MÉDICINALES DU CHILI i93
partie supérieure et glabre ; les feuilles sont alternes, corlacées, ova-
les, dentées, quelquefois presqu’entières, d’un vert très luisant par-
dessus-, les fleurs réunies en grappes axillaires, blanches, couvertes
à l’extérieur d’un duvet couleur de rouille ; le fruit est un follicule
ligneux.
Il est surtout commun dans les provinces du Sud, et on le voit
au Nord, jusqu’au 33me degré de latitude, limite des Protéacées, au
Chili. On lui donne les noms de Racial, radan , raldal et même celui
de No gai, à cause de la ressemblance de ses feuilles avec les folioles
du noyer européen, spécialement par leur odeur. Son bois est très
apprécié pour sa dureté et son élasticité; il est veiné de blanc et
rouge foncé et se polit facilement.
Gay dit qu’une variété dont le bois est coloré, est purgative,
quand on administre son écorce en décoction. Pennesse dit aussi que
les jeunes pousses et l’écorce du Radal sont employées dans les em-
barras gastriques, comme purgatif.
Mais, c’est surtout à M. Vasquez que nous devons l’usage de
cet arbre généralisé dans la matière médicale chilienne pour les affec-
tions de la poitrine.
« L’analyse de cette plante fut pratiquée, dit M. Vasquez, dans
son Traité de Pharmacie à l’occasion de l’histoire suivante. Un in-
dividu, charretier, souffrait depuis assez longtemps d’une affection
asthmatique qui le tourmentait beaucoup. Un certain jour, condui-
sant sa charrette, et se sentant fatigué, il s’assit au pied d’un Radal et
but de l’eau en abondance. (L’eau courait au pied de l’arbre et bai-
gnait son tronc.) 11 se sentit à l’instant soulagé; sa respiration était
plus facile. Il suivit son chemin, et en arrivant chez lui, son état
s'était amélioré. Aux demandes qu’on lui fît sur une guérison aussi
prompte, il répondit qu’il avait bu de l’eau d’une source, à l’endroit
où il s’était reposé durant sa marche, au pied d’un Radal. Lui ou
les autres eurent l’heureuse idée d’attribuer à la plante les effets
observés sur le malade ; et, depuis lors, elle fut appliquée à d’autres
malades, attaqués du même mal. »
L’analyse donne le résultat suivant :
1 94
PLANTES MÉDICINALES DU CHILI
Lomacilo io.o
Acide lomacique ou lomacinique. . 2.5
Lomacina o.6
Chlorophylle et matière adhérente, en apparence rési-
neuse 4.5
Résidu fibreux et sels 82.4
100.00
Le Lomacilo est un principe amer, de couleur brune, amorphe,
d’odeur prononcée, très peu soluble dans l’eau, assez soluble dans
l’alcool.
L’acide lomacinique est une espèce de tannin, de couleur brun
grisâtre, presque mordorée, d’une saveur légèrement amère et
astringente; il se dissout dans l’eau, très peu dans l’alcool et dans
l’éther.
Le principe alcaloïde que l’auteur a dénommé Lomacina , est
très problématique et il est nécessaire de l’étudier de nouveau pour
pouvoir assurer si en réalité il existe. M. Larenas est d'opinion que
ce qu'on a appelé Lomacina n’est en réalité que du phosphate de
chaux.
Les préparations du Radai , qui peuvent se recommander, sont :
l’infusion, l’extrait alcoolique et le sirop préparé avec ce même
extrait*
Il est indiscutable que le Radai produit de bons effets dans les
bronchites chroniques et dans l’asthme bronquial lorsqu’il est
humide. J’ai eu plus d’une fois l’occasion de vérifier les favorables
résultats de son emploi, même sur des personnes de ma famille, et je
crois que c’est un médicament qui peut très bien figurer dans notre
matière médicale.
La partie utile est le bois.
L’infusion, préparée à 3 pour 100, peut s’administrer à grandes
doses ; l’extrait, 2 décigrammes et plus ; le sirop, 2, 3 et 4 cuillerées.
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
i95
HUINQUE
Lomatia ferruginea.
R. Br., I, c. 200. — Gay, V, 3 10. — D. C. Prodr., XIV, 449. — Cav. Ic., 385.
Embothrium ferrugineum, Cav.
Petit arbrisseau, peu rameux, avec les bourgeons couverts d’un
duvet velouté de couleur jaune clair \ les feuilles sont abondantes
dans la partie supérieure des branches, les inférieures sont alternes,
les supérieures opposées, grandes, bipennifides, glabres ou très peu
velues en dessus ; par-dessous, couvertes d’un duvet ferrugineux,
surtout les supérieures ; les fleurs sont jaunes, réunies en grappes
molles; les graines sont couleur de fer.
Cet arbuste croît dans les lieux humides des provinces au Sud du
Bio-Bio ; il mérite d’être cultivé dans les jardins, pour l’élégance de
ses feuilles et ses charmantes fleurs. On lui donne aussi le nom de
Romerillo.
Selon Gay, les habitants de Valdivia emploient la décoction de
son bois, de ses feuilles et de son écorce, en les mêlant avec le
Tayu , dans les abcès hépatiques ou dans les abcès extérieurs.
M. Juliet dit que, dans le Sud, il jouit de la renommée de pur-
gatif, et qu’à cause de cette propriété, on l’administre contre les
coliques.
MM. Chatterton et Pennesse disent que les feuilles et l'écorce de
cet arbre s’emploient comme purgatifs et diurétiques -, il est aussi
utile en gargarismes pour toute espèce d’inflammations de la gorge.
L’infusion se prépare à 3 pour 100.
Je crois que les propriétés de cette plante méritent toute l’atten-
tion des médecins chiliens • suivant moi, elle est très utilisable et doit
posséder plus d’activité que celle qu'on lui suppose ; mais son ana-
lyse chimique est nécessaire, ainsi que des expériences sur les ani-
maux pour fixer sa valeur thérapeutique.
196
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
CIRUELÏLLO ou NOTRU
Embothrium coccineum.
Forst. Gen., i5, tab. 8. — Gay, V, 3o6. — Cav. Sc,, 65. —
D. C. Prodr., XIV, 443.
Petit arbre, glabre, partagé en nombreuses branches dont
l’écorce est unie et fréquemment vermeille ; les feuilles sont oblon-
gues-ovales ou linéaires, très entières, de grandeur inégale, les fleurs
membraneuses, d'un rouge vif, disposées en petits corymbes mous;
les follicules contiennent une grande quantité de graines brunes,
petites, terminées par une espèce d’aile.
Le E. lanceolatum de MM. Ruiz et Pavon, ne paraît former
qu’une variété de l'espèce antérieure, suivant MM. Gay et R. A.
Philippi.
Il croît depuis le 3 5me degré jusqu’à Magellan: il est plus com-
mun dans le Sud, où il atteint un plus grand développement.
Les industriels disent que rien n’est plus précieux que le jaspé,
les veines et le poli de son bois, qui devrait être plus employé par
les ébénistes.
Les feuilles et l’écorce de cet arbre jouissent d’une renommée
médicinale et on les recommande en infusion dans les affections
glanduleuses, dans les névralgies dentaires, et à l’usage externe
comme cicatrisantes.
Les auteurs de la Flore péruvienne et chilienne racontent que,
dans les années 1766 et 1770, époque à laquelle les Araucaniens at-
taquèrent et assiégèrent les Espagnols dans Villagra, ceux-ci recueil-
lirent le fruit de cette plante et préparèrent une espèce de farine,
avec laquelle ils faisaient du pain.
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
i97
AVELLANO
Guevina avellana.
Mol. Ed., II, 279. — Gay, V, 3 12. — D. C. Prodr. XIV, 347. — R. et P.
Flor. per., t. 99. — Guadria herophylla, R. et P.
Arbre de 4 à 10 mètres de hauteur -, les feuilles sont pennées ou
bipennées, alternes, avec des folioles ovoïdes, coriacées, persistan-
tes -, les fleurs sont blanches et forment de longues grappes molles,
axillaires, couvertes d’un duvet couleur de rouille -, les fruits sont
ronds, de la grandeur d’une noisette européenne, d’un rouge vif
avant la maturité -, ensuite ils deviennent noirs.
Il croît depuis le 35me degré vers le Sud. C’est un des plus jolis
arbres par son aspect, par la couleur toujours verte de ses feuilles,
la beauté de ses fleurs, et l’élégance de ses fruits, rouges avant la
maturité. Ceux-ci se mangent ; ils sont nutritifs, très agréables, d’un
goût excellent et huileux.
L’huile qu’on en retire se congèle à 120 de froid et peut s’em-
ployer avec avantage par l’industrie pour huiler les machines ; mais
elle n’est pas siccative. Elle semble contenir une légère quantité de
soufre, mais ce point n’est pas encore bien vérifié.
L’écorce de son bois et l’enveloppe de son fruit contiennent
"une certaine quantité de tannin, ce qui les fait utiliser, comme
astringentes dans les diarrhées chroniques, pertes de sang, sous la
forme d’infusion ; et en injections on les conseille dans les leucor-
rhées, métrorrhagies et autres flux du canal génital.
Le bois de cet arbre est tenace et élastique, qualités qui le fai-
saient employer par les anciens Araucaniens pour fabriquer leurs
lances ; aujourd’hui on en fait des avirons.
198
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
THYMÉLÉES
PILLOPILLO
Daphné Pillo-pillo.
Gay, V, 3 1 5 . — Ovidia pillopillo et parviflora, Meisn.
Arbuste s’élevant jusqu’à 4 mètres de hauteur, pyramidal, ra-
meux depuis la base, couvert d’une écorce légère, cendrée, marquée
par les cicatrices des feuilles tombées; les jeunes branches sont
d’un pourpre noirâtre, d’autant plus velues qu’elles s’approchent de
l'extrémité; les fleurs sont sessiles, oblongues-elliptiques, entières,
aiguës, alternes; les fleurs sont blanches, un peu odorantes, disposées
en ombelles ou en fascicules terminaux; le fruit est une baie fusi-
forme, obtuse à la pointe.
On note très peu de différence entre cette espèce et la
D. Andina que Poeppig trouva près d’Antuco.
Le Pillo-pillo est commun dans les alentours de Valdivia. Il
est souvent attaqué, selon Gay, d’une maladie qui lui donne une
couleur jaunâtre et lui fait perdre ses feuilles et ses étamines. Son
bois est blanc, très élastique, de peu de durée; on l’emploie pour
la formation des haies, et il est apprécié pour la fabrication des
guitares, etc.
M. Vasquez a trouvé dans l’écorce du Pillo-pillo une propor-
tion de daphnine telle, que sa valeur n’est pas moindre que celle du
Meçercon et du Torvisco ; au contraire, il le considère égal, sinon
supérieur à ces espèces de daphnées. Même dans l’extrait, l’âcreté est
si grande, qu’une portion plus petite que la tête d’une épingle, mise
sur la langue, laisse une sensation d’âcreté tenace qui dure près de
trois jours.
L’écorce du Pillo-pillo contient donc une substance âcre, irri-
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
199
tante, raison pour laquelle il n’est pas rare de voir son ingestion
provoquer des nausées, vomissements, évacuations du ventre
nombreuses, accompagnées de fortes coliques et d’un grand abatte-
ment.
On l’a recommandée comme vermifuge; mais, dans ces cas, il
est préférable de la remplacer par d’autres agents, moins irritants
et moins à craindre.
Bon nombre d’empiriques emploient le jus de cette plante,
occasionnant des empoisonnements aussi fatals que rapides.
Le Pillo-pillo peut remplacer le Me\ercon sans désavantage
aucun, dans les tisanes ou décoctions de salsepareilles compo-
sées, si préconisées comme anti- syphilitiques, comme dans son
application sur les cautères, pour maintenir et raviver la surface en
suppuration, soit sous la forme de pommade, soit en poudre ou
simplement même l’écorce.
SANTALACÉES
QUINCHAMALI
Quinchamalium majus.
Brogn. Voy. coq., t. 52. — D. C. Prodr , XIV, 625. — Gay, V, pag. 319. —
Bot. Zeit. 1. G., 747. — Q. chilense, var. a. robustior, Hook.
Le genre Quinchamalium décrit par Molina comprend diverses
espèces parmi lesquelles celle dont nous nous occupons est le repré-
sentant le plus important.
Plantes vivaces et même sous-arbustes, toutes très glabres, à
feuilles linéaires et fleurs jaunes ou de teinte orange, terminales,
disposées en épis courts et comprimés. Le fruit est une petite noix
monosperme couronnée par un périgone persistant.
Le Quinchamalium majus a une racine ligneuse, blanche,
200
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
presque simple, qui donne naissance à plusieurs tiges cylindriques,
striées, pourpres ou vert-rougeâtre. Les feuilles sont éparses,
linéaires-filiformes, pointues à la partie supérieure, très glabres. Le
style atteint presque la hauteur des anthères. Le fruit est rond, très
uni et son diamètre est à peu près d’une ligne.
Le remarquable praticien, M. le Dr Juan Miguel, conseillait
beaucoup la décoction de cette plante, prise à la dose de ioo grammes,
le matin, sucrée avec du miel d’abeilles, dans les cas d’abcès
hépatiques, et il me disait avoir obtenu de très heureux résultats.
Les gens du pays conservent l’usage de cette plante à laquelle
donna une certaine importance un célèbre médecin herboriste très
connu dans les premières années de ce siècle, sous le nom de
« Médecin-botaniste de Choapa » , dans les cas d’abcès et suppura-
tions intestines, comme aussi pour prévenir les conséquences des
coups et des chutes.
Quelques personnes recommandent le Quinchamali comme un
excellent anti-syphilitique.
Son action thérapeutique est due très spécialement à une
substance balsamique et à un principe tannique qu'il contient. Je ne
le crois pas un médicament de grande activité, mais je suis très loin
de le considérer comme inutile. Ses qualités balsamiques et astrin-
gentes doivent le faire apprécier comme un agent capable de rendre
quelques services importants dans la médecine domestique et comme
aide utile à d’autres médicaments de plus grande énergie pour les
hommes de profession.
Ce qu’il y a de certain, c’est que les gens de la campagne lui
conservent leur estime et en font un grand usage.
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
201
OROCOIPO
Myoschilos oblongum.
R. et P. Syst. veg. per. y3. — D. C. Prodr.. XIV, 627. — Gay, V, pag. 327.
L 'Orocoipo ou Codocoipo est un arbuste d’un mètre de hauteur,
droit, d’écorce unie, partagé en branches alternes, ouvertes, à la
base desquelles persistent les squames des bourgeons avec des fleurs
brunes qui naissent avant l’apparition des feuilles, disposées en petits
épis serrés, semblables à des chatons. Les étamines sont au nombre
de cinq, avec les anthères élevées, blanches, et le pollen farineux.
Le fruit est une drupe arrondie, presque lisse, légèrement aplatie
dans la partie supérieure, d’un bleu cendré.
Elle est répandue depuis Chiloé jusqu’à Coquimbo. On en
emploie les racines et les feuilles. Tous les herboristes vantent ses
vertus; on la trouve dans presque toutes les pharmacies.
L’infusion de la racine est très employée comme stomachique
et digestive dans toutes les perturbations qui ont pour cause une
atonie de l'estomac. C’est pour cela qu’elle est recommandée et on
la donne dans les dyspepsies, dans les indigestions, après les repas
abondants, pour les gaz (pneumatose). Il est aussi recherché comme
emménagogue et on' le donne aux personnes chlorotiques qui
souffrent de rétentions de la menstruation et de perturbations gas-
triques.
Je connais des personnes pour lesquelles ce végétal est une véri-
table panacée, un remède qui guérit tous les maux, capable de faire
fuir toutes les maladies, mais ces mêmes personnes confessent que
son action médicamenteuse est plus spéciale dans les cas indiqués.
11 croît dans les lieux humides et bas-, VOrocoipo de la côte paraît
être préféré.
202
PLANTES MÉDICINALES DU CHILI
EUPHORBIACÉES
PICHOA
Euphorbia portulacoïdes.
Lin. Arn. acad , III, 1 17. — D. C. Prodr., XV, 1 1, 102. — E. chilensis.
Gay, V, 335.
Sa racine est forte et les tiges sont herbacées, couchées sur le
sol, cylindriques, chargées de feuilles alternes, inégales, ovales-
oblongues; les fleurs terminales, qui forment des ombelles trifides,
accompagnées de trois bractées semblables aux feuilles, sont peu
apparentes.
Il existe une variété qui se distingue par le duvet qui couvre
toute la plante.
On la rencontre en grande abondance depuis Coquimbo jusqu’à
Valdivia, et depuis le bord de la mer jusqu’aux Cordillères des
Andes.
« La Pichoa est une herbe très efficace comme purgatif, au
point qu’il faut savoir modérer son usage, sans cela les évacuations
sont très abondantes. On l’emploie quelquefois pour faire une plai-
santerie et alors on la mélange dans une boisson quelconque ; à
l’instant le besoin d’aller à la selle est si fort que le buveur est
obligé de courir pour satisfaire son besoin, et si on ne lui administre
pas un contre-remède, les évacuations le tourmentent longtemps.
Le remède est de boire un peu de piment ou poivre délayé, et le mal
cesse à l’instant. Quand on fait du fromage avec le lait des vaches
qui ont mangé de cette herbe, ceux qui mangent de ce fromage se
sentent attaqués d’une diarrhée qui dure quelques jours. Rosales. »
« On emploie quelquefois le lait de la plante, quelquefois la
tige; quand on se sert du premier, c’est à la dose de quelques
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
203
gouttes dans du bouillon, et en cela consiste l’unique préparation
médicinale ; si on emploie la tige, on la fait bouillir dans de l’eau
ordinaire et on en prend un grand verre le matin. — Feuillée. »
Bertero dit, par erreur, qu’on l’emploie en décoction pour les
maladies des voies urinaires.
La Pichoa , comme la plus grande partie des Euphorbiacées,
contient dans ses tiges un suc laiteux, visqueux, dont quelques
gouttes suffisent pour produire un effet purgatif très actif. C’est un
drastique très énergique, très employé dans la médecine chilienne,
mais dont on a fait et dont on fait encore un abus impardon-
nable.
Ses effets proviennent de la résine qu’elle contient. M. Vasquez,
ayant traité la tige de la Pichoa dans l’appareil circulateur de Payen
avec l’alcool de 36° B, a obtenu 6 pour ioo d’une substance rési-
neuse dont les caractères sont les suivants :
Aspect générai de l’extrait : vert foncé en couches légères, odeur
qui n’est pas désagréable, saveur amère, un peu âcre.
La solution alcoolique est d’un jaune verdâtre et de réaction
acide.
L’éther le dissout bien, avec une couleur analogue à la solution
alcoolique.
L’acool méîhylique produit une solution semblable aux anté-
rieures.
L'acide nitrique le dissout et lui donne une teinte jaune rou-
geâtre, en l’attaquant très lentement.
L’acide sulfurique, en le dissolvant, prend une couleur rouge
foncé très intense, sans produire d’effervescence.
La potasse liquide forme un savon soluble avec une partie de
la résine et, comme résidu, elle laisse de la chlorophylle. Si on agite
ce savon dans une solution de chlorure de calcium, il s’en précipite
un savon calcaire d’apparence caséeuse.
La Pichoa est un purgatif drastique très efficace dans les cons-
tipations rebelles, dans les apoplexies et congestions cérébrales ;
dans les hydropisies, coliques de plomb, congestions viscérales et
PLANTES MÉDICINALES DU CHILI
204
dans toutes les circonstances où il est nécessaire d’agir avec énergie
sur l’intestin grêle produisant des évacuations séreuses abondantes
et rapides. 11 serait bon d’associer à ses préparations un peu de
piment, afin d’atténuer les coliques qu’elle produit, comme on le
fait avec Y Eleterium.
On fait 'usage des poudres de la racine, du suc laiteux, delà
résine et de la teinture.
Afin de compléter ce que nous avons à dire sur cette plante,
nous allons transcrire l’importante communication qu’en réponse à
notre demande, nous a dirigée le jeune et studieux médecin M. le
docteur Cruzat.
Il nous écrit ceci :
« En ma qualité d’aide de là clinique interne, j’ai eu l’occasion
d’étudier, dans la salle qui était à ma charge, en 1 883, les propriétés
médicinales de la Pichoa , si en vogue dans notre pays, et qui, en
maintes occasions, a été employée dans un but criminel et en impru-
dentes plaisanteries.
» Ses préparations officinales furent : les poudres de la racine,
bien tamisées, et la teinture de toute la plante triturée et sèche, dans
l’alcool de 90° pendant dix jours de macération.
» La plante fut recueillie dans la Cordillère de Maule et classée
par le naturaliste M. Frédéric Philippi.
» Poudres : à la dose d’un centigramme, produisirent de
légères coliques • à celle de deux centigrammes nausées et vomisse-
ments, fortes tranchées du ventre et deux ou trois dépositions abon-
dantes, séreuses ; huit centigrammes en deux paquets, à une demi-
heure d’intervalle chacun, occasionnèrent des nausées, vomissements,
intenses douleurs de coliques et d’abondantes dépositions séreuses.
Chez un patient, cette même dose donna lieu à une véritable gastrite
qui dura quelques jours.
» Teinture alcoolique : de un à cinq grammes, légère douleur à
l’épigastre, une à deux abondantes évacuations séreuses ; de cinq à
dix grammes, douloureuses coliques, nausées, quelques vomisse-
ments et quelques évacuations abondantes, claires. Cette préparation
PLANTES MÉDICINALES DU CHILI
205
a un mauvais goût, raison qui la fait associer à quelques aroma-
tiques ou à un calmant pour atténuer son action irritante sur l’appa-
reil digestif.
» Ses indications thérapeutiques découlent de Faction physiolo-
gique décrite et, de là, son usage dans tous les cas où il est utile de
produire une révulsion forte sur le tube intestinal.
» ire Obs. — Le Ier février 1 883 , le lit n° i de la salle de cli-
nique Saint-Dominique, à l’hôpital de San Juan de Dios, fut occupé
par R. P. qui, dans l’après-midi du jour précédent, avait été piqué
dans la partie antérieure de l’avant-bras droit, par le Latrodectus
formidabilis . Comme une constipation rebelle suit toujours dans ces
cas, j’employai pendant trois jours la potion suivante :
R Eau de menthe distillée 120 grammes.
Teinture alcoolique de pichoa. 5 —
Mucilage de gomme. ... . 3o —
Sirop de cannelle 25 —
M Pour prendre en 3 fois, à deux heures d’intervalle. •
Le patient eut le premier jour deux évacuations, une, excrémen-
teuse, l’autre séreuse ; dans les jours suivants, trois évacuations
séreuses. Le quatrième jour, 011 le laissa reposer, attendant que le
ventre se remît spontanément, ce qui arriva.
» En trois cas analogues, la teinture de Pichoa a été administrée
dans le même but thérapeutique et en obtenant le même résultat.
» 2mc Obs. — Le 14 mars 1884, J. B. C. entra à la salle de cli-
nique. 11 travaillait depuis quelques années dans un magasin d’ar-
genterie et plomberie où il avait contracté, en apparence, depuis un
an et demi une colique saturnine. Cest un buveur invétéré.
Les symptômes de cette colique furent bien accentués : il y avait
sept jours qu’il n’allait pas à la selle, le foie était congestionné et
sensible au toucher; saveur métallique dans la bouche, sialorrhée,
bord bleuâtre sur la gencive de la mâchoire supérieure; anorexie,
douleur à l’épigastre quand il mangeait ou buvait.
Comme traitement, il fut prescrit : iodure de potassium à doses
20 6 PLANTES MÉDICINALES DU CHILI
progressives, depuis deux jusqu’à dix grammes par jour-, et pour
combattre la constipation on lui donna, pendant huit jours (six,
huit et dix heures A. M.), la potion suivante :
R Eau distillée de menthe 120 grammes.
Teinture de pichoa 10
Teinture de Cardamome 8 —
Mucilage de gomme 20 —
Sirop de diacode 25 —
M
» La dose de la teinture fut diminuée graduellement jusqu’à
trois grammes par jour. Avec ce traitement, suivit une convalescence
de deux mois et il recouvra complètement la santé.
» Dans les nombreuses absorptions que le patient fit de la tein-
ture de Pichoa , associée à l’opium, jamais son estomac n’accusa la
moindre altération.
VENTOSILLA
Argyrothamnia Berteroana.
Muell. D. C. Prodr., XV, 11, 744. — Chiropetalum lanceolatum, Jusi. — •
Chiropetalum Berteroanum, Schltdl. — Gay, V, 344.
Plante à tiges rugueuses, abondantes, glabres, de 5o centimètres
de hauteur, viôlacées-bleuâtres, surtout dans la partie supérieure,
les feuilles sont ovales, alternes, lancéolées, glabres, entières, d’un
vert un peu foncé, quelquefois violacées, inégales de grandeur ; ies
fleurs sont monoïques, en forme d’épis solitaires à l’aisselle des
feuilles ; la corolle est jaunâtre avec cinq pétales ovales-cunéiformes,
avec le limbe lacinié, moitié plus court que le calice; chez les
fleurs femelles, il n’y a pas de corolle et le calice est trois fois plus
grand que chez les fleurs mâles-, la capsule est petite, légèrement
velue.
Ce genre est particulier à l’Amérique du Sud et ses espèces plus
communes au Chili et au Pérou.
PLANTES MÉDICINALES DE CHILI
20 7
La Ventosilla croît sur les collines et endroits secs des provinces
centrales; ses feuilles et ses tiges donnent une couleur bleuâtre qui
ressemble à la couleur de l'indigo, ce qui pourrait la rendre utile
dans l’industrie.
Les feuilles de cette plante ne s’emploient que dans la méde-
cine des campagnes, contre les gaz de l’estomac et des intestins; de
là lui est venu son nom.
Elle semble posséder des qualités stimulantes et carminatives.
SALICINÉES
SAUCE
Salix Humboldtiana.
W. Spec. plant., IV, 657. — Gay, V, 384.— D. C. Prodr., XVI, 1 1, 199.
Arbre à forme pyramidale, de trois à cinq mètres de hauteur;
les branches sont ouvertes et les bourgeons grisâtres, striés, un peu
velus ; les feuilles linéaires, pointues, dentées, serrées, glabres des
deux côtés.
C’est l’unique espèce indigène du genre Salix connue au Chili ;
il croît dans les endroits humides des provinces du Nord, depuis le
34e degré jusqu’à Copiapô. On le voit au bord des rivières et des
ruisseaux.
Comme on le sait, l’écorce du Sauce (saule) contient une subs-
tance blanche et cristalline, la salicine qui, à une époque, eut une
grande renommée pour le traitement des fièvres intermittentes et
autres pyréxies.
Ses effets dans ces maladies ne sont pas à dédaigner; mais ils
nJarrivent jamais à égaler les sels de quinine, le remède souverain
des pyrexies.
2o8
PLANTES MEDICINALESjDU CHILI
L’écorce du saule chilien est aussi riche en salicine que les
saules européens, et dans les cas urgents, elle peut être employée
dans toutes les maladies pour lesquelles on préconise l’usage de ces
derniers.
GNÉTACÉES
P1NGOPIIVGO
Ephedra andina.
Poepp. et Eudl. Synop. con., 255. Gay, V,4oo. — D. G. Prodr., XVI, 1 1, 353.
— E. americana, Best. — Bracteata, Miers., etc.
Arbuste qui atteint une hauteur de trois mètres et quelquefois
davantage, partagé en nombreuses branches demi-grisâtres et ensuite
en branches plus faibles, flexibles ; chatons féminins, solitaires ou au
nombre de deux ou trois à l’extrémité d’un pédoncule peu développé;
les fruits sont blancs, charnus, de la grosseur d’un pois et d’une
saveur douce.
Il croît depuis Chillan jusqu’à Atacama, et, depuis la côte, jus-
qu'aux Cordillères; il y en a deux variétés. Son fruit est comes-
tible.
On emploie l’infusion et la décoction des branches et des
racines comme diurétique et dépuratif. On dit qu’à une époque déjà
très éloignée, il jouissait d’une grande renommée dans les affections
syphilitiques.
M. Moller a pratiqué et fait connaître une analyse de la racine
du Pingo-pingo, la recommandant contre les affections de la
vessie.
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
209
CONIFERES
PINON
Araucaria imbricata.
Par. Mem. Acad. Matrit, I, 197. — Gay, V, 415. — D. C., Prodr., XVI, II,
370. — Pinus Araucana, Mol. — Dombeya chilensis, Lam. — Columbea
quadrifaria Salisb.
Arbre grandiose, dont la hauteur dépasse trente mètres, très
droit, nu à la base quand il devient vieux, les branches sont droites,
horizontales, quelquefois tombantes et d’autant plus longues qu’elles
sont inférieures, de sorte que leur ensemble forme comme une cou-
pole ; les feuilles sont imbriquées, sessiles, coriacées, ovales, lan-
céolées, fermes, piquantes, d’un vert plus ou moins brillant; chatons
masculins cylindriques, droits, terminaux, les écailles plus petites
que celles des chatons féminins ; les graines sont allongées,
coniques et couvertes d’un tégument de la couleur des châtaignes.
Les Araucaniens lui donnent le nom de Pehuen , et au fruit
celui de Pinon . Celui-ci est farineux, comestible, très agréable et de
grande consommation, surtout dans les provinces du Sud.
« Cet arbre magnifique, dit Gay, vit en groupes, mâle et
femelle, sur pieds séparés, dans les cordillères de Santa Barbara,
Nahuelbuta, etc., et arrive jusqu’aux montagnes de Villa-Rica. Du
tronc, coule une résine blanchâtre qui a bodeur de l’encens. Les
paysans remploient en emplâtres pour les contusions et ulcères de
mauvaise nature; elle cicatrise les fractures et luxations, soulage les
maux de tête qui proviennent de fluxions et migraines ; enfin on
l’emploie comme diurétique en pilules et aussi pour faciliter et net-
toyer les ulcères vénériens, mais, la plus grande valeur de cet
arbre consiste dans Fabondance de pommes de pins que produisent
les arbres femelles. Ce cône a besoin de deux ans pour arriver à sa
14
2 10
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
maturité et contient plus de cent et quelquefois deux cents graines
d'un goût excellent qui ressemble à celui des châtaignes. »
La graine est considérée jusqu’à ce jour plutôt comme alimen-
taire que comme médicinale • mais il serait utile de profiter pour la
médecine de la résine qui sort des troncs, résine qui pourrait servir
aux mêmes usages que les autres espèces d’Abiétinées.
On recommande la graine comme galactagogue pour les
femmes qui nourrissent, d’autres la considèrent comme aphrodi-
siaque.
il y eut un temps où l’industrie navale utilisait cet arbre gran-
diose pour les mâts des navires.
ALERCE
Fi roya palago n i ca .
D. Hook, Curt. bot., Mag., tab., 4616. — Gay, V. 410. — D. C., Prodr.,
XVI, II, 463.
C’est un des arbres les plus majestueux et les plus remarqua-
bles du pays, par sa taille élevée et ses dimensions, il est rameux ;
les feuilles petites, obtuses, quaternées, d’un vert prononcé, concaves
par-dessus, et naviculaires par-dessous, où elles ont deux lignes
blanches ; cône composé de six écailles grosses, les trois extérieures
plus petites, stériles, les trois intérieures, contenant chacune trois
graines à leur base.
Il croît depuis Valdivia, vers le Sud, dans la Cordillère de la
côte. Il atteint quelquefois 5o mètres de hauteur, et près de 5 mètres
de diamètre, ce qui ferait croire qu’il arrive jusqu’à l’âge de
2,5oo ans.
Son bois est rouge, tendre, résistant à l’air, à l’eau et au soleil }
il ne pourrit pas, ni ne se pique. Il est regrettable que l’industrie ne
profite pas de l’étoupe qu’on peut en retirer, et dont l’usage pourrait
être si utile.
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
2 I I
Le tronc produit une résine solide, jaune, qui se présente en
petits grains, d’une odeur assez prononcée, de saveur brûlante, très
ressemblante à la résine que distille le pin, et elle pourrait dans la
médecine servir au même usage. Les gens de la campagne l’em-
ploient pour les enflures et les douleurs.
BROMÉLIACÉES
CHAGÜAL
Puya coarctata.
Gay, VI, IL — Puya suberosa et chilensis, Mol. — Pourretia coarctata,
R. et P. — Renealmsia Feuill.
De la racine, qui est mince, naissent plusieurs tiges grosses,
couvertes d’écailles qui sont les restes des feuilles tombées. De la
partie supérieure de chaque tige sortent un grand nombre de feuilles
imbriquées, cannelées, glabres, d’un mètre de longueur, sur quatre
centimètres de largeur garnies d’épines en crochets ; les fleurs
forment un épi serré, avant le développement, s’ouvrant ensuite
en forme pyramidale, à la partie supérieure d’une hampe qui sort
du centre des feuilles; elle est ronde, d’un vert bien prononcé, de
près de 3 mètres de hauteur, et de 8 à io centimètres de diamètre-,
les pétales sont d’un bleu verdâtre ; le fruit est ovoïde, trigone, avec
beaucoup de petits grains bruns.
Cette plante croît dans les lieux secs des provimces. On donne
communément, à la tige, le nom de chagual , à la feuille celui de
cardon , et à la fleur, celui de puya , d’où paraîtrait provenir le nom
générique adopté par Molina.
Les nectaires des fleurs contiennent une espèce de sirop très ap-
précié par les paysans. Au temps de la colonisation espagnole, quand
le commerce n’existait pas encore, et que la pauvreté était grande,
212
PLANTES MÉDICINALES DU CHILI
on recueillait ce jus, on lui donnait la consistance du sirop, et il
était assez employé.
Des tiges, s’écoule une abondante gomme, d'un goût acide très
prononcé, et dont on fait un usage fréquent ; elle est officinale.
Elle se présente en larmes ou en morceaux durs, d’un volume quel-
quefois très gros, et de formes diverses. Elle est transparente, inco-
lore, ou légèrement jaunâtre. Extérieurement, elle est marquée par
des fissures inégales et en sens divers ; sa cassure est lisse, bril-
lante comme celle des coquillages.
Elle est dure, difficile à réduire en poudre, inodore, et, comme
nous l’avons déjà dit, d’une saveur douce et acidulée très marquée ;
peu soluble dans l’eau froide, beaucoup plus dans Peau chaude .
Selon les résultats obtenus par l’analyse pratiquée, M. Vasquez
considère la gomme du Chagual comme un produit immédiat formé
des produits suivants :
Gomme analogue à F Arabique g
Puyina 68
Acide 33
Total ioo
« Les proportions indiquées ne sont pas les mêmes, dit M. Vas-
quez, dans les divers grains ou larmes de gomme ; quelques-uns
contiennent plus ou moins d’acide; mais on peut calculer, en
moyenne, 3oà 33 pour ioo. Je donne le nom de Puyina , de Puya
(nom de la plante), à la matière gommeuse, abondante, parce que
ce n’est pas une véritable cérasine comme celle du prunier, pêcher,
et autres arbres; et, en effet, bon nombre de ses propriétés sont
complètement distinctes. (Anales de farmacia, I. i35).
Le caractère le plus saillant de cette gomme, son caractère par-
ticulier en un mop c’est son goût très acidulé et agréable. Ce carac-
tère joint à sa qualité gommeuse la rend très remarquable, et propre
à être administrée dans quelques maladies.
J’ai eu occasion de l’employer très souvent, dans ma longue
carrière, et je n’ai jamais eu à me repentir de son usage.
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
2l3
Je la conseille dans les diarrhées des phthisiques, surtout dans
l’état pyréxique, dans les diarrhées et dysenteries de l’été, dans les
fièvres qui sont accompagnées d'évacuations exagérées, et dans
les hémoptoses. On ne peut pas dire que la gomme du Chagual soit
un agent médicamenteux de grand pouvoir ; c’est seulement un adju-
vant excellent d’autres plus actifs.
On l’administre en tisane préparée dans de l’eau chaude, sa
dissolution étant ainsi plus facile et se faisant en plus ou moins
grande quantité, suivant les circonstances.
I RIDÉES
TRIQUE
Liber ti a cœrulescens.
Kish et Bouché. Linnea, XIX, 382. — Gay, VI, 32.
Tige droite, simple, plus courte que les feuilles, celles-ci sont
striées et naissent du col de la racine -, les fleurs pédonculées, bleuâ-
tres, disposées en fascicules réunis dans un épi dense-, les pétales
d’une longueur double que les sépales; les filaments sont réunis, et
les anthères arquées et jaunes.
Cette plante croît dans les provinces centrales, mais, plus com-
munément; vers la côte. Cette espèce, et la L. Ixioïdes qui croît un
peu plus au Sud, sont connues par les indigènes sous les noms de
Trique , tequel-tequel , calle-calle et chupaya.
On ne fait usage dans la plante que du rhizome. On le trouve
dans le commerce, de la grosseur d’un porte-plume, ou un peu plus,
soit droit ou courbé, en divisions dichotomiques, par longueurs de
5 à io centimètres ; la couleur en est brun foncé quand il est sec ; il
est pourvu d’anneaux provenant de l’insertion des feuilles et de nom-
breuses petites racines longues et filiformes.
PLANTES MÉDICINALES DU CHILI
2 14
Sa cassure est compacte, dure, d’un blanc gris sur l’écorce ou
la peau, et plus foncé sur la circonférence. Il est inodore et de sa-
veur légèrement amère.
Les préparations pharmaceutiques du Trique sont l’infusion et
la teinture alcoolique. L’infusion se fait au 4 pour 100.
Pris en doses légères, le Trique agit comme digestif et laxatif.
En doses plus fortes, il agit comme drastique, et en conséquence
détermine des douleurs, coliques avec évacuations blanchâtres fré-
quentes et claires.
Ses effets ressemblent un peu à ceux du jalap.
Je l’ai vu souvent employer pour les dyspeptiques et pour ceux
qui souffrent de congestions hépatiques et constipations, mêlé à la
Yerba mate (comme le séné), le matin, dans le but de maintenir la
régularité des fonctions digestives, et de faire disparaître les conges-
tions abdominales.
La teinture alcoolique, à la dose de 20 à 3o grammes, ou une
infusion de Trique , très chargée, détermine quelquefois des nausées
et des vomissements ; mais c’est toujours un médicament qui exerce
une bienfaisante influence dans les hydropisies, œdèmes d’origine
circulatoire, congestions cérébrales et abdominales, en un mot,
dans tous les cas où on a besoin de recourir aux purgatifs drastiques.
Son principe actif est-il dû à une résine ou à un principe
extractif? Je l’ignore, parce que l’analyse de ce rhizome aussi
important qu’actif n’a pas encore été pratiquée.
Le Dr Segeth, de Santiago, est celui qui a introduit le Trique
dans la thérapeutique et fait préparer sa teinture.
Quoique médicament d’un usage très répandu parmi le peupler
et principalement, dans les campagnes, bien peu de médecins chi-
liens le connaissent et l’ont administré.
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
2 i 5
AMARYLLIDÉES
LIUTO
A l str cerner ia l igtu .
Lin. Sp., 462. — Gay, VI, 84. — Kth. En. V, 767. — R. et P. — Feuilleana
Meyer. — Hermerocaltis ligtu Feuill.
Plante glabre, à racines lasciculées, avec des tubercules oblongs-
cylindriques très tendres, assez doux; la tige est droite, simple, cy-
lindrique, dépourvue de feuilles dans la partie inférieure ; celles-ci
sont sessiles, linéaires-lancéolées, subaiguës ; les fleurs sont dispo-
sées en ombelles, de couleur rose, avec les folioles du périgone
oblongues-lancéolées.
Elle croît principalement dans les provinces de Concepcion et
Maule, et quelques-uns lui donnent le nom de Amancai.
On extrait de sa racine une fécule très appréciée, qui se vend
beaucoup et qui est connue sous le nom de Chuno de Concepcion.
L'extraction s’effectue de la même manière que pour 1a fécule
de pomme de terre.
Examinée au microscope, cette fécule diffère, dans sa forme, de
celle de la pomme de terre ; elle est également plus lourde. O11 la
croit plus alimentaire, et c’est une des substances les plus précieuses
que nous possédions pour donner aux convalescents et à ceux qui
souffrent d’inflammations du canal digestir.
Comme les autres fécules, on remploie avec grand succès dans
les érysipèles simples, dans les érythèmes et irritations cutanées.
2l6
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
SALSILLA
Bromuria saisi lia.
Herb. Amar., i io. — Gay, VI, 96. — Kth. En., V, 78 7. — Alstrœmeria
salsilla, L. — Salsilla, Feuill., II, f. 6.
Racine avec des tubercules de la grosseur d’un pois chiche envi-
ron, charnus, blancs en dedans, très foncés à l’extérieur; la tige eM
très longue, simple, mince, volubile *, les feuilles sont glabres, lan-
céolées ou ovoïdes-lancéolées, membraneuses, nerveuses ; les fleurs
pourprées disposées en ombelles, accompagnées de bractées oblon-
gues-obtuses, un peu frisées et au nombre de cinq à sept.
« Cette charmante plante est assez commune dans les provinces
du Sud, depuis Talca jusqu’à Valdivia; les Araucaniens font usage
de sa racine, comme sudorifique, dans les maladies vénériennes, et
quelquefois en infusion contre les maux d’estomac, mais nous dou-
tons beaucoup de ces vertus. — • Gay. »
« Les Indiens s’en servent dans les maux d’estomac, la laissant
infuser pendant la nuit dans l’eau froide; cette infusion leur sert de
boisson et les soulage de leurs douleurs. — Feuillée. »
L’infusion de la racine de Salsilla est remarquable par ses pro-
priétés digestives et stimulantes, et elle a été mise à l’essai, durant
l'épidémie de choléra qui nous a visités, avec un certain succès.
Dans les provinces du Sud, elle a remplacé la menthe. On la
conseille aussi contre les diarrhées et indigestions.
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
2 17
LILIACÉES
ZARZA
Herreria stellata.
R. et P. Flor. Per., III, 3o5. - Gay, VI, 44. — Kth. En., V, 291. -
Verticillata, Mol.
Sous-arbuste grimpant, glabre, vert jaunâtre, à tiges cylindri-
ques, tortueuses, rameuses -, les feuilles naissent par fascicules, de
5 à 7, plus ou moins séparés, et sont lancéolées-linéaires, aiguës,
coriacées, à nervures; les grappes naissent du milieu des feuilles et
sont simples ou rameuses, elles portent des fleurs petites d’un vert
jaunâtre,, herbacées, soutenues par des pédicelles très minces accom-
pagnés de petites bractées membraneuses et pointues;
On lui donne aussi le nom de Salsepareille chilienne, et elle est
assez commune le long des rivières, et dans les lieux humides des
provinces de Conception et Nubie.
Les paysans emploient les racines de cette plante, comme si elle
était une véritable Salsepareille , c’est-à-dire, en infusion et décoction
dans les rhumatismes chroniques, dans les affections syphilitiques et
maladies de la peau.
2 1 8
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
PALMIERS
PALMA
Jubé a spectabilis.
H. B. et Kth. — Gay, VI, 157. — Micrococus chilensis, Ph. —
Cocos chilensis; Mol. — Molinœ micrococus, Bert.
Arbre droit, de 12 à i5 mètres de hauteur, et quelquefois davan-
tage, cylindrique, revêtu à sa partie supérieure de nombreuses
écailles, restes des pétioles endurcis; les feuilles sont réunies en om-
belles, dans la partie supérieure de la tige, pennées, de 2 à 3 mètres
de longueur, chaque division est linéaire, striée, acuminée ; les fleurs
sont d’un jaune paille légèrement coloré, les masculines pédicellées,
les féminines, parfaitement sessiles; la drupe est de la grosseur
d’une noix, verte d’abord, jaune ensuite.
Le palmier chilien croît dans les provinces de Valparaiso et de
Santiago principalement, formant sur quelques points des bois im-
portants.
Les fruits sont comestibles et sont devenus un article d’expor-
tation. Ils contiennent une huile que l’industrie n’a pas exploitée jus-
qu’à ce jour. En abattant l’arbre, et coupant la partie supérieure, il
en sort un liquide sucré qui se transforme en un miel très agréable
par évaporation. Ce miel est très estimé au Chili; on le sert comme
un plat de dessert, et on le croit doué de propriétés digestives et
légèrement laxatives. En laissant fermenter le liquide, il subit une
transformation alcoolique, et devient le Guarapo de nos paysans,
eau-de-vie forte et très enivrante.
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
219
GRAMINÉES
CHÉPICA
Paspalum vaginatum.
Sw. FI or. Ind. occ., I, 255. — Gay, VI, 23g. — Kth. En., I, 52. —
Fernandisianum Colla.
Tiges striées, cylindriques, glabres, d abord droites, se cour-
bant ensuite et émettant à chaque nœud des feuilles et des racines :
graines plus courtes que les entre-nœuds, molles, bordées sur leur
sommet de poils raides et blancs, d'autant plus abondants que
l’endroit, où l’herbe a crû, est plus humide; les feuilles sont d’un vert
jaunâtre, linéaires, acuminées ou lancéolées linéaires.
Plante très commune dans tout le Chili, principalement dans
les terrains humides-, elle remplace pour nous le chiendent euro-
péen, connu sous le nom de Triticum repens.
La décoction de la racine est recommandée comme un sûr et
efficace diurétique ; on l’ordonne dans les hydropisies, blennorrha-
gies, affections génitales, etc.
Peu d’herbes sont plus connues et plus usitées dans la pratique
journalière de notre peuple.
Elle entre dans la composition des espèces diurétiques de notre
pharmacopée.
L ANC O
Promus stamineus.
Desv. in Gay, VI, 440. — Catharticus, Mol., Ed. II, 279. —
Vahl. Symb., II, 22. — Kth. En., I, 417.
Espèce vivace, touffue, dont la tige atteint une longueur de
60 centimètres-, quelques-unes de ces tiges sont fertiles, les autres
220
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
stériles ; le particule est grand et mou ; les petits épis très compri-
més, de 20 à 26 millimètres de longueur avec quatre ou six fleurs.
Elle croît sur les bords des fossés et canaux dans toutes les
provinces centrales.
Feuillée dit que la racine de cette plante est grosse, verte à l’inté-
rieur, son action purgative et qu’elle est employée en décoction.
Molina lui attribue, par erreur, les mêmes effets, et, de là, vient le
nom de Catartica qu’on lui a donné.
M. Juan Miguel lui attribue une action émétique douce et la
considère comme un faible succédané de l’ipécacuanha. On emploie
toutes les parties de la plante et on la donne en infusion dans les
indigestions et dysenteries de caractère bénin, en l’absence de médi-
caments plus actifs.
P A JA RATONERA
Hierochloe utriculàta.
Kth. Gram., I, 193, tab. 8. — Gay, VI, 258. — Torresia utriculata, R. et P.
Graminée robuste, hérissée, odorante quand elle est sèche ; les
graines sont molles et surpassent les entre-nœuds ; la ligule est
ovale, entière, tronquée, les feuilles sont très longues, larges; la
panicule est redressée, contractée, étroite, embrassée à sa base par
la gaine de la feuille supérieure ; les épillets contiennent à l’intérieur
des fleurs mâles et une, supérieure, fertile ; les glumes brillantes,
largement ovales et obtuses.
Cette plante est commune dans les provinces de Concepcion,
Arauco, Valdivia et Chiloé.
On dit que la racine de la Ratonera est apéritive, diurétique
et rafraîchissante et on conseille de boire sa tisane à volonté dans
les irritations abdominales et les congestions viscérales.
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
22 I
FOUGÈRES
DORADILLA
Notochlœna hipoleuca.
Kze. Linnea, IX, 54. — Gay, IV, 495.
Feuilles linéaires lancéolées, supportées par un stipe assez long,
pennées ou bi-pennées, vertes et velues à l’extérieur, couvertes sur
la face intérieure d’un duvet épais et blanchâtre.
Comme presque toutes les fougères, la Doradilla vit dans les
lieux secs et on la rencontre dans toutes les provinces centrales du
Chili.
Elle passe pour diurétique, et, comme telle, on l’administre
dans tous les cas où on a besoin d’augmenter les sécrétions uri-
naires. Toute la plante est employée ; on la donne en infusion et on
la boit comme tisane.
Les espèces diurétiques de la pharmacopée chilienne se com-
posent de :
Racine sèche de céleri j
— — ■ asperge I
— doradilla ç aa parties, égales.
— — persil \
— ■ — chepica J
La N. Mollis Kze peut la remplacer et peut être employée
pour les mêmes usages.
222
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
CULANTRILLO
Adiantum chilense.
Kaulf. Enum fil., 207. Gay, 485. — Rotundatum, Desv.
Fronde ovale lancéolée, trois ou quatre fois pennée, supportée
par un stipe de deux décimètres de long dans tout son développe-
ment; pinnules rhomboïdales ou trapézoïdes, entières ou faiblement
lobulées, toutes pédicellées.
Elle croît dans tout le pays, dans les lieux humides et près des
sources.
Sous le même nom de Culantrillo ou Culantrillo des marais ,
on désigne quelquefois d'autres espèces du même genre, qui pos-
sèdent les mêmes qualités.
La médecine populaire en fait usage en décoction, comme pec-
toral, apéritif et emménagogue. Dans ce cas on l’adoucit avec du
miel d’abeilles.
C’est le succédané de Y Adiantum Capillus veneri européen et il
possède les mêmes propriétés.
PALMILLA
Blechnum hastatum.
Kaulf. Enum., fil., 160. — Gay, VI, 479. — Trilobum, Presl.
Rhizome ligneux, gros, émettant un grand nombre de racines
rameuses; frondes lancéolées, acuminées, pennées.
La décoction des racines de cette fougère, qui croît en abon-
dance dans les lieux humides des provinces centrales, est vantée
comme emménagogue et abortive.
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
223
CALAGUALA
Gonophlebium synammia.
Feuil. Geu. fil., 235. — Gay, VI, 5io. — Mecosorus trilobus, Klotz. —
Polyp. trilobum, Car. — Synammia triloba; Presl.
Fronde ovale ou un peu rhomboïdale, coriace, pennée, glabre -,
pinnules lancéolées (2 à 1 3), terminées en pointes aiguës, discolores,
décurrentes, légèrement crénelées; spores oblongues, grosses; spo-
ranges ovales, pourvues dans le milieu d’un anneau transparent,
rhizome gros, rameux, couvert d’écailles imbriquées, jaunâtres.
Le nom spécifique de Trilobum semble ne pas lui convenir, car
la plante est pennifide. File croît dans les lieux humides et sombres
des provinces centrales et du Sud, spécialement sur les arbres ; par
exemple, elle est très commune sur les pommiers à Valdivia.
On fait usage de la décoction ou de l’infusion des racines dans
les affections pulmonaires chroniques, coqueluches, grossesses ou
catarrhes gastriques, coliques ; et on lui concède des propriétés tem-
pérantes, résolutives, pectorales et sudorifiques. Elle passe aussi
pour vulnéraire et il y a des personnes qui la croient un bon succé-
dané de farnica.
11 est bon de ne pas confondre cette espèce de Calaguala avec
la péruvienne qui appartient à un genre distinct.
Les deux autres espèces, G. Aranslucens Feuill. et Californicum ,
Feuill., se connaissent sous ie même nom et ont le même emploi.
224
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
PALMITA
Absophita pruinata.
Kze, Linnea, IX, 99. — Gay, VI, 525. — Discolor, Sturn. — Cyathea
discolor, Bory. — Polyp. cinereum, Car.
Fougère avec un gros rhizome à l’extrémité duquel naissent des
feuilles d’une grandeur considérable, car elles atteignent une hauteur
de quatre mètres; frondes tripennées, rayées, glauques en dessous;
spores solitaires à la base de chaque division ; sporanges courtement
pédicellés ; rachis d’abord glabre, creusé d’un côté par un profond
sillon, convexe de l’autre ; rachis secondaires couverts de poils lai-
neux de couleur jaune.
Cette belle fougère croît en abondance à Juan Fernandez, Valdi-
via et autres lieux, au bord des ruisseaux et dans les bois montagneux •
Le docteur Fonck me fit connaître pour la première fois les
bons résultats qu’on peut obtenir de l’emploi de cette fougère
dans les hémorrhagies simples. On peut l’employer au lieu d’ama-
dou dans les hémorrhagies produites par les piqûres des sangsues et
dans les cas de légères blessures.
Chaque fois que j’en ai fait usage, j’ai obtenu le résultat voulu.
LICHENS
C H A CA L C U II A ou CALCHACUIiA
Espèce de Parmelia, principalement la P. (Imbracaria) caperata, Ach.
Gay, VIII, p. i33.
On connaît sous ce nom et aussi sous celui de Fleur de pierre
des petits lichens qui vivent sur les roches, d’aspect blanchâtre ou
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
225
grisâtre, faciles à pulvériser et que les gens de la campagne
emploient comme médicament.
« La Calchacura , dit Rosales, est une herbe qui croît sur les
roches ; mâchée, on la maintient dans la bouche avec la salive pour
guérir les ulcères de la gorge, et le résultat est admirable ; elle guérit
aussi les enflures des oreilles en ^appliquant sur la douleur. »
Il paraît qu’en réalité la Calchacura donne de bons résultats dans
les stomatites aphteuses et dans les inflammations de la gorge, mais
où son action se fait le mieux sentir et où elle est bien mieux définie,
c’est dans les affections cutanées, surtout dans les herpès et dans
l’eczéma déjà aigu ou chronique, comme dans d’autres maladies
vésiculaires de la peau. Dans le traitement de ces affections, le pan»
sement se fait par le lavage des parties affectées avec une décoction
de Calchacura saupoudrant ensuite les mêmes parties avec l’herbe
réduite en une poudre fine.
Il est très probable que ces mêmes poudres sont convenables
dans les érythèmes, surtout chez les enfants, mêlées à l’amidon où
à une autre fécule.
On l’emploie aussi en injections vaginales pour le traitement des
métrites ulcéreuses.
CHAMPIGNONS
COIGÜE
Polyporus senex.
Nees et Montag, Ann. Sc nat., 2e série, V, 70. — Gay, XII, 356. — 1
Boletin de med., I, 214.
C’est un des plus grands champignons chiliens; son diamètre
atteint 3o centimètres ; son chapeau est semi-orbiculaire, uni dans
toute sa base aux troncs des arbres sur lesquels il croît, légèrement
226
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
convexe en dessous, s’amincissant beaucoup vers le bord qui est
aigu et ondulé ; sa face supérieure est plane, sillonnée par des rugo-
sités séparées par de profonds sillons disposés en zones concen-
triques ; sa couleur est grisâtre.
Il croît dans les diverses parties du Chili et sur différents arbres.
Ce champignon peut se diviser en deux fractions : une, supé-
rieure, l’autre, inférieure, douées de caractères distincts. La supé-
rieure est molle, très absorbante et d’une saveur acide très marquée;
l’inférieure est plus consistante, moins acide et moins poreuse.
Mis dans une solution aqueuse de bicarbonate de soude, ce
champignon produit une effervescence (ce qui indiquerait la pré-
sence, chez lui, d’un acide, si sa saveur ne l’avait déjà dénoncé) il
se divise, se sépare, devient glissant et onctueux.
Ses propriétés et ses conditions organoleptiques, qui le font res-
sembler à l’agaric, manifestent ses qualités comme coagulant, absor-
bant et hémostatique.
En effet, M. Grossi, qui s’est occupé de l’étude de ce champi-
gnon, le préconise dans les hémorrhagies externes, quand un vais-
seau a été coupé et qu'il est trop court pour être lié et dans celle des
hémophiles où toute intervention chirurgicale peut être dangereuse.
Des hémorrhagies dans lesquelles eussent été impuissants le perchlo-
rure de fer, le nitrate d’argent et autres hémostatiques, cédèrent à
l’application de la partie la plus spongieuse de ce polypore, maintenu
pendant quelques heures.
M. Grossi ne s’est pas limité à cette expérience, mais jugeant
que sa composition pourrait être utile pour le traitement des sueurs,
il Va ordonné à l’usage interne, sous la forme suivante :
R Eau distillée ........ . ioo grammes
Polyporus senex 25 centigrammes
Bicarbonate de soude i gramme
Gomme en poudre . Q. B.
M En prendre une cuillerée dans la nuit.
Pour ma part, mon opinion est qu’il serait préférable de l’em-
ployer dans ces cas, à la dose de 20 centigrammes dans une cap-
PLANTES MEDICINALES DU CHILI
227
suie amylacée, parce qu’alors on pourrait utiliser son action astrin-
gente.
ALGUES
COCHAYUYOS
Dur pille a utilis.
Bory, Coq., pag. 65, t. I et II, f. 1. — Gay, VIII, 24. — Montag. Voy. Pôle
Sud, cryp. 52. — Laminaria cœpoetipes, Montag. — Fucus antarticus,
Charnus.
Cette algue acquiert quelquefois une grande dimension et on
en voit qui atteignent près de dix mètres - elle adhère aux roches par
un disque très puissant, plein, hémisphérique.
Elle est très abondante sur toute la côte du Chili, depuis
Coquimbo vers le Sud, jusqu'au cap Horn. Les bourgeons qui
sortent du disque, connus aussi sous le nom de huiltes , sont
comestibles et se vendent sur tous les marchés.
Toutes les algues contiennent une légère quantité d’iode, comme
le Cochayuyo ; on l’emploie en cataplasmes dans les enflures scrofu-
leuses, dans les goitres, mais toujours avec peu de profit, en raison
de la rareté de son principe actif.
Pour ce motif, il est certain que pendant qu’on pratique les fric-
tions avec les diverses pommades iodées, communément employées,
on conseille l'usage de ce végétal maritime dans les repas et sous
cette forme les résultats semblent meilleurs.
Si les bains préparés avec la décoction de Cochayuyo n’agissent
pas, à cause de leur petite quantité d’iode, ils sont très avantageux
dans certaines affections par la grande quantité de gélatine qu’ils
contiennent.
FIN
TABLE ALPHABETIQUE
A
Absophita pruinata . . 224
Abutilon vitifolium 26
Acacia cavenia 64
Acaena pinnatifida 78
Acaena splendens 77
Achyrophons scorqonerœ 109
Adiantum chilense 222
Alcaparra 61
Alerce 210
Alfilerillo 35
Algarrobillo 61
Algarrobo 63
ALGUES 227
Almiscle 108
Alstrœmeria ligtu 2 1 5
AMARYLLIDÉES 21 5
Ambrina Ambrosioides 168
ANAGARDIACÉES 45
Anémone decapetala 1
Anisomeria coriacea . . 172
Anisomeria drastica 172
APOCYNÉES 125
Araucaria imbricata 209
Arrayan 90
Argemone mexicana 12
Argilia Huidobriana 160
Argyrothamnia Berteroana 206
Aristolochia chilensis v 179
Aristotelia maqui 27
ASARINÉES 179
ASPERIFOLIÉES i3i
Avellano ^7
Açorella madreporica 100
B
Baccharis 1 1 3
Baccharis rosmarini folia 1-12
Bailahuen 110
Balsamocarpon brevifolium 61
BERBERIDÉES 10
Ber ber is Darwini 10
Berberis empetrifolia 1 1
Berro. i5
BIGNONIACÉES ... 160
Blechnum astatum 222
Bolax glebaria 100
Boldo 180
Boldoa fragans 180
Bollen 68
Brassica negra 17
Brea 111
Bridgesia incisœfolia . 44
BROMÉLIACÉES 21 1
Bromuria salsilla 216
Bromus stamineus 219
Buddleia globosa 126
G
Cabellos de anjel 1 3 5
Cachenlahuen 127
23o
TABLE ALPHABÉTIQUE
CACTÉES .. 97
Calaguala 228
Calceolaria arachnoidea 09
Calceolaria thyrsiflora 1 58
Calchacura . 224
Calendrinia discolor 24
Calystegia rose a. 1 32
CAMPANULACÉES 122
Canchalagua 127
Canelillo 3 7
Canelo 4
Capsella bursa pastoris 16
Cardamine masturtioides i5
Carrizillo . ... 32
Cassia stipulacea 61
Caucha 101
CÉLASTRINÉES 41
Centella 1
Centaurea chilensis 12 1
Cepacaballo 77
Cephalophora. . . 1 15
Cereus quisco 9”
Cestrum palqui 1 56
Chacacoma 117
Chacalcura 224
Chagual 21 1
CHAMPIGNONS 225
Chapico 127
Chaquihue 29
Chardon saint 12
Chepica 219
CHENOPODÉES 168
Chenopodium quinoa 171
Chequen 87
Chilcas .... 1 1 3
Chilco 96
Chilquillas 1 1 3
Chœtantliera Berteriana 107
Ciruelillo 196
Clarionea atacamensis . . 109
Cochayuyos 227
Coigue 22 5
Colsilla 95
CONIFÈRES 209
CONVOLVULACÉES i32
Corecore 34
Coriaria ruscifolia 52
CORIARIÉES 52
Crinodendron Hookerianinn 29
CRUCIFÈRES 1 5
Cryptocary a peumus 191
Culantrillo 222
Culen 54
Cuscuta 1 35
D
Daphné pillopillo 198
Dauda 120
Desfontaine spinosa 127
Deu. 52
Doca 99
Doradilla... 221
Dry mis chilensis 4
Durvillea utilis 227
Duvana dependens 45
E
Echites chilensis 125
Edwardsia macnabiana 60
Embothrium coccineum 196
Ephedra andina 208
Erodium moschatum 33
Eryngium rostratum 101
Erythrœa chilensis 127
Erythrichinm gnaphalioïdes i3i
Escabiosa .... 121
Escallonia 79
Escorzonera 109
Espino 64
Eucryphia cordifolia 76
Eugenia apiculata 90
Evgenia cheken 87
Euphorbia portulacoides 202
EUPHORBIACÉES 202
Euxenia 1 1 5
F
Fabiana imbricata 1 36
FICOIDÉES 99
Fitqroya patagonica 210
Flaveria contrayerba 120
Flotowia diacanthoides 106
FOUGÈRES 221
Fragaria chilensis 65
Francoa sonchifolia 83
Frankenia Berteroana 22
FRANKENIACÉES 22
TABLE ALPHABETIQUE
2 3 1
Frutilla 65
Fumaria
Fumaria media i3
Fuschia macrostema 96
G
Galium relbum io3
Gardoquia Gilliessi 164
GENCIANÉES 127
GERANIACÉES 34
Géranium Berterianum 34
GESNÉRIÉES i5g
Geum chilense 68
Gnaphalium vira-vira 119
GNÉTACÉES 208
Gonophlebium synammia 22 3
GRAMINÉES 219
Gualtata 1 18
Guanil 107
Guavacan 3 1
Guevina avellana 197
Guillipatagua 38
Gunnera chilensis 84
H
HALORAGÉES 84
Haplopappus baylahuen 1 10
Herreria stellata 217
Hierocloe utriculata 220
Huella 26
Huevil 1 5 5
Huingan 45
Huinque 195
Hydrangea scandens 81
I
IRIDÉES 2 1 3
J
Jarrilla 3 3
Jonidium parviflorum 18
Jubea spectabilis 218
K
Kagenekia oblonga 68
Krameria cistoidea 19
L
LABIÉES 1 6 3
Lampayo 1 63
Lampaya officinalis 1 63
Lanco 219
Laretia acaulis 100
Larrea nitidar 33
Latua venenosa 1 52
Latue 1 5 2
Laurel 188
Laurelia aromatica 188
LAURINÉES 190
LÉGUMINEUSES 54
Libertia cœrulescens 2i3
LICHENS 224
Ligusticum panul . . 102
LILIACÉES 217
LINACÉES 3o
Lingue 190
Linum chamisonis 3o
Litre 46
Litrea caustica 46
Litrea Molle 5o
Liuto 2 1 5
LOGANIACÉES 126
Lomatia ferruginea 192
Lomatia obliqua 192
L1
Llanten 167
Llareta 100
Llaupangue 83
M
MAGNOLIACÉES 4
Maillico 3
Maiten 41
Maitencillo 18
Malva 2 5
MALVACÉES 25
Maqui 27
Maranzel. 109
Margyricarpus sefosus 78
Marrubium vulgare i65
Mastuerzo 16
Maytenus boaria 41
Mentha 1 6 3
232 TABLE ALPHABÉTIQUE
Mesembryanthemum chilense 99
Metrun 94
Michay 10
Mitraria coccinea 159
Mitriu 1 1 5
Mollaca *. 178
Molle.. 5o
MOMMIACÉES 180
Monnina linari folia ai
Moscharia pinnatijid r 108
Mostaza negra ...... 17
Moya 61
Muehlenbeckia chilensis 178
Muermo 76
Murtilla 92
Myoschilos oblongum 201
Myrceugenia planipes 91
MYRTACÉES 87
N
Natri 142
Nertera depressa . 104
Notochlœna hypoleuca 221
Notru 196
O
OLACINÉES 38
Olnothera acaulis 92
Olnothera Berteriana
OMBELLIFÈRES...
ONAGRAR1ÉES . . . .
Oreganillo 164
Oreja de zorro 179
Orocoipo 201
OXALIDÉES .... 36
P
Pacul 19
Paico • 168
Paja ratonera ... 220
Palma. . . '. 218
PALMIERS... 218
Palmilla 222
Palmita 224
Palo negro 1 14
Palpi ï 58
Palqui 1 56
Pangue
Panil
Panul.
PAPAVERACÉES....
Parrilla. . .
Paspalum vaginatum . .
Pata de guanaco
Patata
Pehuelden
Pelu
Persea lingue
PERSONÉES
Petra
Peumo
Phaca ocrolenca
PHYLOTAGGÉES . .
Pichi
Pichoa . ,
Pila-pila
Pillo-pillo
Pillunden.
Pimpinela
Pingopingo .
Pinon.
Pircun ....
Pitao
Pitavia punctata
PLANTAGINÉES
Plantago major
PLOMBAGINÉES
Podanthus mitiqui
POLYGALËES
POLYGONÉES
Polygonum chilense. . . ,
Polyporus senex
Poquil
Porlieria hygrometrica
PORTU LACÉES
Potentilla auserina. . . .
Prosopis siliquastrum.. ,
PROTÉACÉES
Proustia pungens ......
Psoralea glandulosa. .
Psycrophila andicola . .
Puya coarctata
Q
Quaycuru . .
Quebracho. ,
84
126
102
12
82
219
24
149
81
63
190
1 58
9i
191
59
172
1 36
202
25
1 98
18
78
208
2°9
172
3 7
37
j 67
167
124
1 16
19
l77
1 77
225
1 1 5
3i
24
67
63
192
107
54
3
2 1 1
1 24
61
TABLE ALPHABETIQUE
o.33
Quelen-quelen
Quelliguen chucaon. . . .
Quillaja saponaria
Quillay
Quilmay
Quilo
Quinchamali
Quinchamalium majus..
Quinoa
Quisco
R
Radal
Relbun
Relbun de la Cordillera
Renilla
RENONCULACÉES..
Retamilla
Retamilla
Retamilla ephedra
RHAMNÉES
Ribes glandulosum
Romasa
Romerillo
ROSACÉES
RUBIACÉES
Rumex romassa
Rumpiata
S
Sabinilla
SALICINÉES
Salix Humboldtiana . .
Salsilla
Salvia blanca
Sandia lahuen
Sanguinaria
SANTALACÉES
SAPINDACÉES
Sauce
SAXIFRAGÉES
Senecio eriophyton
Senecio hualtata
Septocarpha rivularis .
Seu
SOLANÉES
Solarium
Solarium crispum. ......
Solarium gayanum 142
Solarium tuberosum 149
Sphacele Lindleyi. 1 65
Stachys 166
Statice chilensis 124
SYNANTHÉRÉES... 106
T
Tayu 106
Te de-burro 1 3 1
Tembladerilla 59
Temu 81
Tessaria absinthioides 1 1 1
THYMÉLÉES 198
TILIACÉES 27
Tomatillo 142
Toronjil cuyano 1 6 5
Trevor trinervia 4 3
Trevu 43
Triaca 160
Trique 2. 1 3
Tupa 122
Tupa 122
U
JJgni Molinœ 92
Ulmo 7^
Uno perquen 123
V
VALÉRIANÉES io5
Ventosilla 4 . . . 2°6
Verbena l^2
Verbena littoralis *62
VERBÉNîACÉES 161
Vestia bycioides 1 35
Villaresia mucronata 38
Viola maculata *8
VIOLARIÉES 18
Vira-vira u9
Vochi-vochi l^9
W
Wahlenbergia linarioides..
Weinmannia trichosperma,
21
104
70
70
125
178
!99
l99
171
97
1 92
io3
i59
24
1
5o
43
43
43
82
178
1 12
65
io3
178
44
78
207
207
216
1 65
161
177
199
44
207
79
1 1 7
1 18
114
61
1 36
142
142
TABLE ALPHABETIQUE
234
X
XANTOXYLÉES 37
Y
Yerba del clavo 68
Y erba del salitre 22
Yerba de la Yesca 107
Yerba plateada 67
Yerba sanra, 166
Z
Zarcilla 1 1
Zarza..- 217
ZYGOPHYLLÉES 3i
A. ROGER Y F. CHERNOVIZ
IMPRIMERIE DE LAGNŸ