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MILAN,
â 8 2 \*
MILAN,
De l'Imprimerie et Fonderie
de Jean-Joseph Destefanis,
à S* Zeno , iV.? 534-
PRÉFACE
DE L'AUTEUR.
Il ri y a pas eu d'autre motif pour faire
précéder V impression de ce sixième volume
avant celle du cinquième , que celui qui dé-
termina la publication du quatrième avant
le troisième. Les statues qui avaient été ras-
semblées ri étaient pas alors en assez grand
nombre pour fournir un volume complet y
ce quon ne put obtenir que deux ans après
Il en est de même pour ce volume ; quand
on commença à travailler , les bas-reliefs qui
devaient composer le cinquième, ri étaient pas
en quantité suffisante pour former un livre
d'une grosseur égale à ceux qui avaient déjà
paru : ce qui fit quon se décida à publier
les têtes et les bustes dont on traite dans
celui-ci. Mais pendant qii on V imprimait , les
bas-reliefs s* étant augmentés autant qu'on
pouvait le désirer ? grâces à la munificence
du Souverain Pontife , on pourra ne pas en
retarder les explications , ni les gravures,
4
pour poursuivre l'ouvrage et remplir la la-
cune.
Les mùnumens que nous publions à pré-
sent, sont d'un genre bien différent de ceux
qui ont été précédemment off erts au public^
et cette variété même ne pourra déplaire
aux amateurs d'antiquités. La mythologie
a fourni en grande partie les sujets de tous
nos discours dans les volumes précédens ;
actuellement ce sera Thistoire, dont le vaste
champ s'ouvre devant nous , tant V histoire
civile que littéraire , et cette branche pleine
d'érudition particulièrement que l'on désigne
ordinairement sous le nom ^/'Iconographie.
Cette par tie de la littérature fournit tant de
matériaux propres à satisfaire la curiosité
des hommes instruits; elle a produit jusqu'à
présent tant d'écrits , mais l'abus des con-
jectures y les écarts de l'imagination , et le
peu de soin des critiques , l'ont accablée de
quantité de préjugés, et embarassée de vaines
suppositions.
Lorsque j'aurai traité cette branche de
l'art des antiquaires 9 lorsque la balance à
la main j'aurai pesé les hypothèses et les
probabilités , alors ceux qui auront le cou-
5
rage de me lire en entier y seront peut être
en état de juger ce que j'ai dit sur cette
partie de la science. C'est ici le lieu où il
faut placer quelques observations générales
sur l'origine et sur ï usage de cette classe
de monumens que renferme ce volume ,
classe qui s'attache très- particulièrement à
/Iconographie , et qu'on nomme dans les
Collections suite de Têtes et de Bus-
tes.
Parmi toutes les manières que les arts
du dessin ont essayé d employer pour imi-
ter la figure de V homme, ou dans son en-
tier, ou seulement en partie, si Tune des
plus anciennes est sans contredit celle qui
a formé seulement l'image de la tête , on
peut démontrer cependant que ï invention des
bustes n'a fait que suivre les autres et au-
près un long intervalle de temps.
L'antiquité très-reculée des hermès , qui
paraissent être lé premier pas qu'ait fait un
art encore enfant, les pierres sans forme,
qui désignaient, plutôt qu'elles ne représen-
taient les anciennes divinités , les simulacres
de ces divinités 9 inventions de la poésie et
de la superstition chez des nations encore
6
barbares (i), ces antiquités, dis -je , dont
Tautenticité est prouvée , peuvent lever toute
incertitude sur la première origine de cet
usage , c'est-à-dire qu'au lieu de représen-
ter V image entière et naturelle de V homme,
ou la figure idéale d'un Dieu, elle ne nous
offre seulement que la copie en relief ou
en peinture de la tête et du visage : usage
qui a sa source naturellement dans l'ima-
gination qui va chercher dans la tête les
signes principaux du caractère de l indivi-
du ; et dans laquelle Voéil prend plaisir à
reconnaître les marques, rarement équivoques,
très-souvent bien sensibles 9 des talens , du
génie , et des inclinations de Vame. Voila
pourquoi Ton a gravé les têtes et les visages
des divinités ou des héros sur les médailles,
chez tous les peuples. La forme circulaire
que Von ne tarda pas à donner à ces mé-
dailles semblait propre à ce genre d'ima-
ges. Cest de la que nous est venue cette
quantité prodigieuse d kermès et de sintr
(1) Winckelmann , Hist. de Tarty liv. i y ch. i f
^ ïo et xi. Voyez les réflexions en grand nombre, qu'a
proposé à ce sujet M. d'Hancarville dans sa préface
de la Collect. des Vases Étrusques d'Hamilton.
t
pies têtes qui se sont conservées jusquïà nos
jours ; quoique la ruine de tant de statues
qui furent renversées, et dont il ne nous est
resté que la tête, en ait augmenté considé-
rablement le nombre dans les collections
modernes.
En outre des kermes et des statues en-
tières , je vois encore deux autres manières
de représenter une partie de la figure hu-
maine, que les art s employèrent dans leur
principe, cependant elles ne furent pas aussi
fréquemment en usage que les kermès et les
statues. On représenta le visage seulement
sans V occiput, ce que Ton appelle le Mas-
que ; on donna aux kermès mêmes plus de
ressemblance à Vkomme en y ajoutant des
bras et même le corps jusqu'aux cuisses qui
étaient réunis sur le pilastre originaire, lequel
soutenait Vkermès sans les jambes. Nous pos-
sédons encore beaucoup dliermès de cette
dernière forme. Mon opinion sur V ancien-
neté de cet usage s'accorde on ne peut
mieux avec les descriptions que nous en ont
donné les écrivains, celle du Palladium de
Troye (\) , et de cette Vénus en bois, ou-
(i) j4pollodore9 liv.lll, ch. n -7 le simulacre très^
8
vrage attribué à Dédale > et qui fut con-
servé pendant plusieurs siècles à Délos ( i ).
Ces deux figures étaient terminées comme
les hernies, sans manquer cependant du buste
ou des bras.
Les masques ou les faces seules étaient
aussi très-antiques. On représenta ainsi fort
souvent les divinités Dionysiaques (sjj nous
savons que telles étaient les images de Pra-
xidice (d> Jy et celles de la très-ancienne Cé-
rès surnommée Cidarie dans le Phénée d'Ar-
cadie La face de la Gorgone , em-
preinte sur tant de médailles anciennes , et
que Von continue toujours à représenter de
même , peut-être regardée comme un reste
de cette manière consacrée par la super-
stition et par les arts. On donna en grec
à ces images le nom de ^pomza ( faces ou
antique de Jupiter Labradenus à Mylassa en Carie
était terminé depuis le milieu du corps jusquen bas
en forme d'hermès , comme on le voit dans la grande
médaille de Geta citée par Buonarroti , p. 21 4-
(1) Pausanias y Boeotica, ou liv. IX ? ch. XL.
(2) Pausanias y Attica, ou liv. I , c. '1.
(3) Hesychius et Suidas , v* Yipa^id'mvi.
(4) Pausanias y Arcadica 7 ou liv. Vili , ch. XV*
à^rpaç IIPOSPJIOjN KuJapiaç.
9
masques). Mais les kermès avec le torse et
des bras furent généralement compris sous
la même dénomination dhermès.
Je n'ai pas eu V avantage de remarquer
dans les arts des temps les plus reculés quel-
ques traces de V usage des bustes, et je n'ai pu
trouver aucun nom grec ou latin quon ait ap-
pliqué à ce genre; de sorte que le défaut de mot
propre peut faire croire avec évidence à la
nouveauté de la chose. On a depuis fait usage
du mot grec Uporo^ii (protome) pour signifier
les bustes; mais ce serait en vain que Von
chercherait dans les anciens écrivains ce mot}
qui nous est indiqué seulement par les le-
xicographes Suidas et Hesychius (i). Ces
grammairiens définissent le protome , ime
effigie jusqu'au nombril (2) , et s'en réfé-
rant aux images des empereurs , ils ne sup-
posent avec cela aucune autenticité plus an-
cienne remarquable. Stéplianus a approuvé
encore ï acception donnée a ce mot en la
(1) Aux mots Tïporo(iai et TLpoto^iri»
(2) Esichius, UpoTOfi^ , eînôv P&aûaxfi , eàç tov
ô^L(paXov rov aô(iatoç £$oç. Protomse, images im-
périales , représentation du corps jusqu'au nombril.
Suidas en dit presque autant.
faisant valoir par V autorité d'une inscription
grecque ; mais qui ri est pas antérieure au
règne des Antonins (i).
On pourra s'assurer par les réflexions
qui vont suivre, combien ï application du
terme dont il est question , et qui existait
déjà dans la langue > a une époque récente,
he mot protome était autrefois en usage
dans la langue grecque pour désigner la
partie antérieure du corps des quadrupèdes.
D'oà Suidas nous avertit que l'expression
protome est employée proprement lorsqu'il
s'agit des animaux irraisonnables (2), et cela
est fondé sur une bonne raison dEtymo-
logie ; se formant de la particule xpo , qui
signifie plutôt le devant , et qui convient
aux demi-figures d'animaux, plutôt que
au dessus y comme il faudrait V entendre sii
s'agissait de figures humaines*
En outre que cette acception est beau-
coup plus propre , son antiquité n'est pas
moins certaine, et nous en trouvons la preuve
(0 IIPOTOMH MAPMAPINH , Gruter , paga
CCCCXIV 2.
(1) Suidas 9 L c. MvpiQç dè ì%ì top dÀóyQV Çôqv
I s
dans un passage de la version grecque du
troisième livre des Rois (i) , déjà rapporté
par Stéphanus. Mais les inscriptions athé-
niennes du Parthénon m'en /omissent un
garant plus sûr et plus frappant. Dans
un fragment de lune d'elles publié par
Stuart (i), et qui nest pas moins récente
que celles données par Chandler , même,
comme le démontrent ses caractères, très-
positivement antérieure a la XCIV Olym-
piade, nous tronçons parmi les offrandes
à Minerve le protome, c'est-à-dire la par-
tie antérieure d'un griffon : APTpOS I* PO-
TOME
Quelques-uns de ceux qui nous rappel-
lent la signification que Pollua: et Suidas
attribuent au mot protome (3 J quand elle
se borne à des animaux, n'accueilleront peut-
être pas ï interprétation proposée. Ces gram-
mairiens assurent que protome est dans les
animaux ce que Von appelle dans les hom-
mes la face ou le masque. De sorte qu'il
(1) Liv* III, Regum , chap. X 7 v. 19,
(2) Antiquities of Athens , tom. Il 7 pag. i5.
(3) Pollux, liv. II p § 47? Suidas 7 /. c.
12
ne veut exprimer seulement que la partie
antérieure de la tête ou le museau , et non
pas la portion antérieure du corps de V animal.
En effet les masques simples ou faces de
lions , de taureaux, de béliers sont trèsfré-
quensdans les ornemens sculptés antiques. Je
ne doute pas que V usage commun dans ces
temps moins éloignés où brillèrent ces écri-
vains^ n'eut déjà borné à cette signification le
mot protome , signification adoptée autrefois
par Diodore f ij: cependant je ne suis pas
persuadé qu'elle ait été reçue dans tous les
temps avec une acception aussi bornée ,
et fai plus d'une raison pour m en convain-
cre. D'abord ïusage très-commun dan$ la
plus liante antiquité de représenter la moi-
tié antérieure des animaux seulement, ce
que nous prouvent les plus anciennes mé-
dailles grecques y où Von trouve souvent des
lions , des pégases > des chevaux , des grif-
fons 7 des sangliers , des taureaux , des chè-
vres , des cerfs ? des minolaures a mi-corps
par la partie du devant y enfin tous les ani-
maux qui d'autres fois sont représentés en en-
tier. Cette manière de les figurer rend as-
ti) Lw. 1 , § 96.
sez probable Titsage cTun terme correspon-
dant propre à les désigner. En second lieu,
si l'on observe que le mot protomae employé
dans la version de V écriture sainte, ne peut
pas être interprété par masques , ou têtes
de bœufs (i), encore moins dans les allé-
gories Homériques les protomœ des chiens
de Scylla, qu'en rapprochant les monumens
de tout genite, on ne peut les entendre autre-
ment que pour désigner la moitié antérieure
de ces animaux (i): et qu'enfin Proclus (3 )
en décrivant dans la sphère céleste le pro-
tome du cheval , n'a pas voulu seulement
indiquer la face, mais toute la partie an-
térieure du corps, comme Érathosihènes (4) ,
et le globe Farnêsien nous en donnent une
preuve évidente. Or il ne fut pas difficile
de transporter le sens donné au mot pro-
toma pour les animaux, pour lui faire si-
(1) 77 semble que dans cette version on donne aux
proiomae des veaux yeïpet; , ou les jambes antérieures.
Cependant il parait que le texte hébreu et la vul~
gate entendent autre chose.
(2) fféraclide, ou plutôt Heraclite, Alleg. Homer. ,
dans les opusc. myth. de Gale, page ^gd»
(3) Dans le Trésor de Stéphanus au mot liporo^.
(4) Cathaslherism. 7 ch. 18.
H
gnifìer les bustes des images de Vhomme f
quand on commença à les représenter sous
cette forme de bustes.
Parmi les sculptures en grand nombre de
toute espèce que Pausanias compta dans la
Grèce 9 on a de la peine à en trouver une
ou deux qui fussent des bustes, ce sont celui
de Cérès à Thèbes et celui d'Hercule en Au-
lide. Le savant et exact voyageur ne se
sert pas du mot protoma , qui peut-être de
son temps n avait pas été encore employé
dans ce sens, mais il l'indique par quelque
périphrase qui n'a pas été bien comprise
par les traducteurs (i) , qui se sont per-
(i) Pausanias y Boeotica ou liv. TX , chap. 16,
décrit ainsi un buste de Jupiter qui était à Thèbes :
A^fi^Tpoç §è âyaûfia, o<rov èç crrépvd eonv èv ro
(pavepô. On doit traduire ainsi ce passage: « Le simu-
lacre de Cérès exposé au public est jusqu'à la poi-
trine : et pour cela on doit le ponctuer ainsi dans
le texte ; A^fiiçrpoç uyuXfjba, , ooov h crrèpva , eariv èp
1Q (pavepô , Mais Amaseus Ta traduit de cette fa-
Çon : Dese simulacrum supra pectus dumtaxat in aperto
est. Ni t éditeur , ni le traducteur n'ont compris ce
passage : ê&tb h to (pavepô ( in aperto est ) , s* op-
pose à ce quii dit peu après y que les simulacres de
Bacchus Lisius et de Vénus , sont ( in abscondito ),
et ne peuvent être vus quune fois par an» Quand
i5
mis de substituer dans d autres endroits le
mot buste au mot original ( ) Icon ,
effigie, manquant, comme chacun voit, de
fidélité et de justesse en ces cas (ij. Ce pe-
tit nombre d images en forme de buste que
nous décrit Pausa-mas , n'étaient pas pro-
bablement des plus anciennes.
S'il m'est permis de former des conjectu-
res pour rechercher Vorigine de ces repré-
Pausanias veut donner Vidée d'un simulacre entier ;
mais dont il ne reste de visible qu'une partie quel'*
conque , il se sert de toute autre expression , sans
équivoque , comme on le voit dans d'autres endroits f
et particulièrement lorsqu'il parle du Bacchus de Fi-
galè^ (iiv. FIÌIÌ ckap. 3y ). Un autre buste est ce"
lui d' Fier cule dans le Gymnase d'Elide {livre VI ,
ch. 23): Tlpoo'&'tfov 'HpmeMvç <*%pK h rovç fipïçz
traduit littéralement Herculis vultus humeris tenus.
mais par JLmaseus avec ambiguïté ; sîgnum Herculis
exstans humeris tenus. Il le croit plutôt uh buste d'Her-
cule qu'un simple kermès ou herméracle , parce que
Pausanias a constamment employé d'autres phrases
lorsqu'il a voulu désigner des kermès.
(r) L'auteur du fameux Voyage d'Anaeharsîs (cha-
pitre XXII) compte au nombre des simulacres de
Delphes les bustes d'Homère, et il cite à cet effet
au bas de la page, Pausanias , liv. X , c. 24 y <]u*>
dit seulement eìxóm ^mln^P siri et^ty. Effigie ea
bronze ( d'Homère) sur un cippe.
i6
sentations cVune seule partie , // me senihle
que Von puisse en trouver le commence-
ment dans deux usages éventuels: le pre-
mier qui fut commun aux Grecs et aux
Romains , fut celui qui faisait orner avec
des portraits les boucliers d'honneur ou vo~
tifs. Je trouve le second dans F usage par-
ticulier aux Romains parmi les nobles > de
conserver des portraits en cire.
Dès que Von commença à consacrer dans
les temples les têtes des hommes illustres
ou puissans y ciselées ou peintes dans le
centre (limbo) d'un bouclier, dune petite roue,
cet espace circulaire put contenir outre la
tête une partie des épaules et de la poi-
trine. Telle est la figure de libère sur des
médailles , laquelle était en relief au milieu
d'un bouclier dédié à la Clémence. Telle
était celle de Quintus Cicéron^ dans je ne sais
quelle ville d'Asie , ce qui fit dire à Mar-
cus son frère que Quintus était plus grand
à moitié que tout entier (ij. Pline fait re-
monter ï époque de cet usage aux premiers
temps de la république chez les Romains.
(i) Macrob* , Sat. , liv. II, chap. 3.
*7
// prouve encore que cet usage eut lieu chez
les Carthaginois > et il suppose que chez les
Grecs il était connu depuis beaucoup plus
long-temps ( i ). 77 serait difficile de détermi-
ner à quelle époque s'introduisit chez ce peu*
pie l'usage de faire des portraits en demi-
bustes, à ï instar des images qui étaient sur les
boucliers 9 mais pour en faire une autre espè-
ce d'imitation. Cela ne remonte peut-être pas
au de-là du siècle d'Alexandre , dont fai
vu le buste en profil, armé dune cuirasse,
sur une des médailles d'or de son temps.
On pourrait rapporter en même temps , en
supposant qu'ils sont originaux, les bustes
en camée qui sont parmi les rares onyx
du Musée Impérial de Vienne. Ils repré-
sentent , à ce que je crois, les images des
(i) Pline, liw XXXV y § 3 et 4 > °ù H parle
de la figure tï Asdrubal sur un bouclier consacré
dans le Capitole. Il fut conquis par L. Marcius parmi
les dépouilles d'Asdrubal même. On peut rappeler ,
dans le nombre des plus anciennes images sur des
boucliers , chez les Grecs ? celle de Timomaque le
Thébain 7 qui était ainsi placée 7 et dont les Lacédé-
moniens faisaient parade dans leurs fêtes de Hyacin-
the : Aristote en fait mention dans le scoliaste de Piri*
dare, lsthm. , od. VII, n. ai.
Musée Piç-Clém. Vol. Yh »
rois d'Égypte qui succédèrent au conqué-
rant Macédonien (i). Je ne connais pas d'au-
tres gravures , ou des médailles qui offrent
des bustes , et que Von puisse^ en exami-
nant leur style , ou par tout autre motif, at-
tribuer à des époques antérieures (2). De mê-
(1) Le fameux camée avec deux bustes, appelés
communément Alexandre et Olimp'a , qui était dans
le Musée de la reine Christine , et qui appartient à
présent à M. le Duc de Bracciano , se trouve gravé
dans le Musée Romain, Gem. , n. 18; Vautre a été
publié par M. Echel parmi les pierres du Cabinet Im-
périal , pL X. Je ne parlerai point ici des bustes d' A-
lexandre et de Phocion gravés en camée, qui por-
tent le nom de Pirgotelès, Les aniquaires convien-
nent suffisamment que ces noms sont apocryphes , et
M. Bracci doute encore de {antiquité de tout le tra*
va il ì et il en apporte des motifs assez intéressans. Com-
mentario degli antichi Incis. , tome II , tav* 98 et 99.
(2) Cependant le plus ancien buste en bas-relief ,,
et qui, si on p'ut le conjecturer par le style , est an-
térieur au temps d Alexandre , cest celui modelé sur
une terre cuite fort rare qui a été trouvée avec une
autre à Porciliano sur les bords Laurentins , dans les
fouilles qu'y fit faire mon illustre mécène le prince
Chigi. On peut en voir le dessin dans les Notizie de
M. Guattani , année 17^4? février, pL II L II y a
une si petite partie de la poitrine^ qu au premier coup-
d'œil il paraît plutôt une simple tête quun buste.
Si Von fait attention au grandiose de ces ouvrages
*9
me que je ne connais pas de bustes en ronde
bosse qui puissent remonter , d'une ma-
nière certaine 9 avant le temps de la mo-
narchie romaine 5 car, selon moi, on ne peut
objecter avec avantage le mot protome
dans un passage obscur, et peut-être altéré,
d'Orapollo ou le prétendu simulacre
de Junon , sous la forme d'un buste (2), dans
en terre cuite , on ne peut douter que ce ne soit un
travail grec excellent , fait par de très-anciens ar-
tistes , et ils n étaient pas différens de ceux que Pline
nous assure avoir vu détacher de dessus les murs de
temples anciens^ et qu on fit encadrer à raison du mé-
rite de Vart qui les distinguait (livre XXX K y
§ XLVJ.
(1) HiérogL, /. 11 y ch. 19: UpOTOpi? avp ^a^aApq*
ypa(pO{iévi? dwaiór^re ùffoof. Un buste avec une
épée indique l'impiété. Le génitif qui attachait à quel-
que sujet le mot général protome > manque peut -être
Ç probablement à quelque animal ).
(2) M. Vab. Lanzi y Saggio di lingua etrusca , etc.,
tome II y p. 212, décrivant cette patere sur laquelle
sont représentés Pelias et Nélée y ajoute : Devant eux
est un protome de Déesse; et à la page 2i4ï Pas-
seri reconnaît Junon dans ce protome. Néanmoins
Passeri , tome II 1 , du Musée Etrusque de Gori dans
la dernière Dissertation y page 82, y reconnaît plu?
tôt Sidéras et non Junon \ ce que je n ai pas fait
observer dans V explication que je donne de cette pa-
tere à la planche A ? n. 3 ? suppL 7 parce que je suis
30
les sgrafi t ti dune fameuse patere étrusque
enrichie d'épigraphes grecques , et représen-
tant un fait des temps héroïques: f aurai
occasion de parler de cette patere très-am-
plement à la fin de ce volume.
Si quelqu'un, s* appuyant sur les demi figu-
res des Fortunes Anziatines gravées sur les
médailles de la famille Rustia , prétendait en
établir ïantériorité des bustes dans les arts
d'Italie y il devrait réfléchir que cette demi-
figure ayant des bras et des mains > il reste
indécis si les simulacres latins de la Déesse
étaient dans Voriginal en forme de bustes
ou bien d'Hermès féminins avec la moitié
de la partie supérieure de la figure.
C'est <T après V origine que nous avons in-
diquée que les bustes antiques en relief gar-
implicitement ce qui en a été dit dans Z'Essai cité*
D'ailleurs ï antiquité de semblables patères n'est pas
dans le cas de contredire ce que fai mis en avant
jusquici9 quoiqu'on y trouve représentés des bustes.
Mais alors la protome d'une divinité dans un évé-
nement héroïque paraîtrait devoir faire supposer fo-
pinion qui assignerait une certaine antiquité plus re-
culée à ces sortes d'images) quand même on ne vou-
drait pas regarder cela comme une espèce de prole-
pse.
31
dent leur terminaison en forme d'arc cir-
culaire par le bas, forme qui donne delà
grâce aux sculptures de ce genre y quand
au contraire rien de plus lourd que ces bus*
tes modernes coupés par le bas horizontale*
ment y tels que nous envoyons tant d'exem-
ples dans les images sacrées et sur les tom-
beaux , effet d un amour peu réfléchi pour
imaginer du nouveau (i).
Pour revenir à la seconde origine des
bustes dont fai donné Vidée ci-dessus , je
crois qu'elle a plus particulièrement produit
leur usage fréquent et si général chez les
Romains: je veux parler des portraits, ap-
pelés de leurs ancêtres , que les familles no-
bles de Rome avaient le privilège de con-
server et d'exposer aux yeux du public
d'une façon particulière. Le mot vultus dont
on se servait pour les désigner (2), nous fait
voir que ces images ne représentaient pas
(1) Ces deux façons de couper le bas de sa fi-
gure sont également naturelles. L'une suppose que
ï original est appuyé sur une fenêtre ovale ou circu-
laire : Vautre, quii est sur une fenêtre rectangulaire ,
ce qui est encore plus commun , mais ces deux ma-
nières ne sont pas les mêmes pour ï élégance.
(2) Pline y liw XXX F, § 11.
32
la personne en entier. La connaissance que
nous donne Polibe des habits et des orne-
mens dont on les revêtait dans des occasions
solemneïles , nous apprend assez clairement
que ce n'était pas de simples têtes ou des
kermès (ij. Ce devait donc être probable-
ment des bustes en cire, de ronde bosse y
peints ensuite comme la nature ? quelque-
fois couverts de draperies , et qui étaient
placés dans des armoires sous les vesti-
bules ou portiques des palais. De là vint, à
ce quii paraît , Tusage des bustes en relief
si général chez les Romains ? et des ima-
ges des hommes célèbres , et des bienfaiteurs
que ton conservait dans les maisons des par-
ticuliers communs (i J , de celles que les ci-
toyens dédiaient dans les temples ( 3J , et
(0 Èw. VI , § 5i.
(2) De même que ce vultus dEpicure que les Ro-
mains, ses sectateurs, transportaient d appartement en
appartement ; de même ces images de Titus dans les
provinces 7 et de M. Aurele à Rome } on regardait
comme un sacrilège , selon la phrase de Capitolinus
(in M. Àurei., 18), si on ne les avait pas chez soi y
qui per fortunam vel potuit habere , vel debuit. Ces
drt lier es paroles prouvent qu on parle d images scul-
ptées soit en bronze , soit en marbre.
(3) Tels sont les bustes que Von voit dans les mains
23
enfin de celles qiiïls placèrent sur les tom-
beaux. Comme elles occasionnaient moins
de dépense que des statues entières 9 on
les introduisit peu à peu pour représen-
ter les images sacrées des Dieux > et le
plus fréquemment pour les divinités É-
gyptiennes > dont le culte fut précisément
très-répandu à cette époque dans V empire
romain (i).
Ce nouveau genre d'images s^étant intro-
duit dans la sculpture et dans Tart du sta-
tuaire et du modeleur, les langues qui étaient
arrivées à leur perfection, et fixées par tant
d écrivains , ne se servirent plus de termes
nouveaux pour indiquer ces ouvrages* Les
Latins , dans le meilleur temps, comme dans
de quelques figures y sur un bas-relief de la ville Al-
bani ( Marini , Iscrizioni Albane, n. CV.)i dans cel-
les d'une statue en pied qui est au palais Barberini ;
à une autre y assise, appartenant à la maison Ron-
danini; cette dernière pouvait appartenir à quelque
tombeau.
(i) Delà les bustes de S ér apis et d' Isis , dont quel-
ques-uns sont publiés dans ce volume. On peut aussi
donner à cette époque le beau buste du Soleil qui a
été acheté dans la Grèce par le chevalier Zuliani. Ce
fut en effet à cette époque que le culte du Soleil fut
plus général) comme nous l'avons démontré ailleurs.
ceux qui se corrompaient déjà, se plurent
à les designer par le mot vultus, quoi-
que impropre, et convenant mieux pour signi-
fier un masque ( i J. Il semble en outre qu'on
les appelait plus communément thoraces et
thoracides. Postérieurement on les désigna
encore par d autres mots , quelques-uns
plus généraux , d'autres tenant du grec ,
et enfin quelques-uns corrompus , lesquels
ne signifiaient le plus souvent que des bus-
tes en bas -relief. Tels furent ces mots eli-
peus , discus , cyclus , strongyle , thoracleta,
scutarium , et par plus de corruption sur-
tarium, imssorium, ainsi que d'autres* que
le savant Salmasius a recherché et décou-
vert avec beaucoup de soin et d'érudition,
et expliqué dans différens endroits (2,). Les
Grecs, comme nous l'avons vu, firent pren-
dre ce sens h leur mot protome, qui de-
vint propre par la suite y et dans un âge
(1) V. pour les exemples les lexiques et les glos-
saires.
(2) Salmasius 9 ad Solinum, pag* 610, édition»
Trajecti , 1689 ; et ad Trebel. Poil. , et Claud. Goth. 3 ;
Du-Cangey Glossarium med. et inf. Latinit., aux mots
cités.
q5
plus récent ils lui substituèrent V expression
plus particulière de l^4pm (\) ( Stheta-
rium ) y que Von peut traduire par image
avec la poitrine seule: cette expression^ et
par elle-même et par V usage qu'on en fit,resta
indéterminée pour signifier tant les bustes
en plein reliefs que ceux qui étaient atta-
chés sur quelque surface y soit que ceux-
ci fussent ciselés ou peints.
Ceux qui ont recherché les racines de
notre langue trouvent Vétymologie du mot
busto (buste ) , dans les langues du Nord (2) ;
il leur paraît que le mot teutonique brust
( poitrine ) y qui répond au mot anglais
breast , est la véritable source de V exprès
sion dont il est question y comme voulant
exprimer une figure y compris la poitrine 9
et correspondant par cette raison infini-
ment avec le grec ^^rdpiov. Quelque vrai-
semblance que puisse avoir une telle ori-
gine, je n'en ai cependant trouvé aucune
trace dans les écrits de la basse et la plus
(1} Du-Cange7 Glossarium iufimac Graecitatis, Vi
(2) Ménage y Origini della lingua italiana, au mot
Buste.
26
mediocre latinité, doit Von puisse tirer des
probabilités sur V admission faite en ce cas
d'une langue dans Vautre ; et dans les glos-
saires on ne trouve aucun mot qui ait quel-
que ressemblance à celui de buste > ni qui
annonce par sa signification quelque dé-
rivé de cette racine teutoni que dont il vient
d'être parlé. Je désire proposer une autre
étymologie , parce quii ne me semble en
aucune manière probable que > tandis que
V Italie était remplie d images en forme de
bustes , une partie reste des arts et des
usages antérieurs, et partie objets actuels du
culte religieux, on eût attendu que les peu-
ples barbares lui enseignassent comment on
devait appeler ces images. Je crois plutôt
que ces sculptures formées jusqu'à la poi~
trine ayant été employées ordinairement à
V époque de la décadence de V empire, tant
en ronde bosse , qu'en bas-relief sur les mo-
numens sépulcraux , la désignation de bus-
tes (i ) a prévalu dans le moyen âge pour
signifier cette espèce de monumens , et que
les images eurent ; le même nom. De même
{v) Du-Cange 9 v. Bustum.
^7
aussi les figures des Martyrs Chrétiens que
les écrivains du temps appelaient encore
les thoraces, et que Von vénérait dans leurs
bustes, ou sépulcres qui renfermaient leurs
corps. Alors buste ou thorax devinrent sy-
nonimes dans la langue , et le premier mot
fut pris pour le second, non-seulement lors-
qu'il s'agit de parler du portrait , mais
même lorsqu'on voulut désigner cette par-
tie du corps humain. Comme quelque temps
avant les termes de clipeus , discus , mis-
sorius, indiquèrent non-seulement le bou-
clier ou le plateau , mais encore l'image
qu'on représentait dessus dans le riiilieu y
de même on distingue par le nom de buste
cette espèce de portrait que Von trouvait pl us
communément dans les monumens funèbres ,
et où le respect que Von portait à la sépul-
ture les avait fait épargner pendant plus
long-temps , et leur avait donné le moyen
de survivre aux effigies des empereurs et
des grands, qui à V époque de la subversion
de l'empire, de celle de ses divinités, lors du
changement de la religion, furent abattues
et brisées.
Il n'est pas un de ceux qui s'occupent
un peu des choses antiques qui ignore que
les bustes furent employés en grande quan-
tité sur les sépulcres. Les sarcophages > les
urnes cinéraires , les cippes , avec le buste
des défunts en bas-relief sont très-connus.
On trouve aussi grand nombre de bustes
inconnus en relief entier , dans les décou-
vertes qui se font sans cesse de sépulcres
romains y quelques-uns avec des épigraphes
qui ne font qu'assurer leur destination (i).
Tai pensé que toutes ces choses méri-
taient d'être exposées , pour plus grande in-
telligence y h ceux qui voudront feuilleter
les gravures et leurs explications , de la
précieuse collection de ce genre qui fait
la matière de ce volume ; d'autant plus que
les écrivains sur les antiquités et les artSj
n'ont pas traité ce sujet , et n'ont rien dit
de semblable.
(\) V. 7 par exemple , dans le Musée Capitolili %
dans la pièce ditte Miscellanea, à l'épigraphe écrite sur
son piédestal qui est d'un seul morceau:
MEMORIAE
T. FLAVI • EVCARPI
AVONGVLI • C. IVLI • EVROTIS
*9
Les monumens que nous offrons peuvent
être distribués en trois sections ou classes
principales. La première renferme les têtes
et les bustes des Divinités, ou des sujets
appartenant à la mythologie ; au nombre
de ceux-ci y excepté six, qui ont été des
bustes dans V antique , les autres sont des
kermès, ou furent des têtes et un autre genre
de simulacres que depuis on a façonnés
en forme de bustes. La seconde contient
les hommes illustres } ou pour mieux dire
les portraits grecs , et ceux-ci sont la plu-
part en forme d'hermès. La dernière est
celle des portraits romains , presque tous
des empereurs ; et celle-ci contient plus
que les autres de véritables bustes, parce
que ces sortes d'images furent plus fré-
quemment et plus généralement en usage
à cette époque.
En expliquant ces monumens je n'ai pas
entrepris de répéter V histoire des empe«<
reurs , ni celle de la littérature grecque ;
je me mis attaché à examiner les parti-
cularités du marbre que fai eu sous les
jeux , fai indiqué les anecdotes biogra-
phiques, mais autant qu'elles pouvaient ser-
3o
vir à porter du jour sur quelque circon-
stance particulière à l'image même. Tai
fait remarquer les différences entre V anti-
que et le moderne > et même les restau-
rations antiques, et je Vai fait avec la même
fidélité et exactitude dont j'ai fait profes-
sion dans les volumes précédens*
3i
D U
MUSÉE PIE-CLE M ENTI K
PLANCHE I.
Jupiter *.
Cette tête colossale, noble, du roi des Dieux pro-
vient des fouilles, de la colonie d'Otriculum. Ainsi
la munificence de Rome ■ se répandait jusques dans
les plus petites villes, et partout laissait des ves-
tiges de sa splendeur. Le Dieu tutélaire du Ca-
pitole devait exiger un culte plus solemnel que tout
autre dans les colonies romaines ; et ce fut pour
cela qu'on lui consacra plus qu'à toute autre di-
vinité des simulacres colossaux ( i ). Mais de toutes
* Hateur avec son piédouche , quatre palmes et demie.
Il est en marbre de nos contre'es. On Ta découvert à
Otricoli dans les grandes excavations que le pontife y fit
exécuter.
(i) Pausanias , Attica, ou liv. T; ch. XVI H ) Eliac. I,
ou liv. V, ch. XI, XXUI, XXIV 5 Pline, Hist. nat. ?
liv. XXXIV , $ XVilL
32
les effìges de Jupiter qui nous sont restées , celle*
ci est la plus grande dans ses dimensions. La va-
leur de la matière aura été la cause que tant d'au-
tres, et si belles, que les anciens avaient élevées
et dédiées dans les temples de ce maître de l'Olym-
pe, ont été perdues.
On peut croire que les traits sous lesquels nous
voyons ordinairement Jupiter représenté sur les mo-
numens romains , sont une imitation des statues les
plus remarquables de ce Dieu, qui étaient exposées
dans Rome à la vénération publique. Peut-être que
le Jupiter en ivoire de Pasitèles, ou celui en bronze
de Sténide , le premier placé dans le temple bâti
par Métellus, le second dans celui de la Concorde,
étaient les originaux que voulaient suivre les artistes ( i )*
Ceux-ci avaient peut-être eux-mêmes donné à leur fi-
gure les traits qui avaient été inventés par d'anciens
sculpteurs, et admirés dans toute la Grèce. Il est ais é
de remarquer que les médailles de la Grèce mère,
et celles de l'Asie , de même que d'autres battues
ou dans l'Italie ou dans la Sicile et en Egypte,
nous offrent souvent des têtes d'une beauté sur*
(i) Pline, liv. XXXIV, § XrX , n. 33. Sténide était
postérieur à Lvsippe et à Praxitèle. L'art avait donc déjà
de son temps acquis toutes ses grâces. Pasitèles fut aussi
un des artistes grecs le plus admiré à Rome pour ses ou-
vrages d'art et pour ses écrits. Pline parle } liv. XXXV,
§ 4 ; n» l9> de son Jupiter en ivoire qui fut fait exprès
pour être placé dans le temple que Métellus le Macédo-
nien fit élever, en le faisant rivaliser avec les plus fa-
meux de la Grèce,
35
prenante > auxquelles on ne pourrait facilement
appliquer tous ces caractères que Winckelmann a
regardé comme presque les seuls propres et distin-
ctifs de la physionomie du Grand Dieu (i). Je ne
crois donc pas que ces formes, si généralement
adoptées et consacrées par l'usage , ayent été imi-
tées constamment d'après un original de l'art plus
antique. On s'éloignerait moins de la vérité en for-
mant la conjecture que le Jupiter Olympien de
Phidias, si célèbre dans l'antiquité, a peu à peu
(i) Winckelmann, Hist. de V art 7 etc., liv. V, ch. i y
§ 27 au 53. Le Jupiter Eleuthere , sur les me'dailles de
Syracuse, d'un beau travail; a la barbe si longue, qu'il
est très-différent des images ordinaires de ce Dieu. Le
très-beau Jupiter des grandes médailles des Ptolomées a les
cheveux si hérissés , qu'on devrait plutôt le prendre, dit
Winckelmann, pour un Pluton ; mais l'aigle et le foudre
gravés sur le revers déterminent le sujet. Le Jupiter
Hellenius est tout-à-fait sans barbe , etc. Tant il est dif-
ficile d'assigner certaines règles auxquelles n'ont jamais
pu s'assujettir uniformément ces artistes anciens vivans à
des époques si différentes , dans des pays si éloignés ,
sortis d'écoles qui ne se communiquaient pas , et ayant
pour guides des traditions et des superstitions si variées*
Parmi les monumens qui existent à présent , le Jupiter
des candélabres de ce Musée (tòme IV, pl. II), celui
de l'autel Capitolili, et tant d'autres, ont la barbe lon-
gue et presque pointue , la chevelure bien soignée et for^
mée en tresses. Il y a dans la collection des pierres gra-
vées du Vatican un superbe niccolo sur lequel Jupiter
est représenté avec une physionomie extrêmement ma-
jestueuse, mais cependant avec une disposition diffé-
rente de l'ordinaire dans la barbe et les cheveux.
Musée Pie-Clém, Vol. Yt 5
34
été imîté par les artistes postérieurs qui l'admiraient,
de manière qu'ils se sont persuadés que ce serait
un crime de s'en éloigner (i).
(i) Je fonde ma conjecture en partie sur la tête de
Jupiter grave'e sur les médailles d'Elide , en partie sur
celle d'une autre médaille, dont je parlerai- bientôt. Les
médailles d'Elide ne sont pas connues dans les collections,
parce que les écrivains de Numismatique ne se sont ja-
mais aperçus que les médailles avec l'épigraphe FA-
AEIÛ'N, qu'on a vulgairement attribuées aux Falisques,
appartiennent aux habitans de l'Elide ; dont elles por-
tent le nom dans leur propre dialecte, et dont elles nous
présentent les divinités principales , Jupiter et Junon.
Sans relever les autres difficultés qui naîtraient en les
attribuant aux Falisques Etrusques , les notices des an-
tiquaires expérimentés, confirmées par les observations de
M. Sestini (Lettere numism. fi tome II 7 lett. io), an-
noncent que ces médailles viennent du Péloponnèse et non
d'ailleurs. Que le H du nom des Eliens HAEIûN se
changeât en A , AAEIûN cela est certain à cause de
leur dorisme , qui nous est démontré non-seulement parce
qu'ils provenaient de la colonie dorique d'Oxylos 7 très-
connue dans l'histoire des Héraclides, mais encore par
des exemples particuliers que nous offrent les écrivains;
comme le T^OiVEQ pour Tjfjveç , nom qu'ils donnaient anx
Jovi ( c'est-à-dire aux images de ce Dieu ) qui étaient
consacrés dans Y Alti ( Pausanias , V, ch. 3). I/aspira-
tion jointe au commencement est aussi particulière au
dorisme, et on remarquait quelquefois sur les médailles
la paléographie la plus ancienne. Les tables d'Héraclée
en offrent des preuves ultérieures ; elles sont écrites en
vieux dorique, ayant souvent le digamma, ou le vau ?
ou le beth , qui reviennent au même, devant des voyel-
les communément non aspirées ( comme FiAIOS , F El-
KATI , pour ï$ioç,eheO(n)i et les mots latins vinum e
55
I/air serein qui brille sur cette figure tranquille
de notre Jupiter est bien convenable pour ce Dieu,
meus évidemment dérives de oÎvoç et oiKOÇ (voyez Ma-
zoechi , ad ileg. Tab. Heracl. , page 28 et suiv. , spéciale-
ment dans les noies). Outre cela, le dialecte des Eîiens
se distinguait par ces aspirations , comme le prouve le
mot BAAT ou FAAï , au lieu de HAT comme ils le
prononçaient , dans lequel même l'H est transformé en À
(Pausanias , même endr., ch. 21). Enfin la grande quan-
tité de médailles de la ligue Achéenne, où l'abbrevia-
tion FA se voit également employée comme dans
les médailles attribuées mal à propos aux Faiisques , et
jointe au monogramme des Achéens ( Combe, Catal. Mus.
Hunter. , pag. 5 et 6) , lève tout doute, à ce qu'il me
Semble, sur cette observation numismatique. La Junoa
qui se trouve souvent empreinte sur ces médailles , ne
peut en aucune façon s'opposer à cette opinion ; et il n'est
pas nécessaire de recourir aux figures de Junon de Fa-
lisque pour l'expliquer , parce que Junon fut aussi vé-
nérée dans l'Elide , où son temple rivalisait avec celui de
Jupiter Olympien, elle avait ses jeux d'Herœum , et beau-
coup d'autres institutions établies en son honneur que
l'on peut voir en détail dans Pausanias lui-même.
Pour revenir à notre sujet , non-seulement la tête de
Jupiter sur les médailles FAAEIûN , Eleorum, a la dis-
position de barbe et des cheveux semblable à celle que
nous voyons ordinairement dans ses effigies, mais on la
voit coiffée de même sur une belle médaille du Musée
d'Hunter, frappée en Arcadie, quand ses peuples firent
la conquête de l'Elide, et célébrèrent la CIV Olympiade
(Pausanias, Eliac. Il , ou liv. ^1 > ch. XXII ) que l'on
appela depuis Anolimpiade 7 et qu'on effaça des fastes
Olympiques. Cette médaille est produite dans la plan-
che \7U, n. 4 du Catalogue cité, et elle porte empreinte
la tête; vue en profil, de Jupiter Olympien avant une cou-
56
dont un sourire rendait les saisons douces et rian-
tes (i), et que l'on distingue même des autres
Dieux par l'épithète de Bienfaisant (2). A coup
sur cette physionomie aura été différente dans ces
simulacres , qui le représentaient ou comme ven-
geur , ou comme Maître du Tonnère , ou comme
'Opmoç (Orcius) c'est-à-dire vengeur du serment (3).
ronne d'olivier, et dont les traits ont beaucoup d'analo-
gie avec ceux de la nôtre. Le revers fait voir à l'ordi-
naire Pan assis sur les rochers du Ménalus , avec le mo-
nografie d'usage des Àrcadiens 5 mais on lit inscrit en
petits caractères , sur la pierre où. est assis le Dieu , le
mot OAïMIl- épigraphe que le graveur a fidèlement
recopiée, et que M. Combe n'a pas aperçue. Or de cette
médaille et du profil pareil à celui qui est sur les mé-
dailles de l'Elide, je fixe le temps et le motif de cerare
monument numismatique; et je conjecture aussi qu'on
y a réprésenté le Jupiter Olympien si fameux , ouvrage
de Phidias antérieur à cette époque.
(1) Juppiter hic rîsît , Tempestatesque serenœ
Riserunt omîtes risu Jovis omnipotentis.
Ennius dans Servius , ad Aen. , I, v. 255.
(2) MsiMftlOÇ, v. Pausan. ; liv. II, ch. 28 et ailleurs.
(3) Pausanias , Eliac. I , ou liv. V, c. 24.- 'Q fa sv va
êç ekk7ìyi\w adïnov âvdpiïv &exoì?itcu. ê7tt.9e^(riç
[lèv 'Opmôç èatiV dvrâ ; « Ce Jupiter qui est dans le
« conseil est celui de tous les simulacres de ce Dieu le
« plus propre à effrayer les méchans. Son surnom est Hor-
« cius, comme si on disait le Jupiter des Juremens, etc. »
Ce passage fait supposer que les anciens connaissaient
d'autres images terribles de Jupiter: ce ne sera donc pas
une particularité invariable de sa physionomie que le re-
gard constamment serein que "Wiuckelmann lui attribue.
PLANCHE IL
37
Saturne \
Cette physionomie majestueuse, dont les traits n'an-
noncent pas un portrait , cette draperie > pallium^
qui l'enveloppe, ce voile, cette tête d'une proportion
au-dessus du naturel, qui a peut être appartenu
à une statue , et que la planche représente , me
font croire que c'est une effigie de Saturne , au-
quel conviennent ces formes , et dont la distinction
* Il a trois palmes deux onces de haut , et sculpté
en marbre grec dur. On Tacheta par ordre de S. M. Clé-
ment XIV du sculpteur Bartolomeo Cavaceppi ; qui avait
fait de cette tête mutilée un hermès tel qu'on le voit à
présent. Il pensa peut-être que c'était le portrait de quel-
que homme illustrefc En effet on voit Euclide de Mégare,
le fondateur de l'école Eristique, représenté de même 7 se-
lon quelques-uns ? sur les médailles de Mégare , ayant
la tête couverte d'un petit voile ( Gronov. ; Thes. antm
Gr. ? tome II 7 page 82 ). Mais quoiqu'on pense de la
probabilité pour ce portrait ? les traits exprimés sur ce
marbre ont plus de grandiose ; d'idéal qu'il ne peut con-
venir à un portrait ; et le manteau qui lui couvre la tête
est beaucoup plus ample que ce paltiolum dont se ser-
vaient les Grecs pour se voiler, et dont nous avons parlé
à propos d'un autre sujet (voyez les notes de la planche
XIX dans notre troisième tome 7 ou Ton fait quelques re-
marques sur d'autres particularités de la tête de Saturne
voilée ).
58
particulière est d'avoir la tête couverte de son
manteau (i).
Un des plus beaux monumens qui nous repré-
sente cette ancienne divinité, spécialement protec-
trice du Latium, c'est l'autel du Musée Capitolili, où
l'artiste l'a exprimée dans le moment que Rhée lui
offre ci dévorer, à la place du jeune Jupiter, une pier-
re emmaillotée, que les grammairiens appellent Aba-
dir (2). Dans ce bas-relief on remarque le geste
du Dieu qui soulève, un peu au-dessus de ses yeux,
son voile avec la main gauche. Cette attitude est
précisément répétée sur une pierre gravée de la col-
lection de Stosch (5) ; et ce qui est plus singu-
lier, c'est que la même se trouve dans le simu-
(1) Albricus, de Deor. im.9 c. 1 5 Fulgence ; Mythol.y
liv. 1 , c. ïi. On le voit cependant sur des monnoies
romaines avec la tête découverte, ceint seulement d'une
couronne ou diadème. Il a quelquefois pour symbole la
faux, qui fait allusion à l'agriculture qu'il introduisit en
Italie. D'autresfois il a une épe'e à crochet ; appelée Harpe
par Hésiode (Théog. , v. 176), précisément de la même
forme qu'a l'épée de Mercure , ou celle de Persée sur les
jnédailles grecques, et qu'à cause de cette forme on ap-
pelle aussi Harpe* Les commentateurs l'ont prise pour une
fourche à deux pointes 7 et ont pris pour un Pluton;ce
qui était un Saturne (Thés. fanti* Morel. , Memmia , Ne-
ria ). Winckelmann indique encore d'autres images de
Saturne, également voilées ; dans sa Description des pier-
res gravées de Stosch , classe II, sect. 1.
(1) Musée Capitoliti } tome IV , pl.Vj Prîscien ; liv. Vj
Hésychius l'appelle en grec (3ahv?uOi>.
(5) Winctelmann; Cabinet de Stosch. ; cl. II , n. 5.
59
lacre de Saturne unique qui nous reste, en grande
partie mutilé , et couché , sans être connu , dans
la cour des Massimi. Il était peint dans le tombeau
des Nasons, aussi voilé , assis , dans la même atti-
tude, et au moment où il reçoit dans les Des For-
tunées, qui étaient son royaume , et le séjour heu-
reux destiné aux justes , une ame que lui conduit
Mercure (i). Bellori y reconnaît tout autre sujet-
La rareté des images de Saturne rend ce mar-
bre très-précieux, d'autant plus qu'il est d'une di-
mension plus grande que toutes les figures qui nous
représentent ce roi de l'âge d'or. S'il n'est pas
extrêmement conservé , et d'un travail très-fini , on
peut y voir cependant un style grandiose qui an-
nonce un sculpteur d'un talent peu ordinaire.
Parmi toutes les causes qui ont déterminé les
théologiens du paganisme à couvrir ainsi de son
manteau la tête de Saturne , je crois celle de l'al-
légorie assez convenable pour cet objet -7 car elle
(i) Sépulcre des Nasons , pl. VIII. Ici aussi Saturne a
été métamorphosé en un Pluton par l'écrivain. Mais la
tête voilée et le geste de la main le font reconnaître pour
Saturne. Il régnait en effet dans les Iles Fortunées , sur
les ames des bienheureux , comme l'atteste d'une façon
brillante Pindare (Olymp., od. Il, v. 127 , i38etsuiv.),
ce qui est répété par l'auteur de l'inscription de Regilla^
que Ton conservait dans la villa Pinciana, à propos de
quoi Salmasius, dans son docte commentaire sur ces in-r
scriptions, s'étonne de cette particularité , et fait voir évi-
demment qu'il n'avait pas eu alors présent à l'esprit les
vers de Pindare que je viens de citer.
nous indique l'obscurité et les ténèbres dont est
enveloppée l'origine de notre monde personnifiée
par Saturne.
Minerve *•
Ce buste nous offre tant dans les formes du vi-
sage , que dans sa draperie et dans l'ajustement
de l'égide , un style grand que Fobservateur admire.
On connaît si bien à présent Minerve et son ar-
mure , qu'il serait inutile d'en faire l'explication.
Cependant je ne crois pas moins faire plaisir à
ceux qui occupent leurs loisirs par l'étude agréa-
ble des antiquités , en leur donnant dans la note
ci-jointe l'examen d'une tradition mythologique sur,
l'égide de Minerve , laquelle , outre qu'elle n'est
pas ordinaire , peut être sujette à différentes inter-
prétations ( i ). Les griffons , animaux guerriers , qui
* Sa hauteur avec le pie'douche est de quatre palmes,
sept onces > il est de marbre pentélique. On l'avait placé
autrefois dans le château S. Ange 7 d'où on Ta trans-
féré au Musée par ordre de S. S.
(») Cette tradition se lit dans les scolies de Tzetze sur
Y Alexandra de Licophron 7 v. 355. Ce grammairien sup-
pose que Pallas était une Nymphe de la Lybie ? diffé-
rente de Minerve , tradition rapportée encore par Apol-
lodore ( liv. Ili ; ch. ia , n. 5)) et que Minerve 1 ayant
tuée dans un combat singulier entrepris par défi, la
Déesse en eut un lei chagrin ? qu'elle honora sa mémoire
sont sculptés sur son casque, et les têtes de bé-
lier qui en ornent la visière , grondaia , se voyent
et son effigie, en plaçant celle-ci près de Jupiter, dans
le ciel, et en ornant sa poitrine de cette égide qui avait
e'té la cause de la mort de cette infortunée : ce simula-
cre de Pallas devint ensuite le Palladium de Troye. Voici
les propres paroles de Tzetze : 'A«3^<x dè ïïep'ÛwjCOÇ
lis âvrri ( ïiahhâfo âtioSavovorfi ) yevoybèvri, \òa>-
vov eneforiQ ofxoiov narao'Kevdo'ao'a , TtepiéSero roïç
erèpvoiç ò JLeyvm? afoiiïà , nai eTifia idpvaaybhri
vtapà to Au\ que je traduis ainsi en latin : Minerva
e jus caussa trislis ( Palladis nempe mortucte ) ligneo illius
simulacro elaborato , pectori ejusdem circumdedit id quod
vocant aegida} simulacrumque ipsum honore habitum juxta
lovem locavit', après quoi il continue l'histoire de ce si-
mulacre qui fut le Palladium. Aujourd'hui M. Heyne, sa-
vant éclairé, qui honore l'Allemagne, est d'avis qu'on doit
donner un sens différent à ce passage. Il croit que ces
mots signifient plutôt, que Minerve avait formé le simu-
lacre de Pallas, qu'elle l'avait suspendu sur sa poitrine,
qu'elle lui avait donné le nom d'Egide, et qu'elle s'était
assise à côté de Jupiter avec cette distinction particu-
lière ( notes sur Apollod. , 1. c. ). Or le fondement d'une
interprétation si singulière n'est que de considérer que
Ylâpvcra^iévij , parole moyenne, paraît plutôt naturelle-
ment signifier quae seipsarn locat } qtie quae aliquid lo-
cai. Mais si cet illustre littérateur réfléchissait que les
écrivains les moins anciens se sont tenus éloignés de
cette rigidité grammaticale qu'il suppose ; qu'Apollonius
de Rhodes, auteur bien plus exact, a cependant employé
l'aoriste moyen l^piffao^ai dans un sens purement actif
{Argon. } liv. I, v. 959); que le récit d'Apollodore con-
firme trop ouvertement la première interprétation , et
qu'il faudrait trop l'altérer ou lui faire effort pour en
tirer la seconde } et qu'enfin le sujet même du discours
42
aussi sur les casques de Mars. Ainsi on pourrait
encore soupçonner que ce buste représenterait plu-
tôt Rome (i).
exclut tout-à-fait son explication, puisqu'il ne s'agit pas
de nous apprendre ce qu'était l'égide , et si Minerve la
portait ou non quand elle s'assit aux côte's de Jupiter,
mais seulement de raconter quelle fut l'origine du Pal-
ladium, lequel e'tait un simulacre en bois de Pallas orné
de l'égide, placé dans le ciel en grand honneur près du
trône de Jupiter, et qui fut ensuite précipité sur Troyej
il me semble que l'écrivain ingénieux et justement ré-
nomé pourrait changer d'opinion sur cette petite parti-
cularité de sa vaste érudition en mythologie.
(i) De semblables emblèmes se voyent dans les bas-
reliefs des candélabres sur le casque de Mars •> on les
remarque encore dans la superbe statue du Dieu de la
guerre, que vulgairement on appelle Pyrrhus, placée
dans le Musée Capitolin. Mais comme ce sont cependant
des images simplement relatives à la guerre , les griffons
à cause des combats qu'on supposait qu'ils avaient li-
yrés aux Àrimaspes , les béliers à cause des machi-
nes qui portent ce nom , dont on se servait dans les
sièges des villes , on ne peut les appliquer à Minerve.
Quand on a voulu éviter tout équivoque entre Rome
et Minerve , on a placé sur le casque de la première
l'image de la louve , comme dans la belle tête de la
villa Pinciana, où on l'a vctue en Amazone avec une
épaule nue, ce qu'on n'a jamais fait pour la Déesse
tutelaire d'Athènes.
PLANCHE III.
45
§ h
Mercure avec le pétase *.
Le messager des Dieux avait dans ses vêtemens
tout ce qui était particulièrement nécessaire aux
voyageurs ; de ce nombre était le pétase ou cha-
peau , qui n'était pas ordinairement en usage parmi
les hommes qui, chez les anciens, menaient la vie de
simples citoyens ou de guerriers , à moins qu'ils
n'en eussent besoin en voyageant ou en chassant,
pour se garantir de la pluie ou du soleil, et c'est
sous ce dernier rapport que Ton appela cette coif-
fure causict. Sans citer beaucoup d'exemples , on
voit Méléagre en chasseur sur les médailles d'Eto-
lie des Aniens , Thésée en voyageur sur un vase
de terre cuite , où il est peint tuant le PitiocamptCi
tous deux ont leurs chapeaux attachés à leur cou
et rejetés par derrière sur leurs épaules (1), C'est
ainsi que Mercure porte le sien, dans ce bas-relief, où
* Hauteur de tout Thermes deux palmes, deux onces j
la tête seule reste de l'antique ; elle est de marbre grec.
(1) Winckelmann, Mon. inéd. ; num. 98. Le chapeau
était si un usage pour les voyageurs 7 que dans le Tri-
nummum 7 acte IV ; se. 2 , v. 9, Plaute introduit un pre'-
tendu voyageur venant de contrées éloigne'es ; et il lui
donne un chapeau à rebords si larges ; que l'autre in*
terlocuteur en le voyant ne peut s'empêcher de dire
Fungine genere est 7 capite se totum tegit.
44
il est représenté lors qu'il remet à Orphée son Eu-
ridice , si l'ancien auteur des inscriptions gravées
sur ce marbre napolitain , ne s'est pas cependant
trompé sur le sujet (i). 11 est possible que le cha-
peau de Mercure ne soit pas différent du bonnet
Àrcadien qu'on lui a donné pour distinction, pour
indiquer sa patrie , parce qu'on le supposait né à
Cyllène, comme on se servait du bonnet Lacédé-
monien (2) pour distinguer les Dioscures nés à Pe-
phnos. Quoiqu'il en soit , une chose certaine, c'est
que le pétase sans les ailes , qu'on lui a depuis
ajouté ou pour marquer la vélocité du messager
céleste, ou pour quelques autres allusions, est pla-
cé sur la tête dans les images de Mercure sur beau-
coup de médailles grecques et latines, de sorte qu'on
ne peut pas avoir le moindre doute sur le sujet
de cette sculpture, dont la forme a été à présent
réduite à celle qu'ont les hermès, forme d'ailleurs
plus particulièrement destinée pour les images de
ce Dieu.
(1) Le même Winckelmann en fait mention dans l'ou-
vrage cité au n. 85. On doit ne'anmoins préférer l'autre
indication des sujets que nous trouvons dans les épigra-
phes d'un bas-relief semblable de la villa Pinciana, ou.
Ton donne le nom de Zétus à cette figure, qui porte dans
le bas-relief de Naples le nom de Mercure»
(2) Polienus et Philostrate font mention de ce pîleus ,
bonnet, ou pétase particulier aux Arcadiens, qui de-la
s'appellent 1 Kpnàç ou ' ' kpxadmôç rtïXoç. On peut voir
les passages ou ils en parlent dans le Splcilegium de
Mtursius à l'Idylle XV de Théocrite.
1
45
§ 2.
- • Mercure aile *.
On ne reconnaît Mercnre dans ce buste qu'à
un seul caractère distinctif, comme dans le précé-
dent hernies. Dans le dernier c'est le pétase , dans
celui-ci ce sont les ailes à la tête qui nous font
connaître le Dieu de l'éloquence et du génie , au-
quel on attribuait en grande partie la culture et
le perfectionnement du genre humain. Peut-être
que ces ailes que nous voyons au chapeau de Mer-
cure , d'autrefois attachées à sa tête par quel-
que bandelette , sont une imitation que firent les
Grecs de ces deux plumes que l'on voit si sou-
vent orner la tiare des statues égyptiennes , et qu'en-
suite ils les firent naître de la tête même , ou du
front de ce Dieu , pour montrer que le génie est
pourvu d'ailes, et pour rendre l'allégorie plus sensible.
Comme le culte et les fonctions de Mercure
étaient très-répandus parmi l'opinion et dans les
idées superstitieuses des Payens , il me semblerait
peu raisonnable d'élever quelque doute sur le su-
jet de cette sculpture , en prétextant que Mercure
n'était pas le seul à qui on donnait des ailes au
front, puisque cette marque distinctive désignait
également les images des Vents et celle du Dieu
* Il est de ce marbre très-fin 7 blanc, que les ouvriers
appellent improprement de Paros ; sa hauteur avec le pîe'-
douche est de trois palmes, trois quarts.
46
du Sommeil (i). Ce sçrait avec plus de fondement
que l'on pourrait soupçonner qu'on eut ici formé
le portrait de quelque Romain sous les apparences
qui conviennent au fils de Maia • car la chevelure
paraît plutôt propre à la mode des Romains , que
telle qu'on a imaginé celle de Mercure j et même
les traits du visage quoique très-beaux et gracieux ,
n'ont pas ce caractère de grandeur que l'on re-
marque aux divinités grecques (2).
(1) Les Vents ont les ailes aux tempes ^ et dans le
dyptique qui représente l'apothéose de Romulus dans Buo-
narroti, et dans un bas-relief très-rare ine'dit près du sou-
verain pontife qui le reçut en présent du chev. anglais
M. Henri Blundell, dont nous avons déjà parlé, en outre
les classiques leur donnent aussi ces ailes. V. Silius Ital. ,
liv. VIII? v. aS^; et Orphée; Argonàuta, v. 3i9; où il
donile les ailes au front des deux fils de Borée et d'Ori-
thie Zétes et Calais. On doit ici rejeter la correction de
Vesselingius , ProbabiL } IX , page 78, qu'a suivie Ma-
thias Gesner dans son édition de ce poëte , d'après la-
quelle on lit que les deux enfans de Borée
Taperoîciv vxvarioiç ^sTtor^vro
Alis sub auribus enatis volabant ,
il faut lire à la place à' viryarioM; , eTCSarioiQ , c'est-à-
dire alis supra aures enatis : puisque ni les têtes ailées
des Vents , ni celles de Mercure ne se trouvent point avec
des ailes placées comme le supposent Yesselingius et
Gesner, mais aux tempes, et par cette raison au-des-
sus des oreilles. Il n'y a que nos modernes Chérubins et
quelque image for trare des Génies de Bacchus qui soient
représentés avec des ailes derrière la tête, de sorte qu'on
puisse dire que celles-ci sont viryatlOl sub auribus ena-
tae.
(2) En observant très-en détail ce morceau antique 7
4?
PLANCHE IV.
§ *•
VuLCAIN *
Les dénominations données ici aux deux ber-
mès représentés dans ce dessin ne sont appuyées
que sur des conjectures ; et quoiqu'il se trouve
cependant quelque probabilité en leur faveur , il
serait possible que la découverte de monumens
nouveaux ou des observations plus justes , nous
obligeraient à rejeter ces dénominations. Mais com-
me de l'examen de leur caractère et de leurs at-
tributs il pourrait ressortir quelque lumière utile
à d'autres restes de l'antiquité figurée , ce ne sera
pas sans fruit , et même sans quelque plaisir, que
nous nous livrerons à cet examen.
il semblerait que l'artiste aurait d'abord, en le commen-
çant, exe'cuté ce portrait sans avoir l'idée de lui donner
aucun attribut de Mercure , et qu'à cet effet il avait
sculpté les cheveux repliés vers le front selon l'usage ro-
main du temps d'Auguste j et qu'ensuite pour en faire
un Mercure il a du lui rapporter des ailes au moyen de
deux petits tasseaux ( celles qui se voyent maintenant sont
modernes, sur les vestiges des anciennes ), et qu'en outre il
lui a découvert le front , et replié les cheveux en ar-
rière parce que cette manière convenait mieux au su-
jet. On voit avec évidence les traces d'un travail fait
après coup.
* Hauteur, y compris Thermes, deux palmes, dix oncesj
sculptés en marbre de Luni un peu taché.
48
Il m'a semblé que Ton pouvait regarder Vul-
cani comme le sujet du premier. Sa marque dis-
tinctive peut être ce singulier bonnet qui paraît
presque adhérent à la tête , en la serrant par
tout de si près, qu'on n'y trouve plus de place
aux cheveux. En outre, sa physionomie n'est pas
beaucoup différente de celle que nous avons trou-
vée à une petite idole en bronze , découverte dans
l'île d'Elbe, et qui a été publiée dans les anti-
quités d'Herculanum (i). Les commentateurs ont
aussi cru y reconnaître un Yulcain , avec des mo-
tifs un peu foibles certainement, mais qui sont deve-
nus pour moi assez vraisemblables depuis que j'ai
découvert une image de Yulcain dans un sembla-
ble costume, et qui était incontestable. Cette image
n'avait pas été jusqu'alors connue; au contraire , à
raison des restaurations, faites sans intelligence , elle
avait donné lieu à ce que quelques antiquaires tom*
bassent dans des équivoques bizarres (2).
(1) Bronzi y tome II , Préface.
(•2) Il est sur le bel autel de la ville Borghese qui était
consacre aux douze Dieux. Cette figure avec une te'naille
à la main; principal attribut du Dieu des forgerons,
étant brisée dans la partie supérieure 7 a été restaurée pour
une figure de femme , précisément parce qu'étant vêtue
dans le même genre que l'idole de bronze citée , le res-
taurateur ignorant a pris ce vêtement pour celui d'une
femme; de-la toutes les observations inconséquentes de
Winckelmann , qui a prétendu l'expliquer 7 sans s'être a-
perçu de la restauration (Monum. inéd, ; n. i5). Je la
donnerai avec toutes les autres figures de ce très-rare
monument, dans les planches de supplément.
49
L'usage de se raser la tête très-près de la peau
était peut-être particulier au peuple, ou à la ville
dans laquelle cette image avait été en vénéra-
tion. On n'a pas besoin d'autres exemples que des
figures étrusques dont la tête est ainsi rasée (i).
Les effigies de Vulcain sans barbe sont assez con-
nues par les monumens et par les écrits (2)»
Cette tête , qu'on a réduite depuis sous la
forme d'un hermès , nous offre un travail que l'on
peut croire plutôt étrusque que grec antique , sur-
tout la qualité du marbre de Luni pouvant la
faire attribuer aux ouvrages toscaniques,
§ 2.
Vénus *.
On appelle vulgairement portraits de Saplro des
(1) Nous avons fait remarquer à propos de la planche
XXXII du tome IV que Ton variait l'habillement et la
parure dans les simulacres des Dieu* . selon les différens
usages des nations. Adrien Junius > dans son opuscule
de Coma, ch. 2, parle de différens peuples d'Italie qui
eurent cet usage de se raser. On Voit dé petites idoles,
regardées comme étrusques, dont la tête est rasée) dans
Caylus , Recueil , tome III, pl. XVIII; t. IV, pl. XXVI>
XXV II et ailleurs.
(2) Voy. le passage du scoliaste au v. 56 à'Oedipe à
Colone de Sophocle qu'ont cité les historiens des pein-
tures d'Hereulanum, dans les notes à la pl. 26 du III vo-
lume ; ils y rappellent d'autres images de Vulcain sans
Larbe.
* Haute, jusqu'à la poitrine, d'une paline, deux onces |
sculptée en marbre pentéliqne.
Musée Pie-Clém. Vol. VI. 4
5o
têtes de femme* dont les cheveux sont ainsi réu-
nis par derrière sous la coiffe ( KaMitipa en grec, ■
et que les Latins nommèrent Mitra ), retenus par
devant au moyen de deux bandelettes , et tom-
bans en boucles sur les joues. Quiconque exami-
nera les traits de celle-ci ne doutera nullement
qu'elle est absolument idéale. Mon opinion me porte
à croire que les cheveux ainsi arrangés peuvent
indiquer quelquefois Xénus , puisque je lui vois le
même genre de coiffure dans deux tableaux d'Her-
culanum (i), et que je remarque à peu près le même
acoutrement de tête dans les images d'Erato , de
l'Espérance , et même dans la statue d'une des
Parques (2) j sujets qui ont tous quelque rapport
mythologique avec Vénus.
( (1) C'est-a-dire dans la Yénus couchée sur une con-
que, publiée à la plane. III du tome IV, où cette coif-
fure est de couleur d'or, comme on la voit aussi de même
couleur à la Vénus aux trois Amours de la pl. VII du
tome III. On n'a peut-être pas encore observe cela, parce
que rarement les. "Vénus nues sont ajustées ainsi, et que
d'ailleurs les antiquaires ne reconnaissent des images de
Vénus que dans celles qui sont nues. Quant à moi cepen-
dant, je crois que Tune des plus élégantes figures de fem-
mes a mi-corps du Musée Capitolili (tome III, pl. LXXI)
qui a la même coiffure , représente aussi une Vénus. La
grâce du visage, la douceur des regards, cette tunique
qui tombe de ses épaules, que nous avons remarquée à
d'autres images de la même Déesse (tome III, pl. VIII,
et pl. C. III , n. 5 , p. 25o ) sont des particularités qui
appuyent cette conjecture.
(2) La tête de la Muse Érato qui est sur le sarcophage
du Capitole est ainsi couverte, et peut être k son imi-
5r
Si quelque personne prétendait que Foli dût re-
connaître dans cette image une E rato , plutôt que
Vénus , je ne m'y opposerais pas trop; mais ce qui
m'attache à donner la préférence à la première
dénomination , c'est d'apprendre de Pausanias que
Vénus se représentait en forme d'hermès , et que
l'hermès de la Vénus Céleste à Athènes , portait
une épigramme gravée , dans laquelle on la con-
fondait avec les Parques , l'une desquelles avait^
comme je viens de l'observer, la même espèce de
coiffure (i).
tation celle de Sapho sur les médailles de Mytilène. Ainsi
est à-peu-près l'Espérance sur les candélabres Barbérins,
que nous avons publiée , pL VIII de notre tome IV , laquelle
est peut-être Vénus même, comme Déesse du printemps,
et qu'on nomma par cette raison Vénus Cloris ( voyez
FAleandre , ad Tab. Helîac). De même enfin la statue
inédite trouvée à Tivoli, que je crois une Parque, et
qui se voit chez M. Vincent Pacetti. Celle-ci est dans la
même attitude que l'image d'une Parque qui est sculptée
sur un bas-relief Capitolin ( t. IV, Mus. Capit. , pl. XXIX ).
Elle a sur la tête cette espèce de coiffe ou filet, ce qui
lui a fait donner par Pindare le nom lLpvaa{l13VÌ; ,
et l'on voir se croiser sur son sein et sur ses épaules deux
baudriers qui soutiennent les ailes, comme on les voit
sur beaucoup de sculptures antiques , et particulièrement
aux statues de la Victoire qui sont à Post dam : à présent
les poètes et les sculpteurs donnent des ailes aux Par-
ques (V. notre tome IV, pl. B , page 366 ). Dans la note
suivante nous parlerons des rapports de Vénos avec les
Parques.
(i) Pausanias, Attica , ou liv. chap. 19: Taérqç
( Appoâh^ç) (r%tfn>a, (tèf Terpdy0vov n^k rama*
5*
PLANO II E V.
Océan *.
Les sourcils , les joues écailleuses , la barbe et
les cheveux qui semblent des eaux ondulées et
tombantes, les dauphins bizarrement entrelacés dans
la barbe, enfin les ondes qui environnent sa poi-
trine , et les épaules de cet hermès colossal , sont
des signes suffisans pour établir la conjecture que
c'est un portrait de quelque Dieu marin (i). Le
vcai ro7ç èpiiaïç' rò 9è eiclypa^ifjba, <rqp&foe$ iriv Qv-
paviàv ' &(ppoiïivviv tqv na^v^èvQV Woipov ehai fap&*
C^wâtriV: « La figure de cette Vénus est un pilastre
« quarre' en forme d'hermès : l'inscription porte que Vé-
« nus Uranie est la plus ancienne des Parques. » Cette
inscription était certainement relative à la The'ogonie la
plus ancienne , où Vénus signifie la nuit primitive 7 du
sein de laquelle était sorti l'univers.
* Hermès en marbre grec, ayant de hauteur, depuis
le sommet de la tête au bas de la poitrine, trois palmes,
trois quarts. On Ta trouvé dans le Labour à peu de dis-
tance de Pozzuoli , où il fut acheté par un étranger, qui
le fit restaurer à Rome, et le revendit ensuite au S. Pon-
tife Clément XIV.
( i) Dans le Musée Capitolin , et parmi les antiquités
dernièrement découvertes dans les fouilles que Ton a fai-
tes en divers endroits du Latium, et de la campagne
de Rome par les soins de M. Antonio Despuig de Ma-
jorque évêque d'Origuela, on voit des hermès à deux fa-
ces , de divinités marines avec des écailles semblables,
des petites nageoires de poissons aux joues et aux sour-
cils '9 mais cette singulière union des dauphins avec la
barbe, dans notre hernies, est unique.
55
premier qui se présente à l'esprit c'est l'Océan le
fils aîné des Titans , que le poëte appela Pater
rerum, selon les doctrines Orphiques 7 et celles de
la philosophie jonienne(i). Mais un examen porté
plus loin y fait reconnaître quelque divinité ma-
rine du second ordre , par exemple un Triton.
Voici sur quels motifs je fonde cette opinion.
Il paraît que Winckelmann donne le nom d'Océan,
à un grand masque de quelque Dieu marin , qui
a beaucoup d'analogie avec le morceau présent , et
que le vulgaire ne connaît que sous le nom de
Bouche de la Trèrité (2). Ce masque servait au
milieu d'une place à recevoir les eaux par les
trous pratiqués dans la Louche % daus les narines,
dans les yeux , et à les répandre dans quelque
égout. L'emploi qu'il avait de donner passage à ce lu
quide, les écailles des joues, les pinces, chelce, au
front pouvaient appuyer une semblable dénomina-
tion. Mais je trouve au contraire dans un passage de
Properce , dont ce monument est le commentaire
lumineux €t unique , que ce Dieu sculpté, dont il
(1) Apollodore , Bihl.} liv. I, chap. 2; Virgile, Georg. IV,
v. 382.
(2) Dans les Monum. inéd. ? n. 21. Ce qui pourrait con-
firmer cela, c'est que Ton voit à Fautel Borghese , dont il
donne l'explication, et dans d'antres monumens, la figure
de l'Océan avec les chelœ ou pinces de l'écrevisse au front:
mais dans ces images la tête de l'Océan n'a sur le vi-
sage ni sur la poitrine aucune écaille, ni aucune autre
monstruosité sensible.
54
parle, est appelé Triton (i),- d'où je puis inférer avec
(i) Properce , liv. II, éleg. XXXI , v. 1 1 et suiv.
Scilicet umbrosis sordet Pompeia columnis
Portions aulaeis nobilis Attalicis ;
Et creber platanis pariter surgentibus ordo s
Flumina sopii o quaeque Maro ne cadunt ,
Et leviter Nymphis tota crepitantibus urbe ,
Quum subito Triton ore recondit aquam.
Comme ce passage ne peut être compris sans avoir sous
les yeux des sculptures semblables à celle-ci , aussi ne
Fa-t-on pas bien entendu jusqu'à présent» Le poëte parle
certainement de ces pièces circulaires en marbre,, sur les-
quelles on sculptait le visage d'un Triton, que Ton pla-
çait sur le pavé de quelque lieu public, et par lequel au
moyen de trous, principalement à la bouche, on rece-
vait les eaux qui s>'y déchargeaient des fontaines voisines
coulant perpétuellement } ou celles des ruisseaux des
rues , dans des momens de pluies abondantes. Malgré
cela, faute d'avoir connu cette note d'antiquité, Scali-
ger? Passerazi , et les interprètes les plussavans, ont en-
tendu, dans le sens contraire, des paroles du poète qu'il
s'agissait d'un Triton qui jetait au loin l'eau par la bou-
che , et ils expliquaient ore recondit pai? l'expression op-
posée refundit. Frédéric Barzius, dans son édition de Pro-
perce, s'étant aperçu que cette interprétation manquait
de justesse 7 a imaginé je ne sais quel jeu d'eau ; de
sorte que Triton in lacu posi tus et jacens aquam ore suo
absorpsit , et per tubos deinde ad Maronem reliquasque
JSympharum statuas circa porticum Pompeii positas , et
per totam urbem crépitantes deduxit. La vue d'un seul
marbre pareil à celui de la Bouche de la Vérité , aurait^
sans tant d'embarras, dissipé toute incertitude. Je pré-
férerais cependant que l'on expliquât le dernier dystique
par eaux pluviales , en lisant, comme font d'autres, Lym~
phiSj au lieu de Nymphis, et mettant qui au lieu de quum,
monosyllabes qui sont ordinairement en abrégé dans les
55
beaucoup de raison que notre hermès, qui a avec
lui tant de ressemblance, doit être aussi regardé
comme un Triton.
Des formes composées d'une façon si bizarre
ne pouvaient convenir à un Dieu comme était
l'Océan, frère de Saturne, le plus juste des fils
du Ciel, celui dont le caractère mythologique est
le plus humain, le plus raisonnable de tous ceux
dont on parle dans la Théogonie grecque (i). Ce
mélange si monstrueux convient davantage au Tri-
ton, dont les formes sont constamment réunies avec
celles des monstres les plus féroces de la mer ?
et dont les habitudes sont assez analogues à la
violence de cet élément (2). On ne peut cepen^
dant refuser de la majesté et de la noblesse dans
manuscrits ; et que l'on change souvent. De cette façon
nous trouvons indiquée par le poète une quatrième chose
différente des précédentes, pour faire voir quel était le
luxe qui ornait les rues de Rome, en corrigeant ainsi le
dystique tout entier:
Et leviter lymphis tota crepitantibus urbe
Qui subito Triton ore recondit aquarn.
En effet il semble que ce ne pouvait être que les eaux
des pluies; celles qui tota urie crépitant. Or donc Pro-
perce a regardé comme des Tritons , et non comme l'O-
céan, ces visages que nous voyons sculptés pour recevoir,
les eaux dans les égouts ; et encore moins pour des fa-
ces de Bacchus auxquelles voulaient à toute force les
attribuer les nouveaux antiquaires remplis de systèmes.
(1) V. le Prométhée d'Eschile, etOrphe'e, fîragm, Vlllj
v. 3i et suiv. ; édit. de Gesner.
(2) "Virgile, JEneid. 7 VI ; v. i63.
56
la physionomie et dans les formes à un Dieu qui
est fils de Neptune lui-même ( i ).
La couronne Bacchique de pampre et de lierre
dont est environnée la tête de notre Triton, est aussi
un ornement que Ton n'a pas donné facilement
aux déités premières ; comme si elles dédaignaient
de porter des attributs qui pussent les faire prendre
pour être delà suite d'une autre divinité. Rien au con-
traire n'est plus fréquent que de voir les Néréides
et les Tritons célébrer les Orgies et les fêtes des
Bacchanales , et s'orner d'emolêmes et d'habille-
mens Dionysiaques: ou que les anciens regardant Bac-
chus comme le symbole de l'élément humide (2) ,
lui ayent donné par cette raison une alliance si
étroite avec les Dieux de la mer; ou que son
culte ayant été porté dans la Grèce par des co-
lonies d'au de-là des mers, on ait dit que sa re-
ligion avait été conçue dans la mer et enseignée
par les Néréides (3), ou bien que Ton ait pris cette
parité entre eux , des signes et des symboles qu'ont
avec lui les divinités marines, de Leucothea, tante et
nourrice de Bacchus , en même temps Déesse de
mer, et de Palemon son fils, le Dieu des ports et
des navigateurs, qui était cousin du même Bac-
chus, et qui avait été nourri en même temps que lui.
(1) Apollodore, BibLy liv. I, cap. IV; 4<
(2) C'est de-là qu'on l'appela Hyes. V. Lilio Giraldi 7
Deor. synt* YHI ; où il parle de ce surnom de Bacchus.
(5) Orphée, Hym* XXIII ; v. 10 y déjà cité dans nQ^»
tre quatrième volume,, pi, XXXIII } p. 244; n» (0-
57
Quelque opinion que Ton ait sur ce sujet, le Triton,
soit par l'usage très-élégant qu'en ont fait les an-
ciens en le plaçant comme embouchure à leurs
cloaques , soit par notre marbre , est toujours une
représentation de la mer son élément. Les cornes,,
comme celles d'un veau , qui s'élèvent au-dessus
de ses tempes à la place des pinces ou chelœ ,
que Ton remarque sur d'autres antiques, font évi-
demment allusion au mugissement de la mer ora-
geuse y et aux tremblemens de terre que les an-
ciens attribuaient avec quelque raison aux eaux
souterreines ; ce phénomène terrible ayant été re-
gardé principalement comme l'effet du pouvoir de
Neptune , et par suite attribué aux divinités marines
d'un ordre inférieur (i).
(i) Il paraît qu'Orphée répète d'après Néreus la cause
des tremblemens de terre. Hymn* XXII, v. 5 et suiv.
Oç uÀovéeiç A^ovç lepòv fiàSpov , faina ivvôiaç
'Ev fjLvyjtoiç Ttev^fjLQdiv èXavvofiémç ârtonkûoiç.
JkXkà, , fxânap , asta^ovç ybh attórpe^e.
Qui moliris statura terrae , cjuum scilicet arces
la coveis olim indignantes murmure cauros*
Sed motus terrae averrunca ( f. Scaliger. ).
Néanmoins comme il n'y a que les apophyses seiales de
ces petites cornes qui soient antiques, il pourrait se faire
encore que ce furent des pinces, chelœ , comme nous les
avons vues sur le front des Tritons dans le IV volume
de cet ouvrage ( pl. XXXIII ). On a donné à l'Océan
de Farnese, maintenant à Naples, en le restaurant, de
semblables pinces. On les voit aussi, au lieu de cornes, à
un buste de Triton imberbe, écailleux , que l'on con-
serve à Londres dans la belle collection de N. IL M. Char-
les Townley.
58
Comme on s'était servi des hermès Bacchiques
pour orner des allées dans les beaux jardins de
Rome ancienne, on employa de même ceux des Tri-
tons dans les villes maritimes où les Romains maîtres
du monde allaient chercher des plaisirs. Deux her-
mès aussi colossaux , et plus grands encore que
celui-ci , mais qui ne sont pas si élégans ni si bi-
zarres , furent découverts sur les rivages d'Antium;
ils sont à présent à la ville Albani. Le nôtre a été
trouvé près de Pozzuoli à Baie, lieux si célèbres
par les agi émens délicieux qu'offraient leurs plages»
PLANCHE VI.
S <•
B A G C H U S *.
Soit que les images de Bacchus tauriforme et
taurifront dérivassent du Scjtisme (i), selon un
système qui était alors à la mode ; ou que plu-
tôt les superstitions égyptiennes ayent été l'origine
* Il est sculpté en marbre pentélique , ayant de haut
jusqu'au bas de la poitrine, deux palmes moins un sixiè-
me. Il fut placé dans le Musée par la munificence du
S. Pontife.
(i) On peut voir tout ce système exposé dans lé livre
ingénieux intitulé: Recherches sur l'origine, etc., des
arts de la Grece ; sur leurs connexions avec les arts et
la religion des plus anciens peuples connus : sur les mo-
numens antiques de l'Inde, etc.7 ouvrage que Ton attri-
bue à M. dllancarville.
5g
et le motif des simulacres du Dieu du vin portant
des cornes ( i ) , ou qu'enfin, selon les mythologues
ordinaires, on ne Tait représenté avec des cornes
qu'à raison de telle ou telle autre allégorie assez
claire (2): il est toujours certain que Bacchus est
très-souvent décrit par les auteurs classiques, ayant
des cornes , et même sous la figure d'un taureau ;
bien que d'ailleurs de pareilles images soient extrê-
mement rares dans les monumens de l'antiquité (3).
Cet hermès est peut-être le seul qui nous le
montre ainsi (4). Ceux qui ne l'ont pas vu ne pour-
(1) On donne des cornes semblables à Io, confondue
avec Tlsis d'Egypte , dont le fils fut appelé' par les Grecs
Epaphosj c'était FOrus ou l'Harpocrate chez les Egyp-
tiens, et confondu aussi lui-même avec Osiris. On trouve
aussi le nom d'Epaphus ou Epaphius parmi les épithè-
tes donne'es à Bacchus dans les hymnes Orphiques LI
et LIV, où Scaliger l'a traduit par Tages.
(2) Phornute , de nat. Deor. ; chap. 3o ? Athénée j,
liv. II.
(3) Telle est la petite tête de basalte du Trésor de
Brandebourg que Béger a publiée, tome III , p. f2^o9 que
Montfaucon a copiée, Ant. expl. , tome I; part. II f
pl. i5^. Tel est Je petit buste d'Herculanum ( Bronz. ,
tome I, pl. V ). On peut ajouter à ces exemples la mo-
saïque publiée par la Gausse dans les antiche pitture , plan-
che XX. Béger et les Académiciens d'Herculanum ont
ïéuni dans l'explication des deux monumens indiqués,
tout ce qui a été dit de plus remarquable par les an-
ciens sur cette manière de représenter Bacchus.
(4) 11 y en a un autre semblable à la ville Albani j
mais comme il est un peu mutilé, le sculpteur moderne
lui a placé en le restaurant des cheveux au lieu des
cornes. Dans l'Indicazione antiquaria ou l'a décrit pour
Hercule jeune, n. io5.
6o
ront se faire une idée précise de cette expression
d'Ovide dans une hymne à Bacchus (i):
tiMy quum sine cornibus adstas ,
Virgineum caput est.
On retrouve aussi dans cet hermès la beauté
et la jeunesse qui brillent dans le visage du Dieu>
mais ses traits n'ont rien de féminin , et une beauté
mâle est répandue sur la figure et dans les for-
mes , autant que cela peut s'accorder avec un mé-
lange du taureau, dont il a conservé non-seule-
ment les petites corner , mais aussi les cheveux
crépus au milieu du front , avec le cou gros et
large comme celui d'Hercule. En outre il a les
lèvres épaisses et plus rélevées qu'il ne faut 9 ce
qui augmente, sans rien ôter de la grâce, cette res-
semblance et ce caractère de l'animal , combiné
avec tant d'art , de sorte que nous ne pouvons trop
admirer les anciens qui ont eu le talent de tirer
un nouveau genre de beauté de ces imaginations
monstrueuses de l'idolatrie primitive et barbare, et
qui sont parvenus à combiner ensuite tout ce qu'il
était possible de saisir dans les formes d'êtres si
différens entre-eux.
L'inclinaison gracieuse de la tête de cet her-
mès est particulière , comme nous l'avons remar-
qué ailleurs, aux images des Dieux , qui semblent
par cette attitude vouloir indiquer qu'ils sont bien-
faisans et propices aux mortels. Un ingénieux écri-
(i) Met amor ph. , liv. IV, v. 19. Ainsi on peut en con*
filmer la leçon contre une variante absurde.
6c
vain a encore observé dans cette position un mou-
vement propre du taureau , qui plie la tête , comme
pour frapper quelque chose avec ses cornes , et il
suppose que c'était l'œuf primitif qui renfermait
l'embryon de l'univers , lequel n'était pas encore
développé (i); mais le regard aimable qui accom-
(i) M. d'Hancafville dans l'ouvrage anonyme de'jk cite,
liv. I; ch. 5, n. 19g. Il suppose en outre que quand
les écrivains latins parlent de quelque effigie de Bacchus,
en lui donnant le nom de Liber pater , ils le rappor-
tent toujours à ce signe de la tête , attitude, selon lui,
fort expressive de la paternité dont peut se glorifier Bac-
chus sur tout l'univers , ayant de'veloppé par sa puis-
sance les choses qui n'étaient connues jusqu'alors que
de cet être créateur de tout dans le monde. Mais on
voit cette même inclinaison de la tête à des statues d'A-
pollon (Guattani, Notizie, anne'e 1785, janvier, n. 11),
de Mercure (V. le tome premier de cet ouvrage, plan-
che XVII), de Junon (même lieu, pl. II, et Mus. Ca-
pitol., tome III, pl. VIII ) ; de sorte que ce ne peut
être une attitude particulière à Bacchus, mais elle doit
plutôt exprimer ce titre de Respicientes que l'on donnait
aux divinités pour indiquer leur bonne disposition à
exauc<r les prières des hommes, dont ils regardent les
besoins et les maux avec compassion. L'auteur que je
viens de citer ( même endroit ) imagine aussi un Bac-
chus Satyre, qui tient de l'homme et de la chèvre 5 il
le trouve dans deux passages, l'un de Pline, l'autre de
Pausanias: mais il donne le premier altéré, et le second
mal compris. Il n'est, pas hors de propos d'examiner ces
équivoques, ne fût-ce que pour donner une idee de
cette inexactitude dans laquelle tombent souvent certains
écrivains systématiques. Pline (liv.XXXlV, § XIX, 10)
parlant des travaux en bronze de Praxitèle dit: Fecit...
62
pagne cette inclinaison de la tête , regard qui
s'aperçoit comme je l'ai dit aussi , sur d'autres
simulacres de Dieux , me semble être un motif
pour préférer l'autre opinion, qui d'ailleurs est plus
naturelle et moins recherchée*
Liber um patrem et Ebrietatem , nobilemque una Saty~
rum quem Graeci Periboëton vocant. Il y a donc trois
statues, Bacchus, Méte ou l'Ivresse, et le Satyre ou
Faune, lequel nombre de figures est fait pour trois espa-.
ces entre les supports d'un trépied, où Pausanias nous
apprend qu'elles furent placées ( Attica , ou 1. I, ch. 20 )♦
L'écrivain dont nous parlons supprime Ebrietatem , et
ensuite il conclut que les paroles Liberum patrem nobi-
lemque una Satyrum , signifient un Bacchus Salyre. L'au-
tre passage est dans X Attica de Pausanias , ch. XLIII ,
où il est question d'une ancienne statue de Bacchus en
bois consacrée par Polybe dans un temple à Mégare ,
« qui est servi par un Satyre en marbre de Paros, ou-
« vrage de Praxitèle: que ce Bacchus s'appelle Patroo:
« qu'il y a encore un autre Bacchus appelé Dasillius,
« qui fut, dit-on, dédié par Euchénor fils de Céranus,
« qui était fils de Polydius : » TloXési^OÇ ì;óavov âvé-
Synev . . . 'Stdrvpoç iïè %japéGïfivxev âvro Hpahré^vç
Ipyov Tlapiy Xfâi? rovrov (lèv TLarpSov MoJkovoiw
erepov de Alovvctiov , AaavKÀwv eTtovo^iâ^ovrec; ,
'EiVftrivopa tov K.oipdpv tòv HoXveiiïv œyaXfia âva~
Seïvai ùéyvaiv. M. d'Hancarville croit aussi que le Bac-
chus Dasillius et le Satyre de Praxitèle sont la même
chose , et il ne s'est pas aperçu de l'énorme anacro-
nisme qui se trouve dans celte opinion , puisqu'il a exislé
six générations entre Euchénor et Mélampus Amitaonius*
qui a veçu au moins une génération avant la guerre de
Troye, et par cette raison de beaucoup antérieur à Pra-
xitèle qui florissait après la 100 olympiade, c'est-à-dire
environ 800 ans après la guerre de Troye»
03
Une longue chevelure ne pouvant convenir à
ce mélange d'homme et de taureau tel qu'on a
voulu l'exprimer, on a donné à ce Bacchus des
cheveux plus courts et plus crépus qu'on ne les lui
voit ordinairement. Ils sont entourés d'un diadème ,
ornement attribué à ce Dieu. Il pend des deux côtés
du cou sous la forme de deux larges rubans ou
leninisti'? autour de la tête il est tortillé en spi-
rale tel que l'on voit souvent les couronnes d'Her-
cule.
S ?•
Bacchus *.
Cette tête en bronze fut trouvée par hazard
dans un ancien cloaque, qui servait d'écoulement
aux eaux thermales de Dioclétien sur le Vimirial.
La coiffure qui est celle d'une femme, la phy-
sionomie qui est en rapport avec elle , se joignant
à un cou plus mâle et un peu gros , me font
croire que c'est une image de Bacchus. Ses yeux
d'argent ont été placés dans des temps proche de
nous, à la place de ceux qui y étaient autrefois,
lesquels devaient être d'une autre matière que la
tête, ou d'argent comme ceux-ci, ou d'émail, ou
même de quelque pierre précieuse : et ce moyen
était ordinairement employé par les plus anciens
artistes -7 il fut presque toujours en usage dans
* Haut.; avec le piedouclie, d'une palme et 5 onces.
64
les travaux en bronze. Le travail de cette tête est as-r
sez médiocre ; et quoiqu'il soit vraisemblable qu'elle
a orné un lieu des thermes voisins , le dessin et
l'exécution n'en sont pas cependant si peu heu-
reux qu'on puisse la croire une production de ces
temps dont les monumens bien certains lui sont
encore de beaucoup inférieurs.
PLANCHE VIL
Bac chus barbu *.
En examinant cette image élégante et majestueuse
de Bacchus , qui , étant placée dans le petit Mu-
sée que fît commencer dans le Vatican Clément XI,
avait le nom de Platon, et occupait le rang destiné
à ce philosophe , on se rappelera facilement ce
superbe buste de bronze d'un si beau travail , re-
présentant le même sujet, qui fut tiré des ruines
d'Herculanum, et que l'on admire dans la riche col-
lection du roi de Naples (i). Une erreur, assez com-
mune alors, l'a fait considérer comme l'image du
philosophe grec dont nous avons publié ailleurs
un portrait plus vraisemblable ; nous avons aussi
déjà établi nos preuves et les motifs tirés de la
comparaison avec d'autres monumens qui nous dé-
* Hauteur ; y compris toute la poitrine ; de trois pal-
mes moins un quart ; il est de marbre pente'lique, ap-
pelé cornu nément Cipolla.
(i) Bronzes d'Herculanum, tome I; planches XXVII
et XXVLU.
65
terminent à regarder comme certaine cette nou-
velle dénomination que nous lui donnons ' (i).
PLANCHE VIII.
Hermès doubles de Bacchùs babbu
Cette gravure représente deux hermès doubles,
à deux faces , toutes deucc semblables > comme
Lucien les décrit précisément (2). La denomina-
(1) Voyez notre tome II, p!. XLI; pag. 290, 295, et
pl. B. III, 6; IV, 7, pag. 369, et V, 8, 9, p. 070 ;
le tome III > pl. XL, pag. 186 5 le tome IV, pl. XXV,
p. 199. J'ajouterai ici seulement que dans la collection,
des gravures antiques du chev. Hamilton , dont Monsieur
Richard Worsley a fait l'acquisition dernièrement en
Angleterre , on Voit un diaspre rouge sur lequel est gra-
ve, assez profondément, un hermès de Bacchus vu de
face, barbu et couronne de lierre. Le nom du graveur,
Aspasius, est grave' sur la poitrine , écrit ainsi ÀCI1A-
CEIOÏ ^ °u l'on doit remarquer la dipthongue et âu
lieu de l'I, et le A au lieu de TA. C'est, peut-être, une
excellente copie d'un original bien supérieur» Nous fe-
rons observer que les deux autres ouvrages d'Aspasius
qui se sont conserves jusqu'à nous, c'est-à-dire la Mi-
nerve rlu Musée Impérial, et le fragment d'un Jupiter
du Musée Florentin , sont gravés tous deux sur la même
espèce de pierre qui n'est pas la plus recherchée à pré-
sent pour ces travaux.
* lis sont égaux tous deux, ayant de hauteur, com-
pris la poitrine, deux palmes, un tiers, et sculptés en
marbre cipolla,
(2) Lucien, parlant de l'oracle que la Pythie prononça
dev, nt Crésus, dit « qu'il avait deux faces, comme sont
Musée Pie-CLém, Vol. VI. 5
66
don de Bacchus barbu que je donne à cette image
à deux visages, me paraît assez bien justifiée à l'œil
et à la raison, en la comparant avec la figure de
la planche précédente et aux autres monumens dont
il a été parlé dans le discours, ainsi qu'à penser
aux autres motifs que nous avons adopté déjà pour
nous décider à y reconnaître pareil sujet. Néan-
moins le nom de Mercure que nous voyons donné
par des écrivains grecs à des hermès de celte
sorte, celui de Janus qu'il a chez les Latins, ne
laisse pas que de jeter de l'incertitude sur mon
assertion. Pour fixer un parti assuré, et porter s'il
est possible quelque lumière sur les opinions si
différentes et obscures qu'ont pu produire ces re-
« quelques hermès doubles y et qui se ressemblent par-
ce faitement: » Ai7tpo(TQ7VOÇ , oïoi rov epybQV snoi ,
iïiTToi , nal d{jt(porépQ^sv ofioioi (Iuppiter tragoedus).
Le scoliaste observe à cet endroit que les hermès y ou
images de Mercure ViaUs, étaient souvent à deux visa-
ges ; pour indiquer que dans le chemin de la vie la rai-
son ; symbolisée par Mercure , nous prête toujours son
aide, et ne nous tourne jamais le dos. On trouve chez
les anciens beaucoup de ces images doubles de Mercure
et de Janus ; et il serait trop fastidieux de les citer tou-
tes. On en trouve quelques-unes dans Pîutarque, Ouaest*
Pi07n,7 d'autres dansMacrobe, et ailleurs. Mais il en est
particulièrement question dans Me'nage , a l'article Dé-
rnétrius Phaleraeus de Laerce ; et dans les Adages d'E-
rasme avec les appendix aux art. Mercurius triceps et
Mercurius bifrons. J'ai vu cite' dans Fabricius 7 Bibl.Gr.,
liv. I, c. 12 ; § io > un petit livre imprimé a Leipsik
qui traite des hermès } et qu'on attribue à Jean Nicolai.»
mais je n'ai pu le voir.
6?
présentations , je proposerai ici quelques observa-
tions propres à expliquer en même temps les pas-
sages des classiques et les monumens qui peu-
vent se rapporter à cette discussion.
Je trouve assez raisonnable l'idée de ceux qui
croyent que tout ce qu'il y a de monstrueux dans
l'idolatrie des grecs est dérivé des religions bar-
bares des peuples primitifs > qui n'ayant pas dé-
couvert les principes du beau et la manière de
l'exprimer , confondaient les formes sensibles des
objets naturels pour en composer une espèce d'hié-
roglyphe , qui représentât ainsi les qualités et les
analogies que l'esprit voulait reconnaître dans le
sujet (i). Alors l'expression de la force et de la
puissance a produit les Centimanes ; de même on
a pu imaginer le symbole de la supériorité de l'in-
telligence et de la prudence par plusieurs têtes ,
ou par quantité d'yeux (2). Les Grecs qui ont su
(ï) La Cërès Negra de Figalée, simulacre très-ancien
dont parle Pausanias (.Arcadica, ou liv, VIII, ch. 42 )?
nous donne un exemple de ces mélanges monstrueux.
L'idolatrie égyptienne nous en fournit d'autres. Je ne
parlerai pas de celle des Scythes et des Indiens qui peut
avoir eu de l'influence sur les anciennes religions de la
Grèce y comme la fondation t qui n'est pas douteuse ; de
l'oracle de Deîphus par les peuples Hyperboréens ? ou
qui a pu au moins avoir une dépendance et une origine
commune avec cette idolatrie,
(2) Un des attributs d'Osiris chez les Egyptiens était
une grande quantité d'yeux. V. Jab!onsky; Pont. Jegjyt. f
liv. Il, ch. i, § ti. La fable grecque eut aussi, comme
on sait; ses Panoptès,
68
les premiers rechercher et trouver le heau dans les
images , tant des formes que créa la nature , que
de celles que produisit le génie de l'invention ,
ne tardèrent pas à negliger ces barbares représen-
tations , et même les bannirent , à ce qu'il paraît,
tout-à-fait des arts d'imitation , et leur en substi-
tuèrent d'autres qu'ils embellirent , qu'ils rendirent
nobles, et l'on peut dire que de cette manière ils
étendirent l'empire de la beauté au de-là des bor-
nes de la nature et de la vérité.
Parmi les divinités symboliques de la plus an-
cienne théologie , il y en avait une qui sous cer-
tains rapports exprimait l'univers comme sorti du
chaos , et à laquelle par cette raison on donna
les noms de Protogonos et de Protogenétor (i).
On l'appella aussi Phanétès , c'est-à-dire la pre-
mière chose qui ait apparu , et celle qui a fait
paraître les autres fut nommée Métis^ c'est-à-dire
Intelligence , parce qu'il parut peut-être raison-
nable de ne pas priver de cette faculté ce principe,
ce tout d'où procédaient tant d'intelligences ou
(î) Celte doctrine résulte principalement de l'hymne
au Proiogonos ? laquelle est la V des Orphiques } depuis
le v. i4 et suivant des Argonautes , attribués au même
auteur, et de ses fragmens rassemblés par Jean Marie
Gesner aux nn. VI, VII , VIII, pages 4°5 et 4°6 > ou
se trouvent aussi les passages de Proclus sur le Timèe y
et d'Hermias sur Phédrus 7 qui s'y rattachent. On y ajou-
tera Jean Malela 7 qui dans sa Conographie , p. 90, se-
lon la correction très-évidente de Bentley; réunit en un
seul sujet les trois dénominations de M^T/ç , QâV7lÇ7
'JipiKaïïaïoç : Métis, Phanétès ? Héricapeus.
69
qui les renfermait. Enfin on l'appela Hêricapée ,
nom très-obscur , dont on ne connaît pas encore
assez la signification, et par lequel on voulut, à
ce que je crois y exprimer que tout être qui à été
crée retourne , au moyen de la destruction , dans
l'univers , et qu'en changeant de modification il
rentre dans la composition générale dont il fait
partie (i).
(i) Quoique la leçon et l'explication de ce mot ait
cause beaucoup de peines aux commentateurs d'Orphée
et de la plus ténébreuse théogonie ? de manière que ,
comme l'obseive Jean Mathias Gesner sur l'hymne citée ,
plus forte operae positura sit a renatis inde litteris , cjuam
res ita tennis , ita natatoria mereatur : cependant^
puisque cela ne l'a pas empêché d'exposer son opi-
nion sur ce sujet7 je ne balancerai pas à proposer
aussi la mienne, n'étant pas persuadé de celle de Ges-
ner. Je remarque donc que? dans cette antique théologie,
Saturne n'était pas la seule divinité qui dévorait tout :
Jupiter aussi dévora Métis, et même, suivant la doctrine
d'Orphée, il avait dévoré Phanétès, lequel aussi sous le
nom d'Héricapeus , avait le premier dévoré et conservé
dans son ventre toutes les choses.
'Qç ròte Tlp&Toyóvoio yawv (lévoç 'ìlpixavcah
Tôv vâvxov ts §é(iaç u^ev ht yacrTept noiK^ \
Ut tune Protogoni RI ANS VIS Ericapaei
Omnium cavo in ventre continebat membra ?
( Fragm. cit. VIII , v. 5)
Suidas, v. 'HpiMartCMOÇ , compare Héricapeus à Saturne,
et il dit qu'il avait dévoré tous les Dieux. 11 ne faut
donc pas chercher d'autre étymologie de ce nom que
celle que nous offre tout naturellement la doctrine dont
nous venons de parler. Alors tfpix&rtawç sera late vo-*
7o
Cette divinile symbolique fut l'origine de beau-
coup d'autres dans des temps postérieurs de l'ido-
rans de nà'JttQ , voto , et de èpi i late , en changeant
pour les trois syllabes brèves Ve en T( , comme on fait
dans le mot tfptov derive de epa, terre. De-même on
concevra pourquoi il a l'épithète de %avòv (lévoç , hians
vis, et pourquoi on le compare à Saturne. Maintenant
cette même qualité dévoratrice et détruisante que l'on
donne à la divinité elle-même , qui sous d'autres rap-
ports est appelée Phanétès , ce qui met toutes les choses
au jour, n'est certainement pas différente de cette puis-
sance qui conserve en détruisant ; et par laquelle
Alià ex alio refìcit natura , neque ullam
Rem gigni patitur nisi morte adiutam alienam.
(Lucrèce, I, v. a64). Et voici comment on peut attri-
buer au même sujet des qualités et des attributs qui au
premier coup-d'ceil paraissent incompatibles.
Les Platoniciens postérieurs à Orphée ayant adopté
dans leur système tous les mystères de l'ancienne théo-
gonie , conçoivent plutôt sous cette fable les idées des
objets, qui sont toutes renfermées dans l'intelligence,
M^Ti£> du premier principe : mais ceci appartient à des
systèmes plus rapprochés. Gesner expliquant au contraire
Héricapée par Priape, dans le sens qu'il est le symbole
de la génération ou de la vie , veut qu'il soit appelé
ainsi simplement comme Dieu et gardien des jardins ,
faisant dériver TipinaTtaÎoç de j$p , printemps , et de
WtfftOÇ, potager , et alléguant l'exemple de la cité du Bos-
phore Panticapée , qu'il a supposé être ainsi nommée à
cause de ses jardins et de ses fauxbourgs. Mais outre
que cette qualité de gardiens des jardins n'a pas de
connexion avec les autres épithètes cosmogoniques qui
s'y réunissent, savoir: &' intelligence et de lumiere ; et son
opinion n'est appuyée ni par des raisons grammaticales
»i historiques. Si tfpiKaitatOÇ dérive de n^TtOÇ . 9 doit
latrie , et Bacchus fut sans doute ce Dieu qui
se confondit avec Protogonos, Phanetes, Herica-
peus: ces noms étant quelquefois devenus ses ti-
tres (i).
Si nous recherchons les traditions les plus re-
culées , nous trouverons que Phanétès fut très-
anciennement représenté a;vec deux visages, ce
qui fit qu'on lui donna les noms de double ; de vo-
y avoir l'a, dorique de l'antépénultième, ce qui est con»
traire à la quantité' dans ce mot, lequel se trouvant ré*
pété dans tant de vers, a toujours cette syllabe brève.
L'explication avec le nom de Patiticape'e ne peut se sou-
tenir devant l'examen que Ton fera, que ce n'est pas à
cause de ses jardins que cette ville a eu ce nom, mais plutôt,
comme Hérodote l'affirme dans Euterpe , qu'il vient du
fleuve Panticape , et c'est envain qu'on cherche une
étymologie grecque à ce fleuve Scythe.
(i) Orphée, ou plutôt Onornacrite dans l'an 5i, chan-
taut à l'honneur de Bacchus Trietericus, l'invoque sous
le nom de Protogonos et d'Héricapeus :
ïlpoTÔyov tfptkatâme Seôv vdtep tf$è noi éh.
Primigena , atque deûm pater et stirps Ericapaee (l. Scalig.)
Macrobe rapporte ces autres vers du même poëte :
Ov bij vvv nakèwb ^dv^rd re naì Aióvvaov . . • .
TlpÔTOç èç (pdoç tffâe , Aiôvvaoç â7 'ip&tÛffitf.
Quem Phanetem vocant nunc et Dionysum ;
Primas enîm , in lucem prodiit , et Dionysus appellatus est.
Dans un autre fragment du même qui nous a été con-
servé par Proclus on trouve réunie pour Bacchas la troi-
sième dénomination de Métis :
Bpôfitoç rs (léyaç ncà Xevç ô rtavôrtTiçç
Kai Mtfnç vtpôtoç yevèrop.
Bromiusque magnus et Iuppiter omnividens
Et Métis prima origo. ( Fragm. cit. VII et VIII }?
73
jant autour; aux quatre yeux (i). Peut-être les
anciens pensaient-ils que rien ne pouvait être ca-
ché à celui qui avait tout produit, tout formé,
ou Lien plutôt voulurent-ils exprimer ainsi l'autre
nom de Métis ou Intelligence , qu'on donnait au
même sujet, à qui il convient très-particulièrement
de voir en même temps devant et derrière , le prin*
cipe et la fin des choses ;
a^ia itpòaacd xai ômcaG) (2).
(1) Orphée 7 Argon. ; v. 14, 19:
. . . dtfpvvi uepiQftèaj . . . ov pa (bavera
'OftÀórepoi TtaTièvai Pporoì tfpôroç <yàp èfldtâi?.
Duplicem circumvidentern 7 quem Phanetem recentiores
homines vocant > primus enim in lucem prodiit ; et plus
clairement dans ce vers qui nous a e'te' conserve dans le
commentaire manuscrit d'Hermias sur le Phedrum de Pla-
ton ; et rapporte dans l'Orphée de Gesner ; page l\o5 7
Phane'tès est décrit ainsi *
liérpacnv ôfiSaXfioicnv ôpôfievoç evSa nal ev^a ,
Quatuor oçulis adspiciens hinc , et inde :
d'où Hermias infère que Phane'tès est la Tétrade, opi-
nion à laquelle peut l'avoir conduit la connaissance des
hermès ou simulacres quadrangulaires du Bacchus Pha-
nétès : l'hymne même du Protogonos commence ainsi;
HpmâyQVQP K&Àéo dtfpvri.
Primigenam obtestor geminurn.
Ainsi Janus fut appeié geininus par les Latins; et Ovide
lui donne l'épithète de oçulos diversa tuentes ( Fast. ,
liv. I); expression qui équivaut à celle d'Orphée vteplGmêa:
il est vrai que quelquefois cette double figure du Bac-
chus Phane'tès fut interprétée par diversité de sexe ; de-la
le Bacchus Androgine 7 et les images à deux figures.,
une mâ*e; l'autre de femme ; telles que nous les remar*
querons dans les monumens cités plus loin.
(2) lliad. A; v. 343.
73
Celte idée, que dans la primitive idolatrie des Grecs
on avait imaginée du Phanétès , fut aussi celle-là
même que se firent de Janus les premiers habi-
tans de l'Italie (i); et comme les peuples de la
Grèce confondirent le premier avec le Soleil et
avec le Bacchus , les Latins en firent autant avec
Janus (2). Les Grecs ayant imaginé que Phané-
(1) Nous avons vu que Phanëtès fut le premier qui
parut de tout ce qui existe. Dans l'hymne de Protogonos
le même poète dit:
'Qoyevtf
. . . yévemv ^anâpQV SvfitQV t* àvSpórtov.
Ovigenam - divûm atque hominum genitabile semen.
Les auteurs latins disent la même chose de leur Janus»
Ce Dieu s'exprime ainsi dans les Fastes d'Ovide (liv. 1,
v. ïo5 et suiv. 5 Iïl et suiv. :
Me Chaos antiqui 7 nam sum res prisca , vocabant :
Adspiçe quant longi temporis acta canam • . ,
Tune ego qui fueram globus et sine imagine moles
In faciem redii dignaque membra deo y
Festus donne encore plus clairement, au mot chaos, à
Janus les qualite's de Protogonos et de Phane'tès: Chaos
appellai Hesiodus confusam quandam ab initio unitatem
HIANTEM patentemque in profundum : ex eo et yaiveiV
Graeci , et nos hiare dicimus. Unde Ianus detracta adspi-
ratione nominatur ideo quod fuerit OMNIUM PRIMUS,
cui primo supplicabant velut PARENTI , et a quo rerum
omnium factum putabant initium. Voici le ftpôroç yàp
épatât? (primus in lucem prodiit ) du Phane'lès Orphique
rendu exactement. Voy. en outre Servius > liv. \7lll de
Y Enéide, v. i8o; et Terentian, de metr. in Choriamb. ,
qui indique les mêmes doctrines. Toutefois nous pou-
vons retrouver encore Y tfpixaftaiOV dans les hiantem.
(2) On peut consulter les fragmens d'Orphée; n. \If,
74 t
tes était fils de Chronus , ou enfanté par le temps 5
les Latins aussi disaient que Janus était fils de Satur-
ne (i). Yoilà , selon moi, quelle fut l'origine de
ce Dieu dans le Latium; où il a paru appartenir
entièrement à la superstition latine ; mais je pense
qu'il ne laisse pas cependant d'être commun avec
les superstitions grecques , et dont peut-être bien
peu se sont doutés jusqu'ici : de sorte qu'on voit
cette divinité représentée également dans les mo-
numens grecs et romains (2).
sur la confusion qu'on a faite de Phanétès, avec le So-
leil. Nous avons déjà fait remarquer celle avec Bacchus.
Janus aussi fut confondu avec le Soleil, et de -la avec
l'année \ et par cette raison son nom est dérivé ab eundo
comme on dirait Eanus , et la Lune par le même motif
fut appelée lana. V. Macròbe, Sai. I , c. IX , et Cké-
ron , de nat. Deor. , liv. II ; Vossius , Etym. , v. lanus.
On confondit aussi Janus avec Bacchus ; et il fut regardé
comme un des premiers qui ait enseigné l'agriculture,
et particulièrement à fai 1 e le vin. V. Athénée , liv. XV ,
ch. i3 , et Lilius Girai dus, Syntagm. IV.
(1) Phanétès est fils de Cronus , suivant l'auteur des Ar-
gonautes, v. i3: Janus est fils de Saturne; selon ses mytholo-
gies obscures dont parle Giraîdus dans l'endroit cité.
(2) Ovide a écrit dans les Fastes (liv. I, v. 89 ), peu
savamment , ou au moins en examinant seulement les re-
ligions de son temps :
Quem tamen esse deum te dicam > Jane biformis ?
Nam tibi par nullum Graecia numen habet.
Non seulement nous avons reconnu que les doctrines théo-
goniques sur le Phanétès grec sont conformes aux opi-
nions des mythologues latins sur Janus ; non-seulement
nous avons vu attribuer également à ces deux divinités
*5
Nous voyons maintenant d'où provient la con-
fusion que l'on a faite de Bacchus Phanétès avec
les deux faces > mais nous trouvons sur beaucoup de mé-
dailles grecques ces images doubles , et toutes deux ayant
de la barbe, comme la plupart des têtes de Janus, ou
toutes deux imberbes, ou enfin Tune avec ìa barbe,
et l'autre sans barbe, celle-ci est peut-être féminine^
comme quelquefois sont les Janus latins des deux se-
xes. Le plus remarquable de ces monumens c'est la
très-ancienne médaille de Camarina dans la Sicile ; sur
cette médaille Phanétès est représenté avec deux têtes
barbues, avec des ailes, avec le taureau Dionysiaque a
«es pieds et ayant sur la poitrine un disque ou un cer-
cle : on peut expliquer cette figure par l'ancien Cahos
à propos duquel Ovide fait dire à son Janus :
Tune ego qui fueram globus et sine imagine moles
In faciem redii dignaque membra deo ;
ou pour l'œuf cosmogonique , d'où Phanétès est appelé
'Hoyeviiç , Ovigena, ou à cause du disque solaire qui
est l'image la plus remarquable de Phanétès. M. d'Han-
carville dans ses Recherches , que nous avons souvent ci-
tées , s'est aperçu fort à propos que le type de cette mé-
daille représente très-certainement la même divinité à la-
quelle est adressée l'hymne d'Orphée du Protogonos.
Mais je ne saurais pourquoi il a ensuite voulu attribuer
cette figure aux Mardiçns, peuples de la Perse, quand cer-
tainement la médaille a été frappée dans la Sicile et par
la ville de Camarina , comme le démontrent la compa-
raison que Ton peut faire des types, et les endroits où
Ton découvre sous-terre de pareilles médailles , et cela
d'après le témoignage d'un savant connaisseur tel qu'est
M. Sestini ( Lettere numismatiche , tome I, page 52. On
y ajoutera celui de Pellerin , Peuples et Villes 7 tome III,
pl. 334 , et les médailles de Camarina qui appartiennent
au prince de Torremuzza ). On voit aussi le Phanétès ou
Janus à deux faces sur les médailles de Ténède , et sur
celles d'Athènes, avec des ornemens Bacchique dans les
76
Mercure , puisque nous avons vu donner aussi à
Mercure les doubles visages. Mercure étant dans
l'idolatrie mystique et symbolique le Dieu du Gé-
nie, a bien pu remplacer les images de Métis ou
de Y Intelligence , comme Bacclius et le Soleil a
été substitué à Phanétès , et Mercure a pu être
confondu de même avec Phanétès et avec le So-
leil lui-même. On dédiait à Mercure les pierres qui
servaient de termes , et les petits amas de pierres
qui se formaient dans les campagnes et dans les
chemins , dans différentes occasions et pour des
intentions diverses (i); de-là naît un nouvel équi-
voque qui le fait prendre pour Phanétès , le So-
leil qu'on représentait aussi symboliquement de
même par des pierres, des colonnes, des éguil-
les , que l'on vénérait. Alors comme les Grecs le
confondirent avec Phanétès, les Latins n'en firent
qu'un avec Janus. De-la vient que nous voyons
beaucoup d'images de Janus, en bronze, des Latins,
cheveux , et Tune des deux têtes paraît être d'une femme.
Nous donnerons les dessins de ces types dans les plan-
ches de supplément a la fin de ce volume. Cependant
un passage de VExegesis de Nonnns, n. 78 , nous fait
connaître assez que la tête n'était pas la seule chose que
Ton redoublait dans les images de Phanétès ; parce qu'on
le peignait aussi aiBoîov e^ovra bmviù mpl tijv m)yr(v-
(1) Kircher parle là-dessus d'une manière savante peu
ordinaire dans son Oedipe Égyptien, tome page 588
et suiv. , où ce qui est remarquable esile fragment d'Em-
pedocle que nous a conserve' Tzetzes, Chil. XI II ; lu'st. 464>
lequel prouve que la tête placée sur le haut d'un pilas-
tre, comme daus les hennés, est un symbole de l'intelli-
guice divine.
77
coiffées du Pétase. Si bien qu'on peut indifférem-
ment les appeler des Janus avec le chapeau de
Mercure ou des Mercures à deux faces.
Mais si ces termes sculptés furent appelés com-
munément par les Grecs des Mercures ou des
hermès , cela ne fut pas si général , que de pa-
reilles images ne fussent regardées dans la Grèce
Sicilienne comme des Bacchus , et qu'elles ne fus-
sent ordinairement honorées par le culte que l'on
rendait à Bacchus et aux inventions qui prove-
naient de lui (i). Si donc j'ai classé les hermès à
deux faces , à cheveux longs , et barbus , parmi
les monumens Bacchiques , il me paraît que j'ai
trouvé assez de raisons pour me déterminer à le
faire , et que ce serait vainement qu'on m'objecte-
rait contre, ce que les anciens nous ont laissé dans
(i) Ce que dit Suidas au mot ^JiapótepOQ prouve évi-
demment que les hermès Propilées , c'est-à-dire place's
devant lés portes des maisons, étaient tous regarde's à Athè-
nes comme des Mercures. En Sicile ils portaient le nom
de Bacchus , et on leur avait donne le surnom de MtfyOZ"-
yoç (Morychos) à cause du moût de vin qu'on répan-
dait sur ces hermès. Dé-là est venu le proverbe fiopóte-
poç MQpVftOV , Plus fou que Morjchos , ou que Ther-
mes Bacchus , lequel au lieu d'entrer dans les maisons
reste toujours à la porte. En outre il est à remarquer que
souvent les hermès de Mercure avaient de la barbe, et
que leur chevelure était disposée comme celle des Bac-
chus, ce qui est enlièrement démontré par un vase de
terre cuite publie par Mazoçchi (ad iab. Heracl. , pa-
ge ï38), où sur le pilastre d'un hermès semblable aux
Bacchus barbus, on voit sculpte le caducée de Mercure,
7*
leurs écrits sur les images à deux faces de Mer-
cure et de Janus. Mais c'est s'occuper trop long-
temps de ces symboles obscurs et fantasticjues de
la science des anciens.
Le style de ces sculptures est très-simple et
très-noble, quoiqu'il y ait de la roideur dans les
contours et de la dureté dans les masses. Cepen-
dant une certaine grâce qui se fait remarquer dans
l'ensemble et dans les accessoires , paraît démon-
trer que cette sécheresse est due à une exacte imi-
tation de la manière ancienne, plutôt qu'à une
époque d'antiquité reculée qui vit produire les
deux monumens.
PLANCHE IX.
Silène *.
Le style hardi , large et expressif que Fon a-
perçoit dans le travail de cette image de Silène,
et la fantaisie qui présida à son invention , con-
courent à rendre un sujet aussi ordinaire et aussi
gai que celui-là, assez intéressant et méritant Pat-
* Il a de hauteur avec le piédouche deux palmes et
demie. Le marbre est pentélique. Autrefois il était par-
mi les antiquités de la ville Mattei ; et on le trouve pu-
blié dans le tome II de la collection intitulée Mona-
menta Mathaeiorum , pl. "VI.
79
tetktiou des curieux. Indépendamment de diverses
particularités moins ordinaires qui relèvent encore
le mérite de cette sculpture très-bien conservée,
telles que sont la peau de lion à la place de la
Nebride (i), le front chevelu, et non pas chauve»
comme on le voit communément aux Silènes (2),
(1) Nous avons déjà dit quelque chose du rapport que le
lion a dans les choses qui appartiennent à Bacchus, vo-
yez les notes de la plane. XXII, page ioï, n. (1) T et
pl. XXIX, p. 225 , n. (1) du tome l\7. Les allégories de
la mythologie mystique pourraient en indiquer encore
davantage. Quant à l'usage des peaux de lion dans les
Bacchanales, il suffit de rappeler le passage d'Aristo-
phane {Ran. 43) a été déjà cité par les savans qui
ont explique' les tableaux d'Herculanum , tome V ; plan-
che XIV.
(2) Si on entend par Silènes les images des vieux Fau-
nes et des Satyres , la chose est hors de doute , et on
trouve beaucoup de Silènes sur lesmonumens, sans être
chauves , ni camus. Mais si ce nom est cependant res-
treint à signifier seulement le précepteur de Bacchus ,
ce n'est pas une chose si ordinaire que de le voir sans
ces caractères de sa figure si connus. Toutefois cela ne
peut s'opposer a l'explication de cette sculpture, laquelle
peut bien représenter un Silène, quant au genre. Non-
obstant, ce demi-Dieu rustique ayant été dépeint par les
écrivains des fables sous deux aspects moraux bien dif-
férens , on ne devrait pas être surpris de le voir aussi
diversifié dans ses effigies. Comme en effet il n'est pas
camus sur une pierre du Musée Florentin , tome î\ plan-
che 46 , et sur une autre plus remarquable publiée dans
les Notizie d'Antichità de Tannée 1786^ mars, pl. II,
que j'ai expliquée; de même il n'est pas représenté chauve
dans plusieurs monumens des Académiciens d'Hercula-
num; tome II des Bronzes) et de plus il n'est ni chauve
8o
la situation de la tête renversée en arrière, et près*
que appuyée sur les épaules, contribue davantage
ni camus dans une peinture ancienne rappele'e par Causse,
Pict. antiqu. crypt. Rom. , pl. XI ; sur un sarcophage
rare inédit delà maison Farnese 5 et, comme je le crois,
aussi sur la médaille du roi Antigonus, qui a été pu-
bliée par Winckelmann dans les Monum. inéd. , n. 4* f
et depuis par celui qui a ajouté des notes a son Hist.
de l'art , tome I, page 5 , et tome lit , page ^18 ; et
cette courte digression ne sera pas inutile à propos de
la même médaille. Winckelmann avait pensé que la tête
couronnée de lierre, et ayant les cheveux et la barbe hé-
rissés, était celle de Pan -y M. Féa la croit plutôt celle
des Bacchus Indiens , et il observe qu'elle pourrait être
encore le portrait d'Antigone lui-même, qui aimait à pa-
raître sous des formes ressemblantes à Bacchus. Il per-
suade assez facilement que ce n'est pas une tête de Pan 9
mais il ne réussit pas de même à la faire croire celle
de Bacchus , parce que les images barbues de Bacchus
sont toutes ornées d'une chevelure longue et presque
propre à une femme , tandis que les cheveux de la tête
empreinte sur la médaille sont au contraire hérissés , mal
en ordre. Ce peut encore moins être le portrait d'Anti-
gone , lequel , selon l'usage des Macédoniens et des au-
tres successeurs d'Alexandre , devait avoir le menton
rasé , ce qui est prouvé par tant d'images. Pour moi je
conjecture qu'il est plus "vraisemblable que ce soit la fi-
gure de Silène représenté avec une physionomie plus
noble et moins caricature , parce que le peuple voulait
qu'Antigone lui ressemblât, et que ce roi ne rejetait
pas si loin cette comparaison, qu'au contraire il se flattait
que ce demi-Dieu lui serait favorable dans les expédi-
tions ( Sénèque , de Ira , liv. III, c. 22). Par rapport au
revers de la médaille , où l'on voit Apollon tenant un
arc, assis sur un vaisseau, et ce Dieu fait sans doute al-
8 Ir
à en Estinguer le caractère, à montrer l'ivresse*
et à nous mettre sous les yeux l'état de son esprit
relâché et grossier , épithète qui ayant été prise
de l'abandon de son corps, a paru propre à indi-
quer avec tant d'évidence cet affaissement de l'ame
qui accompagne, ou pour mieux dire, qui précède
l'anéantissement de ses facultés. Le front de ce
nourricier ivre de Bacchus est ceint > comme de
coutume, d'une couronne de lierre.
F AUNE •
Là physionomie riante et agréable du jeune
t^aune que l'artiste a exécutée avec beaucoup de
grâce dans ce buste , nous rappelle l'origine que
les mythologues donnent au nom de Satyre, le-
quel peut aussi bien que celui de Faunes, plué
commun^ convenir à des images de ce genre (i)*
lusion à la trirème qu'Antigone dédia à Apollon en mé-
moire de la bataille navale remportée dans les mers de
Leucolla de la Pamphilie ; par sa flotte contre les ami-
raux de Ptolomée ; notice que nous a conserve' Athé-
née (liv. V, ch. i5), et qui contient l'explication na-
turelle de ce type qui a échappé à l'érudition de Winckel-
mann et aux recherches de son commentateur.
* Hauteur avec le piédouche deux palmes, trois quarts*
Il est en marbre pentélique. La tête seule est antique.
(i) V. notre premier tome > pl. XL\7[; page 32i; et
tome HT, pl. XLII , page 199, n. (1).
Musée Pie-Clêm, Vol. YI. 6
32
Ils prétendent que ce mot est dérivé d'une expres-
sion grecque qui signifie ouvrir grossièrement la
bouche pour rire (i), propriété que Ton recon-
naît dans ces êtres hommes et auimaux qui sont
à la suite de Lyacus , lesquels, dans leur joye im-
modérée, conservent la légèreté et la vivacité de
ranimai, dont la nature entre dans leur formation,
selon ce qu'ont imaginé les artistes et les poètes (2),
PLANCHE X.
La Comédie et la Tragédie *.
Ces deux têtes d'une proportion presque colos-
sale qui offrent, avec une intégrité rare, une exé-
(1) Fornute, de nat. Deor.} ch. 3o , dit que les Sa-
tyres sont appelés ainsi â<jzo TOV Ce cripèvai , doriquement
cecapèvobl , renidere deducto rictu ut dentés conspician-
tun de sorte que de cecapoTOÇ ou capôroç on a fait
par métaplasme ou antithèse càrvpoç.
(2) Les petites excroissances ou carunculae qu'ont les chè-
vres, et qui se voyent suspendues au col du Faune, sont
ordinaires dans d'autres monumens. Nous les avons déjà
fait remarquer à la pl. 3ÉXIX du tome IV ; on recouv-
rera aux notes (1) et (2) de la p. 225.
* Hauteur jusqu'à la poitrine, trois palmes et un sixième.
Ces sculptures sont d'un marbre blanc très-fin , que les
ouvriers appellent de Paros, qui n'en est pas cependant $
inais on ne peut avec quelque certitude fixer de quelle
carrière les anciens le tirèrent , puisqu'il y avait , dit
Pline, beaucoup de marbres de son temps, qui surpas-
saient en blancheur celui de Paros ( Hïst. Nat. 1. XXXVÏ
83
eution pleine de ménte > sont un monument très-
distingué des arts de la Grèce sous Adrien» Elles
ornaient Pentrée du théâtre de la Villa Tyburtme
appartenant à cet empereur b et elles étaient pla-
cées comme des hermès sur des pilastres de mar-
bre mélangé ( i ). Les artistes et les antiquaires les
§ IV , 2 ), témoignage assez peu favorable pour l'opinion
de ces modernes qui prétendent que tous les marbres
qui surpassent le Paros en blancheur sont de Luni, de
même que d'autres connus pour être grecs, et qui sont
d'une finesse de grain et d'une blancheur supérieure. Ces
deux beaux morceaux ont été parmi les antiquités de
la collection du feu comte Fede , dans la Villa Tibur-
tina , ayant fait partie de l'Adrienne, laquelle est devenue
dans ces derniers temps une mine abondante de sculptures
excellentes 7 dont quelques-unes feront le sujet de nos dis*
cours dans ce volume même. Je ne puis cependant gar-
der le silence sur la très-belle copie en marbre pentéli-
que du Discobole de Miron qu'on y découvrit Tannée
dernière. Elle correspond en tout le reste avec l'autre
Discobole des Maximes , dont nous avons parlé plusieurs
fois comme provenant de l'original lui-même. Il a cepen-
dant un mouvement différent de la tête qui se tourne
d'un autre côté , c'est-à-dire vers la carriere où il doit
lancer le disque. Ceci nous confirme l'idée que nous avons
énoncée, dans d'autres occasions, que les anciens maîtres
à grand talent usaient de quelque liberté en copiant des
inonumens plus anciens. Au reste, les deux têtes dont nous
nous occupons, acquirent de la célébrité parmi les artis-
tes aussitôt qu'elles eurent été découvertes, et il en existe
diverses copies , principalement de la Comédie, parmi les-
quelles une très-excellente, en pierre fine, exécutée par
l'habile graveur anglais M. Marchant*
(0 Ils sont faits du marbre que les ouvriers connaissent
84
prenaient simplement pour deux Bacchantes, avant
que Ton pût , à Faide de quelques formes certaines
et peu ordinaires , ainsi que du lieu où elles fu-
rent trouvées, conjecturer ce qu'elle représentaient
véritablement (i). Je vais à présent mettre sous
les yeux des lecteurs les particularités qui m'ont
sous le nom de Porta Santa, parce que Ton en fit dans
le XV siècle les pied-droits de la porte du Jubilé dans
la basilique du Vatican. Il est incertain à quel marbre
des anciens celui-ci peut correspondre. Peut-être celui de
Chio > ou celui de Sciros , ou l'Epirotique, tous fameux
par la variété' de leurs taches , lesquelles dans la Porta
Santa paraissent blanches , bleues , sanguines et roussâ-
tres. On voit que les anciens Font souvent employé à des
incrustations, à des corniches et en colonnes ; mais pas
comme ici à former les draperies des figures -, aussi ces
morceaux en deviennent plus curieux et plus rares. Ces her-
nies sont tous sculptés comme s'ils eussent été couverts d'une
légère tunique plissée à petits plis , laquelle par la diver-
sité des couleurs du marbre devait imiter les habillemens de
différentes couleurs dont on se servait au théâtre. Le
comte Fede ne prit pas le soin de faire remettre ces deux
monumens dans leur premier état j d'autres après lui les
négligèrent de même : leurs poitrines telles qu'elles sont,
furent exécutées par M. Cavaceppi; d'après les anciens bustes
qui existaient chez un marbrier , où peut-être sont-ils en-
core. Et à la vérité les artistes modernes, et ceux qui
étudient et vantent la philosophie des arts , réprouvent
et corrigent, quand il plaît au ciel, les ouvrages des an-
ciens dans ces marbres ou autres matières différentes qu'ils
y adaptaient si fréquemment et avec art , et qu'aujour-
d'hui on traite de mauvais goût *ïç 'A$i?Volv.
(i) V. notre tome I, pl. XLVI, *, où j'ai proposé mon
opinion ayec ses motifs.
85
fait retrouver en elles des images allégoriques de
la Tragédie et de la Comédie.
Le caractère si différent qui domine dans ces
deux têtes, l'un de joye, l'autre de tristesse ; l'exé-
cution des cheveux qui dans toutes deux est sem~
blable à celui des masques scéniques, et qui sont
ornés du bandeau des Bacchantes dans celle où
l'on voit exprimée la joye , me paraissent des in-
dices tels, qu'en se réunissant avec la place qu'oc-
cupèrent anciennement ces deux sculptures, ainsi
que leur correspondance évidente , l'opinion que
je propose en acquiert une vraisemblance con-
sidérable, qu'accroît encore infiniment une observa-
tion attentive et très-recherchée de ces têtes. La
physionomie de celle dont les cheveux ne sont
pas relevés par des pampres , est triste et abat-
tue. Elle convient fort bien non-seulement au ca-
ractère de quelques personnages du sexe dans les
Tragédie grecques , car elle offre dans sa coiffure
Tajuslement qu'avaient leur masques, mais elle cor-
respond particulièrement à cette physionomie que
Pollux décrit pour le masque tragique, d'une fem-
me à la fleur de son âge , comme serait une An-
dromaque, une Médée; ce masque s'appelait au théâ-
tre Pallida cornata (i). Le regard triste qui
distinguait le masque est le caractère remarquable
du visage de cette tête; et si la couleur pâle
(i) Pollux, Onom., liv. IV, §140: H> dk Kar<WO[lQÇ
&%pà rè (fMf&fia ùvm?póv: celui qui s'appelle PallicU
cornata a le regard méchant*
86
et blême ne peut être exprimée par le marbre f
l'artiste a si bien su réunir toutes les particularités qui
ont avec la tristesse quelques rapports inséparables,
commende la roideur dans les contours, la contention
des muscles des sourcils qui font supposer cet état ,
que, suivant moi , aucun peintre qui aurait con-
naissance de l'antique et qui serait doué d'une
certaine intelligence, ne pourrait en faire une bonne
copie coloriée sans donner à ce visage une teinte
pâle et sombre. Mais dans l'autre, qui avec sa couron-
ne Bacchique nous fait voir qu'elle s'est livrée tout
entière à Bacchus et à ses fêtes ( expressions dont
se sert Lucain en parlant de la Comédie (i)),
l'artiste ancien eut soin, pour qu'on ne la confon-
dît pas avec une Bacchante , de lui domjer des
traits pris dans le beau idéal, très-caraçtérisés et
différens de ceux que les arts^ employaient ordi-
nairement dans d'autres têtes de femmes qui n'étaient
pas des portraits. L'arc que forment les sourcils ,
la cavité qui se trouve entre le front et le nez,
le contour du nez lui-même, diffèrent dans cette
tête , plus que dans l'autre, de ce que l'on re-
marque ordinairement daus les têtes grecques, aux-
quelles elle ressemble cependant daus les formes
(i) H; de (Ko^iQ^ia) rtupadovm ro Aiovvaw iavx^pr
v. Lucien , Prometheus es in verbis. On a déjà fait la
remarque que le théâtre dut son origine à Bacchus j ainsi
nous avons observé dans le tome I; pl. XV IH ; p. ï8o,
et pl. XlXj pag. i85; les Muses tragiques et comiques
couronnées de fampres et de lierre comme des Bac-
chantes.
H
du front , des joues , et celles non moins nobles
du cou. Maintenant laissons de côté les aulres ca-^
ractères, et voyons le profil du nez qu'on appe-
lait dès lors sous aquilin , il était absolument par-
ticulier aux masques de la Comédie grecque (i),
et c'est ce contour précisément que je n'ai jamais
trouvé dans aucune autre image idéale antique d'une
femme ou d'une Déesse , et peut-être même se-
rait-ce en vain qu'on le chercherait hors des mas-
ques de théâtre auquel il était particulièrement
affecté. Ajoutons à cela, que dans les deux têtes,
N en outre de la hauteur, fastigiata, de la coiffure (2),
les cheveux tombent sur le front d'une façon si
composée et symétrique, qu'on conçoit l'idée que ce
ne sont pas des cheveux naturels , mais qu'ils sont
faux , étrangers , tels qu'ils doivent être sur les
masques scéniques, et tels en effet que nous les
voyons sur ceux qui nous sont parvenus. Je suis
donc vraiment persuadé que l'excellent artiste avait
l'intention de représenter la Comédie et la Tragédie
en exécutant ces admirables sculptures, destinées
(1) Pollux, 1. c, § i44 et *48> donne, et le répète, le
caractère de nez èftiypvftOS 7 subaquilinus, aux masques
de la come'die. Nous le voyons même dans le masque
d'un acteur représentant une scène, lequel est parmi les
Peintures d! Herculanum^ tome I, pl. IV. Les nez de ces
deux tètes, quoique restaurés à leur extrémité, ont évi^
demment cette forme.
(2) Nous avons déjà remarqué que cette forme pyra-
midale des cheveux aux masques était appelée par les
Grecs ô^HOÇj et par les Latins superficies*
88
1 à être placées, comme des hernies Propylées , U
la porte du théâtre., dont la forme et le vaisseau
s'est conservé jusqu'à nos jours, et qui était bâti
dans une des plus délicieuses maisons de campa-
gne d'un prince ardent amateur de tout ce que les
arts ont produit de beau.
Il est peut-être inutile d'imaginer que quelqu'un
puisse avoir encore des doutes au sujet de la dé-
nomination que je propose pour ces deux bustes,
et qu'il prétende, pour la combattre, que les per-
sonnages allégoriques de la Tragédie et de la Co-
médie n'avaient aucune différence dans l'antiquité
avec les deux Muses Melpomène et Thalie ; et que
par cette raison les têtes que nous examinons
n'ayant pas de rapports avec les images bien con-
nues de ces Muses, c'est en vain qu'on voudrait
y reconnaître les portraits de la Tragédie et de la
Comédie. Si Ton venait me présenter cette objection
je répondrais, que nous ne devons pas prescrire
aux artistes anciens des bornes a leur imagination
v quand ils n'en connurent pas , et que les poètes
ayant souvent personnifié la Tragédie et la Co-
médie, sans avoir égard aux Muses qui présidaient
à ces jeux scéniques , les artistes les ont imités.
Nous en avons une preuve très-frappante et in-
contestable dans le bas-relief de l'apothéose d'Ho-
mère au palais Colonne , sur lequel sont sculptées
toutes les Muses , et sur le même se voyent les
personnages allégoriques de ces mêmes Muses>
qui sont bien différens , savoir de la comédie , de
la tragédie , de la poesie et de T histoire, et qui
8&
sont tontes distinguées d'une manière certaine par
les épigraphes grecques qui sont près de chacune ( t).
PLANCHE XL
Le Sommeil *.
Un hermès semblable à celui-ci dans son pro-
fil , par la barbe , ayant des ailes de papillon dé-
ployées devant les oreilles (2) , et qui se voit re-
produit dans plusieurs gravures antiques , n'est pas
un sujet extraordinaire pour ceux qui ont quelques
connaissances des antiquités grecques et latines.
Comme quelques personnes avaient cru y recon-
naître une image de Platon , j'ai avancé ailleurs
déjà unë opinion absolument différente , rejetant
l'idée du prétendu portrait de ce philosophe, tant
à cause de la différence des traits avec une image
bien plus certaine de lui , que par l'ajustement
Dionysiaque de ses cheveux , qui tient plutôt de
la femme , telle qu'on le voit ordinairement aux
Bacchus barbus ou Indiens , et qui ne peut con-
venir au portrait d'un philosophe comme Platon (2).
(1) Voyez ce superbe monument que nous avons de
nouveau publié et explique' à la fin du tome I ^ pl. B }
n. 1 ; pag. 352.
* Hauteur deux palmes moins une once. Il est en mar-
bre pentélique.
(1) Winckelmann ; Monum, inéd. , n. 169. Voyez aussi
dans les recueils d'empreintes des pierres grave'es anti-
ques.
(2) Voyez notre premier volume , pi» XXVIII , p. 5*47,
9°
Je fis la remarque que cette façon Bacchique de
porter les cheveux et la harbe, que ce profil même,
se trouvent dans quelques effigies bien connues du
Sommeil (i) , auquel on donna aussi des ailes at-
tachées au front, D'où je concluais qu'on devait
avec fondement regarder ces images sur les pier-
res gravées, comme celles du Sommeil lui-même,
lequel ayant eu des honneurs et un culte dans la
poesie et dans la religion de la Grèce (2) , de-
vait être pris pour sujet dans les ouvrages des
beaux- arts.
Ce que nous venons de dire suffit aussi pour
retrouver dans Thermes que nous offrons l'effigie
du Dieu du Sommeil ; cet hermès était peut-être
destiné à orner un champ sépulcral , ou à être
placé dans des endroits mystérieux de quelque
et pl. A III, n. 5, p. 346? IV, 8, pag. 348, où nous
rejetons par divers motifs l'opinion que Winckelmann
avait soutenue.
(1) Le Sommeil a la chevelure et la barbe pointue
comme les Bacchus Pogoni ou barbus du bas-relief expli-
qué dans le tome IV de ce Musée, pl. XVI, pag. i3i,
et dans le pareil du Musée Capitolin , tome IV > plan-
che XXIV. Le Sommeil a aussi des ailes de papillon
dans beaucoup de monumens qui ont été déjà cités
tome I, pl. XXVLII, page 247 ; dans le Ili , pl. XLIV,
page 2i3; dans le IV, pl. XVI, page i32, où j'ai en-
core rappelé les marbres qui nous le présentent avec des
ailes aux tempes. On peut y ajouter le bas-relief de la
Villa Albani ci lé dans Y Indicazione antiquaria , n. 211.
(2) Voyez les hymnes d'Orphée au Sommeil $ elle est
ïa 84.
9*
maison de délices , où les eaux sacrées invitaient
par leur murmure, jointes à une ombre salutaire, les
hôtes à se reposer. Ce marbre nous offre les mêmes
traits de ressemblance avec les pierres gravées dont
nous venons de parler, et les tempes ont la même
décoration allégorique , excepté que les ailes de
papillon sont ici couvertes par un palliolum qui
est attaché sur le front du Dieu par le diadème
Dionysiaque , couverture qui peut avoir dans l'image
du Sommeil ses mystères , mais qui pourrait aussi
y avoir été placée par la fantaisie de l'artiste, le-
quel aura voulu ainsi voiler la tête de son lier-
mès qui devait être exposé aux ardeurs du So-
leil dans la campagne , de même que des hommes
efféminés cherchaient à se défendre de l'excessive
chaleur (i).
Or donc si les monumens bien certains nous
montrent le Sommeil sous ces formes et ayant de
même le front garni d'ailes, nous ne pouvons avoir
aucun doute sur le sujet de cette sculpture. 11 ne
nous reste que le désir curieux de conjecturer
quels ont pu être les motifs qui ayent engagé les
anciens à donner souvent au Sommeil des traits
et des ornemens Bacchiques ; puisque le large dia-
dème qu'il a sur le front est de cette espèce.
J'avoue vraiment que je ne me suis rien rap-
(i) Il a été dit quelque chose dans le tome III, plan-
che XIX; page ioì; n. (i) ; du petit palliolum appelé
icrpiOV précisément parce qu'il servait k réparer la
tête contre l'ardeur du Soleil.
pelé de positif qui puisse expliquer ce rapport»
Mais il n'est pas difficile d'imaginer des allégories
entre les deux divinités du sommeil et de l'ivresse.
En outre c'est qu'à toutes deux s'appliquent égale-
ment les titres solennels et bienfaisans de Ljsiae
et Ljsimerimnae (i), que l'on peut rendre avec
exactitude ainsi : qui chasse les soucis des mor-
tels.
P L A N C HE XII.
Hermeracle
Ce superbe morceau des ruines de la Yilla
Adrienne est par son travail excellent un des mo-
numens le plus noble et le plus admirable de tous
ceux qui nous sont parvenus après avoir orné les
palestres des villes grecques ou romaines (2). Les
(ï) yi les hymnes d'Orphée XLtX , v. 2 , 9 ; LXXX IV,
Y. 5 ; et les Gnome de Secondus , art. Qui est Somnus?
parmi les opuscules Mjtologiques } etc., de Gale,
* Hauteur, y compris toute la partie antique du pilas-
tre, cinq palmes et demie. Il est de marbre grec dur.
On Ta trouve' dans la Villa Fede à Tivoli, avec plusieurs
autres monumens de mérite qui existèrent chez le feu
comte Giuseppe Fede , et qu'à sa mort le souverain Pon-
tife acheta.
(2) Les Romains avaient l'usage , soit pour embellir
leur maisons de campagne, ou pour faire leurs exercices,
d'y construire des palestres ou gymnases à l'instar des
Grecs, et ils y prodiguaient tout le luxe dont ils étaient
capables. Nous avons pour témoignage les lettres de Pline
9*
contours moëlleux et sublimes d'Hercule imberbe
qui est représenté avec des cheveux crépus, et des
oreilles qui distinguent ceux qui s'exerçaient à la
palestre, et la couronne de peuplier (i), autori-
seraient à le considérer comme un reste des arts les-
plus anciens dans les beaux siècles de la Grèce ,
quand même quelques-uns des monumens qui ap-
partiennent très-certainement au temps d'Adrien ne
fussent pas portés à un tel degré de perfection
qu'ils peuvent détruire les vains systèmes et les
périodes qui furent déterminées par la fantaisie seule
de ceux qui jusqu'à présent ont écrit sur les an-
tiquités (2).
( liv. II, ép. if])f où il fait mention de Gymnase et de
Xiste m7 encore mieux celles de Cice'ron (ép. adFatn. VII,
23 ; ad Attic. 17 4? 6 et n ) 7 et même celles-ci nous ap-
prennent que les hermès étaient l'ornement le plus ordi-
naire de ces lieux et celui qui leur convenait.
(1) Le peuplier, de cette espèce particulière qu'on nom-
mait en latins populus alba, en grec TbeVKtf et d^epolç
avaif , croyait-on; été' rapporté par Hercule à son retour
des enfers dans la Grèce y ou chez les Molosses ( Pau-
sanias, liv. V7 c. XIV). D'autres ont dit qu'il avait en-
trepris cette terrible expédition étant couronné de peu-
plier, et ils font dériver des vapeurs et de la suye des
bouches de l'enfer, les diverses couleurs que les feuilles
de cet arbre ont à leur partie supérieure et inférieure
( Servius dans Virgiie , Aen. V , 1 5 4 ). La couronne de
peuplier était donc particulière à Hercule, Q uelqu'im
pourrait lui substituer celle du lierre; mais les anciens
n'ont jamais manqué pour distinguer les couronnes de
lierre d'y ajouter ses graines.
(2) Je ne prétends pas soutenir par-là que les anciennes
94
Une particularité qui se fait remarquer au pre-
mier coup-d'oeil dans la très-belle tête d'Hercule,
ce sont ces oreilles plus petites qu'il ne convient,
marquées par des cicatrices en travers , écra-
sées, et presque adhérentes à la tête. Une des
plus heureuses découvertes qu'ait fait Winckelmann
fut certainement celle de reconnaître dans de sem-
blables oreilles le caractère athlétique par lequel
on distinguait ceux qui combattaient dans la pa-
lestre sous les noms à'Ototladj et à'Otocataoci y
qui exprimaient les contusions et la fracture de
leurs oreilles, causés en partie par le pugilat, en
partie par les bandelettes dont ils se servaient pour
les mettre à l'abri des coups, et sans doute par
quelques autres méthodes ou manières, employées
dans la gymnastique, que nous ne connaissons pas
assez ( i ). Peut-être que de les tenir ainsi compri-
sculptures n'offrent pas dans le style des caractères qni
puissent faire distinguer leurs époques, je dis seulement qu'il
est fort rare que Ton puisse distinguer une époque d'une au-
tre par la seule excellence du travail, et qu'elle est celle pos-
térieure au degré' de perfection qu'eurent les arts sous Phi-
dias, et celle antérieure à leur décadence précipitée dans
le troisième siècle. Par exemple l'Antinous qui était dans
la galerie du palais Farnèse offre un travail d'une telle
perfection, qu'on ne peut indiquer dans ce genre aucune
autre statue qui lui soit supérieure en excellence , el ce-
pendant cet ouvrage est du temps d'Adrien. Ainsi no-
tre hermès pourrait être du même âge ; d'autant plus
que nous verrons le marbre grec dur; dont on s'est servi
pour le faire ; employé aussi pour un buste d'Antinous
trouvé dans le même endroit.
(i) Celte observation nouvelle et ingénieuse a été faite
95
mees, et de les avoir eues déchirées de bonne
heure dans leurs exercices, cela les empêchait de
par "Winckelmann , le premier dans son Hist. de Vart ,
liv. V , ch. V , § a5 et suiv. , en y citant les autorités
que Meursius dans les Miscellanea Laconica ( liv. I, c. i 7 ),
et rOlearius dans Ses notes sur Philostrate ( Heroic. ,
ch. III, et Imag. , c. XXI), avaient recueillies sur cette
particularité , et sur les mots qui l'exprimaient. Pollux
(Onom. II, 83) dit expressément que les oreilles deve-
naient ainsi à la suite des coups que se portaient les
athlètes ; mais il paraît que cette compression était due
aux antotides ou anphotldes , espèce de bandages avec
lesquels ils resserraient ces parties lorsqu'ils se disposaient
à combattre: on peut là-dessus consulter Fabri ( Agon. ,
liv. I , ch. 1 1 ). En voyant sur ces oreilles le plus sou-
vent deux incisions transversales , on pourrait douter s'ils
ne se les rompaient pas exprès dès leur enfance, pour être
moins embarrassés dans le pugilat, ce qui était cause
aussi de leur peu d'accroissement. Mais cela peut être
aussi simplement une méthode qui tient à l'art, parce
que quelque célèbre artiste ayant exprimé ainsi une fois
les oreilles des athlètes avec leur caractère, mais sans
difformité, les autres auront scrupuleusement suivi cet
exemple. Winckelmann en appliquant cette ingénieuse
observation, qui lui appartient, s'est quelquefois trompé.
Ainsi les oreilles de ce philosophe de la Villa Albani
(Indicazione antiquaria , num. 485), sur l'hermès du-
quel 7 qui a été accommodé cependant ainsi postérieure-
ment, on lit le nom de Xénocrate ? ne sont pas propre-
ment celles des athlètes, mais elles sont raboteuses, ri-
dées , comme il convient à une tête de vieillard , mai-
gre. Il a encore fait une équivoque entre Palamède et
Protésilas en expliquant les descriptions qu'on trouve dans
Philostrate, d'Hector et de Nestor avec des oreilles sem-
blables. Mais c'est à tort qu'on l'a repris dans les notes
96
prendre leur accroissement naturel, et qu'elles pa-»
raissaient à la tête des athlètes précisément comme
nous les observons dans celte belle sculpture, à la-
quelle j'ai donné le nom d'Herméracle , entendant
parce mot, avec Mazocchi et avec d' autres * sim-
plement un Hercule en forme d'hermès , simula-
cre si ordinaire dans les Gymnases sans exiger que
sur l'explication qu'il donne au passage de Platon dans
le Protagoras > ou ifiavraç rtepmlliTTOVTai ajouté à JrûC
te TCaTayvvVTai , doit certainement être interprète'; comme
il le suppose, aures sibi frangurit , et loris se circumvol-
vunt) rapportant cela aux cesles, auxquels s'applique cette
expression grecque, et pas du tout aux bandages des
oreilles. Dès le temps de Platon , ou plutôt dès les temps
héroïques, comme en conviennent les anciens, on continua
à disposer ainsi les oreilles dans les gymnases, jusqu'au
temps de l'empire romain ; et d'après cela on doit expli-
quer Tépigramme suivante de Martial , la XXXII duVII
livre, où il met en contraste un jeune homme studieux
avec ceux qui ne s'occupent que de la palestre :
At ùiyenes alios fracta colit aure magister
Et rapit immeritas sordidus unctor opes :
on y voit signifiés clairement les noms grecs de Pedo-
tribes et dïAliptes que l'on donnait aux maîtres de l'art
gymnastique. D'ailleurs comme ceux qui passaient tout
leur temps à de semblables exercices, devenaient assez
souvent des oisifs, propres à rien, je crois que nous
pouvons ici rappeler ce qui a été dit déjà que le mas-
que du parasite, qui se voit au théâtre des Grecs, avait
des oreilles d'athlète, déchirées, selon la description que
tious en donne Pollux ( Onom. IV, 148 ). Cependant Pline
et Dioscoride parlent des onguens dont on faisait usage
pour guérir les oreilles ainsi maltraitées: le premier au
liv. XX ; § XI ; et le second au liv« II ; ch* 202,
97
les Herméracles doivent représenter deux têtes
d'Hercule et de Mercure adossées , lesquelles , à
la vérité, ont été ainsi sculptées quelquefois, mais
que les anciens eux-mêmes n'ont pas entendu
désigner absolument par le seul nom d'Herméra-
eie (i).
Les parties mâles que l'on ne négligeait pas de
placer dans les pilastres des hermès , auxquelles
on attribuait un sens mystérieux chez les anciens (2),
sont aussi exprimées sur le nôtre , et ont été seule-
(1) Mazocchi [ad tah. HeracL , p. 1 49 et i5o ). Les
Hercules décrits par Pausanias placés dans la palestres
d'Elide et deSycione(liv.VI,ch. XXIII; liv. II, ch. XI),
et ceux qu'on voit communément sur les pierres gravées
et dans les bas-reliefs représentans des exercices gym-
nastiques , sont tous terminés en pilastres comme des her-
mès , sans qu'aucun ait la tête de Mercure réunie. Leur
forme d'hermès leur fit donner, à ce qu'il paraît, par les
Romains , qui en faisaient grand usage dans leurs mai-
sons de campagne, le nom à! Herméracles y comme ceux
avec la tête de Minerve s'appelèrent Hermathènes , et
ceux avec la tète de Cupidon furent nommés Herméro-
tes* On ne trouve pas ces noms dans aucun écrivain
grec. Les têtes de Mercure et de Minerve adossées, au-
tre espèce à'Hermathène et ò?Herméracle , sont très -ra-
res* Nous en parlerons dans le discours suivant : on peut
déjà comparer ce que nous avons dit dans le tornelli,
pl. XXXVII, à la note (3), page 176.
(2) On peut voir pour un exemple Plutarque : An se-
nibus gerendo, sit respublica , sur la fin -f Macrob., Sat+f
liv. 1, ch. XIX, et les auteurs des Peintures d'Hercula-
num, tome III, pl. XXXVI.
Musée Pie-Clém. Vol. YI. 7
98
ment changées en feuilles et en fruits, par décence,
dans la restauration qu'on a faite de notre temps (i).
PLANCHE XIII.
S <•
Hercule couronné *.
Un beau caractère, une physionomie digne d'un
demi-Dieu , un ciseau franc et habile , telles sont
les qualités qui font le mérite de cette ancienne
sculpture, dans laquelle nous voyons Hercule ayant
la tête ceinte de cette couronne torse ou roulée,
que nous avons déjà remarquée à quelques autres
de ses images, qui paraît lui avoir été particulièrement
consacrée , et qui devint ensuite en usage pour les
combattans des palestres (2). Cette couronne est
(1) C'est aussi à la restauration qu'on doit les quatre
grappes de raisins ajoutées à la couronne, parce que les
feuilles de peuplier ont été prises par le sculpteur pour
celles de vigne, ou bien parce que les raisins rendaient,
selon son idée, la couronne plus agréable.
* Sa hauteur avec le piédouche est de trois palmes et
demie. Il est en marbre de notre pays. On Ta trouvé dans
]es fouilles du Latrane et à peu de distance on décou-
vrit une petite colonne toute sculptée en feuiliages avec
une petite épigraphe, que nous avons déjà rapportée
et expliquée dans le tome III , pl. XXIV, p. 124, n. (i).
Cela ferait supposer qu'il y eut dans ce lieu un temple
ou une chapelle a Hercule.
(2) Voyez la planche IX du tome II et les notes. Ce
99
formée de rubans, lemnisciy étroits, roulés en spi-
rale autour de quelque cordon , lequel semble de
temps en temps orné par quelques nœuds formés
avec art en manière de fleurs (i).
que nous avons dit dans ces discours de couronnes tor-
ses ; tortiles QcvûiO'TOÏ) je ne voudrais pas qu'on l'en-
tendit comme excluant l'autre nom de volutias (£/Ì£#TO/%
parce que ces noms , à ce qu'il me semble, peuvent égale-
ment s'appliquer à signifier ces couronnes. Et même les
anciens écrivains ont regardé le premier mot comme hors
d'usage. De semblables couronnes composées de bande-
lettes, teniae , ou de rubans; leninisti, ainsi tortillés, quel-
quefois mêlés avec des feuillages, comme on le verra
dans le § suivant, servaient de prix aux vainqueurs des
jeux et de la palestre -, par cette raison Servius regarde
comme synonimes les couronnes lemniscatae et agonales
(Aeri., liv. V, v. 775 ). Il est vrai que quelquefois les
leninisti pendaient seulement de l'attache de la couronne,
comme par exemple dans l'Hercule Olympionique de la
Villa Albani, que AVinckelmann a appelé un Xénophon, et
dans les couronnes de laurier des empereurs. Mais dans une
peinture sur verre de la collection des médailles du Va-
tican, où est représenté un joueur de flûte, ctuletes7 ou
un trompette, Tibicen , vainqueur dans plusieurs défis,
les noms y sont écrits , on voit les couronnes tout en-
tières entourées ainsi en spirale de rubans, comme celle
que nous observons.
(1) Quoique le mot toruli signifie ordinairement les pe-
tites cordes dont on forme, en les tordant, une grosse corde,
il paraît que dans un passage de Cicéron (Orat. § 6)
déjà produit par Pascal (de Coronis , liv. II, c. 12) on
les prend pour une sorte de noeud qui servait à fixer les
tresses de la couronne, et même pour lui donner de dis-
tance en distance quelque distinction ou relief. En ce cas
iOÓ
§ &
Hermes double de Mercure et d'Hercule *
An premier coup-d'œil, en voyant ce bel her-
mès, on croit qu'il représente Hercule à deux âges
(Jifférens , comme nous le trouvons exprimé par les
artistes anciens qui Font représenté tantôt sans barbe,
tantôt avec barbe. Mais Fusage assez connu de
réunir ensemble ces deux fils de Jupiter , Mer-
cure et Alcide , présidant à la gymnastique, dont
ils furent en partie les inventeurs, mais de voir des
images bien sures de Mercure sous les formes
d'Hercule un peu différentes (i), me fait pencher
à croire plutôt que la tête du premier, imberbe y
dont la couronne de peuplier ornée de rubans y
leninisti^ tortillés est en tout semblable à celle de
son compagnon, peut être prise pour un ornement
athlétique suggéré par la destination qu'avait cet
hermès , lequel était placé dans un lieu où la jeu-
nesse grecque, après avoir terminé les exercices
de la palestre? venait se parer le cheveux avec
les petites fleurs que nous voyons sur notre marbre, claire-
ment fornie'es par les noeuds de rubans, pourraient être en-
tendus comme étant les tarali dont parle Cicéron.
* Hauleur deux palmes et trois onces y compris la
poitrine. Il est de marbre grec d'une couleur un peu li-
vide , peut-être est ce le marbre de Lesbos que Pline
met au nombre des marbres statuaires, ajoutant: livi-
dus hoc paulio (liv. XXXYl; § V).
(î) Elles sont citées t. I, pl. VII / et t. III, pl. XLL
IOI
ces rubans et cette couronne (i). Peut-être avons
iious vu par la même raison une couronne sem-
blable tortillée sur la tête d'un Bacchus hermès(2);
et d'ailleurs nous possédons beaucoup de têtes de
Mercure avec le diadème.
Si cependant on voulait croire qu'à l'imitation
des têtes de Janus ou de Bacchus Phanétès, dont
l'une était quelquefois sans barbe et l'autre bar-
(1) La comparaison de ces couronnes avec celle de
Delphis, jeune athlète; décrit par Tliéocrite dans l'Idyl-
le II, v. 121, est remarquable:
Kpazi $ 8%m ùevxàv 'Ylpaxùéoç lepbv epvoç
Yiâvrore rtoptpvpèaim rtepi£ò(rToA(nv ekiitihv.
« Il a sur la tête une couronne de peuplier, arbre con-
ti sacré a Alcide; elle est entourée de rubans pourprés »
La correspondance parfaite de cette description avec les
couronnes de notre hermès morite vraiment d'être remar-
quée y car on aperçoit de temps en temps entre les tours
de spirale que font les rubans, teniae , des feuilles de
peuplier. On voit enveloppée de même la couronne de lau-
rier d'un autre athlète dans un bronze d'Hercuianum
(tome I, pl. 6i et 62). Pa cal a cru que la couronne
de Delphis devait plutôt être regardée comme propre aux
festins qu'aux jeux du gymnase , mais comme on parle
du peuplier qu'Hercule porta en couronne dans ses gran-
des entreprises, et non pas dans ses plaisirs, les cou-
ronnes du même feuillage dont étaient ceintes les têtes
des jeunes Troyens dans les jeux athlétiques décrits par
Yirgile (Aeri. V, v. 1 54 ) j et en outre tout ce que nous
avons dit ci-dessus au sujet des leninisti, des couronnes
agonales , forment ici presque la démonstration que l'on
doit les considérér comme particulières aux athlètes, et
non aux festins ou aux amours^
(2) Gi-dessus ; pl. VI ; § u
I02
bue , on ait eu l'intention de redoubler et de va-
rier ainsi les images d'Alcide, cette opinion ne me
paraîtrait ni extraordinaire ni invraisemblable (i).
PLANCHE XIV.
SÌR APIS *#
Le basalte couleur de fer qui a servi à sculpter
le rare et très-beau buste que nous représentons
ici , fait conjecturer que cet estimable monument
des arts égyptiens sous les Grecs et les Romains,
est dû aux superstitions pratiquées à Alexandrie.
Sérapis fut la divinité que l'on adora principale-
ment dans cette capitale lorsque Pluton y fut trans-*
porté de Sinope , et où il obtint sous le nom de
Sérapis un culte, comme nous l'avons déjà dit ail-
leurs (2). Cette figure majestueuse et sévère bien
(1) D'autant plus que dans la mythologie d'Hercule
les allusions qu'on lui attribue avec le Soleil sont claires,
comme nous l'avons remarque dans le tome LV à la plan-
che XLII. Les deux effigies l'une jeune, l'autre d'un âge
mur, peuvent être l'emblème des différentes positions du
soleil sur notre horizon? particulièrement celles d'été et
d'hiver.
* Sa hauteur avec le piédouche est de cinq palmes et
demie. Il est sculpte' en beau basalte couleur de fer. Il
était autrefois parmi les antiquités de la "Villa Mattei #
et par cette raison publie dans le tome II des Monum.
Mattej. , pl. II. Le modium a été rétabli sur les traces
de l'antique.
(2) Tome II ; pl. I , ou l'on explique les attributs les
plus ordinaires de Pluton Sérapis,
io5
digne de Jupiter des Enfers , les traces du mo-
dium qui sont sur le sommet de la tête > la tu-
nique dont il est encore revêtu jusques sur la poi-
trine, sont des attributs si assurés de Sérapis, qu'il
serait impossible de lui donner une autre dénomi-
nation^). Les marbres d'une couleur foncée étaient
la matière que la religion de ces peuples emplo-
yait de préférence pour les images de ce Dieu ,
comme étant symboliques et appartenant à l'em-
pire de la mort qu'on supposait qu'il gouvernait y
comme représentant la lumière sombre et foible du
soleil lorsqu'il est vers le tropique de l'hémisphère
inférieur, parce que cela avait fourni l'idée que
Sérapis était le maître de la région des morts (2).
(1) Winckelmann a donne au Dieu sculpte' dans ce
marbre 7 le nom de Pkiton \ et celui qui a explique' les
Monum. Mattej. veut rejeter cette dénomination ; 3. c. }
tous deux dans ce cas ont montre' moins de soin qu'on
ne doit en apporter dans de pareilles recherches Le cer-
bère qui est joint à tant d'images de Se'rapis, justifie as-
sez le nom de Pmton qu'on lui donne. Mais d'un autre
côte' les Plutons absolument grecs , et qui n'ont pas de
rapport à ce culte de Synopis ou d'Alexandrie ; sont bien
différens , comme le de'montrent tant de bas-reliefs où
l'on voit représenté l'enlèvement de Proserpine ; ils ne
sont pas vêtus de la même manière 7 c'est-à-propos de
cela qu'il faut reformer la note (5) de la page i5 de la
plane. I du tome K ? à raison de l'observation postérieure
que j'ai propose'e à la pl. II > § 1 de ce volume.
(2) Àthe'nodore dans Cle'ment d'Alexandrie, Protrept.
[le/lavÓTepop TÒ %pó{ia> tov âyàùfiaroç « La couleur
du simulacre tire sur le noir, » Macrobe ; Saturnal. ,
liv. I, c. XIX.
io4
En effet on conserve à Rome plusieurs autres ef-
figies de ce Dieu ou du même marbre que celui-
ci, ou de quelque autre de même couleur (i)- cir-
constance qui explique à merveilles ce que nous
apprenaient les témoignages que nous ont laissé
les anciens.
PLANCHE XV.
Sérapis radié .
Quoique l'exécution générale de ce grand buste
annonce un peu le siècle de la décadence des
(i) Le buste de Sérapis du palais Giustiniani est aussi
de basalte noir. Un autre petit de la Yiila Albani dans
la galerie est de basalte verd (pierre dans laquelle do-
mine une couleur obscure et qui ressemble à un bronze),
de même qu'un grand, colossal, de la même Villa, mais
qui est restauré en grande partie. La grande figure de
Se'rapis, de neuf coudées de haut, placée en Egypte, que
Pline décrit ( liv. XXXVII, § XIX) formée en entier d'un
seul bloc de pseudo-smaragdus , était peut-être de quel-
que pierre d'une qualité plus fine, mais pourtant de mê-
me d'une couleur entre le verd et le brun.
* Haut avec le piédouche de six palmes moins un si-
xième. Il est de marbre grec d'un grain le plus fin, et
que les marbriers appellent Grechetto. On l'a trouvé près
de la voie Àppia , vers le neuvième mille, dans un lieu
appelé ColombarOy à peu de distance des Frattocchie:
les rayons de métal doré ont été rapportés dans des temps
modernes, dans les sept trous antiques qui se trouvaient
au diadème, et qui furent certainement destinés au même
io5
arts , cependant la simplicité grandiose des traits
qui conservent probablement quelque chose d'un
morceau plus ancien , est telle qu'il y a très-peu
d'images des divinités du paganisme qui nous of-
frent une physionomie aussi noble et aussi impo-
sante. A la vérité la manière dont est traitée la
draperie qui couvre la poitrine de ce Dieu est in-
férieure au style du reste, sans que l'ensemble y
perde en rien. Cette draperie , comme nous l'avons
remarqué ci-dessus , et le moclium dont était cou-
ronnée la tête, selon les vestiges qui en restent y
dénotent bien évidemment un Jupiter Sérapis ;
ce qui est confirmé encore par les sept trous per-
cés dans le strophium ou diadème qui ceint son
front ; ces trous ayant été faits pour y insérer au-
autant de rayons en bronze, tels qu'on les a ré-
tablis. La divinité de Sérapis dérivée primitivement
de l'Egypte par le culte rendu au Soleil qui était
le fondement de cette idolatrie , y avait été réu-
nie dans les siècles de l'empire romain de telle
manière , que les noms de Jupiter , de Soleil , de
Sérapis servaient ensemble à la signifier , ainsi
que cela nous est attesté par tant de monumens
«sage. Le modium sur la tête est moderne, excepté l'en-
droit qui pose sur les cheveux. L'antique qui s'e'tait dé-
tache' se trouva tout auprès , mais ceux qui le découvri-
rent dans la fouille n'imaginèrent pas comment il avait
appartenu au buste ; et le voyant lisse ; ils n'en tinrent
aucun compte. On a su cela depuis par quelqu'un qui
l'avait vu y et qui en a parle' lorsqu'il s'aperçut qu'on
l'avait refait a neuf en le restaurant.
io6
écrits (i); et les ornemens du Soleil, dont les
plus convenables étaient les rayons autour de la tête,
se plaçaient constamment sur toutes ses images ,
comme le démontrent beaucoup de restes de rao-
numeus des arts anciens , sur lesquels ce Dieu
d'Alexandrie (2)
. . . radiis frontem vallatus acutis
était proposé à l'adoration dans l'empire romain (3).
Car même jusques dans le temps d'Adrien la di-
vinité mystérieuse du Jupiter-Soleil-Sérapis avait
dans Rome une grande confrairie qui avait le titre
de ses Péanistes , probablement du mot Péan ,
espèce de cantiques dont on se servait dans ses
cérémonies, et qu'on chantait en son honneur (4).
Tout ceci peut suffire par rapport au sujet.
L'usage d'orner de rayons Ja couronne ou la tête ,
(1) IO\ I SOLI SERAPIDI - AH EMÙ SAPATIIAI :
se voyent fréquemment sur les anciennes inscriptions dans
Gruter, page XXIÏ , n. 9, io; 11 ; Fabretti, ch. "VI,
n. 107 ; Guasco ; Inscript. Cap. f tome I, n. 3. Voyez en
outre Jablonsky ? Panth. Aeg. 7 liv. Il; ch. V.
(2) Ovide, Heroid. , IV.; v. 159.
(5) Ont le voit ainsi sur les médailles d'Alexandrie >
dans Zoe ga, IIadriani7 n. 159 et 1 98. Antonini P.7 n. i55
et 162. Sur cette dernière la tête de Sérapis est au mi-
lieu des planettes et du Zodiaque. De même sur les pier-
res grave'es ; p. e. ; Muséum Florentinum7 tome I; pl. LUI
et LVIL
(4) C'est ce que l'on trouve sur une inscription remar-
quable de Gruter 7 p. CCCIV ; n. 2, laquelle se trouvait
à S. Marie in via Lata 7 et de-la il est probable qu'elle
a appartenu au fameux voisin Isée et Sérapée 7 c'est-à-
dire temple consacre' a Isis et à Serapis*
107
était parmi les anciens un emblème du Soleil, ou
qui, selon la mythologie, lui appartenait de très-
près -y de-là est venue la couronne radiée du roi
Eetès fils du Soleil , dans Orphée , ou, pour mieux
dire, dans Onomacrite ( i , et c'est peut-être d'après
cette couronne que Virgile a emprunté celle du
roi des Latins (2). Les exemples que nous offre
(1) Argon. 81 1 : <\
A(i(pi dé ol arepdvìj mcpaJkriv eye. Svcraavóeo'O'a
AxTÏm (pùoyéaiç.
Caput illi cingebat corona fimbriata
Radiis ardentïbus.
(2) Aeneid. XII, v. 162.-
cui tempora circum
Aurati bis sex radii fulgentia cingunt
Solis avi specimen.
Cette coutume de couronner de rayons les personnages
mythologiques qui avaient des liens de parente avec le
Soleil me fournit une conjecture pour donner une expli-
cation de la peinture d'Herculanum (tome IT, pl. X),
dont la description même prouve qu'elle a élé inexpli-
cable jusqu'à présent. On voit représentées dans cette
fresque deux demi-figures de femmes à moitié' nues ; l'une
est couronnée de petites feuilles, l'autre l'est par des ra-
yons , et elle a deux rubans en forme de baudrier qui
passent sur ses épaules et ses flancs. Derrière est une
figure d'homme aussi radiée et qui est tournée vers la
première des deux Déesses. Au fond, sur la montagne,
est une autre figure qui semble un paysan. Il me sem-
ble que la femme couronnée de rayons avec ces rubans
croisés sur sa poitrine, que les écrivains n'ont pas re-
marqués, peut être l'Aurore, appelée aussi par les Grecs
'H-liépa et Dies par les Latins, sœur du Soleil , que Ton
ICS
la poesie donnent à de semblables couronnes douze
rayons , et cela sans doute par de très-bonnes rai-
sons (i). Mais les artistes furent guidés par d'au-
tres motifs en préférant ordinairement le nombre
de sept, lequel était suffisant pour orner la tête,
et qui devenait peut-être plus agréable à l'œil ,
voit ailée sur les médailles romaines des Plautii, et ces
rubans en baudrier ont coutume dans les arts anciens
de tenir lieu des ailes, comme le démontrent quelques
images de la Victoire , de l'Iris et des Parques. En ou-
tre celle d'Icare à la Villa Albani. (Voyez notre t IV,
pl. XLIIl , p. 3^8, et la planche «upplé n., p. 365 , et
les notes de la pl. IV supérieure, page5i ; Cavaceppi ,
t. III, pl. 5 et 4 3 Winckelmann , Monum.idéd. , p. i3c)).
L'autre Déesse à moitié' nue, dont on peut prendre la
couronne pour du myrthe, sera Vénus , et le jeune homme
radié sera Phaéton, non pas celui d'Ovide, mais celui
d'Hésiode, celui des fables Àttiques et de Chypre, fils
de l'Aurore , amant heureux de Vénus , et qui même a
été confondu avec Adonis ( Hésiode , Theog. , v. 986 5
Apollodore, liv. III , ^ i£> m 3 ^ et au même lieu Heyne).
La divinité rustique fait peut-être simplement allusion au
site montueux et couvert de bois , que nous ne pouvons
à présent déterminer, ayant perdu les écrils qui racon-
taient ces fables, lesquelles avaient prêté des sujets aux
beaux-arts , comme ceia est indiqué clairement par un
passage , bien qu'un peu mutilé , de Pausanias ( Attica,
ou liv. I, ch. III). Cette circonstance rend encore mon
explication plus probable, et j'espère persuader davan-
tage quiconque voudra examiner les diverses opinions
qui ont été proposées sur ce monument unique dans son
genre et difficile a connaître.
(1) Voyez l'Aléandre, ad Toh. Heliacam.> sur ce bas-
relief le Soleil a douze rayons.
109
parce que les rayons sont moins serrés , et alors
ils font un effet plus simple. En effet le colosse
du Soleil à Rome n'avait que sept rayons ( i ) , et
on ne trouve la trace que de sept aussi dans la
table Borghese , ainsi que dans la belle tête du
Musée Capitolili connue pour un Alexandre, tous
deux étant des monumens qui nous représentent
le Soleil lui-même (2).
(1) Celui qui jadis était Néron, et qui a donné son nom
«au Colisée. \ittor; dans la Regione quarta, dit que surla
tête du Soleil substituée à celle de Néron , radii septem
fuere longitudine pedum XXII, S. Peut-être que Non-
nus avait pris le motif des images du Soleil , qui de son
temps étaient très-repandues; en attribuant seulement
sept rayons au lieu de douze ; quand il nous représente
le Soleil qui couronne son fils ( liv. XXXVIII ; v 3o5 ) »
^irlaTÔvvç amhaç ml itkoKUjjuoiG'iv £Ùi!;açy
<i Et il lui place sept rayons autour de la tête. »
(2) On en a parlé dans le tome I? page i^S , n. (1).
Peut-être est-ce à la coutume d'orner ainsi de rayons do-
rés les têtes du Jupiter Soleil Sérapis que se rapporte
l'expression d'une épi gramme de Gruter 7 pl. LXXXV ,
5), dans laquelle Dioscore Çânopoç, editues 7 gardien
d'un temple de Sérapis, dit avoir fait ériger
NHONMENCirA
AOEWTACAPA
niAOCTYIME
AONTOC
HAATTONXPT
COYIIAM<DAi\0
0NTABOAAIG
t IO
TSqòv fjbh {nyaÀósvra ILapdjtidoç vipt^iê^ovroç
'Riï' dvTÒv ftpvcrov ^a^b(pavÓQvra fioùaïç.
« Au grand Sérapis un temple admirable où le Dieu
« même est orné de rayons d'or. »
Je pense que le mot pó2*tòl} littéralement iactus , doit
être interprété par rayon , à-peu-près comme dans l'Odys-
sée on les nomme métaphoriquement bybfjudtiùV ^o'kdi ,
les regards 7 (A; i5o). Il est question probablement du
même Dioscore, aedituuSj gardien du temple de Sérapis, sur
un autre petite colonne de marbre gris de la collection Pie-
Clémentin, ayant une épigraphe grecque , laquelle n'a été
jusqu'à présent ni lue, ni comprise comme elle doit l'être,
quoique plusieurs fois publiée (d'abord par Fabretti,
Inscript., ch. VI , i83 ; ensuite par M. Schow , Charta
fapjr Mus. Borg., p. 61 ). Il me paraît nécessaire delà
rapporter ici, d'autant plus qu'elle appartient entière-
ment au culte de Sérapis dont nous expliquons l'image,
La voilà :
CAPAniAIKAITOIC
CïNNAOICeEOlC . CTATIOG
KOAPATOC . OKPATICTOC
IVEoKOPOC . ER . MErAAtfN
KINAYNaN . nOAAARIG
CaOEIC . EÏXAPICT0N
ANE0HRA
IAE0C . COI
AATI1I
TONENKAN^B^
METATOYB0MICKAPIOT
AIOCKOPOCNE0KOP . .
TOïMErAAOïCAP
ANE0HKA
Savoir: ^apdrtidi Mai toîç avvvdoiç Seoiç Ittdnoç Ko-
dpdroç ô KpdnvToç nàxopoç Idi {leydÀ&v wpdvyQV
ïkzôç aoi 7 âùvizei.
Serapidi et Diis qui commune templum habent Statius
Quadrants optimus aedituus e magnis periculis saepe ser~
vatus dedicavi.
Propitius tibi sum ? bono animo sis. Ces paroles se sup-
posent de Sérapis. Eum (Serapidem) qui est in Canopo
(seu Canopi vel hydriae figura), cum parva ara Diosco-
rus aedituus magni t Sarapidis dedicavi.
M. Schow lisait ainsi les huit dernières lignes:
tov èv KavójÌQ (jbsrà tov ^o^iaKaph Aiôanopoç veà-
xopoç tov (leyàùv zxapâftidoç âvéS?ixa.
iXbqç aoi aÀvma
Tov ev KavQ@0 (lera, tv Pope/lix Aioanopoç , veo-
nopoç, Seotç tolç (leyaùoiç ùiSov aveS^Mco
Je crois que le S érapi s in Canopo , n'était pas autre chose
qu'un Sérapis sous la forme d'un vase : voila pourquoi
Pausanias parle d'un autre Sérapis in Canopo7 nous le dé-
crivant placé à Corinthe ( liv. II , ch. IV ). Ceux qui ont
expliqué ce qui appartient à l'Egypte pensent avec fon-
dement que le Dieu Canobiticus, adoré principalement
dans la ville de Canope; était justement le même Séra-
pis , considéré dans ses rapports avec le Nil. "Voyez ce
qu'en a dit d'une façon étendue Jablonsky dans le Panth.
Aeg. , souvent cité, liv. V, ch. IV, en outre le Schla-
ger dans la dissertation de numo Hadriani plumbeo. Le
petû autel, ou la petite colonne désignée par le mot flopu-
GKâpiov iuconnu aux lexicographes , mais suffisamment
clair dans le marbre et dans la signification 7 est peut-
être une de celles qui vont en diminuant vers le som-
met, précisément comme est la petite colonne sur la-
quelle est placé le Canope du Capitole, et ces petites
colonnes servaient en effet d'autel, comme cela est dé-
montré dans le Recueil de Caylus; tome I, pl. XIX et
XX,
uà
PLANCHE XVI.
1 S I S , BUSTE*.
La draperie de ce buste , selon l'observation très-
judicieuse de Winckelmann, servirait seule à dé-
montrer qu'elle est la divinité à laquelle il ap-
partient; car le manteau qui descend des épaules,
étant ainsi noué sur la poitrine et remontant sous
les aisselles , est le vêtement ordinaire d'Isis dans
ses effigies grecques et romaines (i). Ce buste ce-
* Elle a de hauteur avec le pj'édouche quatre palmes -y
le marbre est de cette qualité' que les ouvriers appellent
de Paros, et qui surpasse les autres en blancheur et fi-
nesse : on l'a trouvée dans les fouilles faites hors de la
porte Maggiore, dans le lieu qu'on appelle Roma-vecchia.
(i) Winckelmann, Storia delle arti, liv. II, ch. III,
§ 4 et suiv. , et Monum. inéd. } Trat. prélim. y p. XXI.
Ainsi il a reconnu pour des images d'Isis beaucoup ere
statues qu'on avait restaurées pour d'autres sujets. On
en pourrait encore reconnaître beaucoup d'autres , comme
par exemple une plus grande que nature, en marbre gris,
dans la Villa Pinciana, qu'on a restaurée comme une
Cérès , une autre du Capitole (Mus. Capitol. ? tome HT,
pl. VII ) restaure'e pour une Junon. Cet habillement sem-
ble dérivé de la mode égyptienne que l'on voit à un si-
mulacre de la Villa Albani , publié dans YHist. de V art 7
cité tome I, pl. X. Dans celle-la cependant le manteau
ne tombe que de-dessus une épaule: les Grecs ont voulu,
en l'imitant, le disposer avec plus de symétrie , en dou-
blant la même masse de draperie pour la placer sur
chaque épaule. Apulée dans sa description d'Isis (Me-
tani., liv. XI ) se conforme à la mode originale de la sta-
tue égyptienne , lorsqu'il décrit ce manteau } sui dextrum
latus ad humerum laevum recurrens.
n5
pendant n'est pas privé de ces signes distinctifs
à la tête qui forment ce groupe ordinaire que les
antiquaires ont coutume d'indiquer sous le nom
de fleur de lothos , ou qui est appuyé sur une
demi-lune. De même les boucles de cheveux bien
frisées qui tombent des deux côtés sur le cou, sont
particulières à la Déesse de Pharos , laquelle réu-
nissait dans ses attributs mystérieux presque toutes
les déesses du paganisme. Notre sculpture l'avait
d'abord représentée avec le voile qui lui couvrait
la tête y et il se rapportait peut-être à ces paroles
qu'on lisait dans le temple d'Isis à Saï, qui di-
saient , qu'aucune main mortelle n'avait pu lever
ce voile , donnant à entendre par-là qu'Isis était
la nature elle-même, ou la sagesse divine (i).
D'ailleurs le manteau est disposé dans la figure égyptienne
du Capitole ( Mus. Capit. ? tome lit, pl. 78) comme dans
notre marbre.
(1) Ptutarque {de Is. etOsir.): il appelle Isîs la Déesse
de Sais, en prenant garde qu'on la réputait la même
que ìa Minerve des Athéniens, conformité exposée plus
au long par Piaton dans son Timée. La médaille fmppée
à Sais j portant l'effigie de Minerve à la grecque ; ayant
la chouette sur sa main, n'es! pas un monument aussi rare
de ce mélange des religions grecques et égyptiennes que
le, sont deux bustes superbes d'Isis voilée ; dans tout le
reste très-semblables au nôtre, l'un de marbre gris, dans
la salle égyptienne de la Villa Pinciana 5 un autre très-re-
marquable et fort estimable tant par le travail que par la
matière', étant de bronze antique ? plus grand que na-
ture, possédé par le respectable et savant prélat monseig.
Joseph Casali. L'un comme l'autre ont à la partie oîi
Musée Pie:Clém. Vol, VI. 8
On doit certainement à la superstition si répan-
due et si ardente pour cette Déesse la fantaisie
qu'a eue celui qui pour enlever ce premier ajus-
tement de tête , en fit retailler une partie avec
le ciseau, en faisant changer, une autre partie au
moyen de tasseaux rapportés près des tempes , de
sorte qu'il a relevé le voile pour voir la tête à
découvert, et rendre la chevelure disposée et ornée à
la manière égyptienne. Nous avons déjà fait remar-
quer ailleurs combien les femmes chez les anciens
s'étaient étudiées à faire suivre jusque dans leurs
portraits, déjà sculptés, tous les caprices de la mode*
à l'effet de quoi les sculpteurs, pour les satisfaire,
avaient inventé des chevelures en marbre amovi-
bles (i). Cet exemple cependant est très-rare dans
les têtes des divinités. Probablement quelque per-
sonne dévouée au culte de cette Déesse a voulu
que cette image la représentât telle .qu'elle avait
cru la voir lui apparaître dans ses .songes , ou que
le buste ressemblât à quelque simulacre particu-
lier, qui était placé peut être dans quelque temple
fameux et très-fréquent é.
ils se joignent au piédouche une chouette avec les ailes
éployées , caractère de Flsis de Sais ; autrement dite
Neith ; confondue avec Minerve ; et emblème de la sa-
gesse divine. Le buste de bronze était parmi les antiqui-
te's du comte Fede, et regardé comme un travail moder-
ne par quelques antiquaires peu éclairés 7 qui le ju-
gèrent ainsi à cause de sa parfaite intégrité. Il suffit d'en
examiner le style pour se convaincre qu'il est antique.
(1) Voyez notre tome II, pl. LI.
î t5
PLANCHE XVI L
S r£
I S I S VOILÉE *.
Nous avons i dans l'explication du monument
qui précède , parlé de plusieurs images d'Isis ayant
la figure voilée, et rappelé quelques-uns des mo-
tifs qui la firent ainsi représenter par les anciens.
INous ne considérerons maintenant dans ce buste
que le diadème que l'on voit paraître sous le voile*
et qui est composé d'un petit disque, ayant à ses
côtés deux petits serpens, dont il est presque soutenu*
Cette couronne est d'autant plus remarquable qu'elle
nous est décrite dans les fables d'Apulée précisé-
ment de la même manière que nous la trouvons
sculptée ici , et d'autant plus encore que l'époque
du monument s'approche assez du temps de cet
écrivain, comme on peut le croire d'après le tra-
vail un peu grossier (i). Eiien nous avait déjà ins-
* Elle est sculptée en marbre grec; haute avec ]e pie-
ci o ! i c b e de deux palmes et demie. Elle a appartenu à
L'amateur des arts et de l'antiquité le feu cardinal Ale-
xandre Albani , qui l'avait destinée à orner sa Villa : mais
la mort qui prévint ce dessein l'ayant empêché de la
placer, le souverain pontife en fit l'acquisition*
(i) Cette érudition est due au défunt abbé Raffcî ; qui
le pubiia avec d'autres monumens de la collection Al-
bani ; et le passage d'Apulée (Métmn. , liv. XI ) est comme
il suit: Cuius ( tsiàis ) inedia super fronte flâna rotundi las
ti6
truits que Ton donnait une couronne formée de
serpens à Isis, pour signe de son état royal, et peut-
être de la condition divine , opinion qui est confir-
mée par les hyéroglyphes d'Horapollo (1).
§ 2.
Isis *.
Cette tête est vraiment une Isis de manière
grecque. L'habile artiste qui n'a pas voulu ajouter
in modum speculi ; vel imo argumentant ( al. augumentum
( hunae y candidum lumen emicabat 7 dextra laevaque sul-
cis insurgentium viperarum cohibita. Le même Raffei veut
qu'on lise fulcris au lieu de sulcis, comme il semble qu'il fut
lu aussi par Pignorius. Quoiqu'il ensoit;la conformile' du
passage avec le monument est de la plus claire évidence.
(i) Elien ; Vawhist., liv. X, ch. 3i: Ttfç Imiïo ç
ayal^ara âvadovai Tavry ( damâi ) ôç tlvl diat*
C'ì'I^jùjTI $a>(yìk£iQ : « Us couronnent avec ce serpent (avec
l'aspic ) les stalues d'Isis ; comme avec un diadème ro-
yal. » Horapollo, liv. I, ch. i, dit a-peu-près la même
chose ; mais il ne borne pas l'usage de cet ornement à
cette divinité seule \ Jablonsky pense que cela fut parti-
culier à Isis regarde'e comme Hécate, que les Egyptiens
appelaient Titr ambone et Termutis ( liv. I , ch. V ). Quoi-
qu'il en soit; je crois que c'est à ce serpent qui couron-
nait les simulacres de la De'esse que se rapportait cette
expression de Juve'nal , où, parlant des signes de la co-
lere d'Isis ? il ajoute encore celui-ci :
Et mo yisse caput visa est argentea serpens.
(Sat. VI, v. 537 ).
* Elle est sculptée en un très-beau et très-fin mar-
bre pentélique. Sa hauteur avec le piédouche est de deux
palmes, quatre onces et demie.
117
à tin morceau d'un travail si aimable et si par-
fait , pas même dans les accessoires , rien qui rap-
pelât à la mémoire les attributs et les arts de
l'idolatrie la plus barbare , désirant cependant qu'on
y reconnût la Déesse de Memphis , lui a formé
sur le front avec les cheveux un nœud tel ,
qu'au premier abord on croirait que c'est une idée
capricieuse du sculpteur, mais qui n'offre pourtant
à l'œil que l'idée de cet ornement connu sous le
nom de fleur de lothos , comme le désignent ceux
qui traitent des antiquités égyptiennes. Il a de cette
manière donné l'évidence à son sujet, dans le-
quel il a conduit les contours de l'extrémité in-
férieure du cou avec tant d'art, qu'ils annoncent un
relief à la poitrine que l'on ne peut supposer ap-
partenir à une figure d'homme. Aussi par ce mo-
yen il a pu faire distinguer le sexe de la Déesse ,
que ceux qui l'auraient examinée eussent pu pren-
dre , à cause de l'extrême simplicité de ses traits
et de sa coiffure, pour une tête d'Apollon ou de
Cupidon , auxquels on voit souvent les longs che-
veux rassemblés comme ceux des femmes.
PLANCHES XVI11 et XIX.
Tête et fragmens du groupe de Ménélas
AVEC LE CORPS MORT DE PatROCLE *.
Il est facile de voir que cette admirable tête
de guerrier, et les restes d'un cadavre nu et blessé,
* Le buste de Mene'îas est haut avec le piedouche d$
n8
sont les débris qui nous restent d'un groupe, lequel,
dans son premier état, devait être à-peu près pa-
reil au fameux morceau de Rome, connu sous le
nom de Pasquin (i), ou des deux autres que Ton
a découverts dans nos fouilles, et qui servent de-
puis deux siècles d'ornement cllls Florence (2). Il
trois palmes, dix onces: les autres iragmens des jambes
et des épaules de Patrocïe qui sont gravés ici sont en
proportion. Le groupe était de marbre pentélique ou
cipolin. Les restes furent déterrés dans les fouilles de Pan-
tanello à la Villa Adrienne par les soins de M. Gavino
Hamilton. Cette téte était fort endommagée ; et elle fut
restaurée avec beaucoup d'habileté par le sculpteur du
pontife M. Giovanni Pierantoni : le buste est moderne 7
mais le modèle en plâtre fut tiré sur la poitrine du Pas-
quin, et il se trouva correspondant parfaitement à l'action^
et dans la proportion.
(1) Les notices extrêmement curieuses 7 tant sur cette
statue que sur l'autre appelée Marforio, ont été recueil-
lies dans un opuscule intéressant, imprimé à Rome par
M. l'abbé Cancellieri Fan 1789, à la fin duquel on lit
mon opinion sur le groupe même ; dans une lettre adres-
sée a ce savant abbé.
(2) Le premier qui est sous les portiques du palais Pitti,
trouvé a Rome à peu de distance du mausolée d'Augu-
ste ; appartenait au Soderkii quand Come I. en fit l'acqui*
sition. Il acheta aussi l'autre qui fut trouvé à Rome dans
la vigne d'un Velli hors de la porte Portese. Flaminius Vac-
ca 7 qui nous donne ces notices dans ses Mémoires ( au
n. 97 de l'édit. rom. de 1790 ; ou elles sont a la tête
de la Miscellanea de M. l'avocat Féa)? croit que ces
groupes représentaient des gladiateurs. D'autres ; trompés
peut-être par quelque expression équivoque dans le com-
mentaire de Venturi au XIII chant de Y Enfer du Dante y
y, ont cru que ce poète parlait de ce groupe pia-
II9
ne serait pas aussi facile de décider quel était le
véritable sujet de ce groupe , sans autre motif que
la grande variété des opinions mal fondées et er-
ronées qui ont été répandues dans divers écrits à
ce sujet. Si Ton pouvait, malgré cela, arriver à la
vérité par le moyen de l'analogie et des conjectu-
res, avant même que ces notes fussent produites
lorqu'on n'avait pas encore fait les fouilles Tibur-
tines , à présent nous y parvenons sans embarras,
et nous sommes en état d'en donner l'explica-
tion avec certitude.
Par des conjeciures on avait proposé pour sujets,
jusqu'à présent, un combat de gladiateurs, un Ale-
xandre évanoui et soulevé par un de ses soldats,
un héros grec tenant dans ses bras le corps d'Ajax
mort, qui s'est tué lui-même dans un accès de fu-
reur (i). Chacun, en établissant sa conjecturera taché
cée à Florence sur îe Fonte vecchio , et qu'il l'appelle
Mars ; de-lk vient la note ajoutée dans l'édition citée k
la notice de Tacca. Mais le Dante parle seulement , dans
cet endroit, ainsi que dans le chant X\I du Paradis ^
d'une statue equestre, en partie mutilée, que de son temps
on attribuait k Mars, laquelle estait en effet sur ce pont,
et qui tomba dans l'Arno en i333. Le grand duc Fer-
dinand Il substitua ensuite k cette figure un de ces grou-
pes trouvés a Rome. C'est ainsi que le rapporte Ciucili
au passage cité ci-dessous, selon Gio, Villani (Croniche j
liv. Il, ch. i ).
(i) Cineili dans le Bocchi ampliato , page n4; propose
l'Ajax tué par ses propres mains, et réfute, en fai-
sant observer la blessure, l'opinion vulgaire que vou-
lut y reconnaître Alexandre ayant perdu connaissance en
I20
de mettre au jour les absurdités des opinions con-
traires, et tous en cela ont réussi. On a fait re-
marquer que la noblesse de l'idée , que l'habille-
ment et l'expression ôtent à ce morceau tout rap-
port avec les gladiateurs ; que le corps abandonné
et relevé ne peut-être celui d'Alexandi e , parce
que dans le groupe de Ponte vecchio il est
blessé au côté.
Un grand nombre de raisons écarte toute pro-
babilité qui puisse y faire reconnaître Ajax tué. Si
la figure qui le soutient devait être celle de Teu-
cer frère puîné du mort , comment fera-t-on pour
expliquer l'âge avancé de ce guerrier, si celui du
corps mort annonce un jeune homme à la fleur
de ses ans ? A quoi bon le casque dont est cou-
vert le personnage vivant, lorsque cet événement
tragique n'eut pas lieu sur le champ de bataille,
mais dans le camp des Grecs, qui étaient plongés
dans le deuil, et qui avaient suspendu les hostili-
tés à cause des obsèques funèbres d'Achille ? Les
formes gracieuses et l'attitude élégante du cada-
vre ne pourraient pas convenir non plus au grand
Ajax qui se faisait remarquer dans les armées d'Ar-
gos autant par la force de ses membres, que par
sa taille et par son air farouche.
Déjà, sans d'autres indices plus décidés, avant
se baignant dans le Cydnus. Paolo Alessandro Maffei qui
a donné dans sa Raccolta di statue, pl. XH; la gravure
du groupe de Ponte vecchio , a suivi Cinelli ; et rejette
les autres opinions»
I 2 I
que ces fragmens fussent retirés des ruines de la
Villa Adrîenne , vers l'année 177^, il me semblait
que ces sculptures par leur expression s'accor-
daient tant avec quelques-uns des divers incidens
de la dispute qui se fit auprès du cadavre de Pa-
troclo, dont Homère nous fait la description, que je
n'eus pas le moindre doute que le jeune homme
tué, de ce groupe, ne représentât ce héros. Ce
sujet avait l'avantage sur les autres d'être tiré de
l'Iliade, dans laquelle ordinairement les arts de la
Grèce prenaient leurs sujets , et de plus il avait
en effet excité l'imagination des anciens maîtres et
employé leur ciseau, comme, sans ce morceau, le dé-
montrent plusieurs pierres gravées. La table Ilia-
que du Capitole pouvait confirmer puissamment
mon opinion , puisque dans la dispute près du
cadavre de Palrocle, l'artiste a représenté un groupe
très-peu différent de celui dont nous parlons main-
tenant (1).
Mais les fragmens du Vatican ont épargné aux
observateurs Penimi de discuter si longuement sur
tous les motifs et sur les coujectures. Les épaules
du mort , qui sont très-bien conservées y nous mon-
trent entre les deux omoplates [ ëpoti ^sao^yv ,
comme raconte Homère (2)] une seconde blessure,
(0 On le trouve dans le segment du P; ou XVI [ de
Y Iliade , dans laquelle Rapsodìe est décrit cet épisode y
mais il n'y a plus d'épigraphes à ce fragment. Voyez la
planche LXVIIl du tome IV du Musée Capii.
h) Iliade H; ou liv. XVI ; y. 807.
122
qui est précisément celle dont Patroele fut frappé
par Euphorbe, avant qu'il eut reçu l'autre veiatov
êç neveôva,) au bas de la poitrine (i), d'un coup
de lance d'Hector , qui lui arracha la vie (2) ;
celle-ci se voit aux groupes de Florence.
Si donc on reconnaît Patrocle dans le corps
mort , rien de plus aisé à déduire d'après la nar-
ration d'Homère quel est le guerrier qui s'em-
presse d'enlever de la mêlée le cadavre du vaincu.
Mais quoique l'on parle des deux Ajax , de Dio-
mède , d'Ulisse , et de quelque autres dans ce com-
batil me semble que le héros de ce groupe
n'est autre que Ménélas , duquel on dit , et non
d'aucun autre:
Mortuum a Trojanis extrahebat ad agmen sociorum.
Le fils d'Atrée ne fait plus attention au mort
qu'il tient dans ses bras, mais il paraît en se rele-
vant tourner ses regards autour de lui pour décou-
vrir parmi les Grecs quelqu'un qu'il puisse ap-
peler à sa défense dans ce moment critique ( vcav-
TÓae itaTcraipQV , undequaque circumspiciens ) ;
c'est ainsi qu'Homère s'explique en nous dépei-
gnant cette action de Ménélas (5),
(r) Même endroit ; v. 82/f.
W oïoc, âeipaq
Newpòv vrì in TpÓQì? . . . .
êpvaev [isrà eSvoç ixaipov,
Iliad. P; ou liv, XVH; v. 58i et 588.
(5) Même endroit ; v. 674.
1*5
Le visage agité du héros est tout plein de no-
blesse et de grâce, tel qu'il nous est présenté dans
l'Iliade. 11 a de la barbe , et en cela il ressemble
ii son image représentée, dans plusieurs bas-reliefs ,
au conseil des rois grecs (i). Son habillement et
ses ornemens méritent une attention assez grande.
Il n'a pas de cuirasse ; il n'est vêtu seulement que
d'une tunique relevée , qui lui laisse à découvert
une épaule entière et la poitrine. Cet ajustement
pourra sembler peu propre à un guerrier qui est
dans le fort du combat 5 mais l'artiste trouve son
excuse dans une certaine convention sur le costume
héroïque, par laquelle on permet, ou plutôt on
exige que les guerriers des histoires mythologiques
soient représentés tout-à-fait nus , ou au moins à
peine vêtus. C'est pour cela que nous voyons nus
les Grecs combattant les Amazones , de même les
Argonautes , et nus aussi les champions des guer-
res de Thébes ou de Troye (2). Quelques monu-
mens substituent à la nudité absolue des combat-
tans cette tunique que l'on voit à notre statue ,
tombant ainsi des épaules, et courte. De ce nom-
bre, sont un grand bas-relief de la Villa Albani (5),
(1) Par exemple dans celui du Musée Capitoli n et
dans l'autre de la \ilia Pinciana.
(2) Le plus souvent les monumens dans lesquels on
voit les héros revêtus d'une cuirasse ; appartiennent aux
temps des Àntonins. Ce fut alors que s'introduisit Je nie*
lauge du costume romain avec le grec mvthologique.
(3) Vvinckclmann y Monum, înécL , n. 6'2 ; croit que
c'est le combat de Poliux avec un des fils d'Apiuuee»
une pierre gravée du Musée Ludovisi (i), et ils
se trouvent en cela d'accord avec la figure du Mé-
nélas que nous avons sous les yeux. Au reste, Tépée,
le casque et le bouclier suffisent pour indiquer
qu'il est armé.
Le casque est précisément exécuté avec beau-
coup de soin et de noblesse sur la tête de ce roi
de Sparte, et on n'a pas oublié cet ornement en
bas-relief que l'on supposait ciselé sur la calotte.
U représente le combat d'Hercule avec les Cen-
taures; quoique Winckelmann ait cru que ce
sujet était le huitième des travaux d' Hercule ,
c'est-à-dire la conquête des quadriges de Thra-
ce (2).
Le rapport de cette histoire avec Ménélas n'est
pas très-clair. Mais pour ne pas l'attribuer au sim-
ple caprice de l'ancien sculpteur , on peut s'at-
tacher à ce que raconte Pausanias , savoir que
dans le temple Olympien étaient sculptées les
(1) Celte gravure a été aussi publiée par Winckelmann
(Monum. inéd. y n. 128), et elle represente effective-
ment le combat des Grecs et des Troyens près du ca-
davre de Patrocle. Cependant le dessein qu'il en donne
«st très-infidèle ; comme on peut le voir par l'empreinte
même de la pierre qui a été publiée par M. Federico
Dolce dans la III planche, n. 109. On y voit les guer-
riers des deux partis tous habillés comme notre Méné-
las : ils ont de plus les jambières, ocrae 7 peut-être pour
tendre l'épithète d'Homère 7 EVKVrifjiïdaç Aftafaç.
(2) Monum. inéd. 7 page 82. Dans ma lettre ; citée ci-
dessus f le contraire y est dit par erreur.
ï%5
actions de Thésée et les travaux d'Hercule , par
le seul motif, peut-être , que Thésée , et même
Hercule,, descendait de Pélops fondateur de ce tem-
ple (i). Il n'était donc pas étrange que les Pélopi-
des puissans, l'un desquels était Ménélas, eussent l'u-
sage de se vanter d'être parens de Thésée, et d'être
glorieux de ses entreprises hardies ou de celles
d'Alcide. La destruction des Centaures fit regar-
der ce dernier comme un des libérateurs de la
terre , à cause de la violence qu'exerçaient ces
monstres , qui se plaisaient principalement à en-
lever partout les femmes et les filles; et c'était;
là précisément le tort qu'avaient eu Paris et Troye,
dont Ménélas et toute la Grèce s'obstinèrent à
tirer (/ vengeance.
Au commencement des deux langues ou bande-
lettes de cuir qui servaient pour attacher sous le
menton les casques des anciens , sont sculptés deux
aigles , lesquels semblent inventés de caprice et
d'une figure monstrueuse, comme on le fait assez
souvent pour les animaux qui composent des or-
nemens ou des arabesques; ceux-ci se terminent
par une queue de lion. Mais cette forme est
due entièrement à un équivoque du restaurateur,
qui voyant dans l'antique les ailes de l'aigle et la
queue de lion , a supplée à ce qui manquait, en
ne suivant que la seule indication des ailes, sans
penser que les ailes et la queue convenaient égale-
(i) Pausanias , liv. V, ch. X et XIII.
ment au griffon, emblème si souvent employé dans
les armures antiques, et plus particulièrement a
celle de Mars, divinité à laquelle Ménélas est quel-
quefois comparé dans Homère , qui le distingue
constamment par cette épithète dp7^(pû,oç f cher
à Mars.
Faisons attention maintenant a Part que l'on
aperçoit tant dans la composition que dans le tra-
vail de ce groupe. Son invention est si parfaite,
qu'il serait difficile d'en trouver un autre finsi
composé de deux figures ayant cette unité d'en-
semble , et qui paraisse aussi élégant que celui-ci,
sous quelque point de vue qu'on le regarde. Les
copies si multipliées qu'en ont fait les anciens prou-
vent en même temps son mérite et la réputation
dont il jouissait (i). Il a été imité dans d'autres su-
jets, comme dans celui d'Acbille et de Penthési-
lée (2), où Pon voit que Partiste a eu cet origi-
nal pour modèle. Le dessein est extrêmement gran-
diose dans toutes ses parties, quoiqu'il semble qu'on
ait mis un peu d'exagération dans les traits de
Ménélas; exagération visible dans la tête séparée
du groupe, qui ne serait plus sensible avec tout Pen-
(1) En outre des rëpe'titions indique'es , , je me rappelle
en avoir vu une en petit chez Filabile sculpteur anglais
M. Colin Mori son.
(2) Yovez la gravure de ce bas-relief , qui existe a pré-
sent au Musée Pie-Clëmentin , dans les Monum. irtéd. de
Winckelmann ; n. 109, et confrontez-le a\ec le groupe
dessine' en petit dans cette planche XIX.
semble , et qui même en augmenterait peut-être da-
vantage l'effet ; il y a d'autres parties où la vé-
rité est merveilleusement imitée. Telles sont les
jambes étendues et roides du cadavre^ dont les
contours , de même que les formes des épaules
blessées, sont élégans et gracieux, mais cependant tou-
chés avec une franchise, et exécutés avec une si
rare intelligence, qu'on peut les comparer à tous
les chefs-d'œuvre de cet art.
Le groupe de Pasquin , quoiqu'ayant excité
l'admiration de beaucoup de personnes (i), ne peut,
à parler vrai , étaler d'autres beautés que celles de
sa composition, ou des contours en général, tant
il est rongé dans toute sa surface. Les fragmens
du nôtre sont supérieurs aux parties conservées
de celui de Ponte vecchio ; et la tête de Méné-
las qui est assez entière dans l'autre groupe du
palais Pitti , ne peut entrer en comparaison avec
la nôtre , ni par la grandeur du style , ni pour
Pélégance de Fexécution.
PLANCHE X X.
Hermes double d'Homère et Archiloçue *.
Le portrait d'Homère que l'on reconnaît facile-
ment dans une des deux têtes que représente ce
(i) Winckelmann (Preface de YHist. de Fart ? édition
romaine ? page XXVI ) rapporte l'opinion de Bernini qui
préférait ce groupe à toutes les autres sculptures qui nous
restent.
* Hauteur avec l'estomach^ deux palmes et demie. 0
Ï28
marbre, est Tunique appui sur lequel on puisse
conjecturer à qui appartient l'autre image qui est
unie à lui -y laquelle resterait inconnue, ne pouvant
obtenir aucune lumière à cet égard par la confi ons
tation avec toute espèce de monument. Mais en
réfléchissant sur les relations qui ont déterminé les
iconologues à réunir ainsi l'effigie de deux per-
sonnes, on pourrait arriver à quelque hypothèse pro-
bable; et les hermès doubles d'Héròdote et de Thuci-
dide, ou ceux d'Epicure et de Métrodore ( i ) por-
tant tous deux les inscriptions grecques originales,
seraient des exemples sur lesquels on pourrait
établir quelque fondement pour raisonner. La dif-
ficulté est cependant peu diminuée en les appli-
quant au présent hermès. Hérodote et Ihucidide
formèrent parmi les historiens grecs un couple auquel
on ne pouvait associer un troisième personnage. Quel
sera donc le poëte qui méritera d'être associé à
Homère? ou bien si au lieu d'être son rival, on se
contente qu'il s'en soit approché dans quelque partie,
quel sera celui sur lequel on pourra jamais jeter
les yeux pour cela ?
est de marbre pentélique. On Ta trouvé à la Villa Fon-
seca sur le Celium.
(i) Fabri ? Imag. illustr. ex Fulvio Ur sino , n. 1 44- Cet
hermès double d'Hérodote et de Tucidide qui fut d'abord
à la Villa Farnese, est à présent à Naples : mais il avait
déjà e'té scie' en deux ; de sorte qu'on en avait se'paré les
deux têtes. Celui d'Epicure et de Métrodore est conservé
au Capitole ; il est publié dans le tome I du Musée Ca-
pitolili,, pl. V et VI ; p. 12.
En considérant les têtes réunies de Métro*
dore et d'Epicure, il me vint à l'idée une con-
jecture , et je laisse au lecteur à en juger la
valeur et la probabilité. Je faisais la remarque
que l'union de s doctrines ou les liens de l'ami-
tié pouvaient avoir fourni le motif de la réunion
de ces deux images; mais que l'institution pres-
crite par Epicure lui-même à srs disciples
de renouveller dans les icadi , ou le vingtième
jour de chaque mois, sa mémoire, conjointement
avec celle de Métrodore, et de la célébrer avec
ces fêtes et ces honneurs funèbres ou héroïques
qu'on pratiquait alors ; cette institution , me di-
sais-je, était peut-être la cause première et la
véritable qui avait fait réunir ces deux bustes
en un (i). La même chose, si cela semble pro-
bable à quelqu'un, devrait engager pour dé-
couvrir le portrait inconnu de notre marbre ,
à faire la recherche si dans les écrits des sa-
ges , ou des poètes , on ait trouvé par hazard
que la mémoire de-celui-ci ait été unie à celle
d'Homère, de manière à ce que tous deux fus-
sent honorés ensemble et le même jour: et si
on pouvait en avoir quelque trace , alors il ne
paraîtrait pas trop mal de donner à la tête in-
connue le nom de cftt homme. Maintenant une
épigramme d'Antipater , qui est conservée dans
l'Anthologie grecque nous a par bonheur trans-
(i) Lnrrce , liv. X, n. 10.
Musée Pie-Clém. Vol. VI.
ï3o
mis la connaissance que l'on avait coutume
de célébrer des honneurs à la mémoire d'Ho-
mère conjointement avec celle du poëte Ar-
chiloque, et précisément le même jour(i). Cette
notice m'a paru d'une telle importance et d'un
si grand poids, qu'elle seule me persuade avec
beaucoup de probabilité que ce portrait inconnu
est celui d'Archiloque, lequel a été joint à ce-
lui d'Homère par quelque circonstance singu*
lière (2).
Comme les probabilités commencent à pren-
dre le caractère de la cer^tude et de la véri-
té, alors si plusieurs raisonnemens, déduits tous
de divers principes, arrivent au même résultat,
(1) Anthologia Graeca , liv. IT; ch. XLTVIl, ép. YIIÏ;
V. 5 :
luïïévdoybev' ô Hpr^p ov dé^et' vdpo&ôraç.
« C'est le jour de fête d'ARCHILOQUE et d'HOMÈRE $
« la conipe et les rits sont défendus aux asthénies. » Cette
particularité qui a échappé à Bayle ( v. Arquiloqiie ) et
à Fabricius ( Bibl. Gr. , liv. § XVI ); n'a pas été oubliée
par le très-célèbre abbé Barthélémy dans Anacharsis.
(2) D'autres raisons de convenance pourraient faire pen-
ser a d'autres personnages. On pourrait croire que ce sont
Homère et Hésiode ; les deux plus anciens poètes grecs 9
et même unis, selon quelques-uns, par la parenté. 11 se-
rait possible encore de croire que ce soit Pisistrate ici
réuni à Homère, comme étant celui qui recueillit ses
poèmes ; et qu'on honora par ce motif d'une de ses
images y ainsi que nous en avons eu la certitude par les
fouilles Tiburtines. Voyez notre vol. I, page q3 et suiv»
dans les notes.
je n'abandonnerai sans cet avantage l'opinion
proposée, quand elle-même remporte avec elle.
Je dirai donc qu'Homère et Archiloque furent
unis ensemble dans l'antiquité, dans d'au-
tres occasions ; c'est-à-dire qu'ils le furent par
ceux qui savaient apprécier et sentir les beau-
tés poétiques. Les vers d' ïrehiloque furent chan-
tés par des Rapsodes dans les solemnités de la
Grèce, comme le furent des fragnieps des poè-
mes d'Homère (i). Mais, à dire la vérité, les poé-
sies de Sthésicore et de Mimnermus eurent aussi
cet honii3ur. Il vaut donc mieux tirer une con-
séquence de la réflexion que fait Paterculus, qui
crut ( et probablement il ne fut pas le seul qui
portât le même jugement) quMrchiloque et Ho-
mère se ressemblaient singulièrement en cela
que chacun d'eux avait porté au dernier degré
d'excellence le genre dont il pouvait se dire
l'inventeur (2). C'est ainsi que sous la plume d' Ar-
chiloque le jambe avait acquis la même per-
fection que le poème par 3e style d'Homère.
Par cette raison parmi plusieurs des divins gé-
nies qu'admira et qu'honora la Grèce, il y en
eut qui associèrent avec distinction ces deux poë*
tes. Ainsi Héiaclide de Pont avait choisi pour
le sujet d'un de ses ouvrages, dont la réputation
seule nous est parvenue (3), les poésies réu-
(1) Caméléon dans Athénée ; liv. XIV ? ch. IIL
(aj Liv. I; chap. \7: JSeque enim tjuemauam. alium 7 cu-
ius operis primas auct or fucrlt , m eo perfectissùnurn} prae^
ter HOMERUM ET ARCIÎILOCÎI M reperiemus.
(5; Héraclide de Pont avait écrit deux, livrer ïïspï9 Ao^7-
l%2
nies d'Homère et d'Àrclriloque. Ces écrivans in-
comparables, que les critiques et les grammairiens
réunissaient souvent dans leurs examens , pou-
vaient aussi être réunis par leurs portraits des-
tinés à orner également les bibliothèques des
savans, les musées et les campagnes des grands.
Toutes les inductions que nous avons mises
en avant jusqu'ici partent toutes d'un principe,
que l'autre effigie est indubitablement celle d'Ho-
mère , il est nécessaire, n'ayant pas de monu-
ment écrit qui assure à la première une déno-
mination connue de tout le monde , de propo-
ser les conjectures qui peuvent la justifier. El-
les se réduisent à trois principales , lesquelles
étant réunies semblent assez puissantes pour con-
vaincre. L'expression d'aveuglement dans les
yeux, la position de la tête, le diadème sym-
bole de l'apothéose , et le grand nombre de por-
traits pareils multipliés plus que ceux de tout au-
tre. Comme ces deux dernières circonstances don-
nent la preuve que cette figure est celle d'un hom-
me fameux au dernier degré, et qui a été dé-
coré comme une divinité (i) , ainsi la première
face n'attribue qu'à Homère ces signes caracté-
ristiques généraux. Qu'on ajoute à cela quel-
Mp 9taì OpnpVideARCHILOCHOetHOMERO, com-
me nous Tapprend Laerce dans la Vie d'He'raclide, liv. V;
chap. VI ; § IV.
(i) Les portraits d'Homère et de Pytliagore ont le diadè-
me sur les médailles grecques ; ainsi que ceux de Platon
et de Sophocle^ dans les marbres antiques.
i35
que particularité plus positive, d'après laquelle
les antiquaires du XVI siècle et des suivans se
sont crus autorisés à n'avoir aucun doute sur
ce portrait si important (i).
(i) Voyez Bellori, Imag. Illustr., pl. LU et LUI; Gro-
novius ; Thes. ant. Graec. , tom. II , pl. XVIII et XIX .
F abri , ad Imag* Fulv. JJrsini , n. 72 , dans les explica-
tions; Mus. Cap. 7 torne i, pl. LI et XLV. La circonstance
est celle que raconte F abri , que la tête semblable, de
la collection de Farnese ; fut trouvée dans la même fouille
de la voie Ostia , où était Thermes sans tête portant lo
nom d'Homère et de diverses épigrammes à sa louange,
de sorte qu'on la plaça dessus comme lui appartenant.
On trouve dans Fabretti , ad tah. Iliadis , p. 545, d'au-
tres motifs et d'autres comparaisons qui servent d'auto-
ri tés à la même image. Cependant il se presente ici une
réflexion sur ces portraits , laquelle pourra servir à expli-
quer quelques monumens du même genre tant sur les
médailles , qu'en sculpture. En outre qu'il est assez vrai-
semblable en soi, et peut être même certain, par ce qu'en,
dit Pline ( liv. XXXV, § 11), et par la variété' des dif-
férentes images connues, que les portraits d'Homère étaient
d'imagination , de convention. Car il faut distinguer trois
physionomies différentes dans ces portraits. Celle des mé-
dailles d'Amas tri s , ville qui tirait son origine de Smyrne,
et qui a par cette raison orné souvent ses médailles du
portrait d'Homère. Sa tête est ordinairement ceinte du
diadème , quoique beaucoup de personnes en ayent douté,
et c'est précisément celle qui est très-ordinaire même en
marbre , à laquelle on a donné dans les coliections-^le
nom d'Apollonius de Thyane ( Mus. Capit. , tome I, plan-
che LII et LUI ). Ceux qui ont des médailles de cette
espèce bien conservées^ en seront persuadés en les con-
frontant, mais quiconque voudrait s'en convaincre seu-
lement par les gravures, perdrait son temps et sa peine.
Une autre tête bien différente de celle-là est l'effigie des
i54
Il n'y a rien de plus à dire des deux poè-
tes que je suppose représentés dans cet her-
nies. Toute la littérature est, pour ainsi dire,
pleine du panégirique du premier. L'antiquité
le regardait comme le fondateur de toutes 1 s
doctrines. Ses ouvrages , héritage le plus pré-
cieux qu'ait recueilli l'ancien âge, nous le font
connaître aussi comme le créateur de toutes
les beautés dont puissent être parés les arts
d'imagination et la langue. Nous devons con-
cevoir une grande idée du second poëte , puis-
qu'on l'a cru digne de servir de compagnon a
Homère, et les petits fragmens, très-imparfaits,
qui nous restent de son style ne détruisent pas
une telle présomption en sa faveur (i).
médailles de Scio : elle a la barbe en pointe , et peu dif-
ferente de celle de la me'daille à cordon d'Homère, ou-
vrage du troisième siècle de notre ère ( Ccmbe , Calai.
Mus. Hunter. j pl. XVII, n. 22 et 25). La troisième est
celle de notre hermès qui est plus fréquente dans les
sculptures , et peut-être la plus frappante , même pal-
line certaine expression de cécité. Il paraît que les
musées des Romains V ont préférée a tout autre , ou
qu'on la doit aux Rhodiens, artistes habiles ou rivaux des
autres villes en prétendant que Rhodes fut la patrie d'Ho-
mère , ou enfin soit qu'elle ait une autre origine. Pol-
lion , le premier qui rassembla de pareilles effigies, l'aura
sans doute placée de préférence dans sa bibliothèque; de-
là d'autres qui l'ont imité dans ce goût , auront ensuite
fait copier ce portrait pour eux. C'est donc mal à propos que
F ab ri , et après lui plusieurs autres antiquaires ont assuré
sur l'autorité du passage cité de Pline,, mal entendu, que
Pollion se fit faire un portrait d'Homère de fantaisie.
(1) Dans un passage du premier vol. r pl. B* I , p. 261 9
t35
PLANCHE XXI.
Épimênide *-
Voici probablement encore un de ces por-
traits que dans des temps postérieurs l'imagina-
tion a crée pour satisfaire le désir de rempla-
cer de véritables ressemblances qui ne s'étaient
pas conservées (i).
Les paupières fermées, l'air endormi de toute
la physionomie, me semblent indiquer dans cette
figure Epimênide le devin , poëte crétois , fa-
meux par plusieurs aventures et par ses écrits,
Lien plus encore que par son sommeil qui
dura quarante ans continus» (2). La chevelure
resserée autour de la tele et retenue sur les tem-
oli je parle de ce monument , j'ai mis en doute si le por-
trait joint à celui d'Homère n'était' pas un Hérodote. Mais
un examen plus exact des hermès d'Hérodote de la col-
lection Farnese m'avait fait désapprouver cette idée ; même
avant que j'eusse songé k cette nouvelle conjecture.
* Hauteur ; y compris la poitrine, deux palmes ; cinq
onces ; il est en marbre pentélique.
(1) Pline ; liv. XXX Y 7 § 1 1 : Quin etiam quae non sunt
( imagines JîngunturJ pariuntque desiderio, non traditi vuU
tus .... maius nullum est felicitatis specimen 7 quant
semper ornnes scire cupere qualis fuerit aliquis; et un peu
avant j'avais remarqué , etiam mentiri clarorum imagi-
nes erat aliquis virtutum amor : multoque honestius qua m
mer eri ne quis suas expeteret.
(2) Pausanias; Attica ; ou liv. I, ch. XIV: d'autres le
font durer plus long-temps.
i56
pes par un ruban ou diadème, entrelacé avec
les cheveux même , est une coiffure propre à
Epiménide, qui, malgré l'usage, laissa croître ses
cheveux, comme nous l'apprend Laerce (i). Le
diadème lui convient aussi comme étant prê-
tre , et même inventeur de rits nouveaux et
expiatoires pour des 'nations entières , et comme
à une espèce de demi-Dieu , cru fils d'une Nym-
phe, el appelé nouveau Cureté (2).
On pourrait opposer à nos conjectures que
l'on a fait aussi des hermès du Dieu du Som-
meil , que nous en avons une effigie , qui le
représente les yeux fermés , dans le Musée Pie-
Clémentin (3). Cette objection ne m'inquiète en
rien , parce que les traits du visage , et l^haïbe
de noire hermès , sont évidemment tels qu'ils
peuvent convenir à un véritable portrait de quel-
qu'un j qu'il n'y a rien là d'idéal, ni de ce que
les anciens appliquaient purement à des sujets
mythologiques- En outre l'expression du Som-
(0 K.a%é(reù rtfç xô{if}ç ro eîiïoç ftapoMÂ&ffW 1
«En se laissant croître les cheveux ; il changea de figure. »
Même lieu, § 1. Peut-être ce fut cette çoiifure qui lui
fit donner le nom de nouveau Cureté ; comme Ménage
l'observe au mot Laerce*
(2) Jean Albert Fabricius 7 BibL Gr.} liv. I, ch. Vf,
§ il jusqu'au VI ; où ii explique avec l'érudition qu'il
dossède, plusieurs circonstances de la vie et des ouvrages
de cet homme célèbre.
(3) Voyez la planche XI ci-dessus ? et dans le tome l
^planche XXIX.
i37
meil me paraît si claire dans cette figure, que
l'on ne peut pas croire ces yeux fermés à cause
de l'aveuglement , ce qui exclut toute incerti-
tude que ce puisse être une image d'Homère
ou de Tirésias.
La célébrité d'Epaminondas fut universelle et
durable. Quelques-uns le comptèrent au nom-
bre des sages de la Grèce. Il est donc d'au-
tant plus vraisemblable encore qu'on ait sou-
vent répété son portrait parmi ceux des sages
et des savans. Et puis le crédit qu'il eut parmi
les Payens fut si constamment établi, que l'Apô-
tre des nations n'a pas dédaigné d'insérer un
vers entier , attribue à Epiménide , dans son
Epitre à Titus (i).
(iì Chap. l; v. 12. Le vers grec est le suivant:
Kptfreç del ipevaTai , nana Sqpm , yaarèpeç àpyoi.
Tout le passage de S. Paul est traduit ainsi dans la vu!-*
gate : Dixit quidam ex illis proprius ipsorum propheta.
Cretenses semper mendaces 7 maiae hestiae^ ventres pigri.
S. Jérôme et d'autres pères qui interprètent ce passage 7
nous apprennent que la citation regarde Epiménide. Théo-
doret y trompé peut-être en trouvant le premier hémisti-
que dans Cailimaque (Hym. Iov. , v. 8 ), peut-être aussi par
l'allusion que fit le poëte de Cyrène au vers d'Epiménide,
l'attribue à tort à ce poëte. S. Jean Chrysostome l'attri-
bue directement a Epiménide , mais dans l'exposition il
le confond aussi lui-même avec le passage de Cailimaque
que nous venons de citer.
i58
PLANCHES XXII, XXII a.
Hermes désignés des Sages de la Grèce
ET t'aUTRES PERSONNAGES ILLUSTRES *.
Quoiqu' on ah db dans un chapitre tout ce
qui suffisait pour faire reconnaître ce que re-
présentent les fragmens qui sont gravés dans
cette planche (») . et quoique l'on donne dans
celles que vont la suivre les têtes , en grande
des deux hermès entiers (2), cependant, at-
tendu le mérite de ces restes remarquables, il
nous a paru convenable d'en donner une image
fidèle et exacte, qui fasse voir ce que le temps
a pu nous conserver de monumens si chers à
la littérature , et de mettre sous les yeux des
lecteurs ces caractères qui les désignent bien cer-
tainement, et copiés ici sous leur forme originale.
* Ils sont en marbre pentéjîque; et furent trouvés tous
dans les fouilles Tiburtines du mont Olivet appelé Pia*
nella di Cassio P appartenant au docteur Mathias ; dans
le lieu où l'on croit que fut la maison de campagne de
ce Romain. Nous avons déjà parlé de cette fouille , t. i?
page g5 et suiv. 7 où nous avons indiqué toutes les au-
tres sculptures et fragmens avec inscriptions qui se dé-
couvrirent en même temps dans ces lieux. Quant aux di-
mensions; il suffit de savoir que les deux têtes de Bias
et de Périandre ont jusqu'au pilastre à-peu-près deux
palmes, un tiers abondant. Les autres fragmens ont les
mêmes dimensions.
(1) Dans la note (1) de la planche VIII du tome I
déjà cité ; page g5.
(2) Aux plane. XXIII et XXV ci-après*
i39
Nous dirons plus amplement , ce qui nous
paraîtra nécessaire , et à sa place, sur Fliermès
de Bias qui est dans la planche XXII, et sur
l'autre de Périandre , clans la planche XXII a.
Les hennés acéphales des autres sages , savoir
ceux de Thaïes, de Solon , de Pittacus et de
Cleohule 9 sont indiqués par les inscriptions sui-
vantes :
0AAHS ESAMYOT MIAHUIOS
Thaïes Examyi [ films ] Miles ius*
XQAÛJN ËflBKË£TÙOT A0HNA1O2
MHOEN AFAN (i)
Solon Execesti lae [filias] Atheniensis*
Ne quid nitnis.
IîlTTAKOS Tti A MïTIAHNAIOS (2)
(1) Sur la manière d'écrire le premier mot de cette mar
xime par fi^^sv au lieu de p,fi$ép , plus usité', on peut
observer que c'était peut-être celle originale dans laquelle
on crut énoncée la sentence caractéristique de Solon. Je
suis porté à penser ainsi en la voyant écrite de même
dans l'épigramme d'AIphée de Mytiiène, qui fait une al-
lusion évidente dans ce vers :
To MH0EN yàp AFAN âyav pe rèpaei.
Elle ont dans l'Anthologie grecque, liv. I; ch. X, ép. 2.
(2) Il y a clairement sur le marbre ÏPPA et non
YrPA , comme je l'ai écrit dans l'endroit cité du t. I;
parce que les fragmens étant entassés dans un endroit peu
éc airé, chez le défunt sculpteur Sibilla, l'on ne pouvait
pas les examiner assez aisément. De-là sont survenus dans
les inscriptions suivantes quelques changemens d'autres
lettres que l'on fera remarquer. En effet lira était le
nom du père de Pittacus, comme nous l'assurent en ter-
ï4°
KAIPON TN&0I
Pittacus Hyrrhae [jilius ] Mjtilenensis.
Tempus nosce.
mes fort clairs Suidas et Priscien , lesquels disent en
même temps que ce sage de Metilène s'appelait aussi Ir-
radius y nom patronimique Eolien ( dialecte en usage à
Mytilène sa patrie ) comme fils à' Irra. Le premier de ces
écrivains au mot Tppa, a : Tppa ftcuç ô Utrtamç
çeal Tppàiïtoç ô âvroç: Pittacus est fils dH Irra , et lui»
même est appelé Irradius. Priscien , liv. II 7 où il parle
des noms patronimia ues , dit: aâtoç est Aeolica , ut Hyr-
rhadios , Hyrrhae jilius , Pittacus. D'après cela on devait
tirer l'explication de ce passage d'Hesychius dans Tppa^
&LOÇ , où. y on donne à ce mot; entre autres significations,
celle-ci Tppa Tuaiôïov Hyrrhae filius 9 que les éditeurs ont
mal distingue' en mettant une virgule entre les deux
mots; alors on l'interprète dans un autre sens, maigre' ce
qu'avait remarque' à ce sujet Palme'rius , que l'on voit
avoir lu et entendu le passage comme il convenait. Irra
fut donc le père de Pittacus; le nom (^Tppaç^ pouvant
se de'cliner au génitif avec deux syllabes Tppa , et avec
trois Yppaiïoç , et pouvant même en tirer l'autre nomi-
natif TppdiïffÇ ) a donne lieu au nom patronimique Yppd-
iïlOÇc. Irradius fils d'Irra ou d'Irrade. C'est donc par er-
reur qu'on lit dans Laerce que le père de Pittacus s'ap-
pela TpâdiïlOÇi Irradius 7 et par cette raison on devra
lire dans le second vers de l'épigramme de Callimaque ,
que Laerce nous a conservée tfaÎda TOV TppdiïeQ , et
non TppaiïtV , comme mal à propos on a lu jusqu'à pré-
sent. Ces minuties grammaticales n'e'taient point à négli-
ger dans cette occasion , quand l'e'pigraphe de notre mar-
bre, qui est du bon temps, confirme pleinement ce que
nous apprennent, sur le nom en question, les deux écri-
vains Suidas et Priscien , quoique beaucoup postérieurs.
k ce temps,
i4*
KAEOBOTAOS AINAIOS
METPON APIZTON
Cleobulus Lindius.
Modus Optimus.
Les caractères avec lesquels sont écrits les
noms et les autres mots (i), sont précisément ceux
que l'on trouve plus fréquemment employés sur
les hermès des hommes illustres d'un travail très-
ancien. Une de ses qualités particulière qui le
fait distinguer, c'est que les deux élémens © et
O sont carrés au lieu d'être ronds. On voit dans
les images d'Ursinus de semblables épigraphes.
Les marbres qui nous restent ayant des ins-
criptions formaient la base de trois autres her-
mès, l'une a la moitié antérieure des pieds sculptée,
de manière qu'elle devait être hors du pilastre,
précisément comme ils paraissent dans les ef-
figies couvertes de bandes d'or, ou dans celle de
Diane d'Ephèse : le marbre porte le nom de
Pindare gravé en caractères plus ordinaires ,
avec le sigma en forme de croissant, ainsi;
niNAAPOC
Pindarus
(l) Hypparque fils de Pisistrate fut le premier quî ima-
gina d'écrire des sentences morales sur les hermès (Meur-
siu-s, Au. Lect.y liv. V, ch. VII ). Ce fut peut-être alors
qu'on prit l'usage de placer sous les images de ces sages
anciens qui préparèrent dans la Grèce les beaux siècles
de la philosophie ; leurs sentences les plus renommées ?
comme pour en former leur emblênle particulier.
Le nom du poëte Bacchilide est écrit avec le
même caractère , mais au génitif
BAKXTATAOT (i)
Bacchylidis
Celui de Phidiak :
OEIAÏAC
Phidias.
Je regardais comme unique l'image de ce îrès«-
célèbre artiste grec, sculptée en forme d'her-
mès , si je ne l'avais pas trouvée dans un autre
hermès acéphale d'Eubulée fils de Praxitèle ,
aussi l'un des plus renommés parmi les scul-
pteurs de la Grèce , dont le nom serait resté
ignoré, sans ce fragment très-remarquable (2).
(1) Il est très-rare de trouver les noms du sujet repré-
senté sur le monument , au génitif, particulièrement dans
les objets d'art des temps les olus anciens. Nous ne man-
quons pas cependant d'exemples dans ce cas ? et quel-
ques-uns ont été déjà recueillis par M'cbele Ardito, sa-
vant napolitain , dans son érudite ÏUustr azione d un antico
vaso, publiée a Naples cette année.
(2) L'épigraphe de ce marbre, qui, après avoir appar-
tenu à la Villa Negronî, et qu'on trouve décrit dans la Roma
moderna de Venuti , est actuellement possédé par l'ha-
bile sculpteur M. Carlo Albaccini, est la suivante :
EïBOïAEYC
nPASITEAOïC
Pausanias parle souvent des ouvrages des fils de Praxi-
tèle, comme provenant d'excellens maîtres. Nous pou-
vons de cette seule épigraphe apprendre le nom de l'un
d'eux ; Pline nous avait déjà informés que l'autre était
Céphisodore, aussi un des sculpteurs les plus renommés
(Ht. XXXVI, $ IV, n. 6),
ia-
line circonstance particulière de l'antiquité, que
nous n'eussions pas soupçonnée sans de telles
preuves , c'est qu'on rendait aux artistes excel-
lens les mêmes honneurs qu'aux hommes illus-
tres dans les sciences et les lettres 5 ce qui doit
étonner, particulièrement après avoir lu dans le
Songe de Lucien avec quel mépris les littéra-
teurs parlent d<„s arts du dessin et de ceux qui
les professaient.
PLANCHE XXIII,
Bus
C'est pour la première fois que nous voyons
dans ce huste, unique, et d'une manière authen-
tique, le portrait de Bias , fameux parmi les sa-
ges, né à Priène dans l'Ionie, et qui était d'ori-
gine Thébaine : il est bien déterminé par l'épi-
graphe suivante qui porte son nom, et la sen-
tence qui lui appartient:
BIAS
IlPHiNETS [ sic ]
Bias Prieneus
* On le trouva dans la VHla Tiburtine de Cassius avec
les autres ; et il est le mieux conserve. Son pilastre est
tout entier 7 et au-dessous de l'e'pigraphe on avait scul-
pte' les parties viriles. Il a de hauteur jusqu'à la poitrine
deux palmes, cinq onces : il est en marbre pentelique. Le
souverain pontife en fit l'acquisition de feu Domenico de
Àngeiis; gentilhomme Tiburtin , en même temps que beau-
coup d'autres monumens tirés de lei même fouille^
i44
Elle est écrite sur le pilastre sous la poitrine,
le nom de son père étant supprimé , comme
dans celui de Cléobule. Plus bas est sa sentence
01 nAEISTOI
AN0P&ITOI
KAKOI
Plerique hominum mali (i).
Ce véritable apophtegme pouvait être regardé
comme un corollaire de cet autre de Pittacus,
un des sept sages, son contemporain, lequel as-
surait %aÀs7ròv èaSXòv sollevai , quii était diffi-
cile de pouvoir être un homme de bien (2).
Ceux qui voudront avoir de grandes connais-
sances sur Bias , sur ses maximes et ses écrits,
s'il en a existé, recoureront à Laerce et a Bru-
cker (5): je remarquerai seulement que c'est
(1) Voyez sur ces épigraphes ce quf a derjk été' remar-
qué au tome T; pl. VIII, p. g5 7 (1) et suiv.
(2) Platon dans Protagoras : Laerce , liv. I , ch. IV ,
§ IV. A propos du mot de Bias 7 on doit remarquer que
quelques anciens interprètes de Térence , parmi lesquels
est Eugraphius , avaient cru que le comique latin faisait
allusion à cet apophtegme dans le commencement du pro-
logue de Y Eunuque , par l'expression suivante :
Si quisquam est qui piacere se studeat bonis
Quant plurimis
comme s'il eut dit piacere bonis magis 7 o potius quant
plurimis 7 voulant entendre par ce dernier mot les mé-
dians, selon Bias. Mais cette interprétations est fausse,
et bonis quam plurimis reste entièrement unie , selon la
remarque qu'ont fait les critiques modernes.
(3) Laerce, liv. I, chap. Vj Brucker, Hist. Phil., Per. I,
par. II, liv. I, chap. 2,^7.
i4 5
mal à propos qu'on lit son nom dans le cata-
logue <Jes écrivains cités par les auteurs latins
de ref rustica 9 lequel a été composé et publié
par Fabricius (i). '
PLANCHE XXIV.
Hermès double de Bias et de Thalès *.
Le portrait de Bias , assez certain par la com-
paraison qu'on en peut faire avec le monument
que Ton a vu ci-dessus , nous donne lieu de
conjecturer à qui appartient l'effigie inconnue qui
est jointe à lui.
En rappelant les observations que nous avons
faites dans le discours de la pl. XX , il me sem-
ble que ce soit ici l image de Thalès. Il fut non-
seulement un des sept sages , mais les écrivains,
en voulant assigner à quelqu'un d'entre eux le pre-
mier rang, furent partagés pour Thalès et Bias (2):
(1) Biblioth. latina remise en ordre par Erneste , 1. I,
* ch. II , page 4° S Columelle dit, dans le passage cite' icf,
seulement que Monandre et Diodore , écrivains dont il
s'appuye, e'tant de Priene avaient la même patrie que
Bias l'un des sept sages. (
* Celui-ci fut aussi trouvé dans la Villa Fonseca sur le
Celium en même temps que celui qui est ci-dessus ^ pl. XX
Il est en marbre penteìique, haut depuis le sommet de
la tête, y compris la poitrine, de deux palmes, un quarto
(2) Laerce , livre 1 , chapît. i , § 1 , dit que Thalès
trpôroç ao(pôç ovofida^^ , fut le premier qui obtint le
Musée Pie-Clém. Vol, Vi 10
i46
voici donc un motif pour les réunir sans que cela
fût commun aux cinq autres. Mais tous deux étaient
compatriotes, nés également dans l'Ionie, et se-
lon quelques-uns ils eurent leur origine ancienne
commune (i): ils étaient amis (2) , et enfin se trou-
vaient joints dans la liste des sept sages , tant celle
d'Hyppodote, que dans celle de Dicéarqne (3).
Je ne me suis donc pas déterminé trop -légère-
ment , ou à ma fantaisie, pour reconnaître dans ce
portrait ignoré celui de ce sage si célèbre , qui
fut le premier parmi les hommes à donner à la
science une méthode , un système , et qui la fit
appeler depuis philosophie.
Ce portrait est nouveau pour les antiquaires ,
car les images que nous en ont jusqu'à présent donné
les iconoLogues sont reconnues pour apocriphes.
titre de sage ; et dans le ch. Y; § 1 ; il dit au contraire
que Bias fut regardé par Satjrus comme digne d! avoir la
prééminence sur les autres sages, ^poKenpi^èvoç rôv évcrà
Vito TOV Harvpv \ il rapporte ensuite au § "VI un pas-
sage d'Heraclite qui dit que la réputation de Bias était
plus illustre que celle des autres, oh vtÀeiQP AÓyoc,
1QV akkoL L'opinion commune fut cependant en faveur
de Thaïes.
(1) On lit dans Laerce ; liv. 1 ; ch. "V, § n7 que Bias
descendait d'une famille Thébaine, et ch. 1, § 1, il ra-
conte que l'origine de Thaïes dérivait de la race des Tha-
lides qui se regardaient comme descendans de Cadmus.
(2) Voyez la lettre de Thaïes à Solon dans Laerce,
même endroit, § j6.
(3) Laerce ; même lieu 9 § 1 4 3 Dice'arque commençait
son catalogue par ces deux sages, Thaïes et Bias.
i47
puisque c'est dans ces temps modernes qu'on a
ajouté le nom grec de Thaïes sur le marbre qui
a servi de prototype à tous les portraits supposés
de lui (i).
PLANCHE XXV.
PÉRIAINDRE *.
Voici une autre effigie que nous devons abso-
lument à la Tailla de Cassius, sous les ruines de
laquelle elle s'est conservée avec le nom et l'apo-
phtègme qui nous l'ont fait connaître pour la pre-
mière fois. 11 est à remarquer cependant, que tan-
dis que la haine contre la tyrannie avait fait ex-
clure par beaucoup d'écrivains cePériandre, qui
fut roi et tyran , du nombre des sept sages de la
Grèce, son image eût été placée néanmoins parmi
ces hommes illustres , dans le Musée même d'un
tyrannicide.
On ne peut pas dire que ce soit ici le Périan-
dre d'Ambracie , que quelques-uns ont voulu met-
tre à la place du roi de Corinthe ; l'épigraphe qui
\
(i) Lisez la preface d'Ursinus même dans l'édition ro-
maine de ses Imagines.
* Haut, en y comprenant la poitrine, de deux palmes,
trois onces, en marbre pentcîique L'hermès est rompu
imme'diament au-dessous de l'apophtegme. Ou le trouva;
comme nous l'avons déjà dit, à la Villa Cassius de Tivoli.
*48
indique quel était son père et son pays , ne laisse
rien à douter:
DEPIANAPOS
KT^EAOï
KOPIN0IOS
Periarider
Cjpseli [Jilius ]
Corinthius.
Son mot est le suivant :
MEAETH IIAN
Meditatio est totum
axiome très-vrai , qui apprend à se méfier des ta.
lens naturels qu'on ne cultivé pas , et à ne pas
présumer qu'on puisse jamais retirer quelque louange
de tout ce qu'on fait sans avoir étudié (i).
Ce portrait une fois connu , je crois le retrou-
ver encore dans un hermès du Capitole inconnu
jusqu'à présent (2) et qui peut être le même que l'on
a vu chez les Cesi , qui fut publié jadis sans nom
dans les Imagini d'Agostino Veneziano (5).
(1) Il paraît que ce commencement a e'té rendu plus
clairement en latin par l'auteur anonyme d'une épigramme
qui se trouve jointe aux poésies de Sidonius. Il dit, en
parlant de Përiandre y
llle nihil rerum fieri jubet immeditatum.
Ausone et Sidonius l'ont traduit en plusieurs endroits
toujours avec quelque ambiguïté \ comme par exemple le
premier dans ses Sages l'exprime ainsi
Meditationem id esse totum quod géras.
(2) Tome l, Museo Capitol, pl. XLIX.
(3) Imprimées k Rome l'an i56q} in-4, pl. XXXIII.-
H9
Je ne m'écarterai point de ma méthode ordinaire,
pour parler ici , des maximes ou de la vie
de Périandre. On me permettra seulement d'obser-
ver que c'est peut-être à l'aversion que les Grecs
avaient pour le gouvernement d'un seul que l'on
a dû les récits de ses injustices 3 de sa cruauté f
qui sont consignés dans les histoires. Je n'allégue-
rai pas que ses maximes , que ses sentences s'ac-
cordent mal avec de pareilles inclinations , car on
trouve dans la vie des exemples trop fréquens de
pareilles contradictions ; mais il me semble que ces
récits sont contredits par l'épigramme honorable
des Corinthiens eux-mêmes, lesquels dors qu'ils la
firent graver sur son cénotaphe, n'étaient pas sou-
mis à un de ses descendans (i). En outre la lon-
gueur de son règne qui dura près de quarante
ans, dans un petit état plein d'idées démocratiques,
ne fait pas ajouter beaucoup de foi à ces accusa-
tions de tyrannie qu'on lui a adressées.
PLANCHE XXVI.
Pytagore *.
Cette image est bien éloignée d'avoir la même
certitude que les précédentes. La dénomination
(i) Laerce, Ut. I, ch. VII, § III.
* Hauteur avec la poitrine 7 deux palmes y un quart ;
en marbre pentélique, Il fut acheté par Tordre du Pontife*,
i5o
que nous lui donnons , n'est pas fondée sur autre
chose que des convenances conjecturales. Le por-
trait du fondateur très-célèbre de l'école qui a pro-
duit tant de grands mathématiciens , et de sages
législateurs, nous est conservé sur quelques mé-
dailles de Samos, lesquelles, en outre de la mé-
diocrité du travail, nous représentent la figure en-
tière de Pythagore , de sorte qu'elle n'offre que
très-peu distincts les traits du visage et la phy-
sionomie (i). Une de ces médailles, que j'ai vue,
d'une forme moyenne , qui avait en même temps
que l'image de cet homme illustre, son nom (2),
m'a paru ressembler, dans l'ensemble du visage, à
la tête de notre hermès , et avoir comme elle les
cheveux ceints d'un diadème ou strophiwn.
Cet ornement que nous avons vu, parmi les
effigies des philosophes , orner le front de Platon
a été souvent accordé à quelques hommes ,
qui , soit à cause de leur génie , ou à raison de
quelques circonstances merveilleuses, furent presque
(1) On peut les voir dans les écrits des iconologues 7
ainsi dans Gronovius (Thes. antic. Graec. 7 tome II ; 4°)
et ailleurs. Dans le Musée Capitolin (tome I, pl. XXXII)
on a donné le nom de Pytagore à un hermès d'un homme
maigre et d'une physionomie si dépourvue de dignité,
qu'il correspond mal à tout ce que nous ont dit de la
figure de Pythagore , Jamhlicus ; Porphyre et Laerce.
(rj) Il est chez M. Onorato Caetani ; dont il a été déjà
parlé dans cet ouvrage. Je dois à la complaisance de cet
amateur de pouvoir en donner un dessin a la fin de ce
volume.
regardes comme des êtres divins. Il ne convenait
par ces motifs à personne mieux qu'à Pythagore,
que ses disciples estimaient être un nouvel Apol-
lon , dont la naissance avait été prédite par la Py-
thie y enfin dont Fame était mise au-dessus de tou-
tes les autres , comme d'une essence divine , à
cause du souvenir surnaturel qu'il avait de ses di-
verses transmigrations. Lui-même qui n'était pas
étranger à une telle imposture , qu'il savait bien
être un moyen plus efficace de commander à F o*
pinion , cherchait à affecter dans sa parure une
certaine apparence qui le fit croire un objet sa-
cré , au-dessus de l'homme , ayant soin d'être tou-
jours vêtu d'habillemens blancs , et de placer sur
son front un diadème doré (i). Son air extrême-
ment vénérable, et très-agréable, malgré ses doc-
trines austères et ses cinquante six ans, étant re-
haussé par une parure aussi recherchée, lui atta-
chait Famour des assistans (2). Ces diverses cir-
constances quadrent fort bien avec l'effigie pré-
sente, laquelle peut plus que toute autre, con-
nue jusqu'ici , soutenir dignement ce nom (5).
(1) Élien } Var. hi s t., XH; chap. 52.
('2) Yoyez les auteurs cites par Brucker ; Hist. philos. .
Per. I, par. II ? liv. II, chap. 10 ; § 11.
(5; Dans la petite collection du Vatican de Clément XI
on avait donne le nom de Pythagore à un hermès orné
du diadème, comme celui-ci, d'où il parut à M. Bianchi ?
qui dirigeait cette collection, qu'on n'avait pas connu ure
médaille semblable à celle dont nous avons parle il y
a peu. Le dégât qu'a souffert la surface du marbre
PLANCHE XXVIL
Sophocle *.
Nous trouvons conservée , quoiqu* il manque
une partie , l'épigraphe grecque sur ce petit buste.
11 en reste cependant assez pour suppléer facile-
ment au commencement perdu, et pouvoir y lire
le nom du prince de la tragédie grecque. Les let*
très
. . . 4>OKAHC
sont clairement un reste du nom
CO^OKAHG
Sophocles.
Car si on voulait en imaginer un autre en se
servant de la même désinence, pour élever des dou-
tes contre ce portrait authentique du sublime tra-
gique d'Athènes , la ressemblance qu'a cette tête
avec l'image du bouclier de la collection Farnèse,
où se trouve son nom, avec le diadème qui en-
veloppe comme ici ses cheveux , tout cela détrui-
rait V incertitude ( i ). Le diadème , comme nous
ne laisse pas assez distinguer les formes du visage. Cet
hennés est à présent sous le portique du Muse'e Pi e -Cle-
menti!!.
* Hauteur, avec la poitrine, une palme , trois onces et
demie. Il est en marbre de Luni. On le trouva dans les
fouilles faites dans les jardins Carpi y aujourd'hui des Men-
dicanti, au temple de la Paix. Il fut achete' par ordre du
Souverain Pontife avec d'autres monumens découverts dans
la même fouille , et que nous avons indique's tome pre-
mier , pl. IX.
(i) Fabrlj Imag^ n. 56, Bellori U donne sans diadème,
i55
Tarons fait remarquer, donné à des personnages
qui n'appartiennent pas au trône , est comme un
symbole d'apothéose ; et quoiqu'il puisse être donné
à tout poëte excellent, auquel l'admiration des
peuples a fait attribuer les titres de sacrés ou de
divins esprits, cependant il est plus particulièrement
dû à quelques-uns lorsque des événemens de leur
vie, ou les honneurs du tombeau et leur mémoire
le leur a rendu tout-à-fait convenable. Peu de poè-
tes pouvaient plus que Sophocle prétendre à un
semblable ornement, lui que l'on crut, à cause de
son talent, digne de converser pendant sa vie avec
les Dieux mêmes (i), et de qui on raconta après sa
mort que Bacchus, le Dieu tutélaire des poètes dra-
matiques , apparut au commandant des Lacédé-
moniens qui assiégeaient Athènes, pour lui ordon-
ner de rendre des honneurs funèbres et héroïques
à feu Sophocle, la Syrène nouvelle de la poesie
grecque (2).
Cela serait suffisant pour la dénomination de
l'effigie et pour ses particularités, mais il est né-
et après lui Gronovius ( Thés, antic. Graec. 7 tome II }
62 ); mais il est dans l'original.
(1) Plutarque dans la \7ie de Numa dit quEsculape lui-
même fut visiblement l'hôte de Sophocle , pendant la
vie de celui-ci , et que de son temps il y avait encore
des preuves de cette merveilleuse aventure.
(2) Pausanias , Attica y ou liv. I ; ch. 2 1 ; Pline , liv. VII ;
§ 3o: Sophoclem, tragici cothurni principerai , defunctum
sepeliri Liber pater iussit , obsidentibus moenia Lace-
daemoniis : Lisandro eorum rege in quiete saepe admo-
nito } ut pateretur humari delicias suas.
i54
cessaire de faire remarquer aux observateurs que
le portrait que l'on a jusqu'à présent désigné dans
les collections de sculptures antiques pour Pin-
dare , est évidemment le même que celui-ci ; que
par conséquent on doit regarder comme fausse
cette dénomination , et de même l'épigraphe qui
Ta fait prendre pour un Pindare dans les marbres
Capitolins , et dont s'étaient déjà douté les cu-
rieux plus éclairés , même avant que la chose pût
être décidée par la confrontation avec notre mo-
nument (i).
L'image de Sophocle qui est sur le petit bou-
clier du Musée Farnèse n'avait pas été suffisante
pour prouver la fausseté de la dénomination de
l'hermès du Capitole , et cela par plusieurs mo-
tifs: parce que l'image de Sophocle dans ce mar-
bre d'une petite dimension n'est pas aussi claire-
ment exprimée que dans le nôtre , et qu'en ou-
tre elle est un peu rongée; parce que les gravu-
res qu'on en a fait étaient peu fidèles , excepté
celle gravée par Galleus pour les imagines illustrium
virorum de Fabri: parce qu'enfin le marbre original
inconnu des antiquaires et des curieux, était couché
dans une armoire du palais Farnèse à la Lungara.
À présent que l'on reconnaît pour Sophocle l'image
que l'on avait jusqu'alors crue un Pindare, et qu'on la
retrouve dans plusieurs Musées , on cessera d'être
surpris pourquoi les figures d'Euripide étant si
(t) Museo Capitolino, tome ï , n. 38. Cotte image a
éité communément réputée pour un Pindare.
i55
communes , celles de l'autre poëte tragique son
contemporain , et qu'on lui préferait dans l'ancienne
littérature , étaient aussi rares.
PLANCHE XXVIII.
§ i-
Euripide *.
Nous ajoutons au portrait de Sophocle répré-
senté dans la gravure précédente , dans cette plan-
che les deux images d'Euripide et de Socrate dans
le même ordre que l'Oracle de Delphes les avait
annoncés, en donnant au premier, c'est-à-dire a
Sophocle, le titre de Sage; à Euripide celui de plus
Sage; et au dernier celui de très-Sage (i).
On trouve très-fréquemment des images d'Eu-
ripide parmi celles des hommes illustres. Peut-être
que la morale répandue dans ses écrits lui fit
chez les Romains obtenir la préférence sur So-
* Hauteur deux palmes , un tiers; il est en marbre
pente'lique. Le masque seul est antique jusqu'à la lèvre
supérieure; le reste a été restaure' d'après les antres por-
traits de ce tragique. Il e'tait autrefois chez le sculpteur
Carlo Albaccini. Le Souverain Pontife en fit faire l'acqui-
sition.
(i) Suidas, v. ao(pôç:
liOpoç ZopoxùtfÇ) aocpQTSpoç T&vpwiiïqç ,
'AviïpQV èy â<jvàvTG)V IiQ^pdr^ç (xopcjtaroç.
On lira sur les doutes bien fondés de la vérité de cet ora-
cle ; d'ailleurs très-ancien } des idées d'une critique excel-
lente dans Brucker, Hisp. PMI. Period. I; liv. II eli. %} § 5.
ï56
phocle, bien que celui-ci eût mis plus d'art dans ses
scènes, et eût un style plus pur (i).
Un hermès de la collection Farnèse rend , par
le nom grec qu'on y lit, cette image plus cer-
taine 9 et il eut du la faire reconnaître dans les
trois têtes du Capitole qu'on a désignées sans rai-
son pour un Hésiode (2).
Supplément de V auteur.
J'ai eu trop tard , pour pouvoir en parler à sa
place , la connaissance d un rare monument du Mu-
sée Borgia à Velletri , lequel m'a été communiqué
par le savant cardinal de ce nom, mais elle m'est
venue assez à temps cependant pour l'ajouter ici
à présent. C'est un hermès double, comme les nô-
tres des planches XX et XXIV , dont les têtes
sont pourtant endommagées, mais dont les inscrip-
tions grecques , écrites sur les deux faces , sont
très-curieuses ; on les lit ainsi:
COAOiN eEHRGCTIAOï
A0HNAIOC COOOC
sic
CYPGininiAHC • WH . . APXIAO .
..AAAMcriNÏoC TPAr . . . .
ÏIOIHTHC
(1) La petite statue d'Euripi le thjrrsigera, avec la note
de ses drames dans le marbre qui est derrière , mérite
d'être remarque': elle est rapportée dans les Monum. inéd.
de Winckelmann y n. 168.
(2) Museo Capitol / tome I , pl. XLIV.
«57
Solon Execestidae [Jilîus'}
jitheniensis Sapiens
Euripides Mnesarchidae [Jilius ]
Salaminius Tragoediarum x
Poeta.
Outre le nom du père d'Euripide, qui est Mne-
Sûrchides, et non pas Mnesarcus, comme quel-
ques-uns l'ont écrit , ce monument est encore re-
marquable par l'union de deux hommes illustres,
Solon et Euripide , qui eurent pour commune pa-
trie l'île de Salamine. Cela confirme ce que nous
avons avancé dans nos conjectures sur les motifs
qui ont fait unir ensemble les portraits de tels
hommes , lorsque nous avons parlé des têtes ados-
sées de Bias et Thalès, tous deux de l'Ionie Asia-
tique. Solon , que l'on sait parfaitement être né
à Salamine, est appelé ici Athénien, comme ci-
toyen d'Athènes, dont Salamine était regardée com-
me un bourg, Pagus ou Demo, et en qualité de lé-
gislateur de cette célèbre république; mais en parlant
d'Euripide, qui par les mêmes raisons pouvait aussi
être appelé Athénien, on a précisément indiqué Sala-
mine comme sa patrie, afin de faire connaître ce rap-
port particulier avec Solon , rapport qui peut-être
a donné lieu à ce qu'on les réunit tous deux dans
cet hermès. Indépendamment de cela , Euripide
n'était pas si exclusivement poëte, qu'il ne put
tenir un rang parmi les sages,- et d'ailleurs , So-
lon était de tous ces sages, celui qui était le plus
poëte.
i58
S *
Socrate *é
Ce portrait que Ton trouve si fréquemment , et
sa correspondance si exacte à cette physionomie
de Socrate que les anciens nous ont dépeinte ,
n'avait pas besoin d'autre chose pour qu'on lui
donnât sa vraie dénomination , quand même nous
n'eussions pas eu les hermès avec son nom qui
nous en donnent une preuve plus évidente (i).
L'un de ces hermès est de la collection Farnèse ;
* Hauteur deux palmes, un tiers; il est en marbre grec;
on le trouva dans les fouilles de Roma-vecchia, ordonnées
par le Souverain Pontife. On le voit rapporte' sur un her-
mès acéphale qui était dans la Villa Negroni ; qui porte
en écrit sur le pilastre le nom de Socrate.
(i) Le nez écrasé de Socrate, ses yeux proéminens, la tête
chauve , sont connus avec tant d'évidence, que c'est en-
vain que Fabricius a essayé (Bibliot. Gr. , liv. U, c 35,
§ 3o ) d'élever des doutes sur la caricature de ce sage ,
qui pouvait, malgré cela, avoir une physionomie peu in-
grate et même intéressante. V. Brucker, 1. c, § 3 La res-
semblance de la figure de Socrate avec les Silènes, que
les anciens avaient déjà reconnue, a été cause que Jean
Chifflet a pris, dans un opuscule intitulé Socrates 7 pour
des images allégoriques de ce philosophe quelques mas-
ques de Silènes et de différens symboles mêlés avec des
caprices , que nous connaissons a. présent sous le nom
de chimères, et que dans l'antiquité on appelait grilli. Les
masques dont on faisait usage dans les Bacchanales, et grou-
pés avec d'autres ornemens ou ustensiles , ont donné lieu ;
à ce qu'il paraît ; k ces jeux de fantaisie.
1%
il a, outre le nom de ce philosophe, une épigra-
phe grecque très-remarquable sur le pilastre: comme
elle n'a pas été publiée, j'ai cru à propos de la
donner ici en note (i).
Il y a plusieurs hermès de Socrate dans la col-
lection Pie-Clémentine. Le nom qui se lit sur un
d'eux est celui-ci :
CtfKPÀTHC
il est original , mais cet hermès est Acéphale , et
la tête qu'on voit dessus à présent , y a été pla-
cée récemment, et aussi fort à propos.
(i) ErûOïNïNlïPû
TONAAAAKAIAEITOI
OïTOSOlOSTûN
EMûNMHAENlAA
AûinEÎ0E£ . . . .
HTûIAOrûIOSAN
MOI .... ZOME
N&IBEATI2TOS
«MINHTAI
'ÌLyò ov vvv upoTOV , âWk Hai del roiovroç , oioç
(ioi è^era^o^évQ fféÀTMrTOç (palperai.
Que l'on peut traduire ainsi en latin :
IS/on ego ab hoc primum tempore sed ita semper me ha-
bui y ut nulli meorum auscultar em mugis quant ragioni ,
qua.ecum.que conieclanti mihi potissima videretur.
Cet axiome contraire ala secte philosophique était peut-
être attribue à notre philosophe dans les écrits de quel-
que disciple de Socrate f je n'ai pu m' assurer si cela s'y
trouve ) 7 et par cette raison un amateur de là philoso-
phie Eclectique l'aura fait graver sous son hermès , nul-
lius addictus juTare in verba magistri.
i6o
PLANCHE XXIX.
PÉRICLES *•
Le portrait de cet illustre Athénien , célèbre au-
tant dans l'histoire civile de sa patrie , que dans
celle des lettres et des beaux-arts, a été trouvé dans
les fouilles que notre Souverain Pontife a fait faire ,
à ses dépens , dans les collines Tyburtines , à l'en-
droit où l'on soupçonne qu'était anciennement la
campagne de Cassius ; et cette découverte eut lieu
encore lorsqu'on croyait avoir épuisé les richesses de
cet endroit, après tout ce qui en avait été tiré
heureusement par des particuliers. Deux hermès
de Périclès furent mis au jour en même temps.
Le premier et le plus remarquable , tant sous le
rapport de l'art que par sa conservation, est ce-
lui qui représente la gravure et il a sur son
* Hauteur, depuis le sommet du casque jusqu'au-ba$
de la poitrine, deux palmes, trois quarts. On le trouva près
de Tivoli dans la fouille, dont nous avons déjà parle', de
la Pianella de Cassius , qu'on a continuée aux dépens
du Souverain Pontife après que beaucoup d'autres y avaient
déterré tant de monumens que nous avons indiqués à
leur place. L'hermès est de marbre pente'lique ou Cipolin.
(i) On donna l'autre à M. Gavino Hamilton en échange
des hermès doubles publiés dans les planches XX et XXIV.
Celui-ci passa en Angleterre dans la belle et riche collection
du chev. Townlev, et il fut publié à Londres l'an 1787,
à la fin du chapitre V du tome II du bel ouvrage de
Stuart Anticjuities of Athens. Le portrait est couvert d'un
casque, et en tout semblable au nôtre; on voit l'épigra-
i6i
pilastre l'ancienne inscription du même caractère
plie sur sa poitrine, mais d'une seule ligne, et ne con-
tenant que son nom
I1EPIKAH2.
Un troisième hermès de Périclès sans inscription, jusqu'alors
inconnu, mais qui est devenu certain par cette décou-
verte ; existait déjà dans une campagne à Rome ; on ne
l'y voit plus à présent. Il me semble que c'est ici le mo-
ment de faire observer au lecteur, que l'on trouve très*
fréquemment dans les fouilles, en cherchant des antiqui-
tés , des morceaux répétés, comme nous avons dit que
cela arriva des hermès de Périclès. La Villa Adrienne nous
en a offert des exemples infiniment remarquables. On y
découvrit l'année dernière , dans le lieu occupé par la Villa
Fede, deux statues semblables, toutes deux copiées d'a-
près le Discobule de Miron : l'une fut achetée par le
Souverain Pontife, l'autre par M. Jenkins. Deux autels
triangulaires absolument pareils dans leurs bas-reliefs, re-
présentans trois Génies de Mars, avec le casque, l'épée et
le bouclier du Dieu , avant été trouvés dans le même
lieu, eurent le même sort. Nous ferons remarquer qu'il
y en a un troisième, conforme en tout, dans le Musée
Kiiker 'y il fut trouvé aussi dans les ruines Tiburtines de
cette maison de campagne impériale. Dans la fouille faite
à Colombaro sur la voie Appia , dont il a été parlé dans
le discours, pl. XV, on trouva deux statues qui étaient
des répétitions du Mercure appelé F Antinous du Belvé-
dère, publié pl. VII de notre tome I ; elles étaient
extrêmement ressemblantes, excepté que l'une d'elles était,
comme cela arrive ordinairement, d'une exécution plus re-
cherchée. On a trouvé , dans les fouilles actuellement ou-
vertes de Roma -vecchia , trois enfans re présentés étran-
glant un canard 3 tous trois sont parfaitement semblables
à celui du Musée Capitolin (tornelli, pl. LXIV ) , mais
le travail n'est pas en tous d'un égal mérite. On doit peu-
Musée Pie-Clém. Vol. VI. u
1Ô2
carré , que nous avons vu employé dans celles des
sept sages -? elle est ainsi :
ITEPIRAHS
SANGinnOï
A0HNAIOZ
Pericles
Xanthippi [Jilius j
Atheniensis.
Le travail de la tête est plus achevé et déli-
cat qu'on ne le voit ordinairement aux hermès de
portraits d'hommes illustres, et la nohle simplicité
de l'art grec se fait voir entièrement dans 1 nuage
de ce grand homme qui exerça si bien le talent
de Phidias et d'Ictinus , et auquel est due la pre-
ser la même chose de la plus grande partie de ces simu-
lacres doubles qui se trouvent , et qu'on voyait, encore
plus auparavant , dans les collections , comme les deux
autres Mercures semblables à celui du Vatican, dit F An-
tinous, dont nous avons parle, lesquels étaient à la Villa
Matthei } les deux Hercules Farnese qui ont de légères
différences dans la composition, et égaux de proportion;
les deux Muses du palais Lancellotti, Tune desquelles est
à présent au Musée Pie-Clémentin , publiée dans notre
tome I7 pl. XVII, p. 176. On peut en dire autant de
tant d'autres monumens que les procès verbaux des fouil-
les nous apprennent avoir été trouvés doubles. Il paraît
que les anciens Romains aimaient l'Euriîhmie , ou , comme
nous le disons la svmétrie, au point de répéter, dans des
places correspondantes, le même simulacre, sans même eu
varier l'action de droite à gauche; par-là ils obtenaient
l'avantage de voir tout ensemble, et du même coup-d'œil,
la même figure sur deux côtés opposés.
i6i
mière epoque , et sans doute la plus brillante, de
la perfection et de l'éclat des beaux-arts. Quel-
ques-uns ont pensé que le surnom d'Olympien,
que lui accordèrent ses contemporains , se rappor-
tait moins au bonheur de ses entreprises dans la
guerre et dans la paix , ou à la force de son élo-
quence foudroyante , qu'à la magnificence et au
grandiose des édifices dont il embellit Athènes et
toute la Grèce , sur laquelle il fixa ainsi l'admi-
ration de tous les siècles (1). Il semble que cette
opinion soit appuyée , en voyant que les Grecs
donnèrent le même surnom à l'empereur Adrien (2),
dont toutes les pensées furent dirigées vers la paix^
mais qui prit à tâche d'embellir l'empire romain
par de somptueux édifices , et surtout Athènes ,
plus que toute autre ville , en perfectionnant le
grand temple de Jupiter , pour rivaliser le Pai thé-
non et les Propylées de Périclès, d'où il obtint dans
cette ville le titre de nouveau fondateur.
Périclès est dans notre sculpture tout couvert d'un
casque , comme Plutarque nous apprend qu'il fut
représenté par les sculpteurs , qui cherchèrent ainsi
à cacher la difformité de sa tête } extraordinaire-
(i) Plutarque dans Périclès, t. ï; page 544; ec^- Btyanù
nai roi imèç aitò tôp oïç skóo'^o'c tj^v móàiv . « .
9OM(imov âvrov oiovrai ^pomfopev^i}vai: Quelques-
uns pré tendent que le nom d'Olympien lui fut donné à
cause des embellissemens qu'il fit dans la ville,
('i) Spanh. , de usu et prassi, num, P toni. Il^diss. Xîl;
§ i5 ) Buonarroti , Medaglioni, p. 017.
i64
ment grande et dilatée vers l'occiput (i), le seul
défaut de toute sa personne , car il égalait dans
tout le reste les agrémens qu'avait Pisistrate , dont
il rappelait toutes les formes par une grande res-
semblance.
PLANCHE XXX.
As P ASIE *•
Ce fut un hazard bien heureux et bien singu-
lier aussi, que celui qui fit tirer pour la première
fois deux portraits jusqu'alors inconnus, d'Aspasie
et de Périclès , de fouilles faites dans des lieux
très-différens et même fort éloignés l'un de l'au-
tre , pour venir enrichir le Musée Pie-Clémentin.
(i) Plutar. , même lieu, p. 55g : Ta (Jbh aXka ri?V ïdèav
tov aôfxmoç ufxefjbftlov , 'urpo^Kfi dè ri?7> m(paJkyiv
irai â<yv(Jb{i£Tpov. o^ev al (lèv sIkovsç dvrov cr%edòv
artaaai Kpâve<n vtepié portai , ^'skoybkvQV , ôç eoi~
7C€j T&P Te^VlTOV èt,OVeidt&lV : il n'avait aucun défaut
dans la figure , si non sa tête qui était un peu alongée et
disproportionnée : c'est pour cela que presque toutes ses
images sont représentées avec un casque , parce que les
artistes } à ce qu'il paraît } voulaient qu'on n'aperçût pas
ce défaut.
* Tout riiermès a de hauteur jusqu'à la base sept
palmes 7 trois quarts, dans la même proportion où on le
voit grave' sous deux aspects. Il est de marbre penteli-
que. On le trouva dans les fouilles 7 dont il a e'te' sou-
vent question , faites à Castronovo 7 ou de la Chiaruccia
au bord de la mer, a peu de distance de Civitavecchia;
d'après les ordres de S. S.
i65
Cette femme si célèbre , qui, élevée dans un cli-
mat de l'Asie et avec des mœurs délicates, fut la
première à porter dans la Grèce libre cette élo~
quence savante et perfectionnée par l'étude , que
Périclès apprit d'elle, que Socrate admira, et que
les hommes à talent d'Athènes portèrent ensuite
au plus haut degré de perfection ; dut cependant
tous ces avantages estimables à l'émulation que lui
inspira une autre femme fameuse, Targélie de Mi-
let , sa compatriote, laquelle était parvenue parles
mêmes moyens à acquérir un certain pouvoir dans
la cour des Satrapes qui gouvernaient au nom du
grand roi les villes grecques de l'Asie (i).
La médiocrité du travail ne fait pas valoir dans
cette image les agrémens naturels de la figure
d'Aspasie, qui contribuèrent à rendre ses talens si
brilians , et l'on ne peut en effet en apercevoir
que très-peu dans une sculpture qui ne nous re-
présente ni la délicatesse d'one belle carnation , ni la
vivacité des yeux. On découvre cependant dans cet
hermès des formes assez régulières , et une phy-
sionomie expressive. La tête est couverte d'un voile ?
(i) On consultera là-dessus Plut arque 7 v. de Périclès,
et ce que Bayle a recueilli dans d'autres écrivains^ article
sur Pe'riclès ? note (O) de son Dictionnaire. L'histoire d'As-
pasie , écrite par Burigny, dont on lit un extrait dans
le tome XXXE de YHist. de V Académie des inscriptions 9
etc. y ne contient pas autre chose que ce qu'on lit dans
la note, citée? de Bayle ; quoique le même Burigny lui re-
proche comme une grave omission de n'avoir pas fait un
article pour Àspasie dans son grand ouvrage.
i66
suivant l'usage des femmes grecques , lorsqu'elles
paraissaient en public: mais ses cheveux, sont élé-
gamment frisés, comme il convient à une femme
qui ne croit pas que les qualités extraordinaires
qu'elle possède doivent lui faire négliger les mo-
yens de plaire les plus ordinaires et les plus sim-
ples, d'autant plus sûrs i qu'ils sont naturels.
La jalousie des autres femmes, sa brillante po-
sition , et la puissance de Périclès, qui devint son
mari , l'exposèrent à de violentes contrariétés, quoi-
que passagères , et à la malignité du théâtre , sur
lequel on se plaisait à satiriser, avec une singu-
lière indécence , les défauts qui sont ordinairement
étrangers à qui réunit tant d'instruction et de
science.
Les Iconographes désiraient avoir un portrait
d'Âspasie , et ils s'étaient avisés pour cela de la
reconnaître dans une tête de Minerve armée , gra-
vée sur un diaspre rouge par le graveur Aspa-
sius (i). Cette pierre, qui est dans le Musée Im-
périal, a été de nouveau publiée par M. Eckel,
qui a dissipé l'équivoque dont quelques autres an-
tiquaires s'étaient déjà aperçus (2).
(1) Canini, Iconografia, n. XCÏI. Et Haym {Tesoro
Brìttan. 7 tome I > 189) ont voulu reconnaître Aspasîe
dans une tête casquée de Minerve ; comme il en avait
reconnu une de Përiclès dans une autre. Ces erreurs ont
clé reieve'es dans les notes de la traduction latine de cet
ouvrage.
(i) Stosch } Gemme ? pl. XIII ; Eckel , Choix de pier-
res de V Empereur , pl. 18.
167
Le nom de cette femme illustre est écrit sur
le bas du piédestal de notre hermès ainsi :
ACriACIA
Aspasia.
Et quoique le marbre soit brisé , il n'est pas dou-
teux , en voyant que les cassures se correspon-
dent , qu'il ne formât un seul morceau avec cette
effigie très-remarquable , laquelle orna probable-
ment quelque maison de campagne , sur les bords
du Tyrrène près de la colonie de Castrum novum.
PLANCHE XXXI.
Alcibiade *.
Le portrait d'Alcibiade était connu des icono-
graphes , et publié, quoique les monumens sur les-
quels ils s'étaient fondés (1) ne fussent pas assez
certains et notoires ; cependant il faut convenir
que les motifs qui avaient servi à lui donner cette
dénomination , n'étaient pas entièrement erronés j
car les images qui, d'après ces notions, portèrent
le nom d'Alcibiade , ressemblent à la vérité infini-
* Sa hauteur depuis le sommet de îa tète, y compris
la poitrine, deux palmes, trois onces. Il est en marbre de
Luni ou de Carrare. On l'a trouve' à la Villa Fonseca
sur le Celium avec deux hermès doubles publie's ci-des-
sus pl. XX et XXIV -7 il fut acheté par ordre du Sou-
verain Pontife.
(1) Fabri , Ima g. Illustr. , 11. 4? Bottari r Museo Ca-
pitol, tome I, pl. XVL
i68
ment à la nôtre , qui est authentique , principale-
ment dans cette particularité caractéristique de la
barbe divisée en petites boucles , presque adhé-
rentes à la peau, et qui semblent couvrir d'une
laine épaisse tout le menton et la sommité anté-
rieure du cou, vers le gosier, précisément comme
Platon nous décrit la barbe d'Alcibiade (i).
Notre hermès, indépendamment de cette partie,
qui le rapproche des images déjà connues du fils
de Clinias, a de plus sur le devant du pilastre
les lettres
AAKIB . . .
justement la moitié de celles qui composent le nom !
AAKIBÏAAHS , Alcihiades , qu'anciennement on
devait y lire en entier ; ce qui rend cette sculpture
(i) Platon, dans Protagoras , nous dépeint Alcibiade 7
tfôy&VOÇ VftOrtl(iïïûd{iewV, ayant tout le dessous du men-
ton garni de barbe. Les portraits d'Alcibiade nous mon-
trent clairement que dans Je mot v&OfttfiTrXàfiievoç la
particule sub (vtfò} qui le compose, ne doit pas être
oiseuse comme elle Test ailleurs dans des composés du
même, mais qu'elle a ici une signification absolue qu'on
ne peut rendre facilement dans une autre langue par un
seul mot. Si on ne retrouve pas dans ce portrait d'Alci-
biade ces agrémens extraordinaires qui le rendirent dans
sa jeunesse principem forma ( Pline , liv. XXXVI, § IV,
8), et qui le faisaient voir doué de cette espèce de beauté
qui convient le plus à* tout âge de la vie , on devra se
rappeler ce que nous avons déjà fait remarquer dans le
discours précédent, à propos des effigies en marbre, et
que d'ailleurs le travail de cet hermès n'est pas des plus
heureux,
169
extrêmement importante et curieuse , et d'où elle
devra désormais servir d'exemple pour recon-
naître les traits de ce célèbre Athénien , et retrou-
ver quelques autres images antiques qui lui res-
semblent. En effet j'ai déjà, seulement par la com-
paraison faite avec notre marbre, trouvé deux au-
tres beaux monumens de cet homme extraordi-
naire : l'un de ces monumens est sa statue du
Musée Pie-Cléroentin qui le représente nu (1) :
l'autre est son buste jusqu'à mi-corps , dont la main
gauche est enveloppée par son manteau , et
dont la droite est dans l'attitude de quelqu'un
qui harangue , morceau très- estimable par le
sujet et par l'exécution. Il fut trouvé dans les
fouilles d'Aricia ; il appartint à monseig. Antoine
Despuig, ancien auditeur de Rote, à présent évê-
que d'Origuela , qui le conserva dans la belle col-
lection qu'il forma avec tant de soin en peu d'an-
nées (2).
A l'importance qu'a ce portrait, notre hermès
réunit le mérite singulier d'une seconde épigraphe
gravée sur le côté droit , en vers hexamètres, mais
dont il ne reste que des fragmens 3 la voici :
(1) Elle a été publie'e dans notre tome II ; pl. XLH >
ou; en parlant de cet hermès ; on dit; par méprise ; qu'elle
fut trouvée à Pantanello.
(2) N ous donnerons dans les planches de supplément
à la fin de ce volume, le dessin de cette sculpture pleine
de mérite ; qui n'a pas encore été publiée.
ï 70
GICiNMOTAYAAG AfcOIOMONYM
OÎÀY OMOIOI
OÏM GXPIMG NZ^OTCITON ... ON
OÏKGCOP6/CIN
ATTAPGHHN ....
Je la lis ainsi en suppléant au second vers;
JLWw (iOL &ë* udektpol òfjbòvvyboi dv ôpoiot
Oï ^sy^pï fjbïv Çqwi tòv r{kiof ovn êovpâ(Tù
9 Kviap iiïviv ....
Sunt mihi duo fr atre s homonjmi, duo simile s;
Qui usque dum vivunt Solem non adspiciunt :
At postquam ....
« J'ai deux frères parfaitement semblables de
figure et de nom , qui ne voyent jamais le Soleil
pendant qu'ils vivent, mais aussitôt, comme .... »
Ces vers appartiennent évidemment à quelqu'une
de ces énigmes, auxquelles les Grecs donnèrent
Je nom propre de griphi , qui furent très en vo-
gue dans les premiers temps de leur civilisation ,
comme elles l'avaient été dans des siècles les plus
reculés chez les sages de l'Orient. On eut l'usage
de les exprimer en vers, comme elles se propo-
saient aussi chez les peuples d'Orient, dont les Grecs
imitèrent en cela le goût et les usages (1). Parmi
(1) On trouve dans les livres sacrés, ch. i4 aes Juges,
ia preuve la plus ancienne de l'usage des énigmes chez
les nations orientales. Parmi les écrivains profanes qui en
parlent 7 on consultera Plutarque dans le Convivium, le-
quel dit que les énigmes eurent une grande vogue chez
les Egyptiens ? et que ce goût passa peut-être d'eux aux
Ifi
les nombreux griphi des Grecs qui nous sont par-
venus , il en est deux qui ont tant d'analogie avec
le nôtre par l'expression et la pensée, que je suis
obligé en quelque sorte de les citer dans ce dis-
cours. Le premier qu'on attribue à Cléobule , l'un
des sept sages , est le suivant (i):
JLÎç ô Tturrip , <jzaïiïeç de dvódeua • top iïè exâ&TQ
Kovpai elì'iKOVra $idpiïi%a eîdoç zpxrai,
Al {ièp ûevxai taaiv îdeh , al âvre {léXaivai.
'ASâmroi §e % èovaai àrtotpSivvSwiv âvraaaL
L'un est le père, douze sont ses enfans;
Chacun desquels est d'une figure différente :
Soixante filles, les unes blanches , les autres
brunes ,
Toutes sont immortelles , et toutes périssent.
sages de la Grèce ; et Athénée qui dans ]e X livre de ses
Dipnosophistes en parle très-au-long , et avec des notes
fort curieuses, depuis le chap. XV jusqu'à la fin du livre.
Plusieurs littérateurs modernes, outre Gerard qui en a fait
un traite particulier, ont souvent examine et commente
ce sujet. On ajoutera a ceux dont a parle' déjà Fabri-
cius dans sa Bibliographia antiquaria , ch. XIX, § VÎT,
Jablonsky dans les Prolégomènes de sqii Panthéon, où
il a rassemblé dans peu de pages tout ce qui nous
reste en ce genre des anciens écrivains , et Micbaëlis
dans ses notes sur la Poesis sacra de Lowth, note (8j, où
il démontre avec beaucoup de jugement l'usage très-an-
cien chez les Orientaux de proposer des énigmes en. vers.
(i) Diogene Laerce dans Cléobule, liv. I, ch. VI, § 5,
nous apprend que ce sage Rhodien avait composé beau-
coup de ces énigmes ou griphi en trois mille vers ( même
lieu: § 2), et que sa fille Eumétides , appelée aussi Ciéo-
buline, et qui était poète, avait composé des énigmes
en vers hexamètres (ni. 1. j § i ).
1 72
Cette énigme indique l'année avec ses douze
mois, chacun de trente jours et de trente nuits.
Ici il est à remarquer que le mot tfpêpà, qui chez
les Grecs signifie le jour , étant féminin , corres-
pond mieux avec le sens de l'énigme. Nous pour-
rions le rendre par le mot journée.
L'autre énigme de ïhéodecte de Phasélis , est du
même genre j la voici (i):
SLÎ<ri xaoiyv^Tai Mtrai , ôv q fila t 'iktbl
Tr^v hrépav avvi? §è rénovera itaJkiv y7 v%o ravr^ç
Elle sont deux soeurs , Vune est la mère de
Vautre ;
Et celle qui d'abord fut la mère ,
Devient la fdle à son tour.
On entend par-là la nuit et le jour, ou la journée^
comme nous venons de le faire remarquer. La con-
formité que nous apercevons entre ces deux épi-
grammes énigmatiques et la notre me semble as-
sez évidente d'elle-même.
Le lecteur sera curieux certainement de con-
naître le sens de notre épigramme, et de pouvoir
conjecturer au moins quel peut être le mot de
l'énigme; j'en propose la solution,, laquelle, à dire
la vérité, est d'autant plus incertaine que le sujet
est mutilé et n'est pas entier. Je ne serai pas étonné
si l'on n'en est pas satisfait, puisque tant d'hom-
mes d'esprit n'ont pu encore trouver qu'avec beau-
coup d'incertitude la signification d'une autre qui
(i) Athénée, 1. c.y chap. îq.
1 7^
est entière , et qui était une des plus communes
chez les anciens (i). Mais, sans tant de paroles, il
me semble que ces trois frères tous semblables , et
portant le même nom , peuvent être les trois espa-
ces ou divisions ( Slópot ou Kùtfpoi du genre mas-
culin en grec ) , et non quatre , par lesquels on par-
tageait dans les temps anciens la durée des nuits (2)*
Ces divisions furent ensuite nommées par les La-
tins custodiae , vigiliae. Celui qui parle ( nous con-
tinuons à les nommer frères comme le Grec ) est
celui du milieu, et indique le premier et le troi-
sième , desquels il dit très-à-propos, que tant qu'ils
vivent ou durent ils ne voyent jamais le soleil ,
qui ne s'élève qu'après la mort du troisième , et
qui se couche avant que le premier naisse. Ceci
peut être le complément de Fépigramme.
Il ne paraîtra pas que ce soit sans quelque mys-
tère qu'on ait gravé cette énigme sur un hermès ;
et on voudra sans doute en rechercher le motif
(1) Voyez Casaubon sur Athénée, liv. X, ch. <if2.
(2) Les autorités qui le prouvent, parmi lesquelles en
est une d'Homère, //. K., ou liv. X , v. 25a, ont été' pro-
duites par le célèbre Brunk dans ses notes sur Apollo-
nius de Rhodes, liv. f, v. 1082. Je trouve par une
expression d'Orphée dans les Argonautes, v io54, que
le mot (iôooç masculin , signifiant portion, s'appliquait
plus particulièrement aux divisions du jour et de la nuit:
qu'ensuite le mot Mkripoç aussi masculin ait été pris pro-
prement dans le même sens ; cela est attesté par le Sco-
liaste d'Apollonius, 1. c. 5 et Hesychius le prouve au mot
Tïâypc, et xXtfpoç , quoiqu'on ne lui trouve pas cette si-
gnification dans lç$ lexiques.
i74
secret. Pour moi je pense qu'on peut le trouver
dans le lieu où cet hermès devait être placé. Nous
savons par les anciens écrivains , que les énigmes
formaient un des amusemens le plus ordinaire des
festins, et des assemblées de plaisir (i); nous ne
pouvons donc pas soupçonner autre chose , pour
concevoir avec quelle intention on y grava cette
énigme, si non que ce morceau avait été destiné
à orner un Triclinium ou une Exedra. Il n'y
en eut pas d'autre, à ce qu'il me semble, que celle
de divertir la compagnie , et de lui suggérer quel-
que objet d'amusement ingénieux et piquant, dans
un lieu destiné au plaisir.
PLANCE E XXXII.
Zenon de Cyzique *.
Il me semble que ce col tors et incliné vers
Fépaule gauche indique évidemment que ce por-
(i) Platon, eu effet ; appelle cette sorte d'énigmes am-
biguitas convivale rà sv è(rnâ<re<nv eTva^OTepi^ovxa*
(de Rep., liv. V sur la fin). On peut voir en outre Plu-
tarque et Athënée dans les lieux que nous avons cités
plus haut. Ainsi il est inutile de parler de l'énigme écrite
sur un donar ium d'un temple grec; dont Athénée lui-même
fait mention (même lieu , chap. 22);ni des inscriptions
énigmatiques des simulacres égyptiens ; comme celle dont
nous parle Plutarque {de Isid. et Osirid.).
* Hauteur ; depuis le sommet de la tête jusqu'au-des-
sous de la poitrine ; deux palmes 7 sept onces; il est en
marbre pentélique. On est incertain sur le lieu d'où il
fut retiré: le Souverain Pontife en enrichit le Musée.
1 1^
trait est celui de Zenon le Sloïque , à qui cette
particularité appartient , d'après ce qu'en dit Laerce
dès le commencement (i) , à qui convienent aussi
ce front resserré et ridé , quelque chose de grêle,
et la physionomie refrognée (2).
Le sculpteur n'a pas pris dans sa fantaisie l'in-
tention de donner une telle difformité à cette image
présente , et il est .plus probable qu'il ait voulu
ainsi le faire reconnaître , au premier coup-d'œil ,
pour un portrait de Zenon , sans d'autre marque
et sans épigraphe (5).
Comme il ne nous est resté aucune autre image
xle ce philosophe, on sentira de quel prix est pour
nous cet hermès qui nous représente un homme
si singulier et si célèbre dans la classe des philo-
sophes Les traits de sa figure sont expressifs et
pleius de sentiment , et on aperçoit dans le tra-
vail du ciseau le talent grandiose qui régnait dans
le bon siècle.
(1) Diogene Laerce, liv. VII, chap. 1 , § 1: To# rpâ~
yv{kov èm Sdrspa, vevbvkòc; vjy, Sç (pf?(ri TiLuoSeoç
ô \h£ïfi<fiadOÇ èv to tfspi ft 'iQv : Zenon avait LE COU
INCLINÉ D'UN CÔTÉ, comme l'assure Timothée V Athé-
nien dans ses vies.
(2) Même lieu: îa^voc , il était grêle. Et § 18 ;
dvròv crxvyvòv re e hai , naì mxpòv , nchì upómmop
cvveo'Trao'^iépov : Sa figure était triste et sombre y et son
visage était rétréci.
(3) Il sera question dans les discours de la planche suiV
vante des hermès qui présentent l'antique épigraphe ZH-
1N.QÎN, et auquel des philosophes homonymes ils appar-
tient.
176
PLANCHE XXXIII.
Zenon l'Épicurien *.
Le portrait que représente ce marbre , qui porte
le nom de Zenon ( ZHNûN ), ressemble assez
au petit buste de bronze d'Hercuianum , marqué
du même nom(i). Les commentateurs de ce monu-
ment furent incertains auquel Zenon ils devaient
l'attribuer. Il leur parut que le portrait ne corres-
pondait pas avec la description que l'on a du Zé-
non de Cyzique, et qu'il ne se montrait pas non
plus avec ces grâces et cette figure aimable qui
distingtiait celui d'Elea. Ils ne se trompèrent pas
en effet pour le Stoïque ou celui de Cyzique ,
comme le portrait de la planche précédente nous
en rend certains. Il restait plus de doute sur le
Zenon d'Elea. L'objection qu'ils font pour reje-
ter cette image , comme n'offrant pas assez d'agré-
mens dans les traits , me paraît frivole , parce que
l'âge avancé, la barbe, le défaut de ces qualités
du visage que la sculpture n'exprime pas assez,
font qu'on n'y trouve pas toute la grâce y quoi-
qu'on n'y remarque pas une difformité.
* Hauteur 7 depuis le sommet de la tête, y compris la
poitrine, deux palmes, trois onces un peu justes ; en mar-
bre de Carare. Il était à Naples, d'où il fut transporte
à Rome par un négociant : le Souverain Pontife en fit
l'acquisition.
(1) Tome V; ou I dë Bronzi d'Ercolano , pl. XV et
ivi.
*77
La meilleure raison pour exclure le Zenon
d'Élée , et pour y reconnaître le Sidonien ou
l'Epicurien (i), c'est la circonstance que les au-
tres petits bustes d'Epicure , de Métrodore et
d'Hermarcus , tous philosophes de cette école,
furent trouvés ensemble avec celui qui porte
le nom de Zenon. Donc il est assez vraisem-
blable d'y retrouver plutôt ce Zenon l'Epicu-
rien , d'autant plus que si dans l'histoire de la
philosophie on ne lui accorde pas la même cé-
lébrité qu'aux deux autres, il semble que dans
les derniers temps de la république, pendant
lesquels cette espèce de philosophie devint la
plus commune parmi les hommes d'état, et les
lettrés dont Rome se glorifia , Zenon l'Epicu-
rien jouit d'une grande réputation, ayant été le
maître, non-seulement de Lucrèce, de Cotta
et d'Atticus (2) , mais même de Cicéron encore
jeune, dans les ouvrages duquel on lit le nom
de Zenon accompagné d'éloges; et l'orateur nous
assurant que son maître passait auprès des écri-
vains grecs pour être le prince ou le Coryphée
(1) Si vraiment Zenon de Sidon et ZenoniÉpicurien maître
de Cotta, d'Atticus, etc., sont la même personne ; les cri-
tiques Font mis en discussion -7 voyea Bayie; artic. Zenon
philosophe Epicurien ; Brucker, Hist. phiL} Per, 1, part. If
cap. i5; § 17 : il semble d'ailleurs qu'il n'y a aucune
raison contraire.
(a) Bayle, L c. , note {A) y Brucker, ivi, Per. H<>
part. I , liv. I , c. 1 , § 27.
Musée Pie-G Um. Vol VI, lit
des philosophes Epicuriens (i). S" l'on peut donc
trouver ce Zenon dans le petit bronze, on pourra
aussi le reconnaître dans le présent hernies qui
nous représente la même physionomie.
Le nom de Zenon ainsi déterminé, sans ce-
lui de sa patrie , ou de son père , ou au moins
de sa secte, se voit cependant sous deux ima-
ges tout-à-fait différentes, savoir celle d'Hercu-
lanum , et celle de la collection Farnèse pu-
bliée par Fabri (2) , sans parler d'une troisième
que Bellori a tirée des manuscrits d'Ursinus , et
qui représente peut-être la même personne que le
nôtre ou celui d'Herculanum (3). En outre, on
ne peut attribuer aucune des deux à Zénon le
Stoïque , bien distingué dans Thermes qu'on a
vu ci-dessus, par cette inclinaison du col, phi-
losophe célèbre , peut-être plus que les deux
autres , par ses écrits et par l'école qu'il fonda
et qu'on ne pouvait que difficilement indiquer
par le seul nom sans y rien ajouter. On pour-
rait conjecturer , afin d'éclaircir cette difficul-
tée, que les portraits de ces hommes illustres,
placés sous les portiques , dans les bibliothè-
(1) Cicéron, de Nat. Deor. 7 liv. I ? § XXII.
{1) Imag. ex BibL Fuhii Ursini , n. i5i.
(3) Bellori, Imag. Illusi. , n. 41 ; °n remarquera qu'étant
seulement copiée d'après un dessin, et non d'après le mar-
bre original ? on peut croire que les formes en sont tres-
altérées , mais il n'y a pas grande différence entre la nô-
tre et celle d'Herculanum.
'79
ques et dans les Musées , selon leur classe ,
et dans la compagnie de leurs maîtres ou de
leurs disciples , étaient distingués suffisamment
par leur situation même -P tellement qu'on ne con-
fondait jamais le ^Lénon de Cyzique avec celui
d'Elée, uniquement parce que celui-ci se trou-
vait accompagné de Parmenide ou de Demo-
critea et qu'on ne confondait pas davantage avec
celui-ci , l'Epicurien, que Ton voyait avec Epi-
cure et ses sectateurs, comme nous l'avons re-
marqué dans les découvertes faites à Hercula-
num (i). Cette disposition si, comme l'ont cru
les écrivains qui ont décrit les monumens d'Her-
culanum, peut valoir assez pour autoriser à croire
que l'image du Zénon qu'on y trouve fut celle
de ce successeur d'Epicure qui fut loué par Ci-
céron , et dont les Romains faisaient tant de cas,
on devra aussi lui attribuer notre hernies , qui
appartient certainement à un Zénon fameux ,
cornino le nom qui anciennement était éc rit des-
sus, et sa ressemblance avec celui en bronze de
Naples nous le garantissent»
(i) On pourrait croire, à l'égard de notre hermès et du
Farnésien, qu'on lisait sur le pilastre qui les soutenait quel-
que indication ou parole qui distinguât pius particulière-
ment le philosophe d'avec ses homonymes ; ce que nous
ne pouvons imaginer d'après le petit buste très-entier du
Musée de Portici.
i8o
PLANCHE XXXIV.
S t*
É P I C U R E *.
Ce que Pline et Cicéron nous ont appris de
la multiplicité des images d'Epicure , que Ton
transportait dans les chambres , que Ton gra-
vait sur les pierres dont on formait les anneaux,
et jusques sur l'argenterie destinée au service des
tables (i), se trouve confirmé parle grand nom-
bre de têtes antiques de ce philosophe qui nous
sont restées. Après avoir été inconnues presque
jusqu'à la moitié du siècle présent, elles ces-
sèrent de l'être par une double découverte, et
de la manière la plus sûre. Ce fut en trouvant
l'hermès avec une inscription du Capitole dans
une fouille sur le mont Esquilin (2) , et par le
* Hauteur une palme , une once ; en marbre pente'li-
que. Il a e'të trouve' dans les fouilles de Roma vecchia }
hors de Porte majeure , entreprises par ordre de S. S.
L'autre dont il est parle', provient d'une fouille inconnue^
il est du même marbre, et a de hauteur, y compris le buste,
deux palmes , sept onces.
(1) Pline, livre XXXV, § 11 • Cicëron , de Fin. ,
liv. V, 3. M. le chev. d'Azara possède dans son beau
me'daillier un superbe niccolo? sur lequel est grave'e la tête
d'Epicure en profil.
(e2) Museo Capitolino, tome I; pl. V; page 12.
i8i
buste en bronze, aussi avec une épigraphe grec-
que , qui fut retiré des fouilles cTHerculanum (i).
Le grand nombre de sectateurs qu'il eut dans
Rome , comme nous l'avons dit dans le discours
précédent, fut sans doute la cause qui multi-
plia autant ses images (2), deux desquelles parfaite-
ment semblables à toutes celles déjà reconnues,
appartiennent au Musée Pie-Clémentim
S 2*
Metrodore *.
Ce fut l'amitié qu'avait Épicure pour Métro-
dore qui fit passer à la postérité le nom de ce-
lui-ci, qui en multiplia les images, auxquelles on
rendit des honneurs , plutôt que sa propre cé-
lébrité. Le double hermès du Capitole que nous
venons de citer dans le discours précédent ,
nous a fait connaître ce portrait, qu'on a en-
suite retrouvé dans un bronze d'Herculanum (5),
(1) Antichità d% Er colano 7 tome V ; I dë Bronzi , plan-
che XIX et XX.
(2) Il y en a deux autres dans le Capitole, outre Ther-
mes à épigraphe, et ils ont e'të publies dans le tome ï de
ce Musée, pl. XXV et XXX. M. le chev. d'Azara en a
un très-beau.
* Hauteur, y compris ce buste, deux palmes, cinq onces;
il est de marbre pentelique. On ne connaît pas la fouille
d'oii il fut tiré , et on l'acheta par ordre de S. S.
(3) Dans le volume cite , pl. XXIII et XXIV.
ì«4
fait reconnaître Àutisthène dans ce portrait ma-
jestueux. Les antiquaires lui donnèrent commu-
nément le nom de Cameade, par un motif que
l'on démontra être faux dès le temps qu'on le
mit en avant (i). La connaissance que nous avons
eue par la vie de ce fondateur des Ciuiques
Ces : en marbre pentëlique. On le trouva dans la campa-
gne Cassius de Tivoli. Voyez dans notre ï volume , pl. V1IF,
page g5 et suiv. L'autre , grave' en profil, n'a que la tête
d'antique , en marbre grec ; il fut trouve dans la Villa
Fede également à Tivoli ; elle couvre une partie du ter-
rein où était la Villa Àdrienne. Le travail de la première
tête est d'une main habile , mais à peine indiqué ; le
style de la seconde est d'une perfection et d'un fini très-
précieux. La première fut achetée par le pontife Clé-
ment XIV, la seconde par S. S. régnante. La hauteur de
cette dernière, avec la poitrine, qui est moderne^, a deux
palmes , sept onces.
(1) On avait placé une tête semblable a celle d'Antis-
thènes sur un hermès acéphale , avec une épigraphe qui
portait le nom de Camèade. Fulvius Ursinus l'avait fait
remarquer dans la préface de ses Imagines , mais cela
n'empêcha pas que l'on ne donnât communément le nom
de Camèade à de pareilles tètes, plutôt que de les lais-
ser , comme elles étaient , anonymes et inconnues. Par
cette raison on donna le même nom à ce profil que nous
offrons tant que le comte Fede posséda cette tête ; ainsi
qu'à une semblable et très-belle placée dans le demi-
cercle de la Villa Albani, à laquelle pourtant on chan-
gea l'inscription qu'on y avait mise , lorsqu'on eut trou-
vé cet hermès avec le nom d' Antisthène. 11 existait déjà
au contraire dans le petit palais Farnèse un buste de
Cameade avec le nom grec authentique , et semblable
aux trois autres d'Euripide , de Lysias et de Posido*
nius , mais dont la physionomie est bien différente de
celle du prétendu Cameade de Bellori et d'Ursinus
m
qu'une fièvre fut la cause de sa mort, avait
servi à quelques autres pour le reconnaître dans
une gravure, répétée sur plusieurs pierres, re-
présentant un homme exténué et sans barbe ( i ).
Les fouilles de Cassiano à Tivoli, en nous pro-
curant ce beau monument, ont écarté toute espèce
de doute.
Les images d'Antislhène une fois connues ,
sont devenues les plus communément répandues
de toutes celles des philosophes anciens j et je
pourrais même dire qu'après les effigies de
Socrate et d'Epicure , la sienne est celle qui
se trouve le plus fréquemment (2). Je ne saurais
décider si on doit attribuer cela au hazard, qui a
respecté les images de cet illustre Athénien ,
plus que de tout autre, ou si on les doit à une
célébrité imposante , dont il serait difficile de
trouver le fondement dans les écrivains an-
ciens qui sont venus jusqu'à nous ; je ne serais
pas éloigné de croire que l'une des raisons de
cette multiplicité ait été l'étude du beau qui ré-
gnait en souveraine chez les anciens. 11 est im-
possible avec l'idéal seul de se former une tête
plus grandiose i une physionomie plus impo-
(1) F abri, Imag. III. , n. 20. Haym en trouvait le por-
trait dans un masque de Mercure barbu sur une médaille
d'Athènes ; par l'interprétation abusive de quelques sigles
(Tesoro Britannico , tome I; Uomini illustri).
(2) En outre de celles indiquées dans la note (i)dela
page précédente, on ne df>it pas oublier celle du Capi-
tole regardée comme inconnue , et publiée comme telle
dans le tome I du Musée Capitolili , pl. LXXIX.
fait reconnaître Àntisthène dans ce portrait ma-
jestueux. Les antiquaires lui donnèrent commu-
nément le nom de Cameade, par un motif que
l'on démontra être faux dès le temps qu'on le
mit en avant (t). La connaissance que nous avons
eue par la vie de ce fondateur des Giniques
Ces : en marbre pente'iique. On le trouva dans la campa-
gne Cassius de Tivoli. Voyez dans notre ï volume, pl. VIN,
page 95 et suiv. L'autre, grave' en profil, n'a que la tête
d'antique , en marbre grec ; il fut trouvé dans la Villa
Fede également à Tivoli 5 elle couvre une partie du ter-
rein où était la Villa Adrienne. Le travail de la première
tête est d'une main habile , mais a peine indiqué ; le
style de la seconde est d'une perfection et d'un fini très-
précieux. La première fut achetée par le pontife Clé-
ment XIV , la seconde par S. S. régnante. La hauteur de
cette dernière, avec la poitrine, qui est moderne, a deux
palmes , sept onces.
(1) On avait placé une tête semblable a celle d'Antis-
thènes sur un herniès acéphale , avec une épigraphe qui
portait le nom de Camèade. Fulvius Ursinus l'avait fait
remarquer dans la préface de ses Imagines , mais cela
n'empêcha pas que l'on ne donnât communément le nom
de Camèade à de pareilles tètes, plutôt que de les lais-
ser , comme elles étaient , anonymes et inconnues. Par
cette raison on donna le même nom à ce profil que nous
offrons tant que le comte Fede posséda cette tête; ainsi
qu'à une semblable et très-belle placée dans le demi-
cercle de la Villa Albani, à laquelle pourtant on chan-
gea l'inscription qu'on y avait mise , lorsqu'on eut trou-
vé cet hermès avec le nom d' Antisthène. 11 existait déjà
au contraire dans le petit palais Farnèse un buste de
Cameade avec le nom grec authentique , et semblable
aux trois autres d'Euripide , de Lysias et de Posido-
nius , mais dont la physionomie est bien différente de
celle du prétendu Cameade de Bellori et d'Ursinus,
m
qu'une fièvre fut la cause de sa mort, avait
servi à quelques autres pour le reconnaître dans
une gravure, répétée sur plusieurs pierres, re-
présentant un homme exténué et sans barbe (i).
Les fouilles de Cassiano à Tivoli, en nous pro-
curant ce beau monument, ont écarté toute espèce
de doute.
Les images d'Antîsthène une fois connues ,
sont devenues les plus communément répandues
de toutes celles des philosophes anciens ; et je
. pourrais même dire qu'après les effigies de
Socrate et d'Epicure , la sienne est celle qui
se trouve le plus fréquemment (2). Je ne saurais
décider si on doit attribuer cela au hazard, qui a
respecté les images de cet illustre Athénien 5
plus que de tout autre, ou si on les doit à une
célébrité imposante , dont il serait difficile de
trouver le fondement dans les écrivains an-
ciens qui sont venus jusqu'à nous ; je ne serais
pas éloigné de croire que Tune des raisons de
cette multiplicité ait été l'étude du beau qui ré-
gnait en souveraine chez les anciens. 11 ,est im-
possible avec l'idéal seul de se former une tête
plus grandiose 3 une physionomie plus impo-
(1) F abri, Imag. III. , n. 20. Haym en trouvait le por-
trait dans un masque de Mercure barbu sur une médaille
d'Athènes ; par l'interprétation abusive de quelques sigles
(Tesoro Britannico 7 tome I, Uomini illustri J.
(2) En outre de celles indiquées dans la note (i)dela
page précédente ; on ne doit pas oublier celle du Capi-
tole regardée comme inconnue , et publiée comme telle
dans le tome I du Musée Capitolili, pl. LXXIX.
i86
sante que celle-là avec cette chevelure si pit-
toresquement en désordre, et ce sourcil ondoyant
qui offre l'expression d'une ame forte et sévère.
Les artistes anciens auront pris plaisir à imiter*
un modèle si rare et si beau , et ils en auront
d'autant plus multiplié les copies que la répu-
tation et les écrits de cet homme célèbre fai-
saient rechercher son image , au moins , autant
que beaucoup d'autres*
PLANCHE XXXVL
E S C H I N E \
Il n'existe pas de collection pouvant se van-
ter d' être riche en images authentiques des
hommes illustres de l'antiquité qui surpasse celle
du Musée Pie-Clémentin(i). Le grand duc n'avait
* Sa hauteur, y compris la poitrine, est de deux palmes,
une once; il est de marbre pentëlique. On Ta trouve dans
la campagne dedassiusde Tivoli, comme nous l'avons dëjk
indique' tome I, pl. VIII, p. 95, n. (1).
(1) Les images d'illustres anciens certifiées ou par une
épigraphe originale , ou par un signe caractéristique , et
qui peuvent par cette raison servir de prototype pour re-
connaître et déterminer les autres qui leur ressemblent,
sont au nombre de treize. Celles de Bias , de Périandre ,
de Périclès, d'Aspasie, de Sophocle, d'Alcibiade, d'An-
tisthène, de Zenon l'Epicurien, d'Eschine , et de Posi-
dippe , qui ont leurs inscriptions. Et par les observations
faites d'après leurs déterminations bien caractérisées, on a
reconnu celles d'Archiloque , de Zénon de Citium , et de
Licurgue. On peut y ajouter le simulacre assis du re-
theur Aristide , que Ton conserve dans la Bibliothèque Va-
ticane , lequel est désigné par une inscription sur sa base.
187
du portrait d'Eschine que la seule épigraphe
sur un hermès rompu, auquel on avait ajouté
une tête prise au hazard(i). L'effigie véritable
se trouvait dans quelque collection , mais on
ne pouvait la reconnaître sans ce bel hermès
trouvé dans les ruines de la maison de Cas-
sius(->), comme le précédent, et marqué sous
la poitrine par l'épigraphe
Aeschines.
Quoique plusieurs illustres anciens ayent porté
ce nom (3) , comme on n'y lit aucune autr e
parole ajoutée, cela fait supposer assez facile-
ment que c'est le plus renommé, c'est-à-dire l'ora-
teur Athénien fils d'Atrométès et rival fameux de
Démosthènes. Cette probabilité devient démontrée
lorsque l'on remarque dans la collection Barbe-
rini une image toute semblable qui accompagne
celle du même Démosthènes (4). Une autre tête
d'Eschine, est parmi celles du Capitole incon-
nues (5).
(1) F abri ; Imag. Illustr. , n. 2.
(2) Cet hermès fut trouve avec ceux des sages et avec
les simulacres des Muses 5 et il est à remarquer que pré-
cisément avec les noms des Muses elles avaient été dis-
tinguées par les anciens au nombre de neuf dans les Epitres
de cet orateur ( Fabric. ; Bibl. Gr. } tome I; p. 900.)
(3) Fabric, ï. c.'j p. 928, (*).
(4) Il y a deux superbes têtes bien conservées dans
l'appartement au rez-de-chaussée de ce grand palais ; elles
sont semblables par le style de la sculpture ; par le mar-
bre et les dimensions.
(5) Mus. Capitol., tome I, pl. LXIX.
i88
On voit sur ce marbre l'orateur ayant un bel
aspect et robuste, comme on sait qu'était aussi
son père (i). Il a la barbe courte, et en cela il
ressemble aux autres portraits de ses contempo-
rains, l'usage de la raser étant devenue peu
à près a la mode qui avait été introduite par
les Macédoniens. De même le petit manteau
rejeté sur l'épaule gauche est un ornement or-
dinaire aux hermès ou bustes qui nous repré-
sentent les portraits des hommes de génie de
l'antiquité.
PLANCHE XXXVII.
DÉ MO S THÈ NES *.
Nous avons dit ailleurs comment un bronze
d'Herculanum nous apprit à reconnaître l'image
de ce célèbre orateur, et comment, ayant ce
monument pour guide , nous l'avons retrouvée
dans des simulacres , sur des pierres gravées ,
sur des bas -reliefs, et dans une quantité peu com-
mune d'hermès (2). J'observerai ici seulement
(1) Apollonius le Sophiste dans la Vie cC Eschine 9 au
commencement des œuvres de ce poète, de l'édition de
Reiske.
* Hauteur, avec la poitrine, deux palmes, quatre onces,
Elle est en marbre grec dur.
(2) Dans notre tome lit, pl. XV ; où est décrite la
belle statue assise avec la tète de Dëmosthènes. On a pu-
blié les hermès de Dëmosthènes qui sont au Capitole pour
que le nôtre est un des plus beaux qui le re-
présentent, tant par sa conservation que par son
travail. J'ajouterai dans la note (i) la notice d'une
autre effigie de cet éloquent Athénien, conservée
dans la Villa Pamphili sur le Janicule; cette effi-
gie qui avait été jusqu'alors inconnue aux ama-
teurs, et qui pouvait, à cause de l'épigraphe
quVlle porte, nous avoir indiqué , avant la dé-
couverte du huste d'Herculanum , quoiqu'avec
moins de clarté cependant, quels étaient les por*
traits authentiques de cet homme illustre (2).
des images de Te'rence ( Museo Capitolino y tome I, plan-
che XXXVII), à cause d'une ressemblance trompeuse
avec le Te'rence peint en couleur du fameux manuscrit
du Vatican ; portrait qui diffère de la figure que nous
en donnent les médailles appelées contorniales , et qui
ne sont pas d'une grande autorite'.
(1) C'est un bouclier ou rondache de marbre d'environ
trois palmes de diamètre^ au milieu duquel est en relief
le buste nu de Demostliènes ayant un manteau jeté' sur
les épaules. La physionomie observée de profil , conserve
urie espèce de ressemblance avec les têtes de Démosthè-
nes, autant que peut le permettre le nez qui est mo-
derne et le travail qui manque d'exactitude, elle ne pa-
raît avoir e'te' exécutée que pour servir d'ornement. Dans
le fond; au dessus de l'épaule gauche de l'orateur est un
cartel quadrilatère un peu relevé du champ ? et sur le-
quel est écrit ainsi le nom du sujet
AH
MOE
©EN
HE
PLANCHE XXXVIII.
Jules César *.
il est plus rare qu'on ne pense de trouver
de véritables et d'authentiques portraits de
cet homme incomparable par son propre mé-
rite et par son bonheur. L'incertitude de son
effigie sur les médailles provenant du dé-
faut de l'art qui l'a mal caractérisée sur le
bronze, et qu'on distingue difficilement à cause
Les caractères sont indubitablement antiques, et l'erreur
de l'A pour le A peut être regardée comme une mé-
prise du marbrier , quadrarium , lequel a copie' peut-être
à la vue, sans savoir lire, cette épigraphe ; comme cela est
souvent arrivé dans des monumens très-remarquables. Ainsi,
par exemple, dans l'épigraphe de V Agoras d'Athènes on
lit par une erreur absolument semblable , A0HiNAÏ
APXHrETlAl au lieu de APXHrETIAI (Stuart,
Antiquities of Athens , tome I , page i , et page 5 , a
la note (5). Si quelqu'un s'obstinait k douter de cette épi-
graphe , il devra réfléchir que cette image de Démosthè-
nes fut placée dans la Villa Pamphile, plus d'un siècle
avant qu'on en connût l'effigie authentique , et que mal-
gré cela elle lui ressemble assez pour s'assurer que tou-
tes deux sont le portrait de la même personne. Le ha-
zard seul ne peut avoir si bien fait approcher de la vé-
rité le faussaire, particulièrement dans un temps ou l'image
que l'on réputait être un Démosthènes se voyait totale-
ment différente ( Fabri , Imag. 5&).
* Hauteur , y compris tout le piédouche , quatre pal-
mes, une once. Il est de marbre de Luni. Clément XIV
l'acheta du sculpteur M, Pacetli qui le possédait.
rgi
de sa petitesse sur les médailles d'or ou d'ar-
gent, a donné un vaste champ à ces bapti-
seurs de retrouver César dans beaucoup de têtes
et de bustes qui ne lui ressemblaient pas, excepté
par quelques légères déterminations fort ordi-
naires de sa physionomie. On ne doit pas en
effet perdre de vue les médailles dans une pa-
reille recherche j mais alors nous serons assu-
rés de ne pas nous tromper, quand nous ajou-
terons à la ressemblance reconnue sur les ty-
pes anciens, quelque autre observation et quel-
que particularité non équivoque. Le buste co-
lossal de la collection Farnese (i) sera donc le
portrait de César le plus authentique; car en
outre de la conformité de cette effigie avec
celles des médailles , il a F avantage de sa di-
mension et de sa proportion colossale, laquelle
était consacrée aux simulacres des Dieux ou des
monarques romains qui leur ressemblaient sur
la terre (2). Ayant reconnu César dans ce beau
(1) Autant que je sache, ce beau et rare monument n'a
jamait été publie', Il est a présent à Rome chez le scul-
pteur M. Carlo Àlbaccini ; qui doit le restaurer pour S.
M. Sicilienne.
(2) Quoique l'on trouve ch&us les écrivains quelque men-
tion des images colossales élevées dans les provinces en
l'honneur de simples magistrats romains , qui y étaient
vénérés quelquefois comme des Dieux ; je ne sais si on
peut de-îa en inférer qu'il ait existé aussi dans Rome de
semblables simulacres ; et je ne me rappelle pas d'avoir
vu aucun portrait romain d'une proportion colossale , à
moins qu'il n'eût appartenu à quelqu'un des dominateur*
de Rome, ou à sa famille.
ÎQ2
buste, il sera facile de le reconnaître aussi dans
la statue du Capitole, dont la tête est plus belle
sans être plus ressemblante pourtant , parce
qu'elle est ornée de cette dignité noble , extraor-
dinaire, supérieure à la nature , dont les artis-
tes anciens avaient coutume de faire briller Fi ma-
ge des mortels divinités (l). Excepté ces deux
beaux portraits, non douteux, de Jules César,
je n'en connais plus d'autre ; au contraire ,
c'est avec peu de fondement qu'on a donne ce
nom à tant d'autres qui existent dans différen-
tes collections (2).
Le buste que nous examinons, tout antique,
doit être excepté du nombre des images sup-
posées dont il vient d'être parlé. Sa ressemblance
rare avec la grande tête du César Farnésien,
quoiqu'elle ne soit pas parfaite dans tous ses
détails, est telle et si grande cependant, qu'on ne
peut l'attribuer purement au liazard. Il paraîtrait
plutôt qu'on devrait attribuer les variations ap-
parentes ou quelque défaut dans les rapports à
l'effet du temps. Ainsi quoique nous ne puissions
pas la donner pour un portrait de César avec
(i) Elle a été publiée dans les Statue de Maffei, n. XV.
On peut comparer ce que nous avons dit ici de cet em-
bellissement des traits avec les remarques que nous avons
faites dans le tome IIÏ , pl. VI, et avec ce que nous en
dirons ci-après dans les notes de la pl. XL. Voyez aussi
Frigëlius , de Statuì s , ch. 14.
(a) De même celui qui tient la place de César dans la
Séri<? des bustes Copitoîins^ Mus* Capti. ; tome II , pl. I-
ip5
la même assurance que les deux dont il a été
question ci-dessus, qu'on peut le regarder comme
tel avec une probabilité qui n'est pas à dédai-
gner, laquelle fera valoir davantage les autres
qualités estimables de ce morceau antique.
PLANCHE XXXIX.
Auguste couronne d'e pis*.
La rareté de cette tête, qui est indubitable-
ment le portrait d'Auguste, ne tient pas tant
au sujet, dont beaucoup de monumens sont ve-
nus jusqu'à nous (i), que de la particularité de
* Sa hauteur , avec le pie'douche , est de trois pal-
mes, une oncç. Il est de marbre penlélique. Cette téte a
e'te' autrefois & lar Villa Mattei ; adaptée à une mauvaise
statue couverte de la toge. On peut la voir dans les Mo*
numenta Matthaejor. , tome I, pl. LXXVII, ou cepen-
dant on n'a pas rendu la couronne.
(i) Nous avons donne' d'autres simulacres d'Auguste dans
le tome II de cet ouvrage, pl. XLV etXLYI, et dans
le III, pl. I. Une des plus belles têtes qui le représen-
tent est a pre'sent en Espagne, et appartient à M. Des-
puig, e'vêque d'Origuela, qui la trouva dans ses fouilles
à Ariccia, et qui la fit graver très-bien par M.Raphael
Morghen. Je regarde comme un des plus remarquables
monumens d'Auguste, dont personne ne s'est encore a-
perçu , la tête d'un des plus grands colosses dont nous
ayons les restes, et que l'on voit à la Villa Mattei. On
y découvre clairement la physionomie d'Auguste, mais
d'Auguste divinise, et par cette raison fort embelli, tel
Musée Pie-Clém. Toi. VI. i3
sa couronne d'épis , qui rend eette effigie uui-
que.
Une pareille couronne qui avait été la première
adoptée pour ceindre le front de Romulus
fut peut-être donnée par cette raison à ce cé-
lèbre empereur que Fon regarda et qu'on appela
un nouveau Quirinus (2). Ou il la porte comme
étant Frère Arvale > motif qui la fit porter aussi
par Romulus (3) , ou enfin la cause qui le fit
couronner de cette sorte , est peut-être la même
pour laquelle on voit sur le revers des médailles
d'Alexandrie et de Rome, ou est sa tête, une
qu'il est sur beaucoup de médailles ayant le titre de
Viws Augus tus Pater , ou plus particulièrement sur celles
qui portent au revers la statue assise qui lui fut érigée
du consentement de tous les ordres de citoyens. Martial
fait une mention expresse de ce colosse d'Auguste, épi*
tre XLIV, liv. VIII.
(1) Pline, lib. XXIII, § ti\ Gellius , liv. VI ) ch. 7 :
la Couronne d'épis est aussi désignée dans les Iscrizioni Ar-
vali7 rassemblées et corrigées très-savamment par M. l'abbé
Gaetano Marini , et insérées dans le tome IV de l'ou-
vrage de Sacrariis templi Vaticani de l'abbé Cancellieri,
n. XXXÏI. Cette inscription est dans le Musée Capilolin.
(2) Suétone , in Octav. Aug. , c. \7II ; Virgil., Georg. IN,
v. 27, et au même endroit, les commentateurs.
(5) Il est question d'Auguste comme Frère Arvale dans
les inscriptions des Arvales au n. I; et les mêmes nous
apprennent que d'autres empereurs ont aussi été admis
a ce sacerdoce. Il y a dans l'atelier du sculpteur M. Fer-
dinando Lisandroni deux têtes très-belles qui représen-
tent Marc-Aurèle et Lucius Vérus , tous deux jeunes,
couverts d'un voile y et couronnés d'épis comme les Frères
Arvales.
ig5
poignée d'épis (i), par rapport à l'abondance,
(i) Venuti , Numism. max. mod. Musaci Albani , plan-
che V; i -7 Gori, Musaeum Florentinum , Numism. max.
mod.arg. et aer. ; pl. Ili ; 2; Zoëga ; Numi Ae gyp t. Imp.
Aug. , n. 26 , pl. ï. On pourrait croire que la couronne
d'épis fût donnée dans notre sculpture a Auguste par une
adulation semblable à celle de Virgile qui voulait le mé-
tamorphoser en un Dieu bienfaisant lutelaire de l'agri-
culture :
Auctorem frugum tempestatimi que potentem.
(Georg., liv. 1 7 v. 27 ) : si le poète n'eut pas ajouté
. . . . cingens materna tempora myrto.
A dire la vérité, il a paru étrange à quelques critiques
que l'on donnât le myrthe de Vénus à un Dieu qui7 comme
Cérès, Triptolème , ou Aristée , devait présider à la cul*
ture des champs; et quelques-uns, ce qui a été' juste-
ment rejeté par M. Heyne , ont voulu par cette raison
changer la ponctuation de ces vers. Us n'avaient pas ré-
fléchi certainement que la couronne de myrthe est attri-
buée également à Cérès principale divinité géorgique ', que
celle d'épis ne lui était pas consacrée ; et que ce fut pour
cette raison que les hyérophantes ; les prêtresses et les au-
tres ministres de cette déesse étaient couronnés de myr-
the. Histros , dans le scoliaste d'Aristophane, nous ap-
prend cette particularité > ad Oed. Colon., v. ni5, ed.
Johnson. ( *0 â'iirrpoç r^ç A^fi^rpoç eivai arèppM
tî?v pvppivriv . . . . Tcaï tòv ïepopdvi^v , wai ràç le-
po(pdvri8aç , naì ròf dadov^ov , xai vàç a?»?Laç ïe~
psiaç (ivpphjiç tfrépmw 0ï- oi noi t$ Atf-
(i^rpi fjpoo'Séo'Sai, ravriyv (p^(ri : Histros dit que le
myrthe est la couronne de Cérès, et que t Hiérophante ,
les Hiërophantides , le Daduche , et les autres prétresses
portaient des couronnes de myrthe , ce qui Va fait attri-
huer particulièrement à Cérès J, Artémidore le confirme
dans le liv. I des Onirocritiquesr chap. 79. Cela posé, Vir-
396
c'est-à-dire, l'annona, procurée parla conquête
de l'Egypte aux Romains, peut-être encore à
cause de ses grandes distributions de grains ,
largesses qui furent imitées par ses succes-
seurs, et dont il est fait une mention très -dé-
taillée par rapport à lui dans le monument
d'Ancyra.
Une seule, ou même toutes les causes dont
nous venons de parler, peuvent avoir engagé l'ar-
tiste à donner cette couronne à la tête d'Au-
guste. Quoiqu'il en soit de cela , cette particu-
larité remarquable et érudite recommande à l'ob-
servateur ce mouument, qui par son exécution
paraît a peine digne de l'époque brillante du
siècle de cet empereur. Mais dans tous les temps
le nombre des hommes médiocres de toute espèce
de profession a toujours été le plus grand.
PLANCHE XL.
Auguste *
Cette belle tête d'Auguste est sous beau-
coup de rapports remarquable parmi tous les
gilè a fait avec jugement choix d'une couronne de myr-
the de préférence aux épis , pour en ceindre la tête de
son Auguste crée Dieu de l'agriculture ? puisque la pre-
mière, en outre qu'elle appartenait à la Déesse des champs f
comme nous venons de voir, était aussi consacrée à Vé-
nus la divine mère de la f.imille Julia, et de qui les
empereurs se vantaient de descendre par Jule et Enée*
* Haut, avec le piédouche, de» deux palmes et neuf
*91
portraits que nous possédons de jce prince. Sans
parler à présent de l'excellence du travail et
de l'intégrité qui la rend précieuse , elle est
curieuse par plusieurs notables particularités
dans ses traits et dans ses attributs. On ne con-
naissait pas encore une image d' Auguste en
marbre qui nous le représentât , comme dans
celui-ci, à un âge avancé: toutes les autres le
présentant à peu près h cet âge dans lequel
ayant vaincu ses adversaires, et supplanté ceux
avec qui il partageait le pouvoir , il saisit seul
le timou du gouvernement de l'univers. On voit
dans notre marbre ses traits d jà altérés par la
vieillesse , et tels qu'ils sont justement sur ses
médailles de grand bronze frappées par Nerva (i),
mais cependant montrant de la dignité, et cette
grâce sévère qui peut encore embellir la vieil-
lesse , telle que Suétone nous la dépeinte en
lui (2).
onces y il est de marbre grec, d'un grain fin, appelé' com-
munément Grechetto. On Tacheta par ordre de S. S.
(1) La téle d'Auguste en profil que Ton voit sur ces
médailles, en outre qu'elle le représente à un âge très-
avancé ; a une certaine analogie avec la figure de Nerva
lui-même, exagérée, à ce qu'il paraît, par un genre d'adu-
lation peu commun. On trouve la même altération dans
les médailles d'Auguste et de Claude refaites par Titus.
Les traits de ces empereurs sont plus arrondis qu'il ne
faut , et paraissent se rapprocher de ceux de Titus.
(2) Suétone , Aug. chap. 79 , forma eximia / et per
omnes aetatis gradus venustissima.
On ne distingue dans aucune autre image
de ce prince , aussi bien que dans celle-ci ces
sourcils réunis tels que Suétone nous les a in-
diqués en décrivant sa figure (1).
Un objet d'observation pour l'érudit est , ce
me semble, la couronne qui lui ceint la tête, n'é-
tant pas de feuilles de laurier comme on les voit
sur le front des empereurs. On s'aperçoit que les
feuilles ne sont pas naturelles , mais qu'elles sont
imitées avec art sur la surface d'un ruban ou
d'un diadème , lequel est orné au milieu d'une
pierre ronde, ou clipeata , et sur laquelle, par
un art qu'on ne peut trop admirer chez les an-
ciens (quoique d'une très-petite dimention, à peine
ébauchée, et en partie rongée), on peut recon-
naître le portrait en relief de Jules-César cou-
ronné de laurier.
L'usage de quelques pierres gravées, soli-
taires, rondes, placées au milieu de la couronne
correspondant au front , n'est pas commun ,
ni assez bien éclairci, ou décrit par les monu-
mens ou par les écrivains. La tête colossale de
Trajan dans le Capitole a une couronne de
chêne, et sur la pierre, clipeata^ qui est au mi-
lieu est gravé l'aigle de Jupiter (2). Sur beau-
coup de monumens les couronnes des prêtres
sont ornées de trois pierres gravées (3). On lit
(1) Super cilia Coniuncta } même lieu.
(2) Ce monument n'est pas publie'.
(3) De même celle de FArchigalle du Capitole, celle
du Cistophore de Vallicelli.
199
dans la Vie de Domitien, qu'il orna son front
aux combats Capitolins d'une couronne d'or,
ornée peut-être de trois pierres, oii étaient gra-
vées les divinités du Capitole , quoique ce-
pendant elles ne furent pas toutes trois gra-
vées en une seule, comme on les trouve sur
le revers des grandes médailles de l'empereur
Adrien. Les prêtres les plus distingués de la
ville qui assistaient l'empereur dans cette fonc-
tion portaient aussi de semblables couronnes
excepté que le type de leur pierre était le por-
trait de Domitien, qui passait pour un Dieu
habitant parmi les hommes , et c'était préci-
sément comme dans notre sculpture le profil
de César déifié (r). Enfin les couronnes de lau-
rier et de chêne que l'on voit sur le revers de
beaucoup de médailles, sont quelquefois enri-
chies d'une pierre précieuse , sans cependant
qu'on y voye aucun travail indiqué (2).
On pourrait croire que la couronne d'Auguste
sur notre marbre a plutôt rapport aux fonctions
du sacerdoce qu'il exerça, qu'à-ses triomphes,
ou à la dignité impériale, dont les attributs
n'étaient pas encore bien déterminés (5); et il
(1) Suëtone ; Domit.7 cliap. IV; Capite gest ans cor onam
auream cum effigie lovis 7 Iunonis 7 Minervaeque 7 adsi-
stentibus Diali sacerdote ? et collegio Flavialium pari ha-
bitu ? nisi quoi illorum coronis inerat et ipsius imago.
(2) Voy. par ex. Buonarroti, Medaglioni, Commodo, n„ 8.
(5) Les têtes d'Auguste et de Tibère sont en effet as-
sez souvent nues sur les rne'dailles frappe'es pendant leur
vie 5 quekju'autres sont couronnées de cliêne.
200
n'est pas invraisemblable sous le rapport du sacer-
doce qu'il ait voulu prendre dans cet ornement
distinctif l'effigie du divin Jules , l'origine de
son pouvoir suprême, son père adoptif, et dont
l'image qui fut gravée sur la pierre, reconnue
alors par tout Y empire romain , avait eu peu
de temps avant pour prêtre Marc-Antoine , le
seul des hommes vivans qui ait pu rivaliser
Auguste lui-même par sa puissance et son état
brillant (i).
Nous savons cependant que l'usage de la cou-
ronne d'or ou ornée de pierres (2) fut accordé
par le sénat à Jules lui-même , comme orne-
ment distinctif qui était du à l'autorité souve-
raine à laquelle il s?était élevé ; alors il ne doit
pas paraître extraordinaire qu'on voye cet or-
nement à son successeur,
PLANCHE XL I.
Claude *.
Les bustes de Tiberius Claudius, oncle et suc-
cesseur de Caligula, étant rares dans les collec-
(1) Dion, liv. XLIV.
(2) Dion, 1. c. y arétpavov diâftpvaov oeal diàùiSov*
* Hauteur, avec le piedouche ? quatre palmes, cinq on-
ces , en marbre de Luni. On Ta trouve' dans les fouilles
de la colonie d'Otriculum , entreprises par les ordreé de
S. S.
201
lions, celui-ci devient d'autant plus intéressant
et singulier. Il se distingue des autres par ses
dimensions colossales et par la couronne civi-
que dont il est orné.
On reconnaît le portait de cet empereur si
foible , et par les marques particulières dont
parlent ceux qui ont écrit sa vie (i) , et par
son menton un peu court et peu apparent, tel
qu'on lui voit sur ses médailles avec lesquelles
notre sculpture s'accorde parfaitement.
On remarque la couronne de chêne, donnée à
Claude, sur le revers des médailles, où l'inscrip-
tion la désigne pour une couronne civique. Il
paraît ainsi couronné de chêne sur d'autres mo-
numens, comme s'il était un Jupiter terrestre (2).
On voit très-souvent les têtes des empereurs
ornées de cette couronne , et il paraît que celle
de laurier n'était pas encore aussi particulière-
ment réservée, comme elle le fut ensuite pour
marques distinctives de la dignité impériale (5),
(1) Suétone ; in Tib. Clavd. 7 cap. 3o Auctoritas di-
gnitasque fornice non defuit .... opimis cersncihus.
(2) Il est ainsi sur le superbe came'e du Musée Impé-
rial de Vienne, publié par M. l'abbé Eckel , pl. VII de
l'ouvrage que nous avons cité ailleurs } et dans lequel on
voit quatre bustes ; les deux à la glauche du spectateur
sont ceux accouplés de Claude et d'Agrippine Mineure ?
à la droite; vis-à-vis les premiers, ceux de Germanicus et
d'Agrippine Majeure. Claude a, en outre delà couronne
àe chêne, une égide sur la poitrine comme un Jupiter.
(5) Auguste a sur diverses médailles de différentes gran-
202
De tous les monumens qui nous ont conservé
la mémoire de Claude , le plus noble et le plus
grandiose est celui qui appartient aux Colonna ,
que Ton voit à présent dans le palais royal
de S. M. Cathol îque a Madrid (i). Comme il
fait allusiorr à l'apothéose de cet empereur,
son buste est couronné de rayons, et soutenu
Sur le dos d'un grand aigle placé sur un groupe
d'armes d'une si riche composition , et d'un tra-
vail si précieux, qu'il ne le cède à aucun au-
tre morceau du même genre. Pour le bien ap-
précier il suffit de savoir que cette sculpture
avait été anciennement destinée à servir de mo-
nument de l'apothéose de Claude à Boville , où
deurs et de me'taux divers ; la couronne de chêne au
lieu de celle de laurier. Ainsi, par exemple, sur la grande
médaille où la "Victoire est placée derrière sa tête , oc-
cupée à lui attacher la couronne sur la tête. Il est aussi
couronne' de chêne dans plusieurs effigies de la Villa Al-
bani. La même couronne est sur deux têtes de Tibère f
plus grandes que nature 5 Tune est dans le corridor du
Musée Capitolili, l'autre, qui est très-belle, fut trouvée
dans les fouilles de Pantano ou des Gabi , et placée der-
nièrement par le prince D. Marcantonio Borghese dans
la Villa Pinciana.
(1) Il a été publié par Santi Bartoli avec une disser-
tation de Severoli \ ensuite par Fabretti et par d'autres.
Il fut donné à S. M. Catholique Philippe IY par un car-
dinal Colonne. On l'avait trouvé aux Frattocchie, lieu fa»
meux de la voie Appienne , où était l'ancien Boville et
le Sacrarium de la famille Julia , où furent découvertes
les précieuses sculptures de l'Apothéose d'Homère , de la
table iliaque du Capitole , et tant d'autres monumeus.
205
était le Sacrar ium de la famille Julia à laquelle
il appartenait comme neveu d'Octavie sœur
d'Auguste.
On ne doit parler d'aucune des effigies de
cet empereur si ce n'est de la belle statue plus
grande que nature 3 à moitié nue, qui le repré-
sente , que l'on a trouvée dernièrement dans les
fouilles de Gabi appartenant au prince Borghése ,
avec une statue , pareille et plus rare aussi , de
Germanicus son frère (i).
Ayant été enlevé du lien qu'il occupait dans le palais
du roi à Madrid à cause d'un incendie , le piédestal
très-riche, est à présent dans les souterrains de ce même
palais, et la tête a été placée dans un autre appelé le
Ritiro.
(i) Nous pensons qu'ici ne sera pas déplacée une no-
tice sur cette importante fouille exécutée dans une pos-
session du prince Borghese, près de la voie Prénestine,
appelée Pantano, à peu près dans le lieu où Holstenius,
Fabretli et Ciampini avaient fixé les ruines des Gabi,
Par cette fouille, et par les inscriptions et les sculptu-
res qu'on y découvrit, nous avons été instruits que la
Tille des Gabi , déserte du temps d'Horace et de Stra-
bon , c'est-à-dire sous le règne d'Auguste, ne tarda pas
à refleurir sous ses successeurs , et se maintint bril-
lante long-temps avant le second siècle, pendant Marc-
Aurèle , comme le démontre le consulat d'Apronianus et
de Paulus de Tannée 168 de l'ère vulgaire, indiqué par
une de ces inscriptions. Mais nous en parlerons plus lon-
guement dans le discours de la pl. LXL
&o4
PLANCHE XLIL
Néron *-
Quoique au premier côup-d'oeil la couromm
de laurier et la chevelure bizarrement rassem-
blée fassent croire que le sujet de ce beau mar-
bre est un Apollon , pour peu qu'on eu observe
les traits avec attention, et qu'on les compare avec
des effigies de Néron que Ton voit sur les mé-
dailles, on reconnaîtra cet infame empereur
dans toutes les parties de cette physionomie plus
belle que gracieuse , comme nous la dépeint
Suétone j enfin on y voit son gros cou de tau-
reau (i). Nous avons déjà publié et expliqué
d'autres monumens qui nous présentent Néron
en habit de joueur de lyre (2). La tête que
nous examinons en ce moment est de tous ces
monumens celui qui mérite la préférence tant
par son travail que par sa grande proportion.
La couronne, si on la remarque bien, entourée
de rubans , lemnisci , et ornée au milieu par
une grande pierre gravée, orbiculaire comme
celles dites agonisticae (3) , n'est pas simple-
* Haut, avec le piédouche, de trois palmes 5 en mar-
ine pente'lique. Il provient d'une fouille inconnue: on
l'acheta par ordre de S. S.
(1) Sue'tone? in Nerone , cap. LI: Vultu fulcro magis
fjuam venusto . . • cervice obesa.
(2) Dans notre III vol. , pl. IV.
(?) Voyez, la note (2) à la pl. XIÏI ci-dessus, p. 99.
2o5
ment la couronne de laurier d'Apollon , mais
décidément celle des jeuxpythiens qu'il obtint
en Grèce avec celles des autres combats sacrés,
et que dans son entrée ou triomphe cithari-
que à Rome , il regarda comme digne d'être
soutenue dans sa main droite , tandis qu'il por-
tait sur son front les couronnes Olympiques
d'olivier (i). Mais les combats de la lyre étaient
célébrés avec une plus grande pompe et plus
solennelle dans les jeux pyhtiens , en outre
qu'ils étaient aussi consacrés à Apollon; et Ner-
va préférait la musique au talent des cochers, et
il affectait de paraître toujours sous la forme
d'Apollon, De-là l'adulation à laquelle on peut
attribuer le simulacre dont cette tête dépendait
anciennement, exigea qu'elle fut ceinte du lau-
rier pythien, et le revêtit des habits de ce Dieu
que piétendoit rivaliser ce méprisable empe-
reur.
On doit faire grand cas de ce buste attendu
la rareté des portraits vraiment originaux de Né-
ron. Le plus considérable est celui du palais Rus-
poli, plus grand que nature. Nous avons parlé ail-
leurs d'un autre qui est à la Villa Pinciana, de 1
deux au Capitole , l'un desquels est en partie
moderne , et l'autre, très-bien conservé, le re-
présente presque enfant (2).
Les couronnes des combats grave'es sur les revers des mé-
dailles grecques sont de la même espèce.
(1) Suétone, même lieu, chap. XXV.
(2) Museo Capitol., tome II } pl. XVI et XVII,
206
PLANCHE XLIII
Titus *.
Ce beau buste qui nous représente bien con-
servée, dans son entier , la figure majestueuse
et douce de Titus (i), dece prince qui, soit par
son cœur, ou par son esprit, ou par son bon-
heur fut appelé les délices et l'amour du genre
humain (2), ne lô cède à aucun autre morceau
antique , existant aujourd'hui, sur lequel se
voyent empreint ces traits si chers et si hono-
rés pendant tous les siècles. Cet empereur qui
avait mérité, même dès le temps qu'il remplissait
les moindres emplois dans l'Allemagne et en An-
gleterre, qu'on lui dressât tant de statues, sui-
vant ce que nous atteste Suétone (3), n'est pas
* Hauteur, avec le pie'douche, trois palmes et trois
quarts ? en marbre pentélique. Le souverain Pontife Ta
fait placer dans le Muse'e.
(1) Forma egregia et cui non minus auctoritatis ines-
set quam gratiae : praecipuum robur. Suétone; dans Tito,
cliap. 3.
(2) Amor ac deliciae generis humani : tantum Mi ad
promerendam omnium voluntatem vel ingenti , vel ar-
tis y vel fortunae superfuit. Même lieu 7 chap. 1.
(3) Tribunus militum et in Germania , et in Britannia
meruit 7 summa industria, nec minore modestia et fama*
sicut apparet ex statuarum et imaginum eius multitudi-
ne ac titulis per utramque provinciam. Même lieu, c. 4«
207
celui que Ton trouve plus fréquemment à pré-
sent dans les anciens monumens. Peut-être doit-
on attribuer cela au peu de durée de son rè-
gne, et à la jalousie de son successeur. Il existe
à la Villa Albani-, en outre de la grande tête
colossale qui nous représente Titus, un très-beau
Buste (i). Celui de la collection du Capitole(^),
si cependant il appartient à cet empereur, doit
le céder à beaucoup d'autres, et particulièrement
au nôtre qui le surpasse par une élégante exé-
cution.
§ a. ' -
* Nerva t-
En parlant de la statue colossale de Nerva qui
enrichit le Musée Pie-Clémentin (3), nous avons
parlé de ses effigies et de lôur rareté. Cette ri-
che et vaste collection est bien digne de pos-
séder encore cette belle tête qui offre une res-
semblance non douteuse avec les portraits que
Ton a de ce bon prince, sans avoir d'autre dif-
férence qu'elle paraît avoir été embellie selou
l'usage adopté pour les apothéoses.
(t) Indicazione antiquaria della Trilla Albani , n. 289
et 427-
(a) Museo Capitol., tome lì, pl. XXIII.
* Hauteur, avec le piëdouche ; trois palmes, sept on-
ces; en marbre de Luni.
(3) Tome III, pl. VI.
3o8
PLANCHE XLI V.
P L O T I N A *
Cette tête colossale très-noble dont nous don-
nons la copie, nous offre le portrait de l'impé-
ratrice Piotine, femme du meilleur des souve-
rains, de ïrajan j et il est . si évident, que nul
n'en pourrait douter pour peu quii eut une lé-
gère connaissance de la science numismatique,
tant le buste offre de ressemblance dans tous
ses traits aux profils que nous voyons sur ses
médailles si recherchées. Le style grandiose du
travail convient à cette heureuse époque de l'arte
et il y a lieu de croire qu'Adrien, élevé à l'au-
torité suprême par les soins et peut être par
les manèges de l'impératrice , plein de recon-
naissance, ait voulu honorer sa bienfaitrice et
sa mère adoptive par ce superbe monument (i).
Les images de cette impératrice sont fort
* Hauteur, y compris le piédouche et le buste ; cincr
palmés et neuf onces. La tête seule est antique ; de mar-
bre grec d'un grain fin, appelé' communément greck^o.
Le buste a été fait par le sculpteur de S. S. M. Pier-
antonj. Il était a la Villa Mattei , et a été publié dans
les Monumenta, tome II, pl. XV: il avait un autre buste
moderne auquel il était alors adapté.
(i) Nous avons parlé dans le tome I, pl. A IX, n. 17
du supplément , d^une médaille en or très-singulière ,
sur laquelle est gravée au revers de la tele de Piotine le
buste d'Adrien.
20Q
rares 9 peut-être doit-on attribuer à sa modestie
le petit nombre qui exista. Sa tête de grandeur
naturelle qui est dans la collection du Capi-
tole (i) est un de ses monumens très-remarqua-
ble , mais il est hors de vraisemblance et de
toute probabilité qu'elle soit représentée, comme
quelques-uns le prétendent, dans un bas-relief
du même Musée, au moment où elle persuade
son mari d'adopter Adrien (2).
PLANCHE XLV.
Adrien *.
Parmi tant de portraits que nous avons d'A-
drien , ce buste est un de ceux qui méritent
(0 Museo Capitolino, tome II ; pl. XXX.
(2) Museo Capitol., tome IV, pl. XX. Les portraits
de ce bas-relief ne ressemblent en rien à Piotine et à
Trajan , et il n'y a pas d'apparence d'aucun attribut de la
dignité impériale du sujet principal, et encore moins
des indices probables qui puissent y faire conjecturer une
adoption. Il est plus vraisemblable même par le style du
bas-relief; qui est celui des monumens sépulcraux ; qu'on
y a représenté un homme décidé, et dans le moment qu'il
établit pour héritière son épouse, qui est présente; indi-
quant les tablettes de son testament avec leurs sceaux;
L image qui se voit sur le fond du bouclier fait peut-
être allusion à quelque legs fait par le testateur à un tem-
ple ou à un collège.
* Hauteur, avec le pîédouche, cinq palmes; il est de
marbre pentélique. Cette beile tête était conservée dans le
Musée Pie-Clém. Vol. VI. H
J2IO
d'être distingués par la manière franche et sa-
vante de son exécution, autant que par sa di-
mension. Les beaux-arts que ce prince proté-
gea et qu'il exerça lui-même(i), ont rendu non-'
seulement son nom célèbre, mais aussi ses traits
familiers parmi nous.
Winckelmann avait dît que la tête colossale
de cet empereur, du palais Borghése (a), était
la* plus belle. Celle-< i surpasse assurément les
autres par sa grandeur , mais elle e-st obligée
de le céder à la nôtre du côté de l'art et par
rapport à son intégrité. La collection du Capitole
qui possède cinq de ces portraits , en compte '
trois très-beaux , deux desquels ont la poi-
trine couverte de leurs armes (3). Tel est encore
château S. Ange, où elle fut trouve'e au commencement
de ce siècle. On la fait restaurer depuis peu, et S. S.
Ta fait placer dans le Musée.
(1) Àurelius Victor, Epitome 7 ch. XIV ; 2.
(2) Hist. de Tart , liv. XII, ch. 1 , § 22. La fameuse
pierre gravée de la collection Farnese qu'il cite comme
un excellent portrait d'Adrien, n'est pas du tout le sien,
mais bien celui de son successeur Antonin le Pieux.
(3) Un de ceux-ci qui a sur les bandelettes qui atta-
chent la cuirasse en passant sur les épaules 7 deux figu-
res de géans à pieds de serpens 9 n'est pas encore pu-
blié, de même que celui dont une petite partie de la
poitrine est nue, qui est placé dans la salle des Idoles
égyptiennes ; et qu'on trouva à Tivoli. Ceux qui sont
gravés sur les planches XXXIII etXXXIVsont: le pre-
mier ; une tête d'albâtre agalhîn, un peu restaurée, ada-
ptée sur uu buste armé et couvert d'un paludamentum ?
2 I I
tm autre un peu plus grand, d'un très-bon tra-
vail, placé au palais Ruspoli(i). Un autre nu,
mais ayant le baudrier qui traverse sur la poi-
trine, et la chlamyde sur les épaules, est con-
servé dans la galerie du connétable Colonna.
11 fut trouvé de nos jours à Boville (2) ; et par
l'excellence du travail et par sa conservation
on peut le regarder comme supérieur aux au-
tres. Celui de la Villa Montalto, d'un style su-
blime, avait la poitrine entièrement nue, comme
on voit aussi un autre buste dans notre Mu-
sée (3).
On admira pendant long-temps, dans le château
S. Ange (4)9 celui que nous offrons ici > il fut
le second, un buste très-beau avec cuirasse, plus grand
que nature , d'une excellente conservation et d'un bon
tiavaiK On ne parle pas de celui-là dans le discours y où
Tou suppose que l'estampe en représente un cinquième,
lequel n'a d'antique que le masque d'albâtre de couleur
jaune de coing, matière dont les sculpteurs se sont ser-
vi très-rarement pour rendre les cbairs; ayant plutôt em-
ployé cette espèce de pierre pour faire les draperies.
( ) Il est dans la galerie au rez-de-chaussée.
(2) Aux Frattocchie.
(5) On la trouvé a Pantanello dans les ruines de la
Villa Advenue.
(4) I» était dans la cour qui est dans le maschio, re-
placé sur un buste moderne , et il avait pour pendant
un buste semblable avec la tête antique d'Àntonin le
Pieux. Le Souverain Pontife a fait substituer à cette tète
d'Adrien une autre du même prince 7 mais moins bien
conservée , eî on a restauré de nouveau FAntonin le
Pieux ; ensuite il les a fait placer dans le sallon du même
212
trouvé dans le lieu même où anciennement il
avait servi à orner la Villa Adrienne : cette
seule circonstance suffît pour nous donner une
juste idée de l'excellence de ce morceau an-
tique.
PLANCHE XLVL
Sabine *.
Les images de Sabine ne sont pas rares parmi
les monumens antiques. Et cela vu le grand nom-
château S. Ange. De la manière dont est terminé le cou
dans chacune de ces deux têtes il parait clairement qu'elles
ont appartenu à deux statues ? lesquelles devaient être
placées dans deux grandes niches pratiquées dans le ves-
tibule de la chambre sépulcrale. En mesurant la hau-
teur des niches ; on la trouve bien correspondre à la gran-
deur extraordinaire que ces têtes annonçaient pour les
statues. Nous avons parlé dans notre tome II, pl. XLV,
d'autres statues d'Adrien, et particulièrement de celle du
Capitole sous la forme de Mars , étant la plus remar-
quable dans le même volume nous en avons publié une
petite. Celles qui sont nues , ou ayant une cuirasse , que
Ton voit dans le palais et dans les collections à Rome ,
sont formées par des torses acéphales , auxquels on a
ajusté des têtes d'Adrien.
* Haute; avec le piédouche, trois palmes, sept onces ; en
marbre de Luni. On l'a trouvée près de Civita Lavinia,
l'ancienne Lanuviurn, dans une fouille entreprise par M.
Gavin Hamilton, au même lieu où quelques années avant
on avait déjà découvert tant de beaux bustes de Marc-
Aurèle et de sa. famille , qui sont tous placés au Capi-
2l5
hre d'artistes qui florissaient dans ce temps, et la
protection et les faveurs qu'Adrien son époux
accordait aux beaux-arts pour les soutenir et
les encourager. Comme il est impossible de dire
qu'aucune de ces images annonce , un ciseau mé-
diocre , on peut justement avancer que peu éga-
lent la nôtre tant par un travail élégant , que
par une rare conservation. Son corps est gra-
cieusement orné d'une tunique et de la palla
formant de très beaux plis. La touche moëlleuse
des chairs , le travail des cheveux font briller
en même temps la vérité, jointe à la noblesse et
au fini du fa re.
On voit dans la suite des têtes du Capitole
un portrait de Sabine avec une coiffure diffé-
rente, ayant sur son diadème les marques dis-
tinctives de Cérès , paraissant moins jeune ^ elle
est très -belle dans son genre. Une autre tête,
qui ressemble davantage à celle que nous avons
sous les yeux, est à la place de Lucilla, et porte
son nom (i). Les médailles de Sabine nous of-
frent aussi cette variété dans les traits du vi-
sage et dans la coiffure , comme on la remar-
que dans ces deux marbres. La tête voilée et
couronnée d' épis qui représente cette impéra-
trice , que l'on trouve dans les collections de
tole (Mus. Cap. , tome II, pl. XL et XLIV). Cet ha-
bile peintre Ecossais en a faitpre'sent à S. S. qui Ta fait
mettre dans le Musée.
(i) Museo Capti., tome II ^ pl. XLVII; la premier*
est à la pl. XXXV.
2l4
pierres gravées (i) , est un des chefs-d'oeuvre
des anciens lithographes.
PLANCHE XLVIL
Antinous *
Ce jeune Bithynien qui pendant sa vie mé-
rita l'amitié d'Adrien à cause de sa beauté et
de sa mort volontaire, et auquel on fit les hon-
neurs de l'Apothéose par ordre de cet empe-
reur, devint le sujet le plus estimé pour exer-
cer les beaux-arts à cette époque brillante. La
sculpture a éternisé sa mémoire en reprodui-
sant ses traits qui excitent aujourd'hui l'admi-
ration dans les Musées et dans les palais de
l'Europe moderne.
Ce buste d'une dimension presque colossale
a été découvert sous-terre dernièrement, dans
la Villa Adrienne , et il se distingue beaucoup
parmi tant d'autres superbes mouumens d'An-
tinous par sa grandeur, par son intégrité et par
ce marbre très-dur que l'artiste a employé.
Si l'on considère ce buste avec soin, on verra
quii semble offrir quelque différence avec les
(i) Dolce, Gemme antiche , n. 168.
* Haut, avec le pie'doudie, de cinq palmes ; il est en
marbre grec dur. On Ta trouvé dans les fouilles Tibur-
tines de la Villa Fede , parmi les ruines de l'ancienne
Villa Adrienne, Tan 1790. Le S. Pontife en fit l'acquisi-
tion-
2 l5
images du même, par deux singularités, d'abord
par la coiffure divisée en petites boucles pa-
rallèles et pendantes autour de la tête , cepen-
dant variées et travaillées d'un goût exquis, et
par les feuilles sculptées au-dessous de la poi-
trine où le buste doit poser sur lepiédouche,
ornement peu en usage dans des monumens de
cette espèce (i).
L'union de ces deux circonstances, la pre-
mière, c'est-à-dire, la disposition des cheveux,
caractérise les images d'Harpocrate ; la seconde
peut sembler faire allusion à cette plante dont
la fleur servait quelquefois à placer les petites
statues et les bustes des divinités égyptiennes,
selon l'attestation de Jamblique, de Porphyre et
celle de tant d'autres monumens (2); cette réunion,
dis-je , m'a fait croire que Ton a représenté
dans ce buste Antinous comme Dieu égyptien ,
lequel était spécialement gardé à Aotinopolis ,
ville rebâtie dans cette région ^ et ainsi appelée
de sa nouvelle divinité, et tel que nous ledè-
(1) Le buste appelé de Salonina, dans le Capitole, a
un ornement pareil ( Mus. Capitol. , tome H , pi LXXX ).
Celui que Ton crut de Pescennius Niger a aussi dans la
gravure des feuillages d'ornement vers le piédouche^ mais
on n'en trouve aucune trace sur le marbre original. Même
lieu , pl. LU.
(2) Jamblique , de myster.} sect. VIT , 2 ; Porphire cité
par Eusèbe, liv. V, ch. io; Caylus , tome I, pl. IX,
) , et tome III ; pl. VII , 6, sans parler de beaucoup
d'exemples communs dans les gravures d'anticjuitG's*
2 l6
montrent les médailles où il est représenté avec
la fleur de lotos sur le front (i), de même que
les marbres où il est couronné de la même
fleur (2) , sans parler des autres qui le repré-
sentent habillé et dans la position des idoles
égyptiennes (3).
Notre buste , pour la facilité du transport a
été affoibli et creusé par-dessous jusque dans les
bras , à «peu-près comme les ouvrages en bronze.
On avait employé le même moyen dans le superbe
bas-relief de la Villa Albani (4). Le motif indi-
qué tirait peut-être son origine de l'empresse-
ment avec lequel Adrien faisait transférer ces
images chéries dans ses habitations favorites. Nous
avons vu dans les discours précédens que l'admi-
ration des anciens pour Epicure avait rendu les
bustes et les hermès qui le représentaient (5)
également ambulans.
Tous les antiquaires parlent avec Winckel-
mann des plus fameuses effigies d'Antinous. Ce-
pendant on n'avait pas encore assez connu le
mérite de sa statue du palais Farnese, qui doit
tenir, selon moi, une des premières places parmi
(1) Zoëga7 Num9 Aegypt. 7 en Antinoo.
(2) Winckelmann , Monuin. inéd. 7 n. 179 et 180. Il y
avait une espèce de lotos appelé Antinoèa.
(5) Mus. Capit., tòme III , pl. LXXV 5 Winckelmann,
Storia delle arti , ec. 7 liv. II ? ch. i, § 9) Indicazione
della Villa Albani 7 n, 622.
(4) Winckelmann, Mon. inéd., n. 180»
(5) Ci-dessus ; pl. XXXIV , $ u
2 I 7
tous les marbres qui nous offrent son image.
Le portrait d'Antinous couronné de lotos, a été
découvert par moi dans une des têtes du fa-
meux groupe , qui appartint jadis à la reine
de Suède , placé à présent à S. Hildéfonse en
Espagne, et que les antiquaires ont diverse-
ment expliqué (i). Notre Musée conserve un
autre buste très-beau ayant la poitrine nue (2);
et dans la Villa Àdrienne on en découvrit Fan-
née dernière deux effigies très-belles (3).
PLANCHE XLVIIL
Antonin le Pieux *.
Nous devons encore à la Villa d'Adrien ce por-
trait de son successeur, La physionomie noble et
(1) Voyez mes Osservazioni su due musaici antichi sto-
riati, Parme 1788. Il en est parlé aussi par Winckel-
mann; Mon. inéd. } tom. I ; p. i4-
(2) Il était autrefois à Naplçs dans le palais des ducs,
de Calabre.
(5) L'une de ces effigies a une coiffure propre aux di-
vinités égyptiennes ; semblable à la statue du Capitole
dont il est parlé ci-dessus ; et à un autre buste de la Villa
Albani.
* Hauteur, avec le piédouche y quatre palmes > cinq on-
ces. La tête qui est de ce marbre blanc ; que les mar-
briers connaissent sous le nom de marbre de Paros; fut
trouvée à Pantanello dans la Villa Àdrienne par M. Ha-
milton $ elle fut ensuite placée sur un buste antique, de
marbre grec , orné d'un manteau ; et qui lui convenait par»
faitement pour les mesures et pour le travail*
2 1 8
tranquille d'Antonia le Pieux est si connue par
les médailles et d'autres monumens, qu'il ne peut
rester le moindre doute , ni avoir lieu à au-
cune équivoque. Les arts qui avaient reçu une
nouvelle vie sous le règne précédent , se distin-
guèrent dans les effigies des empereurs suivans,
qui ne laissèrent rien à désirer pour la magni-
ficence dans les édifices publics; et An tonin par-
ticulièrement ne fut pas long- temps sans termi-
ner toutes les constructions qui avaient été ou
commencées ou promises dans les diverses vil-
les de l'empire par la générosité de son prédé-
cesseur (i).
Il faut placer parmi les portraits d'Antonin
le Pieux les deux premiers, colossaux , l'un du
palais Farnèse, maintenant à Pïaples 3 l'autre dans
la salle du palais Borghése , qui méritent éga-
lement tant par le travail que par leur dimen-
sion. On donnera le second rang au buste du
(1) V. notre tome II, pl. XX ; p. 17 >? n. (1), où nous
avons donné une inscription remarquable inédite , laquelle
étant alors confondue avec tous les fragmens d'Otricoli,
nous crûmes qu'elle avait été trouve'e dans les ruines
de cette colonie. A présent nous prévenons nos lecteurs
que cette grande insciption fut trouvée à Ostie ; et que
par conséquent elle appartient aux thermes d'Ostie 7 ce
qui paraît plus digne de la somme considérable qu'elle
annonce qu'on y employa. Capitolin en effet compte parmi
les grands ouvrages que fit faire Antonia le Pieux le La-
vacrum Ostiense 7 et le même auteur observe que cet empe-
reur ad opera Hadriani plurimum contuliù ( Antonin* ; 4; 8 ).
palais Chigi (i), un peu plus grand que na-
ture , qui le représente en habit de paix y et
que l'on peut regarder par rapport à l'excel-
lence et à la délicatesse du travail, comme un
des monumens le plus parfait de l'art des an-
ciens (2). Nous avons parlé ci-dessus de la tête
(1) On peut en avoir quelque idee par les feuiiles des
Notizie d'antichità e belle arti de M. Guattani , dans les-
quelles il fut publie' , pl. Il, en avril 1784.
(2) Les cheveux d'Antonin le Pieux sont plus longs et
plus épais dans cette effigie que dans tout autre , preuve
certaine qu'il e'tait moins vieux , et par cette raison au
commencement de son règne , lorsqu'on fit son portrait.
En outre la chevelure est rejetée sur le front, et la pointe
des cheveux paraît repliée en-dessous et bouclée : cette
disposition ressemble tant à celle des cheveux d'Adrien^
que quelquefois des portraits d'Antonin ainsi ajustés sem-
blent être douteux au premier coup-d'ceil^ et qu'on ne
sait si on les doit donner à cet empereur ou à Adrien,
qui dans le commencement de son règne fut représenté
avec le visage moins gros , et dès lors il y a peu de dif-
férence de ses traits avec ceux de son successeur. L'exem-
pie le plus frappant de cette incertitude existe dans une
tête très-belle d'Antonin le Pieux avec les cheveux ainsi
disposés comme ceux d'Adrien, et qui semble d'un âge moins
avancé. Cette tête est maintenant parmi les antiquités de
S. A. Mgr. le prince Stanislas Pouiatowski , lequel , non
content d'avoir formé une superbe collection de gravu-
res antiques en pierres , de camées , se montre amateur
de toutes les autres branches des beaux-arts , et des con-
naissances utiles qu'il cultive non-seulement par son rare
génie, mais aussi parla fréquentation journalière qu'il a
avec les hommes de lettres. Revenons aux portraits d'An.,
tonili ) les cheveux de la pierre gravée de la collection
220
colossale qui le représente , que Ton voit dans
le môle d'Adrien. Il a été question lorsque nous
avons parlé des portraits d'Adrien, d'une autre
tête d'Antonin très-belle, sur une pierre gravée.
PLANCHE XLIX.
Faustine Majeure *.
Aucune impératrice ne jouit de son vivant
de preuves d'attachement , et ne reçut après sa
mort de plus grands honneurs que Annia Fau-
stine, épouse d'Antonin le Pieux (morte pendant
la troisième année du règne de l'empereur), n'en
obtint de l'amour et de la reconnaissance de ce
prince.
Quoique ses moeurs et sa conduite donnas-
sent facilement lieu à la médisance, le bon An-
tonili ne laissait pas cependant de l'honorer,
de l'aimer , soit que par caractère il fût porté
Farnese, qui nous le représente, sont pareils comme dans
ja tête que nous avons cite'e ci-devant , et dans le buste
du palais Chigi; c'est de là peut-être qu'est venue l'er-
reur de Winckelmann qui Fa place'e parmi les têtes d'A^
drien.
(i) Pl. XLVI elle est semblable à celle que nous avons
publie'e d'Adrien, si non que le travail en est? moins ter-
mine', parce qu'il est sculpté en marbre grec dur.
* Hauteur cinq palmes et demie avec le piédouche ; en
marbre de notre pays. Elle fut trouvée dans les fouilles de la
Villa Adrieime a. Pantanello, et achetée par ordre de S. S*
La tête est antique , d'une très-belle conservatioix| 1$
buste a eie sculpte par M. Pierantooi.
a 2 i
à l'indulgence , ou peut-être par la considéra-
tion qu'il devait en partie l'autorité souveraine
aux illustres parens de son épouse (i). Ils est
sûr que nous ne possédons d'images d'aucune
impératrice, autant que de Faustine, que l'on
a coutume d'appeler Majeure, pour la distinguer
de sa fille (2). On peut s'assurer que de toutes
(1) Antonin Je Pieux ayant été' choisi pour succe'der à
Adrien, fut en même temps obligé d'adopter Marc-Au-
relè fiìs d'un frère de Faustine > jeune homme de seize
ans : il paraît que ce lien du sang fût le motif de sa
prédilection, et que par cette raison elle influa beau-
coup dans le choix que l'on fit d'Antonin le Pieux, sans
nier cependant que son mérite rare , et sa conduite ne
fussent pas seuls propres à déterminer Adrien. Qui sait
si Faustine Majeure, n'avait pas quelque relation fort
étroite avecElius Verus déclaré empereur par Adrien même,
et qui mourut avant lui. Eutrope qui affirme que Marc-
Aurèle neveu de Faustine, et Lucius Verus fils de l'em-
pereur Eiius étaient unis de parenté, peut le faire sup-
poser. Mais d'un autre côté si cette parenté était le seul
motif qui portât Adrien à obliger son successeur d'adopter
ces deux jeunes garçons , il semble qu'on n'eut pas pré-
féré à Lucius Verus, le fils de cet empereur, un parent
plus éloigné comme était Marc-Aurèle. Il parait donc
que ce qui favorisa ce dernier ce fut d'être neveu de
Faustine , ou parce qu'Adrien avait beaucoup de ten-
dresse et d'égards pour elle, ou à cause de quelque liai-
son avec une personne très-chère à l'empereur y que nous
ne connaissons pas, parce que les monumens nous man-
quent, et que d'ailleurs l'écrivain des Vies des empereurs
de ce siècle n'est pas un Suétone.
(2) Sans parler d'autres déjà connues, je rappelerai
seulement le beau buste intact qui fut trouvé l'année der-
nière dans les fouilles de la voie qui conduit de S. Ma-
22 2
celles qui sont d'un excellent travail, celle-ci ne
la cède à aucune par la beauté du style, par
sa dimension presque colossale, et que par sa
belle conservation elle a plus de prix que toutes
les autres.
PLANCHE L.
M A B C - A U R È L E *.
Ce buste d'un mérite infini peut-être regardé,
dans le nombre de tant de beaux monumens
qui existent de cet empereur (r), comme sur-
ria Maggiore a S, Croce in Gerusalemme, il appartient à
S. E. le card. Braschi -7 et un autre que possède monseig-
Antonio Despuig. Celui-ci offre une singularité dans une
main couverte de sa draperie qui est sculptée sur la
poitrine.
* Hauteur , avec le piédouche 7 quatre palmes , cinq
onces. Il est de marbre pentélique. On Ta trouvé il y a
a peine deux ans dans le lieu qu'occupait la Villa Adrienne,
à présent Villa Fede, lorsque monseig. Marefoschi y fit
faire des fouilles. Il est très-entier 7 excepté l'extrémité
du nez et de quelques boucles de cheveux. On Tacheta
par ordre de S. S.
(i) La tete colossale de cet empereur qui se voit dans
la Villa Pinciana servant de pendant à Lucius Verus; est
célèbre ; cependant il y a dans celte maison des bustes
qui lui sont supérieurs par le travail et leur intégrité.
Le Musée Capitolin possède deux bustes de M. Aurèle
encore jeune et imberbe , d'une élégance et d'une con-
servation singulière. Deux autres néanmoins fuit beaux
et entiers le représentent avec la barbe. Ceux-ci 7 comme
passant de beaucoup tous les autres par la beau-
té du style autant que par la finesse d'exécu-
tion , et à coup sûr il doit passer pour un mo-
dèle de perfection dans le genre des portraits.
En observant le travail extrêmement soigné des
cheveux et de la barbe, qui a été exécuté en
grande partie avec le trépan , on est étonné de
voir que l'artiste ait su réunir tant d'habileté et
de bon goût avec une manière si recherchée et
qui paraît minutieuse. La poitrine nue, le cou
et les épaules offrant de nobles et gracieux con-
tours, qui n'exagèrent pas cependant la beauté
d'une nature bien choisie, propre à l'âge et à
la compi exion du sujet, ont une telle vérité et
une si grande morbidesse, qu'on ne peut rien ai-
tendre de plus de l'art. Le groupe de plis que
forme la cblamyde sur l'épaule gauche met de
la variété dans cet élégant morceau , en l'or-
nant. Ce monument est d'autant plus précieux
qu'il offre à nos yeux, comme s'il respiraU en-
core, ce bon souverain, dont la mort finit la sé-
rie des meilleurs princes qui s'était suivie sans
interruption depuis Nerva jusqu'à lui , période
qui sera toujours mémorable dans les fastes de
Rome, et dans les annales du genre humain.
la tête de la "Villa Pinciana, sont des effigies prises dans
nn âge plus avancé qui n'est pas celui qui est repré-
senté dans notre buste. Ce n'est pas ici le moment de
parler de la statue équestre en bronze ; du Capitole; mo-
nument trop fameux 9 et malgré la critique injuste de
Falconnet, un des principaux monumens de Home et
des arts anciens.
PLANCHE LI.
S <•
Lucius Verus *.
Les portraits de Lucius Verus sont les plus com-
muns parmi ceux des empereurs romains. Celui-ci
était jaloux de sa propre beauté (i), et c'est pour
cela peut-être qu'il s'est plu à la voir éternisée
par cet art, qui en copiant les traits d'après na-
ture , parut être porté alors au plus haut de-
gré. On conserve dans le Musée Pie-Clémen-
tin deux statues de Lucius Verus , que nous
, * Hauteur, avec le piédouche, trois palmes, six onces et
demie ; en marbre grec ou de Paros. On Ta trouve' dans
les fouilles que S. S. a fait ouvrir dans le lieu appelé
Roma vecchia y hors de la porte Majeure. Nous avons déjà
indiqué par ce nom de Roma vecchia le lieu de cette
fouille page i58, note (i), planche XXVIII, §11, (*}. Il
faut qu'on sache que deux lieux voisins de Rome por-
tent ce nom. L'un est hors de la porte Majeure par la
voie Prénestine moderne, à main droite, a près de trois
milles ; c'est précisément le lieu que nous vouions déter-
miner. Eschinard parle de cet endroit dans son ouvrage
sur YAger Romanus 7 part. 2 ; c. 6. L'autre est à la dis-
tance d'environ cinq milles de la voie Appia hors de
S. Sébastien. Il faut donc corriger ce qui a été dit dans
la note (*) du discours , pl. XLIV de notre tome III ,
puisque les fouilles ont été ouvertes seulement dans le
premier de ces lieux homonymes.
(1) Capitolino in Veroi ch. X*
22$
avons publiées (i). L'une a la tête plus grande
que nature, et le représente dans sa jeunesse*
ce qui rend un peu plus curieuses ses images.
C'est ainsi que nous le retrouvons aussi dans le
très-beau buste que nous examinons. Sa barbe
est courte, tout autre que nous la montrent ses
médailles , et c'est un motif pour croire que ces
portraits ont été sculptés avant que Marc-Au*
rèle l'eut élevé au rang d'empereur, et l'eut pro*-
clamé son collègue sur le thrône (2). Il en est
un autre, également avec peu de barbe, dans
la Villa Pinciana , où se trouvent les images les
plus étonnantes de cet empereur. D'abord celle
qui est colossale , assez célèbre (5) , et quelques
(1) Tome lî, pl. L; tome III , pl. IX. Cette dernière
est peut-être l'unique des images de Lucius Verus qui
soit d'un travail mediocre. Nous en avons indiqué les
motifs dans notre explication.
(2) Ce que raconte Capitolin de L. Verus ( ch. VII)
n'a rien à faire dans ce cas ; savoir ad amicae vulgarîs
arbitrami in Sjriaposuisse bartam. Quant a son adoption,
malgré quelque contradictions entre les écrivains , je la up-
pose faite par Àntonin le Pieux , ce qui semble plusvraij
et non par M. Auièle ; quoique Vignoli ait pensé diver^
sement {de Columna Antonini , chap. Vil). Sur cela òtì
peut voir là note savante 1 1 de Tillemont ( Hist. des Ein~
pereurs , tome il) dans la Vie d'Àntônin le Pieux.
(3) Elle fut trouvée à Âcqua-traversa hors de la porte
du Peuple, ou peut-être la voie Cassia était traversée par
la voie Claudia ou Clodia, laquelle, suivant Capitolili, avait
rendu très-fameuse la maison de campagne cìé L. Verus
(ch. Vili). J'ai dit que la voie Claudia traversait celle
Musée Pie-Ctém. Vol. VL i5
226
autres qui la surpassent par la correction , si
elles ne l'égalent pas par la grâce et la délica-
tesse du travail.
Le Musée Capilolin possède encore un beau
huste de Lucius Verus, très-entier. On peut en
général dire, que comme on ne trouve pas d'ef-
figies de cet empereur d'un travail pauvre , on
ne peut attribuer qu'aux injures du temps et
aux restaurateurs si quelques-unes sont deve-
nues peu dignes d'être remarquées.
§ *•
Commode *.
Si les images de Lucius Verus sont communes,
Cassia. Ceci est fonde' sur une expression d'Ovide dans le
liv. I y de Ponto ; où on lit :
Flaminiae Claudia juncta vicie
en supposant que pour que la voie Claudia se réunit avec
la Flaminia 7 il fallait traverser la voie Cassia. Cependant
ces mots peuvent simplement dénoter que la voie Clau-
dia formait une branche de celle Flaminia ; ce qui s'ac-
corderait avec l'Itinéraire d'Antonin; suivant lequel ij sem-
ble que la voie Claudia était une portion de la voie Cas-
sia elle-même , comme cela est confirmé par ce que dit
Bergier, liv. Ili 7 ch. XXV ; § 8 des grands chemins , etc.
Et même dans cette supposition le lieu où Ton trouva les
bustes de L. Verus et de M. Aurèle de la collection de
Borghese peut vraisemblablement se rapporter avec le lieu
où était la Villa de Verus dont nous parle Capitolin.
* Hauteur, avec lepiédouche; deux palmes et dix on-
ces. Il est de marbre de Carrare. S. E. le prince Doria
SS?
autant celles de Commode sont rares P k raison de
sa conduite déréglée et tyrannique qui rendit
sa mémoire odieuse et détestée (i). Ce portrait
le représente à l'âge ou il commençait , selon
l'usage du temps, à faire croître sa barbe. L'image
imberbe de ce fils indigne du bon Marc-Au-
rèle est un des bustes le plus superbe et le plus
entier qui soit conservé au Capitole (2); un au-
tre du palais Farnèse le représente avec la barbe
plus épaisse que le nôtre , et d'un âge plus
avancé.
La grande tête colossale de la statue en tronze
de Commode du Capitole serait le plus rare mo-
nument de ce prince , s'il lui ressemblait vrai-»
ment, comme l'ont cru les antiquaires du siè-
cle passé qui ont fait graver au-dessous l'inscri-
ption avec cette dénomination (3). Mais on n'a
PanflÎi en fit présent a S. S. Clément XfV ; avec deux,
belles statues que nous avons publie'es déjà dans notre
tome I; pl. XXX , et dans le III, pl. XXX.
(1) Ses statues furent renversées par un décret du sé-
nat. Capitolin m Pertinace ; Hérodien, liv. II ; où il ra-
conte aussi que Julien voulant faire une chose agréable
aux prétoriens > qui aimaient ce tiran et qui avaient alors
assassiné Pertinax } promettait de les rétablir. L'écrivain
du Musée Capitolin attribue ; tome II , pl. XLVHI, cette
volonté à Julien l'Apostat qui vécut deux siècles après ;
et fut de beaucoup postérieur au même Hérodieti. 4
(2) Musée Capitol., 1. c.
(3) Wickelmann en parle dans YHist. de V art , etc. ;
1. VII, ch. II, § 19 ? et il n'ose pas la rejeter ouverte-
ment.
228
rien dit de plus absurde et qu'on puisse plus
évidemment réfuter par les médailles. Quelques
autres avaient cru qu'on pouvait y reconnaître
Néron ils furent aussi réfutés par les mon u-
mens. Le style qui est fort éloigné d'avoir une
certaine grâce, qu'on retrouve dans les ouvrages
des écoles grecques, peut faire croire qu'il est
d'une époque moins ancienne , mais les propor-*
tions bien observées, le contour ovale agréable
du visage ne pourraient convenir à cet âge , et
encore moins le costume ; car nous ne trouvons
pas de portraits tout-à-fait sans barbe que de-
puis Constantin, époque oit- l'art était beaucoup
plus déchu (2). Que sait-on si cette grande tête
n'a pas appartenu à un de ces colosses quefactî-
tavit et Italia (5) , et qui avaient été exécutés
du temps de la république, ou par des artistes
toscans, ou même par des Romains, dont plu-
sieurs nous sont indiqués par Pline ? Parmi
ces colosses était précisément une tête en bronze
consacrée au Capitole, et ayaut pour pendant
une autre tête d'un ciseau grec , qui contras-
tait, au désavantage de l'artiste romain (4)-
(1) Ficoroni, Vestigia di Roma , cliap. X.
(â) Ajoutez que depuis Macrin l'usage s'introduisit d'avoir
la tête rasée, comme le prouvent les médailles 5 ainsi il
serait également absurde d'attribuer ce bronze à Numé-
rianus, comme quelques-uns le font.
(3) Pline, liv. XXXIV, § XVI IL
(4) Pline L c. : liaient in eodem Capitolio admira-
tionem Ç pr opter amplitudine m ) et capita duo ? quae P.
22g
PLANCHE LU.
Pertinax *.
La ressemblance de cette tête avec les ima-
ges de Pertînax empreintes sur les médailles de
grand bronze, frappées durant son règne y m'a
paru si claire , que je ne balance pas à la pu-
blier sous ce nom, encore que je m'aperçoive
qu'il se trouve quelque petite variation entre cette
sculpture et les traits de cet empereur, soit ceux
qui sont gravés sur les médailles , soit tels qu'ils
nous sont décrits par les biographes. On devra
aussi remarquer que beaucoup de ses médailles
sur lesquelles il est désigné comme une divini-
té, ou qui portent des symboles allusifs à sa
consécration, ne peuvent être considérées comme
des monumens originaux de son portrait, en. com-
paraison de celles qui ont été battues tandis qu'il
régnait. Le motif de la variété qu'on remarque ,
est l'embellissement qu'on faisait aux figures des
personnes divinisées. C'est pour cela que les ar-
tistes ornèrent ces têtes d'une chevelure abon-
dante et frisée , laquelle était peut-être moins
Lentulus Consul dicarit : alterimi a Chavete supradicto
factum y alterum. fecìt Decius companuione in tantum ri-
ctus , ut çirtificium minime probabilis artificis videatur.
* Hauteur, avec le piédouche, quatre palmes , trois
quarts; il est de marbre grec. La tête seule est antique 7
un peu restaurée. Elle a été autrefois dans le palais Nu
«ez; rue Condotti. Le buste est moderne.
I
2D0
fournie et moins bouclée, comme nous la vo-
yons sur notre marbre, daus les dernières années
de sa vie (i) , dans un âge très-avancé, au-
quel appartient son règne assez court. Par la
même raison encore on donnait à sa barbe une
manière tout-à-fait idéale , en la rendant plus on-
doyante et plus longue qu'il ne l'avait peut-
être jamais eue. Il est assez probable que la des-
cription que nous a faite de cet empereur l'his-
torien latin se rapporte plutôt aux années flo-
rissantes de savie, et non à ses derniers jours,
qui furent ceux de son règne (2). Mais l'artiste
qui Ta représenté, peut-être pendant qu?il vi-
vait, a chercbé à exprimer l'état actuel où il le
voyait , d'autant plus qu'il était d'un aspect as-
sez vénérable et majestueux. La tête colossale pla-
cée par hazard sur une grande statue ( comme
on pourrait facilement se le persuader par le
style négligé de quelques parties, et par quel-
que chose de grandiose dans l'exécution ) n'au-
rait pas laissé paraître beaucoup plus de re-
cherche et d'exactitude dans le travail des che-
veux (5). Ils manquent vers Içs tempes , et en
(1) tl avait plus de 60 ans.
(2) Senex venerabilis } immisça barba, rejlexo cavillo x
habit udì ne cor por is pinguiore A ventre prom inula , statu-
ra imperatoria. Capitolili ( Pertinax , c. XII). Peut-être
que la barbe de notre tète était anciennement plus lon-
gue qu'elle ne Test à présent depuis qu'on l'a restaurée.,
(5) Il existe dans le Capitole une lete attribuée à Per-
tinax {Mus. Capit. , tome II , pl. U ) 5 il y en a une sem~
se retirant , ils forment des deux côtés un con-
tour anguleux , particularité que les médailles
nous indiquent dans les seules images de Per-
tinax j et dans celles de Didier Julien son suc-
cesseur.
PLANCHE LI IL
Septime Sévère >
On peut avec justice appeler la dernière épo-
que de l'art celle qui a produit les beaux por-
traits de Septime Sévère et de sa famille, genre
auquel, à ce qu'il semble, commençait à se bor-
ner uniquement toute l'habileté des artistes. Et
comme il y a encore depuis Caracalla de bon-
nes sculptures qui représentent quelque effigie
d'empereur , sans cependant qu'aucune puisse
être regardée comme excellente, on peut croire
blable, encore mieux; conservée dans le Musée Pie-Clémen«
tin, dont le dessin n'a pas été' grave'. Ni l'une ni l'au-
tre ne ressemble aux grandes me'dailles en bronze comme
cette tête colossale , et on n'y trouve pas cette habitudo
corporis pinguior dont parle Capitolili. Maigre' cela elles
ont de la ressemblance avec les profils de Pertinax que
nous voyons sur les me'dailles frappe'es après son apo-
théose , excepté que ses cheveux, qui sont frisés sur tou-
tes les médailles , et dans le buste du Capitole, ne le pa-
raissent pas dans ces têtes , non plus que sur la nôtre.
* Haut, avec le piédouche , de quatre palmes un tiers;
il est en marbre pentélique. On l'a trouvé dans les fouil-
les d'Otriculum ouvertes par les ordres de S. S,
202
qu'il existait encore a cette époque des scul-
pteurs du temps de Marc-Aurèle et de Lucius
Verus , et que c'est à eux que l'on peut at-
tribuer tout ce qu'on trouve de bon du temps
que Septime et ses fils possédèrent l'empire;
et qu'après, leur école ait encore quelquefois pro-
duit du bon , puisqu'elle dura pendant les rè-
gnes suivans, si l'on en juge par le buste assez
méritant de Galien qui est au Capitole (i).
Ce buste de Septime Sévère , qui fut trouvé
dans les ruines de la colonie d'Qcriculum, était
l'image la plus belle et la plus parfaite qu'on
ait eue de cet empereur redouté, jusqu'aux mois
derniers qu'on découvrit dans les- fouilles des
champs Gabiens un autre buste du même, d'un
si beau travail, qu'il peut être comparé sans dé-
savantage avec les meilleurs portraits d'Adrien
ou de Lucius Verus (2). Mais le nôtre étant ar-
me ne peut être mis en parallèle avec celui-là,
(1) Musée Capitoliti; tome Hï 7 pl. LXXXÎX.
(2) Il est en outre très-entier, plus grand que nature ;
fait de ce beau marbre que les marbriers modernes ap-
pellent deParos,. Il esten habit de paix x ses épaules sou-
tiennent un<e draperie repliée en forme d'une large bande
qui passe d'une épaule a l'autre de la même manière que
les e'toles modernes des prêtres. C'est peut-être çette espèce
à'orarium7 ouïe petit manteau quç les anciens latins ap-
pelaient Laena. J'ai propose ; pour en déterminer la forme
selon la mode romaine, quelques-unes de mes conjectures
dans les observations que j'ai faites, non publiées encore^
sur quelque monumens de la "Villa, Pinciana.
^35
qui est en habit civil. On peut dire que de tous
les bustes que l'on connaît de Septime, armés
d'une cuirasse , celui d'Ocriculum est le plus
excellent, bien que l'on trouve plus fréquement
des portraits de cet empereur que d'aucun au-
de ces souverains de Rome.
Les foudres qui sont sculptés sur les atta-
ches de la cuirasse nous indiquent que l'empe-
reur qui en est revêtu est un foudre de guerre,
ou plutôt un rival du grand Jupiter- les maî-
tres du monde se plaisant à faire d'eux mêmes cette
comparaison, à laquelle ont rapport tant d'ima-
ges de Septime et de son prédécesseur ayant
l'égide de Jupiter, et d'autres symboles de la
divinité suprême (r).
La tête , de même que tous les accessoires
de ce buste, réunit à une parfaite conservation
cette élégance correcte et facile du travail qui
fait distinguer les ouvrages des plus habiles maî-
tres.
PLANCHE LIV.
Julie surnommée Pia \
Le style grandiose, mais simple, et la morbi-
(i) Voyez l'empreinte d'une ancienne pierre grave'e t
n. i«j3 de la collection publiée par M. Federico Doîce.
L'original est en Angleterre, et possédé par le chev, Ri-
chard Worsley.
* Hauteur, avec le piédouche, cinq palmes et onze
234
desse que Ton remarque dans la tête colossale
qui est représentée ici, font honneur à cette épo-
que, que l'on peut appeler les derniers périodes
de la bonne sculpture. La correction du des-
sin devient plus admirable dans des morceaux
d'une dimension si grande ; et il n'y a pas moins
de mérite dans cette ressemblance très-évidente
des traits de Julie Pia ou Julie Domna, avec
ceux que nous retrouvons sur tant de belles et très-
communes médailles de cette princesse. J'ai parlé
de ses traits, non delà coiffure seule, laquelle
peut servir aussi à l'antiquaire pour fixer ses
recherches, ou à établir ses conjectures pour y
trouver un portrait, mais non pas pour distinguer
a qui il appartient, et le décider, comme on a
fait communément jusqu'à présent. La grandeur
colossale de ce beau morceau , qui surpasse tout
autre portrait de femme qui se soit conservé
jusqu'à nous (i), nous confirme encore dans l'opi-
nion qu'il représente une impératrice telle que
Julie Pia, laquelle fut pendant sa vie si hono-
onces. La tête est d'un très-beau marbre grec. Elle fui
trouvée il y a quelques années dans une possession de
XAgro Romano, hors de la Porte S. Giovanni ? appelée le
Quadravo et appartenant aux princes de Carbognano. Le
Ganimède publié dans notre tome IT , plane. XXX ,
page 248 , fut trouvé dans la même fouille. Le buste est
d'un travail moderne, de la main du sculpteur du Sou
verain Pontife.
(1) La tête colossale de la Villa Albani ; a laquelle on
a donné le nom de Livie } n'est pas le portrait de cette
impératrice : elle me paraît même tout k fait idéale»
235
ree par tous les ordres de citoyens , qu'elle eu
obtint les noms glorieux de Mère des Armées *
du Sénat et de la Patrie, noms qui n'avaient
pas été avant elle accordes à d'autres femmes
des empereurs romains (i),
PLANC H E L V.
Car acalla *
Il n'y a pas d'éloges que ceux qui ont écrit
sur les antiquités et les arts ayent prodigué au
snjer du beau buste d'Antonio Caracalla du pa-
lais Farnese , que ne mérite également celui
que nous présentons, lequel est un double très-
parfait de cette superbe tête (2). Ou l'un a été
(1) On lui donna pendant sa vie sur les médailles le ti-
tre de Mater Castrorum , Mater Senatus 7 Mater Patriae.
On voit aussi Faustino la Jeune avec le titre de Mater
Castrorum , mais elle e'tait alors déifiée. On voit aussi
que Livie eut le titre de Mater Patriae, et celui plus
adulateur de Genetrix orhis , mais ce ne fut pas sur les
types romains. Mammée fut surnommée , après Julia Pia}
sur les médailles Mater Augusti et Castrorum.
* Sa hauteur, avec le piédouche, est de trois palmes
moins une once. Il est de ce marbre fin que nos ouvriers
appellent de Paros. On l'a trouvé dans les fouilles des jar-
dins Carpensi. Nous avons parlé de ces fouilles et des
monumens qu'on en retira^ tome I, discours de la plan-
che IX ? p. 104.
(3) Du-Bos ( Réflexions sur la Poesie et la Peinture ?
liv. II 1 p, ig5 ) a appelé ce buste le dernier soupir des
arts,
256
le modèle de l'autre 5 ou tous deux sont des co-
pies d'un même original, faites avec une telle
uniformité non -seulement dans les traits , mais
dans la cuirasse aussi et jusqu'aux plis du man-
teau , qu'à peine des gravures et des médailles
du même type frappées avec le même coin of-
fraient plus de ressemblance (i). Tant de grâce
çt de perfection de travail paraissaient d'autant
plus admirables que l'on n'avait pas encore trou-
vée de nombreuses preuves dans les bustes in-
comparables de Septime et de Geta, découverts
au champs Gabiens , de la bonté d'une école
aussi parfaite dans ce genre , et qui était flo-
rissante à cette époque. L'expression de la phy-
sionomie indique parfaitement , que c'est le por-
trait de cet empereur cruel qui se glorifiait de
son caractère féroce: sans cela quel artiste eut
osé le représenter d'un air si menaçant, et
ajouter par ce mouvement du col vers la gau-
che , à la sévérité , ou plutôt à la dureté de sa
figure (2)? On doit remarquer aussi les plis de
(1) Ceci est plus rare dans les bustes que dans les sta-
tues ; et on peut en tirer le motif peut-être en partie du
temps plus re'cent qui produisit les bustes impériaux , et
qpi n'a pas laisse' aux arts, lesquels se perdirent, peu;
après, une espace assez long pour l'imitation ; et en par-
tie à la qualité des sujets représentés, qui , après leur mort,
e'îaient vus avec peu de faveur, ou devenus au moins
peu imporians. Il y a cependant à la Villa Borghese deux
bustes de Lucius Verus parfaitement uniformes. Je don-
nerai dans le discours, pl. LYII, ci-après quelqu'autre
exemple.
(2) Buonarroti (Medaglioni , VIII, a) a déjà remar-
sa clamyde fortement allongés et profonds qui
accompagnent l'expression de la tête, faisant
supposer dans tout le reste du corps un mou-
vement prompt et violent.
Le grandiose de l'ensemble de ce morceau
sublime n'a pas empêché le sculpteur de soi-
gner avec talent et goût tous les plus petits dé-
tails , de sorte que s'il se fait admirer du pre-
mier coup-d'œil par sa belle exécution , il prouve
à ceux qui l'examinent de plus près, tout le
plaisir qu'on ressente à la vue d'une imitation
élégante et recherchée de la nature.'
que que cet empereur insensé copiait d'après les images
d'Alexandre le Grand , et ce regard farouche et cette po-
sition de la tète vers l'épaule gauche. Le passage d7Aur.
Victor que nous plaçons ici ( Epitome > c. XXI) expli-
que à merveille cette image de Caracalla : Corpore Alexan-
dri Macedonis conspecto , Magnum , atque Alexandrum
se iussit appellavi , adsentantium fallaciis eo perductus y
ut TRUCI FRONTE, ET AD LAEVVM HUMERUM
CONVERSA CERVICE, quod in ore Alexandre nota-
verat } incedens , fidem vultus simillimi persuader et sibi.
On peut attribuer a cette affectation d'imiter Alexandre
le Grand l'origine de plusieurs institutions bizarres, dont
parlent les historiens , qui furent introduites par Ca-
racalla ? et peut-être le goût qu'il avait pour la pale-
stre grecque , confirmé par un monument numismati-
que qui nous reste, savoir une grande médaille, dont le
type et la légende du revers n'ont jamais pu être déchi-
fiés par De-Boze et Pellerin. Comme j'ai été assez heu-
reux pour en trouver une pareille, et que je me (latte
de pouvoir en rendre compte suffisamment , j'en donne-
rai le dessin et l'explication da^ns le suppléaient à la fin
de ce volume.
i58
PLANCHE LVI.
Éliogabale *.
Si ce buste très -rare d'Eliogabale n'offre pas
précisément le même contour du profil que l'on
remarque dans les médailles le mieux conser-
vées de ce prince, on ne peut en attribuer la
faute qu'à la restauration moderne du nez, qui
a été placé sur ce portrait dans la supposition
quii appartenait plutôt à Alexandre Sévère. Le
reste du visage, c'est-à-dire , ces lèvres un peu
grosses, le menton rond, une jeune barbe qui
paraît sur ses joues, ont tant de rapport avec
la figure de ce dernier empereur , que la cui-
rasse et le manteau sculptés sur le corps d'un
jeune garçon qui cesse d'être imberbe, rendent
probable que ce soit la représentation d'un objet
élevé à la condition souveraine.
Le travail de cette tête est d'une bonne main,
maïs cependant il ne s'éloigne pas trop de l'état
où était l'art à cet âge. L'image qu'elle repré-
sente , tout infame qu'elle soit dans l'histoire des
epmereurs, ne rend pas moins ce monument esti-
mable à cause de sa rareté particulièrement (1),
* Hauteur, avec le pie'douche, deux palmes et demie,
en marbre de Luni \ il provient d'une fouille inconnue*
Wons avons parle de ce buste dans le discours ; pl. LI
du tome II, page 35i , en le nommant cependant Ale-
xandre Se' vére.
(0 II y a dans le Musée Capitolin un buste, auquel on
2 59
puisqu'il est très-vraisemblable que Ton ren-
versa toutes les effigies de cet indigne prince ,
dont on ne voulut pas même que le nom se
conservât dans les inscriptions (i).
a donné le nom d'Eliogabale \ il a aussi une cuirasse et
un manteau sur la poitrine. Le nôtre paraît ressembler
davantage aux profils que nous en donnent les médailles
{Musée Capit. , tome il , LXUI ).
(1) Lampridius paraît assurer dans un passage que par
un décret du sénat on arracha le nom d'Eh'ogabale de
toutes les inscriptions. Mais dans un autre passage il sem-
ble que ce décret portât seulement qu'on effacerait de ses
titres celui d'Antonin qu'il avait usurpé, et .qu'il avait
rendu odieux aux Romains auxquels il avait été si cher (§17
et 18 }. Cela se prouve à merveille par une ancienne insci ip-
tion dernièrement découverte aux champs de Gabi; et gravée
sur un piédestal, qui, seulement pour marquer l'année, con*
tenait le nom d'Eliogabale et son troisième consulat. On
y trouve ses autres noms et ses titres 3 on n'a effacé
que celui d'Antonin. Comme elle est encore inédite, je lâ
joins ici :
M. IVLIO . ZOTICO
DECVRIONl
PATRI . DECVRIONVM
ET . SEVIRO . AVGYSTALIVM
[i] QTQTEtYSDEM . ORDINIS
DENDROPHORI . [2] Q. Q SVO
PERPETVO . ET . PATRONO
DÏGNISSIMO . OB . ME
RITA . EIYS . [3] L. D. D. D.
[1] [2] Quinquennali.
[5] Locus datas decreto decurionum.
^4o
PLANCHE LVIÎ.
Julie M a m é e,
Les portraits de Julie Marnée, mère cTAlexan-
On lit sur le côté du piédestal à la gauche du specta-*
teur ;
DEDIK. Vllt. KAL. IVL
IMP. M. AVRELÏO
PIO . FELIC. AVG . . ,
P. VALERIO . COMAZONTE
II . COS
[t] CVR . ABVDIO . PRISCO . CASSIDARIO
DEMETRIO . ET . CELERINO . STATIENO
CLEMENTI ANO
[i] CurantihuSé
Le consulat appartient a l'année 220 de l'ère vùlgaue ,
et on serait tenté de supposer que ce Zoticus dont il est
parlé dans l'inscription , est un de ces favoris honteux
d'Eliogabale ; qui portait ce nom 7 d'autant plus que ce
nom de Zoticus est très-rare dans les inscriptions lati-
nes. Mais ce favori est appelé par Dion ; Aurelius Zoti-
ticus , et le nôtre se nomme M. Julius. Quant au se-
cond consul Comazonte on dpit remarquer les noms de
P. Valerius , au lieu de M. Aurelius, comme on l'appelle
communément. Par-là on conçoit comment est née l'erreur
des Fastes Grecs qui indiquent dans cette année BaÀepiOÇ
Otal KqumÇqv , Valerius et Comazon IL Notre mar-
bre confirme aussi son second consulat contre l'opinion
de Muratori.
* Le baste représenté ci- dessus fut trouvé dans les fouil-
les d'Otricoli avec un autre semblable 7 qui est à présent
chez le sculpteur M. Carlo Albaccini ; l'autre fut trouvé
dre Sévère , qui sont après ceux de Fa us tin e
Majeure les plus communs des effigies d'impé-
ratrices romaines , n'étaient pas connus des an-
tiquaires, faute d'en avoir fait la comparaison
exacte avec les médailles, et ils avaient voulu
ensuite honorer de ce nom la statue sépulcrale
de femme couchée près d'une figure d'homme
sur le couvercle d'un grand et superbe sarco-
phage du Capitole (î). Le buste qui est à la
à Rome sur le mont Esquilin, dans les fondemens du mo-
nastère des Paolotte, près de S. Lucia in Selci, dans le
même lieu où fut découverte la belle inscription du tem-
ple de Junon Lucine que Ton conserve dans îa Villa Al-
bani (Marini, Inscript. Alban. , n. 1 1 ) , ce qui fait ci;oire
que dans ce lieu il y avait eu un temple , où peut-être
on avait consacré notre buste. Tous deux sont de mar-
bre pentélique; le premier, qui est absolument intact, a
de hauteur, avec le piédouche, trois palmes, dix onces: le
second est restauré seulement à l'extrémité du nez et dans
quelques parties de la coiffure qui avaient été coupées
et depuis rapportées,* elle a de hauteur deux palmes, dix
onces et demie. Le Souverain Pontife a enrichi le Mu-
sée de ces deux monumens.
(i) On peut en voir le dessin dans le tome IV àu Mu-
sée Capitoliti , pL I , II , IH et IV. De la supposition que
ce grand tombeau avait appartenu à Alexandre et Ma-
rnée, on a expliqué, par le rapport avec les aventures de
ce prince, les morceaux sculptés sur le fameux vase de
pâte antique qui était dans la collection Baiberine, et qui
se trouve à présent en Angleterre (même lieu , p. 4o*
et suiv. ) , ce précieux monument ayant été découvert dans
le même tombeau. Les antiquaires se sont perdus dans des
erreurs en cherchant à expliquer quel était le sujet qui
est, je crois, les noces de Pélée et de Thétis, comme j'es-
père avoir ailleurs occasion d'en donner îa probabilité.
Musée Pie-Glém. Vol. VI. 16
s42
partie supérieure de la gravure a été trouvé â
Ocriculum dans Y Augusteum de cette colonie, en
même temps qu'un autre parfaitement semblable.
Si cette circonstance faisait espérer qu'on eut
trouvé l'image d'une impératrice, le portrait de
Marnée si commun sur ses médailles , a déter-
miné celui-ci jusqu'à l'évidence la plus com-
piette.
Les traits de la même impératrice sont éga-
lement reconnaissables dans l'autre buste qui est
en profil, et qui fut trouvé à Rome sur le mont
Esquilin , mais il a quelque chose de curieux
et de rare dans une particularité à peu près pa-
reille à celle que nous avons remarquée il y a
quelque temps à un buste d'Isis (i). La cheve-
lure avait été sculptée des deux côtés et par
derrière, et ensuite restaurée, pour la refaire, à
ce qu'il paraît^ conformément à une autre mode.
Cette remarque semble nous donner le motif des
chevelures mobiles (2) dans les sculptures qui
représentent des portraits de dames romaines de
ce siècle. C'était probablement pour avoir la com-
modité de pouvoir varier la coiffure, selon les
caprices de la mode, sur ces marbres avec
moins de dépense et moins de travail que d'ab-
(1) Ci-dessus , pl. XVI.
(2) Nous avons de'ja remarque cela dans le second vo-
lume de cet ouvrage , pl. LI ; p. 548 ? oh nous avons pu-
blie' une figure, probablement d'impératrice, doni la che*
velure est mobile.
battre ce qui était fait pour le refaire différem-
ment, comme nous voyons qu'on y a été forcé
4ans cette effigie de Marnée. Il paraît que ce
qui aura été imaginé pour satisfaire la vanité de
quelque femme , aura été quelquefois employé
pour les simulacres des épouses des empereurs.
L'un et l'autre buste démontrent assez claire-
ment ce que nous avons dit auparavant, qu'il
existait encore une bonne école de sculpture
dans le genre des portraits, pendant le troisième
siècle de l'ère chrétienne. Ces deux morceaux ,
à l'exception des coiffures, qui sont, conformé-
ment au temps, d'une invention peu heureuse,
et dans lesquelles l'artiste ne pouvait se livrer
librement à sa manière, se font voir cependant
tant par les draperies, que par la vérité et la
morbidesse des têtes, égaux aux meilleures scul-
ptures du plus beau siècle de l'art. .
Parmi les portraits de Marnée qui n'ont pas
été reconnus jusqu'à présent, on doit compter le
buste Capitolili attribué k Mànlia Scantilla (i).
Le Musée Pie-Cîémentin en possède un autre
qui lui ressemble parfaitement.
(0 Mus. Cap. y tome II, pl. LU : celui du Musée Pie-
Çlémentin est indiqué dans le Catalogue qui a été pu-
Hic par M. Pasquale Massi Ja paçe -r>? x\. Ï.Y,
244
PLANCHE LVIIL
B ALBIN *.
Ce bronze peut-être regardé avec infiniment
de raison comme le portrait de Balbin, et un
monument unique , en exceptant toutefois les
médailles, puisque ni la sculpture, et encore moins
la gravure ne nous ont conservé ailleurs sa res-
semblance (i). On doit peut-être attribuer au
peu de durée de son règne la rareté de ses por*
traits , peut-être aussi à sa fin funeste. Il fut a-
vec son collègue Pupienus , la victime de la li-
cence de cette garde prétorienne , qui toujours
jalouse de maintenir son anarcbie militaire sap-
pa peu à peu et finit par détruire cet em-
pire qui paraissait formé pour être éternel, et
qui, capable de gouverner une société civile
immense , imposait un joug léger sur le monde
qui lui était soumis (2).
* Hauteur, deux palmes } huit onces et demie compris
ie piëdouche. Ce bronze fut trouvé dans la vigne de la
noble famille Casali, un peu hors de la porte S. Sébas-
tien sur la voie Àppia. IÌ fut donné a S. S. par le der-
nier cardinal de ce nom > et placé dans le Musée Pie-
Clémentin.
(1) H y a dans ïa Villa Albani un buste attribué k Bal-
bin, mais la ressemblance avec les médailles de cet em-
pereur n'est pas assez claire. Voy. Morcclli ; Indicazione
della Villa Albani } n. 365.
(2) Hume ; Essajs , tom» II ? essay III , note (#).
^45
Il y a apparence, d'après une particularité que
nous a transmis le biographe de cet empereur,
que ses images ont été, même durant son règne,
plus rares que celles de son collègue (i). Cette
observation et son sujet augmentent la singu-
larité de cet ancien travail, très-bien conservé,
si on veut faire attention à son intégrité , quoi-
que un peu rongé inégalement à la superficie
par les sels de la terre , et parce qu'il est exé-
(i) Il était mécontent que Ton décrétât tant de statues
seulement à son collègue Pupîenus à l'occasion de son heu-
reux retour de l'expédition contre Maximin : Capitolinus
in Balbino, n. 12. Il nous est reste une statue de Pupîe-
nus dont il a été parlé dans plusieurs endroits par Wîn-
chelmann 7 et qui a. été gravée dans les Notizie d'antichità.
de M. Guattani pendant Tannée 1787 mois de mai. Cette
statue a beaucoup de ressemblance avec les médailles^
et la corne d'abondance qui est ajoutée à ses pieds , comme
pour indiquer qu'il est un Genie, un Dieu protecteur
du peuple romain, et la main droite étendue comme un
Pacificateur , prouvent suffisamment que cette effigie est
véritablement celle d'un empereur; ce qui étant admis ?
elle ne peut être que celle de Pupîenus. Comme il y est
représenté nu, comme un Dieu, l'artiste aura cru par ce
motif plus convenable de ne pas imiter avec tant d'exac-
titude cette tête rasée, ainsi que pouvait l'exiger l'usage
suivi alors, parce que sa figure eut manqué de dignité,
lorsqu'elle devait avoir quelque chose de l'idéal. Cette
sculpture est d'une bonne manière; ce qui joint à la
tête de Baîbin que nous publions , au buste de Phi-
lippe le Yieux du palais Chigi, à celui de Galien du Ca-
pitole y nous prouve qu'on ne manqua pas jusqu'à cette
époque d'artistes doués d'un talent peu ordinaire, quoi-
qu'ils fussent rares.
246
cute avec quelque habileté , quoique fait dans
des temps de la décadence de l'art. D'ailleurs
la ressemblance du profil avec les portraits de
Balbin représentés sur les médailles est si par-
faite , qu'elle dissipe toute incertitude sur cette
image , qui ne se trouve à présent dans aucune
collection de bustes des empereurs.
PLANCHE LÏX.
Philipp e le Jeune *.
Nous avons un monument remarquable, et même
unique, des arts venus à leur décadence, dans ce
buste de Philippe le Jeune, exécuté en entier ,
tête et corps d'un seul bloc de très-beau por-
phire. Son effigie, suffisamment connue par les
médailles y n'a pas été conservée dans aucune
autre Sculpture (l). Cet usage qu'on avait tenté
* Hauteur, avec le pie'douche, un peu plus <îe trois pal-
mes. Il est d'un très-beau porphyre d'un seul morceau,
sans le piedouclie qui est de marbre grec antique. Il
était, piace dans le palais Barberini. Lu Souverain Pon-
tife Clément XIV le fit acheter par S. S. regnante qui
était alors trésorier.
(i) Le jbuste du Capitole {Mus. Cap. } tome II , plan-
che LXXI) ne lui ressemble pas du tout, Ce morceau fut
trouve à Lanuvium dans une fouille avec les autres bus-
tes de M. Àurèle y de Lucius Yerus et d'Annius Verns.
Je conjecture d'après cette circonstance et d'après les me'-
daiîîes grecques de Galerius Ànlouin , ûh d'Antonin le
Pieux et de Faustine ; que ce buste représente plutôt çet
empereur enfant.
Hi
d'introduire sous l'empereur Claude, mais que
h goût mieux dirigé avait alors fait rejeter (i),
(i) Winckelmann a déjà fait observer que les têtes scul-
ptées en porphyre de ces empereurs, du bon siècle, étaient
modernes, comme celles du Caligula de Dresde, le Ves-
pasien et les empereurs de la ville et du palais Borghése,
Quant aux morceaux exécutes en porphyre du temps de
Claude dont parle Pline , voici les paroles de l'encyclo-
pédiste latin: Statuas ex porphjrite Claudio Caesari Pro-
curator eius in urbem ex Aegypto advexit Vitrasius Pol-
ito 7 non admodum probata novitate. Nemo certe postea
imitatus est ( liv. XXXV , § XI )• Il y a là - dedans un
peu d'ambiguïté. Winckelmann suppose que Vitrasius en-
voya à Claude des statues de porphyre qui avaiënt été
sculptées en Egypte dès le temps des Plolomées ; suppo-
sition gratuite , qui n'est pas appuyée par les monumeus;
ni par aucune vraisemblance {Histoire de V art 7 liv. X,
c. 1 1 , § 21, 22 ). Une méthode des sculpteurs grecs d'Ale-
xandrie ne devait pas cire appelée nue nouveauté, et no
pouvait pas le paraître aux Romains qui étaient déjà fa-
miliers avec les arts et les lettres de celte cour. 11 n'existe
pas de sculpture en porphyre que Ton puisse avec des
probabilités assigner à cette époque ; au contraire, parce
que l'on trouvera dans les notes suivantes^ il paraît que
les anciens, sculpteurs n'avaient pas encore commencé à
se servir de cette pierre très-dure. Je pense que Vitrasius
Pollion fit faire des statues de Claude même et de sa fa-
mille , en porphyre , matière précieuse que l'on venait
peut-être de découvrir dans les montagnes très-reculées
de l'Egypte Supérieure. De-là vint cette nouveauté , qui
ne plut pas, peut èire parce que les statues étaient tout entiè-
res de porphyre comme ce présent buste, à raison de ce que
les artistes de l'Egypte, accoutumés à travailler des marbres
de couleur, n'eurent pas ie soin de distinguer la tête et
les chairs par une autre matière. Si ces statues expédiées
à Rome avaient eu seulement leurs draperies en porphyre^
comme nous les voyons dans d'autres ouvrages de temps
:48
recommence a présent à se reproduire après deux
autres siècles, pendant lesquels les artistes ayant
perdu de jour en jour la pureté du dessin et
les autres connaissances fondamentales de leur
art, cherchèrent à y suppléer, peut-être en obte-
nant l'admiration et les éloges du vulgaire igno-
rant , par la richesse de la matière et les dif-
ficultés qu'elle offre, étant dure et repoussant le
ciseau autant qu'elle était précieuse étant étrangère.
Ce beau marbre, que les naturalistes regardent
comme une des pierres primitives (i), est une des
plus précieuses matières que nous offre la na-
ture à cause de sa couleur de pourpre, de sa fa-
culté à recevoir un beau poli, et je dirais presque à
eause de sa durée éternelle. Les arts dans leur plus
beau temps, je veux dire la sculpture et Farchitec„
ture ne l'ont pas connue ni employée. Car les tra-,
vaux exécutés du temps de Claude ne furent
qu'un simple essai ordonné par le gouverneur
d'Egypte, où la matière était indigène, et où les
postérieurs; et que lçs parties nues eussent été faites en
marbre blanc y celte nouveauté n'eut pu déplaire , et même
elle ne pouvait être regardée comme une nouveauté par
c|es yeux accoutumés à voir à tout moment des simula-
cres composés de diverses matières, et même avec des
draperies peintes à l'encaustique de différentes couleurs.
(i) Buffon s'exprime ainsi (Hîst. des minéraux 7 t. I).
Je ne sais d'ailleurs comment accorder cela avec le fait
rapporté par Winckelmann7 que l'on trouva une médaille
çTor d'Auguste dans l'extérieur d'uri bloc de porphyre*
(Osservaz. sulV architettura , chap. i 7 § .5, dans le III
^orne des OEvres \
^49
sculpteurs avaient toute la patience qu'exige ,uu
pareil travail. Son usage dans l'architecture était
encore plus rare du temps d' Antonio le Pieux,
c'est-à-dire un siècle et demi après l'ère vul-
gaire, quoique précisément ce soit à cette épo-
que qu'on voit commencer à l'employer pour les
colonnes dans les édifices (i). C'est peut-être au
(i) Le passage suivant de Capitolili tire' de la Vie d'An-
tonin le Pieux, est remarquable; je ne sais s'il a été déjà
cité , et il me semble assez propre à indiquer dans quel
temps on commença a faire un usage plus commun
du porphyre 5 voyez ce passage: Inter alia edam hoc ci»
vilitatis eius C T. Antonini ) praecipuum argomentimi est ^
quod quum domum Ornali visens, MIRANSQUE COLUM-
NAS PORPHYRETICAS > requisisset nnde eas haberet :
atque Omulus ei dixisset: Quum in domum aliénant ve*
neris et mutus et sur dus esto : patienter tulit. Si un em-
pereur fut autant frappé en voyant des colonnes de por-
phyre dans la maison d'un citoyen consulaire des plus
distingues de Rome , et si on faisait même un mystère
du lieu d'où elles provenaient, on peut en conclure que
cette matière précieuse n'était pas employée si fréquem-
ment. Peut-être que le soin jaloux avec lequel les em-
pereurs assujettissaient l'Egypte n'avait pas laissé décou-
Trir assez le porphyre, qui avait même été négligé par
les anciens Egyptiens, lesquels donnèrent la préférence au
granit rouge pour les grands monumens, et a beaucoup d'au-
tres marbres aussi plus à leur portée et fort propres pour
la sculpture, parce qu'on n'était pas obligé d'aller les
chercher comme le porphyre sur les bords de l'Erytrée
et vers les confins de l'Ethiopie, dans une région aride telle
qiie nous l'indique Aristide, dans un passage qui va être rap-
porté plus loin. Cependant Tétonnement d'Antonin le Pieux
h la vue de ces colonnes , ne resta pas? k ce qu'il paraît^
s5o
même temps qu'on doit rapporter ces simulacres
qui ont la draperie seule en porphyre, manière
sans conséquence. On commença dès lors a transporter en
assez grande quantité le porphyre à Rome, et c'est au
règne de cet empereur que peut appartenir l'inscription
suivante remarquable, dans laquelle nous apprenons qu'on
plaça deux colonnes de porphyre dans la petite chapelle
d'une compagnie ou cohorte des Vigiles. Cette inscription,
qui existait intacte a S. Stefano Rotondo dans le XVIme
siècle, comme nous l'indique Gruter qui en parle ( pa
ge CXXVIÏ; 5) sur l'autographe d'Ursinus; et d'après
l'Ortographe de Mantice, mutilée en grande partie à pré-
sent, a échappé à une destruction totale par les soins de
S. S. qui l'a fait placer dans le Musée Pie-Clémentin. Je
distingue ce qui nous en reste par la variété des cara-
ctères, en l'exprimant par des lettres plus grandes, et dé-
signant les vers par les deux tirets ?3 :
c. calpvRNIO . PISONE . m. vettiq . bolano . cos ;zj
q. rammIO . MARTIALE . (i) Pr. t. flavio . priamo . (2)
tr m t. saenîO . CLEMENTE . (5) ) . AEdicvla . fa-
cta . cvm s geniO . (4) AGRESiO . FACVNDo .(5) b.
trib qvam s m. cEiONIO . SILVANO.C. SERIO. Av-
gvrino . cos & c.taTTïO . MAXIMO . (6) PR. T. FLA-
VIO . ANterotiano . (7) s. pr. ~ q. PLOT LENO . S A-
BINO . (8) TR. Con. v. vig p3 TL< CLAYDÏVS . TL
F. (9) FAB. MESSALLENvs . (î0) heracl. ) . coh. S. S.
& VETVSTATE . CORRVPTAM . ADAMPLiavit . co-
lvMNIS m PVRPVRITICÎS . VALVIS . AEREIS . Mar-
more . et . OMNI- ORNAMENTO . A. NOVO. EX.
PECvnia . fvrfvrarIA 3 (n) . SVAE . FECIT . VG-
LENTIBvs . (la) manipvl. svis . qvor 55 NOMINA . m.
(l3) TAB, AER. SCRIPTA . SVNT S
(i) Praefecto. (2) Tribuno. (5) Centurione. (4) A Gre-
sio. (5) Beneficiario Tribuni. (6) Praefecto. (r) Sub Trae*
fedo. (8) Tribuno Cohortis V . Vigilum.. (9) Fabia Ç tribu %
(ì o) Heracleota Centuno Cohortis supra scriptae. Cen-
turine* (12) Manipularibus. (i5) Tabula aerea.
25r
qui pouvait être employée avec gout, mais il était
réservé à ces temps de décadence auxquels
coincide le millénaire de Rome, d'adopter cet
usage qui avait été rejeté sous Claude (i).
Il semble qu'une matière tirée des montagnes
de l'Arabie (2) pouvait convenir pour nous re-
présenter l'image d'un empereur qui prit nais-»
sance dans ces contrées. La tête en est traitée
Le consulat de Silvanus et d'Auguri nu s, pendant lequel
on mit en œuvre les deux colonnes de porphyre dont il
est question, se rapporte à Tannée i5q de l'ere vulgaire ?
sous le règne d'Anlouin même. On doit remarquer le mot
PVRPVRITîCïS, tout latin, qui fut remplace ensuite par
le mot grec Porphrreticis.
(1) Ficoroni a attribue à deux. Philippes les deux bus-
tes appuye's sur un globe, qui sont en relief sur Fescape
de deux colonnes entières de porphyre, dans le palais Ai-
temps. Si Ton doit les juger par l'exe'cution si mesquine
que les physionomies n'ont aucun caractère, ils sont pos-
térieurs.
(2) Je sais qu'on pre'tend que les carrières de porphyre
dont parle Aristide, sont dans l'Arabie Egyptienne {Orat.
jéegfp* , ëd. Jebb., tome II, p. 549 ) : ma s *a grande quan-
tité' de cette pierre qu'on employa pour décorer les e'di-
fices de Palmyre , me fait paraître très-probable que l'Ara-
bie Asiatique et Orientale n'en était pas moins feconde.
Je ne nie cependant pas que les carrières égyptiennes de
porphyre ne soient regardées par les écrivain comme les
plus fameuses, d'où il arrive que dans Y Hieracosophium
de De'me'trius de Constantinople QvsiO/ KïyVTtTlCh , Moi-
tarium Aegjplium {Script, reiaccipit., Rigali., p. 80}
est employé pour signifier un mortier de porphyre. C'est de
Fusage de ces mortiers dans la pharmacie qui est venu,
îû mot thecnique porphjriser,
avec dureté, mais avec soin, et on y remarque
une parfaite ressemblance avec les types des mé-
dailles y dont quelques-uns ont été formés par
d'habiles mains. On découvre dans la physiono-
mie et dans la caricature des lèvres de ce jeune
empereur ce caractère sévère et triste dont nous
ont entretenu les historiens, en petit nombre,
qui ont écrit sa vie (i).
La poitrine ornée d'une cuirasse et de la chla-
myde est assez mesquine non-seulement par
son exécution très-négligée , mais même par sa
proportion trop étroite , défaut dans lequel tom-
bent assez facilement les arts du dessin lorsqu'ils
expriment des objets moins importans que le prin-
cipal, et quand ils ne prennent pas assez de soin
de conserver les proportions de l'ensemble qui
renferment toute l'harmonie et la base fonda-
mentale de l'imitation (2).
La boucle du paludamentum est circulaire et
(1) Victor, Epitome > chap. XXV HT.
(2) Dans les deux petites figures d'empereurs armes et
couverts du paludamentum, sculptées en relief sur une con-
sole qui sort du gorgerin de deux colonnes de porphyre,
existantes autrefois dans la chapelle Pauline ; qui sont à
présent dans la bibliothèque du Vatican , celle dispro-
portion de la tête est encore plus excessive. Ces images
sont peut-être celles de Dioclelien et de Maximilien avec
leurs collègues Galerius et Constance Chlore : et Ficoroni
s'est bien trompé lorsqu'il a cru y voir représentés deux
fois Romulus et Remus. On peut les voir gravés dans î'édi^
lion romaine de Y Histoire de l'art de Winckelmann , t©«
me IH ; pag. 5x4*
creusée pour recevoir peut-être une pierre pré-
cieuse qu'on y aura adoptée afin de rendre ce
travail difficile plus riche et plus précieux (i).
PLANCHE LX.
Tkebonianus Gallus *•
La rareté de cette tête en bronze de Trebo-
manus Gallus, successeur de Tra] an Decius (2),
(1) On voit la même cavité, destinée probablement au
même usage , dans la pierre précieuse d'une couronne de
cilene, que tient dans ses serres un grand aigle sculpté
en bas-relief, et placé par Jules II dans le portique des
SS. Apostoli, avec l'inscription remarquable suivante :
TOT . RVINIS . SERVATAM . IVL. CAR. SIXTI . ÏÏÏÎ
PONT. NEPOS ; HIC . STATVIT
* Hauteur, avec le piédouche, trois palmes, sept onces.
La tête de bronze était autrefois dans la Villa Mattei,
publiée dans les Monumenta Matheiana , t. II, pl. XXX F,
et fut achetée par S. S. lorsqu'elle n'était que trésorier
sous le pontificat de Clément XIV. Le buste massif d'al-
bâtre fleuri un peu rose, fut trouvé dans les fouilles de
Latran, ouvertes par ordre de Sa Sainteté.
(2) Il fut élu par l'armée, dans laMesie, aussitôt que
Fon sut que Decius avait perdu la vie dans le combat
contre les Gots. Son élection ne se fût ças faite tran-
quillement si la peste ne l'avait pas promptement déli-
vré d'Ostilianus son collègue, et peut-être de Perpenna
(Victor, Epitome 7 ch. XXX). On peut croire que l'épi-
graphe en deux langues, nouvellement découverte dans
la Sicile, appartient a l'histoire de ce Perpenna ; et sui-
vant 1* manière dont elle est écrite., elle ne paraît pas
s54
doit son prix et a la matière et au sujet ; car
on ne retrouve pas, hors les médailles, d'autre
monument de cet empereur, dont le règne fut si
court et si obscur (1). Sa ressemblance est extrê-
être des meilleurs temps. En voici la copie telle qu'on
me Ta envoyée; avec ses lacunes et ses incorrections:
. . . PgRPgNNAROMAN .. . .
.... NCGRÏiSP . . SYRAC . .
.... nMNHOYflPAniAgCCl
. . CPHKOClO>NTOASACT .
. . K AM AT iO N A H g UN g T C .
KAIC . . . KgNIAÏOtCOPHN
TOïN g KAAAIN g HNMg N
AN a CTHC ANOOÏ APICT . .
£lKONATHCCO$IHCAg
KAIglNCTHegCClNsXOï
CglN .
Dans les deux premières lignes latines on trouve le non*
de Perpenna ; et peut-être celui du Se'nat et du peuple
de Syracuse. Le titre de Romain que Ton donne à la per-
sonne à laquelie l'inscription est dédiée, paraîtra moins
extraordinaire si on se rapporte à cette époque qui pourra
a peine faire excuser Ve^VŒStV pour e^VaiVj erreur ma-
nifeste de l'original. Quant a l'epigramme grecque je crois
qu'on peut la corriger ainsi autant que possible d'après
les traces des lettres effacées.
ìleprtqpvy eitpa%idemi ^vpr^eomQV rô9§ âcrrv
Ei xa^idrov àv67vvev(7£ geai eiïpanev eiapoç ôp^v
Fïovv£xa Xaïvè^v^ {ih dvear^o'ap^ oï âpiaroi
limava* rtfç cropi^ç dè naï èv <r%ri%£0'(nv e^vtriP.
(0 L'écrivain qui a parlé du buste du Capitole attribue
<*55
ment frappante, et généralement en confrontant
ses traits avec ceux que nous ont conservé les
médailles romaines. On y retrouve même ces dé-
tails accessoires qui peuvent attester la vérité
des portraits, comme par exemple la barbe épaisse,
coupée plutôt que rasée , selon la mode que nous
voyons avoir été adoptée à cette époque : elle
couvre les joues en entier, presque sous les yeux,
comme nous le voyons aux têtes de Trebonia-
nus sur les médailles. Les cheveux paraissent
non-seulement courts , mais rasés selon ce qui
se pratiquait dans ce siècle. Il existait autour de
la tête quelque trace de la couronne impériale
de laurier, qu'où a depuis restaurée. 11 paraît
que Valérien, que Trébonianus avait élevé aux
premiers emplois, étant parvenu à l'empire en
le vengeant cTEmilien , le fit placer au nombre
des Dieux (i); ce qui ayant mis sa mémoire eu
honneur , a pu aussi contribuer a ce que son,
portrait nous parvint*
à Trébonius Gallus convient que les cheveux ne sont pas
arranges selon l'usage de ce temps ( Musée Capì t. , t. II,
pl. LXXV); et quiconque est versé dans la science nu-
mismatique s'apercevra facilement que les traits ne sont
pas ceux de Trébonianus. Comme il est couronné de lau-
riers 7 on a voulu absolument le donner pour un empe-
reur ^ mais cette couronne était également particulière à
plusieurs pontifes y par exemple aux Quindecemviri , et
on pouvait en recompenser aussi la bravoure militaire.
(i) Voyez Tillemont , Hist. des Empereurs, tome HI;
Gallus ? an. a.
^56
Le buste vêtu du paludamentum , sur lequel
on voit que cette tête a été adaptée, est un reste
fort riche de l'ancien luxe des arts \ car il est
tout massif, d'un morceau d'albâtre oriental à
veines roses et de couleur d'or , de sorte qu'on
le prendrait pour une très-belle étoffe*
Le travail de la tête est fait avec beaucoup
de soin et montre quelque étude du vrai. Ce-
pendant les contours sont bien loin de nous don-
ner une grande idée du talent et du génie de
l'artiste. Il faut attribuer ala matière plus facile
au travail , cette manière qui paraît moins se-
che dans ce buste de bronze que celle que nous
avons remarquée dans la précédente tête de por-
phyre , quoique toutes peuvent être regardées
comme contemporaines.
PLANCHE LXI.
CORBULON *.
Le dernier portrait que nous donnons de ces
bustes d'empereurs que nous venons de publier
est celui du plus fameux capitaine qui com-
manda les armées romaines sous le règne de Cé-
sars. Domitius Corbulon, vainqueur de l'Orient
et de l'Occident, après avoir dompté les Bel-
ges, ensuite les Arméniens et les Parthes, sou-
* Hauteur, avec le piérìouche; deux palmes; deux onces,
en marbre grec.
tien de l'empire chez l'étranger tandis que la
tirannie de Néron désolait la capitale et souil-
lait son palais, est, a ce que je crois, celui que
je puis indiquer, pour la première fois, repré-
senté dans cette image sévère et expressive que
les antiquaires ont communément jusqu'à présent
désignée sous le nom de Marcus Brutus qui tua
César.
Le sculpteur qui a cru devoir changer en une
demi-figure la belle tête pareille qui est dans le
palais Rondanini , ou qui que ce soit qui a di-
rigé cette restauration , frappé sans doute de la
sévérité qu'on voit dans cette physionomie, a cru
y reconnaître ce célèbre conjuré , dont le stoï-
cisme priva Rome de celui qui était digne de
la gouverner en maître (1). Quoique les médail-
les rares qui nous ont transmis l'éffigie de Bru-
tus nous montrent une physionomie semblable,
seulement par la disposition des cheveux et dans
les traits supérieurs jusqu'au front, celle ci
est entièrement différente dans le nez, dans la
bouche et dans le menton. On était trop sa-
tisfait de posséder une image si fameuse pour
se donner tant de peine à rechercher la vérité.
En effet on regardait même dans le Musée Pie-
Clémentin ce marbre comme un portrait de Bru-
tus , et si on ne l'a pas vu dans ce volume à
(i) Ce monument fut publié par M. Guatlani dans ics
Notìzie d'antichità e belle arti ; pendant l'armée 1 ^
mai , pl. IV.
Musée Pie-Clém. TI. rn
258
la place de ce républicain, c'est parce quem'étant
proposé de porter sur les dénominations données
aux têtes antiques un examen critique plus exact
que celui qu'on a fait jusqu'à présent, j'avais re-
jeté par ces motifs cette belle tête parmi celles
inconnues que je publierai aussi dans l'appendix.
Les fouilles de Gabi Oà Jonnées par le prince
Borghese ont fourni des lumières, que personne
sans cela ne pouvait se promettre, pour faire
connaître le sujet représenté dans de tels por-
traits , et c'est ce qui a fait ajouter ce dessin
à la fin de ce volume. On a trouvé dans ces
fouilles deux têtes semblables à celle-ci. L'une
d'elles devait avoir été adaptée à une statue ;
l'autre, dont le corps est antique, forme un buste,
qui était placé dans une niche de l'intérieur du
temple qu'on avait dédié dans ce lieu à Domi-
tie fille de Corbulon, et à boute la famille de
cette impératrice (i).
(i) On trouvera ici l'inscription très-érudite trouvée dans
Gabi , laquelle est gravée en beaux caractères sur la
frise et sur les faces d'un épistyle en marbre grec , long
d'environ seize palmes, et de qualre de haut. La copie
est donnée exactement, avec la même ortographe et les
mêmes erreurs de l'original, à la planche LXII. Voici ce
qu'elle présente:
IN • HONOREM • MEMORÏAE • DOMVS • DOMI-
TIAE • AVGVSTAE • CNeiï • DOMITI • CORBVLON1S
FVUae ■ DOMITI • POLYCARPVS • ET • EVRO-
PE • LOCo • DATo • DECRETO ORDINIS • DECV-
TXïonum : AEDEM
a5g
Cette circonstance m'a donné lieu à proposer
cette opinion. Le portrait dont il est question est
FECERVNT • ET • EXORNAVERVNT • STATVIS •
ET • RELIQVISREBVSPECVNIA-SVAEIVSDEM
QVE • TVTELAM • IN • PERPETVVM • REIPVBLl-
CAE • DEDERVNT • SVB • INSCRIPTIONE • INFRA-
SCRIPTA
IMPeratore • C/ŒSare • Tito • AELIO • H ADRIA-
NO • ANTONINO • AYGusto • PIO • III • Marco • AE-
LIO • AVRELIO • GAJESaré • COnSulibus • Villi • Ka-
lendas • M AI AS • IN • MVNICIPIO • IN • CVRIA • AE-
LIA • AVGVSTA • SCRIBVNDO • ATFVIT • "VNI .
VERSVS • ORDO
DECVRIONVM • REFERENTIBVS • Lucio • VIPSTA-
NO • Lucii • Filio • CLaudia • PVBLICOLA • MESSAL-
INA • Lucio • SETRIO • Lucii • Filio • VALatina • PRI-
SCO • ÏÏÏÎ • V1R« • QuinQuennalibus • CNeium • DO-
MITIVM • POLYCARPVM • NOMINE • SVO • ET .
DOMITIAE • EVROPES • CONIVGIS • SVAE
OFFERRE • ORDINI • DECVRJONVM_- ET • SEVI-
RVM • AVGVSTALIVM • HS • X. M. N. ( Scstertium
Decsm. Millia Nummum ) ; QVI • IAMPRIDEM • EX-
TRVXISSET • TEMPLVM • IN • HONOREM • AC •
MEMORI AM • DOMITIAE • CORBVLONIS • FILwe •
ET • HOC • PIETATIS • SVAE • AD • FECTV
EXORNET • ET • MELIOREM • FACIAT • ORDI-
NEM • Nostrum • SINGVLIS • ET IAM • VNIVERSIS •
QVE • PRODESSE • FESTINET • AT • QVOS • EX •
REDITV • EIVS • PECVNIAE • FRVCTVM • SEM-
PER • DESIDERET • PERVENIRE • CONFVGIEN-
DO • AT
AETERNAM • REM • PVBLtcam • ÏSostram • PE-
TENDO • VT • SECVNDVM • EXEMPLVM • CODI-
CILLORVM • CLaudii • VITALIS • STIPVLA.TIONE •
INÏERPOSITA : DESIDERIO • SVO : TALIS • CON-
2ÔO
certainement un portrait de romain , comme le
prouve l'arrangement des cheveux. Il appartient
DICIO ■ DECERNERETVR • VT • EX • REDITV •
ElVS ; PECVNIAE
III • IDVS • FEBRARi^ • NATALE • DOMITIAE •
PRAESENTIBVS • DECVRIONIB«.j • ET • SEVIR* •
DISCVMBENTIBVS • IN • PVBLICO • AEQVIS . POR-
TIONIBVS • FIERET • D [VIS IO • ITEM • HOC • AM-
PLIVS • IN • TVTELA • ET • ORNATIONIBVS
TEMPLI • IIS • V. M. N. ( SestertMm, quinque Mil-
ita Nummûm ) SVB • EADEM • CONDICIONE • IN-
FERRET • Quid ■ De • Ea ■ Re • Fier* . Piacerei •
De ■ Ea • Re • Ita • Toti • Censuerunt
PLAGERE • VNIVERSIS • SECVNDVM • RELATIO-
NEM • SupraScriptam • PECVNIAM • ACCIPI- PRAE-
STARIQVE • IN • PERPETVVM • VT • CELEBRA-
RETVR • NATALIS • DIES • AC • MEMORIA • DO-
MITIAE • CORBVLONIS • FILïVze • ET • EX • REDI-
TV • IIS • X. M. N. ( Setter tiûm decem millia num-
mûm )
DIVISIONIBVS • FACTIS • DISCVMBERETVR • IN -
P\BLico • ET • SI VLLO • TEMPORE - OTERMIS-
SVM • ESSET • QVOMINVS • PRAESTARETVR • IT
QVOT • ORDO • DECREVISSET • AVT • SI ORDO-'
RESCIDISSET • DECRETVM
SVVM MVTASSETVE • CONDICIONEM ■ TVM •
OMNIS • SVMMA • QVAE • IN • H ANC • REM • AC-
CEPTA • ESSET • EADEM • CONDICIONE • MVNI-
CIPIBVS • TVSCVLANIS • CONFESTIM • RENVME-
RARETVR
HOC DECRETVM • POST • TRES • RELATIONES •
PLACVIT • IN • TABVLA • AEREA • SCRIBI • ET •
PROPONI • IN • PVBLICO • VNDE • DE • PLANO •
RECTE • LEGI • POSSIT.
Cette inscription e'tait soutenue par des pilastres canne-
2&1
même très-probablement au premier siècle des
Césars ; puisque l'ajustement de la chevelure était
lés, et servait d'architrave à la porte par laquelle on en-
trait dans cette chapelle ? Sacrarium y de la famille de
Corbulon. Le troisième consulat d'Antonin le Pieux avec
l'empereur M. Àurèle son collègue, nous donne pour épo-
que du monument Tan de l'ère vulgaire i4o. On doit re-
marquer que la curie où. se réunissait Tordre Gabiniea
est appelée Aelia Augusta \ et de ce nom nous pouvons
en inférer qu'Adrien fut un des restaurateurs de Gabium>
d'autant plus qu'il y avait peu de distance de sa "Villa
Tiburtine à ce municipe. En comparant les passages des
auteurs qui parlent de cette ville comme déjà détruite
dans le premier siècle de l'empire (ces passages sont
presque tous réunis dans le Latium de Volpi ? tome IX7
liv. XYIÏ ) : et se reportant à l'époque de son rétablisse-
ment , et aux effigies d'empereurs découvertes sous les
ruines 9 on formait une conjecture que je soumets au ju-
gement des lecteurs. On apprend dans l'épître XV du
liv. I d'Horace, et par son scoliaste Acron au même lieu
( je le rapporte ici ne l'ayant pas trouvé dans le Volpi
ni dans Cluverius); que les eaux minérales de Gabium,
dont il jeste encore quelque veine ; servaient pour les
tains froids , et qu'elles étaient recommandées pour cet
usage par Antoine Musa ? le célèbre médecin d'Auguste
de sorte que cela déplut aux habitans de Pozzolo et de
Baje qui voyaient diminuer le nombre de ceux qu'atti-
raient leurs eaux thermales. Voici les passages :
s . . . . . . . Nam mihi Bai as
Musa supers amas Antonius 9 et tamen illis
Me facit invisum 7 gelida quum perluor unda
Per medium frigus. Sane myrteta relinqui 7
Dictaque cessanthh nervis elidere morbum
Sulfura contemni 7 vicus gémit ; invidus aegris 7
Qui caput et renés supponere fontibus audent
Clusinis, QABIOSOVE PETUNT , et frigida rara.
262
différent sous Adrien, et qu'on commençait à en-
tretenir la barbe» Les cbevelures courtes et re-
Ainsi s'exprime Horace -, et le scoliaste dit : Clusinae et
Gabiae aquae frigidae sunt. Il croyait donc que la ré-
putation de ces eaux, et la mode même qui a tant d'in-
fluence en médecine , commençaient dès ce temps à at-
tirer un concours à Gabium, et à mériter pour cet en-
droit l'affection de quelque grand , de sorte que îa po-
pulation ; dont il existait un commencement du temps
d'Horace même ( lîv. Il , ép. II , v. 3) , venant à s'augmen-
ter, et les e'difices s'étendant en même proportion, cette ville
fut en état d'être rappelée par Adrien à toute la splen-
deur convenable à un municipe florissant. Il est vrai que
Juvénal? qui écrivait sous Domi t ien, traite encore Gabium,
dans plusieurs passages , comme étant un lieu pauvre et
peu populeux (bien qu'il ne le dit pas absolument rien7
comme nous l'indique Properce, liv. IY , él. I, v.34):
Et , qui nunc nulli, maxima turba Gabi.
Malgré cela on découvre dans ses vers que le concours
aux eaux de Gabiurn s'était accru excessivement, puisqu'il
compte parmi les moyens de s'enrichir, que sont con-
traints d'employer les hommes de lettres , assez générale-
ment négligés par le souverain , celui de se rendre fer-
mier des fours à Rome ou des bains à Gabium , sat. VII,
V. 3:
Quum iam célèbres notique poetae
BALNEOLUM G ABUS 7 Romae conducere furnum
Tentarent.
Si dès le temps de Domitien c'était un moyen de faire
fortune que de tenir à son compte un petit bain a Ga-
bium, il faut convenir qu'ils devaient être très-fréqu en-
tés ; et si Juvénal parle dans un autre endroit avec mé-
pris des Gabiens, c'est peut-être parce qu'ils n'avaient
pas encore obtenu les honneurs du municipe , et sans
doute aussi pour imiter les satyriques qui l'avaient pré-
265
pliées sur le front se voyent avec peu de dif-
férence dans les portraits romains du temps de
Jules et d'Auguste jusqu'à celui de Trajan. En
outre les portraits de tous les plus anciens ré-
publicains sont trop rares, et il me semble par
conséquent qu'ils ne peuvent avoir lieu dans
cette discussion. Il faut ensuite observer que
ce portrait ne représente personne qui ait ap-
partenu à des familles régnantes 9 puisque nous
trouvons dans les médailles leurs effigies, au
moins celles des personnages qui parurent avec
plus d'éclat dans l'empire. 11 sera donc assuré que
c'est le portrait d'un Romain célèbre de ce siècle ^
et en exceptant Agrippa , Mécène et Sénèque ,
dont les portraits sont bien connus , le choix
retombe sur très-peu d'autres, puisque aucune
de ces images n'étant connue sous la forme d'her-
cédë, principalement Horace, ceux-ci n'oubliant jamais
les Gabiens lorsqu'ils voulaient parler d'un château
abandonne'. Il est à remarquer dans l'inscription que Do-
initia, dont les affranchis Polycarpe et Europes ont dé~
die' ce lieu en son honneur et celui de sa famille , en l'ap-
pelant imperatrice , mais non femme de Domitien ; y sub-
stituèrent , comme plus glorieux , le titre de fille de Cor-
bulon ; nom que Dion seul nous avait appris alni don-
ner. Ce qui arriva peut-être parce qu'elle avait e' te' con-
damnée au me'pris à cause de Domitien: ou parce qu'elle
ne s'était pas disculpe'e d'avoir eu part à la conjuration con-
tre son e'poux; comme l'ont dit quelques écrivains , ce que
paraît confirmer cette re'ticence. La copie que nous admet-
tons (planche LXIl ) rend fidèlement l'original jusque dans
les singularités de l'orthographe, dans la ponctuation et
dans les erreurs*
2Ô4
mès, il paraît que nous devons supposer que le
sujet eut une célébrité littéraire. Maintenant
nous voyons que ce portrait se trouve à Gabium ,
et ce qui est à considérer , dans un lieu consa-
cré à la mémoire de Corbulon , de plus se vo-
yant répété dans un autre simulacre de ce mu-
nicipe , qui paraît avoir été augmenté et comble
de bienfaits par les familiers de sa fille; combien
donc acquiert de probabilité l'opinion que ce Ro-
main représenté soit Gorbulon. Celte image peut
provenir du siècle dans lequel il vivait , par les
motifs que nous avons donné ci-dessus, parce qu'il
se distingua plus que tout autre parmi les cito-
yens, et qu'il parut d'abord, par la sévérité de ses
moeurs , et par la gloire de ses diverses con-
quêtes, faire revivre en lui les Paul-Emiles et
les Scipions (i).
Si l'on vient après à réfléchir que ce buste
de Gabium ait dû appartenir absolument, par
le lieu où il était placé, à un parent de très-près
de Doraitia , que ce même buste nous repré-
sentant un personnage, duquel nous avons retrouvé
au moins cinq autres portraits (2) , doit néces-
sairement nous offrir l'image de quelque homme
(1) Tacite, Annal. , liv. XIV, chap. 58; dit Corbu-
lon : Si clari atque insont es interficerentur praecipuum
ad pericula.
(2) Un autre buste de Gabium dont il a e'te' parlé ; le
notre, celui de M. le marquis Rondanini, et plusieurs
autres qui ont passé par les mains de M. Gaviti Hamil-
ton , et qu'il transporta en Angleterre.
^65
célèbre; que la famille de Domitia , differente
de celle des Enoharhus, ne peut se glorifier
d'aucun autre personnage historique que Cor-
indon, et qu'enfin celui-ci florissait dans un temps
auquel peuvent convenir toutes les particula-
rités à remarquer dans ces portraits, la conjecture
acquiert plus de probabilité. Cet air dur delà
physionomie qui a servi à faire donner à ces
têtes le nom de Brutus , concourt à confirmer
r opinion que nous venons de proposer. La sé-
vérité de Corbulon fut autant remarquable que
ses talens militaires , que son courage , et que
son bonheur (i).
Si Ton pense que des inductions puissent mener
a la vérité , nous aurons découvert avec satis-
faction l'image d'un homme peut-être le plus
(i) Tl est bon de placer entièrement ici un passage de
Tacite, Annal. } XI ; 18; Feruntque militem 7 quia valium
non accinctus j atque alium 7 quia pugione tantum accinctus
foderet ? morte punitosi quae nimia , et incertain an falso
iactata vel aucta ; originem tamen e sementate ducis tra-
xere ; intentumque et mugnis delictis inexorabilem scias >
cui tantum asperitatis , etiam adversus levia credebatur.
Cette sévérité qui fit ressortir davantage le caractère guer-
rier de Corbulon 7 eût été une tache à sa réputation si
le sort l'avait destiné aux emplois civils. En effet dans
îa commission que lui donna Tibère 7 ou? selon d'autres,
Caligula; de se faire rendre compte des travaux et des
dépenses faites pour les routes de l'empire, sa conduite
fut si dure et si indiscrète , qu'il parut avoir plutôt pour but
de perdre une quantité do particuliers que l'utilité pu-
blique. Tacite , Anna7. Ili- f 5i \ Dione? h 5q.
^66
remarquable et illustre personnage dont parle
l'histoire des empereurs. Il avait écrit, à l'imi-
tation de Xénophon et des Césars , ses propres
mémoires; et différens passages de Pline et de
Tacite nous préviennent très-favorablement sur
la sincérité qui régne dans cet intéressant écrit (i).
Le travail de cette sculpture est d'un style
excellent j il n'est pas extrêmement soigné, mais
il ne manque ni de correction ni de morbidesse.
(i) Pline le cite dans Yindex du V livre et du VI j eu
outre encore dans le VII, § 4 > °ù il nous apprend que
Corbulon était frère utérin de Cesonia épouse de Cali-
guîa ; et qu'il avait obtenu le consulat ; dans le VI liv.
aussi ,§ 5 , il veut ; je crois ; parler de Corbulon ? en citant 7
comme il dit, les me'moires : eorum qui in Armenia res pret-
erirne cum CorbuLone gesserei sorte d'expressions qui équi-
vaut, selon moi, a la manière grecque oî ftepï Kop~
fiyXôva Vossius dans le I liv. , ch. 25 , de Histor. Latin. ,
fait mention de Corbulon , et le trouve cite' par Tacite
lui-même dans le XV liv. des Annales des écrivains dont
parle Sénèque le philosophe ; compilé par Barlius , et
insére' dans la Bibliotheca Latina de Fahricius; on y lit
le nom de Coibufon,
2ÔJ
INDICATION DES MONUMENS
CITÉS DANS LE COURS DES EXPLICATIONS
et qui sont représentés dans les deux planches
suivantes A et B.
PLANCHE A.
T. A. I , num. T. est le dessin du très-beau
buste d'Alcibiade qui appartient à monseig. An-
tonio Despuig. La ressemblance des traits avec
le portrait qui porte une épigraphe , que nous
avens citée à la planche XXXI, est parfaite dans
toutes ses parties; la seule différence c'est que le
buste par son travail est infiniment supérieur à
l'hermès. Ce célèbre Athénien est ici représenté
haranguant; et même il semble vouloir exciter et
gouverner par son éloquence séduisante les passious
elles opinions du peuple d'Athènes. Son vêtement
se compose de sa tunique et du pallium, selon Tu-
sage civil des Grecs, et principalement des Athé-
niens. Mais ce que l'on doit remarquer , c'est
la modestie de ses gestes , ayant le bras des-
sous son manteau , selon certaines règles de dé-
cence, qui furent constamment respectées par
les orateurs de cette république jusqu'à la guerre
du Péloponnèse, règles qu'Eschine rappelle en ac-
cusant Timarque , et se plaignant 'qu'on corn-
268
xnençait déjà à les négliger. On désignait cette
attitude par la phrase : ëf® tiqv ùéysiv :
pailler avec le bras dessous. Eschine, pour con-
firmer l'antiquité et l'autorité de ce style, em-
ployé une preuve que nous dirons propre à un
antiquaire, alléguant le simulacre de Solon à Sa-
lamine, représenté précisément avec ce geste. Vo-
yez le passage entier d'Eschine in Timarcum,
page 5 2 de l'édition de Reiske, et la belle note
qu'y a ajouté Taylor.
On a d'autres exemples de bustes qui ont une
main , quoiqu'ils soient fort rares. Il y en a un
dans la salle des Miscellaneae du Musée Capi-
tolili. Le même prélat qui possède l'Alcibiade,
conserve aussi un buste de Faustine Majeure
ayant sa main enveloppée de sa palla ou man-
teau. On voit un autre buste de Faustine Mi-
neure , avec la même particularité chez S. Em.
M. Braschi, neveu de S. S., trouvé dans ses
fouilles sur l'Esquilin.
T. Â. I , num. 2, 2. Ce dessin nous offre la
grande médaille rare et érudite de Caracalla ,
dont on a parlé dans les notes à la planche LV.
Le côté où est représenté le buste de l'empe-
reur couronné et ayant l'épaule droite couverte
du paludamentum , avec son épigraphe :
AYT. KAI. M. AYP. ANTÛNEINOC CEB
Imperato/* Caesar M. Aurelius Antoninus Augustus
n'a rien de remarquable, ni de difficile à expliquer,
excepté qu'on devra remarquer l'union peu or-
269
dinaire des lettres AI, à cause que c'est de pa-
reille liaison que dépend toute la difficulté de
l'épigraphe du revers , qui est la suivante :
AAlATErYMNACIAPXHCrAlNEGHKEN :
et dans l'exergue ;
AAOAIKEûN NEOKOPÛN;
les lettres TE et MN sont jointes ensemble,
il n'y a aucune distinction entre les mots et
les abbréviations. Je la lis ainsi Lucius Aelius
Tertullus ( ou tout autre prénom commençant
par TE) Gjmnasiarches tertium dicavit. Lao-
dicensium Neocorum.
Comme les lettres sont petites , à cause de
la longueur de l'inscription , quelques-unes liées
entre elles , et presque toutes d'une mauvaise
forme et peu distinctes, comme cela arrive sou-
vent } dans les médailles grecques impériales *
spécialement dece siècle, par cette raison, et
peut-être aussi à cause du peu de conservation
d'autres médailles semblables, les antiquaires qui
les ont fait connaître, se sont écartés de la vé-
ritable leçon, et également du sens de l'épigra-
phe. De-Boze qui l'a décrite dans une de ses dis-
sertations sur quelques médailles de Smjrne , qui
est dans le tome XVII de ï Académie des In-
scriptions , p. i3, la lit ainsi A. AIA. ïïirPHC
ACIAPXHC P. > etc.- Lucius Aelius Pigres Asiar-
che s tertium r, etc. Pèlerin qui en a publié une
autre dans le tome I de ses Mélanges, etc., pour
servir de supplémens 1 etc.? page 70, a observé
.270
-combien mal k propos De-Boze a cru trouver
un Asiarcha, et encore plus pour la troisième
fois, sur une médaille de Laodicce de Syrie, à
laquelle ville tous le rapportent unanimement
et avec raison. A cet effet il ajoute une seconde
leçon que De-Boze lui même a pensé qu'on pou-
vait emprunter d'une autre médaille semblable,
leçon qui n'est pas plus plausible que la pre-
mière :
A. AIAN, rûTAM APX. MEr. ec
Lucius Aean. Gotam. Pontifeoc Maximus, etc.
Personne ne s'était rappelé ce titre de Gymna-
siarches , qui seul explique l'énigme que ren-
ferme cette légende. Ce titre n'avait pas été, à
la vérité, remarqué jusqu'à présent sur les mé-
dailles , mais il est commun cbez les écrivains,
et sur les inscriptions grecques ( voy. aussi Van-
Dale , Diss. Vili , de Gymnasiarch. , ci). L'u-
nion de l'M et de l'N est le seul embarras qui
se présente en la voyant sur les médailles, mais
du reste elle est claire et évidente. Il ne faut pas
tant s'occuper de l'autre liaison TE dans le sur-
nom Gymnasiarques, et quoique de pareilles ab-
bréviations dans des noms propres, qui ne sont
pas ordinaires, soient contre les bonnes règles,
il y en a cependant une quantité infinie d'exem-
ples sur les médailles grecques impériales, où
l'on trouve par exemple H0GEI& , incertain en-
tre Possidonius et Pausidippe, CAA/V, douteux
entre Salluste et Sailius, comme le lit Vaillant,
27*
et ce qui est plus encore MÀPKOC C, que le
même antiquaire a pris plaisir à interpréter en
y suppléant , par Marcus Severus. L'épigraphe
ainsi fixée , il ne sera pas difficile de reconnaître
sur le revers l'empereur lui-même qui ne dé-
daigne pas de remplir dans le gymnase de Lao-
dicée les fonctions du Gymnasiarque , et de cou-
ronner de ses mains les lutteurs de la palestre,
étant placé devant une petite chapelle sur le
suggestioni ou tribune élevée peut-être expresse-
ment pour cette fonction au milieu de l'enceinte
de ce gymnase. Ses gardes prétoriennes sont ran-
gées autour de lui , armées de lances et de bou-
cliers, tandis que d'autres personnages ornent
de guirlandes l'entrée de l'édifice, comme c'était
l'usage pour les grandes solemnités. Le Gymna-
siarque Lucius Elius consacra dans cette grande
médaille le souvenir d'un si heureux événement ;
de-là vient que la phrase ANE0HKEN fut em-
ployée dans les donaria et sur les monumens.
Le savant abbé Tanini, auquel nous sommes re-
devables d'un appendix important ajouté a Ban-
durius, ayant enrichi de cette grande médaille sa
collection, qui, par le nombre , le choix et la ra-
reté des médailles ne le cède à aucune autre en
Italie hors celles qui appartiennent à des sou-
verains et à des princes , m'a fait l'amitié de me
permettre de la faire dessiner avec soin pour
la placer ici.
T. À. II , num. 3. Yoici la rare et très-belle
patere qui fut jadis dans le Musée Oraziani à
2*]2
Pérouse , et qui appartient à celui du cardi-
nal Borgia établi à Velletri y riche surtout de
monumens grecs et romains, mais aussi d'égy-
ptiens, ou qui ont rapport à toute autre érudi-
tion étrangère. 11 en a été question dans l'avant-
propos de ce volume à cause de la protome sup-
posée , ou demi-figure de Junon que Passeri y
a reconnu, et en cela il a été suivi par l'abbé
Lanzi. Le premier a expliqué cette patere à sa
manière dans le Musée Étrusque ( t. III, part III,
pi XIX) ^ le second a reproduit cette explica-
tion dans son bel ouvrage sur les Lingue an-
tiche d* Italia (t. II, page 212). J'ai eu dans
plusieurs endroits de mes discours, l'occasion
de parler des sujets représentés sur quelques-
unes de ces patères, qui forment une portion
fort importante et savante de l'antiquité figurée,
et peut-être la principale de cette antiquité qu'on
appelle Etrusque , en raison de la réunion des
épigraphes avec les types. S'il m' arrive d'être
quelquefois, dans ces dissertations , d'un avis
différent de celui de mon très-savant ami l'ab.
Lanzi, je proteste que je ne cesse cependant pas
de lui accorder toute l'estime que mérite son in-
génieux ouvrage. Il a été le premier qui ait ou-
vert le chemin , au moyen duquel on pouvait
arriver à l'intelligence le plus possible de ce qui
appartient aux Toscans : et outre la difficulté de
la matière , il a dû combattre tous les préju-
gés répandus depuis long-temp dans cette étude
par ceux qui l'y avaient précédé. Mais , tout
273
occupé à fixer les méthodes générales , il n'a pas
pu tout de suite apporter toujours le même soin
aux applications particulières , d'où il peut arriver
que d'autres en suivant ses traces , et s'attachant à
ses doctrines, s'égarent dans quelques opinions qui
auraient un point de vue plus proche de la vérité.
Dans la revue très-difficile de l'antiquité figurée, qui
vient naturellement se placer dans mes dissertations ,
j'ai souvent été d'opinion contraire à Winckelmann,
et je me flatte que plus d'une fois j'ai rectifié l'expli-
cation de son sujet. L'abbé Lanzi lui-même, a bien
voulu reconnaître comme plus probable mon opi-
nion sur quelque monument qu'il avait expliqué
avant moi ; car il était persuadé que si je com-
bats son idée , c'est uniquement par amour pour
la vérité, et jamais par l'envie de le rivaliser. (Vo-
yez son Catalogo di correzioni ed aggiunte^ t. II,
à la fin , page 197 ).
Peu d'autres monumens étrusques nous offrent
aussi clairement comme le présent les noms ces
sujets qui sont représentés dessus : fljqYf . ^ J^tf
$#N^1 •' Pelias , Neleus, Tjria pour Tjro indi-
quent, dans les deux figures déjeunes gens nus, à
la manière héroïque et armés de lances, ces deux
fils de Neptune, réputés de Crétliéus, qui ayant
reconnu Tyro leur mère, apprennent d'elle les cruels
traitemens que lui a fait supporter sa beile-mère
Sidéro , et ils s'apprêtent à en tirer vengeance. La
quatrième ligure décrite comme un protome , pla-
cée sur un autel rond, n'en est pas un absolu-
jtient, puisque les plis de son manteau descendent
Musée Pie-Clém. Vol. VI. i&
2 7 4
jusqu'à terre , et que l'autel est plus petit qu'il ne
faudrait pour le soutenir. Elle-même laisse voir une
main enveloppée dans son manteau , particularité
peu commune dans les bustes et les protomes. La
fable conduisait facilement àia véritable intelligence
de cette figure ; c'est Sidéro l'épouse de Salmo-
née , belle-mère de Tyro, réfugiée, comme l'indi-
que Apollodore ( I , c. g , § 8 ) et d'autres , au-
près de cet autel même de Junon , où elle fut mas-
sacrée inhumainement sans égard au respect re-
ligieux dû aux supplians et à l'asile sacré des au-
tels 5 par les fils de sa belle -fille qu'elle avait per-
sécutée. Nous examinerons le mot 3Q3J8 écrit sur
ïa cimaise de l'autel, mais avant il faut observer
une circonstance qui se trouvait dans la tragédie
de Sophocle intitulée Tyro, tragédie qui est per-
due, mais dont on a conservé çà et là quelques
fragmens , que l'on peut voir dans l'excellente édi-
tion de Brunct. Le serpent qui paraît ramper au-
tour de cet autel, et que Passeri a cru être un de
ces serpens sacres que l'on trouvait, ou que l'on
supposait être dans les temples de quelques divi-
nités, comme de Minerve à Athènes , d'Esculape à
Epidaure, et de Junon de Lanuvium i ce serpent, dis-
je, était expressément indiqué dans Sophocle, com-
me Rapprochant de la table sacrée irpôç t^v rpd-
ïïeÇav (pda^QP fàfkomÀfiÀvSémt top iïpâxovra: c'est
ainsi que s'exprime Athénée en parlant de cette tra-
gédie (liv. XI, ch. 7). Uue telle correspondance ,
qui fait voir positivement la liaison qu'avaient les ou-
vrages d'art exécutés en Italie avec les fables et la
poesie grecque, qui me paraît encore pius remarqua-
ble dans des particularités aussi légères , et qui ne
sont que des accessoires, m'autorise à soupçonner
que le vase que Tyro tient suspendu dans sa main
gauche n'est pas seulement une situla pour por-
ter de Peau servant aux cérémonies du sacrifice,
mais plutôt le seau, ou <rjea(pri , ou (rxâcpoç, dans
lequel Tyrô avait exposé ses jumeaux, et qui lui
servit h les reconnaître , selon le moyen d'opérer
cette reconnaissance que Sophocle avait employé
dans sa tragédie ; reconnaissance ti ès-vantée, et dont
parlent souvent les anciens grammairiens, et Aris-
tote lui-même dans sa poétique, chap. 16, tous
faisant mention de ce vase qui semble être passé ,
après cette tragédie, en proverbe dans la Lysistrata
d'Aristophane ( v. i58). On pourra peut-être élever
des doutes sur la conjecture que je viens d'avan-
cer, a cause de l'idée différente qu'on se sera faite
de ce récipient appelé scaphe que nous voyons
sur le bas-relief du Parthénon d'Athènes dans l'ou-
vrage de Stuart , tome II , ch. f , pl. XXL II y est
porté sur les épaules par ceux qu'on appelait Sca-
phéphores , d'une tout autre forme , mais parfaite-
ment semblable à celle de nos esquifs. Mais le mot
lui-même signifiait deux objets bien différens , se-
lon qu'il était employé pour un vaisseau long ou
rond ; et si celui que nous voyons dans les bas-
reliefs du Parthénon est la scapha {miepà, ou lon-
gue , selon la distinction de Pollux ( Onom. , liv. X,
n. io3 ), le grammairien lui-même nous apprend
que la scapha VTp'ùfyvXri ou ronde, avait pré-
cisément la forme d'un mortier (rqv dè nat Sveiav
k l iïveiBiûv eÎTToiç rv } C'est la forme du vase
que porte Tyro dans notre patere. Que ces sor-
tes de vaisseaux fussent ordinairement connus sous
le nom de scapile, cela est démontré par la mé-
taphore du style comique , par laquelle on comprend
la tête humaine dans le mot irxâtpHM , scaphium,
et par la forme même du vase que les Latins ont
pius communément désigné par leur mot sca-
phium. Si mon idée est accueillie , nous recon-
naîtrons sur notre potére la représentation du mo-
nument qui suit la reconnaissance dans cette fa-
meuse tragédie., où la mère ayant reconnu, par le
seau qu'elle tient encore dans sa main , les deux
jeunes gens pour ses fils r elle leur raconte ses
malheurs, et sollicite leur vengeance contre sa cruelle
belle-mère , laquelle s'emparant de l'autel de Ju-
do n , son unique et dernier refuge , s'y tient attachée ,
pleine d'inquiétude et paraît dominée par la peur.
Arrivant à l'examen du quatrième mot qui est
écrit sur la parère , ou plutôt même sur l'autel ,
3Q3JS ? mol qui a fait proposer beaucoup de sa-
vantes conjectures par i'abbe Lanzi (tome II, pa-
ge 480 ), et dans l'index x , les dites conjectures
cependant par leur diversité et par la différence
des sources d'où il les dérive , montrent qu'il avait
lui-même beaucoup de doutes sur ce mot), je
crois nécessaire de m'appliquer à la marche et à
la méthode qui ont paru jusqu'à présent les plus
plausibles pour la recherche du véritable sens des
inscriptions étrusques On a cherché celles qui avaient
des rapports avec les sujets de quelques monti-
mens d'art* on a ensuite examiné si, en confron-
tant les objets qui étaient liés à ces paroles , on pou-
vait tirer quelque sens probable du ternie inconnu.
De-ià on a recherché si ce sens qui paraissait cor-
respondre à ces figures , pouvait facilement s'ap-
pliquer aux particularités qui étaient dans d'autres
épigraphes , et où se trouvait le même mot. En-
fin si cet essai, au lieu de rejeter , confirmait au
contraire la première explication hypothétique , on
s'occupait alors à chercher avec pius de soin dans
les racines des langues grecque et latine ( un a
poussé la recherche \ je ne sais avec quel avantage y
jusque dans les langues orientales ) quelque trace
ou racine du même mot qui pût confirmer la si-
gnification déjà estimée probable. Quand tout cela
a pu donner de la valeur à une conjecture, on
l'a regardée comme assez bien fondée pour nous
donner la signification la plus naturelle du mot in-
connu. Je n'ai pas besoin d'apporter des exem-
ples de ceci 5 l'ouvrage dont nous venons de par-
ler en fournit assez , quoique, à dire la vérité, il n'y
ait pas beaucoup de mots étrusques où la réunion
des trois combinaisons que nous venons d'établir, pa-
raisse fort claire et sans équivoque. Comme je me suis
assuré par la fable représentée sur la patère , que
i'autel sur lequel on lit %Q$Jg (Phlere) appar-
tient à Junon , je conjecture que Phlere esc un
nom ou une épithète solennelle, et presque une anto-
nomase de la Déesse même. Ce mot se rencontrant
aussi dans beaucoup d'autres inscriptions éti risques,
je les examine toutes , et je remarque que la si-
gnification que je lui donne s'applique à merveilles
à chacune } il en est qui indiquent que le monu-
ment est un voeu à Junon , comme celles qu'a ci-
tées Lanzi, pages 5^5, 532 et 547. On y lira la
formule Mi Phleres, Iunonis sum , ou d'autres de
la même valeur. D'autres inscriptions désigneront
les petits simulacres de la même Déesse qui a été
reconnue par le savant abbé, comme aux pages 52 2,
Ô24 et 526. Quelques-unes joindront au nom de
Junon ses épithètes , comme celle où on l'appelle
Phlere Ilithuia ou Lucina , et l'autre plus claire
encore , sur laquelle est écrit Phlere Sutura La-
nuviti , savoir Iuno Sospita Lamwina ( même
lieu, pages 524 et Ô26). De plus il n'en est au-
cune parmi tant de circonstances particulières à
quantité de monumens , qui s'oppose à l'interpré-
tation proposée du mot Phlere , cette leçon restant
trop incertaine , et de l'aveu du même auteur, trop
conjectural le sens qu'il propose pour l'épigraphe
citée page Ô2Ô, ou il voudrait retrouver un do-
nariwn fait à Apollon et à Diane.
Il nous reste à présent à voir si les traces des
anciennes dénominations mythologiques nous of-
frent quelque secours pour donner plus de valeur
à la conjecture proposée , et, à dire la vérité, ces
documens ne sont ni rares ni obscurs dans ce cas-ci.
Il paraît que l'antique Italie a adoré une Déesse
symbole de la terre et de sa fécondité , dont les
attributs étaient des fleurs et des fruits, et que
de-là elle eût les noms de Phlere, de Flore et
de Féronie. Cette dernière est interprétée par Dé-
379-
nis d'Halycarnasse {Aut. Rom. , liv. III , § 5 a)
comme la Déesse âitàwjpôpoç \ ou crveCpavr/cpópoc ,
<7^/ parie Zes fleurs et les guirlandes. Cette in-
terpréta tion nous prouve au moins quels attributs
distinguaient les images de Féronie. La Flore , an-
cienne divinité des Sabins, dont parle Varron , et
qu'il associa à Opis (de ling. Lut. , liv. IV , 10 )y
n'était peut-être originairement que la même. Les peu-
ples d'Italie , en empruntant des colonies grecques'
les arts et les sciences , ayant modifié leurs super-
stitions nationales d'après les doctrines théologiques
grecques, il ne sera pas étonnant qu'ils ayent formé
une Junon de leur divinité ancienne, qui n'avait
pas une dénomination positive , comme ils ont fait
de la Salvatrice de Lanuvium , de la Capra des
Sabins et des Umbres , puisque la Grèce recon-
naissait une Junon Anthea , A nthia , ou Florida,
et lui donnait pour attribut la grenade, que nous
remarquons à quelques petites statues de femmes
étrusques désignées avec l'épigraphe Phlere ( Pau-
sanias , liv. II, ch. 21 5 Hésichius, v. AvSfsMi )• On
reconnut en effet clans Féronie la Junon Parthe-
nia ou vierge des Grecs , puisque le Dieu An-
ocurus ou A ocurus , que les idées superstitieuses
des Volsques et des Latins lui donnèrent pour époux_,
parut le même que le Jupiter jeune et encore im-
berbe des Grecs ( Serviti s , ad Aeneid.^ liv. VIT,
v. 800 ). Aussi voyons-nous ivno feronia dans les
anciennes inscriptions ( Fabretti , p. \S 1 ). On ne voit
pas de raisons plus claires et en plus grand nombre
pour qu'ils ayent substitué a V ^'Hpa ( liera ) d' Argos
2$o
leur Junon. Cette Déesse était peut-être très-ancien-
nement un équivalent de la jeunesse ou d'Hébé
( voy. Scaliger et Festus, v. Juventutis )3 que Ton
prit ensuite pour la Déesse du printemps , c'est-à-
dire de l'enfance de l'année ou de la vigueur prin-
tanière de la terre fécondée , à laquelle notre Flore
ou Féronie , ou Phlere , fait allusion. On pour-
rait dire aussi que la Junon FLuonia de Festus fait
allusion h la même. La $>lkwé , PhLoea ou Flua
d'Hésychius qu'il a expliquée par Proserpine , ne
s'éloigne pas trop de la même idée , autant qu'elle
est le symbole de la terre , que les partisans de
l'allégorie grecque ont retrouvée souvent encore dans
Junon ( v. Héraclius , dllegor. Orner. , page 44^
éd. Gai.). Si d'un autre côté on réfléchit que le
mot 303 J8 Phlere se peut, selon les règles éta-
blies par l'abbé Lanzi , réduire simplement en H ere
attendu qu'on peut employer pour aspiration tant
le 8 que l' J , alors la ressemblance du mot avec
le nom grec de l'épouse de Jupiter est si rappro-
chée, qu'on en retire une probabilité plus forte et
plus convaincante en faveur de l'opinion pronon-
cée ici. Je crois donc avoir démontré , ce que je
me proposais de faire , que les traces antiques de
ce mot inconnu ne s'éloignent pas trop de celui qui
est proposé , et qu'alors il indique une Déesse qui
peut avoir eu rapport a la Hera grecque ou Ju-
non. Et cela suffirait , si je ne croyais pas néces-
saire d'ajouter une réflexion sur la signification de
doniim, ou votanti ou sacrum, que l'ingénieux
antiquaire , que nous avons cité, a voulu lui attribuer.
La place où est tracé ce qu'on lit sur notre bronze ,
ôte beaucoup de vraisemblance à chacune des expli-
cations proposées. On a voulu peut-être rapporter
cela à l'autel gravé sur la patere , ou à la patere
elle-même. Si on l'attribue à l'autel , rien de plus
inutile , puisque sa forme et sa destination sont tout
à fait évidentes, et je ne puis imaginer comment
on pourrait exprimer plus clairement l'image d\ui
autel qu'en écrivant simplement sacrum. 11 est fort
satisfaisant de lu e à côté limoni , sans quoi on ne
saurait à quelle divinité était dédié cet autel. Mais
si on veut rapporter cela à la patère , l'épigraphe
n'est pas moins inutile et oiseuse , puisque la fi-
gure de cet ustensile indique assez qu'il est des-
tiné aux choses sacrées , et la place qu'occupe
cette épigraphe n'est pas plus convenable à ce sens.
Les épigraphes écrites sur les patères qui ont rap-
port à ce meuble sacré, et non aux sujets à sgra-
fito qui l'enrichissent. , se voyent toujours constam-
ment éloignées de ces objets particuliers , et gra-
vées vers la naissance du manche. Il en est ainsi
du mot ?îf!?Vi d'une autre patère, qu'il inter-
prète %oaïç pour les libations (même lieu, p. 206),
et c'est le seul exemple qu'il donne d'une inscri-
ption analogue : exemple même fort équivoque ,
attendu l'obscurité du mot qui pourrait peut-être
avoir été originalement ?J/UIVJ , Avcraiç ou /Lvowaïc ,
et s'interpréter par furens , et ainsi se réunir au
mot 5J>|(D, Hercules , qui est gravé aussi; il
expliquerait le sujet représenté qui est précisé-
ment Hercule furieux. Enfin, quoi qu'il en soit, le
2$2
vrai sens de ce mot est trop varié et obscur pour
en retirer quelque lumière , ou pour appuyer des-
sus quelqu'induction.
Le célèbre M. Heyne, dans une de ses disser-
tations insérées dans celles de l'académie de Got-
tinga, a trouvé dans la grossièreté et dans le mou-
vais goût des Etrusques, ou même des plus anciens
artistes grecs, la véritable raison de cette quantité
et variété de petits emblèmes qui couvrent souvent
le fond de leurs compositions soit dessus l*s vases,
soit dessus les patères de ce genre. Vouloir de ce-
la adopter une signification précise et subordonnée
au sujet principal à chacun des accessoires qui or-
nent le fond de notre patère , comme le génie vo-
lant, la tessere, l'astérisque, l'oiseau, les rubans
ondoyans, etc., ce serait un travail ingrat et dif-
ficile. La tête couverte d'un bonnet , pileum , ailé ,
laquelle fait l'ornement de la patère vers le com-
mencement de son manche, paraît certainement la
tête de Persée ayant le casque de Pluton ( 'AiJoç
wvvtf) , comme on la voit ordinairement sur les mo-
numens grecs. Mais le genre de travail de ce sgra-
no, peut nous faire reconnaître aussi une image de
Mercure, divinité à qui on attribuait les premiers éta-
blissemens des religions , qu'à cause de cela on re-
gardait comme l'interprète des supplians , et comme
porteur des prières des mortels dans le ciel , par
ces motifs il convenait de le sculpter sur les ins-
trument servant aux sacrifices.
T. A. II, num. 4* Cette patère appartient aussi
à la très-riche collection et très-bien choisie , de la-
3 85
quelle nous avons tiré le dessin précédent. Autant
que je sais , elle est inédite , et elle s'accorde si
bien avec la fable Homérique dont il est question
dans les planches XVIII et XIX de ce volume , et
elle a tant de correspondance dans quelques-unes
des particularités les plus essentielles , que je crois
utile de la publier ici. On y a représenté le com-
bat d'Hector et de Patrocle d'une façon si con-
forme au récit d'Homère , que les vers de l'Iliade
expliquent les figures sans avoir besoin d'autre com-
mentaire. Le poëte après nous avoir dit , qu'Apollon
ayant détaché par-derrière les armes de Patrocle ,
et qu'Euphorbe le voyant sans cuirasse, avait cher»
ché à le frapper d'un coup de lance au milieu
du dos , mais que n'osant affronter Patrocle même
nu, il se retira dans la foule:
ovôx' v^éf.LSive
HârpoxÀov yvjjbvov fàëp eóvr sv dfyiórtfré :
( IL n ou li XVI, v. 8i4 )
neque enim sustinuit
Patroclum nudum licet in pugna
ajoute immédiatement: (Id. , vers. 8i6 et suiv. ):
Udrpoxùoç <fk Seov nhijyi} xai Bvpt dafjbaoSeïç
Aip erâpQV sïç ë&poç èftâ&TO m/p wke&tv&f.
JLxrop ôç eîâev Uarpoxûtfa fisyd^^^iop
Aip dm%a£ó{i€i/OV , ^e^X^èvov ôtjsï yaJkxô ,
*Ayyj(io7vòv pu ol tïXSê xarà ari^aç ovra M Bxpi
Neiarov èç mveova* iïià irpo iïè y^aJknov sùacras.
Aovmuxev Bè icevov , (léya d! ^kœ^s Kaòv 9A%aiôr.
Patroclus autem Bei plaga et hasta domitus
Retro sociorum in agmen recede bat , mor terri
evitans,
284
Hector vero ut vidit Patroclum magnanimum
Metro cedentem 9 vulneratavi acuto aere
Prope eum venit per ordines : feriehatque hasta
Imam ad ile ; penitus autem aes adegit.
Fragorem vero edidit cadens , magnoque affecit
dolore populum jf.chivorum.
Voilà donc Hector armé qui a poursuivi Patro-
cle , lequel presque nu et sans armes , blessé , se
retirait au milieu' de ses compagnons. Le fils de
Priam lui a déjà lancé par-derrière le fer qui le blessa
mortellement au flanc au-dessous des côtes , et
c'est précisément cette partie du corps qu'indique
Homère par cette phrase petavov èç mfsòvd^ au-
bas du thorax, la même que nous avons vue
marquée de cette blessure mortelle dans le ca-
davre de Patrocle soutenu sur les bras de Méné-
las , dans un des groupes de Florence. 11 paraît que
la réunion aussi parfaite de telles déterminations
particulières met le sujet de ce s grajitto dans une
parfaite évidence , et le rend aussi clair qu'auraient
pu le faire des épigraphes qu'on y aurait ajoutées.
Si ie sujet du groupe qu'on appelle Pasquin , ex-
pliqué dans les discours , planches XVill et XIX ,
avait encore besoin d'une confirmation ultérieure,
cette représentation de la patère qui va si bien
d'acord avec Homère et avec ce groupe lui-même, *
suffirait pour en faire valoir l'explication. On doit
toutefois la placer dans le nombre des monumens
qui retracent à nos yeux cet événement de l'Iliade,
qui, comme nous l'avons dit, -a fourni beaucoup
de sujets aux aits anciens.
285
Planche B,
T. B. I, i. J ans ces trois dessins on voit le grand
autel triangulaire de la Villa Pinciana , sculpté en
marbre grec, haut d'environ sept palmes, et ou
sont représentés, sur deux rangs , les douze grands
Dieux • et neuf autres divinités. C'est Pun des plus an-
ciens monumens qui nous restent des arts, et qui ,
par sa grandeur et par ses sujets, mérite d'être re*
é comme une chose unique et précieuse. Ou
peut dire qu'il est inédit jusqu'ici, puisque Win-
ckelmann dans ses Monumens inéd., n. i5, en a
seulement fait connaître une des faces, où il a cru
retrouver l'image de Junon Martiale; en quoi il a
commis quelque erreur, pour n'avoir pas distingué
ce qui est antique de ce qui était restauré, ces
faces étant recouvertes également d'une épaisse pa-
tine , et il n'a pu se former une juste idée de ce
morceau intéressant. J'expliquerai , pour aller avec
ordre, d'abord la bande supérieure , et ensuite l'in-
férieure.
La supérieure contient douze Divinités, quatre
sur chaque face. La plupart sont distinguées d'une
manière certaine par leurs attributs , et comme elles
sont toutes de la classe des douze plus grandes di-
vinités , comprises dans ces deux vers fameux
d'Ennius :
Iuno7 Vesta, Minerva , Ceres , Diana, Venus, Mars /
Mer curiui, lo vi , Neptunus > V oh anus ^ Apollo;
on peut donc établir que celles en petit nombre ,
lesquelles, ou par l'effet de la dégradation du uio~
386
nument, ou parce que dès le principe elles ont été
ainsi, sont sans attributs, appartiennent également
à cette classe. Nous nous en sommes assurés en ob-
servant que les noms qui leur sont donnés ensuivant
ce sujet, correspondent à merveille avec les au-
tres particularités de ces mêmes figures.
En commençant cependant par le num. i , savoir
la première figure à la gauche des spectateurs,
on y reconnaît facilement Jupiter , à son vêtement ,
à ses traits , et plus évidemment au foudre qu'il
a dans la main droite. La Déesse qui tient un
sceptre, qui est voilée, placée après de lui, et se
tournant de son côté , peut être reconnue pour
Junon. Sans avoir d'autres symboles, l'artiste qui
a représenté encore une autre Déesse sans attri-
buts et avec un vêtement semblable, a cru qu'on
pouvait suffisamment la reconnaître à sa place, d'au-
tant plus que les douze figures sont disposées en
six groupes , composés chacun d'une figure d'hom-
me et d'une de femme, se regardant toutes deux ,
et toutes deux ayant des rapports bien connus dans
la mythologie. Nous ne doutons donc pas que la
compagne de Jupiter ne soit sa soeur , son épouse.
Le second groupe nous offre très-clairement Nep-
tune désigné par son trident , et la Déesse qu'il
regarde est Cérès, comme il est démontré par les
épis qu'elle tient de la main gauche. La moitié
supérieure de cette figure , de même que celle de
Neptune, est une restauration moderne; et par bon-
heur le trident de cette figure' s'était conservé ,
comme dans la première un reste de la main qui
2.8?
tient les épis. Mais cependant sans eette distinction
on eût encore pu reconnaître Cérès en la voyant pla-
cée près de Neptune. Elle était sa soeur, fille de
Saturne , comme toutes les divinités représentées sur
cette bande; elle était aimée de préférence aux
autres par le Dieu des mers , qui s'étant métamor-
phosé en cheval, eut d'elle l'immortel coureur Arion.
T. B. H , num. 2. Ici est représentée la bande
de l'autel qui se joint avec la première à la gau-
che des spectateurs ; le premier groupe à la droite
ne laisse pas incertain quels sont le Dieu et la
Déesse qui le composent. Comme on y reconnaît
Mercure à son caducée, ainsi qu'aux ailes à ses
talons , on doit s'apercevoir que sa compagne est
Vesta, tant parce que l'ancienne mythologie réunis-
sait ces deux divinités toutes deux Propjléennes ou
Vestibulaires : et elles sont par cette raison réunies
dans une même hymne parmi celles d'Homère ?
( Hymn. XXVII , in Vestam et Mercur. ), et dans
d'autres monumens que j'ai indiqués ailleurs (vo-
yez notre tome IV , planche XLIII ) ; et aussi parce
que Vesta est placée de cette façon sur le bord
du bas-relief et près de Jupiter, n'interrompant
pas a insi la série des cinq fils de Saturne , qui
forment, avec les sept fils de Jupiter, tout le
choeur de ces douze Divinités.
Vesta sera la première Ghronide
Fille de Saturne »
Née la dernière , et la plus ancienne.
(Homère, Hymn. III, in Vener. , v. 22 eaS),
et auprès d'elle seront, sur la bande contigue , Ju-^
288
I
piter, Junon, Neptune et Cérès, tous eu fans de
Saturne et de flhée.
Mercure, qui accompagne Vesta, est barbu se-
lon le style t< ès-ancien de la Grèce , et il a une
seule aile su talon à chaque pied , vers la partie
extérieure. Les plumes se replient en haut à l'extré-
mité, formant commele commencement d'une vo-
lute, manière que l'on peut observer dessus beaucoup
d'autres monumens, et sur laquelle ont écrit tant
de futilités ceux qui ont répandu le système qu'Us
ont appelé le Scjthisme. Les deux autres divinités
de ce côté sont Mars et Vénus. Le premier est
suffisamment distingué par son bouclier et sa cui-
rasse , et il est peu différent de celui qui est sur le
puits [pute aie ) du Capitole. On reconnaît la seconde
a la colombe , son symbole ordinaire i comme elle
est représentée sur plusieurs monumens antiques,
et particulièrement sur les médailles Eiicines.
T. B. Il ; num. 3. Il nous reste la troisième
bande où les Divinités laissent quelque incertitude?
parce que la partie supérieure est entièrement mo-
derne • et que le reste même est mutilé dans beau-
coup de parties. Il y en a cependant deux , et peut-être
trois, dont les symboles sont clairs, et au moyen
de celles-ci nous pourrons reconnaître la dernière.
On voit que la seconde avec cet arc doit être
Diane. La troi ièmequi tient une tenaille sera Vul-
cani, quoique le manteau qui descend sur ses pieds
Tait fait restaurer comme si c'était une Déesse.
Nous avons cité dans cet ouvrage un bronze napo-
litain, dans lequel on voit une ligure d'homme vêtu,
%8g
et même ( ci-dessus , pl. IV , § i ) les vases dits
Etrusques nous en offrent d'autres exemples dans
leurs peintures, et aucune des Déesses de notre
autel n'a un habillement pareil. C'est la figure que
Winckeimànn a nommée Junon Martiale , se fondant
sur un passage de Codinus (de orig. Constanti-
nop. , pag. 14)5 clui décrit une statue de Junon ,
à Constantinople, ayant dans la main les tyaMiïaç ,
les ciseaux, que Winckelmann, en faisant équivo-
que sur le sens à cause du mot latin forfices qui
y répond , a cru pouvoir changer par tenailles ,
quoique l'écrivain grec exprime suffisamment que
c'était un instrument à raser les cheveux et la barbe.
(La statue que Codinus a décrite représentait pro-
bablement une Parque). Il a vu aussi les tenailles
dans les mains de la Junon Martiale des médailles
romaines de Trebonianus Gallus, et il a été en
cela trompé par quelque médailliste et par les gra-
vures- quand cette Junon tient dans la main un
groupe d'herbes, et non pas des ciseaux ni une
tenaille , comme cela est clair pour qui observe
avec soin les médailles orignales qui sont bien con-
servées, Je me rappelle d'avoir proposé , dans le
tome premier de ce Musée (pl. IV), une conjecture
probable sur la signification de ces herbes et sur
son rapport avec le titre de Martial. Alors la fi-
gure dont il est question sera un Vulcain avec la
tenaille , son symbole très-connu et commun \ et
il regarde Minerve. C'est à la restauration que l'on
doit presque tous les attributs de cette Déesse ,
mais l'égide qui couvre sa poitrine 5 bien que dégra-
Musée Pie-Clém. Vol. Vl 10
dèe, se reconnaît aux angles ou pointes de sou
contour, bien différent que celui du peplum des
autres Déesses ( aiyiiï* Smmpósmw^ Voilà donc
les deux divinités présidant aux arts réunies eu uu
groupe , comme la mythologie les suppose encore
unies par les liens de l'amour. Il ne sera pas dou-
teux à présent que la dernière figure qui accom-
pagne Diane ne soit celle d'Apollon, quoique les
restes de l'habillement de femme, ou plutôt Cita-
védique , ait engagé le restaurateur à lui donner dans
la partie supérieure la forme d'une femme. Mais on
peut apercevoir facilement le plectrum dans la
main droite antique qui est conservée , ce qui an-
nonce d'une manière certaine qu'elle devait tenir
une lyre de la main gauche. D'après cela cette image,
quoique n'étant qu'à la moitié , ne peut être incer-
taine ; et si Apollon était justement le seul Dieu
qui manquait pour compléter le nombre et la sé-
rie des douze divinités du premier ordre , les signes
qui subsistent dans cette figure l'indiquent assez clai-
rement , en outre qu'elle est précisément à la place
qui lui convient*
Nous passerons maintenant à la bande inférieure ,
sur laquelle , comme il n'y a de chaque côté que
trois figures seulement, l'artiste les a tenues plus
grandes, et il a laissé les espaces plus hauts , pour
que les dimensions et les distances y fussent pro-
portionnées. On reconnaît au n. 3 les Heures ou
les Saisons , que Winckelmann y a reconnues aussi;
et selon la mythologie grecque il n'y en a que
trois. Chacune a pour attributs les dons et les pro-
agi
ductions de l'année ; Fune a une fleur , l'autre un
fruit, la troisième un simple rameau. Les noms de
Carpo , de Thallo , â! Àuœo , de Phéruse que l'on
donna aux Heures dans les siècles les plus recu-
lés, quand on n'en connaissait que deux ( Pau-
sanias,lib. IX, cap. 35; Hygin, Fab. i85), cor-
respondent à merveilles avec le petit rameau , avec
le fruit: le nom d'Anthée ( 'Aj&£/a ) fait allusion
à la fleur. Ce nom était aussi en usage pour signi-
fier les Déesses des saisons , selon Hesychius ( x. 'Àr-
Les trois Déesses du n. i , qui se tiennent par
la main et semblent danser, ont été reconnues aussi
par Winckelmann ( Hist de F Art , liv. V , c. II >
§ 16) pour les Grâces, segnes nodum solvere ,
elles ne sont pas nues , mais vêtues , comme So-
crate les avait sculptées à Athènes, et suivant dans
ce genre l'usage le plus ancien. Voyez notre to-
me IV, pl. XIII, (1).
Les autres au n. 2 , que nous examinons les
dernières à raison de leur peu de clarté, peuvent, à
ce qu'il me semble , être déterminées par le geste
de la main ouverte et étendue , geste que l'on n'a-
perçoit pas dans toute autre figure de cet autel,
et par cette raison cela doit leur servir de carac-
tère au milieu des autres. Pausanias donne un pa-
reil geste à Ilitie , la Lucine des Grecs , la Déesse
qui préside à la naissance , et conséquemment nous
avons vu une semblable Déesse, ayant le même
geste, qui assiste à la naissance de Jupiter (toni. IV >
pl. XIX- Pausanias j liv, Vil i cap. 53 ). Il n'y a
2CJ2
donc pas de motif qui s'oppose à ce qu'on dònne
ïa même dénomination aux Déesses de ce bas-re-
lief, ne trouvant dans leur nombre aucun obstacle,
comme je le démontrerai maintenant. Homère se
sert plusieurs fois du nom Ilitie au plurier, et
les désigne comme filles de la Déesse Junon , et
présidant aux accouchemens ( //. À ou 1. X, v. 210,
et ailleurs). Leur nombre laisse la chose incertaine ,
et ce qui ajoute à cette incertitude c'est la mu-
tilation d'un passage très érudit de Pausanias, où
il en est question (Paus. , liv. VI H* c. 2 1 ). Mais nous
ne doutons pas qu'elles ne fussent trois, précisément
comme il y avait trois Parques , divinités que le
même écrivain entreprend de prouver être une
même chose que les Ilities, et cela d'après le fon-
dement non-seulement de l'hymne très-ancienne
d'Olenus Licius , composé pour Ilitia , mais aussi
sur le témoignage des poëtes qui l'ont suivi , par-
mi lesquels était Pindare, qui donnait à cette Déesse
l'épithète d'sv/Uvoc , esperta filatrice , et faisait al-
lusion très-clairement au fil et à la quenouille, em-
blème très-connu qui appartient aux Déesses du
deslin. Les fonctions des Parques d'assister aux
naissances , et de désigner le destin de tous ceux
qui venaient au jour, les fit confondre facilement
avec les divinités présidant aux accouchemens. Ce
monument deviendra plus précieux par cette par-
ticularité pour ceux qui approuveront notre opi-
nion. Il est effectivement un des plus anciens de
l'art grec, son travail le plaçant à une époque bien
antérieure à l'autel rond du Capitole , et à l'autel
293
triangulaire de la Villa Albani. Il est très-vrai que
l'usage de dresser des autels communs aux douze
plus grands Dieux appartient à l'antiquité la plus
reculée , et il commença dès les temps mystiques.
Il existe une tradition écrite par Lllanicus ( w.SchoL
Apollon. Argonaut., liv. III, v. 1084), qui ap-
prend que Deucalion ayant échappé au déluge dans
la Thessalie, éleva un autel aux douze Dieux. Apol-
lonius (II, v. 532 ) affirme que les Argonautes eux-
mêmes dressèrent sur le rivage de la Thrace dans
la Propontide un autel aux douze grandes divini-
tés. Le scoliaste les compte ainsi : Zitvç , Hpa ,
Ylocreiiïôv, Ai(($^t9fpf\ 'Ep^ç, WpaioroÇj 'Atto/I/U^ ,
i'ApTMfMÇ'i 'Ecrria , Api?ç> * Ps.(ppoïïfari , xaì 'Aârçwx;
Jupiter , Junon , Neptune , Cérès , Mercure ,
Vulcain, Apollon, Diane, Vesta, Mars , Vé-
nus et Minerve. Dans ce nombre il en est huit
unies deux à deux , précisément comme dans notre
bas-relief. On doit encore voir dans ce passage la
belle note du très-savant traducteur au 809 vers
italien. Winctelmann a retrouvé un autre caractère
d'antiquité dans la forme même de l'autel qui est
une pyramide tronquée; il observe que Pausanias
en décrit un tout pareil , et qu'il paraît faire croire
par-là que cette forme était moins commune de
son temps. Cependant tous les autels qui servent
ou qui ont servi de bases à des candélabres, sont
ainsi décroissais ou rétrécis, et il en existe tant
d'autres pareils dans les collections, que je crois
que c'est improprement qu'on a voulu fonder là-
dessus une opinion <jui est suffisamment confirmée
294
par cet ouvrage d'art et par toutes les autres par-
ticularités qui en dépendent. La qualité du mar-
bre grec salin exclut ce monument de la classe
des sculptures étrusques , parmi lesquelles Win-
ckelmann Favait trop légèrement placé ( Storia^ etc.f
Hv. II, C. II, § 22 ).
T. B. III , num. 4- Voici l'image de Bacchus
Phanetès sur des médailles très-anciennes de Ca-
marilla dans la Sicile. Elle a été prise sur une mé-
daille d'argent de la collection d'Hunter, déjà pu-
bliée à la pl. LXVIH, m 2i du Catalogue qui
en a été donné par mons. Combe, Quoique la mé-
daille soit du nombre des incertaines , il n'y a pas
de doute cependant qu'elle n'appartienne à cette
Ville , et par tout ce qui en a été dit à la p. note ,
et par l'évidence qui résulte de la comparaison faite
de la médaille rapportée au n. 20 de la même
planche , et des autres publiées par Pellerin dans
le tome III de ses Médailles des Peuples et des
Villes, pl. CX, n. 33, 34» Comme la médaille
du n. 20, pl. LXVIII,de Combe est précisément
la même que celle du n. 34 de Pellerin, excepte
que dans cette dernière la légende est plus claire,
et qu'on y voit le nom de Camarina sans qu'il y
manque une lettre , celle de Combes appartiendra
sûrement aussi à cette Ville, de même que celle
que nous présentons ici qui a la même épigraphe
et des types analogues. Et comment trouver dans
les médailles Urbiques la légende qui en contient
le nom, étant dès l'origine mutilée, ordinairement
par l'effet des instrumens très-imparfaits dont on
2g5
se servait alors pour les frapper dans les mon-
noies? Nous en trouvons des exemples fréquens dans
les médailles siciliennes ( Torremuzza , Num. Si-
cul. 9 pl. LXXXVII, 4 •> et dans Auctar. II, pl. II,
3, etili, i , et ailleurs). Mais si l'on pensait que
le défaut du K de la syllabe entière KA du
nom de Camarina fût original, et non une erreur,
sans avoir recours aux Marliens de M. d Hancar-
ville , on pourrait soutenir que KAMAP1NA , AMA-
PINA et M AFIN A seraient des altérations du même
nom, et que même le second dérivé de fA{ia;-< 9
fossé ou canal , a été le plus ancien, et fut
changé ensuite en Ka/uaptva par une espèce d'aspi-
ration, comme on a changé, selon le témoignage
de Strabon ( liv. VU), en Caulonia celui d'Au-
Ionia dans la grande Grèce ( v. Heyne dans le
Virgile, A en. III, v. 555, in V. L.). Le même
nom , dans d'autres temps , et selon différentes mo-
difications du dialecte et de la prononciation , peut-
être s'accordant à des changemens obscurs et éloi-
gnés de l'état politique du pays , aura pu per-
dre la voyelle initiale, comnle cela est arrivé sou-
vent parmi les Italioti dans les mots grecs commen-
çant par AM. Sans chercher si loin des exemples ,
nous voyons que de ajièi.yQ on a dérivé mulgeo , de
àiiavpó? * , jiiavpoç et Maurus. D'où il suit que les
diverses légendes KAMAP. , AMAP. et MAP A peu-
vent facilement nous indiquer le même nom , pourvu
que Ton suppose seulement que la cité fut ap-
pelée dans le principe, à cause de ses fossés ou
canaux j Amara ou A marina* ce qui non-seu^
2g6
lement devient probable par la situation de la
ville près du marais homonyme , et les deux fleu-
ves Hypparis et Oanus, mais ce qui prend encore plus
une idee de vérité par un passage absolument classi-
que de Pindare , ou il parle expressément de ïsmyç
Ôxzroùr: les CANAUX SACRÉS dans lesquels
V Hypparis arrose Camarîna, en établissant ses
grands édifices ( Pindare > Olimp. , od. V , ant. X>
Que tout ceci soit dit non-seulement pour accré-
diter la conjecture proposée, autant que pour mon-
trer qu'on peut établir plusieurs suppositions et les
soutenir > pour expliquer les médailles en question ,
sans les attribuer à un peuple très-ancien , autant
qu'obscur, de l'Orient si éloigné, lequel par mi
hazard singulier devrait avoir frappé des médailles
semblables à celles de la Sicile.
T. B. III, num. 5 , 6 e 7. Les médailles d'A-
thènes et de Ténédos font voir leur tête à deux
faces , que soit l'une , soit l'autre , ont des dia-
dèmes Bacchiques: et c'est à Bacchus que font al-
lusion constamment les grappes de raisins que l'on
remarque au revers des médailles de Ténédos, et
le vase ou carchesium derrière celle des Athéniens.
Ici, des deux têtes il semble que l'une est celle
d'un homme et l'autre de femme, et d'après cela
les rêveries de ceux qui ont voulu y reconnaître
Cécrops. Celle du num. 7 paraît conserver dans la
disposition des deux visages l'idée d'une combinai-
son de masques , qui peuvent faire allusion dans les
Bacchanales aux deux sexes du Dieu Androgyne, et
qui peut aussi avoir donné lieu à cette manière de le
297
représenter. Les deux médailles athéniennes sont
copiées d'après Hayne ( Tesoro Britann , tom. I }j
celle de Ténédos du Catalogue de Hunter.
T. B. III, num. 8. Voici le Pythagore débout,
orné du diadème, sur la médaille de Commode frap-
pée a Samos , dont nous avons parlé à la pl. XXIV.
C'est pour cela que j'ai cru pouvoir attribuer à
Pylhagore Thermes présent. Monseig. Onorato Cae-
tani possède ce rare monument, et il a bien voulu
permettre que je le fasse connaître par la gravure
fort exacte que je place ici.
Addition de Fauteur à ce volume.
Le célèbre abb0é Barthélémy produit, dans les
planches qui ornent son Voyage d' Anacharsis y
en dernier lieu le revers d'une médaille d'Arcadie
semblable à celle d'Humer dont il est question dans
]a note de la page de ce VI tome. 11 pense que
les lettres OAYMIT , comme elles sont écrites sur
la pierre où s'assied le Dieu Pan , indiquent le
Lycée , montagne d'Arcadie si fameuse , qui avait
encore porté dans les siècles les plus reculés le nom
de mont Olympe. Quelque persuasion que puisse
obtenir cette ingénieuse conjecture , je ne puis ce-
pendant abandonner celle que j'ai mise en avant,
c'est-à-dire que les dites lettres indiquent plutôt
le lieu où cette médaille fut frappée , savoir Olym-
pie conquise par les Arcadiens qui y célébrèrent
les jeux de la 104 Olympiade. La montagne d'Ar-
cadie, celle que conjecture l'abbé Barthélémy, porte
39S
constamment le nom de Lycée , plutôt que celui
d'Olympe Et d'ailleurs c'est une chose ordinaire
que de trouver sur les médailles des peuples de
la Grèce les noms abrégés des villes où elles fu-
rent frappées ; et l'événement était lui-même assez
digne de cette mémoire à laquelle il paraît que
la tête de Jupiter Olympique , gravée de l'autre
çôté 5 accorde une vraisemblance ultérieure.
FIN DU TOME SIXIEME.
a99
TABLE DES PLANCHES
CONTENUES
DANS CE VOLUME.
* 0 *
Plan. i. Jupiter. / /
?> 2. Saturne et Minerve. /
» 3. Mercure avec le pe'tase ; et Mercure ailé. >>
» 4* Vulcain et Vénus. -
i
» 5. Océan ou Dieu Marin. ^
)> 6. Bacchus, et Bacchus taurifrons. ^ ^
» 7. Bacchus barbu, ^
» 8. Hermès double de Phanetès ou Bacchus barbu.
»
g. Silène et Faune.
» io. La Comédie et la Tragédie.
» il. Le Sommeil. ^
» 12. Hercule jeune.
i> i3. Hercule couronné ; et Hermès double de Mer-
cure et d'Hercule. r
» 14. Sérapis.
» i5. Sérapis radié. S
» 16. Buste d'Isis.
» 17. Isis ; Isis voilée.
» 18. Ménélas. s-
}> 19. Fragment du Cadavre de Patrocle dans le groupe
de Pasquin. ^
» 20. Hermès double d'Homère et d'Archiloque. y
» %u Epiménide. _ '
>> 22. Bias ; et fragmens d'Hermès d'autres sages de
la Grèce, y
» 22. a, Périandre ; et fragmens d'autres sages de la
Grèce. ^
» 23. Bias de Prie ne.
» 24. Thalès, et Hermès double de Bias et de Thaïes. „ ^
» 25» Périandre de Corintbe.
C
3oo
Plan. 26. Pythagore.
» in. Sophocle, S \ ^S
» 28. Euripide et Socrate. ^
» 29. Périciès. -
» 5o. Aspasie. / ^
i> 5i. Alcibiade.
» 52 Zenon de Citium.
» 55 Zenon l'Epicurien. ^ /V
» 54. Hermès d'Épïcure et de Me'trodorei^
» 55. Antisthène. - RpiK
» 56. Eschine. _
» 57. Dëmosthène.
» 58. Jules Cesar.
» 59. Auguste couronné d'épis. ^
» 4o. Auguste.
» 41. Claude.
» 4^ • Néron. ^r^5^
h 45. Tite Vespasien ; Coccejus Nerva. ^
» 44* Piotine. ^ ^
» 45. Adrien. - V
» 46. Sabine.
ï> 47* Antinous.
» 48- Antonin le Pieux.
?> 49- Faustine épouse d' Antonin le Pieux./
» 5o. Marc-Aurèle.
d 5i. Lucius Vérus et Commode.
» 52. Pertinax.
» 55. Septinie Sévère. "
d 54. Julia Pia.
» 55. Caracalla. s* \J*
» 56. Antonin surnommé Héliogabale*.
» 5 7. Julie Mammée.
» 58. Balbin. \
)) 59. Philippe le Jeune. ✓
j> 60. Trebonianus Gallus. s
y> 61. Domitius Corbuion.
» 62. Inscription en l'honneur de Domitia impératrice
fille de Corbuion. ,
5or
Plan. A. I. i/rìuste d'Alcibiade , a» 2. Médaillon de Ca-
racolla.
» A. IL 3. 4* Patere du Musée Borgia.
» B. I. 1. Èôté de l'autel triangulaire qui représente
^ les douze Dieux.
» B. H. 2.^3. Les deux autres côtés du dit autel.
» B. lit. A. Très-ancienne médaille de Camarina avec
l'image de Bacchus Phanetès.
» B. III. 5. 6. Médailles d'Athènes et de Ténédos
avec la tête de Bacchus bifrons,
y> B. III. 8. Médaille de Commode frappée à Samos ,
J avec l'image de Pythagore débout , et orné
du diadème.
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XXI Y.
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T. XXV.
SOFOCLE
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T. SII
ALCIBIADE
T. XXXII.
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T. XXXIII.
T. SOT
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