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Full text of "Musee Pie-Clementin"

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/'  ''' 


MILAN, 

â  8  2  \* 


MILAN, 

De  l'Imprimerie  et  Fonderie 
de  Jean-Joseph  Destefanis, 
à  S*  Zeno ,  iV.?  534- 


PRÉFACE 

DE  L'AUTEUR. 


Il  ri  y  a  pas  eu  d'autre  motif  pour  faire 
précéder  V impression  de  ce  sixième  volume 
avant  celle  du  cinquième ,  que  celui  qui  dé- 
termina la  publication  du  quatrième  avant 
le  troisième.  Les  statues  qui  avaient  été  ras- 
semblées ri  étaient  pas  alors  en  assez  grand 
nombre  pour  fournir  un  volume  complet  y 
ce  quon  ne  put  obtenir  que  deux  ans  après 
Il  en  est  de  même  pour  ce  volume  ;  quand 
on  commença  à  travailler ,  les  bas-reliefs  qui 
devaient  composer  le  cinquième,  ri  étaient  pas 
en  quantité  suffisante  pour  former  un  livre 
d'une  grosseur  égale  à  ceux  qui  avaient  déjà 
paru  :  ce  qui  fit  quon  se  décida  à  publier 
les  têtes  et  les  bustes  dont  on  traite  dans 
celui-ci.  Mais  pendant  qii on  V imprimait ,  les 
bas-reliefs  s* étant  augmentés  autant  qu'on 
pouvait  le  désirer  ?  grâces  à  la  munificence 
du  Souverain  Pontife ,  on  pourra  ne  pas  en 
retarder  les  explications ,  ni  les  gravures, 


4 

pour  poursuivre  l'ouvrage  et  remplir  la  la- 
cune. 

Les  mùnumens  que  nous  publions  à  pré- 
sent, sont  d'un  genre  bien  différent  de  ceux 
qui  ont  été  précédemment  off  erts  au  public^ 
et  cette  variété  même  ne  pourra  déplaire 
aux  amateurs  d'antiquités.  La  mythologie 
a  fourni  en  grande  partie  les  sujets  de  tous 
nos  discours  dans  les  volumes  précédens  ; 
actuellement  ce  sera  Thistoire,  dont  le  vaste 
champ  s'ouvre  devant  nous ,  tant  V histoire 
civile  que  littéraire ,  et  cette  branche  pleine 
d'érudition  particulièrement  que  l'on  désigne 
ordinairement  sous  le  nom  ^/'Iconographie. 
Cette  par  tie  de  la  littérature  fournit  tant  de 
matériaux  propres  à  satisfaire  la  curiosité 
des  hommes  instruits;  elle  a  produit  jusqu'à 
présent  tant  d'écrits ,  mais  l'abus  des  con- 
jectures  y  les  écarts  de  l'imagination ,  et  le 
peu  de  soin  des  critiques ,  l'ont  accablée  de 
quantité  de  préjugés,  et  embarassée  de  vaines 
suppositions. 

Lorsque  j'aurai  traité  cette  branche  de 
l'art  des  antiquaires  9  lorsque  la  balance  à 
la  main  j'aurai  pesé  les  hypothèses  et  les 
probabilités ,  alors  ceux  qui  auront  le  cou- 


5 

rage  de  me  lire  en  entier  y  seront  peut  être 
en  état  de  juger  ce  que  j'ai  dit  sur  cette 
partie  de  la  science.  C'est  ici  le  lieu  où  il 
faut  placer  quelques  observations  générales 
sur  l'origine  et  sur  ï usage  de  cette  classe 
de  monumens  que  renferme  ce  volume  , 
classe  qui  s'attache  très- particulièrement  à 
/Iconographie ,  et  qu'on  nomme  dans  les 
Collections  suite  de  Têtes  et  de  Bus- 
tes. 

Parmi  toutes  les  manières  que  les  arts 
du  dessin  ont  essayé  d employer  pour  imi- 
ter la  figure  de  V homme,  ou  dans  son  en- 
tier,  ou  seulement  en  partie,  si  Tune  des 
plus  anciennes  est  sans  contredit  celle  qui 
a  formé  seulement  l'image  de  la  tête ,  on 
peut  démontrer  cependant  que  ï  invention  des 
bustes  n'a  fait  que  suivre  les  autres  et  au- 
près un  long  intervalle  de  temps. 

L'antiquité  très-reculée  des  hermès ,  qui 
paraissent  être  lé  premier  pas  qu'ait  fait  un 
art  encore  enfant,  les  pierres  sans  forme, 
qui  désignaient,  plutôt  qu'elles  ne  représen- 
taient les  anciennes  divinités ,  les  simulacres 
de  ces  divinités  9  inventions  de  la  poésie  et 
de  la  superstition  chez  des  nations  encore 


6 

barbares  (i),  ces  antiquités,  dis -je  ,  dont 
Tautenticité  est  prouvée ,  peuvent  lever  toute 
incertitude  sur  la  première  origine  de  cet 
usage  ,  c'est-à-dire  qu'au  lieu  de  représen- 
ter V image  entière  et  naturelle  de  V homme, 
ou  la  figure  idéale  d'un  Dieu,  elle  ne  nous 
offre  seulement  que  la  copie  en  relief  ou 
en  peinture  de  la  tête  et  du  visage  :  usage 
qui  a  sa  source  naturellement  dans  l'ima- 
gination qui  va  chercher  dans  la  tête  les 
signes  principaux  du  caractère  de  l indivi- 
du ;  et  dans  laquelle  Voéil  prend  plaisir  à 
reconnaître  les  marques,  rarement  équivoques, 
très-souvent  bien  sensibles 9  des  talens ,  du 
génie ,  et  des  inclinations  de  Vame.  Voila 
pourquoi  Ton  a  gravé  les  têtes  et  les  visages 
des  divinités  ou  des  héros  sur  les  médailles, 
chez  tous  les  peuples.  La  forme  circulaire 
que  Von  ne  tarda  pas  à  donner  à  ces  mé- 
dailles semblait  propre  à  ce  genre  d'ima- 
ges. Cest  de  la  que  nous  est  venue  cette 
quantité  prodigieuse  d  kermès  et  de  sintr 

(1)  Winckelmann  ,  Hist.  de  Tarty  liv.  i  y  ch.  i  f 
^  ïo  et  xi.  Voyez  les  réflexions  en  grand  nombre,  qu'a 
proposé  à  ce  sujet  M.  d'Hancarville  dans  sa  préface 
de  la  Collect.  des  Vases  Étrusques  d'Hamilton. 


t 

pies  têtes  qui  se  sont  conservées  jusquïà  nos 
jours  ;  quoique  la  ruine  de  tant  de  statues 
qui  furent  renversées,  et  dont  il  ne  nous  est 
resté  que  la  tête,  en  ait  augmenté  considé- 
rablement le  nombre  dans  les  collections 
modernes. 

En  outre  des  kermes  et  des  statues  en- 
tières ,  je  vois  encore  deux  autres  manières 
de  représenter  une  partie  de  la  figure  hu- 
maine, que  les  art  s  employèrent  dans  leur 
principe,  cependant  elles  ne  furent  pas  aussi 
fréquemment  en  usage  que  les  kermès  et  les 
statues.  On  représenta  le  visage  seulement 
sans  V occiput,  ce  que  Ton  appelle  le  Mas- 
que ;  on  donna  aux  kermès  mêmes  plus  de 
ressemblance  à  Vkomme  en  y  ajoutant  des 
bras  et  même  le  corps  jusqu'aux  cuisses  qui 
étaient  réunis  sur  le  pilastre  originaire,  lequel 
soutenait  Vkermès  sans  les  jambes.  Nous  pos- 
sédons encore  beaucoup  dliermès  de  cette 
dernière  forme.  Mon  opinion  sur  V ancien- 
neté de  cet  usage  s'accorde  on  ne  peut 
mieux  avec  les  descriptions  que  nous  en  ont 
donné  les  écrivains,  celle  du  Palladium  de 
Troye  (\) ,  et  de  cette  Vénus  en  bois,  ou- 

(i)  j4pollodore9  liv.lll,  ch.  n -7  le  simulacre  très^ 


8 

vrage  attribué  à  Dédale  >  et  qui  fut  con- 
servé pendant  plusieurs  siècles  à  Délos  ( i  ). 
Ces  deux  figures  étaient  terminées  comme 
les  hernies,  sans  manquer  cependant  du  buste 
ou  des  bras. 

Les  masques  ou  les  faces  seules  étaient 
aussi  très-antiques.  On  représenta  ainsi  fort 
souvent  les  divinités  Dionysiaques  (sjj  nous 
savons  que  telles  étaient  les  images  de  Pra- 
xidice  (d> Jy  et  celles  de  la  très-ancienne  Cé- 
rès  surnommée  Cidarie  dans  le  Phénée  d'Ar- 
cadie La  face  de  la  Gorgone ,  em- 
preinte sur  tant  de  médailles  anciennes ,  et 
que  Von  continue  toujours  à  représenter  de 
même ,  peut-être  regardée  comme  un  reste 
de  cette  manière  consacrée  par  la  super- 
stition et  par  les  arts.  On  donna  en  grec 
à  ces  images  le  nom  de  ^pomza  (  faces  ou 


antique  de  Jupiter  Labradenus  à  Mylassa  en  Carie 
était  terminé  depuis  le  milieu  du  corps  jusquen  bas 
en  forme  d'hermès ,  comme  on  le  voit  dans  la  grande 
médaille  de  Geta  citée  par  Buonarroti ,  p.  21 4- 

(1)  Pausanias  y  Boeotica,  ou  liv.  IX  ?  ch.  XL. 

(2)  Pausanias  y  Attica,  ou  liv.  I ,  c.  '1. 

(3)  Hesychius  et  Suidas  ,  v*  Yipa^id'mvi. 

(4)  Pausanias  y  Arcadica  7  ou  liv.  Vili ,  ch.  XV* 
à^rpaç  IIPOSPJIOjN  KuJapiaç. 


9 

masques).  Mais  les  kermès  avec  le  torse  et 
des  bras  furent  généralement  compris  sous 
la  même  dénomination  dhermès. 

Je  n'ai  pas  eu  V avantage  de  remarquer 
dans  les  arts  des  temps  les  plus  reculés  quel- 
ques traces  de  V usage  des  bustes,  et  je  n'ai  pu 
trouver  aucun  nom  grec  ou  latin  quon  ait  ap- 
pliqué à  ce  genre;  de  sorte  que  le  défaut  de  mot 
propre  peut  faire  croire  avec  évidence  à  la 
nouveauté  de  la  chose.  On  a  depuis  fait  usage 
du  mot  grec  Uporo^ii  (protome)  pour  signifier 
les  bustes;  mais  ce  serait  en  vain  que  Von 
chercherait  dans  les  anciens  écrivains  ce  mot} 
qui  nous  est  indiqué  seulement  par  les  le- 
xicographes Suidas  et  Hesychius  (i).  Ces 
grammairiens  définissent  le  protome ,  ime 
effigie  jusqu'au  nombril  (2)  ,  et  s'en  réfé- 
rant aux  images  des  empereurs ,  ils  ne  sup- 
posent avec  cela  aucune  autenticité  plus  an- 
cienne remarquable.  Stéplianus  a  approuvé 
encore  ï acception  donnée  a  ce  mot  en  la 


(1)  Aux  mots  Tïporo(iai  et  TLpoto^iri» 

(2)  Esichius,  UpoTOfi^ ,  eînôv  P&aûaxfi ,  eàç  tov 
ô^L(paXov  rov  aô(iatoç  £$oç.  Protomse,  images  im- 
périales ,  représentation  du  corps  jusqu'au  nombril. 
Suidas  en  dit  presque  autant. 


faisant  valoir  par  V autorité  d'une  inscription 
grecque  ;  mais  qui  ri  est  pas  antérieure  au 
règne  des  Antonins  (i). 

On  pourra  s'assurer  par  les  réflexions 
qui  vont  suivre,  combien  ï application  du 
terme  dont  il  est  question  ,  et  qui  existait 
déjà  dans  la  langue  >  a  une  époque  récente, 
he  mot  protome  était  autrefois  en  usage 
dans  la  langue  grecque  pour  désigner  la 
partie  antérieure  du  corps  des  quadrupèdes. 
D'oà  Suidas  nous  avertit  que  l'expression 
protome  est  employée  proprement  lorsqu'il 
s'agit  des  animaux  irraisonnables  (2),  et  cela 
est  fondé  sur  une  bonne  raison  dEtymo- 
logie  ;  se  formant  de  la  particule  xpo ,  qui 
signifie  plutôt  le  devant ,  et  qui  convient 
aux  demi-figures  d'animaux,  plutôt  que 
au  dessus  y  comme  il  faudrait  V entendre  sii 
s'agissait  de  figures  humaines* 

En  outre  que  cette  acception  est  beau- 
coup plus  propre ,  son  antiquité  n'est  pas 
moins  certaine,  et  nous  en  trouvons  la  preuve 

(0  IIPOTOMH  MAPMAPINH ,  Gruter ,  paga 
CCCCXIV 2. 
(1)  Suidas  9  L  c.  MvpiQç  dè  ì%ì  top  dÀóyQV  Çôqv 


I  s 

dans  un  passage  de  la  version  grecque  du 
troisième  livre  des  Rois  (i)  ,  déjà  rapporté 
par  Stéphanus.  Mais  les  inscriptions  athé- 
niennes du  Parthénon  m'en  /omissent  un 
garant  plus  sûr  et  plus  frappant.  Dans 
un  fragment  de  lune  d'elles  publié  par 
Stuart  (i),  et  qui  nest  pas  moins  récente 
que  celles  données  par  Chandler ,  même, 
comme  le  démontrent  ses  caractères,  très- 
positivement  antérieure  a  la  XCIV  Olym- 
piade, nous  tronçons  parmi  les  offrandes 
à  Minerve  le  protome,  c'est-à-dire  la  par- 
tie antérieure  d'un  griffon  :  APTpOS  I* PO- 
TOME 

Quelques-uns  de  ceux  qui  nous  rappel- 
lent la  signification  que  Pollua:  et  Suidas 
attribuent  au  mot  protome  (3 J  quand  elle 
se  borne  à  des  animaux,  n'accueilleront  peut- 
être  pas  ï interprétation  proposée.  Ces  gram- 
mairiens assurent  que  protome  est  dans  les 
animaux  ce  que  Von  appelle  dans  les  hom- 
mes la  face  ou  le  masque.  De  sorte  qu'il 


(1)  Liv*  III,  Regum  ,  chap.  X  7  v.  19, 

(2)  Antiquities  of  Athens  ,  tom.  Il  7  pag.  i5. 

(3)  Pollux,  liv.  II  p  §  47?  Suidas  7  /.  c. 


12 

ne  veut  exprimer  seulement  que  la  partie 
antérieure  de  la  tête  ou  le  museau ,  et  non 
pas  la  portion  antérieure  du  corps  de  V animal. 
En  effet  les  masques  simples  ou  faces  de 
lions ,  de  taureaux,  de  béliers  sont  trèsfré- 
quensdans  les  ornemens  sculptés  antiques.  Je 
ne  doute  pas  que  V usage  commun  dans  ces 
temps  moins  éloignés  où  brillèrent  ces  écri- 
vains^ n'eut  déjà  borné  à  cette  signification  le 
mot  protome  ,  signification  adoptée  autrefois 
par  Diodore  f  ij:  cependant  je  ne  suis  pas 
persuadé  qu'elle  ait  été  reçue  dans  tous  les 
temps  avec  une  acception  aussi  bornée , 
et  fai  plus  d'une  raison  pour  m  en  convain- 
cre. D'abord  ïusage  très-commun  dan$  la 
plus  liante  antiquité  de  représenter  la  moi- 
tié antérieure  des  animaux  seulement,  ce 
que  nous  prouvent  les  plus  anciennes  mé- 
dailles grecques  y  où  Von  trouve  souvent  des 
lions  ,  des  pégases  >  des  chevaux  ,  des  grif- 
fons 7  des  sangliers  ,  des  taureaux ,  des  chè- 
vres ,  des  cerfs  ?  des  minolaures  a  mi-corps 
par  la  partie  du  devant  y  enfin  tous  les  ani- 
maux qui  d'autres  fois  sont  représentés  en  en- 
tier. Cette  manière  de  les  figurer  rend  as- 


ti) Lw.  1 ,  §  96. 


sez  probable  Titsage  cTun  terme  correspon- 
dant propre  à  les  désigner.  En  second  lieu, 
si  l'on  observe  que  le  mot  protomae  employé 
dans  la  version  de  V écriture  sainte,  ne  peut 
pas  être  interprété  par  masques ,  ou  têtes 
de  bœufs  (i),  encore  moins  dans  les  allé- 
gories Homériques  les  protomœ  des  chiens 
de  Scylla,  qu'en  rapprochant  les  monumens 
de  tout  genite,  on  ne  peut  les  entendre  autre- 
ment que  pour  désigner  la  moitié  antérieure 
de  ces  animaux  (i):  et  qu'enfin  Proclus  (3 ) 
en  décrivant  dans  la  sphère  céleste  le  pro- 
tome du  cheval ,  n'a  pas  voulu  seulement 
indiquer  la  face,  mais  toute  la  partie  an- 
térieure du  corps,  comme  Érathosihènes  (4)  , 
et  le  globe  Farnêsien  nous  en  donnent  une 
preuve  évidente.  Or  il  ne  fut  pas  difficile 
de  transporter  le  sens  donné  au  mot  pro- 
toma pour  les  animaux,  pour  lui  faire  si- 


(1)  77  semble  que  dans  cette  version  on  donne  aux 
proiomae  des  veaux  yeïpet; ,  ou  les  jambes  antérieures. 
Cependant  il  parait  que  le  texte  hébreu  et  la  vul~ 
gate  entendent  autre  chose. 

(2)  fféraclide,  ou  plutôt  Heraclite,  Alleg.  Homer. , 
dans  les  opusc.  myth.  de  Gale,  page  ^gd» 

(3)  Dans  le  Trésor  de  Stéphanus  au  mot  liporo^. 

(4)  Cathaslherism.  7  ch.  18. 


H 

gnifìer  les  bustes  des  images  de  Vhomme  f 
quand  on  commença  à  les  représenter  sous 
cette  forme  de  bustes. 

Parmi  les  sculptures  en  grand  nombre  de 
toute  espèce  que  Pausanias  compta  dans  la 
Grèce  9  on  a  de  la  peine  à  en  trouver  une 
ou  deux  qui  fussent  des  bustes,  ce  sont  celui 
de  Cérès  à  Thèbes  et  celui  d'Hercule  en  Au- 
lide.  Le  savant  et  exact  voyageur  ne  se 
sert  pas  du  mot  protoma  ,  qui  peut-être  de 
son  temps  n  avait  pas  été  encore  employé 
dans  ce  sens,  mais  il  l'indique  par  quelque 
périphrase  qui  n'a  pas  été  bien  comprise 
par  les  traducteurs  (i) ,  qui  se  sont  per- 


(i)  Pausanias  y  Boeotica  ou  liv.  TX ,  chap.  16, 
décrit  ainsi  un  buste  de  Jupiter  qui  était  à  Thèbes  : 
A^fi^Tpoç  §è  âyaûfia,  o<rov  èç  crrépvd  eonv  èv  ro 
(pavepô.  On  doit  traduire  ainsi  ce  passage:  «  Le  simu- 
lacre de  Cérès  exposé  au  public  est  jusqu'à  la  poi- 
trine :  et  pour  cela  on  doit  le  ponctuer  ainsi  dans 
le  texte  ;  A^fiiçrpoç  uyuXfjba, ,  ooov  h  crrèpva ,  eariv  èp 
1Q  (pavepô  ,  Mais  Amaseus  Ta  traduit  de  cette  fa- 
Çon  :  Dese  simulacrum  supra  pectus  dumtaxat  in  aperto 
est.  Ni  t éditeur ,  ni  le  traducteur  n'ont  compris  ce 
passage  :  ê&tb  h  to  (pavepô  (  in  aperto  est  )  ,  s*  op- 
pose à  ce  quii  dit  peu  après  y  que  les  simulacres  de 
Bacchus  Lisius  et  de  Vénus ,  sont  (  in  abscondito  ), 
et  ne  peuvent  être  vus  quune  fois  par  an»  Quand 


i5 

mis  de  substituer  dans  d autres  endroits  le 
mot  buste  au  mot  original  (  )  Icon , 
effigie,  manquant,  comme  chacun  voit,  de 
fidélité  et  de  justesse  en  ces  cas  (ij.  Ce  pe- 
tit nombre  d  images  en  forme  de  buste  que 
nous  décrit  Pausa-mas  ,  n'étaient  pas  pro- 
bablement des  plus  anciennes. 

S'il  m'est  permis  de  former  des  conjectu- 
res pour  rechercher  Vorigine  de  ces  repré- 


Pausanias  veut  donner  Vidée  d'un  simulacre  entier  ; 
mais  dont  il  ne  reste  de  visible  qu'une  partie  quel'* 
conque  ,  il  se  sert  de  toute  autre  expression  ,  sans 
équivoque  ,  comme  on  le  voit  dans  d'autres  endroits  f 
et  particulièrement  lorsqu'il  parle  du  Bacchus  de  Fi- 
galè^  (iiv.  FIÌIÌ  ckap.  3y  ).  Un  autre  buste  est  ce" 
lui  d' Fier cule  dans  le  Gymnase  d'Elide  {livre  VI , 
ch.  23):  Tlpoo'&'tfov  'HpmeMvç  <*%pK  h  rovç  fipïçz 
traduit  littéralement  Herculis  vultus  humeris  tenus. 
mais  par  JLmaseus  avec  ambiguïté  ;  sîgnum  Herculis 
exstans  humeris  tenus.  Il  le  croit  plutôt  uh  buste  d'Her- 
cule qu'un  simple  kermès  ou  herméracle  ,  parce  que 
Pausanias  a  constamment  employé  d'autres  phrases 
lorsqu'il  a  voulu  désigner  des  kermès. 

(r)  L'auteur  du  fameux  Voyage  d'Anaeharsîs  (cha- 
pitre XXII)  compte  au  nombre  des  simulacres  de 
Delphes  les  bustes  d'Homère,  et  il  cite  à  cet  effet 
au  bas  de  la  page,  Pausanias  ,  liv.  X  ,  c.  24  y  <]u*> 
dit  seulement  eìxóm  ^mln^P  siri  et^ty.  Effigie  ea 
bronze  ( d'Homère)  sur  un  cippe. 


i6 

sentations  cVune  seule  partie ,  //  me  senihle 
que  Von  puisse  en  trouver  le  commence- 
ment dans  deux  usages  éventuels:  le  pre- 
mier qui  fut  commun  aux  Grecs  et  aux 
Romains ,  fut  celui  qui  faisait  orner  avec 
des  portraits  les  boucliers  d'honneur  ou  vo~ 
tifs.  Je  trouve  le  second  dans  F  usage  par- 
ticulier aux  Romains  parmi  les  nobles >  de 
conserver  des  portraits  en  cire. 

Dès  que  Von  commença  à  consacrer  dans 
les  temples  les  têtes  des  hommes  illustres 
ou  puissans  y  ciselées  ou  peintes  dans  le 
centre  (limbo)  d'un  bouclier,  dune  petite  roue, 
cet  espace  circulaire  put  contenir  outre  la 
tête  une  partie  des  épaules  et  de  la  poi- 
trine. Telle  est  la  figure  de  libère  sur  des 
médailles ,  laquelle  était  en  relief  au  milieu 
d'un  bouclier  dédié  à  la  Clémence.  Telle 
était  celle  de  Quintus  Cicéron^  dans  je  ne  sais 
quelle  ville  d'Asie ,  ce  qui  fit  dire  à  Mar- 
cus son  frère  que  Quintus  était  plus  grand 
à  moitié  que  tout  entier  (ij.  Pline  fait  re- 
monter ï époque  de  cet  usage  aux  premiers 
temps  de  la  république  chez  les  Romains. 


(i)  Macrob* ,  Sat. ,  liv.  II,  chap.  3. 


*7 

//  prouve  encore  que  cet  usage  eut  lieu  chez 
les  Carthaginois  >  et  il  suppose  que  chez  les 
Grecs  il  était  connu  depuis  beaucoup  plus 
long-temps  (  i  ).  77  serait  difficile  de  détermi- 
ner à  quelle  époque  s'introduisit  chez  ce  peu* 
pie  l'usage  de  faire  des  portraits  en  demi- 
bustes,  à  ï instar  des  images  qui  étaient  sur  les 
boucliers 9  mais  pour  en  faire  une  autre  espè- 
ce d'imitation.  Cela  ne  remonte  peut-être  pas 
au  de-là  du  siècle  d'Alexandre ,  dont  fai 
vu  le  buste  en  profil,  armé  dune  cuirasse, 
sur  une  des  médailles  d'or  de  son  temps. 
On  pourrait  rapporter  en  même  temps ,  en 
supposant  qu'ils  sont  originaux,  les  bustes 
en  camée  qui  sont  parmi  les  rares  onyx 
du  Musée  Impérial  de  Vienne.  Ils  repré- 
sentent ,  à  ce  que  je  crois,  les  images  des 


(i)  Pline,  liw  XXXV  y  §  3  et  4  >  °ù  H  parle 
de  la  figure  tï Asdrubal  sur  un  bouclier  consacré 
dans  le  Capitole.  Il  fut  conquis  par  L.  Marcius  parmi 
les  dépouilles  d'Asdrubal  même.  On  peut  rappeler  , 
dans  le  nombre  des  plus  anciennes  images  sur  des 
boucliers  ,  chez  les  Grecs  ?  celle  de  Timomaque  le 
Thébain  7  qui  était  ainsi  placée 7  et  dont  les  Lacédé- 
moniens  faisaient  parade  dans  leurs  fêtes  de  Hyacin- 
the :  Aristote  en  fait  mention  dans  le  scoliaste  de  Piri* 
dare,  lsthm.  ,  od.  VII,  n.  ai. 

Musée  Piç-Clém.  Vol.  Yh  » 


rois  d'Égypte  qui  succédèrent  au  conqué- 
rant Macédonien  (i).  Je  ne  connais  pas  d'au- 
tres gravures  ,  ou  des  médailles  qui  offrent 
des  bustes ,  et  que  Von  puisse^  en  exami- 
nant leur  style  ,  ou  par  tout  autre  motif,  at- 
tribuer à  des  époques  antérieures  (2).  De  mê- 


(1)  Le  fameux  camée  avec  deux  bustes,  appelés 
communément  Alexandre  et  Olimp'a ,  qui  était  dans 
le  Musée  de  la  reine  Christine ,  et  qui  appartient  à 
présent  à  M.  le  Duc  de  Bracciano ,  se  trouve  gravé 
dans  le  Musée  Romain,  Gem.  ,  n.  18;  Vautre  a  été 
publié  par  M.  Echel  parmi  les  pierres  du  Cabinet  Im- 
périal ,  pL  X.  Je  ne  parlerai  point  ici  des  bustes  d' A- 
lexandre  et  de  Phocion  gravés  en  camée,  qui  por- 
tent le  nom  de  Pirgotelès,  Les  aniquaires  convien- 
nent suffisamment  que  ces  noms  sont  apocryphes ,  et 
M.  Bracci  doute  encore  de  {antiquité  de  tout  le  tra* 
va  il  ì  et  il  en  apporte  des  motifs  assez  intéressans.  Com- 
mentario degli  antichi  Incis.  ,  tome  II ,  tav*  98  et  99. 

(2)  Cependant  le  plus  ancien  buste  en  bas-relief  ,, 
et  qui,  si  on  p'ut  le  conjecturer  par  le  style ,  est  an- 
térieur au  temps  d  Alexandre ,  cest  celui  modelé  sur 
une  terre  cuite  fort  rare  qui  a  été  trouvée  avec  une 
autre  à  Porciliano  sur  les  bords  Laurentins ,  dans  les 
fouilles  qu'y  fit  faire  mon  illustre  mécène  le  prince 

Chigi.  On  peut  en  voir  le  dessin  dans  les  Notizie  de 
M.  Guattani ,  année  17^4?  février,  pL  II L  II  y  a 
une  si  petite  partie  de  la  poitrine^  qu  au  premier  coup- 
d'œil  il  paraît  plutôt  une  simple  tête  quun  buste. 
Si  Von  fait  attention  au  grandiose  de  ces  ouvrages 


*9 

me  que  je  ne  connais  pas  de  bustes  en  ronde 
bosse  qui  puissent  remonter ,  d'une  ma- 
nière certaine  9  avant  le  temps  de  la  mo- 
narchie romaine  5  car,  selon  moi,  on  ne  peut 
objecter  avec  avantage  le  mot  protome 
dans  un  passage  obscur,  et  peut-être  altéré, 
d'Orapollo  ou  le  prétendu  simulacre 

de  Junon  ,  sous  la  forme  d'un  buste  (2),  dans 

en  terre  cuite  ,  on  ne  peut  douter  que  ce  ne  soit  un 
travail  grec  excellent ,  fait  par  de  très-anciens  ar- 
tistes ,  et  ils  n  étaient  pas  différens  de  ceux  que  Pline 
nous  assure  avoir  vu  détacher  de  dessus  les  murs  de 
temples  anciens^  et  qu  on  fit  encadrer  à  raison  du  mé- 
rite de  Vart  qui  les  distinguait  (livre  XXX K y 
§  XLVJ. 

(1)  HiérogL,  /.  11  y  ch.  19:  UpOTOpi?  avp  ^a^aApq* 
ypa(pO{iévi?  dwaiór^re  ùffoof.  Un  buste  avec  une 
épée  indique  l'impiété.  Le  génitif  qui  attachait  à  quel- 
que sujet  le  mot  général  protome  >  manque  peut -être 
Ç probablement  à  quelque  animal  ). 

(2)  M.  Vab.  Lanzi  y  Saggio  di  lingua  etrusca  ,  etc., 
tome  II y  p.  212,  décrivant  cette  patere  sur  laquelle 
sont  représentés  Pelias  et  Nélée  y  ajoute  :  Devant  eux 
est  un  protome  de  Déesse;  et  à  la  page  2i4ï  Pas- 
seri reconnaît  Junon  dans  ce  protome.  Néanmoins 
Passeri ,  tome  II 1 ,  du  Musée  Etrusque  de  Gori  dans 
la  dernière  Dissertation  y  page  82,  y  reconnaît  plu? 
tôt  Sidéras  et  non  Junon  \  ce  que  je  n  ai  pas  fait 
observer  dans  V explication  que  je  donne  de  cette  pa- 
tere à  la  planche  A  ?  n.  3  ?  suppL  7  parce  que  je  suis 


30 

les  sgrafi t ti  dune  fameuse  patere  étrusque 
enrichie  d'épigraphes  grecques  ,  et  représen- 
tant un  fait  des  temps  héroïques:  f aurai 
occasion  de  parler  de  cette  patere  très-am- 
plement à  la  fin  de  ce  volume. 

Si  quelqu'un,  s* appuyant  sur  les  demi  figu- 
res des  Fortunes  Anziatines  gravées  sur  les 
médailles  de  la  famille  Rustia ,  prétendait  en 
établir  ïantériorité  des  bustes  dans  les  arts 
d'Italie  y  il  devrait  réfléchir  que  cette  demi- 
figure  ayant  des  bras  et  des  mains  >  il  reste 
indécis  si  les  simulacres  latins  de  la  Déesse 
étaient  dans  Voriginal  en  forme  de  bustes 
ou  bien  d'Hermès  féminins  avec  la  moitié 
de  la  partie  supérieure  de  la  figure. 

C'est  <T après  V origine  que  nous  avons  in- 
diquée que  les  bustes  antiques  en  relief  gar- 


implicitement  ce  qui  en  a  été  dit  dans  Z'Essai  cité* 
D'ailleurs  ï  antiquité  de  semblables  patères  n'est  pas 
dans  le  cas  de  contredire  ce  que  fai  mis  en  avant 
jusquici9  quoiqu'on  y  trouve  représentés  des  bustes. 
Mais  alors  la  protome  d'une  divinité  dans  un  évé- 
nement héroïque  paraîtrait  devoir  faire  supposer  fo- 
pinion  qui  assignerait  une  certaine  antiquité  plus  re- 
culée à  ces  sortes  d'images)  quand  même  on  ne  vou- 
drait pas  regarder  cela  comme  une  espèce  de  prole- 
pse. 


31 

dent  leur  terminaison  en  forme  d'arc  cir- 
culaire par  le  bas,  forme  qui  donne  delà 
grâce  aux  sculptures  de  ce  genre  y  quand 
au  contraire  rien  de  plus  lourd  que  ces  bus* 
tes  modernes  coupés  par  le  bas  horizontale* 
ment y  tels  que  nous  envoyons  tant  d'exem- 
ples dans  les  images  sacrées  et  sur  les  tom- 
beaux ,  effet  d un  amour  peu  réfléchi  pour 
imaginer  du  nouveau  (i). 

Pour  revenir  à  la  seconde  origine  des 
bustes  dont  fai  donné  Vidée  ci-dessus ,  je 
crois  qu'elle  a  plus  particulièrement  produit 
leur  usage  fréquent  et  si  général  chez  les 
Romains:  je  veux  parler  des  portraits,  ap- 
pelés de  leurs  ancêtres ,  que  les  familles  no- 
bles de  Rome  avaient  le  privilège  de  con- 
server et  d'exposer  aux  yeux  du  public 
d'une  façon  particulière.  Le  mot  vultus  dont 
on  se  servait  pour  les  désigner  (2),  nous  fait 
voir  que  ces  images  ne  représentaient  pas 

(1)  Ces  deux  façons  de  couper  le  bas  de  sa  fi- 
gure sont  également  naturelles.  L'une  suppose  que 
ï original  est  appuyé  sur  une  fenêtre  ovale  ou  circu- 
laire :  Vautre,  quii  est  sur  une  fenêtre  rectangulaire , 
ce  qui  est  encore  plus  commun ,  mais  ces  deux  ma- 
nières ne  sont  pas  les  mêmes  pour  ï  élégance. 

(2)  Pline  y  liw  XXX  F,  §  11. 


32 

la  personne  en  entier.  La  connaissance  que 
nous  donne  Polibe  des  habits  et  des  orne- 
mens  dont  on  les  revêtait  dans  des  occasions 
solemneïles ,  nous  apprend  assez  clairement 
que  ce  n'était  pas  de  simples  têtes  ou  des 
kermès  (ij.  Ce  devait  donc  être  probable- 
ment des  bustes  en  cire,  de  ronde  bosse  y 
peints  ensuite  comme  la  nature  ?  quelque- 
fois couverts  de  draperies ,  et  qui  étaient 
placés  dans  des  armoires  sous  les  vesti- 
bules ou  portiques  des  palais.  De  là  vint,  à 
ce  quii  paraît ,  Tusage  des  bustes  en  relief 
si  général  chez  les  Romains  ?  et  des  ima- 
ges des  hommes  célèbres ,  et  des  bienfaiteurs 
que  ton  conservait  dans  les  maisons  des  par- 
ticuliers communs  (i J  ,  de  celles  que  les  ci- 
toyens dédiaient  dans  les  temples  ( 3J  ,  et 


(0  Èw.  VI ,  §  5i. 

(2)  De  même  que  ce  vultus  dEpicure  que  les  Ro- 
mains, ses  sectateurs,  transportaient  d  appartement  en 
appartement  ;  de  même  ces  images  de  Titus  dans  les 
provinces 7  et  de  M.  Aurele  à  Rome  }  on  regardait 
comme  un  sacrilège  ,  selon  la  phrase  de  Capitolinus 
(in  M.  Àurei.,  18),  si  on  ne  les  avait  pas  chez  soi  y 
qui  per  fortunam  vel  potuit  habere  ,  vel  debuit.  Ces 
drt  lier  es  paroles  prouvent  qu  on  parle  d  images  scul- 
ptées soit  en  bronze ,  soit  en  marbre. 

(3)  Tels  sont  les  bustes  que  Von  voit  dans  les  mains 


23 

enfin  de  celles  qiiïls  placèrent  sur  les  tom- 
beaux. Comme  elles  occasionnaient  moins 
de  dépense  que  des  statues  entières  9  on 
les  introduisit  peu  à  peu  pour  représen- 
ter les  images  sacrées  des  Dieux  >  et  le 
plus  fréquemment  pour  les  divinités  É- 
gyptiennes  >  dont  le  culte  fut  précisément 
très-répandu  à  cette  époque  dans  V empire 
romain  (i). 

Ce  nouveau  genre  d'images  s^étant  intro- 
duit dans  la  sculpture  et  dans  Tart  du  sta- 
tuaire et  du  modeleur,  les  langues  qui  étaient 
arrivées  à  leur  perfection,  et  fixées  par  tant 
d écrivains ,  ne  se  servirent  plus  de  termes 
nouveaux  pour  indiquer  ces  ouvrages*  Les 
Latins ,  dans  le  meilleur  temps,  comme  dans 

de  quelques  figures  y  sur  un  bas-relief  de  la  ville  Al- 
bani (  Marini ,  Iscrizioni  Albane,  n.  CV.)i  dans  cel- 
les d'une  statue  en  pied  qui  est  au  palais  Barberini  ; 
à  une  autre  y  assise,  appartenant  à  la  maison  Ron- 
danini;  cette  dernière  pouvait  appartenir  à  quelque 
tombeau. 

(i)  Delà  les  bustes  de  S ér apis  et  d' Isis ,  dont  quel- 
ques-uns sont  publiés  dans  ce  volume.  On  peut  aussi 
donner  à  cette  époque  le  beau  buste  du  Soleil  qui  a 
été  acheté  dans  la  Grèce  par  le  chevalier  Zuliani.  Ce 
fut  en  effet  à  cette  époque  que  le  culte  du  Soleil  fut 
plus  général)  comme  nous  l'avons  démontré  ailleurs. 


ceux  qui  se  corrompaient  déjà,  se  plurent 
à  les  designer  par  le  mot  vultus,  quoi- 
que impropre,  et  convenant  mieux  pour  signi- 
fier un  masque  ( i  J.  Il  semble  en  outre  qu'on 
les  appelait  plus  communément  thoraces  et 
thoracides.  Postérieurement  on  les  désigna 
encore  par  d autres  mots ,  quelques-uns 
plus  généraux ,  d'autres  tenant  du  grec  , 
et  enfin  quelques-uns  corrompus ,  lesquels 
ne  signifiaient  le  plus  souvent  que  des  bus- 
tes en  bas -relief.  Tels  furent  ces  mots  eli- 
peus ,  discus  ,  cyclus  ,  strongyle ,  thoracleta, 
scutarium  ,  et  par  plus  de  corruption  sur- 
tarium,  imssorium,  ainsi  que  d'autres*  que 
le  savant  Salmasius  a  recherché  et  décou- 
vert avec  beaucoup  de  soin  et  d'érudition, 
et  expliqué  dans  différens  endroits  (2,).  Les 
Grecs,  comme  nous  l'avons  vu,  firent  pren- 
dre ce  sens  h  leur  mot  protome,  qui  de- 
vint propre  par  la  suite  y  et  dans  un  âge 


(1)  V.  pour  les  exemples  les  lexiques  et  les  glos- 
saires. 

(2)  Salmasius  9  ad  Solinum,  pag*  610,  édition» 
Trajecti ,  1689  ;  et  ad  Trebel.  Poil. ,  et  Claud.  Goth.  3  ; 
Du-Cangey  Glossarium  med.  et  inf.  Latinit.,  aux  mots 
cités. 


q5 

plus  récent  ils  lui  substituèrent  V expression 
plus  particulière  de  l^4pm  (\)  (  Stheta- 
rium  )  y  que  Von  peut  traduire  par  image 
avec  la  poitrine  seule:  cette  expression^  et 
par  elle-même  et  par  V usage  qu'on  en fit,resta 
indéterminée  pour  signifier  tant  les  bustes 
en  plein  reliefs  que  ceux  qui  étaient  atta- 
chés sur  quelque  surface  y  soit  que  ceux- 
ci  fussent  ciselés  ou  peints. 

Ceux  qui  ont  recherché  les  racines  de 
notre  langue  trouvent  Vétymologie  du  mot 
busto  (buste )  ,  dans  les  langues  du  Nord  (2)  ; 
il  leur  paraît  que  le  mot  teutonique  brust 
(  poitrine  )  y  qui  répond  au  mot  anglais 
breast ,  est  la  véritable  source  de  V exprès 
sion  dont  il  est  question  y  comme  voulant 
exprimer  une  figure  y  compris  la  poitrine  9 
et  correspondant  par  cette  raison  infini- 
ment avec  le  grec  ^^rdpiov.  Quelque  vrai- 
semblance que  puisse  avoir  une  telle  ori- 
gine, je  n'en  ai  cependant  trouvé  aucune 
trace  dans  les  écrits  de  la  basse  et  la  plus 

(1}  Du-Cange7   Glossarium  iufimac  Graecitatis,  Vi 

(2)  Ménage y  Origini  della  lingua  italiana,  au  mot 
Buste. 


26 

mediocre  latinité,  doit  Von  puisse  tirer  des 
probabilités  sur  V admission  faite  en  ce  cas 
d'une  langue  dans  Vautre  ;  et  dans  les  glos- 
saires on  ne  trouve  aucun  mot  qui  ait  quel- 
que ressemblance  à  celui  de  buste  >  ni  qui 
annonce  par  sa  signification  quelque  dé- 
rivé de  cette  racine  teutoni  que  dont  il  vient 
d'être  parlé.  Je  désire  proposer  une  autre 
étymologie ,  parce  quii  ne  me  semble  en 
aucune  manière  probable  que  >  tandis  que 
V Italie  était  remplie  d  images  en  forme  de 
bustes ,  une  partie  reste  des  arts  et  des 
usages  antérieurs,  et  partie  objets  actuels  du 
culte  religieux,  on  eût  attendu  que  les  peu- 
ples barbares  lui  enseignassent  comment  on 
devait  appeler  ces  images.  Je  crois  plutôt 
que  ces  sculptures  formées  jusqu'à  la  poi~ 
trine  ayant  été  employées  ordinairement  à 
V époque  de  la  décadence  de  V empire,  tant 
en  ronde  bosse ,  qu'en  bas-relief  sur  les  mo- 
numens  sépulcraux ,  la  désignation  de  bus- 
tes (i )  a  prévalu  dans  le  moyen  âge  pour 
signifier  cette  espèce  de  monumens ,  et  que 
les  images  eurent  ;  le  même  nom.  De  même 


{v)  Du-Cange  9  v.  Bustum. 


^7 

aussi  les  figures  des  Martyrs  Chrétiens  que 
les   écrivains  du  temps  appelaient  encore 
les  thoraces,  et  que  Von  vénérait  dans  leurs 
bustes,  ou  sépulcres  qui  renfermaient  leurs 
corps.  Alors  buste  ou  thorax  devinrent  sy- 
nonimes  dans  la  langue ,  et  le  premier  mot 
fut  pris  pour  le  second,  non-seulement  lors- 
qu'il s'agit  de  parler  du  portrait  ,  mais 
même  lorsqu'on  voulut  désigner  cette  par- 
tie du  corps  humain.  Comme  quelque  temps 
avant  les  termes  de  clipeus  ,  discus  ,  mis- 
sorius,  indiquèrent  non-seulement  le  bou- 
clier ou  le  plateau ,  mais  encore  l'image 
qu'on  représentait  dessus  dans  le  riiilieu  y 
de  même  on  distingue  par  le  nom  de  buste 
cette  espèce  de  portrait  que  Von  trouvait  pl  us 
communément  dans  les  monumens  funèbres , 
et  où  le  respect  que  Von  portait  à  la  sépul- 
ture les  avait  fait  épargner  pendant  plus 
long-temps  ,  et  leur  avait  donné  le  moyen 
de  survivre  aux  effigies  des  empereurs  et 
des  grands,  qui  à  V époque  de  la  subversion 
de  l'empire,  de  celle  de  ses  divinités,  lors  du 
changement  de  la  religion,  furent  abattues 
et  brisées. 

Il  n'est  pas  un  de  ceux  qui  s'occupent 


un  peu  des  choses  antiques  qui  ignore  que 
les  bustes  furent  employés  en  grande  quan- 
tité sur  les  sépulcres.  Les  sarcophages  >  les 
urnes  cinéraires  ,  les  cippes ,  avec  le  buste 
des  défunts  en  bas-relief  sont  très-connus. 
On  trouve  aussi  grand  nombre  de  bustes 
inconnus  en  relief  entier  ,  dans  les  décou- 
vertes qui  se  font  sans  cesse  de  sépulcres 
romains y  quelques-uns  avec  des  épigraphes 
qui  ne  font  qu'assurer  leur  destination  (i). 

Tai  pensé  que  toutes  ces  choses  méri- 
taient d'être  exposées ,  pour  plus  grande  in- 
telligence y  h  ceux  qui  voudront  feuilleter 
les  gravures  et  leurs  explications ,  de  la 
précieuse  collection  de  ce  genre  qui  fait 
la  matière  de  ce  volume  ;  d'autant  plus  que 
les  écrivains  sur  les  antiquités  et  les  artSj 
n'ont  pas  traité  ce  sujet ,  et  n'ont  rien  dit 
de  semblable. 


(\)  V.  7  par  exemple ,  dans  le  Musée  Capitolili  % 
dans  la  pièce  ditte  Miscellanea,  à  l'épigraphe  écrite  sur 
son  piédestal  qui  est  d'un  seul  morceau: 

MEMORIAE 
T.  FLAVI  •  EVCARPI 
AVONGVLI  •  C.  IVLI  •  EVROTIS 


*9 

Les  monumens  que  nous  offrons  peuvent 
être  distribués  en  trois  sections  ou  classes 
principales.  La  première  renferme  les  têtes 
et  les  bustes  des  Divinités,  ou  des  sujets 
appartenant  à  la  mythologie  ;  au  nombre 
de  ceux-ci y  excepté  six,  qui  ont  été  des 
bustes  dans  V antique ,  les  autres  sont  des 
kermès,  ou  furent  des  têtes  et  un  autre  genre 
de  simulacres  que  depuis  on  a  façonnés 
en  forme  de  bustes.  La  seconde  contient 
les  hommes  illustres  }  ou  pour  mieux  dire 
les  portraits  grecs ,  et  ceux-ci  sont  la  plu- 
part en  forme  d'hermès.  La  dernière  est 
celle  des  portraits  romains ,  presque  tous 
des  empereurs  ;  et  celle-ci  contient  plus 
que  les  autres  de  véritables  bustes,  parce 
que  ces  sortes  d'images  furent  plus  fré- 
quemment et  plus  généralement  en  usage 
à  cette  époque. 

En  expliquant  ces  monumens  je  n'ai  pas 
entrepris  de  répéter  V histoire  des  empe«< 
reurs  ,  ni  celle  de  la  littérature  grecque  ; 
je  me  mis  attaché  à  examiner  les  parti- 
cularités du  marbre  que  fai  eu  sous  les 
jeux ,  fai  indiqué  les  anecdotes  biogra- 
phiques, mais  autant  qu'elles  pouvaient  ser- 


3o 

vir  à  porter  du  jour  sur  quelque  circon- 
stance particulière  à  l'image  même.  Tai 
fait  remarquer  les  différences  entre  V anti- 
que et  le  moderne  >  et  même  les  restau- 
rations antiques,  et  je  Vai  fait  avec  la  même 
fidélité  et  exactitude  dont  j'ai  fait  profes- 
sion dans  les  volumes  précédens* 


3i 


D  U 

MUSÉE  PIE-CLE  M  ENTI  K 

PLANCHE  I. 
Jupiter  *. 

Cette  tête  colossale,  noble,  du  roi  des  Dieux  pro- 
vient des  fouilles,  de  la  colonie  d'Otriculum.  Ainsi 
la  munificence  de  Rome  ■  se  répandait  jusques  dans 
les  plus  petites  villes,  et  partout  laissait  des  ves- 
tiges de  sa  splendeur.  Le  Dieu  tutélaire  du  Ca- 
pitole devait  exiger  un  culte  plus  solemnel  que  tout 
autre  dans  les  colonies  romaines  ;  et  ce  fut  pour 
cela  qu'on  lui  consacra  plus  qu'à  toute  autre  di- 
vinité des  simulacres  colossaux  (  i  ).  Mais  de  toutes 


*  Hateur  avec  son  piédouche  ,  quatre  palmes  et  demie. 
Il  est  en  marbre  de  nos  contre'es.  On  Ta  découvert  à 
Otricoli  dans  les  grandes  excavations  que  le  pontife  y  fit 
exécuter. 

(i)  Pausanias ,  Attica,  ou  liv.  T;  ch.  XVI H  )  Eliac.  I, 
ou  liv.  V,  ch.  XI,  XXUI,  XXIV  5  Pline,  Hist.  nat.  ? 
liv.  XXXIV  ,  $  XVilL 


32 

les  effìges  de  Jupiter  qui  nous  sont  restées  ,  celle* 
ci  est  la  plus  grande  dans  ses  dimensions.  La  va- 
leur de  la  matière  aura  été  la  cause  que  tant  d'au- 
tres, et  si  belles,  que  les  anciens  avaient  élevées 
et  dédiées  dans  les  temples  de  ce  maître  de  l'Olym- 
pe, ont  été  perdues. 

On  peut  croire  que  les  traits  sous  lesquels  nous 
voyons  ordinairement  Jupiter  représenté  sur  les  mo- 
numens  romains  ,  sont  une  imitation  des  statues  les 
plus  remarquables  de  ce  Dieu,  qui  étaient  exposées 
dans  Rome  à  la  vénération  publique.  Peut-être  que 
le  Jupiter  en  ivoire  de  Pasitèles,  ou  celui  en  bronze 
de  Sténide ,  le  premier  placé  dans  le  temple  bâti 
par  Métellus,  le  second  dans  celui  de  la  Concorde, 
étaient  les  originaux  que  voulaient  suivre  les  artistes  (  i  )* 
Ceux-ci  avaient  peut-être  eux-mêmes  donné  à  leur  fi- 
gure les  traits  qui  avaient  été  inventés  par  d'anciens 
sculpteurs,  et  admirés  dans  toute  la  Grèce.  Il  est  ais  é 
de  remarquer  que  les  médailles  de  la  Grèce  mère, 
et  celles  de  l'Asie  ,  de  même  que  d'autres  battues 
ou  dans  l'Italie  ou  dans  la  Sicile  et  en  Egypte, 
nous  offrent  souvent  des  têtes  d'une  beauté  sur* 


(i)  Pline,  liv.  XXXIV,  §  XrX  ,  n.  33.  Sténide  était 
postérieur  à  Lvsippe  et  à  Praxitèle.  L'art  avait  donc  déjà 
de  son  temps  acquis  toutes  ses  grâces.  Pasitèles  fut  aussi 
un  des  artistes  grecs  le  plus  admiré  à  Rome  pour  ses  ou- 
vrages d'art  et  pour  ses  écrits.  Pline  parle  }  liv.  XXXV, 
§  4  ;  n»  l9>  de  son  Jupiter  en  ivoire  qui  fut  fait  exprès 
pour  être  placé  dans  le  temple  que  Métellus  le  Macédo- 
nien fit  élever,  en  le  faisant  rivaliser  avec  les  plus  fa- 
meux de  la  Grèce, 


35 

prenante  >  auxquelles  on  ne  pourrait  facilement 
appliquer  tous  ces  caractères  que  Winckelmann  a 
regardé  comme  presque  les  seuls  propres  et  distin- 
ctifs  de  la  physionomie  du  Grand  Dieu  (i).  Je  ne 
crois  donc  pas  que  ces  formes,  si  généralement 
adoptées  et  consacrées  par  l'usage ,  ayent  été  imi- 
tées constamment  d'après  un  original  de  l'art  plus 
antique.  On  s'éloignerait  moins  de  la  vérité  en  for- 
mant la  conjecture  que  le  Jupiter  Olympien  de 
Phidias,  si  célèbre  dans  l'antiquité,  a  peu  à  peu 


(i)  Winckelmann,  Hist.  de  V art 7  etc.,  liv.  V,  ch.  i  y 
§  27  au  53.  Le  Jupiter  Eleuthere  ,  sur  les  me'dailles  de 
Syracuse,  d'un  beau  travail;  a  la  barbe  si  longue,  qu'il 
est  très-différent  des  images  ordinaires  de  ce  Dieu.  Le 
très-beau  Jupiter  des  grandes  médailles  des  Ptolomées  a  les 
cheveux  si  hérissés  ,  qu'on  devrait  plutôt  le  prendre,  dit 
Winckelmann,  pour  un  Pluton  ;  mais  l'aigle  et  le  foudre 
gravés  sur  le  revers  déterminent  le  sujet.  Le  Jupiter 
Hellenius  est  tout-à-fait  sans  barbe  ,  etc.  Tant  il  est  dif- 
ficile d'assigner  certaines  règles  auxquelles  n'ont  jamais 
pu  s'assujettir  uniformément  ces  artistes  anciens  vivans  à 
des  époques  si  différentes ,  dans  des  pays  si  éloignés  , 
sortis  d'écoles  qui  ne  se  communiquaient  pas  ,  et  ayant 
pour  guides  des  traditions  et  des  superstitions  si  variées* 
Parmi  les  monumens  qui  existent  à  présent  ,  le  Jupiter 
des  candélabres  de  ce  Musée  (tòme  IV,  pl.  II),  celui 
de  l'autel  Capitolili,  et  tant  d'autres,  ont  la  barbe  lon- 
gue et  presque  pointue  ,  la  chevelure  bien  soignée  et  for^ 
mée  en  tresses.  Il  y  a  dans  la  collection  des  pierres  gra- 
vées du  Vatican  un  superbe  niccolo  sur  lequel  Jupiter 
est  représenté  avec  une  physionomie  extrêmement  ma- 
jestueuse, mais  cependant  avec  une  disposition  diffé- 
rente de  l'ordinaire  dans  la  barbe  et  les  cheveux. 

Musée  Pie-Clém,  Vol.  Yt  5 


34 

été  imîté  par  les  artistes  postérieurs  qui  l'admiraient, 
de  manière  qu'ils  se  sont  persuadés  que  ce  serait 
un  crime  de  s'en  éloigner  (i). 


(i)  Je  fonde  ma  conjecture  en  partie  sur  la  tête  de 
Jupiter  grave'e  sur  les  médailles  d'Elide  ,  en  partie  sur 
celle  d'une  autre  médaille,  dont  je  parlerai- bientôt.  Les 
médailles  d'Elide  ne  sont  pas  connues  dans  les  collections, 
parce  que  les  écrivains  de  Numismatique  ne  se  sont  ja- 
mais aperçus  que  les  médailles  avec  l'épigraphe  FA- 
AEIÛ'N,  qu'on  a  vulgairement  attribuées  aux  Falisques, 
appartiennent  aux  habitans  de  l'Elide  ;  dont  elles  por- 
tent le  nom  dans  leur  propre  dialecte,  et  dont  elles  nous 
présentent  les  divinités  principales  ,  Jupiter  et  Junon. 
Sans  relever  les  autres  difficultés  qui  naîtraient  en  les 
attribuant  aux  Falisques  Etrusques  ,  les  notices  des  an- 
tiquaires expérimentés,  confirmées  par  les  observations  de 
M.  Sestini  (Lettere  numism.  fi  tome  II  7  lett.  io),  an- 
noncent que  ces  médailles  viennent  du  Péloponnèse  et  non 
d'ailleurs.  Que  le  H  du  nom  des  Eliens  HAEIûN  se 
changeât  en  A  ,  AAEIûN  cela  est  certain  à  cause  de 
leur  dorisme  ,  qui  nous  est  démontré  non-seulement  parce 
qu'ils  provenaient  de  la  colonie  dorique  d'Oxylos  7  très- 
connue  dans  l'histoire  des  Héraclides,  mais  encore  par 
des  exemples  particuliers  que  nous  offrent  les  écrivains; 
comme  le  T^OiVEQ  pour  Tjfjveç ,  nom  qu'ils  donnaient  anx 
Jovi  (  c'est-à-dire  aux  images  de  ce  Dieu  )  qui  étaient 
consacrés  dans  Y  Alti  (  Pausanias  ,  V,  ch.  3).  I/aspira- 
tion  jointe  au  commencement  est  aussi  particulière  au 
dorisme,  et  on  remarquait  quelquefois  sur  les  médailles 
la  paléographie  la  plus  ancienne.  Les  tables  d'Héraclée 
en  offrent  des  preuves  ultérieures  ;  elles  sont  écrites  en 
vieux  dorique,  ayant  souvent  le  digamma,  ou  le  vau  ? 
ou  le  beth  ,  qui  reviennent  au  même,  devant  des  voyel- 
les communément  non  aspirées  (  comme  FiAIOS  ,  F  El- 
KATI  , pour  ï$ioç,eheO(n)i  et  les  mots  latins  vinum  e 


55 

I/air  serein  qui  brille  sur  cette  figure  tranquille 
de  notre  Jupiter  est  bien  convenable  pour  ce  Dieu, 


meus  évidemment  dérives  de  oÎvoç  et  oiKOÇ  (voyez  Ma- 
zoechi  ,  ad  ileg.  Tab.  Heracl. ,  page  28  et  suiv.  ,  spéciale- 
ment dans  les  noies).  Outre  cela,  le  dialecte  des  Eîiens 
se  distinguait  par  ces  aspirations  ,  comme  le  prouve  le 
mot  BAAT  ou  FAAï  ,  au  lieu  de  HAT  comme  ils  le 
prononçaient  ,  dans  lequel  même  l'H  est  transformé  en  À 
(Pausanias  ,  même  endr.,  ch.  21).  Enfin  la  grande  quan- 
tité de  médailles  de  la  ligue  Achéenne,  où  l'abbrevia- 
tion  FA  se  voit  également  employée  comme  dans 
les  médailles  attribuées  mal  à  propos  aux  Faiisques  ,  et 
jointe  au  monogramme  des  Achéens  (  Combe,  Catal.  Mus. 
Hunter.  ,  pag.  5  et  6)  ,  lève  tout  doute,  à  ce  qu'il  me 
Semble,  sur  cette  observation  numismatique.  La  Junoa 
qui  se  trouve  souvent  empreinte  sur  ces  médailles  ,  ne 
peut  en  aucune  façon  s'opposer  à  cette  opinion  ;  et  il  n'est 
pas  nécessaire  de  recourir  aux  figures  de  Junon  de  Fa- 
lisque  pour  l'expliquer  ,  parce  que  Junon  fut  aussi  vé- 
nérée dans  l'Elide  ,  où  son  temple  rivalisait  avec  celui  de 
Jupiter  Olympien,  elle  avait  ses  jeux  d'Herœum  ,  et  beau- 
coup d'autres  institutions  établies  en  son  honneur  que 
l'on  peut  voir  en  détail  dans  Pausanias  lui-même. 

Pour  revenir  à  notre  sujet ,  non-seulement  la  tête  de 
Jupiter  sur  les  médailles  FAAEIûN ,  Eleorum,  a  la  dis- 
position de  barbe  et  des  cheveux  semblable  à  celle  que 
nous  voyons  ordinairement  dans  ses  effigies,  mais  on  la 
voit  coiffée  de  même  sur  une  belle  médaille  du  Musée 
d'Hunter,  frappée  en  Arcadie,  quand  ses  peuples  firent 
la  conquête  de  l'Elide,  et  célébrèrent  la  CIV  Olympiade 
(Pausanias,  Eliac.  Il  ,  ou  liv.  ^1  >  ch.  XXII  )  que  l'on 
appela  depuis  Anolimpiade  7  et  qu'on  effaça  des  fastes 
Olympiques.  Cette  médaille  est  produite  dans  la  plan- 
che \7U,  n.  4  du  Catalogue  cité,  et  elle  porte  empreinte 
la  tête;  vue  en  profil,  de  Jupiter  Olympien  avant  une  cou- 


56 

dont  un  sourire  rendait  les  saisons  douces  et  rian- 
tes (i),  et  que  l'on  distingue  même  des  autres 
Dieux  par  l'épithète  de  Bienfaisant  (2).  A  coup 
sur  cette  physionomie  aura  été  différente  dans  ces 
simulacres ,  qui  le  représentaient  ou  comme  ven- 
geur ,  ou  comme  Maître  du  Tonnère ,  ou  comme 
'Opmoç  (Orcius)  c'est-à-dire  vengeur  du  serment  (3). 


ronne  d'olivier,  et  dont  les  traits  ont  beaucoup  d'analo- 
gie avec  ceux  de  la  nôtre.  Le  revers  fait  voir  à  l'ordi- 
naire Pan  assis  sur  les  rochers  du  Ménalus  ,  avec  le  mo- 
nografie d'usage  des  Àrcadiens  5  mais  on  lit  inscrit  en 
petits  caractères ,  sur  la  pierre  où.  est  assis  le  Dieu  ,  le 
mot  OAïMIl-  épigraphe  que  le  graveur  a  fidèlement 
recopiée,  et  que  M.  Combe  n'a  pas  aperçue.  Or  de  cette 
médaille  et  du  profil  pareil  à  celui  qui  est  sur  les  mé- 
dailles de  l'Elide,  je  fixe  le  temps  et  le  motif  de  cerare 
monument  numismatique;  et  je  conjecture  aussi  qu'on 
y  a  réprésenté  le  Jupiter  Olympien  si  fameux  ,  ouvrage 
de  Phidias  antérieur  à  cette  époque. 

(1)  Juppiter  hic  rîsît ,  Tempestatesque  serenœ 
Riserunt  omîtes  risu  Jovis  omnipotentis. 

Ennius  dans  Servius  ,  ad  Aen.  ,  I,  v.  255. 

(2)  MsiMftlOÇ,  v.  Pausan.  ;  liv.  II,  ch.  28  et  ailleurs. 

(3)  Pausanias ,  Eliac.  I ,  ou  liv.  V,  c.  24.-  'Q  fa  sv  va 

êç  ekk7ìyi\w  adïnov  âvdpiïv  &exoì?itcu.  ê7tt.9e^(riç 
[lèv  'Opmôç  èatiV  dvrâ  ;  «  Ce  Jupiter  qui  est  dans  le 
«  conseil  est  celui  de  tous  les  simulacres  de  ce  Dieu  le 
«  plus  propre  à  effrayer  les  méchans.  Son  surnom  est  Hor- 
«  cius,  comme  si  on  disait  le  Jupiter  des  Juremens,  etc.  » 
Ce  passage  fait  supposer  que  les  anciens  connaissaient 
d'autres  images  terribles  de  Jupiter:  ce  ne  sera  donc  pas 
une  particularité  invariable  de  sa  physionomie  que  le  re- 
gard constamment  serein  que  "Wiuckelmann  lui  attribue. 


PLANCHE  IL 


37 


Saturne  \ 

Cette  physionomie  majestueuse,  dont  les  traits  n'an- 
noncent pas  un  portrait ,  cette  draperie  >  pallium^ 
qui  l'enveloppe,  ce  voile,  cette  tête  d'une  proportion 
au-dessus  du  naturel,  qui  a  peut  être  appartenu 
à  une  statue  ,  et  que  la  planche  représente ,  me 
font  croire  que  c'est  une  effigie  de  Saturne  ,  au- 
quel conviennent  ces  formes ,  et  dont  la  distinction 


*  Il  a  trois  palmes  deux  onces  de  haut ,  et  sculpté 
en  marbre  grec  dur.  On  Tacheta  par  ordre  de  S.  M.  Clé- 
ment  XIV  du  sculpteur  Bartolomeo  Cavaceppi  ;  qui  avait 
fait  de  cette  tête  mutilée  un  hermès  tel  qu'on  le  voit  à 
présent.  Il  pensa  peut-être  que  c'était  le  portrait  de  quel- 
que homme  illustrefc  En  effet  on  voit  Euclide  de  Mégare, 
le  fondateur  de  l'école  Eristique,  représenté  de  même  7  se- 
lon quelques-uns  ?  sur  les  médailles  de  Mégare  ,  ayant 
la  tête  couverte  d'un  petit  voile  (  Gronov.  ;  Thes.  antm 
Gr.  ?  tome  II 7  page  82  ).  Mais  quoiqu'on  pense  de  la 
probabilité  pour  ce  portrait  ?  les  traits  exprimés  sur  ce 
marbre  ont  plus  de  grandiose  ;  d'idéal  qu'il  ne  peut  con- 
venir à  un  portrait  ;  et  le  manteau  qui  lui  couvre  la  tête 
est  beaucoup  plus  ample  que  ce  paltiolum  dont  se  ser- 
vaient les  Grecs  pour  se  voiler,  et  dont  nous  avons  parlé 
à  propos  d'un  autre  sujet  (voyez  les  notes  de  la  planche 
XIX  dans  notre  troisième  tome  7  ou  Ton  fait  quelques  re- 
marques sur  d'autres  particularités  de  la  tête  de  Saturne 
voilée  ). 


58 

particulière  est  d'avoir  la  tête  couverte  de  son 
manteau  (i). 

Un  des  plus  beaux  monumens  qui  nous  repré- 
sente cette  ancienne  divinité,  spécialement  protec- 
trice du  Latium,  c'est  l'autel  du  Musée  Capitolili,  où 
l'artiste  l'a  exprimée  dans  le  moment  que  Rhée  lui 
offre  ci  dévorer,  à  la  place  du  jeune  Jupiter,  une  pier- 
re emmaillotée,  que  les  grammairiens  appellent  Aba- 
dir  (2).  Dans  ce  bas-relief  on  remarque  le  geste 
du  Dieu  qui  soulève,  un  peu  au-dessus  de  ses  yeux, 
son  voile  avec  la  main  gauche.  Cette  attitude  est 
précisément  répétée  sur  une  pierre  gravée  de  la  col- 
lection de  Stosch  (5)  ;  et  ce  qui  est  plus  singu- 
lier, c'est  que  la  même  se  trouve  dans  le  simu- 


(1)  Albricus,  de  Deor.  im.9  c.  1  5  Fulgence  ;  Mythol.y 
liv.  1  ,  c.  ïi.  On  le  voit  cependant  sur  des  monnoies 
romaines  avec  la  tête  découverte,  ceint  seulement  d'une 
couronne  ou  diadème.  Il  a  quelquefois  pour  symbole  la 
faux,  qui  fait  allusion  à  l'agriculture  qu'il  introduisit  en 
Italie.  D'autresfois  il  a  une  épe'e  à  crochet  ;  appelée  Harpe 
par  Hésiode  (Théog. ,  v.  176),  précisément  de  la  même 
forme  qu'a  l'épée  de  Mercure  ,  ou  celle  de  Persée  sur  les 
jnédailles  grecques,  et  qu'à  cause  de  cette  forme  on  ap- 
pelle aussi  Harpe*  Les  commentateurs  l'ont  prise  pour  une 
fourche  à  deux  pointes  7  et  ont  pris  pour  un  Pluton;ce 
qui  était  un  Saturne  (Thés.  fanti*  Morel.  ,  Memmia ,  Ne- 
ria  ).  Winckelmann  indique  encore  d'autres  images  de 
Saturne,  également  voilées ;  dans  sa  Description  des  pier- 
res gravées  de  Stosch ,  classe  II,  sect.  1. 

(1)  Musée  Capitoliti }  tome  IV  ,  pl.Vj  Prîscien  ;  liv.  Vj 
Hésychius  l'appelle  en  grec  (3ahv?uOi>. 

(5)  Winctelmann;  Cabinet  de  Stosch. ;  cl.  II ,  n.  5. 


59 

lacre  de  Saturne  unique  qui  nous  reste,  en  grande 
partie  mutilé  ,  et  couché  ,  sans  être  connu ,  dans 
la  cour  des  Massimi.  Il  était  peint  dans  le  tombeau 
des  Nasons,  aussi  voilé  ,  assis ,  dans  la  même  atti- 
tude, et  au  moment  où  il  reçoit  dans  les  Des  For- 
tunées, qui  étaient  son  royaume  ,  et  le  séjour  heu- 
reux destiné  aux  justes ,  une  ame  que  lui  conduit 
Mercure  (i).  Bellori  y  reconnaît  tout  autre  sujet- 
La  rareté  des  images  de  Saturne  rend  ce  mar- 
bre très-précieux,  d'autant  plus  qu'il  est  d'une  di- 
mension plus  grande  que  toutes  les  figures  qui  nous 
représentent  ce  roi  de  l'âge  d'or.  S'il  n'est  pas 
extrêmement  conservé  ,  et  d'un  travail  très-fini ,  on 
peut  y  voir  cependant  un  style  grandiose  qui  an- 
nonce un  sculpteur  d'un  talent  peu  ordinaire. 

Parmi  toutes  les  causes  qui  ont  déterminé  les 
théologiens  du  paganisme  à  couvrir  ainsi  de  son 
manteau  la  tête  de  Saturne ,  je  crois  celle  de  l'al- 
légorie assez  convenable  pour  cet  objet  -7  car  elle 


(i)  Sépulcre  des  Nasons ,  pl.  VIII.  Ici  aussi  Saturne  a 
été  métamorphosé  en  un  Pluton  par  l'écrivain.  Mais  la 
tête  voilée  et  le  geste  de  la  main  le  font  reconnaître  pour 
Saturne.  Il  régnait  en  effet  dans  les  Iles  Fortunées  ,  sur 
les  ames  des  bienheureux  ,  comme  l'atteste  d'une  façon 
brillante  Pindare  (Olymp.,  od.  Il,  v.  127  ,  i38etsuiv.), 
ce  qui  est  répété  par  l'auteur  de  l'inscription  de  Regilla^ 
que  Ton  conservait  dans  la  villa  Pinciana,  à  propos  de 
quoi  Salmasius,  dans  son  docte  commentaire  sur  ces  in-r 
scriptions,  s'étonne  de  cette  particularité  ,  et  fait  voir  évi- 
demment qu'il  n'avait  pas  eu  alors  présent  à  l'esprit  les 
vers  de  Pindare  que  je  viens  de  citer. 


nous  indique  l'obscurité  et  les  ténèbres  dont  est 
enveloppée  l'origine  de  notre  monde  personnifiée 
par  Saturne. 

Minerve  *• 

Ce  buste  nous  offre  tant  dans  les  formes  du  vi- 
sage ,  que  dans  sa  draperie  et  dans  l'ajustement 
de  l'égide  ,  un  style  grand  que  Fobservateur  admire. 
On  connaît  si  bien  à  présent  Minerve  et  son  ar- 
mure ,  qu'il  serait  inutile  d'en  faire  l'explication. 
Cependant  je  ne  crois  pas  moins  faire  plaisir  à 
ceux  qui  occupent  leurs  loisirs  par  l'étude  agréa- 
ble des  antiquités ,  en  leur  donnant  dans  la  note 
ci-jointe  l'examen  d'une  tradition  mythologique  sur, 
l'égide  de  Minerve ,  laquelle  ,  outre  qu'elle  n'est 
pas  ordinaire  ,  peut  être  sujette  à  différentes  inter- 
prétations (  i  ).  Les  griffons  ,  animaux  guerriers ,  qui 


*  Sa  hauteur  avec  le  pie'douche  est  de  quatre  palmes, 
sept  onces  >  il  est  de  marbre  pentélique.  On  l'avait  placé 
autrefois  dans  le  château  S.  Ange  7  d'où  on  Ta  trans- 
féré au  Musée  par  ordre  de  S.  S. 

(»)  Cette  tradition  se  lit  dans  les  scolies  de  Tzetze  sur 
Y Alexandra  de  Licophron  7  v.  355.  Ce  grammairien  sup- 
pose que  Pallas  était  une  Nymphe  de  la  Lybie  ?  diffé- 
rente de  Minerve ,  tradition  rapportée  encore  par  Apol- 
lodore  (  liv.  Ili  ;  ch.  ia  ,  n.  5))  et  que  Minerve  1  ayant 
tuée  dans  un  combat  singulier  entrepris  par  défi,  la 
Déesse  en  eut  un  lei  chagrin  ?  qu'elle  honora  sa  mémoire 


sont  sculptés  sur  son  casque,  et  les  têtes  de  bé- 
lier qui  en  ornent  la  visière  ,  grondaia ,  se  voyent 


et  son  effigie,  en  plaçant  celle-ci  près  de  Jupiter,  dans 
le  ciel,  et  en  ornant  sa  poitrine  de  cette  égide  qui  avait 
e'té  la  cause  de  la  mort  de  cette  infortunée  :  ce  simula- 
cre de  Pallas  devint  ensuite  le  Palladium  de  Troye.  Voici 
les  propres  paroles  de  Tzetze  :  'A«3^<x  dè  ïïep'ÛwjCOÇ 
lis  âvrri  (  ïiahhâfo  âtioSavovorfi  )  yevoybèvri,  \òa>- 
vov  eneforiQ  ofxoiov  narao'Kevdo'ao'a ,  TtepiéSero  roïç 
erèpvoiç  ò  JLeyvm?  afoiiïà ,  nai  eTifia  idpvaaybhri 
vtapà  to  Au\  que  je  traduis  ainsi  en  latin  :  Minerva 
e  jus  caussa  trislis  (  Palladis  nempe  mortucte  )  ligneo  illius 
simulacro  elaborato ,  pectori  ejusdem  circumdedit  id  quod 
vocant  aegida}  simulacrumque  ipsum  honore  habitum  juxta 
lovem  locavit',  après  quoi  il  continue  l'histoire  de  ce  si- 
mulacre qui  fut  le  Palladium.  Aujourd'hui  M.  Heyne,  sa- 
vant éclairé,  qui  honore  l'Allemagne,  est  d'avis  qu'on  doit 
donner  un  sens  différent  à  ce  passage.  Il  croit  que  ces 
mots  signifient  plutôt,  que  Minerve  avait  formé  le  simu- 
lacre de  Pallas,  qu'elle  l'avait  suspendu  sur  sa  poitrine, 
qu'elle  lui  avait  donné  le  nom  d'Egide,  et  qu'elle  s'était 
assise  à  côté  de  Jupiter  avec  cette   distinction  particu- 
lière (  notes  sur  Apollod. ,  1.  c.  ).  Or  le  fondement  d'une 
interprétation  si  singulière  n'est  que  de  considérer  que 
Ylâpvcra^iévij ,  parole  moyenne,  paraît  plutôt  naturelle- 
ment signifier  quae  seipsarn  locat }  qtie  quae  aliquid  lo- 
cai. Mais  si  cet  illustre  littérateur  réfléchissait  que  les 
écrivains  les  moins  anciens    se  sont  tenus  éloignés  de 
cette  rigidité  grammaticale  qu'il  suppose  ;  qu'Apollonius 
de  Rhodes,  auteur  bien  plus  exact,  a  cependant  employé 
l'aoriste  moyen  l^piffao^ai  dans  un  sens  purement  actif 
{Argon. }  liv.  I,  v.  959);  que  le  récit  d'Apollodore  con- 
firme trop  ouvertement  la  première  interprétation ,  et 
qu'il  faudrait  trop  l'altérer  ou  lui  faire  effort  pour  en 
tirer  la  seconde }  et  qu'enfin  le  sujet  même  du  discours 


42 

aussi  sur  les  casques  de  Mars.  Ainsi  on  pourrait 
encore  soupçonner  que  ce  buste  représenterait  plu- 
tôt Rome  (i). 


exclut  tout-à-fait  son  explication,  puisqu'il  ne  s'agit  pas 
de  nous  apprendre  ce  qu'était  l'égide  ,  et  si  Minerve  la 
portait  ou  non  quand  elle  s'assit  aux  côte's  de  Jupiter, 
mais  seulement  de  raconter  quelle  fut  l'origine  du  Pal- 
ladium, lequel  e'tait  un  simulacre  en  bois  de  Pallas  orné 
de  l'égide,  placé  dans  le  ciel  en  grand  honneur  près  du 
trône  de  Jupiter,  et  qui  fut  ensuite  précipité  sur  Troyej 
il  me  semble  que  l'écrivain  ingénieux  et  justement  ré- 
nomé  pourrait  changer  d'opinion  sur  cette  petite  parti- 
cularité de  sa  vaste  érudition  en  mythologie. 

(i)  De  semblables  emblèmes  se  voyent  dans  les  bas- 
reliefs  des  candélabres  sur  le  casque  de  Mars  •>  on  les 
remarque  encore  dans  la  superbe  statue  du  Dieu  de  la 
guerre,  que  vulgairement  on  appelle  Pyrrhus,  placée 
dans  le  Musée  Capitolin.  Mais  comme  ce  sont  cependant 
des  images  simplement  relatives  à  la  guerre ,  les  griffons 
à  cause  des  combats  qu'on  supposait  qu'ils  avaient  li- 
yrés  aux  Àrimaspes ,  les  béliers  à  cause  des  machi- 
nes qui  portent  ce  nom ,  dont  on  se  servait  dans  les 
sièges  des  villes  ,  on  ne  peut  les  appliquer  à  Minerve. 
Quand  on  a  voulu  éviter  tout  équivoque  entre  Rome 
et  Minerve ,  on  a  placé  sur  le  casque  de  la  première 
l'image  de  la  louve ,  comme  dans  la  belle  tête  de  la 
villa  Pinciana,  où  on  l'a  vctue  en  Amazone  avec  une 
épaule  nue,  ce  qu'on  n'a  jamais  fait  pour  la  Déesse 
tutelaire  d'Athènes. 


PLANCHE  III. 


45 


§  h 

Mercure  avec  le  pétase  *. 

Le  messager  des  Dieux  avait  dans  ses  vêtemens 
tout  ce  qui  était  particulièrement  nécessaire  aux 
voyageurs  ;  de  ce  nombre  était  le  pétase  ou  cha- 
peau ,  qui  n'était  pas  ordinairement  en  usage  parmi 
les  hommes  qui,  chez  les  anciens,  menaient  la  vie  de 
simples  citoyens  ou  de  guerriers  ,  à  moins  qu'ils 
n'en  eussent  besoin  en  voyageant  ou  en  chassant, 
pour  se  garantir  de  la  pluie  ou  du  soleil,  et  c'est 
sous  ce  dernier  rapport  que  Ton  appela  cette  coif- 
fure causict.  Sans  citer  beaucoup  d'exemples ,  on 
voit  Méléagre  en  chasseur  sur  les  médailles  d'Eto- 
lie  des  Aniens  ,  Thésée  en  voyageur  sur  un  vase 
de  terre  cuite ,  où  il  est  peint  tuant  le  PitiocamptCi 
tous  deux  ont  leurs  chapeaux  attachés  à  leur  cou 
et  rejetés  par  derrière  sur  leurs  épaules  (1),  C'est 
ainsi  que  Mercure  porte  le  sien,  dans  ce  bas-relief,  où 


*  Hauteur  de  tout  Thermes  deux  palmes,  deux  onces  j 
la  tête  seule  reste  de  l'antique  ;  elle  est  de  marbre  grec. 

(1)  Winckelmann,  Mon.  inéd.  ;  num.  98.  Le  chapeau 
était  si  un  usage  pour  les  voyageurs  7  que  dans  le  Tri- 
nummum  7  acte  IV  ;  se.  2  ,  v.  9,  Plaute  introduit  un  pre'- 
tendu  voyageur  venant  de  contrées  éloigne'es  ;  et  il  lui 
donne  un  chapeau  à  rebords  si  larges  ;  que  l'autre  in* 
terlocuteur  en  le  voyant  ne  peut  s'empêcher  de  dire 
Fungine  genere  est  7  capite  se  totum  tegit. 


44 

il  est  représenté  lors  qu'il  remet  à  Orphée  son  Eu- 
ridice ,  si  l'ancien  auteur  des  inscriptions  gravées 
sur  ce  marbre  napolitain  ,  ne  s'est  pas  cependant 
trompé  sur  le  sujet  (i).  11  est  possible  que  le  cha- 
peau de  Mercure  ne  soit  pas  différent  du  bonnet 
Àrcadien  qu'on  lui  a  donné  pour  distinction,  pour 
indiquer  sa  patrie ,  parce  qu'on  le  supposait  né  à 
Cyllène,  comme  on  se  servait  du  bonnet  Lacédé- 
monien  (2)  pour  distinguer  les  Dioscures  nés  à  Pe- 
phnos.  Quoiqu'il  en  soit ,  une  chose  certaine,  c'est 
que  le  pétase  sans  les  ailes  ,  qu'on  lui  a  depuis 
ajouté  ou  pour  marquer  la  vélocité  du  messager 
céleste,  ou  pour  quelques  autres  allusions,  est  pla- 
cé sur  la  tête  dans  les  images  de  Mercure  sur  beau- 
coup de  médailles  grecques  et  latines,  de  sorte  qu'on 
ne  peut  pas  avoir  le  moindre  doute  sur  le  sujet 
de  cette  sculpture,  dont  la  forme  a  été  à  présent 
réduite  à  celle  qu'ont  les  hermès,  forme  d'ailleurs 
plus  particulièrement  destinée  pour  les  images  de 
ce  Dieu. 


(1)  Le  même  Winckelmann  en  fait  mention  dans  l'ou- 
vrage cité  au  n.  85.  On  doit  ne'anmoins  préférer  l'autre 
indication  des  sujets  que  nous  trouvons  dans  les  épigra- 
phes d'un  bas-relief  semblable  de  la  villa  Pinciana,  ou. 
Ton  donne  le  nom  de  Zétus  à  cette  figure,  qui  porte  dans 
le  bas-relief  de  Naples  le  nom  de  Mercure» 

(2)  Polienus  et  Philostrate  font  mention  de  ce  pîleus , 
bonnet,  ou  pétase  particulier  aux  Arcadiens,  qui  de-la 
s'appellent  1 Kpnàç  ou  ' '  kpxadmôç  rtïXoç.  On  peut  voir 
les  passages  ou  ils  en  parlent  dans  le  Splcilegium  de 
Mtursius  à  l'Idylle  XV  de  Théocrite. 

1 


45 

§  2. 

-  •    Mercure  aile  *. 

On  ne  reconnaît  Mercnre  dans  ce  buste  qu'à 
un  seul  caractère  distinctif,  comme  dans  le  précé- 
dent hernies.  Dans  le  dernier  c'est  le  pétase ,  dans 
celui-ci  ce  sont  les  ailes  à  la  tête  qui  nous  font 
connaître  le  Dieu  de  l'éloquence  et  du  génie ,  au- 
quel on  attribuait  en  grande  partie  la  culture  et 
le  perfectionnement  du  genre  humain.  Peut-être 
que  ces  ailes  que  nous  voyons  au  chapeau  de  Mer- 
cure ,  d'autrefois  attachées  à  sa  tête  par  quel- 
que bandelette ,  sont  une  imitation  que  firent  les 
Grecs  de  ces  deux  plumes  que  l'on  voit  si  sou- 
vent orner  la  tiare  des  statues  égyptiennes ,  et  qu'en- 
suite ils  les  firent  naître  de  la  tête  même  ,  ou  du 
front  de  ce  Dieu  ,  pour  montrer  que  le  génie  est 
pourvu  d'ailes,  et  pour  rendre  l'allégorie  plus  sensible. 

Comme  le  culte  et  les  fonctions  de  Mercure 
étaient  très-répandus  parmi  l'opinion  et  dans  les 
idées  superstitieuses  des  Payens  ,  il  me  semblerait 
peu  raisonnable  d'élever  quelque  doute  sur  le  su- 
jet de  cette  sculpture  ,  en  prétextant  que  Mercure 
n'était  pas  le  seul  à  qui  on  donnait  des  ailes  au 
front,  puisque  cette  marque  distinctive  désignait 
également  les  images  des  Vents  et  celle  du  Dieu 


*  Il  est  de  ce  marbre  très-fin  7  blanc,  que  les  ouvriers 
appellent  improprement  de  Paros  ;  sa  hauteur  avec  le  pîe'- 
douche  est  de  trois  palmes,  trois  quarts. 


46 

du  Sommeil  (i).  Ce  sçrait  avec  plus  de  fondement 
que  l'on  pourrait  soupçonner  qu'on  eut  ici  formé 
le  portrait  de  quelque  Romain  sous  les  apparences 
qui  conviennent  au  fils  de  Maia  •  car  la  chevelure 
paraît  plutôt  propre  à  la  mode  des  Romains  ,  que 
telle  qu'on  a  imaginé  celle  de  Mercure  j  et  même 
les  traits  du  visage  quoique  très-beaux  et  gracieux , 
n'ont  pas  ce  caractère  de  grandeur  que  l'on  re- 
marque aux  divinités  grecques  (2). 

(1)  Les  Vents  ont  les  ailes  aux  tempes  ^  et  dans  le 
dyptique  qui  représente  l'apothéose  de  Romulus  dans  Buo- 
narroti,  et  dans  un  bas-relief  très-rare  ine'dit  près  du  sou- 
verain pontife  qui  le  reçut  en  présent  du  chev.  anglais 
M.  Henri  Blundell,  dont  nous  avons  déjà  parlé,  en  outre 
les  classiques  leur  donnent  aussi  ces  ailes.  V.  Silius  Ital.  , 
liv.  VIII?  v.  aS^;  et  Orphée;  Argonàuta,  v.  3i9;  où  il 
donile  les  ailes  au  front  des  deux  fils  de  Borée  et  d'Ori- 
thie  Zétes  et  Calais.  On  doit  ici  rejeter  la  correction  de 
Vesselingius  ,  ProbabiL  }  IX  ,  page  78,  qu'a  suivie  Ma- 
thias  Gesner  dans  son  édition  de  ce  poëte  ,  d'après  la- 
quelle on  lit  que  les  deux  enfans  de  Borée 

Taperoîciv  vxvarioiç  ^sTtor^vro 
Alis  sub  auribus  enatis  volabant  , 
il  faut  lire  à  la  place  à' viryarioM; ,  eTCSarioiQ  ,  c'est-à- 
dire  alis  supra  aures  enatis  :  puisque  ni  les  têtes  ailées 
des  Vents  ,  ni  celles  de  Mercure  ne  se  trouvent  point  avec 
des  ailes  placées  comme  le  supposent  Yesselingius  et 
Gesner,  mais  aux  tempes,  et  par  cette  raison  au-des- 
sus des  oreilles.  Il  n'y  a  que  nos  modernes  Chérubins  et 
quelque  image  for  trare  des  Génies  de  Bacchus  qui  soient 
représentés  avec  des  ailes  derrière  la  tête,  de  sorte  qu'on 
puisse  dire  que  celles-ci  sont  viryatlOl  sub  auribus  ena- 
tae. 

(2)  En  observant  très-en  détail  ce  morceau  antique  7 


4? 

PLANCHE  IV. 
§  *• 

VuLCAIN  * 

Les  dénominations  données  ici  aux  deux  ber- 
mès  représentés  dans  ce  dessin  ne  sont  appuyées 
que  sur  des  conjectures  ;  et  quoiqu'il  se  trouve 
cependant  quelque  probabilité  en  leur  faveur ,  il 
serait  possible  que  la  découverte  de  monumens 
nouveaux  ou  des  observations  plus  justes  ,  nous 
obligeraient  à  rejeter  ces  dénominations.  Mais  com- 
me de  l'examen  de  leur  caractère  et  de  leurs  at- 
tributs il  pourrait  ressortir  quelque  lumière  utile 
à  d'autres  restes  de  l'antiquité  figurée ,  ce  ne  sera 
pas  sans  fruit ,  et  même  sans  quelque  plaisir,  que 
nous  nous  livrerons  à  cet  examen. 


il  semblerait  que  l'artiste  aurait  d'abord,  en  le  commen- 
çant, exe'cuté  ce  portrait  sans  avoir  l'idée  de  lui  donner 
aucun  attribut  de  Mercure  ,  et  qu'à  cet  effet  il  avait 
sculpté  les  cheveux  repliés  vers  le  front  selon  l'usage  ro- 
main du  temps  d'Auguste  j  et  qu'ensuite  pour  en  faire 
un  Mercure  il  a  du  lui  rapporter  des  ailes  au  moyen  de 
deux  petits  tasseaux  (  celles  qui  se  voyent  maintenant  sont 
modernes,  sur  les  vestiges  des  anciennes  ),  et  qu'en  outre  il 
lui  a  découvert  le  front ,  et  replié  les  cheveux  en  ar- 
rière parce  que  cette  manière  convenait  mieux  au  su- 
jet. On  voit  avec  évidence  les  traces  d'un  travail  fait 
après  coup. 

*  Hauteur,  y  compris  Thermes,  deux  palmes,  dix  oncesj 
sculptés  en  marbre  de  Luni  un  peu  taché. 


48 

Il  m'a  semblé  que  Ton  pouvait  regarder  Vul- 
cani comme  le  sujet  du  premier.  Sa  marque  dis- 
tinctive  peut  être  ce  singulier  bonnet  qui  paraît 
presque  adhérent  à  la  tête ,  en  la  serrant  par 
tout  de  si  près,  qu'on  n'y  trouve  plus  de  place 
aux  cheveux.  En  outre,  sa  physionomie  n'est  pas 
beaucoup  différente  de  celle  que  nous  avons  trou- 
vée à  une  petite  idole  en  bronze  ,  découverte  dans 
l'île  d'Elbe,  et  qui  a  été  publiée  dans  les  anti- 
quités d'Herculanum  (i).  Les  commentateurs  ont 
aussi  cru  y  reconnaître  un  Yulcain ,  avec  des  mo- 
tifs un  peu  foibles  certainement,  mais  qui  sont  deve- 
nus pour  moi  assez  vraisemblables  depuis  que  j'ai 
découvert  une  image  de  Yulcain  dans  un  sembla- 
ble costume,  et  qui  était  incontestable.  Cette  image 
n'avait  pas  été  jusqu'alors  connue;  au  contraire ,  à 
raison  des  restaurations,  faites  sans  intelligence ,  elle 
avait  donné  lieu  à  ce  que  quelques  antiquaires  tom* 
bassent  dans  des  équivoques  bizarres  (2). 


(1)  Bronzi  y  tome  II  ,  Préface. 

(•2)  Il  est  sur  le  bel  autel  de  la  ville  Borghese  qui  était 
consacre  aux  douze  Dieux.  Cette  figure  avec  une  te'naille 
à  la  main;  principal  attribut  du  Dieu  des  forgerons, 
étant  brisée  dans  la  partie  supérieure  7  a  été  restaurée  pour 
une  figure  de  femme ,  précisément  parce  qu'étant  vêtue 
dans  le  même  genre  que  l'idole  de  bronze  citée  ,  le  res- 
taurateur ignorant  a  pris  ce  vêtement  pour  celui  d'une 
femme;  de-la  toutes  les  observations  inconséquentes  de 
Winckelmann  ,  qui  a  prétendu  l'expliquer  7  sans  s'être  a- 
perçu  de  la  restauration  (Monum.  inéd,  ;  n.  i5).  Je  la 
donnerai  avec  toutes  les  autres  figures  de  ce  très-rare 
monument,  dans  les  planches  de  supplément. 


49 

L'usage  de  se  raser  la  tête  très-près  de  la  peau 
était  peut-être  particulier  au  peuple,  ou  à  la  ville 
dans  laquelle  cette  image  avait  été  en  vénéra- 
tion. On  n'a  pas  besoin  d'autres  exemples  que  des 
figures  étrusques  dont  la  tête  est  ainsi  rasée  (i). 
Les  effigies  de  Vulcain  sans  barbe  sont  assez  con- 
nues par  les  monumens  et  par  les  écrits  (2)» 

Cette  tête  ,  qu'on  a  réduite  depuis  sous  la 
forme  d'un  hermès ,  nous  offre  un  travail  que  l'on 
peut  croire  plutôt  étrusque  que  grec  antique  ,  sur- 
tout la  qualité  du  marbre  de  Luni  pouvant  la 
faire  attribuer  aux  ouvrages  toscaniques, 

§  2. 
Vénus  *. 
On  appelle  vulgairement  portraits  de  Saplro  des 

(1)  Nous  avons  fait  remarquer  à  propos  de  la  planche 
XXXII  du  tome  IV  que  Ton  variait  l'habillement  et  la 
parure  dans  les  simulacres  des  Dieu*  .  selon  les  différens 
usages  des  nations.  Adrien  Junius  >  dans  son  opuscule 
de  Coma,  ch.  2,  parle  de  différens  peuples  d'Italie  qui 
eurent  cet  usage  de  se  raser.  On  Voit  dé  petites  idoles, 
regardées  comme  étrusques,  dont  la  tête  est  rasée)  dans 
Caylus ,  Recueil ,  tome  III,  pl.  XVIII;  t.  IV,  pl.  XXVI> 
XXV  II  et  ailleurs. 

(2)  Voy.  le  passage  du  scoliaste  au  v.  56  à'Oedipe  à 
Colone  de  Sophocle  qu'ont  cité  les  historiens  des  pein- 
tures d'Hereulanum,  dans  les  notes  à  la  pl.  26  du  III  vo- 
lume ;  ils  y  rappellent  d'autres  images  de  Vulcain  sans 
Larbe. 

*  Haute,  jusqu'à  la  poitrine,  d'une  paline,  deux  onces | 
sculptée  en  marbre  pentéliqne. 

Musée  Pie-Clém.  Vol.  VI.  4 


5o 

têtes  de  femme*  dont  les  cheveux  sont  ainsi  réu- 
nis par  derrière  sous  la  coiffe  (  KaMitipa  en  grec,  ■ 
et  que  les  Latins  nommèrent  Mitra  ),  retenus  par 
devant  au  moyen  de  deux  bandelettes ,  et  tom- 
bans  en  boucles  sur  les  joues.  Quiconque  exami- 
nera les  traits  de  celle-ci  ne  doutera  nullement 
qu'elle  est  absolument  idéale.  Mon  opinion  me  porte 
à  croire  que  les  cheveux  ainsi  arrangés  peuvent 
indiquer  quelquefois  Xénus  ,  puisque  je  lui  vois  le 
même  genre  de  coiffure  dans  deux  tableaux  d'Her- 
culanum  (i),  et  que  je  remarque  à  peu  près  le  même 
acoutrement  de  tête  dans  les  images  d'Erato  ,  de 
l'Espérance ,  et  même  dans  la  statue  d'une  des 
Parques  (2)  j  sujets  qui  ont  tous  quelque  rapport 
mythologique  avec  Vénus. 


(  (1)  C'est-a-dire  dans  la  Yénus  couchée  sur  une  con- 
que, publiée  à  la  plane.  III  du  tome  IV,  où  cette  coif- 
fure est  de  couleur  d'or,  comme  on  la  voit  aussi  de  même 
couleur  à  la  Vénus  aux  trois  Amours  de  la  pl.  VII  du 
tome  III.  On  n'a  peut-être  pas  encore  observe  cela,  parce 
que  rarement  les.  "Vénus  nues  sont  ajustées  ainsi,  et  que 
d'ailleurs  les  antiquaires  ne  reconnaissent  des  images  de 
Vénus  que  dans  celles  qui  sont  nues.  Quant  à  moi  cepen- 
dant, je  crois  que  Tune  des  plus  élégantes  figures  de  fem- 
mes a  mi-corps  du  Musée  Capitolili  (tome  III,  pl.  LXXI) 
qui  a  la  même  coiffure ,  représente  aussi  une  Vénus.  La 
grâce  du  visage,  la  douceur  des  regards,  cette  tunique 
qui  tombe  de  ses  épaules,  que  nous  avons  remarquée  à 
d'autres  images  de  la  même  Déesse  (tome  III,  pl.  VIII, 
et  pl.  C.  III  ,  n.  5  ,  p.  25o  )  sont  des  particularités  qui 
appuyent  cette  conjecture. 

(2)  La  tête  de  la  Muse  Érato  qui  est  sur  le  sarcophage 
du  Capitole  est  ainsi  couverte,  et  peut  être  k  son  imi- 


5r 

Si  quelque  personne  prétendait  que  Foli  dût  re- 
connaître dans  cette  image  une  E  rato  ,  plutôt  que 
Vénus ,  je  ne  m'y  opposerais  pas  trop;  mais  ce  qui 
m'attache  à  donner  la  préférence  à  la  première 
dénomination  ,  c'est  d'apprendre  de  Pausanias  que 
Vénus  se  représentait  en  forme  d'hermès  ,  et  que 
l'hermès  de  la  Vénus  Céleste  à  Athènes  ,  portait 
une  épigramme  gravée  ,  dans  laquelle  on  la  con- 
fondait avec  les  Parques ,  l'une  desquelles  avait^ 
comme  je  viens  de  l'observer,  la  même  espèce  de 
coiffure  (i). 


tation  celle  de  Sapho  sur  les  médailles  de  Mytilène.  Ainsi 
est  à-peu-près  l'Espérance  sur  les  candélabres  Barbérins, 
que  nous  avons  publiée ,  pL  VIII  de  notre  tome  IV ,  laquelle 
est  peut-être  Vénus  même,  comme  Déesse  du  printemps, 
et  qu'on  nomma  par  cette  raison  Vénus  Cloris  (  voyez 
FAleandre  ,  ad  Tab.  Helîac).  De  même  enfin  la  statue 
inédite  trouvée  à  Tivoli,  que  je  crois  une  Parque,  et 
qui  se  voit  chez  M.  Vincent  Pacetti.  Celle-ci  est  dans  la 
même  attitude  que  l'image  d'une  Parque  qui  est  sculptée 
sur  un  bas-relief  Capitolin  (  t.  IV,  Mus.  Capit. ,  pl.  XXIX ). 
Elle  a  sur  la  tête  cette  espèce  de  coiffe  ou  filet,  ce  qui 
lui  a  fait  donner  par  Pindare  le  nom  lLpvaa{l13VÌ; , 
et  l'on  voir  se  croiser  sur  son  sein  et  sur  ses  épaules  deux 
baudriers  qui  soutiennent  les  ailes,  comme  on  les  voit 
sur  beaucoup  de  sculptures  antiques  ,  et  particulièrement 
aux  statues  de  la  Victoire  qui  sont  à  Post  dam  :  à  présent 
les  poètes  et  les  sculpteurs  donnent  des  ailes  aux  Par- 
ques (V.  notre  tome  IV,  pl.  B  ,  page  366  ).  Dans  la  note 
suivante  nous  parlerons  des  rapports  de  Vénos  avec  les 
Parques. 

(i)  Pausanias,  Attica  ,  ou  liv.  chap.  19:  Taérqç 
(  Appoâh^ç)  (r%tfn>a,  (tèf  Terpdy0vov  n^k  rama* 


5* 

PLANO  II  E  V. 


Océan  *. 

Les  sourcils ,  les  joues  écailleuses ,  la  barbe  et 
les  cheveux  qui  semblent  des  eaux  ondulées  et 
tombantes,  les  dauphins  bizarrement  entrelacés  dans 
la  barbe,  enfin  les  ondes  qui  environnent  sa  poi- 
trine ,  et  les  épaules  de  cet  hermès  colossal ,  sont 
des  signes  suffisans  pour  établir  la  conjecture  que 
c'est  un  portrait  de  quelque  Dieu  marin  (i).  Le 

vcai  ro7ç  èpiiaïç'  rò  9è  eiclypa^ifjba,  <rqp&foe$  iriv  Qv- 
paviàv  ' &(ppoiïivviv  tqv  na^v^èvQV  Woipov  ehai  fap&* 
C^wâtriV:  «  La  figure  de  cette  Vénus  est  un  pilastre 
«  quarre'  en  forme  d'hermès  :  l'inscription  porte  que  Vé- 
«  nus  Uranie  est  la  plus  ancienne  des  Parques.  »  Cette 
inscription  était  certainement  relative  à  la  The'ogonie  la 
plus  ancienne  ,  où  Vénus  signifie  la  nuit  primitive  7  du 
sein  de  laquelle  était  sorti  l'univers. 

*  Hermès  en  marbre  grec,  ayant  de  hauteur,  depuis 
le  sommet  de  la  tête  au  bas  de  la  poitrine,  trois  palmes, 
trois  quarts.  On  Ta  trouvé  dans  le  Labour  à  peu  de  dis- 
tance de  Pozzuoli ,  où  il  fut  acheté  par  un  étranger,  qui 
le  fit  restaurer  à  Rome,  et  le  revendit  ensuite  au  S.  Pon- 
tife Clément  XIV. 

(  i)  Dans  le  Musée  Capitolin  ,  et  parmi  les  antiquités 
dernièrement  découvertes  dans  les  fouilles  que  Ton  a  fai- 
tes en  divers  endroits  du  Latium,  et  de  la  campagne 
de  Rome  par  les  soins  de  M.  Antonio  Despuig  de  Ma- 
jorque évêque  d'Origuela,  on  voit  des  hermès  à  deux  fa- 
ces ,  de  divinités  marines  avec  des  écailles  semblables, 
des  petites  nageoires  de  poissons  aux  joues  et  aux  sour- 
cils '9  mais  cette  singulière  union  des  dauphins  avec  la 
barbe,  dans  notre  hernies,  est  unique. 


55 

premier  qui  se  présente  à  l'esprit  c'est  l'Océan  le 
fils  aîné  des  Titans  ,  que  le  poëte  appela  Pater 
rerum,  selon  les  doctrines  Orphiques  7  et  celles  de 
la  philosophie  jonienne(i).  Mais  un  examen  porté 
plus  loin  y  fait  reconnaître  quelque  divinité  ma- 
rine du  second  ordre ,  par  exemple  un  Triton. 
Voici  sur  quels  motifs  je  fonde  cette  opinion. 

Il  paraît  que  Winckelmann  donne  le  nom  d'Océan, 
à  un  grand  masque  de  quelque  Dieu  marin ,  qui 
a  beaucoup  d'analogie  avec  le  morceau  présent ,  et 
que  le  vulgaire  ne  connaît  que  sous  le  nom  de 
Bouche  de  la  Trèrité  (2).  Ce  masque  servait  au 
milieu  d'une  place  à  recevoir  les  eaux  par  les 
trous  pratiqués  dans  la  Louche  %  daus  les  narines, 
dans  les  yeux ,  et  à  les  répandre  dans  quelque 
égout.  L'emploi  qu'il  avait  de  donner  passage  à  ce  lu 
quide,  les  écailles  des  joues,  les  pinces,  chelce,  au 
front  pouvaient  appuyer  une  semblable  dénomina- 
tion. Mais  je  trouve  au  contraire  dans  un  passage  de 
Properce  ,  dont  ce  monument  est  le  commentaire 
lumineux  €t  unique ,  que  ce  Dieu  sculpté,  dont  il 


(1)  Apollodore  ,  Bihl.}  liv.  I,  chap.  2;  Virgile,  Georg.  IV, 
v.  382. 

(2)  Dans  les  Monum.  inéd.  ?  n.  21.  Ce  qui  pourrait  con- 
firmer cela,  c'est  que  Ton  voit  à  Fautel  Borghese ,  dont  il 
donne  l'explication,  et  dans  d'antres  monumens,  la  figure 
de  l'Océan  avec  les  chelœ  ou  pinces  de  l'écrevisse  au  front: 
mais  dans  ces  images  la  tête  de  l'Océan  n'a  sur  le  vi- 
sage ni  sur  la  poitrine  aucune  écaille,  ni  aucune  autre 
monstruosité  sensible. 


54 

parle,  est  appelé  Triton  (i),-  d'où  je  puis  inférer  avec 


(i)  Properce  ,  liv.  II,  éleg.  XXXI ,  v.  1 1  et  suiv. 
Scilicet  umbrosis  sordet  Pompeia  columnis 

Portions  aulaeis  nobilis  Attalicis  ; 
Et  creber  platanis  pariter  surgentibus  ordo  s 

Flumina  sopii  o  quaeque  Maro  ne  cadunt , 
Et  leviter  Nymphis  tota  crepitantibus  urbe , 

Quum  subito  Triton  ore  recondit  aquam. 
Comme  ce  passage  ne  peut  être  compris  sans  avoir  sous 
les  yeux  des  sculptures  semblables  à  celle-ci ,  aussi  ne 
Fa-t-on  pas  bien  entendu  jusqu'à  présent»  Le  poëte  parle 
certainement  de  ces  pièces  circulaires  en  marbre,,  sur  les- 
quelles on  sculptait  le  visage  d'un  Triton,  que  Ton  pla- 
çait sur  le  pavé  de  quelque  lieu  public,  et  par  lequel  au 
moyen  de  trous,  principalement  à  la  bouche,  on  rece- 
vait les  eaux  qui  s>'y  déchargeaient  des  fontaines  voisines 
coulant  perpétuellement  }  ou  celles  des  ruisseaux  des 
rues  ,  dans  des  momens  de  pluies  abondantes.  Malgré 
cela,  faute  d'avoir  connu  cette  note  d'antiquité,  Scali- 
ger?  Passerazi ,  et  les  interprètes  les  plussavans,  ont  en- 
tendu, dans  le  sens  contraire,  des  paroles  du  poète  qu'il 
s'agissait  d'un  Triton  qui  jetait  au  loin  l'eau  par  la  bou- 
che ,  et  ils  expliquaient  ore  recondit  pai?  l'expression  op- 
posée refundit.  Frédéric  Barzius,  dans  son  édition  de  Pro- 
perce,  s'étant  aperçu  que  cette  interprétation  manquait 
de  justesse  7  a  imaginé  je  ne  sais  quel  jeu  d'eau  ;  de 
sorte  que  Triton  in  lacu  posi  tus  et  jacens  aquam  ore  suo 
absorpsit ,  et  per  tubos  deinde  ad  Maronem  reliquasque 
JSympharum  statuas  circa  porticum  Pompeii  positas ,  et 
per  totam  urbem  crépitantes  deduxit.  La  vue  d'un  seul 
marbre  pareil  à  celui  de  la  Bouche  de  la  Vérité ,  aurait^ 
sans  tant  d'embarras,  dissipé  toute  incertitude.  Je  pré- 
férerais cependant  que  l'on  expliquât  le  dernier  dystique 
par  eaux  pluviales  ,  en  lisant,  comme  font  d'autres,  Lym~ 
phiSj  au  lieu  de  Nymphis,  et  mettant  qui  au  lieu  de  quum, 
monosyllabes  qui  sont  ordinairement  en  abrégé  dans  les 


55 

beaucoup  de  raison  que  notre  hermès,  qui  a  avec 
lui  tant  de  ressemblance,  doit  être  aussi  regardé 
comme  un  Triton. 

Des  formes  composées  d'une  façon  si  bizarre 
ne  pouvaient  convenir  à  un  Dieu  comme  était 
l'Océan,  frère  de  Saturne,  le  plus  juste  des  fils 
du  Ciel,  celui  dont  le  caractère  mythologique  est 
le  plus  humain,  le  plus  raisonnable  de  tous  ceux 
dont  on  parle  dans  la  Théogonie  grecque  (i).  Ce 
mélange  si  monstrueux  convient  davantage  au  Tri- 
ton, dont  les  formes  sont  constamment  réunies  avec 
celles  des  monstres  les  plus  féroces  de  la  mer  ? 
et  dont  les  habitudes  sont  assez  analogues  à  la 
violence  de  cet  élément  (2).  On  ne  peut  cepen^ 
dant  refuser  de  la  majesté  et  de  la  noblesse  dans 


manuscrits  ;  et  que  l'on  change  souvent.  De  cette  façon 
nous  trouvons  indiquée  par  le  poète  une  quatrième  chose 
différente  des  précédentes,  pour  faire  voir  quel  était  le 
luxe  qui  ornait  les  rues  de  Rome,  en  corrigeant  ainsi  le 
dystique  tout  entier: 

Et  leviter  lymphis  tota  crepitantibus  urbe 
Qui  subito  Triton  ore  recondit  aquarn. 

En  effet  il  semble  que  ce  ne  pouvait  être  que  les  eaux 
des  pluies;  celles  qui  tota  urie  crépitant.  Or  donc  Pro- 
perce a  regardé  comme  des  Tritons  ,  et  non  comme  l'O- 
céan, ces  visages  que  nous  voyons  sculptés  pour  recevoir, 
les  eaux  dans  les  égouts  ;  et  encore  moins  pour  des  fa- 
ces de  Bacchus  auxquelles  voulaient  à  toute  force  les 
attribuer  les  nouveaux  antiquaires  remplis  de  systèmes. 

(1)  V.  le  Prométhée  d'Eschile,  etOrphe'e,  fîragm,  Vlllj 
v.  3i  et  suiv.  ;  édit.  de  Gesner. 

(2)  "Virgile,  JEneid.  7  VI  ;  v.  i63. 


56 

la  physionomie  et  dans  les  formes  à  un  Dieu  qui 
est  fils  de  Neptune  lui-même  (  i  ). 

La  couronne  Bacchique  de  pampre  et  de  lierre 
dont  est  environnée  la  tête  de  notre  Triton,  est  aussi 
un  ornement  que  Ton  n'a  pas  donné  facilement 
aux  déités  premières  ;  comme  si  elles  dédaignaient 
de  porter  des  attributs  qui  pussent  les  faire  prendre 
pour  être  delà  suite  d'une  autre  divinité.  Rien  au  con- 
traire n'est  plus  fréquent  que  de  voir  les  Néréides 
et  les  Tritons  célébrer  les  Orgies  et  les  fêtes  des 
Bacchanales  ,  et  s'orner  d'emolêmes  et  d'habille- 
mens  Dionysiaques:  ou  que  les  anciens  regardant  Bac- 
chus  comme  le  symbole  de  l'élément  humide  (2) , 
lui  ayent  donné  par  cette  raison  une  alliance  si 
étroite  avec  les  Dieux  de  la  mer;  ou  que  son 
culte  ayant  été  porté  dans  la  Grèce  par  des  co- 
lonies d'au  de-là  des  mers,  on  ait  dit  que  sa  re- 
ligion avait  été  conçue  dans  la  mer  et  enseignée 
par  les  Néréides  (3),  ou  bien  que  Ton  ait  pris  cette 
parité  entre  eux ,  des  signes  et  des  symboles  qu'ont 
avec  lui  les  divinités  marines,  de  Leucothea,  tante  et 
nourrice  de  Bacchus ,  en  même  temps  Déesse  de 
mer,  et  de  Palemon  son  fils,  le  Dieu  des  ports  et 
des  navigateurs,  qui  était  cousin  du  même  Bac- 
chus, et  qui  avait  été  nourri  en  même  temps  que  lui. 


(1)  Apollodore,  BibLy  liv.  I,  cap.  IV;  4< 

(2)  C'est  de-là  qu'on  l'appela  Hyes.  V.  Lilio  Giraldi  7 
Deor.  synt*  YHI  ;  où  il  parle  de  ce  surnom  de  Bacchus. 

(5)  Orphée,  Hym*  XXIII  ;  v.  10  y  déjà  cité  dans  nQ^» 
tre  quatrième  volume,,  pi,  XXXIII }  p.  244;  n»  (0- 


57 

Quelque  opinion  que  Ton  ait  sur  ce  sujet,  le  Triton, 
soit  par  l'usage  très-élégant  qu'en  ont  fait  les  an- 
ciens en  le  plaçant  comme  embouchure  à  leurs 
cloaques  ,  soit  par  notre  marbre  ,  est  toujours  une 
représentation  de  la  mer  son  élément.  Les  cornes,, 
comme  celles  d'un  veau ,  qui  s'élèvent  au-dessus 
de  ses  tempes  à  la  place  des  pinces  ou  chelœ , 
que  Ton  remarque  sur  d'autres  antiques,  font  évi- 
demment allusion  au  mugissement  de  la  mer  ora- 
geuse y  et  aux  tremblemens  de  terre  que  les  an- 
ciens attribuaient  avec  quelque  raison  aux  eaux 
souterreines  ;  ce  phénomène  terrible  ayant  été  re- 
gardé principalement  comme  l'effet  du  pouvoir  de 
Neptune  ,  et  par  suite  attribué  aux  divinités  marines 
d'un  ordre  inférieur  (i). 


(i)  Il  paraît  qu'Orphée  répète  d'après  Néreus  la  cause 
des  tremblemens  de  terre.  Hymn*  XXII,  v.  5  et  suiv. 
Oç  uÀovéeiç  A^ovç  lepòv  fiàSpov ,  faina  ivvôiaç 
'Ev  fjLvyjtoiç  Ttev^fjLQdiv  èXavvofiémç  ârtonkûoiç. 
JkXkà, ,  fxânap ,  asta^ovç  ybh  attórpe^e. 
Qui  moliris  statura  terrae  ,  cjuum  scilicet  arces 
la  coveis  olim  indignantes  murmure  cauros* 
Sed  motus  terrae  averrunca  (  f.  Scaliger.  ). 
Néanmoins  comme  il  n'y  a  que  les  apophyses  seiales  de 
ces  petites  cornes  qui  soient  antiques,  il  pourrait  se  faire 
encore  que  ce  furent  des  pinces,  chelœ ,  comme  nous  les 
avons  vues  sur  le  front  des  Tritons  dans  le  IV  volume 
de  cet  ouvrage  (  pl.  XXXIII  ).  On  a  donné  à  l'Océan 
de  Farnese,  maintenant  à  Naples,  en  le  restaurant,  de 
semblables  pinces.  On  les  voit  aussi,  au  lieu  de  cornes,  à 
un  buste  de  Triton  imberbe,  écailleux ,  que  l'on  con- 
serve à  Londres  dans  la  belle  collection  de  N.  IL  M.  Char- 
les Townley. 


58 

Comme  on  s'était  servi  des  hermès  Bacchiques 
pour  orner  des  allées  dans  les  beaux  jardins  de 
Rome  ancienne,  on  employa  de  même  ceux  des  Tri- 
tons dans  les  villes  maritimes  où  les  Romains  maîtres 
du  monde  allaient  chercher  des  plaisirs.  Deux  her- 
mès aussi  colossaux  ,  et  plus  grands  encore  que 
celui-ci ,  mais  qui  ne  sont  pas  si  élégans  ni  si  bi- 
zarres ,  furent  découverts  sur  les  rivages  d'Antium; 
ils  sont  à  présent  à  la  ville  Albani.  Le  nôtre  a  été 
trouvé  près  de  Pozzuoli  à  Baie,  lieux  si  célèbres 
par  les  agi  émens  délicieux  qu'offraient  leurs  plages» 

PLANCHE  VI. 
S  <• 

B  A  G  C  H  U  S  *. 

Soit  que  les  images  de  Bacchus  tauriforme  et 
taurifront  dérivassent  du  Scjtisme  (i),  selon  un 
système  qui  était  alors  à  la  mode  ;  ou  que  plu- 
tôt les  superstitions  égyptiennes  ayent  été  l'origine 

*  Il  est  sculpté  en  marbre  pentélique ,  ayant  de  haut 
jusqu'au  bas  de  la  poitrine,  deux  palmes  moins  un  sixiè- 
me. Il  fut  placé  dans  le  Musée  par  la  munificence  du 
S.  Pontife. 

(i)  On  peut  voir  tout  ce  système  exposé  dans  lé  livre 
ingénieux  intitulé:  Recherches  sur  l'origine,  etc.,  des 
arts  de  la  Grece  ;  sur  leurs  connexions  avec  les  arts  et 
la  religion  des  plus  anciens  peuples  connus  :  sur  les  mo- 
numens  antiques  de  l'Inde,  etc.7  ouvrage  que  Ton  attri- 
bue à  M.  dllancarville. 


5g 

et  le  motif  des  simulacres  du  Dieu  du  vin  portant 
des  cornes  (  i  ) ,  ou  qu'enfin,  selon  les  mythologues 
ordinaires,  on  ne  Tait  représenté  avec  des  cornes 
qu'à  raison  de  telle  ou  telle  autre  allégorie  assez 
claire  (2):  il  est  toujours  certain  que  Bacchus  est 
très-souvent  décrit  par  les  auteurs  classiques,  ayant 
des  cornes ,  et  même  sous  la  figure  d'un  taureau  ; 
bien  que  d'ailleurs  de  pareilles  images  soient  extrê- 
mement rares  dans  les  monumens  de  l'antiquité  (3). 

Cet  hermès  est  peut-être  le  seul  qui  nous  le 
montre  ainsi  (4).  Ceux  qui  ne  l'ont  pas  vu  ne  pour- 


(1)  On  donne  des  cornes  semblables  à  Io,  confondue 
avec  Tlsis  d'Egypte  ,  dont  le  fils  fut  appelé'  par  les  Grecs 
Epaphosj  c'était  FOrus  ou  l'Harpocrate  chez  les  Egyp- 
tiens, et  confondu  aussi  lui-même  avec  Osiris.  On  trouve 
aussi  le  nom  d'Epaphus  ou  Epaphius  parmi  les  épithè- 
tes  donne'es  à  Bacchus  dans  les  hymnes  Orphiques  LI 
et  LIV,  où  Scaliger  l'a  traduit  par  Tages. 

(2)  Phornute ,  de  nat.  Deor.  ;  chap.  3o  ?  Athénée  j, 
liv.  II. 

(3)  Telle  est  la  petite  tête  de  basalte  du  Trésor  de 
Brandebourg  que  Béger  a  publiée,  tome  III ,  p.  f2^o9  que 
Montfaucon  a  copiée,  Ant.  expl. ,  tome  I;  part.  II  f 
pl.  i5^.  Tel  est  Je  petit  buste  d'Herculanum  (  Bronz. , 
tome  I,  pl.  V  ).  On  peut  ajouter  à  ces  exemples  la  mo- 
saïque publiée  par  la  Gausse  dans  les  antiche  pitture  ,  plan- 
che XX.  Béger  et  les  Académiciens  d'Herculanum  ont 
ïéuni  dans  l'explication  des  deux  monumens  indiqués, 
tout  ce  qui  a  été  dit  de  plus  remarquable  par  les  an- 
ciens sur  cette  manière  de  représenter  Bacchus. 

(4)  11  y  en  a  un  autre  semblable  à  la  ville  Albani  j 
mais  comme  il  est  un  peu  mutilé,  le  sculpteur  moderne 
lui  a  placé  en  le  restaurant  des  cheveux  au  lieu  des 
cornes.  Dans  l'Indicazione  antiquaria  ou  l'a  décrit  pour 
Hercule  jeune,  n.  io5. 


6o 

ront  se  faire  une  idée  précise  de  cette  expression 
d'Ovide  dans  une  hymne  à  Bacchus  (i): 

 tiMy  quum  sine  cornibus  adstas , 

Virgineum  caput  est. 

On  retrouve  aussi  dans  cet  hermès  la  beauté 
et  la  jeunesse  qui  brillent  dans  le  visage  du  Dieu> 
mais  ses  traits  n'ont  rien  de  féminin  ,  et  une  beauté 
mâle  est  répandue  sur  la  figure  et  dans  les  for- 
mes ,  autant  que  cela  peut  s'accorder  avec  un  mé- 
lange du  taureau,  dont  il  a  conservé  non-seule- 
ment les  petites  corner  ,  mais  aussi  les  cheveux 
crépus  au  milieu  du  front ,  avec  le  cou  gros  et 
large  comme  celui  d'Hercule.  En  outre  il  a  les 
lèvres  épaisses  et  plus  rélevées  qu'il  ne  faut  9  ce 
qui  augmente,  sans  rien  ôter  de  la  grâce,  cette  res- 
semblance et  ce  caractère  de  l'animal ,  combiné 
avec  tant  d'art ,  de  sorte  que  nous  ne  pouvons  trop 
admirer  les  anciens  qui  ont  eu  le  talent  de  tirer 
un  nouveau  genre  de  beauté  de  ces  imaginations 
monstrueuses  de  l'idolatrie  primitive  et  barbare,  et 
qui  sont  parvenus  à  combiner  ensuite  tout  ce  qu'il 
était  possible  de  saisir  dans  les  formes  d'êtres  si 
différens  entre-eux. 

L'inclinaison  gracieuse  de  la  tête  de  cet  her- 
mès est  particulière  ,  comme  nous  l'avons  remar- 
qué ailleurs,  aux  images  des  Dieux ,  qui  semblent 
par  cette  attitude  vouloir  indiquer  qu'ils  sont  bien- 
faisans  et  propices  aux  mortels.  Un  ingénieux  écri- 


(i)  Met  amor ph. ,  liv.  IV,  v.  19.  Ainsi  on  peut  en  con* 
filmer  la  leçon  contre  une  variante  absurde. 


6c 

vain  a  encore  observé  dans  cette  position  un  mou- 
vement propre  du  taureau ,  qui  plie  la  tête  ,  comme 
pour  frapper  quelque  chose  avec  ses  cornes  ,  et  il 
suppose  que  c'était  l'œuf  primitif  qui  renfermait 
l'embryon  de  l'univers ,  lequel  n'était  pas  encore 
développé  (i);  mais  le  regard  aimable  qui  accom- 


(i)  M.  d'Hancafville  dans  l'ouvrage  anonyme  de'jk  cite, 
liv.  I;  ch.  5,  n.  19g.  Il  suppose  en  outre  que  quand 
les  écrivains  latins  parlent  de  quelque  effigie  de  Bacchus, 
en  lui  donnant  le  nom  de  Liber  pater ,  ils  le  rappor- 
tent toujours  à  ce  signe  de  la  tête  ,  attitude,  selon  lui, 
fort  expressive  de  la  paternité  dont  peut  se  glorifier  Bac- 
chus  sur  tout  l'univers  ,  ayant  de'veloppé  par  sa  puis- 
sance les  choses  qui  n'étaient  connues  jusqu'alors  que 
de  cet  être  créateur  de  tout  dans  le  monde.  Mais  on 
voit  cette  même  inclinaison  de  la  tête  à  des  statues  d'A- 
pollon (Guattani,  Notizie,  anne'e  1785,  janvier,  n.  11), 
de  Mercure  (V.  le  tome  premier  de  cet  ouvrage,  plan- 
che XVII),  de  Junon  (même  lieu,  pl.  II,  et  Mus.  Ca- 
pitol., tome  III,  pl.  VIII  )  ;  de  sorte  que  ce  ne  peut 
être  une  attitude  particulière  à  Bacchus,  mais  elle  doit 
plutôt  exprimer  ce  titre  de  Respicientes  que  l'on  donnait 
aux  divinités  pour  indiquer  leur  bonne  disposition  à 
exauc<r  les  prières  des  hommes,  dont  ils  regardent  les 
besoins  et  les  maux  avec  compassion.  L'auteur  que  je 
viens  de  citer  (  même  endroit  )  imagine  aussi  un  Bac- 
chus Satyre,  qui  tient  de  l'homme  et  de  la  chèvre  5  il 
le  trouve  dans  deux  passages,  l'un  de  Pline,  l'autre  de 
Pausanias:  mais  il  donne  le  premier  altéré,  et  le  second 
mal  compris.  Il  n'est,  pas  hors  de  propos  d'examiner  ces 
équivoques,  ne  fût-ce  que  pour  donner  une  idee  de 
cette  inexactitude  dans  laquelle  tombent  souvent  certains 
écrivains  systématiques.  Pline  (liv.XXXlV,  §  XIX,  10) 
parlant  des  travaux  en  bronze  de  Praxitèle  dit:  Fecit... 


62 

pagne  cette  inclinaison  de  la  tête  ,  regard  qui 
s'aperçoit  comme  je  l'ai  dit  aussi ,  sur  d'autres 
simulacres  de  Dieux ,  me  semble  être  un  motif 
pour  préférer  l'autre  opinion,  qui  d'ailleurs  est  plus 
naturelle  et  moins  recherchée* 


Liber um  patrem  et  Ebrietatem  ,  nobilemque  una  Saty~ 
rum  quem  Graeci  Periboëton  vocant.  Il  y  a  donc  trois 
statues,  Bacchus,  Méte  ou  l'Ivresse,  et  le  Satyre  ou 
Faune,  lequel  nombre  de  figures  est  fait  pour  trois  espa-. 
ces  entre  les  supports  d'un  trépied,  où  Pausanias  nous 
apprend  qu'elles  furent  placées  (  Attica ,  ou  1.  I,  ch.  20  )♦ 
L'écrivain  dont  nous  parlons  supprime  Ebrietatem  ,  et 
ensuite  il  conclut  que  les  paroles  Liberum  patrem  nobi- 
lemque una  Satyrum  ,  signifient  un  Bacchus  Salyre.  L'au- 
tre passage  est  dans  X Attica  de  Pausanias ,  ch.  XLIII , 
où  il  est  question  d'une  ancienne  statue  de  Bacchus  en 
bois  consacrée  par  Polybe  dans  un  temple  à  Mégare , 
«  qui  est  servi  par  un  Satyre  en  marbre  de  Paros,  ou- 
«  vrage  de  Praxitèle:  que  ce  Bacchus  s'appelle  Patroo: 
«  qu'il  y  a  encore  un  autre  Bacchus  appelé  Dasillius, 
«  qui  fut,  dit-on,  dédié  par  Euchénor  fils  de  Céranus, 
«  qui  était  fils  de  Polydius  :  »  TloXési^OÇ  ì;óavov  âvé- 
Synev  . . .  'Stdrvpoç  iïè  %japéGïfivxev  âvro  Hpahré^vç 
Ipyov  Tlapiy  Xfâi?  rovrov  (lèv  TLarpSov  MoJkovoiw 
erepov  de  Alovvctiov  ,  AaavKÀwv  eTtovo^iâ^ovrec;  , 
'EiVftrivopa  tov  K.oipdpv  tòv  HoXveiiïv  œyaXfia  âva~ 
Seïvai  ùéyvaiv.  M.  d'Hancarville  croit  aussi  que  le  Bac- 
chus Dasillius  et  le  Satyre  de  Praxitèle  sont  la  même 
chose ,  et  il  ne  s'est  pas  aperçu  de  l'énorme  anacro- 
nisme  qui  se  trouve  dans  celte  opinion ,  puisqu'il  a  exislé 
six  générations  entre  Euchénor  et  Mélampus  Amitaonius* 
qui  a  veçu  au  moins  une  génération  avant  la  guerre  de 
Troye,  et  par  cette  raison  de  beaucoup  antérieur  à  Pra- 
xitèle qui  florissait  après  la  100  olympiade,  c'est-à-dire 
environ  800  ans  après  la  guerre  de  Troye» 


03 

Une  longue  chevelure  ne  pouvant  convenir  à 
ce  mélange  d'homme  et  de  taureau  tel  qu'on  a 
voulu  l'exprimer,  on  a  donné  à  ce  Bacchus  des 
cheveux  plus  courts  et  plus  crépus  qu'on  ne  les  lui 
voit  ordinairement.  Ils  sont  entourés  d'un  diadème  , 
ornement  attribué  à  ce  Dieu.  Il  pend  des  deux  côtés 
du  cou  sous  la  forme  de  deux  larges  rubans  ou 
leninisti'?  autour  de  la  tête  il  est  tortillé  en  spi- 
rale tel  que  l'on  voit  souvent  les  couronnes  d'Her- 
cule. 

S  ?• 

Bacchus  *. 

Cette  tête  en  bronze  fut  trouvée  par  hazard 
dans  un  ancien  cloaque,  qui  servait  d'écoulement 
aux  eaux  thermales  de  Dioclétien  sur  le  Vimirial. 
La  coiffure  qui  est  celle  d'une  femme,  la  phy- 
sionomie qui  est  en  rapport  avec  elle  ,  se  joignant 
à  un  cou  plus  mâle  et  un  peu  gros ,  me  font 
croire  que  c'est  une  image  de  Bacchus.  Ses  yeux 
d'argent  ont  été  placés  dans  des  temps  proche  de 
nous,  à  la  place  de  ceux  qui  y  étaient  autrefois, 
lesquels  devaient  être  d'une  autre  matière  que  la 
tête,  ou  d'argent  comme  ceux-ci,  ou  d'émail,  ou 
même  de  quelque  pierre  précieuse  :  et  ce  moyen 
était  ordinairement  employé  par  les  plus  anciens 
artistes  -7   il  fut   presque  toujours  en  usage  dans 

*  Haut.;  avec  le  piedouclie,  d'une  palme  et  5  onces. 


64 

les  travaux  en  bronze.  Le  travail  de  cette  tête  est  as-r 
sez  médiocre  ;  et  quoiqu'il  soit  vraisemblable  qu'elle 
a  orné  un  lieu  des  thermes  voisins ,  le  dessin  et 
l'exécution  n'en  sont  pas  cependant  si  peu  heu- 
reux qu'on  puisse  la  croire  une  production  de  ces 
temps  dont  les  monumens  bien  certains  lui  sont 
encore  de  beaucoup  inférieurs. 

PLANCHE  VIL 

Bac  chus  barbu  *. 

En  examinant  cette  image  élégante  et  majestueuse 
de  Bacchus ,  qui  ,  étant  placée  dans  le  petit  Mu- 
sée que  fît  commencer  dans  le  Vatican  Clément  XI, 
avait  le  nom  de  Platon,  et  occupait  le  rang  destiné 
à  ce  philosophe  ,  on  se  rappelera  facilement  ce 
superbe  buste  de  bronze  d'un  si  beau  travail ,  re- 
présentant le  même  sujet,  qui  fut  tiré  des  ruines 
d'Herculanum,  et  que  l'on  admire  dans  la  riche  col- 
lection du  roi  de  Naples  (i).  Une  erreur,  assez  com- 
mune alors,  l'a  fait  considérer  comme  l'image  du 
philosophe  grec  dont  nous  avons  publié  ailleurs 
un  portrait  plus  vraisemblable  ;  nous  avons  aussi 
déjà  établi  nos  preuves  et  les  motifs  tirés  de  la 
comparaison  avec  d'autres  monumens  qui  nous  dé- 

*  Hauteur  ;  y  compris  toute  la  poitrine  ;  de  trois  pal- 
mes moins  un  quart  ;  il  est  de  marbre  pente'lique,  ap- 
pelé cornu  nément  Cipolla. 

(i)  Bronzes  d'Herculanum,  tome  I;  planches  XXVII 
et  XXVLU. 


65 

terminent  à  regarder  comme  certaine  cette  nou- 
velle dénomination  que  nous  lui  donnons  '  (i). 


PLANCHE  VIII. 

Hermès  doubles  de  Bacchùs  babbu 

Cette  gravure  représente  deux  hermès  doubles, 
à  deux  faces  ,  toutes  deucc  semblables  >  comme 
Lucien  les  décrit  précisément  (2).  La  denomina- 


(1)  Voyez  notre  tome  II,  p!.  XLI;  pag.  290,  295,  et 
pl.  B.  III,  6;  IV,  7,  pag.  369,  et  V,  8,  9,  p.  070  ; 
le  tome  III  >  pl.  XL,  pag.  186  5  le  tome  IV,  pl.  XXV, 
p.  199.  J'ajouterai  ici  seulement  que  dans  la  collection, 
des  gravures  antiques  du  chev.  Hamilton  ,  dont  Monsieur 
Richard  Worsley  a  fait  l'acquisition  dernièrement  en 
Angleterre ,  on  Voit  un  diaspre  rouge  sur  lequel  est  gra- 
ve, assez  profondément,  un  hermès  de  Bacchus  vu  de 
face,  barbu  et  couronne  de  lierre.  Le  nom  du  graveur, 
Aspasius,  est  grave'  sur  la  poitrine  ,  écrit  ainsi  ÀCI1A- 
CEIOÏ  ^  °u  l'on  doit  remarquer  la  dipthongue  et  âu 
lieu  de  l'I,  et  le  A  au  lieu  de  TA.  C'est,  peut-être,  une 
excellente  copie  d'un  original  bien  supérieur»  Nous  fe- 
rons observer  que  les  deux  autres  ouvrages  d'Aspasius 
qui  se  sont  conserves  jusqu'à  nous,  c'est-à-dire  la  Mi- 
nerve rlu  Musée  Impérial,  et  le  fragment  d'un  Jupiter 
du  Musée  Florentin ,  sont  gravés  tous  deux  sur  la  même 
espèce  de  pierre  qui  n'est  pas  la  plus  recherchée  à  pré- 
sent pour  ces  travaux. 

*  lis  sont  égaux  tous  deux,  ayant  de  hauteur,  com- 
pris la  poitrine,  deux  palmes,  un  tiers,  et  sculptés  en 
marbre  cipolla, 

(2)  Lucien,  parlant  de  l'oracle  que  la  Pythie  prononça 
dev,  nt  Crésus,  dit  «  qu'il  avait  deux  faces,  comme  sont 

Musée  Pie-CLém,  Vol.  VI.  5 


66 

don  de  Bacchus  barbu  que  je  donne  à  cette  image 
à  deux  visages,  me  paraît  assez  bien  justifiée  à  l'œil 
et  à  la  raison,  en  la  comparant  avec  la  figure  de 
la  planche  précédente  et  aux  autres  monumens  dont 
il  a  été  parlé  dans  le  discours,  ainsi  qu'à  penser 
aux  autres  motifs  que  nous  avons  adopté  déjà  pour 
nous  décider  à  y  reconnaître  pareil  sujet.  Néan- 
moins le  nom  de  Mercure  que  nous  voyons  donné 
par  des  écrivains  grecs  à  des  hermès  de  celte 
sorte,  celui  de  Janus  qu'il  a  chez  les  Latins,  ne 
laisse  pas  que  de  jeter  de  l'incertitude  sur  mon 
assertion.  Pour  fixer  un  parti  assuré,  et  porter  s'il 
est  possible  quelque  lumière  sur  les  opinions  si 
différentes  et  obscures  qu'ont  pu  produire  ces  re- 


«  quelques  hermès  doubles y  et  qui  se  ressemblent  par- 
ce faitement:  »  Ai7tpo(TQ7VOÇ ,  oïoi  rov  epybQV  snoi , 
iïiTToi ,  nal  d{jt(porépQ^sv  ofioioi  (Iuppiter  tragoedus). 
Le  scoliaste  observe  à  cet  endroit  que  les  hermès y  ou 
images  de  Mercure  ViaUs,  étaient  souvent  à  deux  visa- 
ges ;  pour  indiquer  que  dans  le  chemin  de  la  vie  la  rai- 
son ;  symbolisée  par  Mercure  ,  nous  prête  toujours  son 
aide,  et  ne  nous  tourne  jamais  le  dos.  On  trouve  chez 
les  anciens  beaucoup  de  ces  images  doubles  de  Mercure 
et  de Janus ;  et  il  serait  trop  fastidieux  de  les  citer  tou- 
tes. On  en  trouve  quelques-unes  dans  Pîutarque,  Ouaest* 
Pi07n,7  d'autres  dansMacrobe,  et  ailleurs.  Mais  il  en  est 
particulièrement  question  dans  Me'nage  ,  a  l'article  Dé- 
rnétrius  Phaleraeus  de  Laerce  ;  et  dans  les  Adages  d'E- 
rasme avec  les  appendix  aux  art.  Mercurius  triceps  et 
Mercurius  bifrons.  J'ai  vu  cite'  dans  Fabricius  7  Bibl.Gr., 
liv.  I,  c.  12  ;  §  io  >  un  petit  livre  imprimé  a  Leipsik 
qui  traite  des  hermès }  et  qu'on  attribue  à  Jean  Nicolai.» 
mais  je  n'ai  pu  le  voir. 


6? 

présentations  ,  je  proposerai  ici  quelques  observa- 
tions propres  à  expliquer  en  même  temps  les  pas- 
sages des  classiques  et  les  monumens  qui  peu- 
vent se  rapporter  à  cette  discussion. 

Je  trouve  assez  raisonnable  l'idée  de  ceux  qui 
croyent  que  tout  ce  qu'il  y  a  de  monstrueux  dans 
l'idolatrie  des  grecs  est  dérivé  des  religions  bar- 
bares des  peuples  primitifs  >  qui  n'ayant  pas  dé- 
couvert les  principes  du  beau  et  la  manière  de 
l'exprimer  ,  confondaient  les  formes  sensibles  des 
objets  naturels  pour  en  composer  une  espèce  d'hié- 
roglyphe ,  qui  représentât  ainsi  les  qualités  et  les 
analogies  que  l'esprit  voulait  reconnaître  dans  le 
sujet  (i).  Alors  l'expression  de  la  force  et  de  la 
puissance  a  produit  les  Centimanes  ;  de  même  on 
a  pu  imaginer  le  symbole  de  la  supériorité  de  l'in- 
telligence et  de  la  prudence  par  plusieurs  têtes , 
ou  par  quantité  d'yeux  (2).  Les  Grecs  qui  ont  su 


(ï)  La  Cërès  Negra  de  Figalée,  simulacre  très-ancien 
dont  parle  Pausanias  (.Arcadica,  ou  liv,  VIII,  ch.  42  )? 
nous  donne  un  exemple  de  ces  mélanges  monstrueux. 
L'idolatrie  égyptienne  nous  en  fournit  d'autres.  Je  ne 
parlerai  pas  de  celle  des  Scythes  et  des  Indiens  qui  peut 
avoir  eu  de  l'influence  sur  les  anciennes  religions  de  la 
Grèce  y  comme  la  fondation  t  qui  n'est  pas  douteuse  ;  de 
l'oracle  de  Deîphus  par  les  peuples  Hyperboréens  ?  ou 
qui  a  pu  au  moins  avoir  une  dépendance  et  une  origine 
commune  avec  cette  idolatrie, 

(2)  Un  des  attributs  d'Osiris  chez  les  Egyptiens  était 
une  grande  quantité  d'yeux.  V.  Jab!onsky;  Pont.  Jegjyt.  f 
liv.  Il,  ch.  i,  §  ti.  La  fable  grecque  eut  aussi,  comme 
on  sait;  ses  Panoptès, 


68 

les  premiers  rechercher  et  trouver  le  heau  dans  les 
images ,  tant  des  formes  que  créa  la  nature  ,  que 
de  celles  que  produisit  le  génie  de  l'invention , 
ne  tardèrent  pas  à  negliger  ces  barbares  représen- 
tations ,  et  même  les  bannirent ,  à  ce  qu'il  paraît, 
tout-à-fait  des  arts  d'imitation  ,  et  leur  en  substi- 
tuèrent d'autres  qu'ils  embellirent ,  qu'ils  rendirent 
nobles,  et  l'on  peut  dire  que  de  cette  manière  ils 
étendirent  l'empire  de  la  beauté  au  de-là  des  bor- 
nes de  la  nature  et  de  la  vérité. 

Parmi  les  divinités  symboliques  de  la  plus  an- 
cienne théologie ,  il  y  en  avait  une  qui  sous  cer- 
tains rapports  exprimait  l'univers  comme  sorti  du 
chaos ,  et  à  laquelle  par  cette  raison  on  donna 
les  noms  de  Protogonos  et  de  Protogenétor  (i). 
On  l'appella  aussi  Phanétès  ,  c'est-à-dire  la  pre- 
mière chose  qui  ait  apparu ,  et  celle  qui  a  fait 
paraître  les  autres  fut  nommée  Métis^  c'est-à-dire 
Intelligence ,  parce  qu'il  parut  peut-être  raison- 
nable de  ne  pas  priver  de  cette  faculté  ce  principe, 
ce  tout  d'où  procédaient  tant  d'intelligences  ou 

(î)  Celte  doctrine  résulte  principalement  de  l'hymne 
au  Proiogonos ?  laquelle  est  la  V  des  Orphiques }  depuis 
le  v.  i4  et  suivant  des  Argonautes ,  attribués  au  même 
auteur,  et  de  ses  fragmens  rassemblés  par  Jean  Marie 
Gesner  aux  nn.  VI,  VII ,  VIII,  pages  4°5  et  4°6  >  ou 
se  trouvent  aussi  les  passages  de  Proclus  sur  le  Timèe  y 
et  d'Hermias  sur  Phédrus 7  qui  s'y  rattachent.  On  y  ajou- 
tera Jean  Malela  7  qui  dans  sa  Conographie ,  p.  90,  se- 
lon la  correction  très-évidente  de  Bentley;  réunit  en  un 
seul  sujet  les  trois  dénominations  de  M^T/ç ,  QâV7lÇ7 
'JipiKaïïaïoç  :  Métis,  Phanétès ?  Héricapeus. 


69 

qui  les  renfermait.  Enfin  on  l'appela  Hêricapée , 
nom  très-obscur ,  dont  on  ne  connaît  pas  encore 
assez  la  signification,  et  par  lequel  on  voulut,  à 
ce  que  je  crois  y  exprimer  que  tout  être  qui  à  été 
crée  retourne  ,  au  moyen  de  la  destruction ,  dans 
l'univers  ,  et  qu'en  changeant  de  modification  il 
rentre  dans  la  composition  générale  dont  il  fait 
partie  (i). 


(i)  Quoique  la  leçon  et  l'explication  de  ce  mot  ait 
cause  beaucoup  de  peines  aux  commentateurs  d'Orphée 
et  de  la  plus  ténébreuse  théogonie  ?  de  manière  que , 
comme  l'obseive  Jean  Mathias  Gesner  sur  l'hymne  citée  , 
plus  forte  operae  positura  sit  a  renatis  inde  litteris  ,  cjuam 
res  ita  tennis  ,  ita  natatoria  mereatur  :  cependant^ 
puisque  cela  ne  l'a  pas  empêché  d'exposer  son  opi- 
nion sur  ce  sujet7  je  ne  balancerai  pas  à  proposer 
aussi  la  mienne,  n'étant  pas  persuadé  de  celle  de  Ges- 
ner. Je  remarque  donc  que?  dans  cette  antique  théologie, 
Saturne  n'était  pas  la  seule  divinité  qui  dévorait  tout  : 
Jupiter  aussi  dévora  Métis,  et  même,  suivant  la  doctrine 
d'Orphée,  il  avait  dévoré  Phanétès,  lequel  aussi  sous  le 
nom  d'Héricapeus ,  avait  le  premier  dévoré  et  conservé 
dans  son  ventre  toutes  les  choses. 

'Qç  ròte  Tlp&Toyóvoio  yawv  (lévoç  'ìlpixavcah 
Tôv  vâvxov  ts  §é(iaç  u^ev  ht  yacrTept  noiK^  \ 

Ut  tune  Protogoni  RI  ANS  VIS  Ericapaei 
Omnium  cavo  in  ventre  continebat  membra  ? 

(  Fragm.  cit.  VIII ,  v.  5) 

Suidas,  v.  'HpiMartCMOÇ ,  compare  Héricapeus  à  Saturne, 
et  il  dit  qu'il  avait  dévoré  tous  les  Dieux.  11  ne  faut 
donc  pas  chercher  d'autre  étymologie  de  ce  nom  que 
celle  que  nous  offre  tout  naturellement  la  doctrine  dont 
nous  venons  de  parler.  Alors  tfpix&rtawç  sera  late  vo-* 


7o 

Cette  divinile  symbolique  fut  l'origine  de  beau- 
coup d'autres  dans  des  temps  postérieurs  de  l'ido- 


rans  de  nà'JttQ ,  voto  ,  et  de  èpi  i  late ,  en  changeant 
pour  les  trois  syllabes  brèves  Ve  en  T( ,  comme  on  fait 
dans  le  mot  tfptov  derive  de  epa,  terre.  De-même  on 
concevra  pourquoi  il  a  l'épithète  de  %avòv  (lévoç ,  hians 
vis,  et  pourquoi  on  le  compare  à  Saturne.  Maintenant 
cette  même  qualité  dévoratrice  et  détruisante  que  l'on 
donne  à  la  divinité  elle-même  ,  qui  sous  d'autres  rap- 
ports est  appelée  Phanétès  ,  ce  qui  met  toutes  les  choses 
au  jour,  n'est  certainement  pas  différente  de  cette  puis- 
sance qui  conserve  en  détruisant  ;  et  par  laquelle 
Alià  ex  alio  refìcit  natura ,  neque  ullam 
Rem  gigni  patitur  nisi  morte  adiutam  alienam. 

(Lucrèce,  I,  v.  a64).  Et  voici  comment  on  peut  attri- 
buer au  même  sujet  des  qualités  et  des  attributs  qui  au 
premier  coup-d'ceil  paraissent  incompatibles. 

Les  Platoniciens  postérieurs  à  Orphée  ayant  adopté 
dans  leur  système  tous  les  mystères  de  l'ancienne  théo- 
gonie ,  conçoivent  plutôt  sous  cette  fable  les  idées  des 
objets,  qui  sont  toutes  renfermées  dans  l'intelligence, 
M^Ti£>  du  premier  principe  :  mais  ceci  appartient  à  des 
systèmes  plus  rapprochés.  Gesner  expliquant  au  contraire 
Héricapée  par  Priape,  dans  le  sens  qu'il  est  le  symbole 
de  la  génération  ou  de  la  vie ,  veut  qu'il  soit  appelé 
ainsi  simplement  comme  Dieu  et  gardien  des  jardins , 
faisant  dériver  TipinaTtaÎoç  de  j$p  ,  printemps  ,  et  de 
WtfftOÇ,  potager ,  et  alléguant  l'exemple  de  la  cité  du  Bos- 
phore Panticapée  ,  qu'il  a  supposé  être  ainsi  nommée  à 
cause  de  ses  jardins  et  de  ses  fauxbourgs.  Mais  outre 
que  cette  qualité  de  gardiens  des  jardins  n'a  pas  de 
connexion  avec  les  autres  épithètes  cosmogoniques  qui 
s'y  réunissent,  savoir:  &' intelligence  et  de  lumiere  ;  et  son 
opinion  n'est  appuyée  ni  par  des  raisons  grammaticales 
»i  historiques.  Si  tfpiKaitatOÇ  dérive  de  n^TtOÇ .  9  doit 


latrie ,  et  Bacchus  fut  sans  doute  ce  Dieu  qui 
se  confondit  avec  Protogonos,  Phanetes,  Herica- 
peus:  ces  noms  étant  quelquefois  devenus  ses  ti- 
tres (i). 

Si  nous  recherchons  les  traditions  les  plus  re- 
culées ,  nous  trouverons  que  Phanétès  fut  très- 
anciennement  représenté  a;vec  deux  visages,  ce 
qui  fit  qu'on  lui  donna  les  noms  de  double  ;  de  vo- 

y  avoir  l'a,  dorique  de  l'antépénultième,  ce  qui  est  con» 
traire  à  la  quantité'  dans  ce  mot,  lequel  se  trouvant  ré* 
pété  dans  tant  de  vers,  a  toujours  cette  syllabe  brève. 
L'explication  avec  le  nom  de  Patiticape'e  ne  peut  se  sou- 
tenir devant  l'examen  que  Ton  fera,  que  ce  n'est  pas  à 
cause  de  ses  jardins  que  cette  ville  a  eu  ce  nom,  mais  plutôt, 
comme  Hérodote  l'affirme  dans  Euterpe  ,  qu'il  vient  du 
fleuve  Panticape ,  et  c'est  envain  qu'on  cherche  une 
étymologie  grecque  à  ce  fleuve  Scythe. 

(i)  Orphée,  ou  plutôt  Onornacrite  dans  l'an  5i,  chan- 
taut  à  l'honneur  de  Bacchus  Trietericus,  l'invoque  sous 
le  nom  de  Protogonos  et  d'Héricapeus  : 
ïlpoTÔyov  tfptkatâme  Seôv  vdtep  tf$è  noi  éh. 
Primigena  ,  atque  deûm  pater  et  stirps  Ericapaee  (l.  Scalig.) 
Macrobe  rapporte  ces  autres  vers  du  même  poëte  : 
Ov  bij  vvv  nakèwb  ^dv^rd  re  naì  Aióvvaov .  .  • . 
TlpÔTOç      èç  (pdoç  tffâe ,  Aiôvvaoç  â7  'ip&tÛffitf. 
Quem  Phanetem  vocant  nunc  et  Dionysum  ; 
Primas  enîm ,  in  lucem  prodiit  ,  et  Dionysus  appellatus  est. 
Dans  un  autre  fragment  du  même  qui  nous  a  été  con- 
servé par  Proclus  on  trouve  réunie  pour  Bacchas  la  troi- 
sième dénomination  de  Métis  : 

Bpôfitoç  rs  (léyaç  ncà  Xevç  ô  rtavôrtTiçç 
Kai  Mtfnç  vtpôtoç  yevèrop. 

Bromiusque  magnus  et  Iuppiter  omnividens 

Et  Métis  prima  origo.  (  Fragm.  cit.  VII  et  VIII }? 


73 


jant  autour;  aux  quatre  yeux  (i).  Peut-être  les 
anciens  pensaient-ils  que  rien  ne  pouvait  être  ca- 
ché à  celui  qui  avait  tout  produit,  tout  formé, 
ou  Lien  plutôt  voulurent-ils  exprimer  ainsi  l'autre 
nom  de  Métis  ou  Intelligence ,  qu'on  donnait  au 
même  sujet,  à  qui  il  convient  très-particulièrement 
de  voir  en  même  temps  devant  et  derrière  ,  le  prin* 
cipe  et  la  fin  des  choses  ; 

a^ia  itpòaacd  xai  ômcaG)  (2). 


(1)  Orphée  7  Argon.  ;  v.  14,  19: 

.  .  .  dtfpvvi  uepiQftèaj  .  .  .  ov  pa  (bavera 
'OftÀórepoi  TtaTièvai  Pporoì  tfpôroç  <yàp  èfldtâi?. 
Duplicem  circumvidentern  7  quem  Phanetem  recentiores 
homines  vocant  >  primus  enim  in  lucem  prodiit ;  et  plus 
clairement  dans  ce  vers  qui  nous  a  e'te'  conserve  dans  le 
commentaire  manuscrit  d'Hermias  sur  le  Phedrum  de  Pla- 
ton ;  et  rapporte  dans  l'Orphée  de  Gesner  ;  page  l\o5  7 
Phane'tès  est  décrit  ainsi  * 

liérpacnv  ôfiSaXfioicnv  ôpôfievoç  evSa  nal  ev^a , 
Quatuor  oçulis  adspiciens  hinc  ,  et  inde  : 
d'où  Hermias  infère  que  Phane'tès  est  la  Tétrade,  opi- 
nion à  laquelle  peut  l'avoir  conduit  la  connaissance  des 
hermès  ou  simulacres  quadrangulaires  du  Bacchus  Pha- 
nétès  :  l'hymne  même  du  Protogonos  commence  ainsi; 
HpmâyQVQP  K&Àéo  dtfpvri. 
Primigenam  obtestor  geminurn. 
Ainsi  Janus  fut  appeié  geininus  par  les  Latins;  et  Ovide 
lui   donne  l'épithète  de  oçulos  diversa  tuentes  (  Fast. , 
liv.  I);  expression  qui  équivaut  à  celle  d'Orphée  vteplGmêa: 
il  est  vrai  que  quelquefois   cette  double  figure  du  Bac- 
chus Phane'tès  fut  interprétée  par  diversité  de  sexe  ;  de-la 
le  Bacchus  Androgine  7   et  les  images  à  deux  figures., 
une  mâ*e;  l'autre  de  femme  ;  telles  que  nous  les  remar* 
querons  dans  les  monumens  cités  plus  loin. 

(2)  lliad.  A;  v.  343. 


73 

Celte  idée,  que  dans  la  primitive  idolatrie  des  Grecs 
on  avait  imaginée  du  Phanétès  ,  fut  aussi  celle-là 
même  que  se  firent  de  Janus  les  premiers  habi- 
tans  de  l'Italie  (i);  et  comme  les  peuples  de  la 
Grèce  confondirent  le  premier  avec  le  Soleil  et 
avec  le  Bacchus ,  les  Latins  en  firent  autant  avec 
Janus  (2).  Les  Grecs  ayant  imaginé  que  Phané- 


(1)  Nous  avons  vu  que  Phanëtès  fut  le  premier  qui 
parut  de  tout  ce  qui  existe.  Dans  l'hymne  de  Protogonos 
le  même  poète  dit: 

'Qoyevtf  

.   .  .   yévemv  ^anâpQV  SvfitQV  t*  àvSpórtov. 

Ovigenam  -  divûm  atque  hominum  genitabile  semen. 
Les  auteurs  latins  disent  la  même  chose  de  leur  Janus» 
Ce  Dieu  s'exprime  ainsi  dans  les  Fastes  d'Ovide  (liv.  1, 
v.  ïo5  et  suiv.  5  Iïl  et  suiv.  : 

Me  Chaos  antiqui  7  nam  sum  res  prisca  ,  vocabant  : 
Adspiçe  quant  longi  temporis  acta  canam    •   .  , 

Tune  ego  qui  fueram  globus  et  sine  imagine  moles 
In  faciem  redii  dignaque  membra  deo  y 
Festus  donne  encore  plus  clairement,  au  mot  chaos,  à 
Janus  les  qualite's  de  Protogonos  et  de  Phane'tès:  Chaos 
appellai  Hesiodus  confusam  quandam  ab  initio  unitatem 
HIANTEM  patentemque  in  profundum  :  ex  eo  et  yaiveiV 
Graeci  ,  et  nos  hiare  dicimus.  Unde  Ianus  detracta  adspi- 
ratione  nominatur  ideo  quod  fuerit  OMNIUM  PRIMUS, 
cui  primo  supplicabant  velut  PARENTI  ,  et  a  quo  rerum 
omnium  factum  putabant  initium.  Voici  le  ftpôroç  yàp 
épatât?  (primus  in  lucem  prodiit  )  du  Phane'lès  Orphique 
rendu  exactement.  Voy.  en  outre  Servius  >  liv.  \7lll  de 
Y  Enéide,  v.  i8o;  et  Terentian,  de  metr.  in  Choriamb.  , 
qui  indique  les  mêmes  doctrines.  Toutefois  nous  pou- 
vons retrouver  encore  Y  tfpixaftaiOV   dans    les  hiantem. 

(2)  On  peut  consulter  les  fragmens  d'Orphée;  n.  \If, 


74  t 

tes  était  fils  de  Chronus ,  ou  enfanté  par  le  temps  5 
les  Latins  aussi  disaient  que  Janus  était  fils  de  Satur- 
ne (i).  Yoilà ,  selon  moi,  quelle  fut  l'origine  de 
ce  Dieu  dans  le  Latium;  où  il  a  paru  appartenir 
entièrement  à  la  superstition  latine  ;  mais  je  pense 
qu'il  ne  laisse  pas  cependant  d'être  commun  avec 
les  superstitions  grecques ,  et  dont  peut-être  bien 
peu  se  sont  doutés  jusqu'ici  :  de  sorte  qu'on  voit 
cette  divinité  représentée  également  dans  les  mo- 
numens  grecs  et  romains  (2). 


sur  la  confusion  qu'on  a  faite  de  Phanétès,  avec  le  So- 
leil. Nous  avons  déjà  fait  remarquer  celle  avec  Bacchus. 
Janus  aussi  fut  confondu  avec  le  Soleil,  et  de -la  avec 
l'année  \  et  par  cette  raison  son  nom  est  dérivé  ab  eundo 
comme  on  dirait  Eanus  ,  et  la  Lune  par  le  même  motif 
fut  appelée  lana.  V.  Macròbe,  Sai.  I ,  c.  IX  ,  et  Cké- 
ron  ,  de  nat.  Deor.  ,  liv.  II  ;  Vossius  ,  Etym.  ,  v.  lanus. 
On  confondit  aussi  Janus  avec  Bacchus  ;  et  il  fut  regardé 
comme  un  des  premiers  qui  ait  enseigné  l'agriculture, 
et  particulièrement  à  fai  1  e  le  vin.  V.  Athénée  ,  liv.  XV  , 
ch.  i3  ,  et  Lilius  Girai  dus,  Syntagm.  IV. 

(1)  Phanétès  est  fils  de  Cronus ,  suivant  l'auteur  des  Ar- 
gonautes,  v.  i3:  Janus  est  fils  de  Saturne;  selon  ses  mytholo- 
gies  obscures  dont  parle  Giraîdus  dans  l'endroit  cité. 

(2)  Ovide  a  écrit  dans  les  Fastes  (liv.  I,  v.  89  ),  peu 
savamment ,  ou  au  moins  en  examinant  seulement  les  re- 
ligions de  son  temps  : 

Quem  tamen  esse  deum  te  dicam  >  Jane  biformis  ? 
Nam  tibi  par  nullum  Graecia  numen  habet. 

Non  seulement  nous  avons  reconnu  que  les  doctrines  théo- 
goniques  sur  le  Phanétès  grec  sont  conformes  aux  opi- 
nions des  mythologues  latins  sur  Janus  ;  non-seulement 
nous  avons  vu  attribuer  également  à  ces  deux  divinités 


*5 

Nous  voyons  maintenant  d'où  provient  la  con- 
fusion que  l'on  a  faite  de  Bacchus  Phanétès  avec 


les  deux  faces  >  mais  nous  trouvons  sur  beaucoup  de  mé- 
dailles grecques  ces  images  doubles  ,  et  toutes  deux  ayant 
de  la  barbe,  comme  la  plupart  des  têtes  de  Janus,  ou 
toutes  deux  imberbes,  ou  enfin  Tune  avec  ìa  barbe, 
et  l'autre  sans  barbe,  celle-ci  est  peut-être  féminine^ 
comme    quelquefois  sont   les  Janus  latins  des  deux  se- 
xes.  Le  plus  remarquable   de   ces  monumens  c'est  la 
très-ancienne  médaille  de  Camarina  dans  la  Sicile  ;  sur 
cette  médaille  Phanétès  est  représenté  avec  deux  têtes 
barbues,  avec  des  ailes,  avec  le  taureau  Dionysiaque  a 
«es  pieds  et  ayant  sur  la  poitrine  un  disque  ou  un  cer- 
cle :  on  peut  expliquer  cette  figure  par  l'ancien  Cahos 
à  propos  duquel  Ovide  fait  dire  à  son  Janus  : 

Tune  ego  qui  fueram  globus  et  sine  imagine  moles 

In  faciem  redii  dignaque  membra  deo  ; 
ou  pour  l'œuf  cosmogonique ,  d'où  Phanétès  est  appelé 
'Hoyeviiç ,  Ovigena,  ou  à  cause  du  disque  solaire  qui 
est  l'image  la  plus  remarquable  de  Phanétès.  M.  d'Han- 
carville  dans  ses  Recherches ,  que  nous  avons  souvent  ci- 
tées ,  s'est  aperçu  fort  à  propos  que  le  type  de  cette  mé- 
daille représente  très-certainement  la  même  divinité  à  la- 
quelle est  adressée  l'hymne  d'Orphée  du  Protogonos. 
Mais  je  ne  saurais  pourquoi  il  a  ensuite  voulu  attribuer 
cette  figure  aux  Mardiçns,  peuples  de  la  Perse,  quand  cer- 
tainement la  médaille  a  été  frappée  dans  la  Sicile  et  par 
la  ville  de  Camarina  ,  comme  le  démontrent  la  compa- 
raison que  Ton  peut  faire  des  types,  et  les  endroits  où 
Ton  découvre  sous-terre  de  pareilles  médailles  ,  et  cela 
d'après  le  témoignage  d'un  savant  connaisseur  tel  qu'est 
M.  Sestini  (  Lettere  numismatiche ,  tome  I,  page  52.  On 
y  ajoutera  celui  de  Pellerin  ,  Peuples  et  Villes  7  tome  III, 
pl.  334  ,  et  les  médailles  de  Camarina  qui  appartiennent 
au  prince  de  Torremuzza  ).  On  voit  aussi  le  Phanétès  ou 
Janus  à  deux  faces  sur  les  médailles  de  Ténède  ,  et  sur 
celles  d'Athènes,  avec  des  ornemens  Bacchique  dans  les 


76 

Mercure  ,  puisque  nous  avons  vu  donner  aussi  à 
Mercure  les  doubles  visages.   Mercure  étant  dans 
l'idolatrie  mystique  et  symbolique  le  Dieu  du  Gé- 
nie, a  bien  pu  remplacer  les  images  de  Métis  ou 
de  Y  Intelligence ,  comme  Bacclius  et  le  Soleil  a 
été  substitué  à  Phanétès  ,  et  Mercure  a  pu  être 
confondu  de  même  avec  Phanétès  et  avec  le  So- 
leil lui-même.  On  dédiait  à  Mercure  les  pierres  qui 
servaient  de  termes ,  et  les  petits  amas  de  pierres 
qui  se  formaient   dans  les  campagnes  et  dans  les 
chemins ,  dans  différentes  occasions  et  pour  des 
intentions  diverses  (i);  de-là  naît  un  nouvel  équi- 
voque qui  le  fait  prendre  pour  Phanétès  ,  le  So- 
leil qu'on   représentait   aussi   symboliquement  de 
même  par  des  pierres,  des  colonnes,  des  éguil- 
les  ,  que  l'on  vénérait.  Alors  comme  les  Grecs  le 
confondirent  avec  Phanétès,  les  Latins  n'en  firent 
qu'un  avec  Janus.  De-la  vient  que  nous  voyons 
beaucoup  d'images  de  Janus,  en  bronze,  des  Latins, 


cheveux  ,  et  Tune  des  deux  têtes  paraît  être  d'une  femme. 
Nous  donnerons  les  dessins  de  ces  types  dans  les  plan- 
ches  de  supplément  a  la  fin  de  ce  volume.  Cependant 
un  passage  de  VExegesis  de  Nonnns,  n.  78  ,  nous  fait 
connaître  assez  que  la  tête  n'était  pas  la  seule  chose  que 
Ton  redoublait  dans  les  images  de  Phanétès  ;  parce  qu'on 
le  peignait  aussi  aiBoîov  e^ovra  bmviù  mpl  tijv  m)yr(v- 
(1)  Kircher  parle  là-dessus  d'une  manière  savante  peu 
ordinaire  dans  son  Oedipe  Égyptien,  tome  page  588 
et  suiv. ,  où  ce  qui  est  remarquable  esile  fragment  d'Em- 
pedocle que  nous  a  conserve'  Tzetzes,  Chil.  XI II  ;  lu'st.  464> 
lequel  prouve  que  la  tête  placée  sur  le  haut  d'un  pilas- 
tre,  comme  daus  les  hennés,  est  un  symbole  de  l'intelli- 
guice  divine. 


77 

coiffées  du  Pétase.  Si  bien  qu'on  peut  indifférem- 
ment les  appeler  des  Janus  avec  le  chapeau  de 
Mercure  ou  des  Mercures  à  deux  faces. 

Mais  si  ces  termes  sculptés  furent  appelés  com- 
munément par  les  Grecs  des  Mercures  ou  des 
hermès ,  cela  ne  fut  pas  si  général ,  que  de  pa- 
reilles images  ne  fussent  regardées  dans  la  Grèce 
Sicilienne  comme  des  Bacchus ,  et  qu'elles  ne  fus- 
sent ordinairement  honorées  par  le  culte  que  l'on 
rendait  à  Bacchus  et  aux  inventions  qui  prove- 
naient de  lui  (i).  Si  donc  j'ai  classé  les  hermès  à 
deux  faces ,  à  cheveux  longs  ,  et  barbus ,  parmi 
les  monumens  Bacchiques ,  il  me  paraît  que  j'ai 
trouvé  assez  de  raisons  pour  me  déterminer  à  le 
faire ,  et  que  ce  serait  vainement  qu'on  m'objecte- 
rait contre,  ce  que  les  anciens  nous  ont  laissé  dans 


(i)  Ce  que  dit  Suidas  au  mot  ^JiapótepOQ  prouve  évi- 
demment que  les  hermès  Propilées  ,  c'est-à-dire  place's 
devant  lés  portes  des  maisons,  étaient  tous  regarde's  à  Athè- 
nes comme  des  Mercures.  En  Sicile  ils  portaient  le  nom 
de  Bacchus  ,  et  on  leur  avait  donne  le  surnom  de  MtfyOZ"- 
yoç  (Morychos)  à  cause  du  moût  de  vin  qu'on  répan- 
dait sur  ces  hermès.  Dé-là  est  venu  le  proverbe  fiopóte- 
poç  MQpVftOV  ,  Plus  fou  que  Morjchos  ,  ou  que  Ther- 
mes Bacchus  ,  lequel  au  lieu  d'entrer  dans  les  maisons 
reste  toujours  à  la  porte.  En  outre  il  est  à  remarquer  que 
souvent  les  hermès  de  Mercure  avaient  de  la  barbe,  et 
que  leur  chevelure  était  disposée  comme  celle  des  Bac- 
chus, ce  qui  est  enlièrement  démontré  par  un  vase  de 
terre  cuite  publie  par  Mazoçchi  (ad  iab.  Heracl. ,  pa- 
ge ï38),  où  sur  le  pilastre  d'un  hermès  semblable  aux 
Bacchus  barbus,  on  voit  sculpte  le  caducée  de  Mercure, 


7* 

leurs  écrits  sur  les  images  à  deux  faces  de  Mer- 
cure et  de  Janus.  Mais  c'est  s'occuper  trop  long- 
temps de  ces  symboles  obscurs  et  fantasticjues  de 
la  science  des  anciens. 

Le  style  de  ces  sculptures  est  très-simple  et 
très-noble,  quoiqu'il  y  ait  de  la  roideur  dans  les 
contours  et  de  la  dureté  dans  les  masses.  Cepen- 
dant une  certaine  grâce  qui  se  fait  remarquer  dans 
l'ensemble  et  dans  les  accessoires  ,  paraît  démon- 
trer que  cette  sécheresse  est  due  à  une  exacte  imi- 
tation de  la  manière  ancienne,  plutôt  qu'à  une 
époque  d'antiquité  reculée  qui  vit  produire  les 
deux  monumens. 


PLANCHE  IX. 


Silène  *. 

Le  style  hardi ,  large  et  expressif  que  Fon  a- 
perçoit  dans  le  travail  de  cette  image  de  Silène, 
et  la  fantaisie  qui  présida  à  son  invention ,  con- 
courent à  rendre  un  sujet  aussi  ordinaire  et  aussi 
gai  que  celui-là,  assez  intéressant  et  méritant  Pat- 


*  Il  a  de  hauteur  avec  le  piédouche  deux  palmes  et 
demie.  Le  marbre  est  pentélique.  Autrefois  il  était  par- 
mi les  antiquités  de  la  ville  Mattei  ;  et  on  le  trouve  pu- 
blié dans  le  tome  II  de  la  collection  intitulée  Mona- 
menta  Mathaeiorum ,  pl.  "VI. 


79 

tetktiou  des  curieux.  Indépendamment  de  diverses 
particularités  moins  ordinaires  qui  relèvent  encore 
le  mérite  de  cette  sculpture  très-bien  conservée, 
telles  que  sont  la  peau  de  lion  à  la  place  de  la 
Nebride  (i),  le  front  chevelu,  et  non  pas  chauve» 
comme  on  le  voit  communément  aux  Silènes  (2), 


(1)  Nous  avons  déjà  dit  quelque  chose  du  rapport  que  le 
lion  a  dans  les  choses  qui  appartiennent  à  Bacchus,  vo- 
yez les  notes  de  la  plane.  XXII,  page  ioï,  n.  (1)  T  et 
pl.  XXIX,  p.  225  ,  n.  (1)  du  tome  l\7.  Les  allégories  de 
la  mythologie  mystique  pourraient  en  indiquer  encore 
davantage.  Quant  à  l'usage  des  peaux  de  lion  dans  les 
Bacchanales,  il  suffit  de  rappeler  le  passage  d'Aristo- 
phane {Ran.  43)  a  été  déjà  cité  par  les  savans  qui 
ont  explique'  les  tableaux  d'Herculanum ,  tome  V  ;  plan- 
che XIV. 

(2)  Si  on  entend  par  Silènes  les  images  des  vieux  Fau- 
nes et  des  Satyres ,  la  chose  est  hors  de  doute  ,  et  on 
trouve  beaucoup  de  Silènes  sur  lesmonumens,  sans  être 
chauves  ,  ni  camus.  Mais  si  ce  nom  est  cependant  res- 
treint à  signifier  seulement  le  précepteur  de  Bacchus , 
ce  n'est  pas  une  chose  si  ordinaire  que  de  le  voir  sans 
ces  caractères  de  sa  figure  si  connus.  Toutefois  cela  ne 
peut  s'opposer  a  l'explication  de  cette  sculpture,  laquelle 
peut  bien  représenter  un  Silène,  quant  au  genre.  Non- 
obstant, ce  demi-Dieu  rustique  ayant  été  dépeint  par  les 
écrivains  des  fables  sous  deux  aspects  moraux  bien  dif- 
férens  ,  on  ne  devrait  pas  être  surpris  de  le  voir  aussi 
diversifié  dans  ses  effigies.  Comme  en  effet  il  n'est  pas 
camus  sur  une  pierre  du  Musée  Florentin  ,  tome  î\  plan- 
che 46  ,  et  sur  une  autre  plus  remarquable  publiée  dans 
les  Notizie  d'Antichità  de  Tannée  1786^  mars,  pl.  II, 
que  j'ai  expliquée;  de  même  il  n'est  pas  représenté  chauve 
dans  plusieurs  monumens  des  Académiciens  d'Hercula- 
num;  tome  II  des  Bronzes)  et  de  plus  il  n'est  ni  chauve 


8o 

la  situation  de  la  tête  renversée  en  arrière,  et  près* 
que  appuyée  sur  les  épaules,  contribue  davantage 


ni  camus  dans  une  peinture  ancienne  rappele'e  par  Causse, 
Pict.  antiqu.  crypt.  Rom. ,  pl.  XI  ;  sur  un  sarcophage 
rare  inédit  delà  maison  Farnese  5  et,  comme  je  le  crois, 
aussi  sur  la  médaille  du  roi  Antigonus,  qui  a  été  pu- 
bliée par  Winckelmann  dans  les  Monum.  inéd. ,  n.  4*  f 
et  depuis  par  celui  qui  a  ajouté  des  notes  a  son  Hist. 
de  l'art  ,  tome  I,  page  5  ,  et  tome  lit  ,  page  ^18  ;  et 
cette  courte  digression  ne  sera  pas  inutile  à  propos  de 
la  même  médaille.  Winckelmann  avait  pensé  que  la  tête 
couronnée  de  lierre,  et  ayant  les  cheveux  et  la  barbe  hé- 
rissés, était  celle  de  Pan  -y  M.  Féa  la  croit  plutôt  celle 
des  Bacchus  Indiens  ,  et  il  observe  qu'elle  pourrait  être 
encore  le  portrait  d'Antigone  lui-même,  qui  aimait  à  pa- 
raître sous  des  formes  ressemblantes  à  Bacchus.  Il  per- 
suade assez  facilement  que  ce  n'est  pas  une  tête  de  Pan  9 
mais  il  ne  réussit  pas  de  même  à  la  faire  croire  celle 
de  Bacchus  ,  parce  que  les  images  barbues  de  Bacchus 
sont  toutes  ornées  d'une  chevelure  longue  et  presque 
propre  à  une  femme  ,  tandis  que  les  cheveux  de  la  tête 
empreinte  sur  la  médaille  sont  au  contraire  hérissés ,  mal 
en  ordre.  Ce  peut  encore  moins  être  le  portrait  d'Anti- 
gone ,  lequel ,  selon  l'usage  des  Macédoniens  et  des  au- 
tres successeurs  d'Alexandre ,  devait  avoir  le  menton 
rasé  ,  ce  qui  est  prouvé  par  tant  d'images.  Pour  moi  je 
conjecture  qu'il  est  plus  "vraisemblable  que  ce  soit  la  fi- 
gure de  Silène  représenté  avec  une  physionomie  plus 
noble  et  moins  caricature  ,  parce  que  le  peuple  voulait 
qu'Antigone  lui  ressemblât,  et  que  ce  roi  ne  rejetait 
pas  si  loin  cette  comparaison,  qu'au  contraire  il  se  flattait 
que  ce  demi-Dieu  lui  serait  favorable  dans  les  expédi- 
tions (  Sénèque  ,  de  Ira ,  liv.  III,  c.  22).  Par  rapport  au 
revers  de  la  médaille  ,  où  l'on  voit  Apollon  tenant  un 
arc,  assis  sur  un  vaisseau,  et  ce  Dieu  fait  sans  doute  al- 


8  Ir 

à  en  Estinguer  le  caractère,  à  montrer  l'ivresse* 
et  à  nous  mettre  sous  les  yeux  l'état  de  son  esprit 
relâché  et  grossier ,  épithète  qui  ayant  été  prise 
de  l'abandon  de  son  corps,  a  paru  propre  à  indi- 
quer avec  tant  d'évidence  cet  affaissement  de  l'ame 
qui  accompagne,  ou  pour  mieux  dire,  qui  précède 
l'anéantissement  de  ses  facultés.  Le  front  de  ce 
nourricier  ivre  de  Bacchus  est  ceint  >  comme  de 
coutume,  d'une  couronne  de  lierre. 

F  AUNE  • 

Là  physionomie  riante  et  agréable  du  jeune 
t^aune  que  l'artiste  a  exécutée  avec  beaucoup  de 
grâce  dans  ce  buste ,  nous  rappelle  l'origine  que 
les  mythologues  donnent  au  nom  de  Satyre,  le- 
quel peut  aussi  bien  que  celui  de  Faunes,  plué 
commun^  convenir  à  des  images  de  ce  genre  (i)* 


lusion  à  la  trirème  qu'Antigone  dédia  à  Apollon  en  mé- 
moire de  la  bataille  navale  remportée  dans  les  mers  de 
Leucolla  de  la  Pamphilie  ;  par  sa  flotte  contre  les  ami- 
raux de  Ptolomée  ;  notice  que  nous  a  conserve'  Athé- 
née (liv.  V,  ch.  i5),  et  qui  contient  l'explication  na- 
turelle de  ce  type  qui  a  échappé  à  l'érudition  de  Winckel- 
mann  et  aux  recherches  de  son  commentateur. 

*  Hauteur  avec  le  piédouche  deux  palmes,  trois  quarts* 
Il  est  en  marbre  pentélique.  La  tête  seule  est  antique. 

(i)  V.  notre  premier  tome  >  pl.  XL\7[;  page  32i;  et 
tome  HT,  pl.  XLII  ,  page  199,  n.  (1). 

Musée  Pie-Clêm,  Vol.  YI.  6 


32 

Ils  prétendent  que  ce  mot  est  dérivé  d'une  expres- 
sion grecque  qui  signifie  ouvrir  grossièrement  la 
bouche  pour  rire  (i),  propriété  que  Ton  recon- 
naît dans  ces  êtres  hommes  et  auimaux  qui  sont 
à  la  suite  de  Lyacus ,  lesquels,  dans  leur  joye  im- 
modérée, conservent  la  légèreté  et  la  vivacité  de 
ranimai,  dont  la  nature  entre  dans  leur  formation, 
selon  ce  qu'ont  imaginé  les  artistes  et  les  poètes  (2), 

PLANCHE  X. 

La  Comédie  et  la  Tragédie  *. 

Ces  deux  têtes  d'une  proportion  presque  colos- 
sale qui  offrent,  avec  une  intégrité  rare,  une  exé- 


(1)  Fornute,  de  nat.  Deor.}  ch.  3o ,  dit  que  les  Sa- 
tyres sont  appelés  ainsi  â<jzo  TOV  Ce  cripèvai ,  doriquement 
cecapèvobl ,  renidere  deducto  rictu  ut  dentés  conspician- 
tun  de  sorte  que  de  cecapoTOÇ  ou  capôroç  on  a  fait 
par  métaplasme  ou  antithèse  càrvpoç. 

(2)  Les  petites  excroissances  ou  carunculae  qu'ont  les  chè- 
vres, et  qui  se  voyent  suspendues  au  col  du  Faune,  sont 
ordinaires  dans  d'autres  monumens.  Nous  les  avons  déjà 
fait  remarquer  à  la  pl.  3ÉXIX  du  tome  IV  ;  on  recouv- 
rera aux  notes  (1)  et  (2)  de  la  p.  225. 

*  Hauteur  jusqu'à  la  poitrine,  trois  palmes  et  un  sixième. 
Ces  sculptures  sont  d'un  marbre  blanc  très-fin  ,  que  les 
ouvriers  appellent  de  Paros,  qui  n'en  est  pas  cependant  $ 
inais  on  ne  peut  avec  quelque  certitude  fixer  de  quelle 
carrière  les  anciens  le  tirèrent  ,  puisqu'il  y  avait  ,  dit 
Pline,  beaucoup  de  marbres  de  son  temps,  qui  surpas- 
saient en  blancheur  celui  de  Paros  (  Hïst.  Nat.    1.  XXXVÏ 


83 

eution  pleine  de  ménte  >  sont  un  monument  très- 
distingué  des  arts  de  la  Grèce  sous  Adrien»  Elles 
ornaient  Pentrée  du  théâtre  de  la  Villa  Tyburtme 
appartenant  à  cet  empereur  b  et  elles  étaient  pla- 
cées comme  des  hermès  sur  des  pilastres  de  mar- 
bre mélangé  (  i  ).  Les  artistes  et  les  antiquaires  les 


§  IV  ,  2  ),  témoignage  assez  peu  favorable  pour  l'opinion 
de  ces  modernes  qui  prétendent  que  tous  les  marbres 
qui  surpassent  le  Paros  en  blancheur  sont  de  Luni,  de 
même  que  d'autres  connus  pour  être  grecs,  et  qui  sont 
d'une  finesse  de  grain  et  d'une  blancheur  supérieure.  Ces 
deux  beaux  morceaux  ont  été  parmi  les  antiquités  de 
la  collection  du  feu  comte  Fede  ,  dans  la  Villa  Tibur- 
tina  ,  ayant  fait  partie  de  l'Adrienne,  laquelle  est  devenue 
dans  ces  derniers  temps  une  mine  abondante  de  sculptures 
excellentes  7  dont  quelques-unes  feront  le  sujet  de  nos  dis* 
cours  dans  ce  volume  même.  Je  ne  puis  cependant  gar- 
der le  silence  sur  la  très-belle  copie  en  marbre  pentéli- 
que  du  Discobole  de  Miron  qu'on  y  découvrit  Tannée 
dernière.  Elle  correspond  en  tout  le  reste  avec  l'autre 
Discobole  des  Maximes  ,  dont  nous  avons  parlé  plusieurs 
fois  comme  provenant  de  l'original  lui-même.  Il  a  cepen- 
dant un  mouvement  différent  de  la  tête  qui  se  tourne 
d'un  autre  côté  ,  c'est-à-dire  vers  la  carriere  où  il  doit 
lancer  le  disque.  Ceci  nous  confirme  l'idée  que  nous  avons 
énoncée,  dans  d'autres  occasions,  que  les  anciens  maîtres 
à  grand  talent  usaient  de  quelque  liberté  en  copiant  des 
inonumens  plus  anciens.  Au  reste,  les  deux  têtes  dont  nous 
nous  occupons,  acquirent  de  la  célébrité  parmi  les  artis- 
tes aussitôt  qu'elles  eurent  été  découvertes,  et  il  en  existe 
diverses  copies  ,  principalement  de  la  Comédie,  parmi  les- 
quelles une  très-excellente,  en  pierre  fine,  exécutée  par 
l'habile  graveur  anglais  M.  Marchant* 

(0  Ils  sont  faits  du  marbre  que  les  ouvriers  connaissent 


84 

prenaient  simplement  pour  deux  Bacchantes,  avant 
que  Ton  pût ,  à  Faide  de  quelques  formes  certaines 
et  peu  ordinaires ,  ainsi  que  du  lieu  où  elles  fu- 
rent trouvées,  conjecturer  ce  qu'elle  représentaient 
véritablement  (i).  Je  vais  à  présent  mettre  sous 
les  yeux  des  lecteurs  les  particularités  qui  m'ont 


sous  le  nom  de  Porta  Santa,  parce  que  Ton  en  fit  dans 
le  XV  siècle  les  pied-droits  de  la  porte  du  Jubilé  dans 
la  basilique  du  Vatican.  Il  est  incertain  à  quel  marbre 
des  anciens  celui-ci  peut  correspondre.  Peut-être  celui  de 
Chio  >  ou  celui  de  Sciros  ,  ou  l'Epirotique,  tous  fameux 
par  la  variété'  de  leurs  taches  ,  lesquelles  dans  la  Porta 
Santa  paraissent  blanches  ,  bleues  ,  sanguines  et  roussâ- 
tres.  On  voit  que  les  anciens  Font  souvent  employé  à  des 
incrustations,  à  des  corniches  et  en  colonnes  ;  mais  pas 
comme  ici  à  former  les  draperies  des  figures  -,  aussi  ces 
morceaux  en  deviennent  plus  curieux  et  plus  rares.  Ces  her- 
nies sont  tous  sculptés  comme  s'ils  eussent  été  couverts  d'une 
légère  tunique  plissée  à  petits  plis  ,  laquelle  par  la  diver- 
sité des  couleurs  du  marbre  devait  imiter  les  habillemens  de 
différentes  couleurs  dont  on  se  servait  au  théâtre.  Le 
comte  Fede  ne  prit  pas  le  soin  de  faire  remettre  ces  deux 
monumens  dans  leur  premier  état  j  d'autres  après  lui  les 
négligèrent  de  même  :  leurs  poitrines  telles  qu'elles  sont, 
furent  exécutées  par  M.  Cavaceppi;  d'après  les  anciens  bustes 
qui  existaient  chez  un  marbrier  ,  où  peut-être  sont-ils  en- 
core. Et  à  la  vérité  les  artistes  modernes,  et  ceux  qui 
étudient  et  vantent  la  philosophie  des  arts  ,  réprouvent 
et  corrigent,  quand  il  plaît  au  ciel,  les  ouvrages  des  an- 
ciens dans  ces  marbres  ou  autres  matières  différentes  qu'ils 
y  adaptaient  si  fréquemment  et  avec  art ,  et  qu'aujour- 
d'hui on  traite  de  mauvais  goût  *ïç  'A$i?Volv. 

(i)  V.  notre  tome  I,  pl.  XLVI,  *,  où  j'ai  proposé  mon 
opinion  ayec  ses  motifs. 


85 

fait  retrouver  en  elles  des  images  allégoriques  de 
la  Tragédie  et  de  la  Comédie. 

Le  caractère  si  différent  qui  domine  dans  ces 
deux  têtes,  l'un  de joye,  l'autre  de  tristesse  ;  l'exé- 
cution des  cheveux  qui  dans  toutes  deux  est  sem~ 
blable  à  celui  des  masques  scéniques,  et  qui  sont 
ornés  du  bandeau  des  Bacchantes  dans  celle  où 
l'on  voit  exprimée  la  joye  ,  me  paraissent  des  in- 
dices tels,  qu'en  se  réunissant  avec  la  place  qu'oc- 
cupèrent anciennement  ces  deux  sculptures,  ainsi 
que  leur  correspondance  évidente  ,  l'opinion  que 
je  propose  en  acquiert  une  vraisemblance  con- 
sidérable, qu'accroît  encore  infiniment  une  observa- 
tion attentive  et  très-recherchée  de  ces  têtes.  La 
physionomie  de  celle  dont  les  cheveux  ne  sont 
pas  relevés  par  des  pampres ,  est  triste  et  abat- 
tue. Elle  convient  fort  bien  non-seulement  au  ca- 
ractère de  quelques  personnages  du  sexe  dans  les 
Tragédie  grecques ,  car  elle  offre  dans  sa  coiffure 
Tajuslement  qu'avaient  leur  masques,  mais  elle  cor- 
respond particulièrement  à  cette  physionomie  que 
Pollux  décrit  pour  le  masque  tragique,  d'une  fem- 
me à  la  fleur  de  son  âge  ,  comme  serait  une  An- 
dromaque,  une  Médée;  ce  masque  s'appelait  au  théâ- 
tre Pallida  cornata  (i).  Le  regard  triste  qui 
distinguait  le  masque  est  le  caractère  remarquable 
du  visage   de   cette   tête;  et  si  la  couleur  pâle 


(i)  Pollux,  Onom.,  liv.  IV,  §140:  H>  dk  Kar<WO[lQÇ 
&%pà  rè  (fMf&fia  ùvm?póv:  celui  qui  s'appelle  PallicU 
cornata  a  le  regard  méchant* 


86 

et  blême  ne  peut  être  exprimée  par  le  marbre f 
l'artiste  a  si  bien  su  réunir  toutes  les  particularités  qui 
ont  avec  la  tristesse  quelques  rapports  inséparables, 
commende  la  roideur  dans  les  contours,  la  contention 
des  muscles  des  sourcils  qui  font  supposer  cet  état , 
que,  suivant  moi ,  aucun  peintre  qui  aurait  con- 
naissance de  l'antique  et  qui  serait  doué  d'une 
certaine  intelligence,  ne  pourrait  en  faire  une  bonne 
copie  coloriée  sans  donner  à  ce  visage  une  teinte 
pâle  et  sombre.  Mais  dans  l'autre,  qui  avec  sa  couron- 
ne Bacchique  nous  fait  voir  qu'elle  s'est  livrée  tout 
entière  à  Bacchus  et  à  ses  fêtes  (  expressions  dont 
se  sert  Lucain  en  parlant  de  la  Comédie  (i)), 
l'artiste  ancien  eut  soin,  pour  qu'on  ne  la  confon- 
dît pas  avec  une  Bacchante  ,  de  lui  domjer  des 
traits  pris  dans  le  beau  idéal,  très-caraçtérisés  et 
différens  de  ceux  que  les  arts^  employaient  ordi- 
nairement dans  d'autres  têtes  de  femmes  qui  n'étaient 
pas  des  portraits.  L'arc  que  forment  les  sourcils , 
la  cavité  qui  se  trouve  entre  le  front  et  le  nez, 
le  contour  du  nez  lui-même,  diffèrent  dans  cette 
tête ,  plus  que  dans  l'autre,  de  ce  que  l'on  re- 
marque ordinairement  daus  les  têtes  grecques,  aux- 
quelles elle  ressemble  cependant  daus  les  formes 


(i)  H;  de  (Ko^iQ^ia)  rtupadovm  ro  Aiovvaw  iavx^pr 
v.  Lucien  ,  Prometheus  es  in  verbis.  On  a  déjà  fait  la 
remarque  que  le  théâtre  dut  son  origine  à  Bacchus  j  ainsi 
nous  avons  observé  dans  le  tome  I;  pl.  XV  IH  ;  p.  ï8o, 
et  pl.  XlXj  pag.  i85;  les  Muses  tragiques  et  comiques 
couronnées  de  fampres  et  de  lierre  comme  des  Bac- 
chantes. 


H 

du  front ,  des  joues  ,  et  celles  non  moins  nobles 
du  cou.  Maintenant  laissons  de  côté  les  aulres  ca-^ 
ractères,  et  voyons  le  profil  du  nez  qu'on  appe- 
lait dès  lors  sous  aquilin  ,  il  était  absolument  par- 
ticulier aux  masques  de  la  Comédie  grecque  (i), 
et  c'est  ce  contour  précisément  que  je  n'ai  jamais 
trouvé  dans  aucune  autre  image  idéale  antique  d'une 
femme  ou  d'une  Déesse  ,  et  peut-être  même  se- 
rait-ce en  vain  qu'on  le  chercherait  hors  des  mas- 
ques de  théâtre  auquel  il  était  particulièrement 
affecté.  Ajoutons  à  cela,  que  dans  les  deux  têtes, 
N  en  outre  de  la  hauteur,  fastigiata,  de  la  coiffure  (2), 
les  cheveux  tombent  sur  le  front  d'une  façon  si 
composée  et  symétrique,  qu'on  conçoit  l'idée  que  ce 
ne  sont  pas  des  cheveux  naturels  ,  mais  qu'ils  sont 
faux ,  étrangers  ,  tels  qu'ils  doivent  être  sur  les 
masques  scéniques,  et  tels  en  effet  que  nous  les 
voyons  sur  ceux  qui  nous  sont  parvenus.  Je  suis 
donc  vraiment  persuadé  que  l'excellent  artiste  avait 
l'intention  de  représenter  la  Comédie  et  la  Tragédie 
en  exécutant  ces  admirables  sculptures,  destinées 


(1)  Pollux,  1.  c,  §  i44  et  *48>  donne,  et  le  répète,  le 
caractère  de  nez  èftiypvftOS  7  subaquilinus,  aux  masques 
de  la  come'die.  Nous  le  voyons  même  dans  le  masque 
d'un  acteur  représentant  une  scène,  lequel  est  parmi  les 
Peintures  d! Herculanum^  tome  I,  pl.  IV.  Les  nez  de  ces 
deux  tètes,  quoique  restaurés  à  leur  extrémité,  ont  évi^ 
demment  cette  forme. 

(2)  Nous  avons  déjà  remarqué  que  cette  forme  pyra- 
midale des  cheveux  aux  masques  était  appelée  par  les 
Grecs  ô^HOÇj  et  par  les  Latins  superficies* 


88 

1  à  être  placées,  comme  des  hernies  Propylées ,  U 
la  porte  du  théâtre.,  dont  la  forme  et  le  vaisseau 
s'est  conservé  jusqu'à  nos  jours,  et  qui  était  bâti 
dans  une  des  plus  délicieuses  maisons  de  campa- 
gne d'un  prince  ardent  amateur  de  tout  ce  que  les 
arts  ont  produit  de  beau. 

Il  est  peut-être  inutile  d'imaginer  que  quelqu'un 
puisse  avoir  encore  des  doutes  au  sujet  de  la  dé- 
nomination que  je  propose  pour  ces  deux  bustes, 
et  qu'il  prétende,  pour  la  combattre,  que  les  per- 
sonnages allégoriques  de  la  Tragédie  et  de  la  Co- 
médie n'avaient  aucune  différence  dans  l'antiquité 
avec  les  deux  Muses  Melpomène  et  Thalie  ;  et  que 
par  cette  raison  les  têtes  que  nous  examinons 
n'ayant  pas  de  rapports  avec  les  images  bien  con- 
nues de  ces  Muses,  c'est  en  vain  qu'on  voudrait 
y  reconnaître  les  portraits  de  la  Tragédie  et  de  la 
Comédie.  Si  Ton  venait  me  présenter  cette  objection 
je  répondrais,  que  nous  ne  devons  pas  prescrire 
aux  artistes  anciens  des  bornes  a  leur  imagination 
v  quand  ils  n'en  connurent  pas ,  et  que  les  poètes 
ayant  souvent  personnifié  la  Tragédie  et  la  Co- 
médie, sans  avoir  égard  aux  Muses  qui  présidaient 
à  ces  jeux  scéniques ,  les  artistes  les  ont  imités. 
Nous  en  avons  une  preuve  très-frappante  et  in- 
contestable dans  le  bas-relief  de  l'apothéose  d'Ho- 
mère au  palais  Colonne  ,  sur  lequel  sont  sculptées 
toutes  les  Muses ,  et  sur  le  même  se  voyent  les 
personnages  allégoriques  de  ces  mêmes  Muses> 
qui  sont  bien  différens  ,  savoir  de  la  comédie ,  de 
la  tragédie ,  de  la  poesie  et  de  T histoire,  et  qui 


8& 

sont  tontes  distinguées  d'une  manière  certaine  par 
les  épigraphes  grecques  qui  sont  près  de  chacune  (  t). 

PLANCHE  XL 

Le   Sommeil  *. 

Un  hermès  semblable  à  celui-ci  dans  son  pro- 
fil ,  par  la  barbe  ,  ayant  des  ailes  de  papillon  dé- 
ployées devant  les  oreilles  (2) ,  et  qui  se  voit  re- 
produit dans  plusieurs  gravures  antiques  ,  n'est  pas 
un  sujet  extraordinaire  pour  ceux  qui  ont  quelques 
connaissances  des  antiquités  grecques  et  latines. 
Comme  quelques  personnes  avaient  cru  y  recon- 
naître une  image  de  Platon ,  j'ai  avancé  ailleurs 
déjà  unë  opinion  absolument  différente ,  rejetant 
l'idée  du  prétendu  portrait  de  ce  philosophe,  tant 
à  cause  de  la  différence  des  traits  avec  une  image 
bien  plus  certaine  de  lui ,  que  par  l'ajustement 
Dionysiaque  de  ses  cheveux ,  qui  tient  plutôt  de 
la  femme  ,  telle  qu'on  le  voit  ordinairement  aux 
Bacchus  barbus  ou  Indiens  ,  et  qui  ne  peut  con- 
venir au  portrait  d'un  philosophe  comme  Platon  (2). 


(1)  Voyez  ce  superbe  monument  que  nous  avons  de 
nouveau  publié  et  explique'  à  la  fin  du  tome  I  ^  pl.  B } 
n.  1  ;  pag.  352. 

*  Hauteur  deux  palmes  moins  une  once.  Il  est  en  mar- 
bre pentélique. 

(1)  Winckelmann  ;  Monum,  inéd.  ,  n.  169.  Voyez  aussi 
dans  les  recueils  d'empreintes  des  pierres  grave'es  anti- 
ques. 

(2)  Voyez  notre  premier  volume  ,  pi»  XXVIII  ,  p.  5*47, 


9° 

Je  fis  la  remarque  que  cette  façon  Bacchique  de 
porter  les  cheveux  et  la  harbe,  que  ce  profil  même, 
se  trouvent  dans  quelques  effigies  bien  connues  du 
Sommeil  (i) ,  auquel  on  donna  aussi  des  ailes  at- 
tachées au  front,  D'où  je  concluais  qu'on  devait 
avec  fondement  regarder  ces  images  sur  les  pier- 
res gravées,  comme  celles  du  Sommeil  lui-même, 
lequel  ayant  eu  des  honneurs  et  un  culte  dans  la 
poesie  et  dans  la  religion  de  la  Grèce  (2)  ,  de- 
vait être  pris  pour  sujet  dans  les  ouvrages  des 
beaux- arts. 

Ce  que  nous  venons  de  dire  suffit  aussi  pour 
retrouver  dans  Thermes  que  nous  offrons  l'effigie 
du  Dieu  du  Sommeil  ;  cet  hermès  était  peut-être 
destiné  à  orner  un  champ  sépulcral ,  ou  à  être 
placé  dans   des  endroits  mystérieux  de  quelque 


et  pl.  A  III,  n.  5,  p.  346?  IV,  8,  pag.  348,  où  nous 
rejetons  par  divers  motifs  l'opinion  que  Winckelmann 
avait  soutenue. 

(1)  Le  Sommeil  a  la  chevelure  et  la  barbe  pointue 
comme  les  Bacchus  Pogoni  ou  barbus  du  bas-relief  expli- 
qué dans  le  tome  IV  de  ce  Musée,  pl.  XVI,  pag.  i3i, 
et  dans  le  pareil  du  Musée  Capitolin  ,  tome  IV  >  plan- 
che XXIV.  Le  Sommeil  a  aussi  des  ailes  de  papillon 
dans  beaucoup  de  monumens  qui  ont  été  déjà  cités 
tome  I,  pl.  XXVLII,  page  247  ;  dans  le  Ili  ,  pl.  XLIV, 
page  2i3;  dans  le  IV,  pl.  XVI,  page  i32,  où  j'ai  en- 
core rappelé  les  marbres  qui  nous  le  présentent  avec  des 
ailes  aux  tempes.  On  peut  y  ajouter  le  bas-relief  de  la 
Villa  Albani  ci  lé  dans  Y  Indicazione  antiquaria ,  n.  211. 

(2)  Voyez  les  hymnes  d'Orphée  au  Sommeil  $  elle  est 
ïa  84. 


9* 

maison  de  délices ,  où  les  eaux  sacrées  invitaient 
par  leur  murmure,  jointes  à  une  ombre  salutaire,  les 
hôtes  à  se  reposer.  Ce  marbre  nous  offre  les  mêmes 
traits  de  ressemblance  avec  les  pierres  gravées  dont 
nous  venons  de  parler,  et  les  tempes  ont  la  même 
décoration  allégorique ,  excepté  que  les  ailes  de 
papillon  sont  ici  couvertes  par  un  palliolum  qui 
est  attaché  sur  le  front  du  Dieu  par  le  diadème 
Dionysiaque ,  couverture  qui  peut  avoir  dans  l'image 
du  Sommeil  ses  mystères ,  mais  qui  pourrait  aussi 
y  avoir  été  placée  par  la  fantaisie  de  l'artiste,  le- 
quel aura  voulu  ainsi  voiler  la  tête  de  son  lier- 
mès  qui  devait  être  exposé  aux  ardeurs  du  So- 
leil dans  la  campagne  ,  de  même  que  des  hommes 
efféminés  cherchaient  à  se  défendre  de  l'excessive 
chaleur  (i). 

Or  donc  si  les  monumens  bien  certains  nous 
montrent  le  Sommeil  sous  ces  formes  et  ayant  de 
même  le  front  garni  d'ailes,  nous  ne  pouvons  avoir 
aucun  doute  sur  le  sujet  de  cette  sculpture.  11  ne 
nous  reste  que  le  désir  curieux  de  conjecturer 
quels  ont  pu  être  les  motifs  qui  ayent  engagé  les 
anciens  à  donner  souvent  au  Sommeil  des  traits 
et  des  ornemens  Bacchiques  ;  puisque  le  large  dia- 
dème  qu'il  a  sur  le  front  est  de  cette  espèce. 

J'avoue  vraiment  que  je  ne  me  suis  rien  rap- 


(i)  Il  a  été  dit  quelque  chose  dans  le  tome  III,  plan- 
che XIX;  page  ioì;  n.  (i)  ;  du  petit  palliolum  appelé 
icrpiOV  précisément  parce  qu'il  servait  k  réparer  la 
tête  contre  l'ardeur  du  Soleil. 


pelé  de  positif  qui  puisse  expliquer  ce  rapport» 
Mais  il  n'est  pas  difficile  d'imaginer  des  allégories 
entre  les  deux  divinités  du  sommeil  et  de  l'ivresse. 
En  outre  c'est  qu'à  toutes  deux  s'appliquent  égale- 
ment les  titres  solennels  et  bienfaisans  de  Ljsiae 
et  Ljsimerimnae  (i),  que  l'on  peut  rendre  avec 
exactitude  ainsi  :  qui  chasse  les  soucis  des  mor- 
tels. 

P  L  A  N  C  HE  XII. 

Hermeracle 

Ce  superbe  morceau  des  ruines  de  la  Yilla 
Adrienne  est  par  son  travail  excellent  un  des  mo- 
numens  le  plus  noble  et  le  plus  admirable  de  tous 
ceux  qui  nous  sont  parvenus  après  avoir  orné  les 
palestres  des  villes  grecques  ou  romaines  (2).  Les 


(ï)  yi  les  hymnes  d'Orphée  XLtX ,  v.  2 ,  9  ;  LXXX IV, 
Y.  5  ;  et  les  Gnome  de  Secondus ,  art.  Qui  est  Somnus? 
parmi  les  opuscules  Mjtologiques }  etc.,  de  Gale, 

*  Hauteur,  y  compris  toute  la  partie  antique  du  pilas- 
tre, cinq  palmes  et  demie.  Il  est  de  marbre  grec  dur. 
On  Ta  trouve'  dans  la  Villa  Fede  à  Tivoli,  avec  plusieurs 
autres  monumens  de  mérite  qui  existèrent  chez  le  feu 
comte  Giuseppe  Fede ,  et  qu'à  sa  mort  le  souverain  Pon- 
tife acheta. 

(2)  Les  Romains  avaient  l'usage  ,  soit  pour  embellir 
leur  maisons  de  campagne,  ou  pour  faire  leurs  exercices, 
d'y  construire  des  palestres  ou  gymnases  à  l'instar  des 
Grecs,  et  ils  y  prodiguaient  tout  le  luxe  dont  ils  étaient 
capables.  Nous  avons  pour  témoignage  les  lettres  de  Pline 


9* 

contours  moëlleux  et  sublimes  d'Hercule  imberbe 
qui  est  représenté  avec  des  cheveux  crépus,  et  des 
oreilles  qui  distinguent  ceux  qui  s'exerçaient  à  la 
palestre,  et  la  couronne  de  peuplier  (i),  autori- 
seraient à  le  considérer  comme  un  reste  des  arts  les- 
plus  anciens  dans  les  beaux  siècles  de  la  Grèce , 
quand  même  quelques-uns  des  monumens  qui  ap- 
partiennent très-certainement  au  temps  d'Adrien  ne 
fussent  pas  portés  à  un  tel  degré  de  perfection 
qu'ils  peuvent  détruire  les  vains  systèmes  et  les 
périodes  qui  furent  déterminées  par  la  fantaisie  seule 
de  ceux  qui  jusqu'à  présent  ont  écrit  sur  les  an- 
tiquités (2). 


(  liv.  II,  ép.  if])f  où  il  fait  mention  de  Gymnase  et  de 
Xiste  m7  encore  mieux  celles  de  Cice'ron  (ép.  adFatn.  VII, 
23  ;  ad  Attic.  17  4?  6  et  n  )  7  et  même  celles-ci  nous  ap- 
prennent que  les  hermès  étaient  l'ornement  le  plus  ordi- 
naire de  ces  lieux  et  celui  qui  leur  convenait. 

(1)  Le  peuplier,  de  cette  espèce  particulière  qu'on  nom- 
mait en  latins  populus  alba,  en  grec  TbeVKtf  et  d^epolç 
avaif ,  croyait-on;  été'  rapporté  par  Hercule  à  son  retour 
des  enfers  dans  la  Grèce  y  ou  chez  les  Molosses  (  Pau- 
sanias,  liv.  V7  c.  XIV).  D'autres  ont  dit  qu'il  avait  en- 
trepris cette  terrible  expédition  étant  couronné  de  peu- 
plier, et  ils  font  dériver  des  vapeurs  et  de  la  suye  des 
bouches  de  l'enfer,  les  diverses  couleurs  que  les  feuilles 
de  cet  arbre  ont  à  leur  partie  supérieure  et  inférieure 
(  Servius  dans  Virgiie  ,  Aen.  V ,  1 5 4  ).  La  couronne  de 
peuplier  était  donc  particulière  à  Hercule,  Q  uelqu'im 
pourrait  lui  substituer  celle  du  lierre;  mais  les  anciens 
n'ont  jamais  manqué  pour  distinguer  les  couronnes  de 
lierre  d'y  ajouter  ses  graines. 

(2)  Je  ne  prétends  pas  soutenir  par-là  que  les  anciennes 


94 

Une  particularité  qui  se  fait  remarquer  au  pre- 
mier coup-d'oeil  dans  la  très-belle  tête  d'Hercule, 
ce  sont  ces  oreilles  plus  petites  qu'il  ne  convient, 
marquées  par  des  cicatrices  en  travers  ,  écra- 
sées, et  presque  adhérentes  à  la  tête.  Une  des 
plus  heureuses  découvertes  qu'ait  fait  Winckelmann 
fut  certainement  celle  de  reconnaître  dans  de  sem- 
blables oreilles  le  caractère  athlétique  par  lequel 
on  distinguait  ceux  qui  combattaient  dans  la  pa- 
lestre sous  les  noms  à'Ototladj  et  à'Otocataoci  y 
qui  exprimaient  les  contusions  et  la  fracture  de 
leurs  oreilles,  causés  en  partie  par  le  pugilat,  en 
partie  par  les  bandelettes  dont  ils  se  servaient  pour 
les  mettre  à  l'abri  des  coups,  et  sans  doute  par 
quelques  autres  méthodes  ou  manières,  employées 
dans  la  gymnastique,  que  nous  ne  connaissons  pas 
assez  (  i  ).  Peut-être  que  de  les  tenir  ainsi  compri- 


sculptures  n'offrent  pas  dans  le  style  des  caractères  qni 
puissent  faire  distinguer  leurs  époques,  je  dis  seulement  qu'il 
est  fort  rare  que  Ton  puisse  distinguer  une  époque  d'une  au- 
tre par  la  seule  excellence  du  travail,  et  qu'elle  est  celle  pos- 
térieure au  degré'  de  perfection  qu'eurent  les  arts  sous  Phi- 
dias, et  celle  antérieure  à  leur  décadence  précipitée  dans 
le  troisième  siècle.  Par  exemple  l'Antinous  qui  était  dans 
la  galerie  du  palais  Farnèse  offre  un  travail  d'une  telle 
perfection,  qu'on  ne  peut  indiquer  dans  ce  genre  aucune 
autre  statue  qui  lui  soit  supérieure  en  excellence  ,  el  ce- 
pendant cet  ouvrage  est  du  temps  d'Adrien.  Ainsi  no- 
tre hermès  pourrait  être  du  même  âge  ;  d'autant  plus 
que  nous  verrons  le  marbre  grec  dur;  dont  on  s'est  servi 
pour  le  faire  ;  employé  aussi  pour  un  buste  d'Antinous 
trouvé  dans  le  même  endroit. 

(i)  Celte  observation  nouvelle  et  ingénieuse  a  été  faite 


95 

mees,  et  de  les  avoir  eues  déchirées  de  bonne 
heure  dans  leurs  exercices,  cela  les  empêchait  de 


par  "Winckelmann  ,  le  premier  dans  son  Hist.  de  Vart  , 
liv.  V  ,  ch.  V  ,  §  a5  et  suiv.  ,  en  y  citant  les  autorités 
que  Meursius  dans  les  Miscellanea  Laconica  (  liv.  I,  c.  i  7  ), 
et  rOlearius  dans  Ses  notes  sur  Philostrate  (  Heroic. , 
ch.  III,  et  Imag. ,  c.  XXI),  avaient  recueillies  sur  cette 
particularité  ,  et  sur  les  mots  qui  l'exprimaient.  Pollux 
(Onom.  II,  83)  dit  expressément  que  les  oreilles  deve- 
naient ainsi  à  la  suite  des  coups  que  se  portaient  les 
athlètes  ;  mais  il  paraît  que  cette  compression  était  due 
aux  antotides  ou  anphotldes  ,  espèce  de  bandages  avec 
lesquels  ils  resserraient  ces  parties  lorsqu'ils  se  disposaient 
à  combattre:  on  peut  là-dessus  consulter  Fabri  (  Agon.  , 
liv.  I ,  ch.  1 1  ).  En  voyant  sur  ces  oreilles  le  plus  sou- 
vent deux  incisions  transversales  ,  on  pourrait  douter  s'ils 
ne  se  les  rompaient  pas  exprès  dès  leur  enfance,  pour  être 
moins  embarrassés  dans  le  pugilat,  ce  qui  était  cause 
aussi  de  leur  peu  d'accroissement.  Mais  cela  peut  être 
aussi  simplement  une  méthode  qui  tient  à  l'art,  parce 
que  quelque  célèbre  artiste  ayant  exprimé  ainsi  une  fois 
les  oreilles  des  athlètes  avec  leur  caractère,  mais  sans 
difformité,  les  autres  auront  scrupuleusement  suivi  cet 
exemple.  Winckelmann  en  appliquant  cette  ingénieuse 
observation,  qui  lui  appartient,  s'est  quelquefois  trompé. 
Ainsi  les  oreilles  de  ce  philosophe  de  la  Villa  Albani 
(Indicazione  antiquaria ,  num.  485),  sur  l'hermès  du- 
quel 7  qui  a  été  accommodé  cependant  ainsi  postérieure- 
ment,  on  lit  le  nom  de  Xénocrate  ?  ne  sont  pas  propre- 
ment celles  des  athlètes,  mais  elles  sont  raboteuses,  ri- 
dées ,  comme  il  convient  à  une  tête  de  vieillard  ,  mai- 
gre. Il  a  encore  fait  une  équivoque  entre  Palamède  et 
Protésilas  en  expliquant  les  descriptions  qu'on  trouve  dans 
Philostrate,  d'Hector  et  de  Nestor  avec  des  oreilles  sem- 
blables. Mais  c'est  à  tort  qu'on  l'a  repris  dans  les  notes 


96 

prendre  leur  accroissement  naturel,  et  qu'elles  pa-» 
raissaient  à  la  tête  des  athlètes  précisément  comme 
nous  les  observons  dans  celte  belle  sculpture,  à  la- 
quelle j'ai  donné  le  nom  d'Herméracle ,  entendant 
parce  mot,  avec  Mazocchi  et  avec  d' autres  *  sim- 
plement un  Hercule  en  forme  d'hermès ,  simula- 
cre si  ordinaire  dans  les  Gymnases  sans  exiger  que 


sur  l'explication  qu'il  donne  au  passage  de  Platon  dans 
le  Protagoras  >  ou  ifiavraç  rtepmlliTTOVTai  ajouté  à  JrûC 
te  TCaTayvvVTai ,  doit  certainement  être  interprète';  comme 
il  le  suppose,  aures  sibi  frangurit  ,  et  loris  se  circumvol- 
vunt)  rapportant  cela  aux  cesles,  auxquels  s'applique  cette 
expression  grecque,  et  pas  du  tout  aux  bandages  des 
oreilles.  Dès  le  temps  de  Platon  ,  ou  plutôt  dès  les  temps 
héroïques,  comme  en  conviennent  les  anciens,  on  continua 
à  disposer  ainsi  les  oreilles  dans  les  gymnases,  jusqu'au 
temps  de  l'empire  romain  ;  et  d'après  cela  on  doit  expli- 
quer Tépigramme  suivante  de  Martial ,  la  XXXII  duVII 
livre,  où  il  met  en  contraste  un  jeune  homme  studieux 
avec  ceux  qui  ne  s'occupent  que  de  la  palestre  : 
At  ùiyenes  alios  fracta  colit  aure  magister 
Et  rapit  immeritas  sordidus  unctor  opes  : 

on  y  voit  signifiés  clairement  les  noms  grecs  de  Pedo- 
tribes  et  dïAliptes  que  l'on  donnait  aux  maîtres  de  l'art 
gymnastique.  D'ailleurs  comme  ceux  qui  passaient  tout 
leur  temps  à  de  semblables  exercices,  devenaient  assez 
souvent  des  oisifs,  propres  à  rien,  je  crois  que  nous 
pouvons  ici  rappeler  ce  qui  a  été  dit  déjà  que  le  mas- 
que du  parasite,  qui  se  voit  au  théâtre  des  Grecs,  avait 
des  oreilles  d'athlète,  déchirées,  selon  la  description  que 
tious  en  donne  Pollux  (  Onom.  IV,  148  ).  Cependant  Pline 
et  Dioscoride  parlent  des  onguens  dont  on  faisait  usage 
pour  guérir  les  oreilles  ainsi  maltraitées:  le  premier  au 
liv.  XX  ;  §  XI  ;  et  le  second  au  liv«  II  ;  ch*  202, 


97 

les  Herméracles  doivent  représenter  deux  têtes 
d'Hercule  et  de  Mercure  adossées  ,  lesquelles ,  à 
la  vérité,  ont  été  ainsi  sculptées  quelquefois,  mais 
que  les  anciens  eux-mêmes  n'ont  pas  entendu 
désigner  absolument  par  le  seul  nom  d'Herméra- 
eie  (i). 

Les  parties  mâles  que  l'on  ne  négligeait  pas  de 
placer  dans  les  pilastres  des  hermès ,  auxquelles 
on  attribuait  un  sens  mystérieux  chez  les  anciens  (2), 
sont  aussi  exprimées  sur  le  nôtre  ,  et  ont  été  seule- 


(1)  Mazocchi  [ad  tah.  HeracL  ,  p.  1 49  et  i5o  ).  Les 
Hercules  décrits  par  Pausanias  placés  dans  la  palestres 
d'Elide  et  deSycione(liv.VI,ch.  XXIII;  liv.  II,  ch.  XI), 
et  ceux  qu'on  voit  communément  sur  les  pierres  gravées 
et  dans  les  bas-reliefs  représentans  des  exercices  gym- 
nastiques  ,  sont  tous  terminés  en  pilastres  comme  des  her- 
mès ,  sans  qu'aucun  ait  la  tête  de  Mercure  réunie.  Leur 
forme  d'hermès  leur  fit  donner,  à  ce  qu'il  paraît,  par  les 
Romains ,  qui  en  faisaient  grand  usage  dans  leurs  mai- 
sons de  campagne,  le  nom  à!  Herméracles  y  comme  ceux 
avec  la  tête  de  Minerve  s'appelèrent  Hermathènes ,  et 
ceux  avec  la  tète  de  Cupidon  furent  nommés  Herméro- 
tes*  On  ne  trouve  pas  ces  noms  dans  aucun  écrivain 
grec.  Les  têtes  de  Mercure  et  de  Minerve  adossées,  au- 
tre espèce  à'Hermathène  et  ò?Herméracle  ,  sont  très -ra- 
res* Nous  en  parlerons  dans  le  discours  suivant  :  on  peut 
déjà  comparer  ce  que  nous  avons  dit  dans  le  tornelli, 
pl.  XXXVII,  à  la  note  (3),  page  176. 

(2)  On  peut  voir  pour  un  exemple  Plutarque  :  An  se- 
nibus  gerendo,  sit  respublica ,  sur  la  fin  -f  Macrob.,  Sat+f 
liv.  1,  ch.  XIX,  et  les  auteurs  des  Peintures  d'Hercula- 
num,  tome  III,  pl.  XXXVI. 

Musée  Pie-Clém.  Vol.  YI.  7 


98 

ment  changées  en  feuilles  et  en  fruits,  par  décence, 
dans  la  restauration  qu'on  a  faite  de  notre  temps  (i). 

PLANCHE  XIII. 
S  <• 

Hercule  couronné  *. 

Un  beau  caractère,  une  physionomie  digne  d'un 
demi-Dieu  ,  un  ciseau  franc  et  habile ,  telles  sont 
les  qualités  qui  font  le  mérite  de  cette  ancienne 
sculpture,  dans  laquelle  nous  voyons  Hercule  ayant 
la  tête  ceinte  de  cette  couronne  torse  ou  roulée, 
que  nous  avons  déjà  remarquée  à  quelques  autres 
de  ses  images,  qui  paraît  lui  avoir  été  particulièrement 
consacrée ,  et  qui  devint  ensuite  en  usage  pour  les 
combattans  des  palestres  (2).  Cette  couronne  est 


(1)  C'est  aussi  à  la  restauration  qu'on  doit  les  quatre 
grappes  de  raisins  ajoutées  à  la  couronne,  parce  que  les 
feuilles  de  peuplier  ont  été  prises  par  le  sculpteur  pour 
celles  de  vigne,  ou  bien  parce  que  les  raisins  rendaient, 
selon  son  idée,  la  couronne  plus  agréable. 

*  Sa  hauteur  avec  le  piédouche  est  de  trois  palmes  et 
demie.  Il  est  en  marbre  de  notre  pays.  On  Ta  trouvé  dans 
]es  fouilles  du  Latrane  et  à  peu  de  distance  on  décou- 
vrit une  petite  colonne  toute  sculptée  en  feuiliages  avec 
une  petite  épigraphe,  que  nous  avons  déjà  rapportée 
et  expliquée  dans  le  tome  III ,  pl.  XXIV,  p.  124,  n.  (i). 
Cela  ferait  supposer  qu'il  y  eut  dans  ce  lieu  un  temple 
ou  une  chapelle  a  Hercule. 

(2)  Voyez  la  planche  IX  du  tome  II  et  les  notes.  Ce 


99 

formée  de  rubans,  lemnisciy  étroits,  roulés  en  spi- 
rale autour  de  quelque  cordon  ,  lequel  semble  de 
temps  en  temps  orné  par  quelques  nœuds  formés 
avec  art  en  manière  de  fleurs  (i). 


que  nous  avons  dit  dans  ces  discours  de  couronnes  tor- 
ses ;  tortiles  QcvûiO'TOÏ)  je  ne  voudrais  pas  qu'on  l'en- 
tendit comme  excluant  l'autre  nom  de  volutias  (£/Ì£#TO/% 
parce  que  ces  noms  ,  à  ce  qu'il  me  semble,  peuvent  égale- 
ment s'appliquer  à  signifier  ces  couronnes.  Et  même  les 
anciens  écrivains  ont  regardé  le  premier  mot  comme  hors 
d'usage.  De  semblables  couronnes  composées  de  bande- 
lettes, teniae  ,  ou  de  rubans;  leninisti,  ainsi  tortillés,  quel- 
quefois mêlés  avec  des  feuillages,  comme  on  le  verra 
dans  le  §  suivant,  servaient  de  prix  aux  vainqueurs  des 
jeux  et  de  la  palestre  -,  par  cette  raison  Servius  regarde 
comme  synonimes  les  couronnes  lemniscatae  et  agonales 
(Aeri.,  liv.  V,  v.  775  ).  Il  est  vrai  que  quelquefois  les 
leninisti  pendaient  seulement  de  l'attache  de  la  couronne, 
comme  par  exemple  dans  l'Hercule  Olympionique  de  la 
Villa  Albani,  que  AVinckelmann  a  appelé  un  Xénophon,  et 
dans  les  couronnes  de  laurier  des  empereurs.  Mais  dans  une 
peinture  sur  verre  de  la  collection  des  médailles  du  Va- 
tican, où  est  représenté  un  joueur  de  flûte,  ctuletes7  ou 
un  trompette,  Tibicen ,  vainqueur  dans  plusieurs  défis, 
les  noms  y  sont  écrits  ,  on  voit  les  couronnes  tout  en- 
tières entourées  ainsi  en  spirale  de  rubans,  comme  celle 
que  nous  observons. 

(1)  Quoique  le  mot  toruli  signifie  ordinairement  les  pe- 
tites cordes  dont  on  forme,  en  les  tordant,  une  grosse  corde, 
il  paraît  que  dans  un  passage  de  Cicéron  (Orat.  §  6) 
déjà  produit  par  Pascal  (de  Coronis ,  liv.  II,  c.  12)  on 
les  prend  pour  une  sorte  de  noeud  qui  servait  à  fixer  les 
tresses  de  la  couronne,  et  même  pour  lui  donner  de  dis- 
tance en  distance  quelque  distinction  ou  relief.  En  ce  cas 


iOÓ 


§  & 

Hermes  double  de  Mercure  et  d'Hercule  * 

An  premier  coup-d'œil,  en  voyant  ce  bel  her- 
mès,  on  croit  qu'il  représente  Hercule  à  deux  âges 
(Jifférens  ,  comme  nous  le  trouvons  exprimé  par  les 
artistes  anciens  qui  Font  représenté  tantôt  sans  barbe, 
tantôt  avec  barbe.  Mais  Fusage  assez  connu  de 
réunir  ensemble  ces  deux  fils  de  Jupiter ,  Mer- 
cure et  Alcide  ,  présidant  à  la  gymnastique,  dont 
ils  furent  en  partie  les  inventeurs,  mais  de  voir  des 
images  bien  sures  de  Mercure  sous  les  formes 
d'Hercule  un  peu  différentes  (i),  me  fait  pencher 
à  croire  plutôt  que  la  tête  du  premier,  imberbe  y 
dont  la  couronne  de  peuplier  ornée  de  rubans  y 
leninisti^  tortillés  est  en  tout  semblable  à  celle  de 
son  compagnon,  peut  être  prise  pour  un  ornement 
athlétique  suggéré  par  la  destination  qu'avait  cet 
hermès  ,  lequel  était  placé  dans  un  lieu  où  la  jeu- 
nesse grecque,  après  avoir  terminé  les  exercices 
de  la  palestre?  venait  se  parer  le  cheveux  avec 


les  petites  fleurs  que  nous  voyons  sur  notre  marbre,  claire- 
ment fornie'es  par  les  noeuds  de  rubans,  pourraient  être  en- 
tendus comme  étant  les  tarali  dont  parle  Cicéron. 

*  Hauleur  deux  palmes  et  trois  onces  y  compris  la 
poitrine.  Il  est  de  marbre  grec  d'une  couleur  un  peu  li- 
vide ,  peut-être  est  ce  le  marbre  de  Lesbos  que  Pline 
met  au  nombre  des  marbres  statuaires,  ajoutant:  livi- 
dus  hoc  paulio  (liv.  XXXYl;  §  V). 

(î)  Elles  sont  citées  t.  I,  pl.  VII  /  et  t.  III,  pl.  XLL 


IOI 

ces  rubans  et  cette  couronne  (i).  Peut-être  avons 
iious  vu  par  la  même  raison  une  couronne  sem- 
blable tortillée  sur  la  tête  d'un  Bacchus  hermès(2); 
et  d'ailleurs  nous  possédons  beaucoup  de  têtes  de 
Mercure  avec  le  diadème. 

Si  cependant  on  voulait  croire  qu'à  l'imitation 
des  têtes  de  Janus  ou  de  Bacchus  Phanétès,  dont 
l'une  était  quelquefois  sans  barbe  et  l'autre  bar- 


(1)  La  comparaison  de  ces  couronnes  avec  celle  de 
Delphis,  jeune  athlète;  décrit  par  Tliéocrite  dans  l'Idyl- 
le II,  v.  121,  est  remarquable: 

Kpazi  $  8%m  ùevxàv  'Ylpaxùéoç  lepbv  epvoç 
Yiâvrore  rtoptpvpèaim  rtepi£ò(rToA(nv  ekiitihv. 
«  Il  a  sur  la  tête  une  couronne  de  peuplier,  arbre  con- 
ti sacré  a  Alcide;  elle  est  entourée  de  rubans  pourprés  » 
La  correspondance  parfaite  de  cette  description  avec  les 
couronnes  de  notre  hermès  morite  vraiment  d'être  remar- 
quée y  car  on  aperçoit  de  temps  en  temps  entre  les  tours 
de  spirale  que  font  les  rubans,  teniae  ,  des  feuilles  de 
peuplier.  On  voit  enveloppée  de  même  la  couronne  de  lau- 
rier d'un  autre  athlète  dans  un  bronze  d'Hercuianum 
(tome  I,  pl.  6i  et  62).  Pa  cal  a  cru  que  la  couronne 
de  Delphis  devait  plutôt  être  regardée  comme  propre  aux 
festins  qu'aux  jeux  du  gymnase  ,  mais  comme  on  parle 
du  peuplier  qu'Hercule  porta  en  couronne  dans  ses  gran- 
des entreprises,  et  non  pas  dans  ses  plaisirs,  les  cou- 
ronnes du  même  feuillage  dont  étaient  ceintes  les  têtes 
des  jeunes  Troyens  dans  les  jeux  athlétiques  décrits  par 
Yirgile  (Aeri.  V,  v.  1 54  )  j  et  en  outre  tout  ce  que  nous 
avons  dit  ci-dessus  au  sujet  des  leninisti,  des  couronnes 
agonales  ,  forment  ici  presque  la  démonstration  que  l'on 
doit  les  considérér  comme  particulières  aux  athlètes,  et 
non  aux  festins  ou  aux  amours^ 

(2)  Gi-dessus  ;  pl.  VI  ;  §  u 


I02 

bue ,  on  ait  eu  l'intention  de  redoubler  et  de  va- 
rier ainsi  les  images  d'Alcide,  cette  opinion  ne  me 
paraîtrait  ni  extraordinaire  ni  invraisemblable  (i). 

PLANCHE  XIV. 

SÌR  APIS  *# 

Le  basalte  couleur  de  fer  qui  a  servi  à  sculpter 
le  rare  et  très-beau  buste  que  nous  représentons 
ici ,  fait  conjecturer  que  cet  estimable  monument 
des  arts  égyptiens  sous  les  Grecs  et  les  Romains, 
est  dû  aux  superstitions  pratiquées  à  Alexandrie. 
Sérapis  fut  la  divinité  que  l'on  adora  principale- 
ment dans  cette  capitale  lorsque  Pluton  y  fut  trans-* 
porté  de  Sinope  ,  et  où  il  obtint  sous  le  nom  de 
Sérapis  un  culte,  comme  nous  l'avons  déjà  dit  ail- 
leurs (2).  Cette  figure  majestueuse  et  sévère  bien 


(1)  D'autant  plus  que  dans  la  mythologie  d'Hercule 
les  allusions  qu'on  lui  attribue  avec  le  Soleil  sont  claires, 
comme  nous  l'avons  remarque  dans  le  tome  LV  à  la  plan- 
che XLII.  Les  deux  effigies  l'une  jeune,  l'autre  d'un  âge 
mur,  peuvent  être  l'emblème  des  différentes  positions  du 
soleil  sur  notre  horizon?  particulièrement  celles  d'été  et 
d'hiver. 

*  Sa  hauteur  avec  le  piédouche  est  de  cinq  palmes  et 
demie.  Il  est  sculpte'  en  beau  basalte  couleur  de  fer.  Il 
était  autrefois  parmi  les  antiquités  de  la  "Villa  Mattei  # 
et  par  cette  raison  publie  dans  le  tome  II  des  Monum. 
Mattej. ,  pl.  II.  Le  modium  a  été  rétabli  sur  les  traces 
de  l'antique. 

(2)  Tome  II  ;  pl.  I ,  ou  l'on  explique  les  attributs  les 
plus  ordinaires  de  Pluton  Sérapis, 


io5 

digne  de  Jupiter  des  Enfers  ,  les  traces  du  mo- 
dium  qui  sont  sur  le  sommet  de  la  tête  >  la  tu- 
nique dont  il  est  encore  revêtu  jusques  sur  la  poi- 
trine, sont  des  attributs  si  assurés  de  Sérapis,  qu'il 
serait  impossible  de  lui  donner  une  autre  dénomi- 
nation^). Les  marbres  d'une  couleur  foncée  étaient 
la  matière  que  la  religion  de  ces  peuples  emplo- 
yait de  préférence  pour  les  images  de  ce  Dieu , 
comme  étant  symboliques  et  appartenant  à  l'em- 
pire de  la  mort  qu'on  supposait  qu'il  gouvernait  y 
comme  représentant  la  lumière  sombre  et  foible  du 
soleil  lorsqu'il  est  vers  le  tropique  de  l'hémisphère 
inférieur,  parce  que  cela  avait  fourni  l'idée  que 
Sérapis  était  le  maître  de  la  région  des  morts  (2). 


(1)  Winckelmann  a  donne  au  Dieu  sculpte'  dans  ce 
marbre  7  le  nom  de  Pkiton  \  et  celui  qui  a  explique'  les 
Monum.  Mattej.  veut  rejeter  cette  dénomination  ;  3.  c. } 
tous  deux  dans  ce  cas  ont  montre'  moins  de  soin  qu'on 
ne  doit  en  apporter  dans  de  pareilles  recherches  Le  cer- 
bère qui  est  joint  à  tant  d'images  de  Se'rapis,  justifie  as- 
sez le  nom  de  Pmton  qu'on  lui  donne.  Mais  d'un  autre 
côte'  les  Plutons  absolument  grecs  ,  et  qui  n'ont  pas  de 
rapport  à  ce  culte  de  Synopis  ou  d'Alexandrie  ;  sont  bien 
différens ,  comme  le  de'montrent  tant  de  bas-reliefs  où 
l'on  voit  représenté  l'enlèvement  de  Proserpine  ;  ils  ne 
sont  pas  vêtus  de  la  même  manière  7  c'est-à-propos  de 
cela  qu'il  faut  reformer  la  note  (5)  de  la  page  i5  de  la 
plane.  I  du  tome  K  ?  à  raison  de  l'observation  postérieure 
que  j'ai  propose'e  à  la  pl.  II  >  §  1  de  ce  volume. 

(2)  Àthe'nodore  dans  Cle'ment  d'Alexandrie,  Protrept. 
[le/lavÓTepop  TÒ  %pó{ia>  tov  âyàùfiaroç  «  La  couleur 
du  simulacre  tire  sur  le  noir,  »  Macrobe  ;  Saturnal. , 
liv.  I,  c.  XIX. 


io4 

En  effet  on  conserve  à  Rome  plusieurs  autres  ef- 
figies de  ce  Dieu  ou  du  même  marbre  que  celui- 
ci,  ou  de  quelque  autre  de  même  couleur  (i)-  cir- 
constance qui  explique  à  merveilles  ce  que  nous 
apprenaient  les  témoignages  que  nous  ont  laissé 
les  anciens. 

PLANCHE  XV. 

Sérapis  radié  . 

Quoique  l'exécution  générale  de  ce  grand  buste 
annonce  un  peu  le  siècle  de  la  décadence  des 


(i)  Le  buste  de  Sérapis  du  palais  Giustiniani  est  aussi 
de  basalte  noir.  Un  autre  petit  de  la  Yiila  Albani  dans 
la  galerie  est  de  basalte  verd  (pierre  dans  laquelle  do- 
mine une  couleur  obscure  et  qui  ressemble  à  un  bronze), 
de  même  qu'un  grand,  colossal,  de  la  même  Villa,  mais 
qui  est  restauré  en  grande  partie.  La  grande  figure  de 
Se'rapis,  de  neuf  coudées  de  haut,  placée  en  Egypte,  que 
Pline  décrit  (  liv.  XXXVII,  §  XIX)  formée  en  entier  d'un 
seul  bloc  de  pseudo-smaragdus ,  était  peut-être  de  quel- 
que pierre  d'une  qualité  plus  fine,  mais  pourtant  de  mê- 
me d'une  couleur  entre  le  verd  et  le  brun. 

*  Haut  avec  le  piédouche  de  six  palmes  moins  un  si- 
xième. Il  est  de  marbre  grec  d'un  grain  le  plus  fin,  et 
que  les  marbriers  appellent  Grechetto.  On  l'a  trouvé  près 
de  la  voie  Àppia  ,  vers  le  neuvième  mille,  dans  un  lieu 
appelé  ColombarOy  à  peu  de  distance  des  Frattocchie: 
les  rayons  de  métal  doré  ont  été  rapportés  dans  des  temps 
modernes,  dans  les  sept  trous  antiques  qui  se  trouvaient 
au  diadème,  et  qui  furent  certainement  destinés  au  même 


io5 

arts  ,  cependant  la  simplicité  grandiose  des  traits 
qui  conservent  probablement  quelque  chose  d'un 
morceau  plus  ancien  ,  est  telle  qu'il  y  a  très-peu 
d'images  des  divinités  du  paganisme  qui  nous  of- 
frent une  physionomie  aussi  noble  et  aussi  impo- 
sante. A  la  vérité  la  manière  dont  est  traitée  la 
draperie  qui  couvre  la  poitrine  de  ce  Dieu  est  in- 
férieure au  style  du  reste,  sans  que  l'ensemble  y 
perde  en  rien.  Cette  draperie  ,  comme  nous  l'avons 
remarqué  ci-dessus ,  et  le  moclium  dont  était  cou- 
ronnée la  tête,  selon  les  vestiges  qui  en  restent y 
dénotent  bien  évidemment  un  Jupiter  Sérapis  ; 
ce  qui  est  confirmé  encore  par  les  sept  trous  per- 
cés dans  le  strophium  ou  diadème  qui  ceint  son 
front  ;  ces  trous  ayant  été  faits  pour  y  insérer  au- 
autant  de  rayons  en  bronze,  tels  qu'on  les  a  ré- 
tablis. La  divinité  de  Sérapis  dérivée  primitivement 
de  l'Egypte  par  le  culte  rendu  au  Soleil  qui  était 
le  fondement  de  cette  idolatrie  ,  y  avait  été  réu- 
nie dans  les  siècles  de  l'empire  romain  de  telle 
manière ,  que  les  noms  de  Jupiter ,  de  Soleil ,  de 
Sérapis  servaient  ensemble  à  la  signifier ,  ainsi 
que  cela  nous  est  attesté  par  tant  de  monumens 


«sage.  Le  modium  sur  la  tête  est  moderne,  excepté  l'en- 
droit qui  pose  sur  les  cheveux.  L'antique  qui  s'e'tait  dé- 
tache' se  trouva  tout  auprès  ,  mais  ceux  qui  le  découvri- 
rent dans  la  fouille  n'imaginèrent  pas  comment  il  avait 
appartenu  au  buste  ;  et  le  voyant  lisse  ;  ils  n'en  tinrent 
aucun  compte.  On  a  su  cela  depuis  par  quelqu'un  qui 
l'avait  vu  y  et  qui  en  a  parle'  lorsqu'il  s'aperçut  qu'on 
l'avait  refait  a  neuf  en  le  restaurant. 


io6 

écrits  (i);  et  les  ornemens  du  Soleil,  dont  les 
plus  convenables  étaient  les  rayons  autour  de  la  tête, 
se  plaçaient  constamment  sur  toutes  ses  images  , 
comme  le  démontrent  beaucoup  de  restes  de  rao- 
numeus  des  arts  anciens ,  sur  lesquels  ce  Dieu 
d'Alexandrie  (2) 

.  .  .  radiis  frontem  vallatus  acutis 

était  proposé  à  l'adoration  dans  l'empire  romain  (3). 
Car  même  jusques  dans  le  temps  d'Adrien  la  di- 
vinité mystérieuse  du  Jupiter-Soleil-Sérapis  avait 
dans  Rome  une  grande  confrairie  qui  avait  le  titre 
de  ses  Péanistes ,  probablement  du  mot  Péan  , 
espèce  de  cantiques  dont  on  se  servait  dans  ses 
cérémonies,  et  qu'on  chantait  en  son  honneur  (4). 

Tout  ceci  peut  suffire  par  rapport  au  sujet. 
L'usage  d'orner  de  rayons  Ja  couronne  ou  la  tête , 


(1)  IO\  I  SOLI  SERAPIDI  -  AH  EMÙ  SAPATIIAI  : 

se  voyent  fréquemment  sur  les  anciennes  inscriptions  dans 
Gruter,  page  XXIÏ  ,  n.  9,  io;  11  ;  Fabretti,  ch.  "VI, 
n.  107  ;  Guasco  ;  Inscript.  Cap.  f  tome  I,  n.  3.  Voyez  en 
outre  Jablonsky  ?  Panth.  Aeg.  7  liv.  Il;  ch.  V. 

(2)  Ovide,  Heroid.  ,  IV.;  v.  159. 

(5)  Ont  le  voit  ainsi  sur  les  médailles  d'Alexandrie  > 
dans  Zoe ga,  IIadriani7  n.  159  et  1 98.  Antonini  P.7  n.  i55 
et  162.  Sur  cette  dernière  la  tête  de  Sérapis  est  au  mi- 
lieu des  planettes  et  du  Zodiaque.  De  même  sur  les  pier- 
res grave'es  ;  p.  e.  ;  Muséum  Florentinum7  tome  I;  pl.  LUI 
et  LVIL 

(4)  C'est  ce  que  l'on  trouve  sur  une  inscription  remar- 
quable de  Gruter  7  p.  CCCIV  ;  n.  2,  laquelle  se  trouvait 
à  S.  Marie  in  via  Lata  7  et  de-la  il  est  probable  qu'elle 
a  appartenu  au  fameux  voisin  Isée  et  Sérapée  7  c'est-à- 
dire  temple  consacre'  a  Isis  et  à  Serapis* 


107 

était  parmi  les  anciens  un  emblème  du  Soleil,  ou 
qui,  selon  la  mythologie,  lui  appartenait  de  très- 
près  -y  de-là  est  venue  la  couronne  radiée  du  roi 
Eetès  fils  du  Soleil ,  dans  Orphée ,  ou,  pour  mieux 
dire,  dans  Onomacrite  (  i  ,  et  c'est  peut-être  d'après 
cette  couronne  que  Virgile  a  emprunté  celle  du 
roi  des  Latins  (2).  Les  exemples  que  nous  offre 


(1)  Argon.  81 1  :  <\ 

A(i(pi  dé  ol  arepdvìj  mcpaJkriv  eye.  Svcraavóeo'O'a 
AxTÏm  (pùoyéaiç. 

Caput  illi  cingebat  corona  fimbriata 
Radiis  ardentïbus. 

(2)  Aeneid.  XII,  v.  162.- 

cui  tempora  circum 
Aurati  bis  sex  radii  fulgentia  cingunt 
Solis  avi  specimen. 

Cette  coutume  de  couronner  de  rayons  les  personnages 
mythologiques  qui  avaient  des  liens  de  parente  avec  le 
Soleil  me  fournit  une  conjecture  pour  donner  une  expli- 
cation de  la  peinture  d'Herculanum  (tome  IT,  pl.  X), 
dont  la  description  même  prouve  qu'elle  a  élé  inexpli- 
cable jusqu'à  présent.  On  voit  représentées  dans  cette 
fresque  deux  demi-figures  de  femmes  à  moitié' nues ;  l'une 
est  couronnée  de  petites  feuilles,  l'autre  l'est  par  des  ra- 
yons ,  et  elle  a  deux  rubans  en  forme  de  baudrier  qui 
passent  sur  ses  épaules  et  ses  flancs.  Derrière  est  une 
figure  d'homme  aussi  radiée  et  qui  est  tournée  vers  la 
première  des  deux  Déesses.  Au  fond,  sur  la  montagne, 
est  une  autre  figure  qui  semble  un  paysan.  Il  me  sem- 
ble que  la  femme  couronnée  de  rayons  avec  ces  rubans 
croisés  sur  sa  poitrine,  que  les  écrivains  n'ont  pas  re- 
marqués, peut  être  l'Aurore,  appelée  aussi  par  les  Grecs 
'H-liépa  et  Dies  par  les  Latins,  sœur  du  Soleil ,  que  Ton 


ICS 

la  poesie  donnent  à  de  semblables  couronnes  douze 
rayons ,  et  cela  sans  doute  par  de  très-bonnes  rai- 
sons (i).  Mais  les  artistes  furent  guidés  par  d'au- 
tres motifs  en  préférant  ordinairement  le  nombre 
de  sept,  lequel  était  suffisant  pour  orner  la  tête, 
et  qui  devenait  peut-être  plus   agréable  à  l'œil , 


voit  ailée  sur  les  médailles  romaines  des  Plautii,  et  ces 
rubans  en  baudrier  ont  coutume  dans  les  arts  anciens 
de  tenir  lieu  des  ailes,  comme  le  démontrent  quelques 
images  de  la  Victoire  ,  de  l'Iris  et  des  Parques.  En  ou- 
tre celle  d'Icare  à  la  Villa  Albani.  (Voyez  notre  t  IV, 
pl.  XLIIl  ,  p.  3^8,  et  la  planche  «upplé  n.,  p.  365  ,  et 
les  notes  de  la  pl.  IV  supérieure,  page5i  ;  Cavaceppi  , 
t.  III,  pl.  5 et  4  3  Winckelmann  ,  Monum.idéd.  ,  p.  i3c)). 
L'autre  Déesse  à  moitié'  nue,  dont  on  peut  prendre  la 
couronne  pour  du  myrthe,  sera  Vénus  ,  et  le  jeune  homme 
radié  sera  Phaéton,  non  pas  celui  d'Ovide,  mais  celui 
d'Hésiode,  celui  des  fables  Àttiques  et  de  Chypre,  fils 
de  l'Aurore  ,  amant  heureux  de  Vénus  ,  et  qui  même  a 
été  confondu  avec  Adonis  (  Hésiode  ,  Theog.  ,  v.  986  5 
Apollodore,  liv.  III ,  ^  i£>  m  3  ^  et  au  même  lieu  Heyne). 
La  divinité  rustique  fait  peut-être  simplement  allusion  au 
site  montueux  et  couvert  de  bois  ,  que  nous  ne  pouvons 
à  présent  déterminer,  ayant  perdu  les  écrils  qui  racon- 
taient ces  fables,  lesquelles  avaient  prêté  des  sujets  aux 
beaux-arts  ,  comme  ceia  est  indiqué  clairement  par  un 
passage  ,  bien  qu'un  peu  mutilé  ,  de  Pausanias  (  Attica, 
ou  liv.  I,  ch.  III).  Cette  circonstance  rend  encore  mon 
explication  plus  probable,  et  j'espère  persuader  davan- 
tage quiconque  voudra  examiner  les  diverses  opinions 
qui  ont  été  proposées  sur  ce  monument  unique  dans  son 
genre  et  difficile  a  connaître. 

(1)  Voyez  l'Aléandre,  ad  Toh.  Heliacam.>  sur  ce  bas- 
relief  le  Soleil  a  douze  rayons. 


109 

parce  que  les  rayons  sont  moins  serrés  ,  et  alors 
ils  font  un  effet  plus  simple.  En  effet  le  colosse 
du  Soleil  à  Rome  n'avait  que  sept  rayons  (  i  )  ,  et 
on  ne  trouve  la  trace  que  de  sept  aussi  dans  la 
table  Borghese ,  ainsi  que  dans  la  belle  tête  du 
Musée  Capitolili  connue  pour  un  Alexandre,  tous 
deux  étant  des  monumens  qui  nous  représentent 
le  Soleil  lui-même  (2). 


(1)  Celui  qui  jadis  était  Néron,  et  qui  a  donné  son  nom 
«au  Colisée. \ittor;  dans  la  Regione  quarta,  dit  que  surla 
tête  du  Soleil  substituée  à  celle  de  Néron  ,  radii  septem 
fuere  longitudine  pedum  XXII,  S.  Peut-être  que  Non- 
nus  avait  pris  le  motif  des  images  du  Soleil ,  qui  de  son 
temps  étaient  très-repandues;  en  attribuant  seulement 
sept  rayons  au  lieu  de  douze  ;  quand  il  nous  représente 
le  Soleil  qui  couronne  son  fils  (  liv.  XXXVIII  ;  v  3o5  )  » 

^irlaTÔvvç  amhaç  ml  itkoKUjjuoiG'iv  £Ùi!;açy 
<i  Et  il  lui  place  sept  rayons  autour  de  la  tête.  » 

(2)  On  en  a  parlé  dans  le  tome  I?  page  i^S ,  n.  (1). 
Peut-être  est-ce  à  la  coutume  d'orner  ainsi  de  rayons  do- 
rés les  têtes  du  Jupiter  Soleil  Sérapis  que  se  rapporte 
l'expression  d'une  épi  gramme  de  Gruter  7  pl.  LXXXV  , 
5),  dans  laquelle  Dioscore  Çânopoç,  editues  7  gardien 
d'un  temple  de  Sérapis,  dit  avoir  fait  ériger 

NHONMENCirA 

AOEWTACAPA 

niAOCTYIME 

AONTOC 

HAATTONXPT 

COYIIAM<DAi\0 

0NTABOAAIG 


t  IO 

TSqòv  fjbh  {nyaÀósvra  ILapdjtidoç  vipt^iê^ovroç 

'Riï'  dvTÒv  ftpvcrov  ^a^b(pavÓQvra  fioùaïç. 

«  Au  grand  Sérapis  un  temple  admirable  où  le  Dieu 
«  même  est  orné  de  rayons  d'or.  » 

Je  pense  que  le  mot  pó2*tòl}  littéralement  iactus ,  doit 
être  interprété  par  rayon  ,  à-peu-près  comme  dans  l'Odys- 
sée on  les  nomme  métaphoriquement  bybfjudtiùV  ^o'kdi  , 
les  regards  7  (A;  i5o).  Il  est  question  probablement  du 
même  Dioscore,  aedituuSj  gardien  du  temple  de  Sérapis,  sur 
un  autre  petite  colonne  de  marbre  gris  de  la  collection  Pie- 
Clémentin,  ayant  une  épigraphe  grecque ,  laquelle  n'a  été 
jusqu'à  présent  ni  lue,  ni  comprise  comme  elle  doit  l'être, 
quoique  plusieurs  fois  publiée  (d'abord  par  Fabretti, 
Inscript.,  ch.  VI  ,  i83  ;  ensuite  par  M.  Schow  ,  Charta 
fapjr  Mus.  Borg.,  p.  61  ).  Il  me  paraît  nécessaire  delà 
rapporter  ici,  d'autant  plus  qu'elle  appartient  entière- 
ment au  culte  de  Sérapis  dont  nous  expliquons  l'image, 
La  voilà  : 

CAPAniAIKAITOIC 
CïNNAOICeEOlC .  CTATIOG 
KOAPATOC .  OKPATICTOC 
IVEoKOPOC  .  ER .  MErAAtfN 
KINAYNaN .  nOAAARIG 
CaOEIC .  EÏXAPICT0N 

ANE0HRA 
IAE0C  .  COI 
AATI1I 
TONENKAN^B^ 
METATOYB0MICKAPIOT 
AIOCKOPOCNE0KOP  .  . 
TOïMErAAOïCAP  

ANE0HKA 

Savoir:  ^apdrtidi  Mai  toîç  avvvdoiç  Seoiç  Ittdnoç  Ko- 
dpdroç  ô  KpdnvToç  nàxopoç  Idi  {leydÀ&v  wpdvyQV 


ïkzôç  aoi  7  âùvizei. 

Serapidi  et  Diis  qui  commune  templum  habent  Statius 
Quadrants  optimus  aedituus  e  magnis  periculis  saepe  ser~ 
vatus  dedicavi. 

Propitius  tibi  sum  ?  bono  animo  sis.  Ces  paroles  se  sup- 
posent de  Sérapis.  Eum  (Serapidem)  qui  est  in  Canopo 
(seu  Canopi  vel  hydriae  figura),  cum  parva  ara  Diosco- 
rus  aedituus  magni t  Sarapidis  dedicavi. 
M.  Schow  lisait  ainsi  les  huit  dernières  lignes: 
tov  èv  KavójÌQ  (jbsrà  tov  ^o^iaKaph  Aiôanopoç  veà- 
xopoç  tov  (leyàùv  zxapâftidoç  âvéS?ixa. 

iXbqç  aoi  aÀvma 
Tov  ev  KavQ@0  (lera,  tv  Pope/lix  Aioanopoç ,  veo- 
nopoç,  Seotç  tolç  (leyaùoiç  ùiSov  aveS^Mco 

Je  crois  que  le  S érapi s  in  Canopo  ,  n'était  pas  autre  chose 
qu'un  Sérapis  sous  la  forme  d'un  vase  :  voila  pourquoi 
Pausanias  parle  d'un  autre  Sérapis  in  Canopo7  nous  le  dé- 
crivant  placé  à  Corinthe  (  liv.  II  ,  ch.  IV  ).  Ceux  qui  ont 
expliqué  ce  qui  appartient  à  l'Egypte  pensent  avec  fon- 
dement que  le  Dieu  Canobiticus,  adoré  principalement 
dans  la  ville  de  Canope;  était  justement  le  même  Séra- 
pis ,  considéré  dans  ses  rapports  avec  le  Nil.  "Voyez  ce 
qu'en  a  dit  d'une  façon  étendue  Jablonsky  dans  le  Panth. 
Aeg.  ,  souvent  cité,  liv.  V,  ch.  IV,  en  outre  le  Schla- 
ger  dans  la  dissertation  de  numo  Hadriani  plumbeo.  Le 
petû  autel,  ou  la  petite  colonne  désignée  par  le  mot  flopu- 
GKâpiov  iuconnu  aux  lexicographes ,  mais  suffisamment 
clair  dans  le  marbre  et  dans  la  signification  7  est  peut- 
être  une  de  celles  qui  vont  en  diminuant  vers  le  som- 
met, précisément  comme  est  la  petite  colonne  sur  la- 
quelle est  placé  le  Canope  du  Capitole,  et  ces  petites 
colonnes  servaient  en  effet  d'autel,  comme  cela  est  dé- 
montré dans  le  Recueil  de  Caylus;  tome  I,  pl.  XIX  et 
XX, 


uà 

PLANCHE  XVI. 


1  S  I  S  ,  BUSTE*. 

La  draperie  de  ce  buste ,  selon  l'observation  très- 
judicieuse  de  Winckelmann,  servirait  seule  à  dé- 
montrer qu'elle  est  la  divinité  à  laquelle  il  ap- 
partient; car  le  manteau  qui  descend  des  épaules, 
étant  ainsi  noué  sur  la  poitrine  et  remontant  sous 
les  aisselles  ,  est  le  vêtement  ordinaire  d'Isis  dans 
ses  effigies  grecques  et  romaines  (i).  Ce  buste  ce- 


*  Elle  a  de  hauteur  avec  le  pj'édouche  quatre  palmes  -y 
le  marbre  est  de  cette  qualité'  que  les  ouvriers  appellent 
de  Paros,  et  qui  surpasse  les  autres  en  blancheur  et  fi- 
nesse :  on  l'a  trouvée  dans  les  fouilles  faites  hors  de  la 
porte  Maggiore,  dans  le  lieu  qu'on  appelle  Roma-vecchia. 

(i)  Winckelmann,  Storia  delle  arti,  liv.  II,  ch.  III, 
§  4  et  suiv. ,  et  Monum.  inéd. }  Trat.  prélim.  y  p.  XXI. 
Ainsi  il  a  reconnu  pour  des  images  d'Isis  beaucoup  ere 
statues  qu'on  avait  restaurées  pour  d'autres  sujets.  On 
en  pourrait  encore  reconnaître  beaucoup  d'autres  ,  comme 
par  exemple  une  plus  grande  que  nature,  en  marbre  gris, 
dans  la  Villa  Pinciana,  qu'on  a  restaurée  comme  une 
Cérès  ,  une  autre  du  Capitole  (Mus.  Capitol.  ?  tome  HT, 
pl.  VII  )  restaure'e  pour  une  Junon.  Cet  habillement  sem- 
ble dérivé  de  la  mode  égyptienne  que  l'on  voit  à  un  si- 
mulacre de  la  Villa  Albani  ,  publié  dans  YHist.  de  V art  7 
cité  tome  I,  pl.  X.  Dans  celle-la  cependant  le  manteau 
ne  tombe  que  de-dessus  une  épaule:  les  Grecs  ont  voulu, 
en  l'imitant,  le  disposer  avec  plus  de  symétrie  ,  en  dou- 
blant la  même  masse  de  draperie  pour  la  placer  sur 
chaque  épaule.  Apulée  dans  sa  description  d'Isis  (Me- 
tani., liv.  XI  )  se  conforme  à  la  mode  originale  de  la  sta- 
tue égyptienne ,  lorsqu'il  décrit  ce  manteau }  sui  dextrum 
latus  ad  humerum  laevum  recurrens. 


n5 

pendant  n'est  pas  privé  de  ces  signes  distinctifs 
à  la  tête  qui  forment  ce  groupe  ordinaire  que  les 
antiquaires  ont  coutume  d'indiquer  sous  le  nom 
de  fleur  de  lothos ,  ou  qui  est  appuyé  sur  une 
demi-lune.  De  même  les  boucles  de  cheveux  bien 
frisées  qui  tombent  des  deux  côtés  sur  le  cou,  sont 
particulières  à  la  Déesse  de  Pharos  ,  laquelle  réu- 
nissait dans  ses  attributs  mystérieux  presque  toutes 
les  déesses  du  paganisme.  Notre  sculpture  l'avait 
d'abord  représentée  avec  le  voile  qui  lui  couvrait 
la  tête  y  et  il  se  rapportait  peut-être  à  ces  paroles 
qu'on  lisait  dans  le  temple  d'Isis  à  Saï,  qui  di- 
saient ,  qu'aucune  main  mortelle  n'avait  pu  lever 
ce  voile  ,  donnant  à  entendre  par-là  qu'Isis  était 
la  nature  elle-même,  ou  la  sagesse  divine  (i). 


D'ailleurs  le  manteau  est  disposé  dans  la  figure  égyptienne 
du  Capitole  (  Mus.  Capit.  ?  tome  lit,  pl.  78)  comme  dans 
notre  marbre. 

(1)  Ptutarque  {de  Is.  etOsir.):  il  appelle  Isîs  la  Déesse 
de  Sais,  en  prenant  garde  qu'on  la  réputait  la  même 
que  ìa  Minerve  des  Athéniens,  conformité  exposée  plus 
au  long  par  Piaton  dans  son  Timée.  La  médaille  fmppée 
à  Sais  j  portant  l'effigie  de  Minerve  à  la  grecque  ;  ayant 
la  chouette  sur  sa  main,  n'es!  pas  un  monument  aussi  rare 
de  ce  mélange  des  religions  grecques  et  égyptiennes  que 
le,  sont  deux  bustes  superbes  d'Isis  voilée  ;  dans  tout  le 
reste  très-semblables  au  nôtre,  l'un  de  marbre  gris,  dans 
la  salle  égyptienne  de  la  Villa  Pinciana  5  un  autre  très-re- 
marquable et  fort  estimable  tant  par  le  travail  que  par  la 
matière',  étant  de  bronze  antique  ?  plus  grand  que  na- 
ture, possédé  par  le  respectable  et  savant  prélat  monseig. 
Joseph  Casali.  L'un  comme  l'autre   ont  à  la  partie  oîi 

Musée  Pie:Clém.  Vol,  VI.  8 


On  doit  certainement  à  la  superstition  si  répan- 
due et  si  ardente  pour   cette  Déesse  la  fantaisie 
qu'a  eue  celui  qui  pour  enlever  ce  premier  ajus- 
tement de  tête ,  en  fit  retailler  une  partie  avec 
le  ciseau,  en  faisant  changer,  une  autre  partie  au 
moyen  de  tasseaux  rapportés  près  des  tempes  ,  de 
sorte   qu'il  a  relevé  le  voile  pour  voir  la  tête  à 
découvert,  et  rendre  la  chevelure  disposée  et  ornée  à 
la  manière  égyptienne.  Nous  avons  déjà  fait  remar- 
quer ailleurs  combien  les  femmes  chez  les  anciens 
s'étaient  étudiées  à  faire  suivre  jusque  dans  leurs 
portraits,  déjà  sculptés,  tous  les  caprices  de  la  mode* 
à  l'effet  de  quoi  les  sculpteurs,  pour  les  satisfaire, 
avaient  inventé  des  chevelures  en  marbre  amovi- 
bles (i).  Cet  exemple  cependant  est  très-rare  dans 
les  têtes  des  divinités.  Probablement  quelque  per- 
sonne dévouée  au  culte  de  cette  Déesse  a  voulu 
que  cette  image  la  représentât  telle  .qu'elle  avait 
cru  la  voir  lui  apparaître  dans  ses  .songes  ,  ou  que 
le  buste  ressemblât  à  quelque  simulacre  particu- 
lier, qui  était  placé  peut  être  dans  quelque  temple 
fameux  et  très-fréquent é. 


ils  se  joignent  au  piédouche  une  chouette  avec  les  ailes 
éployées  ,  caractère  de  Flsis  de  Sais  ;  autrement  dite 
Neith  ;  confondue  avec  Minerve  ;  et  emblème  de  la  sa- 
gesse divine.  Le  buste  de  bronze  était  parmi  les  antiqui- 
te's  du  comte  Fede,  et  regardé  comme  un  travail  moder- 
ne par  quelques  antiquaires  peu  éclairés  7  qui  le  ju- 
gèrent ainsi  à  cause  de  sa  parfaite  intégrité.  Il  suffit  d'en 
examiner  le  style  pour  se  convaincre  qu'il  est  antique. 
(1)  Voyez  notre  tome  II,  pl.  LI. 


î  t5 

PLANCHE  XVI  L 


S  r£ 

I  S  I  S     VOILÉE  *. 

Nous  avons  i  dans  l'explication  du  monument 
qui  précède  ,  parlé  de  plusieurs  images  d'Isis  ayant 
la  figure  voilée,  et  rappelé  quelques-uns  des  mo- 
tifs qui  la  firent  ainsi  représenter  par  les  anciens. 
INous  ne  considérerons  maintenant  dans  ce  buste 
que  le  diadème  que  l'on  voit  paraître  sous  le  voile* 
et  qui  est  composé  d'un  petit  disque,  ayant  à  ses 
côtés  deux  petits  serpens,  dont  il  est  presque  soutenu* 
Cette  couronne  est  d'autant  plus  remarquable  qu'elle 
nous  est  décrite  dans  les  fables  d'Apulée  précisé- 
ment de  la  même  manière  que  nous  la  trouvons 
sculptée  ici ,  et  d'autant  plus  encore  que  l'époque 
du  monument  s'approche  assez  du  temps  de  cet 
écrivain,  comme  on  peut  le  croire  d'après  le  tra- 
vail un  peu  grossier  (i).  Eiien  nous  avait  déjà  ins- 


*  Elle  est  sculptée  en  marbre  grec;  haute  avec  ]e  pie- 
ci o ! i c b e  de  deux  palmes  et  demie.  Elle  a  appartenu  à 
L'amateur  des  arts  et  de  l'antiquité  le  feu  cardinal  Ale- 
xandre Albani  ,  qui  l'avait  destinée  à  orner  sa  Villa  :  mais 
la  mort  qui  prévint  ce  dessein  l'ayant  empêché  de  la 
placer,  le  souverain  pontife  en  fit  l'acquisition* 

(i)  Cette  érudition  est  due  au  défunt  abbé  Raffcî  ;  qui 
le  pubiia  avec  d'autres  monumens  de  la  collection  Al- 
bani ;  et  le  passage  d'Apulée  (Métmn.  ,  liv.  XI  )  est  comme 
il  suit:  Cuius  (  tsiàis  )  inedia  super  fronte  flâna  rotundi  las 


ti6 

truits  que  Ton  donnait  une  couronne  formée  de 
serpens  à  Isis,  pour  signe  de  son  état  royal,  et  peut- 
être  de  la  condition  divine  ,  opinion  qui  est  confir- 
mée par  les  hyéroglyphes  d'Horapollo  (1). 

§  2. 
Isis  *. 

Cette  tête  est  vraiment  une  Isis  de  manière 
grecque.  L'habile  artiste  qui  n'a  pas  voulu  ajouter 

in  modum  speculi  ;  vel  imo  argumentant  (  al.  augumentum 
(  hunae  y  candidum  lumen  emicabat 7  dextra  laevaque  sul- 
cis  insurgentium  viperarum  cohibita.  Le  même  Raffei  veut 
qu'on  lise  fulcris  au  lieu  de  sulcis,  comme  il  semble  qu'il  fut 
lu  aussi  par  Pignorius.  Quoiqu'il  ensoit;la  conformile'  du 
passage  avec  le  monument  est  de  la  plus  claire  évidence. 

(i)  Elien  ;  Vawhist.,  liv.  X,  ch.  3i:  Ttfç  Imiïo  ç 
ayal^ara  âvadovai  Tavry  (  damâi  )  ôç  tlvl  diat* 
C'ì'I^jùjTI  $a>(yìk£iQ  :  «  Us  couronnent  avec  ce  serpent  (avec 
l'aspic  )  les  stalues  d'Isis  ;  comme  avec  un  diadème  ro- 
yal. »  Horapollo,  liv.  I,  ch.  i,  dit  a-peu-près  la  même 
chose  ;  mais  il  ne  borne  pas  l'usage  de  cet  ornement  à 
cette  divinité  seule  \  Jablonsky  pense  que  cela  fut  parti- 
culier à  Isis  regarde'e  comme  Hécate,  que  les  Egyptiens 
appelaient  Titr ambone  et  Termutis  (  liv.  I  ,  ch.  V  ).  Quoi- 
qu'il en  soit;  je  crois  que  c'est  à  ce  serpent  qui  couron- 
nait les  simulacres  de  la  De'esse  que  se  rapportait  cette 
expression  de  Juve'nal ,  où,  parlant  des  signes  de  la  co- 
lere d'Isis  ?  il  ajoute  encore  celui-ci  : 

Et  mo yisse  caput  visa  est  argentea  serpens. 

(Sat.  VI,  v.  537  ). 

*  Elle  est  sculptée  en  un  très-beau  et  très-fin  mar- 
bre pentélique.  Sa  hauteur  avec  le  piédouche  est  de  deux 
palmes,  quatre  onces  et  demie. 


117 

à  tin  morceau  d'un  travail  si  aimable  et  si  par- 
fait ,  pas  même  dans  les  accessoires ,  rien  qui  rap- 
pelât à  la  mémoire  les  attributs  et  les  arts  de 
l'idolatrie  la  plus  barbare ,  désirant  cependant  qu'on 
y  reconnût  la  Déesse  de  Memphis  ,  lui  a  formé 
sur  le  front  avec  les  cheveux  un  nœud  tel , 
qu'au  premier  abord  on  croirait  que  c'est  une  idée 
capricieuse  du  sculpteur,  mais  qui  n'offre  pourtant 
à  l'œil  que  l'idée  de  cet  ornement  connu  sous  le 
nom  de  fleur  de  lothos  ,  comme  le  désignent  ceux 
qui  traitent  des  antiquités  égyptiennes.  Il  a  de  cette 
manière  donné  l'évidence  à  son  sujet,  dans  le- 
quel il  a  conduit  les  contours  de  l'extrémité  in- 
férieure du  cou  avec  tant  d'art,  qu'ils  annoncent  un 
relief  à  la  poitrine  que  l'on  ne  peut  supposer  ap- 
partenir à  une  figure  d'homme.  Aussi  par  ce  mo- 
yen il  a  pu  faire  distinguer  le  sexe  de  la  Déesse , 
que  ceux  qui  l'auraient  examinée  eussent  pu  pren- 
dre ,  à  cause  de  l'extrême  simplicité  de  ses  traits 
et  de  sa  coiffure,  pour  une  tête  d'Apollon  ou  de 
Cupidon ,  auxquels  on  voit  souvent  les  longs  che- 
veux rassemblés  comme  ceux  des  femmes. 

PLANCHES  XVI11  et  XIX. 

Tête  et  fragmens  du  groupe  de  Ménélas 

AVEC  LE   CORPS  MORT  DE  PatROCLE  *. 

Il  est  facile  de  voir  que  cette  admirable  tête 
de  guerrier,  et  les  restes  d'un  cadavre  nu  et  blessé, 


*  Le  buste  de  Mene'îas  est  haut  avec  le  piedouche  d$ 


n8 

sont  les  débris  qui  nous  restent  d'un  groupe,  lequel, 
dans  son  premier  état,  devait  être  à-peu  près  pa- 
reil au  fameux  morceau  de  Rome,  connu  sous  le 
nom  de  Pasquin  (i),  ou  des  deux  autres  que  Ton 
a  découverts  dans  nos  fouilles,  et  qui  servent  de- 
puis deux  siècles  d'ornement  cllls  Florence  (2).  Il 


trois  palmes,  dix  onces:  les  autres  iragmens  des  jambes 
et  des  épaules  de  Patrocïe  qui  sont  gravés  ici  sont  en 
proportion.  Le  groupe  était  de  marbre  pentélique  ou 
cipolin.  Les  restes  furent  déterrés  dans  les  fouilles  de  Pan- 
tanello  à  la  Villa  Adrienne  par  les  soins  de  M.  Gavino 
Hamilton.  Cette  téte  était  fort  endommagée ;  et  elle  fut 
restaurée  avec  beaucoup  d'habileté  par  le  sculpteur  du 
pontife  M.  Giovanni  Pierantoni  :  le  buste  est  moderne  7 
mais  le  modèle  en  plâtre  fut  tiré  sur  la  poitrine  du  Pas- 
quin,  et  il  se  trouva  correspondant  parfaitement  à  l'action^ 
et  dans  la  proportion. 

(1)  Les  notices  extrêmement  curieuses  7  tant  sur  cette 
statue  que  sur  l'autre  appelée  Marforio,  ont  été  recueil- 
lies dans  un  opuscule  intéressant,  imprimé  à  Rome  par 
M.  l'abbé  Cancellieri  Fan  1789,  à  la  fin  duquel  on  lit 
mon  opinion  sur  le  groupe  même  ;  dans  une  lettre  adres- 
sée a  ce  savant  abbé. 

(2)  Le  premier  qui  est  sous  les  portiques  du  palais  Pitti, 
trouvé  a  Rome  à  peu  de  distance  du  mausolée  d'Augu- 
ste ;  appartenait  au  Soderkii  quand  Come  I.  en  fit  l'acqui* 
sition.  Il  acheta  aussi  l'autre  qui  fut  trouvé  à  Rome  dans 
la  vigne  d'un  Velli  hors  de  la  porte  Portese.  Flaminius  Vac- 
ca 7  qui  nous  donne  ces  notices  dans  ses  Mémoires  (  au 
n.  97  de  l'édit.  rom.  de  1790  ;  ou  elles  sont  a  la  tête 
de  la  Miscellanea  de  M.  l'avocat  Féa)?  croit  que  ces 
groupes  représentaient  des  gladiateurs.  D'autres  ;  trompés 
peut-être  par  quelque  expression  équivoque  dans  le  com- 
mentaire de  Venturi  au  XIII  chant  de  Y  Enfer  du  Dante  y 
y,  ont  cru  que  ce  poète  parlait  de  ce  groupe  pia- 


II9 

ne  serait  pas  aussi  facile  de  décider  quel  était  le 
véritable  sujet  de  ce  groupe  ,  sans  autre  motif  que 
la  grande  variété  des  opinions  mal  fondées  et  er- 
ronées qui  ont  été  répandues  dans  divers  écrits  à 
ce  sujet.  Si  Ton  pouvait,  malgré  cela,  arriver  à  la 
vérité  par  le  moyen  de  l'analogie  et  des  conjectu- 
res, avant  même  que  ces  notes  fussent  produites 
lorqu'on  n'avait  pas  encore  fait  les  fouilles  Tibur- 
tines ,  à  présent  nous  y  parvenons  sans  embarras, 
et  nous  sommes  en  état  d'en  donner  l'explica- 
tion avec  certitude. 

Par  des  conjeciures  on  avait  proposé  pour  sujets, 
jusqu'à  présent,  un  combat  de  gladiateurs,  un  Ale- 
xandre évanoui  et  soulevé  par  un  de  ses  soldats, 
un  héros  grec  tenant  dans  ses  bras  le  corps  d'Ajax 
mort,  qui  s'est  tué  lui-même  dans  un  accès  de  fu- 
reur (i).  Chacun,  en  établissant  sa  conjecturera  taché 


cée  à  Florence  sur  îe  Fonte  vecchio  ,  et  qu'il  l'appelle 
Mars  ;  de-lk  vient  la  note  ajoutée  dans  l'édition  citée  k 
la  notice  de  Tacca.  Mais  le  Dante  parle  seulement  ,  dans 
cet  endroit,  ainsi  que  dans  le  chant  X\I  du  Paradis  ^ 
d'une  statue  equestre,  en  partie  mutilée,  que  de  son  temps 
on  attribuait  k  Mars,  laquelle  estait  en  effet  sur  ce  pont, 
et  qui  tomba  dans  l'Arno  en  i333.  Le  grand  duc  Fer- 
dinand Il  substitua  ensuite  k  cette  figure  un  de  ces  grou- 
pes trouvés  a  Rome.  C'est  ainsi  que  le  rapporte  Ciucili 
au  passage  cité  ci-dessous,  selon  Gio,  Villani  (Croniche j 
liv.  Il,  ch.  i  ). 

(i)  Cineili  dans  le  Bocchi  ampliato ,  page  n4;  propose 
l'Ajax  tué  par  ses  propres  mains,  et  réfute,  en  fai- 
sant observer  la  blessure,  l'opinion  vulgaire  que  vou- 
lut y  reconnaître  Alexandre  ayant  perdu  connaissance  en 


I20 

de  mettre  au  jour  les  absurdités  des  opinions  con- 
traires, et  tous  en  cela  ont  réussi.  On  a  fait  re- 
marquer que  la  noblesse  de  l'idée ,  que  l'habille- 
ment et  l'expression  ôtent  à  ce  morceau  tout  rap- 
port avec  les  gladiateurs  ;  que  le  corps  abandonné 
et  relevé  ne  peut-être  celui  d'Alexandi  e ,  parce 
que  dans  le  groupe  de  Ponte  vecchio  il  est 
blessé  au  côté. 

Un  grand  nombre  de  raisons  écarte  toute  pro- 
babilité qui  puisse  y  faire  reconnaître  Ajax  tué.  Si 
la  figure  qui  le  soutient  devait  être  celle  de  Teu- 
cer  frère  puîné  du  mort ,  comment  fera-t-on  pour 
expliquer  l'âge  avancé  de  ce  guerrier,  si  celui  du 
corps  mort  annonce  un  jeune  homme  à  la  fleur 
de  ses  ans  ?  A  quoi  bon  le  casque  dont  est  cou- 
vert le  personnage  vivant,  lorsque  cet  événement 
tragique  n'eut  pas  lieu  sur  le  champ  de  bataille, 
mais  dans  le  camp  des  Grecs,  qui  étaient  plongés 
dans  le  deuil,  et  qui  avaient  suspendu  les  hostili- 
tés à  cause  des  obsèques  funèbres  d'Achille  ?  Les 
formes  gracieuses  et  l'attitude  élégante  du  cada- 
vre ne  pourraient  pas  convenir  non  plus  au  grand 
Ajax  qui  se  faisait  remarquer  dans  les  armées  d'Ar- 
gos  autant  par  la  force  de  ses  membres,  que  par 
sa  taille  et  par  son  air  farouche. 

Déjà,  sans  d'autres  indices  plus  décidés,  avant 


se  baignant  dans  le  Cydnus.  Paolo  Alessandro  Maffei  qui 
a  donné  dans  sa  Raccolta  di  statue,  pl.  XH;  la  gravure 
du  groupe  de  Ponte  vecchio  ,  a  suivi  Cinelli  ;  et  rejette 
les  autres  opinions» 


I  2  I 

que  ces  fragmens  fussent  retirés  des  ruines  de  la 
Villa  Adrîenne ,  vers  l'année  177^,  il  me  semblait 
que  ces  sculptures  par  leur  expression  s'accor- 
daient tant  avec  quelques-uns  des  divers  incidens 
de  la  dispute  qui  se  fit  auprès  du  cadavre  de  Pa- 
troclo, dont  Homère  nous  fait  la  description,  que  je 
n'eus  pas  le  moindre  doute  que  le  jeune  homme 
tué,  de  ce  groupe,  ne  représentât  ce  héros.  Ce 
sujet  avait  l'avantage  sur  les  autres  d'être  tiré  de 
l'Iliade,  dans  laquelle  ordinairement  les  arts  de  la 
Grèce  prenaient  leurs  sujets  ,  et  de  plus  il  avait 
en  effet  excité  l'imagination  des  anciens  maîtres  et 
employé  leur  ciseau,  comme,  sans  ce  morceau,  le  dé- 
montrent plusieurs  pierres  gravées.  La  table  Ilia- 
que du  Capitole  pouvait  confirmer  puissamment 
mon  opinion  ,  puisque  dans  la  dispute  près  du 
cadavre  de  Palrocle,  l'artiste  a  représenté  un  groupe 
très-peu  différent  de  celui  dont  nous  parlons  main- 
tenant (1). 

Mais  les  fragmens  du  Vatican  ont  épargné  aux 
observateurs  Penimi  de  discuter  si  longuement  sur 
tous  les  motifs  et  sur  les  coujectures.  Les  épaules 
du  mort ,  qui  sont  très-bien  conservées  y  nous  mon- 
trent entre  les  deux  omoplates  [  ëpoti  ^sao^yv  , 
comme  raconte  Homère  (2)]  une  seconde  blessure, 


(0  On  le  trouve  dans  le  segment  du  P;  ou  XVI  [  de 
Y  Iliade  ,  dans  laquelle  Rapsodìe  est  décrit  cet  épisode  y 
mais  il  n'y  a  plus  d'épigraphes  à  ce  fragment.  Voyez  la 
planche  LXVIIl  du  tome  IV  du  Musée  Capii. 

h)  Iliade  H;  ou  liv.  XVI  ;  y.  807. 


122 

qui  est  précisément  celle  dont  Patroele  fut  frappé 
par  Euphorbe,  avant  qu'il  eut  reçu  l'autre  veiatov 
êç  neveôva,)  au  bas  de  la  poitrine  (i),  d'un  coup 
de  lance  d'Hector ,  qui  lui  arracha  la  vie  (2)  ; 
celle-ci  se  voit  aux  groupes  de  Florence. 

Si  donc  on  reconnaît  Patrocle  dans  le  corps 
mort ,  rien  de  plus  aisé  à  déduire  d'après  la  nar- 
ration d'Homère  quel  est  le  guerrier  qui  s'em- 
presse d'enlever  de  la  mêlée  le  cadavre  du  vaincu. 
Mais  quoique  l'on  parle  des  deux  Ajax ,  de  Dio- 
mède  ,  d'Ulisse  ,  et  de  quelque  autres  dans  ce  com- 
batil  me  semble  que  le  héros  de  ce  groupe 
n'est  autre  que  Ménélas ,  duquel  on  dit ,  et  non 
d'aucun  autre: 

Mortuum  a  Trojanis  extrahebat  ad  agmen  sociorum. 

Le  fils  d'Atrée  ne  fait  plus  attention  au  mort 
qu'il  tient  dans  ses  bras,  mais  il  paraît  en  se  rele- 
vant tourner  ses  regards  autour  de  lui  pour  décou- 
vrir parmi  les  Grecs  quelqu'un  qu'il  puisse  ap- 
peler à  sa  défense  dans  ce  moment  critique  (  vcav- 
TÓae  itaTcraipQV  ,  undequaque  circumspiciens  )  ; 
c'est  ainsi  qu'Homère  s'explique  en  nous  dépei- 
gnant cette  action  de  Ménélas  (5), 


(r)  Même  endroit ;  v.  82/f. 

W  oïoc,  âeipaq 

Newpòv  vrì  in  TpÓQì?  .   .   .  . 

 êpvaev  [isrà  eSvoç  ixaipov, 

Iliad.  P;  ou  liv,  XVH;  v.  58i  et  588. 
(5)  Même  endroit  ;  v.  674. 


1*5 

Le  visage  agité  du  héros  est  tout  plein  de  no- 
blesse et  de  grâce,  tel  qu'il  nous  est  présenté  dans 
l'Iliade.  11  a  de  la  barbe  ,  et  en  cela  il  ressemble 
ii  son  image  représentée,  dans  plusieurs  bas-reliefs , 
au  conseil  des  rois  grecs  (i).  Son  habillement  et 
ses  ornemens  méritent  une  attention  assez  grande. 
Il  n'a  pas  de  cuirasse  ;  il  n'est  vêtu  seulement  que 
d'une  tunique  relevée ,  qui  lui  laisse  à  découvert 
une  épaule  entière  et  la  poitrine.  Cet  ajustement 
pourra  sembler  peu  propre  à  un  guerrier  qui  est 
dans  le  fort  du  combat  5  mais  l'artiste  trouve  son 
excuse  dans  une  certaine  convention  sur  le  costume 
héroïque,  par  laquelle  on  permet,  ou  plutôt  on 
exige  que  les  guerriers  des  histoires  mythologiques 
soient  représentés  tout-à-fait  nus  ,  ou  au  moins  à 
peine  vêtus.  C'est  pour  cela  que  nous  voyons  nus 
les  Grecs  combattant  les  Amazones  ,  de  même  les 
Argonautes ,  et  nus  aussi  les  champions  des  guer- 
res de  Thébes  ou  de  Troye  (2).  Quelques  monu- 
mens  substituent  à  la  nudité  absolue  des  combat- 
tans  cette  tunique  que  l'on  voit  à  notre  statue  , 
tombant  ainsi  des  épaules,  et  courte.  De  ce  nom- 
bre, sont  un  grand  bas-relief  de  la  Villa  Albani  (5), 


(1)  Par  exemple  dans  celui  du  Musée  Capitoli n  et 
dans  l'autre  de  la  \ilia  Pinciana. 

(2)  Le  plus  souvent  les  monumens  dans  lesquels  on 
voit  les  héros  revêtus  d'une  cuirasse  ;  appartiennent  aux 
temps  des  Àntonins.  Ce  fut  alors  que  s'introduisit  Je  nie* 
lauge  du  costume  romain  avec  le  grec  mvthologique. 

(3)  Vvinckclmann  y  Monum,  înécL ,  n.  6'2  ;  croit  que 
c'est  le  combat  de  Poliux  avec  un  des  fils  d'Apiuuee» 


une  pierre  gravée  du  Musée  Ludovisi  (i),  et  ils 
se  trouvent  en  cela  d'accord  avec  la  figure  du  Mé- 
nélas  que  nous  avons  sous  les  yeux.  Au  reste,  Tépée, 
le  casque  et  le  bouclier  suffisent  pour  indiquer 
qu'il  est  armé. 

Le  casque  est  précisément  exécuté  avec  beau- 
coup de  soin  et  de  noblesse  sur  la  tête  de  ce  roi 
de  Sparte,  et  on  n'a  pas  oublié  cet  ornement  en 
bas-relief  que  l'on  supposait  ciselé  sur  la  calotte. 
U  représente  le  combat  d'Hercule  avec  les  Cen- 
taures; quoique  Winckelmann  ait  cru  que  ce 
sujet  était  le  huitième  des  travaux  d' Hercule , 
c'est-à-dire  la  conquête  des  quadriges  de  Thra- 
ce  (2). 

Le  rapport  de  cette  histoire  avec  Ménélas  n'est 
pas  très-clair.  Mais  pour  ne  pas  l'attribuer  au  sim- 
ple caprice  de  l'ancien  sculpteur ,  on  peut  s'at- 
tacher à  ce  que  raconte  Pausanias ,  savoir  que 
dans  le   temple   Olympien   étaient  sculptées  les 


(1)  Celte  gravure  a  été  aussi  publiée  par  Winckelmann 
(Monum.  inéd.  y  n.  128),  et  elle  represente  effective- 
ment le  combat  des  Grecs  et  des  Troyens  près  du  ca- 
davre de  Patrocle.  Cependant  le  dessein  qu'il  en  donne 
«st  très-infidèle  ;  comme  on  peut  le  voir  par  l'empreinte 
même  de  la  pierre  qui  a  été  publiée  par  M.  Federico 
Dolce  dans  la  III  planche,  n.  109.  On  y  voit  les  guer- 
riers des  deux  partis  tous  habillés  comme  notre  Méné- 
las :  ils  ont  de  plus  les  jambières,  ocrae  7  peut-être  pour 
tendre  l'épithète  d'Homère  7  EVKVrifjiïdaç  Aftafaç. 

(2)  Monum.  inéd.  7  page  82.  Dans  ma  lettre  ;  citée  ci- 
dessus  f  le  contraire  y  est  dit  par  erreur. 


ï%5 

actions  de  Thésée  et  les  travaux  d'Hercule  ,  par 
le  seul  motif,  peut-être  ,  que  Thésée  ,  et  même 
Hercule,,  descendait  de  Pélops  fondateur  de  ce  tem- 
ple (i).  Il  n'était  donc  pas  étrange  que  les  Pélopi- 
des  puissans,  l'un  desquels  était  Ménélas,  eussent  l'u- 
sage de  se  vanter  d'être  parens  de  Thésée,  et  d'être 
glorieux  de  ses  entreprises  hardies  ou  de  celles 
d'Alcide.  La  destruction  des  Centaures  fit  regar- 
der ce  dernier  comme  un  des  libérateurs  de  la 
terre  ,  à  cause  de  la  violence  qu'exerçaient  ces 
monstres ,  qui  se  plaisaient  principalement  à  en- 
lever partout  les  femmes  et  les  filles;  et  c'était; 
là  précisément  le  tort  qu'avaient  eu  Paris  et  Troye, 
dont  Ménélas  et  toute  la  Grèce  s'obstinèrent  à 
tirer (/ vengeance. 

Au  commencement  des  deux  langues  ou  bande- 
lettes de  cuir  qui  servaient  pour  attacher  sous  le 
menton  les  casques  des  anciens  ,  sont  sculptés  deux 
aigles ,  lesquels  semblent  inventés  de  caprice  et 
d'une  figure  monstrueuse,  comme  on  le  fait  assez 
souvent  pour  les  animaux  qui  composent  des  or- 
nemens  ou  des  arabesques;  ceux-ci  se  terminent 
par  une  queue  de  lion.  Mais  cette  forme  est 
due  entièrement  à  un  équivoque  du  restaurateur, 
qui  voyant  dans  l'antique  les  ailes  de  l'aigle  et  la 
queue  de  lion  ,  a  supplée  à  ce  qui  manquait,  en 
ne  suivant  que  la  seule  indication  des  ailes,  sans 
penser  que  les  ailes  et  la  queue  convenaient  égale- 


(i)  Pausanias  ,  liv.  V,  ch.  X  et  XIII. 


ment  au  griffon,  emblème  si  souvent  employé  dans 
les  armures  antiques,  et  plus  particulièrement  a 
celle  de  Mars,  divinité  à  laquelle  Ménélas  est  quel- 
quefois comparé  dans  Homère ,  qui  le  distingue 
constamment  par  cette  épithète  dp7^(pû,oç  f  cher 
à  Mars. 

Faisons  attention  maintenant  a  Part  que  l'on 
aperçoit  tant  dans  la  composition  que  dans  le  tra- 
vail de  ce  groupe.  Son  invention  est  si  parfaite, 
qu'il  serait  difficile  d'en  trouver  un  autre  finsi 
composé  de  deux  figures  ayant  cette  unité  d'en- 
semble ,  et  qui  paraisse  aussi  élégant  que  celui-ci, 
sous  quelque  point  de  vue  qu'on  le  regarde.  Les 
copies  si  multipliées  qu'en  ont  fait  les  anciens  prou- 
vent en  même  temps  son  mérite  et  la  réputation 
dont  il  jouissait  (i).  Il  a  été  imité  dans  d'autres  su- 
jets, comme  dans  celui  d'Acbille  et  de  Penthési- 
lée  (2),  où  Pon  voit  que  Partiste  a  eu  cet  origi- 
nal pour  modèle.  Le  dessein  est  extrêmement  gran- 
diose dans  toutes  ses  parties,  quoiqu'il  semble  qu'on 
ait  mis  un  peu  d'exagération  dans  les  traits  de 
Ménélas;  exagération  visible  dans  la  tête  séparée 
du  groupe,  qui  ne  serait  plus  sensible  avec  tout  Pen- 


(1)  En  outre  des  rëpe'titions  indique'es  ,  ,  je  me  rappelle 
en  avoir  vu  une  en  petit  chez  Filabile  sculpteur  anglais 
M.  Colin  Mori  son. 

(2)  Yovez  la  gravure  de  ce  bas-relief ,  qui  existe  a  pré- 
sent au  Musée  Pie-Clëmentin  ,  dans  les  Monum.  irtéd.  de 
Winckelmann  ;  n.  109,  et  confrontez-le  a\ec  le  groupe 
dessine'  en  petit  dans  cette  planche  XIX. 


semble  ,  et  qui  même  en  augmenterait  peut-être  da- 
vantage l'effet  ;  il  y  a  d'autres  parties  où  la  vé- 
rité est  merveilleusement  imitée.  Telles  sont  les 
jambes  étendues  et  roides  du  cadavre^  dont  les 
contours ,  de  même  que  les  formes  des  épaules 
blessées,  sont  élégans  et  gracieux,  mais  cependant  tou- 
chés avec  une  franchise,  et  exécutés  avec  une  si 
rare  intelligence,  qu'on  peut  les  comparer  à  tous 
les  chefs-d'œuvre  de  cet  art. 

Le  groupe  de  Pasquin  ,  quoiqu'ayant  excité 
l'admiration  de  beaucoup  de  personnes  (i),  ne  peut, 
à  parler  vrai ,  étaler  d'autres  beautés  que  celles  de 
sa  composition,  ou  des  contours  en  général,  tant 
il  est  rongé  dans  toute  sa  surface.  Les  fragmens 
du  nôtre  sont  supérieurs  aux  parties  conservées 
de  celui  de  Ponte  vecchio  ;  et  la  tête  de  Méné- 
las  qui  est  assez  entière  dans  l'autre  groupe  du 
palais  Pitti ,  ne  peut  entrer  en  comparaison  avec 
la  nôtre ,  ni  par  la  grandeur  du  style ,  ni  pour 
Pélégance  de  Fexécution. 

PLANCHE    X  X. 

Hermes  double  d'Homère  et  Archiloçue  *. 

Le  portrait  d'Homère  que  l'on  reconnaît  facile- 
ment dans  une  des  deux  têtes  que  représente  ce 

(i)  Winckelmann  (Preface  de  YHist.  de  Fart  ?  édition 
romaine  ?  page  XXVI  )  rapporte  l'opinion  de  Bernini  qui 
préférait  ce  groupe  à  toutes  les  autres  sculptures  qui  nous 
restent. 

*  Hauteur  avec  l'estomach^  deux  palmes  et  demie.  0 


Ï28 

marbre,  est  Tunique  appui  sur  lequel  on  puisse 
conjecturer  à  qui  appartient  l'autre  image  qui  est 
unie  à  lui  -y  laquelle  resterait  inconnue,  ne  pouvant 
obtenir  aucune  lumière  à  cet  égard  par  la  confi  ons 
tation  avec  toute  espèce  de  monument.  Mais  en 
réfléchissant  sur  les  relations  qui  ont  déterminé  les 
iconologues  à  réunir  ainsi  l'effigie  de  deux  per- 
sonnes, on  pourrait  arriver  à  quelque  hypothèse  pro- 
bable; et  les  hermès  doubles  d'Héròdote  et  de  Thuci- 
dide,  ou  ceux  d'Epicure  et  de  Métrodore  (  i  )  por- 
tant tous  deux  les  inscriptions  grecques  originales, 
seraient  des  exemples  sur  lesquels  on  pourrait 
établir  quelque  fondement  pour  raisonner.  La  dif- 
ficulté est  cependant  peu  diminuée  en  les  appli- 
quant au  présent  hermès.  Hérodote  et  Ihucidide 
formèrent  parmi  les  historiens  grecs  un  couple  auquel 
on  ne  pouvait  associer  un  troisième  personnage.  Quel 
sera  donc  le  poëte  qui  méritera  d'être  associé  à 
Homère?  ou  bien  si  au  lieu  d'être  son  rival,  on  se 
contente  qu'il  s'en  soit  approché  dans  quelque  partie, 
quel  sera  celui  sur  lequel  on  pourra  jamais  jeter 
les  yeux  pour  cela  ? 


est  de  marbre  pentélique.  On  Ta  trouvé  à  la  Villa  Fon- 
seca  sur  le  Celium. 

(i)  Fabri  ?  Imag.  illustr.  ex  Fulvio  Ur sino ,  n.  1 44-  Cet 
hermès  double  d'Hérodote  et  de  Tucidide  qui  fut  d'abord 
à  la  Villa  Farnese,  est  à  présent  à  Naples  :  mais  il  avait 
déjà  e'té  scie'  en  deux  ;  de  sorte  qu'on  en  avait  se'paré  les 
deux  têtes.  Celui  d'Epicure  et  de  Métrodore  est  conservé 
au  Capitole  ;  il  est  publié  dans  le  tome  I  du  Musée  Ca- 
pitolili,, pl.  V  et  VI  ;  p.  12. 


En  considérant  les  têtes  réunies  de  Métro* 
dore  et  d'Epicure,  il  me  vint  à  l'idée  une  con- 
jecture ,  et  je  laisse  au  lecteur  à  en  juger  la 
valeur  et  la  probabilité.  Je  faisais  la  remarque 
que  l'union  de  s  doctrines  ou  les  liens  de  l'ami- 
tié pouvaient  avoir  fourni  le  motif  de  la  réunion 
de  ces  deux  images;  mais  que  l'institution  pres- 
crite par  Epicure  lui-même  à  srs  disciples 
de  renouveller  dans  les  icadi ,  ou  le  vingtième 
jour  de  chaque  mois,  sa  mémoire,  conjointement 
avec  celle  de  Métrodore,  et  de  la  célébrer  avec 
ces  fêtes  et  ces  honneurs  funèbres  ou  héroïques 
qu'on  pratiquait  alors  ;  cette  institution  ,  me  di- 
sais-je,  était  peut-être  la  cause  première  et  la 
véritable  qui  avait  fait  réunir  ces  deux  bustes 
en  un  (i).  La  même  chose,  si  cela  semble  pro- 
bable à  quelqu'un,  devrait  engager  pour  dé- 
couvrir le  portrait  inconnu  de  notre  marbre  , 
à  faire  la  recherche  si  dans  les  écrits  des  sa- 
ges ,  ou  des  poètes  ,  on  ait  trouvé  par  hazard 
que  la  mémoire  de-celui-ci  ait  été  unie  à  celle 
d'Homère,  de  manière  à  ce  que  tous  deux  fus- 
sent honorés  ensemble  et  le  même  jour:  et  si 
on  pouvait  en  avoir  quelque  trace  ,  alors  il  ne 
paraîtrait  pas  trop  mal  de  donner  à  la  tête  in- 
connue le  nom  de  cftt  homme.  Maintenant  une 
épigramme  d'Antipater  ,  qui  est  conservée  dans 
l'Anthologie  grecque  nous  a  par  bonheur  trans- 


(i)  Lnrrce  ,  liv.  X,  n.  10. 

Musée  Pie-Clém.  Vol.  VI. 


ï3o 

mis  la  connaissance  que  l'on  avait  coutume 
de  célébrer  des  honneurs  à  la  mémoire  d'Ho- 
mère conjointement  avec  celle  du  poëte  Ar- 
chiloque,  et  précisément  le  même  jour(i).  Cette 
notice  m'a  paru  d'une  telle  importance  et  d'un 
si  grand  poids,  qu'elle  seule  me  persuade  avec 
beaucoup  de  probabilité  que  ce  portrait  inconnu 
est  celui  d'Archiloque,  lequel  a  été  joint  à  ce- 
lui d'Homère  par  quelque  circonstance  singu* 
lière  (2). 

Comme  les  probabilités  commencent  à  pren- 
dre le  caractère  de  la  cer^tude  et  de  la  véri- 
té, alors  si  plusieurs  raisonnemens,  déduits  tous 
de  divers  principes,  arrivent  au  même  résultat, 

(1)  Anthologia  Graeca ,  liv.  IT;  ch.  XLTVIl,  ép.  YIIÏ; 
V.  5  : 

luïïévdoybev'  ô  Hpr^p  ov  dé^et'  vdpo&ôraç. 

«  C'est  le  jour  de  fête  d'ARCHILOQUE  et  d'HOMÈRE  $ 
«  la  conipe  et  les  rits  sont  défendus  aux  asthénies.  »  Cette 
particularité  qui  a  échappé  à  Bayle  (  v.  Arquiloqiie  )  et 
à  Fabricius  (  Bibl.  Gr.  ,  liv.  §  XVI  );  n'a  pas  été  oubliée 
par  le  très-célèbre  abbé  Barthélémy  dans  Anacharsis. 

(2)  D'autres  raisons  de  convenance  pourraient  faire  pen- 
ser a  d'autres  personnages.  On  pourrait  croire  que  ce  sont 
Homère  et  Hésiode  ;  les  deux  plus  anciens  poètes  grecs  9 
et  même  unis,  selon  quelques-uns,  par  la  parenté.  11  se- 
rait possible  encore  de  croire  que  ce  soit  Pisistrate  ici 
réuni  à  Homère,  comme  étant  celui  qui  recueillit  ses 
poèmes  ;  et  qu'on  honora  par  ce  motif  d'une  de  ses 
images  y  ainsi  que  nous  en  avons  eu  la  certitude  par  les 
fouilles  Tiburtines.  Voyez  notre  vol.  I,  page  q3  et  suiv» 
dans  les  notes. 


je  n'abandonnerai  sans  cet  avantage  l'opinion 
proposée,  quand  elle-même  remporte  avec  elle. 
Je  dirai  donc  qu'Homère  et  Archiloque  furent 
unis  ensemble  dans  l'antiquité,  dans  d'au- 
tres occasions  ;  c'est-à-dire  qu'ils  le  furent  par 
ceux  qui  savaient  apprécier  et  sentir  les  beau- 
tés poétiques.  Les  vers  d' ïrehiloque  furent  chan- 
tés par  des  Rapsodes  dans  les  solemnités  de  la 
Grèce,  comme  le  furent  des  fragnieps  des  poè- 
mes d'Homère  (i).  Mais,  à  dire  la  vérité,  les  poé- 
sies de  Sthésicore  et  de  Mimnermus  eurent  aussi 
cet  honii3ur.  Il  vaut  donc  mieux  tirer  une  con- 
séquence de  la  réflexion  que  fait  Paterculus,  qui 
crut  (  et  probablement  il  ne  fut  pas  le  seul  qui 
portât  le  même  jugement)  quMrchiloque  et  Ho- 
mère se  ressemblaient  singulièrement  en  cela 
que  chacun  d'eux  avait  porté  au  dernier  degré 
d'excellence  le  genre  dont  il  pouvait  se  dire 
l'inventeur  (2).  C'est  ainsi  que  sous  la  plume  d' Ar- 
chiloque le  jambe  avait  acquis  la  même  per- 
fection que  le  poème  par  3e  style  d'Homère. 
Par  cette  raison  parmi  plusieurs  des  divins  gé- 
nies qu'admira  et  qu'honora  la  Grèce,  il  y  en 
eut  qui  associèrent  avec  distinction  ces  deux  poë* 
tes.  Ainsi  Héiaclide  de  Pont  avait  choisi  pour 
le  sujet  d'un  de  ses  ouvrages,  dont  la  réputation 
seule  nous  est  parvenue  (3),  les  poésies  réu- 

(1)  Caméléon  dans  Athénée  ;  liv.  XIV  ?  ch.  IIL 
(aj  Liv.  I;  chap.  \7:  JSeque  enim  tjuemauam.  alium  7  cu- 
ius  operis  primas  auct or  fucrlt ,  m  eo  perfectissùnurn}  prae^ 
ter  HOMERUM  ET  ARCIÎILOCÎI  M  reperiemus. 

(5;  Héraclide  de  Pont  avait  écrit  deux, livrer  ïïspï9  Ao^7- 


l%2 

nies  d'Homère  et  d'Àrclriloque.  Ces  écrivans  in- 
comparables, que  les  critiques  et  les  grammairiens 
réunissaient  souvent  dans  leurs  examens  ,  pou- 
vaient aussi  être  réunis  par  leurs  portraits  des- 
tinés à  orner  également  les  bibliothèques  des 
savans,  les  musées  et  les  campagnes  des  grands. 

Toutes  les  inductions  que  nous  avons  mises 
en  avant  jusqu'ici  partent  toutes  d'un  principe, 
que  l'autre  effigie  est  indubitablement  celle  d'Ho- 
mère ,  il  est  nécessaire,  n'ayant  pas  de  monu- 
ment écrit  qui  assure  à  la  première  une  déno- 
mination connue  de  tout  le  monde  ,  de  propo- 
ser les  conjectures  qui  peuvent  la  justifier.  El- 
les se  réduisent  à  trois  principales ,  lesquelles 
étant  réunies  semblent  assez  puissantes  pour  con- 
vaincre. L'expression  d'aveuglement  dans  les 
yeux,  la  position  de  la  tête,  le  diadème  sym- 
bole de  l'apothéose  ,  et  le  grand  nombre  de  por- 
traits pareils  multipliés  plus  que  ceux  de  tout  au- 
tre. Comme  ces  deux  dernières  circonstances  don- 
nent la  preuve  que  cette  figure  est  celle  d'un  hom- 
me fameux  au  dernier  degré,  et  qui  a  été  dé- 
coré comme  une  divinité  (i) ,  ainsi  la  première 
face  n'attribue  qu'à  Homère  ces  signes  caracté- 
ristiques généraux.   Qu'on  ajoute  à  cela  quel- 

Mp  9taì  OpnpVideARCHILOCHOetHOMERO,  com- 
me nous  Tapprend  Laerce  dans  la  Vie  d'He'raclide,  liv.  V; 
chap.  VI  ;  §  IV. 

(i)  Les  portraits  d'Homère  et  de  Pytliagore  ont  le  diadè- 
me sur  les  médailles  grecques  ;  ainsi  que  ceux  de  Platon 
et  de  Sophocle^  dans  les  marbres  antiques. 


i35 

que  particularité  plus  positive,  d'après  laquelle 
les  antiquaires  du  XVI  siècle  et  des  suivans  se 
sont  crus  autorisés  à  n'avoir  aucun  doute  sur 
ce  portrait  si  important  (i). 


(i)  Voyez  Bellori,  Imag.  Illustr.,  pl.  LU  et  LUI;  Gro- 
novius  ;  Thes.  ant.  Graec.  ,  tom.  II  ,  pl.  XVIII  et  XIX  . 
F  abri  ,  ad  Imag*  Fulv.  JJrsini ,  n.  72  ,  dans  les  explica- 
tions; Mus.  Cap.  7  torne  i,  pl.  LI  et  XLV.  La  circonstance 
est  celle  que  raconte  F  abri ,  que  la  tête  semblable,  de 
la  collection  de  Farnese  ;  fut  trouvée  dans  la  même  fouille 
de  la  voie  Ostia  ,  où  était  Thermes  sans  tête  portant  lo 
nom  d'Homère  et  de  diverses  épigrammes  à  sa  louange, 
de  sorte  qu'on  la  plaça  dessus  comme  lui  appartenant. 
On  trouve  dans  Fabretti ,  ad  tah.  Iliadis ,  p.  545,  d'au- 
tres motifs  et  d'autres  comparaisons  qui  servent  d'auto- 
ri tés  à  la  même  image.  Cependant  il  se  presente  ici  une 
réflexion  sur  ces  portraits  ,  laquelle  pourra  servir  à  expli- 
quer quelques  monumens  du  même  genre  tant  sur  les 
médailles  ,  qu'en  sculpture.  En  outre  qu'il  est  assez  vrai- 
semblable en  soi,  et  peut  être  même  certain,  par  ce  qu'en, 
dit  Pline  (  liv.  XXXV,  §  11),  et  par  la  variété'  des  dif- 
férentes images  connues,  que  les  portraits  d'Homère  étaient 
d'imagination ,  de  convention.  Car  il  faut  distinguer  trois 
physionomies  différentes  dans  ces  portraits.  Celle  des  mé- 
dailles d'Amas  tri  s ,  ville  qui  tirait  son  origine  de  Smyrne, 
et  qui  a  par  cette  raison  orné  souvent  ses  médailles  du 
portrait  d'Homère.  Sa  tête  est  ordinairement  ceinte  du 
diadème  ,  quoique  beaucoup  de  personnes  en  ayent  douté, 
et  c'est  précisément  celle  qui  est  très-ordinaire  même  en 
marbre ,  à  laquelle  on  a  donné  dans  les  coliections-^le 
nom  d'Apollonius  de  Thyane  (  Mus.  Capit.  ,  tome  I,  plan- 
che LII  et  LUI  ).  Ceux  qui  ont  des  médailles  de  cette 
espèce  bien  conservées^  en  seront  persuadés  en  les  con- 
frontant, mais  quiconque  voudrait  s'en  convaincre  seu- 
lement par  les  gravures,  perdrait  son  temps  et  sa  peine. 
Une  autre  tête  bien  différente  de  celle-là  est  l'effigie  des 


i54 

Il  n'y  a  rien  de  plus  à  dire  des  deux  poè- 
tes que  je  suppose  représentés  dans  cet  her- 
nies. Toute  la  littérature  est,  pour  ainsi  dire, 
pleine  du  panégirique  du  premier.  L'antiquité 
le  regardait  comme  le  fondateur  de  toutes  1  s 
doctrines.  Ses  ouvrages ,  héritage  le  plus  pré- 
cieux qu'ait  recueilli  l'ancien  âge,  nous  le  font 
connaître  aussi  comme  le  créateur  de  toutes 
les  beautés  dont  puissent  être  parés  les  arts 
d'imagination  et  la  langue.  Nous  devons  con- 
cevoir une  grande  idée  du  second  poëte  ,  puis- 
qu'on l'a  cru  digne  de  servir  de  compagnon  a 
Homère,  et  les  petits  fragmens,  très-imparfaits, 
qui  nous  restent  de  son  style  ne  détruisent  pas 
une  telle  présomption  en  sa  faveur  (i). 


médailles  de  Scio  :  elle  a  la  barbe  en  pointe  ,  et  peu  dif- 
ferente de  celle  de  la  me'daille  à  cordon  d'Homère,  ou- 
vrage du  troisième  siècle  de  notre  ère  (  Ccmbe  ,  Calai. 
Mus.  Hunter.  j  pl.  XVII,  n.  22  et  25).  La  troisième  est 
celle  de  notre  hermès  qui  est  plus  fréquente  dans  les 
sculptures ,  et  peut-être  la  plus  frappante ,  même  pal- 
line certaine  expression  de  cécité.  Il  paraît  que  les 
musées  des  Romains  V  ont  préférée  a  tout  autre  ,  ou 
qu'on  la  doit  aux  Rhodiens,  artistes  habiles  ou  rivaux  des 
autres  villes  en  prétendant  que  Rhodes  fut  la  patrie  d'Ho- 
mère ,  ou  enfin  soit  qu'elle  ait  une  autre  origine.  Pol- 
lion ,  le  premier  qui  rassembla  de  pareilles  effigies,  l'aura 
sans  doute  placée  de  préférence  dans  sa  bibliothèque;  de- 
là d'autres  qui  l'ont  imité  dans  ce  goût ,  auront  ensuite 
fait  copier  ce  portrait  pour  eux.  C'est  donc  mal  à  propos  que 
F  ab  ri ,  et  après  lui  plusieurs  autres  antiquaires  ont  assuré 
sur  l'autorité  du  passage  cité  de  Pline,,  mal  entendu,  que 
Pollion  se  fit  faire  un  portrait  d'Homère  de  fantaisie. 
(1)  Dans  un  passage  du  premier  vol.  r  pl.  B*  I ,  p.  261 9 


t35 

PLANCHE  XXI. 


Épimênide  *- 

Voici  probablement  encore  un  de  ces  por- 
traits que  dans  des  temps  postérieurs  l'imagina- 
tion a  crée  pour  satisfaire  le  désir  de  rempla- 
cer de  véritables  ressemblances  qui  ne  s'étaient 
pas  conservées  (i). 

Les  paupières  fermées,  l'air  endormi  de  toute 
la  physionomie,  me  semblent  indiquer  dans  cette 
figure  Epimênide  le  devin  ,  poëte  crétois  ,  fa- 
meux par  plusieurs  aventures  et  par  ses  écrits, 
Lien  plus  encore  que  par  son  sommeil  qui 
dura  quarante  ans  continus»  (2).  La  chevelure 
resserée  autour  de  la  tele  et  retenue  sur  les  tem- 


oli je  parle  de  ce  monument ,  j'ai  mis  en  doute  si  le  por- 
trait joint  à  celui  d'Homère  n'était' pas  un  Hérodote.  Mais 
un  examen  plus  exact  des  hermès  d'Hérodote  de  la  col- 
lection Farnese  m'avait  fait  désapprouver  cette  idée  ;  même 
avant  que  j'eusse  songé  k  cette  nouvelle  conjecture. 

*  Hauteur  ;  y  compris  la  poitrine,  deux  palmes  ;  cinq 
onces  ;  il  est  en  marbre  pentélique. 

(1)  Pline  ;  liv.  XXX Y  7  §  1 1  :  Quin  etiam  quae  non  sunt 
(  imagines  JîngunturJ  pariuntque  desiderio,  non  traditi  vuU 
tus  ....  maius  nullum  est  felicitatis  specimen  7  quant 
semper  ornnes  scire  cupere  qualis  fuerit  aliquis;  et  un  peu 
avant  j'avais  remarqué ,  etiam  mentiri  clarorum  imagi- 
nes erat  aliquis  virtutum  amor  :  multoque  honestius  qua  m 
mer  eri  ne  quis  suas  expeteret. 

(2)  Pausanias;  Attica  ;  ou  liv.  I,  ch.  XIV:  d'autres  le 
font  durer  plus  long-temps. 


i56 

pes  par  un  ruban  ou  diadème,  entrelacé  avec 
les  cheveux  même  ,  est  une  coiffure  propre  à 
Epiménide,  qui,  malgré  l'usage,  laissa  croître  ses 
cheveux,  comme  nous  l'apprend  Laerce  (i).  Le 
diadème  lui  convient  aussi  comme  étant  prê- 
tre ,  et  même  inventeur  de  rits  nouveaux  et 
expiatoires  pour  des  'nations  entières ,  et  comme 
à  une  espèce  de  demi-Dieu ,  cru  fils  d'une  Nym- 
phe, el  appelé  nouveau  Cureté  (2). 

On  pourrait  opposer  à  nos  conjectures  que 
l'on  a  fait  aussi  des  hermès  du  Dieu  du  Som- 
meil ,  que  nous  en  avons  une  effigie ,  qui  le 
représente  les  yeux  fermés  ,  dans  le  Musée  Pie- 
Clémentin  (3).  Cette  objection  ne  m'inquiète  en 
rien  ,  parce  que  les  traits  du  visage  ,  et  l^haïbe 
de  noire  hermès ,  sont  évidemment  tels  qu'ils 
peuvent  convenir  à  un  véritable  portrait  de  quel- 
qu'un j  qu'il  n'y  a  rien  là  d'idéal,  ni  de  ce  que 
les  anciens  appliquaient  purement  à  des  sujets 
mythologiques-  En  outre  l'expression  du  Som- 


(0  K.a%é(reù  rtfç  xô{if}ç  ro  eîiïoç  ftapoMÂ&ffW  1 
«En  se  laissant  croître  les  cheveux  ;  il  changea  de  figure.  » 
Même  lieu,  §  1.  Peut-être  ce  fut  cette  çoiifure  qui  lui 
fit  donner  le  nom  de  nouveau  Cureté  ;  comme  Ménage 
l'observe  au  mot  Laerce* 

(2)  Jean  Albert  Fabricius  7  BibL  Gr.}  liv.  I,  ch.  Vf, 
§  il  jusqu'au  VI  ;  où  ii  explique  avec  l'érudition  qu'il 
dossède,  plusieurs  circonstances  de  la  vie  et  des  ouvrages 
de  cet  homme  célèbre. 

(3)  Voyez  la  planche  XI  ci-dessus  ?  et  dans  le  tome  l 
^planche  XXIX. 


i37 

meil  me  paraît  si  claire  dans  cette  figure,  que 
l'on  ne  peut  pas  croire  ces  yeux  fermés  à  cause 
de  l'aveuglement ,  ce  qui  exclut  toute  incerti- 
tude que  ce  puisse  être  une  image  d'Homère 
ou  de  Tirésias. 

La  célébrité  d'Epaminondas  fut  universelle  et 
durable.  Quelques-uns  le  comptèrent  au  nom- 
bre des  sages  de  la  Grèce.  Il  est  donc  d'au- 
tant plus  vraisemblable  encore  qu'on  ait  sou- 
vent répété  son  portrait  parmi  ceux  des  sages 
et  des  savans.  Et  puis  le  crédit  qu'il  eut  parmi 
les  Payens  fut  si  constamment  établi,  que  l'Apô- 
tre des  nations  n'a  pas  dédaigné  d'insérer  un 
vers  entier  ,  attribue  à  Epiménide ,  dans  son 
Epitre  à  Titus  (i). 


(iì  Chap.  l;  v.  12.  Le  vers  grec  est  le  suivant: 
Kptfreç  del  ipevaTai ,  nana  Sqpm  ,  yaarèpeç  àpyoi. 
Tout  le  passage  de  S.  Paul  est  traduit  ainsi  dans  la  vu!-* 
gate  :  Dixit  quidam  ex  illis  proprius  ipsorum  propheta. 
Cretenses  semper  mendaces  7  maiae  hestiae^  ventres  pigri. 
S.  Jérôme  et  d'autres  pères  qui  interprètent  ce  passage  7 
nous  apprennent  que  la  citation  regarde  Epiménide.  Théo- 
doret  y  trompé  peut-être  en  trouvant  le  premier  hémisti- 
que  dans  Cailimaque  (Hym.  Iov. ,  v.  8  ),  peut-être  aussi  par 
l'allusion  que  fit  le  poëte  de  Cyrène  au  vers  d'Epiménide, 
l'attribue  à  tort  à  ce  poëte.  S.  Jean  Chrysostome  l'attri- 
bue directement  a  Epiménide ,  mais  dans  l'exposition  il 
le  confond  aussi  lui-même  avec  le  passage  de  Cailimaque 
que  nous  venons  de  citer. 


i58 

PLANCHES  XXII,  XXII  a. 


Hermes  désignés  des  Sages  de  la  Grèce 

ET  t'aUTRES   PERSONNAGES   ILLUSTRES  *. 

Quoiqu'  on  ah  db  dans  un  chapitre  tout  ce 
qui  suffisait  pour  faire  reconnaître  ce  que  re- 
présentent les  fragmens  qui  sont  gravés  dans 
cette  planche  (»)  .  et  quoique  l'on  donne  dans 
celles  que  vont  la  suivre  les  têtes  ,  en  grande 
des  deux  hermès  entiers  (2),  cependant,  at- 
tendu le  mérite  de  ces  restes  remarquables,  il 
nous  a  paru  convenable  d'en  donner  une  image 
fidèle  et  exacte,  qui  fasse  voir  ce  que  le  temps 
a  pu  nous  conserver  de  monumens  si  chers  à 
la  littérature ,  et  de  mettre  sous  les  yeux  des 
lecteurs  ces  caractères  qui  les  désignent  bien  cer- 
tainement, et  copiés  ici  sous  leur  forme  originale. 


*  Ils  sont  en  marbre  pentéjîque;  et  furent  trouvés  tous 
dans  les  fouilles  Tiburtines  du  mont  Olivet  appelé  Pia* 
nella  di  Cassio  P  appartenant  au  docteur  Mathias  ;  dans 
le  lieu  où  l'on  croit  que  fut  la  maison  de  campagne  de 
ce  Romain.  Nous  avons  déjà  parlé  de  cette  fouille  ,  t.  i? 
page  g5  et  suiv.  7  où  nous  avons  indiqué  toutes  les  au- 
tres sculptures  et  fragmens  avec  inscriptions  qui  se  dé- 
couvrirent en  même  temps  dans  ces  lieux.  Quant  aux  di- 
mensions; il  suffit  de  savoir  que  les  deux  têtes  de  Bias 
et  de  Périandre  ont  jusqu'au  pilastre  à-peu-près  deux 
palmes,  un  tiers  abondant.  Les  autres  fragmens  ont  les 
mêmes  dimensions. 

(1)  Dans  la  note  (1)  de  la  planche  VIII  du  tome  I 
déjà  cité  ;  page  g5. 

(2)  Aux  plane.  XXIII  et  XXV  ci-après* 


i39 

Nous  dirons  plus  amplement  ,  ce  qui  nous 
paraîtra  nécessaire ,  et  à  sa  place,  sur  Fliermès 
de  Bias  qui  est  dans  la  planche  XXII,  et  sur 
l'autre  de  Périandre  ,  clans  la  planche  XXII  a. 
Les  hennés  acéphales  des  autres  sages ,  savoir 
ceux  de  Thaïes,  de  Solon  ,  de  Pittacus  et  de 
Cleohule  9  sont  indiqués  par  les  inscriptions  sui- 
vantes : 

0AAHS  ESAMYOT  MIAHUIOS 
Thaïes  Examyi  [ films  ]  Miles  ius* 
XQAÛJN  ËflBKË£TÙOT  A0HNA1O2 
MHOEN  AFAN  (i) 
Solon  Execesti  lae  [filias]  Atheniensis* 
Ne  quid  nitnis. 
IîlTTAKOS  Tti  A  MïTIAHNAIOS  (2) 


(1)  Sur  la  manière  d'écrire  le  premier  mot  de  cette  mar 
xime  par  fi^^sv  au  lieu  de  p,fi$ép ,  plus  usité',  on  peut 
observer  que  c'était  peut-être  celle  originale  dans  laquelle 
on  crut  énoncée  la  sentence  caractéristique  de  Solon.  Je 
suis  porté  à  penser  ainsi  en  la  voyant  écrite  de  même 
dans  l'épigramme  d'AIphée  de  Mytiiène,  qui  fait  une  al- 
lusion évidente  dans  ce  vers  : 

To  MH0EN  yàp  AFAN  âyav  pe  rèpaei. 

Elle  ont  dans  l'Anthologie  grecque,  liv.  I;  ch.  X,  ép.  2. 

(2)  Il  y  a  clairement  sur  le  marbre  ÏPPA  et  non 
YrPA  ,  comme  je  l'ai  écrit  dans  l'endroit  cité  du  t.  I; 
parce  que  les  fragmens  étant  entassés  dans  un  endroit  peu 
éc  airé,  chez  le  défunt  sculpteur  Sibilla,  l'on  ne  pouvait 
pas  les  examiner  assez  aisément.  De-là  sont  survenus  dans 
les  inscriptions  suivantes  quelques  changemens  d'autres 
lettres  que  l'on  fera  remarquer.  En  effet  lira  était  le 
nom  du  père  de  Pittacus,  comme  nous  l'assurent  en  ter- 


ï4° 

KAIPON  TN&0I 
Pittacus  Hyrrhae  [jilius  ]  Mjtilenensis. 
Tempus  nosce. 


mes  fort  clairs  Suidas  et  Priscien ,  lesquels  disent  en 
même  temps  que  ce  sage  de  Metilène  s'appelait  aussi  Ir- 
radius y  nom  patronimique  Eolien  (  dialecte  en  usage  à 
Mytilène  sa  patrie  )  comme  fils  à' Irra.  Le  premier  de  ces 
écrivains  au  mot  Tppa,  a  :  Tppa  ftcuç  ô  Utrtamç 
çeal  Tppàiïtoç  ô  âvroç:  Pittacus  est  fils  dH  Irra  ,  et  lui» 
même  est  appelé  Irradius.  Priscien  ,  liv.  II 7  où  il  parle 
des  noms  patronimia  ues  ,  dit:  aâtoç  est  Aeolica  ,  ut  Hyr- 
rhadios  ,  Hyrrhae  jilius  ,  Pittacus.  D'après  cela  on  devait 
tirer  l'explication  de  ce  passage  d'Hesychius  dans  Tppa^ 
&LOÇ ,  où.  y  on  donne  à  ce  mot;  entre  autres  significations, 
celle-ci  Tppa  Tuaiôïov  Hyrrhae  filius  9  que  les  éditeurs  ont 
mal  distingue'  en  mettant  une  virgule  entre  les  deux 
mots;  alors  on  l'interprète  dans  un  autre  sens,  maigre' ce 
qu'avait  remarque'  à  ce  sujet  Palme'rius  ,  que  l'on  voit 
avoir  lu  et  entendu  le  passage  comme  il  convenait.  Irra 
fut  donc  le  père  de  Pittacus;  le  nom  (^Tppaç^  pouvant 
se  de'cliner  au  génitif  avec  deux  syllabes  Tppa  ,  et  avec 
trois  Yppaiïoç  ,  et  pouvant  même  en  tirer  l'autre  nomi- 
natif TppdiïffÇ  )  a  donne  lieu  au  nom  patronimique  Yppd- 
iïlOÇc.  Irradius  fils  d'Irra  ou  d'Irrade.  C'est  donc  par  er- 
reur qu'on  lit  dans  Laerce  que  le  père  de  Pittacus  s'ap- 
pela TpâdiïlOÇi  Irradius  7  et  par  cette  raison  on  devra 
lire  dans  le  second  vers  de  l'épigramme  de  Callimaque  , 
que  Laerce  nous  a  conservée  tfaÎda  TOV  TppdiïeQ  ,  et 
non  TppaiïtV  ,  comme  mal  à  propos  on  a  lu  jusqu'à  pré- 
sent. Ces  minuties  grammaticales  n'e'taient  point  à  négli- 
ger  dans  cette  occasion ,  quand  l'e'pigraphe  de  notre  mar- 
bre, qui  est  du  bon  temps,  confirme  pleinement  ce  que 
nous  apprennent,  sur  le  nom  en  question,  les  deux  écri- 
vains Suidas  et  Priscien  ,  quoique  beaucoup  postérieurs. 
k  ce  temps, 


i4* 

KAEOBOTAOS  AINAIOS 
METPON  APIZTON 
Cleobulus  Lindius. 
Modus  Optimus. 
Les  caractères  avec  lesquels  sont  écrits  les 
noms  et  les  autres  mots  (i),  sont  précisément  ceux 
que  l'on  trouve  plus  fréquemment  employés  sur 
les  hermès  des  hommes  illustres  d'un  travail  très- 
ancien.  Une  de  ses  qualités  particulière  qui  le 
fait  distinguer,  c'est  que  les  deux  élémens  ©  et 
O  sont  carrés  au  lieu  d'être  ronds.  On  voit  dans 
les  images  d'Ursinus  de  semblables  épigraphes. 

Les  marbres  qui  nous  restent  ayant  des  ins- 
criptions formaient  la  base  de  trois  autres  her- 
mès, l'une  a  la  moitié  antérieure  des  pieds  sculptée, 
de  manière  qu'elle  devait  être  hors  du  pilastre, 
précisément  comme  ils  paraissent  dans  les  ef- 
figies couvertes  de  bandes  d'or,  ou  dans  celle  de 
Diane  d'Ephèse  :  le  marbre  porte  le  nom  de 
Pindare  gravé  en  caractères  plus  ordinaires , 
avec  le  sigma  en  forme  de  croissant,  ainsi; 
niNAAPOC 
Pindarus 


(l)  Hypparque  fils  de  Pisistrate  fut  le  premier  quî  ima- 
gina d'écrire  des  sentences  morales  sur  les  hermès  (Meur- 
siu-s,  Au.  Lect.y  liv.  V,  ch.  VII  ).  Ce  fut  peut-être  alors 
qu'on  prit  l'usage  de  placer  sous  les  images  de  ces  sages 
anciens  qui  préparèrent  dans  la  Grèce  les  beaux  siècles 
de  la  philosophie  ;  leurs  sentences  les  plus  renommées  ? 
comme  pour  en  former  leur  emblênle  particulier. 


Le  nom  du  poëte  Bacchilide  est  écrit  avec  le 
même  caractère  ,  mais  au  génitif 
BAKXTATAOT  (i) 
Bacchylidis 
Celui  de  Phidiak  : 

OEIAÏAC 
Phidias. 

Je  regardais  comme  unique  l'image  de  ce  îrès«- 
célèbre  artiste  grec,  sculptée  en  forme  d'her- 
mès ,  si  je  ne  l'avais  pas  trouvée  dans  un  autre 
hermès  acéphale  d'Eubulée  fils  de  Praxitèle , 
aussi  l'un  des  plus  renommés  parmi  les  scul- 
pteurs de  la  Grèce ,  dont  le  nom  serait  resté 
ignoré,  sans  ce  fragment  très-remarquable  (2). 


(1)  Il  est  très-rare  de  trouver  les  noms  du  sujet  repré- 
senté sur  le  monument  ,  au  génitif,  particulièrement  dans 
les  objets  d'art  des  temps  les  olus  anciens.  Nous  ne  man- 
quons pas  cependant  d'exemples  dans  ce  cas  ?  et  quel- 
ques-uns ont  été  déjà  recueillis  par  M'cbele  Ardito,  sa- 
vant napolitain  ,  dans  son  érudite  ÏUustr azione  d  un  antico 
vaso,  publiée  a  Naples  cette  année. 

(2)  L'épigraphe  de  ce  marbre,  qui,  après  avoir  appar- 
tenu à  la  Villa  Negronî,  et  qu'on  trouve  décrit  dans  la  Roma 
moderna  de  Venuti  ,  est  actuellement  possédé  par  l'ha- 
bile sculpteur  M.  Carlo  Albaccini,  est  la  suivante  : 

EïBOïAEYC 
nPASITEAOïC 

Pausanias  parle  souvent  des  ouvrages  des  fils  de  Praxi- 
tèle, comme  provenant  d'excellens  maîtres.  Nous  pou- 
vons de  cette  seule  épigraphe  apprendre  le  nom  de  l'un 
d'eux  ;  Pline  nous  avait  déjà  informés  que  l'autre  était 
Céphisodore,  aussi  un  des  sculpteurs  les  plus  renommés 
(Ht.  XXXVI,  $  IV,  n.  6), 


ia- 
line circonstance  particulière  de  l'antiquité,  que 
nous  n'eussions  pas  soupçonnée  sans  de  telles 
preuves  ,  c'est  qu'on  rendait  aux  artistes  excel- 
lens  les  mêmes  honneurs  qu'aux  hommes  illus- 
tres dans  les  sciences  et  les  lettres  5  ce  qui  doit 
étonner,  particulièrement  après  avoir  lu  dans  le 
Songe  de  Lucien  avec  quel  mépris  les  littéra- 
teurs parlent  d<„s  arts  du  dessin  et  de  ceux  qui 
les  professaient. 

PLANCHE  XXIII, 
Bus 

C'est  pour  la  première  fois  que  nous  voyons 
dans  ce  huste,  unique,  et  d'une  manière  authen- 
tique, le  portrait  de  Bias ,  fameux  parmi  les  sa- 
ges, né  à  Priène  dans  l'Ionie,  et  qui  était  d'ori- 
gine Thébaine  :  il  est  bien  déterminé  par  l'épi- 
graphe suivante  qui  porte  son  nom,  et  la  sen- 
tence qui  lui  appartient: 

BIAS 
IlPHiNETS  [  sic  ] 
Bias  Prieneus 


*  On  le  trouva  dans  la  VHla  Tiburtine  de  Cassius  avec 
les  autres  ;  et  il  est  le  mieux  conserve.  Son  pilastre  est 
tout  entier  7  et  au-dessous  de  l'e'pigraphe  on  avait  scul- 
pte' les  parties  viriles.  Il  a  de  hauteur  jusqu'à  la  poitrine 
deux  palmes,  cinq  onces  :  il  est  en  marbre  pentelique.  Le 
souverain  pontife  en  fit  l'acquisition  de  feu  Domenico  de 
Àngeiis;  gentilhomme  Tiburtin  ,  en  même  temps  que  beau- 
coup d'autres  monumens  tirés  de  lei  même  fouille^ 


i44 

Elle  est  écrite  sur  le  pilastre  sous  la  poitrine, 
le  nom  de  son  père  étant   supprimé ,  comme 
dans  celui  de  Cléobule.  Plus  bas  est  sa  sentence 
01  nAEISTOI 
AN0P&ITOI 
KAKOI 
Plerique  hominum  mali  (i). 
Ce  véritable  apophtegme  pouvait  être  regardé 
comme  un  corollaire  de  cet  autre  de  Pittacus, 
un  des  sept  sages,  son  contemporain,  lequel  as- 
surait %aÀs7ròv  èaSXòv  sollevai ,  quii  était  diffi- 
cile de  pouvoir  être  un  homme  de  bien  (2). 

Ceux  qui  voudront  avoir  de  grandes  connais- 
sances sur  Bias ,  sur  ses  maximes  et  ses  écrits, 
s'il  en  a  existé,  recoureront  à  Laerce  et  a  Bru- 
cker  (5):  je  remarquerai  seulement  que  c'est 


(1)  Voyez  sur  ces  épigraphes  ce  quf  a  derjk  été'  remar- 
qué au  tome  T;  pl.  VIII,  p.  g5  7  (1)  et  suiv. 

(2)  Platon  dans  Protagoras  :  Laerce  ,  liv.  I ,  ch.  IV  , 
§  IV.  A  propos  du  mot  de  Bias  7  on  doit  remarquer  que 
quelques  anciens  interprètes  de  Térence  ,  parmi  lesquels 
est  Eugraphius  ,  avaient  cru  que  le  comique  latin  faisait 
allusion  à  cet  apophtegme  dans  le  commencement  du  pro- 
logue de  Y  Eunuque ,  par  l'expression  suivante  : 

Si  quisquam  est  qui  piacere  se  studeat  bonis 

Quant  plurimis 
comme  s'il  eut  dit  piacere  bonis  magis  7  o  potius  quant 
plurimis  7  voulant  entendre  par  ce  dernier  mot  les  mé- 
dians, selon  Bias.  Mais  cette  interprétations  est  fausse, 
et  bonis  quam  plurimis  reste  entièrement  unie ,  selon  la 
remarque  qu'ont  fait  les  critiques  modernes. 

(3)  Laerce,  liv.  I,  chap.  Vj  Brucker,  Hist.  Phil.,  Per.  I, 
par.  II,  liv.  I,  chap.  2,^7. 


i4  5 

mal  à  propos  qu'on  lit  son  nom  dans  le  cata- 
logue <Jes  écrivains  cités  par  les  auteurs  latins 
de  ref  rustica  9  lequel  a  été  composé  et  publié 
par  Fabricius  (i).  ' 

PLANCHE  XXIV. 
Hermès  double  de  Bias  et  de  Thalès  *. 

Le  portrait  de  Bias ,  assez  certain  par  la  com- 
paraison qu'on  en  peut  faire  avec  le  monument 
que  Ton  a  vu  ci-dessus ,  nous  donne  lieu  de 
conjecturer  à  qui  appartient  l'effigie  inconnue  qui 
est  jointe  à  lui. 

En  rappelant  les  observations  que  nous  avons 
faites  dans  le  discours  de  la  pl.  XX ,  il  me  sem- 
ble que  ce  soit  ici  l  image  de  Thalès.  Il  fut  non- 
seulement  un  des  sept  sages ,  mais  les  écrivains, 
en  voulant  assigner  à  quelqu'un  d'entre  eux  le  pre- 
mier rang,  furent  partagés  pour  Thalès  et  Bias  (2): 


(1)  Biblioth.  latina  remise  en  ordre  par  Erneste ,  1.  I, 
*  ch.  II  ,  page  4°  S  Columelle  dit,  dans  le  passage  cite'  icf, 

seulement  que  Monandre  et  Diodore  ,  écrivains  dont  il 
s'appuye,  e'tant  de  Priene  avaient  la  même  patrie  que 
Bias  l'un  des  sept  sages.  ( 

*  Celui-ci  fut  aussi  trouvé  dans  la  Villa  Fonseca  sur  le 
Celium  en  même  temps  que  celui  qui  est  ci-dessus ^  pl.  XX 
Il  est  en  marbre  penteìique,  haut  depuis  le  sommet  de 
la  tête,  y  compris  la  poitrine,  de  deux  palmes,  un  quarto 

(2)  Laerce ,  livre  1  ,  chapît.  i  ,  §  1  ,  dit  que  Thalès 
trpôroç  ao(pôç  ovofida^^ ,  fut  le  premier  qui  obtint  le 

Musée  Pie-Clém.  Vol,  Vi  10 


i46 

voici  donc  un  motif  pour  les  réunir  sans  que  cela 
fût  commun  aux  cinq  autres.  Mais  tous  deux  étaient 
compatriotes,  nés  également  dans  l'Ionie,  et  se- 
lon quelques-uns  ils  eurent  leur  origine  ancienne 
commune  (i):  ils  étaient  amis  (2) ,  et  enfin  se  trou- 
vaient joints  dans  la  liste  des  sept  sages  ,  tant  celle 
d'Hyppodote,  que  dans  celle  de  Dicéarqne  (3). 

Je  ne  me  suis  donc  pas  déterminé  trop -légère- 
ment ,  ou  à  ma  fantaisie,  pour  reconnaître  dans  ce 
portrait  ignoré  celui  de  ce  sage  si  célèbre ,  qui 
fut  le  premier  parmi  les  hommes  à  donner  à  la 
science  une  méthode ,  un  système  ,  et  qui  la  fit 
appeler  depuis  philosophie. 

Ce  portrait  est  nouveau  pour  les  antiquaires , 
car  les  images  que  nous  en  ont  jusqu'à  présent  donné 
les  iconoLogues  sont  reconnues  pour  apocriphes. 


titre  de  sage  ;  et  dans  le  ch.  Y;  §  1  ;  il  dit  au  contraire 
que  Bias  fut  regardé  par  Satjrus  comme  digne  d!  avoir  la 
prééminence  sur  les  autres  sages,  ^poKenpi^èvoç  rôv  évcrà 
Vito  TOV  Harvpv  \  il  rapporte  ensuite  au  §  "VI  un  pas- 
sage d'Heraclite  qui  dit  que  la  réputation  de  Bias  était 
plus  illustre  que  celle  des  autres,  oh  vtÀeiQP  AÓyoc, 
1QV  akkoL  L'opinion  commune  fut  cependant  en  faveur 
de  Thaïes. 

(1)  On  lit  dans  Laerce  ;  liv.  1  ;  ch.  "V,  §  n7  que  Bias 
descendait  d'une  famille  Thébaine,  et  ch.  1,  §  1,  il  ra- 
conte que  l'origine  de  Thaïes  dérivait  de  la  race  des  Tha- 
lides  qui  se  regardaient  comme  descendans  de  Cadmus. 

(2)  Voyez  la  lettre  de  Thaïes  à  Solon  dans  Laerce, 
même  endroit,  §  j6. 

(3)  Laerce  ;  même  lieu  9  §  1 4  3  Dice'arque  commençait 
son  catalogue  par  ces  deux  sages,  Thaïes  et  Bias. 


i47 

puisque  c'est  dans  ces  temps  modernes  qu'on  a 
ajouté  le  nom  grec  de  Thaïes  sur  le  marbre  qui 
a  servi  de  prototype  à  tous  les  portraits  supposés 
de  lui  (i). 

PLANCHE  XXV. 

PÉRIAINDRE  *. 

Voici  une  autre  effigie  que  nous  devons  abso- 
lument à  la  Tailla  de  Cassius,  sous  les  ruines  de 
laquelle  elle  s'est  conservée  avec  le  nom  et  l'apo- 
phtègme  qui  nous  l'ont  fait  connaître  pour  la  pre- 
mière fois.  11  est  à  remarquer  cependant,  que  tan- 
dis que  la  haine  contre  la  tyrannie  avait  fait  ex- 
clure par  beaucoup  d'écrivains  cePériandre,  qui 
fut  roi  et  tyran  ,  du  nombre  des  sept  sages  de  la 
Grèce,  son  image  eût  été  placée  néanmoins  parmi 
ces  hommes  illustres  ,  dans  le  Musée  même  d'un 
tyrannicide. 

On  ne  peut  pas  dire  que  ce  soit  ici  le  Périan- 
dre  d'Ambracie ,  que  quelques-uns  ont  voulu  met- 
tre à  la  place  du  roi  de  Corinthe  ;  l'épigraphe  qui 

\  

(i)  Lisez  la  preface  d'Ursinus  même  dans  l'édition  ro- 
maine de  ses  Imagines. 

*  Haut,  en  y  comprenant  la  poitrine,  de  deux  palmes, 
trois  onces,  en  marbre  pentcîique  L'hermès  est  rompu 
imme'diament  au-dessous  de  l'apophtegme.  Ou  le  trouva; 
comme  nous  l'avons  déjà  dit,  à  la  Villa  Cassius  de  Tivoli. 


*48 

indique  quel  était  son  père  et  son  pays ,  ne  laisse 
rien  à  douter: 

DEPIANAPOS 
KT^EAOï 
KOPIN0IOS 
Periarider 
Cjpseli  [Jilius  ] 
Corinthius. 

Son  mot  est  le  suivant  : 

MEAETH  IIAN 
Meditatio  est  totum 

axiome  très-vrai ,  qui  apprend  à  se  méfier  des  ta. 
lens  naturels  qu'on  ne  cultivé  pas  ,  et  à  ne  pas 
présumer  qu'on  puisse  jamais  retirer  quelque  louange 
de  tout  ce  qu'on  fait  sans  avoir  étudié  (i). 

Ce  portrait  une  fois  connu ,  je  crois  le  retrou- 
ver encore  dans  un  hermès  du  Capitole  inconnu 
jusqu'à  présent  (2)  et  qui  peut  être  le  même  que  l'on 
a  vu  chez  les  Cesi ,  qui  fut  publié  jadis  sans  nom 
dans  les  Imagini  d'Agostino  Veneziano  (5). 


(1)  Il  paraît  que  ce  commencement  a  e'té  rendu  plus 
clairement  en  latin  par  l'auteur  anonyme  d'une  épigramme 
qui  se  trouve  jointe  aux  poésies  de  Sidonius.  Il  dit,  en 
parlant  de  Përiandre  y 

llle  nihil  rerum  fieri  jubet  immeditatum. 
Ausone  et  Sidonius  l'ont  traduit  en  plusieurs  endroits 
toujours  avec  quelque  ambiguïté  \  comme  par  exemple  le 
premier  dans  ses  Sages  l'exprime  ainsi 

Meditationem  id  esse  totum  quod  géras. 

(2)  Tome  l,  Museo  Capitol,  pl.  XLIX. 

(3)  Imprimées  k  Rome  l'an  i56q}  in-4,  pl.  XXXIII.- 


H9 

Je  ne  m'écarterai  point  de  ma  méthode  ordinaire, 
pour  parler  ici  ,    des    maximes   ou  de   la  vie 
de  Périandre.  On  me  permettra  seulement  d'obser- 
ver que  c'est  peut-être  à  l'aversion  que  les  Grecs 
avaient  pour  le  gouvernement  d'un  seul  que  l'on 
a  dû  les  récits  de  ses  injustices  3  de  sa  cruauté  f 
qui  sont  consignés  dans  les  histoires.  Je  n'allégue- 
rai pas  que  ses  maximes  ,  que  ses  sentences  s'ac- 
cordent mal  avec  de  pareilles  inclinations ,  car  on 
trouve  dans  la  vie  des  exemples  trop  fréquens  de 
pareilles  contradictions  ;  mais  il  me  semble  que  ces 
récits  sont  contredits  par  l'épigramme  honorable 
des  Corinthiens  eux-mêmes,  lesquels  dors  qu'ils  la 
firent  graver  sur  son  cénotaphe,  n'étaient  pas  sou- 
mis à  un  de  ses  descendans  (i).  En  outre  la  lon- 
gueur de  son  règne  qui  dura  près  de  quarante 
ans,  dans  un  petit  état  plein  d'idées  démocratiques, 
ne  fait  pas  ajouter  beaucoup  de  foi  à  ces  accusa- 
tions de  tyrannie  qu'on  lui  a  adressées. 

PLANCHE  XXVI. 
Pytagore  *. 

Cette  image  est  bien  éloignée  d'avoir  la  même 
certitude  que  les  précédentes.  La  dénomination 


(i)  Laerce,  Ut.  I,  ch.  VII,  §  III. 
*  Hauteur  avec  la  poitrine  7  deux  palmes  y  un  quart  ; 
en  marbre  pentélique,  Il  fut  acheté  par  Tordre  du  Pontife*, 


i5o 

que  nous  lui  donnons  ,  n'est  pas  fondée  sur  autre 
chose  que  des  convenances  conjecturales.  Le  por- 
trait du  fondateur  très-célèbre  de  l'école  qui  a  pro- 
duit tant  de  grands  mathématiciens ,  et  de  sages 
législateurs,  nous  est  conservé  sur  quelques  mé- 
dailles de  Samos,  lesquelles,  en  outre  de  la  mé- 
diocrité du  travail,  nous  représentent  la  figure  en- 
tière de  Pythagore ,  de  sorte  qu'elle  n'offre  que 
très-peu  distincts  les  traits  du  visage  et  la  phy- 
sionomie (i).  Une  de  ces  médailles,  que  j'ai  vue, 
d'une  forme  moyenne ,  qui  avait  en  même  temps 
que  l'image  de  cet  homme  illustre,  son  nom  (2), 
m'a  paru  ressembler,  dans  l'ensemble  du  visage,  à 
la  tête  de  notre  hermès ,  et  avoir  comme  elle  les 
cheveux  ceints  d'un  diadème  ou  strophiwn. 

Cet  ornement  que  nous  avons  vu,  parmi  les 
effigies  des  philosophes  ,  orner  le  front  de  Platon 
a  été  souvent  accordé  à  quelques  hommes , 
qui ,  soit  à  cause  de  leur  génie  ,  ou  à  raison  de 
quelques  circonstances  merveilleuses,  furent  presque 


(1)  On  peut  les  voir  dans  les  écrits  des  iconologues  7 
ainsi  dans  Gronovius  (Thes.  antic.  Graec.  7  tome  II  ;  4°) 
et  ailleurs.  Dans  le  Musée  Capitolin  (tome  I,  pl.  XXXII) 
on  a  donné  le  nom  de  Pytagore  à  un  hermès  d'un  homme 
maigre  et  d'une  physionomie  si  dépourvue  de  dignité, 
qu'il  correspond  mal  à  tout  ce  que  nous  ont  dit  de  la 
figure  de  Pythagore ,  Jamhlicus  ;  Porphyre  et  Laerce. 

(rj)  Il  est  chez  M.  Onorato  Caetani  ;  dont  il  a  été  déjà 
parlé  dans  cet  ouvrage.  Je  dois  à  la  complaisance  de  cet 
amateur  de  pouvoir  en  donner  un  dessin  a  la  fin  de  ce 
volume. 


regardes  comme  des  êtres  divins.  Il  ne  convenait 
par  ces  motifs  à  personne  mieux  qu'à  Pythagore, 
que  ses  disciples  estimaient  être  un  nouvel  Apol- 
lon ,  dont  la  naissance  avait  été  prédite  par  la  Py- 
thie y  enfin  dont  Fame  était  mise  au-dessus  de  tou- 
tes les  autres ,  comme  d'une  essence  divine ,  à 
cause  du  souvenir  surnaturel  qu'il  avait  de  ses  di- 
verses transmigrations.  Lui-même  qui  n'était  pas 
étranger  à  une  telle  imposture  ,  qu'il  savait  bien 
être  un  moyen  plus  efficace  de  commander  à  F  o* 
pinion  ,  cherchait  à  affecter  dans  sa  parure  une 
certaine  apparence  qui  le  fit  croire  un  objet  sa- 
cré ,  au-dessus  de  l'homme ,  ayant  soin  d'être  tou- 
jours vêtu  d'habillemens  blancs  ,  et  de  placer  sur 
son  front  un  diadème  doré  (i).  Son  air  extrême- 
ment vénérable,  et  très-agréable,  malgré  ses  doc- 
trines austères  et  ses  cinquante  six  ans,  étant  re- 
haussé par  une  parure  aussi  recherchée,  lui  atta- 
chait Famour  des  assistans  (2).  Ces  diverses  cir- 
constances quadrent  fort  bien  avec  l'effigie  pré- 
sente, laquelle  peut  plus  que  toute  autre,  con- 
nue jusqu'ici ,  soutenir  dignement  ce  nom  (5). 


(1)  Élien  }  Var.  hi  s  t.,  XH;  chap.  52. 

('2)  Yoyez  les  auteurs  cites  par  Brucker  ;  Hist.  philos. . 
Per.  I,  par.  II ?  liv.  II,  chap.  10  ;  §  11. 

(5;  Dans  la  petite  collection  du  Vatican  de  Clément  XI 
on  avait  donne  le  nom  de  Pythagore  à  un  hermès  orné 
du  diadème,  comme  celui-ci,  d'où  il  parut  à  M.  Bianchi  ? 
qui  dirigeait  cette  collection,  qu'on  n'avait  pas  connu  ure 
médaille  semblable  à  celle  dont  nous  avons  parle  il  y 
a  peu.   Le  dégât  qu'a  souffert  la   surface   du  marbre 


PLANCHE  XXVIL 


Sophocle  *. 

Nous  trouvons  conservée ,  quoiqu*  il  manque 
une  partie  ,  l'épigraphe  grecque  sur  ce  petit  buste. 
11  en  reste  cependant  assez  pour  suppléer  facile- 
ment au  commencement  perdu,  et  pouvoir  y  lire 
le  nom  du  prince  de  la  tragédie  grecque.  Les  let* 
très 

.  .  .  4>OKAHC 
sont  clairement  un  reste  du  nom 
CO^OKAHG 
Sophocles. 

Car  si  on  voulait  en  imaginer  un  autre  en  se 
servant  de  la  même  désinence,  pour  élever  des  dou- 
tes contre  ce  portrait  authentique  du  sublime  tra- 
gique d'Athènes  ,  la  ressemblance  qu'a  cette  tête 
avec  l'image  du  bouclier  de  la  collection  Farnèse, 
où  se  trouve  son  nom,  avec  le  diadème  qui  en- 
veloppe comme  ici  ses  cheveux ,  tout  cela  détrui- 
rait V  incertitude  (  i  ).  Le  diadème  ,  comme  nous 


ne  laisse  pas  assez  distinguer  les  formes  du  visage.  Cet 
hennés  est  à  présent  sous  le  portique  du  Muse'e  Pi  e -Cle- 
menti!!. 

*  Hauteur,  avec  la  poitrine,  une  palme ,  trois  onces  et 
demie.  Il  est  en  marbre  de  Luni.  On  le  trouva  dans  les 
fouilles  faites  dans  les  jardins  Carpi  y  aujourd'hui  des  Men- 
dicanti, au  temple  de  la  Paix.  Il  fut  achete'  par  ordre  du 
Souverain  Pontife  avec  d'autres  monumens  découverts  dans 
la  même  fouille  ,  et  que  nous  avons  indique's  tome  pre- 
mier ,  pl.  IX. 

(i)  Fabrlj  Imag^  n.  56,  Bellori  U  donne  sans  diadème, 


i55 

Tarons  fait  remarquer,  donné  à  des  personnages 
qui  n'appartiennent  pas  au  trône ,  est  comme  un 
symbole  d'apothéose  ;  et  quoiqu'il  puisse  être  donné 
à  tout  poëte  excellent,  auquel  l'admiration  des 
peuples  a  fait  attribuer  les  titres  de  sacrés  ou  de 
divins  esprits,  cependant  il  est  plus  particulièrement 
dû  à  quelques-uns  lorsque  des  événemens  de  leur 
vie,  ou  les  honneurs  du  tombeau  et  leur  mémoire 
le  leur  a  rendu  tout-à-fait  convenable.  Peu  de  poè- 
tes pouvaient  plus  que  Sophocle  prétendre  à  un 
semblable  ornement,  lui  que  l'on  crut,  à  cause  de 
son  talent,  digne  de  converser  pendant  sa  vie  avec 
les  Dieux  mêmes  (i),  et  de  qui  on  raconta  après  sa 
mort  que  Bacchus,  le  Dieu  tutélaire  des  poètes  dra- 
matiques ,  apparut  au  commandant  des  Lacédé- 
moniens  qui  assiégeaient  Athènes,  pour  lui  ordon- 
ner de  rendre  des  honneurs  funèbres  et  héroïques 
à  feu  Sophocle,  la  Syrène  nouvelle  de  la  poesie 
grecque  (2). 

Cela  serait  suffisant  pour  la  dénomination  de 
l'effigie  et  pour  ses  particularités,  mais  il  est  né- 

et  après  lui  Gronovius  (  Thés,  antic.  Graec.  7  tome  II } 
62  );  mais  il  est  dans  l'original. 

(1)  Plutarque  dans  la  \7ie  de  Numa  dit  quEsculape  lui- 
même  fut  visiblement  l'hôte  de  Sophocle  ,  pendant  la 
vie  de  celui-ci ,  et  que  de  son  temps  il  y  avait  encore 
des  preuves  de  cette  merveilleuse  aventure. 

(2)  Pausanias ,  Attica  y  ou  liv.  I  ;  ch.  2 1  ;  Pline ,  liv.  VII  ; 
§  3o:  Sophoclem,  tragici  cothurni  principerai ,  defunctum 
sepeliri  Liber  pater  iussit ,  obsidentibus  moenia  Lace- 
daemoniis  :  Lisandro  eorum  rege  in  quiete  saepe  admo- 
nito  }  ut  pateretur  humari  delicias  suas. 


i54 

cessaire  de  faire  remarquer  aux  observateurs  que 
le  portrait  que  l'on  a  jusqu'à  présent  désigné  dans 
les  collections  de  sculptures  antiques  pour  Pin- 
dare  ,  est  évidemment  le  même  que  celui-ci  ;  que 
par  conséquent  on  doit  regarder  comme  fausse 
cette  dénomination  ,  et  de  même  l'épigraphe  qui 
Ta  fait  prendre  pour  un  Pindare  dans  les  marbres 
Capitolins ,  et  dont  s'étaient  déjà  douté  les  cu- 
rieux plus  éclairés ,  même  avant  que  la  chose  pût 
être  décidée  par  la  confrontation  avec  notre  mo- 
nument (i). 

L'image  de  Sophocle  qui  est  sur  le  petit  bou- 
clier du  Musée  Farnèse  n'avait  pas  été  suffisante 
pour    prouver  la  fausseté  de  la  dénomination  de 
l'hermès  du  Capitole ,  et  cela  par  plusieurs  mo- 
tifs: parce  que  l'image  de  Sophocle  dans  ce  mar- 
bre d'une  petite  dimension  n'est  pas  aussi  claire- 
ment exprimée  que  dans  le  nôtre ,  et  qu'en  ou- 
tre elle  est  un  peu  rongée;  parce  que  les  gravu- 
res qu'on  en  a  fait  étaient  peu  fidèles  ,  excepté 
celle  gravée  par  Galleus  pour  les  imagines  illustrium 
virorum  de  Fabri:  parce  qu'enfin  le  marbre  original 
inconnu  des  antiquaires  et  des  curieux,  était  couché 
dans  une  armoire  du  palais  Farnèse  à  la  Lungara. 
À  présent  que  l'on  reconnaît  pour  Sophocle  l'image 
que  l'on  avait  jusqu'alors  crue  un  Pindare,  et  qu'on  la 
retrouve  dans  plusieurs  Musées ,  on  cessera  d'être 
surpris  pourquoi  les  figures  d'Euripide   étant  si 


(t)  Museo  Capitolino,  tome  ï  ,  n.  38.  Cotte  image  a 
éité  communément  réputée  pour  un  Pindare. 


i55 

communes ,  celles  de  l'autre  poëte  tragique  son 
contemporain  ,  et  qu'on  lui  préferait  dans  l'ancienne 
littérature ,  étaient  aussi  rares. 

PLANCHE  XXVIII. 
§  i- 

Euripide  *. 

Nous  ajoutons  au  portrait  de  Sophocle  répré- 
senté dans  la  gravure  précédente  ,  dans  cette  plan- 
che les  deux  images  d'Euripide  et  de  Socrate  dans 
le  même  ordre  que  l'Oracle  de  Delphes  les  avait 
annoncés,  en  donnant  au  premier,  c'est-à-dire  a 
Sophocle,  le  titre  de  Sage;  à  Euripide  celui  de  plus 
Sage;  et  au  dernier  celui  de  très-Sage  (i). 

On  trouve  très-fréquemment  des  images  d'Eu- 
ripide parmi  celles  des  hommes  illustres.  Peut-être 
que  la  morale  répandue  dans  ses  écrits  lui  fit 
chez  les  Romains  obtenir  la  préférence   sur  So- 


*  Hauteur  deux  palmes  ,  un  tiers;  il  est  en  marbre 
pente'lique.  Le  masque  seul  est  antique  jusqu'à  la  lèvre 
supérieure;  le  reste  a  été  restaure'  d'après  les  antres  por- 
traits de  ce  tragique.  Il  e'tait  autrefois  chez  le  sculpteur 
Carlo  Albaccini.  Le  Souverain  Pontife  en  fit  faire  l'acqui- 
sition. 

(i)  Suidas,  v.  ao(pôç: 

liOpoç  ZopoxùtfÇ)  aocpQTSpoç      T&vpwiiïqç , 
'AviïpQV  èy  â<jvàvTG)V  IiQ^pdr^ç  (xopcjtaroç. 
On  lira  sur  les  doutes  bien  fondés  de  la  vérité  de  cet  ora- 
cle ;  d'ailleurs  très-ancien  }  des  idées  d'une  critique  excel- 
lente dans  Brucker,  Hisp.  PMI.  Period.  I;  liv.  II  eli.  %}  §  5. 


ï56 

phocle,  bien  que  celui-ci  eût  mis  plus  d'art  dans  ses 
scènes,  et  eût  un  style  plus  pur  (i). 

Un  hermès  de  la  collection  Farnèse  rend ,  par 
le  nom  grec  qu'on  y  lit,  cette  image  plus  cer- 
taine 9  et  il  eut  du  la  faire  reconnaître  dans  les 
trois  têtes  du  Capitole  qu'on  a  désignées  sans  rai- 
son pour  un  Hésiode  (2). 

Supplément  de  V auteur. 

J'ai  eu  trop  tard ,  pour  pouvoir  en  parler  à  sa 
place  ,  la  connaissance  d  un  rare  monument  du  Mu- 
sée Borgia  à  Velletri ,  lequel  m'a  été  communiqué 
par  le  savant  cardinal  de  ce  nom,  mais  elle  m'est 
venue  assez  à  temps  cependant  pour  l'ajouter  ici 
à  présent.  C'est  un  hermès  double,  comme  les  nô- 
tres des  planches  XX  et  XXIV ,  dont  les  têtes 
sont  pourtant  endommagées,  mais  dont  les  inscrip- 
tions grecques  ,  écrites  sur  les  deux  faces ,  sont 
très-curieuses  ;  on  les  lit  ainsi: 

COAOiN  eEHRGCTIAOï 
A0HNAIOC  COOOC 

sic 

CYPGininiAHC  •  WH  .  .  APXIAO  . 
..AAAMcriNÏoC  TPAr  .  .  .  . 
ÏIOIHTHC 


(1)  La  petite  statue  d'Euripi  le  thjrrsigera,  avec  la  note 
de  ses  drames  dans  le  marbre  qui  est  derrière  ,  mérite 
d'être  remarque':  elle  est  rapportée  dans  les  Monum.  inéd. 
de  Winckelmann  y  n.  168. 

(2)  Museo  Capitol  /  tome  I ,  pl.  XLIV. 


«57 

Solon  Execestidae  [Jilîus'} 
jitheniensis  Sapiens 
Euripides  Mnesarchidae  [Jilius  ] 
Salaminius  Tragoediarum  x 
Poeta. 

Outre  le  nom  du  père  d'Euripide,  qui  est  Mne- 
Sûrchides,  et  non  pas  Mnesarcus,  comme  quel- 
ques-uns l'ont  écrit ,  ce  monument  est  encore  re- 
marquable par  l'union  de  deux  hommes  illustres, 
Solon  et  Euripide ,  qui  eurent  pour  commune  pa- 
trie l'île  de  Salamine.  Cela  confirme  ce  que  nous 
avons  avancé  dans  nos  conjectures  sur  les  motifs 
qui  ont  fait  unir  ensemble  les  portraits  de  tels 
hommes ,  lorsque  nous  avons  parlé  des  têtes  ados- 
sées de  Bias  et  Thalès,  tous  deux  de  l'Ionie  Asia- 
tique. Solon ,  que  l'on  sait  parfaitement  être  né 
à  Salamine,  est  appelé  ici  Athénien,  comme  ci- 
toyen d'Athènes,  dont  Salamine  était  regardée  com- 
me un  bourg,  Pagus  ou  Demo,  et  en  qualité  de  lé- 
gislateur de  cette  célèbre  république;  mais  en  parlant 
d'Euripide,  qui  par  les  mêmes  raisons  pouvait  aussi 
être  appelé  Athénien,  on  a  précisément  indiqué  Sala- 
mine comme  sa  patrie,  afin  de  faire  connaître  ce  rap- 
port particulier  avec  Solon  ,  rapport  qui  peut-être 
a  donné  lieu  à  ce  qu'on  les  réunit  tous  deux  dans 
cet  hermès.  Indépendamment  de  cela ,  Euripide 
n'était  pas  si  exclusivement  poëte,  qu'il  ne  put 
tenir  un  rang  parmi  les  sages,-  et  d'ailleurs  ,  So- 
lon était  de  tous  ces  sages,  celui  qui  était  le  plus 
poëte. 


i58 


S  * 

Socrate  *é 

Ce  portrait  que  Ton  trouve  si  fréquemment ,  et 
sa  correspondance  si  exacte  à  cette  physionomie 
de  Socrate  que  les  anciens  nous  ont  dépeinte  , 
n'avait  pas  besoin  d'autre  chose  pour  qu'on  lui 
donnât  sa  vraie  dénomination  ,  quand  même  nous 
n'eussions  pas  eu  les  hermès  avec  son  nom  qui 
nous  en  donnent  une  preuve  plus  évidente  (i). 
L'un  de  ces  hermès  est  de  la  collection  Farnèse  ; 


*  Hauteur  deux  palmes,  un  tiers;  il  est  en  marbre  grec; 
on  le  trouva  dans  les  fouilles  de  Roma-vecchia,  ordonnées 
par  le  Souverain  Pontife.  On  le  voit  rapporte'  sur  un  her- 
mès acéphale  qui  était  dans  la  Villa  Negroni  ;  qui  porte 
en  écrit  sur  le  pilastre  le  nom  de  Socrate. 

(i)  Le  nez  écrasé  de  Socrate,  ses  yeux  proéminens,  la  tête 
chauve ,  sont  connus  avec  tant  d'évidence,  que  c'est  en- 
vain  que  Fabricius  a  essayé  (Bibliot.  Gr.  ,  liv.  U,  c  35, 
§  3o  )  d'élever  des  doutes  sur  la  caricature  de  ce  sage , 
qui  pouvait,  malgré  cela,  avoir  une  physionomie  peu  in- 
grate et  même  intéressante.  V.  Brucker,  1.  c,  §  3  La  res- 
semblance de  la  figure  de  Socrate  avec  les  Silènes,  que 
les  anciens  avaient  déjà  reconnue,  a  été  cause  que  Jean 
Chifflet  a  pris,  dans  un  opuscule  intitulé  Socrates 7  pour 
des  images  allégoriques  de  ce  philosophe  quelques  mas- 
ques de  Silènes  et  de  différens  symboles  mêlés  avec  des 
caprices  ,  que  nous  connaissons  a.  présent  sous  le  nom 
de  chimères,  et  que  dans  l'antiquité  on  appelait  grilli.  Les 
masques  dont  on  faisait  usage  dans  les  Bacchanales,  et  grou- 
pés avec  d'autres  ornemens  ou  ustensiles  ,  ont  donné  lieu  ; 
à  ce  qu'il  paraît  ;  k  ces  jeux  de  fantaisie. 


1% 

il  a,  outre  le  nom  de  ce  philosophe,  une  épigra- 
phe grecque  très-remarquable  sur  le  pilastre:  comme 
elle  n'a  pas  été  publiée,  j'ai  cru  à  propos  de  la 
donner  ici  en  note  (i). 

Il  y  a  plusieurs  hermès  de  Socrate  dans  la  col- 
lection Pie-Clémentine.  Le  nom  qui  se  lit  sur  un 
d'eux  est  celui-ci  : 

CtfKPÀTHC 

il  est  original ,  mais  cet  hermès  est  Acéphale  ,  et 
la  tête  qu'on  voit  dessus  à  présent ,  y  a  été  pla- 
cée récemment,  et  aussi  fort  à  propos. 


(i)  ErûOïNïNlïPû 

TONAAAAKAIAEITOI 
OïTOSOlOSTûN 
EMûNMHAENlAA 
AûinEÎ0E£  .  .  .  . 
HTûIAOrûIOSAN 
MOI  ....  ZOME 
N&IBEATI2TOS 
«MINHTAI 

'ÌLyò  ov  vvv  upoTOV ,  âWk  Hai  del  roiovroç ,  oioç 

(ioi  è^era^o^évQ  fféÀTMrTOç  (palperai. 

Que  l'on  peut  traduire  ainsi  en  latin  : 

IS/on  ego  ab  hoc  primum  tempore  sed  ita  semper  me  ha- 

bui y  ut  nulli  meorum  auscultar em  mugis  quant  ragioni  , 

qua.ecum.que  conieclanti  mihi  potissima  videretur. 

Cet  axiome  contraire  ala  secte  philosophique  était  peut- 
être  attribue  à  notre  philosophe  dans  les  écrits  de  quel- 
que disciple  de  Socrate  f  je  n'ai  pu  m' assurer  si  cela  s'y 
trouve  )  7  et  par  cette  raison  un  amateur  de  là  philoso- 
phie Eclectique  l'aura  fait  graver  sous  son  hermès ,  nul- 
lius  addictus  juTare  in  verba  magistri. 


i6o 

PLANCHE  XXIX. 

PÉRICLES  *• 

Le  portrait  de  cet  illustre  Athénien ,  célèbre  au- 
tant dans  l'histoire  civile  de  sa  patrie ,  que  dans 
celle  des  lettres  et  des  beaux-arts,  a  été  trouvé  dans 
les  fouilles  que  notre  Souverain  Pontife  a  fait  faire , 
à  ses  dépens ,  dans  les  collines  Tyburtines ,  à  l'en- 
droit où  l'on  soupçonne  qu'était  anciennement  la 
campagne  de  Cassius  ;  et  cette  découverte  eut  lieu 
encore  lorsqu'on  croyait  avoir  épuisé  les  richesses  de 
cet  endroit,  après  tout  ce  qui  en  avait  été  tiré 
heureusement  par  des  particuliers.  Deux  hermès 
de  Périclès  furent  mis  au  jour  en  même  temps. 
Le  premier  et  le  plus  remarquable ,  tant  sous  le 
rapport  de  l'art  que  par  sa  conservation,  est  ce- 
lui qui  représente  la  gravure         et  il  a  sur  son 


*  Hauteur,  depuis  le  sommet  du  casque  jusqu'au-ba$ 
de  la  poitrine,  deux  palmes,  trois  quarts.  On  le  trouva  près 
de  Tivoli  dans  la  fouille,  dont  nous  avons  déjà  parle',  de 
la  Pianella  de  Cassius ,  qu'on  a  continuée  aux  dépens 
du  Souverain  Pontife  après  que  beaucoup  d'autres  y  avaient 
déterré  tant  de  monumens  que  nous  avons  indiqués  à 
leur  place.  L'hermès  est  de  marbre  pente'lique  ou  Cipolin. 

(i)  On  donna  l'autre  à  M.  Gavino  Hamilton  en  échange 
des  hermès  doubles  publiés  dans  les  planches  XX  et  XXIV. 
Celui-ci  passa  en  Angleterre  dans  la  belle  et  riche  collection 
du  chev.  Townlev,  et  il  fut  publié  à  Londres  l'an  1787, 
à  la  fin  du  chapitre  V  du  tome  II  du  bel  ouvrage  de 
Stuart  Anticjuities  of  Athens.  Le  portrait  est  couvert  d'un 
casque,  et  en  tout  semblable  au  nôtre;  on  voit  l'épigra- 


i6i 

pilastre  l'ancienne  inscription  du  même  caractère 


plie  sur  sa  poitrine,  mais  d'une  seule  ligne,  et  ne  con- 
tenant que  son  nom 

I1EPIKAH2. 

Un  troisième  hermès  de  Périclès  sans  inscription,  jusqu'alors 
inconnu,  mais  qui  est  devenu  certain  par   cette  décou- 
verte ;  existait  déjà  dans  une  campagne  à  Rome  ;  on  ne 
l'y  voit  plus  à  présent.  Il  me  semble  que  c'est  ici  le  mo- 
ment de  faire  observer  au  lecteur,  que  l'on  trouve  très* 
fréquemment  dans  les  fouilles,  en  cherchant  des  antiqui- 
tés ,  des  morceaux  répétés,  comme  nous  avons  dit  que 
cela  arriva  des  hermès  de  Périclès.  La  Villa  Adrienne  nous 
en  a  offert  des  exemples  infiniment  remarquables.  On  y 
découvrit  l'année  dernière  ,  dans  le  lieu  occupé  par  la  Villa 
Fede,  deux  statues  semblables,  toutes  deux  copiées  d'a- 
près le  Discobule  de  Miron  :  l'une  fut  achetée  par  le 
Souverain  Pontife,  l'autre  par  M.  Jenkins.  Deux  autels 
triangulaires  absolument  pareils  dans  leurs  bas-reliefs,  re- 
présentans  trois  Génies  de  Mars,  avec  le  casque,  l'épée  et 
le  bouclier  du  Dieu ,   avant  été  trouvés  dans  le  même 
lieu,  eurent  le  même  sort.  Nous  ferons  remarquer  qu'il 
y  en  a  un   troisième,  conforme  en  tout,  dans  le  Musée 
Kiiker  'y  il  fut  trouvé  aussi  dans  les  ruines  Tiburtines  de 
cette  maison  de  campagne  impériale.  Dans  la  fouille  faite 
à  Colombaro  sur  la  voie  Appia ,  dont  il  a  été  parlé  dans 
le  discours,  pl.  XV,  on  trouva  deux  statues  qui  étaient 
des  répétitions  du  Mercure  appelé  F  Antinous  du  Belvé- 
dère, publié   pl.   VII    de  notre   tome   I  ;   elles  étaient 
extrêmement  ressemblantes,  excepté  que  l'une  d'elles  était, 
comme  cela  arrive  ordinairement,  d'une  exécution  plus  re- 
cherchée. On  a  trouvé  ,  dans  les  fouilles  actuellement  ou- 
vertes  de  Roma -vecchia  ,  trois  enfans  re  présentés  étran- 
glant un  canard  3  tous  trois  sont  parfaitement  semblables 
à  celui  du  Musée  Capitolin  (tornelli,  pl.  LXIV  ) ,  mais 
le  travail  n'est  pas  en  tous  d'un  égal  mérite.  On  doit  peu- 

Musée  Pie-Clém.  Vol.  VI.  u 


1Ô2 

carré ,  que  nous  avons  vu  employé  dans  celles  des 
sept  sages  -?  elle  est  ainsi  : 

ITEPIRAHS 
SANGinnOï 
A0HNAIOZ 
Pericles 
Xanthippi  [Jilius  j 
Atheniensis. 

Le  travail  de  la  tête  est  plus  achevé  et  déli- 
cat qu'on  ne  le  voit  ordinairement  aux  hermès  de 
portraits  d'hommes  illustres,  et  la  nohle  simplicité 
de  l'art  grec  se  fait  voir  entièrement  dans  1  nuage 
de  ce  grand  homme  qui  exerça  si  bien  le  talent 
de  Phidias  et  d'Ictinus  ,  et  auquel  est  due  la  pre- 


ser  la  même  chose  de  la  plus  grande  partie  de  ces  simu- 
lacres doubles   qui  se  trouvent  ,  et  qu'on  voyait,  encore 
plus  auparavant  ,   dans  les  collections  ,  comme  les  deux 
autres  Mercures  semblables  à  celui  du  Vatican,  dit  F  An- 
tinous, dont  nous  avons  parle,  lesquels  étaient  à  la  Villa 
Matthei  }   les  deux  Hercules  Farnese  qui  ont  de  légères 
différences  dans  la  composition,  et  égaux  de  proportion; 
les  deux  Muses  du  palais  Lancellotti,  Tune  desquelles  est 
à  présent  au  Musée  Pie-Clémentin  ,  publiée  dans  notre 
tome  I7  pl.  XVII,  p.  176.   On  peut  en  dire  autant  de 
tant  d'autres  monumens  que  les  procès  verbaux  des  fouil- 
les nous  apprennent  avoir  été  trouvés  doubles.  Il  paraît 
que  les  anciens  Romains  aimaient  l'Euriîhmie  ,  ou  ,  comme 
nous  le  disons  la  svmétrie,  au  point  de  répéter,  dans  des 
places  correspondantes,  le  même  simulacre,  sans  même  eu 
varier  l'action  de  droite  à  gauche;  par-là  ils  obtenaient 
l'avantage  de  voir  tout  ensemble,  et  du  même  coup-d'œil, 
la  même  figure  sur  deux  côtés  opposés. 


i6i 

mière  epoque  ,  et  sans  doute  la  plus  brillante,  de 
la  perfection  et  de  l'éclat  des  beaux-arts.  Quel- 
ques-uns ont  pensé  que  le  surnom  d'Olympien, 
que  lui  accordèrent  ses  contemporains ,  se  rappor- 
tait moins  au  bonheur  de  ses  entreprises  dans  la 
guerre  et  dans  la  paix  ,  ou  à  la  force  de  son  élo- 
quence foudroyante  ,  qu'à  la  magnificence  et  au 
grandiose  des  édifices  dont  il  embellit  Athènes  et 
toute  la  Grèce  ,  sur  laquelle  il  fixa  ainsi  l'admi- 
ration de  tous  les  siècles  (1).  Il  semble  que  cette 
opinion  soit  appuyée ,  en  voyant  que  les  Grecs 
donnèrent  le  même  surnom  à  l'empereur  Adrien  (2), 
dont  toutes  les  pensées  furent  dirigées  vers  la  paix^ 
mais  qui  prit  à  tâche  d'embellir  l'empire  romain 
par  de  somptueux  édifices ,  et  surtout  Athènes , 
plus  que  toute  autre  ville  ,  en  perfectionnant  le 
grand  temple  de  Jupiter ,  pour  rivaliser  le  Pai  thé- 
non  et  les  Propylées  de  Périclès,  d'où  il  obtint  dans 
cette  ville  le  titre  de  nouveau  fondateur. 

Périclès  est  dans  notre  sculpture  tout  couvert  d'un 
casque  ,  comme  Plutarque  nous  apprend  qu'il  fut 
représenté  par  les  sculpteurs ,  qui  cherchèrent  ainsi 
à  cacher  la  difformité  de  sa  tête  }  extraordinaire- 


(i)  Plutarque  dans  Périclès,  t.  ï;  page  544;  ec^-  Btyanù 
nai  roi  imèç  aitò  tôp  oïç  skóo'^o'c  tj^v  móàiv  .  «  . 

9OM(imov  âvrov  oiovrai  ^pomfopev^i}vai:  Quelques- 
uns  pré  tendent  que  le  nom  d'Olympien  lui  fut  donné  à 
cause  des  embellissemens  qu'il  fit  dans  la  ville, 

('i)  Spanh. ,  de  usu  et  prassi,  num,  P  toni.  Il^diss.  Xîl; 
§  i5  )  Buonarroti ,  Medaglioni,  p.  017. 


i64 

ment  grande  et  dilatée  vers  l'occiput  (i),  le  seul 
défaut  de  toute  sa  personne  ,  car  il  égalait  dans 
tout  le  reste  les  agrémens  qu'avait  Pisistrate  ,  dont 
il  rappelait  toutes  les  formes  par  une  grande  res- 
semblance. 

PLANCHE  XXX. 

As  P  ASIE  *• 

Ce  fut  un  hazard  bien  heureux  et  bien  singu- 
lier aussi,  que  celui  qui  fit  tirer  pour  la  première 
fois  deux  portraits  jusqu'alors  inconnus,  d'Aspasie 
et  de  Périclès ,  de  fouilles  faites  dans  des  lieux 
très-différens  et  même  fort  éloignés  l'un  de  l'au- 
tre ,  pour  venir  enrichir  le  Musée  Pie-Clémentin. 

(i)  Plutar. ,  même  lieu,  p.  55g  :  Ta  (Jbh  aXka  ri?V  ïdèav 
tov  aôfxmoç  ufxefjbftlov ,  'urpo^Kfi  dè  ri?7>  m(paJkyiv 
irai  â<yv(Jb{i£Tpov.  o^ev  al  (lèv  sIkovsç  dvrov  cr%edòv 
artaaai  Kpâve<n  vtepié portai ,  ^'skoybkvQV ,  ôç  eoi~ 
7C€j  T&P  Te^VlTOV  èt,OVeidt&lV  :  il  n'avait  aucun  défaut 
dans  la  figure  ,  si  non  sa  tête  qui  était  un  peu  alongée  et 
disproportionnée  :  c'est  pour  cela  que  presque  toutes  ses 
images  sont  représentées  avec  un  casque  ,  parce  que  les 
artistes }  à  ce  qu'il  paraît }  voulaient  qu'on  n'aperçût  pas 
ce  défaut. 

*  Tout  riiermès  a  de  hauteur  jusqu'à  la  base  sept 
palmes  7  trois  quarts,  dans  la  même  proportion  où  on  le 
voit  grave'  sous  deux  aspects.  Il  est  de  marbre  penteli- 
que.  On  le  trouva  dans  les  fouilles  7  dont  il  a  e'te'  sou- 
vent question  ,  faites  à  Castronovo 7  ou  de  la  Chiaruccia 
au  bord  de  la  mer,  a  peu  de  distance  de  Civitavecchia; 
d'après  les  ordres  de  S.  S. 


i65 

Cette  femme  si  célèbre ,  qui,  élevée  dans  un  cli- 
mat de  l'Asie  et  avec  des  mœurs  délicates,  fut  la 
première  à  porter  dans  la  Grèce  libre  cette  élo~ 
quence  savante  et  perfectionnée  par  l'étude  ,  que 
Périclès  apprit  d'elle,  que  Socrate  admira,  et  que 
les  hommes  à  talent  d'Athènes  portèrent  ensuite 
au  plus  haut  degré  de  perfection  ;  dut  cependant 
tous  ces  avantages  estimables  à  l'émulation  que  lui 
inspira  une  autre  femme  fameuse,  Targélie  de  Mi- 
let ,  sa  compatriote,  laquelle  était  parvenue  parles 
mêmes  moyens  à  acquérir  un  certain  pouvoir  dans 
la  cour  des  Satrapes  qui  gouvernaient  au  nom  du 
grand  roi  les  villes  grecques  de  l'Asie  (i). 

La  médiocrité  du  travail  ne  fait  pas  valoir  dans 
cette  image  les  agrémens  naturels  de  la  figure 
d'Aspasie,  qui  contribuèrent  à  rendre  ses  talens  si 
brilians  ,  et  l'on  ne  peut  en  effet  en  apercevoir 
que  très-peu  dans  une  sculpture  qui  ne  nous  re- 
présente ni  la  délicatesse  d'one  belle  carnation ,  ni  la 
vivacité  des  yeux.  On  découvre  cependant  dans  cet 
hermès  des  formes  assez  régulières  ,  et  une  phy- 
sionomie expressive.  La  tête  est  couverte  d'un  voile ? 


(i)  On  consultera  là-dessus  Plut  arque  7  v.  de  Périclès, 
et  ce  que  Bayle  a  recueilli  dans  d'autres  écrivains^  article 
sur  Pe'riclès  ?  note  (O)  de  son  Dictionnaire.  L'histoire  d'As- 
pasie ,  écrite  par  Burigny,  dont  on  lit  un  extrait  dans 
le  tome  XXXE  de  YHist.  de  V  Académie  des  inscriptions  9 
etc.  y  ne  contient  pas  autre  chose  que  ce  qu'on  lit  dans 
la  note,  citée?  de  Bayle ;  quoique  le  même  Burigny  lui  re- 
proche comme  une  grave  omission  de  n'avoir  pas  fait  un 
article  pour  Àspasie  dans  son  grand  ouvrage. 


i66 

suivant  l'usage  des  femmes  grecques  ,  lorsqu'elles 
paraissaient  en  public:  mais  ses  cheveux,  sont  élé- 
gamment frisés,  comme  il  convient  à  une  femme 
qui  ne  croit  pas  que  les  qualités  extraordinaires 
qu'elle  possède  doivent  lui  faire  négliger  les  mo- 
yens de  plaire  les  plus  ordinaires  et  les  plus  sim- 
ples, d'autant  plus  sûrs  i  qu'ils  sont  naturels. 

La  jalousie  des  autres  femmes,  sa  brillante  po- 
sition ,  et  la  puissance  de  Périclès,  qui  devint  son 
mari ,  l'exposèrent  à  de  violentes  contrariétés,  quoi- 
que passagères ,  et  à  la  malignité  du  théâtre ,  sur 
lequel  on  se  plaisait  à  satiriser,  avec  une  singu- 
lière indécence ,  les  défauts  qui  sont  ordinairement 
étrangers  à  qui  réunit  tant  d'instruction  et  de 
science. 

Les  Iconographes  désiraient  avoir  un  portrait 
d'Âspasie  ,  et  ils  s'étaient  avisés  pour  cela  de  la 
reconnaître  dans  une  tête  de  Minerve  armée  ,  gra- 
vée sur  un  diaspre  rouge  par  le  graveur  Aspa- 
sius  (i).  Cette  pierre,  qui  est  dans  le  Musée  Im- 
périal, a  été  de  nouveau  publiée  par  M.  Eckel, 
qui  a  dissipé  l'équivoque  dont  quelques  autres  an- 
tiquaires s'étaient  déjà  aperçus  (2). 


(1)  Canini,  Iconografia,  n.  XCÏI.  Et  Haym  {Tesoro 
Brìttan.  7  tome  I  >  189)  ont  voulu  reconnaître  Aspasîe 
dans  une  tête  casquée  de  Minerve  ;  comme  il  en  avait 
reconnu  une  de  Përiclès  dans  une  autre.  Ces  erreurs  ont 
clé  reieve'es  dans  les  notes  de  la  traduction  latine  de  cet 
ouvrage. 

(i)  Stosch  }  Gemme  ?  pl.  XIII  ;  Eckel ,  Choix  de  pier- 
res de  V  Empereur  ,  pl.  18. 


167 

Le  nom  de  cette  femme  illustre  est  écrit  sur 
le  bas  du  piédestal  de  notre  hermès  ainsi  : 
ACriACIA 
Aspasia. 

Et  quoique  le  marbre  soit  brisé  ,  il  n'est  pas  dou- 
teux ,  en  voyant  que  les  cassures  se  correspon- 
dent ,  qu'il  ne  formât  un  seul  morceau  avec  cette 
effigie  très-remarquable ,  laquelle  orna  probable- 
ment quelque  maison  de  campagne ,  sur  les  bords 
du  Tyrrène  près  de  la  colonie  de  Castrum  novum. 

PLANCHE  XXXI. 

Alcibiade  *. 

Le  portrait  d'Alcibiade  était  connu  des  icono- 
graphes ,  et  publié,  quoique  les  monumens  sur  les- 
quels ils  s'étaient  fondés  (1)  ne  fussent  pas  assez 
certains  et  notoires  ;  cependant  il  faut  convenir 
que  les  motifs  qui  avaient  servi  à  lui  donner  cette 
dénomination ,  n'étaient  pas  entièrement  erronés  j 
car  les  images  qui,  d'après  ces  notions,  portèrent 
le  nom  d'Alcibiade  ,  ressemblent  à  la  vérité  infini- 


*  Sa  hauteur  depuis  le  sommet  de  îa  tète,  y  compris 
la  poitrine,  deux  palmes,  trois  onces.  Il  est  en  marbre  de 
Luni  ou  de  Carrare.  On  l'a  trouve'  à  la  Villa  Fonseca 
sur  le  Celium  avec  deux  hermès  doubles  publie's  ci-des- 
sus pl.  XX  et  XXIV  -7  il  fut  acheté  par  ordre  du  Sou- 
verain Pontife. 

(1)  Fabri ,  Ima  g.  Illustr. ,  11.  4?  Bottari  r  Museo  Ca- 
pitol, tome  I,  pl.  XVL 


i68 

ment  à  la  nôtre ,  qui  est  authentique  ,  principale- 
ment dans  cette  particularité  caractéristique  de  la 
barbe  divisée  en  petites  boucles  ,  presque  adhé- 
rentes à  la  peau,  et  qui  semblent  couvrir  d'une 
laine  épaisse  tout  le  menton  et  la  sommité  anté- 
rieure du  cou,  vers  le  gosier,  précisément  comme 
Platon  nous  décrit  la  barbe  d'Alcibiade  (i). 

Notre  hermès,  indépendamment  de  cette  partie, 
qui  le  rapproche  des  images  déjà  connues  du  fils 
de  Clinias,  a  de  plus  sur  le  devant  du  pilastre 
les  lettres 

AAKIB  .  .  . 

justement  la  moitié  de  celles  qui  composent  le  nom ! 
AAKIBÏAAHS  ,  Alcihiades  ,  qu'anciennement  on 
devait  y  lire  en  entier  ;  ce  qui  rend  cette  sculpture 


(i)  Platon,  dans  Protagoras  ,  nous  dépeint  Alcibiade  7 
tfôy&VOÇ  VftOrtl(iïïûd{iewV,  ayant  tout  le  dessous  du  men- 
ton garni  de  barbe.  Les  portraits  d'Alcibiade  nous  mon- 
trent clairement  que  dans  Je  mot  v&OfttfiTrXàfiievoç  la 
particule  sub  (vtfò}  qui  le  compose,  ne  doit  pas  être 
oiseuse  comme  elle  Test  ailleurs  dans  des  composés  du 
même,  mais  qu'elle  a  ici  une  signification  absolue  qu'on 
ne  peut  rendre  facilement  dans  une  autre  langue  par  un 
seul  mot.  Si  on  ne  retrouve  pas  dans  ce  portrait  d'Alci- 
biade ces  agrémens  extraordinaires  qui  le  rendirent  dans 
sa  jeunesse  principem  forma  (  Pline  ,  liv.  XXXVI,  §  IV, 
8),  et  qui  le  faisaient  voir  doué  de  cette  espèce  de  beauté 
qui  convient  le  plus  à*  tout  âge  de  la  vie  ,  on  devra  se 
rappeler  ce  que  nous  avons  déjà  fait  remarquer  dans  le 
discours  précédent,  à  propos  des  effigies  en  marbre,  et 
que  d'ailleurs  le  travail  de  cet  hermès  n'est  pas  des  plus 
heureux, 


169 

extrêmement  importante  et  curieuse  ,  et  d'où  elle 
devra  désormais  servir  d'exemple  pour  recon- 
naître les  traits  de  ce  célèbre  Athénien ,  et  retrou- 
ver quelques  autres  images  antiques  qui  lui  res- 
semblent. En  effet  j'ai  déjà,  seulement  par  la  com- 
paraison faite  avec  notre  marbre,  trouvé  deux  au- 
tres beaux  monumens  de  cet  homme  extraordi- 
naire :  l'un  de  ces  monumens  est  sa  statue  du 
Musée  Pie-Cléroentin  qui  le  représente  nu  (1)  : 
l'autre  est  son  buste  jusqu'à  mi-corps ,  dont  la  main 
gauche  est  enveloppée  par  son  manteau  ,  et 
dont  la  droite  est  dans  l'attitude  de  quelqu'un 
qui  harangue  ,  morceau  très- estimable  par  le 
sujet  et  par  l'exécution.  Il  fut  trouvé  dans  les 
fouilles  d'Aricia  ;  il  appartint  à  monseig.  Antoine 
Despuig,  ancien  auditeur  de  Rote,  à  présent  évê- 
que  d'Origuela ,  qui  le  conserva  dans  la  belle  col- 
lection qu'il  forma  avec  tant  de  soin  en  peu  d'an- 
nées (2). 

A  l'importance  qu'a  ce  portrait,  notre  hermès 
réunit  le  mérite  singulier  d'une  seconde  épigraphe 
gravée  sur  le  côté  droit ,  en  vers  hexamètres,  mais 
dont  il  ne  reste  que  des  fragmens  3  la  voici  : 


(1)  Elle  a  été  publie'e  dans  notre  tome  II  ;  pl.  XLH  > 
ou;  en  parlant  de  cet  hermès  ;  on  dit;  par  méprise  ;  qu'elle 
fut  trouvée  à  Pantanello. 

(2)  N  ous  donnerons  dans  les  planches  de  supplément 
à  la  fin  de  ce  volume,  le  dessin  de  cette  sculpture  pleine 
de  mérite  ;  qui  n'a  pas  encore  été  publiée. 


ï  70 

GICiNMOTAYAAG  AfcOIOMONYM 
OÎÀY  OMOIOI 
OÏM GXPIMG NZ^OTCITON  ...  ON 

OÏKGCOP6/CIN 
ATTAPGHHN  .... 

Je  la  lis  ainsi  en  suppléant  au  second  vers; 

JLWw  (iOL  &ë*  udektpol  òfjbòvvyboi  dv  ôpoiot 
Oï  ^sy^pï  fjbïv  Çqwi  tòv  r{kiof  ovn  êovpâ(Tù 
9  Kviap  iiïviv  .... 

Sunt  mihi  duo  fr atre  s  homonjmi,  duo  simile  s; 

Qui  usque  dum  vivunt  Solem  non  adspiciunt : 

At  postquam  .... 

«  J'ai  deux  frères  parfaitement  semblables  de 
figure  et  de  nom  ,  qui  ne  voyent  jamais  le  Soleil 
pendant  qu'ils  vivent,  mais  aussitôt,  comme  ....  » 

Ces  vers  appartiennent  évidemment  à  quelqu'une 
de  ces  énigmes,  auxquelles  les  Grecs  donnèrent 
Je  nom  propre  de  griphi ,  qui  furent  très  en  vo- 
gue dans  les  premiers  temps  de  leur  civilisation  , 
comme  elles  l'avaient  été  dans  des  siècles  les  plus 
reculés  chez  les  sages  de  l'Orient.  On  eut  l'usage 
de  les  exprimer  en  vers,  comme  elles  se  propo- 
saient aussi  chez  les  peuples  d'Orient,  dont  les  Grecs 
imitèrent  en  cela  le  goût  et  les  usages  (1).  Parmi 


(1)  On  trouve  dans  les  livres  sacrés,  ch.  i4  aes  Juges, 
ia  preuve  la  plus  ancienne  de  l'usage  des  énigmes  chez 
les  nations  orientales.  Parmi  les  écrivains  profanes  qui  en 
parlent  7  on  consultera  Plutarque  dans  le  Convivium,  le- 
quel dit  que  les  énigmes  eurent  une  grande  vogue  chez 
les  Egyptiens  ?  et  que  ce  goût  passa  peut-être  d'eux  aux 


Ifi 

les  nombreux  griphi  des  Grecs  qui  nous  sont  par- 
venus ,  il  en  est  deux  qui  ont  tant  d'analogie  avec 
le  nôtre  par  l'expression  et  la  pensée,  que  je  suis 
obligé  en  quelque  sorte  de  les  citer  dans  ce  dis- 
cours. Le  premier  qu'on  attribue  à  Cléobule ,  l'un 
des  sept  sages ,  est  le  suivant  (i): 
JLÎç  ô  Tturrip  ,  <jzaïiïeç  de  dvódeua  •  top  iïè  exâ&TQ 
Kovpai  elì'iKOVra  $idpiïi%a  eîdoç  zpxrai, 
Al  {ièp  ûevxai  taaiv  îdeh ,  al      âvre  {léXaivai. 
'ASâmroi  §e  %  èovaai  àrtotpSivvSwiv  âvraaaL 
L'un  est  le  père,  douze  sont  ses  enfans; 
Chacun  desquels  est  d'une  figure  différente  : 
Soixante  filles,  les  unes  blanches ,  les  autres 
brunes , 

Toutes  sont  immortelles ,  et  toutes  périssent. 


sages  de  la  Grèce  ;  et  Athénée  qui  dans  ]e  X  livre  de  ses 
Dipnosophistes  en  parle  très-au-long  ,  et  avec  des  notes 
fort  curieuses,  depuis  le  chap.  XV  jusqu'à  la  fin  du  livre. 
Plusieurs  littérateurs  modernes,  outre  Gerard  qui  en  a  fait 
un  traite  particulier,  ont  souvent  examine  et  commente 
ce  sujet.  On  ajoutera  a  ceux  dont  a  parle'  déjà  Fabri- 
cius  dans  sa  Bibliographia  antiquaria ,  ch.  XIX,  §  VÎT, 
Jablonsky  dans  les  Prolégomènes  de  sqii  Panthéon,  où 
il  a  rassemblé  dans  peu  de  pages  tout  ce  qui  nous 
reste  en  ce  genre  des  anciens  écrivains ,  et  Micbaëlis 
dans  ses  notes  sur  la  Poesis  sacra  de  Lowth,  note  (8j,  où 
il  démontre  avec  beaucoup  de  jugement  l'usage  très-an- 
cien chez  les  Orientaux  de  proposer  des  énigmes  en. vers. 

(i)  Diogene  Laerce  dans  Cléobule,  liv.  I,  ch.  VI,  §  5, 
nous  apprend  que  ce  sage  Rhodien  avait  composé  beau- 
coup de  ces  énigmes  ou  griphi  en  trois  mille  vers  (  même 
lieu:  §  2),  et  que  sa  fille  Eumétides ,  appelée  aussi  Ciéo- 
buline,  et  qui  était  poète,  avait  composé  des  énigmes 
en  vers  hexamètres  (ni.  1.  j  §  i  ). 


1 72 

Cette   énigme  indique  l'année  avec  ses  douze 
mois,  chacun  de  trente  jours  et  de  trente  nuits. 
Ici  il  est  à  remarquer  que  le  mot  tfpêpà,  qui  chez 
les  Grecs  signifie  le  jour ,  étant  féminin ,  corres- 
pond mieux  avec  le  sens  de  l'énigme.  Nous  pour- 
rions le  rendre  par  le  mot  journée. 
L'autre  énigme  de  ïhéodecte  de  Phasélis ,  est  du 
même  genre j  la  voici  (i): 
SLÎ<ri  xaoiyv^Tai  Mtrai ,  ôv  q  fila  t  'iktbl 
Tr^v  hrépav  avvi?  §è  rénovera  itaJkiv  y7  v%o  ravr^ç 

Elle  sont  deux  soeurs  ,  Vune  est  la  mère  de 
Vautre  ; 

Et  celle  qui  d'abord  fut  la  mère  , 
Devient  la  fdle  à  son  tour. 
On  entend  par-là  la  nuit  et  le  jour,  ou  la  journée^ 
comme  nous  venons  de  le  faire  remarquer.  La  con- 
formité que  nous  apercevons  entre  ces  deux  épi- 
grammes  énigmatiques  et  la  notre  me  semble  as- 
sez évidente  d'elle-même. 

Le  lecteur  sera  curieux  certainement  de  con- 
naître le  sens  de  notre  épigramme,  et  de  pouvoir 
conjecturer  au  moins  quel  peut  être  le  mot  de 
l'énigme;  j'en  propose  la  solution,,  laquelle,  à  dire 
la  vérité,  est  d'autant  plus  incertaine  que  le  sujet 
est  mutilé  et  n'est  pas  entier.  Je  ne  serai  pas  étonné 
si  l'on  n'en  est  pas  satisfait,  puisque  tant  d'hom- 
mes d'esprit  n'ont  pu  encore  trouver  qu'avec  beau- 
coup d'incertitude  la  signification  d'une  autre  qui 


(i)  Athénée,  1.  c.y  chap.  îq. 


1 7^ 

est  entière ,  et  qui  était  une  des  plus  communes 
chez  les  anciens  (i).  Mais,  sans  tant  de  paroles,  il 
me  semble  que  ces  trois  frères  tous  semblables  ,  et 
portant  le  même  nom ,  peuvent  être  les  trois  espa- 
ces ou  divisions  (  Slópot  ou  Kùtfpoi  du  genre  mas- 
culin en  grec  ) ,  et  non  quatre ,  par  lesquels  on  par- 
tageait dans  les  temps  anciens  la  durée  des  nuits  (2)* 
Ces  divisions  furent  ensuite  nommées  par  les  La- 
tins custodiae  ,  vigiliae.  Celui  qui  parle  (  nous  con- 
tinuons à  les  nommer  frères  comme  le  Grec  )  est 
celui  du  milieu,  et  indique  le  premier  et  le  troi- 
sième ,  desquels  il  dit  très-à-propos,  que  tant  qu'ils 
vivent  ou  durent  ils  ne  voyent  jamais  le  soleil , 
qui  ne  s'élève  qu'après  la  mort  du  troisième ,  et 
qui  se  couche  avant  que  le  premier  naisse.  Ceci 
peut  être  le  complément  de  Fépigramme. 

Il  ne  paraîtra  pas  que  ce  soit  sans  quelque  mys- 
tère qu'on  ait  gravé  cette  énigme  sur  un  hermès  ; 
et  on  voudra  sans   doute  en  rechercher  le  motif 


(1)  Voyez  Casaubon  sur  Athénée,  liv.  X,  ch.  <if2. 

(2)  Les  autorités  qui  le  prouvent,  parmi  lesquelles  en 
est  une  d'Homère,  //.  K.,  ou  liv.  X  ,  v.  25a,  ont  été'  pro- 
duites par  le  célèbre  Brunk  dans  ses  notes  sur  Apollo- 
nius de  Rhodes,  liv.  f,  v.  1082.  Je  trouve  par  une 
expression  d'Orphée  dans  les  Argonautes,  v  io54,  que 
le  mot  (iôooç  masculin  ,  signifiant  portion,  s'appliquait 
plus  particulièrement  aux  divisions  du  jour  et  de  la  nuit: 
qu'ensuite  le  mot  Mkripoç  aussi  masculin  ait  été  pris  pro- 
prement dans  le  même  sens  ;  cela  est  attesté  par  le  Sco- 
liaste d'Apollonius,  1.  c.  5  et  Hesychius  le  prouve  au  mot 
Tïâypc,  et  xXtfpoç ,  quoiqu'on  ne  lui  trouve  pas  cette  si- 
gnification dans  lç$  lexiques. 


i74 

secret.  Pour  moi  je  pense  qu'on  peut  le  trouver 
dans  le  lieu  où  cet  hermès  devait  être  placé.  Nous 
savons  par  les  anciens  écrivains ,  que  les  énigmes 
formaient  un  des  amusemens  le  plus  ordinaire  des 
festins,  et  des  assemblées  de  plaisir  (i);  nous  ne 
pouvons  donc  pas  soupçonner  autre  chose ,  pour 
concevoir  avec  quelle  intention  on  y  grava  cette 
énigme,  si  non  que  ce  morceau  avait  été  destiné 
à  orner  un  Triclinium  ou  une  Exedra.  Il  n'y 
en  eut  pas  d'autre,  à  ce  qu'il  me  semble,  que  celle 
de  divertir  la  compagnie  ,  et  de  lui  suggérer  quel- 
que objet  d'amusement  ingénieux  et  piquant,  dans 
un  lieu  destiné  au  plaisir. 

PLANCE  E  XXXII. 

Zenon  de  Cyzique  *. 

Il  me  semble  que  ce  col  tors  et  incliné  vers 
Fépaule  gauche  indique  évidemment  que  ce  por- 


(i)  Platon,  eu  effet  ;  appelle  cette  sorte  d'énigmes  am- 
biguitas  convivale  rà  sv  è(rnâ<re<nv  eTva^OTepi^ovxa* 
(de  Rep.,  liv.  V  sur  la  fin).  On  peut  voir  en  outre  Plu- 
tarque  et  Athënée  dans  les  lieux  que  nous  avons  cités 
plus  haut.  Ainsi  il  est  inutile  de  parler  de  l'énigme  écrite 
sur  un  donar ium  d'un  temple  grec;  dont  Athénée  lui-même 
fait  mention  (même  lieu  ,  chap.  22);ni  des  inscriptions 
énigmatiques  des  simulacres  égyptiens  ;  comme  celle  dont 
nous  parle  Plutarque  {de  Isid.  et  Osirid.). 

*  Hauteur  ;  depuis  le  sommet  de  la  tête  jusqu'au-des- 
sous de  la  poitrine  ;  deux  palmes 7  sept  onces;  il  est  en 
marbre  pentélique.  On  est  incertain  sur  le  lieu  d'où  il 
fut  retiré:  le  Souverain  Pontife  en  enrichit  le  Musée. 


1  1^ 

trait  est  celui  de  Zenon  le  Sloïque  ,  à  qui  cette 
particularité  appartient ,  d'après  ce  qu'en  dit  Laerce 
dès  le  commencement  (i)  ,  à  qui  convienent  aussi 
ce  front  resserré  et  ridé  ,  quelque  chose  de  grêle, 
et  la  physionomie  refrognée  (2). 

Le  sculpteur  n'a  pas  pris  dans  sa  fantaisie  l'in- 
tention de  donner  une  telle  difformité  à  cette  image 
présente  ,  et  il  est  .plus  probable  qu'il  ait  voulu 
ainsi  le  faire  reconnaître  ,  au  premier  coup-d'œil  , 
pour  un  portrait  de  Zenon ,  sans  d'autre  marque 
et  sans  épigraphe  (5). 

Comme  il  ne  nous  est  resté  aucune  autre  image 
xle  ce  philosophe,  on  sentira  de  quel  prix  est  pour 
nous  cet  hermès  qui  nous  représente  un  homme 
si  singulier  et  si  célèbre  dans  la  classe  des  philo- 
sophes Les  traits  de  sa  figure  sont  expressifs  et 
pleius  de  sentiment ,  et  on  aperçoit  dans  le  tra- 
vail du  ciseau  le  talent  grandiose  qui  régnait  dans 
le  bon  siècle. 


(1)  Diogene  Laerce,  liv.  VII,  chap.  1 ,  §  1:  To#  rpâ~ 
yv{kov  èm  Sdrspa,  vevbvkòc;  vjy,  Sç  (pf?(ri  TiLuoSeoç 
ô  \h£ïfi<fiadOÇ  èv  to  tfspi  ft  'iQv  :  Zenon  avait  LE  COU 
INCLINÉ  D'UN  CÔTÉ,  comme  l'assure  Timothée  V Athé- 
nien dans  ses  vies. 

(2)  Même  lieu:  îa^voc  ,  il  était  grêle.  Et  §  18  ; 
dvròv  crxvyvòv  re  e  hai ,  naì  mxpòv ,  nchì  upómmop 
cvveo'Trao'^iépov  :  Sa  figure  était  triste  et  sombre  y  et  son 
visage  était  rétréci. 

(3)  Il  sera  question  dans  les  discours  de  la  planche  suiV 
vante  des  hermès  qui  présentent  l'antique  épigraphe  ZH- 
1N.QÎN,  et  auquel  des  philosophes  homonymes  ils  appar- 
tient. 


176 

PLANCHE  XXXIII. 


Zenon  l'Épicurien  *. 

Le  portrait  que  représente  ce  marbre  ,  qui  porte 
le  nom  de  Zenon  (  ZHNûN  ),  ressemble  assez 
au  petit  buste  de  bronze  d'Hercuianum  ,  marqué 
du  même  nom(i).  Les  commentateurs  de  ce  monu- 
ment furent  incertains  auquel  Zenon  ils  devaient 
l'attribuer.  Il  leur  parut  que  le  portrait  ne  corres- 
pondait pas  avec  la  description  que  l'on  a  du  Zé- 
non  de  Cyzique,  et  qu'il  ne  se  montrait  pas  non 
plus  avec  ces  grâces  et  cette  figure  aimable  qui 
distingtiait  celui  d'Elea.  Ils  ne  se  trompèrent  pas 
en  effet  pour  le  Stoïque  ou  celui  de  Cyzique , 
comme  le  portrait  de  la  planche  précédente  nous 
en  rend  certains.  Il  restait  plus  de  doute  sur  le 
Zenon  d'Elea.  L'objection  qu'ils  font  pour  reje- 
ter cette  image  ,  comme  n'offrant  pas  assez  d'agré- 
mens  dans  les  traits  ,  me  paraît  frivole  ,  parce  que 
l'âge  avancé,  la  barbe,  le  défaut  de  ces  qualités 
du  visage  que  la  sculpture  n'exprime  pas  assez, 
font  qu'on  n'y  trouve  pas  toute  la  grâce  y  quoi- 
qu'on n'y  remarque  pas  une  difformité. 


*  Hauteur  7  depuis  le  sommet  de  la  tête,  y  compris  la 
poitrine,  deux  palmes,  trois  onces  un  peu  justes  ;  en  mar- 
bre de  Carare.  Il  était  à  Naples,  d'où  il  fut  transporte 
à  Rome  par  un  négociant  :  le  Souverain  Pontife  en  fit 
l'acquisition. 

(1)  Tome  V;  ou  I  dë  Bronzi  d'Ercolano  ,  pl.  XV  et 

ivi. 


*77 

La  meilleure  raison  pour  exclure  le  Zenon 
d'Élée ,  et  pour  y  reconnaître  le  Sidonien  ou 
l'Epicurien  (i),  c'est  la  circonstance  que  les  au- 
tres petits  bustes  d'Epicure  ,  de  Métrodore  et 
d'Hermarcus  ,  tous  philosophes  de  cette  école, 
furent  trouvés  ensemble  avec  celui  qui  porte 
le  nom  de  Zenon.  Donc  il  est  assez  vraisem- 
blable d'y  retrouver  plutôt  ce  Zenon  l'Epicu- 
rien ,  d'autant  plus  que  si  dans  l'histoire  de  la 
philosophie  on  ne  lui  accorde  pas  la  même  cé- 
lébrité qu'aux  deux  autres,  il  semble  que  dans 
les  derniers  temps  de  la  république,  pendant 
lesquels  cette  espèce  de  philosophie  devint  la 
plus  commune  parmi  les  hommes  d'état,  et  les 
lettrés  dont  Rome  se  glorifia ,  Zenon  l'Epicu- 
rien jouit  d'une  grande  réputation,  ayant  été  le 
maître,  non-seulement  de  Lucrèce,  de  Cotta 
et  d'Atticus  (2) ,  mais  même  de  Cicéron  encore 
jeune,  dans  les  ouvrages  duquel  on  lit  le  nom 
de  Zenon  accompagné  d'éloges;  et  l'orateur  nous 
assurant  que  son  maître  passait  auprès  des  écri- 
vains grecs  pour  être  le  prince  ou  le  Coryphée 


(1)  Si  vraiment  Zenon  de  Sidon  et  ZenoniÉpicurien  maître 
de  Cotta,  d'Atticus,  etc.,  sont  la  même  personne  ;  les  cri- 
tiques Font  mis  en  discussion  -7  voyea  Bayie;  artic.  Zenon 
philosophe  Epicurien  ;  Brucker,  Hist.  phiL}  Per,  1,  part.  If 
cap.  i5;  §  17  :  il  semble  d'ailleurs  qu'il  n'y  a  aucune 
raison  contraire. 

(a)  Bayle,  L  c. ,  note  {A)  y  Brucker,  ivi,  Per.  H<> 
part.  I  ,  liv.  I ,  c.  1  ,  §  27. 

Musée  Pie-G Um.  Vol  VI,  lit 


des  philosophes  Epicuriens  (i).  S"  l'on  peut  donc 
trouver  ce  Zenon  dans  le  petit  bronze,  on  pourra 
aussi  le  reconnaître  dans  le  présent  hernies  qui 
nous  représente  la  même  physionomie. 

Le  nom  de  Zenon  ainsi  déterminé,  sans  ce- 
lui de  sa  patrie ,  ou  de  son  père ,  ou  au  moins 
de  sa  secte,  se  voit  cependant  sous  deux  ima- 
ges tout-à-fait  différentes,  savoir  celle  d'Hercu- 
lanum ,  et  celle  de  la  collection  Farnèse  pu- 
bliée par  Fabri  (2) ,  sans  parler  d'une  troisième 
que  Bellori  a  tirée  des  manuscrits  d'Ursinus ,  et 
qui  représente  peut-être  la  même  personne  que  le 
nôtre  ou  celui  d'Herculanum  (3).  En  outre,  on 
ne  peut  attribuer  aucune  des  deux  à  Zénon  le 
Stoïque  ,  bien  distingué  dans  Thermes  qu'on  a 
vu  ci-dessus,  par  cette  inclinaison  du  col,  phi- 
losophe célèbre ,  peut-être  plus  que  les  deux 
autres  ,  par  ses  écrits  et  par  l'école  qu'il  fonda 
et  qu'on  ne  pouvait  que  difficilement  indiquer 
par  le  seul  nom  sans  y  rien  ajouter.  On  pour- 
rait conjecturer  ,  afin  d'éclaircir  cette  difficul- 
tée,  que  les  portraits  de  ces  hommes  illustres, 
placés  sous  les  portiques  ,   dans  les  bibliothè- 


(1)  Cicéron,  de  Nat.  Deor.  7  liv.  I  ?  §  XXII. 

{1)  Imag.  ex  BibL  Fuhii  Ursini  ,  n.  i5i. 

(3)  Bellori,  Imag.  Illusi. ,  n.  41  ;  °n  remarquera  qu'étant 
seulement  copiée  d'après  un  dessin,  et  non  d'après  le  mar- 
bre original  ?  on  peut  croire  que  les  formes  en  sont  tres- 
altérées ,  mais  il  n'y  a  pas  grande  différence  entre  la  nô- 
tre et  celle  d'Herculanum. 


'79 

ques  et  dans  les  Musées ,  selon  leur  classe , 
et  dans  la  compagnie  de  leurs  maîtres  ou  de 
leurs  disciples  ,  étaient  distingués  suffisamment 
par  leur  situation  même  -P  tellement  qu'on  ne  con- 
fondait jamais  le  ^Lénon  de  Cyzique  avec  celui 
d'Elée,  uniquement  parce  que  celui-ci  se  trou- 
vait accompagné  de  Parmenide  ou  de  Demo- 
critea et  qu'on  ne  confondait  pas  davantage  avec 
celui-ci  ,  l'Epicurien,  que  Ton  voyait  avec  Epi- 
cure  et  ses  sectateurs,  comme  nous  l'avons  re- 
marqué dans  les  découvertes  faites  à  Hercula- 
num  (i).  Cette  disposition  si,  comme  l'ont  cru 
les  écrivains  qui  ont  décrit  les  monumens  d'Her- 
culanum,  peut  valoir  assez  pour  autoriser  à  croire 
que  l'image  du  Zénon  qu'on  y  trouve  fut  celle 
de  ce  successeur  d'Epicure  qui  fut  loué  par  Ci- 
céron  ,  et  dont  les  Romains  faisaient  tant  de  cas, 
on  devra  aussi  lui  attribuer  notre  hernies  ,  qui 
appartient  certainement  à  un  Zénon  fameux  , 
cornino  le  nom  qui  anciennement  était  éc  rit  des- 
sus, et  sa  ressemblance  avec  celui  en  bronze  de 
Naples  nous  le  garantissent» 


(i)  On  pourrait  croire,  à  l'égard  de  notre  hermès  et  du 
Farnésien,  qu'on  lisait  sur  le  pilastre  qui  les  soutenait  quel- 
que indication  ou  parole  qui  distinguât  pius  particulière- 
ment le  philosophe  d'avec  ses  homonymes ;  ce  que  nous 
ne  pouvons  imaginer  d'après  le  petit  buste  très-entier  du 
Musée  de  Portici. 


i8o 

PLANCHE  XXXIV. 


S  t* 

É  P  I  C  U  R  E  *. 

Ce  que  Pline  et  Cicéron  nous  ont  appris  de 
la  multiplicité  des  images  d'Epicure  ,  que  Ton 
transportait  dans  les  chambres ,  que  Ton  gra- 
vait sur  les  pierres  dont  on  formait  les  anneaux, 
et  jusques  sur  l'argenterie  destinée  au  service  des 
tables  (i),  se  trouve  confirmé  parle  grand  nom- 
bre de  têtes  antiques  de  ce  philosophe  qui  nous 
sont  restées.  Après  avoir  été  inconnues  presque 
jusqu'à  la  moitié  du  siècle  présent,  elles  ces- 
sèrent de  l'être  par  une  double  découverte,  et 
de  la  manière  la  plus  sûre.  Ce  fut  en  trouvant 
l'hermès  avec  une  inscription  du  Capitole  dans 
une  fouille  sur  le  mont  Esquilin  (2)  ,  et  par  le 


*  Hauteur  une  palme  ,  une  once  ;  en  marbre  pente'li- 
que.  Il  a  e'të  trouve'  dans  les  fouilles  de  Roma  vecchia } 
hors  de  Porte  majeure ,  entreprises  par  ordre  de  S.  S. 
L'autre  dont  il  est  parle',  provient  d'une  fouille  inconnue^ 
il  est  du  même  marbre,  et  a  de  hauteur,  y  compris  le  buste, 
deux  palmes ,  sept  onces. 

(1)  Pline,  livre  XXXV,  §  11  •  Cicëron ,  de  Fin. , 
liv.  V,  3.  M.  le  chev.  d'Azara  possède  dans  son  beau 
me'daillier  un  superbe  niccolo?  sur  lequel  est  grave'e  la  tête 
d'Epicure  en  profil. 

(e2)  Museo  Capitolino,  tome  I;  pl.  V;  page  12. 


i8i 

buste  en  bronze,  aussi  avec  une  épigraphe  grec- 
que ,  qui  fut  retiré  des  fouilles  cTHerculanum  (i). 

Le  grand  nombre  de  sectateurs  qu'il  eut  dans 
Rome  ,  comme  nous  l'avons  dit  dans  le  discours 
précédent,  fut  sans  doute  la  cause  qui  multi- 
plia autant  ses  images  (2),  deux  desquelles  parfaite- 
ment semblables  à  toutes  celles  déjà  reconnues, 
appartiennent  au  Musée  Pie-Clémentim 

S  2* 

Metrodore  *. 

Ce  fut  l'amitié  qu'avait  Épicure  pour  Métro- 
dore  qui  fit  passer  à  la  postérité  le  nom  de  ce- 
lui-ci, qui  en  multiplia  les  images,  auxquelles  on 
rendit  des  honneurs  ,  plutôt  que  sa  propre  cé- 
lébrité. Le  double  hermès  du  Capitole  que  nous 
venons  de  citer  dans  le  discours  précédent  , 
nous  a  fait  connaître  ce  portrait,  qu'on  a  en- 
suite retrouvé  dans  un  bronze  d'Herculanum  (5), 


(1)  Antichità  d%  Er colano  7  tome  V  ;  I  dë  Bronzi ,  plan- 
che XIX  et  XX. 

(2)  Il  y  en  a  deux  autres  dans  le  Capitole,  outre  Ther- 
mes à  épigraphe,  et  ils  ont  e'të  publies  dans  le  tome  ï  de 
ce  Musée,  pl.  XXV  et  XXX.  M.  le  chev.  d'Azara  en  a 
un  très-beau. 

*  Hauteur,  y  compris  ce  buste,  deux  palmes,  cinq  onces; 
il  est  de  marbre  pentelique.  On  ne  connaît  pas  la  fouille 
d'oii  il  fut  tiré  ,  et  on  l'acheta  par  ordre  de  S.  S. 

(3)  Dans  le  volume  cite  ,  pl.  XXIII  et  XXIV. 


ì«4 

fait  reconnaître  Àutisthène  dans  ce  portrait  ma- 
jestueux. Les  antiquaires  lui  donnèrent  commu- 
nément le  nom  de  Cameade,  par  un  motif  que 
l'on  démontra  être  faux  dès  le  temps  qu'on  le 
mit  en  avant  (i).  La  connaissance  que  nous  avons 
eue  par  la  vie  de  ce  fondateur   des  Ciuiques 


Ces  :  en  marbre  pentëlique.  On  le  trouva  dans  la  campa- 
gne Cassius  de  Tivoli.  Voyez  dans  notre  ï  volume ,  pl.  V1IF, 
page  g5  et  suiv.  L'autre  ,  grave'  en  profil,  n'a  que  la  tête 
d'antique  ,  en  marbre  grec  ;  il  fut  trouve  dans  la  Villa 
Fede  également  à  Tivoli  ;  elle  couvre  une  partie  du  ter- 
rein  où  était  la  Villa  Àdrienne.  Le  travail  de  la  première 
tête  est  d'une  main  habile ,  mais  à  peine  indiqué  ;  le 
style  de  la  seconde  est  d'une  perfection  et  d'un  fini  très- 
précieux.  La  première  fut  achetée  par  le  pontife  Clé- 
ment XIV,  la  seconde  par  S.  S.  régnante.  La  hauteur  de 
cette  dernière,  avec  la  poitrine,  qui  est  moderne^,  a  deux 
palmes  ,  sept  onces. 

(1)  On  avait  placé  une  tête  semblable  a  celle  d'Antis- 
thènes  sur  un  hermès  acéphale ,  avec  une  épigraphe  qui 
portait  le  nom  de  Camèade.  Fulvius  Ursinus  l'avait  fait 
remarquer  dans  la  préface  de  ses  Imagines  ,  mais  cela 
n'empêcha  pas  que  l'on  ne  donnât  communément  le  nom 
de  Camèade  à  de  pareilles  tètes,  plutôt  que  de  les  lais- 
ser ,  comme  elles  étaient ,  anonymes  et  inconnues.  Par 
cette  raison  on  donna  le  même  nom  à  ce  profil  que  nous 
offrons  tant  que  le  comte  Fede  posséda  cette  tête  ;  ainsi 
qu'à  une  semblable  et  très-belle  placée  dans  le  demi- 
cercle  de  la  Villa  Albani,  à  laquelle  pourtant  on  chan- 
gea l'inscription  qu'on  y  avait  mise  ,  lorsqu'on  eut  trou- 
vé cet  hermès  avec  le  nom  d' Antisthène.  11  existait  déjà 
au  contraire  dans  le  petit  palais  Farnèse  un  buste  de 
Cameade  avec  le  nom  grec  authentique  ,  et  semblable 
aux  trois  autres  d'Euripide  ,  de  Lysias  et  de  Posido* 
nius  ,  mais  dont  la  physionomie  est  bien  différente  de 
celle  du  prétendu  Cameade  de  Bellori  et  d'Ursinus 


m 

qu'une  fièvre  fut  la  cause  de  sa  mort,  avait 
servi  à  quelques  autres  pour  le  reconnaître  dans 
une  gravure,  répétée  sur  plusieurs  pierres,  re- 
présentant un  homme  exténué  et  sans  barbe  (  i  ). 
Les  fouilles  de  Cassiano  à  Tivoli,  en  nous  pro- 
curant ce  beau  monument,  ont  écarté  toute  espèce 
de  doute. 

Les  images  d'Antislhène  une  fois  connues  , 
sont  devenues  les  plus  communément  répandues 
de  toutes  celles  des  philosophes  anciens  j  et  je 
pourrais  même  dire  qu'après  les  effigies  de 
Socrate  et  d'Epicure  ,  la  sienne  est  celle  qui 
se  trouve  le  plus  fréquemment  (2).  Je  ne  saurais 
décider  si  on  doit  attribuer  cela  au  hazard,  qui  a 
respecté  les  images  de  cet  illustre  Athénien  , 
plus  que  de  tout  autre,  ou  si  on  les  doit  à  une 
célébrité  imposante  ,  dont  il  serait  difficile  de 
trouver  le  fondement  dans  les  écrivains  an- 
ciens qui  sont  venus  jusqu'à  nous  ;  je  ne  serais 
pas  éloigné  de  croire  que  l'une  des  raisons  de 
cette  multiplicité  ait  été  l'étude  du  beau  qui  ré- 
gnait en  souveraine  chez  les  anciens.  11  est  im- 
possible avec  l'idéal  seul  de  se  former  une  tête 
plus  grandiose  i  une  physionomie  plus  impo- 


(1)  F  abri,  Imag.  III. ,  n.  20.  Haym  en  trouvait  le  por- 
trait dans  un  masque  de  Mercure  barbu  sur  une  médaille 
d'Athènes  ;  par  l'interprétation  abusive  de  quelques  sigles 
(Tesoro  Britannico  ,  tome  I;  Uomini  illustri). 

(2)  En  outre  de  celles  indiquées  dans  la  note  (i)dela 
page  précédente,  on  ne  df>it  pas  oublier  celle  du  Capi- 
tole regardée  comme  inconnue  ,  et  publiée  comme  telle 
dans  le  tome  I  du  Musée  Capitolili ,  pl.  LXXIX. 


fait  reconnaître  Àntisthène  dans  ce  portrait  ma- 
jestueux. Les  antiquaires  lui  donnèrent  commu- 
nément le  nom  de  Cameade,  par  un  motif  que 
l'on  démontra  être  faux  dès  le  temps  qu'on  le 
mit  en  avant  (t).  La  connaissance  que  nous  avons 
eue  par  la  vie  de  ce  fondateur   des  Giniques 


Ces  :  en  marbre  pente'iique.  On  le  trouva  dans  la  campa- 
gne Cassius  de  Tivoli.  Voyez  dans  notre  ï  volume,  pl.  VIN, 
page  95  et  suiv.  L'autre,  grave'  en  profil,  n'a  que  la  tête 
d'antique  ,  en  marbre  grec  ;  il  fut  trouvé  dans  la  Villa 
Fede  également  à  Tivoli  5  elle  couvre  une  partie  du  ter- 
rein  où  était  la  Villa  Adrienne.  Le  travail  de  la  première 
tête  est  d'une  main  habile  ,  mais  a  peine  indiqué  ;  le 
style  de  la  seconde  est  d'une  perfection  et  d'un  fini  très- 
précieux.  La  première  fut  achetée  par  le  pontife  Clé- 
ment XIV  ,  la  seconde  par  S.  S.  régnante.  La  hauteur  de 
cette  dernière,  avec  la  poitrine,  qui  est  moderne,  a  deux 
palmes  ,  sept  onces. 

(1)  On  avait  placé  une  tête  semblable  a  celle  d'Antis- 
thènes  sur  un  herniès  acéphale ,  avec  une  épigraphe  qui 
portait  le  nom  de  Camèade.  Fulvius  Ursinus  l'avait  fait 
remarquer  dans  la  préface  de  ses  Imagines ,  mais  cela 
n'empêcha  pas  que  l'on  ne  donnât  communément  le  nom 
de  Camèade  à  de  pareilles  tètes,  plutôt  que  de  les  lais- 
ser ,  comme  elles  étaient ,  anonymes  et  inconnues.  Par 
cette  raison  on  donna  le  même  nom  à  ce  profil  que  nous 
offrons  tant  que  le  comte  Fede  posséda  cette  tête;  ainsi 
qu'à  une  semblable  et  très-belle  placée  dans  le  demi- 
cercle  de  la  Villa  Albani,  à  laquelle  pourtant  on  chan- 
gea l'inscription  qu'on  y  avait  mise  ,  lorsqu'on  eut  trou- 
vé cet  hermès  avec  le  nom  d' Antisthène.  11  existait  déjà 
au  contraire  dans  le  petit  palais  Farnèse  un  buste  de 
Cameade  avec  le  nom  grec  authentique  ,  et  semblable 
aux  trois  autres  d'Euripide  ,  de  Lysias  et  de  Posido- 
nius  ,  mais  dont  la  physionomie  est  bien  différente  de 
celle  du  prétendu  Cameade  de  Bellori  et  d'Ursinus, 


m 

qu'une  fièvre  fut  la  cause  de  sa  mort,  avait 
servi  à  quelques  autres  pour  le  reconnaître  dans 
une  gravure,  répétée  sur  plusieurs  pierres,  re- 
présentant un  homme  exténué  et  sans  barbe  (i). 
Les  fouilles  de  Cassiano  à  Tivoli,  en  nous  pro- 
curant ce  beau  monument,  ont  écarté  toute  espèce 
de  doute. 

Les  images  d'Antîsthène  une  fois  connues  , 
sont  devenues  les  plus  communément  répandues 
de  toutes  celles  des  philosophes  anciens  ;  et  je 
.  pourrais  même  dire  qu'après  les  effigies  de 
Socrate  et  d'Epicure  ,  la  sienne  est  celle  qui 
se  trouve  le  plus  fréquemment  (2).  Je  ne  saurais 
décider  si  on  doit  attribuer  cela  au  hazard,  qui  a 
respecté  les  images  de  cet  illustre  Athénien  5 
plus  que  de  tout  autre,  ou  si  on  les  doit  à  une 
célébrité  imposante  ,  dont  il  serait  difficile  de 
trouver  le  fondement  dans  les  écrivains  an- 
ciens qui  sont  venus  jusqu'à  nous  ;  je  ne  serais 
pas  éloigné  de  croire  que  Tune  des  raisons  de 
cette  multiplicité  ait  été  l'étude  du  beau  qui  ré- 
gnait en  souveraine  chez  les  anciens.  11  ,est  im- 
possible avec  l'idéal  seul  de  se  former  une  tête 
plus  grandiose  3  une  physionomie  plus  impo- 


(1)  F  abri,  Imag.  III. ,  n.  20.  Haym  en  trouvait  le  por- 
trait dans  un  masque  de  Mercure  barbu  sur  une  médaille 
d'Athènes  ;  par  l'interprétation  abusive  de  quelques  sigles 
(Tesoro  Britannico  7  tome  I,  Uomini  illustri  J. 

(2)  En  outre  de  celles  indiquées  dans  la  note  (i)dela 
page  précédente  ;  on  ne  doit  pas  oublier  celle  du  Capi- 
tole regardée  comme  inconnue  ,  et  publiée  comme  telle 
dans  le  tome  I  du  Musée  Capitolili,  pl.  LXXIX. 


i86 

sante  que  celle-là  avec  cette  chevelure  si  pit- 
toresquement  en  désordre,  et  ce  sourcil  ondoyant 
qui  offre  l'expression  d'une  ame  forte  et  sévère. 
Les  artistes  anciens  auront  pris  plaisir  à  imiter* 
un  modèle  si  rare  et  si  beau  ,  et  ils  en  auront 
d'autant  plus  multiplié  les  copies  que  la  répu- 
tation et  les  écrits  de  cet  homme  célèbre  fai- 
saient rechercher  son  image ,  au  moins  ,  autant 
que  beaucoup  d'autres* 

PLANCHE  XXXVL 

E  S  C  H  I  N  E  \ 

Il  n'existe  pas  de  collection  pouvant  se  van- 
ter d' être  riche  en  images  authentiques  des 
hommes  illustres  de  l'antiquité  qui  surpasse  celle 
du  Musée  Pie-Clémentin(i).  Le  grand  duc  n'avait 

*  Sa  hauteur,  y  compris  la  poitrine,  est  de  deux  palmes, 
une  once;  il  est  de  marbre  pentëlique.  On  Ta  trouve  dans 
la  campagne  dedassiusde  Tivoli,  comme  nous  l'avons  dëjk 
indique'  tome  I,  pl.  VIII,  p.  95,  n.  (1). 

(1)  Les  images  d'illustres  anciens  certifiées  ou  par  une 
épigraphe  originale  ,  ou  par  un  signe  caractéristique ,  et 
qui  peuvent  par  cette  raison  servir  de  prototype  pour  re- 
connaître et  déterminer  les  autres  qui  leur  ressemblent, 
sont  au  nombre  de  treize.  Celles  de  Bias  ,  de  Périandre , 
de  Périclès,  d'Aspasie,  de  Sophocle,  d'Alcibiade,  d'An- 
tisthène,  de  Zenon  l'Epicurien,  d'Eschine  ,  et  de  Posi- 
dippe  ,  qui  ont  leurs  inscriptions.  Et  par  les  observations 
faites  d'après  leurs  déterminations  bien  caractérisées,  on  a 
reconnu  celles  d'Archiloque ,  de  Zénon  de  Citium ,  et  de 
Licurgue.  On  peut  y  ajouter  le  simulacre  assis  du  re- 
theur  Aristide  ,  que  Ton  conserve  dans  la  Bibliothèque  Va- 
ticane ,  lequel  est  désigné  par  une  inscription  sur  sa  base. 


187 

du  portrait  d'Eschine  que  la  seule  épigraphe 
sur  un  hermès  rompu,  auquel  on  avait  ajouté 
une  tête  prise  au  hazard(i).  L'effigie  véritable 
se  trouvait  dans  quelque  collection ,  mais  on 
ne  pouvait  la  reconnaître  sans  ce  bel  hermès 
trouvé  dans  les  ruines  de  la  maison  de  Cas- 
sius(->),  comme  le  précédent,  et  marqué  sous 
la  poitrine  par  l'épigraphe 

Aeschines. 

Quoique  plusieurs  illustres  anciens  ayent  porté 
ce  nom  (3) ,  comme  on  n'y  lit  aucune  autr  e 
parole  ajoutée,  cela  fait  supposer  assez  facile- 
ment que  c'est  le  plus  renommé,  c'est-à-dire  l'ora- 
teur Athénien  fils  d'Atrométès  et  rival  fameux  de 
Démosthènes.  Cette  probabilité  devient  démontrée 
lorsque  l'on  remarque  dans  la  collection  Barbe- 
rini une  image  toute  semblable  qui  accompagne 
celle  du  même  Démosthènes  (4).  Une  autre  tête 
d'Eschine,  est  parmi  celles  du  Capitole  incon- 
nues (5). 

(1)  F  abri  ;  Imag.  Illustr. ,  n.  2. 

(2)  Cet  hermès  fut  trouve  avec  ceux  des  sages  et  avec 
les  simulacres  des  Muses  5  et  il  est  à  remarquer  que  pré- 
cisément avec  les  noms  des  Muses  elles  avaient  été  dis- 
tinguées par  les  anciens  au  nombre  de  neuf  dans  les  Epitres 
de  cet  orateur  (  Fabric.  ;  Bibl.  Gr.  }  tome  I;  p.  900.) 

(3)  Fabric,  ï.  c.'j  p.  928,  (*). 

(4)  Il  y  a  deux  superbes  têtes  bien  conservées  dans 
l'appartement  au  rez-de-chaussée  de  ce  grand  palais  ;  elles 
sont  semblables  par  le  style  de  la  sculpture  ;  par  le  mar- 
bre et  les  dimensions. 

(5)  Mus.  Capitol.,  tome  I,  pl.  LXIX. 


i88 

On  voit  sur  ce  marbre  l'orateur  ayant  un  bel 
aspect  et  robuste,  comme  on  sait  qu'était  aussi 
son  père  (i).  Il  a  la  barbe  courte,  et  en  cela  il 
ressemble  aux  autres  portraits  de  ses  contempo- 
rains, l'usage  de  la  raser  étant  devenue  peu 
à  près  a  la  mode  qui  avait  été  introduite  par 
les  Macédoniens.  De  même  le  petit  manteau 
rejeté  sur  l'épaule  gauche  est  un  ornement  or- 
dinaire aux  hermès  ou  bustes  qui  nous  repré- 
sentent les  portraits  des  hommes  de  génie  de 
l'antiquité. 

PLANCHE  XXXVII. 

DÉ  MO  S  THÈ  NES  *. 

Nous  avons  dit  ailleurs  comment  un  bronze 
d'Herculanum  nous  apprit  à  reconnaître  l'image 
de  ce  célèbre  orateur,  et  comment,  ayant  ce 
monument  pour  guide ,  nous  l'avons  retrouvée 
dans  des  simulacres ,  sur  des  pierres  gravées , 
sur  des  bas -reliefs,  et  dans  une  quantité  peu  com- 
mune d'hermès  (2).  J'observerai  ici  seulement 


(1)  Apollonius  le  Sophiste  dans  la  Vie  cC Eschine  9  au 
commencement  des  œuvres  de  ce  poète,  de  l'édition  de 
Reiske. 

*  Hauteur,  avec  la  poitrine,  deux  palmes,  quatre  onces, 
Elle  est  en  marbre  grec  dur. 

(2)  Dans  notre  tome  lit,  pl.  XV  ;  où  est  décrite  la 
belle  statue  assise  avec  la  tète  de  Dëmosthènes.  On  a  pu- 
blié les  hermès  de  Dëmosthènes  qui  sont  au  Capitole  pour 


que  le  nôtre  est  un  des  plus  beaux  qui  le  re- 
présentent, tant  par  sa  conservation  que  par  son 
travail.  J'ajouterai  dans  la  note  (i)  la  notice  d'une 
autre  effigie  de  cet  éloquent  Athénien,  conservée 
dans  la  Villa  Pamphili  sur  le  Janicule;  cette  effi- 
gie qui  avait  été  jusqu'alors  inconnue  aux  ama- 
teurs, et  qui  pouvait,  à  cause  de  l'épigraphe 
quVlle  porte,  nous  avoir  indiqué  ,  avant  la  dé- 
couverte du  huste  d'Herculanum  ,  quoiqu'avec 
moins  de  clarté  cependant,  quels  étaient  les  por* 
traits  authentiques  de  cet  homme  illustre  (2). 


des  images  de  Te'rence  (  Museo  Capitolino  y  tome  I,  plan- 
che XXXVII),  à  cause  d'une  ressemblance  trompeuse 
avec  le  Te'rence  peint  en  couleur  du  fameux  manuscrit 
du  Vatican  ;  portrait  qui  diffère  de  la  figure  que  nous 
en  donnent  les  médailles  appelées  contorniales ,  et  qui 
ne  sont  pas  d'une  grande  autorite'. 

(1)  C'est  un  bouclier  ou  rondache  de  marbre  d'environ 
trois  palmes  de  diamètre^  au  milieu  duquel  est  en  relief 
le  buste  nu  de  Demostliènes  ayant  un  manteau  jeté'  sur 
les  épaules.  La  physionomie  observée  de  profil ,  conserve 
urie  espèce  de  ressemblance  avec  les  têtes  de  Démosthè- 
nes,  autant  que  peut  le  permettre  le  nez  qui  est  mo- 
derne et  le  travail  qui  manque  d'exactitude,  elle  ne  pa- 
raît avoir  e'te'  exécutée  que  pour  servir  d'ornement.  Dans 
le  fond;  au  dessus  de  l'épaule  gauche  de  l'orateur  est  un 
cartel  quadrilatère  un  peu  relevé  du  champ  ?  et  sur  le- 
quel est  écrit  ainsi  le  nom  du  sujet 

AH 
MOE 
©EN 
HE 


PLANCHE  XXXVIII. 


Jules  César  *. 

il  est  plus  rare  qu'on  ne  pense  de  trouver 
de  véritables  et  d'authentiques  portraits  de 
cet  homme  incomparable  par  son  propre  mé- 
rite et  par  son  bonheur.  L'incertitude  de  son 
effigie  sur  les  médailles  provenant  du  dé- 
faut de  l'art  qui  l'a  mal  caractérisée  sur  le 
bronze,  et  qu'on  distingue  difficilement  à  cause 


Les  caractères  sont  indubitablement  antiques,  et  l'erreur 
de  l'A  pour  le  A  peut  être  regardée  comme  une  mé- 
prise du  marbrier  ,  quadrarium ,  lequel  a  copie' peut-être 
à  la  vue,  sans  savoir  lire,  cette  épigraphe  ;  comme  cela  est 
souvent  arrivé  dans  des  monumens  très-remarquables.  Ainsi, 
par  exemple,  dans  l'épigraphe  de  V Agoras  d'Athènes  on 
lit  par  une  erreur  absolument  semblable  ,  A0HiNAÏ 
APXHrETlAl  au  lieu  de  APXHrETIAI  (Stuart, 
Antiquities  of  Athens  ,  tome  I ,  page  i  ,  et  page  5 ,  a 
la  note  (5).  Si  quelqu'un  s'obstinait  k  douter  de  cette  épi- 
graphe ,  il  devra  réfléchir  que  cette  image  de  Démosthè- 
nes  fut  placée  dans  la  Villa  Pamphile,  plus  d'un  siècle 
avant  qu'on  en  connût  l'effigie  authentique  ,  et  que  mal- 
gré cela  elle  lui  ressemble  assez  pour  s'assurer  que  tou- 
tes deux  sont  le  portrait  de  la  même  personne.  Le  ha- 
zard  seul  ne  peut  avoir  si  bien  fait  approcher  de  la  vé- 
rité le  faussaire,  particulièrement  dans  un  temps  ou  l'image 
que  l'on  réputait  être  un  Démosthènes  se  voyait  totale- 
ment différente  (  Fabri ,  Imag.  5&). 

*  Hauteur ,  y  compris  tout  le  piédouche  ,  quatre  pal- 
mes,  une  once.  Il  est  de  marbre  de  Luni.  Clément  XIV 
l'acheta  du  sculpteur  M,  Pacetli  qui  le  possédait. 


rgi 

de  sa  petitesse  sur  les  médailles  d'or  ou  d'ar- 
gent, a  donné  un  vaste  champ  à  ces  bapti- 
seurs  de  retrouver  César  dans  beaucoup  de  têtes 
et  de  bustes  qui  ne  lui  ressemblaient  pas,  excepté 
par  quelques  légères  déterminations  fort  ordi- 
naires de  sa  physionomie.  On  ne  doit  pas  en 
effet  perdre  de  vue  les  médailles  dans  une  pa- 
reille recherche  j  mais  alors  nous  serons  assu- 
rés de  ne  pas  nous  tromper,  quand  nous  ajou- 
terons à  la  ressemblance  reconnue  sur  les  ty- 
pes anciens,  quelque  autre  observation  et  quel- 
que particularité  non  équivoque.  Le  buste  co- 
lossal de  la  collection  Farnese  (i)  sera  donc  le 
portrait  de  César  le  plus  authentique;  car  en 
outre  de  la  conformité  de  cette  effigie  avec 
celles  des  médailles  ,  il  a  F  avantage  de  sa  di- 
mension et  de  sa  proportion  colossale,  laquelle 
était  consacrée  aux  simulacres  des  Dieux  ou  des 
monarques  romains  qui  leur  ressemblaient  sur 
la  terre  (2).  Ayant  reconnu  César  dans  ce  beau 


(1)  Autant  que  je  sache,  ce  beau  et  rare  monument  n'a 
jamait  été  publie',  Il  est  a  présent  à  Rome  chez  le  scul- 
pteur M.  Carlo  Àlbaccini  ;  qui  doit  le  restaurer  pour  S. 
M.  Sicilienne. 

(2)  Quoique  l'on  trouve  ch&us  les  écrivains  quelque  men- 
tion des  images  colossales  élevées  dans  les  provinces  en 
l'honneur  de  simples  magistrats  romains  ,  qui  y  étaient 
vénérés  quelquefois  comme  des  Dieux  ;  je  ne  sais  si  on 
peut  de-îa  en  inférer  qu'il  ait  existé  aussi  dans  Rome  de 
semblables  simulacres  ;  et  je  ne  me  rappelle  pas  d'avoir 
vu  aucun  portrait  romain  d'une  proportion  colossale  ,  à 
moins  qu'il  n'eût  appartenu  à  quelqu'un  des  dominateur* 
de  Rome,  ou  à  sa  famille. 


ÎQ2 

buste,  il  sera  facile  de  le  reconnaître  aussi  dans 
la  statue  du  Capitole,  dont  la  tête  est  plus  belle 
sans  être  plus  ressemblante  pourtant  ,  parce 
qu'elle  est  ornée  de  cette  dignité  noble  ,  extraor- 
dinaire, supérieure  à  la  nature  ,  dont  les  artis- 
tes anciens  avaient  coutume  de  faire  briller  Fi  ma- 
ge des  mortels  divinités  (l).  Excepté  ces  deux 
beaux  portraits,  non  douteux,  de  Jules  César, 
je  n'en  connais  plus  d'autre  ;  au  contraire  , 
c'est  avec  peu  de  fondement  qu'on  a  donne  ce 
nom  à  tant  d'autres  qui  existent  dans  différen- 
tes collections  (2). 

Le  buste  que  nous  examinons,  tout  antique, 
doit  être  excepté  du  nombre  des  images  sup- 
posées dont  il  vient  d'être  parlé.  Sa  ressemblance 
rare  avec  la  grande  tête  du  César  Farnésien, 
quoiqu'elle  ne  soit  pas  parfaite  dans  tous  ses 
détails,  est  telle  et  si  grande  cependant,  qu'on  ne 
peut  l'attribuer  purement  au  liazard.  Il  paraîtrait 
plutôt  qu'on  devrait  attribuer  les  variations  ap- 
parentes ou  quelque  défaut  dans  les  rapports  à 
l'effet  du  temps.  Ainsi  quoique  nous  ne  puissions 
pas  la  donner  pour  un  portrait  de  César  avec 


(i)  Elle  a  été  publiée  dans  les  Statue  de  Maffei,  n.  XV. 
On  peut  comparer  ce  que  nous  avons  dit  ici  de  cet  em- 
bellissement des  traits  avec  les  remarques  que  nous  avons 
faites  dans  le  tome  IIÏ  ,  pl.  VI,  et  avec  ce  que  nous  en 
dirons  ci-après  dans  les  notes  de  la  pl.  XL.  Voyez  aussi 
Frigëlius  ,  de  Statuì s ,  ch.  14. 

(a)  De  même  celui  qui  tient  la  place  de  César  dans  la 
Séri<?  des  bustes  Copitoîins^  Mus*  Capti.  ;  tome  II ,  pl.  I- 


ip5 

la  même  assurance  que  les  deux  dont  il  a  été 
question  ci-dessus,  qu'on  peut  le  regarder  comme 
tel  avec  une  probabilité  qui  n'est  pas  à  dédai- 
gner, laquelle  fera  valoir  davantage  les  autres 
qualités  estimables  de  ce  morceau  antique. 

PLANCHE  XXXIX. 

Auguste  couronne    d'e  pis*. 

La  rareté  de  cette  tête,  qui  est  indubitable- 
ment le  portrait  d'Auguste,  ne  tient  pas  tant 
au  sujet,  dont  beaucoup  de  monumens  sont  ve- 
nus jusqu'à  nous  (i),  que  de  la  particularité  de 


*  Sa  hauteur  ,  avec  le  pie'douche  ,  est  de  trois  pal- 
mes, une  oncç.  Il  est  de  marbre  penlélique.  Cette  téte  a 
e'te'  autrefois  &  lar  Villa  Mattei  ;  adaptée  à  une  mauvaise 
statue  couverte  de  la  toge.  On  peut  la  voir  dans  les  Mo* 
numenta  Matthaejor. ,  tome  I,  pl.  LXXVII,  ou  cepen- 
dant on  n'a  pas  rendu  la  couronne. 

(i)  Nous  avons  donne'  d'autres  simulacres  d'Auguste  dans 
le  tome  II  de  cet  ouvrage,  pl.  XLV  etXLYI,  et  dans 
le  III,  pl.  I.  Une  des  plus  belles  têtes  qui  le  représen- 
tent est  a  pre'sent  en  Espagne,  et  appartient  à  M.  Des- 
puig,  e'vêque  d'Origuela,  qui  la  trouva  dans  ses  fouilles 
à  Ariccia,  et  qui  la  fit  graver  très-bien  par  M.Raphael 
Morghen.  Je  regarde  comme  un  des  plus  remarquables 
monumens  d'Auguste,  dont  personne  ne  s'est  encore  a- 
perçu  ,  la  tête  d'un  des  plus  grands  colosses  dont  nous 
ayons  les  restes,  et  que  l'on  voit  à  la  Villa  Mattei.  On 
y  découvre  clairement  la  physionomie  d'Auguste,  mais 
d'Auguste  divinise,  et  par  cette  raison  fort  embelli,  tel 

Musée  Pie-Clém.  Toi.  VI.  i3 


sa  couronne  d'épis  ,  qui  rend  eette  effigie  uui- 
que. 

Une  pareille  couronne  qui  avait  été  la  première 
adoptée  pour  ceindre  le  front  de  Romulus 
fut  peut-être  donnée  par  cette  raison  à  ce  cé- 
lèbre empereur  que  Fon  regarda  et  qu'on  appela 
un  nouveau  Quirinus  (2).  Ou  il  la  porte  comme 
étant  Frère  Arvale  >  motif  qui  la  fit  porter  aussi 
par  Romulus  (3) ,  ou  enfin  la  cause  qui  le  fit 
couronner  de  cette  sorte  ,  est  peut-être  la  même 
pour  laquelle  on  voit  sur  le  revers  des  médailles 
d'Alexandrie  et  de  Rome,  ou  est  sa  tête,  une 

qu'il  est  sur  beaucoup  de  médailles  ayant  le  titre  de 
Viws  Augus tus  Pater ,  ou  plus  particulièrement  sur  celles 
qui  portent  au  revers  la  statue  assise  qui  lui  fut  érigée 
du  consentement  de  tous  les  ordres  de  citoyens.  Martial 
fait  une  mention  expresse  de  ce  colosse  d'Auguste,  épi* 
tre  XLIV,  liv.  VIII. 

(1)  Pline,  lib.  XXIII,  §  ti\  Gellius  ,  liv.  VI  )  ch.  7  : 
la  Couronne  d'épis  est  aussi  désignée  dans  les  Iscrizioni  Ar- 
vali7  rassemblées  et  corrigées  très-savamment  par  M.  l'abbé 
Gaetano  Marini  ,  et  insérées  dans  le  tome  IV  de  l'ou- 
vrage de  Sacrariis  templi  Vaticani  de  l'abbé  Cancellieri, 
n.  XXXÏI.  Cette  inscription  est  dans  le  Musée  Capilolin. 

(2)  Suétone  ,  in  Octav.  Aug.  ,  c.  \7II  ;  Virgil.,  Georg.  IN, 
v.  27,  et  au  même  endroit,  les  commentateurs. 

(5)  Il  est  question  d'Auguste  comme  Frère  Arvale  dans 
les  inscriptions  des  Arvales  au  n.  I;  et  les  mêmes  nous 
apprennent  que  d'autres  empereurs  ont  aussi  été  admis 
a  ce  sacerdoce.  Il  y  a  dans  l'atelier  du  sculpteur  M.  Fer- 
dinando Lisandroni  deux  têtes  très-belles  qui  représen- 
tent Marc-Aurèle  et  Lucius  Vérus  ,  tous  deux  jeunes, 
couverts  d'un  voile  y  et  couronnés  d'épis  comme  les  Frères 
Arvales. 


ig5 

poignée  d'épis  (i),  par  rapport  à  l'abondance, 


(i)  Venuti  ,  Numism.  max.  mod.  Musaci  Albani ,  plan- 
che V;  i  -7  Gori,  Musaeum  Florentinum  ,  Numism.  max. 
mod.arg.  et  aer.  ;  pl.  Ili  ;  2;  Zoëga  ;  Numi  Ae gyp t.  Imp. 
Aug. ,  n.  26  ,  pl.  ï.  On  pourrait  croire  que  la  couronne 
d'épis  fût  donnée  dans  notre  sculpture  a  Auguste  par  une 
adulation  semblable  à  celle  de  Virgile  qui  voulait  le  mé- 
tamorphoser en  un  Dieu  bienfaisant  lutelaire  de  l'agri- 
culture : 

Auctorem  frugum  tempestatimi  que  potentem. 
(Georg.,  liv.  1 7  v.  27  )  :  si  le  poète  n'eut  pas  ajouté 
.  .  .  .  cingens  materna  tempora  myrto. 

A  dire  la  vérité,  il  a  paru  étrange  à  quelques  critiques 
que  l'on  donnât  le  myrthe  de  Vénus  à  un  Dieu  qui7  comme 
Cérès,  Triptolème ,  ou  Aristée  ,  devait  présider  à  la  cul* 
ture  des  champs;  et  quelques-uns,  ce  qui  a  été'  juste- 
ment rejeté  par  M.  Heyne ,  ont  voulu  par  cette  raison 
changer  la  ponctuation  de  ces  vers.  Us  n'avaient  pas  ré- 
fléchi certainement  que  la  couronne  de  myrthe  est  attri- 
buée également  à  Cérès  principale  divinité  géorgique  ',  que 
celle  d'épis  ne  lui  était  pas  consacrée  ;  et  que  ce  fut  pour 
cette  raison  que  les  hyérophantes  ;  les  prêtresses  et  les  au- 
tres ministres  de  cette  déesse  étaient  couronnés  de  myr- 
the. Histros  ,  dans  le  scoliaste  d'Aristophane,  nous  ap- 
prend cette  particularité  >  ad  Oed.  Colon.,  v.  ni5,  ed. 
Johnson.  (  *0  â'iirrpoç  r^ç  A^fi^rpoç  eivai  arèppM 
tî?v  pvppivriv .  . .  .  Tcaï  tòv  ïepopdvi^v  ,  wai  ràç  le- 
po(pdvri8aç ,  naì  ròf  dadov^ov ,  xai  vàç  a?»?Laç  ïe~ 
psiaç  (ivpphjiç  tfrépmw  0ï-  oi  noi  t$  Atf- 

(i^rpi  fjpoo'Séo'Sai,  ravriyv  (p^(ri  :  Histros  dit  que  le 
myrthe  est  la  couronne  de  Cérès,  et  que  t Hiérophante  , 
les  Hiërophantides ,  le  Daduche  ,  et  les  autres  prétresses 
portaient  des  couronnes  de  myrthe  ,  ce  qui  Va  fait  attri- 
huer  particulièrement  à  Cérès J,  Artémidore  le  confirme 
dans  le  liv.  I  des  Onirocritiquesr  chap.  79.  Cela  posé,  Vir- 


396 

c'est-à-dire,  l'annona,  procurée  parla  conquête 
de  l'Egypte  aux  Romains,  peut-être  encore  à 
cause  de  ses  grandes  distributions  de  grains  , 
largesses  qui  furent  imitées  par  ses  succes- 
seurs, et  dont  il  est  fait  une  mention  très -dé- 
taillée par  rapport  à  lui  dans  le  monument 
d'Ancyra. 

Une  seule,  ou  même  toutes  les  causes  dont 
nous  venons  de  parler, peuvent  avoir  engagé  l'ar- 
tiste à  donner  cette  couronne  à  la  tête  d'Au- 
guste. Quoiqu'il  en  soit  de  cela ,  cette  particu- 
larité remarquable  et  érudite  recommande  à  l'ob- 
servateur ce  mouument,  qui  par  son  exécution 
paraît  a  peine  digne  de  l'époque  brillante  du 
siècle  de  cet  empereur.  Mais  dans  tous  les  temps 
le  nombre  des  hommes  médiocres  de  toute  espèce 
de  profession  a  toujours  été  le  plus  grand. 

PLANCHE  XL. 

Auguste  * 

Cette  belle  tête  d'Auguste  est  sous  beau- 
coup  de   rapports  remarquable  parmi  tous  les 

gilè  a  fait  avec  jugement  choix  d'une  couronne  de  myr- 
the  de  préférence  aux  épis ,  pour  en  ceindre  la  tête  de 
son  Auguste  crée  Dieu  de  l'agriculture  ?  puisque  la  pre- 
mière, en  outre  qu'elle  appartenait  à  la  Déesse  des  champs  f 
comme  nous  venons  de  voir,  était  aussi  consacrée  à  Vé- 
nus la  divine  mère  de  la  f.imille  Julia,  et  de  qui  les 
empereurs  se  vantaient  de  descendre  par  Jule  et  Enée* 
*  Haut,  avec  le  piédouche,  de»  deux  palmes  et  neuf 


*91 

portraits  que  nous  possédons  de  jce  prince.  Sans 
parler  à  présent  de  l'excellence   du  travail  et 
de  l'intégrité  qui  la  rend  précieuse ,  elle  est 
curieuse   par  plusieurs    notables  particularités 
dans  ses  traits  et  dans  ses  attributs.  On  ne  con- 
naissait pas  encore  une  image   d' Auguste  en 
marbre  qui   nous  le  représentât ,  comme  dans 
celui-ci,  à  un  âge  avancé:  toutes  les  autres  le 
présentant  à  peu  près  h  cet   âge   dans  lequel 
ayant  vaincu  ses  adversaires,  et  supplanté  ceux 
avec  qui  il  partageait  le  pouvoir ,  il  saisit  seul 
le  timou  du  gouvernement  de  l'univers.  On  voit 
dans  notre  marbre  ses  traits  d  jà  altérés  par  la 
vieillesse  ,  et  tels  qu'ils  sont  justement  sur  ses 
médailles  de  grand  bronze  frappées  par  Nerva  (i), 
mais  cependant  montrant  de  la  dignité,  et  cette 
grâce  sévère  qui  peut  encore  embellir  la  vieil- 
lesse ,  telle  que  Suétone  nous  la   dépeinte  en 
lui  (2). 


onces  y  il  est  de  marbre  grec,  d'un  grain  fin,  appelé'  com- 
munément Grechetto.  On  Tacheta  par  ordre  de  S.  S. 

(1)  La  téle  d'Auguste  en  profil  que  Ton  voit  sur  ces 
médailles,  en  outre  qu'elle  le  représente  à  un  âge  très- 
avancé  ;  a  une  certaine  analogie  avec  la  figure  de  Nerva 
lui-même,  exagérée,  à  ce  qu'il  paraît,  par  un  genre  d'adu- 
lation peu  commun.  On  trouve  la  même  altération  dans 
les  médailles  d'Auguste  et  de  Claude  refaites  par  Titus. 
Les  traits  de  ces  empereurs  sont  plus  arrondis  qu'il  ne 
faut ,  et  paraissent  se  rapprocher  de  ceux  de  Titus. 

(2)  Suétone ,  Aug.  chap.  79 ,  forma  eximia  /  et  per 
omnes  aetatis  gradus  venustissima. 


On  ne  distingue  dans  aucune  autre  image 
de  ce  prince  ,  aussi  bien  que  dans  celle-ci  ces 
sourcils  réunis  tels  que  Suétone  nous  les  a  in- 
diqués en  décrivant  sa  figure  (1). 

Un  objet  d'observation  pour  l'érudit  est ,  ce 
me  semble,  la  couronne  qui  lui  ceint  la  tête,  n'é- 
tant pas  de  feuilles  de  laurier  comme  on  les  voit 
sur  le  front  des  empereurs.  On  s'aperçoit  que  les 
feuilles  ne  sont  pas  naturelles  ,  mais  qu'elles  sont 
imitées  avec  art  sur  la  surface  d'un  ruban  ou 
d'un  diadème  ,  lequel  est  orné  au  milieu  d'une 
pierre  ronde,  ou  clipeata ,  et  sur  laquelle,  par 
un  art  qu'on  ne  peut  trop  admirer  chez  les  an- 
ciens (quoique  d'une  très-petite  dimention,  à  peine 
ébauchée,  et  en  partie  rongée),  on  peut  recon- 
naître le  portrait  en  relief  de  Jules-César  cou- 
ronné de  laurier. 

L'usage  de  quelques  pierres  gravées,  soli- 
taires, rondes,  placées  au  milieu  de  la  couronne 
correspondant  au  front ,  n'est  pas  commun  , 
ni  assez  bien  éclairci,  ou  décrit  par  les  monu- 
mens  ou  par  les  écrivains.  La  tête  colossale  de 
Trajan  dans  le  Capitole  a  une  couronne  de 
chêne,  et  sur  la  pierre,  clipeata^  qui  est  au  mi- 
lieu est  gravé  l'aigle  de  Jupiter  (2).  Sur  beau- 
coup de  monumens  les  couronnes  des  prêtres 
sont  ornées  de  trois  pierres  gravées  (3).  On  lit 


(1)  Super cilia  Coniuncta  }  même  lieu. 

(2)  Ce  monument  n'est  pas  publie'. 

(3)  De  même  celle  de  FArchigalle  du  Capitole,  celle 
du  Cistophore  de  Vallicelli. 


199 

dans  la  Vie  de  Domitien,  qu'il  orna  son  front 
aux   combats   Capitolins  d'une  couronne  d'or, 
ornée  peut-être  de  trois  pierres,  oii  étaient  gra- 
vées les  divinités    du   Capitole ,    quoique  ce- 
pendant elles  ne  furent  pas   toutes  trois  gra- 
vées en  une  seule,  comme  on  les  trouve  sur 
le  revers  des  grandes  médailles  de  l'empereur 
Adrien.  Les  prêtres  les  plus  distingués    de  la 
ville  qui  assistaient  l'empereur  dans  cette  fonc- 
tion portaient  aussi  de  semblables  couronnes 
excepté  que  le  type  de  leur  pierre  était  le  por- 
trait de   Domitien,  qui  passait  pour  un  Dieu 
habitant  parmi  les  hommes  ,   et  c'était  préci- 
sément comme  dans  notre   sculpture  le  profil 
de  César  déifié  (r).  Enfin  les  couronnes  de  lau- 
rier et  de  chêne  que  l'on  voit  sur  le  revers  de 
beaucoup  de  médailles,  sont  quelquefois  enri- 
chies d'une  pierre  précieuse ,    sans  cependant 
qu'on  y  voye  aucun  travail  indiqué  (2). 

On  pourrait  croire  que  la  couronne  d'Auguste 
sur  notre  marbre  a  plutôt  rapport  aux  fonctions 
du  sacerdoce  qu'il  exerça,  qu'à-ses  triomphes, 
ou  à  la  dignité  impériale,  dont  les  attributs 
n'étaient  pas  encore  bien  déterminés  (5);  et  il 


(1)  Suëtone  ;  Domit.7  cliap.  IV;  Capite  gest ans  cor onam 
auream  cum  effigie  lovis  7  Iunonis  7  Minervaeque  7  adsi- 
stentibus  Diali  sacerdote  ?  et  collegio  Flavialium  pari  ha- 
bitu  ?  nisi  quoi  illorum  coronis  inerat  et  ipsius  imago. 

(2)  Voy.  par  ex.  Buonarroti,  Medaglioni,  Commodo,  n„  8. 
(5)  Les  têtes  d'Auguste  et  de  Tibère  sont  en  effet  as- 

sez  souvent  nues  sur  les  rne'dailles  frappe'es  pendant  leur 
vie  5  quekju'autres  sont  couronnées  de  cliêne. 


200 

n'est  pas  invraisemblable  sous  le  rapport  du  sacer- 
doce qu'il  ait  voulu  prendre  dans  cet  ornement 
distinctif  l'effigie  du  divin  Jules ,  l'origine  de 
son  pouvoir  suprême,  son  père  adoptif,  et  dont 
l'image  qui  fut  gravée  sur  la  pierre,  reconnue 
alors  par  tout  Y  empire  romain ,  avait  eu  peu 
de  temps  avant  pour  prêtre  Marc-Antoine  ,  le 
seul  des  hommes  vivans  qui  ait  pu  rivaliser 
Auguste  lui-même  par  sa  puissance  et  son  état 
brillant  (i). 

Nous  savons  cependant  que  l'usage  de  la  cou- 
ronne d'or  ou  ornée  de  pierres  (2)  fut  accordé 
par  le  sénat  à  Jules  lui-même ,  comme  orne- 
ment distinctif  qui  était  du  à  l'autorité  souve- 
raine à  laquelle  il  s?était  élevé  ;  alors  il  ne  doit 
pas  paraître  extraordinaire  qu'on  voye  cet  or- 
nement à  son  successeur, 

PLANCHE  XL I. 

Claude  *. 

Les  bustes  de  Tiberius  Claudius,  oncle  et  suc- 
cesseur de  Caligula,  étant  rares  dans  les  collec- 


(1)  Dion,  liv.  XLIV. 

(2)  Dion,  1.  c.  y  arétpavov  diâftpvaov  oeal  diàùiSov* 
*  Hauteur,  avec  le  piedouche  ?  quatre  palmes,  cinq  on- 
ces ,  en  marbre  de  Luni.  On  Ta  trouve'  dans  les  fouilles 
de  la  colonie  d'Otriculum ,  entreprises  par  les  ordreé  de 
S.  S. 


201 

lions,  celui-ci  devient  d'autant  plus  intéressant 
et  singulier.  Il  se  distingue  des  autres  par  ses 
dimensions  colossales  et  par  la  couronne  civi- 
que dont  il  est  orné. 

On  reconnaît  le  portait  de  cet  empereur  si 
foible ,  et  par  les  marques  particulières  dont 
parlent  ceux  qui  ont  écrit  sa  vie  (i)  ,  et  par 
son  menton  un  peu  court  et  peu  apparent,  tel 
qu'on  lui  voit  sur  ses  médailles  avec  lesquelles 
notre  sculpture  s'accorde  parfaitement. 

On  remarque  la  couronne  de  chêne,  donnée  à 
Claude,  sur  le  revers  des  médailles,  où  l'inscrip- 
tion la  désigne  pour  une  couronne  civique.  Il 
paraît  ainsi  couronné  de  chêne  sur  d'autres  mo- 
numens,  comme  s'il  était  un  Jupiter  terrestre  (2). 
On  voit  très-souvent  les  têtes  des  empereurs 
ornées  de  cette  couronne  ,  et  il  paraît  que  celle 
de  laurier  n'était  pas  encore  aussi  particulière- 
ment réservée,  comme  elle  le  fut  ensuite  pour 
marques  distinctives  de  la  dignité  impériale  (5), 


(1)  Suétone  ;  in  Tib.  Clavd.  7  cap.  3o  Auctoritas  di- 
gnitasque  fornice  non  defuit  ....  opimis  cersncihus. 

(2)  Il  est  ainsi  sur  le  superbe  came'e  du  Musée  Impé- 
rial de  Vienne,  publié  par  M.  l'abbé  Eckel ,  pl.  VII  de 
l'ouvrage  que  nous  avons  cité  ailleurs  }  et  dans  lequel  on 
voit  quatre  bustes  ;  les  deux  à  la  glauche  du  spectateur 
sont  ceux  accouplés  de  Claude  et  d'Agrippine  Mineure  ? 
à  la  droite;  vis-à-vis  les  premiers,  ceux  de  Germanicus  et 
d'Agrippine  Majeure.  Claude  a,  en  outre  delà  couronne 
àe  chêne,  une  égide  sur  la  poitrine  comme  un  Jupiter. 

(5)  Auguste  a  sur  diverses  médailles  de  différentes  gran- 


202 

De  tous  les  monumens  qui  nous  ont  conservé 
la  mémoire  de  Claude ,  le  plus  noble  et  le  plus 
grandiose  est  celui  qui  appartient  aux  Colonna  , 
que  Ton  voit  à  présent  dans  le  palais  royal 
de  S.  M.  Cathol  îque  a  Madrid  (i).  Comme  il 
fait  allusiorr  à  l'apothéose  de  cet  empereur, 
son  buste  est  couronné  de  rayons,  et  soutenu 
Sur  le  dos  d'un  grand  aigle  placé  sur  un  groupe 
d'armes  d'une  si  riche  composition  ,  et  d'un  tra- 
vail si  précieux,  qu'il  ne  le  cède  à  aucun  au- 
tre morceau  du  même  genre.  Pour  le  bien  ap- 
précier il  suffit  de  savoir  que  cette  sculpture 
avait  été  anciennement  destinée  à  servir  de  mo- 
nument de  l'apothéose  de  Claude  à  Boville  ,  où 


deurs  et  de  me'taux  divers  ;  la  couronne  de  chêne  au 
lieu  de  celle  de  laurier.  Ainsi,  par  exemple,  sur  la  grande 
médaille  où  la  "Victoire  est  placée  derrière  sa  tête  ,  oc- 
cupée à  lui  attacher  la  couronne  sur  la  tête.  Il  est  aussi 
couronne'  de  chêne  dans  plusieurs  effigies  de  la  Villa  Al- 
bani. La  même  couronne  est  sur  deux  têtes  de  Tibère  f 
plus  grandes  que  nature  5  Tune  est  dans  le  corridor  du 
Musée  Capitolili,  l'autre,  qui  est  très-belle,  fut  trouvée 
dans  les  fouilles  de  Pantano  ou  des  Gabi  ,  et  placée  der- 
nièrement par  le  prince  D.  Marcantonio  Borghese  dans 
la  Villa  Pinciana. 

(1)  Il  a  été  publié  par  Santi  Bartoli  avec  une  disser- 
tation de  Severoli  \  ensuite  par  Fabretti  et  par  d'autres. 
Il  fut  donné  à  S.  M.  Catholique  Philippe  IY  par  un  car- 
dinal Colonne.  On  l'avait  trouvé  aux  Frattocchie,  lieu  fa» 
meux  de  la  voie  Appienne  ,  où  était  l'ancien  Boville  et 
le  Sacrarium  de  la  famille  Julia  ,  où  furent  découvertes 
les  précieuses  sculptures  de  l'Apothéose  d'Homère  ,  de  la 
table  iliaque  du  Capitole  ,  et  tant  d'autres  monumeus. 


205 

était  le  Sacrar ium  de  la  famille  Julia  à  laquelle 
il  appartenait  comme  neveu  d'Octavie  sœur 
d'Auguste. 

On  ne  doit  parler  d'aucune  des  effigies  de 
cet  empereur  si  ce  n'est  de  la  belle  statue  plus 
grande  que  nature  3  à  moitié  nue,  qui  le  repré- 
sente ,  que  l'on  a  trouvée  dernièrement  dans  les 
fouilles  de  Gabi  appartenant  au  prince  Borghése  , 
avec  une  statue ,  pareille  et  plus  rare  aussi ,  de 
Germanicus  son  frère  (i). 


Ayant  été  enlevé  du  lien  qu'il  occupait  dans  le  palais 
du  roi  à  Madrid  à  cause  d'un  incendie  ,  le  piédestal 
très-riche,  est  à  présent  dans  les  souterrains  de  ce  même 
palais,  et  la  tête  a  été  placée  dans  un  autre  appelé  le 
Ritiro. 

(i)  Nous  pensons  qu'ici  ne  sera  pas  déplacée  une  no- 
tice sur  cette  importante  fouille  exécutée  dans  une  pos- 
session du  prince  Borghese,  près  de  la  voie  Prénestine, 
appelée  Pantano,  à  peu  près  dans  le  lieu  où  Holstenius, 
Fabretli  et  Ciampini  avaient  fixé  les  ruines  des  Gabi, 
Par  cette  fouille,  et  par  les  inscriptions  et  les  sculptu- 
res qu'on  y  découvrit,  nous  avons  été  instruits  que  la 
Tille  des  Gabi ,  déserte  du  temps  d'Horace  et  de  Stra- 
bon ,  c'est-à-dire  sous  le  règne  d'Auguste,  ne  tarda  pas 
à  refleurir  sous  ses  successeurs  ,  et  se  maintint  bril- 
lante long-temps  avant  le  second  siècle,  pendant  Marc- 
Aurèle  ,  comme  le  démontre  le  consulat  d'Apronianus  et 
de  Paulus  de  Tannée  168  de  l'ère  vulgaire,  indiqué  par 
une  de  ces  inscriptions.  Mais  nous  en  parlerons  plus  lon- 
guement dans  le  discours  de  la  pl.  LXL 


&o4 

PLANCHE  XLIL 

Néron  *- 

Quoique  au  premier  côup-d'oeil  la  couromm 
de  laurier  et  la  chevelure  bizarrement  rassem- 
blée fassent  croire  que  le  sujet  de  ce  beau  mar- 
bre est  un  Apollon  ,  pour  peu  qu'on  eu  observe 
les  traits  avec  attention,  et  qu'on  les  compare  avec 
des  effigies  de  Néron  que  Ton  voit  sur  les  mé- 
dailles, on  reconnaîtra  cet  infame  empereur 
dans  toutes  les  parties  de  cette  physionomie  plus 
belle  que  gracieuse  ,  comme  nous  la  dépeint 
Suétone  j  enfin  on  y  voit  son  gros  cou  de  tau- 
reau (i).  Nous  avons  déjà  publié  et  expliqué 
d'autres  monumens  qui  nous  présentent  Néron 
en  habit  de  joueur  de  lyre  (2).  La  tête  que 
nous  examinons  en  ce  moment  est  de  tous  ces 
monumens  celui  qui  mérite  la  préférence  tant 
par  son  travail  que  par  sa  grande  proportion. 
La  couronne,  si  on  la  remarque  bien,  entourée 
de  rubans ,  lemnisci ,  et  ornée  au  milieu  par 
une  grande  pierre  gravée,  orbiculaire  comme 
celles  dites  agonisticae  (3) ,  n'est  pas  simple- 

*  Haut,  avec  le  piédouche,  de  trois  palmes  5  en  mar- 
ine pente'lique.  Il  provient  d'une  fouille  inconnue:  on 
l'acheta  par  ordre  de  S.  S. 

(1)  Sue'tone?  in  Nerone  ,  cap.  LI:  Vultu  fulcro  magis 
fjuam  venusto  .  .  •  cervice  obesa. 

(2)  Dans  notre  III  vol. ,  pl.  IV. 

(?)  Voyez,  la  note  (2)  à  la  pl.  XIÏI  ci-dessus,  p.  99. 


2o5 

ment  la  couronne  de  laurier  d'Apollon ,  mais 
décidément  celle  des  jeuxpythiens  qu'il  obtint 
en  Grèce  avec  celles  des  autres  combats  sacrés, 
et  que  dans  son  entrée  ou  triomphe  cithari- 
que  à  Rome  ,  il  regarda  comme  digne  d'être 
soutenue  dans  sa  main  droite ,  tandis  qu'il  por- 
tait sur  son  front  les  couronnes  Olympiques 
d'olivier  (i).  Mais  les  combats  de  la  lyre  étaient 
célébrés  avec  une  plus  grande  pompe  et  plus 
solennelle  dans  les  jeux  pyhtiens  ,  en  outre 
qu'ils  étaient  aussi  consacrés  à  Apollon;  et  Ner- 
va  préférait  la  musique  au  talent  des  cochers,  et 
il  affectait  de  paraître  toujours  sous  la  forme 
d'Apollon,  De-là  l'adulation  à  laquelle  on  peut 
attribuer  le  simulacre  dont  cette  tête  dépendait 
anciennement,  exigea  qu'elle  fut  ceinte  du  lau- 
rier pythien,  et  le  revêtit  des  habits  de  ce  Dieu 
que  piétendoit  rivaliser  ce  méprisable  empe- 
reur. 

On  doit  faire  grand  cas  de  ce  buste  attendu 
la  rareté  des  portraits  vraiment  originaux  de  Né- 
ron. Le  plus  considérable  est  celui  du  palais  Rus- 
poli,  plus  grand  que  nature.  Nous  avons  parlé  ail- 
leurs d'un  autre  qui  est  à  la  Villa  Pinciana,  de  1 
deux  au  Capitole  ,  l'un  desquels  est  en  partie 
moderne ,  et  l'autre,  très-bien  conservé,  le  re- 
présente presque  enfant  (2). 


Les  couronnes  des  combats  grave'es  sur  les  revers  des  mé- 
dailles grecques  sont  de  la  même  espèce. 

(1)  Suétone,  même  lieu,  chap.  XXV. 

(2)  Museo  Capitol.,  tome  II }  pl.  XVI  et  XVII, 


206 

PLANCHE  XLIII 


Titus  *. 

Ce  beau  buste  qui  nous  représente  bien  con- 
servée,  dans  son  entier ,  la  figure  majestueuse 
et  douce  de  Titus  (i),  dece  prince  qui,  soit  par 
son  cœur,  ou  par  son  esprit,  ou  par  son  bon- 
heur fut  appelé  les  délices  et  l'amour  du  genre 
humain  (2),  ne  lô  cède  à  aucun  autre  morceau 
antique ,  existant  aujourd'hui,  sur  lequel  se 
voyent  empreint  ces  traits  si  chers  et  si  hono- 
rés pendant  tous  les  siècles.  Cet  empereur  qui 
avait  mérité,  même  dès  le  temps  qu'il  remplissait 
les  moindres  emplois  dans  l'Allemagne  et  en  An- 
gleterre, qu'on  lui  dressât  tant  de  statues,  sui- 
vant ce  que  nous  atteste  Suétone  (3),  n'est  pas 


*  Hauteur,  avec  le  pie'douche,  trois  palmes  et  trois 
quarts  ?  en  marbre  pentélique.  Le  souverain  Pontife  Ta 
fait  placer  dans  le  Muse'e. 

(1)  Forma  egregia  et  cui  non  minus  auctoritatis  ines- 
set  quam  gratiae  :  praecipuum  robur.  Suétone;  dans  Tito, 
cliap.  3. 

(2)  Amor  ac  deliciae  generis  humani  :  tantum  Mi  ad 
promerendam  omnium  voluntatem  vel  ingenti  ,  vel  ar- 
tis  y  vel  fortunae  superfuit.  Même  lieu  7  chap.  1. 

(3)  Tribunus  militum  et  in  Germania ,  et  in  Britannia 
meruit  7  summa  industria,  nec  minore  modestia  et  fama* 
sicut  apparet  ex  statuarum  et  imaginum  eius  multitudi- 
ne  ac  titulis  per  utramque  provinciam.  Même  lieu,  c.  4« 


207 

celui  que  Ton  trouve  plus  fréquemment  à  pré- 
sent dans  les  anciens  monumens.  Peut-être  doit- 
on  attribuer  cela  au  peu  de  durée  de  son  rè- 
gne, et  à  la  jalousie  de  son  successeur.  Il  existe 
à  la  Villa  Albani-,  en  outre  de  la  grande  tête 
colossale  qui  nous  représente  Titus,  un  très-beau 
Buste  (i).  Celui  de  la  collection  du  Capitole(^), 
si  cependant  il  appartient  à  cet  empereur,  doit 
le  céder  à  beaucoup  d'autres,  et  particulièrement 
au  nôtre  qui  le  surpasse  par  une  élégante  exé- 
cution. 

§  a.        '  - 
*  Nerva  t- 

En  parlant  de  la  statue  colossale  de  Nerva  qui 
enrichit  le  Musée  Pie-Clémentin  (3),  nous  avons 
parlé  de  ses  effigies  et  de  lôur  rareté.  Cette  ri- 
che et  vaste  collection  est  bien  digne  de  pos- 
séder encore  cette  belle  tête  qui  offre  une  res- 
semblance non  douteuse  avec  les  portraits  que 
Ton  a  de  ce  bon  prince,  sans  avoir  d'autre  dif- 
férence qu'elle  paraît  avoir  été  embellie  selou 
l'usage  adopté  pour  les  apothéoses. 

(t)  Indicazione  antiquaria  della  Trilla  Albani ,  n.  289 
et  427- 

(a)  Museo  Capitol.,  tome  lì,  pl.  XXIII. 
*  Hauteur,  avec  le  piëdouche  ;  trois  palmes,  sept  on- 
ces; en  marbre  de  Luni. 
(3)  Tome  III,  pl.  VI. 


3o8 

PLANCHE  XLI  V. 


P  L  O  T  I  N  A  * 

Cette  tête  colossale  très-noble  dont  nous  don- 
nons la  copie,  nous  offre  le  portrait  de  l'impé- 
ratrice Piotine,  femme  du  meilleur  des  souve- 
rains, de  ïrajan  j  et  il  est  .  si  évident,  que  nul 
n'en  pourrait  douter  pour  peu  quii  eut  une  lé- 
gère connaissance  de  la  science  numismatique, 
tant  le  buste  offre  de  ressemblance  dans  tous 
ses  traits  aux  profils  que  nous  voyons  sur  ses 
médailles  si  recherchées.  Le  style  grandiose  du 
travail  convient  à  cette  heureuse  époque  de  l'arte 
et  il  y  a  lieu  de  croire  qu'Adrien,  élevé  à  l'au- 
torité suprême  par  les  soins  et  peut  être  par 
les  manèges  de  l'impératrice ,  plein  de  recon- 
naissance, ait  voulu  honorer  sa  bienfaitrice  et 
sa  mère  adoptive  par  ce  superbe  monument  (i). 
Les  images  de  cette  impératrice  sont  fort 


*  Hauteur,  y  compris  le  piédouche  et  le  buste  ;  cincr 
palmés  et  neuf  onces.  La  tête  seule  est  antique  ;  de  mar- 
bre grec  d'un  grain  fin,  appelé'  communément  greck^o. 
Le  buste  a  été  fait  par  le  sculpteur  de  S.  S.  M.  Pier- 
antonj.  Il  était  a  la  Villa  Mattei ,  et  a  été  publié  dans 
les  Monumenta,  tome  II,  pl.  XV:  il  avait  un  autre  buste 
moderne  auquel  il  était  alors  adapté. 

(i)  Nous  avons  parlé  dans  le  tome  I,  pl.  A  IX,  n.  17 
du  supplément  ,  d^une  médaille  en  or  très-singulière  , 
sur  laquelle  est  gravée  au  revers  de  la  tele  de  Piotine  le 
buste  d'Adrien. 


20Q 

rares  9  peut-être  doit-on  attribuer  à  sa  modestie 
le  petit  nombre  qui  exista.  Sa  tête  de  grandeur 
naturelle  qui  est  dans  la  collection  du  Capi- 
tole (i)  est  un  de  ses  monumens  très-remarqua- 
ble ,  mais  il  est  hors  de  vraisemblance  et  de 
toute  probabilité  qu'elle  soit  représentée,  comme 
quelques-uns  le  prétendent,  dans  un  bas-relief 
du  même  Musée,  au  moment  où  elle  persuade 
son  mari  d'adopter  Adrien  (2). 

PLANCHE  XLV. 

Adrien  *. 

Parmi  tant  de  portraits  que  nous  avons  d'A- 
drien ,  ce  buste  est  un  de  ceux    qui  méritent 


(0  Museo  Capitolino,  tome  II  ;  pl.  XXX. 

(2)  Museo  Capitol.,  tome  IV,  pl.  XX.  Les  portraits 
de  ce  bas-relief  ne  ressemblent  en  rien  à  Piotine  et  à 
Trajan  ,  et  il  n'y  a  pas  d'apparence  d'aucun  attribut  de  la 
dignité  impériale  du  sujet  principal,  et  encore  moins 
des  indices  probables  qui  puissent  y  faire  conjecturer  une 
adoption.  Il  est  plus  vraisemblable  même  par  le  style  du 
bas-relief;  qui  est  celui  des  monumens  sépulcraux  ;  qu'on 
y  a  représenté  un  homme  décidé,  et  dans  le  moment  qu'il 
établit  pour  héritière  son  épouse,  qui  est  présente;  indi- 
quant les  tablettes  de  son  testament  avec  leurs  sceaux; 
L  image  qui  se  voit  sur  le  fond  du  bouclier  fait  peut- 
être  allusion  à  quelque  legs  fait  par  le  testateur  à  un  tem- 
ple ou  à  un  collège. 

*  Hauteur,  avec  le  pîédouche,  cinq  palmes;  il  est  de 
marbre  pentélique.  Cette  beile  tête  était  conservée  dans  le 

Musée  Pie-Clém.  Vol.  VI.  H 


J2IO 

d'être  distingués  par  la  manière  franche  et  sa- 
vante de  son  exécution,  autant  que  par  sa  di- 
mension. Les  beaux-arts  que  ce  prince  proté- 
gea et  qu'il  exerça  lui-même(i),  ont  rendu  non-' 
seulement  son  nom  célèbre,  mais  aussi  ses  traits 
familiers  parmi  nous. 

Winckelmann  avait  dît  que  la  tête  colossale 
de  cet  empereur,  du  palais  Borghése  (a),  était 
la*  plus  belle.  Celle-<  i  surpasse  assurément  les 
autres  par  sa  grandeur ,  mais  elle  e-st  obligée 
de  le  céder  à  la  nôtre  du  côté  de  l'art  et  par 
rapport  à  son  intégrité.  La  collection  du  Capitole 
qui  possède  cinq  de  ces  portraits  ,  en  compte  ' 
trois  très-beaux  ,  deux  desquels  ont  la  poi- 
trine couverte  de  leurs  armes  (3).  Tel  est  encore 


château  S.  Ange,  où  elle  fut  trouve'e  au  commencement 
de  ce  siècle.  On  la  fait  restaurer  depuis  peu,  et  S.  S. 
Ta  fait  placer  dans  le  Musée. 

(1)  Àurelius  Victor,  Epitome  7  ch.  XIV  ;  2. 

(2)  Hist.  de  Tart ,  liv.  XII,  ch.  1  ,  §  22.  La  fameuse 
pierre  gravée  de  la  collection  Farnese  qu'il  cite  comme 
un  excellent  portrait  d'Adrien,  n'est  pas  du  tout  le  sien, 
mais  bien  celui  de  son  successeur  Antonin  le  Pieux. 

(3)  Un  de  ceux-ci  qui  a  sur  les  bandelettes  qui  atta- 
chent la  cuirasse  en  passant  sur  les  épaules 7  deux  figu- 
res de  géans  à  pieds  de  serpens  9  n'est  pas  encore  pu- 
blié, de  même  que  celui  dont  une  petite  partie  de  la 
poitrine  est  nue,  qui  est  placé  dans  la  salle  des  Idoles 
égyptiennes  ;  et  qu'on  trouva  à  Tivoli.  Ceux  qui  sont 
gravés  sur  les  planches  XXXIII  etXXXIVsont:  le  pre- 
mier ;  une  tête  d'albâtre  agalhîn,  un  peu  restaurée,  ada- 
ptée sur  uu  buste  armé  et  couvert  d'un  paludamentum  ? 


2  I  I 

tm  autre  un  peu  plus  grand,  d'un  très-bon  tra- 
vail, placé  au  palais  Ruspoli(i).  Un  autre  nu, 
mais  ayant  le  baudrier  qui  traverse  sur  la  poi- 
trine,  et  la  chlamyde  sur  les  épaules,  est  con- 
servé dans  la  galerie  du  connétable  Colonna. 
11  fut  trouvé  de  nos  jours  à  Boville  (2)  ;  et  par 
l'excellence  du  travail  et  par  sa  conservation 
on  peut  le  regarder  comme  supérieur  aux  au- 
tres. Celui  de  la  Villa  Montalto,  d'un  style  su- 
blime, avait  la  poitrine  entièrement  nue,  comme 
on  voit  aussi  un  autre  buste  dans  notre  Mu- 
sée (3). 

On  admira  pendant  long-temps,  dans  le  château 
S.  Ange  (4)9  celui  que  nous  offrons  ici  >  il  fut 


le  second,  un  buste  très-beau  avec  cuirasse,  plus  grand 
que  nature  ,  d'une  excellente  conservation  et  d'un  bon 
tiavaiK  On  ne  parle  pas  de  celui-là  dans  le  discours  y  où 
Tou  suppose  que  l'estampe  en  représente  un  cinquième, 
lequel  n'a  d'antique  que  le  masque  d'albâtre  de  couleur 
jaune  de  coing,  matière  dont  les  sculpteurs  se  sont  ser- 
vi très-rarement  pour  rendre  les  cbairs;  ayant  plutôt  em- 
ployé cette  espèce  de  pierre  pour  faire  les  draperies. 

(  )  Il  est  dans  la  galerie  au  rez-de-chaussée. 

(2)  Aux  Frattocchie. 

(5)  On  la  trouvé  a  Pantanello  dans  les  ruines  de  la 
Villa  Advenue. 

(4)  I»  était  dans  la  cour  qui  est  dans  le  maschio,  re- 
placé sur  un  buste  moderne  ,  et  il  avait  pour  pendant 
un  buste  semblable  avec  la  tête  antique  d'Àntonin  le 
Pieux.  Le  Souverain  Pontife  a  fait  substituer  à  cette  tète 
d'Adrien  une  autre  du  même  prince  7  mais  moins  bien 
conservée  ,  eî  on  a  restauré  de  nouveau  FAntonin  le 
Pieux  ;  ensuite  il  les  a  fait  placer  dans  le  sallon  du  même 


212 

trouvé  dans  le  lieu  même  où  anciennement  il 
avait  servi  à  orner  la  Villa  Adrienne  :  cette 
seule  circonstance  suffît  pour  nous  donner  une 
juste  idée  de  l'excellence  de  ce  morceau  an- 
tique. 

PLANCHE  XLVL 

Sabine  *. 

Les  images  de  Sabine  ne  sont  pas  rares  parmi 
les  monumens  antiques.  Et  cela  vu  le  grand  nom- 


château  S.  Ange.  De  la  manière  dont  est  terminé  le  cou 
dans  chacune  de  ces  deux  têtes  il  parait  clairement  qu'elles 
ont  appartenu  à  deux  statues  ?  lesquelles  devaient  être 
placées  dans  deux  grandes  niches  pratiquées  dans  le  ves- 
tibule de  la  chambre  sépulcrale.  En  mesurant  la  hau- 
teur des  niches  ;  on  la  trouve  bien  correspondre  à  la  gran- 
deur extraordinaire  que  ces  têtes  annonçaient  pour  les 
statues.  Nous  avons  parlé  dans  notre  tome  II,  pl.  XLV, 
d'autres  statues  d'Adrien,  et  particulièrement  de  celle  du 
Capitole  sous  la  forme  de  Mars  ,  étant  la  plus  remar- 
quable dans  le  même  volume  nous  en  avons  publié  une 
petite.  Celles  qui  sont  nues  ,  ou  ayant  une  cuirasse  ,  que 
Ton  voit  dans  le  palais  et  dans  les  collections  à  Rome  , 
sont  formées  par  des  torses  acéphales ,  auxquels  on  a 
ajusté  des  têtes  d'Adrien. 

*  Haute;  avec  le  piédouche,  trois  palmes,  sept  onces  ;  en 
marbre  de  Luni.  On  l'a  trouvée  près  de  Civita  Lavinia, 
l'ancienne  Lanuviurn,  dans  une  fouille  entreprise  par  M. 
Gavin  Hamilton,  au  même  lieu  où  quelques  années  avant 
on  avait  déjà  découvert  tant  de  beaux  bustes  de  Marc- 
Aurèle  et  de  sa.  famille ,  qui  sont  tous  placés  au  Capi- 


2l5 

hre  d'artistes  qui  florissaient  dans  ce  temps,  et  la 
protection  et  les  faveurs  qu'Adrien  son  époux 
accordait  aux  beaux-arts  pour  les  soutenir  et 
les  encourager.  Comme  il  est  impossible  de  dire 
qu'aucune  de  ces  images  annonce  ,  un  ciseau  mé- 
diocre ,  on  peut  justement  avancer  que  peu  éga- 
lent la  nôtre  tant  par  un  travail  élégant ,  que 
par  une  rare  conservation.  Son  corps  est  gra- 
cieusement orné  d'une  tunique  et  de  la  palla 
formant  de  très  beaux  plis.  La  touche  moëlleuse 
des  chairs  ,  le  travail  des  cheveux  font  briller 
en  même  temps  la  vérité,  jointe  à  la  noblesse  et 
au  fini  du  fa  re. 

On  voit  dans  la  suite  des  têtes  du  Capitole 
un  portrait  de  Sabine  avec  une  coiffure  diffé- 
rente, ayant  sur  son  diadème  les  marques  dis- 
tinctives  de  Cérès ,  paraissant  moins  jeune  ^  elle 
est  très -belle  dans  son  genre.  Une  autre  tête, 
qui  ressemble  davantage  à  celle  que  nous  avons 
sous  les  yeux,  est  à  la  place  de  Lucilla,  et  porte 
son  nom  (i).  Les  médailles  de  Sabine  nous  of- 
frent aussi  cette  variété  dans  les  traits  du  vi- 
sage et  dans  la  coiffure ,  comme  on  la  remar- 
que dans  ces  deux  marbres.  La  tête  voilée  et 
couronnée  d' épis  qui  représente  cette  impéra- 
trice ,  que  l'on  trouve  dans  les  collections  de 

tole  (Mus.  Cap.  ,  tome  II,  pl.  XL  et  XLIV).  Cet  ha- 
bile peintre  Ecossais  en  a  faitpre'sent  à  S.  S.  qui  Ta  fait 
mettre  dans  le  Musée. 

(i)  Museo  Capti.,  tome  II  ^  pl.  XLVII;  la  premier* 
est  à  la  pl.  XXXV. 


2l4 

pierres  gravées  (i)  ,  est  un  des  chefs-d'oeuvre 
des  anciens  lithographes. 

PLANCHE  XLVIL 
Antinous  * 

Ce  jeune  Bithynien  qui  pendant  sa  vie  mé- 
rita l'amitié  d'Adrien  à  cause  de  sa  beauté  et 
de  sa  mort  volontaire,  et  auquel  on  fit  les  hon- 
neurs de  l'Apothéose  par  ordre  de  cet  empe- 
reur, devint  le  sujet  le  plus  estimé  pour  exer- 
cer les  beaux-arts  à  cette  époque  brillante.  La 
sculpture  a  éternisé  sa  mémoire  en  reprodui- 
sant ses  traits  qui  excitent  aujourd'hui  l'admi- 
ration dans  les  Musées  et  dans  les  palais  de 
l'Europe  moderne. 

Ce  buste  d'une  dimension  presque  colossale 
a  été  découvert  sous-terre  dernièrement,  dans 
la  Villa  Adrienne  ,  et  il  se  distingue  beaucoup 
parmi  tant  d'autres  superbes  mouumens  d'An- 
tinous par  sa  grandeur,  par  son  intégrité  et  par 
ce  marbre  très-dur  que  l'artiste  a  employé. 

Si  l'on  considère  ce  buste  avec  soin,  on  verra 
quii  semble  offrir  quelque  différence  avec  les 


(i)  Dolce,  Gemme  antiche  ,  n.  168. 

*  Haut,  avec  le  pie'doudie,  de  cinq  palmes  ;  il  est  en 
marbre  grec  dur.  On  Ta  trouvé  dans  les  fouilles  Tibur- 
tines  de  la  Villa  Fede  ,  parmi  les  ruines  de  l'ancienne 
Villa  Adrienne,  Tan  1790.  Le  S.  Pontife  en  fit  l'acquisi- 
tion- 


2  l5 

images  du  même,  par  deux  singularités,  d'abord 
par  la  coiffure  divisée  en  petites  boucles  pa- 
rallèles et  pendantes  autour  de  la  tête ,  cepen- 
dant variées  et  travaillées  d'un  goût  exquis,  et 
par  les  feuilles  sculptées  au-dessous  de  la  poi- 
trine où  le  buste  doit  poser  sur  lepiédouche, 
ornement  peu  en  usage  dans  des  monumens  de 
cette  espèce  (i). 

L'union  de  ces  deux  circonstances,  la  pre- 
mière, c'est-à-dire,  la  disposition  des  cheveux, 
caractérise  les  images  d'Harpocrate  ;  la  seconde 
peut  sembler  faire  allusion  à  cette  plante  dont 
la  fleur  servait  quelquefois  à  placer  les  petites 
statues  et  les  bustes  des  divinités  égyptiennes, 
selon  l'attestation  de  Jamblique,  de  Porphyre  et 
celle  de  tant  d'autres  monumens  (2);  cette  réunion, 
dis-je  ,  m'a  fait  croire  que  Ton  a  représenté 
dans  ce  buste  Antinous  comme  Dieu  égyptien  , 
lequel  était  spécialement  gardé  à  Aotinopolis  , 
ville  rebâtie  dans  cette  région  ^  et  ainsi  appelée 
de  sa  nouvelle  divinité,  et  tel  que  nous  ledè- 


(1)  Le  buste  appelé  de  Salonina,  dans  le  Capitole,  a 
un  ornement  pareil  (  Mus.  Capitol. ,  tome  H  ,  pi  LXXX  ). 
Celui  que  Ton  crut  de  Pescennius  Niger  a  aussi  dans  la 
gravure  des  feuillages  d'ornement  vers  le  piédouche^  mais 
on  n'en  trouve  aucune  trace  sur  le  marbre  original.  Même 
lieu ,  pl.  LU. 

(2)  Jamblique  ,  de  myster.}  sect.  VIT ,  2  ;  Porphire  cité 
par  Eusèbe,  liv.  V,  ch.  io;  Caylus  ,  tome  I,  pl.  IX, 
)  ,  et  tome  III  ;  pl.  VII  ,  6,  sans  parler  de  beaucoup 
d'exemples  communs  dans  les  gravures  d'anticjuitG's* 


2  l6 

montrent  les  médailles  où  il  est  représenté  avec 
la  fleur  de  lotos  sur  le  front  (i),  de  même  que 
les  marbres  où  il  est  couronné  de  la  même 
fleur  (2)  ,  sans  parler  des  autres  qui  le  repré- 
sentent habillé  et  dans  la  position  des  idoles 
égyptiennes  (3). 

Notre  buste ,  pour  la  facilité  du  transport  a 
été  affoibli  et  creusé  par-dessous  jusque  dans  les 
bras  ,  à  «peu-près  comme  les  ouvrages  en  bronze. 
On  avait  employé  le  même  moyen  dans  le  superbe 
bas-relief  de  la  Villa  Albani  (4).  Le  motif  indi- 
qué tirait  peut-être  son  origine  de  l'empresse- 
ment avec  lequel  Adrien  faisait  transférer  ces 
images  chéries  dans  ses  habitations  favorites.  Nous 
avons  vu  dans  les  discours  précédens  que  l'admi- 
ration des  anciens  pour  Epicure  avait  rendu  les 
bustes  et  les  hermès  qui  le  représentaient  (5) 
également  ambulans. 

Tous  les  antiquaires  parlent  avec  Winckel- 
mann  des  plus  fameuses  effigies  d'Antinous.  Ce- 
pendant on  n'avait  pas  encore  assez  connu  le 
mérite  de  sa  statue  du  palais  Farnese,  qui  doit 
tenir,  selon  moi,  une  des  premières  places  parmi 


(1)  Zoëga7  Num9  Aegypt.  7  en  Antinoo. 

(2)  Winckelmann ,  Monuin.  inéd.  7  n.  179  et  180.  Il  y 
avait  une  espèce  de  lotos  appelé  Antinoèa. 

(5)  Mus.  Capit.,  tòme  III ,  pl.  LXXV  5  Winckelmann, 
Storia  delle  arti ,  ec.  7  liv.  II  ?  ch.  i,  §  9)  Indicazione 
della  Villa  Albani  7  n,  622. 

(4)  Winckelmann,  Mon.  inéd.,  n.  180» 

(5)  Ci-dessus  ;  pl.  XXXIV ,  $  u 


2  I  7 

tous  les  marbres  qui  nous  offrent  son  image. 
Le  portrait  d'Antinous  couronné  de  lotos,  a  été 
découvert  par  moi  dans  une  des  têtes  du  fa- 
meux groupe ,  qui  appartint  jadis  à  la  reine 
de  Suède  ,  placé  à  présent  à  S.  Hildéfonse  en 
Espagne,  et  que  les  antiquaires  ont  diverse- 
ment expliqué  (i).  Notre  Musée  conserve  un 
autre  buste  très-beau  ayant  la  poitrine  nue  (2); 
et  dans  la  Villa  Àdrienne  on  en  découvrit  Fan- 
née  dernière  deux  effigies  très-belles  (3). 

PLANCHE  XLVIIL 
Antonin  le  Pieux  *. 

Nous  devons  encore  à  la  Villa  d'Adrien  ce  por- 
trait de  son  successeur,  La  physionomie  noble  et 

(1)  Voyez  mes  Osservazioni  su  due  musaici  antichi  sto- 
riati,  Parme  1788.  Il  en  est  parlé  aussi  par  Winckel- 
mann;  Mon.  inéd. }  tom.  I  ;  p.  i4- 

(2)  Il  était  autrefois  à  Naplçs  dans  le  palais  des  ducs, 
de  Calabre. 

(5)  L'une  de  ces  effigies  a  une  coiffure  propre  aux  di- 
vinités égyptiennes  ;  semblable  à  la  statue  du  Capitole 
dont  il  est  parlé  ci-dessus  ;  et  à  un  autre  buste  de  la  Villa 
Albani. 

*  Hauteur,  avec  le  piédouche  y  quatre  palmes  >  cinq  on- 
ces. La  tête  qui  est  de  ce  marbre  blanc  ;  que  les  mar- 
briers connaissent  sous  le  nom  de  marbre  de  Paros;  fut 
trouvée  à  Pantanello  dans  la  Villa  Àdrienne  par  M.  Ha- 
milton $  elle  fut  ensuite  placée  sur  un  buste  antique,  de 
marbre  grec ,  orné  d'un  manteau  ;  et  qui  lui  convenait  par» 
faitement  pour  les  mesures  et  pour  le  travail* 


2  1  8 

tranquille  d'Antonia  le  Pieux  est  si  connue  par 
les  médailles  et  d'autres  monumens,  qu'il  ne  peut 
rester  le  moindre  doute  ,  ni  avoir  lieu  à  au- 
cune équivoque.  Les  arts  qui  avaient  reçu  une 
nouvelle  vie  sous  le  règne  précédent ,  se  distin- 
guèrent dans  les  effigies  des  empereurs  suivans, 
qui  ne  laissèrent  rien  à  désirer  pour  la  magni- 
ficence dans  les  édifices  publics;  et  An tonin  par- 
ticulièrement ne  fut  pas  long- temps  sans  termi- 
ner toutes  les  constructions  qui  avaient  été  ou 
commencées  ou  promises  dans  les  diverses  vil- 
les de  l'empire  par  la  générosité  de  son  prédé- 
cesseur (i). 

Il  faut  placer  parmi  les  portraits  d'Antonin 
le  Pieux  les  deux  premiers,  colossaux ,  l'un  du 
palais  Farnèse,  maintenant  à  Pïaples  3  l'autre  dans 
la  salle  du  palais  Borghése  ,  qui  méritent  éga- 
lement tant  par  le  travail  que  par  leur  dimen- 
sion. On  donnera  le  second  rang  au  buste  du 


(1)  V.  notre  tome  II,  pl.  XX  ;  p.  17  >?  n.  (1),  où  nous 
avons  donné  une  inscription  remarquable  inédite  ,  laquelle 
étant  alors  confondue  avec  tous  les  fragmens  d'Otricoli, 
nous  crûmes  qu'elle  avait  été  trouve'e  dans  les  ruines 
de  cette  colonie.  A  présent  nous  prévenons  nos  lecteurs 
que  cette  grande  insciption  fut  trouvée  à  Ostie  ;  et  que 
par  conséquent  elle  appartient  aux  thermes  d'Ostie  7  ce 
qui  paraît  plus  digne  de  la  somme  considérable  qu'elle 
annonce  qu'on  y  employa.  Capitolin  en  effet  compte  parmi 
les  grands  ouvrages  que  fit  faire  Antonia  le  Pieux  le  La- 
vacrum  Ostiense  7  et  le  même  auteur  observe  que  cet  empe- 
reur ad  opera  Hadriani plurimum  contuliù  (  Antonin*  ;  4;  8  ). 


palais  Chigi  (i),  un  peu  plus  grand  que  na- 
ture ,  qui  le  représente  en  habit  de  paix  y  et 
que  l'on  peut  regarder  par  rapport  à  l'excel- 
lence et  à  la  délicatesse  du  travail,  comme  un 
des  monumens  le  plus  parfait  de  l'art  des  an- 
ciens (2).  Nous  avons  parlé  ci-dessus  de  la  tête 


(1)  On  peut  en  avoir  quelque  idee  par  les  feuiiles  des 
Notizie  d'antichità  e  belle  arti  de  M.  Guattani ,  dans  les- 
quelles il  fut  publie'  ,  pl.  Il,  en  avril  1784. 

(2)  Les  cheveux  d'Antonin  le  Pieux  sont  plus  longs  et 
plus  épais  dans  cette  effigie  que  dans  tout  autre ,  preuve 
certaine  qu'il  e'tait  moins  vieux  ,  et  par  cette  raison  au 
commencement  de  son  règne ,  lorsqu'on  fit  son  portrait. 
En  outre  la  chevelure  est  rejetée  sur  le  front,  et  la  pointe 
des  cheveux  paraît  repliée  en-dessous  et  bouclée  :  cette 
disposition  ressemble  tant  à  celle  des  cheveux  d'Adrien^ 
que  quelquefois  des  portraits  d'Antonin  ainsi  ajustés  sem- 
blent être  douteux  au  premier  coup-d'ceil^  et  qu'on  ne 
sait  si  on  les  doit  donner  à  cet  empereur  ou  à  Adrien, 
qui  dans  le  commencement  de  son  règne  fut  représenté 
avec  le  visage  moins  gros  ,  et  dès  lors  il  y  a  peu  de  dif- 
férence de  ses  traits  avec  ceux  de  son  successeur.  L'exem- 
pie  le  plus  frappant  de  cette  incertitude  existe  dans  une 
tête  très-belle  d'Antonin  le  Pieux  avec  les  cheveux  ainsi 
disposés  comme  ceux  d'Adrien,  et  qui  semble  d'un  âge  moins 
avancé.  Cette  tête  est  maintenant  parmi  les  antiquités  de 
S.  A.  Mgr.  le  prince  Stanislas  Pouiatowski  ,  lequel ,  non 
content  d'avoir  formé  une  superbe  collection  de  gravu- 
res antiques  en  pierres  ,  de  camées  ,  se  montre  amateur 
de  toutes  les  autres  branches  des  beaux-arts  ,  et  des  con- 
naissances utiles  qu'il  cultive  non-seulement  par  son  rare 
génie,  mais  aussi  parla  fréquentation  journalière  qu'il  a 
avec  les  hommes  de  lettres.  Revenons  aux  portraits  d'An., 
tonili  )  les  cheveux  de  la  pierre  gravée  de  la  collection 


220 

colossale  qui  le  représente  ,  que  Ton  voit  dans 
le  môle  d'Adrien.  Il  a  été  question  lorsque  nous 
avons  parlé  des  portraits  d'Adrien,  d'une  autre 
tête  d'Antonin  très-belle,  sur  une  pierre  gravée. 

PLANCHE  XLIX. 

Faustine  Majeure  *. 

Aucune  impératrice  ne  jouit  de  son  vivant 
de  preuves  d'attachement ,  et  ne  reçut  après  sa 
mort  de  plus  grands  honneurs  que  Annia  Fau- 
stine, épouse  d'Antonin  le  Pieux  (morte  pendant 
la  troisième  année  du  règne  de  l'empereur),  n'en 
obtint  de  l'amour  et  de  la  reconnaissance  de  ce 
prince. 

Quoique  ses  moeurs  et  sa  conduite  donnas- 
sent facilement  lieu  à  la  médisance,  le  bon  An- 
tonili  ne  laissait  pas  cependant  de  l'honorer, 
de  l'aimer ,  soit  que  par  caractère  il  fût  porté 


Farnese,  qui  nous  le  représente,  sont  pareils  comme  dans 
ja  tête  que  nous  avons  cite'e  ci-devant ,  et  dans  le  buste 
du  palais  Chigi;  c'est  de  là  peut-être  qu'est  venue  l'er- 
reur de  Winckelmann  qui  Fa  place'e  parmi  les  têtes  d'A^ 
drien. 

(i)  Pl.  XLVI  elle  est  semblable  à  celle  que  nous  avons 
publie'e  d'Adrien,  si  non  que  le  travail  en  est?  moins  ter- 
mine', parce  qu'il  est  sculpté  en  marbre  grec  dur. 

*  Hauteur  cinq  palmes  et  demie  avec  le  piédouche  ;  en 
marbre  de  notre  pays.  Elle  fut  trouvée  dans  les  fouilles  de  la 
Villa  Adrieime  a.  Pantanello,  et  achetée  par  ordre  de  S.  S* 
La  tête  est  antique ,  d'une  très-belle  conservatioix|  1$ 
buste  a  eie  sculpte  par  M.  Pierantooi. 


a  2  i 

à  l'indulgence  ,  ou  peut-être  par  la  considéra- 
tion qu'il  devait  en  partie  l'autorité  souveraine 
aux  illustres  parens  de  son  épouse  (i).  Ils  est 
sûr  que  nous  ne  possédons  d'images  d'aucune 
impératrice,  autant  que  de  Faustine,  que  l'on 
a  coutume  d'appeler  Majeure,  pour  la  distinguer 
de  sa  fille  (2).  On  peut  s'assurer  que  de  toutes 

(1)  Antonin  Je  Pieux  ayant  été'  choisi  pour  succe'der  à 
Adrien,  fut  en  même  temps  obligé  d'adopter  Marc-Au- 
relè  fiìs  d'un  frère  de  Faustine  >  jeune  homme  de  seize 
ans  :  il  paraît  que  ce  lien  du  sang  fût  le  motif  de  sa 
prédilection,  et  que  par  cette  raison  elle  influa  beau- 
coup dans  le  choix  que  l'on  fit  d'Antonin  le  Pieux,  sans 
nier  cependant  que  son  mérite  rare  ,  et  sa  conduite  ne 
fussent  pas  seuls  propres  à  déterminer  Adrien.  Qui  sait 
si  Faustine  Majeure,  n'avait  pas  quelque  relation  fort 
étroite  avecElius  Verus  déclaré  empereur  par  Adrien  même, 
et  qui  mourut  avant  lui.  Eutrope  qui  affirme  que  Marc- 
Aurèle  neveu  de  Faustine,  et  Lucius  Verus  fils  de  l'em- 
pereur Eiius  étaient  unis  de  parenté,  peut  le  faire  sup- 
poser. Mais  d'un  autre  côté  si  cette  parenté  était  le  seul 
motif  qui  portât  Adrien  à  obliger  son  successeur  d'adopter 
ces  deux  jeunes  garçons  ,  il  semble  qu'on  n'eut  pas  pré- 
féré à  Lucius  Verus,  le  fils  de  cet  empereur,  un  parent 
plus  éloigné  comme  était  Marc-Aurèle.  Il  parait  donc 
que  ce  qui  favorisa  ce  dernier  ce  fut  d'être  neveu  de 
Faustine ,  ou  parce  qu'Adrien  avait  beaucoup  de  ten- 
dresse et  d'égards  pour  elle,  ou  à  cause  de  quelque  liai- 
son avec  une  personne  très-chère  à  l'empereur  y  que  nous 
ne  connaissons  pas,  parce  que  les  monumens  nous  man- 
quent, et  que  d'ailleurs  l'écrivain  des  Vies  des  empereurs 
de  ce  siècle  n'est  pas  un  Suétone. 

(2)  Sans  parler  d'autres  déjà  connues,  je  rappelerai 
seulement  le  beau  buste  intact  qui  fut  trouvé  l'année  der- 
nière dans  les  fouilles  de  la  voie  qui  conduit  de  S.  Ma- 


22  2 

celles  qui  sont  d'un  excellent  travail,  celle-ci  ne 
la  cède  à  aucune  par  la  beauté  du  style,  par 
sa  dimension  presque  colossale,  et  que  par  sa 
belle  conservation  elle  a  plus  de  prix  que  toutes 
les  autres. 

PLANCHE  L. 

M  A  B  C  -  A  U  R  È  L  E  *. 

Ce  buste  d'un  mérite  infini  peut-être  regardé, 
dans  le  nombre  de  tant  de  beaux  monumens 
qui  existent  de  cet  empereur  (r),  comme  sur- 


ria  Maggiore  a  S,  Croce  in  Gerusalemme,  il  appartient  à 
S.  E.  le  card.  Braschi  -7  et  un  autre  que  possède  monseig- 
Antonio  Despuig.  Celui-ci  offre  une  singularité  dans  une 
main  couverte  de  sa  draperie  qui  est  sculptée  sur  la 
poitrine. 

*  Hauteur  ,  avec  le  piédouche  7  quatre  palmes  ,  cinq 
onces.  Il  est  de  marbre  pentélique.  On  Ta  trouvé  il  y  a 
a  peine  deux  ans  dans  le  lieu  qu'occupait  la  Villa  Adrienne, 
à  présent  Villa  Fede,  lorsque  monseig.  Marefoschi  y  fit 
faire  des  fouilles.  Il  est  très-entier  7  excepté  l'extrémité 
du  nez  et  de  quelques  boucles  de  cheveux.  On  Tacheta 
par  ordre  de  S.  S. 

(i)  La  tete  colossale  de  cet  empereur  qui  se  voit  dans 
la  Villa  Pinciana  servant  de  pendant  à  Lucius  Verus;  est 
célèbre  ;  cependant  il  y  a  dans  celte  maison  des  bustes 
qui  lui  sont  supérieurs  par  le  travail  et  leur  intégrité. 
Le  Musée  Capitolin  possède  deux  bustes  de  M.  Aurèle 
encore  jeune  et  imberbe  ,  d'une  élégance  et  d'une  con- 
servation singulière.  Deux  autres  néanmoins  fuit  beaux 
et  entiers  le  représentent  avec  la  barbe.  Ceux-ci  7  comme 


passant  de  beaucoup  tous  les  autres  par  la  beau- 
té du  style  autant  que  par  la  finesse  d'exécu- 
tion ,  et  à  coup  sûr  il  doit  passer  pour  un  mo- 
dèle de  perfection  dans  le  genre  des  portraits. 
En  observant  le  travail  extrêmement  soigné  des 
cheveux  et  de  la  barbe,  qui  a  été  exécuté  en 
grande  partie  avec  le  trépan  ,  on  est  étonné  de 
voir  que  l'artiste  ait  su  réunir  tant  d'habileté  et 
de  bon  goût  avec  une  manière  si  recherchée  et 
qui  paraît  minutieuse.  La  poitrine  nue,  le  cou 
et  les  épaules  offrant  de  nobles  et  gracieux  con- 
tours, qui  n'exagèrent  pas  cependant  la  beauté 
d'une  nature  bien  choisie,  propre  à  l'âge  et  à 
la  compi exion  du  sujet,  ont  une  telle  vérité  et 
une  si  grande  morbidesse,  qu'on  ne  peut  rien  ai- 
tendre  de  plus  de  l'art.  Le  groupe  de  plis  que 
forme  la  cblamyde  sur  l'épaule  gauche  met  de 
la  variété  dans  cet  élégant  morceau  ,  en  l'or- 
nant. Ce  monument  est  d'autant  plus  précieux 
qu'il  offre  à  nos  yeux,  comme  s'il  respiraU  en- 
core, ce  bon  souverain,  dont  la  mort  finit  la  sé- 
rie des  meilleurs  princes  qui  s'était  suivie  sans 
interruption  depuis  Nerva  jusqu'à  lui  ,  période 
qui  sera  toujours  mémorable  dans  les  fastes  de 
Rome,  et  dans  les  annales  du  genre  humain. 


la  tête  de  la  "Villa  Pinciana,  sont  des  effigies  prises  dans 
nn  âge  plus  avancé  qui  n'est  pas  celui  qui  est  repré- 
senté dans  notre  buste.  Ce  n'est  pas  ici  le  moment  de 
parler  de  la  statue  équestre  en  bronze  ;  du  Capitole;  mo- 
nument trop  fameux  9  et  malgré  la  critique  injuste  de 
Falconnet,  un  des  principaux  monumens  de  Home  et 
des  arts  anciens. 


PLANCHE  LI. 
S  <• 

Lucius  Verus  *. 

Les  portraits  de  Lucius  Verus  sont  les  plus  com- 
muns parmi  ceux  des  empereurs  romains.  Celui-ci 
était  jaloux  de  sa  propre  beauté  (i),  et  c'est  pour 
cela  peut-être  qu'il  s'est  plu  à  la  voir  éternisée 
par  cet  art,  qui  en  copiant  les  traits  d'après  na- 
ture ,  parut  être  porté  alors  au  plus  haut  de- 
gré. On  conserve  dans  le  Musée  Pie-Clémen- 
tin  deux  statues  de  Lucius  Verus  ,  que  nous 


,  *  Hauteur,  avec  le  piédouche,  trois  palmes,  six  onces  et 
demie  ;  en  marbre  grec  ou  de  Paros.  On  Ta  trouve'  dans 
les  fouilles  que  S.  S.  a  fait  ouvrir  dans  le  lieu  appelé 
Roma  vecchia y  hors  de  la  porte  Majeure.  Nous  avons  déjà 
indiqué  par  ce  nom  de  Roma  vecchia  le  lieu  de  cette 
fouille  page  i58,  note  (i),  planche  XXVIII,  §11,  (*}.  Il 
faut  qu'on  sache  que  deux  lieux  voisins  de  Rome  por- 
tent ce  nom.  L'un  est  hors  de  la  porte  Majeure  par  la 
voie  Prénestine  moderne,  à  main  droite,  a  près  de  trois 
milles  ;  c'est  précisément  le  lieu  que  nous  vouions  déter- 
miner. Eschinard  parle  de  cet  endroit  dans  son  ouvrage 
sur  YAger  Romanus  7  part.  2  ;  c.  6.  L'autre  est  à  la  dis- 
tance d'environ  cinq  milles  de  la  voie  Appia  hors  de 
S.  Sébastien.  Il  faut  donc  corriger  ce  qui  a  été  dit  dans 
la  note  (*)  du  discours  ,  pl.  XLIV  de  notre  tome  III  , 
puisque  les  fouilles  ont  été  ouvertes  seulement  dans  le 
premier  de  ces  lieux  homonymes. 

(1)  Capitolino  in  Veroi  ch.  X* 


22$ 

avons  publiées  (i).  L'une  a  la  tête  plus  grande 
que  nature,  et  le  représente  dans  sa  jeunesse* 
ce  qui  rend  un  peu  plus  curieuses  ses  images. 
C'est  ainsi  que  nous  le  retrouvons  aussi  dans  le 
très-beau  buste  que  nous  examinons.  Sa  barbe 
est  courte,  tout  autre  que  nous  la  montrent  ses 
médailles ,  et  c'est  un  motif  pour  croire  que  ces 
portraits  ont  été  sculptés  avant  que  Marc-Au* 
rèle  l'eut  élevé  au  rang  d'empereur,  et  l'eut  pro*- 
clamé  son  collègue  sur  le  thrône  (2).  Il  en  est 
un  autre,  également  avec  peu  de  barbe,  dans 
la  Villa  Pinciana  ,  où  se  trouvent  les  images  les 
plus  étonnantes  de  cet  empereur.  D'abord  celle 
qui  est  colossale  ,  assez  célèbre  (5)  ,  et  quelques 


(1)  Tome  lî,  pl.  L;  tome  III  ,  pl.  IX.  Cette  dernière 
est  peut-être  l'unique  des  images  de  Lucius  Verus  qui 
soit  d'un  travail  mediocre.  Nous  en  avons  indiqué  les 
motifs  dans  notre  explication. 

(2)  Ce  que  raconte  Capitolin  de  L.  Verus  (  ch.  VII) 
n'a  rien  à  faire  dans  ce  cas  ;  savoir  ad  amicae  vulgarîs 
arbitrami  in  Sjriaposuisse  bartam.  Quant  a  son  adoption, 
malgré  quelque  contradictions  entre  les  écrivains  ,  je  la  up- 
pose  faite  par  Àntonin  le  Pieux ,  ce  qui  semble  plusvraij 
et  non  par  M.  Auièle  ;  quoique  Vignoli  ait  pensé  diver^ 
sement  {de  Columna  Antonini ,  chap.  Vil).  Sur  cela  òtì 
peut  voir  là  note  savante  1 1  de  Tillemont  (  Hist.  des  Ein~ 
pereurs  ,  tome  il)  dans  la  Vie  d'Àntônin  le  Pieux. 

(3)  Elle  fut  trouvée  à  Âcqua-traversa  hors  de  la  porte 
du  Peuple,  ou  peut-être  la  voie  Cassia  était  traversée  par 
la  voie  Claudia  ou  Clodia, laquelle,  suivant  Capitolili,  avait 
rendu  très-fameuse  la  maison  de  campagne  cìé  L.  Verus 
(ch.  Vili).  J'ai  dit  que  la  voie  Claudia  traversait  celle 

Musée  Pie-Ctém.  Vol.  VL  i5 


226 

autres  qui  la  surpassent  par  la  correction  ,  si 
elles  ne  l'égalent  pas  par  la  grâce  et  la  délica- 
tesse du  travail. 

Le  Musée  Capilolin  possède  encore  un  beau 
huste  de  Lucius  Verus,  très-entier.  On  peut  en 
général  dire,  que  comme  on  ne  trouve  pas  d'ef- 
figies de  cet  empereur  d'un  travail  pauvre  ,  on 
ne  peut  attribuer  qu'aux  injures  du  temps  et 
aux  restaurateurs  si  quelques-unes  sont  deve- 
nues peu  dignes  d'être  remarquées. 

§  *• 

Commode  *. 

Si  les  images  de  Lucius  Verus  sont  communes, 

Cassia.  Ceci  est  fonde'  sur  une  expression  d'Ovide  dans  le 
liv.  I  y  de  Ponto  ;  où  on  lit  : 

Flaminiae  Claudia  juncta  vicie 
en  supposant  que  pour  que  la  voie  Claudia  se  réunit  avec 
la  Flaminia  7  il  fallait  traverser  la  voie  Cassia.  Cependant 
ces  mots  peuvent  simplement  dénoter  que  la  voie  Clau- 
dia formait  une  branche  de  celle  Flaminia  ;  ce  qui  s'ac- 
corderait avec  l'Itinéraire  d'Antonin;  suivant  lequel  ij  sem- 
ble que  la  voie  Claudia  était  une  portion  de  la  voie  Cas- 
sia elle-même  ,  comme  cela  est  confirmé  par  ce  que  dit 
Bergier,  liv.  Ili  7  ch.  XXV  ;  §  8  des  grands  chemins ,  etc. 
Et  même  dans  cette  supposition  le  lieu  où  Ton  trouva  les 
bustes  de  L.  Verus  et  de  M.  Aurèle  de  la  collection  de 
Borghese  peut  vraisemblablement  se  rapporter  avec  le  lieu 
où  était  la  Villa  de  Verus  dont  nous  parle  Capitolin. 

*  Hauteur,  avec  lepiédouche;  deux  palmes  et  dix  on- 
ces. Il  est  de  marbre  de  Carrare.  S.  E.  le  prince  Doria 


SS? 

autant  celles  de  Commode  sont  rares  P  k  raison  de 
sa  conduite  déréglée  et  tyrannique  qui  rendit 
sa  mémoire  odieuse  et  détestée  (i).  Ce  portrait 
le  représente  à  l'âge  ou  il  commençait ,  selon 
l'usage  du  temps,  à  faire  croître  sa  barbe.  L'image 
imberbe  de  ce  fils  indigne  du  bon  Marc-Au- 
rèle  est  un  des  bustes  le  plus  superbe  et  le  plus 
entier  qui  soit  conservé  au  Capitole  (2);  un  au- 
tre du  palais  Farnèse  le  représente  avec  la  barbe 
plus  épaisse  que  le  nôtre ,  et  d'un  âge  plus 
avancé. 

La  grande  tête  colossale  de  la  statue  en  tronze 
de  Commode  du  Capitole  serait  le  plus  rare  mo- 
nument de  ce  prince  ,  s'il  lui  ressemblait  vrai-» 
ment,  comme  l'ont  cru  les  antiquaires  du  siè- 
cle passé  qui  ont  fait  graver  au-dessous  l'inscri- 
ption avec  cette  dénomination  (3).  Mais  on  n'a 


PanflÎi  en  fit  présent  a  S.  S.  Clément  XfV  ;  avec  deux, 
belles  statues  que  nous  avons  publie'es  déjà  dans  notre 
tome  I;  pl.  XXX ,  et  dans  le  III,  pl.  XXX. 

(1)  Ses  statues  furent  renversées  par  un  décret  du  sé- 
nat. Capitolin  m  Pertinace  ;  Hérodien,  liv.  II  ;  où  il  ra- 
conte aussi  que  Julien  voulant  faire  une  chose  agréable 
aux  prétoriens  >  qui  aimaient  ce  tiran  et  qui  avaient  alors 
assassiné  Pertinax  }  promettait  de  les  rétablir.  L'écrivain 
du  Musée  Capitolin  attribue  ;  tome  II ,  pl.  XLVHI,  cette 
volonté  à  Julien  l'Apostat  qui  vécut  deux  siècles  après  ; 
et  fut  de  beaucoup  postérieur  au  même  Hérodieti. 4 

(2)  Musée  Capitol.,  1.  c. 

(3)  Wickelmann  en  parle  dans  YHist.  de  V art ,  etc.  ; 
1.  VII,  ch.  II,  §  19  ?  et  il  n'ose  pas  la  rejeter  ouverte- 
ment. 


228 

rien  dit  de  plus  absurde  et  qu'on  puisse  plus 
évidemment  réfuter  par  les  médailles.  Quelques 
autres  avaient  cru  qu'on  pouvait  y  reconnaître 
Néron         ils  furent  aussi  réfutés  par  les  mon u- 
mens.  Le  style  qui  est  fort  éloigné  d'avoir  une 
certaine  grâce,  qu'on  retrouve  dans  les  ouvrages 
des  écoles  grecques,  peut  faire  croire  qu'il  est 
d'une  époque  moins  ancienne ,  mais  les  propor-* 
tions  bien  observées,  le  contour  ovale  agréable 
du  visage  ne  pourraient  convenir  à  cet  âge ,  et 
encore  moins  le  costume  ;  car  nous  ne  trouvons 
pas  de  portraits  tout-à-fait  sans  barbe  que  de- 
puis Constantin,  époque  oit- l'art  était  beaucoup 
plus  déchu  (2).  Que  sait-on  si  cette  grande  tête 
n'a  pas  appartenu  à  un  de  ces  colosses  quefactî- 
tavit  et  Italia  (5) ,  et  qui  avaient  été  exécutés 
du  temps  de  la  république,  ou  par  des  artistes 
toscans,  ou  même  par  des  Romains,  dont  plu- 
sieurs nous   sont   indiqués   par  Pline  ?  Parmi 
ces  colosses  était  précisément  une  tête  en  bronze 
consacrée  au  Capitole,   et  ayaut  pour  pendant 
une  autre  tête  d'un  ciseau  grec ,  qui  contras- 
tait,  au  désavantage  de  l'artiste  romain  (4)- 


(1)  Ficoroni,  Vestigia  di  Roma  ,  cliap.  X. 

(â)  Ajoutez  que  depuis  Macrin  l'usage  s'introduisit  d'avoir 
la  tête  rasée,  comme  le  prouvent  les  médailles  5  ainsi  il 
serait  également  absurde  d'attribuer  ce  bronze  à  Numé- 
rianus,  comme  quelques-uns  le  font. 

(3)  Pline,  liv.  XXXIV,  §  XVI  IL 

(4)  Pline  L  c.  :  liaient  in  eodem  Capitolio  admira- 
tionem  Ç  pr opter  amplitudine  m  )  et  capita  duo  ?  quae  P. 


22g 

PLANCHE  LU. 
Pertinax  *. 

La  ressemblance  de  cette  tête  avec  les  ima- 
ges de  Pertînax  empreintes  sur  les  médailles  de 
grand  bronze,  frappées  durant  son  règne  y  m'a 
paru  si  claire  ,  que  je  ne  balance  pas  à  la  pu- 
blier sous  ce  nom,  encore  que  je  m'aperçoive 
qu'il  se  trouve  quelque  petite  variation  entre  cette 
sculpture  et  les  traits  de  cet  empereur,  soit  ceux 
qui  sont  gravés  sur  les  médailles ,  soit  tels  qu'ils 
nous  sont  décrits  par  les  biographes.  On  devra 
aussi  remarquer  que  beaucoup  de  ses  médailles 
sur  lesquelles  il  est  désigné  comme  une  divini- 
té, ou  qui  portent  des  symboles  allusifs  à  sa 
consécration,  ne  peuvent  être  considérées  comme 
des  monumens  originaux  de  son  portrait,  en. com- 
paraison de  celles  qui  ont  été  battues  tandis  qu'il 
régnait.  Le  motif  de  la  variété  qu'on  remarque , 
est  l'embellissement  qu'on  faisait  aux  figures  des 
personnes  divinisées.  C'est  pour  cela  que  les  ar- 
tistes ornèrent  ces  têtes  d'une  chevelure  abon- 
dante et  frisée  ,  laquelle  était  peut-être  moins 


Lentulus  Consul  dicarit  :  alterimi  a  Chavete  supradicto 
factum  y  alterum.  fecìt  Decius  companuione  in  tantum  ri- 
ctus ,  ut  çirtificium  minime  probabilis  artificis  videatur. 

*  Hauteur,  avec  le  piédouche,  quatre  palmes ,  trois 
quarts;  il  est  de  marbre  grec.  La  tête  seule  est  antique 7 
un  peu  restaurée.  Elle  a  été  autrefois  dans  le  palais  Nu 
«ez;  rue  Condotti.  Le  buste  est  moderne. 


I 


2D0 

fournie  et  moins  bouclée,  comme  nous  la  vo- 
yons sur  notre  marbre,  daus  les  dernières  années 
de  sa  vie  (i)  ,  dans  un  âge  très-avancé,  au- 
quel appartient  son  règne  assez  court.  Par  la 
même  raison  encore  on  donnait  à  sa  barbe  une 
manière  tout-à-fait  idéale ,  en  la  rendant  plus  on- 
doyante et  plus  longue  qu'il  ne  l'avait  peut- 
être  jamais  eue.  Il  est  assez  probable  que  la  des- 
cription que  nous  a  faite  de  cet  empereur  l'his- 
torien latin  se  rapporte  plutôt  aux  années  flo- 
rissantes de  savie,  et  non  à  ses  derniers  jours, 
qui  furent  ceux  de  son  règne  (2).  Mais  l'artiste 
qui  Ta  représenté,  peut-être  pendant  qu?il  vi- 
vait, a  chercbé  à  exprimer  l'état  actuel  où  il  le 
voyait  ,  d'autant  plus  qu'il  était  d'un  aspect  as- 
sez vénérable  et  majestueux.  La  tête  colossale  pla- 
cée par  hazard  sur  une  grande  statue  (  comme 
on  pourrait  facilement  se  le  persuader  par  le 
style  négligé  de  quelques  parties,  et  par  quel- 
que chose  de  grandiose  dans  l'exécution  )  n'au- 
rait pas  laissé  paraître  beaucoup  plus  de  re- 
cherche et  d'exactitude  dans  le  travail  des  che- 
veux (5).  Ils  manquent  vers  Içs  tempes ,  et  en 


(1)  tl  avait  plus  de  60  ans. 

(2)  Senex  venerabilis }  immisça  barba,  rejlexo  cavillo x 
habit  udì  ne  cor  por  is  pinguiore  A  ventre  prom  inula  ,  statu- 
ra imperatoria.  Capitolili  (  Pertinax ,  c.  XII).  Peut-être 
que  la  barbe  de  notre  tète  était  anciennement  plus  lon- 
gue qu'elle  ne  Test  à  présent  depuis  qu'on  l'a  restaurée., 

(5)  Il  existe  dans  le  Capitole  une  lete  attribuée  à  Per- 
tinax {Mus.  Capit.  ,  tome  II ,  pl.  U  )  5  il  y  en  a  une  sem~ 


se  retirant ,  ils  forment  des  deux  côtés  un  con- 
tour anguleux ,  particularité  que  les  médailles 
nous  indiquent  dans  les  seules  images  de  Per- 
tinax  j  et  dans  celles  de  Didier  Julien  son  suc- 
cesseur. 

PLANCHE    LI  IL 
Septime  Sévère  > 

On  peut  avec  justice  appeler  la  dernière  épo- 
que de  l'art  celle  qui  a  produit  les  beaux  por- 
traits de  Septime  Sévère  et  de  sa  famille,  genre 
auquel,  à  ce  qu'il  semble,  commençait  à  se  bor- 
ner uniquement  toute  l'habileté  des  artistes.  Et 
comme  il  y  a  encore  depuis  Caracalla  de  bon- 
nes sculptures  qui  représentent  quelque  effigie 
d'empereur  ,  sans  cependant  qu'aucune  puisse 
être  regardée  comme  excellente,  on  peut  croire 

blable,  encore  mieux;  conservée  dans  le  Musée  Pie-Clémen« 
tin,  dont  le  dessin  n'a  pas  été'  grave'.  Ni  l'une  ni  l'au- 
tre ne  ressemble  aux  grandes  me'dailles  en  bronze  comme 
cette  tête  colossale  ,  et  on  n'y  trouve  pas  cette  habitudo 
corporis  pinguior  dont  parle  Capitolili.  Maigre'  cela  elles 
ont  de  la  ressemblance  avec  les  profils  de  Pertinax  que 
nous  voyons  sur  les  me'dailles  frappe'es  après  son  apo- 
théose ,  excepté  que  ses  cheveux,  qui  sont  frisés  sur  tou- 
tes les  médailles ,  et  dans  le  buste  du  Capitole,  ne  le  pa- 
raissent pas  dans  ces  têtes  ,  non  plus  que  sur  la  nôtre. 

*  Haut,  avec  le  piédouche  ,  de  quatre  palmes  un  tiers; 
il  est  en  marbre  pentélique.  On  l'a  trouvé  dans  les  fouil- 
les d'Otriculum  ouvertes  par  les  ordres  de  S.  S, 


202 

qu'il  existait  encore  a  cette  époque  des  scul- 
pteurs du  temps  de  Marc-Aurèle  et  de  Lucius 
Verus  ,  et  que  c'est  à  eux  que  l'on  peut  at- 
tribuer tout  ce  qu'on  trouve  de  bon  du  temps 
que  Septime  et  ses  fils  possédèrent  l'empire; 
et  qu'après,  leur  école  ait  encore  quelquefois  pro- 
duit du  bon  ,  puisqu'elle  dura  pendant  les  rè- 
gnes suivans,  si  l'on  en  juge  par  le  buste  assez 
méritant  de  Galien  qui  est  au  Capitole  (i). 

Ce  buste  de  Septime  Sévère ,  qui  fut  trouvé 
dans  les  ruines  de  la  colonie  d'Qcriculum,  était 
l'image  la  plus  belle  et  la  plus  parfaite  qu'on 
ait  eue  de  cet  empereur  redouté,  jusqu'aux  mois 
derniers  qu'on  découvrit  dans  les-  fouilles  des 
champs  Gabiens  un  autre  buste  du  même,  d'un 
si  beau  travail,  qu'il  peut  être  comparé  sans  dé- 
savantage avec  les  meilleurs  portraits  d'Adrien 
ou  de  Lucius  Verus  (2).  Mais  le  nôtre  étant  ar- 
me ne  peut  être  mis  en  parallèle  avec  celui-là, 


(1)  Musée  Capitoliti;  tome  Hï  7  pl.  LXXXÎX. 

(2)  Il  est  en  outre  très-entier,  plus  grand  que  nature  ; 
fait  de  ce  beau  marbre  que  les  marbriers  modernes  ap- 
pellent deParos,.  Il  esten  habit  de  paix  x  ses  épaules  sou- 
tiennent un<e  draperie  repliée  en  forme  d'une  large  bande 
qui  passe  d'une  épaule  a  l'autre  de  la  même  manière  que 
les  e'toles  modernes  des  prêtres.  C'est  peut-être  çette  espèce 
à'orarium7  ouïe  petit  manteau  quç  les  anciens  latins  ap- 
pelaient Laena.  J'ai  propose  ;  pour  en  déterminer  la  forme 
selon  la  mode  romaine,  quelques-unes  de  mes  conjectures 
dans  les  observations  que  j'ai  faites,  non  publiées  encore^ 
sur  quelque  monumens  de  la  "Villa,  Pinciana. 


^35 

qui  est  en  habit  civil.  On  peut  dire  que  de  tous 
les  bustes  que  l'on  connaît  de  Septime,  armés 
d'une  cuirasse  ,  celui  d'Ocriculum  est  le  plus 
excellent,  bien  que  l'on  trouve  plus  fréquement 
des  portraits  de  cet  empereur  que  d'aucun  au- 
de  ces  souverains  de  Rome. 

Les  foudres  qui  sont  sculptés  sur  les  atta- 
ches de  la  cuirasse  nous  indiquent  que  l'empe- 
reur qui  en  est  revêtu  est  un  foudre  de  guerre, 
ou  plutôt  un  rival  du  grand  Jupiter-  les  maî- 
tres du  monde  se  plaisant  à  faire  d'eux  mêmes  cette 
comparaison,  à  laquelle  ont  rapport  tant  d'ima- 
ges de  Septime  et  de  son  prédécesseur  ayant 
l'égide  de  Jupiter,  et  d'autres  symboles  de  la 
divinité  suprême  (r). 

La  tête  ,  de  même  que  tous  les  accessoires 
de  ce  buste,  réunit  à  une  parfaite  conservation 
cette  élégance  correcte  et  facile  du  travail  qui 
fait  distinguer  les  ouvrages  des  plus  habiles  maî- 
tres. 

PLANCHE  LIV. 
Julie   surnommée  Pia  \ 
Le  style  grandiose,  mais  simple,  et  la  morbi- 

(i)  Voyez  l'empreinte  d'une  ancienne  pierre  grave'e  t 
n.  i«j3  de  la  collection  publiée  par  M.  Federico  Doîce. 
L'original  est  en  Angleterre,  et  possédé  par  le  chev,  Ri- 
chard Worsley. 

*  Hauteur,  avec  le  piédouche,  cinq  palmes  et  onze 


234 

desse  que  Ton  remarque  dans  la  tête  colossale 
qui  est  représentée  ici,  font  honneur  à  cette  épo- 
que, que  l'on  peut  appeler  les  derniers  périodes 
de  la  bonne  sculpture.  La  correction  du  des- 
sin devient  plus  admirable  dans  des  morceaux 
d'une  dimension  si  grande  ;  et  il  n'y  a  pas  moins 
de  mérite  dans  cette  ressemblance  très-évidente 
des  traits  de  Julie  Pia  ou  Julie  Domna,  avec 
ceux  que  nous  retrouvons  sur  tant  de  belles  et  très- 
communes  médailles  de  cette  princesse.  J'ai  parlé 
de  ses  traits,  non  delà  coiffure  seule,  laquelle 
peut  servir  aussi  à  l'antiquaire  pour  fixer  ses 
recherches,  ou  à  établir  ses  conjectures  pour  y 
trouver  un  portrait,  mais  non  pas  pour  distinguer 
a  qui  il  appartient, et  le  décider,  comme  on  a 
fait  communément  jusqu'à  présent.  La  grandeur 
colossale  de  ce  beau  morceau  ,  qui  surpasse  tout 
autre  portrait  de  femme  qui  se  soit  conservé 
jusqu'à  nous  (i),  nous  confirme  encore  dans  l'opi- 
nion qu'il  représente  une  impératrice  telle  que 
Julie  Pia,  laquelle  fut  pendant  sa  vie  si  hono- 

onces.  La  tête  est  d'un  très-beau  marbre  grec.  Elle  fui 
trouvée  il  y  a  quelques  années  dans  une  possession  de 
XAgro  Romano,  hors  de  la  Porte  S.  Giovanni  ?  appelée  le 
Quadravo  et  appartenant  aux  princes  de  Carbognano.  Le 
Ganimède  publié  dans  notre  tome  IT ,  plane.  XXX  , 
page  248  ,  fut  trouvé  dans  la  même  fouille.  Le  buste  est 
d'un  travail  moderne,  de  la  main  du  sculpteur  du  Sou 
verain  Pontife. 

(1)  La  tête  colossale  de  la  Villa  Albani  ;  a  laquelle  on 
a  donné  le  nom  de  Livie  }  n'est  pas  le  portrait  de  cette 
impératrice  :  elle  me  paraît  même  tout  k  fait  idéale» 


235 

ree  par  tous  les  ordres  de  citoyens  ,  qu'elle  eu 
obtint  les  noms  glorieux  de  Mère  des  Armées  * 
du  Sénat  et  de  la  Patrie,  noms  qui  n'avaient 
pas  été  avant  elle  accordes  à  d'autres  femmes 
des  empereurs  romains  (i), 

PLANC  H  E    L  V. 

Car acalla  * 

Il  n'y  a  pas  d'éloges  que  ceux  qui  ont  écrit 
sur  les  antiquités  et  les  arts  ayent  prodigué  au 
snjer  du  beau  buste  d'Antonio  Caracalla  du  pa- 
lais Farnese ,  que  ne  mérite  également  celui 
que  nous  présentons,  lequel  est  un  double  très- 
parfait  de  cette  superbe  tête  (2).  Ou  l'un  a  été 

(1)  On  lui  donna  pendant  sa  vie  sur  les  médailles  le  ti- 
tre de  Mater  Castrorum  ,  Mater  Senatus  7  Mater  Patriae. 
On  voit  aussi  Faustino  la  Jeune  avec  le  titre  de  Mater 
Castrorum ,  mais  elle  e'tait  alors  déifiée.  On  voit  aussi 
que  Livie  eut  le  titre  de  Mater  Patriae,  et  celui  plus 
adulateur  de  Genetrix  orhis ,  mais  ce  ne  fut  pas  sur  les 
types  romains.  Mammée  fut  surnommée  ,  après  Julia  Pia} 
sur  les  médailles  Mater  Augusti  et  Castrorum. 

*  Sa  hauteur,  avec  le  piédouche,  est  de  trois  palmes 
moins  une  once.  Il  est  de  ce  marbre  fin  que  nos  ouvriers 
appellent  de  Paros.  On  l'a  trouvé  dans  les  fouilles  des  jar- 
dins Carpensi.  Nous  avons  parlé  de  ces  fouilles  et  des 
monumens  qu'on  en  retira^  tome  I,  discours  de  la  plan- 
che IX  ?  p.  104. 

(3)  Du-Bos  (  Réflexions  sur  la  Poesie  et  la  Peinture  ? 
liv.  II 1  p,  ig5  )  a  appelé  ce  buste  le  dernier  soupir  des 
arts, 


256 

le  modèle  de  l'autre  5  ou  tous  deux  sont  des  co- 
pies d'un  même  original,  faites  avec  une  telle 
uniformité  non -seulement  dans  les  traits  ,  mais 
dans  la  cuirasse  aussi  et  jusqu'aux  plis  du  man- 
teau ,  qu'à  peine  des  gravures  et  des  médailles 
du  même  type  frappées  avec  le  même  coin  of- 
fraient plus  de  ressemblance  (i).  Tant  de  grâce 
çt  de  perfection  de  travail  paraissaient  d'autant 
plus  admirables  que  l'on  n'avait  pas  encore  trou- 
vée de  nombreuses  preuves  dans  les  bustes  in- 
comparables de  Septime  et  de  Geta,  découverts 
au  champs  Gabiens ,  de  la  bonté  d'une  école 
aussi  parfaite  dans  ce  genre  ,  et  qui  était  flo- 
rissante à  cette  époque.  L'expression  de  la  phy- 
sionomie indique  parfaitement ,  que  c'est  le  por- 
trait de  cet  empereur  cruel  qui  se  glorifiait  de 
son  caractère  féroce:  sans  cela  quel  artiste  eut 
osé  le  représenter  d'un  air  si  menaçant,  et 
ajouter  par  ce  mouvement  du  col  vers  la  gau- 
che ,  à  la  sévérité  ,  ou  plutôt  à  la  dureté  de  sa 
figure  (2)?  On  doit  remarquer  aussi  les  plis  de 


(1)  Ceci  est  plus  rare  dans  les  bustes  que  dans  les  sta- 
tues ;  et  on  peut  en  tirer  le  motif  peut-être  en  partie  du 
temps  plus  re'cent  qui  produisit  les  bustes  impériaux  ,  et 
qpi  n'a  pas  laisse'  aux  arts,  lesquels  se  perdirent,  peu; 
après,  une  espace  assez  long  pour  l'imitation  ;  et  en  par- 
tie à  la  qualité  des  sujets  représentés,  qui ,  après  leur  mort, 
e'îaient  vus  avec  peu  de  faveur,  ou  devenus  au  moins 
peu  imporians.  Il  y  a  cependant  à  la  Villa  Borghese  deux 
bustes  de  Lucius  Verus  parfaitement  uniformes.  Je  don- 
nerai dans  le  discours,  pl.  LYII,  ci-après  quelqu'autre 
exemple. 

(2)  Buonarroti  (Medaglioni  ,  VIII,  a)  a  déjà  remar- 


sa  clamyde  fortement  allongés  et  profonds  qui 
accompagnent  l'expression  de  la  tête,  faisant 
supposer  dans  tout  le  reste  du  corps  un  mou- 
vement prompt  et  violent. 

Le  grandiose  de  l'ensemble  de  ce  morceau 
sublime  n'a  pas  empêché  le  sculpteur  de  soi- 
gner avec  talent  et  goût  tous  les  plus  petits  dé- 
tails ,  de  sorte  que  s'il  se  fait  admirer  du  pre- 
mier coup-d'œil  par  sa  belle  exécution  ,  il  prouve 
à  ceux  qui  l'examinent  de  plus  près,  tout  le 
plaisir  qu'on  ressente  à  la  vue  d'une  imitation 
élégante  et  recherchée  de  la  nature.' 


que  que  cet  empereur  insensé  copiait  d'après  les  images 
d'Alexandre  le  Grand ,  et  ce  regard  farouche  et  cette  po- 
sition de  la  tète  vers  l'épaule  gauche.  Le  passage  d7Aur. 
Victor  que  nous  plaçons  ici  (  Epitome  >  c.  XXI)  expli- 
que à  merveille  cette  image  de  Caracalla  :  Corpore  Alexan- 
dri  Macedonis  conspecto  ,  Magnum  ,  atque  Alexandrum 
se  iussit  appellavi  ,  adsentantium  fallaciis  eo  perductus  y 
ut  TRUCI  FRONTE,  ET  AD  LAEVVM  HUMERUM 
CONVERSA  CERVICE,  quod  in  ore  Alexandre  nota- 
verat }  incedens  ,  fidem  vultus  simillimi  persuader  et  sibi. 
On  peut  attribuer  a  cette  affectation  d'imiter  Alexandre 
le  Grand  l'origine  de  plusieurs  institutions  bizarres,  dont 
parlent  les  historiens  ,  qui  furent  introduites  par  Ca- 
racalla ?  et  peut-être  le  goût  qu'il  avait  pour  la  pale- 
stre grecque  ,  confirmé  par  un  monument  numismati- 
que qui  nous  reste,  savoir  une  grande  médaille,  dont  le 
type  et  la  légende  du  revers  n'ont  jamais  pu  être  déchi- 
fiés  par  De-Boze  et  Pellerin.  Comme  j'ai  été  assez  heu- 
reux pour  en  trouver  une  pareille,  et  que  je  me  (latte 
de  pouvoir  en  rendre  compte  suffisamment  ,  j'en  donne- 
rai le  dessin  et  l'explication  da^ns  le  suppléaient  à  la  fin 
de  ce  volume. 


i58 

PLANCHE  LVI. 
Éliogabale  *. 

Si  ce  buste  très -rare  d'Eliogabale  n'offre  pas 
précisément  le  même  contour  du  profil  que  l'on 
remarque  dans  les  médailles  le  mieux  conser- 
vées de  ce  prince,  on  ne  peut  en  attribuer  la 
faute  qu'à  la  restauration  moderne  du  nez,  qui 
a  été  placé  sur  ce  portrait  dans  la  supposition 
quii  appartenait  plutôt  à  Alexandre  Sévère.  Le 
reste  du  visage,  c'est-à-dire  ,  ces  lèvres  un  peu 
grosses,  le  menton  rond,  une  jeune  barbe  qui 
paraît  sur  ses  joues,  ont  tant  de  rapport  avec 
la  figure  de  ce  dernier  empereur ,  que  la  cui- 
rasse et  le  manteau  sculptés  sur  le  corps  d'un 
jeune  garçon  qui  cesse  d'être  imberbe,  rendent 
probable  que  ce  soit  la  représentation  d'un  objet 
élevé  à  la  condition  souveraine. 

Le  travail  de  cette  tête  est  d'une  bonne  main, 
maïs  cependant  il  ne  s'éloigne  pas  trop  de  l'état 
où  était  l'art  à  cet  âge.  L'image  qu'elle  repré- 
sente ,  tout  infame  qu'elle  soit  dans  l'histoire  des 
epmereurs,  ne  rend  pas  moins  ce  monument  esti- 
mable à  cause  de  sa  rareté  particulièrement  (1), 

*  Hauteur,  avec  le  pie'douche,  deux  palmes  et  demie, 
en  marbre  de  Luni  \  il  provient  d'une  fouille  inconnue* 
Wons  avons  parle  de  ce  buste  dans  le  discours  ;  pl.  LI 
du  tome  II,  page  35i  ,  en  le  nommant  cependant  Ale- 
xandre Se' vére. 

(0  II  y  a  dans  le  Musée  Capitolin  un  buste,  auquel  on 


2  59 

puisqu'il  est  très-vraisemblable  que  Ton  ren- 
versa toutes  les  effigies  de  cet  indigne  prince  , 
dont  on  ne  voulut  pas  même  que  le  nom  se 
conservât  dans  les  inscriptions  (i). 


a  donné  le  nom  d'Eliogabale  \  il  a  aussi  une  cuirasse  et 
un  manteau  sur  la  poitrine.  Le  nôtre  paraît  ressembler 
davantage  aux  profils  que  nous  en  donnent  les  médailles 
{Musée  Capit.  ,  tome  il  ,  LXUI  ). 

(1)  Lampridius  paraît  assurer  dans  un  passage  que  par 
un  décret  du  sénat  on  arracha  le  nom  d'Eh'ogabale  de 
toutes  les  inscriptions.  Mais  dans  un  autre  passage  il  sem- 
ble que  ce  décret  portât  seulement  qu'on  effacerait  de  ses 
titres  celui  d'Antonin  qu'il  avait  usurpé,  et  .qu'il  avait 
rendu  odieux  aux  Romains  auxquels  il  avait  été  si  cher  (§17 
et  18  }.  Cela  se  prouve  à  merveille  par  une  ancienne  insci  ip- 
tion  dernièrement  découverte  aux  champs  de  Gabi;  et  gravée 
sur  un  piédestal,  qui,  seulement  pour  marquer  l'année,  con* 
tenait  le  nom  d'Eliogabale  et  son  troisième  consulat.  On 
y  trouve  ses  autres  noms  et  ses  titres  3  on  n'a  effacé 
que  celui  d'Antonin.  Comme  elle  est  encore  inédite,  je  lâ 
joins  ici  : 

M.  IVLIO  .  ZOTICO 
DECVRIONl 
PATRI  .  DECVRIONVM 
ET  .  SEVIRO  .  AVGYSTALIVM 
[i]  QTQTEtYSDEM  .  ORDINIS 
DENDROPHORI  .  [2]  Q.  Q  SVO 
PERPETVO  .  ET  .  PATRONO 
DÏGNISSIMO  .  OB  .  ME 
RITA  .  EIYS  .  [3]  L.  D.  D.  D. 

[1]  [2]  Quinquennali. 

[5]  Locus  datas  decreto  decurionum. 


^4o 

PLANCHE  LVIÎ. 
Julie   M  a  m  é  e, 
Les  portraits  de  Julie  Marnée,  mère  cTAlexan- 


On  lit  sur  le  côté  du  piédestal  à  la  gauche  du  specta-* 
teur  ; 

DEDIK.  Vllt.  KAL.  IVL 

IMP.  M.  AVRELÏO  

 PIO  .  FELIC.  AVG  .  .  , 

P.  VALERIO  .  COMAZONTE 
II  .  COS 

[t]  CVR  .  ABVDIO  .  PRISCO .  CASSIDARIO 
DEMETRIO  .  ET  .  CELERINO  .  STATIENO 
CLEMENTI  ANO 

[i]  CurantihuSé 

Le  consulat  appartient  a  l'année  220  de  l'ère  vùlgaue  , 
et  on  serait  tenté  de  supposer  que  ce  Zoticus  dont  il  est 
parlé  dans  l'inscription  ,  est  un  de  ces  favoris  honteux 
d'Eliogabale  ;  qui  portait  ce  nom  7  d'autant  plus  que  ce 
nom  de  Zoticus  est  très-rare  dans  les  inscriptions  lati- 
nes. Mais  ce  favori  est  appelé  par  Dion  ;  Aurelius  Zoti- 
ticus  ,  et  le  nôtre  se  nomme  M.  Julius.  Quant  au  se- 
cond consul  Comazonte  on  dpit  remarquer  les  noms  de 
P.  Valerius  ,  au  lieu  de  M.  Aurelius,  comme  on  l'appelle 
communément.  Par-là  on  conçoit  comment  est  née  l'erreur 
des  Fastes  Grecs  qui  indiquent  dans  cette  année  BaÀepiOÇ 
Otal  KqumÇqv  ,  Valerius  et  Comazon  IL  Notre  mar- 
bre confirme  aussi  son  second  consulat  contre  l'opinion 
de  Muratori. 

*  Le  baste  représenté  ci- dessus  fut  trouvé  dans  les  fouil- 
les d'Otricoli  avec  un  autre  semblable  7  qui  est  à  présent 
chez  le  sculpteur  M.  Carlo  Albaccini  ;  l'autre  fut  trouvé 


dre  Sévère  ,  qui  sont  après  ceux  de  Fa  us  tin  e 
Majeure  les  plus  communs  des  effigies  d'impé- 
ratrices romaines  ,  n'étaient  pas  connus  des  an- 
tiquaires, faute  d'en  avoir  fait  la  comparaison 
exacte  avec  les  médailles,  et  ils  avaient  voulu 
ensuite  honorer  de  ce  nom  la  statue  sépulcrale 
de  femme  couchée  près  d'une  figure  d'homme 
sur  le  couvercle  d'un  grand  et  superbe  sarco- 
phage du  Capitole  (î).  Le  buste  qui  est  à  la 

à  Rome  sur  le  mont  Esquilin,  dans  les  fondemens  du  mo- 
nastère des  Paolotte,  près  de  S.  Lucia  in  Selci,  dans  le 
même  lieu  où  fut  découverte  la  belle  inscription  du  tem- 
ple de  Junon  Lucine  que  Ton  conserve  dans  îa  Villa  Al- 
bani (Marini,  Inscript.  Alban.  ,  n.  1 1  )  ,  ce  qui  fait  ci;oire 
que  dans  ce  lieu  il  y  avait  eu  un  temple  ,  où  peut-être 
on  avait  consacré  notre  buste.  Tous  deux  sont  de  mar- 
bre pentélique;  le  premier,  qui  est  absolument  intact,  a 
de  hauteur,  avec  le  piédouche,  trois  palmes,  dix  onces:  le 
second  est  restauré  seulement  à  l'extrémité  du  nez  et  dans 
quelques  parties  de  la  coiffure  qui  avaient  été  coupées 
et  depuis  rapportées,*  elle  a  de  hauteur  deux  palmes,  dix 
onces  et  demie.  Le  Souverain  Pontife  a  enrichi  le  Mu- 
sée de  ces  deux  monumens. 

(i)  On  peut  en  voir  le  dessin  dans  le  tome  IV  àu  Mu- 
sée Capitoliti ,  pL  I ,  II  ,  IH  et  IV.  De  la  supposition  que 
ce  grand  tombeau  avait  appartenu  à  Alexandre  et  Ma- 
rnée, on  a  expliqué,  par  le  rapport  avec  les  aventures  de 
ce  prince,  les  morceaux  sculptés  sur  le  fameux  vase  de 
pâte  antique  qui  était  dans  la  collection  Baiberine,  et  qui 
se  trouve  à  présent  en  Angleterre  (même  lieu  ,  p.  4o* 
et  suiv.  ) ,  ce  précieux  monument  ayant  été  découvert  dans 
le  même  tombeau.  Les  antiquaires  se  sont  perdus  dans  des 
erreurs  en  cherchant  à  expliquer  quel  était  le  sujet  qui 
est,  je  crois,  les  noces  de  Pélée  et  de  Thétis,  comme  j'es- 
père avoir  ailleurs  occasion  d'en  donner  îa  probabilité. 

Musée  Pie-Glém.  Vol.  VI.  16 


s42 

partie  supérieure  de  la  gravure  a  été  trouvé  â 
Ocriculum  dans  Y Augusteum  de  cette  colonie,  en 
même  temps  qu'un  autre  parfaitement  semblable. 
Si  cette  circonstance  faisait  espérer  qu'on  eut 
trouvé  l'image  d'une  impératrice,  le  portrait  de 
Marnée  si  commun  sur  ses  médailles  ,  a  déter- 
miné celui-ci  jusqu'à  l'évidence  la  plus  com- 
piette. 

Les  traits  de  la  même  impératrice  sont  éga- 
lement reconnaissables  dans  l'autre  buste  qui  est 
en  profil,  et  qui  fut  trouvé  à  Rome  sur  le  mont 
Esquilin  ,  mais  il  a  quelque  chose  de  curieux 
et  de  rare  dans  une  particularité  à  peu  près  pa- 
reille à  celle  que  nous  avons  remarquée  il  y  a 
quelque  temps  à  un  buste  d'Isis  (i).  La  cheve- 
lure avait  été  sculptée  des  deux  côtés  et  par 
derrière,  et  ensuite  restaurée,  pour  la  refaire,  à 
ce  qu'il  paraît^  conformément  à  une  autre  mode. 
Cette  remarque  semble  nous  donner  le  motif  des 
chevelures  mobiles  (2)  dans  les  sculptures  qui 
représentent  des  portraits  de  dames  romaines  de 
ce  siècle.  C'était  probablement  pour  avoir  la  com- 
modité de  pouvoir  varier  la  coiffure,  selon  les 
caprices  de  la  mode,  sur  ces  marbres  avec 
moins  de  dépense  et  moins  de  travail  que  d'ab- 


(1)  Ci-dessus  ,  pl.  XVI. 

(2)  Nous  avons  de'ja  remarque  cela  dans  le  second  vo- 
lume de  cet  ouvrage  ,  pl.  LI  ;  p.  548  ?  oh  nous  avons  pu- 
blie' une  figure,  probablement  d'impératrice,  doni  la  che* 
velure  est  mobile. 


battre  ce  qui  était  fait  pour  le  refaire  différem- 
ment, comme  nous  voyons  qu'on  y  a  été  forcé 
4ans  cette  effigie  de  Marnée.  Il  paraît  que  ce 
qui  aura  été  imaginé  pour  satisfaire  la  vanité  de 
quelque  femme  ,  aura  été  quelquefois  employé 
pour  les  simulacres  des  épouses  des  empereurs. 

L'un  et  l'autre  buste  démontrent  assez  claire- 
ment ce  que  nous  avons  dit  auparavant,  qu'il 
existait  encore  une  bonne  école  de  sculpture 
dans  le  genre  des  portraits,  pendant  le  troisième 
siècle  de  l'ère  chrétienne.  Ces  deux  morceaux , 
à  l'exception  des  coiffures,  qui  sont,  conformé- 
ment au  temps,  d'une  invention  peu  heureuse, 
et  dans  lesquelles  l'artiste  ne  pouvait  se  livrer 
librement  à  sa  manière,  se  font  voir  cependant 
tant  par  les  draperies,  que  par  la  vérité  et  la 
morbidesse  des  têtes,  égaux  aux  meilleures  scul- 
ptures du  plus  beau  siècle  de  l'art.  . 

Parmi  les  portraits  de  Marnée  qui  n'ont  pas 
été  reconnus  jusqu'à  présent,  on  doit  compter  le 
buste  Capitolili  attribué  k  Mànlia  Scantilla  (i). 
Le  Musée  Pie-Cîémentin  en  possède  un  autre 
qui  lui  ressemble  parfaitement. 


(0  Mus.  Cap.  y  tome  II,  pl.  LU  :  celui  du  Musée  Pie- 
Çlémentin  est  indiqué  dans  le  Catalogue  qui  a  été  pu- 
Hic  par  M.  Pasquale  Massi      Ja  paçe  -r>?  x\.  Ï.Y, 


244 

PLANCHE  LVIIL 

B  ALBIN  *. 

Ce  bronze  peut-être  regardé  avec  infiniment 
de  raison  comme  le  portrait  de  Balbin,  et  un 
monument  unique ,  en  exceptant  toutefois  les 
médailles,  puisque  ni  la  sculpture,  et  encore  moins 
la  gravure  ne  nous  ont  conservé  ailleurs  sa  res- 
semblance (i).  On  doit  peut-être  attribuer  au 
peu  de  durée  de  son  règne  la  rareté  de  ses  por* 
traits  ,  peut-être  aussi  à  sa  fin  funeste.  Il  fut  a- 
vec  son  collègue  Pupienus ,  la  victime  de  la  li- 
cence de  cette  garde  prétorienne  ,  qui  toujours 
jalouse  de  maintenir  son  anarcbie  militaire  sap- 
pa  peu  à  peu  et  finit  par  détruire  cet  em- 
pire qui  paraissait  formé  pour  être  éternel,  et 
qui,  capable  de  gouverner  une  société  civile 
immense  ,  imposait  un  joug  léger  sur  le  monde 
qui  lui  était  soumis  (2). 


*  Hauteur,  deux  palmes  }  huit  onces  et  demie  compris 
ie  piëdouche.  Ce  bronze  fut  trouvé  dans  la  vigne  de  la 
noble  famille  Casali,  un  peu  hors  de  la  porte  S.  Sébas- 
tien sur  la  voie  Àppia.  IÌ  fut  donné  a  S.  S.  par  le  der- 
nier cardinal  de  ce  nom  >  et  placé  dans  le  Musée  Pie- 
Clémentin. 

(1)  H  y  a  dans  ïa  Villa  Albani  un  buste  attribué  k  Bal- 
bin, mais  la  ressemblance  avec  les  médailles  de  cet  em- 
pereur n'est  pas  assez  claire.  Voy.  Morcclli  ;  Indicazione 
della  Villa  Albani }  n.  365. 

(2)  Hume  ;  Essajs ,  tom»  II  ?  essay  III ,  note  (#). 


^45 

Il  y  a  apparence,  d'après  une  particularité  que 
nous  a  transmis  le  biographe  de  cet  empereur, 
que  ses  images  ont  été,  même  durant  son  règne, 
plus  rares  que  celles  de  son  collègue  (i).  Cette 
observation  et  son  sujet  augmentent  la  singu- 
larité de  cet  ancien  travail,  très-bien  conservé, 
si  on  veut  faire  attention  à  son  intégrité ,  quoi- 
que un  peu  rongé  inégalement  à  la  superficie 
par  les  sels  de  la  terre  ,  et  parce  qu'il  est  exé- 


(i)  Il  était  mécontent  que  Ton  décrétât  tant  de  statues 
seulement  à  son  collègue  Pupîenus  à  l'occasion  de  son  heu- 
reux retour  de  l'expédition  contre  Maximin  :  Capitolinus 
in  Balbino,  n.  12.  Il  nous  est  reste  une  statue  de  Pupîe- 
nus dont  il  a  été  parlé  dans  plusieurs  endroits  par  Wîn- 
chelmann  7  et  qui  a.  été  gravée  dans  les  Notizie  d'antichità. 
de  M.  Guattani  pendant  Tannée  1787  mois  de  mai.  Cette 
statue  a  beaucoup   de  ressemblance  avec  les  médailles^ 
et  la  corne  d'abondance  qui  est  ajoutée  à  ses  pieds ,  comme 
pour  indiquer   qu'il   est  un  Genie,  un  Dieu  protecteur 
du  peuple  romain,  et  la  main  droite  étendue  comme  un 
Pacificateur  ,  prouvent  suffisamment  que  cette  effigie  est 
véritablement  celle  d'un  empereur;  ce  qui  étant  admis ? 
elle  ne  peut  être  que  celle  de  Pupîenus.  Comme  il  y  est 
représenté  nu,  comme  un  Dieu,  l'artiste  aura  cru  par  ce 
motif  plus  convenable  de  ne  pas  imiter  avec  tant  d'exac- 
titude cette  tête  rasée,  ainsi  que  pouvait  l'exiger  l'usage 
suivi  alors,  parce  que  sa  figure  eut  manqué  de  dignité, 
lorsqu'elle   devait  avoir   quelque  chose  de  l'idéal.  Cette 
sculpture  est   d'une  bonne   manière;  ce  qui   joint  à  la 
tête   de  Baîbin  que  nous    publions  ,  au   buste   de  Phi- 
lippe le  Yieux  du  palais  Chigi,  à  celui  de  Galien  du  Ca- 
pitole y  nous  prouve  qu'on  ne  manqua  pas  jusqu'à  cette 
époque  d'artistes  doués  d'un  talent  peu  ordinaire,  quoi- 
qu'ils fussent  rares. 


246 

cute  avec  quelque  habileté  ,  quoique  fait  dans 
des  temps  de  la  décadence  de  l'art.  D'ailleurs 
la  ressemblance  du  profil  avec  les  portraits  de 
Balbin  représentés  sur  les  médailles  est  si  par- 
faite ,  qu'elle  dissipe  toute  incertitude  sur  cette 
image ,  qui  ne  se  trouve  à  présent  dans  aucune 
collection  de  bustes  des  empereurs. 

PLANCHE  LÏX. 

Philipp  e  le  Jeune  *. 

Nous  avons  un  monument  remarquable,  et  même 
unique,  des  arts  venus  à  leur  décadence,  dans  ce 
buste  de  Philippe  le  Jeune,  exécuté  en  entier , 
tête  et  corps  d'un  seul  bloc  de  très-beau  por- 
phire.  Son  effigie,  suffisamment  connue  par  les 
médailles  y  n'a  pas  été  conservée  dans  aucune 
autre  Sculpture  (l).  Cet  usage  qu'on  avait  tenté 


*  Hauteur,  avec  le  pie'douche,  un  peu  plus  <îe  trois  pal- 
mes. Il  est  d'un  très-beau  porphyre  d'un  seul  morceau, 
sans  le  piedouclie  qui  est  de  marbre  grec  antique.  Il 
était,  piace  dans  le  palais  Barberini.  Lu  Souverain  Pon- 
tife Clément  XIV  le  fit  acheter  par  S.  S.  regnante  qui 
était  alors  trésorier. 

(i)  Le  jbuste  du  Capitole  {Mus.  Cap.  }  tome  II ,  plan- 
che LXXI)  ne  lui  ressemble  pas  du  tout,  Ce  morceau  fut 
trouve  à  Lanuvium  dans  une  fouille  avec  les  autres  bus- 
tes de  M.  Àurèle  y  de  Lucius  Yerus  et  d'Annius  Verns. 
Je  conjecture  d'après  cette  circonstance  et  d'après  les  me'- 
daiîîes  grecques  de  Galerius  Ànlouin  ,  ûh  d'Antonin  le 
Pieux  et  de  Faustine  ;  que  ce  buste  représente  plutôt  çet 
empereur  enfant. 


Hi 

d'introduire  sous  l'empereur  Claude,  mais  que 
h  goût  mieux  dirigé  avait  alors  fait  rejeter  (i), 

(i)  Winckelmann  a  déjà  fait  observer  que  les  têtes  scul- 
ptées en  porphyre  de  ces  empereurs,  du  bon  siècle,  étaient 
modernes,  comme  celles  du  Caligula  de  Dresde,  le  Ves- 
pasien  et  les  empereurs  de  la  ville  et  du  palais  Borghése, 
Quant  aux  morceaux  exécutes  en  porphyre  du  temps  de 
Claude  dont  parle  Pline ,  voici  les  paroles  de  l'encyclo- 
pédiste latin:  Statuas  ex  porphjrite  Claudio  Caesari  Pro- 
curator  eius  in  urbem  ex  Aegypto  advexit  Vitrasius  Pol- 
ito 7  non  admodum  probata  novitate.  Nemo  certe  postea 
imitatus  est  (  liv.  XXXV  ,  §  XI  )•  Il  y  a  là  -  dedans  un 
peu  d'ambiguïté.  Winckelmann  suppose  que  Vitrasius  en- 
voya à  Claude  des  statues  de  porphyre  qui  avaiënt  été 
sculptées  en  Egypte  dès  le  temps  des  Plolomées  ;  suppo- 
sition gratuite  ,  qui  n'est  pas  appuyée  par  les  monumeus; 
ni  par  aucune  vraisemblance  {Histoire  de  V art  7  liv.  X, 
c.  1 1  ,  §  21,  22  ).  Une  méthode  des  sculpteurs  grecs  d'Ale- 
xandrie ne  devait  pas  cire  appelée  nue  nouveauté,  et  no 
pouvait  pas  le  paraître  aux  Romains  qui  étaient  déjà  fa- 
miliers avec  les  arts  et  les  lettres  de  celte  cour.  11  n'existe 
pas  de  sculpture  en  porphyre  que  Ton  puisse  avec  des 
probabilités  assigner  à  cette  époque  ;  au  contraire,  parce 
que  l'on  trouvera  dans  les  notes  suivantes^  il  paraît  que 
les  anciens,  sculpteurs  n'avaient  pas  encore  commencé  à 
se  servir  de  cette  pierre  très-dure.  Je  pense  que  Vitrasius 
Pollion  fit  faire  des  statues  de  Claude  même  et  de  sa  fa- 
mille ,  en  porphyre ,  matière  précieuse  que  l'on  venait 
peut-être  de  découvrir  dans  les  montagnes  très-reculées 
de  l'Egypte  Supérieure.  De-là  vint  cette  nouveauté ,  qui 
ne  plut  pas,  peut  èire  parce  que  les  statues  étaient  tout  entiè- 
res de  porphyre  comme  ce  présent  buste,  à  raison  de  ce  que 
les  artistes  de  l'Egypte,  accoutumés  à  travailler  des  marbres 
de  couleur,  n'eurent  pas  ie  soin  de  distinguer  la  tête  et 
les  chairs  par  une  autre  matière.  Si  ces  statues  expédiées 
à  Rome  avaient  eu  seulement  leurs  draperies  en  porphyre^ 
comme  nous  les  voyons  dans  d'autres  ouvrages  de  temps 


:48 

recommence  a  présent  à  se  reproduire  après  deux 
autres  siècles,  pendant  lesquels  les  artistes  ayant 
perdu  de  jour  en  jour  la  pureté  du  dessin  et 
les  autres  connaissances  fondamentales  de  leur 
art,  cherchèrent  à  y  suppléer,  peut-être  en  obte- 
nant l'admiration  et  les  éloges  du  vulgaire  igno- 
rant ,  par  la  richesse  de  la  matière  et  les  dif- 
ficultés qu'elle  offre,  étant  dure  et  repoussant  le 
ciseau  autant  qu'elle  était  précieuse  étant  étrangère. 

Ce  beau  marbre,  que  les  naturalistes  regardent 
comme  une  des  pierres  primitives  (i),  est  une  des 
plus  précieuses  matières  que  nous  offre  la  na- 
ture à  cause  de  sa  couleur  de  pourpre,  de  sa  fa- 
culté à  recevoir  un  beau  poli,  et  je  dirais  presque  à 
eause  de  sa  durée  éternelle.  Les  arts  dans  leur  plus 
beau  temps,  je  veux  dire  la  sculpture  et  Farchitec„ 
ture  ne  l'ont  pas  connue  ni  employée.  Car  les  tra-, 
vaux  exécutés  du  temps  de  Claude  ne  furent 
qu'un  simple  essai  ordonné  par  le  gouverneur 
d'Egypte,  où  la  matière  était  indigène,  et  où  les 

postérieurs;  et  que  lçs  parties  nues  eussent  été  faites  en 
marbre  blanc  y  celte  nouveauté  n'eut  pu  déplaire  ,  et  même 
elle  ne  pouvait  être  regardée  comme  une  nouveauté  par 
c|es  yeux  accoutumés  à  voir  à  tout  moment  des  simula- 
cres composés  de  diverses  matières,  et  même  avec  des 
draperies  peintes  à  l'encaustique  de  différentes  couleurs. 

(i)  Buffon  s'exprime  ainsi  (Hîst.  des  minéraux  7  t.  I). 
Je  ne  sais  d'ailleurs  comment  accorder  cela  avec  le  fait 
rapporté  par  Winckelmann7  que  l'on  trouva  une  médaille 
çTor  d'Auguste  dans  l'extérieur  d'uri  bloc  de  porphyre* 
(Osservaz.  sulV  architettura  ,  chap.  i  7  §  .5,  dans  le  III 
^orne  des  OEvres  \ 


^49 

sculpteurs  avaient  toute  la  patience  qu'exige  ,uu 
pareil  travail.  Son  usage  dans  l'architecture  était 
encore  plus  rare  du  temps  d' Antonio  le  Pieux, 
c'est-à-dire  un  siècle  et  demi  après  l'ère  vul- 
gaire, quoique  précisément  ce  soit  à  cette  épo- 
que qu'on  voit  commencer  à  l'employer  pour  les 
colonnes  dans  les  édifices  (i).  C'est  peut-être  au 


(i)  Le  passage  suivant  de  Capitolili  tire'  de  la  Vie  d'An- 
tonin  le  Pieux,  est  remarquable;  je  ne  sais  s'il  a  été  déjà 
cité  ,  et  il  me  semble  assez  propre  à  indiquer  dans  quel 
temps  on  commença  a  faire  un  usage  plus  commun 
du  porphyre 5  voyez  ce  passage:  Inter  alia  edam  hoc  ci» 
vilitatis  eius  C  T.  Antonini )  praecipuum  argomentimi  est  ^ 
quod  quum  domum  Ornali  visens,  MIRANSQUE  COLUM- 
NAS  PORPHYRETICAS  >  requisisset  nnde  eas  haberet  : 
atque  Omulus  ei  dixisset:  Quum  in  domum  aliénant  ve* 
neris  et  mutus  et  sur  dus  esto  :  patienter  tulit.  Si  un  em- 
pereur fut  autant  frappé  en  voyant  des  colonnes  de  por- 
phyre dans  la  maison  d'un  citoyen  consulaire  des  plus 
distingues  de  Rome  ,  et  si  on  faisait  même  un  mystère 
du  lieu  d'où  elles  provenaient,  on  peut  en  conclure  que 
cette  matière  précieuse  n'était  pas  employée  si  fréquem- 
ment. Peut-être  que  le  soin  jaloux  avec  lequel  les  em- 
pereurs assujettissaient  l'Egypte  n'avait  pas  laissé  décou- 
Trir  assez  le  porphyre,  qui  avait  même  été  négligé  par 
les  anciens  Egyptiens,  lesquels  donnèrent  la  préférence  au 
granit  rouge  pour  les  grands  monumens,  et  a  beaucoup  d'au- 
tres marbres  aussi  plus  à  leur  portée  et  fort  propres  pour 
la  sculpture,  parce  qu'on  n'était  pas  obligé  d'aller  les 
chercher  comme  le  porphyre  sur  les  bords  de  l'Erytrée 
et  vers  les  confins  de  l'Ethiopie,  dans  une  région  aride  telle 
qiie  nous  l'indique  Aristide,  dans  un  passage  qui  va  être  rap- 
porté plus  loin.  Cependant  Tétonnement  d'Antonin  le  Pieux 
h  la  vue  de  ces  colonnes ,  ne  resta  pas?  k  ce  qu'il  paraît^ 


s5o 

même  temps  qu'on  doit  rapporter  ces  simulacres 
qui  ont  la  draperie  seule  en  porphyre,  manière 

sans  conséquence.  On  commença  dès  lors  a  transporter  en 
assez  grande  quantité  le  porphyre  à  Rome,  et  c'est  au 
règne  de  cet  empereur  que  peut  appartenir  l'inscription 
suivante  remarquable,  dans  laquelle  nous  apprenons  qu'on 
plaça  deux  colonnes  de  porphyre  dans  la  petite  chapelle 
d'une  compagnie  ou  cohorte  des  Vigiles.  Cette  inscription, 
qui  existait  intacte  a  S.  Stefano  Rotondo  dans  le  XVIme 
siècle,  comme  nous  l'indique  Gruter  qui  en  parle  (  pa 
ge  CXXVIÏ;  5)  sur  l'autographe  d'Ursinus;  et  d'après 
l'Ortographe  de  Mantice,  mutilée  en  grande  partie  à  pré- 
sent, a  échappé  à  une  destruction  totale  par  les  soins  de 
S.  S.  qui  l'a  fait  placer  dans  le  Musée  Pie-Clémentin.  Je 
distingue  ce  qui  nous  en  reste  par  la  variété  des  cara- 
ctères, en  l'exprimant  par  des  lettres  plus  grandes,  et  dé- 
signant les  vers  par  les  deux  tirets  ?3  : 
c.  calpvRNIO  .  PISONE  .  m.  vettiq  .  bolano  .  cos  ;zj 
q.  rammIO  .  MARTIALE  .  (i)  Pr.  t.  flavio  .  priamo  .  (2) 
tr  m  t.  saenîO  .  CLEMENTE  .  (5)  )  .  AEdicvla  .  fa- 
cta  .  cvm  s  geniO  .  (4)  AGRESiO  .  FACVNDo  .(5)  b. 
trib  qvam  s  m.  cEiONIO  .  SILVANO.C.  SERIO.  Av- 
gvrino  .  cos  &  c.taTTïO  .  MAXIMO  .  (6)  PR.  T.  FLA- 
VIO .  ANterotiano  .  (7)  s.  pr.  ~  q.  PLOT  LENO  .  S  A- 
BINO .  (8)  TR.  Con.  v.  vig  p3  TL<  CLAYDÏVS  .  TL 
F.  (9)  FAB.  MESSALLENvs  .  (î0)  heracl.  )  .  coh.  S.  S. 
&  VETVSTATE  .  CORRVPTAM  .  ADAMPLiavit  .  co- 
lvMNIS  m  PVRPVRITICÎS  .  VALVIS  .  AEREIS  .  Mar- 
more  .  et  .  OMNI-  ORNAMENTO  .  A.  NOVO.  EX. 
PECvnia  .  fvrfvrarIA  3  (n)  .  SVAE  .  FECIT  .  VG- 
LENTIBvs  .  (la)  manipvl.  svis  .  qvor  55  NOMINA  .  m. 

(l3)   TAB,   AER.   SCRIPTA   .   SVNT  S 

(i)  Praefecto.  (2)  Tribuno.  (5)  Centurione.  (4)  A  Gre- 
sio.  (5)  Beneficiario  Tribuni.  (6)  Praefecto.  (r)  Sub  Trae* 
fedo.  (8)  Tribuno  Cohortis  V .  Vigilum..  (9)  Fabia  Ç  tribu  % 
(ì  o)  Heracleota  Centuno  Cohortis  supra  scriptae.  Cen- 
turine*  (12)  Manipularibus.  (i5)  Tabula  aerea. 


25r 

qui  pouvait  être  employée  avec  gout,  mais  il  était 
réservé  à  ces  temps  de  décadence  auxquels 
coincide  le  millénaire  de  Rome,  d'adopter  cet 
usage  qui  avait  été  rejeté  sous  Claude  (i). 

Il  semble  qu'une  matière  tirée  des  montagnes 
de  l'Arabie  (2)  pouvait  convenir  pour  nous  re- 
présenter l'image  d'un  empereur  qui  prit  nais-» 
sance  dans  ces  contrées.  La  tête  en  est  traitée 


Le  consulat  de  Silvanus  et  d'Auguri  nu  s,  pendant  lequel 
on  mit  en  œuvre  les  deux  colonnes  de  porphyre  dont  il 
est  question,  se  rapporte  à  Tannée  i5q  de  l'ere  vulgaire  ? 
sous  le  règne  d'Anlouin  même.  On  doit  remarquer  le  mot 
PVRPVRITîCïS,  tout  latin,  qui  fut  remplace  ensuite  par 
le  mot  grec  Porphrreticis. 

(1)  Ficoroni  a  attribue  à  deux.  Philippes  les  deux  bus- 
tes appuye's  sur  un  globe,  qui  sont  en  relief  sur  Fescape 
de  deux  colonnes  entières  de  porphyre,  dans  le  palais  Ai- 
temps.  Si  Ton  doit  les  juger  par  l'exe'cution  si  mesquine 
que  les  physionomies  n'ont  aucun  caractère,  ils  sont  pos- 
térieurs. 

(2)  Je  sais  qu'on  pre'tend  que  les  carrières  de  porphyre 
dont  parle  Aristide,  sont  dans  l'Arabie  Egyptienne  {Orat. 
jéegfp*  ,  ëd.  Jebb.,  tome  II,  p.  549 ) :  ma  s  *a  grande  quan- 
tité' de  cette  pierre  qu'on  employa  pour  décorer  les  e'di- 
fices  de  Palmyre  ,  me  fait  paraître  très-probable  que  l'Ara- 
bie Asiatique  et  Orientale  n'en  était  pas  moins  feconde. 
Je  ne  nie  cependant  pas  que  les  carrières  égyptiennes  de 
porphyre  ne  soient  regardées  par  les  écrivain  comme  les 
plus  fameuses,  d'où  il  arrive  que  dans  Y  Hieracosophium 
de  De'me'trius  de  Constantinople  QvsiO/  KïyVTtTlCh ,  Moi- 
tarium  Aegjplium  {Script,  reiaccipit.,  Rigali.,  p.  80} 
est  employé  pour  signifier  un  mortier  de  porphyre.  C'est  de 
Fusage  de  ces  mortiers  dans  la  pharmacie  qui  est  venu, 
îû  mot  thecnique  porphjriser, 


avec  dureté,  mais  avec  soin,  et  on  y  remarque 
une  parfaite  ressemblance  avec  les  types  des  mé- 
dailles y  dont  quelques-uns  ont  été  formés  par 
d'habiles  mains.  On  découvre  dans  la  physiono- 
mie et  dans  la  caricature  des  lèvres  de  ce  jeune 
empereur  ce  caractère  sévère  et  triste  dont  nous 
ont  entretenu  les  historiens,  en  petit  nombre, 
qui  ont  écrit  sa  vie  (i). 

La  poitrine  ornée  d'une  cuirasse  et  de  la  chla- 
myde  est  assez  mesquine  non-seulement  par 
son  exécution  très-négligée ,  mais  même  par  sa 
proportion  trop  étroite  ,  défaut  dans  lequel  tom- 
bent assez  facilement  les  arts  du  dessin  lorsqu'ils 
expriment  des  objets  moins  importans  que  le  prin- 
cipal, et  quand  ils  ne  prennent  pas  assez  de  soin 
de  conserver  les  proportions  de  l'ensemble  qui 
renferment  toute  l'harmonie  et  la  base  fonda- 
mentale de  l'imitation  (2). 

La  boucle  du  paludamentum  est  circulaire  et 


(1)  Victor,  Epitome  >  chap.  XXV  HT. 

(2)  Dans  les  deux  petites  figures  d'empereurs  armes  et 
couverts  du  paludamentum,  sculptées  en  relief  sur  une  con- 
sole qui  sort  du  gorgerin  de  deux  colonnes  de  porphyre, 
existantes  autrefois  dans  la  chapelle  Pauline  ;  qui  sont  à 
présent  dans  la  bibliothèque  du  Vatican  ,  celle  dispro- 
portion de  la  tête  est  encore  plus  excessive.  Ces  images 
sont  peut-être  celles  de  Dioclelien  et  de  Maximilien  avec 
leurs  collègues  Galerius  et  Constance  Chlore  :  et  Ficoroni 
s'est  bien  trompé  lorsqu'il  a  cru  y  voir  représentés  deux 
fois  Romulus  et  Remus.  On  peut  les  voir  gravés  dans  î'édi^ 
lion  romaine  de  Y  Histoire  de  l'art  de  Winckelmann  ,  t©« 
me  IH  ;  pag.  5x4* 


creusée  pour  recevoir  peut-être  une  pierre  pré- 
cieuse qu'on  y  aura  adoptée  afin  de  rendre  ce 
travail  difficile  plus  riche  et  plus  précieux  (i). 

PLANCHE  LX. 

Tkebonianus  Gallus  *• 

La  rareté  de  cette  tête  en  bronze  de  Trebo- 
manus  Gallus,  successeur  de  Tra] an  Decius  (2), 


(1)  On  voit  la  même  cavité,  destinée  probablement  au 
même  usage  ,  dans  la  pierre  précieuse  d'une  couronne  de 
cilene,  que  tient  dans  ses  serres  un  grand  aigle  sculpté 
en  bas-relief,  et  placé  par  Jules  II  dans  le  portique  des 
SS.  Apostoli,  avec  l'inscription  remarquable  suivante  : 

TOT  .  RVINIS  .  SERVATAM  .  IVL.  CAR.  SIXTI .  ÏÏÏÎ 
PONT.  NEPOS  ;  HIC  .  STATVIT 

*  Hauteur,  avec  le  piédouche,  trois  palmes,  sept  onces. 
La  tête  de  bronze  était  autrefois  dans  la  Villa  Mattei, 
publiée  dans  les  Monumenta  Matheiana  ,  t.  II,  pl.  XXX F, 
et  fut  achetée  par  S.  S.  lorsqu'elle  n'était  que  trésorier 
sous  le  pontificat  de  Clément  XIV.  Le  buste  massif  d'al- 
bâtre fleuri  un  peu  rose,  fut  trouvé  dans  les  fouilles  de 
Latran,  ouvertes  par  ordre  de  Sa  Sainteté. 

(2)  Il  fut  élu  par  l'armée,  dans  laMesie,  aussitôt  que 
Fon  sut  que  Decius  avait  perdu  la  vie  dans  le  combat 
contre  les  Gots.  Son  élection  ne  se  fût  ças  faite  tran- 
quillement si  la  peste  ne  l'avait  pas  promptement  déli- 
vré d'Ostilianus  son  collègue,  et  peut-être  de  Perpenna 
(Victor,  Epitome  7  ch.  XXX).  On  peut  croire  que  l'épi- 
graphe en  deux  langues,  nouvellement  découverte  dans 
la  Sicile,  appartient  a  l'histoire  de  ce  Perpenna  ;  et  sui- 
vant 1*  manière  dont  elle  est  écrite.,  elle  ne  paraît  pas 


s54 

doit  son  prix  et  a  la  matière  et  au  sujet  ;  car 
on  ne  retrouve  pas,  hors  les  médailles,  d'autre 
monument  de  cet  empereur,  dont  le  règne  fut  si 
court  et  si  obscur  (1).  Sa  ressemblance  est  extrê- 


être  des  meilleurs  temps.  En  voici  la  copie  telle  qu'on 
me  Ta  envoyée;  avec  ses  lacunes  et  ses  incorrections: 

.  .  .  PgRPgNNAROMAN  ..  .  . 
....  NCGRÏiSP  .  .  SYRAC  .  . 
....  nMNHOYflPAniAgCCl 
.  .  CPHKOClO>NTOASACT  . 
.  .  K  AM  AT  iO  N  A  H  g  UN  g  T  C  . 
KAIC  .  .  .  KgNIAÏOtCOPHN 
TOïN  g  KAAAIN  g  HNMg  N 
AN  a  CTHC  ANOOÏ  APICT  .  . 
£lKONATHCCO$IHCAg 
KAIglNCTHegCClNsXOï 
CglN  . 

Dans  les  deux  premières  lignes  latines  on  trouve  le  non* 
de  Perpenna  ;  et  peut-être  celui  du  Se'nat  et  du  peuple 
de  Syracuse.  Le  titre  de  Romain  que  Ton  donne  à  la  per- 
sonne à  laquelie  l'inscription  est  dédiée,  paraîtra  moins 
extraordinaire  si  on  se  rapporte  à  cette  époque  qui  pourra 
a  peine  faire  excuser  Ve^VŒStV  pour  e^VaiVj  erreur  ma- 
nifeste de  l'original.  Quant  a  l'epigramme  grecque  je  crois 
qu'on  peut  la  corriger  ainsi  autant  que  possible  d'après 
les  traces  des  lettres  effacées. 

ìleprtqpvy  eitpa%idemi  ^vpr^eomQV  rô9§  âcrrv 
Ei  xa^idrov  àv67vvev(7£  geai  eiïpanev  eiapoç  ôp^v 
Fïovv£xa  Xaïvè^v^  {ih  dvear^o'ap^  oï  âpiaroi 
limava*  rtfç  cropi^ç  dè  naï  èv  <r%ri%£0'(nv  e^vtriP. 

(0  L'écrivain  qui  a  parlé  du  buste  du  Capitole  attribue 


<*55 

ment  frappante,  et  généralement  en  confrontant 
ses  traits  avec  ceux  que  nous  ont  conservé  les 
médailles  romaines.  On  y  retrouve  même  ces  dé- 
tails accessoires  qui  peuvent  attester  la  vérité 
des  portraits,  comme  par  exemple  la  barbe  épaisse, 
coupée  plutôt  que  rasée  ,  selon  la  mode  que  nous 
voyons  avoir  été  adoptée  à  cette  époque  :  elle 
couvre  les  joues  en  entier,  presque  sous  les  yeux, 
comme  nous  le  voyons  aux  têtes  de  Trebonia- 
nus  sur  les  médailles.  Les  cheveux  paraissent 
non-seulement  courts ,  mais  rasés  selon  ce  qui 
se  pratiquait  dans  ce  siècle.  Il  existait  autour  de 
la  tête  quelque  trace  de  la  couronne  impériale 
de  laurier,  qu'où  a  depuis  restaurée.  11  paraît 
que  Valérien,  que  Trébonianus  avait  élevé  aux 
premiers  emplois,  étant  parvenu  à  l'empire  en 
le  vengeant  cTEmilien ,  le  fit  placer  au  nombre 
des  Dieux  (i);  ce  qui  ayant  mis  sa  mémoire  eu 
honneur  ,  a  pu  aussi  contribuer  a  ce  que  son, 
portrait  nous  parvint* 


à  Trébonius  Gallus  convient  que  les  cheveux  ne  sont  pas 
arranges  selon  l'usage  de  ce  temps  (  Musée  Capì t. ,  t.  II, 
pl.  LXXV);  et  quiconque  est  versé  dans  la  science  nu- 
mismatique s'apercevra  facilement  que  les  traits  ne  sont 
pas  ceux  de  Trébonianus.  Comme  il  est  couronné  de  lau- 
riers 7  on  a  voulu  absolument  le  donner  pour  un  empe- 
reur ^  mais  cette  couronne  était  également  particulière  à 
plusieurs  pontifes  y  par  exemple  aux  Quindecemviri ,  et 
on  pouvait  en  recompenser  aussi  la  bravoure  militaire. 

(i)  Voyez  Tillemont ,  Hist.  des  Empereurs,  tome  HI; 
Gallus ?  an.  a. 


^56 

Le  buste  vêtu  du  paludamentum ,  sur  lequel 
on  voit  que  cette  tête  a  été  adaptée,  est  un  reste 
fort  riche  de  l'ancien  luxe  des  arts  \  car  il  est 
tout  massif,  d'un  morceau  d'albâtre  oriental  à 
veines  roses  et  de  couleur  d'or  ,  de  sorte  qu'on 
le  prendrait  pour  une  très-belle  étoffe* 

Le  travail  de  la  tête  est  fait  avec  beaucoup 
de  soin  et  montre  quelque  étude  du  vrai.  Ce- 
pendant les  contours  sont  bien  loin  de  nous  don- 
ner une  grande  idée  du  talent  et  du  génie  de 
l'artiste.  Il  faut  attribuer  ala  matière  plus  facile 
au  travail ,  cette  manière  qui  paraît  moins  se- 
che  dans  ce  buste  de  bronze  que  celle  que  nous 
avons  remarquée  dans  la  précédente  tête  de  por- 
phyre ,  quoique  toutes  peuvent  être  regardées 
comme  contemporaines. 

PLANCHE  LXI. 

CORBULON  *. 

Le  dernier  portrait  que  nous  donnons  de  ces 
bustes  d'empereurs  que  nous  venons  de  publier 
est  celui  du  plus  fameux  capitaine  qui  com- 
manda les  armées  romaines  sous  le  règne  de  Cé- 
sars. Domitius  Corbulon,  vainqueur  de  l'Orient 
et  de  l'Occident,  après  avoir  dompté  les  Bel- 
ges, ensuite  les  Arméniens  et  les  Parthes,  sou- 


*  Hauteur,  avec  le  piérìouche;  deux  palmes;  deux  onces, 
en  marbre  grec. 


tien  de  l'empire  chez  l'étranger  tandis  que  la 
tirannie  de  Néron  désolait  la  capitale  et  souil- 
lait son  palais,  est,  a  ce  que  je  crois,  celui  que 
je  puis  indiquer,  pour  la  première  fois,  repré- 
senté dans  cette  image  sévère  et  expressive  que 
les  antiquaires  ont  communément  jusqu'à  présent 
désignée  sous  le  nom  de  Marcus  Brutus  qui  tua 
César. 

Le  sculpteur  qui  a  cru  devoir  changer  en  une 
demi-figure  la  belle  tête  pareille  qui  est  dans  le 
palais  Rondanini ,  ou  qui  que  ce  soit  qui  a  di- 
rigé cette  restauration ,  frappé  sans  doute  de  la 
sévérité  qu'on  voit  dans  cette  physionomie,  a  cru 
y  reconnaître  ce  célèbre  conjuré ,  dont  le  stoï- 
cisme priva  Rome  de  celui  qui  était  digne  de 
la  gouverner  en  maître  (1).  Quoique  les  médail- 
les rares  qui  nous  ont  transmis  l'éffigie  de  Bru- 
tus nous  montrent  une  physionomie  semblable, 
seulement  par  la  disposition  des  cheveux  et  dans 
les  traits  supérieurs  jusqu'au  front,  celle  ci 
est  entièrement  différente  dans  le  nez,  dans  la 
bouche  et  dans  le  menton.  On  était  trop  sa- 
tisfait de  posséder  une  image  si  fameuse  pour 
se  donner  tant  de  peine  à  rechercher  la  vérité. 
En  effet  on  regardait  même  dans  le  Musée  Pie- 
Clémentin  ce  marbre  comme  un  portrait  de  Bru- 
tus ,  et  si  on  ne  l'a  pas  vu  dans  ce  volume  à 


(i)  Ce  monument  fut  publié  par  M.  Guatlani  dans  ics 
Notìzie  d'antichità  e  belle  arti  ;  pendant  l'armée  1 ^ 
mai  ,  pl.  IV. 

Musée  Pie-Clém.  TI.  rn 


258 

la  place  de  ce  républicain,  c'est  parce  quem'étant 
proposé  de  porter  sur  les  dénominations  données 
aux  têtes  antiques  un  examen  critique  plus  exact 
que  celui  qu'on  a  fait  jusqu'à  présent,  j'avais  re- 
jeté par  ces  motifs  cette  belle  tête  parmi  celles 
inconnues  que  je  publierai  aussi  dans  l'appendix. 

Les  fouilles  de  Gabi  Oà  Jonnées  par  le  prince 
Borghese  ont  fourni  des  lumières,  que  personne 
sans  cela  ne  pouvait  se  promettre,  pour  faire 
connaître  le  sujet  représenté  dans  de  tels  por- 
traits ,  et  c'est  ce  qui  a  fait  ajouter  ce  dessin 
à  la  fin  de  ce  volume.  On  a  trouvé  dans  ces 
fouilles  deux  têtes  semblables  à  celle-ci.  L'une 
d'elles  devait  avoir  été  adaptée  à  une  statue  ; 
l'autre,  dont  le  corps  est  antique,  forme  un  buste, 
qui  était  placé  dans  une  niche  de  l'intérieur  du 
temple  qu'on  avait  dédié  dans  ce  lieu  à  Domi- 
tie  fille  de  Corbulon,  et  à  boute  la  famille  de 
cette  impératrice  (i). 


(i)  On  trouvera  ici  l'inscription  très-érudite  trouvée  dans 
Gabi ,  laquelle  est  gravée  en  beaux  caractères  sur  la 
frise  et  sur  les  faces  d'un  épistyle  en  marbre  grec  ,  long 
d'environ  seize  palmes,  et  de  qualre  de  haut.  La  copie 
est  donnée  exactement,  avec  la  même  ortographe  et  les 
mêmes  erreurs  de  l'original,  à  la  planche  LXII.  Voici  ce 
qu'elle  présente: 

IN  •  HONOREM  •  MEMORÏAE  •  DOMVS  •  DOMI- 
TIAE  •  AVGVSTAE  •  CNeiï  •  DOMITI  •  CORBVLON1S 

FVUae  ■  DOMITI  •  POLYCARPVS  •  ET  •  EVRO- 
PE  •  LOCo  •  DATo  •  DECRETO  ORDINIS  •  DECV- 
TXïonum  :  AEDEM 


a5g 

Cette  circonstance  m'a  donné  lieu  à  proposer 
cette  opinion.  Le  portrait  dont  il  est  question  est 


FECERVNT  •  ET  •  EXORNAVERVNT  •  STATVIS  • 
ET  •  RELIQVISREBVSPECVNIA-SVAEIVSDEM 

QVE  •  TVTELAM  •  IN  •  PERPETVVM  •  REIPVBLl- 
CAE  •  DEDERVNT  •  SVB  •  INSCRIPTIONE  •  INFRA- 
SCRIPTA 

IMPeratore  •  C/ŒSare  •  Tito  •  AELIO  •  H  ADRIA- 
NO •  ANTONINO  •  AYGusto  •  PIO  •  III  •  Marco  •  AE- 
LIO •  AVRELIO  •  GAJESaré  •  COnSulibus  •  Villi  •  Ka- 
lendas  •  M  AI  AS  •  IN  •  MVNICIPIO  •  IN  •  CVRIA  •  AE- 
LIA  •  AVGVSTA  •  SCRIBVNDO  •  ATFVIT  •  "VNI  . 
VERSVS  •  ORDO 

DECVRIONVM  •  REFERENTIBVS  •  Lucio  •  VIPSTA- 
NO  •  Lucii  •  Filio  •  CLaudia  •  PVBLICOLA  •  MESSAL- 
INA •  Lucio  •  SETRIO  •  Lucii  •  Filio  •  VALatina  •  PRI- 
SCO •  ÏÏÏÎ  •  V1R«  •  QuinQuennalibus  •  CNeium  •  DO- 
MITIVM  •  POLYCARPVM  •  NOMINE  •  SVO  •  ET  . 
DOMITIAE  •  EVROPES  •  CONIVGIS  •  SVAE 

OFFERRE  •  ORDINI  •  DECVRJONVM_-  ET  •  SEVI- 
RVM  •  AVGVSTALIVM  •  HS  •  X.  M.  N.  (  Scstertium 
Decsm.  Millia  Nummum  )  ;  QVI  •  IAMPRIDEM  •  EX- 
TRVXISSET  •  TEMPLVM  •  IN  •  HONOREM  •  AC  • 
MEMORI  AM  •  DOMITIAE  •  CORBVLONIS  •  FILwe  • 
ET  •  HOC  •  PIETATIS  •  SVAE  •  AD  •  FECTV 

EXORNET  •  ET  •  MELIOREM  •  FACIAT  •  ORDI- 
NEM  •  Nostrum  •  SINGVLIS  •  ET  IAM  •  VNIVERSIS  • 
QVE  •  PRODESSE  •  FESTINET  •  AT  •  QVOS  •  EX  • 
REDITV  •  EIVS  •  PECVNIAE  •  FRVCTVM  •  SEM- 
PER  •  DESIDERET  •  PERVENIRE  •  CONFVGIEN- 
DO  •  AT 

AETERNAM  •  REM  •  PVBLtcam  •  ÏSostram  •  PE- 
TENDO  •  VT  •  SECVNDVM  •  EXEMPLVM  •  CODI- 
CILLORVM  •  CLaudii  •  VITALIS  •  STIPVLA.TIONE  • 
INÏERPOSITA  :  DESIDERIO  •  SVO  :  TALIS  •  CON- 


2ÔO 

certainement  un  portrait  de  romain ,  comme  le 
prouve  l'arrangement  des  cheveux.  Il  appartient 


DICIO  ■  DECERNERETVR  •  VT  •  EX  •  REDITV  • 
ElVS  ;  PECVNIAE 

III  •  IDVS  •  FEBRARi^  •  NATALE  •  DOMITIAE  • 
PRAESENTIBVS  •  DECVRIONIB«.j  •  ET  •  SEVIR*  • 
DISCVMBENTIBVS  •  IN  •  PVBLICO  •  AEQVIS  .  POR- 
TIONIBVS  •  FIERET  •  D [VIS IO  •  ITEM  •  HOC  •  AM- 
PLIVS  •  IN  •  TVTELA  •  ET  •  ORNATIONIBVS 

TEMPLI  •  IIS  •  V.  M.  N.  (  SestertMm,  quinque  Mil- 
ita Nummûm  )  SVB  •  EADEM  •  CONDICIONE  •  IN- 
FERRET  •  Quid  ■  De  •  Ea  ■  Re  •  Fier*  .  Piacerei  • 
De  ■  Ea  •  Re  •  Ita  •  Toti  •  Censuerunt 

PLAGERE  •  VNIVERSIS  •  SECVNDVM  •  RELATIO- 
NEM  •  SupraScriptam  •  PECVNIAM  •  ACCIPI-  PRAE- 
STARIQVE  •  IN  •  PERPETVVM  •  VT  •  CELEBRA- 
RETVR  •  NATALIS  •  DIES  •  AC  •  MEMORIA  •  DO- 
MITIAE •  CORBVLONIS  •  FILïVze  •  ET  •  EX  •  REDI- 
TV •  IIS  •  X.  M.  N.  (  Setter tiûm  decem  millia  num- 
mûm ) 

DIVISIONIBVS  •  FACTIS  •  DISCVMBERETVR  •  IN  - 
P\BLico  •  ET  •  SI   VLLO  •  TEMPORE  -  OTERMIS- 
SVM  •  ESSET  •  QVOMINVS  •  PRAESTARETVR  •  IT 
QVOT  •  ORDO  •  DECREVISSET  •  AVT  •  SI  ORDO-' 
RESCIDISSET  •  DECRETVM 

SVVM  MVTASSETVE  •  CONDICIONEM  ■  TVM  • 
OMNIS  •  SVMMA  •  QVAE  •  IN  •  H  ANC  •  REM  •  AC- 
CEPTA •  ESSET  •  EADEM  •  CONDICIONE  •  MVNI- 
CIPIBVS  •  TVSCVLANIS  •  CONFESTIM  •  RENVME- 
RARETVR 

HOC  DECRETVM  •  POST  •  TRES  •  RELATIONES  • 
PLACVIT  •  IN  •  TABVLA  •  AEREA  •  SCRIBI  •  ET  • 
PROPONI  •  IN  •  PVBLICO  •  VNDE  •  DE  •  PLANO  • 
RECTE  •  LEGI  •  POSSIT. 

Cette  inscription  e'tait  soutenue  par  des  pilastres  canne- 


2&1 

même  très-probablement  au  premier  siècle  des 
Césars  ;  puisque  l'ajustement  de  la  chevelure  était 

lés,  et  servait  d'architrave  à  la  porte  par  laquelle  on  en- 
trait dans  cette  chapelle  ?  Sacrarium  y   de  la  famille  de 
Corbulon.  Le  troisième  consulat  d'Antonin  le  Pieux  avec 
l'empereur  M.  Àurèle  son  collègue,  nous  donne  pour  épo- 
que  du  monument  Tan  de  l'ère  vulgaire  i4o.  On  doit  re- 
marquer que  la  curie  où.  se  réunissait  Tordre  Gabiniea 
est  appelée  Aelia  Augusta  \  et  de  ce  nom  nous  pouvons 
en  inférer  qu'Adrien  fut  un  des  restaurateurs  de  Gabium> 
d'autant  plus  qu'il  y  avait  peu  de   distance  de  sa  "Villa 
Tiburtine  à  ce  municipe.  En  comparant  les  passages  des 
auteurs  qui  parlent  de  cette  ville   comme  déjà  détruite 
dans  le  premier  siècle  de  l'empire   (ces  passages  sont 
presque  tous  réunis  dans  le  Latium  de  Volpi  ?  tome  IX7 
liv.  XYIÏ  )  :  et  se  reportant  à  l'époque  de  son  rétablisse- 
ment ,  et  aux  effigies  d'empereurs  découvertes  sous  les 
ruines  9  on  formait  une  conjecture  que  je  soumets  au  ju- 
gement des  lecteurs.  On  apprend  dans  l'épître  XV  du 
liv.  I  d'Horace,  et  par  son  scoliaste  Acron  au  même  lieu 
(  je  le  rapporte  ici  ne  l'ayant  pas  trouvé  dans  le  Volpi 
ni  dans  Cluverius);  que  les  eaux  minérales  de  Gabium, 
dont  il  jeste  encore  quelque  veine  ;  servaient  pour  les 
tains  froids  ,  et  qu'elles  étaient  recommandées  pour  cet 
usage  par  Antoine  Musa  ?  le  célèbre  médecin  d'Auguste 
de  sorte  que  cela  déplut  aux  habitans  de  Pozzolo  et  de 
Baje  qui  voyaient  diminuer  le  nombre  de  ceux  qu'atti- 
raient  leurs  eaux  thermales.  Voici  les  passages  : 
s     .    .    .    .    .    .    .    Nam  mihi  Bai  as 

Musa  supers  amas  Antonius  9  et  tamen  illis 
Me  facit  invisum  7  gelida  quum  perluor  unda 
Per  medium  frigus.  Sane  myrteta  relinqui  7 
Dictaque  cessanthh  nervis  elidere  morbum 
Sulfura  contemni  7  vicus  gémit  ;  invidus  aegris  7 
Qui  caput  et  renés  supponere  fontibus  audent 
Clusinis,  QABIOSOVE  PETUNT ,  et  frigida  rara. 


262 

différent  sous  Adrien,  et  qu'on  commençait  à  en- 
tretenir la  barbe»  Les  cbevelures  courtes  et  re- 


Ainsi  s'exprime  Horace  -,  et  le  scoliaste  dit  :  Clusinae  et 
Gabiae  aquae  frigidae  sunt.  Il  croyait  donc  que  la  ré- 
putation de  ces  eaux,  et  la  mode  même  qui  a  tant  d'in- 
fluence en  médecine  ,  commençaient  dès  ce  temps  à  at- 
tirer un  concours  à  Gabium,  et  à  mériter  pour  cet  en- 
droit l'affection  de  quelque  grand  ,  de  sorte  que  îa  po- 
pulation ;  dont  il  existait  un  commencement  du  temps 
d'Horace  même  (  lîv.  Il ,  ép.  II ,  v.  3)  ,  venant  à  s'augmen- 
ter, et  les  e'difices  s'étendant  en  même  proportion,  cette  ville 
fut  en  état  d'être  rappelée  par  Adrien  à  toute  la  splen- 
deur convenable  à  un  municipe  florissant.  Il  est  vrai  que 
Juvénal?  qui  écrivait  sous  Domi  t  ien,  traite  encore  Gabium, 
dans  plusieurs  passages ,  comme  étant  un  lieu  pauvre  et 
peu  populeux  (bien  qu'il  ne  le  dit  pas  absolument  rien7 
comme  nous  l'indique  Properce,  liv.  IY  ,  él.  I,  v.34): 

Et  ,  qui  nunc  nulli,  maxima  turba  Gabi. 
Malgré  cela  on  découvre  dans  ses  vers  que  le  concours 
aux  eaux  de  Gabiurn  s'était  accru  excessivement,  puisqu'il 
compte  parmi  les  moyens  de  s'enrichir,  que  sont  con- 
traints d'employer  les  hommes  de  lettres  ,  assez  générale- 
ment négligés  par  le  souverain  ,  celui  de  se  rendre  fer- 
mier des  fours  à  Rome  ou  des  bains  à  Gabium  ,  sat.  VII, 
V.  3: 

Quum  iam  célèbres  notique  poetae 
BALNEOLUM  G  ABUS  7  Romae  conducere  furnum 
Tentarent. 

Si  dès  le  temps  de  Domitien  c'était  un  moyen  de  faire 
fortune  que  de  tenir  à  son  compte  un  petit  bain  a  Ga- 
bium, il  faut  convenir  qu'ils  devaient  être  très-fréqu en- 
tés ;  et  si  Juvénal  parle  dans  un  autre  endroit  avec  mé- 
pris des  Gabiens,  c'est  peut-être  parce  qu'ils  n'avaient 
pas  encore  obtenu  les  honneurs  du  municipe ,  et  sans 
doute  aussi  pour  imiter  les  satyriques  qui  l'avaient  pré- 


265 

pliées  sur  le  front  se  voyent  avec  peu  de  dif- 
férence dans  les  portraits  romains  du  temps  de 
Jules  et  d'Auguste  jusqu'à  celui  de  Trajan.  En 
outre  les  portraits  de  tous  les  plus  anciens  ré- 
publicains sont  trop  rares,  et  il  me  semble  par 
conséquent  qu'ils  ne  peuvent  avoir  lieu  dans 
cette  discussion.  Il  faut  ensuite  observer  que 
ce  portrait  ne  représente  personne  qui  ait  ap- 
partenu à  des  familles  régnantes  9  puisque  nous 
trouvons  dans  les  médailles  leurs  effigies,  au 
moins  celles  des  personnages  qui  parurent  avec 
plus  d'éclat  dans  l'empire.  11  sera  donc  assuré  que 
c'est  le  portrait  d'un  Romain  célèbre  de  ce  siècle ^ 
et  en  exceptant  Agrippa  ,  Mécène  et  Sénèque  , 
dont  les  portraits  sont  bien  connus  ,  le  choix 
retombe  sur  très-peu  d'autres,  puisque  aucune 
de  ces  images  n'étant  connue  sous  la  forme  d'her- 


cédë,  principalement  Horace,  ceux-ci  n'oubliant  jamais 
les  Gabiens  lorsqu'ils  voulaient  parler  d'un  château 
abandonne'.  Il  est  à  remarquer  dans  l'inscription  que  Do- 
initia,  dont  les  affranchis  Polycarpe  et  Europes  ont  dé~ 
die'  ce  lieu  en  son  honneur  et  celui  de  sa  famille  ,  en  l'ap- 
pelant imperatrice ,  mais  non  femme  de  Domitien  ;  y  sub- 
stituèrent ,  comme  plus  glorieux  ,  le  titre  de  fille  de  Cor- 
bulon  ;  nom  que  Dion  seul  nous  avait  appris  alni  don- 
ner. Ce  qui  arriva  peut-être  parce  qu'elle  avait  e' te' con- 
damnée au  me'pris  à  cause  de  Domitien:  ou  parce  qu'elle 
ne  s'était  pas  disculpe'e  d'avoir  eu  part  à  la  conjuration  con- 
tre son  e'poux;  comme  l'ont  dit  quelques  écrivains  ,  ce  que 
paraît  confirmer  cette  re'ticence.  La  copie  que  nous  admet- 
tons (planche  LXIl  )  rend  fidèlement  l'original  jusque  dans 
les  singularités  de  l'orthographe,  dans  la  ponctuation  et 
dans  les  erreurs* 


2Ô4 

mès,  il  paraît  que  nous  devons  supposer  que  le 
sujet  eut  une  célébrité  littéraire.  Maintenant 
nous  voyons  que  ce  portrait  se  trouve  à  Gabium , 
et  ce  qui  est  à  considérer  ,  dans  un  lieu  consa- 
cré à  la  mémoire  de  Corbulon  ,  de  plus  se  vo- 
yant répété  dans  un  autre  simulacre  de  ce  mu- 
nicipe  ,  qui  paraît  avoir  été  augmenté  et  comble 
de  bienfaits  par  les  familiers  de  sa  fille;  combien 
donc  acquiert  de  probabilité  l'opinion  que  ce  Ro- 
main représenté  soit  Gorbulon.  Celte  image  peut 
provenir  du  siècle  dans  lequel  il  vivait ,  par  les 
motifs  que  nous  avons  donné  ci-dessus,  parce  qu'il 
se  distingua  plus  que  tout  autre  parmi  les  cito- 
yens, et  qu'il  parut  d'abord,  par  la  sévérité  de  ses 
moeurs  ,  et  par  la  gloire  de  ses  diverses  con- 
quêtes,  faire  revivre  en  lui  les  Paul-Emiles  et 
les  Scipions  (i). 

Si  l'on  vient  après  à  réfléchir  que  ce  buste 
de  Gabium  ait  dû  appartenir  absolument,  par 
le  lieu  où  il  était  placé,  à  un  parent  de  très-près 
de  Doraitia ,  que  ce  même  buste  nous  repré- 
sentant un  personnage,  duquel  nous  avons  retrouvé 
au  moins  cinq  autres  portraits  (2) ,  doit  néces- 
sairement nous  offrir  l'image  de  quelque  homme 


(1)  Tacite,  Annal. ,  liv.  XIV,  chap.  58;  dit  Corbu- 

lon  :  Si  clari  atque  insont  es  interficerentur  praecipuum 
ad  pericula. 

(2)  Un  autre  buste  de  Gabium  dont  il  a  e'te'  parlé  ;  le 
notre,  celui  de  M.  le  marquis  Rondanini,  et  plusieurs 
autres  qui  ont  passé  par  les  mains  de  M.  Gaviti  Hamil- 
ton ,  et  qu'il  transporta  en  Angleterre. 


^65 

célèbre;  que  la  famille  de  Domitia ,  differente 
de  celle  des  Enoharhus,  ne  peut  se  glorifier 
d'aucun  autre  personnage  historique  que  Cor- 
indon, et  qu'enfin  celui-ci  florissait  dans  un  temps 
auquel  peuvent  convenir  toutes  les  particula- 
rités à  remarquer  dans  ces  portraits,  la  conjecture 
acquiert  plus  de  probabilité.  Cet  air  dur  delà 
physionomie  qui  a  servi  à  faire  donner  à  ces 
têtes  le  nom  de  Brutus  ,  concourt  à  confirmer 
r  opinion  que  nous  venons  de  proposer.  La  sé- 
vérité de  Corbulon  fut  autant  remarquable  que 
ses  talens  militaires  ,  que  son  courage  ,  et  que 
son  bonheur  (i). 

Si  Ton  pense  que  des  inductions  puissent  mener 
a  la  vérité  ,  nous  aurons  découvert  avec  satis- 
faction l'image  d'un  homme  peut-être  le  plus 


(i)  Tl  est  bon  de  placer  entièrement  ici  un  passage  de 
Tacite,  Annal. }  XI  ;  18;  Feruntque  militem  7  quia  valium 
non  accinctus  j  atque  alium  7  quia  pugione  tantum  accinctus 
foderet  ?  morte  punitosi  quae  nimia  ,  et  incertain  an  falso 
iactata  vel  aucta  ;  originem  tamen  e  sementate  ducis  tra- 
xere  ;  intentumque  et  mugnis  delictis  inexorabilem  scias > 
cui  tantum  asperitatis ,  etiam  adversus  levia  credebatur. 
Cette  sévérité  qui  fit  ressortir  davantage  le  caractère  guer- 
rier de  Corbulon  7  eût  été  une  tache  à  sa  réputation  si 
le  sort  l'avait  destiné  aux  emplois  civils.  En  effet  dans 
îa  commission  que  lui  donna  Tibère  7  ou?  selon  d'autres, 
Caligula;  de  se  faire  rendre  compte  des  travaux  et  des 
dépenses  faites  pour  les  routes  de  l'empire,  sa  conduite 
fut  si  dure  et  si  indiscrète  ,  qu'il  parut  avoir  plutôt  pour  but 
de  perdre  une  quantité  do  particuliers  que  l'utilité  pu- 
blique. Tacite  ,  Anna7.  Ili- f  5i  \  Dione?  h  5q. 


^66 

remarquable  et  illustre  personnage  dont  parle 
l'histoire  des  empereurs.  Il  avait  écrit,  à  l'imi- 
tation de  Xénophon  et  des  Césars ,  ses  propres 
mémoires;  et  différens  passages  de  Pline  et  de 
Tacite  nous  préviennent  très-favorablement  sur 
la  sincérité  qui  régne  dans  cet  intéressant  écrit  (i). 

Le  travail  de  cette  sculpture  est  d'un  style 
excellent  j  il  n'est  pas  extrêmement  soigné,  mais 
il  ne  manque  ni  de  correction  ni  de  morbidesse. 


(i)  Pline  le  cite  dans  Yindex  du  V  livre  et  du  VI  j  eu 
outre  encore  dans  le  VII,  §  4  >  °ù  il  nous  apprend  que 
Corbulon  était  frère  utérin  de   Cesonia   épouse  de  Cali- 
guîa  ;  et  qu'il  avait  obtenu  le  consulat  ;  dans  le  VI  liv. 
aussi  ,§  5  ,  il  veut  ;  je  crois  ;  parler  de  Corbulon  ?  en  citant  7 
comme  il  dit,  les  me'moires  :  eorum  qui  in  Armenia  res  pret- 
erirne cum  CorbuLone  gesserei  sorte  d'expressions  qui  équi- 
vaut,  selon  moi,  a  la  manière  grecque   oî  ftepï  Kop~ 
fiyXôva   Vossius  dans  le  I  liv. ,  ch.  25  ,  de  Histor.  Latin. , 
fait  mention  de  Corbulon  ,  et  le  trouve  cite'  par  Tacite 
lui-même  dans  le  XV  liv.  des  Annales  des  écrivains  dont 
parle   Sénèque  le  philosophe  ;   compilé  par  Barlius ,  et 
insére'  dans  la  Bibliotheca  Latina  de  Fahricius;  on  y  lit 
le  nom  de  Coibufon, 


2ÔJ 

INDICATION  DES  MONUMENS 
CITÉS  DANS  LE  COURS  DES  EXPLICATIONS 
et  qui  sont  représentés  dans  les  deux  planches 
suivantes  A  et  B. 


PLANCHE  A. 

T.  A.  I ,  num.  T.  est  le  dessin  du  très-beau 
buste  d'Alcibiade  qui  appartient  à  monseig.  An- 
tonio Despuig.  La  ressemblance  des  traits  avec 
le  portrait  qui  porte  une  épigraphe  ,  que  nous 
avens  citée  à  la  planche  XXXI,  est  parfaite  dans 
toutes  ses  parties;  la  seule  différence  c'est  que  le 
buste  par  son  travail  est  infiniment  supérieur  à 
l'hermès.  Ce  célèbre  Athénien  est  ici  représenté 
haranguant;  et  même  il  semble  vouloir  exciter  et 
gouverner  par  son  éloquence  séduisante  les  passious 
elles  opinions  du  peuple  d'Athènes.  Son  vêtement 
se  compose  de  sa  tunique  et  du  pallium,  selon  Tu- 
sage  civil  des  Grecs,  et  principalement  des  Athé- 
niens. Mais  ce  que  l'on  doit  remarquer ,  c'est 
la  modestie  de  ses  gestes ,  ayant  le  bras  des- 
sous son  manteau  ,  selon  certaines  règles  de  dé- 
cence, qui  furent  constamment  respectées  par 
les  orateurs  de  cette  république  jusqu'à  la  guerre 
du  Péloponnèse,  règles  qu'Eschine  rappelle  en  ac- 
cusant Timarque  ,  et  se  plaignant  'qu'on  corn- 


268 

xnençait  déjà  à  les  négliger.  On  désignait  cette 
attitude  par  la  phrase  :  ëf®  tiqv  ùéysiv  : 

pailler  avec  le  bras  dessous.  Eschine,  pour  con- 
firmer l'antiquité  et  l'autorité  de  ce  style,  em- 
ployé une  preuve  que  nous  dirons  propre  à  un 
antiquaire,  alléguant  le  simulacre  de  Solon  à  Sa- 
lamine,  représenté  précisément  avec  ce  geste.  Vo- 
yez le  passage  entier  d'Eschine  in  Timarcum, 
page  5  2  de  l'édition  de  Reiske,  et  la  belle  note 
qu'y  a  ajouté  Taylor. 

On  a  d'autres  exemples  de  bustes  qui  ont  une 
main  ,  quoiqu'ils  soient  fort  rares.  Il  y  en  a  un 
dans  la  salle  des  Miscellaneae  du  Musée  Capi- 
tolili. Le  même  prélat  qui  possède  l'Alcibiade, 
conserve  aussi  un  buste  de  Faustine  Majeure 
ayant  sa  main  enveloppée  de  sa  palla  ou  man- 
teau. On  voit  un  autre  buste  de  Faustine  Mi- 
neure  ,  avec  la  même  particularité  chez  S.  Em. 
M.  Braschi,  neveu  de  S.  S.,  trouvé  dans  ses 
fouilles  sur  l'Esquilin. 

T.  Â.  I ,  num.  2,  2.  Ce  dessin  nous  offre  la 
grande  médaille  rare  et  érudite  de  Caracalla  , 
dont  on  a  parlé  dans  les  notes  à  la  planche  LV. 
Le  côté  où  est  représenté  le  buste  de  l'empe- 
reur couronné  et  ayant  l'épaule  droite  couverte 
du  paludamentum  ,  avec  son  épigraphe  : 

AYT.  KAI.  M.  AYP.  ANTÛNEINOC  CEB 

Imperato/*  Caesar  M.  Aurelius  Antoninus  Augustus 

n'a  rien  de  remarquable,  ni  de  difficile  à  expliquer, 
excepté  qu'on  devra  remarquer  l'union  peu  or- 


269 

dinaire  des  lettres  AI,  à  cause  que  c'est  de  pa- 
reille liaison  que  dépend  toute  la  difficulté  de 
l'épigraphe  du  revers  ,  qui  est  la  suivante  : 

AAlATErYMNACIAPXHCrAlNEGHKEN  : 

et  dans  l'exergue  ; 

AAOAIKEûN  NEOKOPÛN; 

les  lettres  TE  et  MN  sont  jointes  ensemble, 
il  n'y  a  aucune  distinction  entre  les  mots  et 
les  abbréviations.  Je  la  lis  ainsi  Lucius  Aelius 
Tertullus  (  ou  tout  autre  prénom  commençant 
par  TE)  Gjmnasiarches  tertium  dicavit.  Lao- 
dicensium  Neocorum. 

Comme  les  lettres  sont  petites ,  à  cause  de 
la  longueur  de  l'inscription  ,  quelques-unes  liées 
entre  elles  ,  et  presque  toutes  d'une  mauvaise 
forme  et  peu  distinctes,  comme  cela  arrive  sou- 
vent }  dans  les  médailles  grecques  impériales  * 
spécialement  dece  siècle,  par  cette  raison,  et 
peut-être  aussi  à  cause  du  peu  de  conservation 
d'autres  médailles  semblables,  les  antiquaires  qui 
les  ont  fait  connaître,  se  sont  écartés  de  la  vé- 
ritable leçon,  et  également  du  sens  de  l'épigra- 
phe. De-Boze  qui  l'a  décrite  dans  une  de  ses  dis- 
sertations sur  quelques  médailles  de  Smjrne ,  qui 
est  dans  le  tome  XVII  de  ï Académie  des  In- 
scriptions ,  p.  i3,  la  lit  ainsi  A.  AIA.  ïïirPHC 
ACIAPXHC  P.  >  etc.-  Lucius  Aelius  Pigres  Asiar- 
che s  tertium r,  etc.  Pèlerin  qui  en  a  publié  une 
autre  dans  le  tome  I  de  ses  Mélanges,  etc.,  pour 
servir  de  supplémens  1  etc.?  page  70,  a  observé 


.270 

-combien  mal  k  propos  De-Boze  a  cru  trouver 
un  Asiarcha,  et  encore  plus  pour  la  troisième 
fois,  sur  une  médaille  de  Laodicce  de  Syrie,  à 
laquelle  ville  tous  le  rapportent  unanimement 
et  avec  raison.  A  cet  effet  il  ajoute  une  seconde 
leçon  que  De-Boze  lui  même  a  pensé  qu'on  pou- 
vait emprunter  d'une  autre  médaille  semblable, 
leçon  qui  n'est  pas  plus  plausible  que  la  pre- 
mière : 

A.  AIAN,  rûTAM  APX.  MEr.  ec 
Lucius  Aean.  Gotam.  Pontifeoc  Maximus,  etc. 

Personne  ne  s'était  rappelé  ce  titre  de  Gymna- 
siarches ,  qui  seul  explique  l'énigme  que  ren- 
ferme cette  légende.  Ce  titre  n'avait  pas  été,  à 
la  vérité,  remarqué  jusqu'à  présent  sur  les  mé- 
dailles ,  mais  il  est  commun  cbez  les  écrivains, 
et  sur  les  inscriptions  grecques  (  voy.  aussi  Van- 
Dale  ,  Diss.  Vili ,  de  Gymnasiarch. ,  ci).  L'u- 
nion de  l'M  et  de  l'N  est  le  seul  embarras  qui 
se  présente  en  la  voyant  sur  les  médailles,  mais 
du  reste  elle  est  claire  et  évidente.  Il  ne  faut  pas 
tant  s'occuper  de  l'autre  liaison  TE  dans  le  sur- 
nom Gymnasiarques,  et  quoique  de  pareilles  ab- 
bréviations  dans  des  noms  propres,  qui  ne  sont 
pas  ordinaires,  soient  contre  les  bonnes  règles, 
il  y  en  a  cependant  une  quantité  infinie  d'exem- 
ples sur  les  médailles  grecques  impériales,  où 
l'on  trouve  par  exemple  H0GEI& ,  incertain  en- 
tre Possidonius  et  Pausidippe,  CAA/V,  douteux 
entre  Salluste  et  Sailius,  comme  le  lit  Vaillant, 


27* 

et  ce  qui  est  plus  encore  MÀPKOC  C,  que  le 
même  antiquaire  a  pris  plaisir  à  interpréter  en 
y  suppléant ,  par  Marcus  Severus.  L'épigraphe 
ainsi  fixée ,  il  ne  sera  pas  difficile  de  reconnaître 
sur  le  revers  l'empereur  lui-même  qui  ne  dé- 
daigne pas  de  remplir  dans  le  gymnase  de  Lao- 
dicée  les  fonctions  du  Gymnasiarque ,  et  de  cou- 
ronner de  ses  mains  les  lutteurs  de  la  palestre, 
étant  placé  devant  une  petite  chapelle  sur  le 
suggestioni  ou  tribune  élevée  peut-être  expresse- 
ment  pour  cette  fonction  au  milieu  de  l'enceinte 
de  ce  gymnase.  Ses  gardes  prétoriennes  sont  ran- 
gées autour  de  lui ,  armées  de  lances  et  de  bou- 
cliers, tandis  que  d'autres  personnages  ornent 
de  guirlandes  l'entrée  de  l'édifice,  comme  c'était 
l'usage  pour  les  grandes  solemnités.  Le  Gymna- 
siarque Lucius  Elius  consacra  dans  cette  grande 
médaille  le  souvenir  d'un  si  heureux  événement  ; 
de-là  vient  que  la  phrase  ANE0HKEN  fut  em- 
ployée dans  les  donaria  et  sur  les  monumens. 

Le  savant  abbé  Tanini,  auquel  nous  sommes  re- 
devables d'un  appendix  important  ajouté  a  Ban- 
durius,  ayant  enrichi  de  cette  grande  médaille  sa 
collection,  qui,  par  le  nombre ,  le  choix  et  la  ra- 
reté des  médailles  ne  le  cède  à  aucune  autre  en 
Italie  hors  celles  qui  appartiennent  à  des  sou- 
verains et  à  des  princes ,  m'a  fait  l'amitié  de  me 
permettre  de  la  faire  dessiner  avec  soin  pour 
la  placer  ici. 

T.  À.  II ,  num.  3.  Yoici  la  rare  et  très-belle 
patere  qui  fut  jadis  dans  le  Musée  Oraziani  à 


2*]2 

Pérouse ,  et  qui  appartient  à  celui  du  cardi- 
nal Borgia  établi  à  Velletri  y  riche  surtout  de 
monumens  grecs  et  romains,  mais  aussi  d'égy- 
ptiens, ou  qui  ont  rapport  à  toute  autre  érudi- 
tion étrangère.  11  en  a  été  question  dans  l'avant- 
propos  de  ce  volume  à  cause  de  la  protome  sup- 
posée ,  ou  demi-figure  de  Junon  que  Passeri  y 
a  reconnu,  et  en  cela  il  a  été  suivi  par  l'abbé 
Lanzi.  Le  premier  a  expliqué  cette  patere  à  sa 
manière  dans  le  Musée  Étrusque  (  t.  III,  part  III, 
pi  XIX)  ^  le  second  a  reproduit  cette  explica- 
tion dans  son  bel  ouvrage  sur  les  Lingue  an- 
tiche d*  Italia  (t.  II,  page  212).  J'ai  eu  dans 
plusieurs  endroits  de  mes  discours,  l'occasion 
de  parler  des  sujets  représentés  sur  quelques- 
unes  de  ces  patères,  qui  forment  une  portion 
fort  importante  et  savante  de  l'antiquité  figurée, 
et  peut-être  la  principale  de  cette  antiquité  qu'on 
appelle  Etrusque  ,  en  raison  de  la  réunion  des 
épigraphes  avec  les  types.  S'il  m' arrive  d'être 
quelquefois,  dans  ces  dissertations ,  d'un  avis 
différent  de  celui  de  mon  très-savant  ami  l'ab. 
Lanzi,  je  proteste  que  je  ne  cesse  cependant  pas 
de  lui  accorder  toute  l'estime  que  mérite  son  in- 
génieux ouvrage.  Il  a  été  le  premier  qui  ait  ou- 
vert le  chemin  ,  au  moyen  duquel  on  pouvait 
arriver  à  l'intelligence  le  plus  possible  de  ce  qui 
appartient  aux  Toscans  :  et  outre  la  difficulté  de 
la  matière  ,  il  a  dû  combattre  tous  les  préju- 
gés répandus  depuis  long-temp  dans  cette  étude 
par  ceux  qui  l'y  avaient  précédé.  Mais  ,  tout 


273 

occupé  à  fixer  les  méthodes  générales ,  il  n'a  pas 
pu  tout  de  suite  apporter  toujours  le  même  soin 
aux  applications  particulières  ,  d'où  il  peut  arriver 
que  d'autres  en  suivant  ses  traces ,  et  s'attachant  à 
ses  doctrines,  s'égarent  dans  quelques  opinions  qui 
auraient  un  point  de  vue  plus  proche  de  la  vérité. 
Dans  la  revue  très-difficile  de  l'antiquité  figurée,  qui 
vient  naturellement  se  placer  dans  mes  dissertations  , 
j'ai  souvent  été  d'opinion  contraire  à  Winckelmann, 
et  je  me  flatte  que  plus  d'une  fois  j'ai  rectifié  l'expli- 
cation de  son  sujet.  L'abbé  Lanzi  lui-même,  a  bien 
voulu  reconnaître  comme  plus  probable  mon  opi- 
nion sur  quelque  monument  qu'il  avait  expliqué 
avant  moi  ;  car  il  était  persuadé  que  si  je  com- 
bats son  idée  ,  c'est  uniquement  par  amour  pour 
la  vérité,  et  jamais  par  l'envie  de  le  rivaliser.  (Vo- 
yez son  Catalogo  di  correzioni  ed  aggiunte^  t.  II, 
à  la  fin  ,  page  197  ). 

Peu  d'autres  monumens  étrusques  nous  offrent 
aussi  clairement  comme  le  présent  les  noms  ces 
sujets  qui  sont  représentés  dessus  :  fljqYf  .  ^  J^tf 
$#N^1  •'  Pelias ,  Neleus,  Tjria  pour  Tjro  indi- 
quent, dans  les  deux  figures  déjeunes  gens  nus,  à 
la  manière  héroïque  et  armés  de  lances,  ces  deux 
fils  de  Neptune,  réputés  de  Crétliéus,  qui  ayant 
reconnu  Tyro  leur  mère,  apprennent  d'elle  les  cruels 
traitemens  que  lui  a  fait  supporter  sa  beile-mère 
Sidéro  ,  et  ils  s'apprêtent  à  en  tirer  vengeance.  La 
quatrième  ligure  décrite  comme  un  protome ,  pla- 
cée sur  un  autel  rond,  n'en  est  pas  un  absolu- 
jtient,  puisque  les  plis  de  son  manteau  descendent 

Musée  Pie-Clém.  Vol.  VI.  i& 


2  7  4 

jusqu'à  terre  ,  et  que  l'autel  est  plus  petit  qu'il  ne 
faudrait  pour  le  soutenir.  Elle-même  laisse  voir  une 
main  enveloppée  dans  son  manteau ,  particularité 
peu  commune  dans  les  bustes  et  les  protomes.  La 
fable  conduisait  facilement  àia  véritable  intelligence 
de  cette  figure  ;  c'est  Sidéro  l'épouse  de  Salmo- 
née  ,  belle-mère  de  Tyro,  réfugiée,  comme  l'indi- 
que Apollodore  (  I ,  c.  g ,  §  8  )  et  d'autres ,  au- 
près de  cet  autel  même  de  Junon ,  où  elle  fut  mas- 
sacrée inhumainement  sans  égard  au  respect  re- 
ligieux dû  aux  supplians  et  à  l'asile  sacré  des  au- 
tels 5  par  les  fils  de  sa  belle -fille  qu'elle  avait  per- 
sécutée. Nous  examinerons  le  mot  3Q3J8  écrit  sur 
ïa  cimaise  de  l'autel,  mais  avant  il  faut  observer 
une  circonstance  qui  se  trouvait  dans  la  tragédie 
de  Sophocle  intitulée  Tyro,  tragédie  qui  est  per- 
due, mais  dont  on  a  conservé  çà  et  là  quelques 
fragmens ,  que  l'on  peut  voir  dans  l'excellente  édi- 
tion de  Brunct.  Le  serpent  qui  paraît  ramper  au- 
tour de  cet  autel,  et  que  Passeri  a  cru  être  un  de 
ces  serpens  sacres  que  l'on  trouvait,  ou  que  l'on 
supposait  être  dans  les  temples  de  quelques  divi- 
nités, comme  de  Minerve  à  Athènes ,  d'Esculape  à 
Epidaure,  et  de  Junon  de  Lanuvium  i  ce  serpent,  dis- 
je,  était  expressément  indiqué  dans  Sophocle,  com- 
me Rapprochant  de  la  table  sacrée  irpôç  t^v  rpd- 
ïïeÇav  (pda^QP  fàfkomÀfiÀvSémt  top  iïpâxovra:  c'est 
ainsi  que  s'exprime  Athénée  en  parlant  de  cette  tra- 
gédie (liv.  XI,  ch.  7).  Uue  telle  correspondance , 
qui  fait  voir  positivement  la  liaison  qu'avaient  les  ou- 
vrages d'art  exécutés  en  Italie  avec  les  fables  et  la 


poesie  grecque,  qui  me  paraît  encore  pius  remarqua- 
ble dans  des  particularités  aussi  légères ,  et  qui  ne 
sont  que  des  accessoires,  m'autorise  à  soupçonner 
que  le  vase  que  Tyro  tient  suspendu  dans  sa  main 
gauche  n'est  pas  seulement  une  situla  pour  por- 
ter de  Peau  servant  aux  cérémonies  du  sacrifice, 
mais  plutôt  le  seau,  ou  <rjea(pri ,  ou  (rxâcpoç,  dans 
lequel  Tyrô  avait  exposé  ses  jumeaux,  et  qui  lui 
servit  h  les  reconnaître  ,  selon  le  moyen  d'opérer 
cette  reconnaissance  que  Sophocle  avait  employé 
dans  sa  tragédie  ;  reconnaissance  ti  ès-vantée,  et  dont 
parlent  souvent  les  anciens  grammairiens,  et  Aris- 
tote  lui-même  dans  sa  poétique,  chap.  16,  tous 
faisant  mention  de  ce  vase  qui  semble  être  passé , 
après  cette  tragédie,  en  proverbe  dans  la  Lysistrata 
d'Aristophane  (  v.  i58).  On  pourra  peut-être  élever 
des  doutes  sur  la  conjecture  que  je  viens  d'avan- 
cer, a  cause  de  l'idée  différente  qu'on  se  sera  faite 
de  ce  récipient  appelé  scaphe  que  nous  voyons 
sur  le  bas-relief  du  Parthénon  d'Athènes  dans  l'ou- 
vrage de  Stuart ,  tome  II ,  ch.  f  ,  pl.  XXL  II  y  est 
porté  sur  les  épaules  par  ceux  qu'on  appelait  Sca- 
phéphores ,  d'une  tout  autre  forme ,  mais  parfaite- 
ment semblable  à  celle  de  nos  esquifs.  Mais  le  mot 
lui-même  signifiait  deux  objets  bien  différens ,  se- 
lon qu'il  était  employé  pour  un  vaisseau  long  ou 
rond  ;  et  si  celui  que  nous  voyons  dans  les  bas- 
reliefs  du  Parthénon  est  la  scapha  {miepà,  ou  lon- 
gue ,  selon  la  distinction  de  Pollux  (  Onom. ,  liv.  X, 
n.  io3  ),  le  grammairien  lui-même  nous  apprend 
que  la   scapha  VTp'ùfyvXri  ou  ronde,  avait  pré- 


cisément  la  forme  d'un  mortier  (rqv  dè  nat  Sveiav 
k  l  iïveiBiûv  eÎTToiç  rv  }  C'est  la  forme  du  vase 
que  porte  Tyro  dans  notre  patere.  Que  ces  sor- 
tes de  vaisseaux  fussent  ordinairement  connus  sous 
le  nom  de  scapile,  cela  est  démontré  par  la  mé- 
taphore du  style  comique  ,  par  laquelle  on  comprend 
la  tête  humaine  dans  le  mot  irxâtpHM ,  scaphium, 
et  par  la  forme  même  du  vase  que  les  Latins  ont 
pius  communément  désigné  par  leur  mot  sca- 
phium.  Si  mon  idée  est  accueillie  ,  nous  recon- 
naîtrons sur  notre  potére  la  représentation  du  mo- 
nument qui  suit  la  reconnaissance  dans  cette  fa- 
meuse tragédie.,  où  la  mère  ayant  reconnu,  par  le 
seau  qu'elle  tient  encore  dans  sa  main  ,  les  deux 
jeunes  gens  pour  ses  fils  r  elle  leur  raconte  ses 
malheurs,  et  sollicite  leur  vengeance  contre  sa  cruelle 
belle-mère ,  laquelle  s'emparant  de  l'autel  de  Ju- 
do n  ,  son  unique  et  dernier  refuge ,  s'y  tient  attachée , 
pleine  d'inquiétude  et  paraît  dominée  par  la  peur. 

Arrivant  à  l'examen  du  quatrième  mot  qui  est 
écrit  sur  la  parère  ,  ou  plutôt  même  sur  l'autel , 
3Q3JS  ?  mol  qui  a  fait  proposer  beaucoup  de  sa- 
vantes conjectures  par  i'abbe  Lanzi  (tome  II,  pa- 
ge 480  ),  et  dans  l'index  x  ,  les  dites  conjectures 
cependant  par  leur  diversité  et  par  la  différence 
des  sources  d'où  il  les  dérive  ,  montrent  qu'il  avait 
lui-même  beaucoup  de  doutes  sur  ce  mot),  je 
crois  nécessaire  de  m'appliquer  à  la  marche  et  à 
la  méthode  qui  ont  paru  jusqu'à  présent  les  plus 
plausibles  pour  la  recherche  du  véritable  sens  des 
inscriptions  étrusques  On  a  cherché  celles  qui  avaient 
des  rapports  avec  les  sujets  de  quelques  monti- 


mens  d'art*  on  a  ensuite  examiné  si,  en  confron- 
tant les  objets  qui  étaient  liés  à  ces  paroles ,  on  pou- 
vait tirer  quelque  sens  probable  du  ternie  inconnu. 
De-ià  on  a  recherché  si  ce  sens  qui  paraissait  cor- 
respondre à  ces  figures  ,  pouvait  facilement  s'ap- 
pliquer aux  particularités  qui  étaient  dans  d'autres 
épigraphes  ,  et  où  se  trouvait  le  même  mot.  En- 
fin si  cet  essai,  au  lieu  de  rejeter  ,  confirmait  au 
contraire  la  première  explication  hypothétique ,  on 
s'occupait  alors  à  chercher  avec  pius  de  soin  dans 
les  racines  des  langues  grecque  et  latine  (  un  a 
poussé  la  recherche  \  je  ne  sais  avec  quel  avantage  y 
jusque  dans  les  langues  orientales  )  quelque  trace 
ou  racine  du  même  mot  qui  pût  confirmer  la  si- 
gnification déjà  estimée  probable.  Quand  tout  cela 
a  pu  donner  de  la  valeur  à  une  conjecture,  on 
l'a  regardée  comme  assez  bien  fondée  pour  nous 
donner  la  signification  la  plus  naturelle  du  mot  in- 
connu. Je  n'ai  pas  besoin  d'apporter  des  exem- 
ples de  ceci  5  l'ouvrage  dont  nous  venons  de  par- 
ler en  fournit  assez ,  quoique,  à  dire  la  vérité,  il  n'y 
ait  pas  beaucoup  de  mots  étrusques  où  la  réunion 
des  trois  combinaisons  que  nous  venons  d'établir,  pa- 
raisse fort  claire  et  sans  équivoque.  Comme  je  me  suis 
assuré  par  la  fable  représentée  sur  la  patère  ,  que 
i'autel  sur  lequel  on  lit  %Q$Jg  (Phlere)  appar- 
tient à  Junon  ,  je  conjecture  que  Phlere  esc  un 
nom  ou  une  épithète  solennelle,  et  presque  une  anto- 
nomase de  la  Déesse  même.  Ce  mot  se  rencontrant 
aussi  dans  beaucoup  d'autres  inscriptions  éti  risques, 
je  les  examine  toutes  ,  et  je  remarque  que  la  si- 


gnification  que  je  lui  donne  s'applique  à  merveilles 
à  chacune  }  il  en  est  qui  indiquent  que  le  monu- 
ment est  un  voeu  à  Junon ,  comme  celles  qu'a  ci- 
tées Lanzi, pages  5^5,  532  et  547.  On  y  lira  la 
formule  Mi  Phleres,  Iunonis  sum ,  ou  d'autres  de 
la  même  valeur.  D'autres  inscriptions  désigneront 
les  petits  simulacres  de  la  même  Déesse  qui  a  été 
reconnue  par  le  savant  abbé,  comme  aux  pages  52  2, 
Ô24  et  526.  Quelques-unes  joindront  au  nom  de 
Junon  ses  épithètes  ,  comme  celle  où  on  l'appelle 
Phlere  Ilithuia  ou  Lucina ,  et  l'autre  plus  claire 
encore ,  sur  laquelle  est  écrit  Phlere  Sutura  La- 
nuviti ,  savoir  Iuno  Sospita  Lamwina  (  même 
lieu,  pages  524  et  Ô26).  De  plus  il  n'en  est  au- 
cune parmi  tant  de  circonstances  particulières  à 
quantité  de  monumens  ,  qui  s'oppose  à  l'interpré- 
tation proposée  du  mot  Phlere  ,  cette  leçon  restant 
trop  incertaine ,  et  de  l'aveu  du  même  auteur,  trop 
conjectural  le  sens  qu'il  propose  pour  l'épigraphe 
citée  page  Ô2Ô,  ou  il  voudrait  retrouver  un  do- 
nariwn  fait  à  Apollon  et  à  Diane. 

Il  nous  reste  à  présent  à  voir  si  les  traces  des 
anciennes  dénominations  mythologiques  nous  of- 
frent quelque  secours  pour  donner  plus  de  valeur 
à  la  conjecture  proposée  ,  et,  à  dire  la  vérité,  ces 
documens  ne  sont  ni  rares  ni  obscurs  dans  ce  cas-ci. 
Il  paraît  que  l'antique  Italie  a  adoré  une  Déesse 
symbole  de  la  terre  et  de  sa  fécondité  ,  dont  les 
attributs  étaient  des  fleurs  et  des  fruits,  et  que 
de-là  elle  eût  les  noms  de  Phlere,  de  Flore  et 
de  Féronie.  Cette  dernière  est  interprétée  par  Dé- 


379- 
nis  d'Halycarnasse  {Aut.  Rom. ,  liv.  III ,  §  5  a) 
comme  la  Déesse  âitàwjpôpoç  \  ou  crveCpavr/cpópoc , 
<7^/  parie  Zes  fleurs  et  les  guirlandes.  Cette  in- 
terpréta tion  nous  prouve  au  moins  quels  attributs 
distinguaient  les  images  de  Féronie.  La  Flore  ,  an- 
cienne divinité  des  Sabins,  dont  parle  Varron ,  et 
qu'il  associa  à  Opis  (de  ling.  Lut. ,  liv.  IV  ,  10  )y 
n'était  peut-être  originairement  que  la  même.  Les  peu- 
ples d'Italie ,  en  empruntant  des  colonies  grecques' 
les  arts  et  les  sciences ,  ayant  modifié  leurs  super- 
stitions nationales  d'après  les  doctrines  théologiques 
grecques,  il  ne  sera  pas  étonnant  qu'ils  ayent  formé 
une  Junon  de  leur  divinité  ancienne,  qui  n'avait 
pas  une  dénomination  positive ,  comme  ils  ont  fait 
de  la  Salvatrice  de  Lanuvium  ,  de  la  Capra  des 
Sabins  et  des  Umbres ,  puisque  la  Grèce  recon- 
naissait une  Junon  Anthea ,  A nthia  ,  ou  Florida, 
et  lui  donnait  pour  attribut  la  grenade,  que  nous 
remarquons  à  quelques  petites  statues  de  femmes 
étrusques  désignées  avec  l'épigraphe  Phlere  (  Pau- 
sanias  ,  liv.  II,  ch.  21  5  Hésichius,  v.  AvSfsMi  )•  On 
reconnut  en  effet  clans  Féronie  la  Junon  Parthe- 
nia  ou  vierge  des  Grecs  ,  puisque  le  Dieu  An- 
ocurus  ou  A  ocurus  ,  que  les  idées  superstitieuses 
des  Volsques  et  des  Latins  lui  donnèrent  pour  époux_, 
parut  le  même  que  le  Jupiter  jeune  et  encore  im- 
berbe des  Grecs  (  Serviti  s ,  ad  Aeneid.^  liv.  VIT, 
v.  800  ).  Aussi  voyons-nous  ivno  feronia  dans  les 
anciennes  inscriptions  (  Fabretti ,  p.  \S  1  ).  On  ne  voit 
pas  de  raisons  plus  claires  et  en  plus  grand  nombre 
pour  qu'ils  ayent  substitué  a  V  ^'Hpa  (  liera  )  d' Argos 


2$o 

leur  Junon.  Cette  Déesse  était  peut-être  très-ancien- 
nement un  équivalent  de  la  jeunesse  ou  d'Hébé 
(  voy.  Scaliger  et  Festus,  v.  Juventutis  )3  que  Ton 
prit  ensuite  pour  la  Déesse  du  printemps  ,  c'est-à- 
dire  de  l'enfance  de  l'année  ou  de  la  vigueur  prin- 
tanière  de  la  terre  fécondée ,  à  laquelle  notre  Flore 
ou  Féronie  ,  ou  Phlere ,  fait  allusion.  On  pour- 
rait dire  aussi  que  la  Junon  FLuonia  de  Festus  fait 
allusion  h  la  même.  La  $>lkwé  ,  PhLoea  ou  Flua 
d'Hésychius  qu'il  a  expliquée  par  Proserpine  ,  ne 
s'éloigne  pas  trop  de  la  même  idée  ,  autant  qu'elle 
est  le  symbole  de  la  terre  ,  que  les  partisans  de 
l'allégorie  grecque  ont  retrouvée  souvent  encore  dans 
Junon  (  v.  Héraclius ,  dllegor.  Orner.  ,  page  44^ 
éd.  Gai.).  Si  d'un  autre  côté  on  réfléchit  que  le 
mot  303 J8  Phlere  se  peut,  selon  les  règles  éta- 
blies par  l'abbé  Lanzi ,  réduire  simplement  en  H  ere 
attendu  qu'on  peut  employer  pour  aspiration  tant 
le  8  que  l' J  ,  alors  la  ressemblance  du  mot  avec 
le  nom  grec  de  l'épouse  de  Jupiter  est  si  rappro- 
chée, qu'on  en  retire  une  probabilité  plus  forte  et 
plus  convaincante  en  faveur  de  l'opinion  pronon- 
cée ici.  Je  crois  donc  avoir  démontré  ,  ce  que  je 
me  proposais  de  faire ,  que  les  traces  antiques  de 
ce  mot  inconnu  ne  s'éloignent  pas  trop  de  celui  qui 
est  proposé ,  et  qu'alors  il  indique  une  Déesse  qui 
peut  avoir  eu  rapport  a  la  Hera  grecque  ou  Ju- 
non. Et  cela  suffirait ,  si  je  ne  croyais  pas  néces- 
saire d'ajouter  une  réflexion  sur  la  signification  de 
doniim,  ou  votanti  ou  sacrum,  que  l'ingénieux 
antiquaire ,  que  nous  avons  cité,  a  voulu  lui  attribuer. 


La  place  où  est  tracé  ce  qu'on  lit  sur  notre  bronze , 
ôte  beaucoup  de  vraisemblance  à  chacune  des  expli- 
cations proposées.  On  a  voulu  peut-être  rapporter 
cela  à  l'autel  gravé  sur  la  patere  ,  ou  à  la  patere 
elle-même.  Si  on  l'attribue  à  l'autel ,  rien  de  plus 
inutile  ,  puisque  sa  forme  et  sa  destination  sont  tout 
à  fait  évidentes,  et  je  ne  puis  imaginer  comment 
on  pourrait  exprimer  plus  clairement  l'image  d\ui 
autel  qu'en  écrivant  simplement  sacrum.  11  est  fort 
satisfaisant  de  lu  e  à  côté  limoni  ,  sans  quoi  on  ne 
saurait  à  quelle  divinité  était  dédié  cet  autel.  Mais 
si  on  veut  rapporter  cela  à  la  patère  ,  l'épigraphe 
n'est  pas  moins  inutile  et  oiseuse  ,  puisque  la  fi- 
gure de  cet  ustensile  indique  assez  qu'il  est  des- 
tiné aux  choses  sacrées  ,  et  la  place  qu'occupe 
cette  épigraphe  n'est  pas  plus  convenable  à  ce  sens. 
Les  épigraphes  écrites  sur  les  patères  qui  ont  rap- 
port à  ce  meuble  sacré, et  non  aux  sujets  à  sgra- 
fito qui  l'enrichissent. ,  se  voyent  toujours  constam- 
ment éloignées  de  ces  objets  particuliers  ,  et  gra- 
vées vers  la  naissance  du  manche.  Il  en  est  ainsi 
du  mot  ?îf!?Vi  d'une  autre  patère,  qu'il  inter- 
prète %oaïç  pour  les  libations  (même  lieu,  p.  206), 
et  c'est  le  seul  exemple  qu'il  donne  d'une  inscri- 
ption analogue  :  exemple  même  fort  équivoque , 
attendu  l'obscurité  du  mot  qui  pourrait  peut-être 
avoir  été  originalement  ?J/UIVJ  ,  Avcraiç  ou  /Lvowaïc , 
et  s'interpréter  par  furens  ,  et  ainsi  se  réunir  au 
mot  5J>|(D,  Hercules ,  qui  est  gravé  aussi;  il 
expliquerait  le  sujet  représenté  qui  est  précisé- 
ment Hercule  furieux.  Enfin,  quoi  qu'il  en  soit,  le 


2$2 

vrai  sens  de  ce  mot  est  trop  varié  et  obscur  pour 
en  retirer  quelque  lumière  ,  ou  pour  appuyer  des- 
sus quelqu'induction. 

Le  célèbre  M.  Heyne,  dans  une  de  ses  disser- 
tations insérées  dans  celles  de  l'académie  de  Got- 
tinga, a  trouvé  dans  la  grossièreté  et  dans  le  mou- 
vais goût  des  Etrusques,  ou  même  des  plus  anciens 
artistes  grecs,  la  véritable  raison  de  cette  quantité 
et  variété  de  petits  emblèmes  qui  couvrent  souvent 
le  fond  de  leurs  compositions  soit  dessus  l*s  vases, 
soit  dessus  les  patères  de  ce  genre.  Vouloir  de  ce- 
la adopter  une  signification  précise  et  subordonnée 
au  sujet  principal  à  chacun  des  accessoires  qui  or- 
nent le  fond  de  notre  patère ,  comme  le  génie  vo- 
lant, la  tessere,  l'astérisque,  l'oiseau,  les  rubans 
ondoyans,  etc.,  ce  serait  un  travail  ingrat  et  dif- 
ficile. La  tête  couverte  d'un  bonnet ,  pileum ,  ailé  , 
laquelle  fait  l'ornement  de  la  patère  vers  le  com- 
mencement de  son  manche,  paraît  certainement  la 
tête  de  Persée  ayant  le  casque  de  Pluton  (  'AiJoç 
wvvtf)  ,  comme  on  la  voit  ordinairement  sur  les  mo- 
numens  grecs.  Mais  le  genre  de  travail  de  ce  sgra- 
no, peut  nous  faire  reconnaître  aussi  une  image  de 
Mercure,  divinité  à  qui  on  attribuait  les  premiers  éta- 
blissemens  des  religions ,  qu'à  cause  de  cela  on  re- 
gardait comme  l'interprète  des  supplians ,  et  comme 
porteur  des  prières  des  mortels  dans  le  ciel ,  par 
ces  motifs  il  convenait  de  le  sculpter  sur  les  ins- 
trument servant  aux  sacrifices. 

T.  A.  II,  num.  4*  Cette  patère  appartient  aussi 
à  la  très-riche  collection  et  très-bien  choisie ,  de  la- 


3  85 

quelle  nous  avons  tiré  le  dessin  précédent.  Autant 
que  je  sais ,  elle  est  inédite  ,  et  elle  s'accorde  si 
bien  avec  la  fable  Homérique  dont  il  est  question 
dans  les  planches  XVIII  et  XIX  de  ce  volume  ,  et 
elle  a  tant  de  correspondance  dans  quelques-unes 
des  particularités  les  plus  essentielles ,  que  je  crois 
utile  de  la  publier  ici.  On  y  a  représenté  le  com- 
bat d'Hector  et  de  Patrocle  d'une  façon  si  con- 
forme au  récit  d'Homère  ,  que  les  vers  de  l'Iliade 
expliquent  les  figures  sans  avoir  besoin  d'autre  com- 
mentaire. Le  poëte  après  nous  avoir  dit ,  qu'Apollon 
ayant  détaché  par-derrière  les  armes  de  Patrocle  , 
et  qu'Euphorbe  le  voyant  sans  cuirasse,  avait  cher» 
ché  à  le  frapper  d'un  coup  de  lance  au  milieu 
du  dos  ,  mais  que  n'osant  affronter  Patrocle  même 
nu,  il  se  retira  dans  la  foule: 

 ovôx'  v^éf.LSive 

HârpoxÀov  yvjjbvov  fàëp  eóvr  sv  dfyiórtfré  : 

(  IL  n  ou  li  XVI,  v.  8i4  ) 

 neque  enim  sustinuit 

Patroclum  nudum  licet  in  pugna 
ajoute  immédiatement:  (Id. ,  vers.  8i6  et  suiv.  ): 
Udrpoxùoç  <fk  Seov  nhijyi}  xai  Bvpt  dafjbaoSeïç 
Aip  erâpQV  sïç  ë&poç  èftâ&TO  m/p  wke&tv&f. 
JLxrop      ôç  eîâev  Uarpoxûtfa  fisyd^^^iop 
Aip  dm%a£ó{i€i/OV ,  ^e^X^èvov  ôtjsï  yaJkxô , 
*Ayyj(io7vòv  pu  ol  tïXSê  xarà  ari^aç  ovra  M  Bxpi 
Neiarov  èç  mveova*  iïià  irpo  iïè  y^aJknov  sùacras. 
Aovmuxev  Bè  icevov ,  (léya  d!  ^kœ^s  Kaòv  9A%aiôr. 
Patroclus  autem  Bei  plaga  et  hasta  domitus 
Retro  sociorum  in  agmen  recede  bat  ,  mor  terri 
evitans, 


284 

Hector  vero  ut  vidit  Patroclum  magnanimum 
Metro  cedentem  9  vulneratavi  acuto  aere 
Prope  eum  venit  per  ordines  :  feriehatque  hasta 
Imam  ad  ile  ;  penitus  autem  aes  adegit. 
Fragorem  vero  edidit  cadens ,  magnoque  affecit 

dolore  populum  jf.chivorum. 

Voilà  donc  Hector  armé  qui  a  poursuivi  Patro- 
cle ,  lequel  presque  nu  et  sans  armes ,  blessé  ,  se 
retirait  au  milieu'  de  ses  compagnons.  Le  fils  de 
Priam  lui  a  déjà  lancé  par-derrière  le  fer  qui  le  blessa 
mortellement  au  flanc  au-dessous  des  côtes ,  et 
c'est  précisément  cette  partie  du  corps  qu'indique 
Homère  par  cette  phrase  petavov  èç  mfsòvd^  au- 
bas  du  thorax,  la  même  que  nous  avons  vue 
marquée  de  cette  blessure  mortelle  dans  le  ca- 
davre de  Patrocle  soutenu  sur  les  bras  de  Méné- 
las ,  dans  un  des  groupes  de  Florence.  11  paraît  que 
la  réunion  aussi  parfaite  de  telles  déterminations 
particulières  met  le  sujet  de  ce  s grajitto  dans  une 
parfaite  évidence ,  et  le  rend  aussi  clair  qu'auraient 
pu  le  faire  des  épigraphes  qu'on  y  aurait  ajoutées. 
Si  ie  sujet  du  groupe  qu'on  appelle  Pasquin  ,  ex- 
pliqué dans  les  discours ,  planches  XVill  et  XIX  , 
avait  encore  besoin  d'une  confirmation  ultérieure, 
cette  représentation  de  la  patère  qui  va  si  bien 
d'acord  avec  Homère  et  avec  ce  groupe  lui-même,  * 
suffirait  pour  en  faire  valoir  l'explication.  On  doit 
toutefois  la  placer  dans  le  nombre  des  monumens 
qui  retracent  à  nos  yeux  cet  événement  de  l'Iliade, 
qui,  comme  nous  l'avons  dit, -a  fourni  beaucoup 
de  sujets  aux  aits  anciens. 


285 

Planche  B, 


T.  B.  I,  i.  J  ans  ces  trois  dessins  on  voit  le  grand 
autel  triangulaire  de  la  Villa  Pinciana  ,  sculpté  en 
marbre  grec,  haut  d'environ  sept  palmes,  et  ou 
sont  représentés,  sur  deux  rangs  ,  les  douze  grands 
Dieux  •  et  neuf  autres  divinités.  C'est  Pun  des  plus  an- 
ciens monumens  qui  nous  restent  des  arts,  et  qui , 
par  sa  grandeur  et  par  ses  sujets,  mérite  d'être  re* 
é  comme  une  chose  unique  et  précieuse.  Ou 
peut  dire  qu'il  est  inédit  jusqu'ici,  puisque  Win- 
ckelmann  dans  ses  Monumens  inéd.,  n.  i5,  en  a 
seulement  fait  connaître  une  des  faces,  où  il  a  cru 
retrouver  l'image  de  Junon  Martiale;  en  quoi  il  a 
commis  quelque  erreur,  pour  n'avoir  pas  distingué 
ce  qui  est  antique  de  ce  qui  était  restauré,  ces 
faces  étant  recouvertes  également  d'une  épaisse  pa- 
tine ,  et  il  n'a  pu  se  former  une  juste  idée  de  ce 
morceau  intéressant.  J'expliquerai ,  pour  aller  avec 
ordre,  d'abord  la  bande  supérieure  ,  et  ensuite  l'in- 
férieure. 

La  supérieure  contient  douze  Divinités,  quatre 
sur  chaque  face.  La  plupart  sont  distinguées  d'une 
manière  certaine  par  leurs  attributs ,  et  comme  elles 
sont  toutes  de  la  classe  des  douze  plus  grandes  di- 
vinités ,  comprises  dans  ces  deux  vers  fameux 
d'Ennius  : 

Iuno7  Vesta,  Minerva ,  Ceres  ,  Diana,  Venus,  Mars / 
Mer  curiui,  lo  vi  ,  Neptunus  >  V  oh  anus  ^  Apollo; 

on  peut  donc  établir  que  celles  en  petit  nombre , 
lesquelles,  ou  par  l'effet  de  la  dégradation  du  uio~ 


386 

nument,  ou  parce  que  dès  le  principe  elles  ont  été 
ainsi,  sont  sans  attributs,  appartiennent  également 
à  cette  classe.  Nous  nous  en  sommes  assurés  en  ob- 
servant que  les  noms  qui  leur  sont  donnés  ensuivant 
ce  sujet,  correspondent  à  merveille  avec  les  au- 
tres particularités  de  ces  mêmes  figures. 

En  commençant  cependant  par  le  num.  i  ,  savoir 
la  première  figure  à  la   gauche  des  spectateurs, 
on  y  reconnaît  facilement  Jupiter ,  à  son  vêtement , 
à  ses  traits ,  et  plus  évidemment  au  foudre  qu'il 
a  dans  la  main  droite.  La  Déesse  qui  tient  un 
sceptre,  qui  est  voilée,  placée  après  de  lui,  et  se 
tournant  de  son  côté ,  peut  être  reconnue  pour 
Junon.  Sans  avoir  d'autres  symboles,  l'artiste  qui 
a  représenté  encore  une  autre  Déesse  sans  attri- 
buts et  avec  un  vêtement  semblable,  a  cru  qu'on 
pouvait  suffisamment  la  reconnaître  à  sa  place,  d'au- 
tant plus  que  les  douze  figures  sont  disposées  en 
six  groupes ,  composés  chacun  d'une  figure  d'hom- 
me et  d'une  de  femme,  se  regardant  toutes  deux , 
et  toutes  deux  ayant  des  rapports  bien  connus  dans 
la  mythologie.  Nous  ne  doutons  donc  pas  que  la 
compagne  de  Jupiter  ne  soit  sa  soeur  ,  son  épouse. 
Le  second  groupe  nous  offre  très-clairement  Nep- 
tune désigné  par  son  trident ,  et  la  Déesse  qu'il 
regarde  est  Cérès,  comme  il  est  démontré  par  les 
épis  qu'elle  tient  de  la  main  gauche.  La  moitié 
supérieure  de  cette  figure ,  de  même  que  celle  de 
Neptune,  est  une  restauration  moderne;  et  par  bon- 
heur le  trident  de   cette  figure'  s'était  conservé  , 
comme  dans  la  première  un  reste  de  la  main  qui 


2.8? 

tient  les  épis.  Mais  cependant  sans  eette  distinction 
on  eût  encore  pu  reconnaître  Cérès  en  la  voyant  pla- 
cée près  de  Neptune.  Elle  était  sa  soeur,  fille  de 
Saturne ,  comme  toutes  les  divinités  représentées  sur 
cette  bande;  elle  était  aimée  de  préférence  aux 
autres  par  le  Dieu  des  mers  ,  qui  s'étant  métamor- 
phosé en  cheval,  eut  d'elle  l'immortel  coureur  Arion. 

T.  B.  H  ,  num.  2.  Ici  est  représentée  la  bande 
de  l'autel  qui  se  joint  avec  la  première  à  la  gau- 
che des  spectateurs  ;  le  premier  groupe  à  la  droite 
ne  laisse  pas  incertain  quels  sont  le  Dieu  et  la 
Déesse  qui  le  composent.  Comme  on  y  reconnaît 
Mercure  à  son  caducée,  ainsi  qu'aux  ailes  à  ses 
talons ,  on  doit  s'apercevoir  que  sa  compagne  est 
Vesta,  tant  parce  que  l'ancienne  mythologie  réunis- 
sait ces  deux  divinités  toutes  deux  Propjléennes  ou 
Vestibulaires  :  et  elles  sont  par  cette  raison  réunies 
dans  une  même  hymne  parmi  celles  d'Homère  ? 
(  Hymn.  XXVII ,  in  Vestam  et  Mercur.  ),  et  dans 
d'autres  monumens  que  j'ai  indiqués  ailleurs  (vo- 
yez notre  tome  IV ,  planche  XLIII  )  ;  et  aussi  parce 
que  Vesta  est  placée  de  cette  façon  sur  le  bord 
du  bas-relief  et  près  de  Jupiter,  n'interrompant 
pas  a  insi  la  série  des  cinq  fils  de  Saturne ,  qui 
forment,  avec  les  sept  fils  de  Jupiter,  tout  le 
choeur  de  ces  douze  Divinités. 

Vesta  sera  la  première  Ghronide 

 Fille  de  Saturne  » 

Née  la  dernière ,  et  la  plus  ancienne. 
(Homère,  Hymn.  III,  in  Vener. ,  v.  22  eaS), 
et  auprès  d'elle  seront,  sur  la  bande  contigue ,  Ju-^ 


288 

I 

piter,  Junon,  Neptune  et  Cérès,  tous  eu  fans  de 
Saturne  et  de  flhée. 

Mercure,  qui  accompagne  Vesta,  est  barbu  se- 
lon le  style  t<  ès-ancien  de  la  Grèce ,  et  il  a  une 
seule  aile  su  talon  à  chaque  pied ,  vers  la  partie 
extérieure.  Les  plumes  se  replient  en  haut  à  l'extré- 
mité, formant  commele  commencement  d'une  vo- 
lute, manière  que  l'on  peut  observer  dessus  beaucoup 
d'autres  monumens,  et  sur  laquelle  ont  écrit  tant 
de  futilités  ceux  qui  ont  répandu  le  système  qu'Us 
ont  appelé  le  Scjthisme.  Les  deux  autres  divinités 
de  ce  côté  sont  Mars  et  Vénus.  Le  premier  est 
suffisamment  distingué  par  son  bouclier  et  sa  cui- 
rasse ,  et  il  est  peu  différent  de  celui  qui  est  sur  le 
puits  [pute aie  )  du  Capitole.  On  reconnaît  la  seconde 
a  la  colombe ,  son  symbole  ordinaire  i  comme  elle 
est  représentée  sur  plusieurs  monumens  antiques, 
et  particulièrement  sur  les  médailles  Eiicines. 

T.  B.  Il  ;  num.  3.  Il  nous  reste  la  troisième 
bande  où  les  Divinités  laissent  quelque  incertitude? 
parce  que  la  partie  supérieure  est  entièrement  mo- 
derne •  et  que  le  reste  même  est  mutilé  dans  beau- 
coup de  parties.  Il  y  en  a  cependant  deux  ,  et  peut-être 
trois,  dont  les  symboles  sont  clairs,  et  au  moyen 
de  celles-ci  nous  pourrons  reconnaître  la  dernière. 
On  voit  que  la  seconde  avec  cet  arc  doit  être 
Diane. La  troi  ièmequi  tient  une  tenaille  sera  Vul- 
cani, quoique  le  manteau  qui  descend  sur  ses  pieds 
Tait  fait  restaurer  comme  si  c'était  une  Déesse. 
Nous  avons  cité  dans  cet  ouvrage  un  bronze  napo- 
litain, dans  lequel  on  voit  une  ligure  d'homme  vêtu, 


%8g 

et  même  (  ci-dessus ,  pl.  IV ,  §  i  )  les  vases  dits 
Etrusques  nous  en  offrent  d'autres  exemples  dans 
leurs  peintures,  et  aucune  des  Déesses  de  notre 
autel  n'a  un  habillement  pareil.  C'est  la  figure  que 
Winckeimànn  a  nommée  Junon  Martiale  ,  se  fondant 
sur  un  passage  de  Codinus  (de  orig.  Constanti- 
nop. ,  pag.  14)5  clui  décrit  une  statue  de  Junon  , 
à  Constantinople,  ayant  dans  la  main  les  tyaMiïaç  , 
les  ciseaux,  que  Winckelmann,  en  faisant  équivo- 
que sur  le  sens  à  cause  du  mot  latin  forfices  qui 
y  répond ,  a  cru  pouvoir  changer  par  tenailles  , 
quoique  l'écrivain  grec  exprime  suffisamment  que 
c'était  un  instrument  à  raser  les  cheveux  et  la  barbe. 
(La  statue  que  Codinus  a  décrite  représentait  pro- 
bablement une  Parque).  Il  a  vu  aussi  les  tenailles 
dans  les  mains  de  la  Junon  Martiale  des  médailles 
romaines  de  Trebonianus  Gallus,  et  il  a  été  en 
cela  trompé  par  quelque  médailliste  et  par  les  gra- 
vures- quand  cette  Junon  tient  dans  la  main  un 
groupe  d'herbes,  et  non  pas  des  ciseaux  ni  une 
tenaille  ,  comme  cela  est  clair  pour  qui  observe 
avec  soin  les  médailles  orignales  qui  sont  bien  con- 
servées, Je  me  rappelle  d'avoir  proposé  ,  dans  le 
tome  premier  de  ce  Musée  (pl.  IV),  une  conjecture 
probable  sur  la  signification  de  ces  herbes  et  sur 
son  rapport  avec  le  titre  de  Martial.  Alors  la  fi- 
gure dont  il  est  question  sera  un  Vulcain  avec  la 
tenaille ,  son  symbole  très-connu  et  commun  \  et 
il  regarde  Minerve.  C'est  à  la  restauration  que  l'on 
doit  presque  tous  les  attributs  de   cette  Déesse  , 
mais  l'égide  qui  couvre  sa  poitrine  5  bien  que  dégra- 
Musée  Pie-Clém.  Vol.  Vl  10 


dèe,  se  reconnaît  aux  angles  ou  pointes  de  sou 
contour,  bien  différent  que  celui  du  peplum  des 
autres  Déesses  (  aiyiiï*  Smmpósmw^  Voilà  donc 
les  deux  divinités  présidant  aux  arts  réunies  eu  uu 
groupe  ,  comme  la  mythologie  les  suppose  encore 
unies  par  les  liens  de  l'amour.  Il  ne  sera  pas  dou- 
teux à  présent  que  la  dernière  figure  qui  accom- 
pagne Diane  ne  soit  celle  d'Apollon,  quoique  les 
restes  de  l'habillement  de  femme,  ou  plutôt  Cita- 
védique ,  ait  engagé  le  restaurateur  à  lui  donner  dans 
la  partie  supérieure  la  forme  d'une  femme.  Mais  on 
peut  apercevoir  facilement  le  plectrum  dans  la 
main  droite  antique  qui  est  conservée ,  ce  qui  an- 
nonce d'une  manière  certaine  qu'elle  devait  tenir 
une  lyre  de  la  main  gauche.  D'après  cela  cette  image, 
quoique  n'étant  qu'à  la  moitié  ,  ne  peut  être  incer- 
taine ;  et  si  Apollon  était  justement  le  seul  Dieu 
qui  manquait  pour  compléter  le  nombre  et  la  sé- 
rie des  douze  divinités  du  premier  ordre ,  les  signes 
qui  subsistent  dans  cette  figure  l'indiquent  assez  clai- 
rement ,  en  outre  qu'elle  est  précisément  à  la  place 
qui  lui  convient* 

Nous  passerons  maintenant  à  la  bande  inférieure , 
sur  laquelle  ,  comme  il  n'y  a  de  chaque  côté  que 
trois  figures  seulement,  l'artiste  les  a  tenues  plus 
grandes,  et  il  a  laissé  les  espaces  plus  hauts ,  pour 
que  les  dimensions  et  les  distances  y  fussent  pro- 
portionnées. On  reconnaît  au  n.  3  les  Heures  ou 
les  Saisons ,  que  Winckelmann  y  a  reconnues  aussi; 
et  selon  la  mythologie  grecque  il  n'y  en  a  que 
trois.  Chacune  a  pour  attributs  les  dons  et  les  pro- 


agi 

ductions  de  l'année  ;  Fune  a  une  fleur ,  l'autre  un 
fruit,  la  troisième  un  simple  rameau.  Les  noms  de 
Carpo ,  de  Thallo  ,  â!  Àuœo ,  de  Phéruse  que  l'on 
donna  aux  Heures  dans  les  siècles  les  plus  recu- 
lés, quand  on  n'en  connaissait  que  deux  (  Pau- 
sanias,lib.  IX,  cap.  35;  Hygin,  Fab.  i85),  cor- 
respondent à  merveilles  avec  le  petit  rameau  ,  avec 
le  fruit:  le  nom  d'Anthée  ( 'Aj&£/a  )  fait  allusion 
à  la  fleur.  Ce  nom  était  aussi  en  usage  pour  signi- 
fier les  Déesses  des  saisons  ,  selon  Hesychius  (  x.  'Àr- 

Les  trois  Déesses  du  n.  i  ,  qui  se  tiennent  par 
la  main  et  semblent  danser,  ont  été  reconnues  aussi 
par  Winckelmann  (  Hist  de  F  Art ,  liv.  V  ,  c.  II  > 
§  16)  pour  les  Grâces,  segnes  nodum  solvere , 
elles  ne  sont  pas  nues  ,  mais  vêtues  ,  comme  So- 
crate les  avait  sculptées  à  Athènes,  et  suivant  dans 
ce  genre  l'usage  le  plus  ancien.  Voyez  notre  to- 
me IV,  pl.  XIII,  (1). 

Les  autres  au  n.  2  ,  que  nous  examinons  les 
dernières  à  raison  de  leur  peu  de  clarté,  peuvent,  à 
ce  qu'il  me  semble ,  être  déterminées  par  le  geste 
de  la  main  ouverte  et  étendue ,  geste  que  l'on  n'a- 
perçoit pas  dans  toute  autre  figure  de  cet  autel, 
et  par  cette  raison  cela  doit  leur  servir  de  carac- 
tère au  milieu  des  autres.  Pausanias  donne  un  pa- 
reil geste  à  Ilitie ,  la  Lucine  des  Grecs  ,  la  Déesse 
qui  préside  à  la  naissance  ,  et  conséquemment  nous 
avons  vu  une  semblable  Déesse,  ayant  le  même 
geste,  qui  assiste  à  la  naissance  de  Jupiter  (toni.  IV  > 
pl.  XIX-  Pausanias  j  liv,  Vil  i  cap.  53  ).  Il  n'y  a 


2CJ2 

donc  pas  de  motif  qui  s'oppose  à  ce  qu'on  dònne 
ïa  même  dénomination  aux  Déesses  de  ce  bas-re- 
lief, ne  trouvant  dans  leur  nombre  aucun  obstacle, 
comme  je  le  démontrerai  maintenant.  Homère  se 
sert  plusieurs  fois  du  nom  Ilitie  au  plurier,  et 
les  désigne  comme  filles  de  la  Déesse  Junon  ,  et 
présidant  aux  accouchemens  (  //.  À  ou  1.  X,  v.  210, 
et  ailleurs).  Leur  nombre  laisse  la  chose  incertaine , 
et  ce  qui  ajoute  à  cette  incertitude  c'est  la  mu- 
tilation d'un  passage  très  érudit  de  Pausanias,  où 
il  en  est  question  (Paus. ,  liv.  VI H*  c.  2  1  ).  Mais  nous 
ne  doutons  pas  qu'elles  ne  fussent  trois,  précisément 
comme  il  y  avait  trois  Parques ,  divinités  que  le 
même  écrivain  entreprend  de  prouver  être  une 
même  chose  que  les  Ilities,  et  cela  d'après  le  fon- 
dement non-seulement  de  l'hymne  très-ancienne 
d'Olenus  Licius  ,  composé  pour  Ilitia ,  mais  aussi 
sur  le  témoignage  des  poëtes  qui  l'ont  suivi ,  par- 
mi lesquels  était Pindare,  qui  donnait  à  cette  Déesse 
l'épithète  d'sv/Uvoc ,  esperta  filatrice ,  et  faisait  al- 
lusion très-clairement  au  fil  et  à  la  quenouille,  em- 
blème très-connu  qui  appartient  aux  Déesses  du 
deslin.  Les  fonctions  des  Parques  d'assister  aux 
naissances ,  et  de  désigner  le  destin  de  tous  ceux 
qui  venaient  au  jour,  les  fit  confondre  facilement 
avec  les  divinités  présidant  aux  accouchemens.  Ce 
monument  deviendra  plus  précieux  par  cette  par- 
ticularité pour  ceux  qui  approuveront  notre  opi- 
nion. Il  est  effectivement  un  des  plus  anciens  de 
l'art  grec,  son  travail  le  plaçant  à  une  époque  bien 
antérieure  à  l'autel  rond  du  Capitole  ,  et  à  l'autel 


293 

triangulaire  de  la  Villa  Albani.  Il  est  très-vrai  que 
l'usage  de  dresser  des  autels  communs  aux  douze 
plus  grands  Dieux  appartient  à  l'antiquité  la  plus 
reculée  ,  et  il  commença  dès  les  temps  mystiques. 
Il  existe  une  tradition  écrite  par  Lllanicus  (  w.SchoL 
Apollon.  Argonaut.,  liv.  III,  v.  1084),  qui  ap- 
prend que  Deucalion  ayant  échappé  au  déluge  dans 
la  Thessalie,  éleva  un  autel  aux  douze  Dieux.  Apol- 
lonius (II,  v.  532  )  affirme  que  les  Argonautes  eux- 
mêmes  dressèrent  sur  le  rivage  de  la  Thrace  dans 
la  Propontide  un  autel  aux  douze  grandes  divini- 
tés. Le  scoliaste  les  compte  ainsi  :  Zitvç ,  Hpa , 
Ylocreiiïôv,  Ai(($^t9fpf\  'Ep^ç,  WpaioroÇj  'Atto/I/U^  , 
i'ApTMfMÇ'i  'Ecrria  ,  Api?ç>  * Ps.(ppoïïfari  ,  xaì  'Aârçwx; 
Jupiter ,  Junon  ,  Neptune ,  Cérès ,  Mercure  , 
Vulcain,  Apollon,  Diane,  Vesta,  Mars ,  Vé- 
nus et  Minerve.  Dans  ce  nombre  il  en  est  huit 
unies  deux  à  deux ,  précisément  comme  dans  notre 
bas-relief.  On  doit  encore  voir  dans  ce  passage  la 
belle  note  du  très-savant  traducteur  au  809  vers 
italien.  Winctelmann  a  retrouvé  un  autre  caractère 
d'antiquité  dans  la  forme  même  de  l'autel  qui  est 
une  pyramide  tronquée;  il  observe  que  Pausanias 
en  décrit  un  tout  pareil ,  et  qu'il  paraît  faire  croire 
par-là  que  cette  forme  était  moins  commune  de 
son  temps.  Cependant  tous  les  autels  qui  servent 
ou  qui  ont  servi  de  bases  à  des  candélabres,  sont 
ainsi  décroissais  ou  rétrécis,  et  il  en  existe  tant 
d'autres  pareils  dans  les  collections,  que  je  crois 
que  c'est  improprement  qu'on  a  voulu  fonder  là- 
dessus  une  opinion  <jui  est  suffisamment  confirmée 


294 

par  cet  ouvrage  d'art  et  par  toutes  les  autres  par- 
ticularités qui  en  dépendent.  La  qualité  du  mar- 
bre grec  salin  exclut  ce  monument  de  la  classe 
des  sculptures  étrusques ,  parmi  lesquelles  Win- 
ckelmann  Favait  trop  légèrement  placé  (  Storia^  etc.f 

Hv.  II,   C.  II,  §  22  ). 

T.  B.  III  ,  num.  4-  Voici  l'image  de  Bacchus 
Phanetès  sur  des  médailles  très-anciennes  de  Ca- 
marilla dans  la  Sicile.  Elle  a  été  prise  sur  une  mé- 
daille d'argent  de  la  collection  d'Hunter,  déjà  pu- 
bliée à  la  pl.  LXVIH,  m  2i   du  Catalogue  qui 
en  a  été  donné  par  mons.  Combe,  Quoique  la  mé- 
daille soit  du  nombre  des  incertaines ,  il  n'y  a  pas 
de  doute  cependant  qu'elle  n'appartienne  à  cette 
Ville ,  et  par  tout  ce  qui  en  a  été  dit  à  la  p.       note , 
et  par  l'évidence  qui  résulte  de  la  comparaison  faite 
de  la  médaille  rapportée  au  n.  20  de  la  même 
planche  ,  et  des  autres  publiées  par  Pellerin  dans 
le  tome  III  de  ses  Médailles  des  Peuples  et  des 
Villes,  pl.  CX,  n.  33,  34»  Comme  la  médaille 
du  n.  20,  pl.  LXVIII,de  Combe  est  précisément 
la  même  que  celle  du  n.  34  de  Pellerin,  excepte 
que  dans  cette  dernière  la  légende  est  plus  claire, 
et  qu'on  y  voit  le  nom  de  Camarina  sans  qu'il  y 
manque  une  lettre ,  celle  de  Combes  appartiendra 
sûrement  aussi  à  cette  Ville,  de  même  que  celle 
que  nous  présentons  ici  qui  a  la  même  épigraphe 
et  des  types  analogues.  Et  comment  trouver  dans 
les  médailles  Urbiques  la  légende  qui  en  contient 
le  nom,  étant  dès  l'origine  mutilée,  ordinairement 
par  l'effet  des  instrumens  très-imparfaits  dont  on 


2g5 

se  servait  alors  pour  les  frapper  dans  les  mon- 
noies?  Nous  en  trouvons  des  exemples  fréquens  dans 
les  médailles  siciliennes  (  Torremuzza ,  Num.  Si- 
cul.  9  pl.  LXXXVII,  4  •> et  dans  Auctar.  II,  pl.  II, 
3,  etili,  i  ,  et  ailleurs).  Mais  si  l'on  pensait  que 
le  défaut  du  K  de  la  syllabe  entière  KA  du 
nom  de  Camarina  fût  original,  et  non  une  erreur, 
sans  avoir  recours  aux  Marliens  de  M.  d  Hancar- 
ville  ,  on  pourrait  soutenir  que  KAMAP1NA ,  AMA- 
PINA  et  M  AFIN  A  seraient  des  altérations  du  même 
nom,  et  que  même  le  second  dérivé  de  fA{ia;-<  9 
fossé  ou  canal ,  a  été  le  plus  ancien,  et  fut 
changé  ensuite  en  Ka/uaptva  par  une  espèce  d'aspi- 
ration, comme  on  a  changé,  selon  le  témoignage 
de  Strabon  (  liv.  VU),  en  Caulonia  celui  d'Au- 
Ionia  dans  la  grande  Grèce  (  v.  Heyne  dans  le 
Virgile,  A  en.  III,  v.  555,  in  V.  L.).  Le  même 
nom ,  dans  d'autres  temps ,  et  selon  différentes  mo- 
difications du  dialecte  et  de  la  prononciation ,  peut- 
être  s'accordant  à  des  changemens  obscurs  et  éloi- 
gnés de  l'état  politique  du  pays ,  aura  pu  per- 
dre la  voyelle  initiale,  comnle  cela  est  arrivé  sou- 
vent parmi  les  Italioti  dans  les  mots  grecs  commen- 
çant par  AM.  Sans  chercher  si  loin  des  exemples  , 
nous  voyons  que  de  ajièi.yQ  on  a  dérivé  mulgeo ,  de 
àiiavpó?  * ,  jiiavpoç  et  Maurus.  D'où  il  suit  que  les 
diverses  légendes  KAMAP. ,  AMAP.  et  MAP  A  peu- 
vent facilement  nous  indiquer  le  même  nom  ,  pourvu 
que  Ton  suppose  seulement  que  la  cité  fut  ap- 
pelée dans  le  principe,  à  cause  de  ses  fossés  ou 
canaux  j  Amara  ou  A  marina*  ce  qui  non-seu^ 


2g6 

lement  devient  probable  par  la  situation  de  la 
ville  près  du  marais  homonyme  ,  et  les  deux  fleu- 
ves Hypparis  et  Oanus,  mais  ce  qui  prend  encore  plus 
une  idee  de  vérité  par  un  passage  absolument  classi- 
que de  Pindare  ,  ou  il  parle  expressément  de  ïsmyç 
Ôxzroùr:  les  CANAUX  SACRÉS  dans  lesquels 
V Hypparis  arrose  Camarîna,  en  établissant  ses 
grands  édifices  (  Pindare  >  Olimp.  ,  od.  V ,  ant.  X> 
Que  tout  ceci  soit  dit  non-seulement  pour  accré- 
diter la  conjecture  proposée,  autant  que  pour  mon- 
trer qu'on  peut  établir  plusieurs  suppositions  et  les 
soutenir  >  pour  expliquer  les  médailles  en  question  , 
sans  les  attribuer  à  un  peuple  très-ancien ,  autant 
qu'obscur,  de  l'Orient  si  éloigné,  lequel  par  mi 
hazard  singulier  devrait  avoir  frappé  des  médailles 
semblables  à  celles  de  la  Sicile. 

T.  B.  III,  num.  5  ,  6  e  7.  Les  médailles  d'A- 
thènes et  de  Ténédos  font  voir  leur  tête  à  deux 
faces  ,  que  soit  l'une  ,  soit  l'autre ,  ont  des  dia- 
dèmes Bacchiques:  et  c'est  à  Bacchus  que  font  al- 
lusion constamment  les  grappes  de  raisins  que  l'on 
remarque  au  revers  des  médailles  de  Ténédos,  et 
le  vase  ou  carchesium  derrière  celle  des  Athéniens. 
Ici,  des  deux  têtes  il  semble  que  l'une  est  celle 
d'un  homme  et  l'autre  de  femme,  et  d'après  cela 
les  rêveries  de  ceux  qui  ont  voulu  y  reconnaître 
Cécrops.  Celle  du  num.  7  paraît  conserver  dans  la 
disposition  des  deux  visages  l'idée  d'une  combinai- 
son de  masques ,  qui  peuvent  faire  allusion  dans  les 
Bacchanales  aux  deux  sexes  du  Dieu  Androgyne,  et 
qui  peut  aussi  avoir  donné  lieu  à  cette  manière  de  le 


297 

représenter.  Les  deux  médailles  athéniennes  sont 
copiées  d'après  Hayne  (  Tesoro  Britann ,  tom.  I  }j 
celle  de  Ténédos  du  Catalogue  de  Hunter. 

T.  B.  III,  num.  8.  Voici  le  Pythagore  débout, 
orné  du  diadème,  sur  la  médaille  de  Commode  frap- 
pée a  Samos ,  dont  nous  avons  parlé  à  la  pl.  XXIV. 
C'est  pour  cela  que  j'ai  cru  pouvoir  attribuer  à 
Pylhagore  Thermes  présent.  Monseig.  Onorato  Cae- 
tani  possède  ce  rare  monument,  et  il  a  bien  voulu 
permettre  que  je  le  fasse  connaître  par  la  gravure 
fort  exacte  que  je  place  ici. 

Addition  de  Fauteur  à  ce  volume. 

Le  célèbre  abb0é  Barthélémy  produit,  dans  les 
planches  qui  ornent  son  Voyage  d' Anacharsis  y 
en  dernier  lieu  le  revers  d'une  médaille  d'Arcadie 
semblable  à  celle  d'Humer  dont  il  est  question  dans 
]a  note  de  la  page  de  ce  VI  tome.  11  pense  que 
les  lettres  OAYMIT  ,  comme  elles  sont  écrites  sur 
la  pierre  où  s'assied  le  Dieu  Pan ,  indiquent  le 
Lycée ,  montagne  d'Arcadie  si  fameuse  ,  qui  avait 
encore  porté  dans  les  siècles  les  plus  reculés  le  nom 
de  mont  Olympe.  Quelque  persuasion  que  puisse 
obtenir  cette  ingénieuse  conjecture ,  je  ne  puis  ce- 
pendant abandonner  celle  que  j'ai  mise  en  avant, 
c'est-à-dire  que  les  dites  lettres  indiquent  plutôt 
le  lieu  où  cette  médaille  fut  frappée  ,  savoir  Olym- 
pie  conquise  par  les  Arcadiens  qui  y  célébrèrent 
les  jeux  de  la  104  Olympiade.  La  montagne  d'Ar- 
cadie, celle  que  conjecture  l'abbé  Barthélémy,  porte 


39S 

constamment  le  nom  de  Lycée ,  plutôt  que  celui 
d'Olympe  Et  d'ailleurs  c'est  une  chose  ordinaire 
que  de  trouver  sur  les  médailles  des  peuples  de 
la  Grèce  les  noms  abrégés  des  villes  où  elles  fu- 
rent frappées  ;  et  l'événement  était  lui-même  assez 
digne  de  cette  mémoire  à  laquelle  il  paraît  que 
la  tête  de  Jupiter  Olympique ,  gravée  de  l'autre 
çôté  5  accorde  une  vraisemblance  ultérieure. 


FIN    DU  TOME  SIXIEME. 


a99 

TABLE  DES  PLANCHES 


CONTENUES 


DANS  CE  VOLUME. 

 *  0  * 

Plan.  i.  Jupiter.    /  / 

?>  2.  Saturne  et  Minerve.  / 

»  3.  Mercure  avec  le  pe'tase  ;  et  Mercure  ailé.  >> 

»  4*  Vulcain  et  Vénus.  - 


i 

»    5.  Océan  ou  Dieu  Marin.  ^ 
)>    6.  Bacchus,  et  Bacchus  taurifrons.  ^  ^ 
»    7.  Bacchus  barbu,  ^ 

»  8.  Hermès  double  de  Phanetès  ou  Bacchus  barbu. 
» 


g.  Silène  et  Faune. 
»  io.  La  Comédie  et  la  Tragédie. 
»  il.  Le  Sommeil.  ^ 
»  12.  Hercule  jeune. 

i>  i3.  Hercule  couronné  ;  et  Hermès  double  de  Mer- 
cure et  d'Hercule.  r 
»  14.  Sérapis. 
»  i5.  Sérapis  radié.  S 
»  16.  Buste  d'Isis. 
»  17.  Isis  ;  Isis  voilée. 
»  18.  Ménélas.  s- 

}>  19.  Fragment  du  Cadavre  de  Patrocle  dans  le  groupe 

de  Pasquin.  ^ 
»  20.  Hermès  double  d'Homère  et  d'Archiloque.  y 
»  %u  Epiménide.  _  ' 

>>  22.  Bias  ;  et  fragmens  d'Hermès  d'autres  sages  de 
la  Grèce,  y 

»  22.  a,  Périandre  ;  et  fragmens  d'autres  sages  de  la 

Grèce.  ^ 
»  23.  Bias  de  Prie  ne. 

»  24.  Thalès,  et  Hermès  double  de  Bias  et  de  Thaïes.  „  ^ 
»  25»  Périandre  de  Corintbe. 

C 


3oo 

Plan.  26.  Pythagore. 

»  in.  Sophocle,  S  \  ^S 

»  28.  Euripide  et  Socrate.  ^ 

»  29.  Périciès. - 

»  5o.  Aspasie.  /  ^ 

i>  5i.  Alcibiade. 

»  52  Zenon  de  Citium. 

»  55  Zenon  l'Epicurien.    ^  /V 

»  54.  Hermès  d'Épïcure  et  de  Me'trodorei^ 

»  55.  Antisthène.  -  RpiK 

»  56.  Eschine.  _ 

»  57.  Dëmosthène. 

»  58.  Jules  Cesar. 

»  59.  Auguste  couronné  d'épis.  ^ 

»  4o.  Auguste. 

»  41.  Claude. 

»  4^ •  Néron.  ^r^5^ 

h  45.  Tite  Vespasien  ;  Coccejus  Nerva.  ^ 

»  44*  Piotine.  ^  ^ 

»  45.  Adrien.  -  V 

»  46.  Sabine. 

ï>  47*  Antinous. 

»  48-  Antonin  le  Pieux. 

?>  49-  Faustine  épouse  d' Antonin  le  Pieux./ 

»  5o.  Marc-Aurèle. 

d  5i.  Lucius  Vérus  et  Commode. 

»  52.  Pertinax. 

»  55.  Septinie  Sévère.  " 

d  54.  Julia  Pia. 

»  55.  Caracalla.  s*  \J* 

»  56.  Antonin  surnommé  Héliogabale*. 

»  5 7.  Julie  Mammée. 

»  58.  Balbin.  \ 

))  59.  Philippe  le  Jeune.  ✓ 

j>  60.  Trebonianus  Gallus.  s 

y>  61.  Domitius  Corbuion. 

»  62.  Inscription  en  l'honneur  de  Domitia  impératrice 
fille  de  Corbuion.  , 


5or 

Plan.  A.  I.  i/rìuste  d'Alcibiade  ,  a»  2.  Médaillon  de  Ca- 
racolla. 

»  A.  IL  3.  4*  Patere  du  Musée  Borgia. 

»  B.  I.  1.  Èôté  de  l'autel  triangulaire  qui  représente 

^    les  douze  Dieux. 
»  B.  H.  2.^3.  Les  deux  autres  côtés  du  dit  autel. 
»  B.  lit.  A.  Très-ancienne  médaille  de  Camarina  avec 

l'image  de  Bacchus  Phanetès. 
»  B.  III.  5.  6.       Médailles  d'Athènes  et  de  Ténédos 

avec  la  tête  de  Bacchus  bifrons, 
y>  B.  III.  8.  Médaille  de  Commode  frappée  à  Samos  , 
J  avec  l'image  de  Pythagore  débout ,  et  orné 

du  diadème. 


* 


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T.  XXV. 


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T.  SII 


ALCIBIADE 


T.  XXXII. 


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T.  XXXIII. 


T.  SOT 


^  1^6. 


ESCHJTTE 


T.  XXXYÏÏ. 


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T.  XU. 


X  MM. 


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T.  XLIT. 


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T.  MTUTil '.. 


T.  ILI. 


geminaci: 


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