Skip to main content

Full text of "Notes historiques sur la vie de Pierre Esprit de Radisson"

See other formats


;^:■^.^:"^::•^^■;-■1:.::!;l;:!;,|iJMÉ 


'm 


iJi: 


;-h::i:^ki;''|:t^^|-■^!■^:-yiM 


,.,m.È. 


,;!'':;":r:;,'j;;;;;j.i 


:i::.:!;!.M! 


li  :''M!j,;'i  ,:':;,  i: 


r.Ml 


i  :  i 


l;Vi;i:":; 


'     ^"^Û/NGusr 


DFr 


> 


Notes  Historiques 


SUR  LA  VIE 


DE 


P.  E."  de   Radisson. 


L:  a;  PRUD'HOMME. 


Saint  Bonifacg^  Man, 


Imprimirib  db  L'Aoricult»uf. 


NOTES  HISTORIQUES 

Sup  la  vie  de  P.  E.  de  Radisson, 


INTRODUCTION. 


Les  quel(jues  notes  qui  suivent,  sont  le  résultat 
d'une  étude  des  mémoires  écrits  par  Radisson  lui- 
même  et  publiés  à  Boston  en  1885. 

Pour  rendre  ce  travail  plus  complet,  j'ai  cru  devoir 
emprunter  ailleurs,  des  détails  importants  sur  la  vie 
de  ce  hardi  découvreur. 

J'avouerai  tout  de  suite,  que  les  mémoires  de  Ra- 
disson, soulèvent  bien  des  discussions  sur  des  faits  his- 
toriques, rapportés  différemment  par  des  écrivain» 
d'une  grande  autorité.  Aussi,  je  suis  bien  loin,  de  me 
porter  garant  de  l'exactitude  des  dates  que  je  donne. 
Par  un  oubli  impardonnable,  l'auteur  se  contente  sou- 
vent de  mentionner  le  mois,  sans   indiquer  l'année. 

Ce  n'est  que  par  une  lecture  attentive  du  récit  de 
ses  voyages,  qu'on  peut  calculer  leur  durée.  TiCS  con- 
clusions qu'on  en  tire,  sont  souvent  peu  satisfaisantes. 
Parfois  il  est  impossible  de  réconcilier  ce  qu'il  dit, 
avec  les  données  d'autres  historiens  distingués. 

L'embarras  n'est  pas  moins   sérieux,    lorsqu'il  s'agit 


de  préciser  les  pays  (juïl  visita  dans  son  troisième  et 
(luatrième  voyage. 

Ne  pouvant  résoudre  ces  problèmes,  je  me  suis  con- 
tenté de  constater  ce  que  ses  mémoires  mentionnent 
comme  certain  ou  ce  (ju'il  est  i>ermis  d'en  inférer 
comme  très  probable.  Je  laisse  à  d'autres  écrivains 
j)lus  habiles  et  mieux  renseignés,  le  soin  de  jeter  de  la 
lumière  sur  les  parties  obscures  ou  douteuses  de  la  vie 
de  ce  grand  vr»yageur. 

►Saint  Boniface  le  1er  Décembre  1891. 

L.    A.    PRUD'HOMME. 


NOTES    HISTORIQUES 

SUR  LA  VIE  DE 
PIERRE  ESPRIT  EE  RADISSON. 

Prolog  LE. 

Quelle  étrange  existence  ([ue  celle  de  cet  lionmie  : 
Tour  à  tour,  découvreur,  officier  de  marine,  inspira- 
teur et  fondateur  de  la  y)lu8  puissante  compagnie  de 
commerce  qui  ait  existé  dans  l'Amérique  du  Nord,  sa 
▼ie  présente  un  mélange  étonnant  des  vicissitudes  hu- 
maine». 

On  le  voit  alternativement  passer  de  la  loge  de  pau- 
vres sauvages,  à  la  cour  du  grand  Colbert,  haranguer 
les  chefs  des  tribus  et  les  Pairs  les  plus  illustres  de  la 
Grande  Bretagne. 

Son  courage  était  de  bonne  trempe.  Il  vit  plus  de 
cent  fois  la  mort  en  face,  sans  s'émouvoir,  Il  brava 
les  tortures  et  le  bûcher  chez  les  Iroquois,  les  com- 
plots perfides  des  sauvages  de  l'Ouest,  les  hivers  ri- 
goureux de  la  Baie  d'Hudson  et  les  chaleurs  tropicales 
des  Antilles. 

Nature  aventureuse,  attiré  comme  irrésistiblement 
vers  les  régions  inconnues,  poussé  ])ar  la  fièvre  des 
Aoyages,  touj(Hirs  prêt  à  s'élancer  dans  de  nouveaux 
dangers,  Fenimore  Cooper,  aurait  pu  en  faire,  l'un  des 
héros  de  ses  romans  les  plus  é«nouvants. 

Le  tableau  de  sa  vie,  présente  cependant  bien  des 
ombres.  La  vie  de  brigands  qu'il  mena  avec  un  parti 
d'Iroquois,    ne    peut  être   excusée    en   aucune  façon. 

On  lui  reproche  également,  d'avoir  deux  fois  déserté 
le  drapeau  de  la  France,  sa  patrie.    Lft*  première  fois, 


on  serait  tenté  d'être  indulgent  envers  lui,  car  il  fut 
l'objet  de  graves  injustices,  de  la  part  du  gouverneur 
de  la  colonie. 

Aucune  excuse,  ne  saurait  justifier  sa  seconde  trahi- 
son. Il  n'en  ofi"re  aucune,  non  plus.  Il  avoue  bien 
ingénument,  qu'il  rechercha  le  service  de  l'Angleterre 
parce  qu'il  la  préférait  à  la  France. 

En  épousant  la  fille  de  Sir  John  Kertk,  il  parait 
avoir  é])()usé  également  la  nationalité  de  cette  famille 
là.  Pour  lui,  il  faudrait  changer  le  proverbe  et  au 
lieu  de  "Qui  prend  mari,  prend  pays"  dire  "qui 
prend  femme,  prend  pays." 

Le  célèbre  découvreur  du  Nord-Ouest,  l'illustre  La- 
Yérendrye.  eut  comme  Radisson  et  plus  encore  que 
lui,  de  justes  motifs  de  se  plaindre  de  l'ingratitude  de 
la  France  ;  mais  combien  diâerente  fut  sa  conduite. 

Aussi,  les  persécutions  n'ont  fait  qu'ajouter  au  front 
du  premier,  une  nouvelle  auréole  de  gloire,  tandis 
(ju'elles  ont  apposé  au  front  du  second,  une  tache 
ineffaçable. 

Les  âmes  vraiment  élevées  ne  cherchent  point  dans 
la  trahison,  la  revendication  de  leurs  droits  méconnus. 

Ses  premières  années. 

Pierre  Esprit  de  Radisscm  naquit  à  Paris.  Sa  mère, 
née  Madeleine  Hénault,  épousa  en  1680,  en  secondes 
noces,  Sébastien  Hayet  dit  St.  Malo. 

Il  prétend  dans  ses  mémoires,  être  arrivé  en  -Cana- 
da, le  24  mai  1651.  Une  de  ses  sœurs  maternelles, 
Maguerite  Hayet,  épousa  le  24  Août  1653,  Médard 
Chouart  Desgroscillers.  Ce  dernier,  devint  le  compa- 
gnon de  ses  principaux    voyages. 

Avant  de  se  rendre  en  Canada,  Radisson  avait  visi- 
té l'Italie  et  la  Turquie.  On  retrouve  dans  ses  notes, 
des  réminiscences  des  premiers  voyages  de  sa  jeunesse. 
Son  style  indique  un  homme,  dont  l'esprit  avait  été 
bien  cultivé.  Sans  être  des  modèles  du  genre,  plu- 
sieurs de  ses  descriptions,  ont  un  cachet  de  fraicheur 
poétique,  qui   sent   l'inspiration. 

Ses  mémoires  s'ouvrent  par  ces  paroles  chrétiennes  : 
*'A  la  plus  grande  gloire  de   Dieu." 


PREMIER  VOYAGE. 
AU  Pays  des  Iroquois. 


Au  printemps  de  1652,  Radisson  se  trouvait  à  Trois 
Rivières,  quand  un  jour,  deux  de  ses  amis,  lui  propo- 
sèrent un  parti  de  chasse,  plus  encore  pour  le  plaisir 
de  la  chose,  que  pour  les  profits  qu'ils  espéraient  en 
retirer.  Il  s'empressa  d'accepter.  A  cette  époque,  les 
Iroquois  étaient  partout,  un  sujet  de  terreur.  Il  ne  se 
passait  guère»  de  semaines,  sans  qu'ils  ne  commissent 
quelqu'atrocité,  jusqu'aux  portes  même  de  Trois-Ri- 
vières.     Ils  s'armèrent  donc   avec   soin   et   partirent. 

A  un  mille  du  fort,  ils  furent  avertis  par  un  homme 
qui  gardait  des  troupeaux,  d'être  sur  leurs  gardes. 
En  eflfet,  il  avait  aperçu  ce  matin  là,  des  traces  de  ces 
sauvages.  Ils  continuèrent  à  descendre  le  long  du 
fleuve  et  ne  tardèrent  pas  à  faire  une  chasse  abondante. 
Ses  deux  compagnons,  satisfaits  de  ce  résultat,  résolu- 
rent de  ret<Hirner  au  fort,  ce  soir  là  même.  Radisson 
au  contraire  tenait  à  pousser  plus  loin.  Finalement 
ils  se  séparèrent.  Radisson,  se  rendit  à  environ  neuf 
milles  du  fort,  où  ayant  tué  force  canards,  oies  et 
grues,  il  les  cachî*  dans  le  creux  d'un  arbre,  pour  le» 
mettre  à  l'abri  de  la  rapacité  des  aigles,  alors  très 
nombreux.  Il  y  avait  environ  10  heures,  qu'il  avait 
quitté  ses  deux  compagnons,  lors<]u'arrivé  à  une  cou- 
ple de  milles  du  fort,  il  fut  cruellement  surpris,  de 
trouver,  près  du  rivage,  leurs  cadavres  nùs  et  percés 
de  coups.  A  peine  s'était-il,  un  peu  remis  de  sa  frayeur, 
qu'une  bande  d'Iroquois,  qui  se  tenait  cachée  sur  la 
lisière  du  bois,  bondit  sur  lui,  le  garrotta  et  l'emmena 
prisonnier. 

Ces  sauvages  le  traînèrent,  à  quelques  milles  plus 
loin,  à  un  endroit  où  ils  avaient  construit  une  cabane 
au  milieu  d'une  forêt  épaisse.  Ils  lui  donnèrent  à  man- 
ger et  le  traitèrent  assez  bien.  Après  le  repas,  ils  luiinon 
dèrent  les  cheveux  de  graisse  d'ours,  et ,  lui  couvrirent 
la  figure  de  tatouage  rouge,  en  sorte   qu'il  se  vit  prei- 


que  transformé  en  Iro(|uoig,  au  nioina  en  apparence. 
Toute  la  nuit,  des  éclaireurs  allaient  et  venaient  au 
canip,  pour  éviter  toute  surprise,  de  la  part  des  Fran- 
çais ou  Algonquins.  Ils  s'entouraient  de  précaution» 
infinies,  pour  ne  point  trahir  leur  présence  et  donner 
l'éveil.  Le  lendemain,  ils  se  rendirent  à  leurs  bateaux 
au  nombre  de  37,  et  se  dirigèrent  vers  la  rive  opposée. 
Radisson,  fut  solidement  attaché  à  la  pince  d'un  ca- 
not, pendant  qu'ils  déposaient  à  ses  pieds,  les  têtes 
sanglantes  de  ses  deux  compagnons,  qu'ils  emportaient 
comme  trophées  de  gloire.  Après  avoir  ramé  tout  le 
jour,  ils  arrivèrent  vers  le  soir,  aux  iles  Richelieu. 

"Je  fus  étonné,  dit  Radisson,  du  nombre  prodigieux 
de  bœufs  sauvages,  de  castors  et  d'élans  qui  abondaient 
dans  ces  iles" 

Ces  iles,  étaient  un  lieu  de  rendez-vous,  pour  les  di- 
verses bandes  d'Iroquois,  qui  s'élançaient  de  là  sur 
différents  points  de  la  colonie.  Un  grand  nombre  de 
huttes  avaient  été  construites,  et  il  s'y  trouvait  en  ce 
moment  là,  250  guerriers.  Ils  passèrent  trois  jours  à 
chasser  et  fêter.  Les  iles  ne  cessaient  de  retentir  de 
leurs  bravado,  de  leurs  hurlements  et  de  leurs  chanta 
de  guerre.  Voyant  que  Radisson  était  abattu  et  peu  dis- 
posé à  prendre  part  à  la  réjouissance  générale,  ils  le  ras- 
surèrent en  lui  répétant  "chagon;"  ce  qui  signifie  "sois 
gai  ou  sois  heureux".  Ils  se  dispersèrent  ensuite  par 
bandes.  Radisson,  dût  accompagner,  celle  qui  l'avait 
fait  prisonnier.  Le  long  du  voyage,  les  Iroquois  pre- 
naient plaisir  à  lui  enseigner  leur  langue,  et  aimaient 
à  l'entendre  chanter  en  français.  De  distance  en  dis- 
tance, ils  trouvaient  des  cabanes  construites  précé- 
demment et  qui  leur  servaient  comme  de  postes  pour 
la  nuit.  Elles  étaient  échelonnées  le  long  de  la  route, 
jusqu'aux  confins  du  pays  des  Iroquois. 

Dans  le  récit  de  ce  voyage,  Radisson,  décrit  mini- 
tieusement  les  moindres  détails  qui  s'y  rapportent  et  les 
noires  pensées  qui  accablaient  son  âme.  Il  serait  fas- 
tidieux de  le  suivre  de  rivage  en  rivage  et  de  s'arrêter 
avec  lui,  à  chaque  campement.  Il  suffira  de  glaner  ça 
et  là,  ce  qui  peut  offrir  quelqu'intérêt. 

Après  quelques  jours  de  marche,  plusieurs  se  plai- 
gnirent d'être  malades.  Les  fatigues,  les  misères  et  la 
mauvaise  nourriture  en  étaient  la  cause.     Leur  grand 


remède  est  uwe  bonne  transpiration.  Voici  comment  il» 
s'y  prennent.  Ils  font  rougir  des  cailloux,  les  dépo- 
sent sous  une  loge  en  pea»,  et  jettent  de  l'eau  froide 
sur  les  cailloux,  pour  produire  de  la  vapeur.  C'est  au 
milieu  de  cette  atmosphère  suffocante,  que  les  malades 
s'installent  }»endant  une  heure.  Ce  traitement  fut 
suivi  de  bons  résultats. 

Pendant  tout  le  voyage,  les  sauvages  étaient 
sans  cesse  en  alerte,  ayant  toujours  l'œil  au 
guet,  interrogeant  tout  et  prêts  à  s'alarmer  du 
moindre  bruit  insolite.  Croyaient-ils  réellement  à  la 
présence  d'un  ennemi,  ils  se  cachaient  dans  les  hautes 
herbes  et  cessaient  de  faire  du  feu.  Ils  passaient  ainsi 
des  jours,  sans  donner  signe  de  vie. 

Plusieurs  Hurons,  qui  avaient  été  faits  prisonnier», 
les  servaient  comme  esclaves.  Les  Iroquois  les  trai- 
taient d'ordinaire  avec  dureté  et  hauteur.  A  leur 
arrivée  au  villago  où  demeurait  le  parti  de  guerre,  dont 
Radisson  était  prisonnier,  hommes,  femmes  et  enfants 
volèrent  à  leur  rencontre,  les  saluant  par  des  cris  de 
joie. 

Les  jeunes  guerriers  marchaient  st<ȕquement,  gar- 
dant un  silence  absolu,  comme  s'ils  ignt)raient  que 
cette  fête,  fut  en  leur  honneur. 

Arrivés  au  milieu  du  village,  tous  s'assirent  et  Ra- 
disson fut  placé  an  centre.  Les  enfants  armés  de  bâ- 
tons, semblaient  n'attendre  que  le  signal,  pour  le  frap- 
per. Le  chef  des  guerriers,  fit  signe  à  Radisson  de 
s'éloigner.  Il  partit,  entouré  d'une  meute  de  femmes  et 
d'enfants,  qui  cherchaient  à  le  tuer.  Déjà,  l'un  d'eux 
brandissait  une  hache,  audessus  de  sa  tête,  lorsqu'un* 
vieille  femme,  étendit  sa  couverte  sur  lui,  comme  un 
bouclier,  destiné  à  le  protéger.  Elle  l'emmena  ensuite 
dans  sa  cabane,  où  elle  lui  donna  à  manger.  Un  con- 
seil de  vieillards  s'assembla,  pour  délibérer  sur  son 
sort.  Cette  femme  assista  à  leur  délibération  et  insis- 
ta tellement  en  faveur  du  prisonnier,  (pie  prenant  sa 
ceinture,  ils  la  ])as8èrent  autour  du  bras  de  Radisson, 
comme  signe  d'adoption  de  ce  dernier,  ])ar  cette  vieille 
femme.  De  ce  jour,  en  effet,  il  fut  réellement  consi- 
déré comme  membre  de  la  famille.  Son  mari  devint 
son  père  et  ses  fils  et  ses  filles,  ses  frères  et  sœurs. 
La  vieille  lui   donna  le  nom    "d'Orinha"  qui   signifie 


—  lu  — 

"Pierre".  C'était  ainsi  que  s'appelait  J  4^1  de  ses  fils, 
qui  avait  été  tué  dans  une  expédition,  et  (qu'elle  vou- 
lait faire  revivre  dans  Radisson. 

Il  reçut  comme  présent,  un  fusil  et  des  bracelets.  Ils 
lui  ornèrent  la  tête  de  plumes  d'aigle.  Leur  nourriture 
habituelle  consistait  en  farine  de  blé  d'inde,  mêlée  à  de 
la  graisse  d'ours.  Ce  plat  favori  s'appelait  "Orinniack". 
Il  était  considéré  partout,  comme  un  des  leurs.  L'adop- 
tion chez  eux,  effaçait  presque  la  différence  du  sang. 
Un  jour,  il  partit  avec  trois  Iroquois  pour  aller  chasser. 
Au  retour,  il  rencontra  un  sauvage  qui  lui  adressa 
la  parole  en  Algonquin.  Il  lui  dit,  qu'il  était  né  prèa 
de  Québec  et  qu'il  y  avait  deux  ans,  qu'il  était  prison- 
nier chez  les  Iroquois. 

"Il  me  demanda,  dit  Radisson  dans  son  récit,  si 
"j'aimais  les  Français.  Jelui  répf)ndis  (jue  j'étais  Fran- 
"çais  moi-même.  Il  proposa  alors  de  nous  sauver.  Je 
"  lui  dis  que  mes  trois  compagnons  s'y  opposeraient  et 
"  qu'ils  avaient  promis  à  ma  mère  de  me  ramener.  Pré- 
"  fères-tu,  me  dit  il,  vivre  en  esclavage  comme  les 
"  Hurons  ou  rester  libre  et  manger  du  bon  pain  chea 
"les  Français  ?  Ne  les  crains  pas,  ajouta-t-il,  en  dési- 
"  gnant  mes  compagnons  ;  n( tus  les  tuerons,  tous  les 
"  trois,  cette  nuit.  Je  me  rendis  à  ses  sollicitations. 
"D'ailleurs,  les  Iroquois,  n'étaient-ils  pas,  le»  plus 
"  cruels  ennemis  des  Français  et  n 'avaient-ils  pas  tué 
"  ou  brûlé  bon  nombre  de  mes  proches!  Je  promis 
"  donc  de  l'aider.  Cette  conversation  se  passait  en 
"  Algonquin.  Mes  compagnons  s'informèrent  de  ce 
"  que  je  disais.  Je  leur  donnai  une  réponse  évasive, 
"  M(^8  compagnons  ne  tardèrent  pas  à  dormir.  Au  mi- 
"  lieu  de  la  nuit,  l'Algonquin  se  leva.  Les  trois  Iro- 
"  quois,  étaient  phmgés  dans  un  prof(md  sommeil.  Il 
"  me  fit  signe  ;  je  m'apprc»chai  du  feu,  pendant  qu'il 
"enlevait  leurs  haches  et  m'en  passait  une.  A 
"  vrai  dire,  il  me  ré])Ugnaitde  frapper  des  gens,  qui  ne 
"  m'avaient  jamais  rien  fait  de  mal  ;  mais  ])our  les  rai- 
"  sons  que  je  viens  de  donner,  j'acceptai  la  hache. 
"Pendant  ({ue  l'Algonquin  en  assommait  un,  moi  j'en- 
"  fonçai  ma  liache,  jusqu'au  manche,  dans  la  tête  d'un 
"autre,  tellement  <|ue  je  ne  pus  que  diÔicilement  1» 
"  dégager.  L'Algonfjuin  frappa  le  troisième  et  moi  je 
"  tirai  sur  lui  pour  l'achever." 


—  Il  — 

Arrêtons  nous  un  instant,  après  ce  récit,  pour  con- 
damner ce  triple  meurtre,  tout  à  fait  injustifiable.  Les 
raisons  qu'il  donne,  ne  peuvent  pas  même  pallier  sa 
faute.  D'ailleurs,  puiscju'ils  dormaient,  pourquoi  ne 
pas  en  |)rofiter  pour  se  sauver.  Il  n'était  pas  besoin 
pour  cela,  de  les  assassiner  lâchement.  Etait-ce  comme 
mesure  de  i)récaution  et  pour  mieux  assurer  sa  fuite 
qu'il  en  agissait  ainsi  ?  Sans  doute  que  ce  fut  le  motif 
de  ces  meurtres  Cette  dernière  raison  toutefois  ne 
vaut  pas  mieux,  que  les  autres. 

Radisson,  après  ce  méfait,  se  hâta  de  s'éloi- 
gner avec  son  nouveau  com])agnon  de  voyage. 
Après  14  jours  de  marche  pénible,  ils  atteignirent 
les  bords  du  lac  Saint  Pierre.  Il  en  était  temps 
car  ils  se  mourraient  de  faim.  Ils  commençaient  déjà 
à  humer  l'air  de  la  patrie  et  allaient  bientôt  saluer 
Trois-Rivières,  lorsqu'ils  furent  surpris  par  une  flotille 
Iroquoise.  L'Algonquin  fut  percé  d'une  balle  et  Ra- 
disson cerné  de  toutes  parts,  fut  pris  de  nouveau  au 
moment  où  son  canot,  troué  de  plusieurs  balles,  allait 
couler  à  fond.  Il  vit  ces  cannibales  dépecer  et  dévorer 
sous  ses  yeux,  le  malheureux  Algonquin.  Lui  même, 
fut  étroitement  lié  et  traité  cruellement.  Le  parti  de 
guerre,  entre  les  mains  duquel  il  venait  de  tomber,  se 
composait  de  150  hommes.  Il  revenait  d'une  course 
jusque  sous  les  murs  de  Québec.  Ces  Iroquois  em- 
portaient comme  prisonniers,  deux  Français,  une  Fran- 
çaise, 17  Hurons  et  presqu'autant  de  Huronnes.  De 
plus,  ils  avaient  11  têtes,  qui  ornaient  la  proue  de  leurs 
bateaux.  Comme  on  le  voit,  ils  avaient  fait  une  ample 
moisson  et  s'en  revenaient  tout  énorgeuillis  de  leurs 
succès.  Radisson  eut  beaucoup  à  souffrir  de  leur  bru- 
talité. Les  prisonniers  étaient  attachés  pendant  la 
nuit,  à  des  poteaux,  à  demi  nûs,  et  de  manière  à  être 
privés  de  tout  mouvement.  Les  mousti<iues,  ])endant 
ce  temps  là,  leur  brûlaient  le  corps,  sans  compter  les 
maringuoins  qui  avaient  aussi    beau  jeu. 

Comme  manière  de  passe  temps,  leurs  gardiens  leur 
enlevaient  de  temps  à  autres,  qui,  un  ongle,  qui,  un 
doigt.  Le  jour  de  leur  entrée  dans  le  village  Iroquois, 
auquel  appartenait  ce  parti  de  guerre,  ils  furent  liés  et 
amenés  en  file,  entre  deux  haies  d'homme»  et  femmes. 


—  \'l  — 

qui  en  passant,  ne  leur  ménageaient  pas  les  coups  de 
bâton. 

Ils  arrivèrent  ainsi,  couverts  de  sang,  au  lieu  du 
supplice.  Les  Hurons  entonnèrent  bravement  leur 
chant  de  mort.  La  nouvelle  du  triple  meurtre  et  de 
la  fuite  de  Radias» )n,  s'était  réj)andue  et  mus  par  la 
vengeance,  les  Iroqut)is  se  pressaient  aut<»ur  de  lui.  A 
ce  moment,  il  apperçut  son  père  et  sa  mère  adoptifs, 
qui  l'amenèrent  à  leur  cabane.  Ils  se  mirent  alors  à 
pleurer  et  à  lui  reprocher  son  ingratitude.  Radisson, 
leur  avoua  tout  ce  qui  s'était  passé.  Il  venait  à  peine 
de  terminer  son  récit,  qu'une  troupe  vint  le  chercher. 
Revenu  au  lieu  du  supplice,  il  vit  l'un  des  prisonniers 
Français,  couvert  de  sang  et  respirant  à  peine.  Un 
jeune  Iro(juois  voyant  qu'il  ne  pouvait  plus  supporter 
les  tourments,  lui  trancha  la  tête.  Radisson,  ne  men- 
tionne pas  le  nom  de  cet  infortuné,  mais  il  cite  un 
nommé  Coutu,  aux  supplices  duquel  il  assista.  A  di- 
verses distances,  s'élevaient  des  échafauds,  sur  les- 
quels étaient  placés  les  ])risonniers.  Il  vit  en  ce  mo- 
ment là,  5  hommes,  3  femmes  et  2  enfants,  qui  subis- 
saient les  tortures  les  plus  cruelles,  que  pouvait  inven- 
ter l'imagination  de  ces  barbares.  Les  parents  ame- 
naient leurs  jeunes  enfants,  assistera  ce  triste  specta- 
cle, afin  de  leur  apprendre,  de  bonne  heure,  les  leçon» 
de  la  sauvagerie. 

L"n  groupe  d'Iroquois,  faisait  rougir  des  haches  et  des 
cercles  de  fer,  pour  les  appliquer  ensuite  sur  la  peau, 
jusqu'à  ce  (ju'elle  fut  rôtie  ;  d'autres  encore  leur  enle- 
vaient des  morceaux  de  chair  vive,  qu'ils  faisaient  bouil- 
lir et  les  forçaient  ensuite  à  les  manger  ;  d'autre»  enfin 
les  suspendaient  à  des  arbres,  pendant  qu'on  leur  bru- 
lait  les  pieds  à  petit  feu.  Ils  leur  oâ"raient  souvent  k 
manger,  de  peur  que  les  tourments  ne  les  épuisent 
trop  vite.  A  i)eine,  un  i)risonnier  avait-il  expiré, .  que 
les  femmes  se  hâtaient  de  lui  arracher  le  cœur  et  de 
laver  leurs  enfants  dans  son  sang,  afin  de  les  rendre 
plus  valeureux.  Les  corps  étaient  ensuite  ou  brûlés  ou 
livrés  en  j)atfire  aux  corbeaux  et  aux  chiens. 

Parvenu  à  l'échafaud,  qui  lui  était  destiné,  Radisson 
servit  de  cible,  pendant  quelque  temps,  à  des  jeunes 
gens  qui  s'amusaient  à  décocher  leurs  flèches  sur  lui. 
Ils  s'apprêtaient  déjà  à  lui  écorcher  la  peau,  à  plusieurs 


13 


endroits,  lorsqu'un  heureux  événement  vint  lui  donner 
plusieurs  heures  de  répit.  Un  orage  éclata,  tout  à 
coup.  La  pluie  se  mit  à  tomber  i)ar  torrent  et  les  Iro- 
quois  le  laissèrent  seul,  attaché  à  un  poteau.  Ce  soir 
là,  une  femme,  vint  prés  de  lui,  tenant  par  la  main  un 
enfant  de  quatre  ans.  Elle  prit  la  main  de  Radisson 
et  se  mit  à  indiquer  à  son  petit  enfant,  conmient  s'y 
prendre,  pour  lui  couper  le  pouce,  avec  une  pierre 
aiguë  qu'elle  lui  donna.  Ce  pauvre  petit,  trop  faible 
encore,  ne  put  que  donner  des  preuves  de  sa  bonne 
volonté.  Il  ne  réussit,  au  grand  déplaisir  de  sa  mère, 
(ju'à  lui  scier  la  peau.  Cédant  aux  pressantes  sollici- 
tations de  cette  mère  inhumaine,  il  se  mit  ensuite 
à  sucer  le  sang  qui  sortait  de  cette  blessure.  C'est 
ainsi  que  se  formait  l'éducaticm  de  la  jeunesse  Iroquoi- 
8C,  en  développant  chez  elle  dès  l'enfance,  des  instincts  de 
«ruauté.  Le  lendemain,  sa  mère  adoptive,  le  visita  à  son 
échafaud  et  après  avoir  pansé  ses  plaies,  l'encouragea 
à  souflfrir  avec  courage.  Elle  lui  assura,  qu'il  ne  serait 
pas  mis  à  mort.  Ce  jour  là,  un  Iroquois  prit  un  des 
doigts  de  Radiss<m  et  le  mit  dans  sa  pipe.  Il  fuma 
ainsi  3  pipes.  Son  doigt  était  tout  calciné.  Le  fumet 
de  chair  qui  s'en  exhalait,  semblait  enivrer  de  joie,  ce 
barbare.  Dans  la  soirée,  ils  lui  passèrent  des  lames 
d'acier  rougies,  sous  la  plante  des  pieds  et  promenèrent 
des  charbons  ardents  sur  son  corps  pendant  que  des  en- 
fants s'amusaient  à  lui  mâcher  les  doigts  avec  leurs 
dents.  Le  troisième  jour,  ils  le  trainèrent  à  une  ca- 
bane spacieuse,  où  fumaient  accroupis,  50  vieillards. 
Laissons   maintenant  la  parole  à  Radisson  : 

"  Ils  me  firent  asseoir.  J'étais  à  demi-mort.  Je  vis 
"là,  mon  frère  somptueusement  paré  de  colliers  de 
"  porcelaine,  portant  une  hache  à  la  main.  Mon  père 
"  vint  ensuite,  tenant  un  calumet  de  pierre  rouge. 
"  Tous  portaient,  suspendu  à  leur  épaule,  un  sac  de 
'  *  médecine.  Ce  sac  contenait  du  tabac,  des  plantes 
'*ou  racines  ayant  des  vertus  médicales,  les  os  de  leurs 
"parents  ou  des  têtes  de  loups,  d'écureuil  etc.  Ils 
*•  gardèrent  pendant  quelque  temps,  un  silence  absolu. 
"  Les  prisonniers,  qui  avaient  survécu  aux  tx^rtures, 
"  furent  amenés  ;  ils  com})renaient  2  hommes,  7  fem- 
"  mes  et  10  enfants.  Après  force  haYangue,  ae  la  part 
'*  de  quelques  uns  de  ces  vieillards,  il  fut  décidé  qu'une 


—  14  — 

''  femme  et  deux  enfants  aurnient  la  tête  tranchée  et 
"  que  le  reste  demeurerait  esclave.  La  sentence  fut 
"  exécutée  sur  le  champ.  Ils  se  mirent  alors  à  discu- 
"  ter  sur  mon  sort.  Les  opinions  étaient  partagées. 
"  Mon  père  parla  près  d'une  heure,  gesticulant  de 
"  mille  façons  et  menaçant  même  de  me  défendre  au 
''péril  de  sa  vie.  Il  me  réclamait  comme  son  fils. 
"  Mon  frère  en  fit  autant.  Ma  mère  entra,  elle  aussi, 
"  dans  le  conseil,  en  chantant  et  en  dansant,  comme 
"pour  apaiser  ces  vieillards.  Elle  passa,  un  collier  de 
*'  porcelaine  autour  de  mon  cou  et  en  jeta  un  autre,  au 
"  milieu  des  vieillards.  Après  que  tous  mes  parents 
"  se  furent  retirés,  le  conseil  siégea  longtemps.  De 
"tem[)s  à  autres,  l'un  d'eux  se  levait,  allait  jeter  du 
"tabac  dans  le  feu  et  poussait  une  exclamation.  Enfin 
"  il  fut  décidé,  de  convoquer  uneassemVjlée  de  toute  la 
"tribu  et  de  lui  remettre  la  décision  de  cette  affaire. 
"  Près  de  2000  Iroquois  se  réunirent.  Mon  père  fit 
"  une  seconde  harangue,  exaltant  mon  courage  et  éta- 
"  lant  les  services  que  la  tribu  pourrait  retirer  de  mon 
•'  adoption.  Il  parlait  avec  tant  de  force  et  de  chaleur, 
"  que  les  sueurs  l'inondaient.  Finalement,  un  chef 
"  fort  âgé,  s'approcha  de  moi,  brisa  mes  liens,  et  au 
"  milieu  des  cris  d'approbation  de  tous  les  assistants, 
"  je  fus  conduit  à  la  cabane  de  nion  sauveur  où  je  re- 
"  çus  tous  les  soins  voulus.  Mes  plaies  ne  tardèrent 
"  pas  à  se  cicatriser,  mes  ongles  repoussèrent  et  je  fus 
''  guéri  complètement,  moins  un  de  mes  doigts,  qui 
"demeura  estropié." 

Radisson,  passa  l'hiver  parmi  les  Iroquois,  chéri  de 
ses  parents  d'adoption  et  traité  par  la  tribu,  absolu- 
ment comme  s'il  eut  toujours  été  un  des  leurs. 

S<»n  péread()])tif  était  un  chef,  jouissant  d'un  grand 
crédit.  Il  avait  commandé  un  grand  n(mibre  d'expé- 
ditions, tué  19  ennemis  et  reçu  9  blessures.  Il  avait 
encore,  jeune,  enlevé  une  Hunjnne,  qu'il  avait  épousée. 
Il  y  avait  40  ans,  qu'il  vivait  avec  elle.  Cette  femme 
avait  conservé  le  souvenir  de  l'attachement  de  sa  tri- 
bu pour  les  Français.  C'est  ce  qui  explique  le  dévoue- 
ment qu'elle  portait  à  Radisson.  Vers  la  fin  de  l'hi- 
ver, il  s'enrôla  dans  une  bande  de  10  guerriers,  avec 
l'un  de  ses  frères  et  partit  en  expédition  de  guerre. 
Chacun  d'eux,  emportait  un  fusil,    une  hache,  un   poi- 


gnard  et  un  sac  de  voyat/e,  contenant  6  Ibs  de  poudre  ; 
15  Ibs  de  balle  ;  2  chemises  ;  1  casque  ;  8  paires  de 
chaussures  en  peau  d'orignal  ;  une  couverte,  un  collier 
de  porcelaine  et  une  courroie  pour  attacher  les  pri- 
sonniers. Les  esclaves  trainaient  tout  ce  baggage. 
En  passant  par  les  villages  Iroquois,  ils  étaient  fêtés  et 
accueillis  comme  des  frères.  Ils  semblaient  surtout 
tirer  vanité,  de  la  ])résence  d'un  Français  au,  milieu 
d'eux.  Parvenus,  aux  confins  du  territoire  de  leur 
nation,  ils  renvoyèrent  leurs  esclaves  et  chacun  dût  se 
charger  de  son  baggage. 

Ils  voyagèrent  ainsi  plusieurs  semaines,  traversant 
les  forêts  et  remontant  le  cours  des  rivières,  en  canot 
d'écorce.  Enfin,  ils  arrivèrent  à  un  endroit  où  ils  bâ- 
tirent un  petit  fort,  qui  devint  leur  quartier  général. 
De  là,  ils  se  dispersèrent,  cherchant  quelque  victime. 
Le  récit  de  cette  expédition,  n'est  qu'une  série  d'assas- 
sinats. Ne  roder  que  la  nuit  comme  des  bêtes  fauves, 
tomber  à  l'improviste  sur  de  pauvres  malheureux  sans 
défense,  tuer  cruellement  femmes  et  enfants,  se  nour- 
rir souvent  de  leur  cliair,  telle  fut  en  résumé  l\)ccupa- 
tion  de  ces  bandits,  en  quête  de  sang.  Le  résultat  de 
tous  ces  exploits,  fut  22  chevelures  et  5  prisonniers. 
On  peut  juger  par  les  pr(.)uesses  de  cette  petite  troupe 
de  tout  le  mal  que  ces  sauvages  ont  fait,  aux  premiers 
colons  de  la  Nouvelle  France.  Cette  ex[)édition  ne 
fait  pas  h(»nneur  à  Radisson,  d'autant  plus  qu'il  l'en- 
treprit de  son  bon  gré.  Il  fait  mal  au  c(jeur,  de  le  voir 
en  si  mauvaise  compagnie.  La  narration  de  ce  voyage, 
semble  indiquer  toutefois,  qu'il  s'abstint  plusieurs  fois 
de  prendre  part  aux  méfaits  de  ses  compagncms. 

Au  retour,  il  reçut  pour  sa  part  de  butin,  une  Hu- 
ronne,  qu'il  donna  comme  esclave  à  sa  mère,  20  peaux 
de  castor  et  2  peaux  remplies  de  graisse  d'ours,  d'ori- 
gnal et  de  chevreuil. 

A  peine  s'était-il  reposé  quelques  jours,  qu'il  partit 
pour  une  seconde  expédition,  dirigée  contre  certains 
établissements  Hollandais.  Ces  derniers,  dès  le  pre- 
mier approche  des  sauvages,  abandonnèrent  leurs  vil- 
lages. Les  Iroquois,  firent  main  basse  sur  tout  ce 
qu'ils  trouvèrent. 

Ils  disaient  souvent  que  les  Français  se  bat- 
taient    comme     des    braves,    mais    (jue    les    Hollan- 


—   10  — 

(lais  étaient  pusillanimes  et  ils  les  désignaient  sous  le 
nom  de  "ventres  de  bière."  Le  quatrième  jour  après 
leur  départ,  ils  arrivèrent  à  Orange,  où  ils  furent  bien 
accueillis,  à  cause  du  grand  nombre  de  pelleteries 
qu'ils  apportaient,  Radisson,  se  rendit  au  fort  où  il 
rencontra  le  gouverneur  ei  un  soldat  Français.  Il  leur 
raconta  sa  vie  et  malgré  leur  sollicitation  et  leur  re- 
proche, il  refusa  d'abandonner  les  Ir(j(|U(>is.  Il  avoue 
lui  même,  qu'il  commençait  à  être  très  attaché,  à  ses 
nouveaux  parents  et  au  genre  de  vie  qu'il  menait,  II 
n'est  pas  le  premier,  qui  se  soit  laissé  entrainé  par  les 
séductions  de  la  sauvagerie.  Cependant  les  paroles 
du  gouverneur,  et  le  contact  avec  les  blancs,  réveillè- 
rent chez  lui,  les  souvenirs  de  la  patrie  absente.  A 
peine  était-il  de  retour,  qu'il  se  prit  k  regretter  la 
civilisation.  Il  se  décida  à  retourner  à  Orange.  Il 
prétexta  un  tour  de  chasse  et  partit  le  29  Août  1653. 
Il  fut  reçu  avec  bienveillance  par  le  gouverneur  et  fit 
la  connaissance  du  Père  Noncet.  Ce  dernier,  avait  été 
fait  priscmnier  en  Canada  et  amené  par  les  Mohawks 
dans  leur  pays.  Subséquemment,  il  avait  été  conduit 
au  fort  Orange.  Dans  la  relation  des  Pérès  Jésuites 
le  père  Noncet,  mentionne  qu'il  trouva  à  cet  endroit 
uu  jeune  homme,  qui  avait  été  fait  prisonnier  .près  de 
Trois-Rivières  et  agissait  comme  interprète.  C'est  évi- 
demment de  Radisson,  dont  il  veut  parler. 

Il  demeura  caché  dans  le  fort,  pendant  trois 
jours.  Pendant  ce  temps  là,  ses  parents  arri- 
vèrent, s'informant  partout  de  lui  et  se  lamen- 
tant sur  sa  perte.  D'Orange,  il  piissa  à  M^e- 
nada,  d'où  il  s'embarqua  p(jur  la  Hollande.  Il  arriva  à 
Amsterdam  le  4  janvier  1654  et  se  rendit  ensuite  à 
LaRochelle.  C'est  là,  que  se  termine  le  récit  des  pre- 
mières aventures  de  Radisson. 


—  17  — 
DEUXIÈME  VOYAGE. 

AU    FORT   ONONDAGUÉ. 


Radisson  partit  de  LaRocholle,  au  printemps  de  1654 
et  arriva  à  Trois-Rivières  le  17    mai. 

Ses  parents  et  ses  amis,  tout  surpris  de  le  revoir,  ne 
pouvaient  en  croire  leurs  yeux.  Depuis  lpngtem})8,  ils 
le  comptaient  au  nombre  des  victimes  des  Iroquois.  De 
son  côté,  Radisson  ne  fut  pas  moins  étonné,  d'appren- 
dre (}ue  les  Iroquois  avaient  signé,  un  traité  de  paix 
avec  les  Français  et  les  Hurons.  La  colonie  commen- 
çait à  respirer.  Après  la  destruction  de  la  nation  Hu- 
ronne  en  1651,  les  Iroquois  avaient  proposé  de  sus- 
pendre les  armes.  En  1653,  la  paix  avait  été  conclue. 
L'année  suivante,  le  père  Lemoyne  se  rendit  à  Onon- 
dagué,  pour  ratifier  le  traité,  et  choisit  Tendroit.  où 
un  poste  devait  être  établi.  En  1655  les  P.  P.  Chau- 
mont  et  Dablon,  s'y  rendirent,  pour  prêcher  l'évangile 
et  commencèrent  à  ériger  une  chapelle.  En  1656,  le 
Capt  Dupuys,  fut  envoyé  comme  commandant,  avec  un 
détachement  de  55  hommes.  Il  était  accompagné  du 
Père  Lemercier.  Il  y  construisit  un  fort  et  le  mit  en 
état  de  résister  à  une  attaque  de  la  part  des   sauvages. 

Pendant  ce  temps  là,  le  reste  des  Hurons  s'était  ré- 
fugié à  l'ile  d'Orléans.  Une  partie  de  ces  sauvages,  se 
considérant  mal  défendus  par  les  Français  et  dans  l'im- 
possibilité de  résister  à  leurs  ennemis,  résolut  de  jjas- 
ser  à  ces  derniers.  Ils  expédièrent  secrètement  des  dé- 
légués aux  Mohawks  et  aux  Onontagués,  pourleur  propo- 
ser de  s'unir  à  eux.  Leur  proposition  fut  accueillie  avec 
empressement.  En  1657,  les  Onontagués  se  présentè- 
rent à  Montréal  pour  recevoir  les  Hurons  et  les  escor- 
ter dans  leur  pays,  tel  que  convenu.  Ils  refusèrent  de 
«e  rendre,  jusqu'à  Trois-Rivières,  à  cause  du  voisinage 
des  Algonquins,  qui  n'étaient  pas  compris  dans  le  traité 
de  paix.  Le  gouverneur  en  profita  pour  expédier  quel 
ques  Français,  destinés  à  fortifier  la  garnison  d'Ononda- 
içué. 


—   18  — 
•/ 

Les  P.P.  Ragueneau  et  Duperon  résolurent  de  les 
:accompagner  pour  aller  continuer  l'œuvre  d'évangé- 
lisation  déjà  (xmimencée. 

Radisson,  offrit  ses  services  à  ces  deux  missionnaires, 
qui  les  acceptèrent.  Ils  partirent  au  mois  de  juillet 
1657-  L'expédition  se  composait  de  80  Iroquois,  100 
Hurons,  20  Français  et  des  deux  missionnaires.  Fidèles 
à  leur  passé,  les  Iroqutns  ne  manquèrent  pas  de  saisir 
la  première  occasion  venue,  pour  égorger  lâchement  les 
pauvres  Hurons,  à  qui  la  veille  encore,  ils  juraient  une 
amitié  éternelle.  Ils  avaient  à  peine  franchi,  le  lac  St. 
François,  que  tombant  sur  ces  infortunés,  pris  à  l'im- 
proviste,  ils  les  tuèrent  tous. 

On  ne  peut  s'expliquer  réellement,  comment  il  se 
fait  cjue  Français,  et  Hurons  se  laissèrent  si  souvent 
tromper,  par  les  paroles  fallacieuses,  d'une  nation 
aussi  perfide.  Que  de  fois,  Français,  Hurons  et  Algon- 
quins, dormant  en  sécurité  et  se  fiant  à  la  foi  jurée 
des  Iroquois,  se  sont  réveillés,  le  couteau  sous  la  gor- 
ge, au  cri  de  guerre  de  ces  barbares.  Les  Hurons 
étaient  encore  moins  excusables  que  les  Français,  de  se 
oonfier  ainsi,  à  leurs  mortels  ennemis. 

Lorsque  deux  tribus  ont  été  longtemps  en 
guerre,  il  n'est  guères  possible,  de  cimenter 
entr'elles,  une  paix  durable,  en  vertu  d'un 
simple  traité,  comme  pamii  les  peuples  civili- 
sés. Le  souvenir  de  leurs  jwrents  cruellement  torturés, 
est  sans  îTesse  présent  à  leur  esprit,  pour  attiser  les 
vieilles  haines,  à  peine  assoupies.  Il  faut,  pour  qu^  la 
paix  ait  acquis  un  caractère  de  permanence  et  repose  sur 
des  bases  durables,  qu'une  tradition  de  bons  rapports 
et  de  fraternité  sincère,  ait  remplacé  la  tradition  d'ini- 
mitié et  de  vengeance  d'autrefois  et  en  ait  fait  dispa- 
raitre  toute  trace.  • 

Tant  que  ce  résultat  n'est  pas  obtenu,  le  sauvage 
n'enterre  pas  sa  hache  de  guerre.  Il  consentira  à  la 
mottre  de  côté  pour  un  moment,  et  promettra  ou  iSi- 
gnera  tout  ce  (jue  l'on  voudra  ;  mais  dans  son  esprit^ 
sa  hache  est  toujours  là.  Au  moindre  caprice  haineux 
de  sa  part,  il  la  reprendra  sans  honte  ni  remords  de 
conscience  et  frappera  les  nialheureux  qui  ont  pris  sa 
parole  au  sérieux.  Ce  caractère  n'a  pas  été  le  propre 
de  toutes  les  tribus  sauvages.     Il  en   est  chez   qui,    la 


—  19  — 

fidélité  à  tenir  leur  promesse,  fut  remarquable,  mais  il 
convient  bien  aux  Iroqjiois  et  aux  Sioux  ces  autres  Iro- 
quois  de  l'ouest. 

Pendant  le  voyage,  Radisson  craignit  plusieurs 
fois  de  subir  le  sort  des  Hurons.  Les  canots  ne 
marchaient  pas  toujours  de  concert  et  souvent  il  se  vit 
seul  au  milieu  des  Iroquois,  dont  la  conduite  était  loin 
d'être  rassurante.  Ce  qui  l'inquiétait  davantage,  était 
la  présence  d'un  parent  de  l'un  des  Iroquois,  qu'il  avait 
tué,  lors  de  son  premier  voyage.  Un  jour,  il  rencontra 
un  parti  de  guerre,  parmi  lesquels  se  trouvaient  plu- 
sieurs Iroquois  qui  l'avaient  bien  connu.  Ils  le  pres- 
sèrent de  retourner  avec  eux,  lui  disant,  que  ses  pa- 
rents adoptifs,  étaient  inconsolables  depuis  son  départ. 
Il  leur  remit  pour  eux,  plusieurs  présents,  qu'ils  pro- 
mirent de  leur  donner. 

Le  voyage  se  fit  lentement,  car  les  sauvages  s'attar- 
daient souvent  à  chasser.  Radisson  rapporte  que  le 
gibier  était  si  abondant,  qu'un  jour,  il  vit  un  troupeau 
de  300  ours.  Les  sauvages  en  furent  efirayés  et 
avouèrent  n'en  avoir  jamais  vu,  en  si  grand  nombre. 
Un  des  passe-temps  les  plus  agréables,  le  long  de  la 
route,  était  de  prendre  au  piège  des  jeunes  chevreuils 
et  de  les  mettre  en  liberté  dans  des  petites  iles,  après 
leur  avoir  attaché  des  clochettes  au  cou.  Les  sauva- 
ge«  ent^'uraient  ensuite  l'ile  et  faisaient  des  chasses 
merveilleuses  ;  car  le  gibier  efirayé  de  ce  bruit  insolite 
se  hâtait  de  sortir  du  bois  et  de  se  jeter  à  l'eau.  Ra- 
disson atteignit  le  f(jrt  Onondagué  sans  accident.  Ce 
poste  comprenait  deux  petits  forts  entourés  d"un  dou- 
ble mur  et  était  flanqué  de  deux  bastions.  Au  centre 
du  fort  principal,  se  trouvait  le  château  du  comman- 
dant de  la  place.  Autour  du  fort  s'étendaient  à  plus 
d'une  demie-lieue,  des  champs  de  blé  d'inde  et  de  di- 
verses] légumes.  Les  Français,  s'étaient  aussi  livrés 
à  l'élevage  et  possédaient  un  bon  troupeau  qui  leur 
était  d'un  grand  secours,  htrsque  la  chasse  faisait  dé- 
faut, Radisson  vit  au  fort,  une  Huronne,  qu'un  des 
missionnaires  avait  recueilli,  en  passant  près  d'un  ro- 
cher de  File  du  Massacre.  Elle  raconta,  que  lorsque  les 
Iroquois  descendirent  dans  leur  ile,  pour  échapper  à 
leur  poursuite,  elle  s'était  cachée  pendant  trois  jours, 
dans  le  creux  d'un  arbre.     Le  missionnaire,    après   lui 


—  20  — 

avoir  donné  tous  les  soins  que  demandHit  son  état» 
l'avait  prise  à  bord  de  son  canot.  Un  soir,  un  Iroquois 
pour  s'amuser,  avait  fait  semblant  de  tirer  sur  elle.  Pre- 
nant la  chose  au  sérieux,  elle  s'était  enfuie  dans  le  bois 
et  il  avait  été  impossible  de  la  retrouver.  Cette  femme 
arriva  au  fort,  neuf  jonrs  après  le  missionnaire.  Elle 
n'avait  vécu  pendant  ce  temps  là,  que  de  racines  et  de 
fruits  sauvages.  Un  Huron,  avait  aussi  échajjpé  au 
massacre.  Il  vivait  parmi  les  Iroquois,  accusant  haute- 
ment les  Français,  de  complicité  avec  les  ennemis  de  sa 
nation. 

Lvis  Iroquois  voyaient  avec  défiance,  cet  établisse- 
ment commencé  dans  leur  pays.  A  tous  les  j(»urs,  les 
Français  les  entendaient  répéter  avec  menace  :  "Vous 
êtes  venus  vous  eni^raisser  ici,  mais  vous  n'y  resterez 
pas  longtemps."  Les  P.P.  Jésuites  ne  s'épargnèrent 
point,  pc^ur  conjurer  l'orage  qui  se  préparait.  Ils  se 
dispersèrent  dans  les  villages  Iroquois,  leur  prêchant 
les  dcmceurs  de  la  religion  chrétienne  et  s'efforçant  de 
s'insinuer  dans  leurs  btmnes  grâces. 

Ils  eurent  peu  de  succès,  malgré  tout  leur  dévoue- 
ment"; mais  d'un  autre  côté,  ils  obtinrent  des  rensei- 
gnements sur  leurs  dispositions,  qui  n'étaient  rien 
moins  que  rassurantes.  Un  Iroquois  ami,  vint  un 
jour,  les  avertir  que  les  gens  de  sa  nation,  avaient  te- 
nu un  grand  conseil,  dans  lequel  ils  avaient  décidé  de 
détruire  le  fort  et  tous  les  Français.  Cinq  cents  guer- 
riers, allaient  dans  quelques  jours,  prendre  les  armes  et 
se  jeter  sur  eux. 

Afin  de  se  débarasser  de  tout  ce  qui  pouvait  les  gê- . 
ner,  ils  avaient  assommé  k  coups  de  bâton  ou  en  les 
frappant  sur  des  arbres,  tous  les  jeunes  enfants  de 
leurs  esclaves.  Cernés  de  tout  côté,  par  des  ennemi» 
irréconciliables,  cette  faible  garnisctn  isolée,  ne  com- 
prenant que  53  hommes,  ne  pouvait  longtemps  résis- 
ter. D'ailleurs,  au  printemps,  le  nombre  des  guer- 
riers Iroquois  allait  se  doubler,  par  le  retour  des  chas- 
seurs. Les  Français  décidèrent  de  construire  secrète- 
ment des  bateaux  et  de  donner  un  festin,  à  leurs  enne- 
mis, p<jur  mieux  ménager  leur  fuite.  A  peine  les  ba- 
teaux étaient-ils  terminés,  qu'ils  invitèrent  tous  les 
Iroquois  à  un  grand  re})as.  Presque  tous,  se  rendirent 
à  cette  invitation.    Il  ne  restait  pas   20   hommes   dan» 


—  21   — 

leur  village.  Les  Iroquois  firent  honneur  à  tous  les  meta 
qui  leur  furent  servis.  Après  le  diner,  ils  se  mirent  à 
danser  au  son  de  la  guitare,  que  pinçait  un  soldat  de  la 
garnison,  tandis  que  d'autres  Français  jouaient  de  la 
trompette  et  battaient  la  grosse  caisse.  Les  sauvages 
qui  avaient  mangé  avec  excès,  furent  bientôt  épuisés 
«le  fatigue.    Ils  se  couchèrent  i)rès  des  murs  du  ft^rt. 

C'était  le  moment  attendu,  pour  abandonner  le  fort. 
<iuelques  Français  f  .irent  tentés  d'abord,  de  profiter  de 
leur  profond  sommeil,  pour  se  défaire  de  ces  barbares. 
Les  P.P.  Jésuites  s'élevèrent  avec  force,  contre  ce  des- 
sein. Ils  leur  rappelèrent,  qu'ils  étaient  venus  pour 
instruire  et  évangéliser  les  sauvages  et  non  pour  les 
détruire  et  que  leur  trahison  ne  les  justifiait  pas,  eux, 
-de  les  assassiner.  Ils  quittèrent  donc  le  fort  Oncmda- 
gué  ce  soir  là  même  et  après  bien  des  souffrances,  ils 
arrivèrent  à  Montréal  le  31  mars:  lfi58. 

L'hist<jrien  Garneau  place  le  fort  Ummdagué  sur  lea 
bords  du  lac  Salé. 

M.  J.  V.  H.  Clarke,  qui  a  écrit  une  histoire  de  ce 
fort,  j)rétend  qu'il  se  trouvait  à  environ  trois  quarts  de 
mille  de  la  Points  Verte,  dans  la  ville  de  Salina,  sur  le 
terrain  occupé,  en  1849  par  M.  Myrick  Bradley.  Il 
paraitrait  qu'on  y  trouve  encore,  des  ruines,  qui  per- 
mettent d'avoir  une  idée  générale  du  plan  du  fort. 
Dans  le  eours  de  ce  voyage,  Radiss«»n  recm^illit  une  tra- 
dition Huronne,  fort  étrange.  Cette  légende  lui  fut 
racontée  plus  tard  par  (quelques  chefs  Hurons.  Plu- 
sieurs Français  lui  rapportèrent  également  avoir  en- 
tendu le  même  récit. 

D'après  cette  légende,  les  Hurons,  auraient  été  re- 
poussés au  Nord,  par  les  Iroquois.  Ils  se  seraient 
alors  dirigés  de  ce  côté  là  et  auraient  poussé  leur  cour- 
se, si. loin,  qu'ilà  auraient  atteint  la  Baie  James.  Ils 
auraient  côtoyé  cette  baie,  suivi  le  littoral  de  la  mer 
et  seraient  parvenus,  après  avoir  longé  les  côtes  du 
Labrador,  jusqu'au  golfe  Saint  Laurent.  Ils  auraient 
remonté  le  fleuve,  jusque  vis  à  vis  Tadoussac,  ignorant 
absolument  (ju'ils  revenaient  dans  leur  jjays.  Ils  au- 
raient ensuite,  fait  alliance  avec  les  tribus  du  golfe  et 
chassé  les  IrcKjuois  de  leur  pays.  .Cette  histoire  sans 
être  invraisemblable,  est  au  moins  fort  extratirdinaire. 
De  Montréal,  Radisson  se  rendit  à  Trois-Rivières,  où. 


il  rencontra  son  beau  frère  Des  Groseillers.  Ce  dernier 
avait  visité  le  lac  Huron,  l'année  précédente.  Ils  cau- 
sèrent longuement  de  leurs  voyages  respectifs  et  dès 
le  mois  de  mai  1658.  ils  décidèrent  de  partir  ensemble 
pt)ur  une  longue  expédition,  dans  le  but  de  découvrir 
les  pays  nouveaux,  dont  ils  avaient  entendu  parler  par 
diverses  tribus  sauvages. 


TROISIEME  VOYAGE. 

DANS    l'OUE.ST,    vers   LE    MIS.SI.S.SIFI. 


Ce  fut,  vers  le  milieu  de  juin  1658,  que  Radisson  et 
DesGroseillers,  entreprirent  le  premier  voyage  qu'il* 
firent  ensemble. 

Ils  étaient  accompagnés  de  29  Français  et  13  sau- 
vages. Avant  d'atteindre  les  premiers  grands  lacs,  ils 
furent  assaillis,  à  maintes  reprises,  par  des  bandes  Iro- 
quoises,  qui  infestaient  la  colonie.  Ils  furent  même 
obligés,  de  se  construire  un  fort  d'occasion,  pour  résis- 
ter à  leurs  attaques.  Ils  finirent  par  repousser  ce* 
barbares,  après  leur  avoir  tué  13  guerriers.  Les  Fran- 
çais découragés  par  les  difficultés  du  voyage  et  les  pé- 
rils constancs,  auxquels  leur  vie  étft.it  exposée,  décidè- 
rent de  ne  pas  aller  plus  loin.  Ils  retournèrent  donc  à 
Montréal.  Nos  deux  voyageurs,  qui  en  avaient  vu 
Dien  d'autres,  continuèrent  leur  route.  Ils  remontè- 
rent le  cours  du  St  Laurent  et  des  lac§.  sans  trop  d'ac- 
cident. 

Connne  ils  n'avaient  pas  toujours  le  temps  de  s'ar- 
rêter pour  chasser  ou  pêcher,  Radisson  parle  d'un  cer- 
tain met.'?,  qui  remplaçait  souvent  le  gibier  et  le  poisson. 
C'était  une  espèce  de  glue  noirâtre,  ressemblant  à  de 
la  gélatine.  Ils  l'obtenaient  en  faisant  bfiOillir  des  li- 
chens, appelés  par  les  voyageurs  "  tripes  de  roche.' 
Ils  renc(»ntrèrent  en  certains  endroits,  un  si  grand 
nombre  de  loutres,  que  les  saurages  les  tuaient  à  coups 
de  bâtons. 


—  23  — 

Parvenus  au  lac  Huron,  leurs  compagnons  de  vo- 
yage se  séparèrent  d'eux  et  continuèrent  leur  course 
vers  l'Ouest.  C'était  dans  cette  direction,  que  demeu- 
rait la  nation  à  laquelle  ils  appartenaient. 

De  leur  côté,  Radisson  et  Desgroseillers  se  dirigèrent 
vers  le  sud.  Quelques  Hurons  et  Octanacs  ccmsenti- 
rent  à  les  accompagner  dans  cette  exT>édition. 

La  plunart  des  découvreurs  de  l'Amérique  du  Nord, 
semblent  n'avoir  pu  deviner  l'immense  étendue  de  notre 
continent.  On  est  presque  tenté  de  croire,  qu'ils  vou- 
laient le  rapetisser,  afin  de  pouvoir  le  parcourir  plus  faci- 
lement. D'ailleui-s.  c'est  naturel  pour  le  voyageur  de 
toujours  se  croire  prêt  d'arriver  au  terme,  suivant  cet 
axiome  anglais  "The  wish  is  father  of  the  thought  ;" 
C'est  ainsi  que  Radisson,  s'imaginait  rencontrer  dan» 
le  voisinage  du  lac  Huron,  une  rivière  qui  le  condui- 
rait promptement  au  rivage  de  la  mer. 

Les  premières  tribus,  dont  nos  voyageurs  firent 
connaissance,  furent  les  Pontonatemick  et  les  Panoes- 
tigonce.  Cette  dernière,  comme  s<m  nom  l'indique,  habi- 
tait autrefois  le  Saut  Ste.  Marie,  d'où  elle  avait  été 
repoussée  par  les  Iroquois. 

Pendant  l'hiver  ils  firent  alliance  avec  les  Escolecke» 
oit  nation  de  feu,  et  visitèrent  quelques  partis  de 
guerre  de  cette  nation,  au  printemps  de  1659. 

Ces  sauvages,  n'avaient  jamais  vu  de  blancs.  Ils  les 
accueillirent  avec  de  grandes  démonstrations  de  joie, 
qui  n'était  pas  cependant  tout  à  fait  désintéressée.  Il» 
espéraient  en  effet,  que  nos  deux  découvreurs  pourraient 
leur  être  d'un  grand  secours,  dans  leur  guerre  avec  une 
nation  appelée  Nadonéceronon.  Cette  dernière  tribu 
parlait  une  langue,  dont  l'accent  se  rapprochait  beau- 
coup de  l'Algonquin.  La  première  partie  de  leur  nom 
"Nadone"  accuse  en  effet  une  origine  Algine. 

Les  Escolecke  avaient  des  rap})orts  avec  les  Christi- 
neaux,  avec  lesquels  ils  échangeaient  des  provisions  et 
des  fourrures.  Pendant,  l'été,  les  Christineaux  vivaient 
près  du  littoral  de  la  Baie  James.  Lorsque  les  froids, 
de  l'hiver  commençaient  à  se  faire  sentir,  ils  se  reti- 
raient dans  l'intérieur  du  pays  et  erraient  ça  et  la,  près 
des  grands  lacs. 

Les  Escolecke,  avaient  subi  le  sort  dfe's  autres  nations. 
Ils  avaient  occupé  d'abord,  la  partie    orientale   du  lae 


—  24  — 

Supérieur.  Leur  tradition  rapportait,  qu'ils  avaient 
marché  comme  le  soleil,  de  l'est  à   l'ouest. 

Radis6<m  rencontra  quelques  restes  de  la  nation 
Huronne,  réfugié?  dans  ces  contrées,  pour  se  sous- 
traire aux  cruelles  poursuites  de  leur  implacable  enne- 
mi, les  Iroquois. 

Les  Octanacs  qui  accompagnaient  Radisson,  recon- 
nurent aussi  plusieurs  familles  de  leur  tribu,  qui  vi- 
vaient là  ccmime  esclaves.  Quel  pays,  visitèrent  Radis- 
son  et  Desgroseillers  ?  Il  n'est  pas  facile,  ici,  de  rien 
préciser.  A  en  juger,  par  la  description  des  contrées 
qu'il  parcourut,  on  serait  porté  à  croire,  qu'il  était 
dans  le  voisinage  du  Mississipi  ;  probablement  dans  le 
Wisconsin  ou  les  Illinois. 

Il  cofnpare  la  douceur  du  climat  de  ces  pays  à  celui 
de  l'Italie.  "Jamais,  dit  il,  il  ne  neige,  ni  ne  gèle 
durant  l'hiver."  II  vante  le  goût  exquis  du  raisin  et 
des  citrons  que  le  pays  produit  en  abondance.  Il  dé- 
crit la  chasse  des  troupeaux  de  buffle  etc. 

En  quittant  le  lac  Huron,  Radisson  parait  s'être  avan- 
cé jusqu'à  l'approche  de  l'hiver,  dans  une  direction  Sud 
Ouest.  Au  printemps,  plusieurs  nacions  du  nord,  le 
})ressèrent  de  venir  les  visiter  II  dit  qu'il  refusa  de 
se  rendre  à  leur  demande,  vu  qu'il  voulait  pousser 
plus  loin  dans  le  Sud,  avant  de  se  tourner  vers  le  nord. 
Toutefois  pendant  l'été,  quoiqu'il  ne  le  mentionne  pas 
clairement,  il  dût  prendre  la  direction  du  nord,  car  il 
hiverna  (1659-1660)  dans  un  endroit  bien  b(nsé,  où  U 
neige  était  tellement  épaisse,  que  les  chevreuils  gênés 
dans  leur  course,  échappaient  difficilement  aux  flèches 
des  sauvages. 

Il  passa  une  partie  de  l'hiver,  en  compagnie  d'une 
bande  de  Christineaux,  qui  arrivaient  des  bords  de  la 
mer  du  nord  (Baie  d'Hudson.)  Les  Christineaux 
avaient  appris  la  présence  de  ces  deux  blancs  dans  le 
pays  et  étaient  venus  pour  leur  demander,  de  faire 
la  traite  avec  eux.  Jusqu'alors,  ils  échangeaient  leurs 
fourrures  avec  des  sauvages  qui  visitaient  les  postes 
Français.  Ils  désiraient  traiter  directement  avec  les 
Français.  Radisson  promit  de  faire  ses  efforts  pour 
venir  les  visiter  plus  tard.  Il  parait  s'être  fort  approché 
du  lac  Huron,  à  la  fin  de  l'hiver.  Au  printemps  1660, 
nos  deux  voyageurs  se  mirent  en  route  de  bonne  heure 


pour  retcmnier  à  Montréal.  Ils  étnient  suivis  d'un 
grand  nombre  de  sauvages.  Du  lac  Huron,  ils  sui- 
virent ce  qu'ils  a|)pellent  la  route  du  nord  et  atteigni- 
rent la  rivière  Ottawa.  A  30  lieues  en  deçà  du  Calu- 
met, leur  parti  tua  plusieurs  bœufs  sauvages,  dont  ils 
se  régalèrent  abondamment. 

Deux  jours,  après  avoir  j)assé  les  rapides  du  Calumet 
ils  furent  attaqués  ])ar  les  Iroquois.  Ces  derniers,  les 
tenaient  constamment  en  alerte.  Un  jour,  ils  furent 
obligés  de  se  retrancher  derrière  des  abattis  d'arbres  et 
de  se  couvrir  de  peaux  de  castor,  pour  échapper  à  leurs 
coups.  Ils  subirent  un  véritable  siège,  et  ne  réussirent 
à  repousser  leurs  assaillants,  qu'après  en  avcàr  tué  un 
grand  nombre. 

Les  Iroquois  devaient  être  très  nombreux,  puisque 
Radisson  était  accompagné  do  500  sauvages.  Il  peut 
se  faire  que  les  Irocjuois  qu'il  rencontra,  étaient  les 
mêmes,  qui  venaient  de  s'emparer  du  fort  du  brave 
DoUard  et  de  ses  17  compagnons. 

Je  crois,  que  ce  que  rapporte  Radisson  dans  son  qua- 
trième voyage,  au  sujet  de  ce  glorieux  fait  d'armes, 
devrait  trouver  sa  place,  ici.  La  suite  de  son  récit, 
semble, 'd'ailleurs  ici  interrompu,  tandis  que  dans  son 
quatrième  voyage,  le  même  événement,  est  rapporté 
comme  un  morceau  détaché.  Nos  denx  voyageurs 
arrivèrent  au  Long  Saut,  8  jours  après  cette  sanglante 
affaire,  c'est  à  dire,  le  29  mai  1660. 

Ils  visitèrent  le  fort.  Radisson  donne  un  récit  cir- 
constancié de  cette  héroïque  défense  d'une  poignée  de 
braves,  contre  plus  de  800  Iroqnois».  Il  raconte  qu'un 
seul  Français  survécut  à  la  prise  du  fort. 

Les  Iroquois  l'amenèrent  dans  leur  camp.  Ayant 
aperçu  près  de  lui  un  jùstolet,  il  le  saisit  et  tua  le 
premier  Iroqucns  qui  se  présenta.  Alors,  ils  le  saisirent 
et  le  brûlèrent  sur  l'heure.  Les  cadavres  des  Fran- 
çais et  des  Algonquins,  furent  attachés  à  des  poteaux 
échelonnés  le  long  de  la  rivière.  Ce  sont  là,  les  seuls 
détails  importants  qu'il  donne,  sur  ce  combat  héroique. 

Nos  deux  voyageurs  arrivèrent  enfin  à  Montréal. 
De  là,  ils  se  rendirent  à  Québec  avec  leurs  500  sauva- 
ges. Leur  arrivée  fut  saluée  comme  une  bonne  aubaine, 
et  un  événement  remarquable.  Le  gouv'erneur  en  vo- 
yant un  si  grand  nombre  de  sauvages,   venus  de  si  loin 


2G 


et  surtout  chargés  de  si  riches  pelleteries,  fit  tonner  la 
batterie  de  la  citadelle,  en  leur  honneur.  Radisson  re 
tourna  ensuite  à  Trois-Rivières.  Il  y  avait  14  jours, 
que  cette  ville,  alors  simple  bourgade  fortifiée,  était 
tenue  en  alarme,  par  la  présence  de  300  Iroquois.  Ra- 
disson les  attaqua  et  les  força  à  s'enfuir,  après  leur 
avoir  tué  11  hor^mes  et  en  avoir  blessé  davantage. 
Les  sauvages  de  l'Ouest,  purent  ensuite  retourner  dans 
leur  pays,  sans  être  molestés.  Radisson  termine  le 
récit  de  ce  voyage,  en  disant  que  ni  lui  ni  Desgrogeil- 
lers  n'araient  visité  la  Baie  du  Nord  (Baie  d'Hudson) 
et  que  tout  «e  qu'ils  en  connaissaient,  leur  avait  été 
raconté  par  les  Christineaux. 

"Comme  le  récit  de  ces  sauvages,  dit-il,  pouvait 
"après  tout,  n'être  qu'une  invention,  il  fut  convenu 
'  '  entre  Degroseillers  et  moi,  que  nous  n'en  parlerions  k 
"personne." 

Ils  se  ])ropo«aient  d'aller  s'assurer  eux  mêmes,  dan» 
une  autre  expédition,  de  la  fidélité  du  rapport,  qui  leur 
en  avait  été  fait. 


QUATRIÈME  VOYAGE. 
A  LA  Baie  James. 


A  peine  Radisscm  était-il  de  retour  dans  la  colonie, 
qu'il  souL'eait  à  s'élancer  de  nouveau,  vers  l'extrême 
Nord-Ouest.  Les  tribus  inconnues,  qui  l'habitaient 
et  les  plages  inhospitalières  de  la  Baie  d'Hudson  l'atti- 
raient invinciblement. 

Il  dût  attendre  toutefois,  le  retour  du    printemps. 

Dans  sa  dernière  expédition,  il  avait  rencontré  un 
j)arti  de  Christineaux  et  en  avait  reçu  des  renseigne- 
ments sur  leur  pays.  Il  n'ignorait  pas,  (pie  la  traite 
avec  les  nations  du  Nord,  dût  rapptirter  d'immenses- 
profits.  Il  y  avait  là,  une  vérit^ible  mine,  dont  les 
riches  trésors  miroitaient  déjà,  devant  ses  yeux. 

Aussi,  il  avait  eu  la   précaution  de   s'entendre   ave  c 


—  27  — 

8on  beau  frère  Desgroseillers,  pour  ne  dévoiler  à  per- 
sonne, leur  précieux  secret. 

Ils  espéraient  tous  deux,  entreprendre  l'année  sui- 
vante, une  nouvelle  expédition,  pour  aller  receuillir  la 
moisson  qni  les  attendait. 

Cependant,  les  riches  fourrures,  que  les  sauvages, 
qui  les  avaient  accompagnés,  venaient  d'apporter  à 
Québec,  avaient  allumé  la  convoitise  du  gouverneur 
et  de  scm  entourage.  Leur  secret  transpira,  par  l'in- 
discrétion, paraitrait  il,  de  la  sœur  de  Radisson,  épouse 
de  Desgroseillers. 

La  rumeur  en  parvint  jusqu'aux  oreilles  du  gouver- 
neur, qui  fit  mander  Radisson.  Il  lui  proposa,  de  lui 
donner  pour  compagnons  de  voyage,  deux  de  ses  ser- 
viteurs, avec  l'entente  que  les  profits  de  la  traite,  se- 
raient partagés  par  moitié. 

Radisson,  ne  se  souciait  guères,  d'avoir  des  associés. 
Il  n'était  pas  d'humenr,  à  céder  une  aussi  large  part 
des  bénéfices,  qui  lui  coûtaient  déjà  tant  de  fatigues. 
Il  repoussa  donc  ces  offres. 

Il  sentait  bien  cependant  que  le  gouverneur,  pour 
s'en  venger,  pouvait  le  gêner  dans  ses  entreprises.  Il 
était  en  effet,  le  dispensateur  des  licences  de  traite. 
Aucun  voyageur,  ne  pouvait  s'éloigner  de  la  colonie, 
sans  s'être  muni  de  son  autorisation. 

Le  gouverneur  en  profita.  Afin  de  le  contraindre, 
à  prêter  une  oreille  plus  attentive  à  ses  propositions, 
il  lui  fit  défense  d'entreprendre  aucun  voyage. 

Pour  le  fléchir,  Radisson  fit  intervenir  les  Révérends 
Pères  Jésuites.  Ils  firent  une  tentative  en  sa  faveur. 
Le  gouverneur  refusa  de  lâcher  sa  proie. 

Il  est  bon  de  noter  ici,  le  beau  témoignage  que 
notre  découvreur,  rend  au  zèle  de  ces  saints  mission- 
naires. Il  vient  d'un  homme,  qui  avait  été  témoin  de 
leur  dévoûment  et  qui  les  avait  vus  à  l'œuvre  dans 
leurs  lointaines  missions. 

"Leur  seul  désir,  dit-il,  est  l'agrandissement  du  ro- 
"yaume  de  Dieu.  Ils  font  preuve  d'une  charité  vrai- 
"ment  admirable,  envers  tous  ceux  qui  travaillent  et 
*' qui,  par  leur  conduite  honnête,  se  montrent  dignes 
'*  d'être  aidés.  Ceci  est  la  pure  vérité.  C'est  la  réponse 
**  que  je  fais,  à  tous  ceux,  qui  voudraient  jamais  préten- 


—  28  — 

dre  le  contraire.  Je  parle  ici,  avec  coniiaf8sanc&  de 
*'  cause." 

Au  printemps,  deux  missionnaires  partirent  pour  L- 
Nord.  Ils  se  proposaient,  dit  Radisson,  de  se  rendre 
à  la  mer  du  Nord,  en  remontant  le  Saguenay,  mais  ils 
rencontrèrent  de  telles  difficultés,  qu'ils  furent  con- 
traints de  rebrousser  chemin. 

Radisson,  semble  indiquer  ici,  l'expédition,  entre- 
prise en  1661,  par  les  RR.  Pères  Dablon  et  Druillètes 
et  dont  faisaient  partie,  Michel  Leneuf  de  la  Vallière, 
Denis  Guyon,  Desprès  Couture  et  François  Pelletier. 

Il  ne  savait  trop,  que  faire,  en  face  des  défenses  for 
nielles  du  gouverneur,  lorsqu'arrivèrent,  au  moi.- 
d'août  (1661)  sept  bateaux,  ctmduits  par  des  sauvage.^ 
de  l'Ouest.  Comme  ils  avaient  déjà  eu  des  rapports 
avec  lui,  ils  l'invitèrent  à  les  suivre.  Ne  }K)uvant  plus 
y  tenir,  il  résolut  de  braver  le  gouverneur  et  de  partir 
quand  même. 

Il  fut  donc  décidé  par  Desgroseillers  et  Radisson 
<ju'ils  accompagneraient  les  sauvages,  et  s'éloigneraienf 
clandestinement  avec  eux,  afin  de  tromper  la  surveillan 
ce  du  gouverneur. 

Ils  donnèrent  rendez-vous,  à  leurs  ctmipagnons,  sur 
le  lac  St.  Pierre,  à  6  lieues  de  Trois-Rivieres. 

Les  .sauvages,  devaient  se  tenir  cachés,  dans  des 
hautes  herbes,  sur  le  bord  du  lac,  à  un  endroit  conve- 
nu, et  attendre  leur  arrivée. 

Desgroseillers,  était  à  cette  époque,  capitaine  à 
Trois-Rivières  et  connue  tel,  il  était  en  charge  des 
clefs  du  fort. 

Ils  (juittèrent  le  fort,  vers  minuit.  La  sentinelle  qui 
montait  la  garde  ce  soir  là,  en  voyant  son  capitaine,  les 
laissa  passer  et  leur  si>uhaita  un  bon  voyage. 

Ils  étaient  trois  :  Radisson,  Desgroseillers  et  un 
nommé  François  LaRivière. 

Impatientés  de  leur  retard,  les  siiuvages  avaient  fini 
})ar  quitter  leur  retraite.  Nos  voyageurs  les  rejoigni- 
rent à  trois  lieues  du  Fort  Richelieu. 

Ce  i)auvre  LaRivière,  n'alla  pas  loin  dans  cette  ex- 
pédition. Quelques  jours  après  leur  départ,  ayant 
aperçu  plusieurs  canots  Iroquois,  ils  se  cachèrent  dan^ 
un  bois,  et  partirent  pendant  la  nuit. 

LaRi\  ière,  qui  était  peu  nabitué  aux  fatigues  de  tels 


29 


voyages,  dormait  profondément  lors  du  départ  de  se» 
compagnons.  Ces  derniers  ne  s'apperçurent  pas  de  son 
absence.  Il  ne  se  réveilla  que  le  lendemain.  Il  erra 
pendant  14  jours,  se  mourant  de  faim.  Des  sauvages 
amis,  le  receuillirent  et  l'amenèrent  à  Trois-Rivières, 
où  le  gouverneur  le  constitua  prisonnier.  Les  habitants 
lui  rendirent  sa  liberté. 

Nos  découvreurs,  rencontrèrent  quel(jues  jours  après 
sept  bateaux  d'Odanacs^  qui  se  rendaient  eux  aussi,  au 
lac  Supérieur.  Ils  ne  pouvaient  venir  plus  à  propos. 
Ce  renfort  leur  fut  d'un  grand  secours.  Il  s'agissait  en 
eflFet,  pour  eux,  de  briser  la  ligne  d'Iroquois,  qui 
rayonnaient  tout  autour  de  la  colonie,  et  interceptaient 
partout  les  passages, 

A  cette  époque,  il  était  impossible  de  s'aventurer  sur 
le  St.  Laurent,  sans  avoir  maille  à  partir  avec  eux.  Ils 
surgissaient  de  tous  côtés,  comme  par  enchantement, 
guettant  le  premier  venu,  pour  lui  courir  dessus.  Il  ne 
se  passait  ])as  de  jour,  sans  que  nos  découvreurs  apper- 
çussent  (quelques  canots  ennemis,  silonnant  le  fleuve 
ou  se  hâtant  de  se  porter  sur  la  rive,  pour  les  attendre 
au  passage. 

Afin  de  se  protéger  contre  leurs  traits,  nos  voya- 
geurs avaient  rangé,  sur  les  bords  de  leurs  canots,  des 
peaux  de  castor,  en  guise  de  rempart.  De  temps  à 
autres,  lorsque  les  Iroquois  se  concentraient  en  forces 
trop  considérables,  il  leur  fallait  débarquer,  près  du 
premier  bois  venu,  se  fortifier  le  mieux  possible  et  sou 
t«nir  un  siège  (jui  durait   quelquefois,  plusieurs   jours. 

Ces  petits  engagements  étaient  souvent,  assez  meur- 
triers. C'est  ainsi,  que  dans  l'un  d'eux,  les  Iroquois. 
laissèrent  16  morts  sur  la  plage. 

Chaque  fois,  qu'un  Iroquois  tombait  entre  leurs 
mains,  les  Octanacs  s'empressaient  de  le  dépecer  et  de 
faire  bouillir  sa  chair,  pour  la  dévorer  avec  un  appétit 
féroce.  En  passant  près  de  la  chute  Niagara,  ils  eu- 
rent la  curiosité,  à  l'instar  des  touristes  modernes, 
d'aller  visiter  les  cavernes  qui  se  trouvent  sous  la  chu- 
te. Ils  traversèrent  le  lac  Erié,  que  Radisson  appelle 
'iac  des  Castors"  et  remontèrent  la  rivière  Ste.  Claire 
à  laquelle  Radisson  donne  le  nom  de  "  Sorciers".  Par- 
venu au  lac  Supérieur,    il  nous  apprend,   qu'ils  purent 


—  30  — 

dormir  sans  avoir  de  sentinelle  au  guet,  vu  que  les  Iro- 
quois  ne  se  rendaient  que  rarement  jusque  là. 

Il  s'enthousiasme  à  la  vue  des  beautés  sauvages  de  ce 
lac  immense.  Ses  descriptions  exagérées  se  ressentent 
de  l'état  d'exaltation  de  son  esprit.  C'est  ainsi  qu'il 
prétend  avoir  vu  des  masses  de  cuivre  pesant  100  Ibs, 
et  des  montagnes  de  sable  si  élevées,  qu'un  homme  au 
sommet,  ne  paraissait  guères  plus  gros  qu'un  corbeau. 
Il  raconte  qu'un  jour,  50  monticules  de  sable,  furent 
transportés  par  une  tempête  d'un  côté  d'une  baie,  à 
l'autre  etc.  La  description  féerique,  qu'il  donne,  d'un 
énorme  rocher  qu'il  rencontra  sur  les  bords  de  ce  lac, 
est  des  plus  curieuses. 

Un  énorme  rocher  s'avance,  dit-il,  au  milieu  du  lac 
comme  un  monstre  géant  qui  garde  cette  rive. 

Il  est  coupé  à  pic,  et  d'une  hauteur  étonnante.  Les 
vagues  qui  viennent  se  briser  à  ses  pieds,  ont  fini  par 
l'attaquer.  A  force  de  lui  déchirer  les  flancs,  les  flots  se 
sont  creusés  une  caverne,  dans  laquelle  ils  viennent 
s'engoufl'rer. 

Cette  caverne  ressemble  au  portique  d'un  édifice 
Lorsque  le  lac  est  agité,  par  la  tempête,  une  voix  lu 
gubre  s'échappe  de  l'intérieur  de  ce  rocher,  qui  glace 
d'efiroi,  le  pauvre  voyageur,  qui  l'entend  pour  la  pre- 
mière fois.  Les  sauvages  efirayés,  lui  ofirent  des  sa- 
crifices, pour  appaiser  les  mauvais  Manitoux,  qui  pré- 
sident à  cet  endroit, 

Radisson,  lui  donna  le  nom  de  ''Portique  de  St. 
Pierre." 

Il  côtoya  le  lac  Supérieur  presque  tout  l'été  et  ren- 
contra des  Christineaux  auxquels  il  fit  des  présents.  Il 
se  fit  escorter  par  plusieui-s  bandes,  avec  lesquelles  il 
se  lia  d'amitié. 

Il  parvint  enfin  à  une  baie  d'environ  10  lieues. 

A  quelque  distance  de  là,  s'élevait  un  cap  en  forme 
de  pyramide  et  fort  élevé.  Les  sauvages  qui  l'avaient 
guidé,  lui  apprirent  que  leurs  femmes  se  trouvaient  à 
cinq  jours  de  marche  de  cet  endroit  ;  mais  ils  lui 
dirent  en  même  temps  (jue  la  navigation  était  très  dif- 
ficile et  qu'il  lui  faudrait  faire  de  longs  et  de  nombreux 
portages. 

Nos  découvreurs,  décidèrent  de  se  reposer  à  cet  en- 
droit, pendant  que  leurs  sauvages  iraient    visiter   leurs 


—  31  — 

familles.  Il  fut  convenu  qu'ils  reviendraient,  au  bout 
de  14  jours.  Pendant  ce  temps  là,  ils  demeurèrent 
exposés  aux  attaques  des  Nadonéseronons,  qui  rodaient 
dans  les  environs.  Ces  sauvages  étaient  fort  nombreux 
et  très  cruels.  Un  seul  de  leur  village  comprenait  plus 
de  7000  guerriers.  Pour  se  mettre  un  peu  à  couvert, 
ils  construisirent  un  petit  fort,  surle  bord  de  la  rivière. 

Ils  l'entourèrent  de  pieux  debout,  garnis  de  clochet- 
tes. Ces  dernières,  en  cas  d'attaque  nocturne,  devaient 
leur  donner  l'alarme.  Les  ennemis  ne  se  montrèrent 
pas,  mais  par  contre,  les  écureuils  et  les  renards  ve- 
naient souvent  la  nuit,  sonner  le  carillon  et  les  tenir 
en  éveil. 

Après  2  à  3  semaines  d'attente,  une  cinquantaine  de 
jeunes  gens,  suivis  de  quelques  uns  de  leurs  anciens 
compagnons  de  voyage,  arrivèrent  au  fort. 

Ils  décidèrent  de  continuer  leur  route,  en  dépit  des 
obstacles.  "  Le  pays  que  nous  traversons,  dit  Radis- 
"son,  est  beau  et  un  peu  montagneux.  Le  bois  est 
"pauvre  et  rabougri." 

Ils  arrivèrent  après  plusieurs  jours  de  marche,  dans 
un  village  Gri,  composé  d'environ  100  cabanes.  Le 
chef,  qui  les  avait  accompagnés  depuis  Montréal,  leur 
donna  sa  propre  cabane  pour  logement.  La  femme  de 
ce  chef,  appartenait  à  la  tribu  des  "Folles  Avoines." 
L'hiver  les  surprit  à  cet  endroit. 

La  neige  tomba  en  abondance.  Comme  la  chasse 
n'était  pas  excellente,  il  fut  résolu,  qu'ils  se  disi)erse- 
raient  dans  les  bois,  par  groupe  de  2  à  3  personnes, 
afin  de  pouvoir  vivre  plus  facilement. 

Ils  devaient  se  réunir  au  printemps  suivant,  près 
d'un  petit  lac. 

Pendant  l'hiver  (1661-1662)  Radisson  et  Desgroseil- 
1ers  envoyèrent  des  messages  à  diverses  nations,  les 
invitant  à  venir  célébrer  avec  eux,  la  fête  des  morts. 

Le  froid  fut  très  intense.  Ils  tuèrent  quantité  de 
bœufs  sauvages,  cariboux,  f)urs  etc.  Aux  premiers 
signes  du  printemps,  ils  se  dirigèrent  vers  le  lieu  du 
rendez-vous.  La  neige  commençait  à  fondre  et  pour 
faire  le  trajet,  ils  furent  obligés  de  chausser  des  ra- 
quettes de  6  pieds  de  longueur. 

La  neige  avait  en  général  de  5  à  6  pieds  d'épaisseur. 


—  32  — 

Une  fois  rendus  au  petit  lac,  le  froid   se   mit  à  sévir, 
avec  autant  de  rigueur  que  durant  l'hiver. 

Les  provisions  furent  bientôt  épuisées.  Les  sauva- 
ges se  virent  réduits,  à  se  n(»urrir  d'écorce  et  de  cuir. 

La  famine  devint  si  grande,  que  500  j)ersonne8  mou- 
rurent faute  de  vivres. 

Enfin  les  beaux  jours  commencèrent  à  luir  et  dans 
trois  jours,  toute  la  neige  disparut. 

Peu  de  temps  après,  arrivèrent  8  délégués  de  la  cé- 
lèbre nation  des  Nadonéseronons. 

Sans  nous  expliquer  pourquoi,  Radisson,  nous  an- 
nonce à  cette  partie  de  son  récit,  qu'à  l'avenir,  il  dé- 
signera ces  sauvages,  sous  le  nom  de  •'  Nation  du 
Bœuf."  On  peut  conjecturer  néanmoins,  qu'il  leur 
donna  ce  nom,  parcequ'ils  se  livraient  surtout  à  la 
chasse  des  troupeaux  de  buffles,  qui  constituaient  leur 
principale  nourriture.  Ils  lui  offrirent  des  présents 
consistant  en  avoine,  maïs,  peaux  de  buffle  et  de  castor 
blanc. 

Des  envoyés  de  18  nati(;ns  différentes  se  rendirent 
au  petit  lac.  Ils  tinrent  un  grand  conseil,  auquel  assis- 
taient plus  de  500  sauvages. 

Ils  décidèrent  de  construire  un  grand  fort,  qui  de- 
vait être  Vemporium  de  la  traite  du  Nord-Ouest.  Ils 
se  mirent  immédiatement  à  l'œuvre  et  l'achevèrent  en 
très  peu  de  temps. 

Il  était  carré  et  dominait  un  monticule  ;  en  sorte 
qu'on  pouvait  l'appercevoii*  de  loin. 

Ce  poste,  dans  l'idée  de  nos  découvreurs,  devait  être 
permanent.  Ils  espéraient  pouvoir  établir  des  rap- 
ports non-interrompus  avec  ce  fort,  et  y  déposer  des 
marchandises,  destinées  à  alimenter  la  traite,  dans 
tous  les  environs. 

Quelques  jours  après,  arriva  un  parti  des  "Anciens". 
Ils  se  présentèrent  en  grande  pompe  et  admirablement 
parés.  Ils  avaient  la  figure  tatouée  de  mille  couleurs, 
les  cheveux  noués  en  toufie  sur  la  tête  et  ornés  de 
plumes  d'aigle  et  de  corbeau.  Ils  portaient  une  lon- 
gue robe  blanche,  faite  de  peaux  de  castor  et  un  cou- 
teau poignard  d'un  pied  et  demi  de  longueur. 

Leur  princi])ale  nourriture,  durant  l'hiver,  consis- 
tait en  riz,  qu'ils  faisaient  bouillir  dans  des  vases  en 
«uivre. 


—  33  — 

Radisson,  avait  rencontré  (juehjues  bandes  de  cette 
nation,  dans  son  expéditi(»n  précédente.  Ils  lui  dirent 
<ja'il8  étaient  venus  pour  amener  de  nouveau,  des 
Français,  dans  leur  pays.  Ils  désiraient  également, 
que  les  découvreurs  épousent  leurs  querelles  contre 
leurs  ennemis,  les  Christineaux. 

Radisson,  qui  au  contraire,  voulait  cimenter  la  paix 
entre  toutes  les  nations,  partit  avec  50  hommes  pour 
aller  visiter  les  Christineaux  et  leur  conseiller  d'enter- 
rer la  hache  de  guerre.  Après  trois  jours  de  marche, 
il  atteignit  leur  village.  Les  Christineaux  étaient  réu- 
nis au  nombre  de  600,  dans  un  fort. 

Il  fut  bien  acceuilli  et  réussit  dans  sa  mission  paci- 
tique,  audelà  de  toute  attente. 

Il  leur  promit,  qu'au  printemps  suivant,  il  se  ren- 
drait sur  le  côté  du  lac  Supérieur,  qui  se  trouvait  dans 
la  direction  de  l^r  i>ays  et  qu'il  les  attendrait  sur  le 
bord  du  lac.  Les  Christineaux  devaient  de  leur  côté, 
venir  le  rencontrer  à  cet  endroit,  ])our  l'amener  dans 
l'intérieur,  vers  la  région  qu'ils  habitaient.  Le  fort 
où  ils  se  trouvaient,  n'était  que  temporaire.  Ces  sauva- 
ges n'étaient  ])oint  fixés  à  cet  endroit,  d'une  manière 
])ermanente.  D'ailleurs,  le  gros  de  leur  nation,  se 
trouvait  fort  éloigné  de  ce  territoire. 

A  sept  jours  de  marche  de  là,  se  trouvait  la  nation 
du  "Bœuf."  Elle  possédait  de  grandes  cabanes  cou- 
vertes de  peaux.  Un  de  leur  village  possédait  une  po- 
pulation de  7000  âmes.  Leur  pays  n'était  pas  boisé. 
Pour  se  chauffer,  ils  étaient  obligés  de  se  servir  de 
mousse.  Ils  cultivaient  le  maïs  et  chassaient  le  buflSe, 
qui  paissait  dans  les  vallées  avoisinantes. 

Les  grains  de  maïs  étaient  [)etits,  à  cause  du  froid 
qui  les  empêchait  de  parvenir  à  'maturité. 

Leur  pays,  contenait  plusieurs  mines  de  cuivre  et  de 
plomb.  'On  y  trouve,  dit  Radisson,  des  montagnes 
"  couvertes  d'une  pierre  transparente  et  tendre  comme 
"  celle  de  Venise".  Après  avoir  lié  amitié  avec  ces 
sauvages  et  les  tribus  avoisinantes,  nos  découvreurs 
poussèrent  plus  loin.  Ils  furent  obligés  de  faire  de 
pénibles  portages,  à  travers  les  bois,  pendant  huit 
jours.  Ils  atteignirent  un  lac,  où  ils  tuèrent  plus  de 
600  orignaux,  et  bâtirent  un  fort  sur  le»  bords  de  ce 
lac. 


—  3i  — 

Ils  passèrent  une  partie  de  l'hiver  (1662-1663)  dans 
ce  fort.  Ils  se  mirent  de  nouveau  en  route,  avant  que 
les  rivières  ne  fussent  libres  et  enfin  arrivèrent  à  un 
camp  de  Christineaux,  (jui  les  conduisirent  à  la 
grande  rivière. 

"Nous  arrivâmes,  dit  Radisson,  au  rivage  de  la 
"  mer  où  nous  trouvâmes  une  vieille  maison  toute  dé- 
"  molie  et  percée  de  balles". 

Les  sauvages  lui  dirent  que  les  hommes  qui  étaient 
venus  là,  appartenaient  à  deux  nations  diÔ'érentes. 
D'après  la  descrijjtion  qu'ils  en  donnèrent,  ce  ne  pou- 
vait être  d'autres  que  des  Européens. 

Ils  passèrent  l'été,  à  visiter  diverses  îles  et  à  tuer  des 
poules  et  des  canards.  Les  buffles  se  rendaient  jusque 
là,  mais  les  sauvages  ne  les  tuaient  que  dans  le  cas  de 
pressante  nécessité. 

Nos  découvreurs  s'avancèrent  pluïHoin,  dans  la  Baie. 
Ici,  laissons  la  parole  à  Radisson.  "  La  grande  rivière 
"  vient  du  lac  et  déverse  ses  eaux  dans  la  rivière  de* 
"  Sagnes  (Saguenay)  appelée  Tadousac.  Cette  dernière 
"de  l'endroit  où  nous  étions  dans  la  Baie  du  Nord,  se 
"  trouve  à  100  lieues  de  la  grande  rivière  du    Canada". 

Durant  l'hiver,  (1663-1664)  ils  retournèrent  au  lac 
Supérieur,  en  suivant  une  rivière  différente  de  celle 
par  laquelle  ils  étaient  venus. 

S'il  faut  en  croire,  le  témoignage  de  Radisson,  il  au- 
rait poussé  si  loin  dans  le  Nord,  qu'il  serait  parvenu 
avec  Desgroseillers  jusqu'à  la  Baie  James.  Les  ruine» 
d'une  maison  dont  il  parle,  ne  seraient-elles  pas,  par 
hasard,  celle  construite  et  abandonnée  par  les  Danois, 
vers  1634  ?  On  rapporte  en  effet,  que  les  sauvages 
trouvèrent  de  !a  poudre  laissée  par  les  Danois.  Com- 
me ils  n'en  connaissaient  pas  l'usage,  ils  y  mirent  le 
feu  et  la  mais<m  sauta  avec  eux.  Cet  établissement 
des  Danois  se  trouvait,  paraitrait-il,  à  environ  60  lieue» 
au  nord,  de  la  rivière  Nelson. 

Avec  une  narration  aussi  peu  précise  que  celle  de 
Rîidisson,  il  n'est  pas  permis  de  l'affirmer  avec  aucun 
degré  de  certitude,  mais  la  chose  est  bien  possible. 

Le  voisinage  du  Saguenay  indique,  ce  me  semble, 
qu'il  ne  se  rendit  point  jusqu'à  la  Baie  d'Hudson,  mais 
qu'il  visita  simplement  la  Baie  James.  S'il  eût  poussé  se* 


—  35  — 

courses  jusqu'à  la  rivière  Nelson,  il  u'ent  pu    manquer 
d'avoir  connaissance  du  grand  lac  Winnipeg. 

De  retour  au  lac  Supérieur,  il  apprit  par  les  sauva- 
ges, qu'il  existait  dans  une  direction  nord  du  lac  Su- 
périeur, un  lac  plus  grand  (^ue  tous  les  autres, 
Radison  déclare  qu'il  n'avait  jamais  entendu  parler 
de  ce  lac,    au})aravant. 

Ce  lac  en  question,  ne  serait-il  j)as,  par  hasard,  le  lac 
Winnipeg,  qui  se  trouve  dans  une  direction  nord, 
Nord-Ouest  du  lac  Suj)érieur  ? 

Si  oui,  alors,  on  ne  peut  raisonnablement  prétendre 
que  Radissoa  visita  la  rivière  Nelson  ;  autrement,  il 
n'eut  pu  ignorer  l'existence  de  ce  grand  lac.  Les  sau- 
vages lui  en  auraient  parlé. 

Il  rapporte  une  épisode  assez  amusante  de  son  sé- 
jour à  la  Baie  du  Nord  (Baie  James).  Un  jour  son 
beau-frère  Desgroseillers,  montrait  à  un  sauvage,  une 
image  représentant  "  la  fuite  en  Egypte".  La  Ste. 
Vierge  et  l'enfant  Jésus  d'après  le  dessin,  se  trouvaient 
assis  sur  un  âne  et  St.  Joseph  suivait  tristement  à  côté. 
Le  sauvage,  après  avoir  examiné  un  instant,  cette  ima- 
ge, se  mit  à  pleurer  et  à  se  lamenter  d'une  manière 
pitoyable,  au  grand  étonnement  de  Desgroseillers  qui 
ne  pouvait  s'expliquer  la  cause  d'une  conduite  aussi 
étrange.  Pendant  une  demie-heure,  ce  sauvage  fut  en 
proie  à  un  véritable  désespoir.  Desgroseillers  réussit 
enfin  à  le  calmer  et  se  fit  expliquer  ce  que  cela  voulait 
dire.  Le  sauvage  lui  déclara,  qu'il  croyait  qu'il  était 
sorcier  et  qu'il  connaissait  tous  les  événements   passés. 

Les  gens  de  la  nation  du  "  Bœuf  "  lui  avaient  en- 
levé, il  y  avait  environ  4  ans,  .sa  femme  et  son  enfant 
et  il  n'avait  pu  les  retrouver  depuis.  Or,  cette  image, 
d'après  sa  modeste  interprétation,  représentait  ce  qui 
lui  était  arrivé. 

La  Ste.  Vierge  et  l'enfant  Jésus  ne  figuraient  ni 
plus  ni  moins,  que  sa  femme  et  son  enfant.  Les  gens 
du  "Bœuf"  étaient  symbolisés  par  l'âne,  tandis  que 
St.  Joseph  était  tout  bonnement  son  humble  personne. 
Est-ce  assez  crâne  ? 

Nos  découvreurs  partirent  de  bonne  heure  au  prin- 
temps (1664.)  Les  sauvages  qui  les  accompagnaient, 
étaient  au  nombre  de  700. 

Ayant     rencontré     quelques     canots     ïroqnois.    le» 


—  36  — 

Christineaux  effrayés,  rebroussèrent  chemin.  Parve- 
nus à  la  rivière  Eturgeon,  ils  passèrent  14  jours  à 
faire  des  provisions.  Ils  firent  sécher  près  d'un 
million  d'eturgeons.  Le  reste  du  voyage  se  fit  sans 
incident  remarquable. 

Ils  arrivèrent  à  Montréal  dans  l'été  1664. 


EXPEDITIONS  MARITIMES. 
A  LA  Baie  d'Hudson. 


Malgré  le  succès  de  leur  expédition,  Radisson  et  Des- 
groseillers  furent  très  mal  acceuillis  par  le  gouverneur. 
Il  ne  pouvait  leur  pardonner,  d'avoir  désobéi  à  ses 
ordres  et  de  lui  avoir  refusé  une  part  des  profits.  Pour 
s'en  venger,  il  les  rançonna  du  mieux  qu'il  pût.  Il  leur 
fit  payer,  entr'autres  choses,  $2000  pour  la  construction 
d'un  fort  à  Trois-Rivières.  Cette  somme  constituait 
près  du  tiers,  du  revenu  net  de  leur  voyage. 

Cependant,  ils  ne  se  découragèrent  pas  pour  cela. 
Ils  formèrent  le  projet,  de  se  rendre  à  la  Baie  d'Hud- 
son, par  mer.  Ils  s'adressèrent  à  i)lusieurs  marchands 
de  Québec,  dans  le  but  d'organiser  une  société.  Com- 
me les  négociations  n'avançaient  pas  à  leur  gré,  Dea- 
groseillers  passa  en  France,  pour  demander  la  restitu- 
tion des  argents,  que  le  gouverneur  leur  avait  enlevés. 

Il' fut  bien  reçu  à  la  cour,  mais  on  se  contenta  de  le 
payer  en  belles  paroles. 

Il  se  hâta  de  revenir  en  Canada. 

A  peine  de  retour,  il  partit  de  Québec,  avec  Radis- 
8(m  (1664)  sur  un  petit  navire. 

Ils  n'avaient  avec  eux  que  sept  matelots.  Nous  igno- 
rons si  ce  navire  fut  équipé  à  leurs  frais  ou  par  les 
marchands  de  Québec.  Ils  avaient  avec  eux,  des  mar- 
chandises, car  ils  firent  la  traite,  pendant  quelques 
jours,  à  St.  Pierre  du  Cap  Breton. 

Pendant  son  court  séjour  en  France,  Desgroseillers 
avait  rencontré  un  bourgeois  de  LaRochelle,  qui  avait 


37 


promis  de  lui  envoyer  un  navire,  à  l'ile  Percée  et  de  le 
mettre  ainsi  en  état,  de  faire  le  voyage  à  la  Baie  d'Hud- 
8on. 

Le  navire  n'arriva  pas.  Desgroseillers  proposa  alors 
de  se  rendre  dans  la  Nouvelle-Angleterre.  A  cette 
nouvelle,  l'équipage,  se  révolta  et  menaça  de  les  tuer 
tous  deux,  comme  traitres  à  leur  pays. 

Ils  se  dirigèrent  vers  Pcjrt  Royal  où  ils  rencontrèrent 
des  armateurs  de  la  Nouvelle  Angleterre. 

Ils  finirent  bientôt  par  s'entendre  avec  eux.  Une 
convention  fut  rédigée  et  signée  de  part  et  d'autre. 

Dans  l'automne  (1664)  nos  deux  découvreurs,  par- 
taient de  Boston,  sur  un  bateau  équipé  par  les  arma- 
teurs en  (question.  Ils  ne  pénétrèrent  dans  la  Baie 
d'Hudson,  que  jusqu'au  61°  nord.  Ritdisson  aurait 
désiré  s'avancer  plus  loin  dans  la  Baie,  mais  la  saison 
était  trop  avancée  pour  le  faire. 

Ils  n'étaient  pas  préparés  d'ailleurs,  à  hiverner  dans 
ces  parages  désolés.  Ils  échangèrent  quelques  paroles 
avec  des  indigènes  qu'ils  rencontrèrent  sur  la  côte,  et 
se  hâtèrent  de  retourner  à  Boston,  avant  d'être  arrêtés 
par  les  glaces 

Radisson  donne  très  peu  de  détails  sur  ce  voyage. 
Il  est  bien  certain  que  son  séjour  dans  la  Baie,  fut  très- 
court.   Ce  ne  fut,  pour  ainsi  dire  qu'un  premier  essai. 

Les  fréteurs,  lui  avaient  promis  deux  vaisseaux  pour 
le  printemps  suivant,  (1665).  Ils  tinrent  parole. 
Comme  il  était  trop  à  bcmne  heure,  à  cause  des  glaces, 
pour  entreprendre  ce  voyage,  ils  l'envoyèrent,  en 
attendant,  faire  la  pêche  à  l'ile  de  Sable,  sur  l'un  de 
ces  bateaux. 

Une  horrible  tempête,  le  jeta  sur  la  côte  et  le  brisa 
complètement.  L'équipage  ne  se  sauva  qu'avec  la  plus 
grande  peine.  Un  procès  s'en  suivit,  qui  finit  par 
être  réglé,  à  l'amiable.  ""*" 

Pendant  que  Radisson  se  trouvait  à  Boston,  pour 
surveiller  sa  cause,  il  fut  introduit  au  Colonel  George 
Cartwright. 

Cet  ofiicier,  faisait  partie  de  la  commission  Royale, 
chargée  de  régler  des  questions  importantes,  alSfectant 
la  colonie. 

Il  s'intéressa  à  Radisson  et  lui  congeilla  d  e  passer  en 


—  38  — 

Angleterre  avec  lui,  lui  promettant  de  l'aider  dans  se» 
projets,  au{)rès  du  Roi. 

Radisson  et  Desgroseillers  s'embar(|uèrent  en  eflFet 
avec  le  Colonel,  le  1er  Août  1665.  Pendant  la  traver- 
sée, ils  furent  attaqués  par  un  vaisseau  Hollandais,  le 
'*Coper''.  Après  deux  heures  de  combat,  ils  furent 
obligés  de  se  rendre,  et  furent  transportés  sur  les  côtes 
d'Espagne,  d'où  ils  se  rendirent  en  Angleterre. 

Pendant  ce  voyage,  à  la  demande  de  Cartwright, 
Radisson  prépara  un  mémoire  de  ses  différents  voya- 
ges, pour  être  soumis  au  Souverain  Anidais. 

Ce  mémoire  se  ressent  à  certains  endroits,  de  la  pré- 
cipitation avec  laquelle,  il  a  été  préparé.  On  y  rencon- 
tre des  anachronismes,  et  des  inexactitudes  évidentes, 
tendis  qu'à  d'autres  endroits,  l'auteur  passe  d'un  sujet 
à  un  autre,  sans  transition,  ni  plan  arrêté. 

Il  est  probable  aussi  que  des  feuillets  ont  été  trans- 
posés et  que  d'autres  manquent  complètement. 

Ils  n'arrivèrent  en  Angleterre,  que  le  25  octobre 
1665. 

Ils  étaient  à  peine  installés,  qu'ils  reçurent  la  visite 
d'un  Français,  originaire  de  la  Picardie,  nommé  Elie 
Touret,  qui  avait  bien  connu  Desgroseillers. 

Il  paraitrait,  que  le  capitaine  du  "  Coper  "  avait  fait 
rapport  à  Dewitt,  le  grand  honmie  d'état  de  la  Hol- 
lande, de  la  rencontre  qu'il  avait  faite,  de  nos  deux 
découvreurs. 

Dewitt,  qui  ne  rêvait  que  l'agrandissement  de  sa 
patrie,  résolut  de  les  attacher  à  son  service.  Il  leur  dé- 
pêcha donc  Touret,  comme  son  émissaire  secret.  Tou- 
ret fit  connaître  à  Radisson  et  Desgroseillers,  le  but  de 
sa  mission.  Non  contents  de  fermer  l'oreille  à  ses 
propositions,  ils  le  dénoncèrent.  Touret  fut  arrêté  et 
emprisonné  pendant  quelque    temps. 

Cartwright  leur  obtint  une  audience  auprès  du  Roi. 
Ce  dernier  leur  ])romit  un  bateau  j)our  le  printemps 
suivant  (1666)  En  attendant  il  leur  fit  servir  à  chacun 
une  pension  de  40  chelins  par  semaine.  Ils  passèrent 
trois  mois  à  Oxford  et  se  rendirent  de  là,  à  Londres  et 
à  Windsor. 

La  guerre  avec  la  Hollande,  fit  avorter  leur  projet. 
Le  navire  promis,  ne  fut  pas  accordé.  Le  voyage  fut 
donc  ajourné  à   l'année   suivante.     Ils   ne   furent   paa 


39  — 


])lu8  heureux  en  1667,  car,  le  navire  qui  leur  était  des- 
tiné, reçut  l'ordre  de  se  rendre  aux  îles  Barbades  et  a  la 
Virginie. 

Découragés  par  ces  contre-temps,  ils  s  adressèrent  en 
1667,  à  l'ambassadeur  Anglais,  auprès  de  la  cour  de 
France.  L'ambassadeur  les  introduisit  au  Prince  Ku- 
pert.  . 

Ce  prince  intéressa  plusieurs  puissants  beigneurs 
d'Angleterre  à  cette  entreprise.  ..t  >  a  • 

Ils  s'associèrent  et  équipère;it  deux  navires.  '^^\' 
gle"  qui  fut  confié  au  Capt.  Stannard  et  le  "  JS ul- 
Pareil"  (Non-sucb)  <iui  fut  placé  sous  le  commande- 
ment du  Capt.  Zacharie  Gillam. 

Radisson  s'embarqua  sur  le  premier  et  DesgroseiUers 
sur  le  second. 

Ils  partirent  de  Gravesend,  le  3  juin  1668. 

Ils  firent  route  ensemble,  jusqu'à  environ  400  lieues, 
des  côtes  d'Irlande.  Il  s'éleva  alors,  une  grande  tem- 
pête qui  sépara  les  deux  vaisseaux.  "  L'Aigle"  fut  en 
grand  d«iger  de  périr.  Chassé  par  le  vent,  et  trop 
avarié  pour  continuer  sa  course,  il  retourna  en  Angle- 
terre, au  grand  regret  de  Radisson. 

Le  "Nul-Pareil"  qui  portait  Desgroseillers,  pût  se 
aendre  à  la  Baie  d'Hudson.  Il  pénétra  dans  une  ri- 
vière à  laquelle  Desgroseillers,  donna  le  nom  de  "Prin- 
ce Rupert."  Il  bâtit  le  "fort  Charles  "  et  après 
avoir  fait  une  traite  merveilleuse  avec  les  indigènes, 
il  retourna  en  Angleterre  dans  l'été  1669. 

Les  profits  considérables  que  le  Prince  Rupert  et  ses 
associés,  retirèrent  de  ce  voyage,  donna  naissance  à 
la  célèbre  compagnie  de  la  Baie  d'Hudson.  Nos  deux 
découvreurs  eurent  donc  l'honneur  d'avoir  donné 
l'idée  de  fonder  un  poste,  dans  ce  coin  reculé  du  mon- 
de. ^,       . 

Ils  peuvent  à  bon  droit,  réclamer  la  gloire,  d  avoir 
été  les  fondateurs  de  cette  puissante  compagnie,  qui 
pendant  deux  siècles,  sauf  quehjues  années  d'interrup- 
tion, régna  en  maitresse  dans  ces  parages. 

En  consultant  les  mémoires  échangés,  entre  le  gou- 
vernement Français  et  le  gouvernement  Anglais,  au 
sujet  des  droits  de  la  Cie.,  on  constate  que  le  voyage 
du  Capt.  Gillam,  ayant  Desgroseillers  comme  guide, 
fist  indiqué  comme  ayant  eu  lieu,  en  1667.     Or,  Radis- 


—  4U  — 

son  dit  pf)sitivement,  quil  arriva  en  Angleterre  en 
1665,  et  que  le  voyage  en  question,  n'eut  lieu  (jue  troi» 
ans  après. 


Au  SERVICE  DE  LA  ClE.    DE  LA  BaIE  d'HuDSOÎ*. 


En  1670,  Radisson,  se  rendit  au  Port  Nelson  avec 
le  premier  gouverneur  dç  la  Cie.,  M.  Charles  Baily. 
Il  y  retourna  en  1671  avec  trois  navires.  Pendant  ce 
v<;yage,  il  laissa  des  marchandises  ])our  faire  la  traite, 
sur  la  rivière  Nelson.  Il  établit  aussi  un  poste  sur  la 
rivière  Orignal  (Mo«)se)  et  alla  hiverner  sur  la  rivière 
Rupert. 

L'historien  "Oldmixon"  prétend  avoir  eu,  en  .sa 
possession,  le  journal  tenu  par  Thomas  Gorst,  qui  agis- 
sait dans  cette  expédition,  comme  secrétaire  du  gou- 
verneur Baily.  Il  cite,  comme  consignés  dans  ce 
journal,  certains  faits  f<jrt  intér«»ssants. 

C'est  ainsi  que,  d'après  Oldmixon,  les  sauvages 
étaient  très  mal  disposés  vis-à-vis  les  Anglais  et  fré- 
quentaient peu  la  Baie. 

Les  Français  lui  faisaient  une  concurrence  ruineuse. 
lis  avaient  fondé  un  établissement  sur  la  rivière  Ori- 
gnal, à  une  distance  de  pas  plus  de  huit  jours  de  mar- 
che, de  celui  des  Anglais.  Ils  vendaient  leurs  mar- 
chandises à  plus  bas  prix  que  les   Anglais. 

Baily  sentant  que  les  sauvages  abandonnaient  la  Cie. 
tint  un  grand  conseil  de  tous  les  officiers,  le  3  Avril 
1673.  Le  Capt.  Desgroseillers  et  le  Capt.  Cole  assis- 
taient a  ce  conseil.  Desgroseillers  fut  d'avis  qu'il 
fallait  remt>nter  la  rivière  Cjrignal,  pour  empêcher  les 
Français  d'intercepter  le  commerce  de  la  Baie. 

S(ni  opinion  prévalut.  Baily  l'envoya  sur  cette  ri- 
vière, avec  le  Capt.  Cole  et  Gorst.  Ils  en  rapportèrent 
250  peaux  de  castor  et  firent  alliance  avec  le  chef  de 
la  nation  des  Abbitibbis. 

Le  30  Août,  Baily  vit  arriver  à  son  poste  un  Père 
Jésuite.  Le  seul  renseignement  que  nous  ayons,  sur 
ce  missionnaire,  c'est  qu'il  était  né  de  ])arents  Anglais. 
Il  était  porteur  d'une  lettre,  de  la  part  du  gouverneur 
de  Québec,  en  date  du   8   octobre   1673.     Dans  cette 


—  41   — 

lettre,  le  gouverneur  demandHit  à  Baily,  de  traiter  ce 
missionnaire,  avec  tous  les  égards  voulus.  Il  remit 
aussi  à  Desgroseillers  une  lettre  qui  lui  venait  de  son 
gendre. 

Le  zélé  missionnaire,  était  parti  de  Québec,  avec  le 
gendre  de  Desgroseillers,  et  trois  autres  Françiùs,  pour 
se  rendre  à  la  Baie.  Les  difficultés  du  voyage,  et  la 
crainte  des  tribus  sauvages,  avaient  fini,  par  découra- 
ger ses  compagnons,  et  ils  étaient  retournés  sur  leurs 
pas. 

Baily,  crut  que  ce  religieux  n'était  pas  étranger  au 
mécontentement,  qui  régnait  parmi  les  sauvages,  à 
l'endroit  des  Anglais.  Il  le  retint  dans  son  fort  et 
résolut  de  l'amener  avec  lui,  en  Angleterre. 

Il  crut,  que  Desgroseillers  entretenait  des  rapports 
secrets  avec  ses  compatriotes,  au  détriment  de  la  Cie, 
et  conçut  de  graves  soupçons  sur  sa  fidélité.  Le  22 
Septembre  1673,  le  Capt.  Gillam,  parut  dans  la  Baie, 
amenant  sur  le  "  Prince  Rupert,"  le  successeur  de 
Baily,  M.  William  Lyddell. 

Desgroseillers,  aurait  donc  hiverné  dans  ces  parages, 
durant  l'année  1672  à  1673.  Radisson  était-il  avec  lui  ? 
Il  n'en  est  fait  aucune  mention. 

C'est  vers  ce  temps  là,  qu'il  épousa  Lady  Kertk. 
fille  de  Sir  John  Kertk.  Il  est  ])robable  qu'à  cette 
époque,  il  passait  en  Angleterre,  sa  lune  de  miel. 

Il  est  certain  que  de  1668  à  1674  Radisson  fit  au 
moins,  deux  voyages  à  la  Baie  d'xludson.  Il  pourrait 
se  faire,  qu'il  en  fit  davantage. 

Malgré  l'influence  de  s<m  beau-père  qui  était 
membre  du  bureau  de  direction  de  la  Cie,  Radisson  se 
vit  négligé.  D'un  autre  côté,  la  fidélité  de  Desgro- 
seillers était  considérée,  comme  chancelante.  Les 
principaux  officiers  de  la  Cie,  jaloux  de  leur  mérite, 
les  traitèrent  tous  deux  indignement. 

Humiliés  et  déçus  dans  leurs  espérances,  ils  se  dis- 
posèrent à  abandonner  ces  ingrats,  (jui  s'enrichissaient 
de  leurs  travaux. 

C'est  là,  d'ailleurs,  l'histoire  de  tous  ceux  qui  déser- 
^nt  le  drapeau  de  leur  patrie. 

On  les  cajole  et  les  caresse,  tant  qu'on  en  a  besoin, 
pour  les  rejeter  ensuite  avec  mépris,  cqmme  des  ins- 
truments inutiles. 


—  42  — 

Au    SERVICE    DE    LA    FraN(:E. 

A  plusieurs  rej)ri8es,  le  grand  Colbert,  avait  invité 
Radisson  et  Desgroseillers  à  reprendre  le  service  de  la 
France.  Au  mois  d'octobre  1674,  ils  se  présentèrent 
devant  lui.  Colbert,  après  leur  avoir  reproché  sévère- 
ment leur  conduite,  leur  promit  des  lettres  patentes  de 
pardon  et  de  restitution  de  leurs  biens,  s'ils  voulaient 
se  livrer  à  la  traite  au  ])rofit  de  leur  mère-patrie,  1» 
France. 

Il  leur  offrit  également  d'acquitter  leurs  dettes,  de 
leur  payer  £'400  en  sus  et  de  leur  donner  un  emploi 
lucratif.     Ils  acceptèrent. 

Radisson  dit  que  Colbert  s'acquitta  de  toutes  ses 
promesses,  moins  la  dernière. 

En  effet,  il  attendit  quelque  temps,  sans  que  ses 
services  fussent  requis.  Il  s'en  plaignit  à  Colbert,  qui 
lui  avoua,  que  pour  rétablir  la  confiance  dans  son  allé- 
geance à  la  France,  il  fallait  (j[u'il  amène  sa  fennne  en 
France. 

Il  se  rendit  en  Angleterre,  mais  ne  pût  persuader  sa 
femme  à  le  suivre.  Son  beau-père  s'y  opposa  formelle- 
ment. 

Tout  ce  que  Radisson  et  Desgroseillers  purent  obte- 
nir de  la  cour  de  France,  fut  une  lettre  de  recommen- 
dation  pour  le  Comte  de  Frcmtenac,  gouverneur  de  la 
colonie. 

Ils  se  rendirent  donc  à  Québec.  Frontenac  ne  vou- 
lut ou  ne  piit,  rien  faire  pour  eux. 

Desgroseillers  retourna  à  Trois -Rivières  et  Radisson 
en  France.  Ce  dernier  s'engagea  dans  la  marine  et 
])rit  part  à  l'expédition,  commandée  par  le  Comte 
d'Estrée,  dirigée  contre  l'ile  de  Taboga.  Le  navire  sur 
lequel,  il  se  trouvait,  sombra  et  il  ne  se  sauva  qu'avec 
la  plus  grande  peine.  A  .son  retour  en  France,  il  reçut 
comme  récompense,  une  somme  de  £100. 

Le  Vice-Amiral,  qui  avait  ])u  admirer  son  courage  et 
son  habileté,  promit  de  lui  d(mner  le  commandement 
d'un  vaisseau  de  guerre  et  écrivit  à  la  cour,  pour  le 
recommander  en  conséquence. 

Radisson  vint  encore  se  heurter  cette  fois-ci  contre 
le  même  obstacle.  Colbert  se  défiait  de  lui.  Il  croyait 
<^u'il  subissait  l'influence   des   Kertk.     Pour  l'y   soub- 


—  43  — 

traire,  il  lui  déclara,  qu'il  ne  pouvait  rien  espérer, 
tant  que  sa  femme  ne  viendrait  pas  demeurer  en 
France.  C'était  la  condition  siiie  quâ  no^i  de  tout 
îivancement. 

Colbert  avait  raison  et  connaissait  bien  son  homme. 
Radisson  avoue  lui  même,  en  toutes  lettres,  à  plusieurs 
endroits  de  ses  mémoires,  que  depuis  son  mariage,  les 
liens  de  famille  étaient  plus  forts  chez  lui,  que  ceux  de 
la  patrie  et  que  dans  ses  aflections,  il  donnait  la  pré- 
férence à  ^l'Angleterre. 

Radisson,  })assa  en  Angleterre,  pour  constater  encore 
une  fois  de  plus,  les  dispositions  de  sa  fennne.  Son 
beau-père  le  mit  tellement  dans  ses  intérêts,  que  Ra- 
disson écrivit  pour  lui,  en  France,  au  sujet  d'une  ré- 
clamation qu'il  prétendait  avoir,  pour  la  prise  de 
Québec,  en  3629. 

Sir  John  Kertk,  était  le  frère  de  Louis,  Thomas  et 
David  Kertk  et  associé  avec  eux  dans  le  commerce.  Il 
réclamait  pour  la  société  '-Kertk"  £34,000,  comme 
indemnité  de  guerre. 

Radisson  fit  des  ofires  de  service  à  la  Cie  de  la  Baie 
d'Hudson,  qui  les  refusa.  Le  12  Août  1679,  il  se  trou- 
vait à  Brest. 

Après  bien  des  correspondances  et  des  entrevues 
avec  Colbert,  ce  dernier  lui  donna  des  lettres  d'intro- 
duction auprès  de  l'Intendant  de  la  colonie  M.  de  La 
Chesnaie.  L'Intendant  l'informa  qu'il  n'y  avait  pour 
lui,  qu'un  seul  moyen  de  gagner  les  bonnes  grâces  du 
grand  ministre  ;  c'était  de  tenter  sérieusement  un 
dernier  effort,  pour  amener  sa  femme  en  France  et 
d'établir  ensuite  un  poste  dans  la  Baie  d'Hudson,  pour 
le  compte  de  la  colonie.  Radisson  promit  de  ne  rien 
négliger  pour  réussir.  A  peine,  était-il  arrivé  à  Lon- 
dres qu'il  se  rendit  auprès  du  Prince  Rupert,  pour  le 
prier  d'intercéder  pour  lui,  auprès  de  Cie.  Il  eut 
l'humiliation,  de  se  voir  encore  cette  fois-là,  éconduit 
dédaigneusement.  Bien  entendu,  sa  femme,  ne  tra- 
versa pas  en  France.  Colbert  ])arait  avoir  soupçonné 
le  jeu  double  et  déloyal  de  Radisson,  car  avant  son 
départ  pour  Québec,  il  lui  recommenda  d'être  sur  ses 
gardes  et  de  ne  pas  se  laisser  séduire  par  les  promesses 
des  Anglais. 

Il  arriva  à  Québec,  le  25  Juillet  1681. 


—  44  — 

Après  avoir  discuté  avec  l'Intendant,  les  conditions 
de  l'expédition  projetée,  il  fut  convenu  que  l'Inten- 
dant équiperait  deux  navires  pour  le  printemps  suivant 
et  que  Desgroseillers  et  Radisson  en  prendraient  le 
commandement.  L'Intendant  fournissait  tout  et  ils 
avaient  chacun  un  quart  des  profits.  En  ce  moment 
là,  se  trouvait  dans  le  pcjrt  de  Québec,  un  navire  appar- 
tenant au  gouverneur  de  l'Acadie.  L'Intendant  de- 
manda à  Radisson,  de  partir  immédiatement  sur  ce 
bateau  et  d'aller  hiverner  en  Acadie.  Au  printemps 
suivant,  il  devait  rencontrer  Desgroseillers,  à  l'ile  Per- 
cée, qui  était  le  lieu  du  rendez-vous. 

Radisson  accepta.  Il  partit,  accompagné  de  troi» 
hommes  ;  J.  Bte.  Desgroseillers,  scm  neveu  qui  avait 
souvent  traité  avec  les  sauvages  ;  Pierre  Allemand, 
un  excellent  pilote  et  J.  Bte.  Godfroi,  un  traiteur 
d'expérience,  qui  avait  ui.^.  grande  c(mnaissance  des 
sauvages. 

En  juillet  1682,  les  deux  bateaux  promis  le  "  Saint 
Pierre"  et  la  "Charente"  arrivèrent  à  l'ile  Percée. 
Celui  qui  était  destiné  à  Riidisson,  était  vieux  et  peu 
propre  à  ce  service  ;  celui  de  Desgroseillers  étiiit  excel- 
lent. Tous  deux,  cependant  étaient  troi)  petits  pour 
un  voyage  aussi  dangereux.  Desgroseillers  avait  15 
hommes  d'équipage. 


ExpÉDiTiox  EE  1682  ET  1683. 


Ils  quittèrent  l'ile  Percée,  le  11  Juillet  1682.  Ils  ne 
tardèrent  pas  à  rencontrer,  d'énormes  banquises  de 
glace. 

L'équi[)age  eiSrayé  se  mutina.  Les  navires  chassés, 
par  le  vent,  furent  ccmtraints  de  relâcher  dans  une- 
rade,  des  côtes  du  Labrador,  Ils  en  ])r<)fitèrent,  pour 
traiter  100  peaux  de  lou}>s,  avec  les  Esquimaux. 

Le  28  Août  (1682,)  les  deux  bateaux  entrèrent  dans 
la  rivière  Hayes,  qu'ils  remontèrent  jusqu'à  15  milles 
de  son  embouchure.  Ils  s'arrêtèrent  près  d'nn  cours 
d'eau,  qui  se  jette  dans  la  rivière  Hayes  et  y  établirent 


—  45  — 

leurs  quartiers  d'hiver.  Desgroseillers  se  mit  aussitôt 
à  construire  une  maison  et  un  hangar,  tandis  que  Ra- 
disson  partit  en  canot,  pour  aller  reconnaitre  les  sau- 
vages de  l'intérieur.  Il  pénétra  jusqu'à  environ  150 
milles  dans  le  pays.  Le  12  Septembre,  il  revenait 
suivi  d'un  grand  nombre  de  sauvages. 

Il  était  à  peine  de  retour,  qu'un  soir,  à  son  grand 
ét(mnement,  il  entendit  la  détonation  d'un  canon. 

Il  partit  avec  trois  hommes,  pour  découvrir  ce  que 
■cela  signifiait.  Le  16  septembre  il  a])erçut,  un  navire 
mouillé  près  d'une  ile  de  la  rivière   Nelson. 

L'équipage  avait  dressé  une  tente  dans  l'ile  et  était 
occupé  à  y  construire  un  fort. 

Radisson  passa  toute  une  journée,  caché  dans  les 
branches,  épiant  ce  qu'ils  faisaient.  Il  s'approcha  assez 
près  d'eux,  pour  reconnaitre  qu'ils  parlaient  Anglais.  Il 
retourna  vers  ses  trois  compagnons.  Ils  se  montrèrent 
sur  la  côte,  en  face  de  l'ile.  Ils  ne  tardèrent  pas  à  être 
remarqués  par  ces  ncjuveaux  venus,  qui,  après  quelque 
hésitation,  se  dirigèrent  vers  eux,  en   canot. 

Ils  se  tinrent  à  distance.  Radisson  leur  dit  qu'il 
ét^it  venu  dans  cette  direction,  en  entendant  le  bruit 
de  leur  can(m,  espérant  y  rencontrer  un  navire  Fran- 
<jais  qui  était  attendu  de  jour  en  jour.  Il  les  somma 
d'avoir  à  quitter  cette  rivière  à  l'instant,  les  menaçant 
de  les  chasser.  Il  leur  déclara,  qu'il  réclamait  le  pri- 
vilège exclusif  de  la  traite,  comme  premier  occupant. 

Il  allait  continuer  ses  menaces,  lorsqu'il  reconnut 
le  Capt.  Gillam,  avec  lequel  il  avait  eu  de  fréquents 
rapports  à  Boston.  Un  certain  historien  veut  même 
que  Gillam  1  ait  accompagné,  lors  de  sa  première  expé- 
dition maritime  à  la  Baie  d'Hudson.  Il  changea  aussi- 
tôt de  langage  et  se  rendit  à  bord  du  navire  de  Gillam, 
où  il  fut  reçu  avec  les  témoignages  de  la  plus  grande 
amitié.  Il  fit  promettre  à  Gillam  de  ne  pas  laisser  ses 
hommes  sortir  de  l'ile,  de  crainte  de  rencontrer  des 
Français.  Il  l'assura  qu'il  verrait  à  ce  qu'il  ne  fut  pas 
molesté  par  les  sauvages,  sur  lesquels  il  exerçait  une 
grande  influence. 

li  entrait  dans  le  plan  de  Radisson,  d'exagérer  les 
forces  qu'il  possédait,  sur  la  rivière  Hayes.  Dans  ce 
dessein,  il  fit  croire  à  Gillam,  qu'il  avait  un  fort  bien 
défendu  et  garni  de  canons,    que   deux   navires    Fran- 


—  40  — 

çais  étaient  nnivés  réceninient  et  avaient  établi  un 
poste  au  nord  du  sien,  qu'il  était  avec  Desgroseillers- 
le  commandant  de  tous  les  établissements  Français 
de  la  Baie,  etc. 

Gillam  ajouta  foi  à  tout  et  se  croyant  à  sa  merci,  ne 
chercha  qu'à  gagner  ses  bonnes  grâces.  Les  véritable* 
intentions  de  Radisson,  ne  sont  point    douteuses. 

Il  nous  apprend  lui  même,  (ju'il  se  proposait  de  le 
faire  partir  ou  de  s'emparer  de  son  navire. 

Il  voulait  cependant  mettre  si)n  idée  à  exécution,, 
sans  verser  de  sang  et  il  résolut  d'attendre  une  occa- 
sion favorable.  Il  se  croyait  d'autant  plus  justifiable, 
d'en  agir  ainsi,  que  Gillam  lui  avait  avoué,  qu'il  n'avait 
point  de  commission  de  la  part  du  gouvernement  An- 
glais, pour  faire  la  traite  dans  la  Baie. 

Radisson  promit  à  Gillam  de  venir  le  voir,  au  bout 
de  15  jours  et  ils  se  séparèrent  dans  les  meilleurs  ter- 
mes possibles. 

Il  était  à  peine  descendu  à  9  milles,  sur  la  rivière 
Nelson,  qu'il  aperçut  un  navire,  faisant  voile  vers  lui. 
C'était  le  gouverneur  Bridgar,  de  la  Cie,,  de  la  Baie 
d'Hudson,  qui  entrait  dans  la  rivière  Nelson.  Le  na- 
vire était  commandé  par  un  autre  Capt.  Gillam,  père 
du  premier.    Radisson  les  attendit  sur  le  rivage. 

Ses  trois  hommes  se  cachèrent  dans  le  bois,  qui  bor- 
dait la  rivière,  se  montrant  de  temps  à  autres,  à  divei-s 
endroits,  de  manière  à  laisser  croire,  qu'ils  étaient 
nombreux.  Il  tint  au  gouverneur,  à  peu  près  le  même 
langage,  qu'au  jeune  Gillam  et  n'oublia  pas  surtout  de 
lui  faire  un  récit  fantaisiste  du  nombre  d'ht)mme3,.  de 
navires,  de  forts  et  de  canons  dont  il  prétendait  dispo- 
ser. 

Bridgar  fut  sa  dupe  et  se  montra  très  conciliant. 
Radisson,  lui  indiqua  l'endroit,  sur  la  rive  nord  de  la 
rivière  Nelson,  où  Sir  Thomas  Button  avait  hiverné 
précédemment.  Il  permit  à  Bridgar,  après  s'être  fait 
un  peu  prié,  d'hiverner  sur  cette  rivière. 

Après  ce  voyage  de  surprise,  il  retourna  auprès  de 
son  beau  frère,  aucpiel  il  raconta,  ce  qui  venait  de  se 
]>asser.  Il  fut  décidé,  de  s'assurer  de  la  fidélité  de  tous 
les  sauvages  et  de  les  engager  à  n'avoir  de  commerce, 
qu'avec  eux.  Cette  précauticm  étjiit  d'autant  plus 
nécessidre,  qu'ils  se  trouvaient  entourés    d'Anglais   des 


—  47  — 

deux  côtés  ;  au  nord  ouest  par  deux  établissement» 
nouveaux  sur  la  rivière  Nelson  et  de  l'autre  par  les 
postes  de  la  Cie. ,  au  fond  de  la  Baie   James. 

Radisson  continua  à  les  tromper  de  la  plus  belle 
façon.  é 

Un  jour,  c'était  un  matelot  qu'il  introduisait,  comme 
commandant  d'un  fort,  ou  capitaine  d'un  navire  ;  un 
autre  jour,  il  en  présentait  un  autre,  comme  maitre 
canonier  etc.  Il  ne  leur  vint  pas  à  l'esprit,  que  Ra- 
disson s'amusait  à  leurs  dépens. 

Ce  qu'il  y  avait  de  plus  extraordinaire,  c'est  que 
Bridgar  tout  comme  Gillam  ignorait  à  cette  époque  1» 
présence  d'autres  Anglais,  à  une  distance  aussi  rappro- 
chée.    Quelque  temps  ai)rès,  il  visita  le  Capt.    Gillam. 

Il  le  trouva  bien  fortifié,  ayant  six  canons  prêts  à 
faire  fou.  Le  Capt.  se  confondit  en  excuses,  de  s'être 
autorisé  à  bâtir  ce  fort.  Il  prétendit  qu'il  n'en  agissait 
ainsi,  que  i)our  se  protéger  contre  les  employés  de  la 
Cie.,  de  la  Baie  d'Hudson,  au  cas  où  il  leur  arriverait 
de  se  rendre  sur  cette  rivière, 

Radisson,  l'informa,  que  ce  qu'il  appréhendait,  était 
arrivé,  mais  (jue  par  bonheur  pour  lui,  le  Capt.  du 
bateau  ét^it  son  père. 

Il  lui  apprit  également,  que  son  père,  était  tombé 
malade  dès  son  arrivée.  Radisson  avait  connu  le 
père  du  jeune  Gillam,  en  Angleterre.  Il  était  un  de 
ceux,  qui  avaient  contribué,  à  le  faire  renvoyer  du 
service  de  la  Cie. 

Le  Capt.  Gillam  insista,  pour  voir  son  père. 

Il  fut  convenu  qu'il  le  suivrait,  déguisé  en  matelot 
Français.  Il  tenait  en  eflfet,  à  n'être  pas  reconnu,  vu 
qu'il  venait  pour  faire  la  traite  sans  la  permission  de  la 
Cie,  et  devait  être  considéré  par  le  gouverneur,  comme 
un  contrebandier.  Ils  partirent  ensemble  et  arrivèrent 
sans  accident.  Après  avoir  salué  le  gouverneur  Brid- 
gar, ils  se  rendirent  dans  une  cabine  du  navire,  dans 
laquelle  le  père  Gillam  était  couché,  assez  souffrant. 
Grande  fut  sa  surprise,  de  revoir  son  fils  à  cet  endroit. 
Il  pouvait  à  peine,  en  croire  ses  yeux.  Ils  versèrent 
tous  deux  des  larmes  de  joie.  Le  père  toutefois  crai- 
gnait beaucoup  que  son  fils  ne  fut  découvert.  Ils  s'en- 
tendirent, pour  empêcher  leurs  hommes,   de  se  diriger 


—  48  — 

vers  la  partie  ae  la  rivière,  qu'ils  habitaient  respective- 
ment et  pour  leur  défendre  de  tirer  du  canon. 

Pendant  l'hiver,  Radisson  tint  constamment  les 
yeux  ouverts  sur  ces  deux  établissements  là.  A  toutes 
les  semaines,  il  envoyait  un  ou  deux  de  ses  serviteurs, 
examiner  ce  qui  s'y  passait. 

Bridgar  ne  pouvait  demeurer  longtemps,  sans  décou- 
vrir le  fort  de  Gillam,  à  cause  de  la  proximité  de  son 
établissement. 

Un  jour,  le  gouverneur  ayant  demandé  à  Radisson 
dans  quelle  direction  se  trouvait  son  principal  poste, 
il  lui  répondit  qu'il  était  à  quelques  milles  plus  haut 
sur  la  même  rivière. 

Le  gouverneur  quelques  jours  après,  envoya  deux 
hommes  pour  reconnaitre  secrètement  dans  quel  état, 
était  ce  fort  et  lui  faire  rapport. 

Dans  le  même  temps,  Radisson  qui  soupçonnait  bien 
ce  qui  allait  arriver,  avait  offert  deux  de  ses  ser- 
viteurs au  Capt.  Gillam  jr,  pour  enseigner  à  ses  hom- 
mes à  faire  la  chasse.  Ce  dernier  s'était  empressé 
d'accepter  une  si  bonne  offre. 

De  cette  façon,  Radisson  se  trouvait  en  mesure  de 
surveiller  Bridgar. 

Les  envoyés  de  Bridgar,  aperçurent  le  fort  du  jeune 
Gillam,  qu'ils  prirent  bien  entendu,  pour  celui 
de  Radisson  et  racontèrent  au  gouverneur,  qu'il  était 
défendu  par  plusieurs  canims.  La  père  Gillam,  qui 
comprenait  bien  leur  erreur,  n'eût  garde  de  les  désa- 
buser. C'eut  été  ruiner  son  fils  et  l'exposer  à  être 
déporté  en  Angleterre. 

Pendant  (jue  se  jouait  ce  drame,  Radisson  prenait 
ses  mesures  pour  ruiner,  les  deux  établissements  An- 
glais. De  son  côté,  Bridgar,  méditait  un  coup  de 
main,  pour  assurer  la  suprématie  de  sa  Cie.  Il  consta- 
tait avec  regret  qu'aucun  sauvage  ne  venait  à  son  éta- 
blissement. Il  était  évident  que  les  Français  s'accapa- 
raient de  toute  la  traite. 

Il  ordonna  à  deux  autres  de  ses  employés,  de  se  ren- 
dre sur  la  rivière  Hayes,  examiner  les  autres  établisse- 
ments Français,  dont  lui  avait  parlé  Radisson.  Ces 
pauvres  gens,  peu  habitués  à  entreprendre  de  tels  vo- 
yages, furent  découverts  par  les  hommes  de  Radisson 
à  15  milles  du  poste  Français.     Il  en   était   temps,  car 


—  49  — 

ils  se  mourraient  de  froid  et  de  faim.  Ils  se  trouvèrent 
fort  heureux,  d'être  pris. 

Ils  racontèrent  à  Desgroseillers  et  à  Radisson  que  le 
bateau  de  la  Cie.,  avait  été  emporté  par  les  glaces, 
que  quatre  hommes  s'étaient  noyés  à  bord,  qu'il  ne 
restait  plus  que  18  employés  au  gouverneur  et  que  les 
provisions  faisaient  défaut. 

Touché  de  pitié,  Radisson,  envoya  à  Bridgar  100 
perdrix  et  de  la  poudre,  pour  l'aider  à  passer  l'hiver. 
Pendant  ce  temps  là,  le  jeune  Gillam  devenait  de  plus 
en  plus  arrogant. 

Un  jour,  il  manifejita  le  désir,  de  visiter  les  établis* 
sèment  Français.  Radisson  l'amena  avec  lui.  Il  le 
garda  pendant  un  mois  et  le  traita  comme  son  hôte. 
Oillam  put  constîiter  que  les  Français  faisaient  une 
traite  prodigieuse  et  il  en  devint  jaloux.  Il  lui  annon- 
<;a  qu'au  printemps,  il  ne  continuerait  pas,  à  se  tenir 
ainsi  enfermé  dans  son  fort,  mais  qu'il  irait  lui  aussi, 
visiter  les  sauvages. 

Radisson  l'attendait  là.  Une  discussion  assez  ora- 
geuse s'en  suivit,  pendant  laquelle  Gillam  finit  par 
dire,  qu'il  allait  retourner  à  son  fort  et  que  Radisson 
n'oserait  pas  rendu  là,  lui  tenir  un  tel  langage. 

Sur  ce,  Radisson  lui  déclara  que  de  ce  moment,  il 
devait  se  considérer  comme  son   prisonnier. 

Il  apprit  à  Gillam  le  triste  état  de  l'établissement  de 
la  Cie.,  et  lui  annonça,  qu'il  allait  s'emparer  de  son 
fort. 

Radisson  partit  avec  huit  hommes.  Gillam  et  l'un 
des  matelots  de  Bridgar  ayant  manifesté  le  désir  de  les 
suivre,  pour  être  témoins  de  ce  qui  allait  se  passer,  il 
le  leur  permit. 

Arrivé  à  une  demie-lieue  de  l'ile,  il  envoya  deux  de 
ses  hommes  en  avant,  tandis  qu'avec  les  cinq  autres, 
il  s'approchait  du  fort,  par  un  autre  côté  de  l'ile.  Le« 
deux  hommes  se  rendirent,  droit  au  fort,  et  informè- 
rent les  matelots  que  leur  Capitaine  s'envenait  avec 
Radisson,  mais  que  tous  deux  étaient  très  fatigués,  et 
que  leur  Capitaine  les  faisait  mander  de  venir  à  sa 
rencontre,  avec  une  bouteille  de  brandy,  et  quelques 
provisions. 

Les  matelots  les  crurent  sur  parole  et  se  mirent   ira- 


—  50  — 

médiatement  en  route,  ne  laissant  que   quelques   hom- 
mes au  fort. 

Radisson,  qui  n'épiait  que  ce  moment  là,  entra  par 
derrière  eux,  et  s'empara  du  fort,  sans  coup  férir,  au 
nom  du  roi  de  France. 

Il  fit  ra])j)eler  les  matelots  et  les  désarma.  De 
fait  ces  pauvres  gens,  n'étaient  pas  fâchés  de  passer 
sous  un  autre  maitre,  car  ils  avaient  eu  beaucoup  à 
souffrir,  de  la  part  de  Gillam. 

Cependant,  un  soldat  Ecossais,  qui  voulait  faire  du 
zèle,  s'échappa  du  fort  et  alla  avertir  Bridgar. 

Radisson,  se  trouvait  fort  embarassé,  car  les  Anglai» 
au  fort  Gillam,  étaient  plus  du  double  des  siens  et  il  ne 
pouvait  guères  compter  sur  la  fidélité  de  ses  nouveaux 
sujets. 

Pendant  la  nuit,  Bridgar  en  ])rofita,  pour  essayer  de 
s'emparer  du  navire.  La  sentinelle  donna  l'alarme  et 
Radisson  arriva  juste  à  temps,  ponr  le  faire  échouer 
dans  son  dessein.  Il  fit  quatre  prisonniers,  parmi  les- 
(juels  se  trouvait  l'Ecossais,  qui  s'était  sauvé  la  veille. 
Bridgar  écrivit  à  Radiss(m,  se  plaignant  d'avoir  été 
trompé,  et  de  ce  qu'il  lui  avait  caché,  la  présence  d'un 
traiteur  étranger,  ajoutant  que  s'il  en  avait  eu  connais- 
sance, il  l'aurait  aidé  à  détruire   ce  fort. 

Radisson  alla  le  visiter,  et  lui  dit  qu'il  était  au  cou- 
rant de  tous  ses  complots  perfides,  contre  les  Français, 
que  ces  derniers  avaient  les  premiers  titres,  à  la  traite 
du  pays  et  qu'il  était  bien  décidé  à  les  faire  respecter. 
Néanmoins,  l'extrême  nécessité  dans  laquelle  se 
trouvait  son  établissement,  l'attendrit  encore  cette  fois 
là.  Le  gouverneur  n'avait  plus  ni  poudre  ni  provi- 
sions.   Il  ne  lui  restait  que  deux  fusils  en  bon    état. 

Ses  hommes  étaient  si  maladroits,  qu'ils  passaient  des 
journées  entières  à  la  chasse,  sans  tuer  le  moindre 
gibier.  Radisson,  poussa  la  générosité  jusqu'à  prêter 
jx)ur  une  partie  de  l'hiver,  deux  de  ses  hommes  pour 
les  ravitailler. 

Pour  les  récompenser  de  ces  bienfaits,  quelques  se- 
maines ai)rès,  Bridgar  se  rendait  secrètement  au  fort 
de  Gillam  et  essayait  de  gagner  les  Anglais  à  sa  cause 
)>our  s'emparer  du  fort. 

Les  Français,  qui  se  trouvaient  là,  s'aperçurent  de 
ses  desseins  et  le  firent  prisonnier. 


—  51  — 

ïUdisson,  qui  venait  souvent  visiter  ce  fort,  désor- 
mais sous  SH  dépendance,  le  trouva  ivre  et  exaspéré  de 
sa  déconfiture.  Pour  en  finir  avec  lui,  il  l'amena  re- 
joindre Gillam,  au  poste  Français. 

Les  serviteurs  de  Bridgar,  comme  ceux  de  (iillam, 
le  supplièrent  de  les  prendre  sous  sa  protection.  Tous 
se  plaignaient  des  mauvais  traitaments  de  leurs  mai- 
tres. 

De  fait,  ni  Bridgar  ni  Gillam  ne  pouvait  nourrir  les 
hommes  à  leur  service.  Ils  seraient  morts  de  faim 
plus  d'une  fois,  sans  l'assistance  de  Radisson;  tandis 
que  les  Français,  qui  étaient  excellents  chasseurs,  vi- 
vaient dans  l'abondance. 

L'établissement  deDesgroseillers  et  de  Radisson  sur  la 
rivière  Hayes,  devint  donc  le  rendez-vous  des  officiers 
et  d'un  bon  nombre  de  matelots  Anglais.  Les  sauva- 
ges, qui  avaient  de  l'aversion  pour  ces  derniers,  se 
montrèrent  fort  mécontents  de  ce  voisinage.  Ils  ne 
pouvaient  comprendre,  comment  les  Français  ne  i)rofi- 
taient  pas  de  leur  avantage,  pour  égorger  tous  les  An- 
glais. Radisson  dût  les  faire  escorter,  rjuand  ils  sor- 
taient, de  crainte  que  les  sauvages  ne  leur  fissent  un 
mauvais  parti.  C'est  ainsi  que  les  Anglais,  quoique  de 
beaucoup  les  plus  nombreux,  étaient  nourris  et  proté- 
gés par  les  Français  et  se  trouvaient  entièrement  en 
leur  puissance. 

Pendant  cet  hiver  là,  (1682-1683)  trois  hommes,  du 
côté  des  Français,  avaient  dirigé  toutes  les  opérations 
dans  la  Baie. 

Le  Capitaine  Médard  Chouart  Desgroseillers,  étant 
le  plus  âgé.  était  demeuré  au  poste,  sur  la  rivière 
Hayes,  à  faire  la  traite  ;  Radisson  avait  tenu  les  An> 
glais  en  échec,  les  avait  empêchés  d'avoir  des  rapports 
avec  les  sauvages  et  avait  fini  par  s'emparer  de  leurs 
établissements,  tandis  que  J.  Bte.  Desgroseillers,  fis 
du  premier,  avait  fait  les  courses  à  l'intérieur,  visitant 
partout  les  sauvages  et  les  dirigeant  au  poste  Français. 
Ces  trois  hommes,  tous  trois  ])arents,  se  complétaient 

Le  22  ou  23  Avril  1683,  la  glace  sur  la  rivière  Hayes 
commença  à  se  briser.  Les  deux  navires  Français 
furent  grandement  avariés. 

Craignant  que  le-même  sort,  ne  fut  réservé  au    vais- 


—  52  — 

seau  de  Gillam,  Radisson  se  reixiit,  sur  la  rivière  Nel- 
son et  le  mit  en  sûreté. 

En  passant  au  poste  de  Bridgar,  il  trouva  quatre 
hommes,  morts  de  faim.  Deux  autres  s'étaient  empoi- 
sonnés en  buvant  une  certaine  liquçur,  qu'ils  avaient 
trouvée  dans  la  casette  du  chirurgien.  Un  autre  enfin 
s'était  cassé  le  bras,  en  allant  à  la  chasse. 

Radisson  prit  soin  du  reste  des  hommes  et  procura 
une  chaloupe  à  Bridgar. 

Quelque  temps  après,  voyant  qu'il  n'avait  pas  assez 
d'hommes  pour  défendre  le  fort  Gillam  «t  qu'il  était 
pour  lui,  une  source  d'embarras,  il  le  fit  brûler,  au 
grand  contentement  de  Bridgar,  qui  voulut  lui  même 
avoir  l'honneur,  d'y  mettre  la  première  étincelle. 

Des  quatre  bateaux  dont  Radisson  pouvait  disposer, 
il  ne  s'en  trouvait  que  deux  qui  pussent  être  mis  en 
état  de  prendre  la  mer  ;  celui  sur  lequel  il  était  venu 
et  celui  de  Gillam. 

Il  les  fit  réparer  et  appareilla  pour  le  Canada.  Il 
offrit  à  tous  les  Anglais  de  les  amener  avec  lui.  Il 
n'y  eut  ([ue  deux  matelots  qui  refusèrent  cette  offre. 
Quant  à  Bridgar,  il  fit  mettre  un  pont  sur  sa  chaloupe 
et  déclara  qu'il  préférait  se  rendre  au  fort  de  la  Cie, 
AU  fond  de  la  Baie  James. 

Radisson  lui  procura  tout  ce  dont  il  avait  besoin, 
pour  faire  ce  voyage.  Lorsque  Bridgar  fut  prêt  à  par- 
tir, Radisson  brûla  son  établissement,  pour  lui  ôter 
l'envie,  de  revenir  sur  la  rivière  Nelson. 

Il  laissa  J.  Bte.  Dosgroseillers,  son  neveu,  au  poste 
de  la  rivière  Hayes,  avec  sept  hommes,  avec  instruc- 
tion de  continuer  à  faire  la  traite,  pendant  son  absen- 
ce. Médard  C.  Desgroseillers  et  Radisson  lui  donnè- 
rent le  commandement  absolu  de  tout.  Ayant  embar- 
qué toutes  les  fourrures,  Radisson  prit  le  commande- 
ment du  bateau  de  Gillam. 

Bridgar,  effrayé  par  les  glaces,  demanda  à  être  re- 
^u,  à  bord  du  bateau  de  Desgroseillers. 

Ils  levèrent  l'ancre,  le  27  juillet  (1683.)  Ils  voyagè- 
rent au  milieu  d'énormes  banquises  de  glace,  jusqu'au 
24  Août.  Les  deux  Anglais  qui  avaient  été  sauvés,  au 
milieu  de  l'hiver,  au  moment  où  ils  allaient  mourir  de 
faim,  dénoncèrent  à  Desgroseillers,  un  complot  que 
leurs  compatriotes  à  bord,  avaient  formé. 


—  53  — 

Ils  devaient,  à  un  signal  donné  au  milieu  de  la  nuit 
se  jeter  sur  les  Français  et  les  égorger. 

Desgroseillers,  pour  se  j)rotéger,  les  fit  ensuite  en- 
fermer pendant  la  nuit.  Arrivé  au  56°  degré,  Bridgar 
demanda  à  se  rendre  avec  sa  chaloupe,  au  fond  de  la 
Baie  James. 

Comme  Desgroseillers  craignait,  qu'il  n'eut  l'inten- 
tion d'aller  surprendre  s<in  fils,  sur  la  rivière  Hayes,  il 
refusa  à  sa  demande,  mais  il  permit  à  ses  hommes  de  se 
rendre  dans  la  Baie  James,  s'ils  le  désiraient.  Ils  y 
consentirent. 

Ils  se  trouvaient  alors  à  environ  120  lieues  de  l'éta- 
blissement de  la  Cie.,  dans  la  Baie  James.  Ils  prirent 
des  provisions  pour  huit  jours  et  partirent. 

Une  tempête  que  Radisson  et  Desgroseillers  eurent 
à  essuyer,  les  retarda  beaucoup.  Ils  n'arrivèrent  à  Qué- 
bec qu'à  la  fin  d'octobre  1683.  Immédiatement  après 
leur  arrivée,  ils  firent  au  gouverneur  LaBarre,  un  rap- 
port de  leur  expédition.  Le  gouverneur,  prit  sur  lui 
de  restituer  au  Capt.  Gillam,  le  navire  (^ue  Radisson 
lui  avait  pris. 

Bridgar  et  Gillam  partirent  ensemble  à  bord  de  ce 
bateau,  et  se  rendirent  à  la  Nouvelle- Angleterre.  De 
là,  Bridgar,  fît  voile  pour  Liverpool,  où  il  fit  un  rap- 
port, dans  lequel  il  accusait  Radisson  de  toutes  espèces 
de  villénie, 

Radisson,  avant  le  départ  de  Bridgar,  du  port  de 
Québec,  était  allé  le  saluer.  A  cet  endroit  de  son  ré- 
cit, il  ajoute  les  paroles  étranges  qui  suivent  :  "Nous 
"  nous  séparâmes  Bridgar  et  moi,  bons  amis.  Je  l'as- 
"  surai  de  l'intérêt,  que  je  portais  aux  Andais  et  lui 
"déclarai  que  j'étais  tout  disposé  à  servir,  le  Souve- 
"  rain  Anglais  et  la  Nation  Anglaise,  avec  le  même 
"  dévoiîment  et  la  njême  afi'ection  que  ceux  dont  j'avais 
"  fait  preuve  envers  la  France."  Bridgar  le  récom- 
pensa de  ces  témoignages  d'amitié,  en  le  dénonçant 
comme  un  criminel. 

On  est  presque  tenté,  en  lisant  ces  lignes,  d'oublier 
les  services  que  Radisson  venait  de  rendre  à  la  France, 
pour  ne  voir  en  lui,  qu'un  homme  vénal  toujours 
prêt  à  changer  de  drapeau. 

La  conduite  du  gouverneur  LaBarre,  fut  sévèrement 
blâmée  par  le  Marquis  de  Seignelay.     Il  lui   écrivit   le 


—  54  — 

10  Avril  suivant  (1684)  qu'il  ne  pouvait  comprendre, 
comment  il  avait  pu  prendre  sur  lui,  sans  consulter  ni 
l'Intendant  ni  le  Conseil  Souverain,  de  rendre  ce  na- 
vire à  Gillani,  Il  lui  déclara  en  termes  amers  que  cet 
acte  était  injustitiable.  Le  Capt.  Gillam,  disait  il,  de- 
vait être  considéré  comme  un  pirate,  vu  qu'il  n'était 
porteur  d'aucune  commission  du  Souverain  Anglais. 
En  lui  restituant,  son  navire,  le  gouverneur  le  recon- 
naissait de  fait,  comme,  un  vaisseau  marchand,  en  règle 
avec  sa  nation.  Les  conséquences,  disait  le  Marquis 
en  terminant,  seront  que  l'Angleterre  se  prévaudra  de 
cet  acte,  pour  prétendre  avoir  pris  possession  de  la 
rivière  Nelson  avant  Radisson  et  Desgroseillers, 

Il  y  avait  à  peine  dix  jours,  que  ces  derniers  étaient 
k  Québec,  que  le  gouverneur,  leur  fit  part,  d'une  lettre 
de  Colbert,  lui  mandant,  qu'à  leur  retour  de  la  Baie 
d'Hudson,  il  désirait  que  l'un  d'eux  se  rende  immé- 
diatement à  la  cour,  pour  lui  rapporter  ce  qu'ils  avaient 
fait. 

Ils  s'embarquèrent  tous  deux  pour  la  France,  le  11 
Novembre  1683.  Ils  arrivèrent  à  LaRochelle  le  18 
Décembre. 

Le  15  Janvier  1684,  ils  se  trouvaient  à  Paris.  Ils 
apprirent  là,  ([Ue  Lord  Preston,  Ambassadeur  Anglais 
avait  porté  des  plaintes  au  roi,  au  sujet  de  ce  qui 
s'était  passé  sur  la  rivière  Nelson.  Radisson  était 
accusé  entr'autres  choses,  de  s'être  montré  cruel  envers 
les  Anglais,  et  d'avoir  brûlé  leurs  établissements. 
L'Ambassadeur  demandait  réj^aration  et  une  punition 
exemplaire. 

Le  Marquis  de  Seignelay,  s'occupa  de  cette  affaire, 
à  la  place  de  son  père,  le  célèbre  Colbert,  qui  venait  de 
mourir. 

Il  approuva  tout  ce  que  Radisson  et  Desgroseiliers 
avaient  fait  et  les  loua  même,  d'avoir  agi  ainsi. 

Lord  Preston,  en  effet  aurait  dû  plutôt  les  remercier 
d'avoir  sauvé  la  vie  à  ses  compatriotes  qui,  sans  eux, 
n'auraient  pu  manquer  de  mourir  de  faim. 


—  55  — 
Expédition  de  1684. 


Le  voyage,  que  Radisson  et  Desgroseillers  venaient 
de  terminer,  avait  rapporté  de  gros  profits  à  la  France. 
Le  ministre  de  la  marine,  ordonna  de  préparer  deux 
autres  navires  pour  leur  permettre  de  partir  pour  la 
Baie,  le  printemps  suivant.  En  reconnaissance  de  leurs 
services,  il  leur  fit  remise  des  droits  de  douane,  qui 
«'élevaient  à  un  quart  des  peaux  de  castor 

Pendant  ce  temps  là,  Radisson  cherchait  à  retour- 
ner à  ses  anciens  maîtres.  Il  s'en  ouvrit  à  un  ami  et  à 
quelques  uns  des  membres  de  la  famille  de  Lord  Pres- 
ton.  Il  leur  fit  comprendre  bien  clairement,  qu'il 
ne  dépendait  que  de  lui,  de  livrer  aux  Anglais,  le  pos- 
te que  conimandait  son  neveu,  et  qu'il  était  prêt  à  le 
faire,  si  la  Cie. ,  voulait  lui  rendre  justice. 

Bien  plus,  il  avoue  qu'il  fit  des  démarches,  pour 
faire  connaître  au  gouvernement  Anglais,  les  disposi- 
tions dans  lesquelles  il  se  trouvait. 

"  Je  n'épr(iuvai,  dit-il,  aucune  répugnance  à  faire 
*  '  les  premiers  pas,  auprès  de  Lord  Preston  et  à  avoir 
•'  une  entrevue  avec  lui  à  ce  sujet." 

Bien  entendu,  l'Ambassadeur  l'acceuillit  les  bras  ou- 
verts et  lui  fit  mille  promesses  engageantes.  Il  se  mit 
à  négotier  les  termes  de  son  retour,  avfec  la  Cie.  de  Ift 
Baie  d'Hudson. 

D'un  autre  côté,  il  continua  en  apparence,  à  se  pré- 
parer à  un  second  voyage,  pour  le  compte  de  la  France 

Il  prit  grand  soin,  de  cacher  à  la  cour  de  France,  ses 
relations  avec  l'Ambassadeur. 

Le  département  de  la  marine,  avait  fixé  le  jour  de 
son  départ,  au  24  Avril  1684. 

Il  le  fit  retîirder,  sous  le  fallacieux  prétexte,  qu'il 
avait  à  régler  quelques  afiaires  de   famille. 

Son  but  était  de  s'assurer  des  bonnes  dispositions  de 
la  Cie. ,  à  son  égard,  avant  de  rompre  avec  sa  mère  pa- 
trie. 

Il  poussa  la  fourberie,  jusqu'à  se  rendre  au  dépar- 
tement de  la  marine  et  discuter  les  détails  les  plus  im- 
portants de  son  futur  voyage,  le  jour  même  de  son  dé- 
part définitif  pour  Londres. 


—  56  — 

Le  10  mai  1684,  il  arrivait  à  Londres,  et  le  même 
soir,  il  concluait  les  arrangements  avec  Sir  Young  et 
Hayes,  délégués  de  la  Cie.  La  Cie.,  s'engagea  à  in- 
demniser généreusement  Radisson,  Desgroseillers  et 
tous  les  Français  en  hivernement  dans  la  Baie  et  à  les 
employer  comme  ses  officiers. 

Radisson  fut  ensuite  présenté  au  Roi,  par  l'entre- 
mise du  Prince  Rupert,  et  lui  jura  allégeance,  fidélité 
et  dévoûment.  La  Cie.,  le  reçut  comme  un  enfant 
prodigue  et  se  hâta  de  mettre  trois  navires  à  sa  dispo- 
sition. 

Les  choses  ne  languirent  pas,  car  dès  le  17  mai,  il 
partait  à  bord  du  "  Happy  Return,"  en  route  pour  la 
Baie. 

Desgroseillers  fatigué  de  ses  longs  et  pénibles  voya- 
ges, demeura  en  Angleterre. 

Les  trois  navires,  rencontrèrent  à  l'entrée  de  la  Ri- 
vière Nelson,  une  frégate  ayant  à  bord  le  gouverneur  dr 
la  Cie.  Ce  dernier,  après  le  départ  de  Desgroseillers  et 
de  Radisson,  avait  quitté  la  Baie  James,  pour  venir 
hiverner  sur  la  rivière  Nelson.  Lorsque  Radisson 
arriva,  il  venait  d'abandonner  st)n  poste,  par  crainte 
des  Français  et  des  sauvages. 

Radisson  prit  le  parti  de  se  rendre  en  chaloupe  sur 
la  rivière  Hayes,  avec  le  Capt.  Gazer,  afin  de  prépa- 
rer son  neveu,  à  bien  acceuillir  les  Anglais. 

Il  fut  surpris,  de  consulter  que  son  ancien  poste 
avait  été  abandonné. 

Ayant  rencontré  plusieurs  canots  sauvages,  il  se  fit 
reconnaitre  et  leur  annonça  que  Français  et  Anglai» 
ne  formaient  plus  qu'un,  désormais.  Il  les  présenta  au 
Capt.  Gazer,  comme  l'un  de  ses  amis. 

Il  apprit  d'eux,  que  son  neveu  s'était  retiré  dans  une 
île  située,  audessus  des  rapides,  de  la  rivière  Hayes. 
Il  leur  fit  quelques  présents  et  leur  demanda  d'aller 
avertir  son  neveu,  qu'il  était  arrivé  et  qu'il  l'attendait 
à  l'ancien  poste. 

Le  lendeman,  J.  Bte.  Desgroseillers  arriva  en  effets 
tout  étonné  de  voir  son  oncle  en  telle  compagnie. 

Radisson  lui  expliqua  tout  ce  qui  s'était  passé,  de- 
puis son  départ.  Le  discours  qu'il  lui  tint  et  qu'il 
rapporte  tout  au  long,  n'est  qu'un  réquisitoire  contre 
l'ingratitude  de  la  France  à  leur  égard  et  un   pompeux 


—  57  — 

étalage  des  récompenses  qui  les  attendaient  de  la  part 
des  Anglais. 

Le  jeune  Desgroseillers,  était  un  homme  d'honneur, 
auquel  il  répugnait  de  passer  ainsi  à  l'ennemi.  Il  se 
montra  indigné  et  refusa  de  trahir   ainsi  sa  patrie. 

Pour  le  convaincre,  Radisson  fut  obligé  de  lui  rap- 
peler, qu'il  n'était  pas  en  état  de  lui  résister.  L'argu- 
ment du  plus  fort,  étant  toujours  le  meilleur,  Desgro- 
seillers céda. 

Il  remit  le  commandement  à  son  oncle.  Il  ne  de- 
manda rien  pour  lui-même,  mais  insista  pour  que  la 
Cie.  lui  donna  suffisamment,  pour  prendre  soin  de  sa 
mère.  Les  sept  autres  Français  suivirent  l'exemple  de 
leur  chef.  Radisson  eut  toutes  les  difficultés  possibles 
I>our  réconcilier  les  sauvages  avec  les  Anglais.  Pour 
y  parvenir,  il  leur  dit  que  les  Français  étaient  de  pau- 
vres marins,  qu'ils  n'avaient  pas  assez  de  navires,  pour 
venir  souvent  traiter  avec  eux,  qu'en  un  mot,  leur 
intérêt  était  de  faire  comme  lui  et  de  s'attacher  à  la 
Cie. 

Desgroseillers  remit  20,000  peaux  de  castor  a  Ra- 
di»S(m.     Ce  fut  un  profit  net  pour  la  Cie. 

Voici  maintenant  ce  qui  s'était  passé,  dans  la  Baie, 
depuis  le  départ  de  Radisson,  tel  que  rapporté  par  le 
jeune  Desgroseillers.  Quelques  jours  après  le  départ 
des  deux  bateaux,  les  Français  entendirent  des  coups 
de  can(m,  du  côté  de  la  rivière  Nelson. 

Ils  ne  tardèrent  pas  à  découvrir  l'arrivée  de  navires 
Anglais.     Ils  résolurent  de  ne  pas  les  inquiéter. 

Sur  ces  entrefaites,  un  parti  de  (quatorze  sauvages, 
arriva  au  fort  Desgroseillers.  Ils  dirent  aux  Français 
qu'ils  venaient  de  la  rivière  Severn,  ]K)ur  traiter  avec 
eux.  Ils  se  préparaient  à  entrer  dans  le  fort,  lorsque 
le  chef  se  précipitant  sur  Desgroseillers,  le  frapj)a  d'un 
coup  de  poignard. 

Desgroseillers  pût  heureusement,  parer  le  coup  et  se 
mettre  en  défense.  Les  autres  eflfrayés  et  voyant  les 
Français  accourir  au  secours  de  leur  commandant,  dé- 
posèrent leurs  armes. 

Ils  déclarèrent  que  les  Anglais  de  la  Baie  James, 
avaient  promis  à  leur  chef,  un  baril  de  poudre  et  d'au- 
tres présents,  s'il  assassinait   tous   les  Français.     Les 


—  58  — 

autres  sauvages  furent  bientôt  informés  de  cet  atténuât. 

L'un  d'eux,  sans  en  rien  dire  à)Desgroseillers,  se  mit 
à  la  poursuite  du  chef,  le  provoqua  à  se  battre  et  le 
terrassa  d'un  coup  de  hache. 

De  là,  il  se  rendit,  avec  une  bande  armée,  sur  la 
rivière  Nelson,  attaqua  les  Anglais  et  en  tua  plusieurs. 

Desgroseillers,  lorsqu'il  fut  informé  de  cette  mal- 
heureuse affaire,  chercha  à  pacifier  les  sauvages. 

Redoutant  des  représailles  de  la  part  des  Anglais,  il 
se  retira  dans  une  ile,  d'un  accès  difficile  et  garda  avec 
lui,  un  groupe  de  sauvages  amis,  pour  se  défendre,  en 
cas  d'attaque.  Les  craintes  de  Desgroseillers  étaient 
bien  fondées,  car  les  Anglais  s'imaginant  injustement 
qu'il  avait  été  l'instigateur  de  ce  mouvement,  donnè- 
rent des  présents  à  quelques  sauvages  pour  le  tuer. 

Ils  n'osèrent  pas  cependant  attaquer  les  Français 
ouvertement. 

L^n  jour,  l'un  de  ces  sauvages,  ayant  rencontré  un 
Français  à  la  chasse,  tira  sur  lui  et  se  sauva.  La  balle 
alla  se  loger  dans  son  épaule. 

Les  diverses  nations  sauvages,  irritées  de  tant  de 
perfidie  de  la  part  des  Anglais,  se  liguèrent  partout 
contre  eux,  pour  les  chasser  du  pays.  Elles  envoyèrent 
de  toutes  les  parties  de  l'intérieur,  des  délégués  offrant 
leurs  services  et  se  déclarant  prêtes  à  courrir  sur  les 
Anglais  partout  où  ils  les  trouveraient  jusqu'à  ce  que 
le  dernier  fut  mort  ou  parti. 

Desgroseillers,  leur  conseilla  d'attendre  le  retour 
de  son  père  et  de  son  oncle,  avant  de  ne  rien 
entreprendre. 

Malgré  tout  ce  qui  venait  d'avoir  lieu,  il  se  rendit 
au  fort  Anglais,  pour  rétablir  si  possible,  la  bcmne  en- 
tente.    Cette  démarche  n'obtint  aucun  bcm   résultat. 

Le  gouverneur  se  disposait  même  à  le  faire  prison- 
nier, au  cas  où  il  serait  retourné  le  visiter  une  seconde 
fois.  Au  printemps  1684,  Desgroseillers  vit  arriver  à 
son  poste,  400  Asénipoëtes  (Assiniboines.)  Le  chef  de 
cette  nation,  était  déjà  descendu  à  Québec  avec  Ra- 
disson  et  exhibait  avec  orgueil,  une  médaille  que  le 
gouverneur  de  la  Nouvelle-France,  lui  avait  donnée. 

Ces  sauvages  attendirent  longtemps,  le  retour  de 
Radisson,  pour  aller  avec  lui,  brûler  l'établissemenfc 
Anglais. 


—  59  — 

Ils  s'impatientèrent  à  la  fin,  du  retard  de  Radisson  e^ 
n'écoutant  que  leur  haine  contre  les  Anglais,  ils 
s'étaient  déjà  mis  en  marche,  y)our  aller  sur  la  rivière 
Nelson,  exécuter  leur  dessein,  lorsque  le  gouverneur, 
informé  du  danger  qui  le  menaçait,  crut  prudent  de 
s'éloigner.  Radisson  était  arrivé  à  ce  moment  là,  pour 
rétablir  la  concorde. 

Après  (|ue  tous  les  esprits  furent  pacifiés  et  que  Ra- 
disson eut  disposé  les  sauvages  à  voir  les  Anglais  d'un 
meilleur  œil,  il  fit  mettre  les  fourrures  à  bord  du  na- 
vire et  se  disposa  à  retourner  en  Angleterre,  rendre 
compte  de  ce  qu'il  avait  fait. 

Il  avait  été  convenu  avant  son  départ,  qu'il  laisserait 
dans  la  Baie  son  neveu  et  quelques  uns  des  Français, 
|)our  continuer  à  faire  la  traite.  Radisson  décida  donc 
que  son  neveu  et  un  autre  Français  qui  servait  d'inter- 
prète continuerait  à  y  faire  le  commerce. 

Le  gouverneur  ne  voulut  point  consentir  à  cela.  Il 
avait  déterminé  de  ne  pas  y  laisser  un  seul  Français. 

Il  traita  Radisson  connne  un  simple  valet.  Il  poussa 
l'impudence  jusqu'à  ordonner  à  ses  officiers  de  mettre 
tous  les  Français  à  bord,  de  force  ou  de  gré. 

Radisson  dût  se  soumettre. 

Ils  s'embarquèrent  tous,  avec  le  gouverneur  liB  4 
Septembre  1684  et  arrivèrent  eu  Angleterre  le  23 
octobre. 

Dès  son  arrivée  à  Londres,  Radisson  eut  l'honnenr 
d'avoir  une  audience  privée  avec  le  Roi,  qui  lui  témoi- 
1,'na  en  termes  flatteurs,  sa  haute  appréciation  des  ser- 
vices qu'il  venait  de  rendre  à  la  Couronne.  Quelques 
jours  après,  le  comité  de  la  Cie.,  se  réunissait  pour  en- 
tendre son  rapport.  Il  s'attendait  naturellement  à  un 
chaleureux  acceuil  et  surtijut  à  une  généreuse  récom- 
pense. Grande  fut  sa  surprise.  On  le  bouda,  au  sujet 
des  attentions  (jue  le  Souverain'  paraissait  lui  porter. 
ÎJn  bon  nombre  le  jalousaient  et  voulaient  qu'il  se  con- 
tente de  l'honneur  d'avoir  tiré  les  marons  du  feu, 
pour  eux. 

Radisson  se  retira  encore  nne  fois,  désenchanté. 

Les  mémoires  préj)arés  par  Radisson,  s'arrêtent  ici. 


—  60  — 
DernièR£.s  années  de  sa  vie. 


D'après  le  témoignage  du  Capt.  Berger,  qui  se  ren- 
dit dans  ces  parages,  l'année  suivante,  il  paraitrait  que 
Radisson  et  son  neveu  se  trouvaient  cette  année  la 
(1685)  sur  la  rivière  Ste.  Thérèse,  et  qu'ils  y  passèrent 
l'hiver  de  1685  à  1686. 

La  fameuse  expédition  du  Chevalier  de  Troyes,  fut 
organisée  principalement  pour  s'emparer  de  la  perst)n- 
ne  de  Radisson.  Le  fort  Ste.  Thérèse  tomba  entre  les 
mains  des  Français  et  il  est  probable  que  Radisson 
devint  leur  prisonnier.  Qu'advint-il  de  lui,  après  ?  Il 
disparait  du  domaine  de  l'histoire. 

Charlevoix  dit  qu'il  mourut  en  Angleterre. 

La  Cie.,  de  la  Baie  d'Hudson  lui  accorda  une  pen- 
sion viagère  de  douze  cents  louis,  qui  lui  permit  d*; 
vivre  tranquillement  de  ses  rentes. 

Il  eut  neuf  enfants. 

Les  deux  aines,  Pierre  et  Claude  devinrent  prêtres 
Marguerite  l'une  de  ses  filles,  épousa  Noël   Legardeur, 
et  Françoise  se  maria  à  Claude  Volant,  de  St.    Claude. 

Ces  deux  dernières  ont  laissé  des  descendants. 

Etienne,  le  septième  de  ses  enfants,  se  maria  à  Sorel 
en  1693.  L'année  suivante,  il  obtint  l'octroi  d'une  pa- 
tente pour  plusieurs  iles,  sur  le  lac  St.  Pierre,  qui  lui 
furent  c(»ncédées. 

Il  est  probable  que  tous  les  enfants  de  Radisson, 
passèrent  en  Canada  et  adoptèrent  l'origine  de  leur 
père. 


TABT.E  DES  MATIERES. 


Introduction   3 

Prologue 5 

Ses  premières  années 6 

Au  pays  des  Iroquois    .  .    .    7 

Au  Fort  Onondagué 17 

Dans  l'Ouest,  vers  le  Mississipi 22 

A  la   Baie   James 26 

A  la  Baie  d'Hudson 36 

Au  service  de  la  Cie.  de  la  Baie   d'Hudson 40 

Au  service  de  la    France 42 

Expédition  de  1682   &   1683   44 

Expédition  de  1684 55 

•ernières  années  de  sa  vie 60 


EyBÉGiSTRÉ,  Conformément,  à  l'acte  du  Parlement 
du  Canada,  en  l'année  1892,  par  L.  A.  Prud'homme, 
au  bureau  du  Ministre  de  l'Agriculture.   Ottawa. 


j 


f 


é 


V.'-'i- 


i 


lîf  if 


^^H 

^■^''■■;::'^:|t.nfti 

îjti^ 

1 

^^^^^^^^^H 

■',  if.:  !,^,.  ''/'■':  ■  ■':■: 

'  \. ,    '  :  ,-•■  :  «':^a; 

|kl 

^^H 

:::f.:xi:'ff 

-  ■  ■•'  i 

^H 

!;  .:     ■   - 

'i';''i.'îL[CL?: 

!;■ 

"l!l'i'ii,«';i'. 


:.f. 


:iX;:Ji,.VJ,: 


iiiii 


il 


^^^■''ilÉ 


::S?iiî 


■MÊïâ